Google
This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's bocks discoverablc online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover.
Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the
publisher to a library and finally to you.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying.
We also ask that you:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web
at|http: //books. google .com/l
bV 0 ■ 1 -<".
J-L
/.mti. ■
GENEVK
GKOJtG, LIBRAIRK-ÉDITEUR
MÊME MAISOK A BALE ET A I.VOH '* ,
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIEIGÉ PA.B
M. Gnataye MOTNIER
Membre de la Commission internationale de Broxëlles poor ^exploration et la cÎTilisation
de TAfiriqne centrale; membre correspondant de l'Aoadémio d'Hlppone, .
et des Sociétés de g^éographle de Bfarseille, de Nancy, de Loanda et de Porto.
RâDIOÉ PAE
M. Charles FAIJBE
Secrétairo-Bibliothécalre de la Société de géographie de Genève , membre coi-rcspondaiit des 3ociét4'>B
do géographie de Lisbonne, de Loanda. do Porto et de Saint-Gnll.
UAfrique paraît le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-S» d'au
moins 20 pages chacune; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que celii
parait nécessaire.
Le prix de l'abonnement annuel, pajrable d'avance» est de 10 firanes,
port compris, pour tous les pays de l'Union postale (première zone); pour les
autres, 11 fr. 50.
Tout ouvrage nouveau- relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit ft un eompte rendu*
Adresser tout ce qui concerne la rédaetion à llf. Gustave Ulejrnler.»
%t ru^ de i'Athénée, ft CtenèTe (Suisse).
S'adresser pour les abonnements h l'éditeur, m. H. Georg, là
Genève ou ft BAIe.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Gh. Delagràvb, libraire. 45, rue Souiïlot, à Paris.
Muquârdt, libraire de la Cour, 45. rue de la Régence, à Bruxelles.
DuMOLARD frères, libraires. Corso Vittorio Emmanuele, 21. à Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querstr., 29, à Leipzig.
L. Friederichsen et C", libraires, Admiralitàtsslr, 3/4, à Hambourg
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autriche).
TRUBNERet C^ libraires, Ludgate Hill. 57/59. à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
ATIS* — Nottë mettons à la disposition de nos fwuveaux abonnés un certain
nombre d^exemplaires complets de In 11""% de la ITl^^ et de la IF"'* atmée. Tai
I^ est qfMisée.
\
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
w
CINQUIÈME ANNÉE
i88i
•feoDLILI
-i>-e<=>&^-*f>'**=>9-«
GENÈVE
GKOKG, LIBRAIRE-ÉDITEUR
1884
•
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
BULLETIN MENSUEL (7 janvier 1884.y
La France et rAlgérie sont reliées par trois cAble» sous-marins
posés entre Marseille et Alger ; maisle grand nombre de dépêches échan-
gées entre la mère patrie et la colonie produit un encombrement, qui a
suggéré au directeur-ingénieur du bureau central de Marseille, et à
Tun de ses employés M. Brahic, Tidée de substituer à la transmission
ordinaii*e à la main, une transmission mécanique d'après le système
Wheastone, depuis longtemps en usage sur les lignes aériennes. Des
expérieaces ont été faites entre la France et l'Algérie et le résultat a
été satisfaisant; au lieu de 30 dépêches à l'heure en moyenne, on
a pu en transmettre 90. Ce perfectionnement permettra d'abaisser
à cinq centimes par mot le tarif des dépêches.
Une caravane de 250 esclaves amenés du Kordofan a été récem-
ment capturée à Siout. Au Caire, un des principaux marchands d'escla-
ves a été découvert et aiTêté. On a trouvé en sa possession trois esclaves
noires et trois Circassiennes ; elles ont été délivrées et toutes ont accepté
la liberté, sauf une Circassienne qui a positivement refusé de quitter
son mattre, non pas tant par affection pour lui que par le désir de faire
connaissance avec l'intérieur d'un somptueux harem égyptien. — Une des
difficultés qui s'opposent à la suppression immédiate de l'esclavage, c'est
l'embarras oU Ton se trouve au sujet des femmes esclaves libérées, em-
barras si grand qu'un Anglais philanthrope, l'un des meilleurs conseil-
lers du khédive, hésite à insister sur l'abolition, aussi longtemps qu'on
n'aura pas pi-is des mesures suffisantes pour la protection des femmes
rachetées et émancipées. M"' Sheldon Amos écrit à ce sujet, du Caire au
Daily News : La position d'une femme an'achée à une bande d'esclaves,
ou qui obtient légalement son émancipation d'un harem de pacha, est
très périlleuse. Dans un pays oU la vie du harem offre seule une espèce
de protection aux femmes, une femme isolée, ignorante, sans défense, est
exposée aux plus grands dangers; le suicide et le meurtre en sont
trop souvent la conséquence. Des philanthropes anglais, d'accord avec
le gouvernement égyptien, ont conçu le plan d'un home en faveur des
^ Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Nouvelles com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
PÂlgérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale. du continent et
revenant par la côte occidentale.
— 4 —
»
esclaves femmes libérées. La direction en serait confiée à des dames
anglaises, ayant fait leurs preuves dans l'œuvre de secours au milieu des
pauvres de Londres. Quant aux finances, les frais devant être assez con-
sidérables, on s'est adressé à un généreux anglais dont on attend la
réponse.
Pendant Tannée dernière, M. «losef Illeiises a exploré, aux frais
de M. C. Hagenbeck de Hambourg, la partie orientale du Soudan
égyptien, entre Kassala et la mer Rouge, en particulier certains dis-
tricts que n'avait visités jusqu'ici aucun Européen. D en a rapporté une
riche collection de dessins, d'itinéraireset d'observations astronomiques,
qui serviront à dresser une carte dont l'exécution est confiée à l'Ljstitut
géographique de Gotha. Il est reparti récemment pour faire un nouveau
voyage dans l'Afrique orientale. Il tâchera de pénétrer de Berbéra dans
l'intérieur; si les Somalis s'opposent à son projet, il retournera à Kassala,
pour se diriger de là vers le sud ou le sud-est ; dans ce cas il s'efforce-
rait de faire le relevé exact de la route de Souakim à Kassala.
Le D' Steckep est revenu à Berlin, chargé de lettres du roi d'Abys-
sinie pour l'empereur d'Allemagne, la reino d'Angleterre et le prési-
dent de la République française. Le négous s'y plaint de nouveau que la
paix n'ait pu être conclue avec l'Egypte ; il réclame un libre accès sur
la mer Rouge, pour pouvoir faire entreries marchandises dans ses États
sans droits de douane, et la cession des districts des Bogos, de Menza,
de Gallabat, etc. Il a dit au D' Stecker à son départ : Je ferai encore
une tentative ; mais si les puissances de l'Europe ne m'écoutent pas
cette fois-ci, je commencerai une guerre acharnée et n'épargnerai
aucun pays sur la frontière ; je laisserai . piller et dévaster tout ce qui
sera à la portée de mes troupes. H se préparait à envahir le Gallabat,
dépourvu de troupes par suite de l'expédition duKordofan, et a nommé
le cheik Saleh, son ami, ras de Gallabat. U a enfin exprimé son mécon-
tentement, au sujet du refus de Rohlfe de retourner en Abyssinie pour
lui aider à conclure la paix avec l'Egypte. D'après une lettre de Rohlfs
au secrétaire de l'Antislavery Society, c'estle dernier appel du négous k
l'Europe. Il semble qu'il ait déjà commencé à mettre ses menaces à exé-
cution, car le général ras Aloula est descendu des montagnes d'Abyssi-
nie, et a taillé en pièces des bachi-bozouks dans le voisinage de Massaoua.
Peut-être est-ce l'attaque des partisans du mahdi contre Souakim qui a
incité le négous à faire cela. Rohlfe ne croit pas que le roi d'Abyssiuie
veuille jamais s'allier au mahdi, malgré les propositions de celui-ci, mais
il insiste pour que l'Angleterre intervienne, afin d'amener la conclusion
de la paix entre l'Abyssinie et l'Egypte.
— 5 —
Dans une conférence que le D' Fischer a faite à la Société de géo-
graphie de Hambourg, il a exprimé l'idée que les territoires situés au
sud du Kilimandjaro et entre ce dernier et le mont Mérou, près duquel
il a passé dix joui*s en revenant du lac Naïvasha, le pays de Tchaga et
celui d'Arusha, sont bons pour la colonisation. L'élévation du plateau
au-dessus de la mer (de 1000" à 1500"), fait que le climat n'en est pas
trop chaud ; il est arrosé par une quantité de cours d'eau qui ne taris-
sent jamais. Les IVakaafis qui y habitent étaient autrefois sujets des
Masaîs, mais, dans ces derniers temps, ils se sont tellement fortifiés
qu'aucun Masaï n'ose plus envahir leur territoire. Ils se servent d'armes
à feu qu'ils échangent aux caravanes, contre des esclaves enlevés dans
des razzias au milieu des populations des monts Paré. Les relations que
la caravane eut avec les Wakuafis pendant son séjour au mont Mérou
furent si cordiales, que les Wakuafis exprimèrent le désir de voir- des
Européens s'établir chez eux d'une manière permanente. Les bois de
charpente et d'ébénisterie abondent sur les pentes des montagnes ; le
sol est favorable h l'élève du bétail; la tsétsé ne s'y rencontre pas; les
transports de marchandises à la côte pourraient s'effectuer en dix jours
avec des ânes du pays des Masaîs, plus vigoureux que ceux de l'Ounya-
mouézi. La caravane du D' Fischer en avait pris 40, qui se sont très bien
comportés, quoique leur charge fût de 75 à 90 kilog.
D'après une lettre de M. Ledoulx, consul de France à Zanzibar, les
Masaï» ont été signalés à Mdoumi, à quelques lieues de la côte. Le
sultan Saïd Bargasch a donné au gouverneur de Saadani l'ordre de les
refouler, et lui a envoyé des munitions. On espère que ce chef énergique
en aura eu facilement raison, mais il est à craindre qu'obligés de se reti-
rer dans l'intérieur, les Masaîs n'inquiètent les caravanes de Pangani et
de Tanga. On les dit poussés par Erabarouk, chef rebelle que Saïd Bar-
gasch a dû combattre l'année dernière, et qui n'aurait pas accepté sans
arrière-pensée les conditions mises à sa soumission.
Le capitaine Bloyet continue ses travaux de triangulation dans
rOasa§^ara et dans l'Ouzigoua. Après un séjour à Mrogoro, où se
trouve la nouvelle station des missionnaires de Bagamoyo, il devait se
rendre à Mhonda dans le Ngourou, puis redescendre sur Mandera,
traverser l'Oudoué et gagner la côte pour se reposer, expédier ses col-
lections en ïYance et se ravitailler.
Les missionnaipes de Mpo^opo ont terminé les constructions
nécessaires à l'installation des dix-huit familles de nègres libérés qui doi-
vent former le noyau de la nouvelle colonie; il les ont fait chercher à
— 6 —
Bagamoyo et les ont établies, chacune sur un lot de terre, en leur don-
nant les instruments nécessaires pour l'exploitation. Aux premiers sen-
timents de méfiance que l'arrivée des blancs avait excités, a succédé une
bienveillance de plus en plus marquée de la part des naturels. Mrogoro
étant un lieu de passage pour les caravanes de l'Ousagara, de TOurou-
gourou, de l'Oukami et de l'Oukoutou, des transactions importantes s'y
opèrent, et la civilisation y pénètre peu à peu ; les sacrifices humains
tendent à disparaître et les sorciers perdent de leur crédit. Les indigè-
nes commencent à admettre que la sécheresse, les épidémies, les calami-
tés publiques et les décès pourraient bien n'être pas dus à l'influencé
maligne de tel ou tel individu, et qu'il n'est ni humain ni raisonnable de
brûler à petit feii le malheureux que les sorciers ont désigné comme
l'auteur du mal. La reine Simba Mouéni a promis son concours pour
faire cesser ces honteuses pratiques .et en châtier les auteurs ; elle témoi-
gne une grande bienveillance aux missionnaires.
Le transfert du personnel de la station de Masasi à Néouala s'est
opéré sans difficulté. Le chef Songila, qui avait conduit l'attaque des
Magwangv^aras contre Masasi est mort, et ses gens ont passé à l'ouest
du Nyassa, suivant la coutume de quitter une ville à la mort d'un chef.
Leur principal chef, Chipeto, a attaqué Meto, roi de Mwalija, secoui-u
par les Mavitis des bords de la Rovouma.
Toutes les personnes qui s'intéressent au développement de la civili-
sation dans l'Afrique centrale ont été douloureusement émues, à la nou-
velle de la mort de M. J. Ste'wapt, un des hommes qui ont le plus con-
tribué à faire connaître la région du lac Nyassa. Après avoir construit,
en 1878, la route qui longe les cataractes du Chiré, pour faire passer, par
sections, Vllala destinée à la navigation du Nyassa, et en avoir relevé
dans les années subséquentes les côtes occidentale, septentrionale et
orientale, il construisait la route entre les deux lacs Nyassa et Tangaiiy-
ika, et était occupé d'y faire passer le steamer la Bonne Nouvelle^
«nvoyé par la Société des missions de Londres au Tanganyika, lorsque
la fièvre l'a emporté le 31 août. Dans ses dernières lettres du 2 juillet et
du !•' août, à M. Stevenson, le promoteur de la route, il lui donnait dos
détails sur l'exécution des différentes sections de celle-ci, et sur l'aide
qu'il trouvait auprès de certains ch^fs. D avait visité peu auparavant,
à 160 kilom. au S.-O. de Maliouanda, un chef puissant, nommé Mivini
Wiwa, belliqueux et adonné à la traite, qui fait souvent des incursions
dans la région de la Loangoua, affluent de la rive gauche du Zambèze.
L'explorateur français M. Rin^aud avait passé par Maliouanda avec
— î —
sa caravane de Zanzibarites, se rendant aussi chez Mivini Wiwa, et de
là, vraisemblablement, au lac Bangouéolo, le but de son voyage. Le der-
nier numéro des Proceedings de la Société de géographie de Londres,
qui renferme les lettres de Stewart, est accompagné d'une carte du
Njassa, donnant le dernier relevé fait par lui de k côte orientale. On
peut juger, par les indications qu'il y a inscrites, que cette côte est très
peu peuplée ; à Chitesi, à Losewa et à Makanjira, il y a un assez grand
nombre de villages, mais ailleurs la rive est ou bordée de rochers ou
marécageuse. Le port de Bampa est un des meilleurs du lac, et Vllala y
est souvent entrée. L'intérieur, dans le voisinage de Bampa, abonde en
éléphants. — Enfin, M. Stewart insistait pour que des mesures énergiques
fiissent prises pour s'opposer au développement de la traite dans la
région des lacs, sans quoi les chasseurs d'esclaves, refoulés du nord vei-s
le sud, pulluleraient bientôt au Nyassa. Nous avons déjà annoncé la
nomination du capitaine Foot comme agent consulaire dans cette
région, avec mission spéciale d'y surveiller la traite. D'après le Central
Africay M. Foot s'est rendu à son poste avec sa femme, deux jeunes
enfants et une domestique anglaise.
La concession accordée à la maison Luderitz de Brème, à Angra-
Pequena, s'est beaucoup étendue depuis notre dernier numéro. D'après
les journaux anglais et allemands que nous recevons, elle embrasserait
actuellement toute la côte, du 26** lat. S. jusqu'à l'embouchure du fleuve
Orange, soit une ligne de côtes de 45 milles géographiques (72 kilom.)
sur une profondeur de 20 milles à l'intérieur (32 kilom.), c'est-à-dire que,
des 10 milles carrés qu'elle comportait primitivement, elle s'est élevée à
900 milles carrés. Le missionnaire Bam, de Béthanie, qui est entré en
rapport avec les directeurs de l'entreprise, écrit à la Société des mis-
sions rhénanes que, jusqu'à présent, l'aifaire réussit pleinement et ne
nuit en aucune manière à l'œuvre missionnaire. Déjà en septembre les
troupeaux de bœufs et de petit bétail des nouveaux établissements étaient
les plus forts du pays, beaucoup de marchands s 'étant rendus à Bétha-
nie pour y vendre leurs bestiaux, argent comptant. Les indigènes béné-
ficient aussi des nombreux travaux à faire pour la construction des
magasins, le transport des marchandises, etc ; jusqu'à aujourd'hui on
n'a importé ni eau-de-vie ni autres spiritueux quelconques ; les chefs de
Béthanie en avaient fait une condition indispensable de la concession.
En revanche, le nouvel établissement paraît devoir être un encourage-
ment à la prolongation des hostiUtés entre les Héréros et les Nama*
qii»s. Ces derniers ont continué à enlever des bestiaux à leurs adver-
— 8 —
saires, et les missionnaires ne doutent pas qu'une partie de ceux qui ont
été vendus aux agents de la maison Luderitz ne provienne de ces raz-
zias. Les Namaquas sont heureux d^avoir un marché si rapproché, où
ils peuvent, en échange de leur butin, recevoir des armes et des muni-
tions pour de nouvelles incursions. De leur côté les Héréros, très exci-
tés, réclament des Allemands des aimes et des munitions, pour être en
état de lutter contre les Namaquas et de les attaquer à leur tour.
Dans son exploration de la côte occidentale d'Afrique au point de vue
de Texploitation minière, le D' HcepfAer a atteint le Dan&araland,
oîi il a pu constater les progrès que les indigènes ont faits dans la civili-
sation, sous rinfluence des missionnaires. Non seulement ils ont appris à
se vêtir, mais, à l'élève du bétail ils ont ajouté la culture des champs. A
Okozondyé, sur l'Omarourou, il a vu de bons légumes de diflférentes
sortes, des melons d'eau, des figues, des raisins. Dès que la saison des
pluies est passée, les Héréros utilisent le lit desséché de la rivière pour y
cultiver de l'orge. Le Damaraland a de nombreux lits de cours d'eau,
qui se remplissent pendant la saison des pluies ; c'est dans le pays des
Namaquas, que la nature prend l'aspect d'un désert, dont la zone s'élar-
git à mesure que l'on avance vers le sud. Si cette région n'est pas très
fertile, en revanche elle est salubre. Les Européens pourraient y créer
de vastes jardins, y cultiver la vigne, élever des bestiaux et des autru-
ches dans d'immenses pâturages, avec l'avantage d'être en rapport
direct avec la mer pour l'écoulement de leurs produits.
Le P. Duparquet continue son exploration de l'Ovampo pour y
multiplier les stations missionnaires ; après en avoir fondé une dans
rOukouanyama, il songe à en établir une chez les Amboellas, entre le
Coubango et le Tchobé. Retenu à Humbé, sur le Cunéné, par les hautes
eaux, il a envoyé le P* Hog^an faire visite au roi de l'OukouanyAma,
Nambadi, successeur de Kipandéka décédé. Pour atteindre sa résidence,
le P. Hogan a dû traverser le petit Ombandja, dont la population est
douce, hospitalière et très laborieuse. A l'arrivée du missionnaire, plus
de 300 personnes étaient occupées à creuser des puits de plus de 12"' de
profondeur; le roi lui-même encourageait leurs travaux par sa présence.
Toute la contrée est sillonnée d' « omarambas » qui sortent du Cunéné
et se rendent, les uns dans le grand Ombandja, les autres dansTOukou-
ambi ; un de ces derniers, traversé par l'expédition du P. Hogan, a plus
de deux kilomètres de large, et se prolonge jusqu'au lac Etosha. Le pre-
mier village de l'Oukouanyama, gouverné parle chef Nankonda^ est une
<M)lonie récente, composée de jeunes gens qui, Iprs du passage du mis-
— 9 —
sionnaire, étaient occupés à défricher la forêt pour y créer des champs
de céréales, tandis que d'immenses troupeaux de bœufs s'abreuvaient
dans l'omaramba voisin. Ces jeunes gens d'ailleurs avaient beaucoup
voyagé ; ils avaient vu Omarourou, où le P. Hogan avait été précédem-
ment ; ils le traitèrent comme une ancienne connaissance et lui fourni-
rent un guide pour le conduire jusqu'à sa destination. Au bout de qua-
tre heures de marche à travers une contrée populeuse et bien cultivée,
la caravane rencontra, auprès d'un puits oîi elle s'était arrêtée pour se
reposer, une ti*oupe d'Amboellas, conduits par deux chefs, faciles à dis-
tinguer à la richesse de leurs vêtements. C'étaient des marchands qui
retournaient dans leur pays, sur les bords de la rivière Okachitanda ; la
localité qu'ils habitaient se nomme Pompali Akola. L'explorateur
M. Dufour l'a visitée; c'était là que le P. Duparquet comptait créer une
station. Les deux chefs éprouvèrent une grande joie en apprenant que
les missionnaires songeaient à se fixer chez eux. Ils promirent un vaste
terrain, et fournirent toutes les explications nécessaires au sujet des
marchandises ayant cours dans leur pays. Ils allaient faire le commerce
à Mossamédès, pour en rapporter les marchandises européennes qu'on
trouve à la côte; les fusils à pierre ont perdu chez eux toute leur
valeur; ils ne se servent plus que d'armes perfectionnées. Leur pays
n'est qu'à cinq journées de marche cle l'Oukouanyama. Leur teint est
brun plutôt que noir ; leur figure allongée et leur nez aquilin, rappellent
le type européen. La description qu'en fait le P. Hogan s'accorde avec
le portrait que Serpa Pinto a donné d'un prince amboella de la rivière
Couchibi. Le lendemain de cette rencontre, l'expédition missionnaire
anîvait chez Nambadi, roi de l'Oukouanyama, beau jeune homme de
17 ans, aux manières européennes, plein d'intelligence, avide d'instruc-
tion, et ayant à cœur d'introduire la civilisation dans son pays. Pas-
sionné pour réquitation, il faisait exercer en sa présence, par ses
ses écuyers, quatorze chevaux magnifiques. Il donna immédiatement
audience au P. Hogan, faveur que, à ce qu'il paraît, il n'accorde que
très rarement. Une fois installés dans l'Oukouanyama, les missionnaires
s'avanceront jusque dans le pays des Amboellas; pour commencer leurs
travaux dans le bassin supérieur du Zambèze.
Le séjour du D' von Dankoluiann dans la province de Mossa-
médès, et la visite qu'il a faite aux Boers de Humpata, ne lui ont pas
laissé une impression favorable de cette partie des possessions portu-
gaises. Les baies maritimes sont extrêmement riches en poissons, mais
on n'en tire aucun profit, pas plus que des trésors enfouis dans le sein
— io-
de la terre, ou des richesses qu'oifrent la flore et la faune. Les lions,
les tigres et les hyènes y exercent encore leurs ravages. Le voyage
pour se rendre chez les Boers est extrêmement coûteux et incommode.
On fait encore la route en wagon à boeufis, comme dans l'Afrique aus-
trale, mais, tandis qu'au Cap un wagon attelé revient à 3500 francs envi-
ron, à Mossamédès il coûte plus de 6000 francs, et il faut de 20 à 24
jours pour faire le voyage. Les conditions du travail laissent aussi beau-
coup à désirer; sans doute la main-d'œuvre ne coûte pas cher, compa-
rativement aux prix de l'Europe, mais, vu les formalités exigées par la
loi, il est impossible de songer à aucun développement de l'industrie ; si
un capitaliste met son argent dans une fabrique, il doit considérer son
capital comme perdu, en cas de vente ou de départ.
D'après une lettre du missionnaire Ramseyer, établi à Abétifl, dans
l'Acbanti, la guerre civile continue à sévir dans ce pays, entre les par-
tisans du nouveau prince de Coumassie, Owonsou Koho, et ceux du roi
détrôné, Kofi Karikari. Ce dernier a cherché à gagner à- sa cause les
habitants de la province de Coumavon, qui ont refusé de devenir ses
alliés, et qui, craignant son ressentiment, ont demandé aux chefs de
l'Okwaou, protégés des Anglais, d'intervenir en leur faveur auprès du
gouverneur. Sir Samuel Rowe, pour qu'il les prenne aussi sous sa pro-
tection. Owonsou Koho n'a guère pour lui que les chefe de Coumassie,
tandis que le peuple de l'Achanti lui préfère Karikari, qui, pour le
moment, a établi sa résidence à Bareman, aux environs de la capitale.
Les grandes villes, excepté Coumassie, l'ont proclamé roi de l'Achanti,
parce que, dit-on, Karikari a reçu de bonnes leçons pendant la guerre
des Anglais; il a beaucoup appris, et sera prêt à accueillir dans sa capi-
tale tout Européen qui voudra lui donner de bons conseils. Il a envoyé
à la côte des messagers, pour faire savoir au gouverneur que le prince
Owonsou Koho et d'autres chefs se refusent à lui rendre le trône de
l'Achanti, qu'il a patienté jusqu'à présent par condescendance pour Son
Excellence, mais qu'il la prie d'user de son influence pour forcer le dit
prince à lui céder la place. U a en outre demandé à M. Ramseyer de
venir auprès de lui, disant qu'il veut avoir des missionnaires et des éco-
les. M. Ramseyer attend de le voir aflermi sur le trône, et croit que,
s'il est proclamé à Coumassie, les portes de cette capitale jusqu'ici fer-
mées s'ouvriront à l'œuvre des missions. — D'après un télégramme de
Cape-Coast-Castle, Karikari et la reine sa mère ont été faits prisonniers
par le prince Owonsou Koho ; Karikari a envoyé un messager au gouver-
neur anglais, pour lui demander de réclamer leur mise en liberté.
— 11 —
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
L'importance de la pêche da corail, qui constituait autrefois une des principales
industries des côtes de l'Algérie, ayant beaucoup diminué par suite d'une exploita-
tion défectueuse, le ministre de la marine a publié à ce sujet un décret prohibant
l'enploi des engins nuisibles à la reproduction, pour permettre au repeuplement
des bancs de corail de rendre à cette industrie son ancienne prospérité.
Le gouverneur de l'Algérie a accordé un subside de 4000 fr. pour le forage de
puits artésiens dans la région de Sétif.
Un projet de loi, déclarant d'utilité publique le chemin de fer de Biskra à
Touggourt, a été présenté à la Chambre des députés. Le projet prévoit le prolon-
gement de cette ligne jusqu'à Ouargla. Ce serait un moyen de ramener sur le ter-
ritoire algérien les produits du Soudan qui s'écoulent vers la Tripolitaine.
La ligne télégraphique entre Gafsa et Eairouan est terminée.
Une convention a été conclue entre la Société des armateurs anglais et la Com-
pagnie du Canal de Suez représentée par M. Charles de Lesseps. Cette convention
est soumise à l'examen de la Chambre de commerce de Londres. D'autre part, la
réunion de l'Association des armateurs des steamers du NorcPde l'Angleterre a
demandé que ses vues fussent prises en considération avant qu'un arrangement
définitif fût conclu.
Le comité de l'Antislavery Society a protesté, auprès de Lord Granville, contre
la nomination par le khédive de Siber-pacha, l'ancien fameux îihef des trafiquants
d'esclaves pendant l'administration de Gordon et de Gessi, au commandement de
l'armée égyptienne destinée à assurer la libre circulation de Souakim à Berber.
L'explorateur autrichien Marno est mort à Famaka, sur la rive droite du Nil
Bleu, au moment où il se préparait à venir dans sa patrie pour y rétablir sa santé.
Le D' Bohndorf a dû, pour des raisons de santé, revenir en Allemagne, où il a
rapporté une partie des riches collections du D' Junker.
Le ministère du commerce italien traite actuellement pour établir un service de
paquebots entre l'Italie et la baie d'Assab.
M. Lubrano, de Naples, s'est rendu à Assab avec une provision de produits
napolitains, pour nouer des rapports avec la caravane du Choa, attendue en
décembre dans la colonie italienne. — L'exploitation des salines d'Assab marche
rapidement; le sel qu'on en extrait remplacera aux Indes celui de Cagliari, dont
le transport est très coûteux.
M. le capitaine Vincent Ferrario, qui a fait partie de l'expédition de Matteucci,
en Abyssinie, retournera dans ce pays avec le capitaine Martini, ancien compagnon
d'Antinori au Choa.
Un télégramme de Zanzibar annonce que l'expédition de J. Thomson était, le
1*' août, dans le voisinage du lac Naïvasha, à 200 kilom. environ du Kilimandjaro.
Les dernières nouvelles de M. O'Neill, du 30 septembre, étaient datées de
Mabakoué, par 15* 10' lat. S. et 33° 55' long. E. de Paris. Il avait quitté Namurola
le 80 juillet, puis le 13 et le 14 août il avait franchi, à 1300™ d'altitude, les monts
— 12 —
Inagou, à l'est desquels coule la Malema ; à l'ouest de la yallée de Maltma (?)
s'élèvent les monts Namuli, dont le pic principal doit avoir 2800", et celui de
Palawa dans la même chaîne, 2500"; le point le plus élevé atteint par l'explora-
teur est à 1807"; de là il s'est rendu au lac Chiroua.
M. Wilcox, missionnaire américain, s'est rendu à Inhambané pour chercher à
fonder une station dans le voisinage de cette ville. Il a visité, à cinq jours de
marche à l'intérieur, un lac de 10 kilom. de long sur 8 kilom. de large; le sol envi-
ronnant, élevé de 40" à 60" au-dessus du lac, est sec et salubre. Mais l'endroit le
meilleur pour établir une station serait un peu au nord d'Inhambané; il y a là
beaucoup d'Européens, le long de la côte ; il serait facile de les visiter en bateau.
Une confédération a été formée des États de Stellaland et de Goschen, à l'ouest
du Transvaal, sous le nom d'États-Unis du Stellaland.
Mankoroane, le chef Batlapin, dont une partie du territoire a été prise pour for-
mer la république du Stellaland, s'est adressé au gouvernement de la Colonie du
Cap et à l'Angleterre, pour leur soumettre ses griefs. ^ comptait venir les exposer
lui-même au gouvernement anglais, accompagné de MM. Donovan et Chapman de
Kourouman comme interprètes, en même temps que les délégués du Transvaal
négocient pour faite modifier la Convention. Le ministère anglais ne l'a pas auto-
risé à venir lui-même, mais il examinera les observations que pourra présenter en
sa faveur M. Mackenzie, missionnaire chez les Betchuanas.
Le D»" Holub est parti pour sa nouvelle expédition dans l'Afrique australe et
centrale, accompagné de sa jeune femme, et de onze personnes parmi lesquelles
un charpentier, un charron, un forgeron et un armurier.
L'emploi du télégraphe dans la Colonie du Cap s'est beaucoup développé pen-
dant les huit dernières années. En 1874 la longueur des lignes télégraphiques
n'était que de 1512 kilom., tandis qu'elles s'étendaient en 1882 à 5546 kilom. et celle
des fils télégraphiques à 11122 kilom. Le nombre des bureaux est monté de 22
à 128, et celui des dépêches de 45,534 à 621,269.
En même temps que le D' Holub quittait Vienne pour se rendre dans l'Afrique
australe, le D' J. Chavanne, bien connu par ses savantes études sur l'orographie
et l'hydrographie africaines, s'est rendu à Bruxelles pour entrer au service du
Comité d'études du Haut-Congo.
M. H.-H. Johnston se prépare à retourner au Congo, qu'il remontera jusqu'à
l'embouchure de l'Arouimi. De là il explorera cette grande rivière, et le territoire
voisin du grand lac nouvellement découvert, jusqu'au bassin du Haut-Nil.
Les affaires du Comité d'études du Haut-Congo ont pris un tel développement
que l'administration a résolu de faire partir une nouvelle expédition chaque mois.
M. F. Goldsmith, qui avait été envoyé au Congo pour étudier la situation, est
arrivé le 21 décembre à Lisbonne. Nous attendons son rapport pour renseigner
nos lecteurs sur l'état réel des choses au Congo.
Après les sociétés missionnaires, les associations philanthropiques et les Cham-
bres de commerce de Londres et de Manchester, la Chambre de commerce de
Glascow a aussi demandé au Foreign Office l'institution d'une commission inter-
— 13 —
nationale, chargée d'assurer la libre navigation du Congo pour toutes les nations.
M. L. Petit, naturaliste, vient de rentrer en France, rapportant de riches collec-
tions zoologiques, faites pendant ses explorations de huit années dans le Loango.
On a reçu à Rome des lettres de Savorgnan de Brazza, du 15 octobre. A cette
date il était bien portant ainsi que le roi Makoko.
Le vapeur destiné à la mission du Vieux Calabar sera en acier, d'un faible
tirant d'eau, et portera le nom de Bamd WUliamson^ un des missionnaires les plus
dévoués des stations de ce pays.
M. le missionnaire Jacques et M. Morin, médecin missionnaire, sont partis pour
Saint-Louis.
La pose du câble entre le Cap-Vert et les Canaries, sera achevée le 15 janvier.
Quelques villages du Foutah^ ayant à leur tête le chef Abdoul, ont cherché à
s'opposer au passage des chalands de ravitaillement pour le Haut-Sénégal, mais
cette tentative n'a pas réussi.
La canonnière destinée au Niger arrivera à Bamakou au mois de janvier.
LE SOUDAN ÉGYPTIEN >
Pour bien comprendre l'importance des événements dont le Soudan
égyptien est actuellement le théâtre, il est nécessaire de se représenter
exactement les progrès accomplis, au point de vue de l'exploration et de
la civilisation, dans cette partie de l'Afrique, depuis que l'Egypte en avait
fait la conquête. Ce sont ces progrès que nous voudrions rappeler dans
les pages suivantes, sans aborder la question politique, suffisamment
traitée par les journaux quotidiens, ni la question religieuse mêlée au
soulèvement provoqué par le mahdi, et élucidée par M. A. v. Schweiger-
Lerchenfeld, dans VOesterreichische Monatschrift fllr den Orient
En parlant des progrès réalisés dans le Soudan égyptien, nous ne vou-
lons pas dire que les différentes parties qui le composent : la Nubie, le
Sennaar, le Kordofan et le Darfour, à peu près inconnues avant la con-
quête égyptienne, et en proie aux maux qu'entraînaient les guerres des
tribus entre elles, l'esclavage et la traite, soient aujourd'hui parfaite-
ment connues ni qu'elles aient atteint le niveau de la civilisation des
États européens; loin de là. Il n'en est pas moins vTai que les progrès
acquis étaient considérables, et permettaient d'en espérer de plus grands,
lorsque la révolte du Mahdi est venue tout compromettre.
* Voy. la carte qui accompagne cette livraison. Les dimensions de cette carte
ne nous ont pas permis d'y comprendre le Darfour, qui eût exigé un prolongement
à l'ouest du Kordofan.
— 14 —
Quoique appartenant au bassin du Nil comme TÉgypte, le Soudan
oriental est séparé de ce foyer de civilisation par les cataractes qui,
depuis Assouan jusqu'au delà de Berber, interrompent le cours régulier
de la navigation, ainsi que par le désert de Nubie à Test et les sables du
Sahara à l'ouest du fleuve. Toutefois, cette vaste plaine, dont l'inclinai-
son, sur une longueur de plus de 2000 kilom., n'est en moyenne que de
0"',1 par kilom. jusqu'à Lado, n'était pas sans communications avec
l'Egypte, à laquelle elle envoyait quelques-uns de ses produits, surtout
des esclaves.
Mais, jusqu'en 1793, on ne connaissait guère le Darfour que de nom;
sa position géographique exacte était encore ignorée, lorsque W.-G.
Browne s'y rendit, de Siout par les oasis d'Elwah, Bir-el-Maeha et la
route des caravanes. Encore y fut-il prisonnier pendant la plus grande
partie des trois années qu'il y passa, en sorte qu'il ne put donner, sur la
géographie, le climat, les us et coutumes du pays, que des renseigne-
ments incomplets. Lors de l'expédition française en Egypte, les trafi-
quants du Darfour qui arrivaient à Siout avec la grande caravane, com-
posée parfois de 15,000 chameaux, foui'nirent de nouvelles données sur
le commerce de cette région et sur son importance. Bonaparte entra en
correspondance avec le sultan Abd-el-Rahman, qui, dans l'admiration
des victoires du général français, lui envoya l'assurance de son amitié et
lui recommanda spécialement le portem* du message, ainsi que sa
suite et ses esclaves. De son côté Bonaparte lui écrivit, le 12 messidor
an VII, pour le prier de lui envoyer, par la première caravane, 2000
esclaves noirs, ayant plus de seize ans, forts et vigoureux. « Je les ^.chè-
terai pour mon compte, » ajoutait-il; « ordonnez à votre caravane de
venir de suite, de ne pas s'arrêter en route ; je donne des ordres pour
qu'elle soit protégée partout. »
L'abandon de l'Egypte par les Français fit échouer l'espoir qu'on avait
conçu, de voir la vallée du Nil moyen explorée par les savants européens
attachés à l'expédition. Us n'auraient d'aUleurs pas pu s'y aventurer
sans danger. On se rappelle encore la défiance qui régnait parmi les
populations des territoires voisins de l'Egypte à l'égard de Méhémet-Ali,
les précautions que dut prendre Burckhardt pour pénétrer en Nubie, et
son expulsion du Dongola, sous prétexte qu'il était un espion du pacha
d'Egypte. Ce fut lui pourtant qui, s 'adjoignant à la caravane annuelle
de Korosko à Chendi et à Sennaar, ouvrit à la science, sur une longueur
de plus de 2000 kilom., cette voie jusque-là fermée aux explorateurs,
ainsi que celle de Berber à Souakim, avant lui ignorée des Européens.
— 15 —
Lorsque Méhémet-Ali organisa les expéditions qui devaient aboutir à
&ire du Soudan oriental une province égyptienne, les voyageurs ne furent
pas tous admis à suivre ses armées. Minutoli, par exemple, dut renoncer
à accompagner les troupes envoyées, sous les ordres d'Ismaïl-pacha,
pour soumettre le Dongola^ par crainte que cet officier européen ne fût
une cause de troubles dans les pays que devaient traverser les Égyp-
tiens. Ce fut Cailliaud qui eut l'honneur d'être attaché, avec l'oflScier de
marine égyptien Letorzec, au corps d'Ibrahim-pacha, dans sa campagne
militaire au Sennaar et au Fazogl (1821-1822), et d'étendre le premier
le champ des connaissances sur les pays du Haut-Nil. Il décrivit les rui-
nes de l'antique Meroë, en amont de Berber, et rectifia les données de
Bruce sur le tracé du Nil Blanc, que le vo)'ageur écossais avait fait flé-
chir vers l'orient comme un arc à peu près parallèle au fleuve Bleu. La
pointe de ten-e formant l'extrémité de la presqu'île entre les deux Nils,
où campa l'armée égyptienne, se nommait Ras-el-Gartoum ou El-Khar-
toura; il n'y avait point encore de ville de ce nom, mais, dès que Méhé-
met-Ah y eut fondé la ville ainsi nommée, pour en faire la capitale des
provinces nouvellement annexées à l'Egypte sous le nom de Soudan égyp-
tien, elle devint le point de départ des explorations vers le sud, et
l'entrepôt commercial de l'immense et riche vallée du Haut-Nil. Il est
vrai qu'elle fut longtemps le centre de la traite. Cailliaud déjà avait ren-
contré dans cette région des caravanes d'esclaves, qu'à son grand regret
il n'avait pu arracher à leur malheureux sort.
Pendant que Ruppel explorait le Kordofan jusqu'à El-Obeïd, qu'Ehren-
berg avec Minutoli étudiait le versant septentrional du plateau d'Abys-
sinie, et que Russegger et Kotschy visitaient les gisements aurifères du
Dar-Nouba, se posait le problème de l'importance relative des deux Nils.
Puis la question de l'origine du Nil-Blanc devint l'objet des préoccupa-
tions du monde savant. En 1827, la Société africaine d'Angleterre char-
gea Linant-de Bellefonds de remonter le bras occidental du grand fleuve
jusqu'à El-Aïs, par 13*", 43'lat. N., pour s'informer des sources du Bahr-
el-Abiad. Plus tard, Méhémet-Ali, devenu vice-roi d'Egypte, après avoir
visité les travaux d'exploitation des sables aurifères du Fazogl et vu le
Haut-Nil, se sentit pressé d'organiser une expédition sous les ordres de
Selim-Bimbachi, auquel fut attaché M. d'Arnaud, avec mission de s'eflFor-
cer de découvrir la source du fleuve Blanc. Dans un premier voyage,
les explorateurs constatèrent que, jusqu'au 10 "* lat. N., il n'existe sur la
rive gauche du Nil aucun afiluent. Vers la fin de leur navigation, ils
trouvèrent un tributaire assez important venant du S.-E., le Bahr-el-
— 16 —
Sebot (Sobat), puis une bifurcation, du Bahr-el-Seraf et du Bahr-el-
Gebel, enfin sous le O"",!?' lat. N. d'immenses marais, et une diminution
de la profondeur du fleuve, telle que la navigation en était arrêtée. Une
seconde exploration permit aux voyageurs de reconnaître le cours du
fleuve jusqu'au 4°, sans rencontrer de cataractes ni de rapides. En même
temps qu'Ds avaient fourni d'utiles renseignements sur le Bahr-el-Abiad,
ils en avaient rapporté de non moins précieux sur les tribus qui en habi-
taient les bords, — les Schillouks, les Denkas, les Nouers et les Kitchs,
— sur les productions naturelles de cette région, et leurs découvertes
aUaient servir de point de départ aux explorations ultérieures, ainsi qu'à
l'exploitation des produits du pays, en particulier de l'ivoire, le meilleur
des articles d'exportation.
A cet effet, les trafiquants fondèrent des stations sur le Haut-Nil. Parmi
eux Brun-RoUet, consul sarde à Khartoum,en établit une dans un village
des Baris, sous le 5** lat. nord ; il entreprit aussi l'exploration du lac Nô
et du Bahr-el-Ghazal, et fut le premier à donner des informations sur
cet affluent, qu'il nomma Keilak ou Misselad ; il lui attribuait un volume
d'eau trois fois plus fort que celui du Bahr-el-Abiad.
Malheureusement, les armées égyptiennes opprimaient cruellement les
populations des provinces conquises. Le gouverneur de Khartoum, Chur-
chid-pacha, commit de telles exactions dans l'exploitation commerciale
de l'ivoire du Haut-Nil, que le bruit en vint aux oreilles des Européens.
Pendant que Heuglin était vice-consul d'Autriche à Khartoum, le plan
fut conçu de l'établissement d'une mission autrichienne dans la métro-
pole du Soudan, d'oîi elle rayonna bientôt chez les Baris, au sud, dans
le Kordofan et le Darfour, à l'ouest. Alors furent créées les stations de
Gondokoro et de Sainte-Croix, d'El-Obeïd et du Djebel-Nouba, où
travaillèrent de longues années les PP. Knoblecher, Doviak, Morlang,
Beltrame soutenus par le consul général d'Autriche, M. Hansal, et secon-
dés par des artisans autrichiens et allemands. La science leur dut beau-
coup d'informations nouvelles sur les tribus du Nil-Blanc, au milieu des-
quelles ils travaillaient, et qu'ils cherchaient à relever de l'abaissement
dans lequel les avaient fait tomber les exacteurs égyptiens et les Arabes .
D'autre part, la réputation acquise à cette région comme parc de
chasse, ne tarda pas à attirer, à Khartoum, des touristes américains et
des officiers anglais, qui venaient de Bombay, d'Aden, même de Londres,
pour y chasser l'hippopotame, le lion, la girafe, etc. Le gibier y était d'au-
tant plus abondant, dans certains districts, que les populations nègres
en avaient été réduites en esclavage par les troupes égyptiennes. Lorsque
— 17 —
Trémeaux se rendit au Fazogl, au printemps de 1848, D vit un jour pas-
ser une caravane de cavaliers égyptiens, montés sur des chameaux, des
chevaux ou des ânes, et conduisant des esclaves, dont les uns avaient le
cou passé dans une espèce de fourche, à l'embranchement de laquelle
leurs poignets étaient fortement attachés, tandis qu'une corde la reliait
à la selle des cavaliers. D'autres avaient seulement le cou saisi de la
même manière, entre les branches d'une fourche fixée par un long man-
che à la selle des chevaux ou des chameaux; le point d'attache étant
hors de la portée des mains des captifs, on avait pu se dispenser de les
lier, mais les infortunés devaient sentir toutes les secousses causées par
l'inégalité de la marche des montures, par les coups admmistrés à
celles-ci, ou par les accidents du sol. Les cavaliers ne se préoccupant pas
des malheureux qu'ils traînaient à leur suite, les captifs devaient de
temps à autre marcher h travers les broussailles et les buissons épineux ;
les écorchures dont leurs corps étaient couverts n'attestaient que trop
les souflrances qu'ils auraient à endurer pendant une marche de près de
2000 kilomètres, avant qu'on se relâchât de cette rigueur à leur
égard. A la suite de ce convoi venaient quelques djellabs, qui condui-
saient les femmes et les enfants arrachés, eux aussi, à leurs montagnes,
sur lesquelles ces pauvres créatures jetaient des regards désolés.
Mais les razzias humaines que le gouvernement égyptien faisait dans
la partie méridionale du pays, entre les deux Nils, provoquèrent une
surexcitation et un état d'hostilité qui le forcèrent de l'abandonner. Sur
les bords du Sobat, ses agents rencontrèrent une résistance si achar-
née, qu'ils ne purent s'y maintenir qu'en guerroyant continuelle-
ment, et en recevant leurs approvisionnements par le Nil. Peu à peu,
cependant, à mesure que les provinces soumises furent pacifiées, le gou-
verneur général des nouvelles possessions égyptiennes, en résidence à
Khartoum, acquit une telle autorité que le vice-roi en prit ombrage. En
1858, Saïd-pacha, répartit le pouvoir central du Soudan entre quatre
mudirs, relevant directement du gouvernement égyptien et résidant à
Khartoum pour le Sennaar, à El-Obeïd pour le Kordofan, à Kassala pour
le Taka et enfin dans la ville de Dongola pour la province de ce nom.
D'après le voyageur Trémeaux, qui avait recueilli d'une source auto-
risée des renseignements très précis sur la population du Soudan égyp-
tien, et qui s'est attaché à dissiper les erreurs dans lesquelles étaient
tombés des voyageurs moins bien informés, l'élément nègre n'entre pas
pour une part aussi grande qu'on le croit généralement dans la popula-
tion de cette paitie des possessions égyptiennes. Les plus anciens habi-
— 18 —
tants étaient des Fouts, de race sémitique, représentés dans le Soudan
oriental par les Founs, dans le Sennaar par une partie des Noubas, au
sud du Kordofan ; dans la province de Gallabat, sur les confins de TAbys-
sinie, domine aussi l'élément/oîe^. Vinrent ensuite les Berbères, auxquels
appartiennent les Barabras, les Bicharris, les Chellalys, les Mahasetles
Danaglas, répandus depuis la seconde cataracte jusqu'au Dongola, puis
les Nutkinas et les Soukinas, habitant le Taka. Enfin, le troisième élé-
ment est représenté par les Arabes, provenant de diverses émigrations
de l'Arabie proprement dite, les unes fuyant le mahométisme à son
aurore, les autres l'apportant ensuite et l'imposant aux populations du
Soudan. Les influences locales et les croisements ont produit des modi-
fications de ces différents types, mais on peut encore reconnaître ceux-ci,
au teint plus ou moins foncé des individus. Les Arabes les plus récem-
ment arrivés sur ce sol ont le teint presque aussi clair que dans leur
ancien pays ; ceux qui proviennent des premières émigrations sont plus
foncés. Les Berbères sont déjà très foncés ; enfin, les Fouts ou Founs le
sont tellement, que les observateurs superficiels les confondent souvent
avec les nègres; mais, si on les compare avec les véritables nègi'es de la
Nigritie, on ne peut plus méconnaître que l'on ait devant soi des indi-
vidus de deux races très distinctes.
Le trafiquant Brun-Rollet fut le précurseur de Petherick, qui, après
avoir aussi exploré le lac Nô et le Bahr-el-Ghazal, fonda plus avant dans
l'intérieur une station commejciale sur le Djour, pour remonter de là
jusque, chez les Niams-Niams et revenir ensuite à Gondokoro, puis à
Khartoum où il exerça les fonctions de consul anglais.
Cette dernière ville n'était pas cependant le point de départ de toutes
les explorations, témoin celle du D' Cuny, qui, en- 1858, se rendit de
Siout à El-Obeïd par Dongola et la lisière de la steppe de Bayouda, à
travers le désert de Lybie. C'était le moment où Munzinger et Kinzel-
bach, après avoir traversé le plateau septentrional de l'Abyssinie, atten-
daient vainement à El-Obeïd l'autorisation du sultan du Darfour d'entrer
dans ses États, pour y rechercher les traces de Vogel. Alors la capitale
du Kordofan était, d'après le D' Cuny, un véritable cloaque ; on enter-
rait les morts au milieu de la ville, dans des fosses profondes d'un mètre
seulement; en sorte que l'odeur des cadavres putréfiés traversait la cou-
che de sable qui les recouvrait, et suffoquait les passants. Plus de 300
animaux, chameaux, ânes, bœufe, chiens, etc., pourris ou à moitié pour-
ris, étaient disséminés dans toute la ville, et chaque cour de maison avait
une fosse profonde où l'on jetait toutes les immondices. A l'époque des
— 19 —
pluies, des épidémies terribles y décimaient la population. Néanmoins
le D' Cuny reconnaît les services rendus par Méhémet-Ali dans certaines
parties du Soudan, par Toccupation fournie à des artisans qui, h leur tour,
y avaient formé des élèves et avaient appris leur industrie à leurs enfants.
La description qu'il fait du Kordofan est encore parfaitement vraie :
immense plateau recouvert de sable, à la surface duquel surgissent de
loin en loin, et plus ou moins rapprochées, quelquefois groupées en grand
nombre, des montagnes aux environs desquelles paissent les troupeaux
des nomades, parce que c'est là qu'il y a des puits. La plaine n'est guère
habitée qu'à la saison des pluies, mais elle est parcourue par les nomades
dans les parties où il y a des réservoirs d'eau, disséminés çà et là. Le sol
n'est que du sable à une grande profondeur; cependant il est en général
couvert d'herbes, et partout d'arbres et d'arbustes ; ce qui semble indi-
quer que l'humus n'est pas absolument nécessaire à la végétation, et
que les plantes peuvent aussi bien tirer les sucs nécessaii*es à leur accrois-
sement quand elles poussent dans le sable que lorsqu'elles croissent dans
une terre féconde. C'est là que l'on rencontre les premiers baobabs, si
précieux pour cette zone et pour le Darfour en particulier, comme réser-
voirs de l'eau tombée pendant la saison des pluies. Le D' Cuny comptait
explorer le Darfour dans lequel il se rendit, mais cinq jours après son
arrivée il mourut, sans que l'on ait jamais su la cause de son décès.
Dans les provinces conquises sous Méhémet-Ali, le système adopté
par le gouvernement égyptien pour se procurer des soldats obligeait,
pour ainsi dire, ses mudirs à faire des razzias de tous côtés. Lorsque,
en 1875, le vice-roi prépara son expédition contre l'Abyssinie, pour
profiter de la situation embarrassée de Théodoros, tout fut mis en œu-
vre pour recruter une armée. Une vaste battue commença, sur une
grande échelle, dans le Fazogl, le Takalé, chez les Denkas, le long du
Nil-Blanc et sur les frontières de l'Abyssinie. Pour nourrh* et entretenir
tout ce monde, il fallait de l'argent; les tribus furent soumises à des
extorsions de toutes sortes ; les impôts furent quadruplés, quintuplés
même, et les cheiks qui ne purent faire face à ces exigences brutales
furent jetés aux fers. Les districts épuisés par les réquisitions furent déso-
lés par une famine qui n'épargna pas Khartoum, et les tribus arabes de
l'ouest émigrèrenten foule au Darfour. Le gouvernement égyptien n'en
faisait pas moins annoncer dans les journaux d'Europe la répression
exemplaire de la traite; tandis que, sous prétexte de la réprimer, le
gouverneur de Khartoum. Mouça-pacha, l'avait monopolisée, au moyen
d'une taxe exorbitante imposée à toute barque qui partait de Khartoum.
— 20 —
Pendant que Lejean était à Kassala, il voyait les bandes d'esclaves
passer devant sa demeure, liés deux à deux par le cou, pour le compte
du gouvernement. Les casernes regorgeaient ; on en vendait ou en donnait
aux employés de l'État pour remplacer leurs appointements en retard.
Comment les Soudaniens auraient-ils renoncé à l'esclavage, quand les
gouverneurs des provinces spéculaient sur ces malheureux?
Ce furent les maux dont Baker fut témoin au Soudan, lors de sa pre-
mière expédition sur le Haut-Nil, à la rencontre de Speke et de Grant,
arrivant du Vietoria-Nyanza, qui l'engagèrent à prendre en mains la
cause des esclaves, et à entreprendre contre les négriers la campagne que
devaient continuer après lui Gordon-pacha et Gessi, dans tout le bas-
sin du Nil-Blanc.
Lors de son passage à Khartoum, au printemps de 1862, le Soudan
égyptien n'exportait encore que de la gomme, du séné, des cuirs, et envi-
ron pour cent mille francs d'ivoire par an; en réalité cette possession
n'intéressait l'Egypte que parce qu'elle fournissait des esclaves aux pays
mahométans. a A Khartoum, » dit Baker, a l'intérêt de l'argent étant de
36 à 80 pour cent, il y a peu de place pour un commerce légitime; aussi,
n'en fait-on guère d'autre ici que celui des esclaves, et, en général, c'est
dans cette catégorie d'affaires qu'il faut ranger ce qu'on appelle le com-
merce du Nil-Blanc. Voici comment cela s'organise. Un aventurier sans
ressources trouve, pour ce négoce, à emprunter à cent pour cent. Il lève
une bande de coupe-jarrets et part vei-s le mois de décembre. Au-delà de
Gondokoro, il s'allie à un chef nègre quelconque, cerne un village qui lui
est hostile, y met le feu, tue les hommes et emmène les femmes et les
enfants, avec le bétail, l'ivoire et le reste du butin. Pour sa peine, le chef
nègre obtient d'abord trente ou quarante têtes de bétail ; un tiers des
vaches et desbœufe revient aux gens de l'expédition; mais le négociant
rentre graduellement en possession de tout cela, en le troquant contre
des esclaves ; puis il profite d'une occasion propice pour tuer le chef son
allié, dont le peuple est à son tour pillé et réduit en esclavage. Alors
l'aventuiier, laissant jusqu'à son retour une partie de sa bande conti-
nuer les mêmes procédés, prend le chemin de Khartoum. Un peu avant
d'y arriver, il se défait de ses esclaves qu'on expédie vers tous les pays
de l'Islam. Rentré dans la ville avec son ivoire et son argent, il liquide
son emprunt et devient capitaliste à son tour. Il s'ensuit que tout
Européen qui veut remonter le fleuve est regardé conmie un espion,
cherchant à violer le secret du territoire des esclaves, et que tout le
monde, autorités, négociants, agents, se trouve intéressé à entraver son
expédition. »
— 21 —
Aussi ne faut-il pas s'étonner de la résistance opiniâtre que Baker
rencontra à Khartoum, lorsque le khédive Ismaïl, ayant résolu de sup-
primer la chasse aux esclaves dans le bassin du Nil, et d'y introduire un
système de commerce régulier, lui confia la direction de l'expédition
organisée à cet eflFet. Les autorités et les commerçants s'unirent pour
lui susciter tous les embarras possibles, et ce ne fiit que grâce à une
persistance et à une énergie indomptables, qu'il parvint à se procurer les
moyens de transport nécessaires pour le matériel et le personnel de l'expé-
dition. Quand il put partir, ce fut pour se trouver bientôt arrêté pai* les
obstructions de la végétation du Nil-Blanc, dont Gessi eut tant à souf-
frir plus tard, et dont les travaux de Marno réussirent enfin à débarras-
ser le fleuve. Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons dit(l" année,
pages 84-88 et 133-137), des résultats obtenus par Baker, Gordon,
Gessi et les oflSciers américains sous leurs ordres, les colonels Chaillé-
Long, Colston, Mason, Ward, etc. ; mais nous rappellerons encore rapi-
dement les progrès obtenus au Soudan dans les dernières années, oii un
système d'administration plus humain avait remplacé les procédés vio-
lents et barbares des premiers temps de la conquête égyptienne.
Sans doute la traite n'y avait pas complètement disparu (voyez
2— année, p. 39, 66, 86, 106, 210 ; 3'^« année, p. 141, 223, 242 ; 4»« année,
p. 118, 235, 258.); mais les trafiquants ne pouvaient plus l'exercer que
d'une manière clandestine, en dehors des routes ordinaires des carava-
nes, et à cet odieux trafic se substituait toujours plus largement un com-
merce légitime. Les maisons des négociants français, anglais, italiens se
multipliaient à Khartoum ; la prospérité de leurs affaires les engageait à
établir des succursales au Galabat, à Sennaar, au Kordofan et au Dar-
four. Tous les produits de l'industrie européenne y étaient importés, tan-
dis que les indigènes du Haut-Nil, voyant leur sécurité assurée, aug-
mentaient de leur côté la production des matières exportées : caout-
diouc, tamarin, gomme arabique, etc. D'autre part, les missionnaires
romains de Khartoum, d'El-Obeïd, du Djebel Nouba, se faisaient les ins-
tituteurs des populations. Les communications par la voie du fleuve deve-
naient plus faciles et régulières (Voyez 4"** année, page 342). Les fron-
tières méridionales du Soudan étaient mises en relation avec le Caire
par le télégraphe, établi jusqu'à Famaka. Au-delà de ce point, dans les
provinces équatoriales soumises depuis Baker, Gordon et Gessi, à l'au-
torité du khédive, grâce à la sage et habile administration des gouver-
neurs Emin-bey et Lupton-bey, et à la ligne de stations militaires éta-
blie sous le gouvernement de Gordon-pacha, la sécurité était offerte
— 22 —
aux explorateurs qui les traversaient pour pénétrer plus au sud. Des
relations postales étaient établies jusqu'au pays des Niams-Niàms et
des Mombouttous. *
Avant rétablissement d'une bonne administration à Khartoum, ni
Schweinfurth, ni Junker, ni Casati, n'eussent pu atteindre la région de
rOuellé, non plus que Schuver explorer le pays des sources du Jabos,
du Tournât et du Yal; peut-être même Matteucci et Massari n'au-
raient-ils pas pu dépasser la frontière du Darfour, annexé aux posses-
sions égyptiennes en 1874. Outre la sécurité oiferte aux voyageurs, les
facilités que leur présentait Khartoum pour les approvisionnements, et la
diminution des frais qui résultait de la possibilité de n'organiser les cara-
vanes que dans le centre du Soudan égyptien, étaient un grand encou-
ragement pour les savants à le choisir comme point de départ de leurs
excursions vers le sud. Nos lecteurs se rappellent aussi que, lorsque deux
des missionnaires anglais de l'Ouganda, MM. Wilson et Felkin, durent
revenir en Europe accompagnés des ambassadeurs du roi Mtésa, ils pré-
férèrent la voie du Nil à celle du Victoria-Nyanza et del'Ougogo. Beau-
coup plus récemment encore le D' Schweinfiirth, examinant les différentes
voies fluviales africaines, au point de vue des avantages qu'elles présen-
tent pour la poursuite de l'exploration du centre du continent et pour
les progrès de la civilisation, préconisait la route du Nil comme la plus
praticable sur le plus long parcours, étant donnée, bien entendu, la
construction du chemin de fer deBerber à Souakim.
Le Soudan égyptien voyait s'ouvrir pour lui-même un heureux avenir,
en même temps qu'il allait servir de point de départ aux progrès de la
civilisation des pays plus méridionaux, lorsqu'est survenu le soulèvement
provoquéparMohammed-Ahmed.L'influences'en est immédiatement fait
sentir sur les relations commerciales avec l'Europe, qui ont été paraly-
sées, et sur l'œuvre missionnaire au Darfour et au Kordofan, tous les
agents de ces missions ayant été faits prisonniers par les troupes du
mahdi. Ceux de Khartoum même ont quitté cette ville et pris la route
du Caire, jugeant sans doute que, dans les circonstances actuelles, la
sagesse leur faisait un devoir de se replier sur les établissements de
l'Egypte propre. Quant aux explorations, impossible de songer à en
entreprendre de nouvelles. Nous nous demandons même ce que vont deve-
nir Casati et Schuver, dont le retour, du Bahr-el-Ghazal et de l'Ouellé,
est coupé par les bandes du Mahdi occupant le pays à L'ouest du Nil-
Blanc, et bientôt sans doute tout le territoire compris entre les deux Nils,
jusqu'à Sennaar et au delà, puisque des adhérents de Mohammed-Ahmed
— 23 — 4
parcourent les districts avoisinant Souakim et la mer Rouge jusqu'à
Massaoua. Qu'adviendra-t-il du Darfour oU Slatin-bey paraît encore
tenir bon, et oîi, nous l'espérons, Gottfried Roth a réussi à trouver un
refuge ; et des provinces du Bahr-el-Ghazal et du Haut-Nil gouvernées
par Lupton-bey et par Emin-bey, privés de communications régulières
avec le Caire? Que deviendront les populations du Soudan sous l'auto-
rité du Mahdi ? Il y a tout lieu de craindre que les chasseurs d'esclaves
ue pro^tent de l'état de trouble de ce pays pour ressaisir leur empire.
Ils paraissent n'être pas demeurés étrangers à la révolte contre le gou-
vernement égyptien et contre l'influence des Européens, et il semble
que la mort de M. Moncrief, tué au sortir de Souakim par de^ partisans
du Mahdi, doive être attribuée en partie à la haine que les trafiquants
d'esclaves avaient vouée à ce surveillant de la traite.
Quoi qu'il advienne, l'état actuel des choses au Soudan crée aux
nations civilisées des devoira plus pressants que jamais ; en particulier
celui de hâter, dans les pays sur lesquels elles exercent une influence
directe, et tout spécialement en Egypte, la suppression de l'institution
même de l'esclavage, pour fermer aux trafiquants les marchés où jus-
qu'ici ils ont trouvé à vendre leurs victimes. L'exploration par la voie
du Nil sera an*ètée pour un temps, mais les voyageurs qui sont aujour-
d'hui au delà du Soudan se dirigeront sans doute vers le sud, et explo-
reront forcément la région encore inconnue entre les bassins de l'Ouellé
et du Congo . Pendant ce temps ceux qui vont remonter les affluents septen-
trionaux du grand fleuve, arriveront par le siyl, pour leur aider à décou-
vrir ce qui demeure encore ignoré dans ce vaste espace, et apporteront
aux nègres de cette région les bienfaits de la civilisation, dont les Arabes
du nord les auront frustrés.
CORRESPONDAKCE
M. Jeanmairet, membre de la mission cfu Zambèze, nous écrit de Leribé (Basu-
toland), le 22 novembre 1883 :
Notre départ avait été fixé au 5 décembre, mais comme nous attendons Par-
rivée de M. Weitzecker, successeur de M. Coiliard au poste de Léribé, il ne nous
sera pas possible de nous mettre en route avant la seconde moitié de décembre.
Notre but est d'atteindre Shoshong avant les fortes pluies, d'y passer 2 ou 3 mois
afin de refaire nos attelages, et d'en repartir au commencement de l'hiver, pour
atteindre le Zambèze dans le courant du mois de mai.
Nous possédons tout le personnel nécessaire de conducteurs et de guides, mais
un seul évangéliste, au lieu de deux que nous aurions désirés; toutefois, à Séléka
nous retrouverons l'un des évangélistes de la première expédition, qui se dit prêt
à nous accompagner. Vous n'ignorez pas, sans doute, que nous ramènerons au
Zambèze deux jeunes Barotsés qui avaient accompagné M. Coiliard au Lessouto,
où ils ont suivi pendant plusieurs années les leçons de l'école biblique. Nous espé-
— 24 —
rons qa'ils resteront fermes dans leur foi, et quUls deviendront nos deux premiers
évangélistes zambéziens. Nous aurons encore le précieux concours de deux jeunes
artisans d'origine anglaise ', dans lesquels nous avons toute confiance, et qui nous
seront d'un grand secours pour nos travaux matériels. Notre expédition sera donc
composée de deux missionnaires, de M"*® et M^^'^ Coillard, de deux artisans euro-
péens, de deux évangélistes indigènes et de leurs familles, de nos deux Zambé-
ziens, et du personnel de nos conducteurs et de nos guides. C'est toute une cara-
vane de quatre wagons, traînés par une soixantaine de bœufs, auxquels s'ajoute-
ront quelques chevaux et une meute de chiens.
Bien que nous devions voyager dans la saison la plus chaude de l'année, ce ne
sera pas un grand désavantage pour nous. La vie active du voyage préserve pres-
que toujours des atteintes de la fièvre, et nous aurons en revanche une meilleure
herbe pour nos attelages. La seule difficulté sérieuse que nous redoutions est le
passage des fleuves, rendu souvent impossible à cette époque de l'année par la
crue subite des eaux. Notre itinéraire est de passer par le Transvaal et Pre-
toria, la route des diamants-fields étant peu sûre à cause de l'état d'anarchie du
Stellaland. Le gouvernement du Transvaal nous accorde le passage de bonne
grâce, tout en nous réservant quelques surprises au sujet de droits à payer sur nos
munitions et nos marchandises. Le 25 de ce mois, nous aurons ici notre réunion
d'adieux aux églises du Lessouto, qui, à cet effet, enverront chacune deux repré-
sentants indigènes. Le voyage de six semaines que M. Coillard et moi avons entre-
pris, dans le courant de l'hiver, pour visiter ces églises, a créé entre elles et nous
de vrais liens.
Agréez, etc.
D. Jeanmairet.
BIBLIOGRAPHIE '
De la lectuke des cartes étbangèbes, par Henri Mager. Paris
(Auguste Ghio). In-12, 100 pages, 1 fr. — Ce petit livre est destiné à
renseigner les nombreuses personnes qui éprouvent des hésitations pour
la lecture des noms étrangers. Il renferme des tableaux de pronon-
ciation, classés dans deux divisions, la première contenant tout ce qui
permet Tusage des cartes allemandes, et la seconde, toutes les indications
pour rintelligence des cartes anglaises. Malgré la diflSculté qu'il y a de
rendre, avec les syllabes et les caractères français, les sons étrangers,
M. Henri Mager, avec le concours de collaborateurs versés dans Tétude
des langues, a pu indiquer d'une manière claire la méthode à suivre pour
prononcer les noms anglais ou allemands. Il a donné, en outre, la liste
des synonymes géographiques, c'est-à-dire, des villes qui ont plusieurs
noms, et des notes fort utiles sur les abréviations des cartes allemandes.
' MM. Middelton et Waddell. Le dernier est charpentier et ébéniste de profes-
sion ; le premier s'entend un peu à tous les genres de travaux. Le premier est
anglais, le second écossais.
■ On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bâle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
A^
«"
'it
^^%: 'T )M
'^*V^^*"^=*î-^
■"^-i-
1^
il
J^«
e N?1. Janvier 188^
>^
Anvers.
Berlin.
Brème.
Bruxelles.
Berlin.
ÉCHANGES
Sociétés de géographie.
Constantine. Hambourg. Lvon. Nancy.
Francforts/M. léna. Madrid. New- York.
Greisswald. Lille. lifarseille. Oran.
Hnlle. Lisbonne. Montpellier. Paris.
Sociétés de géographie commerciale.
Bordeaux. Paris. Porto.
Missions.
Bochefort.
Borne,
Bouen.
Vienne.
Saint-Gatl.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XIX""e siècle
(Neuchâtel).
Journal de l'Unité des Frères fnioraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (B&le).
Ëvangelisches Missions -Magazin (Bâle).
Calwer Missions -Blatt ((]lalw).
Allgemeine Missions- Zeitschrift (GUters-
loh).
Glaubensbote (B&le).
Afriea (Londres).
La Nignzia (Vérone).
Church missionary Intelligencer and Be-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionary (New-York).
Begions beyond (Londres).
Cbronicle 6f the London Missionary So-
ciety (Londres). '
Monthly Becord of the Free Church of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreijrn
Missionary Becord (Edimboura).
Missionar*' Becord of the united preshy-
terian Church (Edimbourg).
Central Afriea (Londres).
Woman*s foreign missionary Socielv
(Philadelphie).
Divers.
Exploration (Paris).
Moniteur des (Colonies (Paris).
Bnlletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du Comice agricole (Médéa).
Bulletin de l'Académie d*Hi()pone (Bone).
Bévue géographique internationale (Paris).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Bundschau fUr Géographie nnd
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaftin Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fUr den
Orient (Vienne).
Zeitschrift filr wissenschaftiiche Géogra-
phie (Liahr).
Ausalten Welttheilen (Leipzig).
Chamber of Commerce Journal (Londres).
African Times (Londres).
Antislavery Beporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Bepository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Boliettino délia Societa africana d'Italia
(Naples).
Esplorazione (Naples).
Marina e Commercio. e Giornale délie co-
lonie (Bome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Afriea oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne) .
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Bevista de Estudos Livres (Lisbonne).
Béveil du Maroc (Tanger).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
Bulletin de la Société khédiviale de géo-
graphie (Le Caire).
Df A. Petermann's Mittheilungen (Gotha)
Proceedings of the royal geographica
Society and monthly Kecord of geogra
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus (Cape-Town).
West African Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
SOMMAIRE
• • . *
* . ' ' Pages
BULLETJIN MENSUJflL 3
Nouvelles complémentaires 11
Le Soudan égyptien 13
Correspondance :
Lettre de M. D. Jeanmairet 23
Bibliographie :
De la lecture des cartes étrangères, par Henri Mager 24
OUVKAGES REÇUS :
Mes souvenirs, par Eugène Casalis, ancien missionnaire. Paris (Fischbacher) 1884,
in-lâ, 345 p.
Memorle délia Societa geografica italiana, voL II, Parte 8, in-4°. (Histoire naturelle
de l'Afrique.)
La question du Zaïre. Buum cuique. Lettre à M. Behaghel , rédacteur du Nard^
par M. Luciano Cordeiro, député, etc. Lisbonne (Société de géographie), 1883,
; in-S**, 9 p. ;
Stanley's first opinions. Portugal and the slave trade. Lisbon (Geographical Society)
1883, in-80, 9 p.'
Agenda 1884 avec éphémérides géographiques. Bruxelles (Institut national de
géographie, 18-20, rue des Paroissiens).
.Payne's Lagos and West African Almanack and Diary for 1883. London (W.-J.
Johnson), in-4% 192 p.
Carta de la isla de Tenerife en las Canarias, levantada por el capitan A.-.T.-E.
Vidal en 1838. Direccion de Hidrografia. Madrid, 1852. Corçegida en 1868. '
Carte des environs de Tananarivo, par le P. Roblet (/looooo), Supplément de
VExfplùratian^ n° 361 (21 déc. 1883).
A sketch of thé modern languages of Africa. Accompanied by a Language-Map,
' by Robert Needham Cust. London (Trûbner & C<», Ludgate Hill) 1883, 2 vol.
' in-8^
' Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt,
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
niRIOÉ PAR
M. GuBtaTe XOTNIEB
Momltrft de la GominisBion internationale de Brazellofl ponr Texploration ot la eivilisation
de TAfriqne centrale; membre oorrespondant de rAGadémio d*Hippono,
et dei Sociétés de géo^aphie de Marseille, de Nancy, de Lonnda et de Porto.
RKPIGÉ PAR
X. Charles FAVBE
SecrètaÎTO-BHiUothéoatre de la Société de géo^iapliie de Genève , membre correspondant dos Soci^'toe
de géographie de LlaboTine, de Loanda. de Porto et do Saint-Oall.
L'Afrique parait le premier lundi de chaque mois, par livraisons in -8» d'an
moins 20 pa^es chacune; le texte est acc^mpagn^ de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaire.
Le prix de Tabonnement annuel, payable d'avanee» est de 10 flraneu,
port compris, pour tons les pays de l'Union postale (première zone); pour les
antres, 41 fr. 50. .
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit à «a eompte renda.
Adresser tout ce qui concerne la rédaetion à M* GastaTe 9Ioyiiier,
S, rae de l'Aihénée» à C^nève (Suisse).
9'adresser pour les abonaements à i'éditeor. M* H. Cleoric* à
Geaève oa à BAle.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Ch. Dei^agrave, libraire. 15, rue vSonfflot, à Paris.
MuQUARDT. libraire de la Cour, 45. rue de h Réjrence. îi Bruxelles.
DuMOLARD frères, libraires. Corso Vittorio Ernmanuele, 21. à Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querstr., 29, à Leipzijr.
L. FRiEDERiCHSENetC^«, libraires. Admiralitat^^slr. ;V'^, h H.irnbouriï
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Anlriche),
Trubnbr et 0\ libraires, Ludgate Hill.. 57/09. à Londres E. (l.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
AVIS. — Nom viettmis à la disposition de nos nouveaux nhomié.% au prix de
10 fr. cha4iun, un certain fwmhre d'exemplaires complets c^e la //""*> de la IIP***
et de la IF"" année. Im !■** est épuisée.
— 25
BULLETIN MENSUEL (4 février 1884). '
Le rejet, par la Chambre des députés, du projet d'emprunt de 50 mil-
lions affecté h la colomsation de TA^épie, oii le gouvernement
firançais se proposait de créer 175 villages nouveaux, en expropriant
300,000 hectares aux indigènes, ne signifie point que la France se désin-
téresse de la question de colonisation du sol algérien par des mains fran-
çaises. En effet un projet nouveau a été présenté au sénat par M. le
comte d'Haussonville, fondateur de la Société de colonisation des Alsa-
ciens-Lorrains en Algérie, après la guerre de 1871 ; il s'agirait d'acheter
aux indigènes de gré à gré, ou par expropriation, les terres domaniales
non employées pour un service public ; ces terres comprennent une con-
tenance d'environ 800,000 hectares. — D'autre part il s'est constitué à
Brest, sous le titre de « Société française de colonisation, » une société
qui a pour but de provoquer un mouvement d'émigration vers les colo-
nies françaises, et en particulier vers l'Algérie. Les colons seront recru-
tés et soutenus par la dite association, grâce aux ressources fournies par
les souscriptions et les dons ; un bulletin tiendra les sociétaires au cou-
rant de l'entreprise, qui est une œuvre de philanthropie nationale.— De
son côté, le Comité protestant de Lyon fondé pour faciliter, à un certain
nombre de Yaudois des Alpes françaises, l'émigration aux Trois-Mara-
bouts, dans la province d'Oran, continue son appui h ces colons, qui,
grâce k un labeur incessant, ont construit leurs habitations et mis en
culture les terres dont ils ont obtenu la concession» et, par leur bonne
conduite, ont conquis l'estime générale.
Quoiqu'il soit très difficile de savoir exactement ce qui se passe au
SoudAii, ce qu'il y a de certain, c'est que la situation a beaucoup
empiré depuis notre dernier numéro. Le mahdi a profité de l'impossibi-
lité où s'est trouvé le gouvernement égyptien d'arrêter les progrès de
l'insurrection, pour continuer â provoquer le soulèvement des popula-
tions dans un rayon toujours plus étendu, vers le Nord, jusque dans la
Haute-Egypte, à l'Est, jusqu'âla mer Rouge, le long du littoral, deSoua-
kim à Eosselr, au Sud, jusque dans la province équatoriale du Bahr-el-
* Les matières comprises dans nos BuUetins mensueU et dans lesNowoéUea corn-
plémenicUres y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à PEst, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
L'AFRIQUE. — CUrQVIÈKB AMH^B. — H^ 2. 2
— 26 —
Ghazal, où, d'après une dépêche du Caire, Texplorateur Schuver, dont
nous avons reçu plusieurs lettres avant qu'il eût quitté Khartoum, aurait
été assassiné. Toutefois nous nous demandons comment cette nouvelle a
pu parvenir au Caire, les communications télégraphiques au delà de
Khartoum étant coupées, et les bateaux à vapeur du Haut-Nil ayant dû
suspendre ieurs courses. Du moins le consul d'Autriche à Khartoum,
M. Hansal, écrivait le 15 décembre à M. le baron de Hoânann, président
du Musée oriental h Vienne, que depuis le mois d'avril, il n'y avait eu
aucun rapport avec Lado, et que le vapeur parti en juin pour Meshra-el-
Rek, n'était pas revenu, ce qui causait une grande inquiétude h Khar-
toum * . On était très en peine de Junker, de Schuver, de Lupton-bey et
d'Emin-bey, sans parler de Slatin-bey et de Gottfried Roth qui ne pour-
raient échapper au pouvoir du mahdi qu'en s'enfuyant du Darfour vers
l'Egypte. M. Hansal ne pensait pas que les secours envoyés du Caire,
soit par Souakim, soit par Korosko, pussent empêcher Khartoum de
tomber aux mains du mahdi. Aussi la plupart des étrangers avaient-ils
déjà quitté la ville, abandonnant leurs propriétés et leurs affaires. Dans
une lettre antérieure, publiée, conmie la précédente, par V Oesierrekhi-
8che MœiaUchrift filr den Orient, M. Hansal fournit, sur l'administra-
tion du Soudan, des renseignements qui font mieux comprendre l'empres-
sement des populations à répondre aux appels du mahdi à prendre les
armes contre le gouvernement égyptien, et la nécessité, pour le cas ob
les généraux Baker et Gordon, avec ou sans le concours de l'Abyssinie,
réussiraient à conserver à l'Egypte le territoire à l'Est du Nil, d'y intro-
duire des réformes fondamentales. Après avoir mis le séquestre sur la
succession d'un père de famille qui avait institué un exécuteur testamen-
taire, l'autorité égyptienne en avait fait vendre les objets aux enchères,
pour en distribuer le produit à des fonctionnaires et à des soldats, et,
six ans après la mort de leur père, les orphelins mineurs n'avaient
encore rien reçu de l'héritage paternel. Les habitants du désert devaient
transporter des milliers de charges de chameaux de biens de l'État, de
la mer Rouge au NU, sans être payés des frais de transport. Le simple
agriculteur devait payer double et triple impôt, sans qu'aucun contrôle
fftt exercé sur cette branche de l'administration. Des soldats ou de^
' D'après une dépèche de Khartoum du 14 jaurier, au Tme8f le steamer Ismai'
lia a ramené le D' Bohndorf, compagnon de voyage de Junker, qui a annoncé la
mort de Schuver. Lupton-bey était assiégé dans Port-Rek. VIsmaîlia avait été
attaqué deux fois dans son voyage de retour à Khartoum.
— 21 —
agents de police pouvaient enlever une bête de somme à son propriétaire,
sur la voie publique, au vu et au su de tout le monde, et s*en servir
pour eux-mêmes, sans que le possesseur reçût aucun dédommagement,
oi qu'il pût porter plainte. Des femmes de race noire, libres, étaient
enlevées par centaines à leurs cabanes, pour être incorporées comme
cuisinières aux troupes de Texpédition du Kordofan. Un prisonnier
d'État pouvait acheter sa libération, sans subir ni condamnation ni peine.
Un riche citoyen d'une ville de province, réputé conune grand trafiquant
d'esclaves, n'ayant aucune expérience des affaires, pouvait obtenir une
place de président de cour d'appel» et, pour son neveu, celle de vice-
mudir de Ehartoum, etc. Les expériences actuelles sufBront-eUes pour
faire conoiprendre au gouvernement que les causes de la révolte ne doi-
vent pas être cherchées uniquement dans le fonatisme religieux du
mahdi et de ses derviches, non plus que dans les intrigues des trafiquants
d'esclaves profitant des embarras de l'Egypte pour prendre leur revan-
che des pertes que leur ont fait subir Baker, Gordon et (ressi, il y a quel-
ques années ? Avant de songer à pouvoir introduire aucune réforme au
Soudan, il faut attendre le résultat des opérations autour de Souakim et
des forteresses de Sinkat et de Tokar, pour dégager les routes de Berber
et de Eassala, ainsi que la solution des négociations avec l'Abyssinie.
D'après un rapport de M. Brémond, chef de l'expédition envoyée au
Ckaa par la Société des factoreries françaises, Ménélik rêve de voir son
pays doté d'une voie ferrée reliant sa capitale, Ankober, aux plus riches
parties de son territoire, et d'établir, sur l'Haouasch, un service de
vapeurs qui, descendant jusqu'au lac Aoussa, rapprocherait son royaume
du territoire français d'Obock. Il a accédé à la demande de M. Brémond
de faire explorer, par M.Hénon, l'Haouasch, pour en déterminer exacte-
ment le cours, et s'assurer de la possibilité d'y lancer quelques remor-
queurs, qui relieraient entre elles les factoreries que la Société française
se propose d'y établir. Le roi a fait construire une maison pour son
médecin le D' Hamon, auquel il a donné en outre là jouissance d'une
vaste étendue de terrain pour la culture du quinquina, qui paraît devoir
réussir au Choa. Enfin Ménélik veut faire construire un hôpital, où le
D' Hamon initiera aux connaissances élémentaires de l'art médical un
certain nombre de jeunes Abyssins, choisis parmi les plus intelligents.
De son côté, M. Aubry ingénieur des mines, attaché à l'expédition, doit
explorer le pays des Galla ' et revenir par le Tigré, en visitant spéciale-
^ Suirant les directions que nous a obligeamment données M. Cust, Tun des
— 28 —
ment les endroits signalés par les indigènes, comme devant renfermer
des gisements de minerai présentant une certaine valeur industrielle.
Le bateau de sauvetage, le Morning-Star^ de la station missionnaire
d'On-DJidyi, transporté par pièces démontées, de Zanzibar au Tanga-
nyika, a été reconstruit et lancé sur le lac, au milieu d'une grande
afiSuence d'indigènes, d'esclaves et de gens des Arabes, et du personnel
de la mission. Au moment oii 0 a glissé, du plan incliné, sur les flots, une
foule de gens se sont précipités dans Teau, tirant des coups de fîisil et
dansant, jusqu'au moment où une distribution de viande leur a été
annoncée. On avait tué trois bœufs, un pour les Arabes et leurs gens,
un pour les Wa-Djidji, et un troisième pour les personnes de la station,
afin d'éviter les collisions qui auraient pu se produire dans l'état d'exci-
tation où l'œuvre des blancs avait mis la population.
La Société africaine allemande a reçu des lettres de
MM. Bœhm et Reiehardt, établis pour quelque temps à Qua-Mpara,
sur la côte occidentale du Tanganyika, à l'endroit où le Loufoukou sort
du lac. Le pays est habité par les Hollû, sauvages et belliqueux, qui se
distinguent par les soins incroyables qu'ils donnent à leur chevelure.
Avant d'y arriver, les explorateurs avaient eu à soutenir , à réitérées fois,
les combats les plus sérieux avec les indigènes. A l'assaut de Eatakoua,
le D' Bôhm avait reçu deux coups de feu dans le fémur droit, ce qui
l'avait tenu alité jusqu'à la fin de juin. Les blessures n'étaient pas encore
entièrement fermées au commencement de juillet, moment où il écrivait.
Arrivé le 8 juillet à Qua-Mpara, souffi*ant de la fièvre, il travailla néan-
moins avec ardeur à réunir de grandes collections, qu'il fit déposer tem-
porairement à la station internationale de Earéma ; il découvrit entre
autres, dans le Tanganyika, une méduse d'eau douce. De son côté,
M. Reichardt a trouvé, dans le pays de Manourgou, sur la rive occiden-
tale du lac, un singe anthropoïde, très redouté des indigènes, vraisem-
blablement le chimpanzé de l'Afrique occidentale et centrale, ou du
moins un singe très voisin de ce dernier. Sa taille est de 1"* 03 ; il est
d'une forte constitution ; ses bras et ses cuisses sont très musculeux ; il a
la poitrine énorme, les épaules larges, le cou très court, les bras longs,
hommes assurément les plus compétents en matière de linguistique africaine (v.
p. 38 et 45), nous introduisons, dès ai^'ourd'hui,dans notre journal, certaines modi-
fications, à l'orthographe des noms propres, tout en la conservant, autant que possi-
ble, conforme à la prononciation; en particulier nous retranchons, au pluriel de ces
noms, le suffixe «, que jusqu'ici nous avons employé à tort.
— 29 —
la peau couverte de longs poils d'un noir brillant, la face violet foncé.
Ces singes vivent ensemble par troupes de six à vingt, et se construisent,
sur les arbres^ à huit ou dix mètres au-dessus du sol, des gîtes de 1" à
1"" 02 de diamètre ; on en trouve parfois deux sur le même arbre.
M. Reichardt a vu des colonies qui comptaient une cinquantaine de ces
gîtes. Les indigènes racontent les choses les plus étranges de la force de
ces sakos. Ils les redoutent plus que les lions. Deux jours avant l'arrivée
du voyageur au Tanganyika, un nègre fiit saisi par un sako, quMl ren-
contra inopinément dans un champ et qui lui firacassa la tète contre une
pierre. Si quelque indigène se trouve face à face avec un sako qui
le considère, le front appuyé sur le bras, il en mourra lui et toute
sa famille, à moins qu'il ne coure en toute hftte chez un magicien.
Les missionnaires de Blantyre songent à multiplier leurs stations.
Deux d'entre eux, MM. Hatterwick et Henderson, ont fait avec M. Drum-
mond, naturaliste, envoyé au Nyassa et au Tanganyika par la Société
des lacs africains, de Blantyre au lac Chlpoiia/7 une reconnaissance du
pays, en vue de cette extension de leur champ de travail. Partis de Blan-
tyre le 23 août, ils ont rencontré de petits villages, construits sur les
flancs de collines rocheuses, dont les habitants préfèrent la sécurité aux
facilités d'accès. Puis, traversant l'arête ondulée qui forme la ligne de
partage des eaux entre les bassins du Chiré et du lac Chiroua, ils arri-
vèrent au pied du Chirazoulo, d'oii plusieurs natife les conduisirent à un
grand village de plusieurs centaines d'habitations, perchées comme des
chalets suisses sur la pente S. 0. de la montagne, et oii ils reçurent un
accueil très cordial. Toute la population se rassembla pour les voir, les
hommes d'un côté, les femmes de l'autre, s'intéressant tous à ce que les
voyageurs leur faisaient voir : montres, boussoles, etc. Il y aurait là un
champ exceUent pour la mission. — Descendant ensuite dans la plaine,
ils longèrent le pied de la montagne, en suivant un sentier tracé à tra-
vers de hautes herbes formant une voûte, sous laquelle ils devaient passer
en se courbant, et, après avoir quitté l'angle oriental du Chirazoulo, ils
entrèrent dans le grand Dambo, plaine inclinée vers le lac, qui, dans la
saison des pluies, devient un vaste marécage. La chefesse Ghimombo, qui
réside dans lin village à cinq kilomètres du lac, les reçut, assise sur une
natte, entourée des dames de sa cour, et leur exprima le désir de voir
des Anglais s'établir près de son village, pour que ses femmes pussent
travailler et avoir du calicot. La population est un reste des Ma-Nyanga,
qui n'ont pas été chassés lors de l'invasion des Wa-Yao de 1860 et
1861. Ils sont tous, hoomies, femmes et enfants, grands fumeurs de chan-
— se-
vré. Livingstone est le seul blanc qui soit venu dans leur voisinage. Quel-
que cordialque lût leur accueil, ilsn'en conservaientpas moins des soupçons
sur les intentions des voyageurs, auxquels ils refusèrent soit des canots,
pour les transporter de Tautre côté du lac, soit des guides, pour leur
faire &ire par terre le tour de son extrémité méridionale, parce que,
disaieut-ils, après la visite de Livingstone au lac, l'eau en a beaucoup
diminué, et l'on ne pouvait plus avoir de poissons. — De Chimombo, les
missionnaires se dirigèrent vers le N. 0., le long de la rive du lac, jus-
qu'au village du chef Malemya, fameux trafiquant d'esclaves, où ils virent
plusieurs Arabes demi-caste, et une grande caravane d'esclaves, porteurs
d'ivoire, campée dans la plaine. Après avoir reconnu toute la rive S. 0.
du lac, ils revinrent à Blantyre. — M. Scott, un de leurs collègues de
cette station, a fait un grand vocabulaire et a réuni les matériaux d'une
grammaire de la langue nganja qui, dit-0, est très belle; il se propose
d'apprendre encore le kijawa, le kipetou et le kikounda, dialectes
parlés dans cette région.
Jusqu'ici l'on ignorait que le Liessooto eût jamais eu de grands
pachydermes, comme les autres parties de l'Afrique. Le doute n'est plus
possible à cet égard. D'après une lettre de M. le missionnaire Ghristol à
l'un de nos amis, qui a bien voulu nous la communiquer, un Mo-Souto
se rendit, à la fin de novembre, au Calédon, pour y déterrer une racine
d'arbre, seul vestige de la végétation d'autrefois. Un jour il vit deux
petites pointes surgir de terre, et, en creusant, il trouva une
mâchoire d'hippopotame. M. Dieterlen, missionnaire à Hermon, se ren-
dit auprès de lui avec M. Ghristol, et obtint qu'il leur cédât sa trouvaille,
une mâchoire inférieure armée de très belles défenses, longues et bien
relevées, ainsi que les os du bassin, en échange d'un sac de blé indigène.
Les premiers missionnaires n'avaient jamais entendu parler de la pré-
sence, à aucune époque, d'hippopotames dans ce pays. Cette découverte
en amènera probablement d'autres, qui permettront de reconstituer la
fauDe éteinte.
Quoique les agents du Comité d'études du Haat-Con^^* ne
* D'après la légende de la carte mentionnée dans ce paragraphe, et lacircalaire
qui raccompagne, nous aurions dû dire plutôt : les agents de V Association interna-
tianaile du Congo; mais nos lecteurs ne connaissant, comme nous jusqu'ici, que le
Comité éPétudes, nous préférons employer cette dernière désignation. Nous regret-
tons^ avec VEaq>ort de Berlin, que ce comité change si sourent de titre ; en effet
c'est tantôt V Association internationale c^firicaine^ tantôt V Association imtemationak
du Congo, on encore V Œuvre africaine tout court, ce qui n'est ni clair, ni correct.
— 81 —
publient pas des rapports qui nous permettraient de suitre en détail les
progrès de Tœuvre de cette Société dans TAfrique équatoriale occiden-
tale, un croquis du Congo, de TÉquateur à l'Océan, et de la vallée du
Niari-Quilou, établi h l'aide de reconnaissances exécutées à la boussole
de poche par ses explorateurs, et que son secrétaire général, M. Straucb,
a bien voulu nous envoyer, nous permet de nous rendre compte assez
exactement de l'état actuel de cette entreprise. Vivi, Isanghila, Baynes-
town, Manyanga et Stanley-Pool sont à peu près les seuls points dont
la position géographique ait été déterminée avec une approximation
suffisante. Toutefois ce croquis peut être considéré comme moins inexact
et un peu plus complet que la plupart des cartes de cette partie de
l'Afrique. Aux stations déjà nommées précédemment, et échelonnées le
long du fleuve, de Vivi à l'Equateur, s'en sont ajoutées quatre, dont deux
sur la rive méridionale de Stanley-Pool, outre l'ancienne de Léopoldville,
et deux en aval de Vivi : Moki et Ikungula, vis-à-vis l'une de l'autre,
comme pour garder le passage. D'autre part une douzaine de stations
ont été créées le long du Niari-Quilou, deux à l'embouchure de la rivière,
une en amont des chutes de Mayombé, et quatre situées à peu près
à égale distance le long de son cours moyen, sous les noms de Franktown ,
Stanley-Niadi, Stéphanie-ville et Philippe-ville. C'est, on se le rappelle,
la voie proposée par de Brazza pour atteindre le plus directement Stanley-
Pool depuis l'Atlantique. Ne pouvant réclamer l'honneur de la décou-
verte, le Comité d'études paraît avoir voulu pouvoir se présenter comme
premier occupant. En outre, il a étabU, sur les deux flancs de cette série
de stations quatre postes, trois au sud, le long de la ligne de faîte entre
le Niari et le Tchiloango, et un au nord, sur un des afiiuents du Niari,
les plus voisins de l'Ogôoué, conune pour garantir la voie principale con-
tre toute tentative de l'en déposséder. Pour reconnaître le pays et y éta-
blir les stations, il a fallu des explorations, mais la carte n'est accom-
pagnée d'aucun texte qui puisse nous renseigner à cet égard.
Serons-nous mieux informés lorsque H. JohnsUm et le D' J. Cha-
vanne seront arrivés sur le théâtre de leurs prochaines opérations. C'est
à Johnston, nos lecteurs s'en souviennent, que l'on a dû les premiers
détails circonstanciés des dernières découvertes de Stanley» ainsi que
la première carte indiquant la direction exacte des deux lacs Léopold II
etMohumba (IV* année, p. 301.) Dse propose maintenant d'explorer
on nouvel affluent du Haut-Congo, et de traverser le centre du conti-
nent africain de manière à rejoindi*e le Nil. M. Van de Velde, secrétaire
de l'Afisodation internationale du Congo, a proposé de lui adjoindre
— 32 —
M. Francis Newton, qui a déjà passé une année en Afirique, oti il était
chargé d'une mission commerciiJe, et oii il a fait à Tintérieur plusieurs
voyages, d'où il a rapporté de curieuses études sur l'ethnologie afri-
came. Quant au D' J. Ghavanne, il est chargé par l'Institut national de
géographie, avec l'appui de l'Association internationale du Congo, d'un
voyage d'exploration dans le bassin septentrional du Congo. D'après
les MittheUungen de Qotha, il pense pouvoir atteindre, de Banana, la
vallée du Niari, puis pénétrer le plus loin possible vers le nord, pour
explorer la ligne de partage des eaux entre le Bénoué et le Congo,
après quoi il se dirigera vers l'Est, pour résoudre enfin la question de
rOuellé et gagner le bassin du Nil. Il s'occupera surtout de l'explora-
tion géographique, ainsi que d'études et de collections anthropologiques
et ethnographiques. Les précédents travaux de Johnston, comme ceux
duD' Chavanne, permettent d'espérer que leurs explorations seront des
plus fructueuses.
Nous ne doutons pas que Stanley, avec la flotiUe dont il dispose,
n'en fasse d'utiles et intéressantes, mais, pour le moment, le monde les
ignore. Il en fera davantage encore lorsqu'il aura reçu le petit steamer
qui porte son nom, et que l'Association internationale africaine a fait
construire pour lui en Angleterre. . Ce bateau est d'un type tout nou-
veau, car il est fait pour la navigation fluviale et pour les transports par
terre. Les précédents vapeurs n'ont pu être transportés à Stanley-Pool,
que par une armée de nègres et au prix de sommes énormes. Celui-
ci est formé de six compartiments étanches qui sont tous des corps
flottants, que l'on sépare ou qui composent un tout à volonté. Mais
comme ces compartiments sont de dimensions moyennes, ils deviennent,
à volonté, des caisses de chariots qui peuvent circuler sur terre. L'em-
barcation sera chargée sur un navire de mer, transportée en tranches à
Banana, montée pour remonter jusqu'à Yivi, où s'arrête la navigation ;
en ce point on débarquera la machine, et, comme la coque complète-
ment vide ne cale que 15 centimètres, on procédera à la disjonction des
tranches, puis on fixera à chacune de ces tranches quatre grandes roues
en acier qui en feront de véritables chariots. On suivra la route de terre
jusqu'à Isanghila, oii l'on reconstruira le bateau pour remonter à
Manyanga, d'où l'on reprendra la route de terre, par la rive gauche du
fleuve, jusqu'à Statiley-Pool. Mais l'on croit que malgré le sectionne-
ment de la coque, il ne faudra pas moins de SOO nègres, pour traîner le
Stanley jusqu'au Pool, la route de terre étant très accidentée, et la
traction de tels poids présentant toujours de grandes difficultés.
