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Full text of "L'Afrique explorée et civilisée"

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J-L 


/.mti.  ■ 


GENEVK 

GKOJtG,     LIBRAIRK-ÉDITEUR 

MÊME    MAISOK   A    BALE   ET   A   I.VOH         '*     , 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIEIGÉ  PA.B 

M.   Gnataye  MOTNIER 

Membre  de  la  Commission  internationale  de  Broxëlles  poor  ^exploration  et  la  cÎTilisation 
de  TAfiriqne  centrale;  membre  correspondant  de  l'Aoadémio  d'Hlppone,    . 
et  des  Sociétés  de  g^éographle  de  Bfarseille,  de  Nancy,  de  Loanda  et  de  Porto. 

RâDIOÉ  PAE 

M.  Charles  FAIJBE 

Secrétairo-Bibliothécalre  de  la  Société  de  géographie  de  Genève ,  membre  coi-rcspondaiit  des  3ociét4'>B 
do  géographie  de  Lisbonne,  de  Loanda.  do  Porto  et  de  Saint-Gnll. 


UAfrique  paraît  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-S»  d'au 
moins  20  pages  chacune;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  celii 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  l'abonnement  annuel,  pajrable  d'avance»  est  de  10  firanes, 
port  compris,  pour  tous  les  pays  de  l'Union  postale  (première  zone);  pour  les 
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Tout  ouvrage  nouveau- relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  ft  un  eompte  rendu* 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaetion  à  llf.  Gustave  Ulejrnler.» 
%t  ru^  de  i'Athénée,  ft  CtenèTe  (Suisse). 

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Genève  ou  ft  BAIe. 

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L.  Friederichsen  et  C",  libraires,  Admiralitàtsslr,  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autriche). 

TRUBNERet  C^  libraires,  Ludgate  Hill.  57/59.  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


ATIS*  —  Nottë  mettons  à  la  disposition  de  nos  fwuveaux  abonnés  un  certain 
nombre  d^exemplaires  complets  de  In  11""%  de  la  ITl^^  et  de  la  IF"'*  atmée.  Tai 
I^  est  qfMisée. 


\ 


L'AFRIQUE 


EXPLORÉE  ET  CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 


w 


CINQUIÈME  ANNÉE 


i88i 


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GENÈVE 

GKOKG,    LIBRAIRE-ÉDITEUR 

1884 


• 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


BULLETIN  MENSUEL    (7  janvier  1884.y 

La  France  et  rAlgérie  sont  reliées  par  trois  cAble»  sous-marins 

posés  entre  Marseille  et  Alger  ;  maisle  grand  nombre  de  dépêches  échan- 
gées entre  la  mère  patrie  et  la  colonie  produit  un  encombrement,  qui  a 
suggéré  au  directeur-ingénieur  du  bureau  central  de  Marseille,  et  à 
Tun  de  ses  employés  M.  Brahic,  Tidée  de  substituer  à  la  transmission 
ordinaii*e  à  la  main,  une  transmission  mécanique  d'après  le  système 
Wheastone,  depuis  longtemps  en  usage  sur  les  lignes  aériennes.  Des 
expérieaces  ont  été  faites  entre  la  France  et  l'Algérie  et  le  résultat  a 
été  satisfaisant;  au  lieu  de  30  dépêches  à  l'heure  en  moyenne,  on 
a  pu  en  transmettre  90.  Ce  perfectionnement  permettra  d'abaisser 
à  cinq  centimes  par  mot  le  tarif  des  dépêches. 

Une  caravane  de  250  esclaves  amenés  du  Kordofan  a  été  récem- 
ment capturée  à  Siout.  Au  Caire,  un  des  principaux  marchands  d'escla- 
ves a  été  découvert  et  aiTêté.  On  a  trouvé  en  sa  possession  trois  esclaves 
noires  et  trois  Circassiennes  ;  elles  ont  été  délivrées  et  toutes  ont  accepté 
la  liberté,  sauf  une  Circassienne  qui  a  positivement  refusé  de  quitter 
son  mattre,  non  pas  tant  par  affection  pour  lui  que  par  le  désir  de  faire 
connaissance  avec  l'intérieur  d'un  somptueux  harem  égyptien. —  Une  des 
difficultés  qui  s'opposent  à  la  suppression  immédiate  de  l'esclavage,  c'est 
l'embarras  oU  Ton  se  trouve  au  sujet  des  femmes  esclaves  libérées,  em- 
barras si  grand  qu'un  Anglais  philanthrope,  l'un  des  meilleurs  conseil- 
lers du  khédive,  hésite  à  insister  sur  l'abolition,  aussi  longtemps  qu'on 
n'aura  pas  pi-is  des  mesures  suffisantes  pour  la  protection  des  femmes 
rachetées  et  émancipées.  M"'  Sheldon  Amos  écrit  à  ce  sujet,  du  Caire  au 
Daily  News  :  La  position  d'une  femme  an'achée  à  une  bande  d'esclaves, 
ou  qui  obtient  légalement  son  émancipation  d'un  harem  de  pacha,  est 
très  périlleuse.  Dans  un  pays  oU  la  vie  du  harem  offre  seule  une  espèce 
de  protection  aux  femmes,  une  femme  isolée,  ignorante,  sans  défense,  est 
exposée  aux  plus  grands  dangers;  le  suicide  et  le  meurtre  en  sont 
trop  souvent  la  conséquence.  Des  philanthropes  anglais,  d'accord  avec 
le  gouvernement  égyptien,  ont  conçu  le  plan  d'un  home  en  faveur  des 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
PÂlgérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale. du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 


—  4  — 

» 

esclaves  femmes  libérées.  La  direction  en  serait  confiée  à  des  dames 
anglaises,  ayant  fait  leurs  preuves  dans  l'œuvre  de  secours  au  milieu  des 
pauvres  de  Londres.  Quant  aux  finances,  les  frais  devant  être  assez  con- 
sidérables, on  s'est  adressé  à  un  généreux  anglais  dont  on  attend  la 
réponse. 

Pendant  Tannée  dernière,  M.  «losef  Illeiises  a  exploré,  aux  frais 
de  M.  C.  Hagenbeck  de  Hambourg,  la  partie  orientale  du  Soudan 
égyptien,  entre  Kassala  et  la  mer  Rouge,  en  particulier  certains  dis- 
tricts que  n'avait  visités  jusqu'ici  aucun  Européen.  D  en  a  rapporté  une 
riche  collection  de  dessins,  d'itinéraireset  d'observations  astronomiques, 
qui  serviront  à  dresser  une  carte  dont  l'exécution  est  confiée  à  l'Ljstitut 
géographique  de  Gotha.  Il  est  reparti  récemment  pour  faire  un  nouveau 
voyage  dans  l'Afrique  orientale.  Il  tâchera  de  pénétrer  de  Berbéra  dans 
l'intérieur;  si  les  Somalis  s'opposent  à  son  projet,  il  retournera  à  Kassala, 
pour  se  diriger  de  là  vers  le  sud  ou  le  sud-est  ;  dans  ce  cas  il  s'efforce- 
rait de  faire  le  relevé  exact  de  la  route  de  Souakim  à  Kassala. 

Le  D'  Steckep  est  revenu  à  Berlin,  chargé  de  lettres  du  roi  d'Abys- 
sinie  pour  l'empereur  d'Allemagne,  la  reino  d'Angleterre  et  le  prési- 
dent de  la  République  française.  Le  négous  s'y  plaint  de  nouveau  que  la 
paix  n'ait  pu  être  conclue  avec  l'Egypte  ;  il  réclame  un  libre  accès  sur 
la  mer  Rouge,  pour  pouvoir  faire  entreries  marchandises  dans  ses  États 
sans  droits  de  douane,  et  la  cession  des  districts  des  Bogos,  de  Menza, 
de  Gallabat,  etc.  Il  a  dit  au  D'  Stecker  à  son  départ  :  Je  ferai  encore 
une  tentative  ;  mais  si  les  puissances  de  l'Europe  ne  m'écoutent  pas 
cette  fois-ci,  je  commencerai  une  guerre  acharnée  et  n'épargnerai 
aucun  pays  sur  la  frontière  ;  je  laisserai .  piller  et  dévaster  tout  ce  qui 
sera  à  la  portée  de  mes  troupes.  H  se  préparait  à  envahir  le  Gallabat, 
dépourvu  de  troupes  par  suite  de  l'expédition  duKordofan,  et  a  nommé 
le  cheik  Saleh,  son  ami,  ras  de  Gallabat.  U  a  enfin  exprimé  son  mécon- 
tentement, au  sujet  du  refus  de  Rohlfe  de  retourner  en  Abyssinie  pour 
lui  aider  à  conclure  la  paix  avec  l'Egypte.  D'après  une  lettre  de  Rohlfs 
au  secrétaire  de  l'Antislavery  Society,  c'estle  dernier  appel  du  négous  k 
l'Europe.  Il  semble  qu'il  ait  déjà  commencé  à  mettre  ses  menaces  à  exé- 
cution, car  le  général  ras  Aloula  est  descendu  des  montagnes  d'Abyssi- 
nie,  et  a  taillé  en  pièces  des  bachi-bozouks  dans  le  voisinage  de  Massaoua. 
Peut-être  est-ce  l'attaque  des  partisans  du  mahdi  contre  Souakim  qui  a 
incité  le  négous  à  faire  cela.  Rohlfe  ne  croit  pas  que  le  roi  d'Abyssiuie 
veuille  jamais  s'allier  au  mahdi,  malgré  les  propositions  de  celui-ci,  mais 
il  insiste  pour  que  l'Angleterre  intervienne,  afin  d'amener  la  conclusion 
de  la  paix  entre  l'Abyssinie  et  l'Egypte. 


—  5  — 

Dans  une  conférence  que  le  D'  Fischer  a  faite  à  la  Société  de  géo- 
graphie de  Hambourg,  il  a  exprimé  l'idée  que  les  territoires  situés  au 
sud  du  Kilimandjaro  et  entre  ce  dernier  et  le  mont  Mérou,  près  duquel 
il  a  passé  dix  joui*s  en  revenant  du  lac  Naïvasha,  le  pays  de  Tchaga  et 
celui  d'Arusha,  sont  bons  pour  la  colonisation.  L'élévation  du  plateau 
au-dessus  de  la  mer  (de  1000"  à  1500"),  fait  que  le  climat  n'en  est  pas 
trop  chaud  ;  il  est  arrosé  par  une  quantité  de  cours  d'eau  qui  ne  taris- 
sent jamais.  Les  IVakaafis  qui  y  habitent  étaient  autrefois  sujets  des 
Masaîs,  mais,  dans  ces  derniers  temps,  ils  se  sont  tellement  fortifiés 
qu'aucun  Masaï  n'ose  plus  envahir  leur  territoire.  Ils  se  servent  d'armes 
à  feu  qu'ils  échangent  aux  caravanes,  contre  des  esclaves  enlevés  dans 
des  razzias  au  milieu  des  populations  des  monts  Paré.  Les  relations  que 
la  caravane  eut  avec  les  Wakuafis  pendant  son  séjour  au  mont  Mérou 
furent  si  cordiales,  que  les  Wakuafis  exprimèrent  le  désir  de  voir-  des 
Européens  s'établir  chez  eux  d'une  manière  permanente.  Les  bois  de 
charpente  et  d'ébénisterie  abondent  sur  les  pentes  des  montagnes  ;  le 
sol  est  favorable  h  l'élève  du  bétail;  la  tsétsé  ne  s'y  rencontre  pas;  les 
transports  de  marchandises  à  la  côte  pourraient  s'effectuer  en  dix  jours 
avec  des  ânes  du  pays  des  Masaîs,  plus  vigoureux  que  ceux  de  l'Ounya- 
mouézi.  La  caravane  du  D' Fischer  en  avait  pris  40,  qui  se  sont  très  bien 
comportés,  quoique  leur  charge  fût  de  75  à  90  kilog. 

D'après  une  lettre  de  M.  Ledoulx,  consul  de  France  à  Zanzibar,  les 
Masaï»  ont  été  signalés  à  Mdoumi,  à  quelques  lieues  de  la  côte.  Le 
sultan  Saïd  Bargasch  a  donné  au  gouverneur  de  Saadani  l'ordre  de  les 
refouler,  et  lui  a  envoyé  des  munitions.  On  espère  que  ce  chef  énergique 
en  aura  eu  facilement  raison,  mais  il  est  à  craindre  qu'obligés  de  se  reti- 
rer dans  l'intérieur,  les  Masaîs  n'inquiètent  les  caravanes  de  Pangani  et 
de  Tanga.  On  les  dit  poussés  par  Erabarouk,  chef  rebelle  que  Saïd  Bar- 
gasch a  dû  combattre  l'année  dernière,  et  qui  n'aurait  pas  accepté  sans 
arrière-pensée  les  conditions  mises  à  sa  soumission. 

Le  capitaine  Bloyet  continue  ses  travaux  de  triangulation  dans 
rOasa§^ara  et  dans  l'Ouzigoua.  Après  un  séjour  à  Mrogoro,  où  se 
trouve  la  nouvelle  station  des  missionnaires  de  Bagamoyo,  il  devait  se 
rendre  à  Mhonda  dans  le  Ngourou,  puis  redescendre  sur  Mandera, 
traverser  l'Oudoué  et  gagner  la  côte  pour  se  reposer,  expédier  ses  col- 
lections en  ïYance  et  se  ravitailler. 

Les  missionnaipes  de  Mpo^opo  ont  terminé  les  constructions 
nécessaires  à  l'installation  des  dix-huit  familles  de  nègres  libérés  qui  doi- 
vent former  le  noyau  de  la  nouvelle  colonie;  il  les  ont  fait  chercher  à 


—  6  — 

Bagamoyo  et  les  ont  établies,  chacune  sur  un  lot  de  terre,  en  leur  don- 
nant les  instruments  nécessaires  pour  l'exploitation.  Aux  premiers  sen- 
timents de  méfiance  que  l'arrivée  des  blancs  avait  excités,  a  succédé  une 
bienveillance  de  plus  en  plus  marquée  de  la  part  des  naturels.  Mrogoro 
étant  un  lieu  de  passage  pour  les  caravanes  de  l'Ousagara,  de  TOurou- 
gourou,  de  l'Oukami  et  de  l'Oukoutou,  des  transactions  importantes  s'y 
opèrent,  et  la  civilisation  y  pénètre  peu  à  peu  ;  les  sacrifices  humains 
tendent  à  disparaître  et  les  sorciers  perdent  de  leur  crédit.  Les  indigè- 
nes commencent  à  admettre  que  la  sécheresse,  les  épidémies,  les  calami- 
tés publiques  et  les  décès  pourraient  bien  n'être  pas  dus  à  l'influencé 
maligne  de  tel  ou  tel  individu,  et  qu'il  n'est  ni  humain  ni  raisonnable  de 
brûler  à  petit  feii  le  malheureux  que  les  sorciers  ont  désigné  comme 
l'auteur  du  mal.  La  reine  Simba  Mouéni  a  promis  son  concours  pour 
faire  cesser  ces  honteuses  pratiques  .et  en  châtier  les  auteurs  ;  elle  témoi- 
gne une  grande  bienveillance  aux  missionnaires. 

Le  transfert  du  personnel  de  la  station  de  Masasi  à  Néouala  s'est 
opéré  sans  difficulté.  Le  chef  Songila,  qui  avait  conduit  l'attaque  des 
Magwangv^aras  contre  Masasi  est  mort,  et  ses  gens  ont  passé  à  l'ouest 
du  Nyassa,  suivant  la  coutume  de  quitter  une  ville  à  la  mort  d'un  chef. 
Leur  principal  chef,  Chipeto,  a  attaqué  Meto,  roi  de  Mwalija,  secoui-u 
par  les  Mavitis  des  bords  de  la  Rovouma. 

Toutes  les  personnes  qui  s'intéressent  au  développement  de  la  civili- 
sation dans  l'Afrique  centrale  ont  été  douloureusement  émues,  à  la  nou- 
velle de  la  mort  de  M.  J.  Ste'wapt,  un  des  hommes  qui  ont  le  plus  con- 
tribué à  faire  connaître  la  région  du  lac  Nyassa.  Après  avoir  construit, 
en  1878,  la  route  qui  longe  les  cataractes  du  Chiré,  pour  faire  passer,  par 
sections,  Vllala  destinée  à  la  navigation  du  Nyassa,  et  en  avoir  relevé 
dans  les  années  subséquentes  les  côtes  occidentale,  septentrionale  et 
orientale,  il  construisait  la  route  entre  les  deux  lacs  Nyassa  et  Tangaiiy- 
ika,  et  était  occupé  d'y  faire  passer  le  steamer  la  Bonne  Nouvelle^ 
«nvoyé  par  la  Société  des  missions  de  Londres  au  Tanganyika,  lorsque 
la  fièvre  l'a  emporté  le  31  août.  Dans  ses  dernières  lettres  du  2  juillet  et 
du  !•'  août,  à  M.  Stevenson,  le  promoteur  de  la  route,  il  lui  donnait  dos 
détails  sur  l'exécution  des  différentes  sections  de  celle-ci,  et  sur  l'aide 
qu'il  trouvait  auprès  de  certains  ch^fs.  D  avait  visité  peu  auparavant, 
à  160  kilom.  au  S.-O.  de  Maliouanda,  un  chef  puissant,  nommé  Mivini 
Wiwa,  belliqueux  et  adonné  à  la  traite,  qui  fait  souvent  des  incursions 
dans  la  région  de  la  Loangoua,  affluent  de  la  rive  gauche  du  Zambèze. 
L'explorateur  français  M.  Rin^aud  avait  passé  par  Maliouanda  avec 


—  î  — 

sa  caravane  de  Zanzibarites,  se  rendant  aussi  chez  Mivini  Wiwa,  et  de 
là,  vraisemblablement,  au  lac  Bangouéolo,  le  but  de  son  voyage.  Le  der- 
nier numéro  des  Proceedings  de  la  Société  de  géographie  de  Londres, 
qui  renferme  les  lettres  de  Stewart,  est  accompagné  d'une  carte  du 
Njassa,  donnant  le  dernier  relevé  fait  par  lui  de  k  côte  orientale.  On 
peut  juger,  par  les  indications  qu'il  y  a  inscrites,  que  cette  côte  est  très 
peu  peuplée  ;  à  Chitesi,  à  Losewa  et  à  Makanjira,  il  y  a  un  assez  grand 
nombre  de  villages,  mais  ailleurs  la  rive  est  ou  bordée  de  rochers  ou 
marécageuse.  Le  port  de  Bampa  est  un  des  meilleurs  du  lac,  et  Vllala  y 
est  souvent  entrée.  L'intérieur,  dans  le  voisinage  de  Bampa,  abonde  en 
éléphants. — Enfin,  M.  Stewart  insistait  pour  que  des  mesures  énergiques 
fiissent  prises  pour  s'opposer  au  développement  de  la  traite  dans  la 
région  des  lacs,  sans  quoi  les  chasseurs  d'esclaves,  refoulés  du  nord  vei-s 
le  sud,  pulluleraient  bientôt  au  Nyassa.  Nous  avons  déjà  annoncé  la 
nomination  du  capitaine  Foot  comme  agent  consulaire  dans  cette 
région,  avec  mission  spéciale  d'y  surveiller  la  traite.  D'après  le  Central 
Africay  M.  Foot  s'est  rendu  à  son  poste  avec  sa  femme,  deux  jeunes 
enfants  et  une  domestique  anglaise. 

La  concession  accordée  à  la  maison  Luderitz  de  Brème,  à  Angra- 
Pequena,  s'est  beaucoup  étendue  depuis  notre  dernier  numéro.  D'après 
les  journaux  anglais  et  allemands  que  nous  recevons,  elle  embrasserait 
actuellement  toute  la  côte,  du  26**  lat.  S.  jusqu'à  l'embouchure  du  fleuve 
Orange,  soit  une  ligne  de  côtes  de  45  milles  géographiques  (72  kilom.) 
sur  une  profondeur  de  20  milles  à  l'intérieur  (32  kilom.),  c'est-à-dire  que, 
des  10  milles  carrés  qu'elle  comportait  primitivement,  elle  s'est  élevée  à 
900  milles  carrés.  Le  missionnaire  Bam,  de  Béthanie,  qui  est  entré  en 
rapport  avec  les  directeurs  de  l'entreprise,  écrit  à  la  Société  des  mis- 
sions rhénanes  que,  jusqu'à  présent,  l'aifaire  réussit  pleinement  et  ne 
nuit  en  aucune  manière  à  l'œuvre  missionnaire.  Déjà  en  septembre  les 
troupeaux  de  bœufs  et  de  petit  bétail  des  nouveaux  établissements  étaient 
les  plus  forts  du  pays,  beaucoup  de  marchands  s 'étant  rendus  à  Bétha- 
nie pour  y  vendre  leurs  bestiaux,  argent  comptant.  Les  indigènes  béné- 
ficient aussi  des  nombreux  travaux  à  faire  pour  la  construction  des 
magasins,  le  transport  des  marchandises,  etc  ;  jusqu'à  aujourd'hui  on 
n'a  importé  ni  eau-de-vie  ni  autres  spiritueux  quelconques  ;  les  chefs  de 
Béthanie  en  avaient  fait  une  condition  indispensable  de  la  concession. 
En  revanche,  le  nouvel  établissement  paraît  devoir  être  un  encourage- 
ment à  la  prolongation  des  hostiUtés  entre  les  Héréros  et  les  Nama* 
qii»s.  Ces  derniers  ont  continué  à  enlever  des  bestiaux  à  leurs  adver- 


—  8  — 

saires,  et  les  missionnaires  ne  doutent  pas  qu'une  partie  de  ceux  qui  ont 
été  vendus  aux  agents  de  la  maison  Luderitz  ne  provienne  de  ces  raz- 
zias. Les  Namaquas  sont  heureux  d^avoir  un  marché  si  rapproché,  où 
ils  peuvent,  en  échange  de  leur  butin,  recevoir  des  armes  et  des  muni- 
tions pour  de  nouvelles  incursions.  De  leur  côté  les  Héréros,  très  exci- 
tés, réclament  des  Allemands  des  aimes  et  des  munitions,  pour  être  en 
état  de  lutter  contre  les  Namaquas  et  de  les  attaquer  à  leur  tour. 

Dans  son  exploration  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  au  point  de  vue 
de  Texploitation  minière,  le  D'  HcepfAer  a  atteint  le  Dan&araland, 
oîi  il  a  pu  constater  les  progrès  que  les  indigènes  ont  faits  dans  la  civili- 
sation, sous  rinfluence  des  missionnaires.  Non  seulement  ils  ont  appris  à 
se  vêtir,  mais,  à  l'élève  du  bétail  ils  ont  ajouté  la  culture  des  champs.  A 
Okozondyé,   sur  l'Omarourou,  il  a  vu  de  bons  légumes  de  diflférentes 
sortes,  des  melons  d'eau,  des  figues,  des  raisins.  Dès  que  la  saison  des 
pluies  est  passée,  les  Héréros  utilisent  le  lit  desséché  de  la  rivière  pour  y 
cultiver  de  l'orge.  Le  Damaraland  a  de  nombreux  lits  de  cours  d'eau, 
qui  se  remplissent  pendant  la  saison  des  pluies  ;  c'est  dans  le  pays  des 
Namaquas,  que  la  nature  prend  l'aspect  d'un  désert,  dont  la  zone  s'élar- 
git à  mesure  que  l'on  avance  vers  le  sud.  Si  cette  région  n'est  pas  très 
fertile,  en  revanche  elle  est  salubre.  Les  Européens  pourraient  y  créer 
de  vastes  jardins,  y  cultiver  la  vigne,  élever  des  bestiaux  et  des  autru- 
ches dans  d'immenses  pâturages,  avec  l'avantage  d'être  en  rapport 
direct  avec  la  mer  pour  l'écoulement  de  leurs  produits. 

Le  P.  Duparquet  continue  son  exploration  de  l'Ovampo  pour  y 
multiplier  les  stations  missionnaires  ;  après  en  avoir  fondé  une  dans 
rOukouanyama,  il  songe  à  en  établir  une  chez  les  Amboellas,  entre  le 
Coubango  et  le  Tchobé.  Retenu  à  Humbé,  sur  le  Cunéné,  par  les  hautes 
eaux,  il  a  envoyé  le  P*  Hog^an  faire  visite  au  roi  de  l'OukouanyAma, 
Nambadi,  successeur  de  Kipandéka  décédé.  Pour  atteindre  sa  résidence, 
le  P.  Hogan  a  dû  traverser  le  petit  Ombandja,  dont  la  population  est 
douce,  hospitalière  et  très  laborieuse.  A  l'arrivée  du  missionnaire,  plus 
de  300  personnes  étaient  occupées  à  creuser  des  puits  de  plus  de  12"'  de 
profondeur;  le  roi  lui-même  encourageait  leurs  travaux  par  sa  présence. 
Toute  la  contrée  est  sillonnée  d'  «  omarambas  »  qui  sortent  du  Cunéné 
et  se  rendent,  les  uns  dans  le  grand  Ombandja,  les  autres  dansTOukou- 
ambi  ;  un  de  ces  derniers,  traversé  par  l'expédition  du  P.  Hogan,  a  plus 
de  deux  kilomètres  de  large,  et  se  prolonge  jusqu'au  lac  Etosha.  Le  pre- 
mier village  de  l'Oukouanyama,  gouverné  parle  chef  Nankonda^  est  une 
<M)lonie  récente,  composée  de  jeunes  gens  qui,  Iprs  du  passage  du  mis- 


—  9  — 

sionnaire,  étaient  occupés  à  défricher  la  forêt  pour  y  créer  des  champs 
de  céréales,  tandis  que  d'immenses  troupeaux  de  bœufs  s'abreuvaient 
dans  l'omaramba  voisin.  Ces  jeunes  gens  d'ailleurs  avaient  beaucoup 
voyagé  ;  ils  avaient  vu  Omarourou,  où  le  P.  Hogan  avait  été  précédem- 
ment ;  ils  le  traitèrent  comme  une  ancienne  connaissance  et  lui  fourni- 
rent un  guide  pour  le  conduire  jusqu'à  sa  destination.  Au  bout  de  qua- 
tre heures  de  marche  à  travers  une  contrée  populeuse  et  bien  cultivée, 
la  caravane  rencontra,  auprès  d'un  puits  oîi  elle  s'était  arrêtée  pour  se 
reposer,  une  ti*oupe  d'Amboellas,  conduits  par  deux  chefs,  faciles  à  dis- 
tinguer à  la  richesse  de  leurs  vêtements.  C'étaient  des  marchands  qui 
retournaient  dans  leur  pays,  sur  les  bords  de  la  rivière  Okachitanda  ;  la 
localité  qu'ils  habitaient  se  nomme  Pompali  Akola.  L'explorateur 
M.  Dufour  l'a  visitée;  c'était  là  que  le  P.  Duparquet  comptait  créer  une 
station.  Les  deux  chefs  éprouvèrent  une  grande  joie  en  apprenant  que 
les  missionnaires  songeaient  à  se  fixer  chez  eux.  Ils  promirent  un  vaste 
terrain,  et  fournirent  toutes  les  explications  nécessaires  au  sujet  des 
marchandises  ayant  cours  dans  leur  pays.  Ils  allaient  faire  le  commerce 
à  Mossamédès,  pour  en  rapporter  les  marchandises  européennes  qu'on 
trouve  à  la  côte;  les  fusils  à  pierre  ont  perdu  chez  eux  toute  leur 
valeur;  ils  ne  se  servent  plus  que  d'armes  perfectionnées.  Leur  pays 
n'est  qu'à  cinq  journées  de  marche  cle  l'Oukouanyama.  Leur  teint  est 
brun  plutôt  que  noir  ;  leur  figure  allongée  et  leur  nez  aquilin,  rappellent 
le  type  européen.  La  description  qu'en  fait  le  P.  Hogan  s'accorde  avec 
le  portrait  que  Serpa  Pinto  a  donné  d'un  prince  amboella  de  la  rivière 
Couchibi.  Le  lendemain  de  cette  rencontre,  l'expédition  missionnaire 
anîvait  chez  Nambadi,  roi  de  l'Oukouanyama,  beau  jeune  homme  de 
17  ans,  aux  manières  européennes,  plein  d'intelligence,  avide  d'instruc- 
tion, et  ayant  à  cœur  d'introduire  la  civilisation  dans  son  pays.  Pas- 
sionné pour  réquitation,  il  faisait  exercer  en  sa  présence,  par  ses 
ses  écuyers,  quatorze  chevaux  magnifiques.  Il  donna  immédiatement 
audience  au  P.  Hogan,  faveur  que,  à  ce  qu'il  paraît,  il  n'accorde  que 
très  rarement.  Une  fois  installés  dans  l'Oukouanyama,  les  missionnaires 
s'avanceront  jusque  dans  le  pays  des  Amboellas;  pour  commencer  leurs 
travaux  dans  le  bassin  supérieur  du  Zambèze. 

Le  séjour  du  D'  von  Dankoluiann  dans  la  province  de  Mossa- 
médès, et  la  visite  qu'il  a  faite  aux  Boers  de  Humpata,  ne  lui  ont  pas 
laissé  une  impression  favorable  de  cette  partie  des  possessions  portu- 
gaises. Les  baies  maritimes  sont  extrêmement  riches  en  poissons,  mais 
on  n'en  tire  aucun  profit,  pas  plus  que  des  trésors  enfouis  dans  le  sein 


—  io- 
de la  terre,  ou  des  richesses  qu'oifrent  la  flore  et  la  faune.  Les  lions, 
les  tigres  et  les  hyènes  y  exercent  encore  leurs  ravages.  Le  voyage 
pour  se  rendre  chez  les  Boers  est  extrêmement  coûteux  et  incommode. 
On  fait  encore  la  route  en  wagon  à  boeufis,  comme  dans  l'Afrique  aus- 
trale, mais,  tandis  qu'au  Cap  un  wagon  attelé  revient  à  3500  francs  envi- 
ron, à  Mossamédès  il  coûte  plus  de  6000  francs,  et  il  faut  de  20  à  24 
jours  pour  faire  le  voyage.  Les  conditions  du  travail  laissent  aussi  beau- 
coup à  désirer;  sans  doute  la  main-d'œuvre  ne  coûte  pas  cher,  compa- 
rativement aux  prix  de  l'Europe,  mais,  vu  les  formalités  exigées  par  la 
loi,  il  est  impossible  de  songer  à  aucun  développement  de  l'industrie  ;  si 
un  capitaliste  met  son  argent  dans  une  fabrique,  il  doit  considérer  son 
capital  comme  perdu,  en  cas  de  vente  ou  de  départ. 

D'après  une  lettre  du  missionnaire  Ramseyer,  établi  à  Abétifl,  dans 
l'Acbanti,  la  guerre  civile  continue  à  sévir  dans  ce  pays,  entre  les  par- 
tisans du  nouveau  prince  de  Coumassie,  Owonsou  Koho,  et  ceux  du  roi 
détrôné,  Kofi  Karikari.  Ce  dernier  a  cherché  à  gagner  à- sa  cause  les 
habitants  de  la  province  de  Coumavon,  qui  ont  refusé  de  devenir  ses 
alliés,  et  qui,  craignant  son  ressentiment,  ont  demandé  aux  chefs  de 
l'Okwaou,  protégés  des  Anglais,  d'intervenir  en  leur  faveur  auprès  du 
gouverneur.  Sir  Samuel  Rowe,  pour  qu'il  les  prenne  aussi  sous  sa  pro- 
tection. Owonsou  Koho  n'a  guère  pour  lui  que  les  chefe  de  Coumassie, 
tandis  que  le  peuple  de  l'Achanti  lui  préfère  Karikari,  qui,  pour  le 
moment,  a  établi  sa  résidence  à  Bareman,  aux  environs  de  la  capitale. 
Les  grandes  villes,  excepté  Coumassie,  l'ont  proclamé  roi  de  l'Achanti, 
parce  que,  dit-on,  Karikari  a  reçu  de  bonnes  leçons  pendant  la  guerre 
des  Anglais;  il  a  beaucoup  appris,  et  sera  prêt  à  accueillir  dans  sa  capi- 
tale tout  Européen  qui  voudra  lui  donner  de  bons  conseils.  Il  a  envoyé 
à  la  côte  des  messagers,  pour  faire  savoir  au  gouverneur  que  le  prince 
Owonsou  Koho  et  d'autres  chefs  se  refusent  à  lui  rendre  le  trône  de 
l'Achanti,  qu'il  a  patienté  jusqu'à  présent  par  condescendance  pour  Son 
Excellence,  mais  qu'il  la  prie  d'user  de  son  influence  pour  forcer  le  dit 
prince  à  lui  céder  la  place.  U  a  en  outre  demandé  à  M.  Ramseyer  de 
venir  auprès  de  lui,  disant  qu'il  veut  avoir  des  missionnaires  et  des  éco- 
les. M.  Ramseyer  attend  de  le  voir  aflermi  sur  le  trône,  et  croit  que, 
s'il  est  proclamé  à  Coumassie,  les  portes  de  cette  capitale  jusqu'ici  fer- 
mées s'ouvriront  à  l'œuvre  des  missions.  —  D'après  un  télégramme  de 
Cape-Coast-Castle,  Karikari  et  la  reine  sa  mère  ont  été  faits  prisonniers 
par  le  prince  Owonsou  Koho  ;  Karikari  a  envoyé  un  messager  au  gouver- 
neur anglais,  pour  lui  demander  de  réclamer  leur  mise  en  liberté. 


—  11  — 

NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

L'importance  de  la  pêche  da  corail,  qui  constituait  autrefois  une  des  principales 
industries  des  côtes  de  l'Algérie,  ayant  beaucoup  diminué  par  suite  d'une  exploita- 
tion défectueuse,  le  ministre  de  la  marine  a  publié  à  ce  sujet  un  décret  prohibant 
l'enploi  des  engins  nuisibles  à  la  reproduction,  pour  permettre  au  repeuplement 
des  bancs  de  corail  de  rendre  à  cette  industrie  son  ancienne  prospérité. 

Le  gouverneur  de  l'Algérie  a  accordé  un  subside  de  4000  fr.  pour  le  forage  de 
puits  artésiens  dans  la  région  de  Sétif. 

Un  projet  de  loi,  déclarant  d'utilité  publique  le  chemin  de  fer  de  Biskra  à 
Touggourt,  a  été  présenté  à  la  Chambre  des  députés.  Le  projet  prévoit  le  prolon- 
gement de  cette  ligne  jusqu'à  Ouargla.  Ce  serait  un  moyen  de  ramener  sur  le  ter- 
ritoire algérien  les  produits  du  Soudan  qui  s'écoulent  vers  la  Tripolitaine. 

La  ligne  télégraphique  entre  Gafsa  et  Eairouan  est  terminée. 

Une  convention  a  été  conclue  entre  la  Société  des  armateurs  anglais  et  la  Com- 
pagnie du  Canal  de  Suez  représentée  par  M.  Charles  de  Lesseps.  Cette  convention 
est  soumise  à  l'examen  de  la  Chambre  de  commerce  de  Londres.  D'autre  part,  la 
réunion  de  l'Association  des  armateurs  des  steamers  du  NorcPde  l'Angleterre  a 
demandé  que  ses  vues  fussent  prises  en  considération  avant  qu'un  arrangement 
définitif  fût  conclu. 

Le  comité  de  l'Antislavery  Society  a  protesté,  auprès  de  Lord  Granville,  contre 
la  nomination  par  le  khédive  de  Siber-pacha,  l'ancien  fameux  îihef  des  trafiquants 
d'esclaves  pendant  l'administration  de  Gordon  et  de  Gessi,  au  commandement  de 
l'armée  égyptienne  destinée  à  assurer  la  libre  circulation  de  Souakim  à  Berber. 

L'explorateur  autrichien  Marno  est  mort  à  Famaka,  sur  la  rive  droite  du  Nil 
Bleu,  au  moment  où  il  se  préparait  à  venir  dans  sa  patrie  pour  y  rétablir  sa  santé. 

Le  D'  Bohndorf  a  dû,  pour  des  raisons  de  santé,  revenir  en  Allemagne,  où  il  a 
rapporté  une  partie  des  riches  collections  du  D'  Junker. 

Le  ministère  du  commerce  italien  traite  actuellement  pour  établir  un  service  de 
paquebots  entre  l'Italie  et  la  baie  d'Assab. 

M.  Lubrano,  de  Naples,  s'est  rendu  à  Assab  avec  une  provision  de  produits 
napolitains,  pour  nouer  des  rapports  avec  la  caravane  du  Choa,  attendue  en 
décembre  dans  la  colonie  italienne.  —  L'exploitation  des  salines  d'Assab  marche 
rapidement;  le  sel  qu'on  en  extrait  remplacera  aux  Indes  celui  de  Cagliari,  dont 
le  transport  est  très  coûteux. 

M.  le  capitaine  Vincent  Ferrario,  qui  a  fait  partie  de  l'expédition  de  Matteucci, 
en  Abyssinie,  retournera  dans  ce  pays  avec  le  capitaine  Martini,  ancien  compagnon 
d'Antinori  au  Choa. 

Un  télégramme  de  Zanzibar  annonce  que  l'expédition  de  J.  Thomson  était,  le 
1*'  août,  dans  le  voisinage  du  lac  Naïvasha,  à  200  kilom.  environ  du  Kilimandjaro. 

Les  dernières  nouvelles  de  M.  O'Neill,  du  30  septembre,  étaient  datées  de 
Mabakoué,  par  15*  10'  lat.  S.  et  33°  55'  long.  E.  de  Paris.  Il  avait  quitté  Namurola 
le  80  juillet,  puis  le  13  et  le  14  août  il  avait  franchi,  à  1300™  d'altitude,  les  monts 


—  12  — 

Inagou,  à  l'est  desquels  coule  la  Malema  ;  à  l'ouest  de  la  yallée  de  Maltma  (?) 
s'élèvent  les  monts  Namuli,  dont  le  pic  principal  doit  avoir  2800",  et  celui  de 
Palawa  dans  la  même  chaîne,  2500";  le  point  le  plus  élevé  atteint  par  l'explora- 
teur est  à  1807";  de  là  il  s'est  rendu  au  lac  Chiroua. 

M.  Wilcox,  missionnaire  américain,  s'est  rendu  à  Inhambané  pour  chercher  à 
fonder  une  station  dans  le  voisinage  de  cette  ville.  Il  a  visité,  à  cinq  jours  de 
marche  à  l'intérieur,  un  lac  de  10  kilom.  de  long  sur  8  kilom.  de  large;  le  sol  envi- 
ronnant, élevé  de  40"  à  60"  au-dessus  du  lac,  est  sec  et  salubre.  Mais  l'endroit  le 
meilleur  pour  établir  une  station  serait  un  peu  au  nord  d'Inhambané;  il  y  a  là 
beaucoup  d'Européens,  le  long  de  la  côte  ;  il  serait  facile  de  les  visiter  en  bateau. 

Une  confédération  a  été  formée  des  États  de  Stellaland  et  de  Goschen,  à  l'ouest 
du  Transvaal,  sous  le  nom  d'États-Unis  du  Stellaland. 

Mankoroane,  le  chef  Batlapin,  dont  une  partie  du  territoire  a  été  prise  pour  for- 
mer la  république  du  Stellaland,  s'est  adressé  au  gouvernement  de  la  Colonie  du 
Cap  et  à  l'Angleterre,  pour  leur  soumettre  ses  griefs.  ^  comptait  venir  les  exposer 
lui-même  au  gouvernement  anglais,  accompagné  de  MM.  Donovan  et  Chapman  de 
Kourouman  comme  interprètes,  en  même  temps  que  les  délégués  du  Transvaal 
négocient  pour  faite  modifier  la  Convention.  Le  ministère  anglais  ne  l'a  pas  auto- 
risé à  venir  lui-même,  mais  il  examinera  les  observations  que  pourra  présenter  en 
sa  faveur  M.  Mackenzie,  missionnaire  chez  les  Betchuanas. 

Le  D»"  Holub  est  parti  pour  sa  nouvelle  expédition  dans  l'Afrique  australe  et 
centrale,  accompagné  de  sa  jeune  femme,  et  de  onze  personnes  parmi  lesquelles 
un  charpentier,  un  charron,  un  forgeron  et  un  armurier. 

L'emploi  du  télégraphe  dans  la  Colonie  du  Cap  s'est  beaucoup  développé  pen- 
dant les  huit  dernières  années.  En  1874  la  longueur  des  lignes  télégraphiques 
n'était  que  de  1512  kilom.,  tandis  qu'elles  s'étendaient  en  1882  à  5546  kilom.  et  celle 
des  fils  télégraphiques  à  11122  kilom.  Le  nombre  des  bureaux  est  monté  de  22 
à  128,  et  celui  des  dépêches  de  45,534  à  621,269. 

En  même  temps  que  le  D'  Holub  quittait  Vienne  pour  se  rendre  dans  l'Afrique 
australe,  le  D'  J.  Chavanne,  bien  connu  par  ses  savantes  études  sur  l'orographie 
et  l'hydrographie  africaines,  s'est  rendu  à  Bruxelles  pour  entrer  au  service  du 
Comité  d'études  du  Haut-Congo. 

M.  H.-H.  Johnston  se  prépare  à  retourner  au  Congo,  qu'il  remontera  jusqu'à 
l'embouchure  de  l'Arouimi.  De  là  il  explorera  cette  grande  rivière,  et  le  territoire 
voisin  du  grand  lac  nouvellement  découvert,  jusqu'au  bassin  du  Haut-Nil. 

Les  affaires  du  Comité  d'études  du  Haut-Congo  ont  pris  un  tel  développement 
que  l'administration  a  résolu  de  faire  partir  une  nouvelle  expédition  chaque  mois. 

M.  F.  Goldsmith,  qui  avait  été  envoyé  au  Congo  pour  étudier  la  situation,  est 
arrivé  le  21  décembre  à  Lisbonne.  Nous  attendons  son  rapport  pour  renseigner 
nos  lecteurs  sur  l'état  réel  des  choses  au  Congo. 

Après  les  sociétés  missionnaires,  les  associations  philanthropiques  et  les  Cham- 
bres de  commerce  de  Londres  et  de  Manchester,  la  Chambre  de  commerce  de 
Glascow  a  aussi  demandé  au  Foreign  Office  l'institution  d'une  commission  inter- 


—  13  — 

nationale,  chargée  d'assurer  la  libre  navigation  du  Congo  pour  toutes  les  nations. 

M.  L.  Petit,  naturaliste,  vient  de  rentrer  en  France,  rapportant  de  riches  collec- 
tions zoologiques,  faites  pendant  ses  explorations  de  huit  années  dans  le  Loango. 

On  a  reçu  à  Rome  des  lettres  de  Savorgnan  de  Brazza,  du  15  octobre.  A  cette 
date  il  était  bien  portant  ainsi  que  le  roi  Makoko. 

Le  vapeur  destiné  à  la  mission  du  Vieux  Calabar  sera  en  acier,  d'un  faible 
tirant  d'eau,  et  portera  le  nom  de  Bamd  WUliamson^  un  des  missionnaires  les  plus 
dévoués  des  stations  de  ce  pays. 

M.  le  missionnaire  Jacques  et  M.  Morin,  médecin  missionnaire,  sont  partis  pour 
Saint-Louis. 

La  pose  du  câble  entre  le  Cap-Vert  et  les  Canaries,  sera  achevée  le  15  janvier. 

Quelques  villages  du  Foutah^  ayant  à  leur  tête  le  chef  Abdoul,  ont  cherché  à 
s'opposer  au  passage  des  chalands  de  ravitaillement  pour  le  Haut-Sénégal,  mais 
cette  tentative  n'a  pas  réussi. 

La  canonnière  destinée  au  Niger  arrivera  à  Bamakou  au  mois  de  janvier. 


LE  SOUDAN  ÉGYPTIEN  > 

Pour  bien  comprendre  l'importance  des  événements  dont  le  Soudan 
égyptien  est  actuellement  le  théâtre,  il  est  nécessaire  de  se  représenter 
exactement  les  progrès  accomplis,  au  point  de  vue  de  l'exploration  et  de 
la  civilisation,  dans  cette  partie  de  l'Afrique,  depuis  que  l'Egypte  en  avait 
fait  la  conquête.  Ce  sont  ces  progrès  que  nous  voudrions  rappeler  dans 
les  pages  suivantes,  sans  aborder  la  question  politique,  suffisamment 
traitée  par  les  journaux  quotidiens,  ni  la  question  religieuse  mêlée  au 
soulèvement  provoqué  par  le  mahdi,  et  élucidée  par  M.  A.  v.  Schweiger- 
Lerchenfeld,  dans  VOesterreichische  Monatschrift  fllr  den  Orient 

En  parlant  des  progrès  réalisés  dans  le  Soudan  égyptien,  nous  ne  vou- 
lons pas  dire  que  les  différentes  parties  qui  le  composent  :  la  Nubie,  le 
Sennaar,  le  Kordofan  et  le  Darfour,  à  peu  près  inconnues  avant  la  con- 
quête égyptienne,  et  en  proie  aux  maux  qu'entraînaient  les  guerres  des 
tribus  entre  elles,  l'esclavage  et  la  traite,  soient  aujourd'hui  parfaite- 
ment connues  ni  qu'elles  aient  atteint  le  niveau  de  la  civilisation  des 
États  européens;  loin  de  là.  Il  n'en  est  pas  moins  vTai  que  les  progrès 
acquis  étaient  considérables,  et  permettaient  d'en  espérer  de  plus  grands, 
lorsque  la  révolte  du  Mahdi  est  venue  tout  compromettre. 

*  Voy.  la  carte  qui  accompagne  cette  livraison.  Les  dimensions  de  cette  carte 
ne  nous  ont  pas  permis  d'y  comprendre  le  Darfour,  qui  eût  exigé  un  prolongement 
à  l'ouest  du  Kordofan. 


—  14  — 

Quoique  appartenant  au  bassin  du  Nil  comme  TÉgypte,  le  Soudan 
oriental  est  séparé  de  ce  foyer  de  civilisation  par  les  cataractes  qui, 
depuis  Assouan  jusqu'au  delà  de  Berber,  interrompent  le  cours  régulier 
de  la  navigation,  ainsi  que  par  le  désert  de  Nubie  à  Test  et  les  sables  du 
Sahara  à  l'ouest  du  fleuve.  Toutefois,  cette  vaste  plaine,  dont  l'inclinai- 
son,  sur  une  longueur  de  plus  de  2000  kilom.,  n'est  en  moyenne  que  de 
0"',1  par  kilom.  jusqu'à  Lado,  n'était  pas  sans  communications  avec 
l'Egypte,  à  laquelle  elle  envoyait  quelques-uns  de  ses  produits,  surtout 
des  esclaves. 

Mais,  jusqu'en  1793,  on  ne  connaissait  guère  le  Darfour  que  de  nom; 
sa  position  géographique  exacte  était  encore  ignorée,  lorsque  W.-G. 
Browne  s'y  rendit,  de  Siout  par  les  oasis  d'Elwah,  Bir-el-Maeha  et  la 
route  des  caravanes.  Encore  y  fut-il  prisonnier  pendant  la  plus  grande 
partie  des  trois  années  qu'il  y  passa,  en  sorte  qu'il  ne  put  donner,  sur  la 
géographie,  le  climat,  les  us  et  coutumes  du  pays,  que  des  renseigne- 
ments incomplets.  Lors  de  l'expédition  française  en  Egypte,  les  trafi- 
quants du  Darfour  qui  arrivaient  à  Siout  avec  la  grande  caravane,  com- 
posée parfois  de  15,000  chameaux,  foui'nirent  de  nouvelles  données  sur 
le  commerce  de  cette  région  et  sur  son  importance.  Bonaparte  entra  en 
correspondance  avec  le  sultan  Abd-el-Rahman,  qui,  dans  l'admiration 
des  victoires  du  général  français,  lui  envoya  l'assurance  de  son  amitié  et 
lui  recommanda  spécialement  le  portem*  du  message,  ainsi  que  sa 
suite  et  ses  esclaves.  De  son  côté  Bonaparte  lui  écrivit,  le  12  messidor 
an  VII,  pour  le  prier  de  lui  envoyer,  par  la  première  caravane,  2000 
esclaves  noirs,  ayant  plus  de  seize  ans,  forts  et  vigoureux.  «  Je  les  ^.chè- 
terai  pour  mon  compte,  »  ajoutait-il;  «  ordonnez  à  votre  caravane  de 
venir  de  suite,  de  ne  pas  s'arrêter  en  route  ;  je  donne  des  ordres  pour 
qu'elle  soit  protégée  partout.  » 

L'abandon  de  l'Egypte  par  les  Français  fit  échouer  l'espoir  qu'on  avait 
conçu,  de  voir  la  vallée  du  Nil  moyen  explorée  par  les  savants  européens 
attachés  à  l'expédition.  Us  n'auraient  d'aUleurs  pas  pu  s'y  aventurer 
sans  danger.  On  se  rappelle  encore  la  défiance  qui  régnait  parmi  les 
populations  des  territoires  voisins  de  l'Egypte  à  l'égard  de  Méhémet-Ali, 
les  précautions  que  dut  prendre  Burckhardt  pour  pénétrer  en  Nubie,  et 
son  expulsion  du  Dongola,  sous  prétexte  qu'il  était  un  espion  du  pacha 
d'Egypte.  Ce  fut  lui  pourtant  qui,  s 'adjoignant  à  la  caravane  annuelle 
de  Korosko  à  Chendi  et  à  Sennaar,  ouvrit  à  la  science,  sur  une  longueur 
de  plus  de  2000  kilom.,  cette  voie  jusque-là  fermée  aux  explorateurs, 
ainsi  que  celle  de  Berber  à  Souakim,  avant  lui  ignorée  des  Européens. 


—  15  — 

Lorsque  Méhémet-Ali  organisa  les  expéditions  qui  devaient  aboutir  à 
&ire  du  Soudan  oriental  une  province  égyptienne,  les  voyageurs  ne  furent 
pas  tous  admis  à  suivre  ses  armées.  Minutoli,  par  exemple,  dut  renoncer 
à  accompagner  les  troupes  envoyées,  sous  les  ordres  d'Ismaïl-pacha, 
pour  soumettre  le  Dongola^  par  crainte  que  cet  officier  européen  ne  fût 
une  cause  de  troubles  dans  les  pays  que  devaient  traverser  les  Égyp- 
tiens. Ce  fut  Cailliaud  qui  eut  l'honneur  d'être  attaché,  avec  l'oflScier  de 
marine  égyptien  Letorzec,  au  corps  d'Ibrahim-pacha,  dans  sa  campagne 
militaire  au  Sennaar  et  au  Fazogl  (1821-1822),  et  d'étendre  le  premier 
le  champ  des  connaissances  sur  les  pays  du  Haut-Nil.  Il  décrivit  les  rui- 
nes de  l'antique  Meroë,  en  amont  de  Berber,  et  rectifia  les  données  de 
Bruce  sur  le  tracé  du  Nil  Blanc,  que  le  vo)'ageur  écossais  avait  fait  flé- 
chir vers  l'orient  comme  un  arc  à  peu  près  parallèle  au  fleuve  Bleu.  La 
pointe  de  ten-e  formant  l'extrémité  de  la  presqu'île  entre  les  deux  Nils, 
où  campa  l'armée  égyptienne,  se  nommait  Ras-el-Gartoum  ou  El-Khar- 
toura;  il  n'y  avait  point  encore  de  ville  de  ce  nom,  mais,  dès  que  Méhé- 
met-Ah  y  eut  fondé  la  ville  ainsi  nommée,  pour  en  faire  la  capitale  des 
provinces  nouvellement  annexées  à  l'Egypte  sous  le  nom  de  Soudan  égyp- 
tien, elle  devint  le  point  de  départ  des  explorations  vers  le  sud,  et 
l'entrepôt  commercial  de  l'immense  et  riche  vallée  du  Haut-Nil.  Il  est 
vrai  qu'elle  fut  longtemps  le  centre  de  la  traite.  Cailliaud  déjà  avait  ren- 
contré dans  cette  région  des  caravanes  d'esclaves,  qu'à  son  grand  regret 
il  n'avait  pu  arracher  à  leur  malheureux  sort. 

Pendant  que  Ruppel  explorait  le  Kordofan  jusqu'à  El-Obeïd,  qu'Ehren- 
berg  avec  Minutoli  étudiait  le  versant  septentrional  du  plateau  d'Abys- 
sinie,  et  que  Russegger  et  Kotschy  visitaient  les  gisements  aurifères  du 
Dar-Nouba,  se  posait  le  problème  de  l'importance  relative  des  deux  Nils. 
Puis  la  question  de  l'origine  du  Nil-Blanc  devint  l'objet  des  préoccupa- 
tions du  monde  savant.  En  1827,  la  Société  africaine  d'Angleterre  char- 
gea Linant-de  Bellefonds  de  remonter  le  bras  occidental  du  grand  fleuve 
jusqu'à  El-Aïs,  par  13*",  43'lat.  N.,  pour  s'informer  des  sources  du  Bahr- 
el-Abiad.  Plus  tard,  Méhémet-Ali,  devenu  vice-roi  d'Egypte,  après  avoir 
visité  les  travaux  d'exploitation  des  sables  aurifères  du  Fazogl  et  vu  le 
Haut-Nil,  se  sentit  pressé  d'organiser  une  expédition  sous  les  ordres  de 
Selim-Bimbachi,  auquel  fut  attaché  M.  d'Arnaud,  avec  mission  de  s'eflFor- 
cer  de  découvrir  la  source  du  fleuve  Blanc.  Dans  un  premier  voyage, 
les  explorateurs  constatèrent  que,  jusqu'au  10 "*  lat.  N.,  il  n'existe  sur  la 
rive  gauche  du  Nil  aucun  afiluent.  Vers  la  fin  de  leur  navigation,  ils 
trouvèrent  un  tributaire  assez  important  venant  du  S.-E.,  le  Bahr-el- 


—  16  — 

Sebot  (Sobat),  puis  une  bifurcation,  du  Bahr-el-Seraf  et  du  Bahr-el- 
Gebel,  enfin  sous  le  O"",!?'  lat.  N.  d'immenses  marais,  et  une  diminution 
de  la  profondeur  du  fleuve,  telle  que  la  navigation  en  était  arrêtée.  Une 
seconde  exploration  permit  aux  voyageurs  de  reconnaître  le  cours  du 
fleuve  jusqu'au  4°,  sans  rencontrer  de  cataractes  ni  de  rapides.  En  même 
temps  qu'Ds  avaient  fourni  d'utiles  renseignements  sur  le  Bahr-el-Abiad, 
ils  en  avaient  rapporté  de  non  moins  précieux  sur  les  tribus  qui  en  habi- 
taient les  bords,  —  les  Schillouks,  les  Denkas,  les  Nouers  et  les  Kitchs, 
—  sur  les  productions  naturelles  de  cette  région,  et  leurs  découvertes 
aUaient  servir  de  point  de  départ  aux  explorations  ultérieures,  ainsi  qu'à 
l'exploitation  des  produits  du  pays,  en  particulier  de  l'ivoire,  le  meilleur 
des  articles  d'exportation. 

A  cet  effet,  les  trafiquants  fondèrent  des  stations  sur  le  Haut-Nil.  Parmi 
eux  Brun-RoUet,  consul  sarde  à  Khartoum,en  établit  une  dans  un  village 
des  Baris,  sous  le  5**  lat.  nord  ;  il  entreprit  aussi  l'exploration  du  lac  Nô 
et  du  Bahr-el-Ghazal,  et  fut  le  premier  à  donner  des  informations  sur 
cet  affluent,  qu'il  nomma  Keilak  ou  Misselad  ;  il  lui  attribuait  un  volume 
d'eau  trois  fois  plus  fort  que  celui  du  Bahr-el-Abiad. 

Malheureusement,  les  armées  égyptiennes  opprimaient  cruellement  les 
populations  des  provinces  conquises.  Le  gouverneur  de  Khartoum,  Chur- 
chid-pacha,  commit  de  telles  exactions  dans  l'exploitation  commerciale 
de  l'ivoire  du  Haut-Nil,  que  le  bruit  en  vint  aux  oreilles  des  Européens. 
Pendant  que  Heuglin  était  vice-consul  d'Autriche  à  Khartoum,  le  plan 
fut  conçu  de  l'établissement  d'une  mission  autrichienne  dans  la  métro- 
pole du  Soudan,  d'oîi  elle  rayonna  bientôt  chez  les  Baris,  au  sud,  dans 
le  Kordofan  et  le  Darfour,  à  l'ouest.  Alors  furent  créées  les  stations  de 
Gondokoro  et  de  Sainte-Croix,  d'El-Obeïd  et  du  Djebel-Nouba,  où 
travaillèrent  de  longues  années  les  PP.  Knoblecher,  Doviak,  Morlang, 
Beltrame  soutenus  par  le  consul  général  d'Autriche,  M.  Hansal,  et  secon- 
dés par  des  artisans  autrichiens  et  allemands.  La  science  leur  dut  beau- 
coup d'informations  nouvelles  sur  les  tribus  du  Nil-Blanc,  au  milieu  des- 
quelles ils  travaillaient,  et  qu'ils  cherchaient  à  relever  de  l'abaissement 
dans  lequel  les  avaient  fait  tomber  les  exacteurs  égyptiens  et  les  Arabes . 

D'autre  part,  la  réputation  acquise  à  cette  région  comme  parc  de 
chasse,  ne  tarda  pas  à  attirer,  à  Khartoum,  des  touristes  américains  et 
des  officiers  anglais,  qui  venaient  de  Bombay,  d'Aden,  même  de  Londres, 
pour  y  chasser  l'hippopotame,  le  lion,  la  girafe,  etc.  Le  gibier  y  était  d'au- 
tant plus  abondant,  dans  certains  districts,  que  les  populations  nègres 
en  avaient  été  réduites  en  esclavage  par  les  troupes  égyptiennes.  Lorsque 


—  17  — 

Trémeaux  se  rendit  au  Fazogl,  au  printemps  de  1848,  D  vit  un  jour  pas- 
ser une  caravane  de  cavaliers  égyptiens,  montés  sur  des  chameaux,  des 
chevaux  ou  des  ânes,  et  conduisant  des  esclaves,  dont  les  uns  avaient  le 
cou  passé  dans  une  espèce  de  fourche,  à  l'embranchement  de  laquelle 
leurs  poignets  étaient  fortement  attachés,  tandis  qu'une  corde  la  reliait 
à  la  selle  des  cavaliers.  D'autres  avaient  seulement  le  cou  saisi  de  la 
même  manière,  entre  les  branches  d'une  fourche  fixée  par  un  long  man- 
che à  la  selle  des  chevaux  ou  des  chameaux;  le  point  d'attache  étant 
hors  de  la  portée  des  mains  des  captifs,  on  avait  pu  se  dispenser  de  les 
lier,  mais  les  infortunés  devaient  sentir  toutes  les  secousses  causées  par 
l'inégalité  de  la  marche  des  montures,  par  les  coups  admmistrés  à 
celles-ci,  ou  par  les  accidents  du  sol.  Les  cavaliers  ne  se  préoccupant  pas 
des  malheureux  qu'ils  traînaient  à  leur  suite,  les  captifs  devaient  de 
temps  à  autre  marcher  h  travers  les  broussailles  et  les  buissons  épineux  ; 
les  écorchures  dont  leurs  corps  étaient  couverts  n'attestaient  que  trop 
les  souflrances  qu'ils  auraient  à  endurer  pendant  une  marche  de  près  de 
2000  kilomètres,  avant  qu'on  se  relâchât  de  cette  rigueur  à  leur 
égard.  A  la  suite  de  ce  convoi  venaient  quelques  djellabs,  qui  condui- 
saient les  femmes  et  les  enfants  arrachés,  eux  aussi,  à  leurs  montagnes, 
sur  lesquelles  ces  pauvres  créatures  jetaient  des  regards  désolés. 

Mais  les  razzias  humaines  que  le  gouvernement  égyptien  faisait  dans 
la  partie  méridionale  du  pays,  entre  les  deux  Nils,  provoquèrent  une 
surexcitation  et  un  état  d'hostilité  qui  le  forcèrent  de  l'abandonner.  Sur 
les  bords  du  Sobat,  ses  agents  rencontrèrent  une  résistance  si  achar- 
née, qu'ils  ne  purent  s'y  maintenir  qu'en  guerroyant  continuelle- 
ment, et  en  recevant  leurs  approvisionnements  par  le  Nil.  Peu  à  peu, 
cependant,  à  mesure  que  les  provinces  soumises  furent  pacifiées,  le  gou- 
verneur général  des  nouvelles  possessions  égyptiennes,  en  résidence  à 
Khartoum,  acquit  une  telle  autorité  que  le  vice-roi  en  prit  ombrage.  En 
1858,  Saïd-pacha,  répartit  le  pouvoir  central  du  Soudan  entre  quatre 
mudirs,  relevant  directement  du  gouvernement  égyptien  et  résidant  à 
Khartoum  pour  le  Sennaar,  à  El-Obeïd  pour  le  Kordofan,  à  Kassala  pour 
le  Taka  et  enfin  dans  la  ville  de  Dongola  pour  la  province  de  ce  nom. 

D'après  le  voyageur  Trémeaux,  qui  avait  recueilli  d'une  source  auto- 
risée des  renseignements  très  précis  sur  la  population  du  Soudan  égyp- 
tien, et  qui  s'est  attaché  à  dissiper  les  erreurs  dans  lesquelles  étaient 
tombés  des  voyageurs  moins  bien  informés,  l'élément  nègre  n'entre  pas 
pour  une  part  aussi  grande  qu'on  le  croit  généralement  dans  la  popula- 
tion de  cette  paitie  des  possessions  égyptiennes.  Les  plus  anciens  habi- 


—  18  — 

tants  étaient  des  Fouts,  de  race  sémitique,  représentés  dans  le  Soudan 
oriental  par  les  Founs,  dans  le  Sennaar  par  une  partie  des  Noubas,  au 
sud  du  Kordofan  ;  dans  la  province  de  Gallabat,  sur  les  confins  de  TAbys- 
sinie,  domine  aussi  l'élément/oîe^.  Vinrent  ensuite  les  Berbères,  auxquels 
appartiennent  les  Barabras,  les  Bicharris,  les  Chellalys,  les  Mahasetles 
Danaglas,  répandus  depuis  la  seconde  cataracte  jusqu'au  Dongola,  puis 
les  Nutkinas  et  les  Soukinas,  habitant  le  Taka.  Enfin,  le  troisième  élé- 
ment est  représenté  par  les  Arabes,  provenant  de  diverses  émigrations 
de  l'Arabie  proprement  dite,  les  unes  fuyant  le  mahométisme  à  son 
aurore,  les  autres  l'apportant  ensuite  et  l'imposant  aux  populations  du 
Soudan.  Les  influences  locales  et  les  croisements  ont  produit  des  modi- 
fications de  ces  différents  types,  mais  on  peut  encore  reconnaître  ceux-ci, 
au  teint  plus  ou  moins  foncé  des  individus.  Les  Arabes  les  plus  récem- 
ment arrivés  sur  ce  sol  ont  le  teint  presque  aussi  clair  que  dans  leur 
ancien  pays  ;  ceux  qui  proviennent  des  premières  émigrations  sont  plus 
foncés.  Les  Berbères  sont  déjà  très  foncés  ;  enfin,  les  Fouts  ou  Founs  le 
sont  tellement,  que  les  observateurs  superficiels  les  confondent  souvent 
avec  les  nègres;  mais,  si  on  les  compare  avec  les  véritables  nègi'es  de  la 
Nigritie,  on  ne  peut  plus  méconnaître  que  l'on  ait  devant  soi  des  indi- 
vidus de  deux  races  très  distinctes. 

Le  trafiquant  Brun-Rollet  fut  le  précurseur  de  Petherick,  qui,  après 
avoir  aussi  exploré  le  lac  Nô  et  le  Bahr-el-Ghazal,  fonda  plus  avant  dans 
l'intérieur  une  station  commejciale  sur  le  Djour,  pour  remonter  de  là 
jusque,  chez  les  Niams-Niams  et  revenir  ensuite  à  Gondokoro,  puis  à 
Khartoum  où  il  exerça  les  fonctions  de  consul  anglais. 

Cette  dernière  ville  n'était  pas  cependant  le  point  de  départ  de  toutes 
les  explorations,  témoin  celle  du  D'  Cuny,  qui,  en- 1858,  se  rendit  de 
Siout  à  El-Obeïd  par  Dongola  et  la  lisière  de  la  steppe  de  Bayouda,  à 
travers  le  désert  de  Lybie.  C'était  le  moment  où  Munzinger  et  Kinzel- 
bach,  après  avoir  traversé  le  plateau  septentrional  de  l'Abyssinie,  atten- 
daient vainement  à  El-Obeïd  l'autorisation  du  sultan  du  Darfour  d'entrer 
dans  ses  États,  pour  y  rechercher  les  traces  de  Vogel.  Alors  la  capitale 
du  Kordofan  était,  d'après  le  D'  Cuny,  un  véritable  cloaque  ;  on  enter- 
rait les  morts  au  milieu  de  la  ville,  dans  des  fosses  profondes  d'un  mètre 
seulement;  en  sorte  que  l'odeur  des  cadavres  putréfiés  traversait  la  cou- 
che de  sable  qui  les  recouvrait,  et  suffoquait  les  passants.  Plus  de  300 
animaux,  chameaux,  ânes,  bœufe,  chiens,  etc.,  pourris  ou  à  moitié  pour- 
ris, étaient  disséminés  dans  toute  la  ville,  et  chaque  cour  de  maison  avait 
une  fosse  profonde  où  l'on  jetait  toutes  les  immondices.  A  l'époque  des 


—  19  — 

pluies,  des  épidémies  terribles  y  décimaient  la  population.  Néanmoins 
le  D'  Cuny  reconnaît  les  services  rendus  par  Méhémet-Ali  dans  certaines 
parties  du  Soudan,  par  Toccupation  fournie  à  des  artisans  qui,  h  leur  tour, 
y  avaient  formé  des  élèves  et  avaient  appris  leur  industrie  à  leurs  enfants. 
La  description  qu'il  fait  du  Kordofan  est  encore  parfaitement  vraie  : 
immense  plateau  recouvert  de  sable,  à  la  surface  duquel  surgissent  de 
loin  en  loin,  et  plus  ou  moins  rapprochées,  quelquefois  groupées  en  grand 
nombre,  des  montagnes  aux  environs  desquelles  paissent  les  troupeaux 
des  nomades,  parce  que  c'est  là  qu'il  y  a  des  puits.  La  plaine  n'est  guère 
habitée  qu'à  la  saison  des  pluies,  mais  elle  est  parcourue  par  les  nomades 
dans  les  parties  où  il  y  a  des  réservoirs  d'eau,  disséminés  çà  et  là.  Le  sol 
n'est  que  du  sable  à  une  grande  profondeur;  cependant  il  est  en  général 
couvert  d'herbes,  et  partout  d'arbres  et  d'arbustes  ;  ce  qui  semble  indi- 
quer que  l'humus  n'est  pas  absolument  nécessaire  à  la  végétation,  et 
que  les  plantes  peuvent  aussi  bien  tirer  les  sucs  nécessaii*es  à  leur  accrois- 
sement quand  elles  poussent  dans  le  sable  que  lorsqu'elles  croissent  dans 
une  terre  féconde.  C'est  là  que  l'on  rencontre  les  premiers  baobabs,  si 
précieux  pour  cette  zone  et  pour  le  Darfour  en  particulier,  comme  réser- 
voirs de  l'eau  tombée  pendant  la  saison  des  pluies.  Le  D' Cuny  comptait 
explorer  le  Darfour  dans  lequel  il  se  rendit,  mais  cinq  jours  après  son 
arrivée  il  mourut,  sans  que  l'on  ait  jamais  su  la  cause  de  son  décès. 

Dans  les  provinces  conquises  sous  Méhémet-Ali,  le  système  adopté 
par  le  gouvernement  égyptien  pour  se  procurer  des  soldats  obligeait, 
pour  ainsi  dire,  ses  mudirs  à  faire  des  razzias  de  tous  côtés.  Lorsque, 
en  1875,  le  vice-roi  prépara  son  expédition  contre  l'Abyssinie,  pour 
profiter  de  la  situation  embarrassée  de  Théodoros,  tout  fut  mis  en  œu- 
vre pour  recruter  une  armée.  Une  vaste  battue  commença,  sur  une 
grande  échelle,  dans  le  Fazogl,  le  Takalé,  chez  les  Denkas,  le  long  du 
Nil-Blanc  et  sur  les  frontières  de  l'Abyssinie.  Pour  nourrh*  et  entretenir 
tout  ce  monde,  il  fallait  de  l'argent;  les  tribus  furent  soumises  à  des 
extorsions  de  toutes  sortes  ;  les  impôts  furent  quadruplés,  quintuplés 
même,  et  les  cheiks  qui  ne  purent  faire  face  à  ces  exigences  brutales 
furent  jetés  aux  fers.  Les  districts  épuisés  par  les  réquisitions  furent  déso- 
lés par  une  famine  qui  n'épargna  pas  Khartoum,  et  les  tribus  arabes  de 
l'ouest  émigrèrenten  foule  au  Darfour.  Le  gouvernement  égyptien  n'en 
faisait  pas  moins  annoncer  dans  les  journaux  d'Europe  la  répression 
exemplaire  de  la  traite;  tandis  que,  sous  prétexte  de  la  réprimer,  le 
gouverneur  de  Khartoum.  Mouça-pacha,  l'avait  monopolisée,  au  moyen 
d'une  taxe  exorbitante  imposée  à  toute  barque  qui  partait  de  Khartoum. 


—  20  — 

Pendant  que  Lejean  était  à  Kassala,  il  voyait  les  bandes  d'esclaves 
passer  devant  sa  demeure,  liés  deux  à  deux  par  le  cou,  pour  le  compte 
du  gouvernement.  Les  casernes  regorgeaient  ;  on  en  vendait  ou  en  donnait 
aux  employés  de  l'État  pour  remplacer  leurs  appointements  en  retard. 
Comment  les  Soudaniens  auraient-ils  renoncé  à  l'esclavage,  quand  les 
gouverneurs  des  provinces  spéculaient  sur  ces  malheureux? 

Ce  furent  les  maux  dont  Baker  fut  témoin  au  Soudan,  lors  de  sa  pre- 
mière expédition  sur  le  Haut-Nil,  à  la  rencontre  de  Speke  et  de  Grant, 
arrivant  du  Vietoria-Nyanza,  qui  l'engagèrent  à  prendre  en  mains  la 
cause  des  esclaves,  et  à  entreprendre  contre  les  négriers  la  campagne  que 
devaient  continuer  après  lui  Gordon-pacha  et  Gessi,  dans  tout  le  bas- 
sin du  Nil-Blanc. 

Lors  de  son  passage  à  Khartoum,  au  printemps  de  1862,  le  Soudan 
égyptien  n'exportait  encore  que  de  la  gomme,  du  séné,  des  cuirs,  et  envi- 
ron pour  cent  mille  francs  d'ivoire  par  an;  en  réalité  cette  possession 
n'intéressait  l'Egypte  que  parce  qu'elle  fournissait  des  esclaves  aux  pays 
mahométans.  a  A  Khartoum,  »  dit  Baker,  a  l'intérêt  de  l'argent  étant  de 
36  à  80  pour  cent,  il  y  a  peu  de  place  pour  un  commerce  légitime;  aussi, 
n'en  fait-on  guère  d'autre  ici  que  celui  des  esclaves,  et,  en  général,  c'est 
dans  cette  catégorie  d'affaires  qu'il  faut  ranger  ce  qu'on  appelle  le  com- 
merce du  Nil-Blanc.  Voici  comment  cela  s'organise.  Un  aventurier  sans 
ressources  trouve,  pour  ce  négoce,  à  emprunter  à  cent  pour  cent.  Il  lève 
une  bande  de  coupe-jarrets  et  part  vei-s  le  mois  de  décembre.  Au-delà  de 
Gondokoro,  il  s'allie  à  un  chef  nègre  quelconque,  cerne  un  village  qui  lui 
est  hostile,  y  met  le  feu,  tue  les  hommes  et  emmène  les  femmes  et  les 
enfants,  avec  le  bétail,  l'ivoire  et  le  reste  du  butin.  Pour  sa  peine,  le  chef 
nègre  obtient  d'abord  trente  ou  quarante  têtes  de  bétail  ;  un  tiers  des 
vaches  et  desbœufe  revient  aux  gens  de  l'expédition;  mais  le  négociant 
rentre  graduellement  en  possession  de  tout  cela,  en  le  troquant  contre 
des  esclaves  ;  puis  il  profite  d'une  occasion  propice  pour  tuer  le  chef  son 
allié,  dont  le  peuple  est  à  son  tour  pillé  et  réduit  en  esclavage.  Alors 
l'aventuiier,  laissant  jusqu'à  son  retour  une  partie  de  sa  bande  conti- 
nuer les  mêmes  procédés,  prend  le  chemin  de  Khartoum.  Un  peu  avant 
d'y  arriver,  il  se  défait  de  ses  esclaves  qu'on  expédie  vers  tous  les  pays 
de  l'Islam.  Rentré  dans  la  ville  avec  son  ivoire  et  son  argent,  il  liquide 
son  emprunt  et  devient  capitaliste  à  son  tour.  Il  s'ensuit  que  tout 
Européen  qui  veut  remonter  le  fleuve  est  regardé  conmie  un  espion, 
cherchant  à  violer  le  secret  du  territoire  des  esclaves,  et  que  tout  le 
monde,  autorités,  négociants,  agents,  se  trouve  intéressé  à  entraver  son 
expédition.  » 


—  21  — 

Aussi  ne  faut-il  pas  s'étonner  de  la  résistance  opiniâtre  que  Baker 
rencontra  à  Khartoum,  lorsque  le  khédive  Ismaïl,  ayant  résolu  de  sup- 
primer la  chasse  aux  esclaves  dans  le  bassin  du  Nil,  et  d'y  introduire  un 
système  de  commerce  régulier,  lui  confia  la  direction  de  l'expédition 
organisée  à  cet  eflFet.  Les  autorités  et  les  commerçants  s'unirent  pour 
lui  susciter  tous  les  embarras  possibles,  et  ce  ne  fiit  que  grâce  à  une 
persistance  et  à  une  énergie  indomptables,  qu'il  parvint  à  se  procurer  les 
moyens  de  transport  nécessaires  pour  le  matériel  et  le  personnel  de  l'expé- 
dition. Quand  il  put  partir,  ce  fut  pour  se  trouver  bientôt  arrêté  pai*  les 
obstructions  de  la  végétation  du  Nil-Blanc,  dont  Gessi  eut  tant  à  souf- 
frir plus  tard,  et  dont  les  travaux  de  Marno  réussirent  enfin  à  débarras- 
ser le  fleuve.  Nous  ne  répéterons  pas  ici  ce  que  nous  avons  dit(l"  année, 
pages  84-88  et  133-137),  des  résultats  obtenus  par  Baker,  Gordon, 
Gessi  et  les  oflSciers  américains  sous  leurs  ordres,  les  colonels  Chaillé- 
Long,  Colston,  Mason,  Ward,  etc.  ;  mais  nous  rappellerons  encore  rapi- 
dement les  progrès  obtenus  au  Soudan  dans  les  dernières  années,  oii  un 
système  d'administration  plus  humain  avait  remplacé  les  procédés  vio- 
lents et  barbares  des  premiers  temps  de  la  conquête  égyptienne. 

Sans  doute  la  traite  n'y  avait  pas  complètement  disparu  (voyez 
2—  année,  p.  39, 66,  86, 106,  210  ;  3'^«  année,  p.  141, 223,  242  ;  4»«  année, 
p.  118,  235,  258.);  mais  les  trafiquants  ne  pouvaient  plus  l'exercer  que 
d'une  manière  clandestine,  en  dehors  des  routes  ordinaires  des  carava- 
nes, et  à  cet  odieux  trafic  se  substituait  toujours  plus  largement  un  com- 
merce légitime.  Les  maisons  des  négociants  français,  anglais,  italiens  se 
multipliaient  à  Khartoum  ;  la  prospérité  de  leurs  affaires  les  engageait  à 
établir  des  succursales  au  Galabat,  à  Sennaar,  au  Kordofan  et  au  Dar- 
four.  Tous  les  produits  de  l'industrie  européenne  y  étaient  importés,  tan- 
dis que  les  indigènes  du  Haut-Nil,  voyant  leur  sécurité  assurée,  aug- 
mentaient de  leur  côté  la  production  des  matières  exportées  :  caout- 
diouc,  tamarin,  gomme  arabique,  etc.  D'autre  part,  les  missionnaires 
romains  de  Khartoum,  d'El-Obeïd,  du  Djebel  Nouba,  se  faisaient  les  ins- 
tituteurs des  populations.  Les  communications  par  la  voie  du  fleuve  deve- 
naient plus  faciles  et  régulières  (Voyez  4"**  année,  page  342).  Les  fron- 
tières méridionales  du  Soudan  étaient  mises  en  relation  avec  le  Caire 
par  le  télégraphe,  établi  jusqu'à  Famaka.  Au-delà  de  ce  point,  dans  les 
provinces  équatoriales  soumises  depuis  Baker,  Gordon  et  Gessi,  à  l'au- 
torité du  khédive,  grâce  à  la  sage  et  habile  administration  des  gouver- 
neurs Emin-bey  et  Lupton-bey,  et  à  la  ligne  de  stations  militaires  éta- 
blie sous  le  gouvernement  de  Gordon-pacha,  la  sécurité  était  offerte 


—  22  — 

aux  explorateurs  qui  les  traversaient  pour  pénétrer  plus  au  sud.  Des 
relations  postales  étaient  établies  jusqu'au  pays  des  Niams-Niàms  et 
des  Mombouttous.  * 

Avant  rétablissement  d'une  bonne  administration  à  Khartoum,  ni 
Schweinfurth,  ni  Junker,  ni  Casati,  n'eussent  pu  atteindre  la  région  de 
rOuellé,  non  plus  que  Schuver  explorer  le  pays  des  sources  du  Jabos, 
du  Tournât  et  du  Yal;  peut-être  même  Matteucci  et  Massari  n'au- 
raient-ils pas  pu  dépasser  la  frontière  du  Darfour,  annexé  aux  posses- 
sions égyptiennes  en  1874.  Outre  la  sécurité  oiferte  aux  voyageurs,  les 
facilités  que  leur  présentait  Khartoum  pour  les  approvisionnements,  et  la 
diminution  des  frais  qui  résultait  de  la  possibilité  de  n'organiser  les  cara- 
vanes que  dans  le  centre  du  Soudan  égyptien,  étaient  un  grand  encou- 
ragement pour  les  savants  à  le  choisir  comme  point  de  départ  de  leurs 
excursions  vers  le  sud.  Nos  lecteurs  se  rappellent  aussi  que,  lorsque  deux 
des  missionnaires  anglais  de  l'Ouganda,  MM.  Wilson  et  Felkin,  durent 
revenir  en  Europe  accompagnés  des  ambassadeurs  du  roi  Mtésa,  ils  pré- 
férèrent la  voie  du  Nil  à  celle  du  Victoria-Nyanza  et  del'Ougogo.  Beau- 
coup plus  récemment  encore  le  D' Schweinfiirth,  examinant  les  différentes 
voies  fluviales  africaines,  au  point  de  vue  des  avantages  qu'elles  présen- 
tent pour  la  poursuite  de  l'exploration  du  centre  du  continent  et  pour 
les  progrès  de  la  civilisation,  préconisait  la  route  du  Nil  comme  la  plus 
praticable  sur  le  plus  long  parcours,  étant  donnée,  bien  entendu,  la 
construction  du  chemin  de  fer  deBerber  à  Souakim. 

Le  Soudan  égyptien  voyait  s'ouvrir  pour  lui-même  un  heureux  avenir, 
en  même  temps  qu'il  allait  servir  de  point  de  départ  aux  progrès  de  la 
civilisation  des  pays  plus  méridionaux,  lorsqu'est  survenu  le  soulèvement 
provoquéparMohammed-Ahmed.L'influences'en  est  immédiatement  fait 
sentir  sur  les  relations  commerciales  avec  l'Europe,  qui  ont  été  paraly- 
sées, et  sur  l'œuvre  missionnaire  au  Darfour  et  au  Kordofan,  tous  les 
agents  de  ces  missions  ayant  été  faits  prisonniers  par  les  troupes  du 
mahdi.  Ceux  de  Khartoum  même  ont  quitté  cette  ville  et  pris  la  route 
du  Caire,  jugeant  sans  doute  que,  dans  les  circonstances  actuelles,  la 
sagesse  leur  faisait  un  devoir  de  se  replier  sur  les  établissements  de 
l'Egypte  propre.  Quant  aux  explorations,  impossible  de  songer  à  en 
entreprendre  de  nouvelles.  Nous  nous  demandons  même  ce  que  vont  deve- 
nir Casati  et  Schuver,  dont  le  retour,  du  Bahr-el-Ghazal  et  de  l'Ouellé, 
est  coupé  par  les  bandes  du  Mahdi  occupant  le  pays  à  L'ouest  du  Nil- 
Blanc,  et  bientôt  sans  doute  tout  le  territoire  compris  entre  les  deux  Nils, 
jusqu'à  Sennaar  et  au  delà,  puisque  des  adhérents  de  Mohammed-Ahmed 


—  23  —  4 

parcourent  les  districts  avoisinant  Souakim  et  la  mer  Rouge  jusqu'à 
Massaoua.  Qu'adviendra-t-il  du  Darfour  oU  Slatin-bey  paraît  encore 
tenir  bon,  et  oîi,  nous  l'espérons,  Gottfried  Roth  a  réussi  à  trouver  un 
refuge  ;  et  des  provinces  du  Bahr-el-Ghazal  et  du  Haut-Nil  gouvernées 
par  Lupton-bey  et  par  Emin-bey,  privés  de  communications  régulières 
avec  le  Caire?  Que  deviendront  les  populations  du  Soudan  sous  l'auto- 
rité du  Mahdi  ?  Il  y  a  tout  lieu  de  craindre  que  les  chasseurs  d'esclaves 
ue  pro^tent  de  l'état  de  trouble  de  ce  pays  pour  ressaisir  leur  empire. 
Ils  paraissent  n'être  pas  demeurés  étrangers  à  la  révolte  contre  le  gou- 
vernement égyptien  et  contre  l'influence  des  Européens,  et  il  semble 
que  la  mort  de  M.  Moncrief,  tué  au  sortir  de  Souakim  par  de^  partisans 
du  Mahdi,  doive  être  attribuée  en  partie  à  la  haine  que  les  trafiquants 
d'esclaves  avaient  vouée  à  ce  surveillant  de  la  traite. 

Quoi  qu'il  advienne,  l'état  actuel  des  choses  au  Soudan  crée  aux 
nations  civilisées  des  devoira  plus  pressants  que  jamais  ;  en  particulier 
celui  de  hâter,  dans  les  pays  sur  lesquels  elles  exercent  une  influence 
directe,  et  tout  spécialement  en  Egypte,  la  suppression  de  l'institution 
même  de  l'esclavage,  pour  fermer  aux  trafiquants  les  marchés  où  jus- 
qu'ici ils  ont  trouvé  à  vendre  leurs  victimes.  L'exploration  par  la  voie 
du  Nil  sera  an*ètée  pour  un  temps,  mais  les  voyageurs  qui  sont  aujour- 
d'hui au  delà  du  Soudan  se  dirigeront  sans  doute  vers  le  sud,  et  explo- 
reront forcément  la  région  encore  inconnue  entre  les  bassins  de  l'Ouellé 
et  du  Congo .  Pendant  ce  temps  ceux  qui  vont  remonter  les  affluents  septen- 
trionaux du  grand  fleuve,  arriveront  par  le  siyl,  pour  leur  aider  à  décou- 
vrir ce  qui  demeure  encore  ignoré  dans  ce  vaste  espace,  et  apporteront 
aux  nègres  de  cette  région  les  bienfaits  de  la  civilisation,  dont  les  Arabes 
du  nord  les  auront  frustrés. 


CORRESPONDAKCE 


M.  Jeanmairet,  membre  de  la  mission  cfu  Zambèze,  nous  écrit  de  Leribé  (Basu- 
toland),  le  22  novembre  1883  : 

Notre  départ  avait  été  fixé  au  5  décembre,  mais  comme  nous  attendons  Par- 
rivée  de  M.  Weitzecker,  successeur  de  M.  Coiliard  au  poste  de  Léribé,  il  ne  nous 
sera  pas  possible  de  nous  mettre  en  route  avant  la  seconde  moitié  de  décembre. 
Notre  but  est  d'atteindre  Shoshong  avant  les  fortes  pluies,  d'y  passer  2  ou  3  mois 
afin  de  refaire  nos  attelages,  et  d'en  repartir  au  commencement  de  l'hiver,  pour 
atteindre  le  Zambèze  dans  le  courant  du  mois  de  mai. 

Nous  possédons  tout  le  personnel  nécessaire  de  conducteurs  et  de  guides,  mais 
un  seul  évangéliste,  au  lieu  de  deux  que  nous  aurions  désirés;  toutefois,  à  Séléka 
nous  retrouverons  l'un  des  évangélistes  de  la  première  expédition,  qui  se  dit  prêt 
à  nous  accompagner.  Vous  n'ignorez  pas,  sans  doute,  que  nous  ramènerons  au 
Zambèze  deux  jeunes  Barotsés  qui  avaient  accompagné  M.  Coiliard  au  Lessouto, 
où  ils  ont  suivi  pendant  plusieurs  années  les  leçons  de  l'école  biblique.  Nous  espé- 


—  24  — 

rons  qa'ils  resteront  fermes  dans  leur  foi,  et  quUls  deviendront  nos  deux  premiers 
évangélistes  zambéziens.  Nous  aurons  encore  le  précieux  concours  de  deux  jeunes 
artisans  d'origine  anglaise  ',  dans  lesquels  nous  avons  toute  confiance,  et  qui  nous 
seront  d'un  grand  secours  pour  nos  travaux  matériels.  Notre  expédition  sera  donc 
composée  de  deux  missionnaires,  de  M"*®  et  M^^'^  Coillard,  de  deux  artisans  euro- 
péens, de  deux  évangélistes  indigènes  et  de  leurs  familles,  de  nos  deux  Zambé- 
ziens, et  du  personnel  de  nos  conducteurs  et  de  nos  guides.  C'est  toute  une  cara- 
vane de  quatre  wagons,  traînés  par  une  soixantaine  de  bœufs,  auxquels  s'ajoute- 
ront quelques  chevaux  et  une  meute  de  chiens. 

Bien  que  nous  devions  voyager  dans  la  saison  la  plus  chaude  de  l'année,  ce  ne 
sera  pas  un  grand  désavantage  pour  nous.  La  vie  active  du  voyage  préserve  pres- 
que toujours  des  atteintes  de  la  fièvre,  et  nous  aurons  en  revanche  une  meilleure 
herbe  pour  nos  attelages.  La  seule  difficulté  sérieuse  que  nous  redoutions  est  le 
passage  des  fleuves,  rendu  souvent  impossible  à  cette  époque  de  l'année  par  la 
crue  subite  des  eaux.  Notre  itinéraire  est  de  passer  par  le  Transvaal  et  Pre- 
toria, la  route  des  diamants-fields  étant  peu  sûre  à  cause  de  l'état  d'anarchie  du 
Stellaland.  Le  gouvernement  du  Transvaal  nous  accorde  le  passage  de  bonne 
grâce,  tout  en  nous  réservant  quelques  surprises  au  sujet  de  droits  à  payer  sur  nos 
munitions  et  nos  marchandises.  Le  25  de  ce  mois,  nous  aurons  ici  notre  réunion 
d'adieux  aux  églises  du  Lessouto,  qui,  à  cet  effet,  enverront  chacune  deux  repré- 
sentants indigènes.  Le  voyage  de  six  semaines  que  M.  Coillard  et  moi  avons  entre- 
pris, dans  le  courant  de  l'hiver,  pour  visiter  ces  églises,  a  créé  entre  elles  et  nous 
de  vrais  liens. 
Agréez,  etc. 

D.  Jeanmairet. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

De  la  lectuke  des  cartes  étbangèbes,  par  Henri  Mager.  Paris 
(Auguste  Ghio).  In-12,  100  pages,  1  fr.  —  Ce  petit  livre  est  destiné  à 
renseigner  les  nombreuses  personnes  qui  éprouvent  des  hésitations  pour 
la  lecture  des  noms  étrangers.  Il  renferme  des  tableaux  de  pronon- 
ciation, classés  dans  deux  divisions,  la  première  contenant  tout  ce  qui 
permet  Tusage  des  cartes  allemandes,  et  la  seconde,  toutes  les  indications 
pour  rintelligence  des  cartes  anglaises.  Malgré  la  diflSculté  qu'il  y  a  de 
rendre,  avec  les  syllabes  et  les  caractères  français,  les  sons  étrangers, 
M.  Henri  Mager,  avec  le  concours  de  collaborateurs  versés  dans  Tétude 
des  langues,  a  pu  indiquer  d'une  manière  claire  la  méthode  à  suivre  pour 
prononcer  les  noms  anglais  ou  allemands.  Il  a  donné,  en  outre,  la  liste 
des  synonymes  géographiques,  c'est-à-dire,  des  villes  qui  ont  plusieurs 
noms,  et  des  notes  fort  utiles  sur  les  abréviations  des  cartes  allemandes. 

'  MM.  Middelton  et  Waddell.  Le  dernier  est  charpentier  et  ébéniste  de  profes- 
sion ;  le  premier  s'entend  un  peu  à  tous  les  genres  de  travaux.  Le  premier  est 
anglais,  le  second  écossais. 

■  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bâle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


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e  N?1.  Janvier  188^ 


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Anvers. 
Berlin. 
Brème. 
Bruxelles. 


Berlin. 


ÉCHANGES 

Sociétés  de  géographie. 

Constantine.  Hambourg.  Lvon.  Nancy. 

Francforts/M.  léna.  Madrid.  New- York. 

Greisswald.  Lille.  lifarseille.  Oran. 

Hnlle.  Lisbonne.  Montpellier.  Paris. 

Sociétés  de  géographie  commerciale. 

Bordeaux.  Paris.  Porto. 

Missions. 


Bochefort. 
Borne, 
Bouen. 
Vienne. 


Saint-Gatl. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XIX""e  siècle 

(Neuchâtel). 
Journal  de  l'Unité  des  Frères  fnioraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (B&le). 

Ëvangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
Calwer  Missions -Blatt  ((]lalw). 
Allgemeine  Missions- Zeitschrift  (GUters- 

loh). 
Glaubensbote  (B&le). 
Afriea  (Londres). 
La  Nignzia  (Vérone). 


Church  missionary  Intelligencer  and  Be- 
cord  (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionary  (New-York). 

Begions  beyond  (Londres). 

Cbronicle  6f  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres).     ' 

Monthly  Becord  of  the  Free  Church  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreijrn 
Missionary  Becord  (Edimboura). 

Missionar*'  Becord  of  the  united  preshy- 
terian  Church  (Edimbourg). 

Central  Afriea  (Londres). 

Woman*s  foreign  missionary  Socielv 
(Philadelphie). 


Divers. 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  (Colonies  (Paris). 

Bnlletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  Comice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  l'Académie  d*Hi()pone  (Bone). 

Bévue  géographique  internationale  (Paris). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Bundschau  fUr  Géographie  nnd 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaftin  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fUr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  filr  wissenschaftiiche  Géogra- 
phie (Liahr). 

Ausalten  Welttheilen  (Leipzig). 

Chamber  of  Commerce  Journal  (Londres). 


African  Times  (Londres). 

Antislavery  Beporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend  (Londres). 

African  Bepository  (Washington). 

Observer  (Monrovia). 

Esploratore  (Milan). 

Cosmos  (Turin). 

Boliettino  délia  Societa  africana  d'Italia 
(Naples). 

Esplorazione  (Naples). 

Marina  e  Commercio.  e  Giornale  délie  co- 
lonie (Bome). 

Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Afriea  oriental  (Mozambique). 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne) . 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Bevista  de  Estudos  Livres  (Lisbonne). 

Béveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 
Revue  de  géographie  (Paris). 
Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 
Indépendant  (Constantine). 
Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 
Bulletin  de  la  Société  khédiviale  de  géo- 
graphie (Le  Caire). 


Df  A.  Petermann's  Mittheilungen  (Gotha) 
Proceedings   of  the   royal   geographica 

Society  and  monthly  Kecord  of  geogra 

phy  (Londres). 
Natal  Mercury  (Durban). 
Cape  Argus  (Cape-Town). 
West  African  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

•  •  .  * 

*                                                    .          '               '  Pages 

BULLETJIN  MENSUJflL 3 

Nouvelles  complémentaires 11 

Le  Soudan  égyptien 13 

Correspondance  : 

Lettre  de  M.  D.  Jeanmairet 23 

Bibliographie  : 

De  la  lecture  des  cartes  étrangères,  par  Henri  Mager 24 


OUVKAGES  REÇUS  : 


Mes  souvenirs,  par  Eugène  Casalis,  ancien  missionnaire.  Paris  (Fischbacher)  1884, 

in-lâ,  345  p. 
Memorle  délia  Societa  geografica  italiana,  voL  II,  Parte  8,  in-4°.  (Histoire  naturelle 

de  l'Afrique.) 
La  question  du  Zaïre.  Buum  cuique.  Lettre  à  M.  Behaghel ,  rédacteur  du  Nard^ 

par  M.  Luciano  Cordeiro,  député,  etc.  Lisbonne  (Société  de  géographie),  1883, 
;     in-S**,  9  p.  ; 

Stanley's  first  opinions.  Portugal  and  the  slave  trade.  Lisbon  (Geographical  Society) 

1883,  in-80,  9  p.' 
Agenda  1884  avec  éphémérides  géographiques.  Bruxelles  (Institut  national  de 

géographie,  18-20,  rue  des  Paroissiens). 
.Payne's  Lagos  and  West  African  Almanack  and  Diary  for  1883.  London  (W.-J. 

Johnson),  in-4%  192  p. 
Carta  de  la  isla  de  Tenerife  en  las  Canarias,  levantada  por  el  capitan  A.-.T.-E. 

Vidal  en  1838.  Direccion  de  Hidrografia.  Madrid,  1852.  Corçegida  en  1868.   ' 
Carte  des  environs  de  Tananarivo,  par  le  P.  Roblet  (/looooo),  Supplément  de 

VExfplùratian^  n°  361  (21  déc.  1883). 
A  sketch  of  thé  modern  languages  of  Africa.  Accompanied  by  a  Language-Map, 
'    by  Robert  Needham  Cust.  London  (Trûbner  &  C<»,  Ludgate  Hill)  1883,  2  vol. 
'     in-8^ 


'      Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt, 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE    ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

niRIOÉ   PAR 

M.   GuBtaTe  XOTNIEB 

Momltrft  de  la  GominisBion  internationale  de  Brazellofl  ponr  Texploration  ot  la  eivilisation 

de  TAfriqne  centrale;  membre  oorrespondant  de  rAGadémio  d*Hippono, 

et  dei  Sociétés  de  géo^aphie  de  Marseille,  de  Nancy,  de  Lonnda  et  de  Porto. 

RKPIGÉ  PAR 

X.  Charles  FAVBE 

SecrètaÎTO-BHiUothéoatre  de  la  Société  de  géo^iapliie  de  Genève ,  membre  correspondant  dos  Soci^'toe 
de  géographie  de  LlaboTine,  de  Loanda.  de  Porto  et  do  Saint-Oall. 


L'Afrique  parait  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in -8»  d'an 
moins  20  pa^es  chacune;  le  texte  est  acc^mpagn^  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  Tabonnement  annuel,  payable  d'avanee»  est  de  10  flraneu, 

port  compris,  pour  tons  les  pays  de  l'Union  postale  (première  zone);  pour  les 
antres,  41  fr.  50.         . 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  à  «a  eompte  renda. 

Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaetion  à  M*  GastaTe  9Ioyiiier, 
S,  rae  de  l'Aihénée»  à  C^nève  (Suisse). 

9'adresser  pour  les  abonaements  à  i'éditeor.  M*  H.  Cleoric*  à 
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Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Anlriche), 
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Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


AVIS.  —  Nom  viettmis  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  nhomié.%  au  prix  de 
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et  de  la  IF""  année.  Im  !■**  est  épuisée. 


—  25 


BULLETIN  MENSUEL  (4  février  1884).  ' 

Le  rejet,  par  la  Chambre  des  députés,  du  projet  d'emprunt  de  50  mil- 
lions affecté  h  la  colomsation  de  TA^épie,  oii  le  gouvernement 
firançais  se  proposait  de  créer  175  villages  nouveaux,  en  expropriant 
300,000  hectares  aux  indigènes,  ne  signifie  point  que  la  France  se  désin- 
téresse de  la  question  de  colonisation  du  sol  algérien  par  des  mains  fran- 
çaises. En  effet  un  projet  nouveau  a  été  présenté  au  sénat  par  M.  le 
comte  d'Haussonville,  fondateur  de  la  Société  de  colonisation  des  Alsa- 
ciens-Lorrains en  Algérie,  après  la  guerre  de  1871  ;  il  s'agirait  d'acheter 
aux  indigènes  de  gré  à  gré,  ou  par  expropriation,  les  terres  domaniales 
non  employées  pour  un  service  public  ;  ces  terres  comprennent  une  con- 
tenance d'environ  800,000  hectares.  —  D'autre  part  il  s'est  constitué  à 
Brest,  sous  le  titre  de  «  Société  française  de  colonisation,  »  une  société 
qui  a  pour  but  de  provoquer  un  mouvement  d'émigration  vers  les  colo- 
nies françaises,  et  en  particulier  vers  l'Algérie.  Les  colons  seront  recru- 
tés et  soutenus  par  la  dite  association,  grâce  aux  ressources  fournies  par 
les  souscriptions  et  les  dons  ;  un  bulletin  tiendra  les  sociétaires  au  cou- 
rant de  l'entreprise,  qui  est  une  œuvre  de  philanthropie  nationale.— De 
son  côté,  le  Comité  protestant  de  Lyon  fondé  pour  faciliter,  à  un  certain 
nombre  de  Yaudois  des  Alpes  françaises,  l'émigration  aux  Trois-Mara- 
bouts,  dans  la  province  d'Oran,  continue  son  appui  h  ces  colons,  qui, 
grâce  k  un  labeur  incessant,  ont  construit  leurs  habitations  et  mis  en 
culture  les  terres  dont  ils  ont  obtenu  la  concession»  et,  par  leur  bonne 
conduite,  ont  conquis  l'estime  générale. 

Quoiqu'il  soit  très  difficile  de  savoir  exactement  ce  qui  se  passe  au 
SoudAii,  ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  la  situation  a  beaucoup 
empiré  depuis  notre  dernier  numéro.  Le  mahdi  a  profité  de  l'impossibi- 
lité où  s'est  trouvé  le  gouvernement  égyptien  d'arrêter  les  progrès  de 
l'insurrection,  pour  continuer  â  provoquer  le  soulèvement  des  popula- 
tions dans  un  rayon  toujours  plus  étendu,  vers  le  Nord,  jusque  dans  la 
Haute-Egypte,  à  l'Est,  jusqu'âla  mer  Rouge,  le  long  du  littoral,  deSoua- 
kim  à  Eosselr,  au  Sud,  jusque  dans  la  province  équatoriale  du  Bahr-el- 

*  Les  matières  comprises  dans  nos  BuUetins  mensueU  et  dans  lesNowoéUea  corn- 
plémenicUres  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  PEst,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

L'AFRIQUE.   —   CUrQVIÈKB  AMH^B.  —  H^  2.  2 


—  26  — 

Ghazal,  où,  d'après  une  dépêche  du  Caire,  Texplorateur  Schuver,  dont 
nous  avons  reçu  plusieurs  lettres  avant  qu'il  eût  quitté  Khartoum,  aurait 
été  assassiné.  Toutefois  nous  nous  demandons  comment  cette  nouvelle  a 
pu  parvenir  au  Caire,  les  communications  télégraphiques  au  delà  de 
Khartoum  étant  coupées,  et  les  bateaux  à  vapeur  du  Haut-Nil  ayant  dû 
suspendre  ieurs  courses.  Du  moins  le  consul  d'Autriche  à  Khartoum, 
M.  Hansal,  écrivait  le  15  décembre  à  M.  le  baron  de  Hoânann,  président 
du  Musée  oriental  h  Vienne,  que  depuis  le  mois  d'avril,  il  n'y  avait  eu 
aucun  rapport  avec  Lado,  et  que  le  vapeur  parti  en  juin  pour  Meshra-el- 
Rek,  n'était  pas  revenu,  ce  qui  causait  une  grande  inquiétude  h  Khar- 
toum * .  On  était  très  en  peine  de  Junker,  de  Schuver,  de  Lupton-bey  et 
d'Emin-bey,  sans  parler  de  Slatin-bey  et  de  Gottfried  Roth  qui  ne  pour- 
raient échapper  au  pouvoir  du  mahdi  qu'en  s'enfuyant  du  Darfour  vers 
l'Egypte.  M.  Hansal  ne  pensait  pas  que  les  secours  envoyés  du  Caire, 
soit  par  Souakim,  soit  par  Korosko,  pussent  empêcher  Khartoum  de 
tomber  aux  mains  du  mahdi.  Aussi  la  plupart  des  étrangers  avaient-ils 
déjà  quitté  la  ville,  abandonnant  leurs  propriétés  et  leurs  affaires.  Dans 
une  lettre  antérieure,  publiée,  conmie  la  précédente,  par  V  Oesierrekhi- 
8che  MœiaUchrift  filr  den  Orient,  M.  Hansal  fournit,  sur  l'administra- 
tion du  Soudan,  des  renseignements  qui  font  mieux  comprendre  l'empres- 
sement des  populations  à  répondre  aux  appels  du  mahdi  à  prendre  les 
armes  contre  le  gouvernement  égyptien,  et  la  nécessité,  pour  le  cas  ob 
les  généraux  Baker  et  Gordon,  avec  ou  sans  le  concours  de  l'Abyssinie, 
réussiraient  à  conserver  à  l'Egypte  le  territoire  à  l'Est  du  Nil,  d'y  intro- 
duire des  réformes  fondamentales.  Après  avoir  mis  le  séquestre  sur  la 
succession  d'un  père  de  famille  qui  avait  institué  un  exécuteur  testamen- 
taire, l'autorité  égyptienne  en  avait  fait  vendre  les  objets  aux  enchères, 
pour  en  distribuer  le  produit  à  des  fonctionnaires  et  à  des  soldats,  et, 
six  ans  après  la  mort  de  leur  père,  les  orphelins  mineurs  n'avaient 
encore  rien  reçu  de  l'héritage  paternel.  Les  habitants  du  désert  devaient 
transporter  des  milliers  de  charges  de  chameaux  de  biens  de  l'État,  de 
la  mer  Rouge  au  NU,  sans  être  payés  des  frais  de  transport.  Le  simple 
agriculteur  devait  payer  double  et  triple  impôt,  sans  qu'aucun  contrôle 
fftt  exercé  sur  cette  branche  de  l'administration.  Des  soldats  ou  de^ 

'  D'après  une  dépèche  de  Khartoum  du  14  jaurier,  au  Tme8f  le  steamer  Ismai' 
lia  a  ramené  le  D'  Bohndorf,  compagnon  de  voyage  de  Junker,  qui  a  annoncé  la 
mort  de  Schuver.  Lupton-bey  était  assiégé  dans  Port-Rek.  VIsmaîlia  avait  été 
attaqué  deux  fois  dans  son  voyage  de  retour  à  Khartoum. 


—  21  — 

agents  de  police  pouvaient  enlever  une  bête  de  somme  à  son  propriétaire, 
sur  la  voie  publique,  au  vu  et  au  su  de  tout  le  monde,  et  s*en  servir 
pour  eux-mêmes,  sans  que  le  possesseur  reçût  aucun  dédommagement, 
oi  qu'il  pût  porter  plainte.  Des  femmes  de  race  noire,  libres,  étaient 
enlevées  par  centaines  à  leurs  cabanes,  pour  être  incorporées  comme 
cuisinières  aux  troupes  de  Texpédition  du  Kordofan.  Un  prisonnier 
d'État  pouvait  acheter  sa  libération,  sans  subir  ni  condamnation  ni  peine. 
Un  riche  citoyen  d'une  ville  de  province,  réputé  conune  grand  trafiquant 
d'esclaves,  n'ayant  aucune  expérience  des  affaires,  pouvait  obtenir  une 
place  de  président  de  cour  d'appel»  et,  pour  son  neveu,  celle  de  vice- 
mudir  de  Ehartoum,  etc.  Les  expériences  actuelles  sufBront-eUes  pour 
faire  conoiprendre  au  gouvernement  que  les  causes  de  la  révolte  ne  doi- 
vent pas  être  cherchées  uniquement  dans  le  fonatisme  religieux  du 
mahdi  et  de  ses  derviches,  non  plus  que  dans  les  intrigues  des  trafiquants 
d'esclaves  profitant  des  embarras  de  l'Egypte  pour  prendre  leur  revan- 
che des  pertes  que  leur  ont  fait  subir  Baker,  Gordon  et  (ressi,  il  y  a  quel- 
ques années  ?  Avant  de  songer  à  pouvoir  introduire  aucune  réforme  au 
Soudan,  il  faut  attendre  le  résultat  des  opérations  autour  de  Souakim  et 
des  forteresses  de  Sinkat  et  de  Tokar,  pour  dégager  les  routes  de  Berber 
et  de  Eassala,  ainsi  que  la  solution  des  négociations  avec  l'Abyssinie. 

D'après  un  rapport  de  M.  Brémond,  chef  de  l'expédition  envoyée  au 
Ckaa  par  la  Société  des  factoreries  françaises,  Ménélik  rêve  de  voir  son 
pays  doté  d'une  voie  ferrée  reliant  sa  capitale,  Ankober,  aux  plus  riches 
parties  de  son  territoire,  et  d'établir,  sur  l'Haouasch,  un  service  de 
vapeurs  qui,  descendant  jusqu'au  lac  Aoussa,  rapprocherait  son  royaume 
du  territoire  français  d'Obock.  Il  a  accédé  à  la  demande  de  M.  Brémond 
de  faire  explorer,  par  M.Hénon,  l'Haouasch,  pour  en  déterminer  exacte- 
ment le  cours,  et  s'assurer  de  la  possibilité  d'y  lancer  quelques  remor- 
queurs, qui  relieraient  entre  elles  les  factoreries  que  la  Société  française 
se  propose  d'y  établir.  Le  roi  a  fait  construire  une  maison  pour  son 
médecin  le  D'  Hamon,  auquel  il  a  donné  en  outre  là  jouissance  d'une 
vaste  étendue  de  terrain  pour  la  culture  du  quinquina,  qui  paraît  devoir 
réussir  au  Choa.  Enfin  Ménélik  veut  faire  construire  un  hôpital,  où  le 
D' Hamon  initiera  aux  connaissances  élémentaires  de  l'art  médical  un 
certain  nombre  de  jeunes  Abyssins,  choisis  parmi  les  plus  intelligents. 
De  son  côté,  M.  Aubry  ingénieur  des  mines,  attaché  à  l'expédition,  doit 
explorer  le  pays  des  Galla  '  et  revenir  par  le  Tigré,  en  visitant  spéciale- 

^  Suirant  les  directions  que  nous  a  obligeamment  données  M.  Cust,  Tun  des 


—  28  — 

ment  les  endroits  signalés  par  les  indigènes,  comme  devant  renfermer 
des  gisements  de  minerai  présentant  une  certaine  valeur  industrielle. 

Le  bateau  de  sauvetage,  le  Morning-Star^  de  la  station  missionnaire 
d'On-DJidyi,  transporté  par  pièces  démontées,  de  Zanzibar  au  Tanga- 
nyika,  a  été  reconstruit  et  lancé  sur  le  lac,  au  milieu  d'une  grande 
afiSuence  d'indigènes,  d'esclaves  et  de  gens  des  Arabes,  et  du  personnel 
de  la  mission.  Au  moment  oii  0  a  glissé,  du  plan  incliné,  sur  les  flots,  une 
foule  de  gens  se  sont  précipités  dans  Teau,  tirant  des  coups  de  fîisil  et 
dansant,  jusqu'au  moment  où  une  distribution  de  viande  leur  a  été 
annoncée.  On  avait  tué  trois  bœufs,  un  pour  les  Arabes  et  leurs  gens, 
un  pour  les  Wa-Djidji,  et  un  troisième  pour  les  personnes  de  la  station, 
afin  d'éviter  les  collisions  qui  auraient  pu  se  produire  dans  l'état  d'exci- 
tation où  l'œuvre  des  blancs  avait  mis  la  population. 

La  Société  africaine  allemande  a  reçu  des  lettres  de 
MM.  Bœhm  et  Reiehardt,  établis  pour  quelque  temps  à  Qua-Mpara, 
sur  la  côte  occidentale  du  Tanganyika,  à  l'endroit  où  le  Loufoukou  sort 
du  lac.  Le  pays  est  habité  par  les  Hollû,  sauvages  et  belliqueux,  qui  se 
distinguent  par  les  soins  incroyables  qu'ils  donnent  à  leur  chevelure. 
Avant  d'y  arriver,  les  explorateurs  avaient  eu  à  soutenir ,  à  réitérées  fois, 
les  combats  les  plus  sérieux  avec  les  indigènes.  A  l'assaut  de  Eatakoua, 
le  D' Bôhm  avait  reçu  deux  coups  de  feu  dans  le  fémur  droit,  ce  qui 
l'avait  tenu  alité  jusqu'à  la  fin  de  juin.  Les  blessures  n'étaient  pas  encore 
entièrement  fermées  au  commencement  de  juillet,  moment  où  il  écrivait. 
Arrivé  le  8  juillet  à  Qua-Mpara,  souffi*ant  de  la  fièvre,  il  travailla  néan- 
moins avec  ardeur  à  réunir  de  grandes  collections,  qu'il  fit  déposer  tem- 
porairement à  la  station  internationale  de  Earéma  ;  il  découvrit  entre 
autres,  dans  le  Tanganyika,  une  méduse  d'eau  douce.  De  son  côté, 
M.  Reichardt  a  trouvé,  dans  le  pays  de  Manourgou,  sur  la  rive  occiden- 
tale du  lac,  un  singe  anthropoïde,  très  redouté  des  indigènes,  vraisem- 
blablement le  chimpanzé  de  l'Afrique  occidentale  et  centrale,  ou  du 
moins  un  singe  très  voisin  de  ce  dernier.  Sa  taille  est  de  1"*  03  ;  il  est 
d'une  forte  constitution  ;  ses  bras  et  ses  cuisses  sont  très  musculeux  ;  il  a 
la  poitrine  énorme,  les  épaules  larges,  le  cou  très  court,  les  bras  longs, 

hommes  assurément  les  plus  compétents  en  matière  de  linguistique  africaine  (v. 
p.  38  et  45),  nous  introduisons,  dès  ai^'ourd'hui,dans  notre  journal,  certaines  modi- 
fications, à  l'orthographe  des  noms  propres,  tout  en  la  conservant,  autant  que  possi- 
ble, conforme  à  la  prononciation;  en  particulier  nous  retranchons,  au  pluriel  de  ces 
noms,  le  suffixe  «,  que  jusqu'ici  nous  avons  employé  à  tort. 


—  29  — 

la  peau  couverte  de  longs  poils  d'un  noir  brillant,  la  face  violet  foncé. 
Ces  singes  vivent  ensemble  par  troupes  de  six  à  vingt,  et  se  construisent, 
sur  les  arbres^  à  huit  ou  dix  mètres  au-dessus  du  sol,  des  gîtes  de  1"  à 
1""  02  de  diamètre  ;  on  en  trouve  parfois  deux  sur  le  même  arbre. 
M.  Reichardt  a  vu  des  colonies  qui  comptaient  une  cinquantaine  de  ces 
gîtes.  Les  indigènes  racontent  les  choses  les  plus  étranges  de  la  force  de 
ces  sakos.  Ils  les  redoutent  plus  que  les  lions.  Deux  jours  avant  l'arrivée 
du  voyageur  au  Tanganyika,  un  nègre  fiit  saisi  par  un  sako,  quMl  ren- 
contra inopinément  dans  un  champ  et  qui  lui  firacassa  la  tète  contre  une 
pierre.  Si  quelque  indigène  se  trouve  face  à  face  avec  un  sako  qui 
le  considère,  le  front  appuyé  sur  le  bras,  il  en  mourra  lui  et  toute 
sa  famille,  à  moins  qu'il  ne  coure  en  toute  hftte  chez  un  magicien. 

Les  missionnaires  de  Blantyre  songent  à  multiplier  leurs  stations. 
Deux  d'entre  eux,  MM.  Hatterwick  et  Henderson,  ont  fait  avec  M.  Drum- 
mond,  naturaliste,  envoyé  au  Nyassa  et  au  Tanganyika  par  la  Société 
des  lacs  africains,  de  Blantyre  au  lac  Chlpoiia/7  une  reconnaissance  du 
pays,  en  vue  de  cette  extension  de  leur  champ  de  travail.  Partis  de  Blan- 
tyre le  23  août,  ils  ont  rencontré  de  petits  villages,  construits  sur  les 
flancs  de  collines  rocheuses,  dont  les  habitants  préfèrent  la  sécurité  aux 
facilités  d'accès.  Puis,  traversant  l'arête  ondulée  qui  forme  la  ligne  de 
partage  des  eaux  entre  les  bassins  du  Chiré  et  du  lac  Chiroua,  ils  arri- 
vèrent au  pied  du  Chirazoulo,  d'oii  plusieurs  natife  les  conduisirent  à  un 
grand  village  de  plusieurs  centaines  d'habitations,  perchées  comme  des 
chalets  suisses  sur  la  pente  S.  0.  de  la  montagne,  et  oii  ils  reçurent  un 
accueil  très  cordial.  Toute  la  population  se  rassembla  pour  les  voir,  les 
hommes  d'un  côté,  les  femmes  de  l'autre,  s'intéressant  tous  à  ce  que  les 
voyageurs  leur  faisaient  voir  :  montres,  boussoles,  etc.  Il  y  aurait  là  un 
champ  exceUent  pour  la  mission.  —  Descendant  ensuite  dans  la  plaine, 
ils  longèrent  le  pied  de  la  montagne,  en  suivant  un  sentier  tracé  à  tra- 
vers de  hautes  herbes  formant  une  voûte,  sous  laquelle  ils  devaient  passer 
en  se  courbant,  et,  après  avoir  quitté  l'angle  oriental  du  Chirazoulo,  ils 
entrèrent  dans  le  grand  Dambo,  plaine  inclinée  vers  le  lac,  qui,  dans  la 
saison  des  pluies,  devient  un  vaste  marécage. La  chefesse  Ghimombo,  qui 
réside  dans  lin  village  à  cinq  kilomètres  du  lac,  les  reçut,  assise  sur  une 
natte,  entourée  des  dames  de  sa  cour,  et  leur  exprima  le  désir  de  voir 
des  Anglais  s'établir  près  de  son  village,  pour  que  ses  femmes  pussent 
travailler  et  avoir  du  calicot.  La  population  est  un  reste  des  Ma-Nyanga, 
qui  n'ont  pas  été  chassés  lors  de  l'invasion  des  Wa-Yao  de  1860  et 
1861.  Ils  sont  tous,  hoomies,  femmes  et  enfants,  grands  fumeurs  de  chan- 


—  se- 
vré. Livingstone  est  le  seul  blanc  qui  soit  venu  dans  leur  voisinage.  Quel- 
que cordialque  lût  leur  accueil,  ilsn'en  conservaientpas  moins  des  soupçons 
sur  les  intentions  des  voyageurs,  auxquels  ils  refusèrent  soit  des  canots, 
pour  les  transporter  de  Tautre  côté  du  lac,  soit  des  guides,  pour  leur 
faire  &ire  par  terre  le  tour  de  son  extrémité  méridionale,  parce  que, 
disaieut-ils,  après  la  visite  de  Livingstone  au  lac,  l'eau  en  a  beaucoup 
diminué,  et  l'on  ne  pouvait  plus  avoir  de  poissons.  —  De  Chimombo,  les 
missionnaires  se  dirigèrent  vers  le  N.  0.,  le  long  de  la  rive  du  lac,  jus- 
qu'au village  du  chef  Malemya,  fameux  trafiquant  d'esclaves,  où  ils  virent 
plusieurs  Arabes  demi-caste,  et  une  grande  caravane  d'esclaves,  porteurs 
d'ivoire,  campée  dans  la  plaine.  Après  avoir  reconnu  toute  la  rive  S.  0. 
du  lac,  ils  revinrent  à  Blantyre. —  M.  Scott,  un  de  leurs  collègues  de 
cette  station,  a  fait  un  grand  vocabulaire  et  a  réuni  les  matériaux  d'une 
grammaire  de  la  langue  nganja  qui,  dit-0,  est  très  belle;  il  se  propose 
d'apprendre  encore  le  kijawa,  le  kipetou  et  le  kikounda,  dialectes 
parlés  dans  cette  région. 

Jusqu'ici  l'on  ignorait  que  le  Liessooto  eût  jamais  eu  de  grands 
pachydermes,  comme  les  autres  parties  de  l'Afrique.  Le  doute  n'est  plus 
possible  à  cet  égard.  D'après  une  lettre  de  M.  le  missionnaire  Ghristol  à 
l'un  de  nos  amis,  qui  a  bien  voulu  nous  la  communiquer,  un  Mo-Souto 
se  rendit,  à  la  fin  de  novembre,  au  Calédon,  pour  y  déterrer  une  racine 
d'arbre,  seul  vestige  de  la  végétation  d'autrefois.  Un  jour  il  vit  deux 
petites  pointes  surgir  de  terre,  et,  en  creusant,  il  trouva  une 
mâchoire  d'hippopotame.  M.  Dieterlen,  missionnaire  à  Hermon,  se  ren- 
dit auprès  de  lui  avec  M.  Ghristol,  et  obtint  qu'il  leur  cédât  sa  trouvaille, 
une  mâchoire  inférieure  armée  de  très  belles  défenses,  longues  et  bien 
relevées,  ainsi  que  les  os  du  bassin,  en  échange  d'un  sac  de  blé  indigène. 
Les  premiers  missionnaires  n'avaient  jamais  entendu  parler  de  la  pré- 
sence, à  aucune  époque,  d'hippopotames  dans  ce  pays.  Cette  découverte 
en  amènera  probablement  d'autres,  qui  permettront  de  reconstituer  la 
fauDe  éteinte. 

Quoique  les  agents  du  Comité  d'études  du  Haat-Con^^*  ne 

*  D'après  la  légende  de  la  carte  mentionnée  dans  ce  paragraphe,  et  lacircalaire 
qui  raccompagne,  nous  aurions  dû  dire  plutôt  :  les  agents  de  V Association  interna- 
tianaile  du  Congo;  mais  nos  lecteurs  ne  connaissant,  comme  nous  jusqu'ici,  que  le 
Comité  éPétudes,  nous  préférons  employer  cette  dernière  désignation.  Nous  regret- 
tons^ avec  VEaq>ort  de  Berlin,  que  ce  comité  change  si  sourent  de  titre  ;  en  effet 
c'est  tantôt  V Association  internationale  c^firicaine^  tantôt  V Association  imtemationak 
du  Congo,  on  encore  V  Œuvre  africaine  tout  court,  ce  qui  n'est  ni  clair,  ni  correct. 


—  81  — 

publient  pas  des  rapports  qui  nous  permettraient  de  suitre  en  détail  les 
progrès  de  Tœuvre  de  cette  Société  dans  TAfrique  équatoriale  occiden- 
tale, un  croquis  du  Congo,  de  TÉquateur  à  l'Océan,  et  de  la  vallée  du 
Niari-Quilou,  établi  h  l'aide  de  reconnaissances  exécutées  à  la  boussole 
de  poche  par  ses  explorateurs,  et  que  son  secrétaire  général,  M.  Straucb, 
a  bien  voulu  nous  envoyer,  nous  permet  de  nous  rendre  compte  assez 
exactement  de  l'état  actuel  de  cette  entreprise.  Vivi,  Isanghila,  Baynes- 
town,  Manyanga  et  Stanley-Pool  sont  à  peu  près  les  seuls  points  dont 
la  position  géographique  ait  été  déterminée  avec  une  approximation 
suffisante.  Toutefois  ce  croquis  peut  être  considéré  comme  moins  inexact 
et  un  peu  plus  complet  que  la  plupart  des  cartes  de  cette  partie  de 
l'Afrique.  Aux  stations  déjà  nommées  précédemment,  et  échelonnées  le 
long  du  fleuve,  de  Vivi  à  l'Equateur,  s'en  sont  ajoutées  quatre,  dont  deux 
sur  la  rive  méridionale  de  Stanley-Pool,  outre  l'ancienne  de  Léopoldville, 
et  deux  en  aval  de  Vivi  :  Moki  et  Ikungula,  vis-à-vis  l'une  de  l'autre, 
comme  pour  garder  le  passage.  D'autre  part  une  douzaine  de  stations 
ont  été  créées  le  long  du  Niari-Quilou,  deux  à  l'embouchure  de  la  rivière, 
une  en  amont  des  chutes  de  Mayombé,  et  quatre  situées  à  peu  près 
à  égale  distance  le  long  de  son  cours  moyen,  sous  les  noms  de  Franktown , 
Stanley-Niadi,  Stéphanie-ville  et  Philippe-ville.  C'est,  on  se  le  rappelle, 
la  voie  proposée  par  de  Brazza  pour  atteindre  le  plus  directement  Stanley- 
Pool  depuis  l'Atlantique.  Ne  pouvant  réclamer  l'honneur  de  la  décou- 
verte, le  Comité  d'études  paraît  avoir  voulu  pouvoir  se  présenter  comme 
premier  occupant.  En  outre,  il  a  étabU,  sur  les  deux  flancs  de  cette  série 
de  stations  quatre  postes,  trois  au  sud,  le  long  de  la  ligne  de  faîte  entre 
le  Niari  et  le  Tchiloango,  et  un  au  nord,  sur  un  des  afiiuents  du  Niari, 
les  plus  voisins  de  l'Ogôoué,  conune  pour  garantir  la  voie  principale  con- 
tre toute  tentative  de  l'en  déposséder.  Pour  reconnaître  le  pays  et  y  éta- 
blir les  stations,  il  a  fallu  des  explorations,  mais  la  carte  n'est  accom- 
pagnée d'aucun  texte  qui  puisse  nous  renseigner  à  cet  égard. 

Serons-nous  mieux  informés  lorsque  H.  JohnsUm  et  le  D' J.  Cha- 
vanne  seront  arrivés  sur  le  théâtre  de  leurs  prochaines  opérations.  C'est 
à  Johnston,  nos  lecteurs  s'en  souviennent,  que  l'on  a  dû  les  premiers 
détails  circonstanciés  des  dernières  découvertes  de  Stanley»  ainsi  que 
la  première  carte  indiquant  la  direction  exacte  des  deux  lacs  Léopold  II 
etMohumba  (IV*  année,  p.  301.)  Dse  propose  maintenant  d'explorer 
on  nouvel  affluent  du  Haut-Congo,  et  de  traverser  le  centre  du  conti- 
nent africain  de  manière  à  rejoindi*e  le  Nil.  M.  Van  de  Velde,  secrétaire 
de  l'Afisodation  internationale  du  Congo,  a  proposé  de  lui  adjoindre 


—  32  — 

M.  Francis  Newton,  qui  a  déjà  passé  une  année  en  Afirique,  oti  il  était 
chargé  d'une  mission  commerciiJe,  et  oii  il  a  fait  à  Tintérieur  plusieurs 
voyages,  d'où  il  a  rapporté  de  curieuses  études  sur  l'ethnologie  afri- 
came.  Quant  au  D'  J.  Ghavanne,  il  est  chargé  par  l'Institut  national  de 
géographie,  avec  l'appui  de  l'Association  internationale  du  Congo,  d'un 
voyage  d'exploration  dans  le  bassin  septentrional  du  Congo.  D'après 
les  MittheUungen  de  Qotha,  il  pense  pouvoir  atteindre,  de  Banana,  la 
vallée  du  Niari,  puis  pénétrer  le  plus  loin  possible  vers  le  nord,  pour 
explorer  la  ligne  de  partage  des  eaux  entre  le  Bénoué  et  le  Congo, 
après  quoi  il  se  dirigera  vers  l'Est,  pour  résoudre  enfin  la  question  de 
rOuellé  et  gagner  le  bassin  du  Nil.  Il  s'occupera  surtout  de  l'explora- 
tion géographique,  ainsi  que  d'études  et  de  collections  anthropologiques 
et  ethnographiques.  Les  précédents  travaux  de  Johnston,  comme  ceux 
duD'  Chavanne,  permettent  d'espérer  que  leurs  explorations  seront  des 
plus  fructueuses. 

Nous  ne  doutons  pas  que  Stanley,  avec  la  flotiUe  dont  il  dispose, 
n'en  fasse  d'utiles  et  intéressantes,  mais,  pour  le  moment,  le  monde  les 
ignore.  Il  en  fera  davantage  encore  lorsqu'il  aura  reçu  le  petit  steamer 
qui  porte  son  nom,  et  que  l'Association  internationale  africaine  a  fait 
construire  pour  lui  en  Angleterre. .  Ce  bateau  est  d'un  type  tout  nou- 
veau, car  il  est  fait  pour  la  navigation  fluviale  et  pour  les  transports  par 
terre.  Les  précédents  vapeurs  n'ont  pu  être  transportés  à  Stanley-Pool, 
que  par  une  armée  de  nègres  et  au  prix  de  sommes  énormes.  Celui- 
ci  est  formé  de  six  compartiments  étanches  qui  sont  tous  des  corps 
flottants,  que  l'on  sépare  ou  qui  composent  un  tout  à  volonté.  Mais 
comme  ces  compartiments  sont  de  dimensions  moyennes,  ils  deviennent, 
à  volonté,  des  caisses  de  chariots  qui  peuvent  circuler  sur  terre.  L'em- 
barcation sera  chargée  sur  un  navire  de  mer,  transportée  en  tranches  à 
Banana,  montée  pour  remonter  jusqu'à  Yivi,  où  s'arrête  la  navigation  ; 
en  ce  point  on  débarquera  la  machine,  et,  comme  la  coque  complète- 
ment vide  ne  cale  que  15  centimètres,  on  procédera  à  la  disjonction  des 
tranches,  puis  on  fixera  à  chacune  de  ces  tranches  quatre  grandes  roues 
en  acier  qui  en  feront  de  véritables  chariots.  On  suivra  la  route  de  terre 
jusqu'à  Isanghila,  oii  l'on  reconstruira  le  bateau  pour  remonter  à 
Manyanga,  d'où  l'on  reprendra  la  route  de  terre,  par  la  rive  gauche  du 
fleuve,  jusqu'à  Statiley-Pool.  Mais  l'on  croit  que  malgré  le  sectionne- 
ment de  la  coque,  il  ne  faudra  pas  moins  de  SOO  nègres,  pour  traîner  le 
Stanley  jusqu'au  Pool,  la  route  de  terre  étant  très  accidentée,  et  la 
traction  de  tels  poids  présentant  toujours  de  grandes  difficultés. 


—  33  — 

• 

Quoi  qu'il  en  soit  des  travaux  du  Comité  d'Etudes  du  Haut-Congo,  le 
nombre  des  voix  qui  demandent  la  libre  navigation  du  fleuve 

s'accroît  constamment  ;  celles  des  Américains  viennent  renforcer  celles 
des  Européens.  Dans  le  message  présidentiel  adressé  au  Congrès  de 
Washington,  se  trouve  une  déclaration,  dans  laquelle  les  États-Unis 
expriment  leur  résolution  de  ne  pas  se  désintéresser  de  l'activité  déployée 
au  Congo  par  l'Association  internationale  africaine.  Quoique  leurs  inté- 
rêts n'y  soient  pas  encore  directement  engagés,  il  peut  devenir  néces- 
saire qu'ils  coopèrent  avec  d'autres  puissances  commerciales,  pour  assu- 
rer les  droits  de  la  liberté  de  commerce  et  d'établissement  dans  la  vallée 
du  Congo,  sans  intervention  ni  contrôle  politique  d'aucun  État  particu- 
lier. De  son  côté  la  Chambre  de  commerce  de  New-York  a  adopté  une 
résolution  invitant  le  président  Arthur  à  nommer  une  commission,  qui 
serait  chargée  de  s'entendre  avec  l'Association  internationale  africaine, 
afin  d'obtenir,  pour  les  autres  pays,  la  liberté  commerciale  dont  les  Por- 
tugais cherchent  à  s'attribuer  le  monopole. 

Moins  considérables  que  ceux  des  agents  du  Comité  d'études,  les  pro- 
grès des  membres  de  l'expédition  de  Brazza  méritent  cependant 
d'être  signalés.  Après  avoir  remis  h  son  chef  le  commandement  des  sta- 
tions dont  celui-ci  l'avait  chargé,  M.  Miaéon  a  quitté  Franceville  pour 
se  rendre  à  la  côte,  par  une  voie  intermédiaire  à  celles  del'Ogôoué  et  du 
Quilou,  et  qui  aboutit  aux  lagunes  du  pays  de  Youmba.  Il  voulait  se  ren- 
dre compte  de  la  configuration  de  cette  contrée,  chercher  la  ligne  de 
fette  qui  sépare  le  bassin  de  l'Ogôoué  et  du  Nyanga  de  celui  du  Quilou- 
Niari,  enfin  étudier  les  productions  et  le  commerce  de  ces  pays,  et  s'as- 
surer s'il  n'y  avait  pas  une  route  praticable  partant  de  la  côte  et  se  diri- 
geant vers  le  nœud  géographique  d'oti  coulent  la  Passa  et  l'Alima. 
M.  Mizon  descendit  la  Passa,  puis  l'Ogôoué  jusqu'au  confluent  d,e  la 
Liboumbi,  afin  de  reconnaître  la  navigabilité  de  cette  rivière.  Il  s'est 
assuré  qu'elle  ne  peut  être  remontée  au  delà  du  point  où  elle  reçoit  la 
Licoco.  Le  10  septembre  il  se  trouvait  près  du  village  de  Ncando,  et  pou- 
vait apercevoir,  à  24  kilom.  environ,  le  point  oti  se  croisent  les  vallées 
de  la  Luété  et  du  Niari.  Avant  de  rejoindre  les  établissements  français 
il  a  traversé  une  série  de  montagnes  parallèles  h  la  côte  et  appartenant 
au  bassin  du  Quilou,  —  Quant  à  Savorg^nan  de  Brazza  lui-même, 
le  dernier  paquebot  du  Congo  annonce  qu'il  est  arrivé  sur  ce  fleuve  en 
amont  de  Bolobo,  station  de  Stanley  qu'il  a  trouvé  incendiée  par  les 
indigènes.  Il  est  ensuite  descendu  vers  Brazzaville,  après  avoir  rétabli 
l'ancien  ordre  de  choses  dans  les  États  de  Makoko, 


—  34  — 

Pendant  que  l'on  installait  dans  l'île  Mundalehla  station  de  l'expé- 
dition de  M.  Roifozinski,  celui-ci  a  fait  une  excursion  préliminaire,  pour 
étudier  le  pays  et  atteindre  Bakoundou,  derrière  les  monts  Gameroon. 
Le  meilleur  chemin  pour  cela  est  le  Rio-Mungo,  beau  et  large  fleuve,  qui 
arrose  le  pied  oriental  de  ce  massif  de  montagnes,  et  coule  rapidement 
entre  des  rives  hautes,  couvertes  d'une  végétation  luxuriante.  Avec  six 
Kroumen  et  un  guide  de  la  tribu  des  Desalla,  il  le  remonta  en  pirogue, 
en  en  faisant  le  relevé,  et  arriva,  le  cinquième  jour,  près  d'une  haute  berge, 
sur  la  rive  droite,  d'oii  part  un  sentier  indigène  qui  mène  à  Bakoundou. 
Il  espérait  trouver  là  la  clef  pour  pénétrer  dans  l'intérieur,  et  des  natifs 
convenables  conmie  porteurs  ;  son  espoir  ne  fut  pas  déçu.  Le  roiNam- 
beleh  II,  qui  n'avait  pris  le'  pouvoir  des  mains  de  son  père  que  quelques 
mois  auparavant,  parcourait  le  pays  pour  se  faire  reconnaître.  Son 
représentant,  Nammekao,  était  un  chef  d'une  quarantaine  d'années,  très 
intelligent,  avec  lequel  M.  Rogozinski  parlementa,  pour  obtenir  l'ouver- 
ture du  pays  aux  étrangers  et  la  libre  circulation.  Il  apprit  de  lui,  qu'au 
delà  de  Bakoundou  se  trouve  la  tribu  des  Ba-Farenyanya  qui  ont  des 
relations  au  Bayong,  pays  situé  à  quinze  jours  de  marche  à  l'Est  de 
Bakoundou,  et  dont  les  capitales  sont  Tountou  et  Pébot.  Muni  de  ces 
informations, il  revint  à  la  côte,  résolu  à  la  quitter  aussitôt  que  les  instal- 
lations de  rtle  Mundaleh  seraient  terminées.  Il  eu  repartit  en  effet  le  12 
août,  avec  un  de  ses  compagnons  de  voyage,  M.  Tomezek,  et  ils  arrivè- 
rent le  19  à  Bakoundou,  où  ils  établirent  leur  quartier  général.  Le  roi 
était  rentré  dans  sa  capitale.  Jeune  encore,  il  attache  une  grande  impor- 
tance à  la  venue  des  explorateurs,  dont  la  présence  le  rehausse  aux  yeux 
des  tribus  d'alentour.  M.  Rogozinski  obtint  de  lui  qu'il  ouvrît  le  pays 
aux  étrangers,  et  qu'il  leur  accordât  de  circuler  librement  dans  ses  États. 
Les  voyageurs  en  profitèrent  pour  parcourir  le  pays  ;  il  explorèrent  le 
Haut-Mungo,  et  atteignirent  la  grande  cataracte  de  Mungué,  dans  le  pays 
de  Kumbayi,  où  ils  virentpour  la  première  fois  des  Ba-Farenyanya.Les  élé- 
phants y  sont  tellement  nombreux,  qu'ils  inondent  littéralement  le  pays  ; 
en  allant  un  jour  à  Kumbayi  vers  leN.  E.,  la  caravane  de  M.  Rogozinski 
fat  attaquée  et  dispersée  par  une  bande  de  ces  pachydermes.  Outre  la 
cataracte  et  le  cours  du  Mungo,  les  explorateurs  ont  reconnu  un  grand 
lac  de  7  kilom.  de  diamètre,  le  Balombi-0-Mbou,  d'où  sort  le  Rio-del- 
Rey,  puis  un  autre  lac  nommé  le  Gango,  que  traverse  le  même  fleuve, 
enfin  un  long  et  large  affluent  du  Mungo,  le  petit  Mungo,  qui  forme  aussi 
une  cataracte  importante.  La  saison  des  pluies  finie,  M.  Rogozinski 
comptait  pouvoir  prendre  la  route  de  l'Est  dès  le  mois  de  novembre. 


—  35  — 

M.  Godfrey  Liayden  a  fait  récemment  à  Coamassie  un  voyage, 
sur  lequel  nous  extrayons  de  VAfrican  Times  les  détails  suivants.  Parti 
de  Cape  Coast  à  la  fin  d'octobre,  avec  25  porteurs,  il  dut  traverser  une 
forêt  très  épaisse,  dans  laquelle  la  route  était  obstruée  en  beaucoup  d'en- 
droits par  la  végétation,  ce  qui  obligeait  ses  hommes  à  se  frayer  un  pas- 
sage la  bâche  à  la  main.  A  100  kilom.  de  Coumassie,  il  dépêcha  deux  de 
ses  hommes,  pour  informer  le  roi  de  son  intention  de  lui  faire  visite.  A  son 
tour,  Quaqua-Duah  lui  envoya  deux  de  ses  fonctionnaires,  porteurs  de 
bâtons  dorés,  qui  l'introduisirent  dans  la  capitale;  puis  il  le  fit  venir  à  sa 
résidence,  et  le  reçut  entouré  de  ses  officiers,  s'informa  du  but  de  sa  visite 
qui  n'avait  qu'un  caractère  privé,  et  le  renvoya  sous  escorte  à  son  cam- 
pement, oii  le  roi  le  confina  six  jours,  pendant  lesquels  il  lui  fit  plusieurs 
visites.  Après  avoir  obtenu  sa  liberté,  M.  Layden  en  profita  pour  circuler, 
et  recueillir,  sur  le  pays  et  son  histoire,  tous  les  renseignements  qu'il  put 
se  procurer.  D  apprit  qu'un  grand  nombre  des  enfants  de  l'ex-roi  Koffi- 
Calcalli  ont  été  massacrés  ;  à  l'arrivée  de  M.  Layden,  l'ex-roi  était  dans 
un  vUlage  à  15  kilom,  de  la  capitale,  mais  au  départ  du  voyageur,  le 
monarque  déposé  avait  été  amené  près  de  Coumassie.  Les  Achantis 
prenant  M.  Layden  pour  un  espion,  comptaient  couper  la  tête  au  roi, 
si  les  Anglais  avaient  l'intention  de  le  faire  remonter  sur  le  trône.  Plu- 
sieurs chefe  du  voisinage  ont  pris  les  armes  contre  Quaqua-Duah,  qui  doit 
constamment  lutter  contre  eux.Iln'y  avait  alors  point  de  batailles  ran- 
gées, mais  le  pays  tout  entier  était  dans  un  état  voisin  de  l'anarchie,  et 
le  commerce  était  complètement  arrêté.  Deux  jours  après  l'arrivée  de 
M.  Layden,  la  sœur  du  prince  Ansah  mourut;  l'on  croyait  qu'il  y  aurait 
à  cette  occasion  un  sacrifice  humain  ;  la  coutume  en  subsiste  encore, 
quoique  sur  une  moins  grande  échelle  que  précédemment.  Pendant  son 
voyage,  M.  Layden  a  fait  d'importantes  collections  scientifiques,  et  a 
recueilli  de  précieux  spécimens  de  la  flore  et  de  la  faune  du  pays. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

MM.  de  Lesseps,  Rivers  et  Wilson,  s'étant  mis  d'accord  sur  tous  les  points  en 
discussion  dans  la  convention  avec  les  armateurs  anglais  relativement  au  canal  de 
Suez,  le  gouvernement  britannique  a  adressé  à  M.  de  Lesseps  une  lettre  approu- 
vant cette  convention,  et  exprimant  sa  vive  satisfaction  que  toute  cause  de  dissen- 
timent soit  ainsi  écartée. 

Le  D'  Stecker  a  rapporté  de  son  voyage  en  Abyssinie  et  dans  les  pays  voisins, 
de  précieuses  collections,  entre  autres  2000  plantes,  dont  un  grand  nombre  appar- 
tiennent au  Godjam,  province  dont  la  flore  était  peu  connue  jusqu'ici,  et  une  col- 


—  sé- 
lection anthropologique  d'une  grande  valeur,  qui  enrichira  le  musée  ethnographi- 
que de  Berlin. 

Le  comte  Antonelli  est  reparti  pour  Assab,  avec  une  mission  du  gouvernement 
italien. 

Le  ministère  français  de  la  marine  a  fait,  avec  la  direction  de  la  Compagnie  des 
steamers  de  l'Ouest,  un  contrat  pour  l'établissement  d'un  dépôt  de  charbon  et 
d'approvisionnements  à  Obock.  Il  a  en  outre  désigné  des  commissaires  chargés  de 
s'entendre  avec  les  délégués  du  gouvernement  égyptien  pour  la  délimitation  du  ter- 
ritoire de  cette  colonie. 

M.  Alfred  Bardey,  qui  a  séjourné  quatre  années  à  Harar,  Zeïla,Berbera  et  Aden, 
a  informé  la  Société  de  géographie  de  Paris  que,  dans  ce  moment  sa  maison,  de 
Harar  a  envoyé  plusieurs  expéditions  dans  le  pays  des  Bankali,  dans  le  bassin  de 
l'Haouasch,  et  au  Wabi,  par  l'Ogaden,  au  S.-E.  de  Harar,  et  par  l'Ënuya,  au  sud 
de  la  même  localité.  H  enverra  prochainement  un  rapport  sur  les  résultats  de  ces 
expéditions  et  une  carte  du  pays  des  Somali  et  des  Galla. 

Les  missionnaires  anglais  de  la  station  de  Kagueï,  près  du  Yictoria-Nyanza,  ont 
reçu  de  Lukongué,  roi  de  l'île  d'Ou-Eéréwé,  une  invitation  cordiale,  à  laquelle  ils 
comptaient  se  rendre  dès  que  leurs  bagages  seraient  arrivés  de  l'Ou-Ganda. 

M.  6.  Révoil  a  réussi  à  atteindre  le  Haut-Djouba  en  parfaite  santé. 

Mîrambo  s'efforce  de  constituer  un  peuple  avec  les  éléments  divers  des  tribus 
qui  habitent  ses  États.  Persuadé  que  l'instruction  donnerait  un  élément  de  grandeur 
et  de  vie  à  sa  nation,  il  insiste  pour  que  la  Société  de  Londres  lui  envoie  un  plus 
grand  nombre  de  missionnaires,  et  en  particulier  un  médecin  missionnaire. 

Serpa  Pinto  a  été  nommé  consul  portugais  à  Zanzibar. 

La  station  de  Karéma,  qui,  au  début,  coûtait  30,000  fr.  à  l'Association  interna- 
tionale africaine  est  arrivée  à] se  suf&reà  elle-même.  Les  300  personnes  qui  la  com- 
posent, réunies  sous  l'autorité  du  cHef,  M.  Storms,  trouvent  dans  les  produits  de 
leurs  cultures,  non  seulement  de  quoi  subvenir  à  leurs  besoins,  mais  encore  de  quoi 
faire  des  échanges. 

h*Antislavery  Reporter  ayant,  à  l'occasion  de  la  convention  conclue  entre  la 
France  et  le  Portugal,  qui  autorise  la  libre  sortie  des  travailleurs  engagés  librement 
pour  Mayotte  et  Nossy-Bé,  reproché  au  Portugal  de  favoriser  la  traite  au  profit 
de  la  France,  le  Mémorial  diplof}iatique  a  rappelé  que  cette  convention  a  été  rédi- 
gée dans  les  mêmes  termes  qu'une  autre  antérieurement  conclue  entre  le  Portugal 
et  l'Angleterre,  pour  permettre  aux  travailleurs  de  Mozambique  et  de  Lorenzo- 
Marquez  de  se  rendre  librement  à  Natal  ou  au  Cap. 

Les  missionnaires  vaudois  et  neuchâtelois  destinés  à  renforcer  les  stations  des 
Spelonken  et  du  Lessouto,  ont  quitté  la  Suisse  à  la  fin  de  janvier. 

Le  gouvernement  portugais  a  conclu  avec  M.  Mac  Murdo,  Américain,  un  con- 
trat pour  la  construction  du  chemin  de  fer,  de  Lorenzo-Marquez  à  la  frontière  du 
Transvaal. 

Un  gisement  de  houille  a  été  découvert  du  côté  occidental  des  monts  Lebombo, 
dans  le  Swaziland,  à  65  kilomètres  d'une  voie  navigable  peur  des  navires,  et  sur 


—  37  — 

une  étendue  de  plusieurs  centaines  de  milles  carrés.  Le  gisement  a  S*"  d'épaisseur; 
la  qualité  de  la  houille  en  est  bonne  pour  les  machines  à  vapeur. 

Sir  Barkly,  ex-gouverneur  de  la  colonie  du  Cap,  insiste  fortement  pour  que  le 
gouvernement  britannique  constitue  un  protectorat  sur  le  pays  des  Be-Cbuana, 
au  point  de  vue  de  la  civilisation  et  du  commerce,  celui-ci  étant  intéressé  à  garder 
ouverte  cette  route  vers  Pintérieur,  dont  le  trafic  est  estimé  à  plus  de  2,500,000  fr. 
annuellement. 

•  Le  I)'  Holub  est  arrivé  à  Ca^etown  à  la  fin  de  décembre,  avec  six  artisans  euro- 
péens, anciens  soldats,  qui  ont  obtenu  du  gouvernement  autrichien  Tautorisation 
de  le  suivre  dans  sa  nouvelle  exploration. 

Le  Bchconer  Meta,  appartenant  à  M.  Lûderitz,  fera  régulièrement  le  service  entre 
Angra-Pequena  et  Capetown.  D'après  le  témoignage  des  missionnaires  rhénans, 
l'entreprise  de  M.  Lûderitz  ne  nuit  en  aucune  manière  à  leur  œuvre.  Un  grand 
nombre  d'indigènes  sont  occupés  à  la  construction  des  magasins,  au  transport  des 
marchandises,  etc.  ;  depuis  l'installation  des  nouveaux  établissements,  le  commerce 
des  bestiaux  s'est  beaucoup  développé.  Jusqu'ici  la  maison  Lûderitz  n'a  importé 
dans  le  pays  ni  eau-de-vie,  ni  aucun  spiritueux  quelconque. 

M.  le  D""  Passavant  a  dû  partir  à  la  fin  de  janvii^r  pour  les  Cameroon.  Il  compte 
prendre  à  Monrovia  des  Wyhboys  avec  lesquels  il  remontera  la  rivière  Cameroon, 
pour  dépasser  la  chaîne  de  montagnes  qui  court  parallèlement  à  la  c6to  ;  il  y  pas- 
sera la  saison  des  pluies  ;  et  s'avancera  ensuite  le  plus  vite  possible  dans  la  direc- 
tion de  l'Est. 

M.  P.  Dahse,  concessionnaire  de  mines  d'or  à  Wassaw,  est  reparti  pour  la  Côte 
d'Or,  où  il  va  diriger  l'exploitation  d'un  gisement  d'étain,  pour  le  compte  d'une 
compagnie  anglaise. 

Par  décret  du  président  de  la  République  française,  les  comptoirs  de  6rand-Bas- 
sam  et  d'Assinie,  qui  prennent  chaque  année  plus  d'importance  et  réclament  la 
présence  d'un  fonctionnaire  spécial,  ont  été  placés,  avec  tous  les  établissements 
français  de  la  Côte  d'Or^  sous  l'autorité  du  commandant  du  Gabon,  qui  portera 
désormais  le  titre  de  commandant  supérieur  des  établissements  français  du  golfe 
de  Guinée. 

Le  colonel  Bourdiaux,  gouverneur  par  intérim  du  Sénégal,  a  conclu  avec  le  chef 
Moussa-Malo,  de  Firdou,  sur  la  Cazamance,  un  traité  d'amitié  et  de  commerce,  qui, 
tout  en  laissant  aux  indigènes  leur  indépendance,  les  place  sous  le  protectorat  de 
la  France,  et  assure  aux  commerçants  français  de  grands  avantages  dans'  les  bas- 
sins supérieurs  de  la  Gambie  et  de  la  Cazamance. 

Les  dépêches  du  Haut-Sénégal  rapportent  que  la  partie  de  la  voie  ferrée  con- 
struite dans  la  campagne  1882-1883,  a  parfaitement  résisté  aux  pluies  de  l'hiver- 
nage et  qu'elle  est  en  excellent  état. 

Le  chérif  de  Ouazzan,  parent  du  sultan  du  Maroc,  et  chef  spirituel  de  l'Islam 
dans  l'Afrique  septentrionale,  a  sollicité  du  ministre  de  France  au  Maroc  sa  pro- 
tection offîcielle  pour  sa  personne,  sa  famille  et  ses  biens,  et  s'est  fait  naturaliser 
français. 


—  38  — 
LES  LANGUES  MODERNES  DE  L'AFRIQUE 

D'après  M.  R.-N.  Cust. 

Le  tableau  d'ensemble  des  langues  de  l'Afrique  présenté  par  M.  R.-N. 
Cust,  à  la  Société  des  Arts  de  Londres  en  1881,  et  dont  nous  avons 
donné  un  résumé  (III*  année,  p.  30),  et  la  Notice  du  même  auteur  suç 
les  écrivains  qui  ont  contribué  à  l'extension  de  notre  connaissance  des 
langues  africaines,  n'étaient  que  les  prémices  d'une  œuvre  beaucoup 
plus  importante  *,  et  d'une  utilité  infiniment  plus  grande  pour  tous  ceux 
qui,  de  près  ou  de  loin,  s'intéressent  à  l'exploration  et  à  la  civilisation  de 
l'Afrique,  sans  parler  de  l'intérêt  qu'elle  ne  peut  manquer  d'avoir  pour 
ceux  qui  ne  veulent  ignorer  aucun  des  phénomènes  relatifis  au  dévelop- 
pement de  l'humanité  dans  les  différentes  parties  du  globe. 

Sans  doute  les  explorateurs  peuvent,  à  l'aide  d'interprètes,  poursuivre 
leurs  voyages  de  découvertes,  sans  connaître  eux-mêmes  les  langues  par- 
lées dans  les  régions  qu'ils  étudient.  M.  Cust  fait  remarquer  en  effet 
qu'il  n'a  jamais  entendu  parler  de  voyageurs  empêchés  de  communi- 
quer directement  ou  indirectement  avec  les  indigènes,  et  que  des  explo- 
rateurs africains,  tels  que  Duncan  à  la  côte  occidentale,  Thomson  à 
l'est,  et  les  grands  chasseurs  dans  l'Afrique  australe,  racontent  des 
conversations  avec  les  chefe  et  avec  les  indigènes  de  territoires  très  éloi- 
gnés de  leur  point  de  départ.  Comment  faisaient-ils  ?  Ils  avaient  proba- 
blement à  leur  service  quelqu'un  de  ces  interprètes  dont  parle  M.  Cust, 
connaissant  plusieurs  langues,  et  qui  abondent  en  Afrique.  L'auteur 
signale  dans  son  introduction,  comme  trait  particulier  à  ce  continent,  le 
fait  que  partout  la  présence  d'esclaves,  de  tribus  nomades,  ou  vivant 
dans  les  forêts,  et  de  bandes  de  maraudeurs,  semble  avoir  eu  pour  résul- 
tat la  coexistence  d'une  pluralité  de  langues.  Les  récits  des  voyageurs 
fournissent  des  exemples  frappants  d'Africains  polyglottes  :  Mtesa  parle 
six  langues,  le  nyoro,  le  ganda,  le  souahéli, le  soga,  le  zoulou  et  l'arabe; 
un  chef  ma-koua  en  parle  cinq  ;  Grant  mentionne  la  présence  à  Kara- 
goué  d'un  trafiquant,  originaire  de  l'Inde,  qui  pouvait  faire  la  conver- 
sation au  moins  dans  dix  langues  africaines  différentes  ;  et  Livingstone 
parle  d'un  chasseur  d'éléphants,  portugais,  demi-caste,  qui  parlait  une 
douzaine  de  dialectes.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  la  connaissance  des 

^  A  sketch  of  the  moderne  languages  of  Africa.  Accompanied  by  a  Language- 
Map,  by  Robert  Needham  Cust.  London  (ïrûbner  and  C»),  1883,  2  vol.  in-8. 


—  39  — 

langues  de  la  région  à  explorer  ne  peut  qu'être  extrêmement  utile  aux 
Yoyageurs,  en  les  dispensant  de  Taccompagnement  dHntei-prètes,  et  en 
leur  permettant  de  s'entretenir  toujours  directement  avec  guides,  por- 
teurs, ou  natifs  de  l'intérieur. 

Toutefois,  si  cette  connaissance  ne  leur  est  pas  indispensable  à  eux, 
elle  est  d'une  nécessité  absolue  à  ceux  qui  s'établissent  au  milieu  des 
indigènes  pour  les  tirer  de  l'ignorance  et  de  la  barbarie  dans  lesquelles 
ils  sont  plongés,  afin  de  les  instruire  et  de  leur  communiquer  les  bien- 
faits de  la  civilisation.  Gomment  les  innombrables  tribus  de  cet  immense 
continent  pourraient-elles  progresser,  si  on  ne  leur  parle  ?  Mais  pour 
leur  parler,  il  faut  qu'il  y  ait  des  hommes,  capables  d'exercer  au  milieu 
d'elles  les  arts  de  la  paix,  qui  possèdent  leurs  langues  ;  pour  cela  il  faut 
que  ces  langues  aient  été  étudiées  et  mises  par  écrit,  et  qu'une  littéra- 
ture, tout  au  moins  les  éléments  d'une  littérature  :  vocabulaires,  gram- 
maires, dictionnaires,  spécimens  des  phrases  les  plus  usitées  ou  de 
récits,  aient  été  créés,  pour  former  les  matériaux  de  l'enseignement  à 
donner  à  ceux  qui  veulent  se  vouer  au  relèvement  des  indigènes.  Les 
grands  voyageurs,  Barth,  Duveyrier,  Livingstone,  Stanley,  Nachtigal, 
Schweinfurth,  etc.,  y  ont  contribué  pour  leur  part,  en  rapportant  des 
vocabulaires  assez  étendus  des  langues  des  tribus  visitées  par  eux  ;  mais 
jusqu'ici,  ce  sont  essentiellement  les  missionnaires  établis  sur  tous  les 
points  de  la  périphérie  du  continent,  ou  déjà  un  peu  en  avant  dans  l'in- 
térieur, qui  ont  pu  étudier  les  langues  des  peuplades  au  milieu  des- 
quelles ils  vivent,  de  manière  aies  mettre  par  écrit,  à  en  rédiger  la 
grammaire,  h  traduire  dans  ces  langues  quelques  parties  de  l'Ancien 
ou  du  Nouveau  Testament,  pour  quelques-unçs  la  Bible  tout  entière,  à 
composer  des  livres  d'école  ou  de  culte,  et  h  permettre  aux  sociétés 
dont  ils  relèvent  de  les  faire  imprimer,  pour  pouvoir  les  mettre  entre  les 
mains  de  ceux  qu'ils  veulent  instruire  et  relever. 

Voyageurs,  missionnaires  et  sociétés  poursuivent  leurs  travaux  sépa- 
rément ;  ceux-là  découvrent  incessamment  de  nouvelles  tribus,  parfois 
très  petites,  très  voisines  les  unes  des  autres,  et  cependant  différentes 
et  parlant  des  langues  diverses  ;  Lenz  a  trouvé,  par  exemple,  dans 
l'Afrique  occidentale,  dans  un  espace  de  trois  milles  carrés,  quatre  tri- 
bus distinctes,  ne  comptant  que  200  individus,  parlant  des  langues 
entièrement  différentes.  Un  seul  fait  poun'a  donner  une  idée  de  la  mul- 
tiplicité des  idiomes  africains.  Dans  sa  Polyglotta  africana,  Kœlle  a 
recueilli,  à  Sierra  Leone,  de  la  bouche  d'esclaves  libérés,  deux  cents 
vocabulaires  de  di<alectes  appartenant  à  soixante  langues. 


—  40  — 

A  mesure  que  les  parties  encore  inconnues  du  continent  seront  décou- 
vertes, de  nouvelles  tribus,  parlant  des  langues  ignorées  jusqu'au 
moment  oîi  M.  Cust  a  posé  la  plume,  nous  seront  révélées.  Ce  sera  la 
tâche  de  la  génération  à  venir  d'en  faire  le  dénombrement  et  de  les 
classer,  en  assignant  à  chacune  d'elles,  dans  la  carte  des  langues  de 
l'Afrique,  la  place  que  lui  auront  marquée  les  récits  des  explorateurs. 

En  attendant,  le  nombre  de  celles  dont  on  connaît  positivement  l'exis- 
tence et  le  pays  oîi  elles  sont  parlées  est  assez  considérable,  pour  qu'un 
travail  de  concentration  et  de  classification  méthodique,  accompagné 
d'une  carte  dressée  avec  le  plus  grand  soin,  ait  été  rédigé  et  publié, 
afin  de  fournir  aux  savants  à  venir  une  base  solide,  qui  leur  permette  de 
s'avancer  d'un  pas  sûr  dans  la  voie  du  progrès.  Personne  n'était  mieux 
placé  que  M.  Cust  pour  s'acquitter  d'une  semblable  tâche,  à  laquelle 
l'avaient  préparé  un  travail  analogue  sur  les  Langues  modernes  de 
VInde,  et  ses  fonctions  de  secrétaire  honoraire  de  la  Société  royale  asia- 
tique, de  membre  du  comité  de  la  Société  royale  de  géographie  de  Lon- 
dres, du  comité  de  la  Société  des  missions  anglicanes,  de  celui  de  la 
Société  biblique  britannique  et  étrangère,  ainsi  que  du  comité  de  traduc- 
tion de  la  Société  pour  le  progrès  des  connaissances  chrétiennes,  con- 
stamment occupé  de  la  question  des  langues  de  l'Afrique.  Aussi  crut-il 
de  son  devoir  de  combler  la  lacune  qui  existait  dans  les  grands  ouvrages 
de  Max  Mtiller  :  Lecture  on  the  Science  of  Language,  et  de  Whitney  : 
Language  and  the  study  of  Language,  ouvrages  très  importants,  trai- 
tant soi-disant  de  la  matière  du  langage  dans  sa  totalité,  mais  oii  les 
langues  et  les  dialectes  de  l'Afrique  ont  été  oubliés,  quoiqu'ils  présen- 
tent des  phénomènes  remarquables  et  uniques. 

Pour  rassembler  tous  les  documents  dont  il  avait  besoin,  sur  les  lan- 
gues de  tribus  dont  l'existence  est  certaine  et  le  pays  connu,  M.  Cust 
étudia  tout  ce  qui  avait  été  écrit  par  ses  prédécesseurs,  et  dépouilla 
les  nombreuses  publications  scientifiques  et  missionnaires  reçues  par  les 
Sociétés  dont  il  fait  partie  ;  il  correspondit  avec  des  amis  dans  tous  les 
États  d'Europe,  d'Afrique  et  d'Amérique,  et  surtout  avec  les  voyageurs 
africains  de  toutes  nationalités,  et  avec  les  missionnaires,  revenus  en 
Europe  ou  encore  à  l'œuvre  dans  leurs  différents  champs  de  travail  ;  il 
visita  les  grandes  bibliothèques  de  Londres,  Paris,  Berlin,  Vienne,  Rome, 
et  se  rendit  même  parfois  en  Afrique  pour  obtenir,  sur  les  lieux  mêmes, 
les  renseignements  dont  il  avait  besoin;  en  un  mot  il  n'épargna  ni  soins, 
ni  temps,  ni  argent,  pour  arriver  à  la  certitude,  au  sujet  des  données 
qu'il  voulait  centraliser  aussi  complètes  que  possible  sur  cet  important 
sujet. 


—  41  — 

Les  matériaux  ainsi  recueillis  formaient  une  masse  énorme  de  docu- 
ments; les  plus  élémentaires  comme  les  plus  savants  :  alphabets,  chif- 
fres, vocabulaires,  les  uns  de  quelques  mots  seulement,  les  autres  de 
dizaines  de  milliers  de  mots,  notes  grammaticales,  grammaires  spécia- 
les et  grammaires  comparées,  dictionnaires,  simples  phrases,  traduc- 
tions, etc.,  etc.,  avaient  afflué  eu  quantité  si  considérable  que  la  seule 
pensée  en  donne  le  vertige. 

Dans  ce  fouillis  de  documents,  il  fallait  introduire  Tordre,  sous  peine 
de  n'avoir  créé  qu'un  chaos  informe.  Heureusement  l'esprit  méthodi- 
que de  M.  Cust  et  la  lucidité  de  son  inteUigence  ont  réussi  à  y  répan- 
dre la  lumière,  par  une  classification  judicieuse,  résultat  d'un  examen 
approfondi.  Sachant  que  des  ressemblances  extérieures  dans  la  compo- 
sition des  mots  pourraient  faire  croire  à  une  parenté  des  langues  aux- 
quelles ils  appartiennent,  tandis  qu'en  réalité  leur  origine  est  différente, 
il  a  cherché,  sous  la  forme  des  mots,  l'esprit  ou  le  génie  de  la  langue, 
et  les  principes  sur  lesquels  elle  repose,  et  a  dépouillé  la  racine  des  mots 
des  préfixes  et  des  suffixes  qui  y  ont  été  ajoutés,  afin  d'arriver  à  la  con- 
naissance des  procédés  employés  pour  les  composer,  ou  pour  les  mettre 
en  rapport  les  uns  avec  les  autres.  Ce  n'est  qu'après  un  examen  sérieux 
et  souvent  très  minutieux  qu'il  s'est  décidé  à  rattacher  les  591  langues 
et  dialectes,  dont  l'existeuce  est  hors  de  doute  et  qui  sont  parlées  par 
des  indigènes  ayant  un  habitat  dont  les  limites  ont  pu  être  tracées 
d'une  manière  précise,  aux  six  grandes  familles  dont  nous  avons  parlé 
(III"*  année,  p.  30),  sémite,  chamite,  nubieone-foulah,  nègre  propre- 
ment dite,  bantou,  hottentote  et  bushmen.  Dans  le  nombre  indiqué  ci- 
dessus  ne  sont  comprises  que  les  langues  du  continent  et  des  îles  qui  s'y 
rattachent  positivement  ;  celles  de  Madagascar  appartenant  à  la  famille 
des  langues  malaies,  ainsi  que  ceUes  de  Sainte-Hélène,  de  l'Ascension, 
de  Tristan  d'Acunha  n'y  sont  pas  comprises,  non  plus  que  les  langues 
qui  ont  pu  être  parlées  autrefois  dans  le  nord  de  l'Afrique  :  l'égyptien, 
le  latin,  le  phénicien,  etc.,  ou  celles  de  tribus  naguère  vivantes,  mais 
éteintes  aujourd'hui  ;  non  plus  encore  que  celles  qui  sont  p^Kiculières 
aux  colonies  européennes  des  côtes  africaines  ;  non  plus  enfin  que  celles 
dont  on  a  pu  entendre  parler,  mais  dont  la  tribu  n'a  encore  été  visitée 
par  aucun  explorateur  ou  missionnaire  capable  de  recueillir  sur  elle  des 
renseignements  suffisamment  précis. 

Les  591  langues  et  dialectes  africains  reconnus  par  M.  Cust  se  grou- 
pent ainsi  dans  les  six  familles  susmentionnées  : 


—  42  — 

V  Sémite 10  langues,  9  dialectes,  total  19 

2*  Chamite 29        »  27        »  »  56 

3"*.  Nubienne-Foulah 17        »  7        »  »  24 

4"  Nègre 195        »  49        »  »  244 

5*^  Bantou 168        »  55        »  »  223 

6"  HottentoteetBushmen.  19        »  6_     »  »  25 

438  langues,  153  dialectes,     total   591 

Il  va  sans  dire  que,  malgré  le  soin  que  M.  Cust  a  appoité  dans  Texa- 
men  de  chacun  de  ces  idiomes,  pour  lui  assigner  sa  vraie  place  dans 
sa  classification,  ainsi  qu'à  la  préparation  de  la  carte  dressée  par 
M.  Ravenstein,  le  savant  cartographe  chargé  par  la  Société  royale  de 
géographie  de  Londres  de  construire  la  grande  carte  de  T Afrique  équa- 
toriale,  il  n'est  pas  encore  possible,  au  point  oii  en  sont  nos  connaissan- 
ces, de  dire  d'une  manière  certaine  :  tel  dialecte  appartient  indubitable- 
ment à  tel  ou  tel  groupe.  M.  Cust  est  le  premier  à  reconnaître  que, 
pour  plusieurs,  sa  classification  est  provisoire,  et  à  appeler  de  ses  vœux 
des  travaux  ultérieurs,  dussent-ils  l'obliger  à  modifier  tant  soit  peu  ses 
divisions  et  ses  subdivisions,  ou  tout  au  moins  leur  contenu. 

L'on  peut  admettre  cependant  que  les  modifications  qui  pourront  y 
être  apportées  seront  très  peu  considérables,  car  il  n'a  procédé  à  sa 
classification  et  à  l'inscription  des  noms  sur  sa  carte,  qu'appuyé,  d'un 
cOté,  sur  des  faits  linguistiques  reconnus,  et  de  l'autre,  sur  des  faits  géo- 
graphiques constatés,  n'admettant  jamais  comme  établie  l'existence 
d'une  langue,  à  moins  qu'il  ne  pût  indiquer,  sur  la  carte,  le  pays  oti  elle 
est  parlée,  en  s'aidant  pour  cela  des  documents  cartographiques  les 
meilleurs,  et  des  indications  des  écrivains  les  plus  autorisés.  Il  a  ainsi 
évité,  autant  que  possible,  les  chances  d'erreur,  et  a  indiqué  d'avance 
les  points  sur  lesquels  pourront  porter  les  modifications.  C'est,  d'après 
lui,  dans  la  famille  des  langues  bushmen,  que  pourront  se  produire  les 
changements  les  plus  sensibles. 

Il  a  groupé  autour  de  cette  famille,  vu  la  petite  taille  des  individus 
qui  la  composent,  toutes  les  peuplades  pygmées  signalées  jusqu'ici  sur 
la  surface  du  continent  africain:  obongo,  akka,  bakké-bakké,  doko, 
mdidikimo  et  toua,  quelque  disséminées  qu'elles  soient,  de  l'ouest  à 
l'est  et  du  nord  au  sud,  parce  qu'il  n'aurait  pas  su  à  quelle  famille 
les  rattacher  au  point  de  vue  linguistique.  Sans  doute  leur  situation 
géographique  est  bien  déterminée  :  les  Akka  habitent  chez  les  Mom- 
bouttou,  dans  le  bassin  de  l'OueUé  ;  les  Obongo,  dans  celui  du  Gabon  ; 
les  Bakké-Bakké,  sur  la  côte  du  Loango  ;  les  Doko,  au  sud  de  TAbys- 


—  43  — 

binie  ;  les  Mdidikimo,  à  Touest  des  monts  Ngourou,  sur  la  route  de 
Zanzibar  à  TOu-Nyanvembé,  et  les  Toua,  au  confluent  de  la  Roumami 
et  du  Loualaba.  Mais,  à  part  la  langue  des  Akka,  dont  Tabbé  Beltrame 
a  publié,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  italienne  de  géographie,  un  voca- 
bulaire et  des  spécimens  des  phrases  usuelles,  d'après  ce  qu'il  avait  pu 
apprendre  des  deux  Akka  ramenés  à  Vérone  par  Miani,  on  ignore  jus- 
qu'ici les  langues  des  autres  peuplades  pygmées.  L'étude  seule  pourra 
leur  assigner  leur  vraie  place. 

Nous  ne  répéterons  pas  ici  ce  que  nous  avons  dit  (in*  année,  p.  30), 
des  traits  qui  caractérisent  et  distinguent  les  langues  de  ces  six  ûmilles. 
Mais  nous  ferons  remarquer,  à  propos  du  nombre  considérable  des  lan- 
gues et  des  dialectes  des  familles  nègre  et  bantou,  d'après  Prichard, 
ethnologiste  expérimenté  et  d'un  esprit  juste,  qu'on  croyait  d'abord  les 
langues  africaines  innombrables  et  sans  rapports  les  unes  avec  les 
autres,  mais  qu'à  mesure  qu'on  les  a  examinées  de  près,  le  nombre  s'en 
est  réduit  graduellement,  et  que  l'on  a  trouvé,  pour  un  nombre  de  lan- 
gues relativement  petit,  une  infinité  de  dialectes. 

D'ailleurs,  malgré  les  diversités  qui  les  distinguent,  il  y  a  entre  elles 
certaines  affinités,  qui  permettent  aux  voyageurs  de  traverser,  sans  trop 
de  difficultés,  de  vastes  territoires  habités  par  des  tribus  différentes.  On 
sait  que  Livingstone,  parti  de  Kolobeng,  se  dirigea  vers  le  nord  et 
atteignit  le  Zambèze  près  de  son  confluent  avec  le  Chobé,  d'où  il  se 
rendit  à  la  côte  de  l'Angola,  pour  revenir  ensuite  à  son  point  de  départ 
et  atteindre  de  là  Quilimane;  il  ne  paraît  pas  avoir  jamais  eu  de  difficulté 
à  s'entretenir  en  langue  chuaua  avec  les  indigènes  de  cet  immense  ter- 
ritoire de  l'Atlantique  à  l'Océan  indien,  quoique  souvent  les  guides  lui 
manquassent  et  qu'il  dût  se  diriger  au  moyen  de  la  boussole.  Si  l'on 
compare  des  langues  de  points  extrêmes,  celle  des  Xosa,  par  exemple, 
dans  la  Cafrerie,  avec  celle  des  tribus  de  l'équateur,  il  va  sans  dire  qu'il 
est  difficile  de  reconnaître  qu'elles  appartiennent  à  la  même  famille  ; 
mais  si  l'on  examine  les  racines  des  mots  de  chaque  langue,  ou  s'aper- 
çoit que  les  différences  se  fondent  les  unes  dans  les  autres,  de  telle  sorte 
que  l'on  doit  reconnaître  entre  elles  une  parenté  réelle.  Livingstone 
affirme  que  le  langage  de  Teté,  sur  le  Zambèze  moyen,  ressemble  beau- 
coup à  celui  de  l'Angola,  et  il  ajoute  qu'en  passant  d'une  tribu  à  une 
autre,  il  n'est  nécessaire  de  connaître  qu'une  seule  langue,  les  interprè- 
tes étant  faciles  à  trouver. 

On  se  représente  souvent  les  langues  des  familles  nègre  et  bantou 
comme  très  pauvres  ;  mais,  ainsi  que  le  fait  remarquer  M.  Cust,  après 


—  44  — 

Livingstone,  cette  opinion  n'est  bien  souvent,  chez  celui  qui  Texprime, 
que  la  preuve  d'un  esprit  d'une  faible  portée.  En  effet,  pour  ne  parler 
que  des  langues  de  la  famille  bantou,  employées  par  des  millions  d'Afri- 
cains, de  la  Cafrerie  au  golfe  de  Guinée,  a  elles  sont  »  dit  M.  Cust, 
«  excessivement  riches.  Chaque  monticule,  colline,  montagne  ou  pic  a  un 
nom,  ainsi  que  chaque  cours  d'eau,  chaque  vallon,  chaque  plaine;  dis- 
cuter le  sens  de  ces  noms  prendrait  une  vie  d'homme.  Ce  n'est  pas  la 
disette,  mais  la  surabondance  de  noms  qui  induit  en  erreur  les  voya- 
geurs. La  plénitude  du  langage  est  teUe,  qu'il  y  a  des  vingtaines  de 
mots  pour  marquer  les  variétés  de  la  marche,  de  la  flânerie,  de  la  fanfa- 
ronnade ;  chaque  mode  de  marche  est  exprimé  par  un  mot  spécial. 
Boyce  et  Appleyard,  versés  dans  la  connaissance  des  langues  de  la  bran- 
che méridionale  du  groupe  bantou,  J.-L.  Wilson  qui  avait  étudié  spécia- 
lement celles  de  la  branche  occidentale,  Erapf  et  Steere  qui  s'étaient 
voués  à  celles  de  la  branche  orientale,  sont  unanimes  à  en  louer  la 
beauté*et  la  puissance  plastique.  J.-L.  Wilson,  en  particulier  remarque 
qu'elles  sont  douces,  souples,  flexibles  à  un  degré  presque  illimité  ;  que 
leurs  principes  grammaticaux  sont  fondés  sur  une  base  très  systémati- 
que et  philosophique,  et  que  le  nombre  de  leurs  mots  peut  être  aug- 
menté presque  à  l'infini  ;  elles  peuvent  exprimer  les  nuances  les  plus 
délicates  de  la  pensée  et  du  sentiment,  et  il  n'y  a  peut-être  pas  d'autres 
langues  au  monde  qui  aient  un  caractère  plus  déterminé  et  plus  de  pré- 
cision dans  l'expression.  » 

Quelque  ignorants,  superstitieux,  vicieux  même  et  infortunés,  que 
puissent  être  les  possesseurs  d'un  semblable  trésor,  celui-ci  demeure 
comme  un  témoignage  qui  atteste  leur  origine  supérieure.  Si,  dans  leurs 
ténèbres  et  leurs  misères  actuelles,  ils  savent  s'en  servir  de  manière  à 
étonner  ceux  qui  les  entendent,  que  sera-ce  lorsqu'ils  auront  reçu  des 
blancs,  par  ce  moyen  de  communication,  la  civilisation  sous  sa  forme  la 
plus  haute,  mais  aussi  la  plus  humaine.  Dans  la  bouche  d'hommes  rele- 
vés et  instruits,  ces  langues  deviendront,  nous  n'en  doutons  pas,  le 
meilleur  moyen  de  propagation  des  pensées  les  plus  nobles,  pour  le  bien 
de  toutes  les  tribus  africaines. 

En  attendant,  ceux  qui  se  préparent  à  travailler  au  relèvement  des 
indigènes  de  l'Afrique,  doivent  être  extrêmement  reconnaissants  envers 
M.  Cust,  de  leur  avoir  fourni  le  moyen  de  s'orienter  facilement  dans  ce 
dédale  de  langues  diverses,  en  joignant,  à  la  carte  qui  accompagne  le 
texte  de  son  ouvrage,  des  appendices  renfermant  des  tableaux  biblio- 
graphiques des  langues,  des  dialectes,  des  localités  et  des  autorités 


—  45  — 

citées,  avec  des  index  alphabétiques  de  différentes  sortes,  extrêmement 
précieux  pour  la  consultation  de  ces  deux  volumes. 

On  le  voit,  l'auteur  n'a  rien  Ifégligé  pour  que  son  œuvre  fût  en  même 
temps  la  meilleure  et  la  plus  utile.  Nous  n'avons  cependant  parlé  jus- 
qu'ici que  de  ce  que  nous  pourrions  appeler  le  mérite  intellectuel  de 
Touvrage,  Tordre  dans  l'abondance  des  matériaux,  la  justesse  des  vues 
et  la  sagacité  des  observations.  Nous  nous  reprocherions  de  ne  pas  rele- 
ver un  trait  particulier  qui  ôte  à  ces  volumes,  semés  d'indications  biblio- 
graphiques, quoique  l'auteur  ait  éliminé  du  bas  des  pages  toute  espèce 
dénotes,  et  où  les  divisions  et  .les  subdivisions  abondent,  toute  l'aridité 
qu'un  pareil  sujet  semblait  devoir  entraîner  nécessairement  avec  lui,  et 
qui  leur  donne  au  contraire  un  grand  charme.  Nous  voulons  parler  du 
sentiment  d'atFection  que  respirent  ces  pages  pour  tous  ceux  qui  ont 
fourni  à  M.  Cust  la  possibilité  de  les  écrire,  et  dont  il  a  eu  soin  de  pla- 
cer les  photographies  en  tête  de  son  premier  volume,  eu  donnant  une 
place  à  part  au  premier  évêque  noir,  Samuel  Crowther,  l'apôtre  du 
Niger,  auquel  il  devait  une  carte  des  langues  du  bassin  de  ce  fleuve  et 
beaucoup  de  renseignements  sur  les  tribus  qui  l'habitent  ; —  de  la  recon- 
naissance de  l'auteur  pour  tous  les  explorateurs  et  les  [missionnaires  qui 
travaillent  à  faire  mieux  connaître  les  innombrables  tribus  de  cet  immense 
continent  et  leurs  langues, —  et  surtout  de  l'amour  qu'il  a  voué  à  ceux  en 
laveur  desquels  ce  travail  s'accomplit.  On  sent  que  chez  l'écrivain  le 
cœur  est  aussi  grand  que  la  pensée  est  élevée  ;  on  est  touché  des  adieux 
émus  qu'il  adresse  à  chacun  des  grands  voyageurs  ou  missionnaires  qui 
lui  ont  servi  de  guides  dans  l'étude  de  telle  ou  telle  partie  de  son  vaste 
sujet  et,  dans  le  bel  ouvrage  qu'il  vient  de  publier,  on  admire  surtout 
la  bonne  œuvre  d'une  âme  ingénieuse  dans  son  dévouement  pour  les  plus 
déshérités  de  l'humanité,  et  pour  ceux  qui  s'efforcent  de  les  enrichir  de 
tous  les  bienfaits  de  la  civilisation. 


CORRESPONDANCE 

Londres,  12  janvier  1864. 
Cher  Monsieur, 

L'intérêt  que  je  porte  à  V Afrique  ea^fiorée  m'engage  à  vous  demander  si  vous 
poorries  adopter  un  système  perfectionné  pour  l'orthographe  des  noms  propres  en 
Afrique. 

Vous  avez  un  exemplaire  de  mon  ouvrage  sur  les  langues  modernes  de  l'Afrique  : 
vous  y  verrez,  au  bas  de  la  page  11,  qu'il  n'est  pas  correct,  soit  en  anglais,  soit 
^  français,  d'ajouter  une  8  comme  suffixe  pluriel  à  un  nom  propre;  il  faut  écrire 
les  Zoulou,  et  non  les  Zoulou  «. 


—  46  — 

En  outre,  quand  on  écrit  le  nom  d'une  tribu  ou  d'un  peuple,  il  faut  écrire  : 

Qu-Ganda,  et  non  Ouganda, 
Ma-Viti,  et  non  Mavitif 

et  quand  il  est  question  d'une  langue,  l'on  doit  écrire  :  Ganda,  Chuana,  Qwamba, 
con^me  l'on  écrit  :  Souahéli,  Yao,  Zoulou.  Le  préfixe  hi  n'est  pas  nécessaire  quand 
on  traduit,  dans  une  autre  langue,  le  nom  de  la  langue.  En  anglais,  j'écris: 

I  speak  French 
et  non  : 

I  speak  Language  French. 

On  emploie  pour  un  pays  le  préfixe  :  au 

Ou-Ganda  ; 

»         pour  un  peuple,  les  préfixes  : 

Ma-Viti. 

Ba-Kongo. 
Ma,ua,ba,a    j    ^^^.^^ 

A-Tonga. 
»         pour  une  langue,  seulement  la  racine. 

Quand  on  a  à  écrire  le  nom  d'une  tribu  qui  n'est  pas  bantou,  pourquoi  ajouter 
un  préfixe  bantou,  comme  Wa-Khwafi,  les  Souahéli  les  appellent  ainsi  dans  leur 
langue,  mais  nous  n'avons  pas  besoin  de  faire  de  même. 

C'est  le  désir  de  voir  la  clarté  et  la  netteté,  seule  chance  de  progrès,  régner 

dans  tous  les  domaines  se  rapportant  à  l'Afrique,  qui  m'a  engagé  à  vous  adresser 

ces  lignes. 

Votre  tout  dévoué, 

Robert  Cusr. 
P.-S.  M.  d'Abbadie  m'assure  que  Vs  est  une  faute,  en  français  comme  en  anglais. 


BIBLIOGRAPHIE 


Le  protectorat  français  en  Tunisie,  par  Edmond  Desfossés.  Paris 
(Challamel  aîné),  1882,  in-8*,  27  p.,  2  fr.  —  De  la  réorganisation 
ADMINISTRATIVE  ET  FINANCIERE  DE  LA  TuNisiE,  par  h  même.  Paris 
(Challamel  aîné).  1882,  in-8%  40  p.  —  Au  moment  où  la  question  tuni- 
sienne va  revenir  (levant  les  Chambres  françaises,  on  lira  avec  intérêt 
ces  deux  brochures,  émanant  d'un  écrivain  qui  s'est  déjà  fait  connaître 
par  plusieurs  publications  sur  la  Tunisie,  et  que  les  voyages  dans  ce 

*  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bftle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  47  — 

pays  ont  mis  à  même  d'en  parler  en  connaissance  de  cause.  M.  Desfossés 
propose  un  véritable  plan  de  gouvernement,  comprenant  Torganisation 
judiciaire,  financière  et  municipale.  Il  demande  Tabolition  de  Tancienne 
commission  financière,  le  développement  de  Tinstruction  publique,  et  la 
construction  de  routes  remplaçant  les  chemins  peu  praticables  dont  la 
Tunisie  est  sillonnée,  ainsi  que  celle  du  chemin  de  fer  de  Tunis  à  Bizerte 
qui,  coïncidant  avec  le  creusement  de  ce  dernier  port,  lui  donnerait  une 
importance  considérable  au  point  de  vue  stratégique  et  commercial. 

On  trouvera  dans  ces  publications,  outre  le  texte  officiel  du  traité  du 
Bardo,  du  12  mai  1881,  quelques  indications  statistiques  qui  pourront 
doimer  une  idée  de  Taccroissement  du  mouvement  des  affaires  depuis 
l'occupation  française.  C'est  ainsi  que  le  nombre  des  télégrammes  expé- 
diés ou  reçus,  qui  était  en  1879  de  169,528,  est  monté  en  1881  au  chiffre 
de  237,423.  La  poste  a  pris  aussi  une  activité  bien  plus  grande  :  en  1879, 
la  recette  journalière  ne  s'élevait  pas  à  mille  francs  ;  aujourd'hui  elle 
dépasse  quatre  mille  francs.  Le  nombre  des  navires  qui  ont  abordé  les 
différents  ports  de  la  Tunisie  a  été  en  1880,  de  1961,  et  en  1881,  de  3611. 
Enfin  il  résulte  de  la  comparaison  des  recettes  des  douanes  que,  de  1880 
à  1881,  l'exportation  a  doublé  et  l'importation  a  augmenté  de  moitié. 
II  est  probable  que  cet  accroissement  considérable  d'affaires  provient  eu 
partie  de  la  présence  des  troupes  françaises  en  Tunisie. 

Mrs  80UVEK1B8,  par  Eughie  Casalis,  ancien  missionnaire.  Paris 
(Fischbacher).  1884,  in-12,  345  p.  —  Le  nom  de  M.  Casalis  est  si  étroi- 
tement uni  à  l'histoire  de  l'établissement  du  christianisme  dans  l'Afri- 
que australe,  qu'il  n'est  pas  de  personne  s'intéressant  aux  progrès  de  la 
civilisation  qui  ne  le  connaisse.  M.  Casalis  peut  être  appelé,  avec  raison, 
le  missionnaire  des  Ba-Souto,  car  c'est  chez  eux,  ou  dans  la  colonie  du 
Cap,qu^il  a  passé  22  années  de  sa  vie  (1832-1854.)  Déjà,  dans  un  ouvrage 
souvent  consulté,  il  avait  fait  connaître  le  pays  des  Bassoutos,  mais  son 
dernier  livre,  écrit  à  la  demande  pressante  de  ses  enfants  et  de  ses 
amis,  est,  pour  ainsi  dire,  un  abrégé  de  son  journal  de  voyage,  et  ren- 
ferme des  souvenirs  plus  personnels  et  plus  intimes.  L'auteur  s'excuse 
même,  dans  sa  préface,  de  trop  parler  de  lui  ;  et  cependant  qui  pourrait 
s'en  plaindre  ?  Le  fait  d'avoir  vu  de  ses  yeux  les  hommes  et  les  choses 
qu'il  décrit,  ne  donne-t-il  pas  au  conteur  une  autorité  plus  grande,  et  ne 
contribue-t-il  pas  à  rendre  les  portraits  et  les  descriptions  plus  naturels 
et  plus  vivants  ? 

Du  reste,  M.  Casalis  parle  comme  un  homme  qui  aime  passionnément 


—  48  — 

sa  vocation.  Son  livre  respire  le  bonheur  à  chaque  page.  «  On  aura  ici, 
dit-il,  le  témoignage  d'un  vétéran  qui,  étant  entré  à  Page  de  vingt  ans 
dans  une  carrière  où  il  n'avait  attendu  que  des  périls,  des  résistances  et 
fort  peu  de  succès,  l'a  trouvée  semée  de  secours,  de  bénédictions  et  bien 
souvent  de  jouissances  très  vives.*»  Aussi  son  ouvrage  n'est-il  point 
morose,  mais  gai  et  semé  d'anecdotes  charmantes  qui,  écrites  d'un  style 
naturel  et  nullement  exagéré,  rendent  le  récit  des  plus  attrayants.  C'est 
un  hvre  de  voyages  et  d'aventures  qui,  sans  contredit,  captivera  ses  lec- 
teurs grands  et  petits,  les  jeunes  gens  surtout,  pour  lesquels,  du  reste, 
il  a  été  composé.  Les  chapitres  les  plus  intéressants  sont  ceux  dans  les- 
quels le  missionnaire  raconte  son  départ  pour  le  Pays  du  Cap,  la  ren- 
contre d'une  bande  de  lions,  l'histoire  des  lunettes  cassées  et  l'arrivée 
chez  Lépoko  ou  Moshesh,  le  chef  de  Thaba-Bossiou. 

Agenda  poub  1884,  avec  éphemébides  géographiques.  Bruxelles. 
Institut  national  de  géographie.  ~  Il  y  a  des  agendas  qui  donnent  pour 
chaque  jour  le  nom  d'un  saint,  une  ou  plusieurs  dates  d'histoire  ou 
même  le  menu  de  dîners  variés.  Celui-ci  qui  est,  croyons-nous,  une  véri- 
table innovation,  renferme  des  annotations  glanées  dans  le  champ 
immense  de  la  géographie,  des  découvertes  et  des  conquêtes,  ainsi  que 
des  relations  nouvelles  qui  en  ont  été  la  conséquence. 

L'éphéméride  est  un  des  moyens  les  plus  simples  de  meubler  la 
mémoire  de  faits  positiÊ  et  certains.  C'est  une  étude  facile,  à  petites 
doses,  car  l'article  du  jour  est  lu,  chaque  matin,  sans  efiort  et  sans  perte 
de  temps.  On  acquiert  ainsi  peu  à  peu  des  notions  exactes  qui,  s'ajou- 
tant  les  unes  aux  autres»  forment,  à  la  fin,  un  certain  ensemble. 

L'auteur  de  l'agenda  que  nous  annonçons  l'a  accompagné  d'une  chro- 
nologie de  l'histoire  de  la  géographie  et  de  la  géographie  de  l'histoire, 
répertoire  utile  à  avoir  dans  sa  bibliothèque  quand  on  s'occupe  de  cette 
branche  des  connaissances  humaines. 

L'ouvrage  actuel  n'est  qu'un  essai,  qui  demanderait  à  être  complété 
sur  quelques  points,  simplifié  sur  d'autres,  mais  qui  contribuera,  et  ce 
ne  sera  pas  son  moindre  mérite,  à  répandre  le  goût  des  lectures  et  des 
études  géographiques. 


ÉCHANGES 

Sociétés  de  géographie. 


Lvon.  A'ancy. 

Afadrid .  New-York . 

Marseille.  Oran. 

Montpellier.  Paris. 


Rochefort. 
Rome. 
Rouen. 
Vienne. 


Anvers.  Douai.  léna. 

Berlin.  Francfort  "/M.  Le  Caire. 

Brème.  Greifswald.  Leipzig. 

Bruxelles.  Halle.  Lille. 

<>)nstantine.  Hambonrg.  Lisbonne. 

Sociétés  de  géographie  commeroiale. 

Berlin.  Bordeaux.  Paris.  Porto. 

Missions. 
Journal  des  missions  évangéliqnes  (Paris).  Church  missionary  Intelligencer  and  Re- 


Saint-Gall. 


Bulletin  missionnaire  (Jiausanne). 
Missions  évangéliques  au  XlX^e  siècle 

(Neuchûtei). 
Journal  de  TUnité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bâle). 

Evangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
(^Iwer  Missions -Blatt  {Ca\w). 
Allgemeine  Missions ^Zeitschrift  (Gillers- 

lob). 
Glaubensbote  (Bâle). 
Afirica  (Londres). 
1^  Nigrizia  (Vérone). 


cord  (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionary  (New- York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Chronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Montbly  Record  of  the  Free  Church  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimboursr). 

Missionary  Record  of  the  united  preshy- 
terian  Church  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Woman's  foreign  missionary  Socielv 
(Philadelphie). 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger).  ~  - 

Bulletin  du  Comice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  T Académie  d*Hippone  (Bone). 

Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  RuncLschau  f(ir  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oeslerreicbischç  Monatsschrift  fUr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  ftlr  wissenschaftliche  Greogra- 
phie  (Lâhr). 

Ans  allcn  Welttheilen  (Leipzig). 

Chamlier  jf  Commerce  Journal  (Londres). 


Divers. 

African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  FViend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Observer  (Monrovia). 

Esploratore  (Milan). 

(Cosmos  (Turin). 

Bollettino  délia"  Societa  africana  d'Italia 
(Naples). 

Esplorazione  (Naples). 

Marina  e  Commercio,  e  Giornale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Africa  oriental  (Mozambique) . 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonial  (Lisbonne). 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Revisla  de  EÎstudos  Livres  (Lisbonne). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Toar  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indépendant  (Constantine) . 

Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 

D«"  A.  Petermann*8  Mittheilungen  (Gotha) 


Proceedings   of  the   royal    geographical 
Society  and  montbly  Record  of  geogra 
phy  (Londres). 

Natal  Mercury  (Durban). 

Cape  Argus  (Î^pe-Town). 

West  African  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

Pages 

BuUJfiTIN   MËNSrEL  '. ,  .  25 

Nouvelles  coiiipléiueutaires 35 

Lès  langues  modkbnes  uje  l'A^'eique,  d'après  R.-N.  Cust 38 

Correspondance  : 

Lettre  de  M.  R.-N.  Cust < 45 

Bibliographie  : 

Le  protectorat  français  en  Tunisie,  par  Edmond  Desfossés.  —  De  la 

réorganisation  administrative  et  financière  en  Tunisie,  par  le  même .  4(> 

Mes  souvenirs,  par  Eugène  Casalis 47 

Agenda  pour  1884,  avec  éphémérides  géographiques 48 


OUVRAGES  REÇUS  : 


Marius  Fontane.  Histoire  universelle.  Les  Égyptes  (de  5000  à  715  av.  J.-C.)  Paris 
(Alphonse  Lemerre),  1882,  in-8«,  518  p. 

Egjpt  exploration  fund.  Report  of  first  gênerai  meeting  and  balance  sheet.  In-B*", 
20  p. 

Le  Congo,  depuis  l'Equateur  jusqu'à  l'Océan  et  la  vallée  du  Niadi-Kwilu.  Croquis 
exécuté  par  les  explorateurs  de  l'Association  internationale  du  Congo  en  18d3. 
Bruxelles  (Institut  national  de  géographie).  In-folio. 

Émigration  des  Yaudois-Français  des  Alpes  en  Algérie.  Rapport  présenté  par  le 
Comité  protestant  de  Lyon.  Lyon  (H.  Oeorg),  1883,  gr.  in-8<*,  40  p. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


1)0 


GENÈVE 

UEOKG,     LIBRAIRE-ÉDITEUR 

MÊME  MAISON  A   BALE  ET  A  LVON 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIRIGÉ   PAR 

M.   Gastaye  MOTNIEB 

Membre  do  la  CommisBtoD  internatioDftle  de  Bnixellos  ponr  Pexplomtion  et  la  ciTiliaation 

de  rAfriqno  centrale;  membre  correepondant  do  l'ÂGadûmio  d^Uipponc, 

ot  dos  Sociétés  de  géographie  de  Marseillef  de  Nancy,  do  Loanda  et  de  Porto. 

RÉDIOÂ  PAR 

X.  Charles  FAÏÏBE 

Secrétairo-Bibliothécaire  do  la  Société  de  géographie  de  Genèvo ,  membre  correspondant  dos  Sociétés 
de  géographie  de  Lislionne,  de  Loanda,  do  Porto  et  de  Saint-Gall. 


L'Afrique  paraît  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  »n-8o  d'au 
moins  20  pages  chacune  ;  le  texte  est  ac^onipajçné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  Tabonnement  annuel  ^  payable  d'avance  »  est  de  10  ftranes» 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  l'Union  postale  (première  zone);  ponr  les 
autres^  11  fr.  50. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  k  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  h  en  eempte  rendu* 

Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaelion  à  91.  Gaatave  Bfeynier, 
Hf  rne  de  l'Athénée»  h  Genève  (Saisae). 

flI'adreMier  ponr  les  abonnementA  h  Téditenr,  M.  H*  Georg:,  A 
Genève  on  h  BAle* 

On  s^abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Ch.  Delagravb,  libraire.  15,  me  Soufflot,  k  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  Cour,  45,  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLAHD  frères,  libraires,  Corso  VittorioEinmanuele,  21,  h  Milan. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Querslr..  29,  à  Leipzig. 

L.  Frikderichsen  et  C'«,  libraires,  Admiralitât^slr,  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autriche). 

Trubner  et  C**,  libraires,  Ludgate  HilL  57/59.  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


ATM*  —  Nous  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  abonnés,  au  prix  de 
10  ff.  c/»aciin,  un  certain  nombre  ^^exemplaires  complets  de  la  ir""",  de  la  Iir^^ 
et  delà  IF™*  année.  La  J'«  est  épuisée. 


—  49  — 

■ 

BULLETIN  MENSUEL  (3  mars  1884).  ' 

Le  travail  commencé  U  y  a  près  de  vingt  ans,  par  l'état-major  français, 
pour  dresser  la  cai»te  de  FAlg^érie,  au  Vsoooo»  est  actuellement 
poussé  avec  une  activité  qui  permet  d'en  prévoir  Tachèvemeut  pour  1894. 
M.  le  colonel  Perrier,  qui  est  à  la  tête  du  Dépôt  des  Cartes  du  ministère 
de  la  guerre,  et  qui  a  pris  une  part  importante  à  ce  travail,  a  présenté 
récemment,  à  l'Académie  des  sciences,  les  douze  premières  feuilles  de 
cette  carte  dont  l'exécution  matérielle  est  très  soignée.  Le  relief  du  ter- 
rain est  exprimé  par  des  courbes  accompagnées  de  la  couleur  gris-bleu 
pour  les  montagnes.  On  a  pris  de  grandes  précautions  pour  l'orthogra- 
phe des  noms,  qu'on  a  demandée  d'abord  aux  indigènes,  pour  exprimer 
ensuite  en  français  les  sons  entendus,  en  les  faisant  écrire  par  les  lettrés 
du  pays.  A  ces  feuilles  sont  joints  des  mémoires,  rédigés  par  les  oflSciers 
chargés  d'opérer  sur  le  terrain,  et  contenant  des  renseignements  sur  la 
nature  du  sol,  les  productions  et  les  inscriptions  de  la  contrée. 

M.  Hansal  a  transmis,  de  Ehartoum,  au  consul-général  autrichien  au 
Caire,  des  nouvelles  des  missionnaires  prisonniers  du  Malidi, 
apportées  par  une  négresse  chrétienne,  partie  d'El-Obeïd  le  6  décembre, 
avec  une  caravane  de  marchands,  et  arrivée  le  27,  à  Khartoura,  où  on 
l'incarcéra  bien  vite,  pour  qu'elle  ne  répandît  pas  de  nouvelles  alarman- 
tes. Liformé  de  son  emprisonnement,  M.  Hansal  intervint  en  sa  faveur, 
et  obtint  qu'elle  fût  mise  en  liberté.  Elle  était  porteuse  de  lettres  écrites 
en  partie  sur  papier,  et  en  partie  sur  des  morceaux  de  toile  blanche,  et 
portant  que  les  prisonniers  sont  tous  vivants  et  ne  courent  aucun  danger, 
mais  qu'ils  sont  dans  le  besoin,  et  que  le  P.  Bonomi  l'a  envoyée  pour 
chercher  des  secours.  Elle  leur  en  a  porté  en  effet,  ainsi  qu'une  lettre  de 
M-  Hansal  pour  le  Mahdi  demandant  leur  mise  en  liberté.  Une  dépêche 
ultérieure  de  M.  Hansal,  au  Caire,  portait  que  le  P.  Bonomi  demandait 
1500  thalaris  en  argent,  et  100  en  calicot;  avec  cela  il  espérait  obtenir 
sa  libération  et  celle  des  autres  prisonniers.  C'est  plus  tard  que  les  jour- 
naux ont  annoncé  que  le  Mahdi  exigeait  2000  L.  pour  leur  rançon  *.  — 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  corn- 
pUmentaires  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant^  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

*  A  la  dernière  heure,  la  Vorstadt  Zeitung  de  Vienne  annonce,  que  M.  Hansal 

l'APRIQUB.   —   CINQUIÈME  ANNÉE.   —  N**   3.  3 


Quant  à  notre  compatriote  M.  Gotftrîed  Roth,  surveillant  de  la  traite 
au  Eordofan,  plusieurs  journaux  ont  annoncé  que,  tombé  entre  les 
mains  du  Mahdi,  il  avait  réussi  à  s'échapper,  et  à  regagner  la  Haute- 
Egypte,  mais  qu'il  y  avait  succombé  à  la  fièvre;  toutefois,  d'après  des 
renseignements  fournis  par  sa  famille,  qui  n'a  reçu  aucune  communica- 
tion oflBcielle  de  sa  mort,  nous  pouvons  espérer  qu'il  est  encore  vivant*. 

Depuis  de  longs  mois,  on  était  sans  nouvelles  du  D'  Janker;  un 
télégramme  de  Khartoum  a  annoncé  l'heureuse  arrivée  dans  cette  ville, 
de  Boltndopr,  son  compagnon  de  voyage ,  et  la  prolongation  du  séjour 
de  Junker  chez  les  Niams-Niams.  Bohndorf  était  chargé  de.  ramener  à 
Khartoum,  par  la  voie  de  terre,  les  collections  du  docteur,  pendant  que 
celui-ci  achevait  les  explorations  nécessaires  pour  compléter  ses  travaux 
cartographiques.  Mais  la  voie  de  terre  en  question  passait  par  El-Obeïd, 
et,  pour  ne  pas  compromettre  les  collections  confiées  à  sa  garde,  Bohn- 
dorf prit  la  voie  du  Nil.  On  peut  admettre  que  Junker,  informé  des  évé- 
nements du  Kordofan,  ne  s'exposera  pas  à  être  capturé  par  les  gens  du 
Mahdi.  Aussi  longtemps  qu'il  sera  dans  le  pays  des  Niams-Niams,  il  ne 
courra  aucun  danger,  ces  tribus  ayant  eu  beaucoup  à  souifrir  de  la  part 
des  marchands  d'esclaves  qui  font  cause  commune  avec  le  Mahdi. 

La  Société  milanaise  d'exploration  a  reçu  de  Bianchi,  une  lettre 
datée  du  16  décembre,  de  Debra-Kerami.  Le  chef  de  l'expédition  écrit 
qu'il  est  de  retour  du  Godjam,  où  il  a  Jaissé  le  comte  Salimbeni,  et  où  il 
a  pu  conduire  à  bonne  fin,  avec  le  raz  Tekla-Haïmanot,  toutes  les  négo- 
ciations désirées  par  la  Société.  Bianchi  allait  se  rendre  à  Makalé,  dans 
le  Tigré,  où  le  roi  Jean  l'attendait  pour  prendre  les  arrangements  vou- 
lus, après  quoi  il  comptait  descendre  à  Assab,  par  la  route  de  Lasta, 
Zaboul  et  Antalo  ;  toutefois  il  ne  pourra  guère  arriver  à  la  côte  que  vers 
la  fin  de  mars,  ou  en  avril,  son  départ  d'Abyssinie  dépendant  des  négo- 
ciations ultérieures  avec  le  négous.  —  Le  comte  Antonelli,  reparti 
récemment  pour  Assab  et  le  Choa,  accompagné  des  deux  jeunes  Afri- 
cains venus  avec  lui  en  Italie,  a  été  chargé  par  le  ministre  de  l'agri- 
culture et  du  commerce  d'Italie,  de  faire  diverses  acquisitions,  entre 
autres  d'étalons  de  robe  alezan,  de  béliers  et  de  brebis  des  meilleures 

a  envoyé  les  2000  livres  demandées,  et  que  le  Mahdi  a  répondu  vouloir  faire 
amener  prochainement  les  prisonniers  à  Khartoum. 

'  Il  est  vrai  d'ajouter  que,  d'après  V Exploration,  un  marchand  syrien,  venu  an 
Caire,  avec  une  caravane  du  Darfour,  a  rapporté  que  Roth  est  mort  à  Dara,  et 
qu'il  l'a  enterré  lui-même  à  El-Facher,  où  son  corps  avait  été  transporté. 


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races  du  pays.  Il  devra  aussi  rapporter  des  graines  pour  ensemencer  les 
champs,  en  ayant  soin  d'étudier  les  conditions  dans  lesquelles  elles  crois- 
sent, afin  que  la  culture  puisse  en  être  essayée  en  Italie.  Au  point  de 
vue  commercial,  il  rédigera  un  rapport  sur  l'arrivée  des  caravanes  h 
Assab,  et  sur  la  façon  dont  elles  sont  composées,  ainsi  que  sur  les  prix 
des  objets  exportés  par  les  naturels,  et  des  marchandises  italiennes 
importées  à  Assab. 

Après  trois  ans  d'absence,  le  D'  Stecker,  empêché  de  pénétrer  dans 
le  Kaffa,  est  rentré  en  Europe,  et  il  a  exposé,  à  la  Société  de  géographie 
de  Berlin,^  les  derniers  résultats  géographiques  de  son  voyage  dans  le 
pays  des  Adda-Galla,  riche  en  lacs  salés  amers,  d'origine  volcanique.  Le 
plus  intéressant  de  ceux  qu'il  a  visités,  est  le  lac  Sekouala,  dans  le  cratère 
d'un  volcan  du  même  nom,  qui  s'élève  à  une  hauteur  de  1200"  au-dessus 
d'une  plaine  couverte  de  mimosas.  Il  avait  précédemment  découvert, 
dans  le  Tchabbo,  deux  lacs,  le  Wontchi  et  le  Cholé,  d'où  sort  très  vrai- 
semblablement le  Heuve  Wobi,  tributaire  de  l'océan  Indien;  et,  dans 
la  plaine  de  Betcho,  il  a  visité  les  sources  de  l'Haouach  et  découvert  un 
grand  lac  du  même  nom.  A  la  suite  des  armées  dunégous,  de  Ménélik  et 
de  Tekla-Haïmanot,  ligués  contre  les  Galla  de  l'Est,  il  a  pu  parcourir  des 
pays  que  n'avait  encore  explorés  aucun  Européen,  et  oU  il  eût  étéimpos- 
vsible  de  pénétrer  sans  une  forte  armée.  Après  la  campagne,  il  éprouva  un 
nouveau  refus  du  roi  Jean  de  le  laisser  aUer  dans  le  Kaffa,  et  se  décida  à 
revenir  à  Massaoua,  après  avoir  encore  relevé  les  deux  lacs  Halk  et 
Ardibbo,  et  fait  l'ascension  des  deux  pics  les  plus  élevés  du  Semien. 

M.  H.-H.  tlohnston  a  accepté  la  mission  d'explorer  le  Kilimand- 
jaro, proposée  par  le  Comité  de  l'Association  britannique,  qui  a  voté  à 
cet  effet  un  subside  de  500  L.st.  La  Société  royale  de  géographie  de  Lon- 
dres en  a  accordé  un  de  même  valeur.  Le  principal  but  de  l'expédition 
sera  d'obtenir  une  connaissance  aussi  exacte  que  possible  de  la  flore  et 
de  la  faune  de  cette  montagne,  les  quelques  spécimens  zoologiques  four- 
nis par  l'expédition  du  baron  de  Decken,  et  les  échantillons  botaniques 
recueillis  par  le  missionnaire  Ch.  New,  ayant  fait  comprendre  le  haut 
intérêt  scientifique  que  présente  cette  montagne,  au  point  de  vue  de  la 
distribution  des  plantes  et  des  animaux.  M.  Johnston  partira  en  mars. 

Après  avoir  quitté  l'Ou-Ganda,  les  missionnaipe»  romains  de 
Roubaga  se  sont  établis  dans  l'Ou-Koumbî,  district  au  sud  du  lac 
\ictoria.  Le  pays  ressemble  au  reste  de  l'Ou-Nyamouézi;  ce  sont  des 
vallées  qui,  pendant  la  saison  des  pluies  sont  de  véritables  marais,  et 
ensuite  servent  de  pâturages  pour  les  bestiaux  ;  elles  sont  séparées  par 


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des  plateaux  découverts,  où  les  indigènes  établissent  leurs  villages  et  la 
plus  grande  partie  de  leurs  cultures  ;  de  distance  en  distance  s'élèvent 
des  collines  formées  d'énormes  blocs  de  granit,  parmi  lesquels  croissent 
des  broussailles  et  quelques  arbres  rabougris.  Ce  pays  est  plus  salubre 
que  rOu-Nyamouézi,  mais  il  paraît  l'être  moins  que  l'Ou-Ganda.  Les 
missionnaires  se  sont  construit  une  habitation,  dont  les  fondements  de 
granit  s'élèvent  à  un  demi-mètre  au-dessus  du  sol  ;  le  reste  sera  en  bri- 
ques cuites  au  soleil.  Les  indigènes  sont  moins  sauvages  que  ceux  de 
rOu-Nyamouézi,  et  paraissent  bien  disposés  pour  les  blancs.  Le  P. 
Livinhac  donne  chaque  jour  ses  soins  à  une  quantité  de  malades.  De 
rOu-Koumbi,  les  missionnaires  comptent  pouvoir  rayonner  dans  les  pays 
voisins;  il  n'y  a  pas  de  permission  à  demander  comme  dans  l'Ou-Ganda; 
dès  qu'on  sait  qu'ils  ont  un  voyage  à  faire,  des  hommes  se  présentent 
pour  les  accompagner  et  porter  leurs  bagages.  Ls  voudraient  établir  une 
station  dans  le  Msalala,  entre  Tabora  et  le  Victoria-Nyanza,  oîi,  paraît-il, 
les  Arabes  n'ont  pas  encore  pénétré;  le  pays  est  salubre,  la  population 
très  dense  et  laborieuse,  et  il  est  facile  de  s'v  ravitailler. 

A  l'ouest  du  Tanganyika,  les  missionnaires  de  Moulonéoua  ont 
étendu  leur  champ  de  travail  au  nord,  oîi  se  trouvent  de  nombreux  vil- 
lages, près  de  la  rivière  Lougamba,  où  Stanley  s'arrêta  dans  son  excur- 
sion autour  du  lac.  La  station  étant  trop  éloignée  pour  que  les  indigènes 
pussent  s'y  rendre  régulièrement,  un  grand  abri  a  été  construit  par  eux, 
au  centre  de  cette  agglomération,  pour  l'instruction  que  les  missionnai- 
res vont  donner  régulièrement  et  pour  la  célébration  du  culte.  Les  indi- 
gènes voient,  dans  cette  construction  au  milieu  de  leurs  villages,  un  moyen 
d'être  garantis  contre  les  incursions  des  pillards.  Quant  à  Moulonéoua, 
le  terrain  y  manquant  pour  les  cultures,  les  missionnaires  ont  accepté  les 
oifres  de  Pore,  vieux  chef  du  sud  del'Ou-Bouari,  de  transporter  chez  lui 
l'orphelinat  qu'ils  ont  fondé;  il  a  en  outre  promis  de  donner  ses  jeunes 
filles  comme  épouses  à  leurs  orphelins,  à  mesure  qu'ils  voudront  les  éta- 
blir. Son  territoire  forme  un  quadrilatère  de  20  à  30  kilom.  de  côté  ;  il 
est  situé  dans  un  endroit  favorable,  sur  un  isthme  de  la  côte  occidentale 
du  lac,  près  d'un  port  excellent,  où  les  missionnaires  vont  construire  un 
village,  que  Pore  habitera  avec  eux. 

La  Société  africaine  allemande  a  reçu  des  lettres  de  ses  voyageurs^ 
MM.  Bœhm  et  Reichard,  de  Mpala.  Reichard  a  aidé  au  lieutenant  Storms, 
chef  de  la  station  de  Earéma,  à  choisir  un  nouvel  emplacement  pour 
une  station  internationale  à.  l'oueiit  du  Tanganyiica;  ils  se 
sont  décidés  pour  Mpala»  à  l'embouchure  du  Loufoukou,  où  la  station  a 


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été  fondée  en  mai  de  l'année  dernière.  Revenu  pour  quelques  semaines 
à  Karéma,  Reichard  fit  ensuite  passer  sa  caravane  à  Kapapa,  d'où  il 
«xplora  les  monts  Maroungou,  non  encore  visités  jusqu'ici  par  des  Euro- 
péens; il  a  relevé  son  itinéraire  à  la  boussole  et  au  baromètre  anéroïde. 

M.  Ledoulx  a  transmis  à  la  Société  de  géographie  de  Paris,  des  nouvel- 
les reçues  à  Zanzibar,  par  un  homme  de  la  caravane  de  M.  Oiraud, 
qui  était,  le  4  juillet,  à  quatre  journées  de  marche  du  lac  Moero.  D  avait 
été  arrêté  par  des  Ma-Viti,  qui  lui  avaient  fait  payer  un  tribut  considé- 
rable pour  traverser  leur  territoire.  Le  sultan  de  TOu-Rori,  Maninga, 
lui  a  été  très  utile,  en  remplaçant  un  certain  nombre  de  ses  porteurs, 
pour  lui  aider  à  franchir  les  montagnes  de  Méréré,  dont  les  cimes  attei- 
gnent jusqu'à  8500"  (?).  M.  Giraud  a  séjourné  deux  semaines  à  Kondé, 
sur  le  lac  Bangouéolo.  De  là  il  s'est  dirigé  vers  le  nord-ouest  par 
M'iouna,  Nombé  et  Kétinkourou.  Son  projet  étant  de  descendre  le 
Congo,  à  partir  du  point  où  celui-ci  commence  à  être  navigable,  on  sup- 
pose qu'il  doit  être  actuellement  bien  avant  sur  ce  fleuve,  et  qu'on  ne 
tardera  pas  à  recevoir  une  lettre  de  lui  par  la  côte  occidentale. 

Le  dernier  numéro  du  Misnionary  Herald  de  Boston  renferme,  sur 
l'institut  de  Lovedale,  dans  la  Cafrerie  britannique,  un  rapport  du 
Rev.  Herbert  Goodenough,  d'oîi  il  ressort  que  le  sérieux  du  travail  qui  s'y 
accomplit,  s'étend  non  seulement  aux  élèves,  mais  encore  aux  habitants 
de  la  contrée  environnante.  On  sait  qu'à  Lovedale  sont  instruits  séparé- 
ment des  jeunes  gens  des  deux  sexes.  Européens  et  natifis,  que  l'on  pré- 
pare aux  travaux  divers  réclamés  dans  un  état  civilisé.  On  y  fait  marcher 
de  iront  l'instruction  générale,  et  l'éducation  professionnelle.  Du  Cap  au 
Zambèze,  cette  institution  a  la  réputation  d'apprendre  aux  indigènes  à 
travailler  ;  beaucoup  de  natifis  y  placent  leurs  enfants,  non  pas  tant  pour 
qu'ils  y  apprennent  un  métier,  que  pour  qu'ils  y  deviennent  industrieux 
dans  les  arts  mécaniques  et  agricoles.  Par  leurs  méthodes  sages  et  ingé- 
nieuses, les  hommes  et  les  femmes  qui  la  dirigent,  ont  triomphé  de  l'igno- 
rance et  de  la  grossièreté  des  élèves.  «  Un  des  traits  les  plus  intéressants 
de  l'institution,  »  dit  le  rapporteur,  «  est  la  native  courte  établie  par  le 
D' James  Stewart,  dans  la  pensée  que  les  indigènes  sauraient,  mieux  que 
les  blancs,  comment  agir  avec  leur  propre  race.  Cette  cour  des  natifs  est 
composée  de  douze  membres,  élus  à  chaque  session  par  tout  le  corps  des 
élèves,  et  d'un  nombre  plus  considérable,  nommés  par  les  maîtres.  Des 
douze  premiers,  l'un  est  choisi  comme  président  par  les  professeurs.  La 
cour  nomme  six  élèves  suppléants,  pour  faire  la  police  et  exécuter  ses 
décisions.  On  a  soin  que  les  difiérentes  tribus  indigènes  soient  équita- 


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blement  représentées  dans  la  cour,  devant  laquelle  doivent  être  portés 
toutes  les  infractions  aux  règles,  les  offenses  aux  bonnes  mœurs,  les 
querelles,  les  jurements,  les  dégâts  causés  aux  bâtiments,  etc.  Le  plus 
souvent  les  pénalités  consistent  en  travaux,  de  quelques  heures  à  une 
semaine  ou  davantage.  Quoique  les  décisions  de  la  cour  soient  générale- 
ment acceptées,  le  défendeur  a  cependant  le  droit  d'en  appeler  au  conseil 
des  professeurs.  Les  résultats  de  l'institution  semblent  justifier  l'opinion 
du  D'  Stewart  sur  la  valeur  des  indigènes. 

Nos  lecteurs  se  rappellent  que  le  D'  Holub,  parti  pour  une  nouvelle 
expédition  dans  l'Afrique  australe,  a  emporté  avec  lui  une  belle  collec- 
tion de  marchandises  autrichiennes  et  spécialement  d'articles  de  Vienne, 
qu'il  comptait  exposer  dans  plusieurs  villes  de  la  colonie  du  Cap,  pour 
augmenter  les  ressources  nécessaires  à  son  exploration.  Il  pensait  que, 
vu  le  but  éminemment  scientifique  de  son  entreprise,  les  autorités  du 
Gap  laisseraient  entrer  sa  collection  en  franchise;  mais  celles-ci, craignant 
une  concurrence  de  la  part  du  commerce  austro-hongrois,  lui  réclamè- 
rent 3000  florins  de  droits  d'entrée.  Holub  ne  pouvant  pas  les  payer  dut 
laisser  ses  marchandises  en  douane,  et  télégraphier  à  Vienne,  oîi  un 
comité  fut  immédiatement  formé  pour  lui  venir  en  aide.  ' 

Le  Rev.  €3oinbep,  de  la  mission  baptiste  à  Stanley-Pool,  a  fait  en 
bateau,  avec  son  collègue,  M.  Bentley,  et  le  D'  Sims,  de  la  Livingstone 
inland  Mission,  le  tour  de  cette  étendue  d'eau,  dont  la  carte  de  Stanley 
ne  pouvait  donner  une  idée  exacte.  Il  a  accompagné  son  rapport  à  la 
Société  de  géographie  de  Londres  d'une  carte  de  son  expédition.  Il  résulte 
de  son  relevé,  que  Stanley-Pool  a  une  longueur  de  36  kilom.  et  une  lar- 
geur à  peu  près  égale  ;  il  est  partagé  en  deux,  dans  le  sens  de  la  longueur, 
par  une  île  de  plus  de  25  kilom.  très  boisée,  et  peuplée  d'éléphants,  de 
buffles  et  d'autre  gibier.  Ls  ont  constaté  que  les  Dover  Cliffs  de  la  rive 
droite  ne  sont  point  de  formation  calcaire  comme  le  croyait  Stanley,  pour 
les  avoir  vus  à  distance,  mais  de  sable  d'un  blanc  d'argent,  mêlé,  par 
places,  d'un  sable  brun;  des  forêts  d'une  teinte  noire  forment  un 
contraste  qui  ajoute  à  la  beauté  des  falaises.  Celles-ci  ont  70°  de  hauteur, 
et  les  découpures  qu'y  ont  formées  les  eaux  pendant  la  saison  des  pluies^ 
présentent  un  effet  fantastique.  Les  pluies  tombant  d'en  haut,  et  le  cou- 
rant du  fleuve  minant  le  pied  des  falaises,  il  en  est  résulté  d'énormes 
éboulements  de  ce  sable  blanc  ;  mais  il  reste  des  colonnes  avec  leurs  cha- 
piteaux, des  murailles  avec  leurs  créneaux  et  leurs  tours,  d'un  aspect 
magnifique.  L'entrée  du  fleuve  dans  l'étang  de  Stanley  a  4  kilom.  de 
lai^e;  elle  est  flanquée  à  droite  et  à  gauche  de  collines  boisées  de  120"  à 


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160"  de  hauteur,  avec  des  pentes  herbeuses,  sans  arbres,  par  intervalles. 
Outre  la  gra'nde  île  susmentionnée,  il  y  en  a  beaucoup  d'autres,  sablon- 
neuses, mais  couvertes  de  hautes  herbes,  de  palmiers,  et  d'une  espèce 
de  bambous  moins  épais  que  ceux  de  l'Inde.  Dans  les  îles  de  la  partie 
méridionale  se  trouvent  des  papyrus.  Les  hippopotames  abondent  dans 
le  fleuve  ;  les  voyageurs  en  virent  des  centaines  ;  on  les  rencontre  géné- 
ralement par  troupes  de  dix  ou  vingt.  Les  espèces  d'oiseaux  sont  aussi 
très  nombreuses.  En  revanche,  les  bords  de  Stanley-Pool  ont  relative- 
ment très  peu  de  villes  et  d'habitants  :  une  ou  deux  petites  villes  près 
de  l'entrée,  sur  la  rive  méridionale,  et  celles  du  territoire  où  sont  les 
établissements  de  Stanley  et  des  missions  anglaises;  Kinkamo,  l'une 
d'elles  a  1500  habitants.  —  Lés  800  colis  formés  parles  sections  du  stea- 
mer, Peace,  construit  pour  l'usage  de  la  mission  baptiste,  étaient  en 
grande  partie  arrivés  à  Stauley-Pool  ;  la  reconstruction  allait  commencer. 
Tout  le  transport  s'était  effectué  par  des  natifs,  ce  qui  permet  d'espérer 
que  bientôt  Zanzibarites  et  Kroumens  ne  seront  plus  nécessaii^es.  M.  Com- 
ber  écrivait,  le  6  octobre,  qu'il  comptait  faire  prochainement  un  voyage 
beaucoup  plus  étendu  avec  le  vapeur  en  acier.  Il  annonçait  que  la  der- 
nière station  de  Stanley  était  fondée  à  l'embouchure  de  l'Ikelemba,  et 
que  l'explorateur  était  probablement  dans  le  pays  des  Ba-Mangala. 

Le  journal  V Excursion,  nous  apprend  que  la  btation  belge  du  Mas- 
sabé,  commandée  par  le  lieutenant  Harou  se  développe  graduellement, 
et  qu'elle  étend  aujourd'hui  son  autorité  sur  plusieurs  stations  nouvelle- 
ment créées.  Un  schooner,  monté  par  dix  matelots  nègres,  transporte 
tous  les  mois,  sous  pavillon  belge,  de  Landana  à  Massabé,  la  correspon- 
dance et  les  marchandises  arrivées  d'Europe.  La  côte  est  civilisée  jus- 
qu'à un  certain  point.  Un  roi  du  voisinage,  avec  lequel  M.  Harou  est 
dans  les  meilleurs  termes,  l'ayanl  un  jour  invité  à  dîner,  celui-ci  accepta 
l'invitation.  Les  mets,  les  vins  et  jusqu'au  service,  tout  rappelait  la 
vieille  Europe  ;  le  roi  lui-même  avait  toutes  les  apparences  de  la  civilisa- 
tion. La  conversation  ayant  roulé  sur  les  sujets  de  S.  M.  noire,  M.  Harou 
se  plaignit  du  mauvais  vouloir  qu'il  avait  cru  rencontrer  autrefois  chez 
un  des  principaux  gouverneiurs.  Le  roi  ne  répondit  pas,  et  son  interlocu- 
teur, croyant  avoir  été  indiscret,  aborda  un  autre  sujet.  Mais  quel  ne 
fat  pas  son  effroi,  en  voyant,  le  lendemain  ma^in,  un  messager  royal  lui 
apporter,  au  haut  d'une  pique,  la  tête  de  l'infortuné  gouverneur.  A  cette 
vue,  son  désespoir  fut  grand  et  il  jura,  mais  un  peu  tard,  qu'il  ne  se  fie- 
«dt  plus  aux  apparences  civilisées  des  rois  africains. 

D'après  le  Heidenbote  de  Bâle,  l'augmentation  de  la  population 


—  S6  — 

mnsiilinane  &  Accra,  à  3  kilom.  à  l'ouest  de  Christiansborg,  rendra 
nécessaire  la  création  d'une  mission  auprès  des  mahométans  de  la  Côte 
d'Or.  De  mois  en  mois,  ils  deviennent  plus  nombreux;  et,  indépendam- 
ment de  ceux  qui  viennent  de  l'intérieur,  de  Salaga  et  autres  lieux,  pour 
trafiquer  avec  la  côte,  ils  formeront  bientôt  la  majorité  de  la  population 
d'Accra.  «  Ces  nègres  mahométans,  »  écrit  le  D' Mœhly,  «  ne  sont  pas 
des  musulmans  rusés  et  fanatiques  comme  les  Arabes  du  Nord  de  l'Afri- 
que, ce  sont  des  usuriers.  Leur  quartier  à  Accra  est  composé  de  huttes 
rondes  et  basses  ;  il  se  distingue  du  reste  de  la  ville  par  sa  propreté. 
Tout  ce  que  ces  gens  savent  de  l'Islam,  c'est  qu'il  autorise  la  polygamie 
et  l'esclavage,  qu'il  faut  prier  matin  et  soir  agenouillé  sur  une  natte,  et 
qu'on  est  agréable  à  Allah  en  se  tenant  propre,  ce  qui  n'est  pas  un  mince 
progrès  sur  les  nègres  païens  de  la  côte.»  —  D'autre  part  le  missionnaire 
Ramseyer  écrit  d'Abétifi,  dans  l'Achanti,  à  l'un  de  nos  amis,  qui  a 
bien  voulu  nous  communiquer  sa  lettre  :  «  On  parle  ces  temps-ci  d'éten- 
dre l'oôuvre  du  côté  du  Nord  ;  je  m'en  réjouis,  car  Karakyé  et  les  autres 
provinces  sont  aussi  des  contrées  autrefois  soumises  au  roi  Asanté  ;  mais 
pour  cela  il  nous  faut  de  nouvelles  forces.  Nous  trouverons  des  catéchis- 
tes tout  prêts  à  aller  s'établir  au  milieu  de  ces  peuplades,  mais  il  faut 
que  le  missionnaire  européen  les  accompagne  et  les  dirige.  Lorsque  ces 
lignes  vous  parviendront,  je  serai,  s'il  plait  à  Dieu,  en  route  pour  Atéo- 
bou,  Salaga,  Karakyé,  etc.  A  Salaga  j'espère  rencontrer  mes  amis  Muller 
et  le  D' Mœhly.  C'est  un  voyage  que  je  projette  depuis  longtemps.  » 
Le  dernier  numéro  du  Heidenbote  annonce  que  le  D'  Maehly  compte 
quitter  l'Afrique  au  milieu  de  mars. 

La  dernière  malle  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  a  apporté  d'Axîm 
une  dépèche  anglaise,  d'après  laquelle  deux  oificiers  anglais,  envoyés 
avec  escorte,  pour  faire  le  lever  de  la  frontière  entre  les  territoires  fran- 
çais et  anglais  de  la  Côte  d'Or,  se  sont  vu  refuser,  parle  roi  d'une  partie 
de  l'Assinic,  située  sur  le  territoire  anglais,  le  droit  d'arborer  sur  sa 
ville  le  drapeau  britannique.  Là-dessus,  le  roi  du  territoire  d'Apollonie, 
allié  des  Anglais  pendant  la  guerre  de  l'Achanti,  s'est  dirigé  sur  l'Assi- 
nie,  avec  des  forces  considérables,  pour  soumettre  le  monarque  récalci- 
trant. Il  a  été  suivi  du  commissaire  d'Axim  et  de  la  garnison  de  ce  fort. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Le  cardinal  Lavigerie,  fondateur  des  missions  d'Afrique,  a  reçu  du  comte  de 


—  51- 

Chambord  un  legs  de  100,000  francs  pour  les  missions  du  Sahara,  du  Soudan  et 
de  l'Afrique  équatoriale. 

M.  Teisserenc  de  Bort  s'est  rendu  à  Touggourt,  pour  y  faire  des  observations 
magnétiques. 

MM.  Salomon  Beinach  et  'Ernest  Babelon,  chargés  par  le  ministère  de  l'instruc- 
tion publique  d'une  mission  archéologique  en  Tunisie,  ont  fait  à  El-Kantara,  à  Bou- 
Ghara  et  à  Zian,  au  sud  de  l'île  de  Djerba,  des  fouilles  qui  leur  ont  fait  découvrir 
quantité  de  statues  en  marbre  de  couleur,  de  fûts  de  colonnes,  d'inscriptions,  et  un 
forum  entouré  de  grands  portiques. 

La  Compagnie  franco-africaine,  propriétaire  de  l'Enfida,  a  fait  venir,  de  Malte, 
on  certain  nombre  de  familles  d'agriculteurs,  auxquelles  elle  a  fourni  des  terrains, 
des  animaux  et  des  instruments  aratoires;  elles  forment  un  petit  village  au  centre 
da  domaine. 

D'après  VBxploratian,  une  caravane  envoyée  à  Assab,  par  le  roi  du  Choa,  doit 
aussi  apporter  des  marchandises  à  l'établissement  français  d'Obock;  la  seule  route 
du  Choa  qui  offre  quelque  sécurité  est  celle  d' Assab.— Un  correspondant  du  Temps 
écrit  d'Aden,  à  ce  journal,  que  la  caravane  de  M.  Soleillet  est  arrivée  à  Obock. 

L'explorateur  Révoil  n'a  pu  quitter  Guélidi,  par  suite  de  la  malveillance  des 
tribus  dont  il  devait  traverser  le  territoire.  Le  fanatisme  religieux  et  l'horreur  de 
l'étranger  ne  sont  toutefois  pas  les  seuls  motifs  des  refus  obstinés  contre  lesquels 
s'est  brisé  le  courage  de  l'explorateur;  les  indigènes  ont  vu  en  lui  un  concurrent 
commercial,  qui  diminuerait  les  bénéfices  que  leur  procurent  le  transport  à  la  côte 
des  produits  de  leur  pays. 

D'après  une  dépêche  adressée  aux  journaux  anglais,  les  Arabes  de  Zanzibar  ont 
recommencé  la  traite  sur  la  côte  occidentale  de  Madagascar  ;  mille  esclaves  africains 
ont  été  débarqués  dans  l'île. 

M.  O'Neill  est  revenu  à  Mozambique,  après  avoir  traversé  2240  kilom.  d'une 
région  inexplorée  jusqu'ici.  Il  a  découvert  le  lac  Amarambou,  qu'il  croit  être  la 
Traie  source  de  la  Pienda.  A  son  avis,  le  lac  Chiroua  est  plus  petit  qu'on  ne  le 
représente  généralement.  En  revenant,  il  a  suivi  la  vallée  Likeloungo,  qu'il  a 
trouvée  très  peuplée. 

Les  missionnaires  suisses  pour  le  Lessouto  et  les  Spelonken,  au  sud  du  Trans- 
vaal,  se  sont  embarqués  à  Dartmouth,  sur  le  CrrantuUy-Castle,  le  14  février. 

Par  suite  des  arrangements  intervenus  entre  l'Angleterre  et  le  Transvaal,  ce 
dernier  État  s'agrandira  des  territoires  de  Stellaland  et  de  Gochen,  à  l'est  de  la 
grande  artère  commerciale  entre  le  Cap  et  l'Afrique  centrale,  que  le  gouvernement 
britannique  veut  maintenir  libre,  en  dehors  des  limites  du  Transvaal.  L'Angleterre 
reconnaît  l'indépendance  absolue  de  cet  Etat,  qui  prendra  le  nom  de  République 
de  l'Afrique  du  Sud;  elle  ne  se  réserve  qu'un  droit  de  veto  sur  les  traités  que  les 
Boers  pourraient  conclure  avec  un  autre  gouvernement.  Remise  est  faite  au  Trans- 
vaal d'un  tiers  de  sa  dette. 
Cettiwayo  est  mort  subitement,  par  suite  de  la  rupture  d'un  anévrisme. 


—  58  — 

La  canonnière  allemande  NautUus  est  revenue  à  Capetown,  d'Angra-Pequena, 
où  M.  Lûderitz  cherche  à  étendre  son  acquisition  jusqu'au  fleuve  Orange. 

Les  dernières  nouvelles  du  D**  Pogge,  datées  de  Muquengué,  du  27  septembre 
1882,  annonçaient  son  départ  pour  la  côte  occidentale,  en  mai  1883. 

Une  expédition  portugaise  commerciale,  due  à  l'initiative  de  MM.  Palva  de 
Andrada  et  Henrique  de  Carvalho,  se  prépare  à  Lisbonne.  Elle  est  appuyée  par 
le  ministre  de  la  marine,  et  tâchera  de  pénétrer  par  l'Angola  et  Malangué,  jusque 
chez  le  Mouata-Yamvo. 

M.  Ch.  Bovet,  de  Neuch&tel,  a  été  désigné,  par  le  ministère  français  de  l'instruc- 
tion publique,  pour  faire  partie  de  l'expédition  de  S.  de  Brazza  au  Congo. 

D'après  VEconomisty  le  traité  entre  l'Angleterre  et  le  Portugal,  relatif  au  Congo, 
a  été  signé  à  Londres.  Le  texte  en  sera  présenté  au  Parlement.  Ce  journal  ajoute 
qu'une  commission  mixte,  composée  de  Portugais  et  d'Anglais,  sera  chargée  de 
régler  la  question  de  la  navigation,  et  que  la  frontière  portugaise  sur  le  Congo 
sera  fixée  à  Noki;  dans  l'intérieur,  elle  s'étendra  jusqu'aux  frontières  que  se  sont 
tracées  diverses  tribus.  Les  tarifs  de  douane  seront  les  mêmes  qu'à  Mozam- 
bique. 

A  propos  des  rumeurs  alarmantes  qui  ont  couru  sur  la  situation  de  Savorgnan 
de  Brazza,  M.  Dutreuil  de  BJiins,  qui  l'a  accompagné  dans  la  première  partie  du 
voyage  sur  l'Ogôoué,  a  rappelé  à  la  Société  de  géographie  de  Paris,  dans  la  séance 
du  5  février,  que  de  Brazza  était  le  14  décembre  dernier  à  Franceville,et  qu'on  ne 
peut  avoir  de  nouvelles  de  lui,  par  dépêche,  avant  le  1"'  mars,  et  par  lettre,  avant 
le  15  du  même  mois.  Le  ministre  de  l'Instruction  publique  demandera  aux  Cham- 
bres de  continuer  à  de  Brazza  la  subvention  qu'elles  lui  ont  accordées  l'an  der- 
nier. —  Deux  canonnières  démontables  ont  été  expédiées  au  Congo. 

M.  Mizon  a  fait  hommage  à  la  Société  de  géographie  de  Paris  de  la  première 
feuille  de  la  carte  au  Vioooo,  qu'il  a  dressée  dans  ses  voyages  entre  l'Ogêoué  et 
l'Océan  Atlantique.  Cette  feuille  donne  le  cours  de  l'Ogôoué  et  de  la  Passa,  de  la 
rivière  Ivendo  à  Franceville.  Dans  deux  autres,  feuilles  il  donnera  la  région  com- 
prise de  Franceville  à  Mayoumba;  la  ligne  de  faite  entre  les  deux  bassins  de 
l'Ogôoué  et  du  Quilou-Niari  y  sera  indiquée. 

Le  département  de  la  marine  se  propose  de  faire,'dans  la  colonie  du  Gabon,  des 
plantations  d'eucalyptus  et  de  bambous,  pour  en  assainir  les  parties  où  régnent  les 
fièvres  paludéennes. 

M.  le  D'  C.  Passavant  de  Bâle  est  parti  pour  recommencer  l'expédition  projetée 
par  lui,  de  la  baie  de  Cameroon  au  lac  Liba,  interrompue  par  un  accident  à 
l'embouchure  de  la  rivière  Cameroon. 

D'après  un  rapport  de  lord  Aberdare,  président  de  la  «  National  african  Com- 
pany, »  dont  le  but  est  de  développer  le  commerce  dans  les  bassins  du  Niger  et 
du  Bénoué,  aux  89  factoreries  que  cette  Compagnie  possède  sur  ces  deux  rivières, 
s'en  sont  ajoutées,  l'année  dernière,  deux  nouvelles  sur  le  Bénoué,  l'une  à  Waka,  à 
830  kilom.,  l'autre  à  Yola,  à  720  kilom.  de  l'embouchure  du  fleuve.    - 

Le  ministère  français  de  la  marine  a  déposé  sur  le  bureau  de  la  Chambre,  un 


—  59  — 

projet  de  loi  spécial  demandant,  pour  le  chemin  de  fer  du  Haut-Sénégal,  un  crédit 
de  trois  millions,  afin  de  permettre  au  gouvernement  de  faire  face  aux  engagements 
contractés  l'année  dernière.  —  Quant  au  chemin  de  fer  de  Saint-Louis  à  Dakar,  la 
section  de  Saint-Louis  à  M'Pal  (30  kilom.),a  été  inaugurée  le  22  janvier. 

Le  D*"  Colin  est  encore  à  Sénoudébou,  passant  des  traités  avec  les  chefs  indigènes, 
pour  obtenir  la  libre  circulation  des  produits  français. 

Le  chérif  de  Ouazzan,  cédant  aux  conseils  de  M.  Ordega,  représentant  de  la  France 
au  Maroc,  a  renoncé,  pour  lui  et  sa  famille,  à  la  coutume  de  vendre  ou  d'acheter 
des  esclaves.  Espérons  que  c'est  un  premier  pas  vers  l'abolition  de  la  traite,  vaine- 
ment demandée,  à  plusieurs  reprises,  par  les  représentants  des  puissances  euro- 
péennes au  Maroc.  Le  chérif  a  déclaré  que  l'esclavage  n'est  pas  une  institution 
nationale  inhérente  à  la  religion^  et  que  c'est  au  contraire  une  œuvre  méritoire, 
que  de  libérer  les  nègres.  —  M.  Ordega  a  obtenu  du  sultan  que  le  Riff  fût  désor- 
mais ouvert  aux  étrangers. 

Une  association,  patronnée  par  plusieurs  ministres,  s'est  formée  à  Madrid  sous  le 
nom  de  «  Sociedad  de  Africanistas  Colonistas,  »  pour  développer  la  colonisation 
espagnole  en  Afrique  et  spécialement  au  Maroc. 

n  s'est  constitué,  à  Barcelone,  une  société  de  commerce  et  de  navigation,  dite 
<  Spanish  African  Company,  »  dont  le  but  est  de  développer  les  relations  commer- 
ciales de  l'Espagne  avec  l'Afrique,  par  l'établissement  de  factoreries  et  la  création 
d'une  ligne  régulière  de  bateaux  à  vapeur.  Le  gouvernement  lui  a  accordé  un 
subside. 


L'ŒUVRE  DE  GORDON  DANS  LE  SOUDAN  ÉGYPTIEN 

L'heureuse  arrivée  de  Gordon-pacha  dans  la  capitale  du  Soudan 
égyptien,  et  Témotion  causée  dans  le  monde  civilisé,  par  la  proclama- 
tion déclarant  abolis  les  firmans  relatifs  à  Tinterdiction  du  trafic  des 
esclaves,  nous  engagent  à  rappeler  Tœuvre  réformatrice  qu'il  fiit  chargé 
d'accomplir,  dans  cette  immense  province,  de  1874  à  1879.  Nous  nous 
servirons  pour  cela  du  Refport  oti  the  egyptian  provinces  of  the  Soitdan, 
Bed  Sea  and  Equator,  du  Bureau  de  la  guerre,  et  d'une  publication 
spéciale,  due  à  la  plume  du  zélé  secrétaire  de  TAntislavery  Society, 
M.  C.-H.  Allen  :  The  Life  of  Giinese  Oordon,  qu'un  ami  a  bien  voulu 
lions  communiquer. 

Gordon  ne  fiit  pas  le  premier  à  travailler  à  la  civilisation  de  cette  partie 
des  possessions  égyptiennes,  dont  Ehartoum,  le  chef-lieu,  éta.it  devenu, 
depuis  sa  fondation  par  Mehemet-Ali,  un  marché  central  pour  la  traite 
sur  une  vaste  échelle.  En  1853,  l'établissement  égyptien  le  plus  méri- 
dional était  à  200  kilom.  au  sud  de  cette  ville,  mais  ce  fut  cette  année- 


—  60  — 

là,  que  M.  Petherick,  consul  anglais  pour  le  Soudan,  ouvrit  la  voie  du 
Haut-Nil  au  commerce  européen.  Une  fois  la  route  ouverte,  de  nombreux 
trafiquants  y  entrèrent  ;  ils  établirent  des  postes  beaucoup  plus  avant 
dans  rintérieur,  et,  trouvant  que  la  chasse  aux  esclaves  était  beaucoup 
plus  lucrative  que  l'ivoire,  ils  organisèrent  des  troupes  armées,  qui,  sous 
le  commandement  d'Arabes,  devaient  faire  des  incursions  chez  les  tribus 
voisines.  Aussi,  en  1854,  Saïd-pacha  trouva-t-il  le  pays  dans  une  condi- 
tion déplorable;  les  taxes  étaient  exorbitantes,  et  l'administration  en 
désordre  encourageait  ouvertement  le  trafic  des  esclaves. 

Résolu  à  établir  un  état  de  choses  meilleur,  Saïd-pacha  fit,  en  1857, 
un  voyage  rapide  dans  cette  région,  proclama  à  Berber  l'abolition  de 
l'esclavage,  et  organisa  à  Ehartoum  un  nouveau  gouvernement  pour  les 
cinq  provinces  du  Eordofan,  du  Sennaar,  du  Taka,  de  Berber  et  de  Don- 
gola,  qui  composaient  alors  le  Soudan.  H  supprima  les  taxes  excessives 
sur  les  terres  et  les  roues  d'irrigation,  et  créa  un  service  postai  de  dro- 
madaires à  travers  le  désert.  Mais,  en  1860,  les  trafiquants  européens 
vendirent  leurs  stations  à  leurs  agents  arabes,  qui  durent  payer  de  fortes 
sommes  au  gouvernement  égyptien  pour  l'exploitation  des  districts  où  ils 
étaient  établis,  et  la  misère  et  la  ruine  s'accrurent  énormément. 

Au  retour  de  sa  première  expédition  aux  sources  du  Nil,  Sir  Samuel 
Baker  représenta,  sous  les  traits  les  plus  tristes,  les  résultats  de  l'admi- 
nistration de  Mouça-pacha  à  Ehartoum  :  les  provinces,  où  la  force  mili- 
taire régnait  seule,  étaient  entièrement  ruinées,  les  tasBs  paralysaient 
tout  développement,  et  les  dépenses  excédaient  de  beaucoup  les  reve- 
nus ;  toute  communication,  de  ce  pays  entouré  de  déserts,  avec  le  monde 
extérieur,  était  extrêmement  difficile  ;  le  seul  avantage  qu'offraient  à 
l'État  ces  provinces  annexées,  était  celui  que  lui  procurait  la  traite. 

Lorsque  Ismaïl-pacha  monta  sur  le  trône  en  1863,  des  ordres  fiirent 
donnés  pour  la  suppression  de  la  traite  ;  à  son  arrivée  à  Fachoda,  en 
1865,  Baker  trouva  même  un  camp  égyptien  de  1000  hommes,  établi  à 
cet  effet  chez  les  Chillouks. 

Les  trafiquants  étaient  surtout  des  Arabes  sujets  du  khédive,  qui  se 
livraient  à  la  traite  sous  le  couvert  d'un  commerce  légitime.  Khartoum 
était  le  quartier-général  de  compagnies,  qui  louaient  à  bail,  du  gouver- 
neur-général du  Soudan,  certains  districts,  soi-disant  pour  le  trafic  de 
l'ivoire,  dont  elles  achetaient  le  monopole.  Dans  les  contrats,  le  gouver- 
neur n'hésitait  pas  à  affermer  des  territoires  sur  lesquels  il  n'avait  abso- 
lument aucun  droit  ;  l'on  peut  même  dire,  que  toute  l'Afrique  centrale, 
au  sud  de  Khartoum,  était  envisagée  par  lui  comme  propre  à  être  mise 


—  61  — 

à  bail.  Dès  lors  certains  trafiquants  s'établirent  dans  de  vastes  districts, 
sur  lesquels  ils  prétendaient  avoir  des  droits  de  propriété,  spécialement 
dans  la  partie  de  l'Afrique  centrale  qui  est  au  sud  du  Darfour  et  du  Eor- 
dofan,  et  le  long  du  Nil-Blanc.  Leur  principale  afiaire  était  le  trafic  des 
esclaves,  pour  lequel  ils  levaient  des  troupes  de  brigands,  et  fonnaient, 
à  travers  leurs  districts,  des  chaînes  de  stations,  de  300  hommes  environ 
chacune  ;  Us  attaquaient  les  tribus  indigènes,  qui  étaient  obligées  de  se 
soumettre,  ou  d'abandonner  leur  pays,  ou  de  s'allier  aux  chasseurs  d'es- 
dayes  pour  être  employées  contre  d'autres  tribus. 

Jugeant  que,  pour  exécuter  des  réformes,  il  fallait  annexer  tout  le  bas- 
sin du  Nil,  établir  un  gouvernement  et  un  conomerce  honnêtes,  et 
ouvrir  les  lacs  équatoriaux  à  la  navigation  à  vapeur,  le  khédive  Ismall 
accorda,  en  1869,  à  Baker-pacha  un  firman,  par  lequel  il  le  chargeait 
de  soumettre  à  l'autorité  égyptienne  les  contrées  situées  au  sud  de  Gon- 
dokoro,  de  supprimer  la  traite  pour  la  remplacer  par  un  commerce  régu- 
fier,  et  d'établir  une  ligne  de  stations  militaires  et  d'entrepôts  commer- 
ciaux, séparés  les  uns  des  autres  par  une  distance  de  trois  jours  de 
marche,  en  prenant  Gondokoro  pour  base  d'opérations. 

Parti  de  Souakim,  en  décembre  1869,  pour  Ehartoum,  Baker  rencontra 
dans  cette  dernière  ville  une  vive  opposition  de  la  part  des  fonctionnaires, 
tous  plus  ou  moins  impliqués  dans  le  trafic  des  esclaves,  et  il  apprit  que 
les  provinces  qu'il  était  chargé  d'annexer,  étaient  déjà  affermées  par  le 
gouverneur-général  du  Soudan,  à  un  fameux  traitant  nommé  Achmet- 
Scheik-Agad,  dont  le  gendre,  son  associé,  Abou-Saoud,  était  encore 
mieux  connu  sous  ce  rapport.  Néanmoins  il  remplit  sa  mission,  de  1870 
à  1873,  organisa  des  postes  militaires  à  Massindi^  Foveira,  Fatiko,  etc., 
entra  en  relations  amicales  avec  Mtésa,  roi  de  l'Ouganda,  et  établit 
l'autorité  du  khédive  jusque  sous  le  2""  au  nord  de  l'Equateur.  Il  donna 
à  la  traite  un  coup  mortel,  en  lui  fermant  les  territoires  annexés,  en 
sorte  que  toute  issue  dans  la  direction  de  Khartoum  lui  eût  été  ôtée, 
si  on  avait  pu  avoir  confiance  dans  les  fonctionnaires  égyptiens. 

Au  terme  de  l'expédition  de  Baker-pacha,  le  khédive,  désireux  de 
consolider  son  empire,  chargea  le  colonel  Gordon  de  continuer  l'œuvre 
commencée,  en  particulier  d'achever  la  reconnaissance  du  Haut-Nil, 
d'étabhr  un  gouvernement  et  de  supprimer  la  traite.  Accompagné  du 
colonel  Chaillé-Long,  officier  américain,  et  d'un  certain  nombre  d'em- 
ployés civils  européens,  il  devait  avoir  l'administration  des  Provinces 
équatoriales  du  Nil,  avec  Gondokoro  comme  quartier-général. 
A  son  arrivée  dans  cette  localité,  en  mars  1874,  Gordon  trouva  que  les 


—  62  — 

provinces  eu  question  n'étaient  que  de  nom  sous  l'autorité  égyptienne  ; 
il  n'y  avait  en  eflfet  que  deux  garnisons,  l'une  de  450  hommes,  dont  150 
soldats  égyptiens,  à  Gondokoro,  l'autre  de  200  soldats  du  Soudan,  à 
Fatiko.  Sa  première  mesure  fut  d'occuper  Bohr,  position  importante  au 
nord  ,de  Gondokoro,  et  d'envoyer  le  colonel  Chaillé-Long  en  mission 
auprès  de  Mtésa.  Puis,  en  juin  1874,  il  se  dirigea  vers  le  Bahr-el-Seraf, 
pour  y  supprimer  trois  stations,  centres  d'un  grand  commerce  d'esclaves, 
et  il  créa  au  confluent  du  Sobat  un  poste  fortifié,  dans  une  position  qui 
permettait  d'arrêter  tout  trafic  illégal  par  la  voie  du  fleuve.  Il  établit 
les  esclaves  libérés  sur  les  bords  du  Sobat,  selon  leur  désir,  et  les  encou- 
ragea à  porter  leur  attention  sur  l'agriculture,  pour  remédier  à  l'insuf- 
fisance des  vivres,  d'où  provenaient,  à  son  avis,  la  plupart  des  guerres 
entre  les  tribus.  Parmi  ses  aides  se  trouvait  Gessi,  qu'il  envoya  inspecter 
la  voie  du  Bahr-el-Ghazal.  En  quelques  mois,  il  sut  si  bien  gagner  la 
confiance  des  chefs  indigènes  les  plus  hostiles  aux  garnisons,  que  vingt- 
cinq  d'entre  ceux  des  environs  de  Gondokoro  vinrent  lui  rendre  hom-' 
mage,  pendant  que  le  gouverneur  de  Fachoda  arrêtait  un  convoi  de  1600 
esclaves  et  de  190  têtes  de  bétail,  venu  des  stations  du  Bahr-el-Seraf. 

Gordon  ne  perdait  pas  de  vue  l'ouverture  d'une  voie  de  communica- 
tion avec  les  lacs  équatoriaux.  Baker  avait  laissé  à  Gondokoro  un  stea- 
mer démonté  ;  il  en  fit  porter  les  sections  en  amont  des  rapides  de  Dufilé, 
au  delà  desquels  le  Nil  est  navigable  jusqu'au  lac  Albert.  Puis  il  établit 
des  postes  fortifiés,  en  vue  de  Textinction  de  la  traite  dans  les  stations 
de  Laboreh,  Dufilé,  Fatiko  et  Foveira,  mesure  fendue  nécessaire  par 
l'attitude  hostile  des  populations  à  l'égard  de  l'expédition  du  colonel 
Chaillé-Long,  contre  laquelle  les  trafiquants  d'esclaves  avaient  prévenu 
le  roi  de  l'Ou-Nyoro.  En  revanche,  Mtésa  s'étant  montré  bien  disposé, 
il  lui  envoya  un  représentant  digne  de  confiance,  le  D'  Emin-bey. 
Quant  à  son  quartier-général  de  Gondokoro,  ill'abandonna  pour  se  fixer 
à  Lado,  localité  plus  salubre,  et  fonda,  à  une  petite  distance  en  amont  du 
fleuve,  le  poste  de  Regaf.  A  la  fin  de  1874,  il  avait  relevé  le  Nil  d'une 
manière  exacte,  de  Ehartoum  à  Regaf,  continué  la  poursuite  des  chas- 
seurs d'esclaves  sur  le  Nil-Blanc,  et  rétabli  la  confiance  et  la  paix  parmi 
les  tribus  voisines  de  Gondokoro,  qui  se  décidèrent  h  fournir  à  ses  gens 
des  bœufs,  du  blé  et  de  l'ivoire.  En  outre,  l'ouverture  d'une  communi- 
cation par  eau,  de  Gondokoro  au  lac  Albert,  avait  été  sérieusement  com- 
mencée ;  des  relations  avaient  été  nouées  avec-  Mtésa,  et  de  nouvelles 
expéditions  étaient  en  préparation,  entre  autres  une  contre  Kabréga,  roi 
de  rOu-Nyoro,  qui  intriguait  contre  Gordon,  avec  cinquante  chasseurs 
d'esclaves,  auxquels  il  avait  accordé  un  refuge  dans  ses  États. 


—  63  — 

Gordon  chargea  alors  Gessi  de  se  rendre  au  lac  Albert,  avec  deux 
bateaux  de  sauvetage,  pendant  que  lui-même  se  dirigerait  vers  le  lac 
Victoria,  pour  faire  le  relevé  du  Nil-Somerset,  de  Foveira  à  Mrouli. 
Gessi  partit  en  mars  1876,  et  réussit  à  faire,  en  neuf  jours,  le  tour  de 
TAlbert-Nyanza ,  malgré  Thostilité  des  indigènes  et  le  manque  de 
lieux  de  refuge  le  long  de  la  côte  occidentale.  Quant  à  Gordon,  après 
avoir  ouvert  la  voie  du  fleuve  jusqu'au  lac  Albert,  établi  des  postes 
fortifiés  dans  onze  stations,  du  Sobat  à  Foveira,  et  arrêté  la  traite  dans 
les  territoires  soumis  à  son  administration,  il  revint  en  Angleterre  à'  la 
fin  de  1876. 

Mais  il  n'y  demeura  pas  longtemps  ;  cédant  aux  insistances  du  khé- 
dive Ismall,  il  retourna,  en  1877,  en  Egypte,  où  il  fut  investi  des  fonctions 
de  gouverneur-général  du  Soudan,  constitué  en  une  grande  province  de 
2600  kilom.  de  longueur,  sur  plus  de  lOOOkilom.  de  largeur,  et  compre- 
nant le  Soudan  proprement  dit,  leDarfour,  et  les  Provinces  équatoriales. 
Le  khédive  le  chargea  spécialement  de  la  suppression  de  la  traite,  de 
Tamélioration  des  communications,  et  des  négociations  avec  TAbyssinie, 
pour  mettre  fin  aux  disputes  qui  existaient  avec  le  roi  Jean.  Mais,  vu 
rétendue  du  pays  soumis  à  son  administration,  trois  gouverneurs  délé- 
gués lui  furent  adjoints,  l'un  pour  le  Soudan  propre,  le  second  pour  le 
Darfour,  et  le  troisième  pour  la  mer  Bouge  et  le  Soudan  oriental. 

Gordon  se  rendit  en  février  1877  à  Massaoua,  et  tâcha  d'obtenir  du 
chef  Walad-el-Mikael  qu'il  cessât  ses  incursions  en  Abyssinie.  Il  visita  le 
pays  des  Bogos,  Eassala  et  Sennaar,  d'où  il  descendit  à  Khartoum.  Mais 
une  révolte  sérieuse  au  Darfour  l'appela  dans  cette  province. 

Jusqu'en  1874,  elle  avait  été  gouvernée  par  ses  propres  sultans  pen- 
dant 400  ans;  elle  était  célèbre  comme  marché  d'esclaves.  En  1874,  la 
traite  ayant  été  arrêtée  sur  territoire  égyptien,  le  gouverneur  du  Soudan 
avait  saisi  tous  les  esclaves  appartenant  à  la  grande  caravane  annuelle, 
qui  transportait  au  Caire  de  l'ivoire,  des  plumes,  de  la  gomme,  etc.  Ce 
fait  avait  amené  une  rupture  entre  l'Egypte  et  le  Darfour.  Le  khédive 
envoya  une  petite  troupe,  qui  devait  agir  en  même  temps  contre  le  sultan 
du  Darfour,  et  contre  les  chasseurs  d'esclaves  du  Bahr-el-Ghazal,  ayant 
à  leur  tête  un  certain  Ziber,  qui  vivait  comme  un  prince  et  était  consi- 
déré comme  un  roi.  Celui-ci  battit  les  troupes  égyptiennes  ;  mais  bientôt 
le  khédive  résolut  d'occuper  le  Darfour,  contre  lequel  il  organisa  deux 
expéditions,  dont  l'une  fut  confiée  à  ce  fameux  chasseur  d'esclaves  qui 
défit  le  sultan  du  Darfour,  fut  créé  pacha,  et  réclama  le  titre  de  gou- 
vernem'-général  de  la  nouvelle  province,  ce  qui  lui  aurait  bientôt  procuré 


—  64  — 

un  pouvoir  redoutable.  Le  khédive  lui  refusa  sa  demande,  et  le  fit  venir 
au  Caire,  où  on  le  traita  comme  un  pacha,  tandis  que  son  fils  Suleiman  le 
remplaçait  au  Darfour,  où  il  se  trouva  en  peu  de  temps  à  la  tête  d'une 
forte  troupe  de  chasseurs  d'esclaves,  avec  Chekka  pour  quartier-général. 
La  révolte  à  laquelle  nous  avons  fait  allusion  plus  haut  était  fomentée 
par  Haroun,  parent  du  dernier  sultan,  autour  duquel  s'étaient  rangées 
des  tribus  de  Bédouins,  h  demi  indépendantes  sous  leurs  propres  cheiks, 
et  dont  chacune  pouvait  mettre  en  campagne  de  2000  à  6000  cavaliers 
ou  chameliers.  Elles  étaient  largement  engagées  dans  la  traite,  faisant 
des  incursions  chez  les  tribus  nègres  qui  vivaient  plus  au  sud,  ou  ache- 
tant des  esclaves  d'autres  tribus  de  Bédouins  vivant  plus  à  l'ouest. 
Quoique  le  commerce  des  grandes  caravanes  d'esclaves  eût  cessé,  il  en 
existait  encore  un  trafic  assez  étendu,  fait  par  de  petits  traitants,  qu'il 
n'était  pas  possible  de  supprimer. 

Gordon  estimant  qu'il  ne  valait  pas  la  peine  de  garder  ce  pays,  se 
décida  à  ne  maintenir  des  garnisons  que  le  long  de  la  route  principale, 
de  E^artoum  à  El-Fascher.  Haroun  était  à  Tanné;  Gordon  se  proposait 
de  marcher  contre  lui,  avec  les  troupes  dont  il  disposait,  renforcées  par 
les  garnisons  de  Tawaïcha,  Dara  et  Hadjmour,  en  tout  environ  3000 
hommes.  S'avançant  sur  Dara,  il  vit  Haroun  se  retirer  à  Toura,  d'où 
ce  dernier  ravagea  la  partie  septentrionale  du  pays  ;  mais,  voyant  la  supé- 
riorité des  forces  de  Gordon,  il  disparut  pour  un  temps. 

Quelque  décidé  que  fût  Gordon  dans  sa  lutte  contre  les  chasseurs 
d'esclaves,  il  était  arrêté  par  moments  par  l'embarras  que  lui  causaient 
ceux  qu'il  voulait  délivrer.  «Que  devrai-je  faire,»  écrivait-il  à  sa  sœur,  en 
juin  1877,  «  des  trois  ou  quatre  mille  esclaves,  femmes  et  enfants  qui  sont 
maintenant  à  Chekka,  si  nous  la  prenons?  Je  ne  peux  pas  les  renvoyer 
dans  leur  propre  pays  ;  je  ne  peux  pas  les  nourrir.  Il  faut  que  je  les  laisse 
prendre  par  mes  auxiliaires,  ou  par  mes  soldats,  ou  par  les  marchands. 
Si  je  les  laisse  courir,  ils  seront  repris  dans  toutes  les  directions,  car  un 
esclave  échappé  est,  comme  une  brebis  égarée,  la  propriété  de  celui  qui 
le  trouve.  Il  faut  considérer  ce  qui  vaut  le  mieux  pour  l'individu  lui- 
même,  non  pas  ce  qui  peut  paraître  le  meilleur  au  jugement  de  l'Europe  ; 
c'est  l'esclave  qui  souflEre,  non  l'Europe.  » 

A  la  fin  d'août,  apprenant  que  Suleiman  avec  ses  compagnons  et  leurs 
troupes  d'esclaves  armés,  au  nombre  de  6000  hommes,  étaient  campés 
près  de  Dara,  il  résolut  de  s'y  rendre.  Il  se  présenta  seul,  avec  quatre 
hommes,  à  Suleiman,  entouré  de  3000  de  ses  gens,  femmes  et  enfants  ; 
il  lui  posa  son  ultimatum  en  termes  précis  :  «  Si  vous  voulez  la  guerre, 


T-T 


—  65  —  l 

je  Taccepte;  si  vous  préférez  la  paix,  retournez  dans  vos  possessions,  » 
et  leur  donna  jusqu'au  lendemain  pour  y  réfléchir.  C'était  un  de  ces 
actes  d'audace  comme  on  en  rencontre  plusieurs  dans  la  carrière  de  ce 
vaillant  officier.  Les  chasseurs  d'esclaves  furent  comme  subjugués  par 
son  apparition  au  milieu  d'eux  et  se  retirèrent  à  Chekka  ;  mais  Gordon 
les  y  suivit;  il  renvoya  Suleiman  au  Bahr-el-Ghazal  et  dispersa  les  autres 
traitants  en  différents  endroits.  La  traite  fut  supprimée  pour  un  temps 
dans  ce  pays,  et  un  grand  nombre  d'esclaves  furent  libérés. 

Gordon  retourna  alors  à  Ehartoum,  et,  apprenant  que  Mikael  avait 
reconunencé  ses  incursions  en  Abyssinie,  il  se  rendit  chez  les  Bogos.  Il 
proposa  au  négous  que  l'Egypte  gardât  le  pays  des  Bogos,  mais  se  recon- 
nût responsable  de  la  conduite  de  Mikael  ;  et  voyant  qu'on  ne  pouvait 
pas  se  fier  à  ce  dernier,  il  proposa  au  roi  Jean  de  l'aider  à  s'emparer  de 
lui  pour  l'envoyer  au  Caire.  Il  ne  reçut  pas  de  réponse,  et  Mikael  conti- 
nua pendant  longtemps  ses  déprédations  sur  les  frontières  d'Abyssinie. 
En  1878  cependant  il  fit  sa  soumission  au  roi  Jean,  qui  renoua  les  négo- 
ciations avec  Gordon  au  sujet  des  frontières. 

Le  gouverneur  du  Soudan  avait  alors  des  difficultés  au  sujet  de 
1300  soldats  esclaves  demeurés  fidèles  au  gouvernement  et  dont  il  ne 
savait  que  foire.  Us  avaient  été  autrefois  enlevés  par  Ziber,  qui  les  avait 
exercés  au  métier  des  armes.  Il  se  décida  à  les  envoyer  sous  leur  chef 
Nuehr-bey-Angara,  accompagné  de  deux  Européens,  dans  une  zone  de 
pays  entre  le  Ouadal  et  le  Darfour. 

Quoiqu'il  eût  indiqué  clairement  au  gouvernement  égyptien,  que  la 
destruction  de  la  bande  de  Ziber  était  le  point  le  plus  important  dans  la 
question  de  la  traite,  il  ne  recevait  aucun  appui  du  Caire.  Le  4  août  1877 
avait  été  conclue,  entre  l'Angleterre  et  l'Egypte,  la  Convention  d'après 
laquelle  tout  commerce  public  d'esclaves  était  prohibé,  tandis  que  la 
vente  privée  devait  être  supprimée,  en  Egypte,  en  1884,  et  au  Soudan,  en 
1889  ;  on  savait  que  Ziber  avait  été  le  principal  fauteur  de  la  traite  pen- 
dant les  dix  dernières  années,  et  cependant,  au  Caire,  il  était  traité  avec 
honneur  ;  Nubar-pacha  offrit  même  de  l'envoyer  aider  à  Gordon. 

Les  lettres  de  celui-ci  à  sa  sœur  mentionnent  néanmoins  la  déUvrance 
de  nombreuses  caravanes  d'esclaves.  «  Nous  en  avons  pris  douze  en  deux 
mois,  B  écrit-il  de  Khartoum  en  juillet  1878,  «  ce  qui  n'est  pas  mal.  J'ai 
intercepté  une  lettre  d'un  homme  du  6ahr-el-Ghazal,  disant  qu'il  a  un 
lot  d'esclaves,  mais  qu'il  ne  peut  trouver  une  route  pour  les  envoyer  à 

la  côte.  Je  l'ai  surpris  ainsi  que  ceux  auxquels  il  écrivait  » Et  plus 

tard,  «  la  vue  de  ces  90  esclaves  était  terrible.  Un  de  mes  amis  m'a  dit 


—  66  — 

qu'il  y  en  avait  peu  au-dessus  de  16  ans;  quelques-unes  avaient  de  petits 
enfants  !  Elles  avaient  fait  800  kilom.  dans  les  déserts;  c'était  le  reste 
de  400  environ^?  Je  dois  me  contenir  beaucoup  pour  m 'abstenir  d'actes 
cruels,  illégaux,  envers  les  trafiquants  d'esclaves;  mais  il  faut  observer 
la  loi.  »  Les  souflBrances  que  lui  causait  l'œuvre  qu'il  avait  à  accomplir, 
étaient  aggravées  par  les  diflBcultés  qu'il  rencontrait  de  la  part  de  l'auto- 
rité égyptienne;  les  hommes  qu'il  envoyait  au  Caire  n'étaient  jamais 
punis,  au  contraire,  ils  étaient  invités  aux  bals  de  la  cour. 

Parfois  sa  position  lui  paraissait  intolérable,  et  lui  faisait  envier  le  sort 
d'un  travailleur.  Interrogeant  un  jour  quelques  chefe  du  Darfour,  il  apprit 
d'eux  qu'un  tiers  de  la  population  avait  été  emmené  en  esclavage.  Aussi 
écrit-il  à  ce  sujet  :  «  Quand  on  pense  au  nombre  énorme  d'esclaves  qui, 
de  ce  pays,  ont  été  conduits  en  Egypte,  on  peut  à  peine  comprendre  ce 
qu'ils  sont  devenus.  Il  y  en  a  eu  des  milliers  et  des  milliers...  Nous  en 
avons  pris  2000  en  moins  de  neuf  mois,  et  je  crois  que  nous  n'avons  pas 
pris  le  cinquième  des  caravanes.  Et  combien  meurent  en  route  !  Ceux 
qu'on  libère  ne  donnent  aucun  signe  de  joie  d'être  délivrés.  Je  suppose 
que  les  longues  marches  leur  ont  enlevé  tout  ce  qu'ils  avaient  de  vie.  » 

En  mars  1879,  il  dut  se  rendre  dans  le  Kordofan.  Non  seulement  le 
Bahr-el-Ghazal  était  en  pleine  révolte,  mais  il  y  avait  aussi  des  soulève- 
ments au  Darfour  et  dans  le  pays  voisin.  Haroun  avait  reparu  sur  la 
scène;  les  insurgés  étaient  conduits  par  Sabahi,  auparavant  un  des  chefs 
de  Ziber,  qui  s'était  mis  à  faire  la  traite  pour  son  propre  compte,  avait 
assassiné  le  gouverneur  laissé  par  Gordon  à  Edowa,  et  s'était  retiré  dans 
les  montagnes  où  les  troupes  égyptiennes,  sous  Hassan-pacha-Helmi,  ne 
faisaient  aucun  effort  pour  l'attaquer. 

En  entreprenant  l'expédition  du  Kordofan,  Gordon  voulait  aider  à 
Gessi  à  empêcher  les  partisans  de  Ziber  de  secourir  les  traitants,  et  les 
bandes  de  Ziber  de  pénétrer  dans  le  Darfour  pour  rejoindre  Haroun.  A 
la  fin  de  mars,  il  alla  à  Edowa;  Sabahi,  avec  400  hommes,  n'était  qu'à 
quatre  jours  de  distance.  Il  captura  bon  nombre  de  caravanes  d'esclaves, 
et  atteignit  Chekka,  où  il  reçut  un  message  de  Gessi  lui  demandant  des 
secours  en  hommes  et  en  munitions.  Alors  il  crut  que  le  parti  le  plus 
sage  serait  de  réinstaller  la  famille  du  sultan  dans  le  Darfour,  en  la  per- 
sonne du  fils  du  sultan  Ibrahim,  qui  était  gardé  au  Caire,  et  il  télégra- 
phia au  khédive  pour  qu'on  le  lui  envoyât.  En  attendant,  il  nomma 
comme  régent  un  ex-vizir  du  Darfour  qu'il  avait  trouvé  emprisonné  à  Soua- 
kim,  puis  délivré  et  renvoyé  dans  sa  province.  Il  se  préoccupait  des  consé- 
quences que  pouvait  avoir  la  libération  des  esclaves  dans  l'Egypte  propre 


—  67  — 

en  1884.  «  Si  le  système  actuel  de  gouvernement  subsiste,  »  écrivait-il, 
<  il  ne  peut  manquer  d'y  avoir  une  révolte  dans  tout  le  pays.  Les  gens  du 
Caire  oublient  complètement  qu'en  1884  leurs  revenus  diminueront  de 
moitié,  et  que  le  pays  aura  besoin  de  plus  de  troupes  pour  y  maintenir 
Tordre.  Les  sept  huitièmes  de  la  population  du  Soudan  sont  esclaves  ;  et 
la  diminution  des  revenus  en  1889  (époque  fixée  pour  la  libération  des 
esclaves  dans  les  territoires  en  dehors  de  l'Egypte  propre),  sera  de  plus 
des  deux  tiers,  si  elle  s'effectue  jamais.  » 

Quittant  Chekka  en  avril  1879.  il  se  rendit  par  Ealaka,  Dara,  El- 
Fâcher,  à  Kolkol,  où  il  arriva  le  26  mai,  releva  la  garnison  et  repartit 
pour  El-Facher.  Là  il  sut  que  Gessi  s'était  emparé  de  la  forteresse  de 
Suleiman  '  et  il  allait  partir  pour  E^hartoum  lorsque,  apprenant  qu'une 
troupe  de  gens  appartenant  à  Ziber  était  en  route  pour  le  Darfour,  il 
retourna  à  Tawaïcha,  oii,  le  25  juin,  il  rencontra  Gessi,  qui  venait  d'écra- 
ser la  dernière  bande  des  rebelles.  Il  le  laissa  poursuivre  Suleiman  et 
revint  à  Khartoum,  l'âme  navrée  par  la  vue  des  nombreux  squelettes 
dont  les  routes  étaient  jonchées,  des  districts  ravagés  et  dépeuplés,  les 
habitants  ayant  été  capturés  ou  étant  morts  d'inanition.  Il  a  calculé  que 
la  perte  des  hommes  dans  le  Darfour  et  au  Bahr-el-Ghazal,  du  fait  seul 
de  la  traite,  s'est  élevée  à  80,000  ou  100,000  personnes. 

Après  la  déposition  dû  khédive  Ismall,  Gordon  quitta  le  Soudan  en 
juillet  1879;  son  œuvre  coûtreles  chasseurs  d'esclaves  fut  continuée  avec 
habileté  par  Gessi-pacha,  Emin-bey  et  Lupton-bey.  Le  premier  est  mort 
des  suites  des  fatigues  de  la  guerre  cor^tre  les  négriers  du  Bahr-el-Gha- 
zal;  les  deux  derniers  sont  encore  dans  les  Provinces  équatoriàles,  à 
l'est  et  à  l'ouest  du  Nil-Blanc.  Mais  on  comprend  que  le  souvenir  de 
Gordon-pacha  ait  fait  désirer  à  la  population  de  Khartoum,  déjà  en  mars 
de  Tannée  dernière,  de  le  voir  nommé  de  nouveau  gouverneur-général 
du  Soudan.  D'après  une  lettre  de  Schweinfurth,  un  grand  nombre  des 
indigènes  partageaient  ce  désir,  Gordon  étant  le  plus  populaire,  et  le 
plus  aimé  de  tous  les  gouverneurs  qui  ont  commandé  au  Soudan  ;  tou- 
tes les  classes  de  la  population  de  cette  partie  de  l'Egypte  le  chérissaient. 
On  peut  se  représenter  l'impatience  avec  laquelle  tous  les  habitants  de 
Khartoum,  menacés  par  la  marche  envahissante  du  Mahdi,  et  sans 
communication  aucune  avec  Souakim  et  Massaoua,  attendaient  derniè- 
rement le  libérateur  qui  leur  arrivait  par  la  voie  de  Korosko  et  de 
Berber,  et  l'accueil  enthousiaste  avec  lequel  ils  l'ont  reçu.  L'on  s'ex- 

*  V.  l«^«  année,  p.  88. 


—  68  — 

plique  très  bien  aussi,  que  le  souvenir  des  anciennes  exactions  des  admi- 
nistrateurs égyptiens,  et  Tindignatiou  provoquée  par  la  vue  des  injustices 
des  fonctionnaires  actuels,  aient  porté  Gordon  à  détruire  tout  ce  qui 
rappelait  le  régime  auquel  peut  être  attribuée  en  partie  la  révolte  du 
Soudan.  Quant  à  l'abolition  qu'il  vient  de  proclamer,  des  firmans  con- 
cernant l'esdavage  et  le  châtiment  de  ceux  qui  se  livrent  à  la  traite, 
probablement  nous  surprendrait-elle  moins  si  nous  connaissions  exacte- 
ment le  but  qu'il  poursuit. 

S'agit-il  uniquement  d'obtenir  l'évacuation  des  Européens  enfermés 
dans  Khartoum,  et  dispersés  dans  les  Provinces  équatoriales,  puis 
d'abandonner  à  eux-mêmes,  c'est-à-dire  au  Mahdi,  ces  territoires  et 
ceux  qui  s'étendent  jusqu'à  la  mer  Rouge,  moins  les  villes  de  Souakim 
et  de  Massaoua?  Ou  bien  essaiera-t-on  de  conserver  à  l'Egypte  la  pos- 
session du  pays  à  l'est  du  Nil-Blanc,  en  reconnaissant  l'autorité  du 
Mahdi,  sur  tout  ce  dont  il  pourra  s'emparer  à  l'ouest  et  au  sud,  même 
sur  les  provinces  égyptiennes  de  l'Equateur  et  du  Bahr-el-Ghazal,  où  il 
n'a  pas  encore  pénétré?  Ou  encore  restaurera-t-on  les  familles  des  sul- 
tans dépossédés  il  y  a  si  longtemps  par  le  gouvernement  égyptien,  et 
quelles  conditions  mettra-t-on,  soit  à  cette  restauration,  soit  à  la 
reconnaissance  du  Mahdi,  en  ce  qui  concerne  la  traite  et  l'esclavage? 
Autant  de  questions  auxquelles  il  est  impossible^e  répondre  aujourd'hui. 

On  nous  engage  à  prendre  patience,  en  nous  promettant  que,  tout  en 
autorisant  la  vente  des  esclaves,  Gordon  ne  sera  point  infidèle  à  son 
passé.  Mais  nous  ne  comprenons  pas  comment  il  a  pu  croire,  qu'en  rou- 
vrant le  marché  de  Khartoum,  il  ne  rouvrait  pas,  du  même  coup,  la  voie 
de  la  traite  et  de  la  chasse  à  l'homme. 

Il  nous  paraît  encore  inadmissible  que,  après  l'œuvre  accomplie  par 
lui  au  Soudan,  de  1874  à  1879  \  Gordon  devienne  l'instrument  de  la 
reconnaissance  de  cet  odieux  trafic,  pour  la  suppression  duquel  il  a  si 
vaillamment  lutté  pendant  cinq  ans,  aujourd'hui  surtout  que,  quoiqu'il 
soit  agent  du  khédive,  la  responsabilité  de  sa  mission  remonte  à  l'Angle- 
terre. Celle-ci  voudrait-elle,  l'année  même  où,  d'après  sa  convention 
avec  rÉgypte,  la  vente  privée  doit  cesser  dans  tout  le  territoire  qui 
s'étend  d'Alexandrie  à  Assouan,  sanctionner  par  son  influence  morale, 
un  traité  qui  reconnaîtrait  au  Mahdi,  ou  à  une  autorité  quelconque  au 
Soudan,  le  droit  de  trafiquer  des  esclaves  sur  son  propre  marché? 

Mais  alors  comment  pourrait-elle  célébrer,  le  !•'  août  de  cette  année» 

»  V.  p.  61-67. 


—  69  — 

dans  la  salle  égyptienne  de  Mansion  House,  comme  elle  s'apprête  à  le 
faire,  le  jubilé  cinquantenaire  de  l'émancipation  dans  ses  colonies?  Et 
comment,  après  avoir  agi  auprès  des  États  européens,  Portugal, 
Espagne,  France,  Hollande,  pour  supprimer  la  traite  par  les  côtes  occi- 
dentale et  orientale  de  TAfrique,  imposé  au  sultan  de  Zanzibar  un  traité 
interdisant  ce  commerce,  et  nommé  tout  récemment  M.  le  capitaine 
Foot,  consul  anglais,  avec  mission  de  le  surveiller  sur  les  routes,  du  lac 
Nyassa  aux  ports  de  la  côte,  par  les  possessions  portugaises,  comment, 
disons-nous,  oserait-elle,  au  moment  où  son  influence  succède  à  Tauto- 
rité  égyptienne,  permettre  elle-même  ce  qu'elle  avait  obligé  l'Egypte  à 
condamner? 

Sans  doute  il  est  beau  de  rendre  la  liberté  à  une  pauvre  négresse  déte- 
nue injustement  depuis  quinze  ans  dans  la  prison  de  Khartoum ,  mais  il 
n'est  permis  à  aucun  homme,  s'appelât-il  Gordon-pacha,  ni  à  aucune 
nation,  fût-ce  l'Angleterre,  de  rouvrir  à  la  traite  les  marchés  publics  du 
Soudan  égyptien,  au  risque  de  livrer  aux  chasseurs  d'esclaves,  partisans 
du  Mahdi  ou  autres,  les  millions  de  noirs  d'un  territoire  aussi  vaste  que 
la  moitié  de  l'Europe,  en  faveur  desquels  la  voix  des  Livingstone,  des 
Nachtigal,  des  Schweinfurth,  des  Baker  et  des  Gordon,  avait  ému  les 
populations  chrétiennes  des  deux  mondes.  Quelque  habUe  qu'ait  pu  paraî- 
tre la  politique  qui  s'est  servie  de  Gordon-pacha,  pour  relever  le  prestige 
de  l'Angleterre,  faciliter  l'évacuation  des  postes  du  Soudan  et  prévenir 
l'intervention  de  la  Turquie  dans  ses  anciennes  possessions  africaines, 
l'humanité  demandera  compte  un  jour  au  gouvernement  britannique  de 
la  désolation  que  les  chasseurs  d'hommes,  auxquels  il  vient  de  lâcher  la 
bride,  vont  répandre  partout,  des  portes  de  l'Egypte  jusqu'à  l'Equateur, 
et  des  larmes  versées  par  les  milliers  de  pères,  (le  mères,  de  jeunes  gens 
et  d'enfants  dont  son  agent  vient,  à  son  de  trompe  sur  les  places  de 
Khartoum,  d'autoriser  la  vente.  Quelque  valeur  qu'aient  à  nos  yeux 
rhonneur  de  l'Angleterre  et  la  vie  de  60,000  Egyptiens  et  Européens  du 
Soudan,  rien  ne  nous  prouve  qu'ils  n'eussent  pu  être  rachetés  qu'au  prix 
du  sang  et  de  la  liberté  des  nègres,  infiniment  plus  nombreux,  dont 
Gordon  vient  de  river  les  fei's.  Personne  ne  dira  :  périsse  l'Angleterre, 
pourvu  que  les  noirs  soient  affranchis;  mais  qu'on  ne  dise  pas  non  plus  : 
périssent  tous  les  noirs  du  Soudan  et  que  l'Angleterre  soit  sauvée  *  ! 

^  D'après  les  journaux  du  Caire,  le  Mahdi  a  protesté  contre  la  proclamation  de 
Gordon  autorisant  la  traite.  Il  interdit  tout  commerce  d'esclaves,  disant  que  ses 
svjets,  quelle  que  soit  leur  race,  sont  égaux  devant  Dieu  et  devant  le  Prophète.  — 
Lie  r61e  de  champion  de  la  civilisation  a  passé  au  Mahdi  !  !  1 


—  70  — 
CORRESPONDANCE 

1  Bethléem,  9  janvier  1884  (Orange  Free-State). 

Cher  Monsieur, 

Dans  ma  lettre  de  novembre  dernier,  je  vous  informais  que  notre  départ  devait 
subir  un  délai,  vu  Pattente  de  nos  amis  Weizeker.  C'est  le  22  décembre  qu'ils  sont 
arrivés  &  Léribé;  dès  lors,  la  porte  nous  était  ouverte  de  ce  côté-là.  Une  autre 
difficulté  est  survenue  ;  la  petite-vérole  éclata  au  Lessouto  et  nous  ferma  la  route 
de  rÉtat-Libre. 

Sur  une  requête  adressée  au  Président  Brandt,  accompagnée  d'une  déclaration 
médicale,  nous  obtînmes  le  droit  de  franchir  le  Calédon.  Le  2  janvier,  notre  cara- 
vane quittait  Léribé,  composée  de  24  personnes,  plus  70  et  quelques  bœufs, 
10  chevaux,  10  chiens,  2  chèvres,  2  oiseaux,  une  vraie  émigration  patriarcale. 

Dès  l'abord  les  difficultés  ne  nous  ont  pas  manqué  ;  c'est  ainsi  que  nous  avons 
mis  deux  jours  pour  traverser  le  Calédon,  et,  avons  dû,  à  cet  effet,  décharger  deux 
de  nos  wagons.  La  route  très  accidentée,  de  Léribé  à  Bethléem,  a  rendu  notre  mar- 
che très  lente.  L'une  des  pièces  de  mon  wagon  s'étant  cassée,  nous  l'avons  déchargé 
une  seconde  fois.  Nous  sommes  arrivés  pour  passer  notre  premier  dimanche  sur 
une  ferme  hospitalière.  C'a  été  pour  nous  un  jour  do  repos,  de  recueillement,  après 
toutes  les  agitations  précédentes.  Notre  culte,  célébré  sous  la  voûte  des  cieux,  sem- 
blait, par  ce  fait  même,  nous  rapprocher  davantage  de  l'Auteur  de  cette  belle 
nature.  La  journée  du  lundi  a  été  notre  plus  forte  traite,  62  kilom.;  ce  jour-là 
nous  arrivions  à  Bethléem,  d'où  nous  repartons  aujourd'hui  même.  Cette  petite 
ville  possède  une  jolie  église  hollandaise  et  d'autres  lieux  de  cultes,  anglicans  ou 
wesleyens  ;  elle  est  peut-être  jolie,  en  tant  que  cité  africaine.  La  contrée  que  nous 
avons  parcourue  présente  le  même  aspect  que  le  Lessouto,  mais  nous  allons  entrer^ 
dans  la  région  des  plaines  et  des  troupeaux  de  moutons.  Nous  espérons,  si  la  pluie 
ne  nous  contrarie  pas  trop,  arriver  à  Pretoria  à  la  fin  de  la  semaine  prochaine,  en 
passant  par  Francfort  et  Heidelberg.  Généralement  nous  nous  levons  à  4  ou  5  h. 
du  matin,  et  marchons  jusqu'à  10  ou  11  h.  Alors,  nous  déjeunons  et  faisons  une 
bonne  halte  jusqu'à  4  h.  L'heure  d'arrivée  à  notre  campement  du  soir  est  entre 
8  et  9  h.  Après  le  dîner  et  la.  prière,  chacun  gagne  ses  campements,  pour  y  trouver 
un  repos  bien  mérité.  Notre  caravane  est  animée  d'un  bon  esprit.  Tous,  Bi  j'en 
excepte  un  enfant  d'un  évangéliste,  nous  avons- joui  d'une  excellente  santé.  Nous 
sommes  reconnaissants  de  ce  que  notre  plus  ardent  désir  ait  pu  se  réaliser  ;  nous 
marchons  au-devant  d'une  carrière  difficile,  mais  avec  le  doux  sentiment  de  l'accom- 
plissement d'un  devoir. 

Votre  dévoué, 

D.  Jeakmairet. 


BIBLIOGRAPHIE 


Histoire  et  géographie  de  Madagascar,  par  M,  Henry  d'Escamps. 
Nouvelle  édition,  avec  une  carte  de  M.  A.  Grandidier.  Paris  (Firraia- 

*  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bâle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  VAfriqiM  explorée  et  civilisée. 


—  71  — 

Didotet  C"),  1884,  in-8%  LlX-636  pages.  Fr.  6.  —  Les  récits  des  mission- 
naires et  des  voyageurs,  et  plus  encore  l'expédition  française  actuelle 
ont,  dans  ces  derniers  temps,  attiré  l'attention  sur  l'île  de  Madagascar. 
Oa  connaît  les  travaux  de  M.  Grandidier,  le  principal  explorateur  de 
cette  grande  terre,  sur  laquelle  ses  itinéraires  ont  un  développement  de 
cinq  mille  cinq  cents  kilomètres.  La  relation  de  ces  voyages,  entrepris 
en  1865,  sous  les  auspices  du  gouvernement  français,  est  en  cours  de 
publication  à  la  librairie  Hachette.  Après  lui,  un  Anglais,  M.  MuUens, 
est  l'Européen  qui  a  fait  à  Madagascar  le  plus  long  voyage.  Envoyé  par 
là  Société  des  Missions  de  Londres,  il  a  visité  les  provinces  oîi  les 
Anglais  ont  établi  des  temples  et  des  écoles,  et  ses  excui-sions  ont  une 
grande  importance  au  point  de  vue  géographique. 

Ces  explorations  ont  permis  à  M.  d'Escamps  de  publier  une  seconde 
édition  de  son  livre  sur  l'histoire  et  la  géographie  de  Madagascar;  mais, 
par  suite  des  nombreux  remaniements  et  additions  que  l'ouvrage  a  subis, 
on  peut  le  considérer  comme  une  œuvre  toute  nouvelle,  à  la  composition 
de  laquelle  a  puissamment  coopéré  M.  Grandidier  lui-même,  dont  les 
itinéraires  sont  indiqués  sur  la  carte  placée  à  la  fin  du  volume. 

Rédacteur  d'un  journal  colonial,  attaché  au  ministère  de  la  marine  et 
des  coloaies,  M.  d'Escamps  avait  en  mains  tous  les  éléments  d'une 
histoire  et  d'une  géographie  de  Madagascar.  Aussi,  à  son  apparition, 
cet  ouvrage  fut-il  accueilli  avec  faveur,  et  devint-il,  en  quelque  sorte,  le 
manuel  de  la  grande  Compagnie  de  Madagascar,  qui  se  fonda  en  1862. 

Actuellement,  il  est  mis  à  jour,  et  on  peut  le  considérer  comme 
donnant  un  exposé  très  exact,  au  dire  d'autorités  compétentes,  de 
la  question  de  Madagascar.  Sans  doute,  il  est  écrit  au  point  de  vue 
purement  français  ;  les  Anglais  et  les  Hovas  n'y  jouent  pas  le  beau 
rôle,  et  les  prétentions  de  la  France  y  sont  admises  sans  réserve;  mais, 
à  part  cela,  il  constitue  une  monographie  d'autant  plus  importante 
qu'elle  est  la  seule  qui  existe  en  français,  et  dans  laquelle  l'homme 
politique  et  l'homme  d'études  peuvent  puiser  de  précieuses  indications, 
non  seulement  sur  la  grande  terre,  mais  aussi  sur  les  îles  voisines,  de 
S*'  Marie,  Nossi-Bé  et  Mayotte. 

C'est  que  Madagascar  mérite  qu'on  s'occupe  d'elle  ;  d'une  superficie 
plus  vaste  que  la  France,  peuplée  de  près  de  deux  millions  d'habitants, 
elle  commande  la  côte  orientale  de  l'Afrique  et  la  route  des  Indes  par 
le  Cap  de  Bonne-Espérance.  Les  moussons  y  apportent  une  quantité 
suffisante  de  pluie  ;  le  sol  est  fertile  et  nourrirait  facilement  une.  forte 
population  ;  les  golfes,  dont  quelques-uns  constituent  des  ports  excellents, 
sont  placés  en  dehors  de  la  région  des  cyclones,  et  pourraient  servir  de 


—  12  — 

points  de  ravitaillement  et  de  chantiers  de  radaub,  car  c'est  dans  la  baie 
d'Antongil,  qu'en  1746,  le  célèbre  La  Bourdonnais  put  remettre  son 
escadre  en  état  de  tenir  la  mer  et  de  supporter  le  choc  des  Anglais. 

Le  sol  malgache  ofFrede  grandes  ressources,  soit  au  point  de  vue  miné- 
ralogique,  car  la  houille,  le  sel  et  plusieurs  métaux  s'y  rencontrent,  soit  au 
point  de  vue  agricole.  Le  sucre,  le  coton,  la  soie  en  sont  les  produits  prin- 
cipaux; mais  les  bois  de  construction  et  d'ébénisterie,  Tindigo,  le  caout- 
chouc, le  tabac,  le  café,  le  riz  pourraient  alimenter  un  commerce  étendu. 
En  outre  Madagascar,  comme  TAmérique,  serait  à  même  d'exporter  en 
Europe  des  viandes  de  conserve  et  des  laines,  car  les  zébus  ou  bœufs  à 
bosse,  bien  connus  au  Sénégal  ou  dans  les  Antilles,  et  les  moutons  à 
grosse  queue  du  Cap,  forment  de  nombreux  et  immenses  troupeaux.  L'au- 
teur indique  dans  le  cours  de  son  livre,  le  prix  des  denrées  indigènes  sur 
le  marché  de  Tananarive  ;  leur  bon  marché  pourra  donner  une  idée  de 
la  richesse  du  pays  ;  on  y  verra  qu'un  bœuf  coûte  50  fr.,  une  dinde, 
50  centimes,  une  poule,  23  centimes,  le  riz,  5  fr.  le  quintal  métrique,  etc. 

Mais  comment,  dira-t-on,  tous  les  essais  de  colonisation  dans  un  tel 
pays  ont-ils  échoué  ?  Cela  tient  principalement  au  fait  que  l'on  a  toujours 
choisi,  pour  lieu  de  résidence,  la  côte  orientale  qui  est  la  moins  salubre, 
tandis  que  le  rivage  septentrional,  d'après  le  témoignage  de  l'amiral 
Fleuriot  de  Langle,  est  beaucoup  plus  sain.  Cela  tient  aussi  à  la  ihau- 
vaise  volonté  des  Hovas  qui  ont  mis  tous  les  obstacles  possibles  à 
l'établissement  des  immigrants  européens,  leur  refusant,  récemment 
encore,  le  droit  de  posséder  la  terre.  M.  d'Escamps,  fait  une  histoire 
complète  et  détaillée  de  Madagascar  et  des  relations  entre  son  gouverne- 
ment et  les  États  Européens.  Il  montre  la  France  prenant  possession  de  la 
côte  sud-orientale  en  1643  et  fondant  le  Fort-Dauphin  ;  puis  il  raconte  la 
tentative  du  comte  polonais  Benyowski,en  1773,  pour  coloniser  la  région 
voisine  de  la  baie  d'Antongil,  et  toutes  les  phases  par  lesquelles  a 
passé  la  question  de  Madagascar  durant  ce  siècle.  Pour  lui,  du  reste, 
elle  est  facilement  résolue  :  «  en  dehors,  »  dit-il,  «  de  la  petite  peuplade 
des  Hovas,  dont  la  domination  usurpée  est  loin  d'être  reconnue  par  les 
vingt-cinq  principaux  peuples  de  l'île,  qui  tous  ont  leur  gouvernement 
propre  et  leur  roi,  la  France  est  souveraine  de  Madagascar,  à  la  fois  par 
des  prises  de  possession  réitérées,  et  par  les  traités  contractés  de  nos 
jours,  particulièrement  par  celui  de  1860. 

En  terminant,  M.  d'Escamps  résume  d'une  manière  très  claire  les 
faits  pçlitiques  qui  se  sont  passés  depuis  la  prise  de  Majunga  et  de  Tama- 
tave  jusqu'à  aujourd'hui. 


Anvers. 
Berlin. 
Bréa)€. . 
Bruxell4^s. 
(>)nstantine. 

Berlin. 


ÉCHANGES 

Sociétés  de  géographie. 

Douai.  léna.  Lyon.  Nancy. 

Francfort  "/M.  Le  Caire.  Madrid.  New- York. 

Greifswald.  Leipzig.  Marseille.  Oran. 

Halle.  Lille.  Montpellier.  Paris. 

Hambourg.  Lisbonne. 

Sociétés  de  géographie  commerciale. 

Bordeaux.  Paris.  Porto. 

Missions. 


Rocheforl. 
Rome. 
Rouen. 
Vienne. 


Saint-Gall. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Ijaùsanne). 
Missions  évangéliques  au  XlXn»®  siècle 

(Neuchâtel). 
Journal  de  TUnité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Mis.Hions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bâle). 

Evangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
(]alwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgemeine  Missions- Zeitschrift  (GUters- 

loh). 
Glaubensbote  (B&le). 
Africa  (Londres). 
La  Nigrizia  (Vérone). 


Church  missionary  Intel ligenr^r  and  Re- 
cord (Londres), 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionary  (New-York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Cbronicle  of  the  London  Missionar}-  So  - 
ciety  (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  C.hurch  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  Church  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Woman's  foreign  nn'ssionary  Socielv 
(Philadelphie). 


Divers. 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

BuHetin  des  Mines  (Paris). 

BuHetin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

BuHetin  du  (îomice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  T Académie  d'Hippone  (Bone). 

BuHetin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  f(ir  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fïlr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeîtschrift  fOr  wissenschaftliche  Géogra- 
phie (Lahr). 

Aus  allen  Welttheilen  (Leipzig). 

Deutsche  Kolonralzeitung  (Francfort  s/M). 


Chamber  of  Commerce  Journal  (Londres). 
African  Times  (Londres). 
Antislavery  Reporter  (Londres). 
Aborigine's  Friend  (Londres). 
African  Repository  (Washington). 
Observer  (Monrovia). 
Esploratore  (Milan). 
Cosmos  (Turin). 
Bollettino  délia  Societa  africana  d'Italia 

(Naples). 
Esplorazione  (Naples). 

Marina  e  Commercio.eGiornale  délie  co- 
lonie (Rome). 
Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 
Africa  oriental  (Mozambique). 
0  Africano  (Quilimane). 
Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 
As  colonias  portnguezas  (Lisbonne). 
Revista  de  Esludos  Livres  (Lisbonne). 
Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indépendant  (Ck)natantine). 

Moniteur  de  l'Algérie  (Al^er). 

D<*  A.  Petermann  s  Mittheilungen  (Gotha) 


Proceedings   of  the  royal   geographical 
Society  and  monthly  Record  of  geogra 
phy  (Londres). 

Natal  Mercury  (Durban). 

Cape  Argus  (Cape-Town). 

West  Amcan  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

PagçB 

BULLKTIN  MENSUEL 49 

Nouvelles  coinplénieataires 56 

L'œuvre  de  Gordon  dans  le  Soudan  égyptien 59 

Correspondance  : 

Lettre  de  M.  D.  Jeanmairet 70 

Bibliographie  : 

Histoire  et  géographie  de  Madagascar,  par  M.  Henry  D'Ëscanips. . .  70 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Uganda  und  der  SBgyptische  Sudan,  voa  Rev.  C.-T.  WilsonAind  R,-W.  Felkin. 

Stuttgart  (J.-G.  Cotta),  1883,  2  vol.  in-8  avec  gravures. 
Histoire  et  géographie  de  Madagascar,  par  M.Henry  D'Kscamps.  Nouvelle  édition, 

avec  une  carte  de  M.  Â.  Grandidier.  Paris  (Firmin-Didot  et  C'®),  1884,  in-8, 

Lix— 636  p.  Fr.  6. 
La  confrérie  musulmane  de  Sfdi-Mohammed-Ben'Ali-es-Senoûsî  et  son  domaine 

géographique  en  l'année  1300  de  l'hégire  =  1883  de  notre  ère,  par  H.  Duveyrier. 

Paris  (Société  de  géographie),  1884,  in-8,  84  p.  et  carte. 
Un  explorateur  africain.  Auguste  Stahl,  mort  au  Gabon  en  1880.  Son  voyage  et  sa 

correspondance  (avec  2  cartes),  par  Emile  Dietz.  Paris  (Paul  Monnerat,  48,  rue 

de  Lille),  1884,  in-8,  64  p. 
Craniologische  Untersuchuug  der  Neger  und  der  Negervôlker.  Nebst  einem  Bericht 

ttber  meine  erste  Reise  naeh  Cameroons  (West-Afrika)  im  Tahre  1883,  von  Cari 

Passavant.  —  Basel  (H.  Georg),  1884,  in-8*>,  94  p.  Fr.  .  50 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


L'AFRIQUE 

I 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

Dimoi  PAS 

M.  Gnstaye  MOTNIEB 

Membre  do  la  GommiBsion  internationale  de  Bruxellos  pour  Pexploration  et  la  oivUisalion 

de  TAfriqùe  centrale;  membre  correspondant  de  rAcadémio  d^Hippone, 

et  des  Sociétés  de  géographie  de  Marseille,  de  Nancy,  de  Loanda  et  de  Porto. 

EÉDIOÉ  PAE  , 

M.  Charles  FAUBS 

Seerétairo-Bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie  de  Genève ,  membre  correspondant  des  Sociét^'s 
de  gèogpraphie  de  Lisbonne,  da  Loanda.  do  Porto  et  de  Salat-Gall. 


L Afrique  paraît  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d'au 
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par^t  nécessaire. 

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autres,  11  fr.  50, 


Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  i^  im  eompte  renda* 


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et  de  la  JF™*  année.  La  J"^«  est  épuisée. 


me 


—  73  — 

BULLETIN  MENSUEL  (7  avril  1884).  ' 

Le  rétablissement  de  la  tranquillité  dans  le  Sud  Oranais,  ayant 
ramené  la  sécurité  de  la  route  du  Touat,  a  permis  aux!  tribus  nomades 
du  S.-O.  de  l'Algérie,  de  reprendre  leurs  relations  commerciales  avec 
Toasis  de  Gourara,  qu'elles  avaient  dû  interrompre  depuis  1880. 
Une  caravane  des  Hamyans,  composée  d'un  millier  de  personnes  et  de 
3000  chameaux,  a  récemment  effectué  ce  voyage,  dans  des  conditions 
très  satisfaisantes.  Partie  le  15  novembre  de  Moghar-Thatani,  la  cara- 
vane atteignit,  le  30  novembre,  Tabouda,  point  extrême  de  l'oasis  sus- 
mentionnée, ayant  parcouru  600  kilom.  Elle  avait  emporté  du  blé,  de 
l'orge,  du  beurre  fondu,  du  fromage,  des  toisons  de  laine,  des  fèves,  de 
la  viande  sèche,  de  l'huile  et  un  millier  de  moutons;  elle  a  rapporté  des 
dattes  rouges,  des  burnous  et  des  haïcks.  Pendant  le  voyage  de  retour, 
qui  s'est  accompli  également  en  quinze  jours,  les  Hamyans  ont  fait 
route  avec  ime  caravane  des  Doui-Menia,  tribu  marocaine,  dont  les  prin- 
cipales fractions  paraissent  aujourd'hui  animées  des  meilleures  disposi- 
tions à  l'égard  des  Algériens. 

M.  Tirman,  gouverneur  général  de  l'Algérie,  fait  une  excursion  au 
sud  de  la  province  d'Alger.  Après  avoir  visité  le  lUsEab,  et  promis  aux 
habitants  de  ce  territoire  que  le  gouvernement  respectera  leurs  institu- 
tions, améliorera  leur  position  matérielle  et  leur  donnera  de  l'eau,  il  s'est 
rendu  à  Metlili.  Il  doit  avoir  une  entrevue  avec  le  fils  de  Ikhenoukhen, 
chef  des  Toiiareflf-AaBflfuer,  et  d'autres  notables  de  cette  tribu,  qui 
ont  eu  à  subir,  ces  dernières  années,  de  sanglantes  razzias  de  la  part  des 
Touareg-Hoggar,  et  désirent  en  tirer  vengeance.  Nos  lecteurs  se  rap- 
pellent que  la  mission  Flatters  fut  massacrée  par  des  Touareg-Hoggar, 
accusés  aussi  du  meurtre  des  missionnaires  envoyés  de  Ghadamès  à  Rhat 
par  Mgr  Lavigerie.  Un  Chambaa  d'Ouargla  soupçonné  de  complicité  dans 
ce  dernier  assassinat,  désireux  de  se  laver  des  soupçons  d'y  avoir  parti- 
cipé, est  allé,  le  22  février,  attaquer  à  cinq  jours  de  marche  d'Ouargla,  le 
neveu  et  l'héritier  d'Ahithaghel,  chef  des  Hoggar,  accompagné  de  onze 
personnages  importants  de  cette  tribu.  Le  colonel  Fatters  s'était  adressé 
à  ce  chef  pour  obtenir  le  libre  passage  sur  son  territoire,  et  avait  reçu 

*  Les  matières  comprises  dans  nos  Bidletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  corn- 
pUmentcwres  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
rerenant  par  la  côte  occidentale. 

L'AnUQUE.   —   CINQUiiMS  ANKÉB.   —  N®  4.  4 


—  74  — 

de  lui  le  guide  qui  conduisit  la  mission  dans  le  guet-apeus  oii  elle  fut 
détruite.  Le  Chambaa  tua  plusieurs  Hoggar,  et  apporta  à  Ouargla  la 
tête  de  l'assassin  du  capitaine  Masson,  ainsi  qu'un  certain  nombre  d'ob- 
jets ayant  appartenu  à  l'expédition  Flatters,  entre  autres  un  fiisil  et  un 
revolver  dont  la  gaine  a  pennis  de  reconnaître  qu'il  avait  appartenu  au 
D'  Guiard. 

Les  journaux  politiques  fournissent  chaque  jour  à  leurs  lecteurs  des 
détails  sur  ce  qui  se  passe  autour  de  Kbartoum,  le  long  du  Nil  de  Berber 
à  Chendy,  sur  la  route  de  Souakim,  et  même  au  Kordofan  et  au  Darfour. 
Nous  pouvons  donc  nous  dispenser  d'eu  entretenir  nos  abonnés  ;  d'au- 
tant plus  que  le  télégraphe  étant  coupé  entre  Khartoum  et  le  Caire, 
nous  ignorons  sur  quelle  autorité  reposent  les  récits  de  victoires  des  tri- 
bus favorables  à  Gordon  sur  les  partisans  du  Mahdi.  Ce  qui  nous  paraît 
incontestable,  c'est  le  danger  que  coui-t  aujourd'hui  le  gouverneur  géné- 
ral du  Soudan,  et  la  difficulté  de  lui  trouver  un  successeur,  car,  quoi 
qu'en  ait,dit  la  presse  anglaise,  nous  n'admettons  pas  que  le  chef  des 
chasseurs  d'esclaves,  auquel  Gordon  a  fait  la  guerre  en  1874,  soit  le 
seul  gouverneur  possible  à.  Khartoum.  Nous  ne  parlons  pas  de  la  position 
qu'a  faite  à  Gordon  la  mise  à  prix  de  la  tête  d'Osman-Digma  par  l'ami- 
ral Hewett,  mesure  désavouée  aujourd'hui,  mais  dont  l'effet  moral  sub- 
siste encore,  et  peut  avoir  pour  Gordon  des  conséquences  fatales. 

La  Société  royale  de  Géographie  de  Londres  a  reçu  conmiunication 
de  lettres  de  Kiupton-bey,  gouverneur  du  Bahp-el-Ghazalj  la  der- 
nière était  datée  du  10  novembre  1883  ;  le  timbre  de  Khartoum  porte 
la  date  du  19  janvier  1884.  Ces  lettres  renferment,  disent  les  Procee- 
dings  de  cette  Société,  beaucoup  de  renseignements  géographiques  inté- 
ressants et  une  carte  de  la  région  explorée  par  Lupton  et  ses  agents, 
jusqu'à  la  rivière  Khouta,  grand  cours  d'eau  qu'ils  croient  être  un 
affluent  du» Congo.  Lupton  a  dû  guerroyer  constamment  contre  les  par- 
tisans du  Mahdi.  Nos  lecteurs  comprendront,  d'après  une  lettre  de 
Schuver  publiée  comme  correspondance,  le  motif  pour  lequel  les  popu- 
lations nègres  du  Bahr-el-Ghazal  se  sont  jointes  aux  Arabes  contre  les 
représentants  de  l'autorité  égyptienne.  Quant  aux  données  nouvelles 
fournies  par  Lupton-bey,  sur  le  territoire  qu'il  a  exploré,  nous  y  revien- 
drons lorsque  les  Proceedings  auront  publié  ses  lettres. 

Nous  pouvons  dès  aujourd'hui  compléter  les  renseignements  que  nouj? 
avons  donnés  sur  les  explorations  du  D'  Junker  dans  la  région  du 
Haut  Quelle  (IV-  année,  p.  106-113,  140-144,  et  la  carte  p.  116). 
Une  lettre  de  l'explorateur,  du  8  décembre  1882,  du  pays  de  Semio, 


—  75  — 

expose  les  résultats  hydrographiques  et  ethnographiques  du  voyage  qu'il 
a  fait  daus  la  seconde  moitié  de  cette  année-là,  au  sud  de  l'Ouellé,  jus- 
qu'à la  Nepoko.  Une  carte  provisoire,  dont  les  données  sur  la  direction 
des  rivières  ne  s'écartent  pas  beaucoup  de  celles  de  la  nôtre,  accompagne 
cette  lettre.  Le  Bomokandi,  affluent  méridional  de  l'Ouellé,  a  à  peu  près 
la  moitié  de  la  largeur  de  celui-ci,  il  prend  sa  source  au  loin  à  l'est,  dans 
les  montagnes  qui  bornent  le  lac  Albert-Nyanza.  Les  deux  rivières,  cou- 
lant à  peu  près  parallèlement  jusque  près  de  leur  confluent,  forment 
une  presqu'île  dans  laquelle  aucun  tributaire  important  ne  peut  se  déve- 
lopper. Il  n'en  est  pas  de  même  pour  les  affluents  méridionaux  du  Bomo- 
kandi. La  ligne  de  faîte  d'où  ils  descendent  étant  assez  éloignée  vers  le 
sud,  ils  peuvent  prendre  un  développement  considérable,  c'est  le  cas 
pour  le  Telli,  le  Pokko  et  le  Makongo.  Quant  à  la  Nawa  elle  appartient 
à  un  autre  bassin,  et  porte  ses  eaux  à  la  Nepoko.  Junker  a  atteint 
celle-ci  dans  son  cours  moyen,  à  quatre  fortes  journées  de  marche  au 
sud  du  Bomokandi,  un  peu  au  nord  du  2""  lat.  S.,  et  presque  sous  le 
même  degré  de  longitude  que  le  confluent  du  Kibali  et  de  la  Gadda,  et 
que  la  Seriba  de  Tangasi.  Elle  a  à  peu  près  la  même  largeur  que  le 
Bomokandi,  et  ses  sources  doivent  être  cherchées  assez  loin  vers  l'est. 
La  ligne  de  partage  des  eaux  du  Bomokandi  et  de  la  Nepoko,  sur  la 
route  suivie  par  Junker,  est  à  peine  perceptible;  cependant  le  bassin  des 
aifluents  septentrionaux  de  la  Nepoko  à  un  caractère  très  particulier. 
Au  lieu  de  tributaires  encadrés  de  forêts  de  haute  futaie  comme  partout 
ailleurs,  l'on  rencontre  ici  des  dépressions  marécageuses,  larges,  plates 
et  sans  arbres.  Une  végétation  flottante  très  semblable  à  celle  du  Nil- 
Blanc,  forme  un  pont  pour  traverser  ces  marais  que  l'on  nomme  O'bae, 
et  qui  s'étendent  au  loin  vers  l'est  ;  ils  sont  très  nombreux,  et  il  n'est 
pas  possible  que  des  bêtes  de  somme  y  passent.  Le  plus  grand  de  ces 
O'bae  s'appelle  dans  sa  partie  occidentale  Maka  ;  dans  le  voisinage  de 
son  embouchure  dans  la  Nepoko,  il  perd  son  caractère  de  marécage  et 
prend  celui  d'une  large  rivière.  Junker  ne  doute  pas  que  la  Nepoko  ne 
soit  identique  avec  l'Arououimi  de  Stanley.  —  L'explorateur  a  aussi 
donné  l'énumération  des  peuplades  de  cette  région,  en  indiquant  sur  la 
carte  la  place  approximative  qu'elles  occupent,  mais  sans  entrer  dans 
les  détails  historiques  qui  expliquent  pourquoi  des  groupes  d'une  même 
peuplade  se  retrouvent  disséminés  sur  des  points  diflférents  de  ce  terri- 
toire, les  Mangbaflé  par  exemple,  que  l'on  trouve  entre  le  Mbrouelé  et 
la  Gourba,  afiluents  septentrionaux  de  l'Ouellé,  et  sur  les  bords  de  la 
Nepoko.  Des  53  fils  de  Kipa,  dont  on  a  donné  les  noms  à  Junker,  les 


—  76  — 

deux  plus  distingués  sont  actuellement  Bakangal  et  Kanna,  qui  regar- 
dent leurs  frères  conuue  leurs  vassaux  ;  leurs  vastes  territoires  s'éten- 
dent au  sud  du  Bomokandi.  Un  grand  nombre  de  tribus  A-Barambo 
sont  leurs  tributaires.  Les  Maigo  plus  au  sud,  et  les  Mabode  des  bords 
de  la  Nepoko,  appartiennent  comme  les  précédents  aux  Mombouttou. 
Quant  aux  Akka,  ils  n'occupent  pas  un  pays  qui  leur  appartienne  en 
propre.  Quoiqu'on  les  rencontre  en  beaucoup  d'endroits,  ils  n'ont  nulle 
part  de  demeure  fixe,  mais  ils  vivent  comme  nomades,  en  colonies,  sur- 
tout parmi  les  Monvou  et  les  Mabode.  Là  oti  un  jour  une  colonie  akka 
a  passé  la  nuit,  on  trouvera  le  lendemain  des  huttes  vides.  Junker  les  a 
rencontrés,  vivant  de  cette  vie  nomade,  dans  leurs  petites  huttes  au  milieu 
des  forêts,  le  long  des  rivières.  —  Les  Mittkeilungen  communiquent 
encore  que  d'après  des  lettres  du  1*'  octobre  1883,  à  ses  parents  à  Saint- 
Pétersbourg,  le  D'  Junker  avait  terminé  son  voyage  au  S.-O.,  et  qu'il 
était  revenu  au  pays  de  Semio,  où  il  était  en  bonne  santé.  Informé  des 
troubles  du  Soudan  et  des  combats  que  Lupton-bey  a  dû  soutenir  contre 
les  Denka,  les  Nouer,  etc.,  il  a  fait  déposer  à  Wau  les  trente  caisses  de 
collections  ethnographiques  qu'il  comptait  envoyer  en  Europe.  On  espère 
que  dès  qu'il  verra  l'impossibilité  de  prolonger  son  séjour  dans  le  bassin 
de  l'Ouellé,  il  se  joindra  à  Lupton-bey  pour  se  rendre  auprès  d'Emin- 
bey  et  de  Gasati,  afin  de  prendre,  de  concert  avec  eux,  les  mesures  les 
plus  propres  à  leur  permettre  d'échapper  au  Mahdi. 

D'après  une  lettre  de  J.  Thomson,  du  10  juin  1883,  ce  voyageur  a 
fait,  avant  de  quitter  le  voisinage  du  Kilimandjaro  pour  s'avancer  dans 
l'intérieur,  une  visite  au  chef  Handara^  qui,  en  1875,  traita  si  cruel- 
lement le  Rev.  Charles  New,  que  celui-ci  en  tomba  malade  et  en  mou- 
rut. Mandara  rendit  à  Thomson  un  chronomètre  d'or,  pour  le  faire  par- 
venir aux  parents  du  missionnaire  New,  avec  l'expression  de  ses  regrets. 
Thomson  a  adressé,  le  7  juillet,  au  consul  général  anglais  à  Zanzibar,  une 
dépêche  en  ces  termes  :  a  A  la  requête  de  Mandara,  de  Moschi,  la  ter- 
reur de  Chega,  le  grand  guerrier  de  ce  pays,  je  fais  savoir  que  j'ai  été 
chez  Mandara,  et  qu'il  m'a  reçu  d'une  façon  royale  et  cordiale.  Man- 
dara veut  que  l'on  sache  qu'il  désire  recevoir  de  la  même  manière  beau- 
coup de  visiteurs  européens.  Il  envoie  ses  salutations  à  Boulouza  (l'agent 
poUtique  anglais),  et  à  tous  les  visiteurs  à  venir.  Il  recevra  volontiers  un 
nombre  illimité  de  fusils  et  des  provisions  de  poudre.  Que  personne  ne 
vienne  les  mains  vides.  »  —  On  n'a  plus  reçu  de  nouvelles  de  Thomson 
depuis  le  1*'  août  ;  une  caravane  a  rapporté  l'avoir  vu  près  du  lac  Nalvash . 

La  station  des  missionnaires  anglais  établie  à  Eaghel,  au  sud  du  Vie- 


—  11  — 

toria-Nyanza,  étant  peu  salubre,  M.  Mackay  s'y  est  rendu,  de  Roubaga, 
pour  chercher  un  emplacement  meilleui',  sur  ]a  côte  ouest  de  l'anse  de 
Jordan's  Nullah,  et  assez  avant  dans  l'intérieur  pour  se  trouver  dans  les 
états  de  Mirambo.  L'exploration  qu'il  a  faite,  lui  a  permis  de  relever, 
pour  le  journal  de  la  Church  Missionary  Society,  la  carte  de  cette  anse 
qui  a  deux  bras.  De  Eagheï,  il  s'est  rendu  d'abord  à.  l'extrémité  sud  du 
bras  oriental,  puis  à  Moleshi,  au  delà  du  bras  occidental,  et  dans  le 
Msalala,  pour  demander  au  roi  de  ce  district,  Mtemi,  l'autorisation  de 
s'établir  dans  son  pays.  Celui-ci  effrayé  par  la  vue  des  Mouzoungous  (les 
blancs),  ne  l'a  pas  accordée.  Aussi  les  missionnabes  ont-ils  résolu  d'éta- 
blir la  nouvelle  station  à  K^wa-Sonda,  dans  une  partie  du  Msalala 
dépendante  de  Miramb<t,  qui  leur  a  promis  sa  protection,  chose  très 
importante  pour  leurs  caravanes.  Il  y  a  de  bonne  eau  potable  ;  on  peut 
attehidre  de  là  un  port  sur  le  Victoria-Nyanza  en  un  jour,  et  la  sta- 
tion d'Uyuy,  en  17  jours  ;  la  route  à  travers  les  états  de  Mirambo  est 
plus  sûre,  plus  courte  et  moins  coûteuse  que  les  autres  routes  employées 
d'ordinaire.  On  peut  en  outre  se  servir  des  Wa-Nyamouezi,  de  Zanzibai* 
jusqu'au  lac,  à  moins  de  frais  que  des  Wa-Ngwana;  de  plus  on  n'est  pas 
harcelé  par  les  Arabes  ;  enfin  les  vivres  abondent  et  ne  sont  pas  chers. 
Les  missionnaires  ont  remonté  ud  bateau  qui  leur  permettra  d'établir 
des  conmiunications  plus  régulières  entre  le  sud  et  le  nord  du  Victo- 
ria-Nyanza. 

M.  Ledouk,  consul  français  à  Zanzibar,  a  transmis  à  la  Société  de 
géographie  de  Paris  des  nouvelles  de  M.  Giraud»  d'après  une  lettre  de 
cet  explorateur,  datée  de  Eatimkourou,  au  nord  du  lac  Bangouéolo. 
Le  voyageur  était  en  bonne  santé,  mais  il  avait  eu  à  subir  l'hostilité  du 
roi  Mukanilla  et  de  ses  sujets,  qui  n'ont  rien  omis  de  ce  qui  pouvait  lui 
rendre  odieux  le  séjour  forcé  d'un  mois  qu'il  a  fait  parmi  eux  :  tributs 
de  toutes  sortes,  cadeaux  exigés,  extorsions,  cherté  des  vivres,  avanies 
sans  cesse  renaissantes.  Après  avoir  traversé  le  sud  de  l'Ou-Bena,  il  a 
atteint  le  village  du  roi  Mahura,  qui  l'a  bien  reçu  ;  malheureusement  une 
rixe  survenue  entre  les  indigènes  et  sa  caravane,  a  contraint  M.  Giraud 
de  quitter  précipitamment  le  pays  et  de  gagner  le  Tchambezi.  Arrivé  au 
Bangouéolo,  il  a  vu  recommencer  toutes  les  difficultés;  aussi,  fatigué  des 
exigences  excessives  des  petits  souverains,  s'est-il  décidé  à  remonter 
vers  le  nord. 

Le  Central  Africa,  journal  de  la  mission  des  Universités,  a  publié  une 
lettre  de  M.  O'Neill,  qui  se  trouvait,  le  28  septembre,  à  deux  journées  à 
l'est  du  lac  Chiroua,  au  milieu  de  tribus  de  Ma-Ravi,  chassés,  disent-ils, 


—  78  — 

par  les  Ma-Ngon,  de  leur  pays  qui  s'éteudait  sur  les  deux  bords  du  lac 
Chiroua.  Ils  traYaiUent  habilement  le  coton  et  le  fer.  Quoique  les  monts 
Namuli  et  Eradi  ne  soient  pas  ce  que  les  trafiquants  lui  avaient  dit,  il 
n'a  pas  été  désappointé.  Ce  sont  de  belles  montagnes  de  plus  de  2300"'; 
il  estime  même  que  le  pic  Namuli  doit  avoir  de  2600"  à  3000".  La  plus 
grande  hauteiu-  à  laquelle  il  soit  parvenu  est  1810"  ;  mais  il  n'a  pas  cher- 
ché à  gravii'  un  des  pics  les  plus  élevés.  Plusieurs  rivières  d'une  gran- 
deur considérable  descendent  du  Namuli,  à  l'ouest  duquel  M.  O'Neill  a 
découvert,  au  nord  du  lac  Chiroua,  entre  14°  19'  et  14*"  32'  lat.  S.,  le  lac 
Amarambou  dont  la  plus  grande  largeur  est  de  2  à  3  kilom.  ;  la  Msamtiti 
l'unit  au  lac  marécageux  de  Chiouta  par  U"*  52'.  C'est  de  l'Amarambou 
que  sort  la  rivière  Loujenda.  De  là,  M.  0*Neill  a  suivi  la  vallée  du 
Likoungou,  au  sud  du  mont  Namuli,  par  16''  15';  puis,  tirant  vers  l'est,  il 
est  arrivé  à  la  côte  à  Angoche.  Il  a  ainsi  ouvert  une  nouvelle  route  pour 
se  rendi'e  aux  lacs,  à  travers  le  pays  que  parcourent  les  caravanes  qui 
amènent  encore  des  esclaves  à  la  côte  de  Mozambique. 

M.  R.  C.  liVilliams,  membre  de  la  Société  de  géographie  de  Lon- 
dres, a  annoncé  à  cette  société  son  arrivée,  avec  sa  femme  et  son  enfant, 
aux  chutes  Victoria.  De  Shoshong  il  se  rendit  à  Gouboulououaio,  pour 
demander  à  Lobengula  la  permission  de  traverser  son  territoire.  Le  roi 
lui  fit  bon  accueil,  et  lui  donna  des  vivres  pour  la  route.  Ayant  quitté 
Gouboulououaio  le  26  juin,  il  rencontra  sur  les  bords  de  la  Nata  une 
troupe  de  6000  à  7000  guerriers  ma-tabélé,  rapportant  les  dépouilles  des 
Be-Chuana  du  lac  Ngami,  avec  lesquels  ils  étaient  en  guerre.  Quoique 
épuisés  de.  fatigue  et  de  faim,  ces  gens  ne  volèrent  rien,  mais  respectè- 
rent la  volonté  de  Lobengula  à  l'égard  des  voyageurs,  avec  lesquels  ils 
se  conduisirent  très  amicalement.  Le  voyage  le  long  de  la  Nata  fut  très 
difiicile,  le  pays  étant  moins  fréquenté  qu'autrefois  par  les  chasseurs; 
M.  Williams  dut  s'ouvrir,  de  Tati  au  Zambèze,  une  route  à  travers  les 
forêts.  A  Panda-ma-tenka,  il  ne  trouva  que  M.  Westbeech  et  quelques 
missionnaires  romains  qui  le  reçurent  très  bien  ;  les  natife  se  sont  éloi- 
gnés. Après  avoir  atteint  les  chutes  du  Zambèze,  la  caravane  eut  à  souf- 
frir de  la  fièvre  et  dut  revenir,  au  commencement  de  décembre,  dans  le 
pays  plus  salubre  des  Ma-Tabélé,  où  elle  reçut  les  soins  des  missionnai- 
res, ainsi  que  de  M.  Arnot  qui  se  trouvait  alors  à  Panda-ma-tenka.  — 
U  avait  dû  s'y  rendre  pour  renouveler  ses  provisions,  ayant  souffert  à 
Lialui,  sur  le  haut  Zambèze,  de  la  fièvre,  de  l'humidité  et  de  l'insalu- 
brité du  climat.  «  J'ai  essayé,  écrit-il  à  M.  Grattan  Guiness,  de  vivre  de 
grain  concassé,  si  longtemps,  que  je  m'en  suis  ressenti  sérieusement» 


—  79  — 

réduit  que  j'étais  à  l'état  de  squelette  vivant,  dans  un  moment  de  pluies 
constantes,  où  je  ne  pouvais  avoir  aucune  couverture  sèche,  ni  pour  me 
coucher  ni  pour  me  couvrir.  La  pluie  avait  submergé  ma  première  habi- 
tatioB^;  la  seconde  fut  percée  de  part  en  part  la  première  nuit  que  j'y 
passai,  et  j'eus  à  endurer  dix  jours  de  pluie  perpétuelle,  sans  provisions, 
n'ayant  pas  un  pouce  d'étoffe  sèche  sur  moi,  enfermé  dans  ma  hutte,  de 
l'aube  jusqu'à  la  nuit.  »  De  Panda-ma-tenka,  M.  Arnot  est  revenu  à 
Lialui,  toujours  plus  attaché  aux  tribus  qui  l'entourent  à  l'est,  à  l'ouest 
et  au  nord,  et  qui  ne  paraissent  vivre  que  pour  s'entre-tuer. 

A  propos  de  l'exploration  faite  par  M.  H.  Berthoud  et  M.  E.  Gautier, 
en  vue  de  l'ouverture  d'une  route  des  Spelonken  au  Liimpopo 
(IV""  année,  p.  333),  M.  H.  Berthoud  écrit  à  la  Société  de  la  mission 
romande  que,  si  le  moment  est  venu  d'étudier  cette  voie  de  communica- 
tion, on  ne  peut  guère  y  consacrer  que  les  mois  de  juin  à  septembre, 
à  cause  des  miasmes  pestilentiels  qui  se  dégagent  très  rapidement,  et 
aussi  du  soleU  brûlant  qui  peut  déterminer  de  très  graves  insolations. 
Les  changements  de  température  ne  sont  pas  moins  dangereux;  de  2"^ 
au-dessus  de  zéro  au  lever  du  soleil,  le  thermomètre  peut  monter  à  32° 
quelques  heures  plus  tard.  A  la  connaissance  de  M.  Berthoud,  la  route 
qui  arrive  le  plus  près  du  Limpopo  est  celle  des  chasseurs  boers,  qui  pas- 
sent par  Makwarelé  pour  se  rendre  chez  les  Ba-Nyaï;  elle  a  l'avantage 
d'être  débarrassée  de  la  tsetsé,  tandis  qu'une  autre  route,  le  long  du 
Leboubié  en  est  infestée.  Le  chemin  suivi  par  MM.  Berthoud  et  Gautier 
descend  au  sud  jusqu'à  Matyatyé,  d'oii  il  se  dirige  en  droite  ligne  à  l'est 
jusqu'à  la  Tabi;  au  gué  de  cette  rivière,  il  se  bifurque;  l'embranche- 
ment de  gauche  est  rendu  impraticable  par  la  tsetsé,  celui  de  droite  est 
excellent  pour  des  wagons  chargés,  jusqu'à  Matsété;  est-il  praticable 
au  delà  ?  C'est  ce  qu'un  autre  explorateur  aura  à  étudier.  M.  Berthoud 
a  entendu  dire  que  des  Boers,  qui  avaient  l'intention  de  descendre  chez 
Makaringe  pour  chasser  Thippopotame,  avaient  dû  remplacer  par  des 
ânes  les  bœufs  de  leurs  wagons.  Si  ni  l'une  ni  l'autre  des  deux  routes 
imsmentionnées  ne  peut  être  adoptée,  il  faudra  renoncer  pour  le  moment 
à  toute  voie  de  communication  des  Spelonken  à  la  mer  par  le  Limpopo. 
Quant  à  la  question  de  la  navigation  du  fleuve  lui-même,  une  explora- 
tion en  bateau  permettra  seule  de  la  résoudre.  —  D'après  le  Natal  Mer- 
niry,  le  petit  vapeur,  Maud^  de  15  tonnes,  capitaine  Ghadwick,  chargé 
d'explorer  les  rivières  de  la  côte  orientale  d'Afrique,  à  l'embouchure 
desquelles  ne  se  rencontrent  pas  d'obstacles,  commencera  ses  études  par 
le  Limpopo. 


—  80  — 

Diaprés  la  nouvelle  CMinvention  entre  l'Angleterre  et  le  Trans- 

vaal,  ce  dernier  état  portera  le  nom  de  «  République  sud-africaine.  »  Il 
n'y  aura  plus  à  Pretoria  de  résident  anglais  chargé  de  défendre  les  inté- 
rêts des  tribus  indigènes  ;  mais  la  république  ne  pourra  conclure,  sans 
le  consentement  de  la  reine,  aucun  traité  ni  convention  directe  avec 
aucune  nation  étrangère  ou  avec  une  tribu  indigène  quelconque  établie 
à  l'est  ou  à  l'ouest  des  territoires  de  la  république,  à  l'exception  de 
l'État  Libre  de  l'Orange.  De  nombreuses  stipulations  garantissent  la 
liberté  religieuse,  la  suppression  de  l'esclavage,  la  prohibition  des  droits 
différentiels.  La  frontière  occidentale  de  la  république  sera  étendue  jus- 
qu'à l'est  de  la  route  qui  conduit  de  la  Colonie  du  Cap  à  l'intérieur,  de 
Barkley  à  la  rivièi*e  Molapo.  Quant  à  cette  route  elle-même,  au 
6e-Ghuanaland  et  aux  territoires  de  Mankoroane  et  de  Montsiva,  ils 
dépendront  d'un  nouveau  protectorat  colonial,  à  la  tête  duquel  sera 
placé,  comme  résident,  le  successeur  du  D'  Mofifat  chez  les  Be-Chuana, 
le  Rev.  Mackenzie,  appelé  à  défendre,  dans  les  négociations  avec  les 
délégués  du  Transvaal,  les  intérêts  des  deux  chefe  susmentionnés. 
L'Angleterre  a  voulu  maintenir  ouverte  la  route  par  laquelle  les  Be- 
Chuana  se  pourvoient  d'armes  et  de  munitions,  en  échange  de  l'ivoire, 
des  plumes  et  des  peaux  qu'ils  fournissent  à  la  Colonie  du  Cap;  cela 
lui  assure  le  commerce  de  toute  cette  région  jusqu'au  Zambèze. 

Les  missionnaires  auiéricains  de  Baïlounda  se  sont  établis 
pendant  quelque  temps  à  Ochiloumbou  au  pied  des  montagnes  Bleues, 
pour  mieux  apprendre  la  langue  des  indigènes;  à  16  kilom.  au  N.-O. 
s'élève  la  montagne  du  roi,  et  vere  l'est,  une  autre  chaîne  séparée  de  la 
précédente  par  les  vallées  de  la  Kouléli  et  de  l'Oukié,  dont  le  cours  est 
marqué  par  une  ligne  de  verdm-e  plus  fraîche.  Ces  vallées  sont  parsemées 
de  bouquets  de  bois  qui  indiquent  l'emplacement  des  villages  ;  au  milieu 
d'un  de  ces  bouquets  de  bois,  se  trouve  un  énorme  remblai,  dont  les 
indigènes  disent  qu'autrefois,  il  y  a  longtemps,  des  blancs  y  firent  des 
constructions,  puis,  que  beaucoup  d'indigènes  allèrent  avec  ces  hommes 
à  Beuguéla  d'où  ils  ne  revinrent  jamais.  Il  est  probable  que  c'étaient  des 
trafiquants  d'esclaves,  car  la  population  est  généralement  défiante  à 
l'égard  des  blancs.  Néanmoins  les  missionnaires  ont  été  invités  à  bâtir 
et  à  enseigner  aux  enfants  à  lire  et  à  écrire.  Mais  MM.  Sanders  et  Fay 
ont  dû  auparavant  se  rendre  à  Bihé,  après  avoir  obtenu  que  le  roi 
Kouikoui  de  Baïlounda  consentît  à  leur  départ.  Il  leur  a  de  plus  offert 
l'aide  de  ses  gens  pour  le  cas  où  ils  voudraient  bâtir  à  Bihé. 

Depuis  longtemps  il  était  question  de  négociations  pendantes  entre  le 
Portufi^al  et  l'Ang^leterre  au  sujet  des  droits  de  souveraineté  que  le 


—  81  — 

premier  de  ces  États  prétend  avoir,  au  nord  de  la  province  d'Angola, 
d'Ambriz  au  5°  12',  sur  la  partie  de  la  côte  occidentale  où  se  trouve  l'em- 
bouchure du  Congo.  Tout  ce  que  le  public  savait  c'est  que  l'Angleterre, 
qui  jusqu'ici  avait  refusé  de  les  reconnaître,  se  préparait  à  conclure  un 
traité  qui,  toutefois,  ne  pourrait  être  ratifié  qu'après  avoir  été  accoté 
par  le  Parlement.  Le  traité  a  été  conclu  le  26  février,  mais  le  Bliie  Book 
qui  renferme  la  correspondance  échangée  entre  les  deux  gouvernements, 
et  dont  nous  avons  reçu  un  exemplaire,  n'indique  pas  les  raisons  qui 
ont  amené  le  Foreign-Office  à  le  signer  ;  lord  Fitzmaurice,  sous-secré- 
taire d'État  aux  affaires  étrangères  les  a  exposées  dans  .une  lettre  adres- 
sée au  président  de  la  Chambre  de  commerce  de  Manchester  ;  mais  nous 
ne  la  connaissons  pas  encore.  Nous  devons  donc  nous  borner  à  mention- 
na les  principales  dispositions  de  ce  traité,  qui  paraît  devoir  provoquer 
une  vive  opposition  en  Angleterre  et  en  Portugal  tout  d'abord,  et  ensuite 
dans  les  États  les  plus  intéressés  à  conserver  la  libre  entrée  de  leurs 
marchandises  au  Congo  :  la  France,  la  Hollande,  l'Allemagne  et  les 
États-Unis. 

!•  L'Angleterre  accepte  la  souveraineté  du  Portugal  sur  le  territoire 
compris  entre  le  5°  12'  et  le  8°  lat.  S.  La  frontière  orientale  coïncide 
avec  les  frontières  actuelles  des  tribus  riveraines  ;  sur  le  Congo  elle  est 
fixée  à  Noki. 

2'  Ce  territoire  sera  ouvert  aux  étrangers  de  toutes  les  nationalités, 
qui  jouiront  des  mêmes  avantages  que  les  Portugais  :  liberté  d'aller  et 
de  venir,  de  résider,  d'établir  des  factoreries,  d'acheter,  vendre  ou  louer 
des  maisons,  de  commercer  en  gros  et  en  détail,  soit  directement,  soit 
par  l'intermédiaire  d'agents. 

3*  Liberté  absolue  du  commerce  et  de  la  navigation  sur  le  Congo,  le 
Zambèze  et  leurs  afiluents  est  garantie  à  tous  les  pavillons. 

4""  Le  commerce  et  la  navigation  ne  feront  l'objet  d'aucun  monopole, 
ni  ne  seront  astreints  à  aucuns  droits  sauf  ceux  indiqués  dans  le  traité 
ou  ceux  dont  pourraient  convenir  les  parties  contractantes.  Une  com- 
mission anglo-portugaise  sera  chargée  de  rédiger  un  règlement  pour  la 
navigation,  la  police  et  la  surveillance  du  Congo  ;  elle  pourra  fixer  des 
droits  spéciaux  pour  ses  propres  dépenses,  pour  les  travaux  d'aménage- 
ment des  ports,  etc. 

5*"  Les  marchandises  en  transit  ne  seront  assujetties  h  aucuns  droits. 

6"  La  circulation  sur  toutes  les  routes  sera  libre. 

7"  Protection  est  garantie  aux  missionnaires  et  aux  ministres  de  tou- 
tes les  nations  et  de  tous  les  cultes. 


—  82  — 

8"*  Les  traités  contractés  avec  les  indigènes  seront  respectés. 

9""  Le  tarif  des  douanes  adopté  pour  dix  ans  est  celui  de  la  province  de 
Mozambique. 

lO""  En  tout  état  de  choses,  est  garanti  à  TAngleterre  le  traitement  de 
la  nation  la  plus  favorisée. 

Telles  sont  les  stipulations  générales  de  ce  traité,  dont  un  article 
encore  est  relatif  à  la  traite  sur  les  côtes  occidentale  et  orientale  d'Afri- 
que. Ce  document  va  faire  l'objet  des  discussions  du  Parlement  anglais 
et  des  Certes  à  Lisbonne.  Nous  apprendrons  vraisemblablement  pour 
quelles  raisons  le  Portugal  s'est  absolument  refusé  à  adopter  l'idée 
d'une  commission  internationale  du  Congo  analogue  à  celle  du  Danube, 
idée  préconisée  par  le  cabinet  britannique  ;  et  pour  quels  motifs  le  gou- 
vernement anglais  a  accepté,  pour  les  marchandises  anglaises,  le  tarif  dit 
de  Mozambique  de  1877,  qui  établit  entre  autres  les  droits  suivants  : 
6  7o  ^  valorem  sur  les  fers,  10  Vo  ^  valorem  sur  les  lainages,  soieries 
et  tissus  mélangés,  et  sur  certains  tissus  de  coton,  et  10  7o  ^  valorem 
sur  d'autres  sortes  de  cotonnades.  Il  est  vrai  que,  dans  sa  lettre  au  pré- 
sident de  la  Chambre  de  commerce  de  Manchester^  lord  Fitz  Maurice 
dit  qu'on  revisera  les  droits  relatifs  à  certains  tissus  de  coton,  eu  égard 
à  leur  bas  prix  au  Congo,  et  à  la  baisse  considérable  qu'il  y  a  aujour- 
d'hui sur  ce  genre  de  marchandises.  Mais  on  comprend  que  les  États 
qui  importaient  jusqu'ici  leurs  marchandises  au  Congo  en  franchise  et 
sans  contrôle,  et  qui  sont  représentés  dans  le  territoire  susmentionné 
par  de  nombreuses  factoreries,  ne  soient  pas  disposés  à  reconnaître  ce 
traité.  M.  Bourke  a  déjà  annoncé  à  la  Chambre  des  communes  qu'il 
proposera  une  résolution  portant,  qu'aucun  traité  prohibant  le  commerce 
sur  le  Congo  ou  imposant  des  droits  là  où  il  n'y  en  a  pas  eu  jusqu'ici,  ne 
peut  être  sanctionné  par  le  Parlement.  Les  chambres  de  commerce  hol- 
landaises ont  demandé  au  cabinet  de  La  Haye  d'agir  afin  d'empêcher  la 
ratification  du  susdit  traité.  Le  Sénat  des  États-Unis  a  été  saisi  d'une 
motion  proposant  d'inviter  le  président  Arthur  à  entrer  en  négociations 
avec  les  autres  puissances,  pour  arriver  à  un  accord  sur  toutes  les  ques- 
tions relatives  à  la  libre  navigation  et  à  la  liberté  du  commerce  sur  le 
Congo,  ses  tributaires  et  les  rivières  adjacentes.  Nos  lecteurs  n'ignorent 
pas  qu'une  proposition  semblable  a  été  présentée  par  M.  6.  Moynier, 
directeur  de  V Afrique,  dans  la  session  de  l'Institut  de  Droit  internatio- 
nal, à  Munich,  en  septembre  de  l'année  dernière,  et  adoptée  conmie 
vœu  à  transmettre  aux  diverses  puissances,  en  y  joignant  à  titre  d'infor- 
mation le  mémoire  de  l'auteur  de  la  proposition,  publié  dans  notre  jour- 
nal (IV"'  année  p.  272). 


—  83  — 

Quoique  lord  Fitz-Maurice  ait  dit  à  la  Chambre  des  communes,  qu^à 
sa  connaissance  il  n'y  avait  pas  de  station  de  rÂssociation  internatio- 
nale dans  les  territoires  qui  sont  Tobjet  du  traité  anglo-portugais,  nous 
ne  pensons  pas  que  le  Comité  d'Ëtudea  du  Haut-Con^o  l'accepte 
sans  réserve.  Nous  croyons  que  Mboma  et  Noki  servent  de  dépôts  de 
matériel  pour  ses  établissements  du  haut-fleuve.  Quoi  qu'il  en  soit,  le 
nombre  de  ses  stations  augmente.  Stanley  en  a  établi  jusqu'aux  cata- 
ractes qui  portent  son  nom.  Il  a  en  outre  exploré  l'Arououimi  et  Ta 
reconnu  navigable.  Mais  les  Arabes  de  Nyangoué  se  sont  avancés 
vers  Touest;  ils  ont  envoyé  des  caravanes  pour  se  procurer  de  Tivoire  et 
des  esclaves,  et  ont  ravagé  tout  le  pays  jusqu'à  rArououimi.  Leur  prin- 
cipale caravane  était  composée  de  900  hommes  avec  1800  enlEuits  pri- 
sonniers. —  L'Association  internationale  a  engagé  à  son  service,  pour  le 
Congo  les  explorateurs  Massari  et  Buonfanti,  ainsi  qu'un  officier  et  un 
ingénieur  suédois. 

La  mission  de  Savorn^nan  de  Brazza  se  développe  aussi.  Le  doc- 
teur Ballay,  qui  a  précédé  sur  le  Congo  le  chef  de  l'expédition,  a  heu- 
reusement accompli  l'exploration  de  l'Alima,  qui,  dans  son  cours  infé- 
rieur, porte  le  nom  de  M'Bossi.  D'après  les  observations  de  M.  Ballay, 
son  confluent  avec  le  Congo  est  par  l''  33'  lat.  S.  et  W  S' long.  E.,  ce 
qui  reporte  de  3"^  à  l'ouest  (?)  le  cours  du  Congo,  tel  qu'il  a  été  tracé 
sur  la  carte  de  Stieler  d'après  les  premières  observations  de  Stanley. 
De  Franceville,  Brazza  avait  envoyé  à  Brazzaville  quelques  éclaireurs 
qui  ont  été  plus  ou  moins  bien  accueillis  dans  les  villages  des  Apfourous  ; 
toutefois  il  n'y  a  pas  eu  d'actes  d'hostilité  ouverte.  Makoko  est  resté 
fidèle  à  ses  premiers  engagements.  A  Bolobo,  station  du  Comité  d'Étu- 
des du  Haut-Congo,  on  s'est  battu  deux  fois  en  1883.  Les  éclaireurs  de 
Brazza  ont  passé  à  un  kilom.  du  poste  sans,  y  remarquer  signe  de  vie  ; 
le  commandant,  M.  Brunfairt,  Belge,  ne  peut  en  sortir  à  cause  de  l'hos- 
tilité des  naturels.  En  cet  endroit  le  fleuve  a  la  largeur  d'un  lac  ;  l'ayant 
traversé,  les  éclaireurs  reçurent  l'hospitalité  du  chef  ba-téké,  Mpomo, 
et  de  Nganchou.  Le  poste  de  l'embouchure  de  l'Ibari-Nkoutou  leur  parut 
abandonné  ;  ils  y  trouvèrent  cependant  un  officier  suédois  souffrant  de  la 
fièvre.  A  la  date  du  27  décembre,  de  Brazza  était  à  Lekeli,  sur  un  affluent 
de  l'Alima,  dans  une  région  très  riche,  avec  les  habitants  de  laquelle  il 
avait  établi  les  meilleures  relations. 

Aux  dernières  nouvelles  de  Brazza  n'était  donc  pas  encore  arrivé 
chez  Makoko;  cela  n'a  pas  empêché  VAfrican  Times  de  publier,  dans 
son  numéro  du  1*'  mars,  les  lignes  suivantes  :  a  M.  de  Brazza,  le  rival  de 


—  84  — 

Stanley  daus  Texploratioii  africaine,  vient  de  £Eiire  un  coup  bien  habile. 
Il  a  fortifié  la  position  de  la  France  danis  la  Guinée  inférieure,  en  épou- 
sant la  fille  du  roi  de  cette  région,  Makoko! Le  mariage  de  M.  de 

Brazza  doit  vraisemblablement  avoir  un  côté  politique.  » 

Le  D'  Bayol»  lieutenant-gouverneur  du  Sénégal  pour  la  partie  méri- 
dionale de  la  colonie,  a  réussi  à  rétablir  de  bonnes  relations  avec  les 
indigènes,  et  à  rendre  la  confiance  aux  traitants  français  de  la  Mellaco- 
rée  et  du  Rio-Pongo,  qui  craignaient  une  attaque  de  la  part  de  Bokary, 
Talmamy  du  Foutah-Djallon.  Ce  dernier  a  demandé  une  entrevue  au 
D' Bayol,  et  lui  a  fait  exprimer  son  désir  de  vivre  en  paix  avec  les  Fran- 
çais. De  nouvelles  caravanes  sont  venues  aux  factoreries  du  Rio-Pongo. 
Le  lieutenant-gouverneur  a  aussi  pacifié  le  Rio-Nunez,  où  deux  chefe  se 
faisaient  une  guerre  acharnée.  Après  les  avoir  amenés  à  conclure  la  paix, 
il  a  obtenu  pour  la  France  la  cession  d'un  petit  territoire  d'une  quinzaine 
de  kilomètres  de  long  sur  deux  de  large,  très  fertile,  sur  lequel  des 
factoreries  pourront  être  établies  dans  d'excellentes  conditions. 

Le  ministre  de  la  marine  a  reçu  des  nouvelles  du  D'  Collin,  envoyé 
par  le  gouverneur  du  Sénégal  en  mission  dans  la  région  encore  peu  con- 
nue de  la  haute  Falémé  et  du  Bafing.  L'explorateur  était,  en  janvier,  h 
Easdoma,  dans  le  Diébédougou,  à  140  kilom.  de  Bafoulabé,  et  à  180  de 
Médine.  Ce  pays  passe  pour  être  aussi  riche  en  or  que  le  Bouré,  dont  il 
est  à  une  douzaine  de  jours  de  marche.  Mais  l'exploitation  en  est  faite 
par  les  indigènes  dans  les  conditions  les  plus  rudimentaires.  Le  Diébé- 
dougou produit  en  outre  du  mil,  des  arachides,  du  riz,  du  caoutchouc, 
une  soie  végétale,  etc.  Tandis  que  dans  les  pays  voisins  le  bétail  est 
continuellement  décimé  par  les  épizooties,  lés  bœufe  s'y  portent  très  bien 
toute  l'année.  Actuellement  les  indigènes,  n'ayant  pas  d'écoulement 
pour  le  surplus  de  leurs  récoltes,  ne  cultivent  que  pour  leurs  besoins 
personnels  ;  mais  lorsque  des  relations  suivies  seront  établies  entre  ce 
pays  et  la  colonie  du  Sénégal,  le  commerce  trouvera,  dans  le  Diébédou- 
gou et  dans  les  pays  qui  l'entourent,  d'importants  débouchés. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Le  BuUetm  de  renseignements  coloniaux  annonce  que  dix  médecins  militaires  de 
l'armée  d'Afrique  ont  formé  une  association  pour  rétablissement  de  colons  fran- 
çais dans  le  district  de  Saïda^  à  171  kilom.  au  sud  d'Oran.  Chacun  des  sociétaires 
fournit  un  capital  de  6000  fr.  et  la  Société  fera  construire  d'une  manière  économique, 


—  85  — 

mais  dans  les  meilleures  conditions  d'installation,  des  maisons  qu'elle  cédera  ensuite 
au  prix  de  revient  à  des  colons  venus  de  France. 

Appuyé  par  la  Société  de  géographie  de  Paris,  M.  Buscalioni  s'est  engagé  à  faire 
un  voyage  dans  le  pays  des  Touareg. 

Une  mission  ayant  à  sa  tête  M.  Hérand,  ingénieur  hydrographe,  chargée  de  faire 
des  études  géodésiques,  s'est  embarquée  le  10  mars  à  Marseille  pour  la  Tunisie. 

Le  ministère  français  de  la  marine  a  décidé  de  supprimer  la  direction  des  ports 
de  Tabarca  et  de  Bizerte  en  Tunisie,  de  maintenir  définitivement  celle  des  ports 
de  la  Goulette  et  de  Sfax,  et  provisohrement  celle  du  port  de  Souza. 

Le  général  Bacouch,  grand  propriétaire  en  Timisie,  encourage,  dans  un  domaine 
de  plusieurs  milliers  d'hectares,  la  culture  de  la  rande,  plante  importée  de  Java  et 
qui  peut  remplacer  le  coton  d'Amérique. 

Un  voyageur  hollandais  qui  voulait  explorer  la  Tripolitaine  au  point  de  vue  de 
la  flore,  et  aussi  visiter  le  désert  et  étudier  la  vie  des  Arabes  de  cette  région,  a  dû 
y  renoncer,  le  pacha  de  Tripoli  lui  ayant  refusé  un  sauf-conduit,  sous  prétexte  que 
l'intérieur  n'est  plus  sûr  depuis  que  des  bandes  de  Tunisiens  se  sont  réfugiés  sur 
son  territoire.  "^ 

M.  Lagarde  a  été  chargé  de  procéder  à  la  délimitation  du  territoire  d'Obock,  de 
concert  avec  M.  Ck>nneau,  commandant  de  VInfemet,  et  une  commission  égyptienne. 
Ce  même  bâtiment  a  emmené  les  membres  d'une  mission  scientifique  envoyée  au 
Choa;  elle  porte  des  présents  au  roi  Ménélik.  —  Le  ministre  de  la  marine  a  passé 
avec  la  Compagnie  des  steamers  de  l'Ouest  un  contrat  pour  l'établissement  d'un 
dépôt  de  charbon  et  d'approvisionnements  à  Obock.  —  D'après  une  déclaration  de 
lord  Fitzmaurice  à  la  Chambre  des  Communes,  le  gouvernement  anglais  a  placé 
sons  son  protectorat  la  baie  de  Tadijoura  ;  nos  lecteurs  se  rappellent  que  cette  baie 
a  été  vendue  l'année  passée  par  son  possesseur  à  une  société  française. 

Une  mission  anglaise  à  la  tête  de  laquelle  est  un  officier  anglais  va  se  rendre  à 
Harrar,  qui  appartient  encore  à  l'Egypte. 

Le  résident  britannique  d'Aden  a  fait  visite  au  sultan  de  l'île  de  Socotora,  où 
il  est  question  de  construire  un  phare.  Un  officier  de  la  marine  anglaise  est  chargé 
de  déterminer  l'emplacement  le  plus  convenable. 

Le  ministère  italien  de  l'agriculture,  de  l'industrie  et  du  commerce  a  accordé 
un  subside  de  1000  francs  à  la  Société  africaine  de  Kaples  pour  l'année  courante. 

D'après  le  journal  arabe  Nausaret^  le  négous  a  ordonné  au  gouverneur  d'Axoum 
de  tenir  prêtes  des  provisions,  des  bêtes  de  trait  et  des  bêtes  de  somme,  ainsi  que 
des  munitions,  pour  qu'il  les  trouve  à  son  passage  en  se  rendant  avec  son  armée 
à  la  céte,  pour  y  prendre  possession  des  territoires  que  l'Egypte  lui  a  enlevés. 

Les  deux  frères  Denhardt,  déjà  connus  par  de  précédentes  explorations,  prépa- 
rent une  expédition  à  la  Dana,  qu'ils  remonteront  pour  atteindre  le  Eénia. 

KM.  Lindner  et  von  der  Brooek,  au  service  de  l'Association  internationale  afri- 
caine, sont  partis  de  Zanzibar  pour  le  Congo,  emmenant  avec  eux  200  nègres,  afin 
d'y  remplacer  ceux  dont  l'engagement  est  expiré. 


—  86  — 

M.  James  Roxburgh,  ringéniear  chargé  d'accompagner  les  sections  du  vapeur 
la  Boïme  NouveUe,  a  annoncé  à  la  Société  des  missions  de  Londres  son  heureuse 
arrivée  à  Liendwé,  sur  les  bords  du  Tanganyika,  endroit  désigné  pour  remonter  le 
steamer.  Il  y  a  rencontré  le  capitaine  Hore  et  M.  Swann,  qui  ont  immédiatement 
commencé  la  reconstruction  du  bateau. 

M.  J.  Stewenson  a  choisi,  comme  successeur  de  M.  J.  Stewart,  M.  W.-O.  M'Evan, 
jeune  ingénieur  qui,  après  avoir  suivi  le  cours  donné  pour  les  voyageurs  sous  le 
patronage  de  la  Société  de  géographie  de  Londres,  est  parti  pour  le  Nyassa  le  26 
février.  —  Le  Rev.  Bain  est  arrivé  avec  M.  et  M'^^  Scott  à  Bandaoué.  De  lit, 
M.  Bain  s'est  rendu  avec  le  professeur  Drummond  à  Maliouandou,  pour  chercher 
un  emplacement  favorable  à  une  nouvelle  station  missionnaire  chez  les  Ghoungou. 
~  Après  neuf  ans  de  service,  le  D'  Laws  et  sa  femme  ont  dû  quitter  le  Nyassa 
pour  venir  se  reposer  en  Europe.--  La  mission  des  Universités  va  faire  construire, 
pour  la  côte  orientale  du  Nyassa,  un  steamer  qui  portera  le  nom  de  Charles  Jansonj 
le  missionnaire  décédé  récemment. 

La  ligne  anglaise  Donald  Currie  a  inauguré  un  service  mensuel  entre  l'Angle* 
terre  et  Maurice' ar  le  Cap  de  Bonne-Espérance,  avec  relâche  à  Natal  et  à  Tama- 
tave.  Cette  ligne  a  une  correspondance  sur  la  Réunion. 

Le  major  Machado,  qui  était  à  Pretoria  avec  les  ingénieurs  portugais  pour  faire 
le  tracé  du  chemin  de  fer  sur  le  territoire  du  Transvaal,  a  reçu  de  Lisbonne  l'ordre 
de  se  rendre  à  Lorenzo-Marquez,  pour  y  conférer  avec  les  ingénieurs  envoyés  par 
le  gouvernement  portugais,  afin  de  commencer  les  travaux,  de  la  baie  de  Delagoa 
à  la  frontière  du  Transvaal.  On  comptait  mettre  la  main  à  l'œuvre  vers  la  fin 
d'avril.  —  M.  Machado  a  découvert  dans  les  monts  Lebombo  plusieurs  passages 
faciles.  —  La  construction  de  la  ligne  a  été  définitivement  concédée  à  une  banque 
de  Lisbonne  et  au  Comptoir  d'escompte  de  Paris.  —  n  est  question  de  faire  de 
Lorenzo  Marquez  une  province  indépendante  de  celle  de  Mozambique,  sous  les 
ordres  directs  du  gouvernement  de  la  métropole;  M.  Machado  en  serait  le  gou- 
verneur. 

D'après  le  Natal  MereantUe  AdverHser,  le  gouvernement  allemand  a  chargé 
M.  A.  Schultz,  de  Durban,  de  faire  une  exploration  en  vue  d'établir  une  série  de 
stations  de  commerce  jusqu'au  Zambèze  et  au  Congo;  il  doit  s'a^oindre  un  arpen- 
teur et  un  géologue. 

Le  journal  la  Ntxture^  de  Londres,  annonce  que  le  gouvernement  anglais  a  télé- 
graphié aux  autorités  de  la  Colonie  du  Cap,  pour  les  engager  à  exempter  des  droits 
d'entrée  les  bagages  de  l'expédition  du  D' Holub. 

La  Société  de  géographie  de  Londres  a  chargé  M.  E.-G.  Ravenstein,  qui  a  acheyé 
la  carte  de  l'Afrique  équatoriale  orientale,  d'en  faire  une  semblable  de  la  partie 
occidentale. 

Le  D' Zintgyoff,  de  Berlin,  engagé  par  l'Institut  géographique  de  Bruxelles,  ira 
rejoindre  le  D' Chavanne  au  Congo.  Ses  recherches  devront  porter  particulièrement 
sur  l'ethnographie  et  l'anthropologie. 


—  87  — 

Le  gouTernement  anglais  a  autorisé  le  colonel  Devintdn  et  le  lieutenant-colonel 
Hart  à  se  rendre  au  Congo  pour  le  compte  du  roi  des  Belges. 

Une  lettre  de  M.  Kogozinski  du  10  janvier  nous  apprend  que,  dans  son  expédi- 
tion à  l'intérieur,  il  a  découvert  le  cours  supérieur  du  Mungo  et  ses  cataractes, 
deux  lacs  dans  la  région  du  partage  des  eaux  du  Cameroon  et  du  Calabar,  et  le 
cours  supérieur  ainsi  que. les  sources  du  Rio-del-Rey.  Mais  la  tribu  des  Ba-Faran- 
gaya,  qui  voulait  conduire  chez  elle  l'explorateur,  ayant  été  battue  par  les  Mo- 
kouyé,  M.  Rogozinski  a  dû  regagner  Ptle  de  Mandaleh. 

Malgré  le  mauvais  vouloir  des  indigènes,  les  commissaires  anglais  et  français 
chargés  de  fixer  les  limites  des  territoires  des  deux  pays  sur  la  Côte  d'Or  ont  ter- 
miné leurs  travaux.  Le  roi  de  Einjaboe  a  pris  une  attitude  si  belliqueuse  que  les 
commissaires  anglais  ont  dû  se  faire  protéger  par  un  détachement  en  armes.  Au 
départ  du  courrier,  la  situation  sur  la  Côte  d'Or  était  des  plus  troublées,  et  l'offi- 
cier anglais  qui  commande  à  Axim  réclamait  la  présence  d'un  navire  de  guerre. 

Le  lieutenant  Lenoir,  commandant  du  poste  de  Sedhiou,  est  chargé  d'explorer  le 
Firdou,  qui  s'étend  de  la  Gambie  aux  sources  de  la  Cazamance,  et  qu'un  traité 
récent  a  placé  sous  le  protectorat  de  la  France. 

MM.  Taylor  et  Jacques,  missionnaires  à  Saint-Louis,  ont  fait  dans  le  Oualo, 
habité  pftr  des  Wolofs  musulmans  et  par  des  émigrants  bambaras,  un  voyage  de 
reconnaissance  en  vue  de  l'extension  de  leur  champ  d'activité. 
^  La  construction  de  la  voie  ferrée  de  Kayes  à  Bafoulabé  est  poussée  avec  activité, 
sans  rencontrer  d'opposition  de  la  part  des  indigènes. 

Une  expédition  américaine  est  partie  des  lies  Canaries  pour  le  cap  Blanc,  avec 
l'mtention  d'y  établir  une  factorerie. 

La  Société  de  géographie  de  Barcelone  a  chargé  M.  Jîmenez,  qui  a  déjà  exploré 
l'intérieur  du  Maroc  et  la  côte  au  sud  de  Mogador,  d'une  expédition  sur  la  côte  du 
RifF.  Le  voyageur  a  débarqué  au  cap  Aguas  et  pénétrera  dans  le  Riff  par  la  vallée 

d'El-Moluya. 

Le  consul  français  à  Tanger  a  interdit  aux  sujets  français  et  aux  musulmans 
placés  sous  sa  protection  d'acheter,  de  vendre  ou  de  posséder  des  esclaves  au 
Maroc.  Son  exemple  a  été  suivi  par  les  représentants  des  autres  puissances. 

Le  gouvernement  espagnol  a  approuvé  l'établissement  d'une  ligne  postale  de 
vapeurs  entre  Tanger  et  Tarifa.  —  Une  société  espagnole  demande  la  concession 
d'un  cAble  sous-marin  entre  ces  deux  points. 


CIMBÉBASIE  ET  HOTTENTOTIE 

(avec  carte) 

L'acquisition,  par  la  maison  Ltlderitz,  de  Brème,  de  la  baie  d'Angra- 
Pequena  et  du  territoire  qui  Tavoisine,  ainsi  que  Tautorisation  d'y 


—  88  — 

arborer  le  pavillon  de  TEmpire  allemand,  ont  récemment  attiré  l'atten- 
tion sur  la  partie  de  TAfrique  à  laquelle  on  donne  généralement  les 
noms  de  Hottentotie  et  de  Cimbébasie,  et  qui,  jusqu'ici,  est  demeurée  en 
dehors  des  grandes  voies  par  lesquelles  on  a  cherché  à  faire  pénétrer  la 
civilisation  dans  Tintérieur  du  continent.  Non  pas  que  ce  pays  immense, 
qui  s'étend  sur  U""  de  latitude,  des  deux  cStés  du  tropique  du  Capri- 
corne, du  fleuve  Orange  au  Cunéné,  entre  la  colonie  du  Cap  et  les 
possessions  portugaises,  et  de  l'Atlantique  au  pays  des  Be-Chouana, 
soit  demeuré  inexploré  ou  livré  à  la  barbarie.  Au  contraire,  depuis  plus 
de  50  ans,  les  missionnaires  de  la  Société  rhénane  en  ont  fait  un  de  leurs 
principaux  champs  de  travail  ;  plusieurs  d'entre  eux,  MM.  Hahn,  Rath, 
Bôhm,  en  particulier,  l'ont  exploré  dans  des  directions  diverses,  et  après 
eux,  pendant  ces  dernières  années,  le  P.  Duparquet  en  a  étudié  spécia- 
lement la  partie  septentrionale,  tandis  que  l'ingénieur  Andersen  faisait 
le  relevé  et  dressait  la  carte  de  tout  le  pays  compris  entre  l'Atlantique,  le 
Transvaal,  le  fleuve  Orange  et  leZambèze. 

Il  nous  a  paru  que  le  moment  était  venu  de  présenter  à  nos  lecteurs 
ce  que  ces  différents  explorateurs  nous  ont  fait  connaître  de  cette  partie 
de  l'Afrique,  où  se  fonde  la  première  colonie  allemande,  et  où  les 
missionnaires  allemands  travaillent  depuis  si  longtemps,  en  accompa- 
gnant notre  exposé  d'une  carte  rédigée  d'après  les  travaux  cartographi- 
ques les  plus  récents,  et  surtout  d'après  la  carte  d'Anderson,  que  vient  de 
publier  la  Société  de  géographie  de  Londres. 

Ce  vaste  territoire  n'est  habité  par  des  indigènes  de  race  hotten- 
tote  que  dans  sa  partie  méridionale,  la  plus  voisine  du  fleuve  Orange,  où. 
se  sont  établis  les  Grands-Namaqua,  refoulés  du  sud  par  les  Européens, 
tandis  qu'au  nord  les  plateaux  du  Damaraland  et  de  l'Ovampo  sont 
peuplés  de  noirs  appartenant  à  la  race  bantoue,  et  qu'à  l'est  les 
Bushmen  sont  disséminés  dans  le  désert  de  Ealahara*. 

Il  semble  que  le  voisinage  de  l'Atlantique  aurait  dû  faire  de  la  zone 
côtière  une  région  humide,  arrosée  par  les  vapeurs  qu'y  transporte  la 
brise  de  mer,  et  couverte  d'une  végétation  tropicale.  Mais  la  nature 
des  eaux  de  l'Océan,  et  celle  du  sol  de  la  terrasse  qui  le  borde,  s'oppo- 
sent à  ce  qu'il  en  soit  ainsi.  Les  eaux  de  la  partie  de  l'Atlantique  qui 
longe  la  côte,  refroidies  jusqu'à  l'embouchure  du  Cunéné  par  le  courant 

^  Nous  adoptons  cette  ortographe  au  lieu  de  celle  de  Ealahari,  d'après  Anderson, 
Pauteur  le  plus  autorisé,  qui  dit  que  la  prononciation  de  ce  mot  correspond  à 
celle  de  Namaqua,  Damara,  etc. 


—  89  — 

polaire  antarctique,  fournissent,  il  est  vrai,  un  séjour  agréable  à  une 
multitude  de  poissons,  même  aux  baleines  qu'il  n'est  pas  rare  de  voir 
jouer  dans  ces  parages.  Mais  les  vapeurs,  dont  l'air  se  sature  bien  vite, 
ne  servent  pas  à  arroser  la  zone  côtière.  Celle-ci  en  effet  est  composée, 
au  moins  dans  sa  partie  méridionale,  et  sur  une  largeur  d'une  centaine 
de  kilomètres,  d'un  sable  que  le  soleil  surchauffe,  et  les  vapeurs  de 
l'Atlantique  en  passant  sur  lui,  s'échauffent  si  rapidement  qu'il  ne  peut 
être  question  de  pluie,  ni  de  condensation  quelconque  pour  l'irrigation. 

La  première  terrasse  littorale  se  présente,  dans  sa  partie  méridionale, 
conmne  une  vaste  plaine,  sans  verdure  ni  végétation  arborescente,  s'éle- 
vant  insensiblement  vers  l'intérieur,  d'où  ne  descendent  à  l'Océan  que 
quelques  tributaires  d'une  certaine  importance  :  le  Petit-Orange,  dans 
la  baie  d'Angra-Pequena,  le  Kuisip,  le  Swakop  et  l'Omarourou,  dans  le 
voisinage  de  Walfish-bay,  et  un  peu  plus  au  nord,  l'Ougab  et  le  Houab  ; 
encore,  grâce  à  l'énorme  évaporation  produite  par  la  chaleur  solaire,  ces 
rivières  n'ont-elles  de  l'eau  qu'une  partie  de  l'année.  Le  long  des  der- 
niers cours  d'eau  susmentionnés,  s'élèvent,  non  pas  des  chaînes  de 
montagnes  proprement  dites,  mais  des  monts  détachés,  dont  la  hauteur 
varie  de  1000"*  à  3000"  environ  :  le  Quanwas,  près  de  la  côte,  a  1 100*", 
et  rOmataka,  aux  sources  du  Swakop,  atteint  2975  mètres. 

A  la  côte,  les  seuls  groupes  de  population  se  trouvent  autour  de  Wal- 
fish-bay. Quant  à  Angi'a-Pequena,  jusqu'à  ces  dernières  années,  on  n'y 
voyait  que  de  temps  à  autre  arriver  un  petit  nombre  deHottentots,  qui 
venaient  faire  quelques  échanges  de  peaux,  d'ivoire  et  de  plumes  d'au- 
truche, avec  les  navires  envoyés  aux  îles  des  Requins  et  des  Pingçuins, 
situées  au-devant  de  la  baie  dont  elles  garantissent  l'entrée  contre  les 
vents  du  nord.  Ces  îles  sont  des  stations  de  pêche,  et,  depuis  un  certain 
nombre  d'années,  des  compagnies  de  Capetown  y  exploitent  les  couches 
de  guano  dont  elles  sont  recouvertes. 

A  mesure  que  l'on  s'élève  vers  la  terrasse  supérieure  du  plateau  cen- 
tral, la  verdure  remplacé  avantageusement  le  sable  brûlant  de  la  zone 
littorale.  Peu  abondante  encore  dans  le  Namaqualand,  elle  l'est  beau- 
coup plus  dans  le  Damaraland,  où  elle  fournit  un  excellent  fourrage  aux 
nombreux  troupeaux  des  Héréro.  Plus  au  nord,  dans  l'Ovampo,  arrosé 
par  les  ovnaramhas  que  remplissent  les  crues  du  Cunéné,  et  dont  le  prin- 
cipal unit  à  ce  fleuve  le  lac  Etosha,  elle  est  si  riche  et  si  fraîche,  qu 'An- 
dersen décrit  ce  pays  comme  une  des  plus  belles  parties  de  l'AMque  : 
montagnes  pittoresques,  clairières  ouvertes,  districts  bien  boisés,  sol 
fertile  pom*  les  céréales,  climat  sec  et  salubre,  tout  s'unit,  paraît-il,  pour 


—  90  — 

en  faii-e  une  contrée  des  plus  agréables  à  habiter.  Les  indigènes  très  noirs, 
bien  proportionnés,  laborieux  et  industrieux,  ont  de  grands  ti'oupeaux 
de  bœufs,  de  moutons  et  de  chèvres  ;  en  outre  ils  cultivent  des  champs 
de  blé  d'une  grande  étendue. 