— 33 —
•
Quoi qu'il en soit des travaux du Comité d'Etudes du Haut-Congo, le
nombre des voix qui demandent la libre navigation du fleuve
s'accroît constamment ; celles des Américains viennent renforcer celles
des Européens. Dans le message présidentiel adressé au Congrès de
Washington, se trouve une déclaration, dans laquelle les États-Unis
expriment leur résolution de ne pas se désintéresser de l'activité déployée
au Congo par l'Association internationale africaine. Quoique leurs inté-
rêts n'y soient pas encore directement engagés, il peut devenir néces-
saire qu'ils coopèrent avec d'autres puissances commerciales, pour assu-
rer les droits de la liberté de commerce et d'établissement dans la vallée
du Congo, sans intervention ni contrôle politique d'aucun État particu-
lier. De son côté la Chambre de commerce de New-York a adopté une
résolution invitant le président Arthur à nommer une commission, qui
serait chargée de s'entendre avec l'Association internationale africaine,
afin d'obtenir, pour les autres pays, la liberté commerciale dont les Por-
tugais cherchent à s'attribuer le monopole.
Moins considérables que ceux des agents du Comité d'études, les pro-
grès des membres de l'expédition de Brazza méritent cependant
d'être signalés. Après avoir remis h son chef le commandement des sta-
tions dont celui-ci l'avait chargé, M. Miaéon a quitté Franceville pour
se rendre à la côte, par une voie intermédiaire à celles del'Ogôoué et du
Quilou, et qui aboutit aux lagunes du pays de Youmba. Il voulait se ren-
dre compte de la configuration de cette contrée, chercher la ligne de
fette qui sépare le bassin de l'Ogôoué et du Nyanga de celui du Quilou-
Niari, enfin étudier les productions et le commerce de ces pays, et s'as-
surer s'il n'y avait pas une route praticable partant de la côte et se diri-
geant vers le nœud géographique d'oti coulent la Passa et l'Alima.
M. Mizon descendit la Passa, puis l'Ogôoué jusqu'au confluent d,e la
Liboumbi, afin de reconnaître la navigabilité de cette rivière. Il s'est
assuré qu'elle ne peut être remontée au delà du point où elle reçoit la
Licoco. Le 10 septembre il se trouvait près du village de Ncando, et pou-
vait apercevoir, à 24 kilom. environ, le point oti se croisent les vallées
de la Luété et du Niari. Avant de rejoindre les établissements français
il a traversé une série de montagnes parallèles h la côte et appartenant
au bassin du Quilou, — Quant à Savorg^nan de Brazza lui-même,
le dernier paquebot du Congo annonce qu'il est arrivé sur ce fleuve en
amont de Bolobo, station de Stanley qu'il a trouvé incendiée par les
indigènes. Il est ensuite descendu vers Brazzaville, après avoir rétabli
l'ancien ordre de choses dans les États de Makoko,
— 34 —
Pendant que l'on installait dans l'île Mundalehla station de l'expé-
dition de M. Roifozinski, celui-ci a fait une excursion préliminaire, pour
étudier le pays et atteindre Bakoundou, derrière les monts Gameroon.
Le meilleur chemin pour cela est le Rio-Mungo, beau et large fleuve, qui
arrose le pied oriental de ce massif de montagnes, et coule rapidement
entre des rives hautes, couvertes d'une végétation luxuriante. Avec six
Kroumen et un guide de la tribu des Desalla, il le remonta en pirogue,
en en faisant le relevé, et arriva, le cinquième jour, près d'une haute berge,
sur la rive droite, d'oii part un sentier indigène qui mène à Bakoundou.
Il espérait trouver là la clef pour pénétrer dans l'intérieur, et des natifs
convenables conmie porteurs ; son espoir ne fut pas déçu. Le roiNam-
beleh II, qui n'avait pris le' pouvoir des mains de son père que quelques
mois auparavant, parcourait le pays pour se faire reconnaître. Son
représentant, Nammekao, était un chef d'une quarantaine d'années, très
intelligent, avec lequel M. Rogozinski parlementa, pour obtenir l'ouver-
ture du pays aux étrangers et la libre circulation. Il apprit de lui, qu'au
delà de Bakoundou se trouve la tribu des Ba-Farenyanya qui ont des
relations au Bayong, pays situé à quinze jours de marche à l'Est de
Bakoundou, et dont les capitales sont Tountou et Pébot. Muni de ces
informations, il revint à la côte, résolu à la quitter aussitôt que les instal-
lations de rtle Mundaleh seraient terminées. Il eu repartit en effet le 12
août, avec un de ses compagnons de voyage, M. Tomezek, et ils arrivè-
rent le 19 à Bakoundou, où ils établirent leur quartier général. Le roi
était rentré dans sa capitale. Jeune encore, il attache une grande impor-
tance à la venue des explorateurs, dont la présence le rehausse aux yeux
des tribus d'alentour. M. Rogozinski obtint de lui qu'il ouvrît le pays
aux étrangers, et qu'il leur accordât de circuler librement dans ses États.
Les voyageurs en profitèrent pour parcourir le pays ; il explorèrent le
Haut-Mungo, et atteignirent la grande cataracte de Mungué, dans le pays
de Kumbayi, où ils virentpour la première fois des Ba-Farenyanya.Les élé-
phants y sont tellement nombreux, qu'ils inondent littéralement le pays ;
en allant un jour à Kumbayi vers leN. E., la caravane de M. Rogozinski
fat attaquée et dispersée par une bande de ces pachydermes. Outre la
cataracte et le cours du Mungo, les explorateurs ont reconnu un grand
lac de 7 kilom. de diamètre, le Balombi-0-Mbou, d'où sort le Rio-del-
Rey, puis un autre lac nommé le Gango, que traverse le même fleuve,
enfin un long et large affluent du Mungo, le petit Mungo, qui forme aussi
une cataracte importante. La saison des pluies finie, M. Rogozinski
comptait pouvoir prendre la route de l'Est dès le mois de novembre.
— 35 —
M. Godfrey Liayden a fait récemment à Coamassie un voyage,
sur lequel nous extrayons de VAfrican Times les détails suivants. Parti
de Cape Coast à la fin d'octobre, avec 25 porteurs, il dut traverser une
forêt très épaisse, dans laquelle la route était obstruée en beaucoup d'en-
droits par la végétation, ce qui obligeait ses hommes à se frayer un pas-
sage la bâche à la main. A 100 kilom. de Coumassie, il dépêcha deux de
ses hommes, pour informer le roi de son intention de lui faire visite. A son
tour, Quaqua-Duah lui envoya deux de ses fonctionnaires, porteurs de
bâtons dorés, qui l'introduisirent dans la capitale; puis il le fit venir à sa
résidence, et le reçut entouré de ses officiers, s'informa du but de sa visite
qui n'avait qu'un caractère privé, et le renvoya sous escorte à son cam-
pement, oii le roi le confina six jours, pendant lesquels il lui fit plusieurs
visites. Après avoir obtenu sa liberté, M. Layden en profita pour circuler,
et recueillir, sur le pays et son histoire, tous les renseignements qu'il put
se procurer. D apprit qu'un grand nombre des enfants de l'ex-roi Koffi-
Calcalli ont été massacrés ; à l'arrivée de M. Layden, l'ex-roi était dans
un vUlage à 15 kilom, de la capitale, mais au départ du voyageur, le
monarque déposé avait été amené près de Coumassie. Les Achantis
prenant M. Layden pour un espion, comptaient couper la tête au roi,
si les Anglais avaient l'intention de le faire remonter sur le trône. Plu-
sieurs chefe du voisinage ont pris les armes contre Quaqua-Duah, qui doit
constamment lutter contre eux.Iln'y avait alors point de batailles ran-
gées, mais le pays tout entier était dans un état voisin de l'anarchie, et
le commerce était complètement arrêté. Deux jours après l'arrivée de
M. Layden, la sœur du prince Ansah mourut; l'on croyait qu'il y aurait
à cette occasion un sacrifice humain ; la coutume en subsiste encore,
quoique sur une moins grande échelle que précédemment. Pendant son
voyage, M. Layden a fait d'importantes collections scientifiques, et a
recueilli de précieux spécimens de la flore et de la faune du pays.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
MM. de Lesseps, Rivers et Wilson, s'étant mis d'accord sur tous les points en
discussion dans la convention avec les armateurs anglais relativement au canal de
Suez, le gouvernement britannique a adressé à M. de Lesseps une lettre approu-
vant cette convention, et exprimant sa vive satisfaction que toute cause de dissen-
timent soit ainsi écartée.
Le D' Stecker a rapporté de son voyage en Abyssinie et dans les pays voisins,
de précieuses collections, entre autres 2000 plantes, dont un grand nombre appar-
tiennent au Godjam, province dont la flore était peu connue jusqu'ici, et une col-
— sé-
lection anthropologique d'une grande valeur, qui enrichira le musée ethnographi-
que de Berlin.
Le comte Antonelli est reparti pour Assab, avec une mission du gouvernement
italien.
Le ministère français de la marine a fait, avec la direction de la Compagnie des
steamers de l'Ouest, un contrat pour l'établissement d'un dépôt de charbon et
d'approvisionnements à Obock. Il a en outre désigné des commissaires chargés de
s'entendre avec les délégués du gouvernement égyptien pour la délimitation du ter-
ritoire de cette colonie.
M. Alfred Bardey, qui a séjourné quatre années à Harar, Zeïla,Berbera et Aden,
a informé la Société de géographie de Paris que, dans ce moment sa maison, de
Harar a envoyé plusieurs expéditions dans le pays des Bankali, dans le bassin de
l'Haouasch, et au Wabi, par l'Ogaden, au S.-E. de Harar, et par l'Ënuya, au sud
de la même localité. H enverra prochainement un rapport sur les résultats de ces
expéditions et une carte du pays des Somali et des Galla.
Les missionnaires anglais de la station de Kagueï, près du Yictoria-Nyanza, ont
reçu de Lukongué, roi de l'île d'Ou-Eéréwé, une invitation cordiale, à laquelle ils
comptaient se rendre dès que leurs bagages seraient arrivés de l'Ou-Ganda.
M. 6. Révoil a réussi à atteindre le Haut-Djouba en parfaite santé.
Mîrambo s'efforce de constituer un peuple avec les éléments divers des tribus
qui habitent ses États. Persuadé que l'instruction donnerait un élément de grandeur
et de vie à sa nation, il insiste pour que la Société de Londres lui envoie un plus
grand nombre de missionnaires, et en particulier un médecin missionnaire.
Serpa Pinto a été nommé consul portugais à Zanzibar.
La station de Karéma, qui, au début, coûtait 30,000 fr. à l'Association interna-
tionale africaine est arrivée à] se suf&reà elle-même. Les 300 personnes qui la com-
posent, réunies sous l'autorité du cHef, M. Storms, trouvent dans les produits de
leurs cultures, non seulement de quoi subvenir à leurs besoins, mais encore de quoi
faire des échanges.
h*Antislavery Reporter ayant, à l'occasion de la convention conclue entre la
France et le Portugal, qui autorise la libre sortie des travailleurs engagés librement
pour Mayotte et Nossy-Bé, reproché au Portugal de favoriser la traite au profit
de la France, le Mémorial diplof}iatique a rappelé que cette convention a été rédi-
gée dans les mêmes termes qu'une autre antérieurement conclue entre le Portugal
et l'Angleterre, pour permettre aux travailleurs de Mozambique et de Lorenzo-
Marquez de se rendre librement à Natal ou au Cap.
Les missionnaires vaudois et neuchâtelois destinés à renforcer les stations des
Spelonken et du Lessouto, ont quitté la Suisse à la fin de janvier.
Le gouvernement portugais a conclu avec M. Mac Murdo, Américain, un con-
trat pour la construction du chemin de fer, de Lorenzo-Marquez à la frontière du
Transvaal.
Un gisement de houille a été découvert du côté occidental des monts Lebombo,
dans le Swaziland, à 65 kilomètres d'une voie navigable peur des navires, et sur
— 37 —
une étendue de plusieurs centaines de milles carrés. Le gisement a S*" d'épaisseur;
la qualité de la houille en est bonne pour les machines à vapeur.
Sir Barkly, ex-gouverneur de la colonie du Cap, insiste fortement pour que le
gouvernement britannique constitue un protectorat sur le pays des Be-Cbuana,
au point de vue de la civilisation et du commerce, celui-ci étant intéressé à garder
ouverte cette route vers Pintérieur, dont le trafic est estimé à plus de 2,500,000 fr.
annuellement.
• Le I)' Holub est arrivé à Ca^etown à la fin de décembre, avec six artisans euro-
péens, anciens soldats, qui ont obtenu du gouvernement autrichien Tautorisation
de le suivre dans sa nouvelle exploration.
Le Bchconer Meta, appartenant à M. Lûderitz, fera régulièrement le service entre
Angra-Pequena et Capetown. D'après le témoignage des missionnaires rhénans,
l'entreprise de M. Lûderitz ne nuit en aucune manière à leur œuvre. Un grand
nombre d'indigènes sont occupés à la construction des magasins, au transport des
marchandises, etc. ; depuis l'installation des nouveaux établissements, le commerce
des bestiaux s'est beaucoup développé. Jusqu'ici la maison Lûderitz n'a importé
dans le pays ni eau-de-vie, ni aucun spiritueux quelconque.
M. le D"" Passavant a dû partir à la fin de janvii^r pour les Cameroon. Il compte
prendre à Monrovia des Wyhboys avec lesquels il remontera la rivière Cameroon,
pour dépasser la chaîne de montagnes qui court parallèlement à la c6to ; il y pas-
sera la saison des pluies ; et s'avancera ensuite le plus vite possible dans la direc-
tion de l'Est.
M. P. Dahse, concessionnaire de mines d'or à Wassaw, est reparti pour la Côte
d'Or, où il va diriger l'exploitation d'un gisement d'étain, pour le compte d'une
compagnie anglaise.
Par décret du président de la République française, les comptoirs de 6rand-Bas-
sam et d'Assinie, qui prennent chaque année plus d'importance et réclament la
présence d'un fonctionnaire spécial, ont été placés, avec tous les établissements
français de la Côte d'Or^ sous l'autorité du commandant du Gabon, qui portera
désormais le titre de commandant supérieur des établissements français du golfe
de Guinée.
Le colonel Bourdiaux, gouverneur par intérim du Sénégal, a conclu avec le chef
Moussa-Malo, de Firdou, sur la Cazamance, un traité d'amitié et de commerce, qui,
tout en laissant aux indigènes leur indépendance, les place sous le protectorat de
la France, et assure aux commerçants français de grands avantages dans' les bas-
sins supérieurs de la Gambie et de la Cazamance.
Les dépêches du Haut-Sénégal rapportent que la partie de la voie ferrée con-
struite dans la campagne 1882-1883, a parfaitement résisté aux pluies de l'hiver-
nage et qu'elle est en excellent état.
Le chérif de Ouazzan, parent du sultan du Maroc, et chef spirituel de l'Islam
dans l'Afrique septentrionale, a sollicité du ministre de France au Maroc sa pro-
tection offîcielle pour sa personne, sa famille et ses biens, et s'est fait naturaliser
français.
— 38 —
LES LANGUES MODERNES DE L'AFRIQUE
D'après M. R.-N. Cust.
Le tableau d'ensemble des langues de l'Afrique présenté par M. R.-N.
Cust, à la Société des Arts de Londres en 1881, et dont nous avons
donné un résumé (III* année, p. 30), et la Notice du même auteur suç
les écrivains qui ont contribué à l'extension de notre connaissance des
langues africaines, n'étaient que les prémices d'une œuvre beaucoup
plus importante *, et d'une utilité infiniment plus grande pour tous ceux
qui, de près ou de loin, s'intéressent à l'exploration et à la civilisation de
l'Afrique, sans parler de l'intérêt qu'elle ne peut manquer d'avoir pour
ceux qui ne veulent ignorer aucun des phénomènes relatifis au dévelop-
pement de l'humanité dans les différentes parties du globe.
Sans doute les explorateurs peuvent, à l'aide d'interprètes, poursuivre
leurs voyages de découvertes, sans connaître eux-mêmes les langues par-
lées dans les régions qu'ils étudient. M. Cust fait remarquer en effet
qu'il n'a jamais entendu parler de voyageurs empêchés de communi-
quer directement ou indirectement avec les indigènes, et que des explo-
rateurs africains, tels que Duncan à la côte occidentale, Thomson à
l'est, et les grands chasseurs dans l'Afrique australe, racontent des
conversations avec les chefe et avec les indigènes de territoires très éloi-
gnés de leur point de départ. Comment faisaient-ils ? Ils avaient proba-
blement à leur service quelqu'un de ces interprètes dont parle M. Cust,
connaissant plusieurs langues, et qui abondent en Afrique. L'auteur
signale dans son introduction, comme trait particulier à ce continent, le
fait que partout la présence d'esclaves, de tribus nomades, ou vivant
dans les forêts, et de bandes de maraudeurs, semble avoir eu pour résul-
tat la coexistence d'une pluralité de langues. Les récits des voyageurs
fournissent des exemples frappants d'Africains polyglottes : Mtesa parle
six langues, le nyoro, le ganda, le souahéli, le soga, le zoulou et l'arabe;
un chef ma-koua en parle cinq ; Grant mentionne la présence à Kara-
goué d'un trafiquant, originaire de l'Inde, qui pouvait faire la conver-
sation au moins dans dix langues africaines différentes ; et Livingstone
parle d'un chasseur d'éléphants, portugais, demi-caste, qui parlait une
douzaine de dialectes. Il n'en est pas moins vrai que la connaissance des
^ A sketch of the moderne languages of Africa. Accompanied by a Language-
Map, by Robert Needham Cust. London (ïrûbner and C»), 1883, 2 vol. in-8.
— 39 —
langues de la région à explorer ne peut qu'être extrêmement utile aux
Yoyageurs, en les dispensant de Taccompagnement dHntei-prètes, et en
leur permettant de s'entretenir toujours directement avec guides, por-
teurs, ou natifs de l'intérieur.
Toutefois, si cette connaissance ne leur est pas indispensable à eux,
elle est d'une nécessité absolue à ceux qui s'établissent au milieu des
indigènes pour les tirer de l'ignorance et de la barbarie dans lesquelles
ils sont plongés, afin de les instruire et de leur communiquer les bien-
faits de la civilisation. Gomment les innombrables tribus de cet immense
continent pourraient-elles progresser, si on ne leur parle ? Mais pour
leur parler, il faut qu'il y ait des hommes, capables d'exercer au milieu
d'elles les arts de la paix, qui possèdent leurs langues ; pour cela il faut
que ces langues aient été étudiées et mises par écrit, et qu'une littéra-
ture, tout au moins les éléments d'une littérature : vocabulaires, gram-
maires, dictionnaires, spécimens des phrases les plus usitées ou de
récits, aient été créés, pour former les matériaux de l'enseignement à
donner à ceux qui veulent se vouer au relèvement des indigènes. Les
grands voyageurs, Barth, Duveyrier, Livingstone, Stanley, Nachtigal,
Schweinfurth, etc., y ont contribué pour leur part, en rapportant des
vocabulaires assez étendus des langues des tribus visitées par eux ; mais
jusqu'ici, ce sont essentiellement les missionnaires établis sur tous les
points de la périphérie du continent, ou déjà un peu en avant dans l'in-
térieur, qui ont pu étudier les langues des peuplades au milieu des-
quelles ils vivent, de manière aies mettre par écrit, à en rédiger la
grammaire, h traduire dans ces langues quelques parties de l'Ancien
ou du Nouveau Testament, pour quelques-unçs la Bible tout entière, à
composer des livres d'école ou de culte, et h permettre aux sociétés
dont ils relèvent de les faire imprimer, pour pouvoir les mettre entre les
mains de ceux qu'ils veulent instruire et relever.
Voyageurs, missionnaires et sociétés poursuivent leurs travaux sépa-
rément ; ceux-là découvrent incessamment de nouvelles tribus, parfois
très petites, très voisines les unes des autres, et cependant différentes
et parlant des langues diverses ; Lenz a trouvé, par exemple, dans
l'Afrique occidentale, dans un espace de trois milles carrés, quatre tri-
bus distinctes, ne comptant que 200 individus, parlant des langues
entièrement différentes. Un seul fait poun'a donner une idée de la mul-
tiplicité des idiomes africains. Dans sa Polyglotta africana, Kœlle a
recueilli, à Sierra Leone, de la bouche d'esclaves libérés, deux cents
vocabulaires de di<alectes appartenant à soixante langues.
— 40 —
A mesure que les parties encore inconnues du continent seront décou-
vertes, de nouvelles tribus, parlant des langues ignorées jusqu'au
moment oîi M. Cust a posé la plume, nous seront révélées. Ce sera la
tâche de la génération à venir d'en faire le dénombrement et de les
classer, en assignant à chacune d'elles, dans la carte des langues de
l'Afrique, la place que lui auront marquée les récits des explorateurs.
En attendant, le nombre de celles dont on connaît positivement l'exis-
tence et le pays oîi elles sont parlées est assez considérable, pour qu'un
travail de concentration et de classification méthodique, accompagné
d'une carte dressée avec le plus grand soin, ait été rédigé et publié,
afin de fournir aux savants à venir une base solide, qui leur permette de
s'avancer d'un pas sûr dans la voie du progrès. Personne n'était mieux
placé que M. Cust pour s'acquitter d'une semblable tâche, à laquelle
l'avaient préparé un travail analogue sur les Langues modernes de
VInde, et ses fonctions de secrétaire honoraire de la Société royale asia-
tique, de membre du comité de la Société royale de géographie de Lon-
dres, du comité de la Société des missions anglicanes, de celui de la
Société biblique britannique et étrangère, ainsi que du comité de traduc-
tion de la Société pour le progrès des connaissances chrétiennes, con-
stamment occupé de la question des langues de l'Afrique. Aussi crut-il
de son devoir de combler la lacune qui existait dans les grands ouvrages
de Max Mtiller : Lecture on the Science of Language, et de Whitney :
Language and the study of Language, ouvrages très importants, trai-
tant soi-disant de la matière du langage dans sa totalité, mais oii les
langues et les dialectes de l'Afrique ont été oubliés, quoiqu'ils présen-
tent des phénomènes remarquables et uniques.
Pour rassembler tous les documents dont il avait besoin, sur les lan-
gues de tribus dont l'existence est certaine et le pays connu, M. Cust
étudia tout ce qui avait été écrit par ses prédécesseurs, et dépouilla
les nombreuses publications scientifiques et missionnaires reçues par les
Sociétés dont il fait partie ; il correspondit avec des amis dans tous les
États d'Europe, d'Afrique et d'Amérique, et surtout avec les voyageurs
africains de toutes nationalités, et avec les missionnaires, revenus en
Europe ou encore à l'œuvre dans leurs différents champs de travail ; il
visita les grandes bibliothèques de Londres, Paris, Berlin, Vienne, Rome,
et se rendit même parfois en Afrique pour obtenir, sur les lieux mêmes,
les renseignements dont il avait besoin; en un mot il n'épargna ni soins,
ni temps, ni argent, pour arriver à la certitude, au sujet des données
qu'il voulait centraliser aussi complètes que possible sur cet important
sujet.
— 41 —
Les matériaux ainsi recueillis formaient une masse énorme de docu-
ments; les plus élémentaires comme les plus savants : alphabets, chif-
fres, vocabulaires, les uns de quelques mots seulement, les autres de
dizaines de milliers de mots, notes grammaticales, grammaires spécia-
les et grammaires comparées, dictionnaires, simples phrases, traduc-
tions, etc., etc., avaient afflué eu quantité si considérable que la seule
pensée en donne le vertige.
Dans ce fouillis de documents, il fallait introduire Tordre, sous peine
de n'avoir créé qu'un chaos informe. Heureusement l'esprit méthodi-
que de M. Cust et la lucidité de son inteUigence ont réussi à y répan-
dre la lumière, par une classification judicieuse, résultat d'un examen
approfondi. Sachant que des ressemblances extérieures dans la compo-
sition des mots pourraient faire croire à une parenté des langues aux-
quelles ils appartiennent, tandis qu'en réalité leur origine est différente,
il a cherché, sous la forme des mots, l'esprit ou le génie de la langue,
et les principes sur lesquels elle repose, et a dépouillé la racine des mots
des préfixes et des suffixes qui y ont été ajoutés, afin d'arriver à la con-
naissance des procédés employés pour les composer, ou pour les mettre
en rapport les uns avec les autres. Ce n'est qu'après un examen sérieux
et souvent très minutieux qu'il s'est décidé à rattacher les 591 langues
et dialectes, dont l'existeuce est hors de doute et qui sont parlées par
des indigènes ayant un habitat dont les limites ont pu être tracées
d'une manière précise, aux six grandes familles dont nous avons parlé
(III"* année, p. 30), sémite, chamite, nubieone-foulah, nègre propre-
ment dite, bantou, hottentote et bushmen. Dans le nombre indiqué ci-
dessus ne sont comprises que les langues du continent et des îles qui s'y
rattachent positivement ; celles de Madagascar appartenant à la famille
des langues malaies, ainsi que ceUes de Sainte-Hélène, de l'Ascension,
de Tristan d'Acunha n'y sont pas comprises, non plus que les langues
qui ont pu être parlées autrefois dans le nord de l'Afrique : l'égyptien,
le latin, le phénicien, etc., ou celles de tribus naguère vivantes, mais
éteintes aujourd'hui ; non plus encore que celles qui sont p^Kiculières
aux colonies européennes des côtes africaines ; non plus enfin que celles
dont on a pu entendre parler, mais dont la tribu n'a encore été visitée
par aucun explorateur ou missionnaire capable de recueillir sur elle des
renseignements suffisamment précis.
Les 591 langues et dialectes africains reconnus par M. Cust se grou-
pent ainsi dans les six familles susmentionnées :
— 42 —
V Sémite 10 langues, 9 dialectes, total 19
2* Chamite 29 » 27 » » 56
3"*. Nubienne-Foulah 17 » 7 » » 24
4" Nègre 195 » 49 » » 244
5*^ Bantou 168 » 55 » » 223
6" HottentoteetBushmen. 19 » 6_ » » 25
438 langues, 153 dialectes, total 591
Il va sans dire que, malgré le soin que M. Cust a appoité dans Texa-
men de chacun de ces idiomes, pour lui assigner sa vraie place dans
sa classification, ainsi qu'à la préparation de la carte dressée par
M. Ravenstein, le savant cartographe chargé par la Société royale de
géographie de Londres de construire la grande carte de T Afrique équa-
toriale, il n'est pas encore possible, au point oii en sont nos connaissan-
ces, de dire d'une manière certaine : tel dialecte appartient indubitable-
ment à tel ou tel groupe. M. Cust est le premier à reconnaître que,
pour plusieurs, sa classification est provisoire, et à appeler de ses vœux
des travaux ultérieurs, dussent-ils l'obliger à modifier tant soit peu ses
divisions et ses subdivisions, ou tout au moins leur contenu.
L'on peut admettre cependant que les modifications qui pourront y
être apportées seront très peu considérables, car il n'a procédé à sa
classification et à l'inscription des noms sur sa carte, qu'appuyé, d'un
cOté, sur des faits linguistiques reconnus, et de l'autre, sur des faits géo-
graphiques constatés, n'admettant jamais comme établie l'existence
d'une langue, à moins qu'il ne pût indiquer, sur la carte, le pays oti elle
est parlée, en s'aidant pour cela des documents cartographiques les
meilleurs, et des indications des écrivains les plus autorisés. Il a ainsi
évité, autant que possible, les chances d'erreur, et a indiqué d'avance
les points sur lesquels pourront porter les modifications. C'est, d'après
lui, dans la famille des langues bushmen, que pourront se produire les
changements les plus sensibles.
Il a groupé autour de cette famille, vu la petite taille des individus
qui la composent, toutes les peuplades pygmées signalées jusqu'ici sur
la surface du continent africain: obongo, akka, bakké-bakké, doko,
mdidikimo et toua, quelque disséminées qu'elles soient, de l'ouest à
l'est et du nord au sud, parce qu'il n'aurait pas su à quelle famille
les rattacher au point de vue linguistique. Sans doute leur situation
géographique est bien déterminée : les Akka habitent chez les Mom-
bouttou, dans le bassin de l'OueUé ; les Obongo, dans celui du Gabon ;
les Bakké-Bakké, sur la côte du Loango ; les Doko, au sud de TAbys-
— 43 —
binie ; les Mdidikimo, à Touest des monts Ngourou, sur la route de
Zanzibar à TOu-Nyanvembé, et les Toua, au confluent de la Roumami
et du Loualaba. Mais, à part la langue des Akka, dont Tabbé Beltrame
a publié, dans le Bulletin de la Société italienne de géographie, un voca-
bulaire et des spécimens des phrases usuelles, d'après ce qu'il avait pu
apprendre des deux Akka ramenés à Vérone par Miani, on ignore jus-
qu'ici les langues des autres peuplades pygmées. L'étude seule pourra
leur assigner leur vraie place.
Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons dit (in* année, p. 30),
des traits qui caractérisent et distinguent les langues de ces six ûmilles.
Mais nous ferons remarquer, à propos du nombre considérable des lan-
gues et des dialectes des familles nègre et bantou, d'après Prichard,
ethnologiste expérimenté et d'un esprit juste, qu'on croyait d'abord les
langues africaines innombrables et sans rapports les unes avec les
autres, mais qu'à mesure qu'on les a examinées de près, le nombre s'en
est réduit graduellement, et que l'on a trouvé, pour un nombre de lan-
gues relativement petit, une infinité de dialectes.
D'ailleurs, malgré les diversités qui les distinguent, il y a entre elles
certaines affinités, qui permettent aux voyageurs de traverser, sans trop
de difficultés, de vastes territoires habités par des tribus différentes. On
sait que Livingstone, parti de Kolobeng, se dirigea vers le nord et
atteignit le Zambèze près de son confluent avec le Chobé, d'où il se
rendit à la côte de l'Angola, pour revenir ensuite à son point de départ
et atteindre de là Quilimane; il ne paraît pas avoir jamais eu de difficulté
à s'entretenir en langue chuaua avec les indigènes de cet immense ter-
ritoire de l'Atlantique à l'Océan indien, quoique souvent les guides lui
manquassent et qu'il dût se diriger au moyen de la boussole. Si l'on
compare des langues de points extrêmes, celle des Xosa, par exemple,
dans la Cafrerie, avec celle des tribus de l'équateur, il va sans dire qu'il
est difficile de reconnaître qu'elles appartiennent à la même famille ;
mais si l'on examine les racines des mots de chaque langue, ou s'aper-
çoit que les différences se fondent les unes dans les autres, de telle sorte
que l'on doit reconnaître entre elles une parenté réelle. Livingstone
affirme que le langage de Teté, sur le Zambèze moyen, ressemble beau-
coup à celui de l'Angola, et il ajoute qu'en passant d'une tribu à une
autre, il n'est nécessaire de connaître qu'une seule langue, les interprè-
tes étant faciles à trouver.
On se représente souvent les langues des familles nègre et bantou
comme très pauvres ; mais, ainsi que le fait remarquer M. Cust, après
— 44 —
Livingstone, cette opinion n'est bien souvent, chez celui qui Texprime,
que la preuve d'un esprit d'une faible portée. En effet, pour ne parler
que des langues de la famille bantou, employées par des millions d'Afri-
cains, de la Cafrerie au golfe de Guinée, a elles sont » dit M. Cust,
« excessivement riches. Chaque monticule, colline, montagne ou pic a un
nom, ainsi que chaque cours d'eau, chaque vallon, chaque plaine; dis-
cuter le sens de ces noms prendrait une vie d'homme. Ce n'est pas la
disette, mais la surabondance de noms qui induit en erreur les voya-
geurs. La plénitude du langage est teUe, qu'il y a des vingtaines de
mots pour marquer les variétés de la marche, de la flânerie, de la fanfa-
ronnade ; chaque mode de marche est exprimé par un mot spécial.
Boyce et Appleyard, versés dans la connaissance des langues de la bran-
che méridionale du groupe bantou, J.-L. Wilson qui avait étudié spécia-
lement celles de la branche occidentale, Erapf et Steere qui s'étaient
voués à celles de la branche orientale, sont unanimes à en louer la
beauté*et la puissance plastique. J.-L. Wilson, en particulier remarque
qu'elles sont douces, souples, flexibles à un degré presque illimité ; que
leurs principes grammaticaux sont fondés sur une base très systémati-
que et philosophique, et que le nombre de leurs mots peut être aug-
menté presque à l'infini ; elles peuvent exprimer les nuances les plus
délicates de la pensée et du sentiment, et il n'y a peut-être pas d'autres
langues au monde qui aient un caractère plus déterminé et plus de pré-
cision dans l'expression. »
Quelque ignorants, superstitieux, vicieux même et infortunés, que
puissent être les possesseurs d'un semblable trésor, celui-ci demeure
comme un témoignage qui atteste leur origine supérieure. Si, dans leurs
ténèbres et leurs misères actuelles, ils savent s'en servir de manière à
étonner ceux qui les entendent, que sera-ce lorsqu'ils auront reçu des
blancs, par ce moyen de communication, la civilisation sous sa forme la
plus haute, mais aussi la plus humaine. Dans la bouche d'hommes rele-
vés et instruits, ces langues deviendront, nous n'en doutons pas, le
meilleur moyen de propagation des pensées les plus nobles, pour le bien
de toutes les tribus africaines.
En attendant, ceux qui se préparent à travailler au relèvement des
indigènes de l'Afrique, doivent être extrêmement reconnaissants envers
M. Cust, de leur avoir fourni le moyen de s'orienter facilement dans ce
dédale de langues diverses, en joignant, à la carte qui accompagne le
texte de son ouvrage, des appendices renfermant des tableaux biblio-
graphiques des langues, des dialectes, des localités et des autorités
— 45 —
citées, avec des index alphabétiques de différentes sortes, extrêmement
précieux pour la consultation de ces deux volumes.
On le voit, l'auteur n'a rien Ifégligé pour que son œuvre fût en même
temps la meilleure et la plus utile. Nous n'avons cependant parlé jus-
qu'ici que de ce que nous pourrions appeler le mérite intellectuel de
Touvrage, Tordre dans l'abondance des matériaux, la justesse des vues
et la sagacité des observations. Nous nous reprocherions de ne pas rele-
ver un trait particulier qui ôte à ces volumes, semés d'indications biblio-
graphiques, quoique l'auteur ait éliminé du bas des pages toute espèce
dénotes, et où les divisions et .les subdivisions abondent, toute l'aridité
qu'un pareil sujet semblait devoir entraîner nécessairement avec lui, et
qui leur donne au contraire un grand charme. Nous voulons parler du
sentiment d'atFection que respirent ces pages pour tous ceux qui ont
fourni à M. Cust la possibilité de les écrire, et dont il a eu soin de pla-
cer les photographies en tête de son premier volume, eu donnant une
place à part au premier évêque noir, Samuel Crowther, l'apôtre du
Niger, auquel il devait une carte des langues du bassin de ce fleuve et
beaucoup de renseignements sur les tribus qui l'habitent ; — de la recon-
naissance de l'auteur pour tous les explorateurs et les [missionnaires qui
travaillent à faire mieux connaître les innombrables tribus de cet immense
continent et leurs langues, — et surtout de l'amour qu'il a voué à ceux en
laveur desquels ce travail s'accomplit. On sent que chez l'écrivain le
cœur est aussi grand que la pensée est élevée ; on est touché des adieux
émus qu'il adresse à chacun des grands voyageurs ou missionnaires qui
lui ont servi de guides dans l'étude de telle ou telle partie de son vaste
sujet et, dans le bel ouvrage qu'il vient de publier, on admire surtout
la bonne œuvre d'une âme ingénieuse dans son dévouement pour les plus
déshérités de l'humanité, et pour ceux qui s'efforcent de les enrichir de
tous les bienfaits de la civilisation.
CORRESPONDANCE
Londres, 12 janvier 1864.
Cher Monsieur,
L'intérêt que je porte à V Afrique ea^fiorée m'engage à vous demander si vous
poorries adopter un système perfectionné pour l'orthographe des noms propres en
Afrique.
Vous avez un exemplaire de mon ouvrage sur les langues modernes de l'Afrique :
vous y verrez, au bas de la page 11, qu'il n'est pas correct, soit en anglais, soit
^ français, d'ajouter une 8 comme suffixe pluriel à un nom propre; il faut écrire
les Zoulou, et non les Zoulou «.
— 46 —
En outre, quand on écrit le nom d'une tribu ou d'un peuple, il faut écrire :
Qu-Ganda, et non Ouganda,
Ma-Viti, et non Mavitif
et quand il est question d'une langue, l'on doit écrire : Ganda, Chuana, Qwamba,
con^me l'on écrit : Souahéli, Yao, Zoulou. Le préfixe hi n'est pas nécessaire quand
on traduit, dans une autre langue, le nom de la langue. En anglais, j'écris:
I speak French
et non :
I speak Language French.
On emploie pour un pays le préfixe : au
Ou-Ganda ;
» pour un peuple, les préfixes :
Ma-Viti.
Ba-Kongo.
Ma,ua,ba,a j ^^^.^^
A-Tonga.
» pour une langue, seulement la racine.
Quand on a à écrire le nom d'une tribu qui n'est pas bantou, pourquoi ajouter
un préfixe bantou, comme Wa-Khwafi, les Souahéli les appellent ainsi dans leur
langue, mais nous n'avons pas besoin de faire de même.
C'est le désir de voir la clarté et la netteté, seule chance de progrès, régner
dans tous les domaines se rapportant à l'Afrique, qui m'a engagé à vous adresser
ces lignes.
Votre tout dévoué,
Robert Cusr.
P.-S. M. d'Abbadie m'assure que Vs est une faute, en français comme en anglais.
BIBLIOGRAPHIE
Le protectorat français en Tunisie, par Edmond Desfossés. Paris
(Challamel aîné), 1882, in-8*, 27 p., 2 fr. — De la réorganisation
ADMINISTRATIVE ET FINANCIERE DE LA TuNisiE, par h même. Paris
(Challamel aîné). 1882, in-8% 40 p. — Au moment où la question tuni-
sienne va revenir (levant les Chambres françaises, on lira avec intérêt
ces deux brochures, émanant d'un écrivain qui s'est déjà fait connaître
par plusieurs publications sur la Tunisie, et que les voyages dans ce
* On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bftle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 47 —
pays ont mis à même d'en parler en connaissance de cause. M. Desfossés
propose un véritable plan de gouvernement, comprenant Torganisation
judiciaire, financière et municipale. Il demande Tabolition de Tancienne
commission financière, le développement de Tinstruction publique, et la
construction de routes remplaçant les chemins peu praticables dont la
Tunisie est sillonnée, ainsi que celle du chemin de fer de Tunis à Bizerte
qui, coïncidant avec le creusement de ce dernier port, lui donnerait une
importance considérable au point de vue stratégique et commercial.
On trouvera dans ces publications, outre le texte officiel du traité du
Bardo, du 12 mai 1881, quelques indications statistiques qui pourront
doimer une idée de Taccroissement du mouvement des affaires depuis
l'occupation française. C'est ainsi que le nombre des télégrammes expé-
diés ou reçus, qui était en 1879 de 169,528, est monté en 1881 au chiffre
de 237,423. La poste a pris aussi une activité bien plus grande : en 1879,
la recette journalière ne s'élevait pas à mille francs ; aujourd'hui elle
dépasse quatre mille francs. Le nombre des navires qui ont abordé les
différents ports de la Tunisie a été en 1880, de 1961, et en 1881, de 3611.
Enfin il résulte de la comparaison des recettes des douanes que, de 1880
à 1881, l'exportation a doublé et l'importation a augmenté de moitié.
II est probable que cet accroissement considérable d'affaires provient eu
partie de la présence des troupes françaises en Tunisie.
Mrs 80UVEK1B8, par Eughie Casalis, ancien missionnaire. Paris
(Fischbacher). 1884, in-12, 345 p. — Le nom de M. Casalis est si étroi-
tement uni à l'histoire de l'établissement du christianisme dans l'Afri-
que australe, qu'il n'est pas de personne s'intéressant aux progrès de la
civilisation qui ne le connaisse. M. Casalis peut être appelé, avec raison,
le missionnaire des Ba-Souto, car c'est chez eux, ou dans la colonie du
Cap,qu^il a passé 22 années de sa vie (1832-1854.) Déjà, dans un ouvrage
souvent consulté, il avait fait connaître le pays des Bassoutos, mais son
dernier livre, écrit à la demande pressante de ses enfants et de ses
amis, est, pour ainsi dire, un abrégé de son journal de voyage, et ren-
ferme des souvenirs plus personnels et plus intimes. L'auteur s'excuse
même, dans sa préface, de trop parler de lui ; et cependant qui pourrait
s'en plaindre ? Le fait d'avoir vu de ses yeux les hommes et les choses
qu'il décrit, ne donne-t-il pas au conteur une autorité plus grande, et ne
contribue-t-il pas à rendre les portraits et les descriptions plus naturels
et plus vivants ?
Du reste, M. Casalis parle comme un homme qui aime passionnément
— 48 —
sa vocation. Son livre respire le bonheur à chaque page. « On aura ici,
dit-il, le témoignage d'un vétéran qui, étant entré à Page de vingt ans
dans une carrière où il n'avait attendu que des périls, des résistances et
fort peu de succès, l'a trouvée semée de secours, de bénédictions et bien
souvent de jouissances très vives.*» Aussi son ouvrage n'est-il point
morose, mais gai et semé d'anecdotes charmantes qui, écrites d'un style
naturel et nullement exagéré, rendent le récit des plus attrayants. C'est
un hvre de voyages et d'aventures qui, sans contredit, captivera ses lec-
teurs grands et petits, les jeunes gens surtout, pour lesquels, du reste,
il a été composé. Les chapitres les plus intéressants sont ceux dans les-
quels le missionnaire raconte son départ pour le Pays du Cap, la ren-
contre d'une bande de lions, l'histoire des lunettes cassées et l'arrivée
chez Lépoko ou Moshesh, le chef de Thaba-Bossiou.
Agenda poub 1884, avec éphemébides géographiques. Bruxelles.
Institut national de géographie. ~ Il y a des agendas qui donnent pour
chaque jour le nom d'un saint, une ou plusieurs dates d'histoire ou
même le menu de dîners variés. Celui-ci qui est, croyons-nous, une véri-
table innovation, renferme des annotations glanées dans le champ
immense de la géographie, des découvertes et des conquêtes, ainsi que
des relations nouvelles qui en ont été la conséquence.
L'éphéméride est un des moyens les plus simples de meubler la
mémoire de faits positiÊ et certains. C'est une étude facile, à petites
doses, car l'article du jour est lu, chaque matin, sans efiort et sans perte
de temps. On acquiert ainsi peu à peu des notions exactes qui, s'ajou-
tant les unes aux autres» forment, à la fin, un certain ensemble.
L'auteur de l'agenda que nous annonçons l'a accompagné d'une chro-
nologie de l'histoire de la géographie et de la géographie de l'histoire,
répertoire utile à avoir dans sa bibliothèque quand on s'occupe de cette
branche des connaissances humaines.
L'ouvrage actuel n'est qu'un essai, qui demanderait à être complété
sur quelques points, simplifié sur d'autres, mais qui contribuera, et ce
ne sera pas son moindre mérite, à répandre le goût des lectures et des
études géographiques.
ÉCHANGES
Sociétés de géographie.
Lvon. A'ancy.
Afadrid . New-York .
Marseille. Oran.
Montpellier. Paris.
Rochefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Anvers. Douai. léna.
Berlin. Francfort "/M. Le Caire.
Brème. Greifswald. Leipzig.
Bruxelles. Halle. Lille.
<>)nstantine. Hambonrg. Lisbonne.
Sociétés de géographie commeroiale.
Berlin. Bordeaux. Paris. Porto.
Missions.
Journal des missions évangéliqnes (Paris). Church missionary Intelligencer and Re-
Saint-Gall.
Bulletin missionnaire (Jiausanne).
Missions évangéliques au XlX^e siècle
(Neuchûtei).
Journal de TUnité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bâle).
Evangelisches Missions -Magazin (Bâle).
(^Iwer Missions -Blatt {Ca\w).
Allgemeine Missions ^Zeitschrift (Gillers-
lob).
Glaubensbote (Bâle).
Afirica (Londres).
1^ Nigrizia (Vérone).
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionary (New- York).
Régions beyond (Londres).
Chronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Montbly Record of the Free Church of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimboursr).
Missionary Record of the united preshy-
terian Church (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Woman's foreign missionary Socielv
(Philadelphie).
Exploration (Paris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger). ~ -
Bulletin du Comice agricole (Médéa).
Bulletin de T Académie d*Hippone (Bone).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris).
Revue géographique internationale (Paris).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche RuncLschau f(ir Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oeslerreicbischç Monatsschrift fUr den
Orient (Vienne).
Zeitschrift ftlr wissenschaftliche Greogra-
phie (Lâhr).
Ans allcn Welttheilen (Leipzig).
Chamlier jf Commerce Journal (Londres).
Divers.
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's FViend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
(Cosmos (Turin).
Bollettino délia" Societa africana d'Italia
(Naples).
Esplorazione (Naples).
Marina e Commercio, e Giornale délie co-
lonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique) .
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonial (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Revisla de EÎstudos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Toar du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine) .
Moniteur de l'Algérie (Alger).
D«" A. Petermann*8 Mittheilungen (Gotha)
Proceedings of the royal geographical
Society and montbly Record of geogra
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus (Î^pe-Town).
West African Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
SOMMAIRE
Pages
BuUJfiTIN MËNSrEL '. , . 25
Nouvelles coiiipléiueutaires 35
Lès langues modkbnes uje l'A^'eique, d'après R.-N. Cust 38
Correspondance :
Lettre de M. R.-N. Cust < 45
Bibliographie :
Le protectorat français en Tunisie, par Edmond Desfossés. — De la
réorganisation administrative et financière en Tunisie, par le même . 4(>
Mes souvenirs, par Eugène Casalis 47
Agenda pour 1884, avec éphémérides géographiques 48
OUVRAGES REÇUS :
Marius Fontane. Histoire universelle. Les Égyptes (de 5000 à 715 av. J.-C.) Paris
(Alphonse Lemerre), 1882, in-8«, 518 p.
Egjpt exploration fund. Report of first gênerai meeting and balance sheet. In-B*",
20 p.
Le Congo, depuis l'Equateur jusqu'à l'Océan et la vallée du Niadi-Kwilu. Croquis
exécuté par les explorateurs de l'Association internationale du Congo en 18d3.
Bruxelles (Institut national de géographie). In-folio.
Émigration des Yaudois-Français des Alpes en Algérie. Rapport présenté par le
Comité protestant de Lyon. Lyon (H. Oeorg), 1883, gr. in-8<*, 40 p.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
1)0
GENÈVE
UEOKG, LIBRAIRE-ÉDITEUR
MÊME MAISON A BALE ET A LVON
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIRIGÉ PAR
M. Gastaye MOTNIEB
Membre do la CommisBtoD internatioDftle de Bnixellos ponr Pexplomtion et la ciTiliaation
de rAfriqno centrale; membre correepondant do l'ÂGadûmio d^Uipponc,
ot dos Sociétés de géographie de Marseillef de Nancy, do Loanda et de Porto.
RÉDIOÂ PAR
X. Charles FAÏÏBE
Secrétairo-Bibliothécaire do la Société de géographie de Genèvo , membre correspondant dos Sociétés
de géographie de Lislionne, de Loanda, do Porto et de Saint-Gall.
L'Afrique paraît le premier lundi de chaque mois, par livraisons »n-8o d'au
moins 20 pages chacune ; le texte est ac^onipajçné de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaire.
Le prix de Tabonnement annuel ^ payable d'avance » est de 10 ftranes»
port compris, pour tous les pays de l'Union postale (première zone); ponr les
autres^ 11 fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif k l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit h en eempte rendu*
Adresser tout ce qui concerne la rédaelion à 91. Gaatave Bfeynier,
Hf rne de l'Athénée» h Genève (Saisae).
flI'adreMier ponr les abonnementA h Téditenr, M. H* Georg:, A
Genève on h BAle*
On s^abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Ch. Delagravb, libraire. 15, me Soufflot, k Paris.
MuQUARDT, libraire de la Cour, 45, rue de la Régence, à Bruxelles.
DuMOLAHD frères, libraires, Corso VittorioEinmanuele, 21, h Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querslr.. 29, à Leipzig.
L. Frikderichsen et C'«, libraires, Admiralitât^slr, 3/4, à Hambourg
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autriche).
Trubner et C**, libraires, Ludgate HilL 57/59. à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
ATM* — Nous mettons à la disposition de nos nouveaux abonnés, au prix de
10 ff. c/»aciin, un certain nombre ^^exemplaires complets de la ir""", de la Iir^^
et delà IF™* année. La J'« est épuisée.
— 49 —
■
BULLETIN MENSUEL (3 mars 1884). '
Le travail commencé U y a près de vingt ans, par l'état-major français,
pour dresser la cai»te de FAlg^érie, au Vsoooo» est actuellement
poussé avec une activité qui permet d'en prévoir Tachèvemeut pour 1894.
M. le colonel Perrier, qui est à la tête du Dépôt des Cartes du ministère
de la guerre, et qui a pris une part importante à ce travail, a présenté
récemment, à l'Académie des sciences, les douze premières feuilles de
cette carte dont l'exécution matérielle est très soignée. Le relief du ter-
rain est exprimé par des courbes accompagnées de la couleur gris-bleu
pour les montagnes. On a pris de grandes précautions pour l'orthogra-
phe des noms, qu'on a demandée d'abord aux indigènes, pour exprimer
ensuite en français les sons entendus, en les faisant écrire par les lettrés
du pays. A ces feuilles sont joints des mémoires, rédigés par les oflSciers
chargés d'opérer sur le terrain, et contenant des renseignements sur la
nature du sol, les productions et les inscriptions de la contrée.
M. Hansal a transmis, de Ehartoum, au consul-général autrichien au
Caire, des nouvelles des missionnaires prisonniers du Malidi,
apportées par une négresse chrétienne, partie d'El-Obeïd le 6 décembre,
avec une caravane de marchands, et arrivée le 27, à Khartoura, où on
l'incarcéra bien vite, pour qu'elle ne répandît pas de nouvelles alarman-
tes. Liformé de son emprisonnement, M. Hansal intervint en sa faveur,
et obtint qu'elle fût mise en liberté. Elle était porteuse de lettres écrites
en partie sur papier, et en partie sur des morceaux de toile blanche, et
portant que les prisonniers sont tous vivants et ne courent aucun danger,
mais qu'ils sont dans le besoin, et que le P. Bonomi l'a envoyée pour
chercher des secours. Elle leur en a porté en effet, ainsi qu'une lettre de
M- Hansal pour le Mahdi demandant leur mise en liberté. Une dépêche
ultérieure de M. Hansal, au Caire, portait que le P. Bonomi demandait
1500 thalaris en argent, et 100 en calicot; avec cela il espérait obtenir
sa libération et celle des autres prisonniers. C'est plus tard que les jour-
naux ont annoncé que le Mahdi exigeait 2000 L. pour leur rançon *. —
^ Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Nouvelles corn-
pUmentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant^ partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
* A la dernière heure, la Vorstadt Zeitung de Vienne annonce, que M. Hansal
l'APRIQUB. — CINQUIÈME ANNÉE. — N** 3. 3
Quant à notre compatriote M. Gotftrîed Roth, surveillant de la traite
au Eordofan, plusieurs journaux ont annoncé que, tombé entre les
mains du Mahdi, il avait réussi à s'échapper, et à regagner la Haute-
Egypte, mais qu'il y avait succombé à la fièvre; toutefois, d'après des
renseignements fournis par sa famille, qui n'a reçu aucune communica-
tion oflBcielle de sa mort, nous pouvons espérer qu'il est encore vivant*.
Depuis de longs mois, on était sans nouvelles du D' Janker; un
télégramme de Khartoum a annoncé l'heureuse arrivée dans cette ville,
de Boltndopr, son compagnon de voyage , et la prolongation du séjour
de Junker chez les Niams-Niams. Bohndorf était chargé de. ramener à
Khartoum, par la voie de terre, les collections du docteur, pendant que
celui-ci achevait les explorations nécessaires pour compléter ses travaux
cartographiques. Mais la voie de terre en question passait par El-Obeïd,
et, pour ne pas compromettre les collections confiées à sa garde, Bohn-
dorf prit la voie du Nil. On peut admettre que Junker, informé des évé-
nements du Kordofan, ne s'exposera pas à être capturé par les gens du
Mahdi. Aussi longtemps qu'il sera dans le pays des Niams-Niams, il ne
courra aucun danger, ces tribus ayant eu beaucoup à souifrir de la part
des marchands d'esclaves qui font cause commune avec le Mahdi.
La Société milanaise d'exploration a reçu de Bianchi, une lettre
datée du 16 décembre, de Debra-Kerami. Le chef de l'expédition écrit
qu'il est de retour du Godjam, où il a Jaissé le comte Salimbeni, et où il
a pu conduire à bonne fin, avec le raz Tekla-Haïmanot, toutes les négo-
ciations désirées par la Société. Bianchi allait se rendre à Makalé, dans
le Tigré, où le roi Jean l'attendait pour prendre les arrangements vou-
lus, après quoi il comptait descendre à Assab, par la route de Lasta,
Zaboul et Antalo ; toutefois il ne pourra guère arriver à la côte que vers
la fin de mars, ou en avril, son départ d'Abyssinie dépendant des négo-
ciations ultérieures avec le négous. — Le comte Antonelli, reparti
récemment pour Assab et le Choa, accompagné des deux jeunes Afri-
cains venus avec lui en Italie, a été chargé par le ministre de l'agri-
culture et du commerce d'Italie, de faire diverses acquisitions, entre
autres d'étalons de robe alezan, de béliers et de brebis des meilleures
a envoyé les 2000 livres demandées, et que le Mahdi a répondu vouloir faire
amener prochainement les prisonniers à Khartoum.
' Il est vrai d'ajouter que, d'après V Exploration, un marchand syrien, venu an
Caire, avec une caravane du Darfour, a rapporté que Roth est mort à Dara, et
qu'il l'a enterré lui-même à El-Facher, où son corps avait été transporté.
— 51 —
races du pays. Il devra aussi rapporter des graines pour ensemencer les
champs, en ayant soin d'étudier les conditions dans lesquelles elles crois-
sent, afin que la culture puisse en être essayée en Italie. Au point de
vue commercial, il rédigera un rapport sur l'arrivée des caravanes h
Assab, et sur la façon dont elles sont composées, ainsi que sur les prix
des objets exportés par les naturels, et des marchandises italiennes
importées à Assab.
Après trois ans d'absence, le D' Stecker, empêché de pénétrer dans
le Kaffa, est rentré en Europe, et il a exposé, à la Société de géographie
de Berlin,^ les derniers résultats géographiques de son voyage dans le
pays des Adda-Galla, riche en lacs salés amers, d'origine volcanique. Le
plus intéressant de ceux qu'il a visités, est le lac Sekouala, dans le cratère
d'un volcan du même nom, qui s'élève à une hauteur de 1200" au-dessus
d'une plaine couverte de mimosas. Il avait précédemment découvert,
dans le Tchabbo, deux lacs, le Wontchi et le Cholé, d'où sort très vrai-
semblablement le Heuve Wobi, tributaire de l'océan Indien; et, dans
la plaine de Betcho, il a visité les sources de l'Haouach et découvert un
grand lac du même nom. A la suite des armées dunégous, de Ménélik et
de Tekla-Haïmanot, ligués contre les Galla de l'Est, il a pu parcourir des
pays que n'avait encore explorés aucun Européen, et oU il eût étéimpos-
vsible de pénétrer sans une forte armée. Après la campagne, il éprouva un
nouveau refus du roi Jean de le laisser aUer dans le Kaffa, et se décida à
revenir à Massaoua, après avoir encore relevé les deux lacs Halk et
Ardibbo, et fait l'ascension des deux pics les plus élevés du Semien.
M. H.-H. tlohnston a accepté la mission d'explorer le Kilimand-
jaro, proposée par le Comité de l'Association britannique, qui a voté à
cet effet un subside de 500 L.st. La Société royale de géographie de Lon-
dres en a accordé un de même valeur. Le principal but de l'expédition
sera d'obtenir une connaissance aussi exacte que possible de la flore et
de la faune de cette montagne, les quelques spécimens zoologiques four-
nis par l'expédition du baron de Decken, et les échantillons botaniques
recueillis par le missionnaire Ch. New, ayant fait comprendre le haut
intérêt scientifique que présente cette montagne, au point de vue de la
distribution des plantes et des animaux. M. Johnston partira en mars.
Après avoir quitté l'Ou-Ganda, les missionnaipe» romains de
Roubaga se sont établis dans l'Ou-Koumbî, district au sud du lac
\ictoria. Le pays ressemble au reste de l'Ou-Nyamouézi; ce sont des
vallées qui, pendant la saison des pluies sont de véritables marais, et
ensuite servent de pâturages pour les bestiaux ; elles sont séparées par
— 52 —
des plateaux découverts, où les indigènes établissent leurs villages et la
plus grande partie de leurs cultures ; de distance en distance s'élèvent
des collines formées d'énormes blocs de granit, parmi lesquels croissent
des broussailles et quelques arbres rabougris. Ce pays est plus salubre
que rOu-Nyamouézi, mais il paraît l'être moins que l'Ou-Ganda. Les
missionnaires se sont construit une habitation, dont les fondements de
granit s'élèvent à un demi-mètre au-dessus du sol ; le reste sera en bri-
ques cuites au soleil. Les indigènes sont moins sauvages que ceux de
rOu-Nyamouézi, et paraissent bien disposés pour les blancs. Le P.
Livinhac donne chaque jour ses soins à une quantité de malades. De
rOu-Koumbi, les missionnaires comptent pouvoir rayonner dans les pays
voisins; il n'y a pas de permission à demander comme dans l'Ou-Ganda;
dès qu'on sait qu'ils ont un voyage à faire, des hommes se présentent
pour les accompagner et porter leurs bagages. Ls voudraient établir une
station dans le Msalala, entre Tabora et le Victoria-Nyanza, oîi, paraît-il,
les Arabes n'ont pas encore pénétré; le pays est salubre, la population
très dense et laborieuse, et il est facile de s'v ravitailler.
A l'ouest du Tanganyika, les missionnaires de Moulonéoua ont
étendu leur champ de travail au nord, oîi se trouvent de nombreux vil-
lages, près de la rivière Lougamba, où Stanley s'arrêta dans son excur-
sion autour du lac. La station étant trop éloignée pour que les indigènes
pussent s'y rendre régulièrement, un grand abri a été construit par eux,
au centre de cette agglomération, pour l'instruction que les missionnai-
res vont donner régulièrement et pour la célébration du culte. Les indi-
gènes voient, dans cette construction au milieu de leurs villages, un moyen
d'être garantis contre les incursions des pillards. Quant à Moulonéoua,
le terrain y manquant pour les cultures, les missionnaires ont accepté les
oifres de Pore, vieux chef du sud del'Ou-Bouari, de transporter chez lui
l'orphelinat qu'ils ont fondé; il a en outre promis de donner ses jeunes
filles comme épouses à leurs orphelins, à mesure qu'ils voudront les éta-
blir. Son territoire forme un quadrilatère de 20 à 30 kilom. de côté ; il
est situé dans un endroit favorable, sur un isthme de la côte occidentale
du lac, près d'un port excellent, où les missionnaires vont construire un
village, que Pore habitera avec eux.
La Société africaine allemande a reçu des lettres de ses voyageurs^
MM. Bœhm et Reichard, de Mpala. Reichard a aidé au lieutenant Storms,
chef de la station de Earéma, à choisir un nouvel emplacement pour
une station internationale à. l'oueiit du Tanganyiica; ils se
sont décidés pour Mpala» à l'embouchure du Loufoukou, où la station a
— 53 —
été fondée en mai de l'année dernière. Revenu pour quelques semaines
à Karéma, Reichard fit ensuite passer sa caravane à Kapapa, d'où il
«xplora les monts Maroungou, non encore visités jusqu'ici par des Euro-
péens; il a relevé son itinéraire à la boussole et au baromètre anéroïde.
M. Ledoulx a transmis à la Société de géographie de Paris, des nouvel-
les reçues à Zanzibar, par un homme de la caravane de M. Oiraud,
qui était, le 4 juillet, à quatre journées de marche du lac Moero. D avait
été arrêté par des Ma-Viti, qui lui avaient fait payer un tribut considé-
rable pour traverser leur territoire. Le sultan de TOu-Rori, Maninga,
lui a été très utile, en remplaçant un certain nombre de ses porteurs,
pour lui aider à franchir les montagnes de Méréré, dont les cimes attei-
gnent jusqu'à 8500" (?). M. Giraud a séjourné deux semaines à Kondé,
sur le lac Bangouéolo. De là il s'est dirigé vers le nord-ouest par
M'iouna, Nombé et Kétinkourou. Son projet étant de descendre le
Congo, à partir du point où celui-ci commence à être navigable, on sup-
pose qu'il doit être actuellement bien avant sur ce fleuve, et qu'on ne
tardera pas à recevoir une lettre de lui par la côte occidentale.
Le dernier numéro du Misnionary Herald de Boston renferme, sur
l'institut de Lovedale, dans la Cafrerie britannique, un rapport du
Rev. Herbert Goodenough, d'oîi il ressort que le sérieux du travail qui s'y
accomplit, s'étend non seulement aux élèves, mais encore aux habitants
de la contrée environnante. On sait qu'à Lovedale sont instruits séparé-
ment des jeunes gens des deux sexes. Européens et natifis, que l'on pré-
pare aux travaux divers réclamés dans un état civilisé. On y fait marcher
de iront l'instruction générale, et l'éducation professionnelle. Du Cap au
Zambèze, cette institution a la réputation d'apprendre aux indigènes à
travailler ; beaucoup de natifis y placent leurs enfants, non pas tant pour
qu'ils y apprennent un métier, que pour qu'ils y deviennent industrieux
dans les arts mécaniques et agricoles. Par leurs méthodes sages et ingé-
nieuses, les hommes et les femmes qui la dirigent, ont triomphé de l'igno-
rance et de la grossièreté des élèves. « Un des traits les plus intéressants
de l'institution, » dit le rapporteur, « est la native courte établie par le
D' James Stewart, dans la pensée que les indigènes sauraient, mieux que
les blancs, comment agir avec leur propre race. Cette cour des natifs est
composée de douze membres, élus à chaque session par tout le corps des
élèves, et d'un nombre plus considérable, nommés par les maîtres. Des
douze premiers, l'un est choisi comme président par les professeurs. La
cour nomme six élèves suppléants, pour faire la police et exécuter ses
décisions. On a soin que les difiérentes tribus indigènes soient équita-
— 54 —
blement représentées dans la cour, devant laquelle doivent être portés
toutes les infractions aux règles, les offenses aux bonnes mœurs, les
querelles, les jurements, les dégâts causés aux bâtiments, etc. Le plus
souvent les pénalités consistent en travaux, de quelques heures à une
semaine ou davantage. Quoique les décisions de la cour soient générale-
ment acceptées, le défendeur a cependant le droit d'en appeler au conseil
des professeurs. Les résultats de l'institution semblent justifier l'opinion
du D' Stewart sur la valeur des indigènes.
Nos lecteurs se rappellent que le D' Holub, parti pour une nouvelle
expédition dans l'Afrique australe, a emporté avec lui une belle collec-
tion de marchandises autrichiennes et spécialement d'articles de Vienne,
qu'il comptait exposer dans plusieurs villes de la colonie du Cap, pour
augmenter les ressources nécessaires à son exploration. Il pensait que,
vu le but éminemment scientifique de son entreprise, les autorités du
Gap laisseraient entrer sa collection en franchise; mais celles-ci, craignant
une concurrence de la part du commerce austro-hongrois, lui réclamè-
rent 3000 florins de droits d'entrée. Holub ne pouvant pas les payer dut
laisser ses marchandises en douane, et télégraphier à Vienne, oîi un
comité fut immédiatement formé pour lui venir en aide. '
Le Rev. €3oinbep, de la mission baptiste à Stanley-Pool, a fait en
bateau, avec son collègue, M. Bentley, et le D' Sims, de la Livingstone
inland Mission, le tour de cette étendue d'eau, dont la carte de Stanley
ne pouvait donner une idée exacte. Il a accompagné son rapport à la
Société de géographie de Londres d'une carte de son expédition. Il résulte
de son relevé, que Stanley-Pool a une longueur de 36 kilom. et une lar-
geur à peu près égale ; il est partagé en deux, dans le sens de la longueur,
par une île de plus de 25 kilom. très boisée, et peuplée d'éléphants, de
buffles et d'autre gibier. Ls ont constaté que les Dover Cliffs de la rive
droite ne sont point de formation calcaire comme le croyait Stanley, pour
les avoir vus à distance, mais de sable d'un blanc d'argent, mêlé, par
places, d'un sable brun; des forêts d'une teinte noire forment un
contraste qui ajoute à la beauté des falaises. Celles-ci ont 70° de hauteur,
et les découpures qu'y ont formées les eaux pendant la saison des pluies^
présentent un effet fantastique. Les pluies tombant d'en haut, et le cou-
rant du fleuve minant le pied des falaises, il en est résulté d'énormes
éboulements de ce sable blanc ; mais il reste des colonnes avec leurs cha-
piteaux, des murailles avec leurs créneaux et leurs tours, d'un aspect
magnifique. L'entrée du fleuve dans l'étang de Stanley a 4 kilom. de
lai^e; elle est flanquée à droite et à gauche de collines boisées de 120" à
— 55 —
160" de hauteur, avec des pentes herbeuses, sans arbres, par intervalles.
Outre la gra'nde île susmentionnée, il y en a beaucoup d'autres, sablon-
neuses, mais couvertes de hautes herbes, de palmiers, et d'une espèce
de bambous moins épais que ceux de l'Inde. Dans les îles de la partie
méridionale se trouvent des papyrus. Les hippopotames abondent dans
le fleuve ; les voyageurs en virent des centaines ; on les rencontre géné-
ralement par troupes de dix ou vingt. Les espèces d'oiseaux sont aussi
très nombreuses. En revanche, les bords de Stanley-Pool ont relative-
ment très peu de villes et d'habitants : une ou deux petites villes près
de l'entrée, sur la rive méridionale, et celles du territoire où sont les
établissements de Stanley et des missions anglaises; Kinkamo, l'une
d'elles a 1500 habitants. — Lés 800 colis formés parles sections du stea-
mer, Peace, construit pour l'usage de la mission baptiste, étaient en
grande partie arrivés à Stauley-Pool ; la reconstruction allait commencer.
Tout le transport s'était effectué par des natifs, ce qui permet d'espérer
que bientôt Zanzibarites et Kroumens ne seront plus nécessaii^es. M. Com-
ber écrivait, le 6 octobre, qu'il comptait faire prochainement un voyage
beaucoup plus étendu avec le vapeur en acier. Il annonçait que la der-
nière station de Stanley était fondée à l'embouchure de l'Ikelemba, et
que l'explorateur était probablement dans le pays des Ba-Mangala.
Le journal V Excursion, nous apprend que la btation belge du Mas-
sabé, commandée par le lieutenant Harou se développe graduellement,
et qu'elle étend aujourd'hui son autorité sur plusieurs stations nouvelle-
ment créées. Un schooner, monté par dix matelots nègres, transporte
tous les mois, sous pavillon belge, de Landana à Massabé, la correspon-
dance et les marchandises arrivées d'Europe. La côte est civilisée jus-
qu'à un certain point. Un roi du voisinage, avec lequel M. Harou est
dans les meilleurs termes, l'ayanl un jour invité à dîner, celui-ci accepta
l'invitation. Les mets, les vins et jusqu'au service, tout rappelait la
vieille Europe ; le roi lui-même avait toutes les apparences de la civilisa-
tion. La conversation ayant roulé sur les sujets de S. M. noire, M. Harou
se plaignit du mauvais vouloir qu'il avait cru rencontrer autrefois chez
un des principaux gouverneiurs. Le roi ne répondit pas, et son interlocu-
teur, croyant avoir été indiscret, aborda un autre sujet. Mais quel ne
fat pas son effroi, en voyant, le lendemain ma^in, un messager royal lui
apporter, au haut d'une pique, la tête de l'infortuné gouverneur. A cette
vue, son désespoir fut grand et il jura, mais un peu tard, qu'il ne se fie-
«dt plus aux apparences civilisées des rois africains.
D'après le Heidenbote de Bâle, l'augmentation de la population
— S6 —
mnsiilinane & Accra, à 3 kilom. à l'ouest de Christiansborg, rendra
nécessaire la création d'une mission auprès des mahométans de la Côte
d'Or. De mois en mois, ils deviennent plus nombreux; et, indépendam-
ment de ceux qui viennent de l'intérieur, de Salaga et autres lieux, pour
trafiquer avec la côte, ils formeront bientôt la majorité de la population
d'Accra. « Ces nègres mahométans, » écrit le D' Mœhly, « ne sont pas
des musulmans rusés et fanatiques comme les Arabes du Nord de l'Afri-
que, ce sont des usuriers. Leur quartier à Accra est composé de huttes
rondes et basses ; il se distingue du reste de la ville par sa propreté.
Tout ce que ces gens savent de l'Islam, c'est qu'il autorise la polygamie
et l'esclavage, qu'il faut prier matin et soir agenouillé sur une natte, et
qu'on est agréable à Allah en se tenant propre, ce qui n'est pas un mince
progrès sur les nègres païens de la côte.» — D'autre part le missionnaire
Ramseyer écrit d'Abétifi, dans l'Achanti, à l'un de nos amis, qui a
bien voulu nous communiquer sa lettre : « On parle ces temps-ci d'éten-
dre l'oôuvre du côté du Nord ; je m'en réjouis, car Karakyé et les autres
provinces sont aussi des contrées autrefois soumises au roi Asanté ; mais
pour cela il nous faut de nouvelles forces. Nous trouverons des catéchis-
tes tout prêts à aller s'établir au milieu de ces peuplades, mais il faut
que le missionnaire européen les accompagne et les dirige. Lorsque ces
lignes vous parviendront, je serai, s'il plait à Dieu, en route pour Atéo-
bou, Salaga, Karakyé, etc. A Salaga j'espère rencontrer mes amis Muller
et le D' Mœhly. C'est un voyage que je projette depuis longtemps. »
Le dernier numéro du Heidenbote annonce que le D' Maehly compte
quitter l'Afrique au milieu de mars.
La dernière malle de la côte occidentale d'Afrique a apporté d'Axîm
une dépèche anglaise, d'après laquelle deux oificiers anglais, envoyés
avec escorte, pour faire le lever de la frontière entre les territoires fran-
çais et anglais de la Côte d'Or, se sont vu refuser, parle roi d'une partie
de l'Assinic, située sur le territoire anglais, le droit d'arborer sur sa
ville le drapeau britannique. Là-dessus, le roi du territoire d'Apollonie,
allié des Anglais pendant la guerre de l'Achanti, s'est dirigé sur l'Assi-
nie, avec des forces considérables, pour soumettre le monarque récalci-
trant. Il a été suivi du commissaire d'Axim et de la garnison de ce fort.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Le cardinal Lavigerie, fondateur des missions d'Afrique, a reçu du comte de
— 51-
Chambord un legs de 100,000 francs pour les missions du Sahara, du Soudan et
de l'Afrique équatoriale.
M. Teisserenc de Bort s'est rendu à Touggourt, pour y faire des observations
magnétiques.
MM. Salomon Beinach et 'Ernest Babelon, chargés par le ministère de l'instruc-
tion publique d'une mission archéologique en Tunisie, ont fait à El-Kantara, à Bou-
Ghara et à Zian, au sud de l'île de Djerba, des fouilles qui leur ont fait découvrir
quantité de statues en marbre de couleur, de fûts de colonnes, d'inscriptions, et un
forum entouré de grands portiques.
La Compagnie franco-africaine, propriétaire de l'Enfida, a fait venir, de Malte,
on certain nombre de familles d'agriculteurs, auxquelles elle a fourni des terrains,
des animaux et des instruments aratoires; elles forment un petit village au centre
da domaine.
D'après VBxploratian, une caravane envoyée à Assab, par le roi du Choa, doit
aussi apporter des marchandises à l'établissement français d'Obock; la seule route
du Choa qui offre quelque sécurité est celle d' Assab.— Un correspondant du Temps
écrit d'Aden, à ce journal, que la caravane de M. Soleillet est arrivée à Obock.
L'explorateur Révoil n'a pu quitter Guélidi, par suite de la malveillance des
tribus dont il devait traverser le territoire. Le fanatisme religieux et l'horreur de
l'étranger ne sont toutefois pas les seuls motifs des refus obstinés contre lesquels
s'est brisé le courage de l'explorateur; les indigènes ont vu en lui un concurrent
commercial, qui diminuerait les bénéfices que leur procurent le transport à la côte
des produits de leur pays.
D'après une dépêche adressée aux journaux anglais, les Arabes de Zanzibar ont
recommencé la traite sur la côte occidentale de Madagascar ; mille esclaves africains
ont été débarqués dans l'île.
M. O'Neill est revenu à Mozambique, après avoir traversé 2240 kilom. d'une
région inexplorée jusqu'ici. Il a découvert le lac Amarambou, qu'il croit être la
Traie source de la Pienda. A son avis, le lac Chiroua est plus petit qu'on ne le
représente généralement. En revenant, il a suivi la vallée Likeloungo, qu'il a
trouvée très peuplée.
Les missionnaires suisses pour le Lessouto et les Spelonken, au sud du Trans-
vaal, se sont embarqués à Dartmouth, sur le CrrantuUy-Castle, le 14 février.
Par suite des arrangements intervenus entre l'Angleterre et le Transvaal, ce
dernier État s'agrandira des territoires de Stellaland et de Gochen, à l'est de la
grande artère commerciale entre le Cap et l'Afrique centrale, que le gouvernement
britannique veut maintenir libre, en dehors des limites du Transvaal. L'Angleterre
reconnaît l'indépendance absolue de cet Etat, qui prendra le nom de République
de l'Afrique du Sud; elle ne se réserve qu'un droit de veto sur les traités que les
Boers pourraient conclure avec un autre gouvernement. Remise est faite au Trans-
vaal d'un tiers de sa dette.
Cettiwayo est mort subitement, par suite de la rupture d'un anévrisme.
— 58 —
La canonnière allemande NautUus est revenue à Capetown, d'Angra-Pequena,
où M. Lûderitz cherche à étendre son acquisition jusqu'au fleuve Orange.
Les dernières nouvelles du D** Pogge, datées de Muquengué, du 27 septembre
1882, annonçaient son départ pour la côte occidentale, en mai 1883.
Une expédition portugaise commerciale, due à l'initiative de MM. Palva de
Andrada et Henrique de Carvalho, se prépare à Lisbonne. Elle est appuyée par
le ministre de la marine, et tâchera de pénétrer par l'Angola et Malangué, jusque
chez le Mouata-Yamvo.
M. Ch. Bovet, de Neuch&tel, a été désigné, par le ministère français de l'instruc-
tion publique, pour faire partie de l'expédition de S. de Brazza au Congo.
D'après VEconomisty le traité entre l'Angleterre et le Portugal, relatif au Congo,
a été signé à Londres. Le texte en sera présenté au Parlement. Ce journal ajoute
qu'une commission mixte, composée de Portugais et d'Anglais, sera chargée de
régler la question de la navigation, et que la frontière portugaise sur le Congo
sera fixée à Noki; dans l'intérieur, elle s'étendra jusqu'aux frontières que se sont
tracées diverses tribus. Les tarifs de douane seront les mêmes qu'à Mozam-
bique.
A propos des rumeurs alarmantes qui ont couru sur la situation de Savorgnan
de Brazza, M. Dutreuil de BJiins, qui l'a accompagné dans la première partie du
voyage sur l'Ogôoué, a rappelé à la Société de géographie de Paris, dans la séance
du 5 février, que de Brazza était le 14 décembre dernier à Franceville,et qu'on ne
peut avoir de nouvelles de lui, par dépêche, avant le 1"' mars, et par lettre, avant
le 15 du même mois. Le ministre de l'Instruction publique demandera aux Cham-
bres de continuer à de Brazza la subvention qu'elles lui ont accordées l'an der-
nier. — Deux canonnières démontables ont été expédiées au Congo.
M. Mizon a fait hommage à la Société de géographie de Paris de la première
feuille de la carte au Vioooo, qu'il a dressée dans ses voyages entre l'Ogêoué et
l'Océan Atlantique. Cette feuille donne le cours de l'Ogôoué et de la Passa, de la
rivière Ivendo à Franceville. Dans deux autres, feuilles il donnera la région com-
prise de Franceville à Mayoumba; la ligne de faite entre les deux bassins de
l'Ogôoué et du Quilou-Niari y sera indiquée.
Le département de la marine se propose de faire,'dans la colonie du Gabon, des
plantations d'eucalyptus et de bambous, pour en assainir les parties où régnent les
fièvres paludéennes.
M. le D' C. Passavant de Bâle est parti pour recommencer l'expédition projetée
par lui, de la baie de Cameroon au lac Liba, interrompue par un accident à
l'embouchure de la rivière Cameroon.
D'après un rapport de lord Aberdare, président de la « National african Com-
pany, » dont le but est de développer le commerce dans les bassins du Niger et
du Bénoué, aux 89 factoreries que cette Compagnie possède sur ces deux rivières,
s'en sont ajoutées, l'année dernière, deux nouvelles sur le Bénoué, l'une à Waka, à
830 kilom., l'autre à Yola, à 720 kilom. de l'embouchure du fleuve. -
Le ministère français de la marine a déposé sur le bureau de la Chambre, un
— 59 —
projet de loi spécial demandant, pour le chemin de fer du Haut-Sénégal, un crédit
de trois millions, afin de permettre au gouvernement de faire face aux engagements
contractés l'année dernière. — Quant au chemin de fer de Saint-Louis à Dakar, la
section de Saint-Louis à M'Pal (30 kilom.),a été inaugurée le 22 janvier.
Le D*" Colin est encore à Sénoudébou, passant des traités avec les chefs indigènes,
pour obtenir la libre circulation des produits français.
Le chérif de Ouazzan, cédant aux conseils de M. Ordega, représentant de la France
au Maroc, a renoncé, pour lui et sa famille, à la coutume de vendre ou d'acheter
des esclaves. Espérons que c'est un premier pas vers l'abolition de la traite, vaine-
ment demandée, à plusieurs reprises, par les représentants des puissances euro-
péennes au Maroc. Le chérif a déclaré que l'esclavage n'est pas une institution
nationale inhérente à la religion^ et que c'est au contraire une œuvre méritoire,
que de libérer les nègres. — M. Ordega a obtenu du sultan que le Riff fût désor-
mais ouvert aux étrangers.
Une association, patronnée par plusieurs ministres, s'est formée à Madrid sous le
nom de « Sociedad de Africanistas Colonistas, » pour développer la colonisation
espagnole en Afrique et spécialement au Maroc.
n s'est constitué, à Barcelone, une société de commerce et de navigation, dite
< Spanish African Company, » dont le but est de développer les relations commer-
ciales de l'Espagne avec l'Afrique, par l'établissement de factoreries et la création
d'une ligne régulière de bateaux à vapeur. Le gouvernement lui a accordé un
subside.
L'ŒUVRE DE GORDON DANS LE SOUDAN ÉGYPTIEN
L'heureuse arrivée de Gordon-pacha dans la capitale du Soudan
égyptien, et Témotion causée dans le monde civilisé, par la proclama-
tion déclarant abolis les firmans relatifs à Tinterdiction du trafic des
esclaves, nous engagent à rappeler Tœuvre réformatrice qu'il fiit chargé
d'accomplir, dans cette immense province, de 1874 à 1879. Nous nous
servirons pour cela du Refport oti the egyptian provinces of the Soitdan,
Bed Sea and Equator, du Bureau de la guerre, et d'une publication
spéciale, due à la plume du zélé secrétaire de TAntislavery Society,
M. C.-H. Allen : The Life of Giinese Oordon, qu'un ami a bien voulu
lions communiquer.
Gordon ne fiit pas le premier à travailler à la civilisation de cette partie
des possessions égyptiennes, dont Ehartoum, le chef-lieu, éta.it devenu,
depuis sa fondation par Mehemet-Ali, un marché central pour la traite
sur une vaste échelle. En 1853, l'établissement égyptien le plus méri-
dional était à 200 kilom. au sud de cette ville, mais ce fut cette année-
— 60 —
là, que M. Petherick, consul anglais pour le Soudan, ouvrit la voie du
Haut-Nil au commerce européen. Une fois la route ouverte, de nombreux
trafiquants y entrèrent ; ils établirent des postes beaucoup plus avant
dans rintérieur, et, trouvant que la chasse aux esclaves était beaucoup
plus lucrative que l'ivoire, ils organisèrent des troupes armées, qui, sous
le commandement d'Arabes, devaient faire des incursions chez les tribus
voisines. Aussi, en 1854, Saïd-pacha trouva-t-il le pays dans une condi-
tion déplorable; les taxes étaient exorbitantes, et l'administration en
désordre encourageait ouvertement le trafic des esclaves.
Résolu à établir un état de choses meilleur, Saïd-pacha fit, en 1857,
un voyage rapide dans cette région, proclama à Berber l'abolition de
l'esclavage, et organisa à Ehartoum un nouveau gouvernement pour les
cinq provinces du Eordofan, du Sennaar, du Taka, de Berber et de Don-
gola, qui composaient alors le Soudan. H supprima les taxes excessives
sur les terres et les roues d'irrigation, et créa un service postai de dro-
madaires à travers le désert. Mais, en 1860, les trafiquants européens
vendirent leurs stations à leurs agents arabes, qui durent payer de fortes
sommes au gouvernement égyptien pour l'exploitation des districts où ils
étaient établis, et la misère et la ruine s'accrurent énormément.
Au retour de sa première expédition aux sources du Nil, Sir Samuel
Baker représenta, sous les traits les plus tristes, les résultats de l'admi-
nistration de Mouça-pacha à Ehartoum : les provinces, où la force mili-
taire régnait seule, étaient entièrement ruinées, les tasBs paralysaient
tout développement, et les dépenses excédaient de beaucoup les reve-
nus ; toute communication, de ce pays entouré de déserts, avec le monde
extérieur, était extrêmement difficile ; le seul avantage qu'offraient à
l'État ces provinces annexées, était celui que lui procurait la traite.
Lorsque Ismaïl-pacha monta sur le trône en 1863, des ordres fiirent
donnés pour la suppression de la traite ; à son arrivée à Fachoda, en
1865, Baker trouva même un camp égyptien de 1000 hommes, établi à
cet effet chez les Chillouks.
Les trafiquants étaient surtout des Arabes sujets du khédive, qui se
livraient à la traite sous le couvert d'un commerce légitime. Khartoum
était le quartier-général de compagnies, qui louaient à bail, du gouver-
neur-général du Soudan, certains districts, soi-disant pour le trafic de
l'ivoire, dont elles achetaient le monopole. Dans les contrats, le gouver-
neur n'hésitait pas à affermer des territoires sur lesquels il n'avait abso-
lument aucun droit ; l'on peut même dire, que toute l'Afrique centrale,
au sud de Khartoum, était envisagée par lui comme propre à être mise
— 61 —
à bail. Dès lors certains trafiquants s'établirent dans de vastes districts,
sur lesquels ils prétendaient avoir des droits de propriété, spécialement
dans la partie de l'Afrique centrale qui est au sud du Darfour et du Eor-
dofan, et le long du Nil-Blanc. Leur principale afiaire était le trafic des
esclaves, pour lequel ils levaient des troupes de brigands, et fonnaient,
à travers leurs districts, des chaînes de stations, de 300 hommes environ
chacune ; Us attaquaient les tribus indigènes, qui étaient obligées de se
soumettre, ou d'abandonner leur pays, ou de s'allier aux chasseurs d'es-
dayes pour être employées contre d'autres tribus.
Jugeant que, pour exécuter des réformes, il fallait annexer tout le bas-
sin du Nil, établir un gouvernement et un conomerce honnêtes, et
ouvrir les lacs équatoriaux à la navigation à vapeur, le khédive Ismall
accorda, en 1869, à Baker-pacha un firman, par lequel il le chargeait
de soumettre à l'autorité égyptienne les contrées situées au sud de Gon-
dokoro, de supprimer la traite pour la remplacer par un commerce régu-
fier, et d'établir une ligne de stations militaires et d'entrepôts commer-
ciaux, séparés les uns des autres par une distance de trois jours de
marche, en prenant Gondokoro pour base d'opérations.
Parti de Souakim, en décembre 1869, pour Ehartoum, Baker rencontra
dans cette dernière ville une vive opposition de la part des fonctionnaires,
tous plus ou moins impliqués dans le trafic des esclaves, et il apprit que
les provinces qu'il était chargé d'annexer, étaient déjà affermées par le
gouverneur-général du Soudan, à un fameux traitant nommé Achmet-
Scheik-Agad, dont le gendre, son associé, Abou-Saoud, était encore
mieux connu sous ce rapport. Néanmoins il remplit sa mission, de 1870
à 1873, organisa des postes militaires à Massindi^ Foveira, Fatiko, etc.,
entra en relations amicales avec Mtésa, roi de l'Ouganda, et établit
l'autorité du khédive jusque sous le 2"" au nord de l'Equateur. Il donna
à la traite un coup mortel, en lui fermant les territoires annexés, en
sorte que toute issue dans la direction de Khartoum lui eût été ôtée,
si on avait pu avoir confiance dans les fonctionnaires égyptiens.
Au terme de l'expédition de Baker-pacha, le khédive, désireux de
consolider son empire, chargea le colonel Gordon de continuer l'œuvre
commencée, en particulier d'achever la reconnaissance du Haut-Nil,
d'étabhr un gouvernement et de supprimer la traite. Accompagné du
colonel Chaillé-Long, officier américain, et d'un certain nombre d'em-
ployés civils européens, il devait avoir l'administration des Provinces
équatoriales du Nil, avec Gondokoro comme quartier-général.
A son arrivée dans cette localité, en mars 1874, Gordon trouva que les
— 62 —
provinces eu question n'étaient que de nom sous l'autorité égyptienne ;
il n'y avait en eflfet que deux garnisons, l'une de 450 hommes, dont 150
soldats égyptiens, à Gondokoro, l'autre de 200 soldats du Soudan, à
Fatiko. Sa première mesure fut d'occuper Bohr, position importante au
nord ,de Gondokoro, et d'envoyer le colonel Chaillé-Long en mission
auprès de Mtésa. Puis, en juin 1874, il se dirigea vers le Bahr-el-Seraf,
pour y supprimer trois stations, centres d'un grand commerce d'esclaves,
et il créa au confluent du Sobat un poste fortifié, dans une position qui
permettait d'arrêter tout trafic illégal par la voie du fleuve. Il établit
les esclaves libérés sur les bords du Sobat, selon leur désir, et les encou-
ragea à porter leur attention sur l'agriculture, pour remédier à l'insuf-
fisance des vivres, d'où provenaient, à son avis, la plupart des guerres
entre les tribus. Parmi ses aides se trouvait Gessi, qu'il envoya inspecter
la voie du Bahr-el-Ghazal. En quelques mois, il sut si bien gagner la
confiance des chefs indigènes les plus hostiles aux garnisons, que vingt-
cinq d'entre ceux des environs de Gondokoro vinrent lui rendre hom-'
mage, pendant que le gouverneur de Fachoda arrêtait un convoi de 1600
esclaves et de 190 têtes de bétail, venu des stations du Bahr-el-Seraf.
Gordon ne perdait pas de vue l'ouverture d'une voie de communica-
tion avec les lacs équatoriaux. Baker avait laissé à Gondokoro un stea-
mer démonté ; il en fit porter les sections en amont des rapides de Dufilé,
au delà desquels le Nil est navigable jusqu'au lac Albert. Puis il établit
des postes fortifiés, en vue de Textinction de la traite dans les stations
de Laboreh, Dufilé, Fatiko et Foveira, mesure fendue nécessaire par
l'attitude hostile des populations à l'égard de l'expédition du colonel
Chaillé-Long, contre laquelle les trafiquants d'esclaves avaient prévenu
le roi de l'Ou-Nyoro. En revanche, Mtésa s'étant montré bien disposé,
il lui envoya un représentant digne de confiance, le D' Emin-bey.
Quant à son quartier-général de Gondokoro, ill'abandonna pour se fixer
à Lado, localité plus salubre, et fonda, à une petite distance en amont du
fleuve, le poste de Regaf. A la fin de 1874, il avait relevé le Nil d'une
manière exacte, de Ehartoum à Regaf, continué la poursuite des chas-
seurs d'esclaves sur le Nil-Blanc, et rétabli la confiance et la paix parmi
les tribus voisines de Gondokoro, qui se décidèrent h fournir à ses gens
des bœufs, du blé et de l'ivoire. En outre, l'ouverture d'une communi-
cation par eau, de Gondokoro au lac Albert, avait été sérieusement com-
mencée ; des relations avaient été nouées avec- Mtésa, et de nouvelles
expéditions étaient en préparation, entre autres une contre Kabréga, roi
de rOu-Nyoro, qui intriguait contre Gordon, avec cinquante chasseurs
d'esclaves, auxquels il avait accordé un refuge dans ses États.
— 63 —
Gordon chargea alors Gessi de se rendre au lac Albert, avec deux
bateaux de sauvetage, pendant que lui-même se dirigerait vers le lac
Victoria, pour faire le relevé du Nil-Somerset, de Foveira à Mrouli.
Gessi partit en mars 1876, et réussit à faire, en neuf jours, le tour de
TAlbert-Nyanza , malgré Thostilité des indigènes et le manque de
lieux de refuge le long de la côte occidentale. Quant à Gordon, après
avoir ouvert la voie du fleuve jusqu'au lac Albert, établi des postes
fortifiés dans onze stations, du Sobat à Foveira, et arrêté la traite dans
les territoires soumis à son administration, il revint en Angleterre à' la
fin de 1876.
Mais il n'y demeura pas longtemps ; cédant aux insistances du khé-
dive Ismall, il retourna, en 1877, en Egypte, où il fut investi des fonctions
de gouverneur-général du Soudan, constitué en une grande province de
2600 kilom. de longueur, sur plus de lOOOkilom. de largeur, et compre-
nant le Soudan proprement dit, leDarfour, et les Provinces équatoriales.
Le khédive le chargea spécialement de la suppression de la traite, de
Tamélioration des communications, et des négociations avec TAbyssinie,
pour mettre fin aux disputes qui existaient avec le roi Jean. Mais, vu
rétendue du pays soumis à son administration, trois gouverneurs délé-
gués lui furent adjoints, l'un pour le Soudan propre, le second pour le
Darfour, et le troisième pour la mer Bouge et le Soudan oriental.
Gordon se rendit en février 1877 à Massaoua, et tâcha d'obtenir du
chef Walad-el-Mikael qu'il cessât ses incursions en Abyssinie. Il visita le
pays des Bogos, Eassala et Sennaar, d'où il descendit à Khartoum. Mais
une révolte sérieuse au Darfour l'appela dans cette province.
Jusqu'en 1874, elle avait été gouvernée par ses propres sultans pen-
dant 400 ans; elle était célèbre comme marché d'esclaves. En 1874, la
traite ayant été arrêtée sur territoire égyptien, le gouverneur du Soudan
avait saisi tous les esclaves appartenant à la grande caravane annuelle,
qui transportait au Caire de l'ivoire, des plumes, de la gomme, etc. Ce
fait avait amené une rupture entre l'Egypte et le Darfour. Le khédive
envoya une petite troupe, qui devait agir en même temps contre le sultan
du Darfour, et contre les chasseurs d'esclaves du Bahr-el-Ghazal, ayant
à leur tête un certain Ziber, qui vivait comme un prince et était consi-
déré comme un roi. Celui-ci battit les troupes égyptiennes ; mais bientôt
le khédive résolut d'occuper le Darfour, contre lequel il organisa deux
expéditions, dont l'une fut confiée à ce fameux chasseur d'esclaves qui
défit le sultan du Darfour, fut créé pacha, et réclama le titre de gou-
vernem'-général de la nouvelle province, ce qui lui aurait bientôt procuré
— 64 —
un pouvoir redoutable. Le khédive lui refusa sa demande, et le fit venir
au Caire, où on le traita comme un pacha, tandis que son fils Suleiman le
remplaçait au Darfour, où il se trouva en peu de temps à la tête d'une
forte troupe de chasseurs d'esclaves, avec Chekka pour quartier-général.
La révolte à laquelle nous avons fait allusion plus haut était fomentée
par Haroun, parent du dernier sultan, autour duquel s'étaient rangées
des tribus de Bédouins, h demi indépendantes sous leurs propres cheiks,
et dont chacune pouvait mettre en campagne de 2000 à 6000 cavaliers
ou chameliers. Elles étaient largement engagées dans la traite, faisant
des incursions chez les tribus nègres qui vivaient plus au sud, ou ache-
tant des esclaves d'autres tribus de Bédouins vivant plus à l'ouest.
Quoique le commerce des grandes caravanes d'esclaves eût cessé, il en
existait encore un trafic assez étendu, fait par de petits traitants, qu'il
n'était pas possible de supprimer.
Gordon estimant qu'il ne valait pas la peine de garder ce pays, se
décida à ne maintenir des garnisons que le long de la route principale,
de E^artoum à El-Fascher. Haroun était à Tanné; Gordon se proposait
de marcher contre lui, avec les troupes dont il disposait, renforcées par
les garnisons de Tawaïcha, Dara et Hadjmour, en tout environ 3000
hommes. S'avançant sur Dara, il vit Haroun se retirer à Toura, d'où
ce dernier ravagea la partie septentrionale du pays ; mais, voyant la supé-
riorité des forces de Gordon, il disparut pour un temps.
Quelque décidé que fût Gordon dans sa lutte contre les chasseurs
d'esclaves, il était arrêté par moments par l'embarras que lui causaient
ceux qu'il voulait délivrer. «Que devrai-je faire,» écrivait-il à sa sœur, en
juin 1877, « des trois ou quatre mille esclaves, femmes et enfants qui sont
maintenant à Chekka, si nous la prenons? Je ne peux pas les renvoyer
dans leur propre pays ; je ne peux pas les nourrir. Il faut que je les laisse
prendre par mes auxiliaires, ou par mes soldats, ou par les marchands.
Si je les laisse courir, ils seront repris dans toutes les directions, car un
esclave échappé est, comme une brebis égarée, la propriété de celui qui
le trouve. Il faut considérer ce qui vaut le mieux pour l'individu lui-
même, non pas ce qui peut paraître le meilleur au jugement de l'Europe ;
c'est l'esclave qui souflEre, non l'Europe. »
A la fin d'août, apprenant que Suleiman avec ses compagnons et leurs
troupes d'esclaves armés, au nombre de 6000 hommes, étaient campés
près de Dara, il résolut de s'y rendre. Il se présenta seul, avec quatre
hommes, à Suleiman, entouré de 3000 de ses gens, femmes et enfants ;
il lui posa son ultimatum en termes précis : « Si vous voulez la guerre,
T-T
— 65 — l
je Taccepte; si vous préférez la paix, retournez dans vos possessions, »
et leur donna jusqu'au lendemain pour y réfléchir. C'était un de ces
actes d'audace comme on en rencontre plusieurs dans la carrière de ce
vaillant officier. Les chasseurs d'esclaves furent comme subjugués par
son apparition au milieu d'eux et se retirèrent à Chekka ; mais Gordon
les y suivit; il renvoya Suleiman au Bahr-el-Ghazal et dispersa les autres
traitants en différents endroits. La traite fut supprimée pour un temps
dans ce pays, et un grand nombre d'esclaves furent libérés.
Gordon retourna alors à Ehartoum, et, apprenant que Mikael avait
reconunencé ses incursions en Abyssinie, il se rendit chez les Bogos. Il
proposa au négous que l'Egypte gardât le pays des Bogos, mais se recon-
nût responsable de la conduite de Mikael ; et voyant qu'on ne pouvait
pas se fier à ce dernier, il proposa au roi Jean de l'aider à s'emparer de
lui pour l'envoyer au Caire. Il ne reçut pas de réponse, et Mikael conti-
nua pendant longtemps ses déprédations sur les frontières d'Abyssinie.
En 1878 cependant il fit sa soumission au roi Jean, qui renoua les négo-
ciations avec Gordon au sujet des frontières.
Le gouverneur du Soudan avait alors des difficultés au sujet de
1300 soldats esclaves demeurés fidèles au gouvernement et dont il ne
savait que foire. Us avaient été autrefois enlevés par Ziber, qui les avait
exercés au métier des armes. Il se décida à les envoyer sous leur chef
Nuehr-bey-Angara, accompagné de deux Européens, dans une zone de
pays entre le Ouadal et le Darfour.
Quoiqu'il eût indiqué clairement au gouvernement égyptien, que la
destruction de la bande de Ziber était le point le plus important dans la
question de la traite, il ne recevait aucun appui du Caire. Le 4 août 1877
avait été conclue, entre l'Angleterre et l'Egypte, la Convention d'après
laquelle tout commerce public d'esclaves était prohibé, tandis que la
vente privée devait être supprimée, en Egypte, en 1884, et au Soudan, en
1889 ; on savait que Ziber avait été le principal fauteur de la traite pen-
dant les dix dernières années, et cependant, au Caire, il était traité avec
honneur ; Nubar-pacha offrit même de l'envoyer aider à Gordon.
Les lettres de celui-ci à sa sœur mentionnent néanmoins la déUvrance
de nombreuses caravanes d'esclaves. « Nous en avons pris douze en deux
mois, B écrit-il de Khartoum en juillet 1878, « ce qui n'est pas mal. J'ai
intercepté une lettre d'un homme du 6ahr-el-Ghazal, disant qu'il a un
lot d'esclaves, mais qu'il ne peut trouver une route pour les envoyer à
la côte. Je l'ai surpris ainsi que ceux auxquels il écrivait » Et plus
tard, « la vue de ces 90 esclaves était terrible. Un de mes amis m'a dit
— 66 —
qu'il y en avait peu au-dessus de 16 ans; quelques-unes avaient de petits
enfants ! Elles avaient fait 800 kilom. dans les déserts; c'était le reste
de 400 environ^? Je dois me contenir beaucoup pour m 'abstenir d'actes
cruels, illégaux, envers les trafiquants d'esclaves; mais il faut observer
la loi. » Les souflBrances que lui causait l'œuvre qu'il avait à accomplir,
étaient aggravées par les diflBcultés qu'il rencontrait de la part de l'auto-
rité égyptienne; les hommes qu'il envoyait au Caire n'étaient jamais
punis, au contraire, ils étaient invités aux bals de la cour.
Parfois sa position lui paraissait intolérable, et lui faisait envier le sort
d'un travailleur. Interrogeant un jour quelques chefe du Darfour, il apprit
d'eux qu'un tiers de la population avait été emmené en esclavage. Aussi
écrit-il à ce sujet : « Quand on pense au nombre énorme d'esclaves qui,
de ce pays, ont été conduits en Egypte, on peut à peine comprendre ce
qu'ils sont devenus. Il y en a eu des milliers et des milliers... Nous en
avons pris 2000 en moins de neuf mois, et je crois que nous n'avons pas
pris le cinquième des caravanes. Et combien meurent en route ! Ceux
qu'on libère ne donnent aucun signe de joie d'être délivrés. Je suppose
que les longues marches leur ont enlevé tout ce qu'ils avaient de vie. »
En mars 1879, il dut se rendre dans le Kordofan. Non seulement le
Bahr-el-Ghazal était en pleine révolte, mais il y avait aussi des soulève-
ments au Darfour et dans le pays voisin. Haroun avait reparu sur la
scène; les insurgés étaient conduits par Sabahi, auparavant un des chefs
de Ziber, qui s'était mis à faire la traite pour son propre compte, avait
assassiné le gouverneur laissé par Gordon à Edowa, et s'était retiré dans
les montagnes où les troupes égyptiennes, sous Hassan-pacha-Helmi, ne
faisaient aucun effort pour l'attaquer.
En entreprenant l'expédition du Kordofan, Gordon voulait aider à
Gessi à empêcher les partisans de Ziber de secourir les traitants, et les
bandes de Ziber de pénétrer dans le Darfour pour rejoindre Haroun. A
la fin de mars, il alla à Edowa; Sabahi, avec 400 hommes, n'était qu'à
quatre jours de distance. Il captura bon nombre de caravanes d'esclaves,
et atteignit Chekka, où il reçut un message de Gessi lui demandant des
secours en hommes et en munitions. Alors il crut que le parti le plus
sage serait de réinstaller la famille du sultan dans le Darfour, en la per-
sonne du fils du sultan Ibrahim, qui était gardé au Caire, et il télégra-
phia au khédive pour qu'on le lui envoyât. En attendant, il nomma
comme régent un ex-vizir du Darfour qu'il avait trouvé emprisonné à Soua-
kim, puis délivré et renvoyé dans sa province. Il se préoccupait des consé-
quences que pouvait avoir la libération des esclaves dans l'Egypte propre
— 67 —
en 1884. « Si le système actuel de gouvernement subsiste, » écrivait-il,
< il ne peut manquer d'y avoir une révolte dans tout le pays. Les gens du
Caire oublient complètement qu'en 1884 leurs revenus diminueront de
moitié, et que le pays aura besoin de plus de troupes pour y maintenir
Tordre. Les sept huitièmes de la population du Soudan sont esclaves ; et
la diminution des revenus en 1889 (époque fixée pour la libération des
esclaves dans les territoires en dehors de l'Egypte propre), sera de plus
des deux tiers, si elle s'effectue jamais. »
Quittant Chekka en avril 1879. il se rendit par Ealaka, Dara, El-
Fâcher, à Kolkol, où il arriva le 26 mai, releva la garnison et repartit
pour El-Facher. Là il sut que Gessi s'était emparé de la forteresse de
Suleiman ' et il allait partir pour E^hartoum lorsque, apprenant qu'une
troupe de gens appartenant à Ziber était en route pour le Darfour, il
retourna à Tawaïcha, oii, le 25 juin, il rencontra Gessi, qui venait d'écra-
ser la dernière bande des rebelles. Il le laissa poursuivre Suleiman et
revint à Khartoum, l'âme navrée par la vue des nombreux squelettes
dont les routes étaient jonchées, des districts ravagés et dépeuplés, les
habitants ayant été capturés ou étant morts d'inanition. Il a calculé que
la perte des hommes dans le Darfour et au Bahr-el-Ghazal, du fait seul
de la traite, s'est élevée à 80,000 ou 100,000 personnes.
Après la déposition dû khédive Ismall, Gordon quitta le Soudan en
juillet 1879; son œuvre coûtreles chasseurs d'esclaves fut continuée avec
habileté par Gessi-pacha, Emin-bey et Lupton-bey. Le premier est mort
des suites des fatigues de la guerre cor^tre les négriers du Bahr-el-Gha-
zal; les deux derniers sont encore dans les Provinces équatoriàles, à
l'est et à l'ouest du Nil-Blanc. Mais on comprend que le souvenir de
Gordon-pacha ait fait désirer à la population de Khartoum, déjà en mars
de Tannée dernière, de le voir nommé de nouveau gouverneur-général
du Soudan. D'après une lettre de Schweinfurth, un grand nombre des
indigènes partageaient ce désir, Gordon étant le plus populaire, et le
plus aimé de tous les gouverneurs qui ont commandé au Soudan ; tou-
tes les classes de la population de cette partie de l'Egypte le chérissaient.
On peut se représenter l'impatience avec laquelle tous les habitants de
Khartoum, menacés par la marche envahissante du Mahdi, et sans
communication aucune avec Souakim et Massaoua, attendaient derniè-
rement le libérateur qui leur arrivait par la voie de Korosko et de
Berber, et l'accueil enthousiaste avec lequel ils l'ont reçu. L'on s'ex-
* V. l«^« année, p. 88.
— 68 —
plique très bien aussi, que le souvenir des anciennes exactions des admi-
nistrateurs égyptiens, et Tindignatiou provoquée par la vue des injustices
des fonctionnaires actuels, aient porté Gordon à détruire tout ce qui
rappelait le régime auquel peut être attribuée en partie la révolte du
Soudan. Quant à l'abolition qu'il vient de proclamer, des firmans con-
cernant l'esdavage et le châtiment de ceux qui se livrent à la traite,
probablement nous surprendrait-elle moins si nous connaissions exacte-
ment le but qu'il poursuit.
S'agit-il uniquement d'obtenir l'évacuation des Européens enfermés
dans Khartoum, et dispersés dans les Provinces équatoriales, puis
d'abandonner à eux-mêmes, c'est-à-dire au Mahdi, ces territoires et
ceux qui s'étendent jusqu'à la mer Rouge, moins les villes de Souakim
et de Massaoua? Ou bien essaiera-t-on de conserver à l'Egypte la pos-
session du pays à l'est du Nil-Blanc, en reconnaissant l'autorité du
Mahdi, sur tout ce dont il pourra s'emparer à l'ouest et au sud, même
sur les provinces égyptiennes de l'Equateur et du Bahr-el-Ghazal, où il
n'a pas encore pénétré? Ou encore restaurera-t-on les familles des sul-
tans dépossédés il y a si longtemps par le gouvernement égyptien, et
quelles conditions mettra-t-on, soit à cette restauration, soit à la
reconnaissance du Mahdi, en ce qui concerne la traite et l'esclavage?
Autant de questions auxquelles il est impossible^e répondre aujourd'hui.
On nous engage à prendre patience, en nous promettant que, tout en
autorisant la vente des esclaves, Gordon ne sera point infidèle à son
passé. Mais nous ne comprenons pas comment il a pu croire, qu'en rou-
vrant le marché de Khartoum, il ne rouvrait pas, du même coup, la voie
de la traite et de la chasse à l'homme.
Il nous paraît encore inadmissible que, après l'œuvre accomplie par
lui au Soudan, de 1874 à 1879 \ Gordon devienne l'instrument de la
reconnaissance de cet odieux trafic, pour la suppression duquel il a si
vaillamment lutté pendant cinq ans, aujourd'hui surtout que, quoiqu'il
soit agent du khédive, la responsabilité de sa mission remonte à l'Angle-
terre. Celle-ci voudrait-elle, l'année même où, d'après sa convention
avec rÉgypte, la vente privée doit cesser dans tout le territoire qui
s'étend d'Alexandrie à Assouan, sanctionner par son influence morale,
un traité qui reconnaîtrait au Mahdi, ou à une autorité quelconque au
Soudan, le droit de trafiquer des esclaves sur son propre marché?
Mais alors comment pourrait-elle célébrer, le !•' août de cette année»
» V. p. 61-67.
— 69 —
dans la salle égyptienne de Mansion House, comme elle s'apprête à le
faire, le jubilé cinquantenaire de l'émancipation dans ses colonies? Et
comment, après avoir agi auprès des États européens, Portugal,
Espagne, France, Hollande, pour supprimer la traite par les côtes occi-
dentale et orientale de TAfrique, imposé au sultan de Zanzibar un traité
interdisant ce commerce, et nommé tout récemment M. le capitaine
Foot, consul anglais, avec mission de le surveiller sur les routes, du lac
Nyassa aux ports de la côte, par les possessions portugaises, comment,
disons-nous, oserait-elle, au moment où son influence succède à Tauto-
rité égyptienne, permettre elle-même ce qu'elle avait obligé l'Egypte à
condamner?
Sans doute il est beau de rendre la liberté à une pauvre négresse déte-
nue injustement depuis quinze ans dans la prison de Khartoum , mais il
n'est permis à aucun homme, s'appelât-il Gordon-pacha, ni à aucune
nation, fût-ce l'Angleterre, de rouvrir à la traite les marchés publics du
Soudan égyptien, au risque de livrer aux chasseurs d'esclaves, partisans
du Mahdi ou autres, les millions de noirs d'un territoire aussi vaste que
la moitié de l'Europe, en faveur desquels la voix des Livingstone, des
Nachtigal, des Schweinfurth, des Baker et des Gordon, avait ému les
populations chrétiennes des deux mondes. Quelque habUe qu'ait pu paraî-
tre la politique qui s'est servie de Gordon-pacha, pour relever le prestige
de l'Angleterre, faciliter l'évacuation des postes du Soudan et prévenir
l'intervention de la Turquie dans ses anciennes possessions africaines,
l'humanité demandera compte un jour au gouvernement britannique de
la désolation que les chasseurs d'hommes, auxquels il vient de lâcher la
bride, vont répandre partout, des portes de l'Egypte jusqu'à l'Equateur,
et des larmes versées par les milliers de pères, (le mères, de jeunes gens
et d'enfants dont son agent vient, à son de trompe sur les places de
Khartoum, d'autoriser la vente. Quelque valeur qu'aient à nos yeux
rhonneur de l'Angleterre et la vie de 60,000 Egyptiens et Européens du
Soudan, rien ne nous prouve qu'ils n'eussent pu être rachetés qu'au prix
du sang et de la liberté des nègres, infiniment plus nombreux, dont
Gordon vient de river les fei's. Personne ne dira : périsse l'Angleterre,
pourvu que les noirs soient affranchis; mais qu'on ne dise pas non plus :
périssent tous les noirs du Soudan et que l'Angleterre soit sauvée * !
^ D'après les journaux du Caire, le Mahdi a protesté contre la proclamation de
Gordon autorisant la traite. Il interdit tout commerce d'esclaves, disant que ses
svjets, quelle que soit leur race, sont égaux devant Dieu et devant le Prophète. —
Lie r61e de champion de la civilisation a passé au Mahdi ! ! 1
— 70 —
CORRESPONDANCE
1 Bethléem, 9 janvier 1884 (Orange Free-State).
Cher Monsieur,
Dans ma lettre de novembre dernier, je vous informais que notre départ devait
subir un délai, vu Pattente de nos amis Weizeker. C'est le 22 décembre qu'ils sont
arrivés & Léribé; dès lors, la porte nous était ouverte de ce côté-là. Une autre
difficulté est survenue ; la petite-vérole éclata au Lessouto et nous ferma la route
de rÉtat-Libre.
Sur une requête adressée au Président Brandt, accompagnée d'une déclaration
médicale, nous obtînmes le droit de franchir le Calédon. Le 2 janvier, notre cara-
vane quittait Léribé, composée de 24 personnes, plus 70 et quelques bœufs,
10 chevaux, 10 chiens, 2 chèvres, 2 oiseaux, une vraie émigration patriarcale.
Dès l'abord les difficultés ne nous ont pas manqué ; c'est ainsi que nous avons
mis deux jours pour traverser le Calédon, et, avons dû, à cet effet, décharger deux
de nos wagons. La route très accidentée, de Léribé à Bethléem, a rendu notre mar-
che très lente. L'une des pièces de mon wagon s'étant cassée, nous l'avons déchargé
une seconde fois. Nous sommes arrivés pour passer notre premier dimanche sur
une ferme hospitalière. C'a été pour nous un jour do repos, de recueillement, après
toutes les agitations précédentes. Notre culte, célébré sous la voûte des cieux, sem-
blait, par ce fait même, nous rapprocher davantage de l'Auteur de cette belle
nature. La journée du lundi a été notre plus forte traite, 62 kilom.; ce jour-là
nous arrivions à Bethléem, d'où nous repartons aujourd'hui même. Cette petite
ville possède une jolie église hollandaise et d'autres lieux de cultes, anglicans ou
wesleyens ; elle est peut-être jolie, en tant que cité africaine. La contrée que nous
avons parcourue présente le même aspect que le Lessouto, mais nous allons entrer^
dans la région des plaines et des troupeaux de moutons. Nous espérons, si la pluie
ne nous contrarie pas trop, arriver à Pretoria à la fin de la semaine prochaine, en
passant par Francfort et Heidelberg. Généralement nous nous levons à 4 ou 5 h.
du matin, et marchons jusqu'à 10 ou 11 h. Alors, nous déjeunons et faisons une
bonne halte jusqu'à 4 h. L'heure d'arrivée à notre campement du soir est entre
8 et 9 h. Après le dîner et la. prière, chacun gagne ses campements, pour y trouver
un repos bien mérité. Notre caravane est animée d'un bon esprit. Tous, Bi j'en
excepte un enfant d'un évangéliste, nous avons- joui d'une excellente santé. Nous
sommes reconnaissants de ce que notre plus ardent désir ait pu se réaliser ; nous
marchons au-devant d'une carrière difficile, mais avec le doux sentiment de l'accom-
plissement d'un devoir.
Votre dévoué,
D. Jeakmairet.
BIBLIOGRAPHIE
Histoire et géographie de Madagascar, par M, Henry d'Escamps.
Nouvelle édition, avec une carte de M. A. Grandidier. Paris (Firraia-
* On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bâle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans VAfriqiM explorée et civilisée.
— 71 —
Didotet C"), 1884, in-8% LlX-636 pages. Fr. 6. — Les récits des mission-
naires et des voyageurs, et plus encore l'expédition française actuelle
ont, dans ces derniers temps, attiré l'attention sur l'île de Madagascar.
Oa connaît les travaux de M. Grandidier, le principal explorateur de
cette grande terre, sur laquelle ses itinéraires ont un développement de
cinq mille cinq cents kilomètres. La relation de ces voyages, entrepris
en 1865, sous les auspices du gouvernement français, est en cours de
publication à la librairie Hachette. Après lui, un Anglais, M. MuUens,
est l'Européen qui a fait à Madagascar le plus long voyage. Envoyé par
là Société des Missions de Londres, il a visité les provinces oîi les
Anglais ont établi des temples et des écoles, et ses excui-sions ont une
grande importance au point de vue géographique.
Ces explorations ont permis à M. d'Escamps de publier une seconde
édition de son livre sur l'histoire et la géographie de Madagascar; mais,
par suite des nombreux remaniements et additions que l'ouvrage a subis,
on peut le considérer comme une œuvre toute nouvelle, à la composition
de laquelle a puissamment coopéré M. Grandidier lui-même, dont les
itinéraires sont indiqués sur la carte placée à la fin du volume.
Rédacteur d'un journal colonial, attaché au ministère de la marine et
des coloaies, M. d'Escamps avait en mains tous les éléments d'une
histoire et d'une géographie de Madagascar. Aussi, à son apparition,
cet ouvrage fut-il accueilli avec faveur, et devint-il, en quelque sorte, le
manuel de la grande Compagnie de Madagascar, qui se fonda en 1862.
Actuellement, il est mis à jour, et on peut le considérer comme
donnant un exposé très exact, au dire d'autorités compétentes, de
la question de Madagascar. Sans doute, il est écrit au point de vue
purement français ; les Anglais et les Hovas n'y jouent pas le beau
rôle, et les prétentions de la France y sont admises sans réserve; mais,
à part cela, il constitue une monographie d'autant plus importante
qu'elle est la seule qui existe en français, et dans laquelle l'homme
politique et l'homme d'études peuvent puiser de précieuses indications,
non seulement sur la grande terre, mais aussi sur les îles voisines, de
S*' Marie, Nossi-Bé et Mayotte.
C'est que Madagascar mérite qu'on s'occupe d'elle ; d'une superficie
plus vaste que la France, peuplée de près de deux millions d'habitants,
elle commande la côte orientale de l'Afrique et la route des Indes par
le Cap de Bonne-Espérance. Les moussons y apportent une quantité
suffisante de pluie ; le sol est fertile et nourrirait facilement une. forte
population ; les golfes, dont quelques-uns constituent des ports excellents,
sont placés en dehors de la région des cyclones, et pourraient servir de
— 12 —
points de ravitaillement et de chantiers de radaub, car c'est dans la baie
d'Antongil, qu'en 1746, le célèbre La Bourdonnais put remettre son
escadre en état de tenir la mer et de supporter le choc des Anglais.
Le sol malgache ofFrede grandes ressources, soit au point de vue miné-
ralogique, car la houille, le sel et plusieurs métaux s'y rencontrent, soit au
point de vue agricole. Le sucre, le coton, la soie en sont les produits prin-
cipaux; mais les bois de construction et d'ébénisterie, Tindigo, le caout-
chouc, le tabac, le café, le riz pourraient alimenter un commerce étendu.
En outre Madagascar, comme TAmérique, serait à même d'exporter en
Europe des viandes de conserve et des laines, car les zébus ou bœufs à
bosse, bien connus au Sénégal ou dans les Antilles, et les moutons à
grosse queue du Cap, forment de nombreux et immenses troupeaux. L'au-
teur indique dans le cours de son livre, le prix des denrées indigènes sur
le marché de Tananarive ; leur bon marché pourra donner une idée de
la richesse du pays ; on y verra qu'un bœuf coûte 50 fr., une dinde,
50 centimes, une poule, 23 centimes, le riz, 5 fr. le quintal métrique, etc.
Mais comment, dira-t-on, tous les essais de colonisation dans un tel
pays ont-ils échoué ? Cela tient principalement au fait que l'on a toujours
choisi, pour lieu de résidence, la côte orientale qui est la moins salubre,
tandis que le rivage septentrional, d'après le témoignage de l'amiral
Fleuriot de Langle, est beaucoup plus sain. Cela tient aussi à la ihau-
vaise volonté des Hovas qui ont mis tous les obstacles possibles à
l'établissement des immigrants européens, leur refusant, récemment
encore, le droit de posséder la terre. M. d'Escamps, fait une histoire
complète et détaillée de Madagascar et des relations entre son gouverne-
ment et les États Européens. Il montre la France prenant possession de la
côte sud-orientale en 1643 et fondant le Fort-Dauphin ; puis il raconte la
tentative du comte polonais Benyowski,en 1773, pour coloniser la région
voisine de la baie d'Antongil, et toutes les phases par lesquelles a
passé la question de Madagascar durant ce siècle. Pour lui, du reste,
elle est facilement résolue : « en dehors, » dit-il, « de la petite peuplade
des Hovas, dont la domination usurpée est loin d'être reconnue par les
vingt-cinq principaux peuples de l'île, qui tous ont leur gouvernement
propre et leur roi, la France est souveraine de Madagascar, à la fois par
des prises de possession réitérées, et par les traités contractés de nos
jours, particulièrement par celui de 1860.
En terminant, M. d'Escamps résume d'une manière très claire les
faits pçlitiques qui se sont passés depuis la prise de Majunga et de Tama-
tave jusqu'à aujourd'hui.
Anvers.
Berlin.
Bréa)€. .
Bruxell4^s.
(>)nstantine.
Berlin.
ÉCHANGES
Sociétés de géographie.
Douai. léna. Lyon. Nancy.
Francfort "/M. Le Caire. Madrid. New- York.
Greifswald. Leipzig. Marseille. Oran.
Halle. Lille. Montpellier. Paris.
Hambourg. Lisbonne.
Sociétés de géographie commerciale.
Bordeaux. Paris. Porto.
Missions.
Rocheforl.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Saint-Gall.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Ijaùsanne).
Missions évangéliques au XlXn»® siècle
(Neuchâtel).
Journal de TUnité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Mis.Hions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bâle).
Evangelisches Missions -Magazin (Bâle).
(]alwer Missions -Blatt (Calw).
Allgemeine Missions- Zeitschrift (GUters-
loh).
Glaubensbote (B&le).
Africa (Londres).
La Nigrizia (Vérone).
Church missionary Intel ligenr^r and Re-
cord (Londres),
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionary (New-York).
Régions beyond (Londres).
Cbronicle of the London Missionar}- So -
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free C.hurch of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian Church (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Woman's foreign nn'ssionary Socielv
(Philadelphie).
Divers.
Exploration (Paris).
Moniteur des Colonies (Paris).
BuHetin des Mines (Paris).
BuHetin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
BuHetin du (îomice agricole (Médéa).
Bulletin de T Académie d'Hippone (Bone).
BuHetin de renseig. coloniaux (Paris).
Revue géographique internationale (Paris).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau f(ir Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fïlr den
Orient (Vienne).
Zeîtschrift fOr wissenschaftliche Géogra-
phie (Lahr).
Aus allen Welttheilen (Leipzig).
Deutsche Kolonralzeitung (Francfort s/M).
Chamber of Commerce Journal (Londres).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Bollettino délia Societa africana d'Italia
(Naples).
Esplorazione (Naples).
Marina e Commercio.eGiornale délie co-
lonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portnguezas (Lisbonne).
Revista de Esludos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Ck)natantine).
Moniteur de l'Algérie (Al^er).
D<* A. Petermann s Mittheilungen (Gotha)
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Record of geogra
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus (Cape-Town).
West Amcan Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
SOMMAIRE
PagçB
BULLKTIN MENSUEL 49
Nouvelles coinplénieataires 56
L'œuvre de Gordon dans le Soudan égyptien 59
Correspondance :
Lettre de M. D. Jeanmairet 70
Bibliographie :
Histoire et géographie de Madagascar, par M. Henry D'Ëscanips. . . 70
OUVRAGES REÇUS :
Uganda und der SBgyptische Sudan, voa Rev. C.-T. WilsonAind R,-W. Felkin.
Stuttgart (J.-G. Cotta), 1883, 2 vol. in-8 avec gravures.
Histoire et géographie de Madagascar, par M.Henry D'Kscamps. Nouvelle édition,
avec une carte de M. Â. Grandidier. Paris (Firmin-Didot et C'®), 1884, in-8,
Lix— 636 p. Fr. 6.
La confrérie musulmane de Sfdi-Mohammed-Ben'Ali-es-Senoûsî et son domaine
géographique en l'année 1300 de l'hégire = 1883 de notre ère, par H. Duveyrier.
Paris (Société de géographie), 1884, in-8, 84 p. et carte.
Un explorateur africain. Auguste Stahl, mort au Gabon en 1880. Son voyage et sa
correspondance (avec 2 cartes), par Emile Dietz. Paris (Paul Monnerat, 48, rue
de Lille), 1884, in-8, 64 p.
Craniologische Untersuchuug der Neger und der Negervôlker. Nebst einem Bericht
ttber meine erste Reise naeh Cameroons (West-Afrika) im Tahre 1883, von Cari
Passavant. — Basel (H. Georg), 1884, in-8*>, 94 p. Fr. . 50
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
L'AFRIQUE
I
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
Dimoi PAS
M. Gnstaye MOTNIEB
Membre do la GommiBsion internationale de Bruxellos pour Pexploration et la oivUisalion
de TAfriqùe centrale; membre correspondant de rAcadémio d^Hippone,
et des Sociétés de géographie de Marseille, de Nancy, de Loanda et de Porto.
EÉDIOÉ PAE ,
M. Charles FAUBS
Seerétairo-Bibliothécaire de la Société de géographie de Genève , membre correspondant des Sociét^'s
de gèogpraphie de Lisbonne, da Loanda. do Porto et de Salat-Gall.
L Afrique paraît le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8o d'au
moins 20 pages chacune ; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
par^t nécessaire.
Le prix de Tabonnement annuel, payable d'aTanee, est de 10 firanes,
port compris, pour tous les pays de TUnion postale (première zone); pour les
autres, 11 fr. 50,
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit i^ im eompte renda*
Adresser tout ce qui 'concerne la rédaetton à M. Oastave mouiller»
8» rue de PAthénée» h Génère (Suisse).
S'adresser pour les abonnements i^ l'éditeur, m. H. Oeoric* ^
Oenève on à BAle.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse,
(ihez MM. Ch. Delagrave, libraire. 15, rue Soufllol, à Paris.
MuQUAftDT, libraire de la Cour, 45. rue de la Régence, à Bruxelles.
Dumolard frères, libraires, Corso Vittorio Emmanuele^ 21. ^ Milnn.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querstr., 29, à Leipzig.
L. Friederichsen et C'% libraires, Admiralilâtsstr, 3/4, à Hambourg
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autrii'lie).
Trubnbr et C*\ libraires, Ludgate Hill. 37/59. à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
AVIS. — Nous mettons à la disposition de nos nouveaux abonnés^ au prix de
10 fr, chacun, un certain nombre d'exemplaires complets de la H™*, de In III
et de la JF™* année. La J"^« est épuisée.
me
— 73 —
BULLETIN MENSUEL (7 avril 1884). '
Le rétablissement de la tranquillité dans le Sud Oranais, ayant
ramené la sécurité de la route du Touat, a permis aux! tribus nomades
du S.-O. de l'Algérie, de reprendre leurs relations commerciales avec
Toasis de Gourara, qu'elles avaient dû interrompre depuis 1880.
Une caravane des Hamyans, composée d'un millier de personnes et de
3000 chameaux, a récemment effectué ce voyage, dans des conditions
très satisfaisantes. Partie le 15 novembre de Moghar-Thatani, la cara-
vane atteignit, le 30 novembre, Tabouda, point extrême de l'oasis sus-
mentionnée, ayant parcouru 600 kilom. Elle avait emporté du blé, de
l'orge, du beurre fondu, du fromage, des toisons de laine, des fèves, de
la viande sèche, de l'huile et un millier de moutons; elle a rapporté des
dattes rouges, des burnous et des haïcks. Pendant le voyage de retour,
qui s'est accompli également en quinze jours, les Hamyans ont fait
route avec ime caravane des Doui-Menia, tribu marocaine, dont les prin-
cipales fractions paraissent aujourd'hui animées des meilleures disposi-
tions à l'égard des Algériens.
M. Tirman, gouverneur général de l'Algérie, fait une excursion au
sud de la province d'Alger. Après avoir visité le lUsEab, et promis aux
habitants de ce territoire que le gouvernement respectera leurs institu-
tions, améliorera leur position matérielle et leur donnera de l'eau, il s'est
rendu à Metlili. Il doit avoir une entrevue avec le fils de Ikhenoukhen,
chef des Toiiareflf-AaBflfuer, et d'autres notables de cette tribu, qui
ont eu à subir, ces dernières années, de sanglantes razzias de la part des
Touareg-Hoggar, et désirent en tirer vengeance. Nos lecteurs se rap-
pellent que la mission Flatters fut massacrée par des Touareg-Hoggar,
accusés aussi du meurtre des missionnaires envoyés de Ghadamès à Rhat
par Mgr Lavigerie. Un Chambaa d'Ouargla soupçonné de complicité dans
ce dernier assassinat, désireux de se laver des soupçons d'y avoir parti-
cipé, est allé, le 22 février, attaquer à cinq jours de marche d'Ouargla, le
neveu et l'héritier d'Ahithaghel, chef des Hoggar, accompagné de onze
personnages importants de cette tribu. Le colonel Fatters s'était adressé
à ce chef pour obtenir le libre passage sur son territoire, et avait reçu
* Les matières comprises dans nos Bidletins mensuels et dans les Nouvelles corn-
pUmentcwres y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
rerenant par la côte occidentale.
L'AnUQUE. — CINQUiiMS ANKÉB. — N® 4. 4
— 74 —
de lui le guide qui conduisit la mission dans le guet-apeus oii elle fut
détruite. Le Chambaa tua plusieurs Hoggar, et apporta à Ouargla la
tête de l'assassin du capitaine Masson, ainsi qu'un certain nombre d'ob-
jets ayant appartenu à l'expédition Flatters, entre autres un fiisil et un
revolver dont la gaine a pennis de reconnaître qu'il avait appartenu au
D' Guiard.
Les journaux politiques fournissent chaque jour à leurs lecteurs des
détails sur ce qui se passe autour de Kbartoum, le long du Nil de Berber
à Chendy, sur la route de Souakim, et même au Kordofan et au Darfour.
Nous pouvons donc nous dispenser d'eu entretenir nos abonnés ; d'au-
tant plus que le télégraphe étant coupé entre Khartoum et le Caire,
nous ignorons sur quelle autorité reposent les récits de victoires des tri-
bus favorables à Gordon sur les partisans du Mahdi. Ce qui nous paraît
incontestable, c'est le danger que coui-t aujourd'hui le gouverneur géné-
ral du Soudan, et la difficulté de lui trouver un successeur, car, quoi
qu'en ait,dit la presse anglaise, nous n'admettons pas que le chef des
chasseurs d'esclaves, auquel Gordon a fait la guerre en 1874, soit le
seul gouverneur possible à. Khartoum. Nous ne parlons pas de la position
qu'a faite à Gordon la mise à prix de la tête d'Osman-Digma par l'ami-
ral Hewett, mesure désavouée aujourd'hui, mais dont l'effet moral sub-
siste encore, et peut avoir pour Gordon des conséquences fatales.
La Société royale de Géographie de Londres a reçu conmiunication
de lettres de Kiupton-bey, gouverneur du Bahp-el-Ghazalj la der-
nière était datée du 10 novembre 1883 ; le timbre de Khartoum porte
la date du 19 janvier 1884. Ces lettres renferment, disent les Procee-
dings de cette Société, beaucoup de renseignements géographiques inté-
ressants et une carte de la région explorée par Lupton et ses agents,
jusqu'à la rivière Khouta, grand cours d'eau qu'ils croient être un
affluent du» Congo. Lupton a dû guerroyer constamment contre les par-
tisans du Mahdi. Nos lecteurs comprendront, d'après une lettre de
Schuver publiée comme correspondance, le motif pour lequel les popu-
lations nègres du Bahr-el-Ghazal se sont jointes aux Arabes contre les
représentants de l'autorité égyptienne. Quant aux données nouvelles
fournies par Lupton-bey, sur le territoire qu'il a exploré, nous y revien-
drons lorsque les Proceedings auront publié ses lettres.
Nous pouvons dès aujourd'hui compléter les renseignements que nouj?
avons donnés sur les explorations du D' Junker dans la région du
Haut Quelle (IV- année, p. 106-113, 140-144, et la carte p. 116).
Une lettre de l'explorateur, du 8 décembre 1882, du pays de Semio,
— 75 —
expose les résultats hydrographiques et ethnographiques du voyage qu'il
a fait daus la seconde moitié de cette année-là, au sud de l'Ouellé, jus-
qu'à la Nepoko. Une carte provisoire, dont les données sur la direction
des rivières ne s'écartent pas beaucoup de celles de la nôtre, accompagne
cette lettre. Le Bomokandi, affluent méridional de l'Ouellé, a à peu près
la moitié de la largeur de celui-ci, il prend sa source au loin à l'est, dans
les montagnes qui bornent le lac Albert-Nyanza. Les deux rivières, cou-
lant à peu près parallèlement jusque près de leur confluent, forment
une presqu'île dans laquelle aucun tributaire important ne peut se déve-
lopper. Il n'en est pas de même pour les affluents méridionaux du Bomo-
kandi. La ligne de faîte d'où ils descendent étant assez éloignée vers le
sud, ils peuvent prendre un développement considérable, c'est le cas
pour le Telli, le Pokko et le Makongo. Quant à la Nawa elle appartient
à un autre bassin, et porte ses eaux à la Nepoko. Junker a atteint
celle-ci dans son cours moyen, à quatre fortes journées de marche au
sud du Bomokandi, un peu au nord du 2"" lat. S., et presque sous le
même degré de longitude que le confluent du Kibali et de la Gadda, et
que la Seriba de Tangasi. Elle a à peu près la même largeur que le
Bomokandi, et ses sources doivent être cherchées assez loin vers l'est.
La ligne de partage des eaux du Bomokandi et de la Nepoko, sur la
route suivie par Junker, est à peine perceptible; cependant le bassin des
aifluents septentrionaux de la Nepoko à un caractère très particulier.
Au lieu de tributaires encadrés de forêts de haute futaie comme partout
ailleurs, l'on rencontre ici des dépressions marécageuses, larges, plates
et sans arbres. Une végétation flottante très semblable à celle du Nil-
Blanc, forme un pont pour traverser ces marais que l'on nomme O'bae,
et qui s'étendent au loin vers l'est ; ils sont très nombreux, et il n'est
pas possible que des bêtes de somme y passent. Le plus grand de ces
O'bae s'appelle dans sa partie occidentale Maka ; dans le voisinage de
son embouchure dans la Nepoko, il perd son caractère de marécage et
prend celui d'une large rivière. Junker ne doute pas que la Nepoko ne
soit identique avec l'Arououimi de Stanley. — L'explorateur a aussi
donné l'énumération des peuplades de cette région, en indiquant sur la
carte la place approximative qu'elles occupent, mais sans entrer dans
les détails historiques qui expliquent pourquoi des groupes d'une même
peuplade se retrouvent disséminés sur des points diflférents de ce terri-
toire, les Mangbaflé par exemple, que l'on trouve entre le Mbrouelé et
la Gourba, afiluents septentrionaux de l'Ouellé, et sur les bords de la
Nepoko. Des 53 fils de Kipa, dont on a donné les noms à Junker, les
— 76 —
deux plus distingués sont actuellement Bakangal et Kanna, qui regar-
dent leurs frères conuue leurs vassaux ; leurs vastes territoires s'éten-
dent au sud du Bomokandi. Un grand nombre de tribus A-Barambo
sont leurs tributaires. Les Maigo plus au sud, et les Mabode des bords
de la Nepoko, appartiennent comme les précédents aux Mombouttou.
Quant aux Akka, ils n'occupent pas un pays qui leur appartienne en
propre. Quoiqu'on les rencontre en beaucoup d'endroits, ils n'ont nulle
part de demeure fixe, mais ils vivent comme nomades, en colonies, sur-
tout parmi les Monvou et les Mabode. Là oti un jour une colonie akka
a passé la nuit, on trouvera le lendemain des huttes vides. Junker les a
rencontrés, vivant de cette vie nomade, dans leurs petites huttes au milieu
des forêts, le long des rivières. — Les Mittkeilungen communiquent
encore que d'après des lettres du 1*' octobre 1883, à ses parents à Saint-
Pétersbourg, le D' Junker avait terminé son voyage au S.-O., et qu'il
était revenu au pays de Semio, où il était en bonne santé. Informé des
troubles du Soudan et des combats que Lupton-bey a dû soutenir contre
les Denka, les Nouer, etc., il a fait déposer à Wau les trente caisses de
collections ethnographiques qu'il comptait envoyer en Europe. On espère
que dès qu'il verra l'impossibilité de prolonger son séjour dans le bassin
de l'Ouellé, il se joindra à Lupton-bey pour se rendre auprès d'Emin-
bey et de Gasati, afin de prendre, de concert avec eux, les mesures les
plus propres à leur permettre d'échapper au Mahdi.
D'après une lettre de J. Thomson, du 10 juin 1883, ce voyageur a
fait, avant de quitter le voisinage du Kilimandjaro pour s'avancer dans
l'intérieur, une visite au chef Handara^ qui, en 1875, traita si cruel-
lement le Rev. Charles New, que celui-ci en tomba malade et en mou-
rut. Mandara rendit à Thomson un chronomètre d'or, pour le faire par-
venir aux parents du missionnaire New, avec l'expression de ses regrets.
Thomson a adressé, le 7 juillet, au consul général anglais à Zanzibar, une
dépêche en ces termes : a A la requête de Mandara, de Moschi, la ter-
reur de Chega, le grand guerrier de ce pays, je fais savoir que j'ai été
chez Mandara, et qu'il m'a reçu d'une façon royale et cordiale. Man-
dara veut que l'on sache qu'il désire recevoir de la même manière beau-
coup de visiteurs européens. Il envoie ses salutations à Boulouza (l'agent
poUtique anglais), et à tous les visiteurs à venir. Il recevra volontiers un
nombre illimité de fusils et des provisions de poudre. Que personne ne
vienne les mains vides. » — On n'a plus reçu de nouvelles de Thomson
depuis le 1*' août ; une caravane a rapporté l'avoir vu près du lac Nalvash .
La station des missionnaires anglais établie à Eaghel, au sud du Vie-
— 11 —
toria-Nyanza, étant peu salubre, M. Mackay s'y est rendu, de Roubaga,
pour chercher un emplacement meilleui', sur ]a côte ouest de l'anse de
Jordan's Nullah, et assez avant dans l'intérieur pour se trouver dans les
états de Mirambo. L'exploration qu'il a faite, lui a permis de relever,
pour le journal de la Church Missionary Society, la carte de cette anse
qui a deux bras. De Eagheï, il s'est rendu d'abord à. l'extrémité sud du
bras oriental, puis à Moleshi, au delà du bras occidental, et dans le
Msalala, pour demander au roi de ce district, Mtemi, l'autorisation de
s'établir dans son pays. Celui-ci effrayé par la vue des Mouzoungous (les
blancs), ne l'a pas accordée. Aussi les missionnabes ont-ils résolu d'éta-
blir la nouvelle station à K^wa-Sonda, dans une partie du Msalala
dépendante de Miramb<t, qui leur a promis sa protection, chose très
importante pour leurs caravanes. Il y a de bonne eau potable ; on peut
attehidre de là un port sur le Victoria-Nyanza en un jour, et la sta-
tion d'Uyuy, en 17 jours ; la route à travers les états de Mirambo est
plus sûre, plus courte et moins coûteuse que les autres routes employées
d'ordinaire. On peut en outre se servir des Wa-Nyamouezi, de Zanzibai*
jusqu'au lac, à moins de frais que des Wa-Ngwana; de plus on n'est pas
harcelé par les Arabes ; enfin les vivres abondent et ne sont pas chers.
Les missionnaires ont remonté ud bateau qui leur permettra d'établir
des conmiunications plus régulières entre le sud et le nord du Victo-
ria-Nyanza.
M. Ledouk, consul français à Zanzibar, a transmis à la Société de
géographie de Paris des nouvelles de M. Giraud» d'après une lettre de
cet explorateur, datée de Eatimkourou, au nord du lac Bangouéolo.
Le voyageur était en bonne santé, mais il avait eu à subir l'hostilité du
roi Mukanilla et de ses sujets, qui n'ont rien omis de ce qui pouvait lui
rendre odieux le séjour forcé d'un mois qu'il a fait parmi eux : tributs
de toutes sortes, cadeaux exigés, extorsions, cherté des vivres, avanies
sans cesse renaissantes. Après avoir traversé le sud de l'Ou-Bena, il a
atteint le village du roi Mahura, qui l'a bien reçu ; malheureusement une
rixe survenue entre les indigènes et sa caravane, a contraint M. Giraud
de quitter précipitamment le pays et de gagner le Tchambezi. Arrivé au
Bangouéolo, il a vu recommencer toutes les difficultés; aussi, fatigué des
exigences excessives des petits souverains, s'est-il décidé à remonter
vers le nord.
Le Central Africa, journal de la mission des Universités, a publié une
lettre de M. O'Neill, qui se trouvait, le 28 septembre, à deux journées à
l'est du lac Chiroua, au milieu de tribus de Ma-Ravi, chassés, disent-ils,
— 78 —
par les Ma-Ngon, de leur pays qui s'éteudait sur les deux bords du lac
Chiroua. Ils traYaiUent habilement le coton et le fer. Quoique les monts
Namuli et Eradi ne soient pas ce que les trafiquants lui avaient dit, il
n'a pas été désappointé. Ce sont de belles montagnes de plus de 2300"';
il estime même que le pic Namuli doit avoir de 2600" à 3000". La plus
grande hauteiu- à laquelle il soit parvenu est 1810" ; mais il n'a pas cher-
ché à gravii' un des pics les plus élevés. Plusieurs rivières d'une gran-
deur considérable descendent du Namuli, à l'ouest duquel M. O'Neill a
découvert, au nord du lac Chiroua, entre 14° 19' et 14*" 32' lat. S., le lac
Amarambou dont la plus grande largeur est de 2 à 3 kilom. ; la Msamtiti
l'unit au lac marécageux de Chiouta par U"* 52'. C'est de l'Amarambou
que sort la rivière Loujenda. De là, M. 0*Neill a suivi la vallée du
Likoungou, au sud du mont Namuli, par 16'' 15'; puis, tirant vers l'est, il
est arrivé à la côte à Angoche. Il a ainsi ouvert une nouvelle route pour
se rendi'e aux lacs, à travers le pays que parcourent les caravanes qui
amènent encore des esclaves à la côte de Mozambique.
M. R. C. liVilliams, membre de la Société de géographie de Lon-
dres, a annoncé à cette société son arrivée, avec sa femme et son enfant,
aux chutes Victoria. De Shoshong il se rendit à Gouboulououaio, pour
demander à Lobengula la permission de traverser son territoire. Le roi
lui fit bon accueil, et lui donna des vivres pour la route. Ayant quitté
Gouboulououaio le 26 juin, il rencontra sur les bords de la Nata une
troupe de 6000 à 7000 guerriers ma-tabélé, rapportant les dépouilles des
Be-Chuana du lac Ngami, avec lesquels ils étaient en guerre. Quoique
épuisés de. fatigue et de faim, ces gens ne volèrent rien, mais respectè-
rent la volonté de Lobengula à l'égard des voyageurs, avec lesquels ils
se conduisirent très amicalement. Le voyage le long de la Nata fut très
difiicile, le pays étant moins fréquenté qu'autrefois par les chasseurs;
M. Williams dut s'ouvrir, de Tati au Zambèze, une route à travers les
forêts. A Panda-ma-tenka, il ne trouva que M. Westbeech et quelques
missionnaires romains qui le reçurent très bien ; les natife se sont éloi-
gnés. Après avoir atteint les chutes du Zambèze, la caravane eut à souf-
frir de la fièvre et dut revenir, au commencement de décembre, dans le
pays plus salubre des Ma-Tabélé, où elle reçut les soins des missionnai-
res, ainsi que de M. Arnot qui se trouvait alors à Panda-ma-tenka. —
U avait dû s'y rendre pour renouveler ses provisions, ayant souffert à
Lialui, sur le haut Zambèze, de la fièvre, de l'humidité et de l'insalu-
brité du climat. « J'ai essayé, écrit-il à M. Grattan Guiness, de vivre de
grain concassé, si longtemps, que je m'en suis ressenti sérieusement»
— 79 —
réduit que j'étais à l'état de squelette vivant, dans un moment de pluies
constantes, où je ne pouvais avoir aucune couverture sèche, ni pour me
coucher ni pour me couvrir. La pluie avait submergé ma première habi-
tatioB^; la seconde fut percée de part en part la première nuit que j'y
passai, et j'eus à endurer dix jours de pluie perpétuelle, sans provisions,
n'ayant pas un pouce d'étoffe sèche sur moi, enfermé dans ma hutte, de
l'aube jusqu'à la nuit. » De Panda-ma-tenka, M. Arnot est revenu à
Lialui, toujours plus attaché aux tribus qui l'entourent à l'est, à l'ouest
et au nord, et qui ne paraissent vivre que pour s'entre-tuer.
A propos de l'exploration faite par M. H. Berthoud et M. E. Gautier,
en vue de l'ouverture d'une route des Spelonken au Liimpopo
(IV"" année, p. 333), M. H. Berthoud écrit à la Société de la mission
romande que, si le moment est venu d'étudier cette voie de communica-
tion, on ne peut guère y consacrer que les mois de juin à septembre,
à cause des miasmes pestilentiels qui se dégagent très rapidement, et
aussi du soleU brûlant qui peut déterminer de très graves insolations.
Les changements de température ne sont pas moins dangereux; de 2"^
au-dessus de zéro au lever du soleil, le thermomètre peut monter à 32°
quelques heures plus tard. A la connaissance de M. Berthoud, la route
qui arrive le plus près du Limpopo est celle des chasseurs boers, qui pas-
sent par Makwarelé pour se rendre chez les Ba-Nyaï; elle a l'avantage
d'être débarrassée de la tsetsé, tandis qu'une autre route, le long du
Leboubié en est infestée. Le chemin suivi par MM. Berthoud et Gautier
descend au sud jusqu'à Matyatyé, d'oii il se dirige en droite ligne à l'est
jusqu'à la Tabi; au gué de cette rivière, il se bifurque; l'embranche-
ment de gauche est rendu impraticable par la tsetsé, celui de droite est
excellent pour des wagons chargés, jusqu'à Matsété; est-il praticable
au delà ? C'est ce qu'un autre explorateur aura à étudier. M. Berthoud
a entendu dire que des Boers, qui avaient l'intention de descendre chez
Makaringe pour chasser Thippopotame, avaient dû remplacer par des
ânes les bœufs de leurs wagons. Si ni l'une ni l'autre des deux routes
imsmentionnées ne peut être adoptée, il faudra renoncer pour le moment
à toute voie de communication des Spelonken à la mer par le Limpopo.
Quant à la question de la navigation du fleuve lui-même, une explora-
tion en bateau permettra seule de la résoudre. — D'après le Natal Mer-
niry, le petit vapeur, Maud^ de 15 tonnes, capitaine Ghadwick, chargé
d'explorer les rivières de la côte orientale d'Afrique, à l'embouchure
desquelles ne se rencontrent pas d'obstacles, commencera ses études par
le Limpopo.
— 80 —
Diaprés la nouvelle CMinvention entre l'Angleterre et le Trans-
vaal, ce dernier état portera le nom de « République sud-africaine. » Il
n'y aura plus à Pretoria de résident anglais chargé de défendre les inté-
rêts des tribus indigènes ; mais la république ne pourra conclure, sans
le consentement de la reine, aucun traité ni convention directe avec
aucune nation étrangère ou avec une tribu indigène quelconque établie
à l'est ou à l'ouest des territoires de la république, à l'exception de
l'État Libre de l'Orange. De nombreuses stipulations garantissent la
liberté religieuse, la suppression de l'esclavage, la prohibition des droits
différentiels. La frontière occidentale de la république sera étendue jus-
qu'à l'est de la route qui conduit de la Colonie du Cap à l'intérieur, de
Barkley à la rivièi*e Molapo. Quant à cette route elle-même, au
6e-Ghuanaland et aux territoires de Mankoroane et de Montsiva, ils
dépendront d'un nouveau protectorat colonial, à la tête duquel sera
placé, comme résident, le successeur du D' Mofifat chez les Be-Chuana,
le Rev. Mackenzie, appelé à défendre, dans les négociations avec les
délégués du Transvaal, les intérêts des deux chefe susmentionnés.
L'Angleterre a voulu maintenir ouverte la route par laquelle les Be-
Chuana se pourvoient d'armes et de munitions, en échange de l'ivoire,
des plumes et des peaux qu'ils fournissent à la Colonie du Cap; cela
lui assure le commerce de toute cette région jusqu'au Zambèze.
Les missionnaires auiéricains de Baïlounda se sont établis
pendant quelque temps à Ochiloumbou au pied des montagnes Bleues,
pour mieux apprendre la langue des indigènes; à 16 kilom. au N.-O.
s'élève la montagne du roi, et vere l'est, une autre chaîne séparée de la
précédente par les vallées de la Kouléli et de l'Oukié, dont le cours est
marqué par une ligne de verdm-e plus fraîche. Ces vallées sont parsemées
de bouquets de bois qui indiquent l'emplacement des villages ; au milieu
d'un de ces bouquets de bois, se trouve un énorme remblai, dont les
indigènes disent qu'autrefois, il y a longtemps, des blancs y firent des
constructions, puis, que beaucoup d'indigènes allèrent avec ces hommes
à Beuguéla d'où ils ne revinrent jamais. Il est probable que c'étaient des
trafiquants d'esclaves, car la population est généralement défiante à
l'égard des blancs. Néanmoins les missionnaires ont été invités à bâtir
et à enseigner aux enfants à lire et à écrire. Mais MM. Sanders et Fay
ont dû auparavant se rendre à Bihé, après avoir obtenu que le roi
Kouikoui de Baïlounda consentît à leur départ. Il leur a de plus offert
l'aide de ses gens pour le cas où ils voudraient bâtir à Bihé.
Depuis longtemps il était question de négociations pendantes entre le
Portufi^al et l'Ang^leterre au sujet des droits de souveraineté que le
— 81 —
premier de ces États prétend avoir, au nord de la province d'Angola,
d'Ambriz au 5° 12', sur la partie de la côte occidentale où se trouve l'em-
bouchure du Congo. Tout ce que le public savait c'est que l'Angleterre,
qui jusqu'ici avait refusé de les reconnaître, se préparait à conclure un
traité qui, toutefois, ne pourrait être ratifié qu'après avoir été accoté
par le Parlement. Le traité a été conclu le 26 février, mais le Bliie Book
qui renferme la correspondance échangée entre les deux gouvernements,
et dont nous avons reçu un exemplaire, n'indique pas les raisons qui
ont amené le Foreign-Office à le signer ; lord Fitzmaurice, sous-secré-
taire d'État aux affaires étrangères les a exposées dans .une lettre adres-
sée au président de la Chambre de commerce de Manchester ; mais nous
ne la connaissons pas encore. Nous devons donc nous borner à mention-
na les principales dispositions de ce traité, qui paraît devoir provoquer
une vive opposition en Angleterre et en Portugal tout d'abord, et ensuite
dans les États les plus intéressés à conserver la libre entrée de leurs
marchandises au Congo : la France, la Hollande, l'Allemagne et les
États-Unis.
!• L'Angleterre accepte la souveraineté du Portugal sur le territoire
compris entre le 5° 12' et le 8° lat. S. La frontière orientale coïncide
avec les frontières actuelles des tribus riveraines ; sur le Congo elle est
fixée à Noki.
2' Ce territoire sera ouvert aux étrangers de toutes les nationalités,
qui jouiront des mêmes avantages que les Portugais : liberté d'aller et
de venir, de résider, d'établir des factoreries, d'acheter, vendre ou louer
des maisons, de commercer en gros et en détail, soit directement, soit
par l'intermédiaire d'agents.
3* Liberté absolue du commerce et de la navigation sur le Congo, le
Zambèze et leurs afiluents est garantie à tous les pavillons.
4"" Le commerce et la navigation ne feront l'objet d'aucun monopole,
ni ne seront astreints à aucuns droits sauf ceux indiqués dans le traité
ou ceux dont pourraient convenir les parties contractantes. Une com-
mission anglo-portugaise sera chargée de rédiger un règlement pour la
navigation, la police et la surveillance du Congo ; elle pourra fixer des
droits spéciaux pour ses propres dépenses, pour les travaux d'aménage-
ment des ports, etc.
5*" Les marchandises en transit ne seront assujetties h aucuns droits.
6" La circulation sur toutes les routes sera libre.
7" Protection est garantie aux missionnaires et aux ministres de tou-
tes les nations et de tous les cultes.
— 82 —
8"* Les traités contractés avec les indigènes seront respectés.
9"" Le tarif des douanes adopté pour dix ans est celui de la province de
Mozambique.
lO"" En tout état de choses, est garanti à TAngleterre le traitement de
la nation la plus favorisée.
Telles sont les stipulations générales de ce traité, dont un article
encore est relatif à la traite sur les côtes occidentale et orientale d'Afri-
que. Ce document va faire l'objet des discussions du Parlement anglais
et des Certes à Lisbonne. Nous apprendrons vraisemblablement pour
quelles raisons le Portugal s'est absolument refusé à adopter l'idée
d'une commission internationale du Congo analogue à celle du Danube,
idée préconisée par le cabinet britannique ; et pour quels motifs le gou-
vernement anglais a accepté, pour les marchandises anglaises, le tarif dit
de Mozambique de 1877, qui établit entre autres les droits suivants :
6 7o ^ valorem sur les fers, 10 Vo ^ valorem sur les lainages, soieries
et tissus mélangés, et sur certains tissus de coton, et 10 7o ^ valorem
sur d'autres sortes de cotonnades. Il est vrai que, dans sa lettre au pré-
sident de la Chambre de commerce de Manchester^ lord Fitz Maurice
dit qu'on revisera les droits relatifs à certains tissus de coton, eu égard
à leur bas prix au Congo, et à la baisse considérable qu'il y a aujour-
d'hui sur ce genre de marchandises. Mais on comprend que les États
qui importaient jusqu'ici leurs marchandises au Congo en franchise et
sans contrôle, et qui sont représentés dans le territoire susmentionné
par de nombreuses factoreries, ne soient pas disposés à reconnaître ce
traité. M. Bourke a déjà annoncé à la Chambre des communes qu'il
proposera une résolution portant, qu'aucun traité prohibant le commerce
sur le Congo ou imposant des droits là où il n'y en a pas eu jusqu'ici, ne
peut être sanctionné par le Parlement. Les chambres de commerce hol-
landaises ont demandé au cabinet de La Haye d'agir afin d'empêcher la
ratification du susdit traité. Le Sénat des États-Unis a été saisi d'une
motion proposant d'inviter le président Arthur à entrer en négociations
avec les autres puissances, pour arriver à un accord sur toutes les ques-
tions relatives à la libre navigation et à la liberté du commerce sur le
Congo, ses tributaires et les rivières adjacentes. Nos lecteurs n'ignorent
pas qu'une proposition semblable a été présentée par M. 6. Moynier,
directeur de V Afrique, dans la session de l'Institut de Droit internatio-
nal, à Munich, en septembre de l'année dernière, et adoptée conmie
vœu à transmettre aux diverses puissances, en y joignant à titre d'infor-
mation le mémoire de l'auteur de la proposition, publié dans notre jour-
nal (IV"' année p. 272).
— 83 —
Quoique lord Fitz-Maurice ait dit à la Chambre des communes, qu^à
sa connaissance il n'y avait pas de station de rÂssociation internatio-
nale dans les territoires qui sont Tobjet du traité anglo-portugais, nous
ne pensons pas que le Comité d'Ëtudea du Haut-Con^o l'accepte
sans réserve. Nous croyons que Mboma et Noki servent de dépôts de
matériel pour ses établissements du haut-fleuve. Quoi qu'il en soit, le
nombre de ses stations augmente. Stanley en a établi jusqu'aux cata-
ractes qui portent son nom. Il a en outre exploré l'Arououimi et Ta
reconnu navigable. Mais les Arabes de Nyangoué se sont avancés
vers Touest; ils ont envoyé des caravanes pour se procurer de Tivoire et
des esclaves, et ont ravagé tout le pays jusqu'à rArououimi. Leur prin-
cipale caravane était composée de 900 hommes avec 1800 enlEuits pri-
sonniers. — L'Association internationale a engagé à son service, pour le
Congo les explorateurs Massari et Buonfanti, ainsi qu'un officier et un
ingénieur suédois.
La mission de Savorn^nan de Brazza se développe aussi. Le doc-
teur Ballay, qui a précédé sur le Congo le chef de l'expédition, a heu-
reusement accompli l'exploration de l'Alima, qui, dans son cours infé-
rieur, porte le nom de M'Bossi. D'après les observations de M. Ballay,
son confluent avec le Congo est par l'' 33' lat. S. et W S' long. E., ce
qui reporte de 3"^ à l'ouest (?) le cours du Congo, tel qu'il a été tracé
sur la carte de Stieler d'après les premières observations de Stanley.
De Franceville, Brazza avait envoyé à Brazzaville quelques éclaireurs
qui ont été plus ou moins bien accueillis dans les villages des Apfourous ;
toutefois il n'y a pas eu d'actes d'hostilité ouverte. Makoko est resté
fidèle à ses premiers engagements. A Bolobo, station du Comité d'Étu-
des du Haut-Congo, on s'est battu deux fois en 1883. Les éclaireurs de
Brazza ont passé à un kilom. du poste sans, y remarquer signe de vie ;
le commandant, M. Brunfairt, Belge, ne peut en sortir à cause de l'hos-
tilité des naturels. En cet endroit le fleuve a la largeur d'un lac ; l'ayant
traversé, les éclaireurs reçurent l'hospitalité du chef ba-téké, Mpomo,
et de Nganchou. Le poste de l'embouchure de l'Ibari-Nkoutou leur parut
abandonné ; ils y trouvèrent cependant un officier suédois souffrant de la
fièvre. A la date du 27 décembre, de Brazza était à Lekeli, sur un affluent
de l'Alima, dans une région très riche, avec les habitants de laquelle il
avait établi les meilleures relations.
Aux dernières nouvelles de Brazza n'était donc pas encore arrivé
chez Makoko; cela n'a pas empêché VAfrican Times de publier, dans
son numéro du 1*' mars, les lignes suivantes : a M. de Brazza, le rival de
— 84 —
Stanley daus Texploratioii africaine, vient de £Eiire un coup bien habile.
Il a fortifié la position de la France danis la Guinée inférieure, en épou-
sant la fille du roi de cette région, Makoko! Le mariage de M. de
Brazza doit vraisemblablement avoir un côté politique. »
Le D' Bayol» lieutenant-gouverneur du Sénégal pour la partie méri-
dionale de la colonie, a réussi à rétablir de bonnes relations avec les
indigènes, et à rendre la confiance aux traitants français de la Mellaco-
rée et du Rio-Pongo, qui craignaient une attaque de la part de Bokary,
Talmamy du Foutah-Djallon. Ce dernier a demandé une entrevue au
D' Bayol, et lui a fait exprimer son désir de vivre en paix avec les Fran-
çais. De nouvelles caravanes sont venues aux factoreries du Rio-Pongo.
Le lieutenant-gouverneur a aussi pacifié le Rio-Nunez, où deux chefe se
faisaient une guerre acharnée. Après les avoir amenés à conclure la paix,
il a obtenu pour la France la cession d'un petit territoire d'une quinzaine
de kilomètres de long sur deux de large, très fertile, sur lequel des
factoreries pourront être établies dans d'excellentes conditions.
Le ministre de la marine a reçu des nouvelles du D' Collin, envoyé
par le gouverneur du Sénégal en mission dans la région encore peu con-
nue de la haute Falémé et du Bafing. L'explorateur était, en janvier, h
Easdoma, dans le Diébédougou, à 140 kilom. de Bafoulabé, et à 180 de
Médine. Ce pays passe pour être aussi riche en or que le Bouré, dont il
est à une douzaine de jours de marche. Mais l'exploitation en est faite
par les indigènes dans les conditions les plus rudimentaires. Le Diébé-
dougou produit en outre du mil, des arachides, du riz, du caoutchouc,
une soie végétale, etc. Tandis que dans les pays voisins le bétail est
continuellement décimé par les épizooties, lés bœufe s'y portent très bien
toute l'année. Actuellement les indigènes, n'ayant pas d'écoulement
pour le surplus de leurs récoltes, ne cultivent que pour leurs besoins
personnels ; mais lorsque des relations suivies seront établies entre ce
pays et la colonie du Sénégal, le commerce trouvera, dans le Diébédou-
gou et dans les pays qui l'entourent, d'importants débouchés.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Le BuUetm de renseignements coloniaux annonce que dix médecins militaires de
l'armée d'Afrique ont formé une association pour rétablissement de colons fran-
çais dans le district de Saïda^ à 171 kilom. au sud d'Oran. Chacun des sociétaires
fournit un capital de 6000 fr. et la Société fera construire d'une manière économique,
— 85 —
mais dans les meilleures conditions d'installation, des maisons qu'elle cédera ensuite
au prix de revient à des colons venus de France.
Appuyé par la Société de géographie de Paris, M. Buscalioni s'est engagé à faire
un voyage dans le pays des Touareg.
Une mission ayant à sa tête M. Hérand, ingénieur hydrographe, chargée de faire
des études géodésiques, s'est embarquée le 10 mars à Marseille pour la Tunisie.
Le ministère français de la marine a décidé de supprimer la direction des ports
de Tabarca et de Bizerte en Tunisie, de maintenir définitivement celle des ports
de la Goulette et de Sfax, et provisohrement celle du port de Souza.
Le général Bacouch, grand propriétaire en Timisie, encourage, dans un domaine
de plusieurs milliers d'hectares, la culture de la rande, plante importée de Java et
qui peut remplacer le coton d'Amérique.
Un voyageur hollandais qui voulait explorer la Tripolitaine au point de vue de
la flore, et aussi visiter le désert et étudier la vie des Arabes de cette région, a dû
y renoncer, le pacha de Tripoli lui ayant refusé un sauf-conduit, sous prétexte que
l'intérieur n'est plus sûr depuis que des bandes de Tunisiens se sont réfugiés sur
son territoire. "^
M. Lagarde a été chargé de procéder à la délimitation du territoire d'Obock, de
concert avec M. Ck>nneau, commandant de VInfemet, et une commission égyptienne.
Ce même bâtiment a emmené les membres d'une mission scientifique envoyée au
Choa; elle porte des présents au roi Ménélik. — Le ministre de la marine a passé
avec la Compagnie des steamers de l'Ouest un contrat pour l'établissement d'un
dépôt de charbon et d'approvisionnements à Obock. — D'après une déclaration de
lord Fitzmaurice à la Chambre des Communes, le gouvernement anglais a placé
sons son protectorat la baie de Tadijoura ; nos lecteurs se rappellent que cette baie
a été vendue l'année passée par son possesseur à une société française.
Une mission anglaise à la tête de laquelle est un officier anglais va se rendre à
Harrar, qui appartient encore à l'Egypte.
Le résident britannique d'Aden a fait visite au sultan de l'île de Socotora, où
il est question de construire un phare. Un officier de la marine anglaise est chargé
de déterminer l'emplacement le plus convenable.
Le ministère italien de l'agriculture, de l'industrie et du commerce a accordé
un subside de 1000 francs à la Société africaine de Kaples pour l'année courante.
D'après le journal arabe Nausaret^ le négous a ordonné au gouverneur d'Axoum
de tenir prêtes des provisions, des bêtes de trait et des bêtes de somme, ainsi que
des munitions, pour qu'il les trouve à son passage en se rendant avec son armée
à la céte, pour y prendre possession des territoires que l'Egypte lui a enlevés.
Les deux frères Denhardt, déjà connus par de précédentes explorations, prépa-
rent une expédition à la Dana, qu'ils remonteront pour atteindre le Eénia.
KM. Lindner et von der Brooek, au service de l'Association internationale afri-
caine, sont partis de Zanzibar pour le Congo, emmenant avec eux 200 nègres, afin
d'y remplacer ceux dont l'engagement est expiré.
— 86 —
M. James Roxburgh, ringéniear chargé d'accompagner les sections du vapeur
la Boïme NouveUe, a annoncé à la Société des missions de Londres son heureuse
arrivée à Liendwé, sur les bords du Tanganyika, endroit désigné pour remonter le
steamer. Il y a rencontré le capitaine Hore et M. Swann, qui ont immédiatement
commencé la reconstruction du bateau.
M. J. Stewenson a choisi, comme successeur de M. J. Stewart, M. W.-O. M'Evan,
jeune ingénieur qui, après avoir suivi le cours donné pour les voyageurs sous le
patronage de la Société de géographie de Londres, est parti pour le Nyassa le 26
février. — Le Rev. Bain est arrivé avec M. et M'^^ Scott à Bandaoué. De lit,
M. Bain s'est rendu avec le professeur Drummond à Maliouandou, pour chercher
un emplacement favorable à une nouvelle station missionnaire chez les Ghoungou.
~ Après neuf ans de service, le D' Laws et sa femme ont dû quitter le Nyassa
pour venir se reposer en Europe.-- La mission des Universités va faire construire,
pour la côte orientale du Nyassa, un steamer qui portera le nom de Charles Jansonj
le missionnaire décédé récemment.
La ligne anglaise Donald Currie a inauguré un service mensuel entre l'Angle*
terre et Maurice' ar le Cap de Bonne-Espérance, avec relâche à Natal et à Tama-
tave. Cette ligne a une correspondance sur la Réunion.
Le major Machado, qui était à Pretoria avec les ingénieurs portugais pour faire
le tracé du chemin de fer sur le territoire du Transvaal, a reçu de Lisbonne l'ordre
de se rendre à Lorenzo-Marquez, pour y conférer avec les ingénieurs envoyés par
le gouvernement portugais, afin de commencer les travaux, de la baie de Delagoa
à la frontière du Transvaal. On comptait mettre la main à l'œuvre vers la fin
d'avril. — M. Machado a découvert dans les monts Lebombo plusieurs passages
faciles. — La construction de la ligne a été définitivement concédée à une banque
de Lisbonne et au Comptoir d'escompte de Paris. — n est question de faire de
Lorenzo Marquez une province indépendante de celle de Mozambique, sous les
ordres directs du gouvernement de la métropole; M. Machado en serait le gou-
verneur.
D'après le Natal MereantUe AdverHser, le gouvernement allemand a chargé
M. A. Schultz, de Durban, de faire une exploration en vue d'établir une série de
stations de commerce jusqu'au Zambèze et au Congo; il doit s'a^oindre un arpen-
teur et un géologue.
Le journal la Ntxture^ de Londres, annonce que le gouvernement anglais a télé-
graphié aux autorités de la Colonie du Cap, pour les engager à exempter des droits
d'entrée les bagages de l'expédition du D' Holub.
La Société de géographie de Londres a chargé M. E.-G. Ravenstein, qui a acheyé
la carte de l'Afrique équatoriale orientale, d'en faire une semblable de la partie
occidentale.
Le D' Zintgyoff, de Berlin, engagé par l'Institut géographique de Bruxelles, ira
rejoindre le D' Chavanne au Congo. Ses recherches devront porter particulièrement
sur l'ethnographie et l'anthropologie.
— 87 —
Le gouTernement anglais a autorisé le colonel Devintdn et le lieutenant-colonel
Hart à se rendre au Congo pour le compte du roi des Belges.
Une lettre de M. Kogozinski du 10 janvier nous apprend que, dans son expédi-
tion à l'intérieur, il a découvert le cours supérieur du Mungo et ses cataractes,
deux lacs dans la région du partage des eaux du Cameroon et du Calabar, et le
cours supérieur ainsi que. les sources du Rio-del-Rey. Mais la tribu des Ba-Faran-
gaya, qui voulait conduire chez elle l'explorateur, ayant été battue par les Mo-
kouyé, M. Rogozinski a dû regagner Ptle de Mandaleh.
Malgré le mauvais vouloir des indigènes, les commissaires anglais et français
chargés de fixer les limites des territoires des deux pays sur la Côte d'Or ont ter-
miné leurs travaux. Le roi de Einjaboe a pris une attitude si belliqueuse que les
commissaires anglais ont dû se faire protéger par un détachement en armes. Au
départ du courrier, la situation sur la Côte d'Or était des plus troublées, et l'offi-
cier anglais qui commande à Axim réclamait la présence d'un navire de guerre.
Le lieutenant Lenoir, commandant du poste de Sedhiou, est chargé d'explorer le
Firdou, qui s'étend de la Gambie aux sources de la Cazamance, et qu'un traité
récent a placé sous le protectorat de la France.
MM. Taylor et Jacques, missionnaires à Saint-Louis, ont fait dans le Oualo,
habité pftr des Wolofs musulmans et par des émigrants bambaras, un voyage de
reconnaissance en vue de l'extension de leur champ d'activité.
^ La construction de la voie ferrée de Kayes à Bafoulabé est poussée avec activité,
sans rencontrer d'opposition de la part des indigènes.
Une expédition américaine est partie des lies Canaries pour le cap Blanc, avec
l'mtention d'y établir une factorerie.
La Société de géographie de Barcelone a chargé M. Jîmenez, qui a déjà exploré
l'intérieur du Maroc et la côte au sud de Mogador, d'une expédition sur la côte du
RifF. Le voyageur a débarqué au cap Aguas et pénétrera dans le Riff par la vallée
d'El-Moluya.
Le consul français à Tanger a interdit aux sujets français et aux musulmans
placés sous sa protection d'acheter, de vendre ou de posséder des esclaves au
Maroc. Son exemple a été suivi par les représentants des autres puissances.
Le gouvernement espagnol a approuvé l'établissement d'une ligne postale de
vapeurs entre Tanger et Tarifa. — Une société espagnole demande la concession
d'un cAble sous-marin entre ces deux points.
CIMBÉBASIE ET HOTTENTOTIE
(avec carte)
L'acquisition, par la maison Ltlderitz, de Brème, de la baie d'Angra-
Pequena et du territoire qui Tavoisine, ainsi que Tautorisation d'y
— 88 —
arborer le pavillon de TEmpire allemand, ont récemment attiré l'atten-
tion sur la partie de TAfrique à laquelle on donne généralement les
noms de Hottentotie et de Cimbébasie, et qui, jusqu'ici, est demeurée en
dehors des grandes voies par lesquelles on a cherché à faire pénétrer la
civilisation dans Tintérieur du continent. Non pas que ce pays immense,
qui s'étend sur U"" de latitude, des deux cStés du tropique du Capri-
corne, du fleuve Orange au Cunéné, entre la colonie du Cap et les
possessions portugaises, et de l'Atlantique au pays des Be-Chouana,
soit demeuré inexploré ou livré à la barbarie. Au contraire, depuis plus
de 50 ans, les missionnaires de la Société rhénane en ont fait un de leurs
principaux champs de travail ; plusieurs d'entre eux, MM. Hahn, Rath,
Bôhm, en particulier, l'ont exploré dans des directions diverses, et après
eux, pendant ces dernières années, le P. Duparquet en a étudié spécia-
lement la partie septentrionale, tandis que l'ingénieur Andersen faisait
le relevé et dressait la carte de tout le pays compris entre l'Atlantique, le
Transvaal, le fleuve Orange et leZambèze.
Il nous a paru que le moment était venu de présenter à nos lecteurs
ce que ces différents explorateurs nous ont fait connaître de cette partie
de l'Afrique, où se fonde la première colonie allemande, et où les
missionnaires allemands travaillent depuis si longtemps, en accompa-
gnant notre exposé d'une carte rédigée d'après les travaux cartographi-
ques les plus récents, et surtout d'après la carte d'Anderson, que vient de
publier la Société de géographie de Londres.
Ce vaste territoire n'est habité par des indigènes de race hotten-
tote que dans sa partie méridionale, la plus voisine du fleuve Orange, où.
se sont établis les Grands-Namaqua, refoulés du sud par les Européens,
tandis qu'au nord les plateaux du Damaraland et de l'Ovampo sont
peuplés de noirs appartenant à la race bantoue, et qu'à l'est les
Bushmen sont disséminés dans le désert de Ealahara*.
Il semble que le voisinage de l'Atlantique aurait dû faire de la zone
côtière une région humide, arrosée par les vapeurs qu'y transporte la
brise de mer, et couverte d'une végétation tropicale. Mais la nature
des eaux de l'Océan, et celle du sol de la terrasse qui le borde, s'oppo-
sent à ce qu'il en soit ainsi. Les eaux de la partie de l'Atlantique qui
longe la côte, refroidies jusqu'à l'embouchure du Cunéné par le courant
^ Nous adoptons cette ortographe au lieu de celle de Ealahari, d'après Anderson,
Pauteur le plus autorisé, qui dit que la prononciation de ce mot correspond à
celle de Namaqua, Damara, etc.
— 89 —
polaire antarctique, fournissent, il est vrai, un séjour agréable à une
multitude de poissons, même aux baleines qu'il n'est pas rare de voir
jouer dans ces parages. Mais les vapeurs, dont l'air se sature bien vite,
ne servent pas à arroser la zone côtière. Celle-ci en effet est composée,
au moins dans sa partie méridionale, et sur une largeur d'une centaine
de kilomètres, d'un sable que le soleil surchauffe, et les vapeurs de
l'Atlantique en passant sur lui, s'échauffent si rapidement qu'il ne peut
être question de pluie, ni de condensation quelconque pour l'irrigation.
La première terrasse littorale se présente, dans sa partie méridionale,
conmne une vaste plaine, sans verdure ni végétation arborescente, s'éle-
vant insensiblement vers l'intérieur, d'où ne descendent à l'Océan que
quelques tributaires d'une certaine importance : le Petit-Orange, dans
la baie d'Angra-Pequena, le Kuisip, le Swakop et l'Omarourou, dans le
voisinage de Walfish-bay, et un peu plus au nord, l'Ougab et le Houab ;
encore, grâce à l'énorme évaporation produite par la chaleur solaire, ces
rivières n'ont-elles de l'eau qu'une partie de l'année. Le long des der-
niers cours d'eau susmentionnés, s'élèvent, non pas des chaînes de
montagnes proprement dites, mais des monts détachés, dont la hauteur
varie de 1000"* à 3000" environ : le Quanwas, près de la côte, a 1 100*",
et rOmataka, aux sources du Swakop, atteint 2975 mètres.
A la côte, les seuls groupes de population se trouvent autour de Wal-
fish-bay. Quant à Angi'a-Pequena, jusqu'à ces dernières années, on n'y
voyait que de temps à autre arriver un petit nombre deHottentots, qui
venaient faire quelques échanges de peaux, d'ivoire et de plumes d'au-
truche, avec les navires envoyés aux îles des Requins et des Pingçuins,
situées au-devant de la baie dont elles garantissent l'entrée contre les
vents du nord. Ces îles sont des stations de pêche, et, depuis un certain
nombre d'années, des compagnies de Capetown y exploitent les couches
de guano dont elles sont recouvertes.
A mesure que l'on s'élève vers la terrasse supérieure du plateau cen-
tral, la verdure remplacé avantageusement le sable brûlant de la zone
littorale. Peu abondante encore dans le Namaqualand, elle l'est beau-
coup plus dans le Damaraland, où elle fournit un excellent fourrage aux
nombreux troupeaux des Héréro. Plus au nord, dans l'Ovampo, arrosé
par les ovnaramhas que remplissent les crues du Cunéné, et dont le prin-
cipal unit à ce fleuve le lac Etosha, elle est si riche et si fraîche, qu 'An-
dersen décrit ce pays comme une des plus belles parties de l'AMque :
montagnes pittoresques, clairières ouvertes, districts bien boisés, sol
fertile pom* les céréales, climat sec et salubre, tout s'unit, paraît-il, pour
— 90 —
en faii-e une contrée des plus agréables à habiter. Les indigènes très noirs,
bien proportionnés, laborieux et industrieux, ont de grands ti'oupeaux
de bœufs, de moutons et de chèvres ; en outre ils cultivent des champs
de blé d'une grande étendue.
D'après le P. Duparquet, un des royaumes de TOvampo ne compte
pas moins de 60,000 à 80,000 habitants ; il s'étend du Cunéné au Cou-
bango, et a pour roi un jeune homme de 18 à 20 ans, nommé Nambadi,
qui vient de succéder à son onde Eipandeka. Ce monarque a un vif
désir de s'instruire et d'introduire la civilisation dans son pays.. Il a
donné aux missionnaires un vaste terrain, couvert d'arbres fruitiers, pour
fonder une statioii près de sa résidence, et les a pourvus de guides pour
les accompagner jusque chez les Âmboellas^ qui habitent entre le Cou-
bango et le Zambèze supérieur, oîi ils veulent s'établir pour initier les
indigènes aux arts et métiers les plus nécessaires à la vie, ainsi qu'aux
perfectionnements des travaux de l'agriculture.
Au sud de l'Ovampo, s'étendent les plateaux du Damaraland et du
pays des Grands-Namaqua, séparés de la terrasse littorale par une arête,
au-dessus de laquelle s'élèvent, dans le voisinage de Barmen et de
Rehoboth, des pics de 1500 mètres à 2500 mètres. Inclinés du nord au
sud, ils sont drainés par deux grands cours d'eau, la Rivière des Grands
Poissons et le Hygap, tributaires de l'Orange, par lequel ils sont ratta-
chés au bassin de l'océan Atlantique. Les sources de la première sont
situées près du mont Awas, qui s'élève à une hauteur de 2100 mètres ;
elle court à peu près parallèlement au méridien, et ne reçoit de l'Est
aucun affluent* important ; en revanche, plusieurs tributaires, dont le
plus considérable est le Amhup, lui amènent les eaux des montagnes de
l'ouest. A en juger par la grandeur de son lit, le pays a dû recevoir
autrefois beaucoup plus de pluie que maintenant, car il est profond,
large, et rempli de rochers qui indiquent combien le courant a dû être
jadis rapide et puissant. Dans son cours inférieur, son bassin est uni à
celuif du Hygap, par la Back-River, dont les sources se trouvent près des
monts Brinus, et dont les eauxfs'écoulent, en partie à l'ouest, dans la
Rivière des Grands-Poissons, et en partie à l'est, dans le Hygap.
Celui-ci est le plus long des cours d'eau de cette région. H prend sa
sourcejau centre des montagnes du Damaraland, et porte, dans son
cours supérieur, le nom d'Omouramba. D reçoit de l'ouest les deux
Nosops, noir et blanc, qui drainent la partie S. E. du Damaraland, puis
la rivière des Éléphants, qui lui apporte les eaux du Namaqualand
septentrional.
— 91 —
Toute cette zone, dont la partie N.-E. appartient à ce que Ton appelle
d'ordinaire le désert de Kalahara, est couverte d'épaisses forêts, sépa-
rées par de vastes étendues de plaines herbeuses. Plusieurs autres cours
d'eau peu profonds traversent le désert, mais Teau n'y demeure toute
l'année que dans des étangs ; pendant la saison pluvieuse, de décembre
en mai, elle coule avec abondance, mais ensuite on ne peut l'obtenir
qu'en creusant dans le lit de ces rivières. A une trentaine de kilomètres,
au sud de Meer, se trouve le lac Hogskin, de 50 kilomètres de longueur,
alimenté par trois rivières qui le remplissent après de fortes pluies, mais
il est fréquemment à sec. Au sud s'élèvent deux collines de forme coni-
que, de 140 mètres de hauteur, visibles de loin, entourées de forêts, et
qui ajoutent beaucoup à la beauté du paysage. M. Andersen a trouvé de
la houille sur les bords des rivières et sur les flancs de ces collines.
A l'époque des pluies la végétation de cette partie du désert est
magnifique, l'herbe fine et belle, le gibier abondant, les lions, les
léopards et beaucoup d'autres espèces appartenant à la race féline s'y
rencontrent; c'est un vrai parc aux lions ; Andersen en a vu une fois 22,
grands et petits, en une seule troupe, et souvent au milieu du jour, à
peu de distance de ses wagons, six ou sept se rendant à la pièce d'eau
près de laquelle il avait dételé. C'était aussi autrefois le grand district
des autruches; le même explorateur en a vu, un matin de bonne heure,
une troupe de plus de 200, qui s'éloignèrent en apercevant ses wagons ;
elles disparaissent actuellement devant les flèches des Bushmen et le
fusil des chasseurs blancs. Ce désert a été considéré comme une contrée
désolée et sans intérêt, mais il n'en est pas ainsi ; il est vrai qu'il y a
des parties que l'on ne peut pas traverser pendant la saison sèche ;
plusieurs voyageurs qui ont voulu y pénétrer ont été obligés d'en sortir,
y laissant wagons et bœufe, faute d'eau. Cependant ces vastes plaines
entourées de dunes de sable «et le silence qui y règne, les pics des mon-
tagnes qui bordent l'horizon, la variété de gibier que l'on aperçoit
dans toutes les directions, l'isolement de cette position à 400 kilomètres
de toute habitation européenne, le voisinage de quelques familles bush-
men qui vivent de la vie primitive de leurs ancêtres, tout cela n'est pas
sans un certain charme.
Le trait le plus caractéristique du pays ce sont les dunes de sable sus-
mentionnées. Elles s'étendent de l'ouest à l'est sur une longueur de
plusieurs kilomètres, et varient d'altitude de 15 mètres à 60 mètres.
Leur base est formée d'un calcaire foncé couvert de sable ; leur pente est
d'environ 30**. Andersen les compare à une mer oragease, avec des
-- 92 —
vagues gigantesques, subitement changées en sable. Sur les iiancs crois-
sent beaucoup d'arbustes, de buissons et aussi une belle herbe. Il y a de
petites sources et des étangs dans quelques-unes des dépressions, sans
cela personne ne pourrait y passer, parce que la route à travers ces
dunes a 50 kilomètres de longueur, puis viennent 12 kilomètres à faire
sur le calcaire, et de nouveau des dunes de sable.
A peu près sous la latitude du lac Hogskin, le Hygap reçoit de Test
le Kourouman et le Molapo qui, dans leur cours inférieur, traversent un
pays inhabité par suite du manque presque absolu d'eau pendant huit
mois de Tannée.
La partie septentrionale du désert de Kalahara est semée d'étangs
et de lacs dont le plus considérable est le lac Ngami. Situé dans une
dépression du plateau central, il forme un bassin intérieur, dans lequel
se versent les eaux du Coubango, et une partie de celles du Chobé qui,
dans le voisinage deLynianti, est exactement à la même altitude que le
Ngami (938 mètres). La Zouga qui unit celui-ci au lac Makarakara, lui
sert tantôt d'émissaire et tantôt d'affluent, suivant la quantité de pluie
qui tombe sur les montagnes, à l'ouest ou à l'est de ce désert.
Les Bushmen sont à peu près les seuls habitants de cette partie de
l'Afrique ; ils vivent dans des grottes, dans les bois, ou dans de petits
kraals. Quelques individus des tribus frontières vont y chasser, mais n'y
restent pas; on peut les voir par petits groupes, traversant le désert,
avec un ou deux bœufs chargés de gibier et dé plumes, résultat de leur
chasse, ou de leur vol au détriment des Bushmen qu'ils peuvent avoir
surpris. Dans ses voyages à travers le désert, Andersen s'est toujours
fait accompagner par plusieurs Bushmen Méséré et leurs familles, qui
le conduisaient aux lieux où se trouvait de l'eau, endroits qu'il n'aurait
jamais explorés sans eux. Si on les traite bien, ils vous aident volontiers
de toutes manières.
En général la taille des Bushmen ne dépasse pas 1 mètre 40; leurs
bras et leurs jambes sont d'une maigreur excessive; la peau, même chez
des personnes jeunes, est plissée ; les cheveux laineux forment de petites
touifes, entre lesquelles apparaît la peau jaune de la tête. Ne cultivant
pas la terre et n'élevant point de bestiaux, ils n'ont pour toutes
ressources que le produit de la chasse et du vol. Armés de leur arc et de
quelques douzaines de flèches, ils errent dans les solitudes; s'ils peuvent
se glisser inaperçus dans le voisinage d'un troupeau de moutons, ils en
prennent autant qu'ils {leuvent en chasser devant eux, les conduîseiit
— 93 —
dans leur retraite, les égorgent et se repaissent de leur chair. Ds en
consomment alors une telle quantité, qu'ils tombent dans un état de
prostration complète et s'endorment, pour recommencer à leur réveil.
Quand Téleveur surveille ses troupeaux, et que la chasse aux antilopes
u'ei^t pas fructueuse, le Bushmen se nourrit de serpents, de lézards, de
de sauterelles, de fourmis, et même de racines. La vie nomade lui plait
tellement que, jusqu'ici, tous les efforts des missionnaires et des philan-
thropes n'ont pu l'amener à renoncer à ses pérégrinations pour lui faire
adopter une vie sédentaire et laborieuse.
A Meer habitent des Bastards, descendants des premiers colons Boers
et de femmes hottentotes. Ils y ont établi une espèce de petite républi-
que, qui croît en importance chaque jour, et ils obligent les Bushmen à
leur servir d'esclaves. Leur magistrat, Dirk Philander, tient la cour une
fois par semaine.
Distincts des Bushmen, des Bastards et des Hottentots, les Bundles-
waarts et les Veltscoondrawers habitent la rive gauche du cours moyen
de la rivière des Grands-Poissons et de son affluent le Amhup. Ils sont
cultivateurs, emploient la charrue, élèvent des bœufs et des mou-
tons ; Lis vivent près des petites sources, le long des rivières où ils se
procurent de l'eau en creusant dans leur lit, et se transportent d'un
endroit à un autre à mesure que l'eau manquei- On trouve dans leur pays
du cuivre; vers le sud, dans le voisinage de l'Orange, plusieurs mines
sont exploitées.
Mais les deux peuplades principales du plateau qui sépare le désert de
Kalahara de la zone côtière, sont celles des Grands-Namaqua et des
Damara, auxquels se sont mêlés des Héréro venus du nord, il y a envi-
ron deux cents ans, et qui, sous leur roi Kamahéréro, forment l'élément
dominant. Les caractères des deux peuplades sont foncièrement diffé-
rents.
Les Namaqua,de race hottentote, au teint jaunâtre, sont intelligents,
bien doués pouf la musique, très accessibles aux impressions nouvelles.
Ils se sont appropriés très rapidement les besoins des Européens, quant
aux vêtements et aux aliments ; malheureusement aussi la passion de
l'eau-de-vie. Très habiles à la chasse, ils sont mauvais économes, et don-
nent peu de soin à l'élevage du bétail, qui cependant leur est indispen-
sable.
Les Héréro sont d'un caractère tout opposé. De race bantoue et tout
à fait noirs, ils sont calmes, réfléchis, et, se défiant de toute nouveauté,
ils ne subissent pas facilement l'influence des Européens. D'autre part,
— 94 —
quand ou a gagné leur confiance, ils se montrent ordinairement fidèles.
Ils sont voués sans réserve à l'élève du bétail, et leur langage est rempli
de mots qui s'y rapportent. Attachés outre mesure à leurs troupeaux de
bœufs, ils se laissent difficilement persuader de vendre quelque peu de
leur superflu. Leur opposition à l'influence des Européens les a fait
résister jusqu'ici à l'introduction de l'eau-de-vie parmi eux.
Les Namaqua étant moins riches en bestiaux que les Héréro du Dama-
raland, convoitent les bœufe de ces derniers, tandis que les Héréro
manquant de pâturages pour leurs immenses troupeaux, empiètent pres-
que involontairement sur les terres des Namaqua. H en résulte de temps à
autre des guerres entre les deux races. Nous avons parlé à plusieurs
reprises de la dernière guerre, qui dure depuis trois ans, et des efforts
faits par les missionnaires de la Société rhénane pour rétablir la paix
entre les deux peuples. Qu'il nous suffise de dire ici que, d'après le der-
nier numéro du journal de cette société, un des chefs namaqua, qui jus-
qu'à présent avait fait le plus d'opposition à la conclusion d'une paix
générale et définitive, s'est décidé à cesser sa résistance, et que les
négociations avec le chef suprême des Héréro sont en bonne voie.
Mais nous tenons à citer le témoignage que le D' Hôpfner, chargé
récemment par le gouvei%tement de l'empire allemand d'explorer le pays
entre le Cunéné et le fleuve Orange, au point de vue géologique et minier,
a rendu à l'activité civilisatrice des missionnaires de la susdite société.
Déjà à Okozondyé, la première des huit stations du Damaraland*, à
laquelle le voyageur s'arrêta en venant de l'Ovampo, il fut surpris des
soins donnés à la culture des arbres le long des cours d'eau, des palmiers
dattiers en particulier, des melons d'eau, des figuiers et de la vigne, ainsi
qu'à celle des légumes de diverses espèces qui réussissent très bien, et
des céréales que l'on sème dans le sol du lit des cours d'eau, immédiate-
ment après la saison des pluies. U en est de même, dit-il, dans toutes les
stations, a Sans doute les antiques coutumes et préjugés païens n'ont
pas encore entièrement disparu, mais les progrès dans la civilisation sont
manifestes. Les missionnaires ont développé chez les indigènes le désir
d'être vêtus, mieux logés, mieux nourris, ils leui* ont appris à cultiver le
blé, tandis qu'auparavant les Héréro ne vivaient que du lait de leurs
vaches, sans s'occuper d'agriculture. »
' Avant la guerre il y en avait 11; dans le Namaqualand leur nombre est des-
cendu de 9 à 7.
— 95 —
Les conditions du pays habité, au nord par les Héréro, au sud par les
Xamaqua, sont à peu près les mêmes ; toutefois il est à remarquer que
la nature du désert se fait de plus en plus sentir à mesure que Ton
s'avance vers le sud, où la zone littorale de sable s'élargit toujours
davantage.
Le plateau est salubre, mais, comme le dit encore le D' Hôpfner, ce
n'est pas un pays découlant de lait et de miel, ni qui puisse attirer
beaucoup de colons agriculteurs. En revanche, on y a constaté, sur une
foule de points, l'existence de gisements de minerai de cuivre, à travers
le pays des Grauds-Namaqua, le Damaraland, l'Ovampo, jusqu'aux pos-
sessions portugaises, sur une immense étendue en longueur, avec des
couches transversales qui pénètrent assez avant dans l'intérieur du pays.
On a conunencé à les exploiter dans le nord de la Colonie du Cap. Il y a
vingt-cinq ans, Q y eut à Capetown une véritable épidémie minière. De
nombreuses sociétés se formèrent, et pénétrèrent jusque dans le Dama-
i*aland. Presque toutes furent ruinées au bout de quelques années. Une
seule est restée debout, la « Cape Copper Mining Company limited, » à
Ookiep, au sud du fleuve Orange ; elle est devenue une des sociétés
minières les plus puissantes. Ses actions de 10 1. sterl., sur lesquelles
7 1. sterl. ont été versées, sont actuellement cotées à 56 1. sterl. à la
bourse de Londres. Depuis quelques années elle paye un dividende de
100 Vu environ. Elle a compris qu'une des premières conditions d'une
exploitation rémunératrice était la construction d'un chemin de fer, de
la côte à la mine, le transport par wagons à bœufe exigeant un parc
énorme de véhicules et d'animaux, pour lesquels l'eau et le fourrage
seraient très difficiles à se procurer, ce qui entraînerait de grands frais.
C'est, paraît-il, en vue de l'exploitation des gisements de minerai de
cuivre, que la maison Lûderitz a fait l'acquisition d'Angra-Pequena, et
a étendu sa concession primitive jusqu'à l'embouchure du fleuve Orange.
Sans doute les montagnes du pays des Grands -Namaqua n'ont pas
encore été beaucoup étudiées au point de vue géologique, mais le man-
que de terre végétale en beaucoup d'endroits permet de voir en les par-
courant, soit dans le Namaqualand, soit dans le Damaraland, de vastes
gisements à découvert. Le voyageur C.-G. Bttttner dit avoir cheminé
pendant une heure, au N.-O. de Behoboth, à travers un district oîi la
teinte verte de la roche révèle la présence du cuivre. L'entreprise de la
maison Lûdehtz revêtira donc un caractère minier; si son exploitation
est aussi lucrative que celle des mines de Ookiep, elle n'aura pas à
— 96 —
regretter d'avoir tenté de créer sur ce point de l'Afrique une colonie
allemande.