D'après  le  P.  Duparquet,  un  des  royaumes  de  TOvampo  ne  compte 
pas  moins  de  60,000  à  80,000  habitants  ;  il  s'étend  du  Cunéné  au  Cou- 
bango,  et  a  pour  roi  un  jeune  homme  de  18  à  20  ans,  nommé  Nambadi, 
qui  vient  de  succéder  à  son  onde  Eipandeka.  Ce  monarque  a  un  vif 
désir  de  s'instruire  et  d'introduire  la  civilisation  dans  son  pays..  Il  a 
donné  aux  missionnaires  un  vaste  terrain,  couvert  d'arbres  fruitiers,  pour 
fonder  une  statioii  près  de  sa  résidence,  et  les  a  pourvus  de  guides  pour 
les  accompagner  jusque  chez  les  Âmboellas^  qui  habitent  entre  le  Cou- 
bango  et  le  Zambèze  supérieur,  oîi  ils  veulent  s'établir  pour  initier  les 
indigènes  aux  arts  et  métiers  les  plus  nécessaires  à  la  vie,  ainsi  qu'aux 
perfectionnements  des  travaux  de  l'agriculture. 

Au  sud  de  l'Ovampo,  s'étendent  les  plateaux  du  Damaraland  et  du 
pays  des  Grands-Namaqua,  séparés  de  la  terrasse  littorale  par  une  arête, 
au-dessus  de  laquelle  s'élèvent,  dans  le  voisinage  de  Barmen  et  de 
Rehoboth,  des  pics  de  1500  mètres  à  2500  mètres.  Inclinés  du  nord  au 
sud,  ils  sont  drainés  par  deux  grands  cours  d'eau,  la  Rivière  des  Grands 
Poissons  et  le  Hygap,  tributaires  de  l'Orange,  par  lequel  ils  sont  ratta- 
chés au  bassin  de  l'océan  Atlantique.  Les  sources  de  la  première  sont 
situées  près  du  mont  Awas,  qui  s'élève  à  une  hauteur  de  2100  mètres  ; 
elle  court  à  peu  près  parallèlement  au  méridien,  et  ne  reçoit  de  l'Est 
aucun  affluent*  important  ;  en  revanche,  plusieurs  tributaires,  dont  le 
plus  considérable  est  le  Amhup,  lui  amènent  les  eaux  des  montagnes  de 
l'ouest.  A  en  juger  par  la  grandeur  de  son  lit,  le  pays  a  dû  recevoir 
autrefois  beaucoup  plus  de  pluie  que  maintenant,  car  il  est  profond, 
large,  et  rempli  de  rochers  qui  indiquent  combien  le  courant  a  dû  être 
jadis  rapide  et  puissant.  Dans  son  cours  inférieur,  son  bassin  est  uni  à 
celuif  du  Hygap,  par  la  Back-River,  dont  les  sources  se  trouvent  près  des 
monts  Brinus,  et  dont  les  eauxfs'écoulent,  en  partie  à  l'ouest,  dans  la 
Rivière  des  Grands-Poissons,  et  en  partie  à  l'est,  dans  le  Hygap. 

Celui-ci  est  le  plus  long  des  cours  d'eau  de  cette  région.  H  prend  sa 
sourcejau  centre  des  montagnes  du  Damaraland,  et  porte,  dans  son 
cours  supérieur,  le  nom  d'Omouramba.  D  reçoit  de  l'ouest  les  deux 
Nosops,  noir  et  blanc,  qui  drainent  la  partie  S.  E.  du  Damaraland,  puis 
la  rivière  des  Éléphants,  qui  lui  apporte  les  eaux  du  Namaqualand 
septentrional. 


—  91  — 

Toute  cette  zone,  dont  la  partie N.-E.  appartient  à  ce  que  Ton  appelle 
d'ordinaire  le  désert  de  Kalahara,  est  couverte  d'épaisses  forêts,  sépa- 
rées par  de  vastes  étendues  de  plaines  herbeuses.  Plusieurs  autres  cours 
d'eau  peu  profonds  traversent  le  désert,  mais  Teau  n'y  demeure  toute 
l'année  que  dans  des  étangs  ;  pendant  la  saison  pluvieuse,  de  décembre 
en  mai,  elle  coule  avec  abondance,  mais  ensuite  on  ne  peut  l'obtenir 
qu'en  creusant  dans  le  lit  de  ces  rivières.  A  une  trentaine  de  kilomètres, 
au  sud  de  Meer,  se  trouve  le  lac  Hogskin,  de  50  kilomètres  de  longueur, 
alimenté  par  trois  rivières  qui  le  remplissent  après  de  fortes  pluies,  mais 
il  est  fréquemment  à  sec.  Au  sud  s'élèvent  deux  collines  de  forme  coni- 
que, de  140  mètres  de  hauteur,  visibles  de  loin,  entourées  de  forêts,  et 
qui  ajoutent  beaucoup  à  la  beauté  du  paysage.  M.  Andersen  a  trouvé  de 
la  houille  sur  les  bords  des  rivières  et  sur  les  flancs  de  ces  collines. 

A  l'époque  des  pluies  la  végétation  de  cette  partie  du  désert  est 
magnifique,  l'herbe  fine  et  belle,  le  gibier  abondant,  les  lions,  les 
léopards  et  beaucoup  d'autres  espèces  appartenant  à  la  race  féline  s'y 
rencontrent;  c'est  un  vrai  parc  aux  lions  ;  Andersen  en  a  vu  une  fois  22, 
grands  et  petits,  en  une  seule  troupe,  et  souvent  au  milieu  du  jour,  à 
peu  de  distance  de  ses  wagons,  six  ou  sept  se  rendant  à  la  pièce  d'eau 
près  de  laquelle  il  avait  dételé.  C'était  aussi  autrefois  le  grand  district 
des  autruches;  le  même  explorateur  en  a  vu,  un  matin  de  bonne  heure, 
une  troupe  de  plus  de  200,  qui  s'éloignèrent  en  apercevant  ses  wagons  ; 
elles  disparaissent  actuellement  devant  les  flèches  des  Bushmen  et  le 
fusil  des  chasseurs  blancs.  Ce  désert  a  été  considéré  comme  une  contrée 
désolée  et  sans  intérêt,  mais  il  n'en  est  pas  ainsi  ;  il  est  vrai  qu'il  y  a 
des  parties  que  l'on  ne  peut  pas  traverser  pendant  la  saison  sèche  ; 
plusieurs  voyageurs  qui  ont  voulu  y  pénétrer  ont  été  obligés  d'en  sortir, 
y  laissant  wagons  et  bœufe,  faute  d'eau.  Cependant  ces  vastes  plaines 
entourées  de  dunes  de  sable  «et  le  silence  qui  y  règne,  les  pics  des  mon- 
tagnes qui  bordent  l'horizon,  la  variété  de  gibier  que  l'on  aperçoit 
dans  toutes  les  directions,  l'isolement  de  cette  position  à  400  kilomètres 
de  toute  habitation  européenne,  le  voisinage  de  quelques  familles  bush- 
men qui  vivent  de  la  vie  primitive  de  leurs  ancêtres,  tout  cela  n'est  pas 
sans  un  certain  charme. 

Le  trait  le  plus  caractéristique  du  pays  ce  sont  les  dunes  de  sable  sus- 
mentionnées. Elles  s'étendent  de  l'ouest  à  l'est  sur  une  longueur  de 
plusieurs  kilomètres,  et  varient  d'altitude  de  15  mètres  à  60  mètres. 
Leur  base  est  formée  d'un  calcaire  foncé  couvert  de  sable  ;  leur  pente  est 
d'environ  30**.  Andersen  les  compare  à  une  mer  oragease,  avec  des 


--  92  — 

vagues  gigantesques,  subitement  changées  en  sable.  Sur  les  iiancs  crois- 
sent beaucoup  d'arbustes,  de  buissons  et  aussi  une  belle  herbe.  Il  y  a  de 
petites  sources  et  des  étangs  dans  quelques-unes  des  dépressions,  sans 
cela  personne  ne  pourrait  y  passer,  parce  que  la  route  à  travers  ces 
dunes  a  50  kilomètres  de  longueur,  puis  viennent  12  kilomètres  à  faire 
sur  le  calcaire,  et  de  nouveau  des  dunes  de  sable. 

A  peu  près  sous  la  latitude  du  lac  Hogskin,  le  Hygap  reçoit  de  Test 
le  Kourouman  et  le  Molapo  qui,  dans  leur  cours  inférieur,  traversent  un 
pays  inhabité  par  suite  du  manque  presque  absolu  d'eau  pendant  huit 
mois  de  Tannée. 

La  partie  septentrionale  du  désert  de  Kalahara  est  semée  d'étangs 
et  de  lacs  dont  le  plus  considérable  est  le  lac  Ngami.  Situé  dans  une 
dépression  du  plateau  central,  il  forme  un  bassin  intérieur,  dans  lequel 
se  versent  les  eaux  du  Coubango,  et  une  partie  de  celles  du  Chobé  qui, 
dans  le  voisinage  deLynianti,  est  exactement  à  la  même  altitude  que  le 
Ngami  (938  mètres).  La  Zouga  qui  unit  celui-ci  au  lac  Makarakara,  lui 
sert  tantôt  d'émissaire  et  tantôt  d'affluent,  suivant  la  quantité  de  pluie 
qui  tombe  sur  les  montagnes,  à  l'ouest  ou  à  l'est  de  ce  désert. 

Les  Bushmen  sont  à  peu  près  les  seuls  habitants  de  cette  partie  de 
l'Afrique  ;  ils  vivent  dans  des  grottes,  dans  les  bois,  ou  dans  de  petits 
kraals.  Quelques  individus  des  tribus  frontières  vont  y  chasser,  mais  n'y 
restent  pas;  on  peut  les  voir  par  petits  groupes,  traversant  le  désert, 
avec  un  ou  deux  bœufs  chargés  de  gibier  et  dé  plumes,  résultat  de  leur 
chasse,  ou  de  leur  vol  au  détriment  des  Bushmen  qu'ils  peuvent  avoir 
surpris.  Dans  ses  voyages  à  travers  le  désert,  Andersen  s'est  toujours 
fait  accompagner  par  plusieurs  Bushmen  Méséré  et  leurs  familles,  qui 
le  conduisaient  aux  lieux  où  se  trouvait  de  l'eau,  endroits  qu'il  n'aurait 
jamais  explorés  sans  eux.  Si  on  les  traite  bien,  ils  vous  aident  volontiers 
de  toutes  manières. 

En  général  la  taille  des  Bushmen  ne  dépasse  pas  1  mètre  40;  leurs 
bras  et  leurs  jambes  sont  d'une  maigreur  excessive;  la  peau,  même  chez 
des  personnes  jeunes,  est  plissée  ;  les  cheveux  laineux  forment  de  petites 
touifes,  entre  lesquelles  apparaît  la  peau  jaune  de  la  tête.  Ne  cultivant 
pas  la  terre  et  n'élevant  point  de  bestiaux,  ils  n'ont  pour  toutes 
ressources  que  le  produit  de  la  chasse  et  du  vol.  Armés  de  leur  arc  et  de 
quelques  douzaines  de  flèches, ils  errent  dans  les  solitudes;  s'ils  peuvent 
se  glisser  inaperçus  dans  le  voisinage  d'un  troupeau  de  moutons,  ils  en 
prennent  autant  qu'ils  {leuvent  en  chasser  devant  eux,  les  conduîseiit 


—  93  — 

dans  leur  retraite,  les  égorgent  et  se  repaissent  de  leur  chair.  Ds  en 
consomment  alors  une  telle  quantité,  qu'ils  tombent  dans  un  état  de 
prostration  complète  et  s'endorment,  pour  recommencer  à  leur  réveil. 
Quand  Téleveur  surveille  ses  troupeaux,  et  que  la  chasse  aux  antilopes 
u'ei^t  pas  fructueuse,  le  Bushmen  se  nourrit  de  serpents,  de  lézards,  de 
de  sauterelles,  de  fourmis,  et  même  de  racines.  La  vie  nomade  lui  plait 
tellement  que,  jusqu'ici,  tous  les  efforts  des  missionnaires  et  des  philan- 
thropes n'ont  pu  l'amener  à  renoncer  à  ses  pérégrinations  pour  lui  faire 
adopter  une  vie  sédentaire  et  laborieuse. 

A  Meer  habitent  des  Bastards,  descendants  des  premiers  colons  Boers 
et  de  femmes  hottentotes.  Ils  y  ont  établi  une  espèce  de  petite  républi- 
que, qui  croît  en  importance  chaque  jour,  et  ils  obligent  les  Bushmen  à 
leur  servir  d'esclaves.  Leur  magistrat,  Dirk  Philander,  tient  la  cour  une 
fois  par  semaine. 

Distincts  des  Bushmen,  des  Bastards  et  des  Hottentots,  les  Bundles- 
waarts  et  les  Veltscoondrawers  habitent  la  rive  gauche  du  cours  moyen 
de  la  rivière  des  Grands-Poissons  et  de  son  affluent  le  Amhup.  Ils  sont 
cultivateurs,  emploient  la  charrue,  élèvent  des  bœufs  et  des  mou- 
tons ;  Lis  vivent  près  des  petites  sources,  le  long  des  rivières  où  ils  se 
procurent  de  l'eau  en  creusant  dans  leur  lit,  et  se  transportent  d'un 
endroit  à  un  autre  à  mesure  que  l'eau  manquei-  On  trouve  dans  leur  pays 
du  cuivre;  vers  le  sud,  dans  le  voisinage  de  l'Orange,  plusieurs  mines 
sont  exploitées. 

Mais  les  deux  peuplades  principales  du  plateau  qui  sépare  le  désert  de 
Kalahara  de  la  zone  côtière,  sont  celles  des  Grands-Namaqua  et  des 
Damara,  auxquels  se  sont  mêlés  des  Héréro  venus  du  nord,  il  y  a  envi- 
ron deux  cents  ans,  et  qui,  sous  leur  roi  Kamahéréro,  forment  l'élément 
dominant.  Les  caractères  des  deux  peuplades  sont  foncièrement  diffé- 
rents. 

Les  Namaqua,de  race  hottentote,  au  teint  jaunâtre,  sont  intelligents, 
bien  doués  pouf  la  musique,  très  accessibles  aux  impressions  nouvelles. 
Ils  se  sont  appropriés  très  rapidement  les  besoins  des  Européens,  quant 
aux  vêtements  et  aux  aliments  ;  malheureusement  aussi  la  passion  de 
l'eau-de-vie.  Très  habiles  à  la  chasse,  ils  sont  mauvais  économes,  et  don- 
nent peu  de  soin  à  l'élevage  du  bétail,  qui  cependant  leur  est  indispen- 
sable. 

Les  Héréro  sont  d'un  caractère  tout  opposé.  De  race  bantoue  et  tout 
à  fait  noirs,  ils  sont  calmes,  réfléchis,  et,  se  défiant  de  toute  nouveauté, 
ils  ne  subissent  pas  facilement  l'influence  des  Européens.  D'autre  part, 


—  94  — 

quand  ou  a  gagné  leur  confiance,  ils  se  montrent  ordinairement  fidèles. 
Ils  sont  voués  sans  réserve  à  l'élève  du  bétail,  et  leur  langage  est  rempli 
de  mots  qui  s'y  rapportent.  Attachés  outre  mesure  à  leurs  troupeaux  de 
bœufs,  ils  se  laissent  difficilement  persuader  de  vendre  quelque  peu  de 
leur  superflu.  Leur  opposition  à  l'influence  des  Européens  les  a  fait 
résister  jusqu'ici  à  l'introduction  de  l'eau-de-vie  parmi  eux. 

Les  Namaqua  étant  moins  riches  en  bestiaux  que  les  Héréro  du  Dama- 
raland,  convoitent  les  bœufe  de  ces  derniers,  tandis  que  les  Héréro 
manquant  de  pâturages  pour  leurs  immenses  troupeaux,  empiètent  pres- 
que involontairement  sur  les  terres  des  Namaqua.  H  en  résulte  de  temps  à 
autre  des  guerres  entre  les  deux  races.  Nous  avons  parlé  à  plusieurs 
reprises  de  la  dernière  guerre,  qui  dure  depuis  trois  ans,  et  des  efforts 
faits  par  les  missionnaires  de  la  Société  rhénane  pour  rétablir  la  paix 
entre  les  deux  peuples.  Qu'il  nous  suffise  de  dire  ici  que,  d'après  le  der- 
nier numéro  du  journal  de  cette  société,  un  des  chefs  namaqua,  qui  jus- 
qu'à présent  avait  fait  le  plus  d'opposition  à  la  conclusion  d'une  paix 
générale  et  définitive,  s'est  décidé  à  cesser  sa  résistance,  et  que  les 
négociations  avec  le  chef  suprême  des  Héréro  sont  en  bonne  voie. 

Mais  nous  tenons  à  citer  le  témoignage  que  le  D'  Hôpfner,  chargé 
récemment  par  le  gouvei%tement  de  l'empire  allemand  d'explorer  le  pays 
entre  le  Cunéné  et  le  fleuve  Orange,  au  point  de  vue  géologique  et  minier, 
a  rendu  à  l'activité  civilisatrice  des  missionnaires  de  la  susdite  société. 

Déjà  à  Okozondyé,  la  première  des  huit  stations  du  Damaraland*,  à 
laquelle  le  voyageur  s'arrêta  en  venant  de  l'Ovampo,  il  fut  surpris  des 
soins  donnés  à  la  culture  des  arbres  le  long  des  cours  d'eau,  des  palmiers 
dattiers  en  particulier,  des  melons  d'eau,  des  figuiers  et  de  la  vigne,  ainsi 
qu'à  celle  des  légumes  de  diverses  espèces  qui  réussissent  très  bien,  et 
des  céréales  que  l'on  sème  dans  le  sol  du  lit  des  cours  d'eau,  immédiate- 
ment après  la  saison  des  pluies.  U  en  est  de  même,  dit-il,  dans  toutes  les 
stations,  a  Sans  doute  les  antiques  coutumes  et  préjugés  païens  n'ont 
pas  encore  entièrement  disparu,  mais  les  progrès  dans  la  civilisation  sont 
manifestes.  Les  missionnaires  ont  développé  chez  les  indigènes  le  désir 
d'être  vêtus,  mieux  logés,  mieux  nourris,  ils  leui*  ont  appris  à  cultiver  le 
blé,  tandis  qu'auparavant  les  Héréro  ne  vivaient  que  du  lait  de  leurs 
vaches,  sans  s'occuper  d'agriculture.  » 

'  Avant  la  guerre  il  y  en  avait  11;  dans  le  Namaqualand  leur  nombre  est  des- 
cendu de  9  à  7. 


—  95  — 

Les  conditions  du  pays  habité,  au  nord  par  les  Héréro,  au  sud  par  les 
Xamaqua,  sont  à  peu  près  les  mêmes  ;  toutefois  il  est  à  remarquer  que 
la  nature  du  désert  se  fait  de  plus  en  plus  sentir  à  mesure  que  Ton 
s'avance  vers  le  sud,  où  la  zone  littorale  de  sable  s'élargit  toujours 
davantage. 

Le  plateau  est  salubre,  mais,  comme  le  dit  encore  le  D'  Hôpfner,  ce 
n'est  pas  un  pays  découlant  de  lait  et  de  miel,  ni  qui  puisse  attirer 
beaucoup  de  colons  agriculteurs.  En  revanche,  on  y  a  constaté,  sur  une 
foule  de  points,  l'existence  de  gisements  de  minerai  de  cuivre,  à  travers 
le  pays  des  Grauds-Namaqua,  le  Damaraland,  l'Ovampo,  jusqu'aux  pos- 
sessions portugaises,  sur  une  immense  étendue  en  longueur,  avec  des 
couches  transversales  qui  pénètrent  assez  avant  dans  l'intérieur  du  pays. 
On  a  conunencé  à  les  exploiter  dans  le  nord  de  la  Colonie  du  Cap.  Il  y  a 
vingt-cinq  ans,  Q  y  eut  à  Capetown  une  véritable  épidémie  minière.  De 
nombreuses  sociétés  se  formèrent,  et  pénétrèrent  jusque  dans  le  Dama- 
i*aland.  Presque  toutes  furent  ruinées  au  bout  de  quelques  années.  Une 
seule  est  restée  debout,  la  «  Cape  Copper  Mining  Company  limited,  »  à 
Ookiep,  au  sud  du  fleuve  Orange  ;  elle  est  devenue  une  des  sociétés 
minières  les  plus  puissantes.  Ses  actions  de  10  1.  sterl.,  sur  lesquelles 
7  1.  sterl.  ont  été  versées,  sont  actuellement  cotées  à  56  1.  sterl.  à  la 
bourse  de  Londres.  Depuis  quelques  années  elle  paye  un  dividende  de 
100  Vu  environ.  Elle  a  compris  qu'une  des  premières  conditions  d'une 
exploitation  rémunératrice  était  la  construction  d'un  chemin  de  fer,  de 
la  côte  à  la  mine,  le  transport  par  wagons  à  bœufe  exigeant  un  parc 
énorme  de  véhicules  et  d'animaux,  pour  lesquels  l'eau  et  le  fourrage 
seraient  très  difficiles  à  se  procurer,  ce  qui  entraînerait  de  grands  frais. 

C'est,  paraît-il,  en  vue  de  l'exploitation  des  gisements  de  minerai  de 
cuivre,  que  la  maison  Lûderitz  a  fait  l'acquisition  d'Angra-Pequena,  et 
a  étendu  sa  concession  primitive  jusqu'à  l'embouchure  du  fleuve  Orange. 
Sans  doute  les  montagnes  du  pays  des  Grands -Namaqua  n'ont  pas 
encore  été  beaucoup  étudiées  au  point  de  vue  géologique,  mais  le  man- 
que de  terre  végétale  en  beaucoup  d'endroits  permet  de  voir  en  les  par- 
courant, soit  dans  le  Namaqualand,  soit  dans  le  Damaraland,  de  vastes 
gisements  à  découvert.  Le  voyageur  C.-G.  Bttttner  dit  avoir  cheminé 
pendant  une  heure,  au  N.-O.  de  Behoboth,  à  travers  un  district  oîi  la 
teinte  verte  de  la  roche  révèle  la  présence  du  cuivre.  L'entreprise  de  la 
maison  Lûdehtz  revêtira  donc  un  caractère  minier;  si  son  exploitation 
est  aussi  lucrative  que  celle  des  mines  de  Ookiep,  elle  n'aura  pas  à 


—  96  — 

regretter  d'avoir  tenté  de  créer  sur  ce  point  de  l'Afrique  une  colonie 
allemande. 

Nous  ne  pensons  pas  que  le  caractère  allemand  donné  à  l'établissement 
d'Angra-Pequena  par  l'autorisation  d'y  arborer  le  drapeau  de  l'Empire, 
puisse  donner  lieu  à  des  complications  avec  l'Angleterre.  D  est  vrai  que, 
en  1877,  sous  le  ministère  de  lord  Beaconsfield,  cette  puissance  avait 
conçu  le  projet  d'annexer  à  ses  possessions  de  la  Colonie  du  Cap  tout  le 
pays  au  nord  de  l'Orange,  jusqu'aux  possessions  portugaises,  et  fait  de 
Walfish-bay  le  centre  de  l'administration  du  territoire  annexé.  Mais,  en 
1882,  le  ministre  des  colonies,  lord  Kimberley,  donna  pour  instruction  à 
Sir  Hercules  Robinson,  de  n'y  maintenir  l'autorité  britannique  que  si  le 
gouvernement  de  la  Colonie  du  Cap  voulait  en  faire  les  frais  :  «  Walfish- 
bay  a  été  déclaré  territoire  britannique,  »  portait  la  dépêche,  «  d'après 
le  vœu  de  la  Colonie  du  Cap,  afin  que  l'on  pût  surveiller  le  seul  port, 
par  lequel,  sur  une  longue  étendue  de  côtes,  des  armes  et  des  marchan- 
dises peuvent  être  introduites  à  l'intérieur.  Le  gouvernement  de  la  reine 
ne  veut  rien  changer  à  l'état  de  choses  actuel,  si  le  Parlement  du  Cap 
continue  à  soutenir  l'établissement  susnommé.  »  Le  ministre  ajoutait  : 
qu'il  ne  voyait  aucun  avantage  à  conserver  cette  possession  si  éloignée 
de  la  Colonie  du  Cap,  et  exposée  aux  attaques  d'indigènes  mal  disposés  ; 
d'autant  plus  que  l'occupation  de  Walfish-bay  n'empêchait  nullement 
l'importation  d'armes  et  de  munitions,  et  que  le  commerce  insignifiant 
n'offrait  pas  grande  chance  de  développement.  Dans  le  cas  où  le  Parle- 
ment du  Cap  ne  ferait  pas  le  nécessaire  pour  protéger  cette  place  comme 
partie  de  la  colonie,  le  ministre  déclarait,  que  les  Topnaars  qui  demeu- 
raient dans  le  voisinage  et  avaient  réclamé  la  protection  de  l'Angleterre 
contre  les  Héréro,  seraient  transportés  dans  le  Namaqualand,  et  que  le 
gouvernement  anglais  renoncerait  à  tout  exercice  de  l'autorité  britanni- 
que à  Walfish-bay.  La  question  est  encore  en  suspens  devant  le  Parle- 
ment du  Cap.  Le  gouvernement  allemand  n'en  croit  pas  moins  ses  droits 
sur  cette  côte  bien  fondés,  car,  d'après  un  télégramme  de  Berlin,  du 
12  mars,  publié  dans  les  journaux  de  Madrid,  et  reproduit  par  l'^a^^or^ 
il  se  propose  de  déclarer  officiellement  la  baie  et  le  territoire  d'Angra- 
Pequena,  colonie  allemande. 

Il  ne  serait  pas  impossible  que,  des  plateaux  de  la  Hottentotie,  plus 
salubres  que  la  plupart  des  côtes  du  continent,  l'on  pût  pénétrer 
jusqu'au  Zambèze  sans  trop  de  difficulté,  à  travers  l'Ovampo,  où  l'eau 
et  le  fourrage  abondent.  Tandis  qu'à  l'est  et  à  Touest  de  l'Afrique  on  a 
dû  jusqu'à  présent  se  servir  de  caravanes  de  porteurs,  ici  l'on  pourrait 


—  97  — 

sans  inconvénient  employer  le  mode  de  transport  par  wagons  attelés  de 
bœufe,  —  ce  que  font  déjà  les  Boers  pour  transporter  leiu^  produits, 
de  la  colonie  de  San  Januario  à  Mossamédès,  —  en  attendant  que  le  déve- 
loppement de  Texploitation  des  mines  amène  la  création  de  chemins  de 
fer,  d'abord  de  la  côte  aux  gisements  de  cuivre  les  plus  rapprochés  de 
rOcéan,  et  plus  tard  jusque  dans  l'intérieur  du  continent. 


CORRESPONDANCES 

I 

Nous  ayons  annoncé  (lY"'^  année,  p.  298),  le  départ  de  notre  correspondant, 
M.  J.-M.  Schuyer,  de  Éhartonm,  pour  Meshra-er-Rek,  le  14  juillet  1883.  Dès 
lors,  nne  dépèche  de  Khartoum  du  14  janyier  1884  au  Times  a  apporté  la  nou- 
Telle  de  la  mort  de  l'explorateur.  Nous  n'en  publions  pas  moins  la  lettre  suiyante  ; 
quoique  datée  de  Meshra-er-Rek  du  16  août  1883,  elle  portait  le  timbre  de  Khar- 
toum du  21  féyrier  1884,  celui  d'Assiout  du  3  mars,  et  n'est  arriyée  à  Genèye  que 
le  22  mars. 

Meshra-er-Rek,  16  août  1883. 
Monsieur, 

Après  un  très  heureux  voyage  de  31  jours,  nous  yoici  à  Meshra-er-Rek;  nous 
trouyons  la  petite  garnison  bloquée  depuis  deux  mois  et  yiyant  en  grande  partie 
(les  semences  du  Lotits  NUoticii,  qui  ne  se  recueillent  qu'en  quantités  minimes. 

M'étant  décidé  à  forcer  le  blocus  pour  me  mettre  en  communication  ayec 
Lapton-bey,  qui  se  trouye  à  Dem-Suleiman,  à  16  journées  d'ici,  je  laisse  une 
déclaration  attestant  que  je  me  reconnais  seul  responsable  de  mon  sort  et  pars 
demain  avec  un  guide  nègre  et  cinq  soldats  hasingers  *  sans  armes,  comme  porteurs. 
Espérons  que  les  nègres  sauront  distinguer  entre  un  voyageur  désarmé  et  leurs 
tyrans  turcs  et  arabes.  Les  nègres  sont  exaspérés  parce  que  le  gouvernement  les 
force  à  transporter  sans  payement  les  immenses  quantités  d'ivoire,  de  tamarin,  etc. 
ainsi  que  les  marchandises  d'échange  pour  l'intérieur,  et  parce  que  le  gouverne- 
ment leur  a  pris,  en  six  mois,  1700  jeunes  gens,  pour  être  envoyés  à  Khartoum 
comme  soldats,  esclavage  bien  plus  dur  que  celui  auquel  les  soumettaient  les 
Arabes.  Quoique  les  nègres  n'aient  que  leurs  lances,  ils  ont  réussi  à  tuer  cette 
année  1200  soldats,  dont  300  cherchaient  à  se  frayer  un  chemin  jusqu'à-Meshra- 
er-Rek. 

J'espère  forcer  le  blocus  sans  accidents,  et  vous  donner  des  nouvelles  plus 

importantes  à  mon  retour  ici  avec  les  40  porteurs  dont  j'aurai  besoin.  Jusque-là, 

Teuillez  agréer  mes  salutations  empressées. 

Juan-Mària  Schuver. 
P.-S.  Le  cri  de  guerre  des  nègres  est  : 

Mieux  vaut  mourir  comme  hommes,  que  vivre  comme  bétes  de  somme  ! 

Après  cela,  que  l'on  dise  du  mal  des  nègres  ! 

D'après  les  données  fournies  par  VCEstenreichische  Monatsehrift  fur  dm  Orient j 

^  Soldats  nègres  ci-devant  au  service  des  chasseurs  d'esclaves  (Eéd.), 


—  98  — 

et  par  les  MittheUungen  de  Gotha^  Lupton-bey  avait  donné  des  ordres  stricts  pour 
que,  si  un  vapeur  arrivait  à  Meshra-er-Rek,  personne,  ne  lui  fût  expédié  à  Dem- 
Suleiman,  non  plus  que  le  courrier  ;  on  devait  lui  envoyer  par  un  nègre  un  billet 
seulement,  pour  l'informer  de  la  venue  du  steamer.  Arrivé  le  15  août  à  Meshra-er- 
Rek,  Scbuver  en  partit  le  lendemain  du  jour  où  il  écrivait  la  lettre  ci-dessus,  avec 
cinq  soldats  niam-niam,  un  interprète  denka  et  son  domestique  hongrois,  Charles 
Nagy,  pour  traverser  le  territoire  des  Denkas  révoltés  et  se  rendre  à  Djour- 
Ghattas.  Suivant  le  rapport  de  l'interprète  susmentionné,  qui  est  arrivé  auprès 
de  Lupton-bey,  disant  avoir  réussi  à  s'échapper,  des  incendies  d'herbes  et  des  inon- 
dations obligèrent  Scbuver  à  faire  de  grands  détours;  le  cinquième  jour  il 
arriva  au  village  de  Tek  où  il  fut  assassiné  (21  août).  Comme  le  font  observer 
les  MittheUungen  de  Gotha,  la  nouvelle  de  sa  mort  ne  repose  que  sur  l'affirmation 
du  dit  interprète,  à  la  suite  de  laquelle  Lupton-bey  envoya,  pour  punir  les  meur- 
triers, une  troupe  de  soldats  qui  trouvèrent  le  village  abandonné,  mais  ne 
purent  découvrir  aucune  trace  du  cadavre  de  Scbuver.  On  n'a  aucun  renseigne- 
ment sur  son  domestique,  Charles  Nagy,non  plus  que  sur  les  cinq  soldats  de  l'escorte. 
D'autre  part  le  dernier  numéro  des  Tijdschnft  de  la  Société  néerlandaise  de  géo- 
graphie annonce  que,  d'après  une  lettre  de  M.  Insinger,  de  Louksor,  du  15  février, 
Scbuver  aurait  été  fait  prisonnier  par  des  partisans  du  Mahdi 

II 

Pretoria,  5  février  1884. 
Cher  Monsieur, 

Vous  aurez,  je  l'espère,  reçu  ma  dernière  lettre  datée  de  Bethléem,  c'est  donc 
de  là  que  commencera  mon  récit. 

Le  10  janvier  nous  quittions  cette  ville,  par  la  route  qui  conduit  à  Heilbronn. 
Nous  passons  par  les  fermes  Mûller,  Eriger,  Rensburg,  et  le  16  nous  arrivons  à 
Heilbronn.  Cette  ville  a,  comme  toutes  les  villes  africaines,  le  cachet  d'une  cité  com- 
merciale. Ce  qui  la  caractérise  peut-être,  c'est  le  luxe  et  le  confort  de  ses  habitations. 
Bâtie  sur  un  petit  mamelon,  au  milieu  d'une  plaine  sans  bornes,  elle  est  comme  une 
oasis  dans  cette  solitude;  un  petit  ruisseau  ajoute  au  charme  du  tableau;  la 
chapelle  wesleyenne  apparaît  aux  voyageurs  comme  un  phare,  et  un  joli  temple 
hollandais  en  construction,  au  centre  du  square,  donne  un  peu  d'unité  à  ces  con- 
structions posées  çà  et  là  selon  le  caprice  des  habitants.  Le  même  jour  nous  levions 
notre  camp,  pressés  que  nous  étions  de  gagner  le  Yaal. 

Tandis  que  le  pays  que  nous  venions  de  parcourir  était  passablement  ondulé,  à 
partir  de  Heilbronn,  la  contrée  présente  l'aspect  d'une  plaine  aride  jusqu'au  Yaal. 

A  quelques  lieues  de  cette  rivière,  la  route  se  partage  en  deux  embranchements 
dont  l'un  conduit  directement  à  Pretoria,  l'autre,  celui  que  nous  avons  suivi,  à 
Heidelberg.  Le  18  nous  traversions  le  Yaal,  non  sans  difficultés,  quoique  les  eaux 
fussent  basses.  A  l'endroit  où  nous  l'avons  passé  il  est  un  peu  encaissé,  et  large 
d'environ  500*"  ;  aucun  arbre  ne  projette  son  ombrage  sur  ses  eaux  grisâtres.  Les 
canards  sauvages  et  les  hérons  sont  les  seuls  êtres  qui  peuplent  ses  rives. 

Nous  passons  ici  notre  troisième  dimanche  sous  la  voûte  des  cieux.  Quelle  satis- 
faction de  voir  couler  le  fleuve  derrière  nous  1  II  faut  savoir  quel  cauchemar  les 
fleuves  africains  causent  aux  voyageurs,  pour  comprendre  la  douce  quiétude  que 
nous  avons  éprouvée  en  établissant  notre  camp  sur  le  territoire  du  Transraal. 

Tout  contribuait  à  nous  mettre  en  belle^humeur:  le  Yaal  derrière  nous,  avec  la 


—  99  — 

monotonie  de  PËtat-Libre,  et  devant  nous  les  belles  collines  du  Transvaal,  l'herbe 
abondante  pour  nos  attelages  et  la  perspective  d'atteindre  bientôt  Pretoria  ! 

Le  21  nous  nous  remettons  en  route,  après  avoir  donné  quelque  repos  à  nos 
attelages.  Nous  parcourons  un  beau  et  fertile  pays,  charmante  solitude  parsemée 
seulement  de  quelques  fermes.  A  la  station  du  missionnaire  berlinois,  M.  Dûraing, 
nous  passons  le  Sugar-bush  River,  et  le  24  nous  arrivons  à  Heidelberg.  De  loin 
déjà  nous  voyions  la  ville  adossée  pittoresquement  à  une  chaîne  de  montagnes  • 
elle  nous  paraissait  jolie  à  l'ombre  de  ses  eucalyptus,  de  ses  peupliers  et  de  ses 
sapins.  Quelle  déception  n'est  pas  la  nôtre  en  parcourant  ses  rues  rocailleuses  et 
mal  tenues!  Il  n'y  a  pas  même  un  temple  pour  consacrer  la  dignité  de  la  cité.  En 
revanche  les  habitants  de  Heidelberg  sont  des  plus  aimables  pour  n(»us^  et  nous 
font  part  de  leurs  plus  beaux  fruits. 

Le  26  nous  partons  pour  Pretoria.  Déjà  précédemment  nous  avions  vu  quelques 
sugar-buêhs  sur  les  flancs  des  collines,  mais  ici,  ce  sont  de  vraies  forêts  qui  s'offrent 
à  nos  regards,  et  la  veille  de  notre  arrivée  à  Pretoria,  nous  campons  au  milieu  de 
bosquets  de  mimosas. 

Le  30,  la  capitale  du  Transvaal  se  présentait  à  nos  yeux,  tout  entourée  de  verdure, 
au  centre  d'un  amphithéâtre  de  montagnes.  Sa  position  est  des  mieux  choisies 
au  point  de  vue  esthétique  et  stratégique  ;  elle  a  une  eau  surabondante,  conduite 
par  des  canaux  dans  toutes  les  rues  de  la  ville,  au  risque  même  de  l'inonder  dans 
les  fortes  pluies.  Avec  tous  ces  avantages,  Pretoria  n'a  pas  l'aspect  d'une  ville 
européenne.  Ses  rues  sont  mal  entretenues,  ses  maisons  basses  et  sans  apparence  ; 
le  square  est  un  pâturage  enclos  par  de  petites  constructions;  une  seule  rue  pré- 
sente l'animation  d'une  de  nos  cités  européennes,  avec  tous  ses  magasins  à  l'entre- 
sol; un  grand  et  beau  temple  hollandais  en  construction  relèvera  bientôt  son 
square. 

Une  grande  préoccupation  absorbait  toutes  nos  pensées  à  notre  arrivée:  quels 
droits  aurions-nous  à  payer  sur  tous  nos  bagages  ?  Selon  tous  les  renseignements, 
ils  devaient  être  considérables.  Aussi  quelle  ne  fut  pas  notre  surprise  quand, 
après  avoir  fait  visite  aux  autorités  et  échangé  avec  elles  plusieurs  lettres,  nous 
apprîmes  hier  matin  que  le  gouvernement  nous  exemptait  des  droits,  bien  que 
nous  fussions  sous  le  coup  de  la  loi!  Celui  qui  incline  les  cœurs  des  hommes 
comme  des  ruisseaux  d'eau  avait  agi  en  notre  faveur!  En  effet,  le  gouvernement 
a  de  nombreux  griefs  contre  les  missionnaires,  qui  se  sont  parfois  compromis  au 
point  de  vue  politique  ;  nous  avons  d'autant  plus  sujet  d'être  reconnaissants  pour 
le  procédé  libéral  dont  il  a  usé  à  notre  égard. 

Ce  même  jour  eut  lieu  une  conférence  sur  la  mission  du  Zambèze  ;  le  vice-pré- 
sident de  la  république,  M.  Joubert,  présidait  lui-même  l'assemblée,  à  laquelle 
assistaient  le  pasteur  hollandais,  M.  Bossemann,  qui  avait  plaidé  chaleureusement 
notre  cause,  l'évêque  anglican,  le  pasteur  wesleyen  et  un  nombreux  auditoire 
hollandais  et  anglais.  L'école  du  dimanche  hollandaise  s'intéresse  à  notre  œuvre 
et  le  pasteur  cherche  à  fonder  ici  un  comité  auxiliaire  pour  nous  venir  en  aide. 

Malgré  de  nombreuses  difficultés  avec  nos  wagons  pesamment  chargés,  nous 


—  100  — 

sommes  déjà  bien  loin  du  Lessouto/et  noussaTons  sur  qui  compter  pour  l'avenir. 
Tous  nous  sommes  en  bonne  santé  et  une  bonne  entente  règne  entre  nous.  Ici,  pour 
la  première  fois,  Punde  nos  bœufs  est  malade.  La  famine  règne,  dit-on,  à  Shoshong, 
aussi  prendrons-nous  id  tous  nos  vivres.  La  contrée  que  nous  avons  à  parcourir 
a  peu  de  bonne  herbe  et  nous  réserve  de  nouvelles  difficultés. 
Votre  dévoué,  D.  jKAiniAiRET. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

Là  confrérie  musulmane  de  Sîdi  Mohammed  BEN'ÂLt-Es-SEKOÛst  et 
SON  DOMAINE  GÉOGRAPHIQUE,  par  H.  DuveyvieT^  Paris  (Société  de  géo- 
graphie), 1884,  in-8*,  84  pages  avec  carte.  —  La  Société  de  géogra- 
phie de  Paris  vient  de  publier  une  étude  d'une  haute  importance  et 
d'une  grande  actualité,  due  à  la  plume  de  M.  H.  Duveyrier,  l'explo- 
rateur bien  connu  du  Sahara  septentrional.  C'est  un  exposé  historique 
et  géographique,  fait  avec  une  conscience  .extrême  et  à  l'aide  de  nom- 
breux documents,  de  la  puissante  secte  des  Senoûsî.  L'auteur  en  étudie 
le  développement  si  rapide  depuis  sa  fondation,  en  1837,  par  un  humble 
jurisconsulte  algérien  des  environs  de  Mostaganem,  et,  après  avoir  passé 
en  revue  les  lois  qui  la  dirigent,  il  montre  qu'elle  s'est  partout  posée  en 
ennemie  irréconciliable  de  la  domination  française  dans  le  nord  de 
l'Afrique,  et  au  Sénégal,  ainsi  que  de  tous  les  projets  tendant  à  étendre 
l'influence  européenne  à  l'intérieur  de  l'Afrique. 

Le  travail  si  original  de  M.  Duveyrier  intéresse  non  seulement  les 
Français,  mais  encore  tous  les  amis  des  sciences  géographiques,  qui 
attendent  des  expéditions  futures  l'achèvement  de  la  reconnaissance 
du  Sahara  et  du  Soudan.  Il  croit  en  effet  que  c'est  chez  les  Senoûst,  qui 
l'ont  poursuivi  lui-même,  qu'il  faut  chercher  les  assassins  de  Dournaux- 
Dupéré,  du  colonel  Flatters,  de  von  Beurmann,  de  von  der  Decken,  etc. 

Une  carte  qui  accompagne  l'article,  permet  de  se  rendre  compte,  par 
des  teintes  et  des  signes  spéciaux,  du  domaine  immense  soumis  à 
l'influence  des  doctrines  senoûsiennes,  ainsi  que  des  zaouiyaque  possède 
la  redoutable  secte,  qui  est  toute-puissante  en  Tripolitaine,  dans  le  Fez- 
zan,  le  Tibesti  et  l'oasis  de  Koufara,  et  qui  compte  des  affiliés  jusqu'en 
Sénégambie,  à  Timbouktou  et  dans  la  presqu'île  des  Somalis. 

^  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  B&le,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  VAfriç^ae  expiorée  et  civilisée. 

L'abondance  des  matières  nous  oblige  à  ajourner  à  un  prochi^n  numéro,  la 
publication  des  autres  articles  bibliographiques,  et,  vu  le  grand  nombre  des 
ouvrages  reçus,  nous  supprimons,  pour  cette  fois-ci,  la  liste  des  échanges. 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Trente-deux  ans  à  travers  l'Islam  (1832-1864),  par  Léon  Hoches.  T.  I,  Algérie 
—  Abd-el-Kader.  —  Paris  (Firmin-Didot  et  C*>),  1884,  în-8°,.508  p.  Fr.  6. 

Vojage  dans  TOudoé  «t  l'Oazigoua  (Zanguebar),  par  le  S-  P-  Baur.  Lyon  (impr. 
Mougin-Busand),  1882,  in-8*',  avec  gravures  et  carte. 

Tne  excursion  à  Hammam-Rirha,  par  Victor  Waille.  Alger  (P.  Fontana  et  C**), 
1883,  in-8«,  16  p. 

Grammatical  note  on  the  gwamba  language  in  South  Africa,  by  Paul  Berthoud 
(from  the  «  Journal  of  the  Royal  Asiatic  Society  of  Great  Britain  and  Ireland  » 
Yol.  XVI,  part.  1),  in-8«,  29  p. 

Der  Eriegsschauplatz  im  iEgyptischen  Sudan,  1883-1884.  Gotha  (Justus  Perthes), 
1884. 

  Map  of  the  Nile  from  the  Ëquatorial  Lakes  to  the  Mediterranean,  embracing 
the  Ëgyptian  Sûdan  and  Abyssinîa.  London  (Edward  Stanford,  55,  Charing 
Cross),  1  Dec.  1883. 

The  Bechuana"",  the  Cape  Colony  and  the  Transvaal.  Proceedings  of  the  public 
Meeting  held  at  the  Mansion  House,  on  novembre  27th.  1883.  —  London  (Abo- 
rigine's  protection  Society,  3,  Broadway  Chambers,  Westminster),  1884,  in-S*»,  59  p. 

De  rébus  africanis.  The  claims  of  Portugal  to  the  Congo  and  adjacent. littoral,  by 
the  Earl  of  Mayo.  F.-R.-G.-S.  —  London  (W.-H.  Allen  et  C*»),  1883,  in-S'»,  63  p. 
et  carte.  3  sh.  6  d. 

A  granimar  of  the  asante  and  faute  language  called  tshi,  by  Rev.  J.^G.  Christaller. 
Baael  (Missionsbuchhandlung),  1875,  in-S"»,  203  p. 

A  dîctionary  of  the  asante  and  faute  language  called  tshi,  by  Rev.  J.-G.  Christaller. 
Basel  (Missionsbuchhandlung),  1881,  in-8^  671  p. 

Documents  parlementaires  : 

a)  Africa  N**  2  (1883).  Correspondence  respecting  the  territory  of  the  West  Coast 
of  AfriCa  lying  between  5**  12'  and  S""  of  south  latitude  :  1847-77.  Presented  to 
both  Houses  of  Parliament  by  command  of  her  Majesty.  1883,  London,  in-4®, 
100  p. 

b)  Africa  N**  2  (1884).  Correspondence  relating  to  négociations  between  thegovem- 
ments  of  Great  Britain  and  Portugal,  for  conclusion  of  the  Congo  Treaty  :  1882- 
84.  London^  in-4o,  40  p.  et  carte. 

c)  Africa  N*'  S  (1884).  Despatch  to  Her  Majesty's  Minister  at  Lisbon,  inclosing  the 
Congo  Treaty,  signed  february  26, 1884,  and  corrected  translation  of  Mozambique 
tariff  of  1877.  London,  in-4*,  22  p. 

Aufaahmen  Deutscher  Reisender,  besonders  des  D"*  E.  Kaiser,  in  den  Gebieten 
zwischen  Tabora,  dem  Tanganyika  und  dem  Rikwa-See,  von  R.  Kiepert,  Vtsoooo. 

Route  der  Pogge-Wissmann'scher  Expédition,  von  Malanshe  bis  zum  Tanganyika- 
See,  von  R.  Kiepert,  Vîaoooo» 

Les  Anglais  en  Egypte.  L'Angleterre  et  le  M&hdi.  Arabi  et  le  canal  de  Suez,  par 
le  lieut.-coloael  Hennebert.  Paris  (Jouvet  et  C-^),  1884,  in-80,  75  p. 

Die  Nillânder,  von  Prof.  D' R.  Hartmann,  mit  Bildern.  Leipzig  (G.  Freytag),  1884, 
in-12,  216  p. 

Ueber  die  Capverden  nach  dem  Rio-Grande  und  Futah-Djallon,  ron  D'  C.  Dœlter, 
mit  Holzschnitten  und  Karte.  Leipzig  (Paul  Frohberg),  1884,  in-4o,  263  p. 

Africana;  or  the  Heart  of  heathen  Africa,  by  the  Rev.  Duff  Macdonald.  Aberdeen 
(A.  Brovn  et  C*'),  1882,  2  vol.  in-8**  avec  gravures. 

Notices  sur  la  carte  d'Afrique  au  V<  000,000.  Livraisons  1,  2,  3.  Paris  (Baudoin 
et  C«),  1883,  in-8*.  —  Carte  d'Afrique  au  */« 000,000,  dressée  au  dépôt  de  la 
guerre,  par  le  capitaine  du  génie  R.  de  Lanoy  de  Bissy. 


S()M.^^Aif(K 


Pages 

Bulletin  mensuel  . .'. 7:J 

Nouvelles  complémentaires 84 

CiMBÉBASIE  ET  HOTTENTO TIE - 87 

COBRESPONDAKGES  : 

Lettre  de  M.  J.-M.  Schuver '  . .      07 

Lettre  de  M.  D.  Jeamnairet 98 

BiBUOGRÂPHIE  : 

La  confrérie  musulmane  de  Sîdi  Mohammed  Ben'Alt-Es-Senoûst,  par 
H.  Duveyrier 100 

Cabte  :. 

Gimbébasie  et  Hottentotie . 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


GENÈVE 

GEORG,     LIBRAIRE -ÉDITEUR 

MtHE    MllSON  A   BILE    ET    k   LYON 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIKIOÉ  PA& 

M.   enstETe  XOTHIBR 

Membre  de  la  CommiBsion  ibtenuitioiiale  de  BrnxeUee  pour  l*6^1oration  et  la  oiviliiation 

de  l'Afriiine  centrale;  membre  correepondant  de  l'Aeadômio  d*Hlppone, 

et  dee  Sociétée  de  géographie  de  Maraeille,  de  Kanoy,  do  Loanda  et  de  Porto. 

BitDXOà  PAS 

k.  Charles  FAURE 

8eer6t«ire-Bibliothéoaire  de  la  Société  de  géographie  de  Qenève ,  membre  correspondant  des  Sociétée 
de  géographie  de  Lisbontie,  de  Loanda.  do  Porto  et  do  Saint-Gall. 


L'Afrique  paraît  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d*au 
moins  20  pages  chacune  ;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  Tabonnement  annuel,  pAjAble  d'AVAnee»  est  de  10  frAnes, 

port  compris^  pour  tous  les  pays  de  TUnion  postale  (première  zone)  ;  poar  les 
autres,  ii  fr.  60. 


Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  k 
ia  Direction,  if  droit  h  ma  eompte  rendu. 

Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  à  H.  GasteTe  Mojnler» 
8t  r«e  de  l'Atlténée»  h  Genève  (Sni«»e)« 


S*ndrefi»er  pour  les  «bonnement»  h  l'éditeur,  H.  H.  Georg:,  h 
Genève  on  h  lIAle. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  SiTisse. 
Chez  MM.  Ch.  Dblagravb,  libraire,  15,  rue  Soufflot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  Cour,  45,  rue  de  là  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLABD  frères,  libraires,  Corso  Vittorio  Emmanuete^  21,  k  Milan. 

P,-A.  Brockhaus,  libraire.  Querstr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Fribderichsbn  et  C*%  libraires,  AdmiralitUtsstr,  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autriche). 

Trubnbr  et  C>%  libraires^  Ludgate  Hill,  57/59.  k  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


AVIS.  —  NofM  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  abonnés^  au  prix  de 
10  fr.  chacmi,  un  certain  nombre  ^exemplaires  complets  de  la  IP'^,  de  la  III* 
et  de  la  IV"^  année.  La  !"'•  est  épuisée. 


me 


—  101  — 

BULLETIN  MENSUEL  (o  niai  1884y 

Nous  disions  dans  un  de  nos  premiers  numéros  (v.  I"  année,  p.  113) 
que,  si  notre  Tour  de  V  Afrique  n'était  pas  encore  aussi  à  la  mode  que 
le  Tour  du  monde^  il  le  deviendi'ait  peut-être  un  jour.  Nous  ne  pensions 
pas  alors  avoir  à  enregistrer  aussi  prochainement,  dans  notre  bulletin, 
Tannonce  d'un  voyag^e  de  cipcumnavig^atiou  autour  du  con- 
tinent africain.  Mais  le  projet  est  réel;  la  Société  milanaise  d'explo- 
ration commerciale  en  Afrique,  grâce  à  l'initiative  de  son  président, 
M.  le  capitaine  Manfred  Camperio,  et  d'accord  avec  la  Société  générale 
italienne  de  navigation,  organise,  pour  le  premier  septembre  prochain, 
une  expédition  qui  partira  de  Gênes  et  fera  le  tour  de  l'Afrique,  en  sens 
inverse,  il  est  vrai,  de  notre  voyage  mensuel.  En  eflFet,  son  itinéraire  la 
conduira  d'abord  à  Alger,  puis  à  Tanger,  Mogador,  Saint-Louis,  Lagos, 
Borna,  Loanda,  Capetown,  Natal,  Zanzibar,  Assab,  Massaoua,  Suez, 
Alexandrie,  Tobrouk,  Tripoli  et  Tunis.  Ce  voyage  a  pour  but  de  com- 
pléter l'instruction  des  jeunes  gens  de  l'école  supérieure  commerciale  et 
technique  italienne,  et  d'oflFrir  aux  négociants  l'occasion  d'apprendre  à 
connaître  de  nouveaux  marchés  pour  l'Italie.  Les  savants  et  les  voya- 
gem'S  pourront  aussi  en  profiter.  La  Société  d'exploration  mettra  à  la 
disposition  des  voyageurs  sa  bibliothèque  de  voyages  et  d'ouvrages  sur 
l'Afi-ique,  ainsi  que  ses  instruments  scientifiques,  ses  cartes  et  ses  appa- 
reils photographiques.  Un  professeiu*,  délégué  par  la  Société,  accompa- 
gnera les  voyageurs  et  fera  un  cours  régulier  de  géographie  conmierciale 
africaine.  Un  médecin  fera  partie  de  l'état-major  de  bord.  Deux  mois 
environ  seront  employés  à  la  navigation,  et  autant  à  des  haltes,  en 
répartissant  les  jours  selon  l'importance  des  ports  indiqués  dans  l'itiné- 
raire et  le  temps  qui  restera  disponible.  Le  prix  du  voyage  sera  de 
5000  francs,  payables  en  trois  termes  :  le  premier,  en  souscrivant  pour  le 
passage,  500  francs;  le  second,  le  30  juiUet,  1500  francs  ;  le  troisième, 
avant  le  départ,  3000  francs.  Le  voyage  n'aura  lieu  que  si,  au  30  juillet, 
il  y  a  40  inscriptions  prises.  Les  inscriptions  peuvent  se  prendre  dans 
toutes  les  agences  de  la  Société  générale  italienne  de  navigation  et  auprès 
de  la  Société  milanaise  d'exploration  en  Afrique  (via  Silvio  Pellico,  6). 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

L'AFRIQUE.   —    CINQUIÈME  ANNÉE.    —   N°    5.  5 


—  102  — 

Après  cette  course  rapide  autour  de  TAfrique,  revenons  à  TAIg^érie, 
par  laquelle  nous  commençons  d'ordinaire  notre  bulletin,  et  dans  laquelle, 
comme  d'ailleurs  dans  toutes  les  colonies  de  la  France,  rAllîance 
IVaneaise  se  propose  de  répandre  toujours  davantage  la  connaissance 
de  la  langue  française,  comme  un  des  meilleurs  moyens  de  gagner  les 
indigènes,  et  de  faciliter  avec  eux  les  relations  sociales  et  les  rapports 
commerciaux.  A  cet  effet  elle  compte  fonder  de  nouvelles  écoles,  accor- 
der des  subventions  à  celles  qui  existent  déjà  et  introduire  des  cours  de 
français  dans  celles  qui  en  sont  dépourvues;  créer  des  écoles  normales 
spéciales  destinées  à  former  des  maîtres  ;  distribuer  des  récompenses  pro- 
pres à  assurer  la  fréquentation  des  écoles,  à  stimuler  le  zèle  des  élèves 
et  à  honorer  celui  des  maîtres.  Quant  aux  écoles  normales,  elles  seront 
organisées  de  manière  à  faire  connaître  aux  futurs  maîtres  la  langue, 
les  institutions  et  les  mœurs  des  indigènes.  L'action  de  l'Alliance  s'exer- 
cera d'abord  en  Algérie,  pour  s'étendre  ensuite  en  Tunisie  et  dans  les 
autres  pays  placés  sous  le  protectorat  de  la  France. 

Le  département  de  la  Seine  vient  d'acquérir,  sur  le  littoral  de  la 
province  de  Constantine,  près  de  Boue,  le  domaine  de  Guebar- 
bou-Aoun,  de  600  hectares,  pour  y  installer  deux  cents  jeunes  garçons 
orpheUns,  qui  le  cultiveront  et  feront  ainsi  l'apprentissage  de  futurs 
colons.  Tous  ceux  qui  auront  fait  preuve  d'aptitudes  pourlaoolonî»a- 
tion,  et  qui  auront  donné  l'exemple  d'une  bonne  conduite,  pourront, 
après  leur  service  militaire,  obtenir  une  concession  de  terre.  Le  gouver- 
nement de  l'Algérie  a  concédé  à  T administration  de  l'Assistance  publi- 
que du  département  de  la  Seine,  dans  les  provinces  de  Constantine  et 
d'Alger,  deux  terrains  domaniaux  d'une  contenance  de  près  de  3000  hec- 
tares, à  charge  d'y  installer  comme  colons  les  orphelins  devenus  majeurs, 
une  fois  qu'ils  seront  mariés. 

Quelque  précaire  que  soit  l'état  dans lequelse  trouve l'Êg^ypte,  il  n'en 
est  pas  moins  intéressant  de  connaître  les  idées  du  khédive  sur  les  moyens 
les  meilleurs  de  relever  son  peuple.  C'est  à  ce  titre  que  nous  extrayons, 
de  VAntislavery  Reporter^  les  paroles  suivantes  prononcées  dans  une 
conversation  avec  le  baron  de  Malortie,  après  le  départ  de  Gordon  pour 
sa  dangereuse  mission  au  Soudan  :  «  Vous  savez  quel  intérêt  profond  je 
prends  à  l'instruction  publique,  car,  à  mon  avis,  c'est  la  base  de  toute 
réforme  ;  c'est  le  fondement  sur  lequel  il  faut  construire  ;  elle  mérite 
donc  la  plus  sérieuse  attention.  D'autres  réformes  peuvent  présenter  un 
résultat  plus  immédiat,  mais  on  ne  peut  rien  attendre  avant  d'avoir 
élevé  le  niveau  du  peuple.  Pour  faire  des  hommes,  il  faut  instruire  la 


PTr-T- 


—  103  — 

jeunesse  et  répandre  l'éducation .  Le  fellah  est  docile  et  n'a  besoin  que 
de  bons  instituteurs  ;  fouj-nissez-lui  les  occasions  de  s'instruire,  et  il  ne 
trompera  pas  les  espérances  les  plus  hautes.  Le  plus  cher  désii*  de  ma 
vie  est  de  réformer  et  de  développer  notre  système  d'éducation,  mais 
nous  n'avons  pas  d'argent.  Comment  les  indigènes  peuvent-ils  espérer 
concourir  avec  des  Européens  soigneusement  élevés  ?  Comment  peuvent - 
ils  espérer  remplacer  quelque  jour  les  nombreux  hommes  capables  que  le 
continent  nous  a  prêtés  comme  maîtres  d'écoles,  si  l'on  ne  fait  rien  pour 
élever  une  génération  utile?  Ce  n'est  pas  seulement  l'éducation  des  gar- 
çons qu'il  faut  se  proposer  de  développer,  c'est  aussi  celle  des  tilles.  Il 
faut  que  la  femme  soit  l'égale  de  l'homme;  son  influence  sera  mauvaise 
ou  bonne,  selon  qu'elle  sera  ignorante  ou  cultivée.  Un  entourage  sans 
éducation  est  fatal  à  nos  enfants  dans  leur  âge  tendre,  et  laisse  sur  eux 
une  empreinte  indélébile.  Mais  il  y  a  encore  une  autre  chose  extrême- 
ment importante,  c'est,  comme  je  Tai  dit  à  réitérées  fois,  le  fait  que 
réducation  des  femmes  mettra  fin  à  la  polygamie,  et  par  suite  au  sys- 
tème de  l'esclavage  du  harem,  et  aux  misères  associées  à  un  trafic  que 
j'abhorre.  Le  prophète  interdit  d'avoir  des  esclaves  musulmans,  et  la 
mutilation  est  un  crhne  égal  au  meurtre.  Avec  une  femme,  votre  égale 
et  votre  compagne,  les  barrières  du  harem  tomberont;  ce  n'est  qu'une 
question  de  temps  ;  mais  si  vous  voulez  réellement  abolir  promptement 
l'esclavage,  aidez-nous  à  élever  la  génération  qui  grandit.  C'est  une 
noble  tâche,  et  l'a,  b,  c  de  toute  réforme.  Donnez-nous  l'éducation  et  la 
justice  ;  tout  le  reste  suivra.  » 

Le  khédive  verra-t-il  ses  vœux  réalisés?  Les  événements  actuels  ne 
permettent  guère  de  l'espérer.  La  retraite  des  troupes  anglaises  de 
Souakim,  le  soulèvement  des  tribus  autour  de  Berber,  de  Schendy,  de 
Khartoum  et  de  Kassala,  les  appels  inutiles  de  Gordon  au  gouvernement 
britannique  qui  refuse  d'envoyer  des  troupes  à  son  secours,  à  Ziber-pa- 
cha  qui  reste  tranquille  au  Caire,  aux  millionnaires  de  l'Angleterre  et  de 
l'Amérique  qui  ne  donneront  pas  leur  argent  pour  solder  des  légions  tur- 
^juès,  tout  semble  conspirer  pour  rendre  des  plus  périlleuses  la  position 
du  gouverneur  du  Soudan  qui,  à  vues  humaines,  ne  paraît  plus 
pouvoir  compter,  pour  faire  évacuer  les  postes  égyptiens,  que  sur  les 
divisions  qui  peuvent  éclater  panni  les  partisans  du  Mahdi,  ou  même  sur 
la  révolte  des  adhérents  du  faux-prophète  contre  l'autorité  qu'il  s'aiTOge. 
Il  n'est  guère  possible  de  savoir  exactement  ce  qui  se  passe  dans  leKor- 
dofan,  autour  d'El-Obeïd,  où  des  bruits  représentent  Mohammed-Ahmed 
.assiégé,  comme  Gordon  l'est  dans  Khartoum.  Ce  que  l'on  sait,  d'après 


—  104  — 

une  lettre  de  M.  Hansal,  du  5  mars,  à  M.  le  baron  de  Hofinann,  à 
Vienne,  publiée  dans  VOesterreichische  Monatsschrift  fur  den  Orienty 
c'est  qu'un  oflScier  nègre  de  l'ancienne  garnison  d'El-Obeïd,  Abdalah- 
Aga,  qui  a  pu  s'échapper,  a  raconté  que,  après  l'occupation  de  la  ville 
par  le  Mahdi,  les  soldats  ont  été  vendus  ;  lui-même,  chargé  de  fers  aux 
mains  et  aux  pieds,  fut  conduit  à  Takalé,  où  il  fut  traité  comme  un  serf. 
Il  mit  30  jours  pour  faire,  à  pied,  le  trajet  de  Takalé  à  Khartoum, 
vivant  d'herbes,  de  racines  et  d'écorces  d'arbres.  Le  Darfour  est  soumis 
au  Mahdi,  à  l'exception  de  la  capitale  El-Facher,  où  est  assiégé  Slatin- 
bey.  Quant  à  l'abandon  de  la  domination  égyptienne  au  Soudan,  et  à  la 
remise  de  l'administration  aux  chefs  des  provinces,  sous  une  autorité 
supérieure  commune,  «  c'est  l'anarchie,  »  dit  M.  Hansal.  «  La  guerre  des 
races  est  inévitable.  Les  nombreux  roitelets  lutteront  pour  s'emparer 
du  pouvoir  jusqu'à  ce  que  le  Mahdi  les  subjugue  tous.  L'époque  des 
expéditions  annuelles  des  barques  remontant  le  Nil-Blanc,  jusqu'au  cœur 
des  États  nègres,  va  refleurir  avec  toutes  les  horreurs  qu'elles  entraî- 
naient; le  vol,  la  fraude,  les  rapines,  le  meurtre  et  l'incendie  seront 
célébrés  comme  des  exploits,  le  trafic  de  chair  humaine  renaîtra  et 
s'étendra  plus  que  jamais,  ce  sera  le  triomphe  de  la  barbarie!  De  telles 
perspectives  rendent  impossible  la  vie  au  Soudan  pour  les  Européens,  qui 
se  trouvent  condamnés  à  émigrer  sans  savoir  où  trouver  un  asile.  A  la 
nouvelle  de  la  mission  de  Gordon,  l'émigration  en  masse  s'était  arrêtée 
temporairement,  parce  qu'on  espérait  que  l'insurrection  serait  réprimée 
par  la  force  militaù'e.  Après  la  déception  qui  suivit,  l'évacuation  vers 
l'Egypte  recommença  ;  tous  les  Coptes  abandonnèrent  leurs  riches  pro- 
priétés. Quelle  indemnité  recevront-ils  pour  l'abandon  de  ces  richesses 
mobilières  et  immobilières  ?  » 

Pendant  longtemps  nous  avons  espéré  que  les  bruits  qui  circulaient 
sur  la  captivité  et  la  mort  de  notre  compatriote,  Gottfried  Roth,^ 
n'étaient  pas  fondés.  D'après  un  message  du  D'  Schweinfurth,du  Caire, 
à  V Antislavery  Beporter,  le  doute  sur  sa  mort  n'est  plus  possible.  Un 
marchand  syrien  nommé  Yousouf  Taber,  qui  a  passé  les  deux  dernières 
années  au  Kordofan  et  au  Darfour,  et  qui  est  revenu  récemment  au 
Caire,  a  rapporté  au  D'  Schweinfurth  que  G.  Roth,  envoyé  à  Chekka, 
au  sud  du  Kordofan,  comme  inspecteur  de  la  traite,  dut  se  rendre  à  son 
poste  par  El-Facher.  De  là  il  partit  pour  Chekka,  en  compagnie  du 
gouverneur  Slatin-bey.  A  Dara,  il  tomba  malade  de  la  fièvre  du  pays. 
L'insurrection  des  Baggaras,  soulevés  par  le  Mahdi,  ne  lui  permit  pas  de 
poursuivre  sa  route  jusqu'à  Chekka;  il  dut  revenir,  déjà  très  malade,  à 


—  105  — 

El-Facher,  oîi  il  mourut  quelque  temps  après.  Au  dire  de  Yousouf  Taber, 
cette  mort  doit  remonter  au  mois  de  décembre  1882  ;  chrétien,  il  assista 
à  l'ensevelissement  de  notre  compatriote  à  El-Facher.  La  cause  de  la 
suppression  de  la  traite  a  perdu  en  Gottfried  Roth  un  de  ses  champions 
les  plus  braves,  au  moment  où  elle  a  le  plus  besoin  d'hommes  vaillants, 
qui  demeurent  inébranlablement  fidèles  au  devoii*  de  s'opposer  à  la  vente 
de  leurs  semblables.  D  faut  lutter  en  effet  contre  une  politique  impi- 
toyable, qui  accumule  les  arguments  pour  atténuer  le  crime  des  ven- 
deurs et  des  acheteurs  d'hommes,  et  pour  présenter,  comme  moins 
triste  qu'il  ne  l'est  en  réalité,  le  sort  de  ceux  que  l'on  dépouille  de  leur 
dignité  d'homme  en  les  privant  de  la  liberté  ! 

D'après  une  lettre  du  missioimaire  Mackay,  écrite  des  bords  du 
Victoria-Nyanza,  tout  ce  qu'il  entend  dire  auxBa-Ganda,  qui  dans  leurs 
incursions  pénètrent  bien  au  delà  de  Bou-Soga,  lui  fait  croire  qu'il  n'y 
a  pas  de  lac  du  nom  de  Baringo.  a  L'idée  qu'il  y  ait  un  lac  dans  cette 
direction  provient,  »  dit-U,«  d'un  malentendu,  de  la  signification  en  arabe 
du  mot  Bahr,  Le  mot  Baringo  signifie  le  peuple  du  léopard,  et  se  rap- 
porte à  une  tribu,  mais  non  à  un  lac  :  Ba  étant  le  préfixe  employé  par 
toutes  les  tribus  au  nord  du  Victoria-Nyanza,  et  lufo  signifiant  léopard, 
en  ganda,  le  r  n'est  qu'une  lettre  euphonique.  Les  Ba-Granda  ont  parlé 
à  M.  Mackay  d'une  tribu  de  ce  pays  à  laquelle  on  donne  le  nom  de  Ba- 
Ringo,  parce  que,  à  la  guerre,  ses  hommes  portent  des  peaux  de  léo- 
pards. De  même  ils  parlent  d'une  autre  tribu  dans  le  même  voisinage,  qui 
s'appelle  Ba-Mporogoma,  parce  que  ses  gens  portent  des  peaux  de  lions, 
mporogoma  signifiant  lion.  » 

M.  Gîraud,  explorateur  français,  a  adressé  à  M.  Strauch,  secrétaire 
général  de  l'Association  internationale  africaine,  une  lettre  dans  laquelle 
il  exprime  sa  vive  gratitude  pour  l'hospitalité  que  lui  a  accordée  le  chef 
de  la  station  de  Kapém»,  M.  Storms,  et  donne,  sur  la  première  partie 
de  son  expédition,  des  détails  que  nous  nous  faisons  un  devoir  de  com- 
muniquer à  nos  lecteurs. 

«  Mon  voyage,  dit  M.  Giraud,  quoique  relativement  très  heureux,  n-a 
pas  donné  tous  les  résultats  que  j'en  attendais.  Au  Ban^ouéolo,  oîi  je 
comptais  voir  un  lac,  je  n'ai  trouvé  qu'un  immense  marais  oîi  j'ai 
pataugé  près  d'un  mois.  Le  Louapoula,  que  les  géographes  [d'après 
Livingstone]  font  sortir  au  N.-O.  du  lac,  en  sort  du  côté  opposé.  Je 
m'y  lançai  néanmoins  avec  les  huit  braves  qui  montaient  mon  bateau, 
pendant  que  le  reste  de  ma  caravane  allait  m'attendre  chez  Cazembé. 
a  Dès  ce  jour-là  commença  pour  moi  une  vie  de  misères,  qui  devait 


—  106  — 

durer  jusqu'au  Tanganyika.  Le  Louapoula  sort  au  sud  du  lac,  et,  avant 
de  prendre  la  direction  S.  N.  qu'il  a  dans  le  Lounda,  il  court  pendant 
plus  de  160  kilomètres  au  S.  0.  C'est  au  coude  formé  par  ces  deux  direc- 
tions, que  je  fus  arrêté  un  beau  jour,  à  quelques  centaines  de  mètres  de  la 
puissante  cataracte  de  Mombottouta,  harcelé  depuis  trois  jours  par  un 
millier  d'indigènes,  qui  me  hurlaient  la  guerre  sur  les  deux  rives;  que 
pouvais-je  faire,  avec  mes  huit  hommes,  en  face  de  cette  grande  cata- 
racte ? 

a  Je  dus  me  constituer  prisonnier,  en  abandonnant  la  moitié  de  mon 
matériel  et  mon  malheureux  bateau.  Lui  avou*  fait  franchir  l'Ou-Sagara 
et  tout  le  massif  de  montagnes  au  N.  du  Nyassa,  et  l'abandonner  après 
vingt-cinq  jours  à  peine  de  navigation!  C'était  navrant!  Le  jour  où  il 
me  fallut  m'en  séparer  fut  sans  contredit  le  plus  mauvais  de  mon 
voyage. 

«  Conduit  chez  Mere-Mere,  chef  des  Wa-Naoumi^  qui  demeure  à  dk 
marches  au  nord,  et  à  peu  près  par  la  latitude  du  Bangouéolo,  j'y  restai 
deux  mois  en  captivité,  mourant  de  faim  avec  mes  huit  hommes.  Le 
temps  me  manque  pour  vous  raconter  comment  j'arrivai  un  jour  k 
rejoindre  ma  caravane  chez  Cazembé.  Ce  fut  un  beau  jour  que  celui-là, 
mais  de  bien  courte  durée.  Profitant  de  mon  absence,  Cazembé  s'était 
emparé  de  la  moitié  des  fiisils  de  ma  caravane  ;  fort  alors  de  mon  impuis- 
sance, il  m'obligea  d'acheter  de  l'ivoire  avec  les  quatre  pauvres  charges 
d'étoffe  qui  me  restaient. 

«  A  moitié  désarmé,  sans  vivres,  je  m'enfonçai  alors  dans  le  pori,  en 
lui  déclarant  la  gueire;  j'y  restai  un  mois  et  demi  avant  d'atteindre  le 
Tanganyika,  nourrissant  mon  monde  de  ma  chasse.  Pendant  tout  ce 
temps,  mes  hommes  qui  se  sont  bravement  conduits,  n'ont  pas  trouvé 
à  acheter  une  seule  poignée  de  farine.  Les  habitants  sont  du  reste 
rares  dans  l'Itahoua,  ravagé  en  ce  moment  par  une  famine  effrayante. 

«  Le  Moero,  sur  lequel  j'ai  passé  quatre  jours  à  chasser  et  à  pêcher, 
est  un  grand  beau  lac,  bien  encaissé  entre  ses  deux  rives. 

«  A  Jendoué,  où  j'atteignis  le  Tanganyika,  je  trouvai  deux  mission- 
naires anglais  qui  me  facilitèrent  autant  que  possible  la  tâche  de  faire 
parvenir  tout  mon  monde  à  Karéma. 

«  J'avais  bien  souffert,  il  est  vrai,  mais  à  Karéma  on  se  guérit  de  tout. 
Cette  station  vous  a  coûtébien  des  sacrifices,  mais  vous  pouvez  en  être  fiers 
à  juste  titre.  Si  l'Association  avait  là  un  officier  en  permanence,  nul 
doute  qu'avant  vingt  ans  Karéma  n'eût  entièrement  remplacé  l'Ou- 
Djidji  et  l'Ou-Nyanyembé  ;  à  part  le  confort    et   les    améliorations 


—  107  — 

apportées  à  la  station  par  les  divere  voyageurs,  la  position  de  Karéraa 
devient,  par  le  retrait  constant  du  lac,  unique  '  sur  le  Tanganyika... 

«  Je  ne  vous  dis  rien  de  ma  santé.  Depuis  la  côte,  je  n'ai  pas  ouvert 
ma  botte  de  médicaments.  M.  Storms  du  reste  ne  me  le  cède  en  rien,  il 
doit  vous  l'écrire  ;  nous  restons  deux  phénomènes  au  centre  de  cette 
Afrique  si  redoutée. 

«  Pourquoi  l'Association  n'abandonne-t-elle  pas  la  route  empestée  de 
rOu-Nyanyembé,  le  seul  endroit  malsain  de  l'Afrique  tropicale,  en 
dehors  des  côtes.  Vous  eu  avez  une  autre  superbe  et  aussi  courte  par 
rOu-Héhé,  rOu-Sasa,  et  rOu-Fipa.  L'Ou-Nyanyembé  est  tout  près 
d'ici;  le  joiir  où  la  station  en  aura  besoin,  ce  n'est  qu'un  jeu  d'y  dépê- 
cher une  caravane...  Je  suis  convaincu  que  c'est  pour  m'être  écarté  de 
rOu-Nyanyembé,  que  je  n'ai  pas  eu  en  tout  deux  grammes  de  quinine 
à  avaler  depuis  la  côte. 

«  Je  compte  rester  à  Karéma  jusqu'au  milieu  de  mars.  J'attends  en 
ce  moment  une  caravane  que  j'ai  envoyée  dans  l'Ou-Nyanyembé,  pour 
me  chercher  un  ravitaillement,  qui  me  servira  d'abord  à  rendre  à 
M.  Storms  les  étoffes  qu'il  m'a  prêtées,  et  ensuite  à  continuer  mou 
voyage  vers  le  S.O.  M.  Storms  veut  bien  me  transporter  dans  sa  barque 
à  Mpala,  votre  nouvelle  station.  De  là,  mon  intention  est  de  traverser 
le  Maroungou,  le  Loualaba,  et  de  gagner  Léopoldville  en  suivant  à  peu 
près  le  sixième  degré  de  latitude.  » 

M.  Storms,  en  envoyant  cette  lettre  à  M.  Strauch,  écrit,  le  17  janvier, 
que  M.  Giraud  est  arrivé  à  Karéma  au  commencement  de  décem- 
bre 1883,  et  qu'il  se  proposait  d'y  séjourner  jusqu'à  la  fin  de  la  saison 
des  pluies,  c'est-à-dire  jusqu'à  la  mi-mars.  —  M.  Storms  ajoute  qu'il  a 
envoyé  par  Sef  ben  Rachid,  Arabe  chargé  de  la  direction  des  caravanes 
de  l'Association  entre  Karéma  et  la  côte,  une  collection  d'objets  d'his- 
toire naturelle.  —  La  santé  des  trois  agents  de  l'Association  était  excel- 
lente. 

Le  Précurseur  d'Anvers  annonce  que  l'Association  internatio- 
nale africaine  enverra  sous  peu  une  expédition  sous  les  ordres  du 
lieutenant  Beelcer  qui  sera  chargé  de  se  rendre  par  le  Zambèze  et  le 
Chiré,  au  IVyassa,  pour  établir  une  station  sur  le  lac,  au  point  le  plus 
rapproché  du  Tanganyika. 

On  connaissait  depuis  assez  longtemps  des  spécimens  des  dessins 
laissés  par  les  Busiimen  dans  les  grottes  du  Liessouto  $  c'étaient  des 

*  Sans  doute  à  cause  de  la  profondeur  du  lac  en  cet  endroit,  où  la  côte  forme 
un  promontoire,  qui  s'avance  au  sein  des  flots  comme  un  énorme  brise-lames. 


—  108  — 

scènes  de  la  vie  privée,  des  aventures  de  chasse  ou  des  ISgui'es  d'ani- 
maux. M.  Christol,  actuellement  missionnaire  à  Hermon,  a  récemment 
découvert  et  reproduit  un  de  ces  dessins,  qui  présente  un  intérêt  parti- 
culier, en  ce  sens  qu'il  nous  apporte  une  des  pages  de  l'histoire  du  pays. 
Une  bande  de  Matabélés  (Zoulous  du  Nord),  dont  l'organisation  puis- 
sante a  fait  verser  des  toiTents  de  sang  dans  l'Afrique  australe,  accou- 
rent armés  de  leurs  boucliers  et  de  leurs  sagaies,  pour  se  mer  sur  une 
troupe  de  Bushmen.  Les  Matabélés  sont  représentés  en  noir,  une  cein- 
ture blanche  ou  rouge  autour  du  corps,  la  tête  empanachée  de  plumes. 
Quant  aux  Bushmen,  ils  sont  peints  avec  cette  couleur  de  peau  qui  leur 
est  particulière,  en  rouge;  ils  sont  armés  de  leurs  petits  arcs,- avec  les- 
quels ils  se  défendent  de  leur  mieux  contre  leurs  agresseurs  plus  forts, 
tout  cela  est  très  exact.  Du  côté  gauche  de  la  scène,  un  troupeau  de 
zébus  est  repoussé  en  arrière  par  des  gardiens  qui  cherchent  à  le  pro- 
téger contre  les  assaillants.  Ancien  élève  de  Gérôme,  M.  Christol  a  pu 
donner  de  cette  scène  historique  une  reproduction  ISdèle. 

L'expédition  portiig^aise,  dirigée  par  M.  Henrique  de  Carvalho, 
partira  en  mai.  Elle  se  propose  d'étudier,  spécialement  au  point  de  vue 
commercial,  la  région  qui  s'étend  à  l'est  de  la  province  d'Angola,  jus- 
qu'aux États  du  Mouata- Yamvo  ;  elle  en  étudiera  les  principaux 
produits,  les  routes  que  suivent  actuellement  les  trafiquants  ;  en  outre 
elle  examinera  les  points  oîi  il  serait  convenable  de  fonder  des  stations 
commerciales  et  civilisatrices,  pour  développer  des  relations  directes 
avec  les  principaux  centres  de  trafic  de  la  province  d'Angola,  et  cher- 
chera à  se  concilier  le  respect  et  l'amitié  des  indigènes.  M.  Carvalho  a 
cherché  à  intéresser  à  son  entreprise  le  commerce  de  Lisbonne  et  de 
Porto,  en  offrant  de  se  charger  de  marchandises  dont  l'écoulement  est 
assuré  et  facile  dans  la  région  qu'il  compte  explorer. 

L'établissement  par  Stanley  d'une  station  aux  chutes  qui  portent 
son  nom,  et  l'envoi,  par  la  voie  de  Nyangoué  à  Karéma,  d'un  message 
pour  Zanzibar,  marquent  un  grand  progrès  dans  l'œuvre  du  Comité 
d'Études  du  Haut-Congo,  et  pennettent  de  présenter  comme  non  inter- 
rompue la  communication  entre  les  côtes  occidentale  et  orientale  de 
l'Afrique.  Sans  doute  d'autres  stations  intermédiaires  viendront  complé- 
ter cette  chaîne  de  postes,  mais  c'est  déjà  beaucoup  d'avoir  créé,  en  quatre 
ans,  une  trentaine  de  stations  hospitalières  —  y  compris  celles  du  Quillou- 
Niari  —  desservies  par  une  flottille  d'une  douzaine  de  steamers  et  de 
baleinières,  avec  une  armée  de  1800  porteurs  zanzibarites,  aux  ordres 
de  128  Européens  de  toutes  les  nationalités.  Stanley  n'estime  cepen- 


—  109  — 

dantpas  avoir  terminé  sa  tâche  d'explorateur.  Quoique  le  bruit  ait  couru 
qu'il  ^ait  revenir  en  Europe  pour  se  reposer ,  il  se  propose,  d'après  un 
article  du  Times  dont  l'auteur  semble  bien  informé,  de  remonter  l'Arou- 
ouiîni,  pour  passer  dans  le  bassin  du  Bahr-el-Ghazal  et  résoudre  le  pro- 
blème de  rOuellé.  Nos  lecteurs  se  rappellent  que  lors  de  sa  descente  du 
Congo,  il  assimilait  l'Arououimi  à  l'Ouellé  de  Schweinfiirth.  Depuis 
qu'il  a  quitté  l'Europe  pour  reprendre  ses  travaux  sur  le  cours  moyen 
du  grand  fleuve,  il  n'a  pu  être  informé  des  découvertes  du  D'  Junker 
dans  le  bassin  de  l'Ouellé  ;  il  ignore  également  les  explorations  du  voya- 
geur russe  dans  la  région  du  Bomokandi  et  de  la  Népoko,  et  l'on  com- 
prend son  désir  de  déterminer  les  bassins  du  Congo,  du  Chari,  et  du 
Bahr-el-Ghazal.  Quoi  qu'il  en  soit,  ses  nouvelles  études  seront  utiles,  et 
jointes  à  celles  de  Junker,  de  Lupton-bey  et  de  Casati,  qui  vraisembla- 
blement devront  chercher  h  se  frayer  une  route  vers  le  sud  jusqu'au 
C!oDgo,  elles  serviront  à  faire  connaître  une  des  régions  sur  lesquelles 
1^  renseignements  font  encore  à  peu  près  complètement  défaut. 

Le  tpAité  a.ng;1o-portu£fa.ls  dont  nous  avons  donné  le  résumé 
dans  notre  dernier  numéro,  n'a  été  discuté  jusqu'ici,  ni  dans  le  Parle- 
ment anglais,  ni  aux  Certes.  Néanmoins  depuis  le  26  février,  jour  où  il  a 
été  signé,  il  est  devenu  l'objet  de  vives  protestations,  aussi  bien  en 
ADgleterre  et  dans  le  Portugal,  que  dans  les  autres  États  de  l'Europe 
et  de  l'Amérique,  intéressés  au  maintien  de  la  libre  navigation  et  du 
commerce  sur  le  cours  inférieur  du  Congo.  La  Société  de  géographie 
de  Lisbonne  a  chargé  sa  Commission  africaine  de  l'étudier  et  de  faire 
rapport  à  l'Assemblée  générale,  otiilsera  discuté  avant  del'êtredaus  les 
Chambres,  de  manière  à  ce  que  celles-ci  connaissent  l'opinion  du  pays 
avant  leurs  délibérations.  Les  Chambres  de  commerce  de  Londres,  de 
Manchester,  deLiverpool,  de  Birmingham,  de  Bradford,  de  Glasgow,  etc. 
demandent  des  explications  sur  les  motifs  qui  ont  engagé  le  gouverne- 
ment britannique  à  céder  aux  instances  du  Portugal  et  à  sacrifier  la 
liberté  dont  le  commerce  a  joui  jusqu'ici  dans  cette  région.  Les  sociétés 
missionnaires  et  philanthropiques  anglaises  réclament  au  nom  de  la 
liberté  religieuse  et  de  la  liberté  des  noirs,  compromises,  leur  semble-t- 
il,  par  la  reconnaissance  de  l'autorité  portugaise  sur  un  territoire  où 
jusqu'ici  elle  ne  s'est  pas  exercée.  La  Hollande,  la  France,  l'Allemagne, 
les  États-Unis  protestent,  chacun  h  leui*  manière,  contre  cette  reconnais- 
sance. Devant  cette  opposition  presque  universelle,  il  est  douteux  que 
le  traité  anglo-portugais  soit  ratifié.  Il  semble  plus  probable  qu'on  en 
viendra  à  la  solution  exposée  par  la  Correspondance  diplomatique. 


—  110  — 

d'après  laquelle  les  rives  du  Congo  seraient,  il  est  vrai,  placées  nomi- 
nalement sous  la  souveraineté  du  Portugal,  mais  pour  être  administrées 
en  réalité  par  une  commission  internationale  qui,  ayant  la  haute  main 
sur  les  impôts,  aurait  une  part  directe  dans  Tadministration  générale 
du  pays.  C'était  à  peu  près  la  première  proposition  anglaise,  qui  tendait 
à  rétablissement  d'une  commission  internationale  pour  le  Bas-Congo, 
composée  comme  celle  du  Danube. 

En  même  temps  que  s'ouvre  toujours  plus  complètement  la  voie  du 
Congo,  celle  de  l'Og^ôoué  et  de  l' Alima  devient  plus  libre,  grâce  aux 
négociations  de  Savori^nan  de  Braausa  avec  les  indigènes  des  rives 
de  ces  deux  cours  d'eau.  Il  a  complété  les  résultats  commerciaux  obtenus 
en  1881,  en  amenant  la  plupart  des  chefs  des  territoires  situés  le  long 
de  l'Ogôoué  (Okanda,  Àdouma,  Batéké),  à  se  placer  sous  le  protectorat 
de  la  France.  Tous  les  petits  monopoles  et  les  droits  énormes  qui  entra- 
vaient la  circulation  ont  été  supprimés  ;  la  navigation  ne  sera  plus  inter- 
rompue, et  le  conmierce  européen  pourra  pénétrer  par  l' Alima  jusqu'au 
centre  de  l'Afrique.  Les  Apfourous  qui,  en  1875,  avaient  accueilli 
l'explorateur  à  coups  de  fusil,  qui,  en  1881  encore,  lui  avaient  refusé  le 
passage,  ont  laissé,  en  1883,  le  D' Ballay  mettre  à  l'eau,  sur  l'Alima' 
la  chaloupe  démontée  qu'il  avait  à  grand'peine  amenée  du  Gabon,  et 
n'ont  commis  aucun  acte  d'hostilité  envers  les  membres  de  Texpédition 
française.  D'après  les  dernières  nouvelles,  de  Brazza  était,  au  mois  de 
février,  à  400  kilomètres  en  amont  de  Stanley-Pool.  —  Le  P.  Augouard, 
qui  a  établi  une  station  à  12  kilomètres  de  Stanley-Pool,  dans  le  pays  des 
Batéké,  l'a  quittée,  le  28  janvier,  dans  une  situation  satisfaisante,  pour 
venir  se  reposer  en  Europe. 

La  Société  des  études  coloniales  et  maritimes,  a  nommé 
une  commission  chargée  d'étudier  les  voies  et  moyens  d'exécuter  une 
exploration  scientifique  et  commerciale  dans  le  Soudan  occidental. 
Partant  de  Bamakou  sur  le  Niger,  l'expédition,  munie  d'une  canonnière 
démontable,  visiterait  le  Massina  et  Tombouctou,  puis  remonterait  le 
Sokoto  jusqu'au  point  où  il  cesse  d'être  navigable,  et  regagnerait  après 
cela  le  Niger  pour  le  descendre  jusqu'à  son  embouchure.  Elle  a  demandé 
à  la  Société  de  géographie  commerciale  de  Paris  de  déléguer  deux  de 
ses  membres,  pour  les  adjoindre  à  ceux  de  la  susdite  commission,  qui 
deviendrait  commission  executive  si  le  projet  était  reconnu  utile  et 
réalisable. 

Le  Comité  anglais  de  la  mission  chez  les  Kabyles  et  les  autres 
races  berbères  de  l'Afrique,  a  décidé  de  fonder,  à  côté  de  son  œuvre 


—  111  — 

en  Algérie,  une  station  à  Tanipep»  en  commençant  par  une  mission 
médicale  qui  sera  confiée  au  D' Witten.  Il  aura  avec  lui  un  ou  deux  col- 
lègues pour  travailler  à  Tœuyre  missionnaire  et  à  Téducation  propre- 
ment dite.  Un  bâtiment  et  un  terrain  ont  été  achetés,  à  un  kilomètre 
de  la  baie  de  Tanger,  à  60"  au-dessus  de  la  mer.  Ce  sera  la  première 
mission  au  Maroc.  Le  Comité  espère  pouvoir  envoyer  plus  tard,  de  Tan- 
ger, un  agent  indigène  aux  tribus  des  vallées  de  TÂtlas  et  au  Chlous 
du  sud-ouest  du  Maroc. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Pendant  son  excursion  au  sud  de  la  prorince  de  Constantine,  le  gouverneur 
général  de  l'Algérie  a  été  saisi,  par  les  commerçants  de  Biskra,  d'un  projet  de 
chemin  de  fer  de  Biskra  à  Tonggourt,  dont  oa  Fa  prié  de  presser  l'exécution. 

M.  Ëraldo  Dabbene,  revenu  en  Europe  après  un  long  s^our  dans  les  provinces 
égyptiennes  équatoriales,  où  il  a  fait  de  riches  collections  zoologiques,  se  propose 
de  se  rendre  au  Choa  et  au  Kaffa.  La  Société  italienne  de  géographie  lui  a  accordé 
son  appui  moral  et  un  subside  de  1,000  francs. 

M.  Felice  Gessi,  fils  de  l'illustre  Gessi-pacha,  est  parti  pour  l'Afrique  où  il 
compte  se  vouer  à  l'exploration  et  au  commerce. 

Il  s'est  fondé  à  Gênes,  grâce  à  l'initiative  de  M.  Manfred  Gamperio,  une  société 
d'expIoM-ation  en  Afrique,  qui  associera  ses  efforts  à  celle  de  Milan. 

Bianchi  écrit  à  VEsploratore  qu'il  a  rejoint  le  négous  dans  le  voisinage  de 
Lalibela  ;  il  espérait  obtenir  l'autorisation  de  descendre  sur  Assab,  accompagné 
seulement  d'un  guide  sûr,  et  en  passant  par  les  lieux  où  Giulietti  a  été  massacré. 

Le  lO  mars  a  eu  lieu  à  Turin  une  réunion,  dans  laquelle  M.  C.-C.  Benzi  a  exposé 
le  projet  de  créer  des  stations  pour  le  commerce  italien,  à  Assab,  dans  l'Aoussa, 
an  Choa  et  en  Abyssinie.  Un  comité  a  été  nommé  pour  préparer  la  mise  à  exécu- 
tion de  ce  projet  approuvé  par  l'assemblée. 

Les  intérêts  de  la  colonie  d'Aspab  et  des  explorateurs  italiens  dans  ces  parages 
sont  menacés  par  l'attitude  hostile  d'un  gouverneur  voisin,  qui  empêche  les 
Danakil  de  prêter  leurs  services  aux  étrangers. 

Le  sultan  des  Amphalis,  dont  le  territoire  s'étend  entre  la  possession  française 
d'Obock  et  l'Abyssinie,  a  adressé  au  président  de  la  république  française  une  lettre, 
dans  laquelle  il  demande  à  la  France  de  faire  passer  par  son  pays  les  caravanes 
qui  se  rendent  au  Choa. 

Une  dépêche  d'Aden  annonce  que  le  major  Hunter  est  chargé  de  régler  la 
question  de  la  cession  du  territoire  de  Harar,  actuellement  soumis  à  l'Egypte,  à 
ses  anciens  possesseurs,  et  que  les  Somalis  ont  demandé  au  gouvernement  anglais 
d'exercer  un  contrôle  sur  les  ports  africains  du  golfe  d'Aden.  M.  Hunter  devien- 
drait gouverneur  de  Berbera. 


—  112  — 

Le  Rev.  G.-H.  Swiimy,  agent  de  la  mission  des  Universités,  se  rend  au  lacNyassa, 
avec  sa  femme  et  un  jeune Zoulou.  Leur  champ  de  travail  sera  au  N.-Ë.  du  lac,  au 
milieu  d'une  tribu  puissante,  parlant  le  zoulou,  et  adonnée  à  la  chasse  aux  esclaves. 

Le  journal  Écho  annonce  que  des  dépôts  diamantifères  ont  été  découverts  à 
1  *l%  kilomètre  de  la  ville^d'Utrecht,  dans  le  Transvaal. 

Après  la  signatiu'e  de  la  nouvelle  convention  entre  PAngleterre  et  le  Transvaal, 
les  délégués  du  gouvernement  de  la  République  du  sud  de  l'Afrique  sont  venus 
en  Hollande,  où  ils  ont  conclu  un  emprunt  de  15,000,000  de  florins,  puis  à  Paris, 
et  maintenant  ils  sont  à  Lisbonne,  où  ils  doivent  poursuivre  les  négociations  rela- 
tives au  chemin  de  fer  de  Pretoria  à  la  frontière  des  possessions  portugaises. 

D'après  le  Bespateh^  de  East-London,  une  forte  émigration  d'Allemands  de  la 
Colonie  du  Cap  se  prépare  pour  le  Transvaal.  Il  est  question  de  200  à  300  émi- 
grants. 

Le  territoire  acquis  à  Angra-Pequena  par  la  maison  Lûderitz,  de  Brème,  ne 
servira  pas  seulement  à  l'installation  d'une  station  commerciale,  ou  à  l'exploita- 
tion des  gisements  de  cuivre  signalés  dans  cette  partie  de  l'Afrique  ;  l'agriculture 
et  l'élève  du  bétail  y  auront  leur  part  ;  une  trentaine  de  familles  allemandes,  des 
pâtres  allemands,  des  taureaux  et  des  étalons  y  sont  attendus.  Les  missionnaires 
de  Barmen  prévoient  que  cet  établissement  de  colons  allemands  dans  le  Nama- 
qualand  amènera  une  transformation  du  système  de  la  propriété  qui,  jusqu'ici,  est 
demeurée  collective. 

L'insalubrité  de  la  région  où  les  Boêrs  ont  créé  la  colonie  de  San  Januario,  dans 
la  province  de  Mossamédès,  les  obligera  probablement  à  la  quitter.  Ils  songent  à 
demander  aux  Damara  la  permission  de  traverser  leur  territoire  pour  s'établir 
dans  le  Namaqualand.  Si  les  Namaqua  ne  veulent  pas  leur  accorder  une  conces- 
sion de  terrain,  ils  remonteront  le  long  des  bords  de  l'Orange  et  du  Yaal  jusqu'au 
Transvaal.  Un  comité  s'est  formé  à  Pretoria  pour  leur  faciliter  le  retour. 

Sous  les  auspices  de  la  Société  néerlandaise  de  géographie,  une  expédition 
hollandaise  partira  prochainement  pour  l'Afrique  centrale.  Les  trois  voyageurs 
qui  la  dirigeront  comptent  se  rendre  de  l'Angola  au  Kaoko,  pour  explorer 
ensuite  le  pays  entre  le  Cunéné  et  le  Coubango,  d'où  ils  atteindront  le  Zambèze 
et  le  Transvaal. 

Le  D'  Nachtigal  a  quitté  Tunis  pour  se  rendre  à  la  côte  occidentale  d'Afrique 
et  au  Congo,  où  il  est  chargé  de  remplir,  pour  le  compte  de  l'empire  allemand,  une 
mission  politique,  scientifique  et  commerciale  ;  il  sera  accompagné  du  D^  Bûchner. 
—  Le  gouvernement  allemand  a  l'intention  de  créer  dans  cette  région  une  station 
navale  pour  sauvegarder  les  intérêts  de  ses  ressortissants. 

Le  D^  Pogge,  qui  était  revenu  de  Nyangoué  à  Muquengué,  où  il  a  fondé  une 
station  scientifique  et  hospitalière,  était  en  route  pour  rentrer  en  Europe.  Il  a 
réussi  à  atteindre  la  côte  à  Loanda,  mais  il  y  est  mort  le  16  mars. 

D'après  une  dépêche  de  Dondo  du  29  février,  le  lieutenant  Wissmann  avait 
quitté  cette  localité  pour  se  rendre  à  Malangé,  d'où  il  devait  envoyer  des  porteur^ 
aux  autres  membres  de  l'expédition  qui  l'auront  rejoint  à  Malangé. 


—  113  — 

Le  gouTernement  portugais  a  présenté  aux  Cortès  un  projet  de  loi  l'autorisant 
à  mettre  en  adjudication  un  chemin  de  fer,  de  Saint-Paul  de  Loanda  à  Ambaca. 

M.  Bnonfanti  s'est  rendu  à  Rudolfstadt,  station  du  Comité  d'études  du  Congo, 
fondée  à  l'embouchure  du  Quillou  par  le  lieutenant  Van  de  Velde. 

Le  Mouvement  géographique  publié  par  l'Institut  national  de  géographie,  de 
Bruxelles,  annonce  que  cet  Institut  patronne  seul  l'expédition  du  D""  Chavanne 
au  Congo,  et  qu'il  prend  à  sa  charge  les  frais  de  l'entreprise.  Le  Comité  d'études 
du  Congo  a  simplement  accordé  à  l'explorateur  son  appui  moral  et  la  protection 
de  ses  stations. 

D'après  une  lettre  du  D'  Sims,  de  Léopoldville,  aux  Begion^s  &0yond^  les  Arabes, 
dont  la  présence  an  confluent  de  l'Arououimi  et  du  Congo  a  été  signalée  par 
Stanley,  dans  sa  dernière  exploration  du  fleuve  au  delà  de  PÉquateur,  sont  venus 
jusqu'à  Stanley-Pool,  ayant  avec  eux  de?  esclaves. 

La  ville  de  Niffou,  dans  la  répubbque  de  Libéria,  a  été  déclarée  port  ouvert  à 
l'importation  et  à  Pexportation  pour  le  commerce  intérieur  et  extérieur. 

Une  anabassade  d'Ahmadou,  roi  de  Segou,  est  arrivée  à  Sierra-Léone,  chargée 
d'offrir  dix  vaches  au  gouverneur  de  la  colonie  et  de  lier  avec  celle-ci  des  relations 
commerciales. 

Le  ministre  des  finances  de  France  a  chargé  M.  Reulet^  inspecteur  de  l'enre- 
gistrement, de  se  rendre  au  Sénégal,  pour  y  faire  une  enquête  sur  la  gestion  des 
fonds  affectés  à  la  construction  du  chemin  de  fer  du  haut  Fleuve. 

Le  sultan  du  Maroc  a  appelé  des  ingénieurs  européens  pour  étudier  des  gise- 
ments de  charbon  signalés  aux  environs  de  Tanger. 


BIBLIOGRAPHIE 


Les  Égyptes,  par  Marins  Fontane  (de  5000  à  715  av.  J.-C).  Paris, 
(Alphonse  Lemerre),  1882,  in-8*,  513  p.,  avec  deul  cartes.  Fr.  7.50.  — 
C'est  une  histoire  universelle  complète  que  compte  écrire  M.  Marius 
Fontane.  Elle  doit  se  composer  de  16  volumes  dont  3  seulement  ont 
paru  jusqu'à  ce  jour  :  Tlnde  védique,  les  Iraniens  et  les  Êgyptes  ; 
puis  viendront  les  Asiatiques,  et  une  série  de  volumes,  dont  chacun 
embrasse  une  période  caractéristique  et  qui  nous  conduiront  jusqu'aux 
événements  récents. 

Il  est  presque  superflu  de  parler  ici  de  Tauteur  comme  écrivain.  Sa 
haute  valeur^  son  talent  d'historien  critique,  son  style  dair,  concis,  sans 
emphase,  sont  connus  de  tous.  Ses  ouvrages,  dès  leur  apparition,  ont  attiré 

*  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bàle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  dvUisée. 


—  114  — 

Tattention  du  monde  savant,  et  se  trouvent  maintenant  dans  toutes  les 
.bibliothèques  scientifiques.  Des  cartes  dressées  par  Tauteur  lui-même 
les  enrichissent  et  en  facilitent  la  lecture  ;  le  volume  sur  l'Egypte  en 
renferme  deux  :  l'une,  du  bassin  du  Nil,  d'après  les  découvertes  moder- 
nes, l'autre,  de  l'Egypte  au  temps  des  Pharaons.  En  outre,  des  recher- 
ches peuvent  aisément  se  faire,  au  moyen  d'un  index  alphabétique  annoté. 

Il  ne  nous  est  pas  possible,  par  suite  du  cadre  étroit  dans  lequel  nous 
devons  nous  maintenir,  de  donner  une  idée,  même  bien  pâle,  du  contenu 
du  volume  que  nous  avons  sous  lés  yeux,  non  plus  que  de  la  haute  science 
et  du  sens  critique  qui  y  éclatent  presque  à  chaque  page. 

Il  débute  par  une  description  complète  du  grand  fleuve  et  de  ses 
crues  périodiques,  car  l'Egypte,  c'est  le  Nil  ;  puis  le  pays  lui-même,  son 
climat,  ses  productions,  sa  faune,  sa  flore,  sont  passés  en  revue  et  pré- 
parent le  lecteur  à  l'étude  historique  proprement  dite.  M.  Fontane 
cherche  ensuite  à  débrouiller  Técheveau  confus  des  éléments  qui  ont 
contribué  à  former  la  population  égyptienne.  Quelle  est  l'origine  du  type 
rouge  égyptien?  Il  n'est  pas  possible  de  le  dired'une  manière  précise,et  l'on 
doit  admettre  que,  par  les  Éthiopiens  au  sud,  par  les  Africains  à  l'ouest 
et  par  les  Asiatiques  à  l'est,  l'Egypte  a  reçu,  de  bonne  heure,  le  sang 
des  principales  races  qui  peuplent  la  ten*e;  mais  le  type  primitif  est  bien 
diflScile  à  retrouver  sur  un  sol  oîi  se  sont  établis  successivement  les  Per- 
ses, les  Assyriens,  les  Hébreux,  les  Syriens,  les  Phéniciens,  les  Grecs, 
les  Romains,  les  Arabes  et  les  Turcs. 

Après  cette  introduction  sur  le  pays  et  ses  habitants,  l'auteur 
aborde  l'histoire  proprement  dite,  et  la  poursuit,  avec  une  rare  clair- 
voyance, depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'à  la  fin  de  la  24'"''  dynastie 
(715  avant  notre  ère).  Les  découvertes  archéologiques  ayant  rendu  à  la 
liste  royale  de  Manéthon  toute  son  autorité,  c'est  sa  nomenclature  qui, 
malgré  ses  imperfections,  sert  de  guide  à  M.  Fontane.  «  On  peut,  dit-il, 
discourir  sur  l'importance  de  Menés,  rechercher  s'il  fut  le  premier 
souverain  de  l'Egypte,  l'organisateur  du  pays  nouveau,  ou  s'il  ne  fut 
que  le  continuateur  d'une  série  déjà  longue  de  souverains  ;  mais  on  ne 
nie  plus  aujourd'hui  le  règne  de  Menés.  »  Depuis  Mènes,  c'est-à-dire 
depuis  l'an  5004  avant  notre  ère,  l'histoire  générale  de  l'Egypte  est 
fixée,  et  divers  systèmes  de  classification  de  ces  temps  anciens  existent 
déjà.  Disons,  en  terminant,  que,  d'après  M.  Fontane,  la  véritable  divi- 
vision  se  basant  sur  les  dynasties  de  Manéthon,  au  nombre  de  trente- 
deux,  comprend  :  L'Ancien  Empire  (5004-3064  avant  notre  ère)  ;  le 
Moyen  Empire  (3064-1703)  ;  le  Nouvel  Empire  (1703-332)  ;  l'Egypte  des 


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—  115  — 

Grecs  (332-30)  ;  l'Egypte  des  Romains  (de  Tan  30  avant  notre  ère  à  381 
après  J.  C). 

EoTPT  ExpLOBATioN  FUND.  Report  of  first  gênerai  meeting  and  balance 
sheet.  London,  in-8%  20  p.  —  La  découverte  faite,  l'année  dernière,  par 
notre  savant  compatiiote,M.  Edouard  Naville,  des  ruines  de  la  ville  de 
Pithom-Succoth,  a  fait  jaillir  la  lumière  sur  plusieurs  points  demeurés 
obscurs  jusqu'ici  dans  Thistoire  égyptienne  et  dans  l'histoire  biblique.  Le 
rapport  de  M.  Naville,  présenté  ^  l'assemblée  générale  de  la  Société  pour 
l'exploration  de  l'Egypte,  en  exposant  les  progrès  des  fouilles  entreprises 
par  lui  à  Tell-el-Maskutah,  sur  l'emplacement  de  la  Pithom  de  l'Exode, 
bâtie  parEamsès  II,  le  Pharaon  de  l'oppression,  montre  la  justesse  du 
coup  d'oeil  de  l'explorateur,  et  la  sagacité  de  son  esprit,  en  même  temps 
que  la  sagesse  et  la  prudence  de  ses  déductions.  Les  faits  acquis  comme 
certains  ne  l'entraînent  pas  à  des  conclusions  précipitées  sur  la  route 
suivie  par  les  Israélites  à  leur  départ  de  l'Egypte.  Il  se  borne  à  émettre, 
comme  hypothèse,  l'idée  qu'ils  ont  pris  la  route  du  sud,  et  non  celle  du 
nord  comme  l'affirme  Brugsch;  mais  la  certitude  ne  pourra  être  fournie 
que  par  des  fouilles  ultérieures.  Le  succès  de  la  campagne  de  M.  Naville 
nous  garantit  de  précieux  résultats  pour  ses  recherches  ultérieures. 

Uganda  und  der  iïiGYFriscHE  Sudan,  von  Rev.  C-S.  WiUon  und 
R.-W.  Felkin.  Stuttgart  (J.-G.  Cotta),  1883,2vol.  in-8*»illust.Fr.9.50. 
—  Nos  lecteurs  se  rappellent  que  le  Rev.  Wilson  appartenait  au  pre- 
mier groupe  de  missionnaires  envoyés  au  lac  Victoria  par  la  voie  de 
Zanzibar,  et  que,  demeuré  seul  après  la  mort  de  ses  compagnons  de 
voyage,  il  fut  le  fondateur  de  la  mission  de  l'Ou-Ganda  ;  M.  Felkin  lui 
Alt  envoyé  comme  aide,  par  la  route  de  Souakim  à  Berber  et  par  la  vallée 
du  Nil.  Plus  tard  ils  revinrent  ensemble  par  cette  dernière  voie,  accom- 
pagnant les  trois  ambassadeurs  que  le  roi  Mtésa  envoyait  à  la  reine 
d'Angleterre,  Ils  ont  donc  eu  l'occasion  de  bien  voir  le  pays  et  les  tribus 
de  cette  partie  de  l'Afrique. 

Empruntés  en  grande  partie  aux  journaux  personnels  des  deux  voya- 
geurs, ces  volumes,  dont  la  première  partie  est  due  à  la  plume  de 
M.  Wilson,  et  la  seconde  à  celle  de  M.  Felkin,  ont  tout  l'attrait  de 
tableaux  peints  d'après  nature.  Ils  se  sont  proposé  de  décrire,  non  pas 
tant  leur  œuvre  missionnaire,  que  la  nature  du  pays  habité  et  parcouru 
par  eux,  ainsi  que  les  mœurs  des  indigènes  au  milieu  desquels  ils  avaient 
vécu,  ou  qu'ils  avaient  pu  observer  pendant  leur  voyage.  Ils  l'ont  fait 
de  la  manière  la  plus  simple  et  la  plus  propre  à  donner  au  lecteur  une 


—  116  — 

idée  exacte  d'une  région  qui,  pourvue  de  bons  moyens  de  communica- 
tion, et  sous  un  gouvernement  juste  et  désintéressé,  oflErirait  à  la  civili- 
sation et  au  commerce  un  champ  vaste  et  fécond.  A  cet  intérêt  s'ajoute 
celui  de  la  comparaison  que  la  lecture  de  ces  volumes  permet  de  faire, 
entre  l'état  de  cette  partie  de  l'Egypte  à  l'époque  où  MM.  Wilson  et 
Felkin  la  traversaient,  où  l'on  pouvait  descendre  toute  la  vallée  du  Nil, 
du  lac  Victoria  k  Khartoum,  et  passer  de  Berber  à  Souakim,  sans  autre 
arme  défensive  que  son  bâton  de  voyage,  et  ce  qu'en  a  fait  la  révolte 
du  Soudan,  étendue  aujourd'hui  à  tout  le  bassin  du  Nil  jusqu'aux  pro- 
vinces de  réquateur,  où  Schuver  vient  d'être  assassiné,  et  d'où  les  explo- 
rateurs Junker  et  Casati,  et  les  gouverneurs  Lupton-bey  et  Emin-bey 
ne  savent  pas  comment  sortir. 

C'est  un  privflège  pour  l'Allemagne  d'avoir  une  traduction  aussi  bien 
faite,  à  laquelle  les  illustrations  fournies  par  les  photographies  du 
magnifique  ouvrage  de  M.  Richard  Buchta,  sur  le  haut-Nil,  donnent 
un  charme  de  plus.  Nous  ne  pouvons  qu'en  souhaiter  une  semblable  au 
public  de  langue  française. 

Qu'il  nous  soit  permis  d'exprimer  le  vœu  que  la  prochaine  édition  de 
la  traduction  allemande,  soit  accompagnée  d'une  carte,  ne  fftt-ce  que 
celle  de  l'itinéraire  du  voyage  de  MM.  Wilson  et  Felkin,  publiée  pour 
les  Mittheilungen,  par  l'Institut  de  M.  Justus  Perthes  à  Gotha. 

Un  explorateur  africaik.  Auguste  Stahl,  mort  au  G^bon  en  1881. 
Son  voyage  et  sa  correspondance  (avec  2  cartes),  par  thnïle  Dietz. 
Paris  (P.  Monnerat),  1884,  in-8%  64  p.  Fr.  1,25  ;  avec  portrait  Fr.  1,75. 
—  Cette  notice  a  été  présentée  à  la  Société  des  sciences  de  Strasbourg, 
qui  s'occupe  aussi  des  questions  africaines. 

Si  l'importance  d'un  voyage  se  mesurait  à  l'enthousiasme  de  son 
auteur,  celui  dont  nous  parlons  aurait  été  fécond  en  résultats.  Pour- 
quoi a-t-il  fallu  que  la  fièvre  impitoyable  brisât,  dès  son  début,  une 
carrière  si  bien  commencée  ?  Né  à  Blidah,  en  Algérie,  Stahl  considérait 
l'Afrique  comme  sa  vraie  patrie.  N'ayant  pu,  malgré  son  désir,  faire 
partie  de  la  mission  Coillard  au  Zambèze,  ni  de  l'expédition  Flatters,  il 
partit,  en  novembre  1880,  avec  MM.  Ballay  et  Mizon  pour  le  Gabon  et 
rOgôoué.  Ces  derniers  devant  séjourner  quelque  temps  à  Dakar,  il  les 
devança  et  arriva  à  Libreville,  le  1"  février  1881.  Là,  négligeant  les 
recommandations  des  officiers  de  la  colonie,  il  parcourut  le  pays,  se 
promenant  toute  la  journée  soit  au  fort  soleil,  soit  sous  bois,  au  milieu 
des  marécages,  et  dans  ces  courses,  il  contracta  la  fièvre  à  laquelle  il 
succomba  le  14  mars  à  l'âge  de  28  ans. 


—  117  — 

La  notice  de  M.  Dietz  renferme  une  biographie  de  l'explorateur,  une 
lettre  de  Mizon  annonçant  le  fatal  événement,  et  une  dizaine  de  lettres 
de  Stahl  lui-même,  adressées  à  sa  famille  et  à  ses  camarades  d'études  ; 
elles  respirent,  sauf  la  dernière,  uae  inaltérable  gatté  et  une  grande 
confiance  dans  l'avenir,  et  donnent,  sur  le  Gabon,  des  renseignements 
intéressants. 

CrANIOLOGISCHE   UNTER8UCHlTN(i  DER    NeGER  UND  DER  NeCJERVÔLKER  , 

Xebst  einem  Bericht  uber  meine  erste  Reise  nach  Cameroons  (West- 
Afrika)  im  Jahre  1883,  von  D'  Cari  Passavant.  Basel  (H.  Georg),  1884, 
in-8%  94  p.  Frs  2,50.  Le  peu  d'accord  qui  existe  entre  les  savants,  sur 
la  question  de  savoir  si  les  nègres  appartiennent  à  une  seule  et  même 
race  ou  à  plusieurs,  a  engagé  M.  le  D' Passavant,  de  Bâle,  à  choisir, 
pour  essayer  de  la  résoudre,  un  critère  plus  fixe  que  ceux  que  les  ethno- 
logistes  ont  adoptés  jusqu'ici.  Après  avoir  passé  en  revue  les  opinions  de 
Lepsius,  de  Waitz,  de  Fritsch,  de  Muller  etc.,  qui  établissent  leurs  dis- 
tinctions, sur  la  couleur  de  la  peau,  sur  la  nature  des  cheveux,  ou  sur  la 
philologie,  notre  savant  compatriote  a  choisi  pour  base  de  son  examen 
la  forme  du  crâne,  moins  susceptible  d'être  influencée  par  des  circon- 
stances extérieures.  Il  a  mesuré  un  grand  nombre  de  crânes  de  jiègres 
proprement  dits  et  de  nègres  du  Congo,  de  Cafres,  de  Hottentots  et  de 
Bushmen,  et  il  a  dressé  des  tableaux  comparatifs,  desquels  il  ressort, 
pour  lui,  que  les  peuples  nègres  proviennent  de  trois  races  au  moins  : 
1'  dolicocéphale,  2**  mésocéphale,  3"  brachycéphale,  représentées  par 
66  Vo,  30  Vo  ®t  4  Vo  de  la  population  nègre.  En  outre,  de  tous  les  peu- 
ples nègres,  les  Cafres  sont,  dans  son  opinion,  la  race  la  moins  mélangée  ; 
«lie  a  92  ^U  de  dolicocéphales.  C'est  parmi  les  nègres  du  Congo  que  les 
éléments  des  trois  races  sont  le  plus  fortement  représentés.  Les  peuples 
nains  de  l'Afrique  centrale  n'appartiennent  pas  à  la  même  race  que  les 
Bushmen. 

L'expédition  entreprise  par  M.  le  D'  Passavant,  sans  succès  d'abord, 
mois  reprise  avec  le  D' Pauli,  lui  permettra  sans  doute  de  compléter  ses 
intéressantes  études.  Le  récit  de  son  premier  voyage  renferme  d'utiles 
renseignements  sur  les  nègres  de  Libéria,  sur  le  mode  d'engagement  des 
porteurs,  sur  l'hydrologie  et  la  flore  du  Cameroon,  ainsi  que  sur  les 
indigènes  de  la  baie  de  Biafra,  sur  leur  intelligence,  leur  costume,  leur 
caractère,  leurs  occupations.  Il  se  termine  par  le  récit  du  naufrage  dans 
lequel  se  noya  le  D'  Retzer,  compagnon  de  l'explorateur,  et  par  l'exposé 
du  plan  de  son  nouveau  voyage  au  Cameroon,  dans  lequel  nous  l'accom- 
pagnons de  nos  vœux  les  meilleurs. 


—  lis  — 

Trente-deux  ans  a  travers  l'Islam  (1832-1864),  par  Léon  Boches. 
Tome  I•^  Algérie,  Abd-el-Kader.  Paris  (Firmin-Didot  et  C»),  1884,in-8% 
508  pages.  Fr.  6.  —  L'auteur  de  cet  ouvrage  est  un  ancien  membre 
du  corps  diplomatique  français,  4ue  les  hasards  d'une  vie  agitée  et  les 
diverses  missions  dont  il  fut  chargé,  conduisirent  en  Algérie,  au  Maroc, 
en  Tunisie,  jusqu'à  la  Mecque  et  au  Japon.  Les  récits  de  ses  aventures 
qui,  toutes  surprenantes  qu'elles  paraissent,  ne  sont  pas  moins  réelles, 
captivaient  à  un  tel  point  ses  amis,  qu'ils  l'engagèrent  à  publier  ses 
mémoires,  ce  qu'il  se  décida  à  faire,  en  donnant  cependant  à  sa  narra- 
tion le  titre  plus  modeste  de  «  Trente-deux  ans  à  travers  V Islam.  » 

Le  mérite  de  ce  livre  est  de  nous  initier  au  caractère  et  à  la  vie  intime 
des  musulmans,  ce  que  peu  d'Européens  pourraient  faire  avec  l'autorité 
et  l'expérience  de  M.  Léon  Roches  qui,  depuis  l'âge  de  23  ans,  a  vécu 
au  milieu  des  Arabes. 

D  arriva  en  Algérie  en  1832,  c'est-à-dire  au  début  de  la  conquête 
française.  Un  coup  de  tête  le  décida,  quelques  années  après,  à  se  rendre 
auprès  d'Abd-el-Kader,  qui  venait  de  signer  avec  la  France  le  traité  de 
la  Tafna.  Se  faisant  passer  pour  musulman,  grâce  à  sa  connaissance  du 
Coran  et  de  la  langue  arabe,  il  s'insinua  si  bien  dans  les  bonnes  grâce& 
de  l'émh*  qu'il  devint  son  secrétaire  intime.  Mais  ne  voulant  pas  trahir 
sa  patrie,  il  le  quitta  au  moment  de  la  reprise  des  hostilités  contre  la 
France,  et  oflfrit  ses  services  au  maréchal  Bugeaud,  qui  l'éleva  au  rang 
d'interprète  en  chef,  et  bientôt  après,  lui  confia  une  mission  secrète  à 
Kaïrouan  et  à  la  Mecque.  Le  récit  de  ce  voyage  fera  l'objet  du  deuxième 
volume  qui  doit  paraître  prochainement. 

Voyage  dans  l'Ou-Doé  et  l'Ou-Zi«oua  (Zanguebar),  par  le  R.  P. 
Baur.  Lyon  (Mougin-Rusand),  1882^  in-S'*,  95  pages,  avec  gravures  et 
une  carte. —  Les  missions  catholiques  possèdent  plusieurs  établissements 
dans  la  région  côtière  orientale  de  l'Afrique,  en  face  de  Zanzibar. 
Le  P.  Baur,  vice-préfet  apostolique  du  Zanguebar,  voulant  visiter  les 
stations  déjà  fondées  et  chercher  des  emplacements  favorables  pour  en 
établir  de  nouvelles,  entreprit,  en  1882,  en  compagnie  du  P.  Hacquard» 
un  voyage  de  deux  mois  dans  l'Ou-Doé  et  l'Ou-Zigoua. 

Partant  de  Bagamoyo,  les  voyageurs  explorèrent  les  bassins  du  Wami 
et  du  Ghéringhéré,  affluent  du  Kingani,  et  visitèrent  de  nombreux  vil- 
lages disséminés  dans  une  région  fort  accidentée,  et  en  particulier  Man- 
dera et  Mrogoro.  Six  jours  après  le  retour  à  Bagamoyo,  le  P.  Hacquard 
était  enlevé  par  la  fièvre. 


—  119  — 

La  relation  du  voyage,  extraite  du  journal  Le»  Missions  catholiques^ 
renferme  des  détails  très  curieux  de  géographie  physique  et  d'ethnogra- 
phie, qui  dénotent  chez  le  P.  Baur  une  grande  finesse  d'observation.  D 
est  enrichi  de  nombreuses  gravures  fort  bien  exécutées,  dont  l'une  en 
particulier  représente  la  terrible  mouche  tsetsé,  et  d'une  carte  à  grande 
échelle  de  la  région  comprise  entre  Tanga,  Mpouapoua  etl'Ou-Khoutou. 

Une  EXCUE8I0N  a  Hammam-R'irha,  par  Victor  Waille.  Alger  (P.  Fon- 
tana  etC*),  ISSSjin-S'^jie  pages. — Hammam-R'irha  est  un  village  de  la 
province  d'Alger,  à  26  kilomètres  au  noM-est  de  Miliana,près  duquel  se 
trouvent  des  eaux  minérales  très  réputées,  déjà  utiliséesparles Romains, 
et  aujourd'hui  fréquentées  aussi  bien  par  les  indigènes  que  par  les  Euro- 
péens. Les  ruines  de  la  ville  balnéaire  antique,  désignée  sous  le  nom 
d'Aquœ  Calidae,  que  la  présence  des  sources  chaudes  autorise,  mais  qui 
n'est  confirmé  jusqu'à  présent  par  aucun  texte  gravé,  ont  été  visitées 
récemment  par  M.  Waille,  chargé  d'une  mission  par  le  directeur  de 
renseignement  supérieur.  Il  a  consigné  le  résultat  de  ses  recherches 
dans  une  courte  brochure,  qui  renferme  une  notice  archéologique  sur 
Hammam-R'irha,  la  reproduction  de  sept  inscriptions  qu'il  a  découver- 
tes, et  une  nomenclature  des  objets  d'art  que  les  fouilles  ont  fait  décou- 
vrir :  chapiteaux,  fûts  de  colonnes,  pierres  gravées,  lampes  funéraires, 
bustes,  etc. 

GïLAMMATICAL  NOTE  ON  THE  GWAMBA  LANGUAGE  IN    SoUTH  AfRICA,  by 

Paul  Berthoud  (from  the  Journal  of  the  Royal  Asiatic  Society  of  Great 

Britain  and  Ireland,  vol.,  XVI,  part.  1),  in-8*»,  29  p.  —  Nous  avons  déjà 

rendu  compte  (IV"'  année,  p.  327),  des  deux  premiers  ouvrages  de 

M.  Berthoud,  relatifs  à  la  langue  gwamba,  parlée  par  les  indigènes  au 

nûlieu  desquels  travaillent  les  missionnaires  suisses  établis  dans  les 

Spelonken,  au  nord  du  Transvaal.  A  la  demande  de  M.  Cust,  le  savant 

auteur  de  «  Moderne  Languages  of  Afrïca,  »  M.Paul  Berthoud  a  rédigé, 

pour  la  Société  royale  asiatique  de  Londres,  le  présent  mémoire  dans 

lequel,  avec  une  connaissance  précise  des  travaux  philologiques  de  Bleek 

et  de  Peters,  il  ajoute,  sur  le  nom,  la  tribu,  le  pays  des  Ma-Gwamba, 

ainsi  que  sur  tout  ce  qui  se  rapporte  à  la  phonologie,  à  la  formation  des 

mots,  à  la  conjugaison,  et  à  leur  système  arithmétique  quinaire —  tandis 

que  toutes  les  tribus  bantou  ont  le  système  décimal, —  des  données  toutes 

nouvelles,  que  Bleek  ne  possédait  pas  encore,  et  que  le  séjour  de  sept 

ans  de  M.  Berthoud  parmi  ces  indigènes  lui  a  permis  d'acquérir.  Ce 

mémoire  substantiel  est  un  utile  complément  au  chapitre  que  M.  Cust> 

dans  l'ouvrage  susmentionné,  a  consacré  à  la  langue  gwamba. 


—  120  — 

Der  Kriegsschauplatz  im  -Sgyptischbn  Sddan,  1883  el  1884.  Gotha 
(J.  Perthes),  1884,  Fr.  1,20.  —  Cette  carte  du  théâtre  de  la  guerre  dans  le 
Soudan  égyptien  est  Tœuvre  de  Hassenstein,  le  cartographe  bien  connu 
des  lecteurs  des  Mittheilungeri  de  Gôtlta;  c'est  dire  qu'elle  présente 
toutes  les  garanties  désirables  d'exactitude  et  de  dessin.  Nous  estimons 
cependant  qu'il  aurait  été  préférable  de  faire  les  montagnes  en  couleur 
plutôt  qu'en  noir.  Ce  dernier  système  présente  l'inconvénient  de  tro  p 
charger  la  carte,  ce  qui  rend  difficile  la  lecture  des  noms,  surtout  dans  la 
région  montagneuse  de  l'Abyssinie.  Nous  le  regrettons  d'autant  plus  que 
la  carte  est  aussi  détaillée  que  possible,  et  renferme  en  particulier  les 
noms  de  toutes  les  localités  mentionnées  chaque  jour  par  les  journaux. 
Elle  se  compose  d'une  carte  générale  :  Bassin  du  Nil  et  Soudan  égyp- 
tien, au  Vi25ooooo»  oti  le  théâtre  de  l'insurrection  est  indiqué  par  une 
teinte  jaune  ;  et  de  quatre  cartons  :  V  Soudan  oriental  et  Abyssinie 
ail  Vtsoooooî  c'est-à-dire,  l'espace  compris  entre  Souakim,  El-Obeïd,  le 
lac  Nô  et  Ankober  ;  2"  Pays  avoisinant  Souakim,  Trinkitat  et  Tokar 
au  Vioooooo  ;  3**  Environs  et  plan  de  Khartoum  au  V150000  î  4^°  Port  de 
Souakim  avec  les  profondeurs  du  goulet  qui  y  donne  entrée  au  Vsoooo- 

A  Map  of  thb  Nile  from  tue  Equatorial  Lakbs  to  tue  Méditer - 

RAKEAN,  ËMBRACINO  THE  EoYPTIAK  SuDAN  AND  AbYSSINIA.  LoudOU  (Ed. 

Stanford),  1  dec.  1883,  Fr.  6.  —  C'est  toute  l'Afrique  nord-orientale 
qu'embrasse  cette  carte,  et  non  pas  seulement  le  théâtre  de  la  guerre  au 
Soudan.  Elle  a  en  effet  pour  limites  la  grande  Syrte,  le  golfe  Persique, 
Berbéra,  l'embouchure  du  Djouba  et  le  Congo.  Chargée  de  noms,  elle 
est  cependant  d'une  lecture  facile,  les  montagnes  étant  indiquées  d'une 
manière  très  légère.  Il  est  vrai  que,  par  ce  fait,  elle  ne  donne  pas  une 
idée  juste  du  relief  ;  on  ne  se  rend  pas  très  bien  compte,  en  particulier , 
de  l'important  massif  des  monts  d'Abyssinie.  En  revanche,  les  routes 
des  caravanes  à  travers  le  désert  sont  tracées,  ainsi  que  les  itinéraires 
des  bateaux  à  vapeur  de  la  mer  Rouge,  avec  l'indication  du  nombre  de 
jours  qu'ils  mettent  à  les  parcourir.  Un  trait  vert  enferme  l'ex-empire 
égyptien  ;  des  teintes  différentes  permettent  de  retrouver  les  posses- 
sions anglaises,  françaises  et  italiennes. 

De  REBUS   AFRICANIS.  ThE    CLAIMS    OF  PORTUGAL   TO  THE   COXGO  AND 

ADJACENT  LITTORAL,  by  the  Euvl  of  Mat/o,  F.  R.  G.  s.,  London  (W.H. 
Allen  et  C^),  1883,  in-8%  63  p.  et  carte,  3  sh.  6  d.  —  Au  retour  de  son 
voyage  dans  les  possessions  portugaises  de  la  côte  occidentale  d'Afrique, 


—  121  — 

Tannée  dernière,  le  comte  Mayo  comprit  Timportance  que  pouvaient 
avoir,  pour  le  commerce  en  général  et  pour  celui  de  l'Angleterre  en  par- 
ticulier, les  négociations  pendantes  entre  les  gouvernements  portugais 
et  anglais,  relativement  au  Congo.  Il  crut  devoir  exposer,  de  la  manière 
la  plus  simple,  Tétat  actuel  du  commerce  dans  le  territoire  réclamé  par 
le  Portugal,  et  le  danger  auquel  ce  commerce,  libre  jusqu'ici,  serait 
exposé,  si  le  gouvernement  anglais,  constamment  opposé  aux  réclama- 
tions du  Portugal,  finissait  par  céder  aux  instances  de  ce  dernier.  A  son 
exposé  il  a  joint  des  lettres  de  la  Chambre  de  commerce  de  Manchester, 
du  30  mai  1881  au  29  janvier  1883,  dans  lesquelles  les  intéressés  protes- 
tent à  l'avance  contre  la  reconnaissance,  par  le  gouvernement  de  la 
Reine,  de  toute  annexion  de  territoires  des  natifs  sur  les  deux  rives  du 
Congo,  ainsi  que  contre  la  sanction  du  gouvernement  de  la  Reine  à  la 
moindre  intervention,  dans  la  complète  liberté  de  navigation  et  de  com- 
merce dont  les  négociants  anglais  jouissent  depuis  tant  d'années  dans 
cette  partie  de  l'Afrique.  En  outre,  ils  demandent  que  le  gouvernement 
britannique  s'eiBforce  de  provoquer  une  entente  cordiale  entre  les  gou- 
vernements de  l'Europe  et  des  États-Unis  d'Amérique,  pour  que  les 
droits  souverains  et  territoriaux  des  natifs  du  Congo  et  des  pays  neutres 
adjacents  soient  respectés  et  maintenus,  et  pour  qu'à  l'avenir  aucune 
puissance  ne  puisse  restreindre  la  liberté  de  navigation  et  de  commerce 
sur  ce  fleuve  et  ses  tributaires. 

Au  moment  où  va  s'engager,  dans  les  Certes  et  au  Parlement  d'Angle- 
terre, la  discussion  sur  le  traité  anglo-portugais,  on  ne  peut  refuser  à 
l'ouvrage  du  comte  Mayo,  quoique  datant  d'une  année,  le  mérite  d'une 
grande  actualité. 

A    6BAMMÀB    OF  THE    A8ANTE   AND  FANTE    LANGUAGE    CAIJ.ED   TSHI,    by 

Rev.  J.-G.  Christaller.  Basel,  1875,  in-8%  203  p.,  Fr.  12,50.  —  A  dic- 

TI03ÎARY    OF   THE   ASANTE    AND  FANTE   LANGUAGE    CALI.ED   TSHI,   by   ReV. 

J.'G.  Christaller.  Basel  (Missionsbuchhandlung),  1881,  in-8®,  671  p., 
Fr.  32,25.  —  La  langue  dont  le  missionnaire  Christaller  a  rédigé  la 
grammaire  et  le  dictionnaire,  est  la  principale  des  langues  de  l'Achanti  ; 
son  dolmaine  s'étend  au  delà  des  limites  de  ce  royaume,  de  l'Assinie  à 
l'Ouest  jusqu'au  Volta  à  l'Est,  et  de  l'Atlantique  aux  monts  de  Kong. 
Avant  Christaller,  d'autres  missionnaires,  W.-J.  MuUer  au  XVII"'  siè- 
cle, et  Prott  au  XVIII"*,  en  avaient  publié  un  vocabulaire  et  une  gram- 
maire, qui  facilitèrent  les  travaux  philologiques  ultérieurs  deBowditch, 
Norris,  Wilson,  Oldendorf,  Clarke  et  Robertson.  Mais  les  ouvrages  de 


—  122  — 

ces  auteurs  furent  dépassés  par  la  grammaire  de  Riis,  parue  eu  1854,  et 
plus  encore  par  celle  de  Christaller  qui  avait  été  son  élève.  Toutes  deux 
attirèrent  l'attention  sur  la  langue  de  TAchanti;  elles  eurent  les  hon- 
neurs d'un  compte  rendu,  la  première,  de  Pott,  dans  le  Journal  de  la 
Société  orientale  alle}nande^  la  seconde,  deLazarus  et  deSteinthal,  dans 
]si  Zeitschrift  fiir  Volker-Psychologie  und  SprachenJctnide  (1876).  L'In- 
stitut de  France  décerna  en  outre  à  Christaller  une  médaille  d'or  de 
300  francs. 

En  terminant  sa  grammaire  celui-ci  exprimait  le  vœu  de  pouvoir  y 
ajouter  une  collection  de  sentences  et  de  proverbes  bien  choisis,  servant 
pour  ainsi  dii*e  de  «  Grammaire  en  exemples,  »  ainsi  qu'un  dictionnaire 
tshi-anglais.  Il  y  a  réussi,  et  son  dictionnaire  est  une  des  œuvres  les  plus 
considérables  de  la  philologie  africaine.  Il  ne  s'est  pas  borné  à  la  langue 
principale  del'Achanti,  il  en  a  aussi  donné  plusieurs  dialectes  :  Vakan, 
la  langue  de  la  cour  et  du  gouvernement  de  Coumassie  ;  Vakwapem,  le 
plus  propre  à  devenir  le  dialecte  littéraire,  parce  que  toutes  les  tribus  le 
comprennent;  le  bron,  parlé  à  l'Est  du  Volta,  inférieur  à  l'akan  parce 
qu'il  renferme  des  éléments  étrangers  et  des  archaïsmes.  Mentionnons 
encore,  dans  les  Appendix  qu'il  y  a  ajoutés,  celui  qu'il  a  consacré  aux 
noms  géographiques  ;  imparfait  encore  vu  les  lacunes  qui  existent  dans 
nos  connaissances  sur  la  Côte  d'Or,  il  peut  néanmoins  servir  de  base  à 
une  géographie  de  cette  région.  Il  a  déjà  fourni  à  la  Société  des  missions 
de  Bâle,  à  laquelle  la  science  est  redevable  de  ces  deux  ouvrages,  la  pos- 
sibilité de  faire  dresser  une  carte  à  grande  échelle,  pour  laquelle  on  a 
profité  de  tous  les  renseignements  envoyés  par  les  missionnaires  des 
40  stations  et  annexes  que  cette  société  compte  à  la  Côte  d'Or. 

Leh  AN(iLAis  EN  Egypte,  par  le  lieutenant-colonel  Hennehert.  Paris 
(Jouvet  etC'"),  1884,  in-8°,  75  p.,  avec  carte,  Fr.  2,25.  —  LeMahdia  déjà 
trouvé  un  historien,  M.  Hennehert,  qui  a  voulu  exposer,  sans  parti  pris, 
la  situation  actuelle  de  l'Egypte  et  du  Soudan.  Résumant  rapidement 
l'histoire  de  la  formation  de  l'empire  égyptien,  il  décrit  l'influence  exer- 
cée par  l'Angleterre  dans  cette  partie  de  l'Afrique,  malgré  la  résistance 
que  lui  ont  opposée  les  nombreuses  sectes  musulmanes,  lorsqu'elle  a 
voulu  supprimer  la  traite  dans  le  bassin  du  Nil. 

L'ingérence  de  la  France  et  de  l'Angleterre  dans  les  affaires  de 
l'Egypte  amena  la  formation  d'un  parti  hostile  aux  étrangers,  décoré 
à  tort  du  nom  de  parti  national.  M.  Hennehert  croit  que  c'est  la 
compagnie  des  Bagara  Sélim,  gens  de  sang  arabe,  qui  a  provoqué  le 


—  123  — 

soulèvement  simultané  d'Arabi  en  Egypte  et  du  Mahdi  au  Soudan 
S'occupant  particulièrement  du  Mahdi,  il  donne  sur  sa  personne,  son 
caractère,  son  armée,  ses  campagnes  dans  le  Kordofan  et  le  Darfour, 
des  renseignements  iiltéressants.  Ce  livre,  composé  avant  l'arrivée  de 
Gordon  à  Khartoum  et  les  récentes  victoires  des  Anglais  dans  les  environs 
de  Souakim,  est  écrit  d'un  style  simple  et  d'une  manière  impartiale. 
Nous  regrettons  cependant  que  l'auteur  ait  négligé  dïndiquer  les  sour- 
ces où  il  a  puisé  les  informations  assez  curieuses  qu'il  nous  fournit. 
Une  petite  carte  donne  le  bassin  du  Nil  et  les  limites  de  Tex-empire 
égyptien. 

Au  cours  de  son  exposé,  M.  Hennebert  rappelle  que  la  découverte  des 
sources  du  Nil  n'est  pas  un  fait  absolument  nouveau.  Il  y  a  8500  ans, 
d'après  Mariette,  les  Pharaons  guerroyaient  déjà  sur  les  bords  des 
grands  lacs;  Hérodote  les  mentionne,  Ératosthène  les  place  assez  exac- 
tement, et  on  les  trouve  nettement  dessinés  sur  les  cartes  portugaises 
du  XV"**  et  du  XVI"*  siècle.  Néanmoins,  c'est  à  Speke  et  Grant  que 
revient  Thonneur  de  les  avoir  retrouvés. 

Die  Nilï-^sder,  von  Prof.  D*"  E.  Hartmann,  mit  Bildern,  Leipzig 
(G.  Freytag),  1884,  in-12**,  216  p.,Fr.  1,35.  — Après  avoir  donné  dans 
un  premier  volume  de  l'édition  Freytag,  la  description  de  l'Abyssinie 
et  des  temtoires  de  l'Afrique  orientale  jusqu'à  la  province  de  Mozambi- 
que (voir  IV"**  année,  p.  232),  le  savant  D'  Hartmann  décrit,  dans  ce 
volume-ci,  tout  le  bassin  du  Nil,  de  la  Méditerranée  aux  sources  du  grand 
fleuve,  ou  du  moins  jusqu'au  lac  Victoria.  En  ayant  exploré  lui-même 
une  partie,  et  possédant  très  bien  la  littérature  du  sujet,  jusqu'aux  der- 
niers travaux  de  Schuver,  de  Buchta  et  d'Emin-bey,  il  expose  d'une 
manière  complète  la  géographie  physique  de  chacune  des  provinces  de 
cet  immense  bassin,  jusqu'à  celles  de  l'Equateur  soumises  naguère 
encore  à  l'Egypte,  et  aux  États  indépendants  de  l'Ou-Ganda  et  del'Ou- 
Nyoro,  sans  négliger  aucun  des  détails  importants  de  l'ethnographie  de 
toutes  les  principales  tribus  qui  les  peuplent.  Il  diffèred'opinion  d'avec 
le  D'  G.  Passavant,  sur  les  Bushmen,  qu'il  range  dans  la  même  famille 
que  les  Akka;  et,  d'après  les  rapports  des  coutumes  et  de  la  langue  des 
populations  de  l'Ou-Ganda  et  de  l'Ou-Nyoro,  avec  celles  des  autres 
tribus  bantou,  il  place  dans  ces  royaumes  de  l'équateur  le  berceau  de  la 
race  bantou  ou  cafre. 

Uber  die  Capverden  xach  DEM  Rio-Grand^  rxD  Futah-Djallon, 


—  124  — 

von  D' C.  Doelter,  mit  Holzschnitten  und  Karte,  Leipzig  (Paul  Froberg), 
1884,  in-4'*,  263  p.,  Fr.  16,25. —  L'expédition  du  Talisman  a  attiré  l'atten- 
tion sur  les  îles  du  Cap-Vert,  dont  elle  a  visité  les  pêcheries  de  corail 
rouge,  au  S.-E.  de  Santiago,  et  exploré  les  îles  de  Saint-Vincent  et 
Branco,  au  point  de  vue  des  grands  sauriens.  De  1880  à  1881,  cet  archi- 
pel avait  été  étudié  par  le  D' Doelter,  professeur  à  l'université  de  Gratz, 
qui  fit  en  même  temps  une  excursion  dans  la  Sénégi^mbie  méridionale, 
aux  îles  Bissagos  et  au  Rio-Grande.  Grâce  à  une  recommandation  du 
gouvernement  portugais  pour  les  autorités  de  la  province  du  Cap-Vert 
et  de  la  Guinée,  il  trouva  un  appui  auprès  d'elles  pour  ses  études,  dont 
il  a  exposé  les  résultats  dans  ce  volume,  illustré  avec  soin  d'après  des 
croquis  rapportés  par  l'auteur,  et  accompagné  d'une  carte  dressée 
par  lui. 

Quoique  ses  recherches  aient  porté  essentiellement  suj  géologie  des 
îles  qu'il  a  visitées,  il  n'en  a  pas  moins  étudié  la  topograi  ie  et  l'ethno- 
graphie, et  mesuré,  dans  l'île  Santiago,  le  pic  d'Anton  o  qui  atteint 
2000°.  La  nature  volcanique  de  ces  îles  et  la  comparaison  qu'il  en  a 
faite  avec  les  Açores,  les  Canaries,  Saint-Thomas,  etc.,  l'ont  conduit  à 
examiner  la  question  de  l'Atlantide  de  Platon  ;  tout  en  admettant  qu'il 
existait  autrefois  autour  de  l'île  Mayo  une  terre  beaucoup  plus  grande, 
en  rapport  avec  le  continent,  il  ne  pense  pas  que  l'on  ait  jusqu'ici 
recueilli  assez  d'observations,  pour  pouvoir  admettre  avec  certitude 
l'assertion  du  philosophe  grec.  Rappelons  cependant  que  les  différents 
sondages  faits  ces  dernières  années  dans  l'Atlantique,  semblent  avoir 
révélé  dans  cet  océan  l'existence  d'une  chaîne  de  montagnes  sous-mari- 
nes partant  de  l'Islande  ou  du  Groenland  et  allant  mourir  au  sud  du  Cap 
de  Bonne  Espérance. 

Des  troubles  dans  la  Sénégambie  méridionale  l'ont  empêché  de  péné- 
trer dans  le  Foutah-Djallon.  Néanmoins,  son  séjour  aux  îles  Bissagos  et 
dans  le  bassin  du  Rio-Grande  lui  a  permis  de  recueillir  d'utiles  rensei- 
gnements sur  les  Biafades,  les  Foulahs,  les  Mandingues,  etc.,  sur  les 
progrès  de  l'islamisme  dans  la  Sénégambie  méridionale,  ainsi  que  sur 
ceux  de  l'influence  française.  Toutefois  son  attention  s'est  surtout 
portée  sur  la  structure  géologique,  les  gisements  aurifères,  les  minerais 
de  fer,  la  géographie  physique,  la  flore  et  la  faune  de  la  Sénégambie 
méridionale. 


ÉCHANGES 


Amsterdam. 

Anvers. 

Berlin. 

Brème. 

Bruxelles. 

Berlin. 


Sooiéiés  de  géographie. 

Constantine.  Hambourg.     Lisbonne.       Nancy. 

Douai.  létia. 

Francfort  •/M.  Le  Caire. 

Greifswald.  Leipzig. 

Halle.  Lille. 


Lyon. 
Madrid. 
Marseille. 
Montpellier. 


New-York. 

Oran. 

Paris. 


Sooiéiés  de  géographie  oommeroiAle. 

Bordeaux.  Paris.  Porto. 

Kinioiis. 


Rochefort. 
Rome. 
Rouen. 
Vienne. 


Saint-Gali. 


Journal  des  missions  évangëiiqnes  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XIX^o  siècle 

(Neuch&tel). 
Journal  de  TUnité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  ^^  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions-?'    [  (Barmen). 
BerlinerM)     ^ns-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote'.,t&le). 

Evangelisci  î  Missions -Magazin  (Bâle). 
Calwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgemeine  Hissions-Zeitschrifl  (GUters- 

lob). 
Glaubensbote  (B&le). 
Airica  (Londres). 
La  Nigrizia  (Vérone). 


Ghurch  missionary  Intelligencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New-York). 

Foreign  Missionarv  (New-York). 

Régions  beyond  (LondrésX 

GLronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Ghurch  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (LoAdres). 

Ghurch  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  nnited  presby- 
terian  Ghurch  (Edimbourg). 

Ontral  Africa  (Londres). 

Woman*s  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Divers. 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  (Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  (lomice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  FAcadémie  d'Hippone  (Bone). 

Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris), 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

HandeU-Zeitung  (Saint-GalI). 

Deutsche  Rundschau  fttr  Géographie  und 

,  Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  (jesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fUr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  fOr  wissenschaftliche  (Géogra- 
phie (Lahr). 

Aas  allen  WeUtheilen  (Leipzig).     . 

Deutsche  Kolonialzeitung  (Francfort  s/M). 


Ghamber  of  (Commerce  Journal  (Londres). 

African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Observer  (Monrovia). 

Esploratore  (Milan). 

Gosmos  (Turin). 

Bollettino  délia  Societa  africana  d'Italia 
(Naples). 

Esplorazione  (Naples). 

Marina  e  Gommercio,  e  Giornale  délie  co- 
lonie (R^ne). 

Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Revista  de  Estudos  Livres  (Lisbonne). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES-PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indépendant  (Gonstantine). 

Moniteur  de  l'Alfférie  (Alger). 

Dr  A.  Petermann  s  Mittheilungen  (Gotha) 


Proceedings   of  the  royal   geographical 
Societv  and  monthly  Recora  of  geogra 
phy  (Londres). 

Natal  Mercurv  (Durban). 

Gape  Argus  (Gape-Town).        ' 

West  Amcan  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

Bulletin  mensuel , .  101 

Nouvelles  complémentaires 11  î 

BiBUOGBAPHIE  : 

Les  Egyptiens,  par  Marias  Fontane 113 

Egypt  exploration  fund,  par  Edouard  Naville, 115 

Uganda  und  der  JËgyptische  Sudan,  von  Rev.  C.-S.  Wilson^  und 

R.-W-  Felkin 115 

Un  explorateur  africain,  par  Emile  Dietz 116 

Craniolojgische  Untersuchung  der  Neger  und  der  Negervôlker,  von 

D'  Cari  Passavant 117 

Trente-deux  ans  à  travers  PIslam,  par  Léon  Hoches 118 

Voyage  dans  POu-Doé  et  POu-Zigoua,  par  le  Rev.  P.  Baur 118 

Une  excursion  à  Hâmman-R'irha,  par  Victor  Waille. . .  i 119 

Grammatical  note  on  the  Gwamba  language  in  South  Africa,  by  Paul 

Berthoud. .  * 119 

Der  Kriegsschauplatz  im  ^gyptischen  Sudan,  1883  et  1884 120 

A  Map  of  the  Nile  from  the  Equatorial  Lakes  to  the  Mediterranean, 

embracing  the  Egyptian  Sudan  and  Abyssinia 120 

De  rébus  africanis,  by  Earl  of  Mayo 120 

A  Grammar  of  the  asante  and  faute  language  called  tshi,  by  Rev. 

J.-G.  Christaller 121 

Les  Anglais  en  Egypte,  par  le  lieutenant-colonel  Hennebert 122 

Die  Nillœnder,  von  prof.  D'  Hartmann 123 

Uber  die  Capverden  nach  dem  Rio-Grande  und  Futah-Djallon,  von 

D'  C.  Doelter 123 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Congreso  espagnol  de  Geografia  colonial   y  mercantil.  Conlusiones  votadas  y 

aprobadas  en  las  sesiones  de  los  dias  6  à  12  de  noviembre  de  1883.  —  Madrid, 

in-4**,  6  p. 
A  l'assaut  des  pays  nègres.  Journal  des  missionnaires  d'Alger  dans  l'Afrique 

équatoriale.  Pans  (Œuvre  des  Écoles  d'Orient,  12,  rue  du  Regard),  1884,  in-8o, 

347  p.  avec  gravures  et  carte. 
Notice    historique  sur  deux   inscriptions  romaines  trouvées  au  Ksar-Mezouar 

(Tunisie),  en  1881-82,  par  M.  Alex.  Papier,  président  de  l'Académie  d'Hippone. 

—  Bone,  1883,  in-8^  21  p.  et  pi. 
Bericht  ûber  das  IX  Vereinsjahr  erstattet  vom  Vereine  der  Geographen  an  der 

Universitât  Wien.  —  Wien,  1884,  in-8,  26  p. 
Original  Map  of  South  African,  containing  ail  South  African  Colonies  and  Native 

Territories,  by  Rev.  A.  Merensky.  Berlin  (Simon  Schropp'sche  Hof-Landkarten 

Handlung),  1884.  Vi,6ooooo,  4  feuilles.  Fr.  16. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


/h 


GENEVE      ■ 

GEORG,     LIBRAIRE-ÉDITEUR 
m£iu  maison  a  bale  et  a  ltoh 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE    ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

.  Dl&lOâ  PAR 

M.   GnstaTe  MOYNIEB 

Membre  de  la  CommtBsion  internationale  de  Bnucellea  i>oiir  Pexploration  et  la  civilisation 
de  l'Afriqae  centrale;  membre  correspondant  do  rAcadémie  d*Hippone, 
et  des  Sociétés  de  géographie  de  Marseille,  de  Nancy,  do  Loanda  et  d&  Porto.   ^ 

i^iad  PAB 

M.  Charles  FAUBE 

Secrétaire-Bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie  de  â^cnève ,  membre  correspondant  dos  Sociétés 
do  géographie  de  Lisbonne,  do  Loanda,  do  Porto  ot  do  Saint^Gall. 


L'Afrique  paraît  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d'au 
moins  20  pages  chacune;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  Fahonnemeiit  annuel ,  payable  d'avimee  »  est  de  10  IVanes» 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  rUnîon  ^postale  (première  zone)  ;  pour  les 
autres,  il  fr.  50. 


Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  h  un  eompte  renda* 

Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaedon  à  91.  OostaTe  lUojriiler* 
Hf  rae  de  l'Athénée,  h  Genève  (Suisse).  - 

S'adresser  pour  les  abonnements  h  Téditenr,  M.  H.  Geori;,  à 
Genève  on  h  BAle. 

On  s'abonne  aussi  : 

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Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 

Chez  MM.  Ch.  Delagbave,  libraire.  15,  me  SoufiQot,  à  Paris. 

MuouARDT,  libraire  de  la  Cour,  45.  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLARO  frères,  libraires,  Corso  Vittorio  Emmanuele,  21,  à  Milan. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Querstr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Friederichsen  et  C*«,  libraires,  Admiralitâtsstr,  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Grabon  27,  Vienne  (Autriche). 

Trubner  et  C'«,  libraires,  Ludgate  Hill,  57/59.  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


AVIS.  —  Nous  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouveaiLV  abonnés,  au  prit  de 
10  fr,  chacun,  un  certain  nombre  d'exemplaires  complets  de  la  II™*,  de  la  JU"'*' 
et  de  la  17™»  année.  La  I"»  est  épuisée. 


—  125  — 

BULLETIN  MENSUEL  {3jiiinl884y 

L'établissement  du  protectorat  de  la  France  sur  la  Tunisie  facilitera 
l'exploitation  des  richesses  minières  de  ce  dernier  pays.  Depuis  un  cer- 
tain temps  la  compagnie  des  mines  de  fer  de  Mokta-el-Adid  faisait 
explorer  les  territoires  des  Mukaras  et  des  Nefeas  en  Kroumirie.  Ayant 
reconnu  la  valeur  des  gisements  qui  s'y  trouvent,  elle  a  demandé  au  gou- 
vernement tunisien  une  concession,  pour  l'exploitation  de  laquelle  elle 
créera  un  port  dans  la  baie  du  cap  Serrât,  plus  deux  lignes  de  chemin 
de  fer  de  70  kilom.  pour  relier  le  Djebel-Bellif,  centre  de  la  concession, 
avec  Tabarka  d'une  part,  et  avec  le  port  de  Serrât  de  l'autre. 

'Quelque  lente  que  puisse  paraître  la  marche  envahissante  du  Maiidi, 
les  progrès  n'en  sont  pas  moins  visibles  d'un  mois  à  l'autre.  Maître  des 
routes  du  Nil  à  la  mer  Rouge,  qui  ne  lui  sont  plus  disputées,  il  a  rallié 
sous  ses  drapeaux  toutes  les  tribus  du  Soudan  proprement  dit,  de 
manière  à  isoler  complètement  les  garnisons  de  Kassala,  de  Sennaar, 
de  Khartoum,  qui  peuvent  faire  de  temps  à  autre  quelque  sortie  heu- 
reuse, mais  doivent  bien  vite  se  renfermer  dans  la  place,  sans  espoir  de 
voir  se  rompre  le  cercle  de  fer  qui  se  rétrécit  toujours  davantage  autour 
d'elles,  aucunes  troupes  ne  cherchant  à  les  dégager  ni  à  faciliter  leur 
évacuation.  De  Khartoum  quelques  centaines  •de  personnes  ont  pu  profi- 
ter de  ce  que  le  désert  de  Korosko  n'était  pas  encore  occupé  par  les  par- 
tisans de  Mohamed-Hamed,  pour  gagner  Assouan,  avant  la  chute  de 
Chendy  et  de  Berber.  Mais  aujourd'hui  les  émissaires  du  Mahdi,  enhar- 
dis par  l'inaction  des  Égyptiens  et  des  Anglais,  menacent  Dongola  et 
Assouan,  et  les  communications  avec  la  capitale  du  Soudan  sont  coupées. 
Comment  les  nouvelles  de  Gordon  parviennent-elles  au  Caire? Nous 
l'ignorons.  Les  messagers  qui  lui  sont  envoyés  d'Egypte  ne  peuvent  plus 
dépasser  Dongola  ni  Korosko.  Les  difficultés  de  sa  retraite  augmentent 
de  jour  en  jour.  Il  ne  reste  à  sa  disposition  que  la  voie  du  Nil,  encore 
les  deux  rives  de  celui-ci  sont-elles  occupées  par  des  adhérents  du  Mahdi, 
aux  projectiles  desquels  Gordon  a  pu  échapper  jusqu'ici,  dans  ses  courses 
sur  le  fleuve  avec  ses  bateaux  h  vapeur.  H  a  même  réussi  à  les  éloigner 
des  bords  du  Nil,  mais  sans  pouvoir  leur  infliger  de  défaites,  ces  bandes 

'  Les  matières  comprises  dans  nos  BuUetins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

l'IFRIQUE.   —   CINQUIÈME  ANNÉE.   —   N**   6.  6 


1 


—  126  — 

étant  insaisissables.  On  parle  d'une  expédition  à  envoyer  à  son  secours, 
quand  les  eaux  du  fleuve  auront  assez  grandi  pour  permettre  la  naviga- 
tion ;  mais  les  garnisons  de  Dongola  et  d'Assouan  tiendront-elles  jusque- 
là  ;  et  à  supposer  qu'elles  puissent  continuer  à  occuper  ces  points,  les 
troupes  du  Mahdi  n'arrêteront-elles  pas  les  vapeurs  qui  remonteront  le 
Nil  et  ceux  qui  chercheront  à  le  descendre  depuis  Kiiartoum,  dans  les 
endroits  oîi  les  rapides  et  les  cataractes  obligeront  à  s'arrêter,  à  descen- 
dre à  terre,  et  leur  nombre  n'aura-t-il  pas  facilement  raison  du  corps 
expéditionnaire  envoyé  par  cette  voie  au  secours  de  Gordon?  Plus  on  se 
hâtera,  plus  on  aura  de  chances  de  ne  pas  arriver  trop  tard.  U  n'est 
nullement  nécessaire  d'attendre  jusqu'en  juillet  pour  faire  avancer  ces 
troupes  de  secours.  Sir  Samuel  Baker  a  fait  à  deux  reprises  l'expérience 
qu'il  n'est  pas  impossible  de  gagner  Khartoum,  depuis  le  Caire,  au  prin- 
temps. La  première  fois,  il  quitta  le  Caire  avec  sa  femme,  le  15  avril  1861, 
et  atteignit  Korosko  le  11  mai,  puis  traversa  le  désert  juste  à  l'époque 
où  nous  nous  trouvons  ;  la  seconde  fois,  son  expédition  composée  de  six 
steamers,  quinze  sloops  et  quinze  dahabiehs,  devait  partir  du  Caire  eu 
juin  1869  ;  les  steamers  démontés  et  les  machines  devaient  être  trans- 
portés à  travers  le  désert  de  Korosko,  sous  le  commandement  de 
M.  Higginbotham.  Alors  on  ne  jugeait  pas  impi*aticable  la  traversée  du 
désert  à  ce  moment  de  l'année,  et  si  le  matériel  de  l'expédition  ne  partit 
que  le  29  août,  ce  n'est  pas  qu'on  la  crût  dangereuse,  c'était  simplement 
qu'on  voulait  la  rendre  impossible,  parce  qu'elle  était  destinée  à  suppri- 
mer la  traite  sur  le  Haut-Nil. 

Les  missionnalrefii  romains  ont  établi  une  nouvelle  station  à 
Souérou»  entre  leurs  établissements  de  Tabora  et  du  Yictoria-Nyanza. 
A  cet  effet  ils  se  sont  adressés  à  Mirambo,  dans  les  États  duquel  se  trouve 
ce  nouveau  poste,  pour  lui  demander  l'autorisation  de  le  créer.  Mirambo 
les  a  très  bien  reçus  dans  sa  ville  royale  de  Eonongo  qu'ils  ont  trouvé 
fortifiée  par  une  enceinte  de  troncs  d'arbres,  assez  longs,  reliés  solide- 
ment les  uns  aux  autres.  Au-dessus  de  la  petite  porte  qui  y  donne  entrée 
étaient  suspendus  de  nombreux  boucliers  de  peau  d'éléphant,  pris  peu 
auparavant  par  Mirambo  sur  les  Wa-Touta.  Le  roi  leur  donna  un  de  ses 
ofhciers  pour  les  conduire  dans  l'Ou-Kouné,  les  présenter  à  ses  gens 
comme  ses  amis,  donner  les  ordres  nécessaires  afin  qu'on  ne  leur  susci- 
tât aucune  difficulté,  et  pour  les  guider  dans  la  recherche  d'un  emplace- 
ment. Dans  le  trajet  de  Konongo  à  l'Ou-Eouné,  ils  traversèrent  le  Ut  de 

* 

la  rivière  Gk)mbé,  alors  à  sec,  mais  qui,  à  l'époque  des  pluies,  se  remplit 
sur  une  largeur  de  90".  Un  pont  de  150",  reposant  sur  de  larges  pieux, 


'.  ^. 


—  127  — 

assure  alors  les  communications  entre  les  deux  rives.  Grâce  à  l'officier 
de  Mirambo,  ils  reçurent  partout  un  accueil  amical  et  empressé.  Comme 
on  savait  qu'ils  soignaient  les  malades,  la  porte  de  leur  tente  était  assié- 
gée chaque  soir  par  une  quantité  d'infirmes.  Entrés  dans  TOu-Eouné,  ils 
trouvèrent  sur  le  penchant  d'une  colline  un  établissement  de  forgerons 
indigènes,  qui  fabriquaient  assez  habilement  des  lances,  des  flèches,  des 
haches  et  des  balles  de  fusil.  Au  milieu  de  la  case  était  un  grand  brasier 
alimenté  par  du  charbon  de  bois;  au-dessus,  une  petite  construction  en 
maçonnerie  soutenait  un  grand  vase  en  terre,  sorte  de  creuset  que  l'on 
remplissait  de  petites  pierres  ferrugineuses  qui  se  trouvaient  dans  le  voi- 
sinage. Autour  du  foyer  étaient  placés  huit  soufflets,  deux  par  deux,  de 
manière  que  quatre  hommes  pussent  les  faire  fonctionner  tous.  L'effet  en 
était  surprenant  ;  en  quelques  instants  les  pierres  entraient  en  fusion,  le 
métal  tombait  au  fond  de  l'appareil,  et  les  matières  étrangères  flottaient 
à  la  surface  comme  un  épais  bitume.  Les  missionnaires  choisirent  le  vil- 
lage du  chef  Souérou,  bftti  au  pied  d'une  colline,  dans  un  district  riche 
en  sources,  et  ou  abondent  le  riz,  les  pois,  les  lentilles,  et  aussi  le  bétail  : 
bœufs,  moutons  et  chèvres.  Le  chef  leur  fit  construire  une  habitation,  et 
leur  promit  de  leur  confier  l'éducation  de  ses  enfants. 

Sans  être  aussi  intelligent  que  Mirambo,  le  chef  de  rOn-Gouha, 
KwuammgB^  exerce  à  l'ouest  du  Tanganyika  une  grande  influence.  Son 
territoire  s'étend  sur  une  longueur  de  190  kilom.  le  long  de  la  côte  du 
lac,  du  Loukouga  à  la  frontière  de  TOu-Goma,  jusqu'à  90  kilom.  à 
l'intérieur.  Lors  du  passage  de  Cameron,  saisi  d'une  crainte  supersti- 
tieuse, il  refusa  la  visite  de  l'explorateur,  sous  prétexte  que  des  hommes 
qui  se  vêtaient  entièrement,  corps,  pieds  et  mains,  ne  pouvaient  être 
que  des  sorciers  de  la  pire  espèce.  Aujourd'hui,  sous  l'influence  des  mls- 
slonnAires  angolais,  il  se  promène  dans  ses  rues  vêtu  à  l'euro- 
péenne. D'après  une  lettre  de  M.  Griffith,  publiée  dans  le  Chronicle, 
journal  de  la  Société  des  missions  de  Londres,  le  nom  de  Kasanga  est  un 
titre  héréditaire,  comme  celui  des  Pharaons  d'Egypte.  La  dignité  de  chef 
passe  toujours  au  neveu,  fils  d'une  sœur,  afin  de  conserver  la  pureté  de 
sang  des  héritiers  et  de  prévenir  les  factions  que  pourraient  créer  les 
en&nts  du  chef,  conune  il  en  existe  en  permanence,  à  l'est  du  lac,  chez 
les  Wa-Ha,  lesWa-Songué,les  Wa-Vinza,  chez  lesquels  existe  le  principe 
d'hérédité  par  les  propres  fils  du  chef.  Kasanga  est  en  bonnes  relations 
avec  les  chefe  des  territoires  voisins  du  sien  ;  en  temps  de  guerre,  il  est 
leur  héros,  et  a  le  pouvoir  de  les  rassembler  de  très  loin.  Le  chef  de 

Kiyombo,  près  du  Congo  supérieur,  est  un  de  ses  amis  les  plus  constants 


—  128  — 

et  les  plus  loyaux  ;  ils  échangent  souvent  des  présents  entre  eux  ;  en  outre 
Tunion  est  cimentée  par  des  mariages  entre  les  familles  régnantes. 
L'importance  de  Easanga  s'est  accrue  depuis  que  les  missionnaires  se 
sont  établis  dans  son  pays.  U  commande  la  route  commerciale  de 
l'ouest,  et  les  connaissances  supérieures  qu'on  lui  prête,  parce  qu'il  est 
en  rapport  avec  les  Arabes  et  les  Européens,  font  qu'on  le  consulte  sur 
toutes  les  affaires  politiques  de  quelque  importance.  Les  chefs  et  leurs 
gens  le  visitent  de  très  loin,  et  avant  de  repartir,  ils  veulent  voh*  la 
demeure  de  l'homme  blanc  et  ses  meubles  qui  les  étonnent  beaucoup. 
Kasanga  est  âgé  de  60  ans;  il  a  des  infirmités  causées  peut-être  par 
l'abus  du  pombé.  Le  rang  d'un  chef  dépendant  du  nombre  de  ses  fem- 
mes, il  en  a  200.  Gomme  tous  les  potentats  africains,  il  a  été  guerrier, 
et  son  ancienne  nature  reparatt,  quand  les  gens  de  l'Ou-Goma  négligent 
de  lui  payer  le  tribut  :  peaux  de  léopards,  ivoire,  canots,  etc.  Depuis 
l'installation  des  missionnaires  chez  lui,  il  a  cependant  cessé  de  faire  la 
guerre  aux  Wa-6oma,  conmie  il  la  faisait  auparavant. 

M.  Selous  a  exploré  une  nouvelle  partie  du  haut-pays,  au  sud  du 
Zambêze,  près  du  cours  supérieur  de  la  Sabi,  et  en  a  envoyé  aux 
Proceedings  de  la  Société  de  géographie  de  Londres  une  courte  descrip- 
tion, avec  une  carte  esquisse  corrigeant  quelques  erreurs  des  cartes  de 
Baines  et  de  Mauch.  Arrivé  aux  sources  de  l'Hanyane  ou  Manyane,  tri- 
butaire du  Zambèze,  il  les  a  trouvées  plus  au  sud  que  ne  l'indique  Baines. 
Sur  le  versant  méridional,  les  eaux  coulent  dans  la  Rouzaroué,  un  des 
principaux  affluents  de  la  Sabi.  Pour  passer  de  l'Hanyane  aux  sources 
de  la  Mazoé,  M.  Selous  a  traversé  un  plateau  élevé,  en  forme  de  dôme, 
saturé  d'eau,  et  fournissant  les  sources  de  toutes  les  rivières  voisines.  Il 
estime  que  c'est  le  point  culminant  de  toute  cette  partie  de  l'Afrique  ; 
un  vent  froid  du  S.-E.  y  souffle  presque  sans  interruption,  si  âpre  et  si 
piquant  qu'il  semble  venir  directement  des  régions  polaires  antarctiques  ; 
partout  où  il  y  a  des  arbres,  ils  sont  courbés  au  N.-O.  par  le  vent  domi- 
nant. Aucune  partie  de  l'Afrique  méridionale,  dit  M.  Selous,  n'est  aussi 
propre  à  être  habitée  par  des  Européens  ;  les  meilleures  parties  du 
Transvaal  ne  peuvent  lui  être  comparées.  Le  sol  est  très  bien  arrosé,  les 
sécheresses  et  les  famines  y  sont  inconnues  ;  nulle  part  non  plus  les  natife 
n'ont  d'aussi  abondantes  récoltes. 

Plus  à  l'ouest,  M.  Ikl^i^ard  Clayton  a  fait  visite  à  Lobengula,  roi 
des  Matébélés,  pour  obtenir  de  lui,  en  faveur  de  M.  John  Swinburn,  le 
renouvellement  de  la  concession  minière  poui*  les  gisements  aurifères 
situés  entre  la  Shasha  et  la  Rhamakoan.  Au  commencement  de  février, 


n*.  ▼  • 


—  129  — 

on  craignait  beaucoup  que  la  sécheresse  ne  détruisît  les  récoltes.  Dès 
lors  la  pluie  est  tombée  pendant  une  vingtaine  de  jours,  et  la  famine  est 
prévenue.  Mais  jusqu'à  cette  chute  de  pluie,  la  sécheresse  avait  été  telle, 
que  presque  tous  les  bestiaux  enlevés  aux  Ba-Mangwato  du  lac  Ngami 
avaient  succombé.  La  perspective  d'une  bonne  récolte  a  ramené  dans  le 
pays  la  paix  et  la  tranquillité.  Presque  tous  les  Européens,  chasseurs  ou 
missionnaires  se  sont  rendus  plus  au  sud  pour  échapper  à  la  disette. 

Aux  Spelonken  des  pluies  diluviennes  ont  eu  des  conséquences 
désastreuses  pour  les  missionnalpes  suisses  ;  leurs  chambres  ont 
-été  remplies  d'eau,  et  MM.  H.  Berthoud  et  Mingard  ont  eu  de  violentes 
attaques  de  fièvre.  De  plus,  la  maison  que  M.  H.  BertAoud  construisait 
sur  un  point  plus  élevé  et  plus  salubre  que  la  station  de  Yaldézia,  pour 
y  établir  son  frère  Paul  revenant  d'Europe,  a  été  entièrement  ruinée 
par  les  pluies.  Ce  dernier  a  rencontré  à  Pietermaritzbourg,  son  ancien 
collègue,  M.  Creux,  en  route  pour  l'Europe,  afin  d'y  rétablir  sa  santé. 
Dès  lors  M.  Creux  est  heureusement  arrivé  en  Suisse. 

  la  côte  orientale,  M.  li¥ilcox,  missionnaire  américain,  a  continué 

il  travailler  au  milieu  de  la  population  de  race  zoulou  qui  habite  autour 

de  la  baie  d'Iiili»mbané.  Quoique  son  poste  de  Cocha  soit  situé  dans  un 

endroit  élevé,  et  par  conséquent  plus  salubre  que  les  terres  basses  du 

bord  de  la  mer,  il  compte  choisir  un  lieu  plus  élevé  encore,  et  croit  que 

toute  cette  région  pourra  devenir  salubre  et  habitable  à  mesure  que  le 

christianisme  et  la  civilisation  en  changeront  les  conditions.  Oumzila  a 

quitté  sa  résidence  d'Oumoyamoulé,  pour  se  rapprocher  de  la  Sabi,  dont 

le  voisinage  lui  paraît  plus  sain  que  la  région  où  il  habitait  jusqu'ici. 

M.  Wilcox  attribue  une  grande  importance  à  l'extension  de  la  mission 

américaine  dans  ce  champ  immense  du  Zoulouland  au  Zambèze. 

M.  et  M*"*  Jaeottet  sont  arrivés  au  L<essouto  à  la  fin  de  mars  ; 
leur  première  impression  a  été  très  favorable  ;  le  contraste  entre  l'État 
libre  qu'ils  venaient  de  traverser,  depuis  Aliwal-North,  et  où  ils  n'avaient 
rencontré  que  quelques  rares  fermes  avec  quelques  arbres  et  un  ou 
deux  champs  de  mais,  est  des  plus  frappants,  a  Au  Lessouto,  :»  écrit 
M.  Jacottet,  «  des  cultures  de  tous  les  côtés  ;  de  splendides  champs  de 
mais,  de  blé,  de  mabélé,  réjouissent  les  yeux  ;  on  aperçoit  sur  le  flanc 
des  montagnes  la  fumée  de  nombreux  villages...  On  a  laissé  la  civilisa- 
tion pour  entrer  dans  la  barbarie,  c'est  du  moins  ce  qu'on  dit  et  ce  qu'on 
pense;  et  au  contraire  on  trouve  un  peuple  industrieux,  travailleur, 
sachant,  malgré  les  difficultés,  tirer  de  son  sol  le  meilleur  parti  possible. 
On  comprend  alors  ce  que  l'on  appelle,  au  sud  de  l'Afrique,  arracher  un 


—  130  — 

pays  à  la  barbarie  pour  lé  conquérir  à  la  civilisation.  Le  Lessouto  bar- 
bare est  un  des  pays  les  mieux  cultivés  de  toute  l'Afrique  du  sud  ;  con- 
quis à  la  civilisation,,  c'est-à-dire  pris  par  les  Anglais  ou  les  Boers,  il 
serait  aussitôt  partagé  en  fermes  ;  les  cultures  disparaîtraient,  les  mou- 
tons feraient  leur  apparition,  et  un  sol  qui  réussissait  à  nourrir  et  h 
enrichir  150,000  à  200,000  noirs,  suffirait  à  peine  à  faire  vivre  ou  végé- 
ter 15,000  à  20,000  Boers...  Sous  le  rapport  de  la  culture,  on  peut  dire 
hardiment  que  le  Lessouto  est  le  pays  le  plus  avancé  de  toute  la  colonie^ 
sauf  peut-être  les  environs  du  Cap.  Un  fait  à  noter,  c'est  que  depuis 
quinze  ans,  on  a  acheté  au  Lessouto  plus  de  charrues  que  dans  tout  le 
reste  de  la  colonie  ;  et  cependant  la  population  du  Lessouto  est  à  celle 
de  la  colonie  dans  la  proportion  de  1  à  4  ou  5.  » 

Avant  de  se  mettre  en  route  pour  l'intérieur,  le  D'  Holub  a,  par 
l'exposition  des  objets  qu'il  a  apportés  d'Europe,  et  par  des  conférences 
sur  les  tribus  be-chuana,  cherché  à  intéresser  à  son  entreprise  les  habi- 
tants de  Capetown.  En  outre,  afin  d'accoutumer  ses  compagnons  de 
voyage  aux  fatigues  que  rencontrent  les  explorateurs,  il  a  fait  avec  eux 
une  excursion  de  quelques  semaines  dans  les  moato  Somerset  pour 
en  étudier  la  géologie,  la  flore  et  la  faune.  Au  point  de  vue  géologique  il 
n'a  rien  trouvé  de  remarquable  ;  la  saison  n'était  pas  non  plus  très  favo- 
rable pour  les  collections  de  plantes  ;  en  revanche  il  en  a  fait  d'assez 
riches  d'animaux  pour  les  musées  d'Europe. 

L'AssociatÂon  intemationale  du  Coni^o,  —  c'est  le  nom  sous 
lequel  se  présentent  depuis  quelque  temps  les  dûrecteurs  de  l'œuvre  pour- 
suivie sur  ce  fleuve  par  Stanley  —  a  publié  récenunent  des  extraits  du 
journal  de  voyage  de  l'explorateur,  de  Stanley-Pool  aux  chutes  de  Stan- 
ley, soit  du  24  août  1883  au  20  janvier  1884.  Quoique  ces  extraits  ren- 
ferment très  peu  de  détails  scientifiques,  ils  ont  leur  utilité  en  ce  sens 
qu'ils  nous  apprennent  où  ont  été  fondées  les  nouvelles  stations  créées 
le  long  du  fleuve,  et  dans  quel  état  sont  les  anciennes.  C'est  ainsi  que 
nous  voyons  une  station  de  Kouamouth  établie  à  l'embouchure  du 
Quango,  et  que  nous  apprenons  qu'à  Bolobo,  un  différend  survenu  entre 
la  tribu  des  Ba-Yaiizi  et  M.  Binmfaut  a  retenu  18  jours  Stanley,  obligé  de 
relever  et  d'approvisionner  la  station  qui  avait  été  brûlée  ;  au  retour 
l'explorateur  la  trouva  derechef  incendiée  à  la  suite  d'hostilités  nou- 
velles entre  M.  Brunfaut  et  le  chef  de  la  contrée,  Ibaka. 

C'est  la  station  de  l'Equateur  qui  a  servi  de  base  d'opération  au  voyage 
en  amont  jusqu'aux  chutes  de  Stanley,  accompli  en  compagnie  de  Roger 
et  de  68  hommes,  répartis  sur  les  trois  vapeurs,  VEn  mxirdy  le  Bayais  et 


—  131  — 

VA8$ociation  internationale  africaine^  plus  une  baleinière.  Chemin  fai- 
sant Stanley  conclut  des  traités  avec  les  chefe  d'Ouranga  sur  la  rive 
gauche,  à  Tembouchure  du  Loulemgou,  de  Bangala,  sur  la  rive  droite, 
de  Roubounga  et  d'Oupoto,  deux  localités  situées  vis-à-vis  Tune  de 
l'autre,  sur  les  deux  rives  du  fleuve.  Le  15  novembre  il  se  perd  dans  les 
méandres  du  Congo,  et  au  bout  de  quelques  heures  de  navigation,  s'aper- 
çoit qu'il  remonte  un  des  affluents  de  droite  (vraisemblablement  Tltoum- 
biri);  il  le  redescend  bien  vite  et  poursuit  sa  route.  Le  15  novembre,  sa 
flottille  arrivait  à  Tembouchure  de  TÂrouonimi,  et  jetait  Tancre  sur  la 
rive  droite  de  ce  tributaire,  en  face  des  villages,  qui,  en  1877,  lancèrent 
contre  lui  tant  de  canots  de  guerre.  Cette  fois  encore  les  gros  tambours 
résonnent,  les  rives  se  couvrent  de  gens  en  armes,  mais  deux  canots  seu- 
lement s'avancent  et  demeurent  en  observation.  Après  une  heure 
d'attente  Stanley  lance  ses  steamers  à  toute  vapeur,  en  serrant  la  rive, 
et  passe  devant  les  villages  dont  les  habitants  sont  stupéfaits  du  bruit 
de  la  vapeur,  de  l'agitation  des  roues,  de  la  rapidité  de  la  course.  Us 
eatrent  en  négociations  et  cherchent  à  détourner  l'explorateur  de  l'idée 
de  faire  une  reconnaissance  de  l'Arououimi.  Stanley  persiste  dans  son 
projet,  et  remonte  la  rivière,  sans  rencontrer  des  dispositions  hostiles 
chez  les  populations  riveraines.  Arrivé  au  village  de  Yambounga  près 
duquel  se  trouvent  des  rapides,  il  redescend  l'Arououimi  et  en  regagne 
l'embouchure  dans  le  Congo  ;  cette  excursion  lui  avait  pris  cinq  jours.  Il 
est  infiniment  regrettable  que  l'extrait  de  son  journal  soit  si  succinct,  sur 
ce  point  siulout,  car,  à  part  l'indication  des  noms  de  Berré  et  d'Ouerré 
donnés  à  la  rivière  dans  certaines  parties  de  son  cours,  d'oii  Stanley 
concJut  que  c'est  évidemment  l'Ouellé  de  Schweinfurth,  nous  n'appre- 
nons rien  sur  l'Arououimi,  sur  sa  direction,  sa  largeur  moyenne,  sa 
vitesse,  la  couleur  de  ses  eaux,  ses  affluents  de  droite  ou  de  gauche, 
éléments  importants  pour  la  solution  du  problème  si  catégoriquement 
tranché  par  l'explorateur  (p.  141).  Le  seul  fait  caractéristique  extrait  du 
journal,  c'est  que  les  Arabes  du  Soudan  s'avancent  jusqu'ici,  et  vendent 
des  perles  aux  habitants  des  villages  de  l'Arououimi.  Ce  sont  vraisem- 
blablement les  mêmes  Arabes,  —  et  non  ceux  de  Nyangoué,  comme 
nous  l'avons  pensé  précédemment,  —  qui  apportent  des  perles  aux  rive- 
rains du  lac  Key-el-Aby,  découvert  par  Safal-Aga. 

En  continuant  à  remonter  le  Congo,  Stanley  rencontre  une  flottille 
immense  composée  de  plus  de  mille  canots,  qui  passent  au  large,  sans 
aucune  démonstration  hostile.  Mais  en  arrivant  devant  les  villages  Ma- 
Wembé,  le  long  de  la  rive  droite,  il  constate  une  horrible  scène  de  dévas- 


—  132  — 

tatioD  et  d'incendie;  les  palmiers  et  les  bananiers  sont  rôtis  par  le  feu; 
la  population  anxieuse  est  massée  sur  la  rive.  Une  troupe  armée  a  attar 
que  les  villages  pendant  la  nuit;  les  guerriers  qui  ont  tenté  de  résister 
ont  eu  la  tête  tranchée,  des  femmes  et  des  enfants  ont  été  emmenés  en 
esclavage,  et  ceux  qui  peuvent  émigrer  vers  Touest,  se  jettent  dans  des 
canots  pour  descendre  le  fleuve.  Le  lendemain  Stanley  aperçoit  au  bord 
de  Peau  le  camp  des  chasseurs  d'hommes,  auteurs  du  ravage  des  villa- 
ges Ma- Wembé.  n  remonte  encore  jusqu'aux  chutes  qui  portent  son  nom, 
et  fonde,  à  quelques  kilomètres  en  aval  de  la  première,  une  dernière  sta- 
tion, dans  Tîle  de  Wana-Rousani,  peuplée  d'environ  1500  âmes,  salubre, 
abondant  en  vivres  et  d'un  accès  facile.  Après  avoir  pourvu  de  vivres 
pour  une  année,  la  station  gardée  par  30  noirs,  Zanzibarites  et  Haoussas, 
et  envoyé  un  message  à  M.  Storms  à  Karéma,  Stanley  redescend  le 
fleuve,  et,  à  chaque  station,  scelle  par  l'alliance  du  sang  les  traités  conclus 
avec  les  chefs  indigènes. 

Quoique  les  extraits  du  journal  ne  renferment  aucune  indication  sur 
la  teneur  de  ces  traités,  nous  pouvons  nous  en  représenter  les  condi- 
tions, vraisemblablement  les  mêmes  que  celles  des  contrats  passés  avec 
les  chefs  des  bords  du  QuiUou. 

Peut-être  renferment-ils  quelques  traits  nouveaux  ;  au  moins  voyons- 
nous  dans  la  communication  que  M.  Sanford,  membre  de  la  Commission 
executive  de  l'Association  internationale  africaine,  a  faite  au  Président 
des  États-Unis  d'Amérique,  que  l'Association  internationale  du  Congo  a 
obtenu,  par  les  traités,  des  territoh'es  pour  y  créer  des  États»  Libres  f 
qu'elle  a  adopté,  pour  elle-même  et  pour  ces  États  Libres,  le  drapeau 
de  TAssociation  internationale  africaine,  étoile  d'or  sur  fond  bleu; 
qu'elle  a  décidé,  ainsi  que  les  dits  États,  de  ne  prélever  aucun  droit  de 
douane  sur  les  marchandises  ou  articles  importés  dans  ces  territoires,  ou 
apportés  par  la  route  construite  le  long  de?  cataractes  du  Congo,  et  cela, 
en  vue  de  permettre  au  commerce  de  pénétrer  dans  l'Afrique  équato- 
riale.  Ils  garantissent  aux  étrangers  qui  s'établissent  sur  leur  territoire 
le  droit  d'acheter,  de  vendre,  de  louer  des  terres  ou  des  bâtiments,  d'éta- 
blir des  maisons  de  commerce,  et  d'y  trafiquer,  à  la  seule  condition 
d'obéir  aux  lois.  Ils  s'engagent  en  outre  à  n'accorder  aux  citoyens  d'une 
nation  aucun  avantage  sans  l'étendre  immédiatement  aux  citoyens  de 
toutes  les  autres,  et  à  faire  tout  ce  qui  sera  en  leur  pouvoir  pour  empê- 
cher la  traite.  C'est  sur  cette  déclaration  que  le  sénat  des  États-Unis  a 
reconnu  le  drapeau  de  l'Association  internationale  du  Congo  comme 
drapeau  d'un  gouvernement  ami. 


--  133  — 

Dès  lors  des  démarches  ont  été  faites  auprès  d'autres  gouvernements, 
pour  les  amener  à  imiter  l'exemple  des  États-Unis.  Mais  la  Norddent- 
sche  AUgemeine  Zeitung  a  fait  remarquer  à  cette  occasion  que,  jusqu'à 
présent,  on  ignore  ce  qu'est  ou  qui  est  l'Association  internationale  afri- 
caine, a  Elle  a,  dit  ce  journal,  un  président  honoraire  et  un  secrétaire 
général,  mais  ses  statuts  n'ont  point  été  publiés,  et  l'on  ne  sait  pas  si 
elle  possède  des  droits  de  corporation.  Elle  a  de  nombreux  organes, 
mais  on  ne  sait  pas  qui  est  l'Association  aux  yeux  de  la  loi,  et  qui  a  le 
pouvoir  de  disposer  ultérieurement  de  ces  territoû'es?  Même  en  Amérique, 
on  désire  avoir  plus  de  lumière  à  cet  égard.  L'envoi  à  la  côte  occidentale 
d'Afrique  du  D' Nachtigal,  membre,  lui  aussi,  de  la  Commission  execu- 
tive de  l'Association  internationale  africaine  primitive,  et  l'appui  donné, 
par  le  gouvernement  allemand,  aux  protestations  des  Chambres  de  com- 
merce de  Hambourg,  de  Brème  et  de  Francfort  sur  le  Mein,  contre  le 
traité  anglo-portugais  relatif  au  Congo,  font  pressentir  que  l'opposition 
de  l'Allemagne  à  ce  traité  sera  au  moins  aussi  vive  que  celle  qu'il  a  sou- 
levée d'emblée  en  Angleterre,  au  Portugal  et  en  Hollande. 

Quoique  le  Parlçment  anglais  ne  s'en  soit  pas  encore  occupé,  le  gou- 
vernement portugais  a  cru  pouvoir  déclarer  aux  Certes,  dans  la  séance 
du  9  mai,  qu'il  se  considérait  dès  à  présent  comme  tenu  de  pourvoir  à 
l'occupation  des  territoires  visés  par  le  traité.  Un  projet  de  loi  dû  à 
l'initiative  parlementaire  de  M.  Luciano  Cordeiro,  secrétaire  général  de 
la  Société  de  géographie  de  Lisbonne,  propose  de  constituer  une  province 
du  Congo,  ayant  pour  chef-lieu  Cabinda,  et  pour  centres  secondaires 
Landana,  Banana,  Ponta  de  Lenha,  Boma  et  Noki.  Cette  déclaration 
prématurée  ne  nous  paraît  pas  de  nature  à  faciliter  le  règlement  de  ce 
qu'on  est  convenu  d'appeler  la  question  du  Congo. 

Sans  faire  autant  de  bruit,  l'expédition  de  Brazza  suit  son  cours 
régulier,  étudie  le  pays,  fonde  des  stations  et  des  postes  qui  relient 
TAtlantique  au  Congo  par  l'Ogôoué  et  l'Alima.  Le  D' Ballay  a  reconnu 
le  cours  complet  de  cette  dernière  rivière;  le  bassin  duNconi,  important 
a£9uent  de  l'Ogôoué,  a  été  exploré  par  M.  de  Lastour,  en  vue  d'une 
route  à  y  ouvrir;  MM.  Thollon,  Jacques  de  Brazza  et  Pecile  ont  fait  des 
eoUections  d'histoire  naturelle,  de  dessins  et  de  photographies,  et  des 
observations  météorologiques,  sans  négliger  l'étude  des  langues  et  dia- 
lectes des  tribus  de  cette  région.  De  Brazzaville,  où  Savorgnan  de 
Brazza  se  trouve  maintenant,  il  a  fait  de  fréquentes  excursions  sur  le 
Congo  et  dans  l'intérieur  des  terres,  à  la  recherche  d'une  route  encore 
plus  directe  que  celle  de  l'Ogôoué  et  de  l'Alima,  entre  le  Congo  et  les 


' 


—  134  — 

possessions  françaises  de  la  côte  du  Gabon.  Le  nombre  des  stations  entre 
le  cap  Lopez  et  Brazzaville  s'élève  à  22,  et  la  mission  compte  en  créer 
encore  dix  autres.  Le  levé  de  TOgôoué  est  terminé,  ainsi  que  celui  de  la 
partie  du  pays  qui  s'étend  entre  ce  fleuve  et  l'Alima.  Aujourd'hui  le 
gouvernement  français  correspond  avec  l'Association  internationale  du 
Congo,  pour  régler  les  relations  réciproques  de  la  mission  de  Brazza  et 
de  l'entreprise  dirigée  par  Stanley,  à  laquelle  la  France  a  promis  de 
n'apporter  aucun  obstacle,  en  même  temps  qu'elle  a  pris  l'engagement 
de  respecter  les  territoires  de  l'Association.  Tout  permet  donc  d'espérer 
que  ce  règlement  se  fera  à  l'amiable.  Puisse-t-il  en  être  de  même  de  la 
question  générale  de  la  navigation  du  Congo  ! 

NOUVEIiLES  COMPLÉMENTAIRES 

La  mission  topographique  de  Tunisie  est  rentrée  en  France,  après  avoir  achevé 
le  levé  du  territoire  situé  au  sud  du  parallèle  de  Sfax,  et  comprenant  les  chotts 
Fedjed,  Djerid  et  Bharsa,  jusqu'à  la  frontière  de  l'Algérie.  Commencés  il  y  a  trois 
ans,  les  travaux  nécessaires  à  l'établissement  de  la  carte  de  la  Régence,  se' trou- 
vent  terminés. 

La  question  de  la  mer  intérieure  des  chotts  de  Tunisie  n'est  pas  complètement 
abandonnée  par  le  gouvernement  français.  Le  président  du  Conseil  des  ministres, 
M.  Jules  Ferry,  a  promis  à  M.  de  Lesseps  que  la  commission  nommée  pour  l'exa- 
miner en  sera  saisie  de  nouveau.  M.  de  Lesseps  espère  que  le  gouvernement  ne 
refusera  pas  son  autorisation  à  M.  Roudaire,  qui  ne  demande  ni  concession  ni 
garantie  d'intérêt. 

D'après  le  Bulletin  de  la  Société  italienne  de  géographie,  M.  Maurizio  Buonfanti 
a  traversé  l'Afrique,  de  Tripoli  au  golfe  de  Guinée,  par  le  Fezzan,  le  Bornou,  Tom- 
bouctou  et  le  Dahomey.  Nous  reviendrons  sur  cet  important  voyage  qui  s'est 
accompli  sans  bruit. 

M.  G.  Revoil,  obligé  de  renoncer  à  son  expédition  sur  le  Djouba  supérieur,  s'est 
rendu  à  Zanzibar,  d'où  il  revient  en  France. 

M.  le  capitaine  Gissing  a  été  nommé  vice-consul  anglais  à  Mombas,  où  les  vapeurs 
d'Aden  à  Zanzibar  toucheront  chaque  quinzaine.  Les  missionnaires  de  Frere-Town 
craignent  qu'il  n'en  résulte  une  forte  importation  de  spiritueux  dans  cette  partie 
de  la  côte.  Le  vice-consul  a  promis  de  faire  son  possible  pour  l'empêcher. 

D'après  un  rapport  de  sir  John  Kirk,  de  Zanzibar,  M.  Hore  a  été  frappé  d'une 
attaque  de  paralysie^  qui  l'a  empêché  de  terminer  la  reconstruction  du  steamer  du 
Tanganyika.  On  espère  qu'il  pourra  bientôt  la  reprendre,  les  effets  de  telles  atta- 
ques, assez  fréquentes  dans  ces  parages,  n'étant  d'ordinaire  que  temporaires. 

Un  traité  d'alliance  et  d'amitié  a  été  conclu  entre  le  chef  ba-rolong,  Sepinare 
Moroko,  et  le  Président  de  l'État  libre  du  fleuve  Orange. 


^il~ 


—  13Ô  — 

Un  petit  vapear  de  12"*  de  long,  2'^,50  de  large,  et  d'une  vitesse  de  15  kilom.  à 
rhenre,  a  été  lancé  sur  le  Yaal,  près  de  Potchefstroom. 

Il  s'est  fondé  récemment  à  Berlin  une  société  d'exportation  allemande  qui  se 
propose  de  fonder  des  comptoirs  sur  la  côte  orientale  d'Afrique.  M.  le  comte  de 
Pfeil,  qui  y  a  fait  dernièrement  un  voyage,  estime  que  c'est  la  côte  entre  Zanzibar 
et  Mozambique  qui  se  prêterait  le  mieux  aux  établissements  projetés. 

Le  roi  de  Portugal  a  approuvé  l'acte  de  société  de  la  Compagnie  qui  se  charge 
de  la  construction  du  chemin  de  fer  de  la  baie  de  Delagoa  à  la  frontière  du  Trans- 
vaal.  De  là,  un  syndicat  hollandais  prolongera  la  ligne  jusqu'à  Pretoria. 

U Export  a  reçu  de  Lisbonne  une  dépêche  l'informant  que  le  but  du  voyage  du 
D"*  Nachtigal  à  la  côte  occidentale  d'Afrique  est  d'arborer  le  drapeau  de  l'Empire 
allema.nd  à  Angra  Pequena. 

Le  D'  Hôpfner,  qui  a  déjà  fait  l'année  dernière  une  exploration  du  bassin  du 
Cunéaé  et  du  Damaraland  au  point  de  vue  des  gisements  miniers,  se  propose  de 
visiter,  en  compagnie  d'un  jeune  naturaliste  allemand,  l'Ovampo,  et  de  pénétrer 
par  là  dans  l'Afrique  équatoriale.  Un  membre  de  la  Société  de  géographie  de  Brème 
lai  a  donné  de  bons  instruments  d'astronomie  ;  en  retour,  il  enverra  à  cette  Société 
des  rapports  et  les  cartes  qu'il  dressera. 

Les  missionnaires  américains  de  Baïlounda  ont  obtenu  du  roi  du  Bihé  Pautori- 
sation  de  créer  une  station  à  Komondongo,  à  quelque  distance  de  sa  capitale. 

Lie  lieutenant  Wissmann  a  communiqué  à  la  Société  de  géographie  de  Berlin 
que  le  Mouata-Yamvo  a  été  assassiné  à  l'instigation  de  la  Loukokécha,sacorégente. 

La  mort  du  D*"  Pogge  à  Loanda  ne  privera  pas  la  Société  africaine  allemande 
des  résultats  de  son  exploration  dans  le  bassin  méridional  du  Congo.  Son  journal 
est  parvenu  à  Berlin;  nous  aurons  sans  doute  à  y  revenir  dans  un  prochain  numéro. 

Le  D*"  Zintgraff,  parti  avec  le  D'  J.  Chavanne  pour  le  Congo,  a  emporté  avec  lui* 
im  phonographe,  afin  de  axer  le  langage  et  les  mélodies  des  tribus  inconnues  jus- 
qa'ici.  Les  plaques  employées  en  Afrique  seront  expédiées  à  Berlin,  où  on  leur  fera 
reproduire  les  sons  qu'elles  auront  reçus. 

Le  David  WiHianisan,  destiné  à  la  mission  du  Vieux  Calabar,  est  parti  pour  sa 
destination.  Les  stations  étant  à  plus  de  100  kilom.  de  la  côte,  il  sera  d'une  grande 
utilité  pour  les  établissements  missionnaires  actuels. 

A  l'instigation  de  M.  Noirot,  des  plantations  d'eucalyptus  ont  été  faites  à  Kayes 
et  à  Bamakou,  où  elles  contribueront  à  l'assainissement  de  ces  postes. 

Le  personnel  du  bureau  du  haut  Sénégal  construit  un  modèle  d'embarcation  à 
voiles,  à  fond  plat  destiné  à  la  navigation  sur  le  Niger.  Plus  tard  des  ouvriers 
spéciaux,  seront  envoyés  à  Bamakou,  pour  en  construire  sur  place  afin  d'éviter  le 
difficile  transport  à  dos  de  mulets  de  bateaux  démontables. 

Le  câble  télégraphique  qui  doit  relier  le  Sénégal  à  Ténériffe  et  à  l'Europe  aura 
son  point  d'atterrissement  à  Dakar  et  non  à  Saint-Louis. 

Le  ministre  de  France  à  Tanger,  M.  Ordega,  négocie  avec  le  isultan  du  Maroc 
au  sajet  d'une  rectification  de  la  frontière  du  Sud-Oranais,  pour  mettre  fin  aux 
incursions  dés  pillards  marocains  sur  territoire  algérien. 


' 


—  136  — 

M.  de  Foucauld  a  fait  récemment,  en  compagnie  du  célèbre  rabbin  Mardochée, 
un  voyage  de  Fez  au  Wadi-Draa,  par  le  Wadî-el-Abid  et  le  Grand  Atlas.  Son 
itinéraire  sur  le  versant  méridional  de  l'Atlas  permettra  de  rectifier  les  erreurs 
des  cartes  antérieures,  dressées  sur  de  simples  renseignements,  la  partie  qu'il  a 
parcourue  n'ayant  été  visitée  avant  lui  par  aucun  Européen. 


LA  PROVINCE  ÉGYPTIENNE  DU  BAHR-EL-6HAZAL 

• 

Quoique  rattention  publique  se  porte  presque  exclusivement  sur  la 
partie  centrale  du  Soudan  égyptien,  sur  Khartoum  et  les  voies  qui  y 
conduisent  d'Assouan  et  de  Dongola,  la  partie  méridionale  connue  sous 
le  nom  de  Provinces  de  TÉquateur  et  du  Bahr-el-Ghazal,  n^en  est  pas 
moins  digne  dUntérêt.  D'autant  plus  que,  sous  Tadministration  de  gou- 
verneurs européens,  Emin-bey,  pour  le  territoire  à  Test  du  Nil-Blanc, 
et  Lupton-bey,  préposé  à  la  province  du  Bahr-el-Ghazal,  ce  pays  a  pu 
jusqu'ici  résister  aux  bandes  envahissantes  du  Mahdi,  et  continuer  à 
réaliser  les  progrès  inaugurés  par  Baker,  Gordon  et  Gessi.  Abandonnées 
par  le  gouvernement  égyptien,  ces  provinces  feront  vraisemblablement 
retour  à  la  barbarie  à  laquelle  elles  avaient  été  récemment  arrachées, 
et  la  porte  du  nord  se  fermera  sans  doute  pour  un  temps,  devant  ceux  qui 
tenteraient  d'y  rentrer  pour  les  explorer  et  les  civiliser.  Au  moins  devons- 
nous  profiter  du  moment  actuel,  pour  faire  connaître  à  nos  lecteurs  ce  que 
nous  apprennent  de  ce  pays  ceux  qui  y  sont  encore  aujourd'hui,  nous 
nous  bornerons  à  la  province  du  Bahr-el-Ghazal,  et  aux  dernières  explo- 
rations de  Lupton-bey  dans  la  partie  occidentale  de  ce  territoire,  d'après 
les  renseignements  communiqués  à  la  Société  de  géographie  de  Londres 
et  publiés  dans  les  Proceedings  de  cette  Société. 

Laprovince  duBahr-el-Ghazal  est  située  entre  Ies6'',30et9'',30  latitude 
nord,  et  les  22'', 40  et  28^,40  longitude  est  de  Paris.  Bornée  au  nord  par 
le  Bahr-el-Arab,  elle  s'étend  vers  le  sud  jusqu'à  quelques  journées  de 
marche  du  Congo.  Ce  qui  la  caractérise  ce  sont  les  vastes  plaines  ou 
steppes  et  les  épaisses  forêts  qui  couvrent  des  centaines  de  kilomètres 
carrés.  Tout  ce  territoire  est  drainé  par  de  nombreux  cours  d'eau  et 
rivières,  affluents  du  Bahr-el-Ghazal,  qui,  à  l'époque  des  pluies,  en  trans- 
forment la  plus  grande  partie  en  une  immense  nappe,  si  bien  qu'il  est 
difficile  de  trouver  un  coin  de  terre  sèche  pour  y  dresser  son  camp. 

Avant  1878,  il  était  tout  entier  entre  les  mains  des  chasseurs  d'escla- 
ves, dont  Gessi-pacha  brisa  le  pouvoir  après  de  sanglants  combats.  Puis 
il  établit  un  gouvernement  juste  et  bon,  rendit  la  confiance  aux  indi- 


—  137  — 

gèn^  et  encouragea  un  commerce  légitime*  Pendant  ce  temps  Lupton 
travaillait  avec  Emin-bey  à  Texploration  du  pays  des  Bari,  des  Latouka 
et  des  Chouli.  A  la  mort  de  Gessi,  en  1881,  il  fut  nommé  gouverneur  de 
la  province  du  Bahr-el-Ghazal^  et  s'efforça  de  marcher  sur  les  traces  de 
son  prédécesseur. 

Pour  maintenir  ce  territoire  dans  la  dépendance  de  TÉgypte,  il  a  eu 
six  compagnies  de  troupes  régulières  et  quatre  de  bachibozouks,  gardant 
généralement  les  stations  et  veillant  sur  les  affaires  locales.  Mais  la 
grande  force  du  gouvernement  résidait  dans  les  Besingers,  esclaves 
armés,  auparavant  au  service  des  chasseurs  d'esclaves.  Armés  de  fusils  à 
deux  coups,  ils  sont  bons  tireurs,  soldats  fidèles,  et  coûtent  peu  :  quel- 
ques poignées  de  grain  leur  suffisent  pour  la  marche  ;  Tuniforme  leur 
parait  un  article  superflu  ;  la  plupart  d'entre  eux  sont  recrutés  du  pays 
des  Niam-Niam  ;  en  réalité  ce  sont  eux  qui  font  tous  les  travaux  pénibles. 
Quant  au  commerce,  les  principaux  objets  sont  Tivoire,  le  caoutchouc, 
la  gomme,  le  tamarin,  qui  abondent,  mais  couvrent  à  peine  les  frais  de 
transport.  Le  pays  pourrait  produire  du  coton  de  quoi  fournir  le  monde 
entier.  Il  y  a  aussi  abondance  de  bon  bois,  que  Ton  envoie  à  Khartoum 
pour  la  construction  de  bâtiments,  et  pour  celle  des  barques  du  Nil. 

Au  début,  le  commerce  avec  les  natifis  était  très  difficile.  Ils  avaient 
été  traités  avec  tant  de  cruauté,  qu'ils  regardaient  avec  défiance  tout 
étranger  arrivant  dans  leur  pays,  et  envoyaient  régulièrement  leurs 
femmes  et  leurs  biens  dans  les  montagnes,  dès  qu'ils  entendaient  parler 
de  la  venue  d'une  troupe  de  trafiquants.  Mais  peu  à  peu  la  confiance  est 
rentrée  dans  leurs  cœurs,  et  l'on  pouvait  espérer  qu'au  bout  de  quelques 
années  toute  cette  région  serait  ouverte  à  un  commerce  honnête. 

Si  le  climat  est  malsain  pendant  la  saison  pluvieuse  qui  dure  cinq 
mois,  et  près  des  rivières  où  les  ndigènes  seuls  échappent  à  la  fièvre 
intermittente,  en  revanche,  pendant  la  saison  sèche,  il  est  salubre,  et 
s'améliore  à  mesure  qu'on  s'éloigne  des  rivières,  aussi  Lupton  croit-il 
que  la  plupart  des  Européens  pourraient  s'y  acclimater,  à  la  condition 
d'avoir  une  vie  active,  de  porter  de  la  flanelle,  de  s'abstenir  de  spiri- 
tueux et  de  vivre  des  produits  du  pays. 

Les  principales  tribus  qui  habitent  cette  vaste  région  sont  les  Bongo, 
les  Denka,  les  Golo  et  les  Djour.  Les  Bongo  habitent  le  pays  situé  entre 
les  6''  et  S^^y  dans  la  partie  S.-O.  du  bassin  du  Bahr-el-6hazal.  D'un 
caractère  doux,  ils  devinrent  facilement  la  proie  des  gens  de  Khartoum, 
qui,  depuis  1856,  année  oh  ils  s'établirent  dans  la  contrée,  en  emmenè- 
rent des  esclaves  par  milliers.  Ils  n'eurent  pas  l'idée  de  s'unir,  mais 


I' 


—  138  — 

permirent  aux  soldats  nubiens  de  s'emparer  successivement  de  chacun 
de  leurs  villages,  jusqu'à  ce  que  tous  fussent  réduits  à  une  sorte  de  vas- 
selage.  Le  résultat  de  ce  système  fut  qu'en  peu  d'années,  de  grands  dis- 
tricts, naguère  peuplés,  devinrent  à  peu  près  déserts;  aujourd'hui  le 
nombre  des  habitants  ne  dépasse  pas  100,000  âmes.  Leur  couleur  est 
d'un  brun-rouge,  comme  celle  du  sol  sur  lequel  ils  vivent.  Les  hommes 
seuls  croient  devoir  se  vêtir.  Us  ne  se  livrent  qu'occasionnellement  à  la 
chasse  et  à  la  pêche,  et  se  nourrissent  des  produits  de  leur  sol. 

Le  territoire  des  Denka,  au  N.-E.  de  celui  des  Bongo,  a  été  décrit 
d'une  manière  détaillée  par  Schweinfiirth.  Ds  appartiennent  aux  tribus 
les  plus  noires,  sont  généralement  propres,  et  s'occupent  surtout  de 
l'élève  du  bétail  ;  ils  possèdent  d'immenses  troupeaux.  D'un  caractère 
belliqueux,  ils  ont  pour  arme  principale  la  lance.  En  opposition  aux 
Bongo,  les  hommes,  chez  les  Denka,  ne  portent  aucun  vêtement.  Les 
Djour  habitent  entre  les  Bongo  et  les  Denka,  un  petit  territoire  peu 
peuplé.  Us  sont  connus  surtout  pour  leur  habileté  à  travaiUer  le  fer. 

Lupton  a  relevé  les  principales  rivières  de  sa  province  :  le  Djour,  le 
Biri,  le  Eourou,  le  Pango,  etc.,  qu'il  a  trouvés  navigables  pendant  six 
mois  de  l'ann^,  pour  des  bateaux  ne  lirant  pas  plus  de  cinq  pieds  d'eau. 
Ce  serait,  pour  les  transports,  une  grande  ressource,  qui  permettrait  d'al- 
léger le  fardeau  des  nègres,  et  de  conserver  beaucoup  de  vies  sacrifiées 
dans  les  longs  voyages  par  terre.  Dans  un  pays  en  partie  désert,  il  est 
impossible  de  transporter  l'ivoire  à  de  grandes  distances,  sans  souffrir 
beaucoup  de  fatigue,  de  faim  et  de  soif,  et  sans  perdre  un  grand  nom- 
bre d'hommes.  L'eau  et  les  provisions  sont  rares  ;  les  bêtes  de  somme 
font  défaut  ;  les  chevaux,  les  mulets,  les  ânes,  les  chameaux  ne  vivent 
pas  plus  d'une  année  dans  ce  pays,  et  le  bétail  des  Denka  n'est  pas 
assez  fort  pour  être  employé  au  transport  des  colis.  Lupton  a  fait  un 
essai  avec  les  bœufs  des  Baggara,  mais  ils  sont  morts  au  bout  de  peu  de 
temps  ;  ils  peuvent  vivre  encore  assez  bien  dans  les  districts  de  pâtura- 
ges des  Denka,  mais,  dès  qu'ils  arrivent  dans  les  stations  un  peu  élevées, 
c'en  est  fait  d'eux. 

Lupton  avait  une  provision  de  2500  quintaux  d'ivoire  et  de  300  quin- 
taux de  caoutchouc  ;  mais,  pour  l'envoyer  à  Meshra-el-Rek,  station  où 
s'arrêtait  le  service  des  vapeurs  de  Khartoum  au  Bahr-el-Ghazal,  il  lui 
aurait  fallu  8500  porteurs,  sans  compter  les  soldats  qui  auraient  dû 
accompagner  ceux-ci.  Et  comment  entretenir  tout  ce  monde  ?  U  espérait 
que  le  gouvernement  égyptien  lui  aurait  fourni  un  petit  vapeur,  pouvant 
remonter  jusque  près  de  Dem-Ziber  (ou  Dem-Suleiman)  ;  c'eût  été,  pour 
le  fisc,  un  revenu  de  100,000  livres  sterl. 


—  139  — 

Le  pays  abonde  eiLgibier  de  toute  espèce  :  rhinocéros,  girafes,  antilo- 
pes, hippopotames,  buffles,  lions,  éléphants.  Chaque  année,  dit  Lupton, 
on  tue  de  5  à  6000  éléphants,  et  cependant  il  y  en  a  toujours  des  multi- 
tudes. D  a  essayé  d'en  prendre  de  jeunes  pour  les  élever,  mais  chaque 
fois  ils  sont  morts. 

A  l'époque  oii  il  écrivait,  au  commencement  de  novembre  de  Tannée 
dernière,  il  était  retenu  à  Djour^Ghattas  par  une  révolte  des  Denka  qui, 
avec  les  Nouer  et  les  Mandala,  mélangés  aux  Arabes,  s'étaient  joints 
aux  partisans  du  Mahdi.  H  avait  dû  leur  livrer  vingt  combats.  Les 
Denka  en  particulier  lui  avaient  tué  beaucoup  d'hommes,  entre  autres 
RafaI,  un  de  ses  meilleurs  officiers,  dans  une  bataille  oii  celui-ci  s'était 
emparé  d'un  drapeau  donné  par  le  Mahdi  au  chef  Ballal-Nagour. 

Les  tribus  nègres  Bongo,  Golo,  Niam-Niam  étaient  tranquilles  et 
heureuses.  En  revanche,  les  Djour,  voisins  des  Denka,  avaient  vu 
ceux-ci  leur  brûler  leurs  récoltes  avant  qu'elles  fussent  coupées,  et 
avaient  été  menacés  de  la  disette. 

Nos  lecteurs  se  rappellent  que  c'est  sous  les  coups  d'assassins  Denka 
qu'est  tombé  l'explorateur  Schuver,  lorsqu'il  voulut  s'avancer  de  Meshra- 
el-Rek  à  Djour-Ghattas.  Lupton  envoya  un  de  ses  officiers,  Suttie- 
Effendi,  contre  le  village  de  Rek,  appartenant  au  cheik  Eutsch,  où  le 
meurtre  de  Schuver  avait  été  conunis;  le  village  fut  brûlé,  mais  les 
meurtriers  ne  purent  être  pris.  Lupton  espérait  néanmoins  réussir  à 
s'emparer  d'eux.  Il  comptait  ouvrir  une  campagne  contre  les  Denka, 
mais  devait  attendre  pour  cela  la  saison  sèche  ;  en  novembre  tout  le 
pays  était  sous  l'eau,  et  il  n'était  pas  possible  de  songer  à  marcher  con- 
tre l'ennemi.  Après  avoir  châtié  les  gens  de  Bek,  il  se  proposait 
d'attaquer  Mayendout,  le  grand  vakil  du  Mahdi  dans  cette  région. 

La  guerre  empêchait  Lupton  de  continuer  l'exploration  qu'il  avait 
commencée  à  l'ouest  de  sa  province,  dans  le  Dar  Banda,  où  il  a  pénétré 
jusqu'àForo,  par6%50  latitude  nord  et  21  "*  longitude  est  de  Paris.  D  aurait 
beaucoup  aimé  à  pousser  au  S.  0.,  dans  la  direction  de  l'Ouellé,  et  à 
résoudre  le  problème  encore  contesté  de  son  cours  inférieur.  Nous  avons 
exposé  en  détails  les  résultats  acquis  parles  explorations  de  Junker  dans 
la  région  du  cours  supérieur  et  du  cours  moyen  de  cette  rivière,  et  son 
voyage  plus  au  sud  jusqu'au  point  où  il  atteignit  la  Népoko,  affluent  du 
Congo  (!¥"•  année,  p.  107, 140,  et  carte  p.  116;  V"*  année,  p.  74).  Jun- 
ker  a  envoyé,  de  la  résidence  de  Semio,  à  Lupton,  qui  l'avait  invité  a 
venir  le  voir  à  Dem-Ziber,  une  carte  reproduite  par  Lupton  pour  les  Fro- 
ceedings^et  dans  laquelle  se  trouvent  dessinées  la  Nepoko  et  son  affluent^ 


' 


—  140  — 

la  Nava,  se  réunissant  sous  le  V,ib  de  latitude ' nord,  pour  couler  à 
Touest  où  elles  forment  un  grand  lac,  dont  Témissaire  rArououimi  se 
verse  dans  le  Congo.  Nos  lecteurs  se  rappellent  le  lac  Key-el-Aby,  dont 
Lupton-bey  annonça  l'an  dernier  la  découverte,  rapportée  par  un  de  ses 
agents,  Rafaï-Aga,  et  qui  devait  se  trouver  à  quinze  journées  de  mar- 
che de  rOuellé.  D'après  Junker,  le  nom  du  lac  est  Mbwikeyebay. 

Quant  à  l'Ouellé,  si  Lupton-bey  n'a  pu  l'atteindre  lui-même,  il  a  reçu 
d'un  de  ses  agents,  envoyé  aux  stations  que  possède  le  gouvernement 
égyptien  sur  les  bords  de  cette  rivière,  des  renseignements  qui  lui  ont 
permis  d'ajouter  quelque  chose  aux  connaissances  que  nous  ont  appor- 
tées les  explorations  de  Junker.  Celui-ci  n'avait  guère  dépassé  la  limite 
du  24''  longitude  est  de  Paris,  soit  sur  l'Ouellé,  soit  sur  le  Bomokandi. 

Sous  ce  méridien-là,  l'Ouellé  coulait  par  4"  environ  latitude  nord,  et 

« 

d'après  les  renseignements  reçus  par  Jimker,  le  Bomokandi  devait  le 
rejoindre  à  4  ou  5  journées  à  l'ouest,  aussi  sous  le  4°,  par  23'',40  longi- 
tude est  de  Paris. 

De  Foro,  point  extrême  ouest  de  l'exploration  de  Lupton,  celui-ci  a 
envoyé  vers  le  sud-ouest,  à  la  station  de  Barousso,  sur  l'Ouellé,  sous  le 
20 "^  ,40,  un  agent,  qui  a  mis  44  heures  environ  pour  franchir  la  distance  de 
144  kilomètres  entre  ces  deux  localités,  ce  qui,  d'après  les  calculs  de 
Lupton-bey,  placerait  le  cours  de  cette  rivière,  appelée  Kouta  dans  cette 
région,  au  nord  du  5^  De  l'endroit  où  Rafal-Aga  l'avait  traversée,  au 
sud  du  4'',  jusqu'à  Barousso,  elle  décrirait  donc  un  grand  arc  de  cercle 
vers  le  nord,  et  le  nom  de  Kouta  qu'elle  porte  dans  cette  partie  de  son 
cours  nous  ramène  aux  indications  de  Nachtigal  et  de  Barth,  montrant 
l'un,  rOuellé  allant  former  le  Bénoué,  l'autre,  le  Chari.  Les  renseigne- 
ments fournis  par  l'agent  de  Lupton  confirmeraient  aussi  ceux  qu'a  rap- 
portés Potages,  d'après  lequel  l'Ouellé  a  une  direction  occidentale, 
encore  au  delà  du  20 '',40  (v.  II"'  année,  p.  62). 

A  Barousso,  le  Kouta  a  de  3  à  5  kilomètres  de  large;  sur  ses  bords 
sont  plusieurs  stations,  où  les  tribus  du  sud  apportent  de  l'ivoire  que 
Lupton  fait  acheter  pour  le  gouvernement  égyptien.  A  six  jours  en  aval 
de  Barousso,  le  Kouta,  coulant  toujours  à  l'ouest,  reçoit  un  affluent  du 
sud,  le  Noungo.  Entre  ce  tributaire,  le  Kouta  et  le  lac,  au  sud-est,  qui, 
d'après  les  renseignements  des  indigènes,  a  30  kilomètres  de  large  et  50 
de  long,  il  y  a  plusieurs  cours  d'eau  assez  considérables,  dont  les  prind- 
paux  sont  le  Koubi,  qui  se  jette  dans  le  Kouta,  le  Terré ,  dans  le  Roubi, 
et  le  Mombago,  dans  le  Noungo.  Les  tribus  qui  habitent  entre  le  Kouta 
et  le  Noungo,  sont  celles  des  Moubensa  et  des  Moubengué.  D'autres  tri- 


—  141  — 

bus  sont  disséminées  entre  le  Eouta  et  le  Mombago,  ce  sont  les 
Ba-Rboa,  les  Ba-Ganyero,  les  Bou-Mamé,  les  Bou-Poutta,  et  plus  au 
sud-ouest,  les  Ba-Nyambay.  Autour  de  la  station  de  Barousso,  habitent 
les  Banda  et  les  Ingany.  Au  sud  du  Eouta,  le  pays  s'appelle  Rembé- 
ché,  ou  Limbéché. 

Quelque  incomplets  que  soient  encore  ces  renseignements,  ils  sem- 
blent confirmer  les  hypothèses  de  Barth,  de  Schweinfiirth,  de  Junker  et 
de  Casati  sur  TOueDé,  cours  supérieur  du  Chari.  Nous  ne  voyons  pas  la 
possibilité  de  les  accorder  avec  l'annonce  toute  récente  de  Stanley,  dans  la 
publication  de  l'Association  internationale  du  Congo  (p.  130),  reproduite 
dans  le  Motivement  géographique  de  Bruxelles,  et  dans  d'autres  jour- 
naux, d'après  lesquels  le  problème  de  l'Ouellé  aurait  été  résolu  par  lui, 
dans  le  sens  de  l'Arououimi.  «  Nous  arrivons  le  20  novembre,  dit  Stan- 
ley, au  village  de  Yàmbounga,  en  amont  duquel  la  navigation  de 
l'ArouGuimi  est  coupée  par  des  rapides.  Latitude  2°,  13  au  nord  de 
l'équateur.  En  cette  partie  de  son  cours,  l'Arououimi  porte  le  nom  de 
Bi-Yéré;  plus  haut  on  l'appelle  Berré,  puis  Ouerré.  C'est  évidemment 
rOuellé  de  Schweinfiirth.  »  Nous  ne  pensons  pas  que  la  ressemblance  des 
noms  Ouerré  et  Quelle  fournisse  une  preuve  évidente  en  fiiveur  de  l'hy- 
pothèse de  Stanley,  qui  nous  paraît  être  encore  sous  l'influence  de 
l'opinion  émise  lors  de  son  premier  voyage,  en  1877.  Comme  nous  l'avons 
dit  (IV"*  année,  p.  142),  le  mot  Quelle,  dans  la  langue  Niam-Niam, signi- 
fie fleuve,  rivière,  grande  eau,  ce  qui  explique  le  grand  nombre  de  cours 
d'eau  portant  les  noms  de  Querré,  Quelle,  Quille  (v.  la  carte,  IV"*  année> 
p.  116). 

Pour  que  l'Arououimi,  remonté  par  Stanley  jusque  sous  le  2°,  13  lati- 
tude nord  —  il  n'indique  ni  la  direction,  ni  la  longitude  —  Ait  l'Quellé» 
quel  détour  ne  devrait  pas  faire  le  Kouta  de  Lupton,  depuis  le  confluent 
du  Noungo,  situé  par  5""  latitude  nord,  et  environ  20**  longitude  est  de 
Paris?  D'ailleurs,  d'après  Lupton,  plusieurs  cours  d'eau,  affluents  de 
l'Quellé,  ont  une  direction  du  sud-est  au  nord-ouest,  ce  qui  indique 
qu'il  y  a,  à  une  certaine  distance  au  sud  de  l'Quellé,  une  ligne  de  partage 
des  eaux  entre  le  bassin  de  cette  rivièt-e  et  celui  du  Congo.  Le  Bi-Yéré, 
Berré  et  Querré  de  Stanley,  nous  paraît  être  la  grande  rivière  de  Jun- 
ker, fi)rmée  par  la  réunion  de  la  Nepoko  et  de  la  Nava,  coulant  sous 
le  2'',  dans  une  direction  occidentale.  La  ligne  de  faîte  de  Lupton  serait 
la  prolongation  de  celle  qu'a  signalée  Junker  entre  la  Nepoko  et  la  Nava 
au  sud,  et  les  affluents  du  Bomokandi  au  nord. 

Au  reste  nous  ne  serons  plus  bien  longtemps  en  suspens.  Le  D'  Cha- 


—  142  — 

vanne  ou  le  lieutenant  Massari  'ne  s'arrêteront  pas  en  chemin  ;  Us  traver- 
seront la  région  équatoriale,  du  2"*  au  5"*,  et  en  relèveront  l'hydrogra- 
phie et  l'orographie,  de  manière  à  résoudre  définitivement  le  problème 
de  rOueUé.  Quelle  que  soit  cette  solution,  ce  sera  bien  par  la  porte  du 
sud  que,  comme  nous  le  pressentions,  l'exploration  de  l'Afrique  centrale 
au  nord  de  l'équateur,  pourra  poursuivre  ses  progrès.  Puisse-t-elle aussi, 
par  la  solution  à  l'amiable  de  la  question  de  la  navigation  du  Congo,  n'y 
voir  pénétrer  après  elle  qu'une  civilisation  vraiment  pacifique  et  chré- 
tienne. 


BIBLIOGRAPHIE 


Africana  ;  CE  the  Heart  of  heathen  Africa,  by  the  Rev.  DuffMoLC- 
donald.  Aberdeen  (A.  Brown  et  C^),  1882,  2  vol.  in-8"  avec  gravures, 
prix  :  21  sh.  —  L'intérêt  que  les  découvertes  de  Livingstone  éveillèrent 
en  Ecosse,  en  faveur  des  indigènes  de  l'Afrique  centrale,  se  manifesta 
par  un  déploiement  de  zèle  missionnaire  dans  les  deux  grandes  églises 
de  ce  pays,  auxquelles  sont  dues  les  stations  de  Blantyre,  création  de 
l'Église  établie,  et  de  Livingstonia  relevant  de  l'Église  libre.  Quoique 
appartenant  à  des  communautés  différentes,  les  missionnaires  ont  néan- 
moins le  sentiment  qu'ils  travaillent  à  une  œuvre  commune,  et  main- 
tiennent entre  eux  les  rapports  les  plus  fraternels.  M.  Duff  Macdonald, 
un  des  missionnaires  de  Blantyre,  revenu  en  Ecosse,  a  exposé,  dans  ces 
deux  volumes,  le  résultat  de  ses  expériences,  au  service  de  l'œuvre  à 
laquelle  il  avait  été  appelé  à  concourir.  Son  récit  est  de  nature  &  dissi- 
per les  préventions  qui  se  sont  fait  jour  à  l'égard  de  cette  station, 
ensuite  des  conséquences  fâcheuses  auxquelles  les  missionnaires  furent 
entraînés,  par  l'obligation  que  leur  avaient  imposée  les  directeurs  de  la 
Société,  d'agir  envers  ceux  des  indigènes  qui  s'étaient  groupés  autour 
d'eux,  comme  des  magistrats  investis  d'ime  juridiction  civile.  Aujour- 
d'hui les  missionnaires  de  Blantyre  ont  été  déchargés  de  ces  fonctions 
étrangères  à  leur  vocation.  Sans  doute  les  difficultés  que  leur  crée  la 
présence  de  nombreux  esclaves  fugitifs  ne  sont  pas  diminuées  et  leur 
imposent  le  devoir  d'une  grande  prudence  ;  mais  on  est  heureux  de 
savoir  que,  tandis  que  les  croiseurs  européens  s'efforcent  d'arrêter  les 
négriers  le  long  des  côtes  de  l'Afrique  orientale,  il  y  a,  à  l'intérieur,  des 

^  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bàle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  ewilisèe. 


—  143  — 

établissements  qui,  par  eux-mêmes,  sont  un  obstacle  à  la  traite,  en  ce 
sens  que  les  trafiquants  d'esclaves  les  redoutent,  les  évitent,  et  que  les 
malheureux  qui  peuvent  leur  échapper  y  trouvent  un  refuge  assuré. 

Toutefois,  ce  n'est  pas  cela  seulement  que  l'on  rencontre  dans  ces  deux 
volumes,  dont  le  premier  est  entièrement  consacré  à  la  description  de  la 
vie  des  indigènes,  dans  tous  ses  détails.  Le  long  séjour  de  M.  Duff  Mac- 
donald  au  milieu  des  noirs,  son  intelligence  et  sa  perspicacité,  au  service 
d'une  grande  affection  pour  eux,  lui  ont  permis  de  comprendre  leurs 
idées,  leurs  us  et  coutumes,  mieux  que  beaucoup  d'explorateurs,  qui 
n'ont  pas  eu  le  temps  de  pénétrer  assez  avant  dans  leur  intimité  pour 
saisir,  sous  les  apparences  extérieures,  tout  ce  qui  se  cache  de  bien  et  de 
mal  dans  leur  vie  sociale  et  individuelle.  Il  y  a  là  des  misères  sans  nom, 
que  l'auteur  expose,  non  pour  faire  mépriser  ceux  qui  en  sont  accablés, 
mais  au  contraire  pour  presser  les  lecteurs  d'aider  toujours  mieux  à  tou- 
tes les  œuvres  entreprises  en  vue  de  leur  relèvement. 

  l'assaut  des  pats  KÈ6RB8.  Joumal  des  missionnaires  d'Alger  dans 
l'Afrique  équatoriale.  Paris  (Œuvre  des  Écoles  d'Orient),  in-8*,  347  p., 
avec  gravures  et  cartes.  —  L'Afrique  orientale  est,  au  point  de  vue  reli- 
gieux, un  champ  d'activité  où  travaillent  simultanément,  et  quelquefois 
dans  les  mêmes  localités,  des  missionnaires  protestants  et  catholiques. 
A  part  quelques  cas  isolés,  ils  sont  pleins  de  bienveillance  et  de  cordialité 
les  uns  envers  les  autres  et  se  rendent  mutuellement  des  services,  mais 
on  ne  peut  nier  que  les  divergences  de  doctrine  ne  nuisent,  dans  une 
certaine  mesure,  aux  progrès  de  la  mission.  Depuis  quelques  années 
Mgr.  Lavigerie,  a  provoqué  la  création  de  plusieurs  établissements,  soit 
près  de  la  côte,  soit  sur  les  bords  des  grands  lacs.  Les  Missions  catholi- 
ques ont  publié  de  nombreuses  lettres  résumant  les  voyages  et  les  tra- 
vaux des  missionnaires  ;  sous  le  titre  un  peu  belliqueux  indiqué  plus  haut, 
les  Pères  d'Alger  en  ont  raconté  avec  détails  les  premières  étapes  à  tra- 
vers les  forêts  et  les  déserts,  jusqu'au  coeur  du  continent.  L'ouvrage  se 
compose  de  trois  parties  :  la  première  donne  le  récit  de  la  marche  de 
l'expédition  de  1878,  de  Zanzibar  à  Tabora,  où  les  missionnaires  se  parta- 
gent en  deux  groupes  ;  la  deuxième  suit  ceux  qui  se  dirigent  de  Tabora 
vers  le  Victoria-Nyanza  et  s'établissent  chez  Mtésa  ;  la  troisième,  ceux 
qui  continuent  leur  route  vers  le  Tanganyika.  Le  voyage  d'Alger  à 
rOu-Ganda  ne  dura  pas  moins  d'un  an,  deux  mois  et  vingt-cinq  jours, 
ce  qui  donne  une  idée  de  la  lenteur  avec  laquelle  avancent  les  caravanes 
dans  cette  partie  de  l'Afrique  centrale. 


—  144  — 

Les  premières  pages  du  volume  sont  consacrées  à  une  lettre-pré&ce, 
dans  laquelle  Tarchevèque  d'Alger  fait  Thistorique  des  missions  de 
l'Afrique  équatoriale,  et  les  dernières,  à  l'allocution  qu'il  a  prononcée 
lors  du  départ  de  l'expédition.  Le  morceau  qui  traite  du  commerce  des 
esclaves  est  un  plaidoyer  fort  éloquent  et  d'une  grande  élévation  de 
pensées.  Une  carte  donne,  avec  beaucoup  de  détails  nouveaux,  la  route 
suivie  parles  missionnaires. 

Deux  volumes  faisant  suite  à  celui-ci  sont  en  préparation.  L'un  a  pour 
titre  :  A  la  cour  de  Mtésa,  l'autre,  Autour  du  Tanganyika. 

Original-map  of  South  Aprica,  contaixing  all  South  ArmcAN 
Colonies  akd  Native  Territories,  by  Rev.  A.  Merensky.  Berlin. 
(Simon  Schropp'sche  Hof-Landkarten  Handlung),  1884,  1  :  2,500.000, 
4  feuilles;  fr.  16.  —  Inspecteur,  depuis  de  longues  années,  des  missions 
de  Berlin  dans  le  Transvaal,  M.  Merensky  a  pu  dresser,  d'après  de  nom- 
breux documents  oflBciels  ou  privés,  et  d'après  les  résultats  des  voyages 
récents,  une  carte  fort  belle  et  à  grande  échelle  de  la  partie  de  l'Afrique 
australe  qui  s'étend  au  nord  jusqu'à  Mossamédès  et  au  Nyassa.  Les 
montagnes,  en  noir,  sont  indiquées  d'une  manière  assez  légère  pour  ne 
pas  rendre  difficile  la  lecture  des  noms,  et  en  même  temps  assez  forte 
pour  donner  une  idée  exacte  du  relief  du  pays  du  Cap.  Beaucoup  d'indi- 
cations nouvelles  figurent  sur  cette  carte,  entre  autres  plusieurs  locali- 
tés du  Transvaal;  l'orthographe  des  noms  a  été  l'objet  d'une  étude 
attentive.  Toutes  les  routes  et  les  voies  ferrées,  construites  ou  projetées, 
sont  marquées,  ainsi  que  la  ligne  que  suivra,  jusqu'à  la  frontière  du  Trans- 
vaal, le  chemin  de  fer  qui  doit  relier  Lorenzo  Marquez  et  Pretoria.  Les 
limites  des  districts  dans  le  pays  du  Cap  sont  indiquées  au  moyen  de 
traits  de  couleur  ;  l'auteur  a  maintenu  l'ancienne  division  de  la  Républi- 
que du  fleuve  Orange  en  cinq  provinces,  au  lieu  d'adopter  la  nouveUe 
en  quatorze  districts. 

La  carte  de  M.  Merensky  est  la  première  sur  laquelle  nous  voyions 
figurées  par  une  teinte  spéciale,  les  possessions  de  la  maison  LUderitz  de 
Brème,  au  nord  de  l'Orange;  d'autre  part,  il  n'y  est  pas  tenu  compte 
des  derniers  renseignements  fournis  par  l'ingénieur  Andersen  sur  la  Cim- 
bébasie,  la  Hottentotie  et  le  Kalahara  ;  aussi  ne  faut-il  pas  s'étonner 
qu'elle  ne  soit  pas  d'accord  avec  celle  que  nous  avons  donnée  de  ces 
régions  dans  notre  numéro  d'avril  (p.  100). 


ÉCHANGES 


Amsterdam. 

Anvers, 

Berlin. 

Brome. 

Bruxelles. 

Berlin. 


SooiétéB  de  géographie. 

Constantine.  Hambourg.      Lisbonne. 

Douai.  léna. 

Francfort '/M.  Le  Caire. 

Greifswald.  Leipzig. 

Halle.  Lille. 


Lyon. 
Madrid. 
Marseille. 
Montpellier. 


Nancy. 
New-York. 
Oran. 
Paris. 


Sociétés  de  géographie  commerolale. 

Bordeaux.  Paris.  Porto. 

Hissions. 


Rochefort. 
Rome. 
Rouen. 
Vienne. 


Saint-Gall. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XlXm®  Siècle 

(Neuchâlel). 
Journal  de  TUnité  (les  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d*Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon) . 
Missions  -  BUtt  (Barmen) . 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Mie). 

Evangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
(lilwer  Missions -Blatt  (Calw).  . 
AUgemeine  Missions- Zeitschrlft  (Gttters- 

loh). 
Glaubensbote  (Bâle). 
Afirica  (Londres). 
La  Nigrizia  (Vérone). 


Church  missionary  Intelligencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionary  (New- York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Chronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

MontKly  Record  of  the  Free  Church  of 
Scotfand  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

(church  of  Scotland  borna  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  ftecord  of  the  unitea  presby- 
terian  (îhurch  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Woman's  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie): 


Divers. 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  dés  Mines  (Paris). 

Bitlletin  de  l'Association  scientifique  algé 

rienne  (4^lger). 
Bulletin  du  Comice  agricole  (Médéa). 
Bulletin  de  l'Académie  d*Hippone  (Bone). 
Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 
Revue  géographique  internationale  (Paris). 
Le  Mouvement  géographique  (Bruxelles). 
Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 
Deutsche  RuncËchau  fUr  Géographie  und 

Statistik  (Vienne). 
Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 

schaft  in  Deutschland  (Berlin). 
Oeslerreichische    Monatsschrifl  fUr  den 

Orient  (Vienne). 
Zeitschrift  f(lr  wissenschaftliche  Geogra- 
.   phie  (fjahr). 

Ans  allen  Welttheilen  (Leipzig). 
Deutsche  Kolonialzeitung  (Francfort  s/M). 


Chamber  of  Commerce  Journal  (Londres). 

African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Observer  (Monrovia). 

Esploratore  (Milan). 

(kismos  (Turin). 

Boliettino  délia  Societa  africana  d'Italia 
(Naples). 

Esplorazione  (Naples). 

Marina  e  Commercio,  e  Giornale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portnguezas  (Lisbonne). 

Revista  de  Ëstudos  Livres  (Lisbonne). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indépendant  (Constantine). 

Moniteur  de  FAlgérie  (Alger). 

D*"  A.  Petermann's  Mittheilungen  (Gotha) 


Proceedings   of  the  royal   geographical 
Society  and  monthly  ftecord  of  geogra 
phy  (Londres). 

Natal  Mercury  (Durban). 

Cape  Argus  (Cape-Town). 

West  Amcan  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

Pages 

Bulletin  menshel 125 

Nouvelles  complémentaires 1.34 

La  province  égyptienne  0u  Bahr-el-Ghazal 136 

Bibliographie  : 

Africana,  by  the  Rev.  Duff  Macdouald 142 

A  l'assaut  des  pays  nègres , .  143 

Original-Map  of'South  Africa,  by  Rev.  A.  Merensky 144 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Charles  Courret.  A  l'est  et  à  l'ouest  dans  l'Océan  Indien.  Sumatra,  la  Côte  du 
Poivre,  Atjeh,  Zanzibar,  Nossl^Bé,  Mozambique,  Quelimane,  le  Zambèze,  etc.  — 
Paris  (A.  Chevalier-Marescq),  in-12,  374  p.  avec  carte  et  12  dessins.  Fr.  5. 

Association  internationale  du  Congo.  Extraits  du  journal  de  voyage  de  M.  Stanley. 

—  Bruxelles  (impr.  Weissenbruch),  1884,  in-8,  14  p. 

Cougreso  espagnol  de  geografia  colonial  y  mercantil,  celebrado  en  Madrid,  en  los 

dias  4-12  de  noviembre  de  1883.  Actas,  1. 1.  —  Madrid  (impr.  de  Fortanet),  1884, 

in-8,  420  p. 
Carte  de  l'Afrique  équatoriale  entre  le  Congo  et  l'Ogôoué,  dressée  d'après  l'état 

des  dernières  explorations,  par  le  D'  Joseph  Chavanne,  V2000000.  —  Bruxelles 

(Institut  national  de  géographie),  1884.  Fr.  3  50. 
Clasçified  index  to  the  Maps  in  Petermann's  geographische  Mittheilungen.  1855- 

1881,  by  Richard  Bliss.—  Republished  from  the  Bulletin  of  Harvard  University. 

—  Cambridge,  Mass.  (University  Press  ;  John  Wilson  and  Son.)  1884,  in-8,  55  p. 
Opuscules  publiés  par  l'«American  Colonization  Society,»  1881  à  1884,  in-8  :  Win- 

ning  an  Empire  --  The  race  for  Africa  —  Emigration  to  Libéria  —  Information 
about  going  to  Libéria  —  The  continent  of  the  future  —  Ëngland  and  Libéria. 

Die  geographische  Ërforschung  der  Adâl-Lânder  und  Harâr's  in  Ost-Afrika,  von 
D""  Philipp  Paulitschke.  Leipzig  (Paul  Frohberg),  1864,  in-4«,  109  p. 

L'Algérie  romaine,  par  Gustave  Boissière.  Ouvrage  couronné  par  l'Académie  fran- 
çaise, 2~«  édition.  —  Paris  (Hachette  &  C'>),  1883,  2  vol.  in-12.  Fr.  7. 

Voyage  à  Madagascar,  par  J.-L.  Macquarie.  —  Paris  (E.  Dentu),  2«"  édit.,  1H84, 
in-12,  435  p.  avec  gravures.  Fr.  4. 

La  dernière  Egypte,  texte  et  dessins  par  Ludovic  Lepic.  —  Paris  (S.  Charpentier 
à  C°),  1884,  grand  in-8,  315  p.,  fr.  10. 

Le  Portugal  et  la  France  au  Congo,  par  un  ancien  diplomate.  —  Paris  (£.  Dentu), 
1884,  in-8, 70  p.,  Fr.  2  50. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


a 


GENÈVI 

H.     GEOKG,     LIBRAIEE-ÉDITEUR 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

Dimioà  PAR 
H.  enstave  HOYIÎIEB 

Membre  de  la  Commluion  Intenatioiiale  de  Brazelloa  pour  Pexplontlon  et  la  civiUiatioii 

de  TÂfirique  centrale;  membre  correspondant  do  rÂoadémio  d^fflppone, 

et  des  Sociétés  de  géographie  de  Marseille,  de  Nancy,  de  Loanda  et  de  Porto. 

KiDIOÉ  PAS 

H.  Charles  FAUBE 

Secrétaire-Bibliothécaire  de  la  Sooiét«  de  géographie  de  Genève ,  membre  correspondant  des  Sociétés 
de  géographie  de  Liibonne,  de  Loanda.  do  Porto  et  de  Saint-Gall. 


L'Afrique  paraît  le  premier  undi  de  chaque  mois,  par  Hvraisons  in -80  d'an 
moins  20  pages  chacune  ;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire.  t 

Le  prix  de  Fahonnement  annael,  pmjshle  d'a^ranee»  est  de  10  ftenos, 

port  compris,  pour  tous  les  piys  de  TUnion  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  il  fr.  50. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  Si  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  &  un  «ompte  rendn* 


Adresser  tout  ce  qui  concemt  la  rédaction  à  M.  Gnstave  MoTiiiert 
89  rne  de  PAtliénée»  à  OBuèTe  (Suisse). 


S*adre««er  pour  les  abODiiienieiits  à  réditear,  M.  H*  Georg,  4 
OenèTe  on  &  BAle. 

On  s'abonne  aussi  : 

Dans  tous  les  bureaux  de  post^de  la  Suisse. 

Chez  MM.  Ch.  Delagrave,  libraire.  15,  rne  Soufilot,  à  Paris. 

MuQUAHDT,  libraire  le  la  Cour,  45,  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  lijjraires.  Corso  Yittorio  Ëmmanuele^  21,  à  Milan. 

F,-A.  Brogkhaus,  lifraire,  Querstr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Friedericusen  ett.**,  libraires,  Admirai itatsstr,  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelm  Frick,  libr|ire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autriche). 

Trubner  et  C^*,  libraires,  Ludgate  Hill,  57/59.  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


i. 

ATIS.  —  Nous  mettons  à  la  lisposition  de  nos  nouveaux  abonnés,  au  prix  de 
10  fr,  chacun,  un  certain  nombt  â^ exemplaires  complets  de  la  11"*^,  de  la  HT™* 
et  delà  IV"^"^  année.  La  I"  est  huisée. 


—  145  — 

BULLETIN  MENSUEL  (7jidllet  1884)'. 

Nous  avons  annoncé  (p.  101),  le  projet  d'un  voya§^e  de  circam-- 
libation  autour  du  continent  africain,  sous  le  patronage 
de  la  Société  milanaise  d'exploration  commerciale  en  Afrique.  D'après 
la  Perseveranza^  cette  Société  a  attaché  à  l'expédition  M.  Beceapî, 
voyageur  bien  connu  et  auteur  de  précieux  travaux  sur  le  commerce 
africain.  Les  conférences  qu'il  fera  pendant  le  voyage,  et  les  études  qu'il 
pourra  poursuivre  sur  les  lieux  où  touchera  le  navire,  donnent  lieu 
d'espérer  que  le  but  que  s'est  proposé  la  Société  sera  atteint,  et  qu'il  en 
résultera,  pour  tous  ceux  qui  auront  pris  part  à  l'expédition,  une  con- 
naissance exacte  de  l'histoire,  des  us  et  coutumes  ainsi  que  du  conunerce 
de  ces  régions. 

Nous  espérions  pouvoir  donner  dès  aujourd'hui  des  renseignements 
détaillés  sur  la  traversée  de  l'Afrique  par  M.  Buonfanti,  de 
Tripoli  au  golfe  de  Guinée,  par  le  lac  Tchad,  et  le  pays  de  Sokoto.  Mais 
le  manque  de  place  nous  oblige  à  les  ajourner  à  un  prochain  numéro. 
Disons  seulement  ici,  qu'il  a  réussi  à  remonter  et  à  relever  le  Niger 
dans  son  cours  moyen,  de  Say  à  Tombouctou,  ce  que  n'avait  encore  fait 
aucun  Européen,  et  que,  de  Tombouctou,  il  s'est  rendu  à  la  côte  en 
traversant,  à  peu  près  par  le  milieu,  les  vastes  territoires  en  partie 
inconnus  jusqu'ici,  compris  dans  le  grand  arc  formé  par  le  fleuve  dans 
son  cours  moyen. 

Pendant  que  les  puissances  européennes  correspondent  entre  elles 
au  sujet  de  la  conférence  qui  doit  régler  la  position  financière  de 
l 'Egypte  et  fixer  le  terme  de  l'occupation  anglaise,  les  troupes  du 
Halidi  continuent  leurs  conquêtes  ;  vers  le  nord,  elles  se  rapprochent 
des  frontières  de  l'Egypte  propre,  et  vers  le  sud,  elles  ont  triooftphé 
de  la  résistance  de  Slatin-bey  au  Darfour.  Des  messagers  envoyés  de 
cette  province  ont  apporté  au  Caire  des  lettres  de  l'ex-gouverneur,  et 
de  l'émir  nommé  par  le  Mahdi  pour  le  remplacer.  Slatin-bey  écrit 
«  qu'après  avoir  lutté  deux  ans  contre  les  insurgés,  n'ayant  plus  ni 
vivres,  ni  munitions,  il  a  été  réduit  à  fondre  des  boulets  de  cuivre  sans 
effet  contre  l'ennemi;  enfin,  ayant  vainement  attendu  les  secours  qu'il 

*  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  NoufféUes  eom- 
pUmentcures  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  PEst,  longeant  ensuite  la  c6te  orientale  du  continent  et 
rerenant  par  la  c6te  occidentale. 

L'AFRIQVB.  —  CINQVlilCE  INV^E.  —  »•  7.  7 


—  146  — 

avait  réclamés  à  plosieurs  reprises»  il  s*est  rendu,  pour  éviter  une  plus 
grande  efiusion  de  sang.  »  Kassala  ne  peut  guère  compter  sur  le  secours 
du  roi  d'Abyssinie  qui  ne  paraît  pas  avoir  accueilli  très  favorablement 
la  demande  à  cet  égard  de  Tenvoyé  britannique.  La  situation  deSouakim 
6St  des  plus  précaires  ;  Berber  est  tombé,  Âbou-Hamed  est  pris,  Don- 
gola  est  abandonné,  Eorosko  et  Assouan  sont  menacés  ;  quant  à  Ehar- 
toum,  impossible  d'en  rien  apprendre.  Dans  quel  état  se  trouve  sa 
garnison  au  milieu  d'une  population  sans  doute  peu  sympathique  aux 
^Égyptiens,  et  probablement  encore  moins  aux  Anglais?  De  Gordon,  ni 
messagers,  ni  télégrammes,  ne  sont  parvenus  au  Caire  depuis  le  10  avril, 
et  Ton  souffre  en  pensant  que  plus  le  temps  s'écoule,  plus  Tesprit  d'ani- 
mosité  inspiré  aux  populations  soudaniennes  par  le  Mahdi  et  ses  dervi- 
ches doit  s'enflammer  contre  les  étrangers,  surtout  contre  celui  qui 
représente  le  mieux  au  milieu  d'elles  la  civilisation  européenne. 

En  attendant  les  troupes  égyptiennes  qui  viennent  d'être  toutes  pla- 
cées sous  l'autorité  directe  du  commandant  des  forces  britanniques  en 
Egypte,  sir  £.  Wood,  sont  concentrées  à  Assouan,  à  Eorosko  et  à 
Wadi-Halfa,  où,  tôt  ou  tard,  celles  du  Mahdi  viendront  les  chercher. 
Sauront-eUes  résister  mieux  que  celles  de  Tokar,  de  Sinkat  ou  de 
Berber?  ou  bien,  l'imagination  frappée  par  les  progrès  de  la  puissance 
du  Mahdi,  ne  seront-elles  pas  vaincues  avant  môme  d'avoir  vu  l'ennemi? 
En  tout  cas  ce  ne  sera  pas  la  présence  à  leur  tête  d'officiers  anglais,  qni 
leur  inspirera  un  profond  désir  de  repousser  l'envahisseur  loin  des  fron- 
tières  de  ce  qui  reste  à  l'Egypte  de  l'empire  de  Méhémet-Ali.  A  quoi 
aboutiront  d'autre  part  les  préparatifs  faits  en  Angleterre  pour  l'achè- 
vement de  la  ligne  de  chemin  de  fer  stratégique  commencée  il  y  a  quel- 
ques années,  pour  relier  la  mer  Rouge  au  Nil  par  Souakhn  et  Berber? 
ou  ceux  qui  concernent  une  expédition  à  envoyer  au  Soudan  pour  déli- 
vrer Ehartoum?  C'est  le  secret  de  l'avenir  !  Quoi  qu'il  en  soit,  la  respon- 
sabilité de  la  défense  de  la  ELaute-Égypte  incombe  maintenant  à  l'Angle- 
terre, et  il  est  à  prévoir  que  les  préparatifs  miUtaires  actuels  devront 
servir  à  garder  la  vallée  inférieure  du  Nil,  beaucoup  plus  qu'à  sauver 
Gordon,  que  l'on  paraît  disposé  à  abandonner  à  son  malheureux  sort. 
Une  dépêche  d' Aden  du  16  juin  a  annoncé  le  retour  de  l'amiral  Hewett 
de  sa  mission  d'Abyssinie,  mais  jusqu'ici  les  termes  du  traité  qu'il  doit 
avoir  signé  avec  le  roi  Jean  sont  tenus  secrets. 

L'état  d'anarchie  du  Soudan  n'empêche  pas  les  négociants  anglais  de 
songer  à  exploiter  ce  pays  au  point  de  vue  commercial.  La  Poil  MaU 
Gazette  annonce  que  des  hommes  d'affaires  de  la  Cité  ont  élaboré  un 


—  147  — 

plan,  qu'ils  ont  soumis  aux  premières  autorités  de  TÀDgleterre  et  de 
rÉgypte  qui  Font  approuvé,  et  par  lequel  le  Soudan  pourrait  être  sauvé 
«n  môme  temps  que  le  commerce  y  trouverait  son  profit.  Il  s^agirait  de 
fonder  une  compagnie  commerciale  du  Soudan  sous  le  titre  de  Central 
Af picran  Tpadinf^  Associatioii»  au  capital  de  quatre  millions  de 
livres  sterling,  moyennant  la  concession  d'un  monopole  de  99  ans  pour 
le  commerce  du  Haut-Nil.  Elle  commencerait  par  la  construction  d'un 
chemin  de  fer  à  voie  étroite  de  Souakim  à  Berber  ;  cinquante  milles  de 
rails  prêts  à  être  posés  sont  déjà  réunis  à  Woolwich  ;  cent  autre  milles 
peuvent  être  expédiés  des  comtés  du  centre,  et  les  cent  trente  milles 
restants  seront  prêts  avant  que  les  travaux  soient  assez  avancés  pour 
qu'ils  fassent  besoin.  La  ligne  de  Souakim  à  Berber  ne  serait  que  la 
première  partie  d'un  réseau  qui  s'étendrait  à  tout  le  Soudan  et  aux 
provinces  équatoriales  jusqu'au  centre  de  l'Afrique  (?) 

Les  Proceedings  de  la  Société  de  géographie  de  Londres  rapportent 
une  excursion  faite  par  le  vice-consul  anglais  à  Mombas,  M.  Gissin^» 
dans  les  villages  à  la  tête  du  golfe  ou  du  bras  de  mer  qui  pénètre  à  une 
Tingtaine  de  kilomètres  à  l'intérieur,  a  Les  montagnes,  »  dit-il,  e  sont 
la  continuation  de  celles  qui  partent  de  Malindi  ;  elles  sont  à  24  kilomètres 
de  la  côte,  et  varient  de  hauteur  de  200"  à  400".  Le  pays  est  couvert  de 
mimosas  et  de  fourrés  épineux,  que  les  natifs  doivent  couper  et  brûler 
pour  pouvoir  faire  leurs  plantations  annuelles.  Le  sol  est  fertile,  et  pro- 
duit en  abondance  du  blé  d'Inde,  de  la  cassave,  des  fèves,  des  pommes 
de  terre  douces  et  du  riz.  Le  climat  est  chaud,  mais  salubre.  Jomvou, 
^station  du  missionnaire  Wakefield,  est  agréablement  situé  sur  une  col- 
line, tout  près  de  la  crique  ;  à  5  kilomètres  plus  loin  est  BabbaX,  station 
de  la  Société  des  missions  anglicanes,  construite  sur  le  sommet  d'une 
colline  beaucoup  plus  haute,  commandant  une  belle  vue  de  la  mer.  Les 
indigènes  sont  des  Wa-Nika,  sujets  du  sultan  de  Zanzibar,  tribu  qui 
paraît  avoir  fait  très  peu  de  progrès  dans  la  civilisation.  Cependant  ce 
«ont  d'habiles  agriculteurs,  et  ils  possèdent  des  bestiaux  qui  excitent 
souvent  la  convoitise  des  Masal  pillards  de  l'intérieur.  Les  Wa-Nika 
pacifiques  vivent  dans  une  crainte  perpétuelle  de  ces  brigands,  qui  pro- 
cèdent ainsi  dans  l'attaque  d'un  village  :  ils  s'en  approchent  de  nuit, 
fondent,  au  point  du  jour,  sur  les  habitants  endormis,  et  tuent  tout 
dans  les  huttes,  hommes,  femmes,  enfants,  sans  même  épargner  les 
chiens.  Q  y  aurait  un  moyen  de  se  défendre  contre  ces  maraudeurs,  ce 
serait  de  les  prendre  par  derrière  ou  de  les  envelopper,  car  ils  ne  peu- 
irent  protéger,  avec  leur  bouclier,  qu'un  côté  de  leur  corps;  ils  seraient 


—  148  — 

forcés  de  se  retirer  ;  mais  les  timides  Wa-Nika  n'ont  pas  le  courage  de 
Tadopter.  »  De  Rabbal,  M.  Gissing  s'est  rendu  à  Ribé,  où  il  a  trouvé 
les  plus  beaux  spécimens  de  fermes  qu'il  eût  encore  vus  dans  le  pays  ; 
les  champs  sont  parfaitement  tenus,  le  sol  en  est  aménagé  comme  celui 
d^un  jardin.  Mais  le  pays  manque  de  rivières  et  d'eau  permanente  pour 
l'irrigation,  et  pour  la  boisson  ;  il  y  a  cependant,  dans  les  vallées  voisines 
de  Ribé,  des  cours  d'eau  temporaires  provenant  de  sources  de  monta- 
gnes ;  la  végétation  y  est  magnifique. 
L'installation  du  magistrat  supérieur  des  Ba-Souto»,  le  colonel 

Clarke  s'est  faite  sous  d'heureux  auspices.  Les  allocutions  des  chefs, 
dans  le  pitso  qui  a  eu  lieu  à  cette  occasion,  ont  été  empreintes  de  la 
plus  grande  sympathie  pour  l'administration  anglaise,  sans  qu'il  y  ait 
eu  besoin  que  les  missionnaires  exerçassent  une  pression  quelconque. 
Un  des  buts  du  colonel  Glarke  est  de  chercher  à  amener  les  Ba-Soutos 
à  se  gouverner  eux-mêmes,  en  reprenant  pour  cela  un  projet  formulé 
l'an  passé  par  les  ministres  de  la  colonie  du  Gap,  comportant  la  création 
d'un  grand  conseil  composé  de  chefs  et  de  conseillers.  Ce  conseil  aurait 
à  faire  des  lois  qui  seraient  ensuite  soun^ises  à  l'approbation  du  Haut- 
Commissaire.  Celui-ci  va  demander  à  la  tribu  de  payer  l'impôt  de 
10  shellings  par  hutte  ;  s'il  est  payé  d'une  manière  prompte  et  générale, 
ce  sera  une  preuve  que  la  tribu  est  satisfaite  du  nouveau  régime.  Le 
colonel  Clarke  a  promis  aux  missionnaires  de  leur  dire  ce  qu'il  pourra 
faire  pour  les  écoles,  dès  qu'il  aura  vu  ce  que  l'impôt  aura  rapporté.  Sa 
patience,  son  calme,  sa  manière  de  parler  aux  indigènes,  sont  bien  pro- 
pres à  les  attacher  à  lui.  Il  a  déclaré  vouloir  ne  rien  précipiter  et 
prendre  son  temps  pour  affermir  la  nouvelle  administration. 

Pendant  que  des  membres  des  Parlements  d'Angleterre  et  de  la 
colonie  du  Cap  interpellent  leurs  ministres  respectifs  sur  les  intentione^ 
des  deux  gouvernements  relativement  à  An^ra  Pequena,  le  D' Nach- 
tigal  fait  voile  vers  cette  possession  de  la  maison  Ltlderitz,  pour  affirmer 
que,  conformément  aux  déclarations  de  M.  de  Bismarck,  elle  est  bien 
placée  sous  la  protection  de  Tempire  d'Allemagne.  En  môme  temps,  et 
à  l'instigation  de  M.  Ltlderitz,  une  expédition  commerciale  et  scienti- 
fique est  partie  de  Hambourg  sur  la  corvette  Elisabeth  pour  le  Cap  et 
Angra  Pequena.  Son  but  est  de  chercher  une  route  commerciale  entre 
ce  dernier  point  et  le  cours  moyen  ou  supérieur  du  Congo.  Le  chef  de 
l'expédition  est  le  lieutenant  Siegmund  Israël,  qui,  après  avoir  fait  avec 
les  Anglais  la  campagne  des  Achantis,  a  exploré  deux  fois,  avec  le  capi- 
taine Grant  EUiot,  le  bassin  du  Quilou-Niari.  U  est  accompagné  du  D*^ 


—  149  — 

Hôpfner  chargé  de  la  partie  scientifique,  qui  a  déjà  fait  uo  voyage 
dans  les  colonies  portugaises  de  TAfrique  occidentale,  et  au  sud  de 
Cunéné  jusqu'aux  stations  des  missionnaires  allemands  dans  le  Damara- 
land.  Un  frère  de  M.  Lûderitz,  le  possesseur  du  territoire  d'Angra 
Pequena,  fait  partie  de  l'expédition.  Pour  obvier  au  manque  d'eau  qui 
^t  une  des  difficultés  dans  les  marches  d'Angra  Pequena  à  l'intérieur, 
l'expédition  a  été  munie  d'appareils  perfectionnés  pour  le  forage  rapide 
des  puits  artésiens.  Le  gouvernement  favorise  cette  entreprise  en  ce 
sens  que  les  voyageurs  font  la  travei*sée  de  Hambourg  au  Cap  à  bord  de 
la  corvette  Elisabeth,  et  qu'une  canonnière  allemande  les  transportera 
du  Cap  à  Angra  Pequena. 

La  Société  de  géographie  de  Berlin  a  reçu  communication  de  la  der- 
nière lettre  écrite  par  le  D»  Bi^gs^e,  de  Malangé,  le  12  février  1884  ; 
il  en  ressort  que,  de  Muquengué,  il  avait  fait  un  voyage  rapide,  sans 
rencontrer  de  difficultés.  II  avait  visité  le  chef  ba-chilangué  Mofouka,qui 
demeure  plus  au  nord,  par  6*  10  lat  S.  et  18**  32  long.  E.  de  Paris,  et, 
à  cinq  jours  de  là,  dans  une  direction  N.-N.O.,  l'embouchure  du  Lou- 
loua  dans  le  Cassai.  De  ce  point,  et  en  suivant  une  route  parallèle  au 
dernier  fleuve,  il  atteignit  Kikassa,  oii  il  l'avait  passé  dans  son  voyage 
avec  Wissmann  en  1881.  Marchant  ensuite  pendant  six  jours  vei's  le 
sud,  sur  la  route  de  Kimboundou,  puis  tournant  à  l'ouest  et  ensuite  au 
S.-O.,  il  traversa  le  Lounda  en  passant  entre  Eahoungoula  au  sud,  et 
liouata  Koumbana  au  nord.  Ensuite  il  retrouva  la  route  de  Schûtt  au 
passage  des  rivières  Loangué,  Cuilou  et  Ouhamba,  et  arriva  enfin  à 
Malangé  par  Machindé  et  Cassangé.  A  Malangé  il  rencontra  Wissmann, 
le  premier  blanc  qu'il  revoyait  depuis  Nyaugoué,  où  ils  s'étaient  séparés 
deux  ans  auparavant.  Il  était  affaibli  par  les  fatigues  et  par  un  catarrhe 
dont  il  souffirait  depuis  une  année  ;  cependant  rien  ne  faisait  prévoir  sa 
fin  prochaine  à  Loanda.  Arrivé  à  la  côte,  l'inflammation  pulmonaire  fit 
des  progrès  rapides,  et  l'enleva  au  bout  de  quinze  jours  à  la  science  et 
aux  amis  qui  l'entouraient.  Quant  à  l'expédition  de  l^issmann, 
ensuite  des  entretiens  de  Pogge  à  Malangé,  son  chef  a  dû  lui  faire  passer 
le  Quango  entre  Cassangé  et  HoUo,  traverser  le  petit  pays  des  Kari, 
puis,  soit  par  la  route  de  Schûtt,  soit  par  celle  de  Bûchner,  gagner 
directement  Kikassa  en  laissant  Mouata  Eoumbaua  à  sa  gauche  et 
Kahoungoula  à  sa  droite.  La  route,  au  nord  du  Louboukou,  présente 
de  grandes  difficultés  par  suite  des  immenses  forêts  vierges  qu'il  faut 
traverser,  aussi  Wissmann  estimait-il  que  le  Cassa!  était  la  route  la 
plus  convenable. 


—  150  — 

Les  directeurs  de  la  British  and  African  Steam  NairigaUon  Company 
(mt  adressé  à  S.  M.  le  roi  des  Belges,  président  de  rAssociation 
Interiiatioiiale  africaine»  la  lettre  suivante. 

Liverpool,  24  mai  1884. 
Sire, 

Le  bruit  a  couru  ici  que  rAssociation  internationale  africaine,  placé» 
sous  le  patronage  de  Y.  M.,  et  qui  poursuit  énergiquement  ses  opéra- 
tions sur  le  Congo,  se  propose  d'accorder  aux  sujets  belges  des  droits  et 
des  piivilèges  exclusif,  au  détriment  des  sujets  d'autres  nationalités. 
Connaissant  le  but  digne  d'éloges  pour  lequel  TAssociation  a  été  fondé» 
—  l'ouverture  de  l'Afrique  centrale  à  la  civilisation  comme  précurseur 
de  l'instruction  et  du  commerce,  —  nous  sommes  disposés  à  n^accorder 
aucun  crédit  à  ce  bruit.  Nous  sommes  d'ailleurs  affermis  dans  cette  dis- 
position, en  nous  rappelant  l'exposé  que  V.  M.  a  bien  voulu  faire  à 
M.  Alfred-L.  Jones,  membre  de  notre  Société,  auquel  V.  M.  aeulabonté^ 
d'accorder  une  audience  il  y  a  quelque  temps.  Néanmoins,  comme  de 
tels  bruits  trouvent  crédit  en  quelques  endroits,  nous  croyons  bien  faire 
d'attirer  sur  ce  sujet  l'attention  de  V.  M.,  afin  que  l'opinion  publique 
puisse  être  rassurée.  Nous  serions  donc  très  reconnaissants,  si  V.  M. 
voulait  bien  démentir  officiellement  ce  bruit,  pour  que  nous  pussions  en 
informer  le  public  anglais.  Assurant  Y.  M.  de  nos  meilleurs  vœux  pour 
le  succès  des  plans  en  vue  desquels  l'Association  internationale  africaine 
a  été  créée,  nous  demeurons  de  Y.  M.  les  très  humbles  et  obéissant» 

serviteurs. 

Eldem,  Dempstes  et  C"". 

A  cette  lettre  M.  Strauch,  secrétaire  général  de  la  commission  exe- 
cutive de  l'Association  internationale  africaine,  a  répondu  de  la  manière 

suivante  : 

Bruxelles,  2  juin  1884. 
Messieurs, 

La  lettre  que  vous  avez  adressée  au  roi  des  Belges  m'a  été  transmise» 
L'Association  internationale  a  acquis  de  différents  chefs,  non  seulement 
des  droits  de  souveraineté,  mais  aussi  des  droits  particuliers  et  exclu- 
sifs. L'usage  que  l'Association  fait  des  privilèges  reçus  des  che&  est 
rappelé  dans  la  déclaration  officielle  faite  à  Washington.  L'Association 
ouvre  ses  territoires  au  libre  commerce  de  toutes  les  nations;  elle  n'éta- 
blira point  de  lignes  de  douane  le  long  de  ses  frontières  ;  elle  accordera 
des  concessions,  sans  aucune  distinction  quelconque  de  nationalité,  à  ceux 
qui  les  demanderont,  pourvu  qu'ils  s'engagent  à  respecter  les  lois  et  les 

règlements  du  nouvel  État. 

Signé  :  Straijch. 


—  151  — 

Quant  aux  négociations  poursuivies  au  sujet  du  traité  ans^lo-por- 
tairais,  la  plupart  des  gouvernements  consultés  se  rattachent  à  Tidée 
émise  Tannée  dernière  par  M.  Moynier,  au  congrès  de  droit  interna- 
tional, à  Munich,  d'une  Commission  internationale  analogue  à  celle  du 
Danube. 

Aux  nombreuses  stations  nouvelles  du  Comité  d'études  du  Congo,  il 
faut  ajouter  celles  que  créent  les  sociétés  missionnaires.  D'après  le 
D'  Sims,  la  I^iving^stone  Inland  mission  en  fondera  une,  à  une 
vingtaine  de  kilomètres  en  amont  de  l'embouchure  de  Tlbari  Nkoutou> 
dans  une  région  où  les  villages  abondent  et  où  les  champs  sont  bien  cul- 
tivés, près  de  la  rivière  Kinshasha.  Elle  sera  éloignée  de  Stanley  Pool  de 
110  kilom.  environ  ;  aux  eaux  hautes  le  trajet  pourra  se  faire  en  six  jours 
et  demi  avec  sept  rameurs.  Sa  situation  sur  le  haut  fleuve  sera  plus  salu- 
bre  que  celle  des  stations  du  cours  inférieur.  —  A  Loukounga  est  mort 
M.  Hartley,  delà  mission  baptiste,  chargé  de  la  reconstruction  du  vapeur 
le  Peace.  A  Pallabala,  M.  Harvey  s'est  assuré,  par  traité,  la  possession 
d'une  colline  plus  élevée  que  celle  de  l'ancienne  station,  et  plus  salubre 
aussi,  afin  d'y  bâtir  et  de  pouvoir  offrir  l'hospitalité  aux  étrangers  de 
passage. 

Quand  à  la  station  fk*ançaise  de  Gantsohou  fondée  par  le 
D' BaUay  à  10  kilom.  de  M'Suata,  établissement  du  Comité  d'études 
du  Congo,  Savorgnan  de  Brazza  y  est  arrivé  le  26  mars,  avec  deux 
blancs  et  un  détachement  de  noirs,  par  l'embarcation  à  vapeur  montée 
sur  l'Alima.  Le  surlendemain  il  a  reçu  la  visite  de  M,  Westmark» 
chef  de  la  station  de  M'Suata,  et  du  capitaine  Hansens,  l'organisateur 
d'une  partie  des  stations  de  la  vallée  du  Quilou.  L'entrevue  a  été  des 
plus  cordiales.  Le  4  avril,  de  Brazza  et  le  D'  Ballay  sont  allés  à  M'Suata 
rendre  à  MM.  Westmark  et  Hansens  leur  visite  et  passer  auprès  d'eux 
une  journée  entière. 

Le  D*"  miaehli  est  revenu  de  Salage  à  la  côte,  après  avoir  cherché  à 
l'intérieur  des  emplacements  salubres  où  puissent  travailler  les  mission- 
naires de  Bâle.  Les  anciennes  stations  seraient  desservies  par  des  pas- 
teurs indigènes.  Le  voyage  de  Salaga  a  duré  44  jours.  Parti  le  11  jan- 
Tier,  avec  les  missionnaires  Muller  et  Asanté  et  quelques  porteurs  de 
hamacs,  il  fit  un  voyage  parfois  pénible  et  fatigant,  mais  partout  les 
étrangers  furent  bien  reçus.  Plusieurs  chefs  païens,  ainsi  que  leurs  sujets, 
leur  ont  demandé  de  leur  envoyer  des  instituteurs.  L'accueil  fut  parti- 
culièrement favorable  dans  le  pays  des  Mkonyas,  à  quelques  journées 
de  Salaga.  Le  roi  et  les  anciens,  ses  conseillers,  les  invitèrent  à  se  fixer 


—  152  — 

dans  le  pays,  et  à  choisir  le  lieu  de  leur  résidence.  Le  prince  de  Erakye 
aussi  les  combla  de  faveurs  et  même  leur  fit  cadeau  de  plusieurs  escla- 
ves, qui  les  accompagnèrent  à  Abouri,  parfaitement  libres  d'ailleurs. 
A  Salaga  ils  ne  demeurèrent  que  trois  jours,  le  climat  y  étant  dangereux 
pour  des  Européens.  Depuis  une  dizaine  d'années  la  ville  a  beaucoup 
déchu.  En  1873,  le  géographe  anglais  Wyld  évaluait  sa  population  à 
40,000  âmes,  elle  en  a  beaucoup  moins  aiqourd'hui;  son  commerce, 
autrefois  florissant,  languit^  même  celui  des  esclaves  qui  faisait  de  son 
marché  un  des  plus  importants  de  l'Afrique.  Les  voyageurs  descendirent 
lé  Yolta  dans  des  bateaux  pour  lesquels  ils  durent  changer  plusieurs  fois 
de  pilotes,  les  tribus  de  l'intérieur  craignant  celles  du  bas  fleuve.  Le 
23  février  la  caravane  rentra  à  Abouri.  Dès  lors  le  D'  Msehli  a  dû  revenir 
à  Bâle.  lï^ous  serons  sans  doute  bientôt  informés  de  ses  études  de  clima- 
tologie médicale  de  la  Côte  d'Or. 

M.  de  Fouc^auld  dont  nous  avons  mentionné  l'expédition  au 
llarocy  dans  notre  dernier  numéro,  a  communiqué  par  lettre  à  la 
Société  de  géographie  de  Paris  l'itinéraire  qu'il  a  suivi.  De  Tanger  il 
s'est  rendu  à  Fez  et  à  Mequinez,  puis  a  exploré  la  plus  grande  partie 
de  la  province  de  Tadla  d'où  il  a  descendu  l'Oued-el-Abid  jusqu'à  Tabia. 
Franchissant  le  Grand  Atlas  au  col  de  Glaoui,  il  s'est  dirigé  vers  Taze- 
nakht,pour  passer  au  col  d'Agni  la  seconde  chaîne  du  grand  massif  atlan- 
tique et  visiter  ensuite  les  grandes  oasis  de  Tissint,  Talta  et  Akka,  en 
poussant  une  pointe  jusqu'à  l'Oued-Dra,  limite  méridionale  de  son  explo- 
ration. De  Tissint  il  a  regagné  Tazenakht  par  le  col  de  Harou  et  le  ter- 
ritoire de  la  tribu  des  Zénaga.  Son  itinéraire  a  été  relevé  à  la  montre,  à 
la  boussole  et  au  baromètre,  et  le  plus  souvent  possible  les  latitudes  et 
les  longitudes  ont  été  déterminées  avec  le  sextant  et  le  chronomètre, 
a  Le  fait  qui  m'a  le  plus  frappé,  «  dit  l'explorateur,  »  c'est  l'extrême 
faiblesse  du  gouvernement  marocain.  Les  États  de  Moulal-el-Hacen  sont 
bien  petits  ;  il  n'est  sultan  du  Maroc,  ni  de  fait  ni  de  nom,  sauf  pour  les 
Européens.  Son  empire,  facile  à  délimiter,  se  compose  de  la  côte  de 
l'Océan  et  des  basses  vallées  des  cinq  fleuves.  C'est  la  région  occupée 
par  des  tribus  de  race  arabe.  Quant  au  massif  montagneux  qui  occupe 
la  portion  centrale,  il  est,  ainsi  que  les  hautes  et  moyennes  vallées» 
entièrement  indépendant  ;  uniquement  peuplées  de  Berbères,  ces  vastes 
contrées  ne  reconnaissent  aucun  autre  pouvoir  que  celui  de  leurs  chdks 
ou  de  leurs  Djemaa  et  se  gouvernent  elles-mêmes.  » 


^wr^ 


—  153  — 

NOXrVEI.I.ES  COMPLÉMENTAIRES 

Le  Joumai  officiel  de  la  Bégence  de  Tunis  a  annoncé  qu'âne  concession,  pour  99 
ans,  a  été  accordée  à  la  Compagnie  de  Mokta-el-Adid,  d'un  gisement  de  fer  en 
Eroumirie^  an  lieu  dit  Nefsa,  avec  obligation  de  construire  un  port  en  face  de 
Tabarka,  et  une  voie  ferrée  de  32  kilom.  pour  relier  les  mines  à  la  mer. 

La  ligne  télégraphique  entre  Tunis  et  Kairouan  est  terminée. 

M.  Paul  Melon,  délégué  de  PAUiance  pour  la  propagation  de  la  langue  française, 
^  l'un  de  ses  plus  zélés  promoteurs,  a  visité  les  écoles  de  la  Régence  de  Tunis  et 
de  la  Tripolitaine,  distribué  des  livres,  des  médailles  et  des  récompenses;  il  a  en 
outre  créé  à  Tunis  une  bibliothèque  populaire. 

Le  J)^  Schweinfurth  est  de  retour  au  Caire,  de  son  exploration  dans  le  désert 
de  Lybie,  qui  lui  a  fourni  une  riche  moisson  d'objets  d'histoire  naturelle.  Aux 
«nvirons  du  Birket-el-Eeroun,  le  lac  Mœris  des  anciens,  il  a  découvert  un  temple 
^égyptien  qui  remonte  aux  premières  dynasties  de  l'empire  des  Pharaons. 

D'après  le  rapport  du  ministre  du  commerce  d'Italie,  le  résultat  de  la  mission 
italienne  en  Abyssinie  est  favorable.  Il  sera  possible  d'obtenir  de  ce  pays,  où  les 
montons  sont  nombreux,  une  bonne  laine  noire.  Un  Italien  qui  réside  à  Gondar, 
veut  essayer  d'exporter  cet  article  et  en  a  envoyé  des  échantillons  à  Livourne. 

M.  Albert  Pogliani  est  parti  de  Milan  pour  faire  une  exploration  commerciale 
dans  la  mer  Rouge  et  sur  les  cAtes  du  continent  africain. 

Le  vice-consul  français  à  Khartoum,  M.  Lemay,  en  mission  dans  la  mer  Rouge, 
^est  rendu  à  Harrar  par  Zeïlah. 

M.  de  Courcy  a  été  npmmé  résident  français  sur  le  territoire  d'Obock,  où  sera 
établi  un  poste  de  25  hommes  d'infanterie  de  marine. 

Le  D*"  Paulitschke  se  prépare  à  faire,  avec  le  D'  de  Hardegger,  un  voyage  an 
pays  des  Adal  et  dans  l'Harrar.  Avant  de  partir,  il  a  fait  paraître  sur  l'histoire 
de  l'exploration  de  cette  région  un  savant  mémoire  dont  nous  rendrons  compte 
dans  notre  prochain  numéro. 

M.  6.  Revoil  est  rentré  en  France  de  son  expédition  au  pays  des  Som  alis. 

M.  J.  Thomson  est  heureusement  revenu  à  Zanzibar  de  son  exploration  de  la 
région  au  delà  du  Kilimandjaro  et  du  Eénia. 

Une  lettre  du  D' Bôhm  au  Comité  national  de  l'Association  africaine  allemande 
rapporte,  que  l'on  a  constaté  une  élévation  périodique  des  bords  du  Tanganyika, 
et  l'existence  de  traces  supérieures  d'inondation  le  long  des  rives.  De  son  côté,  le 
D'  Reichert  signale  un  combat  contre  la  tribu  des  Ou-Ga-Ou-Ga. 

La  mort  du  chef  ma-kololo  Chipitoula,  de  la  main  d'un  Européen  a  troublé  la 
]paix  des  rives  du  Chiré  et  rendu  dangereuses  les  communications  avec  le  lac  Nyassa. 
Le  capitaine  Foot,  consul  anglais  dans  cette  région,  écrit  que  la  position  est  sérieuse, 
les  Ma-Eololo  ayant,  par  représailles,  coulé  le  vapeur  Lady  Nyc^a  avec  une  par- 
tie de  la  malle. 

Le  D'  Aurèle  Schulz  a  informé  la  Société  de  géographie  de  Berlin  qu'il  est 


—  154  — 

arriYé  à  Rustenbonrg  le  28  mars  ;  il  comptait  atteindre  les  t^hates  Victoria  du 
Zambèze  en  sept  semaines. 

Le  vapeur  Maud,  chargé  de  reconnaître  le  cours  du  Limpopo  au  point  de  vue 
de  la  navigation,  a  réussi  à  franchir  la  barre  du  fleuve  et  à  le  remonter  sur  un 
parcours  de  180  kilom.,  jusqu'au  kraal  de  Matshoba.  De  là  Péquipage  atteignit 
par  terre  la  station  commerciale  de  Wyllie,  à  travers  de  nombreux  marais^  qui 
rendirent  ea  marche  pénible  et  dangereuse;  presque  tous  les  membres  de  l'expédi- 
tion eurent  la  fièvre.  C'est  le  premier  vapeur  qui  ait  réussi  à  remonter  le  Limpopo. 

M.  Williams,  dont  nous  avons  dit  l'expédition  aux  chutes  du  Zambèze  avec  sa 
femme  et  son  enfant,  est  revenu  à  Port-Élisabeth  où,  dans  une  séance  publique,  il 
a  raconté  son  exploration.  Il  a  trouvé  la  contrée  entre  le  Limpopo  et  les  mines  d'or 
de  Taté  moins  bien  arrosée  que  ne  le  montrent  les  cartes  ;  sans  doute  cela  tient 
au  fait  du  dessèchement  graduel  des  cours  d'eau  de  l'Afrique  centrale.  Il  y  a  de 
l'or  à  Tati,  mais  les  moyens  d'extraction  font  défaut  et  les  difficultés  sont  grandes. 
Quant  à  la  disparition  des  explorateurs  Fatterson  et  Morgan  Thomas,  M.  Williams 
croit  que  le  premier  est  mort  pour  avoir  bu  de  l'eau  empoisonnée,  et  que  le  second 
a  été  assassiné  par  son  escorte. 

Le  D' Holub  a  passé  quelques  jours  à  Colesberg  pour  y  étudier  les  gisements  de 
fossiles  nouvellement  découverts.  Il  y  attendait  'des  nouvelles  du  pays  des  Ma- 
Tébélé  ;  si  elles  étaient  pacifiques,  il  comptait  s'y  arrêter  de  manière  à  se  rendre 
an  delà  du  Zambèze  l'année  prochaine;  si  au  contraire  elles  étaient  favorables,  il 
voulait  traverser  le  fleuve  déjà  au  mois  d'août  de  cette  année-ci^  après  avoir  visité 
l'État  libre  de  l'Orange. 

De  nombreux  gisements  aurifères  ont  été  découverts  à  Moodie's  Reef  dans  le 
Transvaal.  Beaucoup  de  personnes  s'y  rendent,  de  la  colonie  de  Natal  par  la  voie 
de  Lorenzo-Marquez,  la  route  qui  conduit  de  la  c6te  aux  mines  étant  exempte  de 
fièvre  à  ce  moment  de  l'année. 

Le  Zoulouland  continue  à  être  troublé  par  les  luttes  entre  les  partisans  d'Ousi* 
bepou  et  ceux  d'Ousoutou,  anciens  adhérents  de  Cettiwayo.  Ces  derniers  ne  res- 
pectent pas  même  le  territoire  de  la  Réserve,  où  se  trouve  le  résident  anglais, 
M.  Osborne.  L'appui  d'un  certain  nombre  de  Boers  des  frontières,  qui  se  sont  joints 
à  eux  contre  Ousibepou,  avec  l'espoir  de  recevoir  des  fermes  dans  le  Zoulouland^ 
risque  de  compliquer  encore  un  état  de  choses  déjà  très  embarrassé,  quoique  d'ail- 
leurs ils  aient  promis  de  s'abstenir  d'intervenir  dans  le  territoire  de  la  Réserve. 

Une  compagnie  s'est  constituée  sous  le  nom  de  «  Kimberley  Junction  Railway,» 
au  capital  d'un  million  de  livres  sterling,  pour  la  construction  et  l'exploitation  de 
lignes  de  chemins  de  fer  prolongeant  vers  le  nord  celles  que  possède  déjà  dans  le 
voisinage  du  fleuve  Orange  le  gouvernement  de  la  Colonie  du  Cap. 

En  rapport  avec  la  Chambre  de  Commerce  de  Londres,  et  sous  le  titre  de  «  South 
african  trade  section,»  il  s'est  formé  une  section  qui  aura  pour  but  de  développer 
les  relations  commerciales  entre  la  mère  patrie  et  l'Afrique  méridionale.  Une  de» 
premières  questions  qu'elle  étudiera  sera  celle  des  arrangements  postaux  avec  lea 
colonies  du  sud  de  l'Afrique. 


—  155  — 

Une  société  s'est  fondée  en  Portugal  pour  créer,  dans  la  province  de  Mossamédès, 
nne  colonie  agricole  et  civilisatrice,  afin  de  contribuer  au  développement  des 
richesses  de  cette  partie  des  possessions  portugaises. 

Une  expédition  scientifique  organisée  sous  les  auspices  des  sociétés  de  géogra- 
phie de  Berlin,  de  Hambourg  et  de  Gotha  (?)  partira  prochainement  pour  Loanda. 
Parmi  ses  membres  se  trouvent  un  botaniste,  un  géomètre,  un  photographe,  etc. 
Le  but  en  est  la  traversée  du  continent,  de  Loanda  à  Zanzibar  ;  les  explorateurs 
devront  faire  le  lever  du  terrain,  déterminer  des  latitudes  et  des  longitudes,  faire 
des  collections  minéralogiques  et  zoologiques. 

Le  gouvernement  français  a  édicté,  pour  ses  possessions  du  Gabon,  un  décret  qui 
risque  de  nuire  aux  écoles  des  stations  missionnaires  américaines  ;  en  effet,  aucune 
école  ne  pourra  être  établie  dans  la  colonie  sans  le  consentement  du  commandant, 
aucune  autre  langue  que  le  français  ne  pourra  y  être  enseignée,  et  la  moitié  des 
heures  d'école  devra  être  consacrée  au  français,  l'autre  moitié  aux  svgets  désignés 
par  le  gouvernement. 

L'Espagne  a  accordé  à  l'Allemagne,  dans  l'Ile  de  Fernando-Po,  un  terrain  pour 
y  établir  un  dépêt  de  charbon^  et  l'a  autorisée  à  y  installer  un  consul,  mais  sans 
lui  accorder  aucun  droit  de  souveraineté. 

Les  noirs  de  l'établissement  portugais  de  Bissao,  dans  une  grande  île  de  la  rive 
droite  du  Rio-Geba,  se  sont  révoltés  contre  les  autorités,  et  se  sont  même  emparés 
de  la  seule  canonnière  portugaise  en  station  dans  ces  parages,  le  Barreho^  dont 
l'équipage  a  dû  se  sauver  dans  les  embarcations. 

Le  capitaine  Lenoir  a  fait  une  expédition  aux  sources  de  la  Casamance  et  dans 
le  Bondou  et  le  Bambouk. 

Le  gouvernement  espagnol  a  ratifié  la  convention  relative  au  câble  des  Canaries 
an  Sénégal. 

La  ville  de  Eayes,  tête  de  ligne  du  chemin  de  fer  du  Haut-Sénégal,  a  été  pres- 
qae  entièrement  détruite  par  un  incendie:  les  bâtiments  du  chemin  de  fer,  le  dépôt 
de  vivres,  l'hôpital,  la  caserne,  les  habitations  ont  été  la  proie  des  flammes. 


MADAGASCAR* 


Nos  lecteurs  ne  s'attendent  pas  sans  doute  à  trouver,  sous  ce  titre, 
un  exposé  des  événements  politiques  dont  les  journaux  quotidiens  les 
entretiennent  régulièrement.  Supposant  qu'ils  désirent  connaître  un  peu 
exactement  le  pays  où  se  déroulent  ces  événements,  nous  avons  pensé 
bien  faire  en  résumant  aujourd'hui  en  quelques  pages,  ce  que  Ton  sait 
actuellement  de  Torographie  et  de  l'hydrographie  de  cette  île,  la  plus 

'  Cette  livraison  est  accompagnée  d'une  carte  dans  laquelle,  comme  dans  l'arti- 
cle, nous  avons  adopté  l'orthographe  de  la  carte  de  M.  A.  Grandidier. 


—  156  — 

grande  de  notre  globe  après  Bornéo  et  la  Nouvelle-Guinée,  et  souvent 
appelée,  à  cause  de  son  étendue,  la  Grande  Terre,  la  Reine  des  côtes 
afiricaines.  Pour  cela,  nous  nous  en  tiendrons  aux  résultats  fournis  par 
les  explorations  les  plus  récentes,  à  partir  de  celles  de  M.  Alfred  Gran- 
didier,  de  1865  à  1870.  Dans  un  prochain  article  nous  tâcherons  de 
dédommager  nos  lecteurs  de  Taridité  de  celui-ci,  en  les  entretenant  des 
ressources  que  présente  Madagascar  et  de  son  ethnographie. 

Avant  les  voyages  de  M.  Grandidier,  l'île  avait  été  parcourue  dans 
différentes  directions  par  un  grand  nombre  de  voyageurs,  mais  peu 
d'entre  eux  avaient  fait  des  observations  exactes  ou  des  relevés  scienti- 
fiques des  districts  qu'ils  avaient  traversés.  Au  XVII"^  siècle  déjà, 
Flacourt  en  avait  donné  une  description  intéressante  ;  au  milieu  de  ce 
siècle-ci  Ellis  en  publia  une  plus  exacte,  mais  encore  bien  incomplète. 
Les  cartes  surtout  laissaient  beaucoup  à  désirer,  et  semblaient  ne  repo- 
ser que  sur  les  données  fournies  par  l'imagination  de  tel  ou  tel  écrivain 
de  renom.  Aussi,  dans  une  séance  de  la  Société  de  géographie  de  Paris, 
à  propos  du  Voyage  à  Madagascar  de  M.  Leguevel  de  Lacombe,  qui 
disait  avoir  traversé  l'île  plusieurs  fois  du  nord  au  sud  et  de  l'est  à 
Touest,  et  décrivait  ses  voyages  jusque  dans  les  plus  petits  détails, 
M.  Grandidier  amusa-t-il  beaucoup  l'illustre  société,  en  lui  apprenant 
que  M.  Lacombe  lui  avait  avoué  n'avoir  jamais  quitté  la  côte  orientale. 
«  D'après  l'examen  de  son  livre,  «ajouta  le  savant  explorateur,  «je  le  crois 
volontiers  ;  c'est  de  sa  pure  imagination  qu'il  a  tiré  tous  ses  récits,  aux- 
quels les  géographes  ont  accordé  une  confiance  si  absolue,  que,  jus- 
qu'aujourd'hui, nos  cartes  de  Madagascar  ont  été  dressées  d'après  les 
données  topographiques  de  son  ouvrage. 

n  n'en  est  pas  de  même  de  celle  de  M.  Grandidier,  d'après  laquelle  a 
été  dressée  celle  dont  nous  accompagnons  cet  article.  Dans  ses  voyages, 
il  avait  traversé  l'île  dans  une  partie  de  la  longueur,  et,  sur  plusieurs 
points,  daDS  toute  la  largeur.  Dominé  par  l'unique  ambition  d'acquérir 
des  connaissances  nouvelles  sur  une  région  qui  offrait  tous  les  genres 
d'intérôt,  et  préparé  par  de  fortes  études  à  toutes  les  observations 
nécessaires,  il  ne  visita  pas  une  localité  sans  faire  les  opérations  astro- 
nomiques et  géodésiques  propres  à  en  fixer  avec  certitude  la  position 
géographique.  Il  traça  la  direction  des  cours  d'eau,  détermina  la  hau- 
teur des  montagnes,  étudia  le  relief  du  sol,  décrivit  les  aspects  et  la 
condition  du  pays.  Pendant  plus  de  deux  années,  il  nota  trois  fois  par 
jour  la  pression  barométrique,  et  observa  le  thermomètre  de  façon  à 
s'assurer  des  températures  extrêmes.  Partout  dans  ses  excursions,  il 


—  157  — 

recueillit  les  plantes  et  les  animaux,  et  fit  des  découvertes  qui  lui  per- 
mirent d'étudier  plusieurs  questions  relatives  à  leur  histoire.  Ne  négli-  . 
géant  aucun  moyen  d'information  ou  de  contrôle,  il  a  apporté  à  Tétude 
des  races  qui  peuplent  Madagascar  un  soin  scrupuleux,  et  a  répandu  de 
nouvelles  clartés  sur  les  problèmes  qui  se  posent  à  Toccasion  des  popu- 
lations de  la  Reine  des  îles  africaines. 

Située  àquelques  centaines  de  kilomètres  de  la  côte  orientale  d'Afrique , 
Madagascar  s'étend  du  12%12,au  25'',45lat.  S.,  dans  une  direction  N.-E. 
—  S,-0.,  sur  une  longueur  de  1600  kilom.;  sa  largeur  est  de  470  kilom., 
ce  qui  lui  donne  une  superficie  de  590,000  kilom.  carrés,  qui,  d'après 
M.  Grandidier,  dépasse  de  plus  de  60,000  kilom.  c.  celle  de  la  France.  Sa 
ligne  de  contour  est  de  3,450  kilom.  Les  angles  rentrants  et  sortants  de 
SSL  côte  occidentale  correspondant  à  ceux  du  continent  africain  dont  la 
sépare  la  vallée  océanique  dans  laquelle  coule  le  rapide  courant  dit  de 
Mozambique,  il  semble  qu'elle  devrait  être  rattachée  à  rAfrique.  Cepen- 
dant, malgré  ces  analogies,  ni  la  structure  géologique  de  l'île,  ni 
les  types  particuliers  de  sa  flore  et  de  sa  faune  ne  permettent  de 
la  considérer  comme  une  terre  détachée  du  continent.  Sans  doute  on 
n^en  connaît  pas  encore  à  fond  la  géologie  ni  les  règoes  végétai  et  ani- 
mal, mais  ce  que  l'on  sait  de  la  richesse  de  ses  espèces  spéciales,  au 
point  de  vue  botanique  et  zoologique,  oblige  à  l'envisager  comme  un 
monde  à  part,  reste  d'un  vaste  continent  disparu  sous  les  flots,  et  dont 
les  vestiges  émergent  encore  dans  les  archipels  des  Ck)mores,  des  Sey- 
chelles,  des  Mascareignes,  des  Maldives  et  des  Laquedives;  d'après 
Wallace,  Célèbes  même,  par  ses  espèces  de  mammifères,  doit  avoir  eu 
des  rapports  avec  Madagascar. 

Si  la  côte  occidentale  a  de  nombreuses  sinuosités,  il  n'en  est  pas  de 
même  de  la  côte  orientale,  baignée  par  le  grand  courant  équatorial  de 
Tocéan  Indien,  qui  vient  butter  avec  violence  contre  l'île  et  se  divise  en 
deux  branches  dont  l'une  se  porte  au  N.-N.-E.,  et  l'autre,  au  S.-S.-O.; 
cette  dernière  imprime  au  cordon  littoral  formé  par  les  apports  des 
rivières  de  l'intérieur  et  des  contre-courantç,  une  direction  droite,  sans 
découpure  aucune,  de  Foulepointe  à  Fort-Dauphin,  sur  une  longueur  de 
SCO  kilom. 

C'est  aussi  à  la  lutte  constante  entre  l'eau  douce  et  celle  de  l'Océan, 
qu'est  due  une  des  formations  géographiques  les  plus  caractéristiques 
de  la  côte  orientale,  nous  voulons  parler  de  la  longue  Ûle  de  lagunes, 
qui  s'étend  le  long  du  bord  de  la  mer,  sur  plusieurs  centaines  de  kilo- 
mètres. Un  grand  nombre  d'entre  elles  ressemblent  à  des  rivières  cou- 


—  158  — 

rant  parallèlement  à  la  côte  ;  souvent  elles  s'étendent  en  vastes  nappes 
d'eau  et  forment  de  grands  lacs.  La  distance  qui  les  sépare  les  unes  des 
autres  est  si  minime,  qu'au  moyen  de  canaux  dont  la  longueur  ne  dépas- 
serait pas  en  somme  50  kilom.,  on  pourrait  créer  une  voie  navigable 
ininterrompue  de  360  kilom.  parallèle  à  la  côte.  Il  est  à  présumer  qu'un 
jour  les  besoins  du  commerce  appelleront  la  création  de  cette  communi- 
cation, qui  rapprochera  des  points  de  la  partie  orientale  de  Tîle  très 
éloignés  les  uns  des  autres.  On  utilise  déjà  ces  lagunes  ou  ces  lacs,  de 
Tamatave  à  Andovoranto,  d'où  le  chemin,  pour  se  rendre  à  Tana- 
narivo,  est  beaucoup  plus  court.  Les  côtes  septentrionales  sont  riches 
en  havres  excellents  ;  en  revanche  les  côtes  méridionales,  beaucoup 
moins  découpées,  n'ofirent  qu'un  petit  nombre  de  baies  et  de  rades 
ouvertes.  Les  deux  baies  les  plus  spacieuses  sont  celles  d'Ântongil,  au 
N.-E.,  et  de  Saint-Augustin,  au  S.-O. 

A  une  très  petite  distance  de  la  côte  orientale,  parfois  même,  comme 
dans  le  voisinage  de  la  baie  d'Antongil,  dès  le  bord  de  la  mer,  commen- 
cent les  montagnes.  Avant  les  explorations  de  M.  Grandidier,  la  plupart 
des  cartes  et  la  plupart  des  livres  se  plaisaient  à  présenter  l'orographie 
de  Madagascar  sous  la  forme  d'une  chaîne  de  montagnes,  qui,  se  tenant 
en  équihbre  à  égale  distance  des  deux  mers,  traversait  l'île  dans  toute 
sa  longueur  et  en  constituait  comme  l'épine  dorsale.  L'erreur  provenait 
du  fait  que,  vues  du  bord  de  la  mer,  les  montagnes  apparaissent  comme 
une  longue  chaîne  courant  du  N.  au  S.,  et  que,  comme  M.  Leguevel  de 
Lacombe,  les  cartographes  quittaient  peu  le  rivage.  Quoi  qu'il  en  soit  la 
chaîne,  ou  plutôt  les  chaînes  qui  frappent  les  yeux  du  voyageur  à  son 
arrivée  à  la  côte  orientale,  ne  sont  point  à  égale  distance  des  deux  mers, 
et  les  parties  orientale  et  occidentale  de  l'île  n'ont  nullement  la  même 
configuration  de  relief.  D'après  M.  Grandidier^  et  les  explorateurs 
venus  après  lui,  il  faut  distinguer  dans  l'île  deux  parties  essentieUement 
différentes,  l'une  orientale-septentrionale  toute  montagneuse,  l'autre 
occidentale-méridionale  généralement  plate. 

Quant  à  la  région  montagneuse,  le  voyageur  qui,  débarqué  sur  la  côte 
orientale,  veut  pénétrer  dans  l'intérieur,  commence,  dès  le  rivage,  à 
gravir  péniblement  une  chaîne  de  montagnes,  qui  s'élève  graduellement 
jusqu'à  une  hauteur  de  800"  à  900".  Il  monte  et  descend  tour  à  tour 
sans  trouver  nulle  part  le  moindre  espace  de  terrain  plat,  çà  et  là  seule- 
ment, quelques  étroits  vallons,  ou  plutôt  quelques  ravins  abrupts  sil- 

'  Revue  scientifique,  mai  1872. 


—  159  — 

lonnés  par  de  petits  torrents.  De  sa  ligne  de  fatte  à  la  côte,  cette  chaîne 
peut  mesurer  une  largeur  de  100  kiloni.  ;  elle  paraît  s'étendre  de  Vohe- 
mar  à  Foirt-Dauphin,  sur  une  longueur  de  plus  de  1200  kilom.,  tantôt 
baignant  son  pied  dans  la  mer,  tantôt  s'en  écartant  de  quelques  kilom.» 
mais  lui  restant  toujours  parallèle. 

En  descendant  le  versant  occidental  de  cette  première  chaîne,  le 
voyageur  ne  tarde  pas  à  rencontrer,  soit  une  vallée  profonde,  mais 
étroite  (entre  IQ^'dO  et  21  ""30  lat.  S.),  soit,  plus  au  nord,  un  plateau  assez 
large,  dont  la  formation  est  due  aux  détritus  et  aux  éboulis  qui  se  sont 
accumulés  dans  une  ancienne  vallée,  où  les  eaux  n'avaient  pas  d'issue. 
Au  delà,  il  gravit  le  versant  oriental  très  abrupt  d'une  seconde  chaîne 
granitique  de  la  même  longueur,  qui  s'élève  à  400*  ou  500»  plus  haut 
que  la  première.  C'est  là  que  se  trouve  la  ligne  de  partage  des  eaux 
entre  les  rivières  qui  se  versent  dans  l'océan  Indien  et  celles  qui  vont 
ae  jeter  dans  le  canal  de  Mozambique,  toutefois  celles-ci  ont  un  parcours 
trois  fois  plus  long  que  celles  de  l'est,  à  l'exception  toutefois  du  Man- 
goro  et  de  son  affluent  l'Ounivé. 

Mais  de  ce  que  cette  arête  supérieure  forme  la  ligne  de  faîte  de  l'île^ 
il  ne  faut  pas  conclure,  qu'en  poursuivant  sa  route,  le  voyageur  descende 
graduellement  vers  la  côte  occidentale  ;  il  a  au  contraire  à  traverser  une 
région  large  de  140  à  160  kilom.,  dont  le  niveau  général  se  maintient  k 
une  altitude  moyenne  de  800"  à  1000",  région  toute  montagneuse  et 
tourmentée  ;  puis,  tout  à  coup,  il  arrive,  par  une  pente  très  rapide^ 
dam  une  plaine  qui  n'a  plus  que  200"  au-dessus  de  la  mer. 

Cette  plaine  qui  est  sablonneuse,  peu  accidentée,  sillonnée  en  tous^ 
sens  de  petits  ravins  creusés  par  les  eaux,  ne  mesure  pas  moins  de  140 
à  150  kilom.  de  largeur  ;  entre  le  IG"*  et  le  25''  lat.  S.,  elle  est  coupée 
par  l'étroite  chaîne  de  montagnes  de  Bemaraha,  qui  n'a  que  8  ou  10 
kilom.  de  large.  Plus  à  l'ouest,  depuis  le  21'',  il  existe  une  quatrième 
ebaîne  qui,  à  partir  du  22'',  forme  avec  la  précédente  un  vaste  plateau. 
Enfin,  à  l'est  de  ce  dernier,  la  plaine  susmentionnée  est  coupée,  sous  le 
43 **  de  long.  E.  de  Paris,  par  une  cinquième  chaîne,  commençant  aussi 
au  21''  pour  se  terminer  au  23'' 30.  Quant  à  la  masse  montagneuse  cen- 
trale elle  ne  dépasse  pas  le  22°  ;  plus  au  sud,  jusqu'à  la  mer,  s'étendent 
de  vastes  plateaux  secondaires,  légèrement  ondulés,  et  coupés  de  ravin» 
creusés  par  les  eaux. 

Grâce  aux  pluies  qui  arrosent  la  côte  orientale,  le  versant  des  monta- 
gnes qui  regarde  l'océan  Indien  est  assez  fertile.  Jusqu'au  haut  de  la. 
première  chaîne  les  pentes  sont  couvertes  de  belles  plantes  herbacées^ 


—  160  — 

auxquelles  succède  une  zone  de  forêts,  qui,  au  sud  de  la  baie  d'Anton- 
gil,  a  jusqu'à  50  et  60  kilom.  de  large.  Elle  se  développe  du  nord  au 
sud  en  forme  de  ceinture,  de  manière  à  entourer  Ttle  tout  entière  sur 
une  longueur  de  aooo  kilom.,  tantôt  suivant  les  contours  de  la  côte, 
tantôt  s'en  écartant  de  plusieurs  kilom.  Du  côté  oriental  de  TÛe,  elle  se 
partage  en  deux  bandes,  entre  lesquelles  se  trouve  une  étroite  vallée 
d'environ  400  kilom.  de  long. 

Les  points  les  plus  élevés  de  Tîle  sont  les  pics  d'Ankaratra,  à  peu 
près  au  centre  du  massif  montagneux  ;  ils  atteignent  environ  2500^ — 
TAmbohimirandrana,  2350- ;  TAnkavitra,  2530»;  le  Tsia&kafo,  2540"  ; 
le  Tsiafajavona,2590".— De  ce  dernier  sommet  la  vues'étendsiurtout  le 
centre  de  l'He,  qui  apparaît  comme  une  mer  de  montagnes,  sans  arbres, 
sans  arbrisseaux,  oti  des  roches  nombreuses  se  détachent  au  milieu 
d'une  herbe  grossière,  qui  n'est  môme  pas  très  bonne  pour  le  bétail ,  et 
qui  ne  sert  guère  que  de  combustible  aux  habitants  du  pays.  Le  bois 
manque  dans  la  province  d'Imérina  ;  les  gens  riches  seuls  peuvent 
envoyer  chercher  des  fagots  dans  la  ceinture  de  forêts  qui  se  trouve  à  sa 
limite  orientale.  L'herbe  sèche  elle-même  atteint  des  prix  élevés  à 
l'époque  des  pluies. 

Sur  une  très  grande  étendue  de  cette  partie  de  Madagascar  est  dépo- 
sée une  argile  rouge,  d'où  émergent  des  roches  de  granit  et  de  basalte, 
auxquelles  on  reconnaît  l'action  volcanique  à  laquelle  est  dû  le  soulève- 
ment du  centre  de  l'île.  Les  missionnaires  Campbell,  Sibree,  Mullens 
en  ont  signalé  les  traces  dans  le  massif  d'Ankaratra,  autour  du  lac  Tasy . 
Voici  en  particulier  comment  Mullens  décrit  les  montagnes  situées  à 
l'ouest  de  ce  lac  '  : 

«  Lorsque  nous  les  eûmes  gravies,  nous  fûmes  surpris  de  voir  tout  à 
coup  devant  nous  quantité  de  cratères,  les  uns  d'une  grandeur  énorme, 
d'autres  petits,  quelques-uns  de  forme  conique,  d'autres  en  forme  de 
fer  à  cheval,  tous  ayant  de  grandes  coulées  de  lave.  Il  y  en  avait  au 
moins  40;  très  vraisemblablement  il  en  existe  d'autres  plus  au  nord; 
nous  en  avons  rencontré  à  80  kilomètres  au  sud  du  lac  Tasy.  Nous  fimes 
l'ascension  de  l'Ivoko,  montagne  de  forme  arrondie,  à  300  mètres 
au-dessus  de  la  plaine  ;  arrivés  au  haut,  nous  découvrîmes  un  cratère 
dont  l'ouverture  avait  250  mètres  de  large;  deux  coulées  de  lave  se 
dirigeaient,  l'une  au  sud,  l'autre  à  l'ouest  ;  au  pied  se  trouvaient  trois 
petits  cratères,  et  tout  autour  de  nous  d'autres  cmtères  d'une  grandeur 

^  Proceedings  of  the  Roy.  geog.  Society,  1875. 


—  161  — 

considérable.  Tout  auprès  s'élevait,  à  Test,  uq  autre  volcan  éteint , 
au  delà  duquel  s'étendait  une  plaine  de  1600  mètres,  couverte  de 
débris  de  lave.  En  somme,  sur  un  parcours  de  144  kilomètres,  nous 
comptâmes  une  centaine  de  volcans  éteints,  sans  parler  du  massif 
d'Ankaratra.  » 

Il  en  résulte  qu'une  grande  partie  de  la  région  montagneuse  de  Mada- 
gascar est  nue  et  a  un  aspect  triste*  Xes  collines,  allongées.en  forme  de 
vagues,  ne  sont  couvertes  que  d'une  herbe  grossière,  qui  brunit  vers  la 
fin  de  la  saison  sèche.  Entre  la  rivière  Sakay,  limite  occidentale  de 
rimérina,  et  le  pays  des  Sakalavas,  les  missionnaires  Sewell  et  Pickers- 
gOI  eurent  à  traverser  une  vaste  plaine,  où  cette  herbe  atteignait 
une  hauteur  qui  rappelait  celle  des  prairies  de  T Amérique  du  nord  ;  elle 
dépassait  la  tète  d'un  homme  et  opposait  un  grand  obstacle  à  la  mar- 
che des  explorateurs.  Les  rares  habitations  de  ce  district  ne  consistaient 
guère  qu'en  postes  militaires  échelonnés  de  distance  en  distance, 
dans  le  voisinage  desquels  se  trouvaient  d'immenses  enclos  pour  bêtes  à 
cornes,  avec  de  misérables  huttes  occupées  par  des  gardiens.  Dans  cer- 
taines parties  de  ce  territoire,  ils  rencontrèrent  de  grands  troupeaux  de 
bestiaux  à  l'état  sauvage  et  des  quantités  de  pintades. 

En  revanche,  les  dépressions  des  vallées  offrent  souvent  une  végéta- 
tion tropicale  luxuriante  et,  partout  où  le  pays  est  habité,  la  verdure 
éclatante  des  champs  de  riz.  Le  missionnaire  Shaw  l'a  constaté  dans  la 
grande  plaine  du  Bara  au  sud  et  au  sud-ouest  de  la  province  de  Betsi- 
léo;  et  les  Rev.  Sibree  et  Street  ont  trouvé,  au  sud-est  de  Madagascar, 
des  arbres  d'une  grande  hauteur  et  d'une  circonférence  énorme;  les 
fougères  y  atteignent  de  très  grandes  dimensions  et  ont  un  feuillage 
abondant.  En  général  les  paysages  revêtent  un  caractère  de  grandeur, 
qui  provient  du  fait  que  la  vue  dont  on  jouit  d'un  grand  nombre  de 
points  de  l'tle  est  extrêmement  étendue  ;  l'air  parfaitement  serein 
permet  de  distinguer  les  objets  les  plus  éloignés.  Plusieurs  des  par- 
ties de  la  région  montagneuse  sont  très  pittoresques.  MM.  Sibree 
et  Street  ont  trouvé,  chez  les  Antanalas  et  chez  les  Antalmoros  du  sud- 
est  de  l'île,  des  vallées  entourées  de  montagnes  boisées  jusqu'au  som- 
met, à  une  hauteur  de  1200  mètres;  de  nombreuses  cascades  tombaient 
de  rochers  à  pic  ;  l'une  d'elles  pouvait  avoir  de  150  à  200  mètres  de 
hauteur. 

Au  moyen  d'observations  barométriques  on  a  pu  constater,  sous  la 
latitude  de  Tananarivo,  une  dépression  assez  importante  de  la  partie 
centrale.  De  tous  côtés  les  bords  du  plateau  sont  sensiblement  plus  éle- 


—  162  — 

Yés  que  le  pays  qu'ils  entourent  ;  eu  plusieurs  endroits  ils  atteignent  de 
1200  mètres  à  1600  mètres.  Un  grand  nombre  de  rivières  franchissent 
la  barrière  rocheuse  orientale  par  des  gorges  profondes,  et  descendent  à 
la  mer  en  formant  des  séries  de  rapides  ou  de  petites  chutes  ;  d'autres, 
comme  le  Matitanana,  tombent  en  cataractes  énormes.  Plusieurs  des 
tributaires  du  canal  de  Mozambique  forment  aussi  de  grandes  catarac- 
tes; c'est  le  cas  de  la  Mania,  dont  on  entend,  dit-on,  le  bruit  d'une  dis- 
tance de  60  à  80  kilomètres  (?). 

La  rivière  la  plus  considérable  de  la  côte  orientale  est  le  Mangoro, 
dont  le  cours  a  environ  400  kilomètres  ;  elle  prend  sa  source  dans  les 
montagnes  qui  séparent  le  plateau  d'Ankaye  de  la  vallée  d'Ant^sihianaka. 
Elle  parcourt  d'abord  avec  lenteur  le  plateau  dans  toute  sa  longueur; 
là  elle  pourrait  être  navigable,  mais  les  cascades  qu'elle  forme  en  cou- 
pant la  chaîne  côtière,  et  les  rapides  de  son  cours  inférieur  s'opposent  à  ce 
qu'elle  serve  jamais  dévoie  de  communication  pour  remonter  dans  l'inté- 
rieur. Du  reste  aucun  des  cours  d'eau  de  ce  versant  n'est  navigable, 
même  poiur  les  plus  petites  pirogues,  au  delà  de  12  à  15  kilomètres  de 
la  côte. 

En  revanche,  parmi  les  affluents  du  détroit  de  Mozambique,  plusieurs 
sont  navigables  jusqu'à  50  ou  70  kilomètres  de  leiur  embouchure.  Le  Bet- 
siboka,  le  plus  grand  des  cours  d'eau  de  Madagascar,  l'est  même  bien 
davantage  :  les  boutres  des  Arabes  et  les  pirogues  des  indigènes  peuvent 
le  remonter  jusqu'à  son  confluent  avec  l'Ikiopa,  navigable  lui-même  sur 
un  parcours  de  plusieurs  joiurnées.  On  croit  que,  de  la  baie  de  Bombétok, 
oii  il  se  jette  dans  la  mer,  des  vapeurs  d'un  faible  tirant  d'eau  pour- 
raient remonter  jusqu'à  145  kilomètres  de  l'embouchure.  Le  Ts^obonina 
est  également  navigable  pour  des  pirogues  jusqu'au  pied  du  grand  mas- 
sif granitique  central;  le  Mangoka  aussi  l'est  dans  une  partie  de  son 
cours  inférieur. 

Le  système  hydrographique  de  Madagascar  est  complété  par  des  lacs, 
les  uns  salés,  comme  le  Manampétsouté,  chez  les  Mahafalys,  et  le  lac 
Otry,  chez  les  Antifiherenanas  ;  les  autres,  d'eau  douce,  par  exemple  le 
lac  d'Alaotra,  de  42  kilomètres  de  long  sur  6  à  7  kilomètres  de  large, 
dans  la  province  d'Antsihianaka,  lelacTasy,  de  13  kilomètres  de  long, 
dans  la  province  d'Imérina,  et  le  lac  Imanda,  au  nord  du  Tsgobonina. 

(à  suivre.) 


—  163  — 

BIBLIOGRAPHIE  < 

  l'est  xt  a  l'od£8t  DANS  l'Océan  Ikdibk,  par  Charles  Courret 
Paris  (Chevalier  Maresq),  1884,  374  p.  avec  gravures  et  carte,  Fr.  5. — 
M.  Courret  a  fait,  h  quelques  mois  d'intervalle,  deux  voyages  dans 
VOcéan  Indien.  Le  premier,  dont  le  récit  occupe  une  centaine  de  pages, 
a  été  accompli  avec  la  mission  Wallon  dans  Tlle  de  Sumatra  ;  le  second 
l'a  conduit  sur  la  côte  orientale  de  TAfrique. 

Lorsqu'on  1881,  on  lui  proposa  une  expédition  au  Zambëze,  sa  santé 
ébranlée  par  les  fièvres  de  rArcUpel  indien  lui  défendait  de  rentre- 
prendre;  mais  le  goût  des  explorations  lointaines  remportant  siu: tous  les 
raisonnements,  il  partit  avec  quelques  ingénieurs  et  chercheurs  d'or,  h 
la  tête  desquels  se  trouv^iit  M.  Palva  d'Andrada.  H  s'agissait  pour  eux 
d'étudier  les  ressources,  et  particulièrement  les  richesses  minérales  du 
bassin  inférieur  du  Zambëze. 

L'expédition  fit  escale  à  Zanzibar,  toucha  à  Nosi-Bé,  à  Mozambique, 
et  débarqua  à  Quilimane,  d'où  elle  pénétra  dans  l'intérieur.  Remontant 
le  Zambèze,  elle  passa  par  Mopia  et  Senna,  traversa  les  gorges  profon- 
des de  Lupata,  et  arriva,  après  des  aventures  diverses,  k  Tété,  le  point 
extrême  qu'elle  comptait  atteindre.  Des  détachements  qui  explorèrent 
le  Macanga,  au  nord  de  Tété,  et  le  Manica,  au  sud,  pour  en  étudier  les 
gisements  aurifères,  constatèrent  que  les  exploitations  étaient  à  peu 
près  arrêtées  partout,  et  que  la  teneur  des  sables  en  or  ne  dépassait  pas 
un  demi-gramme  par  mètre  cube. 

Ce  n'était  pas  ce  qu'on  attendait,  aussi  M.  Courret  ne  conseille-t-il 
pas  aux  colons  de  se  faire  mineurs  ;  néanmoins  il  les  engage  fortement 
à  se  porter  vers  la  Zambézie,  qui  est,  dit-il,  plus  saine  et  plus  riche  que 
la  côte  occidentale  de  l'Afrique,  et  il  appuie  son  dire,  non  seulement  sur 
une  étude  approfondie  des  productions  de  la  contrée,  mais  sur  des  sta- 
tistiques commerciales  puisées  aux  meilleures  sources.  Il  croit  que  ce 
pays  se  relèvera,  dès  que  le  Portugal  fera  cesser  des  abus  criants,  poiu* 
adopter  une  politique  coloniale  juste  et  sage.  Quoi  qu'il  en  soit,  tout  le 
monde  profitera  de  la  lecture  de  ce  livre,  vrai  cours  sérieux,  pratique 
et  attachant  de  géographie  commerciale. 

Cabts  de  l'Afrique  equatobiale  extre  le  Cokgo  et  l'Ooôouâ, 
dressée  d'après  l'état  des  dernières  explorations,  à  l'écheUe  de  Vioooooo)  P^^ 
le  D' Joseph  C^uimn/ie.  Bruxelles  (Institut  national  de  géographie),  1884. 

>  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bâle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  txfjgkrit  et  dviUsée, 


—  164  — 

Fr.  3,50.  —  Cette  carte  qui  8*étend  de  ré<iuatear  au  7**  lat.  sad,  est  la 
reproduction  développée  et  complétée  du  croquis  du  cours  inférieur  du 
Congo,  publié  il  y  a  peu  de  tendps  par  l'Association  internationale  afri- 
caine. Son  échelle  au  Vioooooo  a;pennis  d'y  feire  figurer  les  itinéraires  de 
douze  explorateurs  et  les  stations  de  l'Association,  ainsi  que  celles  des 
missions  catholiques  et  protestantes. 

Les  documents  que  nous  fourniront  les  nombreux  voyageurs  qui  par- 
courent actuellement  cette  région,  permettront  de  dessiner  avec  plus 
d^exactitude  le  réseau  des  rivières  et  des  montagnes  ;  il  faut  espérer 
entre  autres  que  Stanley  communiquera  prochainement  les  résultats 
complets  de  ses  expéditions  aux  lacs  Léopold  II  et  Mahumba,  quHl  a 
explorés,  le  premier,  en  avril  1882,  le  second,  en  mars  1883,  et  dont  les 
contours  sont  encore  indiqués  Sur  la  carte  du  D' Chavanne  par  des  lignes 
ponctuées.  En  revanche  la  vallée  du  Quilou-Niari,  parcourue  récemment 
par  les  agents  de  Stanley,  commence  à  se  couvrir  de  villages  et 
surtout  de  stations  aux  noms  tout  européens  :  Rudolphstadt,  Baudoin- 
ville,  Stanley-Niadi,  StéphanieyiHe,  etc.  A  gauche,  le  Niari,  désigné  sous 
le  nom  de  Niadi,  est  bordé  par  les  monts  Strauch. 

La  nouvelle  publication  de  M.  Chavanne  est  une  excellente  carte 
d'étude  qu'il  ne  tardera  pas  à  compléter  lui-même,  puisque  c'est  du 
Congo  qu'il  partira,  pour  entreprendre,  dans  la  direction  du  nord,  un 
voyage  à  travers  la  partie  la  moins  connue  de  l'Afrique  équatoriale^ 

Voyage  a  Madagascar,  par  J.-£.  Macquarie.  Paris  (E.Dentu),  1884, 
in-12,  435  pages,  avec  illustrations  de  L.  Houssat.  4  fr.  ;  2"*  édition.  — 
Ouvrage  d'une  lecture  facile  et  attrayante*  Narration  d'un  voyage  évi- 
demment fictif  accompli  par  deux  amis,  Trottet  et  Rozan,  de  Marseille, 
à  la  Réunion  et  à  la  Grande  Terre.  Séjour  à  Tamatave,  excursions  le 
long  du  littoral,  départ  pour  Tananarivo,  qui  est  décrite  en  détail,  enfin 
voyage  à  la  côte  occidentale  et  retour  à  Tamatave  ;  voilà  le  cadre  du 
récit  dans  lequel  l'auteur  a  su  i^acer,  chemin  faisant,  une  étude  de 
Madagascar,  au  point  de  vue  physique  et  politique,  et  un  résumé  de 
l'histoire  des  Hovas  et  de  leurs  luttes  contre  l'influence  française,  qu'U 
conduit  jusqu'aux  événements  récents. 

'  D'après  le  Mouvement  géographique^  qui  nous  arrive  à  la  dernière  heure, 
llttstitut  national  de  géographie  de  Bruxelles  a  chargé  le  D'  Chavanne  de  lever 
la  carte  du  Congo  depuis  son  embouchure  jusqu'à  Stanley-Pool,  puis  de  chercher 
à  résoudre,  dans  une  exploration  de  découvertes,  le  problème  du  lac  Liba.  Arrivé 
à  Boma,  à  l'embouchure  du  Congo,  le  23  avril,  il  a  entrepris  sans  tarder  ses  opé- 
rations topographiques.  Nous  y  reviendrons  dans  notre  prochain  numéro. 


ÉCHANGS 


Amsterdam. 

Anvers. 

Berlin. 

Brème. 

Bruxelles. 

Berlin. 


Sociétés  dm  gécapbie. 

Constantine.  Hambourg.     Lionne. 

£k>nai.  lôna. 

Francfort  «/M.  Le  Caire. 

Greifswald.  Leipzig.  . 

Halle.  Ulle. 


Ln. 
lirid. 
Ifeeille. 
Mtpellier. 


Nancy. 
New- York. 
Oran. 
Paris. 


Sociétés  de  géograpb  oommeroiale. 

Bordeaux.  Paris.  Porto. 

Miasioa 


Rochefort. 
Rome. 
Rouen. 
Vienne. 


Saint-Gall. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XlXme  siècle 

(Neuchâtel). 
ioomal  de  l'Unité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon) . 
Missions- Blatt  (Harmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bâle). 

Evangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
Calwer  Missions -Blatt  (Calw). 
AUgemeine  Missions-Zeitschrift  (GOters- 

loh). 
Glaubensbote  (Bâle). 
Africa  (Londres). 
La  Nigrizia  (Vérone). 


Chiîh  missionary  Intelligencer  and  Re- 

«i  (Londres). 
Mis)nary  Herald  (Boston). 
Amican  Missionary  (New-York). 
Foign  Missionary  (New- York). 
Regns  beyond  (Londres). 
Chnide  of  the  London  Missionary  So- 

dy  (Londres). 
Mohly  Record  of  the  Free  Church  of 

Stiaad  (Edimbourg). 
Misons  Field  (Londres). 
Chvh  of  Scotland  home  atid  foreign 

]!ssionary  Record  (Edimbourg). 
Mijonary  Record  of  the  united  preshy- 

tian  (!hurch  (Edimbourg). 
Gérai  Africa  (Londres). 
Woan's    fôreign    missionary    Society 

^iladelphie). 


Diven 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  Comice  aj^icole  (Médéa). 

Bulletin  de  T Académie  d*Hippone  (Bone). 

Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Le  Mouvement  géographique  (Bruxelles). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  ftlr  Géographie  und 
Statisiik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fUr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrîft  fUr  wissenschaftliche  (^gra- 
phie (Lahr). 

Aus  allen  Welitheilen  (Leipzig). 


Chaber  of  Commerce  Journal  (Londres). 

Afcan  Times  (Londres). 

AnBlavery  Reporter  (Londres). 

Abâgine*s  Friend  (Londres). 

Afcan  Repository  (Washington). 

Obsrver  (Monrovia). 

Ëspratore  (Milan). 

Coaos  (Turin). 

Bobttino  délia  Societa  aMcana  d'Italia 

(aples). 
Esprazione  (Naples). 
Mana  e  Commercio,  e  Giomale  délie  co- 

laie  (Rome). 
BoUin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 
Afria  oriental  (Mozambique). 
0  Aricano  (Quilimane). 
Jornl  das  colonias  (Lisbonne). 
As  olonias  portugn^as  (Lisbonne). 
Revsta  de  ifstudos  Livres  (Lisbonne). 
Révil  du  Maroc  (Tanger). 


Deutsche  Kolonialzeitung  (Francfort  s/M). 

AUTRES  PUBLICATIOÏS  CONSULTÉES 

Tour  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indépendant  (Constantine). 

Moniteur  de  TAleérie  (Alger). 

Dr  A.  Petermann  s  Mittheilungen  (Gotha) 


Procedings  of  the  royal  geographical 
Soiety  and  monthly  Record  of  geogra 
ply  (Londres). 

Nata  Mercury  (Durban). 

Cap«  Argus  ((^pe-Town). 

We*  African  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


S4f  MAIRE 

BUUJBTI»  MENSUEL  . 145 

Nouvelles  complémentate 153 

Madagascab , , 155 

BlBIilOQRAPHIE  : 

A  PEst  et  à  lK)uest  dans  ijéan  Indien,  par  Coarret 163 

Carte  de  TAfrique  équatoije,  par  le  D' Joseph  Chavanne 163 

Voyage  à  Madagascar,  paî.  Macquarie 164 

Cabte  :  ! 

Madagascar. 


OUVRJGES  REÇUS  : 

Six  mois  à  Madagascar,  par  CharletBuet.  —  Paris  (V.  Palmé),  1884,  in-12,  381  p. 
Fr.  3.  1 

£1  ponrenir  de  Espana  en  el  Sahaii  Conferenciapublica  por  José  Ricart  Gisah. 

—  Barcelona  (N.  Bamirez  y  Ca),)B84,  in-8S  26  p.  et  carte. 
Documents  parlementaires  :  ! 

a)  Afirica  n^"  4  (1884).  Despatches  jom  Her  Majesty's  consul  at  Loanda,  received 
during  the  years  1881, 1882  and  ^3.  —  London,  in-4<>,  72  p. 

b)  Afirica  n""  5  (1884).  Further  Paprs  relating  to  events  connected  with  the  négo- 
ciations with  Portugal,  for  a  Trjity  respecting  the  Congo  river  and  the  adja- 
cent Coast  :  1884.  —  London,  in-^,  58  p. 

Die  Sahara.  Ihre  physiche  und  ged)gische  Beschaffenheit,  von  D'  K.-A.  Zittel. — 

Cassel  (Theodor  Fischer),  1883,  ji-4<',  42  p.  Fr.  16. 
Notice  sur  la  concession,  l'exécutln  des  travaux  et  Pagrandissement  du  port  de 

La  Réunion.  —  Paris  (impr.  Chix),  1884,  in-8',  26  p.  et  carte. 
Egypt  and  the  Egyptian  Question  by  D.  Mackenzie-Wallace.  —  London  (Mac- 

millan  and  C<»),  1883,  in-8»,  621  }  Fr.  18. 
Katalog  der  argentinischen  Ans^llung,  veranstaHet  von  der  geographischen 

Gesellschaft  in  Bremen,  im  Tiv^i-Saale.  Mai- Juni  1884.  Mit  einer  UebersichU- 

Karte  von  Argentinien.  —  Bren^n,  1884,  in-8»,  79  p. 
Notice  sur  les  travaux  scientifique  de  M.  Alfred  Grandidier.  —  Paris  (Gauthier- 

Vaiars),  1884,  in-4<»,  64  p.  et  2  jartes. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


GENÈVE 

QEORO,     LIBRAIRE-ÉDITEUB 

MAMI  lUiaOH  A  BILE  ET  A  LIOI 


L'AFRiaUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

H.  enstare  MOTNIEB 

Membre  de  la  Commiedoii  internationale  de  Brozellei  ponr  l'exploration  et  la  oiYilisation 

de  l'Afrique  centrale;  membre  ooxrespondant  de  rAoadémio  d*Hlppone, 

et  des  Sociôtée  de  géographie  de  Uaneille,  de  Nancy,  de  Loanda  et  de  Porto. 

VtaioA  FAK 

H.  Charles  FAIJBE 

Seorétaire-Bibliotbéoaire  de  la  Société  de  géographie  de  Genève ,  membre  correspondant  des  Sociétés 
de  géogti^bie  de  Lisbonne,  de  Loanda.  de  Porto  et  de  Saint-Qàll. 


L'Afrique  parait  lé  premier  landi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d*aQ 
moins  20  pages  chacune;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  Tabonnement  annuet,  payable 'd'»T»ii«ef  est  de  10  ttmnMh 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  TUnion  postale  (première  zone)  ;  pour  les 
autres,  il  fr.  53. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  à  an  eampte  rendu. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaetten  à  M.  Gostave  Mejniert 
8»  rne  de  TAtténéet  à  Genève  (Snimie)* 


S'adremier  pour  les  abonnemento  à  Féditenr,  M*  H.  George  à 
Genève  on  à  BAle. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Ch.  Delagrâvjç,  libraire,  15,  rue  Soufflot,  à  Paris. 

MuQUAROT,  libraire  de  la  Cour,  45,  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLÀRD  frères,  libraires,  Corso  Vittorio  Emmanuele^  2i,  à  Milan. 

F,-A.  Brogrhaus,  libraire.  Querstr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Friederichsen  et  C*«,  libraires,  Admiralilàtsstr,  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelm  Frice,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autriche). 

Trurnbr  et  C»*,  libraires,  Ludgate  Hill,  57/59,  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


ATIS«  ^  Nous  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  ahonnès^  au  prix  de 
10  fr,  (^iocwn^  un  certain  nombre  â^ exemplaires  complets  de  la  H^'^^  de  la  IZT" 
et  delà  IV^*  année,  La  I^  est  éptUsée. 


—  165  — 

BULLETIN  MENSUEL  (^  aofit  1884)\ 

Le  journal  italien  Marina  e  Gommercio  annonce  qtie  les  adhésions  au 
projet  de  iroyatge  autour  de  l'Afrique,  élaboré  par  la  Société  mila- 
naise d'exploration  commerciale,  de  concert  avec  la  Société  de  naviga- 
tion générale  italienne,  sont  assez  nombreuses  pour  permettre  d'espérer 
que  ce  projet  s'exécutera.  Le  bateau  à  vapeur  destiné  à  cette  expédition, 
VAfrica^  est  un  navire  des  plus  solides  et  supporte  par&itement  les 
mers  les  plus  grosses.  Le  départ  aura  lieu  de  Gênes  et  de  Naples,  les 
premiers  jours  de  septembre.  Si  ce  voyage  réussit  à  la  satisfaction  géné- 
rale, les  deux  sociétés  sus-mention  nées  se  proposent  d'organiser  ^  pour 
Tannée  prochaine,  un  voyage  sur  le  Congo,  partie  par  eau,  partie 
par  terre,  d'accord  avec  l'Association  internationale  de  Bruxelles. 
Les  stations  de  celle-ci  étant  ouvertes  à  tous,  Tétude  sur  place  du 
commerce  actiiel  de  cette  région  ne  peut  être  que  très  utile  aux  jeu- 
nes gens  qui  se  destinent  au  négoce. 

Les  renseignements  qui  nous  sont  parvenus  ce  mois-ci,  sur  le  Soudan 
en  général,  et  sur  la  situation  de  Khartoum  et  de  Gordon,  sont  trop 
contradictoires,  pour  que  l'on  sache  au  juste  si  cette  ville  a  eu  le  sort  de 
Berber,  ou  si  son  défenseur  tient  encore  tête  aux  troupes  du  Mahdi. 

L'Angleterre  qui  a  assumé  la  responsabilité  de  la  protection  de 
TÊ^te  proprement  dite  et  de  l'évacuation  des  garnisons  égyptiennes 
du  Soudan,  a  su  se  servir  du  roi  d'Abyssinie  pour  délivrer  la  garnison 
égyptienne  de  Kaasala  ;  il  est  vrai  que  c'est  au  prix  de  l'autorisation 
donnée  au  Négous  d'occuper  cette  ville,  de  la  restitution  à  l'Abyssinie 
du  pays  des  Bogos  vainement  réclamé  jusqu'ici  depuis  que  Munzin- 
ger  l'avait  annexé  à  l'Egypte  en  1874,  et  de  l'ouverture  du  port  de  Mas- 
saoua  au  libre  commerce.  L'Abyssinie  va  rentrer  en  communication 
directe  avec  les  pays  civUisés,  et  l'Angleterre  qui,  par  le  nouveau  gouver- 
neur de  Massaoua,  M.  Mason,  tient  la  clef  de  ce  port,  ne  perdra  rien  à 
avoir  ouvert  à  son  commerce  ce  débouçl^ll'  vers  les  États  du  Négous,  non 
plus  qu'à  avoir  renoncé  à  s'établir  elle-même  à  Massaoua.  En  efiet,  elle 
a  pris  pied  à  Berbera  afin  d'assurer,  dit-elle,  la  continuation  des  approvi- 
sionnements que  la  garnison  d'Aden  tire  de  cette  partie  des  possessions 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  corn- 
joièmentaires  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant^  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  PEst,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
rcTenant  par  la  côte  occidentale. 

L' AFRIQUE.   —   CINQUIÈME  ANNÉE.   —  N**   8.      ■    ,,  .^  8 


—  166  — 

égyptiennes.  Quand  les  troupes  du  khédive  seront  retirées  de  la  pro- 
vince de  Harrar,  l'autorité  sera-t-elle  remise  purement  et  simplement 
aux  chefs  locaux,  ou  bien  ceux-ci  ne  passeront-ils  pas  sous  celle  du 
gouvernement  auquel  ils  devront  leur  restauration  et  la  sécurité  que 
r Angleterre  leur  garantira  contre  leurs  adversaires  extérieurs  ? 

D'après  des  dépêches  du  16  juin  parvenues  au  gouvernement  italien. 
Blanchi,  parti  à  la  fin  de  mars  de  Mekallé,  pour  s'ouvrir  une  voie 
directe,  de  l'Abyssinie  h  la  côte,  dut  bientôt  retourner  sur  ses  pas,  par 
suite  de  la  défection  de  ses  sei-viteurs  et  de  son  escorte.  Arrivé  à  S'Kel,  il 
y  réorganisa  une  nouvelle  caravane  de  80  chameaux,  et  en  repartit  le 
30  avril,  se  dirigeant  vers  le  pays  des  Danakils.  Dès  lors,  sur  une  dépê- 
che d'Aden,  du  4  juillet,  le  bruit  s'est  répandu  que  le  chef  de  l'expédi- 
tion et  ses  gens  seraient  morts  de  soif  entre  la  Plaine  du  Sel  et  Zoula, 
dans  la  direction  de  Massaoua.  On  comprend  l'appréhension  des  amis  de 
l'explorateur,  et  l'importance  que  le  gouvernement  italien  met  à  obtenir 
des  renseignements  précis,  sur  la  source  de  cette  nouvelle  apportée  à 
Aden  par  le  commandant  d'un  navire  anglais.  M.  Luccardi,  consul  ita- 
lien à  Massaoua,  envoie  des  dépêches  rassurantes,  mais  les  amis  de  Bian- 
chi  et  le  gouvernement  ne  sont  point  rassurés.  Le  Cdstelfidardo  a  été 
envoyé  à  Massaoua,  pour  recueillir  des  informations  précises. 

Des  bruits  fâcheux  ont  couru  sur  les  rapports  des  indigènes  danakils 
avec  le  personnel  de  la  colonie  d' AssAb.  D'après  VEsploratore,  les  habi- 
tants de  cette  possession  italienne  ont  dû  envoyer  à  Rome  une  protesta- 
tion contre  la  prise,  par  les  Danakils,  de  la  ville  de  Margableli  \  d'où  les 
gardes  italiens  aiuraient  été  chassés,  un  puits  fermé,  des  chevaux  volés 
aux  salines.  Le  comte  Antonelli  a  dû  arriver  à  Assab,  où  il  veillera  sans 
doute  à  ce  que  les  traités  conclus  avec  Mohamed  Anfali,  avec  le  sultaa 
de  Rahelta,  et  avec  Abdemman,  conducteur  de  caravanes,  soient  mis  à 
exécution,  pour  que  les  établissements  de  la  colonie  ne  souffrent  aucun 
dommage.  Mais  VEsploratore  ne  cache  pas  son  impression  que  la  situa- 
tion d'Assab  est  devenue  mauvaise,  par  suite  de  l'excitation  qu'ont  pro- 
duite les  événements  du  Soudan  parmi  les  tribus  mahométanes  qui 
l'avoisinent.  Margableli,  à  quatre  lieues  du  port  d'Assab,  est  le  centre 
le  plus  peuplé  de  la  colonie  ;  les  salines  n'en  sont  éloignées  que  d'une 
lieue.  Pour  être  encore  latent,  le  péril  n'en  existe  pas  moins,  et  pourrait 
un  jour  ou  l'autre  prendre  de  sérieuses  proportions.  Néanmoins  le  gou- 
vernement italien  fait  son  possible  pour  améliorer  les  conditions  d'Assab; 

*  Voir  la  carte,  IV"*  année,  p.  352. 


—  167  — 

un  port  et  un  phaxe  vont  y  être  construits,  pour  lesquels  une  somme  de 
625,000  francs  a  été  votée  récemment  par  la  Chambre  des  députés  de 
Rome;  mais  peut-être  le  gouvernement  devra-t-il  prochainement  agir 
d'une  manière  énergique,  pour  garantir  la  sécurité  de  ses  ressortissants 
contre  les  agressions  des  indigènes  du  voisinage. 

Jusqu'ici  le  courant  commercial  que  les  Italiens  ont  cherché  à  établir 
entre  Âssab,  TAbyssinie  et  le  Choa,  par  le  pays  d'Aoussa,  se  réduit  & 
fort  peu  de  chose.  Les  caravanes  continuent  à  suivre  la  route  ordinaire 
qui  aboutit  à  Tadjoura  et  à  Obock.  L'extension  des  colonies  françaises 
en  Orient  donne  à  cette  dernière  localité  une  grande  importance,  puis- 
que c'est  le  seul  point  où  les  navires  français,  obligés  jusqu'ici  de  relâ- 
cher dans  les  ports  anglais,  pourront  désormais  faire  du  charbon  et  des 
vivres  en  toute  sécurité.  Le  gouvernement  a  nommé  pour  Obock  un 
commandant  qui  aura  avec  lui  un  interprète,  un  médecin  et  un  poste  de 
garde  numériquement  restreint.  Des  travaux  seront  exécutés  pour  faci- 
liter aux  navires  l'entrée  du  port  et  le  débarquement.  L'eau  douce  peut 
être  fiidlement  recueillie,  une  grande  partie  du  terrain,  livrée  à  la  cul- 
ture, et  la  prospérité  commerciale  de  la  petite  colonie,  assurée  par 
réchange,  sur  son  marché,  des  produits  du  Choa  avec  ceux  de  l'Europe. 

Quoique  les  détails  manquent  encore  sur  l'expédition  de 
M.  «I.  Thomson*  au  lac  Victoria  Nyanza,  à  travers  le  pays  des 
Masal,  on  peut  déjà  dure  qu'elle  a  été  accompagnée  du  même  succès  qui 
avait  couronné  celle  aux  lacs  Nyassa  et  Tanganyika.  En  attendant  le 
rapport  de  l'explorateur  lui-même,  voici  le  télégramme  que  sir  John 
Kirk  a  envoyé,  de  Zanzibar,  à  la  Société  de  géographie  de  Londres. 
9  Thomson  quitta  Taveta,  au  pied  S.-E.  du  Kilimandjaro,  en  juillet  de 
Tannée  dernière,  en  compagnie  d'une  caravane  de  Pangani;  se  dirigeant 
vers  le  nord,  et  passant  le  Rombo,  il  atteignit  le  pays  des  Masaï,  et 
traversa  les  tributaires  du  lac  Tsavo,  dans  leur  cours  supérieur.  A  par- 
tir de  là,  sa  route  tourne  vers  le  N.-O.,  à  travers  une  grande  plaine  de 
sable,  lit  d'un  lac  desséché  dont  le  lac  Ngiri  est  un  reste.  Le  19  août  il 
était  à  Dœnyo  Erok,  où  il  rencontra  les  Masal;  ils  étaient  nombreux, 
mais  la  caravane  étant  considérable  ils  ne  l'inquiétèrent  point.  Là  il 
quitta  la  plaine  sablonneuse  pour  entrer  dans  le  district  de  Eaptel,  pays 
beaucoup  plus  accidenté,  s'élevant  graduellement  jusqu'à  former  un 

*  Le  temps  nous  manquant  pour  faire  dresser  une  carte  de  cette  expédition, 
Dous  renvoyons  nos  lecteurs  à  celle  dont  les  Proceedings  de  la  Société  de  géogra- 
phie de  Londres  ont  accompagné  la  publication  du  télégramme  de  sir  John  Kirk. 


—  168  — 

plateau  de  formation  volcanique  avec  des  cônes  éteints.  Le  5  septem- 
bre il  arriva  à  Ngougoabag,  près  des  sources  de  TAdhi,  par  l"*  22'lat. 
S.,  et  34 ""  12  long.  £.  de  Paris,  à  une  altitude  de  1800",  et  à  la  limite 
méridionale  du  district  de  Kikuyu.De  là  il  gagna  Textrémité  septentrio- 
nale du  lac  Naïvasha,  par  0'43'  30"  lat.  S.,  et  33*44'  long.  E.;  ce  lac 
est  situé  dan?  une  vallée  en  forme  d'auge,  qui  s'étend  jusqu'à  un  degré 
au  nord  de  Téquateur,  partage  le  plateau,  et  renferme  en  outre  les  lacs 
Nakolo  et  Bahringo,  et  beaucoup  de  sources.  U  visita,  au  sud  du  lac 
Naïvasha,  le  Dœnyo  Susiva,  magnifique  volcan  de  2600"  de  hauteur,  et 
le  Bouri.  Ici  les  Masal,  très  nombreux,  cherchèrent  à  inquiéter  la  cara- 
vane, cependant  il  n'y  eut  pas  de  combat.  Thomson  envoya  un  de  ses 
hommes,  un  matelot  maltais  nommé  Martin,  avec  la  caravane  de  Pan- 
gani,  au  lac  Bahringo,  pendant  que  lui-même  se  rendait  avec  trente 
hommes  sur  un  plateau  du  Eénia,  à  une  altitude  de  2600",  où  il  traversa  la 
Settima.  L'extrémité  septentrionale  de  la  chaîne  de  montagnes  a  4000" 
de  haut;  le  voyageur  atteignit  la  base  du  mont  Eénia  par  O^'S'  lat.  S.; 
la  montagne  semble  être  un  simple  cône,  égal  en  hauteur  au  Kilimand- 
jaro; c'est  un  pic  aigu,  neigeux  et  volcanique,  sous  O^'IO'  lat.  S.,  et 
34''25'  long.  £.  De  là  il  se  dirigea  vers  le  lac  Bahringo,  oU  il  retrouva 
Martin;  la  caravane  de  Pangani  s'était  rendue  plus  au  nord.  L'extré- 
mité sud  du  lac  est  par  0^28'  lat.  S.,  et  33°27'  long.  E.,  à  1850" 
d'altitude.  (Continuant  sa  marche  dans  une  direction  S.-O.,  il  traversa 
les  monts  Likamasia,  qui  ont  2600"  de  hauteur,  puis  le  plateau  de  Qua- 
singishou,  et  arriva,  par  une  pente  douce,  à  travers  une  plaine  sans 
arbres,  à  Kavirondo,  sur  la  côte  orientale  du  Victoria  Nyanza.  De  là, 
avec  quelques  hommes,  il  longea  cette  côte  jusqu'à  l'endroit  où  le  Bahr- 
el-Abiad  sort  du  lac,  puis,  revenant  sur  ses  pas  jusqu'à  Kwasoundou,  il 
poussa  une  pointe  jusqu'au  mont  Ligonyi  (4600"),  où  il  trouva  des  grot- 
tes artificielles  magnifiques  qui  servent  d'habitations  aux  indigènes. 
Lancé  en  l'air  par  un  buffle,  sur  la  route  qui  mène  au  lac  Bahringo,  il 
fut  grièvement  blessé.  Redescendant  alors  vers  le  sud,  il  atteignit  de 
nouveau  le  lac  Naïvasha,  au  bord  duquel  il  fut  retenu  deux  mois  au  lit 
par  la  dysenterie.  Enfin  il  revint  à  Mombas  par  Ngougoabag,  l'Oulou  et 
l'Oukamba.  »  Ainsi  le  pays  si  redouté  des  Masal  a  été  enfin  traversé 
par  un  Européen,  sans  aucun  conflit  avec  les  indigènes;  la  position  du 
sommet  neigeux  du  Kénia  a  été  déterminée,  le  mystère  du  lac  Bahringo 
résolu,  et  la  chaîne  de  montagnes,  du  Kénia  au  Kilimandjaro,  avec  ses 
volcans  éteints,  traversée  et  retraversée  dans  plusieurs  directions. 
La  paix  semble  actuellement  rétablie  dans  le  Zoulouland  entre  les 


'^►W. 


—  169  — 

partisans  d'Ousibepou  et  ceux  d'Oumsoutou,  grâce  à  rinterveDtion  des 
Boers,  qui  ont  proposé  aux  deux  partis  : 

1**  De  reconnaître  comme  roi  Dinizoulou,  fils  de  Cettiwayo; 

2"*  De  permettre  aux  femmes  et  aux  enfants,  pris  pendant  la  guerre, 
d'aller  où  bon  leur  semblera,  et  de  restituer  tout  le  bétail  volé  ; 

S""  De  demeurer  dans  les  limites  posées  par  le  gouvernement  anglais  ; 

4**  De  garder  la  paix  et  d'enterrer  leurs  assagaies. 

Ces  conditions  acceptées,  les  Boers  ont  proclamé  roi  Dinizoulou  qu'ils 
ont  couronné,  et  auquel  ils  ont  juré  de  le  protéger  contre  ses  ennemis 
aussi  longtemps  qu'il  obsei-vera  ces  conditions.  Le  nouveau  roi  a  été 
reconnu  par  les  principaux  chefs  des  deux  partis,  présents  au  couronne- 
ment, après  lequel  Dinizoulou  a  fait  publier  une  proclamation  annonçant, 
qu'héritier  légitime  de  Cettiwayo,  il  avait  pris  possession  du  trône  et  des 
rênes  du  gouvernement.  Il  a  accordé  une  amnistie  pleine  et  entière  pour 
toutes  les  offenses  commises  envers  feu  son  père  et  sa  famille;  en  outre 
il  a  promis  protection  à  tous  et  a  engagé  ses  sujets  à  retourner  chez  eux 
pour  reprendre  leurs  occupations  pacifiques  ordinaires. 

Le  Rov.  l¥apillaiir  TSiompson,  secrétaire  itinérant  de  la  Société 
des  missions  de  Londres,  a  fait,  l'année  dernière  et  au  commencement 
de  celle-ci,  un  voyage  de  plus  de  6000  kilomètres  dans  les  districts  les 
plus  troublés  de  l'Afrique  australe.  Du  Cap,  il  s'est  rendu  au 
Le-Souto,  dans  l'État-Ubre,  le  Transvaal,  les  pays  des  Ma-Tébélé  et  des 
Be-Chuana,  et  aux  Mines  de  Diamants.  Il  a  quitté  Cape-Town  peu  après 
l'arrivée  de  M.  Mackenzie,  le  nouveau  résident  anglais  pour  le  pays  des 
Be-Chuana:  nous  extrayons  de  VAfrican  Times  une  partie  de  son  rap- 
port, c'est  l'exposé  le  plus  récent  des  faits  qui  viennent  de  se  passer  dans 
le  territoire  des  Be-Chuana,  à  l'ouest  du  Transvaal.  Sa  visite  au  Stella- 
laad  a  beaucoup  modifié  les  idées  qu'il  se  faisait  de  ses  habitants.  Quels 
qu'aient  pu  être  les  premiers  Boers  appelés  à  intervenir  entre  les  deux 
chefs  Montsiva  et  Mankoroane,  aujourd'hui  une  forte  proportion  des 
hommes  qui  sont  en  possession  du  sol  sont  des  fermiers  honnêtes,  ils  ont 
acheté  le  terrain  à  ceux  qui  s'en  étaient  emparés  d'abord,  et  ont  fait  pro- 
gresser beaucoup  le  pays  qu'ils  occupent.  Le  pays  des  Be-Chuana  est  un 
vaste  territoire  fertile,  s'étendant  sur  une  longueur  de  1000  kilomètres, 
et  une  largeur  de  160  kilomètres.  Dans  cette  contrée  immense,  il  n'y  a 
pas  plus  de  200,000  Be-Chuana,  qui,  voués  à  l'élève  du  bétail,  n'occu- 
pent qu'une  partie  du  pays  entre  le  Transvaal  et  le  désert  de  Ealahara. 
La  plus  grande; partie  du  territoire  est  couverte  de  broussailles  et  aban- 
donnée aux  chasseurs  ;  elle  sera  probablement  peuplée  en  entier  par  des 


—  170  — 

Boers  ou  des  colons  anglais.  Le  manque  d'eau  qu'ils  allèguent  comme 
motif  pour  lequel  de  vastes  étendues  de  pays  demeurent  sans  habitants, 
est  dû  entièrement  h  leur  négligence  à  capter  Teau.  Il  tombe,  en 
moyenne,  dans  le  pays  des  Be-Chuana,  assez  d'eau  pour  pourvoir  à  tous 
les  besoins  des  habitants,  mais  elle  n'est  pas  recueillie  dans  des  réser- 
voirs, et  c'est  à  peine  s'il  y  a  quelques  puits.  Dans  le  voyage  que 
M.  Thompson  a  fait  au  sud  de  ce  pays,  ses  compagnons  furent  très  sur- 
pris de  trouver  abondance  d'eau,  dans  des  endroits  où  autrefois  un  bœuf 
en  aurait  trouvé  à  peine  de  quoi  apaiser  sa  soif.  A  Yrijberg,  capitale  du 
Stellaland,  les  Boers  ont  construit  des  maisons,  établi  des  jardins,  et, 
d'une  manière  générale,  ils  ont  introduit  la  civilisation  et  la  prospérité 
dans  des  districts  où,  auparavant,  il  n'y  avait  que  quelques  kraals  indi- 
gènes, n  est  impossible  de  résister  à  leurs  progrès  ;  tout  ce  que  l'on  peut 
taire  c'est  de  les  régler,  et  d'atténuer  les  frottements  inévitables  qui 
résultent  de  l'empiétement  des  hommes  civilisés  sur  le  domaine  de  la 
barbarie.  Quoique  les  Be-Chuana  soient  peu  nombreux,  ils  progressent 
dans  l'industrie  et  la  civilisation.  Ils  ont  une  quantité  considérable  de 
wagons  et  de  charrues,  et  emploient  presque  exclusivement  les  charrues 
américaines  et  suédoises,  plus  légères  que  celles  que  font  les  Anglais. 
Dans  le  Transvaal  et  dans  l'Êtat-libre,  les  rapports  avec  les  natifs  repo- 
sent sur  le  régime  patriarcal.  Dans  l 'État-libre,  par  exemple,  chaque 
Boer  a  cinq  nati&,  c'est-à-dire  cinq  familles  attachées  à  sa  ferme,  qu'il 
ne  leur  est  pas  permis  de  quitter.  Dans  quelques  parties  du  Transvaal, 
la  terre  est  louée  à  des  natifs  qui  paient  au  fermier  la  moitié  de  la 
récolte;  quelques-uns  de  ces  natifs,  chez  lesquels  ce  système  prévaut, 
ont  paru  à  M.  Thompson  être  les  plus  beaux  et  les  plus  prospères  du  sud 
de  l'Afrique.  Il  a  trouvé  partout  une  grande  supériorité,  chez  les  indigè- 
nes parmi  lesquels  les  misi^^n^iaires  ont  établi  leurs  stations  ;  ils  culti- 
vent plus  de  blé,  font  plus  de  commerce,  et  généralement  consomment 
plus  de  marchandises  des  manufactures  anglaises,  que  les  Gafres  chez 
lesquels  il  n'y  a  pas  encore  de  missions.  Les  Ma-Tébélé,  au  nord  du  pays 
des  Be-Chuana,  sont  organisés  militairement;  ils  ont  12,000  combat- 
tants, continuellement  occupés  à  faire  des  excursions  dans  les  territoires 
de  leurs  voisins,  tuant  sans  merci  tous  les  adultes  qu'ils  rencontrent. 
Tôt  ou  tard  les  Boers  en  viendront  aux  mains  avec  eux. 

La  substitution  progressive  des  bateaux  h  vapeur  aux  navires  à  voUes 
a  porté  un  coup  fatal  à  la  prospérité  commerciale  de  l'île  de  Sainte- 
Hélène.  De  1873  à  1882,  le  nombre  des  vaisseaux  qui  y  ont  touché  a 
diminué  de  220.  Aussi,  d'après  un  rapport  -  officiel  du  gouverneur^ 


—  171  — 

M.  Morris,  les  circonstances  financières  et  commerciales  de  Ttle  sont- 
elles  tristes;  les  édifices  publics,  les  routes,  les  autres  établissements 
s'en  ressentent;  le  peu  d'employés  est  mal  payé,  Tinstructiou  populaire 
est  en  décadence,  bref,  tout  ce  qui  fait  la  force  morale  d'une  administra- 
tion souffre  de  ce  manque  de  ressources  financières. 

Parmi  les  papiers  laissés  par  le  D' Pogge,  mort  récemment  à  Londres, 
se  trouvait  une  lettre  adressée  au  Nura-Futa  —  l'empereur  d'Allema- 
gne —  par  le  roi  de  Miiqueng^ué,  chez  lequel  l'explorateur  allemand 
a  fondé  la  station  la  plus  avancée  dans  l'intérieur  des  terres.  Nous  la 
reproduisons  à  titre  de  document  curieux  : 

«  0  toi  qui  es  grand  sur  les  eaux!  Souverain  de  tous  les  peuples! 
Envoie-moi  un  remède  afin  que  mes  gens  ne  meurent  point,  avec  de  bel- 
les armes  qui  ont  deux  tuyaux  et  qui  se  chargent  par  derrière.  Si  tu  fais 
cela,  je  serai  prêt  à  accompagner  tes  enfants  où  tu  voudras.  Je  veux  aussi 
une  statue  grande  comme  un  homme,  avec  un  vêtement,  un  casque  à 
plumet,  une  grande  boîte  à  musique,  une  grande  et  beUe  glace,  enfin  tout 
ce  qui  n'est  pas  encore  venu  dans  mon  pays,  et  cela  afin  que  tous  mes 
Kuolo  viennent  dans  ma  ville  pour  voir  ces  belles  choses.  Envoie-moi 
aussi  un  uniforme.  Et  puis  j'accompagnerai  tes  fils  partout  où  ils  vou- 
dront, comme  je  l'ai  déjà  fait  au  Kossonge  (D"  Pogge)  et  au  Kassa  Pu 
Baba  (Wissmann),  que  j'ai  accompagnés  jusqu'au  Loualaba.  Je  suis  ton 
serviteur  et  je  désire  continuer  une  grande  amitié.  Envoie-moi  aussi  de 
grande  fusées.  Muquengue  Kalamba.  » 

D'après  une  dépêche  de  Saint-Paul  de  Loanda,  Stanley  s'est  embar- 
qué dans  cette  ville  le  8  juin  pour  l'Angleterre.  Il  est  remplacé  sur  le 
Ooni^o  par  le  colonel  sir  Francis  de  Winton,  nommé  administrateur 
général  des  territoires  libres  du  Con^o,  c'est  le  nom  adopté  par 
l'Association  internationale,  pour  les  possessions  qu'elle  a  acquises  par 
concessions  ou  par  traités*,  avec  les  chefs  indigènes, et  pour  lesquels,  dit 
le  Précurseur  d'Anvers^  elle  a  commencé  à  élaborer  une  constitution 
dite  de  l'État  libre  fédératif.  C'est,  paraît-il,  sous  la  forme  d'une  confé- 
dération que  ces  territoires  seraient  constitués  en  un  État,  avec  lequel  les 
puissances  civilisées  pourraient  entretenir  des  rapports  internationaux. 
Au  reste  tout  ce  qui  se  rattache  à  cette  question  est  encore  très  peu 

^  Au  nombre  de  79,  d'après  un  rapport  de  M.  le  Chief  Justice  Daily,  à  la 
Société  de  géographie  de  New- York;  ces  territoires  s'étendraient  le  long  des  rives 
du  fleuve  et  de  ses  affluents,  sur  un  parcours  de  plus  de  8000  kilomètres. 


<  > 


—  172  — 

clair.  Le  traité  anglo-portugais  a  été  dénoncé,  il  est  vrai,  parce  que, 
aurait  dit  M.  de  Bismarck,  il  n'a  pas  rencontré  l'assentiment  des  autres 
puissances.  On  a  jugé  qu'il  fallait  régler  cette  question  au  moyen  d'une 
convention  faite  entre  les  puissances  maritimes,  et  des  négociations  ont 
été  entreprises  pour  arriver  à  ce  résultat.  Le  gouvernement  allemand 
serait  décidé  à  appuyer  la  fondation  de  nouveaux  États  sur  le  Congo, 
telle  qu'elle  est  proposée  par  l'Association  internationale,  pourvu  qu'il 
puisse  assurer  préalablement,  par  un  traité,  au  commerce  allemand  une 
entière  liberté  de  mouvement  dans  ces  contrées.  D'après  une  dépêche  de 
Berlin,  publiée  dans  le  Matin ^  le  projet  de  convoquer  prochainement  une 
conférence  des  puissances  intéressées  à  la  question  du  Congo,  en  vue 
d'un  arrangement  international,  est  favorablement  reçu  de  la  plupart 
des  cabinets,  et  cette  conférence  suivra  probablement  de  près  celle  qui 
siège  en  ce  moment  à  Londres.  Attendons  de  voir  ce  qui  sortira  de 
ces  négociations,  avant  de  nous  préoccuper  de  la  valeur  des  nouveaux 
traités  de  l'Association  internationale  avec  tels  ou  tels  chefe  du  Congo 
inférieiu:  et  du  Quillou,  et  de  la  protestation  qu'y  auraient  opposée  les 
commandants  de  navires  portugais  dans  ces  parages. 

Mentionnons  seulement  les  progrès  de  l'œuvre  cîTilisatrice  dn 
Cong^o.  Un  sanitarium  a  été  installé  à  Boma  dans  de  bonnes  conditions. 
La  station  de  Vivi  a  pris  un  très  grand  développement  et  ses  établisse- 
ments ont  dû  être  déplacés;  les  constructions  ont  été  démontées  et,  avec 
ce  qu'elles  renferment  de  marchandises  et  d'approvisionnements  de  tout 
genre,  elles  ont  été  transportées  à  lôOO"  plus  au  nord,  sur  un  vaste  pla- 
teau, oîi  la  future  ville  aura  tout  l'espace  voulu  pour  s'étendre  dans  tous 
les  sens.  On  construit  en  Belgique  un  certain  nombre  de  maisons  en  bois 
destinées  à  la  station  de  Vivi,  et  que  M.  de  Reyghere,  chef  charpentier 
au  service  de  l'Association,  sera  chargé  de  conduire  au  Congo.  Ce  sont 
des  constructions  en  forme  de  chalet,  à  un  étage,  destinées  à  être  dres- 
sées sur  des  pilotis  en  fer  de  2"  de  hauteur.  Elles  renferment  huit  cham- 
bres à  coucher  de  5"  sur  5™,  et  une  grande  salle  à  manger  de  5"  sur  10"; 
une  véranda  de  2*  de  largeur  règne  autour  du  bâtiment.  Le  nouveau  Vivi 
sera  relié  au  débarcadère  du  Congo  par  un  petit  chemin  de  fer  à  voie 
étroite,  d'environ  deux  kilomètres,  dont  la  construction  est  commencée. 

—  M.  Hanssens,  chargé,  depuis  le  départ  de  Stanley,  de  l'exploration 
du  Haut-Congo  et  de  ses  affluents,  a  quitté  Stanley-Pool  avec  cinq 
embarcations;  aux  dernières  nouvelles,  il  était  à  Bolobo  et  remontait 
vers  l'Equateur. 

Le  capitaine  Elliot,  au  nom  de  TAssociation  internationale  a  encore 


—  173  — 

pris  possession  d'un  territoire  de  370  kilom.,  le  long  de  la  côte,  de  Tem- 
bouchure  du  Quillou  jusqu'au  cap  Sainte-Catherine  ;  les  chefs  indigènes 
s'étant  placés  spontanément  sous  le  protectorat  de  TAssociation.  Quatre 
nouveUes  stations  y  ont  été  fondées  :  à  Egowé,  près  de  la  limite  méri- 
dionale de  la  colonie  française  du  Gabon  ;  à  Sette-Cama,  un  peu  au  nord 
de  Pembouchure  du  Sette;  à  Nyanga,  près  de  l'embouchure  de  la  rivière 
du  même  nom,  et  à  Mayomba,  au  sud  de  la  baie  de  ce  nom.  Il  y.avait 
déjà  sur  cette  côte  des  factoreries  anglaises,  hollandaises,  portugaises,  etc. 
Nous  avons  déjà  signalé  (p.  164),  l'arrivée  à Boma  du  D'Chavanne» 
chargé  tout  d'abord  de  dresser  la  carte  du  fleuve  et  des  districts  rive- 
rains. Il  a  immédiatement  commencé  une  triangulation  entre  Ponta-da- 
Lenha  et  Boma,  fixé  la  position  de  ces  deux  points  et  mesuré  une  base 
à  Boma.  En  outre  il  a  installé,  dans  cette  dernière  localité,  un  observa- 
toire météorologique,  établi  une  règle  de  marée,  un  cadran  solaire,  etc. 
II  a  également  commencé  ses  collections  ethnographiques,  ses  mesures 
anthropologiques,  et  pris  un  grand  nombre  de  vues  et  de  portraits  pho- 
tographiques ;  tous  ces  objets  seront  envoyés  à  Bruxelles  ob  un  musée 
sera  fondé.  Dans  deux  excursions  qu'il  a  faites  à  l'intérieur,  à  N'Siunba, 
à  20  kilom.  N.-N.-O.,  et  à  Hélélé,  à  15  kilom.  E.  de  Boma,  il  a  rencontré 
une  terre  végétale  excellente,  propre  à  tout  ce  que  l'agriculture  pouiTait 
lui  demander;  aussi  estime-t-il  que  c'est  sur  le  travail  agricole  que 
l'attention  devrait  se  porter  avant  tout  ;  le  sol  le  récompenserait  plus 
largement  en  une  année  que  toute  espèce  de  trafic.  Actuellement  on 
n'obtient  qu'avec  peine  par  le  jardinage,  aux  environs  des  factoreries  et 
des  stations,  ce  qui  est  absolument  nécessaire  pour  les  besoins  des  rési- 
dents ;  le  sol  n'est  pas  exploité  par  l'indigène,  qui  ne  plante  que  ce  dont 
il  a  strictement  besoin  pour  vivre  :  du  maïs,  un  peu  d'arachides,  etc. 
Les  Européens  qui  s'établiraient  au  Congo  devraient'avoir  soin  de  n'ac- 
quérir aux  environs  des  stations  que  des  terrains  déjà  plus  ou  moins 
défrichés,  et  de  s'y  adonner  à  la  culture  du  café,  du  coton,  de  la  canne 
à  sucre  et  des  céréales.  Les  résultats  seraient  beaucoup  plus  lucratifs 
que  la  concurrence  faite  aux  factoreries  déjà  existantes.  Le  temps  de  la 
grande  prospérité  de  celles-ci  le  long  de  la  côte  Loango-Angola,  a  pris 
fin  depuis  la  suppression  du  commerce  des  esclaves  en  1866  ;  ce  trafic 
existe  encore  en  secret,  dans  des  proportions  restreintes.  Quant  au 
développement  du  commerce  le  long  du  Congo,  le  D'  Chavanne  pense 
que  le  choix  de  Léopoldville  comme  centre  commercial  de  ces  contrées 
est  bien  conçu  ;  seulement,  jusqu'à  aujourd'hui,  les  voies  de  communica- 
tion entre  Stanley-Pool  et  la  côte  sont  encore  incomplètes,  ce  qui 


—  174  — 

empêche  un  commei*oe  étendu  et  régulier  ;  d'autre  part,  le  transport 
des  marchandises  se  fait  encore  à  dos  d'hommes,  pour  presque  la  moitié 
de  la  route,  ce  qui  augmente  le  prix  de  la  marchandise.  Le  trafic  n'est 
pas  encore  assez  développé  pour  songer  à  l'établissement  d'un  chemin 
de  fer,  mais,  si  le  Congo  reste  libre  et  neutre,  comme  on  peut  l'espérer, 
des  négociants  intelligents  obtiendront  rapidement  un  résultat  qui  le 
rendra  nécessaire.  L'intention  du  D'  Chavanne  était  de  remonter  par 
la  rive  droite  du  fleuve  à  Vivi,  puis  de  redescendre  par  la  rive  gauche, 
en  continuant  sa  triangulation  jusqu'à  Noki.  De  1&,  il  voulait  répondre  à 
une  invitation  des  missionnaires  portugais  à  San-Salvador,  en  remontant, 
sur  une  longueur  de  125  à  150  kilom.,la  Louada,  affluent  du  Congo, 
puis,  compléter  sa  triangulation  sur  la  rive  gauche  jusqu'à  Shark- 
Point,  y  passer  le  fleuve  et  remonter  à  Boma  en  achevant  son  travail. 

La  Société  de  géographie  de  Paris  a  reçu,  dans  sa  dernière  séance, 
d'importants  renseignements  sur  la  mission  de  BrazaBa»  qui  a  quitté,  le 
15  février  dernier,  le  port  de  l'Alima,  est  arrivé  le  27  mars  chez  Ngan- 
chouno,  et  le  30  mars  chez  le  roi  Makoko  ;  celui-ci  est  toujours  sur  le 
trône,  quoi  qu'on  en  ait  dit,  et  il  a  reçu  l'explorateur  français  avec  les 
témoignages  d'une  affection  des  plus  sincères.  On  avait  cherché  à  lui 
faire  croire  que  de  Brazza  était  mort  et  n'avait  rien,  et  il  le  revoyait 
en  chair  et  en  os,  apportant  de  riches  marchandises.  Aussi  fut*il  très 
ému,  et  après  l'avoir  regardé  bien  en  face,  il  le  prit  à  bras  le  corps,  et 
se  livra  à  des  embrassements  et  à  des  étreintes,  qu'en  toute  autre  cir- 
constance on  trouverait  singulières.  Le  30  avril,  de  Brazza  descendit  à 
la  station  de  Brazzaville,  qui  s'est  développée,  compte  déjà  17  grandes 
cases,  et  dont  l'état  sanitaire  était  excellent  ;  les  relations  avec  les  indi- 
gènes ne  laissaient  rien  à  désirer.  Il  a  dû  recevoir  des  ravitaiUements 
que  M.  Dufourcq  lui  a  envoyés  de  la  côte  de  Loango  par  la  voie  du  Niari. 
Le  D'  Ballay  va  revenir  en  France,  rapportant  un  levé  de  l'Alima,  et 
une  série  de  croquis  et  de  dessins  exécutés  par  M.  de  Chavannes,  qui  a 
vaillamment  suivi  de  Brazza  depuis  l'arrivée  de  la  mission  en  Afrique. 