Nous ne pensons pas que le caractère allemand donné à l'établissement
d'Angra-Pequena par l'autorisation d'y arborer le drapeau de l'Empire,
puisse donner lieu à des complications avec l'Angleterre. D est vrai que,
en 1877, sous le ministère de lord Beaconsfield, cette puissance avait
conçu le projet d'annexer à ses possessions de la Colonie du Cap tout le
pays au nord de l'Orange, jusqu'aux possessions portugaises, et fait de
Walfish-bay le centre de l'administration du territoire annexé. Mais, en
1882, le ministre des colonies, lord Kimberley, donna pour instruction à
Sir Hercules Robinson, de n'y maintenir l'autorité britannique que si le
gouvernement de la Colonie du Cap voulait en faire les frais : « Walfish-
bay a été déclaré territoire britannique, » portait la dépêche, « d'après
le vœu de la Colonie du Cap, afin que l'on pût surveiller le seul port,
par lequel, sur une longue étendue de côtes, des armes et des marchan-
dises peuvent être introduites à l'intérieur. Le gouvernement de la reine
ne veut rien changer à l'état de choses actuel, si le Parlement du Cap
continue à soutenir l'établissement susnommé. » Le ministre ajoutait :
qu'il ne voyait aucun avantage à conserver cette possession si éloignée
de la Colonie du Cap, et exposée aux attaques d'indigènes mal disposés ;
d'autant plus que l'occupation de Walfish-bay n'empêchait nullement
l'importation d'armes et de munitions, et que le commerce insignifiant
n'offrait pas grande chance de développement. Dans le cas où le Parle-
ment du Cap ne ferait pas le nécessaire pour protéger cette place comme
partie de la colonie, le ministre déclarait, que les Topnaars qui demeu-
raient dans le voisinage et avaient réclamé la protection de l'Angleterre
contre les Héréro, seraient transportés dans le Namaqualand, et que le
gouvernement anglais renoncerait à tout exercice de l'autorité britanni-
que à Walfish-bay. La question est encore en suspens devant le Parle-
ment du Cap. Le gouvernement allemand n'en croit pas moins ses droits
sur cette côte bien fondés, car, d'après un télégramme de Berlin, du
12 mars, publié dans les journaux de Madrid, et reproduit par l'^a^^or^
il se propose de déclarer officiellement la baie et le territoire d'Angra-
Pequena, colonie allemande.
Il ne serait pas impossible que, des plateaux de la Hottentotie, plus
salubres que la plupart des côtes du continent, l'on pût pénétrer
jusqu'au Zambèze sans trop de difficulté, à travers l'Ovampo, où l'eau
et le fourrage abondent. Tandis qu'à l'est et à Touest de l'Afrique on a
dû jusqu'à présent se servir de caravanes de porteurs, ici l'on pourrait
— 97 —
sans inconvénient employer le mode de transport par wagons attelés de
bœufe, — ce que font déjà les Boers pour transporter leiu^ produits,
de la colonie de San Januario à Mossamédès, — en attendant que le déve-
loppement de Texploitation des mines amène la création de chemins de
fer, d'abord de la côte aux gisements de cuivre les plus rapprochés de
rOcéan, et plus tard jusque dans l'intérieur du continent.
CORRESPONDANCES
I
Nous ayons annoncé (lY"'^ année, p. 298), le départ de notre correspondant,
M. J.-M. Schuyer, de Éhartonm, pour Meshra-er-Rek, le 14 juillet 1883. Dès
lors, nne dépèche de Khartoum du 14 janyier 1884 au Times a apporté la nou-
Telle de la mort de l'explorateur. Nous n'en publions pas moins la lettre suiyante ;
quoique datée de Meshra-er-Rek du 16 août 1883, elle portait le timbre de Khar-
toum du 21 féyrier 1884, celui d'Assiout du 3 mars, et n'est arriyée à Genèye que
le 22 mars.
Meshra-er-Rek, 16 août 1883.
Monsieur,
Après un très heureux voyage de 31 jours, nous yoici à Meshra-er-Rek; nous
trouyons la petite garnison bloquée depuis deux mois et yiyant en grande partie
(les semences du Lotits NUoticii, qui ne se recueillent qu'en quantités minimes.
M'étant décidé à forcer le blocus pour me mettre en communication ayec
Lapton-bey, qui se trouye à Dem-Suleiman, à 16 journées d'ici, je laisse une
déclaration attestant que je me reconnais seul responsable de mon sort et pars
demain avec un guide nègre et cinq soldats hasingers * sans armes, comme porteurs.
Espérons que les nègres sauront distinguer entre un voyageur désarmé et leurs
tyrans turcs et arabes. Les nègres sont exaspérés parce que le gouvernement les
force à transporter sans payement les immenses quantités d'ivoire, de tamarin, etc.
ainsi que les marchandises d'échange pour l'intérieur, et parce que le gouverne-
ment leur a pris, en six mois, 1700 jeunes gens, pour être envoyés à Khartoum
comme soldats, esclavage bien plus dur que celui auquel les soumettaient les
Arabes. Quoique les nègres n'aient que leurs lances, ils ont réussi à tuer cette
année 1200 soldats, dont 300 cherchaient à se frayer un chemin jusqu'à-Meshra-
er-Rek.
J'espère forcer le blocus sans accidents, et vous donner des nouvelles plus
importantes à mon retour ici avec les 40 porteurs dont j'aurai besoin. Jusque-là,
Teuillez agréer mes salutations empressées.
Juan-Mària Schuver.
P.-S. Le cri de guerre des nègres est :
Mieux vaut mourir comme hommes, que vivre comme bétes de somme !
Après cela, que l'on dise du mal des nègres !
D'après les données fournies par VCEstenreichische Monatsehrift fur dm Orient j
^ Soldats nègres ci-devant au service des chasseurs d'esclaves (Eéd.),
— 98 —
et par les MittheUungen de Gotha^ Lupton-bey avait donné des ordres stricts pour
que, si un vapeur arrivait à Meshra-er-Rek, personne, ne lui fût expédié à Dem-
Suleiman, non plus que le courrier ; on devait lui envoyer par un nègre un billet
seulement, pour l'informer de la venue du steamer. Arrivé le 15 août à Meshra-er-
Rek, Scbuver en partit le lendemain du jour où il écrivait la lettre ci-dessus, avec
cinq soldats niam-niam, un interprète denka et son domestique hongrois, Charles
Nagy, pour traverser le territoire des Denkas révoltés et se rendre à Djour-
Ghattas. Suivant le rapport de l'interprète susmentionné, qui est arrivé auprès
de Lupton-bey, disant avoir réussi à s'échapper, des incendies d'herbes et des inon-
dations obligèrent Scbuver à faire de grands détours; le cinquième jour il
arriva au village de Tek où il fut assassiné (21 août). Comme le font observer
les MittheUungen de Gotha, la nouvelle de sa mort ne repose que sur l'affirmation
du dit interprète, à la suite de laquelle Lupton-bey envoya, pour punir les meur-
triers, une troupe de soldats qui trouvèrent le village abandonné, mais ne
purent découvrir aucune trace du cadavre de Scbuver. On n'a aucun renseigne-
ment sur son domestique, Charles Nagy,non plus que sur les cinq soldats de l'escorte.
D'autre part le dernier numéro des Tijdschnft de la Société néerlandaise de géo-
graphie annonce que, d'après une lettre de M. Insinger, de Louksor, du 15 février,
Scbuver aurait été fait prisonnier par des partisans du Mahdi
II
Pretoria, 5 février 1884.
Cher Monsieur,
Vous aurez, je l'espère, reçu ma dernière lettre datée de Bethléem, c'est donc
de là que commencera mon récit.
Le 10 janvier nous quittions cette ville, par la route qui conduit à Heilbronn.
Nous passons par les fermes Mûller, Eriger, Rensburg, et le 16 nous arrivons à
Heilbronn. Cette ville a, comme toutes les villes africaines, le cachet d'une cité com-
merciale. Ce qui la caractérise peut-être, c'est le luxe et le confort de ses habitations.
Bâtie sur un petit mamelon, au milieu d'une plaine sans bornes, elle est comme une
oasis dans cette solitude; un petit ruisseau ajoute au charme du tableau; la
chapelle wesleyenne apparaît aux voyageurs comme un phare, et un joli temple
hollandais en construction, au centre du square, donne un peu d'unité à ces con-
structions posées çà et là selon le caprice des habitants. Le même jour nous levions
notre camp, pressés que nous étions de gagner le Yaal.
Tandis que le pays que nous venions de parcourir était passablement ondulé, à
partir de Heilbronn, la contrée présente l'aspect d'une plaine aride jusqu'au Yaal.
A quelques lieues de cette rivière, la route se partage en deux embranchements
dont l'un conduit directement à Pretoria, l'autre, celui que nous avons suivi, à
Heidelberg. Le 18 nous traversions le Yaal, non sans difficultés, quoique les eaux
fussent basses. A l'endroit où nous l'avons passé il est un peu encaissé, et large
d'environ 500*" ; aucun arbre ne projette son ombrage sur ses eaux grisâtres. Les
canards sauvages et les hérons sont les seuls êtres qui peuplent ses rives.
Nous passons ici notre troisième dimanche sous la voûte des cieux. Quelle satis-
faction de voir couler le fleuve derrière nous 1 II faut savoir quel cauchemar les
fleuves africains causent aux voyageurs, pour comprendre la douce quiétude que
nous avons éprouvée en établissant notre camp sur le territoire du Transraal.
Tout contribuait à nous mettre en belle^humeur: le Yaal derrière nous, avec la
— 99 —
monotonie de PËtat-Libre, et devant nous les belles collines du Transvaal, l'herbe
abondante pour nos attelages et la perspective d'atteindre bientôt Pretoria !
Le 21 nous nous remettons en route, après avoir donné quelque repos à nos
attelages. Nous parcourons un beau et fertile pays, charmante solitude parsemée
seulement de quelques fermes. A la station du missionnaire berlinois, M. Dûraing,
nous passons le Sugar-bush River, et le 24 nous arrivons à Heidelberg. De loin
déjà nous voyions la ville adossée pittoresquement à une chaîne de montagnes •
elle nous paraissait jolie à l'ombre de ses eucalyptus, de ses peupliers et de ses
sapins. Quelle déception n'est pas la nôtre en parcourant ses rues rocailleuses et
mal tenues! Il n'y a pas même un temple pour consacrer la dignité de la cité. En
revanche les habitants de Heidelberg sont des plus aimables pour n(»us^ et nous
font part de leurs plus beaux fruits.
Le 26 nous partons pour Pretoria. Déjà précédemment nous avions vu quelques
sugar-buêhs sur les flancs des collines, mais ici, ce sont de vraies forêts qui s'offrent
à nos regards, et la veille de notre arrivée à Pretoria, nous campons au milieu de
bosquets de mimosas.
Le 30, la capitale du Transvaal se présentait à nos yeux, tout entourée de verdure,
au centre d'un amphithéâtre de montagnes. Sa position est des mieux choisies
au point de vue esthétique et stratégique ; elle a une eau surabondante, conduite
par des canaux dans toutes les rues de la ville, au risque même de l'inonder dans
les fortes pluies. Avec tous ces avantages, Pretoria n'a pas l'aspect d'une ville
européenne. Ses rues sont mal entretenues, ses maisons basses et sans apparence ;
le square est un pâturage enclos par de petites constructions; une seule rue pré-
sente l'animation d'une de nos cités européennes, avec tous ses magasins à l'entre-
sol; un grand et beau temple hollandais en construction relèvera bientôt son
square.
Une grande préoccupation absorbait toutes nos pensées à notre arrivée: quels
droits aurions-nous à payer sur tous nos bagages ? Selon tous les renseignements,
ils devaient être considérables. Aussi quelle ne fut pas notre surprise quand,
après avoir fait visite aux autorités et échangé avec elles plusieurs lettres, nous
apprîmes hier matin que le gouvernement nous exemptait des droits, bien que
nous fussions sous le coup de la loi! Celui qui incline les cœurs des hommes
comme des ruisseaux d'eau avait agi en notre faveur! En effet, le gouvernement
a de nombreux griefs contre les missionnaires, qui se sont parfois compromis au
point de vue politique ; nous avons d'autant plus sujet d'être reconnaissants pour
le procédé libéral dont il a usé à notre égard.
Ce même jour eut lieu une conférence sur la mission du Zambèze ; le vice-pré-
sident de la république, M. Joubert, présidait lui-même l'assemblée, à laquelle
assistaient le pasteur hollandais, M. Bossemann, qui avait plaidé chaleureusement
notre cause, l'évêque anglican, le pasteur wesleyen et un nombreux auditoire
hollandais et anglais. L'école du dimanche hollandaise s'intéresse à notre œuvre
et le pasteur cherche à fonder ici un comité auxiliaire pour nous venir en aide.
Malgré de nombreuses difficultés avec nos wagons pesamment chargés, nous
— 100 —
sommes déjà bien loin du Lessouto/et noussaTons sur qui compter pour l'avenir.
Tous nous sommes en bonne santé et une bonne entente règne entre nous. Ici, pour
la première fois, Punde nos bœufs est malade. La famine règne, dit-on, à Shoshong,
aussi prendrons-nous id tous nos vivres. La contrée que nous avons à parcourir
a peu de bonne herbe et nous réserve de nouvelles difficultés.
Votre dévoué, D. jKAiniAiRET.
BIBLIOGRAPHIE '
Là confrérie musulmane de Sîdi Mohammed BEN'ÂLt-Es-SEKOÛst et
SON DOMAINE GÉOGRAPHIQUE, par H. DuveyvieT^ Paris (Société de géo-
graphie), 1884, in-8*, 84 pages avec carte. — La Société de géogra-
phie de Paris vient de publier une étude d'une haute importance et
d'une grande actualité, due à la plume de M. H. Duveyrier, l'explo-
rateur bien connu du Sahara septentrional. C'est un exposé historique
et géographique, fait avec une conscience .extrême et à l'aide de nom-
breux documents, de la puissante secte des Senoûsî. L'auteur en étudie
le développement si rapide depuis sa fondation, en 1837, par un humble
jurisconsulte algérien des environs de Mostaganem, et, après avoir passé
en revue les lois qui la dirigent, il montre qu'elle s'est partout posée en
ennemie irréconciliable de la domination française dans le nord de
l'Afrique, et au Sénégal, ainsi que de tous les projets tendant à étendre
l'influence européenne à l'intérieur de l'Afrique.
Le travail si original de M. Duveyrier intéresse non seulement les
Français, mais encore tous les amis des sciences géographiques, qui
attendent des expéditions futures l'achèvement de la reconnaissance
du Sahara et du Soudan. Il croit en effet que c'est chez les Senoûst, qui
l'ont poursuivi lui-même, qu'il faut chercher les assassins de Dournaux-
Dupéré, du colonel Flatters, de von Beurmann, de von der Decken, etc.
Une carte qui accompagne l'article, permet de se rendre compte, par
des teintes et des signes spéciaux, du domaine immense soumis à
l'influence des doctrines senoûsiennes, ainsi que des zaouiyaque possède
la redoutable secte, qui est toute-puissante en Tripolitaine, dans le Fez-
zan, le Tibesti et l'oasis de Koufara, et qui compte des affiliés jusqu'en
Sénégambie, à Timbouktou et dans la presqu'île des Somalis.
^ On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à B&le, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans VAfriç^ae expiorée et civilisée.
L'abondance des matières nous oblige à ajourner à un prochi^n numéro, la
publication des autres articles bibliographiques, et, vu le grand nombre des
ouvrages reçus, nous supprimons, pour cette fois-ci, la liste des échanges.
OUVRAGES REÇUS :
Trente-deux ans à travers l'Islam (1832-1864), par Léon Hoches. T. I, Algérie
— Abd-el-Kader. — Paris (Firmin-Didot et C*>), 1884, în-8°,.508 p. Fr. 6.
Vojage dans TOudoé «t l'Oazigoua (Zanguebar), par le S- P- Baur. Lyon (impr.
Mougin-Busand), 1882, in-8*', avec gravures et carte.
Tne excursion à Hammam-Rirha, par Victor Waille. Alger (P. Fontana et C**),
1883, in-8«, 16 p.
Grammatical note on the gwamba language in South Africa, by Paul Berthoud
(from the « Journal of the Royal Asiatic Society of Great Britain and Ireland »
Yol. XVI, part. 1), in-8«, 29 p.
Der Eriegsschauplatz im iEgyptischen Sudan, 1883-1884. Gotha (Justus Perthes),
1884.
 Map of the Nile from the Ëquatorial Lakes to the Mediterranean, embracing
the Ëgyptian Sûdan and Abyssinîa. London (Edward Stanford, 55, Charing
Cross), 1 Dec. 1883.
The Bechuana"", the Cape Colony and the Transvaal. Proceedings of the public
Meeting held at the Mansion House, on novembre 27th. 1883. — London (Abo-
rigine's protection Society, 3, Broadway Chambers, Westminster), 1884, in-S*», 59 p.
De rébus africanis. The claims of Portugal to the Congo and adjacent. littoral, by
the Earl of Mayo. F.-R.-G.-S. — London (W.-H. Allen et C*»), 1883, in-S'», 63 p.
et carte. 3 sh. 6 d.
A granimar of the asante and faute language called tshi, by Rev. J.^G. Christaller.
Baael (Missionsbuchhandlung), 1875, in-S"», 203 p.
A dîctionary of the asante and faute language called tshi, by Rev. J.-G. Christaller.
Basel (Missionsbuchhandlung), 1881, in-8^ 671 p.
Documents parlementaires :
a) Africa N** 2 (1883). Correspondence respecting the territory of the West Coast
of AfriCa lying between 5** 12' and S"" of south latitude : 1847-77. Presented to
both Houses of Parliament by command of her Majesty. 1883, London, in-4®,
100 p.
b) Africa N** 2 (1884). Correspondence relating to négociations between thegovem-
ments of Great Britain and Portugal, for conclusion of the Congo Treaty : 1882-
84. London^ in-4o, 40 p. et carte.
c) Africa N*' S (1884). Despatch to Her Majesty's Minister at Lisbon, inclosing the
Congo Treaty, signed february 26, 1884, and corrected translation of Mozambique
tariff of 1877. London, in-4*, 22 p.
Aufaahmen Deutscher Reisender, besonders des D"* E. Kaiser, in den Gebieten
zwischen Tabora, dem Tanganyika und dem Rikwa-See, von R. Kiepert, Vtsoooo.
Route der Pogge-Wissmann'scher Expédition, von Malanshe bis zum Tanganyika-
See, von R. Kiepert, Vîaoooo»
Les Anglais en Egypte. L'Angleterre et le M&hdi. Arabi et le canal de Suez, par
le lieut.-coloael Hennebert. Paris (Jouvet et C-^), 1884, in-80, 75 p.
Die Nillânder, von Prof. D' R. Hartmann, mit Bildern. Leipzig (G. Freytag), 1884,
in-12, 216 p.
Ueber die Capverden nach dem Rio-Grande und Futah-Djallon, ron D' C. Dœlter,
mit Holzschnitten und Karte. Leipzig (Paul Frohberg), 1884, in-4o, 263 p.
Africana; or the Heart of heathen Africa, by the Rev. Duff Macdonald. Aberdeen
(A. Brovn et C*'), 1882, 2 vol. in-8** avec gravures.
Notices sur la carte d'Afrique au V< 000,000. Livraisons 1, 2, 3. Paris (Baudoin
et C«), 1883, in-8*. — Carte d'Afrique au */« 000,000, dressée au dépôt de la
guerre, par le capitaine du génie R. de Lanoy de Bissy.
S()M.^^Aif(K
Pages
Bulletin mensuel . .'. 7:J
Nouvelles complémentaires 84
CiMBÉBASIE ET HOTTENTO TIE - 87
COBRESPONDAKGES :
Lettre de M. J.-M. Schuver ' . . 07
Lettre de M. D. Jeamnairet 98
BiBUOGRÂPHIE :
La confrérie musulmane de Sîdi Mohammed Ben'Alt-Es-Senoûst, par
H. Duveyrier 100
Cabte :.
Gimbébasie et Hottentotie .
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
GENÈVE
GEORG, LIBRAIRE -ÉDITEUR
MtHE MllSON A BILE ET k LYON
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIKIOÉ PA&
M. enstETe XOTHIBR
Membre de la CommiBsion ibtenuitioiiale de BrnxeUee pour l*6^1oration et la oiviliiation
de l'Afriiine centrale; membre correepondant de l'Aeadômio d*Hlppone,
et dee Sociétée de géographie de Maraeille, de Kanoy, do Loanda et de Porto.
BitDXOà PAS
k. Charles FAURE
8eer6t«ire-Bibliothéoaire de la Société de géographie de Qenève , membre correspondant des Sociétée
de géographie de Lisbontie, de Loanda. do Porto et do Saint-Gall.
L'Afrique paraît le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8o d*au
moins 20 pages chacune ; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaire.
Le prix de Tabonnement annuel, pAjAble d'AVAnee» est de 10 frAnes,
port compris^ pour tous les pays de TUnion postale (première zone) ; poar les
autres, ii fr. 60.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires k
ia Direction, if droit h ma eompte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à H. GasteTe Mojnler»
8t r«e de l'Atlténée» h Genève (Sni«»e)«
S*ndrefi»er pour les «bonnement» h l'éditeur, H. H. Georg:, h
Genève on h lIAle.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la SiTisse.
Chez MM. Ch. Dblagravb, libraire, 15, rue Soufflot, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la Cour, 45, rue de là Régence, à Bruxelles.
DuMOLABD frères, libraires, Corso Vittorio Emmanuete^ 21, k Milan.
P,-A. Brockhaus, libraire. Querstr., 29, à Leipzig.
L. Fribderichsbn et C*% libraires, AdmiralitUtsstr, 3/4, à Hambourg
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autriche).
Trubnbr et C>% libraires^ Ludgate Hill, 57/59. k Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
AVIS. — NofM mettons à la disposition de nos nouveaux abonnés^ au prix de
10 fr. chacmi, un certain nombre ^exemplaires complets de la IP'^, de la III*
et de la IV"^ année. La !"'• est épuisée.
me
— 101 —
BULLETIN MENSUEL (o niai 1884y
Nous disions dans un de nos premiers numéros (v. I" année, p. 113)
que, si notre Tour de V Afrique n'était pas encore aussi à la mode que
le Tour du monde^ il le deviendi'ait peut-être un jour. Nous ne pensions
pas alors avoir à enregistrer aussi prochainement, dans notre bulletin,
Tannonce d'un voyag^e de cipcumnavig^atiou autour du con-
tinent africain. Mais le projet est réel; la Société milanaise d'explo-
ration commerciale en Afrique, grâce à l'initiative de son président,
M. le capitaine Manfred Camperio, et d'accord avec la Société générale
italienne de navigation, organise, pour le premier septembre prochain,
une expédition qui partira de Gênes et fera le tour de l'Afrique, en sens
inverse, il est vrai, de notre voyage mensuel. En eflFet, son itinéraire la
conduira d'abord à Alger, puis à Tanger, Mogador, Saint-Louis, Lagos,
Borna, Loanda, Capetown, Natal, Zanzibar, Assab, Massaoua, Suez,
Alexandrie, Tobrouk, Tripoli et Tunis. Ce voyage a pour but de com-
pléter l'instruction des jeunes gens de l'école supérieure commerciale et
technique italienne, et d'oflFrir aux négociants l'occasion d'apprendre à
connaître de nouveaux marchés pour l'Italie. Les savants et les voya-
gem'S pourront aussi en profiter. La Société d'exploration mettra à la
disposition des voyageurs sa bibliothèque de voyages et d'ouvrages sur
l'Afi-ique, ainsi que ses instruments scientifiques, ses cartes et ses appa-
reils photographiques. Un professeiu*, délégué par la Société, accompa-
gnera les voyageurs et fera un cours régulier de géographie conmierciale
africaine. Un médecin fera partie de l'état-major de bord. Deux mois
environ seront employés à la navigation, et autant à des haltes, en
répartissant les jours selon l'importance des ports indiqués dans l'itiné-
raire et le temps qui restera disponible. Le prix du voyage sera de
5000 francs, payables en trois termes : le premier, en souscrivant pour le
passage, 500 francs; le second, le 30 juiUet, 1500 francs ; le troisième,
avant le départ, 3000 francs. Le voyage n'aura lieu que si, au 30 juillet,
il y a 40 inscriptions prises. Les inscriptions peuvent se prendre dans
toutes les agences de la Société générale italienne de navigation et auprès
de la Société milanaise d'exploration en Afrique (via Silvio Pellico, 6).
^ Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Nouvelles com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
L'AFRIQUE. — CINQUIÈME ANNÉE. — N° 5. 5
— 102 —
Après cette course rapide autour de TAfrique, revenons à TAIg^érie,
par laquelle nous commençons d'ordinaire notre bulletin, et dans laquelle,
comme d'ailleurs dans toutes les colonies de la France, rAllîance
IVaneaise se propose de répandre toujours davantage la connaissance
de la langue française, comme un des meilleurs moyens de gagner les
indigènes, et de faciliter avec eux les relations sociales et les rapports
commerciaux. A cet effet elle compte fonder de nouvelles écoles, accor-
der des subventions à celles qui existent déjà et introduire des cours de
français dans celles qui en sont dépourvues; créer des écoles normales
spéciales destinées à former des maîtres ; distribuer des récompenses pro-
pres à assurer la fréquentation des écoles, à stimuler le zèle des élèves
et à honorer celui des maîtres. Quant aux écoles normales, elles seront
organisées de manière à faire connaître aux futurs maîtres la langue,
les institutions et les mœurs des indigènes. L'action de l'Alliance s'exer-
cera d'abord en Algérie, pour s'étendre ensuite en Tunisie et dans les
autres pays placés sous le protectorat de la France.
Le département de la Seine vient d'acquérir, sur le littoral de la
province de Constantine, près de Boue, le domaine de Guebar-
bou-Aoun, de 600 hectares, pour y installer deux cents jeunes garçons
orpheUns, qui le cultiveront et feront ainsi l'apprentissage de futurs
colons. Tous ceux qui auront fait preuve d'aptitudes pourlaoolonî»a-
tion, et qui auront donné l'exemple d'une bonne conduite, pourront,
après leur service militaire, obtenir une concession de terre. Le gouver-
nement de l'Algérie a concédé à T administration de l'Assistance publi-
que du département de la Seine, dans les provinces de Constantine et
d'Alger, deux terrains domaniaux d'une contenance de près de 3000 hec-
tares, à charge d'y installer comme colons les orphelins devenus majeurs,
une fois qu'ils seront mariés.
Quelque précaire que soit l'état dans lequelse trouve l'Êg^ypte, il n'en
est pas moins intéressant de connaître les idées du khédive sur les moyens
les meilleurs de relever son peuple. C'est à ce titre que nous extrayons,
de VAntislavery Reporter^ les paroles suivantes prononcées dans une
conversation avec le baron de Malortie, après le départ de Gordon pour
sa dangereuse mission au Soudan : « Vous savez quel intérêt profond je
prends à l'instruction publique, car, à mon avis, c'est la base de toute
réforme ; c'est le fondement sur lequel il faut construire ; elle mérite
donc la plus sérieuse attention. D'autres réformes peuvent présenter un
résultat plus immédiat, mais on ne peut rien attendre avant d'avoir
élevé le niveau du peuple. Pour faire des hommes, il faut instruire la
PTr-T-
— 103 —
jeunesse et répandre l'éducation . Le fellah est docile et n'a besoin que
de bons instituteurs ; fouj-nissez-lui les occasions de s'instruire, et il ne
trompera pas les espérances les plus hautes. Le plus cher désii* de ma
vie est de réformer et de développer notre système d'éducation, mais
nous n'avons pas d'argent. Comment les indigènes peuvent-ils espérer
concourir avec des Européens soigneusement élevés ? Comment peuvent -
ils espérer remplacer quelque jour les nombreux hommes capables que le
continent nous a prêtés comme maîtres d'écoles, si l'on ne fait rien pour
élever une génération utile? Ce n'est pas seulement l'éducation des gar-
çons qu'il faut se proposer de développer, c'est aussi celle des tilles. Il
faut que la femme soit l'égale de l'homme; son influence sera mauvaise
ou bonne, selon qu'elle sera ignorante ou cultivée. Un entourage sans
éducation est fatal à nos enfants dans leur âge tendre, et laisse sur eux
une empreinte indélébile. Mais il y a encore une autre chose extrême-
ment importante, c'est, comme je Tai dit à réitérées fois, le fait que
réducation des femmes mettra fin à la polygamie, et par suite au sys-
tème de l'esclavage du harem, et aux misères associées à un trafic que
j'abhorre. Le prophète interdit d'avoir des esclaves musulmans, et la
mutilation est un crhne égal au meurtre. Avec une femme, votre égale
et votre compagne, les barrières du harem tomberont; ce n'est qu'une
question de temps ; mais si vous voulez réellement abolir promptement
l'esclavage, aidez-nous à élever la génération qui grandit. C'est une
noble tâche, et l'a, b, c de toute réforme. Donnez-nous l'éducation et la
justice ; tout le reste suivra. »
Le khédive verra-t-il ses vœux réalisés? Les événements actuels ne
permettent guère de l'espérer. La retraite des troupes anglaises de
Souakim, le soulèvement des tribus autour de Berber, de Schendy, de
Khartoum et de Kassala, les appels inutiles de Gordon au gouvernement
britannique qui refuse d'envoyer des troupes à son secours, à Ziber-pa-
cha qui reste tranquille au Caire, aux millionnaires de l'Angleterre et de
l'Amérique qui ne donneront pas leur argent pour solder des légions tur-
^juès, tout semble conspirer pour rendre des plus périlleuses la position
du gouverneur du Soudan qui, à vues humaines, ne paraît plus
pouvoir compter, pour faire évacuer les postes égyptiens, que sur les
divisions qui peuvent éclater panni les partisans du Mahdi, ou même sur
la révolte des adhérents du faux-prophète contre l'autorité qu'il s'aiTOge.
Il n'est guère possible de savoir exactement ce qui se passe dans leKor-
dofan, autour d'El-Obeïd, où des bruits représentent Mohammed-Ahmed
.assiégé, comme Gordon l'est dans Khartoum. Ce que l'on sait, d'après
— 104 —
une lettre de M. Hansal, du 5 mars, à M. le baron de Hofinann, à
Vienne, publiée dans VOesterreichische Monatsschrift fur den Orienty
c'est qu'un oflScier nègre de l'ancienne garnison d'El-Obeïd, Abdalah-
Aga, qui a pu s'échapper, a raconté que, après l'occupation de la ville
par le Mahdi, les soldats ont été vendus ; lui-même, chargé de fers aux
mains et aux pieds, fut conduit à Takalé, où il fut traité comme un serf.
Il mit 30 jours pour faire, à pied, le trajet de Takalé à Khartoum,
vivant d'herbes, de racines et d'écorces d'arbres. Le Darfour est soumis
au Mahdi, à l'exception de la capitale El-Facher, où est assiégé Slatin-
bey. Quant à l'abandon de la domination égyptienne au Soudan, et à la
remise de l'administration aux chefs des provinces, sous une autorité
supérieure commune, « c'est l'anarchie, » dit M. Hansal. « La guerre des
races est inévitable. Les nombreux roitelets lutteront pour s'emparer
du pouvoir jusqu'à ce que le Mahdi les subjugue tous. L'époque des
expéditions annuelles des barques remontant le Nil-Blanc, jusqu'au cœur
des États nègres, va refleurir avec toutes les horreurs qu'elles entraî-
naient; le vol, la fraude, les rapines, le meurtre et l'incendie seront
célébrés comme des exploits, le trafic de chair humaine renaîtra et
s'étendra plus que jamais, ce sera le triomphe de la barbarie! De telles
perspectives rendent impossible la vie au Soudan pour les Européens, qui
se trouvent condamnés à émigrer sans savoir où trouver un asile. A la
nouvelle de la mission de Gordon, l'émigration en masse s'était arrêtée
temporairement, parce qu'on espérait que l'insurrection serait réprimée
par la force militaù'e. Après la déception qui suivit, l'évacuation vers
l'Egypte recommença ; tous les Coptes abandonnèrent leurs riches pro-
priétés. Quelle indemnité recevront-ils pour l'abandon de ces richesses
mobilières et immobilières ? »
Pendant longtemps nous avons espéré que les bruits qui circulaient
sur la captivité et la mort de notre compatriote, Gottfried Roth,^
n'étaient pas fondés. D'après un message du D' Schweinfurth,du Caire,
à V Antislavery Beporter, le doute sur sa mort n'est plus possible. Un
marchand syrien nommé Yousouf Taber, qui a passé les deux dernières
années au Kordofan et au Darfour, et qui est revenu récemment au
Caire, a rapporté au D' Schweinfurth que G. Roth, envoyé à Chekka,
au sud du Kordofan, comme inspecteur de la traite, dut se rendre à son
poste par El-Facher. De là il partit pour Chekka, en compagnie du
gouverneur Slatin-bey. A Dara, il tomba malade de la fièvre du pays.
L'insurrection des Baggaras, soulevés par le Mahdi, ne lui permit pas de
poursuivre sa route jusqu'à Chekka; il dut revenir, déjà très malade, à
— 105 —
El-Facher, oîi il mourut quelque temps après. Au dire de Yousouf Taber,
cette mort doit remonter au mois de décembre 1882 ; chrétien, il assista
à l'ensevelissement de notre compatriote à El-Facher. La cause de la
suppression de la traite a perdu en Gottfried Roth un de ses champions
les plus braves, au moment où elle a le plus besoin d'hommes vaillants,
qui demeurent inébranlablement fidèles au devoii* de s'opposer à la vente
de leurs semblables. D faut lutter en effet contre une politique impi-
toyable, qui accumule les arguments pour atténuer le crime des ven-
deurs et des acheteurs d'hommes, et pour présenter, comme moins
triste qu'il ne l'est en réalité, le sort de ceux que l'on dépouille de leur
dignité d'homme en les privant de la liberté !
D'après une lettre du missioimaire Mackay, écrite des bords du
Victoria-Nyanza, tout ce qu'il entend dire auxBa-Ganda, qui dans leurs
incursions pénètrent bien au delà de Bou-Soga, lui fait croire qu'il n'y
a pas de lac du nom de Baringo. a L'idée qu'il y ait un lac dans cette
direction provient, » dit-U,« d'un malentendu, de la signification en arabe
du mot Bahr, Le mot Baringo signifie le peuple du léopard, et se rap-
porte à une tribu, mais non à un lac : Ba étant le préfixe employé par
toutes les tribus au nord du Victoria-Nyanza, et lufo signifiant léopard,
en ganda, le r n'est qu'une lettre euphonique. Les Ba-Granda ont parlé
à M. Mackay d'une tribu de ce pays à laquelle on donne le nom de Ba-
Ringo, parce que, à la guerre, ses hommes portent des peaux de léo-
pards. De même ils parlent d'une autre tribu dans le même voisinage, qui
s'appelle Ba-Mporogoma, parce que ses gens portent des peaux de lions,
mporogoma signifiant lion. »
M. Gîraud, explorateur français, a adressé à M. Strauch, secrétaire
général de l'Association internationale africaine, une lettre dans laquelle
il exprime sa vive gratitude pour l'hospitalité que lui a accordée le chef
de la station de Kapém», M. Storms, et donne, sur la première partie
de son expédition, des détails que nous nous faisons un devoir de com-
muniquer à nos lecteurs.
« Mon voyage, dit M. Giraud, quoique relativement très heureux, n-a
pas donné tous les résultats que j'en attendais. Au Ban^ouéolo, oîi je
comptais voir un lac, je n'ai trouvé qu'un immense marais oîi j'ai
pataugé près d'un mois. Le Louapoula, que les géographes [d'après
Livingstone] font sortir au N.-O. du lac, en sort du côté opposé. Je
m'y lançai néanmoins avec les huit braves qui montaient mon bateau,
pendant que le reste de ma caravane allait m'attendre chez Cazembé.
a Dès ce jour-là commença pour moi une vie de misères, qui devait
— 106 —
durer jusqu'au Tanganyika. Le Louapoula sort au sud du lac, et, avant
de prendre la direction S. N. qu'il a dans le Lounda, il court pendant
plus de 160 kilomètres au S. 0. C'est au coude formé par ces deux direc-
tions, que je fus arrêté un beau jour, à quelques centaines de mètres de la
puissante cataracte de Mombottouta, harcelé depuis trois jours par un
millier d'indigènes, qui me hurlaient la guerre sur les deux rives; que
pouvais-je faire, avec mes huit hommes, en face de cette grande cata-
racte ?
a Je dus me constituer prisonnier, en abandonnant la moitié de mon
matériel et mon malheureux bateau. Lui avou* fait franchir l'Ou-Sagara
et tout le massif de montagnes au N. du Nyassa, et l'abandonner après
vingt-cinq jours à peine de navigation! C'était navrant! Le jour où il
me fallut m'en séparer fut sans contredit le plus mauvais de mon
voyage.
« Conduit chez Mere-Mere, chef des Wa-Naoumi^ qui demeure à dk
marches au nord, et à peu près par la latitude du Bangouéolo, j'y restai
deux mois en captivité, mourant de faim avec mes huit hommes. Le
temps me manque pour vous raconter comment j'arrivai un jour k
rejoindre ma caravane chez Cazembé. Ce fut un beau jour que celui-là,
mais de bien courte durée. Profitant de mon absence, Cazembé s'était
emparé de la moitié des fiisils de ma caravane ; fort alors de mon impuis-
sance, il m'obligea d'acheter de l'ivoire avec les quatre pauvres charges
d'étoffe qui me restaient.
« A moitié désarmé, sans vivres, je m'enfonçai alors dans le pori, en
lui déclarant la gueire; j'y restai un mois et demi avant d'atteindre le
Tanganyika, nourrissant mon monde de ma chasse. Pendant tout ce
temps, mes hommes qui se sont bravement conduits, n'ont pas trouvé
à acheter une seule poignée de farine. Les habitants sont du reste
rares dans l'Itahoua, ravagé en ce moment par une famine effrayante.
« Le Moero, sur lequel j'ai passé quatre jours à chasser et à pêcher,
est un grand beau lac, bien encaissé entre ses deux rives.
« A Jendoué, où j'atteignis le Tanganyika, je trouvai deux mission-
naires anglais qui me facilitèrent autant que possible la tâche de faire
parvenir tout mon monde à Karéma.
« J'avais bien souffert, il est vrai, mais à Karéma on se guérit de tout.
Cette station vous a coûtébien des sacrifices, mais vous pouvez en être fiers
à juste titre. Si l'Association avait là un officier en permanence, nul
doute qu'avant vingt ans Karéma n'eût entièrement remplacé l'Ou-
Djidji et l'Ou-Nyanyembé ; à part le confort et les améliorations
— 107 —
apportées à la station par les divere voyageurs, la position de Karéraa
devient, par le retrait constant du lac, unique ' sur le Tanganyika...
« Je ne vous dis rien de ma santé. Depuis la côte, je n'ai pas ouvert
ma botte de médicaments. M. Storms du reste ne me le cède en rien, il
doit vous l'écrire ; nous restons deux phénomènes au centre de cette
Afrique si redoutée.
« Pourquoi l'Association n'abandonne-t-elle pas la route empestée de
rOu-Nyanyembé, le seul endroit malsain de l'Afrique tropicale, en
dehors des côtes. Vous eu avez une autre superbe et aussi courte par
rOu-Héhé, rOu-Sasa, et rOu-Fipa. L'Ou-Nyanyembé est tout près
d'ici; le joiir où la station en aura besoin, ce n'est qu'un jeu d'y dépê-
cher une caravane... Je suis convaincu que c'est pour m'être écarté de
rOu-Nyanyembé, que je n'ai pas eu en tout deux grammes de quinine
à avaler depuis la côte.
« Je compte rester à Karéma jusqu'au milieu de mars. J'attends en
ce moment une caravane que j'ai envoyée dans l'Ou-Nyanyembé, pour
me chercher un ravitaillement, qui me servira d'abord à rendre à
M. Storms les étoffes qu'il m'a prêtées, et ensuite à continuer mou
voyage vers le S.O. M. Storms veut bien me transporter dans sa barque
à Mpala, votre nouvelle station. De là, mon intention est de traverser
le Maroungou, le Loualaba, et de gagner Léopoldville en suivant à peu
près le sixième degré de latitude. »
M. Storms, en envoyant cette lettre à M. Strauch, écrit, le 17 janvier,
que M. Giraud est arrivé à Karéma au commencement de décem-
bre 1883, et qu'il se proposait d'y séjourner jusqu'à la fin de la saison
des pluies, c'est-à-dire jusqu'à la mi-mars. — M. Storms ajoute qu'il a
envoyé par Sef ben Rachid, Arabe chargé de la direction des caravanes
de l'Association entre Karéma et la côte, une collection d'objets d'his-
toire naturelle. — La santé des trois agents de l'Association était excel-
lente.
Le Précurseur d'Anvers annonce que l'Association internatio-
nale africaine enverra sous peu une expédition sous les ordres du
lieutenant Beelcer qui sera chargé de se rendre par le Zambèze et le
Chiré, au IVyassa, pour établir une station sur le lac, au point le plus
rapproché du Tanganyika.
On connaissait depuis assez longtemps des spécimens des dessins
laissés par les Busiimen dans les grottes du Liessouto $ c'étaient des
* Sans doute à cause de la profondeur du lac en cet endroit, où la côte forme
un promontoire, qui s'avance au sein des flots comme un énorme brise-lames.
— 108 —
scènes de la vie privée, des aventures de chasse ou des ISgui'es d'ani-
maux. M. Christol, actuellement missionnaire à Hermon, a récemment
découvert et reproduit un de ces dessins, qui présente un intérêt parti-
culier, en ce sens qu'il nous apporte une des pages de l'histoire du pays.
Une bande de Matabélés (Zoulous du Nord), dont l'organisation puis-
sante a fait verser des toiTents de sang dans l'Afrique australe, accou-
rent armés de leurs boucliers et de leurs sagaies, pour se mer sur une
troupe de Bushmen. Les Matabélés sont représentés en noir, une cein-
ture blanche ou rouge autour du corps, la tête empanachée de plumes.
Quant aux Bushmen, ils sont peints avec cette couleur de peau qui leur
est particulière, en rouge; ils sont armés de leurs petits arcs,- avec les-
quels ils se défendent de leur mieux contre leurs agresseurs plus forts,
tout cela est très exact. Du côté gauche de la scène, un troupeau de
zébus est repoussé en arrière par des gardiens qui cherchent à le pro-
téger contre les assaillants. Ancien élève de Gérôme, M. Christol a pu
donner de cette scène historique une reproduction ISdèle.
L'expédition portiig^aise, dirigée par M. Henrique de Carvalho,
partira en mai. Elle se propose d'étudier, spécialement au point de vue
commercial, la région qui s'étend à l'est de la province d'Angola, jus-
qu'aux États du Mouata- Yamvo ; elle en étudiera les principaux
produits, les routes que suivent actuellement les trafiquants ; en outre
elle examinera les points oîi il serait convenable de fonder des stations
commerciales et civilisatrices, pour développer des relations directes
avec les principaux centres de trafic de la province d'Angola, et cher-
chera à se concilier le respect et l'amitié des indigènes. M. Carvalho a
cherché à intéresser à son entreprise le commerce de Lisbonne et de
Porto, en offrant de se charger de marchandises dont l'écoulement est
assuré et facile dans la région qu'il compte explorer.
L'établissement par Stanley d'une station aux chutes qui portent
son nom, et l'envoi, par la voie de Nyangoué à Karéma, d'un message
pour Zanzibar, marquent un grand progrès dans l'œuvre du Comité
d'Études du Haut-Congo, et pennettent de présenter comme non inter-
rompue la communication entre les côtes occidentale et orientale de
l'Afrique. Sans doute d'autres stations intermédiaires viendront complé-
ter cette chaîne de postes, mais c'est déjà beaucoup d'avoir créé, en quatre
ans, une trentaine de stations hospitalières — y compris celles du Quillou-
Niari — desservies par une flottille d'une douzaine de steamers et de
baleinières, avec une armée de 1800 porteurs zanzibarites, aux ordres
de 128 Européens de toutes les nationalités. Stanley n'estime cepen-
— 109 —
dantpas avoir terminé sa tâche d'explorateur. Quoique le bruit ait couru
qu'il ^ait revenir en Europe pour se reposer , il se propose, d'après un
article du Times dont l'auteur semble bien informé, de remonter l'Arou-
ouiîni, pour passer dans le bassin du Bahr-el-Ghazal et résoudre le pro-
blème de rOuellé. Nos lecteurs se rappellent que lors de sa descente du
Congo, il assimilait l'Arououimi à l'Ouellé de Schweinfiirth. Depuis
qu'il a quitté l'Europe pour reprendre ses travaux sur le cours moyen
du grand fleuve, il n'a pu être informé des découvertes du D' Junker
dans le bassin de l'Ouellé ; il ignore également les explorations du voya-
geur russe dans la région du Bomokandi et de la Népoko, et l'on com-
prend son désir de déterminer les bassins du Congo, du Chari, et du
Bahr-el-Ghazal. Quoi qu'il en soit, ses nouvelles études seront utiles, et
jointes à celles de Junker, de Lupton-bey et de Casati, qui vraisembla-
blement devront chercher h se frayer une route vers le sud jusqu'au
C!oDgo, elles serviront à faire connaître une des régions sur lesquelles
1^ renseignements font encore à peu près complètement défaut.
Le tpAité a.ng;1o-portu£fa.ls dont nous avons donné le résumé
dans notre dernier numéro, n'a été discuté jusqu'ici, ni dans le Parle-
ment anglais, ni aux Certes. Néanmoins depuis le 26 février, jour où il a
été signé, il est devenu l'objet de vives protestations, aussi bien en
ADgleterre et dans le Portugal, que dans les autres États de l'Europe
et de l'Amérique, intéressés au maintien de la libre navigation et du
commerce sur le cours inférieur du Congo. La Société de géographie
de Lisbonne a chargé sa Commission africaine de l'étudier et de faire
rapport à l'Assemblée générale, otiilsera discuté avant del'êtredaus les
Chambres, de manière à ce que celles-ci connaissent l'opinion du pays
avant leurs délibérations. Les Chambres de commerce de Londres, de
Manchester, deLiverpool, de Birmingham, de Bradford, de Glasgow, etc.
demandent des explications sur les motifs qui ont engagé le gouverne-
ment britannique à céder aux instances du Portugal et à sacrifier la
liberté dont le commerce a joui jusqu'ici dans cette région. Les sociétés
missionnaires et philanthropiques anglaises réclament au nom de la
liberté religieuse et de la liberté des noirs, compromises, leur semble-t-
il, par la reconnaissance de l'autorité portugaise sur un territoire où
jusqu'ici elle ne s'est pas exercée. La Hollande, la France, l'Allemagne,
les États-Unis protestent, chacun h leui* manière, contre cette reconnais-
sance. Devant cette opposition presque universelle, il est douteux que
le traité anglo-portugais soit ratifié. Il semble plus probable qu'on en
viendra à la solution exposée par la Correspondance diplomatique.
— 110 —
d'après laquelle les rives du Congo seraient, il est vrai, placées nomi-
nalement sous la souveraineté du Portugal, mais pour être administrées
en réalité par une commission internationale qui, ayant la haute main
sur les impôts, aurait une part directe dans Tadministration générale
du pays. C'était à peu près la première proposition anglaise, qui tendait
à rétablissement d'une commission internationale pour le Bas-Congo,
composée comme celle du Danube.
En même temps que s'ouvre toujours plus complètement la voie du
Congo, celle de l'Og^ôoué et de l' Alima devient plus libre, grâce aux
négociations de Savori^nan de Braausa avec les indigènes des rives
de ces deux cours d'eau. Il a complété les résultats commerciaux obtenus
en 1881, en amenant la plupart des chefs des territoires situés le long
de l'Ogôoué (Okanda, Àdouma, Batéké), à se placer sous le protectorat
de la France. Tous les petits monopoles et les droits énormes qui entra-
vaient la circulation ont été supprimés ; la navigation ne sera plus inter-
rompue, et le conmierce européen pourra pénétrer par l' Alima jusqu'au
centre de l'Afrique. Les Apfourous qui, en 1875, avaient accueilli
l'explorateur à coups de fusil, qui, en 1881 encore, lui avaient refusé le
passage, ont laissé, en 1883, le D' Ballay mettre à l'eau, sur l'Alima'
la chaloupe démontée qu'il avait à grand'peine amenée du Gabon, et
n'ont commis aucun acte d'hostilité envers les membres de Texpédition
française. D'après les dernières nouvelles, de Brazza était, au mois de
février, à 400 kilomètres en amont de Stanley-Pool. — Le P. Augouard,
qui a établi une station à 12 kilomètres de Stanley-Pool, dans le pays des
Batéké, l'a quittée, le 28 janvier, dans une situation satisfaisante, pour
venir se reposer en Europe.
La Société des études coloniales et maritimes, a nommé
une commission chargée d'étudier les voies et moyens d'exécuter une
exploration scientifique et commerciale dans le Soudan occidental.
Partant de Bamakou sur le Niger, l'expédition, munie d'une canonnière
démontable, visiterait le Massina et Tombouctou, puis remonterait le
Sokoto jusqu'au point où il cesse d'être navigable, et regagnerait après
cela le Niger pour le descendre jusqu'à son embouchure. Elle a demandé
à la Société de géographie commerciale de Paris de déléguer deux de
ses membres, pour les adjoindre à ceux de la susdite commission, qui
deviendrait commission executive si le projet était reconnu utile et
réalisable.
Le Comité anglais de la mission chez les Kabyles et les autres
races berbères de l'Afrique, a décidé de fonder, à côté de son œuvre
— 111 —
en Algérie, une station à Tanipep» en commençant par une mission
médicale qui sera confiée au D' Witten. Il aura avec lui un ou deux col-
lègues pour travailler à Tœuyre missionnaire et à Téducation propre-
ment dite. Un bâtiment et un terrain ont été achetés, à un kilomètre
de la baie de Tanger, à 60" au-dessus de la mer. Ce sera la première
mission au Maroc. Le Comité espère pouvoir envoyer plus tard, de Tan-
ger, un agent indigène aux tribus des vallées de TÂtlas et au Chlous
du sud-ouest du Maroc.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Pendant son excursion au sud de la prorince de Constantine, le gouverneur
général de l'Algérie a été saisi, par les commerçants de Biskra, d'un projet de
chemin de fer de Biskra à Tonggourt, dont oa Fa prié de presser l'exécution.
M. Ëraldo Dabbene, revenu en Europe après un long s^our dans les provinces
égyptiennes équatoriales, où il a fait de riches collections zoologiques, se propose
de se rendre au Choa et au Kaffa. La Société italienne de géographie lui a accordé
son appui moral et un subside de 1,000 francs.
M. Felice Gessi, fils de l'illustre Gessi-pacha, est parti pour l'Afrique où il
compte se vouer à l'exploration et au commerce.
Il s'est fondé à Gênes, grâce à l'initiative de M. Manfred Gamperio, une société
d'expIoM-ation en Afrique, qui associera ses efforts à celle de Milan.
Bianchi écrit à VEsploratore qu'il a rejoint le négous dans le voisinage de
Lalibela ; il espérait obtenir l'autorisation de descendre sur Assab, accompagné
seulement d'un guide sûr, et en passant par les lieux où Giulietti a été massacré.
Le lO mars a eu lieu à Turin une réunion, dans laquelle M. C.-C. Benzi a exposé
le projet de créer des stations pour le commerce italien, à Assab, dans l'Aoussa,
an Choa et en Abyssinie. Un comité a été nommé pour préparer la mise à exécu-
tion de ce projet approuvé par l'assemblée.
Les intérêts de la colonie d'Aspab et des explorateurs italiens dans ces parages
sont menacés par l'attitude hostile d'un gouverneur voisin, qui empêche les
Danakil de prêter leurs services aux étrangers.
Le sultan des Amphalis, dont le territoire s'étend entre la possession française
d'Obock et l'Abyssinie, a adressé au président de la république française une lettre,
dans laquelle il demande à la France de faire passer par son pays les caravanes
qui se rendent au Choa.
Une dépêche d'Aden annonce que le major Hunter est chargé de régler la
question de la cession du territoire de Harar, actuellement soumis à l'Egypte, à
ses anciens possesseurs, et que les Somalis ont demandé au gouvernement anglais
d'exercer un contrôle sur les ports africains du golfe d'Aden. M. Hunter devien-
drait gouverneur de Berbera.
— 112 —
Le Rev. G.-H. Swiimy, agent de la mission des Universités, se rend au lacNyassa,
avec sa femme et un jeune Zoulou. Leur champ de travail sera au N.-Ë. du lac, au
milieu d'une tribu puissante, parlant le zoulou, et adonnée à la chasse aux esclaves.
Le journal Écho annonce que des dépôts diamantifères ont été découverts à
1 *l% kilomètre de la ville^d'Utrecht, dans le Transvaal.
Après la signatiu'e de la nouvelle convention entre PAngleterre et le Transvaal,
les délégués du gouvernement de la République du sud de l'Afrique sont venus
en Hollande, où ils ont conclu un emprunt de 15,000,000 de florins, puis à Paris,
et maintenant ils sont à Lisbonne, où ils doivent poursuivre les négociations rela-
tives au chemin de fer de Pretoria à la frontière des possessions portugaises.
D'après le Bespateh^ de East-London, une forte émigration d'Allemands de la
Colonie du Cap se prépare pour le Transvaal. Il est question de 200 à 300 émi-
grants.
Le territoire acquis à Angra-Pequena par la maison Lûderitz, de Brème, ne
servira pas seulement à l'installation d'une station commerciale, ou à l'exploita-
tion des gisements de cuivre signalés dans cette partie de l'Afrique ; l'agriculture
et l'élève du bétail y auront leur part ; une trentaine de familles allemandes, des
pâtres allemands, des taureaux et des étalons y sont attendus. Les missionnaires
de Barmen prévoient que cet établissement de colons allemands dans le Nama-
qualand amènera une transformation du système de la propriété qui, jusqu'ici, est
demeurée collective.
L'insalubrité de la région où les Boêrs ont créé la colonie de San Januario, dans
la province de Mossamédès, les obligera probablement à la quitter. Ils songent à
demander aux Damara la permission de traverser leur territoire pour s'établir
dans le Namaqualand. Si les Namaqua ne veulent pas leur accorder une conces-
sion de terrain, ils remonteront le long des bords de l'Orange et du Yaal jusqu'au
Transvaal. Un comité s'est formé à Pretoria pour leur faciliter le retour.
Sous les auspices de la Société néerlandaise de géographie, une expédition
hollandaise partira prochainement pour l'Afrique centrale. Les trois voyageurs
qui la dirigeront comptent se rendre de l'Angola au Kaoko, pour explorer
ensuite le pays entre le Cunéné et le Coubango, d'où ils atteindront le Zambèze
et le Transvaal.
Le D' Nachtigal a quitté Tunis pour se rendre à la côte occidentale d'Afrique
et au Congo, où il est chargé de remplir, pour le compte de l'empire allemand, une
mission politique, scientifique et commerciale ; il sera accompagné du D^ Bûchner.
— Le gouvernement allemand a l'intention de créer dans cette région une station
navale pour sauvegarder les intérêts de ses ressortissants.
Le D^ Pogge, qui était revenu de Nyangoué à Muquengué, où il a fondé une
station scientifique et hospitalière, était en route pour rentrer en Europe. Il a
réussi à atteindre la côte à Loanda, mais il y est mort le 16 mars.
D'après une dépêche de Dondo du 29 février, le lieutenant Wissmann avait
quitté cette localité pour se rendre à Malangé, d'où il devait envoyer des porteur^
aux autres membres de l'expédition qui l'auront rejoint à Malangé.
— 113 —
Le gouTernement portugais a présenté aux Cortès un projet de loi l'autorisant
à mettre en adjudication un chemin de fer, de Saint-Paul de Loanda à Ambaca.
M. Bnonfanti s'est rendu à Rudolfstadt, station du Comité d'études du Congo,
fondée à l'embouchure du Quillou par le lieutenant Van de Velde.
Le Mouvement géographique publié par l'Institut national de géographie, de
Bruxelles, annonce que cet Institut patronne seul l'expédition du D"" Chavanne
au Congo, et qu'il prend à sa charge les frais de l'entreprise. Le Comité d'études
du Congo a simplement accordé à l'explorateur son appui moral et la protection
de ses stations.
D'après une lettre du D' Sims, de Léopoldville, aux Begion^s &0yond^ les Arabes,
dont la présence an confluent de l'Arououimi et du Congo a été signalée par
Stanley, dans sa dernière exploration du fleuve au delà de PÉquateur, sont venus
jusqu'à Stanley-Pool, ayant avec eux de? esclaves.
La ville de Niffou, dans la répubbque de Libéria, a été déclarée port ouvert à
l'importation et à Pexportation pour le commerce intérieur et extérieur.
Une anabassade d'Ahmadou, roi de Segou, est arrivée à Sierra-Léone, chargée
d'offrir dix vaches au gouverneur de la colonie et de lier avec celle-ci des relations
commerciales.
Le ministre des finances de France a chargé M. Reulet^ inspecteur de l'enre-
gistrement, de se rendre au Sénégal, pour y faire une enquête sur la gestion des
fonds affectés à la construction du chemin de fer du haut Fleuve.
Le sultan du Maroc a appelé des ingénieurs européens pour étudier des gise-
ments de charbon signalés aux environs de Tanger.
BIBLIOGRAPHIE
Les Égyptes, par Marins Fontane (de 5000 à 715 av. J.-C). Paris,
(Alphonse Lemerre), 1882, in-8*, 513 p., avec deul cartes. Fr. 7.50. —
C'est une histoire universelle complète que compte écrire M. Marius
Fontane. Elle doit se composer de 16 volumes dont 3 seulement ont
paru jusqu'à ce jour : Tlnde védique, les Iraniens et les Êgyptes ;
puis viendront les Asiatiques, et une série de volumes, dont chacun
embrasse une période caractéristique et qui nous conduiront jusqu'aux
événements récents.
Il est presque superflu de parler ici de Tauteur comme écrivain. Sa
haute valeur^ son talent d'historien critique, son style dair, concis, sans
emphase, sont connus de tous. Ses ouvrages, dès leur apparition, ont attiré
* On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bàle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et dvUisée.
— 114 —
Tattention du monde savant, et se trouvent maintenant dans toutes les
.bibliothèques scientifiques. Des cartes dressées par Tauteur lui-même
les enrichissent et en facilitent la lecture ; le volume sur l'Egypte en
renferme deux : l'une, du bassin du Nil, d'après les découvertes moder-
nes, l'autre, de l'Egypte au temps des Pharaons. En outre, des recher-
ches peuvent aisément se faire, au moyen d'un index alphabétique annoté.
Il ne nous est pas possible, par suite du cadre étroit dans lequel nous
devons nous maintenir, de donner une idée, même bien pâle, du contenu
du volume que nous avons sous lés yeux, non plus que de la haute science
et du sens critique qui y éclatent presque à chaque page.
Il débute par une description complète du grand fleuve et de ses
crues périodiques, car l'Egypte, c'est le Nil ; puis le pays lui-même, son
climat, ses productions, sa faune, sa flore, sont passés en revue et pré-
parent le lecteur à l'étude historique proprement dite. M. Fontane
cherche ensuite à débrouiller Técheveau confus des éléments qui ont
contribué à former la population égyptienne. Quelle est l'origine du type
rouge égyptien? Il n'est pas possible de le dired'une manière précise,et l'on
doit admettre que, par les Éthiopiens au sud, par les Africains à l'ouest
et par les Asiatiques à l'est, l'Egypte a reçu, de bonne heure, le sang
des principales races qui peuplent la ten*e; mais le type primitif est bien
diflScile à retrouver sur un sol oîi se sont établis successivement les Per-
ses, les Assyriens, les Hébreux, les Syriens, les Phéniciens, les Grecs,
les Romains, les Arabes et les Turcs.
Après cette introduction sur le pays et ses habitants, l'auteur
aborde l'histoire proprement dite, et la poursuit, avec une rare clair-
voyance, depuis les temps les plus reculés jusqu'à la fin de la 24'"'' dynastie
(715 avant notre ère). Les découvertes archéologiques ayant rendu à la
liste royale de Manéthon toute son autorité, c'est sa nomenclature qui,
malgré ses imperfections, sert de guide à M. Fontane. « On peut, dit-il,
discourir sur l'importance de Menés, rechercher s'il fut le premier
souverain de l'Egypte, l'organisateur du pays nouveau, ou s'il ne fut
que le continuateur d'une série déjà longue de souverains ; mais on ne
nie plus aujourd'hui le règne de Menés. » Depuis Mènes, c'est-à-dire
depuis l'an 5004 avant notre ère, l'histoire générale de l'Egypte est
fixée, et divers systèmes de classification de ces temps anciens existent
déjà. Disons, en terminant, que, d'après M. Fontane, la véritable divi-
vision se basant sur les dynasties de Manéthon, au nombre de trente-
deux, comprend : L'Ancien Empire (5004-3064 avant notre ère) ; le
Moyen Empire (3064-1703) ; le Nouvel Empire (1703-332) ; l'Egypte des
TTlfT
»f
— 115 —
Grecs (332-30) ; l'Egypte des Romains (de Tan 30 avant notre ère à 381
après J. C).
EoTPT ExpLOBATioN FUND. Report of first gênerai meeting and balance
sheet. London, in-8% 20 p. — La découverte faite, l'année dernière, par
notre savant compatiiote,M. Edouard Naville, des ruines de la ville de
Pithom-Succoth, a fait jaillir la lumière sur plusieurs points demeurés
obscurs jusqu'ici dans Thistoire égyptienne et dans l'histoire biblique. Le
rapport de M. Naville, présenté ^ l'assemblée générale de la Société pour
l'exploration de l'Egypte, en exposant les progrès des fouilles entreprises
par lui à Tell-el-Maskutah, sur l'emplacement de la Pithom de l'Exode,
bâtie parEamsès II, le Pharaon de l'oppression, montre la justesse du
coup d'oeil de l'explorateur, et la sagacité de son esprit, en même temps
que la sagesse et la prudence de ses déductions. Les faits acquis comme
certains ne l'entraînent pas à des conclusions précipitées sur la route
suivie par les Israélites à leur départ de l'Egypte. Il se borne à émettre,
comme hypothèse, l'idée qu'ils ont pris la route du sud, et non celle du
nord comme l'affirme Brugsch; mais la certitude ne pourra être fournie
que par des fouilles ultérieures. Le succès de la campagne de M. Naville
nous garantit de précieux résultats pour ses recherches ultérieures.
Uganda und der iïiGYFriscHE Sudan, von Rev. C-S. WiUon und
R.-W. Felkin. Stuttgart (J.-G. Cotta), 1883,2vol. in-8*»illust.Fr.9.50.
— Nos lecteurs se rappellent que le Rev. Wilson appartenait au pre-
mier groupe de missionnaires envoyés au lac Victoria par la voie de
Zanzibar, et que, demeuré seul après la mort de ses compagnons de
voyage, il fut le fondateur de la mission de l'Ou-Ganda ; M. Felkin lui
Alt envoyé comme aide, par la route de Souakim à Berber et par la vallée
du Nil. Plus tard ils revinrent ensemble par cette dernière voie, accom-
pagnant les trois ambassadeurs que le roi Mtésa envoyait à la reine
d'Angleterre, Ils ont donc eu l'occasion de bien voir le pays et les tribus
de cette partie de l'Afrique.
Empruntés en grande partie aux journaux personnels des deux voya-
geurs, ces volumes, dont la première partie est due à la plume de
M. Wilson, et la seconde à celle de M. Felkin, ont tout l'attrait de
tableaux peints d'après nature. Ils se sont proposé de décrire, non pas
tant leur œuvre missionnaire, que la nature du pays habité et parcouru
par eux, ainsi que les mœurs des indigènes au milieu desquels ils avaient
vécu, ou qu'ils avaient pu observer pendant leur voyage. Ils l'ont fait
de la manière la plus simple et la plus propre à donner au lecteur une
— 116 —
idée exacte d'une région qui, pourvue de bons moyens de communica-
tion, et sous un gouvernement juste et désintéressé, oflErirait à la civili-
sation et au commerce un champ vaste et fécond. A cet intérêt s'ajoute
celui de la comparaison que la lecture de ces volumes permet de faire,
entre l'état de cette partie de l'Egypte à l'époque où MM. Wilson et
Felkin la traversaient, où l'on pouvait descendre toute la vallée du Nil,
du lac Victoria k Khartoum, et passer de Berber à Souakim, sans autre
arme défensive que son bâton de voyage, et ce qu'en a fait la révolte
du Soudan, étendue aujourd'hui à tout le bassin du Nil jusqu'aux pro-
vinces de réquateur, où Schuver vient d'être assassiné, et d'où les explo-
rateurs Junker et Casati, et les gouverneurs Lupton-bey et Emin-bey
ne savent pas comment sortir.
C'est un privflège pour l'Allemagne d'avoir une traduction aussi bien
faite, à laquelle les illustrations fournies par les photographies du
magnifique ouvrage de M. Richard Buchta, sur le haut-Nil, donnent
un charme de plus. Nous ne pouvons qu'en souhaiter une semblable au
public de langue française.
Qu'il nous soit permis d'exprimer le vœu que la prochaine édition de
la traduction allemande, soit accompagnée d'une carte, ne fftt-ce que
celle de l'itinéraire du voyage de MM. Wilson et Felkin, publiée pour
les Mittheilungen, par l'Institut de M. Justus Perthes à Gotha.
Un explorateur africaik. Auguste Stahl, mort au G^bon en 1881.
Son voyage et sa correspondance (avec 2 cartes), par thnïle Dietz.
Paris (P. Monnerat), 1884, in-8% 64 p. Fr. 1,25 ; avec portrait Fr. 1,75.
— Cette notice a été présentée à la Société des sciences de Strasbourg,
qui s'occupe aussi des questions africaines.
Si l'importance d'un voyage se mesurait à l'enthousiasme de son
auteur, celui dont nous parlons aurait été fécond en résultats. Pour-
quoi a-t-il fallu que la fièvre impitoyable brisât, dès son début, une
carrière si bien commencée ? Né à Blidah, en Algérie, Stahl considérait
l'Afrique comme sa vraie patrie. N'ayant pu, malgré son désir, faire
partie de la mission Coillard au Zambèze, ni de l'expédition Flatters, il
partit, en novembre 1880, avec MM. Ballay et Mizon pour le Gabon et
rOgôoué. Ces derniers devant séjourner quelque temps à Dakar, il les
devança et arriva à Libreville, le 1" février 1881. Là, négligeant les
recommandations des officiers de la colonie, il parcourut le pays, se
promenant toute la journée soit au fort soleil, soit sous bois, au milieu
des marécages, et dans ces courses, il contracta la fièvre à laquelle il
succomba le 14 mars à l'âge de 28 ans.
— 117 —
La notice de M. Dietz renferme une biographie de l'explorateur, une
lettre de Mizon annonçant le fatal événement, et une dizaine de lettres
de Stahl lui-même, adressées à sa famille et à ses camarades d'études ;
elles respirent, sauf la dernière, uae inaltérable gatté et une grande
confiance dans l'avenir, et donnent, sur le Gabon, des renseignements
intéressants.
CrANIOLOGISCHE UNTER8UCHlTN(i DER NeGER UND DER NeCJERVÔLKER ,
Xebst einem Bericht uber meine erste Reise nach Cameroons (West-
Afrika) im Jahre 1883, von D' Cari Passavant. Basel (H. Georg), 1884,
in-8% 94 p. Frs 2,50. Le peu d'accord qui existe entre les savants, sur
la question de savoir si les nègres appartiennent à une seule et même
race ou à plusieurs, a engagé M. le D' Passavant, de Bâle, à choisir,
pour essayer de la résoudre, un critère plus fixe que ceux que les ethno-
logistes ont adoptés jusqu'ici. Après avoir passé en revue les opinions de
Lepsius, de Waitz, de Fritsch, de Muller etc., qui établissent leurs dis-
tinctions, sur la couleur de la peau, sur la nature des cheveux, ou sur la
philologie, notre savant compatriote a choisi pour base de son examen
la forme du crâne, moins susceptible d'être influencée par des circon-
stances extérieures. Il a mesuré un grand nombre de crânes de jiègres
proprement dits et de nègres du Congo, de Cafres, de Hottentots et de
Bushmen, et il a dressé des tableaux comparatifs, desquels il ressort,
pour lui, que les peuples nègres proviennent de trois races au moins :
1' dolicocéphale, 2** mésocéphale, 3" brachycéphale, représentées par
66 Vo, 30 Vo ®t 4 Vo de la population nègre. En outre, de tous les peu-
ples nègres, les Cafres sont, dans son opinion, la race la moins mélangée ;
«lie a 92 ^U de dolicocéphales. C'est parmi les nègres du Congo que les
éléments des trois races sont le plus fortement représentés. Les peuples
nains de l'Afrique centrale n'appartiennent pas à la même race que les
Bushmen.
L'expédition entreprise par M. le D' Passavant, sans succès d'abord,
mois reprise avec le D' Pauli, lui permettra sans doute de compléter ses
intéressantes études. Le récit de son premier voyage renferme d'utiles
renseignements sur les nègres de Libéria, sur le mode d'engagement des
porteurs, sur l'hydrologie et la flore du Cameroon, ainsi que sur les
indigènes de la baie de Biafra, sur leur intelligence, leur costume, leur
caractère, leurs occupations. Il se termine par le récit du naufrage dans
lequel se noya le D' Retzer, compagnon de l'explorateur, et par l'exposé
du plan de son nouveau voyage au Cameroon, dans lequel nous l'accom-
pagnons de nos vœux les meilleurs.
— lis —
Trente-deux ans a travers l'Islam (1832-1864), par Léon Boches.
Tome I•^ Algérie, Abd-el-Kader. Paris (Firmin-Didot et C»), 1884,in-8%
508 pages. Fr. 6. — L'auteur de cet ouvrage est un ancien membre
du corps diplomatique français, 4ue les hasards d'une vie agitée et les
diverses missions dont il fut chargé, conduisirent en Algérie, au Maroc,
en Tunisie, jusqu'à la Mecque et au Japon. Les récits de ses aventures
qui, toutes surprenantes qu'elles paraissent, ne sont pas moins réelles,
captivaient à un tel point ses amis, qu'ils l'engagèrent à publier ses
mémoires, ce qu'il se décida à faire, en donnant cependant à sa narra-
tion le titre plus modeste de « Trente-deux ans à travers V Islam. »
Le mérite de ce livre est de nous initier au caractère et à la vie intime
des musulmans, ce que peu d'Européens pourraient faire avec l'autorité
et l'expérience de M. Léon Roches qui, depuis l'âge de 23 ans, a vécu
au milieu des Arabes.
D arriva en Algérie en 1832, c'est-à-dire au début de la conquête
française. Un coup de tête le décida, quelques années après, à se rendre
auprès d'Abd-el-Kader, qui venait de signer avec la France le traité de
la Tafna. Se faisant passer pour musulman, grâce à sa connaissance du
Coran et de la langue arabe, il s'insinua si bien dans les bonnes grâce&
de l'émh* qu'il devint son secrétaire intime. Mais ne voulant pas trahir
sa patrie, il le quitta au moment de la reprise des hostilités contre la
France, et oflfrit ses services au maréchal Bugeaud, qui l'éleva au rang
d'interprète en chef, et bientôt après, lui confia une mission secrète à
Kaïrouan et à la Mecque. Le récit de ce voyage fera l'objet du deuxième
volume qui doit paraître prochainement.
Voyage dans l'Ou-Doé et l'Ou-Zi«oua (Zanguebar), par le R. P.
Baur. Lyon (Mougin-Rusand), 1882^ in-S'*, 95 pages, avec gravures et
une carte. — Les missions catholiques possèdent plusieurs établissements
dans la région côtière orientale de l'Afrique, en face de Zanzibar.
Le P. Baur, vice-préfet apostolique du Zanguebar, voulant visiter les
stations déjà fondées et chercher des emplacements favorables pour en
établir de nouvelles, entreprit, en 1882, en compagnie du P. Hacquard»
un voyage de deux mois dans l'Ou-Doé et l'Ou-Zigoua.
Partant de Bagamoyo, les voyageurs explorèrent les bassins du Wami
et du Ghéringhéré, affluent du Kingani, et visitèrent de nombreux vil-
lages disséminés dans une région fort accidentée, et en particulier Man-
dera et Mrogoro. Six jours après le retour à Bagamoyo, le P. Hacquard
était enlevé par la fièvre.
— 119 —
La relation du voyage, extraite du journal Le» Missions catholiques^
renferme des détails très curieux de géographie physique et d'ethnogra-
phie, qui dénotent chez le P. Baur une grande finesse d'observation. D
est enrichi de nombreuses gravures fort bien exécutées, dont l'une en
particulier représente la terrible mouche tsetsé, et d'une carte à grande
échelle de la région comprise entre Tanga, Mpouapoua etl'Ou-Khoutou.
Une EXCUE8I0N a Hammam-R'irha, par Victor Waille. Alger (P. Fon-
tana etC*), ISSSjin-S'^jie pages. — Hammam-R'irha est un village de la
province d'Alger, à 26 kilomètres au noM-est de Miliana,près duquel se
trouvent des eaux minérales très réputées, déjà utiliséesparles Romains,
et aujourd'hui fréquentées aussi bien par les indigènes que par les Euro-
péens. Les ruines de la ville balnéaire antique, désignée sous le nom
d'Aquœ Calidae, que la présence des sources chaudes autorise, mais qui
n'est confirmé jusqu'à présent par aucun texte gravé, ont été visitées
récemment par M. Waille, chargé d'une mission par le directeur de
renseignement supérieur. Il a consigné le résultat de ses recherches
dans une courte brochure, qui renferme une notice archéologique sur
Hammam-R'irha, la reproduction de sept inscriptions qu'il a découver-
tes, et une nomenclature des objets d'art que les fouilles ont fait décou-
vrir : chapiteaux, fûts de colonnes, pierres gravées, lampes funéraires,
bustes, etc.
GïLAMMATICAL NOTE ON THE GWAMBA LANGUAGE IN SoUTH AfRICA, by
Paul Berthoud (from the Journal of the Royal Asiatic Society of Great
Britain and Ireland, vol., XVI, part. 1), in-8*», 29 p. — Nous avons déjà
rendu compte (IV"' année, p. 327), des deux premiers ouvrages de
M. Berthoud, relatifs à la langue gwamba, parlée par les indigènes au
nûlieu desquels travaillent les missionnaires suisses établis dans les
Spelonken, au nord du Transvaal. A la demande de M. Cust, le savant
auteur de « Moderne Languages of Afrïca, » M.Paul Berthoud a rédigé,
pour la Société royale asiatique de Londres, le présent mémoire dans
lequel, avec une connaissance précise des travaux philologiques de Bleek
et de Peters, il ajoute, sur le nom, la tribu, le pays des Ma-Gwamba,
ainsi que sur tout ce qui se rapporte à la phonologie, à la formation des
mots, à la conjugaison, et à leur système arithmétique quinaire — tandis
que toutes les tribus bantou ont le système décimal, — des données toutes
nouvelles, que Bleek ne possédait pas encore, et que le séjour de sept
ans de M. Berthoud parmi ces indigènes lui a permis d'acquérir. Ce
mémoire substantiel est un utile complément au chapitre que M. Cust>
dans l'ouvrage susmentionné, a consacré à la langue gwamba.
— 120 —
Der Kriegsschauplatz im -Sgyptischbn Sddan, 1883 el 1884. Gotha
(J. Perthes), 1884, Fr. 1,20. — Cette carte du théâtre de la guerre dans le
Soudan égyptien est Tœuvre de Hassenstein, le cartographe bien connu
des lecteurs des Mittheilungeri de Gôtlta; c'est dire qu'elle présente
toutes les garanties désirables d'exactitude et de dessin. Nous estimons
cependant qu'il aurait été préférable de faire les montagnes en couleur
plutôt qu'en noir. Ce dernier système présente l'inconvénient de tro p
charger la carte, ce qui rend difficile la lecture des noms, surtout dans la
région montagneuse de l'Abyssinie. Nous le regrettons d'autant plus que
la carte est aussi détaillée que possible, et renferme en particulier les
noms de toutes les localités mentionnées chaque jour par les journaux.
Elle se compose d'une carte générale : Bassin du Nil et Soudan égyp-
tien, au Vi25ooooo» oti le théâtre de l'insurrection est indiqué par une
teinte jaune ; et de quatre cartons : V Soudan oriental et Abyssinie
ail Vtsoooooî c'est-à-dire, l'espace compris entre Souakim, El-Obeïd, le
lac Nô et Ankober ; 2" Pays avoisinant Souakim, Trinkitat et Tokar
au Vioooooo ; 3** Environs et plan de Khartoum au V150000 î 4^° Port de
Souakim avec les profondeurs du goulet qui y donne entrée au Vsoooo-
A Map of thb Nile from tue Equatorial Lakbs to tue Méditer -
RAKEAN, ËMBRACINO THE EoYPTIAK SuDAN AND AbYSSINIA. LoudOU (Ed.
Stanford), 1 dec. 1883, Fr. 6. — C'est toute l'Afrique nord-orientale
qu'embrasse cette carte, et non pas seulement le théâtre de la guerre au
Soudan. Elle a en effet pour limites la grande Syrte, le golfe Persique,
Berbéra, l'embouchure du Djouba et le Congo. Chargée de noms, elle
est cependant d'une lecture facile, les montagnes étant indiquées d'une
manière très légère. Il est vrai que, par ce fait, elle ne donne pas une
idée juste du relief ; on ne se rend pas très bien compte, en particulier ,
de l'important massif des monts d'Abyssinie. En revanche, les routes
des caravanes à travers le désert sont tracées, ainsi que les itinéraires
des bateaux à vapeur de la mer Rouge, avec l'indication du nombre de
jours qu'ils mettent à les parcourir. Un trait vert enferme l'ex-empire
égyptien ; des teintes différentes permettent de retrouver les posses-
sions anglaises, françaises et italiennes.
De REBUS AFRICANIS. ThE CLAIMS OF PORTUGAL TO THE COXGO AND
ADJACENT LITTORAL, by the Euvl of Mat/o, F. R. G. s., London (W.H.
Allen et C^), 1883, in-8% 63 p. et carte, 3 sh. 6 d. — Au retour de son
voyage dans les possessions portugaises de la côte occidentale d'Afrique,
— 121 —
Tannée dernière, le comte Mayo comprit Timportance que pouvaient
avoir, pour le commerce en général et pour celui de l'Angleterre en par-
ticulier, les négociations pendantes entre les gouvernements portugais
et anglais, relativement au Congo. Il crut devoir exposer, de la manière
la plus simple, Tétat actuel du commerce dans le territoire réclamé par
le Portugal, et le danger auquel ce commerce, libre jusqu'ici, serait
exposé, si le gouvernement anglais, constamment opposé aux réclama-
tions du Portugal, finissait par céder aux instances de ce dernier. A son
exposé il a joint des lettres de la Chambre de commerce de Manchester,
du 30 mai 1881 au 29 janvier 1883, dans lesquelles les intéressés protes-
tent à l'avance contre la reconnaissance, par le gouvernement de la
Reine, de toute annexion de territoires des natifs sur les deux rives du
Congo, ainsi que contre la sanction du gouvernement de la Reine à la
moindre intervention, dans la complète liberté de navigation et de com-
merce dont les négociants anglais jouissent depuis tant d'années dans
cette partie de l'Afrique. En outre, ils demandent que le gouvernement
britannique s'eiBforce de provoquer une entente cordiale entre les gou-
vernements de l'Europe et des États-Unis d'Amérique, pour que les
droits souverains et territoriaux des natifs du Congo et des pays neutres
adjacents soient respectés et maintenus, et pour qu'à l'avenir aucune
puissance ne puisse restreindre la liberté de navigation et de commerce
sur ce fleuve et ses tributaires.
Au moment où va s'engager, dans les Certes et au Parlement d'Angle-
terre, la discussion sur le traité anglo-portugais, on ne peut refuser à
l'ouvrage du comte Mayo, quoique datant d'une année, le mérite d'une
grande actualité.
A 6BAMMÀB OF THE A8ANTE AND FANTE LANGUAGE CAIJ.ED TSHI, by
Rev. J.-G. Christaller. Basel, 1875, in-8% 203 p., Fr. 12,50. — A dic-
TI03ÎARY OF THE ASANTE AND FANTE LANGUAGE CALI.ED TSHI, by ReV.
J.'G. Christaller. Basel (Missionsbuchhandlung), 1881, in-8®, 671 p.,
Fr. 32,25. — La langue dont le missionnaire Christaller a rédigé la
grammaire et le dictionnaire, est la principale des langues de l'Achanti ;
son dolmaine s'étend au delà des limites de ce royaume, de l'Assinie à
l'Ouest jusqu'au Volta à l'Est, et de l'Atlantique aux monts de Kong.
Avant Christaller, d'autres missionnaires, W.-J. MuUer au XVII"' siè-
cle, et Prott au XVIII"*, en avaient publié un vocabulaire et une gram-
maire, qui facilitèrent les travaux philologiques ultérieurs deBowditch,
Norris, Wilson, Oldendorf, Clarke et Robertson. Mais les ouvrages de
— 122 —
ces auteurs furent dépassés par la grammaire de Riis, parue eu 1854, et
plus encore par celle de Christaller qui avait été son élève. Toutes deux
attirèrent l'attention sur la langue de TAchanti; elles eurent les hon-
neurs d'un compte rendu, la première, de Pott, dans le Journal de la
Société orientale alle}nande^ la seconde, deLazarus et deSteinthal, dans
]si Zeitschrift fiir Volker-Psychologie und SprachenJctnide (1876). L'In-
stitut de France décerna en outre à Christaller une médaille d'or de
300 francs.
En terminant sa grammaire celui-ci exprimait le vœu de pouvoir y
ajouter une collection de sentences et de proverbes bien choisis, servant
pour ainsi dii*e de « Grammaire en exemples, » ainsi qu'un dictionnaire
tshi-anglais. Il y a réussi, et son dictionnaire est une des œuvres les plus
considérables de la philologie africaine. Il ne s'est pas borné à la langue
principale del'Achanti, il en a aussi donné plusieurs dialectes : Vakan,
la langue de la cour et du gouvernement de Coumassie ; Vakwapem, le
plus propre à devenir le dialecte littéraire, parce que toutes les tribus le
comprennent; le bron, parlé à l'Est du Volta, inférieur à l'akan parce
qu'il renferme des éléments étrangers et des archaïsmes. Mentionnons
encore, dans les Appendix qu'il y a ajoutés, celui qu'il a consacré aux
noms géographiques ; imparfait encore vu les lacunes qui existent dans
nos connaissances sur la Côte d'Or, il peut néanmoins servir de base à
une géographie de cette région. Il a déjà fourni à la Société des missions
de Bâle, à laquelle la science est redevable de ces deux ouvrages, la pos-
sibilité de faire dresser une carte à grande échelle, pour laquelle on a
profité de tous les renseignements envoyés par les missionnaires des
40 stations et annexes que cette société compte à la Côte d'Or.
Leh AN(iLAis EN Egypte, par le lieutenant-colonel Hennehert. Paris
(Jouvet etC'"), 1884, in-8°, 75 p., avec carte, Fr. 2,25. — LeMahdia déjà
trouvé un historien, M. Hennehert, qui a voulu exposer, sans parti pris,
la situation actuelle de l'Egypte et du Soudan. Résumant rapidement
l'histoire de la formation de l'empire égyptien, il décrit l'influence exer-
cée par l'Angleterre dans cette partie de l'Afrique, malgré la résistance
que lui ont opposée les nombreuses sectes musulmanes, lorsqu'elle a
voulu supprimer la traite dans le bassin du Nil.
L'ingérence de la France et de l'Angleterre dans les affaires de
l'Egypte amena la formation d'un parti hostile aux étrangers, décoré
à tort du nom de parti national. M. Hennehert croit que c'est la
compagnie des Bagara Sélim, gens de sang arabe, qui a provoqué le
— 123 —
soulèvement simultané d'Arabi en Egypte et du Mahdi au Soudan
S'occupant particulièrement du Mahdi, il donne sur sa personne, son
caractère, son armée, ses campagnes dans le Kordofan et le Darfour,
des renseignements iiltéressants. Ce livre, composé avant l'arrivée de
Gordon à Khartoum et les récentes victoires des Anglais dans les environs
de Souakim, est écrit d'un style simple et d'une manière impartiale.
Nous regrettons cependant que l'auteur ait négligé dïndiquer les sour-
ces où il a puisé les informations assez curieuses qu'il nous fournit.
Une petite carte donne le bassin du Nil et les limites de Tex-empire
égyptien.
Au cours de son exposé, M. Hennebert rappelle que la découverte des
sources du Nil n'est pas un fait absolument nouveau. Il y a 8500 ans,
d'après Mariette, les Pharaons guerroyaient déjà sur les bords des
grands lacs; Hérodote les mentionne, Ératosthène les place assez exac-
tement, et on les trouve nettement dessinés sur les cartes portugaises
du XV"** et du XVI"* siècle. Néanmoins, c'est à Speke et Grant que
revient Thonneur de les avoir retrouvés.
Die Nilï-^sder, von Prof. D*" E. Hartmann, mit Bildern, Leipzig
(G. Freytag), 1884, in-12**, 216 p.,Fr. 1,35. — Après avoir donné dans
un premier volume de l'édition Freytag, la description de l'Abyssinie
et des temtoires de l'Afrique orientale jusqu'à la province de Mozambi-
que (voir IV"** année, p. 232), le savant D' Hartmann décrit, dans ce
volume-ci, tout le bassin du Nil, de la Méditerranée aux sources du grand
fleuve, ou du moins jusqu'au lac Victoria. En ayant exploré lui-même
une partie, et possédant très bien la littérature du sujet, jusqu'aux der-
niers travaux de Schuver, de Buchta et d'Emin-bey, il expose d'une
manière complète la géographie physique de chacune des provinces de
cet immense bassin, jusqu'à celles de l'Equateur soumises naguère
encore à l'Egypte, et aux États indépendants de l'Ou-Ganda et del'Ou-
Nyoro, sans négliger aucun des détails importants de l'ethnographie de
toutes les principales tribus qui les peuplent. Il diffèred'opinion d'avec
le D' G. Passavant, sur les Bushmen, qu'il range dans la même famille
que les Akka; et, d'après les rapports des coutumes et de la langue des
populations de l'Ou-Ganda et de l'Ou-Nyoro, avec celles des autres
tribus bantou, il place dans ces royaumes de l'équateur le berceau de la
race bantou ou cafre.
Uber die Capverden xach DEM Rio-Grand^ rxD Futah-Djallon,
— 124 —
von D' C. Doelter, mit Holzschnitten und Karte, Leipzig (Paul Froberg),
1884, in-4'*, 263 p., Fr. 16,25. — L'expédition du Talisman a attiré l'atten-
tion sur les îles du Cap-Vert, dont elle a visité les pêcheries de corail
rouge, au S.-E. de Santiago, et exploré les îles de Saint-Vincent et
Branco, au point de vue des grands sauriens. De 1880 à 1881, cet archi-
pel avait été étudié par le D' Doelter, professeur à l'université de Gratz,
qui fit en même temps une excursion dans la Sénégi^mbie méridionale,
aux îles Bissagos et au Rio-Grande. Grâce à une recommandation du
gouvernement portugais pour les autorités de la province du Cap-Vert
et de la Guinée, il trouva un appui auprès d'elles pour ses études, dont
il a exposé les résultats dans ce volume, illustré avec soin d'après des
croquis rapportés par l'auteur, et accompagné d'une carte dressée
par lui.
Quoique ses recherches aient porté essentiellement suj géologie des
îles qu'il a visitées, il n'en a pas moins étudié la topograi ie et l'ethno-
graphie, et mesuré, dans l'île Santiago, le pic d'Anton o qui atteint
2000°. La nature volcanique de ces îles et la comparaison qu'il en a
faite avec les Açores, les Canaries, Saint-Thomas, etc., l'ont conduit à
examiner la question de l'Atlantide de Platon ; tout en admettant qu'il
existait autrefois autour de l'île Mayo une terre beaucoup plus grande,
en rapport avec le continent, il ne pense pas que l'on ait jusqu'ici
recueilli assez d'observations, pour pouvoir admettre avec certitude
l'assertion du philosophe grec. Rappelons cependant que les différents
sondages faits ces dernières années dans l'Atlantique, semblent avoir
révélé dans cet océan l'existence d'une chaîne de montagnes sous-mari-
nes partant de l'Islande ou du Groenland et allant mourir au sud du Cap
de Bonne Espérance.
Des troubles dans la Sénégambie méridionale l'ont empêché de péné-
trer dans le Foutah-Djallon. Néanmoins, son séjour aux îles Bissagos et
dans le bassin du Rio-Grande lui a permis de recueillir d'utiles rensei-
gnements sur les Biafades, les Foulahs, les Mandingues, etc., sur les
progrès de l'islamisme dans la Sénégambie méridionale, ainsi que sur
ceux de l'influence française. Toutefois son attention s'est surtout
portée sur la structure géologique, les gisements aurifères, les minerais
de fer, la géographie physique, la flore et la faune de la Sénégambie
méridionale.
ÉCHANGES
Amsterdam.
Anvers.
Berlin.
Brème.
Bruxelles.
Berlin.
Sooiéiés de géographie.
Constantine. Hambourg. Lisbonne. Nancy.
Douai. létia.
Francfort •/M. Le Caire.
Greifswald. Leipzig.
Halle. Lille.
Lyon.
Madrid.
Marseille.
Montpellier.
New-York.
Oran.
Paris.
Sooiéiés de géographie oommeroiAle.
Bordeaux. Paris. Porto.
Kinioiis.
Rochefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Saint-Gali.
Journal des missions évangëiiqnes (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XIX^o siècle
(Neuch&tel).
Journal de TUnité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de ^^ propagation de la foi (Lyon).
Missions-?' [ (Barmen).
BerlinerM) ^ns-Berichte (Berlin).
Heidenbote'.,t&le).
Evangelisci î Missions -Magazin (Bâle).
Calwer Missions -Blatt (Calw).
Allgemeine Hissions-Zeitschrifl (GUters-
lob).
Glaubensbote (B&le).
Airica (Londres).
La Nigrizia (Vérone).
Ghurch missionary Intelligencer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New-York).
Foreign Missionarv (New-York).
Régions beyond (LondrésX
GLronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Ghurch of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (LoAdres).
Ghurch of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the nnited presby-
terian Ghurch (Edimbourg).
Ontral Africa (Londres).
Woman*s foreign missionary Society
(Philadelphie).
Divers.
Exploration (Paris).
Moniteur des (Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du (lomice agricole (Médéa).
Bulletin de FAcadémie d'Hippone (Bone).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris),
Revue géographique internationale (Paris).
HandeU-Zeitung (Saint-GalI).
Deutsche Rundschau fttr Géographie und
, Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen (jesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fUr den
Orient (Vienne).
Zeitschrift fOr wissenschaftliche (Géogra-
phie (Lahr).
Aas allen WeUtheilen (Leipzig). .
Deutsche Kolonialzeitung (Francfort s/M).
Ghamber of (Commerce Journal (Londres).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
Gosmos (Turin).
Bollettino délia Societa africana d'Italia
(Naples).
Esplorazione (Naples).
Marina e Gommercio, e Giornale délie co-
lonie (R^ne).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Revista de Estudos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
AUTRES-PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Gonstantine).
Moniteur de l'Alfférie (Alger).
Dr A. Petermann s Mittheilungen (Gotha)
Proceedings of the royal geographical
Societv and monthly Recora of geogra
phy (Londres).
Natal Mercurv (Durban).
Gape Argus (Gape-Town). '
West Amcan Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
SOMMAIRE
Bulletin mensuel , . 101
Nouvelles complémentaires 11 î
BiBUOGBAPHIE :
Les Egyptiens, par Marias Fontane 113
Egypt exploration fund, par Edouard Naville, 115
Uganda und der JËgyptische Sudan, von Rev. C.-S. Wilson^ und
R.-W- Felkin 115
Un explorateur africain, par Emile Dietz 116
Craniolojgische Untersuchung der Neger und der Negervôlker, von
D' Cari Passavant 117
Trente-deux ans à travers PIslam, par Léon Hoches 118
Voyage dans POu-Doé et POu-Zigoua, par le Rev. P. Baur 118
Une excursion à Hâmman-R'irha, par Victor Waille. . . i 119
Grammatical note on the Gwamba language in South Africa, by Paul
Berthoud. . * 119
Der Kriegsschauplatz im ^gyptischen Sudan, 1883 et 1884 120
A Map of the Nile from the Equatorial Lakes to the Mediterranean,
embracing the Egyptian Sudan and Abyssinia 120
De rébus africanis, by Earl of Mayo 120
A Grammar of the asante and faute language called tshi, by Rev.
J.-G. Christaller 121
Les Anglais en Egypte, par le lieutenant-colonel Hennebert 122
Die Nillœnder, von prof. D' Hartmann 123
Uber die Capverden nach dem Rio-Grande und Futah-Djallon, von
D' C. Doelter 123
OUVRAGES REÇUS :
Congreso espagnol de Geografia colonial y mercantil. Conlusiones votadas y
aprobadas en las sesiones de los dias 6 à 12 de noviembre de 1883. — Madrid,
in-4**, 6 p.
A l'assaut des pays nègres. Journal des missionnaires d'Alger dans l'Afrique
équatoriale. Pans (Œuvre des Écoles d'Orient, 12, rue du Regard), 1884, in-8o,
347 p. avec gravures et carte.
Notice historique sur deux inscriptions romaines trouvées au Ksar-Mezouar
(Tunisie), en 1881-82, par M. Alex. Papier, président de l'Académie d'Hippone.
— Bone, 1883, in-8^ 21 p. et pi.
Bericht ûber das IX Vereinsjahr erstattet vom Vereine der Geographen an der
Universitât Wien. — Wien, 1884, in-8, 26 p.
Original Map of South African, containing ail South African Colonies and Native
Territories, by Rev. A. Merensky. Berlin (Simon Schropp'sche Hof-Landkarten
Handlung), 1884. Vi,6ooooo, 4 feuilles. Fr. 16.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
/h
GENEVE ■
GEORG, LIBRAIRE-ÉDITEUR
m£iu maison a bale et a ltoh
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
. Dl&lOâ PAR
M. GnstaTe MOYNIEB
Membre de la CommtBsion internationale de Bnucellea i>oiir Pexploration et la civilisation
de l'Afriqae centrale; membre correspondant do rAcadémie d*Hippone,
et des Sociétés de géographie de Marseille, de Nancy, do Loanda et d& Porto. ^
i^iad PAB
M. Charles FAUBE
Secrétaire-Bibliothécaire de la Société de géographie de â^cnève , membre correspondant dos Sociétés
do géographie de Lisbonne, do Loanda, do Porto ot do Saint^Gall.
L'Afrique paraît le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8o d'au
moins 20 pages chacune; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaire.
Le prix de Fahonnemeiit annuel , payable d'avimee » est de 10 IVanes»
port compris, pour tous les pays de rUnîon ^postale (première zone) ; pour les
autres, il fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit h un eompte renda*
Adresser tout ce qui concerne la rédaedon à 91. OostaTe lUojriiler*
Hf rae de l'Athénée, h Genève (Suisse). -
S'adresser pour les abonnements h Téditenr, M. H. Geori;, à
Genève on h BAle.
On s'abonne aussi :
»
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Ch. Delagbave, libraire. 15, me SoufiQot, à Paris.
MuouARDT, libraire de la Cour, 45. rue de la Régence, à Bruxelles.
DuMOLARO frères, libraires, Corso Vittorio Emmanuele, 21, à Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querstr., 29, à Leipzig.
L. Friederichsen et C*«, libraires, Admiralitâtsstr, 3/4, à Hambourg
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Grabon 27, Vienne (Autriche).
Trubner et C'«, libraires, Ludgate Hill, 57/59. à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
AVIS. — Nous mettons à la disposition de nos nouveaiLV abonnés, au prit de
10 fr, chacun, un certain nombre d'exemplaires complets de la II™*, de la JU"'*'
et de la 17™» année. La I"» est épuisée.