M.  Dufourcq  a  transmis  aussi  des  détails  sur  la  station  du  cap 
Lopez,  le  principal  des  établissements  du  Gabon.  Elle  a  pris  déjà  une 
certaine  extension,  et  compte  une  cinquantaine  de  cases  installées  le  long 
delà  plage,  sur  une  surface  d'environ  un  kilomètre  carré.  Le  cap  Lopez 
est  plus  salubre  que  Libreville  sur  le  bas  Ogôoué,  et  que  les  autres  par- 
ties de  la  côte.  Mais  l'eau  manque;  il  suffit  cependant  de  &ire  un  trou 
de  1"',50  au  plus,  pour  avoir  de  l'eau  potable.  Le  sable  est  chargé 
d'humus,  et  partout  s'étendent  des  prairies  hautes,  grasses,  touffiies, 


i 


—  175  — 

dans  lesquelles  gîtent  bœufe,  eerfis,  antilopes,  sangliers,  éléphants,  e^e. 
L'essence  forestière  la  plus  répandue  est  le  bois  de  fer,  malheureuse- 
ment très  lourd  à  transporter,  ce  qui  oblige  à  aller  chercher  assez  loin 
les  bois  de  construction.  La  rade  est  très  belle  et  pourrait  recevoir  des 
flottes  nombreuses*  Le  poisson  vient  à  la  plage  par  bancs,  et  fournit 
une  alimentation  saine.  Ce  qui  fait  défaut  ce  sont  les  rochers  et  les 
pierres  ;  M.  Dufourcq  comptait  explorer  la  pointe  nord  du  cap  Lopez, 
où  Ton  dit  qu'il  en  exi&te.  Sur  le  rapport  de  la  commission  du  budget, 
la  Chambre  des  députés  a  voté  un  nouveau  subside  de  780,000  francs 
pour  là  nûssion  de  Brazza,  afin  de  permettre  au  vaillant  explorateur  de 
développer  les  stations  qu'il  a  créées  jusqu'ici. 

C'est  encore  à  la  Société  de  géographie  de  Paris,  que  nous  devons  les 
derniers  renseignements  sur  Texpéditioii  c|e  M.  Ro^ozinsiki,  qui, 
dans  une  lettre  du  1 1  mai  dernier,  lui  annonce  avoir  fondé  sur  Ttle 
Mondoleh,  au  sud  des  monts  Cameroon  et  tout  près  de  la  côte,  une 
station  composée  de  quatre  habitations  et  possédant  deux  chaloupes, 
des  instruments  d'observation,  une  bibliothèque  et  des  objets  pour  la 
conservation  des  collections.  Quant  aux  résultats  acquis,  Us  consistent 
en  une  série  d'itinéraires  dans  l'ouest  du  fleuve  Moungo  et  jusqu'aux 
cataractes  de  ce  fleuve.  Ces  itinéraires  comprennent  les  lacs  Mbou  et 
Balomba-ba-Kotta.  M.  Rogozinski  n'a  manqué  aucune  occasion  de 
prendre  auprès  des  indigènes  des  informations  sur  les  lacs  Biba  ou  Liba. 
Quelques  hommes  du  Bayong  et  quelques  Befarenganyas  lui  ont  donné 
des  indications  sur  ces  lacs  et  sur  les  habitants  du  pays  qui  les  entoure. 
Mais  elles  sont  d'une  nature  si  étrange,  qu'il  hésite  à  les  rapporter 
avant  d'avoir  vu  par  lui-môme  ce  qu'elles  ont  de  fondé.  On  lui  a  parlé 
d'hommes  blancs  ou  probablement  d'un  teint  très  clair,  dont  la  taille 
ne  dépasserait  pas  trois  pieds.  Ils  sont  oopsidérés  comme  médecins  ou 
comme  sorciers,  et  en  cette  qualité  ils  viennent  de  temps  à  autre  et 
Bayong.  On  parle  de  mandiba  mandene,  grandes  eaux,  qu'un  cours 
d'eau  semble  relier  à  l'océan.  M.  Rogozinski  avait  auprès  de  lui  notre 
compatriote,  M.  le  D' Passavant,  qui  se  proposait  aussi  d'aller  au  lac 
Liba.  Bs  attendaient  la  fin  de  la  saison  des  pluies  pour  tâcher  de  nou- 
veau de  pénétrer  dans  l'intérieur. 

Le  capitaine  Brandon  KIrhy,  est  revenu  à  Accra  d'un  voyage 
d'exploration  à  l'intérieur,  dont  l'avait  chargé  le  gouverneur  de  la  Côte 
d'Or,  sir  Samuel  Rowe.  Il  devait  se  rendre  h  Coumassie  et  s'informer 
de  ce  qu'il  y  avait  plus  au  nord.  Quittant  Accra,  le  1"  janvier  de  cette 
année-ci,  il  visita  d'abord  les  tribus  aehanUes  autour  de  la  capitale 


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—  176  — 

et  apprenant  que  Tune  d'elles,  celle  des  Coranza,  directement  au  nord 
de  la  capitale,  était  la  plus  puissante,  il  partit  de  Coumassie  le  15  février 
pour  Goranza.  Après  trois  longs  jours  de  voyage,  il  quitta  Tépaisse  forêt 
qui  s^étend  sans  interruption  de  Cape  Goast  Castle  à  Coumassie,  et 
entrant  ^ans  un  pays  ouvert,  il  trouva  une  plaine  sablonneuse,  dans 
laquelle  il  atteignit,le  21  février,  Coranza,  sur  la  limite  N.-E.  du  pays  des 
Achantis.  En  sa  qualité  d^envoyé  du  gouvernement  britannique,  il  reçut 
un  bon  accueil  et,  comme  les  Coranza  ont  complètement  secoué  le  joug 
des  Achantis,  ils  ne  firent  aucune  objection  à  ce  qu'il  continuât  son 
voyage  jusqu'à  la  ville  de  Kontampo,  dont  il  avait  beaucoup  entendu 
parler,  mais  qui  jusqu'alors  avait  été  empêchée  par  la  barrière  des 
Achantis,  de  communiquer  avec  les  pays  plus  au  sud.  On  la  citait  comme 
^';  le  plus  grand  centre  commercial  de  tout  le  district  ;  là  convergeaient 

t*utes  les  routes,  c'était  là  que  se  faisaient  toutes  les  affaires  d'échange  ! 
n  en  prit  le  chemin  et  y  arriva  le  29  février.  Elle  lui  parut  un  grand 
marché,  avec  une  population  permanente  de  15,000  habitants  et  une 
population  flottante  de  25,000  âmes.  C'est  une  ville  mahométane, 
gouvernée  par  le  shérif  Mahama  dont  l'autorité  est  toute -puissante. 
Les  caravanes  y  arrivent  de  tous  les  points  de  l'horizon  ;  elle  est  au 
centre  d'un  réseau  de  routes  rayonnant  au  nord,  à  l'est,  au  sud  et  à 
l'ouest;  c'est  le  principal  entrepôt  du  commerce  de  cette  partie  de 
l'Afrique,  en  communication  directe  avec  Tombouctou.  M.  Brandon 
Kirby  était  à  Kontampo  quand  la  caravanede  Tombouctouy  arriva  ;  elle 
comptait  au  moins  1000  personnes,  50 chameaux,  300  ou  400  ânes,  mules 
et  chevaux.  Les  marchandises  sont  chargées  essentiellement  sur  les  ânes, 
et  quoiqu'on  se  serve  de  chameaux,  les  marchandises  étant  réparties  en 
petits  paquets,  l'on  préfère  l'âne  comme  bête  de  somme.  L'envoyé 
anglais  a  trouvé  qu'une  partie  des  marchandises  européennes  arrive  à 
Kontampo  par  les  établissements  français  d'Assiuie,  parce  qu'ainsi  elles 
peuvent  éviter  de  traverser  le  territoire  des  Achantis.  Mais,  parmi  les 
marchandises  apportées  par  la  caravane  de  Tombouctou,  il  y  avait  quan- 
tité de  pièces  de  soieries  et  des  cotonnades,  ainsi  que  des  couteaux,  du 
coton  à  coudre,  du  fil  teint,  des  aiguilles,  des  épingles  et  d'autres  objets 
fabriqués  en  Europe.  Le  grand  obstacle  au  commerce  avec  l'intérieur 
a  été  l'existence  de  l'État  achanti,qui  s'est  étendu  comme  une  muraille 
de  la  Chine  entre  les  établissements  anglais  et  les  pays  de  Tintérieui*. 
Toutes  les  marchandises  qui  traversaient  l'Achanti  devaient  payer  100  Vo 
de  droit  de  transit,  sans  compter  qu'elles  étaient  retenues  un  mois  à 
Coumassie.  A  Kontampo  la  plus  grande  partie  des  marchandises  por- 


—  177  — 

talent  des  marques  de  fabriques  françaises;  une  petite  quantité  seule- 
ment avaient  des  marques  anglaises.  La  voie  est  maintenant  ouverte  ;  le 
commerce  peut  suivre  Tune  ou  Tautre  des  routes  des  natifs,  de  la  côte  à 
Eontampo,  par  le  Gaman  à  Touest  ou  par  Salaga  à  Test,  ou  encore  par 
Coumassie  ;  mais  il  vaudrait  mieux  qu'on  pût  trouver  une  route  directe  qui 
évitât  la  forêt,  dans  laquelle  les  chevaux  ne  peuvent  pas  vivre.  Les  marchan- 
dises d'Europe  pourraient  être  mises  rapidement  en  communication  avec 
les  caravanes  qui  passent  par  Kontampo  en  se  rendant  à  Tombouctou  et  à 
Sokoto.  L'objet  principal  qu'elles  viennent  acheter  à  Kontampo  est  la 
noix  de  kola  qui  abonde  dans  les  forêts  à  Test  et  à  l'ouest  de  Coumassie. 
Mais  si  la  route  de  la  côte  était  ouverte,  elles  y  viendraient,  plusieurs 
marchands  l'ont  dit  à  M.  Brandon  Kirby,  apporter  l'ivoire  qu'elles  trans- 
portent maintenant  vers  l'Orient.  Les  frais  et  les  pertes  auxquelles  elles 
étaient  entraînées  quand  elles  faisaient  passer  l'ivoire  par  Coumassie, 
étaient  tels  qu'ils  préféraient  le  porter  partout  ailleurs  à  l'est  de 
Kontampo;  cette  ville  ne  pourra  pas  rivaliser  avec  les  marchés  du  Niger, 
du  Congo  et  du  Nil,  néanmoins  elle  deviendra  un  bon  débouché  pour  les 
marchandises  de  l'Europe. 

C'est  aussi  vers  le  nord  que  le  missionnaire  Ramsieyep,  empêché 
jusqu'ici  de  s'établir  à  Coumassie,  songe  à  étendre  le  champ  de  sa  mis- 
sion. Les  troubles  qui  continuent  à  régner  dans  la  capitale  de  l'Achanti, 
ont  beaucoup  relâché  les  liens  qui  unissaient  à  celle-ci  les  diverses  pro- 
vinces du  royaume  ;  plus  d'une  d'entre  elles  a  déjà  secoué  le  joug  de 
Coumassie,  et  les  missionnaires  d'Abétifi,  dans  l'Okwaou,  voient  arriver 
le  jour  où  ils  pourront  parcourir  ces  districts  en  toute  liberté  et  sécurité. 
En  attendant,  M.  Ramseyer  a  entrepris  vers  le  nord  un  voyage  qu'il 
compte  pousser  jusqu'à  Salaga.  Il  désire  surtout  connaître  la  province 
d'Atéoban,  à  huit  ou  neuf  journées  de  marche  au  nord  d'Abétifi,  et 
dont  les  habitants  ont  déjà  plus  d'une  fois  invité  les  missionnaires  à 
venir  les  voir.  De  là  il  n'y  a  plus  que  cinq  jours  de  marche  jusqu'à 
Salaga.  Si  la  mission  réussit  à  s'établir  à  Atéoban,  il  lui  sera  facile  de 
travailler,  de  cette  station,  parmi  les  tribus  qui  habitent  près  du  Volta, 
et  dont  la  plupart  étaient  autrefois  soumises  aux  Achantis.  Dans  une 
lettre  que  M.  Ramseyer  écrivait  avant  de  partir,  le  28  février,  à  ses  amis 
de  Neuchâtel,  il  rapporte  que  depuis  plusieurs  semaines  les  gens  d'Abé- 
tifi, stimulés  par  des  marchands  indigènes  de  la  côte,  ont  commencé  à 
exploiter  le  caoutchouc.  Les  forêts  de  l'Okwaou,  ont  trois  ou  quatre 
sortes  de  lianes  dont  le  suc  laiteux,  soumis  à  l'ébuUition,  donne  une 
bonne  gutta-percha.  Avec  la  gomme  copal,  c'est  le  seul  produit  du 
sol  qui  soit  devenu  un  article  de  conunerce. 


—  178  — 

NOUVEUiBS  COMPLÉMENTAIRES 

Une  société  agfricole  et  industrielle,  ayant  son  siège  à  Batna,  s'est  fondée  en 
Yoe  de  donner  nne  impulsion  énergique  à  la  colonisation  du  sud  de  PAlgérie.  Ses 
propriétés  sont  situées  dans  la  région  de  POued-Rir',  dont  les  oasis  sont  deyenues 
très  prospères,  grâce  à  Pirrigation  abondante  fournie  par  les  puits  artésiens 
creusés  sous  la  direction  de  M.  Jus. 

L'occupation  de  la  Tunisie  par  les  troupes  françaises,  en  facilitant  les  explora- 
tions dans  cette  région,  a  permis  au  D^  Rouire  de  découvrir  un  lac  de  45  kilomètres 
de  tour  aux  basses  eaux,  et  de  19  kilomètres  de  longueur,  le  lac  Kelbiah.  C'est  le 
plus  grand  de  la  Tunisie.  Il  est  formé  par  une  grande  rivière  qui  descend  de 
Tébessa,  se  réunit  dans  la  plaine  de  Kairouan  à  l'Oued-Meracuelil,  et,  au  sortir 
du  lac,  va  se  perdre  dans  le  golfe  de  Hammamet.  Le  D^  Rouire  y  voit  le  fleuve  et 
le  lac  Triton  des  anciens. 

Une  société  de  géographie  et  d'archéologie  s'est  fondée  à  Kef,  en  Tunisie.  Elle 
se  propose  de  faire  connaître  les  ressources  que  cette  région  peut  offrir  aux  Euro- 
péens qui  viennent  s'y  établir,  et  de  contribuer  à  la  conservation  des  monuments 
de  l'antiquité  qui  y  abondent. 

D'après  le  Moniteur  des  ConsiUats,  le  sultan  des  Anfali  a  écrit  une  lettre  au 
Président  de  la  République  française,  pour  lui  offrir  son  amitié,  et  le  passage,  sur 
son  territoire,  des  caravanes  se  rendant  d'Obock  au  Choa;  en  échange  il  sollicite 
la  protection  de  la  France  contre  les  envahissements  des  Égyptiens. 

M.  Last,  missionnaire  anglais  de  Mamboya,  a  fait  une  excursion  dans  le  pays 
des  Masaï.  Malgré  la  réputation  de  cruauté  de  cette  peuplade,  ce  missionnaire  est 
revenu  sain  et  sauf. 

D'après  un  rapport  de  M.  Bloyet  de  la  station  française  de  Condoa,  des  hosti- 
lités ont  éclaté  entre  Mréré,  sultan  de  l'Ou-Rori,  et  Mahouinga,  sultan  de  l'Ou- 
Bébé.  Le  premier  a  tué  cinq  ou  six  cents  hommes  à  son  rival.  La  sécheresse  con- 
tinue à  désoler  l'Ou-Sagara. 

Le  Cape  Times  a  annoncé  que  le  u^  Holub  s'est  mis  en  route  pour  son  explora- 
tion,  avec  trois  wagons,  dont  l'un  contient  des  marchandises  auxquelles  on  ne 
touchera  pas  avant  d'avoir  atteint  le  Zambèze,  le  second  des  provisions  et  des 
vivres  pour  le  voyage  jusqu'au  fleuve,  le  troisième,  des  appareils  scientifiques. 
A  Colesberg,  il  séjournera  quelque  temps  pour  étudier  les  gisements  fossilifères  du 
voisinage.  Pendant  son  séjour  au  Cap,  il  a  fait  des  collections  d'insectes,  de  pois- 
sons et  d'oiseaux,  de  manière  à  en  remplir  dix-huit  caisses  qui  sont  en  route  pour 
l'Europe. 

M.  Auguste  Einwald,  de  Heidelberg  /Allemagne);  qui  a  déjà  voyagé  dans  le 
Namaqualand  et  la  Cafrerie,  va  se  rendre  au  Limpopo  pour  le  compte  d'une  com- 
Iiagnie  commerciale.  De  là  il  poursuivra  son  exploration  à  l'intérieur. 

D'après  une  déclaration  de  lord  Granville  à  la  Chambre  des  Lords,  le  gouver- 
nement anglais  n'estime  pas  qu'il  soit  possible  de  contester  à  l'empire  d'Allemagne 


—  179  — 

le  droîl  de  protéger  les  scgets  allemand»  établis  à  Angra-Pequeaa  ;  il  reconnaîtra 
celle  protection  dès  qu'un  accord  sera  intervenu,  qui  garantira  tous  les  droits 
acquis,  préviendra  tout  établissement  pénitentiaire  dans  le  voisinage  de  la  colonie 
du  Gap,  et  assurera  les  intérêts  des  sujets  britanniques  qui  peuvent  avoir  reçu 
des  concessions  de  la  part  de  chefs  indigènes,  et  ceux  des  Anglais  trafiquant  dans 
cette  région. 

'  Une  commission  de  Boers  établis  à  Humpata  se  propose  d'explorer  le  territoire 
compris  entre  le  Cunéné  et  le  Coubango.  Une  souscription  a  été  ouverte  à  Loanda 
pour  les  aider  dans  cette  entreprise. 

Aux  dernières  nouvelles  reçues  à  Lisbonne,  les  explorateurs  Capello  et  Ivens 
étaient  à  Capan-Gombé;  ils  avaient  relevé  un  itinéraire  de  750  kilom.,  rectifiant 
beaucoup  d'erreors  des  cartes  anciennes,  et  dressant  la  carte  de  régions  où  jus- 
qu'ici n'avait  été  aucun  cartographe. 

Une  dépêche  de  Madère  a  annoncé  que  trois  officiers  portugais  sont  partis, 
le  11  juin,  de  Saint-Paul  de  Loanda,  avec  200  indigènes,  pour  se  rendre  chez  le 
Mouata-Yamvo,  et  gagner  ensuite  la  côte  de  Mozambique.  Leur  expédition  a  un 
caractère  commercial. 

La  Société  africaine  allemande  a  organisé  une  nouvelle  expédition  pour  explo- 
rer à  fond  le  bassin  méridional  du  Congo.  Elle  sera  dirigée  par  M.  le  lieutenant 
Schultze,  accompagné  de  deux  autres  lieutenants  et  de  deux  médecins. 

Le  gouvernement  portugais  a  conclu,  avec  la  Compagnie  du  câble  sous-marin  de 
Cadix  aus  Canaries  et  des  Canaries  au  Sénégal,  un  contrat  pour  l'établissement 
d'nn  câble  allant  du  Sénégal  à  Bolama,  Saint-Thomas  et  Loanda.  Les  possessions 
portugaises  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  seront  ainsi  reliées  avec  l'Europe. 

Le  gouverneur  du  Sénégal  a  institué  à  Saint-Louis  un  comité  chargé  de  déve- 
lopper dajds  cette  possession  l'œuvre  de  l'Alliance  française,  qui  a  pour  but  de 
propager  la  connaissance  du  français  dans  les  colonies. 

L'Espagne  parait  vouloir  s'opposer  à  la  rectification  de  la  frontière  N.-O.  de 
l'Algérie  que  la  France  demande  de  reporter  jusqu'à  la  Malouya,  parce  que  cette 
rivière  débouche  vis-à-vis  des  îles  Zaffarines,  quai  constituent  pour  elle  un  point 
stratégique  et  une  station  commerciale  importante.  Si  la  France  obtient  ce  qu'elle 
demande  au  Maroc,  la  frontière  de  l'Algérie  ne  sera  plus  qu'à  120  kilom.  de  Fez. 


,  ( 


MADAGASCAR 

(Suite  et  fin). 

Après  avoir,  dans  notre  précédent  nuipéro  (p.  155),  parlé  du  relief  et 
des  eaux  de  Tîle  de  Madagascar,  nous  devons  aujourd'hui  en  passer  en 
l'evue  les  ressources,  au  point  de  vue  de  la  minéralogie,  de  la  flore  et  de 
la  faune.  Quant  àTethnographie,  nous  nous  voyons  dans  la  nécessité  d'en 
ajourner  Tétude. 


—  180  — 

Si  les  ouvrages  publiés  par  divers  auteurs,  avant  les  explorations  de 
M.  Â.  Grandidier,  sont  plus  ou  moins  fantaisistes,  cela  tient  aux  obsta- 
cles presque  insurmontables  qui,  jusqu'alors,  avaient  empêché  tout 
voyage  scientifique  à  Tintérieur  de  Tîle.  Lui-même,  dans  ses  excursions 
chez  les  Antifiherenanas,  les Mahafalys,  les  SakalavasetlesÂntanosys,  fut 
souvent  exposé  à  perdre  la  vie,  sous  l'inculpation  de  sorcellerie.  Dans  leg 
contrées  sauvages  encore  indépendantes  des  Hovas,  aucune  accusation 
n'est  plus  dangereuse,  et  si  le  prétendu  crime  est  prouvé,  une  mort 
immédiate  est  la  punition  du  coupable.  «  Pour  les  Sakalavas,  »  dit 
M.  Grandidier,  <lans  une  a  Notice  sur  ses  travaux  scientifiques,  v  qu'il  a 
bien  voulu  nous  communiquer,  comme  pour  les  autres  tribus,  aucun  fedt 
n'arrive  naturellement  :  bonheur  et  malheur,  tout  est  dû  aux  sorts  et 
aux  talismans.  Que  de  tracas  et  d'ennuis  m'ont  causés  journellement  les 
habitants  de  la  côte  ouest,  par  suite  des  craintes  absurdes  qu'ils  éprou- 
vent contre  les  sorciers  !  Or,  est  sorcier  tout  individu  qui  se  distingue 
d'autrui  par  ses  actions  ou  ses  paroles,  et  le  voyageur  qui  passe  ses  jour- 
nées à  prendre  des  informations,  à  écrire,  à  regarder  les  astres,  a  à 
causer  avec  le  bon  Dieu,  »  comme  ils  disaient  dans  leur  idiome  pitto- 
resque, ou  k  manier  une  foule  d'instruments  plus  extraordinaires  les 
uns  que  les  autres,  et  à  collectionner  des  peaux  d'animaux,  à  plonger 
des  reptiles  dans  l'alcool,  est  naturellement  à  leurs  yeux  un  de  ces 
monstres  qu'on  ne  saurait  trop  craindre  et  contre  qui  il  est  bon  de 
prendre  toute  précaution.  ...  Dans  les  pays  soumis  aux  Hovas,  où  les 
superstitions  sont  moins  fortes  et  la  barbarie  moins  grande,  la  méfiance 
que  les  habitants  ont  toujours  eue  pour  les  étrangers  est  un  obstacle 
d'un  autre  genre,  mais  non  moins  insurmontable.  » 

L'étude  du  sol  en  particulier  est  rendue  presque  impossible  par  les 
lois  hovas,  qui  prohibent  sous  les  peines  les  plus  sévères  la  recherche 
des  mines.  L'art.  9  du  code  hova  stipule  en  effet  que  quiœnque  fouillera 
VoTj  V argent  ou  les  diamant^^  ou,  frappera  de  la  monnaie,  subira  une 
condamnation  de  20  ans  de  fers;  et  d'après  l'art.  10,  la  fouille  des  mi- 
nerais d'or,  d'argent,  de  cuivre,  de  fer,  deplomb,  des  pierres  précieuses, 
des  diamants,  du  charbon  de  terre,  etc.,  est  interdite,  tant  sur  les  terres 
prises  à  bail  qu^  sur  celles  qyiine  le  sont  pas.  Ceux  qui  contreviendront 
à  cette  loi  seront  condamnés  à  ^0  ans  de  fers» 

Malgré  cela,  la  présence  de  minerais  de  toutes  sortes  a  été  constatée 
à  Madagascar,  depuis  les  minerais  les  plus  usuels  jusqu'aux  plus  pré- 
cieux. Dans  une  exploration  die  la  côte  N.-O.,  le  long  des  baies  de  Pas- 


'T.    ■    ■  ".C« 


—  181  — 

sandava  et  de  Bavatoubé,  vis-à-vis  de  Nosi-Bé,  M.  Guillemia,  iagénieur 
de  la  compagnie  de  Madagascar,  reconnut  l'existence  d'un  gisement 
houiller  d'une  grande  importance,  entre  le  12** 26  et  le  13** 37'  lat  S.  La 
projection  rectiligne  des  côtes  est  de  180  kilom.,  mais  le  développement 
en  est  beaucoup  plus  considérable  en  suivant  toutes  les  sinuosités  du 
terrain.  Dans  l'intérieur  des  terres,  le  gisement  houiller  paraît  occuper, 
à  peu  de  choses  près,  toute  la  profondeur  de  la  Grande  Terre,  jusqu'à 
la  chaîne  granitique  qui,  dans  cette  partie  de  l'île,  est  à  peu  près  à  égale 
distance  des  côtes  occidentale  et  orientale.  Le  bassin  houiller  s'étend 
encore  en  prolongement  vers  l'ouest,  sous  la  région  maritime  des  baies 
et  des  îles.  La  qualité  du  charbon  offire  à  peu  près  toutes  les  variétés, 
houiUe  sèche,  houille  grasse  et  houille  à  gaz.  Analysés  à  l'École  des 
mines  de  Paris,  les  échantillons  ont  donné  des  résultats  satisfaisants, 
comme  ceux  de  la  bonne  houille  anglaise.  La  superficie  du  bassin,  réduite 
au  minimum  de  3,000  kilom.  carrés,  dépasse  celle  de  tous  les  bassins 
houillers  de  la  France,  qui  n'est  que  de  2,800  kilom.  carrés.  Il  y  a  30 ans, 
M.  d'Arvoy,  ancien  consul  de  France  à  Maurice,  commença,  en  face  de 
Nosi-Bé,  une  exploitation  à  laquelle  il  employait  400  Mozambiques.  La 
reine  Ranavalo  I*'  envoya  contre  lui  2,000  soldats,  qui  s'emparèrent  de 
lui,  quoique  le  terrain  ne  dépendît  pas  de  la  reine,  et  le  massacrèrent. 

Au  N.-E.  et  au  S.-O.  de  Tananarivo,  on  trouve  du  lignite,  ce  qui  fait 
supposer  qu'il  pourrait  exister  sur  toute  cette  ligne  un  gisement  carbo- 
nifère. Dans  l'Ambougou,  a  été  découvert,  entre  les  16"*  et  17*  de  lati- 
tude, et  à  60  kUom.  de  la  côte,  un  lac  de  bitume  qui  indique  la  présence 
d'un  gisement  houiller.  Les  capitaines  des  boutres  arabes  qui  fréquen- 
tent cette  côte  se  servent  de  ce  bitume  pour  calfater  leurs  navires. 

Le  fer  est  bien  répandu  dans  l'île  ;  on  l'y  trouve  à  l'état  pur,  en  blocs 
sphériques  énormes,  et  en  poudre  ou  limaille.  C'est  à  l'aide  de  celle- 
ci,  chauSëe  et  forgée  grossièrement,  que  les  habitants  voisins  delà  forêt 
fabriquent  le  fer  qui  est  livré  aux  marchés.  Le  plateau  central,  l'Imé- 
rina,  le  Betsiléo  etl'Antsihianaka  sont  Surtout  remarquables  par  l'abon- 
dance de  ce  minerai.  Avant  d'être  les  dominateurs  de  Madagascar,  les 
Hovas  avaient  acquis  une  grande  réputation  comme  forgerons  de  fer. 
Dans  quelques-unes  des  montagnes  de  la  province  d'Imérina,  l'abon- 
dance du  minerai  est  si  grande  que  les  indigènes  les  ont  surnommées 
montoffnes  de  fer,  et  que  les  déviations  de  l'aiguille  aimantée  y  rendent 
très  difficiles  les  observations  dans  lesquelles  la  boussole  est  employée, 
n  y  a  des  gîtes  extrêmement  riches  et  de  facile  extraction,  entre  le 
Tsijobonina  et  le  Morondava.  Les  ocres  et  terres  colorantes  sont  égale- 
ment abondants. 


—  182  — 

U  existe  du  miaerai  de  cuivre  au  sud  de  Tananarivo,  et  du  minerai 
d'argent  dans  la  forêt  de  Manérinériaa.  Les  Ântsibianakas  passent  pour 
être  riches  en  argent  ;  c'est,  dit*on,  le  peuple  de  Tîle  qui  en  possède  le 
plus,  mais  on  ne  sait  s'ils  le  tirent  de  leur  sol  ou  de  l'étranger.  L'exis-' 
tence  de  l'or  à  Madagascar  a  été  niée,  quoique  d'anciens  voyageurs 
l'eussent  annoncée  d'une  manière  positive  ;  mais  des  indices  certains  ne 
permettent  plus  d'en  douter.  M.  Grandidier  assure  qu'on  a  trouvé  de 
la  poudre  d'or  dans  un  petit  affluent  de  l'ikiopa  près  de  Mevatanana.  U 
en  existe,  au  sud  de  la  Mania,  une  mine  gardée  par  des  soldats  hovas. 
Une  des  raisons  qui  portent  à  penser  qu'il  y  a  des  gisements  aurifères 
dans  l'Ile,  c'est  la  loi  qui  défend  sous  peine  de  mort  d'en  révéler  l'exis- 
tence aux  vazas,  c'est-à-dire  aux  blancs. 

Le  code  hova  interdit,  nous  l'avons  déjà  dit,  la  fouille  des  mines  de 
pierres  précieuses.  Celles  que  l'on  a  trouvées  jusqu'à  présent  ne  sont  ni 
très  belles  ni  très  variées  ;  ce  sont  des  améthystes,  des  aigues-marines, 
des  opales.  Le  cristal  de  roche  abonde  du  côté  de  Yohémar,  au  nord 
de  la  baie  d 'Anton  gil.  Le  sel  gemme  paraît  exister  dans  certaines  parties 
de  la  côte  ;  on  a  aussi  trouvé  des  pyrites  contenant  une  forte  proportion 
de  soufre. 

Quant  à  la  fertilité  du  sol  de  Madagascar  la  plupart  des  auteurs  l'ont 
présentée  comme  incomparable,et  les  belles  descriptions  qu'ils  ont  données 
de  la  végétation  n'ont  point  été  étrangères  aux  tentatives  de  conquêtes 
faites  à  diverses  reprises.  Elles  sont  loin  cependant  de  pouvoir  être 
appliquées  à  toutes  les  parties  de  l'île,  dont  la  fécondité  dépend  de  la 
nature  même  de  leur  sol  et  de  leurs  conditions  climatologiques. 

Les  côtes  et  les  deux  versants  de  l'île  sont  soumis  en  effet  au  régime 
climatérique  des  contrées  interà'opicales.  Les  vents  y  soufflent  à  des 
époques  fixes^  pendant  la  mousson  du  N.-£.,  d'octobre  en  avril,  et  pen- 
dant la  mousson  du  S.-O.,  de  mai  en  septembre.  L'année  s'y  divise  en 
deux  saisons  :  l'une,  sèche,  de  mal  au  milieu  d'octobre,  pendant  laquelle 
la  chaleur  est  tempérée,  de  très  fortes  brises  qui  soufflent  pendant  le 
jour,  renouvellent  et  purifient  l'air;  l'autre,  pluvieuse,  de  la  fin  d'octobre 
à  la  fin  d'avril,  pendant  laquelle  ont  lieu  les  pluies  d'orage,  les  bourras- 
ques, les  ouragans.  C'est  dans*  les  mois  de  janvier  et  de  février  que  la 
chaleur  atteint  son  maximum  et  que  le  climat  est  le  plus  malsain  dans 
les  endroits  marécageux.  L'insalubrité  des  côtes  est  due  presque  exclu- 
sivement aux  pluies  diluviennes  qui  inondent  chaque  année  le  pays,  et 
surtout  au  débordement  des  rivières  dont  les  eaux,  fréquemment  arrê- 


—  183  — 

tées  par  les  sables  qu'accumulent  les  vents  et  les  courants,  se  répandent 
swr  un  sol  bas  et  plat  qu'elles  envabissent.  Ceci  est  vrai  surtout  de  la 
côte  orientale,  du  fort  Dauphin  à  la  baie  d'Antongil.  En  janvier  et 
février,  lorsque  les  fortes  chaleurs  arrivent  et  dessèchent  une  partie  de 
ces  marais,  oU  beaucoup  de  matières  végétales  et  animales  sont  en 
décomposition,  il  s'en  exhale  des  miasmes  délétères,  que  les  vents, 
arrêtés  par  les  montagnes  et  les  forêts  du  littoral,  ne  peuvent  emporter 
au  loin  et  qui,  maintenus  ainsi  dans  les  lieux  mêmes  où  ils  croupissent, 
engendrent  les  fièvres  dangereuses  qui  ont  fait  donner  à  cette  côte  le 
nom  de  Cimetière  des  Européens.  Mais  tandis  que  la  chaleur  est  étouf- 
fante dans  les  régions  basses,  les  plateaux  et  les  hautes  vaUées  de  Tinté- 
rieur,  dans  les  provinces  d'Imérina,  des  Betsiléos,  d'Antsihianaka  et 
d'Ibara,  jouissent  d'une  température  généralement  peu  élevée,  souvent 
même  très  fraîche.  Le  froid  y  est  assez  vif  de  juin  à  septembre,  souvent 
très  piquant  même  en  décembre  et  en  janvier  qui  sont  l'été  de  ce  pays. 
Les  cimes  des  monts  Ankaratra  se  couvrent  de  pellicules  de  glace,  et  la 
grêle  y  tombe  avec  abondance. 

Le  littoral  occidental  et  surtout  le  littoral  nord,  sont  complètement 
exempts  de  Tinsalubrité  reprochée  à  la  côte  orientale.  Sur  la  côte  nord 
sont  des  plateaux  élevés,  exposés  aux  brises  de  la  haute  mer.  Les  forêts 
y  sont  éloignées  du  rivage,  qui  ne  présente  que  des  arbres  disséminés, 
parmi  lesquels  l'air  circule  librement.  Les  marais  y  sont  rares  et  peu 
étendus,  les  pluies  moins  firéquentes  et  la  température  plus  sèche  que 
dans  Test. 

De  Majunga  à  Tananarivo,  M.  Grandidier  a  traversé  un  des  pays 
les  plus  désolés^  les  plus  stériles  et  les  plus  déserts  qu'on  puisse  imagi- 
ner. Pendant  sept  jours  et  demi  U  n'a  rencontré  que  des  plaines  de  for- 
mation secondaire,  arides,  couvertes  d'arbustes  rachitiques,  et,  çà  et  là 
parsemés  de  lataniers.  Au  delà,  dès  qu'il  eut  atteint  la  grande  chaîne 
granitique,  il  ne  trouva  plus,  pendant  treize  ou  quatorze  jours,  qu'une 
mer  de  montagnes  sans  un  arbre,  sauf  quelques  rares  bouquets  accrochés 
àdes  ravins,  sans  une  plante  autrequ'une  herbe  giossière.  L'Imérina lui- 
même,  la  province  la  plus  peuplée,  est  un  pays  montagneux,  coupé  de 
Doml»*eux  cours  d'eau,  c'est  vrai,  mais  complètement  nu,  sans  autre 
végétation  arborescente  que  quelques  petits  bouquets  de  bois  auprès  de 
certaines  villes  ;  encore  sont- ils  très  rarest  et  ce  n'est  guère  que  dans  la 
plaine  à  l'ouest  de  Tananarivo  qu'on  les  trouve  ;  souvent  même  le  ter- 
rain est  sans  culture.  Les  collines  qui  couvrent  presque  toute  la  province, 
formées  d'une  argile  rouge,  dure  et  compacte,  au  milieu  de  laquelle 


I 


—  184  — 

affleurent  de  nombreux  blocs  de  granit  à  surface  bombée,  ne  sont  pas 
fertiles  ;  en  revanche  le  plus  petit  vallon,  lorsque  sa  situation  le  permet, 
est  transformé  en  rizières  par  un  travail  habile  et  intelligent.  A 
Touest  de  la  capitale  il  y  a  une  grande  plaine,  qui  jadis  était  un  lac  ou 
un  marais,  et  qui  forme  aujourd'hui  un  inunense  champ  de  riz,  d'uD 
aspect  fort  riant  à  la  saison  pluvieuse,  d'où  émergent  çà  et  là,  comme 
autant  d'îlots,  de  nombreuses  maisons  ou  des  hameaux  bâtis  sur  des 
coteaux.  Le  riz  que  produit  Tlmérina  nourrit  une  population  considé- 
rable, aussi  l'étranger  qui  vient  de  traverser  des  pays  à  peu  près  déserts, 
est-il  surpris  en  arrivant  à  Tananarivo  de  trouver  une  agglomération 
vraiment  extraordinaire  de  villages,  de  hameaux  et  de  maisons  qui 
s'étalent  devant  lui.  Outre  le  riz,  les  habitants  de  l'Imérina  cultivent  le 
manioc,  les  pommes  de  terre,  les  patates,  la  canne  à  sucre,  le  chanvre, 
le  mais,  les  bananes,  les  ananas,  le  tabac,  le  coton,  le  café,  les  ambre- 
vates,  etc.,  qu'ils  plantent  auprès  de  leurs  villages,  sur  le  flanc  des  col- 
lines, mais  qui,  d'ordinaire,  ont  peu  de  vigueur.  Auprès  des  villes  prin- 
cipales :  surtout  aux  environs  de  Tananarivo,  on  a  planté  des  arbres 
fruitiers  :  orangers,  manguiers,  pêchers,  goyaviers,  même  de  la  vigne, 
qui  prospère  dans  une  certaine  mesure. 

Dans  une  autre  excursion  M.  Grandidier  en  se  rendant  de  Tananarivo 
à  Ambondro  à  la  côte  occidentale,  a  constaté  que  la  partie  du  pays  des 
Betsiléos  traversée  par  son  itinéraire  est  plus  peuplée  que  le  pays  qu'il 
avait  parcouru  en  venant  de  Majunga.  Les  arbres  n'y  sont  pas  plus 
communs  ;  il  faut,  le  plus  souvent,  aller  à  trois  ou  quatre  journées  de 
marche  des  divers  villages  pour  quérir  le  bois  nécessaire  aux  construc- 
tions ;  mais  les  petites  vallées  qui  coupent  en  tous  sens  ces  montagnes 
granitiques  y  sont  un  peu  plus  larges  et  on  peut  y  cultiver  le  riz.  DeMat- 
seroka  sur  le  canal  de  Mozambique,  à  Masindrano  sur  l'océan  Indien, 
M.  Grandidier  a  ensuite  traversé  de  nouveau  une  masse  non  interrompue 
de  montagnes  ;  toutefois  cette  partie  du  pays  est  coupée  çà  et  là  de 
forêts,  et  plus  fertile  que  les  contrées  qu'il  avait  parcourues  jusque-là. 
Le  Ménabé  a  d'excellents  pâturages  qui  permettent  l'élève  de  nombreux 
troupeaux  de  bœufs.  Plus  au  sud,  chez  les  Antandroys  et  les  Antanosys, 
le  plateau,  dont  la  hauteur  moyenne  ne  dépasse  guère  de  100°*  à  2(Xr, 
est  aride,  a  un  aspect  de  tristesse  et  de  désolation,  peu  de  montagnes  et 
peu  de  cours  d'eau. 

On  le  voit,  malgré  les  brillants  tableaux  des  auteurs,  l'île  de  Mada- 
gascar dans  son  ensemble  est  peu  boisée.  Cela  ne  veut  pas  dire  qu^il  n'y 
ait  pas  de  forêts,  surtout  sur  le  versant  oriental.  Celui-ci  est  mieux 


—  186  — 

arrosé  par  les  pluies  dues  aux  vapeurs  transportées  sur  les  deux  chaînes 
de  montagnes  par  les  vents  de  Tocéan  Indien,  que  la  région  occidentale 
où  Teau  ne  tombe  que  pendant  les  quelques  mois  de  Thivernage, 
et  encore  n^y  tombe-t-elle  pas  partout  en  abondance  ni  d'une  manière 
régulière.  Aussi  la  végétation  arborescente  y  a-t-elle  moins  de  vigueur 
que  sur  le  versant  oriental.  Nous  avons  déjà  signalé  la  disposition  parti- 
culière de  cette  zone  forestière.  Une  bande  large  de  quinze  à  vingt  kilo- 
mètres en  général,  quoique  au  sud  de  la  baie  d'Antongil  elle  en  ait  de 
50  à  60,  entoure  complètement  Ttle  à  laquelle  elle  fait  comme  une  cein- 
ture. Du  côté  de  l'est,  elle  suit  le  haut  du  versant  oriental  des  contre- 
forts du  grand  massif,  laissant  entre  la  mer  et  elle  des  coteaux  et  des 
montagnes  que  couvrent  des  arbustes,  des  plantes  herbacées  et  des 
bouquets  de  bois  ;  une  autre  bande,  plus  étroite,  longe  parallèlement 
h  la  première  la  crête  qui  forme  la  ligne  de  partage  des  eaux.  En  général 
les  arbres  n'y  ont  pas  une  apparence  très  vigoureuse  ;  de  moyenne  gros- 
seur et  couverts  de  lichens,  ils  montrent  que  le  sol  sur  lequel  ils  poussent 
n^est  pas  très  profond.  La  partie  nord-est  de  cette  zone  forestière  semble 
cependant  l'emporter  sur  les  autres.  Là  se  trouvent  les  plus  beaux 
spécimens  de  la  végétation  arborescente  qui  forme  une  des  principales 
ressources  de  Madagascar;  c'est  là  que  sont  les  plus  beaux  bois  de  char- 
pepte,  et  aussi  les  bois  les  plus  propres  à  être  employés  dans  Tébénis- 
terie.  La  diversité  des  types  d'arbres  e§t  étonnante  ;  U  n'y  a  pas  moins 
de  huit  espèces  de  bois  de  construction,  parmi  lesquelles  nous  signalerons 
seulement  le  bois  de  tuiUe,  sorte  d'acajou  très  dur,  d'un  rouge  foncé,  se 
polissant  très  bien  ;  le  bois  de  tek,  employé  dans  la  |construction  des 
vaisseaux;  le  chrysopia  qui  vient  très  droit,  ne  pousse  de  branches  qu'à 
son  sommet  en  forme  de  couronne,  atteint  20  mètres,  et  peut  fournir  les 
plus  grands  mâts  de  vaisseaux  ;  on  s'en  sert  en  outre  pour  la  construction 
des  pirogues.  Les  bois  d'ébénisterie  de  luxe  abondent  aussi  ;  il  suffit  de 
Donmier  le  bois  d'ébène,  le  bois  de  rose,  le  bois  de  palissandre,  le  bois 
de  ruban,  etc.  Parmi  les  autres  arbres  remarquables,  nous  devons  encore 
Hientionner  le  baobab,  le  plus  grand  des  végétaux  connus,  et  le  ravenala, 
nommé  par  les  Européens  des  îles  Maurice  et  de  la  Réunion,  l'arbre  du 
voyageur,  parce  que  l'on  trouve  entre  les  aisselles  de  ses  feuilles  une 
eau  fraîche  et  très  bonne  à  boire.  Il  a  le  tronc  d'un  palmier,  et  les  feuilles 
d'un  bananier,  avec  cette  différence  que,  plus  épaisses  et  plus  fortes, 
celles-ci  se  redressent  vigoureusement  et  sont  disposées  en  éventail 
régulier  au  sommet  de  l'arbre.  Le  bois  du  ravenala  sert  à  former  la 
charpente,  les  feuilles,  les  parois  extérieures,  les  cloisons  et  le  toit  des 


—  186  — 

cases  des  indigènes.  U  crott  près  des  ruisseaux  et  daqs  les  marécages, 
et  non  dans  les  lieux  secs  et  arides,  comme  on  Ta  prétendu,  pour 
colorer  d'un  peu  de  merveilleux  la  propriété  qu'il  a  de  fournir  au  voya- 
geur altéré  une  boisson  rafraîchissante  qui  n'est  que  de  l'eau  de  pluie. 
Jusqu'à  présent  ces  bois  ne  peuvent  guère  être  exploités  que  pour 
répondre  aux  besoins  des  habitants  de  l'Ile.  La  plupart  ne  supporte- 
teraient  pas  les  frais  de  transport  jusqu'à  la  côte  et  de  là  en  Europe.  Ce 
ne  sera  que  lorsque  le  pays  aura  été  sillonné  de  routes,  que  l'industrie 
européenne  et  américaine  pourra  en  profiter.  En  attendant,  elle  tire 
déjà  de  Madagascar  une  assez  grande  quantité  d'orseille,  lichen  tincto- 
rial qui  croît  en  abondance  sur  l'écorce  des  arbustes  épineux  et  rabougris, 
qui  caractérisent  les  déserts  des  côtes  du  sud  et  du  sud-ouest  de  l'île  et 
dont  c'est  la  principale  richesse.  Quant  à  la  culture  du  sol  par  les  Euro- 
péens, eue  ne  peut  être  que  très  précaire,  les  lois  de  Madagascar  leur 
refusant  le  droit  de  posséder  des  terres,  et  la  reine  et  ses  gouverneurs 
ayant  le  pouvoir  de  requérir  pour  la  corvée,  quand  c'est  leur  bon  plaisir, 
tous  les  travailleurs  à  gages,  sans  égards  pour  les  contrats  que  ceux-ci 
peuvent  avoir  passé  avec  les  étrangers. 

Si  la  flore  de  Madagascar  abonde  en  espèces  et  en  genres  particuliers 
qui  lui  donnent  une  physionomie  spéciale,  ainsi  que  l'a  fait  remarquer 
M.  Grandidier,  c'est  par  sa  faune  surtout  que  cette  Ue  demeure  comme 
un  témoin  des  vastes  terres  qui  occupaient  jadis  cette  partie  de  l'hémis- 
phère austral,  et  qui  ont  disparu  dans  un  de  ces  violents  cataclysmes 
auxquels  notre  planète  a  été  si  souvent  soumise.  Les  observations  du 
naturaliste  Wallace,  les  collections  rapportées  par  M.  Grandidier,  ainsi 
que  l'histoire  naturelle  de  l'île  déjà  publiée  par  lui,  permettent  de  se 
rendre  compte  du  caractère  lout  particulier  de  la  faune  malgache,  qui 
montre  d'une  manière  évidente  qu'on  ne  peut  considérer  Madagascar 
comme  une  dépendance  du  continent  africain,  mais  que  c'est  un  pays 
qui  a  eu  son  existence  propre,  sa  vie  indépendante.  On  n'y  trouve  en 
effet  aucun  des  grands  mammifères  de  l'Afrique  :  ni  lions,  ni  tigres^  ni 
panthères,  ni  hyènes,  ni  girafes,  ni  antilopes,  ni  éléphants.  Le  seul  car- 
nassier malgache  qui  ait  une  taille  aussi  grande  est  plantigrade  comme 
les  ours  ;  il  ne  rentre  dans  aucune  des  familles  zoologiques  connues,  tout 
en  se  rapprochant  plus  de  la  race"féline  que  de  toute  autre  ;  c'est  un  Félin 
plantigrade.  M.  Grandidier  y  a  découvert  en  outre  trois  mammifères 
nouveaux,  parmi  lesquels  un  Chéropotame  ou  sanglier  à  masque,  et, 
dans  les  espèces  disparues,  un  hippopotame  de  petite  taille,  dont  les 


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débris  abondent  dans  les  sables  quaternaires  de  la  côte  sud-ooest, 
mélangés  à  des  vertèbres  et  à  des  fragments  de  mâchoires  de  crocodiles 
et  à  quelques  ossements  de  petits  carnassiers  ;  puis  le  squelette  de  la 
patte  de  Taepyornis,  avec  des  vertèbres  dorsales  et  une  des  vertèbres 
cervicales  de  cet  oiseau  colossal.  On  n'en  connaissait  encore  en  1861, 
que  les  œufs,  d'une  capacité  de  plus  de  huit  litres,  et  d'un  volume  corres- 
pondant à  celui  de  six  œufe  d'autruche  et  à  celui  de  cent  quarante-huit 
ceufis  de  poule.  Mais  quelle  était  la  nature  de  cet  oiseau  ?  Était-ce  un 
oiseau  de  proie  du  genre  des  vautours,  ou  un  oiseau  du  genre  des  pin- 
gouins ou  des  manchots?  On  l'ignorait;  les  ossements  trouvés  par 
M.  Grandidier  permettent  aujourd'hui  de  classer  Vaepyornis  fnaoGimus 
dans  le  groupe  des  brévipennes.  Les  nombreux  fragments  d'œu& 
recueillis  auprès  de  ces  débris  d'os,  mêlés  à  des  coquilles  terrestres 
subfossiles,  dans  les  dunes  de  sable  qui  longent  le  côté  sud  de  Mada- 
gascar, ont  également  permis  de  constater  que  si  cet  oiseau  gigantesque, 
de  2*  de  hauteur,  n'existe  plus  aujourd'hxd,  il  a  vécu  à  une  époque  peu 
reculée,  puisque  ses  restes  se  retrouvent  dans  les  formations  les  pins 
récentes,  dont  on  suit  encore  aujourd'hui  le  développement  continu.  Il 
ressort  de  l'examen  des  diverses  parties  du  squelette  de  cet  oiseau,  qu'il 
avait  des  formes  extraordinairement  massives,  et  des  pattes  d'une  gros- 
seur dont  on  a  peine  à  se  former  une  idée.  Ces  caractères  l'éloignent 
des  autruches,  des  nandous,  des  casoars  et  des  émus,  pour  le  rappro- 
cher davantage  des  dinornis  et  des  apterix.  S'il  n'était  pas  le  plus  grand 
des  oiseaux,  puisque  la  taille  du  dinornis  giganteus  varie  de  2'',50  à  3*, 
il  était  évidemment  le  plus  gros  et  le  plus  massif.  Les  restes  de  deux 
autres  espèces  plus  petites  d'aepyornis  ont  encore  été  découverts,  en 
sorte  que  l'existence  à  Madagascar  d'un  groupe  d'oiseaux  brévipennes, 
assez  voisins  des  dinornis  et  des  apterix,  semble  établir  des  rapports 
particuliers  entre  la  Nouvelle-Zélande  et  Madagascar. 

D'une  manière  générale,  on  peut  dire,  à  l'égard  de  la  faune,  qu'il 
n'existe  pas  d'autres  pays,  même  d'une  étendue  plus  considérable  que 
Madagascar,  oîi  l'on  trouve  autant  d'espèces  différentes  de  celles  qui 
existent  dans  les  contrées  voisines.  Sur  224  espèces  d'oiseaux  qu'on  y  a 
trouvées,  130  sont  propres  à  l'île,  et  certains  genres  spéciaux  à  ce  petit 
coin  de  terre,  comme  les  Couas,  coucous  malgaches,  comptent  jusqu'à 
12  espèces  différentes. 

Dans  la  classe  des  reptiles,  le  genre  caméléon  est  représenté  à  Mada- 
gascar par  24  espèces,  très  différentes  les  unes  des  autres,  tandis  que 
dans  le  reste  de  l'ancien  monde  on  n'en  compte  jusqu'à  présent  que  28. 


—  188  — 

Eu  revanche,  les  rivières  et  les  lacs  de  Ttle  ne  renferment  qu'un  petit 
nombre  d'espèces  de  poissons,  10  seulement,  tandis  que  dans  la  France, 
dont  rétendue  est  moindre,  il  y  en  a  près  de  50. 

Les  mammifères  les  plus  abondants  à  Madagascar  sont  les  lémurs 
ou  malds^  si  nombreux,  qu'on  a  été  tenté  de  nommer  cette  tle  Lémurie, 
Us  y  présentent  des  différences  de  pelage  si  grandes,  qu'à  les  voir  isolés, 
on  croirait  que  ce  genre  se  subdivise  en  une  multitude  d'espèces.  Mais 
si  l'on  examine  un  grand  nombre  de  ces  animaux  tués  dans  la  même 
localité,  et  dans  la  même  troupe,  on  reconnaît  que  les  variations  ne  con- 
stituent pas  des  espèces  différentes,  et  qu'elles  sont  dues  à  Tâge,  au 
sexe,  au  lieu,  etc.;  aussi  le  nombre  des  espèces  ^ui  était  autrefois  de  22, 
a-t-il  été  réduit  à  6.  Le  plus  souvent  les  variétés  forment  des  races 
locales,  qui  ont  leur  habitat  bien  limité.  H  en  est  ainsi  des  indris,  qui 
sont  confinés  dans  l'étroite  bande  de  forêts  de  la  côte  orientale,  du  15° 
au  20""  latitude  sud,  de  la  baie  d'Ântongil  au  sud  de  Mahanourou. 

Parmi  les  espèces  caractéristiques  de  Madagascar,  il  faut  encore  nom- 
mer les  chirogales,  qui  ont  la  curieuse  faculté  d'emmagasiner  autour  de 
leur  queue  et  dans  diverses  parties  de  leur  corps  une  provision  de  graisse, 
qui  sert  à  leur  nutrition  pendant  les  six  mois  de  la  saison  sèche,  qu'ils 
passent  en  léthargie.  Nommons  encore  le  aye-aye,  qui  appartient  exclu- 
sivement à  cette  île. 

n  résulte  des  savantes  recherches  de  M.  Grandidier,  que  les  lémuri- 
des,  les  chirogales,  les  ayes-ayes  et  les  félins,  qui,  tous,  à  Madagascar, 
se  présentent  sous  une  forme  plantigrade  qu'on  ne  trouve  nulle  part  ail- 
leurs, donnent  à  cette  île  une  physionomie  à  part  dans  le  règne  animal. 

Outre  le  sanglier  à  masque,  il  y  a  à  Madagascar  beaucoup  de  sangliers 
de  la  grosseur  des  nôtres,  ou  plus  petits.  Tous  sont  assez  disposés  à  se 
faire  à  la  vie  domestique.  Ils  ^dévastent  les  rizières  et  détruisent  une 
partie  des  récoltes,  aussi  a-t-on  beaucoup  de  vénération  pour  ceux  qui 
leur  font  la  chasse.  Paitout  où  passent  des  chasseurs,  on  leur  offre  des 
bœufs  en  cadeau.  Pour  les  récompenser  des  dangers  qu'ils  courent  et 
reconnaître  les  services  qu'ils  rendent  à  l'agriculture,  on  les  autorise, 
dans  un  pressant  besoin,  à  disposer  des  choses  nécessaires  à  la  vie. 

Madagascar  a  encore  des  zébus  ou  bœu&  du  bois,  bœufe  sauvages 
plus  terribles  à  chasser  que  le  sanglier,  des  chats  et  des  chiens  errants, 
échappés  à  la  domesticité  et  retournés  à  l'état  sauvage  dans  les  forêts. 

Les  moutons  sont  rares,  mais  tout  porte  à  croire  que  leur  acclimata- 
tion serait  facile  et  qu'ils  s'élèveraient  aussi  facilement  que  les  immen- 
ses troupeaux  de  bœufe  que  nourrissent  les  vastes  pâturages,  à  l'ouest 
de  la  province  d'Imérina. 


—  189  — 

Les  animaux  d'exportation  étaient  essentiellement  les  bœufe,  les  porcs 
et  la  volaille,  dont  on  fournissait  autrefois  des  quantités  prodigieuses  à 
la  Réunion  et  à  Maurice.  L'embarquement  des  bœufs  à  bord  des  navires 
est  une  opération  assez  curieuse.  Quand  la  mer  le  permet,  les  bâtiments 
approchent  le  plus  près  possible  de  la  côte.  Sur  le  rivage,  deux  larges 
canots  sont  amarrés  bord  à  bord  par  de  fortes  barres  de  bois,  dont  les 
extrémités  dépassent  les  embarcations  à  droite  et  à  gauche.  A  ces  bar- 
res on  attache  par  les  cornes  une  douzaine  de  bœufs,  et,  au  moyen  d'un 
€âble,  les  hommes  du  navire  tirent  à  eux  la  vivante  cargaison,  qui  est 
ensuite  hissée  à  bord  au  moyen  d'une  forte  toile  passée  sous  le  ventre 
de  chaque  animal.  Pendant  ce  temps  on  voit  des  bandes  de  requins  rôder 
autour  du  bâtiment.  Le  déchargement  n'est  pas  moins  original  :  on  se 
contente  de  descendre  les  pauvres  bêtes  à  la  mer  ;  celles-ci  s'échappent 
tout  effarées  et  regagnent  le  rivage  à  la  nage. 

On  estimait  à  trente  mUle  têtes  l'exportation  qui  en  était  faite  annuel- 
lement, mais  depuis  que  les  Hovas  ont  établi  des  postes  de  traite  sur  le 
littoral,  ils  se  sont  attribué  le  monopole  de  tout  le  commerce  avec  les 
étrangers.  Leur  intervention  exclusive  et  les  entraves  fiscales  qui  l'ont 
suivie  ont  réagi  sur  le  prix  du  bétail,  qui  s'est  élevé  dans  une  proportion 
notable  ;  ils  ont  porté  par  là  un  grand  préjudice  à  cette  branche  impor- 
tante d'échange,  sur  tous  les  points  soumis  à  leur  domination. 

Les  Hovas  ont  naturalisé  à  Madagascar  le  mûrier  et  le  ver  à  soie  de  la 
Chine,  et  ils  en  font  un  objet  d'industrie  et  de  commerce  susceptible 
d'un  grand  développement.  Mais  la  soie  que  produit  l'île  en  plus  grande 
abondance  est  celle  que  l'on  tire  de  la  chenille  de  l'ambrevate  ;  elle  est 
lourde,  sans  briUant,  mais  extrêmement  forte.  Elle  sert  à  tisser  une 
étoffe  d'une  solidité  remarquable.  La  chenille  qui  la  produit  vit  sur 
l'ambrevate  et  sur  le  goyavier,  mais  ^a  soie  est  plus  abondante  et  plus 
forte  lorsqu'elle  est  nourrie  avec  la  première  de  ces  plantes.  Les  Hovas 
ne  dévident  pas  le  cocon,  ils  le  cardent  et  le  filent,  après  l'avoir  fait 
bouillir,  pour  enlever  tous  les  poils  dont  la  chenille,  en  se  dépouillant, 
hérisse  son  Unceul.  La  soie  est  d'un  gris  clair,  mais  on  la  teint  souvent 
avec  les  substances  tinctoriales  que  Madagascar  fournit  en  abondance. 

Cette  île  est  la  contrée  du  globe  la  plus  riche  en  papillons,  et  possède 
les  plus  grands  papillons  connus.  Qu'il  nous  suffise  de  nommer  VUrania 
rvphœa,  dont  les  ailes  ont  de  25  à  30  centimètres  d'envergure.  En  se 
rendant  de  Sainte-Marie  à  Tananarivo,  on  le  rencontre  dans  la  forêt, 
où  il  se  fait  remarquer  par  ses  splendides  reflets  d'or,  et  par  des 
taches  transversales  vertes,  qui  brillent  sur  ses  ailes  diaprées  de  diverses 


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couleurs  et  entourées  d'une  frange  délicate  d'écaillés  semblables  à  des 
plumes. 

Le  sol  de  Madagascar  pourrait  nourrir  une  population  beaucoup  plus 
considérable  que  celle  que  compte  l'île,  oU  il  n'y  a  guère,  d'après  les 
calculs  de  M.  Grandidier,  que  deux  millions  et  demi  d'habitants,  dont 
1 ,200,000  dans  la  seule  province  d'Imérina.  Encore  n'appartiennent-ils 
pas  tous  à  une  seule  et  même  race.  Des  émigrants  arabes,  indiens,  afri- 
cains et  malais,  sont  venus  à  diverses  reprises  dans  l'île,  et  s'y  sont 
mélangés  avec  les  indigènes  qui,  par  leurs  traits,  leurs  mœurs  et  leur 
langue,  semblent  appartenir  au  groupe  des  populations  négroïdes  de 
l'Océanie. 


CORRESPONDANCE 

Schoshong,  12  avril  1884.     . 

C'est  le  8  avril  que  nous  arrivions  ici  et,  pour  le  moment,  je  grille  dans  mon 
-wagon  en  vous  traçant  ces  lignes. 

La  date  de  notre  arrivée  ici  doit  vous  surprendre;  ce  que  je  vais  vous  raconter 
le  fera  plus  encore  : 

De  Pretoria  à  Sauls-Poort,  chez  M.  Gonin  *,  nous  avons  mis  du  11  au  29  mars, 
pour  un  voyage  ordinaire  de  4  jours.  C'étaient  encore  de  beaux  jours!  Quoique  nous 
ayons  beaucoup  joui  des  Gonin,  nous  eussions  voulu  les  quitter  plus  tôt,  la  pluie  nous 
en  a  empêchés.  Depuis  Pretoria  nous  étions  en  plein  dan&  la  saison  des  pluies 
aussi^  quels  chemins  I  Nous  quittions  Sauls-Poort  le  3  mars  par  un  beau  soleil  ;  le 
même  jour  nous  étions  embourbés,  à  ne  plus  pouvoir  nous  tirer  d'affaire.  Nous 
nous  coucb&mes  vaincus.  Le  lendemain  nous  sortîmes  du  bourbier  le  wagon  de 
Lévi  '  ;  mais  il  en  restait  encore  deux  autres  auxquels  il  fallait  faire  passer  ce 
mauvais  pas.  Quelle  ne  fut  pas  notre  surprise  de  voir  arriver  à  notre  secours  trois 
wagons,  sans  compter  le  chef  du  village  avec  deux  ou  trois  attelages.  Les  braves 
gens,  que  ces  chrétiens  de  M.  Gonin  !  leur  conduite  fait  son  meilleur  éloge.  Deux 
de  nos  wagons  furent  déchargés  en  partie  dans  les  trois  wagons  en  question,  et 
alors,  il  n'y  eut  plus  de  difficulté,  ce  jour-là  ni  le  jour  suivant,  à  traverser  le 
Kolobé.  Nous  pensions  que  là  nous  serions  livrés  à  nous-mêmes;  pas  du  tout,  le 
chef  nous  accompagna  encore  le  jour  suivant  avec  ses  bœufs,  et,  quand  il  s'en 
retourna  chez  lui,  les  gens  des  wagons,  voyant  notre  difficulté,  décidèrent  de 
demeurer  avec  nous  et  de  nous  faire  traverser  le  Marico. 

Qu'aurions-nous  fait  sans  eux  ?  les  jours  suivants  la  pluie  tomba  avec  abon- 
dance, et  quelque  légers  que  fussent  nos  wagons,  nous  avancions  avec  peine,  quit- 
tant  souvent  la  route  pour  couper  à  travers  la  forêt.  Enfin,  nous  arrivâmes  au 

^  Missionnaire  vaudois. 
'  Évangéliste. 


—  191  — 

Marico  le  16;  mais  pas  moyen  de  le  traverser,  le  courant  était  très  riolent  et  l'eau 
dépassait  de  beaucoup  la  hauteur  d'un  homme.  Pour  surcrott  de  malheur,  nous 
étions  menacés  de  la  famine;  il  nous  restait  pour  tous  un  sac  de  farine  et  un  sac 
de  mais  non  moulu.  Pour  ne  pas  nous  affamer,  nog  généreux  aides  nous  quittèrent, 
avec  nos  remerciements  pour  tout  paiement,  mais  il  leur  sera  fait  selon  leur  bonté. 
A  l'aide  du  bateau,  nous  envoy&mes  un  messager  pour  demander  du  secours  à 
Khama,  et  nous  passâmes  ainsi  quinze  jours  dans  un  endroit  des  plus  insalubres. 

Autre  épreuve!  Nos  bœufs  mouraient  chaque  jour;  nous  en  avons  perdu  seize, 
et  un  dix-septième  a  été  égaré  ou  volé  par  l'es  Bushmen,  qui  nous  ont  pris  nos 
deux  chèvres.  Nos  chevaux  aussi  moururent  tous,  à  l'exception  de  London,  qui 
vient  de  périr  ici,  et  d^in  des  chevaux  de  Jonathan  qui  vit  encore.  Notre  camp 
était  le  lieu  de  festin  des  vautours.  M.  Middleton  a  été  sérieusement  malade, 
M.  et  M"'  Coillard,  et  beaucoup  de  nos  gens,  indisposés.  Le  secours  de  Schoshong 
arriva  à  temps,  sous  la  forme  d'un  attelage  ^e  Eliama  et  de  deux  wagons  loués 
par  un  marchand  pour  venir  à  notre  aide.  Avec  nos  wagons  allégés,  nous  traversâmes 
le  Marico  sans  difficulté.  M.  Coillard  avait  acheté  10  bœufs  d'un  marchand  quiy 
comme  nous,  avait  regardé  l'eau  couler  pendant  une  semaine  ;  dès  lors,  il  nous 
fut  possible  d'avancer. 

Schoshong  est  un  immense  village,  situé  entre  deux  chaînes  de  montagnes  paral- 
lèles, sur  le  versant  de  la  plus  septentrionale.  Vu  de  la  montagne,  avec  ses  grandes 
artères  et  sa  multitude  de  petites  ruelles,  il  fait  l'effet  d'un  parterre.  Les  huttes 
sont  bâties  par  petits  groupes,  en  forme  d'ellipses,  de  cercles,  et  d'autres  figures 
géométriques  peu  définies.  Le  lékhothla  est  au  milieu.  Pas  de  maisons  européennes, 
sinon  celles  des  marchands  et  du  missionnaire,  absent  en  ce  moment.  J'ai  dit  par- 
terre, mais  j'ajouterai,  malpropre.  Une  gorge  de  la  montagne  fournit  une  belle 
eau,  mais  peu  abondante  pour  15,000  âmes.  Rien  que  de  misérables  buissons,  pas 
d'arbres,  pas  de  jardins;  c'est  un  endroit  aride  et  peu  attrayant.  11  n'y  a  pas  de 
vie  pour  tant  de  monde,  chaque  hutte  parait  un  tombeau. 

Le  chef  n'a  rien  de  la  morgue  de  nos  chefs  ba-souto;  c'est  un  homme  grand,  sec, 
civilisé  dans  ses  manières,  il  parait  timide  et  n'est  pas  causeur.  Sans  avoir  rien  de 
remarquable,  sa  figure  est  intelligente.  Avant  tout  ce  doit  être  un  homme  d'action, 
qui  gouverne  tout  et  fait  tout  par  lui-même  ;  c'est  du  moins  ce  que  disent  les  mar- 
chands. Sa  bonté  est  proverbiale;  il  commande  par  son  ascendant  moral;  il  est 
chef  au  vrai  sens  du  mot,  car  c'est  le  plus  i>eau  caractère  de  sa  tribu.  Le  lende- 
main de  notre  arrivée  nous  eûmes  une  audiefncfé  en  règle.  M.  Coillard  lui  fit  un 
bon  petit  speech,  en  lui  donnant  une  boîte  à  musique.  Ehama  remercia  modeste- 
ment en  quelques  mots,  et  fit  présent,  le  lendemain^  à  M.  Coillard,  d'une  belle 
peau  de  chacal. 

Schoshong,  2  mai  1884. 
Mon  désir  était  de  vous  écrire  par  la  première  poste,  mais  la  petite  vérole,  en 
coupant  brusquement  nos  communications  avec  le  Transvaal,  m'a  pris  au  dépourvu 
une  demi-heure  avant  le  départ  du  courrier,  ou  pour  mieux  dire  d'un  marchand, 


—  192  — 

qui  s'est  chargé  de  nos  lettres.  Je  n'ai  eu  que  le  temps  d'en  terminer  une,  et  de 
prier  M.  Christel,  au  Lessouto,  de  vous  la  communiquer  \ 

Je  ne  reviens  pas  sur  ce  que  vous  avez  pu  apprendre  par  ma  lettre  à  M.  Christol, 
quelque  incomplète  qu'elle  fût.  .C'étaient  d'assez  tristes  nouvelles,  que  je  laisse 
maintenant  dans  l'ombre.  Ai]gourd'hui  je  puis  vous  annoncer  que  nous  sommes 
tous  bien,  grâce  à  Dieu.  Nous  nous  reposons  et  nous  préparons  à  traverser  le 
désert.  Il  nous  faut  trouver  de  nouveaux  hommes,  afin  de  remplacer  ceux  qui  nous 
ont  abandonnés  pour  retourner  aux  Spelonken  ou  chez  les  Ba-Pédi  ;  un  de  nos 
Ba-Souto  nous  a  aussi  quittés,  de  telle  sorte  que  nous  avons  six  postes  à  repourvoir. 

D'abord  nous  avons  craint  de  ne  pas  lesy  trouver,  à  cause  des  belliqueux  Ma- 
Tébélé  que  l'on  attend  ici,  mais  je  crois  que  ce  sont  de  vains  bruits,  et  Khama  est 
disposé  à  tout  faire  pour  nous  aider. 

M.  Coillard  a  reçu  une  lettre  de  M.  Amot,  datée  de  juillet,  dans  laquelle  il  con- 
firme la  nouvelle  de  l'expulsion  des  jésuites.  Il  a  pu  entrer  dans  quelques  détails 
car  il  était  présent  aux  assemblées  où  leur  renvoi  a  été  décidé.  Voici  quels  sont 
•les  griefs  des  Ba-Botsé  :  Ils  n'ont  pan  vu,  disent-ils,  que  les  jésuites  les  aimassent 
véritablement,  et  craignent  un  envahissement  à  cause  du  grand  nombre  des  mis- 
sionnaires. En  outre,  les  jésuites,  en  envoyant  leurs  présents,  ont  fait  savoir  au 
chef  qu'ils  ne  désiraient  pas  vivre  dans  sa  ville,  mais  voulaient  qu'il  leur  concéd&t 
une  propriété  sur  les  montagnes  voisines,  ce  qui  les  a  rendus  très  suspects.  En  se 
rendant  à  la  capitale,  Lia-Lui,  ils  ont  été  malheureux  dans  leur  voyage  et  dans 
leurs  procédés;  un  des  leurs  a  péri  dans  le  fleuve,  et  ils  ont  irrité  un  chef  en  négli- 
geant de  lui  faire  un  présent.  Ces  faits,  accrus  encore  d'une  rumeur  défavorable 
venant  de  la  côte,  ont  perdu  leur  cause  chez  les  Ba-Rotsé.  M.  Arnot  a  assisté 
à  toutes  les  discussions,  mais  n'a  pas  voulu  ouvrir  la  bouche,  «  laissant,  »  dit-il, 
«  à  Dieu  seul,  la  gloire  d'incliner  les  cœurs  selon  son  bon  plaisir.  > 

Quelques  jours  après  cette  lettre  de  M.  Amot,  un  marchand  d'ici  recevait  de  ce 
dernier  un  message  beaucoup  plus  récent.  Il  gagne  peu  à  peu  la  confiance  des 
indigènes,  et  s'occupe  activement  d'une  école.  Sa  santé  aussi  s'est  raffermie,  il  se 
porte  très  bien,  malgré  tout  ce  qu'il  a  eu  à  souffrir  d'une  précédente  famine. 

Le  même  courier  avait  encore  une  lettre  de  Lobossi  pour  Khama,  auquel  le  roi 
des  Ba-Rotsé  demande  de  tout  faire  pour  faciliter  notre  arrivée  chez  lui.  Il  ter- 
mine par  cette  demande  qui  vous  fera  sourire  :  une  fille  de  Khama  en  mariage, 
avec  un  chien  noir,  ce  qui  a  beaucoup  amusé  le  destinataire  de  la  lettre. 

Vous  le  voyez,  malgré  les  difficultés  qui  abondent  sous  nos  pas,  le  chemin  semble 
s'ouvrir  devant  nous.  Nous  avons  cependant  un  gros  nuage  à  l'horizon  :  ce  sont 
deux  Ma-Kololo  qui  ont  conduit  les  Ma-Tébélé,  lors  du  massacre  sur  les  bords  du 
lac  Ngami.  Le  roi  des  Ba-Rotsé  a  été  informé  de  ce  fait  ;  dès  lors  permettra-t-il 
dès  l'abord  à  nos  Ba-Souto  de  traverser  le  fleuve  ?  Nous  ne  le  pensons  guère. 
Mais  nous,  blancs,  nous  laisserons  le  camp  de  ce  côté  du  fleuve  avec  M"*^  Coillard, 
et  nous  irons  à  la  capitale;  peut-être  devrons-nous  même  vivre  à  Lia-Lui, 

'  C'est  la  lettre  précédente,  que  M.  Christol  a  bien  voulu  nous  envoyer. 


—  193  — 

M.  Coillard  et  moi^  un  certain  temps  avant  de  songer  an  choix  définitif  d'une 
station. 

Notre  désir  est  de  nous  plier  aux  vœux  des  Ba-Eotsé,  quoiqu'ils  puissent 
déranger  nos  plans,  afin^  de  gagner  si  possible  leur  confiance  par  des  rapports 
journaliers  avec  eux.  M.  Westbeech,  qui  fait  des  collections  le  long  du  Zambèze 
et  que  nous  attendions  à  Scbosbong,  a  envoyé  simplement  ses  wagons,  sans  nous 
donner  de  nouvelles  qui  intéressent  notre  œuvre;  mais  comme  les  wagons  s'en 
sont  retournés  promptement,  nous  avons  remis  au  conducteur  une  lettre  pour  son 
maître.  Nous  les  avons  trouvés  ici  à  notre  retour  de  Seleka. 

Notre  voyage  avait  pour  but  de  relever  ce  poste  \  où  nos  évangélistes  ont  tra- 
vaillé pendant  cinq  ans  sans  beaucoup  récolter,  et  qui  est  en  dehors  de  notre  œuvre 
du  Zambèze.  Ce  village  est  tributaire  de  Khama  et  a  beaucoup  perdu  de  ses 
habitants  à  cause  des  divisions  politiques  ;  il  se  rattache,  par  sa  position  géogra- 
phique, à  la  Société  de  Londres,  c'est  pourquoi  nous  devons  l'abandonner. 

Seleka  est  situé  au  nord  du  Limpopo,  à  une  journée  de  distance,  et  à  cinq 
jours  en  wagon  à  l'est  de  Schoshong,  sous  la  même  latitude.  L'aspect  du  pays 
change  passablement  quand  on  s'y  rend  de  Schoshong.  Tandis  qu'à  ce  dernier 
endroit  ce  sont  les  buissons  épineux  qui  couvrent  presque  toute  la  contrée,  sauf 
quelques  bouquets  d'arbres  semés  çà  et  là,  à  une  journée  plus  à  l'ouest  nous 
trouvons  de  vraies  forêts  qui  présentent  l'aspect  d'une  de  nos  forêts  de  chênes  ;  la 
végétation  y  est  aussi  plus  abondante  Ce  qui  me  frappe,  c'est  de  trouver,  malgré 
l'exubérance  de  la  végétation,  si  peu  de  jolies  fleurs  ;  c'est  une  herbe*  grossière 
comme  celle  de  nos  marécages  et  qui  parfois  atteint  la  hauteur  d'un  homme. 
Quelques  frêles  petites  fleurs  cherchent  à  se  faire  une  place;  mais  elles  sont  si 
délicates  qu'il  est  difficile  de  les  conserver.  Je  crois  qu'un  botaniste  ferait  plus 
TÎte  fortune  en  cherchant  les  fougères,  les  gramens,  etc.,  encore  leurs  variétés  sont- 
elles  peu  nombreuses.  Les  oiseaux  fourniraient  une  étude  plus  fructueuse;  depuis 
notre  départ  de  Pretoria,  nous  en  avons  vu  une  grande  variété,  entre  autres 
l'oiseau  à  miel  dont  nous  avons  déjà  éprouvé  les  services.  Les  environs  immédiats 
de  Seleka  sont  ce  que  nous  avons  vu  de  plus  tropical.  Là  prospèrent  de  beaux 
baobabs,  des  monstruosités  dans  le  règne  végétal,  comme  le  sont  les  éléphants 
dans  le  règne  animal.  Les  euphorbes  sont  aussi  nombreux  autour  du  village  de 
Seleka.  En  nous  y  rendant  par  un  charmant  sentier  qui  longe  un  ruisseau  limpide 
et  ombragé,  nous  avons  remarqué  plusieurs  épiantes  de  coton  à  l'état  sauvage,  et 
surtout  un  gigantesque  banian,  unique  dans  le  paysage  ;  c'est  un  arbre  qui  n'est 
pas  africain,  me  dit  M.  Coillard,  il  ne  l'a  jamais  vu  au  Zambèze  ni  ailleurs.  Quel- 
ques aloês  arborescents  achèvent  de  donner  à  cette  contrée  un  aspect  tout  à  fait 
tropical.  Le  malheur  est  que  nous  n'y  ayons  passé  que  deux  jours  et  un  dimanche 
bien  remplis.  Nous  eussions  aimé  apprendre  à  connaître  plusieurs  plantes  dont 
les  indigènes  font  leur  alimentation;  à  la  description  de  l'une  d'elles  nous  pensons 
avoir  reconnu  le  manioc.  Le  village  de  Seleka  lui-même  est  bien  situé,  au  fond 

*  En  revenant  du  Zambèze,  M.  Coillard  y '.avait  laissé  quatre  évangélistes. 


—  194  — 

d'une  gorge  qui  s'élargit  en  an  immense  entonnoir  de  rochers,  pas  trop  élerés 
pour  écraser  le  tableau,  et  cependant  assez  pour  lui  donner  quelque  chose  de 
sauvage  et  de  riant  tout  à  la  fois,  grâce  à  la  beauté  du  paysage. 

Je  ne  tous  ai  jamais  parlé  d'animaux  sauvages,  pour  la  simple  raison  que  je 
n'en  puis  pas  dire  grand'chose.  Nous  avons  vu  des  singes,  quelques  antilopes, 
entendu  hurler  les  chacals,  mais  quant  aux  lions,  une  seule  fois  noue  avons  vu 
leurs  empreintes,  ils  ne  nous  ont  jamais  inquiétés,  ni  même  fait  entendre  leur  voix. 
Tout  ce  pays  a  beaucoup  changé  depuis  quelques  années,  le  gibier  y  est  rare,  et 
tout  au  plus  tuons-nôus  quelques  canards.  Malgré  tout  notre  désir  de  voir  des 
crocodiles  dans  le  Marico  et  le  Limpopo,  nous  n'avons  pas  eu  cette  satisfaction, 
bien  que  nous  ayons  passé  quinze  jours  sur  leurs  bords.  Il  est  vrai  que  les  eaux 
étaient  profondes,  mais  je  pense  aussi  qu'il  faut  rabattre  beaucoup  des  récits  des 
voyageurs.  Que  Serpa  Pinto  ait  tué  30  lions  de  Schoshong  à  Pretoria,  je  me  per- 
mets d'en  sourire;  les  pauvres  bêtes  étaient  sans  doute  fatiguées  de  la  vie  1  Toute 
cette  contrée  est  assez  monotone  après  Sauls-Poort,  c'est-à-dire  quand  les  chaînes 
des  Pilansberg  et  des  Maalisberg  ne  forment  plus  le  fond  du  tableau.  Il  ne  reste 
plus  que  les  arbres,  les  buissons  épineux  et  une  végétation  qui  répand  souvent 
une  odeur  fétide  et  occasionne  les  fièvres.  Depuis  Pretoria  c'est  déjà  le  désert, 
non  un  désert  de  sable,  mais  une  contrée  sans  habitants,  très  fertile  à  la  saison 
des  pluies  et  aride  dans  les  autres  moments  de  Tannée.  Tout  est  extrême  dans  ce 
pays;  les  fleuves  présentent  ou  une  barrière  infranchissable,  ou  des  lits  de  sable 
desséchés -quelques  semaines  plus  tard.  La  température  est  si  changeante  que 
jamais,  au  milieu  de  l'été,  on  ne  peut  mettre  de  c6té  ses  habits  d'hiver;  les  nuits 
sont  toujours  fraîches,  et  dès  qu'il  pleut  ou  que  le  vent  souffle,  il  fait  froid.  Le 
thermomètre  varie  du  jour  à  la  nuit,  de  36°  cent,  à  l'ombre,  à  10**  au  minimum. 
Maintenant  nous  sommes  au  commencement  de  l'hiver  et  la  température  est  très 
supportable  à  Schoshong.  J'ai  déjà  dit  deux  mots  de  ce  village  et  de  son  chef 
dans  ma  lettre  à  M.  Christel,  je  ne  crois  rien  pouvoir  igouter  qui  puisse  vous  inté- 
resser. Le  servage  existe  encore  ici,  même  parmi  les  membres  de  l'Église,  mais  il 
est  bien  adouci  grâce  à  l'Évangile  et  à  l'influence  du  chef;  il  n'est  pas  facile 
de  libérer  des  gens  sans  aucune  ressource  et  sans  instruction;  domestiques  des 
blancs,  leur  position  serait  peut-être  pire. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

D'  Philipp  Paulttschke.  Die  geographische  Erforschung  der  Âdâl- 
Lânder  und  Harâr's  m  Ost-Afrika.  Leipzig  (Paul  Frohberg),  1884, 
in-4%  109  pages,  fr.  5,35.  —  Pour  faire  progresser  la  science,  il  est 
nécessaire  de  savoir  à  quel  point  elle  est  parvenue,  et  d'où  il  faut  partir, 

*  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bàle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  195  — 

afin  d'ajouter  quelque  chose  aux  coûnaissances  déjà  acquises.  Si  non. 
Ton  s'expose  au  danger  de  refaire  le  travail  déjà  accompli  par  ses 
devanciers.  C'est  ce  qu'a  compris  M.  le  D' Paulitschke  qui,  sur  le  point 
de  partir  avec  le  D'de  Hardegger,  pour  le  pays  des  Adal  et  le  Harrar,  a 
rédigé  un  mémoire  historico-bibliographique  sur  l'exploration  géogra- 
phique des  contrées  où  il  va  s'efforcer  de  pénétrer,  recueil  complet 
des  indications  de  tous  les  voyages  accomplis  dans  cette  partie  de 
l'Afrique,  depuis  les  temps  les  plus  anciens  jusqu'à  nos  jours.  C'était 
la  meilleure  préparation  pour  celui  qui  va  s'y  rendre,  c'est  le  meilleur 
guide  pour  ceux  qui,  sans  y  aller,  veulent  apprendre  à  la  connaître. 

L*Algérie  romaine  par  Gustave  Boissière.  Ouvrage  couronné  par 
l'Académie  française;  2"^  édition.  Paris  (Hachette  et  C**),  1883,  2  voL 
in-12,  7  francs.  —  La  première  édition  de  cet  ouvrage  a  été  écrite  sous 
forme  de  thèse  et  portait  le  simple  titre  d'esquisse.  Bien  placé  pour 
pouvoir  utiliser  les  documents  nouveaux,  et  en  particulier  les  résultats 
scientifiques  de  l'expédition  de  Tunisie,  les  découvertes  des  missionnai- 
res et  les  trouvailles  des  officiers  français,  l'auteur  a  pu  étendre  le  cadre 
de  son  livre,  et  le  rendre  plus  accessible  au  grand  public. 

L'Afrique  romaine  se  composait  des  territoires  actuellement  désignés 
sous  les  noms  de  Tripolitaine,  Tunisie,  Algérie  et  Maroc  ;  mais,  à  propre- 
ment parler,  l'administration  romaine  avait  séparé  l'ancienne  CyrénaT- 
que  et  le  territoire  des  Syrtes,  du  pays  de  Carthage,  et  leur  histoire  se 
rattache  plutôt  à  celle  de  l'Egypte  et  de  l'île  de  Crête.  L'Afrique 
romaine  comprenait  surtout  l'Atlas,  où  se  répandit,  de  l'est  à  l'ouest,  ce 
puissant  courant  de  civilisation  latine  qui  s'épanouit  dans  la  riche  con- 
trée carthaginoise,  pour  se  perdre  dans  les  vallées  et  les  plaines  occi- 
dentales. Mais  l'étude  de  la  région  de  l'Atlas  était  trop  vaste;  M.  Bois- 
sière a  dû  se  borner  à  la  description  de  l'ancienne  Numidie,  c'est-à-dire, 
de  la  province  actuelle  de  Constantine,  qu'il  étudie  à  tous  les  points  de 
vue  :  géogi-aphique,  ethnographique,  historique  et  politique.  Les  guer- 
res puniques  sont  présentées  dans  leurs  rapports  avec  le  sujet  traité, 
mais  c'est  à  l'administration  qu'est  consacrée  la  plus  grande  partie  de 
l'ouvrage.  Le  gouvernement  de  la  Numidie  sous  la  République,  la  part 
prise  par  chacun  des  empereurs  au  développement  de  l'œuvre  romaine 
eu  Afrique,  le  régime  militaire,  les  réformes  de  Diodétien,  sont  succes- 
sivement passées  en  revue. 

L'homme  du  monde,  comme  le  savant,  trouvera  un  véritable  agrément 
à  parcourir,  au  moyen  de  ce  manuel,  composé  avec  un  art  parfait  et  des 
mieux  écrit,  cette  terre  légendaire  qui  doit  aux  luttes  gigantesques  dont 


—  196  — 

elle  fut  le  théâtre,  et  à  la  renommée  des  hommes  qui  rhabitèreiit,  de 
tenir  une  si  grande  place  dans  nos  souvenirs  littéraires.  Mais  ce  rappel 
du  passé  produit  aussi  une  autre  impression;  il  attire  l'attention  sur 
l'Algérie  contemporaine  et  sur  Vayenir  magnifique  qui  attend  ce  pays^ 
lorsqu'on  pourra  faire  valoir  les  richesses  renfermées  dans  son  sol. 

José  Ricabt  Giralt.  El  Porvenir  de  Espaîia  en  el  Sahara.  Barce- 
lona  (N.  Ramirez  y  C'),  1884,  in-8,  3g  pages  et  carte.  —  La  prise  de 
possession  de  Santa-Cruz  de  Mar-Pequena  par  les  Espagnols  a  attiré 
l'attention  de  ce  peuple  sur  cette  partie  de  la  côte  occidentale  d'Afrique. 
Pour  faire  comprendre  à  ses  compatriotes  les  avantages  qu'ils  peuvent 
retirer  de  cet  établissement,  au  point  de  vue  du  commerce  et  de  la 
pêche,  M.  Giralt  a  exposé,  dans  une  conférence  faite  à,  Barcelone,  et 
publiée  sous  le  titre  sus-mentionné,  les  relations  qu'O  serait  possible 
d'établir  entre  cette  côte  et  Tombouctou,  le  grand  marché  du  Soudan, 
aussi  bien  que  les  profits  probables  de  stations  de  pêche  à  créer  sur  le 
continent,  en  face  des  Canaries.  En  opposition  à  l'opinion  du  D' Lenz, 
sur  l'impossibilité  de  créer,  comme  le  désirait  M.  Mackenzie,  une  mer 
intérieure  en  inondant  le  Sahara  occidental,  il  reprend  l'idée  de  mettre 
le  Djouf,  dans  lequel  il  voit  une  vaste  dépression,  en  communication 
avec  l'océan,  pour  créer  une  voie  navigable  qui  permette  de  s'approcher 
le  plus  facilement  de  Tombouctou.  Les  points  de  la  côte  sur  lesquels  il 
recommande  la  création  de  factoreries  espagnoles  et  de  stations  de 
pêche  sont  le  cap  Juby,  où  se  trouvent  les  établissements  de  'M.  Mac- 
kenzie, le  cap  Bojador,  le  cap  Blanc  et  la  pointe  Durnford,  à  l'embou- 
chure du  Rio-Ouro,  sur  lequel  il  donne  d'utiles  renseignements. 

Six  mois  a  Madagascar,  par  Charles  Buet  Paris  (Société  générale  de 
librairie  catholique),  1884,  in-l2^'381  pages,  3  fr.  —  Écrit  sous  la  forme 
d'un  récit  de  voyage,  la  plus  commode  pour  la  lecture,  .cette  œuvre  n'est, 
pour  certains  chapitres,  que  l'extrait,  pour  d'autres,  que  la  reproduction 
d'un  ouvrage  du  même  auteur,  la  Reine  des  îles  africaines^  dont  nous 
avons  récemment  parlé.  Qu^li^uês.  personnes  ayant  trouvé  ce  livre  trop 
savant  et  trop  aride,  M.  Buet  a  voulu  le  rendre  plus  attrayant  en  lui 
donnant  une  allure  plus  rapide,  en  résumant  les  aperçus  historiques  et 
politiques,  et  en  semant,  dans  le  cours  du  récit,  des  tableaux  pittoresques, 
des  peintures  de  mœurs  qui  amusent  en  instruisant.  Les  jeunes  gens 
qui  liront  cet  ouvrage,  maintenant  tout  à  fait  à  leur  portée,  y  trouveront, 
à  côté  d'une  description  physique  et  politique,  une  étude  de  l'œuvre 
des  missions  catholiques  à  Madagascar. 


ÉCHANGES 

Sooiétés  de  géographie. 

Amsterdam.   CdnsUntine.     Hambourg,     Lisbonne. 


Anvers. 
Berlin. 
Brome. 
Bruxelles. 

Berlin. 


Donai.  léna. 

Francfort '/M.  Le  Caire. 

Greifswald.  Leipzig. 

Halle.  Lille. 


Lyon. 
Madrid. 
Marseille. 
Montpellier. 


Nancy, 
New-York. 
Oran. 
Paris. 


Sooiéiés  de  géographie  oommeroiale. 

Bordeaux.  Paris.  Porto. 

Miasioiis. 


Rochefort. 
Rome. 
Roaen. 
Vienne. 


Saint-6all. 


Jonmal  des  missions  évangéliqnes  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliqnes  an  XIXb«  siècle 

(Neuchftteï). 
Joinmal  de  TUnité  des  Frères  [moraves] 

(Pesenx). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (B&le). 

Evangelisches  Missions -Magasin  (Bàle). 
Galwer  Missions-Blatt  (Galw). 
Allgemeine  Missions-Zeitschrift  (Gaters- 

loh). 
Glaubensbote  (Bàle). 
Africa  (Londres). 
La  Nigrizia  (Vérone). 


Church  missionary  Intelligencer  and  Re* 
cord  (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New-York). 

Foreign  Bfissionarv  (New-York). 

Régions  beyond  (Londres). 

QaTonicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Church  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreip 
Missionarv  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  Church  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Woman's  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


1 

I 
il 


Divers. 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  (!omice  accole  (Médéa). 

Bulletin  de  l'Académie  d'Hippone  (Bone). 

Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Le  Mouvement  géographique  (Bruxelles). 

Handels-Zeitung  (Sîunt-GaU). 

Dentsche  Rnndschau  f  Or  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

MiUheiiungen  der  afrikanischen  (ksell* 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fur  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitsehrift  fOr  wissenschaftliche  (îeogra- 
phie  (Lahr). 

Aus  allen  Welttheilen  (Leipzig). 

Deutsche  Rolonialzeitung  (Francfort  s/M). 


Chamber  of  Commerce  Journal  (Londres). 

Afirican  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine*s  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Observer  (Monrovia). 

Esploratore  (Milan). 

Cosmos  (Turin). 

BoUettino  délia  Societa  africana  d'Italia 
(Naples). 

Esplorazione  (Naples). 

Marina  e  Ck>mmercio,  e  Giornale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Bolettn  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Africa  oriental  (Mozamibique). 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Revista  de  Estudos  Livres  (Lisbonne). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tonr  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coLoniale  (Paris). 

Indépendant  (Constant! ne). 

Momtenr  de  TAlfférie  (Alger). 

Dr  A.  Petermann  s  Mittheilungen  (Gotha) 


Proceedings  of  the  royal  geographical 
Society  and  monthly  Recora  of  geogra 
phy  (Londres). 

Natal  Mercury  (Durban). 

Cape  Argus  (Cape-Town). 

West  African  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


*.m—J^jmt.'^'^^^ 


SOMMAIRE 

Pagei 

BuUiETIN  MBNSUBIr 185 

Nouvelles  complémentaires 178 

Maoa0asgab 179 

GoBBEftPOKDANCE  :• 

Èèttres  de  Schoshong  de  M.  D.  Jeamnairet 190 

Bibijo<»la:phib  : 

Geographlsolie  Erforschong  der  Ad&l-Lftnder  and  Harar's  în  Ost* 

Afrika,  Ton  D*^  Pliillpp  Paulitsclike 194 

L'Afrique  romaine,  par  QtistaTe  Boissière 196 

£1  Porvenir  de  Espana  en  el  Sahara,  par  José  Ricart  Giralt 196 

Six  mois  à  Madagascar,  par  Charles  Buet 196 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Karte  Ton  Angra-Peqaena  nnd  Sûd-Afiika.  Geseichnet  Yon  H.  MûUer  nnd 
C.  Biemer.  */8,ooo,qoo.  Avec  cartons  pour  la  baie  d'Angra-Pequena,  la  concession 
LQderitB  et  la  comparaison  avec  une  superficie  européenne.  —  Weimar  (Geogra- 
phisches  Institut),  1884,  fr.  1, 10. 

Trois  ans  dans  TAfrique  australe.  Débuts  de  la  mission  da  Zambèze.  Lettres  des 
P.  Depelchin  et  Croonenberghs. 

a)  Le  pays  des  Matabélés. 

b)  Au  pays  d'Umzila.  Chez  1«  Batongas.  La  vallée  des  Barotsés.  —  Bruxelles 
(PoUeunis,  Ceuterick  et  Lefébure),  1882-83, 2  vol.  in-S^»  avec  cartes,  fr.  10. 

A  travers  le  Zanguebar,  par  le  H.  P.  Le  Roy,  —  Lyon  (Bureau  des  Missions 
catholiques,  6,  ruo  d'Auvergne),  1884,  in-8%  202  p.  avec  gravures. 

Voyages,  aventures  et  captivité  de  J.  Bonnat,  chez  les  Achantis,  par  Jules  Gros. 
—  Paris  (Pion,  Nourrit  et  €*•),  1884,  in-18,  280  p.  avec  gravures  et  carte.  Fr.  4. 

L'Afrique.  Choix  de  lectures  de  géographie,  ornées  de  vignettes  et  de  cartes,  par 
M.  L.  Lanier.  Paris  (veuve  Eugène  Belin  et  fils),  1884,  in- 12, 920  p.,  fr.  6. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


■ 

I 


A 


GENÈVE 

GEORG,     LIBRAIRE-ÉDITEUB 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

JtlMlQÊ  PAB 

M.   ensUve  MOTNIBB 

Membre  de  la  Commi^flioB  internatioDale  de  Bmxellos  pou  rexplorafeion  et  la  eiyiliaatioii 

de  l'Afrique  centrale;  membre  correspondant  de  PAcadémio  d'Hippone, 

et  des  Sociétés  de  ^ographie  de  Marseille,  de  Nancy,  de  Loanda  et  de  Porto. 

KÉDiaâ  FAE 

M.  Charles  FAUBB 

Secrétaire-Bibliothécaire  de  la  Société  de  ^og^phie  de  Geoèye ,  membre  correspondant  des  Sociétés 
de  géographie  de  Lisbonne,  de  Loanda,  do  Porto  et  de  Saint-Gall. 


L'Afrique  parait  le  premier  lundi  de  chaqae  mois,  par  livraisons  in-8o  d'au 
moins  20  pages  chacune  ;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  Tabonnement  annuel,  p»y»ble  d'aTanee»  est  de  10  flr»ii««9 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  TUnion ,  postale  (première  zone)  ;  pour  les 
autres,  H  fr.  50. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  TAfrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  m  droit  k  an  compte  rendu* 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  à  JH.  Gnsteve  WHojnteTf 
Sf  rue  de  l'Athénée,  h  Genève  (Suisse). 


S'ndresser  pour  les  nbonnements  k  l'éditenr,  Bf .  H.  Georg*  h 
Genève  on  h  BAle* 

On  s'ahonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Ch.  Delagrave,  libraire,  15,  rue  Soufflol,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  Cour,  45,  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  libraires.  Corso  Vittorio  Emmanuele^  21.  k  Milan. 

F,-A.  Brockuaus,  libraire,  Querstr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Fhiederichskn  et  G*%  libraires,  Admiralilâtsstr,  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  à7,  Vienne  (Autriche). 

Trubner  et  C^\  libraires,  Ludgate  Hill,  57/59.  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


AVIS.  —  Nous  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouvectux  àbownh,  au  prix  de 


10  fr.  chacun^,  un  certain  nombre  d'exemplaires  complets  de  la  II*'',  de  la  UT 
et  delà  IV^^  année.  La  /'•  est  épuisée. 


ma 


—  197  — 

BULLETIN  MENSUEL  (i-  septembre  1884.)' 

It'Écho  du  Sahara  a  rapporté  que,  d'après  un  spahi,  engagé  depuis 
quelques  mois  au  régiment  cantonné  à  Biskra,  le  colonel  Flattera  et 
le  capitaine  Alassoii  ne  seraient  pas  morts,  mais  seraient  actuellement 
à  Ohat,  à  600  kilom.  au  sud  de  Ghadamès,  prisonniers  d'un  des  chefs 
des  Touaregs-Âzghars,  nommé  Lazerac,  qui  consentirait  à  les  rapatrier 
moyennant  bonne  rançon.  Quelque  invraisemblable  que  soit  cette  nou- 
velle, Tautorité  militaire  de  Biskra  a  fait  les  démarches  les  plus  minu- 
tieuses pour  contrôler  la  véracité  de  celui  qui  l'a  apportée,  et  jusqu'ici, 
il  ne  résulte  pas  des  interrogatoires  auxquels  il  a  été  soumis,  que  l'on 
ait  affaire  à  un  imposteur.  Voici,  d'après  V Indépendant  de  Constantine, 
ce  que  l'on  a  appris  de  cette  mystérieuse  affaire.  Le  spahi  en  question 
est  originaire  de  Bou-Sâada,  à  250  kilom.  d'Alger.  Tout  jeune,  il  a  été 
capturé  parles  Touaregs, et  longtemps  il  est  demeuré  l'esdave  d'un  des 
chefe  des  Azghars;  pendant  plus  d'un  an  il  a  vécu  en  rapport  avec  les 
deux  officiers  prisonniers  de  son  maître.  C'est  à  l'instigation  du  colonel 
Flatters,  et  avec  la  promesse  d'une  forte  récompense,  qu'il  a  entrepris 
son  long  et  périlleux  voyage.  De  Ghat  il  s'est  dirigé  sur  le  Bornou,  le 
Darfour  et  l'Egypte,  d'où  il  est  revenu,  par  la  Tunisie,  dans  la  province 
de  Constantine.  A  bout  de  ressources,  il  s'est  engagé  dans  les  spahis  à 
Batna.  Sur  ses  révélations  à  un  officier  indigène,  il  fut  mis  au  secret, 
interrogé  à  plusieurs  reprises  par  des  officiers  différents,  et  jamais  ses 
réponses  ne  trahirent  la  moindre  hésitation  ni  la  moindre  contradiction. 
D  a  donné  le  signalement  exact  des  deux  prisonniers  et  les  renseigne- 
ments les  plus  précis  sur  leur  caractère,  leur  connaissance  de  la  langue 
arabe,  leurs  blessures  et  leur  guérison,  qui  aurait  exigé  une  année 
entière,  «  d'un  Rhamadan  à  l'autre.  »  Mais  comment  le  colonel  Flat- 
ters et  le  capitaine  Masson  ont-ils  pu  échapper  au  massacre  général  de 
la  malheureuse  mission  ?  L'expUcation  donnée  à  ce  siyet  par  le  spahi  ne 
manque  pas  non  plus  de  précision  ni  de  vraisemblance.  «  Une  caravane, 
commandée  par  mon  maître  »,  dit-il,  «  a  trouvé  les  deux  officiers  et  un 
tirailleur  grièvement  blessés,  sur  le  champ  de  bataille,  à  trws  jour- 
nées de  Ghat.  Les  Hoggars  se  disposaient  à  leur  donner  le  coup  de  grâce; 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  menstiéls  et  dans  les  NouveUes  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

L'AFRIQUE.   —   CINQUIÈiTE  ANNÉE.   -^   N^   9.  9 


—  198  — 

mon  maître  réclama  les  trois  malheureux  comme  se  trouvant  sur  son 
territoire,  et  au  nom  de  notre  sainte  religion  qui  défend  d'achever  les 
blessés.  Il  les  a  chargés  sur  nos  méharis,  et  nous  a  fait  filer  à  marches 
forcées  sur  Ghat,  où  nous  sommes  arrivés  à  la  fin  du  deuxième  jour.  Le 
malheureux  tirailleur  a  succombé  en  route.  Quant  aux  deux  ofiiciers,  ils 
ont  été  et  sont  encore  l'objet  des  meilleurs  soins  et  de  la  plus  active  sur- 
veillance. Mon  maître  a  compris  que  la  France  lui  donnerait  beaucoup 
d'argent  pour  la  vie  de  ces  deux  officiers.  »  Les  postes  avancés  de 
Geryville,  d'Ouargla-el-Ared,  et  M.Féraud,  consul  à  Tripoli,  ont  envoyé 
chacun  un  émissaire  à  Ghat.  Espérons  que  hen  ne  viendra  démentir  ces 
renseignements. 

Afin  de  mettre  un  terme  à  des  discussions  scientifiques  qui  semble- 
raient devoir  être  interminables,  M.  de  Lesseps  s'est  mis  d'accord  avec 
M.  Jules  Ferry,  pour  renoncer  au  projet  de  convoquer  à  nouveau  la  Com- 
mission chargée  d'examiner  le  projet  de  M.  Roudaire,  de  créer  une 
mer  intérieure  dans  le  bassin  des  Cliotts,  au  sud  de  l'Algérie  et  de 
la  Tunisie.  Il  a  été  convenu  avec  le  gouvernement,  que  le  groupe  des 
fondateurs  de  l'entreprise  qui  ont  fait  les  frais  des  précédentes  études, 
et  qui  désirent  poursuivre  l'exécution  du  projet,  sera  autorisé  à  com- 
mencer par  établir,  sans  aucune  subvention,  un  port  à  l'embouchure  de 
rOued-Melah,  sur  un  point  qui  pourra  servir  plus  tard  d'amorce  au 
canal  maritime  destiné  à  remplir  le  bassin  des  Chotts.  De  son  côté,  le 
gouvernement  s'engagerait  à  ne  donner  aucune  concession  sur  les  terri- 
toires, aujourd'hui  incultes,  qui  font  partie  du  projet  Roudaire. 

Nous  espérions  que  la  célébration,  à  Londres,  le  1"  août,  du  cinquan- 
tième anniversaire  de  l'aiiranchissement  des  esclaves  dans  les  colonies 
anglaises,  serait  une  occasion  de  rappeler,  qu'ensuite  du  traité  conclu 
entre  l'Angleterre  et  l'Egypte,  la  vente  d'esclaves  de  famille  à  famille 
doit  cesser  cette  année-ci  dans  toute  l'Egypte  proprement  dite,  et  que 
la  position  prise  par  l'Angleterre  en  Egypte,  lui  impose  plus  que  jamais 
l'obUgation  de  veiller  à  ce  que  ce  traité  reçoive  son  exécution.  Nous 
avons  vainement  cherché  dans  les  journaux  qui  ont  rapporté  les  dis- 
cours prononcés  dans  cette  circonstance,  une  résolution  en  ce  sens  Ml  y 
a  eu  dès  lors,  dans  le  parlement,  une  interpellation,  à  laquelle  Lord  Fitz- 
maurice  a  répondu  que  le  gouvernement  ne  perd  aucune  occasion  de 
rappeler  au  khédive  ses  engagements  relativement  à  cette  question.  Ce 
n'est  pas  au  moment  où  l'Angleterre  se  trouve  seule  protectrice  de 

*•  Peut-être  VAntisîavery  Reporter  qui  ne  nous  est  pas  encore  parvenu,  nous 
apportera-t-H  des  renseignements  plus  complets. 


—  199  — 

l'Egypte,  et  où  eUe  va  y  envoyer  de  nouvelles  troupes,  que  Ton  peut 
fure  le  sUeiice  autour  de  ce  traité,  sanctionner  par  là  sa  non-exécution, 
^t  se  désintéresser,  comme  Gordon  Ta  fait  au  Soudan,  de  la  traite  et  de 
•ses  odieuses  conséquences.  La  position  qu'elle  va  prendre  en  Egypte  par 
l'envoi  de  lord  Northbrook,  et  au  Soudan,  par  l'expédition  que  Gordon 
-croit  en  route  depuis  longtemps,  impose  à  la  Grande-Bretagne  la  res- 
ponsabilité de  la  solution  du  problème  de  la  traite  et  de  l'esclavage  qui 
^'y  rattache.  Nous  ne  pensons  pas  que  ceux  qui  ont  insisté  avec  tant  de 
raison,  et  durant  tant  d'années,  auprès  du  khédive,  pendant  qu'il  était 
indépendant,  pour  qu'il  abolît  cette  institution,  et  qui  lui  ont  fait  signer 
Ja  promesse  de  l'abolir  cette  année-ci,  puissent  s'abstenir  de  la  rappeler 
AU  conseiller  souverain  de  Tewfik  pacha.   Cette  cause  doit  leur  être 
-encore  plus  sacrée,  maintenant  que  leur  gouvernement  domine  de  toute 
.son  influence  les  décisions  de  son  protégé.  Sous  l'autorité  des  chefs 
anglais  investis  du  commandement  des  troupes  égyptiennes,  il  ne  doit 
plus  être  permis  d'offrir,  par  exemple,  comme  le  faisait  l'autre  jour 
<encoi"e  le  mudir  de  Dongola,  de  procurer  deux  cents  esclaves  pour  le 
-service  de  l'armée.  On  sait  trop  à  quel  prix  et  de  quelle  manière  sont 
recrutés,  par  ceux  qui  les  offrent,  ces  malheureux  esclaves.  —  Quant  aux 
hypothèses  émises  par  Stanley  dans  ses  entretiens  avec  les  reporters  de 
journaux,  sur  les  voies  par  lesquelles  il  serait  possible  à  Gordon  de 
5'échapper  de  Khartoum,  elles  n'ont  qu'un  défaut,  celui  de  reposer  sur 
une  base  plus  que  douteuse.  Pour  gagner  soit  le  Victoria-Nyanza  et 
^uzibar,  soit  le  quartier  général  de  Lupton-bey,  Dem-Suleiman,  et  les 
stations  du  Congo,  il  faut  remonter  le  Nil-Blanc  et  ses  tributaires,  au 
milieu  d'une  végétation  qui  peut  obstruer  complètement  le  cours  du 
fleuve,  et  de  troupes  de  partisans  du  mahdi,  contre  lesquelles  la  bra- 
voure de  Gordon  peut  n'être  d'aucun  secours.  La  mort  de  l'explorateur 
hollandais  Schuver,  à  proximité  du  poste  deLupton-bey,ra  bien  prouvé; 
rien  ne  serait  moins  certain  que  l'issue  d'une  tentative  de  s'échapper 
par  cette  voie-là.  Nous  préférerions  pour  Gordon  la  descente  du  Nil,  à 
la  rencontre  des  troupes  anglaises,  vers  Âbou-Hamed  et  Dongola. 

C'est  au  1"  septembre  que  le  traité  signé  le  3  juin  à  Adoua  par  l'ami- 
ral anglais,  sir  W.  Hewett,  avec  le  négous,  a  fixé  la  restitution  du  pays 
^es  Bogos  à  l'AbyssInle,  et  l'évacuation  des  garnisons  égyptiennes  de 
Kassala,  Âmedib  et  Sennaheit.  Le  gouvernement  abyssinien  s'est  engagé 
^  faciliter  leur  retraite  dans  la  direction  de  Massaoua.  Le  libre  transit 
par  ce  port  des  marchandises,  armes  et  munitions,  à  destination  d'Âbys- 
^inie,  ou  venant  de  ce  pays,  est  garanti  par  l'Angleterre,  sous  le  protec- 


^ 


—  200  — 

torat  duquel  Massaoua  est  désonnais  placé.  Les  litiges  qui  pourraient 
surgir  à  Tayenir  entre  TÉgypte  et  TAbyssinie,  devront  être  soumis  à 
l'arbitrage  du  gouvernement  britannique.  Enfin  la  ratification  du  traité 
est  réservée  h  la  reine  d'Angleterre  aussi  bien  qu'au  khédive. 

Les  ambassadeurs  abyssiniens  envoyés  à  Londres  parle  roi  Jean,  ont 
passé  à  Massaoua,  où  ils  ont  rapporté  avoir  vu  Blanchi  à  MekaUé,  les 
premiers  jours  de  juillet.  D'après  VEsploratore^  M.  Colaci,  venu  de  Mas- 
saoua, y  a  vu,  au  commencement  de  juillet,  un  serviteur  de  l'expédition 
Blanchi,  qui  l'avait  quittée  depuis  dix  jours.  Il  a  raconté  que  Blanchi  et 
ses  compagnons  se  sont  avancés  jusqu'à  cinq  jours  de  marche  de  Sciu- 
ché,  dans  la  direction  d'Assab,  mais  qu'ils  ont  dû  revenir  en  arrière» 
parce  que  les  quelques  serviteurs  qui  leur  restaient,  et  le  guide  que  leur 
avait  donné  le  roi  Jean,  s'étaient  enfuis.  Blanchi  avait  l'intention 
d'écrire  au  négous  pour  lui  demander  d'autres  guides.  On  ignore  s'il  veut 
renouveler  maintenant  sa  tentative,  ou  bien  s'il  compte  attendre  que  la 
saison  des  pluies  soit  passée.  Mais,  d'après  les  nouvelles  que  M.  Colaci 
avait  reçues,  on  peut  être  rassuré  sur  le  compte  de  Blanchi  et  de  se» 
compagnons  de  voyage,  MM.  Diana  et  Monari,  qui  jouissaient  d'une  par- 
faite santé. 

Outre  le  port  de  Zeïla,  dans  le  voisinage  d'Obock  et  de  Tadjoura,. 
l'Angleterre  a  voulu  faire  occuper  celui  de  Berbéra,  quoique,  d'après 
la  convention  de  1877,  la  suzeraineté  de  la  Porte  sur  la  juridiction  du 
khédive  s'étende  le  long  de  la  côte  des  Somalis  jusqu'au  cap  Ras-Afoun- 
Cette  tentative  a  échoué  par  suite  du  refus  du  gouverneur  de  reconnaî- 
tre l'autorité  anglaise  et  de  l'hostilité  des  habitants.  D'après  une  lettre 
de  Harrar  au  Temps,  l'évacuation  des  garnisons  égyptiennes  de  cette 
partie  du  territoire  des  Somalis,  et  sa  restitution  aux  familles  des  anciens 
chefs  seraient  sa  ruine  et  celle  des  intérêts  européens  qui  y  sont  engagés. 
Les  anciens  chefs  eux-mêmes  n'existent  plus,  les  Égyptiens  les  ont 
exterminés  pour  pouvoir  établir  leur  domination  en  1875  ;  en  outre,  ils 
ont  semé  la  division  parmi  les  peuplades  somalis,  et  ont  détruit  l'esprit 
de  famille  en  propageant  la  discorde.  Si  le  territoire  est  évacué  pour 
être  rendu  aux  parents  très  éloignés  des  anciens  possesseurs,  le  pays 
sera  Uvré  à  la  guerre  civile  et  à  l'anarchie,  et  la  vie  des  Européens 
courra  de  sérieux  dangers.  Le  gouverneur  actuel,  Ali-Pacha-Redan, 
homme  intelligent,  rempli  de  bonne  volonté,  et  imbu  des  idées  euro- 
péennes, s'eflforce  de  réformer  l'état  de  choses  étabU  par  ses  prédéces- 
seurs; malheureusement  les  moyens  lui  font  défaut.  Ne  recevant  jamais 
aucun  secours  de  l'Egypte,  obligé  de  subvenir  aux  frais  de  l'occupation 


—  201  — 

avec  les  seules  ressources  du  pays,  ayant  à  ses  ordres  une  soldatesque 
indiscipliaée  parce  qu'elle  est  mal  payée,  mal  vêtue  et  plus  mal  nourrie, 
entouré  d'hommes  qui,  depuis  dix  ans,  ont  été  habitués  à  considérer  le 
pays  comme  leur  chose,  à  l'exploiter  sous  toutes  les  formes,  il  lui  est  dif- 
ficile de  réagir  contre  un  pareil  système.  Pour  y  remédier,  il  faudrait 
-que  le  gouvernement  du  khédive  pût  s'occuper  de  ce  territoire,  envoyer 
des  fonds  qui  permissent  de  subvenir  aux  frais  d'occupation,  favoriser 
le  conmierce  et  la  grande  culture  du  café,  la  principale  richesse  du  pays. 

M.  J.  Thomson  est  arrivé  en  Angleterre,  encore  souffrant  de  la 
maladie  dont  il  a  été  atteint  sur  les  bords  du  lac  Nalvasha,  dans  le  pays 
des  Masal.  La  carte  qu'il  a  dressée,  montre  qu'il  faudra  faire  subir 
une  modification  considérable  au  dessin  de  la  côte  N.-E.  du  lac  Victoria- 
Kyanza.  C'est  là,|à  peu  près  à  la  latitude  de  i'Ou-Ganda  et  de  la  sortie 
du  Nil,  et  non  plus  au  sud,  qu'est  situé  le  territoire  très  populeux  de  Ka- 
virondo,  à  l'est  duquel  se  trouve  le  lac  Bahringo. — Parmi  les  photogra- 
phies rapportées  par  M.  Thomson,  il  y  en  a  une  du  mont  Kénia,  prise  le 
matin  de  bonne  heure,  le  seul  moment  oti  le  sommet  soit  dégagé  de  nua- 
ges. Elle  représente  un  cône  de  neige,  de  quelques  mille  pieds  de  hau- 
teur, s'élevant  sur  une  large  base  dont  les  pentes  sont  couvertes  de 
sombres  forêts.  Le  résultat  pratique  de  l'expédition  sera  vraisemblable- 
ment l'ouverture  d'une  nouvelle  route  directe,  de  l'Océan  Indien  à  la  côte 
septentrionale  du  Victoria-Nyanza,  dte  Mombas  à  Kavirondo  par  Oukam- 
bani.  —  M.  Thomson  est  arrivé  à  IHombasi  le  lendemain  du  jour  où 
M.  Johnston  en  était  parti  pour  le  Kilimandjaro  ;  leurs  caravanes 
ne  se  sont  pas  rencontrées.  La  famine  régnait  dans  le  district  de  Telta, 
sur  la  route  du  Kilimandjaro.  —  M.  le  lieutenant  Gissinf^,  vice-consul 
anglais  à  Mombas,  a  quitté  la  côte  pour  faire  un  voyage  à  l'intérieur. 
D'après  un  rapport  de  M.  le  mission naireWakefield,  M.  Johnston  a  passé 
è,  la  station  de  Jomvou,  pourvu  de  tout  le  nécessaire  pour  son  expédition  ; 
il  n'avait  jusque-là  souffert  d'aucun  des  ennuis  que  les;voyageurs  en  Afri- 
que ont  d'ordinaire  à  subir  de  la  part  des  porteurs.  Il  a  avec  lui  trois 
des  préparateurs  qui  ont  été  au  senâce  du  D' Fischer.  —  M.  Stolces,  de 
la  mission  de  l'Ou-Ganda  était  à  Mombas  se  préparant  à  faire  un  voyage, 
de  ce  point  de  la  côte  à  Mamboia,  vers  le  S.-O.  à  travers  TOu-Sambara 
et  le  Ngourou.  Sa  route  passe  par  un  pays  de  montagnes  et  couvert  de 
forêts,  habité  par  des  tribus  d'un  caractère  peu  sûr.  Mais  il  a  déjà  fait 
plusieurs  fois  le  voyage  de  la  côte  au  Victoria-Nyanza  et  retoui*  ;  il  est 
donc  bien  qualifié  pour  réussir  dans  cette  nouvelle  entreprise. 

Ce  n'est  pas  à  Teïta  seulement  que  règne  la  famine.  M.  Farler,  de  la 


—  202  — 

mission  des  Universités,  en  signale  une  très  forte  accompagnée  d'une 
grande  mortalité,  dans  le  district  de  Man^Ua,  à  Touest  de  Pangani.  Le& 
missionnaires  ont  feit  venir  du  riz  de  Bombay,  pour  le  distribuer  aux  af- 
famés. Les  habitants  n'ayant  pas  de  vivres,  font  cuire  des  mauvaises  her- 
bes qu'ils  mangent  avec  une  racine  vénéneuse  appelée  màif/a,  qu'ils  font 
bouiUir  dans  l'eau  avant  de  la  manger.  Du  district  de  Bondei  aussi,  arri* 
vent  de  toutes  parts  des  gens  à  Magila  ;  chaque  matin,  200  d'entre  eux 
assiègent  la  chambre  des  provisions  des  missionnaires.  Les  portes  ont  dft 
en  être  consolidées  pour  prévenir  une  effraction.  Les  uns  apportent  de 
l'argent,  d'autres  la  promesse  de  rembourser  quand  ils  auront  serré  leurs 
récoltes.  Celles-ci  sont  retardées  par  le  fait  que  les  pluies  se  sont  fait 
attendre,  mais  elles  seront  bonnes.  La  libéralité  des  missionnaires  leur 
a  gagné  le  cœur  des  natifs  du  Bondei,  qui  les  ont  autorisés  à  voyager 
dans  leur  pays  comme  ils  le  voudront,  à  construire  où  ils  le  désireront 
et  à  instruire  tous  les  gens  du  district.  M.  Farler  écrit  encore  au  Central 
Africa,  qu'il  y  a  guerre  entre  le  sultan  de  Zanzibar  et  un  chef  voisin  de 
Magila.  Les  missionnaires  ayant  envoyé  de  leurs  geos  à  Pangani  pour 
acheter  des  vivres,  les  Arabes  les  ont  attaqués  et  en  ont  mis  quarante  en 
prison,  dans  une  pièce  de  12  pieds  de  long  sur  9  de  large,  sans  fenêtres 
et  sans  place  suffisante  pour  se  coucher  ou  pour  s'asseoir.  Bs  les  y  ont 
retenus  dix  jours.  Sir  John  Kirk  a  obtenu  de  Sald  Bargasch  qu'il  donnât 
l'ordre  de  les  relâcher. 

La  mort  du  chef  ma-kololo  Chipitoula  a  failli  amener  une  guerre  con- 
tre les  blancs  de  Blantyre  et  de  Mandala.  Chikousi,  fils  du  défunt, 
réussit  à  entraîner  dans  ses  projets  de  vengeance  les  gens  de  Ramakou- 
kan,  qui  étaient  en  contestation  avec  la  Compagnie  de  transport  par  le 
Nyassa  dirigée  par  M.  Moir.  Celui-ci  mit  Mandala  en  état  de  défense. 
Les  missionnaires  déclarèrent  vouloir  conserver  la  paix,  si  possible  ;  si- 
non, ils  auraient  abandonné  la  station  et  seraient  aUés  à  Zomba  jusqu'à 
ce  que  les  esprits  se  fussent  calmés.  Le  consul  anglais  resta  dans  la  sta- 
tion et  recommanda  de  la  fortifier  si  cela  était  nécessaire.  Heureusement 
Ramakoukan  adopta  des  dispositions  pacifiques  et  se  déclara  ami  de  la 
mission,  mais  sans  vouloir  recevoir  les  gens  de  M.  Moir.  Le  consul  et  les 
missionnaires  s'efforcèrent  de  réconcilier  les  deux  parties.  Il  importe 
d'autant  plus  d'avoir  Ramakoukan  en  sa  faveur,  qu'aujourd'hui  il  est  le 
chef  de  tous  les  Ma-Kololo  de  la  région  du  Chiré,  et  que  c'est  entre  ses 
mains  que  se  trouve  le  contrôle  de  la  rivière.  D'après  un  télégramme  de 
la  Compagnie,  Ramakoukan  a  consenti  à  laisser  passer  le  vapeur  de  M. 
Moir  sur  le  Chiré;  on  peut  donc  envisager  la  navigation  comme  rouverte. 


—  203  — 

Une  lettre  du  D' Holubau  Cape  Argus ^  datée  deFaoresmlth,  dans 
l'État  libre  de  l'Orange,  donne  des  détails  sur  les  progrès  de  son  expé- 
dition. Il  n'avance  que  lentement,  ses  bœufs  se  ressentant  des  maigres 
pâturages  qu'il  a  dû  traverser  depuis  son  départ  de  Colesberg.  En  outre 
chacun  le  reçoit  si  bien,  qu'il  séjourne  à  chacune  de  ses  étapes  plus 
longtemps  qu'il  ne  l'avait  compté.  Les  fermiers  ont  mis  à  sa  disposition 
des  pâturages  qu'ils  avaient  réservés  pour  leur  usage  particulier,  et  des 
véhicules  qui  lui  ont  permis  d'accumuler,  pour  le  musée  d'histoire 
naturelle  de  l'Afrique  australe,  des  matériaux  ethnologiques  qu'il  a 
l'intention  d'exposer  dans  les  principales  villes  del'Europe  à  son  retour, 
avant  que  la  collection  en  soit  partagée  entre  les  écoles  auxquelles  elle 
est  destinée.  A  son  arrivée  à  Pbilipolis,  il  a  reçu  un  télégramme  du  Pré- 
sident de  l'État  libre  l'invitant  à  se  rendre  à  Blœmfontein.  On  le  voit, 
son  expédition  s'accomplit  dans  les  conditions  les  plus  favorables  ;  toute- 
fois les  froids  de  l'hiver  se  faisaient  vivement  sentir  surtout  le  matin  et 
le  soir. 

Une  réunion  de  capitalistes  allemands  a  eu  lieu  à  Beriin  le  19  août, 
pour  s'occuper  de  la  question  de  l'achat,  dans  le  sud  de  l'Afrique,  de 
vastes  terrains,  pour  y  fonder  une  colonie  agricole  et  commerciale.  Le 
Parlement  colonial  du  Cap  n'admet  pas  le  protectorat  de  l'empire  d'Al- 
lemagne sur  les  établissements  de  la  maison  Lttderitz  à  Ang^ra- 
Peqnena.  Dans  sa  séance  du  15  juillet,  sur  la  proposition  d'un  de  ses 
membres,  il  a  voté  qu'il  convient  de  faire  le  nécessaire  pour  que  toute 
la  ligue  de  côte,  de  l'embouchure  du  fleuve  Orange  au  Cunéné,  soit 
annexée  à  la  colonie  du  Cap,  ou  déclarée  territoire  britannique.  Est-ce  en 
réponse  à  cette  résolution  que  M.  Ashley,  sous-secrétaire  d'État,  a 
déclaré  à  la  Chambre  des  communes,  qu'après  un  examen  attentif  de  la 
question,  'le  gouvernement  anglais  est  arrivé  à  la  conclusion  qu'on  ne 
peut  contester  à  l'Allemagne  le  droit  de  protéger  ses  ressortissants  à 
Angra-Pequena,  quoique  Walfish-bay  et  les  îles  adjacentes  soient 
incontestablement  territoire  britannique  ?  Nous  l'ignorons.  Quoi  qu'il  en 
soit,  l'Angleterre  a  demandé  à  l'Allemagne  de  nommer  en  commun  une 
commission,  pour  prononcer  sur  les  prétentions  des  sujets  anglais  qui  se 
sont  établis  à  Angra-Pequena  ou  qui  y  ont  acquis  des  possessions. 

Depuis  son  retour  du  Congo,  Stanley  s'est  efforcé  à  Londres,  à 
Bruxelles,  à  Paris,  de  préparer  les  voies  à  la  reconnaissance,  par  les 
puissances  européennes,  de  l'État  libre  du  Congo.  Son  opposition  à 
Savorgnan  de  Brazza  a  fait  place  à  une  entente  cordiale,  et  l'on  peut 
espérer  que  les  progrès  des  expéditions  et  des  découvertes  dans  le  bassin 


—  204  — 

du  Congo  né  seront  plus  tenus  secrets  comme  ils  l'ont  été  trop  long- 
temps. 

Déjà  maintenant  nous  pouvons  donner,  sur  les  affluents  du  fleuve,  des 
renseignements  nouveaux  apportés  par  Stanley,  et  publiés  par  M.  Wau- 
ters  dans  le  Mouvement  fféographique  de  Bruxelles.  Stanley  a  constaté 
que,  dans  le  grand  coude  que  le  Congo  forme  vers  le  nord,  au  delà  de 
l'équateur,  il  reçoit,  sur  la  rive  gauche,  deux  affluents  considérables,  qui 
occupent  peut-être  le  premier  ïiing  dans  la  masse  de  ses  grands  tribu- 
taires :  ce  sont  le  Looleuig^ou  et  le  Lioubilasch.  Le  premier  se 
jette  dans  le  fleuve  par  environ  0"  45'  lat.  N.,  en  amont  du  grand  village  \ 

de  Loulanga,  oii  les  agents  de  TAssociation  posent  en  ce  moment  les 
fondements  d'une  importante  station.  Stanley  considère  cette  rivière, 
dont  il  a  reconnu  l'embouchure,  et  dont  l'existence  n'avait  jamais  été 
révélée  jusqu'ici,  comme  le  plus  important  des  affluents  du  Congo,  dépas- 
sant comme  volume  d'eau  le  Qilango  et  l' Arououimi.  C'est  probable- 
ment le  cours  inférieur  du  Cassaï,  traversé  dans  sa  partie  moyenne  par 
Livingstone,  Pogge  et  Wissmann.  Dans  ce  cas,  il  aurait  approximative- 
ment 1800  kilomètres  de  longueur.  Quant  au  Loubilasch,  il  se  jette 
dans  le  Congo  à  peu  près  à  la  même  latitude  que  le  Loulemgou,  mais 
en  amont  du  coude,  vers  la  moitié  environ  de  la  distance  qui  sépare  le 
confluent  de  l'Arououimi  des  chutes  de  Stanley.  Au  dire  des  Arabes  de 
Nyangoué,  qui  poussent  leurs  incursions  jusqu'au  bassin  de  cette  rivière, 
le  cours  de  celle-ci  serait  barré  par  des  rapides  à  une  cinquantaine  de 
kilomètres  en  amont  de  son  confluent.  Il  est  permis  de  supposer  que  le 
Loubilasch  n'est  que  le  cours  inférieur  de  la  grande  rivière  du  même 
nom,  que  Pogge  et  Wissmann  ont  traversée  dans  le  pays  des  Ba-Songé,  au 
S.-O.  de  Nyangoué.  Dans  sa  dernière  exploration  (1883-1884),  Stanley 
n'a  pas  rencontré  le  confluent  du'Sankourou,  émissaire  du  lac  hypothé- 
tique du  même  nom.  Aussi  peut-on,  jusqu'à  plus  amples  renseignements, 
en  considérer  l'existence  comme  problématique. 

Sur  la  rive  droite  du  Congo,  outre  le  puissant  Arououimi,  Stanley  a 
signalé  deux  autres  affluents  l'Itimbirietle  Mboundu^u.  Le  premier 
se  jette  dans  le  fleuve  un  peu  en  amont  de  sa  partie  la  plus  septentrio- 
nale; il  paraît  venir  du  nord,  et  Stanley  suppose  qu'il  a  ses  sources  dans 
le  Dar-Banda  ;  ce  qui  le  lui  fait  croire,  c'est  la  présence,  le  long  de 
ses  bords,  d'articles  et  de  marchandises  du  Soudan.  Le  Mboundgou 
n'est  autre  que  la  grande  rivière  des  Bangala.  Le  capitaine  Hanssens 
en  a  reconnu  le  cours  inférieur.  Siir  la  rive  gauche  de  cette  rivière,  un 
peu  en  amont  de  son  confluent,  se  trouve  une  agglomération  de  petits 


—  206  — 

Tillages  portant  le  nom  d'Oubangi  ;  il  s'y  tient  un  des  marches  les  plus 
importants  de  TÂfrique.  Lii  aussi,  TAssociation  s'est  réservé  de  vastes 
concessions  de  terrain  et  s'occupe  à  y  fonder  une  station.  Lorsque 
Stanley  rendit  visite,  en  janvier  dernier,  au  chef  des  Bangala,  Matam- 
wiké^roideriboko,nom  que  porte  l'ensemble  des  territoires  de  ces  tribus, 
U  fut  pacifiquement  accueilli,  mais  ne  réussit  pas  h  y  établir  une  station. 
M.  le  capitaine  Hanssens  s'y  rendit  au  mois  de  mai,  avec  une  flottille  de 
trois  vapeurs,  et  fut  reçu  avec  empressement  par  Matamwiké,  avec  lequel 
l'échange  du  sang  se  fit  le  jour  môme  de  l'arrivée  de  l'expédition.  Le 
lendemain  eut  lieu  une  cérémonie  supplémentaire,  qui  cimenta  le  pacte 
de  fraternité  conclu  la  veille  et  lui  donna  une  plus  grande  valeur.  Cette 
cérémonie  a  consisté  dans  l'abatage  d'un  palmier  fétiche,  suivant  un 
certain  rituel  ;  la  direction  dans  laquelle  tomba  le  palmier,  prouva  aux 
populations  que  M.  Hanssens  était  dévoué  corps  et  ftme  au  roi  Matam- 
wiké ;  dès  lors,  le  roi  s'attacha  à  faire  agréer  par  les  chefis,  ses  vassaux, 
ses  nouveaux  amis,  les  blancs.  Le  prince  Mongimbé  cependant,  fils  aîné 
du  roi,  adversaire  déclaré  de  toute  innovation,  fit  opposition.  Il  fallut 
qae  Matamwiké  convoquât  tous  les  chefis  et  les  persuadât  par  un  discours 
qu'il  termina  ainsi  :  a  Nous  devons  prendre  le  blanc  chez  nous,  parce  que 
le  blanc  est  bon  ;  partout  où  il  fait  ses  villages  il  est  aimé,  et  il  a  la  con- 
fiance des  populations.  »  Le  traité  fut  alors  signé,  le  terrain  Ihnité,  les 
maisons  et  les  bananiers  qui  s'y  trouvaient  achetés  et  payés,  et  dès  le 
lendemain,  le  drapeau  international  y  était  arboré.  M.  Hanssens  a  eu 
outre  acquis  le  district  de  Ngondo,  sur  la  rive  gauche  du  Congo,  en 
amont  de  Loukoléla,  et  y  a  installé  un  poste.  Il  a  aussi  rendu  visite  aux 
deux  grands  chefe  Mukwala  et  Mangambo,  rois  de  l'Irebou,  et  a  placé 
leur  vaste  territoire  sous  le  protectorat  de  l'Association.  Même  réussite 
à  Oubangi,|au  confluent  du  Mboundgou  et  du  Loulanga,  où  des  conces- 
sions de  terrain  ont  aussi  été  obtenues,  et  où  l'on  s'est  aussitôt  mis  à 
l'œuvre  pour  l'établissement  de  nouvelles  stations. 

Mentionnons  encore  la  création  de  la  station  de  Yoonda,  à  quelque 
distance  de  la  rive  gauche  du  Bas-Congo,  entre  Roubytown  et  Lou- 
kounga  ;  le  traité  par  lequel  le  roi  Nécorado,  chef  indépendant  de  Boma, 
a  cédé  à  l'Association  ses  droits  souverains  sur  tous  les  territoires  sou- 
mis à  son  autorité  ;  et  le  départ  d'un  de  nos  compatriotes,  M.  le  comte 
Max  dePourtalès,qui,  après  avoir  fait  avec  distinction  les  campagnes  de 
1866  et  1870  au  service  de  l'armée  allemande,  va  se  mettre  à  la  dispo- 
sition désir  Francis  de  Winton,  le  remplaçant  de  Stanley  au  Congo. 

U  a  été  question  d'une  demande  faite  par  le  gouvernement  allemand  à 


--  206  — 

rAssociation  internationale,  au  sujet  des  conditions  auxquelles  seraient 
cédés  des  terrains  à  des  colons  et  à  des  commerçants  alU^mandii, 

qui  auraient  l'intention  de  s'établir  sur  les  rives  du  Congo.  L'Associa- 
tion a  répondu  que  son  territoire  était  ouvert  à  tout  le  monde,  et  qu'elle 
entrerait  très  volontiers  en  négociation  avec  des  Allemands  qui  vou- 
draient fonder  des  établissements  sérieux.  L'on  annonce,  comme  de- 
vant partir  au  mois  de  septembre,  un  groupe  d'agronomes  allemands, 
chargés  de  l'installation  et  de  la  culture  des  potagers  autour  des  sta- 
tions. A  ce  propos,  un  correspondant  du  lï^nes  a  rapporté,  d'une  entre- 
vue avec  Stanley,  les  renseignements  suivants  :  Au  point  de  vue  agricole, 
le  bassin  du  Haut-Congo  est  susceptible  d'un  développement  illimité.  Si 
un  transit  régulier  et  suffisamment  rapide  peut  être  assuré,  de  petits 
capitalistes  qui  prendraient  quelques  acres  de  terre  dans  les  riches  val- 
lées, et  se  voueraient  à  la  culture  des  céréales,  y  trouveraient  une  ample 
rémunération.  Le  sol  convient  tout  spécialement  aux  plantations  de  riz. 
Un  Arabe  qui  s'est  établi  dans  le  pays,  entre  les  chutes  de  Stanley  et 
Nyrfhgoué,  depuis  le  passage  de  Stanley,  en  1877,  en  récolte  beaucoup 
plus  que  ne  peuvent  en  consommer  ses  1200  esclaves.  Il  paraît  que  les 
Arabes  s'avancent  rapidement  vers  l'ouest,  et  qu'ils  occupent  les  meil- 
leurs  emplacements.  11  n'y  aurait  rien  à  redire  à  cela,  s'ils  ne  se  livraient 
surtout  à  la  traite  ;  le  développement  industriel  du  pays  est  pour  eux 
chose  tout  à  fait  secoiidaire.  A  ceux  qui  disent  que  l'ivoire,  la  gomme  et 
l'huile  sont  les  seuls  produits  de  quelque  importance,  et  que  le  premier 
sera  épuisé  dans  quelques  années,  Stanley  répond  que  l'ivoire  durera 
encore  des  générations,  et  que  la  gomme  et  l'huile,  à  elles  seules,  peu- 
vent fournir  un  trafic  considérable.  Mais  le  pays  abonde  encore  en  plan- 
tes de  café  sauvage,  dont  les  baies,  même  sans  culture,  produisent  un 
excellent  breuvage.  L'orseille  abonde  également,  et  les  natifs,  aussi  bien 
que  les  colons,  ont  de  vastes  plantations  de  bananiers.  Les  oranges  et 
d'autres  fruits  sont  aussi  cultivés  avec  un  plein  succès. 

Quant  à  l'extension  des  opérations  de  l'Association,  Stanley  est  d'avis 
qu'elles  devraient  s'étendi-e  jusqu'au  lac  Bangouéolo.  Il  a  remonté  plu- 
sieurs des  affluents  méridionaux  du  Congo,  et  a  trouvé  quelques-uns 
d'entre  eux  libres  d'obstacles,  sur  un  parcours  de  400  à  500  kilom.  Il 
recommande  l'établissement  de  stations  sur  ces  tributah'es.  Les  rapides 
qui  existent  dans  d'autres  ne  présenteront  pas  de  difficultés  aux  canots 
des  indigènes,  qni  arriveront  bien  vite  aux  marchés  des  blancs.  En  un 
mot,  Stanley  exprime  un  ferme  espoir  en  l'avenir  du  Congo  et  de  l'Afri- 
que en  général,  pourvu  que  les  indigènes  soient  traités  avec  tact  et  bien- 
veillance. 


—  207  — 

NOUVELLES  GOMPLËMENTAIRES 

D'après  un  rapport  du  consul  général  de  France,  à  Londres,  l'importation  de 
Talfa,  d'Algérie  en  Angleterre,  pour  la  fabrication  du  papier,  augmente  considé- 
rablement. Les  44  ^/o  de  ce  produit  proviennent  de  l'Algérie,  qui  en  a  importé, 
en  1883,  20,000  tonnes  de  plus  que  les  années  précédentes.  C'est  au  choix  de  la 
marchandise  que  tient  la  favear  dont  les  alfas  algériens  jouissent  en  Angleterre. 

Une  ligne  de  chemin  de  fer  à  voie  étroite  est  projetée,  pour  mettre  Sétif  en 
communication  directe  avec  Bougie. 

Le  Comité  des  missions  de  Paris  a'  chargé  M.  Erûger,  revenu  du  Le-Souto,  en 
Europe,  pour  sa  santé,  d'étudier  dans  tous  ses  détails  la  question  de  l'évangélisa- 
tion  des  Arabes  et  des  Kabyles,  en  Algérie. 

Il  résulte  d'un  rapport  publié  par  l'J^o^oH,  sur  les  importations  en  Tunisie,  que, 
de  1880  à  1862,  le  produit  s'en  est  élevé  deâÔ  millions  à  50  millions  de  francs. 

La  section  florentine  de  la  Société  italienne  d'exploration  africaine  a  décidé  de 
charger  un  comité  de  faire  une  enquête  sur  les  rapports  de  l'Italie  avec  la  Tripoli- 
taine,  de  protéger  les  intérêts  italiens  dans  ce  dernier  pays  et  d'y  développer  la 
civilisation. 

M.  le  D'^  Ragazzi  partira  le  1*'''  septembre,  pour  prendre  la  direction  de  la 
station  de  Let-Marefia,  au  Choa. 

Mgr.  Livinhac,  vicaire  apostolique  du  Yictoria-Nyanza,  a  ramené  à  la  maison 
des  missions  d'Alger  cinq  jeunes  nègres  de  7  à  12  ans,  des  districts  compris  entre 
leTanganyika  et  la  côte  du  Zanguebar;  ils  seront  élevés  à  l'Institut  apostolique 
de  Malte,  où  une  vingtaine  de  leurs  frères  de  l'Afrique  équatoriale  reçoivent 
déjà  une  éducation  soignée. 

M.  Stevenson,  de  Glascow,  a  généreusement  oifert  de  faire  construire  à  ses  frais 
une  voie  ferrée,  le  long  des  rapides  du  Chiré,  entre  POcéan  Indien  et  le  Nyassa» 
pour  faciliter  le  transport  des  marchandises  là  où  la  navigation  est  empêchée. 

La  querelle,  depuis  longtemps  pendante  entre  Sepinare,  chef  ba-rolong  de  Taba 
N'gcbou,  et  son  demi-frère,  Samuel  Maroko,  venu  récemment  en  Angleterre  récla- 
mer, mais  en  vain,  l'intervention  du  gouvernement  britannique,  s'est  terminée  par 
la  mort  de  Sepinare  et  l'incendie  d'une  partie  de  Taba-N'gchou.  Sepinare  étant 
feudataire  de  l'État  libre  de  l'Orange,  le  président  Brandt  a  expulsé  les  partisans 
de  Samuel  Maroko,  et  a  déclaré  le  territoire  de  Taba  N'gchou  partie  intégrante  de 
PÉtat  libre. 

Le  Btûletin  des  Missions  de  Paris  a  annoncé  le  départ  de  Schoshong  de  l'expé- 
dition du  Zambèze.  D'après  la  dernière  lettre  de  M.  Coillard,  datée  de  Kané,  à 
l'entrée  du  Ealahara,  l'état  sanitaire  des  voyageurs  était  excellent. 

VAdvertiser  de  Graaff-Reynet  publie  un  rapport  du  D'  Hahn  sur  des  spécimens 
de  cuivre,  qui  lui  ont  été  envoyés  de  Betbesda,  au  S.-O.  du  Le-Souto,  pour  les 
analyser.  Il  les  a  trouvés  très  riches  et  indiquant  la  présence  de  gisements  rému- 
nérateurs dans  cette  région. 


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Les  explorateurs  portugais  Gapello  et  Ivens  ont  été  empêchés  de  se  rendre  de 
Mossamédès  au  Cunéné  par  la  rivière  Covoca,  comme  ils  le  projetaient,  les  gor- 
ges profondes  qui  coupent  cette  vallée  rendant  cette  voie  impraticable.  Ils  se  bor- 
neront à  relever  le  cours  du  Cunéné,  et  à  terminer  l'exploration  du  Quango,  jusqu'à 
son  confluent  avec  le  Congo. 

Une  expédition  portugaise  dirigée  par  le  major  Henriquez  de  Carvalho  a  quitté 
Loanda  le  10  juin,  pour  se  rendre  chez  le  Mouato-Yamvo.  Elle  a  remonté  le 
Quanza  jusqu'à  Dondo,  en  bateau  à*' vapeur,  et  devait  partir  pour  Malangé^  dès 
qu'elle  aurait  réuni  les  400  à  500  posteurs  dont  elle  avait  besoin.  Elle  emporte  de 
riches  présents  du  roi  de  Portugal  pour  le  souverain  du  Lounda,  dont  elle  t&chera 
d'ouvrir  les  États  au  commerce  ;  après  cela  elle  traversera  le  continent  dans  la 
direction  de  Mozambique. 

L'Académie  des  sciences  de  Berlin  a  chargé  le  D'  Schweinfurth,  d'une  mission 
dans  l'Afrique  centrale.  Le  point  où  il  abordera  le  continent  africain  n'est  pas 
indiqué. 

Le  développement  des  stations  de  la  Livîngstone  Inland  Mission,  le  long  da 
Congo,  ne  permettant  plus  au  Comité  qui  avait  pris  Tinitiative  de  cette  œuvre,  de 
continuer  à  en  être  chargé,  celui-ci  Vi  transmise  tout  entière  à  la  grande  Société 
de  l'Union  missionnaire  baptiste  américaine,  dont  le  siège  est  à  Boston. 

D'après  une  dépêche  du  Diritto,  toutes  les  puissances  auraient  adhéré  à  l'idée 
d'une  conférence  internationale  pour  régler  la  question  du  Congo.  L'initiative  de 
la  convention  a  été  confiée  à  l'Allemagne. 

Le  missionnaire  Coker  de  Badagry  rapporte  que,  le  15  février,  les  Dahoméens  ont 
attaqué  la  ville  d'Okéodan,  dans  le  Yoruba,  et  qu'ils  l'ont  entièrement  détruite. 
Des  6000  habitants  qu'elle  comptait,  2  ou  3000  ont  été  tués  ou  réduits  en  escla- 
vage, le  reste  s'est  échappé  dans  les  bois  et  dans  les  villages  voisins. 

Un  télégramme  du  23  juillet,  du  gouvernement  du  Sénégal,  a  annoncé  que  la 
canonnière  en  construction  sur  le  Niger  était  complètement  montée. 

Le  D*^  Bayol,  lieutenant-gouverneur  du  Sénégal,  est  venu  se  reposer  en  France 
des  fatigues  de  son  séjour  dans  la  partie  de  la  colonie  entre  la  Cazamance  et  la 
Mellacorée.  '  -^ 

Le  voyageur  espagnol  Giménès  a  adressé  aux  journaux  de  Madrid  une  dépê- 
che datée  du  27  juillet,  d'Uxda,  au  Maroc,  d'après  laquelle  il  a  exploré  la  région 
de  la  Moulouya  et  la  chaîne  des  monts  Beni-Senanin.  Il  a  commencé  des  opéra- 
tions commerciales  à  l'embouchure  du  Eiss,  et  s'est  dirigé  ensuite  du  côté  de 
Che^^a.  —  Une  lettre  qu'il  nous  a  adressée  nous  annonce  son  arrivée  à  Melilla,et 
nous  fait  espérer  un  récit  de  son  expédition. 

La  Sociedad  Espanola  Africanistas,  fondée  à  Madrid,  il  y  a  six  mois,  a  décidé 
d'envoyer  en  automne  une  expédition,  dont  le  but  sera  de  trouver  de  nouveaux 
débouchés  commerciaux  en  Afrique,  et  tout  d'abord  au  Maroc. 


—  309  — 

DE  TRIPOLI  AU  GOLFE  DE  GUINÉE 

Le  but  du  voyage  de  M.  Buoufanti,  dont  nous  avons  dit  deux  mots 
seulement  (p.  145),  était  de  pénétrer  dans  Timmense  région  encore 
inconnue,  qui  s'étend  entre  le  Bénoué  et  TOgÔoué.  Au  lieu  de  partir  du 
golfe  de  Guinée,  comme  Flegel,  qui  se  piiopose  le  môme  but,  il  se  rendit, 
au  printemps  de  1881,  avec  M.  van  Flint,  médecin  et  naturaliste  amé- 
ricain, comme  compagnon  de  voyage,  un  interprète  et  une  caravane, 
de  Tripoli  au  lac  Tchad,  par  le  Fezzan  et  les  oasis  de  Yat,  Iggheba, 
Kaooar  et  Biliia,  c'est-à-dire  par  la  route  des  explorateurs  allemands 
Barth,  Vogel,  Rohlfs  et  Nachtigal. 

Retenu  un  certain  temps  à  Kouka  par  une  guerre  de  frontière  entre 
les  tribus  méridionales  du  Bornou  et  celles  du  nord  de  rÂdamaoua,il  fit 
des  excui^ionssur  le  lac  Tchad  et  dans  les  nombreuses  tlesqui  le  peuplent, 
pour  y  chasser  Téléphant  et  Phippopotame  et  y  faire  provision  d'ivoire. 
La  paix  ne  venant  pas,  il  profita  d'un  moment  où  les  hostilités  semblaient 
se  ralentir,  pour  se  rapprocher  de  la  frontière  de  l' Adamaoua  par  Dikoa  et 
Doloo,  avec  une  escorte  de  50  hommes  choisis  parmi  les  meilleurs  soldats 
du  Bornou,  et  une  caravane  de  150  porteurs,  30  chameaux  et  leurs 
chameliers,  4  chevaux,  etc.  Arrivé  à  Mahuri  (Mahudi  ?)  il  se  vit  refuser 
le  passage  par  les  habitants  qui,  armés  de  lances  et  de  haches,  avec  des 
boucliers  en  cuir  d'éléphant,  lui  enjoignirent  de  quitter  leur  territoire 
par  la  route  la  plus  courte,  celle  du  mont  Mendif. 

Découverte  parle  voyageur  Denham  en  1822,  et  entrevue  de  loin  par 
Barth  en  1857,  cette  montagne  a  été  dès  lors  l'objet  de  beaucoup 
de  conjectures.  D'après  les  détails  qu'a  donnés  M.  Buonfanti,  dans 
une  conférence  à  la  Société  royale  belge  de  géographie,  et  que 
nous  extrayons  du  dernier  numéro  du  Bulletin  de  cette  Société,  elle  se 
présente  de  loin  comme  un  immense  pain  de  sucre  isolé,  suivi,  dans  la 
direction  du  Nord,  d'autres  pics  également  isolés,  mais  moins  considé- 
rables. Sa  hauteur  au-dessus  de  la  plaine  est  de  1100°*,  et  au-dessus  de  la 
mer,  de  1700^  ;  sa  circonférence  à  la  base  est  de  20  kilomètres  environ. 
Son  sommet  blanc  se  détache  splendidé  et  gigantesque  sur  le  fond  bleu  du 
ciel.  En  s'en  approchant  on  découvre  que,  quoique  détaché,  il  appartient 
à  la  chaîne  des  monts  de  Wardala.  Gomme  Barth  le  supposait,  c'est  un 
yolcan  éteint.  Buonfanti  en  fit  l'ascension;  le  cratère  est  comblé  par 
la  fiente  de  grands  oiseaux  qui  y  demeurent  ;  cette  ftmte  donne  à  ce 
sommet  la  couleur  blanche  qui  le  fedt  paraître  à  distance  éclatant  comme 


—  210  — 

s'il  était  couvert  do,  neige.  Sur  la  pente  occidentale  de  la  montagne  se 
trouve  le  village  de  Mendif ,  dont  les  habitants  ne  se  montrèrent  pas  plus 
traitables  que  ceux  de  Mahuri.  Force  fut  à  l'explorateur  de  reprendre  le 
chemin  du  Bornou,par  Moura  et  Moubi,  à  travers  un  pays  varié  et  ravis- 
sant. Les  éléphants  et  les  girafes  y  abondent;  les*  arbres  fruitiers 
également. 

Les  descriptions  de  Barth  des  peuples  pasteurs  du  N.-O.  de  l'Ada- 
maoua  les  ayant  présentés  comme  pacifiques  et  hospitaliers,  Buonfanti  fit 
encore  des  tentatives  de  passage  à  Ouba,  à  Ounibié,  à  Garouta,  sur  tous 
les  points  de  la  jfrontière  jusqu'au  confluent  du  Gongola  et  du  Bénoué, 
mais  ce  fut  en  vain,  il  dut  rentrer  à  Kouka  par  les  territoires  de  Mar- 
ghié  et  d'Oudiié,  qui  forment  la  plus  belle  partie  du  Bornou.  Obligé  de 
renoncer  à  la  route  du  Sud,  l'explorateur  résolut  de  tourner  ses  pas  vers 
l'Ouest,  par  Kano  et  le  royaume  de  Sokoto,  dont  le  souverain  chercha  à 
le  retenir  par  toutes  sortes  de  faveurs.  Guéri  d'une  grave  indigestion  par 
le  docteur  qui  accompagnait  Buonfanti,  le  sultan  de  Jakbba,  ville  de  plus 
de  100,000  habitants,  ne  voulait  absolument  plus  consentir  au  départ  des 
étrangers.  Agé  déjà,  et  aimant  la  bonne  chère,  «  il  Voulait,  »  dit  Buon- 
fanti, «  par  la  présence  du  docteur  et  de  son  sel  anglais,  s'assurer 
l'impunité  de  toutes  les  indigestions  qu'il  comptait  se  donner  dans 
l'avenir.  Quant  à  moi,  mes  talents  étaient,  à  son  point  de  vue,  d'un 
ordre  encore  plus  élevé.  Je  lui  avais  fait  cadeau  d'une  botte  à 
musique.  Pendant  trois  jours,  blotti  sur  son  tapis,  il  ne  fit  que  remonter 
la  malheureuse  boîte  ;  enfin  il  l'avait  dérangée.  Je  fus  mandé  h  la  hâte  au 
palais  :  Sidi-el-Kanem  était  au  désespoir.  Je  réussis  à  réparer  la  boîte  ; 
quand  je  la  lui  remis  en  bon  état,  je  crus  qu'il  allait  m'embrasser.  Depuis 
ce  jour,  sa  considération  pour  moi  ne  connut  plus  de  bornes,  et  souvent, 
après  m 'avoir  longtemps  regardé  comme  en  extase,  il  exclamait  en  sou- 
pirant: Whaffatofinga.mintofenga.  «  Ah!  moi  je  ne  suis  rien  et  toi  tu 
es  tout.  »  Un  joui',  mis  à  bout  de  patience  par  ses  refus,  j'insistai  pour 
en  savoir  la  raison.  «  Et  ma  boîte  à  musique  ?  me  dit*il,  qui  l'airangerasi 
tu  pars?  »  Ce  ne  fut  qu'en  lui  faisant  croire  que  la  boîte  ne  pouvait  plus 
se  gâter,  parce  que  cette  fois  le  ressort  était  en  kamata  (en  fer),  que  je 
parvins  à  lui  arracher  son  consentement  à  notre  départ.» 

Les  explorateurs  se  dirigèrent  alors  vers  le  Niger  moyen  par  Sokoto,  et 
l'inhospitalière  région  du  Gouandou,  oîi  les  Mahuri,  les  Gaberaona,  les 
Mariadana  et  les  Touaregs  de  SaJbterma  les  tourmentèrent  par  des  vexar 
tiens  de  toute  espèce.  Enfin,  le  22  juin  de  l'année  dernière,  des  hauteurs 
de  Tanna,  ils  aperçurent  le  grand  fleuve  queMungo-Fark  avait  descendu 


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quatre-vingts  ans  environ  auparavant,  et  que  Bartb  avait  côtoyé  cin- 
quante ans  plus  tard,  mais  qu'aucun  Ëuropéen*n'avait  encore  remonté 
dans  cette  partie  de  son  cours. 

Jusqu'ici  il  paraissait  impossible  d'en  remonter  le  cours  moyen,  sur- 
tout pendant  la  saison  sèche.  Buonfanti  se  proposa  de  résoudre  le 
problème,  et  il  y  a  réussi,  ce  qui,  indépendamment  des  renseignements 
recueillis  dans  son  voyage  jusqu'au  Niger,  donne  à  son  exploration,  et  à 
la  carte  du  Niger  moyen,  dressée  par  lui  et  publiée  par  le  Bxdletin  de  la 
Société  belge  de  géographie,  une  grande  importance  pour  la  science. 

Au  moyen  de  quelques  cadeaux  il  acquit  du  Roi  des  eaiix,  c'est-à-dire 
du  chef  du  port  de  Say,  l'appui  dont  il  avait  besoin  peut  obtenir  gens  et 
bateaux  en  vue  de  remonter  le  fleuve  aussi  haut  que  possible.  Les  ren- 
seignements qu'il  reçut  à  Say  sur  la  navigabilité  du  fleuve  se  bornèrent  à 
ceci,  c'est  que  le  Niger  est  de  facile  navigation  jusqu'à  Garou,  à  220  kilo- 
mètres à  peu  près  en  amont.  «  Allons  jusqu'à  Garou,  »  se  dit-il,  et  le  25 
juia,  ceux  de  ses  gens  qui  devaient  le  suivre  jusqu'à  Timbouctou,  traver- 
saient le  fleuve  sur  cinq  bateaux,  de  12"  de  long  sur  2"  environ  de  large, 
avec  un  tirant  d'eau  d'un  peu  plus  d'un  mètre. 

De  Say  à  Garou,  le  Niger  présente  une  largeur  moyenne  de  1700*  à 
2100",  Une  vallée  marécageuse  l'environne  à  Say,  mais  bientôt  le  pays 
change  et  devient  magnifique:  ce  sont  des  montagnes  très  larges  à  la 
base,  et  aux  sommets  aigus  ;  des  éminences  abruptes  et  blanches  de  quartz 
et  de  gneiss  s'avançant  jusqu'au  fleuve;  des  fermes,  des  habitations  en 
nattes  de  palmier  ou  en  argile  pétrie  ;  des  blocs  de  rochers  garnis  d'arbres 
majestueux;  des  monticules  sablonneux  entrecoupés  de  beaux  cours 
d'eau  ;  des  plantations  de  coton.  Puis  viennent  des  collines  verdoyantes 
et  des  prairies  couvertes  de  chevaux,  de  bœufis,  de  moutons  et  de  chèvres; 
après  cela,  des  îles,  de  vrais  archipels  d'îles  assez  grandes,  bien  culti- 
vées, parsemées  de  villages  et  de  fermes,  entourées  de  jardins  et  de  bois 
remplis  de  singes  et  d'oiseaux.  Plus  loin,  le  pays  plat  recommence  ;  la 
vallée  s'élargit  à  perte  de  vue,  et  le  fleuve  coupé  en  plusieurs  canaux 
acquiert  une  largeur  de  7  à  8  kilom.  On  se  croirait  sur  l'Amazone.  Le 
pilote  choisissait  presque  toujours  les  canaux  les  plus  rapprochés  de  la 
rive  orientale,  et  Buonfanti  conseille  aux  voyageurs  qui  le  suivront,  de 
faire  de  même. 

Garou  et  Sinder  sont  deux  petites  villes  charmantes,  bâties  en  face 
l'une  de  l'autre,  sur  deux  îles  très  rapprochées.  On  y  fait  un  grand  com- 
merce de  céréales.  Pour  50  mètres  de  calicot,  Buonfanti  reçut  2000  kilog. 
de  blé;  pour  un  demi-kilog.  de  grosses  perles  eu  verre,  200^pigeons  ;  les 


-212- 

moutons  ne  Im  revenaient  pas  à  un  franc  la  pièce.  A  Garou  il  apprit  que 
le  fleuve  était  navigable  jusqu'à  Em-N-Aschid,  ou  cap  des  Anes.  En 
amont  de  Garou  sa  largeur  est  de  2  kilom.  environ,  et  sa  profondeur 
moyenne  de  2**  à  2"50.  Les  tles  du  fleuve  forment  un  réseau  de  canaux 
encombrés  de  rochers,  et  les  rapides  en  rendent  parfois  la  naviga- 
tion très  difScile.  En  d'autres  endroits,  les  hippopotames  et  les  croco- 
dUes  sont  presque  innombrables  et  ajoutent  aux  dangers  que  courent 
les  embarcations. 

Le  cap  Em-N*Aschid  rétrécit  le  fleuve  qui,  en  cet  endroit,  n'a  plus  que 
600""  de  large.  Quoique  Buonfanti  eût  pris  à  son  service  le  meilleur 
pilote  de  l'tle  Fetchili,  célèbre  pour  ses  bateaux,  ses  bateliers  et  ses 
pêcheurs,  l'expédition  eut  beaucoup  de  peine  à  remonter  plus  haut. 
D'abord  elle  eut  à  lutter  contre  un  courant  d'eau  d'une  dizaine  de  kilo- 
mètres à  l'heure;  puis  le  Niger  se  remplit  d'tles  se  rapprochant  beaucoup 
plus  de  la  rive  orientale  que  de  l'occidentale;  elle  n'avançait  qu'au 
travers  de  rapides  et  de  récifs,  du  milieu  desquels  elle  ne  sortit  que  grftce 
à  la  dextérité  et  au  sang-froid  du  pilote.  Au  delà  d'Ayola,  le  fleuve 
reprend  un  cours  paisible  et  majestueux  entre  deux  rives  couvertes  de 
baobabs,  de  tamariniers  et  de  palmiers.  A  Bourré  il  se  rétrécit  jusqu'à 
TOO""  ;  non  loin  de  là  on  rencontre  la  pointe  méridionale  de  l'tle  Ansongo, 
qui  n'a  pas  moins  de  25  kilomètres  de  longueur.  C'est  le  point  le  plus 
scabreux  à  remonter.  Le  fleuve  se  fraie  d'abord  un  passage  à  travers  des 
masses  de  rochers  granitiques  de  7  à  10*^  de  hauteur,  bouillonnant,  et 
tourbillonnant,  puis  un  récif  se  présente  qui  paraît  le  couper  dans  toute 
sa  largeur  ;  le  canal  est  extrêmement  étroit,  et  il  faut  souvent  haler  les 
bateaux,  après  les  avoir  allégés  en  en  débarquant  sur  l'tle  presque  toute 
la  cargaison,  pour  la  transporter  par  terre  jusqu'à  son  extrémité  septen- 
trionale. Il  est  vrai  que  le  Niger  était  à  cette  époque  extrêmement  bas, 
et  qu'en  temps  ordinaire  les  difficultés  doivent  être  moins  sérieuses. 

En  amont  de  l'île  Ansongo,  le  Niger  reprend  un  cours  plus  régulier  et 
une  largeur  assez  considérable  ;  toutefois  les  dangers  ne  cessent  pas,  vu 
les  nombreux  bancs  de  sable,  la  quantité  d'hippopotames  et  de  croco- 
diles, et  l'hostilité  des  tribus  des  Touaregs  Rouma,  de^  Sourhal  et  des 
Gaberos  qui  habitent  les  rives  du  fleuve,  et  plus  encore  à  cause  des  arai- 
gnées et  des  serpents  qui  y  pullulent  et  dont  plusieurs  espèces  sont 
venimeuses. 

Au  delà  de  Fagona,  la  vallée  du  Niger  n'est  plus  qu'un  marécage  dont 
les  bords  n'ont  que  l'horizon  pour  limites,  et  dont  les  miasmes  sont 
pernicieux,  fuis  il  redevient  encore  une  fois  un  vrai  labyrinthe  d'em- 


—  213  — 

branchements  et  d'îles  grandes  et  plates»  et  n'est  navigable  que  du  côté 
deTArribinda,  c'est-à-dire  le  long  de  la  rive  occidentale.  Plus  haut, 
À  Bourroum,  où  il  décrit  une  courbe  d'environ  30  kilomètres,  les  îles 
deviennent  encore  plus  nombreuses.  Son  lit  acquiert  une  largeur  éton- 
nante,  et  il  perd  tellement  en  profondeur  qu'en  plusieurs  endroits  il 
devient  guéable.  L'expédition  dut  attendre  la  crue  des  eaux,  eu  août, 
pour  pouvoir  continuer  sa  marche. 

Après  avoir  tourné  l'arc  de  Bourroum,  la  direction  est  à  l'ouest;  c'est 
à  Tossaye  que  la  largeur  du  fleuve  atteint  son  minimum  ;  les  rives 
escarpées  le  resserrent  tellement  qu'il  n'a  plus  que  150",  et  que  ses  eaux 
couraient,  le  7  août,  avec  une  rapidité  de  10  kilomètres  à  l'heure.  De  plus 
en  plus  sinueux,  il  est  dominé  au  nord  par  le  plateau  du  désert  qui  n'a 
pas  moins  de  100"  à  150"  de  hauteur,,  et  pendant  quelques  kilomètres  se 
revêt  d'une  beauté  sauvage  surprenante.  A  une  île  ornée  de  groupes  de 
pabniers  séculaires  et  remplie  de  beaux  chevaux  et  de  gros  bétail,  suc- 
cède im  îlot  de  quartz  blanc,  dont  les  reflets  donnent  aux  objets  d'alen- 
tour les  vraies  couleurs  de  l'iris.  Un  peu  plus  loin,  deux  rocs  gigantesques 
se  dressent  au  milieu  du  fleuve  comme  deux  piliers  ;  ce  sont  les  rocs  que 
les  tribus  avoisinantes  appellent  Scabor-man-Barror,  ou  Porte  de  Fer. 
Entre  la  rive  méridionale  et  l'un  de  ces  rocs,  Barror,  un  récif  formant 
une  espèce  de  cascade  barre  le  chemin  pendant  la  sécheresse  ;  et,  entre 
les  deux  piliers,  les  eaux  du  Niger  se  précipitent  avec  une  rapidité  de 
13  kilomètres  à  l'heure.  Le  canal  de  passage  est  entre  Scabor  et  la  rive 
septentrionale  ;  encore  est-il  nécessaire  d'avoir  pour  le  franchir  un  pilote 
bien  familier  avec  la  localité.  Jusqu'à  Tewilaten  on  chemine  au  milieu 
d'îlots  et  de  rochers  de  granit,  d'îles  verdoyantes  et  de  pauvres  villages 
qui  rappellent  les  habitations  lacustres  des  temps  préhistoriques,  au 
milieu  de  bas-fonds  et  de  marais,  de  bancs  de  sable  et  de  récifs,  de 
<^llines  richement  boisées  et  de  taches  de  sable  avant-coureurs  du  désert. 

Ici,  le  Niger  court  de  l'ouest  à  l'est;  ses  bords  reçoivent  souvent  la 
visite  des  lions,  et  pendant  la  nuit  ses  rives  retentissent  de  leurs  terribles 
rugissements.  Le  point  le  plus  septentrional  du  fleuve  est  à  l'anse  de 
Terrarat,  entre  Temlaten  et  Bamba,  par  17°  49'  32"  lat.  nord.  Au  delà 
de  Bamba,  jusqu'à  Eabra,  station  .fluviale  de  Timbouctou,  il  serait 
presque  impossible  d'en  .déterminer  la  largeur  qui  change  avec  les  sai- 
sons. Son  lit  n'est  pas  nettement  défini.  Les  embranchements  latéraux 
en  sont  presque  innombrables  pendant  la  crue,  et  des  deux  côtés  le  pays 
est  si  bas  et  si  plat,  que  souvent  tout  est  submergé,  et  que  le  Niger  se 
montre  comme  un  lac  qui  ne  finit  qu'à  l'hoiizon. 


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De  Eabra,  Buonfanti  se  rendit  à  Timbouctou,  oîi  le  cheik  Ab-el-Omer 
mit  une  de  ses  maisons  à  la  disposition  de  Texpédition,  et  oii  celle-ci 
retrouva  quelques-uns  des  avantages  de  la  vie  civilisée  pour  se  restaurer: 
du  pain,  dont  elle  n'avait  pas  goûté  depuis  17  mois,  du  lait,  du  riz,  delà 
viande  excellente,  à  bon  marché,  des  pigeons  à  deux  centimes  la 
pièce,  de  belles  oies  à  trois  sous,  des  citrons,  du  sucre,  du  thé,  du 
café;  etc. 

Au  sud  de  Timbouctou,  et  au  centre  du  grand  arc  décrit  par  le  Niger, 
se  trouvent  les  trois  royaumes  de  Tombe,  Mossi  et  Gourma,  encore 
presque  inconnus.  Buonfanti  résolut  de  regagner  le  golfe  de  Guinée  en 
les  traversant  pour  les  faire  mieux  connaître. 

Laissant  à  Timbouctou,  le  La  Mecque  des  Soudaniens  de  l'Ouest,  les 
gens  qu'il  avait  engagés  pour  le  voyage  sur  le  Niger,  et  ceux  qui  l'avaient 
suivi  du  Bornou  et  de  Sokoto,  Buonfanti  recruta  une  nouveUe  caravane 
de  250  hommes,  y  compris  une  cinquantaine  de  Mossi^  avec  des  ânes 
excellents,  qui  avaient  apporté  à  Timbouctou  une  cargaison  de  noix  de 
kola.  Les  Mossi  sont  les  grands  trafiquants  de  cette  denrée.  «  Cette 
caravane  ressemblait,  »  dit  l'explorateur,  «  à  une  vraie  mascarade  :  des^ 
Arabes  à  cheval,  deux  sur  une  monture:  des  Touaregs  Rouma,  la  figure- 
couverte  de  châles  de  toutes  les  nuances  entre  le  blanc  et  le  rouge  ;  des^ 
hommes  portant  des  chemises  bleues  ou  blanches,  ou  des  tuniques  for^ 
mées  de  bandelettes  de  calicot  blanches  et  noires  cousues  ensemble,  ou 
de  petits  tabliers  en  cuir,  en  cotonnade,  en  plumes  d'autruche  ou  eu 
fibres  de  palmier  tissées,  et  armés  de  vieux  fusils  ou  d'épieux  ;  des  nègres 
à  la  figure  couverte  d'incisions  profondes  ou  tatoués  dans  tous  les  sens 
de  toutes  sortes  de  dessins  ;  d'autres  à  la  tête  rasée,  ou  bien  portant  des 
chevelures  énormes,  toufiues,  semblables  à  de  gros  melons  en  laine  noire 
ou  pétris  avec  de  la  couleur  rouge.  Ajoutez  h  cela  les  ânes,  des  chameaux, 
la  provision  de  défenses  d'éléphants  portées  suspendues  à  de  longues 
barres  de  bois  placées  sur  les  épaules  des  nègres  marchant  l'un  devant 
l'autre,  les  colis,  enfin  les  explorateurs,  Buonfanti  et  le  docteur  Van 
Flint  montés  sur  des  ftnes,et  le  parasol  à  la  main.» 

Côtoyant  un  embranchement  du  fleuve,  au  milieu  de  sables  et  de 
terrains  marécageux,  l'expédition  atteignit  Bambara  le  19  septembre, et 
établit  son  camp  à  500"'au  sud  de  la  ville.  La  bienvenue  lui  fut  souhaitée  à 
la  mode  du  pays.  A  minuit,tine  troupe  d'hommes,précédéspar  une  foule 
de  femmes  jeunes  et  dansant  de  la  manière  la  plus  drôle  en  s'accom- 
pagnant  d'un  chant  monotone,  s'avança,  divisée  en  groupes  de  six, 
portant  des  plats  de  trois  mètres  de  circonférence  surchargés  de  riz,  de 


—  215  — 

viande,  et  de  kouskousso^  Les  populations  du  Tombe,  dans  lequel 
entrèrent  bientôt  les  voyageurs,  se  montrèrent  peu  hospitalières,  et  les 
poursuivirent  de  vexations  et  d'extorsions  sans  cesse  renouvelées.  A 
Karti,  le  gouverneur  du  Kimbori  leur  rendit  visite  en  grand  équipage 
militaire,  et  leur  fit  comprendre  que,  comme  ils  étaient  sur  son  territoire, 
tout  ce  qu'ils  avaient  lui  appartenait.  U  voulut  examiner  leurs  bagages 
et  s'approprier  tout  ce  qu'il  voyait,  surtout  les  boussoles  pour  aller 
piller,  dans  les  nuits  sombres,  les  Karimi  ses  voisins,  Buonfanti  lui  ayant 
dit  que  cet  instrument  était  le  guide  le  plus  sûr  pour  reconnaître  son 
chemin,  même  dans  l'obscurité.  A  Touriba,le  chef  des  Marimi,  soupçon- 
nant chez  les  voyageurs  des  motifs  cachés  qui  compromettaient  la  liberté 
de  son  pays,  les  menaça  de  les  faire  pendre  par  les  pieds  au  palmier  le 
plus  élevé  dulieu,pour peu qu'ilseussentlamoindreidéed'hostilité  envers 
hii  et  ses  sujets.  Ce  supplice  est  souvent  infligé  au  Tombe.  On  choisit  un 
des  plus  hauts  palmiers,  et  petit  à  petit  on  le  courbe  jusqu'à  terre,  puis  on 
le  fiixe  dans  cette  position  au  moyen  d'une  corde  liée  au  pied  d'un  arbre 
voisin.  On  en  coupe  les  branches  à  la  hauteur  de  75  centimètres  environ, 
et  Ton  on  en  fait  une  espèce  de  cage  où  l'on  enferme  solidement  ou  la 
tête  ou  les  pieds  de  la  victime,  après  quoi  on  lâche  la  corde,  et  l'arbre 
reprend  sa  station  droite  entraînant  avec  lui  le  supplicié,  dont  les  oiseaux 
carnassiers  font  leur  pâture,  ne  laissant  bientôt  plus  qu'un  squelette 
desséché  par  le  soleil. 

L'hostilité  des  gens  du  Tombe  devenant  de  jour  en  jour  plus  pro- 
noncée, les  voyageurs  n'avançaient  qu'avec  la  plus  grande  peine.  Ils 
purent  cependant  envoyer  un  messager  au  roi,  à  Arre,  la  capitale,  avec 
de  riches  cadeaux  pour  obtenir  sa  protection.  Le  roi  leur  fit  dire  qu'ils 
étaient  ses  hôtes  et  qu'ils  n'avaient  rien  à  craindre.  Les  Mossi  qui  fai- 
saient partie  de  la  caravane  leur  conseillaient  de  ne  pas  se  fier  à  ces 
promesses,  mais  Buonfanti  et  Van  Flint  ne  les  écoutèrent  pas.  Ils  traver- 
sèrent avec  un  peu  plus  de  facilité  le  Ghetto  et  le  Sanghi,  mais,  le  23 
décembre,  à  quelques  kilomètres  de  Maritou,  ils  furent  tout  à  coup 
enveloppés  par  un  millier  de  gens  de  cette  localité  qui  brandissaient  leurs 
lances  avec  fureur  et  poussaient  des  cris  formidables.  Buonfanti  fit 
arrêter  la  caravane,  s'avança  vers  le  chef  de  la  tribu  qui  lui  barrait  le 
passage,  et  voulut  se  prévaloir  de  la  protection  du  roi  ;  ses  gens  pri- 
rent la  fuite,  et  les  Maritous  s'emparèrent  des  bagages  de  la  caravane. 

^  Boulettes  de  froment  broyé  et  mélangé  avec  du  lait  caillé  ou  du  beurre  végétal 
et  cuites  au  bain-marie. 


—  216  — 

En  vain  Texplorateur  se  rendit-il  à  Arre,  pour  rappeler  au  roi  sa  pro- 
messe; au  lieu  de  lui  faire  rendre  justice,  celui-ci  fit  saisir  trois  colis  qui 
lui  restaient  encore,  en  sorte  que  Buonfanti  et  son  compagnon  durent 
achever  leur  voyage  sans  provisions  aucune,  avec  une  boussole,  quelques 
litiges  de  cognac  et  une  couverture  de  laine,  se  nourrissant  de  hyrgou 
(miel  végétal),  du  jus  que  renferment  les  fruits  du  baobab  et  de  quelque 
oiseau  ou  singe  tué  par  eux  et  rôti  sans  sel. 

Pendant  quarante  jours  ils  errèrent  presque  au  hasard  dans  le  Mossi, 
se  dirigeant  vers  Test  pour  tâcher  d'arriver  &  une  station  de  mission- 
naires romains  qu'on  leur  avait  dit  être  dans  le  Bousanga.  Le  2  février 
ils  atteignirent  Kiranoro,  Tendroit  oîi  se  trouvait  la  station,  dont 
les  missionnaires  les  restaurèrent  et  les  mirent  à  môme  de  continuer 
leur  voyage  vers  la  côte,  avec  un  guide  et  quelques  hommes  de  la  mission. 
Traversant  le  Dagomba  et  le  Dahomey,  ils  arrivèrent  le  5  mars  en  vue  de 
Lagos,  après  vingt-deux  mois  de  fatigues  et  de  dangers.  Les  vicissitudes 
de  ce  voyage  n'avaient  pas  découragé  Buonfanti.  En  eftet,  comme  nos  lec- 
teurs le  savent,  à  peine  avait-il  revu  la  terre  d'Europe,  que  S.  M.  le  roi 
des  Belges  l'engageait  à  faire  une  nouvelleexplorationdans  la  région  du 
Congo.  Nous  avons  déjà  annoncé  son  départ  pour  Rudolfstadt,  station 
du  Comité  d'études  du  Congo  à  l'embouchure  du  Quillou. 


BIBLIOGRAPHIE 


La  DERNIERE  Égvpte,  toxto  ot  dossius  par  Ludovic  Lepic.  Paris 
(S.  Charpentier  et  C^),  1884,  grand  in-8%  315  pages,  fi-.  10.  —  Pour- 
quoi ce  titre,  demandera-t-on ?  L'auteur  nous  l'expUque  dans  les  quel- 
ques lignes  de  sa  préface.  La  dernière  Egypte,  c'est  la  description  du 
pays  tel  qu'il  était  avant  le  bombardement  d'Alexandrie,  car,  depuis  ce 
moment,  le  gouvernement  quasi-indépendant,  fondé  par  Méhémet-Ali  et 
ses  fils,  a  cessé  d'exister.  L'Egypte  n'est  plus  aux  Égyptiens. 

Ce  récit  d'un  voyage  d'Alexandrie  &  Assouan,  limite  de  l'Egypte  pro- 
prement dite,  est  d'une  lecture  facile  et  même  attachante  ;  ce  sont  de 
simples  notes  prises  en  chemin  de  fer,  en  dahabieh,  ou  en  errant  au 
milieu  des  ruines  ;  mais  ce  style  coupé,  ces  phrases  courtes,  qui  souvent 
ne  rendent  pas  toute  la  pensée  de  l'auteur  et  que  le  lecteur  achève 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  fiàle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  217  — 

sans  peine,  sont  précisément  ce  qui  convient  le  mieux  à  ces  narra* 
lions. 

Cette  œuvre  est,  avant  tout,  celle  d'un  artiste.  La  description  des 
monuments  antiques,  des  riches  et  nombreuses  trouvailles  iaites  depuis 
la  fondation  de  Tlnstitut  égyptien,  le  seul  résultat  de  Texpédition  de 
Bonaparte,  occupe  des  chapitres  entiers.  Il  est  certainement  intéressant 
de  faire,  avec  M.  Lepic,  cette  revue  de  Tart  égyptien,  car  il  la  conduit 
avec  l'expérience  d'un  critique  de  premier  ordre,  et  sait  remailler  de 
traits  d'esprit,  d'anecdotes  charmantes  sur  les  querelles  entre  les  cher- 
cheurs d'antiquités,  et  sur  l'histoire  de  certaines  découvertes  archéolo* 
giques.  Cette  étude  savante  des  travaux  de  Mariette  et  de  Maspero,  du 
musée  de  Boulaq,  de  la  plaine  des  Pyramides,  des  ruines  de  Thèbes  et  de 
tous  les  débris  d'une  civilisation  vieille  de  plusieurs  milliers  d'années,  est 
accompagnée  de  nombreuses  gravures  explicatives.  On  nous  permettra 
de  trouver  quelques-unes  d'entre  elles  trop  noires  et  pas  assez  soignées. 
Ce  sont  probablement  des  réductions  d'aquarelles,  de  croquis  faits  à 
grands  traits  et  sans  aucun  souci  du  fini  dans  le  dessin,  de  rectitude 
dans  les  lignes  et  les  contours  ;  d'un  grand  effet,  peut-être,  s'ils  sont 
vus  à  une  certaine  distance,  ces  dessins  ne  disent  rien  à  l'œil  lorsqu'ils 
sont  reproduits  par  la  gravure,  et  ne  donnent  aucune  idée  des  objets 
que  l'artiste  a  voulu  représenter. 

A  côté  de  cette  revue^  des  monuments  de  l'Egypte  antique,  l'auteur 
donne,  chemin  faisant,  une  description  du  sol,  du  grand  fleuve,  des  habi- 
tants et  de  leur  vie.  Là  aussi  se  retrcîuvent  la  verve  et  l'humour  char- 
mants qui  le  caractérisent;  nous  ne  pouvons  cependant  nous  empêcher 
de  remarquer  que  certaines  peintures  de  mœurs  sont  trop  réalistes. 
L'ouvrage  aurait  gagné  à  ce  qu'elles  fussent  passées  sous  silence. 

Egypt  and  THE  EorPTiAN  QUESTION,  by  2).  Mockemie-Wallcice,  Lon- 
don  (Macmillan  and  C"),  1883,  in-8,  521  pages,  18  fr.  —  La  question 
égyptienne  n'est  qu'une  partie  de  la  grande  question  d'Orient,  mais 
aujourd'hui  elle  fait  oublier  la  péninsule  hellénique  et  ses  petites  nations 
remuantes.  L'avenir  de  l'Egypte  préoccupe  le  monde  politique,  en 
Angleterre  surtout,  car  cette  puissance  est  directement  intéressée  à 
maintenir  son  influence  sur  toute  l'étendue  de  la  route  des  Indes,  dont 
l'Egypte  tient  la  clef. 

M.  Mackenzie-Wallace  a  voulu  fournir  à  ses  lecteurs  la  possibilité  de 
se  retrouver  dans  ce  labyrinthe,  et  pour  cela  U  a  examiné  le  sujet  sous 
toutes  ses  faces.  C'est  donc  un  livre  de  géographie  économique  et  politi- 


—  218  — 

que  qu'il  a  écrit;  cèpeDda;nt  comme  il  faut,  pour  comprendre  la  situation 
matérielle  d'un  pays,  se  faire  une  idée  exacte  de  sa  configuration  et  de 
ses  conditions  physiques,  le  premier  chapitre  est  consacré  à  une  descrip- 
tion rapide,  à  vol  d'oiseau,  pour  ainsi  dire,  du  Delta  et  de  la  vallée  du  Nil. 
L'auteur  aborde  ensuite  son  sujet  et  le  traite  avec  une  hauteur  de  vues, 
une  sagacité  de  jugement  remarquable,  ne  se  contentant  pas  d'exposer 
les  opinions  reçues,  mais  les  examinant  et  les  sondant  jusqu'à  ce  qu'il 
découvre  ce  qu'il  croit  être  la  vérité.  L'oeuvre  des  khédives  qui  ont 
occupé  le  trône  d'Egypte  depuis  Méhéraet-Ali,  l'administration  égyp- 
tienne et  ses  abus  criants,  la  récenùe  insurrection  et  ses  causes,  la  vie  et 
le  travail  du  fellah,  l'organisation  de  la  commune  égyptienne,  tous  ces 
sujets  sont  traités  avec  compétence,  quoique  au  point  de  vue  anglais. 

M.  Wallace  n'a  pas  de  peine  à  prouver  que  la  mauvaise  situation  de 
l'Egypte  provient  d'une  foule  de  causes,  au  nombre  desquelles  il  faut 
citer  le  déplorable  régime  administratif  et  le  mauvais  système  de  cul- 
ture. Tous  les  mudirs,  les  beys,  les  pachas  et  les  nombreux  employés  à 
petits  traitements  obèrent  le  budget,  oppriment  et  pressurent  le  paysan. 
D'autre  part  la  commune  égyptienne  est  mal  organisée,  et  la  méthode 
employée  en  agriculture,  aurait  dû  être  modifiée  depuis  longtemps. 
Dans  la  haute  Egypte,  on  utilise  encore,  ainsi  qu'au  temps  des  Pharaons, 
comme  moyen  unique  d'irrigation,  l'inondation  naturelle,  et  dans  la 
moyenne  et  la  basse  Egypte,  ce  système  devrait  être  amélioré  en  tenant 
compte  de  l'exhaussement  du  pays,  par  suite  des  alluvions  du  fleuve.  Le 
sol  s'épuise  et  n'a  plus  sa  fertilité  proverbiale  ;  aussi,  après  des  années 
d'une  prospérité  inouïe,  dues  à  des  circonstances  spéciales,  telles  que  la 
guerre  de  Crimée,  la  guerre  de  sécession  aux  États-Unis  et  le  percement 
du  canal  de  Suez,  passe-t-on  maintenant  par  une  période  de  malaise. 
Que  faut-il  fah-e  pour  remédier  à  cette  situation  ?  M.  Wallace  ne  donne 
pas  un  plan  complet  de  réorganisation  de  l'Egypte,  mais  pour  lui. 
Anglais,  il  faut,  avant  tout,  que  le  gouvernement  britannique  prolonge 
la  durée  de  l'occupation  armée,  pour  pouvoir  conserver  une  influence 
prépondérante  sur  le  canal  de  Suez. 

D''K.-Â.Zi'Fr£L.  Die  Sahara.  Ibre  physische  und  geologische  Beschaf- 
fenheit.  Cassel  (Theodor  Fischer),  1883,  in-4*,  42  pages,  16  fr.  —  L'im- 
mensité du  Sahara,  ses  rapports  avec  les  autres  paities  de  ce  demi-cercle 
de  déserts  qui  s'étend  de  l' Océan  Atlantique  jusqu'en  Mandchourie,  don- 
nent à  cette  région  de  l'Afrique  une  importance  majeure.  Mais  il  s'y  rat- 
tache des  questions  scientifiques  de  premier  ordre,  queM.Zittela  toutes 


—  219  — 

passées  en  revue  daùs  cette  savante  monographie.  S'aidant  des  recher- 
ches d'autres  voyageurs  pour  les  parties  qu'il  n'a  pas  explorées  lui-même, 
il  décrit  l'aspect  et  la  structure  géologique  des  différentes  parties  du  dé- 
sert :  le  plateau  de  la  Hamada,  les  montagnes,  le  désert  d'érosion,  les 
oasis,  le  désert  de  sable  et  les  dunes. 

Une  fois  l'étude  de  l'état  actuel  du  Sahara  terminée,  l'auteur  a  voulu 
conclure  en  donnant  son  avis  sur  une  question  controversée,  celle  de  la 
mer  saharienne.  C'est  là  surtout  que  sa  méthode  scientifique  rigoureuse 
lui  est  nécessaire,  pour  lui  permettre  de  se  retrouver  au  milieu  des  opi- 
nions diverses  émises  par  les  savants  et  les  voyageurs  qui  ont  traité  ce 
sujet  avec  le  plus  d'autorité,  tels  que  Desor,  Escher  de  la  Linth,  Mares, 
Roudaire,  Bourguignat,  Pomel,  etc.  Les  17  thèses  par  lesquelles  il  ter- 
mine cet  examen  comparatif  tendent  à  faire  écarter  l'idée  d'un  ancien 
océan  saharien.  Cette  hypothèse  ne  se  vérifie,  en  eflfet,  ni  par  la  struc- 
ture géologique  du  sol,  ni  par  la  nature  de  la  surface  du  désert.  Tout  au 
plus  peut-on  admettre  que  la  région  des  chotts  a  été  en  communication 
avec  la  mer  Méditerranée,  et  la  petite  dépression  entre  Alexandrie  et 
l'oasis  d'Ammon,  avec  la  mer  Rouge.  Mais  l'aspect  de  la  région  saha- 
rienne, la  formation  de  nombreuses  vallées  aujourd'hui  desséchées,  de 
falaises,  de  monts  isolés,  doivent  être  attribués  à  l'action  érosive  des 
eaux  douces.  De  plus  le  sable  qui  recouvre  le  désert  ne  provient,  d'après 
l'analyse,  que  de  la  décomposition  des  roches  de  grès  qui  dominent  par- 
tout dans  le  Sahara  moyen  et  méridional  ;  sa  distribution  et  son  accu- 
mulation sont  simplement  l'œuvre  du  vent  et  non  celle  des  flots  de  la  mer. 

A  TRAVBats  LE  Zanguebar,  par  le  J2.  P.  Le  Roy.  Lyon  (Bureau  des 
missions  catholiques,  6,  rue  d'Auvergne),  1884,  in-8,  202  p.  avec  gravures. 
—Récit  d'une  excursion  accomplie  par  deux  missionnaires  catholiques  à 
la  recherche  d'un  emplacement  propre  à  la  fondation  d'un  village  chré- 
tien, comme  ils  ont  coutume  d'en  établir  dans  l'Afrique  orientale.  Ces 
villages  sont  habités  par  de  jeunes  noirs  convertis,  que  les  pères  ont  re- 
cueillis sur  la  côte  et  auxquels  ils  ont  appris  à  lire,  à  écrire  et  à  travail- 
ler ;  ils  construisent  eux-mêmes  leurs  cases,  défrichent  la  forêt,  la  jungle, 
et  parviennent  à  tirer  parti  d'une  région  délaissée.  Certes,  ce  n'est  pas 
l'œuvre  d'un  jour,  mais  une  entreprise  longue  et  difficile,  exigeant  en 
particulier  de  fréquentes  expéditions  qui,  pour  être  courtes,  n'en  pré- 
sentent pas  moins  certains  dangers.  Celle  dont  il  s'agit  conduisit  les  deux 
missionnaires,  de  Bagamoyo,  ce  hameau  jadis  si  misérable,  devenu  une 
ville  de  10,000  âmes,  à  Mwényé-Sagara,  localité  voisine  de  la  station 


—  220  — 

française  de  Eondoa.  La  narration,  pleine  d'entrain  et  de  bonne  humeur» 
riche  en  détaUs  instructifs  concernant  la  flore,  la  faune,  les  mœurs  des 
habitants  sera,  lue,  surtout  par  les  jeunes  gens,  avec  un  vif  intérêt. 

Trois  ans  dâks  l'Afrique  australe.  Débuts  de  la  mission  au  Zam- 
bèze.  Lettres  des  P.  Depelchin  et  Oroonenherghs. 

a)  Le  pays  des  Ma-Tébélé. 

h)  Au  pays  d'Umzila.  Chez  les  Ba-Tonga.  La  vallée  des  Ba-Rotsé.  — 
Bruxelles  (PoUeunis,  Ceuterick  et  Lefébure),  1882-83,  in-8*,  2  vol.,  avec 
carte,  fr.  10.  —  Ces  lettres,  qui  ont  déjà  été  publiées  pour  la  plupart 
dans  la  revue  belge,  les  Précis  historiques  y  racontent  l'histoire  de  la 
mission  romaine  au  Zambèze,  depuis  ses  débuts,  en  1879,  jusqu'en  1882» 
Organisée  par  son  supérieur,  le  P.  Depelchin,  missionnaire  belge,  qui 
avait  passé  18  ans  dans  les  stations  de  l'Inde  anglaise,  elle  quitta  l'Eu- 
rope le  3  janvier  1879  pour  le  Pays  du  Cap.  Le  premier  volume  donne 
le  récit  de  l'organisation  de  la  caravane,  du  voyage  de  Port-Élisabeth^ 
par  Grahamstown,Kimberley,Schoshong  etTati  à  Gubulawayo,  capitale 
des  Ma-Tébélé  où  la  mission  fut  installée.  Mais  cette  station  ne  fut,  pour 
ainsi  dire,  que  le  quartier  général  des  religieux  qui,  de  là,  se  dirigèrent, 
les  uns  vers  le  Zambèze  moyen,  les  autres  vers  la  côte  de  Sofala.  C'est 
dans  le  second  volume  que  se  trouve  la  narration  de  ces  voyages.  Ceux 
qui  ont  eu  pour  théâtre  le  pays  d'Umzila,  n'ont  pas  eu  de  résultat  prati- 
que au  point  de  vue  missionnaire.  Plus  intéressantes  sont  les  expéditions 
du  P.  Depelchin  à  Panda-Ma-Tenka,  à  Wankie  et  chez  les  Ba-Rotsé. 

C'est  en  lisant  ces  lettres,  dont  quelques-unes  sont  émouvantes  dans 
leur  simplicité,  qu'on  se  rend  compte  des  difl&cultés  et  des  dangers  de 
toute  nature  qui  attendent  le  missionnaire  dans  ces  régions  lointaines. 
H  doit  s'aguerrir  contre  les  privations,  les  souffrances  ;  ne  pas  épaigner 
sa  peine,  ni  ses  courses  à  travers  des  contrées,  ici  semées  de  fondrières, 
là  couvertes  de  forêts  inextricables  où  les  bêtes  féroces  abondent,  et 
où  les  indigènes  s'unissent  à  elles  pour  lui  barrer  le  passage.  Touchante 
histoire  que  celle  de  ces  hommes  séparés  du  reste  du  monde,  se  dévouant 
pour  apporter  un  peu  de  lumière  chez  ces  pauvres  populations,  et  ne  re- 
cueillant, pour  la  plupart,  comme  prix  de  leurs  travaux,  que  la  mort  au 
milieu  des  marécages.  Dans  les  deux  volumes  qui  nous  occupent,  nous 
ne  voyons  pas  moins  de  dix  de, cep  pionniers  tomber  au  champ  d'hon- 
neur. ^ 


ÉCHANGES 


t 
1 


Amsterdam. 

Aavers. 

Berlin. 

Brome. 

Bruxelles. 

Berlin. 


Soolétés  de  géographie. 

Constantine.  Hambourg.     Lisbonne. 

Douai.  léna. 

Francfort '/M.  Le  Caire. 

Greifswald.  Leipzig. 

Halle.  Lille. 


Lvon. 
Madrid. 
Marseille. 
Montpellier. 


Nancy. 
New-Vork. 
Oran. 
Paris. 


Sooiétéfl  de  géogxapliie  emnmerolale. 

Bordeaux.  Paris.  Porto. 

XiflBlons. 


Rochefort. 
Rome. 
Rouen. 
Vienne. 


Saint-Gall. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XlXme  siècle 

(Nenchàtel). 
Journal  de  TUnité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Barmen). 
B^liner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (B&Te). 

Ëvangelisches  Missions-Magazin  (BÂle). 
Calwer  Missions -Blatt  (Clalw). 
Allgemeine  Missions- Zeitschrift  (GUters- 
-   loh). 

Glaubensbote  (Bftle). 
Africa  (Londres). 
La  Nigrizia  (Vérone). 


Church  missionary  Intelligencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionary  (New-York). 

Régions  beyond  (Londres). 

C^onicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Church  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Pield  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Ëdimbourff). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  Church  (Edimbourg). 

(Central  Africa  (Londres). 

Woman*s  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Divers. 


£xpl<Mration  (Paris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  (jomice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  l'Académie  d'Hippone  (Bone). 

Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Le  Mouvement  géographique  (Bruxelles). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deatsche  Rundschau  fUr  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  far  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  fUr  wissenschaftliche  (Géogra- 
phie (Lahr). 

Aus  allen  Welttheiien  (Leipzig). 

.  Deutsche  Kolonialzeilung  (Francfort  s/M). 


Chamber  of  Commerce  Journal  (Londres) . 

African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Observer  (Monrovia). 

Esploratore  (Milan). 

Cosmos  (Turin). 

BoUettino  délia  Societa  africana  d'Italia 
(Naples). 

Esplorazione  (Naples). 

Marina  e  Commercio,  e  Giornaie  délie  co- 
lonie (Rome). 

Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portnguezas  (Lisbonne). 

Revista  de  Estudos  Livres  (Lisbonne). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indépendant  (Constantine). 

Moniteur  de  TAlgérie  (Alger). 

Dr  A.  Petermann  s  Mittheilungen  (Gotha) 


Proceedings   of  the  royal   geographical 
Society  and  monthly  Record  of  geogra 
phy  (Londres). 

Natal  Mercury  (Durban). 

C^pe  Argus  (Cape-Town), 

West  African  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.|  etc. 


SOMMAIRE 


Bulletin  mensuel 197 

Nouvelles  complémentaires 207 

De  Tbipou  au  golfe  de  guinéb 209 

Bibliographie  : 

La  dernière  Egypte,  par  Ludovic  Lepic 216 

Egypt  and  the  Egyptian  Question,  by  D.  Mackenzie-Wallace 217 

Die  Sahara,  von  D'  K.-A*  Zîttd 218 

A  travers  le  Zanguebar,  par  le  B.  P.  Le  Roy 219 

Trois  ans  dans  l'Afrique  australe  :  a)  Le  pays  des  Ma-Tébélé  ;  h)  Au 

pays  d'Umzila.  Lettres  des  P.  Delpechin  et  Croonenberghs 220 


OUVRAGES  REÇUS  : 


Association  internationale  du  Congo.  Mémoire  sur  les  observations  météorologi- 
ques faites  à  Vivi  et  sur  la  climatologie  de  la  côte  S.-O.  d'Afrique  en  général, 
par  A.  von  Danckelman,  J)^  phil.  —  Berlin  (A.  Asher  et  C°),  1884,  in-4S  92  p. 
et  carte. 

Societa  geografica  italiana.  Terzo  congresso  geografico  intemazionale,  tenuto  à 
Venezia  dal  15  al  22  settembre  1881.  Volume  seconde.  Communicazioni  e 
memorie.  —  Rome,  1884,  in-8*»,  665  p. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


LAFRIÛIIE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 
M.   Gnstaye  MOTSISB 

Membre  de  la  CommlatioD  intemationale  de  Brnxellos  pour  rexploration  et  la  omllBation 

de  TAfrique  centrale  ;  membre  correspondant  de  l*Âoadémio  d*fllppono , 

et  des  Sociétés  de  géograpbie  de  Marseille,  de  Nancy,  do  Loanda  et  de  Porto. 

RÉpiGli  PAR 

M.  Charles  FATJBE 

SiucréUiire^Blbllothéeaire  de  la  Société  de  géographie  de  GenèTO ,  membre  correspondant  dos  Sociétés 
de  géographie  de  Lisbonne,  dQ  Loanjla.  d»  Porto  et  de  Sai|^t*Oa]I. 


ié'Afriqtte  parait  le  preriiier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d*au 
moins  20  pages  chacune  ;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  pela 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  Tabonnement  annuel,  pajable  d'aTance»  est  de  10  Aràiies» 

port  compris^,  pour  tous  les  pays  de  TUnion  postale  (première  2one);  pour  les 
autres,  11  fr.  .150. 


'  Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  F  Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  h  an  «ompie  rendu* 

Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  à  M.  Onstave  Mojmier» 
8,  rue  de  l'Athénée»  h  Genève  (fiNiimie). 

S^ndremier  ponr  les  abonnements  h  l'édltenr,  M.  H*  Oeorg,  ik 
Genève  on  h  BAle. 

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MuQUARDT,  libraire  de  la  Cour,  43,  rue  de  la  Ré^jence,  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  libraires.  Corso  Vittorio  Ennnanuele,  21.  ii  Milan. 

F,-A.  Brockhau^  libraire.  Querstr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Friederichsbn  et  C*«,  libraires,  Admiralitaisstr,  3/4,  à  Hambourg 

Wiihelm  Frigk,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autriche). 

Trubner  et  C**,  libraires,  Ludgate  Hill,  57/59.  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


AVIS.  —  N(m8  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  abonnés,  au  prix  de 
13  fr.  chacuny  un  certain  nombre  d'exemplaires  complets  de  la  U'»",  de  la  IH""^ 
et  delà  JP»*  année.  La  I'*  est  épnùiée. 


—  221  — 
■i 
BULLETIN  MENSUEL  {6  octobre  1884.  )' 

9 

Nous  avons  eu  déjà  plusieurs  fois  à  enregistrer,  dans  notre  Bulletin, 
des  projets  de  chemins  de  fer  en  Afrique,  qui  ne  sont  point  encore  réali- 
sés, et  dont  l'exécution  paraît  aujourd'hui  indéfiniment  ajournée;  ainsi, 
celui  d'Alger  à  Tombouctou,  celui  de  Tripoli,  au  lac  Tchad.  Eien  ne  nous 
garantit  qu'il  n'en  sera  pas  de  même  pour  le  projet  annoncé  par  le  jour- 
nal Marina  e  Commercio,  d'après  lequel  il  serait  question  d'un  cbemm 
de  fer  de  Paris  à  Bombay  par  FAfrlque  septentrionale.  Les 
principales  stations  africaines  seraient  Tanger,  Tunis,  Tripoli  et  le 
Caire.  Cette  ligne  se  raccorderait  avec  celles  de  l'Algérie,  de  la  Tunisie  et 
de  l'Egypte,  d'oîi,  par  la  vallée  de  l'Euphrate  et  Kurrachir,  elle  rejoin- 
drait le  réseau  indien  de  Bombay,  Calcutta  et  Madras.  Les  études  en 
sont  confiées  à  des  ingénieurs  français  et  anglais.  Les  frais  en  sont  éva- 
lués à  250  millions  de  francs.  Des  démarches  ont  lieu  auprès  des  divers 
gouvernements  intéressés,  pour  obtenir  d'eux  les  concessions  nécessaires. 
Quelle  que  puisse  être  l'importance  pour  le  nord  de  l'Afrique  d'un  projet 
aussi  colossal,  nous  croyons  qu'il  s'écoulera  encore  un  Iqpg  temps  avant 
que  l'on  passe  à  son  exécution. 

Nous  n'avons  pas  à  aborder  la  question  des  procédés  plus  ou  moins 
audacieux  de  la  politique  anglaise  en  Egypte  depuis  l'échec  de  la 
conférence  de  Londres.  En  revanche  les  préparatifs  de  l'expédition  orga- 
nisée pour  délivrer  Gordon,  et  aussi,  pensons-nous,  les  garnisons  égyp- 
tiennes de  Kassala,  de  Kéren  et  des  provinces  équatoriales,  sont  de 
nature  à  réclamer  toute  notre  attention.  Quelque  tardifs  qu'ils  soient, 
puisque  l'on  a  laissé  passer  l'époque  de  la  crue  du  Nil,  dont  on  avait  cru 
d'abord  pouvoir  profiter,  il  est  néanmoins  intéressant  de  voir  le  zèle 
déployé  pour  faire  construire  des  centaines  de  bateaux  d'un  faible  tirant 
d'eau,  et  amener  sur  les  bords  du  Nil,  pour  la  fin  de  septembre,  les 
Kroumen  de  l'Afrique  occidentale  et  les  bateliers  canadiens,  qui  devront 
faire  franchir  à  ces  embarcations  les  rapides  du  Nil,  au  moins  jusqu'à 
Wadi-Halfa,  oîi  doit  s'opérer  la  concentration  du  corps  expéditionnaire. 
De  là,  les  bateaux  ont  un  millier  de  kilomètres  de  navigation  à  fafre  pour 
atteindre  Berber  et  rejoindre  les  vapeurs  de  Gordon*  A  en  croire  les 

*  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  com- 
plémenta/ùres  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant^  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  PEst,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

L'AFRIQUE.   —   CINQUIÈMB  ANNÉE.   —  N®   10.  10 


—  222  — 

messages  attribués  à  ce  dernier,  Khartoum  serait  momentanément 
dégagé,  et  l'évacuation  semblerait  pouvoir  s'opérer  sans  trop  de  diflScul- 
tés,  aussi  l'expédition  projetée  paraît-elle  devoir  être  réduite  de  beau- 
coup. —  D'après  le  journal  Marina  e  Commercio,  le  représentant  de 
S.  M.  britannique  au  Caire  a  informé  M»'  Sogaro  que  les  missionnaires 
du  Eordofan  étaient  en  bonne  santé  k  la  date  du  11  août.  Il  est  bon 
d'ajouter  que  cette  nouvelle  était  transmise  au  Caire  par  le  mudir  de 
Dongola,  qui  la  tenait  lui-même  d'un  courrier  arrivé  d'auprès  du  Mahdi. 
—  Près  des  frontières  de  l'Abyssinie,  le  traité  conclu  entre  l'amiral 
Hewett  et  le  négous  a  produit  jusqu'ici  un  résultat  contraire  à  celui 
qu'on  espérait.  Au  lieu  de  protéger  les  garnisons  égyptiennes,  le  général 
abyssin  Ras-Aloula  a  attaqué  celle  de  Kéren  et  a  été  mis  en  déroute 
par  les  troupes  égyptiennes. 

M.  M.  Camperio,  directeur  de  VEsploratore,  a  reçu  des  lettres  de 
Blanchi,  qui  lui  a  envoyé  en  même  temps  le  journal  de  son  expédition, 
du  10  mars  au  5  mai,  pour  faire  taire  les  bruits  inquiétants  répandus  à 
son  sujet.  Nos  lecteurs  se  rappellent  que  le  voyageur  italien,  avec  ses 
compagnons,  MM.  Monari  et  Diana,  se' proposait  de  descendre  du  pla- 
teau du  Tigr*  à  Assab  par  une  route  directe.  Il  traversa  le  pays  des 
Tantali  et  des  Danakils  de  Sereba  et  de  Kila,  et  se  trouva  à  200"  au- 
dessous  du  niveau  de  la  mer.  Tous  les  torrents  étaient  à  sec  ;  quelques- 
uns  des  affluents  du  Gualima  se  perdent  en  été  avant  d'arriver  à  leur 
confluent.  Il  laissa  sur  sa  gauche  le  lac  Alelbad,  pour  chercher  une  route 
plus  directe  vers  la  colonie  italienne.  Mais  la  plupart  de  ses  gens  prirent 
la  fiiite,  et,  en  apprenant  cette  défection,  le  gouverneur  de  Mekalé 
ordonna  qu'on  ramenât  l'expédition  à  Adoua.  Bianchi  refusa  de  repasser 
la  frontière,  mais  dut  reconduire  sa  caravane  à  Seket,  et  se  rendre  lui- 
même  à  Mekalé,  pour  écrire  au  négous  et  aviser  aux  mesures  à  prendre. 
Le  roi  Jean  le  laissa  libre  d'agir  à  son  gré,  et  Bianchi  résolut  de  tenter  de 
nouveau  de  se  rendre  directement  à  Assab.  Ayant  moins  de  gens  avec 
lui,  il  redoutait  moins  de  manquer  d'eau  en  route.  Le  journal  de  voyage 
envoyé  à  M.  Camperio  renferme  quantité  d'observations  barométriques 
et  thermométriques,  ainsi  que  des  détails  sur  la  nature  du  pays  par- 
couru et  sur  l'altitude  des  points  visités.  —  A  la  station  du  Godjam, 
M.  Salimbeni  dirigeait  la  construction  d'un  premier  pont  sur  le  Nil- 
Bleu.  —  Quant  à  celle  de  Let-Marefia,  au  Choa,  la  Société  italienne  de 
géographie  a  désigné,  pour  la  diriger,  M.  le  D'  Regazzi,  qui  y  passera 
cinq  ans,  et  devra  s'efforcer  de  créer  un  établissement  au  Kafïa.  D  par- 
tira pour  le  Choa  avec  le  comte  Antonelli  et  la  caravane  attendue  à 
Assab. 


—  223  — 

Les  Proceedings  de  la  Société  de  géographie  de  Londres  publient  la 
lettre  suivante  de  M.  H.-H.  Johnston»  datée  du  18  juin,  d'Ouvoura 
dans  le  Chagga,  à  1600"^  d'altitude,  a  Depuis  une  semaine  environ  je  suis 
établi  sur  le  Kilimandjaro,  campé  dans  un  des  sites  les  plus  agréa- 
bles du  monde.  Au-dessus  de  moi  s'élève,  dans  l'azur  profond  du  ciel,  la 
cime  neigeuse  du  Kibo  ;  autour  de  moi  sont  de  vertes  collines  et  des 
ravios  boisés,  dans  les  profondeurs  desquels  des  cascades  bondissent  de 
roc  en  roc,  et  rafraîchissent  le  feuillage  de  fougères  luxuriantes  ;  devant 
moi  s'étend  une  vaste  plaine  bleuâtre,  «  le  vaste  monde,  »  comme  dit 
fièrement  mon  hôte,  le  chef  Mandara;  au  sud  ma  vue  n'est  bornée  que 
par  l'horizon  lointain.  Perché  comme  je  le  suis  ici  sur  l'épaulement  d'un 
grand  éperon  de  la  montagne,  il  me  semble  que  je  suis  au  niveau  du  vol 
des  vautours  qui  s'élèvent  péniblement  plus  haut,  et  qui  se  balancent  et 
tournent  en  cercles  au-dessus  des  abîmes  terribles  qui  sont  à  mes  pieds. 
Quand  j'aurai  terminé  ma  première  installation,  je  me  mettrai  à  faire  un 
tableau  de  ce  que  je  vois  devant  moi  et  j'appellerai  cette  vue  «  à  vol  de 
vautour.  »  Voici  le  côté  brillant  de  ma  position  :  beau  paysage,  bon  cli- 
mat, des  serviteurs  fidèles  et  des  études  à  mon  goût.  Le  côté  sombre 
c'est  d'être  soumis  aux  caprices  d'un  tyran  africain,  dont  la  faveur  me 
luit  aujourd'hui,  mais  qui  peut,  d'un  instant  à  l'autre,  changer  de  dispo- 
sitions, et  renverser  tous  mes  châteaux  en  Espagne.  Beaucoup  de  gens 
me  demanderont  :  pourquoi  vous  êtes- vous  mis  en  son  pouvoir  ?  Pour- 
quoi ne  pas  aller  dans  quelque  partie  de  la  montagne  ou  le  pays  est 
inhabité,  et  où  vous  auriez  toute  liberté  de  poursuivre  vos  investiga- 
tions ?  Â  cela  je  répondrai  qu'aucune  partie  habitable  du  Kilimandjaro 
n'est  sans   propriétaire.  D  peut  paraître  très  agréable  d'aller  et  de 
vivre  dans  une  forêt  vierge,  h  3000"  au-dessus  de  la  mer,  et  de  se  nourrir 
de  ramiers  et  de  poules  de  Guinée,  mais  c'est  impraticable.  Quand  vous 
avez  une  trentaine  d'hommes  vigoureux  à  nourrir,  ils  protestent  contre 
la  maigre  chère  que  fournit  la  forêt  ;  aussi  faut-il  dresser  son  campement 
assez  près  d'un  village  indigène  pour  qu'il  soit  facile  de  se  procurer  des 
vivres.  En  outre,  il  est  impossible  h  ces  natife  des  pays  chauds  de  la  côte 
de  supporter  le  froid  rigoureux  des  nuits  à  3000"  de  hauteur.  Par  con- 
séquent, une  altitude  inférieure  est  préférable  comme  station  centrale. 
Enfin  en  me  rendant  chez  Mandara,  je  n'ai  affaire  qu'avec  un  tyran; 
dans  les  districts  de  Taveta  et  des  Masaï,  leur  nombre  est  légion,  il  faut 
que  chaque  petit  chef  ait  son  présent  ;  ils  sont  désunis  dans  leurs  rela- 
tions d'amitié,  et  unis  dans  leurs  inimitiés.  Mandara  a  un  grand  respect 
pour  sir  John  Kirk,  et  m'a  traité  beaucoup  mieux  que  mes  prédéces- 


—  224  — 

seurs,  uniquement  parce  que  je  suis  arrivé  chez  lui  avec  deux  formida- 
bles lettres  de  recommandation  du  consul,  l'une  en  souahéli,  Tautre  en 
arabe.  Espérons  donc  qu'il  me  laissera  courir  en  paix  les  montagnes, 
tirer  et  écorcher  mes  oiseaux  et  mes  mammifères,  faire  mes  collections 
d'insectes,  presser  mes  plantes  et  peindre  mes  tableaux.» 

Une  nouvelle  expédition  de  l'Association  africaine 
internationale  partira,  dit  le  Mouvemefit  géographique^  vers  la 
mi-octobre,  pour  Zanzibar;  elle  sera  commandée  par  le  lieutenant  Bee- 
ker ,  qui  a  déjà  été  h  Earéma,  et  qui  aura  sous  ses  ordres  quatre  autres 
oflBciers  belges,  MM.  Durutte,  Dubois,  Dhanis,  et  Mollem.  Après  avoir 
complété  leur  caravane  que  prépare  en  ce  moment,  à  Zanzibar,  M.  Cam- 
bier,  les  voyageurs  se  dirigeront,  par  Mpouapoua  et  Tabora,  vers 
Karéma.  Dès  qu'ils  y  seront  arrivés,  M.  le  capitaine  Storms,  chef  de  la 
station,  reprendra  le  chemin  de  l'Europe.  Laissant  alors  un  ou  deux  de 
ses  adjoints  à  Karéma,  M.  Becker  passera  sur  la  rive  occidentale  du 
Tanganyika,  h  la  station  de  Mompara,  dont  un  autre  adjoint  prendra  la 
direction;  puis  il  s'avancera  vers  le  Congo,  à  travers  le  Manyéma,  en 
suivant  plus  ou  moins  la  route  parcourue  par  Livingstone,  Cameron  et 
Stanley,  jusqu'à  Nyangoué,  le  grand  centre  commercial  arabe,  que  gou- 
verne le  cheik  Tippo-Tippo.  Une  nouvelle  station  sera  établie  dans  ces 
parages,  et  la  grande  chaîne  de  stations  hospitalières  à  travers  l'Afrique, 
préconisée  par  la  conférence  de  Bruxelles,  en  1876,  sera  bien  près 
d'être  complétée.  D  ne  restera  plus  qu'à  relier  la  station  de  Nyangoué  à 
celle  des  chutes  de  Stanley,  établie  au  mois  de  décembre  dernier.  L'ex- 
pédition emporte  avec  elle  deux  petites  voitures,  analogues  à  celles  qui 
ont  déjà  rendu  de  grands  services  au  Sénégal,  lors  de  la  construction  du 
chemin  de  fer  de  Bakel  à  Bafoulabé  ;  ce  sont  des  véhicules,  à  la  fois  voi- 
ture et  canot,  étanches  et  flottables.  Chacune  d'elles  peut  transporter 
une  tonne  (1000  kilogr.),  et  il  suffit  de  huit  à  dix  hommes  pour  les  traî- 
ner. La  charge  d'un  porteur  de  caravane  étant  de  30  kilogr.,  il  en  faut 
ordinairement  de  trente-cinq  à  quarante  pour  transporter  une  tonne, 
sans  compter  la  nourriture  nécessaire  pour  le  voyage.  Si  ces  voitures 
rendent,  sur  le  chemin  de  Zanzibar  à  Earéma,  les  services  qu'on  attend 
d'elles,  il  en  résultera  une  grande  économie  pour  les  expéditions. 

Les  missionnaires  de  renfort  envoyés  par  la  Société  des  missions  de 
liOndres,  au  Tanganyika,  par  le  Chiré  et  le  Nyassa,  après  avoir  quitté 
Quilimane,  le  23  juillet,  et  remonté  le  fleuve  sur  une  dizaine  de  kilo- 
mètres, atteignirent  la  viUe  de  Marondery.  Là,  ils  furent  informés  par 
l'agent  de  la  Compagnie  des  lacs,  à  Msezaro,  que  la  guerre  avait  éclaté 


—  225  — 

parmi  les  gens  de  llassms^ire,  et  qu'ils  feraient  mieux  de  retourner 
en  arrière.  De  tous  côtés  apparaissaient  des  natifs,  armés  de  carabines 
et  de  lances.  Les  missionnaires  firent  une  tentative  pour  atteindre  Mœ- 
zaro,  mais  on  leur  fit  savoir  que  la  guerre  durerait  longtemps,  que.leurs 
provisions  pourraient  être  perdues  et  qu'ils  resteraient  sans  ressources. 
Aussi  résolurent-ils  de  revenir  à  Quiliraane.  Avant  d'arriver  à  Maron- 
der}',  ils  rencontrèrent  de  nonibreux  bateaux  chargés  de  femmes  et 
d'enfants  indigènes,  descendant  le  fleuve.  D'après  des  lettres  de  Mozam- 
bique, les  natife  ont  massacré  la  garnison  portugaise  de  Massingire, 
composée  d'un  capitaine,  d'un  lieutenant,  de  deux  sergents  et  de  vingt- 
neuf  soldats.  Quatre  négociants  portugais  et  le  chef  de  l'entrepôt  des 
missions  anglaises  de  Chirongué  ont  également  été  tués.  Après  s'être 
emparés  de  quatre  canons  portugais  et  de  munitions,  les  indigènes  ont 
ravagé  les  campagnes,  pillé  plusieurs  maisons  de  commerce,  puis  ils  sont 
descendus  jusqu'au  village  de  Mopéa,  où  ils  ont  détruit  la  plantation 
exploitée  pour  le  trafic  de  l'opium.  Dès  lors  une  dépêche  de  Mozambi- 
que a  annoncé  que  Mopéa  a  été  repris  par  les  troupes  portugaises,  qui 
vont  poursuivre  les  indigènes  à  Massingire  où  ils  se  sont  réfugiés.  Pour 
le  moment,  le  trafic  par  le  Chiré  est  complètement  arrêté,  et  toutes  les 
routes  de  l'intérieur  sont  bloquées. 

Le  Volksraad  du  Transvaal  a  ratifié  la  nouvelle  convention  conclue 
par  ses  délégués  à  Londres.  Toutefois,  avant  le  vote,  l'assemblée  a  pro- 
testé contre  le  règlement  de  la  question  de  délimitation,  notamment  à 
la  frontière  occidentale  de  la  république;  contre  le  droit  de  veto  que 
s'est  réservé  le  gouvernement  anglais  dans  les  questions  de  traités  que 
la  république  pourrait  éventuellement  conclure  avec  l'étranger;  enfin 
contre  le  règlement  de  la  question  de  la  dette. — D'autre  part  les  conflits 
entre  les  Boers  et  les  Be-Chuana  de  la  frontière  occidentale,  placés 
sous  le  protectorat  anglais,  ont  continué.  M.  Mackenzie,  nommé 
récemment  commissaire  britannique  pour  les  territoires  des  Be-Chuana, 
n'y  a  pas  été  accueilli  favorablement.  Ne  pouvant  agir  énergiquement 
en  faveur  de  ses  protégés,  et  surtout  du  chef  Montsiva,  il  est  revenu  à 
Capetown,  où  il  a  résigné  ses  fonctions  entre  les  mains  du  gouverneur, 
sk  Hercules  Robinson.  Ne  se  sentant  plus  soutenus  par  les  Anglais,  les 
chefe  indigènes  ont  recouru  en  désespoir  de  cause  au  gouvernement  du 
Transvaal.  Celui-ci  s'est  empressé  d'accéder  à  leur  demande.  D'après 
une  dépêche  de  Durban,  du  16  septembre,  une  proclamation  datée  de 
Pretoria,  a  placé  les  chefs  Montsiva  et  Moshette  sous  la  protection  et  la 
juridiction  du  Transvaal.  Cependant,  pour  ne  pas  rompre  ouvertement 


—  226  — 

avec  les  stipulations  de  la  convention  de  Londres,  la  proclamation 
ajoute  que  rarrangement  sera  soumis  à  l'approbation  du  gouvernement 
de  la  reine.— En  même  temps  que  ces  faits  s'accomplissaient  sut  la  fron- 
tière occidentale  du  Transvaal,  d'autres  événements  étendaient  à  l'Est 
l'influence  des  Boers.  Une  proclamation,  également  datée  de  Pretoria,  a 
notifié  rétablissement  de  la  nouvelle  république  fondée  par  les  Boers 
dans  le  pays  des  Zoulous.  Elle  a  été  ratifiée  par  Dinizoulou,  fils  de 
Cettiwayo.  Le  seul  chef  zoulou  qui  ait  cherché  à  résister  aux  Boers,  Usi- 
bepu,  a  dû  se  réfugier  dans  la  «  Réserve,  »  bande  de  territoire  placée, 
après  la  guerre  de  1879,  sous  l'administration  immédiate  des  Anglais. 
Trois  millions  d'acres  de  terre  seront  cédés  aux  Boers,  qui  comptent  se 
les  partager  en  grandes  fermes  de  1800  à  2000  hectares,  suivant  le  mode 
adopté  au  Transvaal.  M.  Joubert  a  accepté  la  présidence  de  la  nouvelle 
république. 

La  petite  vérole  continue  à  sévir  au  Le-Souto,  oîi  elle  est  entrete- 
nue par  le  retour  de  Ba-Souto  venant  de  Kimberley,  oti  elle  fait  des 
ravages  considérables.  La  population  n'étant  pas  très  agglomérée,  et 
les  villages  étant  séparés  les  uns  des  autres  par  de  grandes  distances,  il 
est  facile  de  mettre  en  quarantaine  les  villages  infectés,  et  les  chefs  sont 
à  cet  égard  d'une  sévérité  exagérée.  A  ce  sujet,  M.  le  missionnaire  Jacot- 
tet  écrit  de  Morija:  a  Dès  (|ue,  dans  un  village,  un  homme  est  atteint  de 
la  maladie,  on  se  hâte  de  l'évacuer  dans  une  caverne,  sur  le  flanc  d'une 
montagne  ;  on  porte  chaque  jour  sa  nourriture  à  une  place  fixe,  à  une 
certaine  distance  de  la  caverne;  mais  c'est  lui-même  qui  doit  venir  l'y 
chercher.  Cela  semble  inhumain,  mais  dans  un  pays  dépourvu  d'hôpi- 
taux, il  est  bien  difficile  de  faire  autrement;  les  personnes  qui  se 
dévoueraient  à  le  soigner  seraient  elles-mêmes  mises  en  quarantaine,  et 
pour  quelques  mois  séparées  du  reste  de  l'humanité.  Cette  situation 
des  malades  a  néanmoins  quelque  chose  de  poignant  et  d'horrible; 
seuls  dans  une  caverne,  sans  personhe  pour  les  soigner!  L'histoire  sui- 
vante peut  donner  une  idée  de  ce  que  sont  encore  les  populations 
païennes  du  Le-Souto.  A  Bôleka,  près  de  Morija,  un  jeune  homme 
revenu  des  Mines  de  diamants  tombe  malade  avec  tous  les  symptômes 
de  la  petite  vérole;  de  suite  on  le  mène  dans  une  caverne,  et 
M.  Casalis,  appelé,  constate  que  c'est  en  effet  la  terrible  maladie. 
Quelques  jours  après,  le  bruit  se  répand,  qu'ayant  voulu  s'approcher  du 
village,  il  a  été  tué  à  coups  de  fusil,  certains  chefs  ayant  dit  à  plusieurs 
reprises  que  c'était  Iç  seul  moyen  de  mettre  un  terme  à  l'épidémie.  Il 
était  mort  en  effet,  mais,  comme  put  le  constater  M.  Casalis,  d'une 


—  227  — 

chute  qu'il  avait  faite  du  haut  des  rochers,  soit  que,  dans  le  délire,  il  se 
fût  précipité  lui-même,  soit  qu'il  fût  tombé  en  fuyant  devant  les  mena- 
ces des  habitants.  D  fallait  ensevelir  le  cadavre,  mais  ni  pour  or,  ni 
pour  argent,  un  Mo-Souto  ne  consentirait  jamais  à  s'approcher  du  corps 
d'un  homme  mort  de  la  petite  vérole,  encore  moins  à  l'enterrer.  Eu 
général,  dans  ces  cas-là,  lorsque  le  mort  se  trouve  dans  une  hutte,  ou 
s'en  tire  en  brûlant  la  hutte,  qui  l'ensevelit  dans  ses  décombres.  Ici,  ce 
n'était  pas  possible,  et  sans  M.  Casalis,  le  cadavre  eût  été  bien  vite 
dévoré  par  les  vautoure,  qui  s'étaient  déjà  rassemblés  près  de  là.  M.  Ca- 
salis dut  faire  les  fonctions  de  fossoyeur,  et,  à  lui  tout  seul,  couvrit  le 
corps  de  mottes  de  terre  et  de  quartiers  de  roc,  besogne  dangereuse  à 
bien  des  égards,  car  c'est  par  les  cadavres  que  l'infection  se  commu- 
nique le  plus  facilement.» 

En  même  temps  que  le  gouvernement  anglais  reconnaissait  qu'il  ne 
pouvait  contester  à  l'Allemagne  le  droit  de  protéger  ses  ressortissants  à 
An^ra-Pequena,  lord  Derby  faisait  savoir  au  gouverneur  de  la  Colo- 
nie du  Cap,  sir  Hercules  Robinsou,  que  le  ministère  anglais  était  dis- 
posé à  proclamer  comme  étant  sous  la  protection  de  l'autorité  britan- 
nique tous  les  autres  points  de  la  côte  sud  sur  lesquels  des  sujets  anglais 
avaient  des  droits  acquis,  à  la  condition  toutefois  que  le  pouvoir  législatif 
de  la  colonie  se  chargeât  des  frais  de  défense.  Il  ne  doutait  pas  que  le 
gouvernement  colonial  ne  crût  de  son  devoir  de  placer  sous  lé  protec- 
torat anglais  la  côte  au  nord  de  la  concession  LUderitz,  à  partir  du  26""  de 
latitude  jusqu'aux  possessions  portugaises.  La  proclamation  faite  le 
7  août  par  le  commandant  de  la  corvette  V Elisabeth,  en  plaçant  le  terri- 
toire qui  appartient  à  M.  Lûderitz  sous  le  protectorat  direct  de  l'empe- 
reur d'Allemagne,  en  fixe  les  limites,  de  la  rive  nord  du  fleuve  Orange 
au  26**  lat.  S.  et  à  100  kQom.  à  l'intérieur,  en  y  comprenant  aussi  les 
îles  du  littoral,  conformément  aux  lois  internationales.  Dès  lors,  le  com- 
mandant de  la  canonnière  allemande  WoI/sl  pris  possession  de  la  côte, 
jusqu'au  18°  lat.  S.,  c'est-à-dire  jusqu'aux  frontières  des  possessions 
portugaises,  un  peu  au  sud  du  'Cunéné,  à  l'exception  toutefois  du  petit 
territoire  de  Walfish-bay  qui  appartient  aux  Anglais,  et  qui  se  trouve 
désormais  enclavé  dans  les  possessions  allemandes.  Le  pavillon  de  l'em- 
pire germanique  a  été  arboré  à  Spencer-bay,  à  Sandwich-bay,  au  cap 
Cross  et  au  cap  Frio.  La  nouvelle  colonie  allemande  s'étend  sur  une 
longueur  de  côte  de  1250  iilom.  Les  dernières  nouvelles  du  Damaraland 
annoncent  que  le  gouvernement  de  la  Colonie  du  Cap  vient  de  soumettre 
aux  droits  d'entrée  les  marchandises  importées  au  Damaraland,  en 
transit,  par  Capetown.  Jusqu'ici  elles  étaient  exemptes  de  droits  à  payer. 


—  228  — 

Pour  le  moment  on  n'établira  pas  des  agriculteurs  allemands  dans  la 
colonie.  Les  journaux  qui  ont  annoncé  que  M.  Ltlderitz  allait  en  appeler 
étaient  dans  Terreur.  Lui-même  a  écrit  à  la  Kolonial-Zeitung  pour  la 
rectifier.  Il  veut  d'abord  faire  explorer  le  pays  dans  tous  les  sens.  En- 
suite commenceront  des  travaux  pour  l'exploitation  minière  et  le  forage 
de  puits  en  vue  d'obtenir  de  l'eau  potable.  Ce  ne  sera  qu'alors  qu'il 
pourra  être  question  de  colonisation.  Une  expédition  composée  de  six 
ou  sept  mineurs,  sous  la  conduite  du  directeur  Pohle  de  Freyberg,  est 
partie  le  20  août  pour  Angra-Pequena.  Elle  s'est  adjoint  un  de  nos 
compatriotes,  M.  le  D' Jean  Schinz,  de  Zurich,  chaudement  recommandé 
par  le  D'  Schweinfurth.  Il  s'occupera  spécialement  de  l'étude  delà  végé- 
tation de  cette  région,  et  de  la  question  du  forage  des  puits  pour  procu- 
rer aux  futurs  colons  de  l'eau  potable,  afin  de  remplacer  celle  que  l'on 
doit  encore  aujourd'hui  faire  venir  de  la  Colonie  du  Cap. 

A  l'occasion  de  l'envoi  d'une  corvette  autrichienne  sur  la  côte  occi- 
dentale d'Afrique,  le  Fremdenblatt  de  Vienne  a  annoncé  que  le  fils  de 
Ladislas  Magyar  était  disposé  à  céder  son  royaume  à  l'Autriche,  moyen- 
nant une  rente  viagère.  On  se  rappelle  que  le  célèbre  voyageur  épousa 
la  fille  unique  du  prince  nègre  qui  régnait  au  Bihé  lorsqu'il  en  fit 
l'exploration.  Le  royaume  appartient  aujourd'hui  à  son  fils  Ferdinand 
qui  le  fait  gouverner  par  un  vice-roi.  La  population  en  est  de  50,000 
habitants.  Mais  la  nouvelle  publiée  par  le  Fremdenblatt  est  erronée.  La 
corvette  susmentionnée  est  simplement  chargée  d'une  mission  scienti- 
fique. 

L'Association  africaine  du  Con^^o  poursuit  actuellement  un 
double  but  :  l'élaboration  pour  ses  territoires  d'une  constitution  assez 
libérale  pour  qu'elle  soit  acceptée  par  toutes  les  nations  qui  ont  des  inté- 
rêts ou  des  aspirations  commerciales  sur  les  rives  du  grand  fleuve,  et  la 
réunion  d'une  conférence  qui  statuera  sur  la  formation  des  États  Ubres 
du  Congo,  qu'on  appelle  déjà  les  États-Unis  d'Afrique.  Tandis  que  les 
États-Unis  d'Amérique  se  gouvernent  eux-mêmes,  ceux  de  l'Afrique 
seraient  gouvernés  par  une  commission  internationale;  mais  il  faut  avant 
tout  qu'ils  soient  reconnus  ofiSciellement  par  les  États  civilisés.  En  atten- 
dant, une  correspondance  du  Temps  nous  a  appris  que  le  développement 
des  stations  du  Congo  rendant  de  plus  en  plus  lourde  la  tâche  de  la 
direction  qui  siège  à  Bruxelles,  il  est  question  d'organiser  trois  direc- 
tions spéciales,  l'une,  pour  le  personnel,  une  autre  pour  le  matériel,  la 
troisième,  pour  les  finances.  Stanley  s'efforce  d'entraîner  l'opinion  pu- 
blique en  Angleterre  à  se  prononcer  contre  le  traité  anglo-portugais. 


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—  229  -:^ 

Le  correspondant  du  Temps  explique  par  la  crainte  qu'a  eue  l'Associa- 
tion  de  voir  les  territoires  du  Bas-Oongo  attribués  aux  Portugais,  la 
création  des  nombreuses  stations  de  la  vallée  du  Quilou-Niari.  On  vou- 
lait pouvoir  conserver  les  communications  de  Vivi  avec  l'Atlantique,  sans 
passer  par  les  mains  des  Portugais  et  sans  subir  les  droits  de  douane 
qu'ils  s'empresseraient  d'établir  dans  leurs  ports. 

L'Association  s'occupe  en  outre  de  l'amélioration  des  moyens  de 
transport  entre  Vivi  et  Stanley-Pool.  L'étude  d'un  chemin  de  fer  à 
voie  étroite,  sur  un  parcours  de  300  kilom.,  entre  Vivi  et  Isanghila,  Ma- 
nyanga  et  Stanley-Pool,  a  été  ébauchée.  Pour  que  la  région  de  l'inté- 
rieur entre  largement  dans  le  mouvement  commercial  des  pays  civilisés, 
il  importe  qu'une  voie  plus  facile  que  celle  qui  existe  aujourd'hui,  con- 
duise au  plus  tôt  du  Congo  maritime  à  Stanley-Pool.  Les  caravanes 
actuelles,  avec  les  noirs  comme  porteurs,  sont  un  moyen  trop  précaire  ; 
aussi,  en  attendant  le  chemin  de  fer,  songe-t-on  à  Bruxelles  à  organiser 
uu  système  transitoire.  On  va  envoyer  au  Congo  quelques-unes  des 
petites  voitures  démontables  qui  ont  si  bien  réussi  au  Sénégal,  pour  le 
service  des  colonnes  de  ravitaillement  des  forts  qui  commandent  la 
route  de  Kayes  au  Niger.  Si  ce  matériel  résiste  aux  sentiers  du  Congo, 
on  aura  ainsi  un  mode  de  transport  relativement  facile,  et,  de  toutes 
façons,  plus  sûr  et  plus  économique  que  celui  qu'on  emploie  aujourd'hui. 

—  Quelque  curieux  que  soit  le  document  dans  lequel  le  roi  du  Congo, 
vassal  du  Portugal,  a  protesté  contre  les  traités  que  l'Association  a 
conclus  avec  les  chefs  du  Bas-Congo,  nous  ne  pouvons  que  le  signaler  à 
l'attention  de  nos  lecteurs,  qui  pourront  le  lire  en  entier  dans  le  dernier 
numéro  du  Mouvement  géographique. 

Le  sanitarium  de  Boma  a  reçu  mil.  Massarl  et  Zintg^palT,  ma- 
lades tous  les  deux  de  la  fièvre,  mais  aujourd'hui  complètement  rétablis. 

—  M.  le  D' floseph  Chavanne  a  achevé  une  triangulation  de  2,200 
kilom.  carrés  entre  Banana  et  Punta  da  Lenha.  La  carte  qu'il  prépare 
s'étendra  de  l'embouchure  du  fleuve  jusqu'à  la  station  de  l'Equateur. 
Il  a  déjà  envoyé  à  l'Association  le  plan  de  Boma,  ainsi  que  les  résultats 
de  ses  observations  météorologiques,  un  aperçu  sur  le  climat  du  Bas- 
Congo  à  l'époque  de  la  grande  sécheresse,  une  description  générale 
hydro-topographique  du  Congo  entre  Banana  et  Boma,  etc.  Ses  travaux 
terminés  à  Boma,  il  songeait  à  établir  son  quartier  général  à  N'Kongolo, 
un  peu  en  aval  de  Vivi,  en  face  de  Noki.  —  L'administrateur  général 
des  stations  du  Congo,  sîr  Francis  de  lîVInton,  est  arrivé  le  3  juil- 
let, en  bonne  santé,  à  Léopoldville;  il  y  est  resté  quatre  jours,  puis  il  en 


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—  230  — 

^.^  .'  est  paFti  pour  inspecter  les  stations  du  Haut-Congo,  à  bord  du  ^eaca, 

le  petit  steamer  de  la  mission  baptiste  mis  obligeamment  à  sa  disposi- 
tion. —  Le  Président  des  ËtatSrUnis  a  nommé  M.  Tisdel,  agent  de  la 
république  auprès  de  TAssoeiation  internationale  dont  le  Sénat  de 
Washington  a  reconnu  la  souveraineté. 

Le  ppotiectopat  de  Tenipire  allemand,  proclamé  à  Ângra-Pe- 
quena,  s'est  étendu,  pendant  le  mois  qui  vient  de  s'écouler,  aux  différents 
points  de  TÂfrique  où  sont  établies  les  nombreuses  factoreries  aile- 
mandes  de  la  côte  occidentale^  en  particulier  aux  établissements  que 
la  maison  Wœrmann  et  O*  de  Hambourg  possède  au  sud  du  Congo.  Au 
préalable,  les  agents  des  factoreries  avaient  conclu,  avec  les  cbefe  des 
districts,  des  traités  par  lesquels  ceux-ci  cédaient  à  la  susdite  maison 
leurs  droits  de  souveraineté.  Dans  la  région  du  Congo  elle  a  des  facto- 
reries à  Mouccoula,  Ambrisette,  Monsera  et  Kisambo.  Le  D' Nachtigal, 
consul  général  de  Tempire,  y  a  fait  arborer  le  drapeau  allemand. 

Plus  au  nord,  il  en  a  fait  autant  au  Cameroon  où  sont  établies  plu- 
sieurs factoreries  des  maisons  Wœrmann  et  C'%  et  Jantzen  et  Thorma- 
len  de  Hambourg,  ainsi  que  des  comptoirs  anglais.  Plusieurs  centres 
commerciaux  importants  s'y  rencontrent  :  le  Bimbia  situé  à  Feutrée 
du  bras  occidental  de  ce  vaste  estuaire,  résidence  du  roi  Guillaume  ;  le 
Malimba,  à  l'entrée  du  bras  méridional,  résidence  du  roi  Passai  ;  et  le 
Cameroon  proprement  dit,  au  fond  de  Testuaire,  sur  le  fleuve  Dualla, 
résidence  des  rois  Jean  Bell,  Aqua  et  Dido,  les  principaux  che&  du  pays. 
Le  Cameroon  est  admirablement  situé  pour  concentrer  le  commerce  de 
toute  cette  région  :  l'ivoire,  la  gomme,  les  bois  d'ébénisterie  sont  les 
articles  que  les  riverains  offrent  aux  négociants  étrangers  ;  mais  c'est 
surtout  l'huile  de  palme  qui  est  la  marchandise  par  excellence  de  ce 
district  ;  elle  fait  l'objet  d'un  trafic  considérable.  Le  ïy  Nachtigal  a  fait 
hisser  le  drapeau  de  l'empire  allemand  sur  les  villes  des  rois  Bell,  Aqua 
et  Dido  ;  et  le  D''  BUchner  qui  l'accompagne  dans  sa  mission  à  la  côte 
occidentale  d'Afrique  a  été  nommé  consul  de  cette  nouvelle  colonie  alle- 
mande qui,  outre  le  Cameroon^  comprend  le  Bimbia,  le  Malimba  et  le 
Boutanga,  s'étendant  ainsi  depuis  le  village  de  Bota,  au  pied  du  pic, 
jusqu'à  l'embouchure  du  petit  fleuve  Liemo  dans  la  Campo-Bay. 

Le  Tagblatt  de  Berlin  annonce  que  d'après  une  dépêche  de  son  cor- 
respondant de  Madrid,  l'Allemagne  a  engagé  des  négociations  avec 
l'Espagne  pour  l'achat  de  l'tle  de  Fernando  Pô»  que  l'on  peut  con- 
sidérer comme  la  clef  de  la  baie  de  Biafra.  Elle  est  une  charge  pour  la 
mère  patrie,  mais  elle  donnerait  à  l'Allemagne  une  position  prépondé- 
rante dans  cette  partie  du  golfe  de  Guinée. 


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—  231  — 

Nous  devons  encore  mentionner  l'annexion  aux  possessions  allemandes, 
du  territoire  de  Tog^no,  situé  à  la  côte  des  Esclaves,  entre  le  royaume 
de  Dahomey  à  l'est  et  la  colonie  anglaise  de  Cape-Coast-Castle.  Il 
s'étend  sur  une  longueur  de  50  kilom.  le  long  du  littoral,  et  ses  princi- 
paux centres  d'affaires  sont  Petit-Popo  et  Bageida,  oîi  plusieurs  maisons 
allemandes  possèdent  des  factoreries.  M.  Henri  Randad,  chef  de  la  fac- 
torerie de  Lomé,  a  été  nommé  consul  de  l'empire  allemand  pour  le  ter- 
ritoire de  Togno,  dont  le  roi  et  les  chefs  ont  conclu,  avec  le  D' Nachtigal, 
un  traité  qui  place  leur  pays  sous  le  protectorat  allemand. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

L'auteur  du  récit  présentant  le  colonel  Flattera  et  le  capitaine  Masson  comme 
vivants  (p.  197),  est  mort  subitement  dans  la  prison  de  Biskra  où  il  était  détenu. 
Dans  un  moment  d'ivresse  il  avait  d'ailleurs  avoué  que  les  deux  officiers  susmen- 
tionnés avaient  été  tués  par  les  Touaregs. 

Dans  une  assemblée  générale  de  l'Association  pour  l'avancement  des  sciences, 
réunie  récemment  à  Blois,  le  congrès  a  voté,  sur  la  proposition  de  la  section  de 
géographie,  le  vœu  suivant  :  Considérant  que  le  projet  de  «  mer  africaine  »  est 
absolument  contraire  aux  intérêts  de  la  colonisation,  et  que  les  dépenses  de  l'éta- 
blissement de  cette  mer  seraient  hors  de  proportion  avec  les  résultats  que  ses  au- 
teurs prétendent  en  retirer,  ainsi  que  l'a  établi  la  commission  supérieure  nommée 
à  cet  effet  en  1882,  le  congrès  émet  le  vœu  que  le  gouvernement  français  n'encou- 
rage point  cette  entreprise,  et  ne  prenne  aucune  décision  sans  avoir  pris  à  nouveau 
l'avis  de  la  commission  supérieure. 

M.  Gustave  Frasca,  alpiniste  renommé,  va  entreprendre  un  voyage  en  Abyssinie, 
dans  le  dessein  de  faire  l'ascension  des  principaux  sommets  de  ce  pays.  Son  projet 
est  appuyé  par  la  Société  milanaise  d'exploration  en  Afrique.  S.  M.  le  roi  d'Italie 
a  voulu  concourir  pour  une  forte  somme  à  la  prompte  exécution  de  ce  projet. 

M.  Lagarde,  ancien  commandant  de  cercle  au  Sénégal,  a  été  nommé  comman- 
dant de  la  colonie  d'Obock.  Il  a  emmené  avec  lui  un  interprète,  un  médecin  et  un 
détachement  de  douze  hommes,  qui  pourra  être  augmenté  si  les  circonstances 
l'eirigent.  Dès  son  arrivée  à  Obock,  il  devait  s'occuper  des  travaux  les  plus  urgents 
à  entreprendre  :  adduction  des  eaux  de  source,  logement  du  personnel,  mesures  à 
prendre  pour  assurer  la  sécurité  des  b&timents  et  l'entrée  du  port. 

M.  Soleillet  a  quitté  le  Choa  qu'il  a  parcouru  pendant  plus  de  deux  années.  Il 
est  parti  d'Ankober  le  7  juillet,  peu  après  l'arrivée  de  M.  le  capitaine  Langlois, 
de  la  marine  marchande,  chargé  par  le  président  de  la  république  française  de 
remettre  au  roi  Ménélik  une  lettre  et  des  présents.  M.  Soleillet  est  arrivé  à  Sagallo, 
à  la  côte  près  de  Tadjoura,  le  1«'  août,  et  rentrera  en  France  en  octobre. 

Les  Anglais  ont  fait  évacuer  aux  garnisons  égyptiennes  les  places  de  Berbéra 
et  de  Zeilah,  et  les  y  ont  remplacés. 


—  232  — 

Le  départ  de  l'expédition  de  MM.  Hardegger  et  Paulitschke  pour  le  pays  des 
Sk>mali8  aiira  lieu  en  novembre.  Ce  dernier  fera  les  travaux  de  géographie  et 
d'ethnographie,  M.  de  Hardegger  s'occupera  essetitiellement  de  géologie,  de  zoo- 
logie  et  de  botanique.  Un  médecin  et  un  préparateur  les  accompagneront. 

Le  capitaine  Cambier,  agent  de  l'Association  internationale  à  la  côte  orientale 
d'Afrique,  se  dispose  à  rentrer  en  Belgique,  pour  réparer  ses  forces  ébranlées  par 
un  séjour  de  trois  ans  à  Zanzibar. 

Une  association  commerciale  allemande  au  capital  de  B00,000  marks,  s'est  fon- 
dée, pour  donner  une  plus  grande  extension  aux  relations  commerciales  de  l'Alle- 
magne avec  la  côte  occidentale  de  l'Afrique. 

Dans  l'assemblée  générale  des  missions  baptistes  tenue  à  Londres  en  juin  der- 
nier, le  Rev.  Bentley  a  exprimé  le  vœu  que  la  Société  fondât  dix  stations  nou- 
velles entre  Stanley-Pool  et  les  chutes  de  Stanley,  à  150  kilom.  de  distance  l'une 
de  l'autre,  et  pourvues  chacune  de  deux  missionnaires.  Un  comité  nommé  pour 
examiner  la  question  de  l'extension  du  champ  d'activité  de  la  mission,  a  approuvé 
l'idée  de  M.  Bentley.  Une  station  sera  prochainement  établie  à  Loukolela;  deux 
autres,  en  amont,  le  seront  encore  dans  le  courant  de  cette  année. 

Pendant  que  le  docteur  Nachtigal  faisait  du  territoire  qui  entoure  l'estuaire  du 
Cameroon  une  possession  allemande»  l'Angleterre  ajoutait  la  partie  occidentale  du 
delta  du  Niger  où  se  trouve  Wari,  à  ses  territoires  de  la  côte  de  la  Guinée  supé- 
rieure. 

Un  élève  de  l'institut  des  missions  de  Bâle,  qui  étudiait  la  médecine  depuis  1880, 
vient  de  passer  avec  succès  ses  examens  de  docteur.  Le  Comité  bâlois  compte 
l'envoyer  prochainement  à  la  Côte  d'Or,  en  qualité  de  premier  médecin  mission- 
naire de  la  Société  de  Bâle. 

La  mort  du  roi  des  Achantis,  Quii^qua-Duah,  a  été  suivie,  selon  l'usage  du  pays, 
du  massacre  de  trois  cents  de  ses  sujets.  £n  même  temps  l'on  a  appris  le  décès  de 
Coffee  Calcalli,  qui  était  roi  lors  de  la  guerre  de  1873  ;  on  suppose  qu'il  a  été 
assassiné.  Craignant  la  barbarie  de  Meniah,  qui  a  déjà  occupé  le  trône,  mais  qui 
a  été  déposé  au  bout  de  quelques  mois  à  cause  de  sa  cruauté,  les  Achantis  ont 
envoyé  une  députation  au  gouverneur  de  Cape-Coast-Castle,  pour  lui  demander  de 
placer  leur  pays  sous  le  protectorat  de  l'Angleterre.  La  population  était  en  armes; 
on  s'attendait  à  une  guerre  civile,  et  la  petite  vérole  sévissait  à  Coumassie  et  aux 
environs  de  la  capitale. 


ANNEXION  DU  TERRITOIRE  DE  THABA-N'CHU  A  L'ÉTAT  LIBRE 

DE  L'ORANGE 

Le  grand  événement  de  ces  dernières  semaines  est  la  mort  de  Sépinare,  le  chef 
des  Ba-Rolong  de  Thaba-N'chu,  et  l'annexion  à  l'État  Libre  de  l'Orange  du  terri- 
toire de  cette  tribu.  Comme  cet  événement  jette  quelque  lumière  sur  la  politique 
des  colons  hollandais  envers  les  tribus  indigènes,  quelques  détails  ne  seront  sans 


—  233  — 

doute  pas  déplacés  dans  votre  journal.  C'est  une  scène  isolée  de  la  grande  tragé- 
die qui  s'accomplit  depuis  un  demi-siècle,  au  nord  de  l'Orange  et  au  delà  des 
limites  de  la  Colonie  du  Cap  ;  mais  elle  est  typique,  et  fera  bien  comprendre  la 
manière  dont  les  Boers  ont  réussi  petit  à  petit  à  se  débarrasser  de  toutes  les 
tribus  qui  les  entouraient.  Ceux  qui  jugent  toutes  choses  d'après  le  succès  du 
moment  admireront  sans  doute  une  politique  qui  a  si  habilement  su  profiter  de 
toutes  les  circonstances,  et  établir  sur  de  fermes  bases  les  jeunes  États  boers  du 
sud  de  l'Afrique.  C'est  là  sans  doute  une  solution  momentanée  du  grave  problème 
indigène  (ihe  natwe  qu^stion)^  qui  préoccupe  de  plus  en  plus  les  esprits,  et  bien  des 
colons  seraient  heureux  si  l'Angleterre  suivait  l'exemple  que  lui  ont  donné  les 
Républiques  de  l'Orange  et  du  Transvaal.  Mais  ceux  qui  voient  plus  loin  se 
demandent  si,  dans  quelques  années,  le  problème  ne  se  représentera  pas  plus 
menaçant  et  plus  difficile,  lorsque  les  indigènes  dépouillés  de  leurs  terres  seront 
devenus  dans  leur  totalité  les  serviteurs  des  colons  d'origine  européenne;  La  lutte 
des  races  ne  ferait  que  changer  de  nom,  et  l'antagonisme  de  ces  deux  castes, 
séparées  à  la  fois  par  l'origine  et  par  des  intérêts  différents,  serait  peut-être  infi- 
niment plus  dangereux.  On  voit  qu'en  réalité  la  sagesse  politique  n'est  peut-être 
pas  autant  du  côté  des  Boers  qu'on  se  le  figure  généralement. 

Pour  bien  comprendre  la  situation,  il  est  nécessaire  de  raconter  brièvement  de 
quelle  manière  la  petite  tribu  des  Ba-Holong  de  Thaba-N'chu  a  réussi  à  se  main- 
tenir si  longtemps  au  milieu  des  Boers.  C'est  en  1834  que  quelques  milliers  de 
6a-Kolong  (branche  des  Be-Chuana  de  l'ouest),  guidés  par  des  missionnaires 
wesleyens  vinrent  s'établir  dans  le  pays  qu'ils  occupent  encore  aujourd'hui.  La 
guerre  et  la  famine  les  avaient  obligés  d'abandonner  leur  permier  habitat,  au  nord 
du  Yaal.  Leur  chef  Moroko  (ou  plus  exactement  Moroke)  obtint  de  Moshesh,  le 
ehef  suprême  des  Ba-Sonto,  l'autorisation  de  se  fixer  à  Thaba-N'chu  (Za  montagne 
noire\  à  mi-chemin  entre  Bloemfontein  (qui  n'existait  pas  alors)  et  le  Calédod. 
Les  rapports  entre  les  deux  chefs  étaient  alors  en  gros  ceux  d'un  vassal  à  l'égard 
de  son  suzerain.  Il  est  inutile  de  rechercher  ici  quels  conseils  et  quelles  influences 
poussèrent  Moroko  à  briser  les  liens  qui  le  rattachaient  à  Moshesh,  et  à  prétendre 
que  la  contrée  qui  lui  avait  été  offerte  comme  place  de  refuge  lui  appartenait  en 
propre.  Ces  velléités  d'indépendance  se  manifestèrent  surtout  lorsque,  en  1848,  sir 
Harry  Smith,  gouverneur  de  la  Colonie  du  Cap,  eut  proclamé,  pour  faire  rentrer 
les  Boerfl  émigrés  dans  l'obéissance  à  la  reine,  la  souveraineté  britannique  sur 
tout  le  territoire  situé  entre  l'Orange  et  le  Yaal;  jusqu'en  1854,  ce  pays,  l'État 
Libre  actuel,  fut  connu  sous  le  nom  de  (hange'River-Sovereignty.M^otoko^iixjÀ  depuis 
longtemps,  de  gré  ou  de  force,  soutenait  les  Boers  contre  Moshesh,  devint  un  in- 
strument entre  les  mains  du  résident  britannique,  le  major  Warden,  pour  tenir  en 
échec  le  grand  chef  des  Ba-Souto.  Liduit  en  erreur  par  des  rapports  intéressés, 
et  sans  doute  aussi  pensant  obtenir  plus  facilement  des  concessions  de  deux  chefs 
divisés,  le  gouvernement  anglais  reconnut  l'indépendance  de  Moroko.  Dès  lors  la 
politique  de  celui-ci  fut  de  s'appuyer  sur  le  résident  britannique  et,  dès  1854,  sur 
le  gouvernement  boer,  pour  résister  à  Moshesh  ;  de  leur  côté  les  Boers,  surtout 


—  234  — 

dans  les  guerres  de  1858  et  de  18<>5-1868,  se  servirent  de  lui  pour  harceler  Mos* 
hesh  et  n'eurent,  parmi  les  indigènes,  aucun  autre  allié  sur  la  fidélité  duquel  ils 
pussent  aussi  sûrement  compter.  Lwsqu'en  mars  1868,  après  une  guerre  sanglante 
de  plus  de  trois  ans  entre  les  Boers  et  les  Ba-Souto,  Moshesh  eut  enfin  placé  son 
pays  sous  la  protection  directe  de  l'Angleterre,  l'État  Libre  vainqueur  acquit 
en  pleine  propriété  tout  le  territoire  situé  à  l'ouest  du  Calédon.  Le  pays  de  Moroko 
se  trouvait  ainsi  enclavé  dans  le  territoire  delà  République;  mais  un  traité  d'ami- 
tié perpétuelle,  que  sa  fidélité  avail  certainement  mérité,  dissipa  toutes  les  craintes 
que  le  chef  aurait  pu  concevoir  pour  son  avenir.  Dès  lors  l'existence  du  petit 
État  indépendant  de  Thaba-N'chu,  en  plein  pays  boer,  proclamait  à  la  fois  la 
modération  des  fermiers  émigrés  et  la  fidélité  avec  laquelle  ils  savent  reconnaître 
les  services  rendus.  C'était  l'orgueil  des  Boers  de  l'État  Libre;  le  moyen,  devant 
cette  vivante  démonstration  de  leur  humanité,  de  leur  reprocher  de  maltraiter 
les  indigènes!  L'existence  seule  de  Thaba-N'chu  n'était-elle  pas  pour  eux  la  meil- 
leure réfutation  d'une  telle  calomnie  !  Beaucoup  s'y  sont  laissé  prendre,  et  vous 
pourriez  trouver,  entre  autres  dans  Trollope  (South -Africa),  quelques  lignes  presque 
lyriques  là-dessus. 

D'autres,  meilleurs  juges  des  choses  de  l'Afrique,  se  disaient  que  cette  modéra- 
l^ion  n'était  là  que  pour  la  forme,  et  qu'on  profiterait  de  la  première  occasion 
pour  annexer  purement  et  simplement  des  alliés  sans  défense.  Quand  on  a  pris, 
ainsi  que  l'a  fait  l'État  Libre,  tant  de  peine  à  se  débarrasser  des  anciens  habitants 
du  pays,  —  tandis  que  dans  tout  le  reste  du  sud  de  l'Afrique  les  natifs  sont  aux 
Européens  dans  la  proportion  de  5,6,  7, et  même,  dans  le  Transvaal,  de  20  à  l,dans 
l'État  Libre  de  l'Orange  on  trouve  une  proportion  de  deux  Européens  pour  un 
seul  habitant  noir  !  —  il  ne  semble  pas  naturel  qu'on  désire  conserver  à  perpé- 
tuité une  grande  réserve  noire  à  quelques  lieues  de  Bloemfontein.  Ceux  qui 
jugeaient  de  la  sorte  crurent  sans  doute  s'être  trompés,  lorsqu'il  y  a  quelques 
années,  à  la  mort  de  Moroko,  son  pays  ne  fut  pas  annexé  ;  le  président  Brand  se 
contenta  d'intervenir  dans  la  dispute  des  deux  fils  du  vieux  chef,  Samuel  et  Sépi- 
nare,  tous  deux  élevés  en  Angleterre.  Samuel,  l'aîné,  fut  évincé,  et  Sépinare, 
reconnu  par  l'État  Libre  comme  le  chef  légitime  des  Ba-Holong  ;  il  fut,  non  sans 
peine,  accepté  par  la  tribu.  Le  traité  d'alliance  fut  renouvelé. 

Cette  décision  du  gouvernement  boer  amena  dans  le  pays  un  nouveau  ferment 
de  discorde  ;  il  est  même  permis  aujourd'hui  de  se  demander  si  ce  n'était  pas  là 
ce  qu'on  désirait.  Mais  une  fois  la  chose  faite,  l'État  Libre  avait  l'obligation  de 
soutenir  son  allié  dans  la  défense  de  droits  dont  il  avait  lui-même  reconnu  la  légi- 
timité. Comme  Samuel,  réfugié  sur  le  territoire  de  la  République,  menaçait  de 
reconquérir  par  la  force  des  armes  la  royauté  qui  lui  avait  été  enlevée,  Sépinare 
en  avertit  le  gouvernement  de  Bloemfontein  ;  celui-ci,  dit-on,  lui  répondit  qu'il  n'y 
avait  rien  à  craindre  et  que  la  police  veillerait  à  ce  que  Samuel  ne  pût  rien 
tenter  contre  Thaba-N'chu.  Malgré  ces  belles  promesses,  pendant  la  nuit  du  10 
juillet,  Samuel  suivi  d'une  centaine  de  ses  adhérents  et  d'une  dizaine  de  Boers,  au 
moins,  —  les  journaux  de  l'État  Libre  eux-mêmes  avouent  qu'il  devait  y  en  avoir 


—  235  — 

davantage,— envahissait  la  ville  deThaba-N'chu,  et  investissait  la  maison  où  Sépi- 
nare  se  trouvait  seul  avec  sa  femme  et  son  conseiller  John. 

Il  fallut,  après  une  fusillade  de  quelques  hetires,  mettre  le  feu  à  la  maison  pour 
forcer  le  chef  et  son  courageux  défenseur  à  quitter  leur  abri  ;  ils  tombèrent  aussi- 
tôt atteints  par  plusieurs  balles.  Ce  fut  au  fond  un  assassinat  plutôt  qu'un  combat 
régulier.  Pendant  ce  temps  les  maisons  des  partisans  de  Sépinare  étaient  incen- 
diées. La  masse  des  Ba-Bolong  semble  avoir  accepté  passivement  la  victoire  de 
Samuel,  ou  même  avoir  pris  activement  son  parti  ;  le  gouvernement  trop  dur  de 
Sépinare  lui  avait  aliéné  la  plus  grande  partie  de  ses  sujets.  Quelques  jours  après, 
le  président  Brand  lui-même  se  présentait  devant  Thaba-N'chu  à  la  tête  d'un  nom- 
breux eofftmando  de  Boers,  et  proclamait,  «  en  vue  du  rétablissement  de  l'ordre,  » 
l'annexion  de  Thaba-N^chu  à  la  République  du  Fleuve  Orange  ;  le  lendemain  de 
la  proclamation,  Samuel,  entouré  par  les  Boers  et  comprenant  que  toute  défense 
était  inutile,  se  rendait  sans  combattre  ;  avec  quelques-uns  de  ses  conseillers  il  est 
maintenant  détenu  dans  les  prisons  de  Bloem£6ntein,pour  être  jugé  comme  coupa- 
ble d'assassinat  et  de  violation  de  la  paix  publique.  A  peu  près  500  de  ses  parti- 
sans ont  été  également  arrêtés,  ainsi  que  10  à  12  Boers  qui  ont  pris  part  avec  lui 
à  l'attaque  de  Thaba-N'chu. 

Il  sera  bien  difficile  pour  le  président  Brand  et  l'État  Libre  de  l'Orange  de 
jamais  justifier  l'acte  qu'ils  viennent  de  commettre.  Ils  ne  peuvent,  en  effet,  pré- 
tendre qu'ils  voulaient  mettre  fin  à  une  guerre  civile,  parce  qu'en  réalité  il  ne 
s'agissait  nullement  de  cela.  Samuel  et  les  hommes  qui  formaient  son  commando 
étaient;  d'après  les  lois  de-  l'État  Libre,  des  sujets  boers  ;  à  l'aide  de  quelques 
blancs,  également  sujets  boers,  ils  ont  attaqué  un  chef  allié.  En  récompense  de 
leur  confiance  dans  la  bonne  foi  du  gouvernement  boer,  les  Ba-Kolong  sont  punis 
d'un  crime  qu'ils  n'ont  pas  commis;  Thaba-N'chu  est  annexé,  parce  que  des  sujets 
de  l'État  Libre  l'ont  attaqué  !  En  outre,  les  journaux  de  Bloemfontein  nous 
apprennent  que  les  Boers  compromis  ne  seront  pas  jugés  pour  l'attaque  de  Thaba- 
N'chu,  mais  seulement  pour  le  pillage  d'un  magasin.  Probablement  même  ne  seront- 
ils  pas  jugés  du  tout,  ou  s'ils  le  sont,  on  peut  être  .«lûr  que  les  condamnations  seront 
insignifiantes.  Quant  à  Samuel,  que  lui  fera-t-on  ?  La  situation  est  embarrassante 
pour  le  gouvernement,  et  il  en  sortira  difficilement  à  son  honneur.  Ce  qui  fait 
apparaître  sous  un  jour  plus  douteux  encore  sa  conduite  dans  toute  cette  affaire, 
c'est  la  façon  étrange  dont  l'annexion  s'est  faite.  D'après  la  loi,  un  tel  acte  est  du 
ressort  du  Volksraad;  ici,  c'est  le  président  qui  a  agi  seul;  le  Volksraad  n'a  pas 
même  eu  à  donner  sa  ratification.  La  seule  explication  possible  d'un  procédé  aussi 
en  dehors  de  tous  les  précédents,  c'est  que  l'annexion  était  décidée  depuis  long- 
temps, et  que  le  Volksraad  avait  d'avance  donné  au  président  l'autorisation 
d'agir  à  la  première  occasion  favorable.  Il  n'est  pas  permis  d'affirmer  qu'on  ait 
peut-être  quelque  peu  travaillé  à  faire  naître  cette  occasion  si  désirée,  ou  du  moins 
qu'on  n'ait  pas  cherché  sérieusement  à  l'empêcher  de  se  produire  ;  mais  l'assurance 
donnée  de'Bloemfontein  que  rien  n'était  à  craindre  de  la  part  de  Samuel,  les  Boers 
impliqués  dans  l'affaire  et  l'indulgence  que  l'attorney  du  gouvernement  déploie  à 


—  236  — 

leur  égard,  toat  cela  n'est  pas  fait  pour  nous  garantir  que  tout  se  soit  passé  bien 
loyalement.  Il  n'est  pas  étonnant  que  bien  des  choses  soient  louches  dans  une  annexion 
faite  en  dehors  de  toutes  les  règles,  et  où  toutes  les  formes  de  la  justice  ont  été  si 
ouvertement  foulées  aux  pieds  ;  quelque  nom  qu'on  lui  donne,  il  n'est  pas  possible 
de  voir  là  autre  chose  qu'une  de  c^s  spoliations  si  communes  dans  l'histoire  des  colo- 
nies sud-africaines.  Le  pays  va  être  en  grande  partie  divisé  en  fermes  et  vendu 
aux  colons,  et  les  quelques  lambeaux  qu'on  laissera  aux  Ba-Rolong  seront  à  peine 
suffisants  pour  subvenir  aux  besoins  d'un  quart  ou  d'un  cinquième  d'entre  eux.  Pour 
les  autres  il  ne  restera  que  l'exil,  et  la  misère  qui  en  est  la  conséquence.  Et  où 
pourront-ils  aller?  C'est  là  une  difficulté  qui,  un  jour  ou  l'autre,  —  quand  il  ne 
s'agira  plus,  comme  dans  le  cas  présent,  de  quelques  milliers  d'individus,  mais  de 
quelques  centaines  de  mille,  —  risque  bien  de  bouleverser  le  sud  de  l'Afrique.  Il 
est  relativement  facile  de  prendre  aux  indigènes  les  terres  qui  leur  appartiennent; 
il  sera  moins  aisé  de  savoir  où  placer  une  population  nombreuse,  dépouillée  de  son 
territoire  et  qui  s'accroît  chaque  année  d'une  manière  réellement  inquiétante. 
Mais  les  Boers  ne  regardent  pas  si  loin  ;  pour  le  moment  ils  annexent,  plus  tard 
ils  se  demanderont  peut-être  ce  qu'il  faudra  faire.  Après  Stellaland  et  Goshen  c'a 
été  le  tour  de  Thaba-N'chu  ;  il  semble  maintenant  que  ce  soit  celui  des  Zoulous  et 
de  leur  malheureux  roi,  dépendant  des  Boers  qu'il  a  eu  le  malheur  d'appeler  à 
son  aide,  et  qui,  sans  doute,  ne  lâcheront  leur  proie  que  si  l'Angleterre  se  décide  à 
intervenir,  ce  qui  pour  le  moment  est  bien  improbable.  Les  Ba-Pédi  du  Transvaal 
réduits,  Mampourou  et  Mapoch  battus  et  prisonniers,  les  Be-Chuana  de  l'Ouest 
affaiblis  et  à  demi  détruits,  les  Ba-Rolong  ^e  Thaba-N'chu  dispersés,  bientôt  sans 
doute  Dinizoulou  forcé  de  laisser  entre  les  mains  des  Boers  le  meilleur  de  son  terri- 
toire, voilà  le  bilan  des  trois  dernières  années.  L'Angleterre  contemple,  en  se  croi- 
sant les  bras,  la  destruction  d'indigènes  dont  elle  s'est  cependant  engagée  à  faire 
respecter  les  droits.  Les  Ba-Souto  seuls  surnagent  encore  au  milieu  de  ce  nau- 
frage général  de  toutes  les  tribus  noires;  le  langage  des  journaux  boers,  qui  ont 
essayé  bien  à  tort  de  les  compromettre  à  propos  du  meurtre  de  Sépinare,  montre 
assez  ce  qu'ils  ont  à  attendre  le  jour  où  l'Afrique  du  Sud  serait  livrée  entièrement 
au  bon  plaisir  des  colons  hollandais. 
Morija,  19  août  1884.  £.  Jacottet. 


EXPÉDITION  DE  MM.  LES  MISSIONNAIRES  COILLARD  ET  JEANMAIRET 

AU  ZAMBÈZE 

Quoique  les  détails  des  progrès  de  cette  expédition  ne  nous  aient  pas 
été  adressés  directement  par  notre  correspondant  ordinaire,  M.  Jean- 
mairet*,  nos  lecteurs  nous  sauront  gré  de  les  leur  extraire  des  Btdletivs 

*  V.  p.  23,  70,  190. 


—  237  —- 

de  la  Société  neachftteloise  des  missions'  et  de  celle  de  Paris,  ou  nous 
les  avons  rencontrés. 

Kané,  à  ôinq  étapes  dans  le  désert,  au  nord 
de  ScLoshong,  25  et  31  mai  1884. 

Le  21  mai  nous  quittions  Schoshong,  où  nous  avons  été  extrêmement  bien  reçus 
par  les  blancs,  ainsi  que  par  Khama  et  ses  gens.  Nous  avons  dû  alléger  nos 
Toitures  à  cause  des  sables  profonds  que  nous  devons  labourer  dans  le  désert.  Il 
a  fallu  tout  déballer,  trier,  remballer^  charger,  décharger  souvent,  pour  recharger 
encore  et  faire  toutes  sortes  de  combinaisons.  La  bourse  du  Zambèze  est  malheu- 
reusement encombrante  :  ces  ballots  d'étoffe,  ces  caisses  de  verroterie,  ce  bazar 
parisien  en  miniature,  que  ne  donnerait-on  pas  pour  les  réduire  en  livres,  shel- 
lings  et  six  pence  !  Kt  puis  nous  charrions  aussi  le  grenier  et  Pépicerie  de  toute  la 
caravane.  Au  départ,  nos  six  wagons  attelés  étaient  entourés  de  toute  la  popula- 
tion européenne  de  l'endroit  et  d'une  foule  de  Ba-Mangwato.  Après  avoir  passé 
les  dernières  huttes  de  la  ville  et  congédié  les  derniers  de  nos  amis,  nous  avons 
cheminé  silencieusement.  Le  ciel  était  étoile,  l'air  frais  et  vif.  On  n'entendait  que 
le  cahotement  des  roues,  les  coups  de  fouet,  et  les  «  trek  »  (hue!)  des  conducteurs; 
on  ne  se  sentait  pas  d'humeur  à  causer.  Quel  digne  homme  que  ce  Khama  !  quel 
ami  que  Knaté  !  disait  quelqu'un  de  temps  à  autre  sans  commentaire.  Voyez-vous 
ces  deux  bœufs  de  trait  ?  c'est  la  salutation  de  Khama:  cette  belle  génisse  noire? 
celle  de  Knaté.  Ces  trois  vaches  laitières  viennent  de  M.  Whiteley;  ce  sac  de  maïs, 
cette  viande  salée,  de  M.  Beaumont,  le  boucher  de  Schoshong  ;  ces  huit  poules, 
de  la  basse-cour  d'un  jeune  commis,  et  les  poules  sont  rares  ici  ;  ces  chèvres, 
ces  moutons  à  grosse  queue,  de  M.  et  M'"®  Clark  et  des  principaux  membres  de 
l'église.  Voilà  encore  des  citrouilles,  des  past^^ues,  du  lait  caillé,  du  millet. 

Et  pourtant  Schoshong  est  un  endroit  des  plus  secs  et  des  plus  arides. 
C'est  une  amère  ironie,  pour  le  missionnaire,  que  de  décorer  du  nom  de  jardin 
l'enclos  qui  e?t  devant  sa  maison.  Ce  n'est  qu'une  aire  brûlée  par  le  soleil,  il  n'y 
croit  que  des  chardons  et  quelques  mimosas  rabougris.  Ceux  qui  ont  la  passion  du 
jardinage  essaient,  à  force  de  soins,  de  faire  croître  un  seringat,  un  oléandrf,  une 
grenadille,  un  chou  qui  ne  pomme  jamais,  et  deux  ou  trois  têtes  de  salade  qui 
sont  dures  en  naissant.  Et  malheureusement  les  affaires  vont  mal;  le  commerce  qui 
s'épuise  ira  chercher  fortune  du  côté  du  Zambèze.  Les  autruches  et  les  éléphants 
portent  plus  loin  leurs  plumes  et  leur  ivoire.  La  terreur  qu'inspire  le  nom  des 
Ma-Tébélé,  et  qui,  depuis  des  années,  tient  les  Ba-Mangwato  sur  le  qui-vive,  leur 
interdit  la  chasse.  Les  marchands  disent  qu'ils  ne  vivent  que  sur  leurs  économies  ; 
chacun  cherche  à  liquider  et  à  quitter  le  pays. 

Nous  avons  voyagé  assez  rapidement  depuis  que  nous  avons  quitté  Schoshong. 
Le  lendemain  plusieurs  de  nos  amis  sont  encore  venus  nous  voir  par  des  chemins 
de  traverse  ;  deux  d'entre  eux  nous  ont  encore  remis  des  moutons.  Nous  en  avons 
maintenant  vingt-six,  plus  cinq  vaches,  sans  compter  le  petit  troupeau  d'Aaron, 


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—  238  — 

Péyangéliste  de  Séléka,  qui  s'est  joint  à  nous  avec  sa  famille.  C'est  lui  qui  conduit 
le  tombereau  traîné  par  deux  bœufs  qui  supportent  le  timon,  et  par  six  ânes  qu'il 
a  fallu  dresser.  Rien  de  plus  drôle^  que  ce  singulier  attelage.  Les  bœufs,  qui  se 
sentent  disgraciés,  donnent  des  coups  de  cornes;  les  baudets  ne  s'émeuvent  pas, 
ils  sont  placides  à  l'excès.  On  les  harnacbe,  on  les  pousse,  on  les  bat,  leur  humeur 
ne  sort  jamais  de  son  assiette.  Us  ne  s'arrêtent  pas  dans  les  mauvais  pas,  mais  il 
ne  faut  pas  non  plus  les  presser  en  bon  chemin.  Si  vous  ne  savez  pas  la  patience, 
ils  vous  l'apprendront.  Nous  voyageons  comme  les  patriarches.  Nous  avons  en 
tout  une  vingtaine  d'ânes,  grands  et  petits.  Nous  espérons  les  dresser  et  en  faire 
de  bons  attelages  pour  les  régions  infestées  de  la  tsetsé,  mais  quelle  sérénade  ils 
nous  donnent  ! 

Tout  a  bien  marché  jusqu'à  notre  cinquième  étape,  mais  en  traversant  un  endroit 
de  sables  profonds,  deux  de  nos  wagons  se  sont  arrêtés,  et  nous  avons  dû  doubler 
les  attelages.  Dans  le  Transvaal,  c'eût  été  une  bagatelle,  mais  ici,  dans  le  pays  de 
la  soif,  où  nous  savions  avoir  devant  nous  quinze  jours  de  ce  même  sable,  nous 
avons  été  inquiets  de  cet  arrêt.  Aussi  avons-nous  jugé  prudent  d'envoyer  un  mes- 
sager à  Schoshong  pour  demander  un  wagon  qui  pût  reprendre  une  partie  de  nos 
effets.  M.  Whiteley  est  venu  à  notre  secours  avec  son  wagon  et  des  bœufs  de 
Khama.  Le  désert  ressemble  beaucoup  à  la  contrée  entre  le  Marico  et  Schoshong; 
partout  de  l'herbe  plus  ou  moins  desséchée,  des  buissons  épineux  et  parfois  de 
vraies  forêts. 

Kané  a  au  moins  sept  puits;  ce  ne  sont  pourtant  pas  des  sources.  Il  y  a  cinq  ans, 
on  ne  trouvait  qu'un  peu  de  boue  dans  ces  trous,  aujourd'hui  les  puits  sont  pleins. 
Une  pluie  prolongée  a  fait  tomber  le  thermomètre  de  35®  à  Ib"*,  Nous  sommes 
réduits  à  nous  recoquiller  de  notre  mieux  dans  nos  wagons  humides.  «  Tant  pis 
pour  le  thermomètre,  »  s'écrie  gaiement  Jeanmairet,  «  il  fait  froid.  »  Et  personne 
ne  le  contredit,  mais  la  naïveté  de  cet  aveu  provoque  un  éclat  de  rire  qui  nous 
réchauffe.  «  Il  n'y  a  pas  de  tropiques,  je  n'y  crois  pas,  »  disait-on,  en  s'affublant 
de  son  manteau. 

£n  réponse  à  la  lettre  de  Robosi,  roi  des  Ba-Rotsé,  qui  demandait  que  Khama 
nous  aidât  en  route,  celui-ci  nous  envoie  Makoatsa,  un  de  ses  gens,  avec  quatre 
hommes  pour  nous  accompagner  jusqu'à  Lialui.  L'un  a  charge  du  bétail  en  laisse; 
un  autre,  des  moutons;  un  troisième,  des  ânes;  le  quatrième  soigne  un  beau  cheval 
que  Khama  envoie  à  Robosi  avec  une  belle  carabine.  Makoatsa  doit  veiller  à  ce 
qu'ils  fassent  bien  leur  service.  «  Si  vous  ne  vous  acquittez  pas  bien  de  votre 
devoir,  »  leur  dit-il,  «  et  que  vous  tracassiez  l'ami  du  chef,  lui  ne  voudrait  pas 
porter  la  main  sur  vous,  car  c'est  un  homme  de  Dieu,  mais  je  suis  Makoatsa,  moi, 
et  je  vous  ferai  manger  du  bâton,  et  au  retour  c'est  au  chef  que  vous  aurez  affaire.  » 
Khama  nous  a  prêté  ces  hommes  sans  salaire.  En  attendant,  l'un  d'eux  qui  nous 
servait  de  guide  dans  la  nuit,  a  failli  nous  perdre  dans  les  bois  et  nous  causer  de 
graves  accidents,  et  aujourd'hui  il  a  égaré  les  bœufs.  L'état  sanitaire  de  l'expé- 
dition est  excellent. 


—  239  — 

BIBLIOGRAPHIE  ' 

Voyages,  aventures  et  captivité  ûe  J.  Bonnat  chez  les  Achantis, 
par  Jules  Gros.  Paris  (Plon^  Nourrit  et  C*),  1884,  in-18,  280  pages, 
avec  gravures  et  carte,  4  fr.  —  C'est  un  récit  d'aventures,  mais  d'aven- 
tures authentiques,  qu'a  écrit  M.  Gros.  Comme  il  avait  été  l'ami  per- 
sonnel de  Bonnat,  et  l'avait  aidé  à  se  faire  connaître,  nul  mieux  que  lui 
n'était  à  même  de  raconter  l'histoire  de  ces  voyages  de  dix  années,  et 
de  cette  captivité  de  cinq  ans  chez  les  Achantis.  Il  l'a  fait  sincèrement, 
à  l'aide  de  documents  précis,  des  lettres  de  Bonnat  à  sa  famille  et  de 
ses  notes  de  voyage.  Rien  n'a  été  inventé,  ni  embelli.  Les  événements 
qui  se  déroulent  sont  assez  extraordinaires  en  eux-mêmes  pour  qu'il  n'ait 
pas  été  nécessaire  de  les  rendre  plus  étranges  encore.  Ce  ferme  désir  de 
Bonnat  de  devenir  un  émule  de  Livingstone,  ce  dédain  des  dangers, 
cette  confiance  absolue  en  Dieu  qui  lui  faisait  surmonter  tous  les  obsta- 
cles, ces  deux  expéditions  avortées  du  capitaine  Magnan,  racontées 
dans  le  premier  chapitre,  ces  voyages  divers  enfin,  pleins  de  péripéties 
poignantes,  ne  constituent-ils  pas  le  plus  beau  cadre  qu'un  romancier 
pût  imaginer  ?  Pourquoi  faut-il  que  cette  noble  vie  ait  été  fauchée  au 
moment  où  la  gloire  et  la  fortune  lui  souriaient  ?  Du  moins  le  souvenir 
en  restera  fixé  dans  le  cœur  des  nombreux  amis  qui  ont  rendu,  le 
17  janvier  1883,  à  Pont-de-Vaux  (Ain),  un  hommage  mérité  à  l'intré- 
pide explorateur,  dont  le  nom  demeurera  attaché  à  l'histoire  de  la 
découverte  et  de  l'exploitation  des  gisements  aurifères  de  Wassaw.  Le 
nom  de  Bonnat's  Hill  a  été  officiellement  donné  aux  établissements  de 
la  compagnie  minière  française  de  la  Côte  d'Or,  sur  la  crête  de  la 
colline  de  Taquah. 

L'Afrique.  Choix  de  lectures  de  géographie,  de  résumés,  d'analy- 
ses, de  notes  explicatives  et  bibliographiques,  par  L.  Lanier.  Paris 
(veuve  Eugène  Belin  et  fils),  1884,  un  fort  vol.,  in-12,  920  pages  avec 
51  gravures  et  41  cartes;  6  fr.  —  Les  livres  de  classe,  destinés  à  l'en- 
seignement de  la  géographie,  pèchent  d'ordinaire  par  une  grande  séche- 
resse. On  veut  être  clair,  se  borner  à  des  indications  sommaires,  pour 
ue  pas  surcharger  la  mémoire  de  l'élève,  et  l'on  rend  un  précis  aride  h 
force  de  concision.  Le  plus  souvent  on  élague  les  sujets  qui  intéresse- 
raient le  plus  :  mœurs,  institutions,  coutumes  des  peuples,  commerce, 
industrie,  en  un  mot,  ce  qui  constitue  la  vie  des  sociétés.  C'est  au  maî- 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bâle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explarée  et  civilisée. 


—  240  — 

tre,  dit-on,  d'expliquer  les  vagues  aperçus  du  manuel  ;  à  Télève,  de  lire 
de  bons  ouvrages  en  dehors  des  heures  de  classe,  et  de  compléter  son 
instruction.  Mais  le  choix  des  lectures  est  difficile  ;  puis,  comment  suivre 
les  progrès  si  rapides  de  la  géographie?  comment  connaître  tous  les 
livres  qui  paraissent  et  dans  chacun  desquels  il  y  aurait  quelque  chose  à 
glaner  ?  Cette  œuvre  exige  évidemment  trop  de  temps  pour  pouvou*  être 
accomplie  par  les  instituteurs  et  leurs  élèves,  aussi  commence-t-on  à 
faire  des  anthologies  géographiques  spécialement  destinées  aux  écoles. 
MM.  Raffy,  Gortambert,  Blanc,  ont  ouvert  une  voie  féconde  dans 
laquelle  M.  Lanier  les  suit  avec  succès. 

Puisant  les  éléments  de  son  «  Choix  de  lectures  »  dans  les  ouvrages 
originaux  des  derniers  explorateurs  et  dans  les  meilleures  revues,  il  a 
laissé  parler  les  voyageurs  et  les  savants  eux-mêmes,  ne  prenant  de 
leurs  descriptions  que  les  morceaux  les  mieux  écrits  et  les  mieux  pensés, 
élaguant  les  récits  imaginaires,  les  tableaux  fantastiques  ou  inexacts.  Il  a 
cherché,  en  un  mot,  à  donner  à  ses  lecteurs  des  connaissances  solides, 
tout  en  les  récréant.  Des  notes  explicatives,  des  analyses,  complètent 
le  sens  des  citations,  qui  sont  précédées  de  résumés,  de  notions  de  géo- 
graphie physique  et  politique,  que,  pour  notre  part,  nous  trouvons 
encore  trop  longs,  puisque  l'ouvrage  n'est  pas  destiné  à  remplacer  un 
manuel,  mais  à  en  faciliter  l'étude.  En  revanche,  nous  considérons 
comme  excellente,  l'idée  d'avoir  placé  à  la  fin  de  chaque  chapitre  une 
bibliographie  des  ouvrages  les  plus  remarquables  et  des  meilleurs  arti- 
cles périodiques  parus  dans  les  trente  dernières  années.  Ce  répertoire 
commode  évitera  aux  maîtres  de  longues  et  ennuyeuses  recherches  qui, 
bien  souvent,  n'aboutissent  pas  *.  Des  gravures,  malheureusement  en 
trop  petit  nombre,  sont  semées  ça  et  là  dans  le  texte.  Quant  aux  car- 
tes, elles  sont  bonnes  en  général;  quelques-unes,  cependant,  auraient 
dû  être  mises  à  jour,  ainsi  celle  des  Grands-Lacs,  qui  fait  communiquer 
le  Tanganyika  avec  le  Nil-Alexandra  ;  celle  de  l'Abyssinie,  qui  donne 
au  lac  Tzana  une  forme  aujourd'hui  reconnue  fausse.  » 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  ne  saurions  trop  recommander  aux  institu- 
teurs l'achat  de  cet  ouvrage,  au  moyen  duquel  il  feront  passer  à  leurs 
élèves  bien  des  heures  de  délassement. 

Association  internationale  du  Congo.  Mémoire  sur  les  observations 
météorologiques  faites  à  Vivi  (Congo  inférieur),  et  sur  la  clhnatologie  de 

^  Nous  avons  été  surpris  de  ne  trouver  nulle  part  la  mention  de  notre  journal, 
qui,  par  sa  spécialité,  aurait  dû,  semble-t-il,  attirer  l'attention  de  l'auteur. 


tri 


—  241  — 

• 

la  côte  sud-ouest  d'Afrique  en  général,  par  A.  von  Danckelmmm, 
D' Phil.  Beriin  (A.  Asher  et  C**),  1884,  in-4'*,  92  pages  avec  gravures  et 
carte.  —  Ouvrage  intéressant,  rempli  de  chiffres,  et  d'où  la  sécheresse 
est  exclue,  grâce  au  texte  qui  explique  et  résume  les  résultats  obtenus. 
Il  y  est  joint  deux  gravures,  représentant  la  station  de  Vivi,  et  la  carte 
de  l'Afrique  équatoriale  par  Chavanne  dont  nous  avons  déjà  parlé. 

Les  observations  faites  à  Vivi  peuvent  fournir  une  base  sûre,  pour 
apprécier  les  conditions  de  température  de  la  contrée  si  découpée  oii 
coule  le  Congo,  entre  Stanley-Pool  et  l'Océan.  Située  sur  une  colline,  h 
113"  environ  au-dessus  de  la  mer,  la  station  jouit  d'un  climat  chaud, 
sans  être  cependant  aussi  brûlant  que  la  proximité  de  l'équateur  pour- 
rait le  faire  croire.  Le  minimum  de  température  observé,  de  mai  1882  à 
juillet  1883,  a  été  de  12%  le  29  juillet  1882;  le  maximum,  de  36°,  le 
5  novembre.  La  température  du  sol,  fournie  par  un  thermomètre  placé 
à  0",25  de  profondeur,  a  varié  de  24°  à  26°, 3  ;  celle  de  l'eau  du  Congo, 
de  24°, 6  à  28°, 9.  Quant  aux  pluies,  il  en  est  tombé  en  tout  un  mètre 
pendant  les  86  jours  pluvieux  de  l'année;  des  observations  faites  sur 
d'autres  points  de  la  région  occidentale  accusent  une  moyenne  plus 
forte  pour  le  Gabon  (2",5;  150  jours  pluvieux),  et  plus  faible,  pour 
Loanda  (0'",3  ;  30  jours  pluvieux).  La  ville  même  de  Mossamédès  ne 
reçoit  presque  jamais  de  pluie. 

Le  substantiel  mémoire  de  M.  von  Danckelmann  donne  encore  de  pré- 
cieuses informations  sur  l'état  du  ciel,  qui,  pendant  la  saison  sèche,  est 
gris  de  plomb  et  voilé,  jusqu'à  15°  ou  20°  au-dessus  de  l'horizon,  par 
la  vapeur  et  la  fumée  se  dégageant  des  incendies  répandus  en  grand 
nombre  dans  la  prairie,  sur  la  direction  et  la  force  du  vent,  sur  les  ora- 
ges, etc. 

n  faut  espérer  que,  par  suite  du  développement  de  la  civilisation 
dans  la  région  équatoriale,  il  s'y  établira  une  chaîne  d'observatoires 
météorologiques  qui  fourniront  des  documents  suivis  sur  le  climat  de 
cette  contrée.  La  comparaison  de  ces  résultats  avec  ceux  obtenus  dans 
les  stations  des  zones  tempérées  et  glaciales  présentera  une  grande 
utilité,  car  elle  permettra  de  suivre  pas  à  pas,  de  l'équateur  au  pôle, 
les  grands  courants  atmosphériques,  et  de  perfectionner  les  théories 
relatives  à  la  circulation  des  vents,  à  la  distribution  des  pluies,  etc. 

Lk    ZaIRE   et   les    CONTBAT8   DE   l'AsSOCIATION  INTERNATIONALE   par 

C.  Magalhaes.  Lisbonne  (Typ.  et  lit.  de  Adolphe,  Modeste  et  C'»),  1884, 
in-8,  32  pages.  —  L'auteur  de  cette  brochure,  qui  n'est  que  la  repro- 
duction d'une  conférence  faite  le  21  juin  1884,  devant  la  Société  de 


—  242  — 

géographie  de  LisboQne,  est  le  commandâut  de  la  canonnière,  le  Bengo, 
qui  a  joué,  comme  on  le  sait,  un  certain  rôle  dans  les  événements  dont 
la  côte  du  Congo  a  été  récemment  le  théâtre.  Défendant  les  intérêts  de 
son  pays,  il  parle  des  factoreries  portugaises  établies  au  nord  du  Zaïre 
et  sur  ce  fleuve  même,  et  en  évalue  le  nombre  à  70  ;  d'autre  part,  il 
avoue  qu'il  ne  s'en  trouve  pas  une  seule  au  sud  du  fleuve  jusqu'à 
Ambriz,  ce  qui  n'empêche  pas  le  portugais,  que  les  indigènes  appellent 
la  langue  des  blancs,  d'être  le  seul  idiome  employé  dans  les  rapports 
commerciaux.  Après  avoir  montré  que  les  rapides  du  Quilou  et  du 
Congo  empêchent  les  voies  projetées  par  Brazza  et  Stanley  pour  attein- 
dre Stanley-Pool,  d'être  praticables,  et  réduit  la  fameuse  route  de  Stan- 
ley, le  long  des  cataractes,  à  une  simple  bande  de  terrain  débarrassée 
d'herbes  sur  6  à  8  mètres  de  largeur,  M.  Magalhaes  veut  aussi  donner 
une  solution  au  problème,  et  propose  d'établir  un  chemin  de  fer,  du  Pool 
à  Loanda,  par  San-Salvador.  Il  fait  ensuite,  à  un  point  de  vue  tout 
portugais,  le  récit  abrégé  des  essais  de  colonisation  française  et  belge,  et 
termine  par  quelques  mots  sur  la  situation  peu  brillante  de  la  Guinée 
portugaise. 

Essai  de  grammaibe  en  langue  yoruba.  Lyon  (Séminaire  des  mis- 
sions africaines),  1884,  in-8%  117  p.  —  Les  missionnaires,  les  voyageurs 
et  les  philologues  utiliseront  cet  ouvrage  autographié,  que  l'auteur  appelle 
modestement  un  Essai,  mais  que  l'on  peut  regarder  comme  la  gram- 
maire complète  d'une  de  ces  nombreuses  langues  africaines  si  intéres- 
santes. Les  missionnaires  protestants,  S.  Crowther,  Bowen  et  Wood  en 
ont  déjà  donné  la  grammaire  et  le  dictionnaire.  Pensant  que  nos  lec- 
teurs n'attendent  pas  de  nous  une  étude  détaillée  de  l'alphabet,  de  la 
formation  des  mots,  de  la  gi*ammaire,  de  la  syntaxe  yoruba,  nous  nous 
bornerons  à  signaler  ce  livre  et  à  dire  qu'il  s'agit  d'une  langue 
agglutinante  et  monosyllabique.  C'est  une  vraie  langue  et  non  un  dia- 
lecte, car  les  racines  et  les  procédés  de  formation  des  mots  permettent 
de  rendre  la  pensée  sous  toutes  ses  formes.  Loin  d'être  formée  d'un 
chaos  de  sons  durs  et  discordants,  comme  c'est  le  cas  pour  le  langage 
dahoméen,  elle  est  au  contraire,  dit  l'auteur,  riche,  harmonieuse,  par- 
faitement organisée  et  d'une  grande  douceur. 

Fétichisme  et  féticheurs,  par  le  jB.  P.  Baudin.  Lyon.  (Séminaire 
des  Missions  africaines),  1884,  in-8%  112  p.  avec  gravures.  —  Les  mis- 
sionnaires catholiques  de  la  côte  de  Guinée  ne  se  contentent  pas  de  con- 
vertir les  indigènes  au  christianisme  ;  ils  étudient  de  près  la  religion  des 


—  243  — 

nègres,  observent  les  prêtres  qui  la  pratiquent,  et  il  paraît  que,  daûs  ce 
domaine,  il  y  a  encore  bien  des  découvertes  à  faire.  Sous  le  culte  gros- 
sier et  cruel  qui  attriste  l'Européen,  se  cache  un  ensemble  de  doctrines 
oîi  le  spiritualisme  tient  une  large  place.  A  la  basé  se  trouve  la  croyance 
fondamentale  en  un  Être  suprême,  Créateur  de  l'univers  ;  puis  vient  la 
nombreuse  suite  des  autres  divinités  qui  rappellent  le  polythéisme  des 
peuples  anciens.  Dans  le  fétichisme  qui,  à  travers  toute  l'Afrique  équa- 
toriale  est  partout  le  même,  avec  des  noms  différents  pour  les  idoles, 
suivant  les  pays,  on  est  étonné  de  retrouver  de  frappantes  analogies 
avec  le  système  mythologique  de  l'ancienne  Egypte.  C'est  de  là  qu'est 
venue  cette  demi-civilisation,  qui  s'est  répandue  chez  les  peuples  de  la 
région  centrale  et  que  les  guerres  leur  ont  fait  perdre  en  grande  partie. 
Le  paganisme  des  noirs  n'a  pas  été  créé  par  eux  ;  ils  l'ont  reçu  du  Nord, 
et  les  coutumes  qu'ils  ont  conservées,  les  doctrines  qu'ils  professent 
aujourd'hui,  ne  s'accordant  guère  avec  l'état  barbare  dans  lequel  ils  se 
trouvent,  montrent  qu'ils  sont  en  pleine  décadence. 

En  Algérie.  Trois  mois  de  vacances,  par  Kohn-Ahrest,  Paris  (Ch. 
Delagrave),1884,  in-8%188  pages,  avec  gravures,  fr.  1.20. — Ou  pourrait 
diviser  cet  ouvrage  en  deux  parties  distinctes  :  P  le  récit  du  voyage  et  la 
description  géographique  ;  2°  un  aperçu  historique  sur  la  conquête  de 
l'Algérie  et  les  diverses  guerres  dont  elle  a  été  le  théâtre.  Rien  n'est 
plus  intéressant  que  de  suivre  M.  Kohn-Abrest,  et  de  visiter  successive- 
ment avec  lui,  Alger,  Bouffarik,  Blidah,  les  bains  de  Hammam-Rira,  oîi 
M.  Arlès-Dufour  a  ressuscité  une  partie  de  l'Algérie  romaine,  puis  Oran 
et  Tlemcen,  et  enfin  Constantine  et  la  région  côtière  orientale.  La  nar- 
ration se  lit  sans  peine,  car  à  chaque  pas  le  voyageur  fait  une  remarque 
originale  et  fait  toucher  du  doigt,  par  le  parallèle  qu'il  établit  entre 
l'état  de  l'Algérie  il  y  cinquante  ans  et  la  situation  actueUe,  les  progrès 
immenses  accomplis  en  si  peu  de  temps,  pour  en  tirer  cette  conclusion, 
qu'il  faut  renoncer  à  l'habitude  de  contester  à  la  race  française  toute 
aptitude  à  la  colonisation.  La  seconde  moitié  du  volume  est  consacrée 
au  récit  de  l'établissement  de  la  domination  frajiçaise,  qui  a  déjà  été  si 
souvent  fait,  mais  que  l'on  relira  avec  plaisir,  et  où  l'on  trouvera  des 
vues  originales  et  bien  des  détails  peu  connus.  M.  Kohn-Abrest  a  un 
véritable  talent  de  narrateur  et  nous  l'engageons  vivement  à  poursuivre 
ses  promenades  dans  d'autres  régions  de  l'Afrique  française. 

Madagascar,  par  Louis  Paulliat  Paris  (Calmann-Lévy),  1884,  in-8% 
144  pages,  3  fr.  —  Cette  brochure  mériterait  plutôt  le  nom  d'Histoire 


^  244  — 

de  la  colonisatioa  ôrançaise  à  Madagascar,  puisque,  à  part  quelques 
lignes  de  la  préface,  il  n'y  est  question,  ni  de  la  géographie  physique  ou 
politique,  ni  de  l'étude  des  richesses  de  l'île.  L'auteur  se  borne  à  faire 
le  récit  des  diverses  tentatives  de  la  France  pour  s'établir  sur  la  Grande- 
Terre,  de  1642,  date  delà  concession  accordée  par  Richelieu  à  la  compa- 
gnie Rigault,  jusqu'à  notre  époque.  H  divise  cette  période  en  trois  parties  : 
la  première,  de  1642  à  1816,  comprend  entre  autres  les  fameux  essais  de 
colonisation  de  Bényowsky,  à  là  fin  du  siècle  dernier  ;  la  deuxième,  de 
1816  à  1845,  et  la  troisième,  de  1845  à  nos  jours.  Les  derniers  chapitres 
sont  consacrés  aux  événements  récents,  que  M.  Paulliat  conduit  jusqu'au 
bombardement  de  Tamatave.  Pour  lui,  l'inefficacité  des  moyens  de  coer- 
cition employés  jusqu'ici  étant  suffisamment  constatée,  une  marche  sur 
Tananarive  pourrait  seule  amener  les  Hovas  à  composition.  La  narration 
bien  menée,  présente  un  intérêt  soutenu.  Quant  au  ton  général  du  livre, 
il  nous  suffira  de  dire  qu'il  est  dédié  à  la  mémoire  de  l'amiral  Pierre, 
bien  connu  pour  l'énergie  avec  laquelle  il  a  défendu  les  intérêts  français. 

La  Tunisie.  Son  passé  et  son  avenir,  par  P.-S.  Antichan,  Paris  (Ch. 
Delagrave),1884,  in  8%  298  pages  avec  illustrations,  fr.  2.90.— On  a  tant 
écrit,  ces  dernières  années,  sur  l'expédition  tunisienne,  que  le  sujet  semble 
épuisé,  mais  M.  Antichan,  qui  nous  la  raconte  par  le  menu,  a  su  intro- 
duire dans  son  récit  des  détails  inédits  qui  en  rendent  la  lecture  fort 
attachante.  Du  reste,  son  livre  ne  se  borne  pas  à  cette  narration.  Dans 
la  première  moitié  du  volume,  il  fait  l'histoire  de  la  Tunisie,  c'est-à-dire 
celle  des  invasions  successives  des  Phéniciens,  des  Romains,  des  Van- 
dales,  des  Arabes  et  des  Turcs,  et  il  arrive  à  cette  conclusion,  que,  si  la 
Tunisie  a  été  si  souvent  conquise,  c'est  à  cause  des  richesses  de  son  sol, 
qui  excitaient  la  convoitise  des  peuples  du  bassin  méditerranéen.  Puis, 
abordant  directement  l'expédition  française,  il  nous  parle  des  fameux 
Kroumirs,  à  l'existence  desquels  il  croit  parce  qu'ils  ont  été  signalés 
par  des  voyageurs  sérieux,  de  leur  pays  et  de  leur  genre  de  vie.  Le  récit 
de  la  rivaUté  des  deux  consuls  itahen  et  français,  de  la  campagne  de 
1881,  delà  marche  du  général  Bréart  de  Bizerte  à  la  Manouba,  et  de  la 
conclusion  du  traité  de  Kassar-Saïd,  fait  d'après  les  derniers  documents, 
ne  contredit  cependant  sur  aucun  point  essentiel  ce  qui  avait  été  écrit 
précédemment  sur  ce  sujet.  Enfin  l'auteur  termine  en  donnant  son  opi- 
nion sur  la  réorganisation  de  la  Tunisie.  Il  demande,  en  particulier,  la 
création  d'une  armée  coloniale,  desideratum  si  souvent  formulé,  l'agran- 
dissement du  port  de  Bizerte  et  la  mise  à  exécution  du  projet  Roudaire. 


ÉCHANGES 


■  I 


Amsterdam. 

Anvers. 

Berlin. 

Brème. 

Bruxelles. 

Berlin. 


Sociétés  de  géographie. 

Gonstantine.  Hambourg.     Lisbonne. 

Douai.  léna. 

Francfort  "/M.  Le  Caire. 

Greifswald.  Leipzig. 

Halle.  Lille. 


Lyon. 
Madrid. 
Marseille. 
Montpellier. 


Nancy. 
New- York. 
,  Oran. 
j^is. 


Sociétés  de  géographie  oommerciale. 

Bordeaux.  Paris.  Porto. 

Missions. 


Rochefort. 
Rome. 
Rouen. 
Vienne. 


Saint-Gall. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XIXm«  siècle 

(Neuchâtel). 
Journal  de  TUnité  deâ  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bâle). 

Evangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
Calwer  Missions -Blatt  (Calw). 
AUgemeine  Missions -Zeitschrift  >(Gilters- 

loh). 
Glanbensbote  (B&le). 
Africa  (Londres). 
Lui  Nigrizia  (Vérone). 


Church  missionary  Intelligeneer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionary  (New*York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Ghronide  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Church  of 
Scotland  (Edimbourg).  ^ 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  Church  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Woman*s  foreign  missionary  Societv 
(Philadelphie). 


Divers. 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  Comice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  TAcadémie  d*Uippone  (Bone). 

Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Le  Mouvement  géographique  (Bruxelles). 

Uandela-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  fOr  (géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilnngen  der  afrikanischen  Gîesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fttr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  fOr  wissenschaftliche  Greogra- 
phie  (Lahr). 

Ans  allen  Wetttheilen  (Leipzig). 

Deutsche  Koloniaheilung  (Francfort  s/M). 


Chamber  of  Commerce  Journal  (Londres). 

African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Observer  (Monrovia). 

Esploratore  (Milan). 

Cosmos  (Turin). 

Bollettino  délia  Societa  africana  dltalia 
(Naples). 

Esplorazione  (Naples). 

Marina  e  Gommercio,  e  Giomale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Africano  (QuillKane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Revîsta  de  E^tudos  Livres  (Lisbonne). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indépendant  ((^nstantine). 

Moniteur  de  l'Algérie  (Al^er). 

D»"  A.  Potermann  s  Mittheilnngen  (Gotha) 


Proceedings   of  the  royal   geographical 
Society  and  monthly  Record  of  geogra 
phy  (Londres). 

Natal  Mercury  (Durban). 

Cape  Argus  (Cape-Town). 

West  Amcan  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


I 


SOMMAIRE 


r 


lhlU.ETlN   MENBÏTEI 221 

Nouvelles  complémeiitaii*es 231 

Annexion  du  tekri'ik)ire  de  Tuaba-N'cuii  a  l'État  Libue  de 

l'Orange,  par  M.  E.  Jacottet. . . , 232 

Expédition  de  MM.  leb  missionnaiiies  Coillard  et  Jeanmairet 

AU  Zambèze. 236 

IhBLlOGBAPHIE  : 

Voyages,  aventures  et  captivité  de  J.  Boiinat  chez  les  Achantis,  par  . 

J.  Gros 23i) 

L'Afrique,  par  L.  Lanier 239 

Association  internationale  du  Congo,  par  A.  v.  Danckelmann 240 

Le  Zaïre  et  les  contrats  de  l'Association  internationale,  par  C.  Ma- 

galhaes '. 241 

Essai  de  grammaire  en  langue  yoruba 242 

Fétichisme  et  Féticheurs,  par  le  R.  P.  Baudin 242 

En  Algérie^  par  Kohn-Abrest i 243 

Madagascar,  par  Louis  Paulliat 248 

La  Tunisie.  Son  passé  et  son  avenir,  par  P.-H.  Antichau. 244 


OUVRAGES  REÇUS  : 

C.  Magalhaes.  Le  Zaïre  et  les  Contrats  de  l'Association  Internationale.  —  Lisbonne 

(typ.  et  lit.  de  Adolpho,  Modeato  et  C»  ),  1884,  in-8°,  32  p. 
Essai  de  grammaire  en  langue  yoruba.  —  Lyon  (Séminaire  des  misùons  africaine), 

1884,  in-8*,  ll7  p. 
Fétichisme  et  Féticheurs,  par  le  R.  P.  Baudin.  —  Lyon  (Séminaire  des  missions 

africaines),  1884,  in-8°,  112  p.  îUustr. 
En  Algérie.  Trois  mois  de  vacances,  par  Kohn-Abrest,  avec  illustrations.  —  Paris 

(Delagrave),  1884,  in-8*»,  188  p.  Fr.  1.20. 
La  Tripolitaine  et  l'Egypte,  par  Kohn-Abrest,  avec  illustrations.  —  Pari»  (Dela- 
grave), 1884,  in-8S  188  p.  Fr.  1.20. 
La  Tunisie.  Son  passé  et  son  avenir,  par  P.-H.  Antichan.  —  Paris  (Delagrave), 

1884,  in-S'»,  298  p.  avec  gravures.  Fr.  2.90. 
Louis  Paulliat.  Madagascar.  —  Paris  (Calmann-Lévy),  1884,  in-8^  144  p.  Fr.  3. 
L'Egypte.  Son  avenir  agricole  et  financier,  par  Félix  Paponot.  —  Paris  (Baûdry 

et  C*),  1884,  in-8«,  240  p.  et  planches.  Fr.  10. 
C.-G.  Butiner.  Das  Hinterlaud  von  Walfisch-bay  und  Angra-Pequena.— Ueideîbtrg 

(Cari  Winter's  Oniversitàts-Buchhandlung),  1884,  in-8«,  124  p.  Marks  2. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


GENÈVE 

GEORG,     LIBRAIRE-ÉDIJTEUB 

m£me  MAISOK  A  BAU  ET  *  LION 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


..  «( 


JOURNAL  MENSUEL 

DIEIOÉ  FAR 

H.   enstaTe  HOTNIEB 

Membre  de  la  Commisaion  internationale  do  Bruxelles  pour  rexploratlon  et  la  ciyilÎBation 

de  TAfiriqne  centrale;  membre  correspondant  de  TAcadémie  d*Hippone, 

et  des  Sociétés  de  géographie  de  Marseillei  de  Naney,  de  Loanda  et  de  Porto. 

EÉDIGÉ  FAm 

H.  Charles  FÂUBS 

Socrétaire-BibUotbécalre  de  la  Société  de  géographie  de  Oenévo  »  membre  correspondant  dos  SoeiétcB 
de  géographie  de  Lisbonne,  de  Loanda,  do  Porto,  de  Saint-Gall  et  do  Berne. 


L'Afrique  parait  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d'au 
moins  20  pages  chaeuno  ;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  c^la 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  Fabonnement  annuel,  pn^^ble  d'aran^et  est  de  10  fïranes» 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  TUnion  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  il  fr.  50. 

r 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  TAfrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  k  un  compte  rendo* 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaetlon  à  IW*  GnstaTe  ]IIoyiiier« 
8,  rue  de  rAtlténée,  k  Génère  (Suisse). 

S'adresser  poor  les  abonnements  à  l'éditenry  M.  H.  Georg«  à 
Genève  on  à  BAle.' 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tons  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Ch.  Delagrayb,  libraire.  45,  me  SouflDot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  Cour,  45.  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  libraires.  Corso  Vittorio  Emmanuele,  îl.  h  Milan. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Querslr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Friederichsen  et  r>,  libraires,  Admiralitalsstr,  3/4,  k  Hambourg 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autrirhe). 

Trubner  et  0\  libraires,  Ludgate  Hill.  57/59.  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


ATIS.  —  Nous  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  abonnés,  au  prix  de 
12  fr,  chacun,  un  certain  nombre  d^exemplaires  complets  de  la  IT^^,  de  la  IIT"* 
et  de  la  IV""^  année.  La  P*  est  épuisée. 


^*» 


—  245  — 

BULLETIN  MENSUEL  (3  novembre  1884.Y 

M.  Soleillet  est  arrivé  du  Clioa  à  Obock,  d'oti  il  rentrera  en  France. 
Avant  d'être  reçu  en  audience  dQ  congé  par  Ménélik,  il  a  eu  la  satisfac- 
tion de  voir  arriver  à  Ankober,  et  sous  la  direction  de  M.  Léon  Chefneux, 
une  caravane  à  laquelle  s'étaient  joints  le  capitaine  Longbois,  envoyé 
par  le  président  de  la  République  française  pour  remettre  au  roi  une 
lettre  et  des  présents,  ainsi  que  pour  déterminer  le  cours  de  THaouasch, 
et  le  capitaine  Pinot  avec  un  convoi  de  marchandises  diverses.  Quant 
à  la  station  d'Obock,  les  grandes  chaleurs  de  l'été  et  la  rareté  de  la 
main-d'œuvre  indigène  ont  créé  de  grandes  diflScultés  à  ceux  qui  sont 
chargés  d'y  établir  le  fort,  le  parc  à  charbon,  le  phare  et  l'appontement 
décrétés  par  le  gouvernement  français.  L'eau  potable,  abondante  après 
la  saison  des  pluies,  est  devenue  extrêmement  rare.'  Le  jardinage,  qui 
avait  tout  d'abord  donné  d'excellents  résultats,  a  dépéri.  La  main- 
d'œuvre  indigène  a  diminué  par  suite  de  l'adoption  de  certaines  mesures 
fiscales,  dont  le  résultat  a  été  d'éloigner  du  nouveau  port  bien  des  gens 
qui  n'auraient  pas  mieux  demandé  que  de  le  fréquenter.  L'occupation 
par  l'Angleterre,  de  Berberaet  deZeïla,  sur  la  côte  du  pays  desSomalis, 
a  engagé  la  France  à  faire  occuper  Tadjoura,  sur  la  baie  de  ce  nom, 
un  peu  au  sud-ouest  d'Obock.  M.  Soleillet  y  a  planté  l'année  dernière  le 
drapeau  français,  et  a  fait  reconnaître  le  chef  du  pays,  Abou-Bekr, 
comme  protégé  français.  C'est  par  Tadjoura  que  passent  tous  les  voya- 
geurs qui,  d'Obock,  se  rendent  dans  l'intérieur,  au  Choa  en  particulier.  ' 
M.  Hanford,  missionnaire  à  Frère  To^^n,  rapporte  à  la  Church 
Missionary  Intelligence,  que  les  maux  causés  par  la  famine  augmen- 
tent chaque  jour.  «  La  vue  des  gens  affamés  qui  se  présentent  à  ma 
porte,  »  écrit-il,  «  est  désolante.  Pas dejour  où  il  n'en  vienne  de  Rabaï  ou 
d'autres  lieux.  Ils  arrivent  ici  pour  chercher  du  travail,  gagner  quelque 
argent,  et  aussi  pour  relever  quelques  mangues  qui  tombent  constam- 
ment des  arbres,  et  qui,  dans  ce  temps  de  disette,  sont  la  propriété 
commune.  Je  dois  dire  que  nos  gens  sont  très  bons  pour  eux;  ils  leur 
donnent  non  seulement  un  gîte  pour  la  nuit,  mais  encore  souvent  une 
partie  des  mets  de  leur  table.  Pareille  famine  ne  s'est  pas  vue  depuis 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  corn- 
ptémentaires  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

L'AFRIQUE.   —   CINQUIÈME  ANÎTÉB.   —  N°   11.  11 


—  246  — 

trente  ans  au  moins.  La  principale  cause  en  est  le  fait  que  la  seconde 
récolte  a  manqué,  faute  des  dernières  pluies.  Beaucoup  ont  été  réduits 
à  une  telle  extrémité  qu'ils  ont  é|é  obligés  de  se  servir  du  grain  réservé 
pour  les  semailles;  ils  n'ont  donc  pas  pu  semer,  aussi  le  prix  des  vivres 
sera-t-il  très  élevé  pendant  douze  mois  encore.  L'alimentation  consiste 
eu  toute  espèce  de  racines,  d'herbes,  etc., d'où  résultent  quantité  de  cas 
de  maladie,  surtout  de  dysenterie.  »  M.  Hanford  s'est  rendu  à  Kamli- 
keni,  la  station  missionnaire  du  Giriama,  et,  à  propos  de  cette  excur- 
sion, il  ajoute  :  a  A  mesure  que  nous  avançons,  nous  voyons  passer,  les 
unes  après  les  autres,  des  familles  avec  leur  avoir,  se  rendant,  elles  ne 
savent  où,  en  quête  de  quelques  vivres.  Les  pauvres  mères  et  enfants 
sont  si  décharnés  qu'on  peut  compter  leurs  côtes;  prêts  à  tomber 
d'épuisement,  ils  sont  dans  un  tel  état  de  prostration  qu'ils  passent 
auprès  de  nous  sans  faire  attention  à  nous,  comme  s'ils  ne  nous  aperce- 
vaient pus.  Des  centaines  périront,  car  même  si  la  pluie  arrivait  enfin, 
ce  serait  trop  tard  pour  sauver  les  récoltes.  Tout  ce  qui  pouvait  être 
mangé,  y  compris  les  racines,  a  été  consommé  ;  beaucoup  n'ont  pas 
même  la  force  de  prendre  une  bêche  pour  chercher  quelque  racine.  » 

La  station  de  Liendu^é,  de  la  Société  des  Missions  de  Londres,  oii 
le  capitaine  Hore  préside  à  la  reconstruction  di^  vapeur,  la  Bonne- 
Nouvelle,  transporté  par  sections  au  sud  du  Tanganyika,  a  aussi  souffert 
de  la  famine,  ensuite  des  incursions  faites  aux  alentours  par  les  Wang- 
wana  et  les  Arabes.  Les  indigènes  ont  dû  vivre  de  racines  ;  un  grand 
nombre  d'entre  eux  ont  été  vendus  comme  esclaves  aux  trafiquants,  en 
échange  de  vivres,  en  sorte  qu'il  en  est  peu  resté  auprès  des  missionnai- 
res. Cependant  ceux-ci  ne  doutent  pas,  qu'avec  le  tempp,  le  pays  qui  est 
très  fertile  ne  se  repeuple.  Quelques  natifis  ont  construit  leurs  huttes 
dans  le  voisinage  du  chantier  où  l'on  remonte  le  vapeur,  disant  qu'ils  se 
sentent  en  sécurité  pendant  ^ue  les  blancs  résident  auprès  d'eux. 
Des  chefe  ont  envoyé  leur  bétail' à  la  station  pour  qu'il  y  fût  protégé,  ce 
qui  prouve  que  les  missionnaires  ont  gagné  la  confiance  des  indigènes. 
A  mesure  que  le  montage  du  vapeur  avance,  ils  sont  extrêmement  sur- 
pris de  cette  œuvre  énorme;  il  en  vient  de  loin,  avec  leurs  chefs,  poorlé 
voir  ;  au  premier  abord  ils  sont  comme  stupéfaits  ;  ce  qui  les  étonne  le 
plus,  c'est  que  Ton  ait  l'idée  de  faire  flotter  sur  Teau  une  telle  masse  de 
fer,  et  ils  supposent  que  les  missionnaires  ont  pour  cela  des  moyens  qui 
tiennent  dé  la  magie. 

M!  le  consul  O'NeiU;  parti  eoi  avril  de  Mozambique,  pour  leZamb&ze 
et  le  Chiré,  afin  d'aider  au  capitaine  Foot,  consul  du  district  du  Nyassa, 


—  247  — 

à  rétablir  la  pair  sur  le  GhTré,it  gagné  la  statioii  de  Blantyre'  par  iioe 
route  de  terre  entièrement  nouvelle.  Quittant  le  Chiré  à  Chironjî, 
parI6°57'  lat.  sud,  il  a  passé  à  Test  défi  districtsdes  Ma-Kdolo,  révoltéB 
ensuite  de  la  mort  de  leur  chef  Ghipitoula,  et  il  a  relevé,  par  des  obser- 
vations astronomiques,  la  position  de  plusieurs  localités  :  Mlolo, 
Manasomba  et  Milanji.  A  Blantyre  il  a  décidé  de  faire  une  séried'obs^p- 
vations,  pour  en  tixer  la  longitude  exacte,  afin  d'avoir  un  méridien  dans 
TAfrique  centrale  orientale,  fait  de  la  plus  haute  importance,  pense-t-il, 
pour  le  relevé  de  cette  région  \  Le  capitaine  Foot  écrivait  de  Blantyre, 
le  8  juillet,  que  ses  négociations  avec  les  Ma-Kololo,  pour  la  réouverture 
du  Chiré,  étaient  en  bonne  voie,  mais  que  les  troubles  de  ce  district 
l'avaient  empêché  de  faire,  comme  il  l'avait  compté,  un  voyage  au  Tan- 
ganyika.  En  mars  il  avait  fait,  à  l'ouest  et  au  nord  du  Ghiroua,  une 
excursion  dans  laquelle  il  était  monte  au  sommet  du  mont  Ghaoni, 
à  1300"  d'altitude,  d'où  il  avait  vu  le  lac  Ghiouta,  découvert  peu  aupa- 
ravant par  M.  O'Neill.  «  La  vue  dont  on  jouit  de  ce  sommet,  »  écrit-il, 
«  est  très  étendue;  elle  embrasse  le  Ghiré,  les  lacs  Pamalombé  et  Nyassa, 
le  pie  Mangoche,  au  nord,  le  mont  M'iangi,  à  100  kilom.  au  sud,  Zomba 
au  S.-O.,  avec  la  silhouette  des  montagnes  au  delà  du  Ghiroua,  dont  les 
eaux  s'étendent  presque  au  pied  du  spectateur.  Le  climat  de  ces  hau- 
teurs convient  à  la  santé  des  Européens.  »  —  Malheureusement  depuis 
le  retour  de  cette  excursion,  M.  Foot  a  été  pris  d'un  accès  de  fièvre 
auquel  il  a  succombé. 

M.  W\  O.  M'Eiwan,  chargé  de  diriger,  après  la  mort  de  M.  J.  Ste- 
wart,  la  construction  de  la  route  du  Nyassa  au  Tanganyika,  est  arrivé  à 
Chironji,  sur  le  Ghiré,  à  bord  de  la  Lady  Nyassa,  après  avoir  été 
retenu  près  de  la  côte  pendant  plus  de  deux  mois,  par  l'état  d'insurrec^ 
tien  où  se  trouvait  le  pays.  Les  esprits  paraissant  se  cahner,  il  avait  pu 
se  mettre  en  route,  et  espérait  arriver  à  Blantyre  le  26  juillet.  Préparé 
avant  son  départ  aux  observations  astronomiques,  par  les  soins  de  la 
Société  de  géographie  de  Londres,  il  pourra  déterminer  d'une  manière 
précise  la  position  des  lieux  importants  qu'il  visitera. 

Dans  l'A'ssemblée  générale  de  la  Société  coloniale  allemande  tenue  à 

*  Nous  pensons  que  la  détermination  exacte  dé  la  position  de  Hlantjrre,  d'après 
le  méridien  de  Greenwich,  adopté  récemment  à  Washington 'comme  mériditsu 
initial  par  la  grande-  majorité  des  États  citilisés,  serait  sttffîsante. 

£k  ce  qui  nous  concerne,  nwa  nous  confot^erMis, pour  PhiâtoailMi  ôéê^loiÊ^ 
tndasf  alla  dédsionrdn Congrès» de' Washinglém 


^ 


—  248  — 
Eisenach,  le  21  septembre  dernier,  M.  LQderitz  a  fourni  des  renseigne- 

I 

ments  précis  sur  le  but  de  la  deruîère  expédition  qu'il  a  envoyée  pour 
explorer  le  territoire  qu'il  a  acquis  au  nord  du  fleuve  Orange,  et  nommé 
aujourd'hui  le  Lûderitzland.  Elle  essaiera  d'abord  d'entrer  dans  le  fleuve, 
dont  la  barre  passait  jusqu'ici  pour  infranchissable.  Dans  un  voyage 
qu'il  fit  l'année  passée  à  An^ra-Pequena,  le  capitaine  de  la  canon- 
nière le  Nautilus  exprima  un  avis  contraire,  auquel  se  rangea  le  comman- 
dant de  la  Mda,  les  cartes  marines  de  cette  partie  de  la  côte  étant  défec- 
tueuses, par  suite  du  peu  d'intérêt  qu'on  attachait  à  cette  région. 
M.  Lttderitz  a  voulu,  au  mois  de  février  de  cette  année,  essayer  de  fran- 
chir cette  barre,  avec  la  Meta  qui  ne  tire  que  2"  d'eau,  mais  le  vent  du 
S.-E.,  qui  soufflait  alors  violemment,  ne  lui  permit  pas  d'approcher  de  la 
côte.  L'expédition  actuelle  composée  de  M.  Pohle  de  Freyberg,  du 
D'  Ad.  Schenck  de  Bonn,  du  D*^  Schinzvde  Zurich,  et  de  M.  de  Jongh 
d'Amsterdam,  plus  six  mineurs  de  Freyberg,  devra,  si  elle  peut  forcer  la 
barre  de  l'Orange,  remonter  le  fleuve  aussi  haut  qu'elle  le  pourra  et  en 
explorer  la  rive  septentrionale.  A  cet  effet  elle  est  pourvue  d'instruments, 
de  tentes,  de  vivres,  d'armes  et  d'articles  d'échanges  pour  les  indigènes. 
M.  Lûderitz  a  appris  que  la  rive  septentrionale  de  l'Orange  est  riche  en 
fourrage,  en  gibier,  et  que  les  tribus  indigènes  qui  l'habitent  élèvent  de 
grands  troupeaux  de  bestiaux.  Il  y  a  en  outre  des  exploitations'  d'or 
d'alluvion.  Dans  tous  les  cas,  il  sera  possible  de  commencer  à  cultiver  le 
sol  dans  le  voisinage  du  fleuve.  Lorsque  cette  rive  aura  été  explorée  en 
tous  sens,  surtout  au  point  de  vue  minéralogique,  l'expédition  débar- 
quera sur  tous  les  points  abordables,  et  entreprendra,  aussi  loin  qu'elle 
le  pourra,  l'exploration  de  l'intérieur  du  pays.  —  Outre  le  fer  et  le  cuivre, 
dont  plusieurs  gisements  se  trouvent  près  de  la  côte,  il  existe  près  de 
Pomona  un  gisement  de  plomb  argentifère.  L'exploration  dira  quelle  en 
est  la  puissance,  et  si  l'exploitation  en  serait  rémunératrice.  MM.  Pohle 
et  Schenck  exploreront  soigneusement  les  gisements  de  minerais,  pen- 
dant que  M.  Schinz  s'occupera  surtout  de  la  flore.  Les  mineurs  entre- 
prendront des  sondages,  et  M.  de  Jongh,  qui  sait  un  peu  la  langue  des 
Namaquas,  servira  d'interprète,  nouera  des  relations  commerciales  avec 
les  indigènes,  et  éventuellement  pourvoira  à  la  fondation  ultérieure  de 
factoreries.  Sur  la  route  d'Angra-Pequenaà  Béthanie,  M.  Lûderitz  con- 
naît 11  sources.  Le  plateau  de  Tsirup  paraît  avoir  été  autrefois  un  bas- 
sin lacustre;  le  terrain  consiste  en  une  argile  rouge;  si  l'on  peut  y  forer 
des  puits,  peut-être  l'agriculture  pourra-t-elle  y  prospérer.  La  pluie  y 
tombe  rarement,  mais  lorsque  le  sol  en  reçoit  quelque  peu  il  se  transforme 


—  249  — 

en  un  vaste  tapis  d'herbe  et  de  fleurs,  qui  témoigae  de  sa  grande  fécon- 
dité. Les  jardins  de  Bétbanie,  arrosés  par  des  canaux  dont  l'eau  est 
prise  de  la  rivière  qui  y  passe,  produisent  en  abondance  du  maïs,  de 
l'orge,  des  citrouilles,  des  figues,  des  bananes  et  du  vin. 

Pour  obvier  au  manque  d'eau,  M.  Lûderitz  enverra  prochainement, 
avec  son  brick  le  Tilly,  une  nouvelle  expédition,  pour  creuser  des  puits 
artésiens,  d'abord  dans  le  voisinage  d'Angra-Pequena,  puis,  dans  l'inté- 
rieur le  long  du  chemin  de  Béthanie.  Si  ce  forage  réussit,  on  pourra  son- 
ger à  la  colonisation.  Quant  à  l'exploration  minière,  l 'ingénieur  Prescher 
a  trouvé,  dans  une  vallée  pourvue  d'eau  et  d'une  herbe  abondante,  un 
gisement  où  le  minerai  de  cuivre  est  à  découvert  sur  une  superficie  de 
2  milles  carrés  anglais,  et  contient  57,  18  Vo  de  cuivre  ;  il  en  a  trouvé 
deux  autres  d'une  épaisseur  de  2  à  5"*.  . 

Nous  résumons  ici  les  dernières  nouvelles  fournies  par  le  Mouvement 
géographique  de  Bruxelles,  sur  les  travaux  des  explorateurs  belges  dans 
le  bassin  du  Cong^o.  Sur  le  bas-fleuve,  le  D'  Van  den  Heuvel  va  quitter 
Banana,  reconduisante  Zanzibar  surlaFïZZed'O^^end^^  voilier  de  l'A^sso- 
ciation  internationale,  150  Zanzibarites  dont  le  terme  de  service  est 
expiré.  —  MM.  J.  Chavanne  et  Zintgraff  ont  entrepris  l'exploration  du 
Mpozo,  affluent  du  Congo,  et  espéraient  pouvoir  le  remonter  jusqu'àSan- 
Salvador. — A  Isanghila  est  arrivée  la  caravane  de  600  hommes  qui  trans- 
porte le  Stanley  à  Léopold ville;  le  steamer  remonté  et  mis  à  flot  ira  par 
eau  jusqu'à  Manyanga.  —  Dans  cette  dernière  localité  a  passé  un  déta- 
chement de  l'expédition  de  Brazza  commandé  par  le  lieutenant  Dolizie, 
aidé  de  deux  adjoints.  Il  se  composait  de  vingt  soldats  algériens  et  de 
vingt-cinq  indigènes;  il  venait  de  Loango,  et  conduisait  à  Stanley-Pool  un 
fort  ravitaillement  pour  la  mission  française.  Le  voyage  de  Stéphanieville 
au  Congo  avait  été  des  plus  difficiles  et  contrarié  par  la  désertion  de 
presque  tous  les  porteurs.  Près  de  M'  Pambo,  surlaLoudima,  ils  avaient 
été  forcés  d'abandonner  plus  de  200  charges,  n'ayant  plus  d'hommes 
pour  les  transporter.  Le  commandant  de  la  station  de  Manyanga  les  reçut 
fort  bieni  et  s'efforça  de  les  tirer  d'embarras  pour  qu'ils  pussent  aller 
promptement  ravitailler  M.  de  Brazza  qui  attendait  leur  convoi  avec 
impatience. —  En  amont  de  Stanley-Pool,  sir  Francis  de  Winton  avisHé, 
à  bord  du  Feace,  vapeur  de  la  mission  baptiste,  et  en  compagnie  de 
MM.  Comber  et  Grenfell  les  stations  de  Kimpoko,  Msouata  et  Koua- 
mouth.  Ensuite  il  a  exploré  le  Quan^o^,  dont  il  a  remonté  le  cours  pen- 
dant cinq  jours.  A  son  embouchure  il  a  une  direction  N.-E.,  une  largeur 
d'environ  350"  et  une  profondeur  moyenne  de  9".  La  rive  droite  est  habi- 


—  250  — 

tée  par  la  tribu  des.  Ba-Feimo;  <m.Q'y  reaoontre  aucun  village  importaiit 
avant  d'arriver  à-Mbo,  à  50  kUoœ.  du  confluent  du  Quango  et  du  Congo. 
Les  habitants  en  Bomttrès  pacifiques.  Au  ddà  de  Mbo  la  rivière  «'élar- 
git ;  de  grandes  âes  basses  et  sablonneuses  apparaissent  et  ne  laissent 
entre  elles  que  d'étroits  canaux,  accessibles  seulement  à  des  steamers 
d'un  faible  tirant  d'eau.  Le  troisième  jour  l'expédition  atteignit  le  grand 
village  de  Mbousie,  d'une  étendue  de  4  kilomètres,  habité  par  des  indi- 
gènes de  la  tribu  des  Wa-Bouma.  Leur  chef  actuel  est  une  femme  nom- 
mée Monakobé,  qui  accueillit  les  voyageurs  avec  empressement  et  leur 
offrit  des  terrains  pour  rétablissement  d'une  station.  LesWa-Bouma 
sont  pêcheurs  et  marchands;  ils  vont  jusqu'à  Stanley-Pool  pour  y  échan- 
ger leurs  produits  contre  des  étoffes etautresmarchandises  européennes. 
En  amont  de  Mbousie,  le  Quango,  se  bifurque;  la  branche  qui  vient  du 
S.-E.  est  le  Quango  proprement  dit  ;  celle  qui  descend  du  N.-E.  sort  du 
lac  Léopold  II,  découvert  par  Stanley  en  1882.  —  Près  de  la  station  de 
Kouamouth,  M.  de  Winton  a  passé  sur  la  rive  droite  du  Congo,  et  a 
rendu  visite  h  Savorgnan  deBra^za  àN'Ganchou,  puis,  quittant  le  Feace 
et  les  deux  missionnaires  anglais  qui  continuaient  leur  voyage  vers  le 
haut-fleuve,  il  est  revenu  à  Léopoldville  le  19  juillet.  —  M.  Glaive,  chef 
de  la  station  de  Loukoléla,  a  rencontré  près  de  sa  station  un  vaste  ter- 
rain d'une  étendue  déplus  d'un  hectare,  entièrement  couvert  de  caféiers 
sauvages.  —  A  la  mort  du  grand  chef  Seko-Touughi,  le  moucounzi 
d'Ibouga-Wangata,  grand  village  situé  près  de  la  station  de  4'Équateur, 
les  habitants  de  la  localité  se  réunirent  en  assemblée  solennelle  et  élu- 
rent pour  chef  des  Ba-Koumbé«  le  lieutenant  Yan-Gèle,  commandant  de 
ce  poste,  preuve  du  bon  accord  qui  existe  entre  lui  et  les  indigènes. 
D'après  des  renseignements  fournis  par  M.  Van-Gèle,  l'Ikélemba  ne 
serait  pas,  comme  on  l'a  cru  jusqu'ici,  sur  le  témoignage  de  Stanley,  le 
plus  considérable  des  aflluents  die  la  rive  gauche  du  Congo.  En  amont  de 
la  station  de  l'Equateur,  le  Congo  reçoit  sur  sa  rive  gauche  deux  affluents  ; 
c'est  d'abord,  à  ô  kilom.  de  la  station,  le  Rouki,  et  à  3  kilom.  plus  au 
nord,  l'Ikélemba  ;  or  ce  dernier  n'est  qu'un  affluent  d'une  centaine  de 
mètres  à  son  embouchure,  comme  le  Congo  en  compte  beaucoup,  tandis 
que  le  Rouki  est  large  comme  le  Congo,  et  comme  lui  il  est  parsemé 
d'îles.  Il  contient  toujours  énormément  d'eau.  Stanley  suppose  que  tous 
les  principaux  aiffuents  de  gauche  du  Congo  sortent  de  vastes  marais 
situés  au  nord  du  royaume  du  Mouata-Yamvo,  et  qui  ne  seraient  autres 
que  le  lac  Sankourou  signalé  par  Cameron  ;  ce  seraient  ces  marais  qui 
donneraient  à  toutes  ces  rivières  la  teinte  noire  qui  caractérise  leurs 


éV\ 


—  251  -- 

eaux. 'Mais  d'après  le  lieutenant  Van-Gèle,  le  Rouki  ne  sort  pas  d'un  lac; 
c'est  du  moins  ce  que  lui  a  affirmé  un  indigène  qui  en  a  remonté  le  cours, 
et'^ui  lui  a  rapporté  les  noms  de  2rgrands  villages,  situés,  jusqu'à  dix 
jenmées  de  marche,  le  long  de  sa  rive  gauche  extrêmement  peuplée.  Le 
ReuM  reçoit  lui-mênae  de  nombreux  cours  d'eau,  qui  drainent  une  vaste 
i^on.  Les  éléphants  sont  nombreux  dans  le  bassin  des  deux  rivières. 
C'est  sans  doute  à  la  proximité  des  embouchures  des  deux  affluents  qu'est 
due  la  double  dénomination  du  seul  cours  d'eau  marqué  dans  les  cartes  : 
Ikélemba-  Ourouki. 

Dans  lé  bassin  du  Qullou,  le  lieutenant  Spenser  Burns,  chef  de 
la  station  de  Rudolfstadt,  a  fait  à  l'intérieur  une  excursion  de  trois  mois 
et  exploré  un  territoire  encore  inconnu,  habité  par  des  Ba-Soundi.  La 
chaîne  de  montagnes  qui  couvre  le  jfays  porte  le  nom  de  Cibemba- 
M'boko;  elle  renferme  deux  monts  isolés  dont  la  hauteur  dépasse 
1500"",  et  d'où  la  vue  s'étend  sur  toute  la  contrée  d'alentour  ;  M.  Burns 
les  a  nommés  Victor-Emmanuel  et  Humbert ,  et  il  les  a  inscrits  sous 
ces  noms  dans  la  carte  qu'il  a  envoyée^  à  TÂssociation  internationale  de 
Bruxelles.  La  position  approximative  en  est  par  S^'ôS'SO"  lat  S.  et 
13^37'20"  long.  E.  de  Greenwich. 

Enfin  deux  nouvelles  stations  ont  encore  été  fondées  dans  la  région 
du  Quilou  :  la  première,  Arthurville,  sur  les  bords  du  fleuve,  et  la 
seconde,  Strauch ville  ',  sur  un  des  affluents  de  gauche  du  Quilou. 

Le  II'  BAllay  est  rentré  en  France,  après  avoir  quitté  Savor^nA.» 
lie  Bt^azsEa,  à  Brazzaville,  le  28  mai  dernier.  Il  a  remonté  le  Congo  et 
l'Alima  avec  la  chaloupe  à  vapeur,  et  rapporté  une  copie  des  lettres 
échangées  entre  de  Brazza  et  les  agents  de  TÂssociation  internationale, 
au  sujet  du  droit  reçu  de  Makoko  par  l'explorateur  français,  d'occuper 
un  point  de  la  rive  gauche  du  Congo.  Brazzaville  est  situé  sur  la  rive 
droite;  mais,  dit  M.  Ballay,les  Etats  de  Makoko  sont  situés  sur  les  deux 
rives,et  le  chef  suprême  avait  accordé  à  de  Brazza  une  concession  à  Kin- 
cbassa  sur  la  rive  gauche,  village  oii  le  sergent  Malamine  résida  dix- 
huit  mois.  Stanley  ne  voulut  pas  reconnaître  cette  concession,  et  prit 
possession  de  toute  la  rive  gauche  de  Stanley-Pool,  oti  il  fonda  quatre 
postes,  protégés  par  une  batterie  de  dix  canons  Krupp  établie  sur  une 
hauteur  qui  commande  le  fleuve.  De  Brazza  fit  convoquer  les  chefs  de  la 

'  D'après  la  carte  da  Congo,  de  PÊqaatfeur  à  l'Océan,  établie  par  l'Institut 
national  de  géographie  de  Bruxelles,  la  chaîne  de  montagnes  qui  longe  le  Quilcu, 
dans  son  cours  moyen,  a  reçu  le  nom  de  monts  Strauch. 


1 


—  252  — 

rive  gauche  pour  qu'ils  reconnussent  ses  droits,  en  présence  des  agents 
de  rAssociatipn,aiin  que  ceux-ci  vissent  bien  que  les  indigènes  agissaient 
de  leur  plein  consentement.  D'abord  les  agents  belges  ne  voulurent  pas 
venir  ;  puis  de  Brazza  leur  ayant  déclaré  que  leur  absence  serait  consi- 
dérée comme  un  acquiescement  à  la  reconnaissance  de  son  droit,  ils 
tirent  contester  par  leurs  Zanzibarites  et  leurs  interprètes  noirs  le  sens 
des  déclarations  des  indigènes  inscrites  au  procès- verbal  delà  cérémonie. 
Il  ne  resta  à  de  Brazza  qu'à  s'en  référer  à  son  gouvernement,  et  à  faire 
savoir  qu'il  considérerait  comme  insulte  au  pavillon  français  toute  vio- 
lence tentée  contre  le  village  de  Kînchassa,  et  l'affaire  en  resta  là.  Elle 
trouvera  sa  solution  dans  l'accord  intervenu  entre  le  gouvernement 
français  et  l'Association  internationale,  qui  était  alors  ignoré  à  Brazza- 
ville aussi  bien  qu'à  Léopoldville. — Quant  àl'état  actuel  de  la  mission  de 
Brazza,  elle  compte  douze  stations  établies  du  cap  Lopez  à  Brazzaville, 
sans  parler  de  celles  de  la  côte  qui  relèvent  maintenant  directement  du 
ministère  de  la  marine  ;  elle  a  une  chaloupe  à  vapeur  sur  le  Congo,  et 
en  recevra  bientôt  une  autre  qui  est  en  route.  Les  Adouma,  peuplade 
de  rOgÔoué,  qui  peuvent  fournir  1200  pagayeurs  et  qui  auparavant 
n'avaient  jamais  voulu  sortir  du  bassin  de  leur  fleuve,  ont  passé,  avec  les 
conducteurs  de  l'expédition  française,  dans  celui  du  Congo  par  l'Alima, 
et  pris  l'habitude  de  voyages  qui  serviront  au  développement  du  com- 
merce dans  cette  région. 

Après  un  temps  assez  long  pendant  lequel  l'explorateur  Flegel 
n'avait  pu  envoyer  aucune  lettre  à  la  Société  africaine  allemande,  il  est 
arrivé  lui-même  à  Berlin,  où  il  a  exposé  à  la  Société  de  géographie  les 
principaux  faits  de  son  dernier  voyage  au  Béaoué.  Parti  de  Ibi,  il  a 
été  retenu  trois  mois  à  Wukari  par  la  maladie,  et  en  est  reparti  le 
1"  décembre  1882,  pour  traverser  de  nombreux  affluents  méridionaux 
du  Bénoué,  jusqu'à  Katschka,  où  des  querelles  de  chefe  indigènes 
l'obligèrent  de  s'arrêter  longtemps.  Une  guerre  avait  éclaté  entre  le 
chef  de  Ngaunderé,  et  celui  de  Gasaka,  un  de  ses  vassaux,  sur  le  terri- 
toire duquel  le  suzerain,  pour  prélever  le  tribut,  fit  une  incursion  de 
laquelle  il  remporta  un  riche  butin .  Dans  sa  retraite  cependant  il  fut 
attaqué,  et  perdit  les  esclaves  qu'il  emmenait,  ainsi  que  les  biens  qu'il 
avait  pillés.  Ces  circonstances  empêchèrent  Flegel  de  se  rendre  au 
Congo,  ou  tout  au  moins  de  regagner  l'Océan  directement  comme  il 
l'avait  compté.  Muni  d'une  lettre  de  recommandation  du  sultan  de 
Sokoto,  il  se  rendit  à  Bagnio  qui,  avec  Ngaunderé  et  Tibati,  est  un  des 
plus  grands  marchés  d'ivoire  de  cette  partie  de  l'Afrique.  De  Bagnio  il 


—  253  — 

envoya  des  messagers  au  prince  de  Tibati,  qui  assiégeait  différentes 
Tilles  païennes,  et  qui  lui  refusa  l'entrée  de  sa  capitale,  ensorte  qu'il 
dut  échanger  le  reste  de  ses  marchandises  contre  de  l'ivoire  et  se  déci- 
der  au  retour.  Près  de  Wassi  il  traversa  pour  la  seconde  fois  la  ligne 
de  partage  des  eaux  entre  le  Bénoué  et  le  Cameroon,  puis  la  région  des 
sources  des  affluents  de  gauche  du  Bénoué,  pour  déterminer  les  limites 
méridionales  du  bassin  de  ce  fleuve  comme  Rohlfs  l'a  fait  au  nord.  Les 
afSuents  méridionaux  sont,  en  allant  de  l'est  à  l'ouest,  le  Faro,  le 
Taraba,  le  Kam,  le  Cogindongo,  le  Cogintaraba  et  le  Cogiukatoschema. 
Flegel  suivit  le  Cogintaraba  à  partir  de  Beti,  et  le  trouva  navigable  sur 
une  centaine  de  kilomètres.  Au  sud  du  Bénoué  s'étend,  du  N.-E.  au 
S.-O,,  une  chaîne  de  montagnes  de  1300"  à  1600*  de  hauteur  moyenne. 
Les  plus  hauts  sommets  peuvent  avoir  de  2000"  à  2300"  ;  toutefois  le 
Gendorro  peut  bien  dépasser  3000".  Si  l'on  peut  songer  à  coloniser  dans 
l'Afrique  centrale,  Flegel  croit  que  cette  région  élevée  et  salubre  serait 
la  meilleure.  L'examen  qu'il  a  fait  des  cours  d'eau  qu'il  a  traversés  lui 
a  donné  la  conviction  que,  outre  le  Bénoué,  qui  a  1100  kilomètres,  les 
affluents  sus-mentionnés  sont  navigables  sur  75  à  100  kilom.,  pendant  5 
à  6  mois,  ce  qui  permettrait  de  pénétrer  par  voie  fluviale  presque  jus- 
qu'au pied  des  montagnes  qui  forment  la  ligne  de  partage  des  eaux  de 
ce  bassin  et  de  celui  du  Cameroon.  Le  sol  est  très  fertile,  on  y  élève  des 
bestiaux  ;  Flegel  estime  qu'il  est  très  important  d'en  maintenir  l'accès 
par  le  Niger  ouvert  à  tous  les  peuples  civilisés,  au  lieu  de  le  laisser  fer- 
mer au  profit  de  quelques-uns  seulement. 

M.  I^enoir,  capitaine  d'infanterie  de  marine,  chargé  par  le  gouver- 
nement du  Sénégal  d'une  exploration  ayant  pour  but  d'étudier  les  res- 
sources commerciales  de  la  Haute-Casamance  *,  est  heureusement 
arrivé  à  Bakel.  Parti  le  21  juin  de  Sedhiou,  il  a  visité  le  Fridou,  gagné 
ensuite  la  Gambie  qu'il  a  traversée  en  pirogue  à  Oualibacounda,  pour 
pénétrer  dans  le  Ouli.  La  guerre  entreprise  par  le  roi  du  Fridou  contre 
le  Kantora,  l'a  empêché  de  se  rendre  dans  le  Niocolo,  province  du 
Fouta-Djallon,  visitée  en  1881  par  le  D' Bayol.  D  a  constaté  que  le  Ouli 
a  été  réduit  en  désert  par  les  marabouts  du  Rip  et  du  Badibou  qui 
l'ont  ravagé.  Il  l'a  quitté  pour  entrer  dans  le  Bambouk,  puis,  après  avoir 
passé  à  la  nage  le  Nieri,  il  a  atteint  Goumbel,  le  1*'  août,  en  se  dirigeant 
sur  Badou. 

*  V.  la  carte  du  pays  situé  entre  la  côte  de  Sénégambie  et  le  Niger,  IV™*  année, 
p.  200. 


—  254  — 

NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

M.  Lemay,  vice-consul  de  France  à  Massaoua,  revenu,  il  y  a  quelques  semaines, 
d'une  mission  à  Zeïla  et  à  Harrar,  est  retourné  à  son  poste,  chargé  de  renseigner 
le  gouvernement  français  sur  l'état  du  pays  où  sévit  l'insurrection  contre  la  domi- 
nation égyptienne;  peut-être  recevra-t-il  une  mission  auprès  du  négous. 

Deux  nouvelles  caravanes  de  missionnaires  d'Alger  partiront  prochainement 
pour  le  Victoria-Nyanza  et  le  Tanganyika  ;  les  premiers  médecins  arabes  élevés 
par  les  soins  du  cardinal  Lavigerie  y  seront  adjoints. 

Le  missionnaire  Johnson,  qui  a  exploré  la  c6te  orientale  du  Tanganyika  et  la 
Loujenda,  émissaire  du  Chiroua,  a  constaté  que  ce  dernier  n'est  pas  un  lac  au 
sens  propre  du  mot,  car,  dans  la  saison  sèche,  il  ne  forme  qu'un  immense  marécage, 
et  n'a  d'eau  que  pendant  la  saison  des  pluies. 

Le  major  Serpa  Pinto  organise  è^  Mozambique  une  expédition  à  la  tête  de 

laquelle  il  explorera  le  pays  situé  entre  l'Océan  Indien  et  le  lac  Nyassa.  On  sup- 

« 

pose  que,  de  là,  il  se  dirigera  sur  le  Congo  en  passant  par  le  Tanganyika.  Il  aura 
avec  lui  250  porteurs,  une  centaine  de  Zoulous,  un  lieutenant  de  marine  portugais 
et  un  photographe  anglais.  i 

Pour  parer  au  danger  dont  la  culture  exclusive  de  la  canne  à  sucre  à  la  Réu- 
nion menace  cette  colonie,  un  certain  nombre  de  colons  reviennent  à  d'anciennes 
cultures  abandonnées  à  tort,  celles  du  café,  de  la  vanille,  du  cacao,  des  plantes 
tinctoriales  et  médicinales,  etc. 

Les  essais  tentés  pour  relier  par  des  signaux  op^tiques  la  Réunion  à  l'Ile  Mau- 
rice (léOkilom.)  ont  pleinement  réussi.  On  correspond  de  Saint-Benoit  à  Port-Louis, 
au  moyen  d'appareils  placés  sur  le  piton  Lacroix  et  sur  le  Pic  Vert. 

D'après  le  rapport  de  miss  Graham  sur  la  mission  médicale  à  Madagascar,  850 
patients  ont  été  soignés  l'année  dernière  dans  l'hôpital  de  la  mission,  et  3000 
malades  hors  de  l'établissement. 

On  annonce  de  Londres  que  des  lettres  patentes  de  la  reine  vont  être  publiées, 
confirmant  officiellement  l'annexion  aux  possessions  anglaises  du  Cap,  des  territoi- 
res qui  jusqu'ici  appartenaient  à  la^Cafrerie  indépendante  :  le  Tembouland,  le 
Galekaland  et  le  Bemvanaland.  De  leur  côté,  les  Boers  de  la  nouvelle  république 
du  Zoulouland  ont  l'intention  d'occuper  Port-Durnford,  au  nord  de  Natal. 

La  Société  de  géographie  de  Lisbonne  a  reçu  des  nouvelles  des  voyageurs 
Capello  et  Ivens,  qui  ont  visité  tout  le  territoire  de  Moulondo,  région  fertile,  et  de 
M.  Carvalho,  qui  dirige  l'expédition  en  marche  pour  le  pays  du  Mouata-Tamvo. 

A  la  demande  de  la  famille  de  l'explorateur  Junker,  que  l'on  suppose  avoir 
cherché  à  gagner  le  Congo  par  l'Arououimi  ou  la  Népoko,  le  comité  de  l'Associa- 
tion internationale  a  donné  des  ordres  à  ses  agents  pour  que  des  secours  soient 
envoyés  au-devant  de  lui,  à  son  arfi^  sur  .le  haut  Congo. 

L'expédition  de  l'Association  internationale,  dirigée  par  le  lieutenant  Becker 
(v.  p.  224),  s'est  embarquée  le  22  octobre  à  Marseille  pour  Aden  et  Zanzibar. 


—  255  — 

Une  escadre  allemande,  à  laquelle  sera  attaché  Pexploratear  Gérard  Rohlfs,  se 
rendra  à  la  c6te  occidentale  d'Afrique,  pour  protéger  les  colonies  que  l'Allemagne 
vient  d'y  acquérir.  ^  »' 

Les  factoreries  allemandes  établies  sur  la  côte  occidentale  d'Afrique  sont  au 
nombre  de  44;  84  appartiennent  à  des  maisons  de  Hambourg,  et  10  à  des  maisons 
de  Brème;  il  y  en  a  24  sur  la  Côte  des  Esclaves,  13  au  Cameroon,  2  dans  la  baie 
de  Oorisco,  S  au  Gabon,  1  sur  un  d^  territoires  de  l'Association  internationale  à 
Rudolfstadt,  et  1  à  Angra-Pequena.  Sur  l'invitation  de  M.  de  Bismarck,  les  prin- 
cipales maisons  de  Hambourg  qui  ont  des  factoreries  dans  ces  régions,  ont  formé 
vm  syndicat  de  l'Afrique  occidentale,  ayee  I^nel  le  gouvernement  allemand  pourra 
entrer  en  relations. 

L'annexion  par  l'Angleterre  du  territoire  de  Wari,  à  l'ouest  du  Niger,  et  la 
prétention  de  cette  puissance  de  faire  reconnaître  comme  possession  anglaise  le 
bassin  inférieur  de  ce  fleuve  ne  paraissent  ^s  devoir  être  admises  par  les  princi- 
paux États  invités  à  se  faire  représenter  au  Congrès  de  Berlin.  La  question  de  la 
libre  navigation  de  ce  fleuve  y  sera  posée  et  résolue,  nous  l'espérons,  dans  le  même 
sens  que  celle  du  Congo. 

M.  Viard,  qui  a  déjà  parcouru  plusieurs  fois  les  districts  du  Niger,  va  y  retour- 
ner. Déjà  en  1880  il  y  accompagna  M.  de^Bemellé;  en  1881  et  1882  il  visita  le 
Nupé;  dépendant  du  royaume  de  Sokoto;  cette  fois-ci,  il  se  propose  d'explorer 
plus  particulièrement  le  Bénoué. 

M.  le  D*"  Mfthly  est  de  retour  de  la  Côte  d'Or.  Les  propositions  qu'il  fera  au 
comité  des  Missions  de  Bàle  pour  l'équipement,  le  vêtement,  l'alimentation,  l'habi- 
tation, le  mode  de  vivre  et  de  voyager,  seront  sans  douta  d'une  grande  utilité  pour 
les  missionnaires  de  cette  Société.  Pendant  son  séjour  à  la  Côte  d'Or,  il  en  a  soi- 
gné beaucoup  de  très  malades  ;  partout  il  s^remis  en  bon  état  les  pharmacies  des 
stations,  et  a  gagné  à  la  Mission  la  sympathie  de  nombreux  indigènes  auxquels  il 
a  donné  des  soins  dévoués;  en  un  mot,  il  a  bien  préparé  la  mission  médicale  que 
va  commencer  le  D'  R.  Fisch. 

D'après  le  rapport  du  consul  des  États-Unis  à  Libéria,  la  rivière  Cavalla,  qu'on 
a  remontée  en  bateau  sur  une  longueur  de  plus  de  300  kilomètres,  a  une  grande 
importance  commerciale;  aux  ressources  agricoles  qu'offrent  ses  rives,  s'ajoute  le 
lavage  de  l'or  qu'on  a  trouvé  sur  ses  bords.  Le  gouvernement  des  États-Unis  a 
autorisé  l'ouverture  de  deux  nouveaux  ports,  l'un  à  Niffou,  dans  le  comté  de  Sinon, 
l'autre  dans  le  comté  de  Montserado,  et  l'établissement  d'une  colonie  à  San-Pedro, 
à  la  frontière  S.-E.  de  Libéria. 

Les  colonies  anglaises  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  vont  être  reliées  à  l'Eu- 
rope par  le  télégraphe.  Le  navire,  le  SUoertown,  est  parti  pour  Ténériffe  ayant  à 
bord  une  longueur  de  câble  de  2000  kilomètres.  Après  avoir  relié  cette  tle  avec 
celle  de  Lanzerote,  il  ira  à  Dakar  et  à  Baâkurst,  puis  à  d'autres  points  de  la  côte 
africaine. 


—  256  — 
STANLEY  ET  L'ŒUVRE  OU  CONGO 

t 

• 

Au  moment  oîi  vont  se  réunir,  à  Berlin,  les  représentants  de  la  plu- 
part des  États  civilisés  des  deux  mondes,  pour  appliquer  au  Congo, 
comme  M.  G.  Moynier  le  proposait  Tannée  dernière  à  Tlnstitut  de  droit 
international  à  Munich,  les  principes  que  le  Congrès  de  Vienne  avait 
adoptés  pour  assurer  la  liberté  de  la  navigation  de  quelques  fleuves  inter- 
nationaux, principes  appliqués  plus  tard  au  Danube,  il  nous  paraît  utile 
de  rappeler  à  nos  lecteurs  où  en  9ët  Tœuvre  de  la  civilisation  sur  le  grand 
fleuve  de  l'Afrique  équatoriale. 

On  pouvait  espérer  apprendre  de  Stanley  plus  de  détails  qu'il  n'en  a 
donné  jusqu'ici  au  public,  sur  ses  nouvelles  explorations  du  Congo  et  de 
ses  aflluents  ;  mais,  comme  U  Ta  dit  à  la  Chambre  du  commerce  de  Lon- 
dres, il  y  a  certaines  choses  qu'il  n'est  pas  autorisé  à  dire.  Néanmoins  il 
a  parlé,  et  c'est  à  sa  conférence  h  Londres,  qui  nous  a  été  obligeamment 
communiquée,  que  nous  emprunterons  nosrenseignenaentssur  le  Comité 
dont  il  relève,  sur  le  but  de  l'œuvte  dont  il  a  été  chargé,  sur  les  moyens 
employés  pour  l'atteindre  et  sur  les  résultats  obtenus  jusqu'ici. 

A  son  retour  en  Europe,  en  1877,  il  fut  informé  de  plusieurs  projets 
relatifs  à  l'extension  du  commerce  en  Afrique,  et  il  entra  en  correspon- 
dance avec  leurs  promoteurs  sur  la  (luestion  des  voies  et  moyens.  D'après 
une  lettre  de  lui,  de  Î879,  il  fut  mis  en  rapport  avec  une  commission 
composée  de  membres  de  l'Association  internationale  africaine  :  Belges, 
Hollandais,  Français,  Anglais,  Américains,  qui,  constitués  en  1878  en 
Comité  d'études  du  Haut-Congo,  avaient  adopté  le  drapeau  de  l'Asso- 
ciation. Les  deux  Sociétés  avaient  le  même  Comité  exécutif.  Nous  savons, 
par  le  rapport  de  M.  G.  Moynier,  délégué  du  Comité  national  suisse  à  la 
session  de  1877  à  Bruxelles,  que  le  Comité  exécutif  était  alors  composé 
comme  suit  : 

S.  M.  le  roi  des  Belges,  président  ; 

MM.  le  D' Nachtigal  (Allemagne)  ; 
de  Quatrefages  (France); 
Sanford  (États-Uqis)  ; 
le  baron  Greindl  (Belgique),  secrétaire  général. 

Dès  lors  il  a  subi  des  modifications  :  le  baron  Greindl  a  été  envoyé  à 
Lisbonne,  comme  ambassadeur  belge  ;  le  D*"  Nachtigal,  d'abord  consul 
général  de  l'empire  allemand  à  l^unis,  est  actuellement  commissaire  en 
mission  à  la  côte  occidentale  d'Afrique,  et  le  successeur  du  baron  Greindl, 


—  257  — 

M.  Strauch,  dans  sa  lettre  du  23  avril  de  cette  année,  à  M.  Jules  Ferry, 
apparaît  comme  président  de  TAssociation  internationale  du  Congo  ; 
nous  supposons  qu'il  s'agit  ici  du  Comité  exécutif  duquel  dépendent, 
d'une  part,  l'Association  internationale  africaine  primitive,  de  l'autre,  le 
Comité  d'études  du  Haut-Congo. 

Quoi  qu'il  en  soit,  d'après  la  lettre  susmentionnée  de  Stanley,  le  but 
de  ce  comité  était  triple  :  philanthropique,  scientifique  et  commercial. 

Au  point  de  vue  philanthropique,  il  s'agissait  d'ouvrir  l'intérieur  de 
l'Afrique,  par  le  Congo,  en  soustrayant  les  tribus  du  bas  fleuve  et  celles 
qui  habitent  en  amont  de  Stanley-Pool,  à  l'état  de  barbarie  et  de  défiance 
dans  lequel  elles  vivent,  et  de  leur  apprendre  à  prêter  volontairement  un 
concours  matériel  à  ceux  qui  s'y  emploieraient.  Stanley  ne  doutait  pas 
que,  quand  on  aurait  montré  les  blancs  de  la  côte  disposés  à  nouer  de 
bonnes  relations  avec  les  noirs  de  l'intérieur,  et  la  route  entre  l'Atlanti- 
que et  leur  pays  débarrassée  des  obstacles  que  suscitent  les  guerres  des 
tribus  entre  elles,  le  problème  ne  fût  résolu.  Les  blancs  pourraient  hâter 
les  progrès  de  l'œuvre  en  créant  des  moyens  rapides  de  communication, 
et  laisser  au  temps  le  soin  de  faire  fri,ictifier  la  bonne  semence  qu'il  allait 
jeter  en  terre.  D  ne  pensait  pas  que  la  route  qui  serait  créée  par  les 
blancs  et  les  noirs,  unis  dans  un  sentiment  de  confiance  réciproque,  pût 
jamais  se  refermer. 

Le  but  que  se  proposait  le  Comité  d'études  était  en  même  temps  scien- 
tifique, car  Stanley  était  chargé  de  faire  un  relevé  systématique  du  pays 
situé  entre  Boma  et  Stanley-Pool,  sur  les  deux  rives  du  Congo,  et  de 
déterminer  la  position  des  centres  de  population  importants,  et  celle  des 
principaux  points  qui  peuvent  intéresser  le  géographe  et  le  négociant. 

Enfin,  le  but  de  cette  Société  était  encore  commercial,  en  ce  sens 
qu'il  s'agissait  de  voir  jusqu'à  quel  point  on  pourrait  se  hasarder  dans 
des  opérations  mercantiles  avec  les  tribus  du  haut  fleuve,  en  les  invitant 
à  échanger  les  produits  de  leur  sol  et  de  leur  industrie  contre  les  mar- 
chandises des  manufactures  des  pays  civilisés.  Les  renseignements  sta- 
tistiques que  l'on  pourrait  obtenir,  devaient  servir  de  guide  pour  les 
marchands,  quant  à  la  nature  et  à  la  quantité  des  produits  de  l'intérieur 
de  l'Afrique,  et  quant  aux  dispositions  générales  de  ceux  avec  lesquels 
on  serait  entré  en  rapport. 

Pendant  trois  ans  et  demi  Stanley  poursuivit  un  but  analogue  à  celui 
que  l'A^odation  internationale  se  proposait  à  la  côte  orientale;  il  créa 
des  stations  hospitalières  et  scientifiques  le  long  du  Congo  ;  il  s'efforça 
d'empêcher  la  traite  des  esclaves;  il  travailla  à  faire  le  relevé  du 


—  258  — 

terraÎD  et  à  recueillir  des  renseignements  sur  le  pays,  ses  habitants  et 
ses  ressources.  Le  succès  dépassa  Tespoir  de  tous  ceux  qui  étaient 
engagés  dans  cette  entreprise. 

En  effet,  le  nombre  des  stations,  créées  par  le  Comité  duquel  relève 
Stanley  est  considérable,  et  nous  ne  pouvons  les  énumérer  toutes.  On 
en  compte  onze  dans  la  partie  du  fleuve  qui  s'étend  de  Borna  à  Stanley- 
Pool  ;  neuf,  de  Léopoldville  aux  chutes  de  Stanley  sur  le  haut  Congo  ; 
trois,  le  long  du  littoral  de  l'océan  jusqu'à  l'embouchure  du  Quilou,  et 
dix,  dans  le  bassin  de  cette  rivière;  enfin  quatre,  de  l'embouchure  du 
Quilou  à  la  limite  méridionale  de  la  colonie  française  du  Gabon  ;  ce  qui 
forme  un  total  de  37  stations. 

n  est  vrai  qu'elles  ne  sont  pas  encore  toutes  complètement  organisées, 
et  qu'il  n'y  en  a  que  quelques-unes  qui  aient  servi  de  base  à  des  tra- 
vaux scientifiques.  Jusqu'ici  il  n'y  a  guère  eu  que  les  observations  de 
Dankelmann  qui  aient  été  publiées;  la  Deutsche  Rundschau  fur 
Géographie  und  Statistik,  de  Vienne,  a  donné  quelques  extraits  du 
journal  deSchaumann;  le  D' Joseph  Chavanne  travaille  actuellement 
au  relevé  scientifique  du  pays  occupé  par  les  stations  du  bas  Congo, 
et  l'on  peut  espérer  qu'il  sera  chargé  de  dresser  également  la  carte  du 
cours  moyen  du  fleuve,  ainsi  que  celle  du  bassin  du  Quilou,  sur  lequel 
on  n'a  jusqu'ici  que  des  renseignements  provisoires. 

n  est  naturel  que,  partout  oîi  le  fleuve  est  navigable,  les  stations  de 
ses  rives  soient  reliées  entre  elles  par  cette  voie  de  communication  déjà 
sillonnée  de  bateaux  à  vapeur,  au  moyen  desquels  Stanley  a  pu  faire,  en 
dehors  de  la  chaîne  des  stations^  des  explorations  sur  tels  ou  tels 
affluents  de  gauche  et  de  droite  du  Congo.  Dans  les  parties  du  pays  oii 
le  fleuve  est  coupé  par  des  rapides  ou  des  cataractes  infranchissables 
pour  des  steamers,  les  stations  sont  reliées  entre  elles  par  une  route  : 
c'est  le  cas  pour  Vivi  et  Isanghila,  Manyanga  et  Léopoldville.  Enfin  un 
chemin  de  fer  à  voie  étroite  relie  la  rive  droite  du  Congo  à  Vivi,  en 
attendant  que,  selon  le  désir  de  Stanley,  la  partie  maritime  du  bas 
fleuve  soit  mise  en  communication  directe,  par  une  voie  ferrée,  avec 
Stanley-Pool. 

Généralement,  les  emplacements  des  stations  sont  des  mieux  choisis, 
mais  ce  qui  importait  le  plus,  c'était  qu'elles  y  fussent  établies  d'une 
manière  solide,  avec  l'agrément  des  indigènes  et  des  chefs,  et  en  vertu 
de  contrats  régulièrement  conclus  avec  les  possesseurs  du  sol.  A  cet 
effet  Stanley  fit  des  traités  avec  les  natifs,  et  obtint  d'abord,  au  moyen 
d'achats,  la  souveraineté  et  le  gouvernement  de  toutes  les  tribus,  de 


—  259  — 

Borna  jusqu'à  Stanley-Pool,  même  jusqu'au  Quango,  et  plus  tard,  celui 
de  toutes  les  principales  tribus  jusqu'aux  chutes  de  Stanley.  Ces  traités 
seront  sans  doute  communiqués  à  la  Conférence  de  Berlin.  Stanley 
n'était  pas  autorisé  à  les  montrer  à  li^'Chambre  du  commerce  de  Lon- 
dres, mais  voici  ce  qu'il  en  a  dit  :  «  Nous  avons  fait  ces  traités  aussi 
stricts  que  possible,  pour  que  personne  ne  puisse  entrer  dans  la  vallée 
du  Congo  sans  notre  assentiment,  que  personne,  soit  missionnaire  pro- 
testant ou  catholique,  soit  commerçant,  voyageur,  chasseur  ou  touriste, 
ne  puisse  pénétrer  dans  le  pays  et  nous  faire  du  mal.  Ces  traités  nous 
concèdent  tous  les  droits  que  possédaient  les  natifs  :  de  trafiquer, 
d'exploiter  les  mines,  de  planter,  de  semer,  de  bâtir  des  maisons,  et  de 
décider  qui  viendra  dans  le  pays.  Nous  n'avons  rien  laissé  aux  natifs  qu'ils 
puissent  donner  à  qui  que  ce  soit,  sous  quelque  prétexte  qu'il  se  présente 
ou  quelle  que  puisse  être  sa  profession;  Le  sort  du  pays  a  été  remis  à 
l'Association.  Des  agents  politiques  ne  peuvent  plus  avoir  recours  à  un 
déguisement;  fls  ne  peuvent  plus  s'adresser  directement  à  l'indigène 
naïf;  il  faut  qu'ils  viennent  à  l'agent  de  l'Association  internationale,  qui 
les  interrogera  sur  leurs  intentions. 

«  Si  le  commerçant  vient  pour  trafiquer,  qu'il  le  fasse  sans  crainte 
d'être  molesté  par  des  blancs  ou  par  des  noirs.  Si  le  missionnaire  vient 
pour  prêcher  ou  pour  enseigner,  il  sera  le  bienvenu,  l'Association  lui 
aidera  autant  qu'eîle  le  pourra.  Si  un  voyageur  vient  pour  faire  une 
exploration,  le  pays  est  ouvert  devant  lui,  qu'il  voyage,  qu'il  observe, 
qu'il  chasse,  qu'il  aille  où  il  veut,  il  est  aussi  libre  dans  le  pays  que  si 
celui-ci  lui  appartenait.  Si  un  homme  Vient  pour  coloniser,  on  lui  donne 
conseil,  aide  et  protection  ;  mais  l'intrigue  politique  ne  pourra  trouver 
place  au  Congo  ni  maintenant  ni  plus  tard. 

«  Nous  avons  fondé  un  État,  et  c'est  à  nous  qu'il  appartient  de  l'en- 
tourer des  mesures  propres  à  le  garantir  contre  toute  espèce  de  trou- 
bles, pendant  sa  période  d'enfance  et  de  faiblesse.  » 

A  ceux  qui  s'étonnent  que  Stanley  se  soit  attribué  le  droit  d'acheter 
la  souveraineté  sur  un  territoire  aussi  vaste,  à  si  bon  marché  :  tant  de 
mètres  d'étoffe,  tant  de  vêtements  militaires,  de  bouteilles  de^gin,  de 
couteaux,  d'anneaux  de  laiton,  de  perles  de  verre,  de  mouchoirs  de 
coton,  il  répond  qu'il  a  trouvé  les  prix  demandés  exorbitants,  la  souve- 
raineté qu'il  a  achetée  étant  improductive  dans  les  mains  des  natifs,  et 
ayant  dû  être  mise  en  activité  pour  devenir  rémunératrice.  «  Nous  avons 
payé,  .»  ajoute-t-il,  «  pour  ce  privilège,  plusieurs  vies  d'hommes  de 
mérite,  cinq  années  de  travail,  et  environ  un  demi-mUlion  délivres  ster- 


—  260  — 

ling.  Nous  avons  dû  traiter  avec  environ  500  chefe,  grands  et  petite, 
dont  chacun  a  reçu  ce  qu'il  demandait  ;  plus  d'une  centaine  d'entre  eux 
reçoivent  une  pension  à  vie,  et  leurs  héritiers  et  successeurs  y  ont  droit 
de  par  les  traités.  Nous  avons  promis  que  nous  les  protégerions  contre 
tout  ennui  de  la  part  de  nos  gens,  de  celle  des  étrangers  et  de  celle  de 
leurs  voisins  plus  forts.  Nous  ferons  ensorte  que  les  blancs  soient  justes 
à  leur  égard.  C'est  dans  notre  intérêt  mutuel  ;  car,  sans  eux,  nous  ne 
serions  rien,  et  sans  nous,  les  liens  qui  les  unissent  les  uns  aux  autres 
seraient  rompus  ;  ils  redeviendraient  ce  qu'ils  étaient  auparavant  :  des 
gens  disséminés,  pillés,  faibles,  des  communautés  de  sauvages. 