— 125 —
BULLETIN MENSUEL {3jiiinl884y
L'établissement du protectorat de la France sur la Tunisie facilitera
l'exploitation des richesses minières de ce dernier pays. Depuis un cer-
tain temps la compagnie des mines de fer de Mokta-el-Adid faisait
explorer les territoires des Mukaras et des Nefeas en Kroumirie. Ayant
reconnu la valeur des gisements qui s'y trouvent, elle a demandé au gou-
vernement tunisien une concession, pour l'exploitation de laquelle elle
créera un port dans la baie du cap Serrât, plus deux lignes de chemin
de fer de 70 kilom. pour relier le Djebel-Bellif, centre de la concession,
avec Tabarka d'une part, et avec le port de Serrât de l'autre.
'Quelque lente que puisse paraître la marche envahissante du Maiidi,
les progrès n'en sont pas moins visibles d'un mois à l'autre. Maître des
routes du Nil à la mer Rouge, qui ne lui sont plus disputées, il a rallié
sous ses drapeaux toutes les tribus du Soudan proprement dit, de
manière à isoler complètement les garnisons de Kassala, de Sennaar,
de Khartoum, qui peuvent faire de temps à autre quelque sortie heu-
reuse, mais doivent bien vite se renfermer dans la place, sans espoir de
voir se rompre le cercle de fer qui se rétrécit toujours davantage autour
d'elles, aucunes troupes ne cherchant à les dégager ni à faciliter leur
évacuation. De Khartoum quelques centaines •de personnes ont pu profi-
ter de ce que le désert de Korosko n'était pas encore occupé par les par-
tisans de Mohamed-Hamed, pour gagner Assouan, avant la chute de
Chendy et de Berber. Mais aujourd'hui les émissaires du Mahdi, enhar-
dis par l'inaction des Égyptiens et des Anglais, menacent Dongola et
Assouan, et les communications avec la capitale du Soudan sont coupées.
Comment les nouvelles de Gordon parviennent-elles au Caire? Nous
l'ignorons. Les messagers qui lui sont envoyés d'Egypte ne peuvent plus
dépasser Dongola ni Korosko. Les difficultés de sa retraite augmentent
de jour en jour. Il ne reste à sa disposition que la voie du Nil, encore
les deux rives de celui-ci sont-elles occupées par des adhérents du Mahdi,
aux projectiles desquels Gordon a pu échapper jusqu'ici, dans ses courses
sur le fleuve avec ses bateaux h vapeur. H a même réussi à les éloigner
des bords du Nil, mais sans pouvoir leur infliger de défaites, ces bandes
' Les matières comprises dans nos BuUetins mensuels et dans les Nouvelles com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
l'IFRIQUE. — CINQUIÈME ANNÉE. — N** 6. 6
1
— 126 —
étant insaisissables. On parle d'une expédition à envoyer à son secours,
quand les eaux du fleuve auront assez grandi pour permettre la naviga-
tion ; mais les garnisons de Dongola et d'Assouan tiendront-elles jusque-
là ; et à supposer qu'elles puissent continuer à occuper ces points, les
troupes du Mahdi n'arrêteront-elles pas les vapeurs qui remonteront le
Nil et ceux qui chercheront à le descendre depuis Kiiartoum, dans les
endroits oîi les rapides et les cataractes obligeront à s'arrêter, à descen-
dre à terre, et leur nombre n'aura-t-il pas facilement raison du corps
expéditionnaire envoyé par cette voie au secours de Gordon? Plus on se
hâtera, plus on aura de chances de ne pas arriver trop tard. U n'est
nullement nécessaire d'attendre jusqu'en juillet pour faire avancer ces
troupes de secours. Sir Samuel Baker a fait à deux reprises l'expérience
qu'il n'est pas impossible de gagner Khartoum, depuis le Caire, au prin-
temps. La première fois, il quitta le Caire avec sa femme, le 15 avril 1861,
et atteignit Korosko le 11 mai, puis traversa le désert juste à l'époque
où nous nous trouvons ; la seconde fois, son expédition composée de six
steamers, quinze sloops et quinze dahabiehs, devait partir du Caire eu
juin 1869 ; les steamers démontés et les machines devaient être trans-
portés à travers le désert de Korosko, sous le commandement de
M. Higginbotham. Alors on ne jugeait pas impi*aticable la traversée du
désert à ce moment de l'année, et si le matériel de l'expédition ne partit
que le 29 août, ce n'est pas qu'on la crût dangereuse, c'était simplement
qu'on voulait la rendre impossible, parce qu'elle était destinée à suppri-
mer la traite sur le Haut-Nil.
Les missionnalrefii romains ont établi une nouvelle station à
Souérou» entre leurs établissements de Tabora et du Yictoria-Nyanza.
A cet effet ils se sont adressés à Mirambo, dans les États duquel se trouve
ce nouveau poste, pour lui demander l'autorisation de le créer. Mirambo
les a très bien reçus dans sa ville royale de Eonongo qu'ils ont trouvé
fortifiée par une enceinte de troncs d'arbres, assez longs, reliés solide-
ment les uns aux autres. Au-dessus de la petite porte qui y donne entrée
étaient suspendus de nombreux boucliers de peau d'éléphant, pris peu
auparavant par Mirambo sur les Wa-Touta. Le roi leur donna un de ses
ofhciers pour les conduire dans l'Ou-Kouné, les présenter à ses gens
comme ses amis, donner les ordres nécessaires afin qu'on ne leur susci-
tât aucune difficulté, et pour les guider dans la recherche d'un emplace-
ment. Dans le trajet de Konongo à l'Ou-Eouné, ils traversèrent le Ut de
*
la rivière Gk)mbé, alors à sec, mais qui, à l'époque des pluies, se remplit
sur une largeur de 90". Un pont de 150", reposant sur de larges pieux,
'. ^.
— 127 —
assure alors les communications entre les deux rives. Grâce à l'officier
de Mirambo, ils reçurent partout un accueil amical et empressé. Comme
on savait qu'ils soignaient les malades, la porte de leur tente était assié-
gée chaque soir par une quantité d'infirmes. Entrés dans TOu-Eouné, ils
trouvèrent sur le penchant d'une colline un établissement de forgerons
indigènes, qui fabriquaient assez habilement des lances, des flèches, des
haches et des balles de fusil. Au milieu de la case était un grand brasier
alimenté par du charbon de bois; au-dessus, une petite construction en
maçonnerie soutenait un grand vase en terre, sorte de creuset que l'on
remplissait de petites pierres ferrugineuses qui se trouvaient dans le voi-
sinage. Autour du foyer étaient placés huit soufflets, deux par deux, de
manière que quatre hommes pussent les faire fonctionner tous. L'effet en
était surprenant ; en quelques instants les pierres entraient en fusion, le
métal tombait au fond de l'appareil, et les matières étrangères flottaient
à la surface comme un épais bitume. Les missionnaires choisirent le vil-
lage du chef Souérou, bftti au pied d'une colline, dans un district riche
en sources, et ou abondent le riz, les pois, les lentilles, et aussi le bétail :
bœufs, moutons et chèvres. Le chef leur fit construire une habitation, et
leur promit de leur confier l'éducation de ses enfants.
Sans être aussi intelligent que Mirambo, le chef de rOn-Gouha,
KwuammgB^ exerce à l'ouest du Tanganyika une grande influence. Son
territoire s'étend sur une longueur de 190 kilom. le long de la côte du
lac, du Loukouga à la frontière de TOu-Goma, jusqu'à 90 kilom. à
l'intérieur. Lors du passage de Cameron, saisi d'une crainte supersti-
tieuse, il refusa la visite de l'explorateur, sous prétexte que des hommes
qui se vêtaient entièrement, corps, pieds et mains, ne pouvaient être
que des sorciers de la pire espèce. Aujourd'hui, sous l'influence des mls-
slonnAires angolais, il se promène dans ses rues vêtu à l'euro-
péenne. D'après une lettre de M. Griffith, publiée dans le Chronicle,
journal de la Société des missions de Londres, le nom de Kasanga est un
titre héréditaire, comme celui des Pharaons d'Egypte. La dignité de chef
passe toujours au neveu, fils d'une sœur, afin de conserver la pureté de
sang des héritiers et de prévenir les factions que pourraient créer les
en&nts du chef, conune il en existe en permanence, à l'est du lac, chez
les Wa-Ha, lesWa-Songué,les Wa-Vinza, chez lesquels existe le principe
d'hérédité par les propres fils du chef. Kasanga est en bonnes relations
avec les chefe des territoires voisins du sien ; en temps de guerre, il est
leur héros, et a le pouvoir de les rassembler de très loin. Le chef de
Kiyombo, près du Congo supérieur, est un de ses amis les plus constants
— 128 —
et les plus loyaux ; ils échangent souvent des présents entre eux ; en outre
Tunion est cimentée par des mariages entre les familles régnantes.
L'importance de Easanga s'est accrue depuis que les missionnaires se
sont établis dans son pays. U commande la route commerciale de
l'ouest, et les connaissances supérieures qu'on lui prête, parce qu'il est
en rapport avec les Arabes et les Européens, font qu'on le consulte sur
toutes les affaires politiques de quelque importance. Les chefs et leurs
gens le visitent de très loin, et avant de repartir, ils veulent voh* la
demeure de l'homme blanc et ses meubles qui les étonnent beaucoup.
Kasanga est âgé de 60 ans; il a des infirmités causées peut-être par
l'abus du pombé. Le rang d'un chef dépendant du nombre de ses fem-
mes, il en a 200. Gomme tous les potentats africains, il a été guerrier,
et son ancienne nature reparatt, quand les gens de l'Ou-Goma négligent
de lui payer le tribut : peaux de léopards, ivoire, canots, etc. Depuis
l'installation des missionnaires chez lui, il a cependant cessé de faire la
guerre aux Wa-6oma, conmie il la faisait auparavant.
M. Selous a exploré une nouvelle partie du haut-pays, au sud du
Zambêze, près du cours supérieur de la Sabi, et en a envoyé aux
Proceedings de la Société de géographie de Londres une courte descrip-
tion, avec une carte esquisse corrigeant quelques erreurs des cartes de
Baines et de Mauch. Arrivé aux sources de l'Hanyane ou Manyane, tri-
butaire du Zambèze, il les a trouvées plus au sud que ne l'indique Baines.
Sur le versant méridional, les eaux coulent dans la Rouzaroué, un des
principaux affluents de la Sabi. Pour passer de l'Hanyane aux sources
de la Mazoé, M. Selous a traversé un plateau élevé, en forme de dôme,
saturé d'eau, et fournissant les sources de toutes les rivières voisines. Il
estime que c'est le point culminant de toute cette partie de l'Afrique ;
un vent froid du S.-E. y souffle presque sans interruption, si âpre et si
piquant qu'il semble venir directement des régions polaires antarctiques ;
partout où il y a des arbres, ils sont courbés au N.-O. par le vent domi-
nant. Aucune partie de l'Afrique méridionale, dit M. Selous, n'est aussi
propre à être habitée par des Européens ; les meilleures parties du
Transvaal ne peuvent lui être comparées. Le sol est très bien arrosé, les
sécheresses et les famines y sont inconnues ; nulle part non plus les natife
n'ont d'aussi abondantes récoltes.
Plus à l'ouest, M. Ikl^i^ard Clayton a fait visite à Lobengula, roi
des Matébélés, pour obtenir de lui, en faveur de M. John Swinburn, le
renouvellement de la concession minière poui* les gisements aurifères
situés entre la Shasha et la Rhamakoan. Au commencement de février,
n*. ▼ •
— 129 —
on craignait beaucoup que la sécheresse ne détruisît les récoltes. Dès
lors la pluie est tombée pendant une vingtaine de jours, et la famine est
prévenue. Mais jusqu'à cette chute de pluie, la sécheresse avait été telle,
que presque tous les bestiaux enlevés aux Ba-Mangwato du lac Ngami
avaient succombé. La perspective d'une bonne récolte a ramené dans le
pays la paix et la tranquillité. Presque tous les Européens, chasseurs ou
missionnaires se sont rendus plus au sud pour échapper à la disette.
Aux Spelonken des pluies diluviennes ont eu des conséquences
désastreuses pour les missionnalpes suisses ; leurs chambres ont
-été remplies d'eau, et MM. H. Berthoud et Mingard ont eu de violentes
attaques de fièvre. De plus, la maison que M. H. BertAoud construisait
sur un point plus élevé et plus salubre que la station de Yaldézia, pour
y établir son frère Paul revenant d'Europe, a été entièrement ruinée
par les pluies. Ce dernier a rencontré à Pietermaritzbourg, son ancien
collègue, M. Creux, en route pour l'Europe, afin d'y rétablir sa santé.
Dès lors M. Creux est heureusement arrivé en Suisse.
 la côte orientale, M. li¥ilcox, missionnaire américain, a continué
il travailler au milieu de la population de race zoulou qui habite autour
de la baie d'Iiili»mbané. Quoique son poste de Cocha soit situé dans un
endroit élevé, et par conséquent plus salubre que les terres basses du
bord de la mer, il compte choisir un lieu plus élevé encore, et croit que
toute cette région pourra devenir salubre et habitable à mesure que le
christianisme et la civilisation en changeront les conditions. Oumzila a
quitté sa résidence d'Oumoyamoulé, pour se rapprocher de la Sabi, dont
le voisinage lui paraît plus sain que la région où il habitait jusqu'ici.
M. Wilcox attribue une grande importance à l'extension de la mission
américaine dans ce champ immense du Zoulouland au Zambèze.
M. et M*"* Jaeottet sont arrivés au L<essouto à la fin de mars ;
leur première impression a été très favorable ; le contraste entre l'État
libre qu'ils venaient de traverser, depuis Aliwal-North, et où ils n'avaient
rencontré que quelques rares fermes avec quelques arbres et un ou
deux champs de mais, est des plus frappants, a Au Lessouto, :» écrit
M. Jacottet, « des cultures de tous les côtés ; de splendides champs de
mais, de blé, de mabélé, réjouissent les yeux ; on aperçoit sur le flanc
des montagnes la fumée de nombreux villages... On a laissé la civilisa-
tion pour entrer dans la barbarie, c'est du moins ce qu'on dit et ce qu'on
pense; et au contraire on trouve un peuple industrieux, travailleur,
sachant, malgré les difficultés, tirer de son sol le meilleur parti possible.
On comprend alors ce que l'on appelle, au sud de l'Afrique, arracher un
— 130 —
pays à la barbarie pour lé conquérir à la civilisation. Le Lessouto bar-
bare est un des pays les mieux cultivés de toute l'Afrique du sud ; con-
quis à la civilisation,, c'est-à-dire pris par les Anglais ou les Boers, il
serait aussitôt partagé en fermes ; les cultures disparaîtraient, les mou-
tons feraient leur apparition, et un sol qui réussissait à nourrir et h
enrichir 150,000 à 200,000 noirs, suffirait à peine à faire vivre ou végé-
ter 15,000 à 20,000 Boers... Sous le rapport de la culture, on peut dire
hardiment que le Lessouto est le pays le plus avancé de toute la colonie^
sauf peut-être les environs du Cap. Un fait à noter, c'est que depuis
quinze ans, on a acheté au Lessouto plus de charrues que dans tout le
reste de la colonie ; et cependant la population du Lessouto est à celle
de la colonie dans la proportion de 1 à 4 ou 5. »
Avant de se mettre en route pour l'intérieur, le D' Holub a, par
l'exposition des objets qu'il a apportés d'Europe, et par des conférences
sur les tribus be-chuana, cherché à intéresser à son entreprise les habi-
tants de Capetown. En outre, afin d'accoutumer ses compagnons de
voyage aux fatigues que rencontrent les explorateurs, il a fait avec eux
une excursion de quelques semaines dans les moato Somerset pour
en étudier la géologie, la flore et la faune. Au point de vue géologique il
n'a rien trouvé de remarquable ; la saison n'était pas non plus très favo-
rable pour les collections de plantes ; en revanche il en a fait d'assez
riches d'animaux pour les musées d'Europe.
L'AssociatÂon intemationale du Coni^o, — c'est le nom sous
lequel se présentent depuis quelque temps les dûrecteurs de l'œuvre pour-
suivie sur ce fleuve par Stanley — a publié récenunent des extraits du
journal de voyage de l'explorateur, de Stanley-Pool aux chutes de Stan-
ley, soit du 24 août 1883 au 20 janvier 1884. Quoique ces extraits ren-
ferment très peu de détails scientifiques, ils ont leur utilité en ce sens
qu'ils nous apprennent où ont été fondées les nouvelles stations créées
le long du fleuve, et dans quel état sont les anciennes. C'est ainsi que
nous voyons une station de Kouamouth établie à l'embouchure du
Quango, et que nous apprenons qu'à Bolobo, un différend survenu entre
la tribu des Ba-Yaiizi et M. Binmfaut a retenu 18 jours Stanley, obligé de
relever et d'approvisionner la station qui avait été brûlée ; au retour
l'explorateur la trouva derechef incendiée à la suite d'hostilités nou-
velles entre M. Brunfaut et le chef de la contrée, Ibaka.
C'est la station de l'Equateur qui a servi de base d'opération au voyage
en amont jusqu'aux chutes de Stanley, accompli en compagnie de Roger
et de 68 hommes, répartis sur les trois vapeurs, VEn mxirdy le Bayais et
— 131 —
VA8$ociation internationale africaine^ plus une baleinière. Chemin fai-
sant Stanley conclut des traités avec les chefe d'Ouranga sur la rive
gauche, à Tembouchure du Loulemgou, de Bangala, sur la rive droite,
de Roubounga et d'Oupoto, deux localités situées vis-à-vis Tune de
l'autre, sur les deux rives du fleuve. Le 15 novembre il se perd dans les
méandres du Congo, et au bout de quelques heures de navigation, s'aper-
çoit qu'il remonte un des affluents de droite (vraisemblablement Tltoum-
biri); il le redescend bien vite et poursuit sa route. Le 15 novembre, sa
flottille arrivait à Tembouchure de TÂrouonimi, et jetait Tancre sur la
rive droite de ce tributaire, en face des villages, qui, en 1877, lancèrent
contre lui tant de canots de guerre. Cette fois encore les gros tambours
résonnent, les rives se couvrent de gens en armes, mais deux canots seu-
lement s'avancent et demeurent en observation. Après une heure
d'attente Stanley lance ses steamers à toute vapeur, en serrant la rive,
et passe devant les villages dont les habitants sont stupéfaits du bruit
de la vapeur, de l'agitation des roues, de la rapidité de la course. Us
eatrent en négociations et cherchent à détourner l'explorateur de l'idée
de faire une reconnaissance de l'Arououimi. Stanley persiste dans son
projet, et remonte la rivière, sans rencontrer des dispositions hostiles
chez les populations riveraines. Arrivé au village de Yambounga près
duquel se trouvent des rapides, il redescend l'Arououimi et en regagne
l'embouchure dans le Congo ; cette excursion lui avait pris cinq jours. Il
est infiniment regrettable que l'extrait de son journal soit si succinct, sur
ce point siulout, car, à part l'indication des noms de Berré et d'Ouerré
donnés à la rivière dans certaines parties de son cours, d'oii Stanley
concJut que c'est évidemment l'Ouellé de Schweinfurth, nous n'appre-
nons rien sur l'Arououimi, sur sa direction, sa largeur moyenne, sa
vitesse, la couleur de ses eaux, ses affluents de droite ou de gauche,
éléments importants pour la solution du problème si catégoriquement
tranché par l'explorateur (p. 141). Le seul fait caractéristique extrait du
journal, c'est que les Arabes du Soudan s'avancent jusqu'ici, et vendent
des perles aux habitants des villages de l'Arououimi. Ce sont vraisem-
blablement les mêmes Arabes, — et non ceux de Nyangoué, comme
nous l'avons pensé précédemment, — qui apportent des perles aux rive-
rains du lac Key-el-Aby, découvert par Safal-Aga.
En continuant à remonter le Congo, Stanley rencontre une flottille
immense composée de plus de mille canots, qui passent au large, sans
aucune démonstration hostile. Mais en arrivant devant les villages Ma-
Wembé, le long de la rive droite, il constate une horrible scène de dévas-
— 132 —
tatioD et d'incendie; les palmiers et les bananiers sont rôtis par le feu;
la population anxieuse est massée sur la rive. Une troupe armée a attar
que les villages pendant la nuit; les guerriers qui ont tenté de résister
ont eu la tête tranchée, des femmes et des enfants ont été emmenés en
esclavage, et ceux qui peuvent émigrer vers Touest, se jettent dans des
canots pour descendre le fleuve. Le lendemain Stanley aperçoit au bord
de Peau le camp des chasseurs d'hommes, auteurs du ravage des villa-
ges Ma- Wembé. n remonte encore jusqu'aux chutes qui portent son nom,
et fonde, à quelques kilomètres en aval de la première, une dernière sta-
tion, dans Tîle de Wana-Rousani, peuplée d'environ 1500 âmes, salubre,
abondant en vivres et d'un accès facile. Après avoir pourvu de vivres
pour une année, la station gardée par 30 noirs, Zanzibarites et Haoussas,
et envoyé un message à M. Storms à Karéma, Stanley redescend le
fleuve, et, à chaque station, scelle par l'alliance du sang les traités conclus
avec les chefs indigènes.
Quoique les extraits du journal ne renferment aucune indication sur
la teneur de ces traités, nous pouvons nous en représenter les condi-
tions, vraisemblablement les mêmes que celles des contrats passés avec
les chefs des bords du QuiUou.
Peut-être renferment-ils quelques traits nouveaux ; au moins voyons-
nous dans la communication que M. Sanford, membre de la Commission
executive de l'Association internationale africaine, a faite au Président
des États-Unis d'Amérique, que l'Association internationale du Congo a
obtenu, par les traités, des territoh'es pour y créer des États» Libres f
qu'elle a adopté, pour elle-même et pour ces États Libres, le drapeau
de TAssociation internationale africaine, étoile d'or sur fond bleu;
qu'elle a décidé, ainsi que les dits États, de ne prélever aucun droit de
douane sur les marchandises ou articles importés dans ces territoires, ou
apportés par la route construite le long de? cataractes du Congo, et cela,
en vue de permettre au commerce de pénétrer dans l'Afrique équato-
riale. Ils garantissent aux étrangers qui s'établissent sur leur territoire
le droit d'acheter, de vendre, de louer des terres ou des bâtiments, d'éta-
blir des maisons de commerce, et d'y trafiquer, à la seule condition
d'obéir aux lois. Ils s'engagent en outre à n'accorder aux citoyens d'une
nation aucun avantage sans l'étendre immédiatement aux citoyens de
toutes les autres, et à faire tout ce qui sera en leur pouvoir pour empê-
cher la traite. C'est sur cette déclaration que le sénat des États-Unis a
reconnu le drapeau de l'Association internationale du Congo comme
drapeau d'un gouvernement ami.
-- 133 —
Dès lors des démarches ont été faites auprès d'autres gouvernements,
pour les amener à imiter l'exemple des États-Unis. Mais la Norddent-
sche AUgemeine Zeitung a fait remarquer à cette occasion que, jusqu'à
présent, on ignore ce qu'est ou qui est l'Association internationale afri-
caine, a Elle a, dit ce journal, un président honoraire et un secrétaire
général, mais ses statuts n'ont point été publiés, et l'on ne sait pas si
elle possède des droits de corporation. Elle a de nombreux organes,
mais on ne sait pas qui est l'Association aux yeux de la loi, et qui a le
pouvoir de disposer ultérieurement de ces territoû'es? Même en Amérique,
on désire avoir plus de lumière à cet égard. L'envoi à la côte occidentale
d'Afrique du D' Nachtigal, membre, lui aussi, de la Commission execu-
tive de l'Association internationale africaine primitive, et l'appui donné,
par le gouvernement allemand, aux protestations des Chambres de com-
merce de Hambourg, de Brème et de Francfort sur le Mein, contre le
traité anglo-portugais relatif au Congo, font pressentir que l'opposition
de l'Allemagne à ce traité sera au moins aussi vive que celle qu'il a sou-
levée d'emblée en Angleterre, au Portugal et en Hollande.
Quoique le Parlçment anglais ne s'en soit pas encore occupé, le gou-
vernement portugais a cru pouvoir déclarer aux Certes, dans la séance
du 9 mai, qu'il se considérait dès à présent comme tenu de pourvoir à
l'occupation des territoires visés par le traité. Un projet de loi dû à
l'initiative parlementaire de M. Luciano Cordeiro, secrétaire général de
la Société de géographie de Lisbonne, propose de constituer une province
du Congo, ayant pour chef-lieu Cabinda, et pour centres secondaires
Landana, Banana, Ponta de Lenha, Boma et Noki. Cette déclaration
prématurée ne nous paraît pas de nature à faciliter le règlement de ce
qu'on est convenu d'appeler la question du Congo.
Sans faire autant de bruit, l'expédition de Brazza suit son cours
régulier, étudie le pays, fonde des stations et des postes qui relient
TAtlantique au Congo par l'Ogôoué et l'Alima. Le D' Ballay a reconnu
le cours complet de cette dernière rivière; le bassin duNconi, important
a£9uent de l'Ogôoué, a été exploré par M. de Lastour, en vue d'une
route à y ouvrir; MM. Thollon, Jacques de Brazza et Pecile ont fait des
eoUections d'histoire naturelle, de dessins et de photographies, et des
observations météorologiques, sans négliger l'étude des langues et dia-
lectes des tribus de cette région. De Brazzaville, où Savorgnan de
Brazza se trouve maintenant, il a fait de fréquentes excursions sur le
Congo et dans l'intérieur des terres, à la recherche d'une route encore
plus directe que celle de l'Ogôoué et de l'Alima, entre le Congo et les
'
— 134 —
possessions françaises de la côte du Gabon. Le nombre des stations entre
le cap Lopez et Brazzaville s'élève à 22, et la mission compte en créer
encore dix autres. Le levé de TOgôoué est terminé, ainsi que celui de la
partie du pays qui s'étend entre ce fleuve et l'Alima. Aujourd'hui le
gouvernement français correspond avec l'Association internationale du
Congo, pour régler les relations réciproques de la mission de Brazza et
de l'entreprise dirigée par Stanley, à laquelle la France a promis de
n'apporter aucun obstacle, en même temps qu'elle a pris l'engagement
de respecter les territoires de l'Association. Tout permet donc d'espérer
que ce règlement se fera à l'amiable. Puisse-t-il en être de même de la
question générale de la navigation du Congo !
NOUVEIiLES COMPLÉMENTAIRES
La mission topographique de Tunisie est rentrée en France, après avoir achevé
le levé du territoire situé au sud du parallèle de Sfax, et comprenant les chotts
Fedjed, Djerid et Bharsa, jusqu'à la frontière de l'Algérie. Commencés il y a trois
ans, les travaux nécessaires à l'établissement de la carte de la Régence, se' trou-
vent terminés.
La question de la mer intérieure des chotts de Tunisie n'est pas complètement
abandonnée par le gouvernement français. Le président du Conseil des ministres,
M. Jules Ferry, a promis à M. de Lesseps que la commission nommée pour l'exa-
miner en sera saisie de nouveau. M. de Lesseps espère que le gouvernement ne
refusera pas son autorisation à M. Roudaire, qui ne demande ni concession ni
garantie d'intérêt.
D'après le Bulletin de la Société italienne de géographie, M. Maurizio Buonfanti
a traversé l'Afrique, de Tripoli au golfe de Guinée, par le Fezzan, le Bornou, Tom-
bouctou et le Dahomey. Nous reviendrons sur cet important voyage qui s'est
accompli sans bruit.
M. G. Revoil, obligé de renoncer à son expédition sur le Djouba supérieur, s'est
rendu à Zanzibar, d'où il revient en France.
M. le capitaine Gissing a été nommé vice-consul anglais à Mombas, où les vapeurs
d'Aden à Zanzibar toucheront chaque quinzaine. Les missionnaires de Frere-Town
craignent qu'il n'en résulte une forte importation de spiritueux dans cette partie
de la côte. Le vice-consul a promis de faire son possible pour l'empêcher.
D'après un rapport de sir John Kirk, de Zanzibar, M. Hore a été frappé d'une
attaque de paralysie^ qui l'a empêché de terminer la reconstruction du steamer du
Tanganyika. On espère qu'il pourra bientôt la reprendre, les effets de telles atta-
ques, assez fréquentes dans ces parages, n'étant d'ordinaire que temporaires.
Un traité d'alliance et d'amitié a été conclu entre le chef ba-rolong, Sepinare
Moroko, et le Président de l'État libre du fleuve Orange.
^il~
— 13Ô —
Un petit vapear de 12"* de long, 2'^,50 de large, et d'une vitesse de 15 kilom. à
rhenre, a été lancé sur le Yaal, près de Potchefstroom.
Il s'est fondé récemment à Berlin une société d'exportation allemande qui se
propose de fonder des comptoirs sur la côte orientale d'Afrique. M. le comte de
Pfeil, qui y a fait dernièrement un voyage, estime que c'est la côte entre Zanzibar
et Mozambique qui se prêterait le mieux aux établissements projetés.
Le roi de Portugal a approuvé l'acte de société de la Compagnie qui se charge
de la construction du chemin de fer de la baie de Delagoa à la frontière du Trans-
vaal. De là, un syndicat hollandais prolongera la ligne jusqu'à Pretoria.
U Export a reçu de Lisbonne une dépêche l'informant que le but du voyage du
D"* Nachtigal à la côte occidentale d'Afrique est d'arborer le drapeau de l'Empire
allema.nd à Angra Pequena.
Le D' Hôpfner, qui a déjà fait l'année dernière une exploration du bassin du
Cunéaé et du Damaraland au point de vue des gisements miniers, se propose de
visiter, en compagnie d'un jeune naturaliste allemand, l'Ovampo, et de pénétrer
par là dans l'Afrique équatoriale. Un membre de la Société de géographie de Brème
lai a donné de bons instruments d'astronomie ; en retour, il enverra à cette Société
des rapports et les cartes qu'il dressera.
Les missionnaires américains de Baïlounda ont obtenu du roi du Bihé Pautori-
sation de créer une station à Komondongo, à quelque distance de sa capitale.
Lie lieutenant Wissmann a communiqué à la Société de géographie de Berlin
que le Mouata-Yamvo a été assassiné à l'instigation de la Loukokécha,sacorégente.
La mort du D*" Pogge à Loanda ne privera pas la Société africaine allemande
des résultats de son exploration dans le bassin méridional du Congo. Son journal
est parvenu à Berlin; nous aurons sans doute à y revenir dans un prochain numéro.
Le D*" Zintgraff, parti avec le D' J. Chavanne pour le Congo, a emporté avec lui*
im phonographe, afin de axer le langage et les mélodies des tribus inconnues jus-
qa'ici. Les plaques employées en Afrique seront expédiées à Berlin, où on leur fera
reproduire les sons qu'elles auront reçus.
Le David WiHianisan, destiné à la mission du Vieux Calabar, est parti pour sa
destination. Les stations étant à plus de 100 kilom. de la côte, il sera d'une grande
utilité pour les établissements missionnaires actuels.
A l'instigation de M. Noirot, des plantations d'eucalyptus ont été faites à Kayes
et à Bamakou, où elles contribueront à l'assainissement de ces postes.
Le personnel du bureau du haut Sénégal construit un modèle d'embarcation à
voiles, à fond plat destiné à la navigation sur le Niger. Plus tard des ouvriers
spéciaux, seront envoyés à Bamakou, pour en construire sur place afin d'éviter le
difficile transport à dos de mulets de bateaux démontables.
Le câble télégraphique qui doit relier le Sénégal à Ténériffe et à l'Europe aura
son point d'atterrissement à Dakar et non à Saint-Louis.
Le ministre de France à Tanger, M. Ordega, négocie avec le isultan du Maroc
au sajet d'une rectification de la frontière du Sud-Oranais, pour mettre fin aux
incursions dés pillards marocains sur territoire algérien.
'
— 136 —
M. de Foucauld a fait récemment, en compagnie du célèbre rabbin Mardochée,
un voyage de Fez au Wadi-Draa, par le Wadî-el-Abid et le Grand Atlas. Son
itinéraire sur le versant méridional de l'Atlas permettra de rectifier les erreurs
des cartes antérieures, dressées sur de simples renseignements, la partie qu'il a
parcourue n'ayant été visitée avant lui par aucun Européen.
LA PROVINCE ÉGYPTIENNE DU BAHR-EL-6HAZAL
•
Quoique rattention publique se porte presque exclusivement sur la
partie centrale du Soudan égyptien, sur Khartoum et les voies qui y
conduisent d'Assouan et de Dongola, la partie méridionale connue sous
le nom de Provinces de TÉquateur et du Bahr-el-Ghazal, n^en est pas
moins digne dUntérêt. D'autant plus que, sous Tadministration de gou-
verneurs européens, Emin-bey, pour le territoire à Test du Nil-Blanc,
et Lupton-bey, préposé à la province du Bahr-el-Ghazal, ce pays a pu
jusqu'ici résister aux bandes envahissantes du Mahdi, et continuer à
réaliser les progrès inaugurés par Baker, Gordon et Gessi. Abandonnées
par le gouvernement égyptien, ces provinces feront vraisemblablement
retour à la barbarie à laquelle elles avaient été récemment arrachées,
et la porte du nord se fermera sans doute pour un temps, devant ceux qui
tenteraient d'y rentrer pour les explorer et les civiliser. Au moins devons-
nous profiter du moment actuel, pour faire connaître à nos lecteurs ce que
nous apprennent de ce pays ceux qui y sont encore aujourd'hui, nous
nous bornerons à la province du Bahr-el-Ghazal, et aux dernières explo-
rations de Lupton-bey dans la partie occidentale de ce territoire, d'après
les renseignements communiqués à la Société de géographie de Londres
et publiés dans les Proceedings de cette Société.
Laprovince duBahr-el-Ghazal est située entre Ies6'',30et9'',30 latitude
nord, et les 22'', 40 et 28^,40 longitude est de Paris. Bornée au nord par
le Bahr-el-Arab, elle s'étend vers le sud jusqu'à quelques journées de
marche du Congo. Ce qui la caractérise ce sont les vastes plaines ou
steppes et les épaisses forêts qui couvrent des centaines de kilomètres
carrés. Tout ce territoire est drainé par de nombreux cours d'eau et
rivières, affluents du Bahr-el-Ghazal, qui, à l'époque des pluies, en trans-
forment la plus grande partie en une immense nappe, si bien qu'il est
difficile de trouver un coin de terre sèche pour y dresser son camp.
Avant 1878, il était tout entier entre les mains des chasseurs d'escla-
ves, dont Gessi-pacha brisa le pouvoir après de sanglants combats. Puis
il établit un gouvernement juste et bon, rendit la confiance aux indi-
— 137 —
gèn^ et encouragea un commerce légitime* Pendant ce temps Lupton
travaillait avec Emin-bey à Texploration du pays des Bari, des Latouka
et des Chouli. A la mort de Gessi, en 1881, il fut nommé gouverneur de
la province du Bahr-el-Ghazal^ et s'efforça de marcher sur les traces de
son prédécesseur.
Pour maintenir ce territoire dans la dépendance de TÉgypte, il a eu
six compagnies de troupes régulières et quatre de bachibozouks, gardant
généralement les stations et veillant sur les affaires locales. Mais la
grande force du gouvernement résidait dans les Besingers, esclaves
armés, auparavant au service des chasseurs d'esclaves. Armés de fusils à
deux coups, ils sont bons tireurs, soldats fidèles, et coûtent peu : quel-
ques poignées de grain leur suffisent pour la marche ; Tuniforme leur
parait un article superflu ; la plupart d'entre eux sont recrutés du pays
des Niam-Niam ; en réalité ce sont eux qui font tous les travaux pénibles.
Quant au commerce, les principaux objets sont Tivoire, le caoutchouc,
la gomme, le tamarin, qui abondent, mais couvrent à peine les frais de
transport. Le pays pourrait produire du coton de quoi fournir le monde
entier. Il y a aussi abondance de bon bois, que Ton envoie à Khartoum
pour la construction de bâtiments, et pour celle des barques du Nil.
Au début, le commerce avec les natifis était très difficile. Ils avaient
été traités avec tant de cruauté, qu'ils regardaient avec défiance tout
étranger arrivant dans leur pays, et envoyaient régulièrement leurs
femmes et leurs biens dans les montagnes, dès qu'ils entendaient parler
de la venue d'une troupe de trafiquants. Mais peu à peu la confiance est
rentrée dans leurs cœurs, et l'on pouvait espérer qu'au bout de quelques
années toute cette région serait ouverte à un commerce honnête.
Si le climat est malsain pendant la saison pluvieuse qui dure cinq
mois, et près des rivières où les ndigènes seuls échappent à la fièvre
intermittente, en revanche, pendant la saison sèche, il est salubre, et
s'améliore à mesure qu'on s'éloigne des rivières, aussi Lupton croit-il
que la plupart des Européens pourraient s'y acclimater, à la condition
d'avoir une vie active, de porter de la flanelle, de s'abstenir de spiri-
tueux et de vivre des produits du pays.
Les principales tribus qui habitent cette vaste région sont les Bongo,
les Denka, les Golo et les Djour. Les Bongo habitent le pays situé entre
les 6'' et S^^y dans la partie S.-O. du bassin du Bahr-el-6hazal. D'un
caractère doux, ils devinrent facilement la proie des gens de Khartoum,
qui, depuis 1856, année oh ils s'établirent dans la contrée, en emmenè-
rent des esclaves par milliers. Ils n'eurent pas l'idée de s'unir, mais
I'
— 138 —
permirent aux soldats nubiens de s'emparer successivement de chacun
de leurs villages, jusqu'à ce que tous fussent réduits à une sorte de vas-
selage. Le résultat de ce système fut qu'en peu d'années, de grands dis-
tricts, naguère peuplés, devinrent à peu près déserts; aujourd'hui le
nombre des habitants ne dépasse pas 100,000 âmes. Leur couleur est
d'un brun-rouge, comme celle du sol sur lequel ils vivent. Les hommes
seuls croient devoir se vêtir. Us ne se livrent qu'occasionnellement à la
chasse et à la pêche, et se nourrissent des produits de leur sol.
Le territoire des Denka, au N.-E. de celui des Bongo, a été décrit
d'une manière détaillée par Schweinfiirth. Ds appartiennent aux tribus
les plus noires, sont généralement propres, et s'occupent surtout de
l'élève du bétail ; ils possèdent d'immenses troupeaux. D'un caractère
belliqueux, ils ont pour arme principale la lance. En opposition aux
Bongo, les hommes, chez les Denka, ne portent aucun vêtement. Les
Djour habitent entre les Bongo et les Denka, un petit territoire peu
peuplé. Us sont connus surtout pour leur habileté à travaiUer le fer.
Lupton a relevé les principales rivières de sa province : le Djour, le
Biri, le Eourou, le Pango, etc., qu'il a trouvés navigables pendant six
mois de l'ann^, pour des bateaux ne lirant pas plus de cinq pieds d'eau.
Ce serait, pour les transports, une grande ressource, qui permettrait d'al-
léger le fardeau des nègres, et de conserver beaucoup de vies sacrifiées
dans les longs voyages par terre. Dans un pays en partie désert, il est
impossible de transporter l'ivoire à de grandes distances, sans souffrir
beaucoup de fatigue, de faim et de soif, et sans perdre un grand nom-
bre d'hommes. L'eau et les provisions sont rares ; les bêtes de somme
font défaut ; les chevaux, les mulets, les ânes, les chameaux ne vivent
pas plus d'une année dans ce pays, et le bétail des Denka n'est pas
assez fort pour être employé au transport des colis. Lupton a fait un
essai avec les bœufs des Baggara, mais ils sont morts au bout de peu de
temps ; ils peuvent vivre encore assez bien dans les districts de pâtura-
ges des Denka, mais, dès qu'ils arrivent dans les stations un peu élevées,
c'en est fait d'eux.
Lupton avait une provision de 2500 quintaux d'ivoire et de 300 quin-
taux de caoutchouc ; mais, pour l'envoyer à Meshra-el-Rek, station où
s'arrêtait le service des vapeurs de Khartoum au Bahr-el-Ghazal, il lui
aurait fallu 8500 porteurs, sans compter les soldats qui auraient dû
accompagner ceux-ci. Et comment entretenir tout ce monde ? U espérait
que le gouvernement égyptien lui aurait fourni un petit vapeur, pouvant
remonter jusque près de Dem-Ziber (ou Dem-Suleiman) ; c'eût été, pour
le fisc, un revenu de 100,000 livres sterl.
— 139 —
Le pays abonde eiLgibier de toute espèce : rhinocéros, girafes, antilo-
pes, hippopotames, buffles, lions, éléphants. Chaque année, dit Lupton,
on tue de 5 à 6000 éléphants, et cependant il y en a toujours des multi-
tudes. D a essayé d'en prendre de jeunes pour les élever, mais chaque
fois ils sont morts.
A l'époque oii il écrivait, au commencement de novembre de Tannée
dernière, il était retenu à Djour^Ghattas par une révolte des Denka qui,
avec les Nouer et les Mandala, mélangés aux Arabes, s'étaient joints
aux partisans du Mahdi. H avait dû leur livrer vingt combats. Les
Denka en particulier lui avaient tué beaucoup d'hommes, entre autres
RafaI, un de ses meilleurs officiers, dans une bataille oii celui-ci s'était
emparé d'un drapeau donné par le Mahdi au chef Ballal-Nagour.
Les tribus nègres Bongo, Golo, Niam-Niam étaient tranquilles et
heureuses. En revanche, les Djour, voisins des Denka, avaient vu
ceux-ci leur brûler leurs récoltes avant qu'elles fussent coupées, et
avaient été menacés de la disette.
Nos lecteurs se rappellent que c'est sous les coups d'assassins Denka
qu'est tombé l'explorateur Schuver, lorsqu'il voulut s'avancer de Meshra-
el-Rek à Djour-Ghattas. Lupton envoya un de ses officiers, Suttie-
Effendi, contre le village de Rek, appartenant au cheik Eutsch, où le
meurtre de Schuver avait été conunis; le village fut brûlé, mais les
meurtriers ne purent être pris. Lupton espérait néanmoins réussir à
s'emparer d'eux. Il comptait ouvrir une campagne contre les Denka,
mais devait attendre pour cela la saison sèche ; en novembre tout le
pays était sous l'eau, et il n'était pas possible de songer à marcher con-
tre l'ennemi. Après avoir châtié les gens de Bek, il se proposait
d'attaquer Mayendout, le grand vakil du Mahdi dans cette région.
La guerre empêchait Lupton de continuer l'exploration qu'il avait
commencée à l'ouest de sa province, dans le Dar Banda, où il a pénétré
jusqu'àForo, par6%50 latitude nord et 21 "* longitude est de Paris. D aurait
beaucoup aimé à pousser au S. 0., dans la direction de l'Ouellé, et à
résoudre le problème encore contesté de son cours inférieur. Nous avons
exposé en détails les résultats acquis parles explorations de Junker dans
la région du cours supérieur et du cours moyen de cette rivière, et son
voyage plus au sud jusqu'au point où il atteignit la Népoko, affluent du
Congo (!¥"• année, p. 107, 140, et carte p. 116; V"* année, p. 74). Jun-
ker a envoyé, de la résidence de Semio, à Lupton, qui l'avait invité a
venir le voir à Dem-Ziber, une carte reproduite par Lupton pour les Fro-
ceedings^et dans laquelle se trouvent dessinées la Nepoko et son affluent^
'
— 140 —
la Nava, se réunissant sous le V,ib de latitude ' nord, pour couler à
Touest où elles forment un grand lac, dont Témissaire rArououimi se
verse dans le Congo. Nos lecteurs se rappellent le lac Key-el-Aby, dont
Lupton-bey annonça l'an dernier la découverte, rapportée par un de ses
agents, Rafaï-Aga, et qui devait se trouver à quinze journées de mar-
che de rOuellé. D'après Junker, le nom du lac est Mbwikeyebay.
Quant à l'Ouellé, si Lupton-bey n'a pu l'atteindre lui-même, il a reçu
d'un de ses agents, envoyé aux stations que possède le gouvernement
égyptien sur les bords de cette rivière, des renseignements qui lui ont
permis d'ajouter quelque chose aux connaissances que nous ont appor-
tées les explorations de Junker. Celui-ci n'avait guère dépassé la limite
du 24'' longitude est de Paris, soit sur l'Ouellé, soit sur le Bomokandi.
Sous ce méridien-là, l'Ouellé coulait par 4" environ latitude nord, et
«
d'après les renseignements reçus par Jimker, le Bomokandi devait le
rejoindre à 4 ou 5 journées à l'ouest, aussi sous le 4°, par 23'',40 longi-
tude est de Paris.
De Foro, point extrême ouest de l'exploration de Lupton, celui-ci a
envoyé vers le sud-ouest, à la station de Barousso, sur l'Ouellé, sous le
20 "^ ,40, un agent, qui a mis 44 heures environ pour franchir la distance de
144 kilomètres entre ces deux localités, ce qui, d'après les calculs de
Lupton-bey, placerait le cours de cette rivière, appelée Kouta dans cette
région, au nord du 5^ De l'endroit où Rafal-Aga l'avait traversée, au
sud du 4'', jusqu'à Barousso, elle décrirait donc un grand arc de cercle
vers le nord, et le nom de Kouta qu'elle porte dans cette partie de son
cours nous ramène aux indications de Nachtigal et de Barth, montrant
l'un, rOuellé allant former le Bénoué, l'autre, le Chari. Les renseigne-
ments fournis par l'agent de Lupton confirmeraient aussi ceux qu'a rap-
portés Potages, d'après lequel l'Ouellé a une direction occidentale,
encore au delà du 20 '',40 (v. II"' année, p. 62).
A Barousso, le Kouta a de 3 à 5 kilomètres de large; sur ses bords
sont plusieurs stations, où les tribus du sud apportent de l'ivoire que
Lupton fait acheter pour le gouvernement égyptien. A six jours en aval
de Barousso, le Kouta, coulant toujours à l'ouest, reçoit un affluent du
sud, le Noungo. Entre ce tributaire, le Kouta et le lac, au sud-est, qui,
d'après les renseignements des indigènes, a 30 kilomètres de large et 50
de long, il y a plusieurs cours d'eau assez considérables, dont les prind-
paux sont le Koubi, qui se jette dans le Kouta, le Terré , dans le Roubi,
et le Mombago, dans le Noungo. Les tribus qui habitent entre le Kouta
et le Noungo, sont celles des Moubensa et des Moubengué. D'autres tri-
— 141 —
bus sont disséminées entre le Eouta et le Mombago, ce sont les
Ba-Rboa, les Ba-Ganyero, les Bou-Mamé, les Bou-Poutta, et plus au
sud-ouest, les Ba-Nyambay. Autour de la station de Barousso, habitent
les Banda et les Ingany. Au sud du Eouta, le pays s'appelle Rembé-
ché, ou Limbéché.
Quelque incomplets que soient encore ces renseignements, ils sem-
blent confirmer les hypothèses de Barth, de Schweinfiirth, de Junker et
de Casati sur TOueDé, cours supérieur du Chari. Nous ne voyons pas la
possibilité de les accorder avec l'annonce toute récente de Stanley, dans la
publication de l'Association internationale du Congo (p. 130), reproduite
dans le Motivement géographique de Bruxelles, et dans d'autres jour-
naux, d'après lesquels le problème de l'Ouellé aurait été résolu par lui,
dans le sens de l'Arououimi. « Nous arrivons le 20 novembre, dit Stan-
ley, au village de Yàmbounga, en amont duquel la navigation de
l'ArouGuimi est coupée par des rapides. Latitude 2°, 13 au nord de
l'équateur. En cette partie de son cours, l'Arououimi porte le nom de
Bi-Yéré; plus haut on l'appelle Berré, puis Ouerré. C'est évidemment
rOuellé de Schweinfiirth. » Nous ne pensons pas que la ressemblance des
noms Ouerré et Quelle fournisse une preuve évidente en fiiveur de l'hy-
pothèse de Stanley, qui nous paraît être encore sous l'influence de
l'opinion émise lors de son premier voyage, en 1877. Comme nous l'avons
dit (IV"* année, p. 142), le mot Quelle, dans la langue Niam-Niam, signi-
fie fleuve, rivière, grande eau, ce qui explique le grand nombre de cours
d'eau portant les noms de Querré, Quelle, Quille (v. la carte, IV"* année>
p. 116).
Pour que l'Arououimi, remonté par Stanley jusque sous le 2°, 13 lati-
tude nord — il n'indique ni la direction, ni la longitude — Ait l'Quellé»
quel détour ne devrait pas faire le Kouta de Lupton, depuis le confluent
du Noungo, situé par 5"" latitude nord, et environ 20** longitude est de
Paris? D'ailleurs, d'après Lupton, plusieurs cours d'eau, affluents de
l'Quellé, ont une direction du sud-est au nord-ouest, ce qui indique
qu'il y a, à une certaine distance au sud de l'Quellé, une ligne de partage
des eaux entre le bassin de cette rivièt-e et celui du Congo. Le Bi-Yéré,
Berré et Querré de Stanley, nous paraît être la grande rivière de Jun-
ker, fi)rmée par la réunion de la Nepoko et de la Nava, coulant sous
le 2'', dans une direction occidentale. La ligne de faîte de Lupton serait
la prolongation de celle qu'a signalée Junker entre la Nepoko et la Nava
au sud, et les affluents du Bomokandi au nord.
Au reste nous ne serons plus bien longtemps en suspens. Le D' Cha-
— 142 —
vanne ou le lieutenant Massari 'ne s'arrêteront pas en chemin ; Us traver-
seront la région équatoriale, du 2"* au 5"*, et en relèveront l'hydrogra-
phie et l'orographie, de manière à résoudre définitivement le problème
de rOueUé. Quelle que soit cette solution, ce sera bien par la porte du
sud que, comme nous le pressentions, l'exploration de l'Afrique centrale
au nord de l'équateur, pourra poursuivre ses progrès. Puisse-t-elle aussi,
par la solution à l'amiable de la question de la navigation du Congo, n'y
voir pénétrer après elle qu'une civilisation vraiment pacifique et chré-
tienne.
BIBLIOGRAPHIE
Africana ; CE the Heart of heathen Africa, by the Rev. DuffMoLC-
donald. Aberdeen (A. Brown et C^), 1882, 2 vol. in-8" avec gravures,
prix : 21 sh. — L'intérêt que les découvertes de Livingstone éveillèrent
en Ecosse, en faveur des indigènes de l'Afrique centrale, se manifesta
par un déploiement de zèle missionnaire dans les deux grandes églises
de ce pays, auxquelles sont dues les stations de Blantyre, création de
l'Église établie, et de Livingstonia relevant de l'Église libre. Quoique
appartenant à des communautés différentes, les missionnaires ont néan-
moins le sentiment qu'ils travaillent à une œuvre commune, et main-
tiennent entre eux les rapports les plus fraternels. M. Duff Macdonald,
un des missionnaires de Blantyre, revenu en Ecosse, a exposé, dans ces
deux volumes, le résultat de ses expériences, au service de l'œuvre à
laquelle il avait été appelé à concourir. Son récit est de nature & dissi-
per les préventions qui se sont fait jour à l'égard de cette station,
ensuite des conséquences fâcheuses auxquelles les missionnaires furent
entraînés, par l'obligation que leur avaient imposée les directeurs de la
Société, d'agir envers ceux des indigènes qui s'étaient groupés autour
d'eux, comme des magistrats investis d'ime juridiction civile. Aujour-
d'hui les missionnaires de Blantyre ont été déchargés de ces fonctions
étrangères à leur vocation. Sans doute les difficultés que leur crée la
présence de nombreux esclaves fugitifs ne sont pas diminuées et leur
imposent le devoir d'une grande prudence ; mais on est heureux de
savoir que, tandis que les croiseurs européens s'efforcent d'arrêter les
négriers le long des côtes de l'Afrique orientale, il y a, à l'intérieur, des
^ On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bàle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et ewilisèe.
— 143 —
établissements qui, par eux-mêmes, sont un obstacle à la traite, en ce
sens que les trafiquants d'esclaves les redoutent, les évitent, et que les
malheureux qui peuvent leur échapper y trouvent un refuge assuré.
Toutefois, ce n'est pas cela seulement que l'on rencontre dans ces deux
volumes, dont le premier est entièrement consacré à la description de la
vie des indigènes, dans tous ses détails. Le long séjour de M. Duff Mac-
donald au milieu des noirs, son intelligence et sa perspicacité, au service
d'une grande affection pour eux, lui ont permis de comprendre leurs
idées, leurs us et coutumes, mieux que beaucoup d'explorateurs, qui
n'ont pas eu le temps de pénétrer assez avant dans leur intimité pour
saisir, sous les apparences extérieures, tout ce qui se cache de bien et de
mal dans leur vie sociale et individuelle. Il y a là des misères sans nom,
que l'auteur expose, non pour faire mépriser ceux qui en sont accablés,
mais au contraire pour presser les lecteurs d'aider toujours mieux à tou-
tes les œuvres entreprises en vue de leur relèvement.
 l'assaut des pats KÈ6RB8. Joumal des missionnaires d'Alger dans
l'Afrique équatoriale. Paris (Œuvre des Écoles d'Orient), in-8*, 347 p.,
avec gravures et cartes. — L'Afrique orientale est, au point de vue reli-
gieux, un champ d'activité où travaillent simultanément, et quelquefois
dans les mêmes localités, des missionnaires protestants et catholiques.
A part quelques cas isolés, ils sont pleins de bienveillance et de cordialité
les uns envers les autres et se rendent mutuellement des services, mais
on ne peut nier que les divergences de doctrine ne nuisent, dans une
certaine mesure, aux progrès de la mission. Depuis quelques années
Mgr. Lavigerie, a provoqué la création de plusieurs établissements, soit
près de la côte, soit sur les bords des grands lacs. Les Missions catholi-
ques ont publié de nombreuses lettres résumant les voyages et les tra-
vaux des missionnaires ; sous le titre un peu belliqueux indiqué plus haut,
les Pères d'Alger en ont raconté avec détails les premières étapes à tra-
vers les forêts et les déserts, jusqu'au coeur du continent. L'ouvrage se
compose de trois parties : la première donne le récit de la marche de
l'expédition de 1878, de Zanzibar à Tabora, où les missionnaires se parta-
gent en deux groupes ; la deuxième suit ceux qui se dirigent de Tabora
vers le Victoria-Nyanza et s'établissent chez Mtésa ; la troisième, ceux
qui continuent leur route vers le Tanganyika. Le voyage d'Alger à
rOu-Ganda ne dura pas moins d'un an, deux mois et vingt-cinq jours,
ce qui donne une idée de la lenteur avec laquelle avancent les caravanes
dans cette partie de l'Afrique centrale.
— 144 —
Les premières pages du volume sont consacrées à une lettre-pré&ce,
dans laquelle Tarchevèque d'Alger fait Thistorique des missions de
l'Afrique équatoriale, et les dernières, à l'allocution qu'il a prononcée
lors du départ de l'expédition. Le morceau qui traite du commerce des
esclaves est un plaidoyer fort éloquent et d'une grande élévation de
pensées. Une carte donne, avec beaucoup de détails nouveaux, la route
suivie parles missionnaires.
Deux volumes faisant suite à celui-ci sont en préparation. L'un a pour
titre : A la cour de Mtésa, l'autre, Autour du Tanganyika.
Original-map of South Aprica, contaixing all South ArmcAN
Colonies akd Native Territories, by Rev. A. Merensky. Berlin.
(Simon Schropp'sche Hof-Landkarten Handlung), 1884, 1 : 2,500.000,
4 feuilles; fr. 16. — Inspecteur, depuis de longues années, des missions
de Berlin dans le Transvaal, M. Merensky a pu dresser, d'après de nom-
breux documents oflBciels ou privés, et d'après les résultats des voyages
récents, une carte fort belle et à grande échelle de la partie de l'Afrique
australe qui s'étend au nord jusqu'à Mossamédès et au Nyassa. Les
montagnes, en noir, sont indiquées d'une manière assez légère pour ne
pas rendre difficile la lecture des noms, et en même temps assez forte
pour donner une idée exacte du relief du pays du Cap. Beaucoup d'indi-
cations nouvelles figurent sur cette carte, entre autres plusieurs locali-
tés du Transvaal; l'orthographe des noms a été l'objet d'une étude
attentive. Toutes les routes et les voies ferrées, construites ou projetées,
sont marquées, ainsi que la ligne que suivra, jusqu'à la frontière du Trans-
vaal, le chemin de fer qui doit relier Lorenzo Marquez et Pretoria. Les
limites des districts dans le pays du Cap sont indiquées au moyen de
traits de couleur ; l'auteur a maintenu l'ancienne division de la Républi-
que du fleuve Orange en cinq provinces, au lieu d'adopter la nouveUe
en quatorze districts.
La carte de M. Merensky est la première sur laquelle nous voyions
figurées par une teinte spéciale, les possessions de la maison LUderitz de
Brème, au nord de l'Orange; d'autre part, il n'y est pas tenu compte
des derniers renseignements fournis par l'ingénieur Andersen sur la Cim-
bébasie, la Hottentotie et le Kalahara ; aussi ne faut-il pas s'étonner
qu'elle ne soit pas d'accord avec celle que nous avons donnée de ces
régions dans notre numéro d'avril (p. 100).
ÉCHANGES
Amsterdam.
Anvers,
Berlin.
Brome.
Bruxelles.
Berlin.
SooiétéB de géographie.
Constantine. Hambourg. Lisbonne.
Douai. léna.
Francfort '/M. Le Caire.
Greifswald. Leipzig.
Halle. Lille.
Lyon.
Madrid.
Marseille.
Montpellier.
Nancy.
New-York.
Oran.
Paris.
Sociétés de géographie commerolale.
Bordeaux. Paris. Porto.
Hissions.
Rochefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Saint-Gall.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XlXm® Siècle
(Neuchâlel).
Journal de TUnité (les Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d*Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon) .
Missions - BUtt (Barmen) .
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Mie).
Evangelisches Missions -Magazin (Bâle).
(lilwer Missions -Blatt (Calw). .
AUgemeine Missions- Zeitschrlft (Gttters-
loh).
Glaubensbote (Bâle).
Afirica (Londres).
La Nigrizia (Vérone).
Church missionary Intelligencer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionary (New- York).
Régions beyond (Londres).
Chronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
MontKly Record of the Free Church of
Scotfand (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
(church of Scotland borna and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary ftecord of the unitea presby-
terian (îhurch (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Woman's foreign missionary Society
(Philadelphie):
Divers.
Exploration (Paris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin dés Mines (Paris).
Bitlletin de l'Association scientifique algé
rienne (4^lger).
Bulletin du Comice agricole (Médéa).
Bulletin de l'Académie d*Hippone (Bone).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris).
Revue géographique internationale (Paris).
Le Mouvement géographique (Bruxelles).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche RuncËchau fUr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oeslerreichische Monatsschrifl fUr den
Orient (Vienne).
Zeitschrift f(lr wissenschaftliche Geogra-
. phie (fjahr).
Ans allen Welttheilen (Leipzig).
Deutsche Kolonialzeitung (Francfort s/M).
Chamber of Commerce Journal (Londres).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
(kismos (Turin).
Boliettino délia Societa africana d'Italia
(Naples).
Esplorazione (Naples).
Marina e Commercio, e Giornale délie co-
lonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portnguezas (Lisbonne).
Revista de Ëstudos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine).
Moniteur de FAlgérie (Alger).
D*" A. Petermann's Mittheilungen (Gotha)
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly ftecord of geogra
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus (Cape-Town).
West Amcan Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
SOMMAIRE
Pages
Bulletin menshel 125
Nouvelles complémentaires 1.34
La province égyptienne 0u Bahr-el-Ghazal 136
Bibliographie :
Africana, by the Rev. Duff Macdouald 142
A l'assaut des pays nègres , . 143
Original-Map of'South Africa, by Rev. A. Merensky 144
OUVRAGES REÇUS :
Charles Courret. A l'est et à l'ouest dans l'Océan Indien. Sumatra, la Côte du
Poivre, Atjeh, Zanzibar, Nossl^Bé, Mozambique, Quelimane, le Zambèze, etc. —
Paris (A. Chevalier-Marescq), in-12, 374 p. avec carte et 12 dessins. Fr. 5.
Association internationale du Congo. Extraits du journal de voyage de M. Stanley.
— Bruxelles (impr. Weissenbruch), 1884, in-8, 14 p.
Cougreso espagnol de geografia colonial y mercantil, celebrado en Madrid, en los
dias 4-12 de noviembre de 1883. Actas, 1. 1. — Madrid (impr. de Fortanet), 1884,
in-8, 420 p.
Carte de l'Afrique équatoriale entre le Congo et l'Ogôoué, dressée d'après l'état
des dernières explorations, par le D' Joseph Chavanne, V2000000. — Bruxelles
(Institut national de géographie), 1884. Fr. 3 50.
Clasçified index to the Maps in Petermann's geographische Mittheilungen. 1855-
1881, by Richard Bliss.— Republished from the Bulletin of Harvard University.
— Cambridge, Mass. (University Press ; John Wilson and Son.) 1884, in-8, 55 p.
Opuscules publiés par l'«American Colonization Society,» 1881 à 1884, in-8 : Win-
ning an Empire -- The race for Africa — Emigration to Libéria — Information
about going to Libéria — The continent of the future — Ëngland and Libéria.
Die geographische Ërforschung der Adâl-Lânder und Harâr's in Ost-Afrika, von
D"" Philipp Paulitschke. Leipzig (Paul Frohberg), 1864, in-4«, 109 p.
L'Algérie romaine, par Gustave Boissière. Ouvrage couronné par l'Académie fran-
çaise, 2~« édition. — Paris (Hachette & C'>), 1883, 2 vol. in-12. Fr. 7.
Voyage à Madagascar, par J.-L. Macquarie. — Paris (E. Dentu), 2«" édit., 1H84,
in-12, 435 p. avec gravures. Fr. 4.
La dernière Egypte, texte et dessins par Ludovic Lepic. — Paris (S. Charpentier
à C°), 1884, grand in-8, 315 p., fr. 10.
Le Portugal et la France au Congo, par un ancien diplomate. — Paris (£. Dentu),
1884, in-8, 70 p., Fr. 2 50.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
a
GENÈVI
H. GEOKG, LIBRAIEE-ÉDITEUR
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
Dimioà PAR
H. enstave HOYIÎIEB
Membre de la Commluion Intenatioiiale de Brazelloa pour Pexplontlon et la civiUiatioii
de TÂfirique centrale; membre correspondant do rÂoadémio d^fflppone,
et des Sociétés de géographie de Marseille, de Nancy, de Loanda et de Porto.
KiDIOÉ PAS
H. Charles FAUBE
Secrétaire-Bibliothécaire de la Sooiét« de géographie de Genève , membre correspondant des Sociétés
de géographie de Liibonne, de Loanda. do Porto et de Saint-Gall.
L'Afrique paraît le premier undi de chaque mois, par Hvraisons in -80 d'an
moins 20 pages chacune ; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaire. t
Le prix de Fahonnement annael, pmjshle d'a^ranee» est de 10 ftenos,
port compris, pour tous les piys de TUnion postale (première zone); pour les
autres, il fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif Si l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit & un «ompte rendn*
Adresser tout ce qui concemt la rédaction à M. Gnstave MoTiiiert
89 rne de PAtliénée» à OBuèTe (Suisse).
S*adre««er pour les abODiiienieiits à réditear, M. H* Georg, 4
OenèTe on & BAle.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de post^de la Suisse.
Chez MM. Ch. Delagrave, libraire. 15, rne Soufilot, à Paris.
MuQUAHDT, libraire le la Cour, 45, rue de la Régence, à Bruxelles.
DuMOLARD frères, lijjraires. Corso Yittorio Ëmmanuele^ 21, à Milan.
F,-A. Brogkhaus, lifraire, Querstr., 29, à Leipzig.
L. Friedericusen ett.**, libraires, Admirai itatsstr, 3/4, à Hambourg
Wilhelm Frick, libr|ire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autriche).
Trubner et C^*, libraires, Ludgate Hill, 57/59. à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
i.
ATIS. — Nous mettons à la lisposition de nos nouveaux abonnés, au prix de
10 fr, chacun, un certain nombt â^ exemplaires complets de la 11"*^, de la HT™*
et delà IV"^"^ année. La I" est huisée.
— 145 —
BULLETIN MENSUEL (7jidllet 1884)'.
Nous avons annoncé (p. 101), le projet d'un voya§^e de circam--
libation autour du continent africain, sous le patronage
de la Société milanaise d'exploration commerciale en Afrique. D'après
la Perseveranza^ cette Société a attaché à l'expédition M. Beceapî,
voyageur bien connu et auteur de précieux travaux sur le commerce
africain. Les conférences qu'il fera pendant le voyage, et les études qu'il
pourra poursuivre sur les lieux où touchera le navire, donnent lieu
d'espérer que le but que s'est proposé la Société sera atteint, et qu'il en
résultera, pour tous ceux qui auront pris part à l'expédition, une con-
naissance exacte de l'histoire, des us et coutumes ainsi que du conunerce
de ces régions.
Nous espérions pouvoir donner dès aujourd'hui des renseignements
détaillés sur la traversée de l'Afrique par M. Buonfanti, de
Tripoli au golfe de Guinée, par le lac Tchad, et le pays de Sokoto. Mais
le manque de place nous oblige à les ajourner à un prochain numéro.
Disons seulement ici, qu'il a réussi à remonter et à relever le Niger
dans son cours moyen, de Say à Tombouctou, ce que n'avait encore fait
aucun Européen, et que, de Tombouctou, il s'est rendu à la côte en
traversant, à peu près par le milieu, les vastes territoires en partie
inconnus jusqu'ici, compris dans le grand arc formé par le fleuve dans
son cours moyen.
Pendant que les puissances européennes correspondent entre elles
au sujet de la conférence qui doit régler la position financière de
l 'Egypte et fixer le terme de l'occupation anglaise, les troupes du
Halidi continuent leurs conquêtes ; vers le nord, elles se rapprochent
des frontières de l'Egypte propre, et vers le sud, elles ont triooftphé
de la résistance de Slatin-bey au Darfour. Des messagers envoyés de
cette province ont apporté au Caire des lettres de l'ex-gouverneur, et
de l'émir nommé par le Mahdi pour le remplacer. Slatin-bey écrit
« qu'après avoir lutté deux ans contre les insurgés, n'ayant plus ni
vivres, ni munitions, il a été réduit à fondre des boulets de cuivre sans
effet contre l'ennemi; enfin, ayant vainement attendu les secours qu'il
* Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les NoufféUes eom-
pUmentcures y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à PEst, longeant ensuite la c6te orientale du continent et
rerenant par la c6te occidentale.
L'AFRIQVB. — CINQVlilCE INV^E. — »• 7. 7
— 146 —
avait réclamés à plosieurs reprises» il s*est rendu, pour éviter une plus
grande efiusion de sang. » Kassala ne peut guère compter sur le secours
du roi d'Abyssinie qui ne paraît pas avoir accueilli très favorablement
la demande à cet égard de Tenvoyé britannique. La situation deSouakim
6St des plus précaires ; Berber est tombé, Âbou-Hamed est pris, Don-
gola est abandonné, Eorosko et Assouan sont menacés ; quant à Ehar-
toum, impossible d'en rien apprendre. Dans quel état se trouve sa
garnison au milieu d'une population sans doute peu sympathique aux
^Égyptiens, et probablement encore moins aux Anglais? De Gordon, ni
messagers, ni télégrammes, ne sont parvenus au Caire depuis le 10 avril,
et Ton souffre en pensant que plus le temps s'écoule, plus Tesprit d'ani-
mosité inspiré aux populations soudaniennes par le Mahdi et ses dervi-
ches doit s'enflammer contre les étrangers, surtout contre celui qui
représente le mieux au milieu d'elles la civilisation européenne.
En attendant les troupes égyptiennes qui viennent d'être toutes pla-
cées sous l'autorité directe du commandant des forces britanniques en
Egypte, sir £. Wood, sont concentrées à Assouan, à Eorosko et à
Wadi-Halfa, où, tôt ou tard, celles du Mahdi viendront les chercher.
Sauront-eUes résister mieux que celles de Tokar, de Sinkat ou de
Berber? ou bien, l'imagination frappée par les progrès de la puissance
du Mahdi, ne seront-elles pas vaincues avant môme d'avoir vu l'ennemi?
En tout cas ce ne sera pas la présence à leur tête d'officiers anglais, qni
leur inspirera un profond désir de repousser l'envahisseur loin des fron-
tières de ce qui reste à l'Egypte de l'empire de Méhémet-Ali. A quoi
aboutiront d'autre part les préparatifs faits en Angleterre pour l'achè-
vement de la ligne de chemin de fer stratégique commencée il y a quel-
ques années, pour relier la mer Rouge au Nil par Souakhn et Berber?
ou ceux qui concernent une expédition à envoyer au Soudan pour déli-
vrer Ehartoum? C'est le secret de l'avenir ! Quoi qu'il en soit, la respon-
sabilité de la défense de la ELaute-Égypte incombe maintenant à l'Angle-
terre, et il est à prévoir que les préparatifs miUtaires actuels devront
servir à garder la vallée inférieure du Nil, beaucoup plus qu'à sauver
Gordon, que l'on paraît disposé à abandonner à son malheureux sort.
Une dépêche d' Aden du 16 juin a annoncé le retour de l'amiral Hewett
de sa mission d'Abyssinie, mais jusqu'ici les termes du traité qu'il doit
avoir signé avec le roi Jean sont tenus secrets.
L'état d'anarchie du Soudan n'empêche pas les négociants anglais de
songer à exploiter ce pays au point de vue commercial. La Poil MaU
Gazette annonce que des hommes d'affaires de la Cité ont élaboré un
— 147 —
plan, qu'ils ont soumis aux premières autorités de TÀDgleterre et de
rÉgypte qui Font approuvé, et par lequel le Soudan pourrait être sauvé
«n môme temps que le commerce y trouverait son profit. Il s^agirait de
fonder une compagnie commerciale du Soudan sous le titre de Central
Af picran Tpadinf^ Associatioii» au capital de quatre millions de
livres sterling, moyennant la concession d'un monopole de 99 ans pour
le commerce du Haut-Nil. Elle commencerait par la construction d'un
chemin de fer à voie étroite de Souakim à Berber ; cinquante milles de
rails prêts à être posés sont déjà réunis à Woolwich ; cent autre milles
peuvent être expédiés des comtés du centre, et les cent trente milles
restants seront prêts avant que les travaux soient assez avancés pour
qu'ils fassent besoin. La ligne de Souakim à Berber ne serait que la
première partie d'un réseau qui s'étendrait à tout le Soudan et aux
provinces équatoriales jusqu'au centre de l'Afrique (?)
Les Proceedings de la Société de géographie de Londres rapportent
une excursion faite par le vice-consul anglais à Mombas, M. Gissin^»
dans les villages à la tête du golfe ou du bras de mer qui pénètre à une
Tingtaine de kilomètres à l'intérieur, a Les montagnes, » dit-il, e sont
la continuation de celles qui partent de Malindi ; elles sont à 24 kilomètres
de la côte, et varient de hauteur de 200" à 400". Le pays est couvert de
mimosas et de fourrés épineux, que les natifs doivent couper et brûler
pour pouvoir faire leurs plantations annuelles. Le sol est fertile, et pro-
duit en abondance du blé d'Inde, de la cassave, des fèves, des pommes
de terre douces et du riz. Le climat est chaud, mais salubre. Jomvou,
^station du missionnaire Wakefield, est agréablement situé sur une col-
line, tout près de la crique ; à 5 kilomètres plus loin est BabbaX, station
de la Société des missions anglicanes, construite sur le sommet d'une
colline beaucoup plus haute, commandant une belle vue de la mer. Les
indigènes sont des Wa-Nika, sujets du sultan de Zanzibar, tribu qui
paraît avoir fait très peu de progrès dans la civilisation. Cependant ce
«ont d'habiles agriculteurs, et ils possèdent des bestiaux qui excitent
souvent la convoitise des Masal pillards de l'intérieur. Les Wa-Nika
pacifiques vivent dans une crainte perpétuelle de ces brigands, qui pro-
cèdent ainsi dans l'attaque d'un village : ils s'en approchent de nuit,
fondent, au point du jour, sur les habitants endormis, et tuent tout
dans les huttes, hommes, femmes, enfants, sans même épargner les
chiens. Q y aurait un moyen de se défendre contre ces maraudeurs, ce
serait de les prendre par derrière ou de les envelopper, car ils ne peu-
irent protéger, avec leur bouclier, qu'un côté de leur corps; ils seraient
— 148 —
forcés de se retirer ; mais les timides Wa-Nika n'ont pas le courage de
Tadopter. » De Rabbal, M. Gissing s'est rendu à Ribé, où il a trouvé
les plus beaux spécimens de fermes qu'il eût encore vus dans le pays ;
les champs sont parfaitement tenus, le sol en est aménagé comme celui
d^un jardin. Mais le pays manque de rivières et d'eau permanente pour
l'irrigation, et pour la boisson ; il y a cependant, dans les vallées voisines
de Ribé, des cours d'eau temporaires provenant de sources de monta-
gnes ; la végétation y est magnifique.
L'installation du magistrat supérieur des Ba-Souto», le colonel
Clarke s'est faite sous d'heureux auspices. Les allocutions des chefs,
dans le pitso qui a eu lieu à cette occasion, ont été empreintes de la
plus grande sympathie pour l'administration anglaise, sans qu'il y ait
eu besoin que les missionnaires exerçassent une pression quelconque.
Un des buts du colonel Glarke est de chercher à amener les Ba-Soutos
à se gouverner eux-mêmes, en reprenant pour cela un projet formulé
l'an passé par les ministres de la colonie du Gap, comportant la création
d'un grand conseil composé de chefs et de conseillers. Ce conseil aurait
à faire des lois qui seraient ensuite soun^ises à l'approbation du Haut-
Commissaire. Celui-ci va demander à la tribu de payer l'impôt de
10 shellings par hutte ; s'il est payé d'une manière prompte et générale,
ce sera une preuve que la tribu est satisfaite du nouveau régime. Le
colonel Clarke a promis aux missionnaires de leur dire ce qu'il pourra
faire pour les écoles, dès qu'il aura vu ce que l'impôt aura rapporté. Sa
patience, son calme, sa manière de parler aux indigènes, sont bien pro-
pres à les attacher à lui. Il a déclaré vouloir ne rien précipiter et
prendre son temps pour affermir la nouvelle administration.
Pendant que des membres des Parlements d'Angleterre et de la
colonie du Cap interpellent leurs ministres respectifs sur les intentione^
des deux gouvernements relativement à An^ra Pequena, le D' Nach-
tigal fait voile vers cette possession de la maison Ltlderitz, pour affirmer
que, conformément aux déclarations de M. de Bismarck, elle est bien
placée sous la protection de Tempire d'Allemagne. En môme temps, et
à l'instigation de M. Ltlderitz, une expédition commerciale et scienti-
fique est partie de Hambourg sur la corvette Elisabeth pour le Cap et
Angra Pequena. Son but est de chercher une route commerciale entre
ce dernier point et le cours moyen ou supérieur du Congo. Le chef de
l'expédition est le lieutenant Siegmund Israël, qui, après avoir fait avec
les Anglais la campagne des Achantis, a exploré deux fois, avec le capi-
taine Grant EUiot, le bassin du Quilou-Niari. U est accompagné du D*^
— 149 —
Hôpfner chargé de la partie scientifique, qui a déjà fait uo voyage
dans les colonies portugaises de TAfrique occidentale, et au sud de
Cunéné jusqu'aux stations des missionnaires allemands dans le Damara-
land. Un frère de M. Lûderitz, le possesseur du territoire d'Angra
Pequena, fait partie de l'expédition. Pour obvier au manque d'eau qui
^t une des difficultés dans les marches d'Angra Pequena à l'intérieur,
l'expédition a été munie d'appareils perfectionnés pour le forage rapide
des puits artésiens. Le gouvernement favorise cette entreprise en ce
sens que les voyageurs font la travei*sée de Hambourg au Cap à bord de
la corvette Elisabeth, et qu'une canonnière allemande les transportera
du Cap à Angra Pequena.
La Société de géographie de Berlin a reçu communication de la der-
nière lettre écrite par le D» Bi^gs^e, de Malangé, le 12 février 1884 ;
il en ressort que, de Muquengué, il avait fait un voyage rapide, sans
rencontrer de difficultés. II avait visité le chef ba-chilangué Mofouka,qui
demeure plus au nord, par 6* 10 lat S. et 18** 32 long. E. de Paris, et,
à cinq jours de là, dans une direction N.-N.O., l'embouchure du Lou-
loua dans le Cassai. De ce point, et en suivant une route parallèle au
dernier fleuve, il atteignit Kikassa, oii il l'avait passé dans son voyage
avec Wissmann en 1881. Marchant ensuite pendant six jours vei's le
sud, sur la route de Kimboundou, puis tournant à l'ouest et ensuite au
S.-O., il traversa le Lounda en passant entre Eahoungoula au sud, et
liouata Koumbana au nord. Ensuite il retrouva la route de Schûtt au
passage des rivières Loangué, Cuilou et Ouhamba, et arriva enfin à
Malangé par Machindé et Cassangé. A Malangé il rencontra Wissmann,
le premier blanc qu'il revoyait depuis Nyaugoué, où ils s'étaient séparés
deux ans auparavant. Il était affaibli par les fatigues et par un catarrhe
dont il souffirait depuis une année ; cependant rien ne faisait prévoir sa
fin prochaine à Loanda. Arrivé à la côte, l'inflammation pulmonaire fit
des progrès rapides, et l'enleva au bout de quinze jours à la science et
aux amis qui l'entouraient. Quant à l'expédition de l^issmann,
ensuite des entretiens de Pogge à Malangé, son chef a dû lui faire passer
le Quango entre Cassangé et HoUo, traverser le petit pays des Kari,
puis, soit par la route de Schûtt, soit par celle de Bûchner, gagner
directement Kikassa en laissant Mouata Eoumbaua à sa gauche et
Kahoungoula à sa droite. La route, au nord du Louboukou, présente
de grandes difficultés par suite des immenses forêts vierges qu'il faut
traverser, aussi Wissmann estimait-il que le Cassa! était la route la
plus convenable.
— 150 —
Les directeurs de la British and African Steam NairigaUon Company
(mt adressé à S. M. le roi des Belges, président de rAssociation
Interiiatioiiale africaine» la lettre suivante.
Liverpool, 24 mai 1884.
Sire,
Le bruit a couru ici que rAssociation internationale africaine, placé»
sous le patronage de Y. M., et qui poursuit énergiquement ses opéra-
tions sur le Congo, se propose d'accorder aux sujets belges des droits et
des piivilèges exclusif, au détriment des sujets d'autres nationalités.
Connaissant le but digne d'éloges pour lequel TAssociation a été fondé»
— l'ouverture de l'Afrique centrale à la civilisation comme précurseur
de l'instruction et du commerce, — nous sommes disposés à n^accorder
aucun crédit à ce bruit. Nous sommes d'ailleurs affermis dans cette dis-
position, en nous rappelant l'exposé que V. M. a bien voulu faire à
M. Alfred-L. Jones, membre de notre Société, auquel V. M. aeulabonté^
d'accorder une audience il y a quelque temps. Néanmoins, comme de
tels bruits trouvent crédit en quelques endroits, nous croyons bien faire
d'attirer sur ce sujet l'attention de V. M., afin que l'opinion publique
puisse être rassurée. Nous serions donc très reconnaissants, si V. M.
voulait bien démentir officiellement ce bruit, pour que nous pussions en
informer le public anglais. Assurant Y. M. de nos meilleurs vœux pour
le succès des plans en vue desquels l'Association internationale africaine
a été créée, nous demeurons de Y. M. les très humbles et obéissant»
serviteurs.
Eldem, Dempstes et C"".
A cette lettre M. Strauch, secrétaire général de la commission exe-
cutive de l'Association internationale africaine, a répondu de la manière
suivante :
Bruxelles, 2 juin 1884.
Messieurs,
La lettre que vous avez adressée au roi des Belges m'a été transmise»
L'Association internationale a acquis de différents chefs, non seulement
des droits de souveraineté, mais aussi des droits particuliers et exclu-
sifs. L'usage que l'Association fait des privilèges reçus des che& est
rappelé dans la déclaration officielle faite à Washington. L'Association
ouvre ses territoires au libre commerce de toutes les nations; elle n'éta-
blira point de lignes de douane le long de ses frontières ; elle accordera
des concessions, sans aucune distinction quelconque de nationalité, à ceux
qui les demanderont, pourvu qu'ils s'engagent à respecter les lois et les
règlements du nouvel État.
Signé : Straijch.
— 151 —
Quant aux négociations poursuivies au sujet du traité ans^lo-por-
tairais, la plupart des gouvernements consultés se rattachent à Tidée
émise Tannée dernière par M. Moynier, au congrès de droit interna-
tional, à Munich, d'une Commission internationale analogue à celle du
Danube.
Aux nombreuses stations nouvelles du Comité d'études du Congo, il
faut ajouter celles que créent les sociétés missionnaires. D'après le
D' Sims, la I^iving^stone Inland mission en fondera une, à une
vingtaine de kilomètres en amont de l'embouchure de Tlbari Nkoutou>
dans une région où les villages abondent et où les champs sont bien cul-
tivés, près de la rivière Kinshasha. Elle sera éloignée de Stanley Pool de
110 kilom. environ ; aux eaux hautes le trajet pourra se faire en six jours
et demi avec sept rameurs. Sa situation sur le haut fleuve sera plus salu-
bre que celle des stations du cours inférieur. — A Loukounga est mort
M. Hartley, delà mission baptiste, chargé de la reconstruction du vapeur
le Peace. A Pallabala, M. Harvey s'est assuré, par traité, la possession
d'une colline plus élevée que celle de l'ancienne station, et plus salubre
aussi, afin d'y bâtir et de pouvoir offrir l'hospitalité aux étrangers de
passage.
Quand à la station fk*ançaise de Gantsohou fondée par le
D' BaUay à 10 kilom. de M'Suata, établissement du Comité d'études
du Congo, Savorgnan de Brazza y est arrivé le 26 mars, avec deux
blancs et un détachement de noirs, par l'embarcation à vapeur montée
sur l'Alima. Le surlendemain il a reçu la visite de M, Westmark»
chef de la station de M'Suata, et du capitaine Hansens, l'organisateur
d'une partie des stations de la vallée du Quilou. L'entrevue a été des
plus cordiales. Le 4 avril, de Brazza et le D' Ballay sont allés à M'Suata
rendre à MM. Westmark et Hansens leur visite et passer auprès d'eux
une journée entière.
Le D*" miaehli est revenu de Salage à la côte, après avoir cherché à
l'intérieur des emplacements salubres où puissent travailler les mission-
naires de Bâle. Les anciennes stations seraient desservies par des pas-
teurs indigènes. Le voyage de Salaga a duré 44 jours. Parti le 11 jan-
Tier, avec les missionnaires Muller et Asanté et quelques porteurs de
hamacs, il fit un voyage parfois pénible et fatigant, mais partout les
étrangers furent bien reçus. Plusieurs chefs païens, ainsi que leurs sujets,
leur ont demandé de leur envoyer des instituteurs. L'accueil fut parti-
culièrement favorable dans le pays des Mkonyas, à quelques journées
de Salaga. Le roi et les anciens, ses conseillers, les invitèrent à se fixer
— 152 —
dans le pays, et à choisir le lieu de leur résidence. Le prince de Erakye
aussi les combla de faveurs et même leur fit cadeau de plusieurs escla-
ves, qui les accompagnèrent à Abouri, parfaitement libres d'ailleurs.
A Salaga ils ne demeurèrent que trois jours, le climat y étant dangereux
pour des Européens. Depuis une dizaine d'années la ville a beaucoup
déchu. En 1873, le géographe anglais Wyld évaluait sa population à
40,000 âmes, elle en a beaucoup moins aiqourd'hui; son commerce,
autrefois florissant, languit^ même celui des esclaves qui faisait de son
marché un des plus importants de l'Afrique. Les voyageurs descendirent
lé Yolta dans des bateaux pour lesquels ils durent changer plusieurs fois
de pilotes, les tribus de l'intérieur craignant celles du bas fleuve. Le
23 février la caravane rentra à Abouri. Dès lors le D' Msehli a dû revenir
à Bâle. lï^ous serons sans doute bientôt informés de ses études de clima-
tologie médicale de la Côte d'Or.
M. de Fouc^auld dont nous avons mentionné l'expédition au
llarocy dans notre dernier numéro, a communiqué par lettre à la
Société de géographie de Paris l'itinéraire qu'il a suivi. De Tanger il
s'est rendu à Fez et à Mequinez, puis a exploré la plus grande partie
de la province de Tadla d'où il a descendu l'Oued-el-Abid jusqu'à Tabia.
Franchissant le Grand Atlas au col de Glaoui, il s'est dirigé vers Taze-
nakht,pour passer au col d'Agni la seconde chaîne du grand massif atlan-
tique et visiter ensuite les grandes oasis de Tissint, Talta et Akka, en
poussant une pointe jusqu'à l'Oued-Dra, limite méridionale de son explo-
ration. De Tissint il a regagné Tazenakht par le col de Harou et le ter-
ritoire de la tribu des Zénaga. Son itinéraire a été relevé à la montre, à
la boussole et au baromètre, et le plus souvent possible les latitudes et
les longitudes ont été déterminées avec le sextant et le chronomètre,
a Le fait qui m'a le plus frappé, « dit l'explorateur, » c'est l'extrême
faiblesse du gouvernement marocain. Les États de Moulal-el-Hacen sont
bien petits ; il n'est sultan du Maroc, ni de fait ni de nom, sauf pour les
Européens. Son empire, facile à délimiter, se compose de la côte de
l'Océan et des basses vallées des cinq fleuves. C'est la région occupée
par des tribus de race arabe. Quant au massif montagneux qui occupe
la portion centrale, il est, ainsi que les hautes et moyennes vallées»
entièrement indépendant ; uniquement peuplées de Berbères, ces vastes
contrées ne reconnaissent aucun autre pouvoir que celui de leurs chdks
ou de leurs Djemaa et se gouvernent elles-mêmes. »
^wr^
— 153 —
NOXrVEI.I.ES COMPLÉMENTAIRES
Le Joumai officiel de la Bégence de Tunis a annoncé qu'âne concession, pour 99
ans, a été accordée à la Compagnie de Mokta-el-Adid, d'un gisement de fer en
Eroumirie^ an lieu dit Nefsa, avec obligation de construire un port en face de
Tabarka, et une voie ferrée de 32 kilom. pour relier les mines à la mer.
La ligne télégraphique entre Tunis et Kairouan est terminée.
M. Paul Melon, délégué de PAUiance pour la propagation de la langue française,
^ l'un de ses plus zélés promoteurs, a visité les écoles de la Régence de Tunis et
de la Tripolitaine, distribué des livres, des médailles et des récompenses; il a en
outre créé à Tunis une bibliothèque populaire.
Le J)^ Schweinfurth est de retour au Caire, de son exploration dans le désert
de Lybie, qui lui a fourni une riche moisson d'objets d'histoire naturelle. Aux
«nvirons du Birket-el-Eeroun, le lac Mœris des anciens, il a découvert un temple
^égyptien qui remonte aux premières dynasties de l'empire des Pharaons.
D'après le rapport du ministre du commerce d'Italie, le résultat de la mission
italienne en Abyssinie est favorable. Il sera possible d'obtenir de ce pays, où les
montons sont nombreux, une bonne laine noire. Un Italien qui réside à Gondar,
veut essayer d'exporter cet article et en a envoyé des échantillons à Livourne.
M. Albert Pogliani est parti de Milan pour faire une exploration commerciale
dans la mer Rouge et sur les cAtes du continent africain.
Le vice-consul français à Khartoum, M. Lemay, en mission dans la mer Rouge,
^est rendu à Harrar par Zeïlah.
M. de Courcy a été npmmé résident français sur le territoire d'Obock, où sera
établi un poste de 25 hommes d'infanterie de marine.
Le D*" Paulitschke se prépare à faire, avec le D' de Hardegger, un voyage an
pays des Adal et dans l'Harrar. Avant de partir, il a fait paraître sur l'histoire
de l'exploration de cette région un savant mémoire dont nous rendrons compte
dans notre prochain numéro.
M. 6. Revoil est rentré en France de son expédition au pays des Som alis.
M. J. Thomson est heureusement revenu à Zanzibar de son exploration de la
région au delà du Kilimandjaro et du Eénia.
Une lettre du D' Bôhm au Comité national de l'Association africaine allemande
rapporte, que l'on a constaté une élévation périodique des bords du Tanganyika,
et l'existence de traces supérieures d'inondation le long des rives. De son côté, le
D' Reichert signale un combat contre la tribu des Ou-Ga-Ou-Ga.
La mort du chef ma-kololo Chipitoula, de la main d'un Européen a troublé la
]paix des rives du Chiré et rendu dangereuses les communications avec le lac Nyassa.
Le capitaine Foot, consul anglais dans cette région, écrit que la position est sérieuse,
les Ma-Eololo ayant, par représailles, coulé le vapeur Lady Nyc^a avec une par-
tie de la malle.
Le D' Aurèle Schulz a informé la Société de géographie de Berlin qu'il est
— 154 —
arriYé à Rustenbonrg le 28 mars ; il comptait atteindre les t^hates Victoria du
Zambèze en sept semaines.
Le vapeur Maud, chargé de reconnaître le cours du Limpopo au point de vue
de la navigation, a réussi à franchir la barre du fleuve et à le remonter sur un
parcours de 180 kilom., jusqu'au kraal de Matshoba. De là Péquipage atteignit
par terre la station commerciale de Wyllie, à travers de nombreux marais^ qui
rendirent ea marche pénible et dangereuse; presque tous les membres de l'expédi-
tion eurent la fièvre. C'est le premier vapeur qui ait réussi à remonter le Limpopo.
M. Williams, dont nous avons dit l'expédition aux chutes du Zambèze avec sa
femme et son enfant, est revenu à Port-Élisabeth où, dans une séance publique, il
a raconté son exploration. Il a trouvé la contrée entre le Limpopo et les mines d'or
de Taté moins bien arrosée que ne le montrent les cartes ; sans doute cela tient
au fait du dessèchement graduel des cours d'eau de l'Afrique centrale. Il y a de
l'or à Tati, mais les moyens d'extraction font défaut et les difficultés sont grandes.
Quant à la disparition des explorateurs Fatterson et Morgan Thomas, M. Williams
croit que le premier est mort pour avoir bu de l'eau empoisonnée, et que le second
a été assassiné par son escorte.
Le D' Holub a passé quelques jours à Colesberg pour y étudier les gisements de
fossiles nouvellement découverts. Il y attendait 'des nouvelles du pays des Ma-
Tébélé ; si elles étaient pacifiques, il comptait s'y arrêter de manière à se rendre
an delà du Zambèze l'année prochaine; si au contraire elles étaient favorables, il
voulait traverser le fleuve déjà au mois d'août de cette année-ci^ après avoir visité
l'État libre de l'Orange.
De nombreux gisements aurifères ont été découverts à Moodie's Reef dans le
Transvaal. Beaucoup de personnes s'y rendent, de la colonie de Natal par la voie
de Lorenzo-Marquez, la route qui conduit de la c6te aux mines étant exempte de
fièvre à ce moment de l'année.
Le Zoulouland continue à être troublé par les luttes entre les partisans d'Ousi*
bepou et ceux d'Ousoutou, anciens adhérents de Cettiwayo. Ces derniers ne res-
pectent pas même le territoire de la Réserve, où se trouve le résident anglais,
M. Osborne. L'appui d'un certain nombre de Boers des frontières, qui se sont joints
à eux contre Ousibepou, avec l'espoir de recevoir des fermes dans le Zoulouland^
risque de compliquer encore un état de choses déjà très embarrassé, quoique d'ail-
leurs ils aient promis de s'abstenir d'intervenir dans le territoire de la Réserve.
Une compagnie s'est constituée sous le nom de « Kimberley Junction Railway,»
au capital d'un million de livres sterling, pour la construction et l'exploitation de
lignes de chemins de fer prolongeant vers le nord celles que possède déjà dans le
voisinage du fleuve Orange le gouvernement de la Colonie du Cap.
En rapport avec la Chambre de Commerce de Londres, et sous le titre de « South
african trade section,» il s'est formé une section qui aura pour but de développer
les relations commerciales entre la mère patrie et l'Afrique méridionale. Une de»
premières questions qu'elle étudiera sera celle des arrangements postaux avec lea
colonies du sud de l'Afrique.
— 155 —
Une société s'est fondée en Portugal pour créer, dans la province de Mossamédès,
nne colonie agricole et civilisatrice, afin de contribuer au développement des
richesses de cette partie des possessions portugaises.
Une expédition scientifique organisée sous les auspices des sociétés de géogra-
phie de Berlin, de Hambourg et de Gotha (?) partira prochainement pour Loanda.
Parmi ses membres se trouvent un botaniste, un géomètre, un photographe, etc.
Le but en est la traversée du continent, de Loanda à Zanzibar ; les explorateurs
devront faire le lever du terrain, déterminer des latitudes et des longitudes, faire
des collections minéralogiques et zoologiques.
Le gouvernement français a édicté, pour ses possessions du Gabon, un décret qui
risque de nuire aux écoles des stations missionnaires américaines ; en effet, aucune
école ne pourra être établie dans la colonie sans le consentement du commandant,
aucune autre langue que le français ne pourra y être enseignée, et la moitié des
heures d'école devra être consacrée au français, l'autre moitié aux svgets désignés
par le gouvernement.
L'Espagne a accordé à l'Allemagne, dans l'Ile de Fernando-Po, un terrain pour
y établir un dépêt de charbon^ et l'a autorisée à y installer un consul, mais sans
lui accorder aucun droit de souveraineté.
Les noirs de l'établissement portugais de Bissao, dans une grande île de la rive
droite du Rio-Geba, se sont révoltés contre les autorités, et se sont même emparés
de la seule canonnière portugaise en station dans ces parages, le Barreho^ dont
l'équipage a dû se sauver dans les embarcations.
Le capitaine Lenoir a fait une expédition aux sources de la Casamance et dans
le Bondou et le Bambouk.
Le gouvernement espagnol a ratifié la convention relative au câble des Canaries
an Sénégal.
La ville de Eayes, tête de ligne du chemin de fer du Haut-Sénégal, a été pres-
qae entièrement détruite par un incendie: les bâtiments du chemin de fer, le dépôt
de vivres, l'hôpital, la caserne, les habitations ont été la proie des flammes.
MADAGASCAR*
Nos lecteurs ne s'attendent pas sans doute à trouver, sous ce titre,
un exposé des événements politiques dont les journaux quotidiens les
entretiennent régulièrement. Supposant qu'ils désirent connaître un peu
exactement le pays où se déroulent ces événements, nous avons pensé
bien faire en résumant aujourd'hui en quelques pages, ce que Ton sait
actuellement de Torographie et de l'hydrographie de cette île, la plus
' Cette livraison est accompagnée d'une carte dans laquelle, comme dans l'arti-
cle, nous avons adopté l'orthographe de la carte de M. A. Grandidier.
— 156 —
grande de notre globe après Bornéo et la Nouvelle-Guinée, et souvent
appelée, à cause de son étendue, la Grande Terre, la Reine des côtes
afiricaines. Pour cela, nous nous en tiendrons aux résultats fournis par
les explorations les plus récentes, à partir de celles de M. Alfred Gran-
didier, de 1865 à 1870. Dans un prochain article nous tâcherons de
dédommager nos lecteurs de Taridité de celui-ci, en les entretenant des
ressources que présente Madagascar et de son ethnographie.
Avant les voyages de M. Grandidier, l'île avait été parcourue dans
différentes directions par un grand nombre de voyageurs, mais peu
d'entre eux avaient fait des observations exactes ou des relevés scienti-
fiques des districts qu'ils avaient traversés. Au XVII"^ siècle déjà,
Flacourt en avait donné une description intéressante ; au milieu de ce
siècle-ci Ellis en publia une plus exacte, mais encore bien incomplète.
Les cartes surtout laissaient beaucoup à désirer, et semblaient ne repo-
ser que sur les données fournies par l'imagination de tel ou tel écrivain
de renom. Aussi, dans une séance de la Société de géographie de Paris,
à propos du Voyage à Madagascar de M. Leguevel de Lacombe, qui
disait avoir traversé l'île plusieurs fois du nord au sud et de l'est à
Touest, et décrivait ses voyages jusque dans les plus petits détails,
M. Grandidier amusa-t-il beaucoup l'illustre société, en lui apprenant
que M. Lacombe lui avait avoué n'avoir jamais quitté la côte orientale.
« D'après l'examen de son livre, «ajouta le savant explorateur, «je le crois
volontiers ; c'est de sa pure imagination qu'il a tiré tous ses récits, aux-
quels les géographes ont accordé une confiance si absolue, que, jus-
qu'aujourd'hui, nos cartes de Madagascar ont été dressées d'après les
données topographiques de son ouvrage.
n n'en est pas de même de celle de M. Grandidier, d'après laquelle a
été dressée celle dont nous accompagnons cet article. Dans ses voyages,
il avait traversé l'île dans une partie de la longueur, et, sur plusieurs
points, daDS toute la largeur. Dominé par l'unique ambition d'acquérir
des connaissances nouvelles sur une région qui offrait tous les genres
d'intérôt, et préparé par de fortes études à toutes les observations
nécessaires, il ne visita pas une localité sans faire les opérations astro-
nomiques et géodésiques propres à en fixer avec certitude la position
géographique. Il traça la direction des cours d'eau, détermina la hau-
teur des montagnes, étudia le relief du sol, décrivit les aspects et la
condition du pays. Pendant plus de deux années, il nota trois fois par
jour la pression barométrique, et observa le thermomètre de façon à
s'assurer des températures extrêmes. Partout dans ses excursions, il
— 157 —
recueillit les plantes et les animaux, et fit des découvertes qui lui per-
mirent d'étudier plusieurs questions relatives à leur histoire. Ne négli- .
géant aucun moyen d'information ou de contrôle, il a apporté à Tétude
des races qui peuplent Madagascar un soin scrupuleux, et a répandu de
nouvelles clartés sur les problèmes qui se posent à Toccasion des popu-
lations de la Reine des îles africaines.
Située àquelques centaines de kilomètres de la côte orientale d'Afrique ,
Madagascar s'étend du 12%12,au 25'',45lat. S., dans une direction N.-E.
— S,-0., sur une longueur de 1600 kilom.; sa largeur est de 470 kilom.,
ce qui lui donne une superficie de 590,000 kilom. carrés, qui, d'après
M. Grandidier, dépasse de plus de 60,000 kilom. c. celle de la France. Sa
ligne de contour est de 3,450 kilom. Les angles rentrants et sortants de
SSL côte occidentale correspondant à ceux du continent africain dont la
sépare la vallée océanique dans laquelle coule le rapide courant dit de
Mozambique, il semble qu'elle devrait être rattachée à rAfrique. Cepen-
dant, malgré ces analogies, ni la structure géologique de l'île, ni
les types particuliers de sa flore et de sa faune ne permettent de
la considérer comme une terre détachée du continent. Sans doute on
n^en connaît pas encore à fond la géologie ni les règoes végétai et ani-
mal, mais ce que l'on sait de la richesse de ses espèces spéciales, au
point de vue botanique et zoologique, oblige à l'envisager comme un
monde à part, reste d'un vaste continent disparu sous les flots, et dont
les vestiges émergent encore dans les archipels des Ck)mores, des Sey-
chelles, des Mascareignes, des Maldives et des Laquedives; d'après
Wallace, Célèbes même, par ses espèces de mammifères, doit avoir eu
des rapports avec Madagascar.
Si la côte occidentale a de nombreuses sinuosités, il n'en est pas de
même de la côte orientale, baignée par le grand courant équatorial de
Tocéan Indien, qui vient butter avec violence contre l'île et se divise en
deux branches dont l'une se porte au N.-N.-E., et l'autre, au S.-S.-O.;
cette dernière imprime au cordon littoral formé par les apports des
rivières de l'intérieur et des contre-courantç, une direction droite, sans
découpure aucune, de Foulepointe à Fort-Dauphin, sur une longueur de
SCO kilom.
C'est aussi à la lutte constante entre l'eau douce et celle de l'Océan,
qu'est due une des formations géographiques les plus caractéristiques
de la côte orientale, nous voulons parler de la longue Ûle de lagunes,
qui s'étend le long du bord de la mer, sur plusieurs centaines de kilo-
mètres. Un grand nombre d'entre elles ressemblent à des rivières cou-
— 158 —
rant parallèlement à la côte ; souvent elles s'étendent en vastes nappes
d'eau et forment de grands lacs. La distance qui les sépare les unes des
autres est si minime, qu'au moyen de canaux dont la longueur ne dépas-
serait pas en somme 50 kilom., on pourrait créer une voie navigable
ininterrompue de 360 kilom. parallèle à la côte. Il est à présumer qu'un
jour les besoins du commerce appelleront la création de cette communi-
cation, qui rapprochera des points de la partie orientale de Tîle très
éloignés les uns des autres. On utilise déjà ces lagunes ou ces lacs, de
Tamatave à Andovoranto, d'où le chemin, pour se rendre à Tana-
narivo, est beaucoup plus court. Les côtes septentrionales sont riches
en havres excellents ; en revanche les côtes méridionales, beaucoup
moins découpées, n'ofirent qu'un petit nombre de baies et de rades
ouvertes. Les deux baies les plus spacieuses sont celles d'Ântongil, au
N.-E., et de Saint-Augustin, au S.-O.
A une très petite distance de la côte orientale, parfois même, comme
dans le voisinage de la baie d'Antongil, dès le bord de la mer, commen-
cent les montagnes. Avant les explorations de M. Grandidier, la plupart
des cartes et la plupart des livres se plaisaient à présenter l'orographie
de Madagascar sous la forme d'une chaîne de montagnes, qui, se tenant
en équihbre à égale distance des deux mers, traversait l'île dans toute
sa longueur et en constituait comme l'épine dorsale. L'erreur provenait
du fait que, vues du bord de la mer, les montagnes apparaissent comme
une longue chaîne courant du N. au S., et que, comme M. Leguevel de
Lacombe, les cartographes quittaient peu le rivage. Quoi qu'il en soit la
chaîne, ou plutôt les chaînes qui frappent les yeux du voyageur à son
arrivée à la côte orientale, ne sont point à égale distance des deux mers,
et les parties orientale et occidentale de l'île n'ont nullement la même
configuration de relief. D'après M. Grandidier^ et les explorateurs
venus après lui, il faut distinguer dans l'île deux parties essentieUement
différentes, l'une orientale-septentrionale toute montagneuse, l'autre
occidentale-méridionale généralement plate.
Quant à la région montagneuse, le voyageur qui, débarqué sur la côte
orientale, veut pénétrer dans l'intérieur, commence, dès le rivage, à
gravir péniblement une chaîne de montagnes, qui s'élève graduellement
jusqu'à une hauteur de 800" à 900". Il monte et descend tour à tour
sans trouver nulle part le moindre espace de terrain plat, çà et là seule-
ment, quelques étroits vallons, ou plutôt quelques ravins abrupts sil-
' Revue scientifique, mai 1872.
— 159 —
lonnés par de petits torrents. De sa ligne de fatte à la côte, cette chaîne
peut mesurer une largeur de 100 kiloni. ; elle paraît s'étendre de Vohe-
mar à Foirt-Dauphin, sur une longueur de plus de 1200 kilom., tantôt
baignant son pied dans la mer, tantôt s'en écartant de quelques kilom.»
mais lui restant toujours parallèle.
En descendant le versant occidental de cette première chaîne, le
voyageur ne tarde pas à rencontrer, soit une vallée profonde, mais
étroite (entre IQ^'dO et 21 ""30 lat. S.), soit, plus au nord, un plateau assez
large, dont la formation est due aux détritus et aux éboulis qui se sont
accumulés dans une ancienne vallée, où les eaux n'avaient pas d'issue.
Au delà, il gravit le versant oriental très abrupt d'une seconde chaîne
granitique de la même longueur, qui s'élève à 400* ou 500» plus haut
que la première. C'est là que se trouve la ligne de partage des eaux
entre les rivières qui se versent dans l'océan Indien et celles qui vont
ae jeter dans le canal de Mozambique, toutefois celles-ci ont un parcours
trois fois plus long que celles de l'est, à l'exception toutefois du Man-
goro et de son affluent l'Ounivé.
Mais de ce que cette arête supérieure forme la ligne de faîte de l'île^
il ne faut pas conclure, qu'en poursuivant sa route, le voyageur descende
graduellement vers la côte occidentale ; il a au contraire à traverser une
région large de 140 à 160 kilom., dont le niveau général se maintient k
une altitude moyenne de 800" à 1000", région toute montagneuse et
tourmentée ; puis, tout à coup, il arrive, par une pente très rapide^
dam une plaine qui n'a plus que 200" au-dessus de la mer.
Cette plaine qui est sablonneuse, peu accidentée, sillonnée en tous^
sens de petits ravins creusés par les eaux, ne mesure pas moins de 140
à 150 kilom. de largeur ; entre le IG"* et le 25'' lat. S., elle est coupée
par l'étroite chaîne de montagnes de Bemaraha, qui n'a que 8 ou 10
kilom. de large. Plus à l'ouest, depuis le 21'', il existe une quatrième
ebaîne qui, à partir du 22'', forme avec la précédente un vaste plateau.
Enfin, à l'est de ce dernier, la plaine susmentionnée est coupée, sous le
43 ** de long. E. de Paris, par une cinquième chaîne, commençant aussi
au 21'' pour se terminer au 23'' 30. Quant à la masse montagneuse cen-
trale elle ne dépasse pas le 22° ; plus au sud, jusqu'à la mer, s'étendent
de vastes plateaux secondaires, légèrement ondulés, et coupés de ravin»
creusés par les eaux.
Grâce aux pluies qui arrosent la côte orientale, le versant des monta-
gnes qui regarde l'océan Indien est assez fertile. Jusqu'au haut de la.
première chaîne les pentes sont couvertes de belles plantes herbacées^
— 160 —
auxquelles succède une zone de forêts, qui, au sud de la baie d'Anton-
gil, a jusqu'à 50 et 60 kilom. de large. Elle se développe du nord au
sud en forme de ceinture, de manière à entourer Ttle tout entière sur
une longueur de aooo kilom., tantôt suivant les contours de la côte,
tantôt s'en écartant de plusieurs kilom. Du côté oriental de TÛe, elle se
partage en deux bandes, entre lesquelles se trouve une étroite vallée
d'environ 400 kilom. de long.
Les points les plus élevés de Tîle sont les pics d'Ankaratra, à peu
près au centre du massif montagneux ; ils atteignent environ 2500^ —
TAmbohimirandrana, 2350- ; TAnkavitra, 2530»; le Tsia&kafo, 2540" ;
le Tsiafajavona,2590".— De ce dernier sommet la vues'étendsiurtout le
centre de l'He, qui apparaît comme une mer de montagnes, sans arbres,
sans arbrisseaux, oti des roches nombreuses se détachent au milieu
d'une herbe grossière, qui n'est môme pas très bonne pour le bétail , et
qui ne sert guère que de combustible aux habitants du pays. Le bois
manque dans la province d'Imérina ; les gens riches seuls peuvent
envoyer chercher des fagots dans la ceinture de forêts qui se trouve à sa
limite orientale. L'herbe sèche elle-même atteint des prix élevés à
l'époque des pluies.
Sur une très grande étendue de cette partie de Madagascar est dépo-
sée une argile rouge, d'où émergent des roches de granit et de basalte,
auxquelles on reconnaît l'action volcanique à laquelle est dû le soulève-
ment du centre de l'île. Les missionnaires Campbell, Sibree, Mullens
en ont signalé les traces dans le massif d'Ankaratra, autour du lac Tasy .
Voici en particulier comment Mullens décrit les montagnes situées à
l'ouest de ce lac ' :
« Lorsque nous les eûmes gravies, nous fûmes surpris de voir tout à
coup devant nous quantité de cratères, les uns d'une grandeur énorme,
d'autres petits, quelques-uns de forme conique, d'autres en forme de
fer à cheval, tous ayant de grandes coulées de lave. Il y en avait au
moins 40; très vraisemblablement il en existe d'autres plus au nord;
nous en avons rencontré à 80 kilomètres au sud du lac Tasy. Nous fimes
l'ascension de l'Ivoko, montagne de forme arrondie, à 300 mètres
au-dessus de la plaine ; arrivés au haut, nous découvrîmes un cratère
dont l'ouverture avait 250 mètres de large; deux coulées de lave se
dirigeaient, l'une au sud, l'autre à l'ouest ; au pied se trouvaient trois
petits cratères, et tout autour de nous d'autres cmtères d'une grandeur
^ Proceedings of the Roy. geog. Society, 1875.
— 161 —
considérable. Tout auprès s'élevait, à Test, uq autre volcan éteint ,
au delà duquel s'étendait une plaine de 1600 mètres, couverte de
débris de lave. En somme, sur un parcours de 144 kilomètres, nous
comptâmes une centaine de volcans éteints, sans parler du massif
d'Ankaratra. »
Il en résulte qu'une grande partie de la région montagneuse de Mada-
gascar est nue et a un aspect triste* Xes collines, allongées.en forme de
vagues, ne sont couvertes que d'une herbe grossière, qui brunit vers la
fin de la saison sèche. Entre la rivière Sakay, limite occidentale de
rimérina, et le pays des Sakalavas, les missionnaires Sewell et Pickers-
gOI eurent à traverser une vaste plaine, où cette herbe atteignait
une hauteur qui rappelait celle des prairies de T Amérique du nord ; elle
dépassait la tète d'un homme et opposait un grand obstacle à la mar-
che des explorateurs. Les rares habitations de ce district ne consistaient
guère qu'en postes militaires échelonnés de distance en distance,
dans le voisinage desquels se trouvaient d'immenses enclos pour bêtes à
cornes, avec de misérables huttes occupées par des gardiens. Dans cer-
taines parties de ce territoire, ils rencontrèrent de grands troupeaux de
bestiaux à l'état sauvage et des quantités de pintades.
En revanche, les dépressions des vallées offrent souvent une végéta-
tion tropicale luxuriante et, partout où le pays est habité, la verdure
éclatante des champs de riz. Le missionnaire Shaw l'a constaté dans la
grande plaine du Bara au sud et au sud-ouest de la province de Betsi-
léo; et les Rev. Sibree et Street ont trouvé, au sud-est de Madagascar,
des arbres d'une grande hauteur et d'une circonférence énorme; les
fougères y atteignent de très grandes dimensions et ont un feuillage
abondant. En général les paysages revêtent un caractère de grandeur,
qui provient du fait que la vue dont on jouit d'un grand nombre de
points de l'tle est extrêmement étendue ; l'air parfaitement serein
permet de distinguer les objets les plus éloignés. Plusieurs des par-
ties de la région montagneuse sont très pittoresques. MM. Sibree
et Street ont trouvé, chez les Antanalas et chez les Antalmoros du sud-
est de l'île, des vallées entourées de montagnes boisées jusqu'au som-
met, à une hauteur de 1200 mètres; de nombreuses cascades tombaient
de rochers à pic ; l'une d'elles pouvait avoir de 150 à 200 mètres de
hauteur.
Au moyen d'observations barométriques on a pu constater, sous la
latitude de Tananarivo, une dépression assez importante de la partie
centrale. De tous côtés les bords du plateau sont sensiblement plus éle-
— 162 —
Yés que le pays qu'ils entourent ; eu plusieurs endroits ils atteignent de
1200 mètres à 1600 mètres. Un grand nombre de rivières franchissent
la barrière rocheuse orientale par des gorges profondes, et descendent à
la mer en formant des séries de rapides ou de petites chutes ; d'autres,
comme le Matitanana, tombent en cataractes énormes. Plusieurs des
tributaires du canal de Mozambique forment aussi de grandes catarac-
tes; c'est le cas de la Mania, dont on entend, dit-on, le bruit d'une dis-
tance de 60 à 80 kilomètres (?).
La rivière la plus considérable de la côte orientale est le Mangoro,
dont le cours a environ 400 kilomètres ; elle prend sa source dans les
montagnes qui séparent le plateau d'Ankaye de la vallée d'Ant^sihianaka.
Elle parcourt d'abord avec lenteur le plateau dans toute sa longueur;
là elle pourrait être navigable, mais les cascades qu'elle forme en cou-
pant la chaîne côtière, et les rapides de son cours inférieur s'opposent à ce
qu'elle serve jamais dévoie de communication pour remonter dans l'inté-
rieur. Du reste aucun des cours d'eau de ce versant n'est navigable,
même poiur les plus petites pirogues, au delà de 12 à 15 kilomètres de
la côte.
En revanche, parmi les affluents du détroit de Mozambique, plusieurs
sont navigables jusqu'à 50 ou 70 kilomètres de leiur embouchure. Le Bet-
siboka, le plus grand des cours d'eau de Madagascar, l'est même bien
davantage : les boutres des Arabes et les pirogues des indigènes peuvent
le remonter jusqu'à son confluent avec l'Ikiopa, navigable lui-même sur
un parcours de plusieurs joiurnées. On croit que, de la baie de Bombétok,
oii il se jette dans la mer, des vapeurs d'un faible tirant d'eau pour-
raient remonter jusqu'à 145 kilomètres de l'embouchure. Le Ts^obonina
est également navigable pour des pirogues jusqu'au pied du grand mas-
sif granitique central; le Mangoka aussi l'est dans une partie de son
cours inférieur.
Le système hydrographique de Madagascar est complété par des lacs,
les uns salés, comme le Manampétsouté, chez les Mahafalys, et le lac
Otry, chez les Antifiherenanas ; les autres, d'eau douce, par exemple le
lac d'Alaotra, de 42 kilomètres de long sur 6 à 7 kilomètres de large,
dans la province d'Antsihianaka, lelacTasy, de 13 kilomètres de long,
dans la province d'Imérina, et le lac Imanda, au nord du Tsgobonina.
(à suivre.)
— 163 —
BIBLIOGRAPHIE <
 l'est xt a l'od£8t DANS l'Océan Ikdibk, par Charles Courret
Paris (Chevalier Maresq), 1884, 374 p. avec gravures et carte, Fr. 5. —
M. Courret a fait, h quelques mois d'intervalle, deux voyages dans
VOcéan Indien. Le premier, dont le récit occupe une centaine de pages,
a été accompli avec la mission Wallon dans Tlle de Sumatra ; le second
l'a conduit sur la côte orientale de TAfrique.
Lorsqu'on 1881, on lui proposa une expédition au Zambëze, sa santé
ébranlée par les fièvres de rArcUpel indien lui défendait de rentre-
prendre; mais le goût des explorations lointaines remportant siu: tous les
raisonnements, il partit avec quelques ingénieurs et chercheurs d'or, h
la tête desquels se trouv^iit M. Palva d'Andrada. H s'agissait pour eux
d'étudier les ressources, et particulièrement les richesses minérales du
bassin inférieur du Zambëze.
L'expédition fit escale à Zanzibar, toucha à Nosi-Bé, à Mozambique,
et débarqua à Quilimane, d'où elle pénétra dans l'intérieur. Remontant
le Zambèze, elle passa par Mopia et Senna, traversa les gorges profon-
des de Lupata, et arriva, après des aventures diverses, k Tété, le point
extrême qu'elle comptait atteindre. Des détachements qui explorèrent
le Macanga, au nord de Tété, et le Manica, au sud, pour en étudier les
gisements aurifères, constatèrent que les exploitations étaient à peu
près arrêtées partout, et que la teneur des sables en or ne dépassait pas
un demi-gramme par mètre cube.
Ce n'était pas ce qu'on attendait, aussi M. Courret ne conseille-t-il
pas aux colons de se faire mineurs ; néanmoins il les engage fortement
à se porter vers la Zambézie, qui est, dit-il, plus saine et plus riche que
la côte occidentale de l'Afrique, et il appuie son dire, non seulement sur
une étude approfondie des productions de la contrée, mais sur des sta-
tistiques commerciales puisées aux meilleures sources. Il croit que ce
pays se relèvera, dès que le Portugal fera cesser des abus criants, poiu*
adopter une politique coloniale juste et sage. Quoi qu'il en soit, tout le
monde profitera de la lecture de ce livre, vrai cours sérieux, pratique
et attachant de géographie commerciale.
Cabts de l'Afrique equatobiale extre le Cokgo et l'Ooôouâ,
dressée d'après l'état des dernières explorations, à l'écheUe de Vioooooo) P^^
le D' Joseph C^uimn/ie. Bruxelles (Institut national de géographie), 1884.
> On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bâle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique txfjgkrit et dviUsée,
— 164 —
Fr. 3,50. — Cette carte qui 8*étend de ré<iuatear au 7** lat. sad, est la
reproduction développée et complétée du croquis du cours inférieur du
Congo, publié il y a peu de tendps par l'Association internationale afri-
caine. Son échelle au Vioooooo a;pennis d'y feire figurer les itinéraires de
douze explorateurs et les stations de l'Association, ainsi que celles des
missions catholiques et protestantes.
Les documents que nous fourniront les nombreux voyageurs qui par-
courent actuellement cette région, permettront de dessiner avec plus
d^exactitude le réseau des rivières et des montagnes ; il faut espérer
entre autres que Stanley communiquera prochainement les résultats
complets de ses expéditions aux lacs Léopold II et Mahumba, quHl a
explorés, le premier, en avril 1882, le second, en mars 1883, et dont les
contours sont encore indiqués Sur la carte du D' Chavanne par des lignes
ponctuées. En revanche la vallée du Quilou-Niari, parcourue récemment
par les agents de Stanley, commence à se couvrir de villages et
surtout de stations aux noms tout européens : Rudolphstadt, Baudoin-
ville, Stanley-Niadi, StéphanieyiHe, etc. A gauche, le Niari, désigné sous
le nom de Niadi, est bordé par les monts Strauch.
La nouvelle publication de M. Chavanne est une excellente carte
d'étude qu'il ne tardera pas à compléter lui-même, puisque c'est du
Congo qu'il partira, pour entreprendre, dans la direction du nord, un
voyage à travers la partie la moins connue de l'Afrique équatoriale^
Voyage a Madagascar, par J.-£. Macquarie. Paris (E.Dentu), 1884,
in-12, 435 pages, avec illustrations de L. Houssat. 4 fr. ; 2"* édition. —
Ouvrage d'une lecture facile et attrayante* Narration d'un voyage évi-
demment fictif accompli par deux amis, Trottet et Rozan, de Marseille,
à la Réunion et à la Grande Terre. Séjour à Tamatave, excursions le
long du littoral, départ pour Tananarivo, qui est décrite en détail, enfin
voyage à la côte occidentale et retour à Tamatave ; voilà le cadre du
récit dans lequel l'auteur a su i^acer, chemin faisant, une étude de
Madagascar, au point de vue physique et politique, et un résumé de
l'histoire des Hovas et de leurs luttes contre l'influence française, qu'U
conduit jusqu'aux événements récents.
' D'après le Mouvement géographique^ qui nous arrive à la dernière heure,
llttstitut national de géographie de Bruxelles a chargé le D' Chavanne de lever
la carte du Congo depuis son embouchure jusqu'à Stanley-Pool, puis de chercher
à résoudre, dans une exploration de découvertes, le problème du lac Liba. Arrivé
à Boma, à l'embouchure du Congo, le 23 avril, il a entrepris sans tarder ses opé-
rations topographiques. Nous y reviendrons dans notre prochain numéro.
ÉCHANGS
Amsterdam.
Anvers.
Berlin.
Brème.
Bruxelles.
Berlin.
Sociétés dm gécapbie.
Constantine. Hambourg. Lionne.
£k>nai. lôna.
Francfort «/M. Le Caire.
Greifswald. Leipzig. .
Halle. Ulle.
Ln.
lirid.
Ifeeille.
Mtpellier.
Nancy.
New- York.
Oran.
Paris.
Sociétés de géograpb oommeroiale.
Bordeaux. Paris. Porto.
Miasioa
Rochefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Saint-Gall.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XlXme siècle
(Neuchâtel).
ioomal de l'Unité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon) .
Missions- Blatt (Harmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bâle).
Evangelisches Missions -Magazin (Bâle).
Calwer Missions -Blatt (Calw).
AUgemeine Missions-Zeitschrift (GOters-
loh).
Glaubensbote (Bâle).
Africa (Londres).
La Nigrizia (Vérone).
Chiîh missionary Intelligencer and Re-
«i (Londres).
Mis)nary Herald (Boston).
Amican Missionary (New-York).
Foign Missionary (New- York).
Regns beyond (Londres).
Chnide of the London Missionary So-
dy (Londres).
Mohly Record of the Free Church of
Stiaad (Edimbourg).
Misons Field (Londres).
Chvh of Scotland home atid foreign
]!ssionary Record (Edimbourg).
Mijonary Record of the united preshy-
tian (!hurch (Edimbourg).
Gérai Africa (Londres).
Woan's fôreign missionary Society
^iladelphie).
Diven
Exploration (Paris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du Comice aj^icole (Médéa).
Bulletin de T Académie d*Hippone (Bone).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris).
Revue géographique internationale (Paris).
Le Mouvement géographique (Bruxelles).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau ftlr Géographie und
Statisiik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fUr den
Orient (Vienne).
Zeitschrîft fUr wissenschaftliche (^gra-
phie (Lahr).
Aus allen Welitheilen (Leipzig).
Chaber of Commerce Journal (Londres).
Afcan Times (Londres).
AnBlavery Reporter (Londres).
Abâgine*s Friend (Londres).
Afcan Repository (Washington).
Obsrver (Monrovia).
Ëspratore (Milan).
Coaos (Turin).
Bobttino délia Societa aMcana d'Italia
(aples).
Esprazione (Naples).
Mana e Commercio, e Giomale délie co-
laie (Rome).
BoUin de la Exploradora (Vitoria).
Afria oriental (Mozambique).
0 Aricano (Quilimane).
Jornl das colonias (Lisbonne).
As olonias portugn^as (Lisbonne).
Revsta de ifstudos Livres (Lisbonne).
Révil du Maroc (Tanger).
Deutsche Kolonialzeitung (Francfort s/M).
AUTRES PUBLICATIOÏS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine).
Moniteur de TAleérie (Alger).
Dr A. Petermann s Mittheilungen (Gotha)
Procedings of the royal geographical
Soiety and monthly Record of geogra
ply (Londres).
Nata Mercury (Durban).
Cap« Argus ((^pe-Town).
We* African Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
S4f MAIRE
BUUJBTI» MENSUEL . 145
Nouvelles complémentate 153
Madagascab , , 155
BlBIilOQRAPHIE :
A PEst et à lK)uest dans ijéan Indien, par Coarret 163
Carte de TAfrique équatoije, par le D' Joseph Chavanne 163
Voyage à Madagascar, paî. Macquarie 164
Cabte : !
Madagascar.
OUVRJGES REÇUS :
Six mois à Madagascar, par CharletBuet. — Paris (V. Palmé), 1884, in-12, 381 p.
Fr. 3. 1
£1 ponrenir de Espana en el Sahaii Conferenciapublica por José Ricart Gisah.
— Barcelona (N. Bamirez y Ca),)B84, in-8S 26 p. et carte.
Documents parlementaires : !
a) Afirica n^" 4 (1884). Despatches jom Her Majesty's consul at Loanda, received
during the years 1881, 1882 and ^3. — London, in-4<>, 72 p.
b) Afirica n"" 5 (1884). Further Paprs relating to events connected with the négo-
ciations with Portugal, for a Trjity respecting the Congo river and the adja-
cent Coast : 1884. — London, in-^, 58 p.
Die Sahara. Ihre physiche und ged)gische Beschaffenheit, von D' K.-A. Zittel. —
Cassel (Theodor Fischer), 1883, ji-4<', 42 p. Fr. 16.
Notice sur la concession, l'exécutln des travaux et Pagrandissement du port de
La Réunion. — Paris (impr. Chix), 1884, in-8', 26 p. et carte.
Egypt and the Egyptian Question by D. Mackenzie-Wallace. — London (Mac-
millan and C<»), 1883, in-8», 621 } Fr. 18.
Katalog der argentinischen Ans^llung, veranstaHet von der geographischen
Gesellschaft in Bremen, im Tiv^i-Saale. Mai- Juni 1884. Mit einer UebersichU-
Karte von Argentinien. — Bren^n, 1884, in-8», 79 p.
Notice sur les travaux scientifique de M. Alfred Grandidier. — Paris (Gauthier-
Vaiars), 1884, in-4<», 64 p. et 2 jartes.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
GENÈVE
QEORO, LIBRAIRE-ÉDITEUB
MAMI lUiaOH A BILE ET A LIOI
L'AFRiaUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
H. enstare MOTNIEB
Membre de la Commiedoii internationale de Brozellei ponr l'exploration et la oiYilisation
de l'Afrique centrale; membre ooxrespondant de rAoadémio d*Hlppone,
et des Sociôtée de géographie de Uaneille, de Nancy, de Loanda et de Porto.
VtaioA FAK
H. Charles FAIJBE
Seorétaire-Bibliotbéoaire de la Société de géographie de Genève , membre correspondant des Sociétés
de géogti^bie de Lisbonne, de Loanda. de Porto et de Saint-Qàll.
L'Afrique parait lé premier landi de chaque mois, par livraisons in-8o d*aQ
moins 20 pages chacune; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaire.
Le prix de Tabonnement annuet, payable 'd'»T»ii«ef est de 10 ttmnMh
port compris, pour tous les pays de TUnion postale (première zone) ; pour les
autres, il fr. 53.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit à an eampte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaetten à M. Gostave Mejniert
8» rne de TAtténéet à Genève (Snimie)*
S'adremier pour les abonnemento à Féditenr, M* H. George à
Genève on à BAle.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Ch. Delagrâvjç, libraire, 15, rue Soufflot, à Paris.
MuQUAROT, libraire de la Cour, 45, rue de la Régence, à Bruxelles.
DuMOLÀRD frères, libraires, Corso Vittorio Emmanuele^ 2i, à Milan.
F,-A. Brogrhaus, libraire. Querstr., 29, à Leipzig.
L. Friederichsen et C*«, libraires, Admiralilàtsstr, 3/4, à Hambourg
Wilhelm Frice, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autriche).
Trurnbr et C»*, libraires, Ludgate Hill, 57/59, à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
ATIS« ^ Nous mettons à la disposition de nos nouveaux ahonnès^ au prix de
10 fr, (^iocwn^ un certain nombre â^ exemplaires complets de la H^'^^ de la IZT"
et delà IV^* année, La I^ est éptUsée.
— 165 —
BULLETIN MENSUEL (^ aofit 1884)\
Le journal italien Marina e Gommercio annonce qtie les adhésions au
projet de iroyatge autour de l'Afrique, élaboré par la Société mila-
naise d'exploration commerciale, de concert avec la Société de naviga-
tion générale italienne, sont assez nombreuses pour permettre d'espérer
que ce projet s'exécutera. Le bateau à vapeur destiné à cette expédition,
VAfrica^ est un navire des plus solides et supporte par&itement les
mers les plus grosses. Le départ aura lieu de Gênes et de Naples, les
premiers jours de septembre. Si ce voyage réussit à la satisfaction géné-
rale, les deux sociétés sus-mention nées se proposent d'organiser ^ pour
Tannée prochaine, un voyage sur le Congo, partie par eau, partie
par terre, d'accord avec l'Association internationale de Bruxelles.
Les stations de celle-ci étant ouvertes à tous, Tétude sur place du
commerce actiiel de cette région ne peut être que très utile aux jeu-
nes gens qui se destinent au négoce.
Les renseignements qui nous sont parvenus ce mois-ci, sur le Soudan
en général, et sur la situation de Khartoum et de Gordon, sont trop
contradictoires, pour que l'on sache au juste si cette ville a eu le sort de
Berber, ou si son défenseur tient encore tête aux troupes du Mahdi.
L'Angleterre qui a assumé la responsabilité de la protection de
TÊ^te proprement dite et de l'évacuation des garnisons égyptiennes
du Soudan, a su se servir du roi d'Abyssinie pour délivrer la garnison
égyptienne de Kaasala ; il est vrai que c'est au prix de l'autorisation
donnée au Négous d'occuper cette ville, de la restitution à l'Abyssinie
du pays des Bogos vainement réclamé jusqu'ici depuis que Munzin-
ger l'avait annexé à l'Egypte en 1874, et de l'ouverture du port de Mas-
saoua au libre commerce. L'Abyssinie va rentrer en communication
directe avec les pays civUisés, et l'Angleterre qui, par le nouveau gouver-
neur de Massaoua, M. Mason, tient la clef de ce port, ne perdra rien à
avoir ouvert à son commerce ce débouçl^ll' vers les États du Négous, non
plus qu'à avoir renoncé à s'établir elle-même à Massaoua. En efiet, elle
a pris pied à Berbera afin d'assurer, dit-elle, la continuation des approvi-
sionnements que la garnison d'Aden tire de cette partie des possessions
^ Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Nouvelles corn-
joièmentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant^ partant de
l'Algérie, puis allant à PEst, longeant ensuite la côte orientale du continent et
rcTenant par la côte occidentale.
L' AFRIQUE. — CINQUIÈME ANNÉE. — N** 8. ■ ,, .^ 8
— 166 —
égyptiennes. Quand les troupes du khédive seront retirées de la pro-
vince de Harrar, l'autorité sera-t-elle remise purement et simplement
aux chefs locaux, ou bien ceux-ci ne passeront-ils pas sous celle du
gouvernement auquel ils devront leur restauration et la sécurité que
r Angleterre leur garantira contre leurs adversaires extérieurs ?
D'après des dépêches du 16 juin parvenues au gouvernement italien.
Blanchi, parti à la fin de mars de Mekallé, pour s'ouvrir une voie
directe, de l'Abyssinie h la côte, dut bientôt retourner sur ses pas, par
suite de la défection de ses sei-viteurs et de son escorte. Arrivé à S'Kel, il
y réorganisa une nouvelle caravane de 80 chameaux, et en repartit le
30 avril, se dirigeant vers le pays des Danakils. Dès lors, sur une dépê-
che d'Aden, du 4 juillet, le bruit s'est répandu que le chef de l'expédi-
tion et ses gens seraient morts de soif entre la Plaine du Sel et Zoula,
dans la direction de Massaoua. On comprend l'appréhension des amis de
l'explorateur, et l'importance que le gouvernement italien met à obtenir
des renseignements précis, sur la source de cette nouvelle apportée à
Aden par le commandant d'un navire anglais. M. Luccardi, consul ita-
lien à Massaoua, envoie des dépêches rassurantes, mais les amis de Bian-
chi et le gouvernement ne sont point rassurés. Le Cdstelfidardo a été
envoyé à Massaoua, pour recueillir des informations précises.
Des bruits fâcheux ont couru sur les rapports des indigènes danakils
avec le personnel de la colonie d' AssAb. D'après VEsploratore, les habi-
tants de cette possession italienne ont dû envoyer à Rome une protesta-
tion contre la prise, par les Danakils, de la ville de Margableli \ d'où les
gardes italiens aiuraient été chassés, un puits fermé, des chevaux volés
aux salines. Le comte Antonelli a dû arriver à Assab, où il veillera sans
doute à ce que les traités conclus avec Mohamed Anfali, avec le sultaa
de Rahelta, et avec Abdemman, conducteur de caravanes, soient mis à
exécution, pour que les établissements de la colonie ne souffrent aucun
dommage. Mais VEsploratore ne cache pas son impression que la situa-
tion d'Assab est devenue mauvaise, par suite de l'excitation qu'ont pro-
duite les événements du Soudan parmi les tribus mahométanes qui
l'avoisinent. Margableli, à quatre lieues du port d'Assab, est le centre
le plus peuplé de la colonie ; les salines n'en sont éloignées que d'une
lieue. Pour être encore latent, le péril n'en existe pas moins, et pourrait
un jour ou l'autre prendre de sérieuses proportions. Néanmoins le gou-
vernement italien fait son possible pour améliorer les conditions d'Assab;
* Voir la carte, IV"* année, p. 352.
— 167 —
un port et un phaxe vont y être construits, pour lesquels une somme de
625,000 francs a été votée récemment par la Chambre des députés de
Rome; mais peut-être le gouvernement devra-t-il prochainement agir
d'une manière énergique, pour garantir la sécurité de ses ressortissants
contre les agressions des indigènes du voisinage.
Jusqu'ici le courant commercial que les Italiens ont cherché à établir
entre Âssab, TAbyssinie et le Choa, par le pays d'Aoussa, se réduit &
fort peu de chose. Les caravanes continuent à suivre la route ordinaire
qui aboutit à Tadjoura et à Obock. L'extension des colonies françaises
en Orient donne à cette dernière localité une grande importance, puis-
que c'est le seul point où les navires français, obligés jusqu'ici de relâ-
cher dans les ports anglais, pourront désormais faire du charbon et des
vivres en toute sécurité. Le gouvernement a nommé pour Obock un
commandant qui aura avec lui un interprète, un médecin et un poste de
garde numériquement restreint. Des travaux seront exécutés pour faci-
liter aux navires l'entrée du port et le débarquement. L'eau douce peut
être fiidlement recueillie, une grande partie du terrain, livrée à la cul-
ture, et la prospérité commerciale de la petite colonie, assurée par
réchange, sur son marché, des produits du Choa avec ceux de l'Europe.
Quoique les détails manquent encore sur l'expédition de
M. «I. Thomson* au lac Victoria Nyanza, à travers le pays des
Masal, on peut déjà dure qu'elle a été accompagnée du même succès qui
avait couronné celle aux lacs Nyassa et Tanganyika. En attendant le
rapport de l'explorateur lui-même, voici le télégramme que sir John
Kirk a envoyé, de Zanzibar, à la Société de géographie de Londres.
9 Thomson quitta Taveta, au pied S.-E. du Kilimandjaro, en juillet de
Tannée dernière, en compagnie d'une caravane de Pangani; se dirigeant
vers le nord, et passant le Rombo, il atteignit le pays des Masaï, et
traversa les tributaires du lac Tsavo, dans leur cours supérieur. A par-
tir de là, sa route tourne vers le N.-O., à travers une grande plaine de
sable, lit d'un lac desséché dont le lac Ngiri est un reste. Le 19 août il
était à Dœnyo Erok, où il rencontra les Masal; ils étaient nombreux,
mais la caravane étant considérable ils ne l'inquiétèrent point. Là il
quitta la plaine sablonneuse pour entrer dans le district de Eaptel, pays
beaucoup plus accidenté, s'élevant graduellement jusqu'à former un
* Le temps nous manquant pour faire dresser une carte de cette expédition,
Dous renvoyons nos lecteurs à celle dont les Proceedings de la Société de géogra-
phie de Londres ont accompagné la publication du télégramme de sir John Kirk.
— 168 —
plateau de formation volcanique avec des cônes éteints. Le 5 septem-
bre il arriva à Ngougoabag, près des sources de TAdhi, par l"* 22'lat.
S., et 34 "" 12 long. £. de Paris, à une altitude de 1800", et à la limite
méridionale du district de Kikuyu.De là il gagna Textrémité septentrio-
nale du lac Naïvasha, par 0'43' 30" lat. S., et 33*44' long. E.; ce lac
est situé dan? une vallée en forme d'auge, qui s'étend jusqu'à un degré
au nord de Téquateur, partage le plateau, et renferme en outre les lacs
Nakolo et Bahringo, et beaucoup de sources. U visita, au sud du lac
Naïvasha, le Dœnyo Susiva, magnifique volcan de 2600" de hauteur, et
le Bouri. Ici les Masal, très nombreux, cherchèrent à inquiéter la cara-
vane, cependant il n'y eut pas de combat. Thomson envoya un de ses
hommes, un matelot maltais nommé Martin, avec la caravane de Pan-
gani, au lac Bahringo, pendant que lui-même se rendait avec trente
hommes sur un plateau du Eénia, à une altitude de 2600", où il traversa la
Settima. L'extrémité septentrionale de la chaîne de montagnes a 4000"
de haut; le voyageur atteignit la base du mont Eénia par O^'S' lat. S.;
la montagne semble être un simple cône, égal en hauteur au Kilimand-
jaro; c'est un pic aigu, neigeux et volcanique, sous O^'IO' lat. S., et
34''25' long. £. De là il se dirigea vers le lac Bahringo, oU il retrouva
Martin; la caravane de Pangani s'était rendue plus au nord. L'extré-
mité sud du lac est par 0^28' lat. S., et 33°27' long. E., à 1850"
d'altitude. (Continuant sa marche dans une direction S.-O., il traversa
les monts Likamasia, qui ont 2600" de hauteur, puis le plateau de Qua-
singishou, et arriva, par une pente douce, à travers une plaine sans
arbres, à Kavirondo, sur la côte orientale du Victoria Nyanza. De là,
avec quelques hommes, il longea cette côte jusqu'à l'endroit où le Bahr-
el-Abiad sort du lac, puis, revenant sur ses pas jusqu'à Kwasoundou, il
poussa une pointe jusqu'au mont Ligonyi (4600"), où il trouva des grot-
tes artificielles magnifiques qui servent d'habitations aux indigènes.
Lancé en l'air par un buffle, sur la route qui mène au lac Bahringo, il
fut grièvement blessé. Redescendant alors vers le sud, il atteignit de
nouveau le lac Naïvasha, au bord duquel il fut retenu deux mois au lit
par la dysenterie. Enfin il revint à Mombas par Ngougoabag, l'Oulou et
l'Oukamba. » Ainsi le pays si redouté des Masal a été enfin traversé
par un Européen, sans aucun conflit avec les indigènes; la position du
sommet neigeux du Kénia a été déterminée, le mystère du lac Bahringo
résolu, et la chaîne de montagnes, du Kénia au Kilimandjaro, avec ses
volcans éteints, traversée et retraversée dans plusieurs directions.
La paix semble actuellement rétablie dans le Zoulouland entre les
'^►W.
— 169 —
partisans d'Ousibepou et ceux d'Oumsoutou, grâce à rinterveDtion des
Boers, qui ont proposé aux deux partis :
1** De reconnaître comme roi Dinizoulou, fils de Cettiwayo;
2"* De permettre aux femmes et aux enfants, pris pendant la guerre,
d'aller où bon leur semblera, et de restituer tout le bétail volé ;
S"" De demeurer dans les limites posées par le gouvernement anglais ;
4** De garder la paix et d'enterrer leurs assagaies.
Ces conditions acceptées, les Boers ont proclamé roi Dinizoulou qu'ils
ont couronné, et auquel ils ont juré de le protéger contre ses ennemis
aussi longtemps qu'il obsei-vera ces conditions. Le nouveau roi a été
reconnu par les principaux chefs des deux partis, présents au couronne-
ment, après lequel Dinizoulou a fait publier une proclamation annonçant,
qu'héritier légitime de Cettiwayo, il avait pris possession du trône et des
rênes du gouvernement. Il a accordé une amnistie pleine et entière pour
toutes les offenses commises envers feu son père et sa famille; en outre
il a promis protection à tous et a engagé ses sujets à retourner chez eux
pour reprendre leurs occupations pacifiques ordinaires.
Le Rov. l¥apillaiir TSiompson, secrétaire itinérant de la Société
des missions de Londres, a fait, l'année dernière et au commencement
de celle-ci, un voyage de plus de 6000 kilomètres dans les districts les
plus troublés de l'Afrique australe. Du Cap, il s'est rendu au
Le-Souto, dans l'État-Ubre, le Transvaal, les pays des Ma-Tébélé et des
Be-Chuana, et aux Mines de Diamants. Il a quitté Cape-Town peu après
l'arrivée de M. Mackenzie, le nouveau résident anglais pour le pays des
Be-Chuana: nous extrayons de VAfrican Times une partie de son rap-
port, c'est l'exposé le plus récent des faits qui viennent de se passer dans
le territoire des Be-Chuana, à l'ouest du Transvaal. Sa visite au Stella-
laad a beaucoup modifié les idées qu'il se faisait de ses habitants. Quels
qu'aient pu être les premiers Boers appelés à intervenir entre les deux
chefs Montsiva et Mankoroane, aujourd'hui une forte proportion des
hommes qui sont en possession du sol sont des fermiers honnêtes, ils ont
acheté le terrain à ceux qui s'en étaient emparés d'abord, et ont fait pro-
gresser beaucoup le pays qu'ils occupent. Le pays des Be-Chuana est un
vaste territoire fertile, s'étendant sur une longueur de 1000 kilomètres,
et une largeur de 160 kilomètres. Dans cette contrée immense, il n'y a
pas plus de 200,000 Be-Chuana, qui, voués à l'élève du bétail, n'occu-
pent qu'une partie du pays entre le Transvaal et le désert de Ealahara.
La plus grande; partie du territoire est couverte de broussailles et aban-
donnée aux chasseurs ; elle sera probablement peuplée en entier par des
— 170 —
Boers ou des colons anglais. Le manque d'eau qu'ils allèguent comme
motif pour lequel de vastes étendues de pays demeurent sans habitants,
est dû entièrement h leur négligence à capter Teau. Il tombe, en
moyenne, dans le pays des Be-Chuana, assez d'eau pour pourvoir à tous
les besoins des habitants, mais elle n'est pas recueillie dans des réser-
voirs, et c'est à peine s'il y a quelques puits. Dans le voyage que
M. Thompson a fait au sud de ce pays, ses compagnons furent très sur-
pris de trouver abondance d'eau, dans des endroits où autrefois un bœuf
en aurait trouvé à peine de quoi apaiser sa soif. A Yrijberg, capitale du
Stellaland, les Boers ont construit des maisons, établi des jardins, et,
d'une manière générale, ils ont introduit la civilisation et la prospérité
dans des districts où, auparavant, il n'y avait que quelques kraals indi-
gènes, n est impossible de résister à leurs progrès ; tout ce que l'on peut
taire c'est de les régler, et d'atténuer les frottements inévitables qui
résultent de l'empiétement des hommes civilisés sur le domaine de la
barbarie. Quoique les Be-Chuana soient peu nombreux, ils progressent
dans l'industrie et la civilisation. Ils ont une quantité considérable de
wagons et de charrues, et emploient presque exclusivement les charrues
américaines et suédoises, plus légères que celles que font les Anglais.
Dans le Transvaal et dans l'Êtat-libre, les rapports avec les natifs repo-
sent sur le régime patriarcal. Dans l 'État-libre, par exemple, chaque
Boer a cinq nati&, c'est-à-dire cinq familles attachées à sa ferme, qu'il
ne leur est pas permis de quitter. Dans quelques parties du Transvaal,
la terre est louée à des natifs qui paient au fermier la moitié de la
récolte; quelques-uns de ces natifs, chez lesquels ce système prévaut,
ont paru à M. Thompson être les plus beaux et les plus prospères du sud
de l'Afrique. Il a trouvé partout une grande supériorité, chez les indigè-
nes parmi lesquels les misi^^n^iaires ont établi leurs stations ; ils culti-
vent plus de blé, font plus de commerce, et généralement consomment
plus de marchandises des manufactures anglaises, que les Gafres chez
lesquels il n'y a pas encore de missions. Les Ma-Tébélé, au nord du pays
des Be-Chuana, sont organisés militairement; ils ont 12,000 combat-
tants, continuellement occupés à faire des excursions dans les territoires
de leurs voisins, tuant sans merci tous les adultes qu'ils rencontrent.
Tôt ou tard les Boers en viendront aux mains avec eux.
La substitution progressive des bateaux h vapeur aux navires à voUes
a porté un coup fatal à la prospérité commerciale de l'île de Sainte-
Hélène. De 1873 à 1882, le nombre des vaisseaux qui y ont touché a
diminué de 220. Aussi, d'après un rapport - officiel du gouverneur^
— 171 —
M. Morris, les circonstances financières et commerciales de Ttle sont-
elles tristes; les édifices publics, les routes, les autres établissements
s'en ressentent; le peu d'employés est mal payé, Tinstructiou populaire
est en décadence, bref, tout ce qui fait la force morale d'une administra-
tion souffre de ce manque de ressources financières.
Parmi les papiers laissés par le D' Pogge, mort récemment à Londres,
se trouvait une lettre adressée au Nura-Futa — l'empereur d'Allema-
gne — par le roi de Miiqueng^ué, chez lequel l'explorateur allemand
a fondé la station la plus avancée dans l'intérieur des terres. Nous la
reproduisons à titre de document curieux :
« 0 toi qui es grand sur les eaux! Souverain de tous les peuples!
Envoie-moi un remède afin que mes gens ne meurent point, avec de bel-
les armes qui ont deux tuyaux et qui se chargent par derrière. Si tu fais
cela, je serai prêt à accompagner tes enfants où tu voudras. Je veux aussi
une statue grande comme un homme, avec un vêtement, un casque à
plumet, une grande boîte à musique, une grande et beUe glace, enfin tout
ce qui n'est pas encore venu dans mon pays, et cela afin que tous mes
Kuolo viennent dans ma ville pour voir ces belles choses. Envoie-moi
aussi un uniforme. Et puis j'accompagnerai tes fils partout où ils vou-
dront, comme je l'ai déjà fait au Kossonge (D" Pogge) et au Kassa Pu
Baba (Wissmann), que j'ai accompagnés jusqu'au Loualaba. Je suis ton
serviteur et je désire continuer une grande amitié. Envoie-moi aussi de
grande fusées. Muquengue Kalamba. »
D'après une dépêche de Saint-Paul de Loanda, Stanley s'est embar-
qué dans cette ville le 8 juin pour l'Angleterre. Il est remplacé sur le
Ooni^o par le colonel sir Francis de Winton, nommé administrateur
général des territoires libres du Con^o, c'est le nom adopté par
l'Association internationale, pour les possessions qu'elle a acquises par
concessions ou par traités*, avec les chefs indigènes, et pour lesquels, dit
le Précurseur d'Anvers^ elle a commencé à élaborer une constitution
dite de l'État libre fédératif. C'est, paraît-il, sous la forme d'une confé-
dération que ces territoires seraient constitués en un État, avec lequel les
puissances civilisées pourraient entretenir des rapports internationaux.
Au reste tout ce qui se rattache à cette question est encore très peu
^ Au nombre de 79, d'après un rapport de M. le Chief Justice Daily, à la
Société de géographie de New- York; ces territoires s'étendraient le long des rives
du fleuve et de ses affluents, sur un parcours de plus de 8000 kilomètres.
< >
— 172 —
clair. Le traité anglo-portugais a été dénoncé, il est vrai, parce que,
aurait dit M. de Bismarck, il n'a pas rencontré l'assentiment des autres
puissances. On a jugé qu'il fallait régler cette question au moyen d'une
convention faite entre les puissances maritimes, et des négociations ont
été entreprises pour arriver à ce résultat. Le gouvernement allemand
serait décidé à appuyer la fondation de nouveaux États sur le Congo,
telle qu'elle est proposée par l'Association internationale, pourvu qu'il
puisse assurer préalablement, par un traité, au commerce allemand une
entière liberté de mouvement dans ces contrées. D'après une dépêche de
Berlin, publiée dans le Matin ^ le projet de convoquer prochainement une
conférence des puissances intéressées à la question du Congo, en vue
d'un arrangement international, est favorablement reçu de la plupart
des cabinets, et cette conférence suivra probablement de près celle qui
siège en ce moment à Londres. Attendons de voir ce qui sortira de
ces négociations, avant de nous préoccuper de la valeur des nouveaux
traités de l'Association internationale avec tels ou tels chefe du Congo
inférieiu: et du Quillou, et de la protestation qu'y auraient opposée les
commandants de navires portugais dans ces parages.
Mentionnons seulement les progrès de l'œuvre cîTilisatrice dn
Cong^o. Un sanitarium a été installé à Boma dans de bonnes conditions.
La station de Vivi a pris un très grand développement et ses établisse-
ments ont dû être déplacés; les constructions ont été démontées et, avec
ce qu'elles renferment de marchandises et d'approvisionnements de tout
genre, elles ont été transportées à lôOO" plus au nord, sur un vaste pla-
teau, oîi la future ville aura tout l'espace voulu pour s'étendre dans tous
les sens. On construit en Belgique un certain nombre de maisons en bois
destinées à la station de Vivi, et que M. de Reyghere, chef charpentier
au service de l'Association, sera chargé de conduire au Congo. Ce sont
des constructions en forme de chalet, à un étage, destinées à être dres-
sées sur des pilotis en fer de 2" de hauteur. Elles renferment huit cham-
bres à coucher de 5" sur 5™, et une grande salle à manger de 5" sur 10";
une véranda de 2* de largeur règne autour du bâtiment. Le nouveau Vivi
sera relié au débarcadère du Congo par un petit chemin de fer à voie
étroite, d'environ deux kilomètres, dont la construction est commencée.
— M. Hanssens, chargé, depuis le départ de Stanley, de l'exploration
du Haut-Congo et de ses affluents, a quitté Stanley-Pool avec cinq
embarcations; aux dernières nouvelles, il était à Bolobo et remontait
vers l'Equateur.
Le capitaine Elliot, au nom de TAssociation internationale a encore
— 173 —
pris possession d'un territoire de 370 kilom., le long de la côte, de Tem-
bouchure du Quillou jusqu'au cap Sainte-Catherine ; les chefs indigènes
s'étant placés spontanément sous le protectorat de TAssociation. Quatre
nouveUes stations y ont été fondées : à Egowé, près de la limite méri-
dionale de la colonie française du Gabon ; à Sette-Cama, un peu au nord
de Pembouchure du Sette; à Nyanga, près de l'embouchure de la rivière
du même nom, et à Mayomba, au sud de la baie de ce nom. Il y.avait
déjà sur cette côte des factoreries anglaises, hollandaises, portugaises, etc.
Nous avons déjà signalé (p. 164), l'arrivée à Boma du D'Chavanne»
chargé tout d'abord de dresser la carte du fleuve et des districts rive-
rains. Il a immédiatement commencé une triangulation entre Ponta-da-
Lenha et Boma, fixé la position de ces deux points et mesuré une base
à Boma. En outre il a installé, dans cette dernière localité, un observa-
toire météorologique, établi une règle de marée, un cadran solaire, etc.
II a également commencé ses collections ethnographiques, ses mesures
anthropologiques, et pris un grand nombre de vues et de portraits pho-
tographiques ; tous ces objets seront envoyés à Bruxelles ob un musée
sera fondé. Dans deux excursions qu'il a faites à l'intérieur, à N'Siunba,
à 20 kilom. N.-N.-O., et à Hélélé, à 15 kilom. E. de Boma, il a rencontré
une terre végétale excellente, propre à tout ce que l'agriculture pouiTait
lui demander; aussi estime-t-il que c'est sur le travail agricole que
l'attention devrait se porter avant tout ; le sol le récompenserait plus
largement en une année que toute espèce de trafic. Actuellement on
n'obtient qu'avec peine par le jardinage, aux environs des factoreries et
des stations, ce qui est absolument nécessaire pour les besoins des rési-
dents ; le sol n'est pas exploité par l'indigène, qui ne plante que ce dont
il a strictement besoin pour vivre : du maïs, un peu d'arachides, etc.
Les Européens qui s'établiraient au Congo devraient'avoir soin de n'ac-
quérir aux environs des stations que des terrains déjà plus ou moins
défrichés, et de s'y adonner à la culture du café, du coton, de la canne
à sucre et des céréales. Les résultats seraient beaucoup plus lucratifs
que la concurrence faite aux factoreries déjà existantes. Le temps de la
grande prospérité de celles-ci le long de la côte Loango-Angola, a pris
fin depuis la suppression du commerce des esclaves en 1866 ; ce trafic
existe encore en secret, dans des proportions restreintes. Quant au
développement du commerce le long du Congo, le D' Chavanne pense
que le choix de Léopoldville comme centre commercial de ces contrées
est bien conçu ; seulement, jusqu'à aujourd'hui, les voies de communica-
tion entre Stanley-Pool et la côte sont encore incomplètes, ce qui
— 174 —
empêche un commei*oe étendu et régulier ; d'autre part, le transport
des marchandises se fait encore à dos d'hommes, pour presque la moitié
de la route, ce qui augmente le prix de la marchandise. Le trafic n'est
pas encore assez développé pour songer à l'établissement d'un chemin
de fer, mais, si le Congo reste libre et neutre, comme on peut l'espérer,
des négociants intelligents obtiendront rapidement un résultat qui le
rendra nécessaire. L'intention du D' Chavanne était de remonter par
la rive droite du fleuve à Vivi, puis de redescendre par la rive gauche,
en continuant sa triangulation jusqu'à Noki. De 1&, il voulait répondre à
une invitation des missionnaires portugais à San-Salvador, en remontant,
sur une longueur de 125 à 150 kilom.,la Louada, affluent du Congo,
puis, compléter sa triangulation sur la rive gauche jusqu'à Shark-
Point, y passer le fleuve et remonter à Boma en achevant son travail.
La Société de géographie de Paris a reçu, dans sa dernière séance,
d'importants renseignements sur la mission de BrazaBa» qui a quitté, le
15 février dernier, le port de l'Alima, est arrivé le 27 mars chez Ngan-
chouno, et le 30 mars chez le roi Makoko ; celui-ci est toujours sur le
trône, quoi qu'on en ait dit, et il a reçu l'explorateur français avec les
témoignages d'une affection des plus sincères. On avait cherché à lui
faire croire que de Brazza était mort et n'avait rien, et il le revoyait
en chair et en os, apportant de riches marchandises. Aussi fut*il très
ému, et après l'avoir regardé bien en face, il le prit à bras le corps, et
se livra à des embrassements et à des étreintes, qu'en toute autre cir-
constance on trouverait singulières. Le 30 avril, de Brazza descendit à
la station de Brazzaville, qui s'est développée, compte déjà 17 grandes
cases, et dont l'état sanitaire était excellent ; les relations avec les indi-
gènes ne laissaient rien à désirer. Il a dû recevoir des ravitaiUements
que M. Dufourcq lui a envoyés de la côte de Loango par la voie du Niari.
Le D' Ballay va revenir en France, rapportant un levé de l'Alima, et
une série de croquis et de dessins exécutés par M. de Chavannes, qui a
vaillamment suivi de Brazza depuis l'arrivée de la mission en Afrique.
M. Dufourcq a transmis aussi des détails sur la station du cap
Lopez, le principal des établissements du Gabon. Elle a pris déjà une
certaine extension, et compte une cinquantaine de cases installées le long
delà plage, sur une surface d'environ un kilomètre carré. Le cap Lopez
est plus salubre que Libreville sur le bas Ogôoué, et que les autres par-
ties de la côte. Mais l'eau manque; il suffit cependant de &ire un trou
de 1"',50 au plus, pour avoir de l'eau potable. Le sable est chargé
d'humus, et partout s'étendent des prairies hautes, grasses, touffiies,
i
— 175 —
dans lesquelles gîtent bœufe, eerfis, antilopes, sangliers, éléphants, e^e.
L'essence forestière la plus répandue est le bois de fer, malheureuse-
ment très lourd à transporter, ce qui oblige à aller chercher assez loin
les bois de construction. La rade est très belle et pourrait recevoir des
flottes nombreuses* Le poisson vient à la plage par bancs, et fournit
une alimentation saine. Ce qui fait défaut ce sont les rochers et les
pierres ; M. Dufourcq comptait explorer la pointe nord du cap Lopez,
où Ton dit qu'il en exi&te. Sur le rapport de la commission du budget,
la Chambre des députés a voté un nouveau subside de 780,000 francs
pour là nûssion de Brazza, afin de permettre au vaillant explorateur de
développer les stations qu'il a créées jusqu'ici.
C'est encore à la Société de géographie de Paris, que nous devons les
derniers renseignements sur Texpéditioii c|e M. Ro^ozinsiki, qui,
dans une lettre du 1 1 mai dernier, lui annonce avoir fondé sur Ttle
Mondoleh, au sud des monts Cameroon et tout près de la côte, une
station composée de quatre habitations et possédant deux chaloupes,
des instruments d'observation, une bibliothèque et des objets pour la
conservation des collections. Quant aux résultats acquis, Us consistent
en une série d'itinéraires dans l'ouest du fleuve Moungo et jusqu'aux
cataractes de ce fleuve. Ces itinéraires comprennent les lacs Mbou et
Balomba-ba-Kotta. M. Rogozinski n'a manqué aucune occasion de
prendre auprès des indigènes des informations sur les lacs Biba ou Liba.
Quelques hommes du Bayong et quelques Befarenganyas lui ont donné
des indications sur ces lacs et sur les habitants du pays qui les entoure.
Mais elles sont d'une nature si étrange, qu'il hésite à les rapporter
avant d'avoir vu par lui-môme ce qu'elles ont de fondé. On lui a parlé
d'hommes blancs ou probablement d'un teint très clair, dont la taille
ne dépasserait pas trois pieds. Ils sont oopsidérés comme médecins ou
comme sorciers, et en cette qualité ils viennent de temps à autre et
Bayong. On parle de mandiba mandene, grandes eaux, qu'un cours
d'eau semble relier à l'océan. M. Rogozinski avait auprès de lui notre
compatriote, M. le D' Passavant, qui se proposait aussi d'aller au lac
Liba. Bs attendaient la fin de la saison des pluies pour tâcher de nou-
veau de pénétrer dans l'intérieur.
Le capitaine Brandon KIrhy, est revenu à Accra d'un voyage
d'exploration à l'intérieur, dont l'avait chargé le gouverneur de la Côte
d'Or, sir Samuel Rowe. Il devait se rendre h Coumassie et s'informer
de ce qu'il y avait plus au nord. Quittant Accra, le 1" janvier de cette
année-ci, il visita d'abord les tribus aehanUes autour de la capitale
s^v--^r::>%
.>» .
"•^.
p."' A '
— 176 —
et apprenant que Tune d'elles, celle des Coranza, directement au nord
de la capitale, était la plus puissante, il partit de Coumassie le 15 février
pour Goranza. Après trois longs jours de voyage, il quitta Tépaisse forêt
qui s^étend sans interruption de Cape Goast Castle à Coumassie, et
entrant ^ans un pays ouvert, il trouva une plaine sablonneuse, dans
laquelle il atteignit,le 21 février, Coranza, sur la limite N.-E. du pays des
Achantis. En sa qualité d^envoyé du gouvernement britannique, il reçut
un bon accueil et, comme les Coranza ont complètement secoué le joug
des Achantis, ils ne firent aucune objection à ce qu'il continuât son
voyage jusqu'à la ville de Kontampo, dont il avait beaucoup entendu
parler, mais qui jusqu'alors avait été empêchée par la barrière des
Achantis, de communiquer avec les pays plus au sud. On la citait comme
^'; le plus grand centre commercial de tout le district ; là convergeaient
t*utes les routes, c'était là que se faisaient toutes les affaires d'échange !
n en prit le chemin et y arriva le 29 février. Elle lui parut un grand
marché, avec une population permanente de 15,000 habitants et une
population flottante de 25,000 âmes. C'est une ville mahométane,
gouvernée par le shérif Mahama dont l'autorité est toute -puissante.
Les caravanes y arrivent de tous les points de l'horizon ; elle est au
centre d'un réseau de routes rayonnant au nord, à l'est, au sud et à
l'ouest; c'est le principal entrepôt du commerce de cette partie de
l'Afrique, en communication directe avec Tombouctou. M. Brandon
Kirby était à Kontampo quand la caravanede Tombouctouy arriva ; elle
comptait au moins 1000 personnes, 50 chameaux, 300 ou 400 ânes, mules
et chevaux. Les marchandises sont chargées essentiellement sur les ânes,
et quoiqu'on se serve de chameaux, les marchandises étant réparties en
petits paquets, l'on préfère l'âne comme bête de somme. L'envoyé
anglais a trouvé qu'une partie des marchandises européennes arrive à
Kontampo par les établissements français d'Assiuie, parce qu'ainsi elles
peuvent éviter de traverser le territoire des Achantis. Mais, parmi les
marchandises apportées par la caravane de Tombouctou, il y avait quan-
tité de pièces de soieries et des cotonnades, ainsi que des couteaux, du
coton à coudre, du fil teint, des aiguilles, des épingles et d'autres objets
fabriqués en Europe. Le grand obstacle au commerce avec l'intérieur
a été l'existence de l'État achanti,qui s'est étendu comme une muraille
de la Chine entre les établissements anglais et les pays de Tintérieui*.
Toutes les marchandises qui traversaient l'Achanti devaient payer 100 Vo
de droit de transit, sans compter qu'elles étaient retenues un mois à
Coumassie. A Kontampo la plus grande partie des marchandises por-
— 177 —
talent des marques de fabriques françaises; une petite quantité seule-
ment avaient des marques anglaises. La voie est maintenant ouverte ; le
commerce peut suivre Tune ou Tautre des routes des natifs, de la côte à
Eontampo, par le Gaman à Touest ou par Salaga à Test, ou encore par
Coumassie ; mais il vaudrait mieux qu'on pût trouver une route directe qui
évitât la forêt, dans laquelle les chevaux ne peuvent pas vivre. Les marchan-
dises d'Europe pourraient être mises rapidement en communication avec
les caravanes qui passent par Kontampo en se rendant à Tombouctou et à
Sokoto. L'objet principal qu'elles viennent acheter à Kontampo est la
noix de kola qui abonde dans les forêts à Test et à l'ouest de Coumassie.
Mais si la route de la côte était ouverte, elles y viendraient, plusieurs
marchands l'ont dit à M. Brandon Kirby, apporter l'ivoire qu'elles trans-
portent maintenant vers l'Orient. Les frais et les pertes auxquelles elles
étaient entraînées quand elles faisaient passer l'ivoire par Coumassie,
étaient tels qu'ils préféraient le porter partout ailleurs à l'est de
Kontampo; cette ville ne pourra pas rivaliser avec les marchés du Niger,
du Congo et du Nil, néanmoins elle deviendra un bon débouché pour les
marchandises de l'Europe.
C'est aussi vers le nord que le missionnaire Ramsieyep, empêché
jusqu'ici de s'établir à Coumassie, songe à étendre le champ de sa mis-
sion. Les troubles qui continuent à régner dans la capitale de l'Achanti,
ont beaucoup relâché les liens qui unissaient à celle-ci les diverses pro-
vinces du royaume ; plus d'une d'entre elles a déjà secoué le joug de
Coumassie, et les missionnaires d'Abétifi, dans l'Okwaou, voient arriver
le jour où ils pourront parcourir ces districts en toute liberté et sécurité.
En attendant, M. Ramseyer a entrepris vers le nord un voyage qu'il
compte pousser jusqu'à Salaga. Il désire surtout connaître la province
d'Atéoban, à huit ou neuf journées de marche au nord d'Abétifi, et
dont les habitants ont déjà plus d'une fois invité les missionnaires à
venir les voir. De là il n'y a plus que cinq jours de marche jusqu'à
Salaga. Si la mission réussit à s'établir à Atéoban, il lui sera facile de
travailler, de cette station, parmi les tribus qui habitent près du Volta,
et dont la plupart étaient autrefois soumises aux Achantis. Dans une
lettre que M. Ramseyer écrivait avant de partir, le 28 février, à ses amis
de Neuchâtel, il rapporte que depuis plusieurs semaines les gens d'Abé-
tifi, stimulés par des marchands indigènes de la côte, ont commencé à
exploiter le caoutchouc. Les forêts de l'Okwaou, ont trois ou quatre
sortes de lianes dont le suc laiteux, soumis à l'ébuUition, donne une
bonne gutta-percha. Avec la gomme copal, c'est le seul produit du
sol qui soit devenu un article de conunerce.
— 178 —
NOUVEUiBS COMPLÉMENTAIRES
Une société agfricole et industrielle, ayant son siège à Batna, s'est fondée en
Yoe de donner nne impulsion énergique à la colonisation du sud de PAlgérie. Ses
propriétés sont situées dans la région de POued-Rir', dont les oasis sont deyenues
très prospères, grâce à Pirrigation abondante fournie par les puits artésiens
creusés sous la direction de M. Jus.
L'occupation de la Tunisie par les troupes françaises, en facilitant les explora-
tions dans cette région, a permis au D^ Rouire de découvrir un lac de 45 kilomètres
de tour aux basses eaux, et de 19 kilomètres de longueur, le lac Kelbiah. C'est le
plus grand de la Tunisie. Il est formé par une grande rivière qui descend de
Tébessa, se réunit dans la plaine de Kairouan à l'Oued-Meracuelil, et, au sortir
du lac, va se perdre dans le golfe de Hammamet. Le D^ Rouire y voit le fleuve et
le lac Triton des anciens.
Une société de géographie et d'archéologie s'est fondée à Kef, en Tunisie. Elle
se propose de faire connaître les ressources que cette région peut offrir aux Euro-
péens qui viennent s'y établir, et de contribuer à la conservation des monuments
de l'antiquité qui y abondent.
D'après le Moniteur des ConsiUats, le sultan des Anfali a écrit une lettre au
Président de la République française, pour lui offrir son amitié, et le passage, sur
son territoire, des caravanes se rendant d'Obock au Choa; en échange il sollicite
la protection de la France contre les envahissements des Égyptiens.
M. Last, missionnaire anglais de Mamboya, a fait une excursion dans le pays
des Masaï. Malgré la réputation de cruauté de cette peuplade, ce missionnaire est
revenu sain et sauf.
D'après un rapport de M. Bloyet de la station française de Condoa, des hosti-
lités ont éclaté entre Mréré, sultan de l'Ou-Rori, et Mahouinga, sultan de l'Ou-
Bébé. Le premier a tué cinq ou six cents hommes à son rival. La sécheresse con-
tinue à désoler l'Ou-Sagara.
Le Cape Times a annoncé que le u^ Holub s'est mis en route pour son explora-
tion, avec trois wagons, dont l'un contient des marchandises auxquelles on ne
touchera pas avant d'avoir atteint le Zambèze, le second des provisions et des
vivres pour le voyage jusqu'au fleuve, le troisième, des appareils scientifiques.
A Colesberg, il séjournera quelque temps pour étudier les gisements fossilifères du
voisinage. Pendant son séjour au Cap, il a fait des collections d'insectes, de pois-
sons et d'oiseaux, de manière à en remplir dix-huit caisses qui sont en route pour
l'Europe.
M. Auguste Einwald, de Heidelberg /Allemagne); qui a déjà voyagé dans le
Namaqualand et la Cafrerie, va se rendre au Limpopo pour le compte d'une com-
Iiagnie commerciale. De là il poursuivra son exploration à l'intérieur.
D'après une déclaration de lord Granville à la Chambre des Lords, le gouver-
nement anglais n'estime pas qu'il soit possible de contester à l'empire d'Allemagne
— 179 —
le droîl de protéger les scgets allemand» établis à Angra-Pequeaa ; il reconnaîtra
celle protection dès qu'un accord sera intervenu, qui garantira tous les droits
acquis, préviendra tout établissement pénitentiaire dans le voisinage de la colonie
du Gap, et assurera les intérêts des sujets britanniques qui peuvent avoir reçu
des concessions de la part de chefs indigènes, et ceux des Anglais trafiquant dans
cette région.
' Une commission de Boers établis à Humpata se propose d'explorer le territoire
compris entre le Cunéné et le Coubango. Une souscription a été ouverte à Loanda
pour les aider dans cette entreprise.
Aux dernières nouvelles reçues à Lisbonne, les explorateurs Capello et Ivens
étaient à Capan-Gombé; ils avaient relevé un itinéraire de 750 kilom., rectifiant
beaucoup d'erreors des cartes anciennes, et dressant la carte de régions où jus-
qu'ici n'avait été aucun cartographe.
Une dépêche de Madère a annoncé que trois officiers portugais sont partis,
le 11 juin, de Saint-Paul de Loanda, avec 200 indigènes, pour se rendre chez le
Mouata-Yamvo, et gagner ensuite la côte de Mozambique. Leur expédition a un
caractère commercial.
La Société africaine allemande a organisé une nouvelle expédition pour explo-
rer à fond le bassin méridional du Congo. Elle sera dirigée par M. le lieutenant
Schultze, accompagné de deux autres lieutenants et de deux médecins.
Le gouvernement portugais a conclu, avec la Compagnie du câble sous-marin de
Cadix aus Canaries et des Canaries au Sénégal, un contrat pour l'établissement
d'nn câble allant du Sénégal à Bolama, Saint-Thomas et Loanda. Les possessions
portugaises de la côte occidentale d'Afrique seront ainsi reliées avec l'Europe.
Le gouverneur du Sénégal a institué à Saint-Louis un comité chargé de déve-
lopper dajds cette possession l'œuvre de l'Alliance française, qui a pour but de
propager la connaissance du français dans les colonies.
L'Espagne parait vouloir s'opposer à la rectification de la frontière N.-O. de
l'Algérie que la France demande de reporter jusqu'à la Malouya, parce que cette
rivière débouche vis-à-vis des îles Zaffarines, quai constituent pour elle un point
stratégique et une station commerciale importante. Si la France obtient ce qu'elle
demande au Maroc, la frontière de l'Algérie ne sera plus qu'à 120 kilom. de Fez.
, (
MADAGASCAR
(Suite et fin).
Après avoir, dans notre précédent nuipéro (p. 155), parlé du relief et
des eaux de Tîle de Madagascar, nous devons aujourd'hui en passer en
l'evue les ressources, au point de vue de la minéralogie, de la flore et de
la faune. Quant àTethnographie, nous nous voyons dans la nécessité d'en
ajourner Tétude.
— 180 —
Si les ouvrages publiés par divers auteurs, avant les explorations de
M. Â. Grandidier, sont plus ou moins fantaisistes, cela tient aux obsta-
cles presque insurmontables qui, jusqu'alors, avaient empêché tout
voyage scientifique à Tintérieur de Tîle. Lui-même, dans ses excursions
chez les Antifiherenanas, les Mahafalys, les SakalavasetlesÂntanosys, fut
souvent exposé à perdre la vie, sous l'inculpation de sorcellerie. Dans leg
contrées sauvages encore indépendantes des Hovas, aucune accusation
n'est plus dangereuse, et si le prétendu crime est prouvé, une mort
immédiate est la punition du coupable. « Pour les Sakalavas, » dit
M. Grandidier, <lans une a Notice sur ses travaux scientifiques, v qu'il a
bien voulu nous communiquer, comme pour les autres tribus, aucun fedt
n'arrive naturellement : bonheur et malheur, tout est dû aux sorts et
aux talismans. Que de tracas et d'ennuis m'ont causés journellement les
habitants de la côte ouest, par suite des craintes absurdes qu'ils éprou-
vent contre les sorciers ! Or, est sorcier tout individu qui se distingue
d'autrui par ses actions ou ses paroles, et le voyageur qui passe ses jour-
nées à prendre des informations, à écrire, à regarder les astres, a à
causer avec le bon Dieu, » comme ils disaient dans leur idiome pitto-
resque, ou k manier une foule d'instruments plus extraordinaires les
uns que les autres, et à collectionner des peaux d'animaux, à plonger
des reptiles dans l'alcool, est naturellement à leurs yeux un de ces
monstres qu'on ne saurait trop craindre et contre qui il est bon de
prendre toute précaution. ... Dans les pays soumis aux Hovas, où les
superstitions sont moins fortes et la barbarie moins grande, la méfiance
que les habitants ont toujours eue pour les étrangers est un obstacle
d'un autre genre, mais non moins insurmontable. »
L'étude du sol en particulier est rendue presque impossible par les
lois hovas, qui prohibent sous les peines les plus sévères la recherche
des mines. L'art. 9 du code hova stipule en effet que quiœnque fouillera
VoTj V argent ou les diamant^^ ou, frappera de la monnaie, subira une
condamnation de 20 ans de fers; et d'après l'art. 10, la fouille des mi-
nerais d'or, d'argent, de cuivre, de fer, deplomb, des pierres précieuses,
des diamants, du charbon de terre, etc., est interdite, tant sur les terres
prises à bail qu^ sur celles qyiine le sont pas. Ceux qui contreviendront
à cette loi seront condamnés à ^0 ans de fers»
Malgré cela, la présence de minerais de toutes sortes a été constatée
à Madagascar, depuis les minerais les plus usuels jusqu'aux plus pré-
cieux. Dans une exploration die la côte N.-O., le long des baies de Pas-
'T. ■ ■ ".C«
— 181 —
sandava et de Bavatoubé, vis-à-vis de Nosi-Bé, M. Guillemia, iagénieur
de la compagnie de Madagascar, reconnut l'existence d'un gisement
houiller d'une grande importance, entre le 12** 26 et le 13** 37' lat S. La
projection rectiligne des côtes est de 180 kilom., mais le développement
en est beaucoup plus considérable en suivant toutes les sinuosités du
terrain. Dans l'intérieur des terres, le gisement houiller paraît occuper,
à peu de choses près, toute la profondeur de la Grande Terre, jusqu'à
la chaîne granitique qui, dans cette partie de l'île, est à peu près à égale
distance des côtes occidentale et orientale. Le bassin houiller s'étend
encore en prolongement vers l'ouest, sous la région maritime des baies
et des îles. La qualité du charbon offire à peu près toutes les variétés,
houiUe sèche, houille grasse et houille à gaz. Analysés à l'École des
mines de Paris, les échantillons ont donné des résultats satisfaisants,
comme ceux de la bonne houille anglaise. La superficie du bassin, réduite
au minimum de 3,000 kilom. carrés, dépasse celle de tous les bassins
houillers de la France, qui n'est que de 2,800 kilom. carrés. Il y a 30 ans,
M. d'Arvoy, ancien consul de France à Maurice, commença, en face de
Nosi-Bé, une exploitation à laquelle il employait 400 Mozambiques. La
reine Ranavalo I*' envoya contre lui 2,000 soldats, qui s'emparèrent de
lui, quoique le terrain ne dépendît pas de la reine, et le massacrèrent.
Au N.-E. et au S.-O. de Tananarivo, on trouve du lignite, ce qui fait
supposer qu'il pourrait exister sur toute cette ligne un gisement carbo-
nifère. Dans l'Ambougou, a été découvert, entre les 16"* et 17* de lati-
tude, et à 60 kUom. de la côte, un lac de bitume qui indique la présence
d'un gisement houiller. Les capitaines des boutres arabes qui fréquen-
tent cette côte se servent de ce bitume pour calfater leurs navires.
Le fer est bien répandu dans l'île ; on l'y trouve à l'état pur, en blocs
sphériques énormes, et en poudre ou limaille. C'est à l'aide de celle-
ci, chauSëe et forgée grossièrement, que les habitants voisins delà forêt
fabriquent le fer qui est livré aux marchés. Le plateau central, l'Imé-
rina, le Betsiléo etl'Antsihianaka sont Surtout remarquables par l'abon-
dance de ce minerai. Avant d'être les dominateurs de Madagascar, les
Hovas avaient acquis une grande réputation comme forgerons de fer.
Dans quelques-unes des montagnes de la province d'Imérina, l'abon-
dance du minerai est si grande que les indigènes les ont surnommées
montoffnes de fer, et que les déviations de l'aiguille aimantée y rendent
très difficiles les observations dans lesquelles la boussole est employée,
n y a des gîtes extrêmement riches et de facile extraction, entre le
Tsijobonina et le Morondava. Les ocres et terres colorantes sont égale-
ment abondants.
— 182 —
U existe du miaerai de cuivre au sud de Tananarivo, et du minerai
d'argent dans la forêt de Manérinériaa. Les Ântsibianakas passent pour
être riches en argent ; c'est, dit*on, le peuple de Tîle qui en possède le
plus, mais on ne sait s'ils le tirent de leur sol ou de l'étranger. L'exis-'
tence de l'or à Madagascar a été niée, quoique d'anciens voyageurs
l'eussent annoncée d'une manière positive ; mais des indices certains ne
permettent plus d'en douter. M. Grandidier assure qu'on a trouvé de
la poudre d'or dans un petit affluent de l'ikiopa près de Mevatanana. U
en existe, au sud de la Mania, une mine gardée par des soldats hovas.
Une des raisons qui portent à penser qu'il y a des gisements aurifères
dans l'Ile, c'est la loi qui défend sous peine de mort d'en révéler l'exis-
tence aux vazas, c'est-à-dire aux blancs.
Le code hova interdit, nous l'avons déjà dit, la fouille des mines de
pierres précieuses. Celles que l'on a trouvées jusqu'à présent ne sont ni
très belles ni très variées ; ce sont des améthystes, des aigues-marines,
des opales. Le cristal de roche abonde du côté de Yohémar, au nord
de la baie d 'Anton gil. Le sel gemme paraît exister dans certaines parties
de la côte ; on a aussi trouvé des pyrites contenant une forte proportion
de soufre.
Quant à la fertilité du sol de Madagascar la plupart des auteurs l'ont
présentée comme incomparable,et les belles descriptions qu'ils ont données
de la végétation n'ont point été étrangères aux tentatives de conquêtes
faites à diverses reprises. Elles sont loin cependant de pouvoir être
appliquées à toutes les parties de l'île, dont la fécondité dépend de la
nature même de leur sol et de leurs conditions climatologiques.
Les côtes et les deux versants de l'île sont soumis en effet au régime
climatérique des contrées interà'opicales. Les vents y soufflent à des
époques fixes^ pendant la mousson du N.-£., d'octobre en avril, et pen-
dant la mousson du S.-O., de mai en septembre. L'année s'y divise en
deux saisons : l'une, sèche, de mal au milieu d'octobre, pendant laquelle
la chaleur est tempérée, de très fortes brises qui soufflent pendant le
jour, renouvellent et purifient l'air; l'autre, pluvieuse, de la fin d'octobre
à la fin d'avril, pendant laquelle ont lieu les pluies d'orage, les bourras-
ques, les ouragans. C'est dans* les mois de janvier et de février que la
chaleur atteint son maximum et que le climat est le plus malsain dans
les endroits marécageux. L'insalubrité des côtes est due presque exclu-
sivement aux pluies diluviennes qui inondent chaque année le pays, et
surtout au débordement des rivières dont les eaux, fréquemment arrê-
— 183 —
tées par les sables qu'accumulent les vents et les courants, se répandent
swr un sol bas et plat qu'elles envabissent. Ceci est vrai surtout de la
côte orientale, du fort Dauphin à la baie d'Antongil. En janvier et
février, lorsque les fortes chaleurs arrivent et dessèchent une partie de
ces marais, oU beaucoup de matières végétales et animales sont en
décomposition, il s'en exhale des miasmes délétères, que les vents,
arrêtés par les montagnes et les forêts du littoral, ne peuvent emporter
au loin et qui, maintenus ainsi dans les lieux mêmes où ils croupissent,
engendrent les fièvres dangereuses qui ont fait donner à cette côte le
nom de Cimetière des Européens. Mais tandis que la chaleur est étouf-
fante dans les régions basses, les plateaux et les hautes vaUées de Tinté-
rieur, dans les provinces d'Imérina, des Betsiléos, d'Antsihianaka et
d'Ibara, jouissent d'une température généralement peu élevée, souvent
même très fraîche. Le froid y est assez vif de juin à septembre, souvent
très piquant même en décembre et en janvier qui sont l'été de ce pays.
Les cimes des monts Ankaratra se couvrent de pellicules de glace, et la
grêle y tombe avec abondance.
Le littoral occidental et surtout le littoral nord, sont complètement
exempts de Tinsalubrité reprochée à la côte orientale. Sur la côte nord
sont des plateaux élevés, exposés aux brises de la haute mer. Les forêts
y sont éloignées du rivage, qui ne présente que des arbres disséminés,
parmi lesquels l'air circule librement. Les marais y sont rares et peu
étendus, les pluies moins firéquentes et la température plus sèche que
dans Test.
De Majunga à Tananarivo, M. Grandidier a traversé un des pays
les plus désolés^ les plus stériles et les plus déserts qu'on puisse imagi-
ner. Pendant sept jours et demi U n'a rencontré que des plaines de for-
mation secondaire, arides, couvertes d'arbustes rachitiques, et, çà et là
parsemés de lataniers. Au delà, dès qu'il eut atteint la grande chaîne
granitique, il ne trouva plus, pendant treize ou quatorze jours, qu'une
mer de montagnes sans un arbre, sauf quelques rares bouquets accrochés
àdes ravins, sans une plante autrequ'une herbe giossière. L'Imérina lui-
même, la province la plus peuplée, est un pays montagneux, coupé de
Doml»*eux cours d'eau, c'est vrai, mais complètement nu, sans autre
végétation arborescente que quelques petits bouquets de bois auprès de
certaines villes ; encore sont- ils très rarest et ce n'est guère que dans la
plaine à l'ouest de Tananarivo qu'on les trouve ; souvent même le ter-
rain est sans culture. Les collines qui couvrent presque toute la province,
formées d'une argile rouge, dure et compacte, au milieu de laquelle
I
— 184 —
affleurent de nombreux blocs de granit à surface bombée, ne sont pas
fertiles ; en revanche le plus petit vallon, lorsque sa situation le permet,
est transformé en rizières par un travail habile et intelligent. A
Touest de la capitale il y a une grande plaine, qui jadis était un lac ou
un marais, et qui forme aujourd'hui un inunense champ de riz, d'uD
aspect fort riant à la saison pluvieuse, d'où émergent çà et là, comme
autant d'îlots, de nombreuses maisons ou des hameaux bâtis sur des
coteaux. Le riz que produit Tlmérina nourrit une population considé-
rable, aussi l'étranger qui vient de traverser des pays à peu près déserts,
est-il surpris en arrivant à Tananarivo de trouver une agglomération
vraiment extraordinaire de villages, de hameaux et de maisons qui
s'étalent devant lui. Outre le riz, les habitants de l'Imérina cultivent le
manioc, les pommes de terre, les patates, la canne à sucre, le chanvre,
le mais, les bananes, les ananas, le tabac, le coton, le café, les ambre-
vates, etc., qu'ils plantent auprès de leurs villages, sur le flanc des col-
lines, mais qui, d'ordinaire, ont peu de vigueur. Auprès des villes prin-
cipales : surtout aux environs de Tananarivo, on a planté des arbres
fruitiers : orangers, manguiers, pêchers, goyaviers, même de la vigne,
qui prospère dans une certaine mesure.
Dans une autre excursion M. Grandidier en se rendant de Tananarivo
à Ambondro à la côte occidentale, a constaté que la partie du pays des
Betsiléos traversée par son itinéraire est plus peuplée que le pays qu'il
avait parcouru en venant de Majunga. Les arbres n'y sont pas plus
communs ; il faut, le plus souvent, aller à trois ou quatre journées de
marche des divers villages pour quérir le bois nécessaire aux construc-
tions ; mais les petites vallées qui coupent en tous sens ces montagnes
granitiques y sont un peu plus larges et on peut y cultiver le riz. DeMat-
seroka sur le canal de Mozambique, à Masindrano sur l'océan Indien,
M. Grandidier a ensuite traversé de nouveau une masse non interrompue
de montagnes ; toutefois cette partie du pays est coupée çà et là de
forêts, et plus fertile que les contrées qu'il avait parcourues jusque-là.
Le Ménabé a d'excellents pâturages qui permettent l'élève de nombreux
troupeaux de bœufs. Plus au sud, chez les Antandroys et les Antanosys,
le plateau, dont la hauteur moyenne ne dépasse guère de 100°* à 2(Xr,
est aride, a un aspect de tristesse et de désolation, peu de montagnes et
peu de cours d'eau.
On le voit, malgré les brillants tableaux des auteurs, l'île de Mada-
gascar dans son ensemble est peu boisée. Cela ne veut pas dire qu^il n'y
ait pas de forêts, surtout sur le versant oriental. Celui-ci est mieux
— 186 —
arrosé par les pluies dues aux vapeurs transportées sur les deux chaînes
de montagnes par les vents de Tocéan Indien, que la région occidentale
où Teau ne tombe que pendant les quelques mois de Thivernage,
et encore n^y tombe-t-elle pas partout en abondance ni d'une manière
régulière. Aussi la végétation arborescente y a-t-elle moins de vigueur
que sur le versant oriental. Nous avons déjà signalé la disposition parti-
culière de cette zone forestière. Une bande large de quinze à vingt kilo-
mètres en général, quoique au sud de la baie d'Antongil elle en ait de
50 à 60, entoure complètement Ttle à laquelle elle fait comme une cein-
ture. Du côté de l'est, elle suit le haut du versant oriental des contre-
forts du grand massif, laissant entre la mer et elle des coteaux et des
montagnes que couvrent des arbustes, des plantes herbacées et des
bouquets de bois ; une autre bande, plus étroite, longe parallèlement
h la première la crête qui forme la ligne de partage des eaux. En général
les arbres n'y ont pas une apparence très vigoureuse ; de moyenne gros-
seur et couverts de lichens, ils montrent que le sol sur lequel ils poussent
n^est pas très profond. La partie nord-est de cette zone forestière semble
cependant l'emporter sur les autres. Là se trouvent les plus beaux
spécimens de la végétation arborescente qui forme une des principales
ressources de Madagascar; c'est là que sont les plus beaux bois de char-
pepte, et aussi les bois les plus propres à être employés dans Tébénis-
terie. La diversité des types d'arbres e§t étonnante ; U n'y a pas moins
de huit espèces de bois de construction, parmi lesquelles nous signalerons
seulement le bois de tuiUe, sorte d'acajou très dur, d'un rouge foncé, se
polissant très bien ; le bois de tek, employé dans la |construction des
vaisseaux; le chrysopia qui vient très droit, ne pousse de branches qu'à
son sommet en forme de couronne, atteint 20 mètres, et peut fournir les
plus grands mâts de vaisseaux ; on s'en sert en outre pour la construction
des pirogues. Les bois d'ébénisterie de luxe abondent aussi ; il suffit de
Donmier le bois d'ébène, le bois de rose, le bois de palissandre, le bois
de ruban, etc. Parmi les autres arbres remarquables, nous devons encore
Hientionner le baobab, le plus grand des végétaux connus, et le ravenala,
nommé par les Européens des îles Maurice et de la Réunion, l'arbre du
voyageur, parce que l'on trouve entre les aisselles de ses feuilles une
eau fraîche et très bonne à boire. Il a le tronc d'un palmier, et les feuilles
d'un bananier, avec cette différence que, plus épaisses et plus fortes,
celles-ci se redressent vigoureusement et sont disposées en éventail
régulier au sommet de l'arbre. Le bois du ravenala sert à former la
charpente, les feuilles, les parois extérieures, les cloisons et le toit des
— 186 —
cases des indigènes. U crott près des ruisseaux et daqs les marécages,
et non dans les lieux secs et arides, comme on Ta prétendu, pour
colorer d'un peu de merveilleux la propriété qu'il a de fournir au voya-
geur altéré une boisson rafraîchissante qui n'est que de l'eau de pluie.
Jusqu'à présent ces bois ne peuvent guère être exploités que pour
répondre aux besoins des habitants de l'Ile. La plupart ne supporte-
teraient pas les frais de transport jusqu'à la côte et de là en Europe. Ce
ne sera que lorsque le pays aura été sillonné de routes, que l'industrie
européenne et américaine pourra en profiter. En attendant, elle tire
déjà de Madagascar une assez grande quantité d'orseille, lichen tincto-
rial qui croît en abondance sur l'écorce des arbustes épineux et rabougris,
qui caractérisent les déserts des côtes du sud et du sud-ouest de l'île et
dont c'est la principale richesse. Quant à la culture du sol par les Euro-
péens, eue ne peut être que très précaire, les lois de Madagascar leur
refusant le droit de posséder des terres, et la reine et ses gouverneurs
ayant le pouvoir de requérir pour la corvée, quand c'est leur bon plaisir,
tous les travailleurs à gages, sans égards pour les contrats que ceux-ci
peuvent avoir passé avec les étrangers.
Si la flore de Madagascar abonde en espèces et en genres particuliers
qui lui donnent une physionomie spéciale, ainsi que l'a fait remarquer
M. Grandidier, c'est par sa faune surtout que cette Ue demeure comme
un témoin des vastes terres qui occupaient jadis cette partie de l'hémis-
phère austral, et qui ont disparu dans un de ces violents cataclysmes
auxquels notre planète a été si souvent soumise. Les observations du
naturaliste Wallace, les collections rapportées par M. Grandidier, ainsi
que l'histoire naturelle de l'île déjà publiée par lui, permettent de se
rendre compte du caractère lout particulier de la faune malgache, qui
montre d'une manière évidente qu'on ne peut considérer Madagascar
comme une dépendance du continent africain, mais que c'est un pays
qui a eu son existence propre, sa vie indépendante. On n'y trouve en
effet aucun des grands mammifères de l'Afrique : ni lions, ni tigres^ ni
panthères, ni hyènes, ni girafes, ni antilopes, ni éléphants. Le seul car-
nassier malgache qui ait une taille aussi grande est plantigrade comme
les ours ; il ne rentre dans aucune des familles zoologiques connues, tout
en se rapprochant plus de la race"féline que de toute autre ; c'est un Félin
plantigrade. M. Grandidier y a découvert en outre trois mammifères
nouveaux, parmi lesquels un Chéropotame ou sanglier à masque, et,
dans les espèces disparues, un hippopotame de petite taille, dont les
— 187 —
débris abondent dans les sables quaternaires de la côte sud-ooest,
mélangés à des vertèbres et à des fragments de mâchoires de crocodiles
et à quelques ossements de petits carnassiers ; puis le squelette de la
patte de Taepyornis, avec des vertèbres dorsales et une des vertèbres
cervicales de cet oiseau colossal. On n'en connaissait encore en 1861,
que les œufs, d'une capacité de plus de huit litres, et d'un volume corres-
pondant à celui de six œufe d'autruche et à celui de cent quarante-huit
ceufis de poule. Mais quelle était la nature de cet oiseau ? Était-ce un
oiseau de proie du genre des vautours, ou un oiseau du genre des pin-
gouins ou des manchots? On l'ignorait; les ossements trouvés par
M. Grandidier permettent aujourd'hui de classer Vaepyornis fnaoGimus
dans le groupe des brévipennes. Les nombreux fragments d'œu&
recueillis auprès de ces débris d'os, mêlés à des coquilles terrestres
subfossiles, dans les dunes de sable qui longent le côté sud de Mada-
gascar, ont également permis de constater que si cet oiseau gigantesque,
de 2* de hauteur, n'existe plus aujourd'hxd, il a vécu à une époque peu
reculée, puisque ses restes se retrouvent dans les formations les pins
récentes, dont on suit encore aujourd'hui le développement continu. Il
ressort de l'examen des diverses parties du squelette de cet oiseau, qu'il
avait des formes extraordinairement massives, et des pattes d'une gros-
seur dont on a peine à se former une idée. Ces caractères l'éloignent
des autruches, des nandous, des casoars et des émus, pour le rappro-
cher davantage des dinornis et des apterix. S'il n'était pas le plus grand
des oiseaux, puisque la taille du dinornis giganteus varie de 2'',50 à 3*,
il était évidemment le plus gros et le plus massif. Les restes de deux
autres espèces plus petites d'aepyornis ont encore été découverts, en
sorte que l'existence à Madagascar d'un groupe d'oiseaux brévipennes,
assez voisins des dinornis et des apterix, semble établir des rapports
particuliers entre la Nouvelle-Zélande et Madagascar.