«  Nous  formons  doncun  État  qui,  de  notrestationinférieuresurleCongo, 
jusqu'aux  chutes  de  Stanley,  s'étend  sur  une  longueur  de  plus  de  2,000 
kilom.,  avec  une  largeur  qui  varie  de  300  à  700  kilom.,  et  peut  exercer 
son  influence,  de  l'Océan  jusqu'au  Tanganyika,  et  des  sources  du  Cassai 
à  ceUes  du  Timbiri,  soit  sur  une  population  d'environ  40,000,000  d'habi- 
tants. 

a  L'Association  proclamera  la  liberté  du  commerce  en  faveur  de  toutes 
les  nations  :  les  États  libres  dm  pongo  seront  ouverts  h  la  France,  au 
Portugal,  à  la  Grande  Bretagne,  à  l'Allemagne,  à  l'Amérique,  à  l'Au- 
triche, à  l'Italie,  à  tous  les  peuples.Un  chemin  de  fer  sera  immédiatement 
construit  pour  relier  le  bas  fleuve  avec  le  Congo  supérieur,  et  alors, 
mais  seulement  alors,  commencera  réellement  la  propagande  civilisa- 
trice, par  le  développement  du  commerce  et  de  l'industrie,  et  par  la 
mise  en  valeur  de  ce  qui  jusqu'ici  était  improductif.  Jusqu'à  ce  que  l'on 
puisse  atteindre  le  haut  Cougo  par  un  chemin  de  fer,  et  que  la  liberté 
commerciale  soit  garantie,  les  millions  de  kilomètres  carrés  inaccessibles 
aujourd'hui  et  invendables  sont  sans  valeur.  Dans  l'état  actuel  des 
choses,  l'ivoire  même,  un  des  principaux  produits  du  pays,  ne  vaut 
rien  ;  les  bénéfices^  qu'on  en  retirerait  seraient  la  proie  des  voleurs,  qui 
déroberaient  d'abord  les  marchandises  et  ensuite  l'ivoire  lui-même.  Jus- 
qu'ici l'Association  n'a  fait  que  préparer  les  voie^  ;  mais  avant  de  s'en- 
gager dans  l'œuvre  civilisatrice  proprement  dite,  il  est  nécessaire  que 
les  nations  européennes  s'entendent  entre  elles  et  s'engagent  à  ne  pas 
intervenir  dans  ce  projet  de  l'Association.  Le  capital  nécessaire  pour 
cette  entreprise  est  si  considérable,  qu'il  faut  l'entourer  de  sécurités  et 
de  garanties  ;  le  capital  est  timide  et  il  fuit  instinctivement  devant  h 
violence  et  le  danger.  »  , 

Pour  le  moment,  des  hommes  éminents  préparent  une  constitution  en 
faveur  des  États  libres  du  Congo.  Quand  elle  sera  élaborée,  le  bassin  du 


—  261  — 

Congo,  avec  ses  millions  d'habitants,  recevra  un  nom  d'État,  qui  pren- 
dra la  place  de  ce  qui  porte  aujourd'hui  le  nom  d'Association  internatio- 
nale du  Congo  f  celle-ci  sera  dissoutes  lUn  programme  de  gouvernement 
sera  rédigé,  et  l'on  fera  coimattre  les  voies  et  moyens  les  meilleurs  pour 
pourvoir  à  ^admini^tration.  Alors,  suivant  Stanley,  on  comprendra  que 
les  fonctionnaires,  la  police,  l'armée  et  la  marine,  pourront  être  entre- 
tenus sans  tarifs  ni  droits  de  douane. 

Quant  aux  perspectives  que  l'ouverture  du  Congo  à  la  libre  navigation 
peut  oflfrir  aux  entreprises  commerciales  et  industrielles,  Stanley  a  indi- 
quée la  Chambre  du  commerce  de  Londres  les  ressources  que  le  bassin 
de  ce  fleuve  peut  fournir.  De  Bolobo  aux  chutes  de  Stanley  et  le  long  des 
affluents  :  le  Louloungou,  l'Ikélemba,  l'Itimbiri,  le  Loubilache,  le 
Mboura,  l'Arououimi,  et  le  Mbourgou,  l'huile  de  palme  et  le  caout- 
chouc abondent,  ainsi  que  rorseil]e,la  gomme  copal,  etc.  Si  la  région  du 
Vieux-Calabar  fournit  500  tonnes  d'huile  de  palme  par  semaine,  les  ter- 
ritoires du  Congo  devraient  en  fournir  10,000. 

Le  développement  pris  par  les  factoreries  dans  le  bas  fleuve,  depuis  le 
commencement  de  l'œuvre  du  Congo^  permet  de  prévoir  celu^  que  pren- 
drait le  comnjerce,  si  la  liberté  de  navigation  était  consacrée  parle  Con- 
grès de  Berlin.  Le  nombre  des  factoreries  européennes  a  au  moins  qua- 
druplé. Il  en  a  été  établi  sur  tous  les  points  qui  offraient  des  avantages 
rémunérateurs  ;  d'oîi  il  résulte  que  les  indigènes  ont  déjà  appris  à  répon- 
dre à  Taugmentation  de  la  demande,  par  un  apport  plus  abondant  de 
leurs  produits. 

Les  communications  à  vapeur  de  l'Eul'ope  avec  l'embouchure  du  Congo 
se  sont  multipliées,  pour  répondre  aux  besoins  croissants  des  compagnies 
hollandaises,  anglaises  et  françaises.  Il  a  été  importé  l'année  dernière 
au  Congo,  pour  plus  de  vingt  millions  de  francs  de  marchandises  euro- 
péennes, et  il  en  a  été  exporté  pour  plus  de  quarante-six  millions  de 
produits  du  pays. 

Mais,  en  vue  du  développement  commercial,  ce  qui  importe  le  plus 
niaùitenant  c'est  l'établissement  d'une  voie  ferrée  qui  permette  de  renon- 
<^r  aux  coûteux  transports  par  caravanes  de  porteurs  entre  Stanley-Pool 
«t  Vivi.  Aussi  Stanley  insiste-t-il  spécialement  sur  ce  point.  Le  Prècur- 
«^r  d'Anvers  estime  que  les  frais  de  cette  ligne  s'élèveraient  à  quinze 
Baillions  de  francs.  ^ 

Nous  n'entretiendrons  pas  nos  lecteurs  des  discussions  soulevées  dans 
la  presse  anglaise  à  l'occasion  de  la  conférence  de  Stanley.  Les  détails 
dans  lesquels  nous  sommes  entrés  doivent  suffire  pour  faire  comprendre 


—  262  — 
riraportance  acquise  par  rœuvre.du  Congo,  ainsi  que  celle  des  résolu- 
tions que  pourra  prendre  le  congcès  qui  va  se  réunir  à  Berlin. 


vo 


LE  MAL  CAUSÉ  PAR  LES  SPIRITUEUX  EN  AFRIQUE 
ET    LES  MOYENS   D'Y  REMÉDIER 

L'on  ne  peut  que  se  réjouir  en  voyant  le  zèle  déployé  aujourd'hui  en 
faveur  de  l'Afrique,  par  toutes  les  nations  civilisées  de  l'Europe  et  de 
TAmérique.  Il  semble  que  tous  ceux  qui  ont  le  plus  à  se  reprocher  — 
Portugais,  Hollandais,  Français,  Anglais  —  tiennent  à  faire  œuvre  de 
réparation  envers  les  malheureux  descendants  de  ceux  qui  ont  eu  tant  à 
souffrir  de  la  traite,  et  qu'ils  veuillent  les  relever  par  tous  les  moyens 
en  leur  pouvoir.  Écoles,  missions,  soins  médicaux,  commerce,  industrie, 
tout  est  mis  à  leur  portée,  pour  les  faire  bénéficier  tout  d'un  coup  des 
avantages  que  nos  peuples  civilisés  n'ont  réalisés  qu'après  des  siècles 
d'efforts  et  de  progrès.  D  y  a  devoir  de  la  part  des  races  supérieures,  à 
communiquer  aux  inférieures  les  (biens  matériels  et  spirituels  dont  elles 
jouissent,  et  nous  sommes  heureux  de  voir  que  cette  obligation  est  assez 
généralement  comprise. 

Cependant,  en  même  temps  que,  de  toutes  parts,  on  travaille  à  répa- 
rer les  maux  causés  aux  Africains  par  la  traite,  à  faire  disparaître  complè- 
tement celle-ci  de  toutes  les  parties  du  continent  où  elle  subsiste  encore, 
à  supprimer  l'esclavage  et  à  lui  substituer  le  travail  libre,  à  remplacer 
la  polygamie  par  la  famille  et  le  cannibalisme  par  le  respect  de  la  vie  et 
de  la  personne  d'autrui,  l'introduction  des  spiritueux,  par  les  voies 
ouvertes  jusqu'au  cœur  du  continent,  peut  compromettre  tous  les  tra- 
vaux entrepris  pour  le  relèvement  des  indigènes  ;  elle  peut  même  plon- 
ger ceux-ci  dans  un  esclavage  pire  que  celui  dont  on  les  avait  délivrés» 
et  rendre  leur  régénération,  sinon'  impossible,  du  moins  extrêmement 
douteuse  et  difficile. 

Nous  connaissons  les  maux  causés  à  nos  sociétés  civilisées  par  les 
boissons  alcooliques,  les  ruines  physiques,  intellectuelles  et  morales 
qu'elles  accumulent  dans  les  famiUes,  dans  les  communes,  dans  les 
États  ;  c'est  au  point  que  la  société,  menacée  d'être  replongée  dans  la 
barbarie  par  ceux  qui  sont  devenus  les  esclaves  des  spiritueux,  doit, 
p5ur  prévenir  un  plus  grand  mal,  recourir  à  des  mesures  légales  contre 
les  abus  de  la  boisson,  pendant  qu»  des  associations  et  des  philanthropes 
emploient  des  moyens  individuels  et  collectif  pour  relever  ceux  qiu 


--  263  — 

sost  tombés.  Mais  les  boissons  alcooliqueis  importées  chez  les  indigènes 
de  l'Afrique  sont  encore  plus  pernicieuses  que  chez  nous,  d'autant 
qu'elles  sont  présentées  à  des  êtres  moins  forts  pour  résister  à  la  tenta- 
tion, et  déjà  prédisposés  à  boire  avec  excès,  par  l'usage  et  même  l'abus 
des  boissons  fermentées  qui  leur  sont  propres. 

Sous  ce  rapport,  il  y  a  une  distinction  à  établir  entre  les  parties  sep- 
tentrionale et  méridionale  de  l'Afrique,  entre  les  populations  sur  les- 
quelles s'est  étendue  l'influence  du  mahométisme  et  celles  qui  ne  l'ont  pas 
encore  subie. 

Sans  doute,  avant  la  conquête  musulmane,  les  indigènes  du  nord  de 
l'Afrique  avaient  l'usage  du  Vin  de  palmier,  et,  malgré  les  prescriptions  du 
Coran,  des  sectateurs  de  l'islamisme  trouvent  le  moyen  d'abuser  de  la 
boisson  rafraîchissante  qu'ils  tirent  de  la  sève  du  palmier.  Cependant 
l'on  peut  dire  d'une  manière  générale  que,  chez  les  Africains  devenus 
disciples  de  Mahomet,  l'ivrognerie  n'apparaît  qu'exceptionnellement. 
Aussi  les  musulmans  exercent-ils,  par  l'exemple  de  leur  sobriété,  une 
influence  heureuse  sur  les  populations  du  nord  du  continent,  supérieurs 
à  cet  égard  à  beaucoup  d'Européens,  qui  ne  peuvent  être  proposés 
comme  des  modèles  de  tempérance,  ni  en  Algérie,  ni  en  Egypte,  ni  à  la 
côte  de  Guinée.  L'autre  jour  encore  le  Moniteur  de  V Algérie  '  signalait 
le  progrès  continu  de  l'alcoolisme  dans  l'élément  européen  de  la  colonie, 
conmie  une  des  causes  qui  contribuent  le  plus  à  l'accroissement  de  la 
criminalité  et  de  l'aliénation  mentale.  Quoiqu'il  soit  assez  difScile 
d'établir  une  statistique,  même  approximative,  des  quantités  de  bois- 
sons diverses  consommées  en  Algérie,  parce  qu'il  n'y  a  pas  de  contrôle 
sérieux  pour  les  liquides  fabriqués  sur  place,  cependant  le  nombre,  tout 
à  fait  disproportionné  avec  ]e  chifire  des  habitants,  des  débits  et  des  cafés, 
jusque  dans  les  centres  les  plus  petits,  et  l'importance  du  chifire  des 
clients  qui  fréquentent  ces  établissements  sufBsent,pour  permettre  d'af- 
firmer que  le  goût  de  la  boisson  est  très  répandu  dans  la  colonie.  Le 
mCme  journal  fait  remarquer  que  le  ncmbie  des  aliénés  et  des  criminels 
tend  à  s'accroître  dans  des  proportions  inquiétantes  parmi  la  population 
arabe,  et  que  cette  augmentation  de  l'aliénation  et  de  la  criminalité 
correspond  au  progrès  de  l'alcoolisme  ;  il  ajoute  que,  si  une  consomma- 
tion exagérée  d'un  liquide  est  déjà  par  elle-mfme  une  très  mauvaise 
chose,  le  d  anger  se  centuple  lorsque  ce  liquide  falsifié  est  devenu  un 

'  Tous  Ips  faits  que  nous  citons  dans  cet  âMiclesont  appuyés  sur  des  documents 
authentiques. 


—  264  — 

véritable  poison.  Or  telle  est  la  généralité  des  boissons  qui  se  débitent 
en  Algérie,  p^r  suite  d'une  tolérance  blâmable,  d'une  négligence  inquali- 
fiable, ti. 

Nous  ne  voudrions  pas  répéter  tout  ce  que  M.  Bainier,  dans  son 
volume  sur  l'Afrique,  dit  des  vices  des  Européens:  Maltais,  Grecs,  Italiens, 
etc.,  fixés  en  Egypte,  qui,  d'après  lui,  sont,  k  peu  d'exceptions  près, 
ivrognes  et  viveurs,  et  auxquels  le  clima^t  fait  souvent  payer  cher  ces 
vices  qu'il  ne  tolère  pas.  Mais  nous  rappellerons  qu'au  Soudan,  alors  que 
la  plupart  des  étrangers  quittaient  Khartoum  menacé  par  les  troupes 
du  Mahdi,  les  Grecs,  débitants  d^  liqueurs,  Jurent  à  peu  près  les  seuls 
qui  ne  voulurent  pas  abandonner  leurs  boutiques.  Dans  la  statistique  de 
l'importation  à  Alexandrie,  un  des  chiffres  les  plus  forts  est  celui  des 
vins  et  liqueurs,  principalement  destinés  à  la  colonie  européenne  et  aux 
grands  personnages. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  y  a  à  l'égard  des  boissons  fermentées  une  grande 
différence  entre  le  nord  de  l'Afrique,  oii  l'abus  ne  règne  généralement 
pas  parmi  lesnati&,et  la  partie  méridionale  du  continent,  oU  l'usage  du 
pombé,  la  bière  indigène,  consMitnô  en  quantité  considérable  dans 
toutes  les  occasions  importantes  de  la  vie,  donne  lieu  à  toutes  sortes  de 
désordres  et  de  crimes. 

Non  pas  qu'il  n'y  ait  point  de  populations  qui  faussent  exception,  témoin 
les  Zoulous  de  Cettiwayo,  au  dire  de  leur  roi,  lors  de  l'entrevue  qu'eurent 
avec  lui  les  délégués  de  la  Société  de  tempérance  d'Angleterre  ;  témoin 
encore  les  Ba-Mangwato  du  royaume  de  Ehama,  qu'un  souverain  sage 
et  ferme  a  su  garantir  des  maux  que  l'importation  des  liqueurs  par  les 
blancs  et  la  fabrication  de  la  bière  indigène  leur  auraient  causés. 

Mais  les  natiÊ  de  l'Afrique  méridionale  sont  généralement  disposés 
à  faire  abus  de  pombé;  leurs  fêtes  sont  presque  toujours  l'occasion 
de  libations  abondantes,  et  trop  souvent  les  voyageurs  sont  obligés  de 
signaler  l'ivresse  dans  laquelle  tel  ou  tel  chef  se  trouvait  !ors  de  leur 
passage  dans  ses  États.  Q  en  est  peu  qui  aient  la  sagesse  de  Mirambo. 
Gonmie  tous  les  jeunes  gens  qui  l'entourent,  il  avait,  avant  d'assumer  la 
responsabilité  du  pouvoir,  l'habitude  de  boire  le  pombé  ;  devenu  roi,  il 
y  renonça  pour  to^jours,  en  disant  :  c  si  je  bois  du  pombé,  je  ne  pourrai 
pas  bien  gouverner  mon  peuple,  ni  faire  toutes  mes  affaires.  »  Dès  lors, 
rapporte  un  missionnaire  de  la  Société  de  Londres,  il  s'est  abstenu  de 
toute  boisson  enivrante.  ^ 

Toutefois,  si  l'effet  produit  ^Tar  l'abus  de  la  boisson  indigène  est 
fâcheux,  il  n'est  pas  comparable  à  celui  des  boissons  spiritueuses  impor- 


—  265  — 

tées  d'Europe  et  d'Amérique,  ou  fabriquées  par  des  colons  blancs  sur  le 
continent  ou  dans  telle  des  lies  qui  en  dépendent.  Il  ne  décime  pas  les 
populations,  il  n'agit  pas  violemment  sur  les  natife  comme  le  font  les 
liqueurs  fabriquées  dans  les  pays  civilisés,  et  Ton  peut  dire  que  jamais 
les  indigènes  n'auraient  été  ce  qu'ils  sont  devenus  dans  certains 
cas,  sans  l'importation  des  spiritueux  par  les  blancs  qui,  sur  presque 
tous  les  points  de  la  côte  d'Afrique,  du  Sénégal  à  Zanzibar,  abusent  de 
leur  supériorité  pour  ruiner  corps  et  âme,  par  leurs  boisson^  enivrantes, 
ces  noirs  qui,  de  leur  côté,  ne  leur  donnent  en  échange  que  des  produits 
utiles  :  huile  de  palme,  ivoire,  caoutchouc,  plumes  d'autruche,  etc. 

A  l'exception  de  la  nouvelle  colonie  allemande  d'Angra-Pequena,  où 
les  missionnaires  de  la  Société  rhénane  ont  pu  obtenir  de  l'acquéreur 
qu'il  n'introduirait  aucun  spiritueux,  dans  toutes  les  possessions,  des 
Européens:  françaises,  anglaises  et  portugaises,  et  dans  toutes  les  fac- 
toreries établies  sur  des  territoire  dont  les  chefs  indigènes  ont 
encore  conservé  leur  indépendance,  vous  trouvez  partout,  à  côté  des 
marchandises  d'échange,  les  boissons  alcooliques  :  vins,  tafia,  gin,  rhum, 
eau-de-vie,  liqueurs  fortes.  A  Sierra  \iéone  comme  à  Libéria,  à  Lagos 
comme  au  Gabon,  à  Ambriz  comme  à  Mozambique,  les  spiritueux  impor- 
tés de  France  et  d'Angleterre,  de  l'Amérique  du  Nord  aussi  bien  que  de 
la  Hollande  et  de  Hambourg,  affluent  en  quantité  toujours  plus  consi- 
dérable. C'est  comme  un  fleuve  dont  les  flots  augmentent  chaque  année, 
et  menacent  de  destruction  les  malheureux  que  les  philanthropes  et  les 
missionnaires  cherchent  à  relever,  a  Nous  nous  arrêtons  de  un  à  cinq 
jours,  disait  récemment  un  correspondant  ielaDeutscJ^Bundschau/ur 
Géographie  und  Statistik  de  Vienne,  dans  chacun  des  petits  ports  de  la 
côte  de  Guinée,  pour  décharger  de  l'eau-de-vie  et  changer  de  l'huile  de 
palme  et  du  caoutchouc,  à  Sierra-Léone,  au  Gap  des  Palmes,  à  Accra, 
à  Cape-Coast  Gastle,  à  Whydah,  à  Bénin,  à  Bonny.  L'Anglais  envoie 
un  missionnaire  dans  chaque  village  nègre,  mais  en  même  temps  des 
masses  d'eau  de  feu,  de  la  pire  espèce,  du  pur  acide  sulfurique  coupé 
d'eau  et  de  sucre.  Aussi  personne  ne  doit  s'étonner  si  les  nègres  des 
stations  missionnaires  anglaises  ont  échangé  leur  nature  primitive  insou- 
ciante contre  tous  les  vices  de  la  population  européenne,  s  Au  Gabon, 
tel  missionnaire  ne  peut  parler  à  la  population  d'un  village,  parce  que 
l'eau-de-vie  y  circule  sans  interruption.  Presque  tous  les  traités  conclus 
avec  les  chefs  indigènes  pour  obtenir  une  concession,  soit  pour  une  fac- 
torerie, soit  pour  un  établissement  quiconque,,  contiennent  une  clause 
d'après  laquelle  le  concessionnaire  devra  payer  une  redevance  dans 


—  266  — 

laquelle  ne  manque  pas  de  figurer  un  chiffre  quelconque  de  bouteilles 
d^eau-de-vie.  Là  où  les  chefs  en  interdisent  Tintroduction  dans  leurs 
États,  comme  chez  Ehama  et'^ez  les  Ba-Souto,  les  trafiquants  en 
importent  en  contrebande,  ou  bien  ils  profitent  des  guerres,  pour  faire 
suivre  les  armées  des  blancs  envahisseurs  du  pays,  par  leurs  agents 
qui  y  sèment  la  dissolution  et  la  mort  spirituelle,  pendant  que  le  fer 
et  le  feu  y  amoncellent  les  ruines  matérielles.— Ou  bien,  comme  à  Kim- 
berley,  ou  le  long  des  chantiers  ouverts  pour  la  construction  des  voies 
ferrées,  ils  vont  dresser  leurs  cantines,  oti  les  ouvriers  noirs  s'empressent 
de  venir  demander  cet  excitant  qui,  après  avoir  stimulé  un  instant  leurs 
forces,  les  fait  tomber  dans  un  état  de  torpeur  et  d'hébétement  ;  sanspar- 
1er  des  crimes  auxquels  il  les  pousse,  ni  des  guerres  nombreuses  dont 
Tusage  des  liqueurs  fortes  a  été  rorigine.  Dans  la  discussion  qui  a  eu 
lieu  dernièrement  au  Parlement  de  la  Colonie  du  Gap,  le  D' Atherstone 
n'a  pas  craint  de  dire  qu'aucun  règlement  ne  pourrait  être  trop  sévère 
pour  faire  disparaître  l'habitude  de  la  boisson  parmi  les  natifs  des 
frontières,  car  c  c'est  elle,  »  a^t-il  ajouté ,  a  qui  a  été  la  cause  de 
presque  toutes  les  guerres  avec  téS  indigènes  et  qui  a  occasionné  plus  de 
la  moitié  des  frais  pour  les  gouverner.  » 

M.  Dempster,  inspecteur  sanitaire  aux  mines  de  diamants^  rapporte 
qu'un  dimanche,  entre  onze  heures  et  midi,  il  ne  compta  pas  moins  de 
317  natifs,  tous  dans  un  état  d'ivresse  qui  les  rendait  insensibles  ou  vio- 
lents. Et  a  ce  chiffre  s,  ajoute-t-il,  «  ne  représente  pas  tous  ceux  qui 
étaient  sous  l'influence  de  la  boisson.  J'en  ai  vu  des  centaines  d'autres  qui 
évidemment  avaient  bu.  Cependant,  la  première  et  la  seconde  année 
après  l'ouverture  des  mines  de  diamants,  l'ivrognerie  y  était  presque 
inconnue  parmi  les  natifs.  Aujourd'hui  la  plupart  des  maladies  des 
indigènes  proviennent  de  la  boisson,  dans  certains  cas  directement,  dans 
beaucoup  d'autres  indirectement,  car  ils  ont  l'habitude  de  dépenser  tout 
leur  salaire  entre  le  samedi  et  le  lundi,  ne  réservant  rien  pour  leur  nour- 
riture et  leurs  vêtements.  » 

«  Avant  l'application  de  la  nouvelle  loi  sur  les  liqueurs  »,dit  l'^^pre^^ 
de  l'État  libre  de  l'Orange,  «  la  moralité  des  indigènes  était  sérieusement 
compromise  par  le  contact  de  la  civilisation.  On  voyait  d'ordinaire,  le 
jour  de  l'an,  les  rues  remplies  dé  vagabonds,  hommes  et  femmes,  rendus 
à  moitié  fous  par  les  effets  de  l'eau  de  feu,  portant  sur  leur  visage  les 
marques  de  la  maladie.  Des  AàAs^  indécentes,  ordinairement  confinées 
dans  des  endroits  retirés,  s'étalaient  alors  au  milieu  de  nous,  présentant 
la  vie  et  les  mœurs  des  natifs  sous  une  forme  de  mauvais  augure  pour 
l'avenir  de  notre  population  de  couleur.  » 


—  267  — 

Le  mal  ae  se  limite  pas  aux  populi^tions  des  territoires  oii  sont  les 
factoreries  ou  sur  lesquels  les  blancs  exercent  Tautorité  ;  il  se  répand  h 
rintérieur,  par  les  trafiquants  qui  y  pénètrent  bien  au  delà  des  frontières 
des  colonies  actuelles,  et  par  les  indigènes  qui  viennent  à  la  côte 
soit  pour  apporter  à  la  factorerie  les  produits  du  pays,  soit  pour  travail- 
ler im  certain  temps  dans  les  centres  industriels  ;  quand  ils  retour- 
nent dans  leur  tribu,  ils  emportent  avec  eux  la  déplorable  habitude  con- 
tractée dans  leurs  rapports  avec  les  blancs,  au  lieu  d'avoir  pris  le  goût 
d'un  travail  honnête  et  rémunérateur. 

Beaucoup  de  chefe  ne  veulent  pas  permettre  à  leurs  gens  d'aller  aux 
mines  de  diamants  pour  y  chercher  de  Tou vrage,  parce  que,  disent-ils ,  «  on 
y  devient  esclave  de  la  boisson,  ou  Ton  en  revient  complètement  démo- 
ralisé. »  Les  missionnaires  du  Le-Soutp  et  duTransvaal  ont  fait  la  même 
observation  k  Tégard  des  natifs  qui  ont  quitté  les  stations  où  ils  avaient 
grandi;  et  que  Tappât  du  gain  avait  t^ttirés  à  Kimberley  ou  à  telle  autre 
exploitation  minière. 

Les  tles  qui  dépendent  de  T  Afrique  Q!échappent  pas  à  ce  fléau.  Il  sem- 
ble au  contraire  qu'il  y  sévisse  encore.plus  que  sur  le  continent.  C'est  h 
Madagascar  qu'il  exerce  le  plus  de  ravages.  Déjà  en  1875,  le  Rev. 
J.  MuUens,  après  une  tournée  d'inspection  parmi  les  églises  presby- 
tériennes de  la  Grande  Terre,  constatait  la  quantité  énorme  de  spiritueux 
qu'on  y  importait.  «  Nous  avons  vu  »,  disait-il,  «  à  toute  heure  du  jour, 
rouler  dans  la  principale  rue  de  Tamatave  des  barils  de  rhum,  et  la  plage, 
où  ils  étaient  rangés  par  douzaines,  eg  était  couverte.  Chez  les  petits 
trafiquants  créoles  aussi  bien  que  chez  les  grands  négociants  anglais,  la 
cannette  vient  toujours  après  la  barrique.  Il  en  résulte  souvent  des 
scènes  de  désordre  et  de  dégradation.  Toutes  les  villes  situées  sur 
la  côte  sont  infestées  par  cette  liqueur  et  par  ces  exemples  diaboli- 
ques. Quand  donc  les  Anglais  et  les  Américains  voudront-ils  compren- 
dre que  c'est  un  crime  que  de  débaucher  et  de  ruiner  ces  jeunes  nations  ? 
Ne  savent-ils  pas  que  c'est  entraîner  à  leur  dégradation  immédiate  les 
tribus  ignorantes  et  sauvages,  incapables  de  comprendre  et  de  calculer 
les  terribles  conséquences  du  vice,  que  de  les  placer  en  face  de  tenta- 
tions presque  irrésistibles?  s 

Le  missionnaire  Shaw  n'a  pu  que  confirmer  ces  données  sur  le  fléau 
de  l'ivrognerie  et  sur  son  extension.  «  Souvent,  »  dit-il,  a  le  voyageur 
entrant  dans  un  village,  en  trouve  l6%>^abitants  plus  ou  moins  asservis 
à  ce  vice.  Il  m'est  parfois  arrivé  de  rencontrer  dans  une  localité,  après 
le  coucher  du  soleil,  toute  une  population  ivre,  même  les  enfants.  Plus 


—  268  — 

de  10,000  tonneaux,  de  45  gallons  chacun,  sont  importés  annuellement 
à  la  côte  orientale,  surtout  par  des  navires  anglais,  et  rAngletenre  a 
interdit  à  Madagascar  d'élever  1^  droits  d'entrée  pour  restreindre  cet 
odieux  trafic  !  » 

Mais  les  Anglais  ne  sont  pas  les  seuls  coupables  ;  les  Français  aussi 
ont  contraint  le  gouvernement  de  Madagascar  à  accepter  Timportation 
des  liqueurs  fortes,  malgré  les  protestations  les  plus  sérieuses  des  auto- 
rités. Bien  plus,  le  gouvernement  a  été  forcé,  même  après  ses  protesta- 
tions, de  recevoir  le  paiement  des  droits  en  eau-de-vie.  Toutefois,  pour 
être  conséquent  avec  ses  principes,  et  avec  sa  législation,  et  pour  arrêter 
autant  qu'il  le  pouvait  le  fléau  qiii  menace  d'inonder  le  pays,  le  gouver- 
nement hova  a  donné  l'ordre  à  ses  fonctionnaires  de  détruire  les  spiri- 
tueux, aussitôt  qu'ils  les  auraient  reçus.  Pendant  quelque  temps,  en 
effet,  les  employés  des  douanes  hovas  ont  répandu  sur  le  sable  du  rivage 
la  dixième  partie  du  rhum  importé,  qui  représentait  le  montant  des  droits 
d'importation.  Aujourd'hui  cela  ne  se  fait  plus,  et  le  rhum  a  conquis  son 
droit  d'entrée  à  Madagascar,  comme  l'opium  en  Chine. 

Lorsque,  en  1875,  le  gouvemen^ent  hova  a  essayé  de  réclamer  auprès 
de  la  philanthropique  Angleterre,  pour  demander  l'interdiction  de 
l'importation  du  rhum  dans  ses  États,  on  lui  a  répondu  que  les  intérêts 
de  la  colonie  anglaise  de  l'île  Maurice  en  souffriraient  trop  ;  exactement 
comme  on  i^pond  aux  Chinois,  lorsqu'ils  supplient  qu'on  supprime  le 
commerce  de  l'opium  :  a  Nous  voudrions  bien  faire  droit  à  votre 
demande,  mais  l'équilibre  du  budget  des  Indes  ne  nous  le  permet  pas.  » 

A  Tamatave,  avant  le  bombardement,  le  noyau  de  l'élément  étranger 
était  composé  de  créoles  des  Ûes  voisines,  de  Maurice  et  de  la  Réunion  ; 
les  natifis  étaient  des  Hovas  et  des  Betsimisaraka.  Ces  derniers  étaient 
généralement  moins  énergiques  que  leurs  conquérants  les  Hovas,  mais  la 
lenteur  de  leur  esprit  a  beaucoup  empiré  par  le  fait  de  l'énorme  impor- 
tation de  rhum  de  Maurice  ^  et  de  la  Réunion.  Dans  les  dernières  années, 
la  quantité  importée  en  a  doublé,  ainsi  que  la  valeur  de  ce  spiritueux. 
La  dégradation  des  nati&  s'est  accrue  d'une  manière  effirayante.  Il  n'y 
a  presque  pas  de  maison  de  natif  à  Tamatave  où  il  n'il  y  ait  des 
tonneaux  de  rhum  ;  la  population  décroît  rapidement  ;  les  vices  de 
toutes  sortes  augmentent  de  plu^  en  plus.  Un  grand  nombre  de  natifs 
vivent  dans  un  état  de  demi-intoxication,  et  se  sont  tellement  pion- 

*  En  1881,  il  en  a  été  importé,  de  Maurice  seulement,  plus  de  deux  millions  de 
litres. 


—  269  — 

gés  dans  le  rhum  qu'ils  sout  devenus  insensibles  à  toute  influence 
supérieure. 

La  description  que  fait  Hildebrand  dëà  villages  Sakalaves,  n'est  pas 
moins  triste,  a  Les  maisons,  »  dit-il,  a  sont  entourées,  selon  Tusage 
musulman,  d'une  haute  palissade  de  joncs;  il  n'y  a  que  les  boutiques 
d'eau-de-vie,  qu'on  trouve  dans  chaque  village,  qui  soient  toutes  grandes 
ouvertes.  On  y  voit,  assis  sur  de  misérables  bancs,  ou  accroupis  jour  et 
nuit  sur  le  sol,  des  hommes,  des  femmes,  des  vieillards,  des  jeunes 
gens,  voire  même  des  enfants.  Là  se  vident,  les  unes  après  les  autres,  les 
bouteilles  de  cette  infernale  drogue,  aux  sons  horriblement  monotones 
d'un  harmonica  étique.  Les  yeux  des  buveurs  prennent  peu  à  peu  un  aspect 
vitreux  ;  ils  finissent  par  tomber  l'un  après  l'autre  sur  le  sol  avec  un 
éclat  de  rire  stupide,  et  bientôt  on  ne  voit  plus  que  des  corps  entassés 
pêle-mêle  comme  des  cadavres,  au  milieu  de  bouteilles  cassées  et  dans  une 
atmosphère  infecte.  Voilà  la  malédiction  qui  résulte,  pour  ces-pauvres  gens 
du  contact  de  la  prétendue  civilisation  sans  l'ÉvangUe  avec  les  races 
indigènes.  Voilà  comment  on  civilise  des  nations  en  les  tuant  !  » 

«  Le  plus  grand  obstacle  à  la  civilisation  à  Madagascar  j>  écrit  encore 
le  missionnaire  Shaw,  «  c'est  le  trafic  du  rhum.  C'est  lui  qui  y  a  ruiné 
le  vrai  commerce.  Il  se  vend  toujours  et  avec  profit  ;  il  est,  selon  le  lan- 
gage d'un  trafiquant  de  Madagascar,  aussi  bon  que  de  l'argent  comp- 
tant. Mais  l'énergie  de  la  population  diminue  ;  elle  descend  à  une  con- 
dition qui  ne  vaut  guère  mieux  que  celle  de  la  brute,  sans  désirer  mieux 
que  ce  qu'a  cette  dernière.  Les  Madécasses  avaient  des  aptitudes  com- 
merciales, mais  elles  leur  ont  été  ravies  par  le  commerce  des  spiritueux. 
On  a  ainsi  tué  la  poule  aux  œufs  d'or.  » 

n  y  aurait  encore  beaucoup  à  dire  sur  les  effets  produits  chez  les 
indigènes  par  l'importation  des  spiritueux  des  peuples  civilisés,  sur  les 
turpitudes  qu'on  les  entraîne  à  commettre  pour  se  procurer  du  rhum  ou 
de  l'eau-de-vie,  sur  l'augmentation  de  maux  qu'y  ajoutent  les  condi- 
tions climatologiques  de  régions  souvent  insalubres,  sur  la  paresse  que 
leur  reprochent  les  blancs  et  qui  souvent  ne  leur  est  pas  imputable,  car 
enfin  ce  sont  les  blancs  qui,  par  les  boissons  qu'ils  leur  présentent, 
ruinent  leur  santé,  leur  volonté,  et  les  rendent  incapables  de  travailler. 
Mais  nous  en  avons  dit  assez  sur  le  mal,  sur  son  extension,  sur  ses 
auteurs  ;  un  mot  encore  cependant  avant  de  passer  à  la  recherche*des 
moyens  d'y  remédier.  On  s'indignerait  contre  celui  qui  vendrait  des 
spiritueux  à  un  enfant,  et  l'on  demeurerait  froid  ou  indifférent  en  pré- 
sence de  l'épouvantable  importation  qui  s'en  fait  au  milieu  de  ces  grands 
enfants  qui  s'appellent  les  noirs  !  On  proteste  contre  l'esclavage  et  la 


—  270  — 

traite,  et  Ton  n'aurait  pas  un' mot  contre  ce  trafic  qui  fait  descendre  la 
race  noire  plus  bas  encore  que  ne  l'ont  fait  la  tyrannie  du  maître  ou  la 
rapacité  des  traitants  !  Dans  Tésiftavage,  le  malheureux  peut  conserver 
encore  la  conscience  de  ses  droits,  de  sa  dignité,  ses  sentiments  de 
famille,  comme  époux,  père,  fils  ou  frère  ;  chez  l'ivrogne,  tous  ces  titres 
de  noblesse  ont  disparu,  et,  comme  chez  le  fumeur  d'opium  qui,  pour 
satisfaire  sa  passion,  méconnaît  complètement  ses  devoirs  envers  les 
siens,  vous  chercheriez  vainement  chez  les  noirs  abrutis  par  l'abus  des 
spiritueux,  la  moindre  trace  de  vie  supérieure;  c'est  la  mort  de  l'esprit, 
de  l'âme  et  du  cœur,  avant  la  mort  du  corps  et  la  dissolution  des  élé- 
ments qui  le  composent  !  (.4  suivre.) 


CORRCSPONDANCE 

Une  exeorslon  en  chemin  de  fer  «a  Sénégal. 

Monsieur  le  Directeur, 

Je  viens  de  faire  une  excursion  k  Lou^a,  actuellement  station-terminus  du  che- 
min de  fer  de  Saint-Louis  à  Dakar,  et  peut-être  que  quelques  notes  rapides  vous 
intéresseront. 

Nous  arrivons  à  la  gare,  M.  Debeux,  le  seul  horloger  de  Saint-Louis,  et  moi,  un 
peu  avant  6  h.  du  matin,  pour  prendre  le  seul  train  qui,  quotidiennement,  quitte 
Saint-Louis  pour  y  rentrer  le  soir,  aussi  à  6  h.  La  gare  nous  rappelle  absolu- 
ment les  jolies  gares  de  Suisse  et  de  France;  en  y  entrant,  on  oublierait  qu'on  est 
au  Sénégal,  si  une  vraie  cohue  d'indigènes,  hommes,  femmes,  enfants,  chargés  de 
sacs,  d'outrés  de  peaux  de  boucs,  de  calebasses  énormes  renfermant  un  monde  de 
choses,  ne  vous  le  rappelait  suffisamment.  Moyennant  deux  sous,  les  calebasses  et 
autres  obj«ts  encombrants  passent  dans  le  wagon  de  service;  mais  quelle  bouscu- 
lade et  quels  cris  lorsqu'il  s'agira  pour  chacun  de  reconnaître  son  bien  !  Point  de 
marques  ni  d'étiquettes  :  A  qui  le  sac  ?  —  A  moi  —  et  tout  est  dit. 

De  70  à  80  personnes  prennent  le  train  ;  tous  les  wagons,  sauf  un,  sont  bondés. 
Ces  wagons  nous  paraissent  petits,  bien  étroits  surtout,  en  comparaison  de  ceux  à 
voie  normale.  Ils  sont  du  système  américain.  —  Mon  compagnon  de  route  et  moi 
étions  les  seuls  blancs,  avec  le  conducteur  du  train  et  le  chef  mécanicien. 

Nous  partons  à  6  h.  précises,  et  marchons  à  une  vitesse  de  vingt  et  quelques 
kilomètres  à  l'heure.  J'ai  été  surpris  du  nombre  des  voyageurs  indigènes  ;  le  chef 
de  train  me  disait  que  même  les  simples  cultivateurs^  qui  ont  quelque  vente  ou 
quelque  emplette  à  faire  à  Saint-Louis,  profitent  de  la  voie  ferrée.  Vraiment,  à 
juger  par  le  mouvement  actuel  et  par^ce  que  nous  avons  déjà  vu  pendant  la  der- 
nière  saison  de  traite  des  arachides  çt  autres  produits,  on  peut  à  coup  sûr  prédire 
un  important  avenir  à  cette  voie  ferrée,  lorsqu'elle  sera  ouverte  à  la  circulation 
de  Dakar  à  Saint-Louis,  et  que,  par  le  fait  même  de  son  existence,  la  sécurité  sera 
assurée,  les  cultivateurs  n'ayant  plus  à  redouter  le  pillage  et  la  guerre. 


—  271  — 

-Une  éhosequi  étonne  >aa  premier  ibord>  0'e8t  la  stabilité  de  la  ▼oie  reposant 
absolument  snr  le  sable,  un  sable  fo  eV  blanc.  Si  ce  n'étaient  les  pluies  torrentiel- 
les, qui  produisent  de  graves  érosions  et  .^cf^sitent  une  suryeillance  et  un  entre- 
tien minutieux  ,  le  maintien  de  la  Toie  serait  facile  et  peu  onéreux.  —  Le  pays  est 
absolument  plat;  Pherbe  ne  réussit  pas  à  cacher  le  sable  qui  se  montre  en  gran- 
des taches:  blan(;kes.  Voici,  sur  notre  gauche,  les  fameux  baobabs  dont  tous  les 
voyageurs  ont  parlé.  C'est  un  arbre  qui  n'est  pas  beau  et  qui  donne  plus  dWbre 
par  son  tronc  énorme  et  ses  grosses  branches  que  par  son  feuillage.  Nous  traver- 
sons un  marigot,  large  oomme  un  petit  lac  et  qui  se  perd  dans  la  brume  matinale. 
On  dirait  un  immense  miroir  d'argent  terni,  bordé  d'une  ceinture  de  palétuviers, 
au  feuillage  sombre  et  uniforme.  Voici  le  pont  de  Leybor,  puis  le  village  où  se 
trouve  le  premier  arrêt  du  train.  Peu  ou  point  de  culture;  des  mares  à  droite,  à 
gauche,  animées  par  quelques  bécassines,  quelques  martins-péoheurs  et  d'autres 
oiseaux  aquatiques  en  petit  nombre.  L'herbe  devient  de  plus  en  plus  drue.  Ce  sont 
de  longues  graminées  dont  les  fleurs  en  ép'ftfou  en  grappes,  d'une  finesse  et  d'une 
élégance  charmantes,  ondulent,  chargées  de  gouttelettes  de  rosée,  au  souffle  de  la 
brise.  Voici  de  grandes  fleurs  en  gobelets,  d'un  jaune  paille  p&le,  avec  un  grand 
cœur  du  plus  pur  velours  noir.  En  voici  d'autres  semblables  à  de  gigantesques 
convolrnlus  couleur  magenta,  se  détachant  par  centaines  sur  un  tapis  de  feuilles 
vertes  luisantes.  Beaucoup  de  buissons  épineux  ;  des  gonakés,  dont  l'apparence  a 
quelque  chose  de  singulier  ;  d&  très*  loin,  on  diritit  un  petit  brouillard  vert,  accro- 
ché au  sommet  d'un  faisceau  de  branches  élargi  ;  des  tamariniers,  au  feuillage 
plus  fourni  que  celui  des  gonakés  et  qui  procurent  un  ombrage  vivement  apprécié. 
On  en  voit  dont  les  branches  descendent  jusqu'à  terre,  et  forment  ainsi  un  vérita- 
ble pavillon  avec  un  épais  dôme  de  verdure.  —  Les  champs  d'arachides^  avec  leurs 
feuilles  d'un  beau  vert  tapies  sur  le  sol,  les  champs  de  gros  et  de  petit  mil,  se 
montrent  peu  à  peu  comme  de  véritables  îlots  au  milieu  des  broussailles  et  des 
grandes  herbes;  de  temps  en  temps  un  troupeau  de  bœufs  aux  cornes  parfois 
énormes  et  qui  s'enfuient  à  travers  les  buissons.  De  rarissimes  passants,  qui  à  pied, 
qui  à  cheval.  Nous  croisons  un  chameau. 

Voici  Rao  Poundioun,  avec  une  petite  gare  posée  là  à  côté  de  la  voie.  Les  villa- 
ges les  plus  rapprochés  sont  à  une  ou  deux  heures  de  marche.  Comme  les  pâtura- 
ges y  sont  bons,  il  y  avait  là  autrefois  un  grand  campement  de  Peuls  pasteurs, 
avec  d'immenses  troupeaux  de  bœufs,  de  chèvres  et  de  moutons.  Le  passage  des 
trains  effrayant  leurs  bestiaux,  ils  ont  émigré  dans  des  parages  plus  tranquilles. 

A  partir  de  Bao,  les  champs  cultivés  sont  un  peu  plus  nombreux,  le  pays  plus 
ondulé.  Nous  passons  près  de  buttes  couvertes  d'épaisses  broussailles,  et  qui, 
éventrées  par  la  pioche  européenne,  laissent  voir  qu'elles  sont  entièrement  compo- 
sées de  coquillages  dont  on  se  sert  pour  ballaster  la  voie.  —  Nous  arrivons  à 
M'pal,  gare  et  localité  importantes.  Bon  nombre  de  petits  bâtiments  couverts  en 
tuiles  rouges  sont  occupés  par  des  traitante.  Le  village  lui-même  est  en  arrière, 
hors  de  la  portée  de  la  vue.  Beaucoup  de  gens  descendent  à  M'pal  ;  il  en  monte 
presque  autant. 


—  272  — 

Je  fais  à  la  gare  la  connaissance  da  docteur  attaché  au  fort,  à  qui  j'avais  fait 
parvenir,  par  Pintennédiaire  d'un  soldat  en  garnison  à  M'pal,  quelques  livres  et 
quelques  numéros  de  la  <  Bibliothèque  universelle,  »  qui  sont  lus  avec  un  extrême 
intérêt. 

A  partir  de  M'pal,  dont  le  fort  se  dresse  à  quinze  minutes  de  la  gare,  le  terrain 
est  plus  boisé,  d'une  apparence  plus  fertile;  peu  à  peu  il  prend  un  aspect  singu- 
lier. C'est  une  suite  parfaitement  régulière  de  collines  de  sable  couvertes  de  ver- 
dure et  de  buissons,  séparées  les  unes  des  autres  par  des  dépressions,  —  ce  que  les 
Jurassiens  appellent  des  combes, —  qui  se  suivent,  et  que  nous  traversons  en  biais. 
On  dirait  une  mer  dont  les  vagues  imnienses  ont  été  subitement  immobilisées  par 
quelque  puissance  merveilleuse. 

Voici  Sakal,  où  la  gare,  comme  à  Leybor,  se  compose  d'un  simple  poteau  indi- 
cateur avec  le  nom  de  la  station.  La  contrée  avoisinante  est  assez  peuplée  et  fer- 
tile, mais  on  ne  s'en  douterait  pas,  car  on  n'aperçoit  pas  l'ombre  d'un  toit  de 
chaume.  A  mesure  que  nous  avançons  vers  l'intérieur,  le  pays  est  plus  accidenté, 
les  arbres  plus  nombreux,  plus  grands,  les  cultures  plus  considérables;  on  voit 
dans  les  champs,  des  indigènes  au  travail.  Ënûn  à  9  h.  et  demie  nous  sommes  à , 
Lougff  (71  kil.  de  Saint- Louis).  Je  me  hâte  d'aller  faire  une  excursion  dans  le  vil- 
lage, avant  que  la  chaleur  ne  soit  insupportable,  car  il  fait  sensiblement  plus  chaud 
ici  qu'à  Saint-Louis.  Nous  passons  prèâ  du  fort  de  Louga,  avec  ses  larges  épaule- 
ments  de  terré  et  de  sable  sur  lesquels  des  canons,  braqués  dans  la  direction  de 
l'Est,  brillent  au  soleil  comme  des  flammes  d'or.  Les  soldats  et  même  le  comman- 
dant habitent  des  cases  en  paille,  et  ils  ne  se  trouvent  point  mal  de  ce  régime.  Le 
docteur  m'a  affirmé  que  M'pal  et  Louga  sont  des  localités  saines,  bien  que  la  cha- 
leur y  soit  un  peu  élevée.  Il  n'y  a  pas  cette  humidité  pénétrante  de  Saint-Louis, 
qui  fait  que,  lorsque  le  soleil  se  couche,  bien  que  le  thermomètre  marque  26®,  vous 
éprouvez  de  légers  frissons,  et  vous  sentez  le  besoin  de  mettre  la  grande  ceinture 
de  flanelle. 

Louga  est  une  localité  considérable  ;  les  maisons  sont  groupées  par  cinq  ou  six, 
de  distance  en  distance,  ordinairement  à  l'ombre  d'un  bouquet  d'arbres  élevés. 
L'intervalle  est  rempli  par  des  cultures  entourées  de  hautes  clôtures,  et  par  de 
hautes  herbes  où  abondent  les  serpenté  noirs  et  les  trigonocéphales.  Il  faudrait 
beaucoup  de  temps  pour  parcourir  Louga  en  entier.  Nous  nous  dirigeons  vers  an 
puits,  situé  à  10  minutes;  il  n'a  pas  moins  de  40m.  de  profondeur,  et  il  est  creusé 
dans  une  argile  assez  compacte,  d'un  jaune  rougeâtre.  Dix  femmes  et  jeunes  filles 
sont  occupées  à  tirer  de  l'eau  avec  des  seaux  plats,  en  cuir,  que  l'on  tient  entr' ouverts 
au  moyen  d'une  poignée  d'herbe.  Elles  ramènent  la  valeur  d'un  ou  deux  verres 
d'eau  ;  aussi  leur  faut-il  un  temps  considérable  et  un  travail  fatigant  pour  remplir 
leurs  grandes  calebasses  de  bois  noir.  L'eau  est  fade,  blanchâtre,  tiède,  avec  une 
apparence  savonneuse.  Ce  manque  d^eau  constituera  toujours  une  des  grandes  dif- 
ficultés pour  le  développement  de  cea^bntrées.  Nous  rentrons  à  la  gare  vers  11  h., 
par  une  température  qui  me  rappelle  tout  à  fait  celle  de  Bakel  et  de  Médine  dans 
le  haut-fleuve. 


75M 


—  273  — 

Le  retour  s'effectue  par  une  chaleur  heureusement  tempérée  par  la  marche  du 
train,  et  à  6  heures  nous  entrons  en  gare  à  Saint-Louis  sans  autre  incident. 

Ceux  qui,  au  prix  d'efforts  patients  et  persévérants,  ont  doté  le  Sénégal  de  ce 
chemin  de  fer  de  Dakar  à  Saint-Louis,  ont  rendu  à  notre  colonie  un  signalé  service 
et  méritent  la  reconnaissance  de  tous.  L.  Jaques. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

La  Tripolitaine  et  l'Egypte,  par  M.  Kohn-Abrest,  Paris  (Ch.  Delà- 
grave),  1884,  in  8**,  188  pages,  avec  gravures,  fr.  1.20,  —  Écrit  d'après 
un  ouvrage  allemand  de  M.  de  Schweiger-Lerchenfeld,  ce  livre  fait 
faire  à  ses  lecteurs  une  promenade  fort  attrayante  et  sans  danger,  à 
travers  la  Tripolitaine  et  l'Egypte.  Destiné  particulièrement  aux  jeunes 
gens,  le  récit  revêt  une  forme  simple,  qui  n'exclut  pas  les  observations 
sérieuses  et  instructives.  Les  remarques  plaisantes,  les  anecdotes,  les 
digressions  historiques  qui  émaiUent  la  narration,  la  coupent  de  temps 
à  autre  et  permettent  de  la  suivre  sans  aucune  fatigue.  C'est  sur  la 
côte  de  la  Tripolitaine  que  débarque  le  ^voyageur  fictif  ;  il  en  visite  les 
ports,  puis,  s'enfonce  dans  le  désert  pour  explorer  les  oasis  libyennes, 
avec  Rohlfs,  et  revenant  au  sud-ouest,  celles  du  Fezzan  et  du  Tibesti, 
avec  Nachtigal.  Çà  et  là  le  guide  s'arrête,  pour  faire  remarquer  les 
ruines  datant  de  l'époque  romaine  et  montrer  partout  la  désastreuse  in- 
fluence de  l'administration  turque,  qui  transfonne  les  villes  florissantes 
en  bourgades  misérables,  et  fait  du  Fezzan,  plus  grand  que  la  France, 
un  pays  où  ont  peine  à  vivre  140,000  personnes.  Le  touriste  entre 
ensuite  en  Egypte  par  le  canal  de  Suez  qu'il  explore  dans  toute  sa  lon- 
gueur, visite  le  Caire,  Alexandrie  et  les  autres  villes,  puis  rémonte  le 
Nil,  examinant  de  près  les  ruines  antiques,  et  enfin,  passe  rapidement  à 
travers  le  Soudan  égyptien,  qu'il  décrit  tel  qu'il  était  avant  la  révolte  du 
Mahdi.  Un  appendice,  qui  ne  se  trouvait  pas  dans  l'ouvrage  allemand, 
donne  le  récit  de  l'expédition  anglaise  en  Egypte  et  du  soulèvement  du 
Soudan. 

L'Egypte.  Son  avenir  agricole  et  financier,  par  Félix  Paponot  Paris 
(Baudry  et  C*'),  1884,  in-8%  240  pages  avec  plans  et  cartes,  10  fr.  — 
Au  moment  où  une  succession  de  récoltes  insuffisantes,  cause  de  la  mau- 
vaise rentrée  des  impôts,  compromet  gravement  la  situation  financière 
de  l'Egypte,  il  sera  intéressant  pour  les.ingénieurs  et  les  hommes  d'État, 
de  lire  ce  livre  qui  traite  de  l'aménagenvent  des  eaux  du  Nil,  en  vue  de 

r 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bâle,  tous  les 
oarrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  ea^îorée  et  cwiUeée. 


—  274  — 

rirrigatiOQ  la  plug  étendue  des  •campagods  *qui  ravoisineat.  Le  fellah  se 
plaint  de  la  dimimitton  du  pvodiiit  de  sa  terre,  de  cette  terre  qui,  defwiB 
des  milliers  d'années,  a  pourtant' si  largement  récoinpensé  les  efforts  du 
laboureur,  roais  dont  la  fécondité  êembie  s'affaiblir  aujourd'hui.  Le  seul 
moyen  de  remédier  à  cet  état  de  choses,  d'après  Tauteur,  consiste  dans 
une  meilleure  répartition  des  eaux  de  Tinondation.  C'est  pour  soutenir 
cette  thèse  qu'il  a  écrit  cet  ouvrage  technique,  rempli  de  faits  et  de 
chiffres,  et  renfermant  un  certain  nombie  de  figures  explicatives  et  de 
plans  clairs  et  bien  dressés.  D  propose,  comme  travaux  indispensables, 
la  mise  en  état  des  deux  barrages*  de  Saldieh  (point  de  bifurcation  des 
deux  branches  principales  de  Rosette  et  de  Damiette),  et  la  construction 
de  cinq  barrages  nouveaux;  puis,  une  série  d^ouvrages  d'une  utilité 
moins  directe,  entre  autres,  la  création  du  canal  Tewfickîeh,  entre  Ismal- 
lia  et  Port-Saïd,  dont  l'étude,  dirigée  par  M:  Pàponot  Itri-même,  est 
achevée  depuis  1882,  mais  à  la  construction  duquel  les  événements 
politiques  ont  empêché  de  donner  suite.  En  terminant  il  presse  la  com- 
pagnie du  canal  de  Suez  de  se  mettre  à  la  tête  de  ces  entrepiises,  et 
d'appliquer  les  mémorables  paroles  de  Bonaparte  lors  de  son  séjour  en 
Egypte  :  «  je  voudrais  faire  exécuter  de  tels  travaux  que  pas  une  goutte 
de  l'eau  du  Nil  ne  s'écoulât  à  la  mer,  avant  d'avoir  passé  sur  les  terres 
pour  les  irriguer  et  les  fertiliser,  parce  que  chaque  mètre  cube  d'eau  qui 
s'en  va  à  la  Méditerranée,  est  un  talari  perdu.  » 

C.-G.    BtiTTNEK.    DaS    HlNTBBLAlO)    VON   WaLFISCHBAY   UND    AnGRA- 

Pjequena.  —  Heidelberg  (Cari  Winter's  Universitâts-Buchhandlung), 
1884,  in-8°,  124  p.  2.  Marks.  —  Comme  l'indique  le  sous-titre,  c'est 
une  revue  du  travail  civilisateur  des  missionnaires  et  du  développement 
du  commerce  allemand  dans  le  sud-ouest  de  l'Afrique,  qu'a  écrite 
M.  BUttner;  sa  qualité  d'ancien  missionnaire  dans  le  Damaraland, 
indiquait  tout  naturellement  pour  traiter  un  sujet  auquel  les  circon* 
stances  actuelles  ont  donné  une  grande  importance.  La  régularité  avec 
laquelle  nous  suivons,  dans  notre  bulletin  mensuel,  les  événements  qui 
s'accomplissent  dans  la  Hottentotie  comme  dans  les  autres  régions  de 
l'Afrique,  et  l'article  accompagné  d^une  cs^te  que  nous  avons  consa- 
cré, il  y  a  quelques  mois,  à'  ce  pays,  notis  dépensent  de  parier 
longuement  de  cet  ouvrage  d'un  grand  mérite  et  dont  la  lecture  est 
indispensable  à  toute  personne  qui  voudrait  s'établir,  soit  comme  négo- 
ciant, soit  commexolon,  dans  lar «œuvelié  possession  allemande. 

Tous  les  côtés  de  la  questiofi^y 'sont  traités  d'une  manière  complète, 
et  avec  l'autorité  d'uu  Homme  parlant  de  choses  qu'il  a  vues  de  ses 
yeux,  aussi  bien  oe  qui  tientau  dimat,  àla  nature  du  pays'^et  àil^état 


—  275  — 

des  peuples  qij  Thabitei^t,  que  ce  qui  sd  rapporte  à  la>situatieB  de  l'œu- 
vre missioBAaire,  et  aux  coikUtkms  toutes,  spéciales  du  commerce  daus 
une  contrée  ouverte  depuis  si  peu  4^  temps  à  la  ciyilisatioii.  Auk 
mineurs,  nous  conseillerons  la  lecture  du  chapitre  sur  les  gisements  de 
cuivre  ;  aux  amis  de  Tœuvre  religieuse,  celle  de  la  description  de  la 
colonie  d'Otjimbingué  et  de  la  station  missionnaire  et  commerciale  de 
Barmen  ;  aux  négociants  eniin,  celle  de  Tétude  sur  la  manière  de  nouer 
des  relations  de  commerce  avec  les  indigènes,  sur  les  marchandises  qyi 
trouveraient  un  écoulement  assuré  dans  la  Hottentotie,  sur  les  mon- 
naies employées,  etc.  Les  deux  derniers  chapitres  traitent  le  côté 
politique  du  sujet,  et  Ton  y  trouvera  des  vues  originales  sur  les 
intentions  annexionnistes  de  T Angleterre,  ainsi  que  quelques  documents 
diplomatiques  ayant  trait  à  la  déclaration  de  protectorat  faite  par 
TAllemagne  sur  cette  région.  Enfin,  ^'ouvrage  se  termine  par  une 
petite  statistique  des  stations  de  la  mission  rhénane  dans  le  sud  de 
TAfirique,  en  1883.  Elles  sont  au  nombre  dé  10  dans  la  colonie  du  Cap,  et 
de  17  dans  le  Damaraland  et  le  Namaqualand.  Notons  que  M.  Buttner 
répartit  comme  suit  les  indigènes  de  la  If  ottentotie  :  Namaquas,  17,000; 
Héréros,  80,000;  Damaras  des  montagnes,  50,000. 

Lettres  de  Gorxx)n  a  sa  sœur,  écrites  du  Soudan,  précédées  d'une 
étude  historique  et  biographique  par  Philippe  DaryL  Paris  (J.  Hetzd 
et  C""),  1884,  in^l8,  333  pa^es,  3  fr.  —  Au  moment  oii  tous  les  yeux  sont 
fixés  sur  Khartoum,  que  le  général  Gordon  conserve  à  TÉgypte,  envers 
et  contre  tous,  la  publication  de  cet  ouvrage  ne  pouvait  être  plus  oppor- 
tune.  Il  se  rapporte  à  cette  période  de  sa  vie  oh  il  fut  appelé  à  se  rendre 
sur  les  rives  du  Nil-Blanc  pour  consolider  l'autorité  du  khédive,  et  y 
faire  connaître  les  principes  d'égalité  qui  prescrivent  de  considérer  tout 
homme,  même  inférieur  en  intelligence,  non  comme  un  esclave,  mais 
comme  un  frère.  C'est  en  1874  qu'il  succéda  à  sir  Samuel  Baker,  comme 
gouverneur  des  provinces  égyptiennes  de  l'Equateur,  et  en  1877  qu'il 
fut  nommé  gouverneur  général  du  Soudan.  Sa  correspondance  qui  se 
fiait  remarquer  par  un  style  coupé,  une  rare  liberté  d'allures  et  une 
grande  fEuniliarité,  et  qui  va  du  9  février  1874  au  17  décembre  1879^ 
forme  un  ensemble  vivant,  compact,  dont  toutes  Ips  parties  s 'enchaî- 
nent ;  elle  se  présente  au  lecteur  comme  le  récit  d'une  magnifique  odyssée. 
Il  serait  difficile,  en  effet,  pour  un  romancier,  d'inventer  une  série 
d'événements  plus  étranges  que  ces  «guerres  incessantes  aux  marchands 
d'esclaves;  des  expéditions  plus  doamatiques  que  ces  perpétuelles 
reconnaissances  en  pays  inconnu,  et  de  créer  un  héros  plus  extraordi- 
naire que  cet  homme  mystique,  ce  blanc  qui,  presque  seul  au  milieu  des 


—  276  — 

sauvages,  accomplit  en  si  peu  de  temps,  grâce  h  son  énergie  et  à  son 
inébranlable  confiance  en  Dieii,  une  œuvre  vraiment  admirable.  «  Gor- 
don, »  lit-on  dans  Tintroduction^  «  est  incontestablement  de  nos  jours 
un  anachronisme  vivant,  comme  la  féodalité  anglaise  peut  seule  en 
produire.  Il  semble  plutôt  taillé  sur  le  modèle  du  Loyal  Serviteur  que  sur 
celui  d'un  officier  général  du  génie,  au  millésime  de  1884. 

L'ouvrage  s'ouvre  par  une  étude  de  la  situation  de  Gordon  à  Khar- 
toum,  dans  laquelle  M.  Daryl  ne  ménage  ni  les  Anglais,  ni  les  Allemands, 
et  par  un  précis  de  la  vie  si  mouvementée  du  colonel  anglais.  Si  ces 
deux  notices  sont  d'un  utile  secours  pour  le  lecteur,  eUes  ne  l'empêchent 
pas  de  regretter  l'absence  d'une  table  détaillée  des  matières  et  d'une 
carte  du  bassin  du  Nil-Blanc  qui  auraient  rendu  la  consultation  du  livre 
beaucoup  plus  facile. 

Lettres  de  Lady  Barker.  Nouvelle  série.  Une  femme  du  monde  au 
pays  des  Zoulous.  Traduction  de  M"'*  E.  B.  Paris  (Firmin-Didot  et  C**), 
1884,  in-18%  308  pages,  3  fr. 

C'est  probablement  la  renommée  qu'ont  acquise  les  Zoulous,  dans 
leurs  luttes  contre  les  blancs,  qui  a  engagé  l'auteur  à  donner  à  cet 
ouvrage  un  titre  qu'il  ne  mérite  que  dans  une  bien  faible  mesure,  puisque 
les  lettres  sont  datées  de  Pieter-Maritzbourg,  capitale  de  la  colonie  de 
Natal,  et  que  la  personne  qui  les  a  écrites,  loin  de  visiter  la  contrée  sur 
laquelle  a  régné  Cettiwayo,  s'est  contentée  de  faire  quelques  excursions 
dans  le  voisinage  de  sa  résidence,  c'est-à-dire  en  pays  connu  et  colonisé. 
Mais  alors  même  que  les  descriptions  s'appliquent  à  Natal,  et  les  étu- 
des ethnographiques  à  la  nation  (isîre,  en  général,  le  public  français  lira 
avec  plaisir  cette  œuvre  nouvelle  de  Lady  Barker,  qu'il  connaissait  déjà 
par  ses  lettres  de  la  Nouvelle-Zélande.  Pendant  les  deux  années  qu'elle 
passa  à  Natal,  où  elle  accompagnait  son  mari,  sir  Frédéric  Barker, 
secrétaire  général  du  gouverneur  de  cette  province,  elle  ne  cessa  d'en- 
tretenir avec  sa  famille  une  correspondance  active,  dans  laquelle  elle 
passe  en  revue  aussi  bien  la  contrée  elle-même,  avec  son  climat  insalu- 
bre, ses  paysages  chauds  et  verdoyants,  que  les  mœurs,  les  coutumes 
des  indigènes  et  l'œuvre  de  la  colonisation.  Tous  ces  sujets  l'intéressent 
et  sont  traités  par  elle  avec  la  justesse  de  jugement,  la  profondeur  et  la 
sagacité  qui  distinguent  un  esprit  supérieur.  Ajoutez  à  cela  un  style 
animé  et  d'une  grande  vivacité  de  couleurs,  et  vou3  comprendrez 
l'intérêt  qui  s'attache  à  ces  lettres,  dès  les  premières,  et  qui  se  soutient 
jusqu'au  bout.  * 


•% 


ÉCHANGES 


Amsterdam. 

Anvers. 

Berlin. 

Brème. 

Bmxelles. 

Berlin. 


Boclôtès  de  géographie. 

Constantine.  Hambourg.     Lisbonne. 

Donai.  léna. 

Francfort  "/M.  Le  Caire. 

Greifswald.  Leipzig. 

H-ille.  Lille. 


Nancy. 
Lyon.  New-York 

Madrid.  Oran. 

Marjseille.       Paris. 
Montpellier. 


Sociétés  de  géographie  oommeroiale. 

Bordeaux.         Paris.  Porto.         Saint-Gall. 

Miasioxis. 


Roehefort. 
Rome. 
Rouen. 
Vienne. 


Le  Havre. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XIX»»  siècle 

(NeuchAtel). 
Journal  de  l'Unité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions  -Bi  itt  (Barmen) . 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bâie). 

Ëvangelisches  Missions -Ma  gaz  in  (BAle). 
r^ilwer  Missions -Biatt  ((^Iw). 
Allgemeine  Missions- Zeitschrift  (Gilters- 

lob). 
GLiubensbote  (Bâle). 
Africa  (Londres). 
La  NigrLua  (Vérone). 


Ghurcb  missionary  Intelligencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionary  (New-York). 

Régions  beyond  (Londres). 

CLronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  R^sord  of  the  Free  Church  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Chcù'ch  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presbj- 
terian  Lhurch  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Woman's  fortMgn  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Divers. 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  Comice  agricole  (Mèdéa). 

Bulletin  de  l' Académie  d'Hippone  (Bone). 

Bulletia  de  renseig.  colonpiux  (Paris). 

Revue. géographique  internationale  (Paris). 

Le  Mouvement  géographique  (Bruxelles). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  fQr  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischcn  Gcsell- 
schafl  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  ftlr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  fUr  wissenschaftliche  Géogra- 
phie (Lahr). 

Ans  allen  Welttheilen  (Leipzig). 

Deutsche  KoloniîUzeilnng  (Francfort  s/M). 


Ch  imber  of  Commerce  Journal  (Londres). 

African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend  (Londres). 

African  Repositorjr  (Washington). 

Obscur  ver  (Monrovia). 

Esploratore  (Milan). 

Osmos  (Turin). 

Bollettino  délia  Societa  africana  dltalia 
(Naples). 

Esplorazione  (Naples). 

Marina  e  Commercio,  e  Giornale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Revista  de  Estudos  Livres  (Lisbonne). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). . 

Rovuo  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indépendant  (Constantine). 

Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 

Dr  A.  Petermann  s  Mittheilungen  (Gotha) 


Proceedings   of  the   royal   geographical 
Society  and  monthly  Record  of  geogra 
'phy  (Londres). 
Natif  Mercury  (Durban). 
Cape  Argus  (Cape-Town). 
West  African  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


/ 


SOMMAlkE 

PttgCB 

BUU^TIN  MENSUEL •  245 

Nouvelles  complémentaires 254 

Stanley  et  L'œirvBB  vv  Conao 256 

Le  mal  Causé  pah  leô  spiritueux  en  Afrique  et  les  moyens  dV 

remédier , 262 

Correspondance  de  M.  L.  Jaques  : 

Une  excursion  en  chemin  de  fer  au  Sénégal 270 

Bibliographie  : 

La  Tripolitaine  et  PÉgypte,  par  M.  Kohn- Abrest 273 

L'Egypte,  par  M.  Félix  Paponot 273 

Das  Hinterland  von  Walfischbai  uud  Angra-Pequena,  von  C.-G. 

Bûttner 274 

Lettres  de  Gordon  à  sa  soeur,  par  Philippe  Daryl 275 

Lettres  de  Lady  Barker 276 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Lettres  de  Gordon  à  sa  sœur,  écrites  du  Soudan,  précédées  d'une  étude  historique 

et  biographique  par  PhUippe  Daryl.—  Paris  (J.Hetzel  et  C*),  1884,  in- 18,  333  p. 

Fr.  3. 
Karte  West-eequatorial  Afrikas,  zur  Yeranschaulichung  des  deutschen  Colonialbe- 

sitzes,  von  L.  Friederichsen.   —   Hamburg  (L,  Friederichsen  et   O),  1884, 

fr.  1,60. 
Lettres  de  Lady  Barker.  Nouvelle  série.  Une  femme  du  monde  an  pays  des  Zou- 

lous.  Traduction  de  M™«  E.  B.  Paris  (Firmin  Didot  et  C%  1884,  in-18,  308  p. 

Fr.  3. 
Land  und  Volk  in  Afrika.  Berichte  aus  den  Jahren  1865-1870,  von  Gerhard  Kohlfs. 

Dritte  Ausgabe.  Norden  (Hinricus  Fischer  Nachfolger),  1884,  in-18,  240  p., 

fr.  5,  35. 
Afrikanische  Reisen  von  Gerhard  Rohlfs.  Eeise  durch  Marokko.  Vierte  Ausgabe. 
,  Norden  (Hinricus  Fischer  Nachfolger),  1884,  in-18,  278  p.,  fr.  6,  70. 
Études  et  souvenirs  d'Afrique.  D'Aller  à  Zanzibar,  par  le  P.  Charmetant,  1881, 

fr.  1.  —  A  travers  le  Sahara.  Les  missions  du  colonel  Flatters,  par  J.-V.  Barbier, 

1884,  fr.  1.  —  Madagascar,  par  H.  Castonnet  des  Fosses.  1884,  fr.  1.  Paris  (Libr. 

de  la  Soc.  bibliographique),  3  vol.  in-18  avec  cartes. 
Deutschlands  Koloriien.  EinBeitrag  zur  Kolonisationsfrage,  von  Albrecht  Franzius, 

Seeoffizier  a.  D.  Zweite  Auflage.  Bremen  (J.  Ktihtmann  et  C"),  1884,  in-8,  28  p. 
Timbuktu.  Heise  durch  Marokko,  die  Sahara  und  den  6udan,  von  B'^  Oskar  Leng. 

Leipzig  (F.-A.  Brockhaus),  1884,  2  Bande,  430  und  408  Seiten,  mit  57  Abbil- 

dungen  und  9  Karten,  fr.  32. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


DÉCEMBRE 
1884 


GENÈVE 


H.     GEOEG,     LIBRAIRE-ÉDITEUB 


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I  •«■■*' 

if 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIKIOÉ  PAB 

M.   Crnstave  MOTNI^B 

Mcinbro  de  la  CommlMion  internationale  de  Bruxelles  pour  Teiploration  et  la  ciTiliiation 

de  TAfriqne  centrale;  membre  oorrespondant  de  TAcadémio  d'flippone, 

et  des  Sociétés  de  géographie  de  Marseille,  de  Nancy,  de  Loanda  et  de  Porto. 

ÏÉDIQé'  PAA 

M.  Charles  FAUBE 

Secrétatre-Biblbtbécaire  de  la  Société  de  géographie  de  Genève ,  membre  correspondant  des  Sociétés 
de  géographie  de  Lisbonne,  de  Loanda.  do  Porto,  de  Saint-Gall  et  de  Berne. 


■  » 
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f.fr* 


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A. 


U  Afrique  parait  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d'au 
moins  20  pages  chacune  ;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
paraît  nécessaire. 

Le  prix  de  Tabonnement  annuel,  payable  d'aTanee,  est  de  10  fWmeSy 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  l'Union  postale  (première  zone);  pour  les 
antres,  il  fr.  50. 


Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  h  un  eompte  renda. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  à  RI.  GiuitaTe  IMoyiilery 
%9  rm  de  PAtliénéey  h  GenèTe  (Suisse). 


S'adreséer  pour  les  abonnements  h  l'éditeor,  m.  H.  Georg,  h 
GenèTe  on  h  BAle. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Ch.  Delagrave,  libraire.  15,  me  Soufflol,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  Cour,  45,  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  libraires,  Corso  Vitlorio  Emmanuele,  21,  à  Milan. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Querstr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Friederichsen  et  C",  libraires,  Adrniraliliitsstr,  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autriche). 

Trubner  et  C»,  libraires,  Ludgate  HilL  57/59.  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays.  . 


AVIS.  —  Nous  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  abonnés^  au  prix.de 
12  fr.  chacun^  un  certain  nombre  d^ exemplaires  complets  de  la  U^^^  de  la  IlL 
et  de  la  IF"*  année.  La  I^  est  épuisée. 


Die 


—  277  — 

BULLETIN  MENSUEL  {Ir  décembre  1884.)' 

Jusqu'ici  la  colonisatioD  en  Algérie  ne  s'est  guère  faite  que  par  TÉtat, 
ou  par  Pindividualisme  livré  à  ses  seules  forces.  Aujourd'hui  l'associa- 
tion, dont  la  force  est  si  grande  en  matière  économique,  veut  y  appor- 
ter son  concours.  La  Société  française  de  colonisation  en 
Alipérie  est  entrée  en  rapport  avec  les  comices  agricoles  de  la  colonie, 
afin  de  recevoir  d'eux  les  renseignements  nécessaires  sur  les  besoins  de 
la  main-d'œuvre  agricole  et  industrielle,  de  centraliser  les  o&es 
d'emploi,  soit  comme  valets  de  ferme  ou  fermiers,  soit  comme  ouvriers 
de8  différents  corps  de  métiers.  Elle  fournit  des  indications  sur  les  achats 
de  terre  qui  pourraient  être  faits  par  de  petits  capitalistes.  Elle  a  déjà 
reçu  plusieurs  demandes  de  cultivateurs  du  midi,  disposés  à  réaliser  leur 
avoir  pour  aller  faire  de  l'agriculture  en  Algérie. 

Une  mission  militaire  confiée  à  la  direction  de  M.  Bernard,  capi- 
taine d'artillerie,  a  quitté  Alger,  le  13  novembre,  pour  se  rendre  au  sud 
de  l'Algérie,  où  elle  est  chargée  de  vérifier  la  salubrité  des  eaux 
sur  les  points  principaux  d'étape,  depuis  Boghari,  à  la  limite  du  Tell, 
jusqu'à  Djelfa,  Laghouat,  Gardaïa  et  Ouargla.  Cette  mesure  est  deve- 
nue nécessaire  en  suite  des  souffrances  qu'ont  eu  à  endurer  les  troupes 
françaises,  pour  avoir  dû  faire  usage  d'eaux  impropres  à  la  consomma- 
tion. Aussi  importait-il  de  vérifier  le  degré  de  bonté  des  eaux  des  puits 
et  des  sources  sur  l'itinéraire  ordinaire  des  colonnes,  et  de  rechercher 
s'il  n'en  existe  point  de  préférables  en  dehors  de  ces  itinéraires  que  l'on 
pourrait  modifier  selon  les  résultats  obtenus.  La  mission  devra  étudier 
en  même  temps  la  flore  et  la  faune  de  la  région  du  Mzab  et  du  groupe 
d'oasis  qui  entourent  Ouargla. 

Plusieurs  grandes  tribus  dont  les  territoires  s'étendent  de  Kassala 
à  la  mer  Rouge  et  qui  jusqu'ici  étaient  demeurées  fidèles  au  khé- 
dive, se  sont  rattachées  au  Mahdi  ;  ce  sont  les  Barkab,  les  Béni- Amer, 
les  Habbab,  les  Mensa  et  la  fraction  méridionale  des  Hadendoa,  dont  la 
fraction  du  nord  s'était  déjà  ralliée  à  Osman  Digma.  Ils  se  sont  jetés  en 
masse  sur  les  territoires  égyptiens  qui,  d'après  le  traité  conclu  par 
l'amiral  Hewett  avec  le  roi  Jean  d'Abyssinie,  devaient  être  remis  à  celui-ci 

*  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  menswils  et  dans  les  Nouvelles  corn- 
pièmentaires  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  c6te  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

L'âFRIQUS.  —  CINQUIÈME  ÀiméE.  —  N^  12.  12 


—  278  — 

à  la  fin  de  Tannée.  Les  habitants  chrétiens  de  ces  territoires,  les 
Boipos,  ont  dû  se  réfugier  en  Abyssinie,  sous  la  protection  de  Tarmée 
de  Ras-Aloula.  La  ville  de  Eeren  a  été  pillée.  Des  missionnaires  et  des 
sœurs  de  charité,  qui  s'y  trouvaient,  ont  refusé  de  quitter  la  ville  avant 
d'en  avoir  reçu  Tordre  de  leurs  supérieurs  résidant  à  Paris  ;  leurs  per- 
sonnes ont  été  respectées,  mais  l'église  a  été  pillée. 

L' Antislavery  B^orter  a  été  informé  d'Egypte,  par  un  de  ses  corres- 
pondants, qu'en  octobre,  un  natif  du  Maroc  arriva  k  Port-Saïd  avec 
une  troupe  de  quatorze  esclaves,  la  plupart  du  sexe  féminin.  Il  les 
faisait  passer  pour  des  membres  de  sa  famille  avec  lesquels  il  se  rendait 
à  Jeddah  ;  en  réalité  il  allait  les  y  vendre.  U  s'embarqua  avec  eux  sur 
un  navire  britannique,  sans  être  nullement  inquiété  ;  aussi  le  journal 
sus-mentionné  proteste-t-il  hautement  contre  cette  impunité.  —  D'autre 
part  il  annonce  que  le  vaisseau  anglais,  le  Philoinèle,  a  capturé  dans  la 
mer  Roui^e  une  barque  chargée  de  150  esclaves  qui  ont  été  conduite  à 
Aden.  —  De  son  côté  le  Temps  a  reçu  d'un  correspondant  d'Aden  une 
lettre,  d'après  laquelle  les  négriers  de  la  mer  Bouge  continuent  à  prati- 
quer la  traite  sous  la  forme  ingénieuse  que  voici.  Les  esclaves  du  sexe 
féminin  sont  considérées  comme  étant  les  sœurs  ou  les  femmes  des 
Arabes  ou  Somalis,  qui  les  emmènent  sur  leurs  caboteurs  indigènes.  Les 
petits  sultans  de  la  côte  orientale  d'Afrique  délivrent  des  papiers  qui  le 
reconnaissent  ;  une  fois  dans  l'intérieur  de  l'Arabie,  ces  mêmes  hommes 
les  vendent  et  vont  se  remarier  ou  chercher  de  nouvelles  sœurs  eo 
Afrique. 

De  retour  du  Choa,  oii  il  a  passé  deux  ans,  M.  Soleillet  a  exposé  à 
la  Société  de  géographie  de  Lyon  les  avantages  que  la  station  d'Obock 
peut  offrir  pour  le  conmierce  à  l'intérieur.  Une  route  conduit  directe- 
ment au  Choa  et  au  Eaffa,  et  la  puissance  de  Ménélik  s'étend  à  tous  les 
pays  gallas  et  jusqu'aux  grands  lacs  de  l'équateur.  Actuellement  le  com- 
merce est  peu  important;  pour  l'exportation:  de  l'ivoire,  de  l'or,  du 
musc,  des  plumes  d'autruche,  etc.  ;  pour  l'importation  :  des  armes,  des 
munitions  et  des  tissus,  etc.  Ce  qui  nuit  à  son  dévelopi)ement,  c'est  la 
cherté  des  transports  à  dos  de  chameaux  ;  elle  empoche  de  tirer  profit 
d'autres  produits  du  pays  :  le  café,  les  oliviers,  la  vigne,  etc.  Le  sol  est 
très  fertile  dans  ses  trois  régions  :  la  plaine,  où.  croissent  la  canne  à  sucre 
et  la  vanille  ;  la  région  moyenne,  où  prospère  la  vigne,  et  le  plateau 
couvert  de  pâturages  qui  nourrissent  de  grands  troupeaux.  M.  Soleillet 
pense  que  l'on  pourrait  améliorer  les  voies  de  communication  par  des 
travaux  de  canalisation,  notamment  sur  l'Haouasch.  Ce  fleuve  devien- 


—  279  — 

drait  navigable  dans  presque  toute  son  étendue,  et  servirait  à  ame- 
ner à  Obock  lés  produits  de  l'Afrique  équatoriale.  —  Une  dépêche 
d'Aden,  du  20  novembre,  au  Temps,  annonce  Toccupation  de  Tadjoura 
par  les  Français. 

L'évacuation  des  troupes  égyptiennes  de  Harrar  ne  paraît  pas  devoir 
être  aussi  facile  que  celle  de  Zellah  et  de  Berbera,  où  les  Anglais  ont 
remplacé  les  soldats  du  khédive.  Ceux  de  Harrar  occupent  le  pays 
depuis  l'annexion  de  ce  district  à  l'Egypte  (1875)  ;  ils  se  sont  créé  une 
famille  dans  le  pays  ;  presque  tous  les  officiers  et  les  fonctionnaires  sont 
devenus  propriétaires  ;  beaucoup  de  soldats  ont  leur  petite  maison  ;  il  y 
en  a  auxquels  le  gouvernement  égyptien  doit  jusqu'à  six  années  de  leur 
solde.  Aussi  demandent-ils  qu'on  leur  paie  ce  qui  leur  est  dû,  et  qu'on 
les  indemnise  de  ce  qu'ils  sont  obligés  d'abandonner  ;  sans  quoi  ils  ne 
quitteront  le  Harrar  que  contraints  parla  force,  et  au  besoin  résisteront 
si  on  les  y  oblige.  Quant  aux  indigènes  gallas  ils  sont  partisans  de  l'éva- 
cuation, mais  à  la  condition  que  les  Européens  remplacent  les  Égyptiens. 
a  Avec  les  Européens,  »  disent-ils,  «  nous  aurons  la  libre  possession  de 
DOS  biens,  nous  ne  serons  plus  écrasés  d'impôts,  nous  pourrons  vendre 
les  produits  de  notre  sol  et  faire  du  commerce  librement,  sans  avoir  à 
craindre  à  tout  moment  d'être  volés,  battus  et  traînés  dans  les  prisons 
oîi  nous  avons  des  parents  enchaînés  depuis  nombre  d'années,  sous  pré- 
texte qu'ils  ont  refusé  l'impôt,  et  auxquels  on  a  pris  tous  leurs  biens.  » 
Lorsqu'un  effendi  passe  avec  sa  suite  dans  un  village,  il  s'empare  de 
Tive  force  de  tout  ce  qui  lui  tombe  sous  la  main,  met  les  habitants  hors 
de  leurs  paillettes  et  s'y  installe  en  conquérant  pour  tout  le  temps  de 
son  séjour,  c'est-à-dire  jusqu'à  ce  qu'il  ne  reste  plus  rien;  il   prend 
bœufe,  moutons,  volailles,  etc.,  dévore  tout,  et,  pour  paiement,  roue  de 
coups  ses  hôtes  forcés,  à  la  moindre  réclamation  et  à  la  plus  légère 
plainte.  L'Européen,  au  contraire,  paie  ce  qu'on  lui  vend,  traite  avec 
douceur  les  indigènes  et  s'en  fait  des  amis.  La  lettre  du  correspondant 
du  Temps,  de  laquelle  nous  extrayons  ces  renseignements,  renferme  en 
outre  des  informations  intéressantes  sur  le  pays  des  Ittous,  succession 
de  montagnes  au-dessus  desquelles  s'étendent  d'immenses  plateaux  cou- 
verts de  cultures  de  toutes  sortes  où  domine  le  caféier.  On  y  rencontre 
d'épaisses  forêts  où  habite  l'éléphant.  Les  troupeaux  de  bœufe  et  de 
moutons  y  sont  en  grand  nombre,  la  végétation  y  est  luxuriante,  la  tem- 
pérature clémente,  le  thermomètre  varie  entre  8*"  et  22**  maxima.  Mal- 
gré tous  ces  dons  delà  nature,  les  populations  y  sont  dans  la  plus  grande 
misère,  par  suite  de  la  situation  géographique  du  pays,  placé  entre  le 
Choa  et  les  possessions  égyptiennes.  Tantôt  c'est  Ménélik  qui  y  fait  une 


—  280  — 

incursion  avec  ses  soldats,  et,  sous  prétexta  d'en  protéger  les  habitants 
contre  les  Égyptiens,  y  perçoit  ce  qu'il  appelle  ironiquement  Timpôt, 
c'est-à-dire  fait  une  razzia  générale  de  tout  ce  qu'il  trouve  dans  le 
pays,  pour  emmener  au  Ghoa  tous  les  prisonniers  valides,  honunes  et 
femmes  ;  après  quoi,  il  rentre  dans  ses  États,  pour  recommencer  Tannée 
suivante,  lorsque  l'Haouasch  sera  guéable.  Aussitôt  qu'arrive  la  saison 
des  pluies,  les  Égyptiens  vienne^nt  à  leur  tour,  et  sous  le  même  prétexte, 
recommencent  les  mêmes  exactions  ;  mais  ils  se  gardent  bien  d'occuper 
le  pays,  car  ils  craignent  que  lorsque  la  saison  sèche  viendra,  les  soldats 
de  Ménélik  ne  viennent  les  en  diasser.  Les  produits  du  pays  sont  expor- 
tés avec  beaucoup  de  difficulté  par  les  ports  somalis  entre  les  caps  Gar- 
dafui  et  Bas-Afoun,  c'est-à-dire,  par  une  route  qui  exige  un  voyage  de 
trois  ou  quatre  mois;  mais  les  marchands  la  prennent  pour  échapper  à  la 
rapacité  des  Égyptiens  qui  leur  font  payer  des  droits  exorbitants  lors- 
qu'ils viennent  à  Zellah,  et  s'ils  sont  rencontrés,  avec  leurs  caravanes, 
par  des  bachi-bouzoucks  sur  le  territoire  du  Harrar,  les  Égyptiens  leur 
saisissent  tout,  chameaux  et  marchandises,  sous  prétexte  qu'ils  n'ont  pas 
passé  à  la  douane  de  Harrar,  oii  on  leur  prend  en  moyenne  50  7o  de  la 
valeur  de  leurs  marchandises  ;  heureux  sont-ils  quand  les  soldats  égyp- 
tiens qui  sont  aux  portes  de  la  ville  ne  leur  prennent  pas  le  restant  en 
les  rouant  de  coups  en  guise  de  paiement. 

Nos  lecteurs  se  rappellent  que  les  misslonnalpes  d'Alg^p,  en  quit- 
/tant  l'Ouganda,  se  sont  établis  au  S.-E.  du  Victoria-Nyanza,  dans  l'Ou- 
Koumbi.  Au  mois  de  février  de  cette  année,rapporte  le  P.  Giraud,  supé- 
rieur de  la  mission,  une  flotte  de  350  pirogues,  dirigée  par  un  Arabe, 
Mougni-Sungouza,  au  service  de  Mtésa,  amena  à  la  côte  du  Muéré,  voisine 
de  rOu-Koumbi,  toute  une  armée  de  Ba-Ganda,  contre  le  chef  Roma, 
ennemi  personnel  de  Sungouza,  Roma  écrasé  par  le  nombre  ne  put  que 
s'enfuir,  et  ses  États  furent  ravagés.  De  leur  station  les  missionnaires 
apercevaient  la  flamme  des  incendies  que  les  Ba-Ganda  allumaient  par- 
tout à  mesure  qu'ils  avançaient,  ils  entendaient  leurs  grands  tambours 
de  guerre,  et  de  temps  en  temps,  les  coups  de  fusil  tirés  sur  les  malheu- 
reux Ba-Muéré  qui  n'avaient  pas  pu  se  sauver  à  temps.  Les  immenses 
troupeaux  du  Muéré  tombèrent  au  pouvoir  des  vainqueurs.  Heureuse- 
ment les  femmes  et  les  enfants, mis  en  sûreté, leur  échappèrent;  mais  les 
Ba-Ganda  furieux  de  voir  cotte  proie  leur  échapper,  voulurent  pénétrer 
dans  l'Ou-Eoumbi,  infliger  à  ce  district  le  même  sort  qu'à  celui  du 
Muéré,  et  mettre  le  feu  à  la  maison  des  missionnaires,  toutefois  Sungouza 
s'y  opposa.  Les  villages  de  l'Ou-Koumbi  sont  nombreux  ;  leurs  habitants 


—  281  — 

sont  génératement  pacifiques  et  laborieux  ;  les  missionnaires  en  ont  tou- 
jours un  certain  nombre  chez  eux  pour  travailler.  L'esclavage  n'y  existe 
pas.  Malgré  leur  amour  de  la  paix,  les  Ba-Koumbi  se  battent  bien  quand 
il  s'agit  de  défendre  leur  pays.  Un  moment  prévenus  contre  les  mission- 
naires qu'ils  croyaient  de  connivence  avec  les  Ba-Ganda,  il  les  envisa- 
gent comme  faisant  partie  de  leur  tribu,  depuis  qu'ils  ont  appris  que 
la  présence  des  blancs  a^ contribué  à  empêcher  les  Ba-Ganda  d'envahir 
leur  pays.  —  Le  P.  Lourdel  a  installé  un  nouveau  poste  dans  l'Ou- 
Konné.  H  avait  d'abord  choisi  le  village  de  Souérou,  mais  cet  emplace- 
ment ayant  été  trouvé  par  Mipanibo  trop  ouvert  et  exposé  aux  atta- 
ques nocturnes  des  Wa-Touba,  qui  sont  en  guerre  perpétuelle  avec  ce 
chef,  il  s'est  fixé  près  du  grand  village  de  Djihoué-la-Singa,  où  Mirambo 
lui  a  fait  bâtir  un  vaste  tembé  de  30  mètres  de  long.  D'autre  part 
Mirambo  ne  permet  pas  que  les  caravanes  qui  transportent  des  bagages 
ou  des  provisions  à  Oudjidji  s'écartent  de  la  route  qui  passe  par  sa  rési- 
dence. Le  dernier  renfort  de  missionnaires  d'Alger  ayant  laissé  à  Tabora 
la  plus  grande  partie  de  ses  bagages,  pour  cheminer  plus  rapidement, 
et  TÂrabe  qui  s'était  chargé  du  transport  ayant  voulu  laisser  de  côté  la 
route  de  Mirambo,  celui-ci  envoya  de  fortes  bandes  de  Rougas-Rougas 
dans  les  bois  attendre  la  caravane,  avec  ordre  de  l'attaquer,  de  prendre 
tout  son  matériel,  et  de  le  porter  chez  lui,  à  Ourambo. —  Malgré  cela,  le 
service  de  la  poste  de  Zanzibar  au  Tanganyika  va  cesser  de  se  faire  par 
Ourambo  et  Oudjidji,  pour  prendre  la  direction  de  Karéma.  Ce  change- 
ment, proposé  par  l'Association  internationale,  a  été  accepté  par  les 
missionnaires  anglais  dont  les  établissements  se  développent  plutôt  dans 
la  région  méridionale  du  lac.  La  sécurité,  la  régularité,  la  rapidité  des 
communications  y  gagneront  ;  en  outre  les  frais  diminueront  de  beau- 
coup.— Le  P.  Guillet,de  la  station  d'OudJidJi,a  eu  une  entrevue  avec 
l'Arabe  fameux,  Tipo-Tipo,  bien  connu  des  lecteurs  de  l'ouvrage  de 
Stanley,  et  qui  conmiande  en  maître  dans  tout  le  Manyéma.  Le  mission- 
naire lui  ayant  exprimé  le  désir  de  s'établir  prochainement  dans  cette 
partie  du  bassin  du  haut-Congo,  et  lui  ayant  demandé  s'il  pourrait 
compter  sur  son  appui  et  sur  sa  protection,  Tipo-Tipo  lui  a  répondu  : 
«  Vous  pouvez  me  regarder  comme  votre  ami  ;  je  vous  aiderai  de  toutes 
mes  forces.  Soit  que  vous  désiriez  aller  jusqu'à  la  côte  occidentale,  soit 
que  vous  vouliez  vous  fixer  dans  le  pays,  vous  me  trouverez  toujours  à 
votre  disposition.  Toutefois  je  ne  vous  conseille  pas  de  vous  établir  là  où 
il  y  a  des  Wa-Ngouana,  comme  à  Koua-Easongo  ou  à  Nyangoué  ;  les 
Arabes  ne  reçoivent  pas  volontiers  votre  doctrine  qui  leur  semble  trop 


^ 


—  282  — 

sévère.  Vous  réussirez  mieux  chez  les  nègres*  Je  vous  coiiseille  donc  de 
passer  le  Loualaba,  et  de  vous  installer  dans  le  pays  qui  sépare  ce  fleuve 
du  Lomami^  chez  Roussouma,  à  Mouavi  ou  à  Imbani,  chez  Eafoura  ou 
Eibengi,  etc.  Dans  toutes  ces  localités  vous  trouverez  une  population 
très  dense;  vous  n'y  aurez  rien  à  craindre,  tant  de  la  part  des 
Wa-Ngouana  que  de  celle  des  indigènes,  car  mon  autorité  est  reconnue 
partout  là-bas  sans  conteste.  Dès  que  vous  serez  prêt  à  venir,  écrivez- 
moi  à  Koua-Kasongo,  qui  est  à  un  jour  environ  de  Nyangoué,  du  côté 
d'Oudjidji,  et  oîi  je  réside  habituellement.  Vous  visiterez  le  pays  dont 
je  vous  ai  parlé  et  choisirez  remplacement  qui  vous  conviendra  le 
mieux.  »  —A  la  nouvelle  de  la  venue  de  Stanley  par  le  Congo,  jusque  près 
de  Nyangoué,  les  Arabes  du  Manyéma  ont  été  stupéfaits  d'une  telle 
rapidité.  Quelques-uns  semblent  voir  de  bon  œil  la  route  du  Congo 
ouverte,  et  ont  vendu  leur  ivoire  à  Stanley  pour  éviter  les  frais  et 
risques  de  transport,  et  aussi  la  douane  de  Zanzibar.  En  revanche 
Saïd-Bargasch  redoute  l'ouverture  de  cette  route  qui  portera  un 
coup  funeste  au  conmierce  de  Zanzibar.  Le  bruit  courait  à  Oudjidji  qu'il 
avait  ordonné  à  Tipo-Tipo  de  faire  enchaîner  et  conduire  à  Zanzibar 
ceux  qui  vendent  leur  ivoire  aux  Européens.— Le  P.  Guillemet  a  constaté 
à  Ba^amo.yo  que,  malgré  les  mesures  prises  et  le  traité  signé  par  le 
sultan  Saïd-Bargasch,  le  commerce  des  esclave»  se  pratique  encore 
sur  une  grande  échelle,  et  que  la  vente  des  malheureuses  victime^  de 
la  traite  se  fait  presque  publiquement,  à  l'aide  de  crieurs  qui  cèdent  au 
plus  offrant  la  marchandise  humaine.  Les  enfants  nègres  dont  la  com- 
munauté de  Bagamoyo  s'est  augmentée  dernièrement,  furent  d'abord 
tout  effrayés  de  se  voir  en  compagnie  de  blancs,  qui,  pensaient-ils,  ne 
pouvaient  s'intéresser  à  eux  que  pour  les  manger  un  jour  ou  l'autre. 
Aussi  était-ce  avec  terreur  qu'ils  voyaient  un  couteau  entre  les  mains 
d'un  des  missionnaires,  et  toutes  les  fois  que  celui-ci  sortait  de  la  cuisine 
pour  se  rendre  au  jardin,  son  instrument  à  la  main,  ils  disparaissaient 
comme  une  volée  de  perdreaux  en  déroute,  en  se  demandant  lequel 
serait  sacrifié  le  premier.  Quelque&>uns  se  consolaient  un  peu  en  regar- 
dant leurs  membres  amaigris,  décharnés  par  la  faim,  les  mauvais  trai- 
tements et  les  privations  de  toutes  sortes,  endurées  pendant  un  voyage 
de  800  kilomètres.  Les  diverses  langues  qu'ils  parlent  prouvent  qu'ils 
appartenaient  à  plusieurs  districts  de  l'Afrique.  L'un  d'eux  vient  du 
Manyéma.  Aujourd'hui  leurs  inquiétudes  sont  tombées,  et  sont  rempla- 
cées par  la  joie  de  se  sentir  l'objet  de  la  compassion  des  missionnaires. 
La  constitution  récente  des  trois  petites  républiques  du  Zoulouland, 


—  283  — 

du  Stellaland  et  du  Gosenland,  sous  Tinfluence  des  Boers  du  Transvaal, 
est  un  phénomène  qui  mérite  d^attirer  l'attention.  M.  Fr.  Jeppe  de 
Pretoria,  auquel  on  doit  la  première  bonne  earte  du  Transvaal,  et  l'un 
des  hommes  qui  connaissent  le  mieux  et  qui  peuvent  juger  avec  le  plus 
de  compétence  les  circonstances  dans  lesquelles  se  trouve  l'Afrique  aus- 
trale, a  adressé  à  ce  sujet  aux  Mittheilungen  de  Gotha,  une  communica- 
tion intéressante,  de  laquelle  nous  extrayons  les  renseignements  suivants 
sur  la  situation,  la  population  et  l'origine  de  ces  trois  républiques. 

Celle  du  Zoulooland  est  située  à  la  limite  S.-E.  du  Transvaal,  et 
confine  au  nord  au  Zwaziland,  et  au  sud  à  la  Réserve  ou  territoire 
neutre  réservé  par  le  gouvernement  anglais  après  la  défaite  de  Cet- 
tiwayo.  Le  21  mai  1884,  les  Boers  proclamèrent  et  couronnèrent  comme 
chef  suprême  de  la  tribu,  Dinizoulou,  fils  de  Cettiwayo,  mort  le  8  février 
précédent.  En  vertu  d'une  cession  du  16  août  dernier,  ce  chef  donna 
aux  Boers  la  partie  septentrionale  de  l'ancien  Zoulouland  indépendant 
et  se  plaça,  Im  et  sa  tribu,  sous  la  suzeraineté  de  la  République  du  sud 
de  l'Afrique.  La  superficie  de  celle  du  Zoulouland  est  de  11,560  kilomè- 
tres carrés  ;  la  population  en  est  de  18,500  indigènes  et  de  2500  blancs  ; 
le  protectorat  s'étend  à  26,000  Zoulous.  La  république  comprend  la 
partie  la  meilleure  et  la  plus  salubre  du  Zoulouland,  le  haut  pays, 
qui  est  riche  en  eau  et  en  bois.  L'élève  des  moutons  y  réussit  très 
bien.  M.  L.  J.  Meyer  y  exerce  les  fonctions  de  président.  La  nouvelle 
république  tend  à  s'annexer  encore  une  partie  de  la  côte  entre  la  colonie 
de  Natal  et  la  baie  de  Delagoa,  en  particulier  la  baie  de  Sainte-Lucie, 
pour  mettre  les  États  boers  en  communication  directe  avec  le  monde 
commercial, et  les  soustraire  au  système  des  douanes  anglaises  et  portu- 
gaises, nuisible  au  développement  de  ces  républiques. 

Quant  à  celle  du  Stellaland,  eUe  est  située  à  la  limite  S.-O.  du 
Transvaal,  et  bornée  au  sud  par  le  Griqualand-West,  et  au  nord,  par 
celle  de  Gtosen.  Ensuite  d'un  traité  de  paix  conclu  le  26  juillet  1883 
entre  les  chefs  ba-tlapin,  Mankoroane  et  Massouw,  ce  territoire,  cédé 
aux  Boers,  fut  proclamé  république  le  7  août,  et  les  limites  en  furent 
déterminées  par  des  décrets  du  7  août,  du  18  septembre  et  du  9  novem- 
bre de  la  même  année.  Le  1*'  août  1884,  il  fut  incorporé  par  M.  Mac- 
kemde,  commissaire  anglais,  à  l'Empire  britannique,  comme  colonie  de 
la  couronne;  toutefois  le  successeur  de  M.  Mackenzie,  M.  le  colonel 
Bhodes  dut,  en  suite  d'une  protestation  et  d'un  soulèvement  des 
propriétaires  du  sol,  amener  le  pavillon  britannique  et  reconnaître 
rindépendance  de  la  république.  L'annexion  à  la  colonie  du  Cap, 


demandée  précédenuneDt  pu  uae  partie  des  habitants,  s'a  pas  été 
jusqu'ici  votée  par  le  Parlement  colonial.  Le  territoire  de  la  république 
mesure  15,500  kilom.  carrés;  kis  blancs  y  sont  au  nombre  de  3000,  et 
les  indigènes,  de  17,500,  dont  12,500,  sous  la  domination  de  Han- 
koToane  et  5000  sous  œlle  de  Massouw.  L'administrateur  en  est 
M.  G.  V.  van  Niekerk;  la  capitide  Vrybourg  est  an  centre  du  pays,  qui 
est  particulièrement  propre  ^rt^culture  et  à  l'élève  du  bétail;  cepen- 
dant l'eau  n'y  est  pas  abondante,  non  plus  que  le  bois.  La  proximité  des 
mines  de  diamants  &cilite  l'écoulement  des  produits  agricoles. 

Enfin  la  république  de  doses,  au  sud  de  celle  du  Stellaland,  a  été 
instituée  en  vertu  du  traité  de  pwx  du  24  octobre  1882,  entre  les  chefe 
ba-rolong,  Mosbetteet  Montsioa.  Ce  dernier  ayant,enmai  1884,  violé  le 
traité  et  attaqué  VrywiUlgers-Bust,  ta  guerre  se  ralluma  entre  les  deux 
cbefe,  et  ce  fut  Moshette  qui,  soutenu  par  des  volontaires  boers,  l'emporta 
sur  son  adversaire.  Par  le  trwté  de  pwx  du  28  août  1884,  les  Boere  obli- 
gèrent Montsioa  à  leur  céder  son  territoire  tout  entier,  k  reconnaître 
leurs  lois,  et  lui  assignèrent  comme  réserve,  pour  lui  et  sa  tribu,  une 
bande  de  terre  de  250  kilom.  carrés.  Le  16  septembre  une  proclamation 
du  président  Krttger  a  annoncé  l'annexion  de  Oosen  an  Transvaal  ; 
mais  elle  a  été  retirée,  cette  annexion  étant  contraire  &  la  convention  du 
27  février  de  cette  année  avec  l'Angleterre  ;  celle-ci  avait  annexé  au 
Transvaal  une  bande  étroite  de  la  partie  orientale  du  territoire  du 
Stellaland, et  de  Gosen.  Cette  dernière  république,  qui  a  pour  président 
M.  N.  Gey  van  Pittius,  s'étend  sur  une  superfiâe  de  10,400  kilom. 
carrés  ;  elle  a  une  population  de  3000  blancs  et  de  15,000  indigènes, 
dont  12,500  sont  sujets  de  Montsioa  et  2500  de  Moshette.  Le  sol  est 
propre  à  l'élève  des  moutons;  il  a  peu  de  bois,  en  revanche  il  est  mieux 
arrosé  que  le  Stellaland. 

Depuis  l'acquisition  du  territoire  d'A«gr«^Peqneiia  par  la  maison 
LQderitz  de  Brème,  des  marchandises  allemandes  ont  déj&été importées 
au  Stellaland,  et  y  ont  été  vendues  à  un  prix  inférieur  &  celui  des  mai^ 
cbandises  anglaises  vendues  k  Eimberley.  L'ouverture  de  cette  vole 
commerciale,  en  dehors  des  possessions  britanniques,  a  inspiré  aux 
Boers  le  désir  de  voir  le  nouvel  Ëtat  s'étendre  plus  à  l'ouest,  au  moins 
jusqu'à  Kourouman,  pour  qu'ils  puissent  tendre  la  main  aux  Allemands 
d'Angra-Pequena.  Sans  doute  le  Lûderitzland  ne  s'étend  pas  jusqu'à 
Kourouman,  mais  ce  rapprochement  préviendrait  au  moins  la  possibilité 
de  voir  la  Colonie  du  Cap,  par  l'occupation  du  territoire  des  Be-Chuana, 
pénétrer  conune  un  coin  entre  les  possessions  allemandes  et  les  républi- 
ques boers. 


—  285  — 

Le  dernier  numéro  de  la  revue  trimestrielle  Africa  nous  a  apporté  la 
triste  nouvelle  de  Texpulsion  des  missionnaires  américains  de 
BaHounda  et  de  Bilié,  par  le  roi  Kuikui  de  Ballounda,  à  Tinstigation 
d'un  Portugais,  trafiquant  d'esclaves  et  d'eaunle-vie.  Le  15  mai  les 
missionnaires  reçurent  Tordre  de  quitter  le  pays;  ils  en  furent  d'autant 
plus  surpris  que,  la  veille,  le  roi  leur  avait  fait  faire  un  message  verbal, 
pour  les  remercier  du  présent  ordinaire  en  étoflfe  qu'ils  lui  avaient 
adressé,  ajoutant  qu'il  avait  refusé  au  susdit  Portugais  de  chasser  les 
missionnaires,  vu  que  Ballounda  était  assez  grand  pour  lui  et  pour  eux. 
L'ordre  du  roi  n'en  était  que  plus  inexplicable,  mais  il  était  assez  expli- 
cite pour  ne  laisser  aucune  place  au  doute,  a  U  vous  est  enjoint,  »  por- 
tait-il, «  de  quitter  ce  pays  et  ses  dépendances  dans  l'espace  de  huit 
jours,  et  de  n'y  pas  revenir.  Si  vous  n'êtes  pas  partis  dans  le  temps 
prescrit,  vous  serez  considérés  comme  des  ennemis,  et  je  ne  serai  pas 
responsable  de  votre  sécurité.  Vous  m'avez  assez  bien  traité,  mais  vous 
ne  donnez  pas  à  mes  grands  ce  que  vous  devriez;  vous  ne  donnez  ni  eau- 
de-vie,  ni  poudre,  ni  fusils.  Vos  habitudes.ne  s'accordent  pas  avec  les 
nôtres.  Que  nul  de  vous  ne  vienne  chez  moi  pour  parlementer,  ce  décret 
est  irrévocable,  d  Le  message  avait  été  écrit  par  le  clerc  du  marchand 
sus-mentionné.  Il  était  évident  qu'il  y  avait  un  parti  pris  déminer  l'œu- 
vre missionnaire.  Lorsque  MM.  Fay  et  Sanders,  qui  étaient  à  Bihé,  appri- 
rent ce  qui  se  passait  à  Baïlounda,  ils  rejoignirent  leurs  collègues  afin 
que,  si  le  départ  était  nécessaire,  ils  pussent  se  retirer  tous  ensemble  à 
Benguéla.  M.  Sanders  qui  avait  eu  plus  de  relations  avec  le  roi  Kuikui, 
réussità  obtenir  de  celui-dune  entrevue,  mais  il  n'en  résulta  qu'un  ordre 
plus  strict  encore  de  quitter  le  pays  dans  l'espace  de  quatre  jours.  Les 
missionnaires  durent  s'enfuir  précipitamment  ;  des  bandes  affamées  et 
avides  pillèrent  tout  ce  qui  leur  tomba  sous  la  main.  D'un  autre  côté 
les  domestiques  indigènes,  et  les  élèves  de  l'école,  ainsi  que  quelques 
hommes  d'un  village  voisin  de  Ballounda,  accompagnèrent  fidèlement  les 
fugiti&  jusqu'à  Benguéla.  Des  porteurs  indigènes  ont  rapporté  que  Silva 
Porto,  négociant  portugais,  établi  à  Bihé  depuis  trente  ans,  a  envoyé  à 
Kuikui  un  messager,  pour  lui  reprocher  la  mauvaise  action  qu'il  avait 
commise  en  expulsant  des  blancs  innocents.  Il  est  vrai  de  dire  que  le 
roi,  malgré  les  sollicitations  les  plus  instantes,  refusa  de  faire  mourir  les 
missionnaires  et  de  permettre  qu'on  touchât  à  un  des  cheveux  de  leur 
tète.  Une  pétition  a  été  adressée  au  gouverneur  de  Benguéla,  qui  s'est 
enquis  de  la  perte  subie  par  les  missionnaires  et  a  promis  de  leur  £a.ire 
faire  restitution.  Deux  d'entre  eux^  MM.  Fay  et  Stover  se  sont  rendus  à 


—  286  — 

Boston,  pour  faire  rapport  au  Coinité  américain,  et  le  consulter  sur  le 
rétablissement  ultérieur  de  la  mission.  Ceux  qui  sont  restés  à  Benguéla 
attetident  de  voir  ce  que  fera  Tautorité  portugaise  et  ce  qu'elle  obtien- 
dra ;  ils  espèrent  pouvoir  reprendre  leur  œuvre  si  heureusement  com- 
mencée. 

n  semble,  d'après  un  rapport  de  M.  Arnot,  arrivé  aussi  à  la  côte 
occidentale,  que  les  che&  des  tribus  de  Tintérieur  ont  déjà  expédié  des 
lettres  pour  rappeler  les  missionnaires.  Mais  M.  Arnot  lui-même  a  été 
engagé  par  un  trafiquant  et  par  de  mystérieuses  insinuations  des  chefis, 
à  quitter  momentanément  Lialui  sur  le  haut  Zambèze,  résidence  de 
Robosi,  roi  des  Ba-Rotsé,  et  à  gagner  le  territoire  portugais  de  la  pro- 
vince de  Benguéla.  Après  son  départ  la  guerre  éclata  entre  les  Ba-Botsé 
et  une  tribu  voisine  S  et  le  roi  Robosi  fiit  tué.  En  arrivant  à  Bihé, 
M.  Arnot  n'y  trouva  plus  les  missionnaires  américains  ;  il  poussa  jusqu'à 
Bailounda,  qu'il  atteignit  au  moment  où  les  pillards  détruisaient  la  pro- 
priété, a  Les  habitants  de  Bailounda  s'imaginèrent,  »  écrit  le  père  de 
M.  Arnot  à  la  revue  Africa^  a  que  ce  blanc  était  tombé  du  ciel;  il  profita 
de  leur  confusion  et  convoqua  un  conseil  de  tous  les  notables.  Le  résultat 
fût  l'envoi  d'une  lettre  pour  rappeler  les  missionnaires.»  Descendu 
ensuite  à  Benguéla  pour  s'y  ravitailler,  il  se  proposait  de  retourner  à 
l'intérieur,  mais  plus  au  nord. 

^ous  complétons,  d'après  le  Mouvement  géographique  de  Bruxelles, 
les  renseignements  géographiques  nouveaux,  rapportés  par  M.  le 
capitaine  Hanssens  de  son  voyage  au  delà  de  la  station  de  l'Equa- 
teur, jusqu'aux  chutes  de  Stanley.  A  environ  130  kilom.  en  amont  de  la 
station  qu'il  avait  réussi  à  fonder  chez  les  Bangala,  il  reconnut,  sur  la 
rive  droite,  l'embouchure  d'une  énorme  rivière  venant  du  N.-E.,  large 
en  moyenne  de  600",  et  dont  les  rives  sont  basses  et  boisées.  Quelques 
indigènes  prétendent  qu'elle  provient  d'un  lac  appelé  Boukoumba,  situé 
à  une  quinzaine  de  jours  de  navigation.  La  rivière  elle-même  s'appdle 
N|ir<^la  ou  Hanipala.  Sur  sa  rive  gauche,  près  de  son  confluent  est 
situé  le  grand  village  de  Mobika.  Un  peu  en  amont  du  confluent  de  la 
Ngala  se  trouve  le  village  de  Moubangi  ;  en  cet  endroit  le  lit  du  Congo 
est  obstrué  de  rochers  jusqu'à  une  distance  de  500"  de  la  rive,  et  le  cou- 
rant est  très  fort.  La  navigation  n'y  est  possible  qu'avec  des  embarca- 
tions d'un  faible  tirant  d'eau. 

Le  capitaine  Hanssens  a  remonté  sur  une  distance  de  75  kilom.  envi- 

'  y.  la  lettre  de  M.  Jeanmairet,  p.  808. 


—  287  — 

roa,  ritlHibiri,  afflueat  de  la  rive  droite  du  Congo  également,  et  dont 
la  largeur  varie  de  800"  à  400*.  Dans  la  partie  parcourae,  la  rive  gauche 
si>édalement  est  très  peuplée  dans  ses  trois  districts  :  le  Bourambi,  le 
Libouki  et  le  Boumbouni.  Sur  la  rive  droite  se  trouve  le  district  d'Itembo, 
h  quelques  kilomètres  en  amont  du  confluent  ;  il  est  habité  par  des  indir 
gènes  de  la  tribu  des  Yankooué,  avec  le  chef  desquels  M.  Hanssens  a 
&it  l'échange  du  sang.  D'après  les  renseignements  qu'il  a  obtenus,  le 
nom  d'Itimbiri  serait  le  nom  du  Congo  lui-même,  dans  la  partie  où  il 
reçoit  cet  affluent,  dont  le  nom  est  Mboula  on  Bouloumbou.  H  offre  cette 
particularité ,  qu'il  se  jette  dans  le  Congo  en  formant  un  delta  ;  la 
brandie  occidentale  est  obstruée  par  de  grandes  herbes  ;  la  branche 
orientale  qui  n'a  que  50*  de  large  est  très  tourmentée,  mais  complète- 
ment libre.  Toute  cette  partie  du  cours  du  Congo,  sur  la  rive  nord, 
entre  les  confluents  du  Npala  et  de  la  Mboula  est  extrêmement  popu- 
leuse. On  y  fait  un  grand  trafic,  principalement  en  ivoire  et  en  esclaves. 
Quant  à  rAjrouoiiiiiii,  les  Ba-Soko,chez  lesquels  le  capitaine  Hanssens 
a  fondé  une  station,  l'appellent  Ubingi.Le  nom  d'Arououimi  serait  celui 
du  Congo  dans  la  partie  de  son  cours  où  débouche  l'Ubingi. 

Jusqu'à  l'Arououimi  le  passage  de  l'expédition  n'avait  nulle  part  pro- 
voqué la  frayeur  des  indigènes  ;  en  amont,  il  n'en  fut  plus  de  même.  A 
rapproche  des  steamers,  toute  la  population,  hommes,  femmes  et 
en&nt8,  abandonnait  les  villages  pour  se  réfugier  dans  les  bois  de  l'in- 
térieur, ou  s'éloignait  à  force  de  bras  dans  les  canots.  Depuis  les  raz- 
zias exercées  il  y  a  un  an  par  les  chasseims  d'esclaves,  les  natifs  éprou- 
vent une  frayeur  instinctive  &  l'aspect  de  tout  étranger  quel  qu'il  soit. 

Un  peu  en  amont  de  Mayomubé,  l'influence  salutaire  de  la  station 
des  citâtes  de  Stanley  se  fait  déjà  sentir.  M.  Hanssens  reçut  à 
bord  la  visite  de  tous  les  chefis  des  villages  devant  lesquels  il  passait. 
Tous  lui  apportaient  des  présents,  se  déclaraient  ses  amis  et  lui  deman- 
daient le  drapeau  bleu  de  l'Association.  Ds  ont  déjà  vu  passer  et  repas- 
ser la  flottille  du  Congo  sans  qu'il  en  résultât  pour  eux  le  moindre  dom- 
mage. De  plus,  ils  se  rendent  périodiquement  chez  les  Wa-6enya  des 
chutes  de  Stanley,  pour  y  échanger  leur  manioc  et  leurs  bananes  contre 
le  poisson  péché  dans  les  rapides.  Ils  ont  vu  «  le  village  du  blanc,  »  ils 
ont  constaté  qu'il  b&tit  ses  maisons  et  cultive  ses  plantations  sans  mo- 
lester personne,  qu'il  paie  comptant  ce  qu'il  achète,  et  qu'il  assiste  ses 
voisins  chaque  fois  que  cela  lui  est  possible.  La  confiance  est  venue  natu- 
rellement« 

Dqiuis  la  première  expédition,  plus  un  seul  marchand  d'esclaves 


—  288  — 

n'a  osé  s'approcher  du  district  et  les  populations^  ont  acquis  là  con- 
viction que  la  présence  des  blancs  constitue  leur  meilleure  sauvegarde. 
Le  personnel  de  la  station  des  chutes  est  dans  les  meilleurs  termes 
avec  tous  les  chefe  des  environs,  <)ui  attachent  un  très  haut  prix  à  la 
conservation  de  la  protection  des  blancs,  parce  qu'ils  sentent  que,  du 
jour  où  elle  leur  serait  retirée,  ils  redeviendraient  la  proie  des  chasseurs 
d'hommes. 

Tandis  qu'en  remontant  le  fleuve,  M.  Hanssens  avait  suivi  la  rive 
droite,  pour  redescendre  il  longea  la  rive  gauche.  Partout  il  fut  reçu 
avec  le  même  empressement,  et  put  conclure  de  nombreux  traités  avec 
les  chefs  indigènes,  et  obtenir  pour  l'Association  d'importantes  conces- 
sions de  terrains. 

■ 

Avant  de  quitter  le  Congo,  disons  encore  que  M.  le  lieutenant  Mas- 
sari,  après  avoir  été  retenu  quelques  semaines  par  la  fièvre  au  sanita- 
rium  de  Boma,  a  été  mis  par  Sir  Francis  de  Winton  à  la  tète  d'une 
expédition  de  découverte  chargée  d'explorer  le  Quanf^o.  Il  devra  pour- 
suivre  les  études  commencées  par  Stanley  et  Sir  F.  de  Winton,  relever 
le  cours  de  la  rivière  aussi  loin  qu'il  pourra  la  remonter  avec  son  stea- 
mer, et  procéder,  le  long  de  ses  rives,  à  l'installatioa  d'une  ou  de  plu- 
sieurs stations  nouvelles. 

Le  D'  ^m  Chavanne  a  écrit  le  20  août  aux  Mittheilungen  de  Gotha 
qu'il  se  préparait  à  se  rendre  à  San-Salvador  par  une  route  nou- 
velle, suivant  à  peu  près  la  ligne  de  partage  des  eaux  entre  les  rivières 
de  la  côte  et  la  Mpozo,  tributaire  du  Congo  ;  de  là  il  se  proposait  de  ga- 
gner, par  le  pays  de  Zombo,  le  bassin  inférieur  du  Quango,  et  suivre 
celui-ci  jusqu'à  son  confluent  avec  le  Congo.  Le  relevé  de  la  partie  du 
fleuve  de  Banana  à  Borna  lui  a  imposé  un  dur  labeur,  le  fleuve  étant 
couvert  d'un  labyrinthe  d'îles  dont  un  grand  nombre  n'étaient  pas  des- 
sinées sur  les  cartes  ;  d'autres  y  sont  portées  qui  n'existent  pas  ;  il  en  a 
relevé  cinquante  nouvelles.  Jusqu'ici  les  cartes  de  cette  partie  du  Congo, 
même  celle  de  l'amirauté  anglaise,  ne  reposaient  que  sur  des  renseigne- 
ments. De  Banana  à  Yivi,  le  D'  Chavanne  a  déterminé  géodésiquement 
plus  de  mille  positions,  fait  quantité  de  sondages,  en  même  temps  qu'il 
étudiait  la  géologie  de  cette  partie  du.bassin  du  fleuve.  Il  ne  s'est  pas 
borné  au  Congo  ;  il  a  fait  plusieurs  excursions  à  l'intérieur  dans  le  bas- 
sin du  Passi-Bombo  et  du  Eàlamou  (la  rivière  des  Crocodiles).  Son  com- 
pagnon, le  D' Zintgraff,  s'est  occupé  de  l'ethnographie  des  Mussorongo 
et  des  Aboma. 

D'après  un  rapport  de  M.  Dutreuil  de  Bhins  à  la  Société  de  géo- 


—  289  — 

gntphie  de  Paris,  M.  Doitale»  chaîné  d'an  ravitaillement  pour  Savorr 
gnan  de  Brazza,  quitta  en  juin  Loango  avec  une  trentaine  de  porteurs 
iodigènes,  dont  une  partie  Tabandonnèrent  suc  les  bords  de  la  Louil- 
dittia,  affluent  du  IVIari»  qu'il  suivit  jusqu'à  son  confluent,  vis-à-vis  de 
Stephanîeville.  L'agent  de  TAssoeiation  internationale  dans  cette  sta- 
tion se  refusant  à  lui  louer  un  magasin,  le  roi  du  pays  offrit  à  M.  Dolisie 
le  terrain  qu'il  choisirait,  et  conclut  avec  lui  un  traité,  par  lequel  tout 
le  pays  compris  entre  la  Loundima  et  le  Niari  a  été  placé  sous  la  suze- 
raineté et  le  protectorat  de  la  France.  Le  roi  et  les  chefs  déclarèrent  en 
même  temps  qu'ils  avaient  seulement  loué  l'emplacement  sur  lequel  se 
trouve  le  poste  de  Stephanîeville,  et  qu'ils  n'avaient  cédé  aucun  de  leurs 
droits  à  l'Association  internationale.  M.  Dolisie  fonda  la  station  de 
Niari-Liouadimay  et  se  dirigea  au  N.-E.  vers  PhilippeviUe.  Dans  ce 
trajet,  il  constata  que  le  Niari  est  navigable  par  canot  à  vapeur  sur  son 
cours  moyen  et  même  en  partie  sur  son  cours  supérieur.  Une  nouvelle 
station  fiit  fondée  pour  compléter  la  chaîne  des  postes  français  de  Loango 
à  Brazzaville,  où  M.  Dolisie  arriva  à  la  fin  de  juillet.  Le  trajet  avait  été 
fait  en  40  jours  ;  il  pourra  être  fait  en  20  jours,  quand  on  utilisera  la 
voie  fluviale,  et  qu'on  aura  organisé  un  service  régulier  de  porteurs 
comme  chez  les  Ba-Téké. 

Le  H'  Colin,  médecin  de  la  marine  française,  est  de  retour  d'un 
voyage  d'exploration  dans  le  bassin  de  la  Falémé  ^  et  dans  la  région 
aurifère  qui  s'étend  entre  ce  cours  d'eau  et  le  Bafing.  Parti  de  Podor  le 
24  juin  1883,  avec  un  convoi  de  douze  noirs  et  douze  bêtes  de  somme,  il 
suivit  la  rive  gauche  du  Sénégal  jusqu'à  Bakel,  traversant  ainsi  le  Fouta, 
où  les  Toucouleurs  lui  créèrent  toutes  sortes  d'ennuis.  De  Bakel  il  se 
dirigea  vers  Sénoudébou  sur  la  Falémé,  mais  là,  les  Toucouleurs  du 
convoi  refusèrent  absolument  d'entrer  sur  territoire  malinké,  aussi  le 
docteur  dut-il  se  rendre  à  Médine  pour  recruter  un  nouveau  personnel. 

De  retour  à  Bakel,  il  alla  étudier  les  terrains  aurifères  de  Eeniéba, 
explorés  il  y  a  deux  ans  par  notre  compatriote  M.  Demaffey .  Puis  il  gagna 
Dialafara,  capitale  du  Tambonara,  où  il  reçut  un  accueil  empressé 
du  chef  du  pays,  qui  conclut  avec  lui  un  traité  plaçant  son  territoire 
sous  le  protectorat  français,  et  donnant  à  la  France  le  droit  exclusif  de 
construire  des  routes  et  d'exploiter  des  mines.  Toute  la  région  du  Tarn* 
bouara,  dit  le  D'  Colm,  est  très  riche  en  or,  et,  dans  l'avenir,  on  y 
créera  certainement  des  exploitations.  Toutefois  il  estime  qu'il  ne  faudra 

*  V.  la  Carte,  IV«»«  année,  p.  200. 


L 


—  290  — 

se  lancer  dans  ces  opérations  qu'avec  une  extr&me  pruddnoe,  et  qu'avant 
de  chercher  à  exploiter  ce  pays  induâtriellemeiit,  il  est  indispensable 
d'améliorer  les  voies  de  communication  ^  et  de  créer  des  relations  corn* 
merciales  avec  lés  indigènes  qui  désirent  écouler  leurs  produits  par  le 
Sénégal.  Dialafara  est  un  viMage  malinké  de  2000  habitants,  bien  dis* 
posés  pour  les  blancs.  Leur  territoire  est  riche  en  pâturages,  et  abonde 
en  bétail  ;  leurs  principales  cultures  sont  le  riz,  Tindigo  et  le  coton.  De  là, 
M.  Golin  se  rendit  à  KasHnama^  capitale  du  Diébédougou,  à  une  jour- 
née de  marche  de  Koundian,  une  des  places  fortes  les  plus  importantes 
des  États  du  roi  de  Ségou.  C'était  la  première  fois  qu'un  Européen  visi- 
tait E>u3sama.  Admirablement  reçu  par  le  roi,  l'explorateur  y  fit  un 
séjour  d'un  mois  et  put  étudier  à  loisir  les  ressources  du  pays.  Eassama 
est  situé  sur  un  plateau  élevé,  en  pays  accidenté,  au  centre  d'une  région 
aurifère;  son  territoire  produit  du  caoutchouc,  de  l'indigo  et  du  coton. 
Là  aussi  le  bétail  est  abondant.  Les  deux  mille  Malinkés  de  Eassama 
ne  vivent  pas  en  trop  mauvaise  intelligence  avec  les  Toucouleurs  de 
Eoundian.  Ceux-ci,  isolés  dans  leur  forteresse  considérée  comme  impre- 
nable, sont  trop  peu  nombreux  pour  attaquer  leurs  voisins.  Les  mines 
d'or  se  trouvent  à  10  kilomètres  au  sud  de  Eassama,  au  pied  de  la  ligne 
de  partage  des  eaux  entre  la  Falémé  et  le  Bafing  ;  on  ne  les  exploite  que 
dans  la:  saison  sèche,  dès  que  la  récolte  est  terminée.  L'or  s'échange  sur- 
tout contre  du  sel,  condiment  qui  manque  absolument  dans  le  pays. 
Pour  un  lingot  d'or  d'une  valeur  de  15  francs,  les  traitants  donnent,  à 
Eassama,  une  quantité  de  sel  qui  vaut  environ  1  franc  à  Saint-Louis. 
En  hiver,  la  température  est  très  agréable;  en  décembre,  à  midi,  le 
thermomètre  monte  à  24'',  mais  la  nuit,  il  descend  souvent  à  T".  L'im- 
portance de  Eassama  parut  telle  auD'  Colin,  qu'il  crut  utile  de  chercher 
une  route  pour  aller  de  ce  point  à  Bafoulabé.  Malheureusement  le  che- 
min est  tellement  accidenté,  qu'il  serait  très  difficile  de  construire  une 
route  à  voitures.  De  Bafoulabé  'U  revint  à  Eassama,  et  résolut  de 
reconnaître  le  cours  de  la  Falémé,  pour  juger  si  cette  rivière  pourrait 
servir  de  route  vers  les  terrains  aurifères.  Il  l'atteignit  au  village  de 
Eiénékou,  à  environ  400  kilomètres  de  son  confluent  avec  le  Sénégal,  et 
reconnut  qu'elle  n'est  pas  navigable  dans  la  saison  sèche.  Aussi  dut-il 
cheminer  sur  ses  rives,  obligé  cependant  par  la  végétation  puissante,  de 
se  tenir  presque  constamment  à  une  distance  de  100"*  à  300"  du  bord. 
Le  gibier  y  est  très  abondant;  partout  l'on  voit  des  traces  d'éléphants, 
délions,  de  panthères,  des  antilopes  et  des  troupeaux  de  bœufis  sau- 
vages, etc.  Une  multitude  d'oiseaux  aux  couleurs  éclatantes  animent  le 


—  291  — 

paysage.  De  nombreux  villages  sont  coostniits  à  quelques  kilomètres  de 
la  rivière.  La  Falémé  roule  de  Tor,  et  sou  cours,  qui  se  développe  sans 
chutes  ni  rapides,  serait  aisément  navigable  à  la  saison  des  pluies,  si  on 
le  débarrassait  des  quelques  rochers  qui  Tobstruent.  Les  traitants  la 
remontent  avec  leurs  chalands  à  petit  tirant  d'eau,  et  il  ne  serait  pas 
difficile  de  la  rendre  accessible  h  de  petits  vapeurs.  Cette  exploration 
terminée,  le  D'  Colin  rentra  à  Bakel  pour  se  ravitailler,  car  il  voulait 
dresser  une  carte  de  la  Falémé.  Il  se  procura  à  Bakel  un  petit  chaland 
et  remonta  la  rivière  àur  une  longueur  de  160  kilomètres  environ  ;  mais 
son  chaland  subit  des  avaries  qui  Tobligèrent  à  redescendre  à  Bakel  et 
à  Saint-Louis.  Ici,  il  présenta  au  gouverneur  le  fils  du  roi  de  Kassama, 
jeune  homme  de  28  ans,  qui  venait,  au  nom  de  son  père,  faire  acte  de 
soumission  volontaire  à  la  France.  De  Bakel  à  Saint-Louis,  il  avait  eu 
pour  compagnon  de  voyage  un  Maure  de  Timbouctou,  délégué  par  la 
corporation  des  marchands  de  cette  ville,  pour  présenter  au  gouverneur 
du  Sénégal  les  vœux  des  négociants  de  la  métropole  du  Soudan  occiden- 
tal, pour  l'ouverture  d'une  voie  commerciale  par  le  Niger,  Bamakou  et 
les  escales  françaises  du  Niger  et  du  Sénégal.  Ce  Maure  a  affirmé  que, 
si  cette  route  s'ouvrait,  tout  le  commerce  de  Timbouctou  cesserait  de  pas- 
ser par  le  Maroc,  et  que,  dans  les  hautes  eaux,  le  Niger  est  suffisamment 
navigable  de  Timbouctou  jusqu'à  Bamakou.  —  Dès  lors,  ce  délégué  a 
dû  repartir  pour  Timbouctou,  où  l'on  se  proposait  de  le  reconduire,  à 
partir  de  Bamakou,  par  le  vapeur  que  le  capitaine  Delanneau  a  fait 
remonter  sur  le  Niger,  et  avec  lequel  il  avait  déjà  dû  se  rendre  à  Yamina, 
où  se  trouvait  Ahmadou,  sultan  de  Bégou. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Les  événements  dont  la  vallée  du  Nil  est  le  théâtre,  ont  porté  les  caravanes  du 
Soudan  à  prendre  la  voie  de  Tripoli  pour  y  amener  les  produits  de  Pintérieur; 
aussi  le  journal  officiel  de  la  Tripolitaine  constate-t-îl  que  le  commerce  de  cette 
région  a  pris  récemment  un  développement  qui  dépasse  tontes  les  prévisions. 

D'après  une  communication  de  M.  de  Lesseps  à  la  Société  de  Géographie  de 
Paris,  la  Compagnie  du  Canal  de  Suez  fera  élargir  le  canal  existant,  de  façon  que 
les  navires  puissent  se  croiser  sans  danger,  et  l'on  étudie  un  mode  d'éclairage  élec- 
trique qui  permette  d'y  naviguer  de  nuit. 

Le  colonel  Chemside,  établi  depuis  quelque  temps  à  Souakim  en  qualité  de  com- 
mandant civil  et  militaire,  a  été  nommé  gouverneur  général  de  tout  le  littoral  de 
la  mer  Rouge,  avec  ordre  de  résider  à  Mk^saoua. 


—  292  — 

Lé  capitaine  Kling,  de  la  gamiBon  anglaise  d'Aden,  se  propose  de  reprendre 
itinéraire  de  la  dernière  expédition  de  M.  G.  Réveil.  Il  croit  que^moni  delettrjo» 
des  clieik»  de  La  Mecque  et  de  cadeaux,  il  pourra.se  frayer  un  passage^  de  Maga- 
daxo  à  travers  les  pays  Galla,  et  arriver  à  Berberah  sur  le  golfe  d'Aden. 

Le  célèbre  explorateur  Gerhard  Bohlfs  a  été  nommé  consul-général  de  l'em- 
pire  allemand  ^  Zanzibar. 

Une  lettre  de  M.  Ledoulx,  consul  de  France  à  Zanzibar,  adressée  au  ministère 
des  affaires  étrangères,  l'informe  que  l'explorateur  Giraud  est  toujours  à  M'pala, 
station  de  l'Association  internationale,  à  la  c6te  occidentale  du  Tanganyika.  Un 
certain  nombre  des  porteurs  et  des  hommes  de  son  escorte,  après  l'avoir  aban- 
donné, ont  attaqué  la  mission  des  Pères  algériens  à  Kipalapaba,  près  de  Tabora, 
et  menacé  de  mort  le  père  Hautecœur;  Informé  de  ces  faits,  M.  Ledoulx  les  a  fait 
connaître  au  sultan  Saïd-Bargasch,  qui  s'est  empressé  de  donner  les  ordres  néces- 
saires pour  que  ces  hommes  fussent  punis. 

Le  lieutenant  Shufeldt,  de  la  marine  des  États-Unis,  a  fait  récemment  un  impor- 
tant voyage  à  travers  l'île  de  Madagascar,  dans  une  direction  S.-0.,  à  partir  de  la 
capitale,  en  suivant  un  itinéraire  de  llOOkilom.,  que  n'avait  encore  parcouru  aucun 
explorateur  scientifique.  Quittant  Antananarive  avec  une  forte  caravane,  il  recher- 
cha les  sources  et  les  nombreux  tributaires  supérieurs  de  la  Zizibongy,  qu'il  explora 
en  détail  et  dont  il  détermina  le  tracé  ;  puis,  descendant  des  plateaux  vers  la  côte 
S.-O.,  il  fit,  sur  les  diverses  terrasses  qu'on  y  rencontre,  des  observations  exactes. 
Nous  reviendrons  sur  cette  exploration  quand  les  Proceedings  de  la  Société  de 
géographie  de  Londres  auront  publié  le  rapport  que  leur  a  promis  le  lieutenant 
Shufeldt. 

Une  exposition  industrielle  qui  vient  d'avoir  lieu  à  Capetown,  a  permis  de  con- 
stater que,  pour  les  cuirs  du  Cap,  les  meubles  des  écoles  des  Ba-Souto  et  des  Zou- 
lous,  les  voitures  et  la  taille  des  diamants,  l'Afrique  australe  peut  rivaliser  avec 
les  produits  du  même  genre  fabriqués  en  Europe. 

La  Société  des  Missions  épiscopales  méthodistes  de  New- York  a  décidé  d'établir 
une  ligne  de  stations  à  partir  de  Loanda  jusqu'au  Tanganyika,  le  long  de  la  route 
de  Pogge  et  de  Wissmann. 

D'après  un  rapport  du  général  Lefroy,  président  de  l'Association  britannique 
au  congrès  de  Montréal,  un  chasseur  anglais,  M.  Hemmings,  a  traversé,  en  compa- 
gnie d'un  Hollandais,  la  partie  de  l'Afrique  occidentale  qui  s'étend  entre  Wal- 
fishbay  et  Vivi ,  en  suivant  à  peu  près  la  limite  orientale  des  possessions  portugaises. 

Une  dépêche  de  Madrid,  de  source  officieuse,  annonce  que  l'Espagne  étant 
décidée  à  se  rétablir  solidement  dans  ses  colonies  de  la  côte  occidentale  d'Afri- 
que, un  agent  espagnol  a  été  nommé  pour  les  lies  d'Ëlobey,  dans  le  golfe  de 
Corisco,  au  nord  du  Gabon. 

Le  ministère  français  de  la  marine  a  décidé  l'envoi  au  Sénégal  d'une  mission 
confiée  à  MM.  Marchai,  de  Lorient,  et  Auger,  ingénieur  des  travaux  hydrauliques 
à  Cherbourg,  pour  étudier  la  question  de  l'amélioration  du  port  de  Dakar.  Cette 
mission  s'embarquera  à  Bordeaux  le  5  décembre. 


—  293  — 

La  Conférence  internationale  convoquée  pour  s'occuper  des  intérêts  généraux 
de  la  civilisation  en  Afrique,  s'est  ouverte  le  15  novembre  à  Berlin.  Nous  aurons 
certainement  à  parler  plus  tard  de  ses  travaux.  Disons  seulement  aujourd'hui  que 
l'Allemagne  a  reconnu  l'Association  internationale  africaine. 


LE  MAL  CAUSÉ  PAR  LES  SPIRITUEUX  EN  AFRIQUE 
ET    LES  MOYENS  D'Y  REMÉDIER 

(Suite  et  fin.) 

Nous  avons  exposé,  dans  notre  précédent  numéro  (p.  262-270),  le 
mal  que  les  spiritueux  font  aux  indigènes  du  continent  et  des  îles,  et 
constaté  qu'il  appelle  un  remède  ou  plutôt  des  remèdes,  car  les  sources 
du  mal  étant  diverses,  les  moyens  à  employer  pour  le  guérir,  si  possible, 
et  pour  en  prévenir  le  retour,  doivent  être  divers  aussi. 

Les  moyens  les  meilleurs  sont  certainement  ceux  qui  procèdent  de  la 
Tolonté  des  indigènes,  persuadés  de  renoncer  à  Tusage  des  boissons 
alcooliques  par  la  conscience  du  mal  qu'ils  se  font  à  eux-mêmes  et  aux 
autres,  ou  par  l'exemple  et  les  conseils  des  personnes  qui  y  ont  renoncé 
pour  elles-mêmes,  afin  d'aider  au  relèvement  des  malheureuses  victimes 
de  l'ivrognerie.  Si  le  mal  est  très  répandu  et  profond,  il  ne  manque  pas, 
dans  l'Afrique  australe,  et  surtout  dans  les  possessions  britanniques,  de 
sociétés  de  tempérance  et  d'a^bstinence,  qui  travaillent  à  en  arrêter  les 
progrès  et  à  le  guérir,  par  la  création  d'institutions  analogues  h  celles 
de  notre  Europe,  cafés  de  tempérance,  salles  de  lecture,  bibliothè- 
ques, etc.  Ces  diverses  sociétés  ont  aussi,  comme  les  nôtres,  formé  une 
alliance  pour  chercher  à  restreindre  le  trafic  des  liqueurs.  Elles  ont 
des  sociétés  spéciales  d'assurance  mutuelle  sur  la  vie  '. 

Mais  les  amis  des  noirs  ne  s'en  tiennent  pas  là.  Au  Le-Souto,  par 
exemple,  où  nous  avons  vu  l'eau-de-vîe  pénétrer  à  la  suite  de  l'armée 
coloniale,  lors  de  la  dernière  guerre,  le  Comité  des  missions  de  Paris, 
une  fois  la  paix  rétablie,  rappela  aux  che£s  Ba-Souto,  dont  plusieurs 
donnaient  un  mauvais  exemple,  ce  qu'avait  fait  leur  père.  «  Enfants 

*  L'expérience  des  Compagnies  d'assurance  a  prouvé  que  la  tempérance  est 
favorable  à  la  longévité.  Une  Société  a  constaté,  en  1882,  que,  parmi  ses  assurés, 
les  cas  de  décès  ont  été  de  116  abstinents  et  de  370  non  abstinents;  en  1883,  la 
proportion  fut  de  7  à  19.  Aussi,  quelques  Compagnies  d'assurances  ont-elles 
réduit  de  20  ^o,  pour  les  abstinents,  le  taux  d'assurance. 


—  294  — 

de  Moschesh,  »  leur  écrivit-il,  «  vous  avez  été  un  moment  divisés,  soyez 
de  nouveau  unis,  et  rentrez  tous  ensemble  dans  la  voie  du  progrès. 
Retournez  aux  jours  où  la  boisson  enivrante  des  blancs  était  proscrite 
chez  vous,  car  c'est  bien  là  le  poison  des  corps  et  des  âmes,  la  mort  des 
peuples.  »  Lors  d'une  conférence  des  missionnaires  du  Le-Souto,  ceux-ci 
se  rendirent  en  corps  auprès  du  chef  Letsié,  afin  de  lui  présenter  leurs 
vœux  pour  la  prospérité  du  pays  ;  ils  prirent  occasion  de  cette  visite 
pour  faire  au  chef  une  protestation  contre  le  trafic  de  l'eau-de-vie,  et 
le  prier  de  rétablir  la  loi  prohibitive  sur  les  spiritueux  promulguée  par 
feu  son  père:  Letsié  ne  donna  d'abord  aux  missionnaires  qu'une  réponse 
évasive.  Toutefois  la  protestation  eut  un  certain  résultat.  La  vente  et 
l'achat  de  cette  drogue  diminuèrent  considérablement,  les  magistrats  lui 
firent  aussi  la  guerre,  autant  que  leur  position  difficile  le  leur  permettait. 
Le  fils  du  vénérable  Moffat,  de  Kourouman,  qui  avait  été  lui-même  pen- 
dant un  certain  nombre  d'années  missionnaire  chez  les  Ba-Kouéna,  s'y 
employa  d'une  manière  énergique.  D'après  un  rapport  de  M.  Bœgner, 
directeur  de  l'Institut  des  missions  de  Paris,  les  chefs  ont  rendu,  au 
commencement  de  cette  année,  un  décret  en  vertu  duquel  il  est  permis 
à  chacun  de  détruire  l 'eau-de-vie  qu'il  pourra  découvrir  entre  les  mains 
de  n'importe  qui.  La  permission  n'est  pas  demeurée  sans  effets.  Un  cor- 
respondant du  Cape  ArgiAS  raconte  qu'à  la  suite  de  ce  décret,  un  wagon 
d'eau-de-vie  fut  saisi  près  du  village  de  Tlasoa,  le  contenu  en  fut  détruit, 
et  le  propriétaire  arrêté.  En  outre  le  Le-Souto  a  bénéficié  d'une  loi  votée 
par  le  Yolksraad  de  l'État  Libre  de  l'Orange  dont  nous  aurons  à  parler 
plus  loin,  et  par  laquelle  ont  été  abolis  tous  les  débits  d'eau  de  vie  qui 
se  trouvaient  sur  la  frontière  ;  aucun  débit  ne  peut  plus  être  établi  qu'à 
deux  lieues  au  moins  des  limites  du  Le-Souto  ;  c'est  une  des  causes 
auxquelles  est  due  la  diminution  récente  de  l'ivrognerie  dans  ce  pays. 
Dans  l'État  Libre  ce  sont  aussi  les  maux  causés  par  les  boissons  alcoo- 
liques, qui  ont  fait  sentir  la  nécessité  d'une  loi  pour  réduire  le  nombre  des 
débits  et  la  vente  des  spiritueux  dans  les  boutiques.  En  vertu  de  cette 
loi,  aucun  cabaret  ne  peut  s'ouvrir  avant  qu'une  commission  de  cinq 
personnes  en  ait  constaté  la  nécessité.  Le  tenancier  doit  payer  ime  con- 
tribution annuelle  de  2500  francs,  et  les  marchands  ne  doivent  livrer 
aux  noirs  aucune  boisson  spiritueuse  (bière,  vin,  eau-de-vie).  Un  premier 
délit  est  puni  d'une  amende  de  1250  francs  ou  de  trois  mois  de  prison, 
avec  eau  de  riz  pour  nourriture  de  deux  jours  l'un;  en  cas  de  récidive, 
la  peine  est  de  six  mois  de  prison  avec  travail  forcé.  Quiconque  est 
trouvé  en  état  d'ivresse  doit  payer  25  francs  d'amende,  au  moins.  Les 


—  295  — 

efiets  de  la  loi  sont  salutaires,  et  montrent  que  le  gouvern^nent  de 
l'État  Libre  prend  la  question  au  sérieux.  En  opposition  à  ce  qui  se  pas- 
sait avant  la  promulgation  de  la  loi  (p.  266),  VExpress  dit  que  les  désor- 
dres du  jour  de  Tan  disparurent  soudainement,  comme  s'ils  eussent  été 
balayés  par  un  pouvoir  magique.  On  ne  vit  plus  dans  les  rues  un  seul 
natif  qui  ne  se  rendît  à  son  travail  dans  une  tenue  convenable.  Les  can- 
tines, qui  auparavant  servaient  de  lieux  de  refuge  au  crime  et  k  l'immo- 
ralité, furent  fermées,  et  le  jour  de  l'an  se  passa  dans  une  tranquillité 
et  une  paix  qui  firent  tomber  toute  opposition ,  et  qui  permettent  d'espérer 
nne  révolution  complète  dans  la  vie  et  les  habitudes  des  natife.  Toute- 
fois, dans  les  localités  oii  les  Anglais  ont  la  haute  main,  il  n'est  guère 
possible  d'appliquer  des  lois  pour  s'opposer  au  mal  qui  dévore  le  pays. 

Au  Transvaal,  il  est  triste  de  constater  que  la  première  fabrique  éta- 
blie depuis  la  restauration  de  la  république,  est  une  fabrique  de  liqueurs 
fortes,  à- 20  kilomètres  environ  de  Pretoria,  sur  le  bord  de  la  rivière 
Pienaars,  et  qu'autour  d'elle  s'est  élevé  tout  un  petit  village  d^employés 
de  la  fabrique  :  35  blancs  et  100  Cafres,  logés  et  entretenus  sur  la  pro- 
priété. Elle  fournit  500  litres  de  spiritueux  par  heure.  L'État  qui  a 
autorisé  cette  fabrication,  ne  peut  naturellement  pas  édicter  de  loi 
contre  les  débits  et  la  vente  de  l'eau-de-vie. 

En  revanche  les  missionnaires  de  la  Société  de  Berlin  s'efforcent  de 
restreindre  par  la  persuasion  l'abus  des  boissons  fermentées.  Il  y  a  deux 
sortes  de  bière  cafre  :  l'une  est  pour  les  indigènes  une  boisson  rafrat- 
chissante  ;  l'autre  ne  le  cède  pas  beaucoup  k  Teau-de-vie,  pour  son 
effet  enivrant.  A  Wallmannsthal,  dans  le  Transvaal  méridional,  les 
missionnaires  ont  mis  les  indigènes  en  garde  contre  l'usage  immo- 
déré de  la  forte  bière  cafre.  La  plus  grande  partie  des  hommes  se  sont 
rassemblés  de  leur  propre  mouvement  ;  ils  ont  décidé  que  la  fabrication 
de  la  bière  légère  sera  permise,  mais  pas  celle  de  la  seconde  ;  les  femmes 
qui  fabriqueront  celle-ci  seront  punies,  ainsi  que  les  ivrognes. 

Plus  au  nord,  sur  le  Ghiré,  il  a  suffi  de  la  résolution  bien  arrêtée  de 
la  a  Compagnie  des  lacs  africains,  »  pour  qu'aucun  baril  d'eau-de-vie  ne 
remontât  le  fleuve. 

A  Madagascar  le  gouvernement  a  édicté  des  lois  prohibitives  contre 
l'importation  et  la  fabrication  de  liqueurs  fortes.  Déjà  en  1881,  .dans  le 
code  de  lois  rédigé  pour  améliorer  l'administration  de  l'tle,  la  fabrication 
du  riium  était  interdite  dans  la  province  d'Imérina.  Quiconque  serait 
découvert  en  fabriquant,  serait  passible  d'une  amende  de  dix  bœufs  et  dix 
dollars;  le  rhum  trouvé  devait  être  versé  et  la  plantation  détruite. 


—  296  — 

Quiconque  serait  trouvé,  dans  cette  province,  vendant  du  rhum  ou  en 
ayant  en  sa  possession,  devait  être  puni  d'une  amende  de  dix  bœufis  et 
dix  dollars,  et  le  rhum  trouvé,  versé.  Quiconque  serait  trouvé  en  état 
d'ivresse  dans  ce  territoire  devait  payer  une  amende  de  sept  bœufs  et 
sept  dollars.  Enfin,  quiconque  serait  rencontré  transportant  du  rhum 
quelque  part,  dans  les  limites  de  cette  province,  serait  puni  d'une  amende 
de  cinq  bœufis  et  cinq  dollars.  La  loi  prévoyait  l'emprisonnement  pour 
cas  d'incapacité  de  payer  l'amende  ;  un  jour  de  prison  était  considéré 
comme  équivalent  à  six  pences  de  l'amende.  Malheureusement  les  im- 
porteurs ont  réclamé  l'appui  des  gouvernements  de  France  et  d'Angle- 
terre, qui  ont  contraint  le  gouvernement  de  Madagascar,  malgré  les 
protestations  les  plus  sérieuses  des  autorités^  à  admettre  les  liqueurs 
fortes,  et  même  k  recevoir  en  eau-de-vie  le  paiement  des  droits  d'entrée. 
Pour  être  conséquent  avec  ses  principes  et  avec  sa  législation,  et  pour 
arrêter  autant  qu'il  le  pouvait  les  progrès  de  ce  fléau  qui  menaçait  d'en- 
vahir tout  le  pays,  le  gouvernement  ordonna  aux  fonctionnaires  de  dé- 
truire les  spiritueux  aussitôt  qu'ils  les  auraient  reçus.  Cela  se  fit  chaque 
année  dans  les  ports  ;  dans  certains  cas,  quantité  de  tonneaux  ont  été 
défoncés  pour  protester  contre  le  mal  et  sauver  la  communauté.  Mais  la 
résistance  se  lassa,  et  l'eau-de-vie  pénétra  dans  l'île  en  plus  grande 
abondance  que  jamais.  En  1883,  à  l'occasion  de  la  venue  en  Angleterre 
des  envoyés  malgaches,  le  Comité  exécutif  de  l'Alliance  de  la  Tempé- 
rance du  Royaume-Uni  s'adressa  à  Lord  Granville,  pour  attirer  son 
attention  sur  les  clauses  des  traités  avec  Madagascar,  qui  donnent  aux 
sujets  de  S.  M.  britannique  un  droit  légal  d'importer  des  liqueurs  fortes 
dans  cette  île  moyennant  certains  droits  d'entrée,  en  opposition  à  l'opi- 
nion qui  attribue  à  ces  liqueurs  un  efiet  pernicieux  sur  les  Hovas  comme 
sur  les  autres  habitants.  Le  gouvernement  de  Madagascar  cherchant  à 
abroger  les  clauses  sus-mentionnées  de  ces  traités,  afin  de  pouvoir  agir 
plus  efficacement  contre  ce  fléau,  le  Comité  en  appela  à  Lord  Granville 
et  à  ses  collègues,  pour  que,  sans  attendre  l'action  d'autres  nations,  le 
gouvernement  anglais  accordât  à  l'administration  malgache  toute  faci- 
lité d'accompUr  son  louable  projet.  L'importance  du  commerce  anglais 
ne  devait  pas  dépendre  de  l'importation  à  Madagascar  d'un  article  des- 
tructif de  la  vie  et  de  la  morale  d'un  grand  nombre  des  habitants  de 
cette  île  ;  aussi  le  Comité  de  l'Alliance  ne  doutait-il  pas  que  le  gouver- 
nement de  S.  M.  ne  tînt  compte  des  vœux  de  toutes  les  classes  du  peu- 
ple anglais,  en  répondant  à  la  requête  des  envoyés  malgaches,  de  ma- 
nière à  écarter  tout  obstacle  à  l'exécution  des  mesures  propres  à  remé- 


—  297  — 

dier  au  mal.  Lord  Granville  promit  de  prendre  cette  demande  en 
sérieuse  considération.  Qu'en  est-il  résulté?  nous  l'ignorons  absolu- 
ment. 

Quelque  partisans  que  nous  soyons  de  la  liberté  commerciale  et  de  la 
liberté  individuelle,  nous  n'estimons  pas  qu'aucun  gouvernement  civilisé 
ait  le  droit  d'empêcher  une  administration  quelconque  de  refuser  l'en- 
trée de  son  territoire  à  des  substances  nuisibles,  dangereuses,  perni- 
cieuses même  aux  habitants  confiés  à  ses  soins,  ou  de  restreindre  l'im- 
portation de  ces  substances  par  de  hauts  droits  d'entrée  à  payer.  Aucun 
État  ne  permettrait  qu'un  gouvernement  voisin  lui  interdît  de  prendre 
des  mesures  de  précaution  à  l'égard  des  substances  explosibles  ;  or  il 
s'agit,  dans  la  question  des  spiritueux,  d'éléments  bien  plus  dangereux 
que  la  poudre  ou  la  dynamite. 

Sans  doute  on  ne  pourrait  pas  conseiller  d'adopter  partout  le  moyen 
employé  par  la  reine  Makea,  de  Rarotonga,  dans  l'Océan  Pacifique, 
quelque  efficace  qu'il  ait  été.  Affligée  des  progrès  de  l'intempérance  au 
milieu  de  son  peuple,  et  n'obtenant  pas  des  agents  de  police  la  répres- 
sion désirable  de  l'ivrognerie,  elle  convoqua  une  assemblée  populaire,  et 
devant  tous  réprimanda  sévèrement  les  agents  pour  leur  coupable  indul- 
gence envers  les  ivrognes  ;  puis  elle  les  révoqua  tous  et  créa  une  nou- 
velle police  composée  de  femmes  d'âge  mûr.  L'expérience  réussit  par- 
faitement. Les  femmes  appelées  à  ces  fonctions  firent  preuve  d'une  éner- 
gie et  d'une  habileté  extraordinaires  à  découvrir  les  fraudes  et  les 
fraudeurs.  Elles  trouvèrent  et  firent  jeter  à  la  mer  des  quantités  consi- 
dérables dWu-de-vie  introduite  en  fraude  dans  l'île,  si  bien  que,  depuis 
qu'elles  ont  en  mains  cette  affaire,  une  vraie  réforme  s'est  opérée  dans 
les  mœurs  de  la  population.  La  reine  avait  parfaitement  compris  que 
les  femmes  de  Rarotonga  sont  les  premières  intéressées  à  la  suppression 
du  fléau  de  l'eau-de-vie.  Elles  le  sont  également  en  Afrique  et  ailleurs. 

Les  gouvernements  indigènes  ne  peuvent  d'ailleurs  rien  faire  s'ils  sont 
contraints,  par  les  États  qui  se  disent  civilisés,  de  recevoir  l'eau-de-vie 
fabriquée  chez  ceux-ci  et  exportée  par  leurs  ressortissants.  Aux  hommes 
d'État  européens,  ils  pourraient  répondre  ce  queCettiwayo,  pendant  son 
séjour  à  Londres,  répondit  aux  délégués  de  la  Ligue  anglaise  de  Tempé- 
rance, qui  insistaient  auprès  de  lui  pour  qu'à  son  retour  il  prît  des 
mesures  afin  d'interdire  à  son  peuple,  dans  le  Zoulouland,  l'usage  des 
liqueurs  fortes.  Après  leur  avoir  appris,  par  son  interprète,  que  pendant 
son  règne  il  avait  fait  une  proclamation  contre  l'introduction  des  spiri- 
tueux, et  leur  avoir  dit  qu'il  la  renouvellerait  à  sa  rentrée  dans  ses 


—  298  — 

États,  il  ajouta  :  a  Je  comprends  tous  les  maux  qu'ils  causent,  et  suis 
décidé  à  ne  tolérer  que  l'usage  de  la  bière  peu  forte  des  natifs.  Mais  ce 
n'est  pas  à  moi  seul  qu'incombe  le  devoir  de  leur  fermer  la  porte  ;  je 
suis  à  l'intérieur  du  pays,  je  ne  peux  pas  savoir  ce  qui  se  passe  ailleurs; 
c'est  aux  frontières  qu'il  faut  mettre  un  obstacle  ;  c'est  du  côté  du  pays 
d'où  proviennent  les  spiritueux  qu'il  faut  fermer  la  porte  ;  ce  n'est  pas 
chez  moi  que  sont  les  distilleries  ;  ce  serait  aux  autorités  de  Natal  à 
empêcher  les  spiritueux  de  sortir  de  leur  colonie  pour  aller  empoisonner 
leurs  voisins.  »  Le  cousin  de  Cettiwayo,  Ngcongcwana,  confirma  le  fait 
que  les  spiritueux  causent  la  mort  du  peuple  ;  que  les  Zoulous  étaient, 
avant  la  guerre  avec  les  Anglais,  un  peuple  remarquable  pour  sa  sobriété, 
mais  que,  avec  les  troupes  anglaises,  l'eau-de-vie  est  entrée  dans  leur 
pays;  que  dès  qu'un  natif  prend  goût  à  l'alcool,  ce  goût  devient  très 
vif,  et  que  malheureusement  les  effets  en  sont  très  marqués.  Lui  aussi 
fit  comprendre  aux  délégués  de  la  Ligue  que  les  chefs  indigènes  ne  pou- 
vaient être  laissée  seuls  à  combattre  le  fléau,  et  que  le  gouvernement 
britannique,  ainsi  que  les  autorités  anglaises  des  colonies  de  Natal,  du 
Cap,  du  Griqualand'West,  devait  leur  aider.  Les  délégués  promirent 
d'agir  en  vue  d'obtenir  du  gouvernement  de  la  reine,  qu'il  aidât  au  roi 
à  empêcher  les  spiritueux  d'être  introduits  dans  son  pays  contre  sa 
volonté.  Nous  ignorons  quel  a  été  le  résultat  de  leur  démarche. 

Sans  doute  le  premier  devoir  à  cet  égard  est  de  ne  pas  forcer  les  indi- 
gènes qui  s'y  refusent,  à  laisser  entrer  chez  eux  les  spiritueux  qui  les 
ruinent  corps  et  âme  ;  mais  il  faut  aussi  leur  aider  à  en  restreindre  l'usage 
le  plus  possible.  Sous  ce  rapport  l'Angleterre  n'est  pas  seule  en  cause; 
mais  avec  elle,  tous  les  États  européens,  France,  Portugal,  Espagne, 
Allemagne  et  Italie,  qui  ont  des  possessions  et  des  colonies  le  long  de  la 
côte  d'Afrique  ou  à  l'intérieur,  ont  une  responsabilité  qu'ils  ne  peuvent 
méconnaître.  A  peu  d'exceptions  près,  toutes  les  côtes  du  continent  afri- 
cain sont  des  dépendances  des  États  européens  qui  les  font  administrer 
par  des  gouverneurs,  et,  dans  les  quelques  territoires  dont  les  chefs  sont 
encore  indépendants,  il  y  a  des  factoreries  établies  sur  des  terrains 
dont  la  concejssion  a  été  obtenue  des  chefs  en  vertu  de  traités  réguliers. 

Mais  que  trouve-t-on  presque  toujours  inscrit  dans  ces  contrats? 
Nous  ne  parlons  pas  de  celui  qu'a  conclu  M.  Lûderitz  avec  le  chef  de 
Béthanie,  et  qui  fait  honorablement  exception.  Sans  remonter  à  cin- 
quante ans  en  arrière  nous  lisons,  dans  les  Annales  du  ministère  de 
la  marine  et  des  colonies,  le  texte  d'un  traité  conclu  entre  le  roi  de 
France  et  le  souverain  du  Oualo,  avant  l'arrivée  de  M.  Faidherbe 


I 
I 


—  299  — 

comme  gouverneur  de  la  colonie  du  Sénégal.  Nous  en  extrayons  ce  qui 
suit,  comme  exemple  des  clauses  insérées  dans  la  plupart  des  contrats 
passés  avec  les  chefs  indigènes.  «  Le  gouvernement  français  s'engage  à 
donner  au  souverain  du  Oualo,  dix  bouteilles  d'eau-de-vie  ;  à  son  servi- 
teur, deux  bouteilles  d'eau-de-vie...  ;  à  la  princesse  Gimbotte,  quatre 
bouteilles  d'eau-de-vie....,  et  en  outre,  pour  sa  consommation  person- 
nelle, une  dame-jeanne  d'eau-de-vie  (de  50  à  60  litres  ').  » 

Dans  un  article  de  M.  de  Hesse-Wartegg,  inséré  dans  le  dernier 
numéro  de  la  Deutsche  Rundschau  fur  Géographie  und  Statistik  de 
Vienne,  l'auteur  s'exprime  ainsi  au  sujet  des  traités  conclus  avec  les 
chefs  indigènes  par  les  agents  de  l'Association  africaine  internationale  : 
«  les  princes  africains  n'ont  aucune  idée  de  la  portée  de  ces  traités  accep- 
tés pour  quelques  bouteilles  d'eau-de-vie  ^  Pour  quelques  vieux  fusils  et 
couvertures,  ils  cèdent  à  l'Association  leurs  droits  de  propriété  et  de 
souveraineté.  Ces  princes  noirs,  sans  vêtements,  signent  quoi  que  ce 
soit,  arborent  toute  espèce  de  pavillon,  aussitôt  qu'ils  peuvent  obtenir 
de  l'eau-de-vie,  mode  usité  de  paiement.  Et  voilà  comment  se  font  les 
premiers  essais  de  civilisation  dans  l'Afrique  centrale.  En  outre  l'As- 
sociation échange  avec  les  indigènes  de  l'eau-de-vie,  des  fusils,  des 
couvertures,  de  la  verroterie,  contre  de  l'ivoire,  de  l'huile  de  palme,  et 
autres  produits  des  tropiques.  v—Nous  nous  rappelons  aussi  que,  parmi 
les  objets  offerts  au  roi  de  San-Salvador  par  les  missionnaires  portugais 
envoyés  récemment  pour  recommencer  leur  œuvre  dans  cette  ville,  se 
trouvaient  des  bouteilles  de  rhum.  Or,  sachant  quel  effet  déplorable  les 
spiritueux  produisent  sur  les  indigènes,  chefs  et  sujets,  n'est-il  pas 
immoral  que  les  agents  de  pays  civilisés  ou  de  sociétés  missionnaires 
emploient  un  semblable  moyen  pour  obtenir  d'eux  la  faveur  ou  les  con- 
cessions qu'ils  désirent  pour  leurs  établissements  ? 

Certains  États  possesseurs  de  colonies  spéculent  d'une  autre  manière 
sur  la  faiblesse  des  noirs  et  sur  le  goût  des  liqueurs  fortes  que  leur  ont 
inoculé  les  blancs.  En  effet  s'ils  frappent  les  spiritueux  de  droits  d'en- 
trée élevés,  ce  n'est  pas  pour  en  restreindre  la  quantité  importée,  mais 
bien  plutôt  pour  retirer  de  forts  revenus  de  ces  boissons  alcooliques, 
dont  ils  savent  qu'elles  seront  toujours  recherchées,  quelque  élevé  qu'en 
soit  le  prix  de  revient. 

*  V.  Afrika  aU  Handdsgebiet,  von  Fritz  Robert,  p.  74.  Wien,  1882,  in-8°,  350  p. 

*  Les  bouteilles  de  gin  figurent  en  effet  dans  l'énumération  des  objets  cités  par 
Stanley  dans  sa  conférence  à  la  Chambre  du  Commerce  de  Londres^  comme  prix 
d'achat  des  concessions  et  des  droits  de  souveraineté  obtenus  des  chefs  indigènes. 


•  V^V 


—  300  — 

Mais  si  le  point  de  vue  vraiment  moral  est  celui  ob  la  mère-patrie 
s'estime  obligée  d'administrer  ses  colonies,  pour  le  plus  grand  bien  des 
indigènes,  et  non  pas  seulement  dans  son  intérêt  particulier,  les  gouver- 
nements européens  ne  devraient-ils  pas  tous  empêcher  que,  de  chez  eux 
ne  soit  exportée  pour  leurs  colonies  et  pour  toutes  les  autres,  aucune 
de  ces  boissons  alcooliques  qui  ruinent  physiquement  et  moralement 
ceux  qui  en  font  usage?  Pour  contribuer  au  développement  commercial 
des  nations  civilisées  avec  les  tribus  africaines,  il  importe  que  le  trafic 
des  spiritueux  soit  réduit  au  minimum  possible,  car,  comme  l'ont  constaté 
les  missionnaires  à  Madagascar,  c'est  ce  trafic  qui  détruit  le  vrai  com- 
merce, tandis  que  si  les  natifs  reçoivent  intégralement  le  paiement  de 
leur  travail  et  de  leurs  produits,  sans  être  exposés  à  le  dépenser  en  gin 
ou  en  eau-de-vie,  ils  pourront  acheter  les  marchandises  européennes 
vraiment  utiles  et  propres  à  affermir  leurs  progrès  dans  la  voie  de  la 
civilisation. 

Pour  réduire  au  minimum  l'importation  des  spiritueux  dans  leurs  colo- 
nies, les  États  européens  pourraient  avoir  des  agents  spéciaux  chargés 
de  veiller  sur  les  ports  d'arrivée,  et  aussi  sur  les  ports  de  départ  des 
navires  de  transport.  Les  lignes  sont  connues,  et  alors  même  que  la 
surveillance  de  ces  agents  serait  parfois  mise  en  défaut,  le  mal  dimi- 
nuerait cependant  dans  une  forte  mesure,  pour  le  plus  grand  bien  des 
colonies. 

Il  y  a  là,  pour  l'Afrique,  une  question  suprême,  qui  mérite  d'être  exa- 
minée attentivement  par  tous  les  États  civilisés  ;  et,  puisqu'ils  sont  pres- 
que tous  représentés  aujourd'hui  au  Congrès  réuni  à  Berlin  pour  s^enten- 
dre  sur  les  mesures  à  adopter  relativement  h  la  navigation  du  Congo,  et 
nous  l'espérons  aussi,  à  la  traite  des  noirs  à  l'intérieur,  nous  voudrions 
qu'ils  prissent  en  considération  le  désir  exprimé  par  M.  le  D'  Grunde- 
mann,  missionnaire  éclairé,  dans  VAllffemeine  Missions-Zeitschrift^ 
que  l'eau-de-vie  comme  objet  de  traite  fût  absolument  prohibée.  M.  le 
D'  Christ-Socin,  de  Bâle,  en  priant  M.  Moynier  de  soumettre  cette  idée 
au  Comité  national  suisse  pour  l'exploration  et  la  civilisation  de  l'AM- 
que,  s'exprimait  ainsi  :  a  II  n'y  aurait  pas  de  plus  belle,  de  plus  utile, 
de  plus  bienfaisante  convention  internationale  que  celle  qui  empêcherait, 
dès  le  début,  la  ruine  d'une  population  qu'il  s'agit  au  contraire  de 
gagner  tout  d'abord  pour  la  vraie  civilisation,  laquelle  n'est  autre  que 
la  vie  chrétienne.  D  y  a  là,  au  centre  de  l'Afrique,  un  immense  champ 
mûr  pour  la  moisson.  Faut-il  le  voir  ravagé,  ruiné,  comme  l'ont  été 
tant  de  peuplades,  pour  lesquelles  le  contact  de  la  civilisation  n'a 


—  SOI  — 

signifié  que  Textirpation  ?  »  Nop ,  cent  foiâ  doa  !  ajouterons-nous  avec 
M.  le  D' Christ-Socin. 

Et  puisque  l'Antislavery  Society  a  demandé  que  la  question  de  l'abo- 
lition de  la  traite  à  l'intérieur  fût  examinée  au  Congrès  de  Berlin,  nous 
aurions  voulu  que  les  Sociétés  de  tempérance  des  deux  Mondes  fissent 
une  demande  analogue  au  sujet  du  trafic  des  spiritueux.  Elles  auraient 
eu  plus  de  chance  de  voir  leur  vœu  obtenir  de  l'auguste  assemblée  la 
considération  qu'il  mérite,  que  s'il  est  présenté  à  celle-ci  par  un  simple 
particulier. 

Le  moment  est  solennel  pourl'Afirique.  C'est  elle  qui  fait  actuellement 
le  sujet  des  préoccupations  de  tous  les  États  civilisés,  et  de  longtemps 
une  réunion  semblable  à  celle  de  Berlin  ne  se  reproduira  pas.  Des  déci* 
sions  qui  seront  prises  relativement  à  la  navigation  et  au  commerce, 
peut  dépendre  la  civilisation  de  cet  immense  continent  et  de  ses  deux 
cents  millions  d'habitants.  Que,  tout  en  posant  en  principe  la  liberté  de 
navigation  et  de  commerce  en  faveur  de  tous,  les  représentants  des  puis- 
sances civilisées  se  rappellent  que,  même  chez  ces  puissances,  il  y  a  des 
réserves  à  la  liberté  commerciale,  et  que  ceux  des  États  européens  ou 
américains  qui  ont  dû,  pour  prévenir  leur  ruine,  prendre  des  mesures  res- 
trictives, parfois  même  prohibitives  à  l'égard  des  spiritueux,  ne  peuvent 
pas  imposer  aux  noirs  de  l'Afrique  centrale  ce  dont  ils  ont  reconnu  le 
danger  pour  eux-mêmes.  Que  nul  d'entre  eux  ne  dise  :  périssent  tous 
les  noirs  pourvu  que  le  principe  de  la  liberté  de  commerce  soit  sauvé  ! 
Que  bien  plutôt  le  Congrès  de  Berlin  continue  l'œuvre  commencée  à 
celui  de  Vienne  U  y  a  soixante  et  dix  ans,  et  qu'à  l'abolition  de  la  traite 
s'ajoute  la  suppression  du  trafic  des  spiritueux  de  la  part  des  blancs  en 
Afrique.  Sinon  l'élément  musulman,  qui  s'avance  à  la  fois  du  nord  et  de 
l'est,  et  qui  s'étend  déjà  sur  la  moitié  du  continent  africain,  trouvera, 
dans  la  sobriété  et  l'abstinence  de  ses  représentants,  une  force  qui  lui 
permettra  de  l'emporter  facilement  sur  la  civilisation  européenne,  trop 
souvent  représentée  chez  les  nègres  pat*  des  blancs  que  l'usage  des  bois- 
sons alcooliques  a  dégradés  et  corrompus.  Les  nègres  savent  très  bien 
firire  la  différence  entre  le  blanc  qui  s'enivre  et  qui  les  enivre  avec  lui,  et 
le  musulman  qui  reste  sobre  et  conserve  toujours  sa  raison,  sa  force  et  sa 
dignité.  Entre  les  deux  civilisations  qui  s'avancent,  l'une  du  nord, 
Tautre  du  sud,  la  victoire  demeurera  à  celle  dont  les  représentants  se 
montreront  les  plus  sobres  ;  et  la  civilisation  chrétienne  ne  conservera 
son  influence  sur  les  noirs,  que  si  ceux  qui  la  leur  portent  se  montrent 
supérieurs  aux  Arabes  qui  les  réduisent  en  esclavage  et  les  vendent,  non 


—  302  — 

seulement  par  le  respect  de  leur  liberté,  mais  encore  par  Tabstentioa  de 
tout  ce  qui  peut  contribuer  à  les  dégrader  et  à  les  corrompre. 


NOUVELLES   POSSESSIONS  ALLEMANDES  DU  GOLFE 

DE  GUINÉE  ' 

Dans  un  de  nos  premiers  numéros  de  cette  année  (p.  87*97),  nous 
avons  décrit  la  nature  de  la  zone  littorale  de  la  Hottentotie  et  de  la 
Gimbébasie  ',  où  M.  Lûderitz  venait,  par  Tacquisition  du  territoire 
d'Angra*Pequena,  de  préparer  la  voie  à  rétablissement  du  protectorat 
allemand,  étendu  aujourd'hui  du  cap  Frio  à  l'embouchure  du  fleuve 
Orange,  à  Texception  de  l'endave  de  Walâsh-Bay,  demeurée  possession 
britannique.  L'extension  toute  récente  de  ce  protectorat  à  certains 
territoires  du  golfe  de  Guinée,  sur  lesquels  l'attention  générale  se  porte 
maintenant,  nous  engage  à  en  donner  une  carte,  que  nous  accompagnons 
de  quelques  mots  pour  faire  comprendre  l'importance  des  nouvelles 
positions  que  l'Allemagne  vient  d'acquérir. 

Et  d'abord  le  petit  territoire  de  Togno  est  situé  entre  les  deux  parties 
des  possessions  anglaises  de  la  Côte  d'Or  et  de  la  Côte  des  Esclaves, 
dont  les  localités  les  plus  importantes  sont  Cape-Coast-Castle  et  Lagos. 
Le  Portugal  y  possède  encore  le  fort  de  Saint-Jean-Baptiste  d'Ajouda 
et  Whyda,  et  la  France  y  occupe  Porto-Novo  et  Cotonou. 

Le  D' Nachtigal,  commissaire  de  Temph^e  d'Allemagne,  a  arboré  le 
drapeau  allemand  sur  Bay-Beach,  Bagelda  et  Porto-Seguro.  La  Société 
des  ipissions  de  Brème  a  des  agents  qui  travaillent  parmi  les  tribus 
des  Éwés,  avec  station  à  Peky,  dans  l'intérieur.  Depuis  un  certain  temps, 
un  commissaire  anglais,  résidant  à  Quitta,  s'efforçait  d'annexer  aux  pos- 
sessions britanniques  toute  la  zone  littorale  jusqu'à  'Lagos;  mais  les 
chefe  indigènes  refusaient  de  la  céder  aux  Anglais,  dont  le  système 
douanier  dans  les  districts  à  l'ouest  et  à  l'est  de  cette  zone,  avaient  fait 
de  celle-ci  comme  une  porte,  par  laquelle  le  commerce  libre,  en  grande 
partie  entre  les  mains  des  Allemands,  importait  et  exportait  des  quan- 
tités  considérables  de  marchandises.  Ayant  échoué  dans  sa  tentative 
d'obtenir  pour  l'Angleterre  la  cession  de  ce  territoire,  le  commissaire 
britannique  excita  contre  les  marchands  européens,  en  majorité  aile* 

'  y.  la  carte  qui  accompagne  cette  liTraison.  p.  816. 
*  V.  la  carte  p.  100. 


■^  *-»»>. 


—  803  — 

mands,  les  indigènes  qui  menacèrent  de  piller  les  factoreries.  A  ce 
moment  le  Jy  Nachtigal  ariivait  devant  Porto-Seguro  et  Bagelda  ;  ses 
compatriotes  réclamèrent  sa  protection,  ce  qui  amena  la  conclusion  d'un 
traité  avec  M'iapa,  roi  de  Togno.  Aux  termes  de  ce  traité,  et  pour 
protéger  le  commerce  légitime  exercé  dans  son  pays,  principalement 
par  des  négociants  allemands,  ce  roi  a  demandé  la  protection  de  Tempe- 
reur' d'Allemagne;  il  s'est  engagé  à  ne  concéder  à  aucune  autre  puis- 
sance les  droits  souverains  sur  une  partie  de  son  territoire,  et  à  ne 
jamais  accorder  à  des  sujets  d'autres  nationalités  plus  de  liberté  ou  de 
privilèges  qu'aux  sujets  allemands.  En  accordant  sa  protection,  l'empe- 
reur d'Allemagne  s'est  engagé  de  son  côté  à  respecter  tous  les  traités 
de  commerce  antérieurs,  conclus  par  le  roi  M'iapa  avec  d'autres  États, 
et  à  ne  point  porter  atteinte  h  la  liberté  commerciale  qui  existe  actuel- 
lement sur  le  territoire  du  roi  de  Togno. 

C'est  aussi  le  danger  couru  par  les  nombreux  établissements  des 
négociants  allemands  de  Brème  et  de  Hambourg,  dans  la  baie  de  Biafi'a, 
qui  a  engagé  le  commissaire  impérial  allemand  à  placer  sous  le  protec- 
torat de  l'empire,  le  territoire  beaucoup  plus  vaste  qui  s'étend,  du 
pied  S.-Ë.  du  mont  Gameroon  au  Petit-Batanga,  sur  une  ligne  de  côte 
de  160  kilom.  de  longueur.  Le  Grand-Batanga,  un  peu  plus  au  sud,  a 
été  cédé  par  les  clie&  à  la  France,  en  vertu  d'un  traité  conclu  en  1862  ; 
et  au  N.-O.  de  la  nouvelle  possession  allemande,  au  pied  du  Cameroon, 
l'Angleterre  s'est  annexé,  au  mois  de  juillet .  dernier,  le  territoire  de 
Victoria,  sur  une  longueur  de  côte  de  16  kilom.,  et  une  profondeur  à 
l'intérieur  d'une  dizaine  de  kilomètres  '.' 

Le  pays  placé  sous  le  protectorat  de  l'Allemagne  comprend^  les 
bouches  du  Mungo,  avec  le  delta  de  ce  fleuve,  dont  un  des  bras,  le 
Bimbia,  a  donné  son  nom  à  la  zone  littorale  où  se  trouve  la  ville 
de  King  William'stown,  puis,  l'embouchure  de  la  rivière  Cameroon  ou 
Dualla,  sur  la  rive  méridionale  de  laquelle  sont  situées  les  viUes  des 
rois  Bell,  Dido,  Aqua;  enfin,  dans  le  delta  de  la  rivière  Edea,  le  terri- 
toire de  Malimba,  avec  la  ville  de  ce  nom ,  au  sud  de  la  baie  de  Cameroon. 

Les  indigènes  servent  d'intermédiaires  pour  le  commerce  entre  les 
Européens  et  les  natifs  de  l'intérieur.  Les  factoreries  allemandes  y  ont 

'  Plosieun  cartes  attribuent  à  l'Angleterre^  les  deux  rives  du  Vieux-Calabar, 
mais  le  mémoire  de  Sir  Rawson  W.  Rawson,  The  Territorial  partition  of  ihe  Coasi 
of  Africa,  publié  avec  une  carte  dans  le  dernier  numéro  des  Proeeedings  de  la 
Société  de  géographie  de  Londres,  les  présente  comme  territoire  indépendant. 


—  304  — 

acqdls.  une  très  grande  importance,  par  suite  du  déveleppement  des 
relations  commerciales  avec  l'AUemagne.  De  1861  à  1883  TexportatioD 
par  navires,  de  Hambourg  au  territoire  de  Cameroon,  s'est  élevée 
de  3333  à  46,792  tonnes  de  marchandises,  et  rimportation  de  Cameroon 
à  Hambourg  a  augmenté  dans  la  même  proportion. 

Ici  aussi  les  Anglais  ont  manifesté  l'intention  de  s'annexer  ces  terri- 
toires, ou  du  moins  d'en  prendre  les  populations  sous  leur  protectorat. 
Mais  plusieurs  des  rois,  entre  autres  ceux  de  Bell'stown  et  d'Aqua'stown, 
ont  refusé  cette  protection  et  ont  fait,  aîvec  les  représentants  des  mai- 
sons de  Hambourg  et  de  Brème,  un  traité  en  suite  duquel  les  négociants 
allemands  ont  transmis  leurs  droits  au  commissaire  de  l'empire  d'Alle- 
magne. 

L'importance  de  cette  possession,  pour  le  développement  des  échanges 
entre  les  marchandises  européennes  et  les  produits  de  l'intérieur,  pro- 
vient du  fait  que  le  fleuve  Cameroon  est  large  et  navigable  sur  une  assez 
grande  étendue,  et  qu'il  offire  un  mouillage  beaucoup  plus  favorable 
(|ue  la  plupart  des  embouchures  des  rivières  qui  se  versent  dan&  le  golfe 
de  Guinée. 

D'autre  part  la  région  montagneuse  du  Cameroon  est  très  propre  au 
développement  de  l'agriculture.  De  plus  les  nègres  de  cette  région  sont 
généralement  plus  travailleurs  que  ceux  de  l'intérieur;  placés  depuis 
longtemps  déjà  sous  l'influence  des  missionnaires  baptistes^  ils  voient 
comment  l'on  doit  travailler,  et  ils  ont  déposé  l'indolence  naturelle  de 
leur  race. 

A  côté  des  commerçants  allemands,  les  agriculteurs  européens  pour- 
ront trouver  là  un  champ  favorable  de  travail,  et  les  diverses  régions  du 
Cameroon  pourront  recevoir,  dans  des  sanitaria,  à  différentes  altitudes, 
ceux  que  le  séjour  dans  la  zone  littorale  obligera  à  chercher  un  air  plus 
vivifiant  pour  y  renouveler  leurs  forces. 

Nul  doute  que,  par  cette  porte,  la  civilisation  européenne  ne  pénètre 
plus  facilement  à  l'intérieur  qu'elle  ne  l'a  pu  jusqu'ici  ;  nul  doute  non  plus 
que  les  explorateurs  allemands,  auxquels  la  science  géographique  doit 
déjà  tellement,  sous  le  rapport  des  découvertes,  dans  la  partie  occidentale 
de  l'Afrique  équatoriale,  ne  pénètrent  enfin  par  là  dans  cette  région 
encore  inconnue  qui  s'étend  entre  les  sources  du  Bénoué,  le  Chari  et  le 
Congo.  La  présence  du  D'  Bttchner,  préposé  par  le  gouvernement  alle- 
mand à  l'administration  de  cette  nouvelle  possession,  nous  en  est 
garant.  Il  y  a  quelque  temps  déjà,  la  Société  africaine  allemande  avait 
formé  le  projet  de  lui  confier  une  expédition,  qui  aurait  pris  pour  point 


—  305  — 

de  départ  la  baie  de  Cameroon  et  se  serait  dirigée  vers  le  lac  Liba  et  le 
Chari.  n  y  a  de  bonnes  raisons  de  croire  que  si  l'entreprise  de  M,  Rogo- 
zinski  ne  peut  réussir,  les  explorateurs  allemands  auront  Thonneur  de 
résoudre  les  problèmes  qui  se  rattachent  à  cette  partie  de  Pintérieur  du 
continent. 


CORRESPONDANCE 

Patamatenga,  près  du  Zambèze,  16  juillet  1884. 

Cher  Monsieur, 

La  dernière  fois  que  j'ai  eu  le  plaisir  de  tous  écrire,  c'était  de  Schoshong,  en 
mai  dernier;  quel  long  temps  se  sera  écoulé  depuis,  sans  que  vous  ayez  reçu  de 
mes  nouvelles  1  si  toutefois  ces  dernières  vous  sont  parvenues.  C'est  presque  décou- 
rageant de  vous  donner  des  nouvelles  qui  seront  si  vieilles  quand  elles  vous  par- 
viendront. 

n  est  si  difficile  de  bien  voir  et  surtout  de  bien  juger,  sans  se  laisser  dominer 
par  une  idée  préconçue  !  c'est  la  réflexion  qui  me  vient  à  l'esprit  en  essayant  de 
vous  donner  mon  impression  sur  la  contrée  que  nous  venons  de  parcourir;  chaque 
membre  de  l'expédition  emploierait  sans  doute  à  le  faire  d'autres  couleurs. 
Quant  à  moi,  j'ai  un  faible  pour  les  teintes  sombres,  et,  malgré  ma  prétendue 
impartialité,  vous  aurez  une  description  bien  plutôt  subjective  qu'objective. 

Cette  immense  contrée,  dont  nous  avons  traversé  une  largeur  d'environ  650  kilo- 
mètres, ne  présente  pas  un  caractère  uniforme.  £n  quittant  Schoshong,  c'est  un 
fourré  de  buissons  épineux  avec  quelques  taillis  de  grands  arbres;  longtemps 
encore  les  collines  qui  dominent  le  village  de  Ehama  forment  un  ruban  noirâtre 
à  l'horizon,  et  quelques  kraals  indigènes  animent  aussi  cette  solitude.  C'est  de 
Eané,  à  cinq  traites  de  Mangwato,  que  l'on  jette  un  dernier  regard  sur  les  mon- 
tagnes. De  notre  camp,  placé  sur  une  éminence,  nous  voyions  une  immense  plaine 
s'étendre  à  perte  de  vue,  triste  et  monotone  avec  les  teintes  brunâtres  de  l'au- 
tomne. Plus  loin,  nous  entrons  pour  un  moment  dans  la  forêt,  pour  retrouver 
encore  les  mêmes  buissons  épineux,  et  de  plus  que  précédemment,  un  sable  pro- 
fond où  nos  wagons  manœuvrent  avec  difficulté.  Bien  de  remarquable  dans  cette 
partie  de  notre  voyage  ;  pas  de  gibier,  une  herbe  haute  plus  ou  moins  desséchée, 
des  ronces,  c'est  presque  tout  ce  que  nous  voyons.  Je  m'étais  fait  l'illusion  de 
croire  que  nous  aurions  toujours  un  immense  horizon  ;  il  n'en  est  rien.  Souvent 
nous  étions  comme  entre  deux  murs  d'arbrisseaux,  et  ce  n'a  été  que  de  place  en 
place  que  nous  avons  eu  une  vraie  vue  du  désert. 

De  Linokaneng,  nous  entrons  dans  un  nouveau  pays.  Cet  endroit  même,  abon- 
dant en  eau,  est  joli;  il  est  à  peu  près  au  tiers  de  notre  route.  Là,  nous  remarquons 
les  premiers  palmiers,  les  aloès,  et  jusqu'à  l'entrée  du  Makarikari,  nous  jouissons 
beaucoup  des  belles  forêts  que  nous  traveri^ons,  mais  toujours  le  gibier  semble 


—  306  — 

fuir  devant  nous.  Le  Makarikari  s'étend  dans  la  partie  moyenne  de  notre  route, 
mais  non  d'une  manière  continue;  ce  sont  des  prolongements  onentauz  qui  coupent 
la  route  du  Zambèze,  à  trois  ou  quatre  reprises.  Le  premier  que  nous  rencontrons 
est  une  surface  parfaitement  plane,  sans  herbes,  sans  buissons,  et  qui  dépasse  beau- 
coup les  bornes  de  notre  vue.  Parfois  elle  a  la  teinte  jaunâtre  du  sable,  mais  plus 
souvent,  l'apparence  d'une  plaine  de  sel  ;  tout  le  sol  est  saturé  de  ce  minéral,  ce 
qui  explique  l'effet  si  fréquent  du  mirage. 

Toute  cette  partie  a  sans  doute  été  jadis  une  mer  Intérieure;  il  en  reste  encore 
un  étang  salé  très  considérable,  qui  se  termine  à  l'Ouest  par  un  canal  profond  et 
sans  issues.  Le  second  Makarikari  diffère  du  précédent  en  ce  qu'il  ressemble  à  un 
immense  pâturage,  sans  aucun  arbre  ;  à  peine  de  distance  en  distance  un  palmier 
élève-t-il  vers  le  ciel  sa  cime  solitaire.  Là,  nous  avons  un  peu  chassé  les  antilopes, 
mais  sans  succès.  Quant  à  la  troisième  contrée,  elle  est  aussi  pourvue  d'herbe,  et 
en  particulier  couverte  d'étangs,  je  dirais  presque  complètement  submergée.  Nous 
avons  eu  grand'peine  à  nous  tirer  d'affaire  au  milieu  de  ces  flaques  d'eau.  Elle  se 
termine  &  la  Shua-river  ou  Nata-river,  la  seule  que  nous  ayons  trouvée  avec  quel- 
que abondance  d'eau.  A  partir  de  cette  dernière  surtout  notre  voyage  a  été  labo- 
rieux. Le  sable  était  très  profond,  et  la  route  se  frayait  difficilement  un  passage 
entre  les  buissons  ou  à  travers  les  forêts  vierges.  Quelquefois  nous  dessellions 
dans  des  endroits  charmants,  mais  en  somme,  ce  pays  m'a  paru  triste  ;  la  civilisa- 
tion le  rendrait  tout  autre;  en  plusieurs  endroits  il  serait  facile  de  conserver  l'eau 
toute  l'année,  et  le  sol  se  prêterait  admirablement  à  la  culture  ;  pour  nous,  c'était 
peu  d'y  rencontrer  quelques  misérables  Masarois  au  lieu  de  toutes  les  richesses 
que  fournirait  ce  pays  habité,  aussi  n'avons-nous  pas  été  tentés  d'y  planter  nos 
tentes.  —  A  huit  jours  de  distance  de  Patamatenga,  notre  voyage  est  devenu  plus 
intéressant,  nous  étions  dans  la  région  des  grandes  forêts  et  du  gibier.  Les  pre- 
mières sont  de  belle  apparence,  fok'mées  d'arbres  de  haute  futaie,  au  feuillage 
très  vert,  et  qui  contraste  avec  la  couleur  jaunâtre  de  l'herbe  et  des  buissons. 
De  loin,  vues  d'une  clairière,  elles  semblent  impénétrables,  mais  quand  on  y  entre, 
les  arbres  paraissent  plus  espacés  que  dans  nos  forêts  européennes,  de  sorte  qu'il 
serait  facile  d'y  établir  des  cultures  en  ne  saccageant  que  les  buissons  dans  les 
endroits  les  plus  ouverts.  En  revanche,  dans  les  forêts  plus  jeunes,  les  jeunes  plan- 
tes sont  très  serrées. 

Nous  avons  remarqué  une  assez  grande  variété  de  bois  que  nous  ne  sommes 
malheureusement  pas  en  mesure  de  déterminer.  Les  seuls  que  nous  connaissions 
par  nos  ouvriers  anglais  sont  le  bois  de  teck  et  le  Magoganay,  tous  deux  faciles 
à  travailler,  quoique  durs;  le  dernier  surtout  est  très  abondant  ainsi  que  l'aci^ou. 
Un  autre  bois,  dont  nous  nous  sommes  servis  pour  des  timons  de  vragons,  a  le  nom 
indigène  de  Mopané,  Nous  savons  <ce  qu'il  est  pour  l'avoir  travaillé  avec  facilité  ; 
son  avantage  sur  les  précédents  est  que  sa  taille  est  plus  droite  et  plus  élancée, 
c'est  un  vrai  bois  de  construction. 

Déjà  nous  en  avions  remarqué  de  belles  forêts  dans  les  intervalles  entre  les 
Makarikari.  Le  Motsiuri  est  un  autre  arbre  de  grande  taille,  mais  très  difficile 


—  807  — 

k  trftTailler  à  cause  de  sa  dureté  ^  Nous  rencontrons  quelques  rares  baobabs  dans 
eeite  région,  et  plus  de  palmiers  que  nous  n'en  avons  remarqué  à  Linokaneng  et 
dans  le  Makarikari. 

Les  premiers  dont  je  tous  ai  parlé  ont  tous  une  couleur  rouge  ou  rosée  sous 
Péoorce.  En  fait  d'arbres  résineux,  nous  avons  trouvé  un  genre  de  gommier  au 
suc  blanchâtre  comme  du  lait,  et  un  autre,  dont  la  résine  est  d'un  beau  rouge 
comme  le  sang  des  enfants.  Je  dois  dire  qne  rien  de  ce  que  j'ai  vu  ne  me  paraît 
comparable  à  nos  belles  forêts  européennes.  Je  dirai  la  même  chose  des  sites  les 
plus  avantageux.  C'est  beau  peut-être,  mais  pour  l'Afrique,  dont  le  vrai  caractère 
est  bien  l'aridité,  le  jeu  des  contrastes  entre  la  surabondance  d'eau  et  leur  manque 
complet.  Les  quelques  fruits  sauvages  que  nous  trouvons  sont  insipides  «t  ne  sup- 
portent  pas  la  comparaison  avec  ceux  de  nos  contrées.  Tel  est  le  désert  à  mes 
propres  yeux,  non  inhabitable  en  plusieurs  endroits,  mais  inhabité,  car  de  Kané 
à  Patamatenga,  nous  n'avons  rencontré  que  quelques  Masarois  nomades  et  chas- 
seurs. 

Je  vous  disais  que  nous  étions  entrés  dans  le  pays  du  gibier  ;  nous  en  avons  vu 
quelque  peu,  mais  non  depuis  nos  sièges  sur  les  wagons,  c'est-à-dire  ceux-là  seuls 
en  ont  vu  qui  ont  fait  bon  usage  de  leurs  jambes.  Les  empreintes  de  girafes, 
d'éléphants  même,  de  lions  étaient  nombreuses,  mais  il  eût  fallu  nous  écarter  de 
plusieurs  milles  de  la  route  pour  rencontrer  ces  animaux,  ce  que  nous  n'avions 
guère  le  loisir  de  faire  sans  chevaux.  Chose  curieuse,  nous  n'avons  jamais  entendu 
les  lions,  bien  qu'à  Tamafnpa,  l'un  de  nos  gens  ait  vu  l'un  d'eux,  que  plusieurs  ont 
entendu  dans  la  nuit,  à  l'insu  de  presque  toute  notre  caravane.  Nous  avons  eu  un 
chien  tué  sans  doute  par  un  tigre  et  un  autre  par  un  serpent  ;  l'un  de  nos  Ânes 
disparu  a  peut-être  eu  le  même  sort.  C'est  le  seul  tribut  que  nous  ayons  payé  aux 
fauves.  Une  bonne  main  veillait  sur  nous  et  n'a  pas  permis  qu'aux  difficultés  de 
notre  voyage  s'ajoutassent  les  dangers  de  la  part  des  lions.  Nous  avons  voyagé 
à  l'époque  la  plus  agréable,  l'hiver,  et  nous  avons  eu  jusqu'à  3°  C.  au-dessous  de 
zéro  et  de  15  à  20'',  à  l'ombre,  à  midi.  'L'eau  était  suffisante  ;  à  deux  ou  trois 
reprises  seulement  nos  bœufs  ont  été  trente-six  heures  sans  boire.  Malgré  ces  cir- 
constances favorables  notre  voyage  a  été  très  long.  Nous  quittions  Schoshong 
le  21  mai  et  arrivions  à  Patamatenga  le  14  juillet.  Il  est  vrai  que  nous  avions  eu 
un  arrêt  de  huit  jours  à  Kané,  d'où  nous  avons  renvoyé  quelques  bagages.  Sauf 
quelques  légères  indispositions  parmi  nos  gens,  nous  avons  joui  et  jouissons  encore 
tous  d'une  excellente  santé.  Notre  désir  est  de  nous  établir  provisoirement  à 
Leshoma,  à  cause  de  la  proximité  de  la  rivière  et  des  vivres. 'De  là  M.  Coillard  et 
moi,  nous  pensons  faire  visite  à  Lobossi  *  et  espérons  obtenir  de  passer  tous  la 


^  Les  Pères  nous  font  part  de  leurs  expériences,  le  MàbatUa  est  le  plus  facile 
à  travafller,  il  ressemble  beaucoup  au  chêne. 

*  M.  Amot  écrit  Robosi.  Nos  lecteurs  verront  qu'au  moment  où  M.  Jeanmairet 
nous  écrivait  il  ignorait  les  événements  qui  se  passaient  au-delà  du  Zambèze  : 
départ  de  M.  Arnot  et  mort  de  Robosi  (p.  286). 


—  308  — 

riYière  cette  année.  Nous  n'avons  pas  appris,  de  nonvelles  récentes  des  Ba-Rotsé, 
sinon  qu^ils  sont  en  expédition  guerrière  contre  les  Ma-Chikolombos.  M.  Westbeach 
dit  que  tons  les  chefs  lui  ont  parlé*  favorablement  de  notre  .projet,  et  ne  doute 
pas  que  nous  n'ayons  une  franche  réception.  Aqjourd'hui  il  a  envoyé  un  messager 
à  Lobossi  avec  une  lettre  de  M.  Coillard,  et  sa  recommandation  a  beaucoup  de 
poids. 

Patamatenga  est  situé  à  l'extrémité  d'une  forêt  de  mopané,  et  à  la  lisière  d'ane 
plaine  marécageuse  arrosée  par  une  petite  rivière  qui  donne  son  nom  à  l'endroit. 
L'emplacement  est  peu  joli,  si  l'on  en  enlève  la  vue  de  constructions  à  l'européenne, 
et  celle  de  beaux  champs  de  blé  européen  qui  croit  à  merveille  ainsi  que  les  lai- 
tues, les  salades  et  maints  autres  produits.  L'établissement  de  M.  Westbeach  est 
sur  une  éminence  et  les  missionnaires  romains  ont  b&ti  tout  auprès  de  lui  plusieurs 
maisonnettes  et  une  petite  chapelle  ;  quelque  huttes  indigènes  complètent  le 
tableau.  Les  quelques  natifs  sont  je  crois,  pour  la  plupart,  de  bons  chrétiens  et 
envoient  leurs  enfants  à  l'école  des  Pères.  Quant  à  leur  projet  d'aller  chez  les 

Ba-Rotsé,de  l'avis  de  M. Westbeach,  il  a  peu  de  chance  de  succès,  et  l'on  pense  même 

« 

que  dans  un  court  délai  ils  devront  quitter  cette  place.  Les  gens  ne  sont  pas  des 
6a-Rotsé,  mais  des  6a-Tokas,  chasseurs  au  service  de  M.  Westbeach.  M.  Coillard 
et  moi  nous  avons  fait  une  visite  aux  Pères  ;  leur  supérieur,  M.  Eroot,  nous  a  reçus 
avec  la  plus  grande  courtoisie  et  nous  a  entretenus  assez  longtemps  en  bon  anglais 
avec  beaucoup  d'humour;  il  est  d'origine  hollandaise. 

Nous  étions  à  court  de  vivres  pour  nos  gens,  et  M.  Westbeach  ne  pouvant  nous 
en  fournir  à  cause  de  son  prochain  départ  pour  Natal,  force  a  été  à  M.  Coillard 
de  s'adresser  au  Père  Eroot,  qui  a  aimablement  mis  deux  sacs  de  blé  à  notre  dis- 
position. Le  second  des  Pères  était  en  course  aux  chutes  Victoria  ou  plutôt  au 
Mouaioatunya,  le  vrai  nom  indigène,  vu  que  nous  ne  sommes  pas  en  pays  conquis. 
Trois  frères  laïques  complètent  leur  personnel  ;  l'un  d'eux  est  mort  noyé  au  Vaal, 
un  second  a  eu  le  même  sort  au  Zambèze  et  un  troisième  est  mort  ici  de  consomp- 
tion. Nous  tenons  ces  renseignements  du  Père  Eroot.  D'ici  à  la  côte  Est,  ils  ont 
perdu  dix  hommes  ces  dernières  années.  Outre  les  trois  mentionnés  ci-dessus,  deux 
autres  sont  morts  de  faim  dans  le  pays  d'Umzila,  et  un  troisième  s'est  cassé  la 
nuque  dans  une  chute  de  cheval  à  Tati. 

La  part  laissée  à  la  fièvre  est  bien  restreinte.  Un  fait  utile  à  constater,  c'est 
qu'aucun  des  Jésuites  se  rattachant  à  la  mission  du  Zambèze  n'est  mort  de  la 
fièvre.  En  réalité  la  tsétsé  est  devant  nous  et  nous  entoure,  mais  elle  n'est  pas 
dans  le  vallon  d'où  nous  venons. 

P.  S,  Arrivés  tous  en  bonne  santé  à  Leshoma,  à  trois  lieues  du  Zambèze,  le 
25  juillet.  Nous  n'avons  pas  rencontré  la  tsétsé,  et  M.  Westbeach  envoie  souvent 
son  bétail  à  Leshoma,  tout  près  du  Zambèze. 

JSAKMAIRBT. 

A  cette  lettre  nous  joignons  quelques  extraits  d'une  correspondance  postérieure 
que  nous  apporte  le  BuUetin  de  la  Société  neuchâtéloise  des  missions  : 


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*    —  309'  — 

Leshoma,  à  3  lieues  au  sud  du  Zambèze,  27  juillet  1884. 

Nous  sotnmee  au  cœur  de  Phiyer;  mais  qui  le  croirait,  en  me  voyant  à  Pombre 
de  mon  wagon,  vêtu  d'un  habit  léger?  Je  suis  assis  sur  un  petit  tabouret  d'artiste 
que  m'a  donné  M.  Cbristol  ;  je  vous  écris  sur  mes  genoux,  et  mon  encrier  est  posé 
sur  mon  tonnelet  à  eau,  l'ami  du  désert.  Peut- on  rêver  quelque  chose  de  plus 
champêtre? 

L'emplacement  où  nous  sommes  est  joli;  il  est  situé  sur  Pun  des  coteaux  de  la 
rallée  de  Leshoma,  au  milieu  de  la  forêt.  Devant  nous  s'étend  la  plaine,  puis  une 
longue  colline  boisée,  et,  dans  le  lointain  bleuâtre,  d'autres  collines,  d'autres 
forêts,  où  nous  croyons  voir  déjà  couler  le  Zambèze.  Ici  demeure  un  blanc, 
employé  de  M.  Westbeach,  M.  Blokley,  depuis  douze  ans  dans  le  pays.  Son  éta- 
blissement est  des  plus  rustiques  :  quelques  huttes  et  quelques  enclos,  rien  de  plus. 
Notre  installation  est  bien  préférable  à  celle  de  la  première  expédition;  nous 
avons  visité  cet  endroit  la  tristesse  au  cœur  ;  il  ne  restait  plus  qu'un  bout  de 
planche  carbonisé  et  la  tombe  de  Khosana,  pour  rappeler  un  drame  de  plus  de 
quatre  mois.  C'est  là  que  les  Coillard  ont  été  attaqués  à  plusieurs  reprises  dans 
leur  camp  par  des  lions.  Aujourd'hui,  les  choses  ont  bien  changé  :  plus  de  lions, 
plus  de  tsétsé  dans  cette  partie  du  pays;  les  léopards  et  les  hyènes  restent  seuls 
et  nous  troublent  peu.  Nous  sommes  à  trois  quarts  d'heure  plus  près  du  fleuve  que 
M.  Coillard  ne  Pétait  en  1878.  L'eau  est  abondante,  mais  il  faut  la  chercher  un 
peu  loin  ;  c'est  le  seul  inconvénient  que  nous  ayons  ici.  Quant  à  la  tsétsé,  elle 
n'existe  plus  de  Schoshong  jusqu'ici,  mais  on  la  trouve  encore  devant  nous  et  de 
chaque  côté  de  la  route  parcourue.  Notre  bétail  ne  peut  paître  que  dans  la  vallée, 
où  il  est  en  toute  sûreté,  vu  que  la  mouche  est  localisée  d'une  manière  étrange. 
Pour  vous  en  donner  un  exemple,  elle  existe,  dit-on,  sur  l'une  des  rives  du  Chobé, 
et  pas  du  tout  sur  l'autre.  Cependant,  pour  plus  de  sûreté,  nous  renverrons  notre 
bétail  en  arrière,  du  côté  de  Fatamatenga. 

Mais  revenons  au  désert  dont  je  vous  ferai  la  description  d'un  trait  de  plume, 
TU  que  vous  la  trouverez  plus  complète  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 

Ce  qui  a  rendu  notre  voyage  si  long,  c'est  la  grande  charge  de  nos  wagons  et  la 
fatigue  de  nos  bœufs,  car  cette  partie  n'a  pas  été  plus  difficile  que  les  autres  ; 
nous  n'avons  pas  eu  de  wagon  à  décharger  et  nous  avons  joui  d'un  temps  splen- 
dide.  Ce  qui  l'a  rendu  difficile  a  été  le  manque  de  vivres;  pendant  plus  de  quinze 
jours  il  a  fallu  mettre  notre  monde  à  la  ration,  non  jusqu'à  sentir  la  faim,  mais 
assez  pour  mettre  nos  gens  de  fort  mauvaise  humeur.  Je  vous  assure  que  j'admire 
beaucoup  moins  les  chrétiens  indigènes  qu'on  ne  le  fait  en  Europe.  Ce  sont  des 
rachetés,  et  nous  en  bénissons  Dieu;  mais  ils  ont  encore  de  bien  grandes  misères; 
il  leur  manque  toute  l'influence  de  la  civilisation,  des  bonnes  habitudes  et  de  ce 
que  nous  pourrions  appeler  l'honneur  à  cœur.  Aussi,  il  est  fort  mal  aisé  de  les 
plier  aux  exigences  d'un  voyage  difficile,  où  à  chaque  instant  il  faut  faire  appel  à 
Pénergie  et  au  renoncement  en  vue  du  but  à  atteindre.  En  Europe,  on  se  figure 
aisément  que  les  néophytes  sortis  du  paganisme  mènent  une  vie  exemplaire,  et 
surpassent  de  tous  points  les  chrétiens  d'Europe  ;  c'est  faux,  c'est  une  légende  ; 


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—  310  — 

mais,  ce  qui  est  vrai,  c'est  qu'on  rencontre  parfois  chez  eux  de  beaux  traits  de  foi, 
tout  comme  il  peut  arriver  à  des  enfants  de  surpasser  quelquefois  la  piété  de  lenn 
parents;  mais  n'allons  pas  croire  que  l'exception  fasse  la  règle.  J'insiste  sur  ce 
point  parce  que  l'œuvre  missionnaire  gagnerait  à  être  vue  sous  ce  jour-là  par  les 
gens  de  bons  sens,  qui  peut-ôtre  sont  tentés  de  lui  rester  étrangers,  parce  que  les 
belles  histoires  qu'on  leur  fait  leur  paraissent  suspectes.  C'est  déjà  beaucoup  de 
transforme^  des  païens  en  croyants,  sans  en  faire  du  même  coup  des  saints  aux- 
quels il  n'y  ait  rien  à  reprocher,  et  certes  les  résultats  obtenus  ont  d^à  une  assez 
grande  valeur  sans  qu'on  y  ajoute  des  exagérations.  De  combien  nos  ouvriers 
blancs  surpassent  nos  indigènes  dans  leur  dévouement  I  II  est  vrai  de  dire  que  ce 
sont  des  hommes  qui  font  honneur  aux  chrétiens  d'Europe.  Nos  deux  évangélistes 
noirs  sont  aussi  tout  ce  que  nous  pouvions  espérer  d'eux,  et  bien  au-dessus  de 
leurs  compatriotes. 

Notre  premier  projet  avait  été  d'établir  notre  camp  à  Patamatenga,  mais  nous 
n'avons  pu  nous  procurer  des  vivres  auprès  de  M.  Westbeach,  à  cause  de  son  pro- 
chain départ  pour  Natal.  Du  reste,  Patamatenga  est  bien  moins  joli  que  Leshoma, 
et  aussi  fort  éloigné  de  la  rivière.  L'établissement  de  M.  Westbeach  et  celui  des 
Pères  sont  sur  une  même  éminence,  à  l'extrémité  d'une  forêt  déjà  bien  déboisée, 
et  à  la  lisière  d'une  plaine  marécageuse,  traversée  par  la  rivière  Patamatenga. 
Le  vent  y  souffle  avec  violence,  et  rien  ne  nous  fait  regretter  la  non-exécution  de 
notre  désir.  Quelques  huttes  de  natifs  forment  un  petit  hameau  avec  les  construc- 
tions européennes. 

Nous  avons  fait  deux  visites  aux  Pères;  leur  supérieur,  le  Père  Kroot,  nous  a 
reçus  avec  la  plus  grande  cordialité  et  nous  a  rendu  nos  visites.  Sa  conversation 
est  enjouée;  il  est  jeune  encore,  d'origine  hollandaise,  de  petite  taille,  et  il  a  le 
type  juif;  ses  manières  n'ont  rien  de  clérical,  pas  plus  que  sa  tenue.  Le  second 
des  Pères  était  absent  avec  un  frère  laïque.  Deux  autres  frères,  dont  l'un  est  cui- 
sinier et  l'autre  jardinier,  complètent  leur  personnel.  Ils  ont  deux  maisons  rusti- 
ques à  l'européenne,  une  petite  chapelle  assez  jolie  à  l'intérieur,  et  plusieurs 
huttes  pour  leurs  dépendances.  Leur  œuvre  est  très  rudimentaire;  ils  ne  savent 
que  quelques  mots  de  la  langue  du  pays,  et  ils  n'ont  d'autres  ouailles  que  leurs 
domestiques  et  les  familles  des  chasseurs  employés  par  M.  Westbeach.  Ce  dernier 
nous  dit  que  leur  projet  d'aller  chez  les  Ba-Rotsé  a  complètement  échoué;  mais 
qu'en  revanche,  tous  les  chefs  lui  ont  manifesté  le  désir  de  nous  voir  arriver.  Ce 
n'est  pas  que  les  Ba-Eotsé  désirent  l'Évangile  ;  s'ils  paraissent  nous  donner  la 
préférence,  c'est  pour  des  motifs  tout  intéressés.  Dans  ces  dernières  années, 
les  Pères  ont  perdu  dix  personnes.  Ils  ont  trois  stations  dans  cette  région  :  l'une 
chez  les  Matébélés,  une  seconde  à  Tati  et  la  troisième  à  Patamatenga.  Nous 
tenons  tous  ces  détails  du  Père  Eroot  lui-même;  ce  qu'on  dit  de  plus  est  donc  de 
la  fable. 

J'ai  oublié,  en  vous  parlant  de  Patamatenga,  de  vous  signaler  un  fait  qui  nous  a 
beaucoup  réjouis  :  la  vue  de  magnifiques  champs  de  blé  européen  qui  prospèrent 
parfaitement.  Le  jardinier  des  Pères  dit  que  40  livres  de  semence  en  ont  produit 


—  311  — 

1400.  Nous  avons  aussi  yu  des  jardins  où  les  choux,  les  laitues,  les  salades,  les 
citrouilles  prospèrent;  cela  nous  fait  espérer  que,  plus  tard,  nous  pourrons  avoir 
une  nourriture  européenne  et  variée.  Jusqu'à  cette  époque,  nous  ne  sommes  pas  à 
plaindre  :  hier,  les  gens  de  la  rivière  nous  ont  apporté  des  haricots  indigènes 
excellents  ;  le  miel  est  abondant,  et  j'espère  que  nous  pourrons  aussi  nous  procu- 
rer du  lait  auprès  d'eux.  Quant  à  moi,  la  farine  indigène  me  convient  ;  alternant 
avec  le  maïs  du  pays,  ce  sera  là  le  fond  de  notre  alimentation. 

Depuis  Patamatenga,  M.  Westbeach  a  envoyé  une  lettre  de  M.  Coillard  et  sa 
recommandation  au  roi  des  Ba*Rotsé.  Nous  savons  acgourd'hui  qu'elle  est  arrivée 
jusqu'à  Séchéké,  mais  que  là  on  n'a  pas  voulu  l'envoyer  plus  loin,  parce  qu'elle 
n'était  pas  accompagnée  de  présents.  Le  plus  simple  est  que  nous  nous  mettions  en 
route  le  plus  tôt  possible;  par  nous,  j'entends  M.  Coillard  et  moi,  un  évangéliste, 
on  autre  Mo-Souto  et  l'envoyé  de  Khama.  Ce  sera,  je  l'espère,  la  semaine  pro- 
chaîne,  et  le  voyage  avec  le  retour  nous  prendra  sans  doute  trois  mois;  puis,  s'il 
plaît  à  Dieu,  nous  passerons  encore  tous  le  fleuve  cette  année.  Pendant  notre 
absence,  nos  ouvriers  construiront  ici,  à  Leshoma,  une  petite  maisonnette  qui  sera 
notre  entrepôt,  et,  comme  nous  disons  en  riant,  notre  maison  de  campagne.  Nous 
désirons  aussi,  dès  l'abord,  commencer  un  petit  jardin,  car  nul  ne  sait  combien 
de  temps  nous  passerons  ici.  D.  Jbanmairbt. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

Kâbte  W£8t-Aequatorial-Afeika's  zqr  Yeransghaulichung  des 
Deutschen  Colokialbesitzes  ,  VON  L.  Friedebichsek.  Hambourg 
(Institut  géographique  et  nautique  de  L.  Friederichsen  et  C**),  1884, 
1  fr.  50.  —  Il  appartenait  à  M.  Friederichsen,  secrétaire-général  de  la 
Société  de  géographie  de  Hambourg,  de  dresser  la  carte  de  cette  région 
qu'il  désigne,  depuis  de  longues  années,  de  concert  avec  le  D' Hûbbe- 
Schleiden,  comme  Tune  des  contrées  les  plus  propices  pour  rétablisse- 
ment de  colonies  allemandes.  Cette  carte  autographiée,  et  cependant 
très  claire,  dans  laquelle  les  montagnes  sont  marquées  en  noir,  repré- 
sente la  côte  occidentale  de  l'Afrique,  du  5"*  lat.  N.  jusqu'à  Téquateur. 
Dire  qu'elle  a  été  construite  à  l'échelle  de  Viaoooo»  c'est  indiquer  qu'elle 
est  de  grande  dimension,  et  renferme  une  foule  de  détails  glanés  de  tous 
côtés.  La  nouvelle  possession  allemande  commence  à  l'est  de  Victoria, 
sous  le  4""  lat.  N.  et  se  termine  au  2""  56'  lat.  N.,  à  l'endroit  où  se  jette, 
en  faisant  une  chute,  un  cours  d'eau  qui  vient  de  la  montagne  de  l'Élé- 
phant. Entre  ce  point,  dans  le  voisinage  duquel  se  trouve  une  factorerie 
anglaise,  et  la  possession  espa!gnole  de  Corisco,  s'étend  une  longue 

^  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bftle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


«— l- 


—  312  — 

côte  où  sont  établis  plusieurs  comptoirs  allemands,  et  qui,  pour  le 
moment,  n'est  placée  sous  la  suzeraineté  d'aucune  puissance.  Nul  doute 
qu'elle  ne  soit  ardemment  convoitée  par  les  partisans  des  projets  de  colo- 
nisation allemande. 

Un  carton  donne  la  côte  des  Esclaves  au  ^  ,t9oooo9  ^t  là,  comme  dans  la 
carte  principale,  les  factoreries  allemandes,  fort  nombreuses  du  reste, 
et  relevant  presque  toutes  de  maisons  de  Hambourg,  sont  soulignées 
d'un  trait  rouge. 

Afrikanische  Reisen  vok  Gerhard  Rohlfs.  Reise  durch  Marokko, 
Tafilet,  Tuât,  Tidikelt  und  die  grosse  Wûste  ûber  Rhadames  nach  Tri- 
poli. Vierte  Ausgabe.  —  Land  und  Volk  in  Afrika.  Berichte  aus  den 
Jahren  1865-1870,  von  Gerhard  Rohlfe.  Dritte  Ausgabe.  Norden.  (Hin- 
ricus  Fischer  Nachfolger,  1884,  in- 18,  278  et  240  p.,  fr.  6.  70  et  5.  35. 
—  Qui  ne  connaît  Gerhard  Rohlfe,  le  célèbre  explorateur  africain, 
aujourd'hui,  comme  Nachtigal,  chargé  par  le  gouvernement  allemand 
d'une  mission  officielle  sur  la  côte  orientale  de  l'Afrique?  Aussi,  nous 
dispensera-t-on  de  parler  longuement  de  ces  deux  ouvrages,  qui  ne  sont 
du  reste  que  des  rééditions,  le  premier  ayant  déjà  paru  en  1869  et  le 
second  en  1870.  Ils  nous  conduisjent  de  1863  à  1870,  c'est  dire  qu'ils 
ont  trait  à  la  période  des  brillants  voyages  du  géographe  allemand  k 
travers  le  Maroc,  le  Sahara  septentrional  et  central,  le  Soudan  et  l'Abys- 
sinîe.  On  sait,  en  eifet,  que  Rohlfe,  ayant  gagné  la  faveur  d'un  shérif 
très  influent,  put  faire,  dans  l'Atlas  et  le  Sahara  septentrional,  plusieurs 
expéditions  qui  le  conduisirent  aux  oasis  de  Tafilet,  du  Touat,  de  Temas- 
sinin  et  de  Ghadamès.  Malgré  les  dangers  que  présentait  l'exploration 
des  régions  inhospitalières  que  si  peu  d'Européens  ont  visitées,  il  entre- 
prit de  traverser  le  Sahara  par  des  routes  complètement  inconnues,  et 
arriva,  en  1866,  au  Bornou,  oti  ilapprit  avec  certitude  le  meurtre  de  Beur- 
mann.  Ne  pouvant  pénétrer  dans  le  Wadaï,  il  se  replia  sur  le  Bénoué  et 
le  Niger  et  arriva  à  Lagos  où  il  s'embarqua  à  bord  d'un  paquebot  anglais 
pour  Liverpool.  En  1868,  il  explora  l'Abyssinie,  et  revint  plus  tard  à 
plusieurs  reprises  sur  cette  terre  africaine,  dont  il  veut  découvrir  les 
secrets  et  sur  laqueUe  il  va  se  retrouver  bientôt.  Le  second  ouvrage  ne 
raconte  pas  ses  explorations  en  suivant  un  itinéraire  déterminé.  C'est 
plutôt  une  description  du  pays  et  de  ses  habitants;  ainsi,  un  chapitre  est 
consacré  au  trajet  de  Lagos  à  Lliverpool,  un  autre,  à  la  ville  de  Eouka, 
un  troisième,  au  lac  Aschangi,  etc.  Tous  sont  écrits  avec  le  talent  et 
la  hauteur  de  vues  qui  distinguent  le  grand  voyageur. 

D'  OsKAR  Lenz.  Timbuktu.  Reise  durch  Marokko,  die  Sahara  und 


—  313  — 
den  SudaD.  Leipzig  (F .-A.  Brockhaos),  1884,  2  B&nde,  in-8%  430  und 
408  Seiten  mit  57  Abbildungen  und  9  Karton.  Fr.  32. 

Le  récit  détaillé  du  voyage  du  D'  Leoz,  de  Tanger  à  Timbouctou  à 
travers  le  Sahara  occidental,  puis,  de  Timbouctou  à  Saint-Louis  du 
Sénégal  par  le  Soudan  occidental,  en  suivaut  une  route  non  encore 
explorée  avant  lui,  était  attendu  avec  une  légitime  impatience  par  tous 
les  amis  de  l'exploration  africaine. 

Nous  en  avons  présenté  les  principaux  faits  dans  deux  articles 
(II"*  aunée,  p.  345,  et  III"  année,  p.  12),  les  lecteurs  seront  heureux 
de  les  retrouver  accompagnés  d'abondants  détails,  et  relevés  par  une 
quantité  d'illustrations  et  de  cartes  excellentes,  dans  les  deux  volumes 
sus-mentionnés,  qui,  nous  l'espérons,  seront  bien  vite  mis  h,  la  portée  du 
public  de  langue  française. 

Indépendamment  de  la  description  géographique  du  voyage  à  travers 
le  Maroc  des  deux  côtés  de  l'Atlas,  le  premier  volume  renferme,  sur  les 
États  marocains,  leur  industrie  et  leur  commerce,  sur  l'administration, 
les  finances,  les  impôts,  les  dépenses,  les  affaires  militaires,  l'agriculture 
et  l'élève  du  bétail,  enfin,  sur  les  richesses  minérales,  des  renseignements 
nouveaux  importants  à.  connaître. 

Dans  le  second  volume,  l'auteur  décrit,  d'une  manière  très  pittores- 
que, Timbouctou  avec  ses  mosquées,  ses  bibhothèques,  son  commerce 
de  plumes  d'autruche,  d'ivoire,  de  corail,  etc.  ;  cependant,  dit-il,  il 
existe,  dans  l'ouest  du  Soudan,  d'autres  villes  d'une  importance  égale, 
sinon  plus  grande  que  celle  de  cette  métropole,  qui  n'a  plus  aujourd'hui 
que  20,000  habitants. 

Les  observations  relatives  aux  conditions  physiques  du  Grand  Désert 
nous  paraissent  de  nature  à  intéresser  particulièrement  les  lecteurs  ; 
elles  leur  permettront  de  rectifier  les  opinions  généralement  erronées 
quel'onse&iit  sur  le  Sahara.  Le  D'Lenzya  trouvé  des  plateaux  élevés 
au  Heu  de  plaines  unies,  une  grande  variété  de  formes  de  reUef  au  lieu 
d'une  uniformité  continuelle,  une  température  moyenne  de  30°  centig. 
au  lieu  d'une  chaleur  intolérable,  beaucoup  de  sources,  même  des 
rivières  pleines  d'eau  au  lieu  de  la  sécheresse  que  l'on  attribue  d'ordi- 
naire il  cette  région;  au  miUeu  demai,  au  centre  du  Sahara  occidental,  il 
vit  tomber  de  la  pluie  et  briller  un  arc-en-ciel.  Dans  la  partie  connue 
sous  le  nom  d'Areg,  il  trouva,  à  Bir-Tarmanant ,  tout  un  réseau  de 
sources,  dont  trois  étaient  profondes  et  sont  permanentes,  mais  l'eau  de 
l'une  d'elles,  réputée  la  meilleure,  était  un  peu  imprégnée  d'hydrogène 
sulfureux.  Cette  zone  de  sources  parait  commencer  avec  ta  dépression 
du  Ouadi-Sous. 


—  314  — 

Quant  à  une  grande  cuvette  centrale,  dont  M.  Mackenzie,  le  promo- 
teur des  établissements  anglais  du  cap  Juby,  se  proposait  de  faire  une 
mer  intérieure,  pour  atteindre  Timbouctou  plus  facilement  qu'à  travers 
le  désert,  il  existe  il  est  vrai  une  dépression  d'une  certaine  étendue 
marquée  sur  les  cartes  du  nom  de  El-Djouf  ;  mais  le  niveau  le  plus  bas 
atteint  par  le  D'  Lenz,  pendant  sa  traversée  de  cette  partie  du  Sahara, 
est  encore  à  120""  et  même  150""  au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 
SMl  y  a  dépression,  ce  n'est  que  relativement  aux  parties  élevées,  aux 
plateaux  qui  caractérisent  le  Sahara  central  et  occidental.  Le  désert 
n'est  pas,  selon  l'explorateur,  un  ancien  bassin  océanique  desséché, 
mais  une  formation  de  grès,  désagrégé  par  des  influences  atmosphéri- 
ques, et  la  vaste  région  de  dunes  de  sables  mouvants  qu'il  renferme, 
offre  par  elle-même  un  obstacle  physique  insurmontable  à  la  création 
de  toute  mer  intérieure.  Les  niveaux  donnés  dans  la  carte  générale  au 
Viooooooo»  qui  accompagne  le  premier  volume  sont  de  353"  au  Ouadi- 
Sous,  sur  le  versant  nord  du  El-Djouf,  et  de  255"  à  Araouan,  à  l'extré- 
mité méridionale  de  la  dépression  ;  les  altitudes  intermédiaires  ont  été 
de  148"  à  180"  et  même  190". 

Dans  le  second  volume  sont  données  huit  sections  de  l'itinéraire,  au 
Visûoooo»  avec  indication  de  remarques  générales  ou  détaillées,  géologi- 
ques et  topographiques  d'un  grand  intérêt,  et  très  utiles  pour  l'étude 
approfondie  de  cette  exploration,  l'une  des  plus  heureusement  accom- 
plies, et  des  plus  fécondes  en  résultats  pour  la  science  géographique. 

A  TRAVERS  LE  Sahara.  Les  missious  du  colonel  Flatters,  par  «7.- F.  Bar- 
hier.  Paris  (libr.  de  la  Société  bibliographique),  1884,  in-18,  175  p., 
avec  carte.  Fr.  1.  —  D  y  a  bien  peu  de  choses  nouvelles  à  dire  sur  les 
missions  Flatters.  Ce  n'est  que  lorsque  la  France  aura  vengé  les  héros 
de  cette  sanglante  épopée  et  qu'elle  aura  solidement  établi  son  influence 
dans  le  Sahara  central,  que  le  projet  de  chemin  de  fer  à  travers  le  désert 
pourra  être  repris,  et  les  faits  nouveaux  recueillis  par  les  explorateurs, 
utilisés.  M.  Barbier  a  voulu,  cependant,  résumer,  d'après  les  meilleurs 
documents,  ces  deux  expéditions  mémorables,  et  il  l'a  fait  en  géographe 
érudit.  Le  second  chapitre  qui  analyse  les  résultats  géographiques  de  la 
première  mission,  témoigne  d'un  travail  considérable  et  d'une  étude 
approfondie  de  la  question.  Sans  doute  il  enlève  au  livre  une  partie  de 
son  caractère  populaire,  mais  l'auteur  n'a  pas  besoin  de  s'en  excuser, 
car  les  amis  de  l'Afrique  et  les  cartographes  lui  seront,  au  contraire 
reconnaissants  pour  les  données  précieuses  qu'il  leur  fournit  sur  la  con- 
figuration, la  constitution  physique  et  les  ressources  du  sol  saharien. 


T^BLE  DES  M:A.TIERE8 

DE  LA  CINQUIÈME  ANNÉE 


BOIiLETIN  MENSUEL  et  NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Pages  3,  25,  49,  73,  101,  126,   U5,  165,  197,  221,  246,  277. 


CORRESPONDANCE 

Pages  [  Pages 

Lettrée  de  M.  D.  Jeanmairet  (Mission  da            !  Lettre  de  M.  J.iM.  Sohaver,  de  Meshra- 
Zambtee} 28,  70,  98,  190  305,  809        el-Rek 97 


—  de  K.  B.-N.  Cast  (Orthographe  des 
noms  afrioains) 45 


—  de  M.  L.  Jaques  (Une  excursion  en 
chemin  de  fer  an  Sénégal) 270 


ARTICLES  DIVERS 


Le  Soudan  égyptien 

Les  langues  modernes  de  l'Afrique,  d'après 
R.-N.  Cust 

L'œuvre  de  Gordon  dans  le  Soudan  égyp- 
tien  

Cimbébacie  et  Hottentotie 

La  province  égyptienne  du  Bahr-el-QhazsI. 

Madagascar 155, 

Voyi^e  de  M.  Bnonfanti  de  Tripoli  au 
golfe  de  Guinée 


13 


38 


69 


Annexion  du  territoire  de  Thaba-N'ohn  A 
l'État  Libre  de  l'Orange,  par  M.  E. 

Jacottet 232 

Expédition    de    MM.   les    missionnaires 
Coillard  et  Jeanmairet  au  Zambéze . . .     236 

87  '  Stanley  et  l'œuvre  du  Congo 256 

136    Le  mal  causé  par  les  spiritueux  en  Afrique 

179        et  les  moyens  d'y  remédier 262,  293 


209 


BIBLIOaRAPHIE 


Agenda    pour   1884,   avec   éphémérides 

géographiques 48 

A  l'assaut  des  pays  nègres 143 

AniUKan  (P.S.)  :  La  Tunisie.  Son  passé 

et  son  avenir 244 

BarbUr  (J-'V.)  :  A  travers  le  Sahara. 

Les  missions  dn  colonel  Flatters 314 

Barler  (Lettres  de  Lady) 276 

Baudm  (le  R.  P.)  :  Fétichisme  et  Féti- 

cheurs 242 

Banir  (le  Bev.  P.)  :  Voyage  dans  l'Ou-Doé 

et  l'Ou-Zigoua. . . , 118 

Btrthovd  (PauC)  :  Grammatical  note  on 

the  Gwamba  language  in  South  Africa.     119 


Boiisière  (Outiavê)  :  L'Afrique  romaine.  195 
Buet  (CharUt)  :  Six  mois  û.  Madagascar.  196 
BûUnêr  (C.-O.)  :   Das  Hinterland  von 

Walfischbai  und  Angra-Pequena 274 

CoiolU  (Eugène)  :  Mes  souvenirs 47 

Chavoffine  (D*  Joteph)  :  Carte  de  l'Afrique 

équatoriale 163 

ChrittaUer  (Rw.  J.-O.)  :  A  Grammar  of 
the  asante  and  faute  language  called 

tsbi 121 

Courrtt  :  A  l'Est  et  à  TOuest  dans  l'océan 

Indien 163 

Danekdmann  (A.  v.)  :  Association  inter- 
nationale du  Congo 240 


—  316  — 


Daryl  (FkiUppe)  :  Lettres  de  Gordon  A 
sa  sœor 

Depelefiin  et  Croonenberghê  (P.)  :  Trois 
ans  dans  l'Afrique  australe  :  a)  Le  pays 
des  Ma-Tébélé;  6)  Aa  pays  d'Umzila. 
Lettres 

jyEteamps  (Henry)  :  Histoire  et  géogra- 
phie de  Madagascar 

Detfossés  (Edmond)  :  Le  protectorat  fran- 
çais en  Tunisie.  — >  De  la  réorganisation 
administrative  et  financière  en  Tunisie. 

Dieiz  (EmiU)  :  Un  explorateur  africain. 

DoéUer  (D'  C)  :  Uber  die  Capverden 
nach  dem  Rio«6rande  ond  Futtah- 
Djallon 

Duff  Maedonald  (Rev.)  :  Africana 

Duvtyrier  (M.)  :  La  confrérie  musulmane 
de  Sîdi  Mohammed  Ben'Alt-Es-Senoûst. 

Essai  de  grammaire  en  langue  joruba  . . 

l'arUane  (Mariuê)m:  Les  Êgjptes 

Friederiekten  (L.)  :  Earte  West-.Equa- 
torial-Afrika's  zur  Veranschanlichung 
des  deutschen  Colonialbesitzes 

Qiridt  (Jo9é  Micart)  :  El  Forvenir  de 
Espana  en  el  Sahara 

Oroê  (J.)  :  Voyages,  aventures  et  capti- 
vité de  J.  Bonnat  chez  les  Aobantis  . . 

HartTMom  (Prof.  D.)  :  Die  Nillœnder. . 

Sennebert  (lieutenant- colonel)  :  Les  An- 
glais en  Egypte 

Kokn-AbreH  :  En  Algérie 

Id.         La  Tripolitaine  et  TÊgypte. 

Kriegsscbanplatz  im  ^gyptischen  Sudan, 
1888  et  1884 

Zanier  (L.)  :  L'Afrique 

X«nz  (D^  Otlar)  :  Timbnktu.  Reise  duroh 
Marokko,  die  Sahara  und  den  Sudan. 


Pages 
276 


220 
70 


46 
116 


123  ! 
142 


100 
242 

113 


311 

196  I 

I 

I 

239 
123 

122 
248 
278 

120  t 

239  , 

I 

i 
312 


Pages 
Zepie  (Ludovic)  :  La  dernière  Êf^ypte. .  816 
Le  Boy  (le  R.  P.)   :    A  travers  le  Zan- 

gnebar 219 

liae^uarie  (L.)  :  Voyage  A  Madagascar.  164 
MoffoUiaei  (C.)  :  Le  Zaïre  et  les  contrats 

de  l'Association  internationale 241 

Mager  (Seniri)  :  De  la  lecture  des  cartes 

étrangères 24 

Map  of  the  Nile  from  the  Equatorial  Lakes 

to  the  Mediterranean ,   embracing  the 

Egyptian  Sudan  and  Abyssinia 120 

Mayo  (Earl  oj)  :  De  rébus  africanis  . . .  120 
Merefieky  (Rev.  A,)  :  Original-Map  of 

South  Africa 144 

NaviUe  (Edouard)  :  Egypt  exploration 

fond 115 

Pàponot  (Faix)  :  L'Egypte 278 

Paesavant  (D*  Cari)  :  Craniologisdbe  Un- 

tersuchung  der  Neger  und  der  Neger- 

volker 117 

PaulitteJtke  (D*  PhiUpp)  :  Geographische 

Erforschmig    der   AdM  -  L&nder    und 

Harar's  in  Ost-Afrika 194 

PauUiat  (Louie)  :  Madagascar 243 

Roches  (Lion)  :  Trente-deux  ans  à  travers 

l'Islam 118 

Rohlfe  (Oerard)  :  Reise  durch  Marokko, 

Tafilet,  Tuât,  Tidikelt  und  die  grosse 

Wûste.  Land  und  Volk  in  Afrika 312 

WaHU  (Victor)  :  Une  excursion  A  Ham- 

man-R'irha 119 

Wallaee  (D.  Mackerutic)  :  Egypt  and  the 

Egyptian  Question 217 

WtUon  (Rev.  C-S.)  und  Feikm  (R.  W.J  : 

Uganda  und  der  iEgyptische  Sudan  . .  115 
ZiUel  (Dr  K.-A.)  :  Die  Sahara 218 


CARTES 


Soudan  égyptien  et  Abyssinie 24 

Cimbébasie  et  Hottentotie 100 

Madagascar 164 


Nouvelles  possessions  allemandes  du  golfe 
de  Guinée 816 


Af  iâikê- 1.^  Çy^^nm'u 


1C 


TiKAR 
T£KÂ 


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NOUVELLES  POSS 

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MHfu  afi.  tttM. .  X'IÎ. .  Kami.  /tS* 


ÉCHANGES 


Amsterdam. 

Anvers. 

Berlin. 

Brème. 

Bruxelles. 

Berlin. 


Sociétés  de  géographie. 

Constantine.  Hambourg.     Lisbonne. 

Douai.  lëna. 

Francfort  •/M.  Le  Caire. 

Greifswald.  Leipzig. 

Halle.  Lille. 


Lyon. 
Jrfadrid. 
Marseille. 
Montpellier. 


Nancy. 
New- York. 
Oran. 
Paris. 


Sociétés  de  géographie  ooxnmeroiale. 

Bordeaux.         Paris.         Porto.         Saint-Gall. 

Missions. 


Rocbefort. 
Rome. 
Rouen. 
Vienne. 


Le  Havre. 


Journal  des  missions  évangéiiques  (Paris). 
BuUetin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéiiques  au  XDC«»«  siècle 

(.\euchâtel). 
Journal  de  TUnité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Bericbte  (Berlin). 
Heidenbote  (B^le). 

E>ungelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
(^twer  Missions -Blatt  (Calw). 
Aligemeine  Missions- Zeitschrift  (Gttters- 

loh). 
Glaubensbote  (Bâle). 
Africa  (Londres). 
La  Nigrizia  (Vérone). 


(]lhurch  missionary  Intelligencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionary  (New-York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Cltronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Ghurch  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  Uiurch  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Woman's  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Divers. 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bolletin  du  (lamice  agricole  (Médéa). 

fiolletin  de  i*A.cadémie  dllippone  (Bone). 

Bnlletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 

Reviie  géographique  internationale  (Paris). 

Le  Mouvement  géographique  (Bruj^elles). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundischau  fUr  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  (îesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fur  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitsi'hrift  fUr  wissenschaftliche  Géogra- 
phie (Lahr). 

Ans  allen  Welttheilen  (Leipzig). 

Deutsche  Kolonialzeitung  (Francfort  s/M). 


Chamber  of  Commerce  Journal  (Londres). 

African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Observer  (Monrovia). 

Ësploratore  (Milan). 

Cosmos  (Turin). 

Boliettino  délia  Societa  africana  d'Italia 
(Naples). 

Esplorazione  (Naples). 

Marina  e  Commercio,  e  Giomale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Revista  de  Ëstudos  Livres  (Lisbonne). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Ind 'pendant  (Constantine). 

Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 

Df  A.  Pelermann  s  Mittheilungen  ((îotha) 


Proeeedings   of  the  royal   geographical 
Society  and  monthly  Record  of  geogra 
phy  (Londres). 

Natal  Mercury  (Durban). 

Cape  Argus  (Cape-Town). 

West  African  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.)  etc. 


SOMMAIRE 

Bulletin  mensuet •. 277 

Nouvelles  complémentaires 21)1 

Le  mal  causé  par  les  spikititeux  en  Afrique  et  les  moyens  d'V 

REMÉDIER  (Suite  et  fiu) 290 

Nouvelles  possessions  allemandes  du  golfe  de  Gcinée 302 

■ 
Correspondance  : 

Lettres  de  M.  D.  Jeanmairet  de  Pataraatenga  et  de  Leshoma.    305 

Bibliographie  : 

Karte   West-^qaatorial    Afrika's    zur    Veranschaulicfaung    des 

Deutschen  Colonialbesitzes,  von  L.  Friederichsen 311 

Afrikanische  Reisen  von  Gerhard  Rohlfs 812 

Timbuktu,  von  D'  Oskar  Lenz 312 

A  travers  le  Sahara,  par  J.-V.  Barbier 314 

Table  des  matières  de  la  cinquième  année 315 

Carte  : 

Nouvelles  possessions  allemandes  du  golfe  de  Guinée 316 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Keinhold  Biichholz'  Reisen  in' West-Afrika,  von  Cari  lïeinerBdorff.  Mit  AbbiliUui- 
gen  und  einer  Karte.  Leipzig  (F.-A.  Brockhaiis),  1880,  in-S",  264  p.  Fr.  8. 

Die  Zukunft  der  Kongo  und  Guineagebiete,  von  D'  J.  Falken^tein.  Weimar  (Geo- 
graphischcs  Institut),  1884,  in-32,  36  p. 

Guinea  und  Kongo-Kûsten-Karte  '/soooooo.  Weimar  (Geographisches  Institut), 
1884,  folio. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


^  ■■ 


JANÏIER 
1885 


OENÈVE 
H.     GEOR'G,     LIBRAIRE-ÉDITEUB 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE  .ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIRIGÉ    PAR 

M.   Gnstaye  MOTNIER 

Membre  de  la  Commission  internationale  de  Bruellee  poor  l'exploration  et  la  civilisaliOD 

de  rAfriqae  centrale;  membre^oorrespondant  de  PAeadémio  d'Hippone, 

et  des  Sociétés  de  géographie  de  Marseille,  de  Nancy,  de  Loanda  et  de  Porto. 

RÉDIGÉ  PAR 

M.  Charles  FAUBE 

Seerétaire-Bibliotbécaire  de  la  Société  de  géographie  de  G-enève ,  membre  correspondant  des  Sociéti'8 
de  géographie  de  Lisbonne,  de  Loanda.  do  Porto,  de  Saint-Chtll  et  de  Berne. 


L'Afrique  parait  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in -80  d*aa 
moins  20  pages  chacune;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  Tabonnement  annuel,  payable  d'avanee»  est  de  10  IVrane») 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  l'Union  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  11  fr.  50. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  m  droit  A  on  eompte  renda. 

Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaetion  à  M.  Gostave  Alojriiier* 
8,  rae  de  l'Athénée,  A  Genève  (Snl««e). 

S'adresser  ponr  les  abonnements  A  Téditenr,  AI.  H.  George  à 
GenèTO  00  A  BAle. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Ch.  Delagravb,  libraire.  15,  rue  Soufllot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  Cour,  45.  rue  do  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  libraires.  Corso  Vittorio  Kmmannele,  21.  a  Milan. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Quei-str.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Friederichsen  et  C'*,  libraires.  Admiralitâtsstr,  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelm  Fbick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  V^ionne  (Autriche). 

Trubnbr  et  C^  libraires,  Ludgate  Hill.  57/59.  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  lés  pays. 


ATIS.  —  Nous  mettons  à  la  dispositùm  de  nos  nouveaux  abonnés^  au  prùe  de 
12  fr.  chacun^  un  certain  nombre  d* exemplaire'^  complets  de  la  J/™%  d^.  la  111""' 
et  delà  IV^*  année.  La  I"  est  épuisée. 


L'AFRIQUE 


EXPLORÉE  ET  CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 


SIXIÈME  ANNÉE 


1885 


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GENÈVE 

H.    GSOUO,    LIBBAIBHl-âDITSUR 

1886 


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Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schachardt. 


BULLETIN  MENSUa  (5  janvier  1885.Y 

L'mcertitude  qui  règne  encore  sur  le  sort  de  <]uelques-uns  des  mem- 
bires  de  la  mi«sloai  Flattera,  a  inspiré  à  M.  FoHreau,  de  Biskra, 
le  désir  de  faire  une  expédition  destinée  à  traverser  le  Sabara,  en 
recherchant  en  route  soit  les  survivants,  soit  les  papiers  de  la  mission. 
Déjà  Tannée  dernière,  M.  Foureau  a  poussé  une  pointe  hardie  vers  le 
sud,  an  delà  des  établissements  qu^il  a  fondés  à  Touggourt ,  et  tout 
récemment,  il  a  adressé,  au  ministère  de  l'instruction  publique,  la 
demande  d'être  chargé  d'une  mission  scientifique,  qui  aurait  pour  but 
de  relier  l'Algérie  au  Niger  et  au  Soudan,  et  de  relever  définitivement  la 
route  parcourue.  —  Un  autre  colon  français,  M.  Ponteoorboll,  éta- 
bli depuis  quarante  ans  dans  la  province  de  Constantine,  s'occupe  aussi 
de  constituer  le  personnel  d'une  expédition  en  faveur  des  survivants  de 
la  mission  Flatters,  avec  l'aide  d'anciens  militaires,  volontaires  et  retrai- 
tés pour  la  plupart,  qui  se  rendraient  d'abord  aux  renseignements  auprès 
des  chefs  arabes  des  régions  du  sud  de  l'Algérie,  et  prendraient  des  gui- 
des sûrs  chez  les  Beni-M'zab  et  chez  les  Soufis. 

M.  le  ministre  de  l'instruction  publique  de  France  a  chargé  le 
D' Rouire  d'une  mission  scientifique  et  archéologique  sur  les  bords 
du  lac  Kelbiah,  en  Tonisie,  où  l'explorateur  prétend  avoir  décou- 
vert l'emplacement  de  la  mer  intérieure  à  laquelle  les  anciens  donnaient 
le  nom  de  lac  Triton.  Les  amis  du  colonel  Rondaire  ne  renoncent  pas 
encore  à  l'opinion  que  cette  mer  intérieure  occupait  l'emplacement 
actuel  des  chotts  du  sud  de  la  Tunisie  et  de  l'Algérie.  Dans  une  des  der- 
nières séances  de  la  Société  de  géographie  de  Paris,  M.  de  Lesseps  a  fait 
hommage  à  la  Société  d'un, ouvrage  considérable  de  feu  M.  Ch.  Tissot, 
dans  lequel  le  savant  auteur  a  consigné  les  résultats  de  son  exploration 
minutieuse  de  la  Tunisie.  Ces  résultats  confirment  pleinement  les 
recherches  du  colonel  Roudaire  qui,  pour  le  moment,  sans  rien  deman- 
der au  gouvernement,  poursuit  la  réalisation  de  la  création  d'un  port 
ao  seuil  de  Gabès.  Il  a  choisi  pour  cela  un  point  oii  la  mer  est  plus 
profonde  qu'elle  ne  l'est  généralement  dans  ces  parages;  ce  serait 
l'amorce  du  canal  futur,  qui  mettrait  les  chotts  en  communication  avec 
la  mer,  et  en  même  temps  le  seul  port  de  cette  côte  inhospitalière. 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  corn- 
plémetUaires  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
PAlgéi^ie,  puis  aNunt  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
rerenant  par  la  côte  occidentale. 


—  4  — 

Les  études  entreprises,  sous  la  direction  de  M.  de  Lesseps,  pour  trou- 
ver les  voies  et  moyens  de  satisfaire  aux  besoins  nouveaux  créés  par 
Taffluence  extraordinaire  des  navires  dans  le  canal  de  Saes,  sont 
terminées.  La  sous-commission  qui  en  était  chargée  a  renoncé  à  la 
création  d'une  seconde  voie  entre  les  deux  mers,  et  a  condu  à  l'élargis- 
sement du  canal  actuel,  dont  le  plafond  sera  porté  de  24  mètres,  sa  lai^ 
geur  présente,  à  40mètres»Les  travaux  seront  divisés  en  deux  parties  :  la 
première  consistera  à  élargir  le  canal  de  huit  à  dix  mètres  sur  tout  son 
parcours  ;  la  seconde  aura  pour  but  de  donner  au  canal  son  type  défini- 
tif. Cette  division  des  travaux  permettra  aux  navires  de  profiter  le  plus 
rapidement  possible  des  améliorations  qui  viennent  d'être  adoptées.  La 
traversée  du  canal  s'opérera  en  1,8  heures  au  lieu  de  36.  En  même  temps^ 
M.  de  Lesseps  a  enfin  obtenu  du  gouvernement  égyptien  l'autorisation 
de  construire  un  canal  d'eau  douce,  pom*  en  alimenter  la  ville  de 
Port-Saïd,  qui,  jusqu'ici,  n'avait  pour  ce  service  que  deux  conduites, 
l'une  de  24  centim.,  l'autre  de  32  centim.,  à  découvert  le  long  des  ber- 
ges du  canal,  dans  lesquelles  deux  machines  élévatoires,  établies  à  Ismal- 
lia,  amènent  l'eau  douce.  Le  nouveau  canal  aura  sa  prise  à  IsmaAia. 

Au  moment  de  quitter  Assab  pour  se  rendre  au  Choa,  le  comte  Anto- 
nelli  a  reçu  de  lEénélik  une  lettre  lui  annonçant  l'envoi  d'une 
caravane  chargée  de  dons  pour  le  roi  d'Italie,  pour  le  commissaire 
d'Assab  et  pour  le  conmiandant  du  vaisseau  de  guerre  en  station  dans 
les  eaux  de  la  colonie  italienne.  Le  roi  du  Choa  aimonce  aussi  qu'il  a  fait 
des  présents  à  Mohammed-Anfali,  le  sultan  d'Aoussa,  pour  qu'il  prête 
son  concours  aux  voyageurs  italiens  et  prenne  soin  de  leurs  intérêts,  en 
particulier  pour  qu'il  leur  fournisse  les  chameaux  dont  ils  auront  besoin  ; 
Ménélik  en  aurait  envoyé  lui-même,  mais  comme  ils  meurent  facile- 
ment en  route,  il  a  écrit  à  Mohammed-Anfali  qu'il  lui  paraît  plus  pru- 
dent de  les  prendre  à  la  côte. —  Il  avait  chargé  M.  Franzoi  de  transpor- 
ter les  restes  de  Chiarini  par  la  route  d'Assab,  à  laquelle  il  tient  tout 
particulièrement,  mais  M.  Franzoi  a  préféré  celle  d'Obock. 

Après  avoir  mis  garnison  à  ZeHa  et  h  Berbera,  en  remplacement  des 
soldats  égyptiens,  l'Angleterre  comptait  faire  de  même  pour  Ta4jonra» 
entre  les  possessions  françaises  d^Obock  et  de  Sagallo;  mais  la  France  a 
pris  les  devants.  Déjà  au  conmiencement  de  novembre,  le  conmiandant 
d'Obock  avait  rallié  autour  de  lui  les  grands  chefe  indigènes,  qui  détien- 
nent les  routes  des  caravanes,  et,  au  moment  où  l'évacuation  de  la  côte 
par  les  troupes  égyptiennes  a  commencé,  il  a  obtenu  d'eux  qu'ils  signas- 
sent un  traité  de  protectorat  en  faveur  de  la  France.  Les  territoires  de 


-5^> 


—  5  — 

Sagallo  et  de  Tadjoura  ont  une  grande  importance  au  point  de  vue  com- 
mercial. En  effet,  tandis  que  la  route  d'Obock  présente  certaines 
difficultés  aux  caravanes,  elles  peuvent  arriver  en  ligne  droite  à  Sagallo 
ou  à  Tadjoura  ",  en  gagnant  plus  de  huit  jours  de  marche.  L'eau  douce  se 
trouve  en  abondance  dans  cette  région,  dont  l'aspect,  même  en  été,  est 
verdoyant.  Les  deux  nouveaux  postes  français  ont  été  organisés  par  le 
commandant  d'Obock,  que  les  deux  sultans,  Hamed  et  Loelta,  ont  suivi 
au  chef-lieu  de  la  colonie  française. 

Le  P.  Liocminé,  missionnaire  chez  les  Gallas,  a  écrit  aux  Missions 
^catholiques,  qu'il  allait  s'installer  chez  les  Annia,  de  race  galla,  ber- 
gers, occupant  un  territoire  grand  comme  la  moitié  de  la  Bretagne,  et 
sans  aucune  culture.  Adopté,  suivant  la  coutume  du  pays,  par  Mudde 
Dalali,  chef  de  la  famille  Dadakium,  de  la  tribu  des  Ao-borayu,  une  des 
trois  branches  de  la  famille  Malkatou,  l'un  des  sept  fils  d'Annia,  il  est 
devenu  un  des  hommes  influents  du  pays.  Il  peut  aller  et  venir  partout 
sans  le  moindre  danger.  Son  père  adoptif  a  environ  90  ans.  La  cérémo- 
nie d'adoption  n'a  lieu  qu'après  conseil  de  famille  et  présentation  à  tous 
les  notables  de  la  tribu.  Voici  comment  le  P.  Locminë  la  décrit  :  «  Elle 
s'est  faite  dans  un  endroit  retiré  de  la  forêt,  devant  le  «  Conseil  des  dix,  » 
présidé  par  mon  «  vieux  père,  »  avec  le  cérémonial  usité  en  pareille 
circonstance.  Je  vous  assure  que  «  mes  frères  »  ne  sont  pas  aussi  sauva- 
ges que  vous  pourriez  le  croire,  et  qu'ils  font  bien  les  choses.  Le  conseil 
était  assemblé  depuis  six  heures  du  matin.  A  midi  précis,  le  Bahba  en 
fonction  (espèce  d'huissier)  est  venu  à  la  cabane  où  j'attendais,  avec  une 
<!ertaine  anxiété,  le  résultat  de  la  délibération.  H  s'accroupit,  puis  après 
un  moment  de  silence  :  «  Viens,  »  me  ditril  simplement.  Je  le  suivis 
pendant  une  demi-heure. 

«  Il  ne  parlait  pas,  ni  moi  non  plus.  Au  bout  de  ce  temps,  il  me  fit  tour- 
ner vers  l'est,  et  me  demanda  de  jurer  de  ne  jamais  faire  connaître  à 
personne  les  noms  de  ceux  que  j'allais  voir.  Je  le  lui  promis.  Alors  il  se 
remit  en  marche  et,  après  plusieurs  tours  et  détours,  j'arrivai  devant 
le  conseil.  Le  président  était  assis  sur  une  peau  de  veau,  à  trois  ou  quatre 
pas  du  cercle  des  «  dix.  »  En  ligne,  du  côté  opposé  au  «  vieux,  »  en 
dehors  du  cercle,  les  autorités  BokUj  Dori  et  Rabba,  formant  un  carré  ; 
leurs  visages  étaient  tournés  vers  l'est,  et  ils  s'appuyaient  sur  leurs  bou- 
chers, leurs  lances  à  la  main,  tous  plus  graves  que  des  sénateurs.  On  me 
fit  signe  de  m'asseoir  au  milieu  du  carré.  Pas  un  mot  !  pas  un  mouve- 

'  Voir  la  carte,  IV"»«  année,  p.  352. 


—  6  — 

mmi  de  tête  !  J'étais  presque  impremoniié.  An  bout  d'tia  quart  d'heure 
estviron,  les  deux  fils  du  chef  anrirèreiit  et  Tinrent  se  placer  à  mes  cfttés. 
C'étaieat  mes  parraius.  Ils  me  présentèrent  et  firent  ma  demande  d'aA^ 
liation.  On  me  demanda  mes  noms»  titres  et  qualités,  que  je  déclinai  de 
mon  mieux.  On  me  dit  ensuite  que  tous,  diez  les  Annia,  étaient  déci- 
dés h  vivre  et  à  mourir  libres,  et  l'on  me  d^nanda  ci  je  ne  venais  pas 
dans  le  pays  pour  travailler  à  le'  soumettre.  Il  me  fut  facile  de  répon- 
dre que  je  n'étais  pas  un  homme  de  gouvernement,  etc.  «  C'est  bien,  » 
dirent-ils.  On  me  demanda  enfin  si  je  désirais  des  troupeaux.  Alors  eut 
lieu  un  petit  débat.  On  ne  comprenait  pas  mon  désintéressement.  Cepen- 
dant nous  finîmes  par  nous  entendre.  Puis  le  Boku  me  dit  :  «  Pierre,  tu 
es  fils  de  Dalali.  »  Le  Dori  répéta  la  môme  formule,  et  tous  répondirent 
en  chœur  :  a  Qu'il  en  soit  ainsi,  d  Ensuite  vint  la  proclamation  de 
membre  de  la  tribu  ;  le  tout  avec  beaucoup  de  gravité.  On  m'avait  fait 
lever  et  appuyer  les  mains  sur  les  épaules  de  «  mes  frères  »  ;  le  a  vieux 
chef  D  me  dit  :  «  Désormais  tu  es  nôtre,  tu  peux  aller  et.  venir  partout  en 
pays  annia  ;  même  conduit  par  une  jeune  fille,  personne  ne  te  dira  rien. 
Va  maintenant.  »  Je  crus  devoir  donner,  gravement  aussi,  des  poignées 
de  main  à  tous  mes  nouveaux  u  frères,  »  et  embrasser  mon  nouveau 
«  père.  »  Cette  adoption  a  fait  sensation  dans  la  contrée,  et  j'espère  que 
tout  continuera  à  bien  aller.  On  vient  me  voir  de  tous  côtés.  Ce  qui  intri- 
gue surtout  les  gens,  c'est  ma  montre.  Ds  la  prennent,  la  mettent  à  leur 
oreille  ;  le  tic-tac  les  déconcerte.  Us  ne  sont  pas  éloignés  de  croire  qu'il 
y  a  quelque  dieu  ou  déesse  caché  dans  la  botte.  Pour  terminer  la  fête,  le 
jour  de  mon  adoption,  j'offiris  à  nK>n  «  père  »,  &i  cadeau,  un  gros  bouc. 
Il  me  demanda  si  l'animal  serait  tué  chez  moi  ou  chez  lui.  Connaissant 
son  goût  et  tenant  à  lui  faire  plaisir,  je  déclinai  l'honneur  de  tuer  la 
bête.  De  plus,  je  prétextai  la  fatigue  pour  ne  pas  assister  au  festin,  ce 
qui  plut  encore  davantage,  car  c'était  pour  eux  une  part  de  plus.  A  six 
heures  on  tuait  le  bouc,  et  à  huit  heures  il  n'en  restait  plus  que  la  peau. 
Le  sang  avait  été  bu,  et  la  chair,  mangée  presque  crue.  Les  Annia  som 
forts  et  braves  ;  ils  ont  une  certaine  loyauté.  La  peur  de  toute  domina- 
tion étrangère  fait  qu'ils  s'abstiennent  de  toute  culture.  Je  m'occupe  à 
faire  bâtir  une  cabane  qui  me  manque.  En  attendant  je  suis  logé  dans 
une  chétive  masure  aiq)artenant  à  a  mon  père,  »  oii,  la  nuit,  tout  ronûe 
pêle-mêle,  hommes,  chevaux,  ânes,  etc.,  pendant  que  je  suis  dévoré  par 
la  vermine.  Mais  ai-je  le  droit  de  me  montrer  difficile,  quand  je  vois  les 
princesses,  a  mes  sœurs,  »  balayer  la  cour  de  leurs  propres  mains?  Dans 
quelques  semaines  j'irai  à  Harrar,  prendre  un  ou  deux  missionnaires 
pour  commencer  la  mission  des  Annia.  » 


—  T  — 

L'expédition  préparée  par  le  D'  de  Hardesse^  et  le  H*  Fan* 

litoGhlœ  doit  quitter  TEnrope  à  la  fin  de  décembre,  pour  se  rendre  à 
Zella,  et  explorer  le  territoire  habité  par  les  Sooaiali  et  les  Galla  au 
sud  du  golfe  d'Aden,  au  point  de  vue  de  la  géographie,  de  l'ethnogra- 
phie et  de  l'histoire  naturelle.  Au  sud,  à  l'est  et  à  Touest  de  Harrar, 
s'étend  un  pays  jusqu'à  aujourd'hui  inconnu  au  delà  d'un  rayon  de 
quelques  kilomètres  autour  de  cette  ville,  de  laquelle  dépendent  les 
relations  commerciales  arec  les  pays  situés  au  nord  des  grands  lacs  de 
i'équateur.  Toute  la  région  habitée  par  les  tribus  des  Isa  et  des  Gà&i- 
boursi  Somali,  et  par  les  Noli,  Abaddo,  Ittou  et  Annia-GaUa,  est  encore 
inexplorée.  Le  D'  de  Hardegger  se  propose  de  l'étudier  en  détail,  et  d'y 
faire  des  collections.  H  part  muni  des  meilleurs  instruments  :  chrono- 
mètres, baromètres,  hygromètres,  boussoles,  microscopes,  appareil  pho- 
tographique, etc.  D  emporte  de  plus  une  forte  provision  d'écus  à  TeflSgie 
de  Marie-Thérèse,  au  millésime  de  1780,  la  monnaie  courante  des  pays 
de  cette  partie  de  l'Afrique.  Il  aura  avec  lui,  comme  serviteurs,  deiax 
robustes  jeunes  gens  de  Transylvanie.  Le  D*  Schweinfurth  emploiera 
ses  bons  offices  à  aplanir  la  voie  des  explorateurs  en  Egypte  ;  le  nouveau 
résident  britannique  à  Zefla  et  Berbera,  le  major  Hunter,  leur  rés»ve 
aussi  son  bon  vouloir.  Si  l'expédition  atteint  heureusement  Harrar,  qu'elle 
poisse  y  séjourner  quelques  mois,  et  faire  des  excursions  au  sud  et  à 
l'est  de  la  ville,  il  en  résultera  des  découvertes  utiles  pour  la  géographie 
et  l'histoire  naturelle.  Mais  elle  devra  se  hâter,  car  ce  n'est  que  de  novem- 
bre à  avril  que  les  pluies  équatoriales  cessent  dans  cette  partie  de  l'Afri- 
que orientale,  et  que  les  explorateurs  pourront  faire  les  observatiwas 
astronomiques  nécessaires  pour  déterminer  la  topographie  du  pays. 

Le  consul  anglais  de  |Mozambique,  M.  O'Neill,  a  adressé  aux  JVo- 
ceediriffs  de  la  Société  de  géographie  de  Londres,  des  renseignements 
sur  l'expédition  portugaise  confiée  au  major  Serpa  Pinto.  Nous 
en  extrayons  ce  qui  suit  :  Partie  de  Mozambique,  elle  suivra  d'abord 
la  route  prise  par  M.  O'Neill  lui-même,  en  1883,  pour  se  rendre  au  lac 
Kiloua,  puis  elle  se  dirigera  au  nord,  vers  le  Tanganyika  et  le  cours 
supérieur  du  Congo.  H  est  probable  que  ses  travaux  se  combineront  avec 
ceux  de  l'expédition,  également  portugaise,  commandée  par  le  major 
Carvalho,  qui  a  remonté  la  Quanza,  et  doit  s'avancer  vers  les  États  du 
Mouata  Yamvo,  pour  traverser  ensuite  le  continent  dans  la  direction  de 
Mozambique.  «  CeUe  du  major  Serpa  Pinto,  »  dit  M.  O'Neill,  «  est  orga- 
nisée sur  une  grande  échelle.  J'ai  rarement  vu  une  expédition  plus  par- 
faitement équipée  partir  pour  l'intérieur  de  l'Afrique.  Son  escorte  se 


—  8  — 

compose  de  104  Zoulous,  du  pays  à  youest  d'Inhambaûé,  tous  armés  de 
carabines  à  répétition  ;  ses  porteurs,  au  nombre  de  200,  ont  pour  la  plu- 
part des  fiisils  Sniders,  fournis  par  le  gouvernement  local.  Serpa  Pinto 
a  pris  avec  lui  deux  Européens,  le  lieutenant  Gardoso,  de  la  marine  por- 
tugaise, et  un  Anglais,  M.  Mapp,  son  secrétaire  privé,  chaîné  spéciale- 
ment de  faire  des  photographies.  On  n'a  épargné  aucun  frais  pour  pour- 
voir Texpédition  des  instruments  les  meilleurs,  chronomètres,  télescopes, 
sextants,  baromètres,  thermomètres,  etc.  Toutes  les  provisions  sont 
enfermées  dans  des  boîtes  de  même  grandeur,  chaque  colis  pesant  20  kilo- 
grammes. Quatre  tentes,  munies  de  tous  les  meubles  et  tapis  nécessaires, 
sont  à  la  disposition  des  voyageurs.  Le  chef  de  Texpédition  a  pris  en  outre 
avec  lui  deux  chevaux,  et  quatre  ou  cinq  chiens.  Le  cheval  qu'il  monte 
lui  a  été  donné  par  M.  Eruger,  ex-vice-président  de  la  République  du 
Transvaal;  c'est,  comme  on  dit  dans  les  colonies  de  l'Afrique  australe, 
un  cheval  salted,  c'est-à-dire  inaccessible  aux  attaques  de  la  tsétsé. 
Serpa  Pinto  est  chargé  spécialement  des  observations  astronomiques  et 
des  collections  botaniques.  Le  lieutenant  Gardoso,  qui  lui  aidera  pour 
les  observations,  devra  s'occuper  surtout  des  collections  d'oiseaux,  de 
papillons  et  autres  spécimens  d'histoire  naturelle.  » 

Quant  à  M.  CNeill  lui-même,  il  est  revenu  de  son  excursion  à 
Blantyre,  par  une  route  en  partie  nouvelle,  à  Quilimane.  Un  des  buts 
qu'il  avait  en  vue  dans  ce  voyage  était  de  relever  le  cours  du  Rno»  que 
les  Portugais  envisagent  comme  la  limite  naturelle  de  leur  territoire. 
Grftce  aux  observations  prises  auparavant  sur  sa  rive  gauche,  à  Mana- 
somba  Hill,  puis  à  Ghoumbaza,  près  de  sa  source,  et  enfin  à  son  con- 
fluent avec  le  Ghiré,  par  M.  Rankin,  secrétaire  privé  de  feu  M.  le  consul 
Foot,  M.  O'Neill  a  pu  tracer  le  cours  à  peu  près  complet  de  cette  rivière. 
Son  itinéraire  l'a  conduit  au  sud  du  montMilangi  ;  cette  route,  de  Blan- 
tyre à  la  côte,  est  plus  directe  que  celle  du  Rév.  Johnson.  G'est  une  des 
principales  voies  commerciales  ;  elle  sera  très  utile  toutes  les  fois  qu'il  y 
aura  quelque  empêchement  dans  les  communications  fluviales  avec  le 
lac  Nyassa. 

Pour  le  moment  la  voie  du  Chiré  est  rouverte,  quoiqu'il  y  ait  encore 
chez  les  Ma-Ghingiri  une  grande  irritation  contre  les  Portugais.  Le 
vapeur  de  la  Gompagnie  des  lacs  a  pu  remonter  le  fleuve  et  le  redescen- 
dre sans  opposition. 

Les  missionnaires  de  Blantyre  ont  choisi  un  emplacement  pour  une 
nouvelle  station  à  Domasi,  à  l'angle  N.-E.  du  mont  Zomba.  Le  nom 
de  Domasi  est  aussi  celui  d'une  belle  rivière  de  montagnes  qui,  après 


—  9  — 

avoir  franchi  la  gorge  de  Zomba,  traverse  la  plaine  dans  la  direction  du 
N.-E.,  pour  aller  se  jeter  dans  le  lac  Chirona.  De  Domasi  la  vue  est  très 
belle  sur  le  lac  et  les  lies,  et  dans  le  lointain  s'élèvent  les  monts  du  pays 
de  Wa-Ngourou.  Ce  qui  a  décidé  les  missionnaires  dans  le  choix  de  cet 
emplacement,  c'est  une  invitation  du  chef  Malemia  à  venir  chez  lui  pour 
instruire  son  peuple.  En  outre,  c'est  le  centre  d'ime  région  dont  la  popu- 
lation est  très  dense,  à  peu  de  distance  de  la  grande  route  de  Quilimane 
à  l'intérieur.  Les  indigènes  sont  familiers  avec  les  noms  du  Bangouéolo, 
du  Louapoula,  etc.  a  A  peu  de  distance,  »  écrit  un  des  missionnaires  au 
Missionnary  Record  de  l'Église  d'Ecosse,  «  il  y  a  un  grand  dépôt 
d'esclaves  et  d'ivoire  ;  là  se  forment  de  grandes  caravanes  pour  la 
côte.  »  ^'' 

M.  Scott,  missionnaire  de  la  station  de  Blantyre,  a  fait,  avec  sa  fenmie 
et  le  D' Peden,  une  excursion  chez  les  Anfi^ni,  Muni  par  Kasisi,  chef 
qui  a  rendu  de  grands  services  dans  les  troubles  amenés  par  le  meurtre 
de  Chipitoula,  d'une  recommandation  pour  Chikousé,  le  chef  des 
Angoni,  qui  exerce  un  pouvoir  très  étendu,  il  passa  par  les  villages  qui 
bordent  les  rapides  Murchison,  du  Chiré;  puis,  après  avoir  traversé  une 
vaste  plaine  de  quatre  journées  de  large,  il  atteignit  les  montagnes  qui 
entourent,  comme  un  rempart,  le  plateau  des  Angoni.  Il  en  fit  l'ascen- 
sion, redescendit  le  versant  opposé,  campa  trois  jours  sur  un  plateau  dé- 
sert et  arriva  enfin  aux  villages  des  Angoni.  Les  habitants  reçurent  les 
missionnaires  avec  beaucoup  de  respect  ;  cependant  ceux  du  chef-lieu 
demeurèrent  froids,  par  suite  de  l'opposition  faite  à  deux  caravanes  de 
Chikousé,  conduites  par  des  Arabes,  dont  deux  avaient  été  tués.  Les 
voyageurs  durent  s'établir  en  dehors  du  village  de  Chikousé,  qui  vint 
leur  faire  visite,  en  grand  appareil,  et  accompagné  d'un  cortège  impo- 
sant de  tous  ses  principaux  chefis.  Ses  gens  se  disaient  entre  eux  :  «  Nous 
mourrons,  car  nous  avons  vu  les  blancsi  »  Toutefois  leur  terreur  se  dis- 
sipa, et  de  nombreux  groupes  se  pressèrent  bientôt  autour  des  mis- 
sionnaires ;  M"*  Scott  surtout  était  pour  eux  un  sujet  de  profond  éton- 
nement.  Chikousé  s'entretint  avec  les  étrangers,  sans  cérémonie,  accepta 
leurs  présents,  du  sel  et  des  couvertures,  et  conclut  amitié  avec  eux  en 
leur  donnant  une  chèvre  en  retour.  On  se  sépara  dans  les  meilleurs 
termes,  et  les  missionnaires  rentrèrent  à  Blantyre  sans  accidents  ni 
maladies.  Cette  visite  avait  été  faite  au  bon  moment,  car  pei}  après 
leur  retour,  tout  le  pays  autour  de  leur  station  devenait  le  théâtre  d'un 
vaste  embrasement,  causé  par  une  incursion  des  Angoni  dans  les  terri- 
toires de  Eoumtaja  et  de  Kapeni.  Le  22  août,  à  3  heures  du  matin,  le 


V  » 


—  10  — 

signal  d'alarme  fut  donné  ;  des  gens  en  foule  traversaient  Blantyre,  ou 
passaient  auprès  pour  se  réfugia  dans  les  bois.  Le  lendemain  des 
colonnes  de  fumée  annoncaient.au  loin  que  les  villages  brûlaient  les  uns 
après  les  autres.  Les  habitants  s'enfuyaient  vers  tes  montagnes.  Des 
centaines  de  femmes  et  d'enfants  vinrent  demander  un  abri  &  Blantyre 
et  à  Mandata,  où  toutes  les  places  disponibles  furent  transformées  en 
dortoirs.  Tous  les  sentiers  conduisant  à  la  station  étaient  occupés  par 
des  hommes  armés  d'arcs,  de  flèches,  et  de  fusils  &  pierre.  Le  pays  tout 
autour  était  rempli  d'Angoni  pillant  et  capturant  femmes  et  enfants, 
pour  les  réduire  en  esclavage.  Cependant  ils  s'abstinrent  de  toucher  à 
ce  qui  appartenait  à  la  mission.  Les  gens  d'un  des  missionnaires,  qui 
revenait  de  voyage,  étant  tombés  entre  les  mains  des  Angoni,  ceux-ci, 
quand  ils  surent  qu'ils  étaient  attachés  à  la  mission,  les  traitèrent  avec 
bonté,  et  les  renvoyèrent  en  sécurité  à  Zomba.  M.  Scott  résolut  de  se 
rendre  au  camp  des  Angoni  pour  arrêta  si  possible  la  dévastati^i. 
Accompagné  d'un  de  ses  coliques  et  de  deux  natife  courageux,  il  se  mit 
en  route,  et,  après  une  marche  pénible,  il  se  trouva  en  présence  de 
l'ennemi.  Celui-ci  le  reçut  bien  ;  les  deux  chefs  furent  très  amicaux, 
quoiqu'ils  euss^it  parfaitement  conscience  de  leur  force.  Cette  visite  eut 
une  certaine  efficacité,  car  peu  de  jours  après,  les  Angoni  se  retirèrent, 
sans  avoir  commis  aucune  déprédation,  dans  les  montagnes  de  Dirandi 
et  de  Socbé. 

Une  lettre  de  M.  le  missionnaire  Jacottet,  dont  nous  publions  plus 
loin  le  voyage  d'exploration  dans  le  bassin  du  HautOrange  (p.  24), 
nous  permet  de  compléter  ce  que  nous  avons  dit  du  Lie-JSouto»  dans  nos 
deux  articles  sur  la  question  des  spiritueux,  a  Je  suis  &  même,  »  nous 
écrit  M.  Jacottet,  «  de  vous  donner  un  ou  deux  renseignements  à  propos 
de  l'alcoolisme.  La  loi  qui  interdit  absolument  l'entrée  des  spiritueux 
au  Le-Souto  (pour  les  blancs  comme  pour  les  noirs),  existe  toujours. 
Depuis  la  guerre  eUe  n'était  plus  observée,  mais  le  colonel  Clarke,  n'en- 
tendra pas  plaisanterie  à  cet  égard.  Sauf  dans  le  district  de  Masoupa, 
toujours  rebelle,  il  n'entre  plus  guère  d'eau-de-vie.  Les  chefe  boivent 
tous,  mais  à  part  cela,  je  n'ai  vu  que  peu  d'ivrognes.  Chez  Masoupa,  il 
existait  encore  quelques  cantines  ;  l'autre  jour  il  en  a  fait  disparaître 
dix-sept.  Je  ne  sais  s'il  en  reste  beaucoup  maintenant.  Dès  que  le  rési- 
dent britannique  se  sentira  assez  fort,  il  fera  observer  la  loi.  Nous 
n'avons  pas  d'association  contre  l'eau-de-vie  ;  jusqu'ici  cela  n'était  pas 
nécessaire,  vu  la  sévérité  de  la  législation;  j'espère  qu'à  l'avenir,  la 
nécessité  ne  s'en  fera  pas  s^itir  non  plus.  Dans  l'Église,  jusqu'à  ces 


W^r 


■•■■»  r  -■ 


—    11    — 

derniers  temps,  il  était  défendu,  du  moins  en  tliéorie,  de  boire  de  i^'^au- 
4^viB,  soit  européenne,  soit  indigène*  Je  ne  sais  si  la  loi  «xiste  enooro, 
m  tout  cas  ^Ue  n'est  plus  strictement  appliquée,  et  les  biiTOurs  de 
t^pola  (eau-de-vie  indigène),  ne  sont  plus  mis  sous  diseipline,  sa^pf  efi 
<^  d'ivresse,  bien  entendu.  Je  ne  sais  quelles  sont  les  lois  coloniales 
ou  bœrs  ;  vraisemblablement  elles  sont  moins  strictes  que  ceUes  du  Le- 
^uto.  D 

La  Société  de  géograpbie  de  Paris  a  reçu  communication  des  progrès 
de  TeKpédition  du  D'  Holnb»  qui  était  le  U  juillet  à  Growley,  district 
de  Pauresmith,  dans  TÉtat-Libre  de  TOrange.  «  Nous  sommes  en  hiver,  » 
écrivait  reiLplorateur,  a  nous  n'avons  pas  de  neige  il  est  vrai,  mais  l'herbe 
est  rare  et  sèche,  et  j'ai  déjà  perdu  trots  bêtes  de  trait.  C'est  pour  moi 
une  grosse  perte  ;  j'ai  dû  recourir  à  l'aide  de  mes  amis  d'Aujtriehe  ; 
chaque  dépense  inutile,  chaque  perte,  diminue  la  somme  dont  je  dispose. 
jMon  personnel  se  compose  de  douze  individus  ;  mon  pare  de  voyage,  de 
quatre  chariots,  un  bateau  en  fer,  et  59  bêtes  de  sonune,  dont  57  bœufii. 
A  Gape-Town,  où  des  difficultés  avec  la  douane  m'ont  obligé  de  m'arrê- 
ter,  j'ai  utilisé  mon  séjour  forcé  à  explorer  les  environs  ;  j'ai  envoyé 
ehez  moi  dix-huit  caisses  contenant  les  résultats  de  mon  travail.  De 
Cape-Town  j'ai  expédié  mon  parc  de  voyage  par  le  chemin  de  fer,  à 
Oolesber^.  Lit  j'ai  subi  encore  un  retard  d'un  mois,  mais  j'ai  rempli 
trois  caisses  de  collections.  Le  mois  prochain  rhai)e  commencera  à 
j^uaser.  Pour  ne  pas  fatiguer  mes  animaux,  je  voyage  très  lentement, 
ce  qui  entratne  de  fortes  dépenses,  quoique,  tant  que  je  suis  parmi  les 
Européens,  on  me  traite  de  la  manière  la  plus  amicale  et  que  je  sois 
l'objet  de  beaucoup  de  prévenances.  Le  président  de  l'Ètat-Libre  de 
l'Orange  m'a  invité  à  aUer  àBloemfontein,  la  capitale,  maiscela  m'écar- 
terait  trop  de  ma  route.  Je  me  rends  par  Boshof  vers  le  Transvaal,  et, 
de  Waterberg,  je  couperai  droit  à  l'ouest  sur  Shoshong.  Comme  la 
saison  avancée  ne  me  pennet  plus  de  songer  à  traverser  le  Zambèze 
cette  année-ci,  surtout  à  cause  de  mon  personnel,  la  fièvre  intermittente 
commençant  à  sévir  à  la  fin  d'octobre,  je  passerai  deux  ou  trois  mois 
sur  le  Limpopo,  ou  dans  le  biissin  des  lacs  salés  des  Ba-Mangwato. 
Dans  toutes  les  stations  oii  nous  nous  arrêtons  quelques  jours,  je  pro- 
cède à  des  déterminations  astronomiques  de  la  position  du  lieu,  opéra- 
iiom  pour  lesquelles  le  gouvernement  autrichien  a  mis  &  ma  disposition 
les  instrumrats  nécessaires:  un  excelleAt  théodolite,  trois  chronomè- 
tres, deux  b0.romètres  anéroïdes,  etc.  Plus  tard,  quand  n^es  compagnons 
me  paraîtront  mieux  accoutumés  au  parc  de  voyage  et  à  leurs  travaux, 


et  qu'ils  pourront  me  servir  d'aides,  nous  ferons  les  observations  astro- 
nomiques, même  dans  les  stations  plus  courtes.  Je  ne  calcule  pas  les 
observations  moi-même  ;  mais  je  les  envoie  à  l'Institut  militaire  géogra- 
phique de  Vienne,  oii  se  font  les  calculs.  Depuis  mon  départ  de  Cape- 
Town,  nous  faisons  chaque  jour,  deux  ou  trois  fois,  des  observations 
météorologiques  qui  paraissent  donner  Ides  résultats  intéressants,  sur- 
tout là  oii  nous  nous  arrêtons  plusieurs  jours.  Pour  les  difTéreutes  bran- 
ches des  sciences  naturelles,  je  tiens  des  journaux  spéciaux,  dans 
lesquels  je  consigne,  jour  par  jour,  les  résultats  constatés  et  la  descrip- 
tion des  collections  faites.  Le  gouvernement  de  laBépubliquedu  Trans- 
vaal  m'a  fait  savoir  que  je  pouvais  faire  passer  sur  son  territoire  tous 
mes  équipages  sans  payer  de  Atoits  de  douane,  tandis  que  celui  de  la 
Colonie  du  Gap  a  taxé  mon  équipement  comme  marchandises  impor- 
tées. » 

Le  SaintSelena  Guardian  annonce  savoir,  de  source  autorisée,  que 
les  steamers  de  la  New-Zealand  Shipping  Company,  qui  touchent  au  Cap, 
n'aiment  pas  ce  mouillage,  et  ne  s'y  arrêtent  que  parce  qu'ils  y  sont 
forcés  ;  ils  l'échangeraient  volontiers  contre  Sainte-Hélène,  s'ils  pou- 
vaient faire  ici  leur  charbon.  L'océan  et  les  vents  ne  permettent  pas  aux 
navires  d'entrer  dans  le  port  de  Cape-Towu  ni  d'en  sortir  en  toute  saison, 
tandis  que  l'ancrage  du  port  de  James-Town,  à  Sainte-Hélène,  est  tou- 
jotu^  sûr  ;  k  quelque  époque  de  l'année  que  ce  soit,  les  vaisseaux  peuvent 
y  entrer  et  en  sortir  en  toute  sécurité,  y  faire  de  l'eau,  et  y  prendre  des 
provisioifô  toujours  abondantes.  Placé  sur  la  route  des  steamers  des  colo- 
nies de  l'Australie  et  de  la  Nouvelle-Zélande,  ce  mouillage  leur  offrirait 
toute  facilité  pour  faire  leur  charbon  et  réparer  leurs  machines  sans 
aucune  perte  de  temps. 

Le  Mouvement  géographique  nous  apporte  d'utiles  renseignements 
sur  les  caltarea  entreprises  h  Léopoldvtlle  et  h  Bam«  par 
M.  Teuach,  agent  allemand  de  l'Association  internationale  du  Congo, 
qui  vient  de  rentrer  en  Europe  ai)rès  trois  ans  de  séjour  dans  les  stations 
du  Congo.  Il  a  planté  autour  de  celle  de  Léopoldville  8000  bananiers  qui, 
au  bout  de  dix  mois,  avaient  atteint  une  hauteur  de  trois  mètres  et  don- 
naient déjà  des  fruits  abondants.  Il  a  également  planté  dans  le  potager 
90  pommes  de  terre  qu'il  avait  apporta  de  la  côte.  Au  bout  de  quatre 
mois,  il  avait  une  première  récolte,  qu'il  a  employée  intégralement  à  de 
nouvelles  plantations.  Il  a  renouvelé  l'opération  une  troisitoie  fois,  et  la 
station  possède  aujourd'hui  une  centaine  de  kilogrammes  de  pommes  de 
terre  qui  fourniront  de  quoi  ensemence  tout  un  hectare.  L'expériraiGe 


—  13  — 

lui  a  prouvé  que  la  culture  de  la  pomme  de  terre  exige  que  Ton  se  con- 
tente de  deux  récoltes  par  an.  On  pourrait  cependant  en  avoir  trois,  tant 
la  terre  est  fertile  autour  de  Stanley-Pool.  Il  a  semé  aussi  des  choux,  des 
malades,  des  carottes  ;  le  tout  a  parfaitement  réussi.  Le  manioc  a  donné 
d'excellents  résultats,  de  même  que  le  sorgho.  Les  plantations  de  cannes 
h  sucre  couvrent  actuellement  deux  acres.  Il  ne  faut  que  huit  à  neuf 
mois  pour  récolter  le  sucre.  Au  bout  d'une  année  la  station  de  Léopold- 
ville  en  a  obtenu  'd'excellent.  Plus  de  300  plants  de  caféier  poussent 
avec  un  plein  succès,  mais  il  faut  trois  ans  pour  obtenir  une  première 
récolte.  Indépendamment  de  ces  cultures,  les  jardins  de  Léopoldville  ont 
reçu  des  plants  de  Sauersop,  fruit  qui  se  rapproche  beaucoup  de  Tana- 
nas,  des  pruniers,  des  pommiers,  des  poiriers,  des  cerisiers,  des  vanil- 
liers, des  cacaotiers,  des  orangers,  des.  figuiers.  De  tous  ces  plants  ont 
^té  tirés  un  nombre  considérable  de  rejetons,  dont  Tensemble  constitue 
déjà,  autour  de  la  station,  une  véritable  forêt.  La  station  possède  trois 
mules  et  trois  ânes.  L'arrivée  de  ces  animaux  dans  cette  contrée,  oii 
jamais  cheval  ni  mule  n'avaient  pénétré,  a  été  un  véritable  événement, 
<liii  remplit  encore  d'étonnement,  et  même  d'effroi,  ses  nalfis  habitants. 
—  En  redescendant  à  la  côte,  M.  Teusch  s'est  arrêté  trois  mois  à  Boma, 
où  il  a  créé  également  un  potager  et  un  jardin.  Il  y  a  planté  entre  autres 
des  eucalyptus  qui  constitueront  un  excellent  fébrifuge. 

Le  journal  le  Heidenhote,  publié  par  la  Société  des  missions  de  Bâle, 
renferme,  sur  le  Volta,  des  renseignements  nouveaux,  extraits  du  rap- 
port de  M.  Grottfried  Zimmermann,  qui  faisait  partie  de  l'expédition  mis- 
sionnaire envoyée  à  Salaga.  A  vingt  milles  à  l'ouest  de  Salaga  se  trou- 
vent les  sources  des  deux  bras  du  fleuve  qui,  en  amont  de  Jeguy,  se 
réunissent  pour  former  le  Volta.  Le  bassin  de  ses  sources  est  très  étendu. 
Dès  la  jonction  de  ces  deux  bras,  il  forme  déjà  un  véritable  fleuve,  car  il 
a  à  peu  près  la  même  largeur  qu'il  conserve  jusqu'à  son  embouchure, 
•environ  400  à  500  mètres  ;  en  revanche,  sa  profondeur  est  faible.  De 
Jeguy  à  Baguiemsou,  il  forme  de  nombreux  méandres,  puis  prend  une 
direction  sud  jusqu'à  Kpong,  et  sur  ce  parcours  de  45  milles  se  trou- 
vent quinze  rapides  plus  ou  moins  forts.  Son  lit  est  tantôt  parsemé 
de  rochers,  tantôt  sablonneux  ;  sur  une  faible  longueur  seulement,  il 
-est  navigable.  De  Kpong  à  Ada  il  coule  dans  une  direction  E.-S.-E., 
puis  à  Ada,  à  un  mille  de  la  mer,  il  forme  un  delta,  semé  de  bancs 
de  sable,  et  en  quelques  endroits,  de  rochers.  Gomme  les  eaux  mon- 
tent de  juillet  en  octobre,  de  dix  à  quinze  mètres  aii-dessus  de  leur 
niveau  ordinaire,  tandis  que  la  hauteur  des  rochers  et  des  bancs  de  sable 


—  14  — 

f 

ne  dépasse  pas  fuinee  mètres  au^dmras  du  loAd,  ou  peut^  avec  quelque 
précaution,  le  remonta  avec  des  embaroatioos  tirant  deux  mèti^  d'eau,, 
tandis  qu'aux  eaux  basses,  un  bateau  tirant  quin^  centimètres  d'eau 
s'^isablerait  infailliblement.  Aussi  ne  peut-on  pas  songer  à  établir  des 
communications  par  la  voie  du  fleuve,  entre  la  côte  et  Salaga.  Les  orues 
énormes  qu'il  subite  et  qui  en  font  par  moments  un  fleuve  de  650  mètres, 
dé  large,  empêcbent  les  habitants  d'établir  leurs  villages  sur  ses  bords. 


NOUVEUU5S  GOlEPItâlIENTAZRBS 

M^  Sogaro,  vicaire  apcrstolique  de  l'Afrique  centrale,  actuellement  au  Caire,  a 
entoyé  le  P.  Yincentini  au  Mahdl,  pé'ûi*  lui  demander  la  mise  en  liberté  des  reli- 
gteoses  et  des  missionnaires,  prisonniers  à  El^Obéid  depuis  vingt^Mpt  mois.  Grftce- 
anafc  facilités  que  lui  a  accordées  le  général  Wolseley,  le  P.  Yincentini  a  attdnt 
Dongola,  d'où  il  a  télégraphié  qu'il  espérait  beaucoup  pouvoir  arriver  jusqu'au 
Mahdi. 

Le  comte  Auguste  Boutourline  qui,  malgré  sa  jeunesse,  a  déjà  fait  ses  preuves 
comme  explorateur,  est  parti  d'Assab  pour  se  rendre  au  Choa,  en  suivant  la  route 
ouverte  par  Antonelli. 

M.  J.  James,  connu  par  ses  expéditions  de  chasse  au  Soudan,  se  propose  de 
pénétrer,  pendant  l'hiver,  de  Berbera  à  Webbi,  avec  un  de  ses  compatriotes,. 
M.  Phillips. 

De  retour  du  Choa,  M.  Soleillet  a  formé  le  projet,  plus  ou  moins  fantastique,, 
de  faciliter  les  communications  de  ce  pays  avec  la  côte,  en  détournant  dans 
l'Hàôuasch,  l'Abai,  partie  supérieure  du  Nil-Bleu.  Aujourd'hui  l'Haouaech  se 
perd  dans  les  lacs  Aoussa  ;  augmenté  par  l'apport  des  eaux  de  l'Abai,  il  se  fraie- 
rait, croit  M.  Soleillet,  un  lit  jusqu'à  la  baie  de  Ta^joura  (?),  et  fournirait  ainsi 
une  voie  fluviale  navigable  jusqu'au  Choa. 

D'après  une  lettre  de  M.  Ledoulx,  consul  de  France  à  Zanzibar,  la  station 
missionnaire  de  Mrogoro  a  été  incendiée,  ce  qui  retardera  la  création  d'un  non- 
veau  poste  projeté  pour  la  fin  de  l'année.  La  malveillance  est  étrangère  à  cet 
incendie,  car  les  indigènes  aiment  beaucoup  les  missionnaires  ;  la  reine  Simba 
Mouéni  leur  est  toute  dévouée  ;  elle  s'oppose,  autant  qu'elle  le  peut,  aux  sacri- 
fices humains. 

Le  capitaine  Bloyet  a  écrit  de  Condoa  que  la  guerre  règne  entre  les  chefs  du 
pays  ;  Mahouinga,  sultan  de  POu-Héhé,  se  disposait  à  attaquer  Condoa,  dont  les 
habitants  faisaient  des  préparatifs  de  défense.  M.  Bloyet  sé  proposait  d^envoyer 
sa  femme  à  la  station  de  Mrogoro,  dès  que  les  hostilités  deviendraient  imifiin«nteê. 

L'expédition  commerciale  portugaise  commandée  par  le  oapitaine  Palva  d'An* 
drada  poursuit  sand  obstacle  sa  marche  vers  Manica.  Elle  passera  l'hiver  à  Q«k 
rongozo. 


—  15  — 

Jusqu'ici  c'était  surtout  dans  le  district  de  Lydenboarg  que  l'on  avait  constaté, 
au  Transvaal,  l'existence  de  gisements  aurifères  exploitables.  On  en  a  découTert 
récemment  près  de  Palalaberg,  dans  le  district  de  Waterberg,  d'aussi  riobes, 
paralt-il,  que  les  premiers. 

Le  Border  News  d'Aliwal  North  annonce  la  découTerte  d'nne  nouTelle  mine  de 
honille,  à  5  kilom.  de  Burgbersdorf,  près  de  Molteno,  et  à  50^  de  la  voie  ferrée. 
Des  experts  ont  rapporté  que  la  qualité  en  est  supérieure  à  celle  de  la  mine  de 
Cyphergat. 

Les  comités  de  VAfirioander  Bimd,  dans  le  Transvaal  et  dans  l'État-Libre  de 
l'Orange,  ont  convoqué  à  Potchefstroom,  pour  le  24  décembre,  un  congrès,  afin  de 
délibérer  sur  la  question  d'une  union  politique  plus  intime  entre  les  deux  répu- 
bliques sud-africaines. 

Le  gouvernement  de  l'empire  d'Allemagne, a  nommé  le  D'  Bieber  consul  géné- 
ral pour  l'Afrique  australe. 

Le  SQverioum^  navire  de  5,000  tonnes,  construit  spécialement  pour  la  pose  des 
cAbles  sous-marins,  a  quitté  la  Tamise  emportant  la  seconde  secUon  du  c&ble  qui 
doit  relier  les  colonies  anglaises  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  à  T Angleterre  et 
à  la  Colonie  du  Cap. 

Il  existait  déjà  de  petits  journaux  dans  les  langues  indigènes,  par  exemple  le 
KafifT  EocpresSj  mais  ils  étaient  tous  plus  ou  moins  les  orgsnes  d'institutions  ou 
de  sociétés  missionnaires.  La  fin  de  l'année  1884  en  a  vu  paraître,  à  King-Wil- 
liam's  Town,  un  nouveau,  indépendant,  le  Imvo  Zabantmndu^  ou  V  Opinion  indi- 
gène. Il  est  imprimé  en  partie  en  cafre,  en  partie  en  anglais.  L'éditeur  en  est  un 
natif,  auquel  il  servira  d'organe  pour  plaider  la  cause  des  intérêts  des  indigènes, 
dans  leurs  rapports  avec  les  colons. 

La  Société  des  missions  baptistes  d'Angleterre  se  propose  d'étendre  son  x^hamp 
d'activité  vers  le  Congo  supérieur,  et  de  tenter  l'exploration  d'une  route  dans  la 
direction  de  l'Albert-Nyanza  et  du  Mouta-Nzigué  de  Stanley.  M.  Arthing^on  a 
donné  pour  cela  une  somme  de  50,000  fr. 

La  maison  Jantxen  et  Thormalen,  de  Hambourg,  a  constitué  une  société  au  ca- 
pital de  625,000  fr.  pour  explorer  le  Niger  et  le  Bénoué.  L'expédition,  à  la  tête 
de  laquelle  se  trouve  M.  Robert  Flegel,  se  mettra  en  route  au  printemps  prochain. 

M.  Yiard,  ancien  compagnon  de  M.  de  Semelé,  après  avoir,  en  1881  et  1882, 
exploré  le  royaume  du  Nupé  dépendant  de  celui  de  Sokoto,  prépare  une  nouvelle 
expédition  qui  remontera  le  Bénoué. 

D'après  le  Cahoer  Miaeionshlatt,  le  trafic  de  l'eau-de-vie  à  la  côte  de  Guinée  y 
fait  d'affreux  ravages.  Il  a  été  débarqué  récemment,  à  l'embouchure  du  Niger, 
pour  deux  factoreries  seulement,  2500  caisses  de  rhum  et  d'eau-de-vie  de  genièvre. 
Et  un  journal  de  Boston  écrivait,  le  28  août  de  cette  année  :  «  Le  plus  fort  char- 
gement de  rhum  de  la  Nouvelle- Angleterre  qui  ait  jamais  été  fait  aux  États-Unis, 
vient  de  partir  pour  la  cête  occidentale  d'Afrique;  il  était  de  8500  tonnes.  » 

La  Société  des  missions  de  l'Église  presbytérienne  unie  d'Ecosse  a  décidé  de 
fonder  une  nouvelle  station  au  Vieux-Calabar,  à  Ikorana,  ville  de  la  tribu  dea 


—  16  — 

Oamon,  à  une.  grande  distance  d'Ikorofiong,  jusqu'ici  le  poste  le  plus  avancé  de 
cette  Société.  Ce  sera  un  centre  d'activité  d'où  les  missionnaires  pourront  attein- 
dre Biakpan,  ville  de  3000  habitants,  et  plusieurs  villages  et  fermes  du  voisinage. 

Le  Comité  des  missions  de  Paris  a  également  l'intention  de  créer  un  nouveau 
poste  à  Eerbala,  village  bambara,  à  8  kilom.  de  Dagana.  M.  le  missionnaire  Jac- 
ques, aide  de  M.  Taylor  à  S^-Louis,  y  a  fait  une  reconnaissance,  et  a  choisi  l'em- 
placement de  la  future  station. 

Un  env(»yé  du  grand  chef  de  Tombouctou  a  fait  annoncer  son  arrivée  à  Saint- 
Louis.  Chargé  d'établir  des  rapports  directs  avec  la  colonie  du  Sénégal,  il  est 
venu  en  France  par  un  paquebot  de  Bordeaux.  Un  professeur  d'arabe  l'accom- 
pagne comme  interprète.  11  devra  conduire  à  Timbouctou  les  personnes  que  le 
gouvernement  français  voudra  y  envoyer  avec  lui,  et  répondra  sur  sa  tête  de 
leur  retour  à  S^-Louis. 

La  pose  du  câble  sous-marin  destiné  à  relier  le  Sénégal  avec  l'Europe  par  la 
voie  de  Ténériffe-Cadix  est  terminée. 

Deux  compagnies  de  pèche  et  de  colonisation  des  Canaries  ont  établi  des  comp- 
toirs entre  le  cap  Blanc  et  le  cap  Bojador.  Sur  cet  espace  de  500  kilom.,  il  y  a  six 
baies  et  plusieurs  rades.  Des  missionnaires  et  des  colons  ont  d^à  quitté  les  Cana- 
ries pour  s'établir  sur  les  points  occupés  par  les  compagnies. 


LA  CONFÉRENCE  AFRICAINE  DE  BERLIN 

D  peut  paraître  prématuré  d'entretenir  les  lecteurs  de  V Afrique  de  la 
Conférence  de  Berlin,  avant  que  celle-ci  ait  terminé  l'œuvre  pour  laquelle 
elle  a  été  convoquée.  Si  la  liberté  de  navigation  et  de  commerce  dans  le 
bassin  du  Congo  et  de  ses  affluents,  sous  la  surveillance  d'une  commission 
internationale,  paraît  dès  maintenant  acquise,  il  reste  encore  à  étudier 
d'importantes  questions,  dont  l'examen  a  dû  être  ajourné  en  janvier. 
Aussi  ne  nous  proposons-nous  point  de  faire  aujourd'hui  l'exposé  des 
travaux  de  la  conférence  ;  nous  nous  bornerons  à  rappeler  succinctement 
les  faits  qui  ont  rendu  nécessaire  cette  réunion  solennelle,  comment  elle 
a  été  préparée,  et  l'esprit  dans  lequel  elle  a  été  ouverte.  U  sera  facile  de 
pressentir  les  heureux  résultats  qu'on  peut  en  espérer  pour  la  civilisa- 
tion et  l'exploration  de  l'Afrique. 

Le  moment  où  le  chancelier  de  l'Empire  allemand  a  invité  les  repré- 
sentants des  principaux  États  civilisés  des  deux  mondes  à  cette  confé- 
rence, qui  concentre  sur  elle  l'attention  de  tous  les  esprits,  avait  une 
gravité  toute  spéciale.  L'Europe,  il  est  vrai,  n'avait  pas  été  ébranlée  par 
une  de  ces  grandes  guerres  qui  modifient  profondément  les  rapports  des 
États  entre  eux  et  à  la  suite  desquelles  il  est  nécessaire  de  consacrer, 
par  un  acte  international,  l'état  de  fait  qui  en  est  résulté  et  les  droits 


—  17  — 

nouYeaux  des  parties  naguère  encore  en  hostilité  ouverte.  Mais  il  était  à 
prévoir  que  la  concurrence  des  intérêts  politiques  et  commerciaux,  qui 
entraîne  vers  l'Afrique,  et  tout  particidièrement  vers  la  région  occi- 
dentale-équatoriale  de  ce  continent,  plusieurs  des  États  de  l'Europe, 
en  quête  de  débouchés  pour  leur  commerce,  amènerait  avant  peu  des 
conflits,  si  des  mesures  n'étaient  pas  adoptées  pour  les  prévenir. 

Dans  les  derniers  temps,  l'entraînement  prenait  le  caractère  d'une 
vraie  course.au  clocher.  C'était,  semblait-il,  à  qui  arriverait  le  premier 
à  hisser  son  pavillon  sur  tel  ou  tel  point  de  la  côte  d'Afrique  non  encore 
possédé  par  une  des  nations  de  l'Europe. 

Non  contente  de  ses  anciennes  possessions  de  l'Algérie  et  du  Sénégal, 
la  France  étabUssait  son  protectorat  en  Tunisie,  créait  une  colonie  k 
Obock  et  à  Sagallo,  étendait  son  influence  jusqu'à  Bamakou,  sur  le  Haut- 
Niger,  et,  par  le  Gabon,  l'Ogôoué  et  l'Alima,  arrivait  sur  le  cours 
moyen  du  Congo.  —  L'Italie  fondait  à  Assab  la  première  colonie  ita- 
lienne et  jetait  un  regard  d'envie  vers  la  Tripolitaine.  —  L'Angleterre 
étendait  les  limites  orientales  de  sa  colonie  de  Sierra-Leone,  et,  le  long  de 
la  côte  du  golfe  de  Guinée,  elle  travaillait  par  ses  consuls  à  faire  passer 
sous  son  protectorat  les  territoires  des  chefs  encore  indépendants,  entre 
ses  colonies  de  la  Côte  d'Or  et  celles  de  la  Côte  des  Esclaves  ;  sans  parler 
des  annexions  qu'elle  opérait  dans  le  bassin  du  Niger  inférieur,  et  au  pied 
sud-est  du  mont  Cameroon  *.  —  L'Espagne,  mise  en  possession  de  Santa- 
Cruz  de  Mar-Pequena,  préparait,  par  l'établissement  de  factoreries 
entre  le  cap  Bojador  et  le  cap  Blanc,  son  installation  sur  toute  cette 
ligne  de  côte.  —  Maître  de  la  Guinée  inférieure,  du  Cunéné  à  Ambriz,  le 
Portugal  renouvelait  ses  prétentions  sur  la  côte  oii  débouche  le  Congo, 
devenu  important  pour  lui,  depuis  que  Stanley  avait  annoncé  que  celui 
qui  posséderait  le  Congo  aurait  le  monopole  du  commerce  avec  le  bas- 
sin immense  qu'il  arrose,  ce  fleuve  étant  la  grande  route  commerciale  de 
l'Afrique  centrale  de  l'ouest.  — L'Allemagne  était  engagée  par  les  nom- 
breuses factoreries  de  ses  nationaux,  de  la  Côte  d'Or  à  la  baie  de  Biafra 
et  au  Congo,  à  se  présenter  comme  gardienne  de  leurs  intérêts,  et  à 
prendre  sous  son  protectorat  les  chefs  qui  avaient  concédé  aux  négo- 
ciants allemands  les  terrains  nécessaires  à  leurs  établissements;  sans 
compter  la  protection  qu'elle  devait  à  la  possession  récemment  acquise 
par  M.  Ltideritz  du  territoire  dont  Angra  Pequena  est  le  centre,  de 

^  On  mande  de  Durban  que  le  drapeau  anglais  a  été  arboré  à  Sainte-Lucie 
(Zoulouland). 


», 


■>;-.', 


-18- 

l'embouchure  du  fleuve  Orange  au  cap  Frio.  —  La  Hollande  ne  pouvait 
rester  indifférente  aux  intérêts  de  ses  ressortissants,  dans  les  factoreries 
qu'ils  ont  multipliées  au  nord  et  au  sud  de  l'embouchure  du  Congo  et 
sur  les  rives  du  cours  inférieur  de  ce  grand  fleuve. — Sans  former  un  État, 
au  sens  propre  du  mot,  l'Association  internationale  du  Congo,  succes- 
seur du  Comité  d'études,  se  trouvait  concessionnaire  d'une  quantité  de 
territoires  pour  ses  quarante  stations,  de  l'Atlantique  à  Nyangoué,  et 
confinant,  au  Niari-Quilou  et  à  Stanley-Pool,  avec  les  nouvelles  posses- 
sions françaises,  elle  risquait  d'entrer  en  conflit  avec  son  puissant  voisin. 
Nous  ne  disons  rien  des  dangers  que  pouvaient  faire  courir  à  ses  projets 
de  civilisation,  les  prétentions  du  Portugal  à  la  souveraineté  sur  tout  le 
territoire  du  Congo  inférieur,  du'S"  au  5'', 12,  ainsi  que  l'établissement 
des  tarifs  et  des  fonctionnaires  portugais  dans  ces  parages  \ 

La  conclusion  d'un  traité  anglo-portugais  '  signé  le  26  février  1884, 
par  lequel  l'Angleterre,  jusqu'alors  opposée  aux  prétentions  du  Portu- 
gal, lui  reconnaissait  les  droits  de  souveraineté  qu'elle  lui  avait  toujours 
contestés,  provoqua  une  opposition  unanime  de  tous  les  interdisses, 
Français,  Hollandais,  Allemands,  Belges,  outre  celle  qui  se  produisit  en 
Portugal,  et  en  Angleterre  dans  toutes  les  classes  de  la  population  : 
commerçants,  industriels,  philanthropes,  amis  des  missions,  tous  pro- 
testèrent énergiquement,  en  sorte  que  le  ministère  britannique  dut 
abandonner  le  traité,  avant  même  de  l'avoir  soumis  au  Parlement. 

Mais  l'avortement  de  ce  traité  fit  comprendre  la  nécessité  d'une 
entente  internationale  sur  les  questions  relatives  au  Congo. 

A  cet  égard,  il  n'est  que  juste  de  rappeler  la  part  qui  revient  à  l'In- 
stitut de  droit  international,  dans  les  travaux  qui  ont  préparé  l'opi- 
nion publique  et  l'œuvre  même  de  la  conférence  de  Berlin.  Ici  nous  ne 
pouvons  faire  mieux  que  de  suivre  l'exposé  qu'en  a  fait  le  secré- 
taire général  de  l'Institut,  M.  le  professeur  Alphonse  Rivier,  dans  une 
lettre  adressée  de  Bruxelles  au  Journal  de  Genève  •. 

M.  Rivier  rappelle  que,  déjà  dans  la  session  de  l'Institut  de  droit  inter- 
national tenue  à  Paris  en  1878,  M.  6.  Moynier  attira  l'attention  de  ses 
collègues  sur  l'importance  qu'allait  prendre  le  magnifique  cours  d'eau 

*  Le  Standard  annonce  que  le  sultan  du  Maroc  songe  à  annexer  à  ses  états  le 
district  situé  le  long  de  la  côte,  au  sud  du  Maroc,  et  qu'il  n'a  pas  abandonné  ses 
prétentions  sur  Timbouctou,  possession  marocaine  au  moyen  &ge. 

•  Voy.  V»«  année,  p.  80-82. 

'  Voy.  Journal  de  Genève,  du  11  décembre  1884. 


—  lo- 
que Stanley  avait  exploré  Tannée  précédente,  qu'il  montra  la  probabi- 
lité de  conflits  internationaux  surgissant  dans  un  avenir  plus  ou  moins 
éloigné  et  recommanda  T étude  des  moyens  propres  à  les  prévenir'.  Dès 
lors  plusieurs  des  membres  de  l'Institut:  M.  E.  de  Laveleye,  sir  Travers 
Twiss,  M.  Gessner  et  M.  Lorimer,  vouèrent  à  ce  sujet  une  attention 
spéciale.  M.  de  Laveleye  consacra  plusieurs  publications  à  Pexamen  de  la 
question  de  la  neutralité  du  Congo,  traitée  également  dans  une  étude 
signée  de  lui  et  insérée,  en  juin  1883,  dans  la  Bévue  de  droit  intematio- 
naP;  il  y  recommandait  que  Ton  confiftt  le  règlement  de  tout  ce  qui  con- 
cerne la  région  du  grand  fleuve  à  une  commission  internationale,  comme 
on  Ta  fait  pour  le  Danube,  ou  tout  au  moins  que  Ton  reconnût  la  neutralité 
des  stations  hospitalières  et  humanitaires  déjà  fondées  ou  à  fonder  suc- 
cessivement sur  le  Congo.  Sir  Travers  Twiss,  qui  est  actuellement  à 
Berlin  en  qualité  de  conseil  du  plénipotentiaire  anglais,  tout  en  se  pro- 
nonçant contre  la  neutralisation,  proposait,  dans  une  série  d'études 
publiées  dans  la  Revue  sus-mentionnée ',  «  d'appliquer  au  Bas-Congo  un 
régime  analogue  à  celui  qui  est  en  vigueur  pour  la  partie  inférieure  du 
Danube,  »  et,  quant  au  Congo  moyen  et  au  Haut-Congo,  il  suggérait 
«  l'application  d'un  autre  principe,  que  les  puissances  européennes  ont 
déjà  approuvé  dans  la  question  d'Orient,  parla  signature  d'un  protocole 
de  désintéressement.  «  Si  les  puissances  maritimes,  »  concluait-il,  a  sont 
d'accord  pour  mettre  la  navigation  du  Bas-Congo  sous  l'égide  d'une 
commission  internationale,  les  signataires  d'une  convention  réglant  la 
navigation  de  la  partie  inférieure  du  grand  fleuve  pourront  arrivei*  à 
une  entente  en  signant,  comme  annexe  à  la  convention,  un  protocole  de 
désintéressement  touchant  le  Congo  moyen  et  le  Haut-Congo.  » 

De  son  côté,  M.  Moynier  n'avait  pas  perdu  de  vue  l'étude  des  moyens 
proprés  à  prévenir  les  conflits  internationaux  qu'il  prévoyait  dès  1878, 
et,  les  lecteurs  de  V  Afrique  se  le  rappellent,  il  présenta  à  la  session  de 
l'Institut  tenue  à  Munich,  en  septembre  1883,  une  proposition  formelle 
relativement  au  Congo,  avec  un  mémoire  à  l'appui,  intitulé  :  La  ques- 
tion du  Congo  devant  V Institut  de  droit  international  *.  Ce  mémoire 

'  Voy.  Annuaire  de  1879-1880,  t.  I,  p.  155. 

*  T.  XY,  p.  254.  —  Voy.  aussi  :  Les  Fra/nçais,  les  Anglais  et  le  Comité  interna- 
tional sur  le  Congo. 

'  La  libre  Davigation  du  CoDgo  (Bévue  de  droit  intern,,  t.  XV,  p.  437,  547; 
t.  XVI,  p.  237).  —  Voy.  aussi  :  An  international  protectorate  of  the  Congo  river. 

*  Ce  mémoire  a  été  publié  dans  V Afrique  explfyrée  et  çiviUséCy  IV"*  année,  p.  272, 


—  20  — 

était  accompagné  d'un  projet  de  convention  internationale  en  dix  arti- 
cles, dont  les  principaux  portaient  : 

Art.  !•'.  La  navigation  sur  le  Congo  et  ses  affluents  sera  entièrement 
libre  et  ne  pourra  être  interdite  à  personne. 

Cette  liberté  implique  le  droit,  pour  tout  navigateur,  de  débarquer  et 
d'embarquer  dans  tous  les  ports,  et  de  n'être  astreint  ni  à  des  arrêts, 
ni  au  paiement  de  droits  de  péage  ou  de  douane. 

Art.  3.  La  liberté  de  parcours,  de  commerce  et  d'établissement  sera 
aussi  de  droit,  sur  les  territoires  compris  dans  le  bassin  du  Congo.    . 

Art.  5.  Par  exception,  le  trafic  des  liqueurs  fortes  sera  soumis  à  un 
règlement  restrictif. 

Art.  6.  La  traite  des  esclaves  sera  interdite  dans  le  bassin  du  Congo, 
et  l'esclavage  lui-même  y  sera  aboli. 

Art.  8.  Une  commission  internationale,  formée  d'un  représentant  de 
chacune  des  hautes  parties  contractantes,  sera  chargée  de  réglementer 
tout  ce  qui  concerne  l'usage  du  fleuve  et  de  ses  affluents,  et  de  veiller  à 
l'observation  de  la  présente  convention. 

Elle  sera  investie  de  pouvoirs  suffisants  pour  agir  au  nom  de  tous  les 
signataires  dans  la  défense  de  leurs  intérêts  communs. 

Elle  sera  chargée,  en  particulier,  des  démarches  à  faire  auprès  des 
indigènes  ou  autres  détenteurs  du  sol  pour  les  amener  à  se  conformer  à 
la  présente  convention. 

Elle  aura  la  police  du  fleuve,  et  une  force  armée  convenable  sera  mise 
pour  cela  à  sa  disposition. 

Art.  9.  En  cas  de  dissentiment  entre  les  hautes  puissances  contrac- 
tantes, au  sujet  de  l'interprétation  ou  de  l'application  de  la  présente 
convention,  l'affaire  sera  déférée  à  des  arbitres. 

D  sera  procédé  alors  conformément  au  règlement  voté  par  l'Institut 
de  droit  international  dans  sa  session  de  Genève  (1874). 

Le  projet  de  M.  Moynier  fut  examiné  par  une  commission  qui  rapporta 
par  l'organe  de  M.  Arntz,  professeur  de  droit  des  gens  à  l'Université  de 
Bruxelles.  L'Institut  ne  pouvant,  sans  déroger  à  ses  habitudes,  se  pro- 
noncer catégoriquement  sur  les  conclusions  de  M.  Moynier,  avant  d'avoir 
pu  peser  suffisamment  toutes  les  considérations  par  lui  énoncées,  ce  qu'il 
n'avait  pas  le  temps  de  faire  au  cours  de  cette  session,  la  commission 
proposait  que  : 

«  L'Institut  de  droit  international  exprimât  le  vœu  que  le  principe  de 
«  la  liberté  de  la  navigation  pour  toutes  les  nations  fût  appliqué  au 
«  fleuve  du  Congo  et  à  ses  affluents,  et  que  toutes  les  puissances  s'enten- 


—  21  — 

«  dissent  sur  les  mesures  propres  à  prévenir  les  conflits  entre  nations 
«  civilisées  dans  l'Afrique  équatoriale.  » 

Ce  vœu  fut  voté,  et  l'Institut  décida  en  outre  de  le  communiquer  aux 
diverses  puissances,  en  y  joignant  le  mémoire  de  M.  Moynier  à  titre 
d'information,  ce  qui  fiit  exécuté  au  mois  de  décembre  de  l'année  1883. 

«  Au  moment  où  la  Conférence  de  Berlin,  »  dit  en  terminant  M.  Rivier, 
«  rq)rend  les  diverees  idées  qui  ont  été  émises  sur  cette  question  très 
délicate  et  paraît  disposée  à  donner  à  celle-ci  une  solution  essentielle- 
ment libérale  et  humanitaire,  il  est  intéressant  et  juste  de  constater  qui 
sont  ceux  auxquels  revient  le  mérite  d'avoir  préparé  le  terrain  et 
jeté  le  fondement  d'une  des  œuvres  qui  feront  le  plus  d'honneur  à  notre 
époque.  » 

Comme  M.  Moynier  l'avait  dit  dans  son  mémoire,  tous  le.s  États  civi- 
lisés étaient  plus  ou  moins  intéressés  à  ce  qu'aucune  puissance  ne  s'attri- 
buât un  droit  exclusif  de  passage  sur  tout  ou  partie  du  Congo,  mais 
aucun  d'eux  n'avait  encore  manifesté  l'intention  de  se  mettre  en  avant 
pour  provoquer  une  entente  dans  ce  sens,  et  il  paraissait  douteux  que, 
livrés  à  eux-mêmes,  ils  renonçassent  à  leur  attitude  expectante. 

L'échec  du  traité  anglo-portugais  fit  sortir  l'Angleterre  et  le  Portugal 
de  cette  réserve.  Dès  le  26  mai  1884,  lord  GranviUe  informait  l'ambas- 
sadeur anglais  à  Berlin,  lord  Ampthill,  qu'ensuite  d'un  échange  de  vues 
sur  la  façon  dont  les  dispositions  du  traité  étaient  envisagées  par  les  prin- 
cipales personnes  intéressées  dans  le  commerce  du  Congo,  il  avait  pu  se 
convaincre  que  les  diverses  puissances  commençaient  à  revenir  de  leur 
opposition  première  au  projet  de  l'établissement  d'une  commission  inter- 
nationale du  Congo,  analogue  à  celle  du  Danube.  Le  gouvernement  de 
la  reine,  ajoutait-il,  ayant  toujours  été  d'opinion  que  la  commission 
devait  être  internationale,  et  «  n'ayant  consenti  qu'avec  répugnance  à 
la  disposition  du  traité  du  26  février  qui  la  composait  exclusivement  de 
membres  anglais  et  portugais,  »  constate  avec  plaisir  ce  changement 
d'opinion  et  se  déclare  favorable  à  l'admission  d'autres  puissances.  Et  il 
chargeait  l'ambassadeur  anglais,  à  Berlin,  de  demander  au  prince  de 
Bismarck  si  l'Allemagne  serait  disposée  à  nommer  un  délégué  pour 
faire  partie  de  la  commission  projetée.  Le  prince  de  Bismarck  répondit 
le  7  juin  que  le  Portugal,  convaincu  de  la  nécessité  de  régler  la  question 
du  Congo  par  un  arrangement  international,  avait  déjà  suggéré  de  lui- 
même  à  certaines  puissances  l'idée  d'une  conférence,  et  qu'au  cas  où 
cette  suggestion  serait  favorablement  accueillie  par  les  gouvernements 


—  22  — 

intéressés,  rAllemagno  était  disposée  à  désigner  un  plénipotentiaire, 
tout  en  refusant  d'avance  d'admettre  des  droits  de  possession  antérieurs 
pour  aucune  des  puissances  intéressées  dans  le  commerce  du  Congo. 
«  Dans  l'intérêt  du  commerce  allemand,  »  concluait  le  chancelier,  «je  ne 
puis  consentir  à  ce  qu'une  côte  d'une  si  grande  importance  (du  8°  auô''  12), 
demeurée  jusqu'à  ce  jour  pays  libre,  soit  soumise  au  système  colonial 
portugais.  Nous  sommes  néanmoins  tout  prêts  et  tout  disposés  à  coo- 
pérer à  une  entente  entre  toutes  les  puissances  intéressées,  en  vue  d'in- 
troduire sous  une  forme  convenable,  dans  ce  territoire  africain,  par  la 
réglementation  de  son  commerce,  les  principes  d'égalité  et  la  commu- 
nauté d'intérêts  qui  ont  été  appliqués  depuis  longtemps  dans  l'extrême 
Orient.  » 

Dès  lors,  le  gouvernement  anglais  se  déclara  prêt  à  ouvrir  des  négo- 
ciations pour  la  conclusion  d'un  arrangement  international.  Mais  ce  fut 
M.  de  Bismarck  qui  en  prit  l'initiative,  en  suggérant  au  ministre  des 
affaires  étrangères  de  la  République  française  la  convocation  d'une  con- 
férence sur  la  question  du  Congo,  et  en  indiquant  les  bases  sur  lesquelles 
il  désirait  se  mettre  d'accord  avec  la  France,  avant  d'adresser  aucune 
convocation  aux  autres  puissances.  L'entente  avec  la  France  obtenue, 
l'ambassadeur  d'Allemagne  à  Londres  fut  chargé  de  porter  à  la  connais- 
sance de  lord  Granville  ce  qui  suit  : 

«  L'extension  que  le  commerce  de  l'Afrique  occidentale  a  prise  depuis 
quelque  temps  a  suggéré,  aux  gouvernements  d'Allemagne  et  de  France, 
l'idée  qu'il  serait  de  l'intérêt  commun  des  nations  engagées  dans  ce  com- 
merce de  régler,  dans  un  esprit  de  bonne  entente  mutuelle,  les  conditions 
qui  pourraient  en  assurer  le  développement  et  prévenir  des  contestations 
et  des  malentendus. 

«  Pour  atteindre  ce  but,  les  gouvernements  d'Allemagne  et  de  France 
sont  d'avis  qu'il  serait  désirable  d'établir  un  accord  sur  les  principes 
suivants  : 

«  1*  Liberté  du  commerce  dans  lè  bassin  et  l'embouchure  du  Congo  : 

«  2°  Application,  au  Congo  et  au  Niger,  des  principes  adoptés  par  le  Con- 
grès de  Vienne  en  vue  de  consacrer  la  liberté  de  la  navigation  sur  plu- 
sieurs fleuves  internationaux,  principes  appliqués  plus  tai'd  au  Danube  ; 

«  3°  Définition  des  formalités  à  observer,  pour  que  des  occupations 
nouvelles  sur  la  côte  d'Afrique  soient  considérées  comme  effectives. 

«  A  cet  eflfet,  le  gouvernement  de  l'Allemagne,  d'accord  avec  celui  de 
la  République  française,  propose  que  des  représentants  des  différentes 
puissances  intéressées  au  conmierce  avec  l'Afrique  se  réunissent  en  con- 


-  23  -- 

férence  à  Berlin,  pour  aiTÎver  à  une  entente  sur  les  principes  énoncés 
ci-dessus.  » 

Lord  Grandville  était  prié  de  faire  savoir  à  l'ambassadeur  d'Allema- 
gne si  le  gouvernement  de  S.  M.  britannique  était  disposé  à  participer 
à  la  conférence  projetée. 

Il  était  prévenu  qu'une  invitation  semblable  était  simultanément 
adressée  aux  gouvernements  de  la  Belgique,  de  l'Espagne,  de  la  France, 
de  la  Hollande,  du  Portugal  et  des  États-Unis,  et  enfin  que,  pour  assu- 
rer aux  résolutions  de  la  conférence  l'assentiment  général,  les  gouverne- 
ments d'Allemagne  et  de  France  avaient  l'intention  de  convier  toutes 
les  grandes  puissances  et  les  États  Scandinaves  à  s'associer  à  ces  déli- 
bérations. 

Tout  en  acceptant  en  principe  l'invitation,  l'Angleterre  demanda  des 
éclaircissements  et  formula  des  réserves,  ce  qui  entraîna  l'ajournement 
au  15  novembre  de  la  réunion  de  la  conférence,  à  laquelle  furent  encore 
invités  les  représentants  de  l'Italie,  de  la  Russie,  de  l 'Autriche-Hon- 
grie, de  la  Suède  et  Norwège,  du  Danemark  et  de  la  Turquie. 

Tels  furent  les  préliminaires  de  la  conférence  africaine.  Ajoutons  que, 
dès  le  début  de  ses  séances,  on  a  pu  pressentir,  par  le  discours  d'ouver- 
ture du  président,  prince  de  Bismarck,  que  l'on  était  en  présence  d'une 
des  œuvres  les  plus  grandes  de  notre  siècle,  œuvre  qui  permet  de  conce- 
voir les  plus  belles  espérances  pour  l'avenir  de  l'exploration  et  de  la 
civilisation  de  l'Afrique. 

«  Enr  conviant  à  la  conférence  »  a  dit  le  président,  «  le  gouvernement 
impérial  a  été  guidé  par  la  conviction  que  tous  les  gouvernements  invi- 
tés partagent  le  désir  d'associer  les  indigènes  de  l'Afrique  k  la  civilisa- 
tion, en  ouvrant  l'intérieur  de  ce  continent  au  commerce,  en  fournissant 
à  ses  habitants  les  moyens  de  s'instruire,  en  encourageant  les  missions 
et  les  entreprises  de  nature  à  propager  les  connaissances  utiles,  et  en 
préparant  la  suppression  de  l'esclavage,  surtout  de  la  traite  des  noirs, 
dont  l'abolition  fut  déjà  proclamée  au  Congi'ès  de  Vienne,  en  1815, 
comme  un  devoir  sacré  de  toutes  les  puissances.  » 

Puis,  après  avoir  exposé  le  but  de  la  conférence,  conformément  aux 
principes  de  l'accord  avec  la  France,  le  président  a  terminé  par  ces 
paroles  : 

«  Messieurs,  l'intérêt  que  toutes  les  nations  représentées  dans  cette 
conférence  prennent  au  développement  de  la  civilisation  en  Afrique, 
intérêt  incessamment  témoigné  par  des  entreprises  hardies  d'explora- 


—  24- 

tion,  par  le  mouvement  commercial,  parles  sacrifices  et  les  efforts  faits 
dans  chaque  nation  pour  l'un  ou  l'autre  de  ces  buts,  nous  oflEre  une 
garantie  du  succès  des  travaux  que  nous  entreprenons,  pour  régler  et 
pour  développer  les  relations  conmierciales  que  nos  nationaux  entretien- 
nent avec  ce  continent,  et  pour  servir  en  même  temps  la  cause  de  la  paix 
et  de  l'humanité.  » 

C'est  par  des  vœux  pour  l'heureux  achèvement  des  travaux  de  la  con- 
férence que  nous  prenons  aujourd'hui  congé  de  nos  lecteurs,  nous  réser- 
vant d'exposer  dans  un  prochain  article,  ces  travaux  eux-mêmes  et  les 
conséquences  que  l'on  peut  légitimement  en  espérer. 

(A  suivre.) 


LE  BASSIN  DU  HAUT-0RAN6E  ET  DE  SES  AFFLUENTS 

En  envoyant  à  V Afrique  explorée  quelques  détails  sur  l'annexion 
récente  de  Thaba-N'chu  à  l'État-Libre  de  l'Orange,  et  .sur  la  situation 
politique  du  sud  de  l'Afrique,  je  parlais  à  son  directeur  d'une  coutte 
expédition  que  je  me  proposais  de  faire  au  travers  des  Maloutis,  en  com- 
pagnie d'un  de  mes  collègues  de  Morija,  M.  H.  Dyke.  Je  me  fais  un 
plaisir  d'envoyer  aujourd'hui  le  résultat  des  observations  que  ce  voyage 
nous  a  permis  de  faire.  Il  ne  s'agit  sans  doute  que  d'un  petit  coin  de 
pays,  mais  en  géographie,  comme  en  toute  autre  science,  aucun  détail 
n'est  à  dédaigner.  Les  quelques  renseignements  nouveaux  que  je  suis  en 
état  de  communiquer,  ne  combleront  sans  doute  aucun  vide  important, 
mais  ils  contribueront  à  faire  mieux  connaître  le  bassin  du  Haut-Orange 
et  de  ses  affluents  ;  à  cet  égard,  j'ose  croire  qu'ils  seront  les  bienvenus. 

A  première  vue,  il  semble  étrange  que,  dans  cette  partie  du  sud  de 
l'Afrique,  que  les  colonies  européennes  enserrent  de  toutes  parts,  on 
puisse  parler  encore  de  régions  inexploréas  ;  quand  on  est  sur  les  lieux, 
on  comprend  mieux  cette  apparente  anomalie.  Voilà  50  ans  à  peu  près 
que  le  Le-Souto  (ou  Ba-Souto  Land)  est  connu  ;  mais  de  fait,  on  n'en  con- 
naît qu'une  partie  seulement,  cellequi  s'étend  des  Maloutis  au  Calédon,  et 
l'étroite  bande  de  terrain  qui,  au  S.-O.,  sépare  les  derniers  contreforts 
des  montagnes  de  la  frontière  de  l'État-Libre.  Plus  des  trois  quarts  du 
Le-Souto  sont  occupés  par  une  large  chaîne  de  montagnes  qui,  à  l'est,  le 
sépare  de  la  Natalie  et  du  Griqualand-East  \  L'altitude  de  ces  monta- 

'  Voir  pour  ces  détails  géographiques,  outre  les  cartes  ordinaires  du  sud  de 
l'Afrique,  la  carte  du  Le-Souto  de  M!  Krûger,  publiée  en  1882. 


—  25  — 

gnes  ne  permet  pas  aux  Ba-Souto  de  s'y  établir  ;  le  firoid  trop  vif  de 
rhiver  ne  laisse  pas  venir  à  maturité  le  mabèbé^  ou  blé  cafre,  qui  forme 
le  fond  de  leur  alimentation  ;  mais  en  temps  de  guerre,  ce  fut  toujours  là 
le  refuge  assuré  d'où  aucun  ennemi  n'aurait  pu  les  déloger.  C'est  pour 
cette  raison  que  les  missionnaires,  occupés  d'ailleurs  par  les  besoins 
d'une  œuvre  grandissante,  n'ont  eu,  jusqu'ici,  ni  le  temps,  ni  l'occasion 
de  les  explorer.  Mais  ces  dernières  années  les  choses  ont  changé  d'aspect  ; 
la  dernière  guerre  avec  la  Colonie  a  fait  refluer  dans  le  Le-Souto  une 
foule  d'indigènes  chassés  du  Griqualand-East  ou  d'ailleurs  ;  d'autres  ont 
quitté  leurs  villages,  en  quôte  de  retraites  plus  sûres  et  moins  exposées. 
Les  hautes  et  profondes  vallées  de  l'Orange  et  de  ses  affluents  ont  dès 
lors  commencé  de  se  peupler  ;  d'un  autre  c6té,  le  grand  chef  Letsié  a 
compris  qu'il  était  dans  son  intérêt  de  faire  occuper,  par  des  hommes  à 
lui,  tous  les  points  susceptibles  de  l'être.  Le  mouvement  ainsi  commencé 
depuis  trois  ans  dure  encore  ;  il  ne  s'arrêtera  sans  doute  que  lorsque  des 
villages  existeront  dans  tous  les  endroits  favorables.  Deux  choses  détes- 
tables en  elles-mêmes,  la  guerre  et  la  politique,  ont  eu,  dans  ce  cas 
particulier,  l'heureux  résultat  de  conquérir  à  la  culture,  des  terres  jus- 
qu'ici laissées  en  friche.  Avec  l'énergie  qui  les  caractérise,  les  Ba-Souto 
se  sont  mis  à  labourer  et  à  ensemencer  tous  les  coins  de  terre  qu'ils  ont 
pu  trouver  au  fond  des  étroites  vallées  des  Maloutis,  de  sorte  que  bien- 
têt  il  n'y  aura  plus  un  pouce  de  terrain  arable  dont  ils  ne  cherchent  à 
tirer  parti.  Quand  on  connaît  le  climat  relativement  froid  des  monta- 
gnes, et  les  difficultés  que  rencontrent  les  premiers  essais  de  culture, 
on  comprend  mieux  la  somme  de  travail  et  de  patience  dont  il  faut 
s'être  armé  ;  c'est  encore  un  problème  pour  moi,  de  savoir  comment  ces 
braves  gens  ont  pu  transporter  leurs  lourdes  charrues  dans  ces  lieux 
presque  inaccessibles,  à  travers  cet  inextricable  réseau  de  montagnes. 
Je  livre  ce  simple  fait  à  l'appréciation  impartiale  de  ceux  qui  ne  voient 
d'avenir  pour  le  sud  de  l'Afrique  que  dans  la  colonisation  européenne  ; 
ils  seraient  bien  étonnés  de  constater  que  les  régions  les  plus  cultivées 
sont  toiqours  les  réserves  indigènes.  Â  cet  égard,  le  contraste  que 
présentent  les  champs  cultivés  du  Le-Souto  et  les  vastes  plaines  nues 
de  l'État  de  l'Orange  est  remarquable. 

Ce  qui  précède  fera  comprendre  le  vrai  but  de  notre  expédition  ;  faire 
une  rapide  reconnaissance  à  travers  les  monti^nes,  pour  constater  la 
position  des  différents  centres  dépopulation,  et  voir  de  quelle  manière  il 
serait  possible  à  notre  mission  de  les  atteindre.  En  général  nous  avons 
trouvé  partout  une  population  bien  supérieure  en  nombre  à  ce  que  nous 


—  26  — 

pensions.  L'intérêt  géographique  nous  guidait  également;  il  importait  à 
notre  curiosité,  de  eo&naitre  un  peu  mieux  le  système  hydrographique 
de  la  région  du  Haut-Orange,  et  nous  désirions  virement  savoir  à  quoi 
nous  en  tenir  sur  des  montagnes  près  desquelles  nous  vivions,  sans 
qu'aucun  de  nous  y  eût  jamais  pénétré.  M.  Dyke  devant  alla-  à  Natal 
pendant  les  vacances  des  écoles,  je  me  décidai  à  raccompagner  jusqu'^ 
Tautre  versant,  pour  me  rendre  d^  là  au  Griqualand-East,  dans  Tinten- 
tion  d'y  visiter  Matatiele  et  Paballong,  deux  de  nos  stations  que  je  ne 
connaissais  pas  encore.  M.  MabiUe  et  quelques  autres  de  nos  collègaes 
nous  accompagnèrent  les  deux  premiers  jours,  jusqu'à  la  splendide  chute 
de  la  Maletsunyane,  qu'un  prêtre  catholique  avait  vue  deux  ans  aupara- 
vant et  qui  piquait  vivement  nqtre  curiosité. 

On  n'attend  pas  sans  doute  une  relation  détaillée  des  8  jours  de  voyage 
qui,  de  Morija  (Le-Souto),  m'ont  conduit  à  Matatiele  (Griqualand-East); 
je  ne  voudrais  pas  abuser  de  la  patience  des  lecteurs  de  V Afrique. 
Ce  qui  peut  le  plus  les  intéresser,  ce  sont  les  quelques  renseignements 
géographiques  que  je  suis  en  mesure  de  leur  fournir.  Malheureusement, 
ni  mon  compagnon,  nimoi,  nous  nepossédions  les  instruments  nécessaires 
pour  faire  des  observations  rigoureusement  exactes  ;  notre  bagage 
scientifique  se  réduisait  à  une  bonne  boussole  marine  et  à  deux  baro- 
mètres anéroïdes.  Un  chronomètre  surtout  nous  a  fait  défaut  ;  si  jaxnais 
l'occasion  se  représente  de  nouveau,  il  serait  à  souhaiter  que  nous 
fussions  mieux  pourvus.  D'ailleurs  les  distances  se  sont  toujours  trouvées 
plus  grandes  que  nous  ne  pensions,  et  la  crainte  constante  de  voir  nos 
provisions  arriver  à  leur  fin,  ou  d^être  arrêtés  par  la  crue  des  fleuves,  ne 
noQs  eût  pas  permis  de  nous  arrêter  longtemps  nulle  part.  Je  ne  parie 
pas  de  la  fatigue  inséparable  d'un  voyage  à  cheval,  dans  un  pays  aussi 
coupé  que  celui  que  nous  avons  traversé  ;  un  coup  d'osil  jeté  sur  nos 
notes  barométriques  montrerait  tout  ce  qu'il  nous  a  fallu  monter  et  des- 
cend^ chaque  jour  et,  comme  nous,  on  s'étonnerait  que  nos  chevaux 
aient  supporté  une  semblable  fatigue.  Ce  que  je  regrette  le  plus,  c'est 
que,  nulle  part,  il  ne  nous  ait  été  possible  de  déterminer  soit  une  longi- 
tude, soit  une  latitude.  Pour  la  latitude  cela  est  peut-être  moins  regrolr 
table,  puisque,  ayant  marché  presque  constamment  dans  la  direction  de 
l'est,  pour  arriver  aux  sources  de  l'Umzimkulu,  nous  n^avons  guère 
dévié  de  la  latitude  de  Morija  (29  degrés  40  min.  environ).  Le  manque 
de  données  exactes  sur  la  longitude  des  différents  lieux  que  nous  atons 
traversés  est  infiniment  plus  regrettable,  puisqu'il  nous  est  ainsi  impos- 
sible d'évaluer  les  distances  un  peu  exactement.  La  largeur  des  monta- 


—  27  — 

gués,  de  M<nija  à  la  Kgne  de  faite  âe  la  chaîne  qui  sépare  T  Orange  de 
la  Natalie,  doit  être  au  moins  aussi  grande  qne  celle  qu'indiquent  lea 
cartes  de  Stieler  ou  de  Jcdinstoii,  peut-être  même  la  dépasse-t-elle  :  pour 
le  moment  je  ne  puis  savoir  si  la  triangulation  des  frontières  de  Natal  et 
do  Griqùaland-East  a  jamais  été  sérieusement  faite.  Jusqu'à  TOrange 
nous  avons  eu  (haltes  déduites)  35  heures  de  marche  à  cheval,  mais,  vu 
les  difficultés  de  la  route,  les  montées  crt  les  descentes,  les  détours  inévi- 
tables, il  nous  est  impossible  de  faire  un  calcul  même  approximatif;  de 
rOrange  à  la  ligne  de  faite,  il  faut  encore  compter  7  à  8  heures  de  cheval. 
Les  Maloutis  sont  un  des  membres  de  la  grande  artère  de  montagnea 
du  sud  de  TAfrique,  qui,  après  avoir  porté,  dans  la  Colonie,  les  noms  de 
Nieuweveld  Mountains,  SneuwBerge,  Stûrmberg,  prwd,  entre  la  Natalie 
et  l'État  de  l'Orange,  le  nom  de  Drakensberg,  et  se  prolonge  au  nord,, 
à  travers  le  Transvaal,  jusqu'au  Limpopo.  La  plupart  des  géographes 
appellent  Drakensberg  (en  cafire  Qathlamba)  toute  cette  partie  de  la 
chaîne  qui,  du  Tembuland,  s'étend  jusqu'à  la  frontière  du  Transvaal,  et 
s^are  le  Le-Souto  et  l'État-Libre,  du  Griqualand-East  et  de  la  Natalie. 
D  convient  sans  doute  de  lui  conserver  cette  appellation,  pourvu  qu'on 
la  restreigne  à  la  haute  et  étroite  chaîne  qui  se  trouve  au  sud  de 
l'Orange,  et  qui  est  certain^nent  la  continuation  du  système  de  monta- 
pes  de  la  Colonie  et  des  Drakensberg  •  de  Natal.  Les  3  ou  4  chaînes 
parallèles  qui  occupent  toute  la  longueur  du  Le-Souto  sont  nommées 
Maloutis  par  les  indigènes.  Avec  la  chaîne  des  Drakensberg,  au  sud  de 
l'Orange,  les  Maloutis  forment  une  grande  région  de  montagnes,  le 
centre  géc^aphiqué  de  l'Afrique  du  sud.  Ce  vaste  massif  de  montagnes 
se  compose  de  4  ou  5  chaînes  parallèles  qui,  ayant  au  N.-E.  leur  com^ 
mune  origine  au  Mont  aux  Sources,  traversent  le  Le-Souto  d'un  bout  à 
l'autre,  et  vont  se  perdre  au  S.-O.  de  l'État  de  l'Orange,  oti  eUes  finissent 
par  ne  plus  être  que  de  Itères  ondulations.  C'est  à  peu  près  le  même 
phénomène  que  celui  que  les  Alpes  nous  présentent  en  Suisse,  celui  d'un 
élargissement  considérable  dans  la  région  oii  elles  atteignent  leur  plui& 
grande  élévation.  Par  sa  position  géographique,  le  Le-Souto  rappelle 
donc  la  Suisse  ;  il  est,  ausud  de  l'Afrique,  ce  que  la  Suisse  est  en  Europe, 
le  centre  du  système  fluvial.  Ces  différentes  chaînes  longitudinales  sépa- 
rent  les  uns  des  autres  l'Orange  et  ses  principaux  affluents,  le  Senku- 
nyane,  ou  Petit  Orange,  et  la  Makhaleng  *  (le  Comet-Spruit  des  cartes). 

^  Saaf  quelques  corrections  nécessaires  pour  des  lecteurs  européens,  je  conserve 
aux  noms  propres  Porthographe  se-souto. 


—  28  — 

Bien  que  se  ressemblant  à  beaucoup  d'égards,  ces  chaînes  diffèrent 
entre  elles,  tant  par  Taspect  général  que  par  leur  altitude. 

J'essaierai  de  donner  leurs  altitudes  aux  points  où  nous  les  avons  tra* 
versées,  en  faisant  remarquer  que  presque  nulle  part  le  temps  ne  nous  a 
permis  de  gravir  les  sommets  ;  ces  chiffres  indiquent  presque  tous  la 
hauteur  des  cols  ;  lorsqu'il  en  sera  autrement  je  l'indiquerai  spéciale- 
ment ' .  La  première  chaîne  à  partir  du  Le-Souto,  celle  qui  sépare  la 
Makhalaneng,  de  la  Makhaleng,  dont  elle  est  un  des  affluents  a  été  tra- 
versée à  l'altitude  de  2018".  Entre  la  Makhaleng  et  le  Senkunyane, 
se  trouve  un  haut  plateau  herbeux  et  ondulé,  assez  étendu,  d'une  éléva- 
tion moyenne  de  2200™,  bordé  de  chaque  côté  par  une  haute  chaîne  de 
montagnes;  à  l'ouest,  celle  de  Thaba-Puttoa  (montagne  grise),  nous  a 
donné  une  altitude  de  2520"  ;  celle  de  l'est  serait  un  peu  plus  basse, 
n'ayant  que  2477".  Il  faut  noter  qu'ici,  les  cols  sont  sensiblement  moins 
élevés  que  les  sommets  qui  peuvent  bien  avoir  1000  à  1200"  de  plus.  Du 
côté  de  l'est,  les  montagnes  descendent  presque  perpendiculairement  dans 
l'étroite  et  profonde  vallée  du  Senkunyane  (1604");  à  l'ouest,  au  con- 
traire, elles  s'élèvent  du  lit  de  la  Makhaleng  (environ  1700")  par  une 
série  de  gradins. 

Plus  haute  que  ces  3  premières  chaînes  semble  être  celle  qui  sépare 
du  Senku  (ou  Orange)  le  Senkunyane  ;  pour  la  traverser  nous  avons 
d'abord  suivi  pendant  un  jour  et  demi  la  vallée  de  la  Lesobeng  (affluent 
de  gauche  du  Senkunyane),  rivière  qui  coule  presque  directement  de 
l'est  à  l'ouest.  Il  nous  a  été  facile  d'atteindre  ainsi  un  haut  plateau  fort 
large,  d'environ  2870"  d'altitude,  où  nous  avons  passé  la  nuit;  ce  pla- 
teau est  bordé  k  l'est  par  une  haute  paroi  qui  le  sépare  de  la  vallée  du 
Senku.  Nous  l'avons  traversée  le  jour  suivant,  à  un  col  d'une  altitude 
d'environ  8420";  le  sommet  qui  le  domine  n'a  que  60"  de  plus.  La 
vue  dont  on  jouit  de  là  sur  toutes  les  chaînes  des  Maloutis  est  réellement 
grandiose.  C'est  la  plus  haute  altitude  que  nous  ayons  atteinte  (3480"); 
cette  quatrième  chaÎQe,  appelée  Ditsuetsue  par  les  indigènes,  est  peu 
coupée  et  sans  sommets  saillants  ;  c'est  une  longue  crête  presque  sans 

'  Je  donne  ces  chiffres  pour  ce  qu'ils  valent;  chacun  sait  qu'une  observation 
purement  barométrique  ne  doit  être  admise  qu'avec  quelques  réserves;  mais 
comme,  au  Le^Souto,  le  baromètre  ne  varie  jamais  que  de  quelques  miUimètres, 
l'altitude  réelle  ne  saurait  être  bien  différente.  Pour  réduire  les  indications  du 
baromètre,  je  me  suis  servi  des  tables  de  correction  de  M.  IRadau  (Paris,  Gauthier- 
Villars,  1872). 


—  29  — 

échancrurea.  Certaines  cimes  cependant  paraissent  sensiblement  plus 
élevées  que  celle  que  nous  avons  gravie,  et  que,  faute  d'un  nom  indigène, 
nous  avons  appelée  Mont-Hamilton  ;  les  géographes  lui  conserveront-ils 
ce  nom?  Autant  qu'on  peut  en  juger  de  là,  par  un  simple  coup  d'œil,  la 
cinquième  chaîne  longitudinale,  celle  qui  sépare  la  vallée  de  V  Orange  du 
Griqualand-East  et  de  la  Natalie,  semble  être  plus  haute  ;  mais  les  cols 
en  étant  sensiblement  plus  échancrés^,  et  le  manque  de  temps  ne  nous 
ayant  permis,  lorsque  nous  la  traversâmes,  de  gravir  aucun  sommet,  il 
est  difficile  d'affirmer  qu'elle  le  soit  réellement.  Après  avoir  quitté 
M.  Dyke  sur  les  bords  de  l'Orange,  en  me  dirigeant  dès  lors  droit  au  sud, 
j'ai  traversé  beaucoup  plus  bas  cette  dernière  chaîne,  à  un  col  d'une  alti- 
tude de  2750" environ  ;  les  sommets  que  |'ai  vus  dominent  les  cols  de  très 
haut.  Avant  d'y  arriver,  j'ai  encore  eu  à  traverser,  à  une  altitude 
moyenne  de  2500"  à  260O",  plusieurs  chaînes  transversales  qui  sépa- 
rent les  uns  des  autres  les  divers  affluents  de  l'Orange  ;  toutes  ces  chaî- 
nes secondaires  paraissent  également  avoir  de  très  hauts  sommets. 

Si  nos  observations  barométriques  ne  sont  pas  absolument  exactes, 
elles  prouvent,  en  tout  cas,  que  l'altitude  générale  des  Maloutis  est  bien 
supérieure  à  ce  qu'on  pensait  généralement,  et  que  les  cartes  anglaises 
qui  parlent  de  10,000  pieds  sont  bien  au-dessous  de  la  vérité.  Nous  avons 
constaté  nous-mêmes  une  altitude  de  plus  de  3480^,  et  je  n'ai  aucun 
doute,  que  quelques-uns  des  sonmiets  des  deux  dernières  chaînes  n'attei- 
gnent à  la  hauteur  de  près  de  4000  mètres. 

Pour  en  finir  avec  ce  genre  de  renseignements  et  donner  quelque  idée 
de  la  profondeur  des  vallées,  j'ajouterai  l'altitude  des  rivières  à  l'endroit 
cil  nous  les  avons  traversées  :  la  Makhalaneng,  1648"*  ;  la  Makhal^sg, 
1700"  environ  ;  le  Senkunyane  (à  son  confluent  avec  la  Lesobeng),  1604"  ; 
le  Senku,  1857",  etc.  On  voit  par  ces  chiffres  que  les  rivières  coulent  en 
général  dans  de  profondes  vallées,  encaissées  entre  de  hautes  monta- 
gnes ;  le  fond  des  vallées  est  d'ordinaire  fort  étroit,  ne  laissant  de  place 
que  pour  la  rivière  et  les  saules  qui  la  bordent.  Par  place,  la  gorge  s'élar- 
git assez  pour  permettre  aux  habitants  d'établir  quelques  champs  sur  les 
bords  du  fleuve;  c'est  près  de  là  qu'on  place  les  villages,  bâtis  ordinai- 
rement, de  60"  à  250"  au-dessus  du  fleuve,  sur  les  premiers  gradins  des 
montagnes. 

Je  me  rends  bien  compte  de  tout  ce  qu'il  peut  y  avoir  de  défectueux 
dans  ces  renseignements  orographiques  ;  mais  ils  ont  l'avantage  d'être 
le  fruit  d'observations  personnelles,  et  quoique  incomplets,  ils  sont  sans 
doute  justes  dans  leur  généralité.  Je  n'ai  parlé  que  des  grandes  lignes, 


—  30  — 

laissant  de  eftté  toutes  les  isukombrables  chaines  tmoArersales,  plus  m 
moins  iiQiMHrtajites,  que  nims  avoiis  vues  on  traversées,  et  dont  Tendie- 
vétrement  rendra,  pour  longtemps,  bien  difficile  la  géographie  des 
Maloutis.  £n  faine  U  carte  serait,  à  l'heure  qu'il  est,  poresque  impossible; 
ce  qui  double  encore  la  difficulté,  c'est  l'absence  de  noms  propres  pour 
les  montagnes.  Le  se-souto,  si  riche  à  tant  d'égards,  est  pauvre  en 
noms  propres,  surtout  pour  les  laontagnee  ;  peu  de  montagnes  <mt  un 
noin«  et  l'on  retrouve  les  mtexes  un  peu  partout;  j'ai  d^à  vu  tant  de 
Thaba-Telle  (haute  montagne),  de  Thaba-Ntsu  (ittontagne  noire),  de 
Thaba*Tsuen  (montagne  bknclie),  etc.,  que  ma  mémoire  rebelle  ne  sait 
plus  oii  les  placer. 

Je  passe  maintenant  h  un^» -courte  esquisse  de  l'hydrographie, des 
Maloutis  ;  il  me  sera  plus  facile  d'être  complet,  et  les  renseignements 
une  je  puis  donner  sont  assez  précis,  puisque  nous  avons  traversé  nous- 
mêmes  la  plupart  des  cours  d'eau  importants,  et  n'avons  pas  eu  de  peine 
à  en  constater  la  direction  générale.  Pour  ce  que  nous  n'avons  pas  vu, 
les  renseignement  que  nous  avons  obtenus  des  indigènes  sont  assez 
sArs,  et  concordât  assez  parfaitement  pour  qu'on  puisse  leur  accorder 
pleine  confiance. 

L'Orange  ou  Senku  ^  sort  du  Mont  aux  Sources;  il  court  d'abord 
au  S.-E.,  puis  au  sud;  vers  29  degrés  20  minutes,  àpeUiprès,  il  reçoitde 
gauche  son  premier  grand  affinent,  la  S^nèna,  qui  vient  du  N.-E.,  de 
Giant's-Castle  et  de  Bushman's-Pass.  Dans  ca^taines  cartes,  celle  de 
Johnston,  par  exemple,  c'est  cette  branche  qui  porte  le  nom  de  Senku; 
lesrenseignements  très  exacts  que  nous  avons  pu  recueillir  nous  prouvent 
ime  c'est  une  erreur,  et  que  le  cours  d'eau  principal  est  effectivement 
<^elui  qui  vient  du  Mont  aux  Sources;  c'est  à  lui  d'ailleurs  que  les  indi- 
gènes conservent  le  nom  de  Senku.  Nous  n'avons  pas  vu  la  Semèna  elle- 
même,  ayant  passé  l'Orange,  à  quelques  lieues  au-dessus  du  confluent 
de  ces  deux  rivières,  mais  de  loin  nous  avons  pu  observer  sa  large  vallée, 
dont  la  direction  est  bien  du  N.-E.  au  S.^0.  Arrivé  au  point  où  nous 
l'avons  traversé,  c'est-à-dire  à  peu  près  vers  29  degrés  40  min.  de  lati- 
tude, l'Orange  coule  au  S.-S.-O. ,  pour  se  diriger,  un  peu  en  aval, 
<lirectement  au  S.-O. 

Passablement  plus  bas,  soit  à  peu  près  à  30  degrés  de  latitude,  le 

^  Le  nom  de  Senku  vient  des  Bushmen  ;  les  Ba-Souto  l'ont  adopté.  Dans  ce  nom, 
ainsi  que  dans  celui  de  Senkunyane,  le  k  représente  un  de  ces  étranges  dicks^  qui 
sont  une  des  particularités  les  plus  remarquables  de  certaines  langues  africaines. 


—  31  — 

Senku  reçoit  de  droite  son  plus  grand  affluent,  le  Senkunjane  (Petit 
Senku).  C'est  une  rivière  rapide  et  profonde;  son  volume  d'eau  est  con- 
sidérable. Autant  que  nous  avons  pu  le  constater,  elle  coule  dans  une 
ibrection  générale  du  nord  au  sud,  sauf  probablement  vers  ses  soiB'ces 
et  près  de  son  confluent  avec  le  Senku.  Le  S^kunyane  a  ses  sources 
sur  de  hauts  plateaux,  quelques  lieues  au-dessous  de  celles  du  Senku  ; 
oertaines  cartes  (ceUe  de  Erûger,  enAre  autres)  le  font  -sortir  du  mont 
aux  Sources  ;  c'est  là  une  erreur  qu'il  faut  corriger,  d'après  les  dires  de 
tous  les  natifs  que  nous  avons  interrogés.  Vers  29  degrés  40  min.,  le 
Senkunyane  reçoit  de  gauche  un  affluent  assez  important,  la  Lesobeng, 
^  coule  dans  de  profondes  gorges  ;  les  Bushmen  dont  elles  furent  la 
retraite  jusque  vers  1870,  en  ont  orné  les  nombreuses  cavernes,  de  leurs 
curieuses  peintm^.  Le  cours  général  de  la  Lesobeng  est  de  l'est  à 
l'ouest;  à  peu  près  à  trois  lieues  de  sa  jonction  avec  le  Senkunyane,  elle 
fléchit  au  S.-O.,  après  avoir  reçu,  de  droite,  un  affluent,  la  Mantsunyane. 
Nous  avons  remonté  la  Lesobeng,  de  son  embouchure  à  sa  source,  pen- 
dant un  jour  et  demi. 

Ce  n'est  que  pour  mémoire  que  je  parle  ici  de  la  Makhaleng  (Comet- 
Spruit)  qui,  comme  toutes  les  cartes  ^indiquent,  se  jette  beaucoup  plus 
bas  dans  l'Orange,  à  la  frontière  du  Le-Souto  et  de  l'État-Libre,  non 
loin  de  la  station  missionnaire  de  Béthesda.  EUe  ne  reçoit  qu'un  affluent 
de  droite,  la  Makhalaneng,  ou  Petite  Makhaleng,  qui  se  joint  à  elle,  un 
peu  au  S.-E.  de  Morija.  La  plupart  des  cartes,  sans  doute  par  suite 
d^une  confusion  avec  le  Senkunyane,  ont  une  tendance  à  faire  remonter 
la  Makhaleng  beaucoup  trop  haut,  parfois  même  jusqu'au  Mont  aux 
Sources;  c'est  également  une  erreur,  puisqu'elle  a  ses  sources  à  peu 
près  à  la  hauteur  de  la  station  de  Cana,  un  peu  au-dessus  de  la  grande 
montagne  de  Machacha.  Son  volume  d'eau,  quoique  considérable,  est  bien 
inférieur  à  celui  du  Senkunyane,  qui  est,  après  le  Senku  lui-môme,  la 
plus  importante  des  rivières  des  Maloutis. 

Il  ne  reste  plus  qu'à  parler  des  autres  affluents  de  l'Orange;  la 
Makhaleng  et  le  Senkunyane  ne  paraissent  pas  en  avoir  en  dehors  de 
ceux  que  j'ai  déjà  nommés.  Outre  le  Senkunyane,  l'Orange  ne  reçoit  de 
droite  que  trois  affluents,  peu  importants  d'ailleurs  ;  au  nord,  entre 
29  degrés  et  29  degrés  30,  la  Matsoku,  que  nous  n'avons  pas  vue; 
en-dessous  de  sa  jonction  avec  le  Senkunyane,  l'Orange  reçoit  encore  la 
Maletsunyane  avec  son  affluent,  la  Letsunyane,  dont  je  parlerai  bien- 
tôt plus  en  détail,  puis  la  Ketane  qui  a  pour  affluent  la  Kuatsing. 

ÎDe  gauche,  le  Senku  reçoit  un  nombre  d'affluents  bien  plus  considéra- 


---  32  — 

ble,  12  à  13  au  moins,  en  ne  comptant  que  les  rivières  d'une  certaine 
importance.  Jusqu'ici  les  meilleures  cartes  (celle  de  Erûger,  par  ex.)  ne 
donnaient  que  la  Kuting,  la  Sebapala,  la  Masitise  et  la  Tele;  pour  cette 
raison  je  n'ai  pas  besoin  d'en  parler,  non  plus  que  de  la  Semèna^  dont 
j'ai  fait  mention  plus  haut  comme  premier  grand  affluent  de  l'Orange. 
Plus  bas  que  la  Semëna  se  trouvent  trois  autres  rivières,  la  Hakhidi,  la 
Dinakeng  et  la  Mashai,  dont  notffî  devons  la  connaissance  aux  dires  des 
indigènes,  mais  dont  nous  avons  pu  fort  bien  reconnaître  les  vallées  ;  en 
me  rendant  de  l'Orange  à  Matatiele,  j'ai  traversé  du  nord  au  sud 
quatre  autres  rivières,  affluents  de  l'Orange:  la  Mangolong,la  Eudua,la 
Medikane  et  la  Tsuedikue  ;  enfin,  entre  la  Tsuedikue  et  la  Kuting,  se 
trouve  une  dernière  rivière,  la  Suadi,  que  d'autres  ont  vue.  Tout  cela 
n'est  qu'une  nomenclature,  mais  je  la  crois  aussi  complète  que  possible; 
si  quelques  cours  d'eau  ont  pu  être  oubliés,  c'est  plus  au  nord  qu'il  fau- 
dra les  chercher.  De  tous  ces  affluents,  les  plus  importants  sont  sans 
doute,  entre  la  Tsuedikue  et  la  Sebapala,  la  Semèna  et  la  Mashai. 
Comme  la  vallée  de  l'Orange,  presque  toutes  les  vallées  de  ces  rivières 
sont  couvertes  de  villages  ;  leur  direction  presque  constante  est  du 
N.-E.  au  S.-O.,  sauf  la  Kuting,  la  Sebapala  et  la  Tele  qui  coulent  du 
S.-E  au  N.-O. 

Toutes  ces  rivières  ou  fleuves^  des  Maloutis  se  ressemblent  du  plus  au 
moins;  encaissées,  rapides,  torrentueuses,  elles  sont  sujettes,  après  un 
orage  ou  de  fortes  pluies,  à  des  crues  subites  ;  pendant  des  semaines  elles 
peuvent  ainsi  couper  toutes  les  communications.  Pour  cette  raison,  des 
fleuves  de  la  largeur  du  Senku  ou  du  Senkunyane  sont  parfois,  pour  le 
vèyageur  un  véritable  danger;  aussi,  en  été,  la  traversée  des  Maloutis 
serait  dans  certains  cas  une  entreprise  assez  hasardeuse.  Nous  l'avons 
faite  au  bon  moment  (du  3  au  10  octobre),  lorsque  les  eaux  encore  bas- 
ses ne  nous  opposaient  aucun  obstacle  sérieux.  Une  ou  deux  s^naines 
plus  tard  nous  aurions  pu  nous  en  trouver  plus  mal  ;  je  le  compris  bien  au 
retour  lorsque,  entre  Matatiele  et  Masitise,  la  Kuting  et  la  Sebapala, 
enflées  par  les  pluies  faillirent  m' arrêter  quelque  temps. 

La  Maletsunyane,  seule,  fait  exception  à  la  règle  générale,  du  moins 
pendant  la  première  partie  de  son  cours  ;  elle  coule  pendant  quelques 
lieues  sur  le  haut  plateau,  de  2200"  d'élévation  moyenne,  qui  s'étend 
entre  la  Makhaleng  et  le  Senkunyane,  et  durant  tout  ce  trajet  ses  eaux 
sont,  chose  rare  en  Afrique,  presqu'au  niveau  du  soL  Son  lit  est  formé 
d'une  couche  de  quartz,  et  parsemé  de  paillettes  scintillantes  et  de  belles 
rainures  blanches  qui  brillent,  aiï  travers  de  l'eau.  J'en  parle  ainsi  m 


—  33  — 

• 

détail  à  cause  de  la  magnifique  chute  qu'elle  fonue  au  sortir  du  haut 
plateau;  c'est  un  des  spectacles  les  plus  grandioses  que  le  sud  de  rAM- 
que  puisse  pr^enter,  et  certainement  la  merveille  du  Le-Souto,  peu 
riche  d'ailleU3rB  en  vraies  beautés  naturelles.  La  rivière,  large  de  7  à  8"" 
quand  les  eaux  sont  basses,  se  précipite  d'un  seul  bond  dans  un  profond 
abîme,  bordé  de  tous  côtés  par  d'immenses  rochers  perpendiculaires.  Â 
300  ou  40Qr  du  bas  de  la  chute,  l'eau  s'jéehappe  à  gauche  par  une  gorge 
extrêmement  resserrée;  lorsque  dushaut  des  rochers  d'où  la  rivière 
s'élance  en  boulonnant,  on  contemple  le  terrible  spectacle  qu'on  a  sous 
les  yeux,  on  ne  voit  qu'un  gouflEre  profond  qui  semble  sans  issue,  et  l'on 
se  demande  avec  étonnement  par  où  l'eau  se  fraie  un  chemin.  On  peut, 
en  se  couchant  sur  un  rocher  plat,  à  un  mètre  de  la  cascade,  voir  au-des- 
sous de  soi,  au  fond  de  l'abîme,  l'eau  tomber  avec  un  bruit  assourdissant. 
D  est  peu  déchûtes  qu'on  puisse  voir  aussi  bien  et  d'aussi  près.  Cepaysage 
a  quelque  chose  de  grand  et  de  sauvage  qui  saisit  vivement  l'imagina- 
tion ;  c'est  un  genre  de  beauté  auquel  je  n'étais  pas  habitué,  mais  qui  ne 
m'a  que  plus  fortement  frappé.  Si  je  ne  craignais  de  faire  une  trop  écra- 
sante comparaison,  je  dirais  que  toute  la  configuration  de  la  chute  et  de 
son  entourage  m'a  rappelé  les  belles  cartes  que  Holub  donne  des  chutes 
du  Zambèze  ;  mais  rappelons-nous  qu'ici  il  ne  s'agit  que  d'une  rivière 
sans  imi>ortance,  tandis  que  là,  c'est  un  des  plus  grands  fleuves  de 
l'Afrique  équatoriale  qui,  d'une  seule  masse,  se  précipite  dans  un  abtme 
sans  fond. 

D'en  bas,  où  l'on  ne  parvient  pas  sans  peine,  le  spectacle  n'est  pas 
moins  merveilleux  ;  on  se  sent  comme  écrasé  par  ces  gigantesques 
murailles  de  rochers  qui  se  dressent  devant  vous  ;  pour  voir  le  bleu  du 
del  il  faut  lever  bien  haut  les  yeux.  Quelques  arbres  verts,  où  jouent  des 
singes,  un  frais  gazon  et  des  fleurs  d'un  rouge  éclatant,  donnent  à  cette 
gorge  sauvage  un  charme  tout  particulier,  d'autant  mieux  apprécié  qu'il 
est  plus  rare  au  Le-Souto.  Cette  chute  de  la  Malet sunyane  est  une  des 
curiositésnaturelles  les  plus  remarquables  qu'ilm'ait  encore  été  donné  de 
contempler  ;  nos  cascades  suisses  les  plus  vantées  ne  sauraient  en  donner 
une  idée.  D'après  des  observations  barométriques  prises  en  haut  et  en 
bas  de  la  chute,  la  même  après-midi,  au  niveau  de  l'eau  (2051°',7  et 
1870",8),  la  hauteur  totale  de  la  chute  est  de  180",9,  c'est-àrdire  environ 
600  pieds.  La  rivière  se  précipite  d'un  seul  bond,  sans  qu'aucun  rebord, 
aucune  corniche  vienne  briser  son  élan,  et  n'arrive  en  bas  qu'à  l'état 
de  fine  vapeur  blanche  que  le  vent  fait  voler  dans  tous  les  sens.  Les 
rochers  qui  l'entourent  ont  une  centaine  de  mètres  de  plus,  soit  à  peu 


-  34-    . 

près  280  à  290»,  Teau  ayant,  dans  le  cours  des  siècles,  pr^rfondénMiit 
rongé  son  lit  de  quartz.  Il  est  certainement  étrange  qne,  âepins  einçoante 
ans  qu'ils  sont  dans  le  pays,  les  missionnaires  n'aient  jamais  ehtenda 
parler  d'une  si  admirable  merveille  ;  un  Uanc  la  découvrit  par  hasard, 
en  remontant  l'Orange,  il  y  a  environ  deux  ans,  et  dès  lors,  outre  le 
résident  britannique,  col.  Glarke,  qui  vient  de  la  visiter,  nous  sommes 
probablement  les  seuls  Européen  qui  l'ayons  vue.  Les  Ba-Souto  ne  la 
connaissent-ils  eux-mêmes  que  depuis  peu  ?  Ou  bien  devons-noro  y  voir, 
une  fois  de  plus,  à  quel  point  ils  manquent  de  sens  pour  lôs  beautés  de  la 
nature?  Si  l'accès  des  lieux  étaient  moins  difficile  (la  cascade  se  trouve 
h  deux  journées  à  cheval  de  Morqa,  d'où  elle  est  le  plus  facilement  aôee&* 
sîble)  et  le  pays  plus  connu,  le  pororo  (cascade)  de  la  Maletsunyane, 
deviendrait  bien  vite  un  des  sites  les  plus  visités  du  sud  de  l'Afrique,  et 
ne  tarderait  pas  à  être  rangé  parmi  les  plus  belles  chutes  connues. 

A  côté  de  cette  remarquable  curiosité  naturelle,  je  ne  parle  que  pour 
mémoire  d'une  autre,  moins  belle  sans  doute,  mais  plus  étrange  encore, 
le  trou  (lesoba)  qui  a  donné  son  nom  à  la  Lesobeng.  C'est  une  grande 
arche  naturelle,  très  hardie,  d'un  diamètre  d'une  centaine  de  pieds, 
formée  d'un  seul  bloc  de  rochers  ;  elle  se  trouve  sur  les  bords  de  la 
rivière,  au-dessus  des  belles  gorges  dont  j'ai  parlé  plus  haut. 