D'une manière générale, on peut dire, à l'égard de la faune, qu'il
n'existe pas d'autres pays, même d'une étendue plus considérable que
Madagascar, oîi l'on trouve autant d'espèces différentes de celles qui
existent dans les contrées voisines. Sur 224 espèces d'oiseaux qu'on y a
trouvées, 130 sont propres à l'île, et certains genres spéciaux à ce petit
coin de terre, comme les Couas, coucous malgaches, comptent jusqu'à
12 espèces différentes.
Dans la classe des reptiles, le genre caméléon est représenté à Mada-
gascar par 24 espèces, très différentes les unes des autres, tandis que
dans le reste de l'ancien monde on n'en compte jusqu'à présent que 28.
— 188 —
Eu revanche, les rivières et les lacs de Ttle ne renferment qu'un petit
nombre d'espèces de poissons, 10 seulement, tandis que dans la France,
dont rétendue est moindre, il y en a près de 50.
Les mammifères les plus abondants à Madagascar sont les lémurs
ou malds^ si nombreux, qu'on a été tenté de nommer cette tle Lémurie,
Us y présentent des différences de pelage si grandes, qu'à les voir isolés,
on croirait que ce genre se subdivise en une multitude d'espèces. Mais
si l'on examine un grand nombre de ces animaux tués dans la même
localité, et dans la même troupe, on reconnaît que les variations ne con-
stituent pas des espèces différentes, et qu'elles sont dues à Tâge, au
sexe, au lieu, etc.; aussi le nombre des espèces ^ui était autrefois de 22,
a-t-il été réduit à 6. Le plus souvent les variétés forment des races
locales, qui ont leur habitat bien limité. H en est ainsi des indris, qui
sont confinés dans l'étroite bande de forêts de la côte orientale, du 15°
au 20"" latitude sud, de la baie d'Ântongil au sud de Mahanourou.
Parmi les espèces caractéristiques de Madagascar, il faut encore nom-
mer les chirogales, qui ont la curieuse faculté d'emmagasiner autour de
leur queue et dans diverses parties de leur corps une provision de graisse,
qui sert à leur nutrition pendant les six mois de la saison sèche, qu'ils
passent en léthargie. Nommons encore le aye-aye, qui appartient exclu-
sivement à cette île.
n résulte des savantes recherches de M. Grandidier, que les lémuri-
des, les chirogales, les ayes-ayes et les félins, qui, tous, à Madagascar,
se présentent sous une forme plantigrade qu'on ne trouve nulle part ail-
leurs, donnent à cette île une physionomie à part dans le règne animal.
Outre le sanglier à masque, il y a à Madagascar beaucoup de sangliers
de la grosseur des nôtres, ou plus petits. Tous sont assez disposés à se
faire à la vie domestique. Ils ^dévastent les rizières et détruisent une
partie des récoltes, aussi a-t-on beaucoup de vénération pour ceux qui
leur font la chasse. Paitout où passent des chasseurs, on leur offre des
bœufs en cadeau. Pour les récompenser des dangers qu'ils courent et
reconnaître les services qu'ils rendent à l'agriculture, on les autorise,
dans un pressant besoin, à disposer des choses nécessaires à la vie.
Madagascar a encore des zébus ou bœu& du bois, bœufe sauvages
plus terribles à chasser que le sanglier, des chats et des chiens errants,
échappés à la domesticité et retournés à l'état sauvage dans les forêts.
Les moutons sont rares, mais tout porte à croire que leur acclimata-
tion serait facile et qu'ils s'élèveraient aussi facilement que les immen-
ses troupeaux de bœufe que nourrissent les vastes pâturages, à l'ouest
de la province d'Imérina.
— 189 —
Les animaux d'exportation étaient essentiellement les bœufe, les porcs
et la volaille, dont on fournissait autrefois des quantités prodigieuses à
la Réunion et à Maurice. L'embarquement des bœufs à bord des navires
est une opération assez curieuse. Quand la mer le permet, les bâtiments
approchent le plus près possible de la côte. Sur le rivage, deux larges
canots sont amarrés bord à bord par de fortes barres de bois, dont les
extrémités dépassent les embarcations à droite et à gauche. A ces bar-
res on attache par les cornes une douzaine de bœufs, et, au moyen d'un
€âble, les hommes du navire tirent à eux la vivante cargaison, qui est
ensuite hissée à bord au moyen d'une forte toile passée sous le ventre
de chaque animal. Pendant ce temps on voit des bandes de requins rôder
autour du bâtiment. Le déchargement n'est pas moins original : on se
contente de descendre les pauvres bêtes à la mer ; celles-ci s'échappent
tout effarées et regagnent le rivage à la nage.
On estimait à trente mUle têtes l'exportation qui en était faite annuel-
lement, mais depuis que les Hovas ont établi des postes de traite sur le
littoral, ils se sont attribué le monopole de tout le commerce avec les
étrangers. Leur intervention exclusive et les entraves fiscales qui l'ont
suivie ont réagi sur le prix du bétail, qui s'est élevé dans une proportion
notable ; ils ont porté par là un grand préjudice à cette branche impor-
tante d'échange, sur tous les points soumis à leur domination.
Les Hovas ont naturalisé à Madagascar le mûrier et le ver à soie de la
Chine, et ils en font un objet d'industrie et de commerce susceptible
d'un grand développement. Mais la soie que produit l'île en plus grande
abondance est celle que l'on tire de la chenille de l'ambrevate ; elle est
lourde, sans briUant, mais extrêmement forte. Elle sert à tisser une
étoffe d'une solidité remarquable. La chenille qui la produit vit sur
l'ambrevate et sur le goyavier, mais ^a soie est plus abondante et plus
forte lorsqu'elle est nourrie avec la première de ces plantes. Les Hovas
ne dévident pas le cocon, ils le cardent et le filent, après l'avoir fait
bouillir, pour enlever tous les poils dont la chenille, en se dépouillant,
hérisse son Unceul. La soie est d'un gris clair, mais on la teint souvent
avec les substances tinctoriales que Madagascar fournit en abondance.
Cette île est la contrée du globe la plus riche en papillons, et possède
les plus grands papillons connus. Qu'il nous suffise de nommer VUrania
rvphœa, dont les ailes ont de 25 à 30 centimètres d'envergure. En se
rendant de Sainte-Marie à Tananarivo, on le rencontre dans la forêt,
où il se fait remarquer par ses splendides reflets d'or, et par des
taches transversales vertes, qui brillent sur ses ailes diaprées de diverses
— 190 —
couleurs et entourées d'une frange délicate d'écaillés semblables à des
plumes.
Le sol de Madagascar pourrait nourrir une population beaucoup plus
considérable que celle que compte l'île, oU il n'y a guère, d'après les
calculs de M. Grandidier, que deux millions et demi d'habitants, dont
1 ,200,000 dans la seule province d'Imérina. Encore n'appartiennent-ils
pas tous à une seule et même race. Des émigrants arabes, indiens, afri-
cains et malais, sont venus à diverses reprises dans l'île, et s'y sont
mélangés avec les indigènes qui, par leurs traits, leurs mœurs et leur
langue, semblent appartenir au groupe des populations négroïdes de
l'Océanie.
CORRESPONDANCE
Schoshong, 12 avril 1884. .
C'est le 8 avril que nous arrivions ici et, pour le moment, je grille dans mon
-wagon en vous traçant ces lignes.
La date de notre arrivée ici doit vous surprendre; ce que je vais vous raconter
le fera plus encore :
De Pretoria à Sauls-Poort, chez M. Gonin *, nous avons mis du 11 au 29 mars,
pour un voyage ordinaire de 4 jours. C'étaient encore de beaux jours! Quoique nous
ayons beaucoup joui des Gonin, nous eussions voulu les quitter plus tôt, la pluie nous
en a empêchés. Depuis Pretoria nous étions en plein dan& la saison des pluies
aussi^ quels chemins I Nous quittions Sauls-Poort le 3 mars par un beau soleil ; le
même jour nous étions embourbés, à ne plus pouvoir nous tirer d'affaire. Nous
nous coucb&mes vaincus. Le lendemain nous sortîmes du bourbier le wagon de
Lévi ' ; mais il en restait encore deux autres auxquels il fallait faire passer ce
mauvais pas. Quelle ne fut pas notre surprise de voir arriver à notre secours trois
wagons, sans compter le chef du village avec deux ou trois attelages. Les braves
gens, que ces chrétiens de M. Gonin ! leur conduite fait son meilleur éloge. Deux
de nos wagons furent déchargés en partie dans les trois wagons en question, et
alors, il n'y eut plus de difficulté, ce jour-là ni le jour suivant, à traverser le
Kolobé. Nous pensions que là nous serions livrés à nous-mêmes; pas du tout, le
chef nous accompagna encore le jour suivant avec ses bœufs, et, quand il s'en
retourna chez lui, les gens des wagons, voyant notre difficulté, décidèrent de
demeurer avec nous et de nous faire traverser le Marico.
Qu'aurions-nous fait sans eux ? les jours suivants la pluie tomba avec abon-
dance, et quelque légers que fussent nos wagons, nous avancions avec peine, quit-
tant souvent la route pour couper à travers la forêt. Enfin, nous arrivâmes au
^ Missionnaire vaudois.
' Évangéliste.
— 191 —
Marico le 16; mais pas moyen de le traverser, le courant était très riolent et l'eau
dépassait de beaucoup la hauteur d'un homme. Pour surcrott de malheur, nous
étions menacés de la famine; il nous restait pour tous un sac de farine et un sac
de mais non moulu. Pour ne pas nous affamer, nog généreux aides nous quittèrent,
avec nos remerciements pour tout paiement, mais il leur sera fait selon leur bonté.
A l'aide du bateau, nous envoy&mes un messager pour demander du secours à
Khama, et nous passâmes ainsi quinze jours dans un endroit des plus insalubres.
Autre épreuve! Nos bœufs mouraient chaque jour; nous en avons perdu seize,
et un dix-septième a été égaré ou volé par l'es Bushmen, qui nous ont pris nos
deux chèvres. Nos chevaux aussi moururent tous, à l'exception de London, qui
vient de périr ici, et d^in des chevaux de Jonathan qui vit encore. Notre camp
était le lieu de festin des vautours. M. Middleton a été sérieusement malade,
M. et M"' Coillard, et beaucoup de nos gens, indisposés. Le secours de Schoshong
arriva à temps, sous la forme d'un attelage ^e Eliama et de deux wagons loués
par un marchand pour venir à notre aide. Avec nos wagons allégés, nous traversâmes
le Marico sans difficulté. M. Coillard avait acheté 10 bœufs d'un marchand quiy
comme nous, avait regardé l'eau couler pendant une semaine ; dès lors, il nous
fut possible d'avancer.
Schoshong est un immense village, situé entre deux chaînes de montagnes paral-
lèles, sur le versant de la plus septentrionale. Vu de la montagne, avec ses grandes
artères et sa multitude de petites ruelles, il fait l'effet d'un parterre. Les huttes
sont bâties par petits groupes, en forme d'ellipses, de cercles, et d'autres figures
géométriques peu définies. Le lékhothla est au milieu. Pas de maisons européennes,
sinon celles des marchands et du missionnaire, absent en ce moment. J'ai dit par-
terre, mais j'ajouterai, malpropre. Une gorge de la montagne fournit une belle
eau, mais peu abondante pour 15,000 âmes. Rien que de misérables buissons, pas
d'arbres, pas de jardins; c'est un endroit aride et peu attrayant. 11 n'y a pas de
vie pour tant de monde, chaque hutte parait un tombeau.
Le chef n'a rien de la morgue de nos chefs ba-souto; c'est un homme grand, sec,
civilisé dans ses manières, il parait timide et n'est pas causeur. Sans avoir rien de
remarquable, sa figure est intelligente. Avant tout ce doit être un homme d'action,
qui gouverne tout et fait tout par lui-même ; c'est du moins ce que disent les mar-
chands. Sa bonté est proverbiale; il commande par son ascendant moral; il est
chef au vrai sens du mot, car c'est le plus i>eau caractère de sa tribu. Le lende-
main de notre arrivée nous eûmes une audiefncfé en règle. M. Coillard lui fit un
bon petit speech, en lui donnant une boîte à musique. Ehama remercia modeste-
ment en quelques mots, et fit présent, le lendemain^ à M. Coillard, d'une belle
peau de chacal.
Schoshong, 2 mai 1884.
Mon désir était de vous écrire par la première poste, mais la petite vérole, en
coupant brusquement nos communications avec le Transvaal, m'a pris au dépourvu
une demi-heure avant le départ du courrier, ou pour mieux dire d'un marchand,
— 192 —
qui s'est chargé de nos lettres. Je n'ai eu que le temps d'en terminer une, et de
prier M. Christel, au Lessouto, de vous la communiquer \
Je ne reviens pas sur ce que vous avez pu apprendre par ma lettre à M. Christol,
quelque incomplète qu'elle fût. .C'étaient d'assez tristes nouvelles, que je laisse
maintenant dans l'ombre. Ai]gourd'hui je puis vous annoncer que nous sommes
tous bien, grâce à Dieu. Nous nous reposons et nous préparons à traverser le
désert. Il nous faut trouver de nouveaux hommes, afin de remplacer ceux qui nous
ont abandonnés pour retourner aux Spelonken ou chez les Ba-Pédi ; un de nos
Ba-Souto nous a aussi quittés, de telle sorte que nous avons six postes à repourvoir.
D'abord nous avons craint de ne pas lesy trouver, à cause des belliqueux Ma-
Tébélé que l'on attend ici, mais je crois que ce sont de vains bruits, et Khama est
disposé à tout faire pour nous aider.
M. Coillard a reçu une lettre de M. Amot, datée de juillet, dans laquelle il con-
firme la nouvelle de l'expulsion des jésuites. Il a pu entrer dans quelques détails
car il était présent aux assemblées où leur renvoi a été décidé. Voici quels sont
•les griefs des Ba-Botsé : Ils n'ont pan vu, disent-ils, que les jésuites les aimassent
véritablement, et craignent un envahissement à cause du grand nombre des mis-
sionnaires. En outre, les jésuites, en envoyant leurs présents, ont fait savoir au
chef qu'ils ne désiraient pas vivre dans sa ville, mais voulaient qu'il leur concéd&t
une propriété sur les montagnes voisines, ce qui les a rendus très suspects. En se
rendant à la capitale, Lia-Lui, ils ont été malheureux dans leur voyage et dans
leurs procédés; un des leurs a péri dans le fleuve, et ils ont irrité un chef en négli-
geant de lui faire un présent. Ces faits, accrus encore d'une rumeur défavorable
venant de la côte, ont perdu leur cause chez les Ba-Rotsé. M. Arnot a assisté
à toutes les discussions, mais n'a pas voulu ouvrir la bouche, « laissant, » dit-il,
« à Dieu seul, la gloire d'incliner les cœurs selon son bon plaisir. >
Quelques jours après cette lettre de M. Amot, un marchand d'ici recevait de ce
dernier un message beaucoup plus récent. Il gagne peu à peu la confiance des
indigènes, et s'occupe activement d'une école. Sa santé aussi s'est raffermie, il se
porte très bien, malgré tout ce qu'il a eu à souffrir d'une précédente famine.
Le même courier avait encore une lettre de Lobossi pour Khama, auquel le roi
des Ba-Rotsé demande de tout faire pour faciliter notre arrivée chez lui. Il ter-
mine par cette demande qui vous fera sourire : une fille de Khama en mariage,
avec un chien noir, ce qui a beaucoup amusé le destinataire de la lettre.
Vous le voyez, malgré les difficultés qui abondent sous nos pas, le chemin semble
s'ouvrir devant nous. Nous avons cependant un gros nuage à l'horizon : ce sont
deux Ma-Kololo qui ont conduit les Ma-Tébélé, lors du massacre sur les bords du
lac Ngami. Le roi des Ba-Rotsé a été informé de ce fait ; dès lors permettra-t-il
dès l'abord à nos Ba-Souto de traverser le fleuve ? Nous ne le pensons guère.
Mais nous, blancs, nous laisserons le camp de ce côté du fleuve avec M"*^ Coillard,
et nous irons à la capitale; peut-être devrons-nous même vivre à Lia-Lui,
' C'est la lettre précédente, que M. Christol a bien voulu nous envoyer.
— 193 —
M. Coillard et moi^ un certain temps avant de songer an choix définitif d'une
station.
Notre désir est de nous plier aux vœux des Ba-Eotsé, quoiqu'ils puissent
déranger nos plans, afin^ de gagner si possible leur confiance par des rapports
journaliers avec eux. M. Westbeech, qui fait des collections le long du Zambèze
et que nous attendions à Scbosbong, a envoyé simplement ses wagons, sans nous
donner de nouvelles qui intéressent notre œuvre; mais comme les wagons s'en
sont retournés promptement, nous avons remis au conducteur une lettre pour son
maître. Nous les avons trouvés ici à notre retour de Seleka.
Notre voyage avait pour but de relever ce poste \ où nos évangélistes ont tra-
vaillé pendant cinq ans sans beaucoup récolter, et qui est en dehors de notre œuvre
du Zambèze. Ce village est tributaire de Khama et a beaucoup perdu de ses
habitants à cause des divisions politiques ; il se rattache, par sa position géogra-
phique, à la Société de Londres, c'est pourquoi nous devons l'abandonner.
Seleka est situé au nord du Limpopo, à une journée de distance, et à cinq
jours en wagon à l'est de Schoshong, sous la même latitude. L'aspect du pays
change passablement quand on s'y rend de Schoshong. Tandis qu'à ce dernier
endroit ce sont les buissons épineux qui couvrent presque toute la contrée, sauf
quelques bouquets d'arbres semés çà et là, à une journée plus à l'ouest nous
trouvons de vraies forêts qui présentent l'aspect d'une de nos forêts de chênes ; la
végétation y est aussi plus abondante Ce qui me frappe, c'est de trouver, malgré
l'exubérance de la végétation, si peu de jolies fleurs ; c'est une herbe* grossière
comme celle de nos marécages et qui parfois atteint la hauteur d'un homme.
Quelques frêles petites fleurs cherchent à se faire une place; mais elles sont si
délicates qu'il est difficile de les conserver. Je crois qu'un botaniste ferait plus
TÎte fortune en cherchant les fougères, les gramens, etc., encore leurs variétés sont-
elles peu nombreuses. Les oiseaux fourniraient une étude plus fructueuse; depuis
notre départ de Pretoria, nous en avons vu une grande variété, entre autres
l'oiseau à miel dont nous avons déjà éprouvé les services. Les environs immédiats
de Seleka sont ce que nous avons vu de plus tropical. Là prospèrent de beaux
baobabs, des monstruosités dans le règne végétal, comme le sont les éléphants
dans le règne animal. Les euphorbes sont aussi nombreux autour du village de
Seleka. En nous y rendant par un charmant sentier qui longe un ruisseau limpide
et ombragé, nous avons remarqué plusieurs épiantes de coton à l'état sauvage, et
surtout un gigantesque banian, unique dans le paysage ; c'est un arbre qui n'est
pas africain, me dit M. Coillard, il ne l'a jamais vu au Zambèze ni ailleurs. Quel-
ques aloês arborescents achèvent de donner à cette contrée un aspect tout à fait
tropical. Le malheur est que nous n'y ayons passé que deux jours et un dimanche
bien remplis. Nous eussions aimé apprendre à connaître plusieurs plantes dont
les indigènes font leur alimentation; à la description de l'une d'elles nous pensons
avoir reconnu le manioc. Le village de Seleka lui-même est bien situé, au fond
* En revenant du Zambèze, M. Coillard y '.avait laissé quatre évangélistes.
— 194 —
d'une gorge qui s'élargit en an immense entonnoir de rochers, pas trop élerés
pour écraser le tableau, et cependant assez pour lui donner quelque chose de
sauvage et de riant tout à la fois, grâce à la beauté du paysage.
Je ne tous ai jamais parlé d'animaux sauvages, pour la simple raison que je
n'en puis pas dire grand'chose. Nous avons vu des singes, quelques antilopes,
entendu hurler les chacals, mais quant aux lions, une seule fois noue avons vu
leurs empreintes, ils ne nous ont jamais inquiétés, ni même fait entendre leur voix.
Tout ce pays a beaucoup changé depuis quelques années, le gibier y est rare, et
tout au plus tuons-nôus quelques canards. Malgré tout notre désir de voir des
crocodiles dans le Marico et le Limpopo, nous n'avons pas eu cette satisfaction,
bien que nous ayons passé quinze jours sur leurs bords. Il est vrai que les eaux
étaient profondes, mais je pense aussi qu'il faut rabattre beaucoup des récits des
voyageurs. Que Serpa Pinto ait tué 30 lions de Schoshong à Pretoria, je me per-
mets d'en sourire; les pauvres bêtes étaient sans doute fatiguées de la vie 1 Toute
cette contrée est assez monotone après Sauls-Poort, c'est-à-dire quand les chaînes
des Pilansberg et des Maalisberg ne forment plus le fond du tableau. Il ne reste
plus que les arbres, les buissons épineux et une végétation qui répand souvent
une odeur fétide et occasionne les fièvres. Depuis Pretoria c'est déjà le désert,
non un désert de sable, mais une contrée sans habitants, très fertile à la saison
des pluies et aride dans les autres moments de Tannée. Tout est extrême dans ce
pays; les fleuves présentent ou une barrière infranchissable, ou des lits de sable
desséchés -quelques semaines plus tard. La température est si changeante que
jamais, au milieu de l'été, on ne peut mettre de c6té ses habits d'hiver; les nuits
sont toujours fraîches, et dès qu'il pleut ou que le vent souffle, il fait froid. Le
thermomètre varie du jour à la nuit, de 36° cent, à l'ombre, à 10** au minimum.
Maintenant nous sommes au commencement de l'hiver et la température est très
supportable à Schoshong. J'ai déjà dit deux mots de ce village et de son chef
dans ma lettre à M. Christel, je ne crois rien pouvoir igouter qui puisse vous inté-
resser. Le servage existe encore ici, même parmi les membres de l'Église, mais il
est bien adouci grâce à l'Évangile et à l'influence du chef; il n'est pas facile
de libérer des gens sans aucune ressource et sans instruction; domestiques des
blancs, leur position serait peut-être pire.
BIBLIOGRAPHIE '
D' Philipp Paulttschke. Die geographische Erforschung der Âdâl-
Lânder und Harâr's m Ost-Afrika. Leipzig (Paul Frohberg), 1884,
in-4% 109 pages, fr. 5,35. — Pour faire progresser la science, il est
nécessaire de savoir à quel point elle est parvenue, et d'où il faut partir,
* On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bàle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 195 —
afin d'ajouter quelque chose aux coûnaissances déjà acquises. Si non.
Ton s'expose au danger de refaire le travail déjà accompli par ses
devanciers. C'est ce qu'a compris M. le D' Paulitschke qui, sur le point
de partir avec le D'de Hardegger, pour le pays des Adal et le Harrar, a
rédigé un mémoire historico-bibliographique sur l'exploration géogra-
phique des contrées où il va s'efforcer de pénétrer, recueil complet
des indications de tous les voyages accomplis dans cette partie de
l'Afrique, depuis les temps les plus anciens jusqu'à nos jours. C'était
la meilleure préparation pour celui qui va s'y rendre, c'est le meilleur
guide pour ceux qui, sans y aller, veulent apprendre à la connaître.
L*Algérie romaine par Gustave Boissière. Ouvrage couronné par
l'Académie française; 2"^ édition. Paris (Hachette et C**), 1883, 2 voL
in-12, 7 francs. — La première édition de cet ouvrage a été écrite sous
forme de thèse et portait le simple titre d'esquisse. Bien placé pour
pouvoir utiliser les documents nouveaux, et en particulier les résultats
scientifiques de l'expédition de Tunisie, les découvertes des missionnai-
res et les trouvailles des officiers français, l'auteur a pu étendre le cadre
de son livre, et le rendre plus accessible au grand public.
L'Afrique romaine se composait des territoires actuellement désignés
sous les noms de Tripolitaine, Tunisie, Algérie et Maroc ; mais, à propre-
ment parler, l'administration romaine avait séparé l'ancienne CyrénaT-
que et le territoire des Syrtes, du pays de Carthage, et leur histoire se
rattache plutôt à celle de l'Egypte et de l'île de Crête. L'Afrique
romaine comprenait surtout l'Atlas, où se répandit, de l'est à l'ouest, ce
puissant courant de civilisation latine qui s'épanouit dans la riche con-
trée carthaginoise, pour se perdre dans les vallées et les plaines occi-
dentales. Mais l'étude de la région de l'Atlas était trop vaste; M. Bois-
sière a dû se borner à la description de l'ancienne Numidie, c'est-à-dire,
de la province actuelle de Constantine, qu'il étudie à tous les points de
vue : géogi-aphique, ethnographique, historique et politique. Les guer-
res puniques sont présentées dans leurs rapports avec le sujet traité,
mais c'est à l'administration qu'est consacrée la plus grande partie de
l'ouvrage. Le gouvernement de la Numidie sous la République, la part
prise par chacun des empereurs au développement de l'œuvre romaine
eu Afrique, le régime militaire, les réformes de Diodétien, sont succes-
sivement passées en revue.
L'homme du monde, comme le savant, trouvera un véritable agrément
à parcourir, au moyen de ce manuel, composé avec un art parfait et des
mieux écrit, cette terre légendaire qui doit aux luttes gigantesques dont
— 196 —
elle fut le théâtre, et à la renommée des hommes qui rhabitèreiit, de
tenir une si grande place dans nos souvenirs littéraires. Mais ce rappel
du passé produit aussi une autre impression; il attire l'attention sur
l'Algérie contemporaine et sur Vayenir magnifique qui attend ce pays^
lorsqu'on pourra faire valoir les richesses renfermées dans son sol.
José Ricabt Giralt. El Porvenir de Espaîia en el Sahara. Barce-
lona (N. Ramirez y C'), 1884, in-8, 3g pages et carte. — La prise de
possession de Santa-Cruz de Mar-Pequena par les Espagnols a attiré
l'attention de ce peuple sur cette partie de la côte occidentale d'Afrique.
Pour faire comprendre à ses compatriotes les avantages qu'ils peuvent
retirer de cet établissement, au point de vue du commerce et de la
pêche, M. Giralt a exposé, dans une conférence faite à, Barcelone, et
publiée sous le titre sus-mentionné, les relations qu'O serait possible
d'établir entre cette côte et Tombouctou, le grand marché du Soudan,
aussi bien que les profits probables de stations de pêche à créer sur le
continent, en face des Canaries. En opposition à l'opinion du D' Lenz,
sur l'impossibilité de créer, comme le désirait M. Mackenzie, une mer
intérieure en inondant le Sahara occidental, il reprend l'idée de mettre
le Djouf, dans lequel il voit une vaste dépression, en communication
avec l'océan, pour créer une voie navigable qui permette de s'approcher
le plus facilement de Tombouctou. Les points de la côte sur lesquels il
recommande la création de factoreries espagnoles et de stations de
pêche sont le cap Juby, où se trouvent les établissements de 'M. Mac-
kenzie, le cap Bojador, le cap Blanc et la pointe Durnford, à l'embou-
chure du Rio-Ouro, sur lequel il donne d'utiles renseignements.
Six mois a Madagascar, par Charles Buet Paris (Société générale de
librairie catholique), 1884, in-l2^'381 pages, 3 fr. — Écrit sous la forme
d'un récit de voyage, la plus commode pour la lecture, .cette œuvre n'est,
pour certains chapitres, que l'extrait, pour d'autres, que la reproduction
d'un ouvrage du même auteur, la Reine des îles africaines^ dont nous
avons récemment parlé. Qu^li^uês. personnes ayant trouvé ce livre trop
savant et trop aride, M. Buet a voulu le rendre plus attrayant en lui
donnant une allure plus rapide, en résumant les aperçus historiques et
politiques, et en semant, dans le cours du récit, des tableaux pittoresques,
des peintures de mœurs qui amusent en instruisant. Les jeunes gens
qui liront cet ouvrage, maintenant tout à fait à leur portée, y trouveront,
à côté d'une description physique et politique, une étude de l'œuvre
des missions catholiques à Madagascar.
ÉCHANGES
Sooiétés de géographie.
Amsterdam. CdnsUntine. Hambourg, Lisbonne.
Anvers.
Berlin.
Brome.
Bruxelles.
Berlin.
Donai. léna.
Francfort '/M. Le Caire.
Greifswald. Leipzig.
Halle. Lille.
Lyon.
Madrid.
Marseille.
Montpellier.
Nancy,
New-York.
Oran.
Paris.
Sooiéiés de géographie oommeroiale.
Bordeaux. Paris. Porto.
Miasioiis.
Rochefort.
Rome.
Roaen.
Vienne.
Saint-6all.
Jonmal des missions évangéliqnes (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliqnes an XIXb« siècle
(Neuchftteï).
Joinmal de TUnité des Frères [moraves]
(Pesenx).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (B&le).
Evangelisches Missions -Magasin (Bàle).
Galwer Missions-Blatt (Galw).
Allgemeine Missions-Zeitschrift (Gaters-
loh).
Glaubensbote (Bàle).
Africa (Londres).
La Nigrizia (Vérone).
Church missionary Intelligencer and Re*
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New-York).
Foreign Bfissionarv (New-York).
Régions beyond (Londres).
QaTonicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Church of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreip
Missionarv Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian Church (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Woman's foreign missionary Society
(Philadelphie).
1
I
il
Divers.
Exploration (Paris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du (!omice accole (Médéa).
Bulletin de l'Académie d'Hippone (Bone).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris).
Revue géographique internationale (Paris).
Le Mouvement géographique (Bruxelles).
Handels-Zeitung (Sîunt-GaU).
Dentsche Rnndschau f Or Géographie und
Statistik (Vienne).
MiUheiiungen der afrikanischen (ksell*
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fur den
Orient (Vienne).
Zeitsehrift fOr wissenschaftliche (îeogra-
phie (Lahr).
Aus allen Welttheilen (Leipzig).
Deutsche Rolonialzeitung (Francfort s/M).
Chamber of Commerce Journal (Londres).
Afirican Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine*s Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
BoUettino délia Societa africana d'Italia
(Naples).
Esplorazione (Naples).
Marina e Ck>mmercio, e Giornale délie co-
lonie (Rome).
Bolettn de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozamibique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Revista de Estudos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tonr du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coLoniale (Paris).
Indépendant (Constant! ne).
Momtenr de TAlfférie (Alger).
Dr A. Petermann s Mittheilungen (Gotha)
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Recora of geogra
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus (Cape-Town).
West African Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
*.m—J^jmt.'^'^^^
SOMMAIRE
Pagei
BuUiETIN MBNSUBIr 185
Nouvelles complémentaires 178
Maoa0asgab 179
GoBBEftPOKDANCE :•
Èèttres de Schoshong de M. D. Jeamnairet 190
Bibijo<»la:phib :
Geographlsolie Erforschong der Ad&l-Lftnder and Harar's în Ost*
Afrika, Ton D*^ Pliillpp Paulitsclike 194
L'Afrique romaine, par QtistaTe Boissière 196
£1 Porvenir de Espana en el Sahara, par José Ricart Giralt 196
Six mois à Madagascar, par Charles Buet 196
OUVRAGES REÇUS :
Karte Ton Angra-Peqaena nnd Sûd-Afiika. Geseichnet Yon H. MûUer nnd
C. Biemer. */8,ooo,qoo. Avec cartons pour la baie d'Angra-Pequena, la concession
LQderitB et la comparaison avec une superficie européenne. — Weimar (Geogra-
phisches Institut), 1884, fr. 1, 10.
Trois ans dans TAfrique australe. Débuts de la mission da Zambèze. Lettres des
P. Depelchin et Croonenberghs.
a) Le pays des Matabélés.
b) Au pays d'Umzila. Chez 1« Batongas. La vallée des Barotsés. — Bruxelles
(PoUeunis, Ceuterick et Lefébure), 1882-83, 2 vol. in-S^» avec cartes, fr. 10.
A travers le Zanguebar, par le H. P. Le Roy, — Lyon (Bureau des Missions
catholiques, 6, ruo d'Auvergne), 1884, in-8% 202 p. avec gravures.
Voyages, aventures et captivité de J. Bonnat, chez les Achantis, par Jules Gros.
— Paris (Pion, Nourrit et €*•), 1884, in-18, 280 p. avec gravures et carte. Fr. 4.
L'Afrique. Choix de lectures de géographie, ornées de vignettes et de cartes, par
M. L. Lanier. Paris (veuve Eugène Belin et fils), 1884, in- 12, 920 p., fr. 6.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
■
I
A
GENÈVE
GEORG, LIBRAIRE-ÉDITEUB
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
JtlMlQÊ PAB
M. ensUve MOTNIBB
Membre de la Commi^flioB internatioDale de Bmxellos pou rexplorafeion et la eiyiliaatioii
de l'Afrique centrale; membre correspondant de PAcadémio d'Hippone,
et des Sociétés de ^ographie de Marseille, de Nancy, de Loanda et de Porto.
KÉDiaâ FAE
M. Charles FAUBB
Secrétaire-Bibliothécaire de la Société de ^og^phie de Geoèye , membre correspondant des Sociétés
de géographie de Lisbonne, de Loanda, do Porto et de Saint-Gall.
L'Afrique parait le premier lundi de chaqae mois, par livraisons in-8o d'au
moins 20 pages chacune ; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaire.
Le prix de Tabonnement annuel, p»y»ble d'aTanee» est de 10 flr»ii««9
port compris, pour tous les pays de TUnion , postale (première zone) ; pour les
autres, H fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif à TAfrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, m droit k an compte rendu*
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à JH. Gnsteve WHojnteTf
Sf rue de l'Athénée, h Genève (Suisse).
S'ndresser pour les nbonnements k l'éditenr, Bf . H. Georg* h
Genève on h BAle*
On s'ahonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Ch. Delagrave, libraire, 15, rue Soufflol, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la Cour, 45, rue de la Régence, à Bruxelles.
DuMOLARD frères, libraires. Corso Vittorio Emmanuele^ 21. k Milan.
F,-A. Brockuaus, libraire, Querstr., 29, à Leipzig.
L. Fhiederichskn et G*% libraires, Admiralilâtsstr, 3/4, à Hambourg
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Graben à7, Vienne (Autriche).
Trubner et C^\ libraires, Ludgate Hill, 57/59. à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
AVIS. — Nous mettons à la disposition de nos nouvectux àbownh, au prix de
10 fr. chacun^, un certain nombre d'exemplaires complets de la II*'', de la UT
et delà IV^^ année. La /'• est épuisée.
ma
— 197 —
BULLETIN MENSUEL (i- septembre 1884.)'
It'Écho du Sahara a rapporté que, d'après un spahi, engagé depuis
quelques mois au régiment cantonné à Biskra, le colonel Flattera et
le capitaine Alassoii ne seraient pas morts, mais seraient actuellement
à Ohat, à 600 kilom. au sud de Ghadamès, prisonniers d'un des chefs
des Touaregs-Âzghars, nommé Lazerac, qui consentirait à les rapatrier
moyennant bonne rançon. Quelque invraisemblable que soit cette nou-
velle, Tautorité militaire de Biskra a fait les démarches les plus minu-
tieuses pour contrôler la véracité de celui qui l'a apportée, et jusqu'ici,
il ne résulte pas des interrogatoires auxquels il a été soumis, que l'on
ait affaire à un imposteur. Voici, d'après V Indépendant de Constantine,
ce que l'on a appris de cette mystérieuse affaire. Le spahi en question
est originaire de Bou-Sâada, à 250 kilom. d'Alger. Tout jeune, il a été
capturé parles Touaregs, et longtemps il est demeuré l'esdave d'un des
chefe des Azghars; pendant plus d'un an il a vécu en rapport avec les
deux officiers prisonniers de son maître. C'est à l'instigation du colonel
Flatters, et avec la promesse d'une forte récompense, qu'il a entrepris
son long et périlleux voyage. De Ghat il s'est dirigé sur le Bornou, le
Darfour et l'Egypte, d'où il est revenu, par la Tunisie, dans la province
de Constantine. A bout de ressources, il s'est engagé dans les spahis à
Batna. Sur ses révélations à un officier indigène, il fut mis au secret,
interrogé à plusieurs reprises par des officiers différents, et jamais ses
réponses ne trahirent la moindre hésitation ni la moindre contradiction.
D a donné le signalement exact des deux prisonniers et les renseigne-
ments les plus précis sur leur caractère, leur connaissance de la langue
arabe, leurs blessures et leur guérison, qui aurait exigé une année
entière, « d'un Rhamadan à l'autre. » Mais comment le colonel Flat-
ters et le capitaine Masson ont-ils pu échapper au massacre général de
la malheureuse mission ? L'expUcation donnée à ce siyet par le spahi ne
manque pas non plus de précision ni de vraisemblance. « Une caravane,
commandée par mon maître », dit-il, « a trouvé les deux officiers et un
tirailleur grièvement blessés, sur le champ de bataille, à trws jour-
nées de Ghat. Les Hoggars se disposaient à leur donner le coup de grâce;
^ Les matières comprises dans nos Bulletins menstiéls et dans les NouveUes com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
L'AFRIQUE. — CINQUIÈiTE ANNÉE. -^ N^ 9. 9
— 198 —
mon maître réclama les trois malheureux comme se trouvant sur son
territoire, et au nom de notre sainte religion qui défend d'achever les
blessés. Il les a chargés sur nos méharis, et nous a fait filer à marches
forcées sur Ghat, où nous sommes arrivés à la fin du deuxième jour. Le
malheureux tirailleur a succombé en route. Quant aux deux ofiiciers, ils
ont été et sont encore l'objet des meilleurs soins et de la plus active sur-
veillance. Mon maître a compris que la France lui donnerait beaucoup
d'argent pour la vie de ces deux officiers. » Les postes avancés de
Geryville, d'Ouargla-el-Ared, et M.Féraud, consul à Tripoli, ont envoyé
chacun un émissaire à Ghat. Espérons que hen ne viendra démentir ces
renseignements.
Afin de mettre un terme à des discussions scientifiques qui semble-
raient devoir être interminables, M. de Lesseps s'est mis d'accord avec
M. Jules Ferry, pour renoncer au projet de convoquer à nouveau la Com-
mission chargée d'examiner le projet de M. Roudaire, de créer une
mer intérieure dans le bassin des Cliotts, au sud de l'Algérie et de
la Tunisie. Il a été convenu avec le gouvernement, que le groupe des
fondateurs de l'entreprise qui ont fait les frais des précédentes études,
et qui désirent poursuivre l'exécution du projet, sera autorisé à com-
mencer par établir, sans aucune subvention, un port à l'embouchure de
rOued-Melah, sur un point qui pourra servir plus tard d'amorce au
canal maritime destiné à remplir le bassin des Chotts. De son côté, le
gouvernement s'engagerait à ne donner aucune concession sur les terri-
toires, aujourd'hui incultes, qui font partie du projet Roudaire.
Nous espérions que la célébration, à Londres, le 1" août, du cinquan-
tième anniversaire de l'aiiranchissement des esclaves dans les colonies
anglaises, serait une occasion de rappeler, qu'ensuite du traité conclu
entre l'Angleterre et l'Egypte, la vente d'esclaves de famille à famille
doit cesser cette année-ci dans toute l'Egypte proprement dite, et que
la position prise par l'Angleterre en Egypte, lui impose plus que jamais
l'obUgation de veiller à ce que ce traité reçoive son exécution. Nous
avons vainement cherché dans les journaux qui ont rapporté les dis-
cours prononcés dans cette circonstance, une résolution en ce sens Ml y
a eu dès lors, dans le parlement, une interpellation, à laquelle Lord Fitz-
maurice a répondu que le gouvernement ne perd aucune occasion de
rappeler au khédive ses engagements relativement à cette question. Ce
n'est pas au moment où l'Angleterre se trouve seule protectrice de
*• Peut-être VAntisîavery Reporter qui ne nous est pas encore parvenu, nous
apportera-t-H des renseignements plus complets.
— 199 —
l'Egypte, et où eUe va y envoyer de nouvelles troupes, que Ton peut
fure le sUeiice autour de ce traité, sanctionner par là sa non-exécution,
^t se désintéresser, comme Gordon Ta fait au Soudan, de la traite et de
•ses odieuses conséquences. La position qu'elle va prendre en Egypte par
l'envoi de lord Northbrook, et au Soudan, par l'expédition que Gordon
-croit en route depuis longtemps, impose à la Grande-Bretagne la res-
ponsabilité de la solution du problème de la traite et de l'esclavage qui
^'y rattache. Nous ne pensons pas que ceux qui ont insisté avec tant de
raison, et durant tant d'années, auprès du khédive, pendant qu'il était
indépendant, pour qu'il abolît cette institution, et qui lui ont fait signer
Ja promesse de l'abolir cette année-ci, puissent s'abstenir de la rappeler
AU conseiller souverain de Tewfik pacha. Cette cause doit leur être
-encore plus sacrée, maintenant que leur gouvernement domine de toute
.son influence les décisions de son protégé. Sous l'autorité des chefs
anglais investis du commandement des troupes égyptiennes, il ne doit
plus être permis d'offrir, par exemple, comme le faisait l'autre jour
<encoi"e le mudir de Dongola, de procurer deux cents esclaves pour le
-service de l'armée. On sait trop à quel prix et de quelle manière sont
recrutés, par ceux qui les offrent, ces malheureux esclaves. — Quant aux
hypothèses émises par Stanley dans ses entretiens avec les reporters de
journaux, sur les voies par lesquelles il serait possible à Gordon de
5'échapper de Khartoum, elles n'ont qu'un défaut, celui de reposer sur
une base plus que douteuse. Pour gagner soit le Victoria-Nyanza et
^uzibar, soit le quartier général de Lupton-bey, Dem-Suleiman, et les
stations du Congo, il faut remonter le Nil-Blanc et ses tributaires, au
milieu d'une végétation qui peut obstruer complètement le cours du
fleuve, et de troupes de partisans du mahdi, contre lesquelles la bra-
voure de Gordon peut n'être d'aucun secours. La mort de l'explorateur
hollandais Schuver, à proximité du poste deLupton-bey,ra bien prouvé;
rien ne serait moins certain que l'issue d'une tentative de s'échapper
par cette voie-là. Nous préférerions pour Gordon la descente du Nil, à
la rencontre des troupes anglaises, vers Âbou-Hamed et Dongola.
C'est au 1" septembre que le traité signé le 3 juin à Adoua par l'ami-
ral anglais, sir W. Hewett, avec le négous, a fixé la restitution du pays
^es Bogos à l'AbyssInle, et l'évacuation des garnisons égyptiennes de
Kassala, Âmedib et Sennaheit. Le gouvernement abyssinien s'est engagé
^ faciliter leur retraite dans la direction de Massaoua. Le libre transit
par ce port des marchandises, armes et munitions, à destination d'Âbys-
^inie, ou venant de ce pays, est garanti par l'Angleterre, sous le protec-
^
— 200 —
torat duquel Massaoua est désonnais placé. Les litiges qui pourraient
surgir à Tayenir entre TÉgypte et TAbyssinie, devront être soumis à
l'arbitrage du gouvernement britannique. Enfin la ratification du traité
est réservée h la reine d'Angleterre aussi bien qu'au khédive.
Les ambassadeurs abyssiniens envoyés à Londres parle roi Jean, ont
passé à Massaoua, où ils ont rapporté avoir vu Blanchi à MekaUé, les
premiers jours de juillet. D'après VEsploratore^ M. Colaci, venu de Mas-
saoua, y a vu, au commencement de juillet, un serviteur de l'expédition
Blanchi, qui l'avait quittée depuis dix jours. Il a raconté que Blanchi et
ses compagnons se sont avancés jusqu'à cinq jours de marche de Sciu-
ché, dans la direction d'Assab, mais qu'ils ont dû revenir en arrière»
parce que les quelques serviteurs qui leur restaient, et le guide que leur
avait donné le roi Jean, s'étaient enfuis. Blanchi avait l'intention
d'écrire au négous pour lui demander d'autres guides. On ignore s'il veut
renouveler maintenant sa tentative, ou bien s'il compte attendre que la
saison des pluies soit passée. Mais, d'après les nouvelles que M. Colaci
avait reçues, on peut être rassuré sur le compte de Blanchi et de se»
compagnons de voyage, MM. Diana et Monari, qui jouissaient d'une par-
faite santé.
Outre le port de Zeïla, dans le voisinage d'Obock et de Tadjoura,.
l'Angleterre a voulu faire occuper celui de Berbéra, quoique, d'après
la convention de 1877, la suzeraineté de la Porte sur la juridiction du
khédive s'étende le long de la côte des Somalis jusqu'au cap Ras-Afoun-
Cette tentative a échoué par suite du refus du gouverneur de reconnaî-
tre l'autorité anglaise et de l'hostilité des habitants. D'après une lettre
de Harrar au Temps, l'évacuation des garnisons égyptiennes de cette
partie du territoire des Somalis, et sa restitution aux familles des anciens
chefs seraient sa ruine et celle des intérêts européens qui y sont engagés.
Les anciens chefs eux-mêmes n'existent plus, les Égyptiens les ont
exterminés pour pouvoir établir leur domination en 1875 ; en outre, ils
ont semé la division parmi les peuplades somalis, et ont détruit l'esprit
de famille en propageant la discorde. Si le territoire est évacué pour
être rendu aux parents très éloignés des anciens possesseurs, le pays
sera Uvré à la guerre civile et à l'anarchie, et la vie des Européens
courra de sérieux dangers. Le gouverneur actuel, Ali-Pacha-Redan,
homme intelligent, rempli de bonne volonté, et imbu des idées euro-
péennes, s'eflforce de réformer l'état de choses étabU par ses prédéces-
seurs; malheureusement les moyens lui font défaut. Ne recevant jamais
aucun secours de l'Egypte, obligé de subvenir aux frais de l'occupation
— 201 —
avec les seules ressources du pays, ayant à ses ordres une soldatesque
indiscipliaée parce qu'elle est mal payée, mal vêtue et plus mal nourrie,
entouré d'hommes qui, depuis dix ans, ont été habitués à considérer le
pays comme leur chose, à l'exploiter sous toutes les formes, il lui est dif-
ficile de réagir contre un pareil système. Pour y remédier, il faudrait
-que le gouvernement du khédive pût s'occuper de ce territoire, envoyer
des fonds qui permissent de subvenir aux frais d'occupation, favoriser
le conmierce et la grande culture du café, la principale richesse du pays.
M. J. Thomson est arrivé en Angleterre, encore souffrant de la
maladie dont il a été atteint sur les bords du lac Nalvasha, dans le pays
des Masal. La carte qu'il a dressée, montre qu'il faudra faire subir
une modification considérable au dessin de la côte N.-E. du lac Victoria-
Kyanza. C'est là,|à peu près à la latitude de i'Ou-Ganda et de la sortie
du Nil, et non plus au sud, qu'est situé le territoire très populeux de Ka-
virondo, à l'est duquel se trouve le lac Bahringo. — Parmi les photogra-
phies rapportées par M. Thomson, il y en a une du mont Kénia, prise le
matin de bonne heure, le seul moment oti le sommet soit dégagé de nua-
ges. Elle représente un cône de neige, de quelques mille pieds de hau-
teur, s'élevant sur une large base dont les pentes sont couvertes de
sombres forêts. Le résultat pratique de l'expédition sera vraisemblable-
ment l'ouverture d'une nouvelle route directe, de l'Océan Indien à la côte
septentrionale du Victoria-Nyanza, dte Mombas à Kavirondo par Oukam-
bani. — M. Thomson est arrivé à IHombasi le lendemain du jour où
M. Johnston en était parti pour le Kilimandjaro ; leurs caravanes
ne se sont pas rencontrées. La famine régnait dans le district de Telta,
sur la route du Kilimandjaro. — M. le lieutenant Gissinf^, vice-consul
anglais à Mombas, a quitté la côte pour faire un voyage à l'intérieur.
D'après un rapport de M. le mission naireWakefield, M. Johnston a passé
è, la station de Jomvou, pourvu de tout le nécessaire pour son expédition ;
il n'avait jusque-là souffert d'aucun des ennuis que les;voyageurs en Afri-
que ont d'ordinaire à subir de la part des porteurs. Il a avec lui trois
des préparateurs qui ont été au senâce du D' Fischer. — M. Stolces, de
la mission de l'Ou-Ganda était à Mombas se préparant à faire un voyage,
de ce point de la côte à Mamboia, vers le S.-O. à travers TOu-Sambara
et le Ngourou. Sa route passe par un pays de montagnes et couvert de
forêts, habité par des tribus d'un caractère peu sûr. Mais il a déjà fait
plusieurs fois le voyage de la côte au Victoria-Nyanza et retoui* ; il est
donc bien qualifié pour réussir dans cette nouvelle entreprise.
Ce n'est pas à Teïta seulement que règne la famine. M. Farler, de la
— 202 —
mission des Universités, en signale une très forte accompagnée d'une
grande mortalité, dans le district de Man^Ua, à Touest de Pangani. Le&
missionnaires ont feit venir du riz de Bombay, pour le distribuer aux af-
famés. Les habitants n'ayant pas de vivres, font cuire des mauvaises her-
bes qu'ils mangent avec une racine vénéneuse appelée màif/a, qu'ils font
bouiUir dans l'eau avant de la manger. Du district de Bondei aussi, arri*
vent de toutes parts des gens à Magila ; chaque matin, 200 d'entre eux
assiègent la chambre des provisions des missionnaires. Les portes ont dft
en être consolidées pour prévenir une effraction. Les uns apportent de
l'argent, d'autres la promesse de rembourser quand ils auront serré leurs
récoltes. Celles-ci sont retardées par le fait que les pluies se sont fait
attendre, mais elles seront bonnes. La libéralité des missionnaires leur
a gagné le cœur des natifs du Bondei, qui les ont autorisés à voyager
dans leur pays comme ils le voudront, à construire où ils le désireront
et à instruire tous les gens du district. M. Farler écrit encore au Central
Africa, qu'il y a guerre entre le sultan de Zanzibar et un chef voisin de
Magila. Les missionnaires ayant envoyé de leurs geos à Pangani pour
acheter des vivres, les Arabes les ont attaqués et en ont mis quarante en
prison, dans une pièce de 12 pieds de long sur 9 de large, sans fenêtres
et sans place suffisante pour se coucher ou pour s'asseoir. Bs les y ont
retenus dix jours. Sir John Kirk a obtenu de Sald Bargasch qu'il donnât
l'ordre de les relâcher.
La mort du chef ma-kololo Chipitoula a failli amener une guerre con-
tre les blancs de Blantyre et de Mandala. Chikousi, fils du défunt,
réussit à entraîner dans ses projets de vengeance les gens de Ramakou-
kan, qui étaient en contestation avec la Compagnie de transport par le
Nyassa dirigée par M. Moir. Celui-ci mit Mandala en état de défense.
Les missionnaires déclarèrent vouloir conserver la paix, si possible ; si-
non, ils auraient abandonné la station et seraient aUés à Zomba jusqu'à
ce que les esprits se fussent calmés. Le consul anglais resta dans la sta-
tion et recommanda de la fortifier si cela était nécessaire. Heureusement
Ramakoukan adopta des dispositions pacifiques et se déclara ami de la
mission, mais sans vouloir recevoir les gens de M. Moir. Le consul et les
missionnaires s'efforcèrent de réconcilier les deux parties. Il importe
d'autant plus d'avoir Ramakoukan en sa faveur, qu'aujourd'hui il est le
chef de tous les Ma-Kololo de la région du Chiré, et que c'est entre ses
mains que se trouve le contrôle de la rivière. D'après un télégramme de
la Compagnie, Ramakoukan a consenti à laisser passer le vapeur de M.
Moir sur le Chiré; on peut donc envisager la navigation comme rouverte.
— 203 —
Une lettre du D' Holubau Cape Argus ^ datée deFaoresmlth, dans
l'État libre de l'Orange, donne des détails sur les progrès de son expé-
dition. Il n'avance que lentement, ses bœufs se ressentant des maigres
pâturages qu'il a dû traverser depuis son départ de Colesberg. En outre
chacun le reçoit si bien, qu'il séjourne à chacune de ses étapes plus
longtemps qu'il ne l'avait compté. Les fermiers ont mis à sa disposition
des pâturages qu'ils avaient réservés pour leur usage particulier, et des
véhicules qui lui ont permis d'accumuler, pour le musée d'histoire
naturelle de l'Afrique australe, des matériaux ethnologiques qu'il a
l'intention d'exposer dans les principales villes del'Europe à son retour,
avant que la collection en soit partagée entre les écoles auxquelles elle
est destinée. A son arrivée à Pbilipolis, il a reçu un télégramme du Pré-
sident de l'État libre l'invitant à se rendre à Blœmfontein. On le voit,
son expédition s'accomplit dans les conditions les plus favorables ; toute-
fois les froids de l'hiver se faisaient vivement sentir surtout le matin et
le soir.
Une réunion de capitalistes allemands a eu lieu à Beriin le 19 août,
pour s'occuper de la question de l'achat, dans le sud de l'Afrique, de
vastes terrains, pour y fonder une colonie agricole et commerciale. Le
Parlement colonial du Cap n'admet pas le protectorat de l'empire d'Al-
lemagne sur les établissements de la maison Lttderitz à Ang^ra-
Peqnena. Dans sa séance du 15 juillet, sur la proposition d'un de ses
membres, il a voté qu'il convient de faire le nécessaire pour que toute
la ligue de côte, de l'embouchure du fleuve Orange au Cunéné, soit
annexée à la colonie du Cap, ou déclarée territoire britannique. Est-ce en
réponse à cette résolution que M. Ashley, sous-secrétaire d'État, a
déclaré à la Chambre des communes, qu'après un examen attentif de la
question, 'le gouvernement anglais est arrivé à la conclusion qu'on ne
peut contester à l'Allemagne le droit de protéger ses ressortissants à
Angra-Pequena, quoique Walfish-bay et les îles adjacentes soient
incontestablement territoire britannique ? Nous l'ignorons. Quoi qu'il en
soit, l'Angleterre a demandé à l'Allemagne de nommer en commun une
commission, pour prononcer sur les prétentions des sujets anglais qui se
sont établis à Angra-Pequena ou qui y ont acquis des possessions.
Depuis son retour du Congo, Stanley s'est efforcé à Londres, à
Bruxelles, à Paris, de préparer les voies à la reconnaissance, par les
puissances européennes, de l'État libre du Congo. Son opposition à
Savorgnan de Brazza a fait place à une entente cordiale, et l'on peut
espérer que les progrès des expéditions et des découvertes dans le bassin
— 204 —
du Congo né seront plus tenus secrets comme ils l'ont été trop long-
temps.
Déjà maintenant nous pouvons donner, sur les affluents du fleuve, des
renseignements nouveaux apportés par Stanley, et publiés par M. Wau-
ters dans le Mouvement fféographique de Bruxelles. Stanley a constaté
que, dans le grand coude que le Congo forme vers le nord, au delà de
l'équateur, il reçoit, sur la rive gauche, deux affluents considérables, qui
occupent peut-être le premier ïiing dans la masse de ses grands tribu-
taires : ce sont le Looleuig^ou et le Lioubilasch. Le premier se
jette dans le fleuve par environ 0" 45' lat. N., en amont du grand village \
de Loulanga, oii les agents de TAssociation posent en ce moment les
fondements d'une importante station. Stanley considère cette rivière,
dont il a reconnu l'embouchure, et dont l'existence n'avait jamais été
révélée jusqu'ici, comme le plus important des affluents du Congo, dépas-
sant comme volume d'eau le Qilango et l' Arououimi. C'est probable-
ment le cours inférieur du Cassaï, traversé dans sa partie moyenne par
Livingstone, Pogge et Wissmann. Dans ce cas, il aurait approximative-
ment 1800 kilomètres de longueur. Quant au Loubilasch, il se jette
dans le Congo à peu près à la même latitude que le Loulemgou, mais
en amont du coude, vers la moitié environ de la distance qui sépare le
confluent de l'Arououimi des chutes de Stanley. Au dire des Arabes de
Nyangoué, qui poussent leurs incursions jusqu'au bassin de cette rivière,
le cours de celle-ci serait barré par des rapides à une cinquantaine de
kilomètres en amont de son confluent. Il est permis de supposer que le
Loubilasch n'est que le cours inférieur de la grande rivière du même
nom, que Pogge et Wissmann ont traversée dans le pays des Ba-Songé, au
S.-O. de Nyangoué. Dans sa dernière exploration (1883-1884), Stanley
n'a pas rencontré le confluent du'Sankourou, émissaire du lac hypothé-
tique du même nom. Aussi peut-on, jusqu'à plus amples renseignements,
en considérer l'existence comme problématique.
Sur la rive droite du Congo, outre le puissant Arououimi, Stanley a
signalé deux autres affluents l'Itimbirietle Mboundu^u. Le premier
se jette dans le fleuve un peu en amont de sa partie la plus septentrio-
nale; il paraît venir du nord, et Stanley suppose qu'il a ses sources dans
le Dar-Banda ; ce qui le lui fait croire, c'est la présence, le long de
ses bords, d'articles et de marchandises du Soudan. Le Mboundgou
n'est autre que la grande rivière des Bangala. Le capitaine Hanssens
en a reconnu le cours inférieur. Siir la rive gauche de cette rivière, un
peu en amont de son confluent, se trouve une agglomération de petits
— 206 —
Tillages portant le nom d'Oubangi ; il s'y tient un des marches les plus
importants de TÂfrique. Lii aussi, TAssociation s'est réservé de vastes
concessions de terrain et s'occupe à y fonder une station. Lorsque
Stanley rendit visite, en janvier dernier, au chef des Bangala, Matam-
wiké^roideriboko,nom que porte l'ensemble des territoires de ces tribus,
U fut pacifiquement accueilli, mais ne réussit pas h y établir une station.
M. le capitaine Hanssens s'y rendit au mois de mai, avec une flottille de
trois vapeurs, et fut reçu avec empressement par Matamwiké, avec lequel
l'échange du sang se fit le jour môme de l'arrivée de l'expédition. Le
lendemain eut lieu une cérémonie supplémentaire, qui cimenta le pacte
de fraternité conclu la veille et lui donna une plus grande valeur. Cette
cérémonie a consisté dans l'abatage d'un palmier fétiche, suivant un
certain rituel ; la direction dans laquelle tomba le palmier, prouva aux
populations que M. Hanssens était dévoué corps et ftme au roi Matam-
wiké ; dès lors, le roi s'attacha à faire agréer par les chefis, ses vassaux,
ses nouveaux amis, les blancs. Le prince Mongimbé cependant, fils aîné
du roi, adversaire déclaré de toute innovation, fit opposition. Il fallut
qae Matamwiké convoquât tous les chefis et les persuadât par un discours
qu'il termina ainsi : a Nous devons prendre le blanc chez nous, parce que
le blanc est bon ; partout où il fait ses villages il est aimé, et il a la con-
fiance des populations. » Le traité fut alors signé, le terrain Ihnité, les
maisons et les bananiers qui s'y trouvaient achetés et payés, et dès le
lendemain, le drapeau international y était arboré. M. Hanssens a eu
outre acquis le district de Ngondo, sur la rive gauche du Congo, en
amont de Loukoléla, et y a installé un poste. Il a aussi rendu visite aux
deux grands chefe Mukwala et Mangambo, rois de l'Irebou, et a placé
leur vaste territoire sous le protectorat de l'Association. Même réussite
à Oubangi,|au confluent du Mboundgou et du Loulanga, où des conces-
sions de terrain ont aussi été obtenues, et où l'on s'est aussitôt mis à
l'œuvre pour l'établissement de nouvelles stations.
Mentionnons encore la création de la station de Yoonda, à quelque
distance de la rive gauche du Bas-Congo, entre Roubytown et Lou-
kounga ; le traité par lequel le roi Nécorado, chef indépendant de Boma,
a cédé à l'Association ses droits souverains sur tous les territoires sou-
mis à son autorité ; et le départ d'un de nos compatriotes, M. le comte
Max dePourtalès,qui, après avoir fait avec distinction les campagnes de
1866 et 1870 au service de l'armée allemande, va se mettre à la dispo-
sition désir Francis de Winton, le remplaçant de Stanley au Congo.
U a été question d'une demande faite par le gouvernement allemand à
-- 206 —
rAssociation internationale, au sujet des conditions auxquelles seraient
cédés des terrains à des colons et à des commerçants alU^mandii,
qui auraient l'intention de s'établir sur les rives du Congo. L'Associa-
tion a répondu que son territoire était ouvert à tout le monde, et qu'elle
entrerait très volontiers en négociation avec des Allemands qui vou-
draient fonder des établissements sérieux. L'on annonce, comme de-
vant partir au mois de septembre, un groupe d'agronomes allemands,
chargés de l'installation et de la culture des potagers autour des sta-
tions. A ce propos, un correspondant du lï^nes a rapporté, d'une entre-
vue avec Stanley, les renseignements suivants : Au point de vue agricole,
le bassin du Haut-Congo est susceptible d'un développement illimité. Si
un transit régulier et suffisamment rapide peut être assuré, de petits
capitalistes qui prendraient quelques acres de terre dans les riches val-
lées, et se voueraient à la culture des céréales, y trouveraient une ample
rémunération. Le sol convient tout spécialement aux plantations de riz.
Un Arabe qui s'est établi dans le pays, entre les chutes de Stanley et
Nyrfhgoué, depuis le passage de Stanley, en 1877, en récolte beaucoup
plus que ne peuvent en consommer ses 1200 esclaves. Il paraît que les
Arabes s'avancent rapidement vers l'ouest, et qu'ils occupent les meil-
leurs emplacements. 11 n'y aurait rien à redire à cela, s'ils ne se livraient
surtout à la traite ; le développement industriel du pays est pour eux
chose tout à fait secoiidaire. A ceux qui disent que l'ivoire, la gomme et
l'huile sont les seuls produits de quelque importance, et que le premier
sera épuisé dans quelques années, Stanley répond que l'ivoire durera
encore des générations, et que la gomme et l'huile, à elles seules, peu-
vent fournir un trafic considérable. Mais le pays abonde encore en plan-
tes de café sauvage, dont les baies, même sans culture, produisent un
excellent breuvage. L'orseille abonde également, et les natifs, aussi bien
que les colons, ont de vastes plantations de bananiers. Les oranges et
d'autres fruits sont aussi cultivés avec un plein succès.
Quant à l'extension des opérations de l'Association, Stanley est d'avis
qu'elles devraient s'étendi-e jusqu'au lac Bangouéolo. Il a remonté plu-
sieurs des affluents méridionaux du Congo, et a trouvé quelques-uns
d'entre eux libres d'obstacles, sur un parcours de 400 à 500 kilom. Il
recommande l'établissement de stations sur ces tributah'es. Les rapides
qui existent dans d'autres ne présenteront pas de difficultés aux canots
des indigènes, qni arriveront bien vite aux marchés des blancs. En un
mot, Stanley exprime un ferme espoir en l'avenir du Congo et de l'Afri-
que en général, pourvu que les indigènes soient traités avec tact et bien-
veillance.
— 207 —
NOUVELLES GOMPLËMENTAIRES
D'après un rapport du consul général de France, à Londres, l'importation de
Talfa, d'Algérie en Angleterre, pour la fabrication du papier, augmente considé-
rablement. Les 44 ^/o de ce produit proviennent de l'Algérie, qui en a importé,
en 1883, 20,000 tonnes de plus que les années précédentes. C'est au choix de la
marchandise que tient la favear dont les alfas algériens jouissent en Angleterre.
Une ligne de chemin de fer à voie étroite est projetée, pour mettre Sétif en
communication directe avec Bougie.
Le Comité des missions de Paris a' chargé M. Erûger, revenu du Le-Souto, en
Europe, pour sa santé, d'étudier dans tous ses détails la question de l'évangélisa-
tion des Arabes et des Kabyles, en Algérie.
Il résulte d'un rapport publié par l'J^o^oH, sur les importations en Tunisie, que,
de 1880 à 1862, le produit s'en est élevé deâÔ millions à 50 millions de francs.
La section florentine de la Société italienne d'exploration africaine a décidé de
charger un comité de faire une enquête sur les rapports de l'Italie avec la Tripoli-
taine, de protéger les intérêts italiens dans ce dernier pays et d'y développer la
civilisation.
M. le D'^ Ragazzi partira le 1*''' septembre, pour prendre la direction de la
station de Let-Marefia, au Choa.
Mgr. Livinhac, vicaire apostolique du Yictoria-Nyanza, a ramené à la maison
des missions d'Alger cinq jeunes nègres de 7 à 12 ans, des districts compris entre
leTanganyika et la côte du Zanguebar; ils seront élevés à l'Institut apostolique
de Malte, où une vingtaine de leurs frères de l'Afrique équatoriale reçoivent
déjà une éducation soignée.
M. Stevenson, de Glascow, a généreusement oifert de faire construire à ses frais
une voie ferrée, le long des rapides du Chiré, entre POcéan Indien et le Nyassa»
pour faciliter le transport des marchandises là où la navigation est empêchée.
La querelle, depuis longtemps pendante entre Sepinare, chef ba-rolong de Taba
N'gcbou, et son demi-frère, Samuel Maroko, venu récemment en Angleterre récla-
mer, mais en vain, l'intervention du gouvernement britannique, s'est terminée par
la mort de Sepinare et l'incendie d'une partie de Taba-N'gchou. Sepinare étant
feudataire de l'État libre de l'Orange, le président Brandt a expulsé les partisans
de Samuel Maroko, et a déclaré le territoire de Taba N'gchou partie intégrante de
PÉtat libre.
Le Btûletin des Missions de Paris a annoncé le départ de Schoshong de l'expé-
dition du Zambèze. D'après la dernière lettre de M. Coillard, datée de Kané, à
l'entrée du Ealahara, l'état sanitaire des voyageurs était excellent.
VAdvertiser de Graaff-Reynet publie un rapport du D' Hahn sur des spécimens
de cuivre, qui lui ont été envoyés de Betbesda, au S.-O. du Le-Souto, pour les
analyser. Il les a trouvés très riches et indiquant la présence de gisements rému-
nérateurs dans cette région.
— 208 —
Les explorateurs portugais Gapello et Ivens ont été empêchés de se rendre de
Mossamédès au Cunéné par la rivière Covoca, comme ils le projetaient, les gor-
ges profondes qui coupent cette vallée rendant cette voie impraticable. Ils se bor-
neront à relever le cours du Cunéné, et à terminer l'exploration du Quango, jusqu'à
son confluent avec le Congo.
Une expédition portugaise dirigée par le major Henriquez de Carvalho a quitté
Loanda le 10 juin, pour se rendre chez le Mouato-Yamvo. Elle a remonté le
Quanza jusqu'à Dondo, en bateau à*' vapeur, et devait partir pour Malangé^ dès
qu'elle aurait réuni les 400 à 500 posteurs dont elle avait besoin. Elle emporte de
riches présents du roi de Portugal pour le souverain du Lounda, dont elle t&chera
d'ouvrir les États au commerce ; après cela elle traversera le continent dans la
direction de Mozambique.
L'Académie des sciences de Berlin a chargé le D' Schweinfurth, d'une mission
dans l'Afrique centrale. Le point où il abordera le continent africain n'est pas
indiqué.
Le développement des stations de la Livîngstone Inland Mission, le long da
Congo, ne permettant plus au Comité qui avait pris Tinitiative de cette œuvre, de
continuer à en être chargé, celui-ci Vi transmise tout entière à la grande Société
de l'Union missionnaire baptiste américaine, dont le siège est à Boston.
D'après une dépêche du Diritto, toutes les puissances auraient adhéré à l'idée
d'une conférence internationale pour régler la question du Congo. L'initiative de
la convention a été confiée à l'Allemagne.
Le missionnaire Coker de Badagry rapporte que, le 15 février, les Dahoméens ont
attaqué la ville d'Okéodan, dans le Yoruba, et qu'ils l'ont entièrement détruite.
Des 6000 habitants qu'elle comptait, 2 ou 3000 ont été tués ou réduits en escla-
vage, le reste s'est échappé dans les bois et dans les villages voisins.
Un télégramme du 23 juillet, du gouvernement du Sénégal, a annoncé que la
canonnière en construction sur le Niger était complètement montée.
Le D*^ Bayol, lieutenant-gouverneur du Sénégal, est venu se reposer en France
des fatigues de son séjour dans la partie de la colonie entre la Cazamance et la
Mellacorée. ' -^
Le voyageur espagnol Giménès a adressé aux journaux de Madrid une dépê-
che datée du 27 juillet, d'Uxda, au Maroc, d'après laquelle il a exploré la région
de la Moulouya et la chaîne des monts Beni-Senanin. Il a commencé des opéra-
tions commerciales à l'embouchure du Eiss, et s'est dirigé ensuite du côté de
Che^^a. — Une lettre qu'il nous a adressée nous annonce son arrivée à Melilla,et
nous fait espérer un récit de son expédition.
La Sociedad Espanola Africanistas, fondée à Madrid, il y a six mois, a décidé
d'envoyer en automne une expédition, dont le but sera de trouver de nouveaux
débouchés commerciaux en Afrique, et tout d'abord au Maroc.
— 309 —
DE TRIPOLI AU GOLFE DE GUINÉE
Le but du voyage de M. Buoufanti, dont nous avons dit deux mots
seulement (p. 145), était de pénétrer dans Timmense région encore
inconnue, qui s'étend entre le Bénoué et TOgÔoué. Au lieu de partir du
golfe de Guinée, comme Flegel, qui se piiopose le môme but, il se rendit,
au printemps de 1881, avec M. van Flint, médecin et naturaliste amé-
ricain, comme compagnon de voyage, un interprète et une caravane,
de Tripoli au lac Tchad, par le Fezzan et les oasis de Yat, Iggheba,
Kaooar et Biliia, c'est-à-dire par la route des explorateurs allemands
Barth, Vogel, Rohlfs et Nachtigal.
Retenu un certain temps à Kouka par une guerre de frontière entre
les tribus méridionales du Bornou et celles du nord de rÂdamaoua,il fit
des excui^ionssur le lac Tchad et dans les nombreuses tlesqui le peuplent,
pour y chasser Téléphant et Phippopotame et y faire provision d'ivoire.
La paix ne venant pas, il profita d'un moment où les hostilités semblaient
se ralentir, pour se rapprocher de la frontière de l' Adamaoua par Dikoa et
Doloo, avec une escorte de 50 hommes choisis parmi les meilleurs soldats
du Bornou, et une caravane de 150 porteurs, 30 chameaux et leurs
chameliers, 4 chevaux, etc. Arrivé à Mahuri (Mahudi ?) il se vit refuser
le passage par les habitants qui, armés de lances et de haches, avec des
boucliers en cuir d'éléphant, lui enjoignirent de quitter leur territoire
par la route la plus courte, celle du mont Mendif.
Découverte parle voyageur Denham en 1822, et entrevue de loin par
Barth en 1857, cette montagne a été dès lors l'objet de beaucoup
de conjectures. D'après les détails qu'a donnés M. Buonfanti, dans
une conférence à la Société royale belge de géographie, et que
nous extrayons du dernier numéro du Bulletin de cette Société, elle se
présente de loin comme un immense pain de sucre isolé, suivi, dans la
direction du Nord, d'autres pics également isolés, mais moins considé-
rables. Sa hauteur au-dessus de la plaine est de 1100°*, et au-dessus de la
mer, de 1700^ ; sa circonférence à la base est de 20 kilomètres environ.
Son sommet blanc se détache splendidé et gigantesque sur le fond bleu du
ciel. En s'en approchant on découvre que, quoique détaché, il appartient
à la chaîne des monts de Wardala. Gomme Barth le supposait, c'est un
yolcan éteint. Buonfanti en fit l'ascension; le cratère est comblé par
la fiente de grands oiseaux qui y demeurent ; cette ftmte donne à ce
sommet la couleur blanche qui le fedt paraître à distance éclatant comme
— 210 —
s'il était couvert do, neige. Sur la pente occidentale de la montagne se
trouve le village de Mendif , dont les habitants ne se montrèrent pas plus
traitables que ceux de Mahuri. Force fut à l'explorateur de reprendre le
chemin du Bornou,par Moura et Moubi, à travers un pays varié et ravis-
sant. Les éléphants et les girafes y abondent; les* arbres fruitiers
également.
Les descriptions de Barth des peuples pasteurs du N.-O. de l'Ada-
maoua les ayant présentés comme pacifiques et hospitaliers, Buonfanti fit
encore des tentatives de passage à Ouba, à Ounibié, à Garouta, sur tous
les points de la jfrontière jusqu'au confluent du Gongola et du Bénoué,
mais ce fut en vain, il dut rentrer à Kouka par les territoires de Mar-
ghié et d'Oudiié, qui forment la plus belle partie du Bornou. Obligé de
renoncer à la route du Sud, l'explorateur résolut de tourner ses pas vers
l'Ouest, par Kano et le royaume de Sokoto, dont le souverain chercha à
le retenir par toutes sortes de faveurs. Guéri d'une grave indigestion par
le docteur qui accompagnait Buonfanti, le sultan de Jakbba, ville de plus
de 100,000 habitants, ne voulait absolument plus consentir au départ des
étrangers. Agé déjà, et aimant la bonne chère, « il Voulait, » dit Buon-
fanti, « par la présence du docteur et de son sel anglais, s'assurer
l'impunité de toutes les indigestions qu'il comptait se donner dans
l'avenir. Quant à moi, mes talents étaient, à son point de vue, d'un
ordre encore plus élevé. Je lui avais fait cadeau d'une botte à
musique. Pendant trois jours, blotti sur son tapis, il ne fit que remonter
la malheureuse boîte ; enfin il l'avait dérangée. Je fus mandé h la hâte au
palais : Sidi-el-Kanem était au désespoir. Je réussis à réparer la boîte ;
quand je la lui remis en bon état, je crus qu'il allait m'embrasser. Depuis
ce jour, sa considération pour moi ne connut plus de bornes, et souvent,
après m 'avoir longtemps regardé comme en extase, il exclamait en sou-
pirant: Whaffatofinga.mintofenga. « Ah! moi je ne suis rien et toi tu
es tout. » Un joui', mis à bout de patience par ses refus, j'insistai pour
en savoir la raison. « Et ma boîte à musique ? me dit*il, qui l'airangerasi
tu pars? » Ce ne fut qu'en lui faisant croire que la boîte ne pouvait plus
se gâter, parce que cette fois le ressort était en kamata (en fer), que je
parvins à lui arracher son consentement à notre départ.»
Les explorateurs se dirigèrent alors vers le Niger moyen par Sokoto, et
l'inhospitalière région du Gouandou, oîi les Mahuri, les Gaberaona, les
Mariadana et les Touaregs de SaJbterma les tourmentèrent par des vexar
tiens de toute espèce. Enfin, le 22 juin de l'année dernière, des hauteurs
de Tanna, ils aperçurent le grand fleuve queMungo-Fark avait descendu
— 211 —
quatre-vingts ans environ auparavant, et que Bartb avait côtoyé cin-
quante ans plus tard, mais qu'aucun Ëuropéen*n'avait encore remonté
dans cette partie de son cours.
Jusqu'ici il paraissait impossible d'en remonter le cours moyen, sur-
tout pendant la saison sèche. Buonfanti se proposa de résoudre le
problème, et il y a réussi, ce qui, indépendamment des renseignements
recueillis dans son voyage jusqu'au Niger, donne à son exploration, et à
la carte du Niger moyen, dressée par lui et publiée par le Bxdletin de la
Société belge de géographie, une grande importance pour la science.
Au moyen de quelques cadeaux il acquit du Roi des eaiix, c'est-à-dire
du chef du port de Say, l'appui dont il avait besoin peut obtenir gens et
bateaux en vue de remonter le fleuve aussi haut que possible. Les ren-
seignements qu'il reçut à Say sur la navigabilité du fleuve se bornèrent à
ceci, c'est que le Niger est de facile navigation jusqu'à Garou, à 220 kilo-
mètres à peu près en amont. « Allons jusqu'à Garou, » se dit-il, et le 25
juia, ceux de ses gens qui devaient le suivre jusqu'à Timbouctou, traver-
saient le fleuve sur cinq bateaux, de 12" de long sur 2" environ de large,
avec un tirant d'eau d'un peu plus d'un mètre.
De Say à Garou, le Niger présente une largeur moyenne de 1700* à
2100", Une vallée marécageuse l'environne à Say, mais bientôt le pays
change et devient magnifique: ce sont des montagnes très larges à la
base, et aux sommets aigus ; des éminences abruptes et blanches de quartz
et de gneiss s'avançant jusqu'au fleuve; des fermes, des habitations en
nattes de palmier ou en argile pétrie ; des blocs de rochers garnis d'arbres
majestueux; des monticules sablonneux entrecoupés de beaux cours
d'eau ; des plantations de coton. Puis viennent des collines verdoyantes
et des prairies couvertes de chevaux, de bœufis, de moutons et de chèvres;
après cela, des îles, de vrais archipels d'îles assez grandes, bien culti-
vées, parsemées de villages et de fermes, entourées de jardins et de bois
remplis de singes et d'oiseaux. Plus loin, le pays plat recommence ; la
vallée s'élargit à perte de vue, et le fleuve coupé en plusieurs canaux
acquiert une largeur de 7 à 8 kilom. On se croirait sur l'Amazone. Le
pilote choisissait presque toujours les canaux les plus rapprochés de la
rive orientale, et Buonfanti conseille aux voyageurs qui le suivront, de
faire de même.
Garou et Sinder sont deux petites villes charmantes, bâties en face
l'une de l'autre, sur deux îles très rapprochées. On y fait un grand com-
merce de céréales. Pour 50 mètres de calicot, Buonfanti reçut 2000 kilog.
de blé; pour un demi-kilog. de grosses perles eu verre, 200^pigeons ; les
-212-
moutons ne Im revenaient pas à un franc la pièce. A Garou il apprit que
le fleuve était navigable jusqu'à Em-N-Aschid, ou cap des Anes. En
amont de Garou sa largeur est de 2 kilom. environ, et sa profondeur
moyenne de 2** à 2"50. Les tles du fleuve forment un réseau de canaux
encombrés de rochers, et les rapides en rendent parfois la naviga-
tion très difScile. En d'autres endroits, les hippopotames et les croco-
dUes sont presque innombrables et ajoutent aux dangers que courent
les embarcations.
Le cap Em-N*Aschid rétrécit le fleuve qui, en cet endroit, n'a plus que
600"" de large. Quoique Buonfanti eût pris à son service le meilleur
pilote de l'tle Fetchili, célèbre pour ses bateaux, ses bateliers et ses
pêcheurs, l'expédition eut beaucoup de peine à remonter plus haut.
D'abord elle eut à lutter contre un courant d'eau d'une dizaine de kilo-
mètres à l'heure; puis le Niger se remplit d'tles se rapprochant beaucoup
plus de la rive orientale que de l'occidentale; elle n'avançait qu'au
travers de rapides et de récifs, du milieu desquels elle ne sortit que grftce
à la dextérité et au sang-froid du pilote. Au delà d'Ayola, le fleuve
reprend un cours paisible et majestueux entre deux rives couvertes de
baobabs, de tamariniers et de palmiers. A Bourré il se rétrécit jusqu'à
TOO"" ; non loin de là on rencontre la pointe méridionale de l'tle Ansongo,
qui n'a pas moins de 25 kilomètres de longueur. C'est le point le plus
scabreux à remonter. Le fleuve se fraie d'abord un passage à travers des
masses de rochers granitiques de 7 à 10*^ de hauteur, bouillonnant, et
tourbillonnant, puis un récif se présente qui paraît le couper dans toute
sa largeur ; le canal est extrêmement étroit, et il faut souvent haler les
bateaux, après les avoir allégés en en débarquant sur l'tle presque toute
la cargaison, pour la transporter par terre jusqu'à son extrémité septen-
trionale. Il est vrai que le Niger était à cette époque extrêmement bas,
et qu'en temps ordinaire les difficultés doivent être moins sérieuses.
En amont de l'île Ansongo, le Niger reprend un cours plus régulier et
une largeur assez considérable ; toutefois les dangers ne cessent pas, vu
les nombreux bancs de sable, la quantité d'hippopotames et de croco-
diles, et l'hostilité des tribus des Touaregs Rouma, de^ Sourhal et des
Gaberos qui habitent les rives du fleuve, et plus encore à cause des arai-
gnées et des serpents qui y pullulent et dont plusieurs espèces sont
venimeuses.
Au delà de Fagona, la vallée du Niger n'est plus qu'un marécage dont
les bords n'ont que l'horizon pour limites, et dont les miasmes sont
pernicieux, fuis il redevient encore une fois un vrai labyrinthe d'em-
— 213 —
branchements et d'îles grandes et plates» et n'est navigable que du côté
deTArribinda, c'est-à-dire le long de la rive occidentale. Plus haut,
À Bourroum, où il décrit une courbe d'environ 30 kilomètres, les îles
deviennent encore plus nombreuses. Son lit acquiert une largeur éton-
nante, et il perd tellement en profondeur qu'en plusieurs endroits il
devient guéable. L'expédition dut attendre la crue des eaux, eu août,
pour pouvoir continuer sa marche.
Après avoir tourné l'arc de Bourroum, la direction est à l'ouest; c'est
à Tossaye que la largeur du fleuve atteint son minimum ; les rives
escarpées le resserrent tellement qu'il n'a plus que 150", et que ses eaux
couraient, le 7 août, avec une rapidité de 10 kilomètres à l'heure. De plus
en plus sinueux, il est dominé au nord par le plateau du désert qui n'a
pas moins de 100" à 150" de hauteur,, et pendant quelques kilomètres se
revêt d'une beauté sauvage surprenante. A une île ornée de groupes de
pabniers séculaires et remplie de beaux chevaux et de gros bétail, suc-
cède im îlot de quartz blanc, dont les reflets donnent aux objets d'alen-
tour les vraies couleurs de l'iris. Un peu plus loin, deux rocs gigantesques
se dressent au milieu du fleuve comme deux piliers ; ce sont les rocs que
les tribus avoisinantes appellent Scabor-man-Barror, ou Porte de Fer.
Entre la rive méridionale et l'un de ces rocs, Barror, un récif formant
une espèce de cascade barre le chemin pendant la sécheresse ; et, entre
les deux piliers, les eaux du Niger se précipitent avec une rapidité de
13 kilomètres à l'heure. Le canal de passage est entre Scabor et la rive
septentrionale ; encore est-il nécessaire d'avoir pour le franchir un pilote
bien familier avec la localité. Jusqu'à Tewilaten on chemine au milieu
d'îlots et de rochers de granit, d'îles verdoyantes et de pauvres villages
qui rappellent les habitations lacustres des temps préhistoriques, au
milieu de bas-fonds et de marais, de bancs de sable et de récifs, de
<^llines richement boisées et de taches de sable avant-coureurs du désert.
Ici, le Niger court de l'ouest à l'est; ses bords reçoivent souvent la
visite des lions, et pendant la nuit ses rives retentissent de leurs terribles
rugissements. Le point le plus septentrional du fleuve est à l'anse de
Terrarat, entre Temlaten et Bamba, par 17° 49' 32" lat. nord. Au delà
de Bamba, jusqu'à Eabra, station .fluviale de Timbouctou, il serait
presque impossible d'en .déterminer la largeur qui change avec les sai-
sons. Son lit n'est pas nettement défini. Les embranchements latéraux
en sont presque innombrables pendant la crue, et des deux côtés le pays
est si bas et si plat, que souvent tout est submergé, et que le Niger se
montre comme un lac qui ne finit qu'à l'hoiizon.
— 214 —
De Eabra, Buonfanti se rendit à Timbouctou, oîi le cheik Ab-el-Omer
mit une de ses maisons à la disposition de Texpédition, et oii celle-ci
retrouva quelques-uns des avantages de la vie civilisée pour se restaurer:
du pain, dont elle n'avait pas goûté depuis 17 mois, du lait, du riz, delà
viande excellente, à bon marché, des pigeons à deux centimes la
pièce, de belles oies à trois sous, des citrons, du sucre, du thé, du
café; etc.
Au sud de Timbouctou, et au centre du grand arc décrit par le Niger,
se trouvent les trois royaumes de Tombe, Mossi et Gourma, encore
presque inconnus. Buonfanti résolut de regagner le golfe de Guinée en
les traversant pour les faire mieux connaître.
Laissant à Timbouctou, le La Mecque des Soudaniens de l'Ouest, les
gens qu'il avait engagés pour le voyage sur le Niger, et ceux qui l'avaient
suivi du Bornou et de Sokoto, Buonfanti recruta une nouveUe caravane
de 250 hommes, y compris une cinquantaine de Mossi^ avec des ânes
excellents, qui avaient apporté à Timbouctou une cargaison de noix de
kola. Les Mossi sont les grands trafiquants de cette denrée. « Cette
caravane ressemblait, » dit l'explorateur, « à une vraie mascarade : des^
Arabes à cheval, deux sur une monture: des Touaregs Rouma, la figure-
couverte de châles de toutes les nuances entre le blanc et le rouge ; des^
hommes portant des chemises bleues ou blanches, ou des tuniques for^
mées de bandelettes de calicot blanches et noires cousues ensemble, ou
de petits tabliers en cuir, en cotonnade, en plumes d'autruche ou eu
fibres de palmier tissées, et armés de vieux fusils ou d'épieux ; des nègres
à la figure couverte d'incisions profondes ou tatoués dans tous les sens
de toutes sortes de dessins ; d'autres à la tête rasée, ou bien portant des
chevelures énormes, toufiues, semblables à de gros melons en laine noire
ou pétris avec de la couleur rouge. Ajoutez h cela les ânes, des chameaux,
la provision de défenses d'éléphants portées suspendues à de longues
barres de bois placées sur les épaules des nègres marchant l'un devant
l'autre, les colis, enfin les explorateurs, Buonfanti et le docteur Van
Flint montés sur des ftnes,et le parasol à la main.»
Côtoyant un embranchement du fleuve, au milieu de sables et de
terrains marécageux, l'expédition atteignit Bambara le 19 septembre, et
établit son camp à 500"'au sud de la ville. La bienvenue lui fut souhaitée à
la mode du pays. A minuit,tine troupe d'hommes,précédéspar une foule
de femmes jeunes et dansant de la manière la plus drôle en s'accom-
pagnant d'un chant monotone, s'avança, divisée en groupes de six,
portant des plats de trois mètres de circonférence surchargés de riz, de
— 215 —
viande, et de kouskousso^ Les populations du Tombe, dans lequel
entrèrent bientôt les voyageurs, se montrèrent peu hospitalières, et les
poursuivirent de vexations et d'extorsions sans cesse renouvelées. A
Karti, le gouverneur du Kimbori leur rendit visite en grand équipage
militaire, et leur fit comprendre que, comme ils étaient sur son territoire,
tout ce qu'ils avaient lui appartenait. U voulut examiner leurs bagages
et s'approprier tout ce qu'il voyait, surtout les boussoles pour aller
piller, dans les nuits sombres, les Karimi ses voisins, Buonfanti lui ayant
dit que cet instrument était le guide le plus sûr pour reconnaître son
chemin, même dans l'obscurité. A Touriba,le chef des Marimi, soupçon-
nant chez les voyageurs des motifs cachés qui compromettaient la liberté
de son pays, les menaça de les faire pendre par les pieds au palmier le
plus élevé dulieu,pour peu qu'ilseussentlamoindreidéed'hostilité envers
hii et ses sujets. Ce supplice est souvent infligé au Tombe. On choisit un
des plus hauts palmiers, et petit à petit on le courbe jusqu'à terre, puis on
le fiixe dans cette position au moyen d'une corde liée au pied d'un arbre
voisin. On en coupe les branches à la hauteur de 75 centimètres environ,
et Ton on en fait une espèce de cage où l'on enferme solidement ou la
tête ou les pieds de la victime, après quoi on lâche la corde, et l'arbre
reprend sa station droite entraînant avec lui le supplicié, dont les oiseaux
carnassiers font leur pâture, ne laissant bientôt plus qu'un squelette
desséché par le soleil.
L'hostilité des gens du Tombe devenant de jour en jour plus pro-
noncée, les voyageurs n'avançaient qu'avec la plus grande peine. Ils
purent cependant envoyer un messager au roi, à Arre, la capitale, avec
de riches cadeaux pour obtenir sa protection. Le roi leur fit dire qu'ils
étaient ses hôtes et qu'ils n'avaient rien à craindre. Les Mossi qui fai-
saient partie de la caravane leur conseillaient de ne pas se fier à ces
promesses, mais Buonfanti et Van Flint ne les écoutèrent pas. Ils traver-
sèrent avec un peu plus de facilité le Ghetto et le Sanghi, mais, le 23
décembre, à quelques kilomètres de Maritou, ils furent tout à coup
enveloppés par un millier de gens de cette localité qui brandissaient leurs
lances avec fureur et poussaient des cris formidables. Buonfanti fit
arrêter la caravane, s'avança vers le chef de la tribu qui lui barrait le
passage, et voulut se prévaloir de la protection du roi ; ses gens pri-
rent la fuite, et les Maritous s'emparèrent des bagages de la caravane.
^ Boulettes de froment broyé et mélangé avec du lait caillé ou du beurre végétal
et cuites au bain-marie.
— 216 —
En vain Texplorateur se rendit-il à Arre, pour rappeler au roi sa pro-
messe; au lieu de lui faire rendre justice, celui-ci fit saisir trois colis qui
lui restaient encore, en sorte que Buonfanti et son compagnon durent
achever leur voyage sans provisions aucune, avec une boussole, quelques
litiges de cognac et une couverture de laine, se nourrissant de hyrgou
(miel végétal), du jus que renferment les fruits du baobab et de quelque
oiseau ou singe tué par eux et rôti sans sel.
Pendant quarante jours ils errèrent presque au hasard dans le Mossi,
se dirigeant vers Test pour tâcher d'arriver & une station de mission-
naires romains qu'on leur avait dit être dans le Bousanga. Le 2 février
ils atteignirent Kiranoro, Tendroit oîi se trouvait la station, dont
les missionnaires les restaurèrent et les mirent à môme de continuer
leur voyage vers la côte, avec un guide et quelques hommes de la mission.
Traversant le Dagomba et le Dahomey, ils arrivèrent le 5 mars en vue de
Lagos, après vingt-deux mois de fatigues et de dangers. Les vicissitudes
de ce voyage n'avaient pas découragé Buonfanti. En eftet, comme nos lec-
teurs le savent, à peine avait-il revu la terre d'Europe, que S. M. le roi
des Belges l'engageait à faire une nouvelleexplorationdans la région du
Congo. Nous avons déjà annoncé son départ pour Rudolfstadt, station
du Comité d'études du Congo à l'embouchure du Quillou.
BIBLIOGRAPHIE
La DERNIERE Égvpte, toxto ot dossius par Ludovic Lepic. Paris
(S. Charpentier et C^), 1884, grand in-8% 315 pages, fi-. 10. — Pour-
quoi ce titre, demandera-t-on ? L'auteur nous l'expUque dans les quel-
ques lignes de sa préface. La dernière Egypte, c'est la description du
pays tel qu'il était avant le bombardement d'Alexandrie, car, depuis ce
moment, le gouvernement quasi-indépendant, fondé par Méhémet-Ali et
ses fils, a cessé d'exister. L'Egypte n'est plus aux Égyptiens.
Ce récit d'un voyage d'Alexandrie & Assouan, limite de l'Egypte pro-
prement dite, est d'une lecture facile et même attachante ; ce sont de
simples notes prises en chemin de fer, en dahabieh, ou en errant au
milieu des ruines ; mais ce style coupé, ces phrases courtes, qui souvent
ne rendent pas toute la pensée de l'auteur et que le lecteur achève
' On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à fiàle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 217 —
sans peine, sont précisément ce qui convient le mieux à ces narra*
lions.
Cette œuvre est, avant tout, celle d'un artiste. La description des
monuments antiques, des riches et nombreuses trouvailles iaites depuis
la fondation de Tlnstitut égyptien, le seul résultat de Texpédition de
Bonaparte, occupe des chapitres entiers. Il est certainement intéressant
de faire, avec M. Lepic, cette revue de Tart égyptien, car il la conduit
avec l'expérience d'un critique de premier ordre, et sait remailler de
traits d'esprit, d'anecdotes charmantes sur les querelles entre les cher-
cheurs d'antiquités, et sur l'histoire de certaines découvertes archéolo*
giques. Cette étude savante des travaux de Mariette et de Maspero, du
musée de Boulaq, de la plaine des Pyramides, des ruines de Thèbes et de
tous les débris d'une civilisation vieille de plusieurs milliers d'années, est
accompagnée de nombreuses gravures explicatives. On nous permettra
de trouver quelques-unes d'entre elles trop noires et pas assez soignées.
Ce sont probablement des réductions d'aquarelles, de croquis faits à
grands traits et sans aucun souci du fini dans le dessin, de rectitude
dans les lignes et les contours ; d'un grand effet, peut-être, s'ils sont
vus à une certaine distance, ces dessins ne disent rien à l'œil lorsqu'ils
sont reproduits par la gravure, et ne donnent aucune idée des objets
que l'artiste a voulu représenter.
A côté de cette revue^ des monuments de l'Egypte antique, l'auteur
donne, chemin faisant, une description du sol, du grand fleuve, des habi-
tants et de leur vie. Là aussi se retrcîuvent la verve et l'humour char-
mants qui le caractérisent; nous ne pouvons cependant nous empêcher
de remarquer que certaines peintures de mœurs sont trop réalistes.
L'ouvrage aurait gagné à ce qu'elles fussent passées sous silence.
Egypt and THE EorPTiAN QUESTION, by 2). Mockemie-Wallcice, Lon-
don (Macmillan and C"), 1883, in-8, 521 pages, 18 fr. — La question
égyptienne n'est qu'une partie de la grande question d'Orient, mais
aujourd'hui elle fait oublier la péninsule hellénique et ses petites nations
remuantes. L'avenir de l'Egypte préoccupe le monde politique, en
Angleterre surtout, car cette puissance est directement intéressée à
maintenir son influence sur toute l'étendue de la route des Indes, dont
l'Egypte tient la clef.
M. Mackenzie-Wallace a voulu fournir à ses lecteurs la possibilité de
se retrouver dans ce labyrinthe, et pour cela U a examiné le sujet sous
toutes ses faces. C'est donc un livre de géographie économique et politi-
— 218 —
que qu'il a écrit; cèpeDda;nt comme il faut, pour comprendre la situation
matérielle d'un pays, se faire une idée exacte de sa configuration et de
ses conditions physiques, le premier chapitre est consacré à une descrip-
tion rapide, à vol d'oiseau, pour ainsi dire, du Delta et de la vallée du Nil.