Ces  montagnes  doivent  sans  doute  receler  dans  leurs  flancs  de  riches 
trésors  minéraux  ;  toutes  les  analogies  se^mblent  l'indiquer.  Nous  n'avons 
vu  que  du  fer,  en  fort  grande  quantité  probablement,  puisque,  pendant 
quelques  heures,  notre  boussole  était  comme  prise  de  vertige  lorsqu'on 
l'approchait  des  lourds  fragments  de  rocs  qui  jonchaient  le  sol.  Notrepeu 
db  connaissances  géologiques  ne  nous  eût  d'ailleurs  pas  permis  de  fiedre 
de  plus  importantes  trouvailles  minéralogiques.  Si  les  Maloutis  possè- 
dent des  mines  d'or,  puissent-ils  longtemps  encore  les  cacher  à  tons  les 
regards  ;  une  telle  découverte  serait,  dans  l'état  actuel  du  sud  de  l'Afrique, 
le  coup  de  mort  porté  k  l'indépendance  d'une  tribu,  que  Boers  et  colons 
détestent  également,  etdontils  convoitent  le  pays  fertile.  Jusqu'icion  n'ya 
trouvé  que  du  fer  et  du  chari)on,  dont  personne  encore  n'a  songé  à  tirer 
parti  ;  il  faudrait  pour  cela  des  voies  de  communication  qui  n'existeront 
pas  avant  de  longues  années. 

Cette  lettre  est  bien  longue,  je  le  crains;  j'aurais  voulu  surtout  pou- 
voir y  mettre  plus  de  clarté.  Telle  qu'elle  est  cependant,  elle  contient 
certains  renseignements  inédits  et  contribuera,  je  l'espère,  à  enrichir, 
de  quelques  données  nouvelles,  la  géographie  du  bassin  du  Haut-Orange, 
spécialement  au  point  de  vue  orographique  et  hydrographique.  Quel- 


—  35  — 

ques  autres  blancs  opt  sans  doute,  avant  nous,  traversé  ces  montagnes, 
mais  aucun  ne  l'a  fait  par  une  route  aussi  favorable  que  celle  que  M.  Dyke 
et  moi  nous  avons  suivie  ;  parmi  eux  personne,  que  je  sache,  n'a  fait 
part  au  public  du  résultat  de  ses  observations.  Nous  avons  donc  droit  de 
prétendre  à  donner  des  renseignements  nouveaux.  La  Société  des  mis- 
sions de  Paris  avait  été  la  première  à  fournir  à  la  géographie  des  données 
dignes  de  foi  sur  le  Le-Souto  et  le  pays  «itué  entre  l'Orange  et  le  Vaal  ; 
c'est  également  à  MM.  Arbousset  et  Daumas  qu'est  due  la  découverte 
du  Mont  aux  Sources,  le  centre  du  système  fluvial  de  l'Afrique  australe. 
Il  était  naturel  que  ce  fût  elle  aussi  qui  se  chargeât  de  l'exploration  des 
Maloutis,  dont  les  différentes  chaînes  couvrent  une  si  gnmde  portion  du 
pays  qu'elle  occupe. 

Mais  je  tiens  à  le  répéter  :  notre  but  en  les  traversant  était  avant  tout 
un  but  missionnaire;  à  ce  point  de  vue,  notre  court  voyage  a  pleinement 
réussi;  nous  sommes  en  possession  des  renseignements  qu'il  nous  fallait, 
et  notre  mission  devra  maintenant  chercher  àsuivre,  jusqu'ausein  de  ces 
montagnes,  ces  nombreuses  ipopulations  privées  de  tout  moyen  d'Instruc- 
tion. Il  y  a  làun  nouveau  champ  d'activité  qui  s'ouvre  devant  nous,  et  no- 
tre devoir  est  d'y  entrer  avant  qu'il  soit  trop  tard.  Vu  les  rapports 
intimes  qui  existent  entre  l'oeuvre  missionnaire  et  l'œuvre  civilisatrice,  me 
serait-il  permis  de  recommander  ici-même  ce  fait  à  l'attention  detousles 
vrais  amis  des  natifs  ?  Il  serait  triste  que,  faute  de  ressources  et  d'appui 
du  dehors,  nous  fussions  obligés  d'abandonner  à  leur  ignorance  et  k 
leurs  vices  ces  milliers  de  Ba-Souto  que  la  Providence  a  poussés  dans  nos 
bras. 

Je  n'ai  pas  besoin  non  plus  de  faire  remarquer,  en  terminant,  quel 
beau  témoignage  ce  mouvement  de  la  population  vers  les  Maloutis  porte 
en  faveur  des  Ba-Souto.  Certainement  il  n'est  pas  paresseux  ce  peuple 
qui  va  chercher,  au  fond  de  montagnes  presqu'inaccessibles,  des  terres 
à  défricher  et  cultive  à  la  sueur  de  son  front  un  sol  aride  et  infécond,  et 
qui,  malgré  les  épreuves  et  les  difficultés  qui  l'attendent,  préfère  le  tra- 
vail avec  l'indépendance  à  la  demi-servitude  dans  les  villes  de  la  Colonie» 
où  tant  de  noirs  vivent  presque  sans  travail.  Cette  simple  observation 
peut  corriger  de  fausses  impressions  dans  l'esprit  de  plusieurs  ;  on  ne 
connaît  guère  en  Europe  les  natife  de  l'Afrique,  ou  d'ailleurs,  que  par 
les  récits  de  colons  toujours  prêts  à  cacher  sous  d'habiles  sophismes 
l'égolfime  de  leur  politique.  Il  est  utile  de  relever  quelquefois  l'autre 
cftté  de  la  question  Bt,  puisque  V Afrique  explorée  m'ouvre  largement 
ses  pages,  je  profiterai  de  toutes  les  occasions  pour  le  mettre  en  lumière. 
Morija  (Ba-Souto-Land),  5  novembre  1884.  E.  Jacottet. 


—  36  — 
CORRESPONDANCE 

Les  spiritueux  au  Traits vaa.1. 

Lausanne,  19  décembre  1684. 
Monsieur  le  Directeur. 

Je  ne  saurais  assez  vous  remercier,  en  ma  qualité  de  missionnaire,  de  vos  efforts 
pour  attirer  l'attention  du  monde  civilisé  sur  le  mal  causé  par  les  spiritueux  en 
Afrique. 

Il  faut  avoir  été  témoin  des  ravages  moraux  et  matériels  que  cause  l'usage  des 
spiritueux  chez  les  blancs  et  les  noirs  des  colonies,  pour  être  persuadé  d'une 
chose,  c'est  que,  si  un  frein  n'est  pas  mis  à  la  cupidité  des  marchands  sans  con- 
science, qui  ruinent  ces  pays,  il  n'y  a  pas  grand  chose  à  espérer,  pour  l'Afrique, 
des  projets  de  civilisation  chrétienne  qui  attirent  aujourd'hui  les  regards. 

On  peut  dire  que  la  plaie  de  l'alcoolisme,  qui  ronge  notre  pays,  menace  de  tous 
les  côtés  cette  Afrique  sans  défense;  et  qu'elle  est  le  plus  grand  obstacle  au  déve- 
loppement normal  des  ressources  de  ce  continent. 

Au  Transvaal,  il  y  a  tout  un  code  de  lois  sur  la  fabrication,  la  vente  et  le  débit 
des  spiritueux,  édicté  par  le  gouvernement  anglais  après  l'annexion,  et  ces  règle- 
ments ont  encore  aigourd'hui  force  de  loi.  Ils  portent  en  principe  qu'aucun  débit 
de  spiritueux  ne  peut  être  ouvert  sans  que  la  permission  en  ait  été  accordée  par 
le  gouvernement,  sur  la  demande  d'une  commission  de  district,  chargée  de  donner 
ou  de  refuser  l'autorisation  demandée.  Des  amendes  très  fortes  sont  imposées  à 
ceux  des  débitants  qui  vendent  des  spiritueux  falsifiés,  à  ceux  qui  en  vendent  à 
des  ivrognes,  à  des  mineurs  (de  moins  de  16  ans),  et  aux  domestiques  noirs. 

Mais  la  connivence  des  préfets  et  des  syndics  rend  la  loi  de  nul  effet,  et  nous 
avons  eu  le  chagrin  de  voir,  aux  Spelonken  en  particulier,  presque  chaque  bou- 
tfque  se  transformer  en  débit  de  spiritueux.  On  allait  même  jusqu'à  créer  ou  exciter 
la  passion  des  liqueurs  fortes  en  en  dormant  comme  présent  à  ceux  des  noirs  qui 
avaient  acheté  des  marchandises,  et  à  les  presser  de  prendre  plutôt  un  petit  verre 
qu'un  mouchoir. 

Après  avoir  longtemps  lutté  et  cherché  à  ramener  à  de  meilleurs  sentiments  les 
marchands  du  pays,  en  leur  montrant  qu'ils  agissaient  contre  leurs  intérêts  en 
rendant  les  natifs  incapables  de  tout  travail  et  de  tout  progrès,  nous  jugeâmes 
nécessaire -d'attirer  l'attention  du  gouvernement  sur  ce  qui  se  passait  dans  notre 
district.  Le  commissaire  en  chef  des  natifs  des  Spelonken,  M.  Albasini,  qui  autre- 
fois s'était  fort  irrité  contre  moi  de  ce  que  je  l'avais  empêché  d'ouvrir  un  débit 
de  boissons  alcooliques  fut  le  premier  à  me  suggérer  cette  idée,  tant  il  lui  deve- 
nait difficile  de  gouverner  ses  administrés. 

Nous  écrivîmes  donc  au  gouvernement  une  lettre,  qui  fut  signée  par  tous  les 
missionnaires  berlinois  et  vaudois  des  Spelonken,  pour  supplier  le  gouvernement 
de  faire  respecter  la  loi. 

Le  conseil  exécutiC  nous  répondit  une  lettre  très  aimable,  mais  caractéristique. 


—  37  — 

Tout  en  nous  remerciant  de  nos  bonnes  intentions,  et  en  noas  assurant  que  la  lo| 
serait  respectée,  elle  nous  invitait,  nous  missionaaires,  à  nous  faire  délateurs  et  à 
dénoncer  toutes  les  contraventions  à  la  loi,  c'est-à-dire  que,  pour  chaque  cas,  nous 
aurions  eu  à  faire  un  voyage  de  8  jours  aller  et  retour  pour  déposer  notre  plainte, 
pois  à  trouver  des  témoins  sûrs  et  incorruptibles,  et  enfin  nous  aurions  été  exposés, 
dans  le  cas  d'un  échec,  à  des  dommages-intérêts  considérables.  De  plus,  une  telle 
manière  d'agir,  nous  aurait  d'emblée  exposés  à  l'animadversion  publique. 

Au  moment  où  je  me  préparais  à  partir  du  Transvaal,  j'ai  entendu  parler  d'un 
projet  de  vaste  pétitionnement,  des  missionnaires  du  Transvaal  et  des  citoyens 
bien  pensants,  pour  amener  le  gouvernement  à  interdire  formellement  la  vente 
des  spiritueux  aux  noirs.  —  Mais  le  gouvernement,  M.  Kruger  en  tête,  qui  a  inau- 
guré officiellement  l'ouverture  de  ce  qu'on  appelle  «  la  première  fabrique  du 
Transvaal,  >  c'est-à-dire  la  première  distillerie  en  grand  (celle  dont  parle  votre 
article  *),  pourra-t-il  et  voudra-t-il  faire  son  devoir  ?  La  vente  des  spiritueux 
amène  trop  d'argent  dans  le  trésor,  pour  qu'un  gouvernement  qui  est  au-dessous 
de  ses  affaires  n'y  regarde  pas  à  deux  fois. 

En  attendant,  ce  sont  les  églises  qui  donnent  l'exemple.  Il  est  entendu,  dans 
les  nôtres,  qu'en  devenant  chrétien^  on  renonce  à  l'usage  des  spiritueux  et  de  la 
bière  forte  des  indigènes.  Les  églises  des  missionnaires  berlinois  du  nord  du 
Transvaal  ont  adopté  la  même  mesure,  et  ont  passé  de  la  tempérance  à  l'absti- 
nence  pour  bonnes  raisons.  Aux  grands  maux  les  grands  remèdes. 

Sur  la  côte  orientale,  les  Portugais  et  les  Banyans  venus  des  Indes  font  un 
commerce  considérable  d'eau-de-vie  et  viennent  même  jusque  chez  nous.  Us 
apportent  de  l'alcool  concentré  à  tel  point  qu'une  cuillerée  à  soupe  suffit  pour 
faire  une  bouteille  d'eau-de-vie.  —  C'est  à  des  scènes  abominables  que  l'on  assiste, 
qaand  on  arrive  dans  un  village  après  le  passage  d'un  de  ces  marchands  d'eau  de 
mort. 

L'hiver  dernier,  j'arrivai  dans  une  tribu  de  Thongas,  chez  Madjadji,  juste  à., 
temps  pour  faire  fuir  deux  marchands  portugais  qui  nous  prirent,  de  loin,  moi  et 
mes  gens,  pour  des  douaniers  du  gouvernement. 

Si  tous  les  chrétiens  et  toutes  les  sociétés  philanthropiques  et  missionnaires  ne 
s'unissent  pas  pour  limiter,  ou  supprimer  cet  odieux  trafic,  ceux  qui  sèment  la 
mort  la  récolteront. 

Parlez  d'industrie,  de  produits  agricoles,  à  ceux  qui  sont  sans  défense  devant 
ce  vice,  dites-leur  de  travailler,  de  s'instruire,  de  penser  à  la  vie  éternelle,  c'est 
à  peu  près  peine  perdue. 

Prévention  ia  hetter  thon  cure,  dit  un  proverbe  anglais;  puissent  les  nouveaux 
États-Unis  d'Afrique  s'en  souvenir,  pour  le  bien  moral  et  la  prospérité  des  innom- 
brables tribus  avec  lesquelles  ils  seront  en  contact  ! 

Ernest  Creux,  miss*. 

*  Voy.  Y*  année,  p.  295. 


—  .38  — 


BIBLIOGRAPHIE  « 

Étitpbs  et  «ovvbkibs  D'AFEiauE.  D'Alger  à  Zanzibar^  par  le  P. 
Oiarmetantt  Paris  (Librairie  de  la  Société  bibliographique),  1881,  in-18. 
176  p.,  avec  cartes,  1  fr.  —  Ouvrage  d'une  lecture  facile  et  agréable, 
racontant  le  voyage  de  Marseille  &  Zanzibar  par  la  Méditerranée,  le  canal 
de  Suez,  la  mer  Rouge  et  l'Océan  Indien,  avec  escale  à  Port-Saïd  et  à 
Aden.  Le  P.  Charmetant,  un  des  nombreux  missionnwBs  d'Alger 
envoyés  dans  l'Afrique  orientale,  sait  émailler  son  récit  d'anecdotes  et 
de  remarques  très  judicieuses,  si  clairement  exprimées  que  son  livre  est 
tout  à  fait  à  la  portée  de  la  jeunesse.  On  lira  avec  intérêt  sa  descriptioD 
d'Aden,  au  climat  brûlant  et  aux  environs  complèt^neut  stériles,  dans 
laquelle  il  dut  séjourner  trois  longues  semaines  pour  attendre  un  bateau 
de  la  Compagnie  British-India,  qui,  en  dix  ou  douze  jours,  conduit  à 
Zanzibar.  Chemin  faisant,  il  raconte  une  entrevue  qu'il  eut  avec  Gordon- 
Pacha,  alors  gouverneur  du  Soudan  égyptien  (1879),  et  fait  une  petâte 
digression  en  décrivant  Obock  que,  du  reste,  il  n'a  pas  vu  et  qu'il  écrit 
Hobok,  parce  que,  dit-il,  les  indigènes,  en  prononçant  ce  mot,  le  font 
précéder  d'une  aspiration. 

Madagascar,  par  H.  Gastojinet  des  Fosses.  Paris  (Libr.  de  la  Soc. 
bibliographique),  1884,  in-18, 176  p.,  avec  carte.  Fr.  1.  —  La  grande  fle 
africaine  n'occupe  pas  les  esprits  au  même  degré  que  le  Tonkin,  à  cause 
du  peu  de  changement  qu'offre  la  situation  militaire.  Les  deux  armées 
française  et  malgache  restent  dans  leurs  positions,  la  première,  par  suite 
de  l'insuffisance  de  son  effectif,  et  il  ne  semble  pas  que  la  diplomatie  soit 
en  mesure  de  régler  à  elle  seule  la  question.  Il  faudra,  malheureusement, 
là  comme  partout,  recourir  aux  moyens  violents.  En  attendant  que  la 
parole  appartienne  au  canon,  M.  Castonnet  des  Fosses  nous  donne  une 
petite  monographie  populaire  de  l'tle,  bien  écrite  et  touchant  à  tous  les 
domaines.  Peut-être  la  géographie  physique  et  l'ethnographie,  qui  don- 
nent lieu  à  tant  de  remarques  curieuses,  auraient-elles  pu  être  déve- 
loppées, et  l'histoire  moins  captivante  des  tentatives  de  colonisation 
française,  écourtée.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  livre  se  lit  avec  intérêt  et 
conduit  les  lecteurs  jusqu'aux  derniers  événements.  II  est  accompagné 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bàle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  dviUsée. 


—  39  — 

4e  la  carte  de  Tfle,  publiée  par  rJSepîc^o^ion,  et  qui  aurait  dû  être  mise 
à  jour. 

DsuTSCHZASDS  KoLoij^EN.  Elu  Beitrag  zur  Eolooisationsfrage,  von 
Mbrecht  Franziua.  Zweite  Àuflage.  Bremen  (J.  Ktlhtmann  et  C'),  1884, 
in-S""»  28  p.  —  La  prise  de  possesaion  par  rEmpire  allemand  de  trois 
t^ritoires  plus  ou  moins  étendus  le  long  de  la  côte  occidentale  d'Afri- 
que, a  ôté  àces  quelques  pages  l'intérêt  d'actualité  qu'eUes  présentaient, 
lorsque  la  question  coloniale  allemande  n'avait  pas  encore  passé  du 
domaine  de  la  théorie  et  de  la  discussion  dans  celui  des  faits  accomplis. 
Alors  on  pouvait  encore  chercher,  comme  le  fait  M.  Franzius,  quel  serait 
le  pays  le  meilleur  pour  y  diriger  le  courant  si  puissant  de  l'émigra- 
tion allemande.  Aiyourd'hui,  l'on  se  demande  quels  émigrants  pourront 
recevoir  les  territoires  de  Togno,  de  Cameroon,  et  du  Lftderitzland  :  des 
mineurs,  des  agriculteurs,  ou  des  commerçants  ?  Néanmoins,  la  partie 
de  l'étude  de  M.  Franzius  consacrée  à  la  revue  historique  des  colonies 
créées  par  les  Phéniciens,  les  Grecs,  les  Romains,  par  Venise  et  Gênes, 
puis  pax  les  Portugais  et  les  Espagnols,  les  Hollandais,  les  Anglais  et 
les  Français,  conserve  toute  sa  valeur  conmie  étude  des  causes  de  la 
prospérité  ou  de  la  décadence  des  établissements  coloniaux. 

Reikhold  Buchholz'  Rbisek  in  West-Afrika  von  Cari  Heinersdorff. 
Leipzig  (F.-A.  Brockhaus),  1880,  in-8°,  264  p.  avec  gravures  et  une  carte, 
fr.  8.  —  Aujourd'hui  que  les  nouvelles  acquisitions  allemandes  sur  les 
côtes  du  golfe  de  Guinée  et  la  réunion  de  la  Conférence  internationale 
du  Congo  attirent  toute  l'attention  sur  l'Afrique  occidentale,  on  lira 
avec  fruit  cet  ouvrage,  dans  lequel  M.  Caxl  Heinersdorflf  raconte  les 
voyages,  de  son  ;.mi  Reinhold  Buchholz,  bien  connu  des  personnes  au 
courant  des  affaires  africaines,  pour  ses  explorations  au  Cameroon  et  au 
Gabon.  Ce  récit  a  été  fait  d'après  le  journal  du  voyageur  et  ses  lettres 
à  ses  amis  d'Europe.  C'est  en  juin  1872  que  Buchholz  pai'tit  de  Greifs- 
wald,  oii  il  occupait,  à  l'université,  la  chah*e  de  professeur  de  zoologie, 
pour  le  golfe  de  Guinée.  Après  avoir  touché  à  Accra,  Whydah,  Lagos, 
Bonny,  il  arriva  au  Cameroon  en  octobre  de  la  même  année.  De  cette 
date,  jusqu'en  août  1874,  il  visita  la  région  avoisinante,  c'est-à-dire 
yict(Ȕa,  Bimbia,  Benjonjo,  Abo,  Mungo,  Bungia  et  Balong.  Ensuite  il 
fit  deux  voyages  dans  la  direction  du  sud  :  le  premier,  au  Gabon  ;  le  se- 
cond, au  Gabon  et  à  l'Ogôoué,  en  touchant  aux  îles  de  Fernando-Po,  du 
Prince  et  de  St-Thomas.  Enfin,  après  trois  années  de  séjour  dans  ces 


—  40  — 

parages  équatoriàux,  U  les  quitta  pour  rentrer  à  Berlin,  où  il  arriva  le 
30  octobre.  Ce  simple  exposé  des  itinéraires  indique  l'importance  de  ses 
voyages.  C'est  lui  qui,  à  vrai  dire,  nous  a  révélé  la  plus  grande  partie 
de  la  région  où  l'Allemagne  vient  de  s'établir.  Observateur  conscien- 
cieux, savant  et  surtout  naturaliste  de  premier  ordre,  il  a  recueilli,  sur 
la  géographie  physique,  les  populations,  la  faune  et  la  flore  des  pays 
qu'il  a  visités,  un  nombre  considérable  de  faits  qui  donnent  à  l'ouvrage 
que  nous  signalons  un  grand  intérêt.  En  décrivant  les  produits  de  ces 
riches  contrées,  il  a  été  amené  à  parler  du  commerce  auquel  elles  don- 
neront lieu  et  de  leur  avenir,  aussi  est-il  de  toute  utilité,  pour  le  négo- 
ciant et  le  colon,  conmie  pour  le  géographe  et  l'homme  d'État,  de 
prendre  connaissance  de  ce  livre,  s'ils  veulent  se  faire  une  idée  exacte 
des  pays  que  l'AUemagne  cherche  à  faire  entrer  dans  le  domaine  des 
relations  commerciales  avec  l'Europe.  Du  reste  la  lecture  en  est  facilitée 
par  une  biographie  de  l'explorateur,  une  carte  très  claire  et  suflSsam- 
ment  complète,  enfin  par  quelques  planches  d'histoire  naturelle. 

Bibliothèque  d'aventures  et  de  voyages.  Les  deux  missions  du 
colonel  Flatters  racontées  par  un  membre  de  la  première  mission.  Paris 
(M.  Dreyfous),  1884,  in-12*,  308pages  avec  une  carte,  2  fr.— Le  souvenir 
des  missions  Flatters,  des  brillants  résultats  de  la  première,  et  du  désas- 
tre de  la  seconde  livrée  traîtreusement  aux  Touaregs  par  ses  guides,  est 
toujours  vivace  en  France,  alors  même  que  ces  événements  datent  de 
trois  ou  quatre  ans.  Du  reste,  de  temps  à  autre,  paraît  un  volume  racon- 
tant cette  odyssée  sanglante,  et  rappelant  que  les  cadavres  livrés  en 
pâture  aux  oiseaux  du  désert  demandent  réparation.  Aujourd'hui,  c'est 
un  membre  de  la  première  mission  qui  nous  donne  le  récit  complet,  et 
presqu'au  jour  le  jour,  de  ces  deux  expéditions  mémorables:  de  la  pre- 
mière, d'après  ses  propres  notes  de  voyage,  et  de  la  seconde,  d'après  ce 
qu'on  possède  des  journaux  de  route  du  colonel  et  d'après  les  interroga- 
toires subis  par  les  survivants.  L'auteur  ne  se  bornant  pas  à  narrer  les 
événements  tels  qu'ils  se  sont  déroulés,  mais  y  joignant  des  commen- 
taires sur  la  géographie  historique,  physique  et  politique,  est  arrivé  à 
faire  un  ouvrage  instructif  ;  il  est  même  parvenu  à  trouver  du  nouveau 
dans  un  sm'et  si  souvent  traité.  Un  dernier  chapitre  résume  les  connais- 
sances nouvelles  que  les  deux  missions  nous  ont  fournies  sur  le  Sahara 
central  et  ses  habitants. 


r 


ÉCHANGES 

Sociétés  de  géographie. 

Amsterdam.    Constantine.     Hambourg.      Lisbonne.        Nancy. 


Anvers. 
Berb'n. 
Brérne. 
Bruxelles. 


Douai.  léna. 

Francfort  «/M.  Le  Caire. 

Greifswald.  Leipzig. 

•Halle.  Lille. 


New- York. 

Oran. 

Paris. 


Rocbcfort. 
Rome. 
Rouen. 
Vienne. 


Ijvon. 
mdrid. 
Marseille. 
Montpellier. 

Sociétés  de  géographie  oommerciale. 

Berlin.         Bordeaux.         Paris.  Porto.         Saint-Gall. 

Missions. 
Journal  des  missions  évangéliques  (Paris).  (Ihiirch  inissionary  Intelligencer  and  Re- 


Le  Havre. 


Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XÏX^e  siècle 

(Neuchâtel). 
Journal  de  l'Unité  des  Frères  [moraves] 

(Pesenx). 
.Missions  cathoUques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Barmen). 
Berliner  Mission s-Berichte  (Berlin). 
Heidenbotc  (BAle). 

Evangelisches  Missions -Magazin  (BAle). 
(^Iwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Aligemeine  Missions-Zeitscbrift  (GUters- 

lob). 
Giâubensbote  (Bâle). 
Africa  (Londres). 
La  Nigrizia  (Vérone). 


cord  (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Mis.sionary  (New -York). 

Foreign  Missionary  (New- York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Chronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Chnrch  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

('hurch  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  Lhurch  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Woman*s  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Exploration  (Paris). 
Moniteur  des  Colonies  (Paris). 
Bulletin  des  Mines  (Paris). 
Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alj[er). 
Bulletin  du  Comice  agricole  (Médéa). 
Bulletin  de  l'Académie  d'Hippone  (Bone). 
Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris) 


Divers. 

Chamber  of  Commerce  Journal  (Londres), 
African  Times  (Londres). 
Antislavery  Reporter  (Londres). 
Aborigine's  Friend  (Londres). 
African  Repository  (Washington). 
Obsen^er  (Monrovia). 
Esploratore  (Milan). 
(Cosmos  (Turin). 


Revoe  géographique  internationale  (Paris).  Bollettino  délia  Sociela  africana  d*flalitf 


Le  Mouvement  géographique  (Bruxelles) 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  filr  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilnngen  der  afrikanischen  Gesell- 
»chaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrifl  fUr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  ftlr  wissenschaftliche  Géogra- 
phie (Lahr). 

Aus  allen  Welttheilen  (Leipzig). 

Deutsche  Kolonialzeilung  (Francfort  s/M). 

AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 

Tour  du  monde  (Paris). 
Revue  de  géographie  (Paris). 
Revue  maritime  et  coloniale  (Paris) 
Indépendant  (0)n8tantine). 
Moniteur  de  T Algérie  (Alger) 
Dr  A.  Petermann  s  Mittheilnn 


(Naples). 

Esplorazione  (Naples). 

Marina  e  Commercio.  e  Giornale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Revista  de  Estudos  Livres  (Lisbonne). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


Inngen  (Gotha) 


Proceedings   of  the   royal    geographical 
Society  and  monthly  Record  of  geogra 
phy  (Londres). 

Natal  Mercury  (Durban). 

Cape  Argus  ((iape-Town). 

West  African  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

BULI^TIN  MENSUEL 0 

Nouvelles  complémentaires 14 

La  Conférence  africaine  (Premier  article) 16 

Exploration  du  bassin  du  Haut-Oranqe  et  de  ses  affluents, 

par  M.  E.  Jacottet 24 

Correspondance  : 

Lettre  de  M.  E.  Creux  (Les  spiritueux  au  ïraixsvaal) 36 

Bibliographie  :  ^ 

Études  et  souvenirs  d'Afrique,  par  le  P.  Charmetant 38 

Madagascar,  par  H.  Castonnet  des  Fosses 38 

DeUtschlands  Kolonien,  von  Albrecht  Franzius 89 

Reinhold  Buchholz'  Reisen  in  West-Afrika,  von  Karl  Heinersdorff. .  39 

Bibliothèque  d'aventures  et  de  voyages 40 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Voyage  au  Soudan  français.  Haut-Niger  et  Pays  de  Ségou  (1880-1881),  par  le 

commandant  Gallieni.  Paris  (Hachette)  1885,  gr.  in-8%  632  p.  avec  carte  et 

150  gravures,  fr.  15. 
La  mer  saharienne,  par  M.  G.  Rolland.  Bevtte  scientifiquey  N°  23,  p.  705-718. 
Les  deux  missions  du  colonel  Flatters  en  Afrique.  Récit  historique  et  critique,  par 

un  membre  de  la  première  mission.  Paris  (Dreyfous),  1884,  in- 12,  308  p.  et 

carte,  fr.  2. 
Les  missions  évangéliques  depuis  leur  origine  jusqu'à  nos  jours,  par  G.-£.  Burck- 

hardt   et  R.  Grundemann.   Traduit  de  l'allemand.  T.  II,  Afrique,  Lausanne 

(Georges  Bridel),  1884,  in-S**,  520  p.  et  5  cartes,  fr,  6. 
Congreso  espanol  de  geografia  colonial  y  mercantil,  celebrado  en  Madrid  en  los 

dias  4-12  de  noviembre  de  1883.  Actas,  t.  II.  Madrid  (Imp.  de  Fortanet),  1884, 

in-8S  371  p. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schncbardt. 


FEVBIER 

1885 


GENÈVK 

H.     GEORG,     LIBRAIRE-ÉDITEUB 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIBIOÉ  P^E 

M.   enstave  MOTNIE& 

Membre  de  la  Conunieeioii  internatioiutle  de  Bnizellei  pour  ^exploration  et  la  ciyilisaiiot) 

de  l'Aftiqae  centrale  ;  membre  oorreepoodant  de  PAcadémie  d'Hippone , 

et  des  Sooiétéa  de  géographie  de  Marseille,  de  Kancy,  do  Loanda  et  de  Porto. 

UtolGÉ  PAS 

M.  Charles  FAU&E 

Seerétaire-Blbliotliéoaire  de  la  Sooiété  de  géographie  de  Genève ,  membre  corrcapon^aut  des  Sociétés 
de  géographie  de  Llabonne,  de  Loanda.  do  Porto,  de  Saint-Gall  et  de  Berne. 


L'Afrique  parait  le  premier  luadi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d'aa 
moins  20  pages  chacune  ;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  Tabonnement  annuel,  payable  d'avance 9  est  de  10  IVaiies» 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  TUnion  postale  (première  zone)  ;  pour  les 
antres,  IJi  fr.  50. 


aires  à 


Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemptai 
la  Direction,  a  droit  h  un  eempte  rendu. 

Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaetlon  à  BI*  Onstave.BIojrnlery 
Bp  rue  de  PAOténée,  h  Genève  (Snlmie). 


S'adre«»er  poor  le«  abonnements  h  l'édltenr,  91.  H.  Oeorg«  à 
Genève  on  4  Bdle. 

On  s'abonne  aussi  : 

Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 

Chez  MM.  Ch.  Delagravb,  libraire.  1*5,  nie  Soufilot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  Cour,  45,  rue  de  la  Régence,  à  Bruxi»II<*s. 

DuMOLARD  frères,  libraires.  Corso  VittorioEmmanuele,  21*  à  Milan. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Querstr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Fribdericusen  et  O;  libraires,  Admiralitâlsstr,  3/4,  à  Hambourg  . 

Wilhelm  Frigk,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autriche). 

Trubnbr  et  C*%  libraires,  Ludgat«  Hili.  57/59.  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


ATM.  —  j^Tott^  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  abonnés^  an  prix  de 
12  fr,  chacun^  un  certain  nombre  d*exemplaires  complets  de  la  /J»"",  de  la  lll^^ 
et  delà  JF™»  année,  La  P«  est  épuisée. 


—  41  — 

BULLETIN  tàEHS\iEL  {2  février  1885.y 

Les  doutes  que  I'od  pouvait  encore  avoir  le  mois  dernier  sur  le  sort 
(le  la  mission  Blanchi  ne  sont  plus  possibles  aujourd'hui.  Les  lettres 
d'Abyssinie  et  d'Assab  s'accordent  à  dire  que  le  chef  de  l'expédition,  ses 
deux  compagnons  de  voyage,  MM.Monari  et  Diana,  et  onze  Abyssiniens, 
ayantquittéleTigré,au  commencement  d'octobre,  pour  se  rendre  directe- 
ment à  Assab  par  une  route  encore  inconnue  des  Européens,  ont  été 
assaillis,  de  nuit,  par  une  bande  de  Danakils,  dans  le  voisinage  du  lac 
salé  Alelbad  ^  et  qu'ils  ont  été  tous  massacrés.  Le  commissaire  italien 
d'Assab  a  envoyé  un  courrier  qui,  après  avoir  pénétré  aussi  avant 
que  possible  à  l'intérieur,  a  confirmé  le  fait;  suivant  lui,  le  désastre 
aurait  eu  lieu  à  Kouriboula,  sur  le  territoire  de  Doya,  à  six  journées  de 
la  frontière  d'Abyssinie.  D'après  une  lettre  de  M.  Naretti,  le  guide 
abyssinien,  qui  a  réugsi  à  échapper  au  massacre  a  rapporté  que  la  catas- 
trophe s'est  passée  à  trois  étapes  de  l'endroit  oti  se  perd  le  cours,  de  la 
Croulima.  Enfin  le  comte  Antonelli,  qui  retournait  au  Choa  avec  le 
D' Ragazzi,  a  rapporté  s'être  trouvé  le  18  octobre  à  Adali-Garsha,  grand 
centre  danakil,  dont  le  chef  lui  a  appris  que  c'est  dans  la  nuit  du  3  au 
4  octobre  que  Blanchi  et  ses  compagnons  ont  été  assassinés  à  Ala,  à 
deux  jours,  soit  environ  50  kilom.  au  S.-O.  du  lac  Alelbad,  que  la  cara- 
vane avait  laissé  sur  sa  gauche.  La  certitude  de  ce  nouveau  meurtre 
ajouté  à  tous  ceux  dont  les  expéditions  italiennes  dans  ces  parages  ont 
été  les  victimes,  a  produit  dans  toute  l'Italie  une  douloureuse  émotion, 
qui  s'est  traduite  par  des  manifestations  en  souvenir  de  Blanchi,  dans 
la  société  africaine  d'Italie  à  Naples  et  dans  la  section  florentine  de 
cette  société,  ainsi  que  dans  la  Société  milanaise  d'exploration  commer- 
ciale en  Afrique.  De  son  côté,  le  gouvernement  italien  estimant  sans 
doute  que  cet  événement  pourrait  entraîner  de  fâcheuses  conséquences 
pour  la  colonie  d'Assab,  a  jugé  bon  de  tâcher  de  les  prévenir  en  y 
envoyant  deux  navires  de  guerre  avec  des  troupes  qui  y  tiendront  gar- 
nison. 
Le  massacre  susmentionné  a  eu  lieu  en  dehors  du  territoire  soumis 

*  Les  matières  comprises  dans  nos  BuUetina  mensuels  et  dans  les  NowoéUes  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
TAlgérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  c6te  occidentale. 

•  V.  la  Carte  IV»«  année,  p.  328. 

L'AFRIQUE.   —   SLKIÈME   ANNiE.   -*  N<^   2.  2 


—  42  — 

au  sultan  d'Âpussa,  Illoliaiiied-Anfliàli,  avec  lequel  le  comte  Auto* 
nelli  a  conclu  une  convention,  dont  le  journal  de  Rome  Marina  e 
Commercio  a  donné  le  texte  : 

Article  premier.  —  La  paix  et  l'amitié  seront  constantes  et  perpé- 
tuelles entre  les  autorités  italiennes  d'Âssab  et  le  sultan  Mohamed- 
Ânfali,  ainsi  qu'entre  leurs  sujets  respectifs. 

Art.  2.  —  Chacune  des  deux  parties  nommera  un  représentant  pour 
traiter  les  affaires. 

Art.  3.  —  Le  sultan  Mohamed-Anfali  garantit  au  gouvernement 
italien  et  à  S.  M.  le  roi  Ménélik,  la  sécurité  de  la  route  entre  Assab, 
Aoussa  et  le  royaume  du  Ghoa  pour  toutes  les  caravanes  italiennes 
venant  de  la  mer  ou  s'y  rendant. 

Art.  4.  —  Le  sultan  Mohamed-AnfaU,  d'accord  avec  les  autres  sultans, 
déclare  exemptes  de  droits  ou  de  tributs  toutes  les  caravanes  italiennes 
venant  d'Assab  ou  s'y  rendant. 

Art.  5. — ^Le  sultan  Mohamed-Anfali  cède  au  gouvernement  de  S.  M.  le 
roi  d'Italie  l'usage  de  la  terre  d^Ablis  (Aoussa)  sur  la  partie  du  terri- 
toire d' Aoussa  propre  à  la  culture,  pour  y  établir  une  station  commer- 
ciale italienne. 

Art.  6.  —  Toutes  les  religions  seront  respectées. 

Art.  7.  —  Les  sujets  de  S.  M.  le  roi  d'Italie  voyageront  librement 
dans  tout  le  pays  dépendant  du  sultan  Mohamed-Anfali,  et  les  sujets 
de  celui-ci  seront  toujours  assistés  par  les  autorités  consulaires  ita- 
liennes. 

Art.  8.  —  Les  vaisseaux  de  guerre  de  S.  M.  le  roi  d'ItaUe  veilleront  à 
la  sécurité  du  littoral  danakil. 

Art.  9.  —  Cette  convention  sera  soumise  à  l'approbation  de  S.  M.  le 
roi  du  Choa  et  sera  ratifiée  au  Choa  par  le  représentant  du  gouverne- 
ment de  S.  M.  le  roi  d'Italie. 

Art.  10.  —  Il  sera  fait  des  copies  de  la  dite  convention  en  langues 
amharique,  arabe  et  italienne,  qui  devront  concorder  parfaitement  dans 
les  traductions  respectives. 

Un  correspondant  du  Temps  qui  a  fait  à  Oboek  un  long  séjour,  pen- 
dant lequel  il  a  établi  des  cultures  potagères  et  maraîchères,  a  fourni 
à  ce  journal  des  renseignements  d'où  il  résulte  que  cette  colonie  fran- 
çaise pourra  devenir,  dans  la  mer  Rouge,  un  excellent  port  de  ravi- 
taillement. Dans  la  plaine  d'Obock,  à  deux  kilomètres  du  port,  se 
trouvent  une  trentaine  d'hectares,  où  l'on  est  sûr  de  pouvoir  fedre  des 
cultures,  en  ne  manquant  jamais  d'eau  douce  pour  l'arrosage  nécessaire. 


—  43  — 

Od  peut  y  cultiver  des  légumes  très  facilemeut  pendaat  dix  mois  de 
Tannée.  Il  y  a  deux  mois  très  chauds,  pendant  lesquels  cela  peut 
devenir  plus  difficile,  mais  on  est  toujours  certain  d'avoir  de  la  verdure. 
La  végétation  est  rapide;  les  haricots  et  les  épinards  peuvent  être 
cueillis  une  vingtaine  de  jours  seulement  après  que  la  graine  a  été  semée. 
—D'après  le  Moniteur  des  colonies,  l'administratioii  des  colonies  a  fait, 
au  commandant  d'Obock,  un  important  envoi  de  plantes  potagères,  et  le 
gouverneur  général  de  l'Algérie  prépare  un  envoi  de  plants  d'euca- 
lyptus, de  palmiers  et  de  vignes  destinés  au  nouvel  établissement  fran- 
çais de  la  mer  Rouge.  —  L'eau  manque  si  peu  que  le  correspondant  a 
pu  voir,  tous  les  jours,  venir  au  bas  d'une  factorerie,  pour  s'abreuver, 
150  bétes  à  cornes,  quelques  centaines  de  chèvres  et  200  chameaux. 
£t  ce  ne  sont  pas  les  pluies  qui  donnent  de  l'eau  douce,  car,  pendant  un 
séjour  de  huit  mois,  il  n'a  vu  pleuvoir  qu'une  fois.  La  route  de  Tadjoura 
au  Choa  facilitera  les  transactions  ;  plus  courte  que  les  autres,  elle  est 
en  outre  meilleure,  car  on  y  rencontre  les  puits  nécessaires  pour 
abreuver  les  chameaux  des  caravanes.  Les  chefs  des  tribus  par  lesquelles 
il  faut  passer  sont  aussi  plus  sûrs  que  ne  l'est  Abou-Beker,  le  sultan 
de  Zellah,  tête  de  ligne  d'une  autre  route  de  la  côte  au  Choa. 

L'expédition  portugaise  de  Serpa  Pinto  paraît  avoir  rencontré  les 
difficultés  ordinaires  suscitées  parles  porteurs  indigènes,  et  cela,  malgré 
l'appui  du  gouvernement  colonial  de  Mozambique.  Faute  d'hommes, 
elle  a  été  retenue  plusieurs  mois  à  Mozouril  ;  il  a  fallu  renvoyer  un  grand 
noml^re  de  charges,  et  Serpa  Pinto  a  dû  changer  de  route.  Il  s'est 
décidé  à  prendre  la  voie  du  golfe  de  Pomba  ;  s'il  peut  obtenir  là  les  250 
porteurs  qui  lui  manquent,  il  en  fera  son  point  de  départ  vers  les  monts 
Méza.  Pour  atteindre  Pomba,  il  comptait  prendre  la  route  suivie  par 
Elton  dans  son  voyage  de  Mozambique  à  Ibo  en  1876,  et  espérait  faire 
ce  trajet  en  un  mois.  A  Mozouril,  il  a  pris  178  observations  de  latitude, 
et  un  certain  nombre  de  longitudes.  D'après  les  premières,  la  position 
du  lieu  serait  de  1""  à  1^5'  au  sud  de  celle  que  lui  attribuent  les  cartes. 

La  Société  de  géographie  de  Marseille  a  reçu  des  nouvelles  de 
M.  Tlctor  Glraud,  qui  a  dû  renoncer  à  son  projet  de  traverser 
l'Afrique  de  l'est  à  l'ouest.  Nos  lecteurs  n'ont  pas  oublié  dans  quelles 
circonstances  il  a  été  abandonné  par  ses  porteurs  après  avoir  atteint  le 
lacBangouéolo  \  Ce  ne  fut  qu'à  grand'peine  qu'il  put  regagner  la  station 
de  TAssociation  internationale,  sur  les  bords  du  Tanganyika,  où  il  reçut 

^  V.  V-  Année,  p.  105-107. 


—  44  — 

une  cordiale  hospitalité.  De  là  il  se  rendit  au  Nyassa  par  la  route  ouverte 
entre  les  deux  lacs  ;  le  petit  vapeur  de  la  Compagnie  des  lacs  le  trans- 
porta siur  le  Chiré,  d'où  en  quinze  jours  de  pirogues  il  gagna  le  Zambèze; 
enfin  il  atteignit  Quilimane,  où  la  factorerie  française  Mante  frères  et 
Borelli  le  reçut  très  hospitalièrement.  S'il  n'a  pu  réaliser  entièrement 
son  projet,  son  exploration  de  la  région  comprise  entre  Zanzibar,  les 
lacs  Nyassa,  Tanganyika,  Bangouéolo  et  Moéro,  ne  peut  manquer 
d'ajouter  beaucoup  de  données  nouvelles  à  celles  que  nous  ont  déjà 
fournies  Livingstône  et  J.  Thomson. 

Comme  il  l'avait  fait  pour  Angra-Pequena,  M.  Ltideritz  a  acquis  au 
mois  de  novembre,  à  prix  d'argent,  du  roi  Dinizoulou,  et  par  l'intermé- 
diaire de  M.  Einwald,  un  territoire  d'une  étendue  de  60,000  acres,  autour 
de  la  baie  de  Salnte-Liucie.  Le  chef  zoulou  a  cédé  non  seulement 
le  terrain,  mais  encore  le  droit  de  souveraineté.  Le  gouverneur  de  la 
colonie  de  Natal  en  ayant  eu  connaissance  en  décembre,  s'empressa  de 
faire  hisser  le  drapeau  anglais  sur  la  nouvelle  acquisition  de  M.  Lûde- 
ritz,  avant  que  le  protectorat  de  l'empire  allemand  eût  pu  être  réclamé 
et  proclamé.  D'après  le  Times,  la  baie  de  Sainte-Lucie  a  déjà  été  cédée 
à  l'Angleterre  par  Fonda  roi  des  Zoulous,  en  1843,  en  vertu  d'un  traité 
spécial  conclu  entre  le  roi  et  M.  Cloete,  commissaire  du  gouvernement 
britannique.  La  baie  et  l'embouchure  de  l'Oumvoloosi,  mentionnées 
dans  le  traité,  seraient  ce  qu'on  appelle  aujourd'hui  la  baie  de  Sainte- 
Lucie.  L'Angleterre,  il  e^t  vrai^  n'a  point  notifié  cette  acquisition  aux 
autres  puissances,  et  n'y  a  point  fait  acte  d'autorité.  Néanmoins  cette 
question  ne  semble  pas  devoir  amener  un  conflit  entre  l'Allemagne  et 
la  Grande-Bretagne.  Sans  doute  M.  Ltlderitz  a  cherché  à  établir  ses 
droits  auprès  de  la  chancellerie  allemande.  Mais,  d'après  une  note  de 
la  Gazette  de  V  Allemagne  du  Nord^  il  ne  paraît  pas  qu'il  puisse  espérer 
les  voir  reconnus  oflSciellement.  Pouï*  rendre  une  pareille  acquisition 
valable,  et  pour  le  transfert  des  droits  souverains,  dit  cette  note,  un 
traité  avec  les  chefe  indigènes  ne  suffit  pas  ;  il  faut  le  consentement  de 
la  république  des  Boërs  qui  exerce  un  protectorat  sur  le  Zouloulaiid.  En 
outre,  il  y  aurait  lieu  de  tenir  compte  de  l'état  des  choses  existant  entre 
les  Boërs  et  l'Angleterre,  qui  s'est  réservé  le  droit  d'approuver  les 
traités  que  la  république  des  Boërs  aurait  à  conclure.  Lord  Grandville 
a  informé  l'ambassade  d'Allemagne  à  Londres  que  le  gouvernement 
britannique  s'en  tient  à  la  convention  de  1843  qui  lui  donne  le  territoire 
et  le  port  de  Sainte-Lucie.  De  son  côté  l'ambassadeur  allemand  a 
reconnu  que  jusqu'ici  l'Allemagne  n'y  a  exercé  aucun  protectorat. 


—  45  — 

En  attendant  que  cette  question  soit  réglée,  T  Angleterre  a  établi,  par 
mesure  de  précaution,  son  protectorat  sur  la  côte  entière  du  Pondo- 
land,  territoire  indépendant  jusqu'ici,  qui  remplit  tout  l'espace  com- 
pris entre  la  Colonie  du  Gap  et  Natal.  La  nombreuse  population,  quoique 
parfois  en  désaccord  arec  les  peuplades  voisines  sur  des  questions  de 
limites,  n'est  ni  agressive,  ni  belliqueuse.  Un  des  rêves  de  sir  Bartle 
Frère  avait  été  d'annexer  ce  pays  à  la  Colonie  du  Cap;  mais  lord  Wol- 
seley  ayant  décliné  la  responsabilité  des  opérations  militaires  que  cette 
annexion  aui'ait  rendues  nécessaires,  les  Fondes  sont  demeurés  indé- 
pendants sous  leur  roi  Oumquikéla.  Ils  ont  cependant  été  obligés  de 
cMer  au  gouvernement  britannique  l'embouchure  de  la  rivière  Saint- 
John,  cession  qui  a  laissé  dans  leurs  cœurs  un  ferment  d'irritation 
sourde.  La  déclaration  du  protectorat  anglais  sur  toute  la  côte  les 
calraera-t-elle  ?  On  peut  en  douter,  à  en  juger  par  les  précautions  prises 
pour  tâcher  de  leur  faire  comprendre  que,  quoique  jusqu'ici  l'Angleterre 
n'ait  exercé  son  autorité  maritime  qu'à  l'embouchure  de  la  rivière 
Saint-John,  la  déclaration  de  protectorat  n'implique  pas  l'intention 
d'annexer  le  pays.  Les  déclarations  du  DaUy-News,  qui  a  la  prétention 
d'être  l'organe  de  la  politique  actuelle  du  gouvernement  anglais,  les 
rassureront  d'autant  moins,  croyons-nous,  que,  tout  en  protestant  du 
respect  pour  l'indépendance  des  Fondes,  il  ajoute  que  le  gouvernement 
britannique  a  maintenant  affirmé  son  .autorité,  sur  toute  la  ligne  du  sud- 
est  de  l'Afrique  jusqu'aux  limites  nord  du  pays  des  Zoulous,  pour  ne 
pjis  permettre  à  une  puissance  étrangère  de  hisser  son  pavillon  sur  une 
partie  de  la  côte  où  les  intérêts  anglais  auraient  pu  être  compromis. 

Le  Mouvement  géographique  de  Bruxelles  a  reçu  des  nouvelles  de 
l'expédition  qui  transporte  le  long  des  chutes  du  Con§^o  jusqu'à 
Stanley-Fool,  le  steamer  le  Stanley  destiné  à  la  navigation  du  haut- 
fleuve  et  de  ses  affluents.  Nos  lecteurs  se  rappellent  qu'il  s'agit  d'un 
vapeur  démontable,  composé  de  six  compartiments  étanches  qui,  mis 
sur  l'eau,  forment  un  tout  navigable,  et  qui,  à  terre,  séparés  et  montés 
sur  de  grandes  roues  en  acier,  se  transforment  en  véritables  chariots. 
Six  cents  indigènes,  sous  la  conduite  de  huit  agentsblancs,  transportent 
le  bâtiment  qui  ne  pèse  pas  moins  de  50,000  kilogranmies.  —  Il  y  aura 
bientôt  un  an  que  le  Stanley  a  quitté  Liverpool.  Arrivé  au  mois  de  mars 
1884  à  Banana,  il  y  a  été  remonté,  puis  il  a  suivi  le  Congo  jusqu'à  Vivi. 
Là,  la  machine  a  été  débarquée,  puis  on  a  procédé  à  la  disiouction  des 
sections.  D  a  fallu  trois  mois  à  l'expédition  pour  franchir  la  route  ter- 
restre de  Vivi  à  Isanghila,  où  le  bateau,  arrivé  le  4  septembre,  a  été 


-^  46  — 

remonté,  et  mys  à  flot,  pour  faire,  par  le  fleuve,  le  trajet  entre  Isanghila 
et  Manyanga.  D'Isanghila,  l'expédition  s'est  mise  en  route  le  4  octobre. 
Le  premier  jour  de  navigation  s'est  bien  passé.  Pour  traverser  les 
rapides  de  Kilolo  et  de  Baynestown,  on  a  dû  employer  des  pressions 
supérieures  à  celles  auxquelles  le  bateau  est  destiné  à  marcher  ;  cepen- 
dant les  dangers  ont  été  surmontés  avec  une  facilité  relative. 

Le  lendemain  des  difficultés  nouvelles  et  plus  grandes  ont  été  ren- 
contrées, près  de  la  grande  lie  Flamini,  où  le  Congo  forme  des  rapides 
dangereux.  Néanmoins  cet  obstaèle  a  été  heureusement  franchi  ;  mais 
un  peu  plus  loin,  devant  les  rapides  de  Tchoumbou,  malgré  deux  heures 
d'efforts  surhumains,  le  Stanley  a  été  arrêté.  Dans  ses  manœuvres 
pour  essayer  de  doubler  la  chute,  il  a  touché  un  récif  et  a  subi  une 
avarie,  heureusement  insignifiante  et  qui  a  été  réparée  le  lendemain. 
Le  23,  nouvelle  tentative  pour  forcer  le  passage.  Quoique  le  bâtiment 
eût  été  considérablement  allégé,  tous  les  efforts  furent  vains  et  on  dut 
rebrousser  chemin.  Après  ce  nouvel  échec,  le  chef  de  l'expédition, 
M.  Valcke,  s'est  décidé  à  attendre  la  crue  du  fleuve  pour  faire  un  nouvel 
essai.  Devant  les  rapides  de  Tchoumbou,  le  passage  se  trouve  près  de  la 
rive  sud.  Au  moment  des  eaux  basses,  bien  qu'il  soit  rempli  de  rochers, 
il  est  praticable  pour  des  embarcations  d'un  tirant  d'eau  moins  fort  ; 
mais  pour  qu'un  bateau  de  l'importance  du  Stanley  puisse  y  passer,  il 
faut  que  le  fleuve  monte  de  quelques  pieds.  Ces  difficultés  disent  toute 
la  hardiesse  de  l'entreprise  et  aussi  le  mérite  qu'il  y  a,  pour  celui  qui 
la  dirige,  à  la  mener  à  bonne  tin. 

Nous  avons  déjà  dit  que  le  Peace,  le  vapeur  de  la  mission  baptiste 
anglaise,  mis  à  flot  à  Stanley-Pool,  avait  pu  remonter  le  fleuve  jusqu'à 
la  station  de  l'Equateur,  Aujourd'hui  le  Missionary  Herald  nous 
apporte  les  détails  de  l'explopation  faite  par  MM.  Comber  et 
Grenfell.  Nous  en  extrayons  les  faits  nouveaux  propres  à  intéresser 
nos  lecteurs.  Les  missionnaires  explorèrent  d'abord  Tlbarl  Nkoaton, 
affluent  de  gauche  du  Congo,  et,  à  80  kilomètres  de  son  embouchure, 
ils  arrivèrent  en  vue  de  la  ville  de  Nga  Nkabi,  Blvahie,  capitale  du 
pays  des  Wa-Bouma,  formée  d'une  série  de  hameaux  de  trois  à  cinq 
kilom.,  le  long  de  la  rive  septentrionale.  Elle  est  gouvernée  par  une 
chefesse,  femme  très  capable,  énergique,  qui  parle  peu,  mais  sait  gou- 
verner ses  sujets.  Ceux-ci  sont  les  meilleurs  spécimens  que  MM.  Comber 
et  Grenfell  aient  rencontrés  dans  leur  voyage.  Bien  constitués,  intelli- 
gents et  relativement  industrieux,  il  n'est  pas  étonnant  qu'ils  soient 
parmi  les  trafiquants  les  plus  prospères  du  Congo.  Il  n'est  pas  rare  de 


—  47  — 

rencontrer  une  flottille  de  dix  à  vingt  canots,  tous  pesamment  chargés, 
descendant  à  Stanley-Pool  où  ils  transportent  leurs  produits.  Ils  sont  eu 
outre  bons  constructeurs,  fabriquant  non  seulement  leurs  propres  canots, 
mais  encore  beaucoup  d'autres  pour  les  vendre.  L  y  en  avait  environ 
deux  cents  dans  la  baie,  et  plusieurs  autres  en  construction.  Quel- 
que soleuDel  que  fût  son  maintien,  Nga  Nkabi,  ne  crut  pas  au-dessous 
de  sa  dignité  d'entrer  dans  un  canot  avec  une  autre  femme  pour  appor- 
ter en  présent  aux  missionnaires  une  chèvre  et  du  plantain.  Ceux-ci 
ont  résolu  d'y  fonder  une  station,  dès  que  des  renforts  leur  seront 
envoyés.  Le  pays  qui  environne  Mushie  est  très  pittoresque  ;  la  ville 
elle-même  est  construite  sur  une  élévation  qui  s'étend  parallèlement  à 
la  rivière  et  aux  montagnes  que  l'on  aperçoit  denrière  elle,  et  dont  elle 
est  séparée  par  une  bande  de  terrain  bas,  où  sont  les  champs  de  blé  et 
les  plantations  de  cannes  à  sucre  et  de  cassave.  Les  habitants  sont  au 
nombre  de  3000  environ,  sans  compter  la  population  de  villes  plus  ou 
moins  éloignées  qui  reconnaissent  l'autorité  de  Nga  Nkabi. 

A  une  cinquantaine  de  kilomètres  en  amont,  les  voyageurs  rencon- 
trèrent le  confluent  du  Quango.  Ce  dernier  est  un  beau  fleuve  de 
400°*  à  500*  de  large,  avec  une  vitesse  moyenne  de  1  à  2  kilomètres  à 
l'heure.  Cependant  ils  jugèrent  qu'il  devait  être  beaucoup  plus  petit 
que  le  cours  d'eau  venant  du  N.-E.,  exploré  jusqu'au  lac  Léopold  II  par 
Stanley,  sous  1°30  lat.  S.  Ils  auraient  aimé  à  étudier  les  deux 
rivières,  mais  ils  durent  se  contenter  de  remonter  un  peu  le  Quango. 
Ils  remarquèrent  que,  tandis  que  jusque-là  les  maisons  sont  carrées,  sur 
les  bords  du  Quango  elles  sont  rondes,  ce  qui  indique  qu'on  atteint  la 
limite  d'un  peuple  distinct.  Cette  forme  nouvelle  s'accorde  avec  celle 
que  Capello  et  Ivens  ont  signalée  à  300  kilomètres  plus  au  sud. 
MM.  Comber  et  GrenfeU  ne  purent  pas  entrer  en  rapport  avec  les 
indigènes  trop  effrayés  pour  répondre  à  leurs  questions  ouàleui-s  saluta- 
tions. Ils  couraient  le  long  delà  rive,  la  lance  à  la  main,  ou  se  cachaient 
derrière  les  arbres  comme  s'ils  eussent  eu  peur  du  bruit  du  bateau. 

Rentrant  ensuite  dans  le  Congo,  les  missionnaires  le  remontèrent 
jusqu'à  la  ville  de  Choumbiri,  à  G  kilomètres  de  laqueUe  ils  trou- 
vèrent une  montagne  rocheuse  remarquable,  commune  dans  la  région 
des  cataractes,  mais  rare  dans  cette  partie  du  continent  où  les  mon- 
tagnes ont  toutes  les  contours  doucement  arrondis  des  collines  de  sable 
qui  la  caractérisent.  De  100"  à  200°  de  hauteur,  elles  surgissent  pour 
ainsi  dire,  pour  la  plupart,  du  fleuve  sur  la  rive  droite,  tandis  que  sur  la 
gauche  la  rive  s'élève  en  pente  douce,  et  fournit  un  emplacement  suffi- 


—  48  — 

sont  aux  villes  nombreuses  devant  lesquelles  passe  le  bateau.  Quelques 
endroits  sont  extrêmement  pittoresques  et  présentent  des  villes  sises 
immédiatement  au  bord  du  fleuve;  mais  d'ordinaire  les  rochers  sont 
tout  à  fait  abrupts,  et  s'élèvent  verticalement  à  10"  ou  15",  et  n'ofl&rent 
pas  de  place  pour  aborder. 

Après  avoir  quitté  Choumbiii,  on  arrive  en  vue  de  l'île  de  Lone, 
l'une  des  îles  innombrables  qui  cai'actérisent  le  Congo  moyen  jusqu'aux 
Chutes  de  Stanley.  Ici  l'on  échange  l'eau  profonde  et  les  écueils  dange- 
reux de  rochei-s  contre  des  bas-fonds,  des  bancs  de  sable  et  des  bras  du 
fleuve,  si  entre-croisés  que  souvent  on  perd  de  vue  la  terre  ferme  et 
qu'il  faut  se  servir  de  la  boussole  pour  se  diriger.  Au  bout  d'une  cin- 
quantaine de  kilomètres  de  navigation  au  milieu  de  ces  îles  et  de  ce^ 
bancs  de  sable,  les  montagnes  se  rapprochent  de  nouveau  du  fleuve,  et, 
sur  la  rive  orientale,  apparaissent  les  villes  de  Bolobo  et  de  Moïé 
dont  Ibaka  est  le  souverain.  A  l'exception  de  Ilebou  et  de  Liboko 
villes  des  Ba-Ngala,  aucun  endroit  ne  paraît  contenir  une  population 
aussi  dense;  elle  doit  être  de  plus  de  5000  habitants.  Bolobo  est  peuplée 
de  Ba-Nyansi,  ou  comme  ils  s'appellent  eux-mêmes  de  Ba-Bangi  émigrés 
du  Ou-Bangi,  vis-à-vis  de  Nhombé.  A  Moïé,  ce  sont  des  Ba-Nounou, 
probablement  les  habitants  primitifs.  A  l'intérieur  sont  les  Ba-Tendé. 
La  ville  de  Bolobo  est  composée  de  villages  rangés  sur  une  longueur  de 
trois  kilomètres  ;  Moïé  est  encore  plus  grand,  et  ses  villages,  gouvernés 
chacun  par  un  chef  particuUer,  s'étendent  à  une  plus  grande  distance 
du  fleuve,  et  plus  haut  sur  le  flanc  de  la  montagne.  Entre  Bolobo  et 
Moïé  il  y  a  généralement  hostilité,  et  dans  chaque  district  il  y  a  d'ordi- 
naire des  dissensions  intestines  entre  les  chefs.  Quoique  Ibaka  soit  le 
chef  spécial  de  Bolobo,  il  y  en  a  quatre-vingts  autres.  Les  traits  domi- 
nants des  habitants  sont  l'ivrognerie,  l'immoralité  et  la  cruauté  pro- 
duisant des  actes  impossibles  à  décrire.  Le  lieutenant  Liebrecht,  chef  de 
la  station  de  Bolobo,  accompagna  MM.  Comber  et  Grenfell  dans  ces 
villes.  La  femme  d'un  des  chefs  de  Bolobo  étant  morte,  il  devait  y  avoir 
une  orgie  de  bière  durant  quatre  ou  cinq  jom's  avec  des  sacrifices 
humains  pour  terminer;  les  victimes  sont  des  esclaves  achetés  pour  la 
circonstance.  De  grands  cercles  de  belles  femmes  ornées  de  coUiers  de 
12  à'15  kilogrammes  dansaient  au  son  du  tambour.  Les  missionnaires 
cherchèrent  à  plaider  en  faveur  des  pauvres  victimes,  mais  ce  fut  en 
vain.  Autre  supplice  ;  des  prix  en  vivres  sont  organisés  et,  pour  sceller 
cette  espèce  de  concours,  on  tue  un  esclave  ;  un  trou  est  creusé  entre 
les  deux  villes,  on  brise  bras  et  jambeê  à  la  victime,  qui  est  jetée  dans 


—  49  — 

le  trou,  pour  y  mourir,  sans  qu'il  soit  permis  èi  personne  de  lui  donner 
à  manger  ni  à  boire.  On  voit  très  peu  d'enfants  dans  la  ville  des  Ba- 
Bangi,  ce  qu'explique  l'immoralité  de  la  population.  Il  y  en  a  davan- 
tage chez  les  Ba-Nounou  de  MoIé.  Leurs  maisons  sont  plus  grandes  que 
celles  des  Ba-Bangi;  quelques-unes  sont  ornées  de  crânes  humains. 
Autour  de  la  base  de  grands  arbres,  des  crânes  d'hippopotames  indi- 
quent que  les  habitants  chassent  cet  animal.  MM.  Gomber  et  Grenfell 
espèrent  pouvoir  prochainement  fonder  là  une  station.  Ils  ont  déter- 
miné la  latitude  de  Bolobo  par  2**  13'. 

Le  lieutenant  Liebrecht  les  accompagna  jusqu'à  Loukoléla  où  le 
fleuve  se  rétrécit,  et  n'a  plus  que  deux  kilomètres  de  large.  Les  alen- 
tours sont  très  boisés  ;  les  cotonniers  et  le  chêne  africain  y  abondent. 
Les  missionnaires  avaient  depuis  longtemps  fait  choix  de  cette  localité 
pour  y  établir  la  station  de  Liverpool.  Ayant  avec  eux  trois  chrétiens 
des  stations  de  Victoria  et  de  Bimbia,  de  la  mission  baptiste  de  Came- 
roon,  ils  les  y  ont  laissés  avec  le  soin  de  défricher  un  coin  de  terre  dans 
la  forêt  et  de  bâtir  une  maison  provisoire.  La  station  sera  voisine  de 
celle  de  l'Association  internationale.  Ici  les  villages  sont  moins  grands 
et  plus  disséminés  que  ceux  de  Bolobo,  quoique  les  indigènes  appar- 
tiennent aussi  à  la  tribu  des  Ba-Bangi.  Ils  sont  aussi  plus  doux  et  se 
montrent  mieux  disposés.  Ils  parurent  très  contents  en  apprenant  que 
les  missionnaires  viendraient  vivre  au  milieu  d'eux  pour  les  instruire. 
Le  chef  Mangaba  voulut  les  accompagner  chez  les  Ba-Ngala,  pour  les 
introduire  auprès  des  chefs  de  ces  derniers.  En  amont  de  Loukoléla  le 
fleuve  s'élargit  de  nouveau  pour  se  rétrécir  à  Nfrombé»  vis-à-vis  de 
laquelle  se  jette  dans  le  Congo,  la  rivière  Albangi,  grand  cours  d'eau  de 
couleur  brun  clair,  dont  les  eaux  sur  un  long  parcours  ne  se  mêlent  pas 
avec  celles  du  fleuve  plus  foncées.  Le  même  fait  se  reproduit  pour  la 
Loulongo  dont  les  flots  sont  noirs  comme  de  l'encre.  Ngombé,  où  l'Asso- 
ciation internationale  aune  station,  est  déjà  un  poste  de  Ba-Ngala,  des- 
cendus au  bord  du  Congo,  vraisemblablement  par  l' Albangi.  Us  sont 
très  nombreux  et  se  montrèrent  animés  de  dispositions  amicales.  A  vingt 
kilomètres  en  amont  sont  situées  quantité  de  villes,  séparées  l'une  de 
l'autre  par  une  bande  de  terrain  d'un  kilomètre  et  demi  de  larçe,  et 
fourmillant  d'habitants.  Le  sol  paraît  tout  particulièrement  fertile. 

MM.  Comber  et  Grenfell  visitèrent  les  cheis  des  villes  de  Boishende 
et  de  llebou,  qui  leur  firent  un  accueil  très  cordial,  et  se  montrèrent 
fort  désireux  de  sceller  amitié  par  la  cérémonie  de  la  fraternité  du  sang, 
commune  chez  les  Ba-Bangi  et  chez  les  Ba-Ngala.  La  densité  de  la 


-  ÔO- 

population  d^Ilebou  engagea  les  missionnaires  à  choisir  cette  localité 
comme  emplacement  d'une  future  station.  Au  delà  commencent  les 
villes  du  Congo  équatorial,  depuis  Bojoungi  jusqu'à  l'embouchure  du 
Rouki,  à  dix  kilomètres  au  N.  de  l'Equateur.  La  population  en  est  fort 
disséminée  dans  les  districts  de  Bojoungi,  Mbongo,  Inganda  et  Bouan- 
gata.  Les  agents  de  la  Livingstone-Inland-Mission  ont  décidé  de  s'éta- 
blir dans  ringanda  et  d'étendre  leur  activité  aux  villes  du  Bouangata 
sur  le  Rouki,  où  sont  des  populations  tout  à  fait  primitives,  les  seules 
que  MM.  Comber  et  Grenfell  eussent  encore  vues  armées  d'arcs  et  de 
flèches.  La  plupart  des  hommes  portent  en  outre  un  bouclier,  ou  bien 
une  lance  avec  le  bouclier  et  quelques  couteaux  meurtriers.  Au  dire  du 
lieutenant  Van  Gèle,  de  la  station  de  l'Equateur,  ils  sont  cruels  ;  ils 
immolent  des  victimes  humaines  avec  les  couteaux  susmentionnés,  ou 
bien  ils  en  poursuivent  d'autres  avec  lances,  arcs  et  flèches,  pour  pro- 
curer aux  spectateurs  altérés  d^  sang  le  divertissement  de  la  chasse.  En 
revanche  et  en  parfait  contraste  avec  ces  cruautés,  les  missionnaires 
furent  témoins  à  Equatorville  d'une  très  jolie  scène  de  plusieurs 
heures  représentée  par  des  enfants,  consistant  d'abord  en  une  danse, 
suivie  d'une  sorte  de  petit  opéra  dont  le  chœur  était  très  bien  rendu 
par  de  petites  filles  de  huit  à  douze  ans.  Quatre  hommes  portaient  sur 
leurs  épaules  une  sorte  de  bière  dans  laquelle  se  trouvait  un  corps  ou 
quelque  chose  recpuvert  d'une  étoffe  rouge.  Assise  à  l'un  des  bouts,  une 
jolie  petite  fille  paraissait  triste  et  chagrine.  La  bière  fut  déposée  sur  le 
sol,  et  entourée  du  chœur  composé  de  six  petites  filles  ;  une  femme  pla- 
cée à  côté  de  la  bière  chanta  un  chant  plaintif,  avec  accompagnement 
du  chœur.  Les  missionnaires  n'en  purent  comprendre  que  les  quelques 
mots,  souvent  répétés  à  la  fin  des  chœurs  :  a  Ka-oua-ka^  il  n'est  pas 
mort.  »  Au  bout  d'un  certain  temps,  l'incantation  parut  avoir  eu  l'effet 
désiré,  un  mouvement  se  produisit  dans  l'objet  recouvert  aux  pieds  des 
jeunes  filles  ;  on  écarta  l'étoffe  rouge  et  une  petite  fille  apparut,  tremblant 
de  tous  ses  membres  comme  dans  un  accès  d'épilepsie.  Deux  personnes 
s'avancèrent,  la  prirent  par  les  bras  et  la  mirent  sur  ses  pieds. 

Au  delà  du  Rouki  sont  les  villes  des  Ba-Ngala,  qui  s'étendent  jusqu'à 
Liboko,  par  1°50'  lat.  N.,  le  point  le  plus  éloigné  atteint  par  MM.  Com- 
ber et  Grenfell.  La  première  est  Loulanga  sur  la  rive  orientale  du 
fleuve  semé  d'tles  couvertes  de  forêts,  fourmillant  d'oestres  (mou- 
ches piquantes)  pendant  le  jour,  et  de  moustiques  pendant  la  nuit.  Les 
Ba-Ngala  parurent  à  MM.  Comber  et  Grenfell  les  plus  sauvages,  les  plus 
turbulents  de  tous  les  indigènes  qu'ils  eussent  rencontrés  jusque-là.  Ils 


—  51  — 

furent  présentés  par  le  chef  Mangaba  de  Loukoléla,  qui  paraissait  con- 
naître tout  le  monde  et  avoir  une  femme  dans  chaque  ville  ;  il  saluait 
chacun  des  chefs  importants  comme  son  propre  père.  Loulanga  peut 
avoir  autant  d'habitants  qu'Ilebou  ;  ils  se  précipitèrent  vers  le  steamer 
dans  de  bons  canots  et  montèrent  sur  le  pont,  comme  pour  en  prendre 
possession.  Les  missionnaires  eurent  beaucoup  de  peine  à  les  renvoyer 
à  leurs  embarcations  ;  ni  la  vapeur,  ni  les  sifflets  ne  les  eussent  fait  par- 
tir. Il  fallut  le  plus  grand  sang-froid  chez  tous  les  hommes  du  vapeur 
pour  prévenir  une  catastrophe,  tous  ces  visiteurs  étant  armés  de  cou- 
teaux et  de  lances.  Un  peu  en  amont  de  Loulanga,  on  rencontre  Tembou- 
chure  de  la  Loulongo,  rivière  de  700"  de  large,  aux  eaux  noires  conune 
de  l'encre;  à  120  kilomètres  au  delà  se  trouve  la  ville  de  Liboko,  par  2* 
au  nord  de  l'Equateur,  la  dernière  d'une  série  de  villes  qui  s'étendent 
sur  une  longueur  de  dix  kilomètres,  tout  près  les  unes  des  autres. 
C'est  à  Liboko  que,  en  1877,  Stanley  soutint  pendant  quatre  heures 
le  grand  combat  dans  lequel  il  fut  attaqué  par  soixante-trois  canots. 
Le  brave  fils  du  chef  Mata-Mayiki  mourut  de  ses  blessures.  Son  vieux 
père,  grand  et  bel  homme,   crut  que  l'un  des  missionnaires  s'était 
trouvé  avec  Stanley.  Ses  gens  arrivèrent  sur  la  rive  dans  l'idée  que  ces 
blancs  étaient  des  ennemis,  et  ils  se  préparèrent  à  combattre.  Grâce  à 
M.  Coquilhat,  chef  de  la  station  de  l'Association  internationale,  des 
explications    furent   échangées   et  l'entrevue  fut  amicale.   Quoique 
Liboko  soit  mieux  bâtie  que  les  autres  villes  des  Ba-Ngala,  et  que  ses 
habitants  aient  la  réputation  d'être  de  grands  trafiquants,  on  ne  voit  pas 
chez  eux  des  signes  de  prospérité.  Liboko  est  à  moitié  chemin  des 
Chutes  de  Stanley.  LePeace  aurait  pu  pousser  jusque-là,  mais  le  temps 
que  les  missionnaires  pouvaient  consacrer  à  leur  exploration  étant 
presque  écoulé,  ils  durent  redescendre  à  Stanley-Pool.  La  route  est 
ouverte,  et  dès  que  des  renforts  leur  arriveront,  ils  établiront  les  nou- 
velles stations  à  Mushié,  à  Bolobo  et  à  Hebou. 

La  Conférence  africaine  n'ayant  pas  terminé  ses  travaux,  nous  devons 
ajourner  à  noti'e  prochain  numéro  le  résumé  que  nous  nous  proposons 
d'en  faire*. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Le  lieutenant-colonel  Roudaire  vient  de  mourir  à  Guéret  dans  sa  famille.  Mal- 
gré Pappai  prêté  par  M.  de  Lesseps  an  projet  de  créer  une  mer  intérieure  dans  le 

*  V.  p.  16  à  24. 


/ 


—  52  — 

bassin  des  Ghotts  du  sud  de  l'Algérie  et  de  la  Tunisie,  il  est  douteux  qu'il  trouve 
un  successeur  dans  la  poursuite  de  ce  dessein,  à  la  réalisation  duquel  il  a  consacré 
les  dix  dernières  années  de  sa  vie. 

MM.  Clément  et  Gustave  Denhardt  auxquels  la  science  géographique  doit  déjà 
une  exploration  du  bassin  de  la  Dana  (v.  \W^^  année,  p.  97  et  120),  sont  repartis  à 
la  fin  de  l'année  dernière  pour  Zanzibar,  afin  d'y  organiser  une  nouvelle  expédi- 
tion dans  l'est  de  l'Afrique. 

Le  voyageur  anglais  Johnston  est  de  retour  à  Zanzibar.  Il  paratt  content  de 
son  exploration  du  Kilimandjaro,  sur  lequel  il  s'est  élevé  à  une  hauteur  de  4600"' 
n  a  rapporté  des  collections  ;  la  flore  et  la  faune  des  régions  supérieures  offrent 
des  ressemblances  avec  celles  des  parties  montagneuses  de  l'Afrique  australe. 

Les  missionnaires  de  Bagamoyo  ont  fondé  une  nouvelle  station  à  Kounzagira, 
sur  la  rive  gauche  du  Eingani.  Le  pays  est  fertile,  boisé,  bien  arrosé,  la  population 
est  sympathique  aux  blancs. 

Un  télégramme  de  Zanzibar  annonce  que  200  esclaves  enlevés  à  des  négriers, 
ont  été  remis  par  le  consul  britannique  à  la  mission  de  Frère  Town. 

D'après  le  Buttetin  de  renseignements  coîoniaitx,  une  société  qui  a  pris  le  titre  de 
Société  de  colonisation  à  Madagascar  est  en  voie  de  formation  à  Itle  Maurice, 
pour  obtenir  du  gouvernement  français  des  concessions  de  terrain  dans  Itle,  dont 
elle  espère  l'occupation  définitive  par  la  France.  Ce  mouvement  est  provoqué  par 
une  crise  très  forte  que  traverse  en  ce  moment  l'Ile  Maurice,  où  la  vente  des 
sucres  ne  s'opère  qu'avec  des  pertes  considérables  pour  les  planteurs. 

Le  ministère  français  des  colonies  étudie  un  projet  tendant  à  établir  un  câble 
sous-marin  entre  Mozambique,  Mayotte,  Nossi-Bé,  Madagascar  et  la  Réunion.  L^ 
câble  serait  prolongé  jusqu'à  l'fle  Maurice,  l'Angleterre  contribuant  pour  les  frais 
de  cette  prolongation. 

Le  conseil  général  de  la  Réunion,  pour  favoriser  les  cultures  nouvelles  dans  la 
colonie,  a  décidé  que  tous  les  nouveaux  produits  exportés  jouiront  de  l'exonéra- 
tion des  droits  de  sortie  et  d'une  prime  pendant  trois  ans. 

Un  correspondant  de  Madagascar  a  écrit  à  un  journal  de  Maurice,  la  PUm- 
ters  Gazette^  pour  l'informer  que  l'on  a  trouvé  de  l'or  d^alluvion  à  Madagascar  et 
qu'on  l'exploite.  Le  premier  ministre  a  visité  plusieurs  endroits  exploités  près 
d'Antananarive.  L'or  appartient  au  gouvernement;  mais  cela  n'empêche  pas  des 
Malgaches  d'en  recueillir  en  secret  et  de  vendre  de  la  poudre  d'or  à  des  étran' 
gers  ;  un  de  ceux-ci  en  a  acheté  cent  onces  à  six  dollars  l'once. 

Un  correspondant  du  Cape  Argus' écni  que  depuis  la  prohibition  de  la  vente 
des  spiritueux  aux  natifs,  les  crimes  ont  diminué  de  50  %  dans  le  district  de  King 
William's  Town  et  que  les  taxes  y  sont  payées  beaucoup  plus  volontiers  et  plus 
régulièrement  qu'autrefois.  Les  gens  apprécient  le  changement  et  désirent  voir  la 
vente  des  spiritueux  soumise  aux  mêmes  restrictions  pour  tous  les  habitants. 

D'après  le  Magojsvne  of  the  American  Baptist  Missionary  Union^  M.  F.  G.  Gar- 
land,  membre  du  conseil  exécutif  de  Natal,  affirme  que  la  polygamie  parmi  les 
Cafres,  protégée  et  réglée  par  les  autorités  anglaises,  n'est  pas  autre  chose  qu'un 


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esclavage  déguisé.  Les  femmes  sont  comptées  au  nombre  des  propriétés  du  mari  ; 
1«  prix  d'une  fille  est  fixé  par  la  loi  anglaise  ;  il  y  a  là,  dit  M.  Garland,  une  tache 
à  faire  disparaître. 

ïïne  nouvelle  expédition  allemande  à  laquelle  sont  attachés  plusieurs  mineurs 
de  Freyberg,  en  Saxe,  doit  s'embarquer  très  prochainement  à  Southampton  pour 
Angra-Pequena.  Elle  a  pour  mission  essentielle  de  constater  la  puissance  des 
gisements  miniers  signalés  dans  le  territoire  placé  sous  le  protectorat  de  l'em- 
pire allemand. 

Le  Natal  Mercury  annonce  que  plusieurs  des  familles  Boers,  émigrées  il  y  a 
qaatre  ans  dans  le  territoire  de  Humpata,  ont  résolu,  en  présence  de  l'hostilité 
des  natifs  de  cette  partie  de  la  colonie  portugaise,  de  quitter  leurs  établissements 
actuels  et  de  se  rendre  dans  le  district  de  Rehoboth,  entre  le  Damaraland  et  le 
pays  des  Grands  Namaquas. 

Les  missionnaires  américains  qui  avaient  dû  s'enfuir  du  Bihé  à  la  côte,  se  pro- 
posent de  répondre  à  l'invitation  qui  leur  a  été  faite  de  se  rendre  d'abord  à  Chi- 
voula,  à  160  kilom.  dans  l'intérieur,  puis  de  remonter  au  Bihé  s'ils  trouvent  le 
nombre  de  porteurs  nécessaires. 

La  Société  des  missions  méthodistes  américaines  a  décidé  d'envoyer  quarante 
missionnaires,  hommes  et  femmes,  pour  fonder  des  stations  au  sud  du  Congo  dans 
le  pays  des  Tuchilangués.  Des  amis  des  missions  subviennent  aux  frais  de  voyage 
et  fournissent  l'équipement  des  missionnaires  qui,  une  fois  en  Afrique,  devront 
vivre  des  produits  du  pays. 

Le  D'  J.  Chavanne  a  dû  revenir  temporairement  en  Europe,  pour  raison  de 
santé  pi  espère  pouvoir  retourner  au  Congo  dans  le  courant  de  février. 

D'après  une  lettre  de  M.  Antonio  Borges  Silva,  directeur  de  l'école  mission- 
naire espagnole  de  Santa  Isabel  à  Fernando  Pô,  et  ami  de  M.  Rogozinski,  publiée 
dans  le  journal  de  Varsovie,  la  Kuryer  Warszawski,  cet  explorateur  a  employé 
son  influence  auprès  des  tribus  indigènes  de  Cameroon  pour  les  exciter  contre 
l'autorité  allemande.  Il  a  fait  proposer  au  consul  anglais  de  Bonny,  M.  Hewett, 
de  placer  le  territoire  de  la  baie  de  Cameroon  sous  le  protectorat  de  la  Grande- 
Bretagne.  Le  consul  britannique  a  immédiatement  envoyé  la  canonnière  le  For- 
ward  porter  son  consentement  à  cette  proposition,  et  le  commandant  de  ce  bâti- 
ment a  proclamé  le  protectorat  anglais.  C'est  vraisemblablement  à  ces  intrigues 
qu'il  faut  attribuer  le  soulèvement  des  indigènes  contre  les  factoreries  allemandes 
des  territoires  récemment  annexés,  auxquelles  notre  compatriote,  M.  le  D'  Passa- 
vant, a  heureusement  pu,  avec  ses  quatre-vingts  porteurs,  prêter  un  secours  effi- 
cace. Les  journaux  politiques  ont  donné  les  détails  de  la  répression,  par  les  vais- 
seaux allemands,  de  la  révolte  des  chefs  et  des  naturels  de  ce  district. 

Un  témoin  oculaire  ébrit  aux  Missions  catholiques  que  le  roi  de  Dahomey  a  fait 
célébrer  en  1884  la  fête  de  la  grande  Coutume  avec  plus  de  barbarie  que  jamais. 
Pendant  trois  mois,  chaque  jour,  on  a  pu  voir,  à  la  porte  du  palais,  six  têtes  fraî- 
chement coupées,  sans  compter  les  cadavres  cloués  aux  arbres  la  tête  en  bas,  ou 
cloués  par  les  mains  seulement  ou  par  les  pieds,  et  mourant  ainsi  à  la  suite  de 
leurs  souffrances,  de  la  faim  et  des  piqûres  des  insectes. 


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Une  lettre  du  missionnaire  Ramseyer  à  la  Société  neuchàteloise  des  missions 
nous  apporte  les  détails  de  son  voyage  de  reconnaissance  au  nord  de  PAchanti, 
à  travers  l'immense  steppe  de  TAfram,  jusqu'à  Atéobou,  aujourd'hui  indépendant 
du  roi  de  Coumassie.  Le  roi  des  Acliantis,  Kwakou-Dua,  est  mort  de  la  petite 
vérole,  et  le  prince  Owousou  Koko  a  fait  briser  la^  nuque  à  Earikari,  auquel  il 
reprochait  d'être  la  cause  de  la  mort  du  roi.  Toutes  les  villes  de  l'Achanti  sont 
Urès  excitées  contre  Owousou  Koko. 

Nous  ne  mentionnons  que  pour  mémoire  le  séjour  à  Paris  de  l'envoyé  du  cheik 
de  Timbouctou,  dont  les  journaux  quotidiens  ont  donné  les  détails,  et  la  promesse 
du  Président  de  la  république  française  de  lui  adjoindre,  pour  son  retour,  plusieurs 
Français  chargés  d'aller  poursuivre,  à  Timbouctou  même,  les  négociations  néces- 
saires à  la  conclusion  d'un  traité  de  commerce. 


EXPÉDITION  DE  M.  J.  THOMSON,  DE  MOMBAS  AU  VICTORIA-NYANZA 

PAR  LE  PAYS  DES  MASAI 

Dès  le  commencement  de  Tère  moderne  des  explorations  africaines, 
la  partie  du  continent  traversée  récemment  par  M.  J.  Thomson  a  passé 
pour  une  de  celles  qui  ofirent  le  plus  de  dangers  et  de  diflScultés  pour  un 
voyageur  européen.  Les  premières  tentatives  pour  y  pénétrer  furent 
faites  par  les  missionnaires  Krapj  et  Rebmann,  dont  l'un*  découvrit  le 
Kilimandjaro,  tandis  que  l'autre  aperçut  le  second  sommet  neigeux  de 
cette  région:  le  Kénia.  Mais  le  pays  compris  entre  ces  montagnes  et  le 
Victoria-Nyanza  n'avait  jamais  été  parcouru  par  un  Européen,  jusqu'au 
voyage  du  D'  Fischer  qui  ne  dépassa  pas  le  lac  Naïvascha  (1883). 
Le  peu  de  place  dont  nous  disposons  ne  nous  a  pas  permis  de  donner 
des  renseignements  détaillés  sur  cette  expédition  ;  nous  nous  réservions 
d'ailleurs  de  faire  connaître  ce  pays,  lorsque  M.  Thomson  aurait  rendu 
compte  de  la  sienne  à  la  Société  de  géographie  de  Londres.  Le  dernier 
numéro  des  Proceedings  de  cette  Société  nous  permet  de  suivre  pas  à 
pas  le  voyageur  écossais,  et  de  donner  une  carte  d'après  celle  qui  accom- 
pagne son  rapport. 

Les  observations  de  M.  Thomson  méritent  toute  créance,  car  il  n'était 
pas  nouveau  venu  dans  le  champ  des  explorations  africaines.  Nos  lec- 
teurs se  rappellent  le  succès  avec  lequel  il  conduisit  l'expédition  envoyée 
par  la  Société  de  Londres,  pour  reconnaître  la  route  de  Zanzibar  au 
Nyassa,  et  de  ce  lac  au  Tanganyika  *.  L'expérience  qu'il  avait  acquise 

"  V.  Il»»  année,  p.  138  et  la  carte  148. 


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dans  cette  première  expédition,  l'avait  admirablement  préparé  pour  un 
nouveau  voyage.  Il  eut  le  bonheur  de  retrouver  à  Zanzibar  son  vieux 
domestique  Makatoubou,  un  ancien  guide  de  Stanley,  Muinyi-Sera,  et 
un  marin  maltais,  James  Martin  ;  ces  trois  hommes  furent  mis  à  la  tête 
de  sa  caravane  composée  de  120  hommes,  malheureusement  le  rebut 
des  porteurs  de  Zanzibar,  les  meilleurs  ayant  tous  été  transportés  par 
mer  à  la  côte  occidentale  pour  le  service  de  Stanley.  Ce  n'était  pas 
trop  de  dix  soldats  fidèles  pour  maintenir  Tordre  dans  la  caravane. 

Ainsi  équipé  Thomson  se  rendit  à  Rabaï,  près  de  Mombas,  et  en  partit 
le  15  mars  de  l'année  dernière.  De  Rabal  au  Kilimandjaro,  la  route  est 
assez  connue  pour  qu'il  ne  soit  pas  nécessaire  de  la  décrire  en  détail. 
Elle  traverse  d'abord  les  terrains  cultivés  de  la  mission  sur  les  pentes 
et  les  hauteurs  de  la  première  terrasse;  puis,  la  Nyikaplus  ou  moins 
déserte  et  le Dourouma,  pays  ondulé,  couvert  de  fourrés  épais,  alternant 
avec  des  buissons  épineux,  au  milieu  desquels  on  rencontre  çà  et  là  de 
misérables  établissements  de  natifs  luttant  contre  la  nature,  pour  lui 
arracher  une  chétive  subsistance,  toujours  menacés  de  la  famine  ou 
fiiyant  la  lance  redoutable  des  Masaï. 

Dès  le  troisième  jour  on  laisse  denière  soi  toute  trace  d'habitants  ; 
le  cinquième,  les  bois  touffus  disparaissent,  remplacés  par  des  épines  et 
des  arbres  noueux.  La  nature  du  sol  change  aussi  ;  à  l'argile  gris  foncé 
et  au  grès,  succèdent  un  sable  d'un  rouge  brillant,  des  schistes  et  le 
gneiss.  On  ne  trouve  un  peu  d'eau  que  dans  de  petits  creux  remplis  par 
les  deruières  pluies  ;  encore  faut-il  toutes  les  angoisses  de  la  soif  pour 
vous  en  faire  boire.  C'est  le  vrai  désert,  plaine  inhabitée  qui  entoure 
les  montagnes  du  Teïta,  et  s'étend  de  l'Ou-Sambara  au  sud,  jusqu'à 
rOu-Koumbani  et  au  pays  des  Gallas  au  nord,  et  du  Dourouma  à  l'est, 
jusqu'au  Kilimandjaro  à  l'ouest. 

En  approchant  des  frontières  du  Teïta,  on  échange  la  monotonie  du 
désert  contre  le  pittoresque  de  montagnes  isolées,  avec  leurs  ruisseaux 
murmurants  et  leurs  fraîches  brises;  s'élevant  du  milieu  d'une  vaste 
plaine  à  des  hauteurs  qui  varient  de  1000"  à  2000",  elles  ressemblent  à 
un  archipel  d'fles  abruptes  sortant  d'uii  océan  de  boue. 

Après  avoir  traversé  la  chaîne  de  Boura,  on  franchit  en  deux  fortes 
marches  le  désert  qui  sépare  ces  monts  de  Taveta,  entourée  de  délicieux 
ombrages.  Thomson  présente  ce  district  comme  l'idéal  des  forêts  tropi- 
cales, dont  l'imagination  populaire  revêt  les  régions  équatoriales,  mais 
que  le  voyageur  africain  excédé  de  fatigue  voit  rarement.  La  végétation 
la  plus  luxuriante  couvre  les  bords  de  la  Loumi  alimentée  par  la  neige. 


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et  le  travail  de  rhomme  y  a  créé  de  charmanites  clairières,  des  bosquets 
en  arceaux  et  de  riches  plantations.  La  fraîcheur  de  la  Loumi  y  répand 
la  fertilité  toute  Tannée.  La  neige  du  sommet  du  Kilimandjaro  tempère 
l'atmosphère  et  la  maintient  fraîche. 

Pacifiques,  hospitaliers,  honnêtes,  les  Wa-Tayeta  sont  un  mélange  de 
deux  races  distinctes,  les  Wa-Taveta  proprement  dits,  appartenant  à  la 
race  bantoue,  et  les  Wa-Kouafi,  ou  Masal,  alliés  aux  tribus  chamitiques 
du  Nil  et  du  nord  de  l'Afrique  ;  ceux  qu'on  trouve  maintenant  à  Taveta 
y  sont  venus  après  avoir  perdu  leur  bétail  dans  leurs  nombreuses  guerres 
civiles,  ce  qui  les  a  obligés  de  renoncer  aux  préjugés  de  leur  caste,  et  de 
se  mettre  à  la  culture  du  sol. 

La  position  de  Taveta  est  excellente  comme  centre  de  commerce 
pour  les  caravanes,  qui  se  rendent  au  pays  des  Masal  ou  qui  en  revien- 
nent. Aussi  cette  ville  a-t-eUe  toujours  eu  une  grande  importance.  De 
là,  Thomson  fit  quelques  excursions  :  au  lac  Jlpé,  au  charmant  cratère 
du  lac  Chala,  etc.  L'éruption  à  laquelle  est  due  ce  lac  doit  avoir  été 
récente,  à  en  juger  par  une  tradition  des  Masal,  qui  racontent  qu'un 
village  wa-kouafi  existait  autrefois  sur  cet  emplacement,  et  qu'il  fut 
projeté  en  l'air  par  une  terrible  explosion.  Les  Wa-Kouafi  disent  que 
l'on  entend  encore  le  beuglement  des  bestiaux,  les  aboiements  des 
chiens  et  d'autres  bruits  caractéristiques  de  la  vie  de  village. 

Pendant  une  excursion  dans  la  forêt,  Thomson  aperçut  le  Kilimand- 
jaro. Depuis  plusieurs  jours  il  campait  à  sa  base  sans  que  le  sommet 
enveloppé  de  nuages  se  fftt  montré  à  ses  yeux,  lorsqu'un  jour  il  apparut 
dans  toute  sa  gloire.  Le  grand  dôme,  ou  cratère  de  Kibo  s'élevait 
majestueusement  au-dessus  des  forêts  de  Chaga,  avec  son  sommet  nei- 
geux, étincelant  comme  de  l'argent  aux  rayons  du  soleil  de  l'après- 
midi  ;  sur  son  flanc  oriental  se  dressaient,  en  contraste  frappant,  les  som- 
bres rochers  du  profil  dentelé  du  pic  du  Kimaouenzi.  Le  spectacle  était 
imposant,  mais  il  fut  de  courte  4urée.  Les  nuages  se  rassemblèrent 
bientôt  pour  se  traîner  le  long  des  flancs  des  montagnes,  laissant  pen- 
dant quelque  temps  le  pic  noir  et  le  dôme  éclatant  de  blancheur  se  pro^ 
jeter  sur  l'azur  du  ciel,  en  apparence  suspendus  entre  ciel  et  terre  et 
plus  grandioses  que  jamais. 

Thomson  rencontra  dans  ces  parages  des  trafiquants  revenant  du 
pays  des  Masai;  ils  lui  firent  comprendre  que  sa  caravane  était  trop 
petite  pour  s'y  aventurer,  car  jamais,  lui  dirent-ils,  on  ne  le  fait  avec 
moins  de  trois  cents  hommes. 

Néanmoins  tous  ses  préparatifs  étant  achevés,  il  quitta  Taveta  le 


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18  avril,  et  longeant  les  pentes  S.-O.  du  Kilimandjaro,  dès  le  lendemain 
il  abordait  le  pays  des  Masaï.  Arrivé  à  la  rivière  Habali,  il  apprend 
qu'une  forte  troupe  de  Masaï  est  campée  en  face  de  lui.  Bien  vite  il  se 
barricade  au  moyen  d'une  enceinte  d'épines  impénétrable,  et  y  met  une 
forte  garde  pour  empêcher  les  désertions,  ou  prévenir  une  attaque  noc- 
turne. Le  lendemain  il  s'avance  avec  toutes  les  précautions  possibles, 
en  se  cachant  dans  les  jungles  jusqu'à  ce  que  les  Masaï  soient  partis. 
Puis  il  s'établit  pour  quelque  temps  dans  le  voisinage  de  la  résidence  du 
chef  Mandara,  avec  lequel  il  a  une  entrevue  où  il  est  fi-appé  de  l'attitude 
princière  et  de  la  haute  intelligence  de  son  hôte. 

La  description  qu'il  fait  de  cette  région  mérite  d'être  citée. 
«  Les  nombreux  torrents  de  montagnes  de  la  région  des  pluies  et  de 
la  neige  ont  creusé  les  pentes  de  Chaga,  de  manière  à  former  un  ensemble 
très  varié  de  monts  et  de  vallées;  ici,  une  galerie  de  forêt  s'étend  en 
arceaux  sur  un  torrent  écumeux,  là,  c'est  im  bois  touflfu  élevé,  ailleurs 
une  clairière,  ou  encore  im  coin  de  pays  semblable  à  un  parc.  A  notre 
gauche,  la  vue  s'étend  sur  de  fertiles  pentes  cultivées,  d'oîi  s'élèvent  en 
spirale  des  colonnes  de  fumée  ;  de  là,  montant  plus  haut,  l'œil  sonde 
la  région  de  forêts  d'un  vert  sombre,  et  atteint  au  delà  une  zone  nue 
d'oïl  s'élancent  vers  le  ciel  les  masses  du  Kibo  et  du  Kimaouenzi.  A  l'est, 
dans  le  lointain,  Taveta,  et  au  delà,  la  plaine  bornée  par  les  pics  élevés 
de  Boura  et  de  Kadiaro,  élevant  au-dessus  de  l'horizon  leurs  roches 
noires  menaçantes.  Au  S.-O.,  une  riche  étendue  de  forêts  et  de  jungles, 
d'où  émergent  çà  et  là  des  monts  volcaniques  en  forme  de  pains  de 
sucre,  ou  des  masses  plus  bosselées  de  schistes  sortant  des  laves  et  des 
tufs.  A  travers  ce  voile  on  aperçoit,  comme  une  nappe  d'argent,  le  lac 
Jipé  entre  les  chaînes  tristes  et  sombres  des  monts  Ougono.*Ausud,  la  vue 
s'étend  sur  le  pays  bien  arrosé  de  Kahé  jusqu'aux  monts  Sogonoï.  Ce 
beau  panorama  est  complété  à  l'ouest  par  le  profil  magnifique,  quoique 
simple,  du  cône  volcanique  du  mont  Merou,  qui  surgit  de  la  plaine  envi- 
ronnante comme  une  pyramide  cyclopéenne.  » 

A  partir  die  Mandara,  on  traverse  en  quatre  marches  cette  délicieuse 
contrée  avec  ses  nombreux  cours  d'eau- et  rivières  coulant  vers  le  sud, 
et  Ton  arrive  à  Kibonoto,  sur.  le  flanc  occidental  du  Kilimandjaro. 
C'est  ici  que  les  caravanes  marchandes  font  provision  de  vivres, 
pour  traverser  le  pays  des  Masaï  dans  lequel  on  ne  trouve  que  du  bétail. 

A  Kibonoto,  Thomson  rejoignit  l'itinéraire  du  D'  Fischer,  qui,  peu  de 
jours  auparavant,  avait  eu  un  combat  avec  les  Masaï;  aussi  tout  le  pays 
était-il  en  fermentation  ;  quelque  faible  que  fût  sa  caravane,  en  compa- 


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raison  de  celle  de  son  prédécesseur  qui  comptait  600  hommes,  le  voya- 
geur écossais  résolut  de  faire  au  moins  un  essai  pour  passer.  Il  atteignit 
les  kraals  des  Masal,  à  Ngaré-N'Erobi  dans  le  Sigirari,  où  il  fut  d^abord 
bien  reçu;  mais  les  guerriers  masaï  devinrent  bientôt  turbulents  et 
agresseurs,  et  en  un  moment  tout  le  pays  fut  en  armes  pour  venger  sur 
la  petite  troupe  l'insuccès  de  la  lutte  contre  le  D' Fischer,  Thomson 
profita  de  l'obscurité  de  la  nuit  pour  se  replier  en  hâte  sur  Taveta,  et 
gagner  de  là,  avec  dix  de  ses  hommes  et  à  marches  forcées,  Mombas, 
afin  d'y  recruter  des  hommes  pour  sa  caravane.  Puis  il  revint  à  Taveta, 
où  il  retrouva  tout  son  monde  sain  et  sauf.  En  outre  une  forte  caravane 
de  Pangani  se  disposait  à  partir  peu  de  jours  après  pour  Tintérieur;  il 
réussit  à  entrer  en  communication  avec  le  conducteur  Joumba-Einia- 
meta,  qui  lui  permit  de  l'accompagner  jusqu'au  delà  de  la  première 
étape  ;  les  autres  trafiquants  refusèrent ,  il  est  vrai ,  d'avoir  aucun 
rapport  avec  lui,  mais  Kimameta  leur  déclara  que  plutôt  que  de  voir 
le  voyageur  européen  arrêté,  il  le  porterait,  lui,  sur  ses  épaules. 

Les  caravanes  combinées  résolurent  d'adopter  la  route  qui  passe  à 
l'est  du  Kilimandjaro;  elle  avait  été  fermée  pendant  plusieurs  années 
par  suite  de  nombreux  cômbate  entre  les  marchands  et  les  Masal  de 
Lytokitok  ;  mais  étant  en  force,  les  caravanes  ne  craignaient  pas  leurs 
attaques.  Longeant  le  Versant  oriental  du  Kilimandjaro,  elles  traversè- 
rent un  pays  de  pâturages,  entr^  la  base  de  la  montagne  et  la  Loumi; 
les  bords  de  cette  rivière  plantés  d'arbres  marquent  la  ligne  de  sépara- 
tion entre  le  sol  fertile  et  les  étendues  désertes  de  la  Nyika,  ainsi 
qu'entre  les  roches  volcaniques  etles  roches  métamorphiques.  De  là,  elles 
atteignirent  l'Ouseri,  cours  d'eau  qui,  avec  les  tributaires  venant  de 
Kimangelia,  forme  les  sources  du  Tzavo,  un  des  bras  de  la  Sobaki.  Ces 
rivières  ont  ceci  de  remarquable,  qu'elles  naissent  à  la  base  du  Kili- 
mandjaro, tandis  que  toutes  celles  du  Chaga  prennent  leurs  sources  bien 
haut  dans  la  montagne. 

A  mesure  que  l'on  s'avance  vers  le  nord,  le  sol  s'élève  graduellement 
jusqu'au  delà  de  Kimangelia,  où  il  atteint  son  point  culminant  (1600"). 
Le  gibier  y  est  extrêmement  abondant.  Plusieurs  fois,  M.  Thomson  fut 
exposé  à  des  attaques  de  la  part  de  rhinocéros  qui  se  précipitèrent  sur 
la  caravane.  L'un  d'eux,  en  particulier,  la  chargea  avec  fureur,  et  le 
voyageur  ne  réussit  à  l'arrêter  qu'en  déchargeant  sur  lui  sa  dernière 
cartouche.  A  Kimangelia  un  buffle  dispersa  la  caravane,  lança  un  âne  en 
l'air  et  tua  presque  deux  hommes  ;  toutefois  une  baUe  en  eut  raison. 

A  partir  de  Kimangelia,  la  route  incline  vers  l'ouest,  et  dans  la  vaste 


—  59  — 

plaine  du  Ngiri  Texpédition  retrouve  les  Maaal,  mais  elle  apprend  de 
quelques  anciens  que  tous  les  guerriers  de  cette  région  sont  partis  pour 
faire  la  guerre  au  loin.  Ngiri  semble  é£re  le  fond  desséché  d'un  grand 
lac,  qui  fournissait  vraisemblablement  au  Kilimandjaro  Teau  nécessaire 
à  son  activité  volcanique.  L'altitude  en  est  de  1200"  ;  on  y  trouve  encore 
des  étangs,  des  marais  alimentés  par  des  sources,  car,  chose  singulière, 
il  ne  descend  pas  une  seule  rivière  de  tout  le  versant  septentrional  du 
Kilimandjaro. 

Du  centre  de  la  plaine  de  Ngiri,  la  vue  est  de  nature  à  faire  une 
grande  impression.  Pas  une  seule  inégalité  de  terrain  pour  rompre  la 
monotonie  de  la  plaine,  pas  un  brin  d'herbe  pour  corriger  l'aspect  nu 
du  sable  humide  qui,  chargé  de  sels  divers,  empêche  la  végétation  de 
se  former.  Çà  et  là  cependant,  dans  le  lointain,  on  aperçoit  quelques 
nappes  d'eau  entourées  d'une  ceinture  d'herbe  verte,-  tandis  que 
quelques  arbres  noueux  ou  quelques  buissons  rabougris  indiquent  les 
endroits  oîi  jaillissent  des  sources  d'eau  fraîche.  Ailleurs  ce  sont  des 
espaces  couverts  d'une  croûte  de  natron  et  de  salpêtre,  formée  par 
efflorescence  ou  par  l'évaporation  de  l'eau  des  sources;  ils  font  à  l'œil 
re£fet  de  nappes  de  neige  blanche,  ou  de  lacs  d'une  belle  eau  claire, 
et  aux  rayons  du  soleil  ils  resplendissent  comme  l'astre  du  jour  lui- 
même.  Malgré  le  caractère  désolé  de  la  scène,  la  vie  animale  y  abonde. 
La  girafe  paît  entre  les  buissons  qui  entourent  les  étangs,  les  fauves 
gambadent,  où  se  promènent  en  grandes  troupes  à  travers  les  plainas 
de  natron,  tandis  que  le  zèbre  paît  tranquillement  en  longues  files  dans 
des  pâturages  éloignés.  Plusieurs  autres  espèces  animent  le  paysage, 
en  nombre  suflBsant  pour  que  l'on  se  demande  conunent  elles  peuvent 
vivre  dans  ce  désert  extraordinaire.  Des  effets  de  mirage  font  apparaître 
les  fauves  comme  des  fantômes  se  mouvant  dans  l'atmosphère,  tandis 
que  l'air  échauffé  mobile  au-dessus  des  sables  imprime  un  mouvement 
curieux  aux  raies  noires  et  blanches  des  zèbres. 

A  travers  une  pâle  brume  apparaît  le  Kilimandjaro  s'élevant  abrupt 
vers  les  nues,  sans  aucune  habitation  sur  ses  pentes.  A  l'O.-S.-O.,  la 
pyramide  du  mont  Merou;  au  N.-O.,  les  pics  de  N'dapdouk  et  la  masse 
sourcilleuse  du  Donyo-Erok;  au  N.,  les  hauteurs  moins  importantes  du 
Matoumbato,  et  tout  au  loin,  au  N.  et  à  TE.,  les  monts  Oulou  et  Kyoulou, 

(A  suivre.) 


—  60  — 

CORRESPONDANCE 

liettres  de  M.  de  Pour  talés,  de  ¥i¥l. 

Nous  devons  à  robligeance  de  M"'^'  la  comtesse  de  Pourtalès-Saladin  la  com- 
munication de  lettres  de  notre  compatriote,  actuellement  à  Vivi,  et  Paimable 
autorisation  d'en  extraire  les  morceaux  qui  nous  ont  paru  les  plus  propres  à  faire 
bien  connaître  à  nos  lecteurs  soit  le  Bas-Congo,  soit  la  station  elle-même  de  Vivi, 
si  importante  dans  l'œuvre  de  l'Association  internationale.  Nos  abonnés  lui  en 
seront  certainement,  comme  nous  le  sommes  nous-mêmes,  très  reconnaissants. 

l*""  octobre. 

Après  le  déjeuner  chez  M.  de  Kuyper,  agent  de  l'Association,  à  Borna,  nous 
allons  visiter  le  sanitarium,  joli  bâtiment  en  bois,  avec  chambres  de  malades,  spa- 
cieuses et  bien  aérées  ;  magnifique  véranda,  avec  vue  splendide  du  haut  de  la 
coupole  d'une  colline  dominant  des  vallons  de  tous  côtés.  Dans  un  de  ces  vallons 
coule  une  rivière  très  peu  large,  la  rivière  des  Crocodiles,  où  ces  animaux  abon- 
dent ;  on  les  voit  en  grande  quantité  sur  la  berge.  Tout  le  monticule  est  garni  de 
grands  baobabs  épars  qui  font  un  bel  effet  avec  leurs  troncs  énormes  et  leur 
grand  fruit  allongé  comme  un  petit  ballon  pendant  à  une  corde  d'un  pied  de  long... 
Nous  faisons  connaissance  avec  le  D**  Allart,  homme  d'un  certain  âge  déjà,  d'une 
amabilité  et  d'une  serviabilité  rares.  Il  est  passionné  de  sa  création,  de  son  sani- 
tarium^  comme  il  l'appelle,  et  ne  peut  se  lasser  d'en  montrer  jusqu'aux  moindres 
détails,  ni  de  raconter  les  péripéties  et  les  difficultés  par  lesquelles  il  a  dû  passer 
pour  arriver  à  un  tel  résultat... 

Ail  heures,  départ  pour  Yivi.  Du  bateau  la  vue  de  Borna  est  charmante.  Mais 
à  mesure  qu'on  remonte  le  Congo,  ses  rives  montagneuses  rappellent  le  Rhin, 
avec  cette  différence  que  leur  aspect  est  celui  de  la  désolation,  par  suite  de  la 
coutume  des  indigènes  de  mettre  le  feu,  en  cette  saison,  aux  graminées  de  près 
de  quatre  mètres  de  hauteur.  C'est  le  procédé  qu'ils  emploient  pour  fumer  la 
terre  et  permettre  à  l'herbe  tendre  de  pousser,  car  le  printemps,  la  petite  saison 
des  pluies,  va  arriver.  Figurez-vous  tout  un  pays  de  montagnes  noirci  par  le  feu, 
des  rochers  énormes  tout  calcinés,  et  vous  comprendrez  l'effrayante  beauté  de  ce 
pays...  Une  atmosphère  de  plomb  vous  enveloppe,  rendue  plus  accablante  encore 
par  la  chaleur  qui  rayonne  de  la  chaudière  de  notre  petit  vapeur.  Dans  le  fieuve, 
deux  ou  trois  Ilots  de  rochers  sans  végétation  aucune,  hors  un  ou  deux  troncs 
d'arbres  morts  dirigeant  vers  le  ciel  une  branche  nue,  comme  tordue  par  la  souf- 
france et  le  désespoir.  Sur  la  berge,  de  monstrueux  crocodiles,  et  parfois  sur  l'arête 
d'un  rocher,  la  silhouette  d'un  indigène  accroupi  et  immobile,  regardant  notre 
bateau  sans  faire  un  mouvement  et  comme  pétrifié.  Sur  tout  cela  est  répandu  ce 
quelque  chose  d'indéfinissable,  de  mystérieux  qui  caractérise  l'Afrique.  L'Euro- 
péen n'est  pas  habitué  à  voir  un  fleuve  immense  sans  navigation  et  sans  localités 
sur  ses  bords.  Ici,  rien  que  le  bruit  des  tourbillons  produits  par  un  courant  d'une 
puissance  si  énorme  que  notre  bateau,  en  certains  endroits,  n'a  plus  l'air  d'avan- 
cer, et  qu'il  est  roulé  comme  par  une  houle  immense.  Cependant  ce  spectacle 
lugubre,  ce  silence,  cette  immobilité  dans  la  création  sont  d'une  sévérité  et  d'an 
grandiose  émouvants...  ' 


—  61  — 

Après  un  tournant,  et  à  quelques  kilomètres^  le  fleuve  paratt  barré  par  une 
chaîne  de  hauteurs  toujours  plus  élevée...  ;  silr  notre  gauche,  dans  un  espace  libre 
de  montagnes,  se  présente  un  grand  terrain  d'alluvion  avec  palmiers,  où,  paralt-il, 
se  promènent  souvent  des  éléphants.  Nous  traversons  le  fleuve  pour  éviter  le  cou- 
rant très  fort  qui  existe  autour  d'un  promontoire  fort  élevé  et  escarpé  de  la  rive 
sud,  au  haut  duquel  est  située  la  station  de  la  mission  baptiste  qui  a  hissé  le  dra- 
peau anglais.  Nous  nous  arrêtons  un  instant  sur  la  rive  nord,  à  Ikoungoula  (sta- 
tion de  l'Association),  pour  y  déposer  quelques  provisions,  puis,  retraversons  le 
fleuve  toujours  pour  éviter  le  courant.  De  l'autre  côté,  nous  nous  arrêtons  à 
N'Callacoula,  à  la  factorerie  anglaise.  C'est  de  là  qu'on  aperçoit  pour  la  première 
fois  Yivi,  ou  plutôt  Nouveau-Vivi,  aux  quelques  maisons  blanches,  sur  le  versant 
en  pente  douce  d'une  montagne  dont  la  sommité,  bien  au-dessus  et  en  retrait, 
paraît  être  très  élevée. 

La  ressemblance  avec  le  Rhin  devient  de  plus  en  plus  frappante.  Il  y  a  là  des  ' 
montagnes  qui  rappellent  tout  à  fait  la  Loreley.  Ce  sont  les  mêmes  dimensions  et 
les  mêmes  formes,  seulement  la  végétation  et  la  culture  manquent,  ainsi  que  le 
moindre  espace  libre  au  pied  des  monts,  qui  permette  de  créer  un  passage  le  long 
du  fleuve.  Immédiatement  au  bord  de  l'eau  toutefois,  se  dessine  une  ceinture 
d'arbres  bien  verts  et  bien  feuilles,  que  le  voisinage  de  l'eau  a  sauvés  de  l'incendie 
Ces  arbres  croissent  dans  les  interstices  de  ces  rochers  de  Titans. 

Quelques  moments  encore  de  navigation  et  nous  apercevons  Vieux- Yivi,  avec  sa 
maison. construite  par  Stanley,  un  toit  immense  sur  rez-de-chaussée,  abritant  en 
outre  une  grande  véranda,  et,  émergeant  de  ce  toit,  la  chambre  haute  de  Stanley, 
cube  blanc  surmonté  d'un  autre  toit  en  forme  de  cône.  Cette  construction  est  située 
sur  un  promontoire  de  la  haute  montagne  Léopold,  qui  domine  toute  la  contrée. 
Ce  contrefort  s'élève  en  forme  de  pyramide  très  escarpée,  surplombant  le  fleuve 
d'une  hauteur  de  250"  à  300". 

Le  Congo  se  rétrécit  de  plus  en  plus,  surtout  quand  nous  dépassons  un  promon- 
toire de  rochers  de  la  rive  sud,  baigné  en  amont  par  l'eau  d'une  anse  dans  laquelle 
le  courant  s'engouffre  ;  la  base  en  est  rongée  de  manière  à  lui  donner  l'apparence 
d'une  énorme  grenouille  au  repos.  De  l'autre  côté  se  trouve  une  autre  anse,  Belgique 
creek,  avec  de  charmants  îlots,  puis  vient  un  étranglement  du  Congo  avec  un  cou- 
rant d'une  puissance  effrayante  ;  il  paraît  qu!en  cet  endroit  de  tourbillons  le  fleuve 
est  insondable.  Nous  traversons  pour  aborder  à  un  banc  de  sable,  dans  une  petite 
anse  avec  belle  végétation,  à  la  base  de  la  montagne  pyramidale  du  Yieux-Yivi 
qui  tombe  à  pic  sur  nous.  Il  est  plus  de  6  h.  4u  soir,  l'heure  éternelle  du  coucher 
du  soleil  ici,  comme  5  h.  30  est  celle  de  son  lever.  Personne  ne  le  désire  plus 
longtemps  sur  l'horizon.  La  nuit  tombe  vite,  et  le  temps  de  gravir  la  côte  escar- 
pée qui  mène  à  Yieux-Yivi  suffit  pour  amener  la  nuit  close.  Même  alors  la  cha- 
leur est  accablante,  et  vous  souffrez  d'une  transpiration  pénible  que  rend  impar- 
faitement l'expression:  cuire  dans  son  jus. 

Arrivés  à  Yieux-Yivi  nous  le  trouvons  bondé  de  monde,  une  partie  du  person- 
nel de  la  station,  et  cinq  arrivants  amenés  par  VAmbrù.  Yieux-Yivi  est  néanmoins 
condamné  ;  une  grande  partie  des  magasins  ont  déjà  été  démolis  et  réédiflés  à 


,-* 


—  62  — 
Nouveau-Vivi.  Je  suis  encore  fort  heureux  de  trouver  une  ckambre  pour  moi  geai 
dans  ce  qu'on  appelle  l'écurie.  Heureusement,  la  guerre  et  les  manœuvres  habi- 
tuent à  tout,  sans  cela  la  première  impression  aurait  pu  être  fatale  pour  quel- 
qu'un qui  aurait  été  plus  gâté...  Mais  il  faut  se  rendre  au  plus  t6t  à  NouTeau-Vivi, 
résidence  du  chef  de  Vivi,  le  major  Farminter  et  du  colonel  de  Winton,  adiunis- 
trateur  général. 

En  pleine  obscurité  et  sans  aucune  connaissance  du  terrain,  je  descends  le  sen- 
tier qui  conduit  au  ravin  séparant  Yieux-Yivi  de  la  nouvelle  station.  Au  fond  da 
ravin,  l'on  passe  à  tâtons  un  pont,  sans  garde-fou,  de  Ô''  au-dessus  d'un  torrent 
encaissé.  Les  rails  du  petit  chemin  de  fer  établi  par  Stanley  ne  servent  qu'à  vous 
faire  trébucher.  Au  delà  du  pont,  je  gravis  une  côte  presque  à  pic  pour  atteindre 
ce  qu'on  appelle  ici  le  plateau^  c'est-à-dire  la  nouvelle  station  ;  le  mot  plateau 
n'est  pas  le  terme  propre,  car  il  s'agit  plutôt  du  versant  en  pente  douce,  dont  j'ai 
parlé. plus  haut. 

Ici  l'impression  change  heureusement  ;  je  trouve  le  major  Farminter  installé 
dans  une  chambre  spacieuse  avec  quelques  meubles  en  osier.  Le  long  des  parois 
de  cette  salle,  de  grandes  planches  recouvertes  d'éto£fe  forment  une  vaste  table 
sur  laquelle  sont  des  photographies,  des  casiers,  une  lampe,  etc.  Le  tout  a  l'air 
assez  confortable;  à  côté  de  la  chambre,  un  cabinet  de  toilette;  la  salle  à  manger 
divise  la  maison  en  deux  parties  ;  l'autre  côté,  exactement  semblable  à  l'apparte- 
ment du  major,  est  la  demeure  du  sous-chef,  M.  Shaw,  actuellement  malade  de  la 
fièvre  bilieuse. 

12  octobre. 

Je  fais  une  promenade  au  heach^  oCi  les  magasins  sont  établis  dans  un  site  ra- 
vissant, tout  au  bord  du  fleuve  au-dessous  du  Yieux-Yivi  :  anses,  criques,  embou- 
chures de  torrents  et  végétation  luxuriante  épargnée  par  le  feu,  donnant  asile  à 
de  nombreux  oiseaux,  tous  plus  beaux  les  uns  que  les  autres.  Devant  soi  le  fleuve 
immense  et  les  charmants  Ilots,  demi-rocheux,  demi-verdoyants,  où  les  crocodiles 
vont  faire  leur  sieste... 

Le  sommet  de  la  montagne  du  Yieux-Yivi  offre  une  surface  fort  étroite;  c'est 
en  partie  le  manque  d'espace  qui  a  fait  établir  la  nouvelle  station  sur  le  versant 
de  l'autre  côté  du  ravin.  A  son  extrémité,  du  côté  de  l'eau,  elle  a  à  peine  30  pas 
de  large,  et  forme  la  terrasse  de  la  maison  de  Stanley.  Yous  pouvez  vous  flgurer 
la  position,  presque  à  pic  sur  le  Congo,  limitée  à  l'est  par  le  torrent  qui  sépare 
les  deux  stations  et  profondément  encaissé  dans  un  lit  d'énormes  dalles.  Du  côté  de 
ce  torrent  la  plateforme  surplombe  un  précipice  dont  les  parois  de  rochers  sont 
verticales... 

J'ai  passé  nombre  de  soirées  en  cet  endroit,  ne  pouvant  me  lasser  d'admirer  de 
là  le  coucher  du  soleil,  là  lune  et  les  étoiles  qui  me  paraissent  plus  belles  encore 
qu'en  Europe.  De  cette  place,  le  mugissement  du  Congo  ferait  croire  au  bruit  de 
trains  de  chemin  de  fer  courant  sur  les  rives  du  fleuve.  Heureusement  qu'il  n'en 
est  rien  encore.  J'aime  mieux  notre  Congo  mystérieux... 

10  novembre. 

Jusqu'ici  j'ai  rempli  les  fonctions  de  sous-chef  de  station.  Tous  les  jours,  dès 


—  63  — 

5  h.  80  du  matin,  et  de  2  h.  à  6  h.  noas  sommes  occupés...  Yivi  étant  tête  de  ligne 
des  communications  jusqu'aux  Chutes  de  Stanley  en  aval  de  Nyangoué,  c'est  elle 
qui  reçoit  toutes  les  provisions,  les  étoffes,  etc.  Il  faut  correspondre  avec  l'Eu- 
rope et  avec  toutes  les  stations  du  Congo,  organiser  les  caravanes  qui  partent 
presque  journellement,  suivre  les  travaux  de  reconstruction  sur  le  nouvel  empla- 
cement, très  souvent  mettre  soi-même  la  main  à  l'œuvre  pour  montrer  aux  noirs  la 
manière  de  faire.  J'ai  dû  creuser  des  tranchées,  faire  le  menuisier,  l'emballeur,  etc. 
Actuellement  ma  santé  est  excellente  ;  mais  de  mardi  dernier  à  dimanche,  j'ai 
en  la  fièvre  à  laquelle  chacun  ici  doit  payer  son  tribut.  C'est  une  singulière  sensa- 
tion de  faiblesse,  beaucoup  de  douleurs  dans  les  membres.  La  maladie  a  été  très 
bénigne  pour  moi  ;  avec  de  la  quinine,  l'accès  a  bien  vite  passé,  et  maintenant 
toute  trace  de  malaise  a  disparu. 


BIBUOGRAPHIE' 

Dee  Zukunft  dee  Konqo-  und  GtTiNEAGEBiETE,  VOD  D'  J.  Falkcti' 
stein,  Weimar,  Geographisches  Institut,  in  12**,  36  p.  —  Au  moment  oii 
la  Conférence  africaine  vient  de  poser  en  principe  la  liberté  commer- 
ciale dans  le  bassin  du  Congo  et  de  ses  affluents,  il  est  utile  d'avoir, 
résumées  en  quelques  pages,  les  vues  d'un  voyageur  sur  le  commerce 
de  cette  région.  Le  D' Falkenstein  a  fait  partie  de  la  première  expédi- 
tion de  la  Société  africaine  allemande  à  la  côte  de  Loango  (1873-1875), 
pour  chercher  à  ouvrir  l'Afrique  centrale  équatoriale  par  la  côte  occi- 
dentale. Son  séjour  prolongé  dans  cette  partie  du  continent,  ses  voyages 
aux  principaux  ports  de  la  côte  et  dans  les  établissements  européens  du 
Congo  inférieur,  lui  ont  fourni  une  connaissance  exacte  des  conditions 
commerciales,  des  procédés,  des  intermédiaires  entre  les  factoreries  et 
les  nègres  de  l'intérieur,  des  produits  du  pays  et  des  marchandises 
importées,  des  chances  que  peuvent  présenter  des  plantations  bien 
dirigées,  des  nécessités  d'une  transformation  dans  les  rapport*? 
d'échange,  etc.  L'auteur  ne  se  borae  pas  à  exposer  ses  observations 
personnelles;  il  donne  aussi  la  parole  à  MM.  Hûbbe-Schleiden  et 
Wœrmann,  dont  les  opinions,  quelque  divergentes  qu'elles  soient,  doi- 
vent être  pesées  mûrement,  par  tous  ceux  qui  veulent  s'éclairer  sur  les 
perspectives  plus  ou  moins  favorables  que  l'ouverture  du  bassin  du 
Congo  peut  offrir  au  commerce  européen. 

GuiNEA  UND  KoNOo-KllsTEN  im  Massstabe  von  Veoûoooo-  Kolonial 
karte  n*  2.  Weimar,  Geographisches  Institut.  —  Depuis  que  le  désir  du 
peuple  allemand  de  posséder  des  colonies  sur  la  côte  d'Afrique  a  revêtu 

*  Ou  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bàle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  cwilisée. 


3i 


1 


—  64  — 

une  forme  concrète,  l'Institut  géographique  de  Weimar  a  jugé  néces- 
saire de  fournir  au  nombreux  public  qui  s'intéresse  à  la  question  colo- 
niale, des  cartes  des  territoires  acquis  ou  annexés  à  la  suite  de  la  pro- 
clamation du  protectorat  de  Tempire  allemand.  Dans  une  première, 
arrivée  bien  vite  à  sa  quatrième  édition,  il  avait  donné  la  «partie  de 
l'Afrique  australe  dont  Angra-Pequena  est  le  centre.  La  seconde  que 
nous  annonçons  présente  la  région  du  golfe  de  Guinée,  de  Monrovia  à 
St-Paul  de  Loanda,  avec  des  cartons  pour  la  côte  des  Esclaves  où  se 
trouve  le  territoire  de  Togno,  et^our  la  baie  de  Çameroon  ;  elle  tient  le 
milieu  entre  les  petites  cartes  générales  qui  ne  peuvent  donner  une 
idée  du  relief  du  pays,  et  les  grandes  cartes  destinées  seulement  aux 
spécialistes.  Elle  offre  en  outre  des  renseignements  utiles  sur  la  ligne 
des  vapeurs  de  Hambourg  à  Ambriz,  avec  indication  des  escales.  Les 
stations  françaises  de  l'Ogôoué  et  celles  de  l'Association  internationale 
y  sont  aussi  marquées. 

Afrika.  Der  dunkle  Erdtheil  im  Lichte  unserer  Zeit,  von  A,  v. 
Schweiger-Lerchenfeld.  Wien  (A.  Hartleben),  1885,  in-S**,  mitSOOlllus- 
trationen  in  Holzschnitt  und  18  colorirten  Karten,  fr.  24.  —  Nous  ne 
pouvons  aujourd'hui  qu'annoncer  le  nouvel  ouvrage  de  M.  Schweiger- 
Lerchenfeld,  auteur  bien  connu  par  celui  qu'il  a  publié  sur  l'Orient. 
Le  livre  dont  la  première  livraison  vient  de  paraître,  et  qui  en  aura  30, 
de  32  pages  chacune,  est  imprimé  avec  un  grand  luxe  de  typographie 
et  d'illustrations,  sans  parler  des  nombreuses  cartes  qui  doivent 
l'accompagner.  Outre  une  introduction  dans  laquelle  l'écrivain  passe  en 
revue  à  grands  traits  l'histoire  de  la  découverte  du  continent  noir,  des 
temps  les  plus  anciens  jusqu'à  nos  jours,  cette  piç^mière  livraison  con- 
tient le  conunencement  de  la  première  partie  de  l'ouvrage  consacré  à  «. 
l'Afrique  australe.  Plus  tard  viendront  successivement  l'Afrique  cen- 
trale, le  Soudan,  le  Sahara,  l'Afrique  septentrionale,  l'Afrique  N.-E., 
et  les  îles.  La  première  livraison  renferme  déjà  une  carte  politique  de 
l'Afrique  avec  quatre  cartons,  pour  le  territoire  du  Bas-Congo,  la  côte 
de  l'embouchure  du  Niger  au  Gabon,  le  pays  qui  entoure  Angra- 
Pequena  et  les  environs  de  Khartoum.  Le  cartographe  s'est  un  peu 
trop  hâté  en  attribuant  aux  possessions  allemandes,  la  côte  au  nord  de 
la  colonie  de  Natal  jusqu'à  la  baie  de  Delagoa  et  le  Zanguebar.  Nous 
reviendrons  sur  cette  publication,  à  laquelle  le  soin  de  l'auteur  à  faire 
parler  les  pionniers  de  l'exploration  africaine,  et  celui  de  l'éditeur  à 
illustrer  le  mieux  possible  les  descriptions  de  la  nature  ou  les  scènes 
de  la  vie  des  voyageurs  et  des  indigènes,  promettent  un  grand  succès. 


t"7,-J 


A. 


34^ 


ÉR  A 


B 


4,  &  » 


D 


VICTOl 


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ÉCHANGES 


Amsterdam. 

Anvers. 

Berlin. 

Brème. 

Bruxelles. 

Berlin. 


SooiétéB  de  géographie. 

Constantine.  Handsonrg.      Lisbonne.        Nancy. 

Douai.  léna. 

Francfort  "/M.  Le  Caire. 

Greifswald.  Leipzig. 

Halle.  Lille. 


Jjvon. 

Madrid. 

Marseille. 


New- York. 

Oran. 

Paris. 


Montpellier. 
Sociétés  de  géographie  coxninajciale. 

Bordeaux.         Paris.         Porto.  Saint-Gall. 

Missions. 


Rochefort. 
Rome. 
Rouen. 
Vienne. 


Le  Havre. 


Journal  des  nussions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XIXn»«  siècle 

(Neuchâtel). 
lournal  de  TUnité  des  Frètes  [rnoraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon).      ^ 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Bannen). 
Berliner  Missions-Beriehte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bâle). 

Evangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
Calwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgemeine  Missions -Zeitschrift  (Gilters- 

loh). 
Glaubensbote  (Bâle). 
Airica  (Londres). 
La  Nigrizia  (Vérone). 


Church  missionary  Intelligencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionary  (New- York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Chronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Church  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  uDited  presby- 
terian  Church  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Woman's  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Divers. 


Gazette  géographique  et  Exploration  (Pa- 
ris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Al^er). 

Bulletin  du  (lomice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  TAcadémie  d'Hippone  (Bone). 

Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Le  Mouvement  .géographique  (Bruxelles). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  fUr  Géographie  und 
Statistifc  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischcn  Gesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fttr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  fUr  wissenschaftliche  Géogra- 
phie (Lahr). 

Aus  allen  Welltheilen  (Leipzig). 


Deutsche  Kolonialzeitung  (Francfort  s/M). 

Chamber  of  Commerce  Journal  (Londres;. 

African  Times-  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine*s  Friend  (Londres). 

African  Repository  (V^ashington). 

Observer  (Monrovia). 

Esploratore  (Milan). 

Cosmos  (Turin). 

BoUettino  délia  Societa  africana  d'Italia 
(Naples). 

Esplorazione  (Naples). 

Marina  e  Commercio,  e  Giornale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Boletin  de  la  Ëxploradora  (Vitoria). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Revista  de  EÎstudos  Livres  (Lisbonne). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 

Proceedings  of  the  royal  geographical 
Society  and  monthly  Record  of  geogra 
phy  (Londres). 

Natal  Mercury  (Durban). 

Cape  Argjis  (Cape-Town). 

West  African  Reporter  (Sierra  Leone) 


Toup  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indépendant  (Constantine). 

Moniteur  de  TAlgêrie  (Alger). 

Bf  A.  Petermann  s  Mittheilungen  (Gotha) 


Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

Bulletin  mensuel 41 

Nouvelles  complémentaires 51 

Expédition  de  I^r  J.  Thomson,  de  Mombas  au  Victoria-Nyanza, 

PAB  le  pays  des  Masaï —  ...       54 


^ 


GORBESPONDAKCE  : 

Lettre  de  M.  de  Pourtalès,  de  Vivi 60 

Bibliographie  : 

Die  Zukuttft  der  Kongo-  und  Guineagebiete,  von  D*"  J.  Falkenstein. .  63 

Gainea  und  Kongo-Kûsten-Kolonial  Earte,  N°  2 68 

AMka.  Der  dunkle  Erdtheil  im  Lichte  unserer  Zeit,  von  A.  v. 

Schweiger-Lerchenfeld 64 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Paul  Melon.  La  nécropole  phénicienne  de  Medhia.  Paris  (Ernest  Lero^),  1884, 

m-8<>,  8  p.  et  pi.  Extrait  de  la  "Rmu^  archéologique» 
Les  Belges  au  Congo.  Publié  par  le  Mouvement  géographique,  Bruxelles  (Institut 

national  de  géographie),  in-fol.,  24  p.  avec  portraits,  cartes  et  vues,  fr.  8. 
A.  Barthélémy.  Guide  du  voyageur  dans  la  Sénégambie  française.  Bordeaux  (fia- 
'  reaux  de  La  CHronde  et  Paris,  A.  Barbier,  182,  boul.  S*-Germain),  1884,  in-12, 

331  p.  et  carte,  fr.  5.  -    - 

A  travers  le  Fouta-Diallon  et  le  Bambouc,  par  Ernest  Noirot,  attaché  à  la  mission 

Bayol.  Paris  (Maurice  Dreyfous),  in-8<»,  360  p.  avec  pi.  et  carte,  fr.  5. 
Afrika.  Der  dunkle  Erdtheil  im  Lichte  unserer  Zeit,  von  A.  -v.  Schweiger-Ler- 

chenfeld.  1  Lieferung.  Wien,  Pest,  Leipzig  (A.  Hartleben),  în-8%  avec  gravures 

et  cartes  ;  30  livraisons  à  fr.  0,80. 
Life  in  the  Soudan.  Adventures  among  the  tribes,  and  iravels  in  Egypt,  in  18ÔI 

and  1882,  by  D'  Josiah  Williams  F.  R.  G.  S.  London  (Remington  et  C*»),  1884, 

in-8^  838  p.  illustr. 
Die  deutsche  Kolonie  Kamerun,  von  D'  Ant.  Reichenow.  Mit  einer  Karte.  Berlin 

(Gustav  Behrend),  1884,  in-8<»,  51  p. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


GKNÈVE 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE.  ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIKIOÉ   PAS 

H.   OnstaTo  HOTNISR 

Membre  de  la  Oommission  internationale  de  BmxeUes  ponr  rexplomtioa  et  la  civilisation 
de  TAfrique  centrale;  membre  correspondant  de  PAcadôniie  d'Hipponej . 
et  des  Sociétés  de  ^ograpble  de  Marseille»  de  Nancy,  de  Loanda  et  de  Porto. 

KlîDiGâ  Par 

M.  Charles  FAURS 

Sucrétnire-Bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie  de  Oenére  /membre  correspondant  dos  Sociétés 
de  géograpbie  de  Lisbonne,  de  LoandA.  do  Porto,  de  Saint-Gall  et  de  Berne. 


UAfriqw  paraît  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d'an 
moins  20  pages  chacune  ;  le  texte  est  aocpnipagnè  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 

>   Le  prix  de  l'abonnement  annuel,  payable  d'avanee*  est  de  10  fWmes» 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  TUnion  postale  (première  zone)  ;  pour  les 
autres,  11  fr.  30.  - 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  TAfriquë,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a*  droit  à'im  compte  rendu. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  à  H.  Gnstave  Moynler, 
8,  rae  de  l'AtKénée*  1^  QenèYc  (Snifse). 


.  S'adreo«er  pour  les  abonnements  A  Tédltenr»  M.  H.  €(eorg«  à 
Oenéve  on  1^  BAle. . 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Ch.  Delagrave,  libraire.  15,  rue  Soufflot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  Cour,  45,  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  libraires,  Corso  Vittorio  Emmanuele/21,  à  Milan. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Querstr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Friederichsen  et  C^%  libraires,  Adrairalitatsstr,  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelm  FuiCK,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autriche). 

Trubnbr  et  G*%  libraires,  Ludgate  Hill,  57/59.  à  Londres  E.  G. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


A  VIA.  —  Nous  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  abonnés^  au  prix  de 
12  fr.  chacun,  un  certain  nombre  d'exemplaires  complets  de  la  U»»®,  de  la  IV^ 
et  de  la  F"*  année»  La  I"  et  la  Iir°^  sont  épuisées. 


—  65  — 

BULLETIN  MENSUEL  {2  niars  1885.)' 

A  l'occasion  de  l'éloge  du  colonel  Roudaire,  prononcé  dans  la  der- 
nière séance  de  la  Société  de  géographie  de  Paris,  M.  de  Lesseps  a 
annoncé  que  l'œuvre  du  défunt  ne  périra  pas  avec  lui.  Le  commandant 
Landas,  professeur  de  topographie  à  l'école  de  Saint-Cyr,  où  il  avait 
succédé  à  M.  Roudaire,  a  demandé  à  le  remplacer.  Le  ministre  de  la 
guerre  y  a  consenti.  Une  commission  a  été  nommée  pour  examiner  le 
dernier  projet  du  défunt,  la  création  d'un  port  à,  Gabés,  sorte  de 
préliminaire  de  l'entreprise  générale,  et  qui  servirait  comme  d'amorce 
à  la  mer  intérieure,  sur  une  côte  oh  les  vents  d'est  sont  très  dangereux, 
et  où,  sur  cent  lieues  de  longueur,  il  n^existe  pas  un  seul  port.  La  com- 
mission est  partie  pour  Gahès  le  12  février. 

A  l'heure  qu'il  est,  nous  ne  pouvons  que  nous  associer  à  la  profonde 
tristesse  causée  au  monde  civilisé  par  la  chute  de  Khartoum  aux  mains 
du  Malidl,  la  mort  de  Gordon  et  des  Européens  qui,  avec  lui,  y  repré- 
sentaient la  civilisation,  et  le  retour  de  la  barbarie  dans  une  région 
d'où  la  traite  était  refoulée,  et  où  l'on  pouvait  espérer  voir  l'esclavage 
lui-même  prochainement  aboli.  Le  gouvernement  du  Mahdi  et  de  ses 
partisans,  ne  fût-il  que  temporaire,  n'y  tolérera,  pas  plus  qu'à  El- 
Obéid,  ni  étabhssements  missionnaires,  ni  écoles  chrétiennes  ;  et  dans 
l'état  de  guerre  prolongée  que  l'on  peut  prévoir  pour  cette  partie  de 
l'Afrique,  les  progrès  que  les  indigènes  avaient  faits  dans  la  culture 
des  terres  aux  environs  de*  Khartoum,  ne  seront-ils  pas  arrêtés?  Ne 
le  sont-ils  pas  déjà,  par  l'insécurité  qui  y  règne  depuis  .trois  ans?  L'espoir 
devoir  aboutir  les  démarches  de  Mgr.  Sogaro  en  faveur  des  missionnaires 
prisonniers  du  Mahdi,  auquel  un  messager  a  été  envoyé  pour 
réclamer  leur  mise  en  liberté,  est  bien  ébranlé.  Nous  nous  deman- 
dons aussi  comment  Emin-bey,  gouverneur  de  la  province  égyptienne 
équatoriale  à  l'est  du  Nil,  a  pu  jusqu'ici  tenir  à  Lado  où,  d'après  le 
Bulletin  de  la  Société  de  géogra/phie  de  Rome ,  il  a  auprès  de  lui  les 
deux  explorateurs  Casati  et  Junker.  Il  semble  que  ceux-ci,  en  quittant 
le  bassin  de  l'Ouellé,  ont  renoncé  à  l'idée  de  se  diriger  vers  le  Congo, 
où  les  agents  de  l'Association  internationale  avaient  ordre  de  leur  don- 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  corn- 
plémentaires  y  sont  classées  sniyant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
reyenant  par  la  côte  occidentale. 

L'AFRIQUE.   —   SIXIÈME  ANNÉE.   —  N^   3.  3 


—  66  — 

ner  l'hospitalité.  Saiis  doute  en  revenant  àLado,  ils  comptaient  pouvoir 
rentrer  en  Europe  par  la  voie  du  Nil  et  de  la  mer  Rouge.  Mais  cette 
route  leur  est  fermée  plus  que  Jamaisj  Et  combien  de  temps  faudra-t-il 
à  l'Angleterre  pour  rouvrir  les  communications  par  la  vallée  du  Nil,  si 
sûre  encore  à  T  époque  où  Wilson  et  Felkin  la  suivaient,  pour  amener 
de  rOu-Ganda  les  trois  ambassadeurs  que  Mtésa  envoyait  à  la  reine 
Victoria  ? 

Nous  laissons  de  côté  les  incidents  de  la  politique  italienne  dans  la 
mer  Rouge  ;  mais  nous  devons  signaler  le  projet  de  loi  présenté  à  la 
Chambre  des  députés  de  Rome,  pour  l'amélioration  des  conditions  nau- 
tiques de  la  baie  d' Assab.  Les  travaux  en  perspective  sont  :  V  la 
construction  d'un  phare  dans  l'fle  Fatmah  ;  2''  l'érection  d'un  fanal  de 
port  au  cap  Buja,  et  3**  la  création  d'un  port  capable  de  recevoir  les 
grands  navires  de  commerce  qui  font  les  voyages  de  l'Orient.  —  La 
Société  italienne  de  navigation  va  établir  deux  lignes  de  vapeurs  pour 
la  partie  méridionale  de  la  mer  Rouge ,  Assab ,  Aden  et  la  côte  des 
Somalis ,  afin  de  satisfaire  aux  exigences  du  commerce  et  aux  besoins 
d' Assab.  La  Société  concessionnaire  recevra  une  subvention  mensuelle, 
en  échange  de  laquelle  elle  devra  faire  gratuitement  certains  transports, 
entre  autres  celui  des  membres  des  explorations  scientifiques.  Le  service 
sera  divisé  en  deux  parties,  l'une  pour  Assab  et  Aden,  l'autre  pour 
Assab  et  Massaoua. 

La  Société  de  géographie  de  Rome  a  reçu  du  comte  Antonelli  et 
du  D'  Rai^zzi  des  lettres  annonçant  leur  heureuse  arrivée  au  Ch€>a. 
Datées  de  Borou-ljliéda,  le  7  novembre  1884,  ces  missives  sont  parvenues 
à  Assab  en  un  mois.  Les  voyageurs  avaient  été  reçus  avec  de  grandes 
démonstrations  de  respect  par  rojBScier  du  roi,  Azagé-Waldé-Tzadek. 
Antonelli  resta  à  Borou-Miéda  pour  y  attendre  Ménélik,  tandis  que  le 
D'  Ragazzi  se  rendait  à  Let-Marefia,  la  station  italienne  fondée  par 
Antinori.  La  santé  des  voyageurs  était  très  bonne.  La  route  qu'ils  ont 
parcourue,  de  Bouldhoughoumà  Gafra,  est  entièrement  nouvelle.  D'après 
les  observations  faites  par  le  comte  Antonelli,  Gafra  doit  être  placé  à 
une  soixantaine  de  kilomètres  au  sud  de  l'emplacement  qui  lui  est 
assigné  par  les  cartes  italiennes. 

Antonelli  a  conclu  avec  Ménélik,  au  nom  du  roi  d'Italie  et  pour  dix 
ans,  un  traité  plus  complet  que  la  convention  passée  avec  Mohamed- 
Anfali,  sultan  des  Aoussa,  mentionnée  dans  notre  dernier  numéro  (p. 
42).  Nous  ne  pouvons  en  indiquer  ici  que  les  principales  stipulations. 
Chacune  des  parties  contractantes  pourra  être  représentée  par  un  agent 


—  67  — 

diplomatique  auprès  de  l'autre  partie,  et'pourra  nommer  des  consuls  et 
des  agents  consulaires  pour  la  protection  du  commerce.  Les  «ujets  de 
chacun  des  âeux  pays  pourront  Kbremcmt  entrer  et  voyager  avec  leui-s 
effets  et  marchandises  dans  toutes  les*\)arties  des  deux  États,  et  joui- 
ront, pour  leurs  personnes  et  leurs  biens,  de  la  protection  constante  du 
gouvernement  et  de  ses  fonctionnaires.  Les  Italiens  au  Choa,  et  les 
habitants  du  Choa  en  Italie  pourront  librement  se  livrer  au  commerce,  à 
ragriculture  et  à  toute  industrie  non  contraire  aux  loi§.  Vu  les  diflB- 
culté«  qu'il  y  a  encore  à  voyager  au  Choa,  le  roi  Ménélik  promet  de 
faciliter  autant  qu'il  le  pourra  le  transport  des  bagages  et  des  mar- 
chandises appartenant  à  des  négociants  italiens,  en  accordant,  moyen- 
nant rétribution  équitable  aux  porteuHs;  les  bêtes  de  sonmie  et  tout  ce 
qui  sera  nécessaire  à  cet  effet.  Les  marchandises  appartenant  aux  Ita- 
liens paieront  au  Choa  un  seul  et  unique  droit  d'entrée  et  de  sortie  de 
5  7o  ad  valorem.  En  revanche,  les  marchandises  appartenant  aux  sujets 
du  roi  du  Choa  ne  paieront  aucune  taxe  d'importation  ni  d'exporta- 
tion, dans  le  territoire  de  la  colonie  italienne  d'Assab.  Les  deux  parties 
contractantes  feront  tout  ce  qui  sera  en  leur  pouvoir,  pour  établir  des 
relations  commerciales  fréquentes,  et  sûres  entre  le  Choa  et  Assab. 
Ménélik  agira  auprès  des  autorités  qui  dépendent  de  lui ,  afin  que  les 
Italiens  puissent  se  rendre  librement  d'un  pays  à  l'autre,  et,  en  cas 
d'offense,  obtenir  une  juste  réparation.  Il  s'engage  entre  autres  à 
employer  toute  son  influence  auprès  de  Mohamed-Anfali  pour  obtenir 
que,  moyennant  une  rétribution  annuelle  ou  un  droit  fixe  de  transit,  il 
surveille  la  route  entre  les  deux  pays  et  en  garantisse  la  sécurité  contre 
les  tribus  des  Danakils  et  des  SomaUsj  Le  roi  d'ItaUe  promet  de  concé- 
der gratuitement  aux  habitants  du  Choa  qui  viendront  à  Assab,  un 
emplacement  où  ils  puissent  construira  des  huttes  pour  tout  le  temps 
de  leur  séjour.  Les  autorités  consulaires  auront,  dans  chacun  des  deux 
pays,  la  juridiction  sur  leurs  ressortissants  respectife.  Le  roi  du  Choa 
aura  la  faculté  de  s'adresser  aux  autorités  italiennes  à  Assab  pour  toute 
lettre  ou  communication  qu'il  voudra  faire  parvenir  en  Europe,  aux 
gouvernements  auprès  desquels  ces  autorités  seront  accréditées.  SMl 
surgissait,  entre  le  gouvernement  italien  et  celui  du  Choa,  quelque  ques- 
tion qui  ne  pût  être  résolue  à  l'amiable,  elle  serait  soumise  à  l'arbitrage 
d'une  puissance  neutre,  et  la  sentence  arbitrale  serait  agréée  par  les 
deux  parties.  Au  bout  de  dix  ans  le  traité  pourra  être  revisé  d'un  com- 
mun accord. 
M.  Joies  Sleii^èS)  collaborateur  des  Mittheïlungen  de  Gotha,  est 


—  68  — 

heureusementrevenu  à  Berbera,  d'une  excursion  nouvelle  de  vingt  et  un 
jours,  qu'il  a  faite  à  rintérieur  du  pays  des  Somali»,  et  dans  laquelle 
il  a  exploré  un  territoire  encore  inconnu,  en  grande  partie  au  moins.  De 
Berbera  il  s'est  rendu  d'abord  h  la  plaine  de  Gerbatir,  puis  s'est  dirigé 
vers  l'est  jusqu'à  Golis,  d'où,  longeant  les  montagnes  vers  l'ouest,  il  a 
atteint  le  Gran-Libach  dont  il  a  fait  l'ascension.  Il  en  a  déterminé  la 
hauteur,  qu'il  estime  être  de  2100"  à  2200",  et  non  de  2800",  comme 
l'indiquent  les  cartes.  Après  cela,  il  a  parcouru  le  vaste  plateau  de 
Hékélo  et  est  revenu  vers  le  N.-O.  à  Boulhar,  d'où  les  nouvelles  de 
Berbera  l'ont  obligé  de  redescendre  à  la  côte;  sans  cela  il  aurait  encore 
visité  le  plateau  des  Ittou-Gallas  au  S.-O.  Ses  bons  rapports  avec  les 
Somalis  lui  auraient  permis  dfexécuter  ce  projet,  sans  rencontrer  de 
difficultés  autres  que  les  éternelles  demandes  de  cadeaux,  qui  font  des 
indigènes  de  véritables  mendiants. 

M.  Mengès  communique  aux  Mittheilimgen  de  Gotha  que  M.  tf  a^mes, 
l'auteur  des  Tribus  sauvages  du  Soudan j  a  quitté  Berbera  le  22  décem- 
bre, pour  pénétrer  dans  l'intérieur  avec  quatre  compagnons  de  voyage. 
Ils  comptaient  traverser  l'Og^aden,  pour  atteindre  le  liVebbî,  tribu- 
taire de  l'Océan  indien.  Le  27  décembre  ils  étaient  sur  le  plateau,  et 
se  dirigeaient  vers  Aroli  et  Toyo  sur  la  grande  route  de  l'Ogaden. 
M.  Mengès  doutait  de  la  réussite  de  leur  expédition,  leurs  provisions  de 
vivres  et  de  cadeaux  ne  lui  paraissant  pas  suffisantes  pour  répondre  à 
toutes  les  demandes  des  nombreuses  petites  tribus  dont  la  route  tra- 
verse le  territoire.  Cependant,  ajoute-t-il,  leur  libéralité  leur  a  obtenu 
déjà  un  très  bon  renom  parmi  les  Somalis.  On  croit  qu'ils  pourront 
attendre  la  partie  septentrionale  de  l'Ogaden,  à  10  ou  12  jours  de 
marche  de  Berbera,  mais  qu'ils  ne  pourront  pas  aller  jusqu'au  Webbi. 

De  retour  en  Angleterre,  M.  H.-H.  Johnston  a  rendu  compte  à  la 
Société  de  géographie  de  Londres  de  l'expédition  au  Kilimandjaro, 
dont  il  avait  été  chargé  par  cette  Société  et  par  l'Association  britanni- 
que. Nous  empruntons  les  détails  suivants  à  l'extrait  qu'en  a  publié 
ïAfrican  Times,  Après  beaucoup  de  difficultés  pour  obtenir  le  nombre 
d'hommes  nécessaires  à  l'expédition,  Johnston  quitta  Mombas  vers  la 
fin  de  mai  de  l'année  dernière,  à  la  tête  d'une  caravane  de  120  hommes, 
dont  un  quart  désertèrent  en  route.  Il  atteignit  la  montagne  au  com- 
mencement de  juin,  et  après  avoir  résidé  un  certain  temps  dans  le  ter- 
ritoire de  Mandara,  remarquablement  fertile  et  bien  arrosé,  il  aUa 
s'établir  à  Taveta  (voir  la  carte  p.  64).  Il  traversa  la  zone  cultivée  qui 
se  tennine  à  une  altitude  de  1800  mètres,  et  entra  dans  une  r^on 


—  69  — 

salubre  de  monticules  herbeux  entre  lesquels  courent  quantité  de  riviè- 
res ;  puis  il  établit  son  campement  au  delà  d'un  cours  d'eau  bordé  de 
fougères,  à  2100  mètres  de  hauteur.  Le  lendemain  il  rencontra  une 
forêt  d'arbres  rabougris  garnis  de  plaates  grimpantes,  oîi  les  bégonias 
projettent  de  branche  en  branche  leurs  clochettes  parfumées  ;  les  dra- 
céiiacées,  cultivées  par  les  Wa-Chagga,  pour  en  faire  des  haies,  y 
croissent  à  l'état  sauvage  ;  les  fougères  arborescentes  y  abondent.  Au- 
dessus  de  2300  mètres,  la  mousse  orseille  drape  les  arbres  de  la  forêt  de 
longs  festons  gris  ;  les  traces  d'éléphants  y  sont  très  nombreuses;  on 
rencontre  des  porcs  à  verrue  jusqu'à  2600  mètres.  A  3000  mètres,  John- 
ston  campa  pour  la  nuit  près  d'une  petite  source,  au  milieu  d'une  forêt 
dont  les  arbres  n'étaient  point  rabougHs  comme  ceux  de  la  zone  infé- 
rieure. Le  lendemain,  après  avoir  fait  plusieurs  kilomètres  dans  la 
direction  de  l'est,  afin  de  trouver  un  bon  emplacement  pour  s'établir 
près  d'un  cours  d'eau,  il  choisit  un  endl*oit  admirable  sur  un  monticule, 
à  3350  mètres,  dominant  la  Kilema  qui  prend  sa  source  à  la  base  du 
Kimaouenzi.  Ses  gens  construisirent  une  quinzaine  de  huttes,  couvertes 
de  bruyères  et  faites  de  manière  à  les  garantir  contre  la  pluie  et  le 
froid,  le  tout  entouré  d'une  forte  clôture  en  prévision  d'une  attaque. 
Chaque  nuit  le  thermomètre  descendait  à  un  ou  deux  degrés  au-dessous 
de  zéro.  S'élevant  plus  haut  encore ,  au-dessus  de  pentes  herbeuses 
seraées  de  plaques  de  neige,  à  4270  mètres,  ils  traversèrent  une  belle 
rivière  coulant  au  S.-S.-O.  au  milieu  d'une  épaisse  végétation.  On  y 
voyait  des  traces  de  buffles;  les  abeilles  et  les  guêpes  s'y  rencontraient 
encore.  A  une  altitude  de  4390  mètres,  Johnston  s'aperçut  que  l'eau 
était  chaude;  la  température  de  la  boue  humide  était  de  33°  centi- 
grades ;  la  végétation  que  l'on  rencontrait  par  place  était  rabougrie;  le 
sol  était  couvert  de  cailloux  ;  à4500  mètres  on  aperçut  le  dernier  oiseau. 
A  une  centaine  de  mètres  plus  haut,  la  montagne  fut  enveloppée  par  le 
brouillard  ;  puis,  tout  à  coup,  les  nuages  se  séparèrent  et  une  surface  de 
neige  apparut  au  voyageur,  mais  les  rayons  du  soleil  la  rendaient  si 
éblouissante,  qu'il  ne  put  guère  en  voir  les  détails.  Continuant  à  gra- 
vir, malgré  le  mal  de  montagne,  il  atteignit  enfin  la  limite  des  neiges, 
à  4940  mètres,  à  800  mètres  au-dessous  du  sommet  du  Kibo.  Il  redescen- 
dit par  une  autre  route  à  travers  un  pays  fertile,  bien  arrosé,  mais 
entièrement  inhabité;  les  buffles  et  les  éléphants  s'y  rencontrent.  La 
hauteur  moyenne  de  ce  district  est  de  3300  à  3600  mètres.  Enfin  il 
rentra  à  Taveta,  d'oti  il  regagna  la  côte  et  Zanzibar. 
Le  navire  anglais  Osprey  a  capturé  à  la  fin  de  novembre  dernier, 


—  70  — 

près  de  File  Pemba,  un  bâtiment  arabe  de  cinquante  tonnes,  conte- 
nant 169  esclaves  et  30  trafiquants.  L'embarcation  avait  quitté 
Mombas  huit  jours  auparavant,  et  les  <esclaves  n'avaient  rien  eu  à  man- 
ger depuis  cinq  jours,  ni  rien  à  koire  depuis  trois  jours.  Aussi  étaient-ils 
dans  un  état  lamentable,  et  quand  VOsprey  s'approcha  d'eux,  ils  firent 
presque  chavirer  le  bateau  en  s'avançant  en  dehors  pour  obtenir  de 
l'eau  et  des  vivres.  La  plupart  n'étaient  que  des  squelettes  vivants  ;  qua- 
tre enfants  moururent  immédiatement  après  la  capture.  L'infection  de 
leur  bateau  était  telle,  qu'après  leur  débarquement,  les  matelots  anglais 
qui  y  entrèrent  pour  le  nettoyer  en  furent  tous  malades.  Les  esclaves 
furent  transportés  àFrere-To^wn.  Au  retour  de  Mombas,  l'O^prey  aper- 
çut au  point  du  jour  deux  canots,  et  une  barque  ;  il  leur  donna  la  chasse; 
mais  loi-sque  les  négriers  se  virent  poursuivis,  ils  jetèrent  par-dessus 
bord  sept  de  leurs  esclaves,  dont  six  furent  noyés,  un  seul  fut  sauvé. 

Plus  au  sud,  le  consul  O'Neill  a  constaté,  dans  son  voyage  au  lac 
Ghiroua,  les  effets  déplorables .  de  la  traite  qui  sévit  encore  dans  les 
possessions  portugaises  de  l'Afrique  orientale.  Un  peu  avant  de  passer 
la  Mléla,  il  remarqua  le  long  de  sa  route  une  diminution  très  sensible 
du  nombre  des  villages;  la  vue  de  l'un  d'entre  eux,  Nerua,  désert  et  eu 
ruines,  lui  en  fit  comprendre  la  cause  ;  c'était  un  des  districts  exploités 
par  les  trafiquants  d'esclaves  de  la  côte.  Six  semaines  avant  son  arrivée, 
Nerua  était  encore  un  village  populeux  et  florissant,  conmie  il  put  faci- 
lement le  voir  au  grand  nombre  de  maisons  ruinées,  à  la  grandeui* 
des  cours  adjacentes  qui  n'avaient  pu  être  encore  recouvertes  par  la 
végétation.  L'œuvre  de  destinHition  avait  été  taite  par  un  trafiquant 
demi-caste,  né  d'une  mère  makouà  et  d'un  père  arabe,  associé  à  un 
chef  nommé  Hoshia  ;  tous  les  natifs  que  le  consul  britannique  inter- 
rogea lui  dirent  que  Nerua  n'était  pas  le  seul  village  qu'ils  eussent 
détruit,  jnais  qu'ils  avaient  étendu  leurs  opérations  et  porté  la  guerre 
dans  tout  le  pays  environnant.  Ce  n'est  qu'ainsi  qu'on  peut  expliquer 
la  dépopulation  de  la  région  côtière,  comparée  à  la  densité  des  habi- 
tants à  l'intérieur.  M.  O'Neill  a  constaté  en  effet,  que  leur  nombre  s'ac- 
croît beaucoup  à  l'ouest  des  mpnts  Inagou,  tandis  qu'elle  décroît  très 
fortement  à  l'est  de  la  Mléla.  —  Dans  ce  même  voyage,  M.  O'Neill  a 
remarqué,  qu'au  nord  du  lac  Chiroua  s'étend  un  bourrelet  de  ter- 
rain boisé  étroit,  de  5  à  10  mètres  de  hauteur  seulement,  qui  sépare  le 
lac  des  sources  de  la  LioojencUi.  Celle-ci  sort  du  marais  de  Mtoran- 
denga,  traverse  celui  de  Tambo,  puis  les  lacs  étroits  de  Chiouta  et 
d'Amaramba.  M.  O'Neill  croit  que  lorsque  les  eaux  du  lac  Chiroua 


•    1 


—  71  — 

seraient  extrêmement  hautes,  .il  ne  serait  pas  impossible  qu'elles 
8'écoulassent  dans  le  bassin  de  la  Loujenda;  mais  d'après  le  témoi- 
gnage des  indigènes,  ce  fait  ne  s'est  pas  produit  de  mémoire  d'honmie. 
Le  lac  n'ayant  pas  d'émissaire  au  sud,  on  est  obligé  de  l'envisager 
comme  un  lac  intérieur,  ce  qu'indique  bien  sa  salure.  Avant  le  voyage 
du  consul  anglais,  l'espace  compris  entre  Mozambique  et  le  lac  Chiroua 
était  encore  en  blanc  sur  les  cartes  ;  ses  observations  permettront  d'en 
compléter  la  cartographie. 

h'Afrkan  Times  a  publié,  dans  son  dernier  numéro,  une  lettre  de 
M.  Rog^ozinaky,  datée  de  Mandoleh,  de  laquelle  il  résulte  qu'il  a 
obtenu,  pour  son  expédition  polonaise,  une  concession  de  terrain  à  l'ouest 
de  Victoria,  au  pied  du  €amerooB.^Xa  voyant  menacée  par  la  pré- 
sence des  Allemands  dans  cette  région,  il  a  demandé  au  consul  anglais, 
M.  Hewett,  de  la  placer  sous  le  protectorat  britannique,  lui  promettant 
en  retour  d'user  de  son  influence  sur  lés  natifs,  pour  les  engager  à  solli- 
citer le  protectorat  de  l'Angleterre  tout  le  long  de  la  côte.  Le  28  août, 
il  aurait  conclu  une  convention  avec  les  indigènes  au  sujet  de  ses  pos- 
sessions à  Bota,puis  il  aurait  longé  la  côte  avec  le  lieutenant  Purlonger, 
et  signé,  avec  onze  chefs  natifs,  des  traités  analogues,  de  manière  à 
placer  tout  le  district  de  la  côte  sous  le  protectorat  anglais  '. 

Postérieurement  à  cette  lettre,  VAfrican  Times  annonce,  d'après 
une  nouvelle  arrivée  à  Varsovie,  que  M.  Rogozinsky  a  été  arrêté  par 
ordre  des  autorités  allemandes. — Des  lettres  du  milieu  de  décembre,  de 
Cameroon,  rapportent  que  des  centaines  de  natifs,  armés  de  carabines, 
ont  menacé  une  des  factoreries  de  M.  Wœrmann,  où  se  trouvait  le 
consul  allemand,  le  D'  Bûchner.  Sans  la  prudence  de  ce  dernier  et  des 
Européens  présents,  et,  sans  l'arrivée  opportune  du  D' Passavant,  avec 
quatre-vingts  nègres  de  Lagos  bien  armés,  une  collision  aurait  éclaté. 
—  A  la  fin  de  l'année  dernière,  lorsque  l'escadre  allemande  opéra  le 
débarquement  nécessaire  pour  la  prise  de  possession  des  territoires  pla- 
cés sous  le  protectorat  de  l'Allemagne,  elle  fut  attaquée  par  les  natifs 
qui  avaient  auparavant  brûlé  la  ville  de  Bell-town,  ime  de  celles  qui 
avaient  réclamé  la  protection  de  l'empire  allemand.  De  leur  côté  les 
troupes  allemandes  ont  incendié  la  ville  de  Hickory,  sur  la  rive  droite 
du  Cameroon.  Aux  dernières  nouvelles  la  tranquillité  était  rétablie. 

Quoique  le  chemia  de  fer  de  Dakar  à,  Salat-Liouis  ne  soit  pas 
terminé,  le  trafic  se  développe  d'une  manière  considérable  sur  les  deux 

'  Voir,  à  la  Correspondance,  la  lettre  du  D'  Passavant. 


—  72  — 

sections  de  Saint-Louis  à  Goumba-Gouéoul  (90  kilom.)i  et  dfe  Dakar  à 
Tivouanne  (92  kilom.).  Le  chemin  de  fertransporte  chaque  jour  de2,000 
à  2,500  sacs  d'arachides  et  des  bois  destinés  à  la  construction  des  bara-, 
ques  aux  abords  des  stations  Récemment  ouvertes.  Les  villages  des 
Thiès  et  de  Tivouanne,  qui  n'avaient  naguère  qu'une  cinquantaine 
d'indigènes  avec  quelques  cases ,  sont  maintenant  animés  chaque  jour 
par  3,000  ou  4,000  noirs,  venant  de  tous  les  points  du  Cayor  apporter  et 
acheter  des  marchandises  aux  négociants  qui  y  ont  installé  des  comp- 
toirs. Les  files  de  chameaux  se  succèdent  sans  discontinuer; 'les  arachi- 
des qu'ils  apportent  sont  expédiés  à  Rufisque. 


NOUVELLES  GOMPIiÊMENTAIRBS 

Le  cardinal  Lavigerie,  fondateur  des  missions  d'Alger,  a  obtenu  du  saint-siège 
l'établissement  à  Rome  des  jeunes  missionnaires  destinés  aux  diiférents  champs 
de  travail  de  l'Afrique  centrale  placés  sous  sa  direction. 

La  Société  africaine  d'Italie,  dont  le  siège  central  est  à  Naples,  a  maintenant 
des  sections  à  Florence,  à  Chioti  et  à  Bari,  et  des  comités  à  Ayellino,  Terni, 
Palerme  et  Alexandrie  d'Egypte. 

Sur  les  instances  de  l'agent  consulaire  d'Italie  à  Massaoua,  le  roi  d'Abyssinie  a 
donné  l'ordre  d'arrêter  le  guide  qui  a  trahi  Bianchi  et  ses  compagnons  et  de  le 
livrçr  à  l'autorité  italienne. 

Plus  heureux  que  Bianchi,  M.  A.  Franzol  a  réussi  dans  son  expédition  du  Choa 
au  Ghera,  où  il  se  rendait  pour  réclamer  les  restes  de  l'infortuné  Chiarini.  Tra- 
versant le  Limmou,  le  Gimma  et  le  Coma,  il  a  atteint  Cialla,  la  capitale  du  Ghera, 
dont  le  roi  a  fait  droit  à  sa  demande.  A  son  retour,  il  a  fait  un  séjour  prolongé  au 
Choa,  d'où  il  est  redescendu  à  Assab. 

Un  projet  de  loi  portant  ouverture  au  ministère  français  de  la  marine  et  des 
colonies  d'un  crédit  de  450,000  francs  environ,  pour  l'organisation  de  la  colonie 
d'Obock  et  du  protectorat  de  la  France  sur  Tadjoura  et  les  territoires  voisins,  a 
été  déposé  sur  le  bureau  de  la  Chambre  des  députés  et  renvoyé  à  la  commission 
du  budget.  Sur  ce  crédit,  30,500  francs  sont  affectés  aux  <  coutumes  »  à  payer  aux 
sultans  de  Tadjoura,  de  Loïtah,  d'AmphaUé  ;  8,000  francs,  à  des  présents  pour  le 
roi  Ménélik;  21,800  francs,  à  des  cadeaux  pour  les  sultans  et  les  chefs  des  Issas 
et  des  Gadiboursis  ;  163,000  francs,  aux  routes,  creusement  de  puits,  travaux  du 
port,  construction  d'un  appontement  et  de  quais,  éclairage  et  balisage  de  la  rade. 

M.  L.  Brémond  est  de  retour  à  Marseille  du  voyage  qu'il  a  entrepris  au  Choa, 
pour  le  compte  de  la  Société  des  factoreries  françaises  du  golfe  Persique  et  de 
l'Afrique  orientale.  Nous  aurons  à  revenir  sur  ses  excursions  dans  les  pays  Gallas, 
et  sur  ses  études  du  cours  de  l'Haouasch,  dont  il  entretiendra  la  Société  de 
géographie  de  Marseille.  Il  compte  repartir  en  avril  pour  le  Choa. 


—  73  ~ 

Bes  troublas  ont  éclaté  au  Harrac;  les  Somalis  se  jsont  réyoltés  ooiitre  les  trou* 
pes  égyptienne^.  Les  colons  italiens  ont  réclamé  la  protection  de  leur  gouverne- 
ment. 

Dans  une  des  dernières  séances  de  la  Chasibre  ^es  députés  d'I^lie,  M.  Mancini 
a  parlé  d'une  terre  inexplorée,  qui  serait  l'objet  d'une  expédition  spéciale  à  ajou- 
ter à  celle  d'Assab.  D'après  le  Pungoîo  de  Naples,  il  s'agirait  du  Jnba,  dont  le 
bassin  est  libre  jusqu'ici  d'occupations  européennes,  et  réputé  pour  ses  riches  pro- 
ductions et  son  commierce. 

Le  capitaine  King,  d'Aden,  se  propose  de  reprendre  le  projet  de  M.  Revoil,  de 
se  rendre  de  Magadozo  à  Gerbera,  en  traversant  la  péninsule  des  Somalis. 

Le  Sémaphore  nous  appprte  plusieurs  nouvelles  envoyées  de  Zanzibar  à  la 
Société  de  géographie  de  Marseille.  L'expédition  de  MM.  Clément  et  Gustave  Den- 
hardt  envoyée  par  la  Société  africaine  allemande  a  pour  mission  d'explorer  le 
pays  des  Borani-Gallas,  h  l'Est  dit  lac  de  Sambourou.  Elle  partira  probablement 
de  Eismayou,  au  nord  de  La  mou,  et  visitera  lep  montagnes  neigeuses  qui  doivent 
se  trouver  près  du  \w^  susmentionné. 

Deux  cents  hommes,  sous  le  commandement  de  M.  Mattheus,  au  service  du 
sultan  de  Zanzibar,  sont  partis  pour  l'fle  de  Pemba,  afin  de  se  saisir  de  la  per- 
sonne de  Halfan-ben-Massoud,  Arabe  puissant  qui  pratique  ouvertement  la  traite 
et  s'est  révolté  contre  l'autorité  de  Saïd-Bargasch. 

La  cinquième  expédition  de  l'Association  internationale  africaine  arrivée  en 
décembre  à  Zanzibar,  ira  relever  M.  Storms  de  ses  fonctions  à  Karéma.  M.  Becker 
qui  la  dirige  continuera  sa  route  vers  Nyangoué,  afin  de  relier  les  stations  du  Tan- 
ganyika  à  celles  du  Congo.  Il  faut  un  millier  d'hommes  pour  transporter  les  ravi- 
taillements destinés  aux  stations  d^à  fondées  et  aux  nouvelles  à  créer  à  l'ouest 
du  lac 

Les  missionnaires  d'Alger  ont  fondé  une  nouvelle  station  à  Tchonsa,  sur  la  côte 
occidentale  du  Tanganyika,  à  une  journée  de  marche  de  Mpala,  station  de  l'Asso- 
ciation internationale  africaine. 

La  Société  allemande  de  colonisation  de  Berlin  a  envoyé  à  Zanaibar  MM.  Peters 
et  Julke  avec  mission  d'acquérir  des  terrains  dans  l'Ou-Sagara. 

Une  grande  famine  règne  dans  les  districts  du  continent  à  l'ouest  de  Zanzibar. 
Des  affamés  en  sont  réduits  à  se  vendre  aux  trafiquants  arabes  qui  tentent  de  les 
exporter  à  Zanzibar  et  à  Pemba.  A  Dar-es«Salam,  un  nègre  adulte  se  vend  actuel- 
lement fr.  4,50;  les  femmes  valent  à  peine  le  double.  Les  caravanes  souffrent  beau- 
coup de  cette  disette.  Sur  200  noirs  partis  dernièrement  pour  le  lac  Tanganyika, 
55  étaient  morts  de  faim  avant  l'arrivée  de  la  caravane  à  Taborah.  La  saison  des 
pluies  étant  arrivée  dans  l'intérieur,  on  espère  que  la  famine  cessera  bientôt. 
Une  dépêche  de  Zanzibar  a  annoncé  la  mort  de  Mirambo. 
M.  Girand  est  arrivé  de  Quilimane  à  Zanzibar,  où,  sur  son  rapport,  le  procès 
sera  fait  à  ceux  de  ses  porteurs  qui  l'ont  abandonné. —  Il  a  débarqué  &  Marseille 
le  17  février. 


—  74  — 

Un  projet  de  décret  concernant  l'immigration  à  Mayotte  et  à  Nossî-Bé  a  été 
adopté  par  le  Conseil  d*État  de  la  République  française.  Il  règle  d'une  manière 
générale  les  rapports  et  les  traités  à  intery^nir  entre  engagés,  engagistes  et  leurs 
intermédiaires,  et  détermine  la  composition  des  services  administratifs  de  l'immi- 
gration. 

D'après  VAfvican  limes  an  traité  de  commerce  a  été  conclu  entre  l'Allemagne 
et  le  Transvaal. 

Le  Times  of  Natal  rapporte  que  les  Boers  de  l'État  libre  arrivent  en  grand  nom- 
bre dans  le  Zoulouland,  et  qu'ils  y  achètent  des  terres.  Des  levers  de  terrains 
pour  fermes  se  font  dans  la  direction  de  la  baie  de  S^Lucie. 

Une  disette  terrible  sévit  en  ce  moment  au  sud  de  l'Afrique  ;  quelques-unes  des 
parties  du  Le-Souto  en  sont  très  éprouvées.  La  récolte  du  mais  et  du  sorgho  qui 
constituent  la  principale  nourriture  des  Ba-Souto,  a  complètement  manqué.  Le 
renchérissement  des  grains  dépasse  toute  idée.  Un  sac  de  mais  ou  de  sorgho,  qoi 
l'année  dernière  se  vendait  de  6  à  7  fr.  50,  coûte  maintenant  fr.  37,50.  Beaucoup 
de  personnes  meurent  de  faim.  Néanmoins  l'œuvre  missidnnaire  s'étend.  Après 
avoir  constaté,  dans  un  premier  voyage  d'exploration,  qu'une  fort  nombreuse  popu- 
lation habite  la  vallée  de  la  Makhajleng,  M.  Jacottet  y  a  été  envoyé  de  nouveau 
pour  en  visiter  les  villages  et  voir  dans  quels  endroits  il  serait  possible  de  placer 
des  annexes. 

Le  gouvernement  portugais  a  mis  en  adjudication  la  construction  d'un  chemin 
de  fer  de  Loanda  à  Ambaca. 

Une  Société  vient  de  se  constituer  à  Manchester,  sous  le  nom  de  British  Ck)ngo 
Company  Limited,  en  vue  de  favoriser  l'exploitation,  par  le  commerce  anglais,  du 
Congo  et  de  la  côte  d'Afrique.  M.  Jacob  Bright  et  de  grands  négociants  et  indue- 
triels  de  Manchester  font  partie  de  son  comité  directeur.  Le  capital  action  est  de 
12,500,000  francs. 

M.  Hanssens  a  organisé  à  Léopoldville  une  nouvelle  expédition  des  trois  vapeurs 
le  BaycU^  V Association  intematûmcUe  et  VJSn-Avant,  pour  remonter  le  Congo  jus- 
qu'à la  station  des  chutes  de  StanleJ'  afin  de  compléter  les  établissements  de  l'As- 
sociation internationale. 

Le  vapeur  de  la  Livingstone  Inland  Mission,  le  Henri  Beedy  a  été  mis  à  flot  à 
Stanley-Pool,  le  24  novembre  dernier. 

Le  Parlement  allemand  a  accordé  une  somme  de  187,500  francs  pour  des  explo- 
rations dans  l'Afrique  centrale. 

L'expédition  allemande  dirigée  par  le  lieutenant  Schulz  a  acquis  de  l'Associa- 
tion internationale  un  terrain  près  de  Noky,  pour  y  fonder  une  station  et  y  con- 
struire des  magasins.  Son  intention  est  de  se  diriger  vers  San-Salvador  et  de  gagner 
de  là  le  Quango,  par  Ango-Ango  et  Cassongo. 

Le  lieutenant  Massari  a  commencé  l'exploration  scientifique  du  Quango,  à  partir 
de  la  station  de  Eouamouth  au  confluent  du  Congo.  Il  fondera  vraisemblablement 
une  nouvelle  station  sur  les  bords  de  cette  rivière.  Peut-être  en  remontant  la  val- 
lée du  Quango,  rencontrera-t-il  l'expédition  dirigée  par  M.  Schulz,  ou  celle  des 


—  15  — 

voyageurs  Capello  et  iTens  enyoyés  par  le  gouvememeiit  portugais  pour  conti- 
nuer le  levé  de  eet  affluent  du  Congo. 

L^administration  du  Gabon  a  consVitué  récemment  un  comité  consultatif  d'agri- 
culture  et  de  commerce,  qui  sera  appelé  à  ^libérer  et  à  donner  son  avis  sur  tou- 
tes les  questions  se  rattachant  au  commerce  et  à  l'agriculture  de  la  colonie. 

D'après  le  BuUetin  de  la  Société  royale  belge  de  géographie,  l'Espagne  se  préoc- 
cupe sérieusement  de  la  situation  de  ses  possessions  du  golfe  de  Guinée,  et  de  cel- 
les qu'elle  revendique  sur  le  littoral  de  l'Afrique  septentrionale.  Une  compagnie 
s'est  formée  pour  la  colonisation  des  lies  de  Corisco,  d'Annobon  et  de  Fer- 
nando-Pô, et  une  expédition  s'organise  à  Cadix  sous  la  direction  du  nouveau  gou- 
verneur de  la  dernière  de  ces  lies;  des  missionnaires  s'y  adjoindront  pour  aller 
fonder  des  établissements  à  Corisco. 

Le  commandant  du  navire  allemand  VAriàdne  a  obtenu  du  chef  de  Eabîta  une 
demande  pour  que  son  territoire  fût  placé  sons  le  protectorat  de  l'empire  alle- 
mand. Ce  territoire  limité  par  deux  rivières  navigables,  le  Dubreca  et  le  Bramaya, 
est  situé  entre  le  Rio-Pongo  et  Sierra  Leone,  et  a  une  factorerie  allemande.  Mais 
les  traités  signés  avec  les  rois  de  Rio-Pongo,  de  Bramaya  et  de  Dubreca  ont  déjà 
placé  ce  territoire  sous  le  protectorat  de  la  France.  Sans  doute  le  commandant  de 
TAriadue  ignorait  le  fait,  et  cette  affaire  se  réglera  par  voie  diplomatique. 

Une  dépêche  de  Madrid  annonce  que  deux  expéditions  partiront  prochainement 
pour  le  Maroc  ;  l'une  se  dirigera  vers  Poasis  de  Figuig  par  la  Moulaya  ;  l'autre 
suivra  la  côte  occidentale  jusqu'au  Draa.  Un  dépôt  de  matériel  est  déjà  installé  près 
de  la  rivière  du  Eep,  base  d'opération  de  ces  expéditions. 

D'après  le  BéveQ  du  Maroc,  l'ambassadeur  de  l'empire  allemand  au  Maroc, 
M.  Weber,  que  son  âge  appelle  à  la  retraite,  sera  probablement  remplacé  par  le 
D*"  Nachtigal,  commissaire  actuel  du  gouvernement  allemand  à  Angra-Pequena. 


LA  CONFÉRENCE  AFRICAINE  DE  BERLIN 

(Suite.  Voy.  p.  24). 

En  nous  proposant  de  résumer,  après  la  clôture  de  la  Conférence  de 
Berlin ,  les  travaux  de  ce  congrès  si  important  pour  l'Afrique ,  nous  ne 
pensions  pas  que  ses  délibérations  se  prolongeraient  au  delà  de  la  fin  de 
janvier,  et  nous  espérions  avoir  en  mains  très  promptement  tous  les 
documents  officiels  nécessaires  pour  nous  rendre  un  compte  exact  de 
son  œuvre.  S'il  n'y  avait  eu  à  délibérer  que  sur  les  trois  principes  men- 
tionnés dans  l'invitation  aux  gouvernements  à  se  faire  représenter  à 
la  Conférence*,  les  représentants  de  toutes  les  puissances,  réunis  à 

*  1*"  Liberté  du  commerce  dans  le  bassin  et  l'embouchure  du  Congo  ; 
2°  Application  au  Congo  et  au  Niger  des  principes  adoptés  par  le  Congrès  de 


—  76  — 

Berliu,  seraient  arrivés  beaucoup  plus  tôt  à  établir  l'entente  désirée 
par  tous.^  Mais  les  questions  subsidiaires,  traitées  par  1^  membres  de 
rinstitut  de  droit  iateruation^l  dont  nous  avons  rappelé  les  noms 
(p.  19),  —  neutralité  du  Congo,  création  d'une  Commission  internatio- 
nale comme  pour  le  Danube,  abolition  de  la  traite  et  de  l'esdavage, 
restriction  du  trafic  des  spiritueux,  etc., — ne  pouvaient  pas  être  complè- 
tement passées  sous  silence,  et  ont  obligé  la  Conférence  à  prolonger  ses 
séances  au  delà  du  temps  primitivement  prévu  pour  la  clôture  de  ses 
travaux.  Passe  encore  s'il  n'y  avait  eu  que  ces  questions  accessoires  à  exa- 
miner! Sans  doute,  il  avait  été  convenu  d'avance  que  la  Conférence  ne 
s'occuperait  pas  des  questions  actuelles  de  souveraineté  territoriale,  qui 
devaient  être^raitées  de  cabinet  à  cabinet,  et  que  les  «  statuts  et  actes  » 
de  l'Association  internationale  du  Congo  ne  rentraient  pas  dans  le  pro- 
gramme du  Congrès.  Mais,  concurremment  aux  délibérations  de  celui- 
ci,  se  poursuivait,  en  dehors  des  séances,  la  reconnaissance,  comme 
État,  de  l'Association  internationale  du  Congo  par  chacune  des  puissan- 
ces représentées  à  Berlin.  Cette  reconnaissance  exigeait  des  négociations 
spéciales  avec  leurs  gouvernements,  pour  obtenir  de  chacun  d'eux 
la  conclusion  d'un  traité  particulier  ;  et,  si  la  plupart  des  puissances  ne 
firent  pas  de  difficultés  pour  conclure  le  traité  jqui  leur  était  demandé, 
d'un  autre  côté,  les  négociations  avec  la  France  durèrent  très  longtemps, 
et  l'opposition  du  Portugal  tint  en  échec  jusqu'à  ces  derniers  jours  tous 
les  autres  États,  résolus  à  ne  pas  clore  la  Conférence  avant  que  cette 
résistance  eût  été  vaincue. 

Telles  sont  les  raisons  qui  nous  empêchent  forcément  de  donner  dès 
aujourd'hui,  comme  nous  l'avions  espéré,  un  résumé  complet  des  travaux 
de  la  Conférence.  Les  derniers  protocoles  ne  nous  sont  pas  encore  par- 
venus. En  outre ,  la  Commission,  chargée  de  rédiger  le  préambule  de 
«  l'Acte  général  »  et  de  coordonner  les  articles  de  ce  document, 
a  reçu  1^  pouvoir  d'en  modifier  légèrement  la  forme,  si  elle  juge  que  sa 
rédaction  exige  quelque  modification.  Les  termes  des  décisions 
consignées  dans  les  protocoles  que  nous  possédons  à  cette  heure  n'ont 
donc  pas  un  caractère  absolument  définitif.  Et  cependant,  nous  ne 
saurions  tarder  davantage  à  commencer  du  moins  l'exposé  succinct  de 

Vienne  en  vue  de  consacrer  la  liberté  de  la  navigation  sor  plusieurs  fleuves  inter- 
nationaux ; 

3<*  Définition  des  formalités  à  observer,  pour  que  des  occupations  nouvelles  sur 
la  côte  d'Afrique  soient  considérées  comme  effectives. 


—  77  — 

cette  œuvre,  qui  peut  adoucit",  pour  1^  amis  de  la  civilisation  en 
Afrique,  les  regrets  que  leur  cause  le  retour,  temporaire  nous  voulons 
Tespérer,  de  la  barbarie  dans  le  bassin  ^du  Haut-Nil. 

Pour  apprécier  équitablement  les  travaux  de  la  Conférence  africaine, 
il  est  nécessaire  de  se  rappeler  le  but  pour  lequel  elle  avait  été  convo- 
quée. D  s'agissait  de  prévenir,  par  une  entente  internationale,  ces  con- 
flits que  M.  Moynier  prévoyait,  dès  1878,  lorsque,  dans  la  session  de 
Paris  de  l'Institut  de  droit  international ,  il  engageait  ses  collègues  à 
étudier  la  question  du  Congo,  en  prévision  des  compétitions  dangereuses 
dont  le  fleuve  découvert  par  Stanley  Tannée  auparavant  pouvait  devenir 
l'objet,  n  n'eût  pas  été  trop  tôt  alors  t><>ur  s'en  occuper.  La  concur- 
rence des  intérêts  devenait  très  vive,  les  ambitions  nationales  gran- 
dissaient, les  prétentions  du  Portugal,  reconnues  par  l'Angleterre, 
étaient  une  menace  pour  tous ,  déjà  les  contestations  se  produisaient 
avec  plus  ou  moins  de  violence.  Il  fallait  absolument  prévenir  les  maux 
qui  pouvaient  en  résulter,  soit  pour  les1)lancs,  soit  pour  les  indigènes , 
afin  de  permettre  aux  uns  et  aux  autres  de  profiter  de  tout  le  bien 
que  peuvent  leur  procurer  la  découverte  de  l'intérieur  du  continent, 
ainsi  que  les  relations  pacifiques  à  établir  entre  ceux  qui  goûtent  déjà 
les  bienfaits  de  la  civilisation  et  ceux  qui  ne  connaissent  encore  que  les 
misères  de  la  barbarie. 

L'Allemagne  et  la  France  nous  paraissent  avoir  choisi  les  moyens  les 
plus  propres  à  atteindre  ce  but,  en  proposant  une  entente  internationale 
sur  les  trois  principes  susmentionnés ,  qui  devaient  fournir  trois  bases 
de  délibération. 

Le  premier  était,  nous  l'avons  rappelé ,  le  principe  de  la  liberté  dn 
commerce  dans  le  bassin  ei  V  embouchure  du  Oongo. 

Jusqu'alorÉf  le  commerce  avait  été  libre  dans  la  partie  inférieure  du 
fleuve,  grâce  à  ce  qu'aucune  puissance  européenne  n'y  exerçait  d'au- 
torité. Mais,  dans  le  projet  de  traité  anglo-portugais  du  26  février  1884, 
les  droits  de  douane,  que  le  gouvernement  anglais  avait  reconnu  au  Por- 
tugal la  faculté  de  prélever  sur  toutes  les  marchandises ,  atteignaient, 
sauf  pour  le  tabac ,  l'eau-de-vie ,  les  armes  à  feu  et  la  poudre,  le  taux 
de  10  Vo  od  valorem/ Aussi,  dans  l'intérêt  du  commerce  allemand, 
M.  de  Bismarck  avait-il  refusé  de  consentir  à  ce  qu'une  côte  de  si  grande 
importance  fût  soumise  au  système  colonial  portugais,  et  réclamé  pour 
tous  la  liberté  de  commerce  sur  le  Congo. 


—  78  — 

Dès  la  première  séance,  le  15  novembre,  un  projet  de  déclaration, 
traitant  de  la  liberté  du  commerce  dans  tous  les  territoires  constituant 
le  bassin  du  Congo  et  de  ses  affluents,  fujb  soumis  aux  délibérations  de  la 
Conférence.  Comme  personne  n^  savait  encore  exactement  ce  qu'étaient 
ces  territoires,  la  première  chose  à  faire  était  de  déterminer  exactement 
ce  point-là.  Une  Commission,  composée  des  plénipotentiaires  allemands 
et  de  ceux  des  États  compris  dans  la  première  invitation  —  c'est-à-dire 
l'Allemagne,  la  Belgique,  l'Espagne,  les  États-Unis,  la  France,  la 
Grande-Bretagne,  les  Pays-Bas  et  le  Portugal  —  fut  chargée  de  prépa- 
rer im  rapport  sur  cette  question.  On  lui  reconnut  le  droit  de  s'éclairer 
en  faisant  appel  aux  délégués  spéciaux  des  gouvernements  représentés 
dans  la  Conférence.  Stanley,  eiirparticulier,  qui  était  à  Berlin  comme 
conseil  du  ministre  des  États-Unis,  et  M.  Adolphe  Wœrmann,  conseiller 
technique  du  plénipotentiaire  de  l'empire  allemand,  fournirent  à  la 
Conmiission  tous  les  renseigneme'nts  que  leur  connaissance  de  l'Afrique 
occidentale-équatoriale  leur  permettait  de  donner. 

Dès  le  début  de  ses  travaux,  la  Commission  dut  établir  une  distinction 
entre  le  bassin  géographique  et  le  bassin  économique  du  Congo,  déter- 
miner l'étendue  du  premier,  et  étudier  la  convenance  d'y  acy oindre, 
dans  l'intérêt  des  conununications  commerciales,  certains  territoires,  soit 
sur  le  littoral  de  l'Océan  Atlantique,  au  sud  et  au  nord  de  l'embouchure 
du  Congo,  soit  à  l'est  du  bassin  de  ce  fleuve,  jusqu'à  l'Océan  Indien. 
En  effet,  le  cours  inférieur  du  fleuve  étant  en  grande  partie  innavigable, 
et  les  routes  commerciales  du  Stanley-Pool  à  la  côte  se  déplaçant  fr^ 
quemment  sous  l'influence  d'hostâiités  entre  les  tribus  de  l'intérieur,  les 
caravanes  aboutissent  parfois  à  des  points  du  littoral  très  éloignés  de 
leur  destination  première.  D'autre  part,  le  commerce  avec  le  bassin  du 
Congo  se  fait  par  Zanzibar  non  onoins  que  par  la  côte  occidentale  ;  seu- 
lement, dans  cette  région,  il  y  avait  à  tenir  compte  des  droits  du  sultan 
de  Zanzibar  et  de  ceux  du  Portugal  qui  a  des  colonies  dans  l'Afrique 
orientale.  A  ces  divers  égards,  les  travaux  de  la  Commission  et  les  déli- 
bérations de  la  Conférence  ont  abouti  au  résultat  suivant  : 

Le  bassin  proprement  dit  du  Congo  et  de  ses  affluents  a  été  délimité 
par  les  crêtes  des  bassins  contigus,  savoir,  notamment,  les  bassins.du 
Niari,  de  l'Ogôoué,  du  Chari  et  du  Nil,  au  nord;  du  lac  Tanganylka,  à 
Test;  du  Zambèze  et  de  la  Logé,  au  sud.  En  conséquence ,  il  comprend 
tous  les  territoires  drainés  par  le  Congo  et  ses  affluents ,  y  compris  le 
lac  Tanganyika  et  ses  tributaires  orientaux. 


-.r. 


—.79  — 

La  zone  maritime  s'étend,  supTOcéan  Atlantique,  depuis  la  position 
de  Setté- Gamma  jusqu'à  rembouchure  de  la  Logé.  La  limite  septen- 
trionale suit  le  cours  de  la  rivière  qui  débouche  à  Setté-Camma,  et, 
à  partir  de  la  source  de  celle-ci,  elle^  se  dirige  vei-s  Test  jusqu'à  la 
jonction  avec  le  bassin  géographique  du  Congo,  en  évitant  le  bassin  de 
rOgôoué.  La  limite  méridionale  suit  le  cours  de  la  Logé  jusqu'à  la 
source  de  cette  rivière,  et  se  dirige  de  là  vers  l'est,  jusqu'à  la  jonction 
avec  le  bassin  géographique  du  Congo. 

A  Test  du  bassin  du  Congo,  tel  qu'il  est  délimité  ci-dessus,  la  zone  se 
prolonge  jusqu'à  l'Océan  Indien  et  s'étend  le  long  de  la  côte,  depuis  le 
5**  lat.  N.  jusqu'à  l'embouchure  du  Zambèze;  de  ce  point,  la  ligne. de 
démarcation  suit  le  Zambèze,  jusqu'à  cinq  milles  en  amont  du  confluent 
du  Chiré,  et  continue  par  la  ligne  de  faite  séparant  les  eaux  qui  coulent 
vers  le  lac  Nyassa  des  eaux  tributaires  du  Zambèze,  pour  rejoindre 
enfin  la  Ugne  de  partage  des  eaux  du  Zambèze  et  du  Congo. 

Tels  sont  donc  les  territoires  qui  constituent  le  bassin  non  seulement 
géographique  mais  encore  économique  du  Congo  et  de  ses  affluents, 
dans  lequel  le  commerce  de  toutes  les  nations  doit  jouir  d'une  liberté 
pleine  et  entière.  Toutefois,  il  a  été  expressément  entendu  qu'en  éten- 
dant à  la  zone  orientale  susmentionnée  le  principe  de  la  liberté  com- 
merciale, les  puissances  représentées  à  la  Conférence  ne  se  sont  enga- 
gées que  pour  elles-mêmes,  et  que  ce  principe  ne  s'appliquera  aux 
territoires  appartenant  à  quelque  autre  État  indépendant  et  souve-. 
rain,  qu'autant  que  celui-ci  y  donnera  son  consentement.  En  môme 
temps,  les  puissances  ont  convenu  d'employer  leurs  bons  offices  auprès 
des  gouvernements  établis  sur  le  littocal  africain  de  la  mer  des  Lides, 
afin  d'assurer,  en  tout  cas,  au  transit  de  toutes  les  nations,  les  conditions 
les  plus  favorables.  Le  rapport  de  la  commission,  présenté  par  le  pléni- 
potentiaire belge,  M.  le  baron  Lambermont,  a  reconnu  la  nécessité  de 
ménager,  dans  la  mesure  du  possible,  les  droits  acquis  et  les  intérêts 
légitimes  des  chefs  indigènes.  U  faut  prévoir,  en  effet,  les  difficultés  qui 
pourront  s'élever  entre  ces  derniers  et  les  commerçants  ;  ceux-ci  pour- 
raient s'imaginer  que  l'application  du  régime  de  la  liberté  conmierciale 
ne  devra  subir  aucun  tempérament  partout  oîi  elle  aura  été  proclamée 
par  la  Conférence,  y  compris  les  portions  de  territoire  où  s'exerce 
actuellement  l'autorité  de  chefs  indigènes  qui  ne  subissent  l'influence 
d'aucune  des  puissances  contractantes.  U  importe  de  prévenir  les  inté- 
ressés contre  cette  illusion.  Dans  la  pratique,  il  sera  impossible,  du 
moins  au  début,    d'empêcher   certaines   dérogations  locales  et  de 


-ôo- 

détall  au  régime  général  que  la  Conféi'ence  s'est  donné  pour  tâche 
d'établir,  mais  il  est  bien  entendu  que  ces  exceptions  ne  seront  tolérées 
qu'au  profit  des  souverainetés  indigènes  existantes  dans  le  bassin  du 
Congo,  et  ne  sauraient  concerner  des  territoires  possédés  ou  à  acquérir 
par  l'une  des  puissances  contractantes. 

Dans  les  limites  indiquées  ci-dessus  et  moyennant  ces  réserves,  tous 
les  pavillons,  sans  distinction  de  nationalité,  auront  libre  accès  à  tout  le 
littoral  des  territoires  énumérés  plus  haut,  aux  rivières  qui  s'y  déver- 
sent dans  la  mer,  à  toutes  les  eaux  du  Congo  et  de  ses  affluents,  y  com- 
pris les  lacs,  à  tous  les  ports  situés  sur  les  bords  de  ces  eaux,  ainsi 
qu*à  tous  les  canaux  qui  pourraient  être  creusés  à  l'avenir  pour  relier 
entre  eux  les  cours  d'eau  ou  les  lacs  compris  dans  cette  vaste 
enceinte.  Us  pourront  entreprendre  toute  espèce  de  transports  et 
exercer  le  cabotage  maritime  et  fluvial,  ainsi  que  la  batellerie,  sur  le 
même  pied  que  les  nationaux. 

Le  commerce  toutefois  ne  serait  pas  complètement  libre,  si  les  posses- 
seurs de  territoires  compris  dans  le  bassin  du  Coiigo  pouvaient  prélever 
à  leur  gré  des  droits  sur  les  marchandises  ;  aussi  a-t-il  été  statué  que 
les  marchandises  de  toute  provenance  importées  dans  ces  territoi- 
res, sous  quelque  pavillon  que  ce  soit,  par  voie  maritime,  fluviale  ou 
terrestre,  n'auront  à  acquitter  d'autres  taxes  que  celles  qui  pour- 
raient être  perçues  comme  une  équitable  compensation  de  dépenses 
utiles  pour  le  commerce,  et  qui,  à  ce  titre,  devront  être  également  sup- 
portées par  les  nationaux  et  par  les  étrangers  de  toute  nationalité. 
Tout  traitement  différentiel  est  interdit  à  l'égard  des  navires  conune 
des  marchandises.  Les  marchandises  importées  seront  aflFranchies  de 
droits  d'entrée  et  de  transit.  Cependant  les  puissances  se  réservent  de 
décider,  après  une  période  de  vingt  années,  si  la  franchise  d'entrée  sera 
ou  non  maintenue. 

Il  a  été  stipulé,  en  outre,  qu'aucune  des  puissances  qui  exercent  ou 
exerceront  des  droits  de  souveraineté  dans  les  territoires  sus-indiqués, 
ne  pourra  y  concéder  ni  monopole  ni  privilège  d'aucune  espèce  en 
matière  commerciale.  Les  étrangers  y  jouiront  indistinctement,  pour 
la  protection  de  leurs  personnes  et  de  leurs  biens,  l'acquisition  et  la 
transmission  de  leurs  propriétés  mobilières  et  immobilières,  et  pour 
l'exercice  de  leur  profession,  du  même  traitement  et  des  mômes  droits 
que  les  nationaux. 

Mais  il  ne  s'agissait  pas  seulement  d'ouvrir  cet  immense  bassin  à 
tous  ceux  qui  voudront  y  faire  le  commerce.  Comme  l'avait  dit  le  prince 


i 


—  81  — 

de  Bismarck  au  début  de  la  CtoférenCe;  «  Les  gouvernements  invités 
partageaient  le  désir  d'associer  les  indigènes  de  l'Afrique  à  la  civilisation, 
en  leur  fournissant  les  moyens  «de  s'instruire,  en  encourageant  les  mis- 
'  Biens  et  les  entreprises  de  nature  à  propager  les  connaissances  utiles.  » 
Aussi,  après  avoir  proclamé  le  principe  d'une  complète  liberté  de  com- 
merce, les  puissances  qui  exercent  des  droits  de  souveraineté  ou  une 
influence  dans  les.  dits  territoires  se  sont-elles  engagées  à  veiller  à  la 
conservation  des  indigènes  et  à  l'amélioration  de  leurs  conditions  mora- 
les et  matérielles  d'existence,  soit  en  concourant  à  la  suppression  de  l'es- 
clavage et  surtout  de  la  traite  des  noirs,  soit  en  protégeant  et  en  favori- 
sant, sans  distinction  de  nationalités  ni  de  cultes,  toutes  les  institutions 
et  entreprises  religieuses,  scientifiques; charitables,  créées  et  organisées 
à  ces  fins,  ou  tendant  à  instruire  les  indigènes  et  à  leur  faire  comprendre 
et  apprécier  les  avantages  delà  civilisation.Les  missionnaires,  les  savants, 
les  explorateurs,  leurs  escortes,  leurs  bagages,  leurs  collections  seront 
également  l'objet  d'une  protection  spéciale.  Enfin,  la  liberté  de  con- 
science et  la  tolérance  religieuse  ont  été  expressément  garanties  aux 
indigènes  comme  aux  nationaux  et  aux  étrangers.  Le  libre  et  public 
exercice  de  tous  les  cultes,  le  droit  d'ériger  des  églises,  temples  et  cha- 
pelles, et  d'organiser  des  missions  religieuses  quelconques  ne  seront 
soumis  à  aucune  restriction  ni  entrave. 

Le  projet  de  déclaration  relative  à  la  liberté  du  commerce  dans  le 
bassin  du  Congo  et  de  ses  affluents  renfermait  un  paragraphe  portant 
que,  «  sauf  arrangement  ultérieur  entre  les  gouvernements  signataires  de 
la  déclaration  et  telles  puissances  qui  exerceront  des  droits  de  souverai- 
neté dans  les  territoires  dont  il  s'agit,  une  Commission  internationale 
serait  chargée  de  surveiller  l'application  des  principes  proclamés  et 
adoptés  par  cette  déclaration.  » 

L'examen  de  cette  disposition  ayant  été  ajourné  jusqu'après  l'adoption 
de  l'acte  relatif  à  la  navigation  du  Congo,  dont  nous  parlerons  dans 
notre  prochain  numéro,  cet  acte  une  fois  adopté,  la  discussion  du  para- 
graphe susmentionné  fut  reprise  et  sa  rédaction,  trouvée  ambiguë,  fut 
remplacée  par  la  suivante  : 

a  Dans  toutes  les  parties  du  territoire  visé  par  la  présente  déclaration 
oïl  aucune  puissance  n'exercerait  des  droits  de  souveraineté  ou  de  pro- 
tectorat, la  Commission  internationale  de  la  navigation  du  Congo, 

instituée  en  vertu  de  l'Acte  signé  à  Berlin  le sera  chargée 

de  surveiller  l'application  des  principes  proclamés  et  consacrés  par 
cette  déclaration. 


—  82  — 

«  Pour  tous  les  cas  oh  les  difficultés  relatives  à  l'application  des  prin- 
cipes établis  par  le  présent  Acte  viendraient  à  surgir, .  les  gouverne- 
ments intéressés  pourront  convenir  de  fttire  appel  aux  bons  offices  de  la 
Commission  internationale,  en  luv  déférant  l'examen  des  faits  qui  auront 
donné  lieu  à  ces  difficultés.  » 

A  ce  propos,  il  a  été  bien  établi  que  Tautorité  attribuée  à  la 
Commission  internationale,  en  vue  de  surveiller  l'application  des  prin- 
cipes de  la  liberté  commerciale,  n'aurait  à  s'exercer  que  dans  les 
territoires  où  n'existerait  aucune  autorité  souveraine  régulièrement 
établie. 

Enfin,  une  dernière  disposition  fut  encore  ajoutée,  portant  que  la 
Convention  de  l'Union  postale  ^universelle  serait  appliquée  au  bassin 
conventionnel  du  Congo.  Les  puissances  qui  y  exercent  ou  y  exerceront 
des  droits  de  souveraineté  ou  de  protectorat,  devront  prendre,  aussitôt 
que  les  circonstances  le  permettront,  les  mesures  nécessaires  pour  l'exé- 
cution de  cette  clause. 

Dans  son  mémoire  sur  la  Question  du  Oongoy  M.  Moynier  exprimait  le 
vœu  que  tous  les  territoires  du  ba$sin  de  ce  fleuve,  que  des  États  civilisés 
se  seraient  appropriés,  fussent  dotés  de  franchises  pareilles  à  celles  des 
eaux  qui  les  arrosent,  a  Nous  sommes ,  »  disait-il  ' ,  a  dans  un 
siècle  où  l'on  tend  à  abaisser  les  barrières  qui  isolent  les  nations  ;  ce 
serait  donc  travailler  dans  le  sens  de  ces  efforts  que  d'empêcher,  entre 
les  divers  peuples  qui  possèdent  ou  posséderont  des  établissements  au 
Congo,  la  création  d'entraves  è  leurs  relations,  soit  réciproques,  soit 
avec  d'autres  pays,  par  une  entente  à  priori.  Cela  ne  vaudrait-il  pas 
mieux  que  de  laisser  se  reproduire,  sur  la  terre  africaine,  les  complica- 
tions que  des  préjugés  séculaires  ont  fait  naître  et  perpétuées  en 
Europe?  Arborer  là-bas  le  drapeau  du  libre  échange,  du  libre  parcours, 
ainsi  que  du  libre  établissement,  sur  terre  comme  sur  eau,  serait  agir 
dans  l'intérêt  bien  entendu  du  monde  entier.  Et  il  n'est  pas  moins 
urgent  de  prendre  cette  mesure  que  de  légiférer  au  si^et  du  fleuve  lui- 
même,  puisque  dans  ce  moment,  et  jusqu'à  nouvel  ordre,  les  transports 
doivent  nécessairement  se  faire  par  terre  dans  la  zone  des  cataractes,  v 
Ce  vœu  a  été  entendu,  et  quelles  que  puissent  être  les  difficultés  qui  se 
présenteront  dans  l'application  de  la  liberté  conunerciale  au  vaste 
bassin  du  Congo  et  de  ses  affluents,  ce  sera  à  tout  jamais  un  honneur 
pour  la  Conférence  de  BerUn  d'avoir,  la  première,  consacré  ce  principe 

•  Voy.  Afrique  explorée  et  cwQme^  IV»«  année,  p.  284. 


—  88  — 

àana  un  acte  intemationa].  Les  avantages  qui,  nous  n'en  doutons 
pas,  en  résulteront  pour  rÂMque  centrale-équatoriale,  ne  demeure- 
ront pas  confinés  dans  cette  réj^on  ;  ilS'  reviendront  aux  États  civilisés 
qui  Ten  auront  doté  et  s'étendront  au^ononde  entier  !  Nous  l'espérons 
fermement. 

(A  suivre.) 


EXPÉDITION  DE  M.  J.  THOMSON,  DE  MOMBAS  AU  ViCTORIÀ-NYANZA 

PAR  LE  PAYS  DES  MASAI 

(Suite  et  fin.  Ypy.  p.  59.) 

'i 

En  quatre  marches,  Texpèàition  atteignit  la  Ngaré-Na-Lata'  qui  coule 
au  pied  du  Donyo-Erok-el-Matoumbato.  Ici,  pour  la  première  fois,  elle 
rencontra  les  Masal  en  nombre  considérable,  et  alors  commencèrent  les 
épreuves  sérieuses.  Même  avec  une  forte  caravane,  les  explorateurs 
furent  l'objet  de  traitements  indignes.  Chaque  jour,  la  première  chose 
à  faire  en  dressant  le  camp  était  la  construction  d'une  forte  ^[enceinte 
d'épines  ;  à  l'intérieur  une  clôture  en  cercle  protégeait  les  marchan- 
dises et  les  cachait  aux  regards  envieux  ;  une  autre  clôture  entourait  les 
tentes,  et  l'entrée  en  était  gardée  par  plusieurs  hommes  qui,  par  des 
manières  flatteuses  et  de  douces  paroles  cherchaient  à  prévenir  les  hor- 
reurs d'une  invasion  de  Masal.  Mais  en  dépit  de  tout,  dit  Thomson, 
ceux-ci  poussaient  les  gardes  de  côté,  se  précipitaient  dans  la  tente, 
s'approchaient  de  mon  lit  ou  de  tout  ce  qui  paraissait  répondre  le  mieux 
à  leurs  idées  de  confort.  Après  les  salutations  d'usage,  ils  commençaient 
à  mendier,  et,  pour  hâter  leur  départ,  je  devais  leur  donner  tout  ce  que 
j'avais  en  perles  et  verroterie. 

Jusqu'à  la  nuit  impossible  de  poser  un  fusil  ou  de  laisser  quoique  ce 
fut  exposé  aux  regards  ;  les  hommes  de  la  caravane  ne  pouvaient  non 
plus  aller  puiser  de  l'eau  ou  faire  des  provisions  qu'en  grand  nombre. 
Les  Masal  ne  se  retiraient  qu'au  coucher  du  soleil,  moment  où  les  voya- 
geurs pouvaient  commencer  à  goûter  un  peu  de  repos.  La  porte  était 
close,  on  y  mettait  une  garde,  puis  les  fusils  étaient  posés  de  côté,  le  feu 
flambait  et  l'on  préparait  le  repas.  Les  langues  se  déliaient,  il  s'ensui- 
vait une  animation  générale,  interrompue  seulement  çà  et  là  par  la  ten- 


».  Voy.  la  Carte  p.  64. 


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tative  d'un  voleur  masaï,  qu'il  fallait  effrayer  par  un  coup  de  pistolet 
tiré  à  poudre.  L'agitation  du  camp  atteignait  son  maximum  trois  heu- 
res après  le  coucher  du  soleil,  puis  elle  se  calmait  peu  à  peu,  à  mesure 
que  les  porteurs,  fatigués  du  lateur  du  jour  et  repus,  s'étendaient  pour 
se  reposer.  Alors  s'élevaient,  retentissant  dans  le  silence  de  minuit,  les 
horribles  hurlements  des  hyènes,  le  rugissement  des  lions,  les  cris  des 
chacals  ou  des  chiens  sauvages. 

Quant  aux  traits  caractéristiques  des  MasaX,  Thomson  les  présente, 
au  point  de  vue  de  leur  physique,  de  leurs  mœurs  et  de  leur  religion, 
comme  distincts  des  vrais  nègres  ainsi  que  des  Gallas  et  des  Somalis.Ce 
sont  les  types  de  sauvages  les  plus  beaux  qu'il  ait  jamais  vus  ou  dont  il 
ait  entendu  parler.  Bien  proportionnés,  ils  ont  les  traits  fins  et  bien 
dessinés  que  l'on  prête  à  ÂpoUon,  sans  jamais  avoir  les  muscles  déve- 
loppés des  athlètes.  Les  femmes  sont  décemment  vêtues  de  peau  de 
buffle.  Elles  portent  en  guise  d'ornements,  aux  jambes,  aux  bras  et  au 
cou,  de  10  à  15  kilog.  d'épais  anneaux  en  ivoire,  outre  un  grand  assor- 
timent de  colliers  et  de  chaînes  de  fer.  Les  hommes  ne  portent  autour 
des  épaules  et  de  la  poitrine  qu'une  petite  garniture  de  peau  de  che- 
vreau, qui  prend  chez  les  hommes  mariés  des  proportions  un  peu  plus 
amples. 

Certaines  distinctions  caractérisent  les  diverses  époques  de  la  vie  des 
Masaï.  Jusqu'à  un  certain  âge,  garçons  et  filles  vivent  avec  leurs  parents 
et  se  nourrissent  de  viande,  de  grain  et  de  lait  caillé.  Â  l'âge  de  12  ans 
pour  les  filles,  et  de  12  ou  14  pour  les  garçons,  on  les  fait  passer  du 
kraal  des  gens  mariés,  dans  un  kraal  oh  il  n'y  a  que  des  jeunes  gens, 
hommes  et  femmes  non  mariés  ;  ils  y  vivent  jusqu'à  ce  qu'ils  soient 
mariés.  Pendant  ce  temps,  les  hommes  sont  guerriers,  et  leur  seule  occu- 
pation est  de  voler  des  bestiaux  ou  de  s'amuser  à  la  maison.  Les  jeunes 
femmes  s'occupent  du  bétail,  construisent  les  huttes,  et  remplissent  les 
autres  devoirs  domestiques.  Les  deux  sexes  sont  soumis  à  un  régime 
très  strict  de  viande  et  de  lait;  ils  doivent  s'abstenir  de  spiritueux,  de 
bière,  de  tabac,  de  nourriture  végétale  et  même  delà  chair  d'animaux 
sauvages  quels  qu'ils  soient.  En  outre  la  viande  et  le  lait  ne  doivent 
jamais  être  pris  ensemble.  Pendant  plusieurs  jours  ils  ne  prennent  que 
de  la  viande,  puis,  après  un  fort  purgatif,  du  lait.  Quand  ils  tuent  un 
buffle,  ils  en  boivent  le  sang  cru.  Lorsqu'ils  mangent  de  la  viande,  ils 
se  retirent  dans  la  forêt  par  petits  groupes  accompagnés  d'une  jeune 
femme. 

Le  Masal  guerrier  trouve  cette  vie  si  agréable  qu'il  se  marie  rare- 


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ment  avant  d'avoir  passé  le  printemps  de  sa  vie,  et  de  sentir  sa  vigueur 
décliner.  Alors  il  met  de  côté  la  grande  lance  de  guerre,  le  lourd  bou- 
clier de  peau  de  buffle,  Tépée  et  la  massue  à  nœuds.  Pendant  un  mois 
il  porte  le  vêtement  d'une  femme  non  mariée,  après  quoi  il  devient  un 
membre  respectable  et  grave  de  la  société  masaï.  Il  ne  va  plus  à  la 
guerre,  mais  se  consacre  à  l'éducation  d'une  volée  de  jeirnes  guerriers. 
Son  régime  change  avec  son  genre  de  vie  ;  il  peut  se  nourrir  de  légumes, 
boire  de  la  bière  ou  des  spiritueux,  fiimer  ou  chiquer  du  tabac.  A  sa 
mort  son  corps  est  simplement  livré  aux  hyènes  et  aux  vautours. 

Les  Masal  sont  tout  à  fait  nomades  ;  ils  se  déplacent  pour  chercher 
les  pâturages  nécessaires  à  leurs  troupeaux.  Leurs  maisons,  formées 
d'arceaux  recourbés,  enduits  de  fumier  et  de  peaux,  leur  fournissant 
un  abri  suiSsant  dans  la  saison  des  pluies. 

De  Donyo-Erok  l'expédition  se  dirigea  au  nord,  à  travers  le  Matoum- 
bato,  région  qui  ressemble  à  la  Nyika  par  son  caractère  stérile,  son  sol 
rouge,  sa  formation  géologique,  mais  en  diffère  par  l'abondance  de  ses 
eaux,  les  accidents  de  sa  surface  et  le  grand  nombre  de  ses  habitants. 
A  la  cinquième  étape,  elle  atteignit  une  contrée  aride,  s'étendant  vers 
l'ouest  jusqu'à  Ngouroumani  et  aux  monts  Maou.  La  route  suit  la 
base  du  plateau  de  Kapté,  dont  l'escarpement  perpendiculaire  sur- 
plombe la  plaine.  U  y  a  là  comme  une  grande  faille  qui  court  du  nord 
au  sud,  et  dont  le  caractère  géologique  est  indiqué  par  de  nombreux 
cônes  volcaniques  soulevés  le  long  de  ses  bords. 

En  montant  sur  le  plateau  on  rencontre,  à  2000"  d'altitude,  Ngongo-a- 
Bagas,  dans  le  voisinage  duquel  prend  sa  source  l'Athi,  rivière  de  l'Ou- 
koumbani.  Thomson  s'y  arrêta  une  quinzaine  de  jours,  pour  laisser  sa 
caravane  se  reposer  et  faire  provision  de  grains  apportés  en  quantité 
considérable  par  les  Wa-Kikouyou.  Cela  fait,  il  se  remit  en  marche,  mais 
la  première  nuit  d'étape  fut  agitée,  par  suite  d'une  dispute  qui  amena  la 
mort  de  deux  porteurs  de  Pangani  et  de  plusieurs  Wa-Kikouyou.  La 
nuit  était  orageuse,  les  voyageurs  se  trouvaient  dans  une  forêt  épaisse, 
sans  leur  enceinte  ordinaire  d'épines  ;  aussi  se  félicitèrent-ils  d'en  être 
quittes  à  si  bon  marché.  Le  matin  une  quantité  de  Wa-Kikouyou  étaient 
prisonniers,  et  ce  ne  fut  qu'avec  beaucoup  de  peine  que  Thomson 
empêcha  qu'ils  ne  fussent  égorgés  par  les  trafiquants  furieux.  La 
marche  suivante  fut  longue  et  sans  eau  ;  elle  se  termina  par  une  scène 
de  désordre  et  une  panique  extraordinaire.  Les  hommes  tombaient 
d'épuisement;  les  lions  attaquèrent  les  ânes  et  en  tuèrent  plusieurs  ;  les 
ânes  s'enfuirent  enbrayant,  se  débarrassèrent  de  leurs  charges  et  dans 


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les  ténèbres,  plusieurs  furent  pris  pour  des  lions  et  tués.  De  leur  côté 
les  hommes  jetèrent  à  terre  leurs  fardeaux,  et  se  réfugièrent  dans  le 
camp  ou  passèrent  la  nuit  sur  lesi  arbres.  «  Rugissement  des  lions,  braie- 
ment  des  ânes,  coups  de  fusils,  cris  des  porteurs  saisis  de  terreur  et  des 
maîtres  surexcités,  tout  cela,  »  dit  Thomson,  «  produisait  un  effet  que  je 
n'oublierai  jamais,  tandis  que  les  bestiaux  affolés,  échappant  à  toute 
surveillance,  se  précipitaient  dans  le  fourré.  Habilement  secondé  par 
Martin  et  par  mes  guides,  je  réussis  à  maintenir  mes  porteurs  groupés 
ensemble  et  à  tout  ramener  au  camp.  Une  moitié  des  gens  de  la  cara- 
vane de  Pangani  s'imaginant  que  les  Masaï  et  les  Wa-Kikouyou  nous 
avaient  attaqués  n'osaient  pas  ay^cer,  mais  se  tenaient  massés  comme 
un  troupeau  de  moutons,  voyant  des  lions  dans  tous  les  buissons  et  des 
Wa-Kikouyou  derrière  tous  les  troncs  d'arbre.  Il  nous  fallut  trois  jours 
pour  rassembler  les  ânes  et  les  bestiaux  ainsi  que  les  charges  perdues  ; 
encore  dûmes-nous  repartir  sans  avoir  pu  réparer  toutes  nos  pertes.  » 

Bientôt  la  caravane  atteignit  la  base  d'un  cône  volcanique  éteint 
remarquable,  nommé  Donyo-Longono  ou  Sousoua.  D  s'élève  à  1000^ 
mètres  au-dessus  de  la  plaine,  qui  est  elle-même  à  2000";  sa  forme  est 
celle  d'un  cône  tronqué,  le  centre  forme  un  entonnoir  circulaire  de 
3  kilomètres  de  diamètre  et  de  plus  de  100"  de  profondeur.  Le  rebord 
en  est  si  escarpé  qu'on  peut  s'y  asseoir,  une  jambe  pendante  sur  l'abtme 
et  l'autre  sur  la  pente  abrupte  de  la  montagne.  De  cette  hauteur  la  vue 
est  très  imposante  :  au  sud  s'élève  un  autre  cratère,  le  Donyo-La-NyouM. 
A  l'est  se  dressent  les  monts  sourcilleux  de  Eapté,  par-dessus  lesquels 
on  aperçoit  les  pics  plus  élevés  encore  de  la  magnifique  chaîne  des 
monts  Settima.  Au  nord  s'étend  le  lac  Nalvasha,  semé  de  jolies  tles,  et 
bordé  à  l'ouest  par  le  grand  escarpement  des  monts  Maou,  formant  le 
pendant  du  plateau  de  Eapté.  Aîrivé  à  l'extrémité  nord  du  lac  Nalvasha, 
Thomson  apprit  que  le  D' Fischer  avait  pu  pousser  jusque-là,  mais  qu'il 
avait  dû  rebrousser  chemin  vers  la  côte.  Ce  lac,  comparativement  peu 
profond,  forme  un  carré  irrégulier  de  19  kilomètres  de  long  sur  15  de 
large,  à  une  altitude  de  2000".  Il  a  été  formé  par  les  entassements  de 
débris  volcaniques  accumulés  à  travers  la  vallée  étroite  qui  sépare  les 
monts  Maou  du  plateau  de  Eapté  ;  ces  débris  ont  ainsi  formé  une  digue 
qui  retient  les  eaux  des  deux  rivières  Mouroundat  et  Guaso-Giligili. 
Partout  autour  du  lac  on  rencontre  des  preuves  d'une  période  relative- 
ment récente  d'activité  volcanique  :  des  cônes,  des  cratères,  le  mont 
Bourou  projetant  de  la  fumée,  des  failles  à  angles  très  aigus,  de  nom- 
breuses sources  chaudes,  et  des  fissures  par  lesquelles  s'échappent 
encore  des  vapeurs. 


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De  Textrémité  nord  du  lac,  Thomson  résolut  de  visiter  le  district  de 
Lykipia  et  le  mont  Kénia.  D  chargea  Martin  de  conduire  la  caravane  au 
lac  Baringo  pendant  que  lui,  avec  trente  hommes  choisis,  se  dirigerait 
vers  Test.  Traversant  une  dépression  semée  de  lacs,  il  remonta  à  une 
hauteur  de  2800°*  sur  le  plateau  de  Lykipia,  occupé  par  un  grand 
nombre  de  Wa-Kouafi,  et  entra  bientôt  dans  une  magnifique  forêt  de 
conifères  formant  un  paysage  qui  rappelait  beaucoup  plus  les  scènes  de 
l'Europe  que  celles  des  régions  équatoriales.  Le  matin,  le  thermomètre 
était  au  point  de  congélation;  im  brouillard  épais  enveloppait  Texplo- 
rateur,  dont  les  gens  accroupis,  à  moitié  morts  auprès  d'énormes  feux, 
présentaient  un  triste  tableau.  Il  fallut  rester  au  camp  jusqu'à  ce  que 
le  soleil  eût  dissipé  le  brouillard  et  réchauffé  la  température.  La  route 
traverse  des  forêts  de  conifères,  puis  des  bruyères,  des  collines,  et  des 
plaines  sans  arbres,  coupées  de  torrents  et  de  ruisseaux  sans  nombre 
qui  se  versent  dans  le  mystérieux  Guaso-Nyiro.  Thomson  visita  la  belle 
cascade  de  TOurourou  ou  N'Erok,  franchit  ime  belle  chaîne  de  mon- 
tagne de  4600",  sans  nom,  qu'il  appela  les  monts  Âberdare,  du  nom  du 
Président  de  la  Société  de  géographie  de  Londres,  et  réussit  enfin  à 
atteindre  la  base  du  Kénia,  non  sans  avoir  eu  à  surmonter  de  grandes 
fatigues  de  jour  et  de  nuit.  Le  Kénia  est  un  grand  cône  volcanique  de 
près  de  48  kilomètres  de  diamètre  à  sa  base,  s'élevant  de  1900^  environ 
au-dessus  de  la  plaine.  Jusqu'à  1000"  du  sommet,  la  pente  est  douce  et 
n'est  pas  coupée  de  fissures  ni  de  ravins.  Au-dessus  de  ce  niveau,  la 
montagne  prend  la  forme  d'un  pic  ressemblant  d'autant  plus  à  un  pain 
de  sucre  que  la  neige  le  fait  resplendir  de  blancheur.  Les  flancs  en  sont 
si  abrupts,  qu'en  certains  endroits  la  neige  ne  peut  pas  prendre,  aussi 
de  grandes  taches  noires  apparaissent-elles  sur  ce  manteau  blanc,  ce 
qui  a  fait  que  les  Masal  lui  ont  donné  le  nom  de  Donyo-Egéré,  la 
montagne  grise  ou  tachetée.  Mais,  comme  le  Kilimandjaro,  on  ne  peut 
guère  l'apercevoir  que  le  matin  ou  le  soir. 

La  présence  de  nombreux  Masal,  et  la  mauvaise  alimentation  de 
l'expédition  obligèrent  Thomson  à  quitter  le  voisinage  du  Kénia.  Une 
maladie  étrange  avait  frappé  les  bestiaux  des  Masal,  et  les  emportait 
par  milliers.  Dans  beaucoup  d'endroits  il  n'en  restait  pas  une  seule  tête  ; 
les  corps  décomposés  couvraient  le  sol  à  plusieurs  kilomètres  de  dis- 
tance, ce  qui  rendait  la  marche  fort  peu  agréable.  Les  habitants  eux- 
mêmes  du  Lykipia,  mourant  de  faim,  voulaient  à  toute  force  que 
Texplorateur,  qui  passait  pour  médecin,  leur  donnât  des  remèdes  afin 
d'arrêter  le  fléau.  Us  ne  lui  vendaient  que  des  bestiaux  sur  le  point  de 


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périr,  et  encore  à  des  prix  eKOTbitantfl;'  de  petites  parties  seulement 
en  étaient  mangeables,  le  reste  était  en  putréfaction.  Lepays.il  est  vrai 
fourmillait  de  buffles,  mais  le  voyageur  n'osait  pas  tirer,  ni  quitter  te 
camp  pour  chasser.  p'i 

Le  péril  devenant  plus  imminent  de  la  part  des  Masal,  Thomson 
s'enfuit  de  nuit  avec  ses  gens  ;  n'ayant  pas  de  bagages,  ils  purent  faci- 
lement mettre  un  intervalle  considérable  entre  eux  et  ceux  qui  les  pour^ 
suivaient,  et  bientôt  ils  respirèrent  plus  librement  dans  le  désert 
inhabité. 

La  route  du  KéniaaulacBaringoa  une  direction  O.-N.-O.;  elle  traverse 
une  forêt  épaisse  dans  laquelle  les  traces  des  buffles  et  des  éléphants, 
ainsi  que  la  boussole  servirent  à^  voyageur  à  trouver  son  chemin.  Le 
sixième  jour  il  arriva  au  bord  du  plateau,  d'où  le  lac  Baringo  apparaît  à 
plus  de  1000"  plus  bas.  Quoique  les  scènes  des  lacs  et  des  montagnes 
de  l'Afrique  lui  fussent  familières,  il  déclare  qu'aucune  n'a  fait  sur  lui 
un  eflFet  aussi  remarquable.  Des  monts  Lykipia,  à  2600*  d'altitude,  la 
vue  s'étend  au  midi  jusqu'au  lâîc  Nalvasha  dont  le  côté  occidental  est 
formé  par  la  chaîne  abrupte  des  monts  Eamasia.  Au  loin  s'élève 
l'Elgeyo  dont  le  sommet  se  dessine  faiblement  au  delà  de  la  plaine 
rouge,  sans  arbres,  de  Gouas'Ngishou,  tandis  qu'à  angle  droit  s'étend 
la  grande  chaîne  des  Chibcharagnani.  Au  nord  la  vue  est  bornée  par 
le  profil  du  Donyo-Silali  et  par  la  haute  chaîne  des  monts  de  Souk, 
au  delà  desquels  apparaissent  encore  à  l'horizon  lointain,  les  masses 
isolées  du  Nyiro  et  du  pays  des  Gallas.  Tout  autour  des  voyageurs  et 
dans  le  voisinage  inmiédiat  du  lac  se  dressent  de  nombreuses  collines 
volcaniques,  assemblage  curieux  de  lignes  droites^  de  remparts  abrupts, 
d'angles  aigus,  tous  témoins  de  perturbations  volcaniques. 

A  Njemps,  Thomson  rejoignifla  caravane  anxieuse  de  ne  le  voir  pas 
revenir.  Cette  ville  est  une  colonie  de  Wa-Kouafi,  contraints  par  la  perte 
de  leur  bétail  de  se  livrer  à  l'agriculture,  et  d'adopter  une  vie  sédentaire. 
Ils  vivent  dans  une  frayeur  continuelle  de  leurs  frères  du  Lykipia. 
Comme  les  Wa-Kouàfi  de  Taveta,  ils  ont  beaucoup  gagné  sous  le  rap- 
port de  l'honnêteté,  par  suite  dé  leur  nouveau  genre  de  vie,  et  leur  pays 
est  devenu  un  centre  d'affaires  important  pour  les  trafiquants  d'ivoire. 

Thomson  fit  à  la  hâte  ses  préparatifs  pour  continuer  son  voyage 
vers  Kavirondo,  quelque  hasardée  que  pût  paraître  l'entreprise,  les 
trois  dernières  caravanes  qui  avaient  pénétré  dans  ce  pays  ayant  perdu 
chacune  plus  de  cent  hommes,  tués  dans  de  nombreux  combats.  Le 
guide,  qui  d'ailleurs  connaissait  bien  cette  région,  avait  tellement  peur 


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qu'il  feignit  d'être  gravement  malade  pour  ne  pals  avancer.  Alors,  lais- 
sant en  arrière  tous  ceux  qui  étaient  lâches  ou  incapables,  et  ne  prenant 
avec  lui  que  les  marchandises  nécessaires,  Thomson  se  remit  en  route;  se 
dirigeant  vers  Touest,  il  traversa  d'abord  les  monts  Kamasia,  pour 
redescendre  bientôt  dans  une  vallée  où  coule  un  des  grands  tributaires 
du  lac  Sambourou.  Gravissant  ensuite  les  hauteurs  abruptes  de  TElgeyo 
à  2500",  il  traversa  le  plateau  de  Guas'Ngishou,  sans  arbres  et  borné 
par  les  collines  de  Kabaras,  et  par  le  grand  mont  volcanique  de  Masaoua 
ou  Elgon,  le  pendant  du  Kénia,  moins  le  pic  supérieur.  Vers  le  N.-O. 
s'élève  le  Donyo-Lekakisera  qui  était  alors  couvert  de  neige.  Les  habi- 
tants des  monts  Kamasia  et  Elgeyo  sont,  pour  le  langage  et  pour  cer- 
taines coutumes,  parents  des  Masaï,  mais  ils  diffèrent  d'eux  en  ce  qu'ils 
se  sont  construit  des  habitations  et  qu'ils  vivent  essentiellement  d'agri- 
culture. D'autre  part  le  Guas'Ngishou  était  autrefois  occupé  par  des 
Wa-Kouafi,  qui  ont  été  dispersés  par  leurs  frères  de  la  plaine  et  se  sont 
vu  enlever  leurs  bestiaux.  En  conséquence,  ils  se  sont  réfutés  dans  le 
district  de  Kavirondo,  où,  trop  fiers  pour  travailler,  ils  vivent  comme 
des  pauvres  et  dépouillent  les  Wa-Kavirondo. 

En  cinq  marches  Thomson  atteint  le  district  de  Kabaras,  et  pour  la 
première  fois  depuis  le  départ  de  Taveta,  il  retrouve  abondance  de 
volailles  et  d'œufs,  de  blé  indien,  de  patates  douces,  qui  lui  paraissent 
délicieuses  après  la  maigre  chère  du  pays  des  MasaJ. 

Les  Wa-Kavirondo  sont  une  race  aimable,  mais  l'excitation  ou  la 
boisson  les  rendent  dangereux.  Les  femmes  mariées  seules  portent  un 
costume  très  succinct:  un  cordon  porté  en  guise  de  queue.  Quoique  les 
habitudes,  le  genre  de  vie,  les  maisons,  etc.,  soient  semblables,  cette 
tribu  est  cependant  composée  de  deux  éléments  distincts.  Au  nord,  les 
habitants  sont  parents  des  Souhahélis,  tandis  qu'au  sud  ils  se  ratta- 
chent aux  tribus  du  Nil,  ce  qu'indique  positivement  leur  langage. 

Le  pays  de  Kavirondo  entoure  la  partie  N.-E.  du  Victoria-Nyanza, 
jusqu'à  64  kilomètres  du  Nil,  et  à  50  kilomètres  au  sud  de  l'équateur. 
D'après  les  observations  de  Thomson,  une  partie  de  son  territoire 
occupe  une  place  attribuée  au  lac  lui-même  par  les  cartes  dressées  jus- 
qu'ici. En  trois  marches  à  partir  de  Kabaras,  on  atteint  la  grande  ville 
de  Koua-Soundou,  sur  une  belle  rivière,  la  Nzoia.  Les  vivres  y  étant  très 
abondants  et  à  des  prix  extrêmement  bas,  Thomson  y  fit  camper  ses 
gens  et,  avec  un  petit  nombre  d'hommes  seulement,  il  se  rendit  au  lac, 
à  travers  une  contrée  plus  peuplée  qu^auciine  de  celles  de  l'Afrique 
qu'il  eût  encore  vues  ;  et,  malgré  la  tentative  des  indigènes  de  lui  barrer 


—  so- 
le passage,  il  eut  le  10  <lécembre<1883,  la. satisfaction  de  boire  4e  Teau 
du  Victoria-Nyanza,  à  72  kilomètres  de  L'endroit  oîi  le  Nil  soijt  du  lac, 
A  rinverse  d'autres  lacs  africains,  le  \(ictoria-Nyanza  n'est  pas  bordé 
de  chaînes  de  montagnes.  Le  eoL  descend  graduellement  jusqu'à  la 
plage,  et  les  eaux  baignent  paisiblement  la  baie  limoneuse  et  maréca- 
geuse, quoique  souvent  ses  flots  présentent  l'aspect  d'une  mer  en  fureur. 
Thomson  eût  volontiers  poussé  jusqu'au  Nil,  mais  ses  provisions  étaient 
épuisées  ;  il  fut  pris  d'un  accès  de  fièvre,  et  ignorant  quelle  récep- 
tion l'attendait  au  delà  des  frontières  du  pays  de  Kavirondo,  il  résolut 
de  revenir  sur  ses  pas  plutôt  que  de  risquer  un  échec  ou  une  détention. 
Il  regagna  d'abord  Eoua-Soundou,  mais  à  partir  delà,  il  résolut  de 
prendre  une  route  à  travers  un  district  plus  septentrional,  afin  de  visi- 
ter l'Elgon  ou  Ligonyi,  montagiie  qui  atteint  presque  la  limite  des 
neiges.  Ce  qui  la  caractérise,  ce  sont  ses  grottes  artificielles  de  10°*  de 
haut,  extrêmement  nombreuses,  vastes  et  soutenues  par  des  colonnes. 
Elles  sont  taillées  dans  un  conglomérat  volcanique  très  compact  à  la 
base  de  la  montagne,  et  beaucoqp  d'entre  elles  sont  occupées  par  des 
indigènes  avec  leurs  bestiaux.  Leur  profondeur  à  l'intérieur  delà  mon- 
tagne et  dans  l'obscurité  la  plus  nbire  fait  comprendre  que  leur  desti- 
nation primitive  n'était  pas  d'être  habitées.  Thomson  croit  que  c'était 
autrefois  des  mines,  mais  sans  pouvoir  dire  par  qui  elles  ont  été  exploi- 
tées ;  aucune  tradition  des  habitants  ne  s'y  rapporte.  Il  aurait  beaucoup 
aimé  à  les  explorer ,  mais  les  vivres  lui  manquant,  il  dut  y  renoncer. 
D'ailleurs  il  avait  à  traverser  une  plaine  inhabitée,  dans  laquelle  sa 
boussole  devait  être  son  seul  guid^  Dans  une  chasse,  il  fut  pris  par  les 
cornes  d'un  buffle  qu'il  avait  blessé  à  mort,  mais  qui,  furieux,  le  jeta 
en  l'air,  en  sorte  qu'il  retomba  loui*dement  à  terre;  il  allait  être  foulé 
aux  pieds,  lorsqu'un  de  ses  serviteurs  déchargea  son  fusil  sur  l'animal 
qui  tomba  raide  mort.  Grièvemeht'  blessé,  Thomson  dut  être  rapporté 
sur  une  sangle  jusqu'à  Njemps,  où  il  fut  retehu  un  mois  avant  de  pou- 
voir se  remettre  en  route.  Delà  il  fit  une  excursion  d'une  quinzaine  de 
jours  au  lac  Baringo  qui  est  à  1000"  d'altitude  et  dont  l'eau  est  douce  ; 
mais  bientôt  il  fut  atteint  de  dyssenterie.  Gela  ne  l'empêcha  pas  d'explo- 
rer encore,  tantôt  à  pied,  tantôt  monté  sur  un  àne,  le  pays  entre  ce  lac 
et  les  lacs  salés  Nakouro  et  Elmetelta.  Il  arriva  épuisé  au  bord  du 
Nalvasha.  Deux  jours  de  repos  lui  rendirent  assez  de  forces  pour  monter 
sur  le  plateau  des  Wa-Kikouyou  afin  de  s'y  procurer  des  vivres.  Il  y 
réussit,  mais  tomba  malade  et,  pendant  deux  mois,  il  fut  entre  la  vie  et 
la  mort,  et  dans  des  circonstances  qui  ajoutaient  à  l'horreur  de  sa  situa- 


—  91  — 

tien.  Sa  seule  nourriture  était  une  soupe^  claire  faite  avec  de  la  viaûde 
gfttée  fournie  par  les  Masal.  Le  temps  étant  humide  et  froid,  il  était 
obligé  de  s'enfermer  dans  une  hutte  d'herbe,  sombre,  sans  feu  ni 
lumière,  et  sans  pouvoir  même  se  traîner  jusqu'à  la  porte. 

A  la  fin  voyant  que  son  état  ne  s'améliorait  pas,  et  jugeant  que,  s'il 
restait  chez  les  Masal,  il  y  mourrait,  il  résolut  de  faire  une  tentative 
pour  atteindre  la  côtel  Placé  dans  un  hamac,  il  quitta  sa  hutte  plus 
mort  que  vif,  et  heureusement  la  maladie  s'arrêta;  la  convalescence  fit 
des  progrès  rapides;  ses  porteurs  atteignirent  à  marches  forcées  Ngongo- 
a-Bagas  ;  de  là,  tirant  vers  l'est  à  travers  le  dangereux  district  de 
Kapté,  ils  arrivèrent  à  Oulou,  au  milieu  d'indigènes  bien  disposés, 
malgré  la  famine  qui  ravageait  le  paysil  Sans  proférer  de  murmures  ,ils 
traversèrent  encore  les  solitudes  stériles  de  Kikpumbouliou  ;  le  26  mars 
la  caravane  campait  de  nouveau  à  la  base  du  Ndara,  et  le  2  juin  elle 
saluait  la  station  de  Rabal  d'oti  elle  était  partie  15  mois  auparavant. 
Thomson  n'avait  pas  perdu  im  seul  homme  par  suite  de  violence,  quoi- 
qu'il eût  traversé  une  région  habitée  ipar  des  tribus  aussi  dangereuses 
pour  l'Afrique  que  les  Huns  ou  les  Vandales  l'ont  été  pour  l'Europe, 
comme  l'a  dit  Cameron.  Son  expédition  nous  a  fourni  des  données 
toutes  nouvelles  sur  la  topograpUet  ainsi  que  sur  les  traits  caractéris- 
tiques des  habitants  d'un  pays  qui  jusqu'ici  était  véritablement  encore 
une  terra  incognita. 


CORRESPONDANCE 

Ijeitre  de  H.  le  D'  €•  Pas«»Taiii. 

Dans  notre  Bulletin  mensuel  da  numéro  dfnotLi  de  l'année  dernière,  nous  disions 
(p.  175)  que  M.  Rogozinski  avait  auprès  dtdui,  dans  sa  station  de  l'Ile  Mondoleh 
au  sud  des  monts  Cameroon,  notre  compatriote,  M.  le  D' Passavant,  qui  se  pro- 
posait aussi  d'aller  au  lac  Liba,  et  qu'ils  attendaient  la  fin  de  la  saison  des  pluies 
pour  t&cher  de  nouveau  de  pénétrer  dans  l'intérieur.  Nos  lecteurs  ont  pu  croire 
que  M.  le  D"  Passavant  faisait  partie  d'une  expédition  dont  M.  Rogozinski  était 
le  directeur.  Il  n'en  est  rien  ;  l'expédition  de  notre  compatriote  est  tout  à  fait  dis- 
tincte de  celle  de  l'explorateur  polonais  ;  elle  ne  relève  que  de  M.  Passavant  qui 
en  fait  seul  tous  les  frais,  et  qui  nous  écrit  pour  dissiper  l'erreur  que  nos  lignes 
ont  pu  contribuer  à  répandre. 

Cameroon;  28  novembre  1884. 

M.  Rogosinsld  est  parti  d'Europe,  la  première  fois,  au  commencement  de  l'an- 
née 188S,  et  y  est  rentré  un  ou  deux  mois  plus  tard,  ayant  trouvé  sur  son  chemin, 


02- 

comme  disait  VErpîoration,  des  diftf cuites  insilTtiiontableB.  il  s'agissiait  ^de  contes- 
tations incessantes  entré  Im  et  ses  comi^agnoiis  de  royage • 

Parti  dtl  Havre^  lar  seconde  fois^  le  13  décenftère  1888,  atvec  nn  bâtiment  à  Toik 
acheté  par  lui,  il  toa<ihA  h  Fanellarie  20^  janvier  1884,  et,  iipirès  de  noriibredx 
s^ours  à  la  côte  de  Gainée,  entre  Monrovia  et  Lagos,  il  arriva  le  l'^'  mai  à 
Cameroon*  Il  s'installa^  avec  ses  quatre  compagnons  polonais,  et  un  Français  qui 
était  arrivé  avec  lui  mais  ne  faisait  pas  partie  de  son  expédition,  ches  un  agent 
d'une  maison  hambourgeoise  qui,  peu  de  temps  après,  affréta  son  navire^  la  Lucie' 
Marguerite,  et  le  fit  partir  pour  Victoria,  vers  le  10  mai.  Le  16,je  partis  de  Came- 
roon,  dans  mon  canot,  avec  mon  ami,  le  D'^  Retaer,  M.  Rogozinski  et  M.  de  0.  ; 
nous  passâmes  la  nuit  à  Bimbia.  Le  lendemain,  Kpgozinski  ne  partit  pas  avec 
moi,  mais  j'avais  dans  mon  canot  une  petite  boite  lui  appartenant,  et  contenant, 
a-t-il  dit,  du  linge  et  quelques  cadeaux  pour  un  roi  nègre.  Cette  boîte  a  été  per- 
due, ainsi  que  presque  toutes  les  miennes  et  mes  instruments,  dans  l'orage  pen- 
dant lequel  mon  ami  s'est  noyé.  Dans  la  nuit  du  18  au  19  mai,  la  Lueie-Marffiierite 
étant  à  l'ancre  dans  la  baie  de  Victoria,  se  perdit  par  une  faute  grossière  du  capi- 
taine ;  une  tornade  la  jeta  au  milieu  de  rochers  desquels  elle  ne  put  plus  sortir 
Cette  perte  fut  supportée  par  parties  égales  par  M.  Bogodnski  et  par  l'agent  de  la 
maison  hambourgeoise.  Une  lettre  insérée  dans  les  journaux  de  Cracovie  eut  pour 
effet  de  la  réparer  pour  M.  Rogozinski;)j9es  concitoyens  lui  envoyèrent  de  l'argent 
et  des  instruments.  Toutefois,  il  n'avait  pas  encore  ces  derniers  lorsqu'il  fit  son 
excursion  à  l'est  du  mont  Cameroon,  et  je  ne  sais  pas  comment  il  a  pu  alors  déter- 
miner d'une  manière  exacte  la  position  des  différents  endroits  par  lui  trouvés. 
J'ajoute  que  le  lac  qu'il  prétend  avoir  été  découvert  par  lui,  l'a  été  depuis  long- 
temps par  le  missionnaire  Thomson,  et  qu'il  est  indiqué  sur  une  carte  de  ce  der- 
nier, publiée  dans  un  des  numéros  des  Proceedings  de  la  Société  royale  de  géogra- 
phie de  Londres,  de  l'année  1881.M.RQgozinski  le  savait,  car  je  lui  avais  prêté  cette 
carte  et  il  l'a  copiée.  A  propos  de  celle,  qu'il  a  dressée  et  qu'ont  publiée  les  MU- 
iheUnngen  de  Gotha,  je  dois  vous  signaler  comme  erronée  l'indication  de  rapides 
interrompant  la  navigation  à  Eliki,  sur.  le  Moungo;  en  effet,  c'est-à-dire  dans  les 
mêmes  mois  où  Rogozinski  a  voyagé,  en  septembre  et  en  octobre,  un  steamer,  long 
de  plus  de  25™,  a  passé  ces  soi-disant  rapides  presque  sans  s'en  apercevoir  et  est 
allé  jusqu'à  la  cataracte.  La  ville  de  Kumba,  de  2000  habitants,  n'existe  pas. 

Pendant  son  séjour  à  Cameroon,  M.  Rogozinski  chercha  à  persuader  M.  L.,  le 
Français  susmentionné,  de  s'associer  à  lui  pour  foncier  des  factoreries  commer- 
ciales et  d'acheter  autant  de  terrain  que  possible.  M.  L.  n'entra  point  dans  ses 
vues.  Pour  le  moment,  M.  Rogozinski  cherche  à  se  procurer  de  l'argent  d'une 
autre  manière.  A  Fernando-Pô,  on  manque  tot^ours  d'ouvriers,  les  indigènes  ne 
voulant  pas  travailler  et  les  Erooboys  n'aimant  pas  à  y  aller,  M.  Rogozinski  a 
fait  le  tour  des  marchands  de  l'Ile,  pour  leur  demander  de  combien  de  Erooboys 
ils  avaient  besoin  ;  actuellement  il  est  en  route^  sur  un  steamer  anglais,  pour  la 
cête  Eroo,  afin  d'y  cherdier  800  Krooboys  environ. 

Depuis  la  mort  du  géologue  Tomezek,  le  seul  capable  de  diriger  l'expédition, 


I 


—  93  — 

M.  RojjTosiDAkiji'a  jj^las  ^qprès  de  .}ui  qu^  M.  ^  J.  ^ui  ae  psurlç- absolument  que 
le  polonais. 

D'après  ces  détails,  youa  eoçipr^^^dre^  que  je  ne  m'associerai  jamais  à  lui  pour 
i|ipn  exploration.  J'ai  80  porteurs  de  Lagos^pt  je  partirai  dans  peu  de  temps. 

D'  C.  Passavant. 


Nous  comprenons  que  les  érénements  dont  Cameroon  est  lethé&tre,  et  auxquels 
M.  Bogozinski  paraît  n'être  pas  demeuré  étranger,  aient  fait  un  devoir  à  M.  le 
D'  Passavant  de  fournir  les  renseignements  ci-dessus,  pour  qu'il  ne  puisse  s'éta- 
blir de  confusion  entre  les  deux  expéditions  qui,  quoique  leur  base  d'opérations 
soit  la  même,  n'en  sont  pas  moins  entièrement  indépendantes  l'une  de  l'autre. 


Tr^ 


Ltettre  de  M*  JfeanmaireÉ. 

Séshéké,  8  septembre  1884,  rive  gauche  du  Zambèze. 

Vous  avez,  je  l'espère,  reçu  ma  dernière  lettre  datée  de  Patamatenga  ;  par  elle, 
TOUS  aurez  eu  des  nouvelles  de  notre  voyage  à  travers  le  désert  et  de  notre  arri- 
vée à  Leshoma,  sur  la  rive  droite  du  Zambèze.  Je  reprends  mon  récit  où  je  l'ai 
laissé,  en  suivant  un  certain  ordre  chronologique. 

Après  quinze  jours  de  repos  à  Leshoma,  la  réponse  du  roi  n'arrivant  pas,  nous 
projetâmes  une  excursion  aux  chutes;  malheureusement,  an  dernier  moment, 
M.  Coillard  dut  renoncer  à  la  partie. 

Je  partis  le  5  août,  accompagné  de  nos  ouvriers,  de  deux  Ba-Souto,  de  trois 
Zambéziens,  et  de  deux  ânes  pour  nos  bagages.'  De  Leshoma,  le  voyage  est  assez 
long  —  quatre  jours  de  marche  —  mais  il  excite  un  intérêt  constant. 

A  la  fin  de  la  première  journée,  nous  atteignions  le  Zambèze  en  suivant  une  dia- 
gonale. Je  ne  pense  pas  qu'un  voyageur  puisse  éprouver  une  autre  impression,  que 
celle  qui  nous  a  saisis  en  face  de  ce  fleuve  majestueux.  Tantôt  il  se  montre  calme 
comme  un  lac  aux  eaux  bleu-sombre,  tantôt,'  dans  les  rapides,  il  gronde  comme  la 
mer  et  sa  grande  largeur  lui  donne  un  aspect  tout  à  fait  imposant. 

Le  caprice  des  eaux  a  créé  des  lies  et  des  tlots  nombreux  couverts  de  verdure  ; 
les  palmiers  à  la  taille  élancée  se  mirent  dans  les  flots,  et  les  bords  du  fleuve  sont 
couverts  d'une  végétation  luxuriante.  Plus  loin,  les  regards  s'étendent  sur  une 
plaine  vaste  et  dénudée,  formant  un  singulier  contraste  avec  l'avant-scène  ;  enfin, 
à  l'arrière-plan,  une  chaîne  continue  de  collines  bleuâtres  fait  de  l'ensemble  un 
tableau  d'une  rare  beauté. 

Quant  â  la  rive  droite  où  nous  nous  trouvions,  elle  a  aussi  son  genre  de  beauté. 
Elle  est  couverte  de  grandes  forêts,  d'une  végétation  tropicale;  les  baobabs  et  d'au- 
tres arbres  géants  sont  enguirlandés  de  plantes  grimpantes  ;  les  oiseaux  abondent  ; 
de  temps  en  temps  apparaît  une  antilope,  et,  le  tout,  -éclairé  du  soleil  d'Afrique, 
nous  fait  oublier  les  ronces  et  les  épines  ainsi  que  les  pierres  qui  méritent  bien 


—  94  — 

aussi  ane  mention  spéciale.  Noas  avons  vu  un  grand  nombre  d^hippopotames,  quel- 
ques crocodiles  et  entendu  le  lion. 

Le  II  août,  de  grand  matin,  nous  arrivionë  au  dernier  campement  des  voya- 
geurs avant  les  chutes,  et  t6t  après,  nous  nous  remettions  en  route  pour  visiter  ces 
dernières.  Le  sentier  qui  y  conduit  est  bien  marqué  et  traverse  une  herbe  courte  et 
âne  dans  une  forêt  que  je  pourrais  appeler  un  parc. 

Après  une  petite  heure,  nous  avions  atteint  notre  but.  Je  renonce  à  vous  faire 
une  description  des  chutes.  Je  n'y  ai  passé  qu^une  journée  et  vous  devez  compren- 
dre ma  réserve,  quand  de  beaucoup  plus  autorisés  que  moi,  après  une  étude 
sérieuse  du  s^jet,  déclarent  échouer  dans  une  telle  tentative.  Les  chutes  m'ont 
paru  terriblesj  énormes.  Un  sentiment  involontaire  d'effroi  vous  saisit  devant  un  tel 
prodige;  l'homme  paraît  petit,  et  se  ■sent  écrasé;  il  contemple  et  se  tait. 

Le  12  août,  dans  l'après-midi,  nouBiréjprenions  le  chemin  de  Leshoma,  où  nous 
arrivâmes  tous  en  bonne  santé,  le  16  au  matin.  M.  Coillard  avait  quitté  le  camp 
peu  de  jours  auparavant,  et  s'était  rendu  à  Séshéké,  d'où  on  lui.  avait  envoyé  des 
bateaux.  Je  passai  le  dimanche  à  Léshoma,  et  le  lendemain  18,  je  me  remis  en 
route  pour  Séshéké,  avec  un  Mo-Souto,  et  rejoignis  M.  Coillard  le  jeudi  suivant. 
Les  Zambéziens  sont  de  vigoureux  rameurs,  j'admirais  beaucoup  qu'ils  pussent  se 
livrer  à  un  tel  exercice,  debout  tout  un  jour,  sous  un  soleil  brûlant.  Les  bateaux 
ne  sont  pas  très  confortables  et  prennent  beaucoup  d'eau  ;  au  bout  de  quelques 
temps  on  se  fait  cependant  à  la  chose,  et  l'on  jouit  pleinement  d'une  telle  naviga- 
tion. Bien  que  ces  embarcations  soient  frêles,  je  ne  crois  pas  qu'elles  sombrent 
très  souvent.  Le  plus  grand  danger  vient  des  hippopotames  qui  vous  tiennent  con- 
stamment en  éveil,  dans  les  endroits  profonds.  J'ai  été  surpris  en  bien  des  endroits 
du  peu  de  profondeur  des  eaux  ;  souvent  les  bateliers,  au  lieu  de  ramer,  manœu- 
vrent le  bateau  en  appuyant  leurs  rames  sur  le  lit  sablonneux  du  fleuve.  D  est  vrai 
que  nous  étions  à  la  fin  de  l'hiver;  à  cette  époque  tout  au  moins, un  vapeur  serait 
complètement  inutile,  de  notre  gué  à  Séshéké. 

Ce  dernier  village  est  situé  sur  la  rive  gauche  du  Zambèze,  et  a  une  assez  grande 
importance.  Il  est  habité  par  les  principaux  chefs  du  pays  et,  bien  que  ceux-ci  ne 
soient  pas  très  nombreux,  leur  village^occupe  une  assez  grande  superficie,  vu  que 
chaque  chef,  quelle  que  soit  son  importance,  occupe  cinq  ou  six  maisons,  qui  indi- 
quent le  nombre  de  ses  femmes,  et  en  outre,  un  certain  nombre  de  huttes  pour  ses 
esclaves.  Les  plus  importants  ont  des  tribus  sous  leurs  ordres;  les  autres  sont  des 
chefs  de  villages.'  Ils  ont  fait  de  Séshéké  leur  ville  de  plaisance,  d'où  ils  visitent 
leurs  sujets  selon  leur  bon  plaisir.  Ces  derniers  vivent  à  la  campagne  et  mènent 
une  triste  existence.  Leur  position  est  des  plus  humiliante  :  les  chefs  sont  leurs 
maîtres  absolus,  ils  les  marient  selon  leurs  convenances,  et  disposent  de  leurs  enfants 
à  leur  gré  ;  ils  ont  même  le  droit  de  déposséder  leurs  si]gets  de  tout  ce  qui  peut 
appartenir  à  ceux-ci.  Le  résultat  d'un  tel  état  de  choses  est  un  grand  affaissement 
moral.  Quant  aux  chefs,  Us  disent  nous  être  franchement  favorables;  ik  nous 
comprennent  et  peuvent  s'entretenir  avec  nous  ;  c'est  un  avantage  immense  que 
nous  avons  sur  les  missionnaires  romains;  sachant  ce  que  pensent  les  gens  et  étant 


—  95  — 

en  mesure  de  leur  répondre,  nous  pouYons  ériter  bien  des  malentendas.  La  langue 
usitée  généralement  est  le  sé-kololo,  un  sé-souto  altéré  et  mélangé  d'autres  idio- 
mes ;  cependant  il  nous  est  aisé  derles  comprendre,  nous  nous  croyons  presque  au 
Le-Souto.  m 

Bon  nombre  de  femmes  parlent  un  pur  sé-souto,  je  yeux  dire  les  premières  fem- 
mes des  chefs,  les  femmes  ma-kololo  formant  encore  l'aristocratie  féminine. 
Chose  étrange,  le  sé-rotsé  n'est  pas  usité  généralement,  pas  plus  au  conseil 
qu'autour  du  foyer  ;  il  n'est  employé  qu'occasionnellement,  entre  confidents  dis- 
crets. Nous  ayons  aussi  remarqué  que  les  esclaves  ne  le  savent  pas  ou  le  parlent 
mal.  Le  sé-kololo  est  le  lien  entre  tous,  maîtres  et  esclaves,  le  trait  d'union  des 
nombreuses  tribus  sujettes  des  Ba-Rotsé.  Ces  derniers  ne  sont  pas  très  nombreux , 
mais  chacun  d'eux  joue  le  rôle  d'un  citoyen,  romain,  tandis  que  les  sujets  repré- 
sentent  ce  qu'étaient  les  barbares  pour  i^andenne  Rome. 

Tous  ces  gens  sont  sociables/  c'est-à-dire  que  volontiers  ils  vous  visitent  et  vous 
questionnent  ;  ce  sont  des  barbares  à  demi  civilisés  et  qui  inspirent  peu  de  crainte. 
Toutefois  nous  avons  un  grave  reproche  à  faire  aux  gens  de  Séshéké,  c'est  qu'ils 
ne  connaissent  pas  les  devoirs  de  l'hospitalité  ;  ils  mettent  exactement  en  pratique 
cette  vilaine  maxime  :  rien  pour  rien.  En  outre,  ils  sont  excessivement  importuns 
par  leurs  demandes,  tous,  à  peu  près  sans  exception,  du  haut  de  l'échelle  au  der- 
nier échelon;  cela  se  répète  chaque  jour^et  pour  toutes  choses,  aussi  faut-il  une 
bonne  dose  de  patience  pour  éconduire  poliment  tous  les  solliciteurs.  Un  blanc 
est  pour  eux  une  vache  à  lait,  une  mine  de  trésors,  et  notre  qualité  de  mission- 
naires ne  nous  soustrait  pas  à  la  règle.  M.  Goillard  a  fait  des  présents  aux 
principaux  chefs  ;  s'il  lui  fallait  contenter  tous  les  autres,  les  trésors  de  Crésus 
n'y  suffiraient  pas.  Il  faut  apprendre  à  dire  non,  sans  blesser  personne,  et  les  con- 
fondre quelquefois  en  demandant  à  son  tour.  Accepter  un  cadeau  est  ici  une  mau- 
vaise spéculation  ;  il  faut  le  faire  parfois,  mais  empêcher  que  la  chose  ne  se  répète 
trop  souvent.  Je  pense  que  les  choses  changeraient  assez  vite,  une  fois  que  nous 
serions  considérés  comme  des  leurs.  Je  crois  aussi  que  nous  aurions  promptement 
des  amis,  surtout  parmi  les  esclaves,  qui  aiment  beaucoup  à  nous  servir. 

Quant  aux  mœurs,  elles  sont  aussi  corrompues  que  possibles  :  la  volupté  est  en 
honneur  et  pratiquée  sans  honte  ;  l'ivrognerie  est  un  fléau  non  moins  redoutable  ; 
la  grande  occupation  des  chefs  que  nous  voyons  est  de  boire  de  la  bière,  du  matin 
au  soir  ;  c'est  autour  des  calebasses  que  se  discutent  les  affaires.  Tous  ici  fument 
le  chanvre,  chefs  et  esclaves,  ce  qui  contribue  à  les  abrutir  plus  encore.  Ce  peuple 
est  aussi  très  superstitieux,  sans  doute  à  cause  des  dangers  qu'il  court  sur  le 
fieuve  ;  il  a  des  notions  religieuses  plus  développées  que  d'autres  peuples  du  sud 
de  PAfrique  ;  tout  prodige  a  pour  lui  une  cause  surnaturelle  :  le  fleuve  est  un 
dieu  dont  il  faut  s'acquérir  les  faveurs,  les  crocodiles  et  les  hippopotames  subis- 
sent le  charme  de  leurs  médecins,  ainsi  de  suite,  je  n'ai  fait  encore  qu'entrevoir  ce 
-tissu  de  ténèbres. 

La  politique  est  celle  de  l'intérêt;  le  plus  fort  aura  raison,  du  moins  personne 
^^  se  compromettra  pour  soutenir  une  cause  juste.  Voilà  ce  qui  nous  frappe  tout 


—  96  — 

d'Abord,  piafs  ce  ^ont  des  premières  impreasioas  gai  ont  besoin  d'être  confirmées 
p^  de  longues  observations,  aussi  est-ce  comme  telles  q,ue  je  tous  les  donne. 

Au  point  de  yqe  physique,  les  Zambéziens  ng  sont  p^s  au  dernier  rang  ;  ce  sont 
de  grands  hommes  à  la  figure  intelli^e^Dte  ;  beaucoup  portent  la  barbe,  et  certains 
vieux  chefs  de  Séshéké  ont  un  aspect  digne  et  vénérable.  Quel  immense  champ 
s'ouvrira  à  notre  activité,  si  Dieu  nous  permet  de  nous  établir  au  Zambèze  !  Les 
Ba-Botsé  ne  sont  qu'un  nom  au  milieu  de  beaucoup  d'autres  tribus  sujettes,  de 
quelques  journées  de  marche  au  sud  des  chutes  jusqu'à  la  vallée  des  Ba-Rotsé,  et 
plus  baut  encore  avec  toute  )a  contrée  comprise  entre  la  Chobé  et  le  2^mbèze. 

Toutes  ces  tribus,  nous  assure-t-on,  comprennent  le  sé-kololo.  Notre  cœur  bat 
de  joie,  puis,  les  difficult)§s  nous  apparaissent  bien  grandes.  Ce  n'est  d'ailleurs 
que  la  porte  pour  atteindre  d'autres  nations. 

Notre  grande  préoccupation  était  1^  visite  au  roi  ;  pendant  notre  séjour  à  Sé- 
shéké, nous  n'étions  pas  sans  appréhensions  à  son  sujet,  bien  qu'il  eût  envoyé  un 
messager  pour  nouç  chercher;  après  de  longs  pourparlers  et  de  nombreuses  solli- 
citations, nous  obtînmes  deux  bateaux  des  chefs  d'ici,  et,  le  30  août,  nous  nous 
mettions  en  route  pour  la  vallée  des  Ba-Botsé,  M.  Coillard  et  moi,  en  bateau  avec 
un  driver;  deux  Ba-Souto  faisaient  le  voyage  par  terre  avec  l'envoyé  du  roi. 

Nos  débuts  ne  furent  pas  heureux  ;  le  jour  même  de  notre  départ,  le  bateau  de 
M.  Coillard  faillit  couler  à  cause  de  ses  yoies  d'eau,  et  force  nous  fut  de  nous  ar- 
rêter pour  le  réparer.  Le  lendemain  de  ce  jour  était  un  dimanche  ;  nous  le  pas- 
sfUnes  à  quelque  distance  de  Séshéké,  et,  le  lundi  suivant,  nous  allions  nous  re- 
mettre en  route,  quand  un  messager  de  Séshéké  nous  pria  de  revenir  en  hâte  sur 
1^08  pas.  Nous  apprîmes  des  chefs  que  le  roi  actuel  venait  d'être  détrôné  et  que  la 
vallée  était  en  révolution  ;  voici  les  faits.  Tout  dernièrement,  le  roi  a  fait  périr 
un  grand  chef  et  la  femme  d'un  second  ;  il  se  proposait  encore  d'autres  exécu- 
tions, quatre  chefs  de  Séshéké  étaient  désignés,  mais  l'indignation  de  la  tribu  le 
prévint  dans  ses  desseins.  Cerné  dans  sa  maison,  il  a  cependant  réussi  à  s'échap- 
per en  tuant  deux  hommes  et  personne  ne  sait  où  il  est.  La  sœur  du  roi,  l'exécu- 
trice des  deux  derniers  crimes,  a  été  déposée,  et  les  conseillers  royaux  ont  pris  la 
fuite.  Quant  aux  fidèles  sujets  du  roi  à  Séshéké,  ils  paraissent  peu  affectés  et 
noient  leur  chagrin  dans  la  bière.  Que  faire  nous-mêmes  ?  Après  beaucoup  d'hési- 
tations, nous  nous  sommes  décidés  à  attendre  à  Leshoma  les  événements,  et  à  faire 
le  voyage  à  la  vallée  avec  les  chefs,  lorsqu'Us  iront  saluer  le  nouveau  roi.  En  ar- 
rivant ici,  nous  avons  appris  que  M.  Arnot  avait  quitté  le  pays  pour  la  côte  ouest, 
avec  un  marchand  portugais.  Il  a,  pavaît-il,  beaucoup  souffert  en  dernier  lien,  de 
maux  d'yeux  et  de  maux  de  dents,  c'est  là.  tout  ce  que  nous  avons  appris  de  lui. 

15  septembre. 

Nous  apprenons  que  le  roi  s'est  conduit  en  vandale  dans  sa  retraite  ;  il  a,  pa- 

raît^il,  tué  beaucoup  de  gens  ;  on  nous  dit  qu'il  a  pUlé  les  efifets  de  M.  Amol,  ce 

dont  nous  ne  sommes  pourtant  pas  certains.  D'autre  part,  nous  sommes  convaiB- 

cofl  qu'il  a  pillé  des  marchands  de  Mangwato,  qui  avaient  eu  l'imprudence  de  faire 


—  97  — 

passer  la  i^vière  à  quelques-unes  de  leurs  marchandises  venues  par  le  lac  Ngamî; 
son  but  est' d'attirer  une  yengeance' isur  la  tribu  qui  l'a  dépossédé  ;  deux  conseil- 
lers l'ont  suivi  dans  sa  fuite,  l'uu  d'eux  est  Eambella.  Le  futur  roi  est  ^ùn  cousin 
du  précédent  ;  il  est  absent  du  pays  et  on  l*èt*8nvôyé  chercher,  il  se  nomme  Akou- 
foana.  Une  sœur  de  ce  dernier,  selon  la  coutume  qui  date  de  Sébétuané,  occupe  le 
second  siège  du  royaume,  son  nom  est  Maembiba,  elle  est  déjà  à  son  poste.  Quant 
an  nouveau  roi,  il  peut  encore  beaucoup  tarder  à  arriver.  Voici  la  succession  des 
derniers  rois  et  leur  parenté  : 

  Sékélétou,  fils  de  Sébétuaué,  le  Mo-Souto,  a  succédé  Sépopa.  A  Sépopa, 
Nguanawina,  fils  de  Sébéso,  frère  atné  de  Sépopa.  A  Nguanawina  succéda  Lua- 
nika  ou  Lobossi,  fils  de  Litia,  second  frère  de  Sépopa.  A  ce  dernier,  succède  le 
roi  de  ce  jour  Akoufouna,  fils  de  Limbona,  troisième  frère  de  Sépopa.  C'est  tou- 
jours un  frère  et  une  sœur  qui  occupent  lesf  (feux  premiers  sièges  du  pays.  Vau- 
dront-ils mieux  que  les  précédents  ?  nous  seront-ils  favorables  ? 

Le  l*"'  octobre,  nous  avons  appris  que  les  marchands  cités  plus  haut  ne  sont 
pas  de  Mangwato,  et  la  tribu,  paraît-il,  le'^  remboursera.  Nous  ne  savons  rien  du 
nouveau  roi,  et,  de  retour  à  Leshoma,  nous  ignorons  toutes  les  nouvelles  de  la 
vallée.  Il  est  impossible  pour  nous  de  nous  établir  cette  année  chez  le  roi,  vu  la 
saison  des  pluies  qui  est  prochaine  ;  nous  aimerions  à  faire  seulement  un  voyage, 
pour  nous  entendre  avec  les  chefs  et  tout  préparer  pour  l'hiver  prochain.  Nous 
attendons  un  nouveau  messager  des  chefs  actuels  pour  nous  mettre  en  route,  car 
nous  vivons  au  temps  des  Juges  et  nous  craignons  d'être  pillés  en  précipitant  ce 
voyage. 

Ce  que  j'ai  vu  du  pays  des  Ba-Rotsé,  depuis  le  gué  jusqu'à  Séshéké,  n'a  rien  de 
remarquable.  C'est  une  plaine  de  chaque  côté  du  fleuve,  et  les  regards  ne  rencon- 
trent qu'une  herbe  haute  et  des  roseaux  ;  beaucoup  plus  loin  sont  les  forêts  peu- 
plées de  beaucoup  de  gibier.  La  rivière  est'  très  belle  an  gué,  à  quelques  centaines 
de  mètres  an-dessous  de  son  confluent  avec  le  Chobé,  et  jusqu'à  Emparira,  à  8  ki- 
lomètres plus  haut  ;  à  partir  de  ce  point,  plus  de  forêts,  plus  de  palmiers,  le 
tableau  a  perdu  toutes  ses  couleurs.  Séshélcé  (les  sables)  n'est  pas  dans  une  jolie 
situation.  *'" 

Nous  nous  établissons  à  Leshoma  pour  la  saison  des  pluies  ;  cette  station  prend 
l'air  d'un  petit  village.  Grâce  à  Dieu,  après  quelques  indispositions  nous  sommes 
tous  bien  à  cette  heure. 

Dernières  nouvelles.  28  oct.  Aujourd'hui  arrivent  des  bateaux  pour  nous  cher- 
cher; MM.  Coillard,  Arone  et  moi,'  nous  esj^érons  partir  après-demain  pour  la 
vallée.  —  Le  nouveau  roi  est  élu,  paraît-il:  ce  serait  Maina,  un  frère  d^Akoufouna; 
Maembiba  reste  en  place.  —  Nos  Ba-Souto  nous  quittent  aujourd'hui.  Tous  nous 
sommes  bien  ! 

N.  B.  MM.  Coillard  et  Arone  partent  seuls  pour  la  vallée.      D.  Jeanmairet. 


y 


—  98  — 


Lettre  de  M.  P.  Bertkoad. 


■Si 


Valdé^tf,  Spelonken,  Transvaal,  20  décembre  1884. 

Vous  sayez  sans  doute  qoe  le  roi  Ouîmzila  (ou  Moâla)  est  mort.  Toutefois  cette 
nouvelle  a  grand  besoin  d'être  confirmée,  car  nous  manquons  de  détails.  Peut-être 
l'est-elle  à  vos  yeux,  puisque,  malgré  votre  éloignement,  vous  avez,  avec  nos 
voisins  du  sud  de  PAfrique,  des  communications  plus  régulières  et  plus  rapides  que 
nous,  qui  vivons  au  milieu  de  la  barbarie.  Cet  événement  est  de  la  plus  haute 
importance  pour  la  tribu  des  Ma-Gouamba  que  nous  évangélisons.  En  effet,  pour 
qu'il  n'amenftt  pas  de  changement  dans  la  situation  politique  de  la  tribu,  il  fau- 
drait qu'Oumzila  eût  un  successeur  aussi  fort  et  aussi  bien  assis  que  lui  ;  or,  je 
doute  qu'on  lui  en  trouve  un  pareil^  ^  ^ 

Nous  suivons  ces  événements  avec  attention  et  sollicitude,  parce  qu'ils  touchent 
à  la  vie  même  de  notre  œuvre  missionnaire.  Ainsi  nous  avons  une  annexe  impor- 
tante sur  laquelle  planent  des  menacée  de  guerre,  et  ces  nuages  noirs  se  dissipe- 
raient bientôt  si  la  nouvelle  de  la  mort  du  roi  était  confirmée.  Cette  annexe,  — 
soit  station  missionnaire  dirigée  par  un  évangéliste  indigène,  —  se  trouve  chez 
Magoud  (prononcez  Magoudou,  avec  l'accent  sur^ou,  et  la  dernière  syllabe  muette), 
un  peu  au  nord  de  la  baie  de  Delagoa.  €e  chef  assez  important  a  été  obligé  de  se 
reconnaître  tributaire  d'Oumzila,  et  il  se  trouve  maintenant  plus  ou  moins  pris 
entre  deux  feux.  Son  suzerain,  en  effet,  enhardi  sans  doute  par  le  succès  de  ses 
impositions  autoritaires,  essaya  de  faire  un  pas  de  plus,  et  ordonna  à  Magoud  de 
lui  envoyer  le  tribut  des  marchands  blancs  dont  les  factoreries  ressortissent  à  son 
pays.  Sur  tout  le  littoral  il  y  a  des  boutiques,  desservies  pour  la  plupart,  non  par 
des  «  blancs,  »  mais  par  des  Banyans  ;  en  réalité  les  Européens  y  soAt  rares,  il  y 
en  a  peut-être  deux  ou  trois  dans  lé  territoire  de  Magoud.  Toutefois  les  mar- 
chands ne  se  sont  pas  établis  dans  la  capitale  du  chef,  parce  que,  parait-il,  la 
localité  est  insalubre;  et  pour  éviter  cet  inconvénient,  ils  ont  bftti  leur  village  au 
bord  d'un  petit  lac,  à  50  ou  60  kilom.  plus  à  l'est;  c'est  là  qu'on  peut  voir  six  ou 
sept  boutiques,  où  l'on  fait,  hélas  !  un  immense  trafic  d'eau-de-vie. 

Les  instructions  envoyées  par  Oumzila  étaient  claires  et  positives,  autant  que 
prétentieuses;  si  je  ne  me  trompe, il  exigeait  que  chaque  boutique  livrât  un  tribut 
d'une  valeur  de  400  francs.  Les  marchands  refusèrent  avec  protestation.  Mais 
Magoud  leur  fit  comprendre  qu'il  aurait,  lui,  à  payer  pour  eux,  afin  de  satisfaire 
son  suzerain.  Sur  quoi,  les  marchands  de  le  pousser  à  la  résistance,  lui  représen- 
tant à  leur  tour  que  si  les  exigences  du  roi  allaient  ainsi  croissant,  ils  ne  pour- 
raient pas  rester  dans  le  pays,  et  que  le  peuple  de  Magoud  perdrait  l'avantage 
qu'il  retire  de  la  présence  des  factoreries;  d'ailleurs,  lui  dit-on  encore,  les  blancs 
sont  les  hôtes  de  Magoud,  et  c'est  à  lui  qu'ils  veulent  payer  des  redevances, 
comme  ils  l'ont  toiyours  fait.  Enfin  Oumzila  vient  de  mourir,  et  ses  soi-disant 
envoyés  pourraient  bien  être  des  imposteurs. 


—  99  — 

n  faat  id  toos  expliquer  le  système  d'impositions,  qui  a  cours  dans  le  royaume 
d'Onmzila.  Naturellement  il  n'y  a  pen  de  très  régulier  ;  au  contraire,  l'arbitraire 
est  la  règle,  selon  la  coutume  des  tribus  sauvages.  Le  royaume  est  divisé  en  plu- 
sieurs grandes  provinces,  dont  les  frontières^^ien  déterminées  de  province  à  pro- 
vince, sont  souvent  mal  définies  du  côté  des  autres  royaumes  ou  des  pays  voisins. 
La  perception  des  redevances  est  remise  à  la  prudence  des  gouverneurs  des 
provinces,  lesquels  font  du  zèle  pour  mériter  la  faveur  de  leur  monarque.  Cepen- 
dant celui-ci  ne  leur  demande  pas  de  présenter  des  comptes  balancés  !  Et  ils  en 
profitent  pour  soigner  leurs  propres  affaires,  prenant  garde  seulement  de  ne  pas 
paraUre  plus  riches  que  le  roi.  Voici  donc  leur  manière  de  procéder;  ils  envoient, 
au  nom  d'Oumzila,  une  petite  troupe  de  guerriers,  avec  l'ordre  de  rapporter,  de 
gré  ou  de  force,  par  exemple  dix  têtes  de  bétail  d'un  village  —  à  supposer  que 
les  habitants  aient  du  bétail,— ou  bien  des  étoffes  et  de  l'eau-de-vie  d'une  factore- 
rie  désignée.  Les  guerriers  reviennent  avec  leur  butin  chez  le  gouverneur,  qui  en 
envoie  peut-être  les  deux  tiers  à  Oumzila,  et  garde  le  reste  pour  lui-même  ou 
pour  l'entretien  de  ses  gens.  Si  quelqu'un  s'avise  de  refuser  le  payement  de  cette 
réquisition,  on  a  bientôt  rassemblé  un  contingent  armé,  auquel  Oumzila  ajoutera 
du  renfort  si  c'est  nécessaire,  et  l'on  ch&tie  sévèrement,  cruellement  même,  les 
récalcitrants. 

Voilà  ce  qui  faisait  trembler  Magoud,  dont  le  seul  désir  est  de  vivre  en  paix. 
Cest  un  homme  remarquable,  à  la  fois  plein  d'intelligence  et  de  bonté  ;  on  pour- 
rait citer  de  lui  bien  des  nobles  traits.  Dax^  le  cas  qui  nous  occupe,  on  comprend 
que  les  exigences  exorbitantes  de  ses  supérieurs  lu^  fissent  une  situation  vraiment 
périlleuse.  Il  est  probable  toutefois  que  la  petite  troupe  d'Oumzila  avait  été 
envoyée  par  un  gouverneur  qui  habite  au  bord  du  Limpopo  et  qui  se  promettait 
une  bonne  affaire;  néanmoins  ses  ordres  avaient  autant  d'autorité  que  s'ils  étaient 
venus  de  plus  haut,  comme  je  viens  de  l'expliquer.  Comment  donc  sortir  de  cette 
impasse  ?  Le  seul  moyen  eût  été  de  parler  au  roi  lui-même  et  de  lui  montrer  que 
la  corde  était  trop  tendue.  Plus  sage  et  mieux  placé  que  le  gouverneur  compromis, 
il  aurait  probablement  arrangé  la  chose.  Mais  la  demeure  du  roi  est  à  neuf  cents 
kilomètres  du  village  de  Magoud  ! 

Cependant  la  situation  était  si  grave  qu'on  dut  forcément  se  résoudre  à  entre- 
prendre cette  grande  expédition.  Les  blancs  proposèrent  donc  à  Magoud  le  plan 
suivant.  On  enverra  à  Oumzila  une  députation  composée  de  l'un  des  marchands  et 
de  plusieurs  notables  de  Magoud.  S'ils  trouvent  que  le  roi  est  vraiment  mort,  ils 
reriendront  et  l'on  refusera  de  livrer  ce  qui  .^t  réclamé.  Si  Oumzila  vit  encore,  ils 
lui  exposeront  les  circonstances  et  demanderont  un  allégement  de  la  charge 
imposée  aux  marchands.  Enfin,  quoi  qu'il  arrive,  les  blancs  sont  prêts  à  prendre 
les  armes,  pour  se  joindre  à  Magoud  en  vue  de  la  défense  commune. 

Ayant  trouvé  ce  plan  bien  conçu,  le  chef  Magoud  l'accepta,  mais  en  tremblant, 
car  il  aurait  beaucoup  aimé  que  les  blancs  payassent,  quoique  en  protestant. 
L'affaire  en  était  là  au  mois  d'août  dernier,  et j'attends  maintenant  la  suite. 

Notre  évangéliste  partage  l'anxiété  du  chef  et  sympathise  avec  lui.  Comme 


—  100  — 

cette  annexe  est  à  400  kilom.  de  nos  stations,  nos  missionnaires  ne  l'ont  jamais 
Yue,  et  il  est  à  désirer  que  Pun  d'eux  y  soit  prochainement  envoyé,  au  moins  pour 
la  visiter  et  pour  voir  Magoud  lui-même.  Malheureusement  un  voyage  jusque-là 
constitue  une  véritable  entreprise  dr<Bxploration,  parce  qu'on  ne  peut  s'y  rendre 
d'ici  que  par  des  contrées  sans  routes  et  souvent  sans  habitants.  Si  nous  avions 
une  station  à  Lorenzo-Marquès,  la  chose  serait  infiniment  plus  simple,  puisque 
des  barques  font  souvent  le  trajet  de  cette  ville  chez  Magoud,  en  remontant  la 
rivière  Komati. 

Cela  me  rappelle  que  vous  avez  parlé  du  petit  vapeur  Maud,  qui  a  essayé  de 
remonter  le  Limpopo.  Mais  je  regrette  de  ne  pas  connaître  le  résultat  de  cette 
expédition  '.  Cependant  j'ai  oui  dire  que  le  bateau  avait  pu  faire  aisément 
environ  80  kilomètres  sur  le  fleuve,  mais  qu'il  avait  été  arrêté  là  par  la  fièvre  qui 
décimait  les  membres  de  l'expéditiott;  On  s* était  mis  en  route  trop  tôt,  paraît-il, 
avant  la  fin  de  la  mauvaise  saison,  qui,  cette  année,  s'est  prolongée  plus  tard  que 
d'ordinaire.  Il  reste  acquis  cependant  que  le  Moud  a  navigué  sans  peine  sur  la 
partie  du  fleuve  la  plus  défavorable  ;  mais  les  eaux  n'étaient  pas  encore  basses. 

Aux  pages  86, 112  et  135  de  V Afrique  explorée*^  vous  annoncez  les  mesures  prises 
en  vue  de  la  construction  d'un  chemin  de  fer  de  Pretoria  à  la  baie  de  Delagoa. 
Mais  nous  venons  d'apprendre  que  l'emprunt  émis  en  Hollande  par  le  Transvaal 
n'a  pas  été  souscrit,  et  que  le  comité  néerlandais  d'initiative  s'est  dissout.  A 
quand  la  voie  ferrée  ? 

En  1876  un  semblable  emprunt,  destiné  au  même  but,  avait  déjà  été  souscrit; 
mais,  pour  gagner  les  souscripteurs,  on  avait  émis  les  titres  au  60  %,  tout  en 
garantissant  un  fort  intérêt  du  pair.  Nous  le  payons,  cet  intérêt,  depuis  1876  ;  cela 
fait  un  impôt  annuel,  dit  pour  le  chemin  de  fer^  de  Ls  1.10  0  par  habitant  (homme 
adulte).  Mais  l'argent  de  cet  emprunt  a  été  dilapidé  dès  l'origine,  et  nous  sommes 
sans  chemin  de  fer.  Paul  Bertboud. 


BIBLIOGRAPHIE 


Mission  d^exploratiok  du  qaut-niojsr.  Voyage  au  Soudan  français 
(Haut-Niger  et  pays  de  Ségou),  188Q-1881,  par  le  commandant  Galliéni, 
contenant  140  gravures  dessinées  sur  bois  par  Riou,  2  cartes  et  15  plans. 
Paris  (HacbetteetC*),  1885,  gr.in-8',632  pages,  15  fr.— Si  le  Tonkin  et 
Madagascar  détournent  pour  le  moment  P  attention  du  Sénégal,  cela  ne 

*  Nous  ne  l'ayons  tu  mentionné  dans  aucun  des  journaux  que  nous  receTons 
de  l'Afrique  australe. 

'  Voir  V"«  année. 

^  On  peut  se  prpcurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  B&le,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  101  — 

signifie  pas  que  la  France  ait  abaDdouaé  son  projet  d'atteindre,  par 
cette  voie,  le  cœur  du  Soudan,  afin  d'attirer  à  St-Louis  le  commerce 
qui  suit  actuellement  les  routes  sahariennes  conduisant  au  Maroc  et  à 
la  Tripolitaine,  L'échec  des  missions  Fïatters  ayant  démontré  que  l'on 
ne  pourra  de  longtemps  atteindre  Timbouctou,  parle  nord,  il  s'agit  d'a- 
border ce  grand  marché  par  le  Niger,  et  il  ne  semble  pas,  jusqu'à  pré- 
sent, que  l'on  ait  rencontré  de  ce  côté  une  bien  vive  résistance.  En  1879, 
des  oflSciers  étudièrent  le  cours  du  Sénégal  et  les  territoires  voisins  jus- 
qu'à Bafoulabé;  de  1879  à  1881,  le  capitaine  GalUéni  explora  la  vallée 
du  Bakhoy,  atteignit  le  Niger  et  arriva  jusqu'à  Nango,  c'est-à-dire  à 
une  faible  distance  de  Ségou,  résidence  du  sultan  Ahmadou  ;  enfin  de 
1880  à  1882,  le  colonel  Borgnis-Desl^ordes  acheva  l'exploration  des 
régions  situées  entre  le  Sénégal  et  le  Niger,  et  planta  le  drapeau  fran- 
çais sur  ce  fleuve  à  Bamakou. 

L'ouvrage  que  nous  annonçons  est  consacré  à  la  narration  de  la  mis- 
sion Galliéni,  par  le  commandant  lui-même.  C'est  im  beau  volume,  pré- 
paré avec  le  soin  qui  distingue  les  publications  de  la  maison  Hachette. 
L'impression,  les  gravures  de  Riou,  les  cartes  et  les  plans  sont  admira- 
bles d'exécution  et  de  dessin.  Quant  au  récit,  il  est  écrit  d'un  style 
simple  et  sans  emphase  ;  on  y  reconnaît  la  plume  d'un  soldat  qui  raconte 
d'une  manière  claire  ce  qu'il  a  vu,  ce  qu'il  a  fait,  au  fiir  et  à  mesure  que 
les  événements  se  déroulent,  sans  exagérer  ni  l'importance  de  ses  décou- 
vertes, ni  la  grandeur  des  obstacles  qu'il  a  surmontés.  L'accent  de 
vérité  que  l'on  sent  à  chaque  page  rend  très  attachante  la  lecture  de  ce 
volume,  et  augmente  le  mérite  et  la  haute  idée  qu'on  se  fait  de  l'énergie 
et  de  la  bravoure  de  ces  hommes,  perdus  au  milieu  de  populations  barba- 
res et  dont  la  vie  a  été  constamment  en  danger.  GalUéni,  du  reste,  avait 
été  fort  heureux  dans  le  choix  de  ses  compagnons  de  voyages:  Piétri, 
Vallière  et  Tautain,  ofBiciers  d'un  caractère  éprouvé  et  d'une  grande 
valeur  au  point  de  vue  des  connaissances  scientifiques  nécessaires  pour 
accomplir  le  programme  fixé.  Voyez-les  remonter  le  Sénégal  et  la  Bak- 
hoy, chercher  à  conclure  avec  les  tribus  nègres  des  traités  de  commerce 
et  d'amitié,  se  séparer  et  diviser  leur  troupe  si  restreinte  en  trois  grou- 
pes, afin  de  pouvoir  comprendre  une  plus  vaste  étendue  de  terrain  dans 
le  champ  de  leur  exploration  ;  écoute^  Galliéni  racontant  le  combat  de 
Bio,  dans  lequel  son  convoi  dut  supporter  le  choc  de  1500  à  2000  Bam- 
barras  bien  armés,  sa  retraite  sur  le  Niger  et  sa  rencontre  avec  ses  amis 
à  Bamakou;  suivez  la  mission  dans  sa  marche  sur  Ségou  que,  malgré 
ses  efforts,  elle  n'atteignit  pas,  obligée  qu'elle  fut,  par  ordre  d'Ahmadou, 


—  102  — 

de  s'arrêter  à  Nango  ;  lisez  eafiti  la  description  de  la  véritable  captivité 
queleurimposale  sultan  et  celle  duretour  à  St-Louis.  Est-il  possible,  après 
avoir  pris  connaissance  de  ces  faits,  de  n^ôtre  pas  pénétré  d^admiration 
pour  ces  hommes  généreux  qui,'  en  dépit  de  tous  les  dangers,  veulent 
remplir  leur  mandat  jusqu'au  bout?  Ce  sentiment  ne  fait  que  grandir 
lorsqu'on  constate  que,  malgré  les  attaques  de  fièvre  et  l'état  de  dénue- 
ment dans  lequel  ils  se  trouvaient  après  le  combat  de  Dio,  ils  sont  par- 
venus à  faire  assez  d^  observations  précises  et  à  recueillir  suffisamment 
d'informations,  pour  permettre  à  Galliéni  de  décrire,  dans  les  cent  der- 
nières pages ,  la  région  parcourue  ;  description  si  complète  que  ces  con- 
trées, hier  encore  marquées  presque  en  blanc  sur  les  cartes,  peuvent  être 
aujourd'hui  considérées  conmie  connues,aumoins  dans  leurs  grands  traits. 
II  est  à  espérer  que  ces  reconnaissances,  accomplies  au  prix  de  tant  de 
privations  et  de  souffrances,  ne  profiteront  pas  seulement  à  la  science, 
mais  qu'elles  contribueront  aussi  au  progrès  de  la  civilisation  et  de  la 
colonisation  européennes. 

I  r 

M.  G.  RoLiAND.  La  mer  SAHAais^NNE.  Bevtie  scientifiqtie  du  6  décem- 
bre 1884,  p.  706-718.  —  L'étude  géologique  du  Sahara  faite  par 
M.  Bolland  au  cours  de  la  mission  transsaharienne  de  M.  Choiây,  en 
1879-1880,  et  pendant  deux  voyages  ultérieurs  en  1882  et  1884,  lui  a 
fait  constater  de  nombreuses  formations  dues  à  l'action  des  eaux,  ce 
qui  oblige  à  admettre  qu'à  une  époque  relativement  récente,  les  eaux 
ont  agi  puissamment  à  la  surface  du  Sahara,  et  en  ont  recouvert  certaines 
parties,  telles  que  la  région  des  Ghotts  tunisiens  et  algériens.  Mais 
ces  bassins  sahariens  n-étaient  point,  suivant  M.  Rolland,  en  communi- 
cation directe  avec  la  mer  (Océan  ou  Méditerranée)  ;  les  coquilles 
trouvées  dans  certaines  formations,  —  leCardium  edule  en  particulier,— 
espèces  marines,  peuvent  s'être  accommodées  aux  eaux  saumfttres,  voire 
même  aux  eaux  douces.  Or,  les  eaux  douces  dans  lesquelles  se  sont 
formés  les  dépôts  qui  constituent  les  couches  supérieures  des  cuvettes 
du  Sahara,  et  celles  qui  en  ont  creosé  les  vallées  d'érosion,  provenaient, 
dans  l'opinion  de  M.  Rolland,  d'une  époque  pluviaire  entièrement 
différente  des  conditions  météorologiques  qui  caractérisent  aujourd'hui 
le  Sahara.  La  source  de  l'humidité  qui  fournissait  cette  abondante 
condensation  devrait  être  cherchée  dans  l'immense  étendue  d'eau  qui 
recouvrait  autrefois  la  vaste  plaine  de  l'Asie  septentrionale  ;  ce  serait  de 
là,  que  le  vent  alizé  du  N.-E.  apportait  au  nord  de  l'Afrique  les  vapeurs, 
auxquelles  le  Sahara  devait  alors  l'humidité  extrême  qui  le  caractéri- 


—  103  — 

sait.  Nos  connaissances  météorologiques  sont  insuffisantes  pour  nous 
permettreide  nous  prononcer  sur  l'hypothèse  de  M.  Rolland,  non  plus 
que  sur  les  considérations  qui  terminent  son  mémoire.  Rattachant 
répoquepluviaire  du  nord  de  rAfriqueà  la  période  glaciaire  de  l'Europe, 
il  suppose  que  la  zone  niaxima  des  précipitations  atmosphériques  s'est 
déplacée  du  sud  au  nord,  et  que  les  étapes  successives  de  ce  déplace- 
ment ont  été  le  Haggar,  l'Atlas,  les  Alpes  et  enfin  les  montagnes  du 
nord  de  l'Europe.  L'hypothèse  nouvelle  tient-elle  suffisamment  compte 
des  conditions  d'altitude  et  de  latitude  septentrionale  !  De  plus  compé- 
tents que  nous  diront  si  elle  explique  tous  les  faits  du  phénomène  gla- 
ciaire. .  j 

» 

A.  Barthélémy.  Guide  du  voyageur  dans  la  Sénéoambie  française. 
Bordeaux  (Bureaux  de  la.  Gironde)^  ^t  Paris  (A.  Barbier,  182,  boulevard 
Saint-Germain),  1884,  in-12,  331  p.  et  carte,  5  francs. —  Les  Guides  pour 
les  pays  d'Europe  ne  manquent  pas.  Même  l'Algérie  a  été  l'objet  de  publi- 
cations de  ce  genre;  mais  ceux  qui  traitent  de  contrées  non  connues 
dans  toutes  leurs  parties,  et  oîi  les  voyages  ne  se  font  pas  dans  les  mêmes 
conditions  que  dans  nos  pays  civilisés,  sont  fort  rares.  Il  y  a  des  guides 
pour  la  Nouvelle-Calédonie,  et  la  collection  Basdecker  renferme  un 
ouvrage  semblable  pour  la  Syrie  et  la  Palestine.  C'est  un  essai  du  même 
genre  qu'a  tenté  le  géographe  bien  connu  qui  a  emprunté  le  pseudonyme 
de  Barthélémy  ;  tentative  heureuse,  car  l'ouvrage,  accueilli  favorable- 
ment par  la  presse  et  le  public,  vient  d'être  couronné  par  la  Société  de 
géographie  commerciale  de  Bordeaux. 

En  ce  moment  où  toutes  les  puissances  s'occupent  de  questions  colo- 
niales, où  l'émigration  tend  à  s'accroître,  entraînant  l'établissement  de 
bateaux  à  vapeur,  la  construction  de  chemins  de  fer  et  de  lignes  télégra- 
phiques, la  publication  de  guides  pour  les  colonies  est  une  nécessité. 

C'est  par  la  plus  ancienne  possession  française  en  Afrique  qu'a  voulu 
commencer  M.  Barthélémy.  Son  ouvrage  renferme  un  itinéraire  de  Bor- 
deaux à  Dakar,  un  historique  sommaire  et  une  étude  géographique 
courante,  soit  du  Sénégal,  soit  du  Cayor  et  des  régions  voisines,  oîi 
toutes  ces  routes  par  terre  et  par  eau  sont  indiquées.  Mais  l'auteur  ne 
s'est  point  arrêté  là;  afin  de  rendre  son  guide  plus  pratique,  il  y  a  joint 
un  vocabulaire  français-ouoloff,  ainsi  que  quelques  phrases  usuelles,  une 
note  sur  l'hygiène  des  Européens  au  Sénégal,  extraite  de  l'ouvrage  de 
M.  Bérenger-Féraud,  médecin  en  chef  de  la  marine.  Enfin  les  cinquante 
'  dernières  pages  contiennent  une  foule  de  renseignements  utiles  au  voya- 


1 


—  104  — 

geur  et  qu'il  devrait  glaner  dans  beaucoup  d'ouvrages  diflférents  :  liste 
des  autorités  civiles,  militaires  et  judiciaires,  écoles,  hôpitaux,  douanes, 
ligues  dé  navigation  entre  l'Europe  et  la  Sénégambie,  'tarifs  postaux, 
télégraphiques  et  des  chemins  i/de  fer,  etc.  Nous  y  avons  trouvé  un 
horaire  et  un  tarif  des  sections  ouvertes  du  chemin  de  fer  de  Dakar  k 
Saint-Louis. 

Enfin  l'ouvrage  se  termine  par  une  carte  en  noir,  claire  et  facile  à 
consulter,  mais  qui  n'indique  pas  le  relief  et  laisse  en  blanc  les  parties 
peu  connues  ou  celles  dont  il  n'est  pas  fait  mention  dans  le  guide. 

Tel  qu'il  est,  ce  livre  rendra  de  grands  services,  et  nous  ne  pouvons 
que  conseiller  fortement  aux  voyageure,  colons,  soldats  ou  marins,  de 
ne  pas  partir  pour  le  Sénégal  sasm  avoir  dans  leur  malle  le  guide  de 
M.  Barthélémy. 

Le  Congo  français,  par  J.-Ll  Dutreuil  de  Rhins.  Paris  (Dentu), 
1885,  in-8**,  64  p.,  avec  carte  et  portraits  de  Brazza  et  de  Makoko.  — 
Le  titre  de  cette  brochure,  et  le  fait  qu'elle  est  due  à  l'un  des  partisans 
les  plus  zélés  des  expéditions  confiées  à  Savorgnan  de  Brazza,  expli- 
quent le  point  de  vue  exclusif  auquel  elle  est  écrite,  celui  des  intérêts 
français,  des  intérêts  matériels  surtout,  que  le  système  protectionniste 
seul,  à  en  croire  M.  Dutreuil  de  Rhins,  peut  sauvegarder.  D'après 
cela  il  est  facile  de  comprendre  que  tout  ce  qui  ne  procède  pas  de  la 
France,  et  ne  tend  pas  à  assurer  aux  intérêts  français  la  prépondérance 
dans  le  bassin  du  Congo,  ne  peut  trouver  grâce  aux  yeux  de  l'auteur, 
qui  ne  voit  dans  Stanley  qu'un  aventurier  doublé  d'un  mystificateur, 
dans  ses  agents  que  des  pirates,  dans  l'œuvre  des  représentants  de  tous 
les  États  civilisés  réunis  à  Berlin,  et  surtout  dans  la  proclamation  de  la 
liberté  commerciale  pour  tous,  et  de  la  libre  navigation  du  Congo  sous 
la  surveillance  d'une  Commission  internationale,  qu'une  comédie  jouée 
au  profit  de  l'Allemagne  et  de  l'Angleterre.  Aussi  espère-t-il  que,  lors- 
que les  décisions  de  Berlin  seront  soumises  au  Parlement  français, 
celui-ci  ne  laissera  pas  porter  atteinte  aux  intérêts  et  aux  droits  de  la 
France  sur  le  Congo  !  Nous  voulons  croire  que  les  représentants  de  la 
France,  tout  en  s'efiForçant  de  sauvegarder  les  intérêts  français,  sauront 
avoir  égard  à  ceux  des  autres  États  civilisés  et  des  indigènes.  Le  meil- 
leur moyen  d'assurer  les  intérêts  de  tous  n'est-il  pas  l'établissement  de 
la  liberté  pour  tous,  dans  tous  les  domaines,  comme  le  préparera  l'œu- 
vre de  la  Conférence  de  Berlin  ? 


ÉCHANGES 

Sociétés  de  géographie. 

Amsterdam.    ConstantiDe.     Hambourg.     Lisbonne. 


Anvers. 
Berlin. 
Bréffle. 
Bruxelleg. 


Berlin. 


Douai.  Iéna« 

Francfort  «/M.  Le  CJaire. 

Greifswald.  Leipzig. 

Hdle.  yile. 


Nancy. 
New-York. 
Oran. 
Paris. 


Lyon. 
Madrid. 
Marseille. 
Montpellier. 

Sociétés  de  géographie  commerciale. 

Bordeaux.         Paris.         Porto.         Saint-Gall. 


Rochefort. 
Rome. 
Rouen. 
Vienne. 


Le  Havre. 


Hissions. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XIX°>«  siècle 

(Neuchâtel). 
Journal  de  l'Unité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bâie). 

Evangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
Cal wer  Missions  -  Blatt  (Calw) . 
AUgemeine  Mlssions-Zeitscbrift  (Gilters- 

loh). 
Glaubensbote  (Bâle). 
Africa  (Londres). 
La  Nigrizia  (Vérone). 


Chnrch  missionary  Intel ligencer  and  Re* 
cord  (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionary  (New- York). 

Régions  beyond  (Londres). 

QU^nicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Church  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  Church  (Edimbourg) .    * 

Central  Africa  (Londres). 

Woman's  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Divers. 


Gazette  géographique  et  Exploration  (Pa- 
ris). . 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  Comice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  T Académie  d*Hippone  (Bone). 

Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Le  Mouvement  géographique  (Bruxelles). 

Handels-2eitung  (Saint-Gali). 

Deutsche  Rundschau  fiir  (jeographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  (jesell- 
sehaft  in  DQutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fUr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  fUr  wissenschaftiiche  Greogra- 
phie  (Lahr). 


Deutsche  Kolonialzeitung  (Francfort  s/M)« 

Chamber  of  Commerce  Journal  (Londres). 

African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend' (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Observer  (Monrovia). 

Esploratore  (Milan). 

Cosmos  (Turin). 

BoUettino  délia  Societa  africana  dltalia 
(Naples). 

Esplorazione  (Naples). 

Marina  e  Commercio,  e  Giomale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

O  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Revista  de  Ëstudos  Livres  (Lisbonne). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 

Tour  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). 

Hevue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indépendant  (Constantine). 

Moniteur  de  TAlgérie  (Alger). 

Dr  A.  Petermann  s  Mittheilungen  (Gotha) 


Proceedings   of  the   royal   geographical 
Society  and  monthly  Record  of  geogra 
phy  (Londres). 

Natal  Mercury  (Durban). 

Cape  Argus  (Cape-Town).        « 

West  Alrican  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


sommaihk 

^  Page* 

BULtJETIN  MENSUEL 65 

Nouvelles  complémentaires , 72 

La  Conférence  africaine  de  Berlin  (suite) 75 

Expédition  de  Mr  J.  Thomson»  de  Momdas  au  Victoria-Nyanza», 

PAR  i.E  pays  des  Masaï  (suîte  (ît  fia)  .    . . , 83 

Cîorkespondance  : 

Lettre  de  M.  le  D'  C.  Passavant,  de  Cameroon 91 

Lettre  de  M.  D.  Jeanmairet,  du  Zambèze 9a 

Ijettre  de  M.  P.  Bei-thoud,  du  Transvaal 98 

Bibliographie  : 

Mission  d^exploration  du  Haut-Niger,  par  le  commandant  GalHénî.  100 

La  mer  Saharienne,  par  G.  Holland lOfi 

Guide  du  voyageur  dans  la  Sénégambie française,  par  A.  Barthélémy.  103 

Le  Congo  français,  par  J.-L«  Dutrenil  de  Bhinfl 104» 


/ — 


OUVRAGES  REÇUS  : 


Les  Arabes  dans  PAfrique  centrale,  par  Adolphe   Burdo.  Paris  (IXentu),   18S5, 

in-S*»,  48  p. 
Le  Congo  français,  par  J.-L.  Dutreuil  de  Rhins.  Paris  (Dentu),  1885,  in-8",  64  p. 

avec  carte  et  portraits  de  Brazza  et  de  Makoko. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  SchuchanU, 


GENÈVE 

GEORG,     LIBRAIRE-ÉDITEUB 
m£iie  haï  son  a  bale  it  a  lïon 


.  V 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIRIGÉ  PAR 

M.   Oastaye  MOTNIES 

Membre  de  la  CommiMion  internationale  de  Bruxellee  pour  l*exploration  et  la  ohriliaation 

de  FAfriqne  centrale;  membie  oorzeapondant  de  rAoadémio  d*Hlpp<me, 

et  dea  Soelétéa  de  géographie  de  Maraeille,  de  Nancy,  de  Loanda  et  de  Porto. 

RÉDIGÉ  PAR 

M.  Charles  FAUSE 

Seerètaire-Bibliothéeaire  de  la  Société  de  géographie  de  Oenève ,  membre  oorreapondinit  dea  Soeiétéi 
de  géograpUe  de  Liabonne,  de  Loanda,  do  Porto,  de  8alnt-Gall  et  de  Becne. 


L'Afrique  parait  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d*aa 
moins  20  pages  chacune  ;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  Tahonnement  annuel,  payable  d'aTmneey  est  de  10  fWmesy 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  FUnion  postale  (première  zone)  ;  pour  les 
autres»  il  fr.  50. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  •  dreit  h  mi  eempte  renda» 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  réd»etioii  à  M.  OnstaTe  IleyBiêr, 
9f  rue  de  l*Atliéiiée»  h  OenèTe  (Soimie). 


S'adremier  pour  les  «beiiiiemenUi  h  Péditenry  M.  H.  Georc«  à 
C^nèTe  ou  h  BAle. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Ch.  Delàgravb,  libraire,  i5,  rue  Sou£Qot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  Cour,  45,  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLÀRD  frères,  libraires,  Corso  Vittorio  Ëmmanuele^  21,  à  Milan. 

F,-A.  Brogkhaus,  libraire.  Querstr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Fribderichsen  et  C'%  libraires,  Admiralit&tsstr,  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelm  Fbick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autriche). 

Trubnbr  et  0\  libraires,  Ludgate  Hill,  57/59,  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


ATIS.  --  Noua  mettons  à  la  disposUion  de  nos  nouveaux  abonnés,  au  prix  de 
12  fr,  c^kiotm,  tin  eerioMn  wmlbre  d'exemplaires  complets  de  la  11^;  de  la  IV^ 
et  delà  V^^  année,  La  I^  et  la  UD^  sont  épuisées. 


—  105  — 

BULLETIN  MENSUEL  {6  avril  1885.Y 

La  commission  internationale  des  délégués  de  France,  d'Angleterre, 
d'Espagne,  d'Autriche,  d'Italie,  d'Allemagne,  de  Hollande,  de  Russie 
et  de  Turquie,  chargée  d'étudier  la  question  de  la  navigation  du  c»nal 
de  Suez,  a  déterminé  les  phases  successives  d'un  programme  complet 
et  définitif  pour  l'élargissement  et  l'approfondissement  du  canal  d*une 
mer  à  l'autre.  Une  des  conséquences  de  cette  entente  entre  les  grandes 
puissances  maritimes  sera  la  neutralisation  du  canal.  Une  conférence 
qui  a  pour  mission  de  régler  ce  qui  se  rapporte  à  la  libre  navigation 
du  canal  s'est  réunie  le  30  mars  à  Paris.  Toutefois  ses  travaux  n'au- 
ront qu'un  caractère  préparatoire,  et  les  puissances  auront  ensuite  à 
décider  si  elles  doivent  en  consacrer  le  résultat  dans  un  acte  définitif. 
La  convention  pour  le  règlement  de  la  question  financière  égyptienne 
contient  un  article  qui  proclame  en  principe  la  liberté  du  canal  en  tous 
temps.  Mais  le  règlement  pour  l'application  de  ce  principe  devra  être 
ultérieurement  élaboré  par  les  puissances. 

Nos  lecteurs  se  rappellent  que  Mgr  Sogaro,  vicaire  apostolique  de 
rAWque  centrale,  avait  envoyé  à  Dongola  le  P.  Vicentini  qui,  à  son 
tour,  dépêcha  un  messager  arabe  au  Mahdl,  pour  chercher  à  obtenir 
de  lui  la  libération  des  missionnaires  du  Djebel-Nouba  et  d'El- 
Obeld,  qu'il  retient  prisonniers  depuis  la  conquête  du  Darfour  et  du 
Kordofan.  Après  deux  mois  de  cruelle  incertitude,  le  P.  Vicentini  est 
revenu  au  Caire  ;  le  messager  a  rapporté  à  Dongola  une  lettre  d'une 
des  sœurs  prisonnières,  datée  du  3  février,  d'Omdurman,  vis-à-vis  de 
Khartoum.  D'après  cette  lettre  les  missionnaires  ont  à  endurer  de 
grandes  souffrances,  et  cependant  ils  co^iseillent  de  ne  pas  insister  à 
demander  leur  délivrance  au  Mahdi,  cette  demande  pouvant  entraîner 
des  conséquences  encore  plus  fâcheuses  pour  eux. 

V Antislavery  Reporter  a  publié  une  description  de  la  traite  H 
Donf^ola,  due  à  la  plume  de  M.  Cameron,  correspondant  du  Standard, 
tué  dans  un  des  engagements  avec  les  partisans  du  Mahdi.  a  Dongola,» 
disait-il,  «  est  un  nid  d'esclaves  ;  la  traite  se  fait  sous  nos  yeux. Vingt-cinq 
esclaves  ont  été  envoyés  tout  récemment  à  Wadi-Halfa,  pour  être  ven- 

'  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletim  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
rAlgérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

L'AFRIQUE.   —   SIXlilIE   ANNÉE.  —  N<^   4.  4 


—  106  — 

dus  aux  officiers  et  aux  soldats  égyptiens  qui  s'y  trouvent.  Dans  un  des 
engagements  du  mudir  de  Dongola  avec  les  troupes  du  Mahdi,  il  a  pris 
à  celles-ci  plus  de  trente  nègres,  dont  le  bonheur  fut  extrême  en  voyant 
qu'au  lieu  de  les  vendre  comme  esclaves,  selon  l'usage  habituel,  ou 
faisait  d'eux  des  soldats.  J'ai  cherché  à  engager  deux  Arabes  à 
m'accompagner  comme  domestiques  dans  ma  marche  vers  Khartoum, 
'  mais  ils  tirent  quantité  d'objections  à  aller  au  delà  de  Merawi,  môme 
protégés  par  l'armée  anglaise.  Deux  nègres  à  la  taille  imposante 
s'oifrirent,  mais  j'appris  plus  tard  qu'ils  désiraient  se  rendre  vers  le 
sud  pour  une  expédition  en  vue  d'acheter  des  esclaves.  Tout  travail  ici 
est  fait  par  des  esclaves  ;  la  ville  fourmille  littéralement  de  jeunes  filles 
nègres  du  Soudan  qui,  naturellement,  sont  peu  à  peu  dirigées  sur  la  basse 
Egypte  et  remplacées,  par  d'autres  fraîchement  arrivées  de  l'intérieur. 
Il  ne  suffirait  pas  d'interdire  de  nouveau  la  traite  sur  le  haut-NO  pour 
mettre  fin  au  trafic,  qui  ne  cessera  entièrement  que  si  l'esclavage  lui- 
même  était  entièrement  aboli  dans  les  pays  musulmans  des  bords  de  la 
Méditerranée.  » 

D'après  une  lettre  d'Obock  au  Temps,  l'administration  ayant,  pour 
dégrever  le  budget  des  dépenses  que  nécessite  l'occupation  de  cette 
colonie,  frappé  d'un  droit  de  neuf  francs  chaque  boutre  qui  mouillait 
sur  rade,  il  n'en  vient  plus  un  seul  à  Obock  depuis  que  cette  taxe  existe. 
Auparavant  on  venait  y  apporter  des  nacres,  des  peaux,  des  bestiaux, 
qui  font  défaut  dans  le  pays,  et  que  l'on  était  obligé  de  faire  venir  à 
grands  frais  d'Aden,  de  Zeïlah  et  de  Berbera  ;  actuellement  il  n'en  vient 
plus,  et  les  négociants  arabes  et  somalis  ont  déclaré  qu'ils  ne  vien- 
dront plus  à  Obock  tant  que  cette  taxe  subsistera.  Le  commerce  qui 
s'était  peu  à  peu  établi  avec  les  Arabes  et  les  indigènes  a  complètement 
cessé.  En  outre  le  territoire  d^Obock  a  été  dévasté  par  des  pluies  tor- 
rentielles qui  y  ont  causé  une  véritable  inondation.  Les  eaux  descendant 
des  hauteurs  ont  formé  des  torrents  considérables.  Le  pied  de  la  falaise 
où  les  indigènes  avaient  commencé  à  établir  quelques  habitations  a  été 
envahi  par  là  mer  ;  les  constructions  que  le  gouvernement  faisait  élever 
ont  été  à  moitié  détruites  et  les  jardins  anéantis. 

C'est  à  Obock  qu'est  redescendu  des  plateaux  du  Choa,  M.  R.-A. 
Brémond  qui,  dans  son  second  voyage,  s'était  proposé  de  trouver  une 
route  plus  facile  que  celle  de  Zeïlah,  la  voie  ordinaire  de  la  côte  au  pla- 
teau abyssin,  qu'il  avait  suivie  dans  sa  première  expédition.  Revenu  à 
Marseille,  il  a  rendu  compte  de  son  exploration  à  la  Société  de  géogra- 
phie de  cette  ville.  Nous  extrayons  du  Sémaphore  ce  qui  nous  parait  le 


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plus  important  pour  nos  lecteurs.  Il  avait  avec  lui  un  docteur  en  méde- 
cine, M.  Hamon,  un  ingénieur  des  mines,  M.  Aubry,  un  officier  de 
cavalerie,  chargé  des  travaux  cartographiques,  M.  Hénon,  dont  le  frère 
servait  de  secrétaire  à  l'expédition.  Il  pouvait  compter  sur  le  concours 
de  personnages  puissants  dans  cette  région,  le  fils  d'Abou-Bekre,  pacha 
de  Zeïlah,  Abd-el-Rhaman,  parent  et  homme  de  confiance  du  sultan 
d*Aoussa,  Mohamed-Anfali,  et  surtout  ce  dernier  qui  désire  obtenir  le 
protectorat  de  la  France  contre  l'invasion  égyptienne.  Parti  d'Obock 
avec  sa  caravane,  il  passa  par  Tadjoura  et  Sagallo  *,  et,  à  travers  une 
série  de  mamelons  qui  s'étendent  sur  une  longueur  de  20  kilom.,  il 
gagna  les  rives  du  lac  Assal,  dont  les  berges  sont  formées  de  couches 
de  sel  assez  solides  pour  supporter  le  poids  d'un  chameau  •.  Le.s  Arabes 
le  nomment  par  plaisanterie  le  a  lac  de  miel.  »  Le  l*  juillet  1883,  la 
caravane  traversa  en  radeau  l'Haouasch,  considérablement  grossi  par 
les  pluies  des  hauts  plateaux.  Cette  rivière  qui  naît  au  S.-O.  des  Alpes 
du  Choa,  dans  le  district  de  Finfini,  à  peu  de  distance  du  Nil  bleu,  con- 
tourne les  terrasses  de  l'Abyssinie  qu'elle  suit  daas  la  direction  du  sud 
au  nord.  Elle  ne  coule  pas  comme  les  autres  cours  d'eau  du  plateau 
abyssin,  dans  des  gorges  pi*ofondes,  mais  à  pleins  bords.  A  l'époque  de 
l'étiage,  elle  a  50  mètres  de  largeur  et  plus  d'un  mètre  de  profondeur. 
Au  moment  des  crues  causées  par  les  pluies  qui  tombent  sur  le  haut 
plateau,  son  niveau  s'élève  de  12,  14  et  même  18  mètres.  Elle  coule 
dans  la  direction  de  Tadjoura,  et  va  se  perdre  non  loin  de  ce  golfe,  mais 
sans  atteindre  la  mer,  dans  le  Bada  ou  lac  d'Aoussa.  M.  Brémond  la 
croit  navigable  pour  des  bateaux  à  vapeur  et  estime  que  ce  serait  la 
voie  de  communication  la  plus  facile  du  Choa  à  la  côte. 

Après  35  jours  de  marche,  l'expédition  atteignit  Farré  le  3  juillet  ; 
le  7  elle  était  à  Ankober,  que  le  roi  Ménélik  venait  de  quitter,  pour  se 
rendre  à  Antoto,  sa  résidence  d'été.  Il  invita  les  voyageurs  à  venir 
auprès  de  lui  et  leur  fit  un  très  bon  accueil.  Après  cela  le  Choa  fut 
exploré  dans  diverses  directions.  M.  Brémond  ne  put  pas  aller  au  Kaffa, 
comme  il  l'aurait  désiré  ;  toutefois  il  fit  une  excursion  dans  la  région 

*  Voyez  la  carte,  IV"»  année,  p.  328. 

'  Le  lac  Assal  est  encaissé  dans  une  espèce  d'entonnoir,  où  il  faut  descendre 
par  des  sentiers  qui  offrent  quelques  difficultés.  On  suit  alors  les  berges  du  lac 
sur  une  longueur  de  20  kilomètres.  On  peut  même  raccourcir  la  route  de  moitié  en 
traversant  le  lac  dans  un  endroit  où  la  couche  de  sel  est  assez  épaisse  pour  sup- 
porter le  poids  d'un  chamèan  chargé. 


—  108  — 

qui  s'étend  au  sud  vers  le  pays  des  Ma^al.  Ce  haut  plateau  est  arrosé 
par  un  cours  d'eau,  le  Gbybé,  qui,  après  avoir  contourné  le  pays  des 
Arousis-Gallas,  va  grossir  le  Djouba,  tributaire  de  l'Océan  Indien.  Il 
serait  facile,  croit  M.  Brémond,  à  un  explorateur  venant  du  Cboa,  de 
descendre  ce  fleuve  sans  trop  de  danger.  Son  opinion  se  fonde  sur 
l'accueil  qu'il  a  reçu  des  indigènes,  la  plupart  soumis  à  Ménélik.  Le 
3  janvier  1884,  il  était  de  retour  à  Antoto,  où  le  roi  revint  bientôt,  avec 
un  butin  considérable  fait  dans  une  expédition  contre  les  Arousis- 
Gallas.  Il  organisa  sa  caravane  pour  revenir  à  Obock,  où  il  rapporta 
400  défenses  d'éléphants,  60  cornes  de  musc  et  300  lingots  d'or  de 
10  kilos.  Le  retour  se  fit  par  la  vallée  de  l'Haouasch,  dont  M.  Brémond 
put  déterminer  le  cours. 

C'est  d'Obock  encore  qu'un  correspondant  du  Temps  a  cherché  et 
trouvé  une  route  praticable  pour  pénétrer  au  Harrar,  sans  passer  par 
ZelQah,  aujourd'hui  occupé  par  les  Anglais.  Traversant  le  territoire  des 
possessions  françaises  de  Tadjpura  et  de  SagallQ,  il  s'est  rendu,  lui  aussi, 
au  lac  Assal,  d'où,  laissant  au  N.-E.  les  monts  Godah,  il  marcha  direc- 
tement sur  Gobab,  capitale  du  sultan  Mohamed  Loelta,  allié  de  la 
France.  De  Gobab,  la  route  se  dirige  vers  le  sud  jusqu'à  Sarman, 
frontière  des  Danakils  et  des  Issas-Somalis,  souvent  en  guerre  avec  leurs 
voisins.  A  cette  station  il  faut  changer  de  guides  et  de  chameaux  pour 
prendre  ceux  des  Somalis.  L'usage  du  pays  est  que  chaque  tribu  four- 
nisse les  chameaux  pour  le  transport  des  marchandises  sur  son  terri- 
toire, mais  à  toutes  les  stations  où  ce  changement  doit  avoir  lieu,  le 
service  est  organisé  de  iaçon  que  les  caravanes  n'ont  jamais  à  attendre 
longtemps  avant  de  pouvoir  se  remettre  en  route. 

De  Sarman  on  gagne  Las-Werdick,  point  d'intersection  des  routes  du 
Harrar  et  de  l'Abyssinie.  Cette  voie  nouvelle,  qui  n'est  pas  plus  longue 
que  celle  de  Zeïlah  à  Harrar,  oflEre  au  commerce  français  l'avantage  de 
se  trouver  en  grande  partie  sur  le  territoire  de  Mohamed  Loeïta,  ce 
qui  est  un  gage  de  sécurité.  Le  même  correspondant  ajoute  que  l'éva- 
cuation complète  de  Harrar  par  les  troupes  égyptiennes,   devait, 
d'après  les  ordres  de  l'Angleterre,  être  terminée  à  la  fin  de  février  ;  le 
nombre  des  évacuants  ne  se  montait  pas  à  moins  de  18,000  personnes,  y 
compris  les  femmes  et  les  enfants.  Le  major  Hunter  gouverne  le  pays 
comme  délégué  de  l'Egypte  ;  après  avoir  fait  occuper  la  côte  par  des 
troupes  anglaises,  et  nommé  des  agents  consulaires  àBerbera  et  Zeïlah, 
il  a  délégué  un  résident  à  Harrar,  mis  ses  fonctionnaires  dans  toutes  les 
branches  de  l'administration  ;  enfin  il  a  supprimé  la  poste  pour  Zeïlah 


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et  le  Han-ar,  sous  prétexte  qu'il  envoie  un  coumer  spécial  au  résident, 
le  major  Heath,  et  que  les  négociants  européens  n'ont  qu'à  faire  comme 
lui,  envoyer  des  courriers  spéciaux,  s'ils  veulent  correspondre  avec 
l'Europe.  Au  reste  l'occupation  de  la  côte  par  les  Anglais  a  déjà  occa- 
sionné des  troubles  ;  certaines  tribus  somalis,  celles  des  Issas-Mousas  et 
des  Alal-Ahmed,  voisines  de  la  région  de  Berbera,  se  sont  fait  remar- 
quer par  une  attitude  agressive  qui  n'a  pu  être  vaincue  que  par  de 
grandes  largesses.  A  Zeïlah,  où  a  été  placée  une  garnison  d'une  centaine 
de  cipayes,  une  caravane  ayant  été  attaquée  aux  portes  de  la  ville,  le 
capitaine  King,  qui  en  est  le  gouverneur,  ne  put  obtenir  des  agents  de 
police  somalis  qu'ils  allassent  saisir  les  agresseurs  pour  les  lui  amener  ; 
il  voulut  les  désarmer  et  se  servit  pour  cela  des  cipayes  indiens,  mais  les 
Somalis  soutenus  par  la  population  tinrent  tète  à  ceux-ci  qui  durent  se 
retirer.  D'après  une  dépêche  d'Aden,  l'autorité  britannique,  d'accord 
avec  le  gouvernement  égyptien,  laisserait  le  pouvoir  à  l'émir  Abdalla- 
Mohamed,  fils  de  l'ancien  émir  du  Harrar.  Mais  il  est  à  craindre  que 
les  partisans  d'Ali-Aboubaker,  père  de  l'émir  Mohamed-Abdou-Cheik- 
hou,  ne  saisissent  cette  occasion  de  fomenter  une  révolte,  comme  ils 
l'ont  fait  une  première  fois  il  y  a  peu  de  temps. 

Une  lettre  du  D'  Paulîtacbke,  exprime  des  craintes  analogues 
au  sujet  de  Harrar,  où  il  est  arrivé,  avec  le  D'  v.  Hardeg^ger,  le 
15  février.  Non  seulement  la  ville,  mais  tous  les  territoires  gallas  qui, 
au  point  de  vue  commercial,  dépendent  de  la  côte  sud  du  golfe  d'Aden, 
passent  par  une  crise  des  plus  graves,  suite  de  l'évacuation  de  Han*ar 
et  de  ses  dépendances  par  les  troupes  égyptiennes.  L'autorité  anglaise 
qui  veut  rendre  le  pouvoir  à  Abdalla-Mohamed  a  cherché  à  organiser 
une  milice  de  fantassins  et  de  cavaliers  du  Harrar,  et  fait  construire  un 
fort  dans  la  partie  la  plus  élevée  de  la  ville.  Mais  cela  suffira-t-il  pour 
résister  aux  attaques  des  Gallas  contre  la  capitale  de  leurs  anciens 
oppresseurs  ?  Il  faudrait  à  Harrar  une  force  de  quelques  centaines  de 
soldats  aguerris  ;  ceux  que  cherche  à  former  le  lieutenant  Peyton,  vice- 
consul  anglais,  sont  trop  faibles  pour  pouvoir  maintenir  Tordre  dans  la 
ville.  Aussi  les  négociants  européens,  qui  ne  peuvent  pas  liquider  à  bref 
délai  leurs  affaires,  ont-ils  adressé  une  protestation  à  leurs  consuls  res- 
pectifs à  Aden,  pour  rendre  le  gouvernement  du  khédive  responsable 
des  pertes  matérielles  qui  pourront  résulter  pour  eux  de  l'évacuation  ; 
ils  ont  en  outre  demandé  des  garanties  pour  leur  sécurité.  Les  routes 
des  caravanes  de  Harrar  à  Ankober  et  à  Zeïlah  sont  fermées,  ce  qui  a 
fait  perdre  à  la  ville  toute  son  importance  commerciale.  Le  voyage  de 


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MM.  Paulitschke  et  v.  Hardegger  de  la  côte  à  Harrar  a  d'ailleurs  très 
bien  réussi.  A  Chaldessa,  point  de  rencontre  des  caravanes  du  Cboa,  du 
Kaffa  et  de  TOgaden,  Témir  des  Issas-Somalis  vint  à  leur  campement 
pour  s'informer  du  but  de  leur  expédition.  Une  telle  entreprise,  en  ces 
temps  pleins  de  périls,  lui  paraissait  suspecte.  Les  voyageurs  venaient- 
ils  pour  prendre  possession  du  pays  des  Issas  au  nom  de  rAutriche- 
Hongrie  ?  Étaient-ils  des  rivaux  des  Anglais  ?  D  voulait  être  renseigné 
exactement.  Sur  leurs  explications,  il  leur  accorda  le  passage,  après  leur 
avoir  fait  présent  d'un  bœuf  et  de  trois  moutons.  Quittant  Cbaldessa 
les  voyageurs  entrèrent  sur  le  territoire  des  NoUé-Gallas  qui  ne  leur 
suscitèrent  aucun  obstacle.  Le  D' Paulitschke  a  relevé  avec  soin  tout 
l'itinéraire  jusqu'à  Harrar.  De  cette  station  il  comptait  faire,  avec  le 
D'  V.  Hardegger,  deux  excursions,  l'une,  au  sud  dans  le  pays  des  Oum- 
béni-Gallas,  la  seconde,  chez  les  Ittou-Gallas  et  jusqu'à  l'Haouasch. 

La  Société  allemande  de  colonisation  avait  envoyé,  l'année 
dernière,  une  expédition  dans  l'Afrique  orientale,  avec  mission  d'y 
acquérir  du  terrain  pour  y  fonder  des  colonies.  A  la  tête  de  l'expédition 
se  trouvait  M.  le  D' Karl  Peters,  secondé  par  deux  officiers,  MM,  Jtthlke 
et  Pfeil.  Partis  de  Zanzibar  le  10  novembre,  ces  messieurs  ont  conclu, 
au  nom  de  la  susdite  société,  une  douzaine  de  traités,  avec  dix  sultans 
indépendants,  qui  leur  ont  cédé  à  perpétuité  et  avec  tous  les  droits  de 
propriété  et  de  souveraineté,  le  territoire  de  l'Ou-Si^oua  (à  l'exception 
des  points  de  la  côte  appartenant  au  sultan  de  Zanzibar)  et  ceux  du 
IVgourou,  de  l'Ou-Sagpara  et  de  l'Ou-Kami,  soit  une  superficie  de 
137  500  kilom.  carrés*'  Ces  traités  ont  été  soumis  au  gouvernement  de 
l'empire  allemand,  qui  en  a  reconnu  la  validité,  et  a  placé  les  territoires 
sous  sa  protection.  Après  cela  le  comité  de  la  Société  de  colonisation  a 
fondé  une  Société  allemande  de  l'Afrique  orientale,  pour  faire  exploiter 
et  administrer  cette  nouvelle  acquisition,  et  M.  Jilhlke  en  a  été 
nonmié  l'administrateur,  sous  la  direction  du  consul  général  alle- 
mand à  Zanzibar,  M.  le  D'  Gerhard  Rohlfs.  Les  territoires  ainsi  placés 
sous  le  protectorat  de  l'Allemagne  sont  traversés  •  par  les  routes  des 
caravanes  qui  vont  de  Zanzibar  au  Tanganyika  et  au  Victoria  Nyanza. 
Ils  sont  décrits  par  Burton ,  Stanley ,  Cameron  comme  étant  des  plus 
beaux,  des  plus  fertiles,  et  très  salubres  dans  leurs  parties  supérieures. 
La  station  française  de  Condoa  établie  par  le  capitaine  Bloyet,  et  celle 
des  missions  anglaises  de  Mpouapoua  s'y  trouvent  comprises. 

*  Voy.  la  carte  p.  140. 


—  111  — 

La  Société  de  géographie  de  Marseille  a  eu  l'honneur  de  recevoir  la 
première  M.  Victor  Giraud»  au  retour  de  son  exploration  dans 
l'Afrique  centrale  ;  nous  en  avons  déjà  indiqué  les  principales  péripé- 
ties '  ;  aussi  n'emprunterons-nous  au  Bulletin  de  la  Société  de  Mar- 
seille que  les  renseignements  nouveaux  qu'il  contient  sur  les  pays  par- 
courus par  M.  Gii*aud.  De  Dar-es-Salam,  son  point  de  départ  pour  l'inté- 
rieur, il  ti-aversa  l'Ou-Héhé,  plateau  abondamment  arrosé,  fertile  et 
riche  en  bétail,  assez  semblable  à  l'Ou-Gogo,  situé  plus  au  nord  et  bien 
connu  par  les  descriptions  qu'en  ont  faites  les  voyageurs  ;  mais  l'Ou- 
Héhé  a  sur  ce  dernier  pays,  dit  M.  Giraud,  l'avantage  d'être  sous  la 
domination  d'un  chef  unique,  tandis  que  l'Ou-Gogo  subit  le  joug  d'une 
multitude  de  potentats  qui  exigent  tous  des  droits  de  passage.  Mieux 
que  tout  autre  district  de  l'Afrique  orientale,  l'Ou-Héhé  pourrait  oflFrir 
un  sol  convenable  à  la  colonisation.  Dans  sa  marche  vers  le  lac  Nyassa, 
M.  Giraud  rencontra,  entre  l'Ou-Sango  et  l'Ou-Béna,  des  populations 
de  mœui*s  douces  et  pacifiques  ;  puis  il  atteignit  le  Kondé,  plateau  situé 
au  milieu  d'un  hémicycle  de  montagnes  au  nord  du  lac,  vers  lequel  il 
descend  en  pente  douce.  Le  voyageur  put  y  goûter,  pendant  un  mois  et 
demi,  un  véritable  repos  au  milieu  de  populations  tranquilles,  et  attendre 
la  fin  de  la  période  des  pluies,  pour  gagner  avec  la  saison  sèche  les  rives 
du  Bangouéolo.  Il  s'engagea  alors  dans  le  Lobemba  qui,  sous  la  domi- 
nation d'un  chef  unique,  occupe  toute  la  région  située  entre  les  lacs  Tan- 
ganyika,  Nyassa,  Moëro  et  Bangouéolo.  C'est  là  que  s'ouvre  la  vallée  du 
Tchambézy,  qui  prend  sa  source  au  sud  du  Tanganyika  et  va  se  perdre 
dans  les  marécages  du  Bangouéolo.  Le  chef  Kétimbourou  se  montra 
d'une  générosité  rare  chez  les  nègres.  Il  combla  de  présents  l'explora- 
teur, sans  vouloir  presque  rien  recevoir  en  échange.  Laissant  une  partie 
de  sa  caravane  dans  le  Lobemba,  M.  Giraud  en  envoya  une  autre  partie 
dans  la  direction  du  lac  Moéro,  à  Cazembé  ;  lui-même  voulait,  avec  huit 
hommes  seulement,  se  rendre  au  Bangouéolo,  y  lancer  le  canot  d'acier, 
qu'il  avait  transporté  à  graud'peine  par  sections  jusque  dans  ces  para- 
ges, faire  l'exploration  du  lac,  et  en  sortir,  comme  il  le  croyait,  vers  le 
nord  par  la  Louapoula,  dans  la  direction  de  Cazembé  et  du  lac  Moêro. 

Il  lui  fut  difficile  de  s'approcher  du  Bangouéolo  ;  des  marais  s'éten- 
dant  sur  une  zone  de  40  à  50  kilom.  séparaient  la  terre  ferme  du  lac 
proprement  dit,  et  il  dut  patauger  pendant  des  mois  entiers  dans  une 
forêt  inextricable  de  joncs.  Il  faillit  périr  de  faim,  avec  ses  gens,  dans 

*  Voy.  V™«  année,  p.  105. 


—  112  — 

cette  plaine  qui  n'est  ni  eau  ni  terre  et  où  la  chasse  est  des  plus  diffi- 
ciles. Enfin,  le  18  juillet  1883,  il  atteignit  le  lac  et  put  circuler  avec  son 
canot  au  milieu  des  îles  assez  considérables  qui  émergent  de  son  bassin. 
Dans  cette  navigation  il  constata  que  la  Louapoula  que  Livingstone  fait 
sortir  au  N.-O.  du  lac  en  sort  au  S.-O.  Dès  lors,  au  lieu  de  pouvoir 
rejoindre  sa  caravane  en  cinq  jours,  comme  il  l'avait  espéré,  il  eut  à  par- 
courir une  route  cinq  fois  plus  longue,  au  travers  de  tribus  hostiles  qui, 
à  coups  de  flèches  et  de  fusils,  le  harcelèrent  incessamment.  Pendant  trois 
jours  ij  navigua  sur  la  Louapoula,  qui  d'abord  serpente  au  milieu  de 
marais,  et  bientôt  se  fraie  un  passage  entre  deux  berges  assez  élevées. 
Après  avoir  franchi  quelques  rapides,  M.  Giraud  arriva  près  de  la  cata- 
racte de  Mombotanta,  qui  coupe  le  fleuve.  Les  rives  étaient  garnies 
d'une  véritable  armée  d'indigènes  entre  les  mains  desquels  il  dut  se 
constituer  prisonnier  en  leur  abandonnant  son  canot.  Conduit  chez  Méré- 
Méré  qui  réside  à  dix  journées  de  marche  au  nord,  il  y  resta  en  capti- 
vité deux  mois  et  demi,  au  bout  desquels  il  parvint  à  s'échapper  avec 
ses  huit  honmies,  et  en  quinze  jours  il  rejoignit  le  reste  de  la  caravane 
à  Cazembé.  Le  chef  de  cette  localité  avait  rançonné  les  porteurs,  s'était 
emparé  de  leurs  fusils,  et  M.  Giraud  fut  réduit  à  accepter  ses  conditions 
quelque  dures  qu'elles  fussent.  Après  mille  vicissitudes,  il  réussit  de 
nouveau  à  s'enfuir  avec  sa  poignée  d'hommes  et  se  lança  vers  le  nord, 
dans  la  direction  du  lac  Moëro,q|i'il  atteignit  en  six  jours.»  C'est,»  dit-il, 
«sans  contredit,  le  plus  beau  de  tous  les  lacs  de  la  région  équatoriale  ;il 
est  flanqué  de  hautes  montagnes  :  la  chaîne  du  Roua,  à  l'ouest,  et  celle 
du  Koma,  à  l'est.  Toutes  deux  s'inclinent  légèrement  l'une  vers  l'autre, 
pour  se  rencontrer  au  nord  du  lac,  oU  elles  forment  un  défllé  d'oîi  sort 
le  Louvoua  qui  va  rejoindre  le  Loualaba  près  du  lac  Kamolondo.»  En 
quittant  les  rives  du  lac  Moêro,  M.  Giraud  s'engagea  dans  la  vallée  du 
Kalongosi,  et,  après  quinze  jours  de  marche  dans  un  pays  accidenté,  il 
atteignit  le  Tanganyika  à  Liendoué,  station  des  missionnaires  anglais, 
qui  lui  fournirent  les  moyens  de  faire  parvenir  tout  son  monde  à  Karéma. 
Nous  ne  reviendrons  pas  sur  son  séjour  dans  cette  station,  ni  sur  les 
obstacles  qui  l'empêchèrent  de  se  ravitailler  pour  recommencer  son 
expédition;  qu'il  nous  suffise,  pour  aujourd'hui,  d'avoir  attiré  l'attention 
sur  cette  exploration,  qui  rectifie  sur  plusieurs  points  l'hydrographie  de 
1! Afrique  tropicale,  et  fera  mieux  connaître  plusieurs  districts  à  peu  près 
ignorés  jusqu'ici. 

M.  Richards,  missionnaire  américain  établi  à  Mongoué,  dans  la 
baie  d'Inhambané,  a  fait  en  automne  de  l'année  dernière  une  expé- 


* 


—  113  — 

dition  au  Liimpap*»  pour  s'assurer  de  l'existence  d'une  population 
parlant  le  zoulou,  qu'on  lui  aYait  dit  habiter  dans  le  bassin  oriental  de  ce 
fleuve,  avec  Baleni  pour  Tille  principale.  Il  avait  avec  lui  un  aide  zoulou, 
huit  porteurs,  un  cheval  et- un  chien.  Le  troisième  jour,  rapporte  le 
Uimonary  Herald  de  Boston,  les  voyageurs  arrivèrent  chez  les  Ama- 
KoarKaa,  si  souvent  pillés  par  les  gens  d'Oumzila  qu'ils  n'osent  plus 
cultiver  de  jardins  ;  les  fruits  d'ailleurs  sont  très  abondants  ;  le  vin  de 
palmier  aussi  est  répandu  dans  tout  le  pays.  L'arbre  qui  le  produit  a 
d'ordinaire  de  1~,50  à  2"  de  haut,  rarement  il  atteint  3".  La  végétation 
n'en  est  pas  riche,  excepté  au  sommet  de  l'arbre  où  apparaissent  les 
feuilles.  On  les  coupe  toutes ,  et  Ton  obtient  de  chaque  arbre ,  tous  les 
jours,  une  pinte  d'un  suc  délicieux,  mais  très  enivrant  lorsqu'on  l'a 
laissé  reposer  quelques  heures.  Aussi  rencontre-t-on  de  tous  côtés  des 
indigènes  ivres,  hcnnmes,  femmes,  même  de  petits  enfants.  Il  en  résulte 
qu'ils  sont  grossiers,  souvent  pillards,  amateurs  de  querelles  et  de  com- 
bats dans  lesquels  le  sang  coule  d'ordinaire.  Les  traces  des  traitements 
que  leur  fait  subir  Oumzila  se  voient  partout,  dans  le  grand  nombre  de 
kraals  déserts  ;  à  peine  un  tiers  des  kraals  rencontrés  par  l'expédition 
étaient  habités,  et,  à  l'ouest  du  pays  des  Ama-Kua-Kua,  un  espace  de 
100  kilom.  de  large,  sur  une  longueur  encore  plus  grande,  ne  comptait 
que  des  kraals  abandonnés.  Cette  zone  ravagée  par  Oumzila  s'étend 
jusqu'au  pays  des  Ama-Govasa,  que  M.  Richards  atteignit  le  neu- 
vième jour  après  son  départ  d'Inhambané.  La  tsétsé  y  abonde  ;  cepen- 
dant le  cheval  et  le  chien  de  l'expédition  supportèrent  ses  attaques. 

Les  Ama-Qouaza  sont  sujets  d'Oumzila;  le  nom  de  leur  chef,  ainsi  que 
celui  de  la  ville  qu'il  habite  est  Ama-Grounyana.  Là  les  voyageurs  enten- 
dirent parler  de  Baleni  comme  étant  sur  le  Limpopo,  à  trois  jours  de 
distance  du  point  ob  M.  Richards  atteignit  le  fleuve.  N'ayant  pas  les 
provisions  nécessaires  pour  prolonger  son  expédition,  il  dut  revenir  à 
Inhambané  à  travers  le  grand  bois  de  Ma-Eua-Kua.  Les  arbres  n'en  sont 
ni  bien  gros  ni  bien  hauts  ;  ils  ne  sont  pas  très  serrés  non  plus  et  ressem- 
blent plus  à  un  verger  qu'à  une  forêt.  Tous  ils  sont  revêtus  d'une  mousse 
grise  semblable  à  celle  que  l'on  trouve  dans  la  Floride.  Tous  les  troncs, 
vivants  ou  morts,  sont  enveloppés  d'une  extrémité  à  l'autre  de  cette 
mousse  gris-vert,  qui  leur  donne  un  aspect  fantastique.  Les  oiseaux  au 
beau  plumage  y  abondent,  ainsi  que  les  hérons,  les  perdrix  et  les  poules 
de  Guinée.  A  chaque  instant  les  antilopes  se  lèvent  à  l'approche  des 
voyageurs,  s'enfuient  comme  un  trait  à  une  vingtaine  de  mètres,  s'arrê- 
tent, regardent  autour  d'elles  pour  voir  quelle  était  la  cause  de  leur 


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efifroi,  puis  se  souvent  précipitamment.  Au  bout  de  trois  jours  de  marche 
à  travers  ce  bois  marécageux,  les  voyageurs  atteignirent  la  ligne  de  &tte 
entre  le  bassin  du  Limpopo  et  celui  de  rOcéan^  à  90  kilom.  de  la  mer, 
et  à  120  kilom.  du  fleuve.  La  population  de  cette  région  est  nombreuse, 
douce,  industrieuse,  et  proprement  vêtue.  Les  soldats  d'Oumzila  ne  la 
pillent  jamais^  aussi  a-trelle  de  grands  jardins  fertiles,  des  chèvres  et 
des  moutons  eu  grand  nombre  ;  en  maints  endroits  l'on  élève  des  bes- 
tiaux. ' 

Quant  à  Tethnographie  de  la  contrée  explorée  par  M.  Richards, 
les  indigènes  de  la  province  dlnhambané,  de  la  côte  jusqu'à  une  cin- 
quantaine de  kilomètres  à  Tintérieur,  sont  des  Ama-Tonga  ;  leurs  kraals 
sont  grands,  leurs  jardins  bien  cultivés  ;  ils  ont  quelque  idée  du  com- 
merce, et  ont  un  caractère  content.  Au  delà  de  ceux-ci  et  sur  une  éten- 
due de  150  kilom.  environ,  habitent  les  Ama-Kua-Kua,  qui,  pour  le 
physique  et  pour  la  langue,  ressemblent  plus  aux  Zoulous  qu'aux  Tongas  ; 
au  moyen  du  vocabulaire  zoulou,  il  est  facile  de  se  faire  comprendre 
d'eux.  Enfin  les  Ama-Gouaza  sont  répandus,  des  rives  du  Zambèze 
au  nord,  à  celles  du  Limpopo  au  sud,  et  des  possessions  portugaises  à 
l'est,  au  pays  des  Ma-Tébélé  à  l'Ouest.  Le  capitaine  Hore  en  a  ren- 
contré sur  le  Chiré.  Baleni,  sur  la  rive  occidentale  du  Limpopo,  a  été 
pendant  quelque  temps  la  résidence  d'Oumxila)  c'est  encore  là  que  la 
plus  grande  partie  de  ses  bestiaux  sont  élevés  ;  il  n'a  près  de  son  kraal 
que  ceux  dont  il  a  besoin  pour  son  usage  quotidien.  L'ivoire,  autrefois 
très  abondant,  a  presque  disparu.  Défense  est  faite  sous  peine  de  mort 
de  chasser  les  quelques  éléphants  qui  restent  encore.  Quand  un  animal 
meurt,  l'ivoire  doit  en  être  livré  à  Oumzila  ;  c'est  à  lui  également  que 
reviennent  toutes  les  peaux  de  quelque  bête  que  ce  soit  ;  ce  sont  ses 
impôts.  Beaucoup  de  ces  indigènes  sont  de  purs  Zoulous  ;  cependant  ils 
ne  parlent  ni  le  vrai  zoulou,  ni  le  tonga.  M.  Riehards  croit  que  primi- 
tivement toutes  ces  tribus  parlaient  un  dialecte  parent  du  tonga,  que 
les  Zoulous  les  subjuguèrent,  puis,  avec  le  temps  se  mêlèrent  avec  eux. 
Les  Zoulous  étant  inférieurs  en  nombre,  les  générations  suivantes  s'accou- 
tumèrent davantage  au  dialecte  tonga,  et  la  génération  actuelle  sait 
aussi  peu  le  zoulou,  que  la  seconde  génération  des  émigrés  allemands 
aux  États-Unis,  la  langue  de  ses  ancêtres. 

Le  D'  Sohalz  qui  était  parti  de  D'Urban,  le  1"  mars  de  l'année  der- 
nière, pour  une  exploration  à  l'intérieur,  est  revenu  à  la  côte,  où  il  ^ 
donné  aux  journaux  de  Natal,  le  Natal  Mercury  et  le  Natal  Mercantile 
Advertiser,  des  détails  sur  son  expédition  au  Chohé  et  au.Coabaas^. 


—  115  — 

Le  manque  de  place  ne  nous  permet  pas  de  les  reproduire  tous,  nous 
nous  bornerons  à  résumer  ce  qui  se  rapporte  à  la  partie  la  moins  con- 
nue du  pays  qu'il  a  parcouru.  H  avait  pris  avec  lui  un  ingénieur  civil, 
M.  Hammar,  deux  domestiques  européens  et  un  certain  nombre  de 
natifs.  A  Schoshong,  oii  Khamé  les  reçut  très  cordialement,  ils  engagè- 
rent un  interprète  et  se  dhigèrent  au  N.-N.-O.  à  travers  le  désert  de 
Kalahari.  A  Pandamatenka,  ils  prirent  des  porteurs  et  des  guides  pour 
les  contrées  de  l'ouest  dans  lesquelles  ils  allaient  entrer  ;  mais  ceux-ci 
leur  causèrent  beaucoup  d'ennuis,  par  la  peur  constante  qu'ils  avaient 
d'être  poursuivis  par  les  Ma-Tébélé,  et  ils  iinirent  par  déserter.  Un  chas- 
seur boer  ofiBrit  de  conduire  les  voyageurs  à  Matambanyé  sur  le  Chobé, 
à  800  kilom.  de  son  confluent  avec  le  Zambèze  (voy.  la  carte  III*  année, 
p.  64).  Le  D'  Scbulz  et  son  compagnon  purent  tuer  assez  de  gibier  pour 
nourrir  les  domestiques  indigènes,  le  pays  abondant  en  fauves  de  toute 
espèce,  sauf  en  éléphants  que  les  chasseurs  ont  refoulés  vers  l'intérieur. 
Dans  son  cours  inférieur  le  Chobé  forme  une  série  de  lacs,  remplis  de 
roseaux  et  fourmillant  de  crocodiles  dont  les  voyageurs  tuèrent  un 
gmnd  nombre.  Le  18  juillet  ils  atteignirent  Lynianti,  oii  ils  trouvèrent 
encore  intacts  les  wagons  et  les  objets  qui  avaient  appartenu  à  la  sta- 
tion missionnaire  fondée  par  Price  et  Livingstone.  Les  m^nbres  de  la 
mission  étaient  morts  de  la  fièvre,  et  les  chefis  indigènes,  retenus  par  une 
crainte  superstitieuse,  n'avaient  pas  osé  toucher  aux  objets  susmention- 
nés. De  Lynianti,  ils  atteignirent  en  cinq  jours  une  petite  rivière  venant 
du  sud,  la  Liana,  d'où  ils  se  rendirent  à  Matambanyé,  la  ville  princi- 
pale du  Chobé,  dont  Serpa  Pinto  et  Selous  n'avaient  exploré  que  la  par- 
tie inférieure.  Le  chef  Matambanyé  les  dissuada  de  remonter  la  rivière, 
les  tribus  de  ses  rives  étant  très  hostiles,  et  leur  conseilla  de  se  diriger 
vers  le  Coubango  qui  coule  à  240  kilom.  au  sud  du  Chobé.  Ils  résolurent 
d'explorer  le  Coubango  et  de  le  remonter  si  possible  jusqu'à  ses  sources. 
Commençant  par  suivre  la  Liana  en  en  faisant  le  relevé,  ils  la  quittè- 
rent ensuite  pour  se  porter  vers  l'ouest,  à  travers  un  pays  sablonneux, 
sans  gibier  et  pauvre  en  eau.  Enfin  ils  atteignirent  le  Coubango,  en  un 
endroit  oli  il  a  400"  de  large,  8"  de  profondeur,  et  une  vitesse  de  35  à 
40  kilom.  à  l'heure.  Le  l"'  septembre  ils  arrivaient  à  la  résidence  du 
roi  Oundalé;  ils  lui  envoyèrent  un  présent  que  le  chef  leur  retourna 
aussitôt  en  leur  faisant  dire  que  ce  n'était  pas  assez  pour  un  grand  roi 
comme  lui,  que  cela  ne  valait  pas  l'eauqu'ils  avaient  bue  de  sa  rivière. 
Ce  chef  vit  dans  une  tle  au  milieu  du  courant  rapide  du  Coubango  ;  les 
gens  de  sa  tribu  s'appellent  les  Mombo-Kouchou  ;  ce  sont  d'habiles 


—  116  — 

t^notiers.  Le  roi  fit  visite  aux  voyageurs  dans  leur  camp,  examina  tout 
ce  qu'ils  avaient,  et  exigea  qu'ils  lui  donnassent  à  peu  près  tout  ce  qu'ils 
possédaient,  jusqu'à  leurs  couvertures.  Un  trafiquant  portugais  venu 
de  la  côte  occidentale,  qu'ils  rencontrèrent  chez  Oundalé,  leur  dit  qu'il 
était  très  facile  de  remonter  le  Coubango  jusqu'à  ses  sources,  et  de 
gagner  de  là  l'Atlantique;  il  offrit  de  les  accompagner.  Les  serviteurs 
du  D'  Schulz  refusant  de  traverser  la  rivière  par  peur  des  indigènes 
dont  l'attitude  était  hostile,  il  s'élança  dans  un  canot  et  fut  immédiate- 
ment suivi  par  un  jeune  garçon  qu'il  avait  amené  de  Natal  et  qui  s'écria: 
«  Si  mon  maître  doit  être  noyé,  je  veux  être  noyé  avec  lui.  »  Ils  traver- 
sèrent heureusement,  et  bientôt  le  reste  de  la  caravane  les  suivit.  Sur 
la  rive  méridionale  du   Coubango,  ils   rencontrèrent  bientôt  deux 
chasseurs  tauwana,   du  pays  des  Ba-Mangwato  de  l'ouest,  qui  les 
détournèrent  de  l'idée  de  suivre  le  trafiquant  portugais  vers  l'Atlan- 
tique, et  leur  offrirent  de  les  conduire  au  lac  Ngami.  Le  D' Schulz 
accepta  cette  ofire,  et  toute  l'expédition  reprit  la  direction  du  S.-E. 
Dans  son  cours  inférieur,  le  Coubango,  comme  le  Chobé,  s'élargit  et 
forme  des  marécages  qui,  en  certains  endroits,  ont  50  kilomètres  de 
large,  et  couvrent  le  pays  d'une  nappe  d'eau  d'où  émergent  des  îles,  et 
dont  l'évaporation  remplit  l'air  de  miasmes  pestilentiels.  Les  îles  du 
Coubango,  sont  habitées  en  partie  par  les  Mambokotyuzé,  qui  élèvent 
des  chèvres  mais  pas  de  grand  bétail,  et  en  partie  par  les  tribus  du 
Kalahari,  sous  le  chef  Moremi,  frère  de  Ehamé.  Tout  ce  pays  était 
autrefois  infesté  par  la  tsétsé,  et  alors  on  n'y  voyait  point  de  bestiaux; 
mais  à  mesure  que  la  mouche  disparaît,  on  rencontre  du  gros  bétail  en 
certains  endroits.  Les  huttes  sont  misérables,  et  annoncent  une  race 
inférieure  aux  Zoulous.  Elles  sont  circulaires,  construites  en  boue,  avec 
un  toit  d'herbe  ou  de  chaume.  Les  armes  primitives  des  natifs  étaient 
l'arc,  les  flèches  etl'assagaie  barbelée.  Maintenant  ils  ont  toutes  sortes 
de  fusils,  depuis  le  vieux  fusil  à  pierre  jusqu'au  fusil  à  répétition.  Les 
voyageurs  étaient  encore  à  neuf  jours  du  lac  Ngami,  lorsqu'ils  furent 
faits  prisonniers,  sous  prétexte  qu'ils  étaient  des  espions  ma-tébélé. 
Lorsqu'ils  arrivèrent  à  la  ville  de  Moremi,  à  l'est  du  lac,  sur  la  rive 
nord  de  la  Zouga,  on  ne  leur  permit  pas  d'y  entrer;  il  durent  rester 
sous  un  arbre,  sans  pouvoir  sortir  de  son  ombre  sous  des  peines  sévères. 
Peu  auparavant  les  Ma-Tébélé  avaient  fait  une  incursion  sur  le  terri- 
toire de  Moremi  pour  lui  enlever  du  bétail.  Moremi  avait  réussi  à  leur 
échapper  en  se  réfugiant  dans  une  île,  et  après  avoir  mis  à  l'abri  la  plus 
grande  partie  de  ses  troupeaux.  Désappointés,  les  Ma-Tébélé  avaient 


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ravagé  le  pays  et  s'étaient  retirés,  mais  en  menaçant  de  revenir.  De  Ik 
les  soupçons  éveillés  par  Texpédition  du  D'  Schulz,  qui  n'échappa  à 
l'extermination,  que  grâce  au  témoignage  d'une  petite  fille  qu'il  avait 
soignée  à  son  passage  à  Schoshong,  et  à  l'intervention  d'un  négociant 
blanc,  M.  John  Trembone,  Suédois,  et  de  deux  Hottentots  qui  purent 
aiïirmer  avoir  vu  les  voyageurs  dans  cette  ville.  Les  tribus  soumises  à 
l'autorité  de  Moremi  sont  diverses.  Celles  qui  demeurent  près  du  lac 
Ngami  s'appellent  les  Tauwana,  et  la  classe  dominante  parmi  eux 
paraît  descendre  d'émigrants  bé-chuana,  venus  de  Schoshong,  dans  les 
dix  premières  années  de  ce  siècle.  A  l'exception  de  quelques  chrétiens 
natifs,  ils  sont  tous  polygames  ;  les  bords  du  lac  sont  encore  le  centre 
d'un  grand  commerce  d'ivoire  et  de  plumes  d'autruche;  mais  cette  res- 
source fera  bientôt  défaut.  Sur  le  Coubango,  les  explorateurs  ont 
trouvé  une  tribu  qui  se  distingue  par  son  goût  pour  la  pêche,  c'est 
celle  des  Ma-Kouba,  très  habiles  en  outre  à  conduire  les  pirogues  et 
ayant  horreur  de  répandre  le  sang  humain.  Ayant  réussi  à  convaincre 
Moremi  de  leur  innocence,  les  voyageurs  obtinrent  de  pouvoir  redes- 
cendre la  Zouga,  et  de  retraverser  le  Kalahari  dans  la  direction  de 
Schoshong,  où  Khamé  fut  très  content  d'apprendre  tout  ce  qu'ils  avaient 
fait  et  yu  depuis  qu'il  les  avait  laissés  partir.  Le  D'  Schulz  a  dû  revenir 
en  Allemagne  rendre  compte  de  son  expédition  à  la  Société  de  géogra- 
phie de  Berlin,  qui  sans  doute  en  publiera  la  carte  et  les  résultats  scien- 
tifiques. Nous  aurons  soin  de  les  communiquer  à  nos  lecteurs.  Notons 
seulement  encore  ce  que  le  D'  Schulz  a  rapporté  des  mesures  prises  par 
Khamé  contre  l'usage  des  spiritueux  dans  ses  États.  Tout  trafiquant 
blanc  vendant  des  liqueurs  est  puni  d'une  amende  de  100  liv.  sterl.  ;  et 
tout  indigène  qui  fabrique  de  la  bière  cafre  est  expulsé  du  pays. 

Il  s'est  fondé  à  Manchester,  sous  le  nom  de  «  West  African  Trading 
Company  (Limited)  »  une  Société  commerciaie  pour  l'exploita^ 
tion  de  l'Afrique  occidentale.  Elle  a  déjà  acquis  des  factoreries  à 
Freetown  et  sur  la  rivière  Bramiah  dans  la  colonie  de  Sierra-Leone,  et 
se  propose  d'en  fonder  d'autres  au  Niger,  à  la  Baie  de  Bénin,  à  la 
rivière  de  Brass  et  au  Congo,  ainsi  que  de  développer  le  trafic  sur  ces 
cours  d'eau  au  moyen  de  vapeurs  rapides.  Le  commerce  actuel  de 
l'Angleterre  avec  les  principaux  ports  de  l'Afrique  occidentale  s'élève 
déjà  à  5,000,000  de  liv.  st  par  an  ;  il  emploie  45  vapeurs  et  80  voiliers. 


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NOUVEUiES  GdHPIsÉKSNTAIRBS 


M.  Teisserenc  de  Bort,  secrétaire  général  de  la  Société  météorologique  de 
France,  a  été  chargé  de  continuer,  dans  le  Sahara  algérien  et  tunisien,  les  tra- 
vaux qu'il  y  a  commencés  en  1888. 

Le  ministère  de  l'instruction  publique  de  France  a  confié  à  MM.  Salomon  Rei- 
nach  et  Gagnât  une  mission  archéologique  en  Tunisie. 

Une  Société  s'est  fondée  à  Tunis,  sous  le  nom  de  Société  carthaginoise  ;  elle  a 
pour  but  l'étude  historique  et  géographique  de  la  Tunisie,  ainsi  que  la  description 
et  la  conservation  de  ses  monuments  antiques. 

Le  D**  Schweinfurth  est  rentré  au  Caire,  d'une  exploration  qu'il  a  faite  dans  la 
partie  est  du  désert  égyptien,  entre  le  Nil  et  la  mer  Rouge,  pour  en  déterminer 
la  formation  géologique  et  en  dresser  une  carte.  Il  a  visité  entre  autres  le  mont 
Claudiarius  (Djebel  Fatereh),  où  se  trouvent  des  carrières  de  granit  qui  datent 
des  empereurs  Trajan  et  Adrien. 

La  Compagnie  du  canal  de  Suez  a  fait  don  d'un  terrain,  sur  lequel  sera  élevé,  à 
Port-Saïd,  par  le  comité  du  souvenir  national  pour  le  général  Gordon,  un  hôpital 
anglais  :  Gordon  Mémorial  Hoapital. —  La  PdU  MaU  Gazette  a  proposé  que  le  Co- 
mité susmentionné  forme  une  Société  nationale  qui  fasse  pour  le  Nil  ce  que 
l'Association  internationale  africaine  a  fait  pour  le  Congo. 

M.  Maspero  a  entrepris  de  déblayer  le  temple  de  Louqsor,  encombré  par  des 
masures.  Par  la  grandeur  du  plan  et  la  beauté  des  proportions,  ce  monument 
égale  presque  celui  de  Karnak.  Les  sculptures  qui  en  décorent  les  chambres  et 
les  colonnes  sont  d'un  travail  fin  et  délicat. 

La  Société  africaine  de  Naples  a  ouvert  une  école  coloniale  dans  laquelle  elle 
fait  enseigner,  outre  les  branches  d'études  commerciales,  la  géographie  écono- 
mique, la  science  de  la  colonisation,  le  droit  international,  les  langues  arabe  et 
anglaise. 

Un  câble  télégraphique  sous-marin  sera  posé  entre  Massaoua  et  Assab. 

Le  capitaine  Ferrari)  accompagné  du  D'  Nerazzini,  médecin  de  la  colonie 
d'Assab^  est  parti  de  Massaoua  pour  l'Abyssinie. 

Le  sultan  d'Aoussa  a  fait  savoir  au  commissaire  d' Assab  qu'il  organise  une 
expédition,  pour  rechercher  et  punir  les  assassins  de  Blanchi  et  de  ses  compa- 
gnons de  voyage. 

Des  caravaniers  de  l'Ogaden  ont  apporté  à  Berbera  la  nouvelle  que  l'expédi- 
tion de  M.  James  (voy.  p.  68),  a  passé  le  Webbi-Ouenat. 

En  présence  de  la  famine  qui  sévit  dans  la  région  à  l'ouest  de  Zanzibar,  et  de 
l'impossibilité  de  recruter  des  porteurs  en  nombre  suffisant,  l'Association  interna- 
tionale africaine  a  dû  renoncer  à  faire  partir  de  Zanzibar  l'expédition  qui  s'y 
organisait  sous  la  direction  du  lieutenant  Becker.  Le  Mouvement  géographique  de 
Bruxelles,  auquel  nous  empruntons  cette  nouvelle,  ajoute  que  le  lieutenant 
Storros,  dont  le  terme  de  service  est  expiré,  reprendra  le  chemin  de  la  côte  après 


—  119  — 

avoir  confié  proTisoireinent  la  garde  des  stations  de  Karéma  et  de  Mpala  aux 
membres  de  la  mission  algérienne  d'OudjidjI. 

Une  lettre  de  M.  Ledoulx,  consul  de  France  à  Zanzibar,  annonce  la  mort  de 
Mtésa  ;  coïncidant  avec  celle  de  Mirambo,  elle  fait  naître,  dit  M.  Ledoulx,  la 
crainte  de  longues  guerres  pour  l'Afrique  orientale. 

D'après  le  Chcmber  of  Commerce  Journal  de  Londres,  le  gouvernement  fran- 
çais a  fait  un  contrat  pour  la  pose  du  câble  de  Zanzibar  à  Mayotte,  Nossi-Bé  et 
Tamatave;  l'opération  doit  être  terminée  en  juin.  La  Compagnie  prolongera 
ensuite  le  câble  jusqu'à  la  Réunion  et  Maurice. 

Dans  une  lettre  adressée  à  la  Société  de  géographie  de  Paris,  le  major  Serpa 
Pinto  rectifie  une  assertion  émise  par  des  journaux  mal  renseignés,  qui  ont  an- 
noncé que  son  expédition  se  rendrait  au  Congo.  Il  a  pour  mission  spéciale  d'étu- 
dier le  pays  compris  entre  la  côte  orientale  d'Afrique  et  le  Tchambézi  jusqu'au 
lac  Bangouéolo. 

M.  Stevenson,  qui  a  déjà  établi  à  ses  frais  des  vapeurs  sur  les  grands  lacs  de 
l'Afrique  centrale  et  a  fait  construire  la  route  entre  le  Nyassa  et  le  Tanganyika, 
offre  de  garantir  la  construction  d'un  chemin  de  fer  à  voie  étroite  le  long  des 
100  kilom.  de  rapides  du  Chiré.  Si  cela  est  nécessaire,  il  fournira  entièrement  les 

fonds. 

Le  port  de  S*-Pierre,  dans  l'île  de  la  Réunion,  vient  d'être  officiellement  ouvert 
à  la  navigation  par  le  Bureau  hydrographique  des  plans  et  cartes  de  la  marine, 
qui  l'a  reconnu  et  le  fait  figurer  au  nombre  des  ports  maritimes. 

Le  colonel  Clarke,  résident  anglais  au  Le-Souto,  a  pris  des  mesures  énergiques 
pour  supprimer  le  trafic  illicite  des  liqueurs  dans  ce  pays. 

Le  gouvernement  de  la  nouvelle  république  des  Boers,  dans  le  Zoulouland,  a 
autorisé  tous  les  missionnaires  qui  occupaient  autrefois  des  stations  dans  le  pays, 
à  en  reprendre  possession,  sous  la  condition  qu'ils  n'interviendront  pas  dans  les 
affaires  politiques  et  qu'ils  se  soumettront  aux  lois. 

Le  Tranavduil  Advertiser  rapporte  qu'il  est  question  d'une  expédition  que  pré- 
parent les  Boers  au  pays  des  Ma-Tébélé,  au  nord  du  Limpopo,  pour  y  fonder 
encore  une  nouvelle  république,  la  convention  de  Londres  leur  laissant  le  champ 
libre  dans  cette  direction. 

Une  Société  s'est  fondée  à  Berlin  au  capital  de  1,50(),000  fr.,  pour  acheter  à 
M.  Lttderitz  les  territoires  qu'il  a  acquis  en  Afrique. 

Une  Commission  mixte  a  été  chargée  d'examiner  les  prétentions  à  des  droits  de 
propriété  privée  ou  à  des  dommages-intérêts, que  croient  pouvoir  élever  les  sujets 
anglais  habitant  les  pays  placés  sous  le  protectorat  allemand,  du  cap  Frio  à 
Tembouchure  de  l'Orange,  et  les  sujets  allemands  demeurant  prèb  de  Walfish-bay. 

Le  lieutenant  Massari  est  rentré  à  Léopoldville  après  une  reconnaissance  du 
cours  inférieur  du  Quango.  Les  indigènes  riverains  se  sont  montrés  très  pacifiques 
et  lui  ont  fait  le  meilleur  accueil.  Une  station  a  été  établie  à  Mbousie.  Massari  a 
poussé  sa  reconnaissance  jusqu'au  4**  lat.  S.  Le  major  de  Mechow  ayant  exploré 
le  cours  du  fleuve  du  8°  au  b''  lat.  S.,  il  ne  reste  plus  qu'à  étudier  la  section  du 
5'  au  4«. 


—  120  — 

Le  Mouvement  géogra^ohigue  de  Bruxelles  annonce  que  le  Stanieif  doit  être  arrivé 
à  Léopoldville  ;  le  lieutenant  Valcké  à' réussi  à  obtenir,  pour  le  transport,  le  con- 
cours de  800  indigènes  de  la  rive  méridionale  du  Congo. 

Le  D'  Oscar  Lenz  a  été  chargé,  par  la  Société  de  géographie  de  Vienne,  d'une 
exploration  entre  le  Congo  et  le  Nil.  Il  se  propose  de  partir  dans  le  courant  de 
mai,  et  pense  que  son  voyage  durera  d'un  an  à  dix-huit  mois  au  plus.  Espérons 
qu'il  réussira  à  résoudre  le  problème  de  l'Arououimi  et  de  POuellé. 

Un  accord  s'est  établi  entre  l'Angleterre  et  l'Allemagne  au  siget  de  leurs  pos- 
sessions respectives  dans  le  golfe  de  Guinée.  Le  gouvernement  anglais  a  cédé  à 
l'Allemagne  le  port  de  Bota  et  abandonné  toutes  réclamations  sur  les  territoires 
situés  entre  ce  port  et  la  rive  gauche  du  Rio-del-Rey.  L'Allemagne  conserve  la 
possession  de  tout  le  territoire  de  Cameroun,  sauf  celui  de  Yietoria  qui  demeure 
possession  anglaise.  L'Angleterre  s'est  engagée  à  ne  conclure  aucun  traité  avec 
les  chefs  indigj^nes  des  territoires  situés  entre  le  Rio-del-Rey  et  l'établissement 
français  du  Gabon.  De  son  côté  l'Allemagne  s'est  engagée  à  ne  créer  aucune 
difficulté  à  l'Angleterre  dans  les  territoires  s'étendant  entre  Lagos  et  le  Rio-del- 
Rey. 

L'armée  de  Samory  qui  opérait  sur  le  Niger  supérieur  s'est  emparée  de  Falaba, 
puis  s'est  avancée  jusqu'à.  Cambia  sur  la  grande  Scarcie.  Son  chef  s'est  rendu  à 
Sierra-Leone  pour  offrir  au  gouverneur  de  la  colonie  de  laisser  les  routes  libres, 
de  Ségou  jusqu'à  la  mer. 


LA  CONFÉRENCE  AFRICAINE  DE  BERLIN 

(Suite  et  fin.  Voy.  p.  24  et  75,  et  la  carte,  p.  140). 

Nous  avons  exposé,  dans  notre  dernier  numéro,  les  résultats  des  tra- 
vaux de  la  Conférence  africaine,  relativement  au  premier  des  principes 
qui  devaient  servir  de  base  à  ses  délibérations  :  celui  de  la  liberté  de 
commerce  dans  le  bassin  du  Congo,  ses  embouchures  et  les  pays  circon- 
voisins  \  Peut-être  devrions-nous  parler  maintenant  des  adjonctions 
qui  ont  été  faites  dès  lors  à  ce  qui  concerne  cette  liberté  ;  mais  il 
nous  paraît  préférable  de  présenter  de  suite  ce  qui  a  trait  aux  deux 
autres  bases  de  délibération  de  la  Conférence  :  au  principe  de  la  liberté 

*  Il  eût  été  plus  logique,  nous  semble-t-il,  de  faire  passer  le  principe  de  la 
libre  navigation  du  Congo  avant  celui  de  la  liberté  du  commerce  dans  son  bassin; 
mais  l'ordre  adopté  dans  la  circulaire  de  convocation  était  plus  ou  moins  imposé 
par  le  but  essentiel  que  l'on  avait  en  vue,  le  maintien  de  la  liberté  commerciale 
qui  jusqu'alors  avait  régné  dans  cette  région,  et  que  menaçait  le  projet  de  traité 
anglo-portugais  du  26  février  1884. 


—  121  — 

de  navigation  sur  le  Congo  et  ses  affluents,  et  aux  conditions  à  remplir 
pour  que  des  occupations  nouvelles  sur  les  côtes  du  continent  soient 
considérées  comme  effectives.  Une  fois  cet  exposé  terminé,  nous  dirons 
Tobligation  où  la  Conférence  s'est  trouvée  d'aborder  des  questions  qui 
n'étaient  pas  inscrites  à  son  programme,  pour  restreindre  la  liberté 
comjnerciale  à  l'égard  de  la  traite  des  esclaves,  et  pour  garantir,  en  cas 
de  guerre,  cette  même  liberté  par  des  dispositions  relatives  à  la  neu- 
tralité des  territoires  compris  dans  le  bassin  conventionnel  du  Congo. 
Après  cela,  nous  auronis  à  mentionner  l'œuvre  poursuivie  parallèlement 
à  celle  de  la  Conférence  :  la  reconnaissance,  par  les  gouvernements  des 
puissances  représentées  à  Berlin,  de  l'Association  internationale  du 
Congo  comme  État  admis  à  signer  l'Acte  général.  Enfin,  nous  verrons 
les  espérances  que  l'œuvre  totale  accomplie  à  Berlin  permet  de  conce- 
voir pour  l'Afrique  et  pour  le  monde  entier. 

Commençons  donc  par  le  principe  de  la  libre  navigation  du  Congo. 

Déjà  avant  la  Conférence,  des  voix  autorisées  appuyant  les  réclamar 
tions  de  sociétés  commerciales,  philanthropiques  et  missionnaires^ 
avaient  insisté  pour  que  les  puissances  civilisées  s'entendissent,  afin  de 
prévenir  les  dangers  qu'aurait  pu  faire  courir  à  la  navigation  la  prise 
de  possession,  par  un  seul  État,  des  deux  rives  et  de  l'embouchure  du 
Congo.  M.  de  Laveleye  et  sir  Travers  Twiss  avaient  écrit  à  ce  sujet  dans 
la  Bévue  de  droit  international^  demandant,  le  premier,  la  neutralité, 
le  second,  l'internationalisation  du  Congo.  M.  Moynier,  saisissant  de 
la  question  l'Institut  de  droit  international,  avait  montré  ^  que  «  le  but 
que  l'on  devait  poursuivre  était  la  liberté  pour  tout  le  monde  de  navi- 
guer, soit  sur  le  Congo  lui-même,  soit  sur  ses  affluents  directs  et  ses 
autres  tributaires,  et  d'y  trafiquer  pacifiquement  en  tout  temps.  On 
vise,  »  ajoutait-il,  a  à  ce  que  le  droit  de  circuler  sur  ce  vasteréseau fluvial 
ne  puisse  pas  devenir  l'objet  d'un  monopole,  à  ce  que  l'accès  en  soit 
toujours  permis  et  à  ce  qu'aucune  entrave  ne  soit  mise  à  l'activité  civi- 
lisatrice d'un  peuple  quelconque  dans  ses  parties  navigables.  Les  inté- 
rêts de  la  production  européenne,  du  commerce,  de  la  colonisation,  du 
progrès  en  un  mot  seraient  admirablement  servis  par  un  semblable 
régime,  et  le  bassin  du  Congo  se  trouverait  ainsi  mieux  partagé,  écono- 
miquement parlant,  que  les  États  du  vieux  monde  auxquels  il  serait 
redevable  de  cette  supériorité.  » 

>  Voyez  la  Qu^tion  du  Congo  devant  Vlmtittit  de  Droit  international,  lY""*  an- 
née, p.  272. 


—  122  — 

Le  principe  de  la  liberté  de  naTigation,  proposé  pour  le  Congo,  n'était 
pas  absolument  nouveau.  Le  traité  de  Vienne  de  1815  Tayait  proclamé 
pour  les  fleuves  qui  séparent  ou  traversent  plusieurs  États.  Le  traité 
de  Paris  de  1856  l'avait  appliqué  au  Danube,  au  sujet  duquel  il  avait 
statué  que,  sauf  les  règlements  de  police,  aucun  obstacle  ne  serait  mis 
à  la  navigation,  et  que  les  pavillons  de  toutes  les  nations  seraient  traités 
sur  le  pied  d'une  parfaite  égalité.  Peu  à  peu  on  en  était  venu  à  com- 
prendre que  monopoliser  un  fleuve,  en  accaparer  Tusage,  serait  le 
détourner  de  sa  destination  normale.  Aussi  Bluntschli  avaitril  formulé 
cette  maxime  en  disant  :  «  Les  fleuves  et  les  rivières  navigables,  qui  sont 
en  communication  avec  une  mer  libre,  sont  ouverts  en  tout  temps  aux 
navires  de  toutes  les  nations.  Le  droit  de  libre  navigation  ne  peut  être 
aboli  ni  restreint  au  détriment  de  certaines  nations.  » 

Entrant  dans  cet  ordre  d'idées,  le  président  de  la  Conférence,  prince 
de  Bismarck,  annonça,  à  l'ouverture  des  séances,  que  le*gouvemement 
allemand  se  rallierait  volontiers  à  des  propositions  tendant  à  régler,  en 
dehors  de  la  Conférrace,  la  question  de  la  liberté  de  navigation  sur  tous 
les  fleuves  de  l'Afrique.  Mais  le  programme  étant  circonscrit  à  la  liberté 
de  navigation  sur  le  Congo  et  le  Niger,  le  projet  d'Acte  de  navigation 
présenté  à  la  Conférence  ne  concernait  que  ces  deux  fleuves  et  leurs 
affluents. 

Se  référant  à  l'Acte  final  du  Congrès  de  Vienne,  au  traité  de  Paris  et 
à  l'Acte  de  navigation  du  Danube,  le  projet  proposait  d^assurer  à  tous 
les  pavillons  la  pleine  et  entière  liberté  de  navigation,  et  la  frandiise  de 
toutes  taxes  autres  que  celles  prélevées  en  vue  de  payer  les  travaux 
nécessités  par  les  besoins  de  la  navigation  même.  Le  représentant  bri* 
tanmque  était  disposé  à  examiner  l'application  du  principe  de  la  liberté 
de  navigation  à  d'autres  fleuves  et  à  placer  celle  du  Congo  sons  la  sur- 
veillance d'une  commission  internationale,  mais  il  jugeait  impraticable 
rétablissement  d'une  commission  semblable  pour  le  Niger.  Suivant 
lui  le  fleuve  n'était  pas  suffisamment  exploré;  des  rapides  séparent  la 
section  supérieure  de  l'inférieure  qui,  en  s'approchant  de  la  mer,  se 
disperse  dans  un  réseau  d'embouchures  ;  d'ailleurs  l'exploration  en  a 
été  faite  par  des  Anglais,  le  commerce  y  est  aux  mains  des  Anglais,  le 
pays  est  sous  le  protectorat  anglais  ;  aussi  demandaitril  que  le  contrdle 
sur  le  Niger  fftt  confié  au  gouvernement  anglais  qui,  par  une  déclaration 
formelle,  serait  tenu  à  y  appliquer  le  principe  de  la  libre  navigation  pour 
tous. 

La  Conunission  à  laquelle  fut  renvoyé  le  projet  eut  &  étudier 


—  123  — 

d'abord  le  régime  du  Congo  et  ^siuAe  celui  du  Niger.  Les  délégués 
teehniques  examinèrent  la  question  de  très  près,  et  M.  Lambermont, 
plénipotentiaire  belge,  rendit  c(Hnpte  de  la  façon  la  plus  claire  des  trar^ 
vaux  de  la  Commission.  Q  rappela,  dans  son  rapport,  que  le  traité  de 
Paris  de  1814  avait  déjà  prévu  que  le  principe  de  la  liberté  de  naviga- 
tion pour  tous,  appliqué  au  Rhin,  pourrait  être  étendu  à  d'autres 
fleuves  ;  qu'en  fait  il  l'a  été  à  l'Escaut,  au  Parana,  à  l'Uruguay  et  au 
Danube  avec  des  améliorations  de  détail.  Dès  lors  la  Cornspâaston  propo- 
sait que,  conformément  à  une  des  dispositions  de  la  Déclaration  relative 
à  la  liberté  commerciale,  la  Conférence  stipulât  la  liberté  de  navigation 
pleine  et  entière  pour  tous  les  navires  marchands  de  toutes  les  nations, 
sur  le  Congo,  sans  exception  d'aucun  des  embranchements  ni  issues  de 
ce  fleuve,  sans  distinction  entre  les  siqets  des  États  riverains  et  ceux 
des  non-riverains,  et  sans  qu'il  puisse  être  concédé  aucun  privilège  exdu- 
sif  de  navigation,  soit  à  des  sociétés  ou  corporations  quelconques,  soit  & 
des  particuliers. 

Cette  proposition  fut  adoptée,  et  les  propositions  qu'dle  renferme 
fuient  reconnues  comme  faisant  désormais  partie  du  droit  public  inter- 
national. 

La  liberté  de  navigation  ainsi  proclamée  exclut  toutes  les  servitudes 
connues  jadis  sous  le  nom  de  droits  d'échelle,  d'étape,  de  dépôt,  de 
rompre  charge  ou  de  relâche  forcée  ;  elte  exempte  de  tout  droit  de  tran- 
sit les  navires  et  les  marchandises  ;  enfin  elle  interdit  l'établissement  de 
péages  maritimes  ou  fluviaux  basés  sur  le  seul  fait  de  la  navigation.  H 
ne  pourra  donc  être  perçu  que  des  taxes  qui  auront  le  caractère  de  rétri- 
bution pour  services  rendus  â  la  navigMi<ui  même,  telles  que  des  taxes 
de  port,  pour  Pusage  effectif  de  certains  établissements  locaux  :  quus, 
magasins,  etc.;  des  droits  de  pilotage  sur  les  sections  fluviales  oti  il 
paraîtrait  nécessaire  d'avoir  des  pilotes  brevetés  ;  des  droits  destinés  à 
couvrir  les  dépenses  techniques  et  administratives  faites  dans  l'intérêt 
général  de  la  navigation;  des  droits  de  phare,  de  fanal,  de  balisage, 
basés  sur  le  tonnage  des  navires,  conformément  aux  règles  adoptées  sur 
le  bas  Danube.  Les  tarife  visant  ces  taxes  et  droits  ne  comporteront 
aucun  traitement  différentiel. 

Quant  aux  affluents  du  Congo,  flQUyeSt  rivières,  lacs  et  canaux, 
auxquels  s'applique  le  même  régime,  il  a  été  convenu  qu'ils  ne  seront 
soumis  k  la  surveillance  de  la  Commission  internationale  qu'avec  l'as- 
sentiment des  États  sous  la  souveraineté  desquels  ils  sont  placés. 

La  configuration  physique  du  continent  africain  a  obligé  la  Confé- 


-124- 

rence  à  introduire  dans  le  droft  international  une  idée  nouvelle,  qui 
sera  envisagée  comme  un  progrès.  La  voie  fluviale  étant  interrompue 
par  des  cataractes  sur  une  grande  longueur,  il  a  été  décidé  que  les  rou- 
tes, chemins  de  fer  ou  canaux  latéraux  ,  établis  pour  suppléer  k  Pinna- 
vigabilité  du  Congo  sur  certaines  sections  de  son  parcours,  de  sea 
afSuents  et  des  autres  cours  d'eau,  seront  considérés,  en  leur  qualité  de 
moyens  de  communication,  conmie  des  dépendances  de  ce  fleuve,  et 
seront  également  ouverts  au  trafic  de  toutes  les  nations.  H  ne  pourra 
y  être  perçu  que  des  péages  calculés  sur  des  dépenses  de  construction, 
d'entretien  et  d'administration,  ainsi  que  sur  les  bénéfices  dus  aux  entre- 
preneurs, les  étrangers  et  les  nationaux  des  territoires  respectifs  devant 
d'ailleurs  être  traités  sur  le  pied  d'une  parfaite  égalité. 

L'idée  émise  de  divers  côtés  de  créer  pour  le  Congo  une  commission 
analogue  à  celle  du  Danube,  a  trouvé  son  expression  dans  la  création 
d'une  Commission  internationale  chargée  d'assurer  la  libre  navigation 
du  fleuve  et  de  ses  affluents,  et  dans  laquelle  les  puissances  signataires 
de  la  Déclaration,  ainsi  que  celles  qui  y  adhéreront  ultérieurement, 
pourront  se  faire  représenter  chacune  par  un  délégué.  Ses  membres  et 
ses  agents  jouiront  du  privilège  de  l'inviolabilité  dans  l'exercice  de  leurs 
fonctions^  et  la  même  garantie  s'étendra  aux  offices,  bureaux  et  archi- 
ves de  la  Commission.  Celle-ci  se  constituera  dès  que  cinq  puissances 
auront  nommé  leur  délégué. 

C'est  à  elle  qu'incombera  le  devoir  d'élaborer  les  règlements  de  navi- 
gation, de  police  fluviale,  de  pilotage,  de  quarantaine  qui,  avant  d'être 
mis  en  vigueur,  devront,  ainsi  que  les  tarife,  être  soumis  à  l'approbation 
des  puissances  représentées  dans  la  Commission.  Les  infi'actions  à  ces 
règlements  seront  réprimées,  par  les  agents  de  la  Commission,  là  où  elle 
exercera  directement  son  autorité,  c'est-à-dire  là  où  le  territoire  ne 
relèvera  d'aucun  État  souverain;  ailleurs,  par  la  puissance  riveraine. 
Les  personnes  qui  se  croiraient  lésées  dans  leurs  droits  par  un  abus  de 
pouvoir  ou  une  injustice  de  la  part  d'un  agent  ou  d'un  employé  de  la 
Commission,  pourront  en  appeler  à  l'agent  consulaire  de  leur  nation  et 
à  la  Commission  elle-même. 

Pour  assurer  l'exécution  des  dispositions  prises  par  la  Conférence,  la 
Commission  internationale  a  reçu  les  attributions  suivantes  : 

1*  Désignation  des  travaux  propres  à  assurer  la  navigabilité  du  Congo, 
selon  les  besoins  du  commerce  international. 

2*  Fixation  du  tarif  de  pilotage  et  du  tarif  général  des  droits  de  navi* 
gation. 


—  125  — 

S"*  Administratioa  des  reveaus  provenant  de  l'application  de  ces  tarifs. 

4"*  Surveillance  de  rétablissement  quarantenaire,  dont  il  sera  fait 
mention  plus  loin. 

ô""  Nomination  des  agents  dépendants  du  service  général  de  la  navi- 
gation. 

La  Commission  pourra,  au  besoin,  pour  T accomplissement  de  sa  tâche, 
recourir  aux  bâtiments  de  guerre  des  puissances,  qui  seront  exemptés 
des  droits  de  navigation,  ainsi  que  des  droits  de  pilotage  et  de  port, 
toutes  les  fois  que  leur  intervention  aura  été  réclamée  par  la  Commis- 
sion internationale  ou  par  ses  agents. 

Pour  subvenir  aux  dépenses  techniques  et  administratives  qui  lui 
incomberont,  la  Commission  pourra  négocier  en  son  nom  propre  des 
emprunts,  exclusivement  gagés  sur  les  revenus  dont  Tadministration 
lui  est  attribuée. 

Un  établissement  quarantenaire,  exerçant  le  contrôle  Sur  les  bâti- 
ments, tant  à  l'entrée  qu'à  la  sortie,  sera  fondé  à  l'embouchure  du 
Congo. 

Enfin,  même  en  temps  de  guerre,  la  navigation  de  toutes  les  nations 
neutres  et  belligérantes  sera  libre  pour  les  usages  du  commerce,  sur 
le  Congo,  ses  affluents  et  ses  embouchures,  ainsi  que  sur  les  routes, 
chemins  de  fer,  lacs  et  canaux  dépendants  du  fleuve,  avec  une  seule 
exception  en  ce  qui  concerne  les  objets  destinés  à  un  belligérant  et 
considérés,  en  vertu  du  droit  des  gens,  comme  contrebande  de  guerre. 
Les  ouvrages  et  les  établissements  tels  que  bureaux  de  perception  et 
caisse,  ainsi  que  le  personnel  attaché  à  leur  service,  seront  placés  sous 
le  régime  de  la  neutralité  et,  à  ce  titre,  respectés  et  protégés  par  les 
belligérants. 

En  ce  qui  concerne  le  Niger,  vu  les  circonstances  dans  lesquelles  se 
trouve  ce  fleuve,  navigable  seulement  dans  son  cours  inférieur  et  dans 
une  partie  de  son  cours  supérieur,  il  a  été  décidé  d'y  appliquer  tous  les 
principes  stipulés  pour  le  Congo,  à  l'exception  de  ceux  qui  se  rappor- 
tent à  la  Commission  internationale.  Mais  la  Grande  Bretagne  s'est 
engagée  à  appliquer  ces  principes,  en  tant  que  les  eaux  du  Niger,  de 
ses  afSuents  et  issues,  sont  sous  sa  souveraineté  ou  son  protectorat. 
Ses  règlements  devront  être  conçus  de  manière  à  faciliter  autant  que 
possible  la  circulation  des  navires  marchands.  Elle  a  pris  en  outre  l'en- 
gagement de  protéger  les  négociants  étrangers  de  toutes  les  nations, 
faisant  le  commerce  dans  les  parties  du  cours  du  Niger  placées  sous  sa 
souveraineté  ou  son  protectorat,  comme  s'ils  étaient  ses  propres  sujets, 
pourvu  qu'ils  se  conforment  aux  règlements. 


N 


—  126  — 

La  France,  établie  sur  le  cours  supérieur  du  Niger,  a  accepté,  sous  les 
mêmes  réserves  et  en  termes  identiques,  les  obligations  stipulées  relati- 
vement au  Niger  inférieur.  Chacune  des  autres  puissances  s'est  engagée 
de  même,  pour  le  cas  où  elle  exercierait  à  l'avenir  des  droits  de  souve- 
raineté ou  de  protectorat  sur  quelque  partie  des  eaux  du  Niger  ou  de 
ses  affluents. 

Les  dispositions  relatives  à  la  neutralité  du  Congo  en  temps  de  guerre 
ont  été  adoptées  pour  le  Niger. 

C'est  un  progrès  considérable  introduit  dans  le  code  maritime  des 
nations  et  qui  fera  époque  dans  l'histoire  du  droit  international.  Il  y  a 
là  une  sanction  nouvelle  et  une  extension  importante  de  l'inviolabilité 
de  la  propriété  privée  dans  les  conflits  internationaux. 

Par  ces  dispositions,  la  navigation  et  le  commerce  ne  seront  soumis  à 
aucune  formalité  vexatoire  dans  ces  deux  vastes  bassins.  Le  système  de 
franchise  et  de  garantie  appliqué  à  la  libre  navigation  des  fleuves,  pro- 
tégeant le  commerce  et  le  progrès  sous  toutes  les  formes,  sera  incon- 
testablement une  des  plus  belles  conquêtes  du  droit  moderne. 

Après  avoir  entouré  de  garanties  la  liberté  du  commerce  et  de  la 
navigation  dans  le  bassin  du  Congo,  la  Conférence  avait  encore  à  déter- 
miner les  formalités  requises  pmir  faire  considérer  à  V avenir  comme 
effectives  les  occupations  de  territoires  sur  les  côtes  d'Afrique^  afin  de 
prévenir  les  contestations  ou  les  malentendus  auxquels  pourraient  don- 
ner lieu  des  occupations  nouvelles. 

Jusqu'ici,  le  droit  public  ne  prescrivait  pas  à  un  État  l'obligation 
d'une  notification  aux  autres  puissances,  pour  les  mettre  à  même  de 
taire  valoir,  s'il  y  avait  lieu,  leurs  réclamations  contre  une  prise  d«  pos- 
session ou  Une  déclaration  de  protectorat.  Les  règles  adoptées  à  cet 
égard  par  la  Conférence  introduisent  donc  une  innovation  utile.  En 
voici  la  substance:  La  puissance  qui,  dorénavant,  prendra  possession 
sur  les  côtes  du  continent  africain,  d'un  territoire  situé  en  dehors  de 
ses  possessions  actuelles,  ou  qui  n'en  ayant  pas  eu  jusque-là  viendra 
à  en  acquérir,  et  de  même  la  puissance  qui  y  assumera  un  protectorat, 
accompagnera  l'acte  respectif  d'une  notification  aux  autres  puissances 
afin  qu'elles  puissent  faire  valoir,  s'il  y  a  lieu,  leurs  réclamations. 

En  outre,  les  puissances  réunies  à  Berlin  ont  reconnu  l'obligatioii 
d'assurer  à  l'avenir,  dans  les  territoires  occupés  par  elles,  l'existence 
d'une  autorité  sufilsante  pour  faire  respecter  les  droits  acquis,  et,  le  cas 
échéant,  la  liberté  du  commerce  et  du  transit  dans  les  conditions  où 
elle  serait  stipulée. 


—  127  — 

La  simple  notification  ne  peut  suffire^  une  occupation  ne  peut  devoir 
effective  que  par  T accomplissement  de  conditions  qui  impliquent  une 
idée  de  continuité  et  de  peimanence.  Mais,  conune  il  s'agissait  d'éta- 
blir des  règles  de  droit  public,  la  Conférence  a  eu  soin  de  s'en  tenir  à 
quelques  prescriptions  aussi  simples  et  générales  que  possible,  ne 
déterminant  que  le  minimum  des  obligations  qui  incombent  à  l'État 
occupant,  et  laissant  à  la  sagesse  des  gouvernements  le  soin  de  les 
compléter  par  des  arrangements  ultérieurs,  si  l'expérience  les  y  convie; 
elle  s'est  bornée  à  mentionner  les  droits  acquis  et  la  liberté  du  coin- 
merce  et  de  transit,  que  l'autorité  doit  pouvoir  faire  respecter. 

Outre  les  trois  principes  destinés  à  servir  de  base  aux  délibérations 
de  la  Conférence,  celle-ci,  nous  l'avons  déjà  dit,  a  abordé  des  questions 
connexes  qui  se  rattachent  directement  à  la  liberté  commerciale.  Celle 
des  spiritueux  fut  une  des  premières  que  traitèrent  les  plénipoten- 
tiaires. Déjà  en  1878,  le  Comité  national  suisse  africain  avait  attiré 
sur  elle  l'attention  de  l'Association  internationale;  M.  Moynier  y  était 
revenu  en  traitant  la  question  du  Congo  devant  l'Institut  de  droit  inter* 
national.  Dès  la  seconde  séance  de  la  Conférence,  le  plénipotentiaire 
italien,  s'appuyant  sur  des  considérations  morales,  la  souleva  à  l'occasion 
de  la  liberté  commerciale,  et  le  représentant  des  États-Unis  demanda 
que  Ton  cherchât  à  remédier  aux  abus  possibles  par  des  mesures  régle- 
mentaires ultérieures.  Dans  la  séance  du  18  décembre,  où  fut  discuté 
l'Acte  concernant  le  Niger,  le  plénipotentiaire  britannique  qui,  dans  la 
Commission,  avait  demandé  que  le  transit  des  boissons  spiritueuses  fût 
prohibé  Bur  le  cours  du  bas  Nigex,  informa  la  Conférence  que  la  Com- 
mission avait  décidé  de  proposer  l'adoption  d'un  vœu  dans  ce  sens. 
Elle  désirait  qu'une  entente  s'établît  entre  les  gouvernements,  pour 
r^ler  la  question  dont  il  s'agit  d'une  manière  qui  conciliât  les  droits 
de  l'humanité  avec  les  intérêts  du  commerce,  en  ce  que  ces  derniers 
peuvent  avoir  de  légitime.  Sir  E.  Malet  demanda  à  l'Assemblée  de 
ratifier  ce  vœu  et  d'en  prescrire  l'insertion  au  protocole.  Plusieurs  des 
plénipotentiaires,  entre  autres  MM.  Andersen  et  Van  der  Straten', 
demandèrent  que  les  effets  de  ce  vœu  fussent  étendus  à  tout  le  terri- 
toire du  Congo. 

*  Les  affirmations  de  ces  deux  hommes,  parfaitement  compétents,  concordent 
avec  ce  que  nous  avons  dit  du  mal  causé  par  les  spiritueux  en  Afrique.  Voyez  y»« 
année,  p.  262  et  293. 


—  128  — 

Les  représ^tants  de  la  Hollaade  et  de  rÂllemagne  firent  des  objec- 
tions. M.  de  Kosserow  mit  cependant  sur  la  yoie  de  ce  que  Ton  pourra 
faire,  en  rappelant  que  le  gouvemement  de  Siam  a  demandé  des  modifi- 
cations aux  traités  cpnclus  par  lui  avec  les  puissances  européennes,  de 
façon  à  lui  permettre  de  réprima  les  abus  du  commerce  des  liqueurs, 
demande  qui  a  obtenu  l'assentiment  général  des  puissances.  Cesera  donc 
dans  rinitiative  à  prendre  par  les  gouvemements  locaux,  que  se  trou- 
vera le  remède  contre  la  démoralisation  des  populations  par  Tabùs  des 
liqueurs  fortes.  On  aura,  dans  le  vœu  émis  par  la  Conférence,  une  garan- 
tie que  les  gouvernements  locaux  trouveront,  auprès  des  puissances 
représentées  à  Berlin,  le  concours  quMls  demanderont. 

Espérons  qu'il  en  sera  ainsi  et  que,  si  les  administrateurs  des  nou- 
velles possessions  portugaises  et  françaises  ou  de  l'État  libre  du  Congo 
demandent  à  la  Hollande  ou  à  l'Allemagne  de  conclure  un  traité  ana- 
logue à  celui  de  Siam,  il  ne  leur  sera  pas  répondu  comme  à  celui  de 
Madagascar.  Dans  cette  île,  contrairement  à  la  volonté  de  la  reine,  la 
France  et  l'Angleterre  ont  obligé  les  populations  madécasses  à  recevoir 
le  rhum  et  l'eau-de-vie  que  leurs  ressortissants  importent  dans  cette 
île'. 

Les  paroles  du  représentant  de  la  Hollande,  rappelant  que  l'adoption 
du  vœu  relatif  au  Niger  a  été  déterminé  par  ce  que  Ton  savait  de  la 
présence  sur  le  Niger  de  populations  musulmanes  qui  ne  consomment 
pas  de  boissons  spiritueuses,  ne  sont  pas  de  nature  à  nous  rassurer. 
Dans  le  bassin  du  Congo,  a-t-il  dit,  il  s'est  créé  des  habitudes  dont  il 
est  impossible  de  ne  pas  tenir  compte  ;  il  s'est  notamment  établi  des 
usages  commerciaux,  d'après  lesquels  les  spiritueux  remplacent  en 
quelque  sorte  la  monnaie  et  sont  le  principal  instrument  d'échange. 

N'est-ce  pas  justement  l'état  de  choses  qui  règne  au  Congo  qui  devait 
faire  adopter  la  proposition  de  MM.  Andersen  et  Van  der  Straten? 
Quoique  l'abus  n'existe  pas  au  Niger,  il  a  été  très  bon  d'enregistrer  le 
vœu  du  représentant  britannique  pour  prévenir  le  mal  ;  mais  ce  n'était 
pas  une  raison  pour  r^iiser  d'y  remédier  là  où  il  est  déjà  constaté.  Ren- 
voyée à  la  Commission  pour  nouvel  examen,  la  question  revint  devant 
la  Conférence  qui  la  résolut  par  l'adoption  de  la  proposition  suivante  : 

a  Les  puissances  représentées  à  la  Conférence,  désirant  que  les  popu- 
lations indigènes  soient  prémunies  contre  les  maux  provenant  de  l'abus 
des  boissons  fortes,  émettent  le  vœu  qu'une  entente  s'établisse  entre 

«  Voyez  V««  année,  p.  267-268. 


.  X 


—  129  — 

elles  pour  régler  les  difficultés  qui  pounraiènt  naître  à  ce  sujet,  d'une 
manière  qui  concilie  les  droits  de  Thumanité  avec  les  intérêts  du  com- 
merce, en  ce  que  ces  derniers  peuvent  avoir  de  légitime.  » 

M.  Busch»  plénipotentiaire  allemand,  crut  devoir  constater  que  son 
gouvern^nent,  en  s'associant  au  vœu  formulé  par  la  Commission,  ne 
saurait  consentir  à  ce  que  ce  vœu  pût  être  interprété  à  l'avenir  dans  un 
sens  contraire  aux  intérêts  du  commerce,  ou  qu'il  pût  servir  de  pré- 
texte à  des  mesures  vezatoires  pour  les  n^ociants. 

On  comprend  que  les  pays  producteurs  d'alcool,  comme  rAUemagne 
et  la  Hollande,  trouvent  peu  conforme  &  leuirs  intérêts  pécuniaires  de  fer- 
mer à  leurs  produits  le  débouché  du  Congo  *;  mais  nous  esp^ns  que  ceux 
qui  prendront  en  mains  la  direction  de  Tadministration  de  ces  vastes 
territoires  comprendront  que  les  véritables  intérêts  des  indigènes  récla- 
ment la  transformation  de  la  soi-disant  monnaie  des  spiritueux  en  un 
autre  instrument  d'échange,  et  que  les  droits  imprescriptibles  des  popu- 
lations africaines  doivent  l'emporter  sur  les  intérêts  plus  ou  moins  légi- 
times des  trafiquants  d'alcool. 

La  Conférence  fut  plus  explicite  dans  la  question  de  la  traite  des 
nègres,  qui  fut  introduite  dès  la  discussion  du  principe  de  la  liberté 
commerciale.  L'un  des  délégués  américains  demanda  alors  que,  dans  le 
projet,  après  la  suppression  de  la  traite  des  noirs,  onigoutât  celle  du  a  com- 
merce d'esclaves  sur  terre  et  sur  les  fleuves,  »le  mot  traite  ne  se  rappor- 
tant généralement  qu'au  trafic  des  esclaves  par  mer.  Le  plénipotentiaire 
anglais,  dans  la  séance  du  18  décembre,  présenta  &  son  tour  une  pro- 
position ainsi  conçue:  a  Selon  les  principes  du  droit  des  gens,  tels  qu'ils 
sont  reconnus  par  les  Hautes-Parties  contractantes,  la  traite  des  nègres 
et  le  conmierce  qui  fournit  des  nègres  à  la  traite  sont  interdits,  et  il  est 
du  devoir  de  toutes  les  nations  de  les  supprimer  autant  que  possible,  b 
Le  commerce  des  nègres  avait  déjà  été  déclaré  coupable  et  illicite  au 

'  D'après  un  rapport  statistique  de  MM.  Hutton  et  0>,  de  Manchester,  l'expor- 
tation annuelle  des  spiritueux,  d'Angleterre  à  la  côte  occidentale  d'Afrique,  est  de 
deux  millions  et  demi,  et  celle  de  l'Allemagne  ne  s'élève  pas  à  moins  de  quinze 
milUûns  de  francs.— D'après  les  documents  officiels  de  la  Commission  du  budget  de 
l'Empire  allemand,  sur  une  exportation  de  39,63 l,000fr.,  en  1883,  de  l'Allemagne 
en  Afrique,  les  spiritueux  figurent  à  eux  seuls  pour  40  ®/o.  £t  d'après  le  GlobuSy 
il  a  été  exporté,  en  1884,  de  Hambourg  seulement,  pour  l'Afrique  occidentale, 
26,491,200  kilog.  de  marchandises,  sur  lesquelles  18,982,800  kilog.  de  spiritueux, 
et  seulement  7,508,400  kilog.  d'autres  articles,  soit  350  \  de  spiritueux. 


—  130  — 

Congrès  de  Vienne  et  à  celui  de  Vérone,  dont  une  résolution  l'avait  con- 
damné comme  un  fléau  qui  avait  trop  longtemps  désolé  l'Afrique,  dégradé 
l'Europe  et  affligé  l'humanité.  Les  puissances  «'étaient  engagées  à  con- 
courir à  tout  ce  qui  pourrait  assurer  et  accélérer  l'abolition  de  ce  com- 
merce. La  proposition  de  sir  Edward  Malet,  à  Berlin,  avait  pour  but  de 
faciliter  l'application  des  principes  du  Congrès  de  Vérone  ;  les  mots  «  et 
le  commerce  qui  fournit  des  nègres  à  la  traite  »  lui  paraissaient  néces- 
saires pour  développer  d'une  manière  complète  les  principes  énoncés. 

Seul  le  représentant  de  la  Turquie  crut  devoir  s'abstenir  de  participer 
à  la  délibération,  qui  sortait  du  programme  primitivement  fixé.  En 
revanche,  et  quoique  la  suppression  de  la  traite  Mt  déjà  mentionnée  dans 
la  déclaration  relative  à  la  liberté  du  commerce,  la  Conférence  jugea  que 
ce  sujet  devait  être  mis  à  part,  et  former  un  chapitre  spécial  dans  l'Acte 
général  issu  de  ses  délibérations.  En  effet  la  proposition  anglaise  visait 
deux  formes  différentes  du  commerce  des  esclaves  :  V  la  traite  des 
nègres,  considéi-ée  comme  se  faisant  par  mer.'  2*^10  commerce  qui  fournit 
des  nègres  à  la  traite.  La  première  était  déjà  interdite  d'après  le  droit 
public,  tandis  que  le  Commerce  préalable  n'avait  encore  été  l'objet 
d'aucune  stipulation  légale.  Dans  la  pensée  du  représentant  britannique, 
la  portée  de  sa  proposition  dépassait  les  bornes  du  bassin  du  Congo  ;  il 
estimait  que,  quoique  des  difficultés  ne  permissent  pas  d'espérer  à  bref 
délai  la  suppression  de  l'esclavage  dans  toutes  les  régions  du  centre 
africain,  on  devait  tenter  inunédiatement  d'empêcher  le  commerce  des 
troupeaux  de  noirs  qui  alimente  la  traite. 

Le  plénipotentiaire  des  États-Unis  aurait  voulu  que  chaque  puissance 
s'engageât,  non  seulement  à  ne  pas  tolérer  le  commerce  des  esclaves 
dans  les  territoires  soumis  à  sa  juridiction,  mais  encore  à  ne  pas  per- 
mettre aux  traitants  de  chercher  asile  et  refuge  dans  ces  territoires. 

La  proposition  de  sir  Edward  Malet,  renfermant  l'application  d'un 
principe  nouveau  dans  le  droit  des  gens,  aurait  exigé  la  rédaction  d'un 
Acte  séparé,  applicable  au  monde  entier  et  destiné  à  former  le  complé- 
ment du  droit  international  en  matière  de  traite.  Celle  du  représentant 
américain  se  heurtait  à  des  points  de  droit  constitutionnel,  pour  certains 
Etats  dont  la  législation  pénale  n'autorise  le  bannissement  qu'en  vertu 
d'un  jugement  ou  ne  l'autorise  en  aucun  cas.  Les  plénipotentiaires  durent 
dès  lors  consulter  leurs  gouvernements  respectife  pour  savoir  s'ils  adhé- 
reraient à  une  résolution  d'un  caractère  général,  ou  seulement  à  une 
résolution  ayant  un  caractère  limité  et  intercalée  dans  le  texte  de  la 
déclaration  relative  à  la  liberté  du  commerce  dans  le  bassin  du  Congo. 


—  131  — 

Le  résultat  de  cette  consultation  et  des, travaux  de  la  Commission  trouva 
son  expression  dans  la  disposition  suivante  : 

<i  Conformément  auxprincipes  du  droit  des  gens,  tels  qu'ils  sont  recon- 
nus par  les  puissances  signataires  de  la  présente  Déclaration,  la  traite 
des  esclaves  étant  interdite,  et  les  opérations  qui,  sur  terre  ou  sur  mer, 
fomnissent  des  esclaves  à  la  traite  devant  être  également  considérées 
comme  interdites,  celles  de  ces  puissances  qui  exercent  ou  exerceront 
des  droits  de  souveraineté  ou  une  influence  dans  les  territoires  formant 
le  bassin  conventionnel  du  Congo  déclarent:  que  ces  territoires  ne  pour- 
ront servir  ni  de  marché  ni  de  voie  de  transit  pour  la  traite  des  esclaves 
de  quelque  race  que  ce  soit.  Chacune  de  ces  puissance  s'engage  à 
employer  tous  les  moyens  en  son  pouvoir  pour  mettre  fin  à  ce  commerce 
et  pour  punir  ceux  qui  s'en  occupent.  » 

On  peut  donc  espérer  voir  la  France,  le  Portugal  et  le  nouvel  État 
du  Congo  travailler  à  l'envi  à  restreindre  d'abord,  puis  à  supprimer  tout 
à  fait,  le  commerce  des  esclaves  qui  subsiste  encore  dans  les  territoires 
voisins  du  Congo.  Ce  sera  un  des  meilleurs  moyens  de  prévedir  l'inva- 
sion, vers  le  sud-ouest,  des  Arabes  trafiquants  d'esclaves,  et  d'arnver  à  la 
suppression  de  l'esclavage  lui-même. 

Avant  même  que  les  principes  de  liberté  du  commerce  et  de  la  naviga- 
tion eussent  été  votés,  on  avait  compris  que  le  seul  moyen  de  leur  faire 
porter  réellement  les  fruits  qu'on  en  attendait  était  de  les  couvrir  d'une 
garantie  propre  à  encourager  les  entreprises  commerciales,  en  assurant 
à  celles-ci  la  protection  du  droit  international  contre  les  dangers  de 
guerre  dont  elles  pourraient  être  menacées. 

Dans  la  pensée  de  la  Commission,  ce  préservatif  devait  consister  en 
un  engagement  mutuel  que  prendraient  les  puissances,  de  renoncer  à 
étendre,  en  temps  de  guerre,  leurs  hostilités  aux  territoires  formant  le 
bassin  commercial  du  Congo.  Faute  de  garanties  contre  les  dangers  de 
guerre,  les  établissements  à  fonder  dans  ces  pays  manqueraient  de  la 
principale  condition  de  réussite  :  la  confiance  dans  le  maintien  de 
l'ordre  public  et  dans  la  sécurité  des  droits  acquis.  Le  représentant  des 
États-Unis  montra  à  quels  dangers  les  commerçants  et  leurs  entreprises 
se  verraient  exposés,  si  les  puissances  ne  s'entendaient  pas  sur  la  neutrati- 
sationdu  Congo,  et  un  projet  d'article  additionnel  à  la  déclaration  relative 
à  la  liberté  commerciale  fut  présenté  par  lui  à  la  Conférence.  Il  proposait 
que  la  totalité  du  bassin,  ou  le  territoire  soumis  à  la  souveraineté  ou  au 
protectorat  d'une  puissance  belligérante,  fût  considéré  comme  territoire 


—  132  — 

d'un  État  non  belligérant  ;  que  les  puissances  belligérantes  s'engageas- 
sent à  renoncer  à  étendre  les  hostilités  aux  territoires  compris  dans  ce 
b£tssin  ou  à  les  faire  servir  de  base  d'opérations  de  guerre  ;  que,  dans  le 
cas  où  des  difficultés  s'élèveraient  entre  des  puissances  qui  exerceraient 
des  droits  de  souveraineté  ou  de  protectorat  dans  le  dit  bassin,  les  par- 
ties s'engageassent  à  faire  appel  à  la  médiation  ou  à  s'en  remettre  à 
l'arbitrage  d'une  ou  de  plusieurs  puissances  amies. 

Ici  se  présentait,  pour  lespuissancesqui,commelePortugal et  laFrance, 
ne  sont  pas  soumises  au  régime  de  la  neutralité,  la  difficulté  de  s'engager 
d'avance  à  ne  pas  se  servir  de  territoires  leur  appartenant,  comme  base 
d'opérations  de  guerre.  Néanmoins,  après  de  longues  délibérations,  les 
plénipotentiaires  réussirent  à  s'accorder  sur  une  formule,  par  laquelle  les 
Hautes-Parties  contractantes  se  sont  engagées  à  respecter  la  neutralité 
des  territoires  ou  parties  des  territoires  dépendant  des  dites  contrées,  y 
compris  les  eaux  territoriales,  aussi  longtemps  que  les  puissances  qui  exer- 
cent ou  qui  exerceront  des  droits  de  souveraineté  ou  de  protectorat  sur 
ces  territoires,  usant  de  la  faculté  de  se  proclamer  neutres,  rempliront  les 
devoirs  que  la  neutralité  comporte.  En  outre,  dans  le  cas  oùujie  puissance 
exerçant  des  droits  de  souveraineté  ou  de  protectorat  dans  les  contrées 
placées  sous  le  régime  de  la  liberté  commerciale  serait  impliquée  dans 
une  guerre,  les  Hautes-Parties  signataires  de  l'Acte  général,  ainsi  que 
celles  qui  y  adhéreront  par  la  suite  prêteront  leurs  bons  offices,  pour 
que  les  territoires  appartenant  à  cette  puissance  et  compris  dans  la 
zone  conventionnelle  de  la  liberté  commerciale  soient,  du  consentement 
commun  de  cette  puissance  et  de  l'autre  ou  des  autres  parties  belligé- 
rantes, placés  pour  la  durée  de  la  guerre  sous  le  régime  de  la  neutralité 
et  considérés  comme  appartenant  &  un  État  non  belligérant.  Les  parties 
belligérantes  renonceraient  dès  lors,  k  étendre  les  hostilités  aux  terri- 
toires ainsi  neutralisés,  aussi  bien  qu'à  les  faire  servir  de  base  à  des 
opérations  de  guerre.  Enfin,  dans  le  cas  où  un  dissentiment  sérieux, 
ayant  pris  naissance  au  sujet  ou  dans  les  limites  des  territoires  placés 
sous  le  régime  de  la  liberté  commerciale,  viendrait  à  s'élever  entre  des 
puissances  signataires  de  l'Acte  général  ou  y  ayant  adhéré,  celles-ci, 
avant  d'en  appeler  aux  armes,  recourront  à  la  médiation  d'une  ou  de 
plusieurs  puissances  amies.  Pour  le  même  cas,  elles  se  sont  réservé  le 
recours  facultatif  à  la  procédure  de  l'arbitrage. 

Avant  d'aborder  la  question  de  la  forme  que  devait  revêtir  l'Acte 
général  de  la  Conférence,  il  a  été  bien  établi,  qu'en  se  réservant  de  reviser 


—  133  — 

s'a  y  a  lieu,  au  bojt  d'une  période  de  vingt  ans,  le  régime  conventionnel 
adopté  relativement  à  la  suppresgion  des  droita  à  l'importation,  les 
plénipotentiaires  n'en  ont  pas  moins  reconnu  et  consacré  un  certain 
nombre  de  principes,  qui  assurent  pour  toujours  l'application  de  la 
liberté  du  commerce  dans  le  bassin  du  Congo.  L'interdiction  des 
droits  différentiels,  des  monopoles  ou  privilèges,  et  de  toute  inégalité 
de  traitement  au  préjudice  de  personnes  appartenant  à  une  nationalité 
étrangère,  n'est  soumise  à  aucune  limitation  de  temps.  Le  bienfait  qui 
en  résulte  doit  être  considéré  Comme  définitivement  acquis.  «  En  inau- 
gurant un  tel  état  des  choses,  »  a  dit  M.  le  baron  de  Courcel,  président 
de  la  Commission,  «  la  Conféi*ence  aura  accompli  une  œuvre  dont  le 
libéralisme  est  jusqu'ici  sans  précédent.  Après  avoir  entouré  de  garan- 
ties la  liberté  du  commerce  et  de  la  navigation  dans  le  centre  de  l'Afri- 
que, manifesté  sa  sollicitude  pour  le  bien-être  matériel  et  moral  des 
indigènes  et  fait  entrer,  dans  le  droit  public  positif,  des  règles  desti- 
nées à  écarter  des  relations  internationales  des  causes  de  dissentiment 
et  de  conflit,  elle  a  préparé,  nous  l'espérons,  un  avenir  heureux  et 
fécond  pour  toute  cette  partie  du  continent  africain.  » 

En  dehors  de  l'œuvre  proprement  dite  de  la  Conférence,  sa  réunion 
et  ses  délibérations  ont  beaucoup  contribué  à  hât^r  la  reconnaissance  de 
V Association  internationale  du  Congo,  par  la  presque  unanimité  des 
gouvernements  représentés  à  Berlin,  comme  le  président  de  cette  Asso- 
ciation, M.  Strauch,  se  plut  à  le  reconnaître,  en  communiquant  au  prince 
de  Bismarck  l'avènement  du  nouvel  État,  qui  se  donne  la  mission  exclu- 
sive d'introduire  la  civilisation  et  le  commerce  au  centre  de  l'Afrique, 
et  en  priant  la  Conférence  de  l'envisager  comme  un  gage  des  fruits  que 
doivent  produire  ses  importants  travaux. 

En  effet,  l'Association  avait  conclu  successivement  avec  les  États- 
Unis,  l'Empire  d'Allemagne,  la  Grande-Bretagne,  l'Italie,  l'Autriche- 
Hongrie/les  Pays-Bas,  l'Espagne,  la  France,  la  Russie,  les  royaumes 
UDis  de  Suède  et  de  Norwège,  le  Danemark,  la  Belgique  et  le  Portugal, 
des  traités,  dont  une  des  dispositions  reconnaissait  son  pavillon  comme 
celui  d'un  État  ou  gouvernement  ami.  Des  négociaticms  spéciales  avec 
la  France  et  le  Portugal  avaient  abouti  à  déterminer  les  lignes  fron- 
tières entre  l'État  du  Congo  et  les  possessions  de  ces  deux  puissances'. 
Entre  celles  de  la  France  et  le  territoire  du  nouvel  État,  la  frontière 

*  Voir  la  carte,  p.  140. 


'  t 


—  134  — 

suit»  à  partir  de  l'Océan,  la  rivière  Chiloango  jusqu'à  sa  source  la  plus 
septentrionale  ;  la  crête  de  partage  des  eaux  du  Itiari-Quilou  *  et  du 
Congo  jusqu'au  delà  du  méridien  de  Manyanga  ;  une  ligne  à  déterminer 
et  qui,  suivant  autant  que  possible  une  division  naturelle  du  terrain, 
aboutisse,  entre  la  station  de  Manyanga  et  la  cataracte  de  Ntombo- 
Makata,  en  un  point  situé  sur  la  partie  navigable  du  fleuve  ;  le  Congo 
jusqu'au  Stanley-Pool  ;  la  ligne  médiane  du  Stanley-Pool  ;  le  Congo  jus- 
qu'à un  point  à  déterminer  en  amont  de  la  rivière  Licona-Nkundja; 
une  ligne  à  déterminer  depuis  ce  point  jusqu'au  17**  de  long.  E.  de 
Greenwich,  en  suivant  autant  que  possible  la  ligne  de  partage  des  eaux 
de  la  Licona-Nkundja,  qui  fait  partie  des  possessions  françaises  ;  enfin 
le  17"*  long.  E.  de  Greenwich. 

Une  commission,  composée  de  représentants  des  deux  États  en  nom- 
bre égal,  sera  chargée  d'exécuter  sur  le  terrain  le  tracé  de  cette  fron- 
tière, conformément  aux  stipulations  susmentiomiées.  En  cas  de  diffé- 
rends, le  règlement  en  sera  ai'rèté  par  des  délégués  que  nommera  la 
Commission  internationale  du  Congo. 

Quant  à  la  délimitation  établie  entre  le  nouvel  État  et  les  j)ossessions 
portugaises,  les  frontières  ont  été  fixées  comme  suit:  Au  norcfdu  Congo, 
la  ligne  droite  joignant  l'embouchure  de  la  rivière  qui  se  jette  dans 
l'Océan  Atlantique  au  sud  de  la  baie  de  Cabinda,  près  de  Ponta  Ver- 
malha,  à  Cabo-Lombo;  le  parallèle  de  ce  dernier  point,  prolongé  jusqu'à 
son  intersection  avec  le  méridien  du  confluent  du  Culacalla  avec  le 
Luculla  ;  le  méridien  ainsi  déterminé  jusqu'à  sa  rencontre  avec  la  rivière 
Luculla;  le  coiu^du  Luculla  jusqu'à  son  confluent  avec  le  Chiloango. 
Au  sud  du  Congo,  le  cours  du  fleuve,  depuis  son  embouchure  jusqu'à  son 
confluent  avec  le  petite  rivière  de  Uango-Uango  ;  le  méridien  qui  passe 
par  l'embouchure  de  la  petite  rivière  de  Uango-Uango,  entre  la  facto- 
rerie hollandaise  et  la  factorerie  portugaise,  de  manière  à  laisser  celle-ci 
en  territoire  portugais,  jusqu'à  la  rencontre  de  ce  méridien  avec  le 
parallèle  de  Nokki;  le  parallèle  de  Nokki,  jusqu'à  son  intersection  avec 
larivière  Quango  ;  à  partir  de  ce  point,  dans  la  direction  du  sud,  le  cours 
du  Quango.  Pour  l'exécution  du  tracé  de  cette  frontière  sur  le  terrain, 

^  Nous  adoptons  l'orthographe  «  Xiari  »  de  préférence  à  «  Nîadi  »  employée 
dans  le  traité  avec  la  France,  pour  nous  conformer  à  celle  qui  se  trouve  dans 
l'Acte  général  de  la  Conférence.  Le  nom  du  Qailou  est  aussi  écrit  de  4î^^i'scs 
manières  dans  les  documents  officiels  que  nous  avons  sous  les  yeux;  celle  que  nous 
adoptons  est  conforme  à  la  prononciation  française. 


—  135  — 

il  sera  procédé  confonnément  à  la  stipulation  mentionnée  ci-dessus 
relativement  au  tracé  de  la  frontière  entre  les  possessions  françaises  et 
le  territoire  de  l'État  du  Congo. 

L'avènement  du  nouvel  État  tut  salué  par  tous  les  plénipotentiaires 
avec  la  cordialité  la  plus  vive,  et  avec  le  vœu  de  le  voir  fleurir  sous 
l'égide  de  S.  M.  le  roi  des  Belges.  Les  efforts  personnels  et  les  sacrifices 
pécuniaires  de  ce  souverain,  en  vue  de  la  réalisation  d'une  idée  philan- 
thropique, permettent  de  voir,  dans  les  succès  dont  ils  ont  été  couron- 
nés jusqu'ici,  le  gage  de  la  prospérité  future  du  nouvel  État. 

Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  que  dans  tous  les  traités  conclus 
par  l'Association  internationale  avec  les  gouvernements  susmentionnés, 
sont  garanties  à  leurs  sujets  respectifis  toutes  les  libertés  dont  les  prin- 
cipes ont  été  posés  dans  la  Déclaration  de  la  Conférence  de  Berlin,  et 
que  le  nouvel  État  a  été  admis  à  adhérer  aux  décisions  de  la  Confé- 
rence stipulées  dans  l'Acte  général. 

Deux  mots  encore  sur  les  dispositions  générales  adoptées  à  la  fin  de 
la  Conférence.  Les  puissances  contractantes  se  sont  réservé  d'intro- 
duire ultérieurement  et  d'un  commun  accord,  dans  cet  Acte,  les  modi- 
fications et  améliorations  dont  l'utilité  serait  démontrée  par  l'expé- 
rience. En  outre,  il  a  été  décidé  que  les  puissances  qui  ne  l'auraient  pas 
signé  pourraient  y  adhérer  par  un  acte  séparé,  leur  adhésion  emportant 
de  plein  droit  l'acceptation  de  toutes  les  obligations  et  l'admission  à  tous 
les  avantages  qui  y  sont  stipulés. 

Il  ne-reste  plus  qu'à  le  faire  ratifier  par  tous  les  gouvernements  dans 
le  plus  bref  délai  possible;  il  entrera  en  vigueur,  pour  chaque  puissance, 
à  partir  de  la  date  où  elle  l'aura  ratifié.  En  attendant,  toutes  les  puis- 
sances se  sont  engagées  à  n'adopter  aucune  mesure  contraire  aux  dis- 
positions qu'il  renferme. 

Dès  lors  le  prince  de  Bismarck  a  pu  constater,  avant  la  clôture  de  la 
Conférence,  le  26  février  *,  que,  grâce  à  Tesprit  de  conciliation  qui  l'a 
caractérisée,  l'entente  complète  avait  pu  s'établir  sur  tous  les  points 
du  programme,  et  qu'ainsi  le  libre  accès  au  centre  du  continent  africain 
était  assuré  au  commerce  de  toutes  les  nations.  Les  garanties  dont  la 
liberté  commerciale  est  entourée  sont  de  nature  à  offrir,  au  commerce  et 

>  Par  une  coïncidence  singulière,  l'Acte  géfiéral  de  la  Conférence  a  été  signé 
juste  un  an,  jour  pour  jour,  après  le  traité  anglo-portugais  dont  nous  avons  rap- 
pelé l'insuccès,  p.  18. 


—  136  — 

à  l'industrie  de  tous,  les  conditions  les  plus  favorables  à  leur  développe- 
ment et  à  leur  sécurité.  La  sollicitude  pour  le  bien-être  moral  et  maté- 
^  riel  des  populations  indigènes,  exprimée  par  les  représentants  de  tous 
les  États,  permet  d'espérer  que  les  principes  adoptés  porteront  leurs 
fruits  et  contribueront  à  associer  ces  saqvages  aux  bienfaits  de  la  civili- 
sation. 

Le  prince  de  Bismarck  n'a  pu  qu'applaudir  aussi  à  l'esprit  de  bonne 
entente  mutuelle  qui,  en  dehors  de  la  Conférence,  avait  présidé  aux 
négociations  destinées  à  régler  les  questions  de  délimitation  entre  les 
parties  qui  exerceront  des  droits  de  souveraineté  dans  le  bassin  du  Congo, 
et  qui,  par  leur  position,  sont  appelées  à  devenir  les  principales  gardien- 
nes de  l'œuVre  de  la  Conférence.  Sans  doute  les  travaux  de  celle-ci  sont 
susceptibles  d'amélioration  et  de  perfectionnement  ;  mais,  tels  qu'ils 
sont,  ils  marqueront  un  progrès  du  développement  des  relations  inter- 
nationales et  formeront  un  nouveau  lien  de  solidarité  entre  les  nations 
civilisées. 

Qu'il  nous  soit  permis,  avant  de  poser  la  plume,  d'exprimer  l'espoir 
que  nous  donne  l'œuvre  qui  vient  de  s'accomplir  à  Berlin.  Il  est  vrai 
que  toutes  les  bonnes  pensées  émises  au  cours  des  délibérations  de  la 
Conférence,  n'ont  pu  être  adoptées  :  celle  de  la  création  d'un  che- 
min de  fer  de  l'Atlantique  au  Stanley-Pool,  celle  de  la  fondation  de  sta- 
tions météorologiques  sur  le  Haut-Congo,  par  exemple,  mais  elles  ne 
s'en  réaliseront  pas  moins  un  jour  ou  l'autre,  nous  en  sommes  persuadé. 
Et  quant  à  ce  qui  a  été  obtenu,  les  progrès  accomplis  depuis  huit 
ans,  depuis  le  moment  oU  Stanley  découvrait  le  Congo  et  où  le  roi  des 
Belges  convoquait  à  Bruxelles  la  première  des  conférences  oh  fut  fon- 
dée l'Association  internationale  africaine,  nous  paraissent  être  un  gage 
des  plus  heureux  pour  l'exploration  et  la  civilisation  de  l'Afrique. 

Au  point  de  vue  de  l'exploration  nous  touchons,  nous  semble-t-il,  au 
moment  oii  elle  va  subir,  du  moins  en  ce  qui  concerne  l'Afrique  centrale 
équatoriale,  une  transformation  des  plus  avantageuses.  Rappelons-nous 
les  voyages  de  Livingstone,  de  Speke,  de  Grant  et  de  tant  d'autres,  les 
difficultés  rencontrées  par  eux  pour  pénétrer  à  l'intérieur,  et  le  nombre 
de  victimes  frappées  par  la  mort  dans  la  région  côtière,  avant  même 
d'avoir  atteint  les  premières  terrasses  du  plateau  central.  Malgré  les 
tentatives  incessantes  faites  par  les  explorateurs  pour  déchirer  le  voile 
qui  recouvre  encore  l'immense  espace  compris  entre  la  ligne  de  faite  du 
bassin  du  Chari  et  du  lac  Tchad,  au  nord  du  Congo,  et  les  itinéraires 


—  137  — 

de  Pogge  et  Wissmann,  de  Btlchner  et  de  Cameron,  au  sud  de  ce  fleuve, 
le  mystère  demeure  presque  complet.  Ce  que  Stanley,  de  Brazza, 
Mizon  et  les  missionnaires,  nous  ont  révélé  du  bassin  du  Congo  n'est  que 
peu  de  chose  auprès  de  ce  que  nous  avons  besoin  de  savoir.  L'ouvrage 
de  Stanley,  si  impatiemment  attendu,  répondra  déjà  en  partie  à  ce 
besoin,  au  moins  pour  quelques  sections  de  la  zone  qui  borde  le  fleuve. 
Mais  maintenant,  les  États  dont  les  limites  viennent  d'être  fixées  à  Berlin, 
devront  faire  le  nécessaire  pour  explorer  soit  les  zones  traversées  par  leurs 
frontières,  soit  les  territoires  qui  leur  ont  été  attribués.  Ce  sera  du  cœur 
même  du  continent,  où  ils  pourront  établir  leurs  bases  d'opérations, 
que  les  explorateurs  rayonneront  dans  toutes  les  directions  vers  la  péri- 
phérie  du    bassin  conventionnel  auquel  s'appliquera  la  liberté  de 
circulation  la  plus  complète.  De  la  grande  voie  fluviale  qui  s'Stend  du 
Tanganyika  à  l'Atlantique,  ils  remonteront  les  mille  cours  d'eau  qu'elle 
reçoit  sur  ses  deux  rives,  au  nord,  jusqu'à  la  ligne  de  faîte  qui  sépare  ce 
bassin  des  lacs  Muta-Nzigué  et  Albert-Nyanza,  delaNepoko,  du  Bomo- 
kandi,  du  Chari  et  de  Jl'Ogôoué  ;  au  sud,  ils  gagneront  les  régions 
jusqu'ici    impénétrables  à  tout  voyageur  européen,    qui,    sur  une 
étendue  de  huit  degrés  de  latitude  au  moins,  remplissent  tout  Tespace 
compris  dans  le  grand  arc  de  cercle  du  Congo  moyen.  Pour  cette  par- 
tie du  continent,  nous  avons  tout  à  apprendre  :  topographie,  histoire 
naturelle  et  ethnographie.  Si  les  rivières  qui  descendent  des  terrasses  à 
la  côte  opposent,  par  leurs  rapides  et  leurs  cataractes,  des  obstacles 
insurmontables  à  la  navigation,  les  affluents  du  Congo  sont  ouverts  au 
libre  parcours  des  explorateurs  sur  des  milliers  de  kilomètres  ;  ils  per- 
mettront de  pénétrer  jusqu'aux  extrémités  de  ce  bassin,  cinq  fois  grand 
conune  la  France,  et  d'en  étudier  les  parties  demeurées  jusqu'ici  les  plus 
mystérieuses". 

En  même  temps,  sous  le  régime  de  la  liberté  dans  tous  les  domaines, 
liberté  de  commerce,  d'enseignement,  de  conscience  et  de  culte,  les  sta- 
tions établies  le  long  du  Congo  et  de  ses  affluents,  au  bord  des  lacs  ou 
dans  l'intérieur  des  terres,  deviendront  des  foyers  de  lumière  et  de  vie, 
d'où  la  civilisation  se  répandra  dans  toutes  les  tribus  du  centre  du  con- 
tineat  africain.  Un  jour  elle  franchira  les  limites  des  territoires  visés 
par  la  Conférence  de  Berlin,  pour  s'étendre  aux  populations  des  bassins 
moins  favorisés  du  Zambèze,  du  Nil,  du  Chari  et  de  l'Ogôoué,  car  si, 
pour  le  moment,  l'application  des  principes  adoptés  est  restreinte  à  cer- 
taines régions,  il  a  été  bien  convenu  qu'il  ne  s'agissait  là  que  d'un  mini- 
mum et  qu'on  travaillerait  à  les  appliquer  partout,  en  particulier  à  tous 


—  138  — 

les  fleuves  d'Afrique.  Les  puissances  sont  également  résolues  à  pour- 
suivre la  suppression  de  la  traite  et  l'abolition  de  l'esclavage  dans  toute 
rétendue  du  continent  africain.  Les  peuples  de  l'Europe  et  de  l'Amé- 
rique travailleront  à  l'envi  à  l'œuvre  de  réparation  à  laquelle  ils  sont 
obligés  envers  les  descendants  des  victimes  de  trois  siècles  d'oppression 
et  de  brigandage.  Relevées  par  l'influence  de  la  civilisation  chrétienne, 
d'un  travail  et  d'un  commerce  honnêtes,  d'une  vie  de  famille  basée  sur 
la  monogamieet  de  relations  sociales  fondées  sur  la  justice  et  l'équité,  les 
tribus  indigènes  redeviendront  fortes  pour  résister  à  l'invasion  de  la 
barbarie  musulmane  qui  sera  refoulée  vers  le  nord.  Affranchies  de 
l'esclavage  et  de  la  superstition,  elles  seront  les  aides  des  blancs  dans 
l'œuvi'e  d'instruction  et  de  libération  des  populations  des  autres  parties 
du  continent. 

Il  nous  semble  impossible  de  méconnaître,  dans  le  mouvement  qui  se 
produit  de  nos  jours  en  faveur  du  centre  africain,  la  direction  d'une 
volonté  supérieure  qui,  après  avoir  enrichi  les  peuples  de  l'Europe  et  de 
l'Amérique  du  nord  des  trésors  des  anciennes  'civilisations,  leur  montre 
qu'elles  doivent  faire  part  de  ces  biens  aux  races  les  plus  déshéritées,  et, 
avant  tout,  à  cette  race  noire,  si  longtemps  opprimée  par  toutes  les 
nations  qui  possédaient  une  maiine  et  des  colonies. 

L'œuvre  commencée  laborieusement,  va  recevoir  une  puissante  impul- 
sion de  l'union  de  tous  les  efforts  combinés  en  faveur  des  nègres,  et,  par 
un  juste  retour,  le  bien  que  leur  auront  fait  les  nations  civilisées  rejaillira 
sur  celles-ci  de  mille  manières.  La  liberté,  qui  aura  présidé  au  dévelop- 
pement commercial,  industriel,  agricole,  religieux  des  populations  du 
Congo,  reviendra  aux  États  qui  les  en  auront  dotées. 

Dans  notre  vieux  monde,  comme  dans  l'Amérique  du  nord,  on  com- 
prendra que  la  prospérité  des  peuples  ne  dépend  pas  des  barrières  oppo- 
sées à  l'importation,  ni  des  obstacles  mis  à  la  libre  circulation  sur  les 
fleuves,  ni  des  entraves  créées  à  l'exercice  des  cultes,  ni  des  restrictions 
apportées  à  l'enseignement,  mais  qu'elle  grandit  dans  la  mesure  où  les 
relations  sont  plus  faciles,  ou  tous  les  habitants  d'un  pays,  jouissant 
de  la  libre  disposition  de  leur  personne  et  de  leurs  biens,  peuvent 
travailler  librement  au  bonheur  les  uns  des  autres. 


CARTOGRAPHIE  DU  CONGO 

La  réunion  de  la  Conférence  africaine  et  le  règlement  diplomatique 
de  la  question  du  Congo  ont  donné  naissance  à  plusieurs  cartes,  iudi- 


—  139  — 

quant  les  frontières  politiques  assignées  aux  possessions  françaises  et 
portugaises  et  au  nouvel  État  libre  du  Congo.  Celle  qui  a  été  dressée 
par  l'Institut  national  de  géographie  de  Bruxelles  et  d'après  laquelle 
nous  avons  établi  la  nôtre,  est  à  une  petite  échelle  (V,ooooooo)»  i^ais 
embrasse  toute  la  zone  équatoriale,  de  l'Océan  Atlantique  à  la  Mer  des 
Indes,  et  donne,  d'une  manière  très  claire,  l'étendue  des  diverses  sou- 
verainetés, soit  dans  le  bassin  du  Congo,  soit  dans  les  territoires  envi- 
ronnants. C'est  avant  tout  une  carte  politique,  car  elle  n'indique  pas 
le  relief  du  sol. 

Celle  qu'a  publiée  le  D'  Richard  Kiepert  est  à  une  échelle  deux  fois 
et  demie  plus  grande  (V^oooood)  ^t  renferme  par  suite  beaucoup  plus  de 
détails.  Toutefois  elle  ne  comprend  pas  toute  la  largeur  du  continent 
africain  ;  elle  s'arrête  au  nord  au  2**  30'  ;  au  sud,  au  13"  40'  ;  à  l'est,  au 
34°  longit.  E.  de  Greenwich.  Du  reste  elle  a  été  dressée  avec  la  cor- 
rection et  le  fini  qui  distinguent  les  œuvres  de  l'éminent  cartographe. 
Le  relief  est  nettement  marqué  en  brun  ;  les  nouvelles  frontières  et  la 
zoue  du  commerce  libre  sont  indiquées  par  des  couleurs  différentes,  et 
les  routes  suivies  par  les  voyageurs  sont  toutes  tracées,  au  moyen  de 
traits  de  couleur  qui  varient  suivant  la  nationalité  de  l'explorateur. 
Enfin  l'échelle  de  la  carte  a  permis  d'y  faire  figurer  tous  les  noms  de 
localités  et  de  peuplades,  même  d'importance  secondaire,  de  sorte 
qu'on  y  peut  suivre  pas  à  pas  les  relations  des  voyageurs  modernes 
qui  ont  parcouru  ces,  régions.  Malgré  le  grand  nombre  d'informations 
qu'elle  fournit,  l'arrangement  des  couleurs  la  rend  nette  et  d'une  lec- 
ture facile. 

Voici  en  quoi  consistent  les  décisions  de.  la  Conférence  africaine  concer- 
nant les  nouvelles  circonscriptions  territoriales.  L'État  libre  du  Congo  ne 
possède  qu'une  faible  longueur  de  côtes  sur  l'Océan  Atlantique,  au  nord 
de  l'embouchure  du  Congo,  mais  cela  suffira  comme  point  d'attache  du 
futur  chemin  de  fer  qui  parcourra  ces  régions.  Ensuite  son  domaine 
s'élargit  et,  limité  d'abord  à  la  rive  droite,  il  comprend,  dans  la  région 
des  cataractes,  les  deux  rives  du  fleuve,  puis  de  nouveau  une  seule,  la 
rive  gauche,  en  amont  de  la  station  de  Manyanga  jusqu'à  l'équateur. 
Dans  la  partie  encore  inexplorée,  les  limites  de  l'État,  pareilles  à  celles 
des  États  du  centre  de  l'Union  américaine,  sont  rectilignes  ;  au  nord, 
c'est  le  4*  lat.,  qui  coupe  le  cours  de  l'Ouellé  ;  au  sud,  le  6*  ;  enfin, 
à  l'est,  la  frontière  suit  d'abord  le  30**  long.  E.,  puis  la  rive  occi- 
dentale du  Tanganyika  et  englobe,  plus  au  sud,  une  partie  du  bassin 
supérieur  du  Congo,  c'est-à-dire  les  États  du  Kassongo  et  une  portion 


!• 


—  140  — 

de  ceux  du  Cazembé  et  du  Mouata-Yamvo.  L'étendue  totale  de  l'État 
libre,  calculée  sur  la  carte,  esC  d'environ  2,000,000  kilom.,  dont  la  plus 
grande  partie  reste  à  découvrir  ou  tout  au  moins  à  occuper.  C'est  près 
de  quatre  fois  la  France. 

A  cette  dernière  puissance  appartient  maintenant  un  territoire  de  la 
forme  généraled'un  trapèze,  compris  entre  le  Congo  et  la  mer,  et  d'une 
superficie  approxiinative  de  400,000  kilom.,  c'est-à-dire  égal  aux  trois 
quarts  delà  France.  Il  embrasse  les  bassins  de  l'Ogôoué,  du  Niari,  de  la 
Licona  et  de  l'Alima,  et  de  la  rive  droite  du  Congo,  de  l'équateur  à 
Manyanga.  Au-dessous  de  cette  station  la  France  ne  possède  aucune 
partie  du  Congo  ;  c'est  donc  par  la  vallée  du  Niari  qu'elle  devra  arriver 
à  Brazzaville,  si  elle  veut  rester  sur  son  propre  territoire. 

Quant  au  Portugal,  ses  prétentions  à  la  possession  de  toute  la  contrée 
s'étendant  jusqu'au  5*'12'  lat.  S.  n'ont  pas  été  reconnues,  dans  le  traité 
qu'il  a  conclu  avec  l'Association  internationale  du  Congo.  U  possède  la 
rive  gauche  du  fleuve  de  Nokki  à  l'embouchure,  et  une  étroite  enclave 
comprise  entre,  les  possessions  françaises,  l'État  libre  et  la  mer, 
ayant  comme  principales  localités  Landana  et  Cabinda^  L'État  nègre  du 
Congo,  avec  la  ville  de  San-Salvador,  regardé  jusqu'ici  comme  iudépen- 
dant,  devient  territoire  portugais. 

Enfin,  la  zone  de  liberté  commerciale  comprend  le  bassin  hydrogra- 
phique du  Congo,  puis  à  l'ouest,  la  région  côtièredeSetteCamaàAmbriz, 
et  à  l'est,  une  partie  du  bassin  du  Zambèze  et  de  petits  bassins  fluviaux 
dont  les  eaux  se  rendent  à  la  Mer  des  Indes.  L'État  libre  se  trouve  en 
entier  dans  cette  zone,  tandis  que  les  possessions  françaises  et  portugai- 
ses sont  partagées  en  deiix  parties  :  dans  l'une,  le  commerce  se  fera 
librement  ;  dans  l'autre,  la  métropole  pourra  établir  des  droits  de 
douane  et  de  transit.  Au  nord  du  Congo,  il  est  clair  que  la  limite  de  la 
région  du  conunerce  libre  a  été  tracée  d'une  manière  arbitraire,  puisque 
cette  contrée  est  encore  entièrement  inexplorée.  Il  est  possible,  en  parti- 
culier, que  l'on  doive  plus  tard  en  distraire  le  bassin  de  l'OueUé,  car  rien 
ne  prouve  avec  certitude  que  cette  rivière  fasse  partie  du  bassin  du  1 
Congo  ;  c'est  l'hypothèse  de  Stanley ,  mais  d'autres  géographes  et 
voyageurs,  entre  autres  Junker  et  Casati,  la  regardent  comme  le  cours  i 
supérieur  du  Chari.  La  question  n'est  pas  résolue  et  il  faut  attendre 
de  nouvelles  explorations  pour  se  prononcer  à  cet  égard. 

'  C'est  par  erreur  que  la  carte  de  PInstitut  national  belge  y  fait  figurer  Mas- 
sabé  qui  est  au  nord  du  Chiloango,  cette  rivière  formant  la  limite  sud  du  terri- 
toire français. 


f 


ÉCHANGES 


Amsterdam. 

Anvers. 

Beriln. 

Brème. 

Bruxelles. 


Berlin. 


Sociétés  de  géographie. 

Constantine.  Hambourg.     Lisbonne.       Nancy. 

Doaai.  léna. 

Francfort  "/M.  Le  Caire. 

Greifswald.  Leipzig. 

Halle.  Lille. 


Lvon.  New-York. 

lÉuirid.  Cran. 

Marseille.  Paris. 
Montpellier. 


Sociétés  de  géogzaphie  commerciale. 

Bordeaux.         Paris.         Porto.  .      Saint-Gall. 

Ififlsions. 


Rochefort. 
Rome. 
Rouen. 
Vienne. 


Le  Havre. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XlX^e  siècle 

(Nenchàtel). 
Journal  de  l'Unité  des  Frères  [moraves] 

(Pesenx). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon) . 
Missions-Blatt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (B&le). 

Evangelisches  Missions-Magazin  (B&le). 
Calwer  Missions-Blatt  (Galw). 
Allgeineine  Missions-Zeitschrift  (Gtiters- 

loh). 
Gla^ibensbote  (B&le). 
Africa  (Londres). 
La  Nignzia  (Vérone). 


(]lhurch  missionary  Intelligencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionarv  (New-York). 

Régions  beyond  (Londres). 

GLronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Ghurch  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Ghurch  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  unitea  presby- 
terian  Church  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Woman's  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Diveirs. 


Gazette  géographique  et  Exploration  (Pa- 
ris). 

Moniteur  des  (k)lonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  (kunice  aj^cole  (Médéa). 

Bulletin  de  F  Académie  d*Hippone  (Bone). 

Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Le  Mouvement  géographique  (Bruxelles). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  fttr  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilnngen  der  afrikanischen  Gîesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fttr  -den 
(Ment  (Vienne). 

Zeitschrift  fUr  wissenschaftliche  (Géogra- 
phie (Vienne). 


Deutsche  Kolonialzeitung  (Francfort  s/M) . 

Ghamber  of  Commerce  Journal  (Lon- 
dres). 

African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  ^Londres). 

Aborigine*s  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Esploratore  (Milan). 

Cosmos  (Turin). 

Bollettino  délia  Societa  africana  d'Italia 
(Naples). 

Marina  e  (k)mmercio,  e  Giomale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Ahicano  ((}uilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Revista  de  Eîstudos  Livres  (Lisbonne). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indépendant  (Constantine). 

Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 

Dr  A.  Petermann  s  Mittheilnngen  (Gotha) 


Proceedings   of  the  royal   geographical 
Societv  and  monthly  Record  of  geogra 
phy  (Londres). 

Natal  Mercurv  (Durban). 

Cape  Argus  (Cape-Town). 

West  African  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

BULIJBTIN  MENSUEL 105 

Nouvelles  complémentaires 118 

La  Conférence  apkicaine  de  Beblin  (dernier  article).. 120 

Gartograpsub  du  Congo 138 

Cartb  : 

Âfirique  Équatoriale 140 


OUVRAGES  REÇUS  : 


Die  Sudanl&nder  nach  dem  gegeimartigen  Stande  der  Kenntnis,  von  D' PMlipp 

Paulitschke.  Freiburg  i.  B.  (HerderBche  Verlagshandlang),  1885,  in-8^  811  p. 

avec  gravures  et  carte,  fr.  8,75. 
Carte  du  Bassin  du  Congo,  par  le  D^  Richard  Kiepert,  '/«««oooo.  Berlin  (Dietrieh 

Reimer),  1885,  fr.  2,60. 
Dix  années  de  voyages  dans  l'Asie  centrale  et  l'Afrique  équatoriale,  par  le 

D'  Potages.  Traduction  de  MM.  Meyer,  Blancard  et  Labadie,  avec  notes  de 

M.  Burnouf.  T.  I.  Paris  (Fischbacher),  1885,  in-8^  416  p.  et  cartes. 
Carte  politique  de  l'Afrique  centrale,  d'après  les  documents  les  plus  récents. 

Vi  0000000.  Bruxelles  (Institut  national  de  géographie),  15  mars  1885. 
Conférence  africaine  de  Berlin,  1884^85.  Documents  officiels,  in-4^,  434  p. 
Carte  d'Afrique  au  Vi^sooooo  (en  russe).  Projection  de  Flamsteed.  S^^Pétersbourg, 

1885. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


GENÈVE 

GEOKG,     LIBRAIRE-ÉDITEUR 

IUUE   H4130N   A   BALE  ET   A   LVOH 


«.  ."■ 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE    ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIUaJÊ  TAtL 

M.   Gustave  MOTNIEB 

Membre  de  la  Comminion  internationAle  de  BrozelloB  pour  rezploration  et  la  eiviliiatioB 

de  TAfriqne  centrale;  membre  correspondant  de  rAoadémio  d'Hippone, 

et  dea  Sociétés  de  géi^raphie  de  Marseille,  de  Nancy,  de  Loanda  et  de  Porto. 

RJÊDIOJt  PAE 

M.  Charles  FAUSE 

Secrétaire-Bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie  de  Genève ,  membre  correspondant  des  Soef  étêa 
de  géographie  do  Lisbonne,  de  Loanda,  do  Porto,  de  Saint-Gall  et  de  Berne. 


L* Afrique  paraît  le  premier  lundi  Je  chaque  mois,  par  livraisons  in-8<>  d*aii 
moins  ÎO  pages  chacune;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  Tabonnement  annuel,  pajable  d^avaiice»  est  de  10  ffiraiie*» 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  T  Un  ion  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  il  fr.  50. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  ft  droit  à  un  compte  rendu. 

Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  à  III.  Gnstave  INTojnler, 
9,  rae  de  l'Athénée,  à  Génère  (Snisse). 

S'adremier  ponr  les  abonnements  à  l'édltenr.  M»  H»  Geor^,  a 
«enève  on  à  BAle. 

On  s'abonne  aussi  : 

Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 

Chez  MM.  Ch.  Delagrave,  libraire.  15,  rue  Soufflot,  à  Paris. 

MuQUARDT.  libraire  de  la  Cour,  45.  rue  d^  la  Régence»,  à  Bruxelles, 
DuMOLARD  frères,  libraires.  Corso  Viltorio  Emmannele^  24.  k  Milan. 
F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Querstr.,  29,  à  Leipzig. 
L.  Friedbrichsbn  et  C*%  libraires.  Admiralit'àtsstr,  3/4.  à  Hambourg 
Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autriche). 
Trubnbr  et  C»«.  libraii-es,  Ludgate  Hill.  57/59.  à  Londres  E.  C. 

Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


ATIS.  --  Noms  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  abonnés^  au  prix  de 
12  fr.  chacun,  un  certain  nombre  d^exemplaires  complets  de  la  II""*,  de  la  /r** 
et  de  la  F™*  année.  La  /"  et  la  III^*^  sont  épuisées. 


141  — 

BULLETIN  MENSUEL  (4  mai  1885.  ') 

M.  Teisserene  de  Bort,  seorétaire  général  de  la  Société  météoro- 
logique de  France,  chargé  d'une  mission  dans  le  SaJiara  alipérien  et 

tunisien,  pour  y  continuer  les  travaux  qu'il  avait  commencés  en  1883, 
s'est  rendu  de  Biskra  à  Touggourt,  par  le  désert  de  Mokran,  en  faisant 
un  levé  sonmiaire  de  sa  route.  Aux  environs  de  Filiach,  dans  l'onsi» 
des  Zibnnsy  il  a  procédé  à  des  fouilles,  avec  le  concours  de  MM.  Four- 
reau et  Fau  de  Biskra,  dans  une  ancienne  nécropole,  oîi  se  trouvent  des 
tombes,  sur  une  longueur  de  plus  de  500  mètres.  Elles  sont  enfouies  à 
une  assez  faible  profondeur,  dans  un  sol  compact  d'alluvion  rougefttre. 
Les  corps  sont  déposés  dans  des  jarres,  munies  d'une  ouverture  ou 
goulot  circulaire  et  de  deux  anses  ;  elles  devaient  être  cassées  à  leur 
extrémité  au  moment  de  la  mort,  puis  emboîtées  l'une  dans  l'autre.  Ces 
sépultures  paraissent  appartenir  à  une  époque  antérieure  à  l'invasion 
arabe  ;  elles  ne  sont  pas  orientées  vers  la  Mecque  comme  celles  des 
musulmans. 

Un  correspondant  du  journal  la  Oironde,  lui  écrit  de  Marseille  que 
le  eommnndnnt  Liandns,  et  les  membres  de  la  mission  d'études  de 
la  mer  intérieure  des  Chotts,  ont  terminé  la  première  partie  de  leurs  tra- 
vaux, et  qu'ils  viennent  de  rentrer  en  France.  Leur  but  était  de  déter- 
miner le  point  de  la  côte  le  plus  favorable  pour  la  création  du  port 
RoudAire,  à  l'embouchure  de  l'Oued-Melah.  Ds  ont  tout  d'abord 
choisi  un  emplacement  pour  le  forage  d'un  puits  artésien,  dans  l'oasis 
d'Oudreff,  à  un  kilomètre  de  la  Méditerranée,  et  à  800"  de  l'Oued- 
Melah,  en  se  basant  sur  les  sondages  antérieurs  et  l'inclinaison  exacte 
des  différentes  couches  du  sol.  Les  populations  du  voisinage,  comprenant 
l'avantage  que  peut  leur  procurer  la  création  de  puits  artésiens,  se  sont 
empressées  d'apporter  leurs  témoignages  de  sympathie  au  successeur 
de  ïtoudaire.  Les  cheiks  n'ont  pas  été  moins  zélés  que  les  simples 
indigènes  ;  le  plus  ancien  d'entre  eux  a  réclamé  l'honneur  d'enlever  du 
puits  la  première  pelletée  de  terre,  et  a  demandé  la  permission  d'em- 
porter la  pioche  en  souvenir  de  l'événement.  Le  commandant  Landas 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  NouveUea  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  PEst,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
reTenant  par  la  côte  occidentale. 

L^AFRIQUE.   —   SIXIÈME   ANNÉE.  —  N°   5.  5 


—  142  — 

croit  que  si  le  puits  artésien  donne  le  volume  d'eau  qu'on  en  attend,  le 
sol  pourra  recevoir  des  plantations  de  dattiers,  de  palmiers,  d'oliviers 
et  même  de  vignes.  Autour  de  l'Oued-Melah  il  sera  facile  de  créer  des 
pâturages  et  des  plantations  d'alfa. 

Les  délibérations  de  la  Commission  du  cajial  de  Sues  réunie  à 
Paris  sont  tenues  secrètes.  Nous  ne  connaissons  jusqu'ici  que  les  articles 
servant  de  base  à  la  discussion  ;  en  voici  le  texte  : 

1*  Le  canal  de  Suez  doit  être  libre  pour  le  passage  de  tous  les  navires 
et  en  toutes  circonstances. 

2*  En  temps  de  guerre,  il  devra  être  fixé  une  limite  de  temps  pour  les 
bâtiments  de  guerre  des  puissances  belligérantes  se  trouvant  dans  les 
eaux  du  canal,  et  ni  troupes,  ni  munitions  de  guerre  ne  pourront  être 
débarquées  sur  ses  rives. 

3""  Des  actes  d'hostilité  ne  pourront  avoir  lieu  ni  sur  le  canal  ni  dans 
ses  environs,  ni  ailleurs  dans  les  eaux  territoriales  de  l'Egypte,  même 
dans  le  cas  oti  la  Turquie  serait  une  des  parties  belligérantes. 

i""  Aucune  des  conditions  stipulées  par  les  deux  clauses  précédentes 
ne  pourra  être  appliquée  aux  mesures  qui  seraient  jugées  nécessaires 
pour  la  défense  de  l'Egypte. 

5""  Toute  puissance  dont  les  bâtiments  de  guerre  auraient  causé  quel- 
que dommage  au  canal  est  tenue  à  supporter  les  frais  de  la  réparation 
immédiate  de  ce  dommage. 

6^  L'Égyptè  devra  prendre  toates  les  mesures  en  son  pouvoir  pour 
assurer  l'exécution  des  conditions  imposées  au  transit  sur  le  canal,  des 
navires  appartenant  aux  puissances  belligérantes. 

7**  Aucunes  fortifications  ne  pourront  être  élevées,  ni  sur  le  canal  ni 
dans  son  voisinage. 

8"*  Cet  arrangement  ne  devra  ni  réduire  ni  affecter  en  rien  les  droits 
territoriaux  du  gouvernement  égyptien,  sauf  en  ce  qui  sera  expressé- 
ment stipulé. 

D'après  une  lettre  de  Londres  au  Succès,  le  chemin  de  fer  en 
construction  de  Soualcim  à  Berber  ne  serait  pas  seulement  une 
ligne  stratégique,  il  deviendrait  plus  tard  le  moyen  d'établir  des  com- 
munications conmierciales  permanentes.  Une  compagnie  privée,  sous  la 
présidence  du  duc  de  Sutherland,  a  déjà  obtenu  du  gouvernement  une 
concession  pour  l'exploitation  commerciale  et  industrielle  du  Soudan, 
avec  des  privilèges  analogues  à  ceux  de  la  Compagnie  du  nord  de  Bornéo. 
Lorsque  la  puissance  du  Mahdi  et  d'Osman-Digma  aura  été  détruite, 
le  gouvernement  cédera  la  voie  ferrée  à  la  Compagnie  qui,  avec  l'aide 


—  143  — 

do  Samuel  Baker,  se  chargera  d'établir  une  administration  régulière 
dans  le  pays  (?)  ' . 

L'ingénieur  Salimbenl  chargé  par  Blanchi  de  construire  sur  le  Nil- 
Bleu  un  pont,  pour  faciliter  les  communications  du  Godjttm  avec  les  pays 
situés  au  sud  du  fleuve,  a  écrit  à  la  Société  de  géographiede  Rome,  pour 
l'informer  du  succès  de  ses  travaux.  Ceux-ci  ontbien  cheminé,  malgré  les 
difficultés  à  surmonter.  Mais  la  station  du  Grodjam  ayant  perdu  son  chef 
par  la  mort  de  Blanchi,  le  ministre  de  l'agriculture  et  du  commerce 
d'Italie  a  prié  M.  Salimbeni  de  prendre  le  commandement  de  la  station 
qui  devra  servir  aux  observations  météorologiques,  au  ravitaillement 
des  voyageurs  et  des  commerçants  ;  elle  sera  aussi  un  centre  d'études 
et  de  collections  d'objets  des  sciences  naturelles,  ainsi  que  d'informa- 
tions commerciales.  Le  gouvernement  italien  se  propose  en  outre  de 
fonder  une  nouvelle  station  météorologique  à  Maccalé,  en  Abyssinîe, 
oii  demeure  M.  Naretti. 

M.  Alfred  Bardey  a  communiqué  d'Aden,  à  la  Société  de  géographie 
de  Paris,  des  nouvelles  de  l'expédition  autrichienne  du  baron  de  Har- 
d^fl^S^**  6t  du  D'  Paulltschke.  De  Harrar  les  explorateurs  ont 
visité  les  petits  lacs  Moyabo  et  Adelli  à  25  kilom.  au  N.-O.  de  la  ville. 
Un  soir  M.  de  Hardegger,  se  promenant  autour  des  remparts  a  été 
attaqué  et  mordu  à  la  jambe  par  une  hyène  qu'il  a  tuée  à  coups  de 
sabre.  Les  voyageurs  désirent  visiter  le  marché  de  Goulfa  à  cinq  jours 
de  Harrar,  sur  ]e  Wabi  qui  sépare  les  tribus  Aroussi-Gallas  et  Anuya- 
Gallas.  Groulfa  est  habité  principalement  par  des  forgerons  indigènes 
qui,  à  certaines  époques  de  l'année,  échangent  leurs  produits  contre  les 
cotonnades  dont  ils  ont  besoin.  «  De  Harrar  à  Goulfa,  »  ajoute  M.  Bar- 
dey,  «  la  route  suit  la  vallée  d'Argoba,  passe  à  Afordoba,  Farezzo, 
Boubassa,  où  je  suis  allé  ;  puis,  m'a-t-on  dit,  en  continuant  dans  une 
direction  S.-S.-O.,  on  trouve  Ilmané,  sur  un  plateau  sans  eau,  Mitti, 
Dalatto,  Afata,  Itto  au  confluent  du  Moya  qui  se  jette  dans  le  Herer, 
affluent  du  Wabi,  enfin  Goulfa  sur  la  rive  droite  du  Wabi,  en  pays 
Aroussi.  »  Nous  désirons  que  les  explorateurs  autrichiens  puissent 
exécuter  leur  projet,  et  dresser  la  carte  de  cette  région,  car  les  noms 
indiqués  par  M.  Bardey  ne  figurent  dans  aucun  des  documents  carto- 
graphiques que  nous  possédons. 

^  Â  la  dernière  heure,  nous  apprenons  que  le  gouvernement  anglais  a  décidé  de 
ne  pas  continuer  le  chemin  de  fer,  du  moins  avant  la  cessation  des  chaleurs,  au  delà 
de  Tambouk,  Sinkat  ou  un  autre  endroit  pouvant  servir  d'hôpital  à  la  garnison 
nécessaire  pour  garder  Souakim. 


—  144  — 

La  mort  de  Htésa  n'a  pas  été  suivie  d'un  état  d'anarchie  et  de  meur- 
tres sur  une  grande  échelle,  comme  on  aurait  pu  le  craindre  d'après 
l'usage  ordinaire  en  semblable  occasion.  Quelques-uns  des  chefs  propo- 
sèrent, il  est  vrai,  de  mettre  à  mort  les  missionnaires  et  de  détruire  la 
mission.  Mais  le  Katikiro^  le  magistrat  principal,  empêcha  qu'on  ne 
commît  aucune  violence,  et  l'influence  du  missionnaire  O'Flaherti 
fit  beaucoup  pour  prévenir  les  troubles  et  l'effusion  du  sang.  Le 
nouveau  roi,  Mouanga,  est  un  tout  jeune  homme,  qui,  de  temps  à 
autre,  a  visité  les  missionnaires  ;  son  attitude  à  leur  égard,  après  son 
avènement,  a  été  tout  à  fait  cordiale.  La  princesse  élevée  à  la  dignité 
supérieure  de  sœur  du  roi  y  est  chrétienne.  Mouanga  désire  avoir  dans 
ses  États  un  plus  grand  nombre  de  prédicateurs  blancs  ;  il  enverra, 
avec  le  missionnaire  Mackay,  un  messager  pour  en  chercher  en  Angle- 
terre. 

Les  Missions  catholiques  nous  apportent  des  renseignements  sur  les 
tribus  des  Bou-Sambiro»  des  Ba-Moaeri  et  des  Boa-Koumbi» 
chez  lesquelles  les  missionnaires  d'Alger  ont  fondé  des  stations,  au 
S.-O.  du  Victoria-Nyanza.  Les  plateaux  qu'elles  habitent  sont  très 
élevés  et  généralement  parsemés  de  nombreux  et  grands  villages.  Les 
productions  du  pays  sont  le  sorgho,  le  maïs,  les  patates,  les  arachides, 
le  sésame.  De  nombreux  troupeaux  de  bœufs,  de  moutons  et  de  chèvres 
paissent  dans  les  campagnes.  Les  populations  paraissent  plus  simples 
et  mieux  disposées  que  celles  qui  sont  en  relations  fréquentes  avec  les 
commerçants  du  Zanguebar.  Une  des  plus  remarquables  de  ces  tribus, 
est  celle  des  Bou-Sambiro,  renommée  pour  ses  forgerons.  Le  minerai  de 
fer  abondedans  le  pays,  mais  jusqu'ici  on  n'ena  pas  employé  d'autre  que 
celui  qu'on  trouve  à  la  surface  du  sol.  Porté  dans  despaniers,  à  des  forge- 
rons installés  dans  de  pauvres  huttes  couvertes  de  paille,  ceux-ci  par- 
viennent à  en  tirer,  avec  l'outillage  le  plus  imparfait,  quantité  de 
pioches,  de  hachettes,  de  fers  de  lances  et  de  flèches.  La  réputation  des 
forgerons  du  Bou-Sambiro  s'étend  au  loin;  un  grand  nombre  de  tribus 
viennent  de  cinq,  dix  et  quinze  jours  de  marche  se  pourvoir  dans  leurs 
ateliers.  —  Le  Mouéri  est  un  des  plus  grands  royaumes  des  bords  du 
Victoria-Nyanza.  Ses  immenses  forêts  sont  remplies  d'animaux  de  toute 
espèce  :  girafes,  onagres,  zèbres,  buffles,  rhinocéros,  antilopes,  etc.  Le 
roi  Rouoma  fit  d'abord  bon  accueil  aux  missionnaires  ;  mais,  à  l'instiga- 
tion de  Mtésa,  il  leur  refusa  ensuite  la  liberté  nécessaire  pour  fonder 
un  établissement  dans  ses  États,  après  quoi  cependant  il  leur  fit  expri- 
mer  son  désir  de  les  voir  revenir  chez  lui  et  leur  accorda  la  permission 


—  145  — 

de  bâtir  où  ils  voudraient.  Les  Ba-Mouéri  sont  aussi  très  habiles  à  tra- 
vailler le  fer.  Ce  sont  des  archers  par  excellence  ;  le  buffle,  le  rhino- 
céros, tombent  percés  de  leurs  longues  flèches.  Ds  savent  réduire  le  fer 
jet  le  cuivre  en  fils  très  minces,  pour  les  rouler  autour  de  longues  ficelles 
de  crins  qu'ils  portent  aux  jambes  comme  ornements  de  prédilection. 
Leur  costume  ordinaire  se  compose  d'une  ou  plusieurs  peaux  bien  pré- 
parées et  enduites  de  beurre^  Le  roi  se  fait  graisser  de  beurre  rance, 
tous  les  jours,  des  pieds  à  la  tête. — Au  delà  des  Ba-Mouéri  sont  les  Bou- 
Koumbi,  qui  ont  pour  roi  Kikanga.  Ils  sont  beaucoup  moins  industrieux 
que  leurs  voisins  chez  lesquels  ils  vont  se  fournir  de  lances,  de  flèches 
et  de  pioches  pour  cultiver  leure  terres,  leur  principale  occupation  avec 
l'élevage  du  bétail.  Kikanga  a  accordé  l'hospitalité  la  plus  bienveillante 
aux  missionnaires,  qui  ont  gagné  la  confiance  des  habitants  en  soignant 
leurs  nombreux  malades.  Les  plaies  aux  jambes  sont  extrêmement 
fréquentes,  et  doivent  être  attribuées  à  l'humidité  des  huttes  et  h 
l'absence  de  toute  propreté,  dont  les  Bou-Koumbi  semblent  ignorer  les 
premières  notions  ;  ils  couchent  à  côté  de  leurs  moutons  et  de  leurs 
chèvres  et  ne  se  lavent  presque  jamais. 

M.  Cbauncy  Maples  a  exposé  dans  une  séance  de  la  Société  de 
géographie  de  Manchester,  nouvellement  fondée,  les  résultats  des 
explorations  des  dernières  années  entre  la  côte  de  l'Océan 
Indien  et  le  lac  IVyassa»  pays  naguère  encore  inconnu  des  Euro- 
péens, mais  oU  la  mission  des  Universités  a  des  établissements  à  Masasi 
et  à  Néouala,  et  oU  l'Angleterre  est  représentée  par* un  consul  pour  le 
district  du  Nyassa,  afin  de  tâcher  d'en  faire  disparaître  la  traite.  Les 
indigènes  appartiennent  en  grande  partie  à  la  tribu  des  Ma-Koua,  qui 
s'étend  jusqu'aux  territoires  situés  à  l'ouest  du  Nyassa.  M.  Maples  ayant 
vécu  huit  ans  au  milieu  d'eux  en  qualité  de  missionnaire,  les  décrit 
comme  un  peuple  pacifique,  industrieux,  d'une  intelligence  supérieure  à 
celle  des  autres  natifs,  et  très  accessible  aux  influences  de  la  civilisation. 
Autour  de  Masasi  se  pressent  les  villages  ma-koua  ;  le  sol  du  pays  est 
fertile,  et  produit  chaque  année  des  récoltes  -abondantes  de  sorgho,  de 
maïs,  de  riz,  de  sésame,  de  cassave,  de  fèves,  etc.  On  y  a  introduit  et 
cultivé  avec  grand  succès,  les  mangues,  les  goïaves,  les  limons,  les 
citrons  et  quantité  d'autres  fruits.  On  a  essayé  d'y  cultiver  le  café,  le 
girofle,  la  cannelle  ;  mais  l'absence  de  pluies  régulières  a  fait  échouer 
cette  tentative.  Le  cotonnier  et  le  palma  christi  se  trouvent  partout  à 
l'état  sauvage.  M.  Maples  ne  doute  pas  que  s'il  était  cultivé,  le  coton 
ne  fournît  un  produit  excellent  pour  le  marché.  Le  tabac,  le  fer,  le  sel 
s'y  trouvent  aussi.  Actuellement  lès  seuls  objets  d'exportation  sont 


—  146  — 

J'ivoire,  la  gomme-copal,  le  caoutchouc  et  l'orseille  ;  le  trafic  en  a  beau- 
coup augmenté  dans  les  dernières  années,  et  il  augmenterait  plus 
encore  sans  la  traite  et  les  guerres  de  tribus  pour  faire  des  esclaves. 
M.  Maples  a  cité  à  ce  sujet  l'opinion  de  M.  O'Neill,  consul  anglais  à 
Mozambique  et  explorateur  de  cette  région.  Les  neuf  dixièmes  des 
guerres  de  l'Afrique  orientale  sont  entreprises  pour  répondre  à  la 
demande  des  trafiquants  d'esclaves,  et  non  par  amour  de  la  guerre. 
Quand  on  dit  aux  indigènes  que  les  esclAves  sont  l'objet  le  plus  estimé 
pour  l'achat  de  tissus  et  d'autres  objets  dont  ils  ont  besoin,  ils  organi- 
sent des  expéditions  contre  leurs  voisins  pour  faire  des  esclaves.  Mais, 
quand  ils  verront  que  ces  objets  peuvent  être  obtenus  avec  beaucoup 
moins  de  difficultés  et  de  dangers  que  par  la  guerre,  un  grand  pas 
aura  été  fait  vers  la  suppression  de  ces  luttes  destructrices.  La  situa- 
tion des  lacs  Nyassa  et  Tanganyika  est  excellente  po^r  procurer  aux 
natife  le  bienfait  d'un  commerce  légitime  régulier.  Dans  l'état  actuel 
des  choses,  leurs  vastes  bassins  s'interposent  entre  la  demande  de  la 
part  des  cheÉs  qui  attendent  l'arrivée  des  agents  de  la  côte,  et  le  terri- 
toire d'où  les  esclaves  sont  tirés.  Des  stations  commerciales  sur  leurs 
bords  seraient  admirablement  placées  pour  lutter  avec  les  trafiquants 
d'esclaves,  et  fournir  aux  indigènes  de  l'intérieur  les  produits  de 
l'industrie  européenne.  Les  natifs  apprécient  déjà  à  leur  juste  valeur  les 
services  rendus  par  les  établissements  missionnaires  anglais  et  écos- 
sais, ainsi  que  par  les  agents  de  l'African  Lakes  Company.  Que  les 
stations  se  multiplient,  que  le  nombre  des  steamers  augmente  sur  les 
lacs  et  les  rivières,  les  guerres  diminueront,  le  sol  produira  davantage, 
et  les  progrès  de  la  civilisation  seront  encore  plus  marqués  qu'ils  ne 
l'ont  été  depuis  l'arrivée  des  missionnaires. 

Le  dernier  numéro  du  Central  Africa,  annonce  que  les  800  colis  de 
l'expédition  qui  transporte  le  Charles  Janson,  destiné  à  la  mission  de 
la  eôte  orientale  du  IVyassa»  sont  portés  actuellement  par  eau 
jusqu'au  pied  des  rapides  du  Chiré,  et  de  là,  à  dos  d'hommes,  le  long 
de  la  route  qui  permet  d'atteindre  facilement  le  cours  supérieur  du 
fleuve,  où  le  navire  sera  remonté.  Malheureusement  le  missionnaire 
Johnson,  qui  accompagnait  l'expédition,  a  perdu  la  vue  par  suite  d'une 
ophtalmie  et  a  dû  être  ramené  en  Angleterre. 

Le  Natal  Mercury  a  reçu  du  consul  anglais  de  Mozambique, 
M.  O'Neill,  à  son  passage  à  Port  Natal  des  informations  utiles  sur 
le  pays  d'OamzIla.  Une  lettre  de  M.  le  missionnaire  P.  Berthoud  *  nous 

*  Voy.  p.  98. 


—  147  — 

a  annoncé  récemment  la  mort  de  ce  dernier  ;  son  fils  aîné  a  été  élu  pour 
le  remplacer,  mais  un  grand  nombre  des  chefs  lui  ont  substitué  un  fils 
plus  jeune.  Un  combat  s'en  est  suivi  dans  lequel  l'aîné  a  été  tué,  et 
maintenant  c'est  le  plus  jeune  qui  règne.  Le  gouvernement  portugais  a 
envoyé  une  commission  spéciale,  sous  la  direction  de  M.  Gose  Rodrigues 
qui  a  une  longue  expérience  des  affaires  de  l'Afrique  orientale,  pour 
aplanir  les  difficultés  existant  depuis  plusieurs  années  entre  la  colonie  et 
le  pays  d'Oumzila.  Elle  a  débarqué  à  Chilouane,  et  traversé  le  pays  de 
Sofala,  d'où  elle  a  dû  se  rendre  au  kraal  d'Oumzila. — Une  autre  mission 
s'y  est  rendue  pour  le  compte  de  la  Compagnie  d'Ophir,  qui  se  propose 
de  développer  les  industries  minières  de  ce-pays.  C'est  M.  Païva  d'An- 
drada  qui  représente  la  Compagnie  ;  il  doit  chercher  à  obtenir  l'autori- 
sation d'exploiter  les  mines  de  Manika.  —  M.  O'Neill  croit  que  l'on 
pourrait  ouvrir  une  voie  au  commerce  avec  le  Ma-Koua  et  le  Lomwé  par 
le  Zambèze.  De  Tété  un  grand  trafic  se  fait  déjà,  à  l'ouest,  vers 
Zoumbo,  au  sud,  dans  le  pays  des  Ma-Tébélé,  et  au  nord,  vers  le  plateau 
qui  borde  le  Nyassa.  Chaque  année  plus  de  300 bateaux  y  sont  employés. 
Ils  remontent  de  Tété  à  Kébrabasa,  d'où,  en  huit  jours  de  voyage  par 
terre,  on  franchit  les  rapides  de  ce  nom.  En  amont,  le  fleuve  redevient 
navigable  jusqu'aux  chutes  Victoria.  L'ivoire  est  le  principal  objet  de 
commerce  de  cette  partie  de  l'Afrique. 

Le  numéro  de  février  du  Mercantile  Marine  Service  Association 
Reporter  contient  un  article  du  capitaine  G.-A.  Chaddock  sur  son  explo- 
ration du  Ijimpopo  ',  en  avril  de  l'année  dernière.  Malgré  un  courant 
assez  fort,  il  réussit,  avec  la  Maud,  à  en  franchir  la  barre,  par  l'embou- 
chure méridionale,  dont  le  lit  est  très  étroit  et  a  4  Va  brasses  de  pro- 
fondeur. Le  pays  aux  alentours  est  composé  de  hautes  collines  de  sable 
légèrement  couvertes  de  broussailles  peu  élevées  ;  la  population  paraît 
très  dense,  et  le  sol  propre  à  l'agriculture  et  à  la  culture  de  la  canne  à 
sucre.  Jusqu'à  une  distance  de  vingt  kilomètres  de  l'embouchure,  le 
fleuve  est  bordé  de  manguiers  ;  au  delà  il  ne  présente  plus  de  bois  propre 
au  chauffage.  Un  peu  en  amont  du  kraal  de  Manjoba,  le  pays  s'élève  et 
devient  très  boisé,  et  d'après  les  renseignements  des  indigènes,  il  est 
très  salubre.  Le  capitaine  Chaddock  croit  que  le  fleuve  est  navigable 
jusque  près  des  frontières  du  TransvaaJ. 

M.  LiûderitsE  a  conclu,  avec  un  syndicat  allemand,  une  conven- 
tion, par  laquelle  il  cède  à  ce  dernier  tous  ses  droits  sur  le  territoire  qu'il 

*  Voy.  V»«  année,  p.  79. 


—  148  — 

possède  dans  rAfrique  occidentale  au  nord  du  fleuve  Orange.  Les  acqué- 
reurs ont  Tintention  de  former  une  société  dont  les  statuts  seront  sou- 
mis à  Tapprobation  de  Tempereur.  Leur  but  serait  d'acquérir,  d'admi- 
nistrer et  d'exploiter  tous  les  territoires  de  l'Afrique  australe  placés 
sous  leprotectoratdel'Allemagne.  Le  capital  social  est  fixéà  l,500,000fr., 
divisés  en  actions  de  1250  fr.  chacune.  Les  excédents  annuels  des  recettes 
seront  répartis  entre  les  actionnaires,  après  l'autorisation  préalable  du 
gouvernement.  Un  comité  de  trois  membres  et  un  conseil  d'administra- 
tion sont  placés  à  la  tête  de  l'entreprise. 

La  Société  de  géographie  de  Paris  a  reçu  communication  de  nouvelles 
de  l'expédition  de  MM.  Veth  et  van  der  Hellen  dajis  l'Afrique  por- 
tugaise occidentale.  De  Mossamédès  ils  se  sont  rendus  à  Humpata, 
pour  y  visiter  la  colonie  des  Boers  établis  là  depuis  quelques  années. 
M.  Yeth  y  fit  d'abord  une  reconnaissance,  avec  deux  Boers  attirés  à 
Mossamédès  par  le  bruit  de  l'arrivée  de  deux  Hollandais  dans  cette 
ville.  Les  services  que  lui  rendit,  pendant  ce  premier  voyage,  un  petit 
cheval  javanais  lui  font  croire  que  ces  poneys  pourront  être  très  utiles 
aux  voyageurs  dans  les  régions  tropicales  de  l'Afrique  ;  ils  s'accommo- 
dent facilement  au  climat.  Bevenu  à  la  cote,  il  en  repartit  le  15  janvier, 
avec  M.  van  der  Hellen  et  un  wagon  attelé  de  dix-neuf  bœufs.  Mais, 
après  quelques  heures  de  route,  le  char,  mal  conduit  par  le  charretier, 
s'enfonça  dans  le  sable  qui,  sur  certains  points,  forme  d'immenses  entas- 
sements. Il  fallut  travailler  jusqu'à  l'aube  du  lendemain  pour  le  déga- 
ger. A  partir  de  ce  moment  les  dijBScultés  se  renouvelèrent  sans  cesse  : 
terrains  impraticables,  disette  d'eau,  épuisement  de  l'attelage,  danger 
de  la  présence  des  lions  et  d'autres  fauves  qui  enlevèrent  les  trois  chiens 
javanais  de  M.  Veth.  Celui-ci  tomba  malade  de  fatigue,  et  dut  s'arrêter 
dans  des  fermes  portugaises  ;  grâce  au  secours  de  bœufs  prêtés  par  des 
fermiers  portugais  et  par  des  paysans  néerlandais,  le  wagon  put  attein- 
dre, le  30  janvier,  la  cime  de  la  Serra  de  Chella.  Le  plateau  de  Humpata 
est  magnifique,  disent  les  voyageurs;  assez  élevé  et  descendant  en 
pente  douce  vers  le  sud,  il  a  la  réputation  d'être  d'une  salubrité  par- 
faite. 

Les  journaux  de  Lisbonne  donnent  quelques  renseignements  sur 
Texpédition  portui^^aise  du  major  de  Carvalho,  chargé  de  se 
rendre  chez  le  Mouata-Yanivo.  A  la  date  du  6  janvier  elle  était  arrivée 
à  Cossa-e-Silva,  dans  le  territoire  du  Capenda  Camubenda,  sur  la  rive 
droite  du  Quango,  par  8°  47'  45"  lat.  sud  et  17"  12'  50"  long.  est.  Elle 
avait  rencontré  des  difficultés  entre  le  Lui  et  le  Quango,  par  suite  des 


—  149  — 

exigences  des  chefe  indigènes  et  des  vols  dont  elle  avait  été  la  victûne  ; 
150  porteurs  avaient  déserté,  les  uns  en  abandonnant  leur  charge,  les 
autres  en  l'emportant.  A  son  arrivée  à  Cossa-e-Silva,  l'expédition  fut 
reçue  par  des  décharges  de  coups  de  fusil  en  signe  de  réjouissance.  Le 
chef  est  une  femme  âgée  du  nom  de  Ma  ;  elle  a  pour  protecteur  un 
nègre  d'une  quarantaine  d'années,  grand,  robuste,  aimable  et  parlant 
bien.  Elle  a  des  enfants  de  différents  pères.  Le  plus  âgé,  Muana-Mocanzo, 
est  le  futur  Gapenda.  Il  n'a  pas  encore  pris  les  rênes  du  gouvernement, 
sa  mère  le  trouvant  trop  jeune  ;  il  n'a  que  20  ans.  Ses  frères  Muana- 
Candole,  et  Muana-Ca-Nzambo  sont  vêtus  de  pantalons  et  de  vestes 
d'une  étoffe  à  raies  bleues,  chemises  blanches,  chapeaux  de  feutre  à  larges 
bords.  Le  major  Carvalho  est  d'avis  que  le  chemin  de  fer  de  Loanda  à 
Arabaca  devrait  être  prolongé  jusqu'à  Malangé,  àSOkilom.  à  l'est  d'Am- 
baca.  Il  a  constaté  avec  satisfaction  que  le  gouvernement  d'Angola  rétablit 
les  anciennes  stations  dans  la  province,  sur  la  route  de  Dondo  à  Malangé, 
et  en  fait  élever  de  nouvelles  sur  des  points  d'une  utilité  reconnue  pour 
le  commjBrce,  afin  d'encourager  et  de  faciliter  les  relations  de  la  côte 
avec  l'intérieur. 

Le  Moiivement  géographique  a  publié,  d'après  une  lettre  arrivée  à 
Bruxelles,  les  premières  données  fournies  par  le  lieutenant  ^Wiss- 
mann  sur  son  expédition  au  Cassaï.  Jusqu'ici  on  ne  connaissait 
qu'une  partie  du  cours  supérieur  de  cet  affluent  du  Congo,  reconnue  par 
Livingstone,  Btichner,  Schtitt,  Wissmann  etPogge.  Celui-ci  en  avait  touché 
le  point  connu  le  plus  septentrional,  par  environ  5°  delat.  S.,  au  confluent 
du  Louloua,  un  des  grands  tributaires  de  droite  ;  toute  la  partie  inférieure 
de  la  rivière  est  encore  à  reconnaître.  Le  but  de  l'expédition  de  Wiss- 
mann est  d'étudier  ce  cours  inférieur  et  les  territoires  inconnus  qu'il 
traverse.  Au  mois  de  février  1884  il  se  trouvait,  avec  les  deux  frères 
Meyer  et  le  D' Wolff,  à  Malangé,  non  loin  de  la  frontière  de  la  province 
d'Angola.  Là,  l'aîné  des  frères  Meyer  fut  emporté  en  quelques  jours  par 
la  dysenterie.  L'expédition  y  rencontra  le  D' Pogge,  duquel  eUe  apprit 
que  le  pays  était  couvert  de  forêts  vierges  presque  impénétrables,  et 
qu'au  loin  en  aval  du  confluent  du  Louloua,  les  rives  du  Cassai  en  étaient 
bordées.  Wissmann  eut  la  bonne  fortune  de  pouvoir  reprendre  tous  les 
anciens  porteurs  et  les  deux  interprètes  du  D' Pogge.  Au  commence- 
ment de  juillet  l'expédition  était  organisée  ;  400  porteurs  étaient  enga- 
gés ;  des  charpentiers  et  des  mécaniciens  complétaient  le  personnel  blanc, 
et  parmi  eux,  le  charpentier  Buchschlag  qui,  en  1880,  avait  descendu  le 
Quango  avec  le  major  de  Mechow.  L'expédition  emportait  un  canot  en 


—  150  — 

acier  pouvant  contenir  de  dix  à  douze  personnes.  Le  départ  de  Mal&ngé 
eut  lieu  le  17  juillet;  il  s'effectua  successivement, par  petites  caravanes, 
placées  chacune  sous  la  direction  d'un  ou  deux  blancs,  le  lieu  de  con- 
centration étant  le  Quango,  en  aval  de  Cassangé.  Du  Quango  au  Cassai, 
la  route  de  Wissmann  ne  s'est  pas  sensiblement  écartée  des  précédents 
itinéraires  de  retour  de  Bttchner,  Schûtt  et  Pogge.  Il  passa  par  Cabembo 
et  Cabocco,  sur  le  Louchico.  Arrivé  là,  le  lieutenant  Meyer,  avec  douze 
hommes,  descendit  la  rivière,  se  dirigeant  vers  Koumbana.  Quant  au 
gros  de  l'expédition,  au  lieu  de  se  diriger  sur  Cahoungoula  vers  l'est,  il 
suivit  une  direction  N.-E.  rejoignant  l'ancienne  route  à  Muéné-Tombé, 
sur  le  Tchikapa.  C'est  de  là  qu'est  datée  la  lettre  de  Wissmann,  du 
12  octobre.  Le  trajet  de  Malangé  au  Cassai,  qui  s'est  effectué  en  trois 
mois,  s'est  fait  sans  grandes  difficultés  ;  la  santé  des  voyageurs  est  des 
plus  satisfaisantes;  un  seul  porteur  est  mort,  en  route,  de  maladie. 
Arrivé  au  Cassai,  Wissmann  comptait  le  descendre  jusqu'au  confluent 
du  Louloua,  ob  il  a  dû  établir  une  base  d'opération.  Un  traité  devait 
être  passé  avec  Loukengo,  roi  des  Ba-Kouba;  une  station,  élevée  sur 
les  bords  de  la  rivière  et  laissée  à  la  garde  de  trois  blancs  et  d'un 
certain  nombre  de  soldats; enfin,  une  petite  flotille  de  canots  devait  être 
construite  par  les  charpentiers  de  l'expédition,  et,  avec  son  aide,  Wiss- 
mann voulait  suivre  le  Cassai  jusqu'à  son  embouchure  dans  le  Congo.  II 
écrivait  qu'il  espérait  atteindre  le  grand  fleuve  vers  le  commencement 
d'avril  1885.  Depuis  le  mois  de  février,  un  des  petits  vapeurs  de  l'Asso- 
ciation internationale  croise  entre  les  confluents  du  Rouki  et  du  Lou- 
lemgou,  prêt  à  se  porter  à  la  première  alerte  au  secours  de  l'expédition, 
par  l'une  ou  l'autre  de  ces  rivières. 

Le  D' J-  Chavanne,  que  sa  santé  avait  obligé  à  revenir  en  Europe, 
a  pu  repartir  le  6  avril  pour  le  Con^o.  Les  quelques  mois  qu'il  a  passés 
en  Belgique  ont  été  consacrés  au  calcul  des  observations  qu'il  avait 
faites  au  Congo,  et  à  la  confection  d'une  carte  du  cours  inférieur  du 
fleuve  ;  elle  est  dressée  à  l'échelle  de  Vjooooo  et  sera  publiée  par  l'Institut 
national  de  géographie.  Elle  donne  toute  la  partie  delà  côte  occidentale 
qui  s'étend  entre  Landana  et  Shark-Point,  le  cours  du  Congo  depuis 
Banana  jusqu'à  Boma,  et,  dans  des  cartouches,  la  partie  du  fleuve  devant 
Boma,  de  Fetiche-Roc  à  l'île  des  Princes,  au  Vtoooooi  ^t  les  plans  de  Banana 
et  de  Boma  au  Vî^oof.-  Ce  sera  le  document  cartographique  le  plus  com- 
plet et  le  plus  précis  que  l'on  possède  jusqu'ici  de  l'embouchure  du 
fleuve. 

A  l'occasion  de  rExposItion  d'Anvers^  un  Congrès  international 


—  151  — 

de  botanique  et  d'horticulture  se  tiendra  dans  cette  ville  ;  la  question 
du  Congo  y  aura  sa  place.  En  effet,  un  questionnaire  a  été  transmis 
au  Comité  de  l'Association  internationale  pour  être  soumis  aux 
agronomes  attachés  aux  différentes  stations  ;  ils  sont  priés  de  répondre 
aux  questions  suivantes  : 

P  Quelle  est  la  composition  du  sol  des  contrées  que  vous  avez  visitées 
jusqu'ici  ? 

2^  Quelle  est  l'altitude  des  contrées  ou  des  terrains  que  vous  signalez? 
Quelles  sont  les  températures  minimd  et  maxima  ?  Quelle  est  la  tempé- 
rature moyenne  de  ces  contrées  ? 

3""  Quelles  en  sont  les  conditions  climatériques  ? 

4*  Quels  sont  les  avantages  naturels  et  les  inconvénients  qu'elles  pré- 
sentent au  point  de  vue  de  la  culture  ? 

b"*  Quels  sont  les  produits  végétaux  dont  l'utilité  est  reconnue  comme 
plantes  alimentaires,  médicinales  ou  officinales,  vénéneuses  ou  indus- 
trielles ? 

6"  Quel  est  le  caractère  de  la  flore  des  contrées  que  vous  avez  explorées  ? 

7"  Quelles  ressources  l'Afrique  centrale  pourrait-elle  offrir  aux  bota- 
nistes, pour  rétude  de  la  flore  tropicale  et  de  la  physiologie?  Avez-vous 
déjà  rencontré  des  végétaux  qui  pourraient  jeter  quelque  lumière  sur 
certaines  questions  botaniques,  ou  qui  augmenteraient  la  richesse  de  nos 
collections  de  plantes  vivantes  ? 

8**  Comment  devrait  se  faire  au  Congo  la  culture  potagère  ? 

9"*  Quels  sont  les  principaux  ennemis  des  cultures  :  a)  du  règne  ani- 
mal ;  h)  du  règne  végétal  ? 

10°  Dans  quelle  mesure  les  botanistes  et  les  horticulteurs  pourraient- 
ils  se  rendre  utiles  aux  explorateurs  du  Congo,  en  vue  des  essais  de  cul- 
ture, d'acclimation,ou  à  un  point  de  vue  quelconque? 

A  l'Exposition  seront  réunis  des  types  de  toutes  les  marcliandises 
d'Europe  qui  font  l'objet  du  trafic  au  Con^o»  ainsi  que  des  modèles 
des  différents  objets,  tels  que  :  objets  de  campements,  maisons  démon- 
tables, appareils,  outils,  instruments,  armes,  médicaments,  etc.  néces- 
saires aux  explorations,  à  l'établissement  et  à  l'outillage  des  stations. 

D'après  les  Verhandlungen  de  la  Société  de  géographie  de  Berlin,  un 
certain  nombre  des  stations  de  l'Association  internationale  du  Congo 
doivent  être  dotée.s  de  téléplionesi  quelques-unes  de  celles  du  Bas- 
Congo  seront  reliées  les  unes  aux  autres  par  un  fil  téléphonique. 

Le  Comité  des  n&issions  de  BUe  a  adressé  à  M.  de  Bismarck 
une  pétition  au  sujet  de  l'introduction  de  l'eau-de-vie  dans  les 


—  152  — 

nouvelles  possessions  allemandes  en  Afrique*  L'importation 
en  masse  de  ce  produit  aurait,  d'après  la  pétition,  des  conséquences  perni- 
cieuses pour  les  nègres  qui ,  pas  plus  que  des  enf  an  ts ,  ne  savent  se  gouverner 
eux-mêmes,  et  sont  passionnés  de  liqueurs  fortes  ;  leur  en  fournir  à  bon 
marché  serait  les  mener  à  la  ruine.  On  dit  que  si  l'on  apporte  des  res- 
trictions à  ce  commerce,  ce  serait  faire  tarir  une  abondante  source  de 
gain.  Mais  ceux  qui  condamnent  le  commerce  d'opium  que  l'Angleterre 
pratique  en  Chine,  peuvent-ils  tavoriser  un  commerce  qui  devient  immoral 
par  le  fait  des  conséquences  qu'il  entraîne  ?  Il  reste  à  prouver  que  le 
commerce  de  l'eau-de-vie  soit  à  la  longue  une  source  de  gain  réel  ;  des 
populations  abruties  ne  sont  pas  commerçantes.  D'ailleurs  les  comp- 
toirs de  la  mission  bâloise  et  d'autres  ont  fait  l'expérience  que  le  com- 
merce, même  sans  eau-de-vie,  peut  être  rémunérateur  dans  ces  contrées. 
Il  y  a  là  un  intérêt  humanitaire  qui  doit  primer  tous  les  autres.  Aussi 
le  Comité  demande-t-il,  que  l'importation  des  spiritueux  dans  les  nou- 
velles possessions  coloniales  allemandes  soit  restreinte  le  plus  possible 
par  l'imposition  de  droits  d'entrée  très  élev^. 

M.  Robert  Fle^pel  va  repartir  pour  le  Soudan  occidental,  où  il  a  déjà 
fait  deux  explorations  pour  le  compte  de  la  Société  africaine  allemande. 
Il  étudiera  d'abord  les  pays  du  Niger  et  du  Bénoué.  D  sera  accom- 
pagné par  le  D' Semon,  comme  médecin  et  spécialiste  pour  l'ethnogra- 
phie, la  zoologie  et  d'autres  branches  des  sciences  naturelles,  et  par  le 
D'  Gtirich,  comme  géologue,  minéralogiste  et  botaniste.  MM.  Hartertet 
Staudinger  qui  poursuivent  d'autres  buts  s'adjoindront  à  l'expédition, 
mais  ne  seront  considérés  comme  en  faisant  partie  qu'aussi  longtemps 
qu'ils  resteront  auprès  d'elle.  Les  voyageurs  séjourneront  un  certain 
temps  en  un  endroit  convenable  du  Niger  ou  du  Bénoué,  pendant  que 
M.  Flegel  visitera  quelques  points  du  royaume  de  Sokoto,  pour  remettre 
aux  chefs  du  pays  des  lettres  et  des  présents  de  l'empereur  d'Allemagne. 
Au  retour  de  M.  Flegel,  l'expédition  se  rendra  au  Bénoué  pour  aborder 
sa  mission  principale  :  l'exploration  des  pays  rntre  le  Bénoué 
et  le  Cameroun. 

Des  ouvriers  piémontais  et  autres,  employés  aux  constructions  du 
chemin  de  fer  de  Dakar  à  Saint-Louis,  ont  manifesté  l'intention  de  s'éta- 
blir d'une  manière  définitive  au  Sénéi^al,  en  obtenant  des  concessions 
de  teiTes  à  cultiver  à  proximité  de  la  voie  ferrée.  Le  conseil-général  du 
Sénégal  a  décidé  de  leur  accorder  les  subsides  votés  précédemment  à 
titre  d'encouragement  en  faveur  des  colons,  qui  viendraient  se  fixer  dans 
certaines  parties  de  la  banlieue  de  SaintrLouis,  sur  les  bonis  du  fleuve  et 


—  163  — 

sur  leB  territoires  du  deuxième  arrondissement.  —  Sur  le  haut  fleuve  la 
situation  des  postes  français  est  excellente.  Les  forts  de  Bàfoulabé,  de 
Condou  et  de  Bamakou  sont  approvisionnés  pour  une  année.  Le  ravi- 
taillement de  Niagassola  est  assuré  ;  ce  poste  est  maintenant  relié  par 
le  télégraphe.  La  chaloupe  canonnière  du  Haut-Niger  a  été  remise  en 
état,  et  pourra,  à  Tépoque  des  hautes  eaux,  descendre  le  fleuve  jusqu'à 
Tombouctou. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

L'hiver  semble  s'être  prolongé  d'ane  manière  exceptionnelle  en  Algérie.  Au 
commencement  d'avril  les  hauts  plateaux  étaient  tout  blancs.  Toute  la  nuit  du  7 
an  8,  la  neige  est  tombée  à  Tlemcen,  et  le  9  il  y  en  avait  35  centimètres  à  Salda. 

Le  gouverneur  général  de  l'Algérie  a  concédé  de  grandes  étendues  de  terres 
sablonneuses  pour  la  création  de  parcs  à  autruches  au  Krelder.  Les  tentatives 
d'élevage  sur  le  littoral  n'ont  pas  très  bien  réussi,  le  climat  y  étant  trop  humide, 
et  l'espace  consacré  à  ces  oiseaux  du  désert  n'étant  pas  suffisant  pour  leur  per^- 
mettre  d'acquérir  leur  plein  développement.  Le  transport  des  parcs  d'autruches 
an  Krelder  permet  d'espérer  le  succès  de  l'élevage  en  grand. 

Le  8  avril,  quatorze  missionnaires  sont  partis  d'Alger  pour  les  stations  du  Yic- 
toria-Nyanza  et  du  Tanganyika. 

M.  de  la  Blanchère,  ancien  élève  de  l'école  française  de  Rome,  a  été  chargé 
d'étudier  les  mesures  à  prendre  pour  assurer  la  conservation  des  monuments  his- 
toriques de  la  Tunisie. 

Avant  l'arrivée  des  Français  en  Tunisie,  le  fanatisme  musulman  régnait  en  sou- 
verain à  Sfax.  Un  collège  arabe-français  y  a  été  ouvert  au  commencement  de  cette 
année.  Les  élèves  musulmans,  européens  et  iaraélites  qui  le  fréquentent  aigourd'hui 
ont  déposé  tout  sentiment  d'hostilité.  A  Eaïrouan  a  été  fondée  une  école,  annexe 
de  celle  de  Tunis  ;  à  part  les  sciences  touchant  à  la  religion,  et  qui  sont  naturel- 
lement enseignées  en  langue  arabe,  toutes  les  autres  branches  d'enseignement  y 
sont  professées  en  langue  française. 

Depuis  un  an,  23,000  hectares  de  terrain  ont  été  achetés  et  mis  en  valeur  dans 
les  environs  de  Tunis  seulement.  Ils  ont  été  convertis  en  vignobles,  prairies,  ou 
plantés  en  légumes,  asperges,  pommes  de  terre,  etc.  D'autres  achats  d'exploitation 
ont  été  faits  dans  la  vallée  de  la  Medljerdah,  ainsi  qu'à  Hammaneh,  Zagouan, 
SouBse,  etc. 

Depuis  quelques  années,  la  pèche  des  sardines  a  pris  un  grand  développement 
dans  les  eaux  de  Maddhia,  en  Tunisie.  De  douze  qu'elles  étaient  au  début,  le 
nombre  des  barques  atteint  aigourd'hui  à  deux  cents.  Dès  que  les  eaux  deviennent 
chaudes,  de  mai  en  juillet,  les  bancs  de  sardines  apparaissent  en  si  grande  abon- 
dance que  chaque  barque  prend  en  moyenne  de  huit  à  douze  quintaux  de  poisson 
frais  en  une  nuit. 


—  164  — 

D'aprèB  une  dépêche  d'Alexandrie,  im  nouTewi.  ICahdi  en  surgi  ta  nord  de  Gon- 
dekoro,  dans  le  TÎllAge  de  MBri.  C'est  tmchef  nègre,  nommé  Omdoli-Bati;  Ut 
réani  autoar  de  lui  un  grand  nombre  de  guerriers,  l'est  emparé  de  plusieurs  rilles 
de  la  vallée  du  Nil,  et.  a  été  proclamé  souTerain  du  pays.  Il  marche  vers  le  Yictorit- 
Nyanza  pour  étendre  jusque-là  les  limites  de  son  pouvoir. 

Un  frère  du  D'  Junker  a  organisé  à  ses  frais  une  expédition  qui  sera  envoyée, 
sous  la  conduite  du  D' Fischer,  l'spi|^rateur  de  la  Dana  et  du  pays  des  Masal,  à 
la  recherche  des  trois  gouverneurs  européens  des  provinces  égyptiennes  équato- 
riales,  Emin-Bey,  D'  Junker  et  Lupton-Bey,  coupés  de  toute  communication  avec 
l'Europe  par  la  révolte  du  Mahdi. 

Le  prince  Oscar  de  Suède,  dans  son  voyage  autour  du  monde,  a  visité  près  de 
Hassaoua  les  missionnaires  suédois,  dans  leur  station  de  Mokulho,  où  les  enfants 
des  écoles  lui  ont  fait  un  joyeux  accueil. 

La  mission  du  capitaine  Ferrari  auprès  du  négous  d'Abyssinie  parait  avoir  pour 
but  de  lui  faire  accepter  que  Massaoua  soit  occupée  par  les  tFOupes  italiennes. 
Les  taxes  excessives  mises  par  les  autorités  turque  et  égyptienne  avaient  presque 
fermé  cette  voie  au  commerce  de  l'Abyssinie.  L'Italie  en  fera  un  port  franc;  on 
construit  un  chemin  de  fer  pour  relier  Massaoua  avec  les  divers  points  de  la  cète: 
un  câble  souterrain  rattachera  la  ville  au  câble  anglais  de  Périm,  et  un  service 
régulier  de  paquebots  sera  établi  entre  elle  et  l'Italie. 

Une  caravane  d'Abyssinie  est  arrivée  à  Massaoua,  rapportant  tous  les  objets 
qui  appartenaient  à  Bianchi,  et  les  dons  précieux  que  lui  avait  faits  le  négous. 

Mohamed  Anfali,  sultan  des  Aoussa,  a  envoyé,  contre  les  tribus  coupables  du 
meurtre  de  Bianchi,  une  expédition  d'un  millier  d'hommes. 

Le  comité  de  la  Société  commerciale  d'exploration  en  Afrique  et  le  gourerne- 
ment  italien  se  sont  mis  d'accord,  pour  proposer  au  parlement  d'accorder  un  sub- 
side de  600,000  fr.  à  la  colonie  d'Assab.  Cette  somme  servirait  ft  établir  un  lieu  de 
débarquement,  un  dock  pour  les  petits  navires,  un  phare  et  un  port  en  un  endroit 
favorable  de  la  côte.  Assab  sera  relié  aux  grandes  lignes  télégraphiques. 

n  s'est  formé  à  Turin,  sous  la  présidence  du  chevalier  Corroiti,  un  Comité  qui 
se  propose  de  pourvoir  des  ressources  les  meilleures  la  nouvelle  expédition  afri- 
caine de  Zeïlah  au  Eaffa  et  aux  lacs  équatoriaux  ;  elle  sera  placée  sous  le  com- 
mandement d'Auguste  Franzoi. 

M.  J.  Borelli  a  été  chargé,  par  le  ministère  de  l'instruction  publique  de  France, 
d'une  mission  scientifique  à  Harrar  et  au  Choa. 

D'après  des  nouvelles  de  Zanzibar  arrivées  à  Hambourg,  la  corvette  Oiteiimau, 
aux  ordres  de  Rohlfs,  a  mis  sous  la  protection  de  l'Allemagne  une  partie  de  Is 
côte  du  pays  des  Somalis. 

L'expédition  de  MM.  Clément  et  Gustave  Denhardt,  envoyés  par  la  Société  de 
géographie  de  Berlin  aux  monts  Kénia  et  KilimancUaro,  pour  s'y  livrer  à  des  études 
géologiques  et  botaniques,  et  gagner  de  là  le  lac  Sambourou  et  le  pays  des  Borani- 
Gallas,  s'est  adjoint  à  Zanzibar  M.  Schlumke,  qui  était  chargé  de  construire  Is 
route  de  Dar-es-Salam. 

La  Société  allemande  de  l'Afrique  orientale  a  organisé  une  nouvelle  expéditioo, 


—  155  — 

composée  dB  àcmze  membres,  géotogaes,  arehîtettei,  iagénieurs,  officiers  en  congé, 
plus  on  jardinier.  Elle  emporte  à  l'usage  des  elielii  nègres  cinquante  iinilqnnes 
des  hnssards  de  la  g^de. 

Des  lettres  de  la  fin  de  décembre,  de  MM.  Ooillard  et  Jeanmalret  an  Comité  des 
missions  de  Paris,  annoncent  qn'à  cette  date 'l'expédltkMi  avait  été  éprouvée  de 
diverses  manières,  mais  qu'elle  n'avait  aucune  perte  à  déplorer.  Le  nouveau  roi 
des  Ba-Rotsé,  Âkoufouna,  avait  envoyé  à  SèMké  des  bateaux  pour  faire  venir 
les  missionnaires  à  sa  résidence,  Lialui.  "M.  Colllurd  est  parti  avec  Aaron  l'évan- 
géliste  et  M.  Middleton,  laissant  par  prudence  M.  Jeuimairet  à  Leshoma. 

Une  ambassade  de  la  tribu  de  Mosiéla,  qui  habite  près  du  Zambèse,  est  venue  à 
Pretoria  apportant,  pour  le  gouvernement,  ttee  défense  d'éléphant  en  témoignage 
d'amitié. 

Le  gouvernement  britannique  a  fait  à  cehd  de  la  Colonie  du  Cap  une  avance  de 
dix  millions  de  francs,  pour  prolonger  le  résUftU  des  chemins  de  fer,  de  Hopetown 
jusqu'à  Eimberley,  à  la  condition  que  le  travsil  sera  termîué  dans  l'espace  de 
sept  mois. 

M.  Narciso  ^eyo,  attaché  à  la  Compagnie  royale  des  chemins  de  fer  portugais, 
se  propose  d'établir  à  Huilla,  province  de  Mossamédèa,  un»  eolonie  portugaise 
agricole,  commerciale  et  civilisatrice. 

L'expédition  du  lieutenant  Schulze  est  arrivée  à  San-Salvador,  où  le  roi  Don 
Pedro  y  lui  a  fait  un  très  cordial  accueil.  Dès  lors  M.  Schulse  est  mt>rt. 

Une  troupe  missionnaire  de  cinquante  personnes,  prédicateurs,  médecins,  méca- 
niciens, feriniers  avec  leurs  familles,  formant  toute  une  petite  communauté  chré- 
tienne, est  partie  de  New-York  pour  le  Congo. 

Le  P.  Merlon  va  fonder  une  nouvelle  mission  française  sur  les  bords  du  Stanley- 
Pool. 

J.  Thomson  s'est  rendu  sur  le  Niger  moyens  pour  y  fonder  un  établissement  sur 
un  territoire  acquis  par  PAfrican  Trading  Company,  le  long  d'un  des  tributaires 
du  fleuve. 

M.  Bar  do  a  l'intention  de  retourner  dans  la  région  du  Bénoué,  qu'il  a  déjà 
explorée  avec  le  comte  de  Semelle. 

On  annonce  de  Londres  qu'une  maison  de  Hambourg  établie  à  Lagos  a  acquis, 
au  nord  et  à  l'est  de  cette  ville,  de  vastes  territoires  sur  lesquels  le  D' Nachtigal 
a  arboré  le  drapeau  dé  l'empire  allemand. 

Sir  Samuel  Rowe,  gouverneur  des  possessions  anglaises  dé  l'Afirique  occidentale, 
a  reçu  comme  instructions  de  rétablir,  par  des  moyens  pacifiques,  Fordre  et  la 
tranquillité  dans  le  pays  agacent  à  Sierra-Leone  et  à  Sherbro,pour  y  faire  revivre 
le  commerce. 

La  Chambre  des  députés  du  Portugal  a  adopté  le  contrat  préparé  pour  l'établis- 
sement d'un  câble  télégraphique  sur  la  côte  occidentale  d'Afrique. 

Aux  derniers  examens  du  Local  Marine  Board,  à  Liverpool,  M.  John  Metzger, 
natif  de  Sierra*Leone,  a  obtenu  le  diplôme  d'ingénieur  de  première  classe;  c'est  le 
premier  Africain  de  la  côte  occidentale  qui  ait  obtenu  cet  honneur. 


_-j 


—  166  —  ' 

.  Une  nouTeUe  station  misaioniiâire  protestante  sera  fondée  à  EerbaUt  (Sén^;al); 
M.  et  M"**  Taylor  seront  rempUcés  temporairement  par  MM.  Mabille  et  Morin, 
heureusement  arrivés  à  Saînt-Lonis. 

La  Société  africaine  espagnole  rétablira  les  comptons  pillés  et  détruits  par  les 
Arabes  du  Bio^del-Oro.  Les  nafires  envoyés  des  Canaries  pour  ch&tier  les  coupa* 
blés  n'ont  trouvé  personne^  les  individus  compromis  s'étant  tous  retirés  dans  l'in* 
térieur.  ..         • 

Le  nottveacu- ministre  de  France  au  Maroc  doit  aller  prochainement  présenter 
ses  lettres  de  créance  aa  sultan,  à  Mequines.  Il  sera  accompagné  par  M.  H*  Duvey- 
rier,  chargé  de  faire  un  voyage  scientifique  dans  l'intérieur  du  Maroc 

M.  Saturnine  GHimenez  est  rentré  ^  Espagne,  «près  avoir  visité  les  tribus  du 
sud  du  Maroc,  et  exploré  ensuite  le  bassin  de  la  Moulouya  entre  l'Algérie  et  le 
Maroc. 


LES  GISEMENTS  AURIFERES  DU  TRANSVAAL 

Dans  rarticle  que  nous  avons  consacré  aux  gisements  aurifères  en 
Afrique  (H""  année,  p.  18-22),  nous  avons  dit  quelques  mots  de  ceux  du 
TransvaaJ,  qui  commençaient  à  attirer  Tattention  des  colons  du  sud  de 
rAfrique.  Dès  lors  le  nombre  des  gisements  découverts  s'est  étendu, 
Timportance  de  la  quantité  d'or  qu'on  peut  en  espérer  a  été  mieux 
constatée,  des  améliorations  ont  été  apportées  à  l'exploitation  ;  quoiqu'il 
y  ait  encore  beaucoup  de  progrès  à  faire  à  cet  égard,  le  moment  nous 
parait  venu  de  réunir  dans  un  exposé  succinct  les  résultats  obtenus  jus- 
qu'à ce  jour.  Nous  nous  aiderons  pour  cela  des  données  que  nous  four- 
nissent d'une  part,  le  Cwpe  Argus  et  le  Natal  Mercury^  et  d'autre  part, 
les  Mittheïlungen  de  Gotha  qui  ont  consacré  à  cette  question  deux  arti- 
cles accompagnés  de  deux  cartes,  l'une  géologique,  de  l'Afrique  aus- 
trale-orientale, l'autre,  plus  spécialement  destinée  à  montrer  l'emplace- 
ment et  l'étendue  des  gisements  connus  aujourd'hui.  Ces  cartes  étaient 
nécessaires  au  gouvernement  de  la  république  sud-africaine,  aussi  bien 
qu'aux  nombreuses  personnes  intéressées  dans  les  concessions  minières 
du  Transvaal.  M.  Haevernick  de  Pretoria,  qui  les  a  dressées,  est  per- 
suadé qu'une  exploitation  sérieuse  de  ces  gisements  ne  peut  se  faire 
que  par  des  spécialistes  européens  désintéressés,  par  une  commission 
internationale  de  géologues  minéralogistes,  qui  apprécieraient  d'une 
manière  générale  la  valeur  des  mines  découvertes  ;  néanmoins  les  docu- 
ments dont  il  s'est  servi  pour  les  établir  permettent  d'en  admettre  les 
données  avec  confiance  ;  elles  ont  pour  base  les  levés  de  M.  Haever- 
nick lui-même  et  les  observations  de  Mauch,  Jeppe,  sir  G.  Colley,  P. 
Berthoud,  Riedle,  Rissik,  Loveday,  Machado,  etc. 


—  157  — 

Jusqu'ici  il  n'y  a  pas  eu  d'exploration  détaillée  faite  par  des  experts  ; 
des  mineurs  ont  tenté  la  fortune,  tantôt  sur  un  point  tantôt  sur  un 
autre,  avec  des  chances  diverses,  sur  des  conjectures  ou  des  indications 
particulières.  Dès  qu'un  gisement  réel  était  constaté,  le  gouvernement 
accordait  des  concessions  d'exploitatioB,  que  souvent  le  concessionnaire 
délaissait  bientôt  comme  improductives  ;  aussi  la  répartition  des  forma- 
tions aurifères  ne  put-elle  être  connue  qu'après  qu'on  eut  étudié  exac- 
tement les  emplacements  renfermant  de  l'or.  L'exploitation  n'est  pas 
encore  sortie  de  la  période  d'essai,  et,  avant  que  l'on  ait  obtenu  un 
rendement  plus  rémunérateur,  ou  que  l'on  puisse  espérer  le  voir  acquis 
par  de  plus  grandes  facilités  de  communication,  on  ne  peut  compter  sur 
un  relevé  exact  des  territoires  en  question,  parce  que  les  capitalistes, 
les  mineurs,  les  géologues  n'aiment  pas  à  dépenser  leur  temps  et  de 
fortes  sommes  d'argent  à  des  entreprises  qui,  quoique  très  importantes, 
ne  promettent  pas  un  gain  assuré.  D'ailleurs  l'état  des  finances  du  gou- 
vernement auquel  incombe  le  devoir  de  faire  faire  l'exploration  du  pays 
à  ce  point  de  vue,  ne  lui  a  pas  permis  de  vouer  toute  son  attention  à  ce 
sujet- 
Ce  fut  Mauch  qui,  le  premier  dans  l'époque  moderne,  découvrit  en 
1867  de  l'or  à  Tati,  dans  le  pays  des  Ma-Tébélé.  Sa  découverte  donna 
une  impulsion  énergique  à  des  recherches  dans  le  Transvaal.  Déjà 
l'année  suivante,  Mauch  lui-même  y  constata  l'existence  de  terrains 
aurifères  dans  la  chaîne  des  monts  Murchison,  au  nord  de  l'Oliphant's 
River,  affluent  du  Limpopo,  mais  ils  ne  parurent  pas  pouvoir  fournir 
une  exploitation  rémunératrice.  La  première  exploitation  au  Transvaal 
fut  entreprise  à  Marabastad,  oii  Button  découvrit  de  l'or  en  187L 
Pendant  plusieurs  années  on  travailla  dans  les  mines  de  Eerstelling 
voisines  de  cette  ville,  mais  sans  grand  profit.  Lorsqu'on  1873  se  répandit 
la  nouvelle  de  la  découverte  d'or  d'alluvion  dans  la  vallée  de  la  Blyde, 
affluent  de  l'Oliphant's  Kiver,  au  N.-E.  de  Lydenbourg,  les  mineurs  y 
affluèrent,  mais  le  lavage  des  dépôts  n'étant  pas  très  profitable,  ils 
durent  se  mettre  à  l'exploitation  de  la  couche  de  quartz  aurifère  exis- 
tant dans  cette  partie  du  Transvaal.  Coup  sur  coup  on  ouvrit  des  mines 
près  de  Mac-Mac  (concession  de  Pilgrira's  Rest),  dans  laquelle  on 
trouva  quelques  pépites  extrêmement  grosses  ;  puis,  à  Waterfall-Creek, 
à  Rotund-Creek,  et  enfin,  à  Spitzkop  aux  sources  de  la  Blyde.  En  géné- 
ral on  vit  se  renouveler  ici  l'expérience  faite  dans  d'autres  districts  du 
Transvaal  ;  on  trouva  quelques  dépôts  d'une  grande  valeur,  en  sorte 
que  quelques  mineurs  firent  fortune  en  peu  de  temps,  mais  ce  furent 


—  15Ô  — 

des  exceptions.  La  plupart  des  ouvriers  gagnaient  à  peine  de  quoi  sub- 
venir à  leur  entretien. 

Les  années  suivantes  amenèrent  la  découverte  des  gisements  de 
Nylstroom  dans  le  district  de  Waterberg,  de  Blaubank  dans  les  monts 
Witwaters  au  sud  de  Pretoria,  d'Elands  Spruit  sur  le  cours  supérieur 
de  la  rivière  dés  Crocodiles,  de  TÂmasonazi  Land,  de  Schola  Spruit 
dans  le  district  de  Potchefstrom,  des  Dwarsberg  dans  le  district  de 
Marico  ;  enfin,  ceux  des  environs  de  Pretoria.  Les  roches  aurifères 
paraissent  répandues  dans  tout  le  nord  et  le  nord-est  du  Transvaal.  La 
découverte  la  plus  importante  fut  celle  des  mines  de  De  Eaap,  sur  la 
petite  rivière  Lempogwan,  qui  se  jette  dans  la  rivière  des  Crocodiles. 

L^exploitation  donnait  déjà  les  plus  grandes  espérances,  lorsque  sur- 
vint une  circonstance  qui  lui  porta  un  coup  fatal.  En  1876  commença  la 
guerre  des  Boers  contre  Secocoeni,  qui  s'était  retranché  dans  les  monts 
Lolou,  au  nord-ouest  de  Lydenbourg,  et  troublait  la  sécurité  de  toute 
la  contrée  avoisiuante.  Quoique  les  ouvriers  travaillant  aux  mines  ne 
courussent  pas  un  danger  imminent,  cette  lutte,  qui  dura  des  mois  et 
se  termina  par  la  dispersion  de  l'armée  des  Boers  et  par  le  triomphe  de 
Secocoeni,  exerça  dans  tout  le  Transvaal  une  influence  qui  futloia 
d'être  favorable  aux  entreprises  minières.  L'annexion  ultérieure  du 
Transvaal  par  la  Grande-Bretagne,  la  soumission  de  Secocoeni  par  le 
général  Wolseley  qui,  outre  les  troupes  régulières  dut  lever  un  corps 
considérable  de  volontaires,  en  grande  partie  ouvriers  mineurs,  et  un 
autre  corps  de  8000  Souazi,  l'irritation  croissante  des  Boers  contre 
la  domination  anglaise,  et  la  guerre  de  l'indépendance,  n'étaient 
pas  propres  à  contribuer  au  développement  de  l'exploitation  des  mines; 
aussi  la  plupart  d'entre  elles  furent  abandonnées,  ou  bien  le  travail  y 
fut  réduit  au  minimum. 

Une  amélioration  à  cet  état  de  choses  ne  se  produisit  que  lorsque, 
en  1881,  le  Transvaal  eut  assuré  son  indépendance  par  le  traité  de 
Pretoria.  C'est  alors  que  fut  annoncée  la  découverte  des  mines  de  De 
Kaap,  qui  coïncida  avec  une  crise  sérieuse  dans  l'exploitation  des  mines 
de  diamants  de  Kimberley,  où  l'éboulement  des  parois  intermédiaires 
des  puits  arrêta  pour  longtemps  le  travail,  et  causa  la  ruine  de  plu- 
sieurs sociétés  d'actionnaires.  Des  centaines  d'ouvriers  européens  et 
indigènes  perdirent  ainsi  leur  gagne-pain  et  se  portèrent  vers  les  mines 
du  Transvaal,  oU  beaucoup  d'entre  eux  ne  trouvèrent  que  déception, 
soit  parce  qu'ils  n'avaient  pas  l'expérience  nécessaire  pour  ce  nouveau 
travail,  soit  parce  qu'ils  l'entreprirent  avec  des  ressources  insuffi- 
santes. 


—  159  — 

Les  difficultés  que  présente  Texploitation  des  mines  d'or  du  Trans- 
vaal  sont  beaucoup  plus  grandes  qu'en  Australie  et  en  Californie.  Dans 
la  plupart  des  gisements,  Tor  est  incrusté  dans  le  quartz  et,  en  Tab- 
sence  de  machines,  ne  peut  en  être  extrait  que  par  un  travail  très  péni- 
ble. Dans  les  vallées  inférieures  où  sont  les  dépôts  d'or  d'alluvion,  le 
lavage  est  rendu  difficile  par  le  peu  d'eau  qu'elles  possèdent.  Il  faudrait 
des  capitaux  considérables  pour  installer  des  machines  afin  de  désagré- 
ger le  quartz  ;  mais  ces  capitaux  manquent,  la  crise  de  Kimberley  ayant 
ébranlé,  dans  toute  l'Afrique  australe,  la  confiance  des  capitalistes  dans 
le  rendement  des  raines  d'or.  Plus  récemment,  et  depuis  que  de  nou- 
veaux terrains  aurifères  ont  été  découverts  le  long  de  plusieurs  affluents 
de  la  rivière  des  Crocodiles,  aux  mines  de  Moodie  ',  de  Devil's  Kantoor, 
de  Barrett,  etc.,  et  que  le  lavage  et  les  galeries  de  celles  de  De  Kaap 
ont  pris  plus  d'extension,  des  compagnies  minières  se  sont  formées,  pour 
la  plupart  de  capitalistes  anglais,  et  on  a  monté  quelques  machines  pour 
broyer  le  quartz. 

Mais  l'exploitation  de  tous  ces  gisements  du  Transvaal  ne  pourra 
devenir  rémunératrice  que  lorsque  le  chemin  de  fer  de  la  baie  de  Dela- 
goa  sera  construit.  Déjà  en  1870  le  gouvernement  du  Transvaal  en 
avait  projeté  un  de  Pretoria  à  Lorenzo  Marquez  ;  la  compagnie  à  la- 
quelle il  avait  été  concédé  ne  put  trouver  les  fonds  nécessaires,  et  le 
projet  ne  fut  repris  que  lorsque,  en  1876,  le  gouvernement  résolut  de 
l'exécuter  lui-même.  Un  emprunt  de  7,500,000  francs  fut  conclu  en  Hol- 
lande, mais  l'annexion  du  Transvaal  par  l'Angleterre  arrêta  tout.  Celle- 
ci  n'avait  aucun  iiitérêt  à  doter  le  Transvaal  d'une  route  directe  vers 
rOcéan  et  les  possessions  portugaises.  Après  que  le  traité  de  Pretoria, 
en  1881,  eut  rendu  à  la  république  sud-africaine  son  indépendance,  et 
lorsque  l'on  put  espérer  voir  le  commerce  se  relever,  l'attention  se  porta 
de  nouveau  sur  le  projet  de  chemin  de  fer,  mais  il  fallait  en  modifier  le 
tracé,  pour  éviter  le  Souazi  Land,  auquel  le  traité  de  Pretoria  garantis- 
sait son  indépendance  du  Transvaal.  Le  major  Machado,  ingénieur 
portugais,  fit  en  1881  et  1882  un  nouveau  tracé,  qui  devait  mettre  les 
mines  d'or  du  bassin  de  la  rivière  des  Crocodiles  en  communication 
directe  avec  l'Océan. 

La  construction  de  cette  ligne  paraît  indispensable  pour  une  exploi- 
tation prospère.  Actuellement  les  frais  de  transport  d'une  tonne  de 

*  D'après  une  correspondance  du  Cape  Argus^  de  Moodie,  on  n'a  pas  découvert 
moins  de  26  gisements  dans  Tespace  des  douze  derniers  mois. 


—  160  — 

marchandises,  de  Port-Natal  à  Lydenbourg,  s'élèvent  à  875  fr. ,  sans  comp- 
ter les  droits  d'entrée  et  de  transit  que  le  gouvernement  de  Natal  a 
encore  augmentés.  L'installation  de  machines  pour  l'exploitation 
minière  est  donc  extrêmement  coûteuse,  et  le  combustible  doit  suivre 
la  même  voie.  Dès  lors  la  production  ne  peut  être  rémunératrice  que 
sur  les  gisements  les  plus  riches. 

La  conclusion  de  la  convention  de  Londres,  en  1884,  en  assurant  au 
Transvaal  une  indépendance  plus  grande  que  ne  le  faisait  celle  de  Pre- 
toria de  1881,  et  en  allégeant  la  dette  de  la  république  sud-africaine, 
avait  fait  espérer  que  le  chemin  de  fer  pourrait  être  construit  un  peu 
promptement  ;  mais  cet  espoir  ne  s'est  pas  réalisé.  La  tentative  d'un 
emprunt  de  12,000,000  fr.,  à  Amsterdam,  a  échoué,  et,  pendant  un  cer- 
tain temps  encore,  les  relations  du  Transvaal  avec  le  dehors  devront 
avoir  lieu  par  la  voie  coûteuse  de  Natal,  ce  qui  retardera  certainement 
le  développement  de  ce  pays.  Sans  doute  la  route  de  Lydenbourg  et 
des  mines  d'or  de  ce  district  à  la  baie  de  Delagoa  est  beaucoup  plus 
courte  que  celle  de  Durban,  mais  elle  présente  des  difficultés  sérieuses, 
en  sorte  que  jusqu'ici  une  faible  partie  seulement  de  l'importation  et  de 
l'exportation  du  Transvaal  l'a  adoptée,  quoique  le  Portugal,  afin  d'ac- 
croître le  trafic  de  sa  colonie,  ne  réclame  que  le  3  Vo  P^^^  1^  droits 
d'entrée.  La  route  de  Lorenzo  Marquez  passe,  sur  une  longueur  de  80 
kilomètres,  à  travers  un  pays  plat,  marécageux,  foyer  d'émanations 
pestilentielles  pour  les  hommes  et  les  bêtes  de  somme,  qui  ne  peuvent 
le  parcourir  sans  trop  de  dangers  que  pendant  les  mois  de  juin  à  août. 
Du  passage  de  la  Comati,  par  les  monts  Libombo ,  chaîne  frontière 
entre  le  Transvaal  et  la  colonie  portugaise,  jusqu'aux  mines  d'or,  sur 
une  étendue  de  plus  de  160  kilomètres,  le  terrain  est  très  coupé,  des 
pentes  abruptes  alternent  avec  des  gorges  semblables  aux  canons  du 
Colorado,  et  l'on  ne  peut  les  franchir  qu'avec  de  grandes  pertes  de 
temps  et  de  bêtes  de  somme.  Aussi  la  construction  d'une  voie  de  com- 
munication directe  avec  l'Océan,  quelque  désirable  qu'elle  soit,  peutrelle 
se  faire  attendre  longtemps  encore. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

Les  MI88IOKS  ÉvAKaÉLiQUES  depuis  leur  origine  jusqu'à  nos  jours,  par 
G.  K  Burckhardt  et  R.  Orundemann.  T.  II,  Afrique.  Lausanne  (G. 

^  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  B&Ie,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  VAfriq%ie  ea^ûiorée  et  civilisée. 


—  161  — 

Bridel),  1884,  in-8**,  520  p.  avec  5  cartes,  fr,  6.  —  Voici  le  deuxième 
volume  d'une  œuvre  d'ensemble  sur  les  missions  évangéliques  du  globe 
entier,  sauf  TËurope.  Le  tome  premier  est  consacré  à  TAmérique,  les 
deux  autres  le  seront  à  TAsie  et  à  TOcéanie.  Le  comité  vaudois  de 
rUnion  évangélique  a  été  bien  inspiré  en  les  faisant  traduire  de  l'alle- 
mand, car  nous  avons  là  un  ouvrage  substantiel,  solide,  dans  lequel 
rien  d'important  n'a  été  oublié  ;  toutes  les  informations  qu'il  fournit 
sont  utiles  à  connaître  ;  la  consultation  en  est  rendue  facile  par  un 
répertoire  alphabétique  détaillé  à  la  fin  du  volume. 

Ce  n'était  cependant  pas  une  petite  tâche  de  décrire  l'état  actuel  des 
missions  africaines,  car  il  y  a  une  trentaine  de  sociétés,  —  anglaises, 
américaines,  allemandes,  françaises,  suisses,  Scandinaves,  —  à  l'œuvre 
dans  cet  immense  continent,  sans  parler  de  sept  missions  entreprises 
par  les  catholiques  romains.  Le  champ  d'activité  de  ces  sociétés  n'em- 
brasse pas  seulement  la  région  côtiëre  du  Sénégal  au  Pays  du  Cap  et  à 
l'Abyssinie  ;  sur  un  grand  nombre  de  points ,  nous  trouvons  les  stations 
missionnaires  déjà  assez  en  avant  vers  le  centre  du  continent  :  chez  les 
Achantis,  le  long  du  Congo  moyen,  au  Bihé,  dans  l'Ovampo  et  le  Dama- 
raland,  au  Zambëze,  au  Transvaal  et  dans  la  région  des  trois  lacs 
Nyassa,  Tanganyika  et  Victoria-Nyanza. 

Les  auteurs  n'ont  pas  voulu  présenter  simplement  une  étude  de  l'œu- 
vre chrétienne  dans  les  diverses  régions  où  travaillent  des  missionnai- 
res. Leur  but  a  été  plutôt  de  peindre,  dans  un  vaste  tableau,  à  la  fois 
l'histoire  des  découvertes,  le  pays,  ses  habitants,  les  efforts  faits  de 
toutes  parts  pour  les  relever,  et  les  résultats  déjà  obtenus.  Pour  chacune 
des  trois  parties  de  l'ouvrage  :  Afrique  occidentale,  australe  et  orien- 
tale, après  le  récit  des  premières  explorations,  ils  décrivent  la  géogra- 
phie physique  et  l'ethnographie  du  pays,  afin  de  faire  bien  comprendre 
les  conditions  dans  lesquelles  s'est  trouvée  telle  ou  telle  mission,  ce  qui 
en  explique  souvent  la  réussite  ou  l'insuccès. 

Après  ces  informations  préliminaires  vient  l'exposé  historique  de 
chaque  mission,  depuis  sa  fondation  jusqu'à  nos  jours,  car,  si  l'ouvrage 
aUemand  s'arrêtait  à  quelques  années  en  arrière,  le  traducteur  s'est  fait 
un  devoir  de  donner  des  détails  complémentaires  sur  l'état  actuel  de 
chacun  des  champs  d'activité  des  sociétés  missionnaires  jusqu'à  la  fin 
de  1883,  sur  le  nombre  de  leurs  agents  européens  ou  indigènes,  de  leurs 
écoles,  des  convertis,  etc.  C'est  dans  l'histoire  du  développement  de 
toutes  ces  missions,  que  l'on  peut  se  faire  une  idée  des  difficultés  de  la 
tâche  des  missionnaires,  mais  aussi  de  la  variété  étonnante  des  moyens 


—  162  — 

employés  pour  atteindre  le  même  but,  variété  provenant  des  différences 
de  nationalité  ou  de  dénomination  chrétienne  auxquelles  appar- 
tiennent les  agents  ;  impossible  d'évaluer  la  somme  de  dévouements 
mis  au  service  de  cette  œuvre,  ni  l'étendue  des  sacrifices  qu'elle  a 
coûtés  et  qu'elle  coûte  annuellement  ;  mais  il  est  salutaire  de  voir  l'em- 
pressement avec  lequel  de  nouveaux  missionnaires  se  présentent,  pour 
combler  les  vides  que  la  mort  fait  dans  les  rangs  de  ces  héros  qui  expo- 
sent journellement  leur  vie  pour  sauver  leurs  frères  noirs.  Ceux  qui 
liront  ce  volume  comprendront  sans  peine  tout  ce  que  la  science  et  la 
civilisation  doivent  aux  missionnaires.  Des  cartes,  gravées  à  Lausanne, 
indiquent  la  position  des  stations  qui  y  sont  mentionnées  et  pennettent 
au  lecteur  de  s'orienter  sans  peine. 

C'est,  on  peut  le  dire,  un  ouvrage  classique,  et  il  suffira  de  le  mettre 
à  jour  pour  qu'il  rende,  pendant  de  longues  années,  de  grands  services 
aux  personnes  qui  s'occupent  spécialement  des  missions  ;  aux  autres,  il 
permettra  de  se  faire  une  idée  exacte  de  l'œuvre  de  chaque  société,  car 
les  jugements  qu'il  porte  sur  chacune  d'elles  sont  motivés  et  sagement 
pesés.  Les  critiques  ne  manquent  pas,  mais  elles  sont  justes  ;  l'une  des 
principales  vise  l'état  de  lutte  sourde  dans  lequel  vivent  les  établisse- 
ments de  sociétés  différentes  dans  une  même  région.  Le  christianisme 
ne  s'y  présente  pas  aux  païens  comme  quelque  chose  d'homogène,  et 
les  divisions  de  partis  en  guerre  les  uns  contre  les  autres  ne  peuvent  que 
nuire  beaucoup  à  ses  progrès.  Aussi  appelons-nous  de  tous  nos  vœux 
le  moment,  où,  par  suite  d'une  entente  entre  les  diverses  sociétés,  cha- 
cune d'elles  aura  son  champ  d'activité  bien  défini,  et  pourra  travailler 
à  la  régénération  des  indigènes  avec  un  zèle  exempt  de  toute  jalousie. 

A  TRAVERS  LE  FouTA-DuLLON  ET  LE  Bambouc,  par  Emest  Nùiroij. 
attaché  à  la  mission  Bayol.  Paris  (Maurice  Dreyfus),  in-S"*,  360  p.,  avec 
planches  et  carte,  fr.  5.  —  Le  voyage  raeonté  dans  ce  livre  a  eu  lieu  en 
1881,  mais  les  événements,  tant  européens  que  coloniaux,  se  précipi- 
tent avec  une  telle  rapidité,  que  l'on  a  peut-être  oublié  l'expédition 
dont  il  s'agit.  Placée  sous  la  direction  du  D'^  Bayol,  actuellement  lieu- 
tenantrgouvemeur  à  Dakar,  et  comprenant  en  outre  MM.  Noirot  et 
Billet,  elle  avait  pour  but  l'exploration  du  Fouta-Diallon  et  du  Bambouc, 
et  surtout  la  conclusion  de  traités  de  bonne  amitié  et  de  conmierce  avec 
les  souverains  de  ces  pays.  Partie  de  Boké,  sur  le  Rio-Kunez,  la  mission 
remonta  ce  fleuve  et  entra  dans  la  région  montagneuse  qui  se  rattache 
au  massif  du  Loma.  Après  avoir  séjourné  quelque  temps  à  Timbo,  la 


—  163  — 

capitale  du  Fouta-Diallon,  elle  revint  par  le  Bambouc  et  le  Sénégal. 
Les  explorateurs  ramenèrent  avec  eux  à  Paris  une  ambassade  Peulb, 
envoyée  parles  tribus  du  Fouta-Diallon  auprès  du  gouvernement  de  la 
République,  pour  l'assurer  que  les  traités  seraient  respectés.  Composée 
de  quatre  hauts  personnages,  chefis  ou  généraux,  la  mission  Peulh  resta 
un  mois  h  Paris  et  fut  fêtée  soit  par  les  autorités,  soit  par  les  différentes 
sociétés  de  la  capitale.  Nul  doute  que  les  ambassadeurs  ne  soient 
retournés  dans  leur  pays  avec  une  bonne  impression  qui  aura  la  plus 
heureuse  influence  sur  les  relations  futures  de  la  France  avec  ces  pays. 
C'est  dans  l'introduction  que  l'auteur  raconte  le  séjour  de  l'ambassade 
Peulh  et  les  impressions  que  notre  civilisation  fit  sur  ces  noirs.  Les 
réflexions  et  les  marques  d'admiration  que  les  créations  de  notre  indus- 
trie moderne  leur  arrachèrent  souvent  feront  sourire  plus  d'un  lecteur. 

Du  reste,  l'ouvrage  tout  entier  est  écrit  avec  humour  et  présente  un 
grand  intérêt.  Il  est  illustré  de  17  dessins  exécutés  par  l'auteur,  et  d'une 
carte  en  noir  qui  présente  peu  de  détails  à  cause  de  la  petitesse  de 
l'échelle.  M.  Noirot  a  vaincu  une  grande  difficulté  en  notant  les  princi- 
pales chansons  qu'il  à  entendues  chez  les  Peulhs  et  les  Malinkés.  On 
consultera  avec  curiosité  ces  morceaux,  qui  montrent  que  les  nègres 
sont  capables  de  faire  de  la  musique  harmonieuse,  quoique  en  général 
traînante  et  triste.  Mais  il  ne  lui  a  pas  été  possible  d'en  reproduire  les 
accompagnements,  qui  se  composent  d'ordinaire  de  deux  notes  discor- 
dantes touchées  ensemble. 

A  côté  du  récit  du  voyage,  d'études  de  mœurs  et  de  charmantes 
digressions,  l'ouvrage  renferme  une  description  sérieuse  du  Fouta- 
Diallon  et  du  Bambouc.  La  première  de  ces  contrées  jouit,  grâce  à  son 
altitude,  d'un  climat  tempéré  et  relativement  salubre.  Les  productions 
sont  nombreuses  et  variées  ;  cependant,  grande  comme  la  France,  elle  ne 
renferme  qu'un  million  d'habitants.  Elle  est  donc  dans  d'excellentes 
conditions  pour  devenir  une  florissante  colonie.  U  n'en  est  pas  de  même 
du  Bambouc,  dont  l'insalubrité  empêchera  toujours  les  Européens  de  s'y 
établir  en  grand  nombre;  M.  Noirot  parle  beaucoup  de  ses  mines  d'or, 
mais  les  tentatives  d'exploitation  faites  il  y  a  peu  de  temps  n'ont  pas 
réussi,  et  les  explorations  récentes  n'ont  pas  révélé  de  gisements  aurifères 
comparables  à  ceux  du  pays  de  Wassaw  et  du  Transvaal. 

Life  m  the  Soudan.  Ad vektures  among  ths  tribes,  and  travels  in 
Egypt,  in  1881  and  1882,  by  D' Josiah  Williams  F.  B.  Q.  S.  London 
(Remington  et  C*),  1884,  in-8'»,  338  p.,  illustré.  —  L'auteur  est  un  de 


—  164  — 

ces  nombreux  Eui*opéeiis  qui  ont  profité  de  la  tranquillité  relative  dont 
a  joui  le  Soudan  jusqu'en  1883,  sous  la  domination  égyptienne,  pour  en 
visiter  certaines  parties.  Il  accompagnait,  en  qualité  de  médecin,  six  gen- 
tlemen qui,  dédaignant  les  routes  frayées  et  l'itinéraire  si  souvent  suivi, 
de  l'Egypte  à  Khartoum  et  à  Lado  par  le  Nil,  allèrent  en  1881  et  1882 
explorer  la  région  beaucoup  moins  connue  comprise  entre  Souakim, 
Kassala,  Massaoua  et  l'Abyssinie. 

Les  sept  premiers  chapitres  sont  consacrés  au  voyage  d'Angleterre  à 
Souakim  par  Paris,  Milan,  Brindisi,  Alexandrie,  le  Caire,  Suez  et  la 
mer  Rouge.  De  Souakim  les  explorateurs  s'enfoncèrent  dans  l'intérieur 
vers  le  S.-O.,  visitèrent  Eassaia  et  le  Taka,  le  pays  des  Bazen  et  des 
Beni-Amer,  la  région  septentrionale  de  l'Abyssinie  et  revinrent  ea 
Angleterre  par  Massaoua,  la  mer  Rouge  et  le  canal  de  Suez. 

La  narration  vivement  conduite,  est  d'un  grand  intérêt.  Les  traits  de 
mœurs  abondent  et  l'on  sait  que  ces  populations,  que  l'Egypte  ni 
l'Abyssinie  n'ont  réussi  à  soumettre,  ont  des  coutumes  fort  curieuses  qui 
se  distinguent  sous  beaucoup  de  rapports  de  celles  des  peuples  voisins. 
Leur  pays  est  du  reste  montueux  et  bien  arrosé.  Les  récits  de  chasse 
i*emplissent  bien  des  pages.  L'auteur  étudie  aussi  la  contrée  au  point 
de  vue  politique,  et  ses  réflexions  sur  la  domination  égyptienne  et  sur 
l'œuvre  de  Gordon  dans  le  Soudan,  sur  la  situation  de  l'Abyssinie,  enfin 
sur  le  rôle  des  Arabes  dans  cette  région,  sont  bonnes  à  consulter  et 
pleines  d'actualité. 

L'ouvrage  est  illustré  de  7  gravures  assez  belles,  mais  il  y  manque 
une  carte,  ce  qui  est  très  regrettable,  les  atlas  étant  fort  incomplets 
sur  cette  contrée  encore  aujourd'hui  peu  connue.  Espérons  que  cette 
lacune,  qui  rend  très  difficile  la  lecture  de  certaines  parties  du  volume, 
sera  comblée  dans  la  seconde  édition. 

Die  DEUTSCHE  EoLONiE  Eameeun,  von  D' Ant  Bdchenow.  Mit  einer 
Karte.  Berlin  (Gustave  Behrend),  1884,  in-8*,  51  pages.  —  Voici  une 
monographie  sérieuse  et  suffisamment  complète  de  la  nouvelle  colonie 
allemande  du  Cameroun.  Plusieurs  voyageurs  et  marchands  en  ont  déjà 
parlé  longuement,  chacun  à  son  point  de  vue;  mais,  d'ordinaire,  dans 
leui*s  récits,  les  matières  ne  sont  pas  classées,  et  il  faut  souvent  par- 
courir tout  un  volume  pour  y  trouver  ce  que  l'on  cherche.  Dans  cette 
brochure,  au  contraire,  l'auteur  réunit  les  principaux  renseignements 
recueillis  et  les  coordonne,  étudiant  successivement  la  nature  du  pays, 
sa  flore,  sa  faune  et  son  climat,  le  caractère  et  les  mœurs  des  indigènes. 


—  165  — 

leurs  rapports  avec  les  Européens,  enfin,  Tavenir  du  commerce  du 
Cameroun.  Plusieurs  pages  sont  consacrées  au  dualisme  anglo-allepand 
dans  cette  partie  de  TÂfrique.  M.  Reichenow  est  un  partisan  convaincu 
de  la  politique  coloniale  actuelle  de  TAIlemagne.  Il  croit  que  le  com- 
merce et  l'industrie  de  sa  patrie  ne  peuvent  qu'en  bénéficier.  D  est  vrai 
que  l'AUemagne  est  venue  la  dernière,  et  qu'il  ne  reste  plus  beaucoup 
de  bonnes  terres  à  conquérir  ;  néanmoins  l'auteur  trouve  qu'elle  a  bien 
commencé,  et  que  le  Cameroun,  situé  au  seuil  de  l'immense  région  cen- 
trale africaine,  a  un  grand  avenir. 

Les  arabes  dans  l' Afrique  centrale,  par  Adolphe  Burdo.  Paris 
(Dentu),  1885,  in-8*,  48  p.  —  L'explorateur  du  Niger,  du  Bénoué  et 
de  la  côte  orientale  d'Afrique  jouit  dans  le  monde  géographique  d'une 
légitime  autorité.  Mais  dans  la  thèse  qu'il  soutient  aujourd'hui,  il  ne 
peut  manquer  de  rencontrer  de  nombreux  contradicteurs  qui  n'auront 
pas  beaucoup  de  peine,  croyons-nous,  à  la  réftiter.  Vouloir  montrer  que 
les  Arabes  sont  en  Afrique  les  agents  et  les  alliés  de  l'Européen,  c'est  se 
mettre  en  désaccord  avec  tous  les  événements  contemporains.  Ne  sont- 
ce  pas  les  Arabes  et  les  nègres  musulmans  qui  opposent  la  plus  forte 
barrière  à  l'influence  européenne  dans  le  Nord  particulièrement,  où  les 
Anglais  sont  aujourd'hui  même  aux  prises  avec  eux,  et  où  les  Français 
sont  toujours  contre  eux  en  lutte,  tantôt  sourde,  latente,  tantôt  vio- 
lente? Combien  de  crimes,  de  meurtres  de  voyageurs  ne  doivent  pas 
leur  être  imputés?  Ce  sont  surtout  les  missionnaires  chrétiens  qu'ils 
combattent  ;  dans  certaines  régions  de  l'Afrique  ils  ont  arrêté  net  les 
progrès  del'évangélisation.  Enfin,  comme  négriers,  chasseurs  d'esclaves, 
n'accomplissent-ils  pas  encore  tous  les  jours  une  œuvre  infâme  dont  ils 
tirent  le  plus  clair  de  leurs  bénéfices?  M.  Burdo  trouve  cependant 
moyen  de  les  excuser  sur  ce  point;  il  est  vrai  qu'il  se  déclare,  dans  une 
certaine  mesure,  partisan  de  l'esclavage,  aussi  bien,  dit-il,  au  point  de 
vue  de  l'Européen  dont  les  plantations  manquent  aujourd'hui  de  bras, 
que  du  nègre  qui,  maintenant  aiSranchi  sur  la  côte,  croupit  dans  la  fai- 
néantise, le  vice  et  la  débauche.  L'auteur  n'expose  sa  thèse  que  dans  les 
dix  premières  pages  de  son  opuscule.  Les  trente  dernières  sont  consa- 
crées à  une  étude  qui  ne  s'y  lie  qu'indirectement,  ceUe  de  la  situation 
actuelle  de  l'état  de  Zanzibar  et  de  la  région  comprise  entre  la  côte 
orientale  et  le  lac  Tanganyika. 

L'alliance  française  et  l'enseignement  français  en  Tunisie  et  en 
TaufOLiTAiNE,  par  Paul  Melon,  Paris  (Dentu),  1885,  gr.  in-8'*,  45  p.— 


—  166  — 

H  est  agréable  de  s'écarter  parfois  des  sentiers  battus  et  de  s'occuper 
de  sujets  rarement  traités,  tel  que  celui  de  renseignement  dans  les  colo- 
nies, question  vitale  s'il  en  fut,  à  notre  époque,  car  c'est  d'elle  que 
dépendent  la  fusion  des  races  et  la  conquête  morale  d'un  pays,  sans  les- 
quelles il  n'y  a  pas  de  conquête  matérielle  durable.  Il  n'est  plus  possible 
de  coloniser  maintenant  à  la  manière  des  Espagnols  en  Amérique  et  des 
Portugais  en  Afrique,  lors  de  la  découverte  de  ces  pays.  A  part  cer- 
taines contrées  qui  ne  seront  jamais,  à  cause  de  leur  climat  mortel  pour 
les  blancs,  que  des  colonies  d'exploitation,  la  métropole,  en  même  temps 
qu'elle  met  à  profit  les  ressources  du  sol,  doit  songer  à  élever  la  race 
indigène,  à  l'instruire,  en  un  mot,  à  la  civiliser. 

C'est  pour  cela  et  aussi  afin  de  répandre  l'étude  de  la  langue  fran- 
çaise dans  les  colonies,  que  s'est  fondée  «  l'Alliance  française,  »  en  juillet 
1883.  Cette  société,  qui  compte  déjà  plus  de  6000  adhérents,  a  pris  pour 
premier  champ  d'activité  la  région  méditerranéenne  de  l'Afrique,  et, 
dans  la  brochure  que  nous  annonçons,  M.  Melon,  l'un  de  ses  promoteurs, 
communique  les  résultats  d'un  voyage  qu'il  a  entrepris  en  Tunisie  et 
en  Tripolitaine,  pour  se  rendre  compte  de  l'état  de  l'enseignement 
français  dans  ces  pays.  Inutile  de  dire  qu'elle  est  rédigée  à  un  point  de 
vue  exclusivement  national. 

L'auteur  se  prononce  pour  que  la  France  continue  à  exercer  à  l'étran- 
ger cette  sorte  de  protectorat  catholique  dont  elle  a  déjà  si  souvent 
bénéficié,  car,  si  ce  rôle  de  tuteur  des  missionnaires  passait  à  l'Italie  ou 
à  l'Autriche,  la  France  en  ressentirait  bientôt  un  peu  partout  des  contre- 
coups fâcheux.  Et  de  fait,  les  écoles  congréganistes  de  Tunisie  et  de 
Tripolitaine  sont  le  meilleur  moyen  de  propagande  française  et  de 
diifusion  de  la  langue  de  la  métropole.  Sous  l'influence  énergique  du 
cardinal  Lavigerie,  dont  l'auteur  reconnaît  hautement  les  mérites,  les 
écoles,  de  misérables  qu'elles  étaient  avant  1881,  sont  devenues  prospères 
et  comptent  un  nombre  considérable  d'élèves.  Outre  les  classes  pri- 
maires françaises  de  Tunis,  la  Goulette,  Sousse,  Djerbah,  Béja,'Monas- 
tir,  Sfax,  etc.,  il  existe  à  Tunis  deux  établissements  d'instruction 
secondaire,  tous  deux  florissants  :  le  collège  St-Charles  pour  les  gar- 
çons, et  l'école  des  Dames  de  Sion  pour  les  jeunes  filles.  Il  y  a  en  outre, 
à  Tunis,  une  école  israélite,  fréquentée  par  un  miljier  d'élèves  et  entre- 
tenue par  l'Alliance  israélite  universelle.  Le  français  est  la  langue  de 
l'enseignement.  Enfin  un  établissement  laïque,  le  collège  Sadiki,  fondé 
par  le  général  Khérédine,  donne  la  culture  française  à  plus  de  150  élè- 
ves. Il  a  été  tout  récemment  réorganisé  par  M.  Machuel,  délégué  du 


—  167  — 

ministère  de  rinstniction  publique.  —  Le  collège  Sadiki  et  Técole 
normale  des  instituteura  indigènes  viennent  de  recevoir  la  visite  de 
M.  Elisée  Reclus,  qui,  d'après  le  Temps,  a  été  émerveillé  des  résultats 
obtenus,  e^  a  déclaré  qu'on  ne  se  doute  nullement  en  France  des  progrès 
que  la  langue  française  fait  en  Tunisie. 

Trois  écoles  françaises  existent  en  Tripolitaine  :  deux  à  Tripoli  et  une 
à  Benghazi.  Quant  à  Malte,  que  M.  Melon  a  visitée  aussi,  elle  possède 
une  institution  spéciale,  créée  par  le  cardinal  Lavigerie  pour  recevoir 
déjeunes  Soudaniens,  Wa-Ganda,  Kabyles,  etc.  Ces  élèves,  à  leur  sortie 
de  l'école,  retournent  dans  leur  pays,  où  ils  deviennent  les  pionniers  de 
l'influence  et  de  la  civilisation  françaises.  L'auteur  donne  le  récit  de  la 
distribution  de  récompenses  faite  par  lui,  au  nom  de  l'Alliance  française, 
à  neuf  des  écoliers  les  plus  méritants. 

On  le  voit,  cet  ouvrage,  écrit  d'un  style  élégant  et  facile,  contient 
une  foule  de  renseignements  d'un  haut  intérêt,  car  il  nous  montre  un 
côté  trop  peu  connu  du  mouvement  de  colonisation. 

Les  possessions  espagnoles  du  golfe  de  Guinée,  leur  présent  et 
LEUR  AVENIR,  par  le  lieutenant  Sorela.  Paris,  (A.  Lahure),  in-8°,  46  p. 
et  carte.  —  L'auteur  cite,  en  tête  de  son  ouvrage,  cette  phrase  de 
M.  Leroy-Beaulieu  :  a  Les  lambeaux  de  la  puissance  coloniale  de  l'Es- 
pagne sont  encore  magnifiques.  »  C'est  aussi  notre  avis,  mais  nous 
serions  bien  étonnés  si,  en  formulant  cette  opinion,  le  savant  économiste 
pensait  aux  îles  du  golfe  de  Guinée.  On  sait,  en  effet,  qu'elles  sont  mal- 
saines au  plus  haut  degré,  particulièrement  dans  la  région  côtière  où 
sont  situées  toutes  les  plantations,  et  qu'elles  ne  présentent  pas  les  con- 
ditions propres  à  y  attirer  les  colons.  Cependant  c'est  une  tâche  loua- 
ble qu'a  remplie  M.  Sorela,  en  décrivant  d'une  manière  très  détaillée 
l'île  de  Fernando-Po,  en  en  faisant  valoir  les  richesses  végétales,  et  en 
donnant  l'état  actuel  de  la  colonisation  dans  cette  région.  Sans  doute 
si  le  bas  prix  des  terrains  était  la  seule  chose  visée  par  les  colons,  ils 
seraient  satisfaits  à  Fernando-Po,  car  l'hectare  s'y  loue  25  centimes  par 
an  et  s'y  achète  5  francs.  Malheureusement  l'étendue  du  sol  disponible 
est  encore  immense  dans  l'île  et  ne  diminue  pas  d'une  manière  sen- 
sible. On  peut  craindre  que  le  vœu  de  M.  Sorela,  qui  Voudrait  voir  les 
Espagnols  de  la  Murcie  et  de  l'Andalousie  se  transporter  à  Fernando- 
Po  plutôt  qu'en  Algérie,  ne  se  réalise  jamais,  et  que,  pour  longtemps 
encore,  le  faible  service  postal  soit  fait  par  la  malle  anglaise  du  Cap, 
à  défaut  de  navires  espagnols  spéciaux.  Le  volume  est  accompagné 


—  168  — 

d'une  carte  de  Femando-Po  à  très  grande  échelle  ;  le  relief  laisse  à 
désirer. 

Les  Français  au  Niger,  voyages  et  combats  par  le  cajHtfiine  Piètri, 
Paris  (Hachette  et  C**),  1885,  in-8",  438  p,  avec  illustr.  et  carte,  4  fr. 
—  Le  capitaine  Piétri  était  membre  de  la  mission  du  Haut-Niger, 
dont  le  commandant  Gallienî  à  récenmient  décrit  en  détail  Titinéraire 
dans  les  bassins  du  Sénégal  et  du  Haut-Niger.  L'ouvrage  que  nous 
avons  sous  les  yeux  renferme  une  série  d'attachants  récits  sur  l'œuvre 
entreprise  par  la  France  dans  cette  région,  depuis  la  période  de  prépa- 
ration de  la  marche  sur  le  Niger,  dont  le  général  Faidherbe,  en  1855, 
posa  les  premiers  jalons,  jusqu'à  la  déclaration  de  souveraineté  de  la 
France  par  le  colonel  Borgnis-Desbordes,  en  1883.  C'est  donc  une  his- 
toire complète  et  fort  instructive,  qui  débute  par  un  rapide  exposé  de 
l'état  social  et  politique  du  pays  et  des  voyages  antérieurs  à  1880, 
c'est-à-dire  ceux  de  Mungo-Park,  René  Caillé,  RaflFenel,  Mage  et  Quin- 
tin.  Ensuite  l'auteur  consacre  trois  chapitres  au  célèbre  prophète  Al- 
Hadj-Oumar,  à  ses  conquêtes  et  aux  guerres  dont  les  états  du  Bélédou- 
gou  et  de  Ségou  furent  le  théâtre  sous  ses  successeurs.  Le  récit  des 
expéditions  de  Gallîeni  et  de  Borgnis-Desbordes  remplit  le  reste  du 
volume,  écrit  sous  une  forme  simple  d'oîi  se  dégage  un  réel  accent  de 
vérité.  Ce  sont,  nous  dit  l'auteur,  de  simples  notes  sans  prétention 
dont  il  a  cherché  à  exclure  toute  ingérence  de  la  fantaisie.  De  bonnes 
gravures  reproduisent  des  types  indigènes  de  différentes  races,  et  une 
cai'te  en  noir  suffisamment  complète  sert  de  guide  au  lecteur.  Actuelle- 
ment diverses  préoccupations  empêchent  le  gouvernement  français  de 
poursuivre  avec  énergie  l'œuvre  commencée  sur  le  Haut-Niger.  La 
construction  du  chemin  de  fer,  en  particulier,  a  été  suspendue.  Cepen- 
dant, en  1883-84,  une  quatrième  campagne  dirigée  par  le  colonel  Boi- 
lève  a  affermi  la  ligne  ^e  communication  du  Sénégal  au  Niger  par 
l'établissement  d'un  nouveau  poste,  celui  de  Koundou,  de  sentiers  car- 
rossables et  d'une  ligne  télégraphique  de  Bammakou  à  Bakel.  La  paix 
est  rétablie  dans  le  Bélédougou,  dont  les  relations  avec  Saint-Louis  se 
développent  de  jour  en  jour,  et  vraisemblablement  la  France  reprendra 
bientôt  ses  projets  sur  le  Haut-Niger  et  le  Soudan  \ 

'  Nos  lecteurs  se  rappeUent  que  le  capitaine  Piétri  a  fait,  avec  son  collègue 
Yallière,  le  levé  de  la  région  comprise  entre  le  Haut-Sénégal  et  le  Niger  (Yoy. 
IV«  année,  p.  349.) 


OUVRAGES  REÇUS  : 


L'Alliance  française  et  l'enseignement  français  en  Tnnisie  et  en  Tripolitaine,  par 

Paul  Melon,  Paris  (Dentu),  1885,  in-8o,  45  p. 
Les  possessions  espagnoles  du  golfe  de  Guinée.  Leur  présent  et  leur  ayenir,  par 

le  lieutenant  Sorela.  Paris  (Lahure),  1884,  in-8%  46  p.  avec  carte  de  Fernando- 

Po  à  Vi&ooo. 
Les  Français  au  Niger.  Voyages  et  combats,  par  le  capitaine  Piétri.  Paris 

(Hachette),  1885,  in-16,  438  p.  et  carte.,  fr.  4. 
Rapport  adressé  au  ministre  des  affaires  étrangères  par  M.  £d.  Engelhardt,  minis- 
tre plénipotentiaire,  délégué  à  Berlin  pour  la  Conférence  africaine.  Paris  (Imp. 

nationale),  1885,  in-4»,  39  p. 
A  Map  of  the  Gold-Coast  and  Inland  Countries,  between  and  bejond  the  Pra  and 

Yolta,  by  the  Basel  Missionaries,  ^Iboquoq.  Basel  (Mîssions-Buchhandlung),  1885, 

fr.  4. 
Itinéraire  de  Dar-es-Salam  aux  lacs  Bangouéolo  et  Moéro,  par  Victor  Giraud, 

1882-1884,  Vaoooooo.  Paris  (Soc.  de  géographie),  1885. 
DocuiAents  diplomatiques  (Livre  jaune).  Affaires  du  Congo  et  de  l'Afrique  occi- 
dentale. Paris  (Imp.  nationale),  1885,  in-4<»,  333  p. 
David  Livingstone,  missionnaire,  voyageur  et  philanthrope,  1813-1873,  par  Rodol- 
phe Reuss.  Paris  (Fischbacher),  in-8*,  119  p.,  fr.  1,60. 
Conférence  africaine  de  Berlin.  Reconnaissance  par  la  Belgique  de  l'Association 

internationale  du  Congo  (Extrait  des  Annalea  parlementaires  belges),  10  mars 

1886,  în-4»,  9  p. 
Resposta  a  Sociedade  antiesclavista  de  Londres,  por  J.-A.  Corte  Real.  Lisboa 

(Sociedade  de  geographia),  1884,  in-8<',  23  p. 
Afrikas  Westkûste.  Vom  Ogowe  bis  zum  Damara-Land,  von  D"  .1.  Falkenstein. 

I.  Abtheilung  :  Mit  17  VoUbildern  nnd  64  Abbildungen.  Leipzig  (Freytag), 

1885,  in>12,  241  p.,  fr.  1.35. 
Sficlafrika  bis  zum  Zambesi,  von  D'  Gustav  Fritsch.  I.  Abtheilung  :  Das  Land  mit 

seinen  pflanzlichen  nnd  tierischen  Bewohnern  :  Mit  50  Abbildungen  und  einer 

Karte.  Leipzig  (Freytag),  1885,  in-12,  233  p.,  fr.  1.35 
Cartes  dressées  par  L.  Friederichsen  et  publiées  par  ordre  du  ministère  des  affaire^ 

étrangères.  Hambourg  (L.  Friederichsen  &  C*",  Geographisches  und  Nautisches 

Institut),  1885  : 

a.  Zwischen  dem  Alt  Kalabar  Flnss  und  Corisco  Bai  (Eamerun,  Biafra,  Batanga^ 
etc.);  V^soooo.,  fr.  2. 

b.  Ober-Guinea,  zwischen  Cap  Saint-Paul  und  Gabon,  V<oooooo.,  fr.  2. 

c.  Kûste  des  Herero-,  Namaqua-  und  LUderitz^Landes,  Vsoooooo,  avec  cartons 
d'Angra  Pequena,  Viooooo,  et  des  factoreries  allemandes  sur  toute  la  côte 
occidentale  d'Afrique,  fr.  1,35. 

d.  Central  Afrika,  V&oooooo,  d'après  les  décisions  de  la  Conférence  de  Berlin, 
fr.  5,35. 

(Voir  la  page  suivante.) 


SOMMAIRK 

RUM.ETIN  MEKSUKI 141 

Nouvelles  complémentaires 153 

Les  (usëments  aurifères  du  Transvaal 15G 

HlKliIOGRAPHIË  :       « 

Les  missions  évangéliques,  par  Burckhardt  et  Grundemann 100 

A  travers  le  Fouta-Diallon  et  le  Bambouc,'par  Noirot 162 

Life  in  the  Soudan.  Adventures  among  the  tribes,  and  travels  in 

Egypt,  by  D'  Williams 163 

Die  Deutsche  Kolonie  Kamerun,  von  D*"  Reichenow 164 

Les  Arabes  dans  l'Afrique  centrale,  par  Burdo 165 

L'alliance  française  et  l'enseignement  français  en  Tunisie  et  en  Tri- 

politaine,  par  Melon 165 

Les  possessions  espagnoles  du  golfe  de  Guinée,  leur  présent  et  leur 

avenir,  par  Sorela 167 

Les  Français  au  Niger,  par  Piétri 168 


SUITE  DES  OUVRAGES  REÇUS 

(Yoy.  la  page  précédente.) 

Drei  Briefe  an  die  Freunde  deutschér  Afrika-Forschung,  colonialer  Bestrebungen 

und  der  Ausbreitung  des  deutschen  Handels,  von  £d.  Robert  Flegel.  Hamburg 

(L.  Friederichsen  &  C°),  1885,  in-8%  24  p.,  fr.  1. 
Mehr  Licht  im  dunklen  Welttheil.  Betrachtungen  uber  die  Kolonisation  des  tro- 

pischen  Afrika,  von  D'  G.- A.  Fischer.  Hamburg  (L.  Friederichsen  &  C«),  1886, 

in-8%  130  p.,  fr.  3,35. 
La  Conférence  africaine  de  Berlin  et  l'Association  internationale  du  Congo,  par 

Emile  Banning,  délégué  à  la  Conférence.  Bruxelles  (C.  Muquardt),  1885,  in-8", 

26  p. 
Kolonialpolitik  und  Christenthum,  von  C.-G.  Bûttnec  Heidelberg  (Cari  Winter), 

1885,  in-8o,  47  p.,  fr.  1. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


n 


L'AFRIQUE 

KXPLORÉE    ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

niRJGâ   PAR 

M.   eastave  MOTNIBS 

Mriiibrc  ilo  1a  Commiulon  internationale  de  Broxelloa  pour  Poxploration  et  la  ciyiliaation 

de  l'Afrique  centrale;  membre  correspondant  do  rAoadémio  d'Hippone, 

et  doi  Sociétés  de  géographie  de  Marseille,  de  Nancy,  do  Loanda  et  de  Porto. 

RÉDIGÉ  PAS 

M.  CharleB  FAUSE 

Siterôtaire-Bibliotliôeidre  do  la  Société  de  géc^raphie  de  Genève ,  membre  correspondant  des  Socîétôe 
de  géographie  de  Lisbonna,  do  Loanda.  do  Porto,  de  Saint-Oall  et  de  Berne. 


L Afrique  parait  le  premier  lundi  de  chaque  lïîois,  par  livraisons  in-8o  d'au 
Hioius  20  pages  chacune;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  ceh 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  rabonnement  annuel,  payable  d'avanee»  est  de  lO  ftaneSf 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  l'Union  postale  (première  xone);  pour  les 
autresj  H  fr.  50, 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  a 
la  Direction,  a  droit  h  an  eompté  rendn. 

Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaetlon  à  M.  Gnstave  IHoyiiler* 
8,  rne  de  l*Ailiénée,  h  Genève  (Snlsse). 

S'adresser  pour  le»  abonnements  A  rédltenr»  M.  H.  Georg«  A 
Genève  on  A  BAIe« 

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(Lhez  MM.  (]h.  Delagrave,  libraire.  15,  rne  Soufflot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  (]lour,  45.  rue  de  la  Régence,  à  Bnixelles 
DuMOLARD  frères,  libraires,  (k)rso  Vittorio  Enunannele,  21.  h  Mil.in 
F,-A.  Brogkhaus,  libraire,  Querstr.,  29,  à  Leipzig. 
L.  Friederichsen  et  C'«,  libraires,  Admiralitâtsstr,  3/4,  à  Ilambourjr 
Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  ( Autriche) 
Trubnbr  et  C^*,  libraires,  Ludgate  Hill,  57/59,  à  Londres  E.  G. 

Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


AVIS.  —  Nous  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  abonn^y  em  prix  d' 
13  fr.  chacun^  un  certain  nombre  d^ exemplaires  complets  de  la  IT^^  de  la  /l*^ 
et  de  la  K"'«  année.  Iai  P"  et  la  IIP»*  sont  ^misées. 


%!. 


169  — 
BUUETIN  MENSUEL  (l^juin  1886.  ') 

4 

D'après  le  Bulletin  de  renseignements  œlomaux^  îl  vient  de  se  con- 
stituer, parmi  les  membres  de  la  Société  de  géographie  commerciale  de 
Paris,  une  Commission  de  l'Afrique  du  nord,  pour  Pétude  scien- 
tifique et  économique  de  l'Algérie,  de  la  Tunisie  et  aussi  du  Maroc  et 
de  la  Tripolitaine.  Cette  commission  recherchera  les  moyens  de  resser- 
rer l'union  de  la  France  avec  l'Algérie  et  la  Tunisie,  de  faciliter  les 
progrès  et  la  fréquente  exploration  du  pays.  Elle  réunira  des  renseigne- 
ments scientifiques,  commerciaux,  industriels,  administratifs,  etc.,  et 
donnera  au  public  la  plus  grande  facilité  de  les  consulter  et  de  les  utili- 
ser. Elle  a  aussi  pour  mission  d'organiser,  aux  meilleures  conditions 
possibles,  des  voyages  d'étude,  tant  dans  la  colonie  française  qu'au 
Maroc  et  en  Tripolitaine. 

La  Sott»-CoiD mission  du  canal  de  Suez  a  terminé  ses  travaux. 
Nous  ne  possédons  pas  encore  le  texte  officiel  de  ses  résolutions,  et  nous 
devons  nous  borner  aujourd'hui  à  annoncer  que,  d'après,  les  journaux 
quotidiens,  le  principe  d'égalité  de  droits  et  de  devoirs  de  toutes  les  puis- 
sances en  ce  qui  concerne  la  libre  navigation  dans  le  canal,  en  temps  de 
guerre  comme  en  temps  de  paix,  a  été  admis.  Nous  reviendrons  sur 
cette  question  quand  les  documents  officiels  nous  seront  parvenus. 

M.  Êloi  Pino,  capitaine  au  long  cours,  négociant  à  Ankober,  qui 
n  se  rendre  pour  la  troisième  fois  au  Clioa,  a  transmis  à  la  Société  de 
géographie  de  Paris  dont  il  fait  partie,  les  renseignements  suivants  sur 
la  voie  la  plus  courte  de  la  côte  au  Choa  :  «  D'après  les  informations 
prises  auprès  des  indigènes  compétents,  la  route  la  plus  directe  est 
celle  qui  part  de  Sagallo  ^  rejoint  le  lac  Assal  et  passe  sur  le  territoire 
de  Gobab.  Elle  a  déjà  été  parcourue  par  MM.  Soleillet  et  Léon  Chef- 
neux.  Ce  dernier  est  parti  le  10  mars  pour  le  Choa  par  la  même  route. 
Il  faut  croire  que  c'est  celle  qui  est  préférable,  car  M.  Chefneux,  qui  a 
suivi  aussi  la  route  de  l'Aoussa,  ne  repart  plus  dans  cette  direction.  Les 
Dankalis  qui  ont  loué  leurs  chameaux  au  comte  Antonelli,  à  Assab,  sont  à 
Sagallo,  pour  prendre  la  route  que  j'appellerai  la  route  de  Gobab.  Une 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  BuLUtins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  corn- 
plémentaires  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  TEst,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

*  Voy.  la  carte,  IV»  année,  p.  328. 

L' AFRIQUE.   —   SIXIÈME  ANNÉE.  —   N<»   6.  6 


—  170  — 

caravane  composée  d'Éthiopiens  appartenant  au  roi  Ménélik  prend  aussi 
cette  route,  et  enfin  je  vais  la  prendre.  Utie  autre  cà^&Yane,  celle  de  M. 
Lorès,  agent  de  la  Compagnie  Mesnier  à  Obock,  se  reud  aussi  de  Sa 
gallo  au  Choa  par  Gobât).  » 

L'agent  consulaire  français  à  Harrar,  Zeïlah  et  dépendances  (Afaique 
orientale),  a  placé  sous  le  protectorat  de  la  France  ]es  territoi- 
res des  Gibrit-Abakors  et  des  Gadi-Boursis,  sur  la  demande 
écrite  des  chefs  du  pays.  Les  débouchés  de  la  région  du  Harrar  et  des 
pays  gallas  sont  ainsi  ouverts  au  commerce  français.  Il  faut  espérer  que 
ce  protectorat  rendra  à  la  route  de  Zeïlah  à  Harrar  et  aux  pays  galIas  la 
sécurité  qui  lui  fait  défaut  depuis  que  les  Anglais  ont  éloigné  des  villes 
du  Harrar  les  troupes  égyptiennnes  qui  les  gardaient.  En  effet  les  popu- 
lations de  l'intérieur,  assurées  de  l'impunité,  ne  se  gênaient  plus  pour 
attaquer  et  piller  les  caravanes  qui  descendaient  du  Harrar  par  cette 
route. 

M.  tfohnston,  le  dernier  explorateur  du  Kilimandjaro,  a  pré- 
senté récemment  à  la  section  coloniale  de  la  Société  des  arts  de  Londres, 
un  mémoire  sur  les  intérêts  anglais  dans  l'Afrique  orientale,  spéciale- 
ment dans  le  district  du  Kilimandjaro,  soit  dans  le  pays  compris  entre 
la  côte  de  l'Océan  Indien  et  le  Victoria-Nyanza.  Après  avoir  décrit  la 
nature  physique  de  cette  région,  sa  flore,  sa  faune,  ses  habitants,  il  a 
montré  comment  le  sol  et  le  climat  sont  admirablement  propres  à  la 
culture  du  quina,  du  café,  du  thé,  du  cacao,  de  la  vanille,  du  riz,  de  la 
canne  à  sucre,  etc.  Il  a  rappelé  ses  propres  expériences  dans  la  culture 
des  légumes  d'Angleterre,  et  la  réussite  parfaite  de  ses  pommes  de 
terre  et  de  ses  concombres.  Puis  il  a  cherché  à  persuader  ses  auditeurs 
de  l'avantage  qu'il  y  aurait,  au  point  de  vue  commercial  et  philanthropi- 
que, à  ouvrir  ce  pays,  et  indiqué  les  moyens  qui  pourraient  être  employés 
à  cet  effet.  Il  se  servirait  de  Zanzibarites  comme  porteurs,  gardes  et 
travailleurs;  les  chefs  de  l'expédition  devraient  être  des  Anglais,  jeunes 
et  sérieux.  Les  frais  d'une  caravane  de  commerce  et  de  colonisation, 
composée  de  4  blancs  et  de  200  Zanzibarites,  sont  évalués  par  lui  à 
16,500  L.  st.  pour  trois  ans,  soit  7500  L.  st.  pour  la  première  année, 
5000  L.  st.  pour  la  seconde  et  4000  L.st.  pour  la  troisième.  M.  Johiiston 
a  aussi  parlé  des  moyens  de  faire  disparaître  la  traite,  et  de  la  capacité 
des  indigènes  d'atteindre  une  demi-civilisation.  Supposant  que  les  Alle- 
mands sauraient  profiter  de  cette  magnifique  région  pour  leur  commerce 
et  leur  civilisation,  il  n'a  pas  voulu  que  ses  concitoyens  pussent  lui 
reprocher  d'avoir  gardé  le  silence  sur  les  divers  avantages  que  leur 


—  171  — 

offre  cette  partie  de  l'Afrique,  et  a  conclu  en  suggérant  l'idée  de  la  for- 
mation d'une  société  pour  créer  un  établissement  anglais  au  Kiliman- 
djaro, (c  La  seule  faveur  que  je  demande,  »  a-t-il  dit  eu  terminant,  «  en 
retour  des  renseignements  que  je  viens  de  donner,  c'est  de  pouvoir 
présenter  à  cette  société  colonisatrice,  la  bannière  qui  devrait  précéder 
ses  caravanes  et  flotter  sur  ses  stations;  ses  couleurs  seraient  le  vert,  le 
blanc  et  le  bleu  :  le  blanc,  pour  la  neige  qui  couronne  la  cime  du  Kili- 
mandjaro, le  bleu  pour  les  ciêux,  et  le  vert  pour  les  forêts  de  ce  splen- 
didepays.  » 

Les  Mittheilungen  de  Gotha  nous  apportent  des  renseignements 
détaillés  sur  le  projet  d'expédition  du  H'  Fisc^ep  à  la  recherche  de 
Jonker,  d'Êmin-bey,  de  l<àpton-bey  et  de  Casati,  que  nous 
avons  annoncé  dans  notre  dernier  numéro  (p.  154).  II  importe  beaucoup 
pour  le  succès  de  cette  entreprise,  que  le  sultan  Saïd  Bargasch  ne  mette 
aucun  obstacle  à  l'expédition,  qui  partirait  de  Zanzibar  d'oîi  elle  cher- 
cherait à  atteindre  Lado.  On  peut  craindre  que,  par  suite  de  l'annexion 
à  l'Allemagne  des  territoires  à  l'ouest  de  Zanzibar,  le  sultan  ne  voie 
qu'avec  méfiance  le  pi-ojet  des  explorateurs  allemands.  S'il  n'autorisait 
pas  l'enrôlement  de  porteurs,  il  ne  serait  pas  possible  de  songer  à  péné- 
trer à  l'intérieur;  mais  on  peut  espérer  que  le  D'  Fischer,  qui  connaît  à 
fond  les  xirconstances  de  Zanzibar,  où  il  a  pratiqué  l'art  médical  pen- 
dant sept  ans,  saura  triompher  des  difficultés  qui  pourront  se  présenter. 
Afin  de  faire  semr  cette  expédition  au  progrès  de  la  science  géogra- 
phique, il  se  propose  de  suivre  une  nouvelle  route  directe  de  Pangani  au 
golfe  de  Speke,  ce  qui  lui  permettra  d'éviter  les  nombreux  et  forts  tributs 
à  payer  dans  l'Ou-Gogo.  Il  compte  traverser  l'Ou-Ganda  directement, 
pour  atteindre  le  plus  vite  possible  Lado,  oîi,  d'après  les  deniières  nou- 
velles qui,  il  est  vrai,  ne  reposent  que  sur  des  renseignements  fournis 
par  des  Arabes,  Émin-bey  maintenait  encore,  en  août  1884,  l'autorité 
égyptienne,  et  où  devaient  se  trouver  aussi  en  bonne  santé  Casati  et  le 
D"*  Juuker.  Dans  le  cas  où  Kabrega,  roi  de  l'Ou-Nyoro,  refuserait  le 
passage,  le  D'  Fischer  a  l'intention  de  longer  la  frontière  orientale  de 
cet  État,  ou,  en  cas  de  nécessité  absolue,  de  se  frayer  un  passage  les 
armes  à  la  main.  Aussi  importe-t-il  beaucoup  pour  le  succès  de  l'expédi- 
tion que  la  caravane  puisse  être  nombreuse  et,  pour  cela,  que  les 
contributions  pécuniaires  soient  abondantes. 

De  nouveaux  missionnaires  d'A1§^ersont  partis  pour  les  stations 
du  Victoria-Nyanza  et  du  Tanganyika.  D'après  \esMissio7is  d'Afrique^ 
le  travail  des  agents  de  la  station  de  lEIonéona,  dans  le  Massanzé,  à 


—  172  — 

Toiiest  du  Tani;»nyika,  est  rendu  difficile  par  les  procédés  des  Ara- 
bes envers  les  indigènes  de  cette  région  :  impositions,  corvées,  ravages 
du  pays,  etc.  Un  de  ces  Arabes,  Mohamed-ben-Rhelfan,  maître  des 
Wa-Ngouana,  établis  un  peu  au  sud  de  Mlonéoua,  a  apporté  de  la  côte 
beaucoup  de  fusils  et  de  munitions  ;  outre  ses  esclaves,  il  a  enrôlé  une 
cinquantaine  de  Rougas-Rougas,  chasseurs  des  bois  et  pillards  de  cara- 
vanes, n  veut  ouvrir,  au  nord  du  lac,  un  nouveau  chemin,  pour  rejoindre, 
au  Manyéma,  Tipo-Tipo,  qui  est  de  sa  parenté.  Mais  auparavant,  il 
lève  le  tribut  chez  les  timides  populations  de  TOu-Bouri  et  du  Massanzé, 
dont  Sald  Bargasch  lui  a,  paratt-il,  donné  le  gouvernement.  Il  a  réclamé 
de  Foré,  le  chef  du  territoire  sur  lequel  se  trouve  la  station  de  Mlonéoua, 
une  défense  d'ivoire,  des  esclaves,  des  vivres,  etc.  Pore,  qui  n'aime  pas 
à  donner,  laisserait  plutôt  piller  ses  gens  que  de  livrer  ce  qui  lui  est 
demandé.  Mohamed  ayant  conduit  à  Oudjidji  les  bagages  de  leur  der- 
nière caravane,  les  missionnaires  se  proposaient  d'intervenir  auprès  de 
lui,  pour  le  dissuader  de  ravager  le  pays  environnant.  Du  Massanzé,  les 
missionnaires  enverront  deux  des  leurs  chercher  un  emplacement  favo- 
rable à  une  nouvelle  station  dans  les  environs  de  Mpala,  à  Touest  du 
Tanganyika.  L'étabhssement  de  Klbani^a  prospère.  Les  essais  de  cul- 
ture de  riz,  froment,  manioc,  patates,  etc.,  réussissent,  et  bientôt  les 
missionnaires  de  ce  poste  auront  de  quoi  faire  vivre  les  orphelins  qu'ils 
ont  recueillis.  Et  cependant  leurs  instruments  aratoires^^  sont  des  plus 
imparfaits  ;  ils  n'ont  que  des  pioches  indigènes,  pour  défricher  un  terrain 
dont  l'exploitation  réclamerait  au  moins  dix  charrues  européennes.  Les 
missionnaires  de  ces  différentes  stations  espèrent  que  le  vapeur  la  Bonne 
Nouvelle  pourra  leur  faciliter  les  relations  qu'elles  doivent  entretenir 
les  unes  avec  les  autres. 

M.  Hore  qui  doit  remonter  ce  vapeur  envoyé  pour  le  service  des 
stations  des  missions  de  Londres,  est  reparti  de  Quilimane  où  il  était 
allé  chercher  sa  femme  et  son  enfant,  ainsi  que  quelques  pièces  qui 
manquaient  au  bateau.  M.  Sin^ann,  de  la  station  de  liiendui^é»  où  le 
vapeur  est  en  reconstruction,  fait  à  la  Chronicle  ofthe  London  mis- 
sionary  Society,  un  triste  tableau  du  district  où  se  trouve  la  station. 
C'était  autrefois  le  plus  florissant  des  alentours  du  Tanganyika  ;  il  fut 
ravagé  peu  avant  l'arrivée  des  missionnaires,  mais  les  habitants  revin- 
rent, se  croyant  en  sûreté  auprès  de  ces  derniers.  Ils  travaiUèreut  pen- 
dant toute  la  bonne  saison,  bêchèrent  le  sol,  firent  leurs  semailles  ; 
mais  au  moment  où  ils  allaient  pouvoir  serrer  leurs  récoltes,  survinrent 
les  Arabes  alliés  de  Tipo-Tipo,  et  leur  suite,  qui  enlevèrent  tout  le 


—  173  — 

fruit  des  labeurs  des  pauvres  Wa-Loungou.  Ils  prirent  des  hommes  pour 
les  réduire  en  esclavage  avec  leurs  femmes  et  leurs  familles,  et  cela  à 
la  porte  des  missîonnaii-es.  M.  Swann  demande  si  le  consul  général  bri- 
tannique à  Zanzibar,  sir  John  Kirk,  ne  pourrait  pas  empêcher  Tipo- 
Tipo,  qu'il  connaît  fort  bien,  de  continuer  ses  dévastations,  sans  cela 
l'œuvre  de  la  mission  devient  presque  impossible. 

Des  lettres  de  Mozambique  annoncent  que  l'expédition  portu- 
i:aise  dirigée  par  le  major  Serpa  Pinto  a  échoué  dans  sa  première 
tentative  de  pénétrer  à  l'intérieur.  Le  14  février,  il  arriva  avec  son 
escorte  de  Zoulous  à  Kisango,  sur  la  côte,  dans  un  état  déplorable,  la 
saison  des  pluies  étant  survenue  pendant  qu'il  s'avançait  vers  le  nord. 
Dix  jours  durant  ses  hommes  avaient  marché  dans  l'eau,  en  ayant  en 
certains  endroits  jusqu'au  cou,  et  depuis  cinq  jours  ils  n'avaient  plus 
de  vivres.  Serpa  Pinto  souflFrait  de  la  fièvre,  un  de  ses  compagnons  ne 
pouvait  plus  marcher,  ses  jambes  et  ses  pieds  étant  couverts  d'ulcères. 
Après  avoir  visité  Ibo,  le  chef  de  l'expédition  est  retourné  à  Kisango, 
pour  recruter  250  nouveaux  porteurs.  Il  comptait  pouvoir,  au  bout  de 
six  semaines,  repartir  pour  le  pays  de  Medo,  d'où  il  voulait  se  diriger 
vers  l'extrémité  du  Nyassa  pour  gagner  de  là  le  lac  Bangouéolo. 

Le  Journal  des  missions  évangéliqnes  de  Paris  publie  des  lettres  de 
M.  Coillapd,  postérieures  à  celles  que  nous  avons  reçues  de  M.  Jean- 
raairet.  Nous  en  extrayons  les  détails  suivants,  pour  que  nos  abonnés 
soient  tenus  au  courant  des  progrès  de  l'expédition  du  Haut-Zam- 
bèase.  Le  nouveau  roi  des  Ba-Rotsé,  Alcufana,  est  un  jeune  homme 
qui  a  grandi  en  exil  et  qui  a  dû  d'abord  agir  avec  prudence  et  s'initier 
aux  devoirs  de  sa  position.  Dès  qu'il  s'est  senti  établi,  il  a  pensé  aux 
missionnaires.  Il  désirait  les  voir,  même  avant  les  chefs  du  pays,  dans 
l'espoir  de  recevoir  d'eux  de  bons  conseils,  pour  être  guidé  dans  l'exer- 
cice du  pouvoir  qui  lui  est  confié.  Il  envoya  à  Seshéké  deux  bandes  de 
messagers  avec  des  messages  plus  pressants  l'un  que  l'autre.  Les  chefis 
de  Seshéké  les  transmirent  sans  perdre  de  temps  à  M.  Coillard,  et  trois 
d'entre  eux  descendirent  en  canot  au  gué  de  Gazungula  pour  le  cher- 
cher, envoyant  en  même  temps  une  vingtaine  de  jeunes  gens  pour  por- 
ter les  bagages  de  l'expédition.  Sur  ces  entrefaites.  M™  Coillard  prit  la 
fièvre,  mais  sa  maladie  n'eut  pas  de  suites  fâcheuses.  Cependant  la 
mauvaise  saison  approchait;  des  pluies  presque  quotidiennes  alternaient 
avec  un  soleil  ardent  ;  les  grandes  pluies  qui  amènent  les  inondations 
annuelles  étaient  à  la  porte.  Middleton  et  Aaron  furent  expédiés  de 
Leshonia  avec  les  bagages  chargés  sur  deux  ânes.  Ils  devaient  atten- 


—  174  — 

dre  M.  Coillard  au  gué  de  Gazuugula,  et  coiunûiuniquer  avec  les  chefs 
chargés  de  conduire  rexpédition  chez  Akufuna,  M.  Coillard  prévoyait 
que  rhabitude  des  marchands  de  prodiguer  leurs  présents  aux  chefs  lui 
créerait  des  diflBicultés.  Pour  se  faire  un  bon  nom  et  s'assurer  le  mono- 
pole du  commerce  de  Tivoire»  ils  ont  multiplié  leurs  libéralités  exti'a- 
vagantes,  et  il  faudra  lutter  dès  le  début  contre  ^'avidité  des  chefs. 
A  Mparira,  M.  Coillard  trouva  ceux  que  le  nouveau  roi  avait  envoyés 
pour  le  chercher  et  qui  se  montrèrent  pleins  de  considération  pour  lui. 
Ils  lui  avaient  apporté  en  présent  des  provisions  de  route,  et  lui  four- 
nirent des  renseignements  précieux  sur  l'ethnographie  et  sur  la  langue 
des  Ba-Rotsé.  M.  Coillard  eut  néanmoins  une  déception  en  découvrant 
que  les  caisses  et  les  ballots  qu'il  avait  laissés  aux  soins  du  chef  Taha- 
lima,  avaient  été  ouverts,  et  qu'on  y  avait  pris  beaucoup  de  verroterie, 
de  poudre,  de  calicot,  de  bonnets  de  laine  rouges  et  noirs.  Le  voleur 
s'était  amusé  à  endosser  les  chemises  de  laine  et  les  vêtements  de  fla- 
nelle blanche  qui  se  trouvaient  dans  une  caisse  ;  comme  il  était  tout 
couvert  d'ocre  et  de  graisse,  on  peut  juger  de  l'état  dans  lequel  M. 
Coillard  les  retrouva,  pêle-mêle  avec  des  médecines  en  flacons,  du 
plomb,  etc- 

Un  correspondant  de  VAborigines  Friend  écrit  que  des  naeetiniçs 
ont  eu  lieu  récemment  à  Pretoria,  pour  préparer  l'invasion  du 
territoire  deL«oben§^la,  roi  des  Ma-Tébélé,  par  les  Boers.  Quinze 
cents  bons  tireurs  y  seraient  employés.  Ils  passeraient  par  les  terri- 
toires de  Séchélé  et  de  Khamé,  et  devraient  faire,  sur  leur  passage,  des 
réquisitions  de  vivres  ou  enlever  des  bestiaux  aux  natifs,  ce  qui  amène- 
rait des  querelles  et  la  guerre  avec  les  Be-Chuana.  Ne  pouvant  pas 
s'établir  dans  le  territoire  de  Montsiva  que  les  Anglais  ont  pris  sous 
leur  protectorat,  les  Boers  se  fixeraient  dans  le  pays  plus  au  nord,  et 
fermeraient  ainsi  aux  Anglais  la  route  vers  l'intérieur.  A  ce  propos  le 
journal  susmentionné  nous  apprend  que  le  protectorat  britannique 
s'étend  jusqu'à  Shoshong,  et  que  les  territoires  de  Séchélé  et  deKhanié 
sont  placés  sous  le  pavillon  anglais,  ce  qui  obligerait  les  Boers  à  s'écar- 
ter de  l'itinéraire  indiqué  par  son  correspondant. 

A  son  passage  à  Londres,  M.  Einin^aid,  aux  négociations  duquel  est 
due  la  cession  de  la  baie  de  Sainte-Liucie  à  l'Allemagne  par  Diui- 
zoulou,  a  fourni  au  secrétaire  de  l'Aborigines  Protection  Society  les 
informations  les  plus  précises  sur  cette  cession.  A  son  arrivée  dans  le 
Zoulouland,  il  n'avait  d'autre  but  que  d'explorer  le  pays  à  un  point  de 
vue  scientifique,  et  ne  songeait  nullement  à  y  établir  l'influence  aile- 


—  175  — 

mande.  Ce  fût  à  la  prière  de  Dinl^oulou  quMl  se  rendit  à  Eranyati,  où 
le  jeune  roi  lui  fit  part  de  ï'appréhension  que  lui  causaient  les  Boers, 
qui  passaient  en  nombre  la  frontière  et  menaçaient  de  prendre  pos- 
session de  tout  le  pays.  L'idée  d'une  intervention  allemande  pour  sau- 
ver le  pays  émane  de  Dinizoulou  lui-même.  Son  père  Cetywaïo  lui  a 
parlé  de  l'empereur  d'Allemagne  et  lui  a  fait  croire  qu'il  pourrait 
obtenir  du  secoui-s  de  ce  côté-l{i.  M.  Einwald  ayant  répondu  qu'il  serait 
impossible  h  l'Allemagne  de  protéger  les  Zoulous  contre  les  Boers,  si 
elle  n'avait  acquis  auparavant  quelques  droits  dans  le  Zoulouland,  Dini- 
zoulou consentit  à  la  cession  de  la  baie  de  Sainte-Lucie,  qui,  dit-il,  ne 
lui  était  d'aucune  utilité,  et  en  môme  temps  il  déclara  qu'il  était  dis- 
posé à  placer  son  pays  tout  entier  sous  la  protection  de  l'Allemagne. 

Le  Mouvement  géographique  a  reçu  une  nouvelle  lettre  de  'Wîss- 
mann,  du  l**  décembre  1884,  annonçant  qu'il  est  heureusement  anivé 
à  EfOuboaktMi,  résidence  du  Ealamba  Moukeng^,  chef  de  la  tribu 
des  Ba-Louba,  par  G'*  lat.  S.  et  22^*, 15'  long.  E.,  près  de  la  rive  gauche 
du  Louloua,  affluent  de  droite  du  Kassaï.  Son  avant-garde  y  arriva  le 
10  novembre,  tandis  que  l' arrière-garde,  commandée  par  le  lieutenant 
MuUer  et  venant  de  chez  le  Mouata  Kombana,  roi  des  Kalonda,  n'y 
parvînt  que  le  16.  Moukengé  lui  fit  un  accueil  chaleureux,  et  Wiss- 
mann  fonda  à  une  journée  de  marche  de  sa  résidence,  sur  la  rive  gau- 
che de  la  Louloua,  une  station  qui  fut  nommée  LfOuloiiabour§^.  Elle 
est  située  sur  une  montagne  qui  domine  les  environs,  par  5^,58'  lat.  S. 
et  par  22*^,20'  long.  E.  Elle  est  entourée  de  vastes  plantations  de 
manioc,  présent  du  chef  à  l'expédition,  et  possède  déjà  25  têtes  de 
bétail,  30  chèvres  et  moutons,  quelques  porcs,  et  une  basse-cour  de 
poules  et  de  pigeons  amplement  garnie.  Tout  le  pays  est  très  fertile  ; 
le  riz  qui  a  été  importé  et  semé  dans  le  district  est  largement  culttvé, 
et  est  devenu  un  des  aliments  favoris  de  la  population  indigène.  Des 
céréales,  des  légumes  et  des  fruits  de  la  côte  ont  été  également  semés 
et  prospèrent.  La  rivière  est  poissonneuse  et  abonde  en  hippopotames. 
Le  lieutenant  Wissmann  se  proposait  de  passer  trois  mois  àLouboukou, 
afin  d'y  consolider  la  base  d'opération  de  son  expédition  et  de  mettre 
en  parfait  état  la  nouvelle  station.  Après  cela  il  comptait  remettre  le 
commandement  de  celle-ci  au  lieutenant  Muller,  en  lui  adjoignant  le 
mécanicien  Schneider  qui  en  a  dirigé  les  constructions.  De  son  côté  le 
D' Wolf  se  préparait  à  pousser  une  pointe  vers  le  nord  pour  y  faire  la 
reconnaissance  du  pays  de  Loukengo,  qui  s'étend  entre  le  Kassaï  et  le 
Sânkourou,  et  qui  est  encore  -plongé  dans  une  barbarie  telle  qu'à  la 


—  176  — 

mort  du  père  de  Loukengo,  2000  personnes,  ditron,  furent  immoles 
sur  sa  tombe.  Quant  à  Wissmann  lui-même,  son  objectif  principal  est 
la  reconnaissance  du  Kassal  jusqu'à  son  confluent  avec  le  Congo.  A  cet 
effet  il  a  emporté  avec  lui  un  canot  en  acier  que  le  mécanicien  de 
l'expédition  remonte,  tandis  que  )e  cbfg*peiitier  Buschlag  achève  la 
construction  d'un  grand  canot  en  bois.  A  ces  deux  embarcations  sont 
venus  se  joindre  trois  canots,  présents,  du  chef  Dsihimgengé  ;  c^est 
avec  cette  flottUle  qu'il  descendra  le  cours  inconnu  du  Kassal.  Le  roi 
Moukengé  et  son  premier  chef  l'accompagneront  jusqu'au  Congo  avec 
200  guerriers.  Les  sujets  de  Moukengé  sont,  comme  celui-ci,  disposés  à 
recevoir  la  civilisation.  Leur  territoire  n'ayant  pas  été  jusqu'ici  visité 
par  les  traitants  de  la  côte,  gens  d'ordinaire  peu  scrupuleui  qui  ne  ce^ 
sent  de  tromper  les  indigènes  et  les  indisposent  presque  toiyours  contre 
les  blancs,  leur  confiance  dans  les  Européens  est  complète.  Le  voyage 
de  ce  chef  aux  stations  du  Congo,  ou  une  bonne  réception  lui  est  assu- 
rée, hâtera  l'introduction  de  la  civilisation  dans  le  centre  du  continent. 

Nous  ne  connaissons  .pas  encore  la  constitution  du  nouvel  Êtot  du 
Conf^o,  dont  le  roi  des  Belges  a  été  autorisé  par  les  deux  Chambres  à 
devenir  le  chef,  l'union  entre  la  Belgique  et  cet  État  étant  exclusive- 
ment personnelle.  En  revandie  l'on  sait  que  le  gouvernement  de  ce  pays 
sera  réparti  en  cinq  ministères  :  de  l'intérieur,  de  la  guerre,  du  com- 
merce, des  finances  et  de  la  justice,  dont  les  titulaires  prendront  le 
titre  d'administrateurs.  En  attendant,  l'Association  internationale  du 
Congo  envoie  un  commissaire  spécial  chargé  de  faire  le  tracé  de  la 
n&eilleupe  voie  pour  relier  Vivi  à  Isani^hila.  Ce  commissaire 
sera  accompagné  de  quatre  ingénieurs.  Il  semble  qu'on  veuille  cons- 
truire d'abord  une  simple  route  de  Vivi  à  Isanghila,  après  quoi  on 
passerait  à  l'étude  du  tracé  d'une  seconde  voie,  qui  mettrait  en  commu- 
nication directe  Liéopoldvllle  et  Vivi.  Pendant  ce  temps  on  fera  des 
essais  de  culture  entre  Vivi  et  la  cote,  r—  M.  Tisidel,  agent  diploma- 
tique des  États-Unis  près  l'Association  internationale  africaine,  qui 
avait  été  chargé  par  son  gouvernement  d'explorer  avec  soin  le  nouvel 
État  africain  et  de  présenter  un  rapport  à  ce  sujet,  est  rentré  en  Eu- 
rope, après  avoir  visité  les  rives  du  Congo,  de  Banana  à  Léopoldville. 
—  Une  maison  belge  a  acheté  sur  le  bas-Congo  un  terrain  de  grande 
étendue  et  y  a  envoyé  un  agent,  qui  a  expédié  à,se6  chefs  du  minerai  de 
cuivre  très  riche,  trouvé  près  des  rives  du  fleuve,  au-dessus  de  la 
cataracte. 

Le  vapeur  le  Feace,  ayant  à  bord  M.  Grenfell  de  la  mission  baptiste 


—  177  — 
de  Stanley-Pool,  et  M.  le  D'  Sims  de  la  Livingstone  Inland  Mission,  a 

fait  le  voym^B  de  Léopold ville  »ux  cataracte»  de  Stanley; 

ils  en  ont  rapporté  d'utiles  renseignements  sur  quelques  aiBuents  du 
haut  fleuve,  que  publie  le  Mouvement  géographique^  avec  d'autres  four- 
nis par  M.  le  lieutenant  Coquilliat  chef  de  la  station  des  Baugala, 
qui  fit  avec  eux  une  partie  de  l'expédition.  —  La  Mpaka,  ajffluent  de 
la  rive  droite,  vient  de  l'ouest,  et  après  un  cours  de  160  ou  200  kilomè- 
tres, elle  se  termine  par  des  chutes,  entre  des  collines  d'environ  150" 
de  hâuteui',  et  se  jette  dans  le  fleuve  à  15  ou  20  kilomètres  en  amont 
de  Bolobo.  —  M.  Grenfell  a  remonté,  sur  une  longueur  de  200  kilom. 
environ,  le  cours  de  l'Ikelemba  qui  rejoint  le  Congo  un  peu  en  amont 
de  l'embouchure  du  Rouki.  Ce  cours  d'eau  est  très  tortueux  ;  sur  les 
bords  sont  de  nombreux  petits  villages,  très  éparpillés,  sans  grandes  ag- 
glomérations. Le  Lioulemi^ou  a  d'abord  une  direction  N.-E.,  puis,  sous 
le  nom  de  Maringa,  il  draine,  plus  ou  moins  parallèlement  au  cours  du 
Congo,  toute  la  région  comprise  entre  le  Loubilache  à  l'E.  et  le  Rouki 
à  l'O.  M.  Grenfell  a  déterminé  l'entrée  du  Loubilache,  par  0°44'  lat. 
N.,  et  Ta  remonté  jusqu'à  l^'SS'  lat.  S.  Le  cours  en  est  très  sinueux  et 
le  courant  très  violent  ;  il  n'y  a  pas  do  cataracte.  Sur  la  rive  droite,  le 
même  voyageur  a  exploré  le  lEboundoa-Iiiboko,  qui,  à  son  confluent 
à  Oubandji,  a  11  kilom.  de  large.  Il  Ta  remonté  jusqu'à  l''25'  lat.  N., 
et  là  encore,  sous  le  nom  de  Liboko,  cette  rivière  mesure  plus  de  3000" 
de  largeur.  Vers  0°30',  le  Liboko  a  plus  de  18"  de  profondeur.  Sa  direc- 
tion est  presque  parallèle  à  celle  du  Congo,  de  sorte  que  le  pays  entre 
les  deux  cours  d'eau  forme  une  longue  et  étroite  presqu'île.  Avec  M. 
Coquilhat,  M.  Grenfell  a  exploré  la  IV^alla,  qui  se  jette  dans  le  Congo 
à  environ  deux  jours  de  navigation,  en  amont  de  la  station  des  Bangala. 
Les  voyageurs  l'ont  remontée  jusqu'à  2° 6'  lat.  N.  ;  elle  avait  là  150"  de 
largeur  et  3"  à  4"  de  profondeur.  En  comparant  le  régime  des  eaux  de 
la  Ngalla  avec  celui  de  l'Ikelemba,  que  M.  Grenfell  a  reconnu  jusque 
près  de  son  extrémité,  il  estime  qu'elle  mesure  au  plus  une  centaine  de 
kilom.  —Enfin  le  Lioïka  a  été  exploré  jusqu'au  2°55'  lat.  N.;  dans 
son  cours  supérieur  il  fait  une  chute,  en  un  endroit  où  la  rivière  a 
encore  180"  de  largeur  et  3"  ou  4"  de  profondeur. 

En  même  temps  que,  de  Zanzibar,  partira  l'expédition  du  D'  Fischer 
pour  la  région  du  Haut-Nil,  de  Vienne  aussi  en  partira  une  organisée 
par  la  Société  de  géographie  de  l'empire  d'Autriche  ;  la  direction  en 
sera  confiée  au  D'  Oscar  Lenz  déjà  célèbre  par  ses  explorations  à  la 
côte  occidentale  d'Afrique  et  par  sa  traversée  du  Sahara  entre  le  Maroc 


—  178  — 

et  Tombouctou.  Mais  tandis  que  le  D' Fischer  prendra  pour  base  d'opé- 
ration la  côte  orientale,  le  D' Lenz  se  rendra  à  l'embouchure  du  Congo, 
qu'il  remontera  jusqu'aux  chutes  de  Stanley,  pour  se  rapprocher  le  plus 
possible  de  la  région  qu'il  compte  explorer.  Un  de  ses  buts  est  la 
recherche  des  gouverneurs  des  provinces  égyptiennes  équatoriales, 
Émin-bey  et  Lupton-bey,  et  des  explorateurs  Junker  et  Casati,  ou, 
s'ils  ont  été  victimes  de  l'insurrection  du  Mahdi,  il  tâchera  de  retrou- 
ver leurs  journaux  de  voyage,  leurs  papiers  et  leurs  collections.  Quant 
au  but  scientifique  de  cette  exploration,  le  D' Lenz  s'attachera  surtout 
à  étudier  et  à  faire  connaître  le  pays  qui  s'étend  entre  le  Haut-Congo 
et  le  HautrNil,  et  à  déterminer  la  ligne  de  partage  des  eaux  entre  les 
bassins  de  ces  fleuves  et  celui  de  Chari.  Il  recherchera  aussi  les  infor- 
mations qui  pourront  être  le  plus  utiles  à  l'industrie  et  au  commerce  de 
l'Autriche.  Les  conditions  dans  lesquelles  se  prépare  cette  expédition 
sont  des  plus  favorables  et  permettent  d'espérer  un  plein  succès: 
l'expérience  de  son  chef,  qui  connaît  très  bien  le  climat  de  l'Afrique 
équatoriale,  l'appui  moral  du  roi  des  Belges,  aujourd'hui  souverain  du 
nouvel  État  du  Congo,  les  recommandations  du  président  de  TAssocia- 
tion  internationale  du  Congo  pour  sir  Francis  de  Winton  et  pour  tous 
les'agents  des  stations  établies  le  long  du  fleuve,  engagés  de  la  manière 
la  plus  instante  h  appuyer  l'expédition  de  toutes  leurs  forces.  Les  Socié- 
tés de  missions  qui  travaillent  au  Congo  lui  ont  aussi  remis  des  lettres 
de  recommandation  pour  leurs  missionnaires  dans  ces  parages.  Le  D' 
Lenz  espère  partir  le  1"  juin  de  Hambourg,  accompagné  de  M.  0.  Bau- 
mann,  jeune  géographe,  membre  de  la  Société  de  géographie  devienne. 
La  Société  de  géographie  de  Paris  a  reçu  dans  sa  dernière  séance 
diverses  informations  relatives  au  Congo,  qui  confirment  les  données 
fournies  par  le  Mouvement  géographique.  Elles  nous  apprennent  de  plus 
que  Savopspn»n  de  Brazz»'  était  descendu  de  Brazzaville  à  Vivi, 
pour  y  rencontrer  le  P.  Augouard  et  le  colonel  Francis  de  Winton,  qui 
dirige  actuellement  les  stations  de  l'Association  internationale.  Un  des 
agents  de  celle-ci  s'est  adjoint  aux  Arabes  de  TipcnTipo,  pour 
gagner  le  Tanganyika  et,  de  là,  Zanzibar.  Ce  chef  deNyangoué  a  main- 
tenant avec  lui  3000  Arabes,  armés  de  fusils  à  piston,  et  commandés  par 
des  chefs  armés  de  fusils  se  chargeant  par  la  culasse.  Il  se  dit  représen- 
tant du  sultan  de  Zanzibar,  auquel,  selon  lui,  appartient  tout  le  Congo. 
La  quantité  d'ivoire  que  possède  encore  la  région  du  Haut-Congo, 

*  A  la  dernière  heure  nous  apprenons  que  de  Brazza  revient  en  France* 


—  179  — 

excite  la  convoitise  des  Arabes  qui,  pour  s'en  emparer,  ravagent  le 
pays  et  obligent  les  populations  à  s'enfuir  devant  eux. 

Le  1>  Ball»y  a  fait  récemment  à  la  Société  de  géographie  de  Paris 
une  communication  sur  son  voyage  de  rogôoué  au  Congo  ;  nous  en 
extrayons  le  paragraphe  suivant,  relatif  aux  peuples  nains  de  l'Afrique, 
auxquels  nous  avons  consacré  un  article  spécial  (III"*  année,  p.  59-63), 
«  Un  des  barrages  de  rochers  de  l'Ogôoué  me  força  à  m'airêter  au  pays 
des  Okandas,  pour  y  attendre  le  retour  des  premières  pluies  et  la  crue 
des  eaux.  C'est  là  que,  pour  la  première  fois,  je  pus  pénétrer  dans  un 
village  de  ces  nains  Akkas  ou  Okoas,  dont  on  a  tant  parlé,  et  dont . 
je  n'avais  vu  jusque-là  que  des  spécimens  isolés .  Je  circulais  un  jour 
dans  la  rivière,  quand  je  remarquai,  à  quelques  centaines  de  mètres, 
des  gens  cachés  derrière  des  rochers  et  surveillant  nos  mouvements.  A  ^ 
mesure  que  nous  approchions,  il  s'enfuyaient  en  se  dissimulant  le  plus 
possible,  et  se  blottissaient  de  nouveau  derrière  quelque  obstacle  pour 
nous  regardera  distance.  Mes  guides  Okandas  m'apprirent  que  c'étaient 
des  Okoas  qui  avaient  un  campement  dans  le  voisinage  ;  ils  n'avaient 
jamais  vu  de  blanc,  et  venaient  me  regarder  de  loin  ;  mais  si  leur  curio- 
sité était  grande,  leur  frayeur  était  plus  grande  encore,  car  ils  ne  se 
laissaient  pas  approcher.  Depuis  longtemps  désireux  de  voir  ces  pygmées, 
j'usai  en  vain  de  tous  les  moyens  pour  arriver  jusqu'à  eux,  en  calmant 
leur  terreur;  à  la  fin,  un  chef  Okanda  qui  m'accompagnait  réussit  à 
entrer  en  pourparlers  avec  eux  et,  malgré  leurs  protestations,  me  con- 
duisit à  leur  campement  où  ils  revinrent  bientôt  eux-mêmes  ;  mais  je  ne 
pus  jamais  approcher  aucun  d'eux  à  moins  de  dix  mètres.  Leur  campe- 
ment était  un  ramassis  de  huttes  basses  et  ouvertes  de  tous  côtés.  Des 
engins  de  chasse  :  filets,  lances,  sagaies,  les  remplissaient.  Des  chiens  et 
quelques  poules  erraient  çà  et  là.  Le  chef,  un  petit  homme  jeune  encore, 
portant  une  longue  barbe,  et  le  corps  tout  velu,  pouvait  avoir  1",40. 
La  coloration  de  sa  peau  était  peu  foncée.  Les  autres  hommes,  tous 
bien  conformés  dans  leur  petite  taille,  avaient  une  stature  voisine  de  la 
sienne;  les  femmes  paraissaient  aussi  grandes  que  les  hommes.  Bien 
que  je  n'aie  pu  les  examiner  qu'à  distance,  l'aspect  général  de  leur  tête 
m'a  paru  brachycéphale.  Le  chef  me  promit  de  venir  me  voir  quelques 
jours  après,  mais  jamais  plus  je  n'entendis  parler  de  lui.  Ces  Okoas 
vivent  dans  une  sorte  de  servage  à  l'égard  de  leurs  voisins  plus  puis- 
sants qu'eux.  Toujours  disséminés  par  petits  groupes,  dans  cette  région 
du  moins,  ils  sont  complètement  à  la  merci  des  possesseurs  du  sol,  qui 
ne  se  gênent  guère  pour  les  exploiter,  tout  en  y  mettant  une  certaine 


—  180  — 

modération,  ne  les  réduisant  pas  en  esclavage,  par  exemple,  à  cause  des 
services  qu'ils  reçoivent  d'eux.  Les  Okoas  sont  exclusivement  chasseurs, 
et  obtiennent  de  leurs  voisins,  cultivateurs,  un  peu  de  nourriture  végé- 
tale en  échange  du  gibier  qu'ils  leur  fournissent  en  quantité.  Ils  s'instal- 
lent généralement  à  côté  d'un  chef  puissant  qui  les  protège  et  les  ran- 
çonne, puis  im  beau  jour  ils  disparaissent  pour  s'en  aller  dans  des 
contrées  nouvelles,  chercher  de  nouveau  gibier  et  de  nouveaux  maîtres.  » 
Après  le  voyage  à  Salaga,  entrepris  par  les  missionnaires  de  la  Société 
de  Bâle  en  vue  de  chercher  un  emplacement  favorable  à  un  sanatorium, 
notre  compatriote,  M.  Ramseyer,  missionnaire  à  Abétifi,  en  a  fait  un 
au  nord  du  pays  des  Achantis,  à  Atéoboa,  Krakyé»  Boein»  qui 
autrefois  faisaient  partie  des  États  du  roi  de  Coumassie.  D'Abétifi,  il  se 
dirigea  au  nord  vers  l'Afram,  affluent  du  Volta,  de  20  h  25  m.  de 
large  ;  au  delà  s'étend  une  vaste  steppe,  et  ce  n'est  qu'au  bout  de  qua- 
tre jours  de  marche  que  l'on  atteint  un  petit  village  achanti,  dont  les 
habitants  vivent  de  la  chasse  aux  antilopes,  aux  buffles  et  aux  éléphants. 
A  partir  de  là,  le  pays  devient  plus  peuplé.  Le  village  que  rencontrèrent 
les  voyageurs  compte  environ  2000  habitants.  Plus  au  nord,  ils  traversè- 
rent une  plaine,  où  la  culture  des  yams  réussit  parfaitement  et  fournit  le 
principal  aliment  de  la  population.  M.  Ramseyer  trouva  là  un  homme 
qu'il  avait  connu  en  1874  à  Coumassie,  et  qui  avait  même  été  prisonnier 
avec  lui  ;  mais,  pour  se  faire  bien  venir  des  tribus  de  l'intérieur,  il  était 
devenu  mahométan.  Il  se  trouvait  alors  à  la  tête  d'une  ambassade  de 
quelques  villes  des  environs  de  Coumassie  qui  se  rendait  à  Krakyé  sur 
le  Volta,  pour  rechercher  l'appui  du  prêtre  Dentés,  qui  aujourd'hui 
jouit  d'un  grand  crédit  parmi  les  tribus  de  l'ancien  royaume  des  Achan- 
tis. En  général,  les  villes  et  les  villages  qui  autrefois  s'appuyaient  sur 
Coumassie,  cherchent  à  se  fortifier  d'un  autre  côté.  Les  habitants  des 
territoires  traversés  ont  fait  un  bon  accueil  à  M.  Ramseyer.  A  Atéobou, 
en  particulier,  ville  de  2500  à  3000  habitants,  le  roi  se  montra  très 
généreux;  la  pompe  déployée  pour  recevoir  le  voyageur  indique  qu'il 
s'agit  d'un  souverain  d'une  toute  autre  importance  que  les  petits  chefs 
des  villes  ou  villages  de  cette  région.  Aussi,  M.  Ramseyer  songe-t-il  à 
étendre  le  champ  de  la  mission  jusqu'à  Atéobou.  Il  doit  revenir  en  Suisse 
cette  année-ci  pour  se  reposer,  et  nous  espérons  recevoir  de  lui  directe- 
ment des  renseignements  détaillés,  soit  sur  son  dernier  voyage,  soit  sur 
ses  plans  pour  l'avenir. 


—  181  — 

NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Les  travaux  de  la  voie  ferrée  de  Batna  à  Biskra  sont  poussés  de  telle  sorte  que 
Pexploitation  de  cette  ligne  pourra  commencer  dès  le  printemps  de  1887.  Les 
études  de  la  section  de  Biskra  à  Touggourt  sont  assez  avancées,  pour  que  la  con- 
cession puisse  en  être  votée  par  les  Chambres  dans  leur  session  de  juillet. 

Le  directeur  des  mines  de  Mokta-el-Hadid  s'est  rendu  à  Tabarka,  pour  y  ter- 
miner les  études  relatives  aux  mines,  au  port  et  au  chemin  de  fer  projetés. 

M.  Cambon,  ministre  de  France  à  Tunis,  accompagné  de  M.  Baraban,  inspecteur 
des  forêts,  a  visité  la  région  au  sud  4es  Chotts,  afin  d'étudier  les  mesures  à  prendre 
pour  prévenir  l'envahissement  par  les  sables  de  plusieurs  oasis  importantes. 

M.  Teisserenc  de  Bort  est  revenu  à  Gabès,  de  sa  mission  à  la  vallée  de 
PIgharghar.  Nous  en  donnerons  les  détails  dans  notre  prochain  nuniéro. 

Le  bruit  de  la  mort  de  Slatin-bey,  gouverneur  du  Darfour  avant  la  révolte  du 
Soudan,  s'était  répandu  en  Europe;  mais  d'après  le  Taghlatt  devienne,  des  lettres 
de  lui  à  sa  famille  informent  celle-ci  qu'il  est  prisonnier  du  Mahdi. 

M.  Gaston  Lemay,  vice-consul  de  France  à  Massaoua,  chargé  d'une  mission 
spéciale  auprès  du  roi  Jean  d'Abyssinie,  est  redescendu  à  la  côte.  Accompagné 
de  M.  Marquet,  négociant  de  Souakim,  il  a  eu  beaucoup  à  souffrir,  pendant  le 
voyage,  de  la  chaleur,  de  la  mauvaise  nourriture  et  de  la  fatigue,  le  pays  étant 
dépourvu  de  routes  et  très  accidenté.  11  a  été  très  bien  accueilli  par  le  négous  qui 
se  trouvait  alors  dans  la  province  de  l'Amhara,  au  sud  d'Adoua,  au  delà  du 
Taccazzé,  dans  les  montagnes  de  Semien. 

Le  D'  Paulitschke  est  de  retour  du  voyage  entrepris  avec  M.  de  Hardegger  au 
Harrar  et  dans  les  pays  Gallas.  Il  en  a  fait  à  la  Société  de  géographie  de  Vienne 
on  compte  rendu  sur  lequel  nous  reviendrons  prochainement. 

D'après  une  dépêche  du  consulat  allemand  à  Zanzibar,  l'expédition  allemande 
de  MM.  Bœhm  et  Reichardt  a  été  attaquée  à  l'ouest  du  lac  Moèro;  le  premier  a 
été  tué,  le  second  a  réussi  à  s'échapper  et  a  pu  atteindre  Zanzibar.  —  D'autre 
part,  le  sultan  de  Zanzibar  a  envoyé  contre  les  Allemands  établis  dans  le  terri- 
toire placé  récemment  sous  le  protectorat  de  l'Allemagne,  une  expédition  de 
300  Zanzibarites,  sous  les  ordres  du  général  Matthews,  sujet  anglais  au  service 
de  Sald  Bargasch.  L'escadre  allemande  dans  les  eaux  de  Zanzibar  sera  renforcée. 

Le  gouvernement  de  l'empire  allemand  a  conclu  avec  la  reine  de  Madagascar 
une  convention,  aux  termes  de  laquelle  les  sujets  et  citoyens  des  deux  États  jouiront 
dans  l'autre  État,  pour  leurs  personnes,  leurs  biens,  le  commerce  et  fa  navigation, 
et  en  général  pour  toutes  choses,  de  tous  les  droits,  immunités  et  exemptions  dont 
jouissent  les  citoyens  de  la  nation  la  plus  favorisée. 

Les  interruptions  fréquentes  du  service  télégraphique  entre  l'Angleterre  et 
l'Afrique  australe,  causées  par  la  rupture  du  c&ble  entre  Mozambique  et  Zanzibar, 
ont  provoqué  la  réunion  d'un  meeting  à  Londres.  La  question  de  la  pose  d'un 
câble  le  long  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  a  été  examinée,  mais  comme  aucune 


—  182  — 

société  de  capitalistes  ne  se  chargerait  de  cette  entreprise,  sans  être  largement 
subventionnée  par  le  gouvernement,  les  négociants  présents  à  la  séance  ont 
demandé  que  lord  Derby  fût  prié  de  prendre  les  mesures  nécessaires  à  cet  égard. 

M.  Beelaerts  von  Blackland,  ministre  du  Transvaal,  s'est  rendu  à  Paris  pour 
négocier  un  traité  de  commerce  entre  la  France  et  la  république  Sud- Africaine. 

D'après  une  lettre  d'un  traitant  anglais  établi  au  Gabon,  la  sécurité  fait  corn- 
plètement  défaut  dans  cette  coloûie,  les  nègres  pratiquent  impunément  la  piraterie 
à  l'égard  des  embarcations  des  factoreries  anglaises  et  allemandes,  les  personne 
elles-mêmes,  traitants  ou  kroumen,  ne  sont  pas  épargnées. 

Le  journal  de  Madrid,  el  Imparcial,  publie  une  lettre  adressée  à  la  Société  des 
Africanistes  par  un  voyageur  espagnol  qui  raconte  qu'un  vaisseau  français  a  arboré 
le  drapeau  tricolore  sur  plusieurs  territoires  appartenant  à  des  Espagnols.  Il 
invite  le  gouvernement  espagnol  à  envoyer  un  navire  pour  protéger  ses  nationaux. 

Des  sous-officiers  allemands  disposés  à  prendre  un  engagement  pour  le  service 
colonial  à  Gameroon  seront  envoyés  dans  la  nouvelle  colonie  allemande,  pour  y 
exercer  les  nègres  au  maniement  des  armes  et  en  former  un  corps  de  police.  Les 
indigènes  qui  s'étaient  révoltés  il  y  a  quelque  temps  ont  fait  leur  soumission. 

Nous  ne  pouvons  pas  rappeler  en  détail  les  services  rendus,  pendant  près  de 
vingt-cinq  ans,  à  la  géographie  de  l'Afrique  par  le  D'  Nachtigal,  mort  le  20  avril, 
en  mer,  entre  Lagos  et  le  cap  Palmas,  à  l'&ge  de  6Qf  ans,  mais  nous  joignons  l'ex- 
pression de  notre  sympathie  aux  nombreux  témoignages  de  regrets  qu'a  provoqués 
le  décès  inattendu  de  l'illustre  explorateur. 

La  Chambre  des  pairs  du  Portugal  a  voté  le  projet  de  loi  portant  concession 
du  cÀble  sous-marin  qui  doit  reïier  Lisbonne  aux  stations  de  la  côte  occidentale 
d'Afrique.  Subventionné  par  la  France,  l'Espagne  et  le  Portugal,  il  ira  de  Lis- 
bonne aux  Canaries,  pour  se  diriger  de  là  sur  le  Sénégal,  la  Guinée,  Saint-Paul  de 
Loanda  et  le  cap  de  Bonne-Espérance. 

Le  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  commerciale  de  Bardeaux  annonce  que 
M.  Bouquet  de  la  Grye,  ingénieur  hydrographe,  a  terminé  sa  mission  au  Sénégal. 
Pendant  son  séjour  à  Saint-Louis,  il  a  étudié  le  cours  du  fleuve  depuis  Saint- 
Louis  jusqu'à  l'embouchure,  ainsi  que  la  région  de  la  barre  qui  en  obstrue  l'entrée. 
Il  ressort  de  l'examen  auquel  il  s'est  livré,  qu'il  est  possible  d'améliorer  ce  régime, 
et  de  rendre  l'entrée  du  fleuve  accessible  en  tout  temps  aux  navires  de  fort  ton- 
nage. 

La  Société  africaine  de  Madrid  a  rétabli  sur  les  rives  du  Rio  del  Oro  ses  ,comp- 
toirs  que  les  indigènes  avaient  pillés. 

Le  sultan  du  Maroc  a  fait  à  l'ambassade  française  un  accueil  très  amical,  et 
s'est  montré  très  sensible  aux  témoignages  de  bienveillance  qui  lui  ont  été  exprimés 
de  la  part  du  président  de  la  république. 

M.  Donald  Mackenzie,  le  fondateur  des  établissements  anglais  au  Cap  Juby, 
prépare,  sur  ses  travaux  en  Afrique,  un  ouvrage  qui  contiendra  tous  les  détails  de 
ses  opérations  en  vue  d'amener  l'eau  de  l'Océan  dans  la  dépression  du  Sahara 
occidental. 


—  183  — 

Le  directeur  de  la  compagnie  JSastem  Télégraphe  de  Gibraltar,  a  visité  Tanger, 
accompagné  d'an  ingénieur,  pour  étudier  la  question  de  la  pose  d*up  câble  sous- 
marin  entre  le  Marop  et  PËurope. 

Ensuite  d'une  proposition  de  M.  Fritz  Robert  de  Vienne,  l'auteur  de  Afrika  aïs 
Handelsgehiet,  à  la  Société  de  géographie  commerciale  de  Paris,  cette  Société  a 
ouvert  une  souscription  destinée  à  la  création  d'une  bourse  de  voyage;  ce  voyage 
aura  pour  objet  l'Afrique  et  aura  un  caractère  spécial  d'exploration  commerciale. 


EXPLORATION  DU  LIMPOPO  PAR  LE  CAPITAINE  CHADDOCK 

Nous  avons  indiqué  sommairement,  d'après  les  Proceedijigs  de  la 
Société  de  géographie  de  Londres,  le  résultat  de  l'expédition  du  com- 
mandant de  la  Matid  (voyez  p.  147).  L'importance»  de  son  exploration 
nous  engage  à  y  revenir,  et  à  lui  consacrer  un  article  dont  nous  devons 
les  données  au  rapport  du  capitaine  Cbaddock,  publié  dans  le  numéro 
de  février  du  Mercantile  marine  service  association  Reporter,  de  Liver- 
pool. 

Deux  fois  déjà  le  Limpopo  avait  été  exploré,  en  1868,  par  Vincent 
Erskine,  fils  du  gouverneur  de  Natal,  et  en  1870  par  J.-F.  Elton,  de 
l'armée  des  Indes,  plus  tard  consul  anglais  à  Mozambique.  Le  premier, 
après  avoir  rejoint  Mauch  à  Lydenbourg,  se  dirigea  au  N.-E.,  vers  le 
confluent  de  l'Oliphant-River  et  du  Limpopo,  dont  il  longea  ensuite  la 
rive  gauche  jusqu'à  son  embouchure,  rapportant  l'impression  que  le 
fleuve  pouvait  être  navigable,  et  l'intention  de  faire  une  tentative  pour  le 
remonter  depuis  l'Océan  Indien;  mais  ce  projet  ne  put  être  mis  à  exé- 
cution. Quant  à  Elton,  il  se  rendit  à  travers  le  Transvaal  à  Tati,  d'où, 
par  la  Shasha,  il  atteignit  le  Limpopo,  qu'il  descendit  en  pirogue  jusqu'à 
la  cataracte  de  Tolo-Azimé;  puis,  du  confluent  du  Lipaloulé  avec  le 
Limpopo,  il  regagna,  par  terre,  Lorenzo  Marquez,  sans  rapporter  d'in- 
formations  nouvelles  sur  le  cours  inférieur  du  fleuve.  Les  Portugais,  dans 
les  possessions  desquels  coule  ce  dernier,  ne  firent  rien  au  point  de  vue 
de  l'exploration  de  cette  partie  du  Limpopo,  et,  en  1878  encore,  d'après 
VAfrican  pilot,  le  capitaine  Owen,  dans  le  relevé  de  la  côte,  en  plaçant 
l'embouchure  du  fleuve  par  25%  11',  30"  lat.  S.,  et  33°,  28'  15"  long.  E., 
ajoutait  :  «  Nous  n'avons  pas  de  renseignements  sur  ce  fleuve.  » 

La  situation  critique  du  commerce  anglais  et  la  nécessité  de  lui  cher^ 
cher  de  nouveaux  débouchés  en  Afrique,  engagèrent,  en  1883,  la  «  Mer- 
cantile marine  service  association  »  à  envoyer  un  de  ses  membres,  le  jeune 
et  énergique  capitaine  G.- A.  Chaddock,  explorer  la  côte  orientale 


—  184  — 

d'Afrique,  au  sud  de  Zanzibar.  Un  petit  vapeur  à  hélice,  de  seize  tonnes, 
la  Maud,  de  66  pieds  de  long  sur  10  pieds  6  pouces  de  large,  tirant 
6  pieds  d'eau,  fut  équipé  à  cet  effet,  et  quitta  Liverpool  le  25  septem- 
bre 1883.  Il  s'arrêta  d'abord  à  l'embouchure  de  la  Rovouma,  mais  en 
trouva  les  eaux  trop  peu  profondes  à  la  marée  basse,  et  continua  sa 
route  jusqu'à  la  baie  de  Fernando  Veloso,  un  peu  au  nord  de  Mozambi- 
que, dans  la  partie  de  l'Afrique  la  plus  rapprochée  de  Madagascar  (cap 
Saint-André),  où  le  canal  de  Mozambique  est  le  plus  étroit.  La  rivière 
qui  se  jette  dans  la  baie  paraît  être  navigable  jusqu'à  une  certaine  dis- 
tance à  l'intérieur,  et  offre  im  refuge  assuré  aux  barques  de  négriers  qui 
cherchent  à  échapper  aux  croiseurs.  Chaddock  estime  que  c'est  un  des 
points  où  la  traite  s'est  faite  sur  la  plus  grande  échelle.  L'attitude  des 
indigènes  l'engagea  à  descendre  plus  au  sud,  vers  la  baie  de  Delagoa, 
où  il  jeta  l'ancre,  à  Port-Melville,  le  14  janvier  1884.  Une  avarie  à  la 
chaudière  lui  rendait  d'ailleurs  nécessaire  une  course  à  Natal  pour  répa- 
rations, avant  de  s'engager  dans  l'exploration  du  Limpopo. 

Ne  trouvant  pas  prudent  de  conduire  sous  voile  le  steamer  à  Lorenzo 
Marquez,  il  s'y  rendit  en  canot  avec  deux  hommes  de  son  équipage, 
pour  s'informer  de  l'arrivée  des  marchandises  d'échange  qui  avaient  dû 
y  être  amenées  auparavant  par  un  des  membres  de  Texpédition, 
M.  Wylie.  Il  nous  est  impossible,  vu  le  peu  de  place  dont  nous  disposons, 
de  rapporter  en  détail  les  ennuis  que  lui  suscitèrent,  cinq  jours  durant, 
les  fonctionnaires  portugais,  agents  de  la  douane  et  gouverneur  :  arres- 
tation à  Lorenzo  Marquez,  visite  du  steamer  à  Port-Melville,  sous 
prétexte  qu'il  pouvait  renfermer  de  la  contrebande,  avec  déploiement 
de  force  armée,  officiers  et  soldats,  carabines  chargées,  etc.  Plus  tard 
encore,  après  deux  mois  de  séjour  à  Natal  pour  réparations,  quand  la 
Maud  revint  prendre  à  Lorenzo  Marquez  ses  marchandises  d'échange, 
l'autorité  portugaise  ne  la  laissa  repartir  que  lorsque  le  capitaine  Chad- 
dock eut  fourni  une  caution,  comme  garantie  que  le  steamer  et  les 
marchandises  étaient  réellement  destinés  au  Limpopo,  et  que  le  vapeur 
reviendrait  à  la  baie  de  Delagoa,  immédiatement  après  avoir  redescendu 
le  Heuve,  avec  les  produits  qu'il  en  rapporterait.  Ce  procédé  est  d'autant 
plus  incompréhensible  que  les  mai'chandises  avaient  payé  tous  les  droits 
d'entrée,  et  que  le  receveur  des  douanes  dit  au  capitaine  Chaddock,  à 
son  départ  de  Lorenzo  Marquez,  qu'il  ne  pensait  pas  le  voir  revenir, 
les  essais  faits  par  un  vaisseau  de  guerre  portugais  ayant  prouvé  qu'il 
n'était  pas  possible  d'entrer  dans  le  fleuve. 

Pour  assurer  le  succès  de  l'expédition,  Chaddock  prit  toutes  les  pré- 


—  186  — 

cautions  nécessaires.  Il  croisa  plusieurs  fois  devant  Tembouchure  du 
Limpopo,  fit  faire  des  sondages  le  plui$  près  possible  de  celle-ci,  attendit 
le  moment  de  la  marée  haute,  puis,  quand  il  jugea  le  moment  favorable, 
prenant  son  point  de  départ  en  mer,  à  une  certaine  distance  de  la  barre, 
il  donna  l'ordre  de  faire  marcher  le  vapeur  à  toute  vitesse  et  réussit  à 
passer  de  Tocéan  dans  le  fleuve,  sans  obstacle.  Les  précautions  étaient 
bonnes,  car  le  courant,  dans  cette  partie  du  Limpopo  est  de  quatre 
nœuds  à  Theure  ;  un  navire  entraîné  sur  les  brisants  du  voisinage  risque- 
rait de  se  perdre. 

A  mesure  que  la  Mmid  marchait,  Chaddock  faisait  faire  des  sondages  ; 
il  trouva  quatre  brasses  et  demie  dans  la  bouche  méridionale  du  fleuve, 
un  fond  de  sable,  et  en  dedans  de  la  barre,  un  magnifique  mouillage 
fonné  par  une  longue  langue  de  terre  constituant  un  brise-lames 
naturel  pour  abriter  les  navires  contre  les  vents  et  la  mer  ;  une  centaine 
de  vaisseaux  pourraient  y  stationner  en  sûreté.  L'ouverture  du  canal  a 
un  kilomètre  de  large.  L'eau  du  fleuve  est  fraîche  et  potable.  A  droite 
et  à  gauche  le  pays  est  formé  de  collines  de  sable  couvertes  d'une  courte 
végétation;  l'une  d'elles,  haute  de  200  pieds  et  visible  k  une  assez 
grande  distance,  fournit  une  indication  précieuse  pour  reconnaître  l'en- 
trée du  fleuve. 

Du  15  au  19  avril,  la  Maud  remonta  le  Limpopo  sur  une  longueur  de 
130  kilomètres,  ne  naviguant  que  de  jour  bien  entendu,  puisqu'il  s'agis- 
sait avant  tout  de  reconnaître  le  fleuve,  la  profondeur  des  eaux,  les 
rives,  la  nature  de  leur  sol,  les  villages  et  la  population.  De  quatre 
brasses,  au  début  de  la  navigation,  la  profondeur  des  eaux  n'était  plus 
le  deuxième  jour  que  de  trois  brasses  et  demie,  et  le  dernier  jour,  de 
huit  pieds,  quantité  très  suflisante  encore  pour  le  steamer.  Il  faut  noter 
d'ailleurs  que  c'était  l'époque  des  basses  eaux.  Le  fleuve  faisant  de 
nombreux  méandres,  il  arriva  quelquefois  que  le  bateau  toucha  terre, 
soit  que  la  navigation  se  fût  prolongée  au  delà  du  crépuscule,  soit  par 
suite  d'une  fausse  manœuvre  du  pilote.  Mais  chaque  fois,  il  fut  dégagé 
en  peu  de  temps  et  facilement. 

Le  capitaine  Chaddock  s'apercevant  de  la  baisse  des  eaux,  ne  jugea 
pas  prudent  de  pousser  plus  avant  son  exploration,  de  peur  d'être  em- 
pêché, au  retour,  de  franchir  la  barre  à  l'embouchure,  et  de  ne  pouvoir 
rentrer  k  Lorenzo  Marquez  avant  l'expiration  du  terme  fixé  par  les 
autorités  portugaises  pour  la  caution  qu'elles  avaient  exigée.  Il  dut, 
avant  de  redescendre,  faire  dresser  des  huttes  pour  y  déposer  les  mar- 
chandises qui  lui  restaient  et  les  provisions  nécessaires  aux  gens  qu'il 


—  186  — 

comptait  laisser  là,  près  du  kraal  de  Manjoba,  le  point  le  plus  avancé 
atteint  par  la  Matid. 

Sur  la  plus  grande  partie  du  trajet,  le  fleuve  est  étroit  et  profond, 
mais  le  pays  d'alentour  est  bas  et  plat.  A  mesure  qu'il  remontait,  le 
bateau  était  accompagné  par  des  foules  d'indigènes,  qui  pouvaient,  vu 
le  courant,  suivre  le  bâtiment  à  la  course  et  lutter  de  vitesse  avec  lui. 
Us  dansaient  et  poussaient  des  cris  de  joie  en  courant  ;  de  temps  à 
autre  cependant,  le  sifflet  du  bateau  les  faisait  ressauter  d'épouvante  ; 
alors  ils  s'écartaient  jusqu'à  une  portée  de  fusil  ;  puis,  voyant  qu'il 
n'en  résultait  aucun  mal  pour  eux,  ils  reprenaient  courage,  et  se  rap- 
prochaient afin  de  voir  les  nouveaux  arrivants.  Le  vapeur  s'arrêta  aux 
principaux  villages,  pour  en  voir  les  chefs  qui  tous  reçurent  les  voya- 
geurs avec  étonnement  et  courtoisie.  Les  vieillards  les  plus  âgés  aflSr- 
mèrent  tous  n'avoir  jamais  vu  de  navire  dans  le  fleuve.  La  population 
est  très  dense  ;  les  hommes  sont  d'un  caractère  ardent,  et  prêts  à  tra- 
vailler pour  un  salaire  des  plus  minimes  ;  pour  un  mouchoir  de  poche 
de  deux  pences,  un  homme  fera  un  travail  quotidien  très  pénible.  Le 
pays  paraît  favorable  à  l'agriculture  et  à  la  culture  de  la  canne  à  sucre; 
la  végétation  arborescente  ne  s'y  rencontre  guère  que  sur  une  longueur 
de  20  kilomètres  à  partir  de  l'embouchure  ;  une  épaisse  ceinture  de 
manguiers  borde  le  fleuve  sur  ses  deux  rives.  Au  delà  du  kraal  de  Man- 
joba, le  pays  s'élève  et  devient  très  boisé. 

Manjoba  est  la  limite  extrême  des  trafiquants  indiens  ou  Banyans, 
qui  paraissent  importer  surtout  des  spiritueux  ;  le  paiement  s'en  fait 
en  argent  ou  en  objets  de  commerce  aussi  petits  que  possible,  les  frais 
de  transport  excluant  la  possibilité  d'emporter  des  objets  d'un  gros 
volume.  Le  tabac  pourrait  y  être  cultivé,  mais  la  culture  n'en  serait  pas 
rémunératrice  à  cause  du  coût  des  transports  ;  les  trafiquants  gagnent 
beaucoup  plus  avec  les  peaux,  le  caoutchouc  et  la  cire  d'abeilles.  A 
l'embouchure  du  fleuve  le  caoutchouc  abonde  ;  on  pourrait  employer 
beaucoup  de  bras  à  le  recueillir,  mais  les  frais  de  transport  absorbe- 
raient tout  le  profit  qu'on  pourrait  en  tirer.  Du  kraal  de  Manjoba  à  la 
baie  de  Delagoa,  le  port  d'une  charge  de  25  à  30  kilog.  coûte  fr.  12,50. 
En  outre,  les  natifs  exigent  le  paiement  d'avance,  et  souvent  ils  décam- 
pent après  avoir  reçu  l'argent.  Il  faut  en  outre  compter  avec  les  voleurs, 
ainsi  qu'avec  les  pluies  et  les  inondations  qui  parfois  sont  considérables. 
Les  risques  et  les  frais  de  transport  diminueraient  de  beaucoup,  si  les 
communications  par  eau  pouvaient  devenir  régulières. 

Les  indigènes  affirment  que  le  pays  va  en  s'élevant  continuellement 


—  187  — 

yers  rintérieur  et  qu'il  est  très  salubre.  Us  ue  eonnaiasent  pas  d'obs- 
tructions dans  le  fleuve  qui  puissent  empocher  la  navigation  en  toute 
saison.  Toutefois,  ont-iLs  dit,  ils  peuvent,  dans  certaines  années,  pendant 
la  saison  sèche,  traverser  le  fleuve  à  gué  près  de  Manjoba.  Chaddock 
doute  beaucoup  qu'ils  le  fassent  jamais,  le  fleuve  étant  rempli  de  cro- 
codiles et  d'alligators  ;  les  natifs  les  redoutent  tdlement  qu'Us  n'osent 
pas  s'approcher  de  l'eau  pour  boire  ;  ils  puisent  l'eau  dans  des  pots 
attachés  à  de  longues  perches. 

La  marée  se  fait  sentir  jusqu'à  Manjoba.  Peu  avant  l'arrivée  de  la 
Mand,  le  niveau  avait  été  de  huit  pieds  plus  élevé  que  pendant  qu'elle  y 
stationna,  et  après  son  départ,  les  gens  laissés  là  par  le  capitaine  Chad- 
dock le  virent  remonter  de  deux  pieds  au-dessus  du  point  où  il  était 
pendant  que  la  Maud  stationnait  à  Manjoba. 

Le  25  avril  la  Maud  quitta  le  Lhnpopo,  et  réussit  de  nouveau  à  en 
franchir  la  barre,  quoique  l'eau  fût  beaucoup  moins  haute  qu'au  moment 
où  elle  était  entrée  dans  le  fleuve.  La  santé  de  l'équipage  laissait  à 
désirer  ;  plusieurs  des  hommes  avaient  la  fièvre,  Chaddock  lui-même  en 
était  atteint,  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de  se  tenir  sur  le  pont  pour  diri- 
ger la  manœuvre.  L'arrivée  à  Lorenzo  Marquez  fut  assombrie  par  le 
décès  d'un  jeune  homme  de  l'expédition.  Le  sept  mai  la  Maud  repartit 
pour  Natal  où  les  autres  malades  recouvrèrent  tous  la  sauté. 

Quant  à  M.  Wylie,  qui  avait  été  laissé  au  Limpopo  avec  les  marchan- 
dises d'échange,  on  apprit  plus  tard  qu'il  avait  été  saisi  par  les  natifs, 
sous  prétexte  qu'il  était  venu  avec  le  steamer  pour  tuer  les  indigènes. 
Ceux-ci  le  gardèrent  un  certain  temps  ;  il  réussit  cependant  à  envoyer 
un  message  au  gouverneur  de  Lorenzo  Marquez  qui,  après  six  jours 
de  délai,  déclara  qu'il  ne  pouvait  rien  faire,  prétendant  que  le  teni- 
toire  du  Limpopo  était  en  dehors  de  sa  juridiction  ;  et  pourtant  le 
capitaine  Chaddock,  en  deux  endroits  du  fleuve  habités  par  une  forte 
population,  avait  vu  flotter  le  pavillon  portugais  et  avait  rencontré  des 
fonctionnaires  militaires  portugais.  M.  Wylie  a  pu  quitter  Manjoba, 
mais  en  abandonnant  toutes  les  marchandises  laissées  par  la  Maud  ;  à 
son  retour  à  Lorenzo  Marquez,  il  réclama  la  protection  des  autorités 
portugaises  qui  refusèrent  de  rien  faire  pour  qu'il  rentrât  en  possession 
des  biens  de  l'expédition,  quoique  Chaddock,  en  entrant  dans  le  district 
du  Limpopo,  se  fût  conformé  à  tous  les  règlements  et  eût  acquitté  tous 
les  droits  établis  par  le  gouvernement  portugais.  Une  exploration  ulté- 
rieure, dans  une  saison  plus  favorable,  ne  rencontrera  pas,  nous  l'espé- 
rons, les  mêmes  diflicultés,  et  permettra  de  reconnaître  la  navigabilité 


—  188  — 

du  âeuye,  au  moins  jusqu'au  confluent  de  rOIiphant-KlrerS  par  lequel 
on  pourrait  s'appl*ooher  par  eau  du  Nord  du  Transvaal,  de  manière  à 
n'avoir  plus,  pour  atteindre  ce  pays,  que  quelques  jours  de  marche  par 
terre,  au  lieu  de  trois  mois  de  voyage  en  wagons  attelés  de  seize  bœuÈ. 
Il  est  facile  de  comprendre  les  avantages  qu'en  retireraient  les  missions 
de  Berlin  et  de  la  Suisse  romande  qui  ont  leurs  stations  dans  cette 
région,  et  aussi  les  Sociétés  minières  qui  exploitent  les  gisements  auri- 
fères dont  nous  avons  parlé  dans  notre  dernier  numéro. 


BIBLIOGRAPHIE 


David  Livingstone,  missionnaire,  voyageur  et  pMlanthrope,  1813- 
1873,  par  Rodolphe  Beuss.  Paris  (Fischbacher),  1885,  in-8**,  119  pages, 
1  fr.  50. —  Cette  nouvelle  biographie  de  Livingstone  a  été  faite  d'après 
les  publications  du  voyageur  lui-même,  ses  lettres,  son  journal  intime, 
et  l'ouvrage  que  vient  de  publier,  sur  le  même  sujet,  M.  William  ftarden 
Blaikie.  L'auteur,  cherchant  à  mettre  en  relief  l'homme  et  le  croyant, 
insiste  surtout  sur  le  côté  philanthropique  et  religieux  de  cet  apostolat 
de  trente  années,  de  cette  longue  vie  de  privations  journalières  et  de 
sacrifices  qui  fut  entièrement  consacrée  à  lutter  contre  l'ignorance  et  le 
mal.  Nul  plus  que  Livingstone  n'a  témoigné  aux  pauvres  nègres  d'afifec- 
tion  sincère  et  constante,  et  nul  non  plus  n'a  développé  chez  eux  une 
confiance  plus  entière,  un  attachement  plus  absolu.  Les  nombreuses 
tribus  du  bassin  du  Zambèze  et  du  Haut-Congo  gardent  encore  le  sou- 
venir de  celui  qu'elles  appelaient  le  «  père,  »  «  l'homme  blanc  qui 
aimait  les  noirs.  »  Aussi  son  œuvre  vivra-t-elle  longtemps.  Il  a 
préparé  la  voie  aux  explorateurs,  qui  seront  toujours  bien  accueillis 
lorsque,  comme  lui,  ils  chercheront  à  gagner  les  cœurs  par  la  douceur 
et  l'affection  ;  c'est  lui,  en  outre,  qui  a  le  mieux  fait  toucher  du  doigt 
la  plaie  sanglante  de  la  traite  des  esclaves,  et  ceux  dont  les  efforts  ten- 
dent à  supprimer  ce  honteux  trafic  ne  font  que  suivre  ses  traces.  C'est 
ce  caractère  humanitaire  imprimé  par  Livingstone  à  l'œuvre  africaine 
que  l'ouvrage  de  M.  Reuss  fait  également  ressortir.  Il  est  regrettable 
qu'il  ne  renferme  pas  de  carte  donnant  les  itinéraires  si  nombreux  du 
grand  voyageur. 

*  A  130  kilom.  en  amont  de  Manjoba;  peut-être  même  jusqu^au  confluent  de  la 
Nuanetsi,  ce  qui  constituerait  une  voie  navigable  de  plus  de  600  kilomètres. 

^  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bftle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  cwHieée, 


—  189  — 

Die  SuDAinUËNDER  NACH  DEM  GSO£NWJEBri;iQ£K  StAKI>£  DEK  EeVKTNIS, 

Ton  D'  Philipp  Puulitschke.  Freiburg  i.  B.  (Herderscbe  Yerlagshand* 
lung),  1885,  in-8*,  311  p.  avec  gravures  et  carte,  fr.  8,75.  —  li'immense 
Soudan  limité  par  le  Sahara,  les  montagnes  de  Koug,  le  plateau  cen- 
tral et  le  haut  massif  des  monts  d'Abyssinie,  forme  une  région  assez 
nettement  circonscrite  et  possédant  une  unité  géographique  remarqua- 
ble. Elle  se  divise  en  trois  grands  bassins  disposés  d'une  manière  symé- 
trique :  au  centre,  le  fond  de  la  dépression  est  occupé  par  le  lac  Tchad 
(244""),  sans  écoulement  vers  la  mer;  à  l'ouest,  la  contrée  s'incline  vers 
le  golfe  de  Guinée  dans  lequel  ses  eaux  s'écoulent  par  le  Niger  ;  à  l'est 
au  contraire,  la  pente  est  tournée  vers  le  nord,  direction  générale  du 
Nil.  Sur  toute  l'étendue  de  cette  immense  zone  parallèle  à  Téquateur, 
le  climat,  la  flore  et  la  faune  sont  à  peu  près  les  mêmes,  et  les  peuples 
ont  pu  facilement  s'étendre  dans  le  sens  des  degrés  de  latitude  ;  mais 
si  le  fond  de  la  population,  c'est-à-dire  la  race  primitive,  est  à  peu  près 
partout  le  même,  les  conquérants  sont  venus,  à  l'ouest,  de  l'Atlas  par  le 
Sah^a,  à  l'est,  de  l'Arabie  par  le  Nil  ;  aussi  le  Soudan  présente-t-il  une 
grande  diversité  de  peuples  qui  diffèrent  par  la  race,  la  religion,  les 
mœurs  et  les  coutumes. 

Le  D*^  Paulitschke,  déjà  si  avantageusement  connu  par  ses  publica- 
tions sur  l'AMque,  fait  aujourd'hui  dans  un  magnifique  ouvrage  le 
tableau  complet  de  cette  vaste  région.  Après  une  vue  d'ensemble  de  la 
contrée,  il  traite  à  fond  l'histoire  des  découvertes,  depuis  Hérodote,  qui 
nous  transmet  les  premières  notions  géographiques  sur  le  Soudan,  jus- 
qu'aux voyageurs  contemporains  tels  que  Nachtigal,  Lenz,  Flegel, 
Schweinfurth,  etc.  Tous  les  explorateurs  ont  une  place  proportionnée  à 
l'importance  de  leurs  découvertes,  et  les  portraits  de  beaucoup  d'entre 
eux  sont  intercalés  dans  le  texte. 

La  troisième  section  est  consacrée  à  l'étude  de  la  région  du  Niger  et 
à  ses  peuples,  la  quatrième,  au  bassin  du  Tchad,  la  cinquième,  aux  pays 
baignés  par  le  Haut-Nil  et  ses  affluents  occidentaux.  Le  lecteur  voit 
ainsi  passer  une  succession  de  tableaux  décrits  d'une  façon  magistrale 
et  d'après  les  plus  récents  explorateurs  ;  en  outre,  ce  livre  parle  aussi 
bien  aux  yeux  qu'à  l'esprit,  car  il  abonde  en  gravures  très  nettes  et  fort 
bien  choisies,  reproduisant  des  types  des  races  du  Soudan,  de  sa  flore, 
de  sa  faune,  des  paysages  tout  entiers,  des  vues  de  villes,  etc.  Il  dis- 
pense pour  ainsi  dire  d'avoir  recours  aux  ouvrages  spéciaux  et  de  lire 
les  nombreux  récits  de  voyages  parus  ces  dernières  années. 

D'ailleurs  pour  ceux  qui  voudront  remonter  aux  sources,  l'auteur  a 
dressé  un  excellent  répertoire  bibliographique  comprenant  toute  la  lit- 


—  190  — 

térature  soudanienne  modefrne.  Il  ne  renferme  pas  moins  de  590  titres 
d'ouvrages  indiqués  par  ordre  de  dates,  et  de  106  titres  de  cartes  classés 
par  région. 

Enfin  une  carte  du  Soudan  au  Vnsooooo  et  dans  laquelle  les  divers 
États  sont  indiqués  au  moyen  de  couleurs  différentes,  accompagne  le 
volume.  Comme  elle  est  d'une  netteté  remarquable  et  qu'elle  a  été  com- 
plètement mise  à  jour,  elle  forme  une  partie  importante  de  l'ouvrage 
et  constitue  un  de  ses  nombreux  éléments  de  succès. 

Dix  ANNKE8  DE  V0TACHS8  BANS  l'AbIE  CENTRALE  ET  l'AtBIQUE  ÉQUA- 

TORiALE,  par  le  D' Potagos.  Traduction  de  MM.  Meyer,  Blaneard  et 
Labadie,  avec  notes  de  M.  Burnouf.  T.  1.  Paris  (Fischbacher),  1885, 
in-8%  416  p.  et  cartes.  —  C'est  plutôt  un  ouvrage  de  géographie  histo- 
rique que  de  géographie  moderne  qu'a  voulu  faire  M.  Potages.  Connais- 
sant à  fond  les  descriptions  faites  par  les  auteurs  anciens  du  monde 
alors  connu,  il  a  voulu  les  comparer  avec  la  topographie  exacte  des 
lieux  telle  que  lui-même  et  d'autres  voyageurs  modernes  l'ont  recon- 
nue. Il  indique  pour  chaque  contrée,  chaque  fleuve,  chaque  viUe,  toutes 
les  fois  que  la  chose  est  possible,  le  nom  antique  et  la  désignation 
actuelle  et,  en  cela,  il  fait  preuve  certainement  d'une  fort  grande  éru- 
dition. 

Ses  voyages  en  Asie  l'ont  conduit  en  Perse,  dans  l'Â^anistan,  le 
Turkestan,  la  Mongolie,  et  ses  explorations  en  Afrique  (1876-77),  dans 
une  région  fort  intéressante  située  au  sud  du  bassin  du  Bah]>el*Ghazal. 
Là,  il  a  suivi  un  fleuve  appelé  Béré  pai*  les  indigènes,  et  qui,  d'après  ses 
descriptions,  devrait  être  l'Ouellé  de  Schweinfurth.  Or,  comme  ce 
cours  d'eau  continue  à  couler  dans  la  direction  de  l'ouest  jusqu'à  2O''40' 
long.  E.  de  Paris,  tandis  que  l'Arououimi  de  Stanley  se  jette  dans  le 
Congo  beaucoup  plus  à  l'est,  il  serait  vraisemblable  d'admettre  que 
l'Ouellé  n'est  pas  le  cours  supérieur  de  l'Arououimi  comme  le  croit 
Stanley,  mais  celui  du  Chari. 

Le  bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  Paris  a,  du  reste,  donné 
le  résumé  des  voyages  du  D'  Potagos  et  l'a  fait  suivre  d'un  croquis  qui 
est  reproduit  dans  l'ouvrage  complet. 

Outre  le  récit  de  ces  explorations,  le  volume  renferme  plusieurs  cha- 
pitres indiquant  les  concordances  entre  les  dates  de  l'histoire  ancienne, 
et  d'autres  traitant  de  questions  de  météorologie  et  de  physique. 

On  désirerait  voir  dans  cet  ouvrage,  plus  d'ordre  et  de  clarté.  Les 
sujets  les  plus  divers  sont  traités  en  même  temps,  sans  que  la  liaison 
soit  indiquée  ;  les  affirmations,  les  paradoxes,  se  suivent  et  rendent 


—  191  — 

la  lecture  de  ce  livre  fort  difficile,  d'autant  plus  que  les  noms  propres 
anciens  et  modernes  fourmillent  et  qu'aucune  carte  complète  n'est.là 
pour  éclairer  le  lecteur. 

m 

A  MAP    OV   THE    60LD-C0A8T  AND   InLAND   COUNTRIE8,    BETWEEN   AND 

BEYOND  THE  Pra  AND  VoLTA,  bj  the  Bascl  Missionarfes,  Ys„oonn«  Basel 
(Missions-Buchhandlung),  1885,  fr.  4.  —  Pour  se  reposer  des  travaux 
de  l'évangélisatîon,  les  missionnaires  bâlois,  étudient  les  contrées  oii  ils 
résident,  au  point  de  vue  physique  et  en  dressent  les  cartes,  rendant 
ainsi  de  réels  services  à  la  géographie.  Nombreux  sont  les  ouvrages  de 
géographie  pure  qui  ont  été  publiés  par  leurs  soins,  et  si  la  région  de  la 
Côte  d'Or  est  actuellement  un  des  pays  les  mieux  connus  de  l'Afrique 
c'est  à  eux  qu'il  faut  l'attribuer. 

Quoique  écrite  en  anglais,  cette  carte  a  été  gravée  dans  les  ateliers  de 
MM.  Wurster,  Randegger  et  C'  à  Winterthur.  Elle  est  due  aux  tra- 
vaux de  MM.  P.  Steiner,  F.  Ramseyer,  A.  Mohr,  etc.,  qui  ont  réuni 
les  matériaux  et  en  ont  fait  la  compilation.  De  fort  belle^  dimensions, 
elle  ne  comprend  cependant,  par  suite  de  la  grandeur  de  l'échelle,  en 
largeur,  que  l'espace  limité  à  l'est  par  l'embouchure  du  Volta  et  à 
l'ouest  par  Elmina  ;  en  hauteur,  elle  s'arrête  un  peu  au  nord  d'Abétifi. 
Les  montagnes  sont  indiquées  en  bistre,  les  eaux  en  bleu.  Les  degrés 
sont  marqués  de  dix  en  dix  minutes.  Toutes  les  localités,  villes,  stations 
missionnaires  et  jusqu'aux  plus  petits  hameaux  indigènes  ont  leur 
place.  D'une  grande  netteté,  elle  est  d'une  consultation  facile.  C'est, 
croyons-nous,  l'une  des  cartes  les  plus  complètes  et  les  meilleures  pu- 
bliées jusqu'à  ce  jour. 

Elle  renferme  aussi  un  profil <  sud-nord,  partant  de  Christiansborg  et 
dressé  par  M.  Ramseyer,  une  petite  carte  générale  d'Afrique ,  enfin  la 
continuation  à  plus  petite  échelle  (V700000)  du  cours  du  Volta  jusqu'à 
Salaga.. 

Aî^RiKAS  WestkUste.  Vom  Ogowe  bis  zum  Damara-Lakd,  von  D'  (?. 
Falkenstein.  I.  Abtheilung  :  mit  17  Vollbildern  und  64  Abbildungen. 
Leipzig  (Freitag)  und  Prag  (Terapsky),  1885,  in-12,  241  p.,  1  fr.  35.  — 
Voici  le  troisième  ouvrage  sur  l'Afrique,  de  la  collection  si  intéressante 
et  si  utile,  a  L'état  actuel  de  la  science,  »  qu'éditent  MM.  Freitag  et 
Tempsky.  Les  deux  premiers,  dus  à  la  plume  du  D'  Hartmann,  s'occu- 
paient de  la  région  du  Nil,  c'est-à-dire  de  l'Afrique  orientale;  M.  Fal- 
kenstein a  choisi  la  côte  occidentale,  vers  laquelle  la  question  du  Congo 
a  attiré  l'attention.  Mais  il  ne  décrit  pas  la  division  politique  telle  qu'elle 
ressort  des  derniers  arrangements.  Le  chapitre  consacré  à  l'histoire  des 


—  192  — 

découvertes,  dans  lequel  il  est  fait  une  large  part  aux  explorations  alle- 
mandes, conduit  jusqu'à  rétablissement  des  premières  stations  de 
r Association  internationale  du  Congo. 

L'auteur  examiné  ensuite  le  climat,  la  géographie  physique,  la  flore 
et  la  faune  de  cette  partie  de  la  côte  occidentale  comprise  entre 
rOgôoué  et  la  Gimbébasie,  et  formée  de  terrasses  qui,  du  plateau  cen- 
tral, s'abaissent  vers  l'océan  Atlantique,  région  bien  limitée  et  consti- 
tuant un  tout  distinct  des  contrées  voisines.  Les  habitants,  blancs  et 
noirs,  leurs  mœurs,  leurs  habitations,  leur  religion,  leur  organisation 
politique  sont  aussi  l'objet  d'une  étude  fort  intéressante. 

En  sonune,  cet  ouvrage  est  substantiel,  instructif  et  doit  plaire  à  la 
jeunesse,  soit  par  le  style  tout  à  fait  à  sa  portée,  soit  par  ses  nombreuses 
gravures  :  villages  nègres,  types  d'habitants,  spécimens  végétaux,  for- 
mes animales,  etc. 

SûDAFRiKA  BIS  zuM  Zambesi,  vou  D'  Gustav  Fritsch.  I.  Abtheilung  : 
Das  Land  mit  seinen  pflanzlichen  und  tierischen  Bevrohnern  :  Mit  50 
Abbildungen  und  einer  Karte.  Leipzig  (Freytag)  und  Prag  (Tempsky), 
1885,  in-12,  233  p.,  1  fr.  35.  —  Cet  ouvrage  fait  aussi  partie  de  la  col- 
lection «  L'état  actuel  de  la  science.  »  C'est  le  quatrième  de  U  série 
africaine  et  l'on  nous  en  promet  d'autres  sur  Madagascar,  le  Maroc,  etc. 
Le  D' Fritsch  étudie  la  contrée  située  au  sud  du  Zambëze,  c'estrà-dire 
le  bassin  du  Ngami,  le  Kalahari,  le  Transvaal,  la  République  du  fleuve 
Orange,  et  le  pays  du  Cap  ;  vaste'  région  dont  les  diverses  parties  diffè- 
rent de  nature  et  d'aspect  puisqu'elle  englobe  une  partie  du  plateau 
central,  les  monts  Nieuweveld,  les  plateaux  appelés  Earrous,  et  aussi, 
bien  le  désert  sans  eau  que  le  bassin  du  Limpopo,  couvert  d'une  si  belle 
végétation. 

Le  sujet  même  comportait  donc  une  grande  variété  dans  la  descrip- 
tion, et  l'auteur  a  su  en  tirer  parti  pour  rendre  intéressante  et  pittores- 
que l'étude  du  relief  de  la  nature  géologique  et  minéralogique  et  du 
système  fluvial,  sujets  souvent  arides  et  ingrats.  Les  chapitres  qui 
traitent  de  la  végétation  et  de  la  vie  animale  présentent  plus  d'attrait, 
grâce  surtout  aux  nombreuses  illustrations  reproduisant  des  types  de 
plantes  et  d'animaux,  des  paysages  complets  qui  transportent  en  pen- 
sée le  lecteur  dans  ces  contrées  lointaines. 

Ce  volume  qui  s'adresse  surtout  à  la  jeunesse  par  son  style  simple  et 
facile,  sera  suivi  d'un  second  spécialement  consacré  aux  populations 
et  à  la  géographie  politique. 


ÉCHANGES 


Amsterdam. 

Anvers. 

Berlin. 

Brème. 

Bruxelles. 


Berlin. 


Booiétés  de  géographie. 

CcHistantine.  Hambourg.     Lisbonne. 

Douai.  léna. 

Francfort  "/M.  Le  Caire. 

Greifswald.  Leipzig. 

Halle.  Lille. 


Jjvon. 
mdrid. 
Manchester. 
Marseille. 


Montpellier.  Rochefort. 

Nancy.  Rome. 

New-York.  Rouen. 

Oran.  Vienne. 
Paris. 


Sociétés  de  géographie  oommerciale. 

Bordeaux.         Paris.         Porto.         Saint-Gall. 

MiMdona. 


Le  Havre. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XIX™a  siècle 

(Neuchâtel). 
Journal  de  TOnité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bàle). 

Ëvangelisches  Missions -Magazin  (Bâie). 
Câlwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgeineine  Missions -Zeitschrift  (GUters- 

lob). 
Glaubensbote  (Bâle). 
Afirica  (Londres). 
La  Nigrizia  (Vérone). 


Chnrch  missionary  Intelligencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionarv  (New-York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Glironicle  of  tbe  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  tbe  Free  Chnrcb  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres).  / 

Churcb  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  tbe  united  presby- 
terian  (iiurch  (Edimbourg). 

Ontral  Africa  (Londres). 

Woman's  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Divers, 


Gazette  géographique  et  Exploration  (Pa- 
ris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  (jomice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  l'Académie  d'Hippone  (Bone). 

Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Le  Mouvement  géographique  (Bruxelles). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  fUr  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische    Monatsschrift  fUr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  fUr  wissenschaftliche  Geogra-  ; 
phie  (Vienne).  ( 


Deutsche  Koloaîalzettung  (Francfort  s/M) . 

Ghamber  of  Commerce  Journal  (Londres). 

African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Esploratore  (Milan). 

(Cosmos  (Turin). 

Bollettino  délia  Societa  africana  d^Italia 
(Naples). 

Boll.  délia  sezione  Fiorentina  (Florence). 

Marina  e  Commercio,  e  Giornale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Revista  de  Ëstudos  Livres  (Lisbonne). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indépendant  '(Constantine). 

Moniteur  de  TAleérie  (Alger). 

Dr  A.  Petermann  s  Mittheilungen  (Gotha) 


Proceedings   of  tbe  royal   geographical 
Society  and  monthly  Record  of  geogra 
phy  (Londres). 

Natal  Mercury  (Durban). 

Cape  Argus  (Cape-Town). 

West  African  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


\ 


SOiMMAlKK 

Hlîl.LKTIN    MKNSUKL 1G9 

Nouvelles  conipléiueiïtiiires 181 

J^]XI'L0UAT1OX   DU   LlMPOlH)  PAU  LE   CAPITAINE   CIIADDOCK.     188 

i>lHl.lO(}KAlMIIE   KT   CaRTOOKAPHIE  : 

David  Livhîgstonc,  par  Reiiss .^ 18H 

Die  Sudanlânder  nach  dem  gcgenwœrtigefi  Suinde  der  Konntiiis, 

7on  D»-  Philipp  Paulîtschke 189 

Dix  années  de  voyages  dans  l'Asie  centrale  et  PÂfriqno  éqiiato- 

riale,  par  le  D'  Potagos 100 

A  map  ôf  theGold-Coast  and  Inland  conntrics,  between  and  beyond 

the  Pra  and  Volta,  by  the  Basel  Missionaries 191 

Afrikas  Westktiste.  Vom  Ogowe  bis  zum  Damara-Land,  von  D"^  G. 

Falkenstein 191 

Sûdafrîka  bis  zum  Zambesi,  .von  D'  Gustav  Fritsch 192 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Aktenstiicke  betreffend  die  Kongo-Frage.  Dem  Bundesrath  uud  dem  *  Rcichstag 

vorgelegt  ira  April  1885  (mit  einer  Karte  von  L.  Friederichsen).  Berlin,  in-4«, 

vii-60  p. 
Die  afrikaniscbe  Konferenz  und  der  Congostaat,  von  C.-A.  Patzig.  Heidelberg 

(Cari  Winter),  1885,  in-12,  120  p.,  fr.  2,50. 
Afrika.  Der  dunkle  Krdtheil   im   Lichte   unaerer  Zeit,  von  A.  v.  Schweiger- 

Lerchenfeld.  Lieferungen  7-12  (Hartleben),  Wien,  in-8°. 
Do  Palerme  à  Tunis,  par  Malte,  Tripoli  et  la  côte.  Notes  et  impressions  par  Paul 

Melon.  Paris  (Pion),  1885,  in-12,  216  p.  et  8  gravures,  fr.  3,50. 
L'Acte  général  de  la  Conférence  de  Berlin,  par  J.  Jooris.  Bruxelles  (Muquardt), 

1885,  in-8°,  79  p.,  fr.  1,50. 
Marabouts  et  Khouan.  Étude  sur  l'islam  en  Algérie,  par  Louis  Rimi,  avec  une 

carte  indiquant  la  marche,  la  situation  et  l'importance  des  ordres  religieux 

musulmans.  Alger  (Ad.  Jourdan),  1884,  gr.  in-8",  552  p.,  fr.  15. 
Les  chemins  de  fer  algériens.  Étude  hiptorique  sur  la  constitution  du  réseau.  Le 

classement  de  1857,  par  Louis  Hamel.  Alger  (Ad.  Jourdan),  1885,  in-8",  115  p., 

fr.  3. 
Carta  del  8udau  orientale.  Teatro  délia  guerra  1884-85,  per  il  cap.  M.  Camperio. 

'/•ioooooo.  Milan  (A.  Brigola  e  C). 
Nouvelle  géographie  universelle.  La  Terre  et  les  Hommes,  par  Elisée  Rt^clus. 

T.  X.  L'Afrique  septentrionale.  Première  partie  :  Bassin  du  Nil.  Paris  (Hachette 

et  C*),  1884,  gr.  in-8<»,  639  p.  avec  cartes  et  vues. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


1^ 


GENÈVE 

U.     GEORG,     LIBRAIKE-ÉDITKUE 

MÊME   MIIBOM  1    BILE   ET   A   LION 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

BOUGÉ  PAK 

M.  eustETe  MOTHISB 

Membre  de  la  Commioalon  internationale  de  Brnxolles  ponr  Pexploration  et  la  cirilitalion 

de  TAfiriqne  centrale  ;  membre  correapondant  de  rAoadémio  d*Hippone , 

et  des  Sociétés  de  géographie  de  MaraeiUei  de  NanojT}  do  Loanda  et  de  Porto. 

EÉDIOli  ?AS 

M.  Charles  FAUBS 

Seorétalre-BlbUotbéoaire  de  la  Société  do  géogiapbie  de  Gknéye ,  membre  correspondant  des  Sociétie 
de  géographie  de  Lisbonne,  de  Loanda.  do  Poi'to^  do  Saint-Gall  et  de  Berne. 


L'Afrique  pamit  le  premier  lundi  de  chaqne  mois,  par  livraisons  in-8<>  d*au 
moins  20  pages  chacune;  le  texte  es^  accompagné  de  cartes,  chaqne  fois  que  cela 
paraît  nécessaire. 

Le  prix  de  Tabonnement  annuel,  payable  d'aTanee,  est  de  10  finmeê, 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  TUnion  postale  (première  zone)  ;  pour  les 
antres,  il  fr.  50. 


Tout  ouvrage  nouveau  relatif  k  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  h  nn  compte  rendu. 

Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaetlon  à  INT.  Gastave  INTojrnler, 
9,  rae  de  l'Atliénée,  ft  GenèTe  (Snlsse). 

S'adresser  poor  le«  abonnemeats  ft  l'éditeur,  91.  H.  George  à 
Genève  on  ft  BAle. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Ch.  Dei.agravb,  libraire.  15,  rue  Soufilot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  (lour,  45,  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DoMOLARD  frères,  libraires.  Corso  Vittorio  Eiumanuele^  21.  à  Milan. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Querslr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Friederichsen  et  O,  libraires,  Admiralitatsstr,  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelm  Frigk,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autriche). 

Trubner  et  C**,  libraires,  Ludgate  Hill.  57/59.  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


AVIS.  —  Nous  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  abonnés,  au  prix  de 
12  fr,  chacun,  un  certain  nombre  d'exemplaires  complets  de  la  11'''^,  de  la  JT"" 
et  delà  "P"'  année.  La  I"  et  la  HT'»»  sont  épuisées. 


—  193  — 

BULLETIN  MENSUEL  (6  juillet  1885.  ") 

M.  Teisiiereiio  de  Bort,  secrétaire  général  de  la  Société  météoro- 
logique de  France,  chargé  de  continuer  dans  le  S&h&ra  algérien  et 
tanisiei»  les  travaux  qu'il  y  avait  commencés  en  1883,  a  exploré,  au 
sud  de  Touggourt,  la  vallée  de  l'Igharghar.  De  Hassi-Ouled-Miloud, 
visité  par  la  mission  Flatters,  il  s'est  dirigé  vers  le  sud-ouest,  dans  la 
région  des  grandes  dunes,  qui  se  présentent  comme  des  montagnes  bor- 
dant de  grandes  plaines,  où  le  sol  résistant  est  encore  à  nu,  et  dont  plu- 
sieurs  sont  encore  recouvertes  de  petits  cailloux.  Passant  par  les  puits 
d'El-Aouidef,  de  Rhourd-Roumed  et  d'Oglet-Naceur-Jeretmi,  il  est 
remonté  vers  Bereçof,  d'où  il  a  regagné  le  Nefzaoua  et  Gabès.  Près  du 
puits  de  Rhourd-Roumed,  il  a  trouvé  la  trace  bien  caractérisée  d'un 
ancien  lac  d'eau  douce,  d'un  kilomètre  de  longueur  sur  700  à  800  mètres 
de  largeur.  Le  fond  de  la  dépression  où  il  étaitrenferme  un  limon  durci, 
rempli  de  coquilles  fossiles  d'un  âge  récent.  De  là,  jusqu'à  Gabès,  l'explo- 
rateur a  constaté  la  présence  de  l'homme,  à  une  époque  très  ancienne, 
par  de  nombreux  silex  taillés,  pointes  de  flèches,  girattoirs,  etc.,  dans 
presque  toutes  les  dépressions  où  subsiste  l'ancien  sol,  c'est-à-dire  à  peu 
près  partout,  les  dunes  n'occupant  que  des  surfaces  restreintes.  Entre 
Touggourt  et  Bereçof,  il  a  rencontré  une  sebka  de  six  à  huit  kilomètres 
d'étendue,  qui  était  alors  à  sec  ;  mais  l'eau  s'y  rassemble  après  les 
grandes  pluies.  Elle  est  bordée  d'une  chaîne  de  dunes  à  peu  près  circu- 
laire, au  delà  de  laquelle  se  trouvent  deux  plaines  où  les  vestiges  de 
l'habitation  de  l'homme  sont  très  nombreux  ;  outre  des  silex  taillés,  on 
y  rencontre  par  centaines  des  traces  de  foyers  indiqués  par  des  agglo- 
mérations de  pierres  noires  autour  de  certains  points. 

La  mission  du  colonel  Landaâ,  envoyée  pour  choisir  l'emplacement  le 
plus  favorable  à  la  création  du  port  de  Gabès,  avait  à  étudier  en 
même  temps  la  nature  du  sol  dans  le  voisinage  de  cette  localité,  pour 
s'assurer  de  l'existence  de  matériaux  de  construction  nécessaires  à  la 
construction  du  port,  et  d'eau  pour  alimenter  les  travailleurs  et  les  futu- 
res colonies  agricoles.  M.  Léon  Dru,  spécialiste  en  hydrologie,  attaché 

*  Les  matières  comprises  dans  nos  3%iiU^\%s  mmsMH»  et  dans  les  NouveÏÏe$  eom- 
pUmentaires  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
TAlgérie,  puis  allant  à  PEst,  longeant  ensuite  la  c6te  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  c6te  occidentale. 

L'AFRIQUE.   —   SIXIÈME  AHWIÉE.  —  K«   7.  7 


—  194  — 

à  la  mission,  a  trouvé,  à  onze  kilomètres  de  l'embouchure  de  TOued- 
Mélah,  des  calcaires  marbrés  de  très  bonne  qualité,  dans  un  relief  mon- 
tagneux désigné  sous  le  nom  de  Coudiat-Hamacimet.  En  outre,  à  800 
mètres  de  la  rive  gauche  de  l'Oued-Mélah,  et  à  1200  ou  1500  mètres  de 
la  mer,  il  a  fait  un  sondage  qui  promet  une  eau  suffisante  pour  Talimen- 
tation.  A  85  mètres  de  profondeur,  l'eau  a  jailli  et  s'est  élevée  à  cinq 
mètres  au-dessus  du  sol  ;  puis  à  91  mètres,  le  puits  a  déversé,  h  l'orifice 
du  trou  de  sonde,  près  de  huit  mètres  cubes  d'eau  à  la  minute.  Cette 
abondance  d'eau  gênant  les  ouvriers  sondeurs,  le  travail  a  dû  être  sus- 
pendu, et  il  a  fallu  creuser  des  tranchées  pour  diriger  cette  source  sur 
l'Oued-Mélah. 

Nous  espérions  pouvoir  résumer  aujourd'hui  les  travaux  de  la  Com- 
missioii  du  can&l  de  Suez,  mais  la  crise  ministérielle  anglaise 
ayant  privé  les  délégués  britanniques  des  instructions  qui  leur  auraient 
été  nécessaires  pour  la  discussion  du  dernier  article  du  projet  de  traité, 
la  délibération  finale  a  été  ajournée.  En  ce  moment,  le  ministre  des 
affaires  étrangères  fait  réunir  les  documents  de  ces  travaux,  pour  en  sai- 
sir les  cabinets  intéressés  et  provoquer  un  nouvel  échange  de  vues.  Nous 
attendrons  la  solution  de  la  question  pour  en  parler  en  détail. 

Il  est  difficile  d'être  exactement  renseigné  sur  les  faits  qui  se  passent 
au  delà  d'Assouan,  Korosko  et  Wady-Halfa,  les  points  les  plus  méridio- 
naux de  la  Vallée  du  IWil  occupés  encore  par  les  troupes  anglaises. 
Qu'y  a-t-il  de  vrai  dans  les  assertions  des  journaux  du  Caire,  d'après 
lesquelles  le  Maltdl  aurait  convoqué  à  Khartoum  tous  les  émirs  du  Sou- 
dan, qui  auraient  décidé  de  marcher  sur  Dongola  et  sur  la  Haute- 
Egypte?  Il  serait  même  arrivé  à  Korti  avec  l'intention  de  s'emparer  de 
Dongola  ;  les  chefs  indigènes  d'Ambukol  se  seraient  ralliés  à  lui  après 
la  retraite  des  troupes  anglaises  ;  Kassala  serait  tombé  aux  mains  de  ses 
partisans!  On  aurait  reçu  à  Dongola  une  lettre  signée  de  lui,  dans 
laquelle  il  déclarerait  qu'il  refuse  de  rendre  les  chrétiens  qu'il  a  avec 
lui,  vu  qu'ils  ont  embrassé  l'islamisme  et  ne  veulent  pas  se  séparer  de 
lui,  ainsi  que  l'attesterait  une  autre  lettre  signée  par  96  prisonniers, 
parmi  lesquels  seraient  Slatin-bey  et  Lupton-bey  !  Quelque  tristes  que 
soient  ces  nouvelles,  elles  ne  sont  pas  invraisemblables  ;  il  est  même  très 
probable  que  le  Mahdi  et  ses  partisans  n'ont  pas  tardé  à  occuper  le 
champ  laissé  libre  par  la  retraite  des  Anglais,  et  dans  quel  décourage- 
ment n'ont  pas  dû  être  plongés  les  défenseurs  de  Kassala  et  les  prison- 
niers du  Mahdi,  en  voyant  se  retirer  ceux  en  qui  ils  saluaient  en  espé- 
rance des  libérateurs  ! 


—  195  — 

Quelque  respect  que  nous  ayons  pour  le  colonel  Messedaglia,  nous 
osons  à  peine  ajouter  foi  |i  rafl5rmatiqn  contenue  dans  une  lettre  adres- 
sée par  lui  à  la  Riforma  de  Rome,  d'après  laquelle  Gordon  serait 
encore  vivant.  Sa  conviction  est  basée  sur  le  récit  d'un  négociant  syrien, 
témoin  oculaire  de  la  chute  de  Khartoum,  qui  a  rapporté  que  ni  Gor- 
don, ni  sa  suite,  ni  ses  habits  et  ses  papiers  n'ont  été  retrouvés,  malgré 
les  recherches  ordonnées  par  le  Mahdi  et  qui  ont  duré  trois  mois.  Le 
négociant  croit  que  Gordon  a  réussi  à  gagner  Messalamieh,  sur  le  Nil- 
Bleu,  et  que  de  là  il  s'est  dirigé  vers  le  sud. 

D'après  une  correspondance  de  Massaoua,  la  garnison  égj'ptienne  de 
Senaheit,  citadelle  qui  domine  Keren  et  le  pays  des  Bogos,  a  aban- 
donné cette  contrée  au  négous  d'Abyssinie,  et  l'un  des  oflSciere  de  ce 
dernier.  Ras  Aloula  en  a  pris  possession  ainsi  que  de  la  forteresse.  Aux 
termes  de  la  reddition,  les  fortifications  auraient  dû  être  conservées, 
ainsi  que  le  marché  qui  existe  dans  le  pays,  et  les  étrangers  pouvaient  y 
demeurer  et  y  continuer  leurs  plantations  de  tabac.  Mais  la  peur  que 
les  Italiens  de  Massaoua  ne  vinssent  jusqu'à  Keren,  et  ne  s'en  emparas- 
sent, ainsi  que  de  la  forteresse  de  Senaheit  et  du  territoire  des  Bogos,  a 
engagé  les  Abyssins  à  démolir  de  fond  en  comble  la  citadelle,  les  bâti- 
ments du  marché  et  les  maisons  des  étrangers.  Il  n'y  a  eu  d'épargné 
que  les  maisons  des  missionnaires  français.  —  Néanmoins  M.  Ferrari 
envoyé  en  mission  auprès  du  négous  a  reçu  de  celui-ci  un  très  bon 
accueil.  L'impression  défavorable  causée  par  l'occupation  italienne  de 
Massaoua  a  été  promptement  effacée.  D'après  la  Correspondance  poli' 
tique,  une  seconde  mission  sera  envoyée  de  Rome  au  négous,  pour  lui 
remettre  une  nouvelle  lettre  autographe  du  roi  d'Italie  ainsi  que  des 
cadeaux  d'un  grand  prix. 

Le  D'  PiMilitschke  a  fait  à  la  Société  de  géographie  de  Vienne  un 
rapport  sur  l'exploration  entreprise  avec  le  D'  Kammel  %on  Har- 
*«««;«■•  au  Haprap  et  dans  la  partie  septentrionale  du  pays  des  Gai- 
las^  malgré  des  circonstances  en  apparence  dangereuses,  elle  a  pu 
s'exécuter  sans  résultat  fâcheux.  De  Harrar  les  voyageurs  ont  visité  les 
lacs  Timti,  labata,  Hai'amaja  et  Adelé,  et  fait  une  reconnaissance  par 
Argobba  et  Bulassa,  dans  le  territoire  des  Annias-Gallas,  jusqu'aux 
grandes  ruines  de  Bia-Woraba,  par  &"*  10'  lat.  nord,  qui  remontent  à 
l'époque  du  royaume  des  Adals.  Ils  ont  rapporté  de  riches  collections 
d'ethnographie  et  d'histoire  naturelle. 

M.  Caspapi,  ingénieur  hydrographe  a  rendu  compte  à  la  Société  de 
géographie  de  Paris,  de  la  mission  dont  il  a  été  chargé  au  Golfe  de 


—  196  — 

Tad^oara.  Le  protectorat  de  la  France  s'éteud  sur  toute  la  côte  nord 
de  ce  golfe  jusqu'au  Bahr-Assal,  situé  dans  Touest  du  Ghubbet-Khorab 
oii  Ton  exploite  le  sel  qui  se  dépose  naturellement  et  en  grande  abon- 
dance. C'est  une  région  très  pittoresque  de  hautes  montagnes  volcani* 
ques.  Les  Danakils  qui  la  peuplent  sont  noirs>  mais  diffèrent  beaucoup 
des  nègres  et  se  rapprochent  des  Soudaniens  et  des  Arabes.  Ils  sont 
mahométans  et  nomades  ;  leur  civilisation  est  peu  avancée.  —  Le  port 
d'Obock,  sans  être  très  spacieux,  est  sûr  et  d'un  accès  très  facile.  Uk 
dépôt  de  charbon  et  des  maisons  y  ont  été  établis  par  la  Compagnie  de 
navigation  Mesnier  ;  c'est  une  station  qui  constitue  un  point  de  ravitail- 
lement très  bien  placé  ;  elle  sujSit  pour  approvisionner  en  vivres  et  en 
charbon  les  navires  français  qui  vont  dans  l'extrême  Orient.  Il  est  ques- 
tion de  créer  un  service  poiâital  entre  Obook  et  Aden,  en  coïnci- 
dence avec  le  passage  des  paquebots  de  la  ligne  de  l'Indo-Chine,  et  de 
relier  Oboek  à.  Pépim  par  un  câble  télégraphique.  Les  autres  postes 
français  du  golfe  de  Tadjoura,  Sagallo  en  particulier,  ne  sont  que  des 
têtes  de  ligne  de  caravane  :  la  nature  du  sol,  le  peu  de  salubrité  du  cli- 
mat et  le  peu  de  goût  de  la  population  pour  les  travaux  agricoles  oppo- 
sent de  sérieuses  difficultés  à  un  établissement  colonial  véritable. 

Le  sultan  deZanzibar  a  chai^gé  un  ingénieur  français,  M.  G.  An^elvy^ 
d'explorer  les  n^Bementa  hooillers  qu'on  supposait  exister  sur  les 
bords  de  la  Rienda»  affluent  de  la  Rovouma.  Parti  de  Lindy,  sur  la 
rive  gauche  de  l'Ukeredjié,  avec  cinquante  Zanzibarites  et  un  certain 
nombre  de  pagazzis,  il  remonta,  en  mai  1884,  la  rivière  en  canot  ;  mais 
déjà  à  une  vingtaine  de  kilomètres  en  amont  de  l'embouchure,  ce  cours 
d'eau,  large  de  800"  et  d'une  pi!ofondeur  de  5  à  6  brasses  à  Lindj\ 
devient  un  mince  filet  d'eau  de  deux  brasses  de  largeur  et  d'un  demi- 
pied  de  profondeur;  les  sources,  dans  la  plaine  Yao,  en  étaient  à  sec. 
Cette  plaine  est  parsemée  d'éminences  rocheuses  qui  atteignent,  à 
Masasi,  jusqu'à  900"  d'altitude,  et  qui  paraissent  être  la  tête  de  filon» 
cuivreux  ;  sur  presque  toutes,  M,  Angelvy  a  recueilli  des  fragments  de 
malachite.  L'examen  du  sol  du  ba3sin  de  la  Rovouma  semble  indiquer 
l'existence  de  gisements  de  fer  considérables.  Au  confluent  de  la  Rienda 
et  de  la  Rovouma,  cette  dernière  rivière  est  très  large,  mais  coupée  par 
un  grand  nombre  de  blocs  de  rochers  qui  fonnent  autant  d'Iles  ;  ses 
sables  renferment  une  forte  proportion  de  fer.  Les  bords  de  la  Rienda 
sont  parsemés  de  fragments  de  houille.  Après  46  jours  de  marche, 
l'explorateur  atteignit  le  premier  affleurement  de  charboa  qui  looge  le 
bord  de  la  rivière  ;  il  fit  organiser  les  fouilles,  et  suivit  la  Ugne  d'afflea* 


—  197  -- 

Tement  sur  une  longueur  de  60  kilom.  jusqu^à  Tchipoupouta,  où  elle 
traverse  la  Rienda.  D'après  les  échantillons  pris  à  quelques  décimètres 
4iu-dessous  du  sol,  qui  ont  subi  les  influences  de  Tair  et  de  l'eau,  la  qua- 
lité du  charbon  est  excellente.  Le  seul  regret  à  avoir,  c'est  qu'un  gise- 
ment aussi  important  se  trouve  à  290  kilom.  de  la  côte,  d'autant  plus 
qu'il  existe  des  minerais  de  fer  carbonate  à  quelques  centaines  de  mètres 
du  gisement  de  houille.  M.  Angelvy  aurait  voulu  continuer  l'exploration 
de  cette  région  si  riche  au  point  de  vue  minéralogique,  mais  il  dut  reve- 
nir à  Zanzibar.  Il  suivit  la  rive  gauche  de  la  Rovouma  ;  le  versant  nord 
de  la  vallée  est  parsemé  de  nombreux  blocs  de  syénite,  dont  les  couleurs 
variées  donnent  au  paysage  un  aspect  pittoresque  que  rehausse  encore 
la  végétation  luxuriante  des  bords  de  la  rivière. 

Après  avoir  placé  sous  le  protectorat  anglais  les  territoires  des  tribus 
be-chuana  de  Goshen  et  du  Stellaland,  à  l'ouest  du  Transvaal,  le  général 
Warren  a  encore  établi  ce  protectorat  sur  le  pays  des  BA-lHaiiir^ivato 
de  Sboshon^.  D'après  le  Cape  Argus,  le  chef  Khama,  a  proposé 
d'en  réserver  une  partie  pour  lui  et  son  peuple,  et  d'en  mettre  le  reste 
à  la  disposition  du  gouvernement  britannique  pour  les  colons  anglais. 
Son  territoire  dépasse  de  beaucoup  le  22°,  qu'on  prétendait  lui  assigner 
comme  limite  ;  il  s'étend  jusqu'au  Zambèze,  et  Khama  demande  que 
cette  frontière  lui  soit  reconnue.  Il  a  insisté  aussi  pour  que  l'autorité 
anglaise  maintienne  la  loi  prohibitive  contre  les  liqueurs  fortes,  et 
accepte  celle  qui  interdit  la  vente  du  sol  ba-mangwato.  L'établissement 
du  protectorat  britannique  sur  ce  territoire  a  dû  être  annoncé  au  roi 
des  Ma-Tébélé,  Lo  Bengula,  qui  se  proposait  d'ouvrir  des  hostilités 
contre  les  tribus  du  voisinage  du  lac  Ngami,  dans  le  pays  de  Khama. 

Le  steamer  Peace,  de  la  mission  baptiste  du  Congo,  ayant  à  bord 
M.  Orenfell  et  le  IK  Sims»  a  fait  une  nouvelle  reconnaissance  du 
Haut-Congo  et  de  ses  affluents.  Parmi  ceux-ci  l'Ikelemba,  qui  rejoint 
le  grand  fleuve,  <sur  la  rive  gauche,  près  de  l'Equateur,  a  été  remonté 
sur  la  plus  grande  partie  de  son  cours,  de  200  à  250  kilom.  L'Itim- 
blrl,  affluent  de  droite,  a  été  exploré  jusqu'à  2°  55'  lat.  nord,  où  son 
cours  est  barré  par  les  chutes  de  Loubi,  et  la  Mang^ala,  également 
tributaire  de  droite  du  Congo,  a  été  reconnue  jusqu'à  2°  6'  lat.  nord  où 
elle  a  150"  de  large  et  3  à  4"  de  profondeur,  ce  qui  permet  de  supposer 
qu'elle  n'a  pas  plus  d'une  centaine  de  kilom.  de  longueur.  L'exploration 
la  plus  importante  du  Peace  dans  ce  voyage  a  été  celle  de  la  Liboko 
nommée  aussi  Oubanf^»  affluent  septentrional,  dont  l'embouchure  dans 
le  Congo  est  par  0**  28'  lat.  sud.  Disons  d'abord  que  M.  Grenfell  a  rec- 


—  198  — 

tifié  la  direction  du  Congo  lui-même,  dans  la  partie  de  son  cours  entre 
Bangala  et  TÉquateur  ;  le  coude  qu'il  forme  en  cet  endroit  est  beaucoup 
moins  accentué  que  ne  l'indiquent  les  cartes.  Dans  sa  première  descente 
du  Congo,  Stanley  avait  entendu  parler  de  la  grande  rivière  Oubangi, 
réputée  par  les  indigènes  comme  le  plus  important  affluent  de  cette 
région.  Sans  avoir  pu  l'explorer  depuis  1879,  il  avait  cependant  cru 
pouvoir  déclarer,  devant  la  commission  technique  de  la  Conférence  afri- 
caine de  Berlin,  que  ce  cours  d'eau  très  considérable  prenait  sa  source  k 
une  grande  distance  au  nord,  près  de  celles  du  Chari.  Le  premier,  le 
capitaine  Hanssens,  accompagné  du  lieutenant  Van  Gèle,  y  pénétra  en 
1883,  reconnut  la  grande  agglomération  de  villages  connue  sous  le  nom 
d'Oubangi,  et  assura,  par  traité,  de  vastes  territoires  à  l'Association, 
près  de  ce  centre  populeux,  un  des  marchés  les  plus  importants  de  cette 
partie  du  continent.  Après  lui,  le  Peace  a  remonté  deux  fois  l'Oubangi, 
qui,  à  son  confluent,  mesui*e  onze  kilomètres  de  large.  Dans  un  premier 
voyage,  M.  Grenfell  s'avança  jusqu'à  1**  25'  lat.  nord,  à  175  kilom.  de 
l'embouchure,  en  un  endroit  où  l'affluent  avait  encore  3000" de  largeur; 
à  53  kilom.  du  confluent  il  mesurait  18"  de  profondeur.  Il  venait  du 
N.-E.,  dans  une  direction  parallèle  k  celle  du  Congo,  de  sorte  que  le 
pays  entre  les  deux  cours  d'eau  forme  une  presqu'île  longue  et  étroite. 
A  l'époque  des  hautes  eaux,  plusieurs  canaux  les  font  communiquer.  La 
seconde  fois  le  Peace  a  remonté  l'Oubangi  sur  un  parcours  d'environ 
540  kilom.  jusqu'à  4°  30'  lat.  nord.  La  rivière  avait  en  cet  endi-oit  600" 
de  largeur  et  6"  de  profondeur,  quoiqu'on  fût  à  la  fin  de  janvier  et  que 
les  eaux  baissassent  depuis  près  de  deux  mois.  Sur  les  renseignements 
fournis  par  M.  Grenfell,  M.  Wauters,  rédacteur  en  chef  du  Mouve- 
ment géographique  de  Bruxelles,  a  basé  une  hypothèse  nouvelle,  d'après 
laquelle  l'Ouellé  ne  serait  plus  le  cours  supérieur  de  l'Arououimi  comme 
le  croit  Stanley,  non  plus  que  celui  du  Chari  comme  le  pensent  Schweîn- 
furth,  Junker  et  Casati,  mais  celui  de  l'Oubangi.  Procédant  par  élimi- 
nation, M.  Wauters  cherche  àdémontrer  qu'au  point  de  vue  de  l'époque 
des  crues  et  du  volume  d'eau,  il  n'est  pas  possible  que  le  Chari,  qui 
acquiert  son  maximum  de  hauteur  en  septembre  et  octobre,  et  dont  le 
débit  n'est  que  de  730  mètres  cubes  par  seconde  à  l'époque  oU  les  eaux 
atteignent  leur  niveau  le  plus  bas,  ait  pour  source  l'Ouellé  dont  le 
maximum  de  cime  arrive  à  la  fin  d^octobre,  et  dont  le  débit  au  moment 
de  l'étiage  n'est  que  de  300  mètres  cubes.  Des  motifs  analogues  ne  lui 
Pjermettent  pasd'admettre  l'hypothèse  de  rOuellé^-Arououimi de  Stanley» 
que  semble  d'ailleurs  ébranler  le  dessin  de  la  carte  qui  accompagne  le. 


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nouvel  ouvrage  du  célèbre  explorateur  ;  en  eflfet,  d'après  cette  carte,  le 
cours  de  TOuellé  est  à  peu  près  direct  d'est  en  ouest,  ce  qui,  vu  les  indi- 
cations précises  de  Junker  et  de  Potages  ne  permet  pas  d'établir  de 
liaison  entre  l'Arououimi  et  l'Ouellé.  Disons  cependant  que,  malgré 
cette  direction  d'est  en  ouest  indiquée  dans  sa  carte,  Stanley  pense  tou- 
jours que  rOuellé  et  l'Arououimi  sont  une  seule  et  même  rivière.  Nous 
n'avons  pas  encore  eu  sous  les  yeux  le  rapport  de  M.  Grenfell  qui, 
selon  M.  Wauters,  incline  à  rattacher  l'Ouellé  à  l'Itimbiri,  affluent  dont 
l'embouchure  dans  le  Congo  se  trouve  passablement  à  l'ouest  de  celle 
de  l'Arououimi  ;  mais  M.  Wauters  ne  peut  accepter  cette  hypothèse, 
l'Itimbiri  ne  débitant,  à  l'époque  du  maximum  de  crue,  que  630  mètres 
cubes.  Resterait  l'hypothèse  de  M»  Wauters  d'après  laquelle  l'Ouellé, 
après  avoir  reçu  ses  nombreux  affluents  connus,  le  Bomokandi,  le 
M'bomo,  le  Genko,  le  Foro,  etc.,  suivant  presque  paraUèlement  le  mou- 
vement de  la  courbe  du  Congo,  s'infléchirait  doucement  vers  le  S.-O.  en 
recueillant  les  eaux  d'un  vaste  bassin  délimité  par  ]a  ligne  de  partage 
des  eaux  du  Chari,  du  Bénoué  et  du  Mayo,  et  dont  Flegel  a  signalé 
quelques  rivières^  le  Bali,  le  Donasala,  le  Nana,  le  Kouandé,  etc.  En 
aval,  et  réglant  toujours  son  cours  sur  celui  du  Congo,  l'Ouellé  pren- 
drait le  nom  de  Liboko,  recevrait  de  l'ouest  la  Licona,  découverte  dans 
sa  partie  supérieure  par  de  Brazza,  et  après  un  parcours  de  2000  kilom., 
déverserait  la  masse  de  ses  eaux  dans  le  Congo,  près  du  village  d'Oubangi, 
sous  0"  28'  lat.  sud,  par  une  embouchure  de  onze  kiloihètres  de  largeur 
et  de  20"  de  profondeur.  Pour  appuyer  son  hypothèse,  M.  Wauters  en 
appelle  à  la  configuration  du  terrain  de  cette  partie  de  l'Afrique,  telle 
qu'on  peut  se  la  représenter  à  grands  traits  d'après  les  ouvrages  de 
Baker  et  de  Schweinfurth,  et  les  indications  fournies  par  le  D'  Junker 
et  M.  Grenfell;  au  volume  et  à  la  crue  des  eaux,  ainsi  qu'aux  renseigne- 
ments donnés  par  les  indigènes,  qui  signalent  l'existence  de  lacs  ou  de 
grandes  eaux  au  nord  du  Congo,  sur  la  ligne  que  devrait  suivre  l'Ouellé 
pour  rejoindre  l'Oubangi.  Si  cette  hypothèse  était  fondée,  ce  qu'une 
exploration  ultérieure  pourra  seule  permettre  de  constater,  la  voie  navi- 
gable offerte  par  ce  grand  affluent  du  Congo,  fournirait  la  facilité  de 
pénétrer  avec  des  bateaux  à  vapeur  jusqu'au  pays  des  Mombouttous  et 
des  Niams-Niams,  aux  limités  du  bassin  du  Bahr-el-Ghazal  ;  les  vapeui-s 
pourraient  remonter  de  la  station  (fe  l'équateur  jusqu'à  l'endroit  oU 
Schweinfurth  salua  l'Ouellé  pour  la  première  fois.  Comme  c'est  à 
Schweinfurth  lui-même  que  M.  Wauters  a  soumis  en  premier  cette 
hypothèse,  nous  attendrons,  pour  émettre  notre  avis,  que  cet  expert,  qui 


—  200  — 

le  premier  a  rattaché  TOuellé  au  Chari,  ait  examiné  la  question  nou- 
velle posée  par  M.  Wauters.  Il  est  plus  compétent  que  nous  pour  juger 
si  l'hypothèse  du  savant  géographe  de  Bruxelles  résout  mieux  que  la 
sienne  les  diflacultés  du  problème  de  l'Ouellé. 

Deux  expéditions  ont  été  organisées  h  Bruxelles  en  vue  d'étudier  le 
meilleur  tracé  pour  un  chemia  de  fer  le  long  du  Bas-Ckini^o.  Deux 
projets  sont 'en  présence.  D'après  le  premier,  la  voie  ferrée  serait  frac- 
tionnée en  deux  tronçons,  réunissant  Vivi  à  Isanghila,  et  Manyanga  à 
Léopoldville  ;  ces  deux  tronçons  seraient  reliés  par  un  service  de  bateaux 
à  faible  tirant  d'eau,  enti'e  Isanghila  et  Manyanga.  L'autre  projet  suit 
entièrement  la  rive  gauche  depuis  un  point  à  déterminer,  en  amont  de 
Noki,  jusqu'au  Stanley-Pool.  Il  aurait  sur  le  premier  l'avantage  que  les 
transports  s'opéreraient  sans  rompre  charge  à  Isanghila  et  à  Manyanga; 
en  outre  il  traverse  des  plateaux  beaucoup  moins  ravinés  que  ceux  de 
la  rive  septentrionale,  très  fertiles  et  extrêmement  peuplés.  La  première 
expédition,  dirigée  par  M.  le  lieutenant  Van  de  Velde,  ancien  chef  de 
Vivi,  s'est  embarquée  à  Rotterdam  le  31  mai.  La  seconde,  commandée 
par  M.  le  capitaine  Zbomski,  partira  vraisemblablement  au  commence- 
ment de  juillet. 

Le  bruit  s'étant  répandu  que  des  bandes  d'Arabes  auraient  attaqué 
les  stations  de  l'Association  internationale  sur  le  Haat-Conno, 
M.  Wauters  a  exposé,  dans  le  Moiwement  géographique,  les  faits  qui  se 
sont  passés  à  la'  station  de  Stanley-Falls,  et  qui  ont  donné  lieu  à  la 
rumeur  susmentionnée.  Voici  les  renseignements  que  lui  a  fournis  à  cet 
égard  M.  Van  Gèle,  naguère  encore  chef  de  cette  station  et  actuelle- 
ment en  Europe.  Un  certain  nombre  d'esclaves  nègres,  guidés  pai* 
quelques  Arabes,  obéissant  au  puissant  Tipo-Tipo,  gouverneur  de 
Nyangoué,  ont  détruit  plusieurs  villages  indigènes,  situés  en  dehors  de 
l'action  des  établissements  de  l'Association,  mais  ils  n'ont  nullement 
attaqué  ceux-ci.  Dans  une  entrevue  que  Tipo-Tipo  a  eue  avec  M.  Van 
Gèle,  il  a  donné  à  celui-ci  l'assm^ance  que  ses  intentions  étaient  entière- 
ment pacifiques;  que  si  ses  lieutenants  avaient  détruit  quelques 
bourgades  nègres,  c'était  en  contrevenant  à  ses  ordres,  et  parce  que  les 
indigènes  avaient  refusé  de  leur  vendre  des  vivres.  Il  prondt  de  rappeler 
tous  ses  sous-chefs  dans  le  Manyéma,  et  s'engagea  à  faire  respecter  par 
ses  hommes  la  vie  et  les  propriétés  des  indigènes  habitant  les  territoires 
de  l'Association.  Il  a  témoigné  le  désir  d'entamer  avec  les  natifs  des 
relations  commerciales  régulières,  et  a  prié  M.  Van  Grêle  d'intervenir 
auprès  des  populations  pour  les  rassurer  sur  les  intentions  des  Arabes  et 


—  201  — 

les  engager  à  entrer  en  relation  avec  eux,  M.  Van  Gèle  ayant  appris 

que  Tipo-Tipo  se  préparait  à  envoyer  une  caravane  dans  la  région  où  se 
trouvent  Junker  et  Gasati,  a  remis  au  chef  arabe  une  lettre  pour  les 
explorateurs  européens,  afin  de  les  informer  des  bonnes  intentions  de 
l'Association  du  Congo  à  leur  égard  Bt  des  secours  qui  les  attendent 
dans  ses  stations. 

Nous  avons  aononcé  (p.  155)  le  départ  d'Amérique  d'une  troupe  de 
50  mis9ionnaiF«»8,  hommes  et  femmes,  pour  le  Con§^o.  M.  Paul 
Châtelain,  de  la  Ferrière  (Jura  bernois),  qui  a  un  frère  parmi  ces  mis- 
sionnaires, nous  a  donné  sur  cette  expédition  des  renseignements  que 
nous  jugeons  utile  de  faire  connaître  à  nos  lecteurs.  Elle  est  indépen- 
dante de  toute  société  de  missions  et  se  trouve  sous  la  direction 
de  l'évêque  méthodiste  Williajn  Taylor,  secondé  par  le  D' Summ^^. 
Celui-ci,  avec  M.  Châtelain,  précéda  quelque  peu  le  gros  de  l'expédi- 
tion à  Loanda;  a  Vaut  l'arrivée  de  l'évêque  dans  cette  ville,  une  station 
fut  établie  à  Mayemba,  où  M.  Taylor  laissa  cinq  de  ses  hommes.  Dès 
les  premiers  joui*s  du  séjour  à  Loanda,  de  fortes  pluies  survinrent, 
les  maladies  ne  tardèrent  pas  à  se  déclarer,  très  graves  pour  quelques- 
uns;  l'un  même  y  succomba.  Néanmoins  les  préparatifs  se  firent  pour 
avancer  dans  l'intérieur.  Le  D'  Summers  fit  une  excursion  jusqu'à 
Malangé,  par  Ambaca,  avec  retour  par  Pungo-N'longo.  Aux  dernières 
nouvelles  (12  mai),  des  pionniers  allaient  faire  une  reconnaissance  dans 
cette  direction,  tandis  qu'un  quaker,  le  D'  Johnson,  membre  de  l'expé- 
dition, se  disposait  à  partir  pour  Mossamédès  où  il  comptait  s'établir. 

Le  gouvernement  français  a  chargé  le  D*  Baliay  et  le  lieutenant  de 
vaisseau  Rouvier  de  se  rendre  au  Congo,  pour  reconnaître  sur  place 
les  établissements  cédés  par  l'Association  internationale 
à  la  France.  Avant  leur  départ  les  deux  commissaires  se  sont  rendus 
à  Bruxelles,  où  ils  ont  été  présentés  au  roi  Léopold,  qui  a  réglé  d'avance, 
avec  le  directeur  de  l'État  libre  du  Congo,  les  points  sur  lesquels 
MM.  Rouvier  et  Baliay  auront  à  s'entendre  avec  les  commissaires  de 
l'État  du  Congo,  ainsi  que  ceux  qui  sont  restés  en  suspens  relativement 
aux  firontières,  après  la  Conférence  de  Berlin.  Une  fois  l'entente  établie 
entre  les  commissaires  français  et  ceux  qu'aura  désignés  le  Comité  de 
Bruxelles,  les  agents  des  stations  cédées  par  l'Association  à  la  France, 
les  r^nettront  au  commandant  supérieur  des  établissements  français  du 
golfe  de  Guinée,  M.  le  capitaine  de  frégate  Pradier,  qui  en  prendra 
possession,  en  même  temps  qu'il  prendra  la  direction  de  celles  qui  ont 
été  créées  sur  l'Ogôoué  et  l'Alima  par  la  mission  de  l'ouest  africain. 


—  202  — 

Au  Gabon,  MM.  Bouvier  et  BaUay  toucheront  à  Libreville;  puis  ils  se 
rendront  dans  la  baie  de  Loango,  d'oii  leur  caravane  se  mettra  eu 
route  pour  visiter  toutes  les  stations  du  Niari-Quillou,  jusqu^à 
Manyanga.  De  ce  point,  la  mission  se  dirigera  sur  Brazzaville,  en  lon- 
geant les  cataractes  de  Livingstone  jusqu^au  Stanley-Pool  ;  elle  suivra 
ensuite  le  Congo  jusqu'au  confluent  de  TAlima,  qu'elle  remontera  jus- 
qu'au point  où  commence  la  route  qui  relie  cette  rivière  à  rOgôoué.  La 
durée  de  la  mission  sera  de  cinq  à  six  mois. 

D'après  une  lettre  d'un  officier  à  bord  du  Bismarck^  au  Cameroon, 
ramiral  Knorr,  commandant  de  l'escadre  allemande,  au  golfe  de 
Guinée,  a  été  quelque  temps  prisonnier  des  indigènes.  Il  avait  formé  le 
projet  de  contracter  une  alliance  avec  les  natifs  du  haut  Cameroon, 
mais  il  fut  pris  par  des  nègres  Abo,  qui  ne  le  relâchèrent  que  lorsque 
ses  hommes  eurent  pris  des  mesures  sévères  de  représailles.  Dès  lors  il 
résolut  d'interrompre  tout  commerce  avec  les  nègres  Abo,  qui  occupent 
les  rives  du  Yabang;  il  envoya  un.  petit  steamer  de  la  maillon  Wœrmann, 
avec  une  vingtaine  d'hommes,  mouiller  au  confluent  du  Yabang  et  du 
Cameroon,  et  établir  une  sorte  de  blocus.  Mais  au  bout  de  peu  de  temps 
il  fallut  remplacer  l'équipage  du  steamer,  tous  les  hommes  souffrant  de 
la  fièvre.  Une  petite  expédition  fut  faite  sur  le  Yabang  et  aboutit  à  la 
prise  de  quelques  canots  ;  quelques  nègres  furent  tués. 

Un  accord  est  intervenu  entre  l'Ans^leterre  et  l' Allemagne, 
relativement  à  la  sphère  d'action  des  deux  puissances  dans  le  §^lte  de 
Gainée.  L'Angleterre  a  reconnu  à  l'Allemagne  la  partie  de  ce  golfe 
qui  ^s'étend  entre  les  rivières  Bio-del-Rey  et  Vieux-Calabar.  L'Alle- 
magne s'est  engagée  à  ne  pas  faire  d'acquisitions,  à  ne  pas  accepter  de 
protectorat  et  à  ne  pas  s'opposer  à  l'extension  de  l'influence  anglaise 
dans  la  partie  du  golfe  située  entre  la  rive  droite  du  Rio-del-Rey  et  la 
colonie  britannique  de  Lagos.  Chacune  des  deux  puissances  a  retiré  les 
protectorats  déjà  établis  dans  les  limites  assignées  à  l'autre  partie  con- 
tractante. 

La  Gazette  officielle  a  publié  une  notification  du  ministre  français  des 
affaires  étrangères,  énumérant  les  districts  du  Nlf^er  placés  sou 
le  protectorat  annulais.  Ces  districts  embrassent  les  territoires 
situés  sur  la  ligne  de  la  côte  comprise  entre  le  protectorat  anglais  de 
Lagos  et  la  rive  occidentale  de  Vembouchure  du  Rio-del-Rey;  puis  les 
territoires  situés  sur  les  deux  riv^  du  Bénoué,  de  son  confluent  jusqu'à 
Ibi. 

La  llffne  ferrée  de  Dakar  A  Salnt-IiOnls  a  été  terminée 


—  203  — 

le  12  mai  ;  elle  traverse  le  Cayor,  qui  produit  en  abondance  des  graines 
oléagineuses  qu'on  exporte  à  Marseille,  Bordeaux  et  Dunkerque.  Jus- 
<iu'îci  ces  graines  étaient  apportées  au  port  d'embarquement  par  de 
nombreuses  caravanes  de  Maures,  mais  au  fur  et  à  mesure  de  la  cons- 
truction de  la  ligne,  les  comptoirs  se  sont  établis  aux  stations,  et  des 
villes  nouvelles  se  sont  fondées  à  Thiès,  Tivaouanne  et  N'Dandé,  sous 
la  protection  de  la  France.  Partout  s'est  développé  un  commerce  telle- 
ment actif  que,  dès  le  début,  la  ligne  a  eu  les  plus  grandes  peines  à 
faire  face  au  trafic  qu'elle  créait.  Actuellement,  on  voit  tout  le  long  de 
la  ligne  les  noirs  se  mettre  à  défricher  les  broussailles  pour  cultiver 
les  arachides.  L'année  prochaine,  la  production  et  le  trafic  auront 
vraisemblablement  doublé. 

Le  roi  du  Djolof  qui,  en  1883,  avait  rompu  les  liens  d'amitié 
unissant  ses  États  avec  la  colonie  du  Sénégal,  et  dont  les  actes  de  bri- 
gandage désolaient  le  Djolof  et  les  pays  avoisinants,  en  même  temps 
qu'ils  entravaient  le  commerce,  a  signé  avec  le  gouvernement  du  Séné- 
gal une  convention  destinée  à  régler  les  relations  qui  devront  exister 
^ntre  les  deux  pays.  Il  a  placé  son  pays  sous  la  suzeraineté  et  le  pro- 
tectoriit  de  la  France,  et  s'est  engagé  à  ne  pas  tolérer  sur  son 
territoire  des  individus  qui  s'y  réfugieraient  pour  nuire  à  la  sécurité  de 
Saint-Louis,  du  Cayor  et  du  Baol.  Il  a  promis  de  ne  gêner  en  rien  la 
liberté  commerciale,  de  ne  jamais  intercepter  les  communications, 
d'user  de  son  autorité  pour  protéger  te  commerce,  de  favoriser  l'arri- 
vage des  produits  et  des  troupeaux,  et  de  développer  les  cultures  de  son 
pays.  Dans  le  cas  oîi  le  gouvernement  français  voudrait  relier  une  des 
stations  du  chemin  de  fer  de  Dakar  Sàînt-Louis,  à  Bakel,  par  une  ligne 
qui  traverserait  le  Djolof,  le  roi  donnerait  toutes  les  facilités  possibles 
pour  la  construction  de  cet  embranchement  ;  en  particulier,  il  fournirait 
des  travailleurs  pour  creuser  des  puits  sur  le  parcours  de  cette  ligne. 
Gomme  gage  de  ses  bonnes  intentions,  le  roi  du  Djolof  s'est  engagé 
à  confier  son  fils  aîné  au  gouvernement  français,  pour  que  celui-ci  lui  fasse 
donner  à  Saint-Louis  une  instruction  suffisante  et  une  éducation  qui  lui 
permette  un  jour  de  régner  avec  sagesse  sur  le  Djolof. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Des  études  sérieuses  se  poursuivent  entre  Sétif  et  Bougie,  par  le  ChÀbet-el- 
Âklira  et  par  le  Dra-el-Arba,  pour  rétablissement  d'un  chemin  de  fer  à  voie 
étroite. 


WP^ 


—  204  — 

Le  cardinal  Manning  a  publié,  dans  les  Tablettes^de  Londres  un  appel  en  faTeur 
de  la  création  d'une  Association  du  Nil,  analogue  à  celle  qui  a  préparé  l'établisse- 
ment du  nouvel  État  du  Congo.  <  Une  pareille  association  serait,  »  dit-il,  «  un 
monument  consacré  au  souvenir  de  Gordon,  car  si  le  Haut-Nil  pouvait  être  ouvert 
à  l'industrie  et  au  commerce  légitime,  la  traite  des  esclaves  mourrait  de  sa  belle 
mort.  » 

Un  service  postal  hebdomadaire  a  été  inauguré  le  12  juin  entre  l'Italie,  Mas- 
saoua,  Âssab  et  Aden.> 

L'expédition  de  MM.-F.-L.  et  W.-D.  James  pour  l'exploration  du  pays  desSoma- 
lis,  n'a  pu  exécuter  pleinement  son  projet  de  se  rendre  de  Berbera  à  Magadoxo. 
Elle  a  cependant  réussi  à  atteindre  Barri,  sur  le  Webbi,  à  640  kilom.  de  Berbera, 
à  travers  une  partie  du  plateau  non  encore  explorée  par  des  Européens.  Barri  est 
à  320  kilom.  de  Magadoxo. 

Une  souscription  publique  a  été  ouverte  à  Stuttgardt,  en  faveur  de  l'expédition 
allemande  que  le  D' Fischer  doit  entreprendre,  pour  tâcher  de  pénétrer  jusqu'aux 
anciennes  provinces  égyptiennes  équatoriales,  où  sont  encore,  nous  l'espérons, 
Emin-bey,  le  D"^  Junker  et  Casati. 

Un  télégramme  de  Zanzibar  annonce  que  l'empire  allemand  a  conclu,  avec  les 
chefs  indigènes  de  Yitou,  province  située  au  nord  des  États  de  Saïd-Bargasch,  nn 
arrangement  qui  lui  confère  le  protectorat  sur  cette  région. 

Par  suite  de  difficultés  survenues  entre  les  membres  de  l'expédition  italienne, 
le  capitaine  Ceccbi  a  dû  entreprendre  seul  avec  M.  Cenni  l'exploration  du  Djouba 
inférieur.  Le  Barberigo,  sur  lequel  ils  s'étaient  embarqués,  est  heureasement 
arrivé  à  Zanzibar. 

M.  Hornicke,  chef  d'une  expédition  allemande  à  la  côte  orientale  d'Afrique, 
s'est  mis  en  route,  de  Zanzibar  pour  l'intérieur,  le  11  mai,  avec  160  porteurs  indi- 
gènes et  des  provisions  pour  cinq  mois. 

Le  sultan  de  Zanzibar  a  conclu  des  traités  de  commerce  avec  l'Italie  et  la  Bel- 
gique. —  D'autre  part,  il  a  élevé  des  prétentions  sur  les  territoires  récemment 
placés  sous  le  protectorat  de  l'empire  allemand,  et  y  a  même  envoyé  des  troupes. 
Une  escadre  allemande  s'est  rendue  dans  les  eaux  de  Zanzibar. 

Le  ministère  français  de  la  marine  a  conclu,  avec  la  Compagnie  des  Messageries 
maritimes,  un  traité  pour  la  création  d'un  service  postal  mensuel  qui  desservira  la 
Réunion,  Tamatave,  Yohémar,  Diego-Suarez,  Nossi-Bé,  Majunga,  Mayotte,  Mozam- 
bique et  Zanzibar. 

Le  vapeur,  le  Charles  Janson^  destiné  à  la  Mission  des  universités,  sur  la  c6te 
orientale  du  lac  Nykssa,  a  été  transporté,  par  parties  démontées,  au  delà  des 
rapides  du  Chiré,  et  va  être  reconstruit  sur  le  haut  fleuve. 
•  M.  Frédéric  Bordas,  naturaliste,  estf  chargé,  par  le  gouvernement  français,  d'une 
mission  zoologique  aux  Comores. 

Le  président  de  la  république  du  Transvaal  a  protesté  contre  la  prise  de  pos- 
session, par  l'autorité  britannique,  de  la  baie  de  Sainte-Lucie,  qu'il  réclame  pour 


—  205  — 

la  nouvelle  république  du  Zoulouland,  et  qu'il  déclare  port  libre  pour  toutes  les 
nations,  sans  exception  aucune. 

D'après  un  Blué  Boclk  qui  vient  de  paraître,  l'Allemagne  a  retiré  sa  protestation 
contre  la  prise  de  possession  de  Sainte-Lucie  par  les  Anglais.  Elle  s'abstiendra  de 
faire  des  acquisitions  territoriales  ou  d'établir  des  protectorats  sur  la  côte  entre 
Natal  et  la  baie  de  Delagoa. 

M.  Jacques  de  Morgan,  ingénieur  civil  des  mines,  est  chargé  d'une  mission  géo- 
logique et  minéralogique  dans  l'État  libre  de  l'Orange,  le  Transvaal,  le  Zoulou- 
land et  la  colonie  de  Natal. 

Le  Tr€tn8va4xl  Advertiser  annonce  que,  dans  la  prochaine  session  du  Volksraad, 
une  concession  sera  demandée  pour  la  construction  d'un  chemin  de  fer  entre  Pré- 
toria  et  Kimberley. 

Le  comte  d'Oksza  a  passé  avec  le  gouvernement  de  Lisbonne  un  contrat  pour  la 
pose  d'un  câble  sous-marin,  qui  relierait  le  Portugal  avec  les  possessions  euro- 
péennes de  la  côte  occidentale  d'Afrique  jusqu'au  Cap  de  Bonne-Espérance.  Le 
comte  d'Oksza  est  actuellement  en  pourparlers  avec  les  gouvernements  espagnol, 
français,  allemand  et  anglais,  pour  faire  profiter  leurs  colonies  respectives  des 
avantages  qu'offrira  cette  nouvelle  ligne  de  communications  rapides. 

Notre  compatriote,  M.  Max  de  Pourtalès,  depuis  près  d'un  an  au  service  de 
l'Association  internationale  du  Congo,  a  été  nommé  chef  de  la  station  de  Vivi. 

A  l'exemple  de  la  Société  des  missions  de  Bâle,  celle  de  l'Allemagne  du  nord, 
'dont  le  siège  est  à  Brème,  a  adressé  au  prince  de  Bismark  une  pétition  pour 
demander  que  l'Allemagne  s'efforce  d'obtenir,  par  voie  diplomatique,  que  l'impor- 
tation des  spiritueux  dans  les  territoires  du  Congo  et  du  Niger  soit  restreinte  par 
un  impôt,  et  la  vente,  par  un  droit  de  patente  élevé  ;  une  demande  analogue  vise 
spécialement  les  territoires  placés  récemment  sûus  le  protectorat  de  l'empire 
allemand. 

L'expédition  autrichienne  placée  sous  la  direction  du  D'  Lenz,  et  chargée  de 
chercher  à  porter  secours  aux  Européens  bloqués  dans  la  province  du  Bahr-el- 
Ghazal,  a  dû  s'embarquer  le  30  juin  à  Hambourg.  Elle  tâchera  de  gagner  la 
région  de  l'Ouellé,  soit  par  la  vallée  de  l'Oubangi,  soit  par  celles  de  l'Itimbiri  ou 
de  l'Arououimi. 

La  mission  italienne  d'exploration  commerciale  du  Congo,  dont  le  départ  avait 
été  ajourné,  se  mettra  prochainement  en  route  sous  les  ordres  du  capitaine  Bove, 
un  des  compagnons  de  voyage  de  Nordenskiôld. 

La  Chambre  des  députés  de  Lisbonne  a  adopté  l'Acte  général  de  la  Conférence 
de  Berlin,  et  la  convention  avec  l'Association  internationale.  Le  gouvernement  a 
présenté  un  projet  de  loi  relatif  à  l'organisation  du  nouveau  district  du  Congo,  qui 
restera  sous  l'autorité  du  gouverneur  général  de  la  province  d'Angola.  La  rési- 
dence dn  sous-gonverneur  sera  à  Cabinda. 

Le  roi  de  Bonny  (bouches  du  Niger),  Oko-Jumbo,  est  venu  faire  visite  à  la 
reine  d'Angleterre,  sous  le  protectorat  de  laquelle  son  royaume  a  été  placé. 

La  souscription  ouverte  par  la  Société  coloniale  allemande  en  vue  de  l'établis- 


—  206  — 

tement  de  stations  sur  le  haat  Bénooé,  ayant  produit  des  sommes  asses  considé- 
rables, il  a  été  décidé  de  procéder  sans  retard  à  l'exécution  de  ce  projet 

Le  protectorat  de  la  France  a  été^  établi  sur  les  territoires  des  deux  Popos,  le 
Grand  et  le  Petit  Popo,  à  la  c6te  des  Esclaves.  Ce  protectorat  relère  du  comman- 
dant dQ  Eotonou,  placé  lui-même  sous  les  ordres  du  commandant  supérieur  des 
établissements  français  du  golfe  de  Guinée,  résidant  à  Libreville. 

Le  D'  Fisch,  envoyé  par  la  Société  des  Missions  de  6&Ie,  aux  stations  de  la 
Côte  d'Or,  comme  médecin  missionnaire,  est  arrivé  à  sa  destination,  et  a  reçu  des 
indigènes  un  accueil  très  cordial. 

L'ambassade  française  a  reçu  du  sultan  du  Maroc  un  très  bon  accueil  à  Mequi- 
nez;  on  peut  espérer  un  règlement  satisfaisant  des  questions  pendantes  entre  les 
deux  pays.  D'autre  part,  l'envoi  d'une  ambassade  marocaine,  arrivée  récemment 
en  France,  témoigne  du  désir  du  sultan  d'entretenir  des  rapports  de  bon  voisinage 
avec  le  gouvernement  français. 


DE  L'EMPLOI  DES  OUVRIERS  EUROPÉENS  DANS  L'AFRIQUE  TROPICALE 

D'après  le  D^  Fischkr. 

L'activité  déployée  par  les  gouvernements  européens  pour  étendre 
leurs  possessions  en  Afrique,  et  l'œuvre  importante  accomplie  par  la 
Conférence  africaine  de  Berlin,  pourraient  entraîner  de  nombreux  émi- 
grants  vers  les  parties  de  ce  continent  ouvertes  à  la  liberté  de  commerce 
et  d'établissement.  Il  ne  manqua  pas  de  publications  qui  croient  hâter 
les  progrès  de  la  civilisation  en  préconisant  la  création  de  colonies,  aux- 
quelles elles  promettent  un  travail  aussi  facile  et  aussi  rémunérateur 
que  celui  de  la  mère-patrie.  Maîa^.  comme  la  première  condition  est  de 
vivre,  il  importe  de  savoir  si  le  travailleur  européen  peut  supporter  le 
climat  des  régions  vers  lesquelles  les  émigrants  pourraient  être  tentés 
de  se  rendre,  quelle  influence  il  peut  avoir  à  subir  à  cet  égard,  et  quel- 
les précautions  il  doit  prendre  pour  obvier  aux  inconvénients  résultant 
de  la  situation  et  de  la  nature  du  pays.  Sous  ce  rapport,  nous  avons 
trouvé  de  précieuses  indications  dans  un  mémoire  présenté  par  M.  le 
D' Fischer  au  récent  Congrès  des  géographes  allemands  à  Hambourg, 
et  nous  nous  faisons  un  devoir  d'en  extraire  ce  qui  nous  paraît  le  plu& 
utile  en  môme  temps  que  le  plus  intéressant  pour  nos  abonnés. 

L'autorité  du  D' Fischer  en  <m  matières  est  incontestée.  Dq>ui8  de 
longues  années  médecin  à  Zanribar^  il  a  fait,  à  l'intérieur,  plusieurs 
explorations  qui  lui  ont  fourni  Toecasion  d'étudier  la  climatologie  ^  la 
zone  côtière  aussi  bien  que  celle  du  plateau  central  ;  c'est  d'après  ses 


207  — 

observations  personnelles,  en  même  t^nps  que  d'après  celles  des  explo- 
rateurs les  plus  sérieux,  qu'il  résout  la  question  de  la  possibilité  d'em* 
ployer  en  Afrique  des  ouvriers  européens. 

D'une  manière  générale,  le  D'  Fischer  ne  croit  pas  que  l'ouvrier 
européen  puisse  s'acclimater  aisément  dans  l'Aâîque  tropicale,  parce 
que,  plus  il  y  reste  longtemps,  moins  il  demeure  capable  de  résister 
aux  influences  funestes  du  climat  ;  il  devient  anémique  et  se  voit  forcé 
de  chercher  de  nouveau  un  climat  plus  tempéré.  D'ailleurs,  à  supposer 
qu'il  pût  passer  toute  sa  vie  dans  cette  région,  ses  enfants,  pour  ne  pas 
d^énérer,  cl^vraient  passer  leur  jeunesse  en  Europe.  Quand  il  s'agit 
d'émigration  et  d'acclimatation,  il  faut  avant  tout  que  les  descendants, 
qui  naîtront  et  qui  grandiront  dans  des  conditions  et  sous  des  influences 
toutes  différentes,  ne  soient  pas,  pour  les  qualités  physiques  et  morales, 
au-dessous  de  leurs  parents.  Or,  à  cet  égard,  on  a  remarqué  que  les 
générations  qui  ne  se  retrempent  pas  dans  le  climat  de  l'Europe  dégé- 
nèrent ;  les  Portugais,  par  exempjiei^ui  cependant  s'accommodent  le 
mieux  du  climat  des  tropiques,  voient,  par  un  séjour  prolongé  dans  les 
colonies  africaines,  diminuer  la  force  physique  de  leurs  descendants. 

C'est  surtout  la  région  des  côtes  qui  exerce  sur  les  Européens  une 
influence  fatale,  aussi  les  négociants  ne  peuvent-ils  y  séjourner  que  peu 
de  temps,  et  paient-ils  un  fort  tribut  au  climat.  Ce  sont  donc  les  pla- 
teaux soi-disant  frais  et  fertiles,  qui  attirent  l'attention  des  émigrants; 
on  les  engage  instamment  à  aller  f'^  fonder  des  colonies  agricoles  ; 
Stanley  a  même  annoncé  publiquement  qu'il  pouvait  indiquer  des  empla- 
cements très  salubres  pour  l'émigration  allemande.  Mais  l'expérience 
acquise  par  le  D' Fischer,  dans  ses  voyages  sur  le  plateau  central,  à  une 
altitude  de  près  de  2000  mètres,  ne  lui  permet  pas  de  croire  à  la  possi- 
bilité, pour  les  ouvriers  d'Europe,  de  se  livrer  à  la  culture  du  sol  dans 
l'Afrique  centrale  avec  espoir  de  succès. 

Comparés  aux  districts  de  la  côte  où  régnent  une  température  acca- 
blante et  des  miasmes  délétères,  les  platisaux  offrent,  il  va  sans  dire,  à 
l'Européen,  un  séjour  moins  chaud  et  moins  insalubre  ;  mais  ce  serait  une 
erreur  de  croire  que  les  meilleures  conditions  climatologiques  à  l'inté- 
rieur dépendent  partout  de  l'altitude  ;  ceci  n'est  vrai  que  dans  une  cer- 
taine mesure  et  à  une  hauteur  consid^able.  Dans  un  pays  où  la  limite 
des  neiges  ne  commence  qu'à  5000  mètres,  et  où  il  n'y  a  point  d'hiver 
au  sens  propre  de  ce  mot,  une  altitude  de  500  mètres  et  même  de  1000 
mètres  en  plus  ou  en  moins  n'a  pas  une  grande  importance. 

Quant  à  la  température,  le  D"  Fischer  a  pu  constater,  dans  son  der- 


—  208  — 

nier  voyage  au  pays  des  Masaï,  que  la  région  où  se  produit  un  change- 
ment sensible  dans  la  température,  la  végétation  et  le  régime  des 
pluies,  ne  commence  qu'à  1400  mètres.  Même  à  une  hauteur  de  1900 
mètres,  près  du  lac  Naïwasha  ',  dans  la  saison  froide,  le  thermomètre 
ne  descendit  pas  au-dessous  de  9"*  pendant  la  nuit,  le  plus  souvent  il  mar- 
qua, de  nuit,  18°  ou  14**  ;  de  jour,  en  mai  et  juin,  par  un  temps  pluvieux, 
23**  au  maximum.  Dans  toute  la  partie  de  l'Afrique  centrale  dont  on  s'oc- 
cupe le  plus  aujourd'hui  on  ne  rencontre  nulle  part  cette  altitude.  Les 
plateaux  de  1000  mètres  dépassent  déjà  la  hauteur  de  la  zone  centrale 
tropicale  ;  les  chutes  de  Stanley  ne  sont  qu'à  410  mètres  d'altitude.  Ce 
n'est  pas  tant  l'élévation  du  plateau  qui  en  abaisse  la  température 
moyenne,  que  le  rayonnement  considérable  pendant  la  nuit.  Dès  qu'on 
a  quitté  la  côte  oti,  vu  son  climat  maritime,  la  différence  de  tempéra- 
ture entre  le  jour  et  la  nuit  est  très  peu  sensible,  le  thermomètre  des- 
cend pehdant  la  nuit  à  20**  et  même  à  15**,  dans  la  partie  orientale  du 
continent,  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  s'élever  à  \me  altitude  bien  forte. 
De  jour,  la  température  de  l'intérieur  est  de  très  peu  inférieure  à  celle 
de  la  côte.  A  Roubaga,  au  bord  du  Victoria-Nyanza,  à  1300  mètres,  la 
chaleur  la  plus  forte,  de  jour,  dans  tous  les  mois  de  l'année,  s'élève  à 
30°  ;  à  Zanzibar  elle  est  de  32°  ;  mais,  de  nuit,  elle  descend  à  Roubaga, 
à  15°  et  même  à  13°,  tandis  qu'à  Zanzibar,  ce  n'est  que  dans  les  jours 
de  pluie  les  plus  froids  qu'elle  descend,  de  nuit,  à  22°.  D'ailleurs  il  ne 
faut  pas  trop  généraliser  les  conditions  de  température  du  plateau  cen- 
tral. Les  diverses  parties  de  cette  zone  présentent  des  diJQférences  con- 
sidérables, qui  dépendent  du  relief,  des  fleuves,  des  montagnes  et  d'au- 
tres causes  encore. 

Les  endroits  ouverts,  comme  Roubaga,  subissent  de  nuit  un  rayonne- 
ment plus  fort  que  ceux  qui  sont  situés  dans  des  vallées  étroites,  ou  le 
long  des  rives  boisées  d'un  fleuve.  Au  Congo,  la  températui-e  ne  des- 
cend pas  bien  bas  pendant  la  nuit  ;  autant  qu'on  peut  en  juger,  d'après 
les  observations  faites  jusqu'ici ,  la  température  moyenne  est  de  24°  à 
25°,  tandis  qu'à  Roubaga  elle  est  de  21°,4,  et  à  Zanzibar,  de  27°. 

Pour  l'ouvrier  européen,  c'est  tout  autre  chose  d'exécuter  son  tra- 
vail ordinaire  dans  un  climat  comme  le  nôtre,  avec  une  température 
moyenne  de  11°,5,  ou  dans  une  atmosphère  de  23°,5,  comme  l'indique 
Stanley  pour  le  Congo.  Sous  les  tropiques,  le  soleil  monte  rapidement 
au-dessus  de  l'horizon  et  sa  chaleur  augmente  très  vite,  aussi  la  tempe- 

* 

'  Voir  la  carte  p.  64  ;  Thomson  indique  2000  mètres  pour  l'altitude  du  lac. 


—  209  — 

rature  doit-elle  être  étouflfante  pour  le  travailleur.  En  Europe,  les  nuits 
firaîcbes  lui  procurent  un  sommeil  réparateur;  il  n'en  est  pas  de  même 
sur  le  plateau  central  africain.  L'agriculteur  européen  peut  supporter 
ce  changement  un  certain  temps,  mais  il  s'aperçoit  bientôt  que  sa  santé 
eu  souffre  ;  les  fonctions  du  cœur  deviennent  beaucoup  plus  actives,  le 
mouvement  musculaire  exige  plus  d'efforts,  la  respiration  est  plus 
courte,  le  pouls  bat  avec  plus  de  violence,  le  teint  se  colore  d'un  rouge 
foncé,  l'hypertrophie  du  cœur  peut  se  déclarer. 

Quant  aux  maladies  qu'engendrent  d'ordinaire  les  miasmes  de  la 
région  côtière,  l'altitude  des  territoires  du  plateau  central  n'en  exempte 
pas  leurs  habitants  d'une  manière  absolue.  La  condition  qui  peut  le« 
rendre  les  plus  favorables  aux  Européens  est  la  sécheresse  de  beaucoup 
d'entre  eux.  Là  oîi  elle  n'existe  pas,  comme  le  long  de  la  plupart  des 
fleuves,  dans  beaucoup  de  dépressions  marécageuses,  le  climat  peut  leur 
être  très  nuisible.  C'est  le  cas  pour  les  alentours  de  Stanley-Pool,  pour 
la  plus  grande  partie  du  cours  du  Congo,  mais  surtout  pour  les  bassins 
des  lacs  Bangouéolo  et  Moero,  ainsi  que  pour  celui  duLoualaba.il  en  est 
(le  même,  dans  l'Afrique  orientale,  pour  le  territoire  au  pied  du  Kili- 
mandjaro, oïl  se  trouvent  Taveta,  le  lac  Jipé,Teïta,etpourles  alentours 
des  marais  de  Makouta  dans  l'Ou^Sagara. 

Le  D'  Fischer  fut  atteint,  au  lac  Naïwasha,  d'une  fièvre  bilieuse  qui 
ne  le  cédait  en  rien  aux  fièvres  de  la  côte.  Beaucoup  de  ses  porteui*s 
tombèrent  également  malades,  tandis  que  leur  santé  avait  été  excel- 
lente pendant  tout  le  temps  où  ils  avaient  traversé  la  steppe  sèche.  Si 
l'Afrique  orientale  passe  pour  plus  salubre  que  la  partie  occidentale  du 
continent,  cela  tient  essentiellement  à  ce  qu'elle  est  moins  humide  et 
reçoit  moins  de  pluie.  Depuis  qu'il  pleut  moins  à  Zanzibar,  les  condi- 
tions sanitaires  se  sont  améliorées. 

Le  D'  Fischer  croit  pouvoir  affirmer  que  dans  toute  l'Afrique  tropi- 
cale et  voisine  des  tropiques,  les  territoires  salubres  sont  stériles,  et  les 
territoires  fertiles,  insalubres.  «  Dans  le  Sahara,  »  dit-il,  «  et  dans  le  Lûde- 
ritzland,  il  n'y  a  point  de  fièvre,  mais  la  végétation  y  est  pauvre  ;  dans 
les  districts  montagneux  du  Zanguebar,  on  rencontre  un  terrain  fertile, 
mais  les  Européens  ne  pourraient  pas  y  vivre  ;  même  dans  le  Dama- 
raland,  en  général  salubre,  se  trouvent  .des  dépressions  dans  lesquelles, 
d'après  le  témoignage  du  missionnaire  Bttttner,  la  fièvre,  engendrée  par 
l'humidité  qui  y  règne,  enlève  des  fajnilles  entières.  »  On  pourrait,  au 
moyen  du  drainage,  faire  de  l'île  de  Zanzibar  tout  entière  un  séjour  très 
salubre,  mais  on  détruirait  du  même  coup  la  culture  du  riz  qui  nourrit 


—  210  — 

\me  grande  partie  des  habitants.  L'agriculteur  recherche  naturellement 
les  districts  humides,  fertiles  ;  il  doit  souvent  s'établir  dans  des  vallées 
chaudes,  malsaines,  parce  que,:dans  TAfrique  cent)*ale,  ce  n'est  que  là 
que  se  rencontrent  les  conditions  nécessaires  à  la  réussite  des  produits 
du  sol  ;  il  n'aurait  rien  à  attendre  sur  les  plateaux  secs  et  dans  les 
savanes.  En  outre,  si,  à  l'époque  de  la  saison  des  pluieç,  le  voyageur, 
et  en  général  l'Européen  vivant  sous  les  tropiques,  se  ménagent  et  cher- 
chent un  séjour  aussi  sec  que  possible,  l'agriculteur  doit  travailler  ses 
terres,  justement  alors  qu'il  est  le  plus  exposé  aux  influences  pernicieu- 
ses des  miasmes  qui  se  développent  avec  le  plus  d'intensité  presque 
partout  à  cette  époque.  On  coimatt  l'influence  morbide  de  la  mise  en 
culture  de  terrains  humides  contenant  des  produits  végétaux  en  décom- 
position. La  plupart  des  Chinois  importés  en  Sénégambie  par  les  Fran- 
çais ont  été  victimes  du  cUrnat^ 

Que  des  voyageurs  soient  restés  à  l'intérieur  un  certain  temps  sans 
souffrir  de  la  fièvre,  le  D'  Fischer, ne  le  conteste  pas.  Mais  les  agents  de 
l'Association  internationale  vivent  dans  des  stations  plus  ou  moins  bien 
installées,  sur  les  emplacements  les  plus  salubres,  ils  peuvent  prendre 
les  précautions  nécessaires  et  ne  cultivent  pas  le  sol  eux-mêmes.  Ils  sont 
approvisionnés  d'Europe  le  mieux  possible,  et  ne  manquent  d'aucune 
des  choses  auxquelles  les  Européens  sont  accoutumés.  Pour  Touvrier 
des  champs,  il  ne  pourrait  en  être  question,  il  n'en  aurait  pas  le  moyen; 
avant  d'avoir  fait  quelques  épargnes,  il  deviendrait  faible  et  malade. 

D'ailleurs,  combien  de  temps  les  agents  susmentionnés  passent-ils  au 
Congo  ?  Leurs  contrats  sont  conclus  pour  trois  ans,  au  bout  desquels  ils 
sont  rappelés  en  Europe  pour  jf.recouvrer  de  nouvelles  forces  dans  un 
climat  meilleur,  et  retrouver  les  douceurs  de  la  civilisation  dont  ils  ont 
été  privés  pendant  trois  ans.  Quant  à  l'ouvrier  européen,  à  supposer 
qu'il  pût  supporter  le  climat  aMcain  pendant  cinq  ans  sans  que  sa  santé 
en  souffrît,  qui  lui  procurera  les  ressources  suffisantes  pour  revenir 
passer  une  année  ou  dix-huit  mois  en  Europe,  afin  d'y  recouvrer  les 
forces  nécessaires  à  son  travail  en  Afrique  pour  une  nouvelle  période  de 
cinq  ans  ?  D'ailleurs  l'émigration  comprend  des  familles  ;  qui  leur  four- 
nira les  moyens  nécessaires  pour  laisser  les  enfants  en  Europe  afin  qu'ils 
y  acquièrent  la  force  physique  et  morale  dont  ils  auront  besoin  là-bas  ? 
Il  en  est  des  Européens  comme  4e.  nos  plantes  indigènes,  qui  ne  s'accli- 
matent jamais  dans  les  régions  chaudes  ;  malgré  les  soins  les  plus  minu- 
tieux, elles  y  végètent  et  dégénèrent.  ^, 

En  admettant  même  que  l'ouvrier  européen  pût  faire  produire  au  soi 


—  211  ^ 

de  l'Afrique  ce  dont  il  aurait  besoin,  en  travaillant  beaucoup  moins 
longtemps  chaque  jour  qu'il  ne  doit  le  faire  en  Europe,  il  ne  faut  pas 
perdre  de  vue  qu'il  rencontrerait  à  l'intérieur  du  continent  d'autres 
difficultés  que  celles  auxquelles  il  est  accoutumé,  et  beaucoup  d'enne- 
mis, du  règne  animal,  qui  lui  rendraient  très  pénible  la  culture  des  pro- 
duits indigènes.  S'il  ne  travaille  pas  plus  de  six  heures  par  jour, 
de  quoi  s'occupera-t-il  le  reste  du  temps  ?  Le  loisir  le  perdra  ;  quand  il 
aura  travaillé  trois  heures  le  matin,  il  sera  fatigué,  se  reposera  et  se 
mettra  à  boire.  Il  faut  remplacer  par  un  breuvage  abondant  la  déperdi* 
tion  d'eau  qui  se  produit  par  la  transpiration,  chez  l'Européen  en  géné- 
ral, et  chez  l'ouvrier  en  particulier.  Mais  avec  le  préjugé  qu'ont  d'ordir 
naire  contre  l'eau  les  Européens,  vivant  sous  les  tropiques,  l'agriculteur 
croira  devoir,  pour  conserver  sa  santé,  verser  une  goutte  d'eau-de-vie 
dans  son  eau,  quoique  cela  ne  rende  pas  salubre  une  eau  qui  serait  mal- 
saine. Il  commencera  par  une  goutte,  mais  bientôt  le  verre  contiendra 
plus  d'eau-de-vie  que  d'eau.  L'homme,  ditron,  a  besoin,  dans  ce  climat» 
d'un  fortifiant  et  d'un  excitant,  si  non  il  s'affaiblit  ;  mais  avec  ce  prin- 
cipe on  succombe  au  climat.  Sous  les  tropiques,  rien  n'est  plus  propre  à 
miner  la  santé,  dit  le  D' Fischer,  que  l'abus  des  boissons  alcooliques,  et 
nulle  part  l'Européen  n'y  est  plus  enclin  que  dans  les  régions  tropicales. 
Quelle  que  soit  la  profession  qu'il  exerce,  il  a  beaucoup  de  loisir;  l'hommo 
cultivé  peut  s'occuper  d'une  manière  intellectuelle,  et  a  plus  de  force 
pour  résister  à  la  tentation  ;  le  négociant  sait  qu'au  bout  de  peu  de 
tejnps  il  pourra  revenir  en  Europe,  et  qu'après  avoir  fait  fortune  il 
n'aura  plus  besoin  de  retourner  sous  ce  climat  brûlant  ;  l'explorateur» 
qui  poursuit  un  but  scientifique  s'efforce  d'éviter  tout  ce  qui  pourrait 
lui  nuire;  à  l'ouvrier,  il  nç  reste  que  l'eau-de-vie,  et  l'on  ne  peut 
douter  qu'une  forte  proportion  d'ouvriers  ne  succombent  à  l'abus  des 
boissons  alcooliques. 

Quant  aux  colonies  de  mineurs  dont  il  a  été  question,  à  l'occasion  de 
l'acquisition,  par  M.  Lttderitz,  des  vastes  territoires  placés  aujourd'hui 
sous  le  protectorat  allemand,  de  l'embouchure  du  fleuve  Orange  au  cap 
Frio,  on  estime  généralement  qu'elles  seraient  préférables  à  des  colo- 
nies agricoles,  qui  pourraient  faire  concurrence  à  l'élève  du  bétail  ou  à 
l'agriculture  indigène.  Toutefois  le  D' Fischer  est  d'avis  que  l'expérience 
faite  dans  les  mines  des  possessions  portugaises,  avec  des  ouvriers  eui*o- 
péens,  se  produira  dans  le  LûderitÉland,  et  qu'ici  aussi  les  ouvriers 
seront  en  grande  partie  des  indigènes. 

En  général  les  principes  morbides  trouvent  moins  facilement  accès» 


—  212  — 

ou  se  développent  moins  rapidement,  dans  un  coi-ps  sain  et  vigoureux  que 
dans  un  corps  faible  et  itoaladif;  mais  ce  principe  n'est  vrai  que  dans 
une  certaine  mesure  et  pour  certaines  maladies  infectieuses,  et  quant  à 
la  malaria,  il  n'a  pas  d'importance  ;  le  D'  Fischer  a  souvent  fait  l'expé- 
rience du  contraire.  Tous  les  explorateurs  savent  que  des  marches  for- 
cées préviennent  la  fièvre,  mais  que  l'on  en  est  atteint  dès  qu'on  s'arrête 
quelque  part  pour  se  reposer.  D'un  autre  côté,  on  peut,  sans  éti^  malade, 
chasser  l'hippopotame  pendant  des  semaines  dans  des  vallées  malsaines, 
et  quand  on  en  sort,  ou  peut  compter  qu'au  sixième  jour  on  sera  pris 
d'un  fort  accès  de  fièvre.  Néanmoins  une  activité  musculaire  régulière, 
accompagnée  d'une  abondante  transpiration,  et  une  alimentatiou  forte, 
«ont  un  des  moyens  les  meilleurs  d'entretenir  la  santé.  Il  est  très  rare 
que  l'eau  occasionne  la  fièvre,  a  J'ai  fait  souvent  usage,  »  dit  le  D'  Fis- 
cher, «  d'eau  de  toutes  sortes  et  de  localités  très  diiférentes  :  étangs, 
i*uisseaux,  fleuves,  flaques  d'eau  de  pluie,  sans  en  contracter  la  fièvre. 
Je  n'ai  jamais  pu  constater  sur  d'autres  que  l'eau  fût  la  cause  de  la 
fièvre.  Il  n'en  est  pas  de  même  pour  la  dysenterie.  Les  indigènes  savent 
très  bien  distinguer  l'eau  mauvaise  et  nuisible  de  celle  qui  est  potable. 
On  éprouve  d'abord  une  certaine  appréhension  ;  maiis  lorsque,  après  une 
forte  marche  et  une  transpiration  abondante,  on  arrive  à  un  endroit  oii 
il  y  a  de  l'eau,  et  que  l'on  voit  le  nègre  boire  avec  délices,  on  ne  songe 
pas  au  filtre,  et  l'on  déguste  avec  avidité  le  précieux  liquide,  de  quelque 
nature  qu'il  soit.  » 

C'est  surtout  l'air  qu'on  respire  qui  contient  les  germes  morbides,  et 
très  souvent  l'air  des  salles  dans  lesquelles  on  vit.  Il  faut  remarquer  en 
outre,  que  dans  quantité  de  cas,  les  foyers  d'infection  sont  des  localités 
assez  restreintes;  le  négociant,  le  fonctionnaire,  le  propriétaire  de  plan- 
tations, comme  le  voyageur,  doivent  les  éviter  autant  que  possible. 

Au  point  de  vue  sanitaire,  l'île  de  Zanzibar  a  une  très  mauvaise  répu- 
tation ;  naguère  les  compagnies  d'assurances  refusaient  d'assurer  ceux 
qui  s'y  rendaient.  Mais  il  faut  distinguer  entre  la  ville  et  la  campagne. 
La  ville  offre  aujourd'hui  aux  Eui'opéens  un  séjour  aussi  favorable 
qu'aucune  autre  ville  des  régions  tropicales  dans  des  conditions  analo- 
gues. Les  négociants  n'habitent  que  la  ville  ;  aucun  d'eux  ne  s'est  établi 
dans  une  autre  partie  de  l'île  ou  de  la  côte.  Les  Européens  souffrent 
relativement  moins  de  la  fièvre  que  les  indigènes,  par  la  raison  qu'ils 
ont  des  habitations  sèches,  propres,  vastes,  bien  aérées  ;  ce  à  quoi  ils 
doivent  surtout  prendre  garde  sous  les  tropiques,  c'est  à  posséder  une 
demeure,  et  tout  particulièrement  une  chambre  à  coucher,  salubre.  Les 


—  213  — 

huttes  que  Ton  avait,  au  début,  préparées  au  Stanley-Pool  pour  les  Euro- 
péens, construites  de  blocs  de  rochers  recouverts  de  terre,  devaient 
être,  dans  la  saison  des  pluies,  extrêmement  insalubres.  A  la  côte  orien- 
tale, les  habitations  sales,  humides  et  obscures  des  Indiens,  mériteraient 
le  nom  de  cavernes,  et  sont  un  foyer  de  miasmes  .des  plus  pernicieux. 
Même  dans  les  demeures  spacieuses  des  Indiens  de  haute  volée,  riches^ 
règne  une  odeur  particulière  qui  répugne  à  l'Européen;  on  peut  la 
comparer  à  celle  du  vieux  linge  ou  d'une  chambre  d'enfants.  La  fièvre 
y  trouve  les  conditions  favorables  à  sou  développement.  Les  pei*sonnes 
qui  dorment  dans  ces  demeures  sont  régulièrement  atteintes  d'accès  de 
fièvre,  elles  prennent  force  doses  de  quinine,  sans  succès  ;  mais  dès 
•qu'elles  changent  de  chambre  à  coucher,  la  fièvre  les  quitte. 

Quoique  pendant  les  premières  années  de  son  séjour  dans  l'île,  le 
D' Fischer  passât  chaque  jour  plusieurs  heures  sur  les  plantations,  ou 
à  la  chasse  au  bord  des  marécages,  il  n'y  a  jamais  pris  la  fièvre.  Plus 
tard,  dans  sa  pratique  médicale  auprès  des  Européens  qui  soufi'raient 
de  la  fièvre,  il  aurait  pu  indiquer  le  foyer  d'infection  où  ils  l'avaient 
prise.  La  première  fois  qu'il  en  fut  atteint,  ce  fut  après  avoir  couché 
une  nuit  dans  une  hutte  d'argile  humide;  auparavant  il  avait  passé 
deux  mois  et  demi  à  Zanzibar,  et  sept  mois  dans  les  villes  de  la  côte  les 
plus  diverses,  sans  être  malade.  Il  a  constaté,  sur  lui-même  et  sur  d'au- 
tres personnes,  qu'il  suffit  d'une  demi-heure  passée  dans  certains  lieux, 
pour  prendrela  fièvre.  Les  organismes  inférieurs  quiproduisent  la  malaria, 
nesont  pas  attachés  au  sol  uniquement;  ils  sontrépandus  partout,  lèvent 
les  met  en  circulation  ;  cependant  il  faut  encore  certaines  circonstances 
particulières  pour  les  rendre  dangereux.  Pendant  la  saison  sèche,  cer- 
taines régions  sont  si  salubres  qu'on  peut  dormir  sur  le  sol,  sans  aucune 
conséquence  fâcheuse.  En  revanche,  pendant  la  saison  des  pluies,  oii 
les  germes  se  développent  partout,  sur  les  hauts  plateaux  de  l'intérieur, 
comme  à  la  côte,  on  est  plus  ou  moins  exposé,  même  dans  les  territoires 
réputés  salubres.  Des  fièvres  malignes  régnent  autour  des  lacs  du  haut 
plateau  ;  les  forêts  de  bambous  y  sont  tout  particulièrement  dangereuses, 
les  caravanes  y  perdent  de  nombreux  portexirs.  Les  conditions  du  déve- 
loppement des  germes  sont  un  certain  degré  de  chaleur,  d'humidité,  la 
stagnation  de  l'air  ;  elles  se  rencontr,ent  dans  une  quantité  de  petites 
maisons,  mal  aérées,  dans  les  tentes  humides  des  voyageurs,  dans  cer- 
taines parties  des  villes,  par  exemple  dans  les  ruelles  malpropres,  à 
l'embouchure  des  .rivières,  dans  les  forêts  de  leurs  bords,  dans  des  val- 
lées étroites  et  humides,  dans  des  dépressions  marécageuses,  etc.  Aussi 


—  214  — 

longtemps  que  les  Européens  des  établissements  de  Stanlej-Pool  séjour- 
nent dans  une  station  bien  située,  ils  conservent  d'ordinaire  une  bonne 
santé,  mais  s'ils  doivent  aller  chasser  dans  la  forêt  viei^e  ou  sur  Teau, 
ils  prennent  la  fièvre.  Les  cas  de  maladie  sont  les  plus  nombreux  quand 
le  soleil  et  les  averses  alternent  et  que  régnent  les  cahnes.  Les  épidé- 
mies qui  naissent  et  se  développent  surtout  dans  les  huttes  d'argile 
des  indigènes,  se  produisent  généralement  lorsque,  après  de  fortes  pluies 
prolongées,  les  habitations,  tout  imbibées  d'eau,  sèchent  de  nouveau. 

Certains  districts  de  l'intérieur  de  l'tle  de  Zanzibar  et  de  la  côte  sont 
très  dangereux,  surtout  quand  on  y  passe  la  nuit.  Burton  parle  d'un 
ceftain  nombre  de  matelots  qui,  pour  chercher  de  l'eau  d'une  petite 
rivière,  s'y  rendirent  en  canot,  dormirent  une  nuit  dans  leur  embarca- 
tion, prirent  la  fièvre  et  en  moururent  tous.  Les  fièvres  que  l'on  prend 
dans  les  dépressions  où  règne  une  végétation  luxuriante  sont  d'ordinaii-e 
violentes  et  pernicieuses.  De  tous  les  Européens  qui  vont  chasser,  ne 
fût-ce  que  quelques  jours,  dans  les  vallées  du  Kingani  ou  du  Wami,  pas 
un  seul  ne  demeure  indemne. 

Il  n'est  pas  nécessaire  que  l'humidité  qui  développe  les  organismes 
fébrigèfles  soit  bien  forte.  Par  une  pluie  abondante  l'air  est  déjà  telle- 
ment saturé  de  vapeur  d'eau,  que  cette  humidité  suffit  pour  créer  un 
foyer  d'infection.  Il  semble  parfois  impossible  qu'il  puisse  y  avoir  infec- 
tion dans  une  chambre  à  coucher  qui,  au  premier  abord,  ne  fait  point 
l'effet  d'être  insalubre.  Mais  oa,  s'en  aperçoit  bien  vite  quand  on  fait 
toucher  le  malade  dans  une  autre  chambre.  La  pièce  souvent  très  vaste 
qui,  dans  nombre  de  maisons  arabes  de  Zanzibar,  habitées  par  des 
Européens,  est  attenante  à  la  cuisine,  donne  souvent  naissance  k  des 
miasmes,  parce  qu'on  y  verse  les  eaux  de  la  cuisine.  Les  cuisiniers 
portugais  qui  y  passent  la  nuit  ne  se  débarrassent  jamais  de  la  fièvre. 

Dans  chacune  des  parties  fertiles  de  l'Afrique  tropicale,  haute  ou 
basse,  on  trouve  quantité  de  localités  dans  lesquelles  l'Européen  tombe- 
rait infailliblement  malade  s'il  s'y  rendait  comme  simple  voyageur,  ou 
pour  y  habiter  et  en  cultiver  le  sol.  Les  missionnaii'es  français  qui 
demeurent  dans  les  montagnes  de  l'Ou-Sagara  et  de  i'Ou-Sigoua,  ont 
plus  à  souffrir  de  la  fièvre  que  ceux  qui  sont  établis  dans  la  ville  de 
Zanzibar;  ils  descendent  de  leurs  hauteurs,  soi-disant  fraîches  et  salu- 
bres,  à  Zanzibar,  pour  restaurer  leur  santé.  Tous  les  bassins  des  rivières, 
particulièrement  ceux  du  Loufidji,  du  Kingani  et  du  Wami,  ont  aussi, 
dans  leiir  partie  supérieure,  de  nombreuses  localités  très  dangereuses 
pour  la  santé  des  Européen^. 


—  215  — 

Plus  le  foyer  d'infection  est  grand,  plus  il  y  a  de  probabilité  pour  que 
ceux  qui  en  sont  rapprochés  soient  atteints.  Cependant  le  danger  d'être 
infecté  par  le  vent  qui  amène  les  germes  n'est  pas  grand  ;  sans  cela  il 
faudrait  qu'à  certaines  époques  oti  le  vent  souffle  de  l'intérieur  de  l'tle 
de  Zanzibar  vers  la  ville,  tous  les  habitants,  surtout  les  Européens, 
fussent  malades.  Cependant  l'état  sanitaire  est  généralement  alors  plus 
favorable. 

Ce  sont  surtout  les  épidémies  à  bord  des  vaisseaux,  observées  par  le 
ly  Fischer,  à  Zanzibar,  qui  lui  ont  fait  comprendre  que  ce  n'est  pas  le 
vent  qui  apporte  directement  la  maladie,  ni  le  sol  seul  qui  développe  les 
germes,  mais  que,  bien  souvent,  ce  sont  les  habitations  des  hommes  qui 
fournissent  les  foyers  d'infection.  Une  vieille  frégate  anglaise,  faisant  le 
service  de  croiseur,  était  à  l'ancre  à  im  kilomètre  du  bord  ;  chaque  année 
des  épidémies  de  fièvre  maligne  s'y  déclaraient,  alors  que  dans  la  ville 
la  fièvre  n'était  pas  plus  forte  qu'à  l'ordinaire.  Souvent  le  tiers  de 
l'équipage,  qui  dépassait  200  hommes,  était  frappé.  Une  année  où  les 
cas  de  maladie  étaient  spécialement  nombreux  et  violents,  le  navire  fut 
mis  à  l'ancre  dans  un  autre  endroit,  parce  qu'on  croyait  que  le  vent 
venant  de  l'île  apportait  de  terre  les  germes  délétères.  Ce  changement 
ne  produisit  aucun  eflfet.  On  crut  alors  que  l'équipage  avait  pris  la  fièvre 
à  terre  pendant  un  congé,  quoique  dans  la  ville  comme  au  dehors, 
Européens  et  indigènes  ne  fussent  pas  plus  malades  qu'à  l'ordinaire.  On 
se  convainquit  que  l'opinion  du  D'  Fischer  était  fondée,  en  remarquant 
que  les  épidémies  éclataient  pendant  les  fortes  pluies,  alors  que  les  fenê- 
tres du  navire  devaient  rester  fermées.  Les  parois  de  bois  des  chambres 
à  coucher  étaient  comme  couvertes  de  gouttelettes  de  rosée  ;  la  ventila- 
tion était  insuffisante;  c'était  dans  les  dortoirs  de  l'équipage  que  les 
malades  étaient  les  plus  nombreux,  mais  il  y  en  avait  aussi  dans  les 
cabines  des  officiers. 

De  toutes  les  observations  présentées  par  le  D'  Fischer,  ressortent 
pour  les  négociants,  les  colons  et  les  voyageurs,  des  indications  prati- 
ques qu'il  a  résumées  à  la  fin  de  son  mémoire,  et  par  lesquelles  nous  ter- 
minerons cet  article. 

Avant  tout,  il  faut  prendre  garde  à  l'emplacement  sur  lequel  on  élève 
sa  maison,  sa  hutte,  ou  bien  oh  l'on  dresse  sa  tente.  En  outre  il  ne  faut 
pas  faire  d'économies  aux  dépens  d'une  installation  vraiment  saine,  car 
la  première  condition  de  la  conservation  de  la  santé,  c'est  une  habita- 
tion et  surtout  une  chambre  à  coucher  salubre. 

Le  voyageur  doit  emporter  avec  lui  une  tente  qui  réponde  aux  exi- 


—  216  — 

gences  du  voyage,  dût-il  engager  quelques  porteurs  de  plus.  Par  là  le 
D' Fischer  entend  une  tente  à  toit  double  ;  le  toit  supérieur  doit  être  d'un 
tissu  imperméable  et  dépasser  (Je  beaucoup  les  parois  de  la  tente. 
Celle-ci,  par  un  temps  humide,  doit  être  transportée  dans  un  sac  imper- 
méable; par  un  temps  clair,  il  faut  l'exposer  au  soleil.  Pendant  la  saison 
des  pluies,  il  faut  éviter  de  camper  sous  des  arbres  ou  sous  un  feuillage 
épais  ;  le  campement  au  vent  et  à  la  pluie  est  plus  salubre  que  dans  des 
endroits  où  Tair  se  renouvelle  moins.  Dans  la  saison  sèche  on  peut  dres- 
ser sa  tente  sous  des  arbres,  si  le  sol  est  sec  et  qu'il  ne  s'y  trouve  pas 
d'insectes  rongeurs  ;  mais  si  Ton  n'a  que  le  choix  entre  un  terrain  sans 
arbres  et  une  forêt  humide,  il  faut  choisir  le  premier.  Il  vaut  mieux  sta- 
tionner au  grand  soleil  et  sur  le  sable  qu'à  l'air  de  la  forêt.  De  jour,  il 
est  vrai,  on  ne  peut  pas  se  tenir  dans  une  pareille  tente,  au  moins  pas 
de  9  à  4  heures.  Il  faut  alors  faire  élever  une  toiture  d'herbe  et  de  feuil- 
lage, reposant  sur  des  perches,  ce  que  les  nègres  savent  faire  en  très 
peu  de  temps.  On  peut  être  sûr  q^e  dans  une  semblable  tente,  dressée 
sur  un  terrain  sec,  exposée  au  soleil  tout  le  jour,  et  dans  laqueUe  la 
température  monte  jusqu'à  50°,  on  sera,  pendant  la  nuit,  à  l'abri  de 
toute  infection  de  germes  fébrigènes.  Les  régions  sèches  et  chaudes  de 
l'Afrique  conviennent  mieux  aux  Européens  que  celles  qui  sont  humides 
et  plus  fraîches. 

Quant  aux  huttes  ou  aux  maisons,  il  faut  les  construire,  autant  que 
possible,  dans  un  endroit  ouvert,,  exposé  au  soleil  et  au  vent,  loin  des 
grands  arbres  ombreux,  qui  retieuAent  l'humidité,  et  empêchent  l'air 
de  se  renouveler.  D  faut  laisser  agir  le  soleil  des  tropiques  dont  la  force 
est  souverainement  efficace  pour  sécher,  et  par  là  même  désinfecter,  ce 
qui  est  très  important,  surtout  avec  des  toits  couverts  en  paille.  Dans 
une  hutte  d'argile,  couverte  d'un  toit  pareil,  si  celui-ci  est  suffisamment 
élevé,  et  qu'on  laisse  de  côté  un  espace  libre  pour  un  courant  d'air,  il 
fait  très  frais.  Le  plancher  doit  être  formé  d'une  couche  d'un  demi-pied 
de  cendre  et  d'argile  pétris  ensemble.  Il  faut  prendre  garde  que  la 
chambre  à  coucher  n'ouvre  pas  du  côté  d'où  vient  la  pluie,  et  que  les 
fenêtres  permettent  beaucoup  de  courants  d'air.  Les  toits  des  huttes 
doivent  avancer  beaucoup  pour  garantir  le  plus  possible  les  murs  contre 
l'humidité.  Enfin,  pendant  la  saison  pluvieuse,  il  faut  protéger  le  côté 
du  vent  au  moyen  d'une  paroi  tissée  d'herbe  ou  de  feuilles  de  palmier, 
que  l'on  enlève  lorsque  le  soleil  reparaît. 


—  217  — 

BIBLIOGRAPHIE  ' 

Cartes  diverses,  par  L.  Friederichsén,  et  publiées  par  ordre  du 
Ministère  des  affaires  étrangères.  Hambourg  (L.  Friederichsen  et  C**, 
Geographisches  und  Nautisches  Institut),  1885;— a.  Zwischen  dem  Alt- 
Kalabar  Fluss  und  Corisco-Bai  (Kamerun,  Biafra,  Batanga,  etc.), 
Vtsoooo'  Fj^-  2.  —  b.  Ober-Guinea,  zwischen  Cap  Saint-Paul  und  Gabon, 
V2000000'  Fr.  2.  —  c.  Ktiste  des  Herero,  Namaqua-und  Ltideritz-Landes 
V3000000,  avec  cartons  d'Angra-Pequena,  Viooooo,  et  des  factoreries  alle- 
mandes sur  toute  la  côte  occidentale  d'Afrique.  1  fr.  35.  —  d.  Central 
Afrika,  V5000000,  d'après  les  décisions  de  la  Conférence  de  Berlin. 

Quoique  d'une  création  plutôt  récente,  l'institut  cartographique  de 
L.  Friederichsen  est  rapidement  arrivé,  par  ses  publications,  à  l'une  des 
premières  places  parmi  les  établissements  de  ce  genre,  en  Allemagne  et 
en  Europe.  Sous  la  direction  habile  d'un  géographe  çle  talent,  il  fait 
paraître  un  grand  nombre  de  cartes  se  distinguant  aussi  bien  par  leur 
élégance  que  par  leur  fini,  et  pouvant  rivaliser  avec  les  meilleures  publi- 
cations de  Gotha  ou  de  Berlin.  Du  reste,  l'époque  se  prête  tout  spéciale* 
ment  à  la  fondation  d'instituts  géographiques  depuis  que  l'attention, 
stimulée  par  les  progrès  des  voyages,  au  lieu  de  se  fixer  sur  notre  vieille 
Europe,  se  dissémine  maintenant  aux  quatre  coins  du  monde. 

Nous  avons  déjà  assez  souvent  parlé  des  possessions  allemandes  et  du 
règlement  de  la  question  du  Congo,  pour  qu'il  ne  soit  pas  nécessaire  de 
s'arrêter  longtemps  sur  les  nouvelles  cartes  dressées  par  L.  Friederich- 
sen. Rappeler  qu'il  a  été  chargé  de  leur  construction  par  le  ministère  des 
affaires  étrangères  de  l'empire  allemand,  c'est  dire  qu'il  a  pu  s'entou- 
rer de  tous  les  renseignements  ofi&ciels  sur  les  délimitations  des  nouveaux 
États  et  possessions,  et  que  ses  cartes  peuvent  désormais  servir  de  base 
dans  les  discussions  auxquelles  ces  frontières  pourront  donner  lieu. 
Leurs  données  ayant  été  contestées  sur  plusieurs  points  par  M.  Wich- 
niann,  dans  les  Mittheilungen  de  Gotha,  M.  L.  Friederichsen  vient  d'y 
répondre  par  une  lettre  ouverte,  adressée  à  la  rédaction  de  ce  journal  et 
envoyée  à  toutes  les  sociétés  de  géographie  et  aux  personnes  que  cela 
intéresse.  II  y  réfute  les  critiques  qui  lui  ont  été  adressées,  au  moyen 
d'arguments  d'une  grande  valeur,  mais  la  question  est  trop  spéciale  pour 
que  nous  voulions  entrer  dans  le  débat. 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bàle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  ex^^ée  et  civilisée. 


—  218  — 

Mehr  Ligut  m  dukelen  WsiiTTHSiL.  Betrachtungen  uber  die  Eolo- 
NI6ATI0N  DE8  TBOPiBCHEN  Afriea,  Yon  D'  O.-A.  Fischer.  Hambourg 
(L.  Friederiohsen  et  C*),  1885}  10-8%  130  p.,  3  fr.  35.  —  «  H  y  a  quelque 
temps,  »  dit  T auteur  dans  sa  préface,  a  un  ami  me  disait:  Actuellement, 
en  Allemagne,  beaucoup  de  gens  sont  pris  d'une  sérieuse  fièvre  africaine. 
—  Je  compte  leur  écrire  prochainement  l'ordonnance  qui  leur  convient, 
répondis-je.  —  Cette  ordonnance  la  voici  ;  puisse-t-elle  leur  faire  du 
bien.  » 

Ainsi  conmience  le  volume  que  nous  avons  sous  les  yeux.  Et,  certes, 
ce  style  est  de  mise  sous  la  plume  de  M.  Fischer  qui  a  été  longtemps 
médecin  pratiquant  à  Zanzibar  et  qui  a  parcouru  l'Afrique  comme  voya- 
geur. Mais,  ne  vous  attendez  pas  à  lire  une  critique  serrée  des  tentatives 
de  colonisation  allemande  en  Afrique,  dont  l'auteur  est,  au  contraire,  un 
chaud  partisan.  Il  a  voulu  seulement  jeter  un  peu  de  lumière  sur  cette 
question  encore  bien  obscure,  et  s'adresser  à  ceux  qui,  l'envisageant 
avec  plus  d'enthousiasme  que  de  sang-froid,  sont  portés  à  prendre  sou- 
vent leurs  espérances  pour  la  réalité,  et  à  se  jeter,  tête  baissée,  dans  des 
entreprises  condamnées  d'avance  à  ne  point  réussir.  En  un  mot,  il  a 
cherché  à  empêcher  que  la  fièvre  n'amenât  le  délire. 

C'est  là  une  œuvre  sage  et  bien  pensée,  qui  rendra  bien  des  services 
aux  personnes  que  ce  sujet  intéresse  et  leur  évitera  peut-être  de  cruels 
mécomptes.  Ce  livre,  de  138  pages  seulement,  répond  à  une  foule  de 
questions  que  l'on  s'adresse  en  lisant  les  récits  des  voyageurs,  et  qui  ne 
sont  point  satisfaites  par  les  renseignements  [que  l'on  trouve,  soit  dans 
ces  narrations,  soit  dans  les  ouvrages  écrits  avec  des  idées  préconçues, 
en  vue  de  stimuler  le  mouvement  colonisateur  et  commercial.  Le 
travail  des  nègres,  leurs  mœurs  et  leur  caractère,  l'esclavage,  la  pro- 
ductivité du  sol,  le  commerce,  le  genre  de  vie  des  Européens  en  Afrique, 
les  maladies  auxquelles  ils  sont  sujets,  les  rapports  des  colons  avec  les 
indigènes,  l'œuvre  missionnaire,  sont  successivement  passés  en  revue 
avec  la  sûreté  de  jugement  que  donne  une  longue  expérience. 

DrEI  BrIEFE  an  die  FrEUKDE  DEUT8CHEB  AfBIKA-FoRSCHUNO,  COLO* 
NULER  BeSTREBUNGEN  UND  DEB  AuSBREITUNG  des  DEUT8CHEN  HaNDELS, 

von  Ed.  Robert  FlegeU  Hambourg  (L.  Friederichsen  et  C*^),  1885,  in-8*, 
24  p.,  1  franc.  —  M.  Flegel,  le  hardi  explorateur  du  Bénoué  et  de 
l'Adamaoua,  de  retour  en  Europev vient  de  publier  trois  lettres  adressées, 
de  la  côte  occidentale  d'Afrique,aux  amis  des  explorations  et  de  la  poli- 
tique coloniale  que  poursuit  actuellement  l'Allemagne.  La  première  est 


—  219  — 

datée  de  Lagos,  le  20  avril  1883,  la  deuxième,  d'Aboutschi,  sur  le  Niger, 
le  18  août  1883,  la  troisième,  de  Lagos,  août  1884.  Elles  ont  donc  été 
écrites  avant  les  récentes  acquisitions  coloniales  allemandes,  et  Tappel 
que  l'auteur  fait  à  ses  compatriotes  en  faveur  de  l'œuvre  africaine,  les 
recommandations  qu'il  leur  adresse  pour  les  pousser  à  diriger  de  ce 
côté  leur  industrie  et  leur  commerce,  n'ont  plus  guère  qu'un  intérêt 
historique.  M.  Fiegel  a  cru  néanmoins  devoir  les  livrer  à  la  publicité, 
car  ces  lettres  ont  en  outre  pour  but  d'attirer  l'attention  sur  le  bassin 
du  Bénoué  et  d'en  faire  ressortir  toute  l'importance.  Indépendamment 
des  avantages  qu'offre  le  cours  d'eau  lui-même,  navigable  sur  plus  de 
1100  kilomètres,  ainsi  que  l'ont  démontré  les  expéditions  de  la  Pléiade, 
en  1854,  et  du  Henry  Venn,  en  1879,  la  région  est  d'une  grande 
richesse  minérale,  végétale  et  animale,  et  pourrait  fournir  immédiate- 
ment de  grandes  quantités  de  beurre,  d'huile  de  palme  et  d'ivoire,  que 
les  nègres  livrerdent  contre  le  sel,  les  étoffes  et  les  mille  objets  impor- 
tés d'Europe.  La  nouvelle  colonie  du  Cameroon  est  au  seuil,  soit  de  la 
route  maritime  par  le  Niger,  soit  de  la  route  de  terre  pour. atteindre  le 
Béuoué  ;  il  appartient  donc  au  conunerce  allemand,  de  se  lancer  sur  une 
voie  qui  offre,  d'après  M.  Fiegel,  de  si  belles  perspectives. 

De  Palerme  a  Tunis,  par  Malte,  Tripoli  et  la  côte.  Notes  et 
impressions  par  Paul  Melan.  Paris  (Pion),  1885,  in-12,  216  p.  et  8  gra- 
vures, fr.  3,50.  —  Nous  avons  déjà  réc^ment  analysé  une  étude  de 
M.  Melon  sur  les  écoles  de  la  Tripolitaine  et  de  la  Tunisie.  Aujourd'hui 
ce  même  voyageur  décrit,  d'une  manière  complète,  son  excursion  et, 
bien  qu'il  reproduise  les  impressions  qu,'il  a  ressenties  lors  de  sa- visite 
dans  les  divers  établissements  d'instruction,  ce  n'est  plus  un  travail  spé- 
cial, c'est  un  carnet  de  touriste,  et  de  touriste  qui  sait  observer  et  juger. 
Comme  son  voyage  ne  date  que  de  1884,  il  peut  parler  avec  compétence 
des  questions  politiques  actuelles  concernant  la  Tripolitaine  et  la  Tuni- 
sie. Il  le  fait  à  un  point  de  vue  exclusivement  français,  mais  avec  beau- 
coup de  discernement,  et  les  conseils  qu'il  donne  à  l'autorité  tuuisienne^ 
après  avoir  vu  par  lui-même  et  écouté  les  observations  des  résidents, 
méritent  d'être  pris  en  considération.  A  côté  de  cela,  il  y  a  quantité  de 
tableaux  charmants  et  décrits  d'une  manière  si  vivante  qu'on  croit  les 
voir,  d'autant  plus  qu'ils  sont  illustrés  par  quelques  dessins  faits  avec 
goût  et  fort  bien  choisis  ;  des  digressions  Intéressantes  dans  le  domaine 
de  l'antiquité  classique,  car  la  Tunisie  est  la  terre  privilégiée  de  l'ar- 
chéologie. Rien  de  plus  agréable  que  de  parcourir  avec  l'auteur  cette 


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région  centrale  de  la  Méditeri'anée  :  on  part  de  là  Sicile,  île  pleine  de 
souvenirs  de  l'époque  romaine  et  de  sa  période  de  grande  prospérité  : 
on  touche  à  Malte,  où  M.  Melon  après  avoir  parlé  de  l'île,  de  ses  cultu- 
res, de  ses  forts,  de  ses  canons,  se  fait  l'écho  des  vives  réclamations  des 
habitants  contre  leui-s  maîtres,  les  Anglais  ;  on  aborde  à  Tripoli  dont 
l'état  actuel  indique  si  bien  la  décadence  du  monde  musulman,  que  les 
nouveaux  prophètes  et  les  sectes  religieuses,  entre  autres  le  Senoûssisme. 
seraient  impuissants  à  le  relever  ;  puis  à  Djerbah,  à  Gabès,  à  laquelle  les 
projets  de  M.  Roudaire  ont  déjà  donné  de  l'importance  ;  à  Sfax,  ville 
d'avenir  ;  à  Tunis,  bien  agrandie  et  bien  embellie  depuis  la  conquête 
française  ;  à  Bizerte  enfin,  le  plus  beau  port  de  la  Méditerranée. 

C'est  un  véritable  voyage,  accompli  avec  un  guide  aimable  qui,  si! 
sait  vous  faire  sentir  toutes  les  beautés  de  ces  riches  contrées,  n'oublie 
pas  qu'il  y  a  encore  une  grande  œuvre  à  accomplir  pour  les  amener  à 
un  état  digne  de  leur  passé.  Mais  ce  n'est  pas  la  terre  qui  manque  ; 
la  Tunisie  possède  tous  les  éléments  de  prospérité.  Avec  le  temps,  et 
sous  un  régime  intelligent  et  réparateur,  elle  montrera  qu'elle  est  suscep- 
tible de  prendre  un  beau  rang  parmi  les  pays  civilisés. 

Marabouts  et  Khouan.  Étude  sur  l'Islam  en  Algérie,  par  Louis  Binn, 
avec  une  cart«  indiquant  la  marche,  la  situation  et  l'importance  des 
ordres  religieux  musulmans.  Alger  (Ad.  Jourdan),  1884,  gr.  in-8% 
552  p.,  fr.  15.  —  On  sait  que  les  chefs  religieux  de  l'Islam,  pour  com- 
battre le  courant  de  la  civilisation  moderne  qui,  de  tous  côtés,  menace  le 
monde  musulman,  ont  réussi  à  déterminer  un  mouvement  panislamique 
<jui  s*étend  de  la  Chine  au  Maroc  et  comprend  175,000,000  de  maho- 
raétans.  Il  constitue  un  danger  pour  les  puissances  européennes  qui  pos- 
'  sèdent  des  colonies  ou  ont  simplement  des  intérêts  commerciaux  en  Afri- 
que et  en  Asie.  Ce  panislamisme  s'appuie  surtout  sur  les  nombreuses 
associations  religieuses  qui,  se  développant  rapidement  depuis  le  com- 
mencement du  siècle,  ont  acquis  une  puissante  influence  sur  les  masses. 
Or  si  ces  congrégations  ne  sont  pas  absolument  secrètes,  le  public  ignore 
le  plus  souvent  leurs  statuts  et  leurs  moyens  d'action,  les  quelques  per- 
sonnes qui  ont  écrit  sur  ce  sujet  n'ayant  eu  à  leur  disposition  qu'un 
petit  nombre  de  documents. 

Profitant  de  sa  position  de  chef  du  service  central  des  affaires  indigè- 
nes au  gouvernement  général  de  l'Afrique,  et  de  ses  relations  personnel- 
les avec  quelques  notabihtés  religieuses,  M.  Louis  Rinn  a  voulu  oifiirau 
public  français  un  exposé  impartial  et  complet  de  la  situation  des  congre- 


—  221  — 

gâtions  musulmanes  en  Algérie.  Le  sujet  était  vaste  et  complexe  ;  pour 
l'exposer  sous  toutes  ses  faces,  un  fort  volume  a  été  nécessaire.  Si  la 
lecture  n'en  est  pas  toujours  facile,  vu  la  gravité  de  certaines  questions 
et  les  discussions  auxquelles  ell^  donnent  lieu,  ce  travail  a  le  mérite 
d'être  substantiel,  conçu  d'après  un  plan  logique  et  fidèlement  suivi,  et 
de  présenter  une  utilité  incontestable  pour  tous  ceux  qui  s'occupent  de 
l'avenir  des  colonies  européennes  en  pays  mahométans. 

Il  nous  est  impossible  de  donner  un  aperçu,  même  succinct,  de  ce  bel 
ouvrage.  Nous  nous  bornerons  à  indiquer  la  signification  du  titre. 
D'après  l'auteur,  l'action  religieuse  musulmane  est  exercée  par  trois 
catégories  d'individus  qu'il  importe  de  ne  pas  confondre. 

La  première  comprend  le  clergé  musulman  officiel,  investi  et  salarié 
par  l'État,  au  même  titre  que  celui  des  autres  cultes  reconnus  par  les 
lois  françaises.  De  celle-là,  il  y  a  peu  de  chose  à  dire,  et  M.  Riun  ne  lui 
consacre  qu'une  quinzaine  de  pages. 

Bien  différente  est  l'action  des  deux  autres  catégories  dont  l'étude 
remplit  le  volume.  La  seconde  se  compose  des  Marabouts  locaux,  reli- 
gieux libres,  sans  attaches  officielles,  voués  au  sacerdoce  ou  à  l'enseigne- 
ment ;  la  troisième,  des  Khouan  om  frères,  membres  des  ordres  religieux 
coiigréganistes  ;  ce  sont  eux  qui,  n'ayant  pas  de  résidence  fixe,  pas 
même  de  patrie,  tour  à  tour  négociants,  prédicateurs,. étudiants,  méde- 
cins, ouvriers,  mendiants,  charmeurs,  saltimbanques,  toujours  bien 
accueillis  par  les  fidèles,  parcourent  le  monde  immense  de  l'Islam,  et 
mettent  ses  capitales,  La  Mecque,  Stamboul,  Calcutta,  Alger,  Fez,  eu 
relations  constantes  les  unes  avec  les  autres.  Quelle  ne  doit  pas  être 
l'iutluence  et  l'action  de  ces  agents,  puisque,  sur  les  2,850,000  musul- 
mans algériens,  ils  ne  sont  pas  moins  de  170,000  ! 

Afin  de  rendre  son  ouvrage  encore  plus  complet  et  plus  facile  à  lire^ 
l'auteur  l'a  accompagné  d'une  carte  très  curieuse  et  fort  judicieusement 
construite  par  M.  le  capitaine  Bissuel.  Elle  indique  la  situation,  la  mar- 
che et  l'importance  numérique  des  ordres  religieux.  Le  relief  et  le  réseau 
des  cours  d'eau  n'étant  pas  nécessaires  pour  sa  lecture,  on  s'est  con- 
tenté de  donner  les  divisions  administratives  et  les  principales  localités. 
Ce  qui  fait  l'intérêt  de  ce  travail,  c'est  que  le  domaine  d'activité  de  cha- 
que ordre  est  très  nettement  marqué  au  moyen  de  longues  branches  de 
couleurs  diflérentes,  dont  chaque  fruit  et  chaque  feuille  ont  une  signifi- 
cation. Un  gros  fruit  représente  mille  khouan,  un  petit,  de  un  à  dix,  et 
ttûe  feuille,  cent.  On  peut  ainsi  se  rendre  compte  aisément  du  nombre 
des  kh&uan  qui  ont  été  gjpoupés,  dans  le  Tell,  par  circonscriptions  admi- 
nistratives, dans  les  hauts  plateaux  et  le  Sahara,  par  tribus. 


1 


—  222  — 

Les  chemins  de  fer  algériens.  Étude  historique  sur  la  constitution 
du  réseau.  Le  classement  de  1857,  par  Louis  Hafnd.  Alger  (Ad.  Jour- 
dan),  1885,  iu-S*',  115  p.,  fr.  3.  —  C'est  le  8  avril  1857  que  parut  le 
décret  impérial  qui  traçait  le  programme  des  lignes  ferrées  à  exécuter 
«n  Algérie,  et  le  8  juillet  1862  que  la  première  de  ces  lignes,  celle 
d'Alger  à  Blidah,  était  ouverte  à  l'exploitation.  Aujourd'hui  l'Algérie  et 
la  Tunisie  possèdent  environ  2300  kilomètres  de  chemins  de  fer,  et  leur 
réseau  s'accroît  par  la  construction  de  lignes  de  pénétration  qui,  de  la 
côte,  montent  sur  les  hauts  plateaux.  M.  Hamel  réunit  en  ce  moment 
les  élén^ents  d'un  travail  assez  considérable  sur  l'historique  de  toutes 
les  concessions  de  chemins  de  fer  dans  le  territoire  de  la  colonie  fran- 
çaise. D  voudrait  grouper  les  renseignements  dispersés  dans  une  foule 
d'ouvrages,  concernant  les  différentes  compagnies  qui  ont  construit  le 
réseau  :  Paris  -  Lyon -Méditen-anée,  Compagnies  Franco- Algérienne, 
Bône-Guelma,  de  l'Ouest  et  de  l'Est-Algérien.  Un  tel  travail  serait 
d'une  réelle  utilité  pour  les  publicistes,  les  économistes  et  les  financiers. 
Mais  il  n'est  pas  terminé  et  M.  Hamel  n'en  publie  aujourd'hui  que  la 
première  partie.  Il  est  évident  qu'il  s'agit  avant  tout  d'un  ouvrage  tech- 
nique, dans  la  lecture  duquel  une  notable  partie  du  public  ue  trouvera 
qu'un  minime  intérêt.  Cependant  la  question  des  chemins  de  fer  est  tel- 
lement liée  à  celle  de  la  colonisation  que  l'auteur  a  dû  aussi  traiter  ce 
sujet  à  plusieurs  reprises.  Son  livre  a  en  outre  le  mérite  de  rappeler  les 
services  rendus  par  des  honmies  distingués  qui,  n'ayant  pas  joué  un  rôle 
militant  dans  la  politique,  sont  peut-être  oubliés  aujourd'hui. 

Carta  DEL  SuDAN  ORIENTALE ."Toatro  doUa  guerra  1884-85,  péril  cap. 
M,  Gamperio.  Vaoooooo-  Milan  (A.  Brigola  e  C).  —  Quoiqu'il  ne  soit 
plus  question  aujourd'hui,  en  Angleten'e,  de  recommencer  la  lutt€  coutre 
le  Mahdi,  que  l'Italie  semble  regretter  son  action  militaire  sur  le  litto- 
ral de  la  mer  Rouge  et  déclare  ne  pas  vouloir  aller  plus  loin,  le  capitaine 
Camperio,  si  apprécié  pour  ses  beaux  travaux  géographiques,  vient  de 
dresser  la  carte  du  théâtre  de  la  guerre  de  1884.  Qui  sait  si  ce  ne  sera 
pas  celui  d'une  guerre  prochaine  qui,  pour  être  tardive,  n'en  sera  que 
plus  terrible  ?  Sera-t-il  possible  d'ignorer  ce  foyer  d'insurrection,  mena- 
çant pour  l'Egypte,  et  laissera-t-on  toutes  ces  contrées,  qui  avaient 
déjà  fait  quelques  pas  sur  la  voie  de  la  civilisation,  retomber  dans  la 
barbarie  ? 

Cette  carte  va  au  nord  jusqu'à  Abou-Hamed,  à  l'est,  jusqu'à^  Has- 
saoua,  au  sud,  jusqu'à  Gondar,  et  à  l'ouest,  jusqu'à  El-Obeld.  Elle  corn- 


—  223  — 

prend  donc  le  cours  inférieur  du  Nil-Blanc  et  du  Nil-Bleu,  le  grand 
méandre  du  Nil  autour  de  la  steppe  deBayouda,  et  le  territoire  situé  en- 
tre Khartoum,  Berber,  Massaoua  et  Souakim.  La  portion  de  l'Abyssinie 
qui  rentre  dans  le  cadre  de  la  carte  a  été  laissée  en  blanc,  mais  d'autre 
part,  le  bassin  du  Cbor  Baraka  habité  par  les  nombreuses  peuplades  Bo- 
gos,  Habab,  Mensab,  Beni-Amer,  etc.,  est  donné  avec  assez  de  détails. 
Le  relief  est  indiqué  en  couleur;  l'écriture  très  nette  est  facile  à  lire. 
Trois  cartons  indiquent  les  profils  :  P  de  Souakim  à  Berber,  2**  de  la 
vallée  des  Bogos  à  la  mer  Rouge  par  Keren  et  Gheleb,  3**  des  contreforts 
septentrionaux  de  PAbyssinie. 

Itinéraiee  descriptif,  historique  et  archéologique  de  l'Orient 
par  le  D'  Emile  Isambert.  Deuxième  partie  :  Malte,  Egypte,  Nubie, 
Abyssinie,  Sinaï.  Paris  (Hachette  et  C',  Collection  des  guides  Jeanne), 
1881  ;  in-8**  ;  772  p.,  avec  cartes,  plans  et  gravures,  fr.  30.  —  Ce  volume 
est  le  second  d'une  série  de  Guides  relatifs  à  l'Orient.  Le  premier  est 
consacré  à  la  Grèce  et  à  la  Turquie  d'Europe,  et  le  troisième,  encore  en 
préparation,  traitera  de  la  Syrie,  de  la  Palestine  et  de  la  Turquie  d'Asie. 
Une  première  édition  de  ce  beau  travail,  publiée  en  un  seul  volume,  en 
1861,  par  MM.  Isambert  et  A.  Jeanne,  fut  promptement  épuisée. 
M.  Isambert  se  mit  alors  à  préparer  le  travail  de  révision  devenu  néces- 
saire. Il  fit  un  voyage  en  Orient  et,  grâce  à  sa  vaste  érudition,  et  aussi 
aux  changements  considérables  survenus  en  dix  ans  dans  nos  connais- 
sances sur  l'Orient,  il  accumula  une  si  grande  quantité  de  matériaux 
qu'il  reconnut  bien  vite  que  l'œuvre  était  entièrement  à  refaire.  Trois 
volumes  étaient  nécessaires  ;  le  premier,  qui  parut  en  1873,  valut  à  son 
autem*  les  éloges  les  plus  flatteurs  des  savants  de  tous  les  pays.  Sans 
perdre  de  temps,  il  travailla  à  la  rédaction  du  second  volume  qu'il  ter- 
mina presque  entièrement,  mais  qu'il  ne  publia  pas  ;  trop  de  travaux 
avaient  miné  cette  natui'e  ardente  ;  Isambert  mourut  en  1876. 

M.  Chauvet,  qui  avait  été  son  principal  collaborateur,  termina  l'on-* 
vrage  et  en  surveilla  l'impression.  Parmi  les  autres  personnes  qui  avaient 
aidé  Isambert  de  leurs  recherches  et  de  leurs  conseils,  il  convient  de 
citer  M.  Maspero  qui  a  pris,  en  outre,  la  peine  de  revoir  toutes  les  épreu- 
ves, M.  Barbier-Meynard,  qui  a  voué  tous  ses  soins  à  l'orthographe, 
Mariette-Bey,  enfin  M.  Gaillardot  d'Alexandrie. 

On  le  voit,  la  rédaction  de  ce  guide  a  été  entourée  de  toutes  les  garan- 
ties possibles  et,  bien  loin  d'être  un  simple  itinéraire,  c'est  un  ouvrage 
vraiment  scientifique  qui  a  sa  place  marquée  dans  toutes  les  bibliothè- 


—  224  — 

ques.  n  n'existe  pas,  à  notre  connaissance,  d'étude  comparative  plus 
complète  ni  plus  sérieuse  de  TÉgypte  ancienne  et  de  l'Egypte  moderne. 
Si,  d'un  côté,  le  réseau  complet  des  chemins  de  fer  du  delta  et  delà  val- 
lée du  Nil  est  décrit  dans  tous  ses  détails,  d'autre  part,  les  découvertes 
archéologiques  les  plus  récentes  faites  dans  la  Haute-Egypte  sont  men- 
tionnées. C'est  à  la  fois  le  guide  du  savant,  qui  examine  toutes  les  vieil- 
les pierres  afin  d'arracher  de  nouveaux  secrets  à  l'Egypte  des  Pharaons, 
du  touriste  amateur,  qui  désire  simplement  contempler  le  Nil  et  visiter 
Alexandrie  et  le  Caire,  et  du  financier,  qui  veut  se  rendre  compte  des 
ressources  de  la  contrée  avant  d'engager  ses  fonds. 

En  outre  les  chapitres  sur  la  Haute-Nubie,  le  Soudan,  l'Abyssinie 
sont  entièrement  nouveaux.  Lors  de  l'apparition  de  l'ouvrage  en  1881, 
il  faisait  rentrer  ces  pays  dans  le  nombre  de  ceux  que  les  touristes  curieux 
et  entreprenants  pouvaient  visiter,  sans  qu'ils  eussent  besoin  d'organi- 
ser une  véritable  expédition  et  de  faire  œuvre  de  voyageur  proprement 
dit.  Malheureusement  les  événements  politiques  récents  ont  complète- 
ment modifié  la  situation,  de  sorte  que  beaucoup  des  informations  prati- 
ques du  guide  ne  peuvent  plus  être  utilisées.  Cependant  ces  chapitres 
n'en  sont  pas  moins  d'une  grande  utilité,  non  seulement  parce  que  ces 
pays  ne  sont  pas  fermés  pour  toujours,  mais  aussi,  parce  que  la  des- 
cription qu'en  donne  l'ouvrage  reste  comme  un  document  scientifique 
d'une  haute  valeur. 

Encore  quelques  mots  des  cartes.  Cinq  d'entre  elles  sont  consacrées 
à  l'Egypte  proprement  dite  :  celles  de  la  Basse,  de  la  Moyenne  et  de 
la  Haute-Egypte  ont  été  dressées  d'après  les  cartes  de  Linant-Pacha  et 
de  la  Commission  d'Egypte,  les  plus  exactes  que  l'on  connaisse.  La  carte 
de  la  Nubie  inférieure  est  une  réduction  du  travail  de  Caillaud  et  de 
Lepsius  ;  celle  qui  comprend  la  Haute-Nubie,  l'Abyssinie  et  le  Soudan  a 
été  construite  d'après  les  cartes  des  Mittheilungen  de  Gotha.  En  outre» 
trois  grands  plans,  ceux  d'Alexandrie,  du  Caire  et  de  Kamak,  et  un 
grand  nombre  de  plus  petits  enrichissent  l'ouvrage.  La  partie  carto- 
graphique est  due  à  un  habile  dessinateur,  M.  Th\;iillier,  et  comme  elle  a 
été  faite  en  puisant  aux  meilleures  sources,  elle  est  d'un  mérite  bien 
supérieur  à  celui  des  travaux  du  même  genre  que  l'on  troure  dans  les 
guides  ordinah*es. 


Amsterdam. 

Anvers. 

Berlin. 

Brème. 

Brnxelles. 


Berlin. 


ÉCHANGES 

Sociétés  de  géographie. 


Constantine.  Halle. 

Douai.  Hambourg. 

Edimbourg.  léna. 

Francfort  «/M.  Le  Caire. 

Greifswald.  Leipzig. 


Lille. 

Lisbonne. 

Lyon. 

Madrid. 

Manchester. 


Marseille.       Paris. 
Montpellier.    Rochefort. 


Nancy. 

New-York. 

Oran. 


Sociétés  de  géographie  commeroiale. 

Bordeaux.         Paris.         Porto.         Saint-Gall. 

Missions. 


Rome. 

Rouen. 

Vienne. 


Le  Havre. 


Journal  des  missions  évangéliqnes  (Paris). 
.Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XlXn^^  siècle 

(NeuchUtel). 
Journal  de  TUnité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Bannen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bâle). 

Evangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
C^alwer  Missions -Blatt  ((]alw). 
Allgemeine  Missions-Zeitschrift  (GUters- 

loh). 
Glanbensbote  (Bàle). 
Africa  (Londres). 
La  Nigrizia  (Vérone). 


(]hiu"ch  missionary  Intel tigencor  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New-York). 

Foreign  Missionary  (New-York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Cbronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  (]lhurch  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

(]lhurch  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  uniteu  presby- 
terian  (^hurch  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Woman's  for.Mgn  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Divers. 


Gazette  géographique  et  Exploration  (Pa- 
ris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Al^er). 

Bulletin  dn  Comice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  l'Académie  d*Uippone  (Bone). 

Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Le  Mouvement  géographique  (Bruxelles). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsclie  Rundschau  fUr  Géographie  und' 
Statistik  (Vienne). 


Deutsche  Kolonialzeilung  (Francfort  s/M) . 

Chamber  of  Commerce  Journal  (Londres). 

African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

F^sploratore  (Milan). 

Cosmos  (Turin). 

Bollettino  délia  Societa  africana  dltalia 
(Naples). 

Boll.  délia  sezione  Fiorentina  (Florence). 

Marina  e  Commercio.eGiornale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Africa  oriental  (Mozambique). 


Mittheilungen  der  afrikanischen  Gresell-jO  Africano  (Quilimane). 


schaft  in  Deutschiand  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fUr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  f(lr  wissenschaftliche  Géogra- 
phie (Vienne). 

AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 
As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 
Revista  de  Ëstudos  Livres  (Lisbonne). 
Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


Tour  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indépendant  (Constantine). 

Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 

hf  A.  Petermann  s  Mittheilungen  (Gotha) 

Etc. 


Proceedings   of  the   royal    geographical 
Society  and  monthly  Record  of  geogra 
phy  (Londres). 

Natal' Mercury  (Durban). 

Cape  Argus  (Cape-Town). 

West  African  Reporter  (Sierra  Leone) 

etc. 


SOMMAIRE 

Bulletin  mensu^îl 193 

Nouvelles  complémeataires 203 

De  l'emploi  des  ouvriers  européens  dans  l'Afrique  tropi- 
cale, d'après  le  D'  Fischer 206 

BiBLIOGRAPUlE  ET  CARTOGRAPHIE  : 

Cartes  diverses,  par  L.  Friederichsen 217 

Mehr  Licht  im  duDklen  Welttheil.  Betrachtungen  iiber  die  Koloni- 

sation  des  tropischen  Afrika,  von  D*"  Fischer 218 

Drei  Biefe  an  die  Freunde  deutscher  Afrika-Forschung,  von  Ed. 

Robert  Flegel 218 

De  Palerme  à  Tunis,  par  Malte,  Tripoli  et  la  côte,  par  Paul  Melon.  219 

Marabouts  et  Khouan,  par  Louis  Rinn 220 

Les  chemins  de  fer  algériens,  par  Louis  Hamel 222 

Carta  del  Sudan  orientale,  par  M.  Camperio 222 

Itinéraire  descriptif,  historique  et  archéologique  de  TOrient,  par 

le  D'  Emile  Isambert 223 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Itinéraire  descriptif,  historique  et  archéologique  de  l'Orient,  par  le  D**  £.  Isam- 
bert. 2"»«  partie  :  Malte,  Egypte,  Nubie,  Abyssinie,  Sinaï.  —  Collection  des  gui- 
des Joanne.  —  Paris  (Hachette),  1881,  in-8'',  772  p.  avec  cartes,  plans  et  gra- 
vures, fr.  30. 

Itinéraire  de  l'Algérie,  de  la  Tunisie  et  de  Tancer,  par  Louis  Pîesse.  Collection 
des  guides  Joanne.  —  Paris  (Hachette),  1885^  m-16, 600  p.  avec  cartes  et  plans, 
fr.  15. 

Aux  pays  du  Soudan.  Bogos,  Mensah,  Souakim,  par  Denis  de  Rivoyre.  —  Paris 
(Pion,  Nourrit  et  C«),  1885,  in-18,  293  p.  avec  carte  et  gravures,  fr.  4. 

De  Congo-Akte,  door  M.  T.-M.-C.  Asser.  —  Amsterdam,  mai  1885,  in-8^,  32  p.  et 
carte. 

Le  Congo  au  point  de  vue  économique,  par  A.-J.  Wauters.  —  Bruxelles  (Institut 
national  de  géographie),  1885,  in-12,  256  p.  avec  trois  cartes  et  vignettes,  fr.  3. 

Libéria.  Histoire  de  la  fondation  d'un  État  nègre  libre,  par  le  colonel  Wauwer- 
mans.  —  Bruxelles  (Institut  national  de  g^graphie),  1885,  in-12,  274  p.  et 
2  cartes,  fr.  3. 

Souvenirs  d'une  exploration  médicale  dans  l'Afrique  intertropicale,  par  P.  Dutrieux* 
—  Paris  (Georges  Carré),  1885,  in-S^  146  p.  et  carte,  fr.  8,60. 

Marrocco.  Das  Land  und  die  Leute,  geschildert  von  Adolph  von  Conring.  Nouvelle 
édition.  —  Berlin  (G.  Hempel),  1884,  in-S"",  335  p.  avec  carte  et  plan  du  Maroc, 
fr.  6,70. 

Zum  Klima  der  Goldkûste,  von  A.  Riggenbach.  —  Basel  (Buchdruckerei  von 
Baur),  1885,  in-12,  42  p.  et  pi. 

Nomina  geographica  neerlandica,  door  het  Nederlandsch  Aardrijkskundig  Geno- 
otschap.  1*«  Deel.  —  Amsterdam  (C.-L.  Brinkman),  1885,  in-S*»,  197  p. 

Nos  droits  sur  Madagascar  et  nos  griefs  contre  les  Hovas,  par  R.  Saillens,  avec 
une  préface  de  M.  Frédéric  Passy.  —  Paris  (Paul  Monnerat),  1885,  in-8*, 
163  p.,  fr.  2. 

Le  Congrès  de  Vienne  et  la  Conférence  de  Berlin,  par  sir  Travers  Twiss.  Bruxelles 
et  Leipzig  (Mnquardt),  1885,  in-8°,  19  p. 

Une  promenade  dans  le  Sahara,  par  Charles  Lagarde.  —  Paris  (Pion,  Nourrit  et  G*), 
1886,  in-18,  301  p.,fr.  3,50. 


Genève.  ^  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


GENÈVE 

H.      GEORG,     LIBRAIRE-ÉDITEUB 

HtNE    HllSOK  1    HALE    Et   «   LTON 


«    •  *  ■ 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE    ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIRIGÉ   PAR 

M.   Gustave  MOTNIEB 

Muinbrc  de  la  Société  de  géographie  de  Genève,  de  l*Institat  do  Droit  international; 
membre  correspondant  de  TAcadémio  d'Hippone,  et  des  Sociétés  de  géograpliie  de  Maneille, 

de  Kancy,  de  Loanda  et  de  Porto. 

R^IOA  PAR 

M.  Charles  FAÏÏB£ 

Secrétaire-Bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie  de  Genève ,.  membre  correspondant  des  Sociétés 
de  géographie  de  Lisbonne,  de  Loanda.  de  Porto,  de  Saint-GtiU  et  de  Berne. 


U Afrique  parait  le  premier  lundi  (le  chaque  mois,  par  livraisons  in-B^*  d'au 
nloins  20  pages  chacune;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
paraît  nécessaire. 

Le  prix  de  Tabonnement  annuel,  payable  d'aTanee,  est  de  10  firaneS) 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  TUnion  postale  (première  zoiie)  ;  pour  les 
autres,  H  fr.  SO. 


Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  h 
la  Direction,  a  droit  à  nu  compte  rendu. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaetion  à  M.  Gnstare  Moxiiler* 
9,  rne  de  l'Atliénée»  h  OenéTe  (Suisse). 


S'adresser  pour  les  abonnements  à.  l'éditeur,  M.  H.  Goorg,  à 
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MuQUARDT,  libraire  de  la  Cour,  45.  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frèros,  libraires,  Corso  Vittorio  Emmanuele,  21.  à  Milan. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Querslr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Friederïchsen  et  C*«,  libraires,  Admiralitatsstr,  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelm  Fhick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autriche). 

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Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


AVIS.  —  Notis  mettons  à  la  disposition  de  nos  fwuveaux  abonnés^  au  prix  de 
12  fr.  chacun^  un  certain  nombre  d'exemplaires  complets  de  la  /!"'•,  de  la  IV"" 
et  de  la  K"»*  année,  La  P*  et  la  ni""^  sont  épuisées. 


225 


BULLETIN  MENSUEL  (5  aofit  1883.  ') 

M.  H.  Duveyrier  a  reçu  de  M.  Teis.«ierenc  de  Bort,  une  nouvelle 
lettre,  de  Bir  Guettariet,  sur  la  route  de  Bereeof  an  IVerzaoua. 

Quoique  Bereçof  soit  un  point  d'eau  important,  il  n'a  point  trouvé  de 
tentes  de  nomades  dans  les  environs,  ce  qu'il  attribue  à  la  terreur  que 
les  Touaregs  causent  dans  cette  région  ;  on  n'en  rencontre  un  certain 
nombre  que  sur  la  ligne  qui  joint  El-Oued  au  Nefzaoua.  La  sécurité  est 
revenue,  au  dire  des  indigènes,  depuis  l'établissement  du  protectorat 
français  en  Tunisie;  les  Ouled  Yacoub  et  Oughramma  n'osent  plus  se 
livrer  comme  auparavant  à  de  fréquentes  razzias.  Les  Touaregs  seuls 
sont  toujours  très  redoutés.  Quant  aux  dunes,  M.  Teisserenc  de  Bort 
distingue  plusieurs  sortes  de  terrains  parmi  ceux  qu'elles  recouvrent  : 
l'un  complètement  recouvert  de  sable  comme  à  El -Ouled,  avec  de 
grandes  dunes  dominant  des  haouds  sableux,  où  se  trouvent  les  puits, 
et  qui  arrivent  presque  au  sol  primitif  généralement  formé  de  gypse  et 
de  terre  ou  de  petits  cailloux  calcaires;  l'autre  recouvert  aussi  de  sable, 
mais  avec  un  mélange  de  terre,  dans  ce  cas  le  sol  est  généralement 
ondulé  ;  un  autre  aspect  est  fourni  par  les  parties  du  pays  ou  les  haouds 
sont  recouverts  de  petits  cailloux  et  de  gypse,  et  où  les  dunes  forment 
de  grandes  chaînes  entourant  les  cuvettes.  M.  Teisserenc  de  Bort  croit 
que  cette  dernière  disposition  se  produit  dans  les  contrées  nouvellement 
envahies  par  les  dunes,  et  que  peu  à  peu  le  sable,  arrêté  d'abord  sur  les 
points  culminants,  se  répand  sur  le  reste  du  pays  à  mesure  que  les  dunes 
augmentent  ;  il  estime  aussi  que  leur  base  croît  en  proportion,  la  pente 
de  la  dune  ne  dépassant  pas  une  certaine  limite.  Toute  la  partie  com- 
prise entre  Touggourt,  Metekki  et  Jeretmi,  c'est-à-dire  la  rive  est  de 
l'Igargar,  est  dans  ce  cas,  et  il  semble  probable  que  c'est  une  des 
régions  les  plus  récemment  couvertes  pai*  les  sables. 

M,  Ferdinand  de  LeHNeps  a  fait  à  la  Société  de  géographie  de 
Paris,  sur  les  sondages  entrepris  par  le  colonel  Landas  dans  l'Oued- 
Mélah,  un  rapport  qui  complète  les  renseignements  donnés  à  ce  sujet 
dans  notre  dernier  numéro  (p.  193-194).  Lors  du  voyage  qu'il  lit,  il  y  a 

*  Les  matières  comprises  dans  nos  BuUethis  mensuels  et  clans  les  Nouvelles  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
TAlgérie,  puis  allant  à  PEst,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

L'AFRIQUE.    —    SIXIÈME   ANNÉE.   —    X"    S.  8 


—  226  — 

deux  ans,  avec  le  colonel  Roudaire,  dans  la  région  des  Chotts,  il 
remarqua,  sur  les  bords  de  TOued-Mélah,  un  bassin  dont  l'eau  ne  bais- 
sait jamais  ;  elle  était  excellente.  Il  pensa  que  ce  bassin  pouvait  être  en 
communication  avec  une  nappe  d'eau  profonde,  et  fut  ainsi  conduit  à 
recommander  aux  ingénieurs  de  pratiquer  des  sondages  en  cet  endroit. 
La  nappe  cherchée  a  en  effet  été  rencontrée  ;  l'eau  a  jailli  avec  une  telle 
impétuosité,  qu'elle  soulevait  des  pierres  de  douze  kilog.  et  les  projetait 
à  une  certaine  hauteur.  Cette  trouvaille  a  causé  une  vive  émotion  dans 
le  pays.  Le  ministre  des  affaires  étrangères  a  recommandé  au  résident 
français  à  Tunis,  de  faire  le  nécessaire  pour  prévenir  les  revendications 
rétrospectives  de  propriété,  qui  pourraient  se  produire,  sur  le  terrain 
arrosé  par  cette  eau  jaillissante,  qui  va  devenir  une  source  de  prospérité 
pour  le  pays  avoisinant.  Il  y  a  là  plus  de  400  hectares  oîi  l'on  pourra 
faire  des  plantations  de  palmiers  et  se  hvrer  à  l'élève  des  autruches. 

De  son  côté,  M.  Rouire  a  rendu  compte  à  la  Société  de  géographie, 
des  résultats  de  la  mission  que  lui  avait  confiée  le  ministre  de  l'instruc- 
tion publique.  Il  a  exploré  la  région  comprise  entre  Kaïrouan,  Sousa, 
Hammamet  et  le  lac  Kelbiah.  Il  a  étudié  la  faune  et  la  flore  de  ce  pays, 
et  délimité  des  bas-fonds  marins  qui,  à  son  avis,  constituaient,  il  y  a 
trente  siècles,  les  bas-fonds  du  lac  Triton.  Il  a  relevé  les  voies  qui,  à 
l'époque  romaine  déjà,  sillonnaient  ces  bas-fonds.  Enfin  il  a  annoncé  la 
découverte  de  l'ancien  port  phénicien,  par  lequel  les  navigateurs  péné- 
traient de  la  haute  mer  dans  la  baie  de  Triton,  ainsi  que  celle  de  la 
chaussée  antique  qui  reliait  à  la  terre  l'île  placée  à  l'entrée  de  cette 
baie. 

Le  numéro  du  20  juin  du  journal  anglais,  The  Academy^  renferme 
une  lettre  de  notre  savant  compatriote,  M.  Edouard  IVavilte,  annon- 
çant que,  dans  sa  campagne  de  l'hiver  dernier,  pour  VEgypt  Exploration 
Ftind,  il  a  pu  constater  que  le  pays  de  Gosen,  oh  le  patriarche 
Jacob  s'établit  avec  sa  famille,  correspondait  à  la  région  oh  se  trouve 
aujourd'hui  Saft-el-Henneb,  à  10  kilom.  à  l'est  de  Zagazig,  près  du 
canal  d'eau  douce  et  de  la  station  du  chemin  de  fer  de  Abou-Haramad. 
Il  s'y  tient  chaque  semaine  un  des  marchés  les  plus  importants  du  Ouadi 
Toumilât,  sur  un  tell,  ou  remblai,  couvert  de  ruines  d'anciennes  mai- 
sons qui  s'étendent  au-dessous  et  au  delà  du  village.  Du  côté  méridio- 
nal du  tell  se  trouve  une  antique  muraille  de  grosses  briques  de  l'époque 
des  Pharaons.  De  ce  mur,  le  tell  descend  vers  la  plaine  et  est  cultivé 
par  places.  On  y  a  découvert,  il  y  a  une  vingtaine  d'années,  un  grand 
autel  monolithe  en  granit  noir,  couvert  de  sculptures  et  de  hiéroglyphes  ; 


—  227  — 

il  fut  mis  eu  pièces  par  ordre  d'un  pacha,  probablement  pour  voir  s'il 
contenait  de  l'or.  Ce  sont  deux  fragments  de  ce  monolithe,  laissés  à 
Saft-el-Henneh,  qui  ont  permis  à  M.  Naville  de  résoudre  la  question  de 
la  situation  du  pays  de  Gosen.  Nous  reviendrons  sur  ce  sujet  géogra- 
phique, quand  aura  paru  le  mémoire  que  notre  compatriote  prépare  sur 
les  monuments  de  Saft-el-Henneh. 

M.  Santoni,  envoyé  par  le  P.  Vicentini,  de  Dongola  au  Soudan,  en 
est  revenu  et  a  rapporté,  dans  une  lettre  adressée  à  Mgr  Sogaro,  vicaire 
apostolique  de  l'Afrique  centrale,  les  péripéties  de  son  voyage  à.  Undur- 
man,  oii  se  trouvent  les  priiioniiiers  du  lllahdi,  S'étant  rendu  au 
bazar,  il  se  mit  à  vendre  des  marchandises  qu'il  avait  apportées  avec 
lui.  Un  blanc  qu'il  distingua  parmi  la  foule,  et  à  qui  il  demanda  des 
renseignements,  le  conduisit  vers  quatre  pauvres  cabanes,  dont  deux 
étaient  occupées  par  les  missionnaires,  les  deux  autres  par  les  sœurs. 
M.  Santoni  leur  remit  une  lettre  du  P.  Vicentini  et  leur  montra  celle 
qui  était  adressée  au  Mahdi  ;  tous  furent  d'avis  qu'il  était  dangereux 
de  la  lui  faire  parvenir,  et  on  la  détruisit.  Peu  de  jours  après,  M.  San- 
toni fut  arrêté  et  emprisonné  comme  espion  des  Anglais.  Au  bout  de 
trois  semaines,  on  le  relâcha,  et  il  put  rapporter  à  Dongola  une  lettre 
d'une  des  sœurs,  Thérèse  Grigolini,  écrite  au  crayon  sur  un  mouchoir 
en  cotonnade,  mais  illisible  en  plusieurs  endroits.  Elle  raconte  briève- 
ment les  indicibles  souffrances  auxquelles  les  prisonniers  sont  en  proie, 
et  expose  un  plan  pour  leur  porter  secours.  Elle  dissuade  de  récrire  au 
Mahdi  en  leur  faveur,  et  dit  que  le  nombre  des  habitants  de  Khartqum 
massacrés  avec  le  général  Gordon  et  le  consul  autrichien,  M.  Hansal, 
s'élève  à  2000.  Le  P.  Bonomi,  prisonnier  du  Mahdi,  a  réussi  à  s'échap- 
per et  est  anivé  à  Dongola. 

Le  SecoU)  a  reçu  de  Massaoua  la  nouvelle  de  l'arrivée  de  MM.  ï'er- 
rarl  et  IVeraxzini,  de  retour  de  la  mission  dont  ils  étaient  chargés 
par  le  gouvernement  italien  pour  le  roi  d'Abyssinie.  Ras-Aloula, 
généralissime  des  troupes  abyssines,  leur  donna  une  escorte  de  soixante 
soldats  qui  les  accompagnèrent  une  partie  du  chemin.  Un  traité  provi- 
soire a  été  conclu  avec  le  négous,  mais  devra  être  ratifié  par  une  nou- 
velle mission,  qui  partira  en  octobre  et  se  composera  d'officiers  supé- 
rieure, entre  autres  un  général,  le  roi  Jean  voulant  parler  avec  les 
grands.  Les  principales  dispositions  du  traité  dont  les  préliminaires  ont 
été  arrêtés  entre  le  négous  et  le  capitaine  Ferrari  sont  les  suivantes  : 

1**  Pleine  liberté  de  commerce  pour  l'Abyssinie  dans  le  port  de  Mas- 
saoua, et  par  conséquent  exemption  de  tous  droits  de  douanes,  des  impor- 
tations aussi  bien  que  des  exportations  abyssines. 


—  228  — 

2**  Faculté  pour  le  gouvernement  italien  de  faire  occuper  par  ses 
troupes  la  partie  du  Soudan  cédée  à  l'Abyssinie  par  le  traité  conclu 
entre  le  négous  et  Tamiral  Hewett.  L'Italie  pourrait  par  conséquent 
occuper  Kéren  et  tout  le  pays  des  Bogos,  Algheden  et  Kassala,  et  ouvrir 
une  route  commerciale  de  Massaoua  au  Soudan. 

Le  D'  Nerazzini  doit  se  rendre  à  Assab  pour  prévenir  les  cheiks  des 
principaux  pays  de  la  côte  orientale,  au-dessous  d'Assab,  de  la  prochaine 
occupation  italienne. 

M.  GAston  Lemay,  vice-consul  français  à  Massaoua,  est  rentré 
en  France  pour  restaurer  sa  santé  éprouvée  par  les  fièvres  et  les  cha- 
leurs du  littoral  de  la  mer  Rouge.  Pendant  deux  ans  il  a  rempli  diverses 
missions  dans  les  provinces  égyptiennes  du  Soudan  oriental  :  à  Souakim, 
durant  les  malheureuses  expéditions  de  Baker-pacha  et  de  l'armée 
anglaiise  ;  au  Harrar,  à  travere  le  pays  des  Somalis  et  une  partie  de  celui 
des  Gallas.  C'est  lui  qui  a  eu  l'idée  de  faire  occuper  le  golfe  de  Tadjoura 
pour  préveiiir  l'occupation,  méditée  par  les  Anglais,  de  cette  partie  du 
littoral  du  golfe  d'Aden.  En  dernier  lieu  M.  Lemay  a  occupé  le  poste  de 
Massaoua  et  s'est  rendu  en  Abyssinie,  où  il  a  séjourné  trois  mois,  dans  les 
royaumes  du  Tigré  et  de  l'Amhara,  voyageant  avec  le  négous  et  son 
armée,  depuis  le  pays  d'Enderta  jusqu'au  mont  Selkit,  le  géant  des 
montagnes  du  Semiène,  dont  la  hauteur  égale  presque  celle  du  Mont- 
Blanc. 

En  vertu  du  traité  conclu  entre  le  sultan  de  Zanzibar  et 
l'Italie,  les  nationaux  de  chacun  des  deux  pays  pourront,  en  pleine 
liberté,  voyager,  résider,  commercer,  acheter,  vendre,  prendre  à  bail, 
établir  des  magasins  et  dépôts  d'approvisionnements  de  tous  genres  sur 
le  territoire  de  l'autre.  La  clause  de  la  nation  la  plus  favorisée  sera 
applicable  à  chacun  des  deux  pays.  En  cas  de  péril  ou  de  naufrage,  il 
sera  porté  réciproquement  aide  aux  navires  de  l'une  et  l'autre  nation. 
Les  marchandises  et  les  navires  des  deux  pays  contractants  ne  paye- 
ront que  les  droits  ou  taxes  imposés  aux  nations  jouissant  de  la 
clause  de  la  nation  la  plus  favorisée;  aucun  article  de  commerce  ne 
sera  prohibé  à  l'importation  ou  à  l'exportation,  et  Te  commerce  sera 
parfaitement  libre. 

Les  sociétés  de  géographie  allemandes  ont  adressé  au  prince  de  Bis- 
marck une  demande,  pour  que  le  ministère  des  affaires  étrangères  de 
l'empire  prît  des  mesures  afin  de  porter  secours  aux  explorateurs  Jun- 
ker  et  Emîn-bey.  D'après  le  Hamhurger  Correspondent,  le  chance- 
lier a  répondu  que  le  consul  général  de  l'Allemagne  à  Zanzibar  a  été 


—  229  — 

chargé  de  prendre  les  dispositions  nécessaires  pour  délivrer  les  explora- 
teui-s  de  leur  situation  périlleuse  et  faciliter  leur  retour.  Les  gouverne- 
ments d'Angleten'e,  de  France,  d'Italie,  de  Belgique  et  du  Caire  ont 
été  priés  de  donner  des  instructions  analogues  à  leurs  autorités  consu- 
laires sur  les  différents  points  de  la  côte  africaine.  —  A  la  dernière  heure, 
les  journaux  allemands  publient  une  note  disant  que  le  ministre  des 
^ifaires  étrangères  de  Berlin  a  reçu,  du  consul  général  d'Allemagne  à 
Alexandrie,  un  télégramme  annonçant  que  les  voyageurs  Junker  et 
Casati  sont  en  sûreté  à  Lado,  chez  Emin-bey. 

Le  Mouvement  géographique  et  les  Mittheiltingen  de  Gotha  renfer- 
ment, sur  l'expédition  allemande  à  l'ouest  du  Tanganylka» 
des  renseignements  fournis  par  M.  Storms,  qui  les  a  reçus  du  D"^  Roi- 
chard,  rentré  le  30  novembre  à  la  station  de  Mpala,  après  avoir  poussé 
son  exploration  jusqu'au  Loualaba,  oîi  il  perdit  son  compagnon  de 
voyage,  le  D'  Bœhm,  emporté  par  la  fièvre,  sur  la  frontière  occidentale 
de  l'empire  de  Casongo.  L'expédition  avait  quitté  Mpala.  sur  le  Tanga- 
nyika,  le  1"  septembre  1883  ;  elle  atteignit  le  Louapoula  le  27  septembre. 
Un  mois  plus  tard  elle  entrait  dans  le  pays  de  Katanga,  gouverné  actuel- 
lement par  le  chef  M'Siri.  Le  2G  novembre  elle  passa  le  Loufira,  le  prin- 
cipal affluent  du  Loualaba,  au  confluent  du  Likouloué.  Après  un  séjour 
d'un  mois  à  Kagoma,  les  voyageurs  se  rendirent,  au  commencement  de 
janvier,  à  l'ouest  de  l'Ouroua  pour  se  joindre  à  M'Siri,  qui  faisait  alors 
une  campagne  militaire.  Le  4  février,  ils  découvrirent,  au  sud  du  lac  Kas- 
sali  de  Cameron,  l'Oupemba,  beaucoup  plus  grand,  nommé  par  Cameron 
Lohemba,  et  placé  trop  au  sud  dans  nos  cartes.  C'est  dans  le  voisinage 
de  ce  dernier  lac,  près  de  Katapena  où  sont  des  sources  thermales  sul- 
fureuses, que  le  D' Bôhm  mourut  de  la  fièvre,  le  27  mars.  M.  Reichard 
chercha  alors  à  traverser  le  Katanga,  dans  une  direction  méridionale, 
pour  atteindre  les  sources  du  Loualaba  et  du  Loufira.  Mais  l'hostilité  des 
Wa-Ramba,  habitants  du  pays  d'I-Ramba,  l'obligea  à  revenir  sur  ses 
pas,  alors  qu'il  n'était  plus  qu'à  dix  jours  de  marche  de  ces  sources.  M'Siri 
lui-même,  dans  la  résidence  duquel  il  avait  espéré  trouver  un  refuge,  lui 
devint  hostile  et  attenta  à  sa  vie,  en  sorte  que  l'explorateur  ne  put  effec- 
tuer son  retour  au  Tanganyika  que  les  armes  à  la  main.  Le  25  septem- 
bre, il  quitta  Ounkéa,  capitale  de  M'Siri,  dans  le  voisinage  de  laquelle 
il  avait  exploré  de  riches  mines  de  cuivre;  trois  jours  après,  il  passait  le 
Loufira  et  entrait  dans  le  défilé  des  monts  Koundé-Iroundé.  Pendant 
plusieure  semaines,  l'expédition,  abandonnée  de  ses  guides,  eut  à  lutter 
contre  la  faim  et  contre  les  indigènas,  jusqu'à  ce  que,  le  15  octobre,  elle 


—  230  — 

retrouva  sa  route,  et  put  retraverser  le  Louapoula,  à  un  jour  de  marche 
au  nord  de  sa  sortie  du  lac  Moëro. 

La  contrée  comprise  entre  le  Louapoula  et  le  Loualaba,  les  deux 
rivières  qui  forment  le  Congo,  n'avait  pas  encore  été  parcourue  par 
des  Européens.  Livingstone  et  Giraud  ont  fait  connaître  le  Louapoula; 
Cameron,  dont  l'itinéraire  est  parallèle  au  Loualaba,  à  50  ou  100  kilo- 
mètres de  distance,  a  donné  une  idée  imparfaite  de  son  cours  supé- 
rieur, dont  il  franchit  successivement  plusieurs  des  affluents  occidentaux. 
Les  renseignements  rapportés  par  le  B'  Reichard  jetteront  un  nou- 
veau jour  sur  l'orographie  et  l'hydrographie  de  cette  partie  de  l'Afrique 
centrale.  La  rivière  qui  sort  du  lac  Moëro  continue  à  porter  le  nom  de 
Louapoula,  que  les  indigènes  lui  donnent  entre  le  Bangouéolo  et  le  Moëro, 
tandis  que  celle  qui  se  verse  dans  le  lac  Kassali  porte  exclusivement  le 
nom  de  Loualaba,  qu'elle  conserve  jusqu'à  Nyangoué.  Le  D'  Reichard  a 
vu  ce  dernier  du  haut  des  monts  Mitoumba,  au  sud  du  lac  Oupemba  :  il 
estime  qu'en  cet  endroit  le  Loualaba  mesure  déjà  300  mètres  de  largeur. 
Le  lac  Oupemba  est  situé  à  quatre  joui'S  de  marche  seulement  au  sud 
du  lac  Kassali,  par  conséquent  moins  loin  que  ne  l'a  supposé  Cameron. 
Celui-ci,  empêché  par  le  chef  du  pays  de  s'approcher  de  l'Oupemba, 
n'en  aperçut  les  eaux  que  d'une  distance  de  ISkilom.  ;  l'importance  de 
ce  lac  a  été  exagérée  dans  les  cartes.  Quant  aux  deux  grandes  rivières, 
le  Loualaba  et  le  Louapoula,  si,  quant  à  la  longueur  c'est  ce  dernier  qui 
doit  être  envisagé  comme  la  partie  supérieure  du  Congo,  au  point  de 
vue  du  volume  d'eau,  le  Loualaba  l'emporte  de  beaucoup.  La  longueur 
du  Louapoula,  de  la  source  duTchambezi  au  lac  Lan dji,  peut  être  approxi- 
mativement fixée  à  1300  kilom.,  tandis  que  le  Loualaba  n'a  guère  que 
800  à  900  kilom.  En  revanche  le  Loualaba  apporte  au  lac  Landji  beau- 
coup plus  d'eau  que  le  Louapoula.  Lespœnbeiros  qui  seuls,  en  1806,  ont 
franchi  le  Loualaba  dans  son  cours  tout  à  fait  supérieur,  rapportent 
qu'il  mesure  déjà  90™  de  large  à  la  résidence  du  chef  Kibouri.  En  aval 
un  peu  au  sud  du  lac  Oupemba,  il  atteint  300".  Ses  affluents  sont  nom- 
breux et  importants  :  à  gauche,  le  Loubouri  ;  à  droite,  le  Loufira  et  le 
Lekouloué.  Entre  les  lacs  Kassali  et  Landji,  avant  de  réunir  ses  eaux  à 
celles  du  Louapoula,  son  volume  doit  être  considérable.  A  sa  sortie  du 
lac  Moëro,  le  Louapoula,  d'après  M.  Giraud,  n'a  que  90"  ;  il  n'a  pas 
d'affluents  importants.  Réunis,  les  deux  cours  d'eau  ne  tardent  pas  à 
prendre  une  largeur  majestueuse,  qui  atteint  900"  devant  Nyangoué. 
Quant  à  la  source  du  Loualaba,  il  paraît  qu'elle  doit  être  reportée  plus 
au  sud  que  ne  le  supposait  Livingstone,  d'après  lequel  toutes  ces  riviè- 


—  231  — 

res  descendraient  du  versant  septentrional  d'une  chaîne  de  montagnes 
faisant  suite  aux  monts  Lokinga,  au  sud  du  Bangouéolo.  Les  renseigne- 
ments fournis  au  D'  Reichard  permettent  de  croire,  qu'au  lieu  de  ces 
montagnes  ce  sont  des  plaines  qu'il  faut  inscrire  sur  les  cartes,  et  d'après 
M.  Giraud,  la  chaîne  indiquée  à  l'est  des  monts  Lokinga  n'existe  pas  ; 
probablement  en  est-il  de  même  vers  l'ouest.  La  ligne  de  faîte  se  pré- 
sente vraisemblablement  sous  forme  de  mamelons  à  peine  sensibles, 
comme  entre  le  bassin  du  Bahr-el-Ghazal  et  celui  de  l'Ouellé.  Living- 
stone  pensait  que. le  petit  lac  Dilolo,  qui  se  trouve  sui*  cette  ligne  de 
faîte,  déverse  ses  eaux  à  la  fois  dans  le  bassin  du  Congo  et  dans  celui  du 
Zambèze.  Si  l'on  compare  le  volume  d'eau  du  Loutira  avec  celui  du 
Loualaba,  il  semble  que  la  source  de  ce  dernier  ne  peut  être  cherchée 
que  beaucoup  plus  au  sud.  Sous  le  10^  lat.  sud,  l'affluent  ne  mesui*e  que 
5Cr  à  60"  de  large,  tandis  que  le  Loualaba  atteint  déjà  SOC".  Quoique 
le  D'  Reichard  n'ait  échappé  que  très  difficilement  à  une  tentative  d'as- 
sassinat, il  songe  à  entreprendre  une  nouvelle  expédition  à  l'intérieur. 
Auparavant  il  a  dû  revenir  à  la  côte,  et  comptait  être  à  Zanzibar  à  la  fin 
de  juin  ;  nous  n'avons  pas  encore  appris  son  anivée,  mais  nous  espérons 
qu'elle  ne  tardera  pas. 

Malgré  les  bruits  alarmants  qui  courent  sur  la  situation  de  la  nou- 
velle colonie  allemande  à  l'ouest  de  Zanzibar,  les  directeurs 
de  la  Compagnie,  qui  se  disposent  à  exploiter  cette  région,  après  l'avoir 
placée  sous  le  protectorat  de  l'empire  d'Allemagne,  continuent  à  éten- 
dre leurs  possessions.  Le  comte  Pfeil,  qui  représente  la  Société,  a  acheté 
le  territoire  de  Koutou,  et  a  pris  possession  de  la  partie  supérieure  du 
bassin  de  la  Roufidji.  D'après  M.  Giraud,  le  Koutou,  situé  à  quinze  ou 
vingt  jours  de  marche  de  la  côte,  est  à  l'abri  des  incursions  des  bandes 
pillardes  de  Saïd-Bargasch,  et  jouit  d'une  prospérité  relative;  une  large 
zone  de  culture  entoure  les  villages  :  riz,  sorgho,  maïs,  tabac  croissent 
en  abondance,  et  les  indigènes  ne  se  font  pas,  comme  ailleurs,  un  point 
d'honneur  de  ne  pas  toucher  une  bêche  :  hommes  et  femmes,  maîtres  et 
esclaves,  passent  la  plus  grande  partie  de  la  journée  dans  les  champs, 
situés  souvent  à  deux  et  trois  heures  du  village.  Les  Wa-Koutou  taillent 
leurs  villages,  à  coups  de  hache,  dans  d'immenses  buissons  épineux, 
fourrés  assez  communs  dans  la  contrée,  sur  les  bords  des  marigots.  Ces 
villages,  qui  mesurent  quelquefois  jusqu'à  500™  ou  600"  de  diamètre, 
sont  défendus  par  30"  ou  40"  d'un  fourré  de  ronces  et  d'épines  qui  les 
abrite  très  sûrement  contre  les  attaques  du  dehors.  Cette  partie  du  pla- 
teau étant  à  lôO"  ou  200"  au-dessus  de  la  mer,  les  chaleurs  tropicales 


—  232  — 

de  la  côte  commencent  à  tomber  et  les  brises  du  sud  à  se  faire  sentir. 
D'après  le  Mouvement  géographique,  il  est  probable  que  la  nouvelle 
colonie  allemande  reculera  peu  à  peu  ses  limites  vers  l'intérieur,  et  éten- 
dra ainsi  son  influence  civilisatrice  dans  ces  parages,  oîi  jusqu'ici  aucune 
mission  ni  station  humanitaire  n'a  été  fondée.  —  Le  D' Fischer  écrit 
de  Zanzibar  que  pendant  son  absence  les  sentiments  de  Saïd-Bargasch 
à  l'égard  de  l'Allemagne  ont  beaucoup  changé.  Le  sultan  s'est  entière- 
ment jeté  dans  les  bras  des  Anglais.  La  surveillance  de  la  marine 
anglaise  pour  empêcher  le  commerce  des  esclavas  a  été  supprimée,  aussi 
la  traite  a-t-elle  pris  une  grande  recrudescence  ;  les  prix  des  esclaves 
ont  baissé.  Les  membres  de  la  Société  allemande  de  l'Afrique  orientale 
abandonnent  les  points  de  la  côte.  Le  D""  Jtthlke  s'est  rendu  de  Pangani  au 
Kilimandjaro.  Partout  le  sultan  a  fait  hisser  son  drapeau  et  a  établi  des 
postes  militaires  jusque  dans  la  baie  de  Formose.  —  La  Colonial  polir 
tisclie  Correspondenz  annonce  que  la  cinquième  expédition  de  la  Société 
allemande  de  l'Afrique  orientale,  sous  la  direction  du  lieutenant  Schlû- 
ter,  est  arrivée  à  Zanzibar  le  IG  juin.  Elle  a  reçu  l'ordre  de  se  diriger 
sur  rOu-Sagara  et  d'y  attendre  des  instructions  ultérieures.  —  Une 
sixième  expédition  a  dû  quitter  Berlin  le  14  juillet  ;  elle  est  composée  de 
quelques  officiers  et  déjeunes  colons  pi'opriétaires.  Le  professeur  Hent- 
schel,  de  léna,  l'accompagne  en  vue  d'études  pratiques  sur  l'agriculture. 
La  Société  a  fait  de  nombreux  achats  de  semences. 

La  Société  de  géographie  de  Londres  a  chargé  M.  J.-T.  Last,  agent 
laïque  de  la  «  Church  Missionary  Society,  »  d'une  expédition  d'un 
caractère  différent  de  celles  qu'elle  a  patronnées  jusqu'ici.  Tandis  que 
les  précédentes  avaient  pour  but  la  découverte  d'une  voie  de  communi- 
cation d'un  point  de  la  côte  à  l'intérieur,  M.  Last  devra  étudier  en 
détails  une  région  particulière.  Il  quittera  l'Angleterre  au  mois  d'août, 
organisera  une  caravane  à  Zanzibar,  puis  se  dirigera  vers  Lindi,  au  nord 
de  l'embouchure  de  la  Rovouma.  De  là  il  se  rendra  au  confluent  de  cette 
rivière  et  de  la  Loujenda,  point  important  en  géographie,  et  dont  il  déter- 
minera la  longitude.  Prenant  ensuite  une  direction  S.-O.,  il  se  portera, 
avant  d'atteindre  l'extrémité  septentrionale  du  lac  Chiroua,  au  sud, 
vers  les  monts  Namuli,  découverts  parle  consul  O'Neill  à  la  fin  de  1883. 
Il  s'y  établira  pour  faire  l'étude  détaillée  du  pays  au  point  de  vue  topo- 
graphique et  ethnographique,  en  même  temps  qu'il  apprendra  à  en  con- 
naître le  mieux  possible  la  flore,  les  produits,  le  climat,  les  langues,  etc. 
Ces  études  terminées,  M.  Last  entrera  dans  la  vallée  de  la  Likougou, 
qui  prend  sa  source  dans  le  voisinage  de  ces  montagnes  ;  il. la  suivra  jus- 


—  233  — 

qu'à  la  côte,  à  Quizoïmgou,  d'où  il  se  rendra  au  sud,  à  Quilimane,  ou  au 
nord,  à  Angoche  et  à  Mozambique.  Il  devra  recueillir,  partout  où  il  pas- 
sera, toutes  les  informations  possibles  sur  le  pays,  les  habitants,  leurs 
coutumes,  les  conditions  sanitaires,  et  la  possibilité  d'introduire  des 
plantes  européennes  ou  d'autres,  utiles  à  l'économie  agricole.  La  vallée 
de  la  Likougou  est,  diton,  d'une  très  grande  fertilité,  et  peut  devenir 
d'une  grande  importance,  soit  pour  la  colonisation,  soit  pour  le  com- 
merce. 

Les  explorateurs  portugais,  Capello  et  Ivens,  qui  étaient  partis 
l'année  dernière  de  Saint-Paul  de  Loanda,  ont  télégraphié  à 
Lisbonne  leur  arrivée  à  Mozambique,  après  avoir  traversé  l'Afrique 
sur  une  ligne  de  3000  kilom.  de  longueur.  Elle  constitue  en  majeure  par- 
tie la  ligne  de  faîte  qui  sépare  le  bassin  du  Congo  de  celui  du  Zambèze. 
Elle  a  déjà  été  traversée  sur  plusieurs  points  par  Livingstone,  Cameron, 
Giraud,  le  D'  Reichard,  mais  c'est  la  première  fois  qu'une  expédition 
scientifique  la  suit  de  l'ouest  à  l'est  ;  et  l'on  peut  espérer  que  les  explora- 
teurs, auxquels  on  doit  déjà  des  données  très  exactes  sur  le  cours  supé- 
rieur de  la  Quanza  et  le  cours  moyen  du  Quango,  nous  apporteront  enfin 
le  vrai  tracé  de  cette  ligne  de  faîte,  intéressante  non  seulement  au  point 
de  vue  physique,  mais  aussi,  depuis  la  Conférence  de  Berlin,  au  double 
point  de  vue  politique  et  économique.  En  effet,  elle  limite  au  sud  la  zone 
du  commerce  libre,  et  en  partie  l'État  libre  du  Congo.  C'est  là  qu'ont 
leurs  sources  le  Congo  et  le  Zambèze,  et  leurs  principaux  tributaires,  le 
Liba,  le  Cassaï,  le  Kabompo,  la  Loudona,  le  Loualaba,  le  Loufira  et  le 
Loangoua. 

Le  numéro  des  Proceedings  qui  vient  de  paraître  renferme  le  rensei- 
gnement suivant,  au  sujet  du  territoire  des  Be-Chuana,  sur  lequel 
le  gouvernement  anglais  a  proclamé  le  protectorat  britannique 
décidé  en  conseil  de  S.  M.,  à  Osbome,  le  27  janvier  de  cette  année.  Ce 
protectorat  s'étend  sur  les  parties  de  l'Afrique  australe  qui  ne  sont  sous 
la  juridiction  d'aucune  puissance  civilisée,  à  l'ouest  de  la  frontière  de  la 
République  sud-africaine,  telle  qu'elle  a  été  fixée  par  la  Convention  de 
Londres  du  27  février  1884,  entre  S.  M.  britannique  et  la  susdite  répu- 
blique ;  au  nord  de  la  Colonie  du  Cap  de  Bonne-Espérance  ;  à  l'est  du 
20"*  longit.  est,  et  au  sud  du  22°  de  lat.  S.  D'après  un  correspondant 
du  Times  résidant  dans  la  ville  du  chef  Sekélé,  ce  territoire  est  aussi 
grand  que  l'Espagne  ;  il  embrasse  beaucoup  plus  que  le  pays  des  Be- 
Cbuana,  puisqu'il  comprend  le  désert  de  Kalahari.  Tandis  que  les  par- 
ties méridionale  et  orientale  sont  bien  connues,  d'après  les  travaux  de 


—  234  — 

Livingstone  et  des  voyageui's  qui  lui  ont  succédé,  celles  de  l'ouest  et 
du  nord  sont  encore  à  explorer.  Il  semble  qu'il  y  ait  quelque  incertitude 
quant  à  la  partie  orientale  de  la  frontière  septentrionale.  Les  autorités 
du  Cap  rétendent  à  peu  près  jusqu'au  32°,  réclamant  la  bande  de  terri- 
toire entre  le  Limpopo  et  le  22°  lat.  Sud,  pour  enfermer  le  Transvaal 
au  nord,  comme  d'autres  États  l'enferment  de  tous  les  autres  côtés. 

D'après  la  Kolnische  Zeitung,  des  conventions  importantes  ont  été 
conclues  à  Berlin  au  sujet  d'An^ra-Pequena.  Déjà  avant  l'acquisi- 
tion de  ce  territoire  par  M.  Ltlderitz,  des  commerçants  allemands  du 
Rhin  et  des  négociants  anglais  avaient  acquis  le  droit  d'en  exploiter  les 
mines  de  cuivre.  Après  la  transformation  de  l'entreprise  Llideritz  en 
Société  allemande  de  colonisation  de  l'Afrique  méridionale,  une  entente 
entre  la  Société  commerciale  et  cette  dernière  était  désirable  dans  l'in- 
térêt du  développement  commercial  d'Angra-Pequena.  Les  pourparlers 
engagés  à  ce  propos  ont  abouti.  Une  expédition  technique  et  scientifi- 
que sera  d'abord  envoyée  dans  le  pays,  pour  s'enquérir  de  la  richesse 
des  ndnes  et  des  conditions  d'exploitation  au  point  de  vue  financier  et 
technique.  Un  doute  subsiste  encore  relativement  à  la  facilité  d'ex- 
ploiter ces  mines  éloignées  de  la  côte,  et  qui  pourraient  n'être  pas 
suffisamment  riches  en  minerai  pour  motiver  une  exploitation  sur  une 
grande  échelle.  Le  commissaire  impérial  d'Angra-Pequena,  M.  Goring, 
a  quitté  Berlin  le  15  juin,  pour  se  rendre  au  Gap  et  à  Angra-Pequena. 

Le  D'  Schuvelnfarth  a  répondu  à  M.  Wauterti,  qui  lui  avait 
soumis  son  hypothèse  sur  le  problème  de  rOuellé  (p.  199),  dont 
le  savant  géographe  de  Bruxelles  fait  le  cours  supérieur  de  l'Oubangi. 
L'explorateur  de  l'Ouellé  reconnaît  la  valeur  de  l'exposé  de  M.  Wauters, 
mais  réserve  de  se  prononcer  au  moment  oh  les  renseignements  des 
explorateurs,  MM.  Grenfell  et  Coquilhat,  lui  seront  parvenus.  Actuelle- 
ment, le  rapport  de  M.  Grenfell  n'a  point  encore  été  publié;  ou  ne 
connaît  à  ce  sujet  que  deux  sources  d'information,  l'une  la  lettre  de 
M.  Coquilhat,  annonçant  que  M.  Grenfell  avait,  une  première  fois, 
remonté  l'Oubangi  jusqu'à  l""  25'  lat.  nord,  dans  une  direction  paral- 
lèle au  Congo,  la  rivière  laissant,*entre  sa  rive  gauche  et  la  rive  droite 
du  fleuve,  une  longue  et  étroite  langue  de  terre  qui  forme  une  presqu'île; 
les  175  kilom.  du  cours  inférieur  de  l'Oubangi  se  dirigeraient  donc 
du  N.-E.  au  S.-O.  ;  la  seconde,  un  rapport  de  M.  Van  Gèle,  revenu  du 
Congo  à  Bruxelles,  d'après  lequel  M.  Grenfell  aurait  fait  une  seconde 
exploration  de  la  rivière  jusqu'au  4'',20\  la  direction  générale  de  la 
rivière  étant,  dans  cette  partie  moyenne  de  son  cours,  du  nord  au  sud. 


—  235  — 

Une  difficulté  empêche  le  D'  SchweiQfiirth  d'accepter  d'emblée  l'hypo- 
thèse de  M.  Wauters,  c'est  le  fait  qu'en  l'admettant,  on  n'aurait  plus 
aucun  tributaire  du  Congo,  descendant  de  la  ligne  de  partage  du  bassin 
du  Bénoué.  A  quoi  M.  Wauters  répond  que  les  rivières  qui  prennent 
naissance  à  cette  ligne  de  faîte,  le  Kundé,  le  Tukki,  la  Nana,  mention- 
nés par  Flegel,  apportent  leur  tribut  au  Congo  par  l'Oubangi,  et  qu'il 
faut  bien  la  réunion  de  toutes  les  eaux  du  vaste  territoire,  compris 
entre  le  Chari,  le  Bénoué  et  le  Congo,  pour  expliquer  le  volume  considé- 
rable de  rOubangi,  large  à  son  embouchure  de  11  kilomètres.  Le 
D'  Schweinfurth  rappelle  encore,  en  faveur  de  son  hypothèse,  le  témoi- 
gnage de  Junker,  qui,  dans  une  de  ses  dernières  lettres,  lui  dit  expres- 
sément avoir  la  certitude  de  l'identité  des  deux  cours  d'eau,  Ouellé- 
Chari,  et  en  rapporter  les  preuves  indiscutables.  Devant  une  affirmation 
aussi  positive  d'un  explorateur  qui,  depuis  plus  de  quatre  ans,  étudie  la 
région  du  Haut-Ouellé,  nous  n'osons  encore,  quelque  plausible  qu'elle 
puisse  paraître,  admettre  l'hypothèse  de  M.  Wauters.  D'après  ce  der- 
dier,  le  Bomokandi  serait  le  cours  supérieur  de  l'Itimbiri,  avec  une 
direction  E.-S.-O.,  tandis  que  Junker,  qui  l'a  traversé  plusieurs  fois 
(voir  la  carte,  IV°'  année,  p.  116),  lui  donne  une  direction  E.-N.-O.,  et 
le  fait  se  jeter  dans  l'Ouellé  par  4*'  lat.  nord.  Cette  divergence  de  vues 
entre  l'explorateur  et  M.  Wauters  ne  peut  que  nous  faire  désirer  tràs 
vivement  voir  Junker  revenir  du  pays  des  Mombouttous  par  le  Congo, 
ce  qui  lui  fournirait  l'occasion  de  traverser  toute  la  région  encore  en 
blanc  sur  nos  cartes,  et  de  résoudre,  par  l'observation  directe,  le  pro- 
blème  dont  les  hypothèses  les  plus  savantes  ne  peuvent  donner  la 
solution  '. 

'  A  la  dernière  heure,  les  Proceedings  de  la  Société  de  géographie  de  Londres 
nous  apportent  une  lettre  de  M.  Grenfell,  d'où  nous  ne  pouvons  extraire  pour 
aujourd'hui  que  ce  qui  concerne  le  Mobangi,  l'affluent  que  M.  Wauters  appelle 
rOubangi.  «  Le  Mobangi,  qui  se  jette  dans  le  Congo  en  formant  un  delta,  entre  0^,26' 
«t  0^,42'  lat.  S.,  est  un  de  ses  plus  grands  tributaires.  En  le  remontant,  j'ai  suivi 
une  direction  moyenne  nord  un  quart  nord-est,  et  jusqu'au  4i°^^(y  lat.  N.  il  est 
•encore  navigable.  Par  4°, 23',  immédiatement  au-dessous  des  seconds  rapides,  je 
lui  ai  trouvé  673""  de  largeur;  en  aucun  point  en  aval  sa  largeur  n'est  moins  consi- 
dérable. Sa  profondeur  moyenne  est  dé  25  pieds,  et  quoique  le  courant  ne  fût  que 
de  80  à  100  pieds  par  minute,  il  semble  qu'un  énorme  volume  d'eau  provient  d'un 
point  bien  rapproché  des  sources  du  Bénoué.  D'où  vient-elle?  Les  trombcu^ies 
{armes  de  jet)  du  bassin  du  lac  Tchad,  mentionnées  par  Schweinfurth,  y  sont 
communes,  tandis  qu'on  les  ignore  sur  le  Congo.  Sur  la  rivière  qui  correspond  à 


236  — 
Tout  en  reconnaissant  que  les  afllaeiits  de  la  rive  droite  dit 
Con^o  entre  Stanley-Pool  et  l'emboncliure  de  l^Gabanf^i,. 

sont  encore  peu  connus,  le  Motivefinent  géographique  résume  de  la 
manière  suivante  ce  que  Ton  sait  sur  les  quatre  tributaires  importants 
de  la  partie  du  Congo  qu'il  appelle  le  Congo  français.  Le  LavirAon  a 
été  reconnu  presque  tout  entier  dans  son  cours  supérieur  par  M.  de 
Brazza,  et  le  confluent  en  est  fixé  par  les  missionnaires  Grenfell  et 
Comber  à  2°58'  de  lat.  sud  et  16**27'  de  long,  est;  laMpakaaété 
explorée  par  M.  Grenfell,  qui  place  son  embouchure  à  15  ou  20  kilom» 
en  amont  de  Bolobo;  elle  vient  en  droite  ligne  de  l'ouest;  PAlima,  à 
laquelle  se  rattache  l'Obo,  a  été  découverte  par  de  Brazza  en  1878;  son 
confluent  avec  le  Congo,  d'après  Grenfell,  est  à  1°33'  de  latitude  sud  ; 
enfin  vient  la  Nicoundja  ou  Koiinya,  dont  le  confluent  doit  servir  à 
la  délimitation  N.-E.  de  la  nouvelle  colonie  française,  quoiqu'on  ne 
sache  pas  encore  positivement  où  se  trouve  ce  confluent.  Quant  à  la 
Licona,  M.  Wauters  en  fait  un  affluent  de  TOubangi. 

Un  projet  de  loi  portant  ouverture  d'un  crédit  de  946,829  fr.,  pour 
l'organisation  des  établisHements  français  du^olfe  de  Gainée» 
a  été  présenté  à  la  Chambre  des  députés.  L'exposé  des  motifs  rappelle 
qu'à  la  suite  des  conventions  passées  avec  l'Association  internationale 
africaine,  celle-ci  a  cédé  à  la  France  ses  stations  et  propriétés  de  la 
vallée  du  Niari-Quillou,  moyennant  une  indemnité  qui  a  été  fixée  d'un 
commun  accord  à  300,000  fr.  Les  stations  sont  au  nombre  de  seize  ; 
douze  d'entre  elles  sont  situées  entre  le  Niari-Quillou  et  le  Chiloango. 
Le  département  de  l'instiniction  publique  ayant  remis  à  celui  de  la 
marine  et  des  colonies  tout  ce  qui  peut  constituer  l'actif  mobilier  et 
immobilier  de  la  mission  de  l'ouest  africain,  celle-ci  est  terminée.  Quant 
à  l'organisation  de  la  nouvelle  colonie  française,  le  département  de  la 
marine  constate  qu'on  ne  peut  y  procéder  avant  le  retour  de  la  mission 
confiée  à  MM.  Bouvier  et  Ballay. 

M.  Léon  Gairal,  chargé  par  le  ministre  de  l'instruction  publique 
d'une  mission  dans  le  bassin  de  la  rivière  San  Benito»  au  nord  du 
Gabon,  a  adressé  à  la  Société  de  géographie  de  Paris  une  note  sur  son 
voyage  dans  la  partie  supérieure  de  ce  bassin.  Il  n'a  trouvé  le  Benito 
navigable  que  jusqu'aux  chutes  de  Yobé,  à  35  kilom.  de  l'embouchure. 

POukéré  de  Stanley  et  que  j'ai  remontée  jusqu'à  une  cataracte,  par  2**,50'  lat.  N.» 
j'ai  trouvé  des  boucliers  et  des  cimeterres  aussi  bien  que  des  trombaches,  répon- 
dant exactement  aux  dessins  de  Schweinfurth.  » 


—  237  — 

A  partir  de  ce  point,  le  coui-s  de  la  rivière  est  à  chaque  instant  inter- 
cepté par  des  rapides  ou  des  cataractes  ;  aussi  renonça-t-il  à  le  remon- 
ter en  pirogue,  et  prit-il  la  voie  de  terre  pour  pénétrer  dans  l'intérieur. 
Le  Benito  reçoit  sur  sa  rive  droite,  en  aval  du  village  de  Maliko,  plu- 
sieurs affluents,  gros  ruisseaux  coulant  dans  un  terrain  tourmenté  et 
dans  un  lit  hérissé  de  rochers  ;  les  eaux  vives  et  fraîches  en  sont  très 
poissonneuses  ;  la  région  que  traversent  ces  petites  rivières  est  généra- 
lement montagneuse  et  boisée.  Elle  est  habitée  par  des  gorilles  qui,  à 
la  saison  des  fruits,  restent  dans,  la  forêt,  qu'ils  abandonnent  plus  tard 
pour  venir  ravager  les  plantations  établies  auprès  des  villages.  Elle  est 
aussi  peuplée  de  troupes  d'éléphants  qui  joignent  leurs  déprédations  à 
celles  des  gorilles.  M.  Guiral  poussa  une  pointe  sur  la  rive  gauche 
jusqu'au  village  de  Soungoué,  perché  sur  les  montagnes  qui  bordent  le 
Benito,  dans  l'espoir  d'y  rencontrer  des  gorilles,  mais  il  lui  fut  impos- 
sible d'en  atteindre  aucun.  Sur  la  rive  gauche,  l'affluent  le  plus  impor- 
tant reconnu  par  l'explorateur  français  est  le  Langé,  d'une  largeur 
moyenne  de  30"  et  d'une  profondeur  de  60  centimètres  ;  il  est  aussi 
intercepté  par  des  cataractes.  Aucun  Européen  n'ayant  encore  pénétré 
jusque  là,  le  chef  de  Ngombé  fut  très  effrayé  à  l'aspect  d'un  blanc, 
mais  M.  Guiral  n'eut  pas  de  peine  à  le  rassurer.  Les  naturels  lui  avaient 
parlé  d'un  lac  —  adiba  —  sans  nom  spécial  ;  il  réussit  à  l'atteindre  à 
140  kilom.  de  la  côte,  et  lui  trouva  500"  de  longueur,  sur  une  largeur 
de  200".  Sur  les  rives  on  constate  de  nombreuses  traces  d'éléphants.  A 
une  journée  de  là  commence  le  territoire  des  Ossiébas  et  des  Pahouins. 
M.  Guiral  s'arrêta  au  village  de  Njala  près  du  lac,  poui- ne  pas  s'exposer 
au  danger  d'être  pris  et  mangé  par  les  Pahouins  cannibales.  Peu  de 
temps  auparavant,  ils  avaient  pris  trois  hommes  de  la  tribu  des  Bala- 
nigny  dans  le  voisinage  du  lac,  et  les  avaient  mangés  ;  de  là  était 
résultée  une  guerre  entre  les  Balanigny  et  les  Pahouins,  ce  qui  empêcha 
M.  Guiral  de  pénétrer  plus  avant. 

M.  Daban,  explorateur  français,  qui  a  déjà  fait  un  voyage  dans  le 
bassin  dn  TVig^er,  repartira  dans  quelques  semaines  pour  la  côte 
occidentale  d'Afrique.  De  la  côte  des  Esclaves,  il  se  propose  de  péné- 
trer dans  les  parties  encore  inconnues  des  régions  riveraines  du  Niger, 
pour  les  explorer  au  point  de  vue  géographique  et  ethnographique  ;  ij 
s'occupera  aussi  d'histoire  naturelle,  et  s'attachera  à  apprécier  les  res- 
sources commerciales  du  pays  en  vue  des  possessions  françaises  de 
Porto-Novo  et  d'Assinie.  Depuis  que  les  comptoirs  français  du  Niger  ont 
<^té  cédés  à  des  compagnies  anglaises,  la  France  cherche  à  faire  de  ces 


—  238  — 

deux  points  le  débouché  des  richesses  naturelles  que  contiennent  les 
contrées  que  va  explorer  M.  Duban. 

M.  le  lieutenant  P»l»t,  qui  pendant  six  ans  a  fait  campagne  en  Algé> 
rie  et  en  Tunisie,  et  qui  possède  parfaitement  l'arabe,  a  obtenu  du 
ministre  de  Tinstruction  publique  une  mission  à  travers  le 
Sahara,  en  prenant  comme  point  de  départ  le  Sénégal,  et  pour  point 
d'arrivée  l'Algérie,  Il  comptait  partir  le  20  juillet  pour  Saint-Louis,  et 
se  rendre  de  là  à  Médine  par  l'aviso  qui  remonte  le  fleuve.  De  Médine, 
il  ira  par  caravane  à  Bamakou,  en  suivant  la  ligne  des  postes  français. 
De  ce  dernier.fort  sur  le  Niger,  il  espère  pouvoir  se  rendre  à  Timbouc- 
tou  par  la  canonnière  française  qui  y  stationne  ;  s'il  en  est  empêché,  il 
prendra  la  route  des  caravanes  plus  longue  et  moins  facile.  A  Timbouc- 
tou  il  profitera  de  la  bienveillance  de  l'envoyé  venu  à  Paris  l'année  der- 
nière, et  de  celle  des  habitants  delà  ville,  pour  diriger  sur  l'Algérie  et  le 
Sénégal  les  courants  commerciaux  qui  prennent  la  voie  de  la  Tripoli- 
taine  et  du  Maroc.  D  tâchera  ensuite  de  profiter  du  départ  d'une  cara- 
vane pour  passer  à  travers  les  pays  touaregs,  coiffera  le  turban  vert  et 
se  donnera  comme  médecin.  Il  espère  pouvoir  ainsi  regagner  l'Algérie 
par  Mabrouk  et  le  Touat.  Peut-être  les  bonnes  relations  nouées  avec 
les  Français  et  les  ambassadeurs  marocains,  d'un  côté,  et  les  chefs 
arabes  du  sud  oranais  de  l'autre,  faciliteront-elles  l'exécution  de  ce 
projet  pour  lequel  nous  formons  les  meilleurs  vœux. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Une  compagnie  française  de  navigation  va  être  créée,  pour  fournir  des  transports 
à  bon  marché  entre  l'Algérie  et  la  France,  en  faveur  de  certains  produits,  dont 
la  valeur  ne  permet  pas  de  les  grever  de  frais  trop  élevés.  Les  alfas  récoltés  en 
Algérie  et  en  Tunisie  sont  presque  tous,  jusqu'à  présent,  exportés  en  Angleterre; 
ils  pourront* désormais  être  très  avantageusement  utilisés  par  les  papeteries  de  la 
vallée  du  Rhône. 

Le  capitaine  Bernard,  chargé  d'une  mission  militaire  d'Alger  à  Ouargla,  par 
Laghouat  et  Gardaïa,  a  envoyé  à  la  Société  de  géographie  de  Paris  son  itinéraire,, 
la  route  qu'il  a  suivie  n'étant  encore  portée  sur  aucune  carte.  Son  voyage  a  été 
rendu  assez  pénible  par  les  circonstances  atmosphériques  de  l'hiver,  qui  a  été 
caractérisé  par  la  grande  masse  d'eau  tombée  dans  cette  partie  de  l'Afrique. 

Les  essais  d'éclairage  à  la  lumière  électrique  dans  le  canal  de  Suez  ont  très 
bien  réussi,  en  sorte  que  les  navires  pourront  faire  le  passage  de  nuit  aussi  bien 
que  de  jour,  ce  qui  améliorera  beaucoup  la  circulation  d'une  mer  à  l'autre. 


—  239  — 

L'office  international  télégraphique  de  Berne  a  annoncé  que  les  câbles  sous- 
marins  ont  été  immergés  de  Suez  à  Souakim,  et  de  Souakim  à  Périm.  Les  télé- 
grammes pour  Massaoua  et  Assab  sont  dirigés  sur  Aden^  d'où  ils  sont  transportés 
par  la  poste,  chaque  semaine,  à  leur  destination. 

L'agence  Stefani  rapporte  que  VEsplaratore,  aviso  italien,  qui  faisait  un  voyage 
d'exploration  sur  le  littoral  de  la  mer  Rouge,  a  noué  des  relations  amicales  avec 
les  chefs  indigènes,  qui  ont  accepté  de  se  placer  sous  la  protection  des  autorités 
italiennes  établies  à  Massaoua  et  à  Assab. 

Une  expédition  Italienne,  commandée  par  le  comte  Porro,  président  de  la  Société 
africaine  d'Italie,  se  prépare  à  explorer,  dès  l'automne  prochain,  après  la  saison 
des  pluies,  les  hautes  terres  de  Mensah  et  d'Aghedé,  au  noi^  de  l'Abyssinie. 

Depuis  le  mois  de  janvier  on  était  sans  nouvelles  du  comte  Antonelli.  Une  lettre 
du  12  avril  annonce  qu'il  se  dirige  du  Choa  vers  la  côte,  et  qu'il  arrivera  prochai- 
nement en  Italie  avec  une  ambassade  du  roi  Ménélik. 

Le  D'  Ëmil  Biebeck,  auquel  on  doit  une  exploration  scientifique  très  conscien- 
cieuse de  Socotora,  faite  avec  le  D'  Schweinfurth,  est  mort,  le  22  juin,  à  Feld- 
kirch,  en  Tjrrol.  C'est  lui  qui  a  envoyé  l'explorateur  Krause  au  Niger,  au 
Bénoué  et  au  lac  Tchad,  pour  en  étudier  les  bassins  au  point  de  vue  linguistique 
et  ethnographique. 

D'après  un  télégramme,  adressé  de  Zanzibar  au  Standard,  un  accueil  cordial  a 
été  fait  au  général  Matthews,  envoyé  de  Saïd-Bargasch,  par  les  chefs  de  Chagga, 
de  Taveta,  de  Teïta  et  d'Arousha  ;  25  chefs  ont  signé  un  acte  par  lequel  ils  ont 
reconnu  la  souveraineté  du  sultan. 

L'évêque  Hannington  a  fait  récemment  une  excursion  à  Teïta  et  à  Moschi,  rési- 
dence du  chef  Chagga,  au  pied  du  Kilimandjaro,  pour  faire  choix  d'un  emplace- 
ment en  vue  de  l'établissement  d'une  station  missionnaire.  Il  a  dû,  dès  lors, 
chercher  à  atteindre  la  c6te  orientale  du  Victoria-Nyanza,  par  la  route  de 
M.  Thomson,  à  travers  le  pays  des  Masaï. 

Le  petit  vapeur,  la  Bonne  Nouvelle,  a  été  lancé  le  3  mars  sur  le  Tanganyika. 
De  son  côté,  le  lieutenant  Storms  a  lancé  en  février,  sur  le  même  lac,  un  deux- 
mâts,  à  fond  plat,  dont  toutes  les  parties,  depuis  le  moindre  clou  jusqu'au  dernier 
bout  de  cordage,  sortent  des  ateliers  de  la  station  de  Earéma.  Il  peut  porter 
facilement  125  personnes,  et  plus  de  cent  tonnes  de  marchandises. 

MM.  Henri  Berthoud  et  Eugène  Thomas,  missionnaires  au  Spelonken,  ont  dû 
partir  à  la  fin  de  mai  pour  se  rendre  à  la  station  fondée  par  un  évangéliste 
ma-gwamba,  chez  Magoud,  à  peu  de  distance  de  la  baie  de  Delagoa. 

La  Chambre  des  députés  de  Lisbonne  a  ratifié  le  traité  de  commerce  avec  la 
république  du  Transvaal. 

Un  gisement  aurifère  d'une  grande  importance  a  été  découvert  près  de  Preto- 
ria, dans  la  chaîne  des  monts  Wittewater. 

Une  dépêche  de  Durban  annonce  que  les  Boers  ont  occupé  la  baie  de  Ste-Lucie, 
et  que  l'on  considère  cette  occupation  comme  devant  amener  un  nouveau  conflit 
entre  l'Angleterre  et  le  Transvaal. 


—  240  — 

Une  expédition  scientifique  composée  de  trois  explorateurs  allemands  que  l'on 
croit  envoyés  par  leur  gouvernement,  dit  le  Natal  Mercury,  a  passé  à  Mafeking, 
se  dirigeant  sur  le  Zambèze,  où  elle  rejoindra  un  autre  groupe  d'explorateurs 
partis  de  Zanzibar.  Leur  destination  serait  le  lac  Ngamî. 

A  rimitation  des  Sociétés  de  missions  de  Bâle  et  de  Brème,  la  Société  rhénane» 
dont  le  siège  est  à  Barmen,  a  adressé  au  prince  de  Bismarck  une  pétition  pour 
demander  que  toutes  les  restrictions  possibles  soient  apportées  au  commerce  des 
spiritueux  dans  les  colonies  africaines  allemandes. 

Le  major  Henrique  de  Carvalho,  chef  de  l'expédition  portugaise  chargée  de  se 
rendre  chez  le  Mouata-Yamvo,  a  conclu  avec  les  Ca-pendas  Camu*Lenbas,  un 
traité  d'amitié  et  de  commerce,  dans  le  genre  des  traités  passés  par  Stanley  avec 
les  chefs  indigènes  du  Congo. 

Le  D*"  Chavanne,  qui  s'est  embarqué  à  Lisbonne,  le  6  avril  dernier,  est  arrivé  à 
Boma  le  1*''  mai.  Il  est  chargé  d'établir,  dans  le  voisinage  de  ce  port,  d'importantes 
cultures  pour  le  compte  d'une  maison  d'Anvers. 

Une  nouvelle  station  a  été  établie  à  Mabimo,  sur  la  rive  gauche  du  Congo,  à 
peu  près  à  égale  distance  de  Kwamouth  et  de  Bolobo.  C'est  à  Mabimo  que  com- 
mence la  région  populeuse  habitée  par  les  Bayanzi.  Le  chef  Mokatoula  a  reçu  les 
agents  de  l'Association  avec  de  grandes  démonstrations  de  joie. 

Le  lieutenant  Van  Gèle  a  reçu  de  Tipo-Tipo,  sur  le  Mouta-Nzigué,  des  rensei- 
gnements d'après  lesquels  ce  lac  appartiendrait  au  bassin  du  Nil;  il  serait  relié 
par  un  courant  d'eau  avec  l'extrémité  méridionale  du  lac  Albert.  Tipo-Tipo  n'a 
pas  constaté  lui-même  le  fait;  mais  ses  sous-chefs,  qui  exploitent  cette  région,  le 
lui  ont  donné  pour  absolument  positif.  La  rive  orientale  du  lac  serait  habitée  par 
des  populations  extrêmement  belliqueuses,  tandis  que  sur  la  rive  opposée  se 
trouveraient  des  tribus  paisibles  et  agricoles. 

Le  gouvernement  turc  a  signé,  avec  l'État  indépendant  du  Congo,  une  conven- 
tion semblable  à  celles  qu'ont  déjà  conclues  les  treize  autres  puissances  représen- 
tées à  la  Conférence  de  Berlin. 

On  a  distribué  à  la  Chambre  des  députés  un  projet  de  loi  portant  approbation 
d'une  convention  signée,  d'une  part,  par  le  ministre  de  la  marine  et  le  ministre  des 
postes  et  télégraphes,  et,  d'autre  part,  par  la  Société  «  West  african  Telegraph  C* 
limited,  »  de  Londres,  à  l'effet  de  relier  par  un  câble  sous-marin  les  possessions 
françaises  du  Gabon,  Porto-Novo,  Grand-Bassam  et  Rio-Nunez,  à  Saint-Louis  du 
Sénégal,  point  qui  est,  depuis  peu,  en  communication  télégraphique  avec  le  réseau 
européen. 

M.  Rogozinski  est  en  route  pour  revenir  en  Europe  ;  il  rapporte  de  Cameroon 
quantité  de  notes  et  d'observations  scientifiques  et  commerciales  qu'il  se  propose 
de  publier. 

M.  J.  Thomson,  l'explorateur  du  pays  des  Masaï,  a  accepté  une  mission  au 
Niger  et  au  Bénoué;  il  est  déjà  arrivé  à  destination. 

La  Société  coloniale  allemande  de  Berlin  se  propose  d'établir,  des  stations,  au 
nord  d'une  ligne  tirée  de  l'embouchure  du  Rio-del-Rey  à  la  ville  de  Ibi,  sur  le 
Bénoué  supérieur. 


—  241  — 

Par  arrêté  dit  gouverneur  du  Sénégal,  la  commune  de  Rufisque,  marché  d'ara- 
chides très  important  de  la  côte,  a  été  autorisée  à  établir  un  chemin  de  fer 
Decauville,  qui  sera  mis  à  la  disposition  du  commerce  et  du  public,  moyennant 
une  redevance  à  payer  par  ceux  qui  se  serviront  de  cette  voie  pour  le  transport 
^e  leurs  marchandises. 

Le  chemin  de  fer  de  Dakar  à  Saint-Louis  a  été  inauguré  le  7  juillet,  et  est 
ouvert  à  l'exploitation  sur  toute  sa  longueur. 

La  Gazette  officielle  de  Madrid  a  publié  un  décret  du  roi  nommant  l'explorateur 
espagnol  Bonelli,  commissaire  royal ,  investi  du  commandement  suprême  civil  et 
militaire,  pour  le  territoire  situé  sur  la  côte  occidentale  d'Afrique  entre  le  cap 
Bojador  et  le  cap  Blanc,  et  qui  a  été  placé  sous  le  protectorat  de  l'Espagne  en 
décembre  1884.  Le  commissaire  aura  le  droit  de  conclure  des  traités  avec  les  tribus 
indigènes  et  de  prendre  possession  de  nouveaux  territoires,  sauf  l'approbation  de 
son  gouvernement. 

M.  H.  Duveyrier  qui  avait  accompagné  l'ambassade  française  au  Maroc,  est 
rentré  en  France  par  Oran,  où  il  a  donné  à  la  Société  de  géographie  d'intéres- 
sants détails  sur  le  pays  qu'il  venait  de  parcourir. 

Après  avoir  envoyé  une  ambassade  à  Paris,  le  sultan  du  Maroc  a  décidé  d'en 
«nvoyer  une  au  roi  d'Italie. 


LE  COMMERCE  DE  L1V0IRE  AFRICAIN. 

De  tous  les  produits  que  le  continent  africain  fournit  au  commerce, 
le  plus  recherché  est  sans  contredit  l'ivoire  ;  c'est  aussi  celui  qui  peut 
être  le  plus  rémunérateur  pour  les  nouvelles  possessions  et  colonies 
européennes,  à  leur  début. 

Il  y  avait,  au  dire  de  Stanley,  l'année  dernière,  un  stock  de  plus  de 
3000  défenses  à  vendre  à  Stanley-Pool.  Le  Moniteur  des  Consulats,  du 
11  juillet,  s'exprimait  ainsi  :  «  L'ivoire  sera,  pour  les  nouveaux  colons, 
une  source  considérable  de  richesse.  Il  occupe,  sur  le  marché  africain, 
une  place  tellement  grande,  que,  parmi  les  productions  animales  du 
monde  entier,  il  en  est  peu  qui  soient  l'objet  d'un  plus  grand  commerce 
et  la  source  de  plus  gros  bénéfices.  Si  l'on  songe  qu'une  belle  défense, 
rendue  à  Londres,  vaut  de  1200  à  1500  fr.,  que  le  marché  anglais  à  lui 
seul  en  demande  annuellement  40  à  50,000,  soit  pour  environ  cinquante 
millions  de  francs  (?),  qu'en  outre  les  défenses  africaines,  pour  la  ténuité 
de  leur  grain  et  pour  leur  grosseur,  sont  plus  recherchées  que  celles  de 
l'Asie,  et  que  d'un  autre  côté,  au  rapport  de  MM.  Van  Gèle,  Coquilhat 
et  Zboïnski,  les  éléphants  sont  très  nombreux  dans  le  Haut-Congo,  ou 
comprendi'a  facilement  quelle  importance  prendra,  pour  le  nouvel  État 


—  242  — 

libre,  le  commerce  de  l'ivoire,  dès  la  construction  du  chemin  de  ter  pro- 
jeté, de  Vivi  à  Isanghila  et  de  Manyanga  h  LéopoldviUe.  » 

Quelle  que  soit  la  quantité  d'ivoire  que  puisse  fournir  la  région  da 
Congo,  il  en  est  exporté  d'une  foule  d'autres  points  des  côtes,  et  il 
importe  d'avoir  une  vue  d'ensemble  sur  ce  sujet,  soit  quant  à  la  quan- 
tité, soit  quant  aux  ports  par  lesquels  se  fait  l'exportation  et  à  la  mesure 
dans  laquelle  chacun  d'eux  en  fournit  au  marché  européen.  Sous  ce  rap- 
port, nous  avons  été  heureux  de  rencontrer,  parmi  les  travaux  présentés 
au  Congrès  des  géographes  allemands  réunis  à  Hambourg  en  avril  der- 
nier, un  mémoire  très  complet  sur  cette  question,  dû  à  M.  Westendaip, 
qui,  déjà  en  1880,  avait  fait  à  la  Société  de  géographie  de  Hambourg 
une  communication  sur  les  éléphants  des  Indes  et  de  l'Afrique,  et  sur 
l'extension  du  commerce  de  l'ivoire.  L'étude  approfondie  à  laquelle  il 
s'est  livi'é  et  ses  nombreux  voyages  en  Asie  et  en  Afrique,  lui  permet- 
taient de  traiter  le  sujet  avec  une  autorité  incontestée.  C'est  à  ses  tra- 
vaux que  nous  empruntons  les  renseignements  suivants. 

On  peut  dire  que  toute  l'Afrique  centrale,  du  Sahara  à  la  Colonie  du 
Cap,  est  encore  riche  en  éléphants,  surtout  les  parties  arrosées  par  les 
fleuves  et  baignées  par  des  lacs.  Les  connaisseurs  distinguent  facilement 
deux  qualités  d'ivoires,  l'un  tendre,  celui  de  la  côte  orientale,  l'autre 
dur,  qui  provient  de  la  côte  occidentale,  Au  point  de  vue  du  commerce 
aussi,  les  deux  côtes  ont  beaucoup  différé  jusqu'ici.  Connue  depuis  plus 
de  mille  ans  par  des  peuples  de  demi-civilisation,  les  Arabes,  les  Per- 
sans, les  Hindous,  la  côte  orientale  a  été  exploitée  par  eux,  tandis  que 
la  côte  occidentale  ne  l'a  été  que  beaucoup  plus  tard,  et  seulement  par 
des  nations  européennes.  C'est  ce  qui  explique  que  les  meilleurs  guides 
nègres  pour  l'intérieur  se  rencontrent  surtout  à  l'est  ;  en  effet,  depuis 
des  siècles  ils  sont  employés,  soit  au  transport,  soit  aux  recherches,  et, 
dans  leurs  rapports  avec  des  hommes  de  races  supérieures,  ils  ont 
acquis  plus  de  connaissances  et  de  confiance.  Aussi  M.  Westendarp 
reconnut-il  bien  vite  que  l'ijnportance  de  la  côte  orientale,  quant  à 
l'exportation  de  l'ivoire,  l'emportait  de  beaucoup  sur  celle  de  la  côte 
occidentale.  On  ignorait  ce  fait  en  Europe  ;  les  fortes  quantités  d'ivoire 
venant  de  l'Inde,  on  croyait  que  c'était  l'Inde  qui  les  produisait,  tandis 
que  c'étaient  des  Banians  qui,  voyant  l'ivoire  diminuer  dans  la  pénin- 
sule, allaient  le  chercher  h  la  côte  orientale  d'Afrique.  Favorisés  par  les 
moussons  du  N.-E.  et  du  S.-O.,  ils  pouvaient  accomplir  leur  voyage  régu- 
lièrement, et  en  toute  sécurité,  en  quelques  mois.  Par  un  examen  atten- 
tif de  certains  lots  importés  de  Bombay,  M.  Westendarp  a  constaté  que 


—  243  — 

]a  plus  grande  partie  de  l'ivoire  expédié  de  ce  port  k  Londres,  pix)vieut 
rie  la  côte  de  Mozambique.  On  peut,  sans  avoir  visité  soi-même  le  pays, 
et  d'après  l'état  extérieur  et  intérieur  des  dents  d'éléphants,  dire  quels 
étaient  la  nature  du  sol  et  le  climat  de  la  région  où  vivaient  les  individus 
qui  les  portaient.  U  est  facile  de  distinguer  ceUes  qui  proviennent  de  la 
côte  orientale  de  celles  que  l'on  reçoit  de  la  côte  occidentale.  Quoiqu'il 
y  en  ait  de  qualité  intermédiaire,  on  reconnaît,  en  règle  générale,  que 
celles  de  cette  dernière  côte  sont  plus  élégantes,  moins  massives,  plus 
dures,  plus  transparentes,  tandis  que  celles  de  la  côte  orientale  sont  de 
qualité  plus  tendre,  plus  blanche  et  plus  opaque.  Un  bon  connaisseur 
peut  même,  en  examinant  des  dents  bien  conservées,  indiquer  approxi- 
mativement le  degré  de  longitude  et  de  latitude,  sous  lequel,  au  nord 
ou  au  sud  de  l'Equateur,  dans  la  partie  orientale  ou  occidentale  du  con- 
tinent, ont  vécu  les  éléphants  auxquels  elles  appartenaient.  On  admet 
d'ordinaire  que  les  défenses  les  plus  grosses  et  les  plus  lourdes,  du  poids 
(le  50  kilog.  comme  on  en  rencontre  souvent  à  la  côte  orientale,  viennent 
du  nord  de  l'Equateur;  en  revanche,  au  S.-O.  de  l'Equateur,  une  défense 
de  30  kilog.  dépasse  le  poids  moyen.  Quoiqu'il  soit  parfois  question  de 
défenses  du  poids  de  150  kilog.,  M.  Westendarp  n'en  a  jamais  vu  d'aussi 
pesantes  ;  sur  un  million  de  dents  environ  qu'il  a  eu  à  examiner  en  seize 
ans,  la  plus  lourde  pesait  94  kilog. 

Le  port  le  plus  rapproché  de  l'Europe,  par  lequel  est  exporté  l'ivoire 
africain,  est  Tripoli.  Les  éléphants,  il  est  vrai,  n'apparaissent  plus  au 
nord  du  15°  ;  cependant  il  sort  régulièrement,  soit  par  ce  port,  soit  par 
celui  de  Bengasi,  de  gi-andes  quantités  d'ivoire  venant  du  pays  des 
Haoussas  et  du  Bornou.  Les  caravanes  qui  l'apportent  mettent  de  4  à  5 
mois  pour  traverser  le  désert,  et  la  marchandise,  transportée  à  dos  de^ 
chameaux  qui  doivent  être  chaque  soir  déchargés  de  leur  fardeau,  perd 
environ  30  Vo  de  sa  valeur.  Le  transport  par  leBénoué  et  le  Niger  serait 
beaucoup  plus  court,  moins  coûteux,  et  n'exposerait  pas  autant  l'ivoire 
aux  avaries.  Il  importe  donc  que  cette  voie  fluviale  soit  adoptée  pour 
l'exportation  de  l'ivoire  de  cette  région.  Tripoli  en  a  exporté,  dans  les 
dernières  années,  en  moyenne  18,000  kilog.  ;  il  en  est  sorti  5000  kilog. 
par  le  port  de  Bengasi  ;  la  valeur  totale  de  la  quantité  exportée  annuel- 
lement par  ces  deux  ports  a  été  de  430,000  fr.  environ  '. 

Pendant  un  certain  temps,  le  Caire  a  été  un  marché  très  important 

'  Les  indications  fournies  par  M.  Westendarp  reposent  sur  des  observations 
faites  surtout  dans  une  série  de  cinq  années,  de  1879  à  1883. 


—  244  — 

pour  l'ivoire.  Le  gouvernement  égyptien  s'en  était  attribué  le  mono- 
pole. Autrefois  ce  commerce  était  concentré  à  Khartoum,  dans  les 
mains  de  quelques  Syriens,  jusqu'à  ce  que  la  maison  Westendarp  résolut 
d'y  avoir,  comme  sur  d'autres  points  de  l'Afrique,  un  représentant  par- 
ticulier. Lorsqu'on  comprit  que  celui-ci  serait  un  concurrent  sérieux, 
les  Syriens  soulevèrent  contre  lui  une  opposition  si  vive,  qu'il  dut 
momentanément  abandonner  la  place.  Mais  bientôt  il  reprit  le  chemin 
de  Souakim  à  Berber  et  à  Khartoum,  et  finit,  malgré  les  nouveaux 
embarras  qui  lui  furent  suscités,  par  triompher  de  la  malveillance  des 
trafiquants,  qui  prétendaient  écarter  les  Européens  de  ce  commerce. 
L'Egypte  reçoit  pour  l'exportation  83,000  kilog.  d'ivoire  du  Bahr-el- 
Ghazal  et  du  Darfour,  et,  par  le  Bahr-el-Djebel,  65,000  kilog.  des  pro-. 
vinces  équatoriales,  soit  un  total  de  148,000  kilog.  représentant  une 
valeur  de  2,960,000  fr.  par  an.  Souakim  et  Massaoua,  les  deux  ports  du 
Soudan  et  de  l'Abyssinie  sur  la  mer  Rouge,  en  exportent  19,000  kilog. 

Le  commerce  de  l'ivoire  a  beaucoup  diminué  dans  le  golfe  d'Aden, 
depuis  que  M.  Westendarp  l'explora  à  ce  point  de  vue,  pour  la  première 
fois,  il  y  a  trente  ans.  Berbera  était  le  seul  port  du  vaste  pays  des 
Somalis  ;  il  n'avait  d'importance  que  par  un  marché  annuel  qui  s'y 
tenait  en  automne,  et  auquel  arrivaient  des  caravanes  considérables  de 
l'intérieur  et  de  nombreux  navires  de  l'Arabie  et  de  l'Inde.  L'ivoire 
qui  en  sortait,  ainsi  que  des  petits  ports  du  voisinage,  pouvait  monter 
à  7000  kilog.  Aujourd'hui,  il  en  vient  très  peu  de  l'intérieur. 

Depuis  longtemps  les  Arabes  et  les  Hindous  occupent  et  exploitent 
avec  profit  toutes  les  places  de  la  côte  jusqu'au  Zanguebar  ;  toutefois, 
aujourd'hui  ce  trafic  serait  peu  rémunérateur,  la  zone  côtière  fournis- 
saut  peu  d'ivoire,  et  les  expéditions  dans  les  territoires  des  tribus  nègres 
belliqueuses  étant  très  coûteuses.  C'est  Zanzibar  qui,  avec  l'Egypte,  est 
le  plus  ancien,  en  même  temps  que  le  plus  grand  marché  africain  pour 
ce  commerce.  Une  douzaine  de  ports  des  États  de  Saïd-Bargasch,  la 
plupart  peu  importants  par  eux-mêmes,  envoient  à  ce  marché  environ 
196,000  kilog.  d'ivoire  par  an,  pour  une  valeur  de  cinq  millions  de  firancs. 
M.  Westendarp  a  exploré  la  plupart  de  ces  ports  au  point  de  vue  com- 
mercial, sans  résultats  appréciables  pour  le  trafic  européen  ;  les  Banians 
y  régnent  en  maîtres,  et  la  concurrence  avec  eux  est  impossible.  Les  plus 
importants  de  ces  ports  sont  Mombas,  Pangani,  Sadani  et  Bagamoyo. 
C'est  Pangani  qui  fournit  l'ivoire  le  plus  beau,  le  plus  fin  et  le  plus 
tendre  de  la  côte  orientale  ;  preuve  que  l'influence  du  climat  équatorial 
se  fait  sentir  dans  la  formation  de  ce  produit.  U  faudrait  pouvoir  éta- 


\ 


—  245  — 

b]ir,  dans  cette  partie  du  continent,  des  stations  semblables  à  celles 
que  Ton  a  fondées  à  la  côte  occidentale,  mais  les  frais  de  création 
seraient  beaucoup  plus  considérables,  parce  que,  pour  atteindre  la  région 
où  les  échanges  seraient  rémunérateurs,  il  faudrait  les  établir  très  avant 
dans  l'intérieur.  On  ne  pourrait  obtenir  Tivoire  à  un  prix  modique  qu'à 
l'ouest  des  grands  lacs.  Les  quantités  d'ivoire  apportées  de  l'intérieur 
à  Zanzibar,  dans  les  dix  dernières  années,  ont  été  sensiblement  les 
mêmes  :  de  1874  à  1878  elles  se  sont  élevées  à  974,000  kilog.,  de  1879  à 
1883,  à  983,000  kilog. 

Comme  c'est  h  Londres  que  presque  tout  l'ivoire  de  Zanzibar  est 
apporté,  il  est  intéressant  d'y  suivre  la  marche  des  prix  pendant  les 
quarante  dernières  années.  Les  grosses  défenses  d'éléphants  venues  de 
Zanzibar  coûtaient,  de  1840  h  1850,  660  fr.  les  50  kilog.  ;  de  1850  à 
1860,  900  fr.  ;  de  1860  à  1870,  il  n'y  eut  pas  d'augmentation,  par  suite 
de  grandes  guerres  ;  mais  de  1870  à  1880,  les  prix  montèrent  de  nouveau 
beaucoup  ;  en  1872  ils  atteignaient  1650  fr.  ;  toutefois  ils  baissèrent 
fortement  jusqu'en  1879.  L'importation  en  Angleterre  a  suivi,  depuis 
1840,  la  marche  ascendante  suivante  : 

De  1840  à  1850,  environ  300,000  kilog. 

1850  à  1860,       »        500,000    » 

1860  à  1870,       »       550,000    » 

1870  à  1880,       »        600,000    » 

EUe  a  donc  doublé  en  quarante  ans,  ce  qui  suppose  une  destruction 

d'éléphants  double  de  ce  qu'elle  était  avant  1840. 

Quoique  Mozambique  passe  pour  exporter  de  grandes  cargaisons 
d'ivoire,  il  n'en  vient  cependant  que  très  peu  de  l'intérieur  de  la  pro- 
vince portugaise.  La  plus  grande  partie  sort  de  Quilimane,  où  se  con- 
centre presque  tout  le  commerce  du  bassin  du  Zambèze,  du  Chiré  et  du 
lac  Nyassa.  Indépendamment  de  la  population  nègre,  cette  ville  a  350 
habitants  contribuables,  Hindous  et  descendants  de  Portugais  de  toutes 
nuances.  Le  nombre  des  vrais  Européens  est  très  petit.  Le  commerce 
de  l'ivoire  y  était  autrefois  considérable,  et  se  faisait  contre  avances  de 
marchandises  ;  mais  il  en  est  résulté  de  fortes  pertes,  beaucoup  de  cour- 
tiers, envoyés  à  l'intérieur  avec  des  pacotilles,  n'ayant  pas  reparu. 
Aujourd'hui  on  est  plus  prudent;  toutefois  il  arrive  que  de  grosses 
défenses  se  paient  plus  cher  à  Senna  qu'à  Londres.  Outre  les  commer- 
çants portugais,  la  tribu  nègre  des  Matapuirès,  qui  habite  à  l'ouest  du 
lacBangouéolo,  apporte  de  grandes  quantités  d'ivoire.  Ces  nègres anivent 
par  centaines,  en  avril  ou  mai,  jusqu'à  Boror,  à  une  journée  de  marche  de 


—  246  — 

Quilimane,  dont  il  ne  leur  est  pas  permis  d'approcher  davantage,  parce 
que,  en  1877,  lors  de  l'abolition  de  l'esclavage,  ils  ont  occasionné  des 
troubles.  L'anivée  de  ces  grandes  caravanes  de  l'intérieur  attire  à 
Boror,  à  la  rencontre  des  Matapuirès,  tout  ce  qui  porte  le  nom  de  mar- 
chand ;  des  huttes  sont  constiniites,  et  chacun  se  loge  comme  il  peut. 
Pei-sonne  ne  se  hâte  ;  le  plus  souvent  il  s'écoule  un  mois  avant  que  le 
trafic  commence.  Alors  chaque  défense  est  échangée  contre  des  étoffes, 
des  perles,  du  fil  de  laiton,  etc.  Les  principales  affaires  se  font  le  soir  et 
la  nuit,  où  acheteurs  et  Matapuirès  cherchent  à  se  surpasser  les  uns  les 
autres  en  ruse.  La  quantité  exportée  par  la  côte  de  Mozambique  s'élève 
à  142,000  kilog.,  pour  une  valeur  de  3,550,000  fr.  Il  n'en  arrive  guère 
en  Europe  que  30,000  kilog.  pour  1,250,000  fr.  Ces  fortes  quantités 
d'ivoire,  qui  ne  sont  que  peu  inférieures  à  celles  du  Soudan  Égyptien, 
et  qui  dépassent  de  beaucoup  celles  des  bassins  du  Congo  et  du  Niger, 
indiquent  que  le  pays  d'où  proviennent  ces  défenses  doit  avoir  une  végé- 
tation extrêmement  riche.  M.  Westendarp  estime  que  ce  vaste  territoire, 
avec  tous  ses  fleuves,  ses  lacs,  ses  tribus  nègres  débonnaires,  est,  au 
point  de  vue  de  l'ivoire,  la  partie  la  plus  intéressante  de  l'Afrique. 

La  colonie  du  Cap  a  beaucoup  perdu  de  son  importance  comme  mar- 
ché d'ivoire;  l'abondance  de  gibier  qu'elle  possédait  autrefois  est  passée 
aujourd'hui.  C'est  du  territoire  au  nord  du  Limpopo  que  se  faisaient  les 
plus  fortes  exportations  pendant  les  premières  années  de  l'occupation 
anglaise.  Il  y  a  70  ans,  cette  contrée  offrait  encore  aux  chasseurs  d'élé- 
phants de  riches  districts  de  chasse.  Lorsqu'il  se  trouvait  un  homme 
capable  de  diriger  une  expédition,  on  faisait  à  cet  effet,  et  pour  le  long 
voyage  qu'elle  entraînait,  de  forts  chariots  à  roues,  pourvus  de  tout  le 
nécessaire.  Le  guide  s'engageait  pour  la  moitié  du  produit  de  la  chasse, 
et  souvent  pour  deux  ou  trois  ans.  Quelques  chasseurs  d'éléphants  ont, 
de  cette  manière,  gagné  beaucoup  d'argent,  ce  qui  n'est  pas  le  cas  ail- 
leurs. Aujourd'hui  les  colonies  de  l'Afrique  australe  ne  fournissent  plus 
que  29,000  kilog.  d'ivoire,  pour  625,000  fr.,  tandis  que  précédemment 
elles  en  exportaient  52,000  kilog. 

En  remontant  le  long  de  la  côte  occidentale,  il  faut  gagner  les  posses- 
sions portugaises,  pour  rencontrer  de  nouveau  des  éléphants.  La  colonie 
d'Angra-Pequena  n'en  a  point  et  n'exporte  pas  d'ivoire  ;  Mossamédës 
même,  fondé  seulement  au  milieu  de  ce  siècle,  n'en  fournit  que  2000 
kilog.  En  revanche  Benguela,  établissement  portugais  du  commence- 
ment du  XYII"*  siècle,  en  exportait  environ  24,000  kilog.  Il  y  a  eu  cepen- 
dant une  diminution  sensible  ces  dernières  années.  S*-Paul  de  Loanda, 


—  247  — 

siège  de  T administration  portugaise,  a  beaucoup  perdu,  par  le  fait  de 
tarifs  élevés  et  de  difScultés  innombrables,  LMvOire  qu'on  en  exporte 
ainsi  que  celui  d'Âmbriz,  appaitient  indubitablement,  par  la  qualité,  au 
bassin  du  Congo,  tandis  que  celui  de  Benguela  vient  du  Haut-Zam- 
bèze  ;  ce  n'est  qu'ainsi  qu'on  peut  expliquer  la  différence  très  marquée 
de  qualité  entre  deux  ivoires  sortant  de  ports  si  rapprochés. 

Quant  au  territoire  du  bassin  du  Congo,  au  dire  de  Stanley,  l'ivoire  y 
est  si  abondant,  surtout  dans  la  région  de  l'Equateur,  qu'il  n'y  a  pres- 
que point  de  valeur  ;  il  y  a  sans  doute  de  l'exagération  dans  cette  asseï*^ 
tion,  car  c'est  l'objet  d'échange  le  plus  précieux,  contre  lequel  les  indi- 
gènes de  l'intérieur  mettent  en  gage  leur  bien  le  plus  cher,  leurs 
femmes.  A  l'est  comme  à  l'ouest,  on  s'en  sert  pour  payer  le  tribut,  et  les 
natifs  eux-mêmes  le  paient  très  cher.  Stanley  a  trouvé  un  temple  de 
cornes  de  guerre,  de  massues,  de  fléaux  à  battre  le  grain,  de  bracelets, 
en  ivoire,  comme  on  en  rencontre  encore  dans  l'Inde.  Mais  l'Afrique 
centrale  et  ses  habitants  ne  peuvent  être  comparés  à  l'Inde  au  point  de 
vue  de  la  civilisation. 

M.  Westendarp  croit  que  ce  serait  une  illusion  dangereuse  de  s'ima- 
giner qu'on  trouvera,  au  cœur  de  l'Afrique,  l'ivoire  en  quantité  si  consi- 
dérable que  la  valeur  en  deviendrait  presque  nulle  ;  l'Européen  devra 
le  payer  partout  à  proportion  de  la  difliculté  des  transports  à  la  côte,  à 
moins  qu'il  n'imite  les  Arabes,  ses  prédécesseurs  de  plusieurs  siècles, 
qui  dépouillaient  simplement  les  indigènes  de  leur  ivoire.  Il  engage  donc 
les  commerçants  à  ne  pas  entreprendre  d'expéditions  commerciales  dans 
l'Afirique  centrale  en  vue  d'y  trouver  de  l'ivoire  en  abondance  et  à  bon 
marché.  L'éléphant  sauvage  disparaît  bien  vite  là  où  commence  la  civi- 
lisation. 

Si  l'on  compare  les  quantités  d'ivoire  reçues  du  bassin  du  Congo  pen- 
dant les  cinq  années  qui  précédèrent  l'ouverture  de  ce  fleuve  par  Stan- 
ley, et  pendant  les  cinq  années  qui  la  suivirent,  on  voit  que  de  1875  à 
1879,  il  en  est  sorti  441,000  kilog.,  et  de  1879  à  1884,  421,000  kilog. 

Les  ports  du  Gabon  et  ceux  du  nord,  jusqu'au  golfe  de  Cameroon,  en 
livraient  64,000  kilog.  pour  1,437,500  fr.  C'est  du  Gabon  que  vient  la 
belle  qualité  transparente  connue  sous  le  nom  d'ivoire  vert  ;  tandis  que 
de  Cameroon  on  n'en  exporte  qu'une  qualité,  belle  encore  sans  doute, 
mais  plus  grossière,  selon  qu'elle  y  est  apportée  du  sud  ou  du  nord.  La 
nuance  de  ces  défenses  est  brun  foncé.  On  trouve  au  Cameroon  l'élé- 
phant à  une  altitude  de  3000"  '. 

*  Johnston  Pa  rencontré  à  4200'"  au  Kilimanclj  aro. 


f^. 


—  248  — 

Depuis  un  certain  nombre  d'années  la  région  du  Niger  est,  pour  les 
trafiquants  d'ivoire,  le  pays  le  plus  important  de  la  côte  occidentale.  Le 
Niger  inférieur  et  le  Bénoué  n'ayant  pas  de  cataractes,  les  navires  peu- 
vent les  remonter  toute  l'année  et  atteindre  sans  diflSculté  les  marchés 
d'ivoire  de  l'intérieur.  Avant  1876  ce  bassin  fournissait  à  l'exportation 
89,000  kilog.  de  ce  produit  ;  dès  lors  ce  chiflEre  s'est  élevé  de  beaucoup. 
La  «  United-African-Company  »  a  des  vapeurs  qui  font  des  courses  régu- 
lières sur  les  deux  fleuves,  ce  qui  contribue  beaucoup  à  cette  augmenta- 
tion. 

Tous  les  ports  de  la  Côte  des  Esclaves,  de  la  Côte  d'Or,  de  la  Côte 
des  Dents,  et  de  la  Côte  du  Poivre,  jusqu'à  la  Sénégambie,  étaient 
encore,  dans  la  première  moitié  de  ce  siècle,  d'une  grande  importance 
pour  le  commerce  de  l'ivoire,  mais  aujourd'hui  celui-ci  a  presque  cessé. 
D  n'en  sort  plus  guère  que  14,000  kilog.  d'ivoire.  La  Sénégambie  en  four- 
nit 5000  kilog. 

Quant  à  la  qualité,  c'est  l'ivoire  exporté  de  la  limite  septentrio- 
nale de  l'habitat  des  éléphants,  qui  est  le  plus  grossier  et  a  le  moins 
de  valeur  ;  il  en  est  de  même  de  celui  de  la  limite  méridionale,  Mossamé- 
dès  ;  preuve  nouvelle  que  la  température  exerce  son  influence  sur  la 
qualité  ;  plus  on  s'éloigne  de  l'Equateur,  plus  un  district  est  élevé  et  sec, 
moins  l'ivoire  est  fln  ;  la  finesse  et  la  transparence  augmentent  avec 
la  chaleur  et  l'humidité. 

Le  Maroc  reçoit  chaque  année,  de  Timbouctou,  environ  8000  kilog. 
d'ivoire  ;  mais  il  est  travaillé  dans  le  pays,  sous  forme  de  crosses  de 
fusils,  et  d'objets  de  parure,  qui  se  vendent  à  Fez  et  dans  les  autres 
villes  de  l'empire. 

En  résumé,  de  1879  à  1883,  l'exportation  totale  de  l'ivoire  africain  a 
été  en  moyenne  de  840,000  kilog.  —  564,000  kilog.  de  la  côte  orientale, 
et  284,000  kilog.  de  la  côte  occidentale  —  pour  une  somme  de  dix-neuf 
à  vingt-deux  millions  de  francs.  Cela  suppose  une  destruction  de  65,000 
éléphants  par  année,  sans  compter  ceux  qui  sont  tués  pour  fournir  aux 
Africains  eux-mêmes  les  objets  de  parure  que  l'on  rencontre  chez  eux. 


CORRESPONDANCE 

Leshoma,  24  février  1885. 

Rive  droite  du  Zambèze. 
Cher  Monsieur, 

  cette  heure  sans  doute  vous  avez  reçu  mes  dernières  nouvelles  et  le  récit  de 

nos  premières  ouvertures  avec  les  Ba-Rotsé.  Malheureusement,  la  guerre  civile 


—  249  — 

avait  renversé  tous  nos  plans  d^établissement  pour  Tannée  dernière,  et  posé  tout  à 
nouveau  la  question  de  notre  réception  par  la  tribu.  Je  vous  ai  raconté  notre 
première  tentative  pour  nous  rendre  à  la  vallée,  notre  insuccès  et  nos  plans  d^at- 
tente. 

Ai]Ûourd'hui,  j'ai  la  joie  de  vous  annoncer  qu'un  grand  pas  a  été  fait.  Le  fameux 
voyage  à  la  vallée  est  accompli.  Une  seconde  tentative  faite  en  novembre  avait 
échoué  à  cause  d'informations  erronées.  Mais,  au  commencement  de  décembre, 
deux  envoyés  successifs  du  roi  ne  laissaient  plus  de  doutes  sur  l'opportunité  d'un 
nouvel  essai  pour  se  rendre  à  la  vallée.  Le  12  de  ce  mois,  M.  Coillard,  M.  Middle- 
ton  et  l'évangéliste  Arone  se  mettaient  en  route.  Leur  voyage,  dans  la  mauvaise 
saison,  a  été  exceptionnellement  favorisé  par  une  température  relativement  sèche 
et  le  bon  vouloir  des  envoyés  du  roi  et  d'un  des  chefs  de  Sesbeké.  M.  Middleton 
est  le  seul  qui  ait  fait  ce  voyage  en  invalide,  et  échangé  son  rôle  de  garde-malade 
aveocelul  qu'il  se  proposait  de  soigner. 

La  réception  à  la  vallée  a  été  franche  et  cordiale.  Les  chefs,  dans  leurs  dis- 
cours publics,  ont  déclaré  vouloir  notre  enseignement  et  non  nos  effets.  Je  dois 
ajouter  que  pour  la  question  des  cadeaux,  ils  se  sont  montrés  bien  plus  raisonna- 
bles que  les  chefs  de  Sesbeké.  L'impression  de  M.  Coillard  est  que  la  porte  nous 
est  largement  ouverte;  cette  impression  est  chez  lui  le  résultat  de  ses  observations 
sur  les  procédés  des  Ba-Kotséetde  leurs  entretiens  particuliers,  bien  plus  que  des 
discours  officiels. 

Le  peuple  a  soif  de  la  paix,  et  les  chefs  considèrent  que  l'influence  des  mission- 
naires peut  seule  la  leur  procurer.  Ces  derniers  se  sont  montrés  très  contrariés  du 
départ  de  M.  Coillard  ;  ils  eussent  voulu  qu'il  s'établît  de  suite  chez  eux. 

Malgré  toutes  ces  protestations  de  bonne  amitié,  M.  Coillard  a  demandé  compte 
aux  Ba-Rotsé  de  leurs  procédés  peu  loyaux  envers  les  Jésuites.  A  quoi  les  chefs 
ont  répondu  que  le  roi  Lobossi  désirait  leur  admission,  contre  tous  ses  officiers; 
mais  plus  tard,  le  roi  se  voyant  seul  pour  exécuter  son  projet  et  ne  se  sentant  pas 
de  force  à  résister  à  son  peuple,  plutôt  que  de  revenir  sur  sa  parole,  a  eu  pour  tac- 
tique de  décourager  les  prêtres  par  des  actes  d'autorité  arbitraire  et  par  le  pillage 
de  leurs  biens.JAprès  cette  explication  les  chefs  ajoutèrent  :  quant  à  vous,  rien  de 
semblable  ne  peut  vous  arriver,  vu  que  nous  sommes  unanimes  pour  vous  recevoir, 
et  c'est  nous  qui  sommes  les  maîtres  du  pays. 

Je  ne  vous  ai  pas  encore  parlé  du  nouvel  élu,  qui  est  bien  Akoufouna,  selon  ma 
première  version.  C'est  un  jeune  homme  ou  plutôt  un  adolescent  dégingandé,  et  qui, 
par  toutes  ses  manières,  n'a  guère  fait  preuve  d'un  sentiment  bien  vif  de  sa  dignité. 
Son  plaisir  favori  est  de  sortir  avec  sa  bande  de  joueurs  d'instruments,  et  accompagné 
<i'une  suite  formée  d'adolescents  comme  lui  et  même  d'enfants.  Le  pauvre  jeune 
chef  joue  le  rôle  de  mannequin,  et  dans  là  réception  de  M.  Coillard,  il  a  bien  récité 
sa  leçon.  Le  vrai  chef  est  Mataga,  le  Gambella  de  ce  jour,  un  vrai  politicien,  qui  ne 
se  compromet  pas  par  ses  paroles  et  a  été  l'instigateur  de  la  dernière  révolution. 
<2uant  à  la  reine,  sœur  du  roi,  femme  digne  et  intelligente,  elle  gagne  l'affection  de 
tous  ceux  qui  la  voient. 


—  250  — 

Est-ce  à  dire  que  Pétat  du  pays  soit  arrivé  à  la  stabilité  ?  C'est  peu  probable,  à 
moins  que  les  chefs  ne  veuillent  un  roi  qu'ils  puissent  mener  à  leur  guise;  mais  une 
certaine  rumeur  publique  semble  prouver  que  les  Ba-Rotsé  ne  sont  pas  enchantés 
de  leur  choix,  et  qu'ils  ont  les  yeux  sur  quelque  autre  membre  de  la  famille  royale. 
Peut-être  fermerai-je  ma  lettre  en  vous  annonçant  une  nouvelle  révolution. 

Je  reviens  au  voyage  de  M.  Coillard;  il  s'agissait  de  trouver  le  site  d'une  station 
dans  un  endroit  relativement  salubre. 

Le  premier  endroit  désigné  par  les  Ba-Kotsé  était  celui  sur  lequel  les  Jésuites 
avaient  jeté  les  yeux.  lise  trouva  que  cet  emplacement,  bien  que  répondant  en 
partie  par  sa  position  et  son  élévation  aux  désirs  de  M.  Coillard,  se  trouvait 
entouré  de  jardins  indigènes  et  à  une  assez  grande  distance  de  l'eau. 

De  nouvelles  recherches  furent  faites,  et  le  résultat  en  a  été  le  choix  d'une  col- 
line appelée  Sefoula,  du  nom  d'une  petite  rivière  qui  coule  à  ses  pieds.  De  nom- 
breux villages  sont  à  proximité  ;  cet  endroit  se  trouve  situé  entre  les  villages  du 
roi  et  de  la  reine,  à  une  journée  de  celui  d'Akoufouna,  et  à  une  demi-journée  de 
celui  de  sa  sœur;  quoique  peu  élevé,  il  paraît  cependant  répondre  aux  conditions 
désirables  de  salubrité,  et  nous  sommes  portés  à  croire  que  la  vallée  est  moins 
malsaine  que  Leshoma  ou  Sesheké. 

La  porte  nous  étant  ouverte,  et  notre  premier  établissement  fixé,  la  mission  de 
M.  Coillard  se  trouvait  achevée,  et  le  10  février  il  était  de  retour  à  Leshoma,  jouis- 
sant ainsi  qu'Ârone  d'une  bonne  santé  ;  M.  Middleton  entrait  en  convalescence. 

Il  est  à  peine  besoin  de  vous  dire  la  reconnaissance  qui  remplit  nos  cœurs  pour 
un  voyage  aussi  heureux,  pour  la  protection  accordée  à  M.  Coillard  et  à  ses  com> 
pagnons.  Le  Zambèze  n'est  plus  pour  nous  une  barrière;  bientôt  nos  tentes  seront 
plantées  sur  l'autre  rive,  et  l'Évangile  proclamé  à  ces  pauvres  noirs  dégradés. 
Nous  admirons  la  puissance  et  la  bonté  de  Dieu  à  notre  égard. 

L'absence  de  M.  Coillard  de  Leshoma  avait  duré  deux  mois.  Pendant  ce  temps^ 
nous  qui  étions  restés  au  camp,  avons  été  éprouvés  sérieusement  par  la  maladie. 
La  fièvre  a  régné  parmi  nous  sans  interruption,  passant  de  l'un  à  l'autre,  et 
ne  laissant  parfois,  de  toute  notre  expédition,  qu'un  .ou  deux  membres  valides. 
Plusieurs  fois  nous  avons  été  alarmés  au  sujet  de  tel  de  nos  malades,  mais,  grâce  à 
Dieu,  aucun  de  nous  n'a  succombé.  Nous  avons  néanmoins  été  vivement  affligés, 
à  la  fin  de  décembre,  par  la  perte  d'une  charmante  enfant  d'Arone,  notre  rayon 
de  soleil;  elle  a  sans  doute  mangé  des  baies  vénéneuses,  à  notre  insu,  et  nous  a  été 
enlevée  au  moment  où  nous  croyions  à  sa  convalescence.  Hier,  les  pauvres  parents 
affligés  ont  eu  la  joie  de  la  naissance  d'une  petite  fille,  pour  remplacer  celle 
dont  le  départ  nous  avait  tant  affectés. 

Mon  expérience  de  la  fièvre  me  fait  penser  qu'elle  est  tout  aussi  curable  ^e 
n'importe  quelle  maladie,  je  dirai  même  que  quand  je  la  compare  à  nos  fièvres 
typhoïdes  d'Europe,  elle  me  parait  généralement  moins  dangereuse,  et  surtout 
de  bien  plus  courte  durée.  Dans  la  fièvre,  le  moral  joue  un  grand  rôle;  nous  avons 
remarqué  que  ceux  qui  se  laissaient  dominer  par  des  appréhensions  et  ne  cher- 
chaient pas  à  réagir  par  la  volonté,  ont  été  le  plus  longtemps  et  le  plus  sérieuse- 
ment malades. 


—  251  — 

La  fièvre  a  ses  victimes,  mais  combien  meurent  d'autres  maladies  sous  les  tro» 
piqnes  !  Dans  le  courant  de  ce  mois,  les  Jésuites  nous  annonçaient  la  mort  d'un 
frère,  leur  cuisinier  et  leur  docteur,  qui  est  mort  d'une  hémorragie  intérieure.  Nou»  . 
avons  pris  part  à  leur  perte  d'une  manière  sincère,  car,  quelles  que  soient  leurs 
opinions  religieuses,  ce  sont  des  hommes  dévoués  et  de  vrais  gentlemen  dans  tous 
leurs  rapports  avec  nous. 

15  mars  1885. 

Je  désire  fermer  ma  lettre  aujourd'hui  car  nous  pensons  envoyer  notre  poste  à 
Mangwato  (Shoshong),  au  commencement  de  la  semaine  prochaine.  Je  n'ai  pas^ 
d'autres  nouvelles  à  vous  communiquer. 

Nous  n'avons  aucune  lettre  depuis  la  fin  de  novembre,  nos  wagons  n'étant  pas  de 
retour.  Que  leur  est-il  arrivé  ?  Le  mieux  est  d'espérer  que  les  pluies  les  auront 
retenus  à  Mangwato.  Un  accident  dans  le  désert  serait  bien  plus  sérieux  pour 
nous. 

La  vie  africaine  nous  expose  à  toutes  sortes  de  vicissitudes  matérielles  dont 
cette  dernière  est  un  échantillon.  Nous  pensons  nous  mettre  en  route  pour  la  val- 
lée au  commencement  de  mai;  plus  tard,  j'espère  pouvoir  vous  parler  du  pay» 
même  des  Ba-Rotsé. 

Je  suis  heureux  de  savoir  que  vous  et  d'autres  amis  de  Genève  vous  nous  suivez 
avec  un  intérêt  chrétien,  cela  nous  rend  forts.  Que  nos  cœurs  et  nos  mains  s'unis- 
sent toujours  plus  fermement. 

Leshoma,  16  avril  1885. 

Seulement  quelques  mots  aujourd'hui.  £n  mars,  je  vous  ai  donné  de  nos  nouvelles; 
elles  vous  parviendront  ,en  même  temps  que  ces  lignes,  pour  la  raison  que  le  mes- 
sager dont  je  vous  parlais  nous  a  manqué. 

Notre  poste  nous  est  parvenue  le  21  mars;  c'était  la  première  depuis  novembre 
dernier.  Je  veux  tout  d'abord  vous  remercier  bien  chaleureusement  ^ourV Afrique 
ejplorée^  dont  toutes  les  nouvelles  m'intéressent  vivement. 

Nos  wagons  sont  arrivés  ici  quelques  jours  plus  tard,  en  bonnes  conditions.  La 
raison  de  leur  retard  a  été  la  mortalité  qui  a  régné  parmi  nos  bœufs,  soit  dans  le 
voyage  d'aller,  soit  pendant  leur  séjour  à  Mangwato.  Nos  wagons  seraient  encore 
dans  ce  dernier  endroit,  sans  la  bonté  de  MM.  Whiteley  et  Musson,  de  Mangwato^ 
qui  nous  ont  généreusement  prêté  un  bon  nombre  de  bœufs.  Cette  bienveillance 
est  surtout  remarquable  pour  le  dernier  de  ces  Messieurs,  qui  dernièrement,  dan& 
le  Transvaal,  s'est  vu  dépouillé  par  les  Boers,  de  son  wagon,  de  ses  bœufs  et  de 
toutes  ses  marchandises,  à  cause  de  son  origine  anglaise.  Nous  allons  renvoyer  ces 
bœufs  à  leurs  propriétaires,  et  c'est  par  cette  occasion  que  notre  poste  partira» 
Cette  nouvelle  perte  nous  a  été  très  sensible  et  nous  met  dans  l'embarras  pour 
notre  prochain  voyage  à  la  vallée. 

Nous  aimerions  à  démonter  un  ou  deux  wagons,  pour  traverser  la  rivière  en 
bateaux  et  recharger  nos  bagages  sur  l'autre  rive.  Peut-être  pourrons-nous  encore 
le  faire  pour  un  seul  wagon.  Cette  manière  de  faire,  qui  parait  assez  compliquée^ 


—  252  — 

est  la  plus  simple  pour  nous,  vu  le  peu  de  largeur  des  bateaux  des  Ba-Rotsé,  les 
avaries  que  l'eau  nous  ferait  subir,  et  la  difficulté  de  gouverner  une  troupe  de 
sauvages,  sans  parler  de  tout  le  calicot  à  dépenser  pour  les  payer.  Noos  userons 
des  deux  moyens  de  transport;  ce  ne  sera  pas  la  partie  la  plus  facile  de  notre 
voyage,  et  nous  voudrions  l'avoir  déjà  effectuée. 

Le  fleuve  coule  encore  par-dessus  ses  bords,  et  nous  ne  pourrons  nous  mettre 
■en  mouvement  qu'à  la  fin  de  mai. 

A  la  fin  du  mois  dernier,  est  survenue  une  nouvelle  révolution  chez  les  Ba-Rotsé. 
Tout  un  parti  s'est  ligué  contre  le  nouveau  roi.  Une  première  fois  il  a  échoué,  à 
<;ause  de  la  défection  de  certains  chefs,  qui  ne  s'étaient  joints  au  mouvement  qu'en 
«royant  que  Lobossi  était  de  retour  au  pays  ;  désillusionnés  ils  se  sont  retirés. 
Une  seconde  tentative  a  été  faite,  mais  elle  n'a  pas  eu  plus  de  succès  que  la  pre- 
mière. Les  partisans  du  roi,  prévenus,  ont  fait  battre  le  tambour  de  guerre  pen- 
<3ant  toute  une  nuit.  Les  insurgés,  en  entendant  le  signal  d'alarme  de.  leurs 
adversaires,  ne  se  sont  pas  émus,  voulant,  disaient-ils,  chasser  en  plein  jour  ce 
makàtaka—titTe  méprisant  donné  aux  derniers  esclaves.  La  rencontre  eut  lieu  un  peu 
avant  le  milieu  du  jour;  les  insurgés  ont  été  refoulés  contre  la  colline,  puis  ont  dA 
tourner  le  dos,  et  ont  été  précipités  dans  la  vallée  couverte  d'eau,  où  beaucoup  ont 
péri.  A  cette  heure  tout  est  rentré  dans  le  calme,  et  les  eaux  du  fleuve  ont  étenda 
leur  voile  mystérieux  sur  les  pauvres  victimes  de  la  guerre  civile.  Mataga  (Gam- 
bella)  est  au  faite  de  la  puissance,  et  ces  derniers  événements  auront  sans  doute 
affermi  un  peu  le  trône  de  l'infortuné  jeune  chef.  Les  gens  de  Sesheké  sont  demeu- 
rés tranquilles  comme  dans  la  première  révolution.  Ces  désordres  n'ont  eu  pour 
acteurs  que  les  chefs  de  la  vallée. 

Dans  le  courant  de  mars,  la  fièvre  nous  avait  laissé  un  peu  de  répit,  mais  avril 
nous  l'a  ramenée  plus  sévère  que  jamais.  Tous,  nous  avons  de  nouveau  été  mala- 
des et  assez  sérieusement.  La  température  a  déjà  beaucoup  changé,  les  nuits  sont 
froides,  les  matins  frais,  et  les  feuilles  qui  tombent  nous  annoncent  l'hiver. 

En  général  le  temps  est  splendide,  mais  un  vent  persistant  nous  amène  les 
miasmes  de  la  rivière  et  nous  éprouve  beaucoup. 

Nous  venons  sans  doute  de  ressentir  les  dernières  atteintes  de  la  mauvaise  sai- 
son, et  quoique  nous  ayons  bien  payé  notre  acclimatation,  nous  avons  cependant 
lieu  d'être  reconnaissants  de  la  manière  dont  nous  avons  été  gardés  jusqu'ici.  £n 
trois  mois,  la  première  expédition  avait  perdu  deux  de  ses  membres,  dans  la  meil- 
leure saison,  tandis  que  nous  sommes  encore  au  complet. 

Nos  plans  futurs  pour  la  division  du  travail  ne  sont  pas  encore  définis.  Les 
€oillard  s'établiront  à  Sefoula,  où  seront  immédiatement  commencés  les  tra- 
vaux d'une  construction  à  l'européenne.  Quant  à  moi,  je  serai  encore  quelque 
temps  avec  eux,  puis  je  me  construirai  une  hutte  confortable  de  deux  ou  trois 
•chambres,  et  m'établirai  aussi  dans  la  vallée,  à  quelque  distance  de  Sefoola,  sans 
<loute  dans  un  village. 

Nos  deux  évangélistes,  Lévi  et  Arone,  resteront  probablement  à  Sesheké.  Ce 
que  je  vous  donne,  ce  sont  seulement .  des  plans  qui  peuvent  parfaitement  être 
modifiés. 


—  253  — 

Pour  ce  qui  me  concerne,  mon  œurre  sera  provisoire  ;  j'aurai  plus  t^ard  à  me 
fixer  à  l'endroit  qui  deviendra  notre  seconde  station.  Avant  de  penser  à  fonder 
cette  dernière,  nous  voulons  voir  de  quelle  manière  les  Ba-Rotsé  nous  recevront^ 
et  connaître  aussi  mieux  le  pays  et  les  vrais  besoins  de  notre  oeuvre. 

Nous  n'avons  aucune  nouvelle  de  M.  Arnot,  mais  un  journal  anglais  nous  a 
appris,  à  notre  douloureuse  surprise,  l'expulsion  de  tous  les  missionnaires  améri- 
cains du  Bihé.  Bien  que  plus  éloigné  que  moi,  vous  êtes  trop  au  courant  des 
affaires  du  Transvaal^  pour  qu'il  vaille  la  peine  que  je  vous  en  parle. 

Notre  petite  œuvre  continue  ici  auprès  des  quelques  gens  qui  nous  entourent. 
L'école  n'est  pas  brillante,  mais  il  nous  arrive  parfois  d'avoir  de  bons  auditoires  le 
dimanche. 

Telles  sont,  cher  Monsieur,  quelques-unes  de  nos  nouvelles  de  ce  jour.  Je  ne  vous 
parle  pas  des  Ba*Ilotsé,ni  du  pays,  ne  voulant  pas  anticiper  sur  les  événements,  et 
préférant  être  sur  place  avant  d'entamer  ce  sujet  dont  je  ne  pourrais  vous  parler 
que  par  le  séjour  que  j'ai  fait  à  Sesheké. 

Je  ne  prévois  pas  quand  nous  aurons  une  nouvelle  occasion  de  faire  partir  des 

lettres. 

D.  Jeanmairet. 


BIBLIOGRAPHIE 


KoLONiAL  poLiTiK  UND  Chhistenthum,  voii  C'O,  BUUnev.  Heidelberg 
(Cari  Winter),  1885,  iii-8%  47  p.,  fr.  1.  —  Le  mémoire  de  M.  Btittner, 
ancien  missionnaire  dans  le  Damaraland,  complète  celui  qu'il  a  déjà  fait 
paraître,  sous  le  titre  :  Das  Hinterland  vmi  Walfischbay  iind  Angra- 
Peqiœna,  dont  nous  avons  rendu  compte  (V™  année,  p.  274-275).  Il  y 
montre  que  les  entreprises  coloniales  de  l'empire  allemand  dans  l'Afri- 
que australe  occidentale  se  rattachant  au  travail  des  missionnaires 
allemands,  elles  rendent  par  là-même  un  bon  témoignage  aux  résultats 
de  ce  travail.  Mais  les  projets  de  colonies  allemandes  ne  seront  un  bien 
poui-  l'empire,  que  si  son  gouvernement,  ses  fonctionnaires  et  les  colons 
respectent,  à  l'égard  des  indigènes  les  moins  civilisés,  les  principes  de 
justice  et  de  fidélité  dont  ils  s'inspirent  envers  les  mations  policées. 
Enfin  le  mouvement  colonial  qui  se  produit  dans  l'empire  doit  contri- 
buer au  développement  de  l'intérêt  pour  les  œuvres  missionnaires. 
Abstraction  faite  des  principes  chrétien  ou  humanitaire,  les  économistes 
doivent  reconnaître  que  les  dépenses  faites  pour  les  missions  ne  sont  pas 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bâle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  ea^orée  et  civilisée. 


—  254  — 

improductives,  puisque  des  milliers  d'iadigèues  qui  ne  portaient  aucun 
vêtement  et  ne  connaissaient  aucun  besoin  relevé,  portent  maintenant 
des  habits  d'Europe  et  se  servent  d'ustensiles  et  d'instruments  fournis 
par  l'industrie  et  le  commerce  européens. 

Itinéraire  de  l'Algérie,  de  la  Tunisie  et  de  Tanger,  par  Louis 
Fiesse.  Collection  des  Guides  Jeanne.  Paris  (Hachette),  1885,  iii-16, 
600  p.,  9  cartes  et  10  plans,  fr.  15.  —  La  situation  nouvelle  provenant, 
pour  l'Algérie,  de  l'ouverture  et  du  prolongement  de  plusieurs  lignes 
ferrées,  et  pour  la  Tunisie,  de  la  reconnaissance  du  protectorat  de  la 
France,  a  amené  l'auteur  de  ce  Guide  à  le  remanier  et  à  en  modifier 
beaucoup  la  présente  édition.  Le  chemin  de  fer  d'Alger  à  Constantine 
est  ouvert  à  la  circulation,  d'Alger  à  Ménerville,  et  d'El-Achir  à  Cons- 
tantine. La  section  comprise  entre  Ménerville  et  El-Achir  nécessite  des 
travaux  si  considérables  qu'elle  ne  sera  pas  ouverte  avant  deux  ans. 
L'ouverture  de  la  ligne  de  Souk-Ahrras  à  Ghardimaou  permet  aujour- 
d'hui aux  touristes  de  faire  le  trajet  de  Philippeville,  de  Constantine  ou 
de  Bône  à  Tunis  par  la  vallée  de  la  Medjerda.  Les  voies  de  pénétration 
dans  le  Sahara  algérien  sont  aussi  plus  nombreuses  qu'il  y  a  quelques 
années  :  dans  la  province  d'Oran,  on  a  prolongé  le  chemin  de  fer  d'Arzeu 
à  Saïda  jusqu'à  Méchéria,  et  celui  du  Tlélat  à  Sidi-bel-Abbès,  jusqu'à 
Ras-el-Ma,  à  l'entrée  des  hauts  plateaux;  enfin  la  durée  de  l'excursion 
de  Biskrasera  abrégée  par  la  ligne  d'El-Guerra  à  Batna.  Les  conditions 
des  voyages  en  Algérie  se  sont  donc  modifiées  ;  il  fallait  décrire  les 
nouvelles  voies  de  communications  et  les  localités  qui  les  jalonnent. 

Mais  c'est  en  Tunisie  surtout  que  la  situation  s'est  améliorée;  on  peut 
maintenant  visiter  ce  magnifique  pays,  en  toute  sécurité,  en  chemin  de 
fer  dans  la  partie  septentrionale  ;  au  moyen  des  bateaux  à  vapeur  qui 
desservent  les  différents  ports  :  Bizerte,  la  Goulette ,  -Sfax ,  Gabès  ;  à 
l'intérieur,  en  employant  des  voitures  légères,  des  chevaux,  des  mulets, 
et  en  suivant  les  routes  des  caravanes.  Ce  sont  celles  que  l'armée  fran- 
çaise a  parcourues  en  1881  et  en  1882  et  qu'elle  a  fait  connaître.  Sans 
doute  ces  itinéraires  sont  peu  nombreux,  et  la  partie  du  Guide  relative 
à  la  Tunisie  est  loin  d'être  complète,  mais  c'est  la  meilleure  description 
qui  en  existe  jusqu'à  présent. 

On  sait  avec  quel  soin  sont  dressés  les  itinéraires  de  la  collection 
Jeanne  ;  ils  renferment  tout  ce  que  le  voyageur  peut  espérer  y  trouver 
et  le  guident  pas  à  pas  de  la  manière  la  plus  sûre.  Pour  qu'il  soit  tou- 
jours tenu  au  courant  quant  aux  hôtels,  aux  voitures,  etc,  les  rensei- 


—  255  — 

gnements  qui  concernent  cette  partie  essentielle  d'un  ouvrage  de  ce  genre, 
se  trouvent  réunis  à  la  fin  du  volume,  et  comme  ils  varient  quelquefois 
pendant  une  saison,  ils  seront  réimprimés  dès  que  la  correction  en  sera 
devenue  nécessaire.  Neuf  cartes  et  dix  plans,  dont  sept  de  villes  tuni- 
siennes,enrichissent  encore  ce  volume,  à  la  rédaction  duquel  ont  colla- 
boré plusieurs  personnes  bien  placées  pour  donner  à  l'auteur  des  ren- 
seignements dignes  de  foi. 

Nouvelle  géographie  universelle.  La  Terre  et  les  Hommes,  par 
ÊUsée  Reclus^  t.  X.  L'Afrique  septentrionale.  Première  partie  :  Bassin 
du  Nil.  Paris  (Hachette  et  C'*),  1884,  gr.  in-S**,  639  p.,  avec  cartes  et  vues, 
fr.  20.  —  Il  est  presque  superflu  d'appeler  l'attention  du  public  lettré 
sur  l'apparition  d'un  nouveau  volume  du  célèbre  géographe  français. 
Tout  lecteur  désireux  de  s'instruire,  en  même  temps  que  de  se  délasser, 
connaît  cette  collection  magnifique,  œuvre  de  toute  une  vie  ;  tiré  à  25,000 
exemplaires,  cet  ouvrage  pénètre  dans  la  plupart  des  bibliothèques,  de 
villes,  de  collèges,  de  sociétés  scientifiques  ou  littéraires,  d'hommes  du 
monde,  de  voyageurs  et  de  savants. 

Chacun  y  trouve  ce  qu'il  cherche,  aussi  bien  pour  la  forme  que  pour 
le  fond.  La  forme  est  soignée,  pleine  et  brillante,  le  fond  est  étudié 
jusque  dans  les  moindres  détails.  C'est  la  tournure  française,  si  belle, 
si  fine,  adaptée  à  la  méthode  allemande,  scientifique  et  rigoureuse. 
Voulez-vous  une  peinture  de  paysage,  une  étude  générale  de  l'histoire 
naturelle  ou  de  la  vie  d'une  contrée,  des  renseignements  sur  l'état  poli- 
tique actuel  d'un  pays,  une  description  de  ses  villes,  le  nom  des  voya- 
geurs qui  l'ont  fait  connaître,  ou  de  simples  indications  de  statistique, 
cherchez  dans  Reclus,  vous  y  trouverez  tout  cela.  C'est  une  véritable 
encyclopédie  géographique,  un  monument  élevé  à  l'histoire  de  la  Terre* 

Le  Bassin  du  Nil  qui  vient  de  paraître,  forme  la  première  partie  du 
tome  X  (Afrique  septentrionale),  trop  étendue  pour  ne  former  qu'un 
seul  volume.  On  y  retrouve  la  brillante  manière  du  grand  écrivain  et 
toutes  ses  qualités  de  style  et  de  composition.  Il  abordait  un  sujet  brûlant, 
surtout  pour  \m  Français  ;  mais  il  s'en  est  tiré  avec  beaucoup  de  tact, 
en  laissant  de  côté  la  question  politique  qu'il  n'a  fait  qu'effleurer,  pour 
ne  s'occuper  que  de  la  géographie  proprement  dite,  de  la  conquête  ini- 
que faite  par  l'Egypte,  au  profit  des  chasseurs  d'esclaves  du  bassin  du 
Haut-Nil,  enfin  de  la  situation  présente  des  noirs  et  des  moyens  de  faire 
triompher  la  vraie  civilisation. 

L'étude  physique  du  pays  est  admirablement  conduite,  à  l'aide  des 


—  256  — 

récits  de  tous  les  explorateurs  anciens  ou  modernes,  et  d'observations 
personnelles  recueillies  dans  un  récent  voyage  en  Egypte.  L'ouvrage 
donne  des  renseignements  sur  toutes  les  questions  concernant  ce  pays, 
aussi  l)ien  sur  les  magnifiques  ruines  qu'il  renferme  et  en  particulier  sur 
celles  qui  ont  été  récemment  découvertes,  que  sur  la  situation  présente 
de  la  contrée,  sur  son  mouvement  commercial  et  industriel.  Chaque 
chose  est  à  sa  place,  et  la  lecture  de  ce  livre  dispense  de  celle  des  récits 
qui  s'y  trouvent  résumés  quant  à  leurs  résultats  importants.  En  outre, 
111  cartes,  dont  ti'ois  sont  en  couleur  et  gravées  sur  pierre,  et  56  gra- 
vures, permettent  aux  lecteurs  de  se  représenter  fidèlement  les  pays  dé- 
crits. Un  excellent  index  alphabétique,  renfermant  tous  les  noms  propres 
dont  il  est  fait  mention  dans  le  texte,  se  trouve  à  la  fin  du  volume. 

Libéria.  Histoire  de  la  fondation  d'un  État  nègre  libre,  par  le  colo- 
nel Watiuermana.  —  Bruxelles  (Institut national  de  géographie),  1885, 
in-12,  274  p.  et  2  cartes,  fr.  3.  —  Au  moment  où  l'attention  est  fixée 
sur  le  nouvel  État  libre  du  Congo,  il  est  sans  contredit  intéressant 
d'étudier  un  autre  État,  libre  aussi,  jaloux  de  son  indépendance,  qui, 
sans  avoir  devant  lui  le  brillant  avenir  réservé  au  bassin  du  Congo, 
n'est  pas  cependant  sans  importance,  vu  sa  proximité  du  Soudan  et 
ses  ressources  minérales  et  végétales.  C'est  pour  montrer  à  ses  compa- 
triotes que  toutes  les  entreprises,  comme  celles  de  l'Association  interna- 
tionale du  Congo,  ont  des  commencements  difliciles,  que  M.  Wauwer- 
mans  a  écrit  ce  livre,  qui  a  été  l'objet  de  beaucoup  d'éloges  de  la  part 
d'autorités  compétentes,  en  particulier  du  président  et  des  membres  du 
gouvernement  de  Libéria.  Fondée  par  un  comité  américain  pour  rece- 
voir les  esclaves  libérés  en  Amérique,  ou  délivrés  par  les  croiseurs  qui 
arrêtaient  les  vaisseaux  négriers,  la  république  de  Libéria  traversa,  de 
1820  à  1828,  une  période  agitée.  Jusqu'en  1847,  elle  resta  sous  la  haute 
tutelle  du  Comité,  mais  à  cette  date,  elle  fut  déclarée  complètement 
indépendante  et,  depuis  lors,  s'administra  elle-même.  Aujourd'hui  elle 
compte  18,000  nègres  civilisés  et  1,050,000 nègres  indigènes.  Monrovia,  sa 
capitale,  est  une  petite  ville  de  3000  habitants.  Sans  doute,  l'horizon 
est  encore  bien  sombre  par  suite  des  prétentions  de  l^Augleterre  sur 
plusieurs  points  du  territoire  de  Libéria,  et  de  l'échéance  de  1886,  à 
laquelle  l'État  doit  rembourser  une  forte  dette.  Mais  il  ne  faut  pas 
désespérer.  La  république  vient  d'ouvrir  aux  capitalistes  étrangers  son 
territoire  autrefois  fermé  aux  blancs  ;  elle  a  passé  jadis  par  des  pério- 
des plus  critiques  encore,  et  la  génération  nouvelle,  forte,  intelligente,  a 
une  inébranlable  confiance  dans  l'avenir. 


"^c-l 


ÉCHANGES 

Sociétés  de  géographie. 


Amsterdam. 

Anvers. 

Berlin. 

Br«5me. 

Bruxelles. 


Berlin. 


Constantine.  Halte. 

Douai.  Hambourg. 

Edimbourg.  léna. 

Francfort  "/M.  Le  Caire. 

Greifswald.  Leipzig. 


Lille. 

Lisbonne. 

Lyon. 

Madrid. 

Manchester. 


Marseille. 
Montpellier. 
Nancy. 
New- York. 
Oran. 


Sociétés  de  géographie  commerciale. 

Bordeaux.         Paris.         Porto.         Saint-Gall. 

Missions. 


Paris. 

Rochefort. 

Rome. 

Rouen. 

Vienne. 


Le  Havre. 


Journal  des  missions  évangëliqnes  (Paris). 
Bnlletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XIXŒe  siècle 

(Neuchâtel). 
Journal  de  TUnité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d^Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
H.  idenbote  (Bâle). 

Evangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
(]alwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgemeine  Missions -Zeitschrift  (GUters- 

loh). 
Glaubensbote  (Bâle). 
Africa  (Londres). 
La  Nigrizia  (Vérone). 


Church  missionary  Intelligencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionary  (New-York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Chronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Church  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  Church  (Edimbourg). 

Central ^rica  (Londres). 

Woman*s  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Divers. 


Gazette  géographique  et  Exploration  (Pa- 
ris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  Comice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  l'Académie  d'Hippone  (Bone). 

Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Le  Mouvement  géographique  (Bruxelles). 

Handel&-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  fUr  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 


Deutsche  Kolonialzeitung  (Francfort  s/M) . 

Chamber  of  Commerce  Journal  (Londres). 

African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Esploratore  (Milan). 

Cosmos  (Turin). 

Bollettino  délia  Societa  africana  dltalia 
(Naples). 

Boll.  délia  sezione  Fiorentina  (Florence). 

Marina  e  Commercio,  e  Giornale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 


schaft  in  Deutschiand  (Berlin). 
Oesterreichische    Monatssehrift  fUr  denl  As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Orient  (Vienne).  !  Revista  de  Estudos  Livres  (Lisbonne). 

Zeitschrift  fUr  wissenschaftliche  Geogra- ,  Réveil  du  Maroc  (Tanger). 

phie  (Vienne).  i  ^ 

AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indépendant  (Constantine). 

Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 

Dr  A.  Petermann  s  Mittheilungen  (Gotha) 


Proceedings   of  the  royal   geographical 
Society  and  monthly  Record  of  geogra 
phy  (Londres). 

Nataf  Mercu  ry  (Durban) . 

Cape  Argus  (Cape-Town). 

West  African  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

Pige» 

Bulletin  mensuel .* 225 

Nouvelles  complémentaires 238 

Le  commerce  .  de  l'ivoire  africain 241 

correbpondakce  : 

Lettres  de  M.  Jeanmairet,  du  Zambèzc 248 

Bibliographie  : 

Kolonial  politik  iind  Cliristenthum,  von  C.-G.  Bûttner 258 

Itinéraire  de  PAlgérie,  de  la  Tnni$tie  et   rie   Tanger,  par   Louis 

Piesse ^ 254 

Nouvelle  géographie  universelle,  par  Elisée  Reclus 255 

Le  Congo  au  point  de  vue  économique,  par  Â.-J.  Wauters 256 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Afrika.  Der  J)unkle£rdiheil  ip  Licht  unserer  Zeit,  von  A.  v.  Schweiger-Lerchen- 

feld,  mit  300  Ulustrationen.  Lief.  18-18.  —  Wie%  Pesth,  Leipzig  (Hartleben), 

1885,  in-8«. 
Croquis  hydrographique  de  l'Afrique  centrale,  mis  au  courant  des  dernières 

explorations,  par  A.-J.  Wauters.  V^ooooooo.  —  Bruxelles  (Institut  national  de 

géographie),  1885. 
Der  Kongo  und  sein  Gebiet.  Eine  geographi^che  Studie,  von  D'  A.  Oppel.  — 

Bremen,  1885,  in-8°,  82  p. 
La  langue  commerciale  universelle.  Exposé  de  la  question.  Grammaire,  par  Aug; 

Kerckhoffs.  —  Paris  (Le  Soudier),  in-8*»,  31  p. 
Assab  e  i  Danachili.  Viaggio  e  studii  di  G.-B.  Licata.  —  Milano  (Fratelli  Trêves), 

1885,  in-18,  fr.  3,  50. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


f^L  r  r 


GENÈVE 

GEORG,     LIBRAIRE-ÉDITEUB 

Htm  miBOH  A  ULB  IT  A  LTOM 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

M.   GnstETe  MOTNIEB 

M(>inbrc  de  la  Société  de  géo^aphie  de  Geoève,  de  llastitat  de  Droit  international; 
«nembro  correepondant  de  rAoadéinio  d^Hlppone,  et  des  Sooiétès  do  géographie  de  liametUe. 

do  Nancy,  de  Loanda  et  de  Porto. 

xAdioé  PA& 

M.  Charles  FAIJBS 

8oorétiûre-BibUothécaire  de  la  Société  de  géographie  de  G-enéve ,  membre  correspondant  des  Soeiélv-» 
de  géographie  de  Lisbonne,  de  Loanda.  do  Porto,  de  Saint-Gall  et  de  Berne. 


L'Afrique  parait  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  iu-8<)  d'au 
moins  20  pages  chacnnc;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  lvIj 
paraît  nécessaire. 

Le  prix  de  Tabonnement  annuel,  payable  d'avance 9  est  de  lu  firanes* 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  TUnion  postale  (première  zone);  pour  !••> 
autres,  H  fr.  50. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplairt^  ? 
la  Direction^  a  droit  h  an  eompte  rendu. 

Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaetton  à  91.  Gustave  Mo^iiifr. 
S,  rne  de  TAtlténée»  A  Genève  (Suisse). 


S'adresser  peur  les  abonnements  h  l'éditeur»  m.  H.  Georis.  <^ 
Genève  ou  h  B41e. 

On  s'abonne  aussi  : 

Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 

Chez  MM.  Ch.  Delagravb,  libraire.  15,  me  Soufflol,  à  Paris. 

MuQUAKDT,  libraire  de  la  (^our,  45.  rue  do  la  Régonce.  k  Bruxollt's. 
DuMOLARD  frères,  libraires.  Corso  Vittorio  Ëmmaimele,  31.  û  Mil.ni 
F, -A.  Brogkhaus,  libraire,  Querslr.,  29,  à  Leipzig. 
L.  Pribderichsen  et  O,  libraires.  Admiralilâtsstr.  3/4,  h  HantlKiiin.' 
Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autridit*' 
Trurnbr  et  C*',  libraires,  Ludgate  Hill.  57/39.  k  Londres  E.  C. 

Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


AVIS.  —  Nous  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  abonnés,  au  prù  " 
12  fr.  chacun,  un  certain  nombre  d^exemplaires  complets  de  la  il'"*,  de  ht  ^' 
et  delà  V^*  année,  La  P*  et  la  LU^*  sont  Risées, 


K^-     -1. 


—  257  — 

BULLETIN  MENSUEL  (7  septembre  1885.  >) 

L'exploitation  entreprise  par  la  Société  agricole  et  industrielle  de 
Batna,  dans  la  région  de  TOued-Rir,  prend  chaque  année  un  déve- 
loppement plus  étendu.  D'après  le  rapport  de  l'exercice  de  1884,  sur 
les  1500  hectares  environ  qu'elle  possède,  elle  a  fait  planter  32,000  pal- 
miers, dont  la  plupart,  ne  datant  que  de  1882  et  1883,  forment  déjà 
(les  arbustes  verts  et  touifus  ;  à  Sidi-Yahia,  plusieurs  de  ceux  qui  ont 
été  plantés,  il  y  a  trois  ans  seulement,  ont  déjà  donné  des  dattes  cette 
année-ci.  La  Société  a  commencé  à  exploiter  l'alfa  sur  une  concession 
qui  lui  a  été  accordée  entre  Batna  et  El-Kantara. 

Un  résident  anglais  au  Caire  a  fourni  à  l'Antislavery  Society  des 
documents*  desquels  il  ressort  que,  malgré  l'occupation  anglaise  et  la 
convention  conclue  entre  l'Angleterre  et  l'Egypte,  aux  termes  de  laquelle 
la  vente  d'esclaves  de  famille  à  famille  serait,  à  partir  du  4  août  1884, 
déclarée  illégale  et  punie  d'un  emprisonnement  de  5  mois  au  minimum, 
à  5  ans  au  maximum,  avec  travail  forcé ,  le  trafic  d'esclaves  se 
poursuit  au  Caire.  Le  département  pour  la  suppression  de  la  traite  est 
beaucoup  moins  bien  servi  aujourd'hui  qu'il  ne  l'était  il  y  a  trois  ans. 
Jusqu'en  1882,  il  avait  à  son  service  500  fonctionnaires,  avec  un  budget 
de  20,000  livres,  et  à  cette  date,  10,000  esclaves  avaient  été  libérés. 
Actuellement  il  est  dirigé  par  un  officier  étranger  qui  a  sous  ses  ordres 
deux  sous-inspecteurs  natifs,  empêchés  de  remplir  leurs  fonctions  par 
ceux-là  mêmes  qui  devraient  les  y  aider.  Loi*sque  ces  sous-hispecteurs 
réussissent  à  arrêter  en  flagrant  délit  un  vendeur  d'esclaves,  celui-ci  est 
traduit  devant  une  cour  martiale  composée  d'officiers  égyptiens,  tous 
possesseurs  d'esclaves,  et  présidée  par  Nessim  bey,  un  des  familiers  du 
khédive.  Le  prévenu  a  toujoura  une  douzaine  de  témoins  qui  ne  crai- 
gnent pas  de  se  parjurer  pour  attester  son  innocence.  D  en  résulte,  au 
dire  du  correspondant  de  l'Antislavery  Society,  'qu'il  y  a  actuellement 
au  Caire,  au  moins  trente  marchands  d'esclaves  qui  poursuivent  en 
paix  leur  honteux  trafic.  Au  mois  d'avril  de  Tannée  dernière,  arrivèrent 
de  Khartoum  plusieurs  personnes  ayant  des  esclaves  en  leur  possession. 

*  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

*  Scandais  at  Cairo,  in  connection  mth  àlavery.  Cairo,  1885,  in-8°,  18  p. 

L'AFRIi^UE.   —   SIXIÈME  ANNÉE.  —  N*»   9.  9 


—  258  — 

Las  sous-iuspecteurs  se  contentèrent  de  faire  signer  à  chacun  des  pro- 
priétaires l'engagement  de  ne  pas  vendre  leurs  esclaves,  et  déposèrent 
les  pièces  au  bureau  du  gouverneur  du  Caire.  Ayant  appris  plus  tard  que, 
malgré  cet  engagement,  les  propriétaires  avaient  vendu  leurs  esclaves, 
les  sous-inspecteurs  réclamèrent  au  bureau  du  gouverneur  les  pièces 
nécessaires  pour  exercer  des  poursuites  contre  eux,  mais  le  gouverneur 
refusa  absolument  de  les  leur  rendre,  en  sorte  qu'ils  ne  purent  rien  faire 
contre  les  délinquants. 

Quant  à  la  recrudesceiioe  de  la  traite  au  Soudan,  on  peut  s'en 
faire  une  idée,  d'après  la  lettre  suivante  d'un  Ai-abe,  publiée  dans  le 
Journal  de  Gordon,  et  citée  pai*  Stanley  dans  son  discours  à  l'assemblée 
de  l'Antislavery  Society,  le  22  juillet  :  «  J'ai  l'honneur  de  vous  annon- 
cer, »  écrit  Karam  Illali,  fakir  du  Bahr-el-Ghazal,  à  l'émii*  de  l'armée 
du  Mahdi,  «  que  nous  avons  capturé,  comme  esclaves,  un  grand 
nombre  de  femmes,  et  que  1360  esclaves  ont  déjà  été  envoyés  à  Chakka. 
Tous  les  fakirs  ont  été  répartis  dans  les  différentes  zeribas  pour  y  ras- 
sembler le  butin.  Tout  ce  qui  sera  pris  sera,  au  fur  et  à  mesure, 
expédié  à  Chakka.  Gomme  les  esclaves  saisis  sont  extrêmement  nom- 
breux dans  ce  pays,  nous  sommes  très  pressés  de  les  faire  partir.  Main- 
tenant nous  attendons  des  ordres,  soit  pour  rester  ici,  soit  pour  nous 
rendi'e  auprès  de  vous,  soit  pour  attendre  la  cessation  des  pluies,  par 
pitié  pour  les  esclaves  qui  ont  de  petits  enfants.  » 

Le  Times  a  publié  une  lettre  de  l'évêque  de  Carlisle  relativement  à 
l'association  créée,  il  y  a  deux  ans,  par  un  certain  nombre  d'ecclé- 
siastiques anglais,  pour  la  propagation  du  christianisme  em 
Egypte.  Comprenant  la  responsabilité  qu'impose  à  l'Angleterre  le  fait 
de  la  position  qu^elle  a  prise  dans  les  affaires  de  ce  pays,  ils  ont  cher- 
ché si  l'Église  copte  ne  pourrait  pas  leur  fournir  le  moyen  d'atteindre 
le  but  qu'ils  se  proposent.  Mais  la  faiblesse  à  laquelle  son  isolement 
et  l'oppression  musuliAane  ont  réduit  cette  église,  leur  a  fait  comprendre 
qu'on  ne  peut  attendre  d'elle  de  grands  efforts  en  faveur  de  l'éducation, 
et  que  le  secours  doit  venir  du  dehors.  L'association  a  décidé  de  fonder 
au  Caire  une  école  supérieure  pour  jeunes  gens,  auxquels  sera  donnée 
une  bonne  éducation  ordinaire,  en  même  temps  qu'une  éducation  reli- 
gieuse et  morale  soignée.  Elle  sera  ouverte  à  tous  :  chrétiens  et  maho- 
métans  ;  cependant  il  est  probable  que  ce  seront  les  Coptes  qui  en  pro- 
fiteront le  plus.  L'African  Times  propose  que  l'école  soit  appelée  Collège 
Gordon. 

La  nouvelle  apportée  au  Caire  par  lejP.  Bonomi,  que  les  explorateurs 


—  259  — 

Junker  et  Casati  étaient  eu  sécurité  à  Lado,  auprès  d'Ërnin 
beyj  a  pu  faire  croire  que  les  expéditions  dirigées  par  le  D'  Fischer  et 
le  D' Lenz,  pour  chercher  à  leur  venir  en  aide  par  le  Victoria-Nyanza 
et  le  Congo,  sont  devenues  inutiles.  Mais,  comme  le  font  remarquer  les 
Mittheiliingen  de  Gotha,  la  situation  d'Emin  bey  et  de  ses  hôtes  est 
rendue  très  critique,  par  le  fait  que  les  partisans  du  Mahdi  se  sont 
emparés  de  la  pronnce  du  Bahr-el-Ghazal  dont  Lupton  bey  était  gou- 
verneur. Depuis  le  14  avril  1883,  aucun  vapeur  n'est  parti  de  Lado;  la 
gî-ande  quantité  d'ivoire  qui  y  est  accumulée  doit  exciter  la  convoitise 
(les  rebelles.  La  chute  de  Khartoum  et  la  retraite  des  Anglais  de  Don- 
gola  ont  aggravé  la  position  des  Européens.  Pour  le  moment  ils  ne  peu- 
vent attendre  aucun  secoui's  par  la  voie  du  Nil.  Quant  à  la  route  du 
sud,  par  le  Victoria-Nyanza,  les  dernières  nouvelles  d'Emin  bey,  remon- 
tant au  14  avril  1883,  portaient  que  la  guerre  avait  éclaté  entre  l'Ou- 
Nyoro  et  TOu-Ganda.  Le  poste  militaire  égyptien  de  Mruli,  qui  commande 
la  route  entre  le  Nil  et  FOu-Ganda,  étant  occupé  par  les  gens  de  TOu- 
Nyoro,  la  route  vers  le  sud  était  si  bien  fermée,  qu'à  Roubaga  aucune 
communication  d'Emin  bey,  autrefois  en  rapports  constants  avec  Mtesa, 
u'anivait  plus  à  ce  dernier;  les  missionnaires  ne  connaissaient  la 
révolte  et  les  progrès  du  Mahdi  que  par  Zanzibar.  Il  paraît  que  Kabrega, 
souverain  de  l'Ou-Nyoro,  n'a  pas  renoncé  à  son  ancienne  inimitié  contre 
l'Egypte,  et  le  territoire  occupé  par  ses  gens  ne  pourrait  être  que  diffi- 
cilement traversé  par  Emin  bey  et  les  Européens  qui  sont  avec  lui.  Il 
semble  même,  d'après  une  dépêche  publiée  par  la  Oazette  de  V Allema- 
gne du  Nord,  que  le  gouverneur  de  la  province  égyptienne  équatoriale 
et  le  D'  Junker  ont  été  attaqués  dans  une  tentative  qu'ils  ont  faite  de 
se  rendre  de  Lado  dans  l'Ou-Ganda.  Après  avoir  repoussé  les  agres- 
seurs, Emin  bey  et  Junker  se  sont  établis  dans  un  camp  retranché  où 
ils  espéraient  recevoir  du  secoui*s  du  roi  de  l'Ou-Ganda. 

Le  journal  Marina  e  Commercio  de  Rome  a  publié  une  lettre  du 
comte  Salimbeni,  ingénieur,  chargé  de  fonder  une  station  dans  le 
Oo<iJani  et  de  construire  un  pont  sur  le  IVil-Bleu  s  «  Le  14  mars,  » 
écrit-il  à  sa  femme  à  Palerme,  «  le  pont  était  terminé  ;  le  28  du  même 
mois,Tekla-Haimanot  y  a  passé  avec  toute  sa  suite  qui  l'a  salué  du  nom 
de  nouveau  Fassil.  Il  m'a  écrit  :  J'ai  vu  le  pont.  Il  est  beaucoup  plus 
beau  que  celui  fait  par  le  précédent  Fassil.  Grâce  à  Dieu,  j'ai  délivré  le 
capitaine  Cecchi  de  la  main  de  la  reine  de  Ghera.  Si  tu  veux  rester  dans 
mon  royaume,  garde  la  terre  qui  est  ma  propriété  ;  je  te  donnerai  en 
toute  propriété  celle  qui  te  plaira  le  mieux.  Je  te  donnerai  des  servi- 


"S-/ 


—  260  — 

teurs,  des  bœufs,  beaucoup  de  vaches,  de  moutons  et  de  chèvres.  Si  tu 
veux  faire  du  commerce  dans  mon  pays,  tu  ne  paieras  point  de  droits 
de  douane.  Si  tu  veux  voir  les  pays  gallas  sur  lesquels  je  règne,  je  t'y 
accompagnerai  ;  va,  regai'de  et  étudie.  »  Le  roi  lui  a  fait  de  riches  pré- 
sents ;  après  les  avoir  énumérés,  il  continue  :  «  Tu  ne  peux  t'imaginer, 
les  peines,  les  souffrances,  les  violences,  les  humiliations  que  j'ai  dû 
supporter  pour  conduire  mon  travail  à  bonne  fin.  Le  maître  maçon, 
Andreoni,  et  moi,  nous  avons  lutté  seuls  contre  tout  et  contre  tous. 
Privés  de  chaussure,  affamés,  sans  nouvelles  des  nôtres,  tournés  on 
ridicule,  maltraités,  menacés  de  mort,  nous  avons  cependant  triomphé. 
Si  je  retournais  maintenant  en  Italie,  je  fournirais  aux  indigènes  un 
prétexte  de  dire  du  mal  de  nous  ;  ils  diraient  que  nous  nous  sommes 
enfuis  craignant  qu'à  la  saison  des  pluies  notre  pont  ne  fût  emporté.  i> 

Les  missionnaires  romains  ont  profité  de  la  retraite  des  garni- 
sons égyptiennes  du  Harrar,  pour  créer  plusieurs  stations  au  milieu 
des  tribus  g^allas  voisines  de  Harrar,  avec  lesquelles  ils  ont  pu  se 
mettre  plus  facilement  en  rapport.  Mgr  Taurin  Cahagne,  vicaire  apos- 
tolique des  Gallas,  écrit  aux  Missiom  catholiques,  que  ses  missionnaires 
rayonnent  autoui-  de  Harrar,  à  la  distance  d'une  journée  et  demie,  dans 
une  situation  assez  indépendante.  La  tribu  des  Noli-Gallas,  qui  confine 
aux  Issas  et  est  maîtresse  des  grandes  voies  commerciales,  est  surtout 
l'objet  de  leur  activité.  Son  territoire  se  compose  de  hauts  plateaux,  et 
de  vallées  profondes,  bien  arrosées  pour  la  plupart,  fertiles,  mais  peu 
accessibles,  si  ce  n'est  du  côté  du  désert.  Les  missioimaires  occupent 
trois  des  vallées  principales  ;  la  population  de  celle  d'AwoIé  est  surtout 
pastorale,  et  moins  entamée  par  le  mahométisme  ;  les  campements  des 
bergers  sont  à  une  journée  de  la  station  au  milieu  des  bois  et  des  brous- 
sailles. Plus  au  N.-E.  s'ouvre  la  vallée  d'Ama,  remarquable  par  des 
ruines  d'anciens  édifices  ;  on  y  descend  par  des  pentes  rapides  et  boi- 
sées. En  se  dirigeant  vers  l'est,  et  en  gravissant  les  flancs  des  monta- 
gne>s,  on  atteint  les  beaux  sommets  de  l'Edjersa-Goro,  couverts  de 
belles  forêts  de  pins  qui  descendent  assez  bas  dans  les  vallées.  De  là  on 
découvre,  à  30  ou  40  kilom.,  les  plaines  bi-ûlées  des  Issas.  La  troisième 
vallée  est  celle  de  Mité,  par  laquelle  passe  une  ancienne  route  commer- 
ciale, le  long  de  laquelle  se  trouvent  des  ruines  a*ssez  considérables. 

Le  D'  Hannin^ton,  évèque  de  l'Afrique  équatorialeafait,  deFrere 
Town,  un  voyage  à  Teïta,  dans  le  Chagga,  oîi  se  trouve  une  station  ml^ 
sionnaire.  Il  tenait  aussi  à  reconnaître  une  route  par  le  pays  des  Masaï 
au  Victoria-Nyanza,  différente  de  celle  qu'avait  suivie  M.  J.  Thomson. 


—  261  — 

A  la  tête  d'une  centaine  de  porteure,  il  rencontra  plusieurs  cara- 
vanes amenant  des  esclaves  à  la  côte,  et  eut  le  bonheur  de  libérer 
plusieurs  de  ces  malheureux  qu'il  remit  à  la  mission.  Arrivé  à  Teïta  il 
trouva  cette  station  affaiblie  par  la  famine,  pendant  laquelle  un  certain 
nombre  d'indigènes  étaient  morts,  d'autres  avaient  quitté  le  pays, 
d'autres  encore  avaient  été  tués,  ou  pris  et  vendus  comme  esclaves.  Tous 
les  villages,  sauf  ceux  dans  lesquels  s'exerçait  l'activité  du  missionnaire, 
M.  Wray,  avaient  été  abandonnés.  La  situation  parut  si  grave  à 
M.  Hannington,  qu'il  jugea  plus  sage  de  renoncer  à  ce  poste,  et  de  faire 
venir  à  Rabaï,  près  de  Frère  Town,  les  survivants,  en  attendant  que  le 
district  au  pied  du  Kilimandjaro  se  repeuple,  et  que  le  besoin  de  mis- 
sionnaires se  fasse  de  nouveau  sentir.  Dès  lors,  M.  Hannington  est 
reparti  avec  M.  Taylor  pour  le  Victoria-Nyanza  avec  une  caravane  de 
Souahélis.  Il  comptait  passer  près  du  lac  Naïvasha,  et  arriver  à  Sendega 
dans  le  bas  Kavirondo.  Il  croit  que  si  cette  route  de  la  coteau  Victoria- 
Nyanza  était  ouverte,  toutes  les  caravanes  de  Mombas  pour  l'intérieur 
l'adopteraient,  ce  qui  abrégerait  beaucoup  les  distances  et  serait  une 
grande  économie  de  temps  et  d'argent. 

D'après  une  lettre  du  D'  Schweinftirth  au  Ternes,  la  Compagnie 
allemande  de  l'Afrique  orientale  a  adopté,  pour  principe  colo- 
nial, d'expulser  de  ses  possessions  les  Arabes  et  les  musulmans  étran- 
gers, particulièrement  ceux  qui  font  le  commerce  des  esclaves.  Elle  se 
propose  également  d'interdire  la  chasse  aux  éléphants,  afin  de  conserver 
ces  animaux  et  de  les  utiliser  pour  l'exploitation  des  colonies  allemandes. 
L'introduction  des  spiritueux,  des  armes  à  feu  et  des  munitions  sera 
rigoureusement  prohibée.  En  tenant  les  Arabes  éloignés  de  leui-s  colo- 
nies, les  Allemands  y  mettront  fin  à  l'esclavage  et  à  la  traite,  et  peu  à 
peu  ils  amèneront  les  indigènes  à  un  état  de  civilisation  supérieure. 

Le  P.  Guillet,  supérieur  de  la  mission  romaine  au  Tanganyika,  a 
fait  une  excursion  dans  le  Manyéma  en  vue  d'y  établir  une  station  ; 
à  cet  eflfet  il  a  profité  du  passage  de  Tipo-Tipo,  souverain  du 
Manyéma,  à  Oudjidji,  pour  avoir  avec  lui  une  entrevue  dans  laquelle  il 
lui  a  exposé  son  but,  et  a  réclamé  son  appui.  «  Vous  pouvez  compter 
sur  moi  »,  lui  a  répondu  Tipo-Tipo;  «  venez  quand  vous  voudrez,  je  vous 
aiderai  de  toutes  mes  forces.  Si  vous  voulez  faire  des  excursions,  aUer 
jusqu'à  la  côte  occidentale,  je  vous  fournirai  des  hommes  sûi'S.  Si  vous 
voulez  vous  fixer  dans  le  pays,  vous  me  trouverez  également  à  votre 
disposition  ;  mais  je  ne  vous  conseille  pas  de  vous  établir  chez  les  Wa- 
Ngouana,  comme  à  Koua-Kasongo,  ou  àNyangoué  ;  les  Arabes  ne  reçoi- 


—  262  — 

vent  pas  volontiers  votre  doctrine  qui  leur  paraît  trop  sévère.  Il  vous 
faut  des  sauvages  ;  je  vous  conseille  donc  de  passer  le  Loualaba  et 
de  vous  installer  chez  Roussouma  ou  chez  Kaboura,  à  Mouavi.ou  à 
Imbani.  Là  vous  trouverez  des  populations  très  denses  ;  vous  n'aurez 
rien  à  craindre  ni  des  indigènes,  ni  des  Wa-Ngouana,  parce  que  je  suis 
le  seul  maître  du  pays.  Dès  que  vous  serez  prêts  à  venir,  écrivez-moi  à 
Koua-Kanongo,  à  un  jour  environ  de  Nyangoué,  où  je  réside  habituel- 
lement. Si  je  n'y  suis  pas,  je  laisserai  des  ordres  à  mon  frère,  pour 
qu'il  vous  reçoive  à  ma  place.  Vous  visiterez  tout  le  pays  et  choisirez 
l'emplacement  qui  vous  conviendra  le  mieux.  » 

Nous  devons  à  M.  Luciano  Cordeiro,  secrétaii'e  perpétuel  de  la  Société 
de  géographie  de  Lisbonne,  les  premiers  renseignements  sur  l'itiné- 
raire des  explorateurs  Capello  et  Ivens,  de  Mossamédèi^  à  Qoili- 
mane.  Pai'tis  de  Mossamédès  au  mois  de  mars  1884,  avec  une  petite 
caravane  de  porteurs  rapidement  organisée,  et  accompagnés  d'une  faible 
escorte  de  quelques  soldats  de  la  province,  ils  commencèrent  l'étude  de 
la  région  du  Coroca  et  de  la  zone  située  entre  la  côte  et  le  plateau  de 
Huilla.  Poursuivant  ensuite  leur  marche  vers  le  S.-S.-E.,  sur  Humbé, 
et  plus  tard  vers  le  N.  le  long  du  Cunéné,  ils  firent  dans  cette  région 
une  série  d'observations  qui  leur  ont  permis  d'en  déteiminer  la  topo- 
graphie générale,  ainsi  que  celle  du  pays  qui  s'étend  entre  le  Cunéné 
et  le  Coubango.  Après  avoir  passé  cette  rivière,  ils  en  suivirent  la  rive 
gauche  jusqu'au  16**20  de  lat.  S.,  et  se  trouvèrent  dans  un  pays  presque 
désert,  sillomié  de  nombreux  cours  d'eau  et  extrêmement  marécageux. 
Remontant  vers  le  nord,  ils  pénétrèrent  par  le  Lovalé  dans  la  région 
située  entre  le  Coubango  et  le  haut  Zambèze  qu'ils  atteignirent  à 
Libonta.  Le  pays  de  Lovalé,  exploré  par  les  Portugais  à  la  fin  du  siècle 
passé,  est  formé  de  vastes  plaines  inondées,  que  l'expédition  ne  travei'sa 
qu'au  prix  de  mille  difiicultés  et  de  grandes  souffrances.  Airivés  au 
Zambèze,  les  explorateurs  cherchèrent  à  découvrir  la  ligne  de  partage 
des  eaux  entre  les  bassins  du  Zambèze  et  du  Congo,  visitèrent  les  cen- 
tres commerciaux  de  cette  région  et  étudièrent  la  meilleure  voie  de 
communication  entre  les  deux  côtes.  Traversant  le  Zambèze  à  Libonta, 
ils  poursuivirent  leur  marche  le  long  de  la  rive  gauche  de  ce  fleuve,  et, 
au  bout  de  six  jours,  rencontrèrent  le  grand  affluent  venant  du  N.-E.. 
nommé  Cabompo.  De  là  jusqu'aux  environs  du  lac  Moero,  l'expédition 
éprouva  de  grandes  pertes  en  hommes,  en  animaux  et  en  ustensiles, 
tout  le  pays  jusqu'à  Garanganja,  grand  marché  de  l'Afrique  centrale, 
étant  complètement  désert.  Ils  purent  néanmoins  étudier  les  sources  du 


—  263  — 

Loualaba,  et  déterminer  par  des  observations  minutieuses  la  ligne  de 
faîte  des  deux  bassins  du  Congo  et  du  Zambèze.  De  GaranganjaTexpé- 
dition  redescendit  vers  le  sud,  puis  se  dirigea  vers  l'est,  à  la  recherche 
du  Louapoula,  à  travers  d'immenses  forêts  désertes  qui,  du  Louapoula, 
s'étendent  vers  le  sud.  Affaiblis  et  harassés  de  fatigue,  les  explorateui-s 
reprirent  leur  marche  vei-s  le  Zambèze,  qu'ils  suivirent  jusqu'à  Tété,  et  de 
là,  jusqu'à  Quilimane.  Ils  avaient  fait  un  parcours  de  plus  de  7000  kilom. 
dont  2500  en  pays  entièrement  inexploré  avant  eux.  On  comprend  dès 
lors  la  valeur  de  leur  exploration,  qui  permettra  de  déterminer  exacte- 
ment l'orographie  et  l'hydrographie  de  cette  vaste  région,  représentées 
jusqu'ici  dans  nos  cartes  d'une  façon  plus  ou  moins  hypothétique. 
Embarqués  à  Quilimane,  MM.  Capello  et  Ivens  ont  touché  à  Port-Dur- 
ban et  à  Capetown',  et  ont  reçu  des  témoignages  de  cordiale  sympathie 
de  la  part  des  Européens  établis  dans  ces  villes  ;  dès  lors  ils  ont  pas- 
sé à  Loanda  et  sont  attendus  à  Lisbonne  pour  le  mois  de  septembre. 
Nous  reviendrons  ultérieurement  sur  les  résultats  de  leur  exploration. 
M.  'Wîleox,  missionnaire  américain  à  Inhambané,  près  des  bou- 
ches du  Zambèze,  a  fait  récemment  une  visite  au  roi  des  Ma-Kiwak- 
wa,  à  quatre  jours  de  marche  de  la  côte.  Les  hommes  de  cette  tribu . 
lui  ont  paru  plus  virils  et  plus  respectueux  que  les  Ba-Tonga.  Leurs  us 
et  coutumes,  leurs  danses,  leur  caractère  belliqueux,  la  manière  dont 
ils  traitent  les  femmes,  et  leur  accent  les  rapprochent  beaucoup  des 
Zoulous.  La  demeure  du  chef  n'a  rien  qui  la  désigne  comme  résidence 
royale,  si  ce  n'est  qu'elle  est  surmontée  d'une  paire  de  cornes  de  vache, 
et  entoui'ée  d'une  haute  palissade  de  roseaux.  Près  de  l'entrée  étaient 
assis  plusieurs  indunas  ou  officiers,  deiTière  lesquels  se  tenaient  30  ou 
40  jeunes  hommes.  L'induna  qui  conduisait  M.  Wilcox  s'assit  à  l'entrée 
ot  dit,  en  faisant  un  geste  de  la  main  :  «  Voilà  notre  roi,  »  mais  sans  le 
désigner  expressément,  aussi  M.  Wilcox  était-il  très  embarrassé  de 

'  A  la  dernière  heure,  VIndépendance  belge  nous  apporte  quelques  renseigne- 
ments supplémentaires  sur  l'exploration  de  MM.  Capello  et  Ivens,  fotirnis  à  ce 
journal  par  un  de  ses  correspondants  de  Capetown.  Les  explorateurs  portugais 
ont  trouvé  la  tsétsé  au  cœur  de  l'Afrique,  en  même  temps  qu'une  quantité  énorme 
d'éléphants  ;  la  région  qu'ils  ont  parcourue  serait  donc  riche  en  ivoire.  D'autre 
part  le  pays  où  se  trouve  Garanganja  aurait  des  mines  de  cuivre.  Le  chef  Muchir 
qui  voyait  des  blancs  pour  la  première  fois,  s'est  montré  très  défiant,  et  même 
hostile;  mais  on  peut  espérer  que  ses  préjugés  se  dissiperont,  quand  il  aura  une 
nouvelle  occasion  de  voir  des  Européens  venir  chez  lui  avec  des  dispositions  paci- 
fiques. 


—  264  - 

savoir  lequel  des  trois  ou  quatre  jeunes  gens  présents  était  le  roi,  et 
dut-il  demander  une  explication  aux  indunas,  mais  aucun  d'eux  ne 
parut  disposé  à  le  tirer  d'embarras.  Appelant  alors  son  domestique  : 
a  Angelasi  »,  lui  dit-il,  «  indique-moi  qui  est  le  roi  Mpandé.  »  «  Aucun  de 
ceux  que  vous  voyez,  mais  le  voilà,  »  répondit  Angelasi  en  regardant  à  tra- 
vere  les  roseaux.  M.  Wilcox  aperçut  alors  un  jeune  homme  de  18  ans, 
à  moitié  caché  demère  la  palissade  ;  il  lui  tendit  la  main  en  faisant  le 
salut  ordinaire  des  Zoulous  ;  le  roi  s'approcha,  lui  prit  la  main,  mais 
d'un  air  très  réservé,  et  assez  mal  à  son  aise.  Le  missionnaire  exposa  le 
but  de  sa  \isite,  mais  voyant  que  le  jeune  roi  n'aurait  pas  grand  chose 
à  dire,  il  s'adressa  aux  indunas  qui  l'écoutèrent  avec  une  grande  atten- 
tion. L'un  d'eux,  qui  avait  vécu  dans  la  Colonie  de  Natal,  leur  expliqua 
en  détail  ce  que  M.  Wilcox  se  proposait  de  faire.  On  l'invita  à  se  retirer 
un  instant,  après  quoi  les  indunas  lui  firent  dire  qu'ils  aimeraient  beau- 
coup à  l'avoir  au  milieu  d'eux,  et  que,  comme  il  était  le  premier  mission- 
naire qui  fût  venu  les  visiter,  ils  lui  réserveraient  la  place,  mais  qu'ils 
n'oseraient  pas  lui  accorder  l'autorisation  de  commencer  à  travailler 
parmi  eux  avant  qu'il  eût  vu  le  roi  Oumgané,  successeur  d'Oumzila, 
sans  cela,  le  suzerain  leur  dirait  :  pourquoi  avez-vous  pris  un  mission- 
naire pour  vivi-e  comme  les  blancs,  sans  me  consulter  ?  Les  indunas  l'en- 
gagèrent à  se  rendre  à  Baleni,  chez  Manjoba,  un  des  principaux  oflSciers 
du  roi,  en  ajoutant  que  si  celui-ci  donnait  son  autorisation,  eux  aussi 
consentiraient  volontiers  à  recevoir  le  missionnaire.  M.  Wilcox  jugea 
qu'il  valait  mieux  s'adresser  au  roi  lui-même,  et  revint  à  Lihambané 
avec  l'intention  de  se  rendre  à  Omovamouhlé,  résidence  du  nouveau 
roi.  —  D'autre  part,  M.  Richards»  aussi  missionnaire  américain,  a 
fait,  de  Natal,  en  compagnie  d'un  natif,  nommé  Maziana,  un  voyage  au 
Limpopo,  en  vue  d'atteindre  la  ville  de  Baleni  ;  Manjoba  s'est  montré 
disposé  à  recevoir  des  missionnaii"es,  mais  à  la  condition  que  l'autorisa- 
tion soit  aussi  demandée  à  Oumgané.  Le  pays  qui  entoure  la  ville  est 
plat  et  peu  salubre,  mais  il  y  a,  à  quelque  distance,  des  hauteurs  vrai- 
semblablement plus  favorables  à  une  station  missionnaire. 

La  protestation  du  président  de  la  Nouvelle  République  des  Boers  con- 
tre la  prise  de  possession  de  la  baie  de  S*«- Lucie  par  le  lieutenant 
W.-J.  Moore,  de  la  marine  britannique,  a  provoqué  une  démarche  d'un 
certain  nombre  de  Zoulous  auprès  de  l'autorité  anglaise  de  la  Colonie 
de  Natal.  Leurs  délégués,  reçus  par  le  gouverneur,  ont  exposé  qu'ils 
avaient  reconnu  Dinizoulou  comme  successeur  de  Cettiwayo,  en  témoi- 
gnage de  quoi  ils  apportaient  en  présent  deux  peaux  de  lion,  leur  pau- 


—  265  — 

vreté  ne  leur  permettant  pas  d'offirir  des  défenses  d'éléphants.  «  Mais,  » 
ont-ils  ajouté,  «  nous  ne  savons  où  installer  notre  roi  ;  vous,  Anglais, 
vous  nous  avez  pris  une  partie  de  notre  pays  —  le  territoire  dit  de  la 
Réserve — et  de  notre  population  ;  la  Nouvelle  République  des  Boers  nous 
en  enlève  une  autre  partie  ;  de  quoi  notre  roi  pourrait-il  prendre  posses- 
sion? »  Le  gouverneur  a  demandé  du  temps  pour  répondre.  Une  députa- 
tion  de  membres  du  parlement  anglais  et  d'autres  notabilités  qui  s'in- 
téressent aux  affaires  de  l'Afrique  australe  s'est  rendue  auprès  du 
nouveau  secrétaire  d'État  pour  les  colonies,  le  colonel  Stanley,  pour 
s'informer  des  mesures  que  le  gouvernement  anglais  compte  prendre  en 
faveur  des  Zoulous.  Le  secrétaire  d'Etat  a  répondu  que  le  plus  grand 
désir  du  gouvernement  est  de  voir  les  colons  anglais  et  les  Boers  vivre 
en  bonne  harmonie  et  travailler  en  commun  à  leur  bien-être  mutuel,  et 
qu'il  ne  fera  rien  qui  puisse  tendre  à  accentuer  la  distinction  entre  les 
deux  races  dans  cette  partie  de  l'Afrique.  Il  a  même  ajouté  que  l'offre 
du  roi  Khamé,  de  placer  son  territoire  sous  le  protectorat  britannique, 
ne  peut  être  acceptée.  Il  est  en  commimication  avec  le  gouverneur  de 
Natal  au  sujet  du  Zoulouland,  mais  la  question  de  l'annexion  ou  du 
protectorat  n'est  nullement  résolue. 

M.  le  missionnaire  E.  Jacottet»  auquel  nous  devons  l'exploration 
du  haut  Orange  et  de  ses  af9uents  (p.  24-35),  ayant  constaté  que  les 
hautes  vallées  sont  suffisamment  peuplées,  la  conférence  du  Le-Souto 
décida  d'abord  d'étendre  l'œuvre  de  la  mission  à  la  vallée  de  la 
Maklialeiiii;»  la  plus  rapprochée  de  Morija,  puis  à  celle  de  la  Senku- 
nyane»  dont  la  population  est  encore  tout  à  fait  païenne.  Elle  chargea 
M.  Jacottet  d'y  préparer  les  voies  à  l'installation  d'un  évangéliste,  pour 
le  mois  d'octobre  ou  de  novembre.  Pour  cela  notre  compatriote  a  entre- 
pris un  second  voyage,  dont  nous  regrettons  de  ne  pouvoir  emprunter 
que  quelques  détails  au  Bulletin  missionnaire  de  Neuchfttel.  Ce  fut  à  la 
tin  de  juin,  c'est-à-dire  au  fort  de  l'hiver  du  Le-Souto,  que  M.  Jacottet 
dut  se  mettre  en  route,  avec  la  perspective  de  devoir  passer  une  ou  deux 
nuits  dans  la  neige,  à  2700  mètres  d'altitude.  En  traversant  le  col  qui 
sépare  le  Le-Souto  de  la  vallée  de  la  Makhaleng,  il  constata  avec  éton- 
nement  que,  depuis  son  premier  voyage,  sept  mois  auparavant,  on  y 
bâtissait  un  nouveau  village.  Au  col  de  Thaba-Putsa,  à  2800  mètres 
au-dessus  de  la  mer,  de  grandes  masses  de  neige  garnissaient  les  flancs 
des  montagnes  ;  et  pour  atteindre  le  village  de  Motsiba,  dans  la  vallée 
âpre  et  sauvage  de  la  Senkunyane,  il  dut  chevaucher  pendant  plus  de 
trois  heures  sur  un  étroit  sentier,  presque  littéralement  suspendu  sur 


—  266  — 

l'abîme,  voyant,  à  une  centaine  de  mètres  au-dessous,  rouler  les  eaux 
torrentueuses  du  fleuve.  La  population  est  plus  dégradée  que  celle  des 
vallées  inférieures  du  Le-Souto.  Le  chef  Mosheli,  honteux  de  Tignorance 
dans  laquelle  croupissent  ses  gens,  demanda  instamment  qu'on  lui 
envoyât  un  évangéliste,  pour  leur  fournir  l'occasion  de  s'instruire.  Celui 
qui  sera  installé  là-haut  commencera  par  ouvrir  une  école.  En  revenant 
dans  la  direction  de  Thaba-Bosigo,  M.  Jacottet  passa  dans  un  endroit 
situé  à  2700  mètres,  dont  les  habitants  ont  réussi  à  faire  une  véritable 
oasis  dans  le  désert  ;  cependant  il  y  manque  des  habitations  un  peu 
confortables  ;  la  hutte  rectangulaire  oîi  il  avait  couché  précédemment 
avait  croulé  sous  le  poids  de  la  neige.  Après  une  nuit  passée  dans  une 
hutte  étroite,  il  vit,  à  son  réveil,  les  montagnes  toutes  blanches  de 
givre;  c'était  à  se  croire  en  Suisse;  mais  le  spectacle  ne  dura  pas  long- 
temps, le  soleil  eut  bien  vite  fait  disparaître  ces  frimas.  Quoique  l'évan- 
géliste  Josepha  qui  l'accompagnait,  ait  trouvé  la  vallée  âpre  et  sauvage, 
il  quittera  le  champ  du  travail  plus  facile  qu'il  a  cultivé  jusqu'ici,  pour 
se  transporter  prochainement  sur  ces  hauteurs,  oîi  il  devra  reprendre  la 
vie  de  la  hutte,  car  il  ne  pourrait  transporter  ni  table,  ni  lit,  ni  usten- 
siles, à  travers  ces  montagnes  presque  inaccessibles. 

Les  MiWieilungen  de  la  Société  de  géographie  de  Vienne  nous 
apportent  des  renseignements  sur  les  progrès  de  l'expédition  dnIF 
Holub,  dont  nous  étions  sans  nouvelles  depuis  longtemps.  Les  lettres 
publiées  sont  datées  de  Liinokana,  la  dernière  station  postale  sur  la 
route  de  Potchefstrom  à  Shoshong.  Après  avoir  fait  plusieurs  excur- 
sions dans  le  sud  pour  réunir  des  collections  qu'il  a  expédiées  en  Europe, 
l'explorateur  a  dû  pratiquer  la  médecine  pour  pourvoir  aux  besoins 
de  l'expédition,  traitant  gratuitement  les  pauvres,  mais  se  faisant 
payer  en  nature  par  les  chefs  indigènes.  Il  écrivait  le  8  mars  :  «  Daa^ 
l'État  libre  le  temps  reste  invariable  ;  il  n'y  est  pas  tombé  de  pluie 
depuis  toute  une  année,  aussi  les  bêtes  de  trait  succombent-elles 
presque  toutes  faute  de  fourrage.  Il  vient  de  mauvaises  nouvelles  du 
pays  des  Ba-Mangwato,  menacés  par  les  Ma-Tébélé.  —  Par  ma  prati- 
que médicale,  j'ai  obtenu  six  bœufs  qui  me  seront  très  utiles  pour  mon 
voyage  à  l'intérieur.  Nous  comptions  pouvoir  prendre  une  route  à 
l'est,  atteindre  la  frontière  du  Transvaal  en  une  marche  à  travers  un 
pays  de  collines,  puis  descendre  dans  la  vallée  du  Marico  et  du  Lim- 
popo,  qui  nous  promettait  non  seulement  du  gibier  mais  encore  de 
riches  collections.  Malheureusement  une  querelle  s'est  élevée  entre  le 
percepteur  du  district  de  Marico  et  les  Ba-Thloka  ;  il  en  est  résulté  une 


—  267  — 

levée  (le  250  hommes  qui  amènera  sans  doute  un  combat,  et  aura  peut- 
être  des  suites  plus  graves  vu  la  proximité  des  troupes  anglaises.  Cette 
route  m'est  donc  fennée,  et  je  devrai  prendre  celle  de  la  Notuane, 
beaucoup  plus  longue,  et  rendue  plus  difficile  par  des  moraines  et  des 
collines  de  sable  ;  elle  a  moins  de  foun*age  que  celle  de  l'est,  et  l'on 
n'y  rencontre  point  de  gibier.  Les  Boers  attaqueront  sans  doute  le 
chef  Kils.  Si  je  passe  dans  son  voisinage,  il  s'emparera  de  mes  bœufe, 
pour  se  venger  sur  le  premier  blanc  qui  lui  tombera  sous  la  main.  Les 
Ba-Thatla  sont  amis  des  Ba-Thloka;  même  en  supposant  que  nous 
pussions  nous  frayer  à  travers  leur  territoire  un  passage  vers  le  nôï'd, 
nous  serions  exposés  à  l'éventualité  de  voir  nos  collections  pillées  pai* 
les  indigènes  qui  s'imaginent  que  nos  caisses  renferment  toutes  sortes 
de  trésoi-s.  —  Nous  allons  quitter  Linokana,  et  demain  au  point  du  jour 
nous  serons  à  Baisport,  le  chemin  le  plus  court  pour  Shoshong.  Les 
bœufs  s'étant  reposés  pendant  cinq  mois  nous  donneront  de  la  peine. 
Je  conduirai  le  premier  wagon,  en  fer  ;  Bukacz,  qui  doit  porter  le  chro- 
nomètre dans  les  endroits  cahotants,  m'aidera  à  passer  les  ravins  et 
les  endroits  sablonneux  en  prenant  par  la  bride  les  bœufs  de  l'attelage. 
Le  second  wagon  attelé  de  16  bœufs  est  conduit  par  Meintjes,  aidé  de 
deux  autres  hommes  ;  au  troisième  wagon  sont  attachés  Fekété,  Spii'al 
et  un  petit  blanc  africain  que  j'ai  dû  prendre  avec  moi,  n'ayant  pu 
louer  aucun  garçon  noir  par  peur  de  la  fièvre  du  Zambèze.  Dans  le 
quatrième  wagon  se  trouve  mon  unique  serviteur  noir,  Plati,  Koramia, 
avec  deux  aides.  Derrière  mon  wagon  de  fer,  Halouschka,  à  cheval, 
conduit  par  la  bride  mes  cinq  chevaux  «elles  pour  que  nous  puissions 
les  monter  dès  que  nous  verrons  quelque  pièce  de  gibier  ou  un  objet 
quelconque  intéressant  au  point  de  vue  de  l'histoire  naturelle.  J'em- 
mène en  outre  avec  moi  huit  chevaux  de  chasse,  un  bouquetin  apprivoisé, 
deux  singes  de  lagrosseurdupoing,  un  aigle  et  un  vautour  apprivoisés, 
un  chat  marin,  etc.» — Dès  lors,  le  président  de  la  Société  d'exploitation 
austro-hongroise  àCapetown  a  recula  nouvelle  de  l'heureuse  arrivée  du 
D'  Holub  à  Shoshong  et  de  son  départ  de  cette  ville  pour  le  Zambèze. 
Dès  qu'il  aura  atteint  le  fleuve ,  il  renverra  à  Colesberg  deux  de  ses 
wagons  avec  les  bœufs  dont  il  n'aura  plus  besoin.  Quand  il  traversera 
le  fleuve,  il  enverra  un  messager  avec  une  dépêche  à  la  première  sta- 
tion télégraphique  du  Transvaal  ;  mais  il  n'est  pas  probable  que  l'on 
reçoive  des  nouvelles  ultérieures  de  lui  avant  le  milieu  d'octobre  ou  de 
novembre. 
Les  travaux  des  missionnaires  rhénans  dans  le  Damaraland  sont 


—  268  — 

rendus  diflBciles  par  le  droit  de  succession  en  vigueur  dans  cette  partie 
de  TAfrique  australe.  Dans  beaucoup  de  familles  le  mari  et  la  femme 
n^appartiennent  pas  à  la  même  tribu.  En  cas  de  mort  du  mari,  si  la 
veuve  n'a  aucun  parent  du  défunt  dans  la  conmiunauté  chrétienne,  il 
faut  qu'elle  aille  vivre  avec  ses  parents  païens,  et  la  tribu  du  mari 
hérite  des  bœufs,  des  vaches,  même  des  enfants  du  défunt,  jusqu'au 
nourrisson  aussitôt  qu'il  peut  être  séparé  de  sa  mère,  en  sorte  que  la 
pauvre  veuve  demeure  complètement  seule  et  sans  ressources.  Même 
dans  le  cas  où  elle  épouserait  U4i  chrétien  d'une  autre  famille,  les 
enfants  lui  seraient  enlevés.  Si  le  défunt  avait  un  parent  chrétien,  ce 
serait  lui  qui  hériterait  de  tout,  bétail,  enfants  et  veuve.  Mais  il  arrive 
assez  souvent  qu'un  mari  chrétien  n'a  pas  de  parents  dans  sa  commu- 
nauté, dès  lors  la  veuve  retourne  dans  un  milieu  païen,  ainsi  que  les 
enfants.  Les  missionnaires  s'efforcent  de  modifier  ces  conditions  du 
droit  de  succession  du  Damaraland,  mais  jusqu'ici  ils  n'ont  pu  y 
réussir. 

D'après  le  Mouvement  géographiqrie,  une  briipade  topoi^paplii- 
que»  placée  sous  la  direction  de  M.  l'ingénieur  Petitbois  et  du  lieute- 
nant Van  de  Velde,  a  été  chargée  par  l'État  du  Congo  de  la  reconnais- 
sance, au  point  de  vue  du  tracé  d'une  vole  ferrée,  du  territoire  qui 
s'étend  entre  Vfvî  et  IsAng^hila*  Elle  jalonnera  la  voie  et  préparera 
le  travail  topographique  qui  permettra  de  tracer  la  carte  de  la  zone  de 
200"  de  chaque  côté  de  la  ligne  du  tracé.  En  attendant  l'exécution  de 
ce  travail,  l'Association  étudie  le  moyen  le  plus  pratique  de  créer  une 
route  entre  Vivi  et  Léopoldville,  le  long  de  la  rive  méridionale  du 
Congo,  pour  y  installer  un  service  de  transport  par  bœufs.  A  cet  effet 
elle  a  donné  des  ordres  pour  que  l'on  recherche,  en  face  de  Vivi,  le 
point  le  mieux  approprié  à  l'établissement  d'une  ferme,  oîi  un  certain 
nombre  de  bœufs  seront  réunis,  aussitôt  que  les  cultures  suffisantes 
pour  leur  fournir  des  fourrages  auront  été  créées.  Dès  que  ces  bœute 
seront  acclimatés,  il  sera  procédé  à  la  création  d'une  seconde  ferme,  à 
une  journée  de  marche  de  la  première,  on  y  en  installera  d'autres, 
et  ainsi  de  suite  jusqu'à  Stanley-Pool.  Il  est  probable  que  les  bœufe 
qui  seront  employés  seront  ceux  de  Mossamédès  ou  du  Damaraland. 
Actuellement  les  bestiaux  sont  rares  au  Congo  ;  l'espèce  bovine  n'y  est 
pas  indigène ,  elle  est  importée  de  Mossamédès.  La  race  est  grande  et 
rappelle  celle  de  la  Hongrie  avec  ses  belles  cornes.  Chaque  factorerie 
possède  un  troupeau  plus  ou  moins  nombreux,  que,  malheureusement» 
des  maladies  périodiques  déciment  à  la  fin  de  la  saison  sèche.  S  n'est 


—  269  — 

pas  rare  de  voir  disparaître  ainsi  des  troupeaux  eiitiei'S,  mourant  vic- 
times d'une  cause  que  Ton  n'est  pas  encore  parvenu  à  déterminer  exac- 
tement, mais  que  quelques  pereounes  attribuent  à  des  plantes  véné- 
neuses. L'établissement  de  prairies  lai'gement  irriguées  par  les  eaux 
du  fleuve  ou  de  ses  affluents,  est  un  dos  premiei-s  progrès  que  l'on 
devra  réaliser,  si  l'on  veut  approvisionner  les  stations  de  laitage  et  de 
viande  fraîche.  L'élevage  des  bestiaux,  dit  M.  Daumas,  peut  à  lui  seul, 
et  à  cause  de  la  grande  extension  qu'il  est  susceptible  de  prendre, 
devenir  au  Congo  une  source  importante  de  richesses.  Aussi  la  maison 
Daumas,  Béraud  et  C°  se  propose-t-elle  de  faire,  sur  une  vaste  échelle, 
un  essai  d'élevage  près  de  sa  factorerie  de  Noki. 

La  maison  Roubaix  d'Anvers  a  envoyé  au  Congo  un  agronome 
hollandais,  M.  Fuipiper»  pour  établir  des  cultures  le  long  des  rives  et 
dans  les  îles  du  bas  fleuve  ;  elle  s'est  aussi  attaché  le  D*^  Chavanne 
qui,  avec  M.  Fugger,  a  choisi,  comme  premier  champ  de  travail  l'île 
de  Matéba,  à  peu  près  à  égale  distance  de  Boma  et  de  Ponta  da 
Lenha,  et  qui  appartient  à  l'État  du  Congo.  Elle  mesure  environ 
15  kilomètres  de  longueur  et  4  de  largeur.  Elle  est  couverte,  écrit 
M.  Fugger,  sur  une  bande  d'une  largeur  de  100"  au  bord  de  l'eau, 
d'une  végétation  luxuriante  de  palmiers  et  de  bananiers.  A  l'intérieur 
elle  est  plate,  la  terre  y  est  bonne,  exceUente  même,  avec  beaucoup 
d'arbres.  Outre  l'arachide,  le  tabac  et  le  café  y  réussiront  à  merveille. 
L'État  du  Congo  a  loué  à  la  maison  Roubaix  l'île  de  Matéba,  sur 
laquelle,  h  l'heure  qu'il  est,  des  constructions  ont  déjà  été  élevées  non 
loin  du  village  de  Boulon,  à  200"  du  rivage,  en  un  endroit  oti  de  petits 
steamers  peuvent  aborder  aisément.  L'île  renferme  neuf  villages,  dont 
aucmi  n'a  plus  d'une  vingtaine  de  cabanes,  abritant  de  60  à  70  habi- 
tants, appartenant  à  la  tribu  des  Moussorongo.  L'île  renferme  un  féti- 
che en  gi'ande  vénération  dans  le  pays,  le  dieu  de  la  pluie,  auquel  on  a 
construit  une  cabane  spéciale  ;  le  gardien  en  est  le  prince  Mpoungou 
qui  est  en  même  temps  le  directeur  des  cérémonies  religieuses. 

Les  Proceedings  de  la  Société  de  géographie  de  Londres  annoncent, 
d'après  des  nouvelles  amvées  en  Suède,  de  la  côte  occidentale  d'Afrique, 
que  des  néipoclants  suédois  ont  acquis,  dans  le  pays  de  Massanja, 
au  Cameroon,  environ  20  milles  carrés  de  terre,  sur  lesquels  le  drapeau 
suédois  a  été  arboré,  il  y  a  quelques  mois.  Le  climat  passe  pour  être 
salubre  et  le  sol  riche  ;  on  y  cultive  du  cacao,  du  café,  du  sucre,  du  riz 
et  de  l'indigo.  Les  colons  ont  réussi  à  nouer  de  bons  rapports  de  com- 
merce avec  les  indigènes,  qui  leur  livrent  surtout  du  caoutchouc  que 


270  — 

fournissent  en  abondance  les  forêts  voisines.  Si  le  gouveniement  suédois 
les  avait  autorisés  il  y  a  deux  ans  à  s'établir  en  cet  endroit,  ils  auraient 
pu  prendre  possession  du  pays  de  Boto,  près  de  Victoria,  jusqu'au  Rio- 
del-Eey  une  des  parties  les  plus  fertiles  de  la  côte  occidentale  d'Afrique. 
A  présent  ils  doivent  faire  leur  commerce  à  leurs  risques  et  périls. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Une  expédition  allemande,  entreprise  sous  les  auspices  de  la  Commission  cen- 
trale de  la  Société  de  géographie  commerciale  dont  le  siège  est  à  Berlin,  et  de  la 
Banque  d'exportation,  est  préparée  en  vue  de  la  fondation  d'établissements 
commercianx  dans  les  pays  d'outre-mer.  Elle  visitera  d'abord  les  ports  de 
l'Afrique  septentrionale,  pour  nouer  des  relations  avec  les  maisons  allemandes 
qui  y  sont  établies,  et  chercher  dans  chaque  port  quels  sont  les  articles  de 
fabrication  allemande  qui  y  trouveraient  un  écoulement. 

Le  D' Rouire  a  profité  de  son  passage  à  Tunis  pour  y  provoquer  la  création 
d'une  Société  de  géographie. 

Le  capitaine  Ferrari,  rentré  en  Italie  de  la  mission  dont  il  avait  été  chargé  en 
Abyssînie,  a  rapporté  que  plusieurs  chefs  de  tribus  so  sont  révoltés  contre  le 
Négous,  et  qu'ils  sont  maîtres  de  la  route  de  Massaoua  à  Debra-Tabor.  Une 
humeur  fantasque  s'est  emparée  du  roi  Jean,  qui  paraît  ne  plus  jouir  de  toute  sa 
raison.  Souvent  il  est  en  proie  à  des  accès  de  fureur  qui  se  terminent  par  des  actes 
sanglants  ;  parfois  même  il  ordonne  des  supplices  contre  des  sujets  qui  n'ont  eu 
d'autre  tort  que  de  se  trouver  sur  son  passage  dans  un  de  ces  moments  d'humeur 
noire. 

MM.  Capucci,  Ciccognani  et  Duylio,  envoyés  par  la  Société  africaine  de  Naples, 
sont  partis,  le  28  juillet,  d'Assab  pour  le  Choa. 

M.  Clément  Denhardt  est  revenu  à  Berlin,  après  avoir  exploré  avec  son  frère 
le  bassin  de  la  Dana.  A  peine  de  retour  il  songe  à  repartir  pour  un  nouveau 
voyage  en  Afrique. 

Le  D'  Jûhlke  et  M.  Weiss,  délégués  de  la  Société  allemande  de  l'Afrique 
orientale,  ont  acquis  au  nom  de  la  Société  tout  le  territoire  du  Kilimandjaro, 
au  N.-O.  de  Pangani,  sous  2^,30  lat.  sud,  comprenant  l'Ou-Sambara,  le  pays 
d'Arousha  et  le  Chagga.  D'après  les  traités  passés  avec  les  chefs,  l'Allemagne  se 
charge  d'y  organiser  la  justice  et  de  faire  occuper  le  pays  par  ses  troupes.  Elle 
s'est  réservé  le  droit  d'établir  les  impôts  qu'elle  jugera  nécessaires,  et  d'introduire, 
pour  les  relations  du  commerce,  les  restrictions  qui  lui  paraîtront  utiles. 

Le  nouveau  consul  allemand  à  Zanzibar  a  pris  possession  du  poste  occupé  pré- 
cédemment par  l'explorateur  Gérard  Rohlfs. 

D'après  une  dépêche  de  Zanzibar  du  29  août,  l'explorateur  Reichardt  est  arrivé 
en  bonne  santé  à  Zanzibar. 


—  271  — 

Le  vapeur  la  Bonne  Nouvelle  a  été  lancé  sur  le  Tanganyika,  le  8  mars,  au  grand 
étonnement  des  indigènes  qui,  en  le  voyant  remonter,  ne  pouvaient  se  représenter 
qu'un  bateau  en  fer  pût  jamais  flotter  sur  les  eaux. 

Le  missionnaire  Bôhm  écrit,  de  Wallfish-bay,  que  Jan  Jonkers  qui,  jusqu'ici, 
s'opposait  à  la  conclusion  d'une  paix  définitive  entre  les  Namaquas  et  les  Héréros, 
se  plaint  beaucoup  que  le  consul  allemand,  M.  Yogelsang,  lui  ait  interdit  de  conti- 
nner  à  piller  les  Bastards  de  Rehoboth,  placés  désormais  sous  le  protectorat  de 
l'empire  allemand.  Il  a  réclamé,  pour  lui  aussi,  ce  protectorat  et  a  promis  de  faire 
la  paix  avec  les  Bastards  ;  il  a  déjà  conclu  avec  eux  un  armistice. 

M.  Jôao  Auguste  de  Moura,  originaire  de  l'Ile  de  Madère  et  négociant  à  Lis- 
bonne, a  obtenu  du  gouvernement  portugais  une  concession  de  5000  hectares  de 
terrains  incultes  jusqu'ici,  dans  la  province  de  Mossamédès,  au  nord  du  cap  Frio. 
Le  gouvernement  a  pris  à  sa  charge  de  faire  transporter,  du  port  de  Funchal  jus- 
qu'à Mossamédès,  200  maisons  pour  les  colons,  et  s'est  engagé  à  fournir  tous  les 
secours  nécessaires  pour  assurer  le  prompt  établissement  de  la  nouvelle  colonie 
qui  portera  le  nom  de  Luciano  Cordeiro. 

Le  chef  indigène  Coanhama,  de  Huilla,  dans  la  province  de  Mossamédès,  étant 
mort  subitement,  les  natifs  crurent  à  un  sortilège  de  la  part  des  blancs  résidant 
dans  la  localité.  Vingt  Européens  furent  massacrés,  entre  autres  trois  membres 
de  la  mission  de  Huilla.  Un  Anglais  a  pu  s'échapper  avec  une  de  ses  filles,  mais 
deux  autres  de  ses  enfants  ont  péri  dans  ce  massacre. 

Le  D*"  D.-D.  Veth,  qui  dirigeait  l'expédition  hollandaise  du  Cunéné,  est  mort 
le  19  mai  à  Kalakanga,  entre  Humpata  et  Benguela.  Les  voyageurs  ont  eu  à  lutter 
contre  de  grandes  difficultés  pour  gravir  les  terrasses  qui  conduisent  aux  hauts 
plateaux. 

L'expédition  missionnaire,  à  la  tête  de  laquelle  se  trouve  l'évêque  William 
Taylor,  a  eu  plusieurs  de  ses  membres  malades  à  Loanda.  Le  D'  Johnson  a  dû 
repartir  pour  l'Amérique  ;  M.  Châtelain  devait  être  conduit  à  Mossamédès,  plus 
salubre  que  Loanda,  en  attendant  qu'il  pût  revenir  en  Europe,  mais  il  a  dû  s'arrê- 
ter à  Benguela,  la  faiblesse  dans  laquelle  il  se  trouvait  ne  permettant  pas  de  le 
transporter  jusqu'à  Mossamédès. 

Les  missionnaires  américains  du  Bihé  ont  été  rappelés  par  le  roi  qui  les  avait 
d'abord  chassés.  M.  Sanders  est  retourné  à  Baïlounda,  où  s'est  aussi  rendu 
M.  Arnot,  après  avoir  séjourné  plusieurs  mois  à  Benguela. 

Le  marquis  Buonfanti,  entré  au  service  de  l'Association  internationale  du 
Ck>Dgo,  après  avoir  traversé  l'Afrique,  de  Tripoli  au  golfe  de  Guinée,  est  mort  de 
la  fièvre  à  Massabé,  et  M.  Casman,  chef  de  la  station  de  l'Equateur,  a  succombé  à 
un  anthrax. 

Dans  une  des  séances  du  Congrès  d'horticulture  et  de  botanique  à  Anvers,  a  été 
discuté  le  rapport  concernant  la  flore  du  Congo,  rédigé  par  M.  Moukemeyer, 
ancien  chef  de  culture  à  Boma.  Le  Congrès  a  adopté  la  proposition  de  former  un 
Comité  international  en  vue  d'une  exploration  botanique  du  Congo. 

Le  29  août  sont  partis,  par  le  steamer  Afrikaait,  M.  Janssens,  nommé  vice-gcu- 


—  272  — 

verneur  de  FÉtat  du  Congo,  arec  résidence  à  Borna;  M.  Destrains,  son  secrétaire; 
M.  Cuvelier,  juge;  trois  officiers  de  l'armée  belge,  chargés  d'une  mission  spéciale; 
M.  de  Blœme,  nommé  directeur  général  des  factoreries  hollandaises  du  Congo; 
enfin  le  chef  Massala  et  les  indigènes  qui  l'accompagnent. 

La  Castle  Mail  Packet  Company  organise  une  nouvelle  ligne  de  vapeurs,  dont  les 
steamers  partiront  de  Hambourg  dès  le  mois  de  septembre  ;  ils  toucheront  à  Rot- 
terdam, Anvers  et  Lisbonne,  en  Europe,  puis  à  Madère,  Banana,  Ambriz,  Saint- 
Paul  de  Loanda,  Algoa-Bay,  East-London,  Natal  et  la  baie  de  Delagoa. 

La  ViUe  d'Anvers,  petit  steamer  de  30  tonnes,  qui  faisait  le  service  des  trans- 
ports entre  Boma  et  Vivi,  a  coulé  bas  un  peu  en  amont  de  Ponta  da  Lenha. 

Le  Stanley  démonté  est  arrivé  à  Léopoldville  le  l'^'  juillet.  Trois  mécaniciens 
attachés  au  transport  se  sont  immédiatement  mis  à  l'œuvre  pour  sa  reconstruction 
et  son  lancement  sur  les  eaux  du  Stanley-Pool. 

M.  Francis  de  Winton,  administrateur  général  du  Congo  en  l'absence  de  Stan- 
ley, a  dû,  par  crainte  de  troubles  et  d'une  levée  des  noirs  en  certains  points  du 
territoire  de  l'État  nouvellement  constitué,  restreindre  temporairement  la  vente 
des  armes  à  tir  rapide  et  des  munitions  nécessaires  pour  l'usage  de  ces  armes. 
Cette  vente  est  soumise,  dans  toute  l'étendue  du  territoire  de  l'État  du  Congo,  à 
une  autorisation  préalable  de  l'administration  générale. 

Dans  une  lettre  du  29  mai,  de  Stanley-Pool,  M.  Grenfell  recommande  à  la  Société 
des  missions  baptistes  d'Angleterre,  comme  emplacements  de  futures  stations  : 
Msouata,  à  160  kilom  d'Arthington  ;  Mouxie,  sur  le  Quango,  à  80  kilom.  en  amont; 
Bolobo,  à  145  kilom.  au  delà  de  Msouata;  Loukoléla,  position  très  importante 
pour  les  opérations  futures  sur  le  Mobandji;  Bangala,  à  200  kilom.  d'Equateur- 
ville;  Roubounga,  à  270  kilom.  de  Bangala;  Yambinga,  à  l'embouchure  du  liOïka, 
et  Yangowa,  au  confluent  du  Loubilache. 

Le  D*"  C.  Passavant  de  Bâle  qui  était,  depuis  deux  ans,  arrêté  au  Cameroondans 
son  projet  d'exploration  à  l'intérieur,  dans  la  direction  de  la  ligne  de  partage  des 
eaux  entre  le  bassin  du  lac  Tchad,  et  celui  du  Congo,  a  été  obligé  par  les  circons- 
tances politiques  de  cette  région  de  renoncer  à  son  plan,  et  va  rentrer  en  Europe. 

M.  Stephan,  directeur  général  des  postes  de  l'empire  allemand,  a  reçu  de  Came- 
roon  une  lettre  renfermant  des  renseignements  sur  le  système  de  télégraphie 
acoustique  dont  se  servent  les  indigènes  de  la  nouvelle  colonie  allemande.  Chaque 
hameau  est  pourvu  d'une  espèce  de  trompette  en  bois  à  deux  petits  trous.  Au 
moyen  de  cet  instrument  et  de  signes  conventionnels,  les  nègres  se  transmettent 
les  nouvelles  à  une  distance  considérable  avec  une  rapidité  surprenante.  Chaque 
signe  exprime  un  mot.  Les  indigènes  libres  seuls  ont  le  privilège  de  se  servir  de 
ce  système  de  correspondance  dont  l'usage  est  interdit  aux  esclaves  et  aux  Euro- 
péens. 

L'explorateur  polonais  Rogozinsky  a  annoncé  au  Dziennik  de  Posen,  que  les 
fonctionnaires  anglais  lui  ayant  retiré  l'appui  qu'ils  lui  avaient  généreusement 
accordé  jusqu'ici,  il  renonçait  à  son  expédition  et  allait  revenir  en  Europe. 

La  direction  des  postes  de  l'empire  allemand  a  fait  une  convention  avec  la 


—  273  — 

maison  Woermann  de  Hambourg,  pour  établir  un  service  postal,  à  partir  du  V  août, 
à  bord  des  vapeurs  qui  font  le  trajet  entre  Hambourg  et  la  côte  occidentale 
d'Afrique. 

M.  Robert  Flegel,  actuellement  à  Brass,  à  Fembouchnre  du  Niger,  prépare  une 
nouvelle  expédition  au  Bénoué  supérieur. 

D'après  une  lettre  du  D' Lenz  à  la  Société  de  géographie  de  Vienne,  l'expédi- 
tion autrichienne  a  eu  une  traversée  difficile  le  long  de  la  côte  de  Krou,  entre 
Monrovia  et  Accra.  Il  comptait  s'arrêter  quelques  jours  à  Cameroon  et  poursuivre 
ensuite  sans  arrêt  jusqu'au  Congo.  L'annonce  de  la  découverte  du  Mobandji  par 
M.  Grenfell,  lui  faisait  penser  que  son  premier  devoir  était  de  tâcher  de  remon- 
ter le  plus  haut  possible  cet  affluent  du  Congo. 


EXPLORATION  DES  AFFLUENTS  DU  CONGO 

Par  le  Rev.  Grsbtfell. 

Dans  notre  article  sur  les  grandes  voies  fluviales  de  l'Afrique  (IV* 
année,  p.  339-347),  nous  faisions  remarquer  de  quelle  importance 
seraient  les  affluents  des  grands  fleuves  africains,  pour  faciliter  l'étude 
des  parties  encore  inconnues  de  leurs  vastes  bassins,  et  poui*  y  faire 
pénétrer  la  civilisatioji.  Cette  observation  s'appliquait  tout  particulière- 
ment au  Congo,  le  plus  riche  en  tributaires,  surtout  dans  la  partie 
navigable  de  son  cours,  entre  Stanley-Pool  et  les  chutes  de  Stanley,  sur 
une  longueur  de  1400  kilom.  Dès  loi-s,  le  fleuve  a  été  reconnu  enti-e  ces 
deux  points,  soit  par  les  vapeurs  de  Stanley  et  de  ses  agents,  soit  par 
ceux  des  missionnaires.  Stanley  tout  d'abord  pénétra  par  l'embouchure 
du  Quango  dans  la  Wabouma,  un  de  ses  tributaires,  et  découviit  le  lac 
Léopold  II;  un  peu  après,  remontant  le  Congo,  il  signala,  entre  la 
station  de  l'Equateur  et  le  V  lat.  S.,  le  lac  Mahoumba,  dans  une  direc- 
tion parallèle  au  grand  fleuve;  nous  avons  rapporté  l'exploration  ulté- 
rieure qu'il  fit  du  cours  inférieur  de  l'Arououimi,  jusque  près  des 
cataractes  de  Yambouga,  sur  une  longueur  de  75  kilom.  A  son  tour,  le 
capitaine  Hanssens  a  reconnu  l'embouchure  de  la  Mongala  et  remonté 
ritimbiri.  Mais  il  n'y  a  encore  là  que  ce  que  nous  appellerions  les  pré- 
liminaires des  études  des  affluents  du  Congo;  les  agents  des  stations  du 
nouvel  État  libre  les  continueront  sans  doute  en  détail  et  d'après  un 
plan  régulier,  de  manière  à  étendre  progressivement  et  dans  tous  les 
sens  nos  connaissances  sur  toutes  les  parties  de  l'immense  territoire 
qui  s'étend  du  fleuve  aux  sources  de  ses  grands  tributaires,  jusqu'aux 
limites  mêmes  de  son  bassin. 


—  274  — 

En  attendant  cette  exploration  méthodique,  le  Rev.  Grenfell  a  été 
conduit,  par  ses  recherches  d'emplacements  pour  fonder  de  nouvelles 
stations  missionnaires,  à  étudier  soit  les  rives  du  fleuve  et  les  embou- 
chures de  plusieurs  de  ses  affluents,  soit  un  certain  nombre  de  ces  der- 
niers non  encore  exploités  par  les  agents  des  stations  de  l'État  libre. 
Nous  avons  déjà  mentionné  (p.  46-51),  son  premier  voyage  avec  le 
Peace,  de  Stanley-Pool  à  la  station  de  l'Equateur  et  à  Liboko,  à  moitié 
chemin  des  chutes  de  Stanley,  et  donné  sommairement  (p.  197-198)  les 
résultats  de  ses  dernières  explorations  dans  le  bassin  du  haut  fleuve. 
L'abondance  des  renseignements  que  nous  apporte  le  Missionary 
Herald,  nous  engage  à  en  extraire  ce  qui  nous  paraît  le  plus  important 
pour  nos  lecteurs.  Aujourd'hui,  nous  nous  bornerons  aux  découvertes 
fournies  par  l'avant-dernier  voyage  de  Grenfell,  réservant  pour  un 
article  ultérieur  l'exploration  du  Mobandji,  —  l'Oubangi  de  M.  Wau- 
ters,  —  dont  les  détails  ne  nous  sont  pas  encore  parvenus. 

Ce  fut  le  13  octobre  de  l'année  dernière,  que  M.  Grenfell  s'embarqua 
sur  le  Peace,  pour  remonter  de  nouveau  le  Congo,  avec  sa  femme,  le 
D'  Sims,  de  l'Union  missionnaire  baptiste  américaine,  six  garçons  de 
l'école,  et  deux  jeunes  filles  capables  d'aider  M"'  Grenfell  dans  les  soins 
à  donner  à  son  enfant  âgé  d'un  an  seulement.  A  la  station  française  de 
Nganchou,  ils  rencontrèrent  le  capitaine  Massari  et  le  lieutenant  Par- 
gels  avec  lesquels  ils  remontèrent  jusqu'à  Kouamout,  à  l'embouchure 
du  Quango.-De  là,  ils  longèrent  la  rive  droite  du  Congo  jusqu'à  son 
confluent  avec  le  Lefini  * ,  qu'ils  résolurent  d'explorer,  afin  de  voir  s'il  offre 
une  voie  facile  pour  arriver  à  Mbé,  capitale  de  Makoko.  Ce  chef  préten- 
dant être  le  souverain  de  toutes  les  tribus  ba-téké,  qui  occupent  le 
territoire  entre  le  Congo  et  l'Ogôoué,  il  leur  paraissait  important  d'éta- 
blir avec  lui  des  relations  amicales,  si  l'occasion  leur  en  était  offerte. 
Leur  tentative  échoua  par  le  fait  que  le  Léfini,  à  cinq  kilomètres  en 
amont  de  son  confluent,  devient  un  ton-ent  qu'il  n'est  plus  possible  de 
remonter  ;  iLs  durent  donc  le  redescendre  et  rentrer  dans  le  Congo. 

C'est  à  peu  de  distance  du  confluent  du  Léfini,  que  le  fleuve  s'élargit, 
et  que  commencent  les  îles  qui  en  partagent  le  cours  en  plusiem's  bras. 
A  25  kilom.  de  Bolobo,  se  trouve  l'embouchure  de  la  Nkié,  ou  Nkeuyé, 
qui  traverse  un  district  peu  populeux,  mais  dont  les  habitants  arrêtè- 
rent l'expédition,  en  ne  permettant  pas  au  vapeur  de  faire  provision  de 
bois  à  brûler.  Les  voyageurs  purent  cependant  remonter  la  rivière  sur 

*  V.  la  Carte,  p.  140. 


—  275  — 

un  parcours  d'une  centaine  de  kilomètres,  tout  en  remarquant  que  les 
natifis  ne  s'en  servent  pas  comme  voie  navigable,  ce  qui  est  dû  sans 
doute  à  ses  nombreux  et  longs  méandres,  et  à  ses  eaux  rapides,  qui  font 
que  le  voyage  par  terre  est  plus  facile  ;  il  est  aussi  plus  sûr,  les  crocodiles 
étant  très  nombreux  dans  la  rivière.  Ce  ne  fut  qu'en  manœuvrant  avec 
la  pliLS  gi'ande  pnidence  que  le  Peace  put  redescendre  sans  avaiîes,  le 
courant  se  précipitant  dans  les  tours  et  détours  de  la  rivière  avec  une 
rapidité  de  5  à  7  kilom.  à  l'heure. 

En  se  rapprochant  de  l'Equateur,  les  explorateurs  rencontrèrent 
Tembouchurc  du  Mobandji,  dans  lequel  ils  pénétrèrent  ;  mais  sa  direc- 
tion étant  la  même  que  celle  du  Congo,  ils  crurent  d'abord  n'avoir  à 
faire  qu'à  une  section  du  fleuve,  appelée  de  ce  nom.  Toutefois,  après 
une  marche  de  200  kilom.  environ,  ils  constatèrent  qu'il  s'agissait 
réellement  d'un  cours  d'eau  spécial.  Au  premier  abord,  les  natifs  furent 
effrayés  et  s'enfuirent,  laissant  leurs  bouilloires  sur  le  feu,  leurs  maisons 
tout  ouvertes,  leurs  chèvi*es  et  leure  poules  à  la  merci  des  nouveaux 
aiTivauts  ;  ici,  les  adultes  tremblants  abandonnaient  les  plus  jeunes  ;  là, 
les  plus  courageux  mettaient  les  villes  en  état  de  défeiLse,  tandis  que 
d'autres  se  tenaient  derrière  eux  portant  les  aimes  et  les  boucliers  de 
leurs  camarades  et  les  leurs  propres.  Près  d'une  de  ces  villes,  les  mis- 
sionnaires furent  reçus  aux  cris  de  :  Esprits  !  Esprits  !  poussés  de  derrière 
la  barricade.  Un  indigène  de  Loukoléla  qu'ils  avaient  pris  avec  eux,  eut 
beau  dire  que  ce  n'étaient  point  des  esprits,  mais  des  hommes  venus 
pour  se  reposer  et  dormir  comme  d'autres  ;  rien  ne  put  triompher  du 
préjugé  des  natifs  ;  il  fallut  se  retirer  et  passer  sur  l'autre  rive  pour 
voir  si  les  gens  y  seraient  plus  trait ables. 

Quand  les  missionnaires  approchèrent  de  la  première  ville  de  la  rive 
gauche,  tous  les  natifs  s'enfuirent.  On  pouvait  voir  que  les  vivres  étaient 
abondants,  et  l'on  dépêcha  à  terre  trois  hommes  de  l'expédition  qui, 
munis  d'étoffes,  de  verroterie  et  de  lil  de  laiton,  essayèrent  d'entrer  en 
pourparlei-s  avec  le  peuple.  Mais  ils  durent  bientôt  battre  en  retraite 
devant  une  foule  irritée,  qui  reçut  les  agents  pacificateui's  en  leur  jetant 
une  lance  que  ceux-ci  esquivèrent  adroitement.  Ils  ne  se  retirèrent  ce- 
pendant qu'à  une  petite  distance,  espérant  que  lorsque  les  indigènes 
verraient  qu'aucun  dommage  n'avait  été  causé  à  leurs  biens,  ils  seraient 
convaincus  des  bonnes  dispositions  des  voyageurs.  Bientôt  le  vapeur  se 
rapprocha,  mais  les  guemers  conmiencèrent  alors  à  se  revêtir  do  leurs 
cuirasses  en  peau  d'éléphant  et  de  buffle,  à  se  cacher  derrière  leurs 
boucliers,  et  à  préparer  leurs  faisceaux  de  lances  ;  puis  ils  organisèrent 


—  276  — 

une  danse  de  guerre,  et  poussant  un  terrible  hurlement,  ils  firent  une 
charge  comme  s'ils  eussent  voulu  se  précipiter  à  travers  les  flots  sur  les 
étrangers.  Mais  ils  se  bornèrent  à  cette  démonstration.  Le  vapeur 
longea  lentement  la  côte,  assez  près  du  bord,  pour  que  les  natifs  pussent 
bien  voir  ceux  qui  le  montaient,  et  juger  de  leurs  dispositions  paci- 
fiques. 

La  présence  de  M"^  Grrenfell  et  de  son  enfant  parut  les  rassurer. 
Bientôt  on  put  essayer  de  faire  accepter  au  chef  un  morceau  d^ étoffe 
qu'on  lui  tendit  au  bout  d'un  long  bâton  ;  enfin,  l'équipage  du  vapeur 
put  acheter  du  plantain  et  des  vivres  en  abondance,  ainsi  que  quelques 
cuirasses,  boucliers,  couteaux  et  lances,  en  souvenir  de  cette  rencontre. 
Les  habitants  de  cette  partie  du  fleuve  sont  des  Ba-Loï,  tout  à  fait 
distincts,  par  l'aspect  et  par  la  langue,  des  Ba-Ké  et  des  Ba-Yansi,  qui 
ont  le  monopole  du  trafic  sur  le  Congo  moyen. 

Le  vapeur  redescendit  la  rivière,  mais  avant  d'en  être  sorti,  il  fut, 
pendant  une  nuit  où  il  était  à  l'ancre,  rejoint  par  une  des  nombreuses 
îles  flottantes  qui  rendent  dangereuse  la  navigation  du  cours  inférieur 
du  Mobandji.  M.  Grrenfell  appela  inmiédiatement  tous  ses  gens  pour 
l'écarter,  de  manière  à  ce  qu'elle  pût  flotter  le  long  du  bateau  ;  mais 
leure  efforts  furent  inutiles  ;  le  steamer  continua  à  être  entraîné  chas- 
sant sur  ses  ancres.  Alors  il  fit  descendre  sur  l'île  flottante  ses  hommes 
amiés  de  hachettes,  pour  tâcher  de  la  pai-tager  en  deux,  afin  que  cha- 
cune des  parties  fût  emportée  par  le  courant  à  droite  et  à  gauche  du 
Peace.  Ce  moyen  n'atteignant  pas  le  but,  on  eut  recours  aux  scies,  et, 
en  une  dizaine  de  minutes,  le  bateau  fut  dégagé  ;  après  quoi,  il  reprit  sa 
marche  vers  l'embouchure  du  Mobandji,  d'oîi  il  remonta  un  peu  au 
nord  vei*s  la  station  de  l'Equateur. 

Là,  M.  Van  Gèle  donna  aux  missionnaires,  pour  leurs  explorations 
ultérieures,  Éyambi,  un  des  hommes  qui  avaient  déjà  fait  le  voyage 
jusqu'aux  chutes  de  Stanley  avec  un  des  vapeurs  de  l'Association  du 
Haut-Congo.  A  5  ou  6  kilom.  en  amont,  ils  atteignirent  l'embouchure  du 
Kouki,  le  grand  affluent  méridional  du  Congo.  Quoiqu'ils  eussent  grande 
en\ie  de  le  remonter,  ils  n'osèrent  se  lancer  sur  ces  flots  noirs  comme 
de  l'encre,  ni  entreprendre  une  exploration  que  la  puissance  de  l'affluent 
leur  faisait  supposer  devoir  être  très  longue.  Ils  préférèrent  explorer 
rikelemba,  cours  d'eau  moins  considérable,  qui  se  verse  dans  le  Congo 
à  deux  kilomètres  plus  au  nord,  et  dont  les  bords,  leur  disait-on,  de- 
vaient être  très  peuplés  d'indigènes  habiles  à  fabriquer  des  couteaux  et 
des  lances.  Les  missionnaires  furent  désappointés  quant  au  nombre 


—  277  — 

d'habitaDtâ  qu'ils  rencontrèrent.  Toutefois,  ils  comptèrent  une  quin- 
zaine de  villages,  sur  un  parcours  de  200  kilomètres,  jusqu'à  un  point  où 
la  rivière,  après  avoir  diminué  graduellement,  se  trouva  trop  obstruée 
par  la  végétation  pour  leur  permettre  de  la  remonter  plus  haut;  Peau» 
cependant,  n'eut  jamais  moins  de  4  mètres  de  profondeur.  Pendant  tout 
le  trajet,  ils  virent  très  peu  de  terrain  au-dessus  du  niveau  de  Teau  ; 
partout  où  le  sol  paraissait  favorable,  s'élevait  un  village;  la  rive 
gauche  était  particulièrement  basse,  et  comme  ils  rencontrèrent  beau- 
coup de  Ba-Bouki,  M.  Grenfell  suj^ose  que  de  petits  canaux  mettent 
en  communication  l'Ikelemba  et  le  Bouki,  la  bande  de  terre  qui  les 
sépare  étant  fort  peu  large.  Les  eaux  de  l'Ikelemba  ressemblent  à  celles 
du  Bouki  ;  elles  sont  toutes  noires,  et  tellement  saturées  de  fer  qu'elles 
sont  très  astringentes;  c'est  au  point  que,  employées  à  faire  le  thé, 
elles  lui  communiquent  un  goût  d'encre  qui  le  rend  impotable.  Les  habi- 
tants des  premières  villes  que  M.  Grenfell  rencontra  en  remontant 
l'Ikelemba,  se  montrèrent  très  bien  disposés;  il  en  avait  vu,  sur  le 
Congo,  quelques-uns  qui  lui  servirent  d'introducteurs  auprès  des  autres, 
et  rendirent  les  relations  mutuelles  faciles.  A  mesure  que  le  vapeur 
remonta  la  rivière,  les  natifs  devinrent  plus  timides  et  plus  soupçonneux, 
surtout  dans  les  localités  où  une  forte  proportion  de  Ngombé,  ou  hom- 
mes des  bois,  étaient  mêlés  aux  riverains  leurs  voisins. 

L'expédition  visita  Danda,  une  des  villes  dont  la  population  tout 
entière  appartient  aux  Ngombé  ;  elle  est  située  à  1  Vs  kilom.  de  la  ri- 
vière, et  diffère  complètement  de  ce  que  les  missionnaires  avaient  vu 
auparavant.  Un  grand  fossé  de  4  mètres  de  largeur  et  de  2  mètres  de 
profondeur  l'entoure  entièrement;  le  bord  intérieur  en  est  surmonté 
d'une  forte  barricade  de  poutres  de  4  mètres  de  hauteur.  Trois  ouver- 
tures, auxquelles  conduisent  des  ponts  [de  poutres,  donnent  accès  dans 
la  ville  ;  ces  ouvertures  sont  étroites  et  garnies  de  planches  propres  k 
les  fermer  en  cas  de  besoin.  Le  D'  Sims  et  Ëyambi  entrèrent  les  pre- 
miers dans  la  ville;  mais  les  habitants  furent  si  effrayés  de  la  vue 
d'un  blanc,  que  l'un  d'eux,  se  levant  précipitamment,  lança  une  flèche 
aux  visiteurs  qui  ne  s'étaient  pas  fait  annoncer  ;  le  trait  manqua  le 
docteur,  mais  traversa  le  vêtement  d'Éyambi.  Les  indigènes  ne  com- 
prenaient pas  pourquoi  les  arrivants  ne  déclaraient  pas  la  guerre  d'em- 
blée, et  envisageaient  comme  très  suspecte  cette  tentative  de  nouer 
des  relations  amicales  avec  eux.  Ils  ont  la  face  entièrement  couverte  de 
cicatrices  qui  s'étendent  jusqu'aux  lèvres,  avec  des  boutons  gros  comme 
des  pois.  Parfois,  l'un  d'eux  en  a  une  rangée  tout  le  long  du  nez,  très 


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rapprochés  les  uns  des  autres;  d'autres  se  contentent  de  trois  ou  quatre 
boutons,  tandis  que  d'autres  encore  en  ont  un  énorme  sur  la  lèvre, 
comme  pour  simuler  une  corne  de  rhinocéros;  d'autres  enfin  eu  ont 
tout  autour  des  yeux,  et  le  long  des  joues  jusqu'au  menton,  de  manière 
à  esquisser  les  traits  saillants  d'une  tête  de  mort.  Une  jeune  fille  avait, 
de  chaque  côté  du  nez,  une  loupe  grosse  comme  un  œuf  de  pigeon,  si 
près  des  yeux  qu'elle  devait  avoir  beaucoup  de  peine  à  regarder  quoi 
que  ce  fût,  car,  quand  elle  voulait  voir  quelqu'un,  elle  devait  baisser  la 
tête  pour  regarder  par-dassus  ces  «  grains  de  beauté.  »  Les  visiteurs 
remarquèrent  beaucoup  de  malades,  quantité  de  gens  couverts  d'ulcè- 
res graves,  et  plusieurs  cas  de  lèpre  ;  ils  attribuent  ces  maux  à  la  con- 
dition de  l'eau  qui  leur  parut  détestable.  Ils  n'estiment  pas  que  l'Ike- 
leniba  doive  être  rangé  parmi  les  grands  affluents  du  Congo,  quoique 
ses  bords  soient  assez  peuplés,  et  que  ses  fabriques  de  couteaux  et  de 
lances  donnent  lieu  à  un  grand  trafic. 

Redescendant  au  Congo,  le  Peace  traversa  le  fleuve  pour  atteindre  la 
rive  di-oite  qu'il  longea  jusqu'à  Boungata,  ville  importante,  à  35  kilom. 
au  nord  de  l'Equateur.  Les  missionnaires  nouèrent  des  relations  d'ami- 
tié avec  le  chef  Nanou,  et  purent  s'approvisionner,  à  des  prix  modiques, 
de  vivres  et  de  combustible.  Pendant  qu'ils  étaient  là,  à  l'ancre,  en 
novembre,  ils  essuyèrent  un  de  ces  tomados,  qui,  dans  cette  saison,  ren- 
dent la  navigation  pénible  et  dangereuse  ;  le  Peace  le  supporta  heureu- 
sement. Le  19  novembre  il  passa  devant  la  ville  déserte  de  Boberi,  dont 
les  habitants  avaient  été  chassés  par  les  Ngonda,  de  l'Equateur,  et  s'é- 
taient établis  sur  une  crique  étroite  qui,  pendant  la  saison  des  hautes 
eaux,  communique  avec  le  Mobandji  ;  elle  traverse  toute  l'étroite  pénin- 
sule qui  sépare  le  Mobandji  du  Congo. 

De  là,  M.  Grenfell  se  rendit  à  Lobengo,  qu'il  avait  déjà  visitée  avec 
M.  Comber,  au  mois  de  juillet.  On  le  reconnut  comme  un  vieil  ami,  et  il 
put  avoir  avec  les  indigènes  des  rapports  beaucoup  plus  directs  que  la 
première  fois.  On  connaissait  l'homme  blanc,  on  savait  qu'il  était  iuof- 
fensif,  et  quoique  sa  femme  et  son  enfant  fussent  des  êtres  nouveaux 
pour  les  indigènes,  et  que  leur  présence  causât  un  certain  émoi  parmi 
les  femmes,  la  ville  néanmoins  demeura  tranquille.  Le  chef,  homme 
âgé,  continua  les  réparations  de  son  palais,  qui  n'est  pas  autre  chose 
qu'un  vaste  toit,  de  20  à  25  mètres  de  long,  sur  6  ou  8  mètres  de  large, 
soutenu  par  des  poteaux,  sans  aucune  muraille;  ces  poteaux  sont 
d'un  beau  travail,  ornés  d'une  sorte  de  sculpture  qui  témoigne  d'une 
grande  habileté  et  de  beaucoup  de  patience.  C'est  la  demeure  com- 


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mune,  mais  chacune  des  femmes  du  chef  a  son  habitation  distincte.  La 
pièce  susmentionnée  sert  de  cuisine,  de  salle  à  manger,  de  salon  de  con- 
versation et  de  fumoir.  Du  toit  pendait  une  collection  de  filets  de  toutes 
sortes,  avec  des  mailles  de  la  grosseur  d'un  doigt  jusqu'à  la  longueiir 
d'une  main,  pour  prendre  toute  espèce  d'animaux,  depuis  le  petit  pois- 
son, jusqu'au  grand  cerf  des  bois  ;  il  y  avait  aussi  des  trappes  à  rats, 
du  genre  du  jouet  connu  sous  le  nom  d'anneau  siamois,  dans  lesquelles 
le  rat  est  sen'é  d'autant  plus  qu'il  se  débat  davantage.  Le^  pipes,  lon- 
gues et  courtes,  abondent;  les  courtes  sont  à  l'usage  des  femmes  du 
chef,  qui  fument  en  se  livrant  aux  travaux  dans  les  plantations  ;  le  chef 
se  sert  de  pipes  de  2  à  3  mètres  de  longueur.  Il  y  avait,  en  outre,  des 
lances,  des  boucliers,  des  couteaux,  toutes  sortes  d'armes  offensives, 
des  provisions  de  remèdes  et  des  charmes  pour  conserver  la  vie  du  chef 
et  éloigner  de  son  corps  tous  les  maux  imaginables,  des  ustensiles,  des 
plats,  un  ou  deux  lits  de  réserve,  des  chasse-mouches,  une  espèce  de 
îeu  de  tric-trac,  divers  trophées  de  chasse,  et  quantité  d'objets  dont 
rénumération  est  impossible. 

Remontant  ensuite  le  fleuve  jusqu'à  Mounsembi  et  à  Boumbinda,  les 
missionnaires  y  reçurent  un  accueil  amical,  quoique  les  habitants  de  ces 
villes  eussent  cru  d'abord  à  une  invasion  de  leurs  voisins  les  Ba-Ngala. 
A  peine  quelques  femmes  et  quelques  enfants  se  laissèrent-ils  aperce- 
voir, la  plupart  s'étant  sauvés  dans  la  forêt.  Les  hommes,  demeurés 
dans  la  ville,  étaient  prêts  à  livrer  un  combat.  Au  delà,  le  Peace  passa 
devant  une  autre  crique,  aussi  en  communication  avec  le  Mobandji,  et 
explorée  en  partie  par  le  lieutenant  Coquilhat,  qui  atteignit  par  là  un 
petit  lac  d'une  dizaine  de  kilom.  carrés.  Les  natifs  lui  dirent  qu'il  au- 
rait à  en  travereer  un  autre  avant  d'arriver  au  Mobandji.  L'existence 
de  communications  entre  les  deux  cours  d'eau,  à200  kilom.  deleur  con- 
fluent, ne  fait,  pour  M.  Grenfell,  l'objet  d'aucun  doute,  car  il  vit  dans 
cette  crique  des  canots  montés  par  des  Ba-Loï,  indigènes  que  l'o^i  ne 
rencontre  jamais  en  aval;  ils  ont  la  tête  rasée,  et  leurs  couteaux  de 
bronze  ornementés,  ainsi  que  leur  vêtement  de  peau  d'^Jéphant,  diifë- 
rent  entièrement  de  ceux  que  l'on  trouve  chez  les  autres  tribus  du 
Congo. 

A  Bangala  les  voyageurs  coBStatèrent  des  faits  patents  de  canniba- 
lisme, quoique,  au  commencement  de  ce  voyage,  M.  Grenfell  crût  que 
celui-ci  recule  à  mesure  qu'on  avance  ;  chacune  des  tribus  indigènes 
disant,  qu'au  delà  de  ses  limites  les  natifs  sont  méchants,  qu'ils  man- 
gent des  hommes,  il  commençait  à  devenir  sceptique  à  ce  sujet,  lorsque. 


—  280  — 

à  Basgala,  il  fut  obligé  de  reconnaître  que  le  fait  n'était  que  trop  vrai. 
Les  indigènes  ne  pouvaient  pas  comprendre  que  Thomme  blanc  et  ses 
gens  fissent  exception  à  leurs  us  et  coutumes»  et  qu'il  voulût  intervenir. 
«  Pourquoi,  »  lui  dirent-ils,  «  voulez-vous  vous  mêler  de  nos  affaires  ? 
Nous  ne  vous  dérangeons  pas  quand  vous  tuez  vos  chèvres.  Nous  ache- 
tons notre  Nyama^  et  nous  le  tuons,  ce  n'est  pas  votre  affaire,  b  Le 
lieutenant  Coquilhat  a  vainement  cherché  à  mettre  un  terme  à  cette 
coutume,  et  il  estime  même  qu'il  ne  serait  pas  bon  de  racheter  un  des 
malheureux  destinés  à  être  victimes  de  ces  horreurs,  parce  qu'avec  le 
prix  qu'on  en  donnerait,  les  indigènes  en  achèteraient  trois  autres.  A 
partir  de  Bangala,  on  rencontre  partout  des  traces  de  cannibalisme  ; 
toutefois,  à  la  répugnance  avec  laquelle,  en  certains  endroits,  les  indi- 
gènes s'avouent  mangeurs  d'honmies,  on  peut  espérer  qu'il  existe  déjà 
en  eux  un  sentiment  qui  est  le  commencement  d'une  protestation  contre 
ce  crime. 

Le  lieutenant  Coquilhat  devant  visiter  Mobeka,  à  l'embouchure  de  la 
Ngala,  à  80  kilom.  plus  à  l'est,  remonta  le  Congo  avec  M.  Grenfell.  A 
cette  époque  il  y  avait  à  peine  un  mètre  carré  de  terrain  sec  dans  la 
Tille,  qui  paraissait  fort  insalubre.  Il  en  était  à  peu  près  de  même  de  la 
ville  de  Mpesa  dont  la  position  est  également  basse.  Les  eaux  du  fleuve 
avaient  monté  jusqu'à  la  fin  de  novembre  ;  elles  commençaient  à  baisser, 
mais  ce  n'était  pas  encore  le  moment  où  les  habitants  retirent  le  plus  de 
profit  de  la  pêche  des  poissons  qui,  aux  eaux  basses,  remplissent  les 
pièces  d'eau  formées  par  la  crue  du  fleuve.  A  Bopoto,  à  12  kilom.  en 
amont,  se  trouve  une  population  qui  compte  beaucoup  de  forgerons, 
fabriquant  des  haches  et  des  bêches  de  manière  à  en  fournir  à  tout  le 
district  avoisinant. 

De  Stanley-Pool  jusqu'à  l'embouchure  de  la  Ngala,  le  Peace  avait 
suivi  une  direction  nord  ;  à  partir  de  là  il  se  dirigea  vers  l'est,  et 
depuis  Moumba  il  commença  à  courir  vers  le  sud.  Au  coude  du  fleuve 
près  duquel  sont  les  villes  des  Yambinga,  il  entra  dans  celui  des  affluents 
septentrionaux  du  Congo  auquel  Stanley  a  donné  le  nom  d'Oukéré, 
mais  que  les  natifs  appellent  le  Lolka.  C'est  un  cours  d'eau  considéra- 
ble, de  200"  à  300"  de  large  ;  M.  Grenfell  le  remoQta  sur  un  parcours 
d'environ  160  kilom.,  dans  une  direction^.  N.  E.,  jusqu'à  une  cataracte 
qui  lui  barra  le  passage.  Près  de  son  confluent  avec  le  Congo,  les  villes 
sont  grandes  et  les  habitants  traitables  ;  mais  à  mesure  que  l'on  remonte 
l'affluent,  ils  deviennent  plus  timides,  et  les  comjnunications  avec  eux, 
plus  difficiles.  A  Mosakou,  le  chef  vint  à  bord  du  Peace  apporter  nn 


—  281  — 

présent  ;  mais  un  des  hommes  du  vapeur,  ayant,  sans  réflexion,  ouvert 
tout  à  coup  une  des  soupapes  de  sûreté,  le  sifllet  qui  en  résulta  fit  sur 
lui  et  sur  tous  les  indigènes  une  telle  impression,  que  tout  son  équipage 
et  les  gens  de  vingt  ou  trente  canots  qui  l'accompagnaient  se  jetèrent  à 
l'eau,  pour  se  sauver  à  la  nage  jusqu'à  terre.  La  panique  ne  fut  pas  de 
longue  durée,  et  de  bons  rapports  purent  s'établir  entre  les  habitants 
et  les  blancs. 

En  remontant  la  rivière,  les  explorateurs  remarquèrent  qu'elle  se  fraie 
un  passage  à  travers  une  rangée  de  collines  d'une  trentaine  de  mètres 
de  hauteur,  courant  au  N.  0.,  et  laissant  entre  elles  des  vallées  basses 
et  marécageuses.  A  Bonganga,  les  indigènes  brûlaient  les  herbes  des 
marais  et  des  plantes  flottantes  pour  en  faire  du  sel.  A  15  kilom.  en 
amont  on  rencontre  les  villages  momégé,  qui  s'étendent  sur  une  lon- 
gueur de  6  à  8  kilom.  le  long  de  la  rtve  gauche.  Ils  sont  bien  situés,  au 
milieu  de  terrains  extrêmement  fertiles  ;  les  maisons  en  sont  bien  bâties; 
leurs  murailles,  d'argile  blanchie  à  la  chaux  ou  peinte  en  rouge,  ont  les 
angles  arrondis.  Au  delà  viennent  de  grandes  villes  dont  les  habitants 
se  montrèrent  d'abord  hostiles  et  reçurent  les  arrivants  à  coups  de  flè- 
ches. Ceux  de  la  première  ville  des  Mobélé  les  tinrent  en  échec  pendant 
deux  ou  trois  heures,  et  ce  ne  fut  qu'en  les  voyant  répondre  à  toutes 
leurs  attaques  par  des  propositions  de  paix,  qu'ils  déposèrent  enfin  leurs 
dispositions  hostiles.  Heureusement  une  des  petites  filles  qui  accompa- 
gnaient M.  Grenféll  était  originaire  de  cette  partie  de  l'Afrique,  et  put,  du 
bateau,  se  faire  entendre  des  gens  qui  étaient  sur  le  bord  de  la  rivière, 
et  leur  faire  comprendre  que  les  blancs  ne  demandaient  que  des  vivres, 
en  échange  desquels  ils  donneraient  quantité  de  belles  choses.  Ils  paru- 
rent très  étonnés  en  entendant  quelqu'un  pai-ler  leur  langue  ;  alors  ils 
conmiencèrent  des  pourparlers  pour  qu'Éyambi  allât  à  terre  leur  mon- 
trer des  grains  de  verroterie  et  des  étoffes.  Mais  ils  ne  voulurent  pas  le 
laisser  gravir  le  rocher  qui  protégeait  leur  ville  du  côté  de  l'eau,  s'il 
n'amenait  avec  lui  la  petite  fille.  Il  la  prit  avec  lui,  fut  cordialement 
accueilli,  et  reçut,  pour  elle  et  pour  lui,  des  présents,  ainsi  que  des  vivres 
pour  l'équipage  du  Peace,  qui  continua  sa  marche  jusqu'à  la  ville  des 
deux  chefs  Esima  et  Katanga,  lesquels  leur  firent  le  meilleur  accueil.  A 
leur  descente  à  terre,  la  venue  des  chefe  fut  annoncée  au  bruit  des  tam- 
bours, et  au  son  de  cors  en  ivoire  de  2"  de  long  ;  quelques  minutes 
après  que  tous  les  notables  eurent  pris  place,  des  esclaves  apportèrent 
en  abondance  des  vivres  qu'ils  entassèrent  aux  pieds  des  missionnaires. 
Dès  que  M.  Grenféll  commença  à  exprimer  ses  remerciements,  l'ordre 


—  282  — 

fut  donné  de  lui  en  fournir  davantage,  et  les  femmes  apportèrent  de  la 
cassave  en  si  grande  abondance,  que  jamais  ailleurs  les  voyageurs  n'en 
reçurent  autant. 

A  50  kilom.  en  amont  de  l'embouchure  du  Lolka,  les  habitants  de 
Monoungeri  se  montrèrent  tellement  hostiles  aux  étrangers  que 
MM.  Grenfell  et  Sims  s'estimèrent  très  heureux,  après  une  visite  à 
leur  ville,  de  se  retrouver  sains  et  saufs  à  bord  du  Peace.  A  Bosoko,  où 
avait  eu  lieu,  en  1877,  l'attaque  des  gens  de  l'Arououimi  contre  Stanley, 
ils  virent  s'enfuir  plus  d'une  centaine  de  canots,  tous  chargés  d'enfants 
et  de  provisions  ;  la  baie  était  tout  entourée  de  fétiches,  et  les  hommes 
armés  étaient  tout  prêts  pour  un  combat  ;  ils  disaient  retenir  comme 
otages  les  blancs  de  la  station  internationale,  parce  qu'ils  avaient 
craint  que  l'expédition  du  Peace  ne  fût  le  prélude  d'une  invasion  enne- 
mie. M.  Grenfell  apprit  que  deux  des  honmies  de  la  station  avaient  été 
mangés,  et  que  le  troisième  n'avait  dû  son  salut  qu'au  répit  qui  lui 
avait  été  accordé  parce  qu'il  était  trop  maigre  ;  il  en  avait  profité  pour 
s'échapper. 

Le  Peace  s'éloigna,  mais  un  peu  en  amont,  en  un  endroit  où  les  mis- 
sionnaires avaient  espéré  passer  une  nuit  tranquille,  loin  du  bruit  des 
tambours  des  gens  de  Bosoko,  ils  virent  descendre  le  fleuve  et  passer 
auprès  d'eux  quantité  de  canots  fugitifs  échappés  de  la  ville  de  Yam- 
bouli,  incendiée  par  des  Arabes  en  quête  d'esclaves  et  d'ivoire.  Des  épa- 
ves de  toutes  sortes,  toits,  lits,  ustensiles,  calebasses;  filets  de  pêcheurs, 
étaient  entraînés  par  le  courant  ;  tout  ce  qui  pouvait  flotter  avait  été 
jeté  dans  le  fleuve,  soit  par  les  fugitifs  serrés  de  près,  soit  par  les  Arabes 
embarrassés  de  leur  butin.  La  ville  de  Mawembé  était  également  déserte, 
et  dans  celle  que  le  Peace  rencontra  ensuite,  sur  400  ou  500  maisons,  il 
n'y  en  avait  plus  que  3  ou  4  qui  eussent  encore  le  toit.  Un  peu  plus  en 
amont,  M.  Grenfell  vit  sortir  du  milieu  des  ruines  fumantes  d'une  autre 
ville,  également  ravagée  par  les  Arabes,  un  des  habitants  qui  s'était 
hasardé  à  revenir  en  arrière  ;  tendant  vers  les  blancs  des  mains  sup- 
pliantes, il  leur  dit  :  «  Voyez,  on  ne  nous  a  rien  laissé  ;  »  et  montrant 
les  poutres  carbonisées,  il  ajouta  :  «  Voyez,  nos  maisons  sont  brûlées, 
nos  plantations  détraites,  nos  femmes  et  nos  enfants  enlevés.  Et  les 
hommes  qui  ont  fait  cela  sont  tous  là-bas,  »  disait -il,  en  montrant  du 
doigt  l'autre  rive  du  fleuve.  «  La  vue  de  ce  malheureux,  au  milieu  decette 
scène  de  désolation,  »  écrit  M.  Grenfell,  «  est  une  de  celles  dont  l'impres- 
sion ne  peut  jamais  s'efiacer.  » 

Après  avoir  traversé  le  fleuve  et  rencontré  encore  d'autres  villes 


—  283  — 

inceDdiées,  les  missionnaires  arrivèrent  au  camp  des  Arabes  à  Tembou- 
chure  du  Loboko,  le  Loubilache  de  nos  cartes.  Ils  trouvèrent  les  Arabes 
se  préparant  à  repousser  une  attaque,  et  postant  des  corps  de  troupes 
dans  les  hautes  herbes  qui  commandaient  les  approches  du  camp.  Les 
chasseurs  d'esclaves  reconnurent  bientôt  qu'ils  n'avaient  pas  affaire  à 
des  hommes  de  guerre.  Ils  étaient  au  nombre  de  700,  sous  le  comman- 
dement de  Mounya  Mani,  vassal  du  fameux  Hamed  ben  Mohammed, 
plus  connu  sous  le  nom  de  Tipo-Tipo. 

De  ce  point  aux  chutes  de  Stanley,  le  Peace  rencontra  des  milliers  de 
fugitifs,  et  quantité  de  villages  dont  les  habitants  n'attendaient  qu'un 
signal  pour  s'enfuir  ;  leurs  biens  et  leurs  provisions  de  vivres  étaient 
déjà  déposés  dans  leurs  canots.  Le  plus  grand  nombre  paraissaient  vouloir 
coucher  dans  leurs  bateaux,  pour  éviter  une  surprise  nocturne  ;  de  jour, 
ils  se  tenaient  à  teiTe,  un  canot  ou  deux  faisant  le  guet  dans  les  postes 
d'observation  les  meilleurs.  Les  gens  de  M.  Grenfell,  qui  avaient  appris 
leur  chant  national,  n'avaient  qu'à  l'entonner,  pour  produire  chez  ceux 
qui  étaient  à  terre  un  enthousiasme  sympathique  avec  accompagnement 
de  danses. 

La  présence  des  Ai*abes  dans  cette  région  augmentait  considérable- 
ment les  diflBcultés  d'approvisionnements  de  la  station  des  chutes  de 
Stanley.  Néanmoins,  l'agent,  M.  le  lieutenant  Webster,  officier  suédois, 
pourvut  Ubéralement  aux  besoins  de  l'équipage  du  Peace,  M.  Grenfell 
fit  visite  à  Tipo-Tipo  qui  lui  offrit  ses  services  pour  envoyer  ce  qu'il 
désirerait  à  Oudjidji  ou  à  Zanzibar,  oîi  il  expédie  des  dépêches  tous  les 
quinze  jours.  Il  paraît  se  disposer  à  occuper  les  chutes  de  Stanley  d'une 
manière  permanente.  Il  fait  de  grandes  plantations,  parle  de  se  cons- 
truire  une  maison  de  pierre,  et  dit  qu'il  attend  2000  hommes  de  renfort. 
Il  se  donne  l'air  de  vouloir  faire  un  trafic  légitime,  et  déclare  que  si  les 
gens  n'étaient  pas  si  méchants  et  voulaient  trafiquer  sans  combattre, 
lui  le  voudrait  aussi.  Il  dit  avoir  entrepris  l'expédition  susmentionnée 
sur  Tordre  de  Saïd-Bargasch,  qui  l'a  fait  appeler  à  sa  cour  pour  qu'il 
lui  exposât  les  raisons  de  la  diminution  du  trafic  par  la  côte  orientale  ; 
aussi  s'enquiert-il  maintenant  de  ces  raisons  pour  le  sultan  de  Zanzibar, 
qui  prétend  à  la  souveraineté  du  Congo  jusqu'à  l'Océan  Atlantique  !  ! 

M.  Grenfell  insiste  sur  la  nécessité  de  prendre  des  mesures  pour 
arrêter  le  fléau  de  la  traite  qui  désole  les  rives  du  haut  Congo.  Le  lieu- 
tenant Webster  a  l'ordre  d'empêcher  les  Arabes  de  descendre  le  fleuve, 
mais  il  ne  peut  l'exécuter.  Ses  Zanzibarites  ne  voudraient  pas  combattre 
contre  leurs  compatriotes,  et  ses  Haoussas  sont  trop  peu  nombreux. 


iWi*'* 


1 


—  284  — 

Maintenant  que  le  nouvel  État  libre  du  Congo  a  été  créé,  c^est  à  lui 
qu'incombe  le  devoir  d'arrêter  la  marche  des  Arabes  de  Nyangoué  dans 
la  direction  de  TAtlantique. 


BIBLIOGRAPHIE 


Aux  PAYS  DU  Soudan.  Bogos,  Mensah,  Souakim,  par  Denis  de  Rivoyre. 
Paris  (Pion,  Nourrit  et  C*),  1885,  in-8*,  293  p.  avec  carte  et  gravures, 
fr.  4.  —  Il  ne  s'agit  pas  ici  d'une  nouvelle  expédition  de  l'explorateur 
qui  nous  a  fait  connaître  la  région  africaine  voisine  du  golfe  d'Aden, 
mais  d'un  voyage  accompli,  il  y  a  vingt  ans  environ,  c'est-à-dire  long- 
temps avant  que  le  Soudan,  Kbartoum  et  la  côte  de  la  mer  Rouge  fixas- 
sent l'attention  publique. 

C'est  en  compagnie  de  Mûnzinger,  alors  vice-consul  de  France  à 
Massaoua,  et  de  l'évêque  Bol,  qui  allait  avec  le  P.  Delmonte  réorgani- 
ser la  mission  catholique  chez  les  Bogos,  que  cette  courte  excursion  à 
Keren  a  été  entreprise. 

Cet  ouvrage  n'ajoute  pas  grand  chose  à  nos  connaissances  sur  le 
bassin  supérieur  du  Cher  Barka,  et  la  carte  qui  l'accompagne  renferme 
bien  peu  de  détails,  mais  on  le  lira  avec  plaisir,  parce  qu'il  est  écrit 
d'un  style  simple  et  facile,  et  que  le  récit  est  émaillé  de  nombreuses 
digressions  intéressantes,  entre  autres  d'anecdotes  et  d'histoires  fabu- 
leuses que  l'auteur  se  fait  raconter  par  les  gens  de  sa  caravane.  Du 
reste  les  descriptions  faites  par  un  homme  qui  a  vu  de  ses  propres  yeux, 
inspirent  toujours  confiance  et,  dans  ces  pays  encore  barbares,  le  pay- 
sage ne  change  guère,  pas  plus  que  les  mœurs  des  habitants.  En  outre 
M.  de  Rivoyre,  n'oubliant  pas  qu'il  écrit  en  1885,  fait  de  fréquents 
rapprochements  avec  la  situation  politique  actuelle. 

Le  Congo  au  point  de  vue  économique,  par  A.-J.  Wauters.  Bruxelles 
(Institut  national  de  géographie),  1885,  in-12*,  256  p.  avec  3  cartes  et 
8  vignettes,  fr.  3.  —  C'est  un  ouvrage  de  géographie  commerciale  qu'a 
voulu  écrire  M.  Wauters,  bien  connu  dans  le  monde  géographique  par 
ses  nombreux  ouvrages  et  par  son  journal  le  Mouvement  géographique. 
Recueillant  les  informations  fournies  par  les  grands  explorateurs,  les 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bàle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  eiciUsée, 


—  285  — 

agents  de  l'Association  internationale,  les  commerçants  de  la  côte,  les 
missionnaires  anglais,  et  enfin  par  le  Comité  d'études  lui-même,  il  a  pu 
faire  un  résumé  méthodique  de  nos  connaissances  sur  le  Congo,  une 
sorte  de  monographie  du  bassin  de  ce  fleuve  au  point  de  vue  économique. 
Fertilité  du  sol,  populations,  conditions  climatériques,  produits  actuels 
et  ressources  futures,  possibilité  de  nouer  avec  les  indigènes  des  rela- 
tions commerciales  fructueuses,  conditions  de  transport,  projet  de 
construction  d'une  voie  ferrée  se  dirigeant  de  la  côte  occidentale 
vers  le  centre  du  continent,  tous  ces  points,  qui  intéressent  au  plus 
haut  degré  l'opinion  publique,  parce  que  ce  sont  les  questions  vitales 
d'oii  dépend  surtout  l'avenir  du  nouvel  État,  sont  examinés  en 
détail. 

On  consultera  avec  fruit,  en  particulier,  les  chapitres  traitant  du 
mouvement  commercial  actuel  du  Congo  inférieur  et  des  lignes  de  navi- 
gation qui  le  relient  avec  l'Europe,  chapitres  dans  lesquels  l'auteur 
fournit  des  renseignements  nouveaux,  précis  et  dignes  de  foi.  On  y  trou- 
vera les  noms  des  maisons  européennes  établies  actuellement  au  Congo, 
les  chiffres  d'importation  et  d'exportation  pour  1883,  enfin  l'indication 
des  cinq  lignes  de  bateaux  à  vapeur  qui  desservent  le  Congo,  avec  le 
prix,  la  durée  et  les  autres  conditions  du  voyage.  Ce  sont  :  !•  la  ligne 
des  deux  compagnies  réunies  de  Liverpool  :  British  and  African  Steam 
Navigation  C**  et  Afirican  Steam  Ship  C*»;  2'  la  ligne  anglo-portu- 
gaise, Empreza  Nacional  ;  3**  celle  de  la  maison  Wœrmann,  de  Ham- 
bourg; 4**  celle  de  la  Nieuwe  Afrikaansche  Handels-Vennootschap 
de  Rotterdam  ;  5**  V  Angola,  de  la  maison  Hatton  et  Cookson  de  Liver- 
pool. 

Nous  reviendrons  peut-être  sur  cette  partie  importante  de  l'ouvrage. 

Souvenirs  d'une  exploration  médicale  dans  l'Afrique  intertro- 
picale, par  P.  Dutrieiix.  Paris  (G.  Carré),  et  Bruxelles  (A.  Man- 
ceaux),  1885,  in-8%  146  p.  et  carte,  fr.  3,50.  —  M.  Dutrieux  a  fait  partie 
de  la  première  expédition  de  l'Association  internationale  africaine.  En 
1878,  l'opinion  publique  en  Belgique  avait  été  alarmée  par  la  mort  de 
deux  des  trois  membres  de  l'expédition,  peu  de  temps  après  leur  arrivée 
à  Zanzibar.  Désirant  aller  étudier  sur  place  les  conditions  d'insalubrité 
du  climat  de  l'Afrique  équatoriale,  et  mettre  pour  cela  à  profit  l'expé- 
rience qu'il  avait  acquise  pendant  dix  années  de  séjour  au  Caire  où  il 
pratiquait  la  médecine,  le  D' Dutrieux  oflWt  ses  services  au  Comité  de 
Bruxelles,  qui  les  accepta  avec  empressement. 


—  286  — 

Mais  il  ne  put  pas  mettre  à  exécution  ses  projets  d'études  d'anthro- 
pologie et  d'ethnologie  ;  il  aurait  fallu  pour  cela  être  libre  de  tout  enga- 
gement envers  une  société  quelconque,  et  maître  de  son  temps  et  de 
ses  mouvements.  M.  Dutrieux  reconnut  qu'une  mission  n'a  de  chances 
d'aboutir  à  des  résultats  scientifiques  qu'à  la  condition  d'être  person- 
nelle et  indépendante.  Après  un  voyage  intéressant  et  fructueux,  de 
Bagamoyo  à  Tabora,  il  fut  employé,  pendant  plusieurs  mois,  k  garder 
dans  cette  dernière  localité  un  dépôt  de  marchandises.  Considérant  que 
de  telles  fonctions,  peu  dignes  d'un  médecin  ou  d'un  voyageur  scienti- 
fique, n'étaient  pas  de  nature  à  compenser  le  sacrifice  de  sa  santé,  il  se 
retira  du  service  de  l'Association  et  revint  en  Europe,  où  il  lui  fallut 
plusieurs  mois  de  repos  pour  se  rétablir  des  rudes  atteintes  du  palu- 
disme qui  avait  fini  par  le  terrasser. 

Quoique  le  bagage  scientifique  qu'il  a  rapporté  de  son  voyage  ait  été 
moins  considérable  qu'il  ne  l'espérait,  il  a  cependant  pu  formuler  les 
principaux  caractères  de  la  pathologie  des  Européens  dans  la  zone 
torride  de  l'Afrique,  et  donner  quelques  vues  d'une  portée  pratique, 
sans  avoir  toutefois  l'idée  de  publier  un  guide  médical  du  voyageur. 
Il  passe  en  revue  les  diflFérentes  maladies  des  pays  chauds,  entre 
autres  la  dysenterie,  les  aflFections  du  foie,  les  fièvres  paludéennes,  et 
traite  la  question  si  complexe  de  l'acclimatement.  Une  seconde  partie 
contient  des  notes  de  climatologie,  d'anthropologie  et  d'ethnologie, 
recueillies  à  Mpouapoua  et  dans  l'Ou-Nyaraouézi. 

L'étude  de  toutes  ces  questions,  desquelles  dépendent  tant  d'exis- 
tences humaines,  a  été  faite  par  M.  Dutrieux  avec  le  seul  souci  de  don- 
ner à  ses  lecteurs  des  renseignements  absolument  exacts,  et  qui  les  met- 
tent en  garde  contre  les  assertions  souvent  fausses  des  apôtres  enthou- 
siastes de  la  colonisation  à  outrance.  Décrire  l'Afrique  telle  qu'elle  est, 
c'est  le  premier  devoir  du  voyageur  sérieux. 

Maeroco,  DA8  Land  und  DIE  Leute,  goschildcrt  von  Adolph  von 
Conring.  Nouvelle  édition.  Berlin  (G.  Hempel),  1884,  in-8*,  335  p.  avec 
carte  et  plan  du  Maroc,  fr.  6,70.  —  Chargé,  en  1877,  par  l'empereur 
d'Allemagne,  d'une  mission  au  Maroc,  pour  étudier  les  rapports  commer- 
ciaux de  ce  pays  avec  l'empire  allemand,  l'auteur  de  cet  ouvrage  eut  la 
possibilité  de  parcourir  à  plusieurs  reprises  le  versant  occidental  de 
l'Atlas  jusqu'à  l'Océan.  Il  recueillit  ainsi,  sur  l'état  actuel  de  cette  con- 
trée, quantité  de  matériaux  qu'il  a  tenu  à  livrer  au  public.  Son  premier 
souci  a  été  de  dire  la  vérité  sur  toutes  les  questions  concernant  ce 


—  287  — 

gi'and  empire  nord-ouest  afiûcain,  et  d'exposer  ses  idées  personnelles 
avec  clarté  et  méthode. 

Il  débute  par  une  vue  d'ensemble  de  la  contrée,  et  étudie  ensuite  la  côte 
et  les  villes  maritimes,  de  Tétouan  à  Saffi,  puis  il  décrit  ses  itinéraires  : 
P  de  Saffi  à  Maroc  ;  2°  de  Maroc  à  Mogador  ;  3°  de  Mogador  à  Tanger 
et  retour  par  Mareeille.  Le  reste  du  volume  est  consacré  à  l'étude 
détaillée  de  la  situation  économique  du  Maroc  :  les  mœurs  et  le  genre 
de  vie  des  indigènes,  le  gouvernement,  Muley  Hassan  et  sa  famille,  les 
guerres  civiles  et  leurs  causes,  tous  ces  sujets  sont  traités  avec  une  haute 
clairvoyance  et  par  un  homme  qui  connaît  bien  les  choses  dont  il  parle. 
Enfin,  les  conditions  de  l'agriculture  marocaine,  la  production  et  la 
consommation,  le  commerce  intérieur,  l'exportation  et  l'importation, 
forment  une  des  parties  les  plus  importantes  de  l'ouvrage.  C'est  celle  à 
laquelle  l'auteur  a  voué  tous  ses  soins,  et  les  renseignements  nouveaux 
et  puisés  aux  meilleures  sources  qu'il  fournit,  seront  hautement  appré- 
ciés par  ceux  qui  ont  des  intérêts  dans  ce  pays. 

Nos    DROITS    SUR    MADAGASCAR    ET    NOS    GRIEFS   CONTRE     I4E8    H0VA8, 

par  B.  SaillenSj  avec  une  préface  de  M.  Frédéric  Passy.  —  Paris  (Paul 
Monnerat),  1885,  in-8°,  163  p.,  fr.  2.  —  On  pourrait  croire,  à  la  lecture 
de  ce  titre,  qu'il  s'agit  ici  d'un  ouvrage  comme  il  en  a  paru  plusieurs 
depuis  le  commencement  de  l'expédition  militaire  française  à  Madagas- 
car, poussant  à  une  action  énergique,  à  une  prise  de  possession  du  pays  ; 
il  n'en  est  rien.  Déjà,  dans  sa  préface,  M.  Frédéric  Passy,  président  de 
la  Société  des  a  Amis  de  la  Paix,  »  déclare  que  l'on  n'a  pas  dit  au  par- 
lement et  à  la  nation  toute  la  vérité,  que  le  livre  rouge  que  viennent 
de  publier  les  Hovas,  analogue  au  livre  jaune  français,  renferme  beau- 
coup de  pièces  inédites  qui  ne  sont  pas  à  l'honneur  du  gouvernement 
français.  En  un  mot,  la  cause  que  soutiennent  les  annes  de  la  France 
ne  lui  semble  pas  suffisamment  juste,  et  il  demande  des  éclaircisse- 
ments. 

M.  Saillens  va  plus  loin.  Son  livre  ne  traite  pas  la  question  au  point 
de  vue  géographique,  mais  s'occupe  de  l'histoire  de  la  colonisation  fran- 
çaise à  Madagascar.  Il  la  divise  en  deux  parties  :  la  première,  qui  va 
jusqu'à  la  conclusion  du  traité  de  1868,  se  résume  par  ces  mots  :  Nos 
droits  sur  Madagascar  sont  abrogés.  Nos  droits  modernes  n'ont  jamais 
existé  ;  les  négociateurs  français  l'ont  reconnu.  La  seconde  est  consacrée 
aux  événements  récents. 

L'auteur  désire  la  paix  ;  il  est  opposé  à  la  politique  violente  précoai- 


—  288  — 

sée  par  les  jésuites  français,  qui  ne  peuvent  pardonner  aux  protestants 
d'être  arrivés  les  premiers  et  d'avoir  conquis  une  influence  prépondé- 
rante, et  par  les  colons  de  la  Réunion  qui,  privés  des  coolies  hindous, 
voudraient  les  remplacer  par  des  Malgaches.  Si  l'on  fait  abstraction  des 
prétentions  exagérées  des  uns  et  des  autres,  la  France,  croit  l'auteur, 
est  bien  près  de  s'entendre  avec  les  Hovas.  L'aflFaire  peut  se  terminer 
par  quelques  concessions,  mais  les  accordera-t-on  ? 

Une  promenade  dans  le  sahara,  par  Charles  Lagarde.  Paris  (Pion, 
Nourrit  et  C^),  1885,  in-18,  301  p.,  fr.3,50.  —  La  librairie  Pion,  qui  a 
déjà  édité  sur  l'Afrique  du  Nord  les  beaux  ouvrages  de  Fromentin, 
publie  aujourd'hui  un  livre  posthume  de  M.  Lagarde^  ex-ofl5cier  au  !•" 
régiment  des  chasseurs  d'Afrique.  Misanthrope,  ennemi  de  notre  vie 
matérielle  et  bourgeoise,  l'Orient  lui  souriait  à  cause  de  l'absence  de 
civilisation  ;  il  aimait  le  désert,  la  forêt  vierge,  les  grands  spectacles  de 
la  nature,  et  quand  il  découvrait  une  correcte  habitation  européenne, 
plantée  comme  par  miracle  au  milieu  d'un  désert  sauvage,  sa  colère 
n'avait  plus  de  bornes.  A  la  tête  de  ses  soldats,  il  parcourut  pendant 
huit  ans  toute  la  province  d'Alger  et  descendit,  dans  sa  dernière  cam- 
pagne, jusqu'aux  confins  du  Maroc. 

Rappelé  en  France  par  la  guerre  franco-allemande,  il  fut  fait  prisonnier 
et  envoyé  en  Allemagne,  puis,  après  la  conclusion  de  la  paix,  il  retourna 
en  Algérie  où  l'insurrection  de  1871  venait  d'éclater.  Envoyé  à  Marengo, 
une  des  villes  les  plus  malsaines  de  la  colonie,  puis,  chargé  d'escorter  un 
convoi  de  colons  français,  il  tomba  malade,  se  rétablit,  lutta  encore, 
jusqu'au  jour  où  sa  forte  constitution  fut  attaquée.  Il  dut  renoncer  au 
service  actif,  mais  il  ne  put  jouir  longtemps  d'un  repos  bien  gagné.  Une 
courte  maladie  l'emporta,  le  23  janvier  1876,  dans  ce  Blidah  enchanteur, 
lieu  de  sa  première  résidence,  où  il  était  arrivé  plein  de  vie,  de  joie  et 
d'espérance. 

Ses  notes  et  ses  lettres  ont  été  recueillies  par  M.  Charles  Joliet,  qui 
trace  à  grands  traits,  dans  la  préface,  l'histoire  de  l'auteur.  Le  livre  lui- 
même  est  une  étude  de  paysages  et  de  mœurs  faite  par  un  fin  observa- 
teur, ayant  à  sa  disposition  une  plume  facile  et  élégante  ;  c'est  une 
série  de  petits  tableaux,  manquant  de  suite  peut-être,  mais  finement 
tracés,  et  tout  pénétrés  du  parfum  de  la  riche  nature  algérienne. 


ÉCHANGES 


Amsterdam, 

Anvers. 

BtTlin. 

BréiiiP. 

Briixollos. 


Borlin. 


Booiétés  de  géographie. 

Constantine.     Halle.  Lille.  Mai-seille.  Paris. 

Douai.  Hamhourp;.  Lijibonne.  Mantpellior.  Rochefort. 

Edimbourg.      léna.  Lyon.  JNancy.  Rome. 

Francfort  "/M.    Le  Giire.  irfadrid.  New-York.  Rouen. 

Greifswald.       Leipzig.  Manchester.  Oran.  Vienne. 

Sociétés  de  géograpliie  co:irueroiale. 

Bordeaux.         Paris.         Porto.         Saint-Gall. 


Le  Havre. 


Missions. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Vi  illetin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XIX™e  siècle 

(NeucMlel). 
Journal  de  TUnité  des  Frères  fmoraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions-Blîtt  (Barmen). 
|]^»rlîner  Missions-Bcrichte  (Berlin). 
Heidenbote  (BAle). 

Evangelisches  Missions -Magazin  (Bâlc^ 
(lalwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgemeine  Missions- Zeitschrift  (GUlt  .;- 

loh). 
Glaubensbote  (Bàle). 
Africa  (Londres). 
La  Nigrizia  (Vérone). 

J>ivex 

Gazette  géographique  et  Exploration  (Pa- 
ris). 

Moniteur  des  ('olonies  (Paris;. 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  (iOmice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  KAcadémie  d'Ilippone  (Bone). 

Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 

hevue  géographique  internationale  (Paris). 

Le  Mouvement  géographique  (Bruxelles).  Boll.  délia  sezione  Fiorentina  (Florence). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall).  Marina  e  Commercio,  e  Giornale  délie  co- 

Deutsche  Rundschau  fttr  Géographie  und,     lonie  (Rome). 
Statistik  (Vienne).  i  Africa  oriental  (Mozambique). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gosell-,()  Africano  (Quilimane). 
schaft  in  Deutschland  (Berlin).  ;  Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

Oesterreichische    Monatsschrift  fUr  den  As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 
Orient  (Vienne).  I  Revista  de  Estudos  Livres  (Lisbonne). 

Zeitschrift  ftir  wissenschaftliche  Geogra-, Réveil  du  Maroc  (Tanger), 
phie  (Vienne).  | 

AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


(;ihur,:h  missionary  Intelligencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missi  iuary  Herald  (Boston). 

Arîivrican  Missionary  (New-York). 

F«)r.Mgn  Missionary  (^'ew-York). 

Régions  beyond  (Londres). 

(liironicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

MontKly  Record  of  the  Free  Charch  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

(^hurch  of  Scotland   home  and   foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  Lhurch  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Woraan's    foreign    missionary    Society 
(Philadelphie). 


Deuvc  *»e  Kolonialzeilung  (Francfort  s/M) . 
Chambc.    '  Commerce  Journal  (Londres). 
African  Tiiii-    (Londres). 
Anlislavery  Re,>orter  (Londres). 
Aborigine's  Friend  (Londres).. 
African  Repository  (Washington). 
Esploratore  (Milan). 
Cosmos  (Turin). 

Bollettino  délia  Societa  africiyia  dîl.l'a 
(Naples). 


Tour  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indépendant  ((^onstantine) . 

Moniteur  de  TAlgérie  (Alger). 

Dr  A.  l*etermann  s  Mittheilungen  (Golhî 


a) 


Proceedings   of  the   royal   geographical 
Society  and  monthly  Record  of  geôgra 
phy  (Londres). 

Natal  Mercury  (Durban). 

(]ape  Argus  ((^pe-Town). 

West  African  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


i 


SOMMAIRE 

Pa«ea 

Bur.LETIN  MENSUEL 257 

Nouvelles  complémentaires 270 

Exploration  des  affluents  du  Congo,  par  le  Rev,  Grenfell. . . .  273 

Bibliographie  : 

Aux  pays  du  Soudan,  par  Denis  de  Rivoyre 2^4 

Le  Congo  au  point  de  vue  économique,  par  A.-J.  Wauters 284 

Souvenir  d'une  exploration  médicale  dans  PAfrique  intertropicale, 

par  P.  Dutrieux 285 

Marroco,  das  Land  und  die  Leute,  von  Adolph  von  Conring 286 

Nos  droits  sur  Madagascar  et  nos  griefs  contre  les  Hovas,  par  R. 

Saillens 287 

Une  promenade  dans  le  Sahara,  par  Charles  Lagarde 288 


OUVRAGES  REÇUS  : 

La  question  du  Congo,  depuis  son  origine  jusqu'à  aujourd'hui,  par  J.  Du  Fief. 

Bruxelles,  1885,  in-8<»,  80  p.  et  carte. 
Vingt  jours  en  Tunisie,  par  Paul  Arène.  Paris  (Lemerre),  1884,  in-lS*",  900  p., 

3  fr.  50. 
Société  française  et  africaine  d'encouragement.  3™«  rapport  annuel.  Paris,  1885, 

in-8<>,  12  pages. 
Afrika  :  Der  dunkle  Ërdtheil  im  Lichte  unserer  Zeit,  von  A.  v.  Schweiger-Lerchen- 

feld.  Lief.  19  bis  24.  Wien  (A.  Hartleben),  1886,  in-8«. 
Scandais  at  Cairo,  in  connection  wîth  Slavery,  by  an  englisb  Résident  at  Cairo. 

Cairo,  3  June,  1885,  in-8<>,  18  pages. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt< 


■f'. 


c>/ 


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GENÈVE 

,     LIBRAIRE-ÉDITEUE 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIE^Oâ   PAB 

H.   Onstave  HOTNIER 

Membre  de  la  Société  de  géographie  do  Genève,  de  Hnstiiat  de  Droit  internattonal  ; 
membre  correspondant  de  rÂoadémio  d'Hippone,  et  des  Sociétés  de  géographie  de  Marseille, 

de  Nancy,  de  Loanda  et  de  Porto. 

'  Il1tl>10£  PAR 

M.  Charles  FlïïRE 

Seorétaire-Bibliothéoaire  de  la  Société  de  géograpMe  de  Oenève ,  membre  correspondant  des  Sociétés 
de  géographie  de  Lisbonne,  de  Loanda.  do  Porto,  de  Saint-Qall  et  de  Berne. 


L Afrique  parait  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8«  d'au 
moins  20  pages  chacune;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
paraît  nécessaire. 

Le  prix  de  l'abonnement  annuel,  payable  d'avanee,  est  de  10  rrane», 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  l'Union  postale  (première  zone)  ;  pour  les 
autres,  H  fr.  50. 


Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  h  un  compte  rendu* 

-Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaetion  à  H.  Gustave  BVoynler^ 
8,  me  de  l'Atliénée»  h  Genève  (Suisse). 


S'adresser  pour  les  abonnements  h  Téditenr,  m.  H*  Georif,  à 
Genève  on  h  BAle. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Ch.  Delagrave,  libraire.  45,  nie  Soufllot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  Cour,  45.  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMoiARD  frères,  libraires,  Corso  VittorioEmmanuele,  21.  îi  Milan. 

F,-A.  Brockiiaus,  libraire,  Querstr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Friederichsen  et  i>,  libraires,  Admiralitâtsstr,  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelra  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autriche). 

Trubner  et  C*%  libraires,  Ludgate  HilU  57/59.  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


ATIS*  —  Nous  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  abonnés,  au  prix  de 
12  fr,  chacun^  un  certain  nombre  d^ exemplaires  complets  de  la  IT^^,  de  la  IV' 
et  de  la  F""»  année.  La  P^  et  lo  III"^'^  sont  épuisées. 


mf 


—  289  — 

BULLETIN  MENSUEL  {5  octobre  1885.  *) 

La  Société  française  d'encoara^ement  continue  son  œuvre 
en  faveur  des  Missions  africaines.  Indépendamment  de  ce  qu'elle 
a  fait  sur  d'autres  points  de  l'Afrique,  nous  trouvons,  dans  le  rapport 
communiqué  à  l'Assemblée  générale  du  mois  de  juin,  qu'elle  a  expédié  à 
M.  Mayor,  fondateur  du  poste  de  Moicnéa  en  Kabylie,  une  tente- 
baraquement^  pour  suppléer  à  l'insuffisance  de  sa  petite  maison,  comme 
dispensaire  et  salle  d'école.  Elle  lui  avait  précédemment  envoyé  des 
semences  qui  venaient  très  bien,  mais  pendant  une  absence  de  M.  Mayor 
de  sa  station,  des  hommes  payés  par  les  marabouts  s'étaient  introduits 
dans  la  maison  et  en  avaient  emporté  les  meilleures  choses.  Ils  avaient 
même  poussé  la  haine  jusqu'à  dévaliser  le  jardin  et  à  en  détruire  les 
plantes.  —  Elle  a  également  envoyé  aux  colons  des  Trois-llara- 
bouts  (province  d'Oran),  des  vêtements  de  travail  et  des  étoffes  que 
les  femmes  confectionnent  elles-mêmes,  le  travail  de  la  dernière  campa- 
gne des  colons  ayant  été  rendu  en  partie  infructueux  par  le  choléra  qui 
a  fermé  les  débouchés  à  leurs  récoltes,  d'ailleurs  satisfaisantes. 

Le  D'  Traversi,  parvenu  dans  l'Aonssa,  a  transmis  à  M.  Bou- 
tourline  (voy.  p.  14)  quelques  détails  sur  une  entrevue  qu'il  a  eue  avec 
Moliamed  Anfali.  Le  sultan  des  Aoussas  lui  a  promis  de  lui  remettre, 
pour  le  roi  d'Italie,  une  lettre  dans  laquelle  sera  rapporté  tout  ce  qu'il  a 
fait  après  la  mort  de  Bianclii.  Peut-être,  par  ce  moyen,  arrivera-t-on 
à  savoir  quelque  chose  de  précis  sur  ce  mystérieux  assassinat,  tout  au 
nioins  apprendra-t-on  en  quel  endroit  il  a  eu  lieu.  M.  Traversi  a  entendu 
dire  que  Blanchi  et  ses  deux  compagnons  ont  péri  dans  le  pays  des 
Taltals,  à  deux  journées  du  Tigré  ;  mais  cette  donnée  est  encore  assez 
vague. 

Le  commandant  d'Obocic  a  transmis  au  ministre  de  la  marine  des 
renseignements  favorables  sur  cette  nouvelle  colonie  française.  Tandis 
qu'au  commencement  de  l'année  dernière  elle  ne  comptait  pas  trente 
indigènes,  elle  compte  aujourd'hui  de  700  à  800  habitants,  dont  une 
centaine  de  Danakils,  qui,  sous  la  conduite  d'un  chef  dévoué,  sont 
venus  demander  du  travail,  le  reste  se  compose  de  Somalis,  d'Arabes 

'  Les  matières  comprises  dans  nos  BuUetins  mensuels  et  dans  les  NouvdUs  corn- 
plémentaires  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant^  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

L'AFRIQUE.   —   SIXIÈME   ANNÉE.   —  N°   10.  10 


—  290  — 

et  d'Abyssins.  Les premiei-s  sont  campés  aux  environs  des  factoreries, le^ 
autres  ont  formé  un  village  provisoire  de  paillotes,  sur  le  plateau  des 
chasseui*s.  Des  marchands  indigènes  de  même  race  se  sont  installés 
dans  ce  village  et  commencent  à  fournir  quelques  j^rovisions  aux  tabte 
des  bâtiments  de  passage.  —  A  Obock  et  à  Tadjourah  se  préparaient 
deux  caravanes  françaises  pour  le  Choa,  appartenant,  l'une  à  M.  Barrai, 
l'autre  à  M.  Brémond  ;  elles  ont  dû  partir  dans  la  seconde  quin2aine 
d'août.  Les  communications  avec  le  Choa  étaient  d'ailleiire  rares; 
depuis  plusieurs  mois  il  n'était  point  venu  de  nouvelles  de  ce  pays.  On 
supposait  que  des  courriers  avaient  été  interceptés  par  les  gens  du  sul- 
tan d'Aoussa.  —  Le  choix  du  plateau  du  cap  d'Obock,pour  la  construc- 
tion des  baraquements,  se  montrait  excellent  ;  à  l'abri  des  torrents  qui 
se  forment  ailleurs  pendant  les  orages,  le  plateau  est  continuellement 
balayé  par  les  vents  régnants  qui  lui  ai'rivent  directement  de  la  mer, 
sans  passer  par  la  plaine  ni  par  les  marais  à  palétuviers  qui  poun'aient 
causer  la  fièvre. 

Un  décret  du  22  août  a  ratifié  le  traité  qui  établissait  le  protectorat 
français  sur  Amhaho,  port  de  mer  du  pays  des  Somalis  dans  la  baie 
de  Tadjourah  ',et  l'une  des  têtes  de  ligne  des  caravanes  venant  de  Har- 
rar  et  du  Choa.  Ambabo  a  un  mouillage  suffisant  pour  abriter  le^ 
bateaux  qui  font  le  cabotage  dans  la  baie,  et  six  ou  sept  grands  navires. 
D'après  une  correspondance  adressée  d'Aden  au  Temps,  le  territoire 
d' Ambabo  n''est  habité  que  par  quelques  tribus  nomades  dépendantes 
des  Issas-Somalis.  Pendant  la  saison  des  pluies,  elles  descendent  des 
hauts  plateaux,  pour  venir  faire  paître  leure  troupeaux  dans  la  plaine, 
qu'elles  quittent  de  nouveau  à  l'époque  de  la  canicule.  Comme  point  de 
départ  des  caravanes,  Ambabo  offre  une  supériorité  incontestable  sur 
Sagallo  et  Zeïlah.  Les  deux  routes  d' Obock  et  d' Ambabo  pour  le  Choâ 
se  rejoignent  à  Gobab,  et  l'organisation  des  caravanes  avec  les  Issas- 
Somalis  offre  plus  de  sécurité  qu'avec  les  chefs  danakils.  D'autre  part, 
la  route  d' Ambabo  pour  le  Harrar  pourrait  bénéficier  des  mesures  pri- 
ses par  les  Anglais,  pour  détourner  le  courant  commercial  de  Harrar  à 
Zeïlah  en  faveur  du  port  de  Berbera  où  flotte  le  pavillon  britannique. 
Les  Issas-Somalis  maîtres  de  la  route  de  Zeïlah,  étant  les  rivaux  des 
Haber-Awal  qui  tiennent  la  route  de  Berbera,  prêteront  volontiers  leur 
concours  pour  l'ouverture  de  la  route  d'Arnbabo. 

Au   dire    do    la    Kolonial   Zeitnng,    rexpédition    des    frère** 
Denhar dt  à  la  Dana  avait  reçu  d'un  consortium  allemand  les  ri^- 

^  Voyez  la  carte,  IV"**  année,  p.  352. 


—  291  — 

sources  nécessaires  pour  faire  des  acquisitions  de  terrains  près  de  Tem- 
boucliure  de  cette  rivière,  et  nouer  des  relations  commerciales  avec  les 
sujets  du  sultan  de  l^itou^  Déjà  en  1867,  l'explorateur  Richard 
Breuner  avait  écrit  à  Berlin  que  ce  sultan  désirait  conclure  un  traité 
d'amitié  avec  la  Prusse;  il  s'engageait  d'avance  à  accorder  du  terrain  et 
une  entière  liberté  de  conscience  aux  sujets  prussiens  qui  voudraient  s'éta- 
blir dans  son  pays;  il  leur  garantissait,  en  particulier,  exemption  de  tout 
droit  de  transit  à  travers  ses  états  dans  la  direction  deh  pays  des  Wa- 
Pokomo  et  des  Gallas.  Les  frères  Denhardt  ont  pu  conclure,  cette  année- 
ci,  un  traité  de  protectorat  entre  le  sultan  de  Witou  et  l'empire  d'Alle- 
magne. Saïd  Bargasch  a  cherché  à  rompre,  par  des  mesures  militaires 
contre  le  dit  sultan,  les  liens  d'amitié  et  d'alliance  ainsi  formés,  mais 
il  a  dû  céder  devant  l'apparition  d'une  escadre  allemande  dans  les  eaux 
do  Zanzibar.  U  a  pleinement  reconnu  le  protectorat  de  l'empereur 
d'Allemagne  sur  les  territoires  dont  les  Allemands  ont  pris  possession 
sur  le  continent,  ainsi  que  sur  celui  de  Witou. 

D'après  VAfrican  Times^  le  D'  Jtthlke,  revenu  à  Zanzibar,  de  son 
expédition  au  Kilimandjaro,  a  conclu,  pour  la  Société  allemande  de 
TAfrique  orientale,  dix  traités  qui  augmentent  de  1000  milles  car- 
rés les  tenitoires  qu'elle  possédait  déjà  dans  cette  région.  Une  Société 
ag^ricole,  analogue  à  celle  que  MM.  Woermann,  Thormlihlen  et  C**^ 
ont  créée  pour  l'établissement  du  Cameroon,  est  en  voie  de  formation 
pour  les  nouvelles  possessions  allemandes.  La  Société  de  l'Afrique 
orientale  fait  des  essais  de  culture  de  café  et  de  tabac,  et  a  fait  venir 
pour  cela  de  jeunes  plants  de  Batavia.  —  La  Kolonial  Politische  Cnr- 
respondenz  a  calculé  que  la  Société  allemande  de  l'Afrique  orientale 
a  réussi  à  faire  placer  sous  le  protectorat  de  l'Allemagne,  4,500  milles 
carrés  de  territoires  fertiles  et  salubres,  dans  une  situation  centrale. 
On  a  déjà  établi  une  factorerie  et  une  première  station  agricole 
dans  l'Ou-Sagara,  et  la  Société  se  propose  de  créer  cinq  stations 
militaires  sur  une  base  agricole  ;  d'un  côté  elles  serviront  à  l'ins- 
truction militaire  des  nègres,  par  des  officiere  capables  qui  sont  déjà  sur 
le^  lieux,  de  l'autre  on  y  fera  des  expériences  agricoles  au  moyen  de 
natifs  ou  d'ouvriers  asiatiques.  La  maison  Krupp,  de  Essen,  a  promis 
des  canons  d'un  genre  nouveau,  pour  la  défense  de  ces  stations,  qui  for- 
meront le  point  central  des  travaux  de  la  Société  allemande,  et  fourni- 
ront aux  capitalistes  intéressés  au  développement  de  l'Afrique  orientale, 
un  champ  n  du  veau  pour  y  faire  valoir  leur  argent.  i 

Nous  devons  à  l'obligeance  de  M.  R.  N.  Cust,  de  la  Royal  Asiatic 


—  292  — 

Society,  communication  des  nouvelles  reçues  récemment   de  l'Oa- 
Ganda«  Les  dernières  lettres,  datées  du  mois  de  novembre  18B4, 
avaient  été  publiées  dans  le  numéro  d'avril  du  Church  Mi&tiomry 
Intelligencer  and  Record;  les  nouvelles  ultérieures  vont  jusqu'au  20  mai. 
La  lettre  de  novembre  avait  été  apportée  au  sud-ouest  du  Victoria- 
Nyanza,  à  Msalala,  par  M.  Mackay,  chargé  par  le  jeune  roi,  Mwanga, 
successeur  de  Mtésa,  d'amener  dans  l'Ou-Ganda  trois  missionnaires 
anglais  qui  devaient  être  arrivés  à  cette  station.  Ils  n'y  étaient  point 
encore,  retenus  qu'ils  avaient  été  à  une  station  plus  rapprochée  de  la 
côte.  Au  retour  de  M.  Mackay  à  Roubaga,  Mwanga  fut  très  fâché  de 
voir  qu'il  ne  les  ramenait  pas.  En  même  temps  se  répandait  le 
bruit  que  des  blancs  étaient  arrivés  en  forces  dans  le  Bouisoga,  au 
N.-E.  du  Victoria-Nyanza.  On  supposa  que  ces  bruits  se  rapportaient 
à  l'expédition  de  M.  J.  Thomson,  arrivé  à  cette  extrémité  du  lac  une 
année  auparavant  ;  mais  le  roi  soupçonneux,  excité  par  des  chefs  hos- 
tiles, préféra  croire  que  les  hommes  que  M.  Mackay  n'avait  pas  rame- 
nés avec  lui,  étaient  dans  le  Bousoga  et  négociaient  avec  les  ennemis 
de  rOu-Ganda.  Ce  fut  le  commencement  d'une  série  de  soupçons  et 
d'accusations  absurdes,  jusqu'à  ce  qu'à  la  fin  de  janvier,  M.  Mackay 
ayant  obtenu  la  permission  de  retraverser  le  lac,  rencontra,  en  se  ren- 
dant au  port,  une  troupe  en  armes  qui  l'obligea  à  retourner  à  la  capi- 
tale, tandis  que  quelques-uns  des  jeunes  chrétiens  qui  l'accompagnaient 
au  bateau  étaient  arrêtés,  sous  prétexte  qu'ils  cherchaient  à  quitter 
rOu-Ganda.  Ne  pouvant  avoir  accès  auprès  du  roi,  MM.  Mackay  et 
Ashé  en  appelèrent  au  Katikiro,  juge  suprême  et  premier  ministre, 
mais  ils  furent  écartés  de  sa  présence  avec  accompagnement  de  violen- 
ces et  d'insultes.  Un  présent  d'étoffes  fait  à  propos  apaisa  Mwanga  et 
le  Katikiro,  et  de  sérieux  efforts  furent  faits  pour  obtenir  que  les  jeu- 
nes gens  arrêtés  fussent  relâchés.  Trois  d'entre  eux  furent  libérés,  mais 
ils  rapportèrent  qu'ils  avaient  été  pris  avec  d'autres,  parmi  lesquels  les 
nommés  Serwanga,  Kakumba,  et  un  domestique  de  M.  Ashé,  et  con- 
duits hors  de  la  capitale.  Les  trois  chrétiens  susmentionnés  avaient  été 
torturés,  on  leur  avait  coupé  les  bras,  puis  on  les  avait  attachés  à  un 
échafaud  sous  lequel  on  avait  allumé  du  feu,  et  on  les  avait  brûlés  à 
petit  feu,  pendant  que  Mujasi,  le  chef  du  parti  hostile,  se  moquait  d'eux 
et  leur  disait  de  prier  le  Christ  pour  voir  s'il  les  sauverait  de  ses  mains. 
Les  jeunes  martyrs  persévérèrent  dans  leur  foi  jusqu'à  la  mort,  chantant, 
au  milieu  des  flammes,  les  louanges  de  Dieu.  M.  Mackay  pense  qu'il  ne 
s'agit  pas  d'une  persécution  religieuse  pure  et  simple.  C'a  été  une  explo- 
sion de  fiireur  contre  les  Anglais  et  tous  ceux  qui  leur  sont  attachés.  Pré- 


—  293  — 

voyant  cependant  qu'ils  seraient  probablement  obligés  de  quitter  le 
pays,  les  missionnaires  ont  pourvu  à  l'organisation  de  la  communauté 
indigène  qu'ils  devi'aient  peut-être  laisser  à  Roubaga.  Ils  ont  choisi, 
comme  anciens,  six  des  hommes  les  plus  avancés  et  jouissant  d'une 
bonne  réputation,  pour  diriger  les  cultes  dans  différents  centres,  pour 
le  cas  oîi  les  services  réguliers  de  la  mission  seraient  interrompus.  Heu- 
reusement l'orage  s'est  dissipé  ;  l'œuvre  missionnaire  a  continué  et 
M.  Mackay  pouvait  écrire,  le  22  février  :  a  De  grandes  foules  viennent  le 
dimanche,  ceux  qui  courent  le  risque  d'être  arrêtés  viennent  le  soir  ;  la 
mort  des  jeunes  martyrs  a  fait  grandir,  plutôt  que  diminuer,  le  désir  de 
devenir  chrétien.  Quelques-uns  des  hommes  de  Mujasi  sont  venus  à  nos 
instructions;  l'un  d'eux  en  particulier  a  été  tellement  impressionné  par  la 
conduite  de  ces  jeunes  gens  au  milieu  des  tortures  et  des  flammes,  qu'il 
a  voulu  apprendre  aussi  à  prier.  »  Au  mois  de  mai  le  roi  était  redevenu 
très  gracieux,  il  prêtait  une  attention  soutenue  aux  instructions  que  lui 
donnait  M.  Mackay  dans  des  entretiens  particulière  ;  le  Katikiro,  lui 
aussi,  était  redevenu  amical.  M.  Mackay  insiste  pour  que  des  renforts 
lui  soient  envoyés  ;  Mwanga,  voyant  que  les  missionnaires  anglais  n'ar- 
rivaient pas,  avait  dépêché  un  messager  aux  missionnaires  français 
établis  à  la  côte  est,  et  trois  d'entre  eux  étaient  arrivés  à  Roubaga. 
Des  renforts  anglais  sont  en  route  ;  si  leur  voyage  réussit,  ils  pourront 
aniver  dans  l'Ou-Ganda  à  la  fin  de  l'année. 

Le  Mouvement  fféographique  annonce  qu'une  lettre  de  M.  Storm», 
datée  de  Karéma,  du  8  juin,  est  parvenue  le  31  août  à  Bruxelles. 
M.  Storms  a  eu  des  démêlés  avec  des  chefs  voisins  de  la  station  de 
Mpala,  toujours  en  gueiTe  les  uns  contre  les  autres  et  ruinant  le  pays. 
Dans  une  prise  d'armes,  le  bâtiment  de  la  station  a  été  brûlé  ;  il  a  été 
reconstruit  avec  l'aide  des  indigènes.  Conformément  aux  instructions 
qui  lui  ont  été  transmises  de  Bruxelles,  M.  Storms  a  remis  provisoire- 
ment les  stations  de  Karéma  et  de  Mpala,  avec  leurs  dépendances,  à  la 
garde  des  Pères  de  la  mission  d'Alger.  Lui-même  comptait  reprendre 
le  chemin  de  Zanzibar  vers  la  fin  de  juillet. 

Le  numéro  du  20  juillet  du  Compte  rendu  de  l'Académie  des  sciences 
de  Paris  renfeime  un  article  de  MM.  A.  Mihie  Edwards  et  C.  Oustalet 
sur  la  faune  de  Grande  Comore.  Les  observations  sont  basées  sur 
les  collections  faites  par  M.  Humblot  durant  un  séjour  récent  de  plu- 
sieurs mois  dans  cette  île.  Son  but  était  de  découvrir  quels  avaient  été 
les  anciens  rapports  des  îles  de  cet  archipel.  Il  n'a  pas  trouvé  à  Grande 
Comore  de  mammifères  indigènes  ;  tous  ceux  qu'on  y  rencontre  ont  été 
importés.  M.  Humblot  y  a  trouvé  34  espèces  d'oiseaux.  Après  avoir 


—  294  — 

examiné  toutes  les  collections,  MM.  Mihie  Edwards  et  Oustalet  sont 
arrivés  à  la  conclusion  que  Grande  Comore  n'est  point  une  dépendance 
de  Madagascar,  qu'elle  n'a  point  été  détachée  de  cette  île,  et  que  sa 
faune  a  été  importée  des  régions  voisines.  —  M.  Le  Blanc,  ingénieur 
des  arts  et  manufactures,  colon  à  Mayotte,  a  été  chargé  par  M.  Rous- 
seau, sous-secrétaire  d'État  à  la  marine  et  aux  colonies,  d'une  mission 
d'exploration  agricole  et  commerciale  aux  trois  autres  îles  de  l'archî- 
pel  dos  Comopes,  Anjouan,  Mohilla  et  Grande  Comore. 

Nous  extrayons  d'une  correspondance  de  Tamatave,  au  Temps,  les 
renseignements  suivants  sur  No»I-Vey,  îlot  de  1400"  de  long  et  50(f 
de  large,  à  l'embouchure  de  la  rivière  St-Augustin,  à  la  côte  S.-O.  de 
Madag^Ascar  '.  Grâce  à  l'initiative  du  capitaine  au  long  coui^s,  Macé, 
qui  y  a  fondé  un  comptoir  en  1876,  avec  l'agrément  du  roi  des  Masi- 
cora,  Leimérisa,  un  établissement  commercial  français  s'y  est  rapide- 
ment développé.  Autour  des  magasins  que  défendent  de  fortes  palissa- 
des armées  de  quatre  canons,  des  cases  et  des  paillotes  n'ont  pas  tardé 
à  s'élever.  Autorisés  par  M.  Macé,  des  Anglais  s'y  sont  établis,  et 
aujourd'hui  Nosi-Vey  contient  un  gros  village,  peuplé  de  créoles  de  la 
Réunion  et  de  quelques  Anglais.  C'est  un  centre  et  un  entrepôt,  pour 
sept  ou  huit  petits  comptoirs  échelonnés  depuis  le  cap  Sainte-Marie,  à 
l'extrémité  sud  de  Madagascar,  jusqu'à  la  baie  de  Morondava,  sur  la 
côte  occidentale.  Jusqu'ici  les  Mahafalys  et  les  Masicora  sont  restés 
hors  d'atteinte  des  Hovas,  grâce  à  leur  éloignement  du  centre  de  l'île. 
Cependant  des  agents  de  Tananarive  descendent  de  temps  à  autre  à  la 
côte  S.-O.,  pour  tâcher  d'en  gagner  les  chefs  ;  les  indigènes  sont  devenus 
méfiants  à  l'égard  des  trafiquants  français;  les  droits  qu'ils  exigent 
pour  le  débarquement  des  marchandises  deviennent  exorbitants.  Des 
navires  anglais  et  américains  amènent  à  Morondava  des  armes  et  des 
munitions  qui  sont,  de  là,  tran^sportées  dans  la  province  d'Iraérina. 
D'après  M.  Macé,  la  côte  S.-O.,  et  Nosi-Vey  en  particulier,  sont  très 
salubres  ;  lorsqu'il  a  des  employés  malades,  c'est  à  Nosi-Vey  qu'il  les 
envoie,  et  ils  s'y  remettent  rapidement. 

xV  la  dernière  heure,  le  Natal  Mercury  nous  apporte  le  récit  d'une 
expédifion  du  capitaine  Li^sau,  de  la  baie  de  Morondava  à 
Tiinanarive,  par  une  route  qui  diffère  en  partie  des  itinéraires  mar- 
qués dans  notre  carte.  Le  manque  de  place  nous  oblige  à  en  ajourner 
les  détails  au  prochain  numéro. 

La  mission  du  major  Edwardsr,  auprès  de  Lo^eni^ula,  roi  des 

*  Voy.  la  carte,  V™«  année,  p.  164. 


—  295  — 

Ma-Tébélé,  dont  l'Angleterre  voulait  placer  le  territoire  sous  son  pro- 
tectorat, n'a  pas  abouti.  Lobengula  a  bien  reçu  le  major  anglais,  l'a 
remercié  de  ses  propositions,  et  lui  a  demandé  quel  droit  Khamé  avait 
de  tracer  des  limites  entre  son  pays  et  celui  des  Ma-Tébélé.  «  Où  sont  », 
a-t-il  dit,  «  les  frontières  des  Ma-Tébélé  ?  J'ai  toujours  vécu  en  paix  avec 
Khamé,  et  je  me  propose  de  continuer  de  même^  mais  je  ne  sais  pas 
quels  sont  les  sentiments  de  Khamé  à  mon  égard.  »  —  L'armée  des  Ma- 
Tebélé,  qui  avait  fait  une  expédition  au  lac  Ngami,  a  subi  une  grande 
défaite.  Les  indigènes  de  cette  région  se  cachèrent  dans  les  roseaux  de 
la  rivière,  d'où  ils  tirèrent  sur  les  assaillants,  auxquels  ils  tuèrent  beau- 
coup de  monde.  Les  derniers  rapports  évaluent  à  8000  le  nombre  des 
Ma-Tébélé  tués  dans  cette  expédition.  Les  survivants  n'ayant  point  cap- 
turé de  bétail,  souffrirent  beaucoup  de  la  faim  et  de  la  fièvre  dans  leur 
retraite. 

Le  Mismonary  Herald  de  Boston  nous  a  apporté  le  récit  du  voyage 
de  ni*  Richards,  de  la  baie  de  Dela^oa  à.  Baleni,  à  travers 
un  pays  très  populeux,  mais  jusqu'à  présent  inexploré.  Le  lende- 
main de  son  départ,  il  atteigi^it  la  rivière  Saint-Georges,  ou  Komati,  qui 
a  200""^  de  large  et  10"  de  profondeur.  Il  en  suivit  la  rive  gauche 
pendant  trois  jours,  marchant  dans  un  sable  profond,  dans  la  boue  ou 
dans  l'eau  ;  sur  l'autre  rive,  s'étendaient  des  marais  et  des  lagunes,  et 
partout  abondaient  les  veaux  marins  et  les  crocodiles.  Personne  n'osait 
se  baigner  par  peur  de  ces  derniers  et  des  requins.  Dans  tous  les  kraais 
on  trouvait  du  riz,  mais  en  somme  les  vivres  étaient  rares.  Le  quatrième 
jour  il  longea  13  lacs  différents;  les  natifs  leur  donnent  le  nom  de 
Rivière  Lipouta,  quoiqu'il  n'y  ait  pas  de  rivière;  il  y  a  souvent  entre 
eux  des  collines  et  de  grandes  étendues  de  bois.  Un  des  messagers 
d'Oumzila,  qui  lui  avait  fait  visite  près  d'Inhambané,  l'ayant  rencontré, 
l'accompagna  jusqu'à  Baleni.  Le  septième  jour  il  atteignit  le  Limpopo, 
qui,  en  cet  endroit,  coule  à  travers  une  vaste  plaine,  de  plusieurs  kilom. 
à  l'est;  partout  se  voyaient  des  troupeaux  de  bestiaux,  quantité  de 
huttes,  peu  grandes,  mais  très  rapprochées  les  unes  des  autres.  Amvé 
au  kraal  de  Manjoba,  il  trouva  que  ce  chef  s'en  était  construit  un  autre, 
sur  la  rive  gauche  du  Limpopo,  à  Emkoutweni.  Là  le  fleuve  avait  au 
moins  200"  de  large,  et  environ  5°  de  profondeur  au  milieu.  Les 
veaux  marins  et  les  crocodiles  y  abondaient.  Manjoba  est  le  personnage 
qui  a  le  plus  d'autorité  après  le  roi  Oumganou,  fils  et  successeur  d'Oum- 
zila. Il  est  lieutenant-général  de  l'année  et  en  a  toutes  les  allures  ;  jamais 
il  n'était  plus  de  cinq  minutes  dans  la  même  hutte.  Six  «  loups  »  du  nou- 
veau roi,  espions  d'Oumganou,  chargés  d'épier  et  de  faire  mourir  qui- 


—  296  — 

conque  parlait  mal  du  souverain,  le  rendaient  crmntif.  Il  avait  peur  de 
paraître  avoir  trop  de  rapports  avec  M.  Richards,  les  espions  pouvant 
aller  redire  au  roi  quMl  était  ligué  avec  les  blancs  et  lui  faire  perdre  la 
vie.  Le  lendemain  de  l'arrivée  du  missionnaire,  Manjoba  voulut  qu'il  vît 
ses  soldats.  U  lui  en  présenta  300,  tout  équipés,  qui  célébrèrent  les 
louanges  du  chef.  Il  les  avait  envoyés  faire  la  guerre  aux  Machappa, 
dont  ils  avaient  égorgé  tous  les  adultes,  et  réduit  en  esclavage  les 
enfants,  pour  les  vendre  aux  Portugais  h  la  baie  de  Delagoa  et  à  Inham- 
bané,  une  fille  5  liv.  sterl.,  un  garçon  1  liv.  sterl.  ;  il  y  avait  beaucoup 
d'esclaves  autour  du  kraal  de  Manjoba,  chacune  de  ses  femmes  en  avait 
un  ;  plusieurs  jeunes  hommes  faisaient  les  récoltes  et  gardaient  les  bes- 
tiaux ;  tous  avaient  été  pris  à  la  guerre.  Leur  pays  n'était  qu'à  trois 
journées  de  marche,  mais  ils  ne  pouvaient  pas  s'éloigner;  s'ils  le  fai- 
saient et  qu'ils  fussent  pris,  on  les  mettait  à  mort.  M.  Richards  ayant 
exposé  à  Manjoba  le  but  de  son  voyage,  celui-ci  lui  dit  qu'il  n'était  pas 
en  son  pouvoir  de  faire  rien  pour  lui  ;  il  ajouta  que  personnellement  i' 
serait  content  de  le  voir  venir  s'établir  au  milieu  de  son  peuple,  mais 
qu'il  devait  attendre  les  ordres  d'Oumgançu.  Il  lui  donna  un  guide  pour 
le  conduire  chez  les  Makwakwas,  sur  la  route  d'Inhambané.  A  quatre 
heures  du  kraal  de  Manjoba,  M.  Richards  atteignit  la  Luize,  aussi 
appelée  la  Chagane.  L'ayant  traversée,  il  gravit  une  colline  d'une  tren- 
taine de  mètres,  du  haut  de  laquelle  il  vit  la  plaine  s'étendre  au  N.-O. 
et  au  S.-E.  aussi  loin  que  le  regard  pouvait  atteindre.  Le  Limpopo  coule 
au  centre,  et  la  Chagane  à  l'est;  celle-ci  se  verse  dans  le  Limpopo. 
Ëmkontweni  est  situé  sur  le  Limpopo,  à  environ  20  kilom.  au  nord  du 
confluent  des  deux  cours  d'eau.  Dans  la  saison  des  pluies,  toute  cette 
plaine  n'est  qu'un  lac  immense  ;  Ëmkontweni  et  les  centaines  dekraais 
de  ce  district  sont  abandonnés  pour  deux  ou  trois  mois.  A  l'est  et  à 
l'ouest,  les  collines  sont  relativement  salubres,  mais  la  plaine  ne  doit  pas 
l'être.  Elle  produit  du  blé,  du  millet,  des  pommes  de  terre  douces,  des 
melons,  des  bananes,  etc.  ;  les  troupeaux  de.  bestiaux  y  abondent.  Les 
habitants,  appelés  communément  Changani,  s'étendent  à  l'ouest  jusqu'à 
la  rivière  Saint-Georges,  et  occupent  un  immense  territoire  v^is  le  nord. 
Le  zoulou  est  la  langue  de  la  cour,  et  chaque  homme  le  comprend;  il 
n'en  est  pas  de  même  des  femmes  et  des  enfants.  Les  deux  principaux 
kraals  que  M.  Richards  rencontra  ensuite  jusqu'à  Inhambaoé  sont  ceux 
de  Bingouana,  de  mille  huttes  au  moins,  et  de  Gouamba,  encore  plus 
considérable.  En  quittant  Bingouana,  il  atteignit  la  rivière  Inhambané, 
de  10"  de  large,  très  profonde,  et  s'élargissant  en  plusieurs  endroits 
en  petits  lacs. 


—  297  — 

Le  l*'  septembre  a  été  signé,  à  Pans,  un  traité  de  commerce 
entre  la  France  et  le  Transvaal.  Les  deux  parties  contrac- 
tantes se  sont  réciproquement  garanti  le  traitement  de  la  nation  la  plus 
favorisée.  Le.  paragraphe  2  de  l'article  3  renferme  cependant  une 
réserve  en  faveur  de  la  République  sud-africaine,  qui  conserve  la  faculté 
de  maintenir  ou  de  concéder  des  avantages  particuliers,  à  un  ou  plusieurs 
des  États  ou  colonies  «  limitrophes,  »  en  vue  des  facilités  accordées  ou  à 
accorder  aux  ressortissants  ou  aux  produits  de  ces  États  ou  colonies, 
pour  le  commerce  frontière.  Ces  avantages  ne  pourront  pas  être  récla- 
més par  la  France  comme  conséquence  de  son  droit  au  traitement  de  la 
Dation  la  plus  favorisée,  à  moins  qu'ils  ne  viennent  à  être  étendus  à  un 
État  non  limitrophe,  notamment  à  ceux  dont  relèvent  ou  relèveraient 
les  pays  auxquels  les  dits  avantages  ont  été  ou  seraient  accordés.  Dans 
ce  caB,  le  bénéfice  en  serait  immédiatement  acquis  aux  ressortissants 
français. 

M.  H.-C.  Schunke,  arpenteur  officiel  de  la  Colonie  de  Natal,  a  été 
nommé  par  le  D'  Gill,  astronome  au  Cap,  pour  diriger  le  levé  tri- 
If^nométrique  qui  doit  être  fait  du  Transvaal,  conformément  à 
la  décision  du  Volksraad,  et  relié  aux  levés  géodésiques  des  Colonies  du 
Cap  et  de  Natal.  La  chaîne  des  principaux  triangles  doit  s'étendre,  de 
Newcastle  (Natal),  au  Limpopo,  près  du  30 **  long.  E.,  puis,  au  8,-0.,  le 
long  de  la  frontière  ouest  du  Transvaal  jusqu'à  la  limite  occidentale  du 
Griqualand-West.  Une  autre  chaîne  de  triangles  ira  de  Middlebourg,  par 
Pretoria,  au  Marico.  La  longitude  de  Pretoria  devra  être  déterminée  par 
la  méthode  de  télégraphie  électrique,  directement  de  l'observatoire  du 
Cap,  qui  prêtera  les  instruments  nécessaires  pour  la  partie  astronomique 
du  travail. 

Le  19  juillet,  l'administrateur-général  de  l'État  libre  dn  Cong^o, 
Mir  Francis  de  l^inton,  a  communiqué  à  Banana,  aux  représen- 
tants de  toutes  les  maisons  de  commerce  établies  sur  la  rive  droite  du 
fleuve  et  aux  chefs  indigènes  résidant  entre  Banana  et  Borna,  les  décrets 
par  lesquels  le  roi  Léopold  II  a  annoncé  son  avènement  à  la  souveraineté 
du  nouvel  État.  En  même  temps  il  leur  a  donné  l'assurance  que  le  but 
de  son  gouvernement  serait  :  le  maintien  de  l'ordre  et  de  la  loi,  le  déve- 
loppement du  commerce  et  de  l'industrie,  la  protection  et  le  bien-être 
des  populations  indigènes.  Puis,  afin  d'assurer  la  reconnaissance  des 
droits  acquis  et  de  permettre,  dans  un  avenir  prochain,  l'organisation 
régulière  de  la  propriété  foncière,  d'en  assurer  la  possession  légale  avec 
toutes  les  garanties  qui  entourent  la  possession  des  propriétés  privées 


—  298  — 

dans  les  Etats  civilisés,  il  a  demandé  à  chacun  des  assistants  de  prépa- 
rer une  liste  de  tout  terrain  lui  appartenant ,  à  lui  ou  à  la  maison  qu'il 
représente.  Cette  liste  devra  indiquer  les  limites  de  ces  terrains  et 
leurs  positions,  et  sera  accompagnée  d'une  copie  du  contrat  en  vertu 
duquel  les  propriétaires  en  sont  devenus  possesseurs.  Enfin  il  a  prescrit 
qu'à  l'avenir  tout  contrat,  ou  convention,  passé  avec  les  indigènes  se  fit 
par  l'intervention  de  l'officier  public  commis  à  cet  effet.  Nul  n'aura  le 
droit  d'occuper,  sans  titres,  des  terres  vacantes,  ni  de  déposséder  les 
indigènes  des  terres  qu'ils  occupent.  Les  terres  vacantes  devront  être 
considérées  comme  appartenant  au  domaine  public. 

Après  la  découverte  du  Mobancyi  par  M.  Grenfell,  l'expioimcloa 
du  Cassaï  par  le  lieutenant  Wissmann  est  venue  jeter  un  jour 
tout  nouveau  sur  l'hydrographie  de  quelques-uns  des  affluents  méridio- 
naux du  Congo.  La  dernière  lettre  reçue  à  Berlin,  pubUée  dans  les 
Mittheilungen  de  la  Société  africaine  allemande,  était  datée  du  l*'  décem- 
bre 1884,  de  Louboukou  sur  la  Louloua;  l'explorateur  annonçait  son  arrivée 
à  Mukengué,  et  son  intention  de  descendre,  par  cette  rivière,  au  Cassai, 
pour  tâcher  d'atteindre  le  Congo,  si  le  Cassai  n'avait  pas  de  rapides  ou 
de  cataractes,  comme  en  a  le  Quango,  le  seul  des  affluents  de  la  rive 
gauche  qui  eût  été  alors  exploré  dans  presque  toute  son  étendue,  le 
major  de  Mechow  l'ayant  descendu  jusqu'au  ô""  lat.  sud.  Depuis  les 
dernières  explorations  des  agents  de  l'Association  internationale  du 
Congo  et  des  missionnaires  anglais,  l'on  croyait  généralement  que  le 
cours  d'eau  nommé  Bouki,  dont  l'embouchure  est  un  peu  au  nord  de  la 
station  de  l'Equateur,  et  qui  apporte  au  grand  fleuve  un  tribut  considé- 
rable, était  le  cours  inférieur  du  Cassai.  La  couleur  noire  de  ses  flots 
faisait  supposer  qu'il  avait  sa  source  très  loin  de  son  confluent,  et  tout 
récemment  M.  Grenfell  et  le  D'  Sims,  dans  leur  étude  des  affluents  du 
haut  fleuve,  avaient  préféré  remonter  l'Ikelemba,  plutôt  que  de  s'aven- 
turer sur  le  Bouki,  dont  l'exploration  les  eût  entraînés  beaucoup  trop 
loin,  dans  l'intérieur  de  régions  encore  complètement  inconnues.  A  la 
nouvelle  que  le  lieutenant  Wissmann  allait  quitter  Louboukou  pour 
chercher  à  atteindre  le  Congo  par  le  Cassai,  les  agents  des  stations  de 
l'Association  internationale  avaient  reçu  l'ordre  de  veiller  sur  les 
embouchures  de  l'Ikelemba  et  du  Bouki  par  lesquelles  on  supposait 
qu'il  devait  arriver.  L'on  était  dans  cette  attente,  lorsqu'une  dépêche  de 
Léopoldville,  du  18  juillet,  apportée  à  Madère,  d'où  elle  fut  transmise  à 
Bruxelles  le  V  septembre,  annonça  que  Wissmann  était  arrivé  par  eau, 
de  Louboukou  à  Kwamouth,  avec  le  D"^  Wolff,  M.  von  François,  le  lieute- 
nant MuUer,  et  MM.  Gunsmith  et  Schneider.  En  revanche  la  dépêche 


—  299  — 

portait  que  MM.  Franz  Millier  et  Meyer  étaient  morts.  Enfin  elle  ajou- 
tait qu'aucun  obstacle  ne  s'oppose  à  la  navigation,  que  c'est  le  Kwa- 
Mfini  qui  est  le  cours  inférieur  du  Cassai,  dont  le  Sankourou,  le  lac 
Léopold  et  le  Quango  sont  des  affluents.  Sans  doute  ce  n'est  qu'une 
dépêche  ;  les  détails  manquent,  et  la  brièveté  de  l'annonce  laisse  quan- 
tité de  points  inexpliqués.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  descente  des  explorateurs, 
de  Louboukou  à  Kwamouth  par  eau,  est  un  fait  devant  lequel  toutes  les 
hypothèses  sur  lesquelles  reposaient  jusqu'ici  le  dessin  de  nos  cartes 
doivent  être  abandonnées.  Mais  quel  arc  de  cercle  doit  décrire  le  San- 
kourou pour  se  verser  dans  le  Cassai,  et  quelle  conversion  à  l'ouest  ne 
doit  pas  faire  celui-ci  qui,  jusqu'au  5°  avait  une  direction  S.-N.-N.-E., 
pour  passer  au  sud  du  lac  Léopold  II  qu'il  ne  forme  pas,  qui  doit  son 
existence  à  d'autres  rivières,  et  dont  les  eaux  viennent,  par  le  Mtini, 
grossir  le  Cassai,  dont  le  Quango  lui-même  n'est  qu'un  affluent!  Le  vaste 
plateau  central  entre  la  ligne  de  faîte  du  bassin  du  Zambèze  et  le  Congo 
ne  serait  pas  sillonné  de  coui'S  d'eau  à  peu  près  parallèles  depuis  le 
<juango  à  l'ouest  jusqu'au  Lomami  à  l'est.  Il  y  aurait  dans  les  formes 
de  son  relief  beaucoup  plus  de  vaiiété  que  n'en  laissaient  supposer  les 
indications  de  Lux,  de  Pogge,  de  Bttchner.  Si  le  Rouki  n'est  plus  le 
cours  inférieur  du  Cassai,  il  faudra  lui  retrouver  un  bassin  d'une  étendue 
suffisante  pour  expliquer  l'abondance  de  ses  eaux.  Au  reste,  pour  le 
moment  ce  ne  sont  pas  les  hypothèses  qui  importent,  mais  bien  le  fait 
<}ue,  par  la  découverte  de  Wièsmann  et  de  ses  compagnons,  une  voie 
navigable,  de  800  kilom.  au  moins,  vient  d'être  ouverte  aux  explorateurs 
et  aux  missionnaires,  par  laquelle  ils  pourront  être  transportés  en  peu 
de  temps  et  à  peu  de  frais  aux  limites  du  bassin  du  grand  fleuve,  pour  y 
poureuivre  leur  œuvre  de  découverte  et  de  civilisation. 

M.  le  lieutenant  Mikic,  chargé  par  l'Association  internationale  de 
l'exploration  du  pays  qui  s'étend  entre  le  Congo  et  le  Quilou  jusqu'au 
Stanley-Pool,  est  rentré  à  Bruxelles  après  avoir  traversé,  à  différentes 
reprises,  du  nord  au  sud,  du  sud  au  nord-ouest  et  de  l'est  à  l'ouest,  la 
rég^ion  comprise  entre  le  Cong^o  et  le  Tchlloang^o.  U  ressort 
•des  renseignements  détaillés  qu'il  a  donnés  à  M.  Wauters,  rédacteur  du 
Mouvement  géographique,  que  le  pays  qui  s'étend  sur  la  rive  gauche  du 
Tcbiloango,  dans  les  parages  des  sources  de  la  Loukoulou,  son  affluent, 
^t  couvert  de  forêts  ;  de  Tchimbanza,  sur  le  Tchiloango,  jusqu'à 
Kibata,  près  du  coude  que  forme  la  Loukoulou,  ce  ne  sont  que  hautes 
futaies,  des  forêts  vierges  parfois  impénétrables,  entrecoupées  de  petites 
■clairières.  Plus  au  sud,  sui*  la  ligne  de  faîte,  entre  la  Loukoulou  et  le 


—  300  — 

Congo,  le  pays  présente  l'aspect  d'un  vaste  plateau,  bordé  à  l'est  et  à 
l'ouest  par  des  vallées  qu'arrosent  les  petits  affluents  des  deux  cours 
d'eau.  Ce  plateau  est  couvert  de  champs  de  manioc,  de  maïs,  de  fèves, 
d'arachides,  coupés  par  des  plantations  de  bananiers  et  des  bosquets  de 
palmiers  à  huile.  Les  bananiers  y  sont  plantés  avec  une  symétrie  et 
un  soin  parfait,  par  rangées  de  vingt,  à  distance  de  l'",50  à  2  mètres 
l'un  de  l'autre.  Us  poussent  sans  culture;  les  indigènes  n'ont  que  la 
peine  de  les  planter,  d'en  cueillir  les  fruits,  d'élaguer  les  jeunes  pous- 
ses trop  abondantes,  et  de  les  replanter  plus  loin.  Tout  le  monde  tra- 
vaille avec  activité  :  les  fermiers  s'occupent  des  travaux  des  champs  et 
de  la  préparation  du  manioc  ;  les  hommes  manipulent  l'huile  de  palme» 
vont  vendre  les  produits  aux  factoreries,  chassent,  pèchent,  etc.  Sur  les 
itinéraires  suivis  par  M.  Mikic,  entre  Boma  et  Loango,  et  entre  Borna 
et  Stephanieville,  ainsi  que  sur  le  plateau  susmentionné,  les  village» 
se  suivent  presque  sans  interruption.  Entre  Boma  et  Kibata,  en  trois 
étapes,  l'explorateur  en  a  compté  soixante-quatre;  un  de  ces  trois  jours» 
sa  caravane  en  a  traversé  vingt-six,  et  à  droite  et  à  gauche  de  la  route» 
on  en  voyait,  de  loin,  encore  un  nombre  égal;  en  moyenne  la  population 
en  est  de  125  habitants.  Tous  récoltent  le  caoutchouc  qui-  abonde 
dans  les  forêts  de  Mayoumba,  aux  sources  de  la  Loukoulou  ;  leurs  cara- 
vanes le  transportent  à  Boma  et  ailleurs.  Le  tabac  se  trouve  partout» 
mais  n'est  l'objet  d'aucune  culture  en  grand.  Le  coton  croît  à  l'état 
sauvage,  l'indigène  se  sert  de  son  duvet  pour  se  faire  des  oreillers;  la 
canne  à  sucre  croît  aussi  partout,  mais  n'est  pas  l'objet  d'une  exploita- 
tion proprement  dite  ;  les  nègres  en  ont  dans  leurs  jardins,  à  proximité 
des  cabanes,  et  de  temps  en  temps  ils  brisent  un  morceau  de  canne,  le 
mâchent  et  en  sucent  le  jus  comme  friandise.  L'influence  de  Boma  se 
fait  sentir  au  loin  sur  les  populations,  au  point  de  vue  du  travail  ;  assu- 
rées de  pouvoir  échanger,  dans  les  factoreries,  leur  huile  de  palme,  leurs 
noix  de  coco,  les  arachides  et  le  caoutchouc,  contre  des  produits  euro- 
péens, elles  sont  devenues  laborieuses.  Elles  sont  en  même  temps  hospi- 
talières; dans  la  plupart  des  villages,  M.  Mikic  n'avait  pas  besoin 
d'acheter  des  vivres,  on  les  lui  offrait  en  cadeau;  il  a  passé  partout  avec 
ses  dix  hommes,  sans  être  jamais  inquiété  le  moins  du  monde.  Entre 
eux,  ces  indigènes  n'ont  point  de  guerre;  ils  n'appartiennent  pas  à  des 
tribus  belliqueuses;  ce  sont  des  agriculteurs  et  des  commerçants.  Les 
agents  de  l'Association  en  particulier  sont  très  bien  vus  d'eux  ;  partout 
le  drapeau  bleu  à  étoile  d'or  est  considéré  avec  respect  ;  en  bien  des 
endroits,  son  arrivée  est  saluée  par  des  salves  de  mousqueterie.  Quant 


—  301  — 

à  la  salubrité  du  pays,  M.  Mikic  a  eu  de  petits  accès  de  fièvre  en  1883  ; 
Tannée  suivante  et  cette  année-ci,  il  n'a  pas  eu  une  seule  fois  la  fièvre. 
Les  produits  européens  que  les  indigènes  préfèrent  sont  les  tissus,  les 
-armes,  la  poudre  et  T eau-de-vie. 

A  propos  d'eau-de-vie,  nous  sommes  heureux  de  voir  qu'un  mou- 
vement très  prononcé  se  produit  en  Allemagne,  contre  l'exportation 
-énorme  de  spiritueux  qui  se  fait  de  ce  pays  en  Afrique.  Dans  la  réunion 
que  la  Société  allemande  contre  Falpus  des  boÎHHons  alcoo- 
liques, qui  compte  6000  membres,  a  eue  cette  année-ci,  à  Dresde, 
après  avoir  entendu  plusieurs  rapports  d'hommes  éminents  par  leurs 
connaissances  en  économie  sociale,  elle  a  voté  la  résolution  suivante  : 
«  Si  grandes  que  soient  les  espérances  éveillées  dans  tout  cœur  alle- 
mand pai*  l'inauguration  de  la  politique  coloniale,  elles  n'en  ont  pas 
moins  rendu  plus  pénible  l'impression  reçue  par  la  connaissance  de  cer- 
tains faits  relatifs  au  commerce  allemand  en  Afrique.  Il  est  de  fait  que, 
dans  une  mesure  considérable,  ce  commerce  réussit  à  pourvoir  les  nègres 
de  spiritueux  de  très  mauvaise  qualité.  Tous  les  hommes  qui  ont  quel- 
que compétence  dans  la  matière,  reconnaissent  que,  par  la  consommation 
de  l'eau-de-vie,  les  nègres  dépérissent  à  vue  d'oeil,  tant  au  point  de  vue 
moral  qu'au  physique,  qu'ils  deviennent  toujours  plus  incapables  de 
subir  les  effets  de  la  civilisation,  et  par  là  même  de  favoriser  l'importa- 
tion de  l'industrie.  On  nuit  donc  ainsi  directement  à  ce  même  négoce 
qu'on  prétend  encourager,  sans  compter  qu'en  suivant  cette  voie 
funeste,  le  commerce  allemand  se  déconsidère  et  s'avilit.  L'intérêt  des 
négociants,  aussi  bien  que  les  traditions  suivies  jusqu'ici  sur  les  côtes 
d'Afrique,  doivent  trouver  leur  contre-poids  et  leur  limite  dans  la  con- 
sidération de  la  faiblesse  morale  et  spirituelle  des  nègres  et  dans  la 
conscience  morale  du  peuple  allemand.  » 

M.  le  D**  Hufi^o  Zœller  a  essayé  de  remonter  la  Batanga  ou 
Hoanya,  qui  se  jette  dans  la  baie  de  Biafra.  En  anivant  à  Petit- 
Batanga,  il  fut  surpris  de  se  trouver  à  l'embouchure  d'une  rivière  qui 
n'avait  jamais  été  explorée  au  delà  de  Mahoumbi,  ville  du  roi  Yapité, 
è,  une  dizaine  de  kilomètres  de  l'océan.  Prenant  avec  lui,  comme 
guide,  le  fils  du  roi  et  un  interprète,  il  atteignit  une  île  dans  laquelle 
réside  le  roi  Njea,  qui  chercha  à  entraver  son  projet,  mais  se  laissa 
persuader  par  des  présents  à  l'accompagner.  Quittant  les  districts  des 
Ba-Oundo  et  Ba-Tanga,  l'expédition  entra  sur  le  territoire  des  Ba-Koko, 
«  hommes  des  bois.  »  A  Jawanja,  à  15  kilomètres  en  amont  de  Ma- 
houmbi, deux  pirogues  de  guerre,  montées  chacune  par  18  Ba-Koko, 


—  302  — 

l'arrêtèrent  peudant  quelques  heures;  mais  des  présents,  de  bonnes 
paroles,  et  la  vue  d'armes  chargées,  empêchèrent  les  hostilités  d'éclater. 
H  faut  que  le  bruit  de  l'arrivée  d'hommes  blancs  se  fût  répandu  très 
rapidement,  car  les  deux  bords  de  la  rivière  étaient  couverts  de  foules 
de  gens.  A  Mahoumbi,  le  D'  Zœller  avait  entendu  parler  d'une  cataracte 
que  les  canots  ne  peuvent  pas  remonter  ;  en  eflFet,  dès  le  second  jour  de 
navigation,  il  atteignit  un  point,  à  32  kilomètres  de  l'embouchure,  où  la 
masse  d'eau  se  précipite,  en  trois  terrasses,  d'une  hauteur  totale  de 
dix  mètres.  Le  volume  de  l'eau,  à  la  fin  de  la  saison  sèche,  équivalait 
aux  deux  tiers  de  la  masse  d'eau  de  la  chute  du  Rhin  à  SchaflFhouse  ; 
dans  la  saison  des  pluies,  il  doit  être  deux  ou  trois  fois  plus  considé- 
rable. L'explorateur  ne  vit  point  de  montagnes,  et  dit  que  le  mont 
Guerava,  marqué  dans  les  cartes  de  l'Amirauté  anglaise,  est  un  mythe. 
•  Le  P.  Poirier,  des  missions  africaines  de  Lyon,  récemment  arrivé  à 
Lokodja,  au  confluent  du  Nif^ep  et  du  Bénoué,  a  adressé  à  la  Société 
de  géographie  de  Lyon  une  lettre  dont  nous  extrayons  les  renseigne- 
ments suivants.  Depuis  la  remise  des  comptoirs  français  du  Niger  à  la 
Compagnie  anglaise  National  arrican  Company,  celle-ci  déploie 
une  activité  remarquable.  Ses  factoreries  s'échelonnent  sur  les  deux 
rives  du  Niger  et  du  Bénoué,  au  nombre  d'au  moins  soixante  ;  plusieurs 
autres  sont  en  voie  de  création.  Le  commerce  est  complètement  mono- 
polisé par  cette  Compagnie  qui  emploie  plus  de  cinquante  Européens. 
Son  personnel  noir  est  considérable  et  se  compte  par  centaines  d'em- 
ployés, ouvriers,  mécaniciens,  tonneliers,  charpentiers  et  hommes  de 
peine.  Une  flotte  de  25  vapeurs,  de  toutes  dimensions,  sillonnent  les  deux 
fleuves  pour  le  service  des  factoreries,  depuis  Akassa,  à  l'embouchure  de 
la  principale  branche  du  delta,  jusqu'à  Rabba,  à  1100  kilom.  à  l'inté- 
rieur, et  depuis  Lokodja  jusqu'à  Ibi,  à  750  kilom.  sur  la  route  du  lae 
Tchad.  La  Compagnie  exploite  aussi  des  mines  d'argent  et  d'antimoine, 
sur  la  rive  gauche  du  Bénoué,  aux  environs  de  Gin-en-Zabu,  à  peu  près 
à  mi-chemin  de  Lokodja  à  Ibi.  —  Le  Niger  et  le  Bénoué  sont  donc  aux 
Anglais,  et  il  serait  difficile  à  une  nouvelle  Compagnie  de  s'y  établir 
avec  quelque  chance  de  succès.  Tout  dernièrement,  l'agent  général  de 
la  Compagnie  anglaise,  agissant  comme  vice-consul  de  S.  M.  Britan- 
nique, a  fait  signer  au  roi  de  Bida  et  aux  principaux  chefs  du  pays  un 
traité  qui  place  cette  capitale  et  tout  le  royaume  de  Nupé  sous  le  pro- 
tectorat anglais.  En  même  temps  que  se  signait  le  traité,  deux  voyageurs 
anglais,  le  capitaine  Hamilton,  de  la  marine  royale,  et  M.  J.  Thomson» 
célèbre  par  ses  voyages  aux  grands  lacs,  arrivaient  à  Lokodja.  Après 
plusieurs  jours  employés  à  organiser  leur  caravane,  ils  partirent  pour 


—  303  — 

remonter  le  Niger  jusqu'à  Rabba,  sur  un  vapeur  de  la  Compagnie.  L'iti- 
néraire de  l'expédition  n'est  pas  connu,  mais  tout  porte  à  croire  que  les 
voyageurs  se  rendront  directement  à  Sokoto,  où  réside  le  sultan  de 
Haoussa,  et  qu'ils  se  dirigeront  ensuite  vers  le  lac  Tchad,  pour  redes- 
cendre sur  r Adamaoua  et  le  Bénoué.  La  caravane  avait  quitté  Rabba 
depuis  quelques  heures,  loi*sque  le  capitaine  Hamilton  se  cassa  la  jambe 
dans  une  chute  de  cheval.  Il  est  redescendu  à  Lokodja,  où  le  P.  Fioren- 
tini  lui  donne  ses  soins.  L'expédition  a  continué  sa  route  sous  la  con- 
duite de  M.  Thomson  et  d'un  autre  Européen.  —  A  dix  minutes  de 
Lokodja  la  mission  a  établi  une  ferme-école,  pour  y  élever  des  enfants 
orphelins  ou  esclaves  rachetés.  Ce  sera  en  même  temps  un  sanatorium 
pour  les  missionnaires  fatigués. 

M.  Lewis,  consul  des  États-Unis  à  Sierra-Leone,  a  adressé  à  son 
gouvernement  un  rapport'  sur  un  grand  soulèvement  des  maho- 
métans  dans  Fonest  de  TAfrique,  lequel  s'étendrait  sur  toute 
la  côte,  depuis  la  rivière  de  Sherbro  jusqu'au  Niger,  et  renverserait  le 
paganisme  et  tous  les  autres  obstacles  qui  s'opposent  à  la  prédominance 
du  mahométisrae.  Le  chef  du  soulèvement  serait  un  nommé  Samonda, 
de  la  tribu  des.Mandingues.  D'après  ce  que  dit  M.  Lewis,  Samonda  est 
tm  homme  d'une  intelligence  remarquable.  Il  y  a  cinq  ans,  il  a  conçu 
l'idée  qu'il  était  appelé  par  Dieu  pour  délivrer  son  pays  de  tout  ce  qui 
arrête  les  progrès  de  la  religion  de  Mahomet.  A  la  date  où  M.  Lewis 
écrivait  son  rapport,  le  14  juillet,  Samonda  organisait  une  armée  qui 
devait  compter  100,000  hommes  au  moins  ;  toute  la  jeunesse  musulmane 
courait  se  ranger  sous  ses  drapeaux. 

Après  avoir  proclamé  le  protectorat  espagnol  sur  la  côte  du 
Sahara,  du  cap  Bojadop  an  cap  Blanc,  le  gouvernement  de 
Madrid  en  a  désigné  comme  gouverneur  le  capitaine  Bonelli.  Celui- 
ci  a  exploré  les  points  de  la  côte  où  des  navires  peuvent  aborder  sans 
danger.  Ces  endroits  de  débarquement  sont  importants  pour  la  flotille 
des  pêcheurs  des  Canaries,  en  faveur  desquels  l'annexion  a  été  faite  ; 
jusqu'ici  ce  sont  eux  seuls  qui  ont  exploité  ces  parages  remarquables  par 
l'abondance  de  poisson  qu'on  y  trouve,  à  peu  de  distance  du  continent. 
Les  baies  les  meilleures  sont  celles  de  Rio  del  Oro  et  Bahia  de  Cintra, 
où,  grâce  à  de  petites  presqu'îles  de  sable  formant  des  promontoires,  les 
vaisseaux  sont  à  l'abri  par  tous  les  temps.  La  végétation  y  est  pauvre, 
l'eau  douce  y  est  rare,  mais  la  température  y  est  favorable  ;  elle  oscille 
entre  15°  et  28''  centigrades.  La  Sociedad  Espanola  de  Africanistas  et 
Colonistas  y  a  déjà  fondé  trois  factoreries,  et  la  Compania  Hispano- 
Africana,  une.  Les  caravanes  viennent  de  l'intérieur  à  Rio  del  Oro  avec 


—  304  — 

des  chameaux  et  des  bœufs  pour  vendre  de  la  laine,  des  peaux  et  des 
plumes  d'autruche.  M.  Bonelli  est  autorisé  à  conclure  des  traités  avec 
les  tribus  indigènes  et  à  prendre  possession  d'autres  territoires  en  réser- 
vant la  ratification  du  gouvernement. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Les  études  du  tracé  du  chemin  de  fer  direct  de  Bougie  à  Sétif,  par  les  gorges  du 
Chàbet-el-Akra  et  par  la  vallée  de  l'Oued- Agrioun,  ont  permis  de  constater  que  la 
construction  de  cette  ligne,  de  100  kilom.  plus  courte  que  les  autres,  est  parfaite- 
ment possible. 

Dans  sa  séance  du  14  septembre,  l'Académie  des  sciences  a  reçu  communication 
d'un  mémoire  de  M.  Rolland,  ingénieur  des  mines,  relatif  au  régime  des  eaux  sou- 
terraines qu'on  trouve  en  abondance  à  une  certaine  profondeur  dans  les  sables  de 
l'Oued-Rir.  Cette  vallée,  bornée  à  droite  et  à  gauche,  sur  toute  sa  longueur,  par 
des  matériaux  de  transport  absolument  secs,  recevrait  ces  nappes  d'eau,  d'infiltra- 
tions provenant  des  montagnes  de  l'Atlas,  et  qui  passeraient  sous  ces  matériaux 
de  transport. 

Un  journal  arabe,  VEl  Akhar^  a  reçu  de  Tripoli  la  nouvelle  que  le  sultan  de 
Kano,  dans  le  Soudan,  s'efforce  d'arriver  à  une  entente  avec  tous  les  autres  sul- 
tans soudanais,  spécialement  avec  ses  voisins,  afin  de  les  amener  à  se  rapprocher 
des  sultans  du  Maroc  et  de  Constantinople,  pour  établir  une  solide  barrière  contre 
les  envahissements  des  États  de  l'Europe. 

Le  tribunal  criminel  du  Caire  a  condamné  un  marchand  d'esclaves  aux  travaux 
forcés  à  perpétuité  ;  à  cette  occasion  268  esclaves  des  deux  sexes  ont  été  mis  en 
liberté. 

Le  congrès  de  médecine  réuni  à  Bruxelles,  voulant  prévenir  l'importation  du 
choléra  d'Asie  en  Europe,  a  émis  le  vœu  qu'une  surveillance  médicale  sérieuse 
soit  exercée  à  Suez,  que  le  conseil  international  d'Alexandrie  soit  réorganisé,  et 
que  le  gouvernement  belge  veuille  bien  amener  une  entente  à  ce  stget  entre 
l'Egypte  et  les  divers  gouvernements. 

Suivant  une  dépêche  du  Daily  Ghronicîe  du  18  septembre,  le  général  abyssin 
Ras-Aloula  a  franchi  la  frontière  d'Abyssinie  avec  un  corps  de  troupes  de  12,000 
hommes,  pour  porter  secours  à  la  garnison  de  Eassala. 

D'après  un  télégramme  de  Zanzibar,  l'exploration  du  Juba,  par  le  capitaine 
Cecchi,  se  poursuit  régulièrement.  11  n'est  pas  exact  que  l'Allemagne  élève  des 
prétentions  sur  ce  fleuve. 

La  sœur  du  sultan  de  Zanzibar  et  sa  famille,  qui  avaient  résidé  à  Berlin  plu- 
sieurs années,  sont  retournées  à  Zanzibar  à  bord  d'un  vapeur  allemand.  Le  vice- 
amiral  Knorr,  commandant  de  l'escadre  allemande,  a  réclamé  pour  elle  des  pro- 
priétés personnelles  qui  avaient  été  confisquées,  et  a  demandé  pour  l'Allemagne 
la  conclusion  d'un  nouveau  traité  de  commerce  plus  avantageux  que  le  dernier. 


—  305  — 

M.  J.  Roxburghf  ringénieùr  du  bateau  à  vapeur  la  Bonne' Nouvelle,  et  M.  Har- 
ris,  de  la  Société  des  mi8sioii3  de  Londres,  sont  morts  tous  les  deux  au  mois  de 
mai.  M.  Roxburgh  avait  achevé  de  remonta  le  steamer  qui  doit  faire  le  service 
9Ur  le  Tanganyika;  M.  Harris  avait  quitté  Ou^jidiji,  pour  visiter  quelques  stations 
dans  la  partie  supérieure  du  lac. 

Le  vapeur  Melroae,  arrivé  de  la  ^eéte  odealale  «L'Afrifue  à  i^>rt-Ûi»ban;  y  a 
apporté  la  neuvelle  d'une  guerre  p«nù  iw  -Aiigones  de -la  cAtenord-est  du  lac 
Nyassa  ;  les  missionnaires  devaient  fortifier  les  stations  qu'ils  ont  dans  cette  région. 
Le  Mélrose  amène  en  Europe  des  chefs  indigènes  chargés  d'uqe  mission  politique 
auprès  du  roi  du  Portugal. 

Un  correspondant  de  Shoshong  écrit,  le  20  juillet,  au  Diamond  Fldds  Advertiser, 
que  le  D'  Holub  était  attendu  chaque  jour,  et  que  l'on  craignait  pour  lui  le  voyage 
au  Zarobèze  à  cette  époque  de  l'année,  l'eau  étant  très  rare  et  l'herbe  brûlée. 

Une  expédition  composée  de  deux  des  missionnaires  des  Spelonken,  accompagnés 
de  plusieurs  chrétiens  gouambas,  s'est  mise  en  route  pour  se  rendre  chez  Magoud, 
dans  le  voisinage  de  la  baie  de  Delagoa.  Les  voyageurs  ont  avec  eux,  pour  trans- 
porter leurs  bagages  et  leurs  provisions,  un  véhicule  à  deux  roues  attelé  de  huit 
bœufs  ;  par  mesure  de  précaution,  ils  ont  pris  six  ânes,  pour  le  cas  où  les  bœufs 
viendraient  à  périr  des  piqûres  de  la  tsétsé. 

Le  roi  de  Quanhama,  dans  l'Ovampo,  entre  le  Cunéné  et  le  Coubango,  par 
IV"  lat.  S.,  jeune  homme  très  bien  disposé  pour  les  Européens,  étant  mort  empoi- 
sonné, les  habitants  du  pays,  mécontents  de  sa  sympathie  pour  les  blancs,  ont 
massacré  une  vingtaine  d'Européens,  parmi  lesquels  on  compte  trois  membres  de 
la  mission  du  P.  Duparquet.  Deux  autres  membres  de  la  même  mission,  établis 
chez  les  Amboellas,  à  l'est  du  Coubango,  sont  morts  de  la  fièvre. 

L'Union  missionnaire  baptiste  américaine,  ayant  repris  l'œuvre  commencée  au 
Congo  par  la  Livingstone  Inland  mission,  a  envoyé  son  président,  le  Rev.  Edward 
Judson,  avec  le  Rev.  A.  Loughridge,  visiter  cette  région,  et  faire  toutes  les 
explorations  nécessaires.  La  députation  s'est  immédiatement  mise  en  route;  on 
compte  qu'il  lui  faudra  six  mois  pour  faire  Pétude  dont  elle  est  chargée. 

Cinq  nouveaux  missionnaires  sont  partis  d'Angleterre  pour  les  stations  de  la 
Société  des  missions  baptistes  anglaises.  Pour  protéger  autant  que  possible  leur 
santé,  la  Société  a  remis  à  chacun  d'eux  un  volume  qu'elle  a  publié  :  Health  on  the 
Congo  (la  santé  sur  le  Congo)  ;  les  meilleures  autorités  ont  été  consultées  pour  sa 
rédaction,  et  les  missionnaires  ont  été  sérieusement  exhortés  à  étudier  soigneuse- 
ment les  directions  médicales  qu'il  renferme. 

Le  D*^  Allard,  fondateur  du  sanatorium  de  Boma,  est  actuellement  en  Belgique, 
où  il  a  pu  rectifier  les  préjugés  répandus  par  les  adversaires  de  l'œuvre  du  Congo, 
à  l'égard  du  climat  du  bas  fleuve.  Le  D**  Lucan  qui  revient  aussi  temporairement 
«n  Europe,  sera  appelé  plus  tard  à  la  direction  d'un  nouveau  sanatorium  à  con- 
struire sur  le  littoral  de  l'État  du  Congo,  un  peu  au  nord  de  Vista,  au  village  de 
Mohouda,  où  se  trouve  déjà  établie  une  factorerie  hollandaise. 

** 


1 


—  306  - 

-  M.  Rigail  de  Lastours,  attaché  depuis  trois  ans  à  la  mission  de  Savorgnan  de 
Brazsa,  et  chef  des  postes  de  POgôoné,  est  mort  des  suites  d'une  fièvre  perni- 
cieuse. 

Le  D'  Garl  Passavant,  qui  a  dû  renoncer  à  son  projet  d'expédition  de  la  baie  de 
Cameroon  au  lac  Albert,  a  dû  s'arrêter  à  Madère,  pour  y  rétablir  sa  santé  éprouvée 
par  le  climat  du  golfe  de  Guinée. 

M.  Flegel,  qui  était  parti  de  Brass  pour  remonter  le  Niger  et  le  Bénoué,  en 
yue  de  décopvrir  une  route,  de  ce  cours  d'eau  à  la  rivière  Cameroon,  a  vu  sa 
chaloupe  à  vapeur  échouer  près  de  Loko4JA;  deux  des  canots  qu'elle  emmenait 
avec  elle  ont  été  brisés.  L'explorateur  a  été  obligé  de  revenir  à  Brass. 

M.  Edouard  Viard,  déjà  connu  par  ses  V(»yage3  au  Niger  et  au  Bénoué  organise 
une  nouvelle  expédition  à  destination  du  lac  Lîba.  Il  se  propose  d'explorer  la 
région  inconnue  où  doit  se  trouver  ce  lac  présumé,  et  de  répandre,  parmi  les 
populations  de  cette  partie  de  l'Afrique  centrale,  de  nombreux  spécimens  de 
l'industrie  française.  M.  Henry  Estève,  capitaine  de  frégate  en  retraite,  est  attaché 
à  l'expédition. 

La  Société  française  d'encouragement  pour  les  missions  africaines  a  expédié  à 
MM.  Jacques  et  Morin,  missionnaires  au  Sénégal,  un  petit  chemin  de  fer  Decau- 
ville,  destiné  à  relier  le  poste  de  Dagana  à  la  nouvelle  station  en  voie  de  for- 
mation à'  Kerbala,  à  8  kilomètres  du  fleuve,  sur  un  terrain  plus  élevé.  Elle  a  fait 
expédier  également  une  charrette  établie  sur  les  indications  de  M.  Jacques,  qui 
sait  par  expérience  combien  la  plus  grande  prudence  est  nécessaire  pour  éviter 
les  effets  du  climat  et  d'un  soleil  de  feu,  sous  lequel  la  marche  prolongée  est  sou- 
vent  une  témérité. 

Mgr  Biehl,  missionnaire  au  Sénégal,  ira  prochainement  fonder  une  nouvelle 
station  à  Bammakou,  sur  le  Niger. 

M.  Seignac-Lesseps,  gouverneur  du  Sénégal,  dans  un  récent  voyage  sur  le  haut 
fleuve,  a  signé,  avec  le  chef  du  Foutah,  Abdul-Boubakar,  un  nouveau  traité  par 
lequel  ce  chef  influent  s'est  engagé  à  protéger  tous  les  sujets  français  dans  le 
Foutah,  et  à  faciliter  la  construction  d'une  ligne  télégraphique  destinée  à  combler 
la  lacune  qui  sépare  le  réseau  du  bas  Sénégal  de  celui  du  haut  fleuve.  Cette  ligne 
achevée,  Paris  se  \rouvera  en  communication  directe  avec  Bammakou. 

Les  explorateurs  portugais  Capello  et  Ivens  sont  arrivés  à  Lisbonne,  où  ils  ont 
été  l'objet  d'une  ovation  des  plus  méritées.  Nous  reviendrons  sur  les  résultats  de 
leur  voyage  dès  que  leur  rapport  aura  été  publié. 


LA  COTE  D'OR  ENTRE  LE  PRAH  ET  LE  VOLTA 

Située  au  centre  de  la  Guinée  supérieure,  la  Côte  d'Or  embrasse,  non 
seulement  le  littoral  de  480  kilom,  entre  le  3°20'  long.  0.  et  le  0"40' 
long.  E.,  placé  sous  le  protectorat  de  l'Angleterre,  mais  encore  un  ter- 
ritoire assez  étendu,  à  l'intérieur,  où  la  civilisation  tend  à  pénétrer,  sous 


—  807  — 

la  double  influence  des  rapports  de  Tadministration  anglaise  avec  le 
royaume  des  Achantis  et  des  missions  de  la  Société  de  Bftle  ;  de  la 
côte,  celles-ci  ont  déjà  atteint  le  plateau,  où  leur  poste  le  plus  avancé, 
Abétiti,  est  occupé  par  notre  compatriote  M.  le  missionnaire  Ramseyer. 
Nos  lecteurs  se  rappellent,  qu'il  y  a  tro^s  ans,  le  Comité  de  Bâle  adjoi- 
gnit à  son  délégué,  M.  Prétorius,  chai-gé  de  visiter  les  statious  de  la 
Côte  d'Or,  M.  le  D*^  Mâhly,  avec  la  mission  spéciale  d'étudier  tout  ce 
qui  se  rattache  à  la  climatologie  de  cette  partie  de  l'Afrique.  On  comp- 
tait recueillir  des  renseignements  sûrs,  qui  permissent  de  donner  aux 
missionnaires  les  conseils  les  plus  sages  au  point  de  vue  de  l'bygiène,  de 
Talimentation,  du  vêtement,  du  logement,  du  travail,  des  voyages,  afin 
de  prévenir  si  possible  les  ravages  que  la  maladie  fait  dans  leurs  rangs. 
Après  s'être  acquitté  de  son  mandat,  et  avoir  fait  à  Salaga  un  voyage, 
pour  chercher  un  emplacement  convenable  à  l'établissement  d'un  sana- 
torium, le  D'  Mâbly  a  remis  au  Comité  des  missions  un  rapport  spécial 
sur  la  question  qu'il  avait  été  chargé  d'étudier.  Sans  doute  ce  Comité 
en  fera  connaître  ce  qui  peut  intéresser  plus  particulièrement  les  amis 
des  missions  et  ceux  qui  ont  des  intérêts  directs  à  la  Côte  d'Or,  mais 
jusqu'à  présent  il  n'en  a  rien  été  publié.  En  revanche,  M.  Albert  Rig- 
genbach  a  fourni  aux  Verhandlungen  de  la  Société  des  sciences  natu- 
relles de  Bâle  (VII  Theil,  3  Heft,  p.  753-794),  un  mémoire  sur  la  clima- 
tologie de  la  Côte  d'Or  ',  basé  essentiellement  sur  les  matériaux  mis  à 
sa  disposition  par  M.  Màhly,  qui  vient  de  donner  lui-même,  dans  la 
même  publication  (p.  809-852),  un  travail  spécial  sur  la  géographie  et 
l'ethnographie  de  la  Côte  d'Or  *.  Cette  dernière  étude  est  accompagnée 
d'une  carte,  dressée  par  notre  collaborateur  M.  le  professeur  Rosier, 
et  dont  M.  Mâhly  a  bien  voulu  nous  autoriser  à  faire  faire  un  tirage  à 
part  pour  notre  journal  •.  Voulant  faire  un  travail  scientifique,  M.  Màhly 
a  renoncé  à  tous  les  détails  pittoresques  qu'aurait  pu  lui  fournir  le  récit 
du  voyage,  qu'il  savait  d'ailleurs  devoir  être  rédigé  par  un  de  ses  com- 
pagnons, le  missionnaire  indigène  D.  Asanté,  Celui-ci  a,  en  effet,  envoyé 
à  la  Société  de  Bâle  un  récit,  dont  le  missionnaire  Christaller  a  fourni 
des  extraits  aux  Mittheilimgen  de  la  Société  de  géographie  de  Thu- 
ringe,  à  léna*.  S'étant  séparé  du  D'  Mâhly  à  Salaga,  pour  faire  une 

^  Zum  Klima  der  Goldkûste,  von  A.  Riggenbach,  Basel  (J.  G.  Baur),  1885,  in-8® 
'  Zur  Géographie  und  Ethnographie  der  Goldkiiste,  mit  Karte,  von  D' E.  M&hly, 
Basel  (J.  G.  Baur),  1885,  in-8^. 
'  Voir  à  la  fin  de  cette  livraison. 
*  Band  IV,  Heft  1  und  2,  p.  15-40. 


—  308  — 

exploration  au  N.rE.  et  revenir  à  Ânum  par  la  région  montagneuse 
située  à  Test  du  Volta,  D.  Asanté  eu  a  rapporté  des  renseignements 
importants  sur  cette  partie  du  pays  encore  inexplorée  jusqu'ici.  D'autre 
pai-t.  M,  Ramseyer,  parti  d'Abétifi,  au  mois  de  mars  de  Taiinée  der- 
nièie,  a  fait,  à  l'ouest  du  Volta,  jusqu'à  Ateobou  et  à  Krakyé,  une  excur- 
sion, dont  les  mêmes  Mittheilungen  ont  donné  un  récit  \  qui  renferme 
des  données  confirmant  pleinement  les  observations  du  D' Mâhly.  Celui- 
ci  a  pu,  pour  sa  carte,  profiter  de  tous  les  l'enseignements  rapportés  par 
les  derniers  voyageure,  aussi  peut-on  dire  qu'elle  est  la  plus  exacte  et  la 
plus  complète  de  toutes  celles  qui  ont  été  publiées  jusqu'à  ce  jour. 

C'est  dans  la  partie  de  la  Côte  d'Or  à  l'est  du  Prah,  qu'ont  été  fon- 
dées les  stations  de  la  Société  des  missions  de  Bftie,  dont  deux  sont 
situées  en  pays  indépendants,  au  delà  des  limites  du  protectorat  anglais. 
Tandis  que  les  trafiquants  et  les  employés  européens  résident  presque 
exclusivement  à  la  côte  et  ne  voyagent  qu'exceptionnellement  à  l'inté- 
rieur, les  missionnaires,  de  leurs  diverees  stations,  parcourent  le  pays 
dans  toutes  les  directions,  et  sont  en  définitive  les  seuls  qui  apprennent 
véritablement  à  en  connaître  les  conditions  topographiques.  Quoique  les 
déteiminatious  astronomiques  fassent  encore  à  peu  près  complètement 
défaut,  la  Société  de  Bâle  a  pu,  d'après  les  nombreux  voyages  de  ses 

missionnaires,  dresser  au  l/,,,., ,  une  carte  (voy,  p.  191)  qui  sui-passeà 

tous  égards  les  cartes  anglaises  publiées  jusqu'ici.  En  effet,  comme  le 
fait  remarquer  M.  Mâhly,  celles-ci  présentent  des  lacunes  considé- 
rables et  des  erreurs,  même  tout  près  de  la  côte.  La  carte  publiée  par 
la  Société  de  Bâle  renferme  cependant  quelques  incorrections  qu'expli- 
que sa  publication  antérieure  aux  observations  rapportées  par  le 
D'  Mfthly  ;  celui-ci  a  pu  donner  les  corrections  dans  la  sienne,  qui  s'étend 
jusqu'au  delà  de  8"40'  lat.  N.,  tandis  que  la  précédente  ne  dépassait  pas 
e^'ôO'.  De  plus,  il  a  pu  y  tracer  les  deux  itinéraires  de  D.  Asanté  et  de 
F.  Ramseyer  à  l'est  et  à  l'ouest  du  Volta. 

Le  Volta  et  ses  aflluents  servent  pour  ainsi  dire  de  base  à  la  carte  nou- 
velle. Jusqu'ici  l'esquisse  approximative  de  Bonnat,  publiée  dans  VEocplo- 
ratexir,  en  1876,  était  le  seul  travail  original  que  l'on  possédât  sur  cette 
partie  de  l'Afrique.  Boiniat  avait  remonté  ce  fleuve  en  canot  sur  un 
parcours  de  400  kilom.,  puis,  marchant  vers  le  nord,  il  avait  atteint 
Salaga,  à  37  kilom.  du  Volta.  C'était  le  premier  Européen  qui  eût  vu 
cette  ville.  Toutefois,  il  n'avait  appris  à  connaître  les  rives  du  fleuve 
que  partiellement.  M.  Mâhly  et  ses  compagnons  de  voyage  ont  fait  ta 

»  Hett  3,  p.  69-87. 


—  309  — 

plus  grande  partie  de  leur  excureion  par  terre  ;  ce  n'est  qu'au^retour,  à 
partir  d'Akoroso,  qu'ils  ont  pris  la  voie  du  fleuve  ;  mais,  soit  à  l'aller, 
soit  au  retour,  les  observations  ont  été  faites  avec  le  plus  grand  soin,  et 
les  données  fournies  par  le  voyageur  nous  paraissent  extrêmement  utiles 
pour  les  futurs  explorateurs  de  cette  partie  de  l'Afrique.  Nous  les  résu- 
merons en  quelques  pages. 

Le  Volta  est  vraisemblablement  le  cours  d'eau  le  plus  important  du 
vaste  teiTitoire  qui  s'étend  entre  le  Niger  et  la  Gambie  ;  moins  grand 
que  cette  dernière,  il  est  presque  insignifiant  en  comparaison  du  Niger, 
avec  les  bouches  duquel  beaucoup  de  géographes,  au  commencement  de 
ce  siècle,  confondaient  son  embouchure.  Dès  lors,  le  cours  inférieur  du 
Niger  a  été  découvert,  et  cependant  Johnston,  en  1882,  et  Paulitschke, 
en  1884,  croyaient  encore  que  ce  serait  par  le  Volta  qu'on  pénétrerait 
un  jour  dans  les  régions  du  Niger  supérieur. 

Comme  celle  de  presque  tous  les  cours  d'eau  de  l'Afrique  occidentale, 
l'embouchure  du  Volta  est  obstruée  par  une  barre;  mais  celle-ci  est,  une 
fois  par  an,  rompue  et  emportée  en  grande  partie  par  les  hautes  eaux. 
Toutefois,  le  danger  pour  les  bateaux  ne  réside  pas  seulement  dans  le 
peu  de  hauteur  des  eaux  au-dessus  de  la  barre,  il  est  suitout  dans  la 
violence  avec  laquelle  les  vagues  déferlent  sur  le  rivage.  Plusieurs  petits 
vapeurs  cependant  ont  déjà  réussi  à  franchir  la  barre.  Au  delà  de  la 
passe,  relativement  étroite,  se  trouve  un  bassin  de  cinq  kilomètres  de 
large,  où  les  îles  abondent,  puis  le  fleuve  traverse,  en  décrivant  un 
grand  arc  de  cercle,  un  vaste  terrain  d'alluvion  formé  par  lui,  et  pré- 
sente, dans  cette  partie  de  son  coui'S,  d'assez  nombreux  bancs  de  sable  ; 
malgré  cela,  les  vapeurs  de  rivière  peuvent  le  remonter  presque  toute 
l'année  sur  une  longueur  de  70  kilom.  Là  se  trouve  le  premier  bas-fond 
rocheux.  A  l'époque  de  la  cnie  des  eaux,  les  vapeurs  remontent  encore  à 
15  kilom.  en  amont,  jusqu'à  Akousé,  le  poste  de  commerce  européen  le 
plus  avancé,  le  seul  qui  ne  soit  pas  sur  le  littoral.  De  très  petits  remor- 
queurs circulent  en  tout  temps  jusqu'ici  ;  il  est  vrai  qu'aux  eaux  basses, 
ils  touchent  çà  et  là  sur  les  bancs  de  sable. 

Au  delà  d' Akousé  se  trouve  le  premier  des  rapides  qui  opposent  un  si 
grand  obstacle  à  des  communications  régulières  par  eau,  et  dont  on  n'a 
pas  compté  moins  de  quinze  sur  une  longueur  de  300  kilom.  Toutefois, 
il  ne  faut  pas  se  représenter  ces  rapides  comme  des  cascades  ou  des 
cataractes  ;  la  différence  de  niveau  entre  le  bas  et  le  haut  des  rapides 
n'est  que  de  quelques  pieds.  L'obstacle  provient  moins  du  courant,  que 
du  peu  de  hauteur  de  l'eau  sur  de  puissantes  barres  de  rochers,  souvent 
doubles  et  triples,  qui  s'étendent  tout  au  travers  du  fleuve.  On  en  trouve 


-J-   -T 


—  310  — 

de  semblables  près  de  Kpong  et  de  Senkyé,  où  d'ailleurs  le  lit  du  fleuve 
s'élargit  et  présente  de  nombreuses  îles.  A  Krakyé,  oîi  M.  Ramseyer 
atteignait  le  Volta  le  28  mars,  le  fleuve  était  alors  si  bas,  que  les  nom- 
breux rochers  qu'il  avait  vus  en  septembre,  dans  un  précédent  voyage, 
couverts  par  les  eaux,  s'élevaient  au-dessus  de  l'eau  à  une  hauteur  de  5* 
ou  6",  et  les  bateliers  qui  lui  firent  traverser  le  fleuve  durent  faire  quan- 
tité de  tours  et  détours  entre  les  blocs  de  rochers  avant  de  le  déposer 
sur  l'autre  rive. 

C'est  à  Âkwam,  à  105  kilom.  de  l'embouchure,  que  le  Volta  se  fraie 
un  passage  dans  le  bas  pays,  à  travers  une  porte  de  rocher  qui  a  à  peine 
25"  de  large.  L'eau  y  est  profonde  et  le  passage  ne  présente  pas  de 
danger.  A  20  kilom.  en  amont  de  ce  point,  il  reçoit  son  affluent  inférieur 
le  plus  considérable,  l'Afram,  puis  viennent,  sur  la  rive  gauche,  l'Abo,  le 
Konsou,  l'Asouoko,  l'Oti  et  la  Daka,  traversés  près  de  leur  confluent 
par  les  deux  caravanes  de  MM,  Mfthly  et  Ramseyer,  et  dans  leur  cours 
supérieur,  par  D.  Asanté. 

Jusqu'à  270  kilom.  de  l'embouchure,  à  Akoroso,  la  pente  mesurée  avec 
grand  soin  par  le  D'  Mâhly,  ne  dépasse  pas  0"13  par  kilomètre  ;  mais  à 
50  kilom.  en  amont,  la  différence  de  niveau  indiquée  par  le  baromètre 
est  déjà  de  9  mètres  ;  et  à  40  kilom.  plus  avant,  le  plus  haut  point  du 
fleuve  touché  par  l'explorateur,  il  put  constater  que  dans  cette  section 
la  pente  est  encore  plus  forte. 

La  largeur  du  fleuve  dans  son  cours  inférieur,  est  rarement  moindi-e 
d'un  kilomètre  et  souvent  elle  est  supérieure  ;  dans  son  cours  moyen  elle 
est  en  général  de  700",  mais  elle  atteint  souvent  un  kilomètre.  Encore 
ces  données  se  rapportent-elles  à  l'époque  des  eaux  basses,  et  sont-elles 
considérablement  modifiées  chaque  année.  En  effet,  l'eau  commence  à 
monter  lentement  en  juillet  ;  en  4  ou  6  semaines  elle  atteint  son  maxi- 
mum qui,  à  Akousé,  est  de  12"  ;  mais  en  amont  il  est  de  15"  et  plus. 
Alors,  non  seulement  1p  lit  du  fleuve  est  tout  à  fait  rempli,  mais  encore 
les  terrains  bas  des  bords  sont  inondés  sur  plusieurs  lieues  d'étendue. 
Les  habitations  construites  sur  le  rivage  sont  souvent  emportées,  aussi 
ont-elles  un  caractère  tout  à  fait  primitif  et  temporaire.  Les  viUages 
proprement  dits  sont  tous  situés  à  distance  du  Volta,  et  n'ont  que  leurs 
ports  sur  le  fleuve.  A  l'époque  de  la  crue,  les  rochers  des  rapides  sont 
assez  recouverts  par  l'eau  pour  que  d'assez  gros  vapeurs  de  rivière 
puissent  les  franchir.  Une  expédition  d'exploration  commerciale  pour- 
rait alors  atteindre  facilement  Salaga  ;  mais  déjà  en  octobre  l'eau  baisse 
rapidement,  et  le  seul  moyen  de  communication  qui  reste  ce  sont  les 
petits  canots  des  indigènes. 


—  311  — 

M.  Màhly  explique  très  bien  comment  il  se  fait  que,  tandis  que  la  sai- 
son des  pluies  commence  à  la  côte  en  avril,  la  crue  du  fleuve  ne  se  pro- 
duise qu'en  juillet  et  soit  si  lente.  La  cause  en  est,  d'une  part,  dans  le 
régime  des  pluies,  d'autre  part,  dans  l'étendue  et  la  configuration  du 
bassin  du  fleuve  dès  la  région  de  ses  sources. 

Les  pluies  suivant  la  marche  du  soleil,  s'avancent  du  sud  ;  elles  attei- 
gnent d'abord  la  côte  et  la  partie  inférieure  du  fleuve,  qui,  ne  recevant 
pas  d'affluents  considérables,  déverse  promptement  son  surcroît  d'eau. 
Au  bout  de  deux  ou  trois  semaines,  le  cours  moyen  et  son  bassin  sont 
alimentés  par  les  pluies  ;  mais  ce  bassin  étant,  au  moins  dans  sa  partie 
occidentale,  extrêmement  sec  et  plat,  retient  une  très  forte  quantité 
d'eau.  Ce  n'est  que  plus  tard  encore,  lorsque  les  pluies  atteignent  le 
territoire  supérieur  où  se  trouvent  les  sources,  que  la  surabondance 
d'eau  atteint  le  fleuve,  mais  la  pente  étant  peu  forte,  elle  n'y  descend 
que  lentement.  Il  n'est  point  nécessaire  de  supposer,  comme  l'a  fait 
M.  Queen,  un  lac  du  nom  deBouro,  au  S.-O.  de  Salaga,  à  15  kilom,  du 
fleuve,  avec  lequel  il  serait  en  communication  dans  la  saison  des  pluies. 
Il  ne  s'agit  probablement  que  de  marais,  comme  Bonnat  en  a  vu  dans 
cette  région,  et  le  lac  Kyirikora,  mentionné  parles  indigènes  sur  l'autre 
rive  du  fleuve,  n'est  pas  autre  chose.  Le  Niger  présente,  quant  à  la  crue 
de  ses  eaux,  les  mêmes  phénomènes  que  le  Volta,  et  n'a  à  proprement 
parler  aucun  lac. 

Quant  au  relief  du  pays,  il  est  en  général  assez  simple.  En  longeant  la 
côte  à  l'est  du  Prah,  on  voit,  derrière  les  falaises,  contre  lesquelles 
viennent  se  briser  lès  longues  lames  de  l'Océan,  des  collines  doucement 
arrondies,  très  boisées,  ou  des  montagnes  qui  ne  permettent  pas  de 
découvrir  l'intérieur  du  pays.  Tout  à  coup  les  montagnes  se  retirent  et 
s'étendent,  en  forme  de  chaîne  plus  élevée,  dans  la  direction  du  nord. 
La  côte  devient  basse  ;  du  pont  du  navire  elle  paraît  même  tout  à  fait 
plate  ;  ce  n'est  que  quand  on  la  traverse  qu'elle  paraît  légèrement  ondu- 
lée. A  mesure  qu'on  s'approche  du  Volta  elle  devient  complètement 
plate.  Au  loin  s'élèvent  quelques  monts  isolés,  d'une  certaine  hauteur  : 
le  Noyo  de  450",  le  Krobo  et  le  Schaï  de  300"  environ.  La  chaîne  elle- 
même  a  une  hauteur  moyenne  de  450"  ;  derrière  elle  s'en  trouvent  d'au- 
tres qui  sont  d'abord  parallèles,  puis  s'étendent  dans  d'autres  direc- 
tions ;  moins  hautes  vers  l'Océan,  elles  s'élèvent  davantage  vers  le  nord 
et  atteignent  670"  dans  l'Okwawou,  où  se  trouve  Abétifi.  Au  delà,  on 
pourrait  s'attendre  à  trouver  un  plateau  central  élevé  ;  il  n'en  est  rien  ; 
les  montagnes  s'abaissent  et  l'on  rencontre  une  immense  plaine  inté- 
rieure qui  s'étend  jusqu'au  Volta  et  bien  au  delà  ;  les  limites  occiden- 


—  312  — 

taies  et  septentrionales  en  sont  encore  complètement  inconnues;  la 
limite  orientale  est  formée  par  la  prolongation  de  la  chaîne  principale 
mentionnée  en  premier  lieu,  d'abord  basse,  bientôt  plus  haute  et  en 
même  temps  plus  large.  Plus  avant  dans  Tintérieur,  au  dire  du  mission- 
naire indigène,  D.  Asanté,  elle  est  d'une  hauteur  telle  que  la  sommité 
de  670™  mesurée  dans  TOkwawou,  ne  peut  lui  être  comparée.  Les  mon- 
tagnes doivent  s'étendre  encore  plus  au  nord,  mais  au  delà,  d'après  les 
renseignements  fournis  par  les  indigènes,  il  n'y  a  plus  de  chaîne  jusqu'au 
pays  des  Haoussas. 

Des  deux  côtés  du  fleuve,  la  plaine  s'élève  peu.  Salaga,  le  point  le 
plus  haut  qui  ait  été  atteint  par  le  D'  Mâhly,  n'est  qu'à  165"  d'alti- 
tude S  et  de  là,  aussi  loin  que  le  regard  peut  atteindre  vers  le  nord,  on 
n'aperçoit  aucune  trace  de  montagnes.  En  revanche,  les  deux  sources 
du  Volta  doivent  jaillir  d'une  montagne  à  quatre  ou  cinq  jours  de  mar- 
che au  N.-O.  de  Salaga  :  ce  pourrait  être  une  ramification  des  monts  de 
Kong,  qui  s'étendrait,  de  Sierra  Leone  à  travers  la  Guinée  supérieure, 
sur  une  longueur  de  350  kilom.  Ce  qui  appuierait  cette  hypothèse,  c'est 
l'existence,  dans  cette  région,  d'une  grande  ville  du  nom  de  Kong,  à  20 
ou  24  jours  de  marche  au  N.-O.  de  Coumassie,  et  d'après  Barth,  à  26 
jours  de  Salaga.  Dans  la  langue  des  nègres  de  la  Côte  d'Or,  jusqu'à 
Salaga,  le  mot  Kong  n'existe  pas,  tandis  que,  dans  celle  des  Mandingues 
du  Haut-Sénégal  et  du  Niger,  il  signifie  tête,  ou  montagne.  Mungo  Park  ' 
l'avait  déjà  constaté.  Les  Mandingues  s'étendent  du  Haut-Niger  jus- 
qu'aux sources  du  Volta  au  S.-E.  ;  il  y  a  là  des  montagnes  ;  Robertson 
a  même  entendu  dire  qu'il  y  a  des  sommités  couvertes  de  neige  ;  mais 
cette  partie  du  continent  est  encore  tout  à  fait  inconnue.  Entre  Yeudi 
et  le  coude  du  Niger,  Barth  est  le  seul  Européen  qui  ait  passé  de  Say  à 
Sarayjamo.  C'est  sur  ses  renseignements  que  reposent  presque  toutes 
les  données  figurées  sur  nos  cartes,  au  sud  de  sa  route  ;  sans  ses  cro- 
quis nous  n'aurions  là  qu'un  vaste  blanc,  un  des  plus  grands  que  l'Afri- 
que présente  aujourd'hui.  Les  renseignements  fournis  par  le  marquis  de 
Buonfanti,  sur  son  itinéraire  de  Timbouctou  au  golfe  de  Guinée,  ne 
l'ont  pas  fait  dispai'aître.  Il  y  a  là  à  explorer  un  inunense  territoire  dont 
les  voyageura  ont  pu  être  éloignés  par  la  peur  des  Achantis  ;  mais  depuis 
que  l'Angleterre  a  abattu  la  puissance  de  ceux-ci  dans  la  guerre  de 
1874,  les  habitants  des  provinces  autrefois  sujettes  de  Coumassie  et 
devenues  indépendantes,  considèrent  l'Européen  comme  leur  libérateur 

^  C'est  par  une  erreur  de  dessin  que  la  carte  indique  une  montagne  à  rempla- 
cement de  Salaga. 


—  313  — 

et  leur  ami.  Pendant  toute  la  durée  du  voyage,  M.  Màhly  et  ses  compa- 
gnons ont  trouvé  le  meilleur  accueil,  non  seulement  chez  les  tribus 
païennes,  mais  encore  chez  les  populations  déjà  mahométanes  de 
Salaga  ;  s'ils  Teussent  voulu,  ils  auraient  pu  pénétrer  plus  loin.  Une 
expédition  .d'exploration  pourrait  employer  avantageusement  la  voie  du 
Volta  sur  un  parcours  de  400  kilom.  environ. 

Sur  la  route  d^Abétifi  à  Ateobou,  à  travei-s  l'immense  plaine  de 
l'Afram  et  du  Volta,  M.  Ramseyer  a  rencontré  la  même  bienveillance. 
Elle  est  parcourue,  à  (Certains  moments  de  l'année,  par  un  grand  nombre 
de  voyageurs.  Au  mois  de  mars,  Sadang,  au  pied  des  montagnes  de 
rOkwawou,  fourmillait  de  gens  venant  de  Salaga  ou  s'y  rendant  ;  ceux 
qui  en  revenaient  étaient  faciles  à  reconnaître  à  leur  épuisement;  des 
esclaves  se  trouvaient  dans  leurs  rangs,  mourant  de  faim,  et  cependant 
heureux  d'arriver  dans  l'Okwawou,  où  leur  sort  est  généralement  moins 
dur  qu'ailleurs,  et  où  la  nourriture  est  abondante  ;  ils  y  sont  assez  rap- 
prochés de  la  colonie  anglaise  pour  que  bon  nombre  d'entre  eux,  un  peu 
plus  tôt  ou  un  peu  plus  tard,  puissent  se  réfugier  sur  un  sol  libre. 

Les  nombreux  cours  d'eau  qui  sillonnent  la  plaine  en  faisaient,  en 
mars,  un  parc  de  verdure.  Partout  croissait  un  gazon  tendre,  dont  les 
tiges  atteignaient  cinquante  centimètres  de  hauteur.  Les  arbres  avaient 
tout  leur  feuillage  ;  on  les  rencontre  par  bouquets  de  demi-heure  en 
demi-heure  ;  et  toutes  les  trois  ou  quatre  heures  des  lieux  de  halte  sont 
préparés,  pour  permettre  au  voyageur  soit  de  se  reposer,  soit  de  puiser 
de  l'eau.  Sur  la  route  se  rencontrent  des  rendez-vous  de  chasseurs,  qui 
ne  sont  pas  rares  dans  le  pays,  le  gibier  étant  très  abondant  ;  ils  fument 
en  général  leur  venaison  et  l'expédient  dans  l'Okwawou  et  dans  l'Akem, 
ou  bien  ils  la  vendent  aux  caravanes  qui  viennent  de  Salaga.  La  route 
suivie  par  M.  Ramseyer  avait  été  fréquentée  jusque-là  par  les  marchands 
de  noix  de  cola,  qui  transportaient  cette  denrée  à  Salaga  où  le  débit  en 
est  très  rémunérateur.  L'Achanti,  l'Akem  et  l'Okwawou  produisent  ce 
fruit  en  grande  quantité.  On  ne  le  mange  pas,  mais  on  le  mâche,  et  il 
laisse  dans  la  bouche  une  saveur  amère  qui  n'est  pas  désagréable, 
aussi  les  tribus  de  l'intérieur  en  font-elles  des  achats  considérables  ;  la 
noix  de  cola  est  pour  elles  à  peu  près  ce  que  le  tabac  est  pour  les 
fumeurs.  Un,e  charge  de  ces  noix  coûte,  dans  l'Okwawou,  fr.  7,50,  et  se 
vend  jusqu'à  37  et  38  fr.  sur  le  marché  de  Salaga.  Jusque-là,  une  bonne 
partie  de  cette  denrée  passait  par  Ateobou,  mais  la  route  de  Salaga 
venait  de  lui  être  interdite.  Le  grand  fétiche  Denk,  de  Krakyé,  l'un  des 
plus  redoutés  du  pays,  voulant  avoir  le  monopole  de  ce  trafic,  avait 
obtenu  du  roi  d'Ateobou  que  la  seule  route  permise  aux  trafiquants  de 


—  314  — 

noix  de  cola  fût  celle  de  Krakyé.  Il  prélevait  un  tribut  de  100  noix  par 
charge  complète. 

Âberewanko  est  la  premièi-e  localité  du  territoire  d^  Ateobou.  Les  habi- 
tants se  distinguent  des  nègres  parlant  le  tchi,  non  seulement  par  leur 
langage,  le  guang,  la  langue  de  Salaga,  mais  encore  par  leur  apparence 
extérieure  et  par  la  manière  de  construire  leurs  demeures.  La  plupart 
des  individus  sont  grands  et  bien  bfttis  ;  ils  ont  les  joues  tatouées.  Escla- 
ves de  fait,  ils  jouissent  néanmoins  d'une  liberté  qui  leur  fait  presque 
oublier  l'esclavage.  Leur  village  appartient  au  roi  d'Ateobou  ;  les  mai- 
sons ont  des  toits  pointus  recouverte  de  gazon,  comme  dans  l'Akuapem  ; 
elles  sont  construites  en  deux  ailes  qui  laissent  au  milieu  une  longue 
cour.  Les  parois  et  le  soi  sont  couverts  d'une  sorte  de  vernis  gris  foncé 
qui  les  durcit  complètement.  Les  plantages  de  yams  que  Ton  rencontre 
d'Aberewanko  à  Ateobou  témoignent  d'une  réelle  application  au  travail. 
Le  terrain  est  particulièi^ment  léger  et  friable,  aussi  la  culture  est-elle 
plus  facile  qu'ailleurs  ;  outre  les  yams,  le  riz  et  le  blé  sont  aussi  cultivés. 

Ateobou  a  dû  être  une  ville  plus  considérable  qu'elle  ne  l'est  aujour- 
d'hui ;  car  aux  alentours,  surgissent  de  tous  côtés,  du  sein  des  hautes 
herbes,  des  restes  d'enclos.  Les  maisons  ne  ressemblent  pas  à  celles  de 
r  Achanti  ;  hautes  de  3"*,  elles  sont  couvertes  de  toita  parfaitement  plats. 
La  rue  centrale,  longue  et  large,  est  bordée  d'une  double  rangée  d'ar- 
bres magnifiques,  dont  les  troncs  énonnes  prouvent  que  la  ville  n'est 
pas  d'hier.  Autour  de  cette  rue,  ou  plutôt  de  cette  allée,  se  groupent  les 
principaux  quartiers,  formés  en  général  de  20  ou  30  maisons  et  séparés 
par  des  places  spacieuses. 

M.  Ramseyer  et  ses  compagnons  de  voyage  virent  bientôt  venir  à 
eux  des  personnes  qui  leur  apportaient  de  petites  chaises  pour  se  repo- 
ser, puis  une  troupe  de  gens,  accompagnant  un  porte-épée  chargé  de 
leur  apprendre  que  le  roi  était  en  séance.  Aussitôt  ils  se  mirent  en  mar- 
che pour  se  présenter  devant  la  cour.  Le  roi  occupait  le  centre  d'un 
demi-cercle.  Us  durent  lui  donner  la  main,  ainsi  qu'à  quelques-uns  de 
ses  chefs  et  à  sa  mère  qui  se  tenait  à  sa  droite  ;  pour  les  autres  assis- 
tants une  salutation  suffit.  Les  voyageurs  prirent  place  sur  des  sièges 
qui  leur  avaient  été  préparés,  et  toute  l'assemblée  vint  les  saluer  en 
défilant  devant  eux.  Le  roi  portait  sur  la  tête  une  sorte  de  turban  de 
soie,  d'oîi  pendaient,  à  droite  et  à  gauche,  deux  rubans  assez  longs;  aux 
doigte  et  au  cou,  quantité  de  bagues  et  de  colliers  d'or  ;  son  vêtement, 
garni  de  broderies  de  soie,  était  de  fabrication  achantie.  Des  maisons 
furent  mises  à  la  disposition  des  arrivants,  et  à  peine  ceux-ci  y  étaient- 
ils  installés,  que  le  roi,  voulant  s'assurer  qu'ils  étaient  bien  logés,  vint 


—  815  — 

les  voir  avec  sa  suite  ;  derrière  lui  on  portait  son  siège  et  les  images  des 
fétiches  protecteurs.  Il  avait  cependant  une  autre  préoccupation.  «  Tu 
viens  de  TOkwawou,  »  dit-ii  à  M.  Raniseyer,  a  et  tu  affirmes  que  tu  u^as 
point  de  communication  politique  à  me  faire  !  Nous  avons  appris  cepen- 
dant qu'un  autre  blanc  s'est  rendu  à  Coumassie  et  même  jusqu'à  Mko- 
ransa  (à  trois  journées  de  chemin  d'Ateobou).  On  ajoute  qu'il  doit  bien- 
tôt arriver  ici.  Pourquoi  deux  blancs  viennentrils  chez  nous,  dans  le 
même  moment,  de  deux  côtés  différents?  »  M.  Ramseyer  put  le  tran- 
quilliser en  lui  expliquant  que  la  mission  du  capitaine  Kurby,  officier  du 
gouvernement  anglais,  n'avait  aucun  rapport  avec  la  sienne,  exempte 
de  tout  caractère  politique. 

La  maison  du  roi  Gyang  Kwakou,  auquel  M.  Ramseyer  rendit  sa 
visite,  ne  se  distingue  des  autres  habitations  d'Ateobou  que  par  sa 
hauteur  ;  elle  les  dépasse  toutes  d'un  mètre  et  demi.  Le  roi  se  montra 
bienveillant;  l'entretien  roula  sur  l'Achanti  et  Coumassie,  et  le  roi 
raconta  à  M.  Ramseyer  qu'autrefois  les  habitants  d'Ateobou  devaient 
livrer  chaque  année  à  Coumassie  un  certain  muubre  de  leurs  conci- 
toyens et  même  de  leurs  propres  enfants,  ce  qui  explique  la  dépopula- 
tion actuelle  de  la  ville.  Après  avoir  prêché  devant  le  roi,  ses  chefs,  sa 
mère,  et  tous  les  habitants  groupés  devant  le  palais,  M.  Ramseyer 
quitta  Ateobou,  non  sans  avoir  reçu  de  beaux  présents  d'adieu  du  roi, 
qui  aurait  voulu  le  voir  prolonger  sa  visite. 

De  là  il  se  dirigea  sur  Krakyé,  oîi  il  arriva  au  bout  de  cinq  jours,  en 
allant  presque  constanm^ent  vers  l'est.  La  peur  des  Achantis  a  engagé 
les  chefs  et  une  bonne  partie  des  habitants  à  se  retirer  à  Krakyé,  aussi 
le  pays  paralt-il  dépeuplé.  On  n'y  voit  guère  que  de  l'herbe,  des  arbres 
rabougris  dont  le  rare  feuillage  ne  procure  aucune  ombre  ;  cependant 
le  sol  doit  être  fertile,  car  partout  les  yams  prospèrent. 

Le  28  mars,  M.  Ramseyer  atteignait  le  Volta  et  Krakyé,  la  fameuse 
ville  du  fétiche  ;  elle  doit  avoir  de  5  à  6000  habitants,  mais  n'a  point  de 
rues  proprement  dites,  chacun  posant  son  habitation  oU  il  lui  plaît  ;  elle 
domine  d'environ  20  mètres  le  niveau  du  fleuve,  mais  en  septembre,  à 
l'époque  des  hautes  eaux,  ceUes-ci  touchent  presque  aux  premières 
maisons.  Krakyé  sert  de  centre  commercial  pour  quantité  de  tribus  de 
l'intérieur.  Ses  habitants  parlent  le  guang  ;  néanmoins  ils  comprennent 
tous  le  tchi.  Les  trafiquants  y  séjournent  pendant  dès  mois;  ils  vont 
souvent  jusqu'à  Salaga,  quoique  les  voyages  du  côté  de  cette  ville  ne 
soient  plus  aussi  fréquents  qu'auti*efois.  On  vient  plutôt  maintenant 
de  Salaga  à  Krakyé,  et  les  caravanes  poussent  même  jusqu'à  la  côte. 
On  ne  vient  pas  non  plus  seulement  pour  le  conmierce  ;  on  veut  aussi 


—  316  — 

consulter  le  fétiche,  qui,  pour  une  dispute  ou  un  procès,  qui,  pour  une 
maladie,  qui,  pour  des  embarras  de  famille;  l'oracle  rendu  est  tenu 
pour  irrévocable.  Cependant,  malgré  toute  la  terreur  qu'inspire  le  prê- 
tre du  fétiche,  son  prestige  diminue.  Peu  avant  l'arrivée  du  mission- 
naire, un  homme  avait  été  mis  à  mort  pour  avoir  osé .  proclamer  le 
néant  du  fétiche.  L'épouvante  règne  encore,  mais  la  foi  s'en  va;  la 
crainte  d'ailleurs  n'empêche  pas  certains  progrès.  Naguère,  par  exem- 
ple, il  était  défendu  à  tout  le  monde  d'allumer  des  lumières,  parce  que 
le  fétiche  les  déteste;  aujourd'hui  cettte  interdiction  est  abolie.  A 
7  kilom.  de  Krakyé  se  trouve  Kété,  lieu  de  marché,  une  sorte  de 
Salaga  en  petit,  oîi  l'on  vend  toute  espèce  de  produits  de  l'intérieur  et 
d'Europe  ;  des  étoffes  pour  vêtements,  des  costumes  mahométans,  des 
étuis  de  cuir,  des  ouvrages  de  vannerie,  des  couteaux,  des  ciseaux,  du 
fil,  des  aiguilles,  des  perles.  Comme  à  Salaga,  les  cauries  servent  de 
monnaie. 

Après  avoir  passé  l'Asouoko,  on  entre  dans  le  district  de  Bœm.  La 
rivière  est  assez  torrentueuse;  à  la  suite  de  fortes  pluies,  elle  entraîne 
des  masses  de  sable  rouge.  Ici  l'on  est  déjà  près  de  la  montagne,  ce 
dont  on  s'aperçoit  aux  forêts  de  palmiers,  qui  ne  sont  pas  loin,  et  au 
vin  de  palmier  que  les  jeunes  filles  offrent  aux  amateurs. 

En  continuant  à  s'avancer  vers  le  sud,  on  arrive  à  Tapa,  à  une  dou- 
zaine de  mètres  du  sommet  d'une  montagne  d'où  l'on  jouit  d'une  vue 
magnifique  sur  toute  la  chaîne,  jusqu'à  Anum.  Le  pays  est  beau  et 
ressemble  à  l'Okwawou;  il  a  d'excellente  eau  et  produit  des  yams,  du 
pisang,  du  riz  et  du  blé.  Le  prince  d'un  des  deux  villages  qui  forment 
le  bourg  de  Tapa,  après  avoir  entendu  le  missionnaire,  insista  beau- 
coup pour  qu'il  restât  au  milieu  de  ses  gens  et  les  instruisît.  Il  en  fut 
de  même  dans  plusieurs  des  localités  que  traversa  M.  Ramseyer  jusqu'à 
Anum,  où  il  rencontra  D.  Asanté,  heureusement  revenu  de  son  voyage 
à  Salaga. 

Nous  empruntons  encore,  au  rapport  de  ce  dernier,  quelques  rensei- 
gnements sur  Salaga  et  sur  son  itinéraire  de  retour.  Avant  d'arriver  à 
Salaga,  on  aperçoit,  d'une  assez  grande  distance,  une  longua rangée,  de 
deux  kilom.,  de  maisons  ombragées  de  quelques  arbres.  Les  environs  de 
la  ville  sont  complètement  nus;  on  n'y  voit  que  quelques  maigres  buis- 
sons. A  mesure  qu'on  approche,  et  quand  on  entre  dans  la  ville,  on  est 
désagréablement  affecté  par  une  odeur  d'ordures,  de  fumier  et  de  cada- 
vres en  décomposition.  Des  quartiers  entiers,  en  pai'ticulier  celui  des 
Achantis,  ne  sont  qu'un  tas  de  décombres.  Les  rues  sont  aussi  irrégu- 
lières que  possible  ;  beaucoup  de  huttes  sont  sans  toit,  d'autres  sont 


—  317  — 

iahabitées  ;  les  habitations  sont  construites  très  irrégulièrement,  l'en- 
trée en  est  si  basse  qu'il  faut  courber  la  tête  jusqu'aux  genoux  pour 
pouvoir  y  entrer.  Les  salles  d'école  servent  en  même  temps  d'écuries 
pour  les  chevaux,  et  de  passages  publics  pour  se  rendre  dans  certains 
groupes  de  maisons.  Salaga  est  en  décadence;  le  commerce  s'est 
déplacé,  le  trafic  des  esclaves  a  diminué,  et  les  habitations,  jadis  belles, 
sont  si  délabrées  qu'on  ne  peut  plus  les  remettre  en  état. 

De  Salaga,  D.  Asanté  prit  la  direction  du  N.-E.,  et  quoique  l'in- 
fluence musulmane  se  fasse  sentir  dans  les  villages  qu'il  rencontra,  il  y 
trouva  une  hospitalité  cordiale.  A  Kokrone,  le  point  extrême  de  son 
excursion  vers  l'est,  se  tient  un  marché  d'ivoire  et  d'esclaves.  De  là,  le 
missionnaire  reprit  la  route  du  sud  à  travei^s  un  pays  montagneux,  oîi 
croît  en  abondance  le  palmier  qui  fournit  du  vin  aux  habitants.  Dans 
l'Adélé,  chaque  chef  est  en  même  temps  prêtre  de  la  localité  qu'il 
habite.  On  n'atteint  le  plateau  de  Kpaleavé,  qu'à  travers  des  monts  et 
des  vallées,  tantôt  boisés,  tantôt  coupés  de  ruisseaux  et  de  gorges  qui 
rendent  la  marche  diflScile  et  même  périlleuse.  Plus  au  sud,  après  avoir 
passé  le  Wawa,  affluent  de  l'Asouoko,  Asanté  fut  surpris  par  la  nuit 
dans  une  ascension  de  montagne,  sur  une  pente  oîi  il  y  avait  à  peine  un 
pied  de  large  de  terrain  plat,  et  au-dessous  de  lui  se  trouvait  un  pro- 
fond abîme.  Il  dut  y  passer  la  nuit  avec  ses  gens,  sans  oser  avancer,  la 
pluie  ayant  rendu  le  sol  très  glissant. 

A  Avatimé,  en  plein  pays  païen,  il  trouva  un  village  chrétien,  fondé 
par  cinq  hommes  qui,  dans  la  guerre  de  1869,  s'étant  enfuis  dans  le 
pays  de  Ga,  étaient  devenus  chrétiens  à  la  station  bâloise  de  Mayera, 
revenus  dans  leur  pays  ils  avaient  persévéré  dans  le  christianisme,  y 
avaient  gagné  quelques  païens,  et  avaient  construit  une  maison  pour 
l'instituteur  que  leur  avait  donné  la  mission  de  Brème,  à  laquelle  ils 
s'étaient  rattachés. 

D'une  manière  générale,  le  pays  parcouru  par  Asanté,  de  Dadeasé 
jusqu'à  l'Abo,  est  un  pays  de  montagnes,  avec  des  plateaux,  tantôt 
herbeux,  tantôt  boisés.  Les  forêts  se  rencontrent  surtout  dans  les  val- 
lées profondes  et  étroites,  et  sur  les  pentes  des  montagnes.  Les  teni- 
toires  herbeux  sont  très  fertiles,  et  les  habitants  y  cultivent  des  yams, 
du  riz,  du  maïs  et  trois  sortes  de  blé  de  Guinée.  L'air  est  frais  et  moins 
humide  que  dans  l'Akuapem,  parce  que  les  forêts  n'y  prédominent  pas. 
Toutefois  il  y  pleut  souvent  ;  le  pays  est  abondamment  arrosé  de  cours 
d'eau  qui  ne  tarissent  jamais  ;  le  Daka,  l'Oti,  l'Asouoko  et  l'Abo  por- 
tent tous  leurs  eaux  au  Volta. 


—  318  — 

La  principalo  occupation  des  habitants  est  l'agriculture  ;  les  femmes 
filent  le  coton,  le  teignent  avec  l'indigo  indigène,  et  en  tissent  des 
vêtements  pour  leurs  maris  ;  elles  font  aussi  de  la  poterie  et  des  corbeilles 
d'osier.  Les  beaux  pâturages  qui  poun'aient  nourrir  beaucoup  de  bétail, 
n'ont  que  peu  de  moutons  et  de  chèvres. 

Quoique  le  rainerai  de  fer  soit  répandu  partout,  ce  n'est  guère 
([u'h  Santrokofi  et  Akpawou  qu'on  trouve  des  fonderies  et  des 
forges.  Les  gens  de  l'Atshati  recueillent  le  miel  et  vont  le  vendre  à 
Salaga. 

Quant  au  climat  de  cette  partie  de  l'Afrique,  le  D'  Mâbly  n'estime 
pas  qu'il  soit  tel  que  l'existence  ou  la  santé  de  l'homme,  noir  ou  blanc, 
y  soit  menacée.  Sans  doute  il  faut  que  l'Européen  s'acclimate,  mais  il 
n'est  point  nécessaire  qu'il  tombe  malade.  M.  Mahly  a  fait  sur  lui- 
même  l'expérience  que,  dans  les  premiers  temps  du  séjour  en  Afrique, 
on  peut  se  trouver  aussi  bien  portant  de  corps  que  chez  soi  ;  à  plus  forte 
raison  devrait-il  en  être  de  même  après  l'acclimatement.  Ce  n'est  qu'au 
bout  d'un  certain  norabre  d'années  que  l'appauvrissement  du  sans? 
réclame  un  séjour  réparateur  en  Europe.  Il  en  est  de  même  pour  tous 
les  pays  tropicaux  ;  s'il  y  a  une  différence  pour  l'Afrique,  elle  ne  pro- 
vient pas  du  climat,  mais  d'une  cause  spéciale,  favorisée,  il  est  vrai,  par 
le  climat,  ce  qui  a  donné  lieu  à  l'expression  ^èrre  du  climat,  expression 
impropre  aussi  bien  que  fièvre  paludéenne,  car,  d'une  part,  la  fièvre  ne 
règne  pas  dans  tous  les  pays  tropicaux,  d'autre  part  la  présence  de 
marais  n'est  nullement  nécessaire  pour  la  faire  naître.  L'expérience 
apprend  que,  siu*  la  plus  grande  partie  de  la  côte  occidentale  d'Afrique, 
la  fièvre  peut  se  rencontrer  partout,  à  des  degrés  d'intensité  difféi-ents, 
suivant  les  lieux  et  les  moments.  On  peut  en  conclure  que  les  germes 
de  la  maladie  existent  partout  dans  le  sol,  qu'ils  se  répandent  dans  l'air 
et  sont,  avec  l'air,  absorbés  par  le  corps.  C'est  une  maladie  infectieuse 
qui,  h  l'inverse  des  autres,  provient  directement  et  exclusivement  du 
sol  et  n'est  pas  propagée  par  des  personnes  malades.  L'agent  de  la 
nialadie  n'est  pas  encore  parfaitement  connu  ;  on  suppose  qu'il  appar- 
tient aux  organismes  infiniment  petits.  On  ne  peut  guère  songer  à  h* 
détruire  en  Afrique,  vu  sa  grande  extension,  mais  si  l'homme  ne  peut 
pas  ne  pas  absorber  les  germes  du  mal,  il  pourra  les  empêcher  de  se 
log(T  chez  lui  et  d'y  multiplier.  Toutefois,  jusqu'à  ce  qu'on  en  ait 
trouvé  le  moyen,  les  conditions  climatériques  ne  s'amélioreront  pas. 
Aussi  le  D'  Mahly  appuie-t-il  les  conseils  du  D'  Fischer  dans  Mehr 
Licht  im  dunkeln  Welttheil  (p.  218),  et  pense-t-il  qu'un  optimisme 


—  319  — 

dangereux  peut  seul  recommander  rétablissement,  dans  cette  région, 
d'Européens  pour  des  travaux  agricoles. 


CORRESPONDANCE 

Loanda,  15  août  1885. 
Monsieur, 

Abonné  à  V Afrique,  j'y  lis  toujours  avec  le  plus  grand  intérêt  les  correspon- 
dances de  nos  compatriotes  Berthoud,  D'  Passavant,  etc.,  et  j'ai  Pespoir  que  quel- 
ques lignes  sur  la  région  du  Continent  noir,  dans  laquelle  je  me  trouve,  ne  vous 
déplairont  pas.  Je  fais  partie  de  la  mission  de  Pévêque  Taylor  que  vous  mention- 
nez deux  fois  dans  votre  journal.  Vous  avez  fait  remarquer  le  caractère  self- 
supporting  qui  distingue  cette  mission  de  toutes  les  autres  ;  cette  entreprise  est  en 
effet  un  essai  basé  sur  des  raisons  suffisantes  aux  yeux  de  son  chef,  mais  elle  est 
sévèrement  jugée  par  le  monde  en  général  et  par  les  Sociétés  de  missions,  qui  la 
condamnent  comme  téméraire.  Jusqu'ici  toutefois  tout  s'est  passé  plus  heureusement 
que  nous  n'osions  l'espérer,  malgré  les  fatigues  et  les  privations  que  nous  avons 
dû  et  devons  encore  endurer.  De  nombreuses  délivrances  n'ont  fait  qu'affermir  la 
foi  et  le  courage  des  membres  de  l'expédition.  On  nous  avait  prédit  maintes  fois, 
qu'avant  deux  mois  les  enfants  auraient  succombé,  victimes  du  fanatisme  des 
parents.  Nous  sommes  heureux  de  constater,  après  six  mois  d'expérience,  que  les 
enfants  sont  beaucoup  moins  sujets  aux  maladies  que  les  adultes.  Sur  un  nombre 
de  42  personnes,  un  jeune  homme  a  seul  succombé,  et  cela,  parce  qu'il  ne  se  laissa 
persuader  de  se  soigner  que  lorsqu'il  fut  trop  tard.  Il  faut  faire  observer  ici  que 
nos  gens  arrivèrent  pour  la  plus  mauvaise  saison  des  pluies  qui  eût  visité  la  côte 
depuis  beaucoup  d'années.  Le  nombre  des  patients  à  l'hôpital  doubla  en  peu  de 
temps;  les  indigènes  souffraient  autant  que  les  blancs  et  pas  une  seule  de  mes 
connaissances  n'échappa  à  la  fièvre.  Or,  nos  hommes  devant  coucher  sous  des 
tentes,  alors  que  mouraient  quantité  de  blancs  jouissant  d'autant  de  conforts  que 
nous  souffrions  de  privations,  nous  fûmes  bien  reconnaissants  envers  la  Provi- 
dence de  nous  avoir  si  merveilleusement  préservés.  Nous  n'avions  point  de  domes- 
tiques et  tout  le  travail  du  ménage  reposait  sur  les  épaules  des  missionnaires. 
Ceux-ci  se  passèrent  de  vin  sans  que  leur  santé  s'en  ressentît,  contrairement  à 
l'opinion  de  tous  les  résidents  africains.  Nous  ne  pouvons  que  nous  louer  de  la 
réception  cordiale  des  autorités  et  des  particuliers  portugais,  tant  sur  la  côte  qu'à 
l'intérieur.  La  maison  de  Loanda  a  successivement  évacué  ses  occupants,  deux 
hommes  seulement  sont  restés  en  arrière,  dont  l'un  est  votre  correspondant.  A 
Pintérienr  trois  stations  sont  déjà  établies  et  en  bonne  voie  ;  plusieurs  sont  proje- 
tées ;  le  travail  est  en  partie  agricole  et  en  partie  scolaire.  Le  gouverneur  nous  a 
jLccordé  150  livres  d'école  avec  une  centaine  de  tableaux  de  lecture.  La  première 


-   320  — 

station  est  à  Nhangué  ia  Pépé,  à  100  kilomètres  au  nord  de  Dondo  sur  la  Quanza, 
la  seconde  à  Pungo  Andongo  ;  la  troisième  à  Malangé.  Le  D'  Sumners  vient 
d'arriver  de  l'intérieur,  après  avoir  parcouru  à  pied  un  millier  de  milles  en  six 
semaines,  en  traversant  Duque  de  Bragança,  le  Gk>lungo  Alto,  et  en  suivant  le 
cours  du  Bengo. 

Depuis  le  12  août,  nous  avons  Thonneur  de  posséder  au  milieu  de  nous  les  explo- 
rateurs Capello  et  Ivens,  qu'un  vapeur  du  Cap  a  amenés  jusqu'à  Mossamédès, 
d'où  le  steamer  portugais  les  a  transportés  ici.  Loanda  s'est  surpassée  en  offrant 
aux  deux  illustres  voyageurs  une  réception  vraiment  grandiose  et  enthousiaste. 
Le  13,  cortège  imposant,  conduisant  les  héros  à  l'église  épiscopale,  où  un  Te  Deum 
solennel  fut  chanté.  Capello  et  Ivens  marchaient  sous  un  dais  de  soie  blanche,  à 
franges  d'or,  et  supporté  par  six  colonnes  dorées,  aux  mains  de  notables  de  Loanda 
en  magnifiques  uniformes.  Les  corporations  et  les  écoles  de  Loanda  ouvraient  la 
marche;  après  elles  venaient  les  consuls,  ensuite  le  dais,  derrière  celui-ci  le  gouver- 
neur et  sa  suite,  puis  un  groupe  de  messieurs,  et  enfin  les  troupes  terminaient  le 
cortège  qui  s'avançait  lentement  aux  accents  patriotiques  de  la  musique  milit&ire, 
aux  acclamations  de  la  foule  bigarrée  et  au  bruit  de  fusées  sans  nombre.  Le  14, 
conférence  des  voyageurs  et  quelques  autres  discours  ;  Ivens  était  le  Mercure,  et 
Capello  brillait,  comme  de  coutume,  par  son  silence  modeste.  Le  soir  du  même  jour 
représentation  au  théâtre  jusqu'après  minuit;  hier  régates,  aujourd'hui  adieux 
officiels. 

Agréez  mes  meilleurs  vœux  pour  le  succès  de  votre  publication. 

Héli  Châtelain. 


Un  correspondant  bien  informé  nous  adresse,  du  Bas-Congo,  à  la  date  du 
14  août,  les  renseignements  suivants  : 

1^  Le  lieutenant  Wissmann  a  atteint,  par  eau,  le  Congo  supérieur,  avec  ses  200 
natifs,  après  avoir  perdu  six  blancs  en  route;  ayant  suivi  le  Cassai,  il  a  trouvé 
qu'il  se  verse  dans  le  Kwa.  ' 

2^  Le  D' Wolff,  de  l'expédition  du  lieutenant  Schultz,  parti  pour  Kiamvou,  avec 

*  Une  carte  provisoire  accompagne  la  lettre  de  notre  correspondant  ;  elle  donne 
le  cours  des  affluents  du  Congo  récemment  explorés,  la  Mboura,  le  Lolka,  le 
Mobandji,  la  Nkéné  sur  la  rive  septentrionale,  le  Lomami,  la  Kgala,  l'Ikelemba,  le 
Cassaï,  la  Nkissi,  la  Loukounga  et  le  Kwilou  sur  la  rive  sud.  Quant  au  Cassai,  le 
croquis  en  place  le  confluent  avec  le  Quango,  en  amont  de  celui  de  l'émissaire  dn 
lac  Léopold  II,  dont  il  serait  tout  à  fait  indépendant.  Nous  attendons  des  déter- 
minations plus  précises,  pour  donner  une  carte  de  cette  partie  du  centre  africain, 
que  les  récentes  découvertes  de  Grenfell  et  de  Wissmann  présentent  sous  un  jour 
si  différent  de  celui  sous  lequel  on  la  voyait  jusqu'ici. 


—  321  — 

<;iDq  hommes  du  Loango  et  deux  guides  indigènes,  a  Ireancoup  souffert  de  la  faim 
en  route;  il  a  reçu  un  bon  accueil,  et  après  s'être  reposé  quinze  jours,  il  est  revenu 
à  San  Salvador,  son  point  de  départ. 

3^  Le  D'  Bûttner  est  aussi  parti  pour  San  Salvador.  —  Les  lieutenants  Kund  et 
Jappenback  continuent  à  séjourner  à  Stanley-Pool.  Grâce  à  la  bienveillance  de  la 
mission  baptiste  américaine,  M.  Kund  a  pu  faire,  avec  le  Henry  Beed^  une  excur- 
sion jusqu'à  Bangala. 

4^  L'agent  diplomatique  américain,  M.  le  lieutenant  Jaunt,  a  quitté  Stanley- 
Pool,  pour  se  rendre  aux  chutes  de  Stanley,  par  le  Henry  Beed^  sur  lequel  on  lui 
a  donné  le  passage. 

5<*  L'État  libre  du  Congo  renonce  à  plusieurs  de  ses  stations  :  Ruby  Town, 
Yunda,  Manyanga  (rive  droite),  Lutété,  Kalena  Point,  Eimpoko,  Kwamouth, 
Mushié  et  Lukoléla.  —  Le  steamer  la  ViUe  WAwoers  a  donné  sur  un  rocher  près 
de  Boma;  il  a  sombré  en  deux  heures  et  est  complètement  perdu. 

6<»  La  mission  baptiste  américaine  (Livingstone  Inland  Mission),  a  achevé  sa 
station  de  l'Equateur  ;  ses  agents  sont  occupés  à  étudier  la  langue  de  ce  district 
et  à  créer  une  école. 

7<>  Le  P.  Augouard  a  remonté  le  fleuve,  pour  fonder  une  nouvelle  station  au  delà 

de  Stanley-Pool,  et  trois  membres  des  missions  d'Alger  sont  arrivés  à  Yivi.  —  On 

a  remonté  le  Stanley  et  sir  Francis  de  Winton  part,  avec  ce  steamer,  afin  de 

Yoir  ce  qu'il  pourra  faire  pour  chasser  du  haut  fleuve  les  Arabes,  ou  pour  les 

arrêter.. 

Comme  témoin  oculaire,  je  puis  vous  assurer  qu'ils  n'ont  attaqué  aucune  des 
stations  de  l'expédition. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

Vingt  jours  en  Tunisie,  par  Paul  Arène.  Paris  (Alph.  Lemerre), 
1884,  iii-8%  300  pages,  fr.  3,50.  —  Le  mois  d'août  n'est  guère  le  meil- 
leur pour  un  voyage  en  Tunisie  ;  malgré  cela,  ayant  vingt  jours  à  per- 
dre, c'est  ce  moment  que  M.  Paul  Arène  choisit  pour  s'y  rendre.  D  est 
vrai  qu'il  ne  pénétra  que  peu  dans  l'intérieur,  où  la  chaleur  est  aloi-s 
presque  insupportable  pour  un  Européen;  il  se  contenta  de  visiter 
quelques  villes  situées  sur  la  côte,  ou  dans  son  voisinage,  et  rafraîchies 
par  la  brise  de  mer.  Le  but  de  son  voyage  était  Sousse,  où  M.  Jules 
Arène,  frère  de  l'auteur,  remplit  les> fonctions  de  vice-consul  de  France. 

*   On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  àB&le,  tous  les 
oiivrages|dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  322  — 

Cependant,  il  accorda^  chemin  faisant,  trois  joux-s  à  Tunis  et  à  Car- 
thage,  et,  d'autre  part,  entreprit  quelques  excufsions  autour  de  Sousse, 
à  Monastir,  à  Kaïrouan,  etc. 

Les  lieux  dont  il  est  parlé  dans  cet  ouvi*age  sont  donc  de  ceux  qui 
ont  été  souvent  décrits  depuis  la  conquête  française.  Mais  si  l'auteur 
ne  nous  apprend  rien  de  bien  nouveau,  si  même  il  ne  cherche  pas  à 
tout  dire  et  néglige  beaucoup  de  choses,  préférant  s'arrêter  où  le  hasard 
le  conduit,  il  se  fait  lire  avec  plaisir,  grâce  à  un  récit  enjoué  et  char- 
mant, à  des  descriptions  remplies  de  poésie,  à  des  peintures  de  mœurs, 
si  réussies  qu'il  semble  que  Ton  ftiit  avec  lui  le  voyage  et  que  l'on  se 
croit  en  plein  pd|'S  arabe.  Il  a  su  trouver  le  style  qui  convenait  à  sa 
naiTation,  et  la  douleur  locale  propre  à  ce  pays  éblouissant  de  lumière, 
où  la  richesse  de  la  nature  contraste  avec  la  misère  et  avec  les  usages 
à  demi  barbares  des  hommes  qui  l'habitent. 

La  Conférence  africaine  de  Berlin  et  l'Association  internatio- 
nale DU  Congo,  par  Emile  Banning.  Bnixelles  (C.  Muquardt),  1885, 
in-8°,  26  p.  —  L'acte  général  de  la  Conférence  de  Berlin,  par 
J.  Joaris.  Bruxelles  (C.  Muquardt),  1885,  in-8**,  79  p.,  fr.  1,50.  — La 
question  du  Congo,  par  J.  Du  Fief.  Bruxelles  (Secrétariat  ^de  la 
Société  royale  belge  de  géographie),  1885,  in-8*,  80  p.  et  carte.  —  Le 
Congrès  de  Vienne  et  la  Conférence  de  Berlin,  par  sir  Travers 
Ttviss.  Bruxelles  et  Leipzig  (C.  Muquardt),  1885,  in-8**,  19  p.  —  Die 
Afrikanische  Konferenz  und  der  Congostaat,  von  C.-A,  Patzig. 
Heidelberg  (Cari  Winter),  1885,  in-12%  120  p.,  fr.  2,50. 

Après  avoir  concentré  sur  elle,  pendant  quelques  mois,  l'attention  de 
tout  le  monde,  la  Conférence  de  Beriin  a  donné  lieu  à  plusieurs  mono- 
graphies que  nous  réunissons  dans  un  même  article  bibliographique. 
Sur  six  des  travaux  qui  nous  ont  été  adressés,  trois  sont  dus  à  dos 
Belges,  tous  les  trois  très  compétents  pour  apprécier  l'œuvre  accomplie 
à  Berlin  :  M.  Banning,  membre  de  la  Conférence  de  Bruxelles  en  1876, 
et  délégué  belge  à  celle  de  Berlin  ;  M.  Jooris,  ministre  de  S.  M.  le  roi 
des  Belges  ;  M.  Du  Fief,  secrétaire  général  de  la  Société  royale  belge 
de  géographie  ;  tous  les  trois  également  animés  du  désir  de  faire  valoir 
le  rôle  que  la  Belgique  a  joué  dans  la  grande  entreprise  couronnée  par 
la  reconnaissance  de  l'État  libre  du  Congo. 

Chacun  de  ces  auteure  présente  d'ailleui-s  son  résumé  des  faits,  à  son 
point  de  vue  spécial,  et  relève  tel  ou  tel  des  traits  particuliers,  soit  dos 
travaux  de  la  Conférence,  soit  de  l'œuvre  de  l'Association  internatio- 


--  823  — 

nale  du  Congo.  M.  Bauning  fait  ressortir  qu'aucun  établissement  loin- 
tain n'a  possédé  en  naissant  autant  de  garanties  de  développement 
pacifique  que  le  nouvel  État  du  Congo,  et  montre,  par  des  faits,  à  ceux 
qui  doutent  du  succès  de  l'œuvre  nouvelle,  que  la  plupart  des  hommes 
qui  ont  agrandi  le  domaiue  géographique,  maritime,  colonial,  ne 
savaient  pas  oîi  aboutirait  le  sillon  qu'ils  ouvraient  ;  mais  ils  l'ont  réso- 
lument poussé  devant  eux,  et  c'est  parce  qu'ils  ont  fait  cela,  que 
rhumanité  leur  doit  quelques-unes  des  belles  pages  de  son  histoire. 

M.  Jooris  relève  l'extension  prise  par  le  droit  international,  fait  une 
étude  spéciale  des  progrès  de  la  législation  des  fleuves  internationaux, 
et  cite  l'application  au  Zambèze,  par  le  Portugal,  des  principes  de  libre 
navigation.  Il  donne  en  outre  un  résumé  historique  des  prises  de  pos- 
session depuis  un  quart  de  siècle,  et  montre  que  la  Conférence  de 
Berlin  est  bien  venue  à  l'heure  où  il  était  nécessaire  de  consacrer,  par 
un  acte  international,  les  principes  nouvellement  introduits  dans  le 
droit  des  gens. 

Partant  des  explorations  qui  ont  fait  connaître  le  bassin  du  Congo, 
M.  Du  Fief  présente  le  développement  historique  de  l'Association  inter- 
nationale africaine,  du  Comité  d'études  et  de  l'Association  internatio- 
nale'du  Congo,  accentue,  en  citant  M.  Banning,  les  diflicultés  qu'avait 
rencontrées  la  création  de  l'État  indépendant  du  Congo,  et  cherche 
quels  peuvent  être  théoriquement  les  éléments  constitutifs  du  nouvel 
État,  appropriés  à  sa  nature  spéciale  et  aux  circonstances  éventuelles. 
Les  fonctions  que  M.  Du  Fief  remplit  dans  la  Société  belge  de  géogra- 
phie l'ont  engagé  à  donner,. dans  son  mémoire,  une  grande  place  à  la 
géographie  du  bassin  du  Congo  ;  son  exposé  détaillé  était  généralement 
exact  au  moment  où  il  le  publiait  ;  mais  l'exploration  des  affluents  du 
grand  fleuve,  soit  sur  la  rive  droite,  soit  sur  la  rive  gauche,  celle  de 
Grenfell  dans  le  Mobandji  jusqu'au  4°30'  lat.  N.,  et  celle  de  Wissmann 
arrivant  à  Kwamouth  par  la  Louloua,  le  Cassaï  et  le  Quango,  modifie- 
ront complètement  la  géographie  de  cette  partie  de  l'Afrique  centrale, 
telle  qu'elle  figurait  dans  les  cartes  il  y  a  quelques  semaines  seulement. 

Collaborateur  de  la  Renie  de  droit  international,  membre  de  l'Ins- 
titut de  droit  international,  et  conseil  du  ministre  d'Angleterre  à  la 
Conférence  de  Berlin,  sir  Travei-s  Twiss  était  désigné  par  ses  travaux 
antérieurs  pour  traiter  la  question  du  développement  du  principe  de  la 
navigation  des  fleuves  internationaux,  et  marquer  le^  progrès  accomplis 
à  cet  égard  depuis  le  Congrès  de  Vienne.  Il  l'a  fait  avec  une  grande 
sagacité  dans  le  mémoire  :  le  CongrJs  de  Viemie  et  la  Conférence  de 


—  324  — 

Berlin,  dans  lequel  toutefois  il  ne  s'est  pas  borné  aux  questions  qui 
touchent  à  la  navigation  du  Congo  et  du  Niger.  Son  examen  a  porté 
plus  loin.  Après  avoir  montré  que,  du  Congrès  de  Westphalie  à  celui  de 
Vienne,  les  intérêts  particuliers  avaient  eu  le  dessus,  le  principe  du 
droit  public  d'alors  étant  le  respect  absolu  de  la  souveraineté  des  États 
individuels,  et  qu'au  Congrès  de  Vienne  avait  été  proclamé  le  principe  | 
que  les  États  de  l'Europe  ont,  envers  la  communauté  des  États,  des 
devoirs  auxquels  leurs  intérêts  particuliers  doivent  être  subordonnés, 
sir  Travers  Twiss  a  marqué  les  pas  considérables  que  ce  principe  a  ;| 
faits  par  les  différentes  stipulations  de  l'Acte  général  de  la  Conférence  :} 
de  Berlin,  sans  toutefois  que  rien  ait  été  fait  contré  le  gré  des  États 
intéressés.  C'a  été  en  particulier,  parce  qu'on  voulait  laisser  à  l'Associa- 
tion internationale  le  temps  de  conduire  à  bonne  fin  ses  arrangements 
avec  la  France,  et  éventuellement  avec  le  Portugal,  sous  la  médiation 
de  la  France,  que  la  marche  des  travaux  de  la  Conférence  a  été  volon- 
tairement ralentie. 

On  pourrait  dire  que  les  auteurs  des  mémoires  susmentionnés  sont 
tous  plus  ou  moins  juges  et  parties  dans  la  question,  mais  M.  Patzig  ne 
l'est  pas,  ce  qui  ne  l'empêche  pas  de  vouer  à  l'œuvre  de  la  Conférence 
une  réelle  sympathie.  Après  avoir  rappelé  les  prétentions  du  Portugal  à 
la  souveraineté  du  Congo  inférieur,  et  les  conflits  auxquels  ces  préten- 
tions menaçaient  de  donner  lieu,  il  rend  à  l'Institut  de  droit  internatio- 
nal l'honneur  qui  lui  revient,  d'avoir  émis,  le  premier,  l'idée  et  le  vœu 
de  voir  la  question  du  Congo  réglée  par  une  Conférence  des  puissances 
civilisées.  A  la  Conférence  même,  il  montre  les  puissances  se  groupant 
d'une  manière  très  significative,  les  imes,  et  à  leur  tête  rAmérique, 
pour  appuyer  toutes  les  propositions  les  plus  conformes  aux  tendances 
modernes  de  liberté  et  d'humanité,  les  autres,  la  Russie  et  la  Porte, 
opposées  à  tout  ce  qui  s'écartait  du  programme  de  la  Conférence  dans 
le  sens  d'une  application  des  principes  du  droit  international  au  monde 
entier.  Il  étudie  ensuite  avec  soin  les  travaux  de  la  Conférence  sur  la 
base  du  programme  exposé  d'avance,  et  consacre  un  chapitre  spécial  à 
la  question  des  spiritueux,  regrettant  que  les  Sociétés  de  tempérance  et 
les  Associations  coloniales  n'aient  pas  cherché  les  moyens  d'amener  une 
entente  entre  les  puissances,  pour  concilier  les  intérêts  du  commerce 
avec  ceux  de  l'humanité. 


._    BOOSO  /        ^§^ 

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rMàAL  et'Wm.  X  J^ùfffer  5t  ^  ^/mm^rflion» 
'.Kaméiuer  Ji.  disante- 

'ontilr^   fftUtUaâ.    a^/ut^    a'»    f'^c^aaiH  ■ 

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'  y*/î  fjfo/i/iMZJtms,  smm 


Amsterdam. 

Anvers. 

Btîriin. 

Brème. 

Bruxelles. 


Berlin. 


ÉCHANGES 

Sociétés  de  géographie. 

Constantine.  Italie.  Lille.  Mâi'seille.  Paris. 

Douai.  Hambourg.  Lisbonne.  Montpellier.  Rocheforl. 

Edimbourg.  léna.  Lyon.  rsancy.  Rome. 

Francfort  "/M.  I^e  Oiire.  Madrid.  New- York.  Rouen. 

Greifswald.  Leipzig.  Manchester.  Oran.  '  Vienne. 

Sociétés  de  géographie  commerciale. 

Bordeaux.         Paris.  Porto.         Saint-Gall. 


Le  Havre. 


Hissions. 


Journal  des  missions  évangt*lique,s  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangêliques  au  XIX»ne  sfècle 

(Neuchâtel). 
Journal  de  l'Unité  des  Frères  [moraves] 

(Pesoux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Algï?r). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Bamien). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenl)ote  (Bâle). 

Evangelisches  Missions -Magazin  (BAle). 
f^aiwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgemeine  Missions -Zeitsch ri fl  (GUters- 

loh). 
Glaubensbote  (Bâle). 
Africa  (Londres). 
La  Nigrizia  (Vérone). 


C^hurch  missionary  Intel ligencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionarv  (New- York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Chroniclc  of  tlie  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Church  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

(ihurch  of  Scotland  home'  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  (church  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Wbman's  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Divers. 


Gazette  géographique  et  Exploration  (Pa- 
ria). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paria). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  Comice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  FAcadémie  d'Hippone  (Bone). 

Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Le  Mouvement  géographique  (Bruxelles). 

ifandeI»-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  fUr  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
sehaft  in  Deutschiand  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fUr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitsohrift  flir  wissenschaftliche  Géogra- 
phie (Vienne). 

AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Deutsche  Kolonialzeilung  (Francfort  s/M) . 

Chamber  of  Cqmmerce  Journal  (Londres). 

African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Esploratore  (Milan). 

Cosmos  (Turin). 

Bollettino  délia  Sociela  africana  d'Italia 
(Naples). 

Boll.  délia  sezione  Fiorentina  (Florence). 

Marina  e  Commercio.eGiornale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Africa  oriental  (Mozambique). 
•0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Revista  de  Estudos  Livres  (Lisbonne). 
:  Revue  Coloniale  internat.  (Amsterdam). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


Tour  du  monde  (Paris). 

Rovne  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indé|)endant  ((Constantine). 

Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 

Dr  A.  Petermann*s  Mittheilungen  (Gotha) 


Proceedings   of  the   royal   geographical 
Society  and  monthly  Record  of  geogra 
phy  (Londres). 

NaUil  Mercury  (Durban). 

Cape  Argus  ((lape-Town). 

West  African  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

PagçB 

Bulletin  mensuel 289 

Nouvelles  complémentaires. 304 

La  Côte  d'Ok  entre  le  Pkah  et  le  Volta. 307 


*f 


Correspondance  : 

Lettre  de  M.  Héli  Châtelain,  de  Loauda 319 

Lettre  du  Bas-Congo. 320 

Bibliographie  : 

Vingt  jours  en  Tunisie,  par  Paul  Arène 321 

Brochures  relatives  à  la  Conférence  africaine  de  Berlin  :  La  Confé> 
rence  africaine  de  Berlin  et  PAssociation  internationale  du  Congo, 
par  E.  Banning.  —  L'acte  général  de  la  Conférence  de  Berlin, 
par  J.  Jooris,  —  La  question  du  Congo,  par  J.  Du  Fief.  —  Le 
Congrès  de  Vienne  et  la  Conférence  de  Berlin,  par  sir  Travers 
Twiss.  —  Die  Afrikanische  Eonferenz  und  der  Congostaat,  von 
C.-A.  Patzig • .     322 

Carte  : 

La  Côte  d'Or  entre  le  Prah  et  le  Volta. 


OUVRAGES  REÇUS  : 

The  Mozambique  and  Nyassa  Slave  trade,  by  Lient.  H.-E.  O'Neill.  London  (British 
arid  Foreign  Antislavery  Society),  1885,  in-8',  24  p. 

Ackerbau  nnd  Viehzucht  in  Siid-West-Afrika  (Damara  u.  S^r.  Namaqualand),  von 
C.-G.  Bûttner,  friiherer  Missionàr  ira  Damaraland.  Leipzig  (Edwîn  Schlœmp), 
1885,  in-8*»,  60  p.  mit  1  Karte  und  lUustrationen,  fr.  1.  25. 

Kamerun,  Land,  Vôlk  und  Ilandel,  geschildert  nach  den  neuesten  Quellen,  von 
Cari  Hager.  Leipzig  (Edwin  Schlœmp),  1885,  in-8%  60  p.  mit  1  Karte  und  4  lUus- 
trationen, fr,  1.  25. 

Annales  Sénégalaises  de  1854  à  1885,  suivies  des  traités  passés  avec  les  indigènes. 
Ouvrage  publié  avec  Pautorisation  du  ministre  de  la  marine.  Paris  (Maison- 
neuve  frères  et  Ch.  Leclerc),  1885,  in-S»,  484  p.,  fr.  3.  50. 

Europas  Kolonien,  l***"  Band.  West-Afrika  vom  Sénégal  zum  Rajnerun.  Nach  den 
neuesten  Quellen  geschUdert,  von  D""  Hermann  Roskoschny.  Leipzig  (Grosner  et 
Schramm),  1885,  in-4°,  2^  Auflage,  15  Liv.,  à  fr.  0.  75. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


GENÈVE 

H.      GEORG,     LIBRAIRE-ÉDIÎTEUR 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

OaïQÉ  PAR 

M.   Gastave  MOTNIBB 

Membre  de  la  Soeiétô  de  géographie  de  Genôve,  de  llnstitat  do  Droit  international; 
membre  correspondant  de  rAoadémie  d'Hippone ,  et  des  Soeiétés  de  géographie  de  MarteiUe, 

de  Nancy,  de  Loanda  et  de  Porto. 

KÉDIOÉ  PA& 

M.  Charles  FAUBE 

.Soorétuire-Bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie  de  Oenéye  »  membre  correspondant  dos  SociôtcK 
de  géographie  de  Lisbonne,  de  Loanda,  do  Porto,  de  Saint-Gkll  et  à9  Berne. 


L'Afrique  paraît  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-S»  d'au 
moins  20  page^  chacune  ;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
paraît  nécessaire. 

Le  prix  de  l'abonnement  annuel,  payable,  fl'avaiiee»  est  de  10  A*an«»9 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  TUnion  postale  (première  zone)  ;  pour  les 
autres,  11  fr.  50.  *^ 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  ilest  envoyé  deux  exemplaires  à 
ta  Direction,  a  droit  il  un  compte  rendu. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaetlon  à  M.  Gnstaire  Moyiiler, 
8,  rue  de  l'Atlténéet  il  GenèTe  (Suisse). 


S'adresser  pour  les  abonnements  il  l'éditeur»  M.  H.  Geors«  il 
CïenèTe  ou  il  BAle. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
(Ihoz  MM.  Ch.  Delagrave,  libraire.  15,  rue  Soufllot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  do  la  Cour,  43,  rue  de  la  Réj?ena\  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  libraires.  Coreo  Vittorio  Emmanuele,  21.  à  Milan. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Querstr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Friederighsen  et  D«,  libraires,  Admiralilâtsstr,  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autriche). 

Trubner  et  C*%  libraires,  Ludgate  HilK  57/59.  à  Londres  E.  G. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


AVIS.  —  Noi^s  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouvecuix  aibontiés^  au  prix  de 
12  fr,  chacim,  un  certain  nombre  d'exemplaires  complets  de  la  XT"*,  de  la  IP"^ 
et  de  la  7""  année,  La  !'•  et  la  UI^^  sont  Risées, 


—  325  — 

BULLETIN  MENSUEL  {2  novembre  1885.  <) 

M.  le  lieutenant  Palat  est  parti  de  Géryville  (sud  Oranais),  pour 
entreprendre,  avec  un  Arabe  et  un  nègre,  la  traversée  du  Sahara  $ 

il  se  propose  d'atteindre  Timbouctou  par  le  Gourrah  et  le  Touat.  D  y  a 
trois  ans  déjà  qu'il  a  conçu  ce  plan,  mais  l'insurrection  d'Abou-Amema 
dans  le  sud  Oranais  interrompit  ses  préparatifs.  Le  récent  voyage  de 
l'envoyé  de  Timbouctou  à  Paris  lui  a  fourni  l'occasion  de  reprendre  son 
projet.  A  côté  de  la  mission  géographique  et  scientifique  que  lui  a  con-  ' 
fiée  le  ministère  de  l'instruction  publique,  il  étudiera  le  pays  au  point 
de  vue  de  l'établissement  d'une  grande  voie  de  communication  entre 
l'Algérie  et  le  Sénégal,  et  des  moyens  de  diriger  sur  ces  deux  colonies 
françaises  le  courant  commercial  des  tribus  sahariennes,  qui  aujourd'hui 
suit  les  routes  du  Maroc  et  de  la  Tripolitaine. 

Nous  devons  à  l'obligeance  de  M.  G.  Rolland,  ingénieur  des  mines, 
un  résumé  des  observations  poursuivies  par  lui,  depuis  six  ans,  sur  le 
régime  des  eaux  artésiennes  du  bassin  du  ehott  Melrlr  ou  du 
bas  Sahara  algérien  et  tunisien,  et  en  particulier  de  l'Oued-Rir,  la 
grande  vallée  qui,  descendant  du  sud  au  nord,  sur  une  longueur  de 
130  kilom.,  aboutit  au  sud-ouest  du  chott  susmentionné.  Dans  cette 
vallée,  les  eaux  artésiennes  se  présentent  comme  une  grande  nappe,  une 
sorte  d'artère  souterraine,  qui  serpente  sous  le  sol,  depuis  Touggourt 
au  sud,  jusqu'à  Ourir  au  nord,  sur  100  kilom.  de  long  ;  la  largeur  connue 
varie  de  4  kilom.  à  14  kilom.  Au  centre  de  l'Oued-Rir,  vis-à-vis  d'Our- 
lana,  elle  se  dédouble  vers  le  nord.  Une  zone  artésienne  analogue,  mais 
moins  importante,  règne  à  100  kilom.  plus  au  sud,  sous  le  bas-fond  de 
Negoussa  à  Ouargla.  En  outre,  une  diffusion  générale  d'eaux  souter- 
raines existe  au  centre  des  terrains  sableux  du  bas  Sahara,  au  nord 
duquel  on  a  constaté  des  nappes  ascendantes  ou  faiblement  jaillissantes. 
Toutes  les  eaux  artésiennes  de  ce  bassin  s'alimentent  par  les  eaux  de 
pluie  et  l'apport  des  rivières,  surtout  de  celles  qui  prennent  leur  source 
dans  l'Atlas,  au  nord,  et  présentent  des  crues  annuelles.  Ces  eaux  s'in- 
filtrent en  partie  dans  les  sols  perméables,  puis  descendent  et  se  distri- 
buent dans  les  formations  d'atterrissement,  lesquelles  plongent  vers 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  BnUetina  mensttels  et  dans  les  NowoéHea  eom- 
plémentaires  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
TAlgérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  c6te  occidentale. 

L'AFRIQUE.   —   SIXIÈME  ANNÉE.   —  N°    11.  11 


—  326  — 

rintérieur  du  bassin,  et  dont  les  dispositions  les  amènent  à  être  ascen- 
dantes ou  jaillissantes  dans  les  régions  basses.  Les  puits  échelonnés  daiis 
rOued-Rir  débitent  ensemble  plus  de  3  mètres  cubes  d'eau  par  seconde, 
h  une  température  moyenne  de  25^,1,  et  ceux  de  la  région  du  bas-fond 
de  Negoussa  à  Ouargla,  environ  un  mètre  cube  d'eau,  à  24°, 2. 

Un  correspondant  de  VEsploratore  écrit  de  Ben^asi  que  l'attention 
publique  ayant  été  attirée  sur  l'embarquement  d'esclaves  dans  ce  port, 
les  autorités  turques  ont  paru  disposées  à  empêcher  la  traite.  Mais  si 
»  la  voie  par  mer  a  été  fermée,  la  route  par  terre  n'en  est  que  plus  libre- 
ment ouverte.  La  semaine  précédente  en  effet,  en  plein  jour,  au  vu  et 
au  su  de  tout  le  monde,  deux  caravanes  d'esclaves  nègres  avaient 
quitté  Bengasi,  l'une  pour  Tripoli,  l'autre  dans  la  direction  d'Alexan- 
drie. 

On  écrit  du  Caire  à  la  Nigrizia  qu'un  Grec,  nommé  Anastasio 
Mlcallolano»  parti  d'Omdurman  le  25  juillet,  est  arrivé  au  Caire  le 
16  septembre.  Après  avoir  traversé  le  désert  jusqu'à  Abou-Dom,  il 
passa  sur  la  rive  droite  du  Nil,  mais  en  arrivant  à  Abou-Hamed  il  fut 
arrêté  par  des  partisans  du  Malidi,  qui  voulaient  lui  faire  rebrousser 
chemin;  grâce  aux  bons  offices  de  deux  Arabes,  il  fiit  mis  en  liberté.  De 
toute  la  population  de  Khaptoum,  a-t-il  dit,  à  peine  1500  pei-sonnes 
vivent  encore,  tout  le  reste  a  été  massacré.  Il  estime  que  depuis  la  mort 
du  Mahdi,  il  serait  facile  de  reprendre  le  Soudan,  que  les  forces  de  ses 
partisans,  à  Khartoum  et  à  Omdurman,  ne  dépassent  pas  8000  ou 
10,000  hommes,  fatigués  d'ailleurs  de  la  guerre;  il  n'y  a  plus  ni  ordre 
ni  unité.  Les  rebelles  ont  pillé  le  palais  du  gouverneur,  pour  élever  un 
tombeau  au  Mahdi  à  Omdurman  ;  ils  n'ont  pas  touché  aux  établisse- 
ments de  la  mission.  Les  sœurs  prisonnières  sont  assez  bien  et  s'occu- 
pent à  travailler  de  leurs  mains  ;  elles  sont  gardées  par  les  Gre<;s  qui 
ont  survécu  au  massacre,  et  qui  veillent  sur  elles  dans  l'espoir  de  rece- 
voir un  jour  du  secours  de  la  mission. 

Aux  territoires  déjà  précédemment  placés  sous  le  ppotectorat  de 
remplre  allemand,  à  l'ouest  de  Zanzibar,  s'est  ajouté  dernièrement 
celui  de  l'Ou-Zapamo  avec  le  port  de  Dar-es-Salam*  L'Ou-Zaramo 
est  arrosé  par  le  Kingani,  qui  débouche  à  la  côte,  presque  vis-à-vis  d(' 
Zanzibar.  C'est  une  terre  de  hautes  futaies  et  de  plaines,  que  coupent  çà 
et  là  des  fourrés  impénétrables.  Les  champs  cultivés  sont  nombreux  et  la 
population  est  assez  dense.  Le  sol  est  très  fertile  ;  c'est  un  riche  humus 
brun  ou  noir,  présentant  en  quelques  endroits  des  filons  d'argile  rou- 
geâtre.  Les  Wa-Zaramo  sont  agriculteurs  ;  ce  sont  des  nègres  grauis 


—  327  — 

bien  faits  et  vigoureux  ;  leur  physionomie  est  sauvage  ;  presque  tous 
portent  des  vêtements.  Jadis  turbulents  et  querelleurs,  ils  sont  devenus 
plus  traitables,  grâce  au  fréquent  passage  des  caravanes  et  au  voisinage 
des  commerçants  de  la  côte.  Quant  à  Dar-es-Salam,  c'est  le  seul  port 
réellement  abrité  qui  existe  entre  le  cap  Guardafui  et  la  baie  de  Delagoa. 
Il  est  profond  ;  quelques  rochers  en  gênent  un  peu  l'entrée,  mais,  d'après 
la  reconnaissance  qui  en  a  été  faite  par  des  officiei's  de  la  marine  alle- 
mande, il  serait  facile  de  les  faire  sauter,  pour  permettre  l'entrée  du 
port  aux  plus  grands  navires. 

Le  capitaine  Lissau  a  fourni  au  Natal  Mercury  des  renseignements 
détaillés  sur  une  ex|»éditioii  qu'il  a  faite  de  la  côte  occidentale 
de  Madag^Mcar  à,  Tananarive.  Arrivé  à  Nosi-Vey  le  27  février, 
il  se  rendit  de  là  à  la  baie  de  MorondavaS  oîi  il  demeura  17  jours  avant 
de  partir  pour  l'intérieur.  Porté  dans  un  palanquin,  il  dut  d'abord  tra- 
verser, pendant  deux  jours,  un  marais  de  25  kilom.  de  longueur,  où,  en 
plusieurs  endroits,  ses  porteurs  avaient  de  l'eau  et  de  la  boue  jusqu'à  Ja 
ceinture.  Une  fois  sur  terre  ferme,  son  itinéraire  le  conduisit  à  travers 
des  forêts  percées  de  quelques  ouvertures  sur  de  petits  champs  cultivés, 
et  oU  se  fait  remarquer  surtout  le  renyall,  arbre  qui  atteint  une  tren- 
taine de  mètres  de  hauteur,  n'a  de  branches  qu'à  son  sommet,  et  dont 
le  feuillage  ressemble  à  de  l'argent.  D  a  vu  de  ces  arbres  dont  le  tronc 
avait  au  moins  cinq  mètres  de  diamètre  ;  dans  l'intérieur  de  l'un  d'eux 
vivait  une  famille  entière. 

Le  premier  endroit  important  atteint  par  l'explorateur  fut  Mahabo, 
d'où  il  eut  à  faire  plus  de  120  kilom.  sans  rencontrer  un  seul  habitant. 
Il  apprit  cependant  que  ce  pays  a  été  peuplé  autrefois;  mais,  depuis  que 
les  Ho  vas  en  ont  pris  possession,  les  Sakalaves  l'ont  abandonné,  préfé- 
rant leur  vie  sauvage  à  la  gêne  de  la  règle  imposée  par  les  vainqueurs 
plus  civilisés.  Après  avoir  traversé  cette  contrée  déserte,  il  arriva  à 
Malaimbandy,  ville  à  l'est  de  laquelle  commencent  les  premières  chaînes 
de  montagnes  ;  puis,  le  terrain  va  en  s'élevant  jusqu'à  700  mètres.  La 
première  ville  de  ce  district  montagneux  est  Zanzeen  ;  mais,  avant  de 
l'atteindre,  il  faut  traverser  une  jungle  de  figuiers  d'Inde,  au  delà  de 
laquelle  les  porteurs  ont  à  gravir  une  rampe  de  degrés  taillés  dans  le 
flanc  d'une  montagne  presque  à  pic.  Arrivé  au  sommet  on  aperçoit  la 
ville  susmentionnée  ;  elle  compte  2000  habitants  et  a  un  gouverneur. 
A  deux  journées  de  marche  se  trouve  Midongy,  célèbre  par  les  batailles 

'  Voy.  la  carte,  V">«  année,  p.  164. 


—  328  — 

livrées  entre  les  Hovas  et  les  Sakalaves.  A  une  époque  antérieure» 
a-t-on  dit  au  capitaine  Lissau,  les  Hovas  étaient  esclaves  des  Saka- 
laves, et  quoiqu'ils  eussent  obtenu  de  conserver  leurs  propres  lois, 
ils  devaient  payer  un  tribut  aux  Sakalaves.  Ce  fut  leur  roi  Radama  I*^ 
qui,  après  avoir  reçu  des  Anglais  des  fusils  pour  en  armer  ses  gens, 
s'avança  vers  Midongy  et  s'empara  de  la  montagne.  Pendant  dix-huit 
mois  les  Sakalaves  l'y  tinrent  assiégé,  luttant  vaillamment  avec  leurs 
lances  contre  les  mousquets  de  leurs  adversaires  ;  néanmoins  ils  furent 
battus,  et  plus  de  7000  d'entre  eux  furent  tués  au  pied  de  la  montagne. 
Sur  le  sommet  de  celle-ci  s'élève  un  monument  de  pierre,  à  l'endroit 
où  furent  enterrés  les  officiers  de  haut  rang  de  Radama,  morts  dans  la 
bataille.  Le  capitaine  Lissau,  qui  a  fait  la  guerre  de  la  sécession  améri- 
caine, estime  que  ce  poste  est  imprenable  ;  un  millier  d'hommes  pour- 
raient le  défendre  contre  20,000  assiégeants. 

L'expédition  eut  ensuite  à  traverser  plusieurs  chaînes  de  montagnes 
dont  la  plus  haute  dépasse  2300  mètres.  Après  avoir  passé  un  sommet 
entièrement  rocheux,  elle  descendit  dans  la  vallée  d'Ambositra,  où  elle 
trouva  le  premier  essai  de  culture.  Les  villages  sakalaves  rencontrés  par 
le  capitaine  Lissau  étaient  tous  entourés  de  figuiers  d'Inde  en  guise  de 
murailles  ;  quelques-unes  des  villes  étaient  établies  sur  le  sommet  des 
collines,  ce  qui  en  rend  l'attaque  difficile.  Ambositra  a  une  station  de 
la  Société  des  missions  de  Londres.  Au  delà  s'étend  un  plateau  désert 
que  l'on  traverse  en  six  heures,  sans  y  rencontrer  d'habitants,  quoique 
la  végétation  y  soit  belle  et  qu'il  y  ait  abondance  d'eau.  Il  y  règne 
cependant  un  froid  continuel,  même  au  milieu  de  l'été,  ce  qui  explique 
qu'il  soit  inhabité.  Tout  ce  pays  est  dépourvu  de  routes  ;  il  n'y  a  que 
des  sentiers,  et  le  passage  des  montagnes  est  très  difficile.  En  maints 
endroits  il  faut  passer  le  long  de  précipices  de  plusieurs  centaines  de 
mètres  de  profondeur,  sur  des  corniches  qui  n'ont  que  trente  centimè- 
tres de  large.  Le  voyage  du  capitaine  Lissan,  de  Morondava  h  Antana- 
narive,  dura  21  Va  jours  ;  il  n'en  mit  que  14  Vj  pour  regagner  la  côte. 

Le  Diaro  de  Notidas  de  Lisbonne  publie  des  nouvelles  allant  jusqu'au 
22  juin  de  l'expédition  dirigée  par  MM.  Serpa  Pinto  et  CardosMi. 
Elle  était  campée  à  Midiriani,  sur  la  route  qui  mène  h  Abéto  et  au  lac 
Nyassa.  L'eau  ne  manquait  pas  et  la  santé  des  explorateurs  était  bonne. 
Plusieurs  chefs  arabes  ont  reconnu  la  suzeraineté  portugaise,  et  des 
mesures  ont  été  prises  en  vue  d'un  service  régulier  pour  la  correspon- 
dance avec  la  côte.  Le  gouverneur  Perry  a  réussi  à  pacifier  le  pays  et  à 
assurer  la  sécurité  du  commerce  ;  maintenant  les  caravanes  qui  appor- 


—  329  — 

tent  l'ivoire  afflueat  à  la  côte  portugaise.  Il  en  était  récemment  arrivé 
deux  aux  postes  douaniers  de  Masimba  et  Quissanga.  A  la  dernière 
date,  l'expédition  avait  rencontré  un  nouveau  lac  qui,  à  l'époque  des 
mandes  pluies,  donne  naissance  à  une  rivière  qui  va  se  verser  dans  le 
Matepuizé. 

Les  journaux  de  Lisbonne  nous  apportent  des  renseignements  nou- 
veaux sur  le  pays  de  Sofala,  exploré  par  le  capitaine  Palva  de 
Andrada.  La  rivière  Zungué,  afSuent  du  Zambèze,  sort  du  lac  Âbsinta, 
^t  communique,  par  une  série  de  lacs,  avec  le  canal  Mucua,  au  moyen 
d'une  forte  dépression  de  terrain,  où  débouchent  plusieurs  rivières  qui 
viennent  de  la  chaîne  des  monts  Gorongozo  et  forment  un  grand  lac. 
C'est  de  là  que  part  l'Ouréma,  navigable  toute  l'année  ;  après  s'être 
réuni  au  Pungué,  il  va  se  jeter  dans  la  mer  sur  la  côte  de  Sofala.  Le 
Busi,  qui  coule  dans  la  vallée  de  Manica  et  près  de  la  forteresse  que  les 
Portugais  y  avaient  construite,  est  navigable  sur  une  assez  grande  lon- 
gueur, jusque  près  du  confluent  du  Lusité.  Il  prend  sa  source  dans  un 
groupe  de  hautes  montagnes,  qui  séparent  son  bassin  de  celui  du  Save. 
Celui-ci  coule  du  nord  au  sud,  puis  tourne  rapidement  vers  l'est,  pour 
aller  se  jeter  dans  l'Océan  Indien  par  de  nombreux  bras  qui  forment  le 
delCa  où  se  trouve  Chiloane. 

Le  Scottish  geographical  Magazine  annonce,  d'après  le  Cape  Times^ 
que  M.  Montan^uKerr  a  fait,  dans  le  bassin  du  Zambèze,  une  expédi- 
tion périlleuse  dont  il  est  cependant  heureusement  revenu.  Il  se  rendit 
d'abord  du  Cap  à  Grouboulouwayo,  résidence  de  lioben^ula,  roi^des 
Ma-Tébélé,  ayant  avec  lui  M.  Selous,  qui  avait  déjà  exploré  ce  même 
bassin.#Lobengula  lui  parut  intellectuellement  de  beaucoup  supérieur 
aux  indigènes  qu'il  gouverne  avec  un  sceptre  de  fer,  et  chez  lesquels  il 
ne  trouva  aucune  trace  de  civilisation.  Ayant  équipé  son  wagon,  il  se 
dirigea  vers  la  rive  méridionale  de  l'Hanyane  ;  ne  pouvant  la  passer 
avec  son  wagon,  il  laissa  celui-ci  en  arrière,  et,  avec  25  Mashona  et  d'au- 
tres noirs  engagés  à  son  service,  il  se  mit  en  route  à  pied  dans  la  direc- 
tion de  Tété,  à  une  distance  de  400  kilom.  Mais  ses' gens  craignant  les 
tribus  à  l'est  de  l'Hanyane,  il  dut  changer  de  direction,  et  atteignit 
Mchésa,  ville  des  Mashona,  au  milieu  d'un  pays  riche  en  fer,  et  dont  la 
principale  industrie  est  la  fabrication  d'assagaies.  Devenu  incrédule  à 
l'endroit  du  danger  devant  lequel  tremblaient  ses  gens,  il  reprit  sa 
route  vers  l'est,  mais  sa  témérité  faillit  lui  coûter  la  vie.  Chou^sa,  chef 
des  Ma-Korikori,  le  reçut  froidement,  et  bientôt  sa  position  devint  si 
périlleuse  qu'il  fut  obligé  d'opérer  une  retraite  en  armes,  sur  une  distance 


—  330  — 

de  65  kilom.  Il  atteignit  ensuite  une  ville  à  225  kilom.  du  Zambëze^ 
mais  tous  ses  gens  désertèrent.  Conduit  par  un  natif,  il  put  cependant 
atteindre  Tété,  d'où,  se  dirigeant  vers  le  nord,  il  parvint,  après  20  jours 
de  marche;  sur  leplateauqui  s'étend  à  l'ouest  du  lac  Nyassa,  à  1500  mètres 
au-dessus  de  la  mer  ;  de  là  il  gagna  la  station  de  Livingstonia,  d'où  il 
descendit  à  Quilimane  par  le  Chiré.  Le  ScoUish  geographical  Magazine 
publiera  la  carte  et  le  rapport  de  M.  Kerr  sur  son  exploration. 

Un  correspondant  du  Natal  Mercury  lui  adresse  un  extrait  d'une 
lettre  de  Goubouloniivayo,  qui  complète  nos  précédents  renseigne- 
ments sur  la  mission  du  ms^op  Edi^vards,  et  sur  l'expédition  des 
Ma-Tébélé  au  lac  IVgami.  L'étiquette  étant  très  stricte  à  la  cour 
de  Lobengula,  les  oflftciers  anglais  durent  veiller  soigneusement  à  ne  pas 
l'enfreindre.  Le  roi  est  plus  ou  moins  entre  les  mains  de  ses  gens,  et  la 
foi  à  la  sorcellerie  est  si  forte,  que  tout  ce  que  font  les  étrangers  est 
regardé  avec  défiance.  La  présentation  au  roi  fut  retardée  par  l'absence 
du  missionnaire,  M.  Hubn,  qui  devait  servir  d'interprète,  afin*  de  bien 
expliquer  à  Lobengula  ce  que  demandaient  les  Anglais.  Quelques  années 
auparavant  Baines,  accusé  d'avoir  ensorcelé  le  pays,  eut  beaucoup  de 
peine  à  se  tirer  d'affaire,  parce  qu'il  ne  put  se  faire  suffisamment  com- 
prendre des  indigènes.  La  sécheresse  régnant  sur  la  route  de  Tafi  à 
Shoshong,  les  Anglais  prévoyaient  qu'ils  devraient  revenir  par  la  vallée 
du  Limpopo.  Gouboulouwayo  est  à  1300"  au-dessus  du  niveau  de  la 
mer  ;  le  pays  est  ondulé.  Après  l'expédition  contre  les  indigènes  du  lac 
Ngami,  l' officier-général  Lotché  n'avait  plus  que  600  hommes  avec  lui, 
quand  il  se  présenta  devant  le  kraal  royal  pour  rendre  compte  de  sa 
campagne.  Sa  seule  excîuse  aux  reproches  des  Ma-Tébélé  fut  qu^l  avait 
ramené  le  corps  d'élite,  et  ne  l'avait  pas  sacrifié  inutilement. 

M.  A.-J.  VlToolcey,  missionnaire  à  Kuruman,  a  visité  les  stations  de 
la  Société  des  missions  de  Londres  situées  sur  les  limites  du  désert  de 
Kalahari.  Nous  extrayons  de  son  rapport  publié  dans  le  Chronicle, 
les  renseignements  qu'il  donne  sur  la  vie  des  Ba-Kalaikari.  Ils  ont 
peu  de  villes  permanentes,  vivent  en  petites  communautés,  et  se  trans- 
portent d'un  endroit  à  un  autre  dans  certains  districts  bien  déterminés 
entre  eux.  L'eau  est  très  rare  ;  leur  boisson  est  extraite  des  racines  suc- 
culentes de  diverses  plantes,  et  leur  nourriture  consiste  en  baies,  en 
racines,  en  gibier,  et  en  tout  ce  qu'ils  peuvent  trouver  de  mangeable. 
Ds  ont  quelques  chèvres,  qu'ils  conduisent  avec  eux  de  lieu  en  lieu. 
Leurs  huttes  sont  de  simples  treillis  de  perches  minces,  plantées  dans 
le  sol  en  demi-cercle,  et  courbées  de  manière  à  se  rencontrer  en  un 


—  331  — 

point  au  sommet;  elles  sont  couvertes  d'herbe.  En  certains  endroits,  il 
y  a  des  creux  oîi  l'on  trouve  de  Teau  en  permanence.  Dans  d'autres  qui 
ne  sont  connus  que  des  Ba-Kalahari  eux-mêmes,  il  y  a  de  l'eau  au-des- 
sous de  la  surface  du  sol  recouverte  de  sable.  Quand  ils  en  sont  requis, 
ils  aspirent,  au  moyen  d'un  roseau,  cette  eau  qu'ils  rejettent  ensuite 
dans  un  bol.  Un  voyageur  ou  un  chasseur  peut  obtenir  de  cette  manière 
de  l'eau  pour  son  cheval  ou  son  bœuf.  Ou  bien  ils  conservent  un  grand 
nombre  de  coques  d'œufs  d'autruches  ;  quand  il  pleut,  ils  les  remplis- 
sent d'eau  fraîche,  puis  ils  bouchent  le  trou  de  la  coque  avec  un  bou- 
chon d'herbe,  et  les  enfouissent  dans  le  sol.  Ces  coques,  dit-on,  conser- 
vent l'eau  dans  d'excellentes  conditions  pendant  des  mois.  Lorsqu'ils 
veulent  témoigner  à  quelqu'un  un  grand  respect  ou  une  aifection  parti- 
culière, ils  lui  offrent  de  cette  eau  ainsi  conservée.  Toutefois  leur  fruit 
de  prédilection  est  le  melon  d'eau  sauvage,  qui  leur  sert  à  la  fois  d'ali- 
ment et  de  boisson.  A  une  distance  d'un  mois  de  voyage  dans  le  désert 
se  trouve  la  ville  de  Lehututung,  où  il  y  a  abondance  d'eau,  et  qui  est 
habitée  par  un  grand  nombre  de  Ba-Kalàhari,  dont  l'un  a  construit  un 
temple,  tient  l'école  et  célèbre  le  culte.  Les  Be-Chuana  y  vont  sur- 
tout pour  chasser  la  girafe,  l'élan  et  l'autruche,  et  pour  faire  le  com- 
merce de  peaux  et  de  plumes. 

Le  lie-Souto  continue  à  se  ressentir  de  l'état  de  désorganisation 
011  l'a  plongé  la  dernière  guerre.  La  boisson  en  particulier  y  produit  des 
effets  désastreux.  Pour  arrêter  les  progrès  de  l'îvpognerîe,  une  société 
de  tempérance  a  été  fondée  à  Morija,  dans  laquelle  païens  et  chrétiens 
sont  admis  sans  distinction.  En  outre  la  Conférence  missionnaire  a 
adressé  aux  chefs  Ba-Souto,  presque  tous  adonnés  à  la  boisson,  incapa- 
bles le  plus  souvent  de  s'occuper  des  affaires  de  la  tribu,  et  dont  leurs 
sujets  suivent  l'exemple,  une  lettre  d'avertissement  pour  leur  ouvrir  les 
yeux  sur  les  dangers  que  le  fléau  de  l'eau-de-vie  fait  courir  à  la  tribu, 
et  les  supplier  d'agir  en  conséquence.  Chacun  des  missionnaires  a  dû  se 
rendre  auprès  du  chef  de  son  district,  accompagné  d'une  délégation  de 
son  consistoire,  pour  lui  en  donner  lecture.  Cette  lettre  n'était  pas 
encore  remise,  que  l'esprit  des  chefs  changeait,  à  la  suite  d'un  rêve  fait 
par  Lerotholi,  dans  lequel  il  avait  vu  le  Le-Souto  habité  rien  que  par 
des  blancs,  et  avait  entendu  une  voix  lui  disant  :  «  Voilà  l'œuvre  de 
l'eau-de-vie.  »  Bouleversé  à  son  réveil,  il  envoya  immédiatement  un 
message  à  Letsié  et  à  ses  frères,  pour  leur  demander  de  chasser  l'eau- 
de-vie  du  pays.  Enfin  Mopéli,  frère  deMoshesh,  qui  habite  l'État  Libre, 
a  fait  au  Le-Souto  une  visite  de  quelques  semaines,  dans  laquelle  il  a  vu 


—  332  — 

les  différents  chefis,  et  tenu  des  pitsos,  pour  encourager  les  chefs  à  retour- 
ner vers  Dieu  et  à  renoncer  à  Teau-de-vie.  —  Une  lettre  du  Lessouto 
nous  fait  craindre  que  les  efforts  des  chefe  pour  empêcher  l'importation 
de  l'eau-de-vie  ne  soient  rendus  vains  par  de  nouveaux  troubles  dans 
cette  colonie  de  la  couronne  d'Angleterre.  Le  résident  britannique  ayant 
été  gravement  insulté  par  un  fils  de  Masoupha,  a  écrit  au  haut  commis- 
saire de  la  reine  à  Capetown,  qu'il  ne  pouvait  pas  rester  plus  longtemps 
dans  un  pays  où  le  gouvernement  anglais  est  si  peu  respecté. 

Nous  avons  eu  le  plaisir  de  voir,  à  son  passage  à  Genève,  M.  Het- 
tasch  qui,  après  avoir  travaillé  pendant  27  ans  au  service  de  la  mis- 
sion morave  chez  les  Hottentots  et  les  Cafres  de  l'Afrique  australe, 
retourne  au  milieu  des  Hottentots  de  la  Colonie  du  C^p,  pom* 
essayer  d'introduire  parmi  eux  de  nouvelles  industries  rémunératrices, 
qui  leur  permettent  de  conserver  la  vie  sédentaire  à  laquelle  les  mis- 
sionnaires avaient  réussi  à  les  attacher.  Les  conditions  économiques  de 
la  Colonie  depuis  la  guerre  contre  les  Zoulous,  les  Ba-Souto  et  les 
Boers,  sont  telles  que  les  charges  fiscales  prélèvent  le  plus  net  des  res- 
sources procurées  par  le  travail  ordinaire  ;  ce  qui  reste  au  travailleur  ne 
suffit  plus  à  son  entretien  et  à  celui  de  sa  famille.  Pour  ne  parler  que 
des  Hottentots  dont  s'occupent  particulièrement  les  missionnaires 
raoraves,  beaucoup  d'entre  eux  ont  dû  quitter  les  stations  sur  lesquelles 
le  travail  agricole  n'était  plus  suffisamment  rémunérateur,  pour  se  ren- 
dre à  Capetown  avec  l'espoir  d'y  trouver  une  occupation  plus  lucra- 
tive, malgré  les  dangers  auxquels  les  expose  le.s  vices  de  la  capitale, 
en  particulier  l'exemple  des  blancs  adonnés  à  la  boisson.  Pour  obvier  à 
ces  inconvénients  et  prévenir  la  perte  des  Hottentots  émigrés  à  Cape- 
town, la  mission  leur  a  donné  un  agent  spécial,  M.  Hickel,  chargé  de  les 
visiter  et  d'empêcher  que  les  liens  qui  les  unissent  à  la  communauté,  à 
leurs  familles  et  à  leurs  enfants  demeurés  à  Gnadenthal,  la  principale 
station  de  la  Colonie,  ne  se  relftchent  tout  à  fait.  Le  missionnaire  sus- 
mentionné a  eu  souvent  à  constater  les  misères  inouïes  auxquelles  sont 
en  proie  les  indigènes  attirés  dans  la  capitale  par  l'espoir  d'un  gain  illu- 
soire. M.  Hettasch  est  venu  passer  quelques  mois  en  Europe,  pour  étu- 
dier la  question  et  les  moyens  les  meilleurs  de  remédier  à  cet  état  de 
choses.  Le  terrain  autour  de  GnadenthaJ  et  l'exposition  de  la  vallée 
seraient  convenables  à  la  culture  du  mûrier  et  du  ricin  ;  l'élève  du  ver 
à  soie  et  l'industrie  qui  s'y  rattache  pourraient  y  être  introduits  ;  mais 
M.  Hettasch  commencera  par  un  essai  de  culture  du  ricin.  L'huile  qu'on 
en  extrait  peut  fournir  un  produit  dont  la  demande  est  très  forte  pour 


—  333  — 

les  différentes  usines  et  manufactures,  pour  les  machines,  locomotives 
et  wagons  de  chemins  de  fer.  Aujourd'hui  cette  huile  est  importée 
d'Europe  dans  la  Colonie,  qui  la  paie  fort  cher.  Si  la  tentative  de 
M.  Hettasch  réussit,  ce  sera  autant  d'argent  qui  restera  dans  la  Colo- 
nie, et,  en  rendant  un  important  service  au  pays  au  point  de  vue  écono- 
mique, la  mission  morave  aura  fourni  aux  Hottentots  une  industrie  qui 
ramènera  à.Gnadenthal  ceux  qui  végètent  misérablement  à  Capetown, 
resserrera  les  liens  de  famille  et  rendra  à  eee  indigènes  la  prospérité 
relative  dont  ils  jouissaient  naguère.  M.  Hettasch  nous  ayant  promis  de 
nous  tenir  au  courant  des  résultats  de  sa  tentative,  nous  aurons  lieu  de 
revenir  plus  tard  sur  ce  sujet. 

La  Tijdschrift,  publicatidn  de  la  Société  néerlandaise  de  géogra- 
phie, en  annonçant  la  mort  de  M.  D.-D.  Veth,  chef  de  l'expédition 
hollandaise  dans  l'Afrique  tropicale  occidentale,  donne  des  renseigne- 
ments qui  ne  peuvent  que  faire  regretter  vivement  ce  décès.  M.  Veth 
s'était  préparé  soigneusement  aux  observations  astronomiques  et  aux 
travaux  nécessaires  pour  dresser  la  carte  des  pays  qu'il  se  proposait 
d'étudier.  Il  comptait  se  rendre  d'abord  de  Humpata  à  Benguéla  par 
Quillenguès,  et  faire  le  lever  du  terrain  de  ce  district,  après  quoi  il  se 
serait  dirigé  à  l'esi,  au  delà  du  Cunéné,  vers  le  territoire  d'Okayango; 
la  mort  a  empêché  l'exécution  de  ce  projet.  Des  deux  compagnons  de 
voyage  de  M.  Veth,  l'un,  M.  Gcnldefroy,  a  rapporté  en  Hollande  des 
collections  ethnographiques;  l'autre,  M.  van  dep  Kellen,  est  resté 
en  Afrique  où  il  étudie  spécialement  la  faune.  Les  missionnaires  de 
Huilla  lui  prêtent  leur  concours.  S'il  peut  recevoir  d'Europe  des  res- 
sources pécuniaires  suffisantes,  il  continuera  l'exploration  dont  M.  Veth 
était  chargé. 

Le  journal  As  Colonias  Portuguezas  a  publié  une  caite  d'Afrique 
^^  Vasoonooo»  avec  l'itinéraire  des  explorateurs  portugais  Capello  et 
Ivens,  ainsi  qu'un  article  sur  leur  voyage,  d'où  nous  extrayons  ce  qui 
suit.  Les  questions  qu'ils  avaient  à  résoudre  se  résumaient  en  ceci  : 
Étudier  les  relations  entre  les  bassins  hydrographiques  des  deux  grands 
fleuves  de  l'Afrique  australe,  le  Congo  et  le  Zambèze,  et  découvrir  une 
route  commerciale  directe  et  sûre  entre  les  colonies  commerciales  d'An- 
gola et  de  Mozambique.  Pour  résoudre  ces  questions,  les  explorateurs 
partirent  de  Mossamédès,  se  dirigèrent  sur  Huilla,  et  firent  d'abord 
des  études  importantes  dans  la  vallée  du  Cacolovar,  entre  ce  point  et  le 
Cunéné.  Us  traversèrent  ce  fleuve  à  Quitévé  pour  s'avancer  vers  l'est, 
par  une  région  inexplorée  jusqu'ici,  dans  la  direction  du  Coubango, 


—  334  — 

puis  ils  firent  une  diversion  vers  le  sud  pour  étudier  le  cours  de  cette 
rivière  jusqu'à  Moucousso.  Ils  essayèrent  d'en  faire  le  lever,  mais  ils 
furent  bientôt  obligés  de  renoncer  à  ce  projet,  par  suite  des  difficultés 
que  leur  causèrent  soit  les  rives  de  ce  cours  d'eau,  soit  la  fuite  d'une 
partie  de  leurs  porteurs.  Se  dirigeant  alors  vers  le  haut  Zambèze,  ils 
traversèrent  le  territoire  de  Lovalé  et  atteignirent  Ubonta,  sur  la 
route  que  suivent  les  trafiquants  qui,  du  Bihé,  se  rendent.au  Zambèze 
supérieur.  De  Llbonta  ils  cheminèrent  le  long  de  la  rive  gauche  du 
Zambèze  jusqu'au  confluent  du  Cabonpo,  un  de  ses  principaux  tribu- 
taires, dont  ils  suivirent  la  rive  droite  jusqu*à  la  ligne  de  partage  des 
eaux  entre  les  deux  bassins,  du  Zambèze  et  du  Congo,  au  delà  de 
laquelle  ils  rencontrèrent  les  sources  du  Loualaba,  un  des  aflluents  les 
plus  considérables  du  Congo.  Après  avoir  déterminé  la  position  de  ces 
sources,  ils  continuèrent  leur  exploration  en  suivant  la  ligne  de  faîte 
des  deux  bassins  jusqu'à  la  résidence  de  Muchiri,  ix)i  de  Gapsuiganja. 
Cette  partie  du  voyage  fiit  des  plus  pénibles  pour  les  explorateurs; 
éprouvés  par  les  rigueurs  de  l'hiver,  par  la  mort  de  porteurs  succom- 
bant à  la  faim  et  à  la  fatigue,  parla  perte  de  marchandises  d'échanges, 
ils  furent  encore  contrecarrés  dans  leurs  recherches  par  Muchiri  qui  ne 
voulut  pas  leur  permettre  de  se  rendre  à  Cazembé,  d'où  ils  auraient  pu 
gagner  le  Tanganyika  et  la  station  de  Karéma. 

Ne  pouvant  se  diriger  vers  lé  N.-E.,  ils  se  tournèrent  au  S.-S.-E.  vers 
le  Louapoula,  dont  ils  déterminèrent  le  cours.  D'après  leurs  observa- 
tions il  y  aurait  lieu  de  le  reporter  à  67  kilom.  plus  à  l'est  que  ne  l'indi- 
quent les  cartes  actuelles.  Sans  doute  leur  détermination  ne  repose  que 
sur  des  calculs  de  marche  d'après  leurs  chronomètres,  la  lunette  astro- 
nomique dont  ils  avaient  fait  usage  entre  Libonta  et  Garanganja  n'ayant 
pu  être  employée  au  Louapoula  ;  mais  leurs  chronomètres,  auxquels  ils 
attribuaient  d'abord  la  différence  qu'ils  avaient  constatée  entre  les  car- 
tes et  leurs  observations,  examinés  à  l'observatoire  de  Capetown,  furent 
reconnus  être  en  parfait  état. 

Ils  suivirent  le  Louapoula  sur  une  grande  longueur,  et  ils  se  propo- 
saient de  faire  la  circumnavigation  du  Bangouéolo  ;  mais  il  eût  fallu 
pouvoir  construire  des  canots,  ce  dont  leurs  porteurs  exténués  étaient 
incapables,  et  leurs  marchandises  d'échange  étaient  presque  épuisées. 
Se  tournant  vers  le  sud,  ils  s'avancèrent  dans  la  région  inconnue  qui 
s'étend  des  bords  du  Bangouéolo  au  Zambèze,  afin  de  trouver  une  route 
qui  mît  en  communication  Garanganja  avec  Mozambique.  Ils  eurent  à 
souffrir  de  grandes  privations,  par  suite  des  ravages  que  la  guerre  avait 


—  335  — 

semés  dans  tout  le  territoire  du  Zambèze  entre  le  Cafoué  et  Zoumbo  ; 
et  après  avoir  réussi  à  atteindre  cette  ville,  ils  suivirent  le  coui-s  infé- 
rieur du  Zambèze  jusqu'à  Quilimane.  Ils  avaient  déterminé  en  bien  des 
points  la  ligne  de  partage  des  eaux  entre  les  bassins  du  Zambèze  et  du 
Congo.  Quant  à  la  voie  eommerciale  entre  les  provinces  d'Angola  et  de 
Mozambique,  elle  devrait,  d'après  leurs  indications,  se  diriger  de  Bihé 
par  Lialui  à  Zumbo  par  le  Cafoué,  puis  par  Tété  et  le  Zambèze  à  Quili- 
mane ;  elle  aurait  une  longueur  de  3000  kilom.,  mais  serait  en  grande 
partie  formée  par  des  cours  d'eau  navigables,  le  Loungo-e-Ungo,  le 
Cafoué  et  le  Zambèze.  Il  faudra  seulement  s'assurer  par  de  nouvelles 
explorations  spéciales  quelles  sont  les  parties  de  ces  divers  cours  d'eau 
qui  sont  réellement  navigables. 

D'après  la  carte  publiée  par  le  journal  As  Colojnas  Portngxœzas,  le 
Coabang^o  serait  un  affluent  du  Zambèze,  tandis  que,  d'après  Sei'pa 
Pinto,  il  serait  le  cours  supérieur  du  Chobé  \  qui  forme  le  lac  Ngami, 
bassin  fermé  dans  une  dépression  du  plateau,  dont  la  Botletlé  n'emmène 
les  eaux  au  Makarikari  que  dans  la  saison  où  les  pluies  tombent  en 
abondance  dans  la  partie  occidentale  du  bassin,  tandis  qu'il  lui  rapporte 
les  eaux  du  Makarikari  lorsque  les  pluies  régnent  dans  la  région  orien- 
tale. —  La  carte  des  explorateurs  portugais  présente  le  Bang^ouéolo 
comme  formant  deux  lacs,  l'un,  de  ce  nom  au  nord,  et  l'autre  au  sud, 
le  Bemba,  au  bord  duquel  est  mort  Livingstone.  Les  différences  de  forme 
données  au  Bangouéoio  parles  divers  explorateurs,  Livingstone,  Giraud, 
Capello  et  Ivens,  ne  proviennent-elles  point  du  fait  que  le  fond  de  ce 
bassin  étant  très  marécageux,  suivant  qu'il  est  visité  à  la  saison  des 
pluies,  pendant  que  les  eaux  baissent,  ou  à  l'époque  oîi  elles  sont  le 
plus  basses,  la  nappe  d'eau  recouvre  tout  le  fond  du  bassin,  ou  ne 
s'étend  plus  que  sur  une  partie  restreinte,  ou  même  forme  deux  lacs 
distincts  dans  les  dépressions  les  plus  profondes  du  bassin  *. 

Tandis  qu'on  attendait  en  Italie  le  retour  de  Jacques  de  Brazza 
et  d' A.  Pecile,  la  famille  de  ce  dernier  a  reçu  une  lettre  écrite  de 
Madiville,  le  27  juin,  annonçant  le  départ  des  deux  voyageurs  pour  une 
nouvelle  exploration  au  nord  de  l'Ogôoué,  à  travers  des  pays  inconnus, 
mais  qui,  d'après  les  renseignements  des  indigènes,  seraient  habités 

'  Voy.  la  carte,  III*  année,  p.  64. 

•  A  la  dernière  heure  nous  arrivent  de  nouveaux  documents  qui  nous  fournis- 
sent des  détails  plus  complets  sur  cette  expédition.  Nous  y  reviendrons  dans  notre 
prochain  numéro. 


—  336  — 

par  des  populations  d'humeur  douce  et  pacifique.  L'état  excellent  de 
leur  santé  a  engagé  les  voyageurs  à  entreprendre  ce  nouveau  voyage 
pour  compléter  leur  mission  scientifique.  Dans  une  lettre  précédente, 
M.  Pecile  annonçait  que  leur  retour  en  Italie  avait  été  retardé  par 
remballage  de  soixante  caisses  destinées  à  TEurope.  Ils  attendaient  à 
Madiville  le  départ  d'un  convoi  pour  le  bas  Ogôoué,  et  l'arrivée  du 
comte  Pierre  de  Brazza,  qui  devait  remonter  l' Ogôoué  avec  deux  cents 
hommes  du  Loango  destinés  au  service  des  stations  de  l'intérieur. 

La  Epoca,  de  Madrid,  annonce  que  M.  José  Montes  de  Oca, 
commandant  de  la  station  navale  de  Fernando-Po,  a  fait  un  voyage  aux 
îles  Elobey,  d'où  il  a  passé  sur  le  continent  et  a  remonté  la  rivière 
Muni,  puis  il  est  entré  dans  le  ]%'aya,  qu'il  a  parcouru  jusqu'à  une 
distance  assez  considérable  dans  de  petits  canots  du  pays.  Les  districts 
par  lesquels  il  a  passé  ont  tous  été  annexés,  sur  les  deux  bords  des  riviè- 
res, et  des  traités  ont  été  conclus  au  nom  de  l'Espagne  avec  les  chefs 
des  diverses  tribus  indigènes.  M.  Montes  de  Oca  se*  proposait  de  fran- 
chir les  monts  de  Cristal  et  d'atteindre  la  rivière  Benito  ;  mais  comme 
les  indigènes  de  la  côte  ne  sont  pas  en  bons  rapports  avec  ceux  de  l'in- 
térieur, ils  n'ont  pas  osé  l'accompagner,  de  sorte  qu'il  s'est  vu  obligé 
de  traverser  les  hautes  terres  qui  séparent  le  Naya  de  l'Outombouy 
pour  gagner  directement  le  Benito.  M.  Montes  de  Oca  est  accompagné 
du  docteur  Osario,  de  la  Société  des  Africanistes,  et  de  cinq  Cubains, 
qui  sont  partis  comme  volontaires  de  Fernando-Po  ;  ils  ont  une  troupe 
de  80  à  100  indigènes,  pour  transporter  le  matériel  et  les  bagages  de 
l'expédition. 

Pour  prévenir  un  de  ces  sacrifices  humains  qui  accompagnent  encore 
d'ordinaire  les  grandes  fêtes  préparées  par  le  roi  du  ]>ahoniey9  les 
autorités  portugaises  du  golfe  de  Guinée  ont  otîert  à  ce  souverain  de  lui 
acheter  1200  prisonniers  de  guerre  qui  devaient  être  prochainement 
mis  à  mort.  Le  roi  ayant  accepté  l'offre,  un  navire  portugais  a  embar- 
qué ces  malheureux  et  les  a  transportés  à  St-Thomas,  «  comme  hommes 
libres  »  dit  un  correspondant  de  Lisbonne  à  V Indépendance  belge,  a  enga- 
gés par  contrat,  pour  une  période  de  trois  ans,  pour  travailler  dans  les 
plantations  de  l'île  ».  La  question  des  travailleurs  eng^f^s  pour 
StrThomas  a  déjà,  à  plusieurs  reprises,  provoqué  les  réclamations 
des  philanthropes  qui  y  voient  un  esclavage  déguisé  '.  Dans  le  cas  actuel, 
si  le  rachat  de  ces  1200  victimes  fait  honneur  au  Portugal,  il  importe 

^  Voy.  IV«  année,  p.  198  et  229. 


—  337  — 

qu'ir  apparaisse  exempt  de  tout  intérêt  national,  et  que  le  gouverne- 
ment de  Lisbonne  ne  puisse  pas  être  accusé  de  les  avoir  rachetés  au 
profit  de  sa  colonie,  d'autant  plus  que  l'argent  payé  au  roi  du  Daho- 
mey, pourrait  éveiller  chez  d'autres  chefs  de  cette  région  le  désir  de 
s'enrichir  de  la  même  manière.  Il  se  trouverait  bien  vite  quantité  de 
vendeurs,  empressés  de  fournir  au  Portugal,  pour  tel  ou  tel  travail  h 
faire  dansées  îles,  des  centaines  d'engagés  soi-disant  libres,  mais  escla- 
ves en  réalité.  Nul  doute  que  le  gouvernement  portugais  ne  se  hâte  de 
donner  tous  les  renseignements  désirables  sur  la  situation  réelle  de  ces 
engagés.  A  l'occasion  de  ce  rachat  il  a  été  dit  que  le  Portugal  avait 
obtenu  de  pouvoir  établir  son  protectorat  sur  tout  le  littoral  du  Daho- 
mev  dont  le  souverain  abolirait  la  coutume  des  sacrifices  humains.  Mais 
il  faut  attendre  des  renseignements  complets  avant  de  se  prononcer  sur 
la  portée  de  l'acte  intervenu  entre  les  royaumes  de  Portugal  et  de 
Dahomey,  l'Angleten-e,  l'Allemagne  et  la  France  ayant  déjà  leurs 
pavillons  sur  plusieure  points  de  ce  littoral. 

Au  congrès  régional  des  sociétés  de  géographie  réunies  à  Bergerac, 
M.  Laplène,  membre  du  conseil  privé  du  Sénégal,  a  exposé  les  résultats 
de  la  construction  du  chemin  de  fer  de  Dakar  à  St-Liouis,  à 
travers  le  Cayor.  Grâce  à  cette  voie  fen'ée,  le  Cayor  a  été  transformé  ; 
l'exploitation  commerciale  a  triplé  et  même  quadruplé  ;  douze  vapeurs, 
qui  font  le  service  de  France  à  Saint-Louis,  reviennent  en  Europe  avec 
un  complet  chargement  d'arachides.  Avant  le  chemin  de  fer,  les  indi- 
gènes ne  cultivaient  guère  l'arachide  :  les  frais  de  transport  étaient 
énormes  et  ne  disposaient  guère  les  natifs  au  travail  agricole;  les  agents 
de  transport  étaient  les  Maures  avec  leurs  caravanes  de  chameaux, 
moyen  fort  coûteux.  Aujourd'hui,  les  facilités  qu'offre  le  chemin  de  fer 
pour  le  transport,  ont  entièrement  changé  la  situation,  et  développent 
la  production  des  arachides  dans  des  proportions  toujours  croissantes. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Le  ministre  français  de  Pinstruction  publique  a  chargé  le  D'  Faurot  d'une  mis- 
sion scientifique  dont  le  centre  sera  Obock.  De  là  l'explorateur  étendra  ses  recher- 
ches en  Abyssinie,  au  Choa  et  au  pays  des  Somalis. 

Pour  prévenir  le  retour  de  catastrophes  telles  que  les  naufrages  du  Nil  et  de 
VAveyron,à&ns  les  parages  du  cap  Guardafui,  où  règne  un  courant  du  nord  au  sud 
non  indiqué  sur  les  cartes  anglaises  et  françaises,  qui  d'ailleurs  ne  sont  pas  d'ac- 
•cord,  le  Congrès  des  sociétés  de  géographie  réunies  à  Bergerac  a  émis  le  vœu  que 


—  338  — 

le  gouYernemeiit  français  fit  iaire  une  ^ude  sériaose  dt  G«Ue  cdtapar  nae  aiasloa 
hydrographique. 

D'après  une  correspondance  d'Aden  au  TempSy  legouy«rnement  anglais  fait  pré- 
parer à  Boulhar,  à  l'ouest  de  Berbéra,  des  logements  pour  y  installer  une  garnison 
de  soldats  indiens.  Plus  rapproché  de  Harrar  que  Berbéra,  Boulhar  sera  préféré  à 
ce  dernier  port,  par  les  caravanes  venant  du  Harrar  ;  c'est  pour  cette  raison  qu& 
les  Anglais  veulent  l'ouvrir  au  conunerce  européen. 

La  Société  coloniale  allemande  de  l'Afrique  orientale  a  fermé  l'entrée  de  sea 
possessions  au  nord  et  à  l'ouest  de  Zanzibar  à' toutes  les  eaux-de-vie  qui  ne  seraient 
pas  destinées  à  l'usage  médical  on  à  des  usages  inânstriels. 

M.  M'£wan,  qui  avait  succédé  à  M.  James  Stewart  dans  la  construction  de  la 
route  entre  les  lacs  Nyassa  et  Tanganyika,  est  mort  de  la  fièvre. 

Le  Charles  Janson,  destiné  au  service  de  la  mission  des  Universités  le  long  d& 
la  côte  orientale  du  Nyassa,  a  été  remonté.  Le  pays  est  troublé  par  les  incursiona 
des  belliqueux  Angones. 

Le  D'  E.  Holub  a  quitté  Shoshong  le  30  juillet.  On  craint  que  son  voyage  jus- 
qu'au Zambèze  ne  soit  bien  difficile,  l'eau  étant  très  rare  le  long  de  la  route,  à  cette 
saison,  et  les  natifs  ayant  brûlé  toute  l'herbe  des  pâturages. 

M.  Sheppard,  ancien  juge  dans  la  colonie  du  Cap,  a  été  nommé  administrateur 
des  territoires  be-chuana  soumis  au  protectorat  anglais. 

La  maison  Lûderitz,  qui  avait  promis  aux  missionnaires  rhénans  qu'elle  ne 
débiterait  pas  d'eau-de-vie  aux  indigènes  du  Namaqualand  et  du  Damaraland,  a 
néanmoins  fait  arriver  des  barils  d'alcool  sur  le  territoire  de  la  station  de  Bar- 
séba.  Ses  agents  ont  cherché  à  se  justifier  en  disant  qu'on  s'était  engagé  à  ne  pas 
vendre  aux  indigènes  Peau-de-vie  en  détail,  par  bouteilles,  mais  nullement  à  ne 
pas  la  leur  vendre  en  gros,  par  tonneaux  l  Nous  ne  pensons  pas  que  le  Comité  des 
missions  de  Barmen  accepte  cette  réponse  de  casuistes,  qui  pourrait  faire  douter 
de  la  sincérité  des  restrictions  mises  par  la  Société  coloniale  à  l'importation  de 
l'eau-de-vie  dans  les  possessions  allemandes  de  l'Afrique  orientale. 

Après  avoir  passé  quelques  mois  à  la  côte,  le  missionnaire  Arnot  est  reparti 
pour  l'intérieur  avec  40  nègres,  comme  porteurs  de  ses  marchandises  d'échange, 
et  un  jeune  mulâtre,  qui  sait  trois  des  langues  des  indigènes  et  pourra  lui  rendre 
de  grands  services  comme  interprète.  Il  ne  savait  pas  encore  s'il  retournerait  ches 
les  Ba-Rotsé,  où  sa  présence  est  moins  nécessaire  depuis  que  MM.  Coillard  et 
Jeanmairet  sont  arrivés  sur  le  haut  Zambèze. 

Le  chef  de  Baïlounda,  Kwikwi,  a  fait  écrire  aux  missionnaires  américains  expul- 
sés de  son  territoire,  qu'il  avait  été  induit  en  erreur  à  leur  égard  par  des  Portu- 
gais, et  qu'il  n'avait  rien  à  leur  reprocher  ;  il  les  priait  de  revenir  chez  lui  et  de 
s'établir  où  il  leur  plairait.  La  tromperie  dont  il  a  été  la  victime  le  rendra  pru- 
dent, et  les  missionnaires  n'ont  plus  à  craindre  le  renouvellement  des  violences 
passées. 

L'expédition  allemande  du  Congo,  dirigée  par  le  D<' Wolf,  a  réussi  à  atteindre  le 
Quango.  Partie  de  San  Salvador,  elle  a  fait,  pendant  trois  mois,  une  reconnaissance 


—  339  — 

du  paya  situé  entre  cette  ville  et  le  fleuve.  Le  D'  Wolf  dut  revenir  à  San  Salva- 
dor, pour  transporter  tout  son  bagage  à  Kiamvou,  avec  les  porteurs  amenés  de  la 
côte  du  Loango  par  le  D'  Bûttner.  Les  lieutenants  Eund  et  Tappenbeck  ont 
remonté  le  Quango,  avec  le  Peace  mis  à  leur  disposition  par  les  missionnaires  bap- 
tistes  anglais,  jusqu'aux  premiers  rapides,  d'où  il  devaient  faire  le  voyage  par  terre 
jusqu'à  Kiamvou,  pour  s'y  réunir  à  MM.  Wolf  et  Bûttner. 

A  partir  du  l*»  janvier  prochain,  l'État  libre  du  Congo  entrera  dans  l'Union 
postale. 

Une  expédition  suédoise  s'organise  pour  le  Congo  sous  les  ordres  de  M.  de 
Schwerin,  professeur  de  géographie  à  l'université  de  Lund  ;  elle  étudiera  diverses 
questions  de  météorologie,  de  botanique  et  de  minéralogie,  ainsi  que  celle  des 
débouchés  que  pourrait  offrir,  aux  produits  du  Nord,  le  bassin  du  Congo. 

Le  D'  Lenz,  chef  de  l'expédition  autrichienne  envoyée  à  la  recherche  d'Ëmin 
bey,  du  D'  Junker  et  de  Casati,  est  arrivé  au  Congo. 

Les  PP.  Augouard  et  Paris  ont  atteint  la  station  de  l'Equateur,  près  de  laquelle 
ils  se  proposent  de  fonder  un  établissement  missionnaire. 

Le  Stanley  a  été  remonté,  et  devait  être  prêt  à  partir  le  18  septembre,  avec  sir 
Francis  de  Winton  qui  avait  l'intention  de  continuer  sa  route  en  amont  du  fleuve. 

Une  commission  franco-portugaise  a  été  nommée  pour  délimiter  les  colonies 
portugaise  et  française  près  de  l'embouchure  du  Tchiloango.  Les  délégués  fran- 
çais sont  MM.  Laboulaye,  ministre  de  France  à  Lisbonne,  le  capitaine  de  vaisseau 
O'Neill  et  le  D'  Bayol. 

Le  David  WiUiamson,  au  service  de  la  mission  de  l'église  presbytérienne  unie 
d'Ecosse,  a  remonté  le  vieux  Calabar  jusqu'au  point  où  le  capitaine  Beecroft 
l'avait  remonté  en  1842.  L'ingénieur,  M.  Ludwig,  aurait  désiré  tenter  de  franchir 
les  rapides  qui  empêchèrent  VEthiopé  de  remonter  plus  avant,  mais  un  brouillard 
vint  recouvrir  la  riyière,  et  l'obligea  à  renoncer  à  l'exécution  de  son  projet. 

La  Société  africaine  allemande,  qui  avait  pris  l'initiative  de  l'expédition  de 
Flegel  au  Niger  et  au  Benoué,  a  cédé  à  la  Société  coloniale  allemande  toutes  les 
acquisitions  faites  en  son  nom  sur  ces  deux  fleuves,  moyennant  remboursement 
des  sommes  dépensées  pour  ces  achats.  La  Société  coloniale  .enverra  prochaine- 
ment un  délégué  muni  de  pleins  pouvoirs  pour  prendre  possession  de  ces  acquisi- 
tions, et  la  Société  africaine  allemande  mettra  gratuitement  le  Henri  Barth  à  sa 
disposition. 

La  petite  canonnière  transportée  à  Bamakou  a  profité  de  la  saison  des  hautes 

t 

eaux  pour  faire  la  reconnaissance  du  Niger  et  en  dresser  la  carte.  Elle  a  poussé 
une  de  ses  excursions  jusqu'à  Segou-Sikoro,  capitale  du  sultan  Ahmadou. 

Le  Maroc  a  cédé  à  ^a  France  l'oasis  de  Figuig,  qui  servait  de  refuge  aux  derniers 
partisans  d'Abou- Amena  et  de  Si-Sliman,  lors  des  troubles  dans  le  sud  Oranais. 

Le  gouvernement  allemand  a  demandé  au  sultan  du  Maroc  l'autorisation  d'éta- 
blir des  dépôts  de  charbon  dans  divers  ports  marocains;  un  traité  de 'commerce 
entre  les  deux  nations  est  en  préparation. 

A  l'occasion  du  conflit  hispano-allemand  relatif  aux  îles  Carolines,  la  Deutsche 


—  340  — 

Kolonial  Zeitung  a  présenté  comme  base  d'une  entente  sérieuse  entre  l'AUema- 
gne  et  l'Espagne,  l'établissement  d'une  station  navale  allemande  aux  îles  Chaffa- 
rines,  possession  espagnole  sur  la  côte  marocaine  ;  elles  offrent  un  des  meilleurs 
porte  du,  littoral  africain. 


EXPLORATION     DU     KASSAI 

Par  le  lieutenant  Wibsmànk. 

s  Nous  n'avons  pas  encore  le  rapport  de  l'explorateur  lui-même,  mais 
nous  ne  voulons  pas  l'attendre  pour  présenter  à  nos  lecteurs,d'après  le 
Mouvement  géographique,  V Indépendance  belge,  le  Temps,  le  Mis&io- 
nary  Herald  et  les  Oeographische  Nachrichten,  les  faits  les  plus 
importants  de  ce  voyage. 

Ce  fut  le  28  mai  que,  laissant  la  station  de  Loualabourg  *  à  la  garde 
du  charpentier  Buschlag,  constructeur  des  bâtiments  et  de  toute  une 
flottille  de  pirogues  pour  l'expédition,  le  chef  de  celle-ci  commença  la 
navigation  qui  devait  nous  révéler  le  cours  du  Kassaï.  Le  bateau  en 
acier,  le  Paul  Pogge,  était  accompagné  d'une  vingtaine  d'embarcations, 
grandes  et  petites,  transportant  plus  de  200  personnes,  entre  autres 
48  nègres  de  l'Angola,  engagés  à  Malangé,  et  150  indigènes  du  Louba, 
dont  30  femmes  et  enfants.  Pendant  trois  jours  l'expédition  descendit 
la  Louloua,  dans  la  direction  du  N.-O.,  sans  rencontrer  d'obstacles. 
Le  quatrième  jour  on  atteignit  des  rapides,  par  5°,  16'  lat.  S.  et  21°,  50' 
long.  E.  ;  le  courant  de  la  rivière  étant  très  violent,  et  la  plupart  des 
indigènes  n'ayant  aucune  pratique  de  la  conduite  des  grandes  pirogues, 
une  de  celles-ci  chavira,  et  deux  Ba-Lo.uba  furent  noyés.  Dès  lors,  la 
navigation  jusqu'au  Congo  ne  fut  plus  entravée  par  aucun  obstacle, 
ni  attristée  par  aucun  nouvel  accident  de  ce  genre. 

Le  5  juin  les  embarcations  entrèrent  dans  le  Kassaï  qui,  après  sa 
réunion  avec  la  Louloua,  par  5°,  5'  lat.  S.  et  21°,  5'  long.  E.,  prend  un 
aspect  grandiose  ;  son  cours  est  parsemé  d'îles  pittoresques,  ses  rives 
sont  bordées  de  forêts  vierges  d'une  végétation  exubérante.  Les  indigè- 
nes lui  donnent,  dans  cette  partie  de  son  cours,  le  nom  de  Zaïre. 
Les  Ba-Kouba  en  occupent  la  rive  droite,  et  les  fia-Chilélé  la  rive 
gauche.  Les  indigènes  de  ces  deux  tribus  accueillirent  très  favorable- 
ment les  blancs  ;  chaque  matin  ils  anivaient  en  foule  au  camp  pour 

'  Voy.  p.  175-176. 


—  341  — 

échanger  leurs  produits,  ivoire  et  caoutchouc,  contre  des  cauries,  des 
perles  ou  du  cuivre.  Les  forêts  qui  s'étendent  le  long  du  Kassaï  et  de  la 
Louloua,  doivent  renfermer  des  richesses  considérables  en  caoutchouc, 
car  cette  matière  est  d'une  abondance  extraordinaire  dans  cette  région. 
Le  pays  est  également  riche  en  gibier. 

En  descendant  le  Kassaï,  la  première  découverte  importante  que  fit 
Texpédition  fut  celle  de  l'embouchure  du  Sankourou,  qu'elle  attei- 
gnit le  16  juin,  par  4%  20'  lat.  S.  et  20°,  25'  long.  E.  Jusqu'ici,  ce  cours 
d'eau  était  indiqué  sur  les  cartes  comme  formant  le  cours  inférieur  du 
Loubilache,  traversé  en  1881  par  Pogge  et  Wissmann,  par  5"  lat.  S. 
environ,  et  se  jetant  dans  le  Congo  par  V,SO'  lat.  N.  La  découverte  de 
Wissmann  montre  que,  du  point  oîi  il  avait  traversé  le  Sankouroy,  ce 
cours  d'eau  se  dirige  à  l'ouest,  pour  se  jeter  dans  le  Kassaï,  auquel  il 
apporte  un  tribut  considérable,  par  deux  bras  mesurant,  l'un  250  mètres, 
l'autre  300  mètres  de  largeur.  Au  dire  des  indigènes,  son  cours  n'est 
nulle  part  entravé  par  des  obstacles  ou  des  rapides,  ce  qui  augmente 
considérablement  la  longueur  des  voies  navigables  de  cette  partie  de 
l'Afrique  centrale  \ 

Au  delà  du  confluent  du  Sankourou,  le  Kassaï,  au  lieu  de  se  dirigei* 
vers  le  nord,  comme  l'indiquaient  toutes  les  cartes,  continue  sa  couree 
droit  vers  le  N.-O.  ;  sa  largeur  augmente  et  atteint  par  places  jusqu'à 
3000  mètres.  Le  pays  est  extrêmement  peuplé  ;  il  est  habité  par  les 
Ba-Dinga.  Un  de  leurs  principaux  chefs  fit  à  Wissmann  et  à  ses  com- 
pagnons l'accueil  le  plus  empressé  ;  ses  sujets  suivirent  son  exemple,  et 
le  camp  ne  cessa  d'être  entouré  d'une  foule  sympathique,  très  pacifique 
et  fort  désireuse  de  trafiquer.  Le  20  juin,  l'expédition  reconnut  sur  la 
rive  gauche,  par  4°, 25'  lat.  S.  et  20%5  long.  E.,  l'embouchure  d'un 
nouvel  aflluent  d'une  quarantaine  de  mètres  de  large,  apportant  au 
Kassaï  une  eau  rougeâtre,  vraisemblablement  le  Louchico  réuni  au 
Loangé,  que  Schûtt  traversa  en  1878,  par  7°, 30'  environ  lat.  S.;  à  son 
embouchure  il  porte  le  nom  de  Temba. 

En  aval,  les  voyageurs  rencontrèrent  les  Ba-Ngodi,  qui  ne  leur 
firent  pas  un  accueil  moins  empressé  que  les  Ba-Dinga.  Lorsqu'ils 
apprirent  que  l'expédition  avait  un  but  pacifique,  ils  l'escortèrent  dans 
leurs  canots  avec  des  démonstrations  de  joie  ;  leur  chef,  Gina-Damata, 
arbora  même  sur  son  village  le  drapeau  de  l'Association  internationale. 

'  D'après  une  correspondance  du  Congo  du  14  septembre,  il  existe  réellement 
une  ligne  de  partage  des  eaux  entre  le  Kassaï  et  le  Rouki. 


—  342  — 

Mais  les  mauvais  jours  allaient  arriver.  L'expédition  approchait  du 
territoire  des  Ba-Eoutou,  tribu  inhospitalière,  batailL^ise  et  anthro- 
pophage, toujours  en  lutte  avec  les  tribus  paisibles  et  commerçantes  du 
voisinage.  Aussi.  Wissmann  s'entoura-t-il  de  toutes  les  précautions 
nécessaires,  lorsque  le  24  juin,  il  établit  son  camp  près  du  premier  vil- 
lage ba-koutou,  par  3%45'  lat.  S.  et  19'',20'  long.  E.  La  journée  ne  se 
passa  pas  trop  mal  ;  seules,  les  femmes  se  montrèrent  acharnées,  gesti- 
culant, jurant,  se  frappant  la  poitrine,  et  maudissant  les  étrangers  avec 
des  expressions  de  bestialité  inouïe.  Le. lendemain  matin,  ce  fiit  le  tour 
des  hommes  qui,  encouragés  sans  doute  par  le  calme  et  Tindifférence 
affectée  du  personnel  de  Texpédition,  attaquèrent  le  camp  par  terre  et 
par  eau,  avec  une  grande  impétuosité  et  en  poussant  des  cris  de  vic- 
toire, se  réjouissant  de  la  proie  que  leur  promettait  la  chair  des  blancs. 
Heureusement  l'attaque  fut  repoussée  ;  les  Ba-'Koutou  devinrent  plus 
prudents  et  se  tinrent  à  distance. 

Dans  cette  partie  de  son  cours,  le  Kassaï  se  rétrécit  mais  augmente 
de  profondeur.  La  forêt  vierge  disparaît,  la  population  devient  ti'ès 
dense;  toutefois  il  n'y  a  point  de  commerce;  le  seul  produit  que  l'on 
rencontre  est  le  cuivre. 

Le  !•'  juillet,  la  présence  d'un  fusil,  et  quelques  lambeaux  d'étoffe 
entre  les  mains  d'un  indigène  Ba-Dima,  indiquèrent  qu'on  approchait 
du  Congo.  Continuant  sa  course,  la  flottille  arrivait  le  lendemain  dans 
des  parages  où  le  fleuve  prend  des  proportions  colossales,  s'élargissant 
parfois  jusqu'à  9000  et  10,000  mètres;  en  même  temps  sa  profondeur 
diminue  ;  il  est  tout  parsemé  d'îlots  et  de  bancs  de  sable.  Sur  la  rive 
gauche,  l'expédition  découvrit  bientôt,  par  3**, 15'  lat.  S,  et  17*,60' 
long.  £.,  l'embouchure  d'un  important  affluent  venant  du  sud,  c'était 
le  Quango.  A  partir  de  ce  point,  les  indigènes  étaient  armés  de  fusila, 
mais  ils  étaient  moins  sauvages  qu'en  amont,  connaissaient  déjà  les 
.blancs  ainsi  que  les  bateaux  à  vapeur,  et  assuraient  qu'ils  possédaient 
dans  leurs  villages  le  drapeau  bleu  à  étoile  d'or. 

Le  4  juillet,  l'expédition  reconnut,  par  3°  lat.  S.  et  17°, 35'  long.  E., 
le  confluent  d'une  rivière  venant  du  nord,  apportant  au  Kassaï  un 
important  tribut  d'eaux  de  couleur  noirâtre;  c^était  le  Mfini,  l'émis- 
saire du  lac  Léopold  II,  découvert  par  Stanley.  Entre  le  confluent  du 
Quango  et  celui  du  Mfini,  le  Kassaï  forme  un  vrai  labyrinthe  de  lagu- 
nes et  d'étangs,  reliés  entre  eux  par  un  réseau  très  compliqué  de  che- 
naux étroits,  bordés  d'une  large  et  épaisse  végétation  d'ajoncs  ;  le 
village  de  Mousyé  domine  le  confluent  du  Mfini  et  du  Kassaï.  En  aval, 


—  343  — 

ce  dernier  est  désigné  par  les  indigènes  sous  le  nom  de  Kwa;  la  rive 
droite  en  est  habitée  et  cultivée,  tandis  que,  sur  la  gauche,  s'étendent 
de  vastes  plaines  peuplées  de  troupeaux  d'éléphants.  Le  6  juillet,  dans 
l'espace  d'un  quart  d'heure,  l'expédition  en  tua  sept,  et  le  lendemain, 
tout  en  descendant  le  fleuve,  elle  en  compta  quatre  troupeaux.  Les 
hippopotames  sont  parfois  si  nombreux  qu'ils  entravent  la  navigation. 

Après  quarante-trois  jours  de  voyage,  l'expédition  atteignit  Kwa- 
mouth,  sur  le  Congo,  le  9  juillet.  A  son  embouchure,  le  Kwa  n'a  que 
410  mètres  de  largeur;  mais  sa  profondeur  et  sa  vitesse  sont  considéra- 
bles. 

M.  Whitley,  missioimaire  baptiste  de  la  station  de  Stanley-Pool,  a 
fourni  au  Missùmary  Herald  des  renseignements  sur  les  200  Ba- 
Louba  arrivés  avec  l'expédition  de  Wissmann.  a  Ils  diffèrent  beaucoup,  » 
dit-il,  «  des  types  que  nous  avons  l'habitude  de  voir  ici.  La  plupart  des 
hommes  sont  grands,  tatoués  par  tout  le  corps,  non  pas  avec  des  cica- 
trices comme  les  Ba-Yansi,  mais  avec  de  belles  lignes  bleues  et  des 
courbes  comme  les  insulaires  des  Fidji.  Avant  leur  amvée  ici,  ils  son- 
geaient peu  à  leur  vêtement,  ne  portant  qu'une  pièce  d'étoffe  très 
étroite,  mais  maintenant  ils  sont  mieux  vêtus.  Les  femmes  ont  assez 
bonne  façon,  sont  exemptes  de  tatouage,  et  ont  la  peau  douce.  Ce  sont 
des  gens  gais,  sociables  et  très  curieux;  j'en  ai  dans  ma  chambre  plu- 
sieurs qui  regardent  ma  plume  par-dessus  mon  épaule  et  ouvrent  toutes 
mes  boîtes;  se  mirant  dans  ma  glace,  ils  ont  l'air  très  satisfaits  d'eux- 
mêmes.  D  est  impossible  de  s'en  défaire  ;  leur  bon  naturel  désarme  toift 
ressentiment  que  pourraient  provoquer  les  libertés  qu'ils  s'accordent,  et, 
quoiqu'ils  aient  touché  tous  les  objets  qui  sont  dans  ma  chambre,  ils 
n'ont  rien  volé  ;  cependant  ils  sont  ici  depuis  dix  jours  et  plus.  Leur  camp 
est  près  de  ma  demeure  ;  ils  dansent,  tambourinent  et  chantent  vigou- 
reusement, depuis  2  heures  après  midi  jusqu'à  8  heures  du  matin  le 
lendemain.  Ils  resteront  ici  encore  quelque  temps,  puis  ils  repartiront 
sous  la  conduite  des  blancs  qui  les  ont  amenés.  Il  y  a  avec  eux  trois 
chefs,  mais  le  vrai  souverain  est  une  sœur  du  chef  principal  ;  elle  a  tout 
à  fait  la  tenue  d'une  reine.  D'un  geste  de  la  main,  elle  arrête  toute  la 
foule  des  Ba-Louba  au  milieu  d'une  danse  entraînante,  et  leur  impose 
silence  comme  s'ils  étaient  instantanément  pétrifiés.  » 

Le  rapport  du  lieutenant  Wissmann  sera  accompagné  d'une  carte 
en  trois  feuilles,  dressée  avec  soin  par  le  lieutenant  von  François  ;  elle 
permettra  de  corriger  les  erreurs  de  la  cartographie  actuelle  dans  cette 
partie  de  l'Afirique  équatoriale.  Indépendamment  de  la  connaissance 


—  344  — 

exacte  que  cette  expédition  nous  fournit  du  cours  du  Kassaï,  elle  révèle, 
de  Kwamouth  à  Louloualabôurg,  une  voie  navigable  de  800  kilom.,  que 
de  nouveaux  vapeui's  ne  tarderont  pas  à  remonter. 


LE  COMMERCE  DE  L'HUILE  EN  AFRIQUE 


Nous  avons  déjà  attiré  l'attention  de  nos  abonnés  sur  plusieui-s  des 
principaux  produits  de  F  Afrique,  et  sur  l'importance  qu'ils  ont  ^quise 
dans  les  relations  commerciales  avec  les  peuples  civilisés.  Les  plumes 
d'autruche,  l'or,  les  diamants,  les  dattes,  la  gomme,  l'ivoire  ont  fait 
le  sujet  d'articles  spéciaux  ',  mais  jusqu'ici  nous  n'avons  rien  dit  de 
l'huile,  qui  est  cependant  un  des  produits  les  plus  abondants  du  conti- 
nent africain,  et  l'un  de  ceux  dont  l'exportation  a  pris  le  .développement 
le  plus  rapide  et  le  plus  considérable.  Un  article  de  la  Deutsche  Rund- 
schau fiir  Géographie  und  Statistik,  a  Afrika  ein  Dorado  des  OeXhan- 
dels,  »  nous  fournit,  sur  cet  objet  du  commerce  africain,  des  renseigne- 
ments que  nous  croyons  utile  de  communiquer  à  nos  lecteure. 

Si  l'Amérique  possède  des  richesses  presque  inépuisables  en  huiles 
minérales,  l'Afrique  peut  se  vanter  de  trésors  énormes  en  huiles  végé- 
tales. Le  lin^  l'olivier,  le  palmier  à  huile  et  beaucoup  de  plantes  oléagi- 
neuses prospèrent  de  temps  immémorial  dans  les  diflférentes  parties  du 
continent  africain.  Toutefois,  c'est  le  palmier  à  huiLe  (Elaïs  Ouineensis), 
q«i  fournit  la  plus  grande  partie  de  l'huile  exportée  d'Afrique. 

Les  fruits  sont  disposés  en  grappes,  énormes  à  Zanzibar,  plus  petites 
dans  la  Guinée  et  dans  les  pays  voisins.  Dans  la  Nigritie,  il  y  a  de  vas- 
tes forêts  de  palmiers  à  huile  ;  les  habitants  sont  en  relations  avec  les 
indigènes  de  la  Côte  d'Ivoire,  de  la  Côte  d'Or  et  de  la  Côte  des  Escla- 
ves, oîi  existent  aussi  des  forêts  de  palmiere,  et  dont  les  villes,  Ebboe, 
Ejeurin,  Rabba,  Idda,  Bacca  et  Koulfou  ont  des  marchés,  sur  lesquels 
de  fortes  quantités  d'huile  de  palme  sont  vendues,  par  voie  d'échange,  à 
des  maisons  européennes.  Avant  la  dernière  guerre  de  Lagos,  Ejeurin, 
dans  le  Jabou,  exportait  à  elle  seule,  chaque  semaine,  de  60,000  à 

^  L'élevage  des  autruches  au  Cap  et  en  Algérie,  1"  année,  p.  234.  —  Les  gisements 
aurifères  en  Afrique,  II™«  année,  p.  18  et  les  gisements  aurifères  du  jyanscaal 
yXme  année,  p.  156.  —  Les  mines  de  diamants  au  sud  de  V Afrique,  !!"•  année, 
p.  180.  —  Le  palmier-dattier,  II"«  année,  p.  137,  III™*  année,  p.  8.  —  Les  acacias- 
gommiers  en  Afrique,  III"«  année,  p.  73.  —  Le  commerce  de  Vivoire  africain, 
VI"»«  année,  p.  241. 


345  — 

70,000  gallons  ^  anglais  d'huile.  Le  commerce  est  entre  les  mains 
d'agents  indigènes  qui  achètent  Thuile  aux  producteurs  contre  de  la 
monnaie  de  convention,  poudi*e  d'or,  barres  de  fer,  de  laiton,  til  de 
cuivre,  etc.,  puis  la  livrent  aux  Européens  contre  d'autres  marchandises. 
Il  y  a  en  outre  de  nombreuses  maisons  de  commerce  établies  en  perma- 
nence. Ces  trafiquants  d'huile  possèdent  aujourd'hui  au  moins  cent  éta- 
blissements sur  sept,  fleuves  différents  ;  ils  emploient  au  moins  quatre 
cents  agents  blancs  dans  des  comptoirs  ou  sur  des  navires,  et  autant  de 
noirs  comme  tonneliers,  chai-pen tiers,  cuisiniers , et  surveillants.  La  plu- 
part de  ces  gens  vivent  sur  des  pontons  à  l'ancre  dans  des  ports  ou  dans 
des  baies  abritées  ;  le  silence  n'y  est  inten*ompu  que  par  le  clapotement 
des  vagues,  aussi  leur  vie  est-elle  uniforme  ;  le  climat  est  très  dange- 
reux pour  eux. 

Toute  la  côte  occidentale,  depuis  le  Cap  Blanc  jusqu'à  Saint-Paul  de 
Loanda,  est  couverte  de  forêts  de  palmiers  ;  mais  la  population  qui 
pourrait  les  exploiter  est  clairsemée  et  très  paresseuse.  A  Fernando-Po, 
les  arbres  sont  si  nombreux  que  le  sol  est  littéralement  couvert  de  fruits, 
qui  servent  de  nourriture  aux  singes  ou  pourrissent  sans  emploi.  Jusqu'à 
présent  on  n'en  a  tiré  que  400  à  500  tonnes  d'huile  par  année,  tandis 
que  l'île  pourrait  en  produire  facilement  dix  fois  plus.  Cela  provient 
de  ce  que  lés  habitants  sont  très  paresseux,  et  comme  ils  ont  peu  de 
rapports  avec  les  peuples  civilisés,  leuKS  besoins  sont  encore  très  res- 
treints. Les  tribus  qui,  par  leurs  relations  avec  les  Européens,  ont  pris 
goût  à  toutes  sortes  d'articles  de  notre  industrie,  se  donnent  la  peine  de 
produire  plus  pour  retirer  davantage.  A  Fernando-Po,  le  travail  des 
hommes  se  borne  à  grimper  sur  les  arbres  pour  en  faire  tomber  les 
noix;  tout  le  reste  est  l'affaire  des  femmes  et  des  enfants.  Les  fabriques 
sont  de  simples  huttes  dans  les  forêts  ;  l'huile  y  est  préparée  de  deux 
manières.  Les  coques  des  noix  recueillies  sont  coupées  ^et  mises  dans 
une  espèce  d'auge  de  six  pieds  carrés,  pratiquée  dans  la  ten-e  argileuse 
bien  battue  et  entourée  d'un  mur  de  dix-huit  pouces  de  hauteur.  Dès 
que  l'auge  est  remplie  à  moitié,  une  femme  y  entre,  foule  les  coques 
jusqu'à  ce  que  l'huile  en  sorte  mélangée  avec  le  résidu  des  coques  ; 
cette  substance  a  à  peu  près  la  consistance  d'un  mastic  tendrei  On  la 
verse  alors  dans  des  vases  remplis  d'eau  que  l'on  place  sur  le  feu  ; 
l'huile  se  sépare,  monte  à  la  surface,  et  on  la  puise  pour  la  mettre  dans 
des  cruches  de  terre  contenant  pour  la  plupart  cinq  gallons  anglais.'  A 

^  Le  gallon  anglais  vaut  à  peu  près  quatre  litres  et  demi. 


—  346  — 

• 

Fernando-Po  on  procède  autrement  ;  mais  on  perd  beaucoup  d'huile  par 
suite  d'une  manipulation  défectueuse.  On  entasse  les  coques  coupées  et 
on  les  recouvre  de  feuilles  de  palmier  ;  dès  qu'elles  commencent  à  se 
gâter,  on  les  jette  dans  des  trous  en  forme  de  mortiers  garnis  de  pierres, 
et  on  les  concasse  à  l'aide  de  grosses  pierres  ou  de  pilons  de  bois.  Le 
suc  est  mis  dans  des  pots  sur  le  feu,  mais  sans  eau,  et  les  femmes  en 
puisent  l'huile  à  la  main. 

Les  coques  sont  employées  comme  combustible  et  comme  engrais  : 
souvent  aussi  on  en  fabrique  des  mèches  de  lampe.  Quant  au  noyau,  à 
la  noix  proprement  dite,  autrefois  on  la  jetait  toujours,  quoiqu'elle  ren- 
ferme 30  Vo  d'huile,  et  qu'elle  soit  très  utile  pour  engraisser  le  bétail  et 
fabriquer  des  bougies.  Ce  fut  André  Swanzy  qui  eut  le  premier  l'idée 
de  se  servir  de  la  noix.  En  1850  il  en  apporta  dix  tonnes  en  Angleterre, 
mais  il  ne  trouva  alors  aucun  écho  chez  les  fabricants  d'huile  ;  toutefois 
des  essais  ultérieurs  furent  couronnés  de  succès,  et  aujourd'hui  ce  com- 
merce s'accroît  continuellement.  L'huile  extraite  de  ces  noix  en  Europe 
ressemble  beaucoup,  par  ses  qualités  et  sa  valeur,  à  l'huile  de  coco. 
Actuellement,  les  indigènes  commencent  aussi  à  employer  çà  et  là  les 
noix  pour  en  faire  de  l'huile.  Ils  les  font  rôtir  sur  le  feu,  les  concassent 
dans  des  mortiers  et  les  font  cuire  dans  des  pots  remplis  d'eau.  Le  liquide 
qu'ils  en  retirent  est  connu  dans  le  commerce  sous  le  nom  d'huile  de 
noix  noire.  Beaucoup  d'indigènes  ne  font  pas  autre  chose  que  brûler  les 
noix  et  recueillir  la  graisse  qui  en  sort. 

Dans  certains  pays,  l'huile  forme  l'objet  d'un  monopole  très  fructueux; 
par  exemple,  le  fermier  auquel  a  été  accordé  le  monopole  pour  la  petite 
localité  d'Appia-Vista,  qui  est  presque  en  dehors  de  la  région  de  l'huile, 
paie  chaque  année  au  souverain  du  Dahomey  50,000  francs.  Les  pro- 
ducteurs d'huUe  sont  tous  tenus^  sous  peine  de  perdre  la  vie,  de  vendre 
l'huile  à  ce  fermier,  à  un  prix  fixé  par  le  roi,  qui  le  détermine  sans  égard 
aux  oscillations  des  prix  du  marché. 

La  région  connue  sous  le  nom  de  Côte  de  l'huile  de  palme  s'étend  de 
Lagos  à  l'embouchure  du  Cameroon.  Le  delta  du  Niger  est  très  fré- 
quenté par  les  navires  à  huile.  Au  Bénin,  le  trafic  est  entre  les  mains 
des  Anglais  ;  à  Telma,  ce  sont  des  maisons  allemandes  et  françaises  qui 
l'emportent.  Le  centre  le  plus  important  de  tout  le  commerce  de  l'huile 
est  le  fleuve  Bonny ,  sur  les  rives  duquel  sont  les  fameux  villages  à  huile, 
de  Talifer,  Fishtown,  Snaketown  et  Bonny  ;  le  dernier  en  est  le  marché 
principal.  Les  habitants  y  déploient,  à  vendre  leur  huile,  la  même  ardeur 
que  leui-s  ancêtres  apportaient  naguère  à  la  vente  de  leurs  parents  et  de 


—  347  — 

leurs  connaissances  comme  esclaves.  L'introduction  du  commerce  de 
rhuiie  a  fait  diminuer  l'exportation  des  esclaves,  mais,  à  Tintérieur,  la 
traite  fleurit  encore.  Les  chefs  emploient  le  travail  servile,  pour  la  pro- 
duction de  l'huile,  et  le  prix  des  esclaves  monte  avec  celui  de  l'huile. 

Les  chiffi*es  indiqués  de  temps  à  autre  dans  les  rapports  des  autorités 
anglaises,  donnent  une  idée  du  développement  de  ce  commerce.  De 
8000  Uv.  steri.,  représentant  l'huile  importée  d'Afrique  en  Europe  en 
1807,  il  s'est  élevé  à  1,600,000  liv.  steri.  En  1818,  il  n'avait  été  exporté, 
de  la  côte  occidentale  d'Afrique  en  Angleterre,  que  1464  tonnes  d'huile, 
aujourd'hui  l'Angleterre  en  reçoit  au  moins  100,000  tonnes. 

La  côte  occidentale  d'Afrique  a  beaucoup  d'autres  sortes  d'huiles. 
Le  Carapa  Quineensis  fournit  l'huile  de  touloukouma,  de  Séuégaiflbie 
et  de  Guinée;  le  Basai  Parlai,  l'huile  de  Galam,  aussi  nommée 
beurre  de  Tchi  ou  de  Bambouk.  On  emploie  la  première  tantôt  comme 
huile  à  brûler,  tantôt  pour  s'oindre  le  corps  ;  à  Sierra  Leone  elle  sert 
aussi  de  purgatif.  On  en  exporte  dans  la  France  méridionale  oîi  l'on  en 
fait  du  savon.  Le  résidu  des  noix  après  le  pressurage  fournit  un  bon 
engrais  pour  l'agriculture.  L'huile  de  Galam,  extraite  de  la  plante  par 
la  cuisson,  sert  à  fabriquer  du  savon  et  des  bougies.  On  l'emploie  aussi 
en  Afrique  comme  ingrédient  dans  la  préparation  des  aliipents.  Les 
savants  ne  sont  pas  d'accord  sur  sa  qualité  ;  Mungo  Park  la  louait 
beaucoup. 

En  Sénégambie,  croît,  à  l'état  sauvage,  le  Riciniis  communis,  qui 
atteint  une  hauteur  de  4"*  à  5".  Pour  en  obtenir  de  l'huile,  on  coud  les 
graines  dans  des  sacs  faits  de  crins  de  cheval,  et  on  les  broie  avec  de 
lourds  maillets  de  fer.  Des  auges  reçoivent  l'huile  qui  en  découle,  et  on 
la  met  dans  des  bouteilles  dont  là  plus  grande  partie  sont  envoyées  en 
Angleterre.  Les  arachides,'qui  forment  le  principal  article  du  commerce 
de  la  Gambie,  fournissent  aussi  de  l'huile  ;  on  les  expédie  en  Europe  oîi 
on  les  pressure,  et  l'huile  qu'on  en  tire  est  employée  surtout  par  les 
fabriques  de  savon  de  Marseille. 

Le  cocotier,  ou  roi  des  palmiers,  Cocos  nucifera,  forme  d'immenses 
forêts  dans  le  voisinage  de  Zanzibar  ;  l'huîle  qu'on  tire  de  son  fruit  est 
envoyée  en  France  et  en  AngleteiTe,  pour  être  employée  dans  les  fabri- 
ques de  stéarine.  Souvent  les  noix  sont  envoyées  séchées  en  Europe,  oîi 
elles  sont  pressées. 

Il  existe  encore  d'autres  plantes  oléagineuses  que  l'on  a  découvertes 
récemment  et  que  le  commerce  n'exploite  pas  encore.  De  ce  nombre  est 
la  Motsakiri^  (probablement  identique  à  la  Trichiliacapitata),  qui  croît 


—  348  — 

au  bord  du  Zambèze,  et  dont  les  graines  noires,  étroites,  longues  d'un 
demi-pouce,  sont  extrêmement  riches  en  huile.  Le  D' Kirk  a  découvert, 
à  l'ouest  du  lac  Nyassa,  une  espèce  de  palmier  qui  ressemble  plus  au 
dattier  qu'au  palmier  à  huile  ;  il  atteint  14""  de  hauteur,  est  très  riche 
en  huile  et  cependant  les  indigènes  ne  l'exploitent  pas  encore;  en 
revanche,  ils  se  servent,  pour  la  cuisine,  de  l'huile  douce  du  Bomanns, 
dont  le  fruit  a  la  grosseur  d'une  noix.  Ces  plantes,  et  d'autres  encore, 
méritent  à  un  haut  degré  l'attention  des  commerçants  et  des  indus- 
triels européens. 

L'Afrique  produit  aussi  de  l'huile  d'olive  et  de  l'huile  de  lin.  L'Al- 
gérie a  de  vastes  forêts  d'oliviers  ;  si  l'on  y  établissait,  en  nombre  suffi- 
saiît,  des  fabriques  d'huile,  elles  pourraient  approvisionner  une  grande 
partie  de  l'Europe.  L'olivier  y  croît  partout  à  l'état  sauvage,  et  y  pros- 
père si  bien  qu'un  seul  arbre  suffit  souvent  à  l'alimentation  d'un  Kabyle. 
La  Kabylie  en  particulier  n'est  guère  qu'un  immense  bois  d'oliviers. 
Depuis  1S52,  le  commerce  des  olives  a  fait  de  grands  progrès  en  Algé- 
rie. Bougie,  Dellis  et  Djidjelli  sont  d'importants  marchés  pour  les  rela- 
tions entre  les  Français  et  les  Kabyles.  Il  y  a,  dans  les  montagnes, 
quelques  établissements  européens  où  les  indigènes  ont  appris  l'art  de 
manipuler  les  olives.  En  1853,  il  a  été  exporté  environ  trois  millions  de 
kilogrammes  d'huile,  en  1880  le  chiffre  de  l'exportation  a  atteint  la 
somme  de  dix-sept  millions  de  francs.  On  pourrait  facilement  atteindre 
un  chilfre  de  beaucoup  supérieur,  si  l'on  exploitait  convenablement  1©= 
forêts  qui  ne  gèlent  jamais  et  dont  les  arbres  ne  sont  jamais  malades. 
Tripoli,  Tunis  et  le  Maroc,  ainsi  que  Mogador,  fournissent  beaucoup 
d'huile  d'olive.  Comme  dans  le  midi  de  l'Europe,  on  emploie  surtout 
les  olives  d'un  bleu  foncé  ;  on  les  fait  sécher,  puis  on  les  porte  au  pres- 
soir où  elles  sont  broyées  entre  deux  meules. 

Le  lin  croît  surtout  en  Egypte,  où,  déjà  sous  les  Pharaons,  il  était 
renommé.  Les  anciens  Égyptiens  en  tiraient  une  huile,  à  laquelle  on 
doit  la  parfaite  conservation  des  peintures  de  leurs  monuments  vingt 
fois  séculaires.  Aujourd'hui  la  culture  du  lin  en  Egypte  est  très  négligée, 
mais,  avec  quelques  soins,  elle  pourrait  l'edevenir  prospère. 

Comme  tout  le  commerce  africain,  celui  de  l'huile  est  encore  à  ses 
débuts  ;  mais  ceux-ci  sont  des  plus  favorables,  et  suffisent  pour  donner 
une  idée  de  ce  que  ce  trafic  pourra  devenir,  lorsque  les  meilleurs  pro- 
cédés de  culture  et  d'exploitation  auront  été  appliqués  dans  toutes  les 
parties  du  continent  où  prospèrent  les  plantes  oléagineuses,  et  lorsque 
les  voies  de  communication  auront  été  ouvertes  avec  Tintérieur,  où 


—  349  — 

demeurent  encore  sans  emploi  des  quantités  énormes  de  produits  qui  se 
perdent,  faute  de  moyens  de  transports  rapides  et  peu  coûteux  pour  les 
amener  à  la  côte.  ' 


CORRESPONDANCE 
Lettre  du  ZambèsEe. 

Leshoma,  20  juin  1885,  rive  droite  du  Zambèze. 

J'ai  le  plaisir  aujourd'hui  de  vous  accuser  réception  de  votre  bonne  lettre,  et  de 
TOUS  remercier  de  votre  fidélité  à  me  faire  parvenir  V Afrique  explorée.  J'ai  reçu, 
au  commencement  de  ce  mois-ci,  les  numéros  de  décembre  1884,  de  janvier  et 
février  1885,  que  j'ai  déjà  lus  avec  beaucoup  de  plaisir. 

En  avril  dernier  je  vous  ai  envoyé  deux  lettres  qui,  je  l'espère,  vous  sont  par- 
venues. Je  vous  racontais  le  voyage  de  M.  Coillard  à  la  vallée  et  ses  résultats, 
puis,  les  événements  qui  sont  survenus  depuis  son  retour.  Mes  nouvelles  aujour- 
d'hui se  réduisent  à  peu  de  chose  : 

Les  chefs  de  Seshéké,  à  l'exception  d'un  seul,  et  tous  ceux  de  cette  partie  du 
pays  sont  partis  le  mois  dernier  pour  la  vallée,  afin  de  rendre  hommage  au  nouveau 
roi.  Je  ne  sais  si  c'était  leur  but  unique  ;  nous  avons  entendu  dire  que  Mataga  ~ 
le  Gambella  actuel  —  avait  appelé  Morantsyane,  de  Seshéké,  le  suzerain  de  toute 
cette  contrée  à  partir  des  chutes  Victoria,  afin  qu'il  lui  aidât  à  éteindre  la  rébellion 
dirigée  contre  Akoufouna. 

A  vrai  dire,  nous  ne  savons  et  ne  saurons  rien  de  positif  sur  cette  affaire  avant 
le  retour  des  dits  chefs,  retour  qui  s'effectuera  sans  doute  le  mois  prochain. 

Ces  faits  ne  laissent  pas  de  nous  préoccuper,  non  au  sujet  de  notre  admission 
dans  le  pays,  mais  bien  à  cause  des  retards  que  les  événements  politiques  peuvent 
apporter  à  notre  œuvre.  Le  temps  est  moins  précieux  pour  les  Ba-Rotsé  que  pour 
nous,  et  rien  ne  les  stimule  à  nous  faire  sortir  de  notre  retraite  au  milieu  des 
forêts.  Toutefois,  si  nous  n'apprenons  rien,  d'ici  au  commencement  du  mois  prochain, 
nous  désirons,  malgré  tout,  traverser  le  fleuve  et  nous  installer  tous  provisoirement 
à  Seshéké,  jusqu'à  ce  que  le  chemin  de  la  vallée  soit  ouvert  à  ceux  d'entre  nous 
qui  doivent  s'y  rendre.  Alors  même  que  l'on  se  battrait  tout  cet  hiver  à  la  vallée, 
nous  désirerions  tout  au  moins  nous  mettre  en  route  et  ne  pas  passer  un  nouvel 
été  loin  de  nos  gens. 

Les  Pères  quittent  Padamatenga;  ils  ont  déjà  fait  une  longue  absence,  laissant 
ici  un  seul  Frère  ;  aujourd'hui,  l'un  d'eux  est  de  retour  de  Tati,  chez  les  Ma-Tébélé, 
et  liquide  leurs  affaires  à  Padamatenga.  Leur  station  de  Tati  a  subi  le  même  sort 
que  celle  de  Padamatenga,  et  ils  se  replient  tous,  je  crois,  sur  une  autre  partie  du 
pays  des  Ma-Tébélé.  Le  Père  Eroot  a  été  dangereusement  malade  et  est  hors 
d'état  de  revenir  ici. 

Notre  santé  s'est  beaucoup  améliorée  avec  le  retour  de  l'hiver.  L'un  de  nos 


—  350  — 

ouvriers  qui  nous  avait  donné  de  vives  inquiétudes  est  en  bonne  voie  de  se  remettre 
tout  à  fait.  Somme  toute,  notre  expérience  du  climat  est  favorable,  et  c'est  pour 
nous  un  grand  sujet  de  reconnaissance.  Je  trouve  la  chaleur  très  supportable, 
même  au  cœur  de  l'été  ;  en  outre,  à  cette  époque  de  l'année,  les  nuits  sont  encore 
fraîches,  de  telle  sorte  que  nous  n'éprouvons  jamais  ici  un  sentiment  pénible  de 
manque  d'air.  Pourquoi  ne  vivrions-nous  pas  au  Zambèze  comme  ailleurs,  une  fois 
que  nous  aurons  fait  bonne  connaissance  avec  la  fièvre  et  avec  le  traitement  propre 
à  chaque  constitution  ? 

Ces  derniers  temps  nous  avons  eu  un  bien  triste  exemple  de  la  cruauté  des 
Ba-Rotsé  :  Lesuane,  chef  d'un  village  situé  entre  le  gué  et  le  village  d'£mpalira\ 
avait  une  fille  recherchée  par  un  jeune  homme  de  son  village.  Cette  dernière 
éprouvait  de  l'aversion  pour  son  amoureux  et  refusait  obstinément  de  lui  être 
unie.  Le  jeune  homme,  lassé  de  ses  sollicitations  infructueuses,  en  vint  aux  menaces, 
et  jura  à  celle  qu'il  aimait  qu'elle  n'épouserait  jamais  un  autre  que  lui.  Sur  ces 
entrefaites,  la  jeune  fille  tomba  malade  et  mourut,  et  tout  le  village  en  émoi  de 
s'enquérir  de  celui  qui  lui  avait  lancé  un  mauvais  sort.  Naturellement,  les  soupçons 
tombèrent  sur  son  ancien  amoureux  qui  fut  condamné  à  passer  par  l'épreuve  de 
l'eau  bouillante,  c'est-à-dire  qu'il  avait  à  plonger  ses  mains  dans  ce  liquide  et  à 
prouver  son  innocence  en  les  ressortant  intactes.  Le  malheureux  eut  au  moins  le 
bon  sens  de  se  refuser  à  cette  expérience  peu  douteuse,  mais  il  n'échappa  pas  an 
supplice  du  feu.  A  la  suite  de  son  refus,  il  est  déclaré  coupable,  et  en  conséquence 
brûlé  vif  ;  un  bûcher  s'élève  à  l'entrée  du  village  ;  le  pauvre  homme,  couché  sur 
le  ventre,  y  est  lié  par  les  pieds,  les  mains  et  le  cou.  Cela  fait,  on  le  recouvre  d'un 
tas  de  branches  d'une  épaisseur  de  deux  pieds,  et  le  feu  est  allumé.  Auparavant, 
on  avait  asséné  au  condamné  un  coup  de  gourdin,  afin  de  l'étourdir  et  de  rendre 
ses  souffrances  moins  vives.  Malgré  cette  précaution  plus  ou  moins  charitable, 
l'infortuné  expira  en  poussant  des  cris  affreux,  pendant  une  danse  infernale  de  ses 
juges;  puis,  une  fois  la  mort  survenue,  toute  l'assemblée  se  sauva^  la  frayeur  dans 
l'âme. 

Ces  détails  nous  ont  été  racontés  avec  un  cynisme  incroyable  par  un  parent  du 
défunt.  Nous  savons  qu'une  scène  analogue  s'est  produite  à  Seshéké,  à  l'occasion 
de  la  mort  d'une  femme  de  Morantsyane.  Pauvres  gens!  où  est  leur  espérance? 

Hier ,  nous  avons  appris  que  les  chefs  de  Seshéké  sont  en  route  pour  revenir, 
mais  nous  ne  connaissons  pas  les  détails  '. 

Notre  poste  partira  par  le  wagon  de  M.  Westbeach,  et  je  me  vois  forcé  de  clore 
ici  mon  récit.  J'ai  simplement  voulu  vous  dire  un  mot  affectueux  et  vous  apprendre 
que,  grâce  à  Dieu,  nous  sommes  encore  sur  la  terre  des  vivants. 

D.  Jeàhiiairst. 

*  Voy.  la  carte,  III">«  année,  p.  64. 

'  D'après  une  lettre  de  M.  Coillard,  mise  obligeamment  à  notre  disposition,  le 
retour  des  chefs  prouve  que  la  tranquillité  a  été  rétablie,  relativement  du  moins. 


—  351  — 

BIBLIOGRAPHIE  ' 

Der  Kongo  und  sein  Gebdet.  Eine  geographîsche  Studie,  von  D'  A, 
Oppel.  Breinen,  1885,  iii-8°,  32  p.  —  L'importance  qu'a  prise  de  nos 
jours  le  bassin  du  Congo,  au  point  de  vue  scientifique  et  économique,  a 
engagé  l'auteur  à  en  faire  une  étude  sérieuse  dans  laquelle  il  examinera 
successivement  :  1*  la  découverte  et  l'exploration  du  Congo  et  de  son 
bassin  ;  2**  le  pays  et  sa  nature  ;  3"*  la  population  indigène  et  les  condi- 
tions sociales  dans  lesquelles  elle  se  trouve  ;  4**  la  position  des  Euro- 
péens au  Congo,  et  les  perspectives  qui  s'ouvrent  devant  eux.  Après 
avoir  rappelé  succinctement  ce  qui  a  été  fait  depuis  la  découverte  de 
l'embouchure  du  Congo  par  Diego  Cam,  il  y  a  400  ans,  il  montre  que 
ce  n'est  que  depuis  Livingstone  et  Stanley  que  commence  l'exploration 
méthodique  du  fleuve  et  de  ses  affluents,  et  détermine  la  part  qui  revient 
à  chacun  des  voyageurs  ou  des  missionnaires  à  l'œuvre  dans  ce  vaste 
champ  de  travail.  Puis  il  décrit  le  relief  de  ce  bassin,  sa  formation  géo- 
logique, et  ses  conditions  météorologiques.  Les  deux  dernières  parties 
de  l'étude  du  D'  Oppel  ne  nous  sont  pas  encore  parvenues,  vraisembla- 
blement parce  que  l'auteur  se  réserve  de  les  communiquer  à  la  Société 
de  géographie  de  Brème,  devant  laquelle  il  a  lu  les  deux  premières.  Nous 
en  parlerons  lorsqu'elles  auront  été  publiées. 

AflSAB  E  I  Danachiu,  viaggio  e  studh  di  O.-B.  Licata.  Milano  (Fra- 
telli  Trêves),  1885,  in-16,  335  p.,  fr.  3,50.  —  Dans  un  style  facile  et 
attrayant,  le  professeur  Licata  a  donné  le  récit  de  son  voyage  .jusqu'à 
Assab,  puis  une  étude  détaillée  sur  cette  colonie,  son  passé  et  son  ave- 
nir. Il  décrit  la  vie  à  Assab,  le  climat,  la  flore,  la  faune,  et  fait  un 
exposé  fort  intéressant  de  l'origine  des  Danakîls,  ainsi  que  de  leurs  us 
et  coutumes.  Sans  être  d'un  optimisme  exagéré,  les  conclusions  de  l'au- 
teur sont  cependant  favorables  à  la  colonie,  en  tant  que  centre  de  cabo- 
tage pour  les  mers  d'Orient,  plutôt  que  comme  factorerie.  Il  demande 
instamment  qu'on  la  soutienne  et  qu'on  ne  perde  pas  les  fruits  de  tout 
le  labeur  et  de  tous  les  sacrifices  accomplis  jusqu'ici. 

Afmka.  Der  dunkle  Erdtheil  im  Lichte  unserer  Zeit,  von  A.  von 
Schweiger-Lerchenfeld,  Mit  300  lUustrationen  hervorragender  Kûnst- 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genèye  et  à  B&le,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  352  — 

1er,  18  kolorierten  Karten.  Wien  (A.  HarUeben),  1885,  iii-8*,  30Liv.,  à 
fr.  0,80. — Bien  que  l'Afrique  ait  vu  se  développer,  dans  sa  partie  nord- 
orientale,  une  des  plus  anciennes  et  des  plus  brillantes  civilisations,  elle 
mérite  encore  d'être  appelée  le  continent  noir,  non  pas  à  cause  de  la 
couleur  des  hommes  qui  l'habitent,  mais  par  suite  du  mystère  qui 
recouvre  une  grande  partie  des  régions  de  l'intérieur.  En  outre,  com- 
bien l'Afrique  n'est-elle  pas  encore  ténébreuse  pour  une  forte  portion 
du  public  !  Il  n'est  pas  de  continent  sur  lequel  il  règne  des  idées  aussi 
étranges  et  aussi  absurdes.  On  peut  affirmer  que  la  somme  de  travail  et 
de  peines  auxquels  son  exploration  a  donné  lieu,  n'a  pas  eu  pour  consé- 
quence une  propagation  proportionnelle  des  connaissances  sur  le  conti- 
nent africain.  Cependant,  aucune  nouvelle  découverte  ne  passe  inaper- 
çue pour  les  géographes.  A  la  lumière  de  la  science,  l'Afrique  s'éclaire  : 
elle  prend  vie  sous  notre  regard  ;  les  contrées  peuplées  augmentent  de 
jour  en  jour  et  seront  bientôt  toutes  connues  dans  leurs  grands  traits. 

Depuis  quelques  années,  dans  la  plupart  des  langues  européennes,  la 
littérature  vulgarisatrice  s'est  emparée  des  sujets  concernant  le  conti- 
nent mystérieux,  et  a  répandu,  sous  une  forme  populaire,  les  données 
nouvelles  fournies  par  les  voyageurs.  Ainsi  que  les  catalogues  des  librai- 
res en  font  foi,  il  existe  déjà,  en  allemand,  un  riche  trésor  d'ouvrage.s 
sur  l'Afrique,  les  uns  purement  scientifiques,  d'autres  traitant  la  ques- 
tion commerciale,  enfin  un  grand  nombre  d'écrits  sous  la  forme  de  récits 
de  voyage.  Il  manquait  une  œuvre  qui,  par  l'utilisation  de  tous  les  docu- 
ments publiés,  soit  en  allemand,  soit  en  d'autres  langues,  et  par  le  clas- 
sement de  ces  matériaux,  épars  dans  une  foule  d'ouvrages,  permît  au 
lecteur  de  s'orienter  et  d'être  au  courant  du  mouvement  géographique 
africain.  Il  fallait,  en  un  mot,  une  sorte  de  résumé  général,  à  la  portée 
de  toutes  les  intelligences.  C'est  le  travail  qu'a  entrepris  M.  Schweiger- 
Lerchenfeld  et  qu'il  a  mené  à  bonne  tin.  On  connaît  par  les  nombreuses 
publications  de  cette  plume  en  même  temps  brillante  et  simple,  ces 
récits  enjoués,  riches  en  couleurs,  en  figures,  en  digressions  de  toute 
nature,  en  anecdotes  intéressantes  et  instructives.  Dans  cet  ouvrage,  où 
l'écrivain  a  su  mettre  à  profit  toutes  les  qualités  de  composition  et  de 
style,  nous  voyons  se  dérouler  une  sorte  de  tableau  toujours  nouveau 
011  chaque  pays,  chaque  race,  chaque  individualité  ethnographique 
occupe  une  place  correspondante  à  son  importance.  C'est  un  compen- 
dium  complet  dans  lequel  nous  sommes  sûrs  de  trouver  le  renseignement 
cherché,  chaque  fois  que  notre  mémoire  est  en  défaut. 

Un  court  historique  des  découvertes  sur  les  côtes  et  dans  l'intérieur 


—  353  — 

de  l'Afrique  jusqu'ea  1500,  sert  d'introduction  ;  puis  viennent  les  huit 
sections  dans  lesquelles  est  divisé  l'ouvrage  :  1.  Afrique  méridionale; 
2.  Afrique  équatoriale  (côte  orientale,  plateau  central  et  Guinée  méri- 
dionale) ;  3.  Soudan  ;  4.  Afrique  du  nord-est  (Abyssinie,  pays  des  Soma- 
lis,  Egypte  et  Nubie);  5.  Sahara;  6;  Afrique  septentrionale  (Tripolitaine, 
Tunisie,  Algérie,  Maroc);  7.  Iles  ;  8.  Généralités  africaines.  Cette  der- 
nière partie  se  rapporte  à  la  climatologie,  à  la  distribution  des  plantes 
et  des  animaux,  aux  mœurs  et  à  la  religion  des  populations,  etc.  Les 
trois  cents  illustrations,  judicieusement  choisies,  et  dont  plusieurs  repré- 
sentent des  voyageurs  célèbres  tels  que  Pogge,  Wissmann,  Schweinfurth, 
Rohlfs,  Soleiliet,  etc.,  montrent  avec  quel  soin  les  éditeurs  ont  préparé 
cet  ouvrage.  Une  cinquantaine  de  cartes  l'accompagnent,  dont  18  sur 
papier  fort  et  tirées  en  couleurs,  «peuvent  être  réunies  en  un  petit  atlas 
comprenant  entre  autres  des  cartes  des  pluies,  de  la  distribution  des 
plantes,  des  populations,  enfin  une  carte  commerciale  indiquant  les  pos- 
sessions des  diverses  puissances,  les  lignes  de  chemins  de  fer,  de  paque- 
bots, etc.  Une  notice  statistique  et  un  répertoire  alphabétique  terminent 
ce  bel  ouvrage  qui  ne  peut  manquer  d'être  accueilli  avec  faveur  par  le 
grand  public. 

The  Mozambique  and  Nyassa  slave  trade,  by  lient.  H.-E*  O'NeilL 
London  (British  and  Foreign  Antislavery  Society),  1885,  in-8°,  24  p.  — 
Après  avoir  rappelé  la  part  prise  à  la  traite  par  toutes  les  grandes 
nations  de  l'Europe,  et  exposé  en  détail  combien  l'Angleterre  contribua 
au  développement  de  cet  odieux  trafic,  l'auteur  passe  en  reyue  les  efforts 
qui  ont  été  faits  pour  le  supprimer  à  la  côte  orientale  d'Afrique,  l'éten- 
due actuelle  de  ce  commerce,  et  les  moyens  qui  lui  paraissent  les  meil- 
leurs pour  arriver  à  le  supprimer  complètement.  Tout  en  reconnaissant 
que  tous  les  moyens  doivent  être  mis  en  œuvre,  mesures  coercitives, 
blocus  des  côtes,  action  missionnaire,  suppression  des  marchés,  il  n'at- 
tribue pas  à  ces  moyens  une  grande  efiicace.  A  ses  yeux  on  arrivera 
beaucoup  plus  sûrement  à  faire  disparaître  ce  mal,  en  encourageant  un 
commerce  légitime  à  l'intérieur,  en  développant  les  ressources  du  pays 
par  une  émigration  bien  dirigée  vers  les  districts  du  plateau  et  de  la 
région  salubre  des  lacs.  Il  voudrait  voir  des  compagnies  commerciales 
s'établir  sur  les  rives  de  ces  derniers,  et  ceUe  qui  déjà  y  est  installée,  la 
Compagnie  des  lacs  africains,  étendre  ses  opérations.  Ce  commerce  hon- 
nête et  pacifique  rayonnant  dans  toutes  les  directions  ferait  plus,  à  son 
avis,  pour  l'extinction  de  la  traite,  que  tous  les  autres  moyens  ensemble. 


—  354  — 

EuEOPAs  KoiiOi^iEN,  !*•'  Baad.  West-Afrika  vom  Sénégal  zum  Kame- 
run.  Nach  den  neuesten  Quellen  geschildert,  von  ]>  Hermann  Bos- 
koschny.  Leipzig  (Grosner  et  Schramm),  1885,  inHt*",  2**  Aufl.,  15  Liv.,  à 
fr.  0,75.  —  Contrairement  à  ce  qui  se  passe  en  France,  la  politique  colo- 
niale est  maintenant  tellement  en  faveur  en  Allemagne,  où  elle  est  pré- 
conisée par  tous  les  partis,  que,  de  tous  côtés,  auteurs  et  éditeurs  font 
paraître  des  ouvrages  se  rapportant  soit 'aux  nouvelles  possessions  alle- 
mandes, soit  aux  pays  vers  lesquels  le  courant  d'émigration  peut  encore 
se  diriger  avec  quelque  chance  de  succès.  Sous  ce  titre,  les  Colonies 
européennes,  M.  Roskoschny  a  entrepris  la  description  des  contrées 
africaines  et  océaniennes  au  milieu  desquelles  TAllemagne  a  planté  son 
drapeau.  Il  le  fait  d'après  les  meilleures  sources,  c'est-à-dire  d'après  les 
récits  des  voyageurs  les  plus  récents  et  les  plus  dignes  de  foi.  Quant  à 
la  manière  générale  dont  le  livre  est  écrit,  elle  n'est  ni  trop  simple  ui 
trop  scientifique,  en  un  mot,  elle  est  à  la  portée  de  tout  le  monde.  On 
peut  donc  dire  de  cet  ouvrage  qu'il  fournit  des  renseignements  exacts  et 
se  laisse  lire  facilement.  C'est  le  vrai  livre  de  vulgarisation. 

L'œuvre  entière  comprendra  plusieurs  volumes  :  le  premier,  celui  que 
nous  avons  sous  les  yeux,  est  consacré  à  la  Sénégambie  et  à  la  Guinée 
septentrionale  ;  le  second,  au  bassin  du  Congo  et  aux  territoires  du 
Gabon,  de  Loango  et  d'Angola  ;  le  troisième  aux  archipels  océaniens 
«ncore  sans  maître,  vers  lesquels  se  porte  aujourd'hui  l'attention  ;  enfin 
les  autres,  en  nombre  encore  indéterminé,  s'occuperont  de  la  Colonie  du 
Cap,  de  la  côte  orientale  d'Afrique,  de  Madagascar,  etc. 

Il  s'agit  donc  d'une  publication  assez  considérable,  qui  embrassera 
une  vaste  portion  du  globe  et  les  livraisons  déjà  parues  nous  font  bien 
augurer  de  l'ensemble.  Elles  débutent  par  une  étude  historique  et  géo- 
logique de  la  côte  occidentale  et  des  mers  qui  la  baignent,  dans  laquelle 
les  travaux  tout  récents  du  Travailleur  et  du  Talisman  sont  cités  et 
■accompagnés  de  planches  graphiques,  de  profils,  dont  l'examen  facilite 
grandement'la  compréhension  du  texte.  Après  cette  introduction  vien- 
nent deux  sections,  dont  la  première  est  intitulée  Sénégambie,  et  la 
seconde,  Guinée  supérieure.  La  première  décrit  la  colonie  française  et 
met  à  contribution  les  voyages  de  Galliéni  et  de  Borgnis-Desbordes  au 
Niger,  et  la  seconde,  les  diverses  côtes  qui  se  succèdent  jusqu'à  la  baie 
de  Biafra,  y  compris  le  territoire  de  Cameroon  sur  lequel  l'auteur  a  su 
réunir  une  foule  de  renseignements  intéressants.  Ce  qui  soutient  l'inté- 
rêt du  lecteur,  malgré  les  fortes  dimensions  du  volume,  ce  sont  non  seu- 
lement les  digressions,  les  anecdotes  et  les  curieuses  peintures  de  mœurs, 


—  355  — 

mais  surtout  les  gravui-es,  le  plus  souvent  reproduites  d'après  des  ouyra- 
ges  originaux,  et  qui,  fort  bien  faites  et  distribuées  à  profusion,  don- 
nent mieux  que  toute  description  l'idée  vraie  du  pays  et  de  ses  habi- 
tants. L'ouvrage  ne  renferme  pas  moins  de  120  gravures  et  de  14  cartes 
ou  plans. 

TaGEBUCH-BrIEFE  EINE8  JITNGEN  DeUTSOHEN  ÂUS  AnGRÀ  PeQUENA,  VOU 

E.'  Walt.  Wegner.  Mit  Karten  und  4  Ulustrationen,  fr.  1 .  25.  —  Deutsch- 
LAND  IN  DER  SûDSEE,  VOU  J.'B.  Hermaun.  Mit  1  Karte  und  3  Ulus- 
trationen, fr.  1.  25.  —  AOKERBAU  UND  ViEHZUOHT  IN  SÛD  WeST-AfRIKA, 

von  C.'O.  Bi'ittrier.  Mit  1  Karte  und  Ulustrationen,  fr.  1.  25.  —  Kame- 
RUN,  Land,  Volk  und  Handel,  von  Karl  Hagen.  Mit  1  Karte  und 
4  Dlustrationen,  fr.  1.  25.  Leipzig  (Edwin  Schloemp),  1885,  in-8**. — 
Pour  faire  mieux  connaître  les  récentes  acquisitions  coloniales  alle- 
mandes, la  librairie  Schlœmp  a  entrepris  la  publication  d'une  série  de 
brochures  sur  toutes  les  questions  qui  s'y  rapportent.  Les  quatre  qui 
ont  déjà  paru  nous  transportent  sur  la  côte  occidentale  d'Afrique  et  en 
Océanie  ;  d'autres  suivront  prochainement  et  traiteront  de  l'Afrique 
orientale,  du  pays  du  Cap,  etc. 

Le  fascicule  N**  1  renferme  une  suite  de  lettres  signées  par  un  jeune 
Allemand,  M.  Emest-Walter  Wegner,  établi  depuis  trois  ans  dans  le 
Liideritzland.  N'étant  point  destinées  à  la  publicité,  elles  sont  écrites 
sans  prétention  et  se  font  lire  avec  plaisir.  Déjà  publiées  par  la  Dan- 
ziger  Zeiixmg,  elles  décrivent  sous  son  vrai  jour,  la  vie  du  colon  à 
Aiigra-Pequena,  et  donnent,  sur  la  topographie  des  lieux,  sur  les  indi- 
gènes, sur  l'œuvre  missionnaire,  des  détails  pleins  d'intérêt. 

Le  N**  2  est  consacré  aux  régions  de  la  Nouvelle-Guinée  et  de  la  Nou- 
velle-Bretagne, récemment  occupées  par  l'Allemagne.  Il  fait  l'historique 
de  la  prise  de  possession,  décrit  la  flore,  la  faune  et  la  race  indigène, 
enfin  s'occupe  de  l'avenir  de  la  colonie. 

L'agriculture  et  l'élève  du  bétail  dans  la  partie  sud-ouest  de  l'Afri- 
que, comprise  entre  le  cap  Frio  et  l'embouchure  de  l'Orange,  font 
l'objet  de  la  troisième  brochure,  due  à  la  plume  de  M.  Btlttner,  bien 
connu  par  sa  longue  exploration  de  ces  contrées  et  par  son  œuvre  mis- 
sionnaire dans  le  Damaraland.  Bien  que  ce  soit  leur  richesse  minérale 
qui  ait  été  la  cause  dominante  de  leur  occupation  par  l'Allemagne, 
l'auteur  montre  qu'il  y  a  aussi  là  une  source  de  profits  pour  l'agriculteur. 

Enfin  le  N°  4  est  une  monographie  du  Cameroon,  dans  laquelle  il  est 
surtout  question  du  sol,  des  indigènes  et  du  commerce  que  l'avenir 


—  356  —        ^ 

réserve  à  la  colonie.  M.  Cari  Heger  a  cherché  avant  tout  à  être  clairet 
vrai  ;  aussi  a-t-il  basé  sa  description  sur  les  documents  les  plus  récents 
et  fournis  par  des  ouvrages  dignes  de  foi.  Ce  sont  MM.  ZôUer,  Reiche- 
now,  le  savant  naturaliste,  Buchholz,  voyageur  qui  a  longtemps  résidé 
au  Cameroon,  et  Pauli,  médecin  de  marine,  qui  lui  ont  fourni  les  prin- 
cipaux éléments  de  son  exposé. 

Annales  sénégalaises  de  1854  a  1885,  suivies  des  traités  passés  avec 
les  indigènes.  Ouvrage  publié  avec  Tautorisation  du  ministre  de  la 
marine.  Paris  (Maisonneuve  frères  et  Ch.  Leclerc),  1885,  in-8**,  484  p. 
et  une  carte,  fr.  3,50.  —  Cet  ouvrage  est  spécialement  destiné  aux  hom- 
mes de  guerre,  car  la  partie  politique  et  commerciale  que  comporterait 
une  histoire  complète  de  la  colonie  française  a  été  laissée  de  côté.  Ce 
sont  des  annales  militaires,  dans  lesquelles  on  trouvera  le  récit  de  toutes 
les  expéditions,  et  même  des  coups  de  main  et  des  moindres  razzias,  dont 
le  Sénégal  a  été  le  théâtre,  pendant  trente  années  de  luttes  intermit- 
tentes. La  narration,  intéressante  en  elle-même,  est  encombrée  d'une 
foule  de  dates  et  de  détails  concernant  les  distances,  les  heures  de 
départ,  les  effectifs  et  la  composition  des  colonnes,  etc.,  détails  peut- 
être  fastidieux  pour  le  profane,  mais  qui  pourront  avoir  une  réelle  uti- 
lité pour  les  chefs  des  futures  campagnes. 

Ces  notices  historiques,  qui  ne  sont  que  le  résumé  des  rapports  offi- 
ciels des  gouverneurs  de  la  colonie  ou  des  chefe  d'expéditions,  permet- 
tent d'apprécier  les  progrès  rapides  de  la  domination  française  depuis 
1854,  époque  à  laquelle  la  France  payait  encore  une  sorte  de  tribut  ou 
de  loyer  pour  le  terrain  sur  lequel  est  bâtie  la  ville  de  S*-Louis,  tandis 
qu'en  1885  elle  possède,  vers  l'intérieur,  entre  S*-Louis  et  le  Niger,  et 
le  long  de  la  côte,  du  cap  Blanc  à  la  Mellacorée,  des  territoires  égaux  à 
l'Algérie  en  superficie  totale.  Maintenant  que  le  Niger  est  atteint,  il  ne 
s'agit  plus  que  de  consolider  ces  conquêtes  et  d'entrer  dans  une  période 
de  paix  féconde. 

En  tête  du  volume  se  trouve  une  liste  des  gouverneurs  du  Sénégal,  de 
1850  à  1885,  et  les  cent  dernières  pages  sont  consacrées  à  la  reproduc- 
tion des  traités  de  paix  passés  entre  la  France  et  les  divers  États  indi- 
gènes du  Sénégal.  Ce  recueil  de  pièces  officielles  sera  bien  vu  dans  la 
colonie,  car  elles  intéressent  aussi  bien  les  négociants  qui  sauront  quel 
degré  de  sécurité  présentent  leurs  opérations  commerciales  dans  telle 
ou  telle  région,  que  les  fonctionnaires,  puisque  ces  traités  règlent  leuis 
relations  avec  les  naturels. 


ÉCHANGES 

Soolétés  d«  géographie. 


Amsterdam.  Constantine.  Halle. 

Anvers.  Douai.  Hambourg. 

Berlin.  Edimbourg.  léna. 

Brome.  Francfort  «/M.  Le  Caire. 

Bruxelles.  Greifswald.  Leipzig. 


Lille. 

Lisbonne. 

Lyon. 

Aladrid. 

Manchester. 


Mai*seîlle. 

Montpellier. 

Manoy. 

New-York. 

Oran. 


Berlin. 


Sooiétés  de  géographie  oommeroiale. 

Bordeaux.         Paris.         Porto.         Saint-Gall. 

MissionB. 


Paris. 

Rochefort. 

Rome. 

Rouen. 

Vienne. 


Le  Havre. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  an  XIX™e  siècle 

(Neuchâtel). 
Journal  de  TUnité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions-Blatt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bâle). 

Evnngelisohes  Missions- Ma gazin  (Mie). 
Calwer  Missions-Blatt  (Galw). 
Allgemeine  Missions- Zeitschrift  (Gliters- 

loh). 
Glaubensbote  (Bâle). 
Africa  (Londres). 
Ija  Nigrizia  (Vérone). 

Divers. 

Gazf'tte  géographique  et  Exploration  (Pa- 
ris). 

Moniteur  des  (Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  (Comice  agricole  (Médéa).  . 

Bulletin  de  T Académie  d*Hippone  (Boue). 

Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 

Bev  u'  géographique  internationale  (Paris). 

Le  Mouvement  géographique  (Bruxelles). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  fUr  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schafl  in  Deutschland  (Berlin). 

Oosterreichische  Monatsschrift  fUr  den 
(h'ient  (Vienne). 

Zeit^hrift  fOr  wissenschaftliche  Geogra- 


(>hurch  missionary  Ihtelllgencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionary  (New-York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Clironicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Church  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

(Church  of  Scotland  home  and   foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  (church  (Edimbourg). 

Outrai  Africa  (Londres). 

Woman's    foreign    missionary    Society  ^ 
(Philadelphie). 


Deutsche  Kolonialzeilung  (Francfort  s/M) . 

Chamber  of  (Commerce  Journal  (Londres). 

African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Esploratore  (Milan). 

(Cosmos  (Turin). 

Bollettino  délia  Societa  africana  d'iL'Uia 
(Naples). 

Boll.  délia  sezione  Fiorenlina  (Florence). 

Marina  e  Commercio.  e  Giornale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Revista  de  Estudos  Livres  (Lisbonne). 

Revue  Coloniale  internat.  (Amsterdam). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


phie  (Vienne). 

AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 

Tour  du  monde  (Paris). 
Revue  de  géographie  (Paris). 
Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 
Indépendant  (('onstantino). 
Moniteur  de  TAlgérie  (Alger). 
Dr  A .  Petermann  s  Mittheilunc 


lungen  (Gotha) 


Procoedings   of  the  royal   geographical 
Society  and  monthly  Record  of  geogra 
phy  (Londres). 

Natal  Mercury  (Durban). 

Cape  Argus  ((ilape-Town). 

West  African  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


_  ^    t  - . 


SOMMAIIJK 

BlIMiETIN  MENSUEL 325 

Nouvelles  complémentaires 337 

Exploration  du  Kassaï  par  le  lieutenant  Wissmann 340 

Le  commerce  de  l'huile  en  Afrique 344 

Correspondance  :  • 

Lettre  de  M.  Jeanmairet,  du  Zambèze 341) 

Bibliographie  : 

Der  Kongo  und  gein  Gebiet,  von  I)»"  A.  Oppel 351 

Assab  e  i  Danachili,  viaggio  e  studii  di  6.-B.  Licata 351 

Afrika,  von  A.  von  ScLweiger-Lerchenfeld 351 

The  Mozambique  and  iN^yassa  slave  trade,  by  lient.  H.-E.  O'Neill . . .  353 

Ëuropas  Kolonien,  !*•'  Band,  von  D»"  Hermann  Roskoschny 354 

Tagebuch-Briefe  eines  jungen  Deutschen  ans  Angra-Pequena,  von 
E.  Walt.  Wegner.  — •  Ackerbau  und  Viehzucht  in  Sûd-West- 
Afrika,  von  C.-G.  Bûttner.  —  Kamerun,  Land,  Volk  und  Handel, 

von  Karl  Heger 355 

Annales  sénégalaises  de  1854  à  1885 356 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Tagebuch-Briefe  eines  jungen  Deutschen  ans  Angra-Pequena  (1882-1884),  von  E. 

Walt.  Wegner,  Angestellter  in  Lûderitzland.  Leipzig  (Edwin  Schlœmp),  1885^ 

in-8**,  64  p.  mit  Karten  und  4  Illustrationen,  fr.  1.  25. 
Deutschland  in  der  Sûdsee.  Kaiser- Wilhelmsland  und  Neubritannien,  von  J.-B. 

Hermann.  Leipzig  (Edwin  Schlœmp),  1885,  in-8*»,  58  p.  mit  1  Karte  und  3  Ulos- 

trationen,  fr.  1.  25. 
Afrika.  Der  dunkle  Erdtheil  im  Lichte  unserei*  Zeit,  von  A.  y.  Schweiger-Lercheu- 

feld.  Wien,  Pest,  Leipzig  (A.  Hartleben),  in-8",  Lief  25-30  mit  Ulustr. 
Geographische  Universal-Bibliothek.  Weimar  (Geographisches  Institut),  in-32; 

jede  Nummer  20  pf.  : 

N®  5.  Die  Goldkûste  und  ihre  Bewohncr,  von  D'  Anton  Reichenow,  40  p. 

N°*  11/13.  Deutschland  und  England  in  Sud- Afrika,  88  p.  et  carte. 

N'»"  14/16.  Sansibar  und  das  deutsche  Ost^ Afrika,  von  G.  Westphal,  \H  p. 


Genève.  ^  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


'V 


GENÈVE 

OEOKC;,     l.lBdAIRE-ÉDITEUK 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE    ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

dixiqA  par 
H.   Gastaye  MOTNIEB 

M4!iiibro  (le  la  Soeiéié  de  géographie  de  Genève,  de  Vlnstitat  do  Droit  {nternational  ; 
membre  correapondant  de  rAeadàmio  d*Illppone ,  et  dea  Sooiétéa  do  géographie  de  Iftaraeilk, 

de  Nancy,  de  Loanda  et  de  Porto. 

BÉDIQÉ  PAS 

M.  Chi^rles  PAUBE 

S(;rrAuire-BibUothéeairo  de  la  Société  de  géographie  de  Qenève ,  membre  correapondant  doa  Sociétés 
do  géographie  de  Liabonne,  de  Lofinda.  do  Porto,  de  Saint-Qall  et  de  Berne. 

*     - 

L'Afrique  paraît  le  premier  hindi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-S»  d*au 
moins  20  pages  chacune;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  l'abonnement  annuel,  payable  d^mvmnee^  est  de  10  francs, 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  TUnion  postale  (première  zone);  pour  les 
antres,  41  fr.  50.  ^     . 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  A  un  compte  renda* 

Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  à  SI.  Gustave  Moynler, 
8,  me  de  TAtliénée,  A  Genève  (Snlsse)* 


S'adresser  pour  les  abonnements  A  l'éditeur^  m.  H.  Georg*  à 
Genève  on  h  BAle. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse, 
r.hez  MM.  (^h.  Delagrave,  libraire.  15,  rue  Soufflot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  Cour,  45.  rue  do  la  Régenw\  «\  Bnixelles. 

DuMOLAKD  frères,  libraires.  Corso  Vittorio  Emmanuel e,  21.  a  Milan. 

F,-A.  lihocKHAUS,  libraire,  Querstr.,  29,  d  Leipzig. 

L.  FuiKDKKUîHSEN  pt  O^  libraires,  Admiralitatsslr,  3/4-  à  Hambourg 

Wilhelnt  Fbick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Anlriche). 

TRUHNBft  et  O,  libraires,  Ludgate  llill.  57/59.  îk  l^ndres  hl,  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


A  VIS«  —  Nous  wettam  à  la  disposition  de  ii/)s  nouveaux  abonnas,  au  prir  de 
13  fr.  ehaeun,  un  certain  nfimbre  d* exemplaires  complets  de  la  U^**',  de  la  IV^* 
et  de  In  F"*'  année.  1m  /*■•  et  la  IW'*  sont  épuisées. 


—  357  — 

BULLETIN  MENSUEL  (7  décembre  1885  0 . 

Nous  avons  annoncé,  dans  notre  dernier  numéro  (p.  325),  Pexpédition 
que  M.  le  lieutenant  Palat'se  proposait  de  faire,  de  Géry  ville,  à  travers 
le  Sahara,  jusqu'à  Timbouctou  et  au  Niger.  Le  début  de  aon  entreprise 
n'a  pas  été  heureux.  Après  avoir  eu  un  doigt  cassé  par  accident,  il  a  été 
pris  d'un  accès  de  fièvre  à  Salda,  et  des  indigènes  engagés  par  lui  ont 
déserté.  Il  a  dû  se  rendre  de  Saïda  à  Géryville  (voyez  la  carte,  III"*  an- 
née, p.  84),  pour  y  acheter  des  chameaux  et  louer  des  chameliers.  Il 
devait  partir  le  5  octobre  pour  Brezina,  et  se  diriger  ensuite  sur  Hassi- 
ben-Zeïd,  près  de  TOued-Seggueur.  Là  se  trouve  Si-Kaddour,  qui  devait 
faciliter  à  M.  Palat  la  première  partie  de  son  voyage.  Si-Hamza  a  con- 
senti à  accompagner  l'explorateur  jusqu'à  Aïn-Salah. 

Le  Journal  de  la  Chambre  du  cominerce  de  Londres  attire  l'attention 
sur  l'augmentation  constante  de  rimpoptatlon  des  bols  de  con- 
struction dans  les  ports  du  nord  de  l'Afrique,  de  la  mer  Rouge,  et 
spécialement  du  Caire  et  de  Port-Saïd.  Il  en  a  été  importé  l'année 
dernière,  au  Caire  seulement,  pour  deux  millions  de  francs  ;  l' Autriche- 
Hongrie  en  a  fourni  pour  1,400,000  francs  ;  le  reste  provenait  de  Suède, 
d'Allemagne,  de  France  et  d'Angleterre.  Quant  à  Port-Saïd,  il  en  a  reçu 
21,700  tonnes,  soit  une  quantité  beaucoup  plus  foité  qu'en  1883.  Le 
besoin  en  augmente  considérablement,  non  seulement  par  suite  de  la 
reconstruction  du  quartier  arabe,  détruit  en  grande  partie  par  un  incen- 
die, mais  aussi  par  le  fait  de  l'extension  que  la  ville  prend  chaque  jour. 
Les  pierres  sont  tirées  d'Alexandrie  et  de  Damiette,  mais  les  construc- 
tions sont  généralement  légères  et  réclament  beaucoup  de  bois.  lien 
faudra  également  beaucoup  pour  l'exécution  de  canaux  projetés. 

La  Société  de  géographie  de  Paris  a  reçu  des  nouvelles'de  M.  Aubry 
qui,  pendant  deux  ans  et  demi,  a  exploré  le  Clioa  et  une  partie  du 
pays  des  Gallas,  des  Danaltiis  et  des  Sonialls.  Il  a  déterminé 
le  cours  de  l'Haouasch  et  de  ses  affluents,  le  Mongueur,  le  Gonder  et  le 
Goudjab,  ainsi  que  les  altitudes  de  nombreuses  sommités  du  pays.  Il 
s'est  aussi  occupé  de  recherches  géologiques,  minéralogiques  et  paléon- 
tologiques.  Quoiqu'il  n'eût  pas  à  lutter  contre  la  maladie,  son  retour  à 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  BuUetins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

l'aFRIQUE.   —   SIXIÈME   ANNÉE.   —   TH^    12.  12 


—  358  — 

la  côte  n^a  pas  été  sans  périls  ;  il  a  dû  se  frayer  un  passage  à  coups  de 
fusil  à  travers  les  hordes  somalis,  et  a  réussi  à  sauver  la  plupart  de  ses 
collections  et  de  ses  notes. 

Les  entreprises  de  la  Société  africaine  allemande  à  la  côte  orientale 
d'Afrique  et  les  prix  élevés  payés  par  les  explorateurs  anglais  ont  fait 
monter  beaucoup  le  salaire  des  porteurs  à  Zanzibar.  L'expédition 
envoyée,  sous  la  direction  du  D'  Finchep,  pour  chercher  à  délivrer  les 
Européens,  Emin-bey,  D'  Junker  et  Casati,  bloqués  par  les  partisans 
du  Mahdi  dans  la  région  du  HautrNil,  risque  de  s'en  ressentir.  Le 
D'  Fischer  écrivait  le  1^  août  de  Pangani,  à  la  Société  de  géographie  de 
Hambourg  :  a  Je  suis  ici  depuis  quelques  jours.  Demain  je  me  mets  en 
route  avec  221  honunes.  Il  n'est  pas  possible  d'accomplir  un  voyage 
comme  le  mien,  avec  quelque  chance  de  succès,  sans  s'être  équipé  conmie 
je  l'ai  fait  ;  encore  le  D*  Kirk  prétend-il  que  mon  personnel  et  mes  pro- 
visions sont  loin  d'être  suffisants.  Mais  les  Anglais  peuvent  calculer 
autrement.  Mes  50,000  francs  sont  déjà  employés  :  20^000  en  marchan- 
dises, 5000  en  armes  et  munitions,  le  reste  en  partie  en  salaires  que  j'ai 
dû  payer  trois  mois  d'avance.  Mais  qu'aurais-je  pu  faire  avec  une  cara- 
vane petite  et  maigrement  équipée?  Les  princes  de  l'Ou-Ganda  et  de 
l'Ou-Nyoro  veulent  qu'on  leur  fasse  des  présents.  Les  étoffes  recherchées 
dans  l'Ou-Ganda  sont  les  plus  chères  du  marché  de  Zanzibar.  Si  j'ap- 
preuds  dans  l'Ou-Ganda  que  mon  projet  de  pénétrer  plus  avant  dans 
l'intérieur  est  irréalisable,  j'achèterai  de  l'ivoire  pour  recouvrer  la  plus 
grande  partie  de  l'argent.  D'après  les  dernières  nouvelles,  la  guerre 
doit  avoir  éclaté  entre  l'Ou-Nyoro  et  Lado.  Le  consul  Kirk  a  écrit  une 
lettre  au  souverain  de  l'Ou-Ganda,  pour  l'engager  à  envoyer  une  expé- 
dition à  Lado  aux  frais  du  gouvernement  anglais.  Je  vous  prie  de  faire 
votre  possible  pour  procurer  à  mon  expédition  de  nouvelles  ressources 
financières.  Je  suis  effrayé  quand  je  compte  combien  de  milliers  de  francs 
me  coûtera  le  seul  salaire  de  mon  personnel,  si  mon  entreprise  dure  une 
année.  Cependant  il  n'est  pas  possible  de  faire  autrement.  A  Zanzibar, 
les  Anglais  supputaient  les  frais  de  l'expédition  à  125,000  francs,  j'estime 
qu'ils  s'élèveront  certainement  à  100,000  francs.  Je  prends  une  nouvelle 
route  par  Kibaïa  et  Irangi  ;  elle  est  plus  courte  que  celle  qui  passe  par 
Tabora.  » 

La  mort  de  ^D^ambo  et  la  guerre  que  se  font  son  successeur,  Mpanda 
Tshalo,  et  le  chef  Kapéra,  ont  obligé  les  missionnaipe»  romains  à 
se  retirer  du  poste  de  Bou-Kouué  à  la  station  de  ifipalapala»  dans 
le  Bou-Koumbi.  Les  pluies  de  la  masika  ayant  été  particulièrement 


—  369  — 

abondantes  cette  année,  leur  marche  a  été  rendue  très  difficile,  même 
périlleuse.  Au  milieu  de  mars,  les  herbes  ont  atteint  leur  plus  grande 
hauteur;  imbibées  d'eau  comme  des  éponges  pleines,  elles  gênaient  tous 
leurs  mouvements  et  paralysaient  leurs  efforts.  Tantôt  elles  formaient 
comme  une  voftte  épaisse  et  basse,  d'où  Teau  coulait  en  abondance  ; 
tantôt  elles  opposaient  une  barrière  infranchissable,  mille  tiges  flexibles 
s'entrelaçant  aux  jambes  des  voyageurs,  qui,  à  chaque  pas,  s'y  embarras- 
saient davantage.  Ou  bien  ils  devaient  cheminer  sur  un  sol  à  demi  liquéfié 
qui  semblait  fondre  sous  leurs  pieds,  et  dans  lequel  ils  enfonçaient  à 
chaque  pas.  Pendant  des  heures  entières  ils  dui-ent  avancer  péniblement 
dans  une  eau  boueuse  qui  leur  montait  jusqu'à  la  ceinture,  ayant  peine 
à  reconnaître  leur  chemin  et  glissant  à  chaque  instant  dans  ce  marécage. 
L'Ou-Nyanyembé  était  transformé  en  lac.  Un  moment,  l'âne  qu'ils 
emmenaient  avec  eux  faillit  disparaître  dans  la  vase.  Au  reste,  cette 
partie  du  pays  est  tristement  célèbre  dans  les  souvenirs  des  Ou-Nyam- 
ôuézi,  car,  dans  les  grandes  masikas,  il  n'est  pas  rare  que  des  hommes 
disparaissent  tout  vivants  dans  ces  fondrières.  Les  huttes  des  Ou-Nyam- 
ouézi  sont  également  exposées  à  être  ruinées  par  ces  pluies  abondantes. 
Petites,  rondes  et  bien  couvertes  en  paille,  elles  ne  prennent  pas  l'eau  par 
la  toiture  ;  mais  comme  elles  sont  d'ordinaire  en  contre-bas  ou  au-des- 
sous du  niveau  du  sol  extérieur,  elles  se  remplissent  d'eau  comme  de 
vrais  réservoirs.  Chaque  matin,  entre  neuf  et  onze  heures,  les  nègres, 
leur  pioche  à  la  main,  se  mettent  à  creuser  des  fossés  au-dessous  de  leurs 
cases  pour  faire  écouler  l'eau  qui  les  inonde.  Pendant  que  les  hommes 
s'évertuent  à  drainer  le  sol,  les  femmes  tentent  d'allumer  dehors  un  peu 
de  feu  pour  préparer  le  repas  ;  mais  il  est  impossible  d'écraser  le  grain 
pour  avoir  de  la  farine  ;  les  nègres  sont  alors  obligés  de  se  contenter  de 
quelques  épis  de  maïs,  à  peine  noircis  par  la  fumée  et  la  maigre  flamme 
que  donne  un  bois  saturé  d'eau.  Malgré  leur  légèreté,  un  grand  nombre 
de  huttes  sont  tombées  cette  année,  les  piquets  qui  les  soutenaient 
s'étant  enfoncés  dans  la  terre.  En  revanche,  la  pluie  promettait  aux 
indigènes  une  abondante  récolte  de  patates,  de  bananes,  de  manioc  et 
de  sorgho.  Grâce  au  travail  des  missionnaires  et  de  leurs  élèves,  la  forêt 
de  Kipalapala  s'est  beaucoup  éclaircie  et  peu  à  peu  a  fait  place  à  de 
belles  et  réjouissantes  cultures. 

Un  télégramme  de  Zanzibar  a  annoncé  le  retour  à  la  côte  de 
M.  Stopms  qui,  après  MM.  Cambier,  Ramaeckers  et  Becker,  dirigeait 
depuis  trois  ans  les  stations  de  l'Association  internationale  africaine  sur 
les  rives  du  Tanganyika.  C'est  lui  qui  a  fondé  celle  de  Mpala,  sur  la 


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côte  occidentale  du  lac.  Grâce  à  son  tact  et  à  son  énergie,  il  parvint  h 
gagner  la  confiance  des  indigènes,  qui  lui  promirent  leur  concours  pour 
le  cas  oii  la  station  serait  menacée.  C'est  lui  aussi  qui  a  réussi  à  remon- 
ter le  bateau  à  vapeuv  le  Cambier^  le  premier  steamer  qu'aient  vu  les 
eaux  du  Tanganyika.  Après  la  conférence  de  Berlin,  il  reçut  Tordre  de 
remettre  les  stations  de  Karéma  et  de  Mpala  à  la  garde  des  missionnai- 
res algériens,  mais,  avant  d'avoir  pu  opérer  cette  remise,  la  station  de 
Mpala  fut  attaquée  par  quelques  tribus  turbulentes  des  environs,  et  les 
bâtiments  de  la  station  furent  brûlés.  Avec  Taide  des  Indigènes,  il  se 
mit  à  les  reconstruire  et  aura  vraisemblablement  tout  remis  dans  un 
état  convenable  avant  de  reprendre  le  chemin  de  la  côte.  Il  ne  tardera 
pas  à  revenir  à  Bruxelles,  d'oii  nous  apprendrons  dans  quelle  situation 
se  trouvaient  les  stations  à  son  dépai*t  du  Tanganyika. 

M.  Ch.  Allen,  évèque  de  la  mission  des  Universités,  fait  actuelle- 
ment un  voyage,  de  Zanzibar  au  lac  Nyasaa  par  le  Chipé,  pour  choisir^ 
sur  la  côte  orientale  du  lac,  un  emplacement  convenable  à  rétablisse- 
ment d-une  station.  Il  écrivait  le  7  août  de  Mandela,  où  il  goûtait 
l'hospitalité  du  directeur  de  l'African  Lake's  Company,  qu'il  espérait 
que  le  vapeur,  le  Charles  Jansorij  serait  prêt  à  être  lancé  un  mois  pte 
tard.  Quant  au  choix  de  l'endroit  favorable  pour  une  station,  il  écartait 
Chitesî,  oii  M.  Johnson  avait  séjourné  quelque  temps,  ce  lieu  lui  parais- 
sant trop  exposé  aux  incursions  des  Magwangwaras  ;  les  emplacements 
à  la  côte  même  ne  lui  semblaient  pas  assez  salubres  pour  des  Européens. 
Il  inclinait  pour  l'île  de  Dicomo,  à  6  kilom.  de  la  côte,  dans  le  voisinage 
de  Chitesi.  Les  renseignements  qu'il  avait  reçus  lui  attribuent  un  climat 
salubre  et  un  bon  mouillage.  Il  se  proposait  de  l'explorer  ;  puis,  s'il  la 
trouvait  convenable,  de  négocier  avec  Chitesi  et  d'y  établir  une  école. 
De  là,  avec  le  temps,  des  annexes  pourraient  être  fondées  sur  la  terre 
ferme  ;  le  vapeur  servirait  à  transporter  les  missionnaires  aux  différentes 
villes  de  la  côte  et  à  communiquer  avec  Bandaoué,  station  de  l'Église 
libre  d'Ecosse,  sur  la  côte  occidentale  du  lac.  On  espère  aussi  que  le 
nouveau  steamer  pourra  contribuer  à  diminuer  le  trafic  d'esclaves  qui 
se  fait  encore  sur  une  très  grande  échelle  entre  les  deux  rives  du  lac 
Nyassa.  M.  Allen  comptait  revenir  à  Zanzibar  par  terre,  en  visitant  les 
stations  de  la  Société  qui  sont  dans  la  vallée  de  la  Rovouma. 

L'état  de  guerre  qui  a  longtemps  régné  dans  le  district  du  Chiré,  où 
se  trouve  la  station  de  Blantyre,  de  l'Église  étaT}lie  d'Ecosse,  a  cessé. 
Il  est  vrai  que  les  Angones  ont  menacé  de  redescendre  de  leur  plateau 
contre  les  Ajawa  ;  mais  les  gens  de  Matopé  et  de  Pimbé  ayant  refusé  do- 


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donner  des  canots  pour  passer  le  Chiré,  ils  sont  restés  chez  eux.  La 
mort  du  chef  Kapené  n'a  point  été  accompagnée  dés  coutumes  cruelles 
pratiquées  autrefois  dans  un  cas  analogue.  En  apprenant  son  décès,  les 
missionnûres  de  Blantyre  se  hâtèrent  de  faire  demander  à  son  succès- 
jseur  ce  qu'il  comptait  faire  de  Matopé,  qui  avait  toujours  été  un  bon 
ami  du  défunt  et  un  de  ses  principaux  conseillers.  Le  nouveau  chef 
répondit  qu'aucun  honmie  ne  serait  mis  à  mort,  a  Quelques  personnes,» 
■^jouta-t-il,  a  désiraient  vivement  suivre  la  vieille  coutume  ;  mais  la 
majorité  a  déclaré  qu'autrefois  elle  avait  foi  à  cette  coutume  et  qu'elle 
la  pratiquait,  mais  que,  vivant  depuis  plusieurs  années  en  contact  avec 
les  blancs,  elle  avait  appris  d'eux  qu'il  n'était  pas  bien  de  faire  mourir 
des  gens  en  pareille  occasion.  »  U  fit  informer  les  missionnaires  du  jour 
<le  l'ensevelissement  de  Kapené  ;  deux  d'entre  eux  s'y  rendirent  et  furent 
témoins  de  la  sépulture  honorable  accordée  au  vieux  chef;  il  n'y  eut 
aucune  goutte  de  sang  versé. 

M.  A.*  Bain,  attaché,  à  la  station  de  Cherenji  —  de  la  mission  de 
l'Église  libre  d'Ecosse, — sur  la  route  du  Nyassa  au  Tanganyika,  a  fait, 
à  Chiwinda,  une  excursion  dont  il  a  transmis  les  détails  dans  une  lettre 
publiée  par  le  ScoUiàh  geographical  Magazine,  d'où  nous  extrayons  ce 
qui  suit  :  «  J'avais  le  bonheur  d'avoir  avec  moi  M.  J.-A.  Smith,  de  Ban- 
daoué.  Le  pays  le  plus  attrayant  que  nous  ayons  traversé  se  trouve  au 
nord-est  de  Chiwinda.  Le  chef  de  ce  nom  est  un  pauvre  homme  qui 
passe  ses  jours  dans  la  terreur  des  Ânemba  qui,  dit-il,  ont  pillé  et  détruit 
^es  jardins.  Le  village  est  bien  défendu  par  une  double  palissade  percée 
d'ouvertures  en  plusieurs  endroits.  La  rivière  Songwi,  qui  ailleurs  est 
grande  et  belle,  est  ici  paresseuse  et  boueuse  ;  elle  entoure  le  village  de 
deux  côtés.  A  une  dizaine  de  kilomètres  de  là  est  le  village  du  chef 
Muiereka,  vassal  de  Nyondo.  Nous  y  trouvâmes  les  gens  les  plus  heu- 
reux que  nous  ayons  rencontrés  jusqu'ici.  Le  pays  d'Ou-Pigou,  entre 
Awanda  et  Chiwinda,  sous  la  domination  de  Mouini-Pigou,  est  extrême- 
ment beau  ;  la  Songwi  arràse  cette  longue  vallée  qui  fourmille  de  bes- 
tiaux et  dont  les  récoltes  promettent  une  grande  abondance.  Le  souve- 
rain fut  plus  libéral  dans  ses  présents  que  nous  dans  les  nôtres.  La  sta- 
tion de  Cherenji  se  trouvant  dans  le  territoire  de  Mouini-Pangala,  les 
missionnaires  lui  firent  visite,  mais  pour  arriver  à  sa  résidence  ils  durent 
traverser  des  terrains  très  spongieux,  avec  de  l'eau  au-dessus  de  la  che- 
ville ;  ils  durent  passer  la  nuit  en  dehors  du  village  du  chef  Makombé, 
dépendant  de  Mouini-Pangala.  Ce  village,  de  60  à.  70  huttes,  est  agi*éa- 
blement  situé  sur  la  Kaso\vi,  qui  se  verse  dans  l'Aroangwa,  affluent  du 


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^Zambèze,  d'une  protondêor  considérable.  Près  de  la  maison  du  chef 
s'élevait  un  grand  cactus,  au  pied  duquel  se  trouyait  un  tas  de  squelet- 
tes de  buffles  et  d'antilopes,  offrande  faite  à  Tesprit  protecteur  du  vil- 
lage, auquel  était  dû  le  succès.  Plus  loin  se  rencontre  le  village  de  Pan- 
gala,  sur  TAroangwa  qui,  ainsi  que  la  Songwi,  coule  vers  le  sud-ouest. 
Les  deux  rivières  se  rencontrent  à  qudques  centaines  de  mètres  du  vil- 
lage, dont  elles  protègent  deux  des  côtés  et  auquel  eUes  font  une  position 
stratégique  importante.  Pangala  ne  compte  pas  moins  de  deux  cents 
habitations,  peut-être  davantage,  gans  compter  les  greniers  qui  ea 
dépendent.  Le  chef  se  trouvait  dans  une  partie  élevée  du  village,  assis 
près  d'une  maison  avec  une  petite  dépendance  dans  laquelle  ses  femmes 
et  ses  enfants  étaient  séparés  du  commun  peuple.  D  fit  bon  accueil  aux 
voyageurs  et  leur  apprit  que  lui  et  les  Wa-Wanda  étaient  arrivés  dans 
le  pays  aune  date  relativement  récente.  Ils  venaient  de  TOu-Mouwoun- 
gou,  dans  le  voisinage  de  TOu-Fipa,  au  nord-oUest  du  lac  Hikoua.  Leur 
établissement  dans  le  pays  remonte  probablement  à  une  trentaine  d'an- 
nées.» Pour  revenir  à  la  station  de  Chire^ji,  les  missionnaires  longèrent 
le  pied  des  monts  Watenga,  jusqu'au  village  de  Mpembé,^  qui  a  pour 
chef  Mouini-Wisi.  Puis  ils  gravirent  les  monts  Mfangou  et  Kapyoro  qui 
s'élèvent  de  la  plaine  d'une  façon  assez  abrupte.  Le  brouillard  s'éten- 
dait à  l'ouest  et  au  nord,  mais  à  l'est  et  au  sud,  les  hauteurs  du  pays 
des  Angones  et  les  monts  Livingstone,  ainsi  que  le  lac  au  loin,  étaient 
très  visibles.  Les  montagnes  ont  une  hauteur  d'à  peu  près  2000  mètres 
au-dessus  de  la  mer.  Après  cela  le  terrain  est  relativement  plat,  traversé 
par  quelques  cours  d'eau  tributaires  de  l'Aroangwa.  Dans  certains 
endroits  montueux  se  trouvaient  des  forêts  où  les  voyageurs  virent  des 
arbres,  de  proportions  énormes,  couverts,  du  pied  jusqu'au  sommet,  de 
mousses  et  de  lianes.  Les  habitants  de  cette  partie  du  pays  ressemblent 
pour  leurs  habitudes  et  leur  langage  aux  Wa-Eondé. 

M.  Laurence  Goodrich,  faisant  les  fonctions  de  consul  anglais 
pour  le  district  du  lac  Nyassa,  a  envoyé  au  Foreign  Office  un  rapport  sur 
un  voyage  qu'il  a  fait  récemment  à  l'ouest  du  lac,  dans  le  territoire  du 
chef  Monazi.  Pendant  son  séjour  à  Kasounn^Oy  résidence  de  ce 
chef,  celui-ci  mourut  et  fut  remplacé  par  son  neveu  Katamé.  Le  but 
principal  de  M.  Goodrich  était  d'engager  les  chefis  indigènes  à  renoncei* 
à  encourager  la  traite.  Le  pays  qu'il  parcourut  entre  Bandaoué  et 
Kasoungo,  à  200  kilom.  S.-S.-O.,  était  entièrement  inhabité,  quoiqu^U 
abonde  en  gibier  de  toutes  sortes.  La  ville  est  située  au  centre  d'une 
vaste  plaine  sans  arbres,  à  700*°  au-dessus  du  lac  Nyassa,  c'est-à-dire  à 


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1200"  au-dessus  de  la  mer  ;  les  maisons  sont  construites  autour  d'une 
montagne  de  forme  conique,  qui  s^élève  à  200"  au-dessus  du  niveau  de 
la  plaine.  Les  chefis  se  sont  montrés  désireux  de  voir  les  commerçants 
anglais  s'établir  dans  le  pays  ;  ils  ont  beaucoup  d'ivoire  ;  Eatamé  offrit 
à  M.  Goodrich  de  lui  vendre  une  centaine  de  défenses.  Le  sol  est  bon, 
propre  à  la  culture  du  froment  ;  le  bétail  y  prospère  ;  la  tsétsé  ne  s'y 
rencontre  pas.  L'altitude  de  la  plaine  au-dessus  de  l'océan  lui  procure 
un  climat  qui  conviendrait  aux  Européens  ;  les  indigènes  paraissent 
simples  et  pacifiques. 

Un  correspondant  du  Natal  Mercury  lui  écrit  de  Gorongoza,  au 
sud  du  Zambèze,  que  dans  le  trajet  de  Quilimane  à  Mopéa,  et  contrai- 
rement au  bruit  répandu  de  l'insalubrité  de  cette  région,  il  a  toujours  joui 
d'une  excellente  santé.  De  Mopéa  le  voyage  est  fatigant  jusqu'à  Senna, 
qui  n'est  qu'un  village  avec  quinze  maisons  de  briqueé  et  une  nombreuse 
population  cafre.  Â  une  journée  au  delà  se  trouve  Chemba,  le  premier 
grand  village  du  territoire  placé  sous  l'autorité  du  colonel  Antonio  de 
Souza,  territoire  aussi  vaste  que  celui  de  la  colonie  de  Natal  et  du  Zou- 
louland  réunis.  Il  le  gouverne  à  Taide  de  nombreux  chefs  ou  capitaines 
qui  obéissent  à  ses  moindres  désirs.  De  Chemba  il  fut  conduit  à  Goron- 
goza  par  le  capitaine  Païva  d'Andrada,  représentant  de  la  compagnie 
d'Ophir  et  l'initiateur  des  grands  progrès  accomplis  dans  cette  partie 
des  possessions  portugaises.  Gorongoza  est  dans  une  belle  situation  et 
très  salubre,  au  pied  d'une  haute  montagne  et  à  quelques  mètres  d'une 
rivière  qui  peut  fournir  les  moyens  d'une  abondante  irrigation.  Pour  le 
moment,  il  n'y  a  guère  qu'un  jardin  potager,  qui  suffit  amplement  à 
l'alimentation  des  habitants.  La  maison  du  gouvernement  est  en  com- 
munication par  téléphone  avec  le  bureau  de  la  poste  ;  il  y  a  de  plus  une 
vingtaine  de  maisons,  une  caserne,  quelques  soldats  européens,  un 
médecin  du  gouvernements  Tout  le  long  de  la  route  de  Quilimane  à 
Gorongoza,  le  correspondant  a  vu  de  l'or  apporté  de  Maui'ca  par  les 
indigènes. 

Le  voyage  projeté  par  les  missionnaires  suisses  des  Spelonken» 
pour  étudier  le  pays  qui  s'étend  entre  le  nord  du  Transvaal  et  la  baie 
de  I^elaf^oa,  et  visiter  l'évangéliste  Josepha,  placé  près  de  la  résidence 
du  chef  Magoud,  s'est  heureusement  effectué.  MM.  Henri  Berthoud  et 
Eugène  Thomas,  sont  partis,  le  28  mai,  des  Spelonkeu,  avec  huit  chrétiens 
ma-gouamba,  un  chariot  attelé  de  huit  bœufs  pour  transporter  les  pro- 
visions et  les  bagages,  et  des  ânes  bâtés  ou  sellés,  pour  le  cas  oii  les 
bœufs  auraient  succombe  aux  piqûres  de  la  tsétsé.  H  allaient  au-devant 


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de  rinconnu,  car^  sur  un  parcours  de  plus  de  500  kilomètres,  ils  avaient 
à.  se  frayer  Un  chemin  à  travers  des  contrées  en  partie  dés^tes.  Dès  le 
premier  jour  de  marche,  ils  n'eurent  devant  eux  que  des  traces  h  peine 
visibles  de  wagons  de  chasseiùs  boers,  allant  du  côté  de  Test,  jusqu'à 
Mpalaora,  à  deux  journées  et  demie  de  rOlifantrRiver.  Arrivés  le  5  juin 
au  bord  de  la  grande  Tabi,  ils  durent  attacher  un  arbre  derrière  le 
chariot  pour  le  retenir  à  la  descente  de  la  berge  qui  est  très  rapide; 
puis  ils  perdirent  leur  chemin  pendant  trois  jours  en  suivant  des  traces 
de  chasseurs  ;  le  11  juin  ils  passaient  h  Mpalaora  chez  un  petit  chef  ba- 
souto  ;  mais  à  partir  de  là,  plus  de  traces  de  wagon,  ils  durent  s'ouvrir 
une  route  à  travers  les  buissons  et  les  arbres  et  chercher  des  gués  pour 
traverser  les  rivières.  Le  16  juin  ils  franchissaient  TOlifant-River,  puis 
se  dirigeaient  au  sud-est,  à  travers  de  nombreux  villages  de  Ma-Gk)uamba, 
parlant  exactement  la  môme  langue  que  ceux  des  Spelonken,  et  arri- 
vaient le  29  juin  au  village  de  Magoud,  oii  ils  apprenaient  que  ce  chef 
était  mort  au  commencement  du  même  mois.  Le  secret  devait  en  être 
gardé  jusqu'à  ce  qu'un  remplaçant  eût  été  désigné.  MM.  Berthoud  et 
Thomas  se  sont  ensuite  rendus  par  terre  à  Lorenzo-Marquez.  Le  passage 
du  Kkomati  s'effectua  sans  difficulté,  mais  une  zone  de  buissons  d'une 
quarantaine  de  kilomètres  de  large  les  arrêta  pendant  une  dizaine  de 
jours.  Quinze  hommes  furent  occupés  à  les  tailler  pendant  une  semaine 
entière.  A  Lorenzo-Marquez  ils  reçurent  une  hospitalité  très  cordiale 
dans  la  maison  suisse  de  MM.  Widmer  et  C^®,  du  canton  de  Saint-OalL 
Puis  ils  reprirent  le  chemin  des  Spelonken  ;  mais  désirant  compléter 
leur  étude  dû  meilleur  itinéraire  entre  la  côte  et  les  stations  de  la  mis- 
sion  romande,  ils  se  séparèrent.  M.  Berthoud  choisit  une  route  plus 
directe  et  un  peu  plus  au  sud  que  celle  par  laquelle  ils  étaient  descendus 
du  haut  plateau,  et  M.  Thomas  prit  celle  de  Lydenbourg,  pour  gagner 
ensuite  les  Spelonken  par  le  pays  de  Secoçoeni  et  Marabastadt.  Une 
lettre  du  27  août  a  annoncé  leur  heureuse  arrivée  à  Elim  et  àValdézia; 
les  détails  sur  la  contrée  qu'ils  ont  parcourue  viendront  plus  tard. 
M.  H.  Berthoud  espère  qu'il  lui  sera  possible  de  dresser  une  carte 
complète  de  tout  le  pays  compris  entre  le  Transvaal,  le  Limpopo  et  la 
baie  de  Delagoa. 

M.  Farini,  Anglais  d'origine,  a  fait  cette  année,  à  travers  le  désert 
de  Kalahapi,  un  voyage  dont  il  a  rendu  compte  dans  la  dernière 
séance  de  la  Société  de  géographie  de  Berlin.  Parti  de  Kimberley ,  il  s'est 
dirigé,  à  travers  le  pays  des  Koranna,  vers  le  lac  Ngami,  et  à  3**  plus 
au  nord,  jusqu'au  18*"  lat.  S.,  et  a  pris,  pour  revenir,  une  direction  plus 


—  366  — 

à  Touest.  Presque  partout  le  sol  était  formé  d'un  grès  rouge  mêlé  de 
formations  calcaires;  il  l'a  trouvé  souvent  couvert  d'une  herbe  très 
haute  fournissant  un  très  bon  fourrage  pour  les  bœufe.  Il  a  aussi  ren- 
contré de  l'eau  beaucoup  plus  fréquemment  qu'il  ne  l'aurait  cru, 
d'après  l'opinion  répandue  jusqu'ici.  Le  long  de  la  rivière  Oschombindé 
croissent  d'épaisses  forêts  d'une  riche  végétation,  où  le  gibier  ne  man- 
que pas;  le  bouquetin  s'y  rencontre  auprès  de  l'éléphant.  Parmi  les  pro- 
duits du  règne  végétal,  il  mentionne  spécialement  les  melons  d'eau.  Les 
habitants  des  localités  qu'il  a  traversées  lui  ont  paru  beaux  et  vigou- 
reux, sans  rien  qui  rappelle  les  Bushmen  ;  ceux-ci  ont  été  rencontrés 
par  lui  au  N.-O.  du  lac  Ngami.  En  somme  il  a  trouvé  que  le  plateau  du 
Kalahari,  à  lûOO"  d'altitude,  vaut  mieux,  sous  le  rapport  de  sa  végéta- 
tion, que  la  réputation  qu'on  lui  a  faite.  Le  climat  en  est  salubre,  pas 
trop  chaud,  en  sorte  que  certains  endroits  pourraient  convenir  à  des 
colons  laborieux. 

Le  D'  Wolir  qui  était  parti  de  San-Salvador  le  27  février  pour  le 
pays  de  Damba,  afin  d'y  recruter  des  porteurs,  n'ayant  pas  réussi  dans 
son  projet,  s'est  dirigé,  avec  cinq  Loangos,  vers  'le  Quan^o,  qu'il 
a  atteint  près  du  confluent  du  Cuilou  ;  le  16  avril,  il  arriva  à  la  résidence 
de  Quiamvou;  mais  là  non  plus  il  ne  put  engager  aucun  porteur,  en  sorte 
qu'il  dut  reprendre  une  route  plus  méridionale,  la  route  de  conunerce 
qui  traverse  les  pays  de  Pombo,  Poumbo,  Zosso  et  Damba.  La  carte 
provisoire  dressée  sur  ses  levés  rectifie  la  topographie  de  cette  région, 
telle  qu'elle  a  été  fournie  par  Capello  et  Ivens  dans  leur  premier 
voyage  ;  les  derniers  restes  du  lac  Aquilonda,  que  les  explorateurs  por- 
tugais avaient  relégué  sous  le  6'',30  lat.  S.  et  lô'',SO  long.  £.,  disparais- 
sent entièrement.  Le  D' Wolff,  se  basant  sur  le  temps  pendant  lequel  il 
a  marché,  incline  à  reculer  le  Quango  de  100  kilom.  plus  à  l'est.  La 
publication  des  déterminations  de  positions  du  major  von  Mechow,  dont 
on  n'a  publié  jusqu'ici  que  celle  de  Malangé,  dissiperait  les  doutes  à  cet 
égard. 

Le  D'  Bûitner  s'est  avancé,  avec  80  porteurs  de  la  côte  de  Loango, 
de  San  Salvador  à  Kioulou  et  aux  cataractes  Arthington,  sur  la  rivière 
Ambriz,  puis  de  là  il  a  atteint  le  Quango,  près  des  chutes  de  Kama- 
lombo,  au  point  où  le  major  von  Mechow  avait  dû  abandonner  l'explora- 
tion de  la  rivière.  Il  a  ensuite  longé  le  Quango  jusqu'à  Kwamouth, 
complétant  ainsi  la  reconnaissance  de  cet  important  affluent  du  Kassal. 
Les  lieutenants  Kund  et  Tappenbeck  qui  se  proposaient  de  pénétrer 
jusqu'à  Quiamvou  en  remontant  le  Quango,  voyant  qu'ils  n'avaient  pas 


—  S66  — 

la  possibilité  de  réaliser  leur  projet  à  partir  du  Congo,  ont  commencé  à 
construire  une  statioq  à  Stanley-Pool. 

Les  Annalee  de  la  propagation  de  la  foi  ont  publié  une  lettre  du 
P.  Aiigpouard^  sur  son  nouveau  voyante  de  Landana  au  Congo 

moyMi»  et  sur  la  fondation  de  la  station  de  Llntsolo,  en  amont  de 
Stanley-PooL  Les  détails  de  son  récit  sont  bien  propres  à  montrer 
quel  développ^n^t  le  passage  des  caravanes  pour  le  haut  fleuve  a  déjà 
donné  au  commerce  des  riverains  du  Congo,  et  combien  les  relations 
entre  les  indigènes  et  les  blancs  se  sont  améliorées.  A  propos  du  voyage 
d'Isanghila  à  Manyanga,  le  P.  Âugouard  écrit  :  a  Quelle  différence  avec 
le  voyage  précédent!  Aujourd'hui  nous  sommes  connus  partout,  les 
chefs  viennent  à  notre  rencontre,  et  les  populations,  au  lieu  de  fuir  ou 
d'entrer  en  hostilité,  nous  apportent  des  vivres  en  grande  quantité.  Vu 
la  nombreuse  caravane  que  je  conduis  (160  hommes),  je  ne  peux  donner 
à  chaque  homme  les  vivres  qui  lui  sont  nécessaires.  Je  leur  distribue 
donc  une  certaine  quantité  d'étoffes,  avec  lesquelles  ils  achètent  les 
provisions  du  jour.  Chaque  soir,  le  camp  se  transforme  ainsi  en  un  vaste 
marché,  où  se  mêlent  les  poules,  les  chèvres,  les  porcs  et  les  chiens. 
Pour  deux  jours  je  donne  à  chaque  homme  un  pli  d'étoffe,  soit  envi- 
ron 0",70;  moyennant  cela  il  trouve  abondamment  de  quoi  se  nourrir. 
Entre  Isanghila  et  Manyanga,  un  chef  voulut  absolument  nous  faire 
rester  chez  lui,  nous  invitant  à  prendre  tout  le  terrain  que  nous  vou- 
drions. Pour  nous  prouver  son  amitié,  il  nous  accompagna  jusqu'à 
Manyanga  et  nous  rendit  toutes  sortes  de  bons  offices  pendant  le 
voyage.  »  Même  empressement  après  l'arrivée  des  missionnaires  à  la 
station  de  Linzolo.  «  Pendant  les  jours  qui  suivirent,  ce  fut  une  vérita- 
ble avalanche  de  chefs  et  de  sous-chefe  qui  apportaient  des  présents, 
dans  l'espoir,  bien  entendu,  d'en  recevoir  davantage.  Notre  chef,  le  plus 
voisin,  fut  le  premier  à  venir  me  souhaiter  la  bienvenue;  il  m'offrit  une 
superbe  vallée  que  nous  désirions  vivement  pour  pouvoir  détourner  le 
chemin  des  caravanes  d'ivoire  qui  passaient  au  milieu  de  notre  pro- 
priété. Quinze  jours  plus  tard,  les  chefs  vinrent  avec  une  foule  compacte 
pour  enterrer  la  guerre,  et  une  fois  la  cérémonie  terminée,  la  foule  des 
noirs  se  mit  à  danser  autour  du  monument  en  jurant  haine  éternelle  à 
la  guerre  avec  les  blancs.  Dès  lors  aucun  noir  ne  peut  plus  paraître  en 
armes  sur  le  terrain  de  la  mission  ;  les  chefs  qui  venaient  autrefois  avec 
un  attirail  de  fiisils,  d'assagaies,  de  coutelas,  etc.,  déposent  aujou^ 
d'hui  leurs  armes  avant  d'entrer  chez  les  missionnaires.  Une  maison 
d'école  a  été  construite  ot  pourra  recevoir  les  nombreux  enfants  que 


—  867  — 

chefs  et  parents  désirent  faire  instruire.  Le  P.  Âugouard  espère  aussi 
pouvoir  faire  bâtir  un  hôpital.  En  attendant,  un  des  missionnaires  soi- 
gne à  la  porte  de  la  mission  tous  les  malades  qui  viennent  chercher  un 
remède  ou  un  soulagement  à  leurs  maux  ;  il  va  aussi  dans  les  villages 
des  alentours  à  la  recherche  des  infirmes  qui  ne  peuvent  plus  marcher. 
Convaincus  que  l'Afrique  ne  se  civilisera  que  par  le  travail,  et  en  parti- 
culier par  Tagriculture,  les  missionnaires  se  sont  efforcés  de  former  des 
travailleurs  ;  ils  ont  donné  l'exemple  des  travaux  agricoles,  et  quantité  de 
noirs  sont  venus  apprendre  d'eux  les  procédés  de  culture  européens. 
Aiyourd'hui  déjà  ce  sont  eux  qui  vont  travailler  chaque  jour  h  la  station 
de  Brazzaville.  »  Depuis  l'envoi  de  cett«  lettre,  le  P.  Âugouard  est 
redescendu  à  Borna  par  un  chemin  nouveau.  Au  lieu  de  suivre  la  rive 
droite  du  fleuve,  nous  apprend  le  Mmivement  géographique,  il  a  pris 
une  route  plus  au  nord,  traversant  le  plateau  qui  sert  de  ligne  de  faite 
entre  le  Congo  et  le  Quilou.  Non  seulement  il  a  atteint  Borna  très 
promptement,  mais  le  chemin  qu'il  a  suivi  est  facile,  dit-il,  et  traverse 
un  excellent  pays. 

Lors  des  négociations  qui  ont  eu  lieu  entre  le  cabinet  de  M.  J.  Ferry 
et  les  représentants  du  roi  des  Belges,  pour  la  délimitation  des  territoi- 
res respectif  de  la  France  et  de  l'Association  internationale  du 
Cong^,  les  délégués  de  cette  dernière  réclamaient  d'abord  des  com- 
pensations pécuniaires  pour  la  vallée  du  IViari-QuIlou  dont  l'Asso- 
ciation revendiquait  la  propriété.  Le  gouvernement  français  consentit 
seulement  à  rembourser  à  l'Association  la  valeur  matérielle  de  ses  sta- 
tions. Celle-ci  se  rabattit  alors  sur  une  démande  de  loterie  qui  devait 
permettre  d'obtenir  du  public  les  fonds  nécessaires  h  l'organisation  du 
nouvel  État  du. Congo.  Le  gouvernement  français  ne  crut  pas  devoir 
opposer  UQ  refus  aux  fondateurs  du  nouvel  État.  L'autorisation  a  été 
donnée  à  la  condition  qu'un  comité  français  présiderait  à  l'émission  de 
la  loterie,  l'entreprise  restant  bien  entendu  aux  risques  et  périls  de 
l'Association.  L'émission  sera  de  vingt  millions. 

La  Société  de  géographie  de  Paris  a  reçu  de  M.  R<ii§roziaski  des  ren- 
seignements détaillés  sur  l'exploration  qu'il  a  faite  du  mont  Came- 
roon,  pendant  son  séjour  à  la  côte  de  Guinée.  Le  nombre  des  villages 
à  une  altitude  de  0*  à  1000",  est  d'environ  soixante,  inégalement  distri- 
bués ;  ainsi  la  pente  occidentale  n'est  habitée  que  sur  la  côte.  Quoique 
le  climat  soit  très  bon,  relativement  aux  pays  environnants,  le  manque 
d'eau  qui  se  fait  sentir  presque  partout  dans  les  villages  est  un  grave 
inconvénient.  Les  principales  ressources  commerciales  sont  l'huile  de 


—  368  — 

palme,  et  le  caoutchouc  ;  mais  ces  deux  produits  ne  pourraient,  vu  leur 
faible  quantité,  alimenter  suffisamment  le  commerce  dans  la  montagne. 
L'avenir  du  pays  est  plutôt  dans  Tagriculture  ;  le  sol,  vierge  presque 
partout,  est  très  riche.  Les  villages  ne  sont  pas  composés  d'une  agglo- 
mération de  cabanes  placées  les  unes  à  la  suite  des  autres.  On  n'en 
trouve  guère  que  trois  ou  quatre  groupées  ensemble;  un  certain  nombre 
de  ces  groupes  forment  une  ville  (nhouka).  Chaque  nbouka  a  son  chef, 
et  les  chefis  constituent  un  gouvernement  très  patriarcal.  La  vendetta 
y  produit  beaucoup  de  conflits  et  de  petites  guerres  qui  entravent  et 
arrêtent  les  communications.  Tous  les  hommes  sont  chasseurs;  depuis 
quelque  temps  ils  se  livrent  à  la.  récolte  du  caoutchouc,  mais  la  qualité 
du  produit  laisse  encore  beaucoup  à  désirer.  La  nourriture  consiste  en 
bananes  vertes,  ignames,  huile  de  palme,  noix  de  palme,  le  tout  forte- 
ment pimenté,  et  sans  aucun  souci  de  la  propreté.  Cette  nourriture 
végétale,  c'est  la  femme  qui  doit  la  procurer,  la  fenmie,  ou  bien  les 
femmes  quand  le  sujet  est  riche.  Les  additions  en  viande  sont  assez 
rares,  le  mari  étant  paresseux  et  parfois  mauvais  chasseur.  Rare- 
ment on  apprend  qu'ils  aient  tué  un  léopard,  jamais  un  éléphant, 
quoique  ces  animaux  soient  assez  conmiuns.  L'esclavage  n'existe  pas 
chez  les  montagnards  du  Cameroon.  Les  travaux  dans  leurs  petites 
plantations  sont  à  la  charge  des  femmes  et  des  enfants,  surtout  des  pre- 
mières. Une  cabane  de  bambous,  couverte  de  nattes,  abrite  toute  la 
famiUe,  y  compris  les  animaux  domestiques  :  chèvres,  moutons,  porcs, 
poules,  canards,  ce  qui  rend  l'intérieur  très  malpropre. 

Une  ambassade  marocaine  s'est  embarquée  à  Tanger  pour 
Malaga  ;  elle  se  rendra  de  là  à  Madrid,  où  elle  est  chargée  de  reprendre 
les  négociations  sur  la  question  de  l'échange  des  territoires  de  Santa- 
Cruz  de  Mar-Pequena,  contre  des  terrains  autour  de  Ceuta,  que  le 
Maroc  serait  prêt  à  céder,  et  qui,  suivant  l'opinion  des  militaires  espa- 
gnols, seraient  aussi  plus  avantageux  pour  la  situation  de  l'Espagne  sur 
le  détroit  de  Gibraltar.  L'ambassade  discutera  aussi  les  modifications 
que  l'Espagne  denvande  à  introduire  dans  le  traité  de  commerce  hispano- 
marocain  de  1860.  Le  Cabinet  de  Madrid  a  été  poussé  à  demander  ces 
modifications,  par  les  négociations  qui  se  poursuivent  entre  l'Allemagne 
et  le  Maroc,  en  vue  de  la  conclusion  d'un  traité  qui  assure  au  commerce 
allemand  une  situation  exceptionnelle,  tant  sur  les  côtes  que  dans  l'in- 
térieur du  Maroc,  et  qui  donne  à  l'Allemagne  le  droit  d'y  établir  des 
comptoirs,  ainsi  que  des  dépôts  de  charbons  et  de  vivres  ;  il  lui  accorde 
même  des  concessions  de  mines,  de  voies  ferrées  et  de  travaux  publics. 


—  369  — 

NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

D'après  le  Courrier  des  Comptoirs^  un  service  de  steamers  d'Alger  à  Marseille  et 
à  Tanger  sera  prochainement  créé  par  le  Comptoir  central  de  Paris  et  Londres, 
(}ui  établira  en  même  temps  des  factoreries  &  Tunis  et  à  Sous. 

M.  Germon,  explorateur  de  mines  d'antimoine  à  Sauza,  province  de  Constantine, 
a  été  autorisé  à  disposer  du  produit  de  ses  recherches  jusqu'à  concurrence  de  cent 
tonnes. 

A  partir  du  1*^'  décembre  la  navigation  du  canal  de  Suez  a  été  ouverte  de  huit, 
entre  Port-Saïd  et  le  kilomètre  54,  aux  paquebots-poste  et  aux  navires  de  guerre 
munis  d'appareils  électriques.  La  durée  du  trajet  de  Port-Saïd  à  Suez  et  vice  versa, 
qui  avait  augmenté  avec  l'accroissement  du  tonnage,  diminuera  ;  on  espère  par- 
venir à  faire  transiter  les  navires  en  vingt-quatre  heures  d'une  mer  à  l'autre. 

Le  D'  Eagazzi,  directeur  de  la  station  italienne  de  Let-Maréfia,  au  Choa,  a  en- 
voyé à  la  Société  de  géographie  de  Rome  un  rapport  sur  les  conditions  sanitaires 
du  pays  qu'il  a  traversé  d'Assab  en  Abyssinie  ;  la  malaria  y  prédomine. 

Le  D'  Nerazzini,  revenu  pour  quelque  temps  en  Italie,  se  prépare  à  remplir  une 
nouvelle  mission  auprès  du  roi  Jean  d' Abyssinie. 

Le  capitaine  Longbois,  de  retour  de  sa  mission  au  Choa,  a  remis  au  président 
de  la  République  française  une  lettre  du  roi  Ménélik. 

Sous  les  auspices  de  la  Société  africaine  d'Italie,  une  conférence  coloniale  réunie 
à  Naples,  du  8  au  18  novembre,  a  décidé  de  charger  les  explorateurs  italiens  qui 
se  rendront  du  Choa  au  Kaffa,  d'explorer  la  région  des  sources  du  Juba,  pour  en 
suivre  le  cours  jusqu'à  la  côte  de  l'océan  Indien. 

Les  établissements  de  la  Mission  des  Universités,  à  Magila,  Mbouéni  et  Matopé, 
ont  éprouvé  des  pertes  considérables,  par  suite  d'incendies  ;  heureusement  il  n'y  a 
pas  eu  de  victimes. 

L'Angleterre,  l'Allemagne  et  la  France  ont  décidé  de  charger  une  commission 
de  délimiter  les  possessions  continentales  du  sultan  de  Zanzibar. 

Le  capitaine  Cecchi  a  quitté  Zanzibar  pour  revenir  en  Italie. 

M.  P.  Reichard,  le  seul  survivant  de  l'expédition  allemande  aux  lacs  Hikoua 
et  Moëro,  est  arrivé  à  Wiesbaden,  sa  ville  natale. 

Il  s'est  fondé  à  Tamatave,  une  société  dite  «  Société  des  colons  français  »  pour 
favoriser  l'établissement  des  colons  à  Madagascar,  aider  à  la  création  d'établisse- 
ments agricoles,  ouvrir  au  commerce  un  nouveau  champ  d'exploitation  et  soutenir 
les  anciens  colons  dans  leurs  efforts  de  colonisation. 

M.  Joaquim,  José  Machado  ingénieur,  a  fait,  à  la  Société  de  géographie  de  Lis- 
bonne, une  communication  sur  les  études  du  chemin  de  fer  de  Lorenzo-Marquez 
à  Pretoria.  Il  a  fait  une  description  intéressante  des  contrées  que  traverse  cette 
ligne^  dans  lesquelles  on  rencontre  des  villes  déjà  importantes,  fondées  par  les 
Boers,  et  dé  nombreux  éléments  de  civilisation. 

Le  gouverneur  de  la  Colonie  du  Cap,  sir  Hercules  Robinson,  a  fait  proclamer 


—  370  — 

le  protectorat  britannique  sur  le  pays  des  Be-Chuana,  limité  à  l'est  par  la  Répu- 
blique sud-africaine,  au  sud  par  la  Colonie  du  Cap,  à  l'ouest  par  la  rivière  Molopo, 
et  au  nord  par  cette  même  rivière  jusqu'à  son  confluent  avec  le  Ramathlabana 
Spruit,  et  à  la  frontière  du  Transvaal.  Ce  territoire  portera  le  nom  de  Be-Chuana- 
land  britannique. 

A  l'occasion  de  ce  qui  a  été  dit  de  l'importation  de  l'eau-de-vie  à  Berseba. 
M.  Lûderitz  a  affirmé  qu'aucun  de  ses  gens  n'en  a  introduit  dans  le  pays;  en  re- 
vanche il  ne  peut  donner  de  garantie  à  l'égard  de  l'importation  de  spiritueux  par 
des  étrangers,  jusqu'à  ce  qu'intervienne  l'empire  allemand,  sous  le  protectorat 
duquel  le  Liideritzland  a  été  placé. 

D'après  une  lettre  de  Berlin  à  V Indépendance  bélge^  M.  Pohle,  qui  avait  été  en- 
voyé à  Angra  Pequena,  avec  mission  de  rechercher  quels  minéraux  le  nouveau 
territoire  allemand  pourrait  fournir,  a  rapporté  qu'on  n'y  trouve  que  du  minerai 
de  plomb,  et  que  les  frais  d'exploitation  dépasseraient  la  valeur  marchande  du  mi- 
nerai sur  les  marchés  de  l'Europe. 

Pour  assurer  aux  missionnaires  des  stations  baptistes  les  soins  médicaux  néces- 
saires, le  Comité  anglais  a  décidé  d'envoyer  le  plus  tôt  possible  au  Congo  trois 
médecins  bien  préparés  et  pourvus  de  tous  les  remèdes  nécessaires  pour  prévenir 
les  conséquences  funestes  du  climat. 

M.  Janssens,  vice-gouverneur  du  Congo,  est  arrivé  à  Vivi,  avec  MM.  de  Cuvelier, 
juge,  et  Destrain,  secrétaire.  Il  a  pris  la  direction  des  affaires,  faisant  les  fonctions 
de  gouverneur  général,  en  l'absence  de  M.  le  colonel  de  Winton,  en  tournée  sur  le 
haut  fleuve. 

La  station  de  Léopold ville  possède  aujourd'hui  un  troupeau  de  gros  bétail.  C'est 
la  première  fois  que,  dans  cette  partie  de  l'Afrique,  vaches  et  bœufs  pénètrent  aussi 
loin.  Grand  a  été  l'étonnement  de  la  population  indigène  qui  n'avait  pas  encore 
vu  de  semblables  animaux. 

Le  Stanley,  remonté,  a  quitté  Léopoldville  ayant  à  hord  les  indigènes  ba-louba 
de  l'expédition  Wissmann.  C'est  le  D*"  Wolff  qui  a  été  chargé  de  les  rapatrier. 

Le  lieutenant  Wissmann  a  dû  venir  à  Madère  se  reposer  de  ses  fatigues. 

M.  Massari  a  été  chargé,  avec  les  délégués  français,  de  la  délimitation  des  fron- 
tières entre  les  territoires  appartenant  à  la  France  et  à  l'État  libre  du  Congo. 

La  conférence  des  délégués  français  et  portugais  pour  la  délimitation  des  fron- 
tières respectives  des  deux  pays,  près  de  l'embouchure  du  Tchiloango,  après  avoir 
tenu  plusieurs  séances  à  Paris,  s'est  séparée  sans  avoir  réussi  à  se  mettre  d'accord. 

M.  Muller  qui  avait  été  chargé  d'une  exploration  botanique  de  Pile  de  Saint- 
Thomas,  a  rapporté  à  Lisboflne  des  collections  intéressantes,  non  seulement  pour 
la  botanique  mais  aussi  pour  l'étude  géologique  du  pays.  Il  a  fait  l'ascension  du 
Pic  de  Saint-Thomas,  et  a  constaté  que  son  altitude  est  de  2142°".  Il  fera  d'impor- 
tantes corrections  et  additions  à  la  carte  de  l'Ile  dernièrement  publiée. 

Les  délégués  des  sociétés  allemandes  de  missions,  réunis  en  conférence  à  Brème, 
ont  résolu  d'adresser  un  manifeste  au  peuple  allemand,  et  une  série  de  proposi- 
tions spéciales  au  ministère  des  affaires  étrangères,  pour  obtenir  que  des  restric- 


—  371  — 

4 

lions  soient  apportées  à  la  vente  des  spiritueux  aux  indigènes  africains.  La  con- 
férence a  également  étudié  la  question  d'une  mission  au  Cameroon. 

Le  traité  conclu  entre  le  roi  de  Dahomey  et  le  Portugal  ayant  placé  Kotonou 
sous  le  protectorat  portugais,  le  ministre  des  affaires  étrangères  de  Lisbonne  a 
fait  droit  aux  réclamations  de  la  France,  et  a  envoyé  aux  agents  portugais  Pordre 
de  rétablir  les  choses  à  Kotonou  dans  Pétat  où  elles  étaient  auparavant. 

La  maison  Brauer  et  C*',  de  Bochum,  a  établi  une  station  de  charbon  à  Porto- 
Grande,  dans  Pîle  Saint- Vincent  pour  faire  participer  les  houilles  de  Westphalie 
aux  avantages  du  trafic  des  vapeurs  sur  les  grandes  lignes  transatlantiques. 

Le  steamer  SUvertoton,  de  la  India  Rubber  Company,  chargé  de  poser,  pour  le  , 
compte  de  la  West  African  Telegraph  Company,  un  câble  destiné  à  relier  au  Séné- 
gal les  possessions  françaises  de  la  côte  occidentale  d'Afrique,  a  opéré  avec  succès 
Patterrissement  du  câble  à  Dakac  La  canonnière  française,  le  Niger,  a  fait  une 
reconnaissance  du  fleuve,  en  aval  du  Bammakou,  sur  un  parcours  de  350  kilo- 
mètres. 

Le  mfnistère  français  de  la  marine  et  des  colonies  dresse  le  programme  d'une 
mission  commerciale  à  la  côte  occidentale  d'Afrique  et  d'une  mission  du  même 
geiire  dans  l'intérieur  du  Sénégal.  Il  développera  l'institution  des  bourses  de 
voyage  en  faveur  de  jeunes  gens  ayant  fait  des  études  commerciales,  afin  qu'ils 
puissent  visiter  les  colonies  françaises  et  se  rendre  compte  des  ressources  qu'elles 
présentent. 

M.  Henri  Duveyrier  a  demandé  à  la  Société  de  géographie  de  Paris  de  signaler, 
à  l'administration  compétente,  le  décret  espagnol  qui  proclame  le  protectorat  de 
l'Espagne  sur  la  côte  d'Afrique,  du  cap  Bojador  au  nord,  jusqu'au  cap  Blanc  au 
sud,  décret  qui  enlèverait  à  la  France  98  kilomètres  d'une  partie  de  côte  reconnue 
possession  française  par  des  traités  antérieurs. 


LES  DERNIERS  TRAVAUX  DE  SAV0R6NAN  DE  BRAZZA 

L'arrivée  de  Savorgnan  de  Brazza  en  France  nous  a  valu  d'abondants 
renseignements  sur  la  mission  française  dans  l'ouest  africain,  sur  laquelle 
nous  étions  sans  nouvelles  depuis  de  longs  mois.  Sans  revenir  sur  les 
faits  qui  ont  suivi  immédiatement  le  retour  de  l'explorateur  à  la  côte 
d'Afrique  en  1883,  nous  indiquerons  sommairement,  d'après  le  Temps, 
les  résultats  de  son  activité  et  de  celle  de  ses  agents,  le  long  du  Niari,  de 
l'Ogôoué  et  de  l'Alima.  M.  Dolisie,  remontant  le  Niari  dans  la  direction 
du  Congo,  a  fondé  les  postes  de  Ngotou  et  du  Bas-Quilou,  la  station  de 
Niari-Loudima  et  le  poste  de  Niari-Babouembé,  après  avoir  conclu  avec 
les  indigènes  des  traités  d'amitié  et  de  protectorat.  Aujourd'hui  les 
porteurs  ba-bouembé  et  loangos  font  le  seiTice  dans  la  vallée  du  Niari, 


—  372  — 

comme  les  Âdoumas  et  les  Okandas  dans  la  vallée  de  rOgôoué.  Sar  ce^ 
dernier  fleuve,  une  première  station  fut  fondée  au  cap  Lopez  et  devint 
le  point  central  d'approvisionnement  de  la  mission.  Puis,  comme  TOgôoué 
est  navigable  sur  une  longueur  de  380  kilom.  environ,  une  seconde  sta- 
tion fut  établie  à  Njolé,  point  oîi  commencent  les  premiers  rapides  du 
fleuve.  D'autres  postes  furent  créés  à  Okota,  à  Obombi  et  à  Achouca 
sur  le  cours  moyen  de  TOgôoué;  enfin  sur  le  haut  fleuve,  on  organise  la 
station  de  Madiville  ou  Nghémé  et  le  poste  de  Doumé.  Quant  à  la  sta- 
.  tion  de  Franceville,  les  Européens  y  étant  presque  eii  permanence  depuis 
cinq  ans,  elle  est  déjà  un  centre  important.  Dès  que  le  matériel  amené 
d'Europe  commença  à  y  arriver  sans  trop  d'encombre,  Savorgnan  de 
Brazza  rejoignit  sur  l'Âlima  le  D' BaUay,  qui  procédait  à  la  reconstruc- 
tion d'une  chaloupe  à  vapeur  pour  l'exploration  du  Congo,  et  négociait 
avec  les  Afourous  un  traité  de  paix  pour  pouvoir  naviguer  sur  TAlima 
et  le  Congo.  Les  Afourous  s'engagèrent  à  faire  les  transports  des  explo- 
rateurs français  sur  ces  deux  cours  d'eau.  Comme  des  porteurs  font  le 
service  par  terre  entre  le  haut  Ogôoué  et  le  haut  Alima,  la  convention 
avec  les  Afourous  mettait  l'Atlantique  en  communication  ininterrompue 
avec  le  Congo.  Sans  doute  cette  voie  n'est  pas  une  voie  commerciale  ;  le 
transit  est  long  et  pénible  ;  mais  telle  qu'elle  est,  elle  constitue  un  che- 
min de  pénétration  très  sûr,  et  la  mission  l'a  constamment  utilisée  poiu* 
ses  services  de  ravitaillement.  «  Elle  a  pu  y  transporter,  »  dit  M.  de 
Brazza,  «  en  une  année,  trois  fois  plus  de  matériel  qu'il  ne  s'en  est 
déplacé  par  la  route  du  bas  Congo  dans  le  môme  temps.  » 

Sur  l'Alima  les  établissements  fondés  sont  la  station  de  l'Alima-Djelé, 
le  poste  de  Ngampo,  la  station  de  l'Alima-Leketi,  enfin  le  poste  de 
Mbossi,  au  confluent  de  l'Alima  et  du  Congo.  Ds  sont  tous  reliés  les  uns 
aux  autres  par  un  service  régulier  de  transport. 

Quant  au  Congo,  les  points  occupés  aujourd'hui  par  la  mission  fiim- 
çaise  sont,  au  sud,  la  station  de  Brazzaville  ;  puis,  en  remontant  vers  le 
nord,  les  postes  de  Nganchoumo  et  de  Mbé  (résidence  de  Makoko),  le^ 
poste  de  Bongha  et  la  station  d'Oubangi,  au  confluent  de  la  rivière 
Liboko-Oubangi  avec  le  Congo. 

Dans  chaque  station  ou  poste,  résident  des  agents  blancs  ou  noirs  de 
la  mission.  Les  noirs  défrichent  les  alentours  des  stations  et  cultivent 
les  légumes  du  pays  ou  les  légumes  européens.  Les  blancs  étudient  la 
géographie  de  la  contrée,  recrutent  les  porteurs  et  les  pagayeurs,  re- 
cueillent des  collections  sur  la  flore  et  la  faune  du  pays,  des  échantillons 
de  minéraux  et  font  des  recherches  sur  l'ethnologie  et  l'état  social  des 
tribus  de  l'ouest  africain. 


—  373  — 

Au  point  de  vue  géographique,  la  mission  a  déjà  rapporté  4000  kilom. 
de  levés,  comprenant  le  cours  de  rOgôoué,  de  la  côte  à  Franceville  ;  Titi- 
néraire  de  Franceville  à  Mayombé,  du  lieutenant  Mizon  ;  deux  levés  du 
cours  de  l'Alima  ;  le  cours  du  Congo  entre  Brazzaville  et  Le  poste  de 
rOubangi  ;  Titinéraire  de  M.  Dolisie,  de  Brazzaville  à  Loango  par  le 
Niari  ;  enfin,  la  reconnaissance  partielle  du  vaste  delta  qui  s'étend,  sur 
le  Congo,  de  rembouchure  de  TAlima  à  celle  du  Liboko-Oubangi. 

Sous  le  rapport  commercial,  M.  de  Brazza  reconnaît  que  les  voies  qui 
doivent  mettre  TAfirique  centrale  en  communication  avec  Tocéan  Atlan- 
tique sont  encore  à  établir.  Le  bas  Congo,  le  Niari,  l'Ogôoué,  ne  sont 
que  des  voies  de  pénétration  dans  T Afrique  équatoriale.  Un  chemin  de 
fer  seul  pourra  répondre  aux  besoins  du  transit,  qui  ne  manquera  pas  de 
s'établir  entre  la  côte  et  l'intérieur,  lorsque  les  populations  riveraines  du 
Congo  auront  été  amenées  à  un  état  plus  avancé  de  civilisation. 

Aigourd'hui  on  doit  considérer  comme  un  maximum  le  transport  an- 
nuel de  800  tonnes  de  marchandises  par  la  voie  de  l'Ogôoué  qui,  de 
l'Atlantique  au  Congo,  n'a  pas  moins  de  1500  kilom.  ;  malgré  cela,  le 
transport  d'une  tonne  de  marchandises  à  Brazzaville  coûte  beaucoup 
moins  cher  par  l'Ogôoué  que  par  le  bas  Congo. 

Pour  arriver  à  organiser  le  service  de  ravitaillement  de  la  mission, 
M.  de  Brazza  s'est  efforcé  non  seulement  d'entretenir  de  bonnes  rela- 
tions avec  les  indigènes,  mais  encore  de  concilier  leurs  intérêts  avec  ceux 
de  la  mission.  Au  début,  les  Pahouins,  cannibales,  venant  du  nord-est, 
envahissaient  peu  à  peu  le  bassin  de  l'Ogôoué,  repoussant  vers  la  côte 
les  Gabonais  et  les  Bakalais,  interceptant  les  communications  des  peu- 
plades riveraines  du  fleuve,  Adoumas,  Okandas,  etc.  Sa  première  tâche 
fut  de  parlementer  avec  les  Pahouins,  afin  d'obtenir  pour  ses  gens  la 
faculté  de  naviguer  sur  l'Ogôoué.  Il  mit  en  œuvre  pour  cela,  la  persua- 
sion, la  douceur,  l'intimidation,  la  menace  ;  enfin  de  petits  présents 
lui  permirent  de  racheter  complètement  les  droits  de  circulation  sur  la 
rivière.  Pour  utiliser  cette  voie,  il  s'adressa  aux  Okandas  et  aux  Adou- 
mas, les  seuls  piroguiers  de  l'Ogôoué  ;  peu  à  peu  le  service  des  transports 
s'organisa,  et  les  communications  devinrent  régulières. 

L'interdiction  du  commerce  sur  le  haiit  fleuve,  qui  a  donné  lieu  à 
beaucoup  de  critiques,  a  été  expliquée  par  M.  de  Brazza  par  les  raisons 
suivantes  :  Les  moyens  de  transport  sur  le  haut  Ogôoué  étant  limités, 
et  la  mission  ayant  besoin  de  toutes  les  pirogues,  elle  aurait  couru  au- 
devant  d'un  échec,  si  les  traitants  du  Gabon,  dont  la  majorité  sont  des 
étrangers,  avaient  pu  diminuer  ses  moyens  d'action  sur  le  fleuve.  En 


—  «74  — 

outre,  il  était  urgent  de  ne  pas  laisser  les  traitants  établir  leurs  procé- 
dés conunerciaux  parmi  les  tribus  du  haut  fleuve.  Les  factoreries  don- 
nent aux  indigènes  du  sel  ou  des  produits  européens,  à  charge  par  eux 
de  rapporter  des  produits  de  l'intérieur,  principalement  défi  boules  de 
caoutchouc.  Pour  une  certaine  valeur  de  marchandises  d'Europe,  l'indi- 
gène doit  rapporter,  en  produits  du  pays,  une  valeur  quarante  ou  cin- 
quante fois  supérieure.  Si,  sur  cinquante  indigènes  h  qui  on  fait  ces 
avances,  il  y  en  a  quatre  ou  cinq  seulement  qui  apportent  à  la  factore- 
rie les  marchandises  demandées,  le  traitant  y  gagne  assez  pour  conlïe- 
balancer  les  pertes  qu'il  subit.  C'est  ainsi  que  commencent  les  relations 
commerciales  avec  les  indigènes.  Plus  tai'd,  les  factoreries  traitent  avec 
les  che£3.  Ceux-ci  promettent  d'échanger  une  grande  quantité  de  caout- 
chouc, d'ivoire,  d'huile  de  palme  contre  quelques  objets  de  provenance 
européenne,'  et  laissent  en  otage  leur  fils  ou  un  membre  quelconque  de 
leur  famille.  Si  le  marché  n'est  pas  exécuté,  souvent  à  cause  de  la  dis- 
proportion des  conditions  du  marché,  le  traitant  garde  les  otages.  Les 
chefs  de  tribus,  furieux,  s'en  prennent  aux  autres  traitants  et  pillent 
indistinctement  toutes  les  pirogues  qui  passent  sur  le  fleuve.  Il 
faut  sévir  contre  eux  et  le  pays  est  troublé.  Aussi,  M.  de  Brazza 
ne  permet  aux  traitants  que  de  pratiquer  le  commerce  au  comptant, 
et  le  pays  est  très  tranquille.  Sur  le  bas  Ogôoué,  il  n'a  pas  eu  besoin 
de  recourir  à  une  semblable  mesure.  En  échange  de  la  sécurité  qu'il 
garantissait  aux  Adoumas  et  aux  Okandas  contre  les  attaques  des 
Pahouins,  il  a  demandé  à  chaque  homme  valide  deux  mois  de  service 
par  an  poui^la  mission.  Comme  ils  redescendent  le  fleuve  à  vide,  il  leur 
a  accordé  le  droit  de  placer  dans  leurs  pirogues  des  produits  du  pays. 
A  la  côte,  ils  les  échangent  contre  des  cotonnades,  des  couteaux,  etc.  ; 
à  la  remonte,  chaque  homme  a  droit  au  transport  de  trois  kilogrammes 
de  marchandises  et  ils  peuvent  ainsi  rapporter  dans  leur  pays  la  valeur 
du  caoutchouc  et  de  l'ivoire  qu'ils  y  ont  pris.  En  outre,  ils  touchent 
une  solde  pour  leur  service.  D'opprimés  qu'ils  étaient  naguère  par  les 
Pahouins,  ils  sont  devenus  un  peuple  de  libres  travailleurs. 

Quand  les  Pahouins  virent  les  Adoumas  s'enrichir,  ils  s'en  plaignirent 
sans  pouvoir  offrir  des  services  qui  leur  auraient  valu  une  rémunération. 
M.  de  Brazza  leur  proposa  de  placer  deux  jeunes  Pahouins  dans  chaque 
pirogue  de  la  mission  afin  qu'ils  fissent  une  sorte  d'apprentissage.  Us 
acceptèrent,  et  aujourd'hui  les  Pahouins,  comme  les  Adoumas  et  les 
Okandas,  sont  employés  au  service  des  transports  par  le  fleuve. 

Après  avoir  assuré  la  navigation  de  l'Ogôoué,  M.  de  Brazza  se  préoe- 


—  375  — 

cupa  de  retendre  sur  les  affluents  du  Congo.  H  emmena  avec  lui  des 
Pahouins  et  des  Adoumas  sur  le  Congo,  et  n'eut  qu'à  se  louer  de  leur 
fidéHté  à  garder  les  établissements  français.  Constamment  en  rapport 
avec  les  tribus  protégées,  il  est  à  même  de  les  maintenir  fidèles  par  les 
serviteurs  dévoués  sur  lesquels  il  a  conservé  toute  son  autorité  morale. 
Grâce  à  la  courtoisie  de  sir  Francis  de  Winton,  les  rapports  des  agents 
de  l'Association  internationale  et  d^  collaborateurs  de  Savorgnan  de 
Brazza  sont  des  plus  cordiaux. 

Il  résulte  de  lettres  reçues  par  la  Société  de  géographie  de  Paris,  de 
M.  Fourneau,  chargé  de  la  direction  des  stations  de  Bôoué,  Madiville  et 
Franceville,  que  les  travaux  pour  l'établissement  d'une  station  nouvelle 
sont  commencés.  M.  Fourneau  a  envoyé  un  levé  de  la  chute  et  des  rapi- 
des de  Bôoué,  ainsi  qu'un  projet  de  canal  ne  comportant  que  des  tra- 
vaux faciles  et  simples,  et  qui  permettrait  de  supprimer  l'immobilisa- 
tion des  convois  à  Bôoué,  souvent  pendant  des  journées  entières,  et  de 
prévenir  des  pertes  de  matériel.  Il  a  fait  une  excursion  chez  les  Cimbas 
dont  le  pays,  arrosé  de  nombreux  ruisseaux,  offre  un  coup  d'œil  féerique. 
Les  Okandas  ayant  monopolisé  le  commerce,  et  la  crainte  des  Okandas 
paralysant  les  tribus  qui  ne  demandaient  pag  mieux  que  d'entrer  en 
relation  directe  avec  les  blancs,  M.  Fourneau  a  réussi  à  concilier  les 
intérêts  des  deux  parties.  Il  demande  la  création  de  deux  postes  dans  la 
région  comprise  entre  l'Ogôoué  et  Okona,  le  premier  serait  à  Moningué, 
le  second  dans  le  haut  Ogôoué,  à  Okoua. 


RENSEIGNEMENTS  COLONIAUX  ET  COMMERCIAUX  Sm  L'AFRIQUE 

Depuis  quelques  années,  la  situation  économique  de  l'Afrique  a  subi 
d'importants  changements.  Des  puissances  européennes  qui  ne  s'étaient, 
jusqu^à  notre  époque,  que  fort  peu  occupées  de  la  question  coloniale,  ont 
planté  leur  drapeau  sur  plusieurs  territoires  ;  d'autres  ont  augmenté  leurs 
possessions  ou  étendu  leur  influence  ;  de  nouvelles  voies  commerciales  ont 
été  créées  et,  d'autre  part,  si  la  civilisation  a  triomphé  de  la  barbarie  sur 
beaucoup  de  points,  il  en  est  où,  au  contraire,  elle  a  reculé.  Notre  jour- 
nal a  renseigné  ses  lecteurs  à  ce  sujet  au  fur  et  à  mesure  que  les  événe- 
ments se  déroulaient;  mais  il  est  bon,  de  temps  à  autre,  de  grouper  les 
faits  accomplis  et  de  montrer  l'ensemble  des  progrès  survenus  pendant 
une  certaine  période.  Or,  le  règlement  de  la  question  du  Congo,  les  nou- 
velles acquisitions  de  l'Allemagne,  les  événements  du  Soudan,  l'occupation 


—  376  — 

par  ritalie  d^une  partie  dç  la  côte  de  la  mer  Rouge,  et  d'autres  évéoe- 
ments  moins  importants,  ont  assez  modifié  la  carte  coloniale  de  TÂfriqtte 
pour  qu'il  nous  ait  paru  nécessaire  d'en  publier  une'.  Nous  y  avons  joint, 
d'après  une  carte  parue  dans  le  bel  ouvrage  de  Schweiger-Lerchenfeld, 
Afrika,  et  d'après  d'autres  documents,  les  grandes  voies  suivies  par  le 
commerce,  tant  à  l'iatérieur  qu'à  l'extérieur  du  continent  africain. 
C'est  ainsi  que  nous  y  avons  fait  figurer  les  lignes  des  paquebots,  des 
chemins  de  fer  et  des  télégraphes,  terrestres  et  sous-marins,  et  les  routes 
des  caravanes. 

Voici,  pour  augmenter  l'utilité  d'une  carte  de  ce  genre  et  pour  en 
faciliter  la  lecture,  quelques  observations  explicatives  ou  complémen- 
taires. 

Le  tableau  suivant  indique  approximativement  l'étendue  ^et  la  popu- 
lation  absolue  et  relative  des  possessions  européennes  en  Afrique  et  des 
états  indépendants  : 

PopaUtioB 
Étendue  en  PopaUtion       par  nlonMre 

kilomètrei  carrée.        abeoloe.  otrré. 

Possessions  turques  y  compris  l'Egypte.  2,056,000  7,800,000           3,8 

Possessions  portugaises 1,805,580  2,484,100            1,4 

»         françaises 1,486,880  9,661,000           6,5 

»         anglaises 721,350  2,575,100           3,5 

»         espagnoles 2,200  31,100  33 

>         allemandes ?  ? 

*         italiennes 632  1,300           2 

Maroc 812,332  6,140,000           8 

Libéria 37,200  1,050,000  28 

Étot  du  Congo 2,074,110  24,000,000  12 

République  du  fleuye  Orange 107,439  133,518           1,2 

République  du  Transvaal 291,890  829,000           3 

Ile  de  Zanzibar 1,591  160,000  10 

Madagascar 591,964  3,500,000           6 

Abyssinie 333,279  3,000,000           9 

Quoique  ces  chiffres  soient  très  approximatifs,  en  particulier  ceux  qui 
indiquent  le  nombre  d'habitants  de  l'État  du  Congo,  de  Madagascar  et 
des  possessions  italiennes  et  portugaises,  ils  permettent  cependant  de  se 
rendre  compte,  en  gros,  de  l'importance  relative  des  divers  pays  et  de  la 
densité  de  la  population,  faible  partout,  mais  différant  assez  sensible- 
ment suivant  les  régions. 

»  Voy.  p.  384. 


—  3T7  — 

Le  commerce  intérieur  de  l'Afrique  est  loin  d'être  facilité  par  les 
voies  de  communication  autant  qu'il  l'est  ^ans  les  autres  parties  du 
monde.  Quelques  fleuves,  tels  que  le  Congo,  le  Nil,  le  Niger,  le  Zambèze, 
le  Sénégal,  le  Limpopo,  constituent,  il  est  vrai,  de  grandes  artères 
commerciales.  Malheureusement,  ils  sont  tous  plus  ou  moins  obstrués 
par  des  rapides,  et  d'ailleurs  ils  ne  sont  guère  utilisés  comme  ils  pour- 
ment  l'être  et  comme  ils  le  seront  dans  l'avenir.  Quant  aux  routes,  elles 
sont  rares;  les  caravanes  du  Sahara  et  de  la  côte  orientale  suivent 
quelques  itinéraires,  en  bien  petit  nombre  par  rapport  à  l'énorme  super- 
ficie de  ces  régions. 

Voici  les  principaux  : 

En  Egypte,  tête  de  ligne  de  plusieurs  grandes  routes  de  caravanes,, 
et  trait  d'union  entre  l'Afrique  et  l'Asie,  viennent  aboutir  :  r  l'impor- 
tante voie  qui  longe  la  lisière  septentrionale  du  Sahara,  parallèlement  à 
la  Méditerranée,  du  Maroc  au  Caire,  par  Aln-Salah,  Ghadamès  et  Tripoli. 
Elle  est  suivie  par  les  pèlerins  d'Afrique  qui  vont  à  la  Mecque  à  l'occa- 
sion du  Ramadan  ;  2"*  la  route  du  Ouadal,  qui  s'arrête  à  Syout,  ou  au 
Caire  ;  3*  celles  du  Darfour  et  du  Kordofan  qui,  naguère  encore,  gagnaient 
le  Nil  à  Khartoum  ou  à  Dongola,  et  suivaient  ensuite  le  fleuve. 

On  distingue  en  outre  les  itinéraires  suivants  :  4°  de  Kouka,  sur  le 
lac  Tchad,  à  Mourzouk  et  à  Tripoli;  5*"  de  Kouka  à  Kano  et  à  Sokoto, 
dans  le  Soudan,  et  de  là  à  Tripoli  par  les  oasis  d' Aïr  et  de  Ghat  ;  6°  de 
Timbouctou  à  Am-Salah,  à  Ghadamès  et  à  Tripoli;  T"  de  Timbouctou 
à  Aïn-Salah  et  de  là  en  Algérie  ou  en  Tunisie  ;  8*^  de  Timbouctou  à 
Maroc,  Fez  et  Tanger. 

La  principale  voie  commerciale  de  la  côte  orientale  va  de  Zanzibar  à 
Oudjidji,  sur  le  lac  Tanganyika,  par  Tabora. 

Enfin  les  routes  du  Cap  au  Zambèze,  par  Kimberley  et  Shoshong,  et 
de  Benguela  à  Moussoumba  et  à  Cazembé,  par  Bihé,  sont  aussi  utilisées. 

Les  chemins  de  fer  sont  encore  bien  peu  développés  en  Afrique.  La 
longueur  totale  du  réseau  ne  dépasse  pas  6100  kilomètres.  La  Belgique 
et  la  Hollande  ensemble  en  ont  davantage. 

Ils  se  répartissent  comme  suit  : 

Pays  du  Cap  et  Natal  . .  2968 

Algérie  et  Tunisie 2003 

Egypte 1528 

Sénégambie 300 

La  Réunion 160 

Maurice 106 


—  378  — 

Des  lignes  soDt  projetées  de  Lorenzo-Marquez,sur  la  baie  de  Delagoa, 
à  Pretoria,  capitale  du  Transvaal,  et  de  l'océan  Atlantique  à  Stanley- 
Pool,  le  long  du  Congo  inférieur.  En  revanche  on  a  abandonné  Tidée 
de  construire  le  Trans-Saharien  et  la  ligne  de  Souakim  à  Berber;  enfin 
les  travaux  sont  suspendus -sur  celle  du  Sénégal  au  Niger. 

n  est  impossible  d'indiquer  la  longueur,  même  approximative,  du  réseau 
télégraphique  terrestre  de  l'Afrique,  car  d'anciennes  lignes,  telles  que 
celles  du  Soudan  égyptien  ont  été  détruites,  tandis  que  d'autres  ont  été 
établies  récemment  et  soût  prolongées  en  ce  moment  même  dans  la 
Sénégambie,  l'État  du  Congo,  lé  pays  du  Cap.  On  jugera  des  progrès 
accomplis  en  ce  domaine  pendant  les  dernières  années,  par  le  fait 
qu'en  1881,  le  géographe  allemand,  Richard  Andrée,  donnait  comme 
montant  total  des  dépêches  expédiées  par  les  lignes  télégraphiques 
africaines  le  chiffre  de  1,200,000,  qui  est  dépassé  actuellement  par 
l'Algérie  et  la  Tunisie  seules.  On  compte  dans  ces  deux  pays  9800  kilo- 
mètres de  lignes,  qui  reçoivent  par  an  1,500,000  dépêches,  en  Egypte, 
8660  kilomètres  et  700,000  dépêches,  dans  le  Pays  du  Cap,  6500  kilomè- 
tres et  650,000  dépêches. 

Outre  les  possessions  européennes,  Libéria,  l'État  du  Congo,  Zànù' 
bar  et  le  Transvaal  font  partie  de  l'Union  postale  universelle.  On  évalue 
le  mouvement  total  des  lettres  à  30  millions  par  an,  ce  qui  ne  fait  qu'une 
lettre  pour  6  habitants,  tandis  que  le  nombre  moyen  des  correspondan- 
ces dans  le  monde  entier  est  de  3  par  tête. 

L'Afrique  est  maintenant  reliée  aux  autres  parties  du  monde  par  plu- 
sieurs cftbles  télégraphiques  sous-marins.  Dès  1853,  on  fit  des  tentati- 
ves pour  en  établir  dans  la  Méditerranée,  mais  elles  échouèrent  ;  ce 
n'est  qu'en  1870  qu'elles  furent  reprises  et  qu'on  réussit  à  poser  une 
ligne  entre  Marseille  et  BOne  ;  dans  les  années  suivantes  on  en  établit 
une  seconde  entre  Marseille  et  Alger.  Depuis,  le  nombre  des  cftbles 
méditerranéens  s'est  beaucoup  accru.  L'un  d'eux,  mouiUé  sur  toute  la 
longueur  de  la  Méditeiranée,  unit  Gibraltar  à  Alexandrie,  par  Malte  et 
Candie;  d'autres  vont  de  Bizerte  en  Sicile,  de  Malte  à  Tripoli,  de  Malte 
à  Bizerte.  Quant  à  celui  qui  reliait  Tripoli  à  Benghazi  et  à  Alexandrie, 
il  s'est  rompu  et  a  été  abandonné  par  la  Compagnie,  àt^ause  de  l'énorme 
dépense  que  nécessitait  son  entretien,  du  revenu  însufiEisant  et  du  refus 
du  gouvernement  turc  de  participer  à  la  dépense. 

La  mer  Rouge  est  parcourue  par  le  cftble  de  Suez  à  Aden  et  par  celui 
que  les  Italiens  ont  dû  poser  de  Massaoua  à  Assab.  D'Aden,  la  ligne 
télégraphique  sous-marine  continue,  depuis  1879,  jusqu'à  Port  Natalt 
en  touchant  Zanzibar,  Mozambique  et  Lorenzo-Marquez.  De  Zanzibar 


—  379  — 

s^en  détache  une  autre,  établie  par  les  soins  du  gouvernement  français, 
pour  desservir  Mayotte,  Nossi-Bé  et  Tamatave;  elle  a  dft  être  terminée 
en  juin  dernier.  La  Compagnie  adjudicataire  comptait  la  prolonger  jus- 
qu'à la  Réunion  et  Maurice. 

La  côte  occidentale  d'Afrique  est  moins  favorisée  que  la  côte  orien- 
tale, au  point  de  vue  des  communications  rapides  ;  mais  il  est  probable 
qu'elle  aura  aussi,  avant  longtemps,  sa  ligne  télégraphique  océanique. 
Depuis  1874,  du  reste,  elle  a  pu  utiliser  le  câble  qui  va  de  Lisbonne  au 
Brésil,  en  touchant  à  Madère,  aux  Canaries  et  aux  îles  du  Cap  Vert.  En 
outre,  au  mois  de  janvier  1885,  l'établissement  de  la  ligne  de  Cadix  à 
Ténériffe  et  à  Dakar  (Sénégambie)  a  été  terminé  et  a  rendu  d'inappré- 
ciables services  à  toute  la  côte  de  Guinée.  Enfin  l'on  parle  plus  que 
jamais  de  la  prolonger  jusqu'au  Cap,  pour  desservir  le  Congo  et  Angola. 
Un  contrat  dans  ce  sens  a  d^à  été  adopté  par  les  Chambres  portugaises. 
Cette  entreprise  serait  sans  doute  vivement  appuyée  |en  Angleterre 
et  au  Cap,  où  les  interruptions  fréquentes  des  communications  télégra- 
phiques avec  l'Afrique  australe,  causées  par  la  rupture  du  câble  entre 
Mozambique  et  Zanzibar,  ont  récemment  provoqué  la  réunion  de  mee- 
tings en  faveur  d'une  ligne  par  la  côte  occidentale  entre  la  métropole 
et  la  Colonie. 

Ainsi  qu'on  peut  le  voir  sur  notre  carte,  les  lignes  de  navigation 
entourent  déjà  l'Afrique  d'un  réseau  serré,  surtout  dans  la  Méditerra- 
née, franchie  non  seulement  par  les  nombreux  paquebots  qui  mettent  la 
France  et  l'Italie  en  relations  avec  l'Algérie  et  la  Tunisie,  mais  encore 
par  les  steamers  à  destination  des  Indes  orientales,  qui  desservent 
l'Egypte  en  passant.  Comme,  à  partir  de  Suez,  ils  ne  touchent  plus  aucun 
port  africain,  notre  carte  n'indique  pas  leurs  itinéraires  à  travers  la  mer 
Rouge  et  le  golfe  d'Aden,  mais  les  arrête  à  Port-Saïd. 

La  fondation  de  nouvelles  colonies  et  de  nouveaux  États  amène  le 
développement  des  services  maritimes,  et  il  n'est  pas  d'année  où  l'on 
ne  signale  la  création  de  plusieurs  lignes  de  paquebots.  Actuellement 
elles  sont  si  nombreuses  qu'il  n'est  pas  possible  de  mentionner  avec 
détails  tous  les  ports  qu'elles  desservent,  les  conditions  de  transport,  la 
durée  des  trajets.  Nous  voulons  seulement  signaler  les  principaux  servi- 
ces maritimes,  pour  donner  une  idée  du  mouvement  de  navigation  afri- 
cain. . 

Voici  les  noms  des  compagnies  et  des  grands  ports  touchés,  classés 
suivant  les  trois  routes  de  la  Méditerranée,  de  l'océan  Atlantique  et  de 
l'océan  Indien. 


—  380  — 

I.  Boute  d«  la  Méditerranée  et  de  la  e^te  septentrionale  d'Afrt%ne. 

Messageries  maritimes  (françaises)  : 

Marseille,  Alger,  Alexandrie,  Port-Saïd,  Saez. 

Nouvelle  Compagnie  marseillaise  de  navigation  à  vapeur  : 

Marseille,  Alexandrie,  Port-Saïd. 

Société  générale  de  transports  maritimes  à  vapeur  (française)  : 

Marseille,  Alger,  PhilippeYÎlle,  Bône,  Bougie. 

Compagnie  générale  transatlantique  (française)  : 

Marseille,  Alger,  B6ne,  Mostaganem,  Arzeu,  Oran,  Nemours,  Tanger. 

Compagnie  de  navigation  mixte  (française)  : 

Marseille,  Cette,  Alger,  Bougie,  Djidjelli,  Oran,  Bône,  PhilippeTille,  Mosta- 
ganem, Arzeu,  Nemours,  Tanger. 

Compagnie  Valéry  (française)  : 

Marseille,  Alger,  Dellys,  Bougie,  Djidjelli,  Collo,  Oran,  Stora,  Tunis. 

Compagnie  havraise  péninsulaire  : 

Le  Havre,  Nantes,  Saint-Nazaire,  Bordeaux,  Oran,  Bougie. 

Compagnie  Rubattino,  Florio  (italienne)  : 

Gènes,  Marseille,  Tunis,  Sfax,  Tripoli,  Alexandrie. 

Compagnie  du  Lloyd  (austro-hongroise)  : 

Trieste,  Gonstantinople,  Alexandrie,  Port-Saïd,  Suez. 

Compagnie  péninsulaire  et  orientale  (anglaise)  : 

Southampton,  Venise,  Alexandrie. 

Compagnie  russe  de  navigation  à  vapeur  : 

Odessa,  Gonstantinople,  Smyrne,  Alexandrie. 

Ligne  ottomane  : 

Gonstantinople,  Port-Saïd,  Suez. 

Ligne  hollandaise  : 

Amsterdam,  Port-Saïd,  Suez. 

Ligne  allemande  : 

Hambourg,  Port-Saïd. 

Ligne  grecque  : 

Le  Pirée,  Port-Saïd. 

Compagnie  du  Khédi\ié  (égyptienne)  : 

Gonstantinople,  Smyrne,  Alexandrie. 

II.  Bonté  de  la  e^te  oeeldentale  d^Afrlqne  par  l'Atlantique. 

C.  Woermann,  Hambourg  : 

Hambourg,  Madère,  Corée,  Monrovia,  Lagos,  Gameron,  Gabon,   Landana, 
Gabinda,  Ambriz. 


—  381  — 
Kosmos  (allemande)  : 

Hambourg,  Saint-Yincent,  Amérique  du  Sud. 

Hamburger  Sûdamerikanische  Dampfschiffahrtsgesellschaft 

Hambourg,  Saint- Vincent,  Buenos-Ayres. 

Mersey  Steamship  Company  : 

Londres,  Tanger,  Rabat,  Casablanca,  Mogador. 

African  Steam  ship  Company  : 

Liverpool,  Le  Cap. 

British  and  African  Steam  Navigation  Company  : 

Liyerpool,  Hambourg,  Madère,  Ténériffe,  Freetovn,  Monrovia,  Accra,  Lago^^ 
Gabon,  Congo,  Ambriz,  Loanda. 

Union  Steam  Ship  Company  : 

Plymouth,  Madère,  Le  Cap,  Port  Elisabeth,  East-London,  Natal. 

Colonial  Mail  Line  : 

Dartmouth,  Madère,  Ascension,  Sainte-Hélène,  Le  Cap,  Natal. 

Orient  and  Pacific  Steam  Navigation  Company  : 

Plymouth,  Saint-Vincent,  Le  Cap. 

Royal  Mail  Steam  Packet  Company  : 

Southampton,  Saint-Vincent,  Buenos- Ayres. 

Messageries  maritimes  (françaises)  : 

Bordeaux,  Lisbonne,  Dakar,  Buenos- Ayres. 

Compagnie  de  navigation  marocaine  (française)  : 

Marseille,  Tanger,  Mogador,  Canaries. 

Société  générale  des  transports  maritimes  (française)  : 

Marseille,  Saint- Vincent,  Buenos- Ayres. 

Ligne  portugaise  : 

Lisbonne,  Madère,  Açores. 

Ligne  italienne  : 

Gênes,  Saint- Vincent,  Buenos-Ayres. 

Ligne  espagnole  : 

Cadix,  Canaries,  Cuba. 

III.  Route  de  la  eôte  orientale  d'Afrique  par  la  Mer  Bouire  et  roeéai» 

Indien. 

British  India  Steam  Navigation  Company  : 

Aden,    Zanzibar,  Mozambique,   Quilimane,   Inhambané,  Lorenzo-Marquez 
Mayotte,  Xossibé,  Majunga  (Madagascar). 

Union  Steam  Ship  Company  : 

Aden,  Zanzibar,  Natal,  Le  Cap. 

Messageries  maritimes  : 

Marseille,  Port-Saïd,  Suez,  Aden,  Mahé  (Seychelles),  Saint-Denis  (La  Réunion), 
Port-Louis  (Maurice). 


—  882  — 

Compagnie  du  Khédivié  (égyptienne)  : 

Suez,  Souakim,  Massaoua. 

Voici,  pour  terminer,  quelques  indications  relatives  à  la  durée  des 
trajets,  de  : 

Marseille  à  Cran,  52  heures.  Hambourg  à  Alexandrie,  15  jours. 

MarseUle  à  Alger,  88  heures.  Liverpool  à  Madère,  7  jours. 

Marseille  à  Philippeville,  48  heures.  Hambourg  à  Madère,  9  jours. 

Marseille  à  Alexandrie,  par  Malte,  6  j.  Lisbonne  à  Madère,  2  Vt  jours. 

Marseille  à  Alexandrie,  par  Naples,  7  j .  Cadix  à  Ténériffe,  3  *!%  jours. 

Marseille  à  Tunis,  3  jours.  TénérifTe  à  Dakar,  4  jours. 

Carthagène  à  Oran,  12  heures.  Plymouth  à  St-Yincent  (Cap  Vert), 9  j. 

Gênes  à  Alexandrie,  8  jours.  Plymouth  au  Cap,  20  jours. 

Trieste  à  Alexandrie,  5  jours.  Lisbonne  au  Cap,  l7Vi  jours. 

Oonstantinople  à  Alexandrie,  7  jours.  L'Ascension  au  Cap,  13  jours. 

Odessa  à  Alexandrie,  10  Vt  jours.  Marseille  à  la  Kéunion,  21  jours. 

Malte  à  Alexandrie,  3  jours.  Aden  à  Zanzibar,  10  jours. 

Gibraltar  à  Alexandrie,  8  jours.  Zanzibar  à  Mozambique,  5  jours. 

Southampton  à  Alexandrie,  13  jours.  Zanzibar  à  Mayotte,  2V>  jours. 
Liverpool  à  Alexandrie,  14  jours. 


BIBLIOGRAPHIE 


Ch.  Le  Brun-Renaud.  Les  possessions  françaises  de  l^âfbique 
OCCIDENTALE.  Poris  (L.  Baudoiu  et  C**),  1886,  in-S**,  340  p.  et  2  cartes, 
fr.  3,50.  —  Dans  cet  ouvrage  de  vulgarisation  géographique,  un  des 
meilleurs  que  nous  connaissions,  sur  la  situation  coloniale  de  la  France, 
l'auteur  s'est  proposé  de  faire  un  résumé  historique  de  la  conquête  du 
Sénégal,  de  l'établissement  de  l'autorité  française  à  la  côte  de  Guinée, 
au  Gabon,  sur  l'Ogôoué  et  au  Congo.  En  même  temps  il  étudie  la  géo- 
graphie physique  et  administrative  de  ces  possessions  françaises,  esquisse 
les  mœurs  de  leurs  habitants,  leur  organisation  politique,  sociale,  reli- 
gieuse ;  il  en  décrit  la  faune,  la  flore  et  les  richesses  économiques.  Un 
coup  d'oeil  d'ensemble  sur  les  missions  et  les  explorations  que  le  gou- 
vernement français  a  ordonnées  au  Sénégal  depuis  1879  jusqu'à  l'heure 
actuelle,  et  trois  chapitres  sur  l'Association  internationale  africaine,  la 
Conférence  de  Berlin  et  le  Congo,  avec  un  appendice  sur  les  colonies  de 
l'empire  allemand,  donnent  un  caractère  d'actualité  à  ce  volume  qui 
est  écrit  dans  un  style  clair,  toujours  élégamment  correct,  sans  lon- 
gueurs ni  digressions  inutiles,  impartial  dans  ses  aperçus,  tel  qu'il  con- 
vient à  un  historiographe  sérieux,  de  quelques-unes  des  conquêtes  les 
plus  importantes  de  la  France. 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bâle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civiliaée. 


DE  LA  SIXIÉMB  ANNÉE 


BULLETIN  MENSUEL  et  NOUVELLES  GOXFLËMENTAZRBS 

Pag08  3,  41,  65i  105,  141,  169,  193,  226,  267,  289,  326,  867. 

CORRESPONDANCE 


Lettre  de  M.  E.  Creca  (lies  spiritaeuz  an 
TrftasTaal) : . . . 

—  de  M.  de  Ponrtalds,  de  Vivi 

—  delC.  leD'O.PaMavantideCameroon. 


Psfes 

36 
60 
91 


Pages 
Lettres  de  M.  D.  Jeanmairet,  da  Zambèae. 

98,  248,  849 

—  de  M.  P.  Beribond,  da  TzaasTaal ...       98 

—  de  M.  Hôli  ChateUb,  de  Loanda ...     819 

—  do  Bas-Oongo 820 


ARTICLES  DIVERS 


La  Oonlérence  africaine 16,  76,  120 

Exploration  dn  Itassin  da  Haat->Orange  et 

de  ses  aliflaents,  par  M.  E.  Jaoottet . .  24 
Expédition  de  M.  J.  Tbomion,  de  Mombas 

au  Viotoria-Nyansa,   par  le  pays  des 

Masaï : 54,  88 

Cartographie  dn  Congo. 138 

Les  gisements  aoriféres  da  Trantvaal. . .  156 
Exploration  dn  Limpopo,  par  le  capitaine 

Cbaddook 183 

De  l'emploi  des  ouvriers  européens  dans 

r  Afrique  tropicale,  d'après  le  D' Fischer    206 


Le  commerce  de  l'ivoire  africain 241 

Exploration  des  afflatnts  .du  Congo,  par 

le  Rev.  Grenfell 278 

La  Côte  d'Or  entre  le  Prah  et  le  Volta. .     307 
Exploration  dn  Eassid  par  le  lieotenant 

Wissmann 340 

Le  commeroe  de  Thoile  en  Afrique 844 

Les  derniers  travaux  de  Savorgnan  de 

Brazsa 871 

Renseignements    coloniaux    et  commer- 
ciaux de  l'Afrique 375 


BIBLIOGRAPHIE 


Annales  sénégalaises  de  1854  &  1885  . .  356 
Arène  (Faut)  :  Vingt  jours  en  Tonisie . .  321 
Barthélémy  {A.)  :  Guide  du  voyageur  dans 

la  Sénégambie  française 103 

Bibliothèque  d'aventures  et  de  voyages..  40 
Brochures  relatives  À  la  Conférence  afri- 
caine de  Berlin  :  Banning  (E.)  :  La 
Conférence  africaine  de  Berlin  et  l'Asso- 
ciation internationale  du  Congo.  — 
Jooriê  (/.)  ;  L'acte  général  de  la  Con- 
férence de  Berlin.  —  Du  Fie/  (J.)  :  La 
question  du  Congo.  —  Travers  Tunts 
(^air)  :  Le  Congrès  de  Vienne  et  la  Con- 
férence de  Berlin.  —  Paisig  (C-À.)  :  Die 
Afrikanische  Conferenz  nnd  der  Congo- 

staat 322 

JBurekhardt  et  Orundemann  :  Les  missions 
ôvangéliques 160 


165 


Burdo  :  Les  Arabes  dans  l'Afrique  centrale. 
Butiner  (C-O.)  :   Eolonial  Folitik  und 

Christenthum 253 

Camperio  (M.)  :  Carta  del  Sudan  orientale.  222 
Castonnet  des  Fosses  (S.)  :  Madagascar.  38 
Charmetani  {le  F.)  :  Études  et  souvenirs 

d'Afrique. 38 

Conring  (Adolph  von)  :  Marroco,  das  Land 

imd  die  Leute 286 

DutreuU  de  BMns  (J.-L,)  :   Le  Congo 

français  . . .  ; . 104 

Dutrieux  (P.)  :  Souvenir  d'une  exploration 

médicale  dans  l'Afrique  intertropicale.     285 
FaUtenstein  (!>'  J.)  :  Die  Zukunft  der 

Kongo-  und  Guineagebiete 63 

Falkenstein  (D^  G.)  :  Afrikas  WestktUte. 

Vom  Ogowe  bis  sum  bamara-Land. . .     191 
Fischer  (D*)  :  Mehr  Licht  im  dunklen 


■  f 


—  384  — 


'FagM 
>  Welttbeil.  B«traebtimgen  ûbêr  die  Ko- 
loniBation  des  tropisoben  Afriks.  ....     218 

FUgel  (Ed.'Rob^l)  .•  Drai  Briefe  an  die 
Fremide  deotsober  ÂfnhA-Forsebuig .     218 

iVoNtiiM  (AibreekC)  :  DentMblaixds  Kolo- 
nien 39 

^nederieham  (Z.)  .-  Cartes  diverMi ....     317 

Friiath  (/>'  (?twtev)  :  SAdafrika  bis  som 
Zambêri 192 

OaUiéni  (le  eowmandtuU)  :  Mission  d'ex- 
ploration du  Hant-Niger 100 

G  uineannd  Eongo-Eûsten-Eolonial  Earif . 
NO  2 63 

JSamel  (Louis)  :  Les  cbemins  de  fer  algé- 
riens       222 

Heinersdorff(irart)  :  Reinbold  Boohbolz' 
Reisen  in  West-Afrika 89 

Jsamberi  (D'  £}miU)  :  Itinéraire  descriptif, 
historique  et  archéologique  de  l'Orient.     223 

Zagarde  (Charles)  :  Une  promenade  dans 
le  Sahara 28S 

Le  J9nm-i2en3tu2  (CA.)  ':  Les  possessions 
françaises  de  l'Afrique  occidentale. . . .     è82 

Zteata  ((7.-J9.)  .*   Assab   e  i   Danachili,    ^ 
viaggio  e  stndii. ...  1 ...  ^ 351 

A  map  of  tbe  Gold-Coast  and  Inland  oonn-  i 

tries,  between  and  bejond  tbe  Fra  and 
Volta,  bj  the  Basel  Missionaries 191 

JfeJoN  (FavS)  :  L'alliance  française  et   l'en-  | 

seignement  français  en  Tunisie  et  en  ^ 

Tripoliteine 165  | 

Mdirn  (Ta\CC)  :  De  Falerme  d  Tunis,  par 
Malte,  Tripoli  et  la  cdte 219 

Noirot  :  A  travers  le  Fouta-Diallon  et  le 
Bambouc 162 

Oppel  (D' A  )  :  Der  Congo  und  sein  Gebiet.     351 

Paulitsehke  (2)'  PhUipp)  :  Die  Sudanlàn- 


d«r  nach  dem  gegenwartigen  Stande 

der  KennlnSs 189 

Pieue  (Louis)  :  Itinéraire  de  l'Algérie, 
de  la  Tunisie  et  de  Tanger.* . . . .  i . . .     254 

PUtri  :  Les  Français  an  Niger 168 

Potagos  (D*)  .*  Dix  années  de  Toyages  dans 

l'Asie  eentmle  et  l'Afrique  éqnatoriale.    190 
Bedus  (Elisée)  :  Nouvelle  géographie  nni- 

▼erselle % 255 

Riiehènow  (jy)  :  Die  Deutsche  Kolonie 

Eamerun 164 

Be%tss  :  David  Livingstone 188 

Rinn.  (Louis)  :  Marabouts  et  Êhouan. . .     220 
Bivoyre  (Denis  de)  :  Aux  pays  dn  Soudan.     284 

Roiilasnd  (Q.)  :  La  mer  Saharienne 102 

Roekosefmy  (jy  Mermann)  :  Europas  Ko- 

Ionien,  V^  Band 354 

SaSUne  (E,)  :  Nos  droits  sur  Madagascar 

et  nos  griefs  contre  les  Hovas 287 

Sekweiger-Lerehenfeld  (A.  v.)  ;  Afrika. 
Der  dunkle  Ërdtheil  im  Licbte  nnserer 

Zeit 64,  351 

Sorela  ':  Les  pôisessioDS  espagnoles  du 
golfe  de  Guinée,  leur  présent  et  leur 

avenir  '. 167 

Wegner  (R  WaU.)  :  Tagebuch  -  Briefe 
eines  jungen  Deutschen  aus  Angra- 
Pequena.  —  BiUiner  (C.-O.)  :  Ackerban 
und  Viefasueht  in  Stid-West- Afrika.  — 
Jleyer  (Karï)  :  Eamerun,  Land,  Volk 

und  Handel , 355 

Wauters  (A.-J.)  :  Le  Congo  au  point  de 

vue  économique 284 

Wauwermans  (colonel)  ;  Libéria 256 

WilliafM  (/>')  ;  Life  in  tbe  Soudan. 
Adventures  among  tl^  tribes,  and  tra- 
vels  in  Egypt 163 


GARTEÔ 

Itinéraire  de  J.  Thomson,  de  Mombas  su  '  La  Côte  d'Or  entre  le  Prah  et  le  Volta 

Victoria-Nyanza,  par  le  pays  desMasaï.       64  ,  Carte  commerciale  de  l'Afrique. 
Afrique  éqnatoriale 140 


324 

384 


w 


ÊGHÂNGËâ 

Sooiétés  de  géographie, 


Amsterdam.  Gonstantine.  Halle. 

Anvers.  Douai.  Hambourg. 

Berlin.  Edimbourg.  léna. 

Brome.  Francfort '/M.  Le  Caire. 

Bnxelles.  Greifswald.  Leipzig. 


Lille. 

Lisbonne. 

Lyon. 

Madrid. 

Manchester. 


Marseille.  Paris. 

Montpellier.  Rochefort. 

rSancy.  Rome. 

New-York.  Rouen. 

Oran.  Vienne. 


Berlin. 


Sodétto  de  géographie  ooxnnieroiale. 

Bordeaux.         Paris.         Porto.         Saint-Gall. 

Mieaioiis. 


Le  Havre. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XlXne  siècle 

(Neuchâtel). 
Journal  de  1  Unité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions-Blatt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bâle). 

Ëvangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
(^alwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgemeine  Missions-Zeitschrift  (GUters- 

loh). 
Glaubensbote  (Bàle). 
Africa  (Londres). 
La  Nigrizia  (Vérone). 


Church  missionary  Intelligencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionarv  (New- York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Chronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Church  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

(Church  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  Church  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Woman's  foreign  missionary  Societv 
(Philadelphie). 


Divem. 


Gnzette  géographique  et  Exploration  (Pa- 
ris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algi^ 
rienne  (Alger). 

Bulletin  du  (^mice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  T Académie  d*Hippone  (Bone). 

Bulletin  de  renseig.  coloniaux  (Paris). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Le  Mouvement  géographique  (Bruxelles). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gail). 

Deutsche  Rundschau  far  Gréographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell-, 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische    Monatsschrift  fttr  den; 
Orient  (Vienne).  ; 

Zeils4*hrift  fUr  wissenscbafllicho  Geogra-: 
phie  (Vienne). 


Deutsche  Kolonialzeitung  (Francfort  s/M). 

Chamber  of  Commerce  Journal  (Londres). 

African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Esploratore  (Milan). 

Cosmos  (Turin). 

Bollettino  délia  Societa  africana  dltalia 
(Naples). 

Boll.  délia  sezione  Fiorentina  (Florence). 

Marina  e.Commercio,eGiornaIe  délie  co- 
lonie (Rome). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Afrioano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portugnezas  (Lisbonne). 

Revista  de  Ëstudos  Livres  (Lisbonne). 

Revue  Oiloiiiale  internat.  (Amsterdam). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 

]\e\\\e  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indépendant  (Constantine). 

Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 

Dr  A.  Petermann  s  Mittheilungen  (Gotha) 


Proceediiigs   of  the  roval   geographical 
Society  and  monthly  Reconl  of  geogra 
phy  (Londres). 

Natal  Mercury  (Durban). 

Cape  Argus  (Cape-Town). 

West  African  Reporter  (Sierra  Leone)  • 


Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

BlJMJSTIN  MENStJEr. 357 

Nouvelles  complémentaires 369 

Les  derniers  travaux  de  Savorgnan  de  Brazza 371 

Renseignements  coloniaux  et  commerciaux  sur  l'Afrique  ...  375 

Bibliographie  : 

Les  possessions  françaises  de  PAfrique,  par  Ch.  Le  Brim^Renaud. .  382 

Table  des  matières  de  la  sixième  année 383 


Carte  commerciale  de  l'Afrique 384 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Les  possessions  françaises  de  l'Afrique  occidentale,  par  Ch.  Le  Brun-Kenaiid.  — 

Paris  (L.  Baudoin  et  C>«),  1886,  in-16,  332  p.  et  2  cartes,  fr.  3;  50. 
Les' explorateurs  français  en  Afrique,  par  Eugène  Parés. —  Limoges  (Eug.  Ardaut 

et  C'«j,  gr.  in-8%  304  p. 
Das  internationale  System  zur  Unterdrûckung  der  Afrikaniscben  Sklavenhandels 

in  seinem  heutigen  Bestande,  F.  von  Martitz.  —  Freiburg  in  B.  (J.-C.-B.  Mohr), 

1885,  in-8%  107  p. 
Le  Maroc.  Voyage  d'une  mission  française  à  la  cour  du  sultan,  par  le  D^  A.  Marcct. 

—  Paris  (E.  Pion,  Nourrit  et  C''«),  1885,  in-16,  298  p.  avfiC  gravures  «t  carte. 
Cinq  années  au  Congo,  par  Henri  M.  Stanley.  —  Bruxelles  (Institut  uational  de 

géographie),  1885,  gr.  in-8".  716  p.  avec  120  illust.  et  4  cartes,  fr.  20. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schucbardt.