L'auteur aborde ensuite son sujet et le traite avec une hauteur de vues,
une sagacité de jugement remarquable, ne se contentant pas d'exposer
les opinions reçues, mais les examinant et les sondant jusqu'à ce qu'il
découvre ce qu'il croit être la vérité. L'oeuvre des khédives qui ont
occupé le trône d'Egypte depuis Méhéraet-Ali, l'administration égyp-
tienne et ses abus criants, la récenùe insurrection et ses causes, la vie et
le travail du fellah, l'organisation de la commune égyptienne, tous ces
sujets sont traités avec compétence, quoique au point de vue anglais.
M. Wallace n'a pas de peine à prouver que la mauvaise situation de
l'Egypte provient d'une foule de causes, au nombre desquelles il faut
citer le déplorable régime administratif et le mauvais système de cul-
ture. Tous les mudirs, les beys, les pachas et les nombreux employés à
petits traitements obèrent le budget, oppriment et pressurent le paysan.
D'autre part la commune égyptienne est mal organisée, et la méthode
employée en agriculture, aurait dû être modifiée depuis longtemps.
Dans la haute Egypte, on utilise encore, ainsi qu'au temps des Pharaons,
comme moyen unique d'irrigation, l'inondation naturelle, et dans la
moyenne et la basse Egypte, ce système devrait être amélioré en tenant
compte de l'exhaussement du pays, par suite des alluvions du fleuve. Le
sol s'épuise et n'a plus sa fertilité proverbiale ; aussi, après des années
d'une prospérité inouïe, dues à des circonstances spéciales, telles que la
guerre de Crimée, la guerre de sécession aux États-Unis et le percement
du canal de Suez, passe-t-on maintenant par une période de malaise.
Que faut-il fah-e pour remédier à cette situation ? M. Wallace ne donne
pas un plan complet de réorganisation de l'Egypte, mais pour lui.
Anglais, il faut, avant tout, que le gouvernement britannique prolonge
la durée de l'occupation armée, pour pouvoir conserver une influence
prépondérante sur le canal de Suez.
D''K.-Â.Zi'Fr£L. Die Sahara. Ibre physische und geologische Beschaf-
fenheit. Cassel (Theodor Fischer), 1883, in-4*, 42 pages, 16 fr. — L'im-
mensité du Sahara, ses rapports avec les autres paities de ce demi-cercle
de déserts qui s'étend de l' Océan Atlantique jusqu'en Mandchourie, don-
nent à cette région de l'Afrique une importance majeure. Mais il s'y rat-
tache des questions scientifiques de premier ordre, queM.Zittela toutes
— 219 —
passées en revue daùs cette savante monographie. S'aidant des recher-
ches d'autres voyageurs pour les parties qu'il n'a pas explorées lui-même,
il décrit l'aspect et la structure géologique des différentes parties du dé-
sert : le plateau de la Hamada, les montagnes, le désert d'érosion, les
oasis, le désert de sable et les dunes.
Une fois l'étude de l'état actuel du Sahara terminée, l'auteur a voulu
conclure en donnant son avis sur une question controversée, celle de la
mer saharienne. C'est là surtout que sa méthode scientifique rigoureuse
lui est nécessaire, pour lui permettre de se retrouver au milieu des opi-
nions diverses émises par les savants et les voyageurs qui ont traité ce
sujet avec le plus d'autorité, tels que Desor, Escher de la Linth, Mares,
Roudaire, Bourguignat, Pomel, etc. Les 17 thèses par lesquelles il ter-
mine cet examen comparatif tendent à faire écarter l'idée d'un ancien
océan saharien. Cette hypothèse ne se vérifie, en eflfet, ni par la struc-
ture géologique du sol, ni par la nature de la surface du désert. Tout au
plus peut-on admettre que la région des chotts a été en communication
avec la mer Méditerranée, et la petite dépression entre Alexandrie et
l'oasis d'Ammon, avec la mer Rouge. Mais l'aspect de la région saha-
rienne, la formation de nombreuses vallées aujourd'hui desséchées, de
falaises, de monts isolés, doivent être attribués à l'action érosive des
eaux douces. De plus le sable qui recouvre le désert ne provient, d'après
l'analyse, que de la décomposition des roches de grès qui dominent par-
tout dans le Sahara moyen et méridional ; sa distribution et son accu-
mulation sont simplement l'œuvre du vent et non celle des flots de la mer.
A TRAVBats LE Zanguebar, par le J2. P. Le Roy. Lyon (Bureau des
missions catholiques, 6, rue d'Auvergne), 1884, in-8, 202 p. avec gravures.
—Récit d'une excursion accomplie par deux missionnaires catholiques à
la recherche d'un emplacement propre à la fondation d'un village chré-
tien, comme ils ont coutume d'en établir dans l'Afrique orientale. Ces
villages sont habités par de jeunes noirs convertis, que les pères ont re-
cueillis sur la côte et auxquels ils ont appris à lire, à écrire et à travail-
ler ; ils construisent eux-mêmes leurs cases, défrichent la forêt, la jungle,
et parviennent à tirer parti d'une région délaissée. Certes, ce n'est pas
l'œuvre d'un jour, mais une entreprise longue et difficile, exigeant en
particulier de fréquentes expéditions qui, pour être courtes, n'en pré-
sentent pas moins certains dangers. Celle dont il s'agit conduisit les deux
missionnaires, de Bagamoyo, ce hameau jadis si misérable, devenu une
ville de 10,000 âmes, à Mwényé-Sagara, localité voisine de la station
— 220 —
française de Eondoa. La narration, pleine d'entrain et de bonne humeur»
riche en détaUs instructifs concernant la flore, la faune, les mœurs des
habitants sera, lue, surtout par les jeunes gens, avec un vif intérêt.
Trois ans dâks l'Afrique australe. Débuts de la mission au Zam-
bèze. Lettres des P. Depelchin et Oroonenherghs.
a) Le pays des Ma-Tébélé.
h) Au pays d'Umzila. Chez les Ba-Tonga. La vallée des Ba-Rotsé. —
Bruxelles (PoUeunis, Ceuterick et Lefébure), 1882-83, in-8*, 2 vol., avec
carte, fr. 10. — Ces lettres, qui ont déjà été publiées pour la plupart
dans la revue belge, les Précis historiques y racontent l'histoire de la
mission romaine au Zambèze, depuis ses débuts, en 1879, jusqu'en 1882»
Organisée par son supérieur, le P. Depelchin, missionnaire belge, qui
avait passé 18 ans dans les stations de l'Inde anglaise, elle quitta l'Eu-
rope le 3 janvier 1879 pour le Pays du Cap. Le premier volume donne
le récit de l'organisation de la caravane, du voyage de Port-Élisabeth^
par Grahamstown,Kimberley,Schoshong etTati à Gubulawayo, capitale
des Ma-Tébélé où la mission fut installée. Mais cette station ne fut, pour
ainsi dire, que le quartier général des religieux qui, de là, se dirigèrent,
les uns vers le Zambèze moyen, les autres vers la côte de Sofala. C'est
dans le second volume que se trouve la narration de ces voyages. Ceux
qui ont eu pour théâtre le pays d'Umzila, n'ont pas eu de résultat prati-
que au point de vue missionnaire. Plus intéressantes sont les expéditions
du P. Depelchin à Panda-Ma-Tenka, à Wankie et chez les Ba-Rotsé.
C'est en lisant ces lettres, dont quelques-unes sont émouvantes dans
leur simplicité, qu'on se rend compte des difl&cultés et des dangers de
toute nature qui attendent le missionnaire dans ces régions lointaines.
H doit s'aguerrir contre les privations, les souffrances ; ne pas épaigner
sa peine, ni ses courses à travers des contrées, ici semées de fondrières,
là couvertes de forêts inextricables où les bêtes féroces abondent, et
où les indigènes s'unissent à elles pour lui barrer le passage. Touchante
histoire que celle de ces hommes séparés du reste du monde, se dévouant
pour apporter un peu de lumière chez ces pauvres populations, et ne re-
cueillant, pour la plupart, comme prix de leurs travaux, que la mort au
milieu des marécages. Dans les deux volumes qui nous occupent, nous
ne voyons pas moins de dix de, cep pionniers tomber au champ d'hon-
neur. ^
ÉCHANGES
t
1
Amsterdam.
Aavers.
Berlin.
Brome.
Bruxelles.
Berlin.
Soolétés de géographie.
Constantine. Hambourg. Lisbonne.
Douai. léna.
Francfort '/M. Le Caire.
Greifswald. Leipzig.
Halle. Lille.
Lvon.
Madrid.
Marseille.
Montpellier.
Nancy.
New-Vork.
Oran.
Paris.
Sooiétéfl de géogxapliie emnmerolale.
Bordeaux. Paris. Porto.
XiflBlons.
Rochefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Saint-Gall.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XlXme siècle
(Nenchàtel).
Journal de TUnité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmen).
B^liner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (B&Te).
Ëvangelisches Missions-Magazin (BÂle).
Calwer Missions -Blatt (Clalw).
Allgemeine Missions- Zeitschrift (GUters-
- loh).
Glaubensbote (Bftle).
Africa (Londres).
La Nigrizia (Vérone).
Church missionary Intelligencer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionary (New-York).
Régions beyond (Londres).
C^onicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Church of
Scotland (Edimbourg).
Missions Pield (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Ëdimbourff).
Missionary Record of the united presby-
terian Church (Edimbourg).
(Central Africa (Londres).
Woman*s foreign missionary Society
(Philadelphie).
Divers.
£xpl<Mration (Paris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du (jomice agricole (Médéa).
Bulletin de l'Académie d'Hippone (Bone).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris).
Revue géographique internationale (Paris).
Le Mouvement géographique (Bruxelles).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deatsche Rundschau fUr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift far den
Orient (Vienne).
Zeitschrift fUr wissenschaftliche (Géogra-
phie (Lahr).
Aus allen Welttheiien (Leipzig).
. Deutsche Kolonialzeilung (Francfort s/M).
Chamber of Commerce Journal (Londres) .
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
BoUettino délia Societa africana d'Italia
(Naples).
Esplorazione (Naples).
Marina e Commercio, e Giornaie délie co-
lonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portnguezas (Lisbonne).
Revista de Estudos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine).
Moniteur de TAlgérie (Alger).
Dr A. Petermann s Mittheilungen (Gotha)
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Record of geogra
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
C^pe Argus (Cape-Town),
West African Reporter (Sierra Leone)
Etc.| etc.
SOMMAIRE
Bulletin mensuel 197
Nouvelles complémentaires 207
De Tbipou au golfe de guinéb 209
Bibliographie :
La dernière Egypte, par Ludovic Lepic 216
Egypt and the Egyptian Question, by D. Mackenzie-Wallace 217
Die Sahara, von D' K.-A* Zîttd 218
A travers le Zanguebar, par le B. P. Le Roy 219
Trois ans dans l'Afrique australe : a) Le pays des Ma-Tébélé ; h) Au
pays d'Umzila. Lettres des P. Delpechin et Croonenberghs 220
OUVRAGES REÇUS :
Association internationale du Congo. Mémoire sur les observations météorologi-
ques faites à Vivi et sur la climatologie de la côte S.-O. d'Afrique en général,
par A. von Danckelman, J)^ phil. — Berlin (A. Asher et C°), 1884, in-4S 92 p.
et carte.
Societa geografica italiana. Terzo congresso geografico intemazionale, tenuto à
Venezia dal 15 al 22 settembre 1881. Volume seconde. Communicazioni e
memorie. — Rome, 1884, in-8*», 665 p.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
LAFRIÛIIE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
M. Gnstaye MOTSISB
Membre de la CommlatioD intemationale de Brnxellos pour rexploration et la omllBation
de TAfrique centrale ; membre correspondant de l*Âoadémio d*fllppono ,
et des Sociétés de géograpbie de Marseille, de Nancy, do Loanda et de Porto.
RÉpiGli PAR
M. Charles FATJBE
SiucréUiire^Blbllothéeaire de la Société de géographie de GenèTO , membre correspondant dos Sociétés
de géographie de Lisbonne, dQ Loanjla. d» Porto et de Sai|^t*Oa]I.
ié'Afriqtte parait le preriiier lundi de chaque mois, par livraisons in-8o d*au
moins 20 pages chacune ; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que pela
parait nécessaire.
Le prix de Tabonnement annuel, pajable d'aTance» est de 10 Aràiies»
port compris^, pour tous les pays de TUnion postale (première 2one); pour les
autres, 11 fr. .150.
' Tout ouvrage nouveau relatif à F Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit h an «ompie rendu*
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. Onstave Mojmier»
8, rue de l'Athénée» h Genève (fiNiimie).
S^ndremier ponr les abonnements h l'édltenr, M. H* Oeorg, ik
Genève on h BAle.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Ch, Delagrave, libraire, 15, rue Soufflet, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la Cour, 43, rue de la Ré^jence, à Bruxelles.
DuMOLARD frères, libraires. Corso Vittorio Ennnanuele, 21. ii Milan.
F,-A. Brockhau^ libraire. Querstr., 29, à Leipzig.
L. Friederichsbn et C*«, libraires, Admiralitaisstr, 3/4, à Hambourg
Wiihelm Frigk, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autriche).
Trubner et C**, libraires, Ludgate Hill, 57/59. à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
AVIS. — N(m8 mettons à la disposition de nos nouveaux abonnés, au prix de
13 fr. chacuny un certain nombre d'exemplaires complets de la U'»", de la IH""^
et delà JP»* année. La I'* est épnùiée.
— 221 —
■i
BULLETIN MENSUEL {6 octobre 1884. )'
9
Nous avons eu déjà plusieurs fois à enregistrer, dans notre Bulletin,
des projets de chemins de fer en Afrique, qui ne sont point encore réali-
sés, et dont l'exécution paraît aujourd'hui indéfiniment ajournée; ainsi,
celui d'Alger à Tombouctou, celui de Tripoli, au lac Tchad. Eien ne nous
garantit qu'il n'en sera pas de même pour le projet annoncé par le jour-
nal Marina e Commercio, d'après lequel il serait question d'un cbemm
de fer de Paris à Bombay par FAfrlque septentrionale. Les
principales stations africaines seraient Tanger, Tunis, Tripoli et le
Caire. Cette ligne se raccorderait avec celles de l'Algérie, de la Tunisie et
de l'Egypte, d'oîi, par la vallée de l'Euphrate et Kurrachir, elle rejoin-
drait le réseau indien de Bombay, Calcutta et Madras. Les études en
sont confiées à des ingénieurs français et anglais. Les frais en sont éva-
lués à 250 millions de francs. Des démarches ont lieu auprès des divers
gouvernements intéressés, pour obtenir d'eux les concessions nécessaires.
Quelle que puisse être l'importance pour le nord de l'Afrique d'un projet
aussi colossal, nous croyons qu'il s'écoulera encore un Iqpg temps avant
que l'on passe à son exécution.
Nous n'avons pas à aborder la question des procédés plus ou moins
audacieux de la politique anglaise en Egypte depuis l'échec de la
conférence de Londres. En revanche les préparatifs de l'expédition orga-
nisée pour délivrer Gordon, et aussi, pensons-nous, les garnisons égyp-
tiennes de Kassala, de Kéren et des provinces équatoriales, sont de
nature à réclamer toute notre attention. Quelque tardifs qu'ils soient,
puisque l'on a laissé passer l'époque de la crue du Nil, dont on avait cru
d'abord pouvoir profiter, il est néanmoins intéressant de voir le zèle
déployé pour faire construire des centaines de bateaux d'un faible tirant
d'eau, et amener sur les bords du Nil, pour la fin de septembre, les
Kroumen de l'Afrique occidentale et les bateliers canadiens, qui devront
faire franchir à ces embarcations les rapides du Nil, au moins jusqu'à
Wadi-Halfa, oîi doit s'opérer la concentration du corps expéditionnaire.
De là, les bateaux ont un millier de kilomètres de navigation à fafre pour
atteindre Berber et rejoindre les vapeurs de Gordon* A en croire les
* Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Nouvelles com-
plémenta/ùres y sont classées suivant un ordre géographique constant^ partant de
l'Algérie, puis allant à PEst, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
L'AFRIQUE. — CINQUIÈMB ANNÉE. — N® 10. 10
— 222 —
messages attribués à ce dernier, Khartoum serait momentanément
dégagé, et l'évacuation semblerait pouvoir s'opérer sans trop de diflScul-
tés, aussi l'expédition projetée paraît-elle devoir être réduite de beau-
coup. — D'après le journal Marina e Commercio, le représentant de
S. M. britannique au Caire a informé M»' Sogaro que les missionnaires
du Eordofan étaient en bonne santé k la date du 11 août. Il est bon
d'ajouter que cette nouvelle était transmise au Caire par le mudir de
Dongola, qui la tenait lui-même d'un courrier arrivé d'auprès du Mahdi.
— Près des frontières de l'Abyssinie, le traité conclu entre l'amiral
Hewett et le négous a produit jusqu'ici un résultat contraire à celui
qu'on espérait. Au lieu de protéger les garnisons égyptiennes, le général
abyssin Ras-Aloula a attaqué celle de Kéren et a été mis en déroute
par les troupes égyptiennes.
M. M. Camperio, directeur de VEsploratore, a reçu des lettres de
Blanchi, qui lui a envoyé en même temps le journal de son expédition,
du 10 mars au 5 mai, pour faire taire les bruits inquiétants répandus à
son sujet. Nos lecteurs se rappellent que le voyageur italien, avec ses
compagnons, MM. Monari et Diana, se' proposait de descendre du pla-
teau du Tigr* à Assab par une route directe. Il traversa le pays des
Tantali et des Danakils de Sereba et de Kila, et se trouva à 200" au-
dessous du niveau de la mer. Tous les torrents étaient à sec ; quelques-
uns des affluents du Gualima se perdent en été avant d'arriver à leur
confluent. Il laissa sur sa gauche le lac Alelbad, pour chercher une route
plus directe vers la colonie italienne. Mais la plupart de ses gens prirent
la fiiite, et, en apprenant cette défection, le gouverneur de Mekalé
ordonna qu'on ramenât l'expédition à Adoua. Bianchi refusa de repasser
la frontière, mais dut reconduire sa caravane à Seket, et se rendre lui-
même à Mekalé, pour écrire au négous et aviser aux mesures à prendre.
Le roi Jean le laissa libre d'agir à son gré, et Bianchi résolut de tenter de
nouveau de se rendre directement à Assab. Ayant moins de gens avec
lui, il redoutait moins de manquer d'eau en route. Le journal de voyage
envoyé à M. Camperio renferme quantité d'observations barométriques
et thermométriques, ainsi que des détails sur la nature du pays par-
couru et sur l'altitude des points visités. — A la station du Godjam,
M. Salimbeni dirigeait la construction d'un premier pont sur le Nil-
Bleu. — Quant à celle de Let-Marefia, au Choa, la Société italienne de
géographie a désigné, pour la diriger, M. le D' Regazzi, qui y passera
cinq ans, et devra s'efforcer de créer un établissement au Kafïa. D par-
tira pour le Choa avec le comte Antonelli et la caravane attendue à
Assab.
— 223 —
Les Proceedings de la Société de géographie de Londres publient la
lettre suivante de M. H.-H. Johnston» datée du 18 juin, d'Ouvoura
dans le Chagga, à 1600"^ d'altitude, a Depuis une semaine environ je suis
établi sur le Kilimandjaro, campé dans un des sites les plus agréa-
bles du monde. Au-dessus de moi s'élève, dans l'azur profond du ciel, la
cime neigeuse du Kibo ; autour de moi sont de vertes collines et des
ravios boisés, dans les profondeurs desquels des cascades bondissent de
roc en roc, et rafraîchissent le feuillage de fougères luxuriantes ; devant
moi s'étend une vaste plaine bleuâtre, « le vaste monde, » comme dit
fièrement mon hôte, le chef Mandara; au sud ma vue n'est bornée que
par l'horizon lointain. Perché comme je le suis ici sur l'épaulement d'un
grand éperon de la montagne, il me semble que je suis au niveau du vol
des vautours qui s'élèvent péniblement plus haut, et qui se balancent et
tournent en cercles au-dessus des abîmes terribles qui sont à mes pieds.
Quand j'aurai terminé ma première installation, je me mettrai à faire un
tableau de ce que je vois devant moi et j'appellerai cette vue « à vol de
vautour. » Voici le côté brillant de ma position : beau paysage, bon cli-
mat, des serviteurs fidèles et des études à mon goût. Le côté sombre
c'est d'être soumis aux caprices d'un tyran africain, dont la faveur me
luit aujourd'hui, mais qui peut, d'un instant à l'autre, changer de dispo-
sitions, et renverser tous mes châteaux en Espagne. Beaucoup de gens
me demanderont : pourquoi vous êtes- vous mis en son pouvoir ? Pour-
quoi ne pas aller dans quelque partie de la montagne ou le pays est
inhabité, et où vous auriez toute liberté de poursuivre vos investiga-
tions ? Â cela je répondrai qu'aucune partie habitable du Kilimandjaro
n'est sans propriétaire. D peut paraître très agréable d'aller et de
vivre dans une forêt vierge, h 3000" au-dessus de la mer, et de se nourrir
de ramiers et de poules de Guinée, mais c'est impraticable. Quand vous
avez une trentaine d'hommes vigoureux à nourrir, ils protestent contre
la maigre chère que fournit la forêt ; aussi faut-il dresser son campement
assez près d'un village indigène pour qu'il soit facile de se procurer des
vivres. En outre, il est impossible h ces natife des pays chauds de la côte
de supporter le froid rigoureux des nuits à 3000" de hauteur. Par con-
séquent, une altitude inférieure est préférable comme station centrale.
Enfin en me rendant chez Mandara, je n'ai affaire qu'avec un tyran;
dans les districts de Taveta et des Masaï, leur nombre est légion, il faut
que chaque petit chef ait son présent ; ils sont désunis dans leurs rela-
tions d'amitié, et unis dans leurs inimitiés. Mandara a un grand respect
pour sir John Kirk, et m'a traité beaucoup mieux que mes prédéces-
— 224 —
seurs, uniquement parce que je suis arrivé chez lui avec deux formida-
bles lettres de recommandation du consul, l'une en souahéli, Tautre en
arabe. Espérons donc qu'il me laissera courir en paix les montagnes,
tirer et écorcher mes oiseaux et mes mammifères, faire mes collections
d'insectes, presser mes plantes et peindre mes tableaux.»
Une nouvelle expédition de l'Association africaine
internationale partira, dit le Mouvemefit géographique^ vers la
mi-octobre, pour Zanzibar; elle sera commandée par le lieutenant Bee-
ker , qui a déjà été h Earéma, et qui aura sous ses ordres quatre autres
oflBciers belges, MM. Durutte, Dubois, Dhanis, et Mollem. Après avoir
complété leur caravane que prépare en ce moment, à Zanzibar, M. Cam-
bier, les voyageurs se dirigeront, par Mpouapoua et Tabora, vers
Karéma. Dès qu'ils y seront arrivés, M. le capitaine Storms, chef de la
station, reprendra le chemin de l'Europe. Laissant alors un ou deux de
ses adjoints à Karéma, M. Becker passera sur la rive occidentale du
Tanganyika, h la station de Mompara, dont un autre adjoint prendra la
direction; puis il s'avancera vers le Congo, à travers le Manyéma, en
suivant plus ou moins la route parcourue par Livingstone, Cameron et
Stanley, jusqu'à Nyangoué, le grand centre commercial arabe, que gou-
verne le cheik Tippo-Tippo. Une nouvelle station sera établie dans ces
parages, et la grande chaîne de stations hospitalières à travers l'Afrique,
préconisée par la conférence de Bruxelles, en 1876, sera bien près
d'être complétée. D ne restera plus qu'à relier la station de Nyangoué à
celle des chutes de Stanley, établie au mois de décembre dernier. L'ex-
pédition emporte avec elle deux petites voitures, analogues à celles qui
ont déjà rendu de grands services au Sénégal, lors de la construction du
chemin de fer de Bakel à Bafoulabé ; ce sont des véhicules, à la fois voi-
ture et canot, étanches et flottables. Chacune d'elles peut transporter
une tonne (1000 kilogr.), et il suffit de huit à dix hommes pour les traî-
ner. La charge d'un porteur de caravane étant de 30 kilogr., il en faut
ordinairement de trente-cinq à quarante pour transporter une tonne,
sans compter la nourriture nécessaire pour le voyage. Si ces voitures
rendent, sur le chemin de Zanzibar à Earéma, les services qu'on attend
d'elles, il en résultera une grande économie pour les expéditions.
Les missionnaires de renfort envoyés par la Société des missions de
liOndres, au Tanganyika, par le Chiré et le Nyassa, après avoir quitté
Quilimane, le 23 juillet, et remonté le fleuve sur une dizaine de kilo-
mètres, atteignirent la viUe de Marondery. Là, ils furent informés par
l'agent de la Compagnie des lacs, à Msezaro, que la guerre avait éclaté
— 225 —
parmi les gens de llassms^ire, et qu'ils feraient mieux de retourner
en arrière. De tous côtés apparaissaient des natifs, armés de carabines
et de lances. Les missionnaires firent une tentative pour atteindre Mœ-
zaro, mais on leur fit savoir que la guerre durerait longtemps, que.leurs
provisions pourraient être perdues et qu'ils resteraient sans ressources.
Aussi résolurent-ils de revenir à Quiliraane. Avant d'arriver à Maron-
der}', ils rencontrèrent de nonibreux bateaux chargés de femmes et
d'enfants indigènes, descendant le fleuve. D'après des lettres de Mozam-
bique, les natife ont massacré la garnison portugaise de Massingire,
composée d'un capitaine, d'un lieutenant, de deux sergents et de vingt-
neuf soldats. Quatre négociants portugais et le chef de l'entrepôt des
missions anglaises de Chirongué ont également été tués. Après s'être
emparés de quatre canons portugais et de munitions, les indigènes ont
ravagé les campagnes, pillé plusieurs maisons de commerce, puis ils sont
descendus jusqu'au village de Mopéa, où ils ont détruit la plantation
exploitée pour le trafic de l'opium. Dès lors une dépêche de Mozambi-
que a annoncé que Mopéa a été repris par les troupes portugaises, qui
vont poursuivre les indigènes à Massingire où ils se sont réfugiés. Pour
le moment, le trafic par le Chiré est complètement arrêté, et toutes les
routes de l'intérieur sont bloquées.
Le Volksraad du Transvaal a ratifié la nouvelle convention conclue
par ses délégués à Londres. Toutefois, avant le vote, l'assemblée a pro-
testé contre le règlement de la question de délimitation, notamment à
la frontière occidentale de la république; contre le droit de veto que
s'est réservé le gouvernement anglais dans les questions de traités que
la république pourrait éventuellement conclure avec l'étranger; enfin
contre le règlement de la question de la dette. — D'autre part les conflits
entre les Boers et les Be-Chuana de la frontière occidentale, placés
sous le protectorat anglais, ont continué. M. Mackenzie, nommé
récemment commissaire britannique pour les territoires des Be-Chuana,
n'y a pas été accueilli favorablement. Ne pouvant agir énergiquement
en faveur de ses protégés, et surtout du chef Montsiva, il est revenu à
Capetown, où il a résigné ses fonctions entre les mains du gouverneur,
sk Hercules Robinson. Ne se sentant plus soutenus par les Anglais, les
chefe indigènes ont recouru en désespoir de cause au gouvernement du
Transvaal. Celui-ci s'est empressé d'accéder à leur demande. D'après
une dépêche de Durban, du 16 septembre, une proclamation datée de
Pretoria, a placé les chefs Montsiva et Moshette sous la protection et la
juridiction du Transvaal. Cependant, pour ne pas rompre ouvertement
— 226 —
avec les stipulations de la convention de Londres, la proclamation
ajoute que rarrangement sera soumis à l'approbation du gouvernement
de la reine.— En même temps que ces faits s'accomplissaient sut la fron-
tière occidentale du Transvaal, d'autres événements étendaient à l'Est
l'influence des Boers. Une proclamation, également datée de Pretoria, a
notifié rétablissement de la nouvelle république fondée par les Boers
dans le pays des Zoulous. Elle a été ratifiée par Dinizoulou, fils de
Cettiwayo. Le seul chef zoulou qui ait cherché à résister aux Boers, Usi-
bepu, a dû se réfugier dans la « Réserve, » bande de territoire placée,
après la guerre de 1879, sous l'administration immédiate des Anglais.
Trois millions d'acres de terre seront cédés aux Boers, qui comptent se
les partager en grandes fermes de 1800 à 2000 hectares, suivant le mode
adopté au Transvaal. M. Joubert a accepté la présidence de la nouvelle
république.
La petite vérole continue à sévir au Le-Souto, oîi elle est entrete-
nue par le retour de Ba-Souto venant de Kimberley, oti elle fait des
ravages considérables. La population n'étant pas très agglomérée, et
les villages étant séparés les uns des autres par de grandes distances, il
est facile de mettre en quarantaine les villages infectés, et les chefs sont
à cet égard d'une sévérité exagérée. A ce sujet, M. le missionnaire Jacot-
tet écrit de Morija: a Dès (|ue, dans un village, un homme est atteint de
la maladie, on se hâte de l'évacuer dans une caverne, sur le flanc d'une
montagne ; on porte chaque jour sa nourriture à une place fixe, à une
certaine distance de la caverne; mais c'est lui-même qui doit venir l'y
chercher. Cela semble inhumain, mais dans un pays dépourvu d'hôpi-
taux, il est bien difficile de faire autrement; les personnes qui se
dévoueraient à le soigner seraient elles-mêmes mises en quarantaine, et
pour quelques mois séparées du reste de l'humanité. Cette situation
des malades a néanmoins quelque chose de poignant et d'horrible;
seuls dans une caverne, sans personhe pour les soigner! L'histoire sui-
vante peut donner une idée de ce que sont encore les populations
païennes du Le-Souto. A Bôleka, près de Morija, un jeune homme
revenu des Mines de diamants tombe malade avec tous les symptômes
de la petite vérole; de suite on le mène dans une caverne, et
M. Casalis, appelé, constate que c'est en effet la terrible maladie.
Quelques jours après, le bruit se répand, qu'ayant voulu s'approcher du
village, il a été tué à coups de fusil, certains chefs ayant dit à plusieurs
reprises que c'était Iç seul moyen de mettre un terme à l'épidémie. Il
était mort en effet, mais, comme put le constater M. Casalis, d'une
— 227 —
chute qu'il avait faite du haut des rochers, soit que, dans le délire, il se
fût précipité lui-même, soit qu'il fût tombé en fuyant devant les mena-
ces des habitants. D fallait ensevelir le cadavre, mais ni pour or, ni
pour argent, un Mo-Souto ne consentirait jamais à s'approcher du corps
d'un homme mort de la petite vérole, encore moins à l'enterrer. Eu
général, dans ces cas-là, lorsque le mort se trouve dans une hutte, ou
s'en tire en brûlant la hutte, qui l'ensevelit dans ses décombres. Ici, ce
n'était pas possible, et sans M. Casalis, le cadavre eût été bien vite
dévoré par les vautoure, qui s'étaient déjà rassemblés près de là. M. Ca-
salis dut faire les fonctions de fossoyeur, et, à lui tout seul, couvrit le
corps de mottes de terre et de quartiers de roc, besogne dangereuse à
bien des égards, car c'est par les cadavres que l'infection se commu-
nique le plus facilement.»
En même temps que le gouvernement anglais reconnaissait qu'il ne
pouvait contester à l'Allemagne le droit de protéger ses ressortissants à
An^ra-Pequena, lord Derby faisait savoir au gouverneur de la Colo-
nie du Cap, sir Hercules Robinsou, que le ministère anglais était dis-
posé à proclamer comme étant sous la protection de l'autorité britan-
nique tous les autres points de la côte sud sur lesquels des sujets anglais
avaient des droits acquis, à la condition toutefois que le pouvoir législatif
de la colonie se chargeât des frais de défense. Il ne doutait pas que le
gouvernement colonial ne crût de son devoir de placer sous lé protec-
torat anglais la côte au nord de la concession LUderitz, à partir du 26"" de
latitude jusqu'aux possessions portugaises. La proclamation faite le
7 août par le commandant de la corvette V Elisabeth, en plaçant le terri-
toire qui appartient à M. Lûderitz sous le protectorat direct de l'empe-
reur d'Allemagne, en fixe les limites, de la rive nord du fleuve Orange
au 26** lat. S. et à 100 kQom. à l'intérieur, en y comprenant aussi les
îles du littoral, conformément aux lois internationales. Dès lors, le com-
mandant de la canonnière allemande WoI/sl pris possession de la côte,
jusqu'au 18° lat. S., c'est-à-dire jusqu'aux frontières des possessions
portugaises, un peu au sud du 'Cunéné, à l'exception toutefois du petit
territoire de Walfish-bay qui appartient aux Anglais, et qui se trouve
désormais enclavé dans les possessions allemandes. Le pavillon de l'em-
pire germanique a été arboré à Spencer-bay, à Sandwich-bay, au cap
Cross et au cap Frio. La nouvelle colonie allemande s'étend sur une
longueur de côte de 1250 iilom. Les dernières nouvelles du Damaraland
annoncent que le gouvernement de la Colonie du Cap vient de soumettre
aux droits d'entrée les marchandises importées au Damaraland, en
transit, par Capetown. Jusqu'ici elles étaient exemptes de droits à payer.
— 228 —
Pour le moment on n'établira pas des agriculteurs allemands dans la
colonie. Les journaux qui ont annoncé que M. Ltlderitz allait en appeler
étaient dans Terreur. Lui-même a écrit à la Kolonial-Zeitung pour la
rectifier. Il veut d'abord faire explorer le pays dans tous les sens. En-
suite commenceront des travaux pour l'exploitation minière et le forage
de puits en vue d'obtenir de l'eau potable. Ce ne sera qu'alors qu'il
pourra être question de colonisation. Une expédition composée de six
ou sept mineurs, sous la conduite du directeur Pohle de Freyberg, est
partie le 20 août pour Angra-Pequena. Elle s'est adjoint un de nos
compatriotes, M. le D' Jean Schinz, de Zurich, chaudement recommandé
par le D' Schweinfurth. Il s'occupera spécialement de l'étude delà végé-
tation de cette région, et de la question du forage des puits pour procu-
rer aux futurs colons de l'eau potable, afin de remplacer celle que l'on
doit encore aujourd'hui faire venir de la Colonie du Cap.
A l'occasion de l'envoi d'une corvette autrichienne sur la côte occi-
dentale d'Afrique, le Fremdenblatt de Vienne a annoncé que le fils de
Ladislas Magyar était disposé à céder son royaume à l'Autriche, moyen-
nant une rente viagère. On se rappelle que le célèbre voyageur épousa
la fille unique du prince nègre qui régnait au Bihé lorsqu'il en fit
l'exploration. Le royaume appartient aujourd'hui à son fils Ferdinand
qui le fait gouverner par un vice-roi. La population en est de 50,000
habitants. Mais la nouvelle publiée par le Fremdenblatt est erronée. La
corvette susmentionnée est simplement chargée d'une mission scienti-
fique.
L'Association africaine du Con^^o poursuit actuellement un
double but : l'élaboration pour ses territoires d'une constitution assez
libérale pour qu'elle soit acceptée par toutes les nations qui ont des inté-
rêts ou des aspirations commerciales sur les rives du grand fleuve, et la
réunion d'une conférence qui statuera sur la formation des États Ubres
du Congo, qu'on appelle déjà les États-Unis d'Afrique. Tandis que les
États-Unis d'Amérique se gouvernent eux-mêmes, ceux de l'Afrique
seraient gouvernés par une commission internationale; mais il faut avant
tout qu'ils soient reconnus ofiSciellement par les États civilisés. En atten-
dant, une correspondance du Temps nous a appris que le développement
des stations du Congo rendant de plus en plus lourde la tâche de la
direction qui siège à Bruxelles, il est question d'organiser trois direc-
tions spéciales, l'une, pour le personnel, une autre pour le matériel, la
troisième, pour les finances. Stanley s'efforce d'entraîner l'opinion pu-
blique en Angleterre à se prononcer contre le traité anglo-portugais.
■^.-v"?
— 229 -:^
Le correspondant du Temps explique par la crainte qu'a eue l'Associa-
tion de voir les territoires du Bas-Oongo attribués aux Portugais, la
création des nombreuses stations de la vallée du Quilou-Niari. On vou-
lait pouvoir conserver les communications de Vivi avec l'Atlantique, sans
passer par les mains des Portugais et sans subir les droits de douane
qu'ils s'empresseraient d'établir dans leurs ports.
L'Association s'occupe en outre de l'amélioration des moyens de
transport entre Vivi et Stanley-Pool. L'étude d'un chemin de fer à
voie étroite, sur un parcours de 300 kilom., entre Vivi et Isanghila, Ma-
nyanga et Stanley-Pool, a été ébauchée. Pour que la région de l'inté-
rieur entre largement dans le mouvement commercial des pays civilisés,
il importe qu'une voie plus facile que celle qui existe aujourd'hui, con-
duise au plus tôt du Congo maritime à Stanley-Pool. Les caravanes
actuelles, avec les noirs comme porteurs, sont un moyen trop précaire ;
aussi, en attendant le chemin de fer, songe-t-on à Bruxelles à organiser
uu système transitoire. On va envoyer au Congo quelques-unes des
petites voitures démontables qui ont si bien réussi au Sénégal, pour le
service des colonnes de ravitaillement des forts qui commandent la
route de Kayes au Niger. Si ce matériel résiste aux sentiers du Congo,
on aura ainsi un mode de transport relativement facile, et, de toutes
façons, plus sûr et plus économique que celui qu'on emploie aujourd'hui.
— Quelque curieux que soit le document dans lequel le roi du Congo,
vassal du Portugal, a protesté contre les traités que l'Association a
conclus avec les chefs du Bas-Congo, nous ne pouvons que le signaler à
l'attention de nos lecteurs, qui pourront le lire en entier dans le dernier
numéro du Mouvement géographique.
Le sanitarium de Boma a reçu mil. Massarl et Zintg^palT, ma-
lades tous les deux de la fièvre, mais aujourd'hui complètement rétablis.
— M. le D' floseph Chavanne a achevé une triangulation de 2,200
kilom. carrés entre Banana et Punta da Lenha. La carte qu'il prépare
s'étendra de l'embouchure du fleuve jusqu'à la station de l'Equateur.
Il a déjà envoyé à l'Association le plan de Boma, ainsi que les résultats
de ses observations météorologiques, un aperçu sur le climat du Bas-
Congo à l'époque de la grande sécheresse, une description générale
hydro-topographique du Congo entre Banana et Boma, etc. Ses travaux
terminés à Boma, il songeait à établir son quartier général à N'Kongolo,
un peu en aval de Vivi, en face de Noki. — L'administrateur général
des stations du Congo, sîr Francis de lîVInton, est arrivé le 3 juil-
let, en bonne santé, à Léopoldville; il y est resté quatre jours, puis il en
/
1,1 ■ •'• « •«■
^r-
'■ f
fv<f"
1
U4
K I
— 230 —
^.^ .' est paFti pour inspecter les stations du Haut-Congo, à bord du ^eaca,
le petit steamer de la mission baptiste mis obligeamment à sa disposi-
tion. — Le Président des ËtatSrUnis a nommé M. Tisdel, agent de la
république auprès de TAssoeiation internationale dont le Sénat de
Washington a reconnu la souveraineté.
Le ppotiectopat de Tenipire allemand, proclamé à Ângra-Pe-
quena, s'est étendu, pendant le mois qui vient de s'écouler, aux différents
points de TÂfrique où sont établies les nombreuses factoreries aile-
mandes de la côte occidentale^ en particulier aux établissements que
la maison Wœrmann et O* de Hambourg possède au sud du Congo. Au
préalable, les agents des factoreries avaient conclu, avec les cbefe des
districts, des traités par lesquels ceux-ci cédaient à la susdite maison
leurs droits de souveraineté. Dans la région du Congo elle a des facto-
reries à Mouccoula, Ambrisette, Monsera et Kisambo. Le D' Nachtigal,
consul général de Tempire, y a fait arborer le drapeau allemand.
Plus au nord, il en a fait autant au Cameroon où sont établies plu-
sieurs factoreries des maisons Wœrmann et C'% et Jantzen et Thorma-
len de Hambourg, ainsi que des comptoirs anglais. Plusieurs centres
commerciaux importants s'y rencontrent : le Bimbia situé à Feutrée
du bras occidental de ce vaste estuaire, résidence du roi Guillaume ; le
Malimba, à l'entrée du bras méridional, résidence du roi Passai ; et le
Cameroon proprement dit, au fond de Testuaire, sur le fleuve Dualla,
résidence des rois Jean Bell, Aqua et Dido, les principaux che& du pays.
Le Cameroon est admirablement situé pour concentrer le commerce de
toute cette région : l'ivoire, la gomme, les bois d'ébénisterie sont les
articles que les riverains offrent aux négociants étrangers ; mais c'est
surtout l'huile de palme qui est la marchandise par excellence de ce
district ; elle fait l'objet d'un trafic considérable. Le ïy Nachtigal a fait
hisser le drapeau de l'empire allemand sur les villes des rois Bell, Aqua
et Dido ; et le D'' BUchner qui l'accompagne dans sa mission à la côte
occidentale d'Afrique a été nommé consul de cette nouvelle colonie alle-
mande qui, outre le Cameroon^ comprend le Bimbia, le Malimba et le
Boutanga, s'étendant ainsi depuis le village de Bota, au pied du pic,
jusqu'à l'embouchure du petit fleuve Liemo dans la Campo-Bay.
Le Tagblatt de Berlin annonce que d'après une dépêche de son cor-
respondant de Madrid, l'Allemagne a engagé des négociations avec
l'Espagne pour l'achat de l'tle de Fernando Pô» que l'on peut con-
sidérer comme la clef de la baie de Biafra. Elle est une charge pour la
mère patrie, mais elle donnerait à l'Allemagne une position prépondé-
rante dans cette partie du golfe de Guinée.
*st^
— 231 —
Nous devons encore mentionner l'annexion aux possessions allemandes,
du territoire de Tog^no, situé à la côte des Esclaves, entre le royaume
de Dahomey à l'est et la colonie anglaise de Cape-Coast-Castle. Il
s'étend sur une longueur de 50 kilom. le long du littoral, et ses princi-
paux centres d'affaires sont Petit-Popo et Bageida, oîi plusieurs maisons
allemandes possèdent des factoreries. M. Henri Randad, chef de la fac-
torerie de Lomé, a été nommé consul de l'empire allemand pour le ter-
ritoire de Togno, dont le roi et les chefs ont conclu, avec le D' Nachtigal,
un traité qui place leur pays sous le protectorat allemand.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
L'auteur du récit présentant le colonel Flattera et le capitaine Masson comme
vivants (p. 197), est mort subitement dans la prison de Biskra où il était détenu.
Dans un moment d'ivresse il avait d'ailleurs avoué que les deux officiers susmen-
tionnés avaient été tués par les Touaregs.
Dans une assemblée générale de l'Association pour l'avancement des sciences,
réunie récemment à Blois, le congrès a voté, sur la proposition de la section de
géographie, le vœu suivant : Considérant que le projet de « mer africaine » est
absolument contraire aux intérêts de la colonisation, et que les dépenses de l'éta-
blissement de cette mer seraient hors de proportion avec les résultats que ses au-
teurs prétendent en retirer, ainsi que l'a établi la commission supérieure nommée
à cet effet en 1882, le congrès émet le vœu que le gouvernement français n'encou-
rage point cette entreprise, et ne prenne aucune décision sans avoir pris à nouveau
l'avis de la commission supérieure.
M. Gustave Frasca, alpiniste renommé, va entreprendre un voyage en Abyssinie,
dans le dessein de faire l'ascension des principaux sommets de ce pays. Son projet
est appuyé par la Société milanaise d'exploration en Afrique. S. M. le roi d'Italie
a voulu concourir pour une forte somme à la prompte exécution de ce projet.
M. Lagarde, ancien commandant de cercle au Sénégal, a été nommé comman-
dant de la colonie d'Obock. Il a emmené avec lui un interprète, un médecin et un
détachement de douze hommes, qui pourra être augmenté si les circonstances
l'eirigent. Dès son arrivée à Obock, il devait s'occuper des travaux les plus urgents
à entreprendre : adduction des eaux de source, logement du personnel, mesures à
prendre pour assurer la sécurité des b&timents et l'entrée du port.
M. Soleillet a quitté le Choa qu'il a parcouru pendant plus de deux années. Il
est parti d'Ankober le 7 juillet, peu après l'arrivée de M. le capitaine Langlois,
de la marine marchande, chargé par le président de la république française de
remettre au roi Ménélik une lettre et des présents. M. Soleillet est arrivé à Sagallo,
à la côte près de Tadjoura, le 1«' août, et rentrera en France en octobre.
Les Anglais ont fait évacuer aux garnisons égyptiennes les places de Berbéra
et de Zeilah, et les y ont remplacés.
— 232 —
Le départ de l'expédition de MM. Hardegger et Paulitschke pour le pays des
Sk>mali8 aiira lieu en novembre. Ce dernier fera les travaux de géographie et
d'ethnographie, M. de Hardegger s'occupera essetitiellement de géologie, de zoo-
logie et de botanique. Un médecin et un préparateur les accompagneront.
Le capitaine Cambier, agent de l'Association internationale à la côte orientale
d'Afrique, se dispose à rentrer en Belgique, pour réparer ses forces ébranlées par
un séjour de trois ans à Zanzibar.
Une association commerciale allemande au capital de B00,000 marks, s'est fon-
dée, pour donner une plus grande extension aux relations commerciales de l'Alle-
magne avec la côte occidentale de l'Afrique.
Dans l'assemblée générale des missions baptistes tenue à Londres en juin der-
nier, le Rev. Bentley a exprimé le vœu que la Société fondât dix stations nou-
velles entre Stanley-Pool et les chutes de Stanley, à 150 kilom. de distance l'une
de l'autre, et pourvues chacune de deux missionnaires. Un comité nommé pour
examiner la question de l'extension du champ d'activité de la mission, a approuvé
l'idée de M. Bentley. Une station sera prochainement établie à Loukolela; deux
autres, en amont, le seront encore dans le courant de cette année.
Pendant que le docteur Nachtigal faisait du territoire qui entoure l'estuaire du
Cameroon une possession allemande» l'Angleterre ajoutait la partie occidentale du
delta du Niger où se trouve Wari, à ses territoires de la côte de la Guinée supé-
rieure.
Un élève de l'institut des missions de Bâle, qui étudiait la médecine depuis 1880,
vient de passer avec succès ses examens de docteur. Le Comité bâlois compte
l'envoyer prochainement à la Côte d'Or, en qualité de premier médecin mission-
naire de la Société de Bâle.
La mort du roi des Achantis, Quii^qua-Duah, a été suivie, selon l'usage du pays,
du massacre de trois cents de ses sujets. £n même temps l'on a appris le décès de
Coffee Calcalli, qui était roi lors de la guerre de 1873 ; on suppose qu'il a été
assassiné. Craignant la barbarie de Meniah, qui a déjà occupé le trône, mais qui
a été déposé au bout de quelques mois à cause de sa cruauté, les Achantis ont
envoyé une députation au gouverneur de Cape-Coast-Castle, pour lui demander de
placer leur pays sous le protectorat de l'Angleterre. La population était en armes;
on s'attendait à une guerre civile, et la petite vérole sévissait à Coumassie et aux
environs de la capitale.
ANNEXION DU TERRITOIRE DE THABA-N'CHU A L'ÉTAT LIBRE
DE L'ORANGE
Le grand événement de ces dernières semaines est la mort de Sépinare, le chef
des Ba-Rolong de Thaba-N'chu, et l'annexion à l'État Libre de l'Orange du terri-
toire de cette tribu. Comme cet événement jette quelque lumière sur la politique
des colons hollandais envers les tribus indigènes, quelques détails ne seront sans
— 233 —
doute pas déplacés dans votre journal. C'est une scène isolée de la grande tragé-
die qui s'accomplit depuis un demi-siècle, au nord de l'Orange et au delà des
limites de la Colonie du Cap ; mais elle est typique, et fera bien comprendre la
manière dont les Boers ont réussi petit à petit à se débarrasser de toutes les
tribus qui les entouraient. Ceux qui jugent toutes choses d'après le succès du
moment admireront sans doute une politique qui a si habilement su profiter de
toutes les circonstances, et établir sur de fermes bases les jeunes États boers du
sud de l'Afrique. C'est là sans doute une solution momentanée du grave problème
indigène (ihe natwe qu^stion)^ qui préoccupe de plus en plus les esprits, et bien des
colons seraient heureux si l'Angleterre suivait l'exemple que lui ont donné les
Républiques de l'Orange et du Transvaal. Mais ceux qui voient plus loin se
demandent si, dans quelques années, le problème ne se représentera pas plus
menaçant et plus difficile, lorsque les indigènes dépouillés de leurs terres seront
devenus dans leur totalité les serviteurs des colons d'origine européenne; La lutte
des races ne ferait que changer de nom, et l'antagonisme de ces deux castes,
séparées à la fois par l'origine et par des intérêts différents, serait peut-être infi-
niment plus dangereux. On voit qu'en réalité la sagesse politique n'est peut-être
pas autant du côté des Boers qu'on se le figure généralement.
Pour bien comprendre la situation, il est nécessaire de raconter brièvement de
quelle manière la petite tribu des Ba-Holong de Thaba-N'chu a réussi à se main-
tenir si longtemps au milieu des Boers. C'est en 1834 que quelques milliers de
6a-Kolong (branche des Be-Chuana de l'ouest), guidés par des missionnaires
wesleyens vinrent s'établir dans le pays qu'ils occupent encore aujourd'hui. La
guerre et la famine les avaient obligés d'abandonner leur permier habitat, au nord
du Yaal. Leur chef Moroko (ou plus exactement Moroke) obtint de Moshesh, le
ehef suprême des Ba-Sonto, l'autorisation de se fixer à Thaba-N'chu (Za montagne
noire\ à mi-chemin entre Bloemfontein (qui n'existait pas alors) et le Calédod.
Les rapports entre les deux chefs étaient alors en gros ceux d'un vassal à l'égard
de son suzerain. Il est inutile de rechercher ici quels conseils et quelles influences
poussèrent Moroko à briser les liens qui le rattachaient à Moshesh, et à prétendre
que la contrée qui lui avait été offerte comme place de refuge lui appartenait en
propre. Ces velléités d'indépendance se manifestèrent surtout lorsque, en 1848, sir
Harry Smith, gouverneur de la Colonie du Cap, eut proclamé, pour faire rentrer
les Boerfl émigrés dans l'obéissance à la reine, la souveraineté britannique sur
tout le territoire situé entre l'Orange et le Yaal; jusqu'en 1854, ce pays, l'État
Libre actuel, fut connu sous le nom de (hange'River-Sovereignty.M^otoko^iixjÀ depuis
longtemps, de gré ou de force, soutenait les Boers contre Moshesh, devint un in-
strument entre les mains du résident britannique, le major Warden, pour tenir en
échec le grand chef des Ba-Souto. Liduit en erreur par des rapports intéressés,
et sans doute aussi pensant obtenir plus facilement des concessions de deux chefs
divisés, le gouvernement anglais reconnut l'indépendance de Moroko. Dès lors la
politique de celui-ci fut de s'appuyer sur le résident britannique et, dès 1854, sur
le gouvernement boer, pour résister à Moshesh ; de leur côté les Boers, surtout
— 234 —
dans les guerres de 1858 et de 18<>5-1868, se servirent de lui pour harceler Mos*
hesh et n'eurent, parmi les indigènes, aucun autre allié sur la fidélité duquel ils
pussent aussi sûrement compter. Lwsqu'en mars 1868, après une guerre sanglante
de plus de trois ans entre les Boers et les Ba-Souto, Moshesh eut enfin placé son
pays sous la protection directe de l'Angleterre, l'État Libre vainqueur acquit
en pleine propriété tout le territoire situé à l'ouest du Calédon. Le pays de Moroko
se trouvait ainsi enclavé dans le territoire delà République; mais un traité d'ami-
tié perpétuelle, que sa fidélité avail certainement mérité, dissipa toutes les craintes
que le chef aurait pu concevoir pour son avenir. Dès lors l'existence du petit
État indépendant de Thaba-N'chu, en plein pays boer, proclamait à la fois la
modération des fermiers émigrés et la fidélité avec laquelle ils savent reconnaître
les services rendus. C'était l'orgueil des Boers de l'État Libre; le moyen, devant
cette vivante démonstration de leur humanité, de leur reprocher de maltraiter
les indigènes! L'existence seule de Thaba-N'chu n'était-elle pas pour eux la meil-
leure réfutation d'une telle calomnie ! Beaucoup s'y sont laissé prendre, et vous
pourriez trouver, entre autres dans Trollope (South -Africa), quelques lignes presque
lyriques là-dessus.
D'autres, meilleurs juges des choses de l'Afrique, se disaient que cette modéra-
l^ion n'était là que pour la forme, et qu'on profiterait de la première occasion
pour annexer purement et simplement des alliés sans défense. Quand on a pris,
ainsi que l'a fait l'État Libre, tant de peine à se débarrasser des anciens habitants
du pays, — tandis que dans tout le reste du sud de l'Afrique les natifs sont aux
Européens dans la proportion de 5,6, 7, et même, dans le Transvaal, de 20 à l,dans
l'État Libre de l'Orange on trouve une proportion de deux Européens pour un
seul habitant noir ! — il ne semble pas naturel qu'on désire conserver à perpé-
tuité une grande réserve noire à quelques lieues de Bloemfontein. Ceux qui
jugeaient de la sorte crurent sans doute s'être trompés, lorsqu'il y a quelques
années, à la mort de Moroko, son pays ne fut pas annexé ; le président Brand se
contenta d'intervenir dans la dispute des deux fils du vieux chef, Samuel et Sépi-
nare, tous deux élevés en Angleterre. Samuel, l'aîné, fut évincé, et Sépinare,
reconnu par l'État Libre comme le chef légitime des Ba-Holong ; il fut, non sans
peine, accepté par la tribu. Le traité d'alliance fut renouvelé.
Cette décision du gouvernement boer amena dans le pays un nouveau ferment
de discorde ; il est même permis aujourd'hui de se demander si ce n'était pas là
ce qu'on désirait. Mais une fois la chose faite, l'État Libre avait l'obligation de
soutenir son allié dans la défense de droits dont il avait lui-même reconnu la légi-
timité. Comme Samuel, réfugié sur le territoire de la République, menaçait de
reconquérir par la force des armes la royauté qui lui avait été enlevée, Sépinare
en avertit le gouvernement de Bloemfontein ; celui-ci, dit-on, lui répondit qu'il n'y
avait rien à craindre et que la police veillerait à ce que Samuel ne pût rien
tenter contre Thaba-N'chu. Malgré ces belles promesses, pendant la nuit du 10
juillet, Samuel suivi d'une centaine de ses adhérents et d'une dizaine de Boers, au
moins, — les journaux de l'État Libre eux-mêmes avouent qu'il devait y en avoir
— 235 —
davantage,— envahissait la ville deThaba-N'chu, et investissait la maison où Sépi-
nare se trouvait seul avec sa femme et son conseiller John.
Il fallut, après une fusillade de quelques hetires, mettre le feu à la maison pour
forcer le chef et son courageux défenseur à quitter leur abri ; ils tombèrent aussi-
tôt atteints par plusieurs balles. Ce fut au fond un assassinat plutôt qu'un combat
régulier. Pendant ce temps les maisons des partisans de Sépinare étaient incen-
diées. La masse des Ba-Bolong semble avoir accepté passivement la victoire de
Samuel, ou même avoir pris activement son parti ; le gouvernement trop dur de
Sépinare lui avait aliéné la plus grande partie de ses sujets. Quelques jours après,
le président Brand lui-même se présentait devant Thaba-N'chu à la tête d'un nom-
breux eofftmando de Boers, et proclamait, « en vue du rétablissement de l'ordre, »
l'annexion de Thaba-N^chu à la République du Fleuve Orange ; le lendemain de
la proclamation, Samuel, entouré par les Boers et comprenant que toute défense
était inutile, se rendait sans combattre ; avec quelques-uns de ses conseillers il est
maintenant détenu dans les prisons de Bloem£6ntein,pour être jugé comme coupa-
ble d'assassinat et de violation de la paix publique. A peu près 500 de ses parti-
sans ont été également arrêtés, ainsi que 10 à 12 Boers qui ont pris part avec lui
à l'attaque de Thaba-N'chu.
Il sera bien difficile pour le président Brand et l'État Libre de l'Orange de
jamais justifier l'acte qu'ils viennent de commettre. Ils ne peuvent, en effet, pré-
tendre qu'ils voulaient mettre fin à une guerre civile, parce qu'en réalité il ne
s'agissait nullement de cela. Samuel et les hommes qui formaient son commando
étaient; d'après les lois de- l'État Libre, des sujets boers ; à l'aide de quelques
blancs, également sujets boers, ils ont attaqué un chef allié. En récompense de
leur confiance dans la bonne foi du gouvernement boer, les Ba-Kolong sont punis
d'un crime qu'ils n'ont pas commis; Thaba-N'chu est annexé, parce que des sujets
de l'État Libre l'ont attaqué ! En outre, les journaux de Bloemfontein nous
apprennent que les Boers compromis ne seront pas jugés pour l'attaque de Thaba-
N'chu, mais seulement pour le pillage d'un magasin. Probablement même ne seront-
ils pas jugés du tout, ou s'ils le sont, on peut être .«lûr que les condamnations seront
insignifiantes. Quant à Samuel, que lui fera-t-on ? La situation est embarrassante
pour le gouvernement, et il en sortira difficilement à son honneur. Ce qui fait
apparaître sous un jour plus douteux encore sa conduite dans toute cette affaire,
c'est la façon étrange dont l'annexion s'est faite. D'après la loi, un tel acte est du
ressort du Volksraad; ici, c'est le président qui a agi seul; le Volksraad n'a pas
même eu à donner sa ratification. La seule explication possible d'un procédé aussi
en dehors de tous les précédents, c'est que l'annexion était décidée depuis long-
temps, et que le Volksraad avait d'avance donné au président l'autorisation
d'agir à la première occasion favorable. Il n'est pas permis d'affirmer qu'on ait
peut-être quelque peu travaillé à faire naître cette occasion si désirée, ou du moins
qu'on n'ait pas cherché sérieusement à l'empêcher de se produire ; mais l'assurance
donnée de'Bloemfontein que rien n'était à craindre de la part de Samuel, les Boers
impliqués dans l'affaire et l'indulgence que l'attorney du gouvernement déploie à
— 236 —
leur égard, toat cela n'est pas fait pour nous garantir que tout se soit passé bien
loyalement. Il n'est pas étonnant que bien des choses soient louches dans une annexion
faite en dehors de toutes les règles, et où toutes les formes de la justice ont été si
ouvertement foulées aux pieds ; quelque nom qu'on lui donne, il n'est pas possible
de voir là autre chose qu'une de c^s spoliations si communes dans l'histoire des colo-
nies sud-africaines. Le pays va être en grande partie divisé en fermes et vendu
aux colons, et les quelques lambeaux qu'on laissera aux Ba-Rolong seront à peine
suffisants pour subvenir aux besoins d'un quart ou d'un cinquième d'entre eux. Pour
les autres il ne restera que l'exil, et la misère qui en est la conséquence. Et où
pourront-ils aller? C'est là une difficulté qui, un jour ou l'autre, — quand il ne
s'agira plus, comme dans le cas présent, de quelques milliers d'individus, mais de
quelques centaines de mille, — risque bien de bouleverser le sud de l'Afrique. Il
est relativement facile de prendre aux indigènes les terres qui leur appartiennent;
il sera moins aisé de savoir où placer une population nombreuse, dépouillée de son
territoire et qui s'accroît chaque année d'une manière réellement inquiétante.
Mais les Boers ne regardent pas si loin ; pour le moment ils annexent, plus tard
ils se demanderont peut-être ce qu'il faudra faire. Après Stellaland et Goshen c'a
été le tour de Thaba-N'chu ; il semble maintenant que ce soit celui des Zoulous et
de leur malheureux roi, dépendant des Boers qu'il a eu le malheur d'appeler à
son aide, et qui, sans doute, ne lâcheront leur proie que si l'Angleterre se décide à
intervenir, ce qui pour le moment est bien improbable. Les Ba-Pédi du Transvaal
réduits, Mampourou et Mapoch battus et prisonniers, les Be-Chuana de l'Ouest
affaiblis et à demi détruits, les Ba-Rolong ^e Thaba-N'chu dispersés, bientôt sans
doute Dinizoulou forcé de laisser entre les mains des Boers le meilleur de son terri-
toire, voilà le bilan des trois dernières années. L'Angleterre contemple, en se croi-
sant les bras, la destruction d'indigènes dont elle s'est cependant engagée à faire
respecter les droits. Les Ba-Souto seuls surnagent encore au milieu de ce nau-
frage général de toutes les tribus noires; le langage des journaux boers, qui ont
essayé bien à tort de les compromettre à propos du meurtre de Sépinare, montre
assez ce qu'ils ont à attendre le jour où l'Afrique du Sud serait livrée entièrement
au bon plaisir des colons hollandais.
Morija, 19 août 1884. £. Jacottet.
EXPÉDITION DE MM. LES MISSIONNAIRES COILLARD ET JEANMAIRET
AU ZAMBÈZE
Quoique les détails des progrès de cette expédition ne nous aient pas
été adressés directement par notre correspondant ordinaire, M. Jean-
mairet*, nos lecteurs nous sauront gré de les leur extraire des Btdletivs
* V. p. 23, 70, 190.
— 237 —-
de la Société neachftteloise des missions' et de celle de Paris, ou nous
les avons rencontrés.
Kané, à ôinq étapes dans le désert, au nord
de ScLoshong, 25 et 31 mai 1884.
Le 21 mai nous quittions Schoshong, où nous avons été extrêmement bien reçus
par les blancs, ainsi que par Khama et ses gens. Nous avons dû alléger nos
Toitures à cause des sables profonds que nous devons labourer dans le désert. Il
a fallu tout déballer, trier, remballer^ charger, décharger souvent, pour recharger
encore et faire toutes sortes de combinaisons. La bourse du Zambèze est malheu-
reusement encombrante : ces ballots d'étoffe, ces caisses de verroterie, ce bazar
parisien en miniature, que ne donnerait-on pas pour les réduire en livres, shel-
lings et six pence ! Kt puis nous charrions aussi le grenier et Pépicerie de toute la
caravane. Au départ, nos six wagons attelés étaient entourés de toute la popula-
tion européenne de l'endroit et d'une foule de Ba-Mangwato. Après avoir passé
les dernières huttes de la ville et congédié les derniers de nos amis, nous avons
cheminé silencieusement. Le ciel était étoile, l'air frais et vif. On n'entendait que
le cahotement des roues, les coups de fouet, et les « trek » (hue!) des conducteurs;
on ne se sentait pas d'humeur à causer. Quel digne homme que ce Khama ! quel
ami que Knaté ! disait quelqu'un de temps à autre sans commentaire. Voyez-vous
ces deux bœufs de trait ? c'est la salutation de Khama: cette belle génisse noire?
celle de Knaté. Ces trois vaches laitières viennent de M. Whiteley; ce sac de maïs,
cette viande salée, de M. Beaumont, le boucher de Schoshong ; ces huit poules,
de la basse-cour d'un jeune commis, et les poules sont rares ici ; ces chèvres,
ces moutons à grosse queue, de M. et M'"® Clark et des principaux membres de
l'église. Voilà encore des citrouilles, des past^^ues, du lait caillé, du millet.
Et pourtant Schoshong est un endroit des plus secs et des plus arides.
C'est une amère ironie, pour le missionnaire, que de décorer du nom de jardin
l'enclos qui e?t devant sa maison. Ce n'est qu'une aire brûlée par le soleil, il n'y
croit que des chardons et quelques mimosas rabougris. Ceux qui ont la passion du
jardinage essaient, à force de soins, de faire croître un seringat, un oléandrf, une
grenadille, un chou qui ne pomme jamais, et deux ou trois têtes de salade qui
sont dures en naissant. Et malheureusement les affaires vont mal; le commerce qui
s'épuise ira chercher fortune du côté du Zambèze. Les autruches et les éléphants
portent plus loin leurs plumes et leur ivoire. La terreur qu'inspire le nom des
Ma-Tébélé, et qui, depuis des années, tient les Ba-Mangwato sur le qui-vive, leur
interdit la chasse. Les marchands disent qu'ils ne vivent que sur leurs économies ;
chacun cherche à liquider et à quitter le pays.
Nous avons voyagé assez rapidement depuis que nous avons quitté Schoshong.
Le lendemain plusieurs de nos amis sont encore venus nous voir par des chemins
de traverse ; deux d'entre eux nous ont encore remis des moutons. Nous en avons
maintenant vingt-six, plus cinq vaches, sans compter le petit troupeau d'Aaron,
ï
8>
<■
t
',
— 238 —
Péyangéliste de Séléka, qui s'est joint à nous avec sa famille. C'est lui qui conduit
le tombereau traîné par deux bœufs qui supportent le timon, et par six ânes qu'il
a fallu dresser. Rien de plus drôle^ que ce singulier attelage. Les bœufs, qui se
sentent disgraciés, donnent des coups de cornes; les baudets ne s'émeuvent pas,
ils sont placides à l'excès. On les harnacbe, on les pousse, on les bat, leur humeur
ne sort jamais de son assiette. Us ne s'arrêtent pas dans les mauvais pas, mais il
ne faut pas non plus les presser en bon chemin. Si vous ne savez pas la patience,
ils vous l'apprendront. Nous voyageons comme les patriarches. Nous avons en
tout une vingtaine d'ânes, grands et petits. Nous espérons les dresser et en faire
de bons attelages pour les régions infestées de la tsetsé, mais quelle sérénade ils
nous donnent !
Tout a bien marché jusqu'à notre cinquième étape, mais en traversant un endroit
de sables profonds, deux de nos wagons se sont arrêtés, et nous avons dû doubler
les attelages. Dans le Transvaal, c'eût été une bagatelle, mais ici, dans le pays de
la soif, où nous savions avoir devant nous quinze jours de ce même sable, nous
avons été inquiets de cet arrêt. Aussi avons-nous jugé prudent d'envoyer un mes-
sager à Schoshong pour demander un wagon qui pût reprendre une partie de nos
effets. M. Whiteley est venu à notre secours avec son wagon et des bœufs de
Khama. Le désert ressemble beaucoup à la contrée entre le Marico et Schoshong;
partout de l'herbe plus ou moins desséchée, des buissons épineux et parfois de
vraies forêts.
Kané a au moins sept puits; ce ne sont pourtant pas des sources. Il y a cinq ans,
on ne trouvait qu'un peu de boue dans ces trous, aujourd'hui les puits sont pleins.
Une pluie prolongée a fait tomber le thermomètre de 35® à Ib"*, Nous sommes
réduits à nous recoquiller de notre mieux dans nos wagons humides. « Tant pis
pour le thermomètre, » s'écrie gaiement Jeanmairet, « il fait froid. » Et personne
ne le contredit, mais la naïveté de cet aveu provoque un éclat de rire qui nous
réchauffe. « Il n'y a pas de tropiques, je n'y crois pas, » disait-on, en s'affublant
de son manteau.
£n réponse à la lettre de Robosi, roi des Ba-Rotsé, qui demandait que Khama
nous aidât en route, celui-ci nous envoie Makoatsa, un de ses gens, avec quatre
hommes pour nous accompagner jusqu'à Lialui. L'un a charge du bétail en laisse;
un autre, des moutons; un troisième, des ânes; le quatrième soigne un beau cheval
que Khama envoie à Robosi avec une belle carabine. Makoatsa doit veiller à ce
qu'ils fassent bien leur service. « Si vous ne vous acquittez pas bien de votre
devoir, » leur dit-il, « et que vous tracassiez l'ami du chef, lui ne voudrait pas
porter la main sur vous, car c'est un homme de Dieu, mais je suis Makoatsa, moi,
et je vous ferai manger du bâton, et au retour c'est au chef que vous aurez affaire. »
Khama nous a prêté ces hommes sans salaire. En attendant, l'un d'eux qui nous
servait de guide dans la nuit, a failli nous perdre dans les bois et nous causer de
graves accidents, et aujourd'hui il a égaré les bœufs. L'état sanitaire de l'expé-
dition est excellent.
— 239 —
BIBLIOGRAPHIE '
Voyages, aventures et captivité ûe J. Bonnat chez les Achantis,
par Jules Gros. Paris (Plon^ Nourrit et C*), 1884, in-18, 280 pages,
avec gravures et carte, 4 fr. — C'est un récit d'aventures, mais d'aven-
tures authentiques, qu'a écrit M. Gros. Comme il avait été l'ami per-
sonnel de Bonnat, et l'avait aidé à se faire connaître, nul mieux que lui
n'était à même de raconter l'histoire de ces voyages de dix années, et
de cette captivité de cinq ans chez les Achantis. Il l'a fait sincèrement,
à l'aide de documents précis, des lettres de Bonnat à sa famille et de
ses notes de voyage. Rien n'a été inventé, ni embelli. Les événements
qui se déroulent sont assez extraordinaires en eux-mêmes pour qu'il n'ait
pas été nécessaire de les rendre plus étranges encore. Ce ferme désir de
Bonnat de devenir un émule de Livingstone, ce dédain des dangers,
cette confiance absolue en Dieu qui lui faisait surmonter tous les obsta-
cles, ces deux expéditions avortées du capitaine Magnan, racontées
dans le premier chapitre, ces voyages divers enfin, pleins de péripéties
poignantes, ne constituent-ils pas le plus beau cadre qu'un romancier
pût imaginer ? Pourquoi faut-il que cette noble vie ait été fauchée au
moment où la gloire et la fortune lui souriaient ? Du moins le souvenir
en restera fixé dans le cœur des nombreux amis qui ont rendu, le
17 janvier 1883, à Pont-de-Vaux (Ain), un hommage mérité à l'intré-
pide explorateur, dont le nom demeurera attaché à l'histoire de la
découverte et de l'exploitation des gisements aurifères de Wassaw. Le
nom de Bonnat's Hill a été officiellement donné aux établissements de
la compagnie minière française de la Côte d'Or, sur la crête de la
colline de Taquah.
L'Afrique. Choix de lectures de géographie, de résumés, d'analy-
ses, de notes explicatives et bibliographiques, par L. Lanier. Paris
(veuve Eugène Belin et fils), 1884, un fort vol., in-12, 920 pages avec
51 gravures et 41 cartes; 6 fr. — Les livres de classe, destinés à l'en-
seignement de la géographie, pèchent d'ordinaire par une grande séche-
resse. On veut être clair, se borner à des indications sommaires, pour
ue pas surcharger la mémoire de l'élève, et l'on rend un précis aride h
force de concision. Le plus souvent on élague les sujets qui intéresse-
raient le plus : mœurs, institutions, coutumes des peuples, commerce,
industrie, en un mot, ce qui constitue la vie des sociétés. C'est au maî-
' On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bâle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explarée et civilisée.
— 240 —
tre, dit-on, d'expliquer les vagues aperçus du manuel ; à Télève, de lire
de bons ouvrages en dehors des heures de classe, et de compléter son
instruction. Mais le choix des lectures est difficile ; puis, comment suivre
les progrès si rapides de la géographie? comment connaître tous les
livres qui paraissent et dans chacun desquels il y aurait quelque chose à
glaner ? Cette œuvre exige évidemment trop de temps pour pouvou* être
accomplie par les instituteurs et leurs élèves, aussi commence-t-on à
faire des anthologies géographiques spécialement destinées aux écoles.
MM. Raffy, Gortambert, Blanc, ont ouvert une voie féconde dans
laquelle M. Lanier les suit avec succès.
Puisant les éléments de son « Choix de lectures » dans les ouvrages
originaux des derniers explorateurs et dans les meilleures revues, il a
laissé parler les voyageurs et les savants eux-mêmes, ne prenant de
leurs descriptions que les morceaux les mieux écrits et les mieux pensés,
élaguant les récits imaginaires, les tableaux fantastiques ou inexacts. Il a
cherché, en un mot, à donner à ses lecteurs des connaissances solides,
tout en les récréant. Des notes explicatives, des analyses, complètent
le sens des citations, qui sont précédées de résumés, de notions de géo-
graphie physique et politique, que, pour notre part, nous trouvons
encore trop longs, puisque l'ouvrage n'est pas destiné à remplacer un
manuel, mais à en faciliter l'étude. En revanche, nous considérons
comme excellente, l'idée d'avoir placé à la fin de chaque chapitre une
bibliographie des ouvrages les plus remarquables et des meilleurs arti-
cles périodiques parus dans les trente dernières années. Ce répertoire
commode évitera aux maîtres de longues et ennuyeuses recherches qui,
bien souvent, n'aboutissent pas *. Des gravures, malheureusement en
trop petit nombre, sont semées ça et là dans le texte. Quant aux car-
tes, elles sont bonnes en général; quelques-unes, cependant, auraient
dû être mises à jour, ainsi celle des Grands-Lacs, qui fait communiquer
le Tanganyika avec le Nil-Alexandra ; celle de l'Abyssinie, qui donne
au lac Tzana une forme aujourd'hui reconnue fausse. »
Quoi qu'il en soit, nous ne saurions trop recommander aux institu-
teurs l'achat de cet ouvrage, au moyen duquel il feront passer à leurs
élèves bien des heures de délassement.
Association internationale du Congo. Mémoire sur les observations
météorologiques faites à Vivi (Congo inférieur), et sur la clhnatologie de
^ Nous avons été surpris de ne trouver nulle part la mention de notre journal,
qui, par sa spécialité, aurait dû, semble-t-il, attirer l'attention de l'auteur.
tri
— 241 —
•
la côte sud-ouest d'Afrique en général, par A. von Danckelmmm,
D' Phil. Beriin (A. Asher et C**), 1884, in-4'*, 92 pages avec gravures et
carte. — Ouvrage intéressant, rempli de chiffres, et d'où la sécheresse
est exclue, grâce au texte qui explique et résume les résultats obtenus.
Il y est joint deux gravures, représentant la station de Vivi, et la carte
de l'Afrique équatoriale par Chavanne dont nous avons déjà parlé.
Les observations faites à Vivi peuvent fournir une base sûre, pour
apprécier les conditions de température de la contrée si découpée oii
coule le Congo, entre Stanley-Pool et l'Océan. Située sur une colline, h
113" environ au-dessus de la mer, la station jouit d'un climat chaud,
sans être cependant aussi brûlant que la proximité de l'équateur pour-
rait le faire croire. Le minimum de température observé, de mai 1882 à
juillet 1883, a été de 12% le 29 juillet 1882; le maximum, de 36°, le
5 novembre. La température du sol, fournie par un thermomètre placé
à 0",25 de profondeur, a varié de 24° à 26°, 3 ; celle de l'eau du Congo,
de 24°, 6 à 28°, 9. Quant aux pluies, il en est tombé en tout un mètre
pendant les 86 jours pluvieux de l'année; des observations faites sur
d'autres points de la région occidentale accusent une moyenne plus
forte pour le Gabon (2",5; 150 jours pluvieux), et plus faible, pour
Loanda (0'",3 ; 30 jours pluvieux). La ville même de Mossamédès ne
reçoit presque jamais de pluie.
Le substantiel mémoire de M. von Danckelmann donne encore de pré-
cieuses informations sur l'état du ciel, qui, pendant la saison sèche, est
gris de plomb et voilé, jusqu'à 15° ou 20° au-dessus de l'horizon, par
la vapeur et la fumée se dégageant des incendies répandus en grand
nombre dans la prairie, sur la direction et la force du vent, sur les ora-
ges, etc.
n faut espérer que, par suite du développement de la civilisation
dans la région équatoriale, il s'y établira une chaîne d'observatoires
météorologiques qui fourniront des documents suivis sur le climat de
cette contrée. La comparaison de ces résultats avec ceux obtenus dans
les stations des zones tempérées et glaciales présentera une grande
utilité, car elle permettra de suivre pas à pas, de l'équateur au pôle,
les grands courants atmosphériques, et de perfectionner les théories
relatives à la circulation des vents, à la distribution des pluies, etc.
Lk ZaIRE et les CONTBAT8 DE l'AsSOCIATION INTERNATIONALE par
C. Magalhaes. Lisbonne (Typ. et lit. de Adolphe, Modeste et C'»), 1884,
in-8, 32 pages. — L'auteur de cette brochure, qui n'est que la repro-
duction d'une conférence faite le 21 juin 1884, devant la Société de
— 242 —
géographie de LisboQne, est le commandâut de la canonnière, le Bengo,
qui a joué, comme on le sait, un certain rôle dans les événements dont
la côte du Congo a été récemment le théâtre. Défendant les intérêts de
son pays, il parle des factoreries portugaises établies au nord du Zaïre
et sur ce fleuve même, et en évalue le nombre à 70 ; d'autre part, il
avoue qu'il ne s'en trouve pas une seule au sud du fleuve jusqu'à
Ambriz, ce qui n'empêche pas le portugais, que les indigènes appellent
la langue des blancs, d'être le seul idiome employé dans les rapports
commerciaux. Après avoir montré que les rapides du Quilou et du
Congo empêchent les voies projetées par Brazza et Stanley pour attein-
dre Stanley-Pool, d'être praticables, et réduit la fameuse route de Stan-
ley, le long des cataractes, à une simple bande de terrain débarrassée
d'herbes sur 6 à 8 mètres de largeur, M. Magalhaes veut aussi donner
une solution au problème, et propose d'établir un chemin de fer, du Pool
à Loanda, par San-Salvador. Il fait ensuite, à un point de vue tout
portugais, le récit abrégé des essais de colonisation française et belge, et
termine par quelques mots sur la situation peu brillante de la Guinée
portugaise.
Essai de grammaibe en langue yoruba. Lyon (Séminaire des mis-
sions africaines), 1884, in-8% 117 p. — Les missionnaires, les voyageurs
et les philologues utiliseront cet ouvrage autographié, que l'auteur appelle
modestement un Essai, mais que l'on peut regarder comme la gram-
maire complète d'une de ces nombreuses langues africaines si intéres-
santes. Les missionnaires protestants, S. Crowther, Bowen et Wood en
ont déjà donné la grammaire et le dictionnaire. Pensant que nos lec-
teurs n'attendent pas de nous une étude détaillée de l'alphabet, de la
formation des mots, de la gi*ammaire, de la syntaxe yoruba, nous nous
bornerons à signaler ce livre et à dire qu'il s'agit d'une langue
agglutinante et monosyllabique. C'est une vraie langue et non un dia-
lecte, car les racines et les procédés de formation des mots permettent
de rendre la pensée sous toutes ses formes. Loin d'être formée d'un
chaos de sons durs et discordants, comme c'est le cas pour le langage
dahoméen, elle est au contraire, dit l'auteur, riche, harmonieuse, par-
faitement organisée et d'une grande douceur.
Fétichisme et féticheurs, par le jB. P. Baudin. Lyon. (Séminaire
des Missions africaines), 1884, in-8% 112 p. avec gravures. — Les mis-
sionnaires catholiques de la côte de Guinée ne se contentent pas de con-
vertir les indigènes au christianisme ; ils étudient de près la religion des
— 243 —
nègres, observent les prêtres qui la pratiquent, et il paraît que, daûs ce
domaine, il y a encore bien des découvertes à faire. Sous le culte gros-
sier et cruel qui attriste l'Européen, se cache un ensemble de doctrines
oîi le spiritualisme tient une large place. A la basé se trouve la croyance
fondamentale en un Être suprême, Créateur de l'univers ; puis vient la
nombreuse suite des autres divinités qui rappellent le polythéisme des
peuples anciens. Dans le fétichisme qui, à travers toute l'Afrique équa-
toriale est partout le même, avec des noms différents pour les idoles,
suivant les pays, on est étonné de retrouver de frappantes analogies
avec le système mythologique de l'ancienne Egypte. C'est de là qu'est
venue cette demi-civilisation, qui s'est répandue chez les peuples de la
région centrale et que les guerres leur ont fait perdre en grande partie.
Le paganisme des noirs n'a pas été créé par eux ; ils l'ont reçu du Nord,
et les coutumes qu'ils ont conservées, les doctrines qu'ils professent
aujourd'hui, ne s'accordant guère avec l'état barbare dans lequel ils se
trouvent, montrent qu'ils sont en pleine décadence.
En Algérie. Trois mois de vacances, par Kohn-Ahrest, Paris (Ch.
Delagrave),1884, in-8%188 pages, avec gravures, fr. 1.20. — Ou pourrait
diviser cet ouvrage en deux parties distinctes : P le récit du voyage et la
description géographique ; 2° un aperçu historique sur la conquête de
l'Algérie et les diverses guerres dont elle a été le théâtre. Rien n'est
plus intéressant que de suivre M. Kohn-Abrest, et de visiter successive-
ment avec lui, Alger, Bouffarik, Blidah, les bains de Hammam-Rira, oîi
M. Arlès-Dufour a ressuscité une partie de l'Algérie romaine, puis Oran
et Tlemcen, et enfin Constantine et la région côtière orientale. La nar-
ration se lit sans peine, car à chaque pas le voyageur fait une remarque
originale et fait toucher du doigt, par le parallèle qu'il établit entre
l'état de l'Algérie il y cinquante ans et la situation actueUe, les progrès
immenses accomplis en si peu de temps, pour en tirer cette conclusion,
qu'il faut renoncer à l'habitude de contester à la race française toute
aptitude à la colonisation. La seconde moitié du volume est consacrée
au récit de l'établissement de la domination frajiçaise, qui a déjà été si
souvent fait, mais que l'on relira avec plaisir, et où l'on trouvera des
vues originales et bien des détails peu connus. M. Kohn-Abrest a un
véritable talent de narrateur et nous l'engageons vivement à poursuivre
ses promenades dans d'autres régions de l'Afrique française.
Madagascar, par Louis Paulliat Paris (Calmann-Lévy), 1884, in-8%
144 pages, 3 fr. — Cette brochure mériterait plutôt le nom d'Histoire
^ 244 —
de la colonisatioa ôrançaise à Madagascar, puisque, à part quelques
lignes de la préface, il n'y est question, ni de la géographie physique ou
politique, ni de l'étude des richesses de l'île. L'auteur se borne à faire
le récit des diverses tentatives de la France pour s'établir sur la Grande-
Terre, de 1642, date delà concession accordée par Richelieu à la compa-
gnie Rigault, jusqu'à notre époque. H divise cette période en trois parties :
la première, de 1642 à 1816, comprend entre autres les fameux essais de
colonisation de Bényowsky, à là fin du siècle dernier ; la deuxième, de
1816 à 1845, et la troisième, de 1845 à nos jours. Les derniers chapitres
sont consacrés aux événements récents, que M. Paulliat conduit jusqu'au
bombardement de Tamatave. Pour lui, l'inefficacité des moyens de coer-
cition employés jusqu'ici étant suffisamment constatée, une marche sur
Tananarive pourrait seule amener les Hovas à composition. La narration
bien menée, présente un intérêt soutenu. Quant au ton général du livre,
il nous suffira de dire qu'il est dédié à la mémoire de l'amiral Pierre,
bien connu pour l'énergie avec laquelle il a défendu les intérêts français.
La Tunisie. Son passé et son avenir, par P.-S. Antichan, Paris (Ch.
Delagrave),1884, in 8% 298 pages avec illustrations, fr. 2.90.— On a tant
écrit, ces dernières années, sur l'expédition tunisienne, que le sujet semble
épuisé, mais M. Antichan, qui nous la raconte par le menu, a su intro-
duire dans son récit des détails inédits qui en rendent la lecture fort
attachante. Du reste, son livre ne se borne pas à cette narration. Dans
la première moitié du volume, il fait l'histoire de la Tunisie, c'est-à-dire
celle des invasions successives des Phéniciens, des Romains, des Van-
dales, des Arabes et des Turcs, et il arrive à cette conclusion, que, si la
Tunisie a été si souvent conquise, c'est à cause des richesses de son sol,
qui excitaient la convoitise des peuples du bassin méditerranéen. Puis,
abordant directement l'expédition française, il nous parle des fameux
Kroumirs, à l'existence desquels il croit parce qu'ils ont été signalés
par des voyageurs sérieux, de leur pays et de leur genre de vie. Le récit
de la rivaUté des deux consuls itahen et français, de la campagne de
1881, delà marche du général Bréart de Bizerte à la Manouba, et de la
conclusion du traité de Kassar-Saïd, fait d'après les derniers documents,
ne contredit cependant sur aucun point essentiel ce qui avait été écrit
précédemment sur ce sujet. Enfin l'auteur termine en donnant son opi-
nion sur la réorganisation de la Tunisie. Il demande, en particulier, la
création d'une armée coloniale, desideratum si souvent formulé, l'agran-
dissement du port de Bizerte et la mise à exécution du projet Roudaire.
ÉCHANGES
■ I
Amsterdam.
Anvers.
Berlin.
Brème.
Bruxelles.
Berlin.
Sociétés de géographie.
Gonstantine. Hambourg. Lisbonne.
Douai. léna.
Francfort "/M. Le Caire.
Greifswald. Leipzig.
Halle. Lille.
Lyon.
Madrid.
Marseille.
Montpellier.
Nancy.
New- York.
, Oran.
j^is.
Sociétés de géographie oommerciale.
Bordeaux. Paris. Porto.
Missions.
Rochefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Saint-Gall.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XIXm« siècle
(Neuchâtel).
Journal de TUnité deâ Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bâle).
Evangelisches Missions -Magazin (Bâle).
Calwer Missions -Blatt (Calw).
AUgemeine Missions -Zeitschrift >(Gilters-
loh).
Glanbensbote (B&le).
Africa (Londres).
Lui Nigrizia (Vérone).
Church missionary Intelligeneer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionary (New*York).
Régions beyond (Londres).
Ghronide of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Church of
Scotland (Edimbourg). ^
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian Church (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Woman*s foreign missionary Societv
(Philadelphie).
Divers.
Exploration (Paris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du Comice agricole (Médéa).
Bulletin de TAcadémie d*Uippone (Bone).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris).
Revue géographique internationale (Paris).
Le Mouvement géographique (Bruxelles).
Uandela-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau fOr (géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilnngen der afrikanischen Gîesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fttr den
Orient (Vienne).
Zeitschrift fOr wissenschaftliche Greogra-
phie (Lahr).
Ans allen Wetttheilen (Leipzig).
Deutsche Koloniaheilung (Francfort s/M).
Chamber of Commerce Journal (Londres).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Bollettino délia Societa africana dltalia
(Naples).
Esplorazione (Naples).
Marina e Gommercio, e Giomale délie co-
lonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (QuillKane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Revîsta de E^tudos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant ((^nstantine).
Moniteur de l'Algérie (Al^er).
D»" A. Potermann s Mittheilnngen (Gotha)
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Record of geogra
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus (Cape-Town).
West Amcan Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
I
SOMMAIRE
r
lhlU.ETlN MENBÏTEI 221
Nouvelles complémeiitaii*es 231
Annexion du tekri'ik)ire de Tuaba-N'cuii a l'État Libue de
l'Orange, par M. E. Jacottet. . . , 232
Expédition de MM. leb missionnaiiies Coillard et Jeanmairet
AU Zambèze. 236
IhBLlOGBAPHIE :
Voyages, aventures et captivité de J. Boiinat chez les Achantis, par .
J. Gros 23i)
L'Afrique, par L. Lanier 239
Association internationale du Congo, par A. v. Danckelmann 240
Le Zaïre et les contrats de l'Association internationale, par C. Ma-
galhaes '. 241
Essai de grammaire en langue yoruba 242
Fétichisme et Féticheurs, par le R. P. Baudin 242
En Algérie^ par Kohn-Abrest i 243
Madagascar, par Louis Paulliat 248
La Tunisie. Son passé et son avenir, par P.-H. Antichau. 244
OUVRAGES REÇUS :
C. Magalhaes. Le Zaïre et les Contrats de l'Association Internationale. — Lisbonne
(typ. et lit. de Adolpho, Modeato et C» ), 1884, in-8°, 32 p.
Essai de grammaire en langue yoruba. — Lyon (Séminaire des misùons africaine),
1884, in-8*, ll7 p.
Fétichisme et Féticheurs, par le R. P. Baudin. — Lyon (Séminaire des missions
africaines), 1884, in-8°, 112 p. îUustr.
En Algérie. Trois mois de vacances, par Kohn-Abrest, avec illustrations. — Paris
(Delagrave), 1884, in-8*», 188 p. Fr. 1.20.
La Tripolitaine et l'Egypte, par Kohn-Abrest, avec illustrations. — Pari» (Dela-
grave), 1884, in-8S 188 p. Fr. 1.20.
La Tunisie. Son passé et son avenir, par P.-H. Antichan. — Paris (Delagrave),
1884, in-S'», 298 p. avec gravures. Fr. 2.90.
Louis Paulliat. Madagascar. — Paris (Calmann-Lévy), 1884, in-8^ 144 p. Fr. 3.
L'Egypte. Son avenir agricole et financier, par Félix Paponot. — Paris (Baûdry
et C*), 1884, in-8«, 240 p. et planches. Fr. 10.
C.-G. Butiner. Das Hinterlaud von Walfisch-bay und Angra-Pequena.— Ueideîbtrg
(Cari Winter's Oniversitàts-Buchhandlung), 1884, in-8«, 124 p. Marks 2.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
GENÈVE
GEORG, LIBRAIRE-ÉDIJTEUB
m£me MAISOK A BAU ET * LION
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
.. «(
JOURNAL MENSUEL
DIEIOÉ FAR
H. enstaTe HOTNIEB
Membre de la Commisaion internationale do Bruxelles pour rexploratlon et la ciyilÎBation
de TAfiriqne centrale; membre correspondant de TAcadémie d*Hippone,
et des Sociétés de géographie de Marseillei de Naney, de Loanda et de Porto.
EÉDIGÉ FAm
H. Charles FÂUBS
Socrétaire-BibUotbécalre de la Société de géographie de Oenévo » membre correspondant dos SoeiétcB
de géographie de Lisbonne, de Loanda, do Porto, de Saint-Gall et do Berne.
L'Afrique parait le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8o d'au
moins 20 pages chaeuno ; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que c^la
parait nécessaire.
Le prix de Fabonnement annuel, pn^^ble d'aran^et est de 10 fïranes»
port compris, pour tous les pays de TUnion postale (première zone); pour les
autres, il fr. 50.
r
Tout ouvrage nouveau relatif à TAfrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit k un compte rendo*
Adresser tout ce qui concerne la rédaetlon à IW* GnstaTe ]IIoyiiier«
8, rue de rAtlténée, k Génère (Suisse).
S'adresser poor les abonnements à l'éditenry M. H. Georg« à
Genève on à BAle.'
On s'abonne aussi :
Dans tons les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Ch. Delagrayb, libraire. 45, me SouflDot, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la Cour, 45. rue de la Régence, à Bruxelles.
DuMOLARD frères, libraires. Corso Vittorio Emmanuele, îl. h Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querslr., 29, à Leipzig.
L. Friederichsen et r>, libraires, Admiralitalsstr, 3/4, k Hambourg
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autrirhe).
Trubner et 0\ libraires, Ludgate Hill. 57/59. à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
ATIS. — Nous mettons à la disposition de nos nouveaux abonnés, au prix de
12 fr, chacun, un certain nombre d^exemplaires complets de la IT^^, de la IIT"*
et de la IV""^ année. La P* est épuisée.
^*»
— 245 —
BULLETIN MENSUEL (3 novembre 1884.Y
M. Soleillet est arrivé du Clioa à Obock, d'oti il rentrera en France.
Avant d'être reçu en audience dQ congé par Ménélik, il a eu la satisfac-
tion de voir arriver à Ankober, et sous la direction de M. Léon Chefneux,
une caravane à laquelle s'étaient joints le capitaine Longbois, envoyé
par le président de la République française pour remettre au roi une
lettre et des présents, ainsi que pour déterminer le cours de THaouasch,
et le capitaine Pinot avec un convoi de marchandises diverses. Quant
à la station d'Obock, les grandes chaleurs de l'été et la rareté de la
main-d'œuvre indigène ont créé de grandes diflScultés à ceux qui sont
chargés d'y établir le fort, le parc à charbon, le phare et l'appontement
décrétés par le gouvernement français. L'eau potable, abondante après
la saison des pluies, est devenue extrêmement rare.' Le jardinage, qui
avait tout d'abord donné d'excellents résultats, a dépéri. La main-
d'œuvre indigène a diminué par suite de l'adoption de certaines mesures
fiscales, dont le résultat a été d'éloigner du nouveau port bien des gens
qui n'auraient pas mieux demandé que de le fréquenter. L'occupation
par l'Angleterre, de Berberaet deZeïla, sur la côte du pays desSomalis,
a engagé la France à faire occuper Tadjoura, sur la baie de ce nom,
un peu au sud-ouest d'Obock. M. Soleillet y a planté l'année dernière le
drapeau français, et a fait reconnaître le chef du pays, Abou-Bekr,
comme protégé français. C'est par Tadjoura que passent tous les voya-
geurs qui, d'Obock, se rendent dans l'intérieur, au Choa en particulier. '
M. Hanford, missionnaire à Frère To^^n, rapporte à la Church
Missionary Intelligence, que les maux causés par la famine augmen-
tent chaque jour. « La vue des gens affamés qui se présentent à ma
porte, » écrit-il, « est désolante. Pas dejour où il n'en vienne de Rabaï ou
d'autres lieux. Ils arrivent ici pour chercher du travail, gagner quelque
argent, et aussi pour relever quelques mangues qui tombent constam-
ment des arbres, et qui, dans ce temps de disette, sont la propriété
commune. Je dois dire que nos gens sont très bons pour eux; ils leur
donnent non seulement un gîte pour la nuit, mais encore souvent une
partie des mets de leur table. Pareille famine ne s'est pas vue depuis
^ Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Nouvelles corn-
ptémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
L'AFRIQUE. — CINQUIÈME ANÎTÉB. — N° 11. 11
— 246 —
trente ans au moins. La principale cause en est le fait que la seconde
récolte a manqué, faute des dernières pluies. Beaucoup ont été réduits
à une telle extrémité qu'ils ont é|é obligés de se servir du grain réservé
pour les semailles; ils n'ont donc pas pu semer, aussi le prix des vivres
sera-t-il très élevé pendant douze mois encore. L'alimentation consiste
eu toute espèce de racines, d'herbes, etc., d'où résultent quantité de cas
de maladie, surtout de dysenterie. » M. Hanford s'est rendu à Kamli-
keni, la station missionnaire du Giriama, et, à propos de cette excur-
sion, il ajoute : a A mesure que nous avançons, nous voyons passer, les
unes après les autres, des familles avec leur avoir, se rendant, elles ne
savent où, en quête de quelques vivres. Les pauvres mères et enfants
sont si décharnés qu'on peut compter leurs côtes; prêts à tomber
d'épuisement, ils sont dans un tel état de prostration qu'ils passent
auprès de nous sans faire attention à nous, comme s'ils ne nous aperce-
vaient pus. Des centaines périront, car même si la pluie arrivait enfin,
ce serait trop tard pour sauver les récoltes. Tout ce qui pouvait être
mangé, y compris les racines, a été consommé ; beaucoup n'ont pas
même la force de prendre une bêche pour chercher quelque racine. »
La station de Liendu^é, de la Société des Missions de Londres, oii
le capitaine Hore préside à la reconstruction di^ vapeur, la Bonne-
Nouvelle, transporté par sections au sud du Tanganyika, a aussi souffert
de la famine, ensuite des incursions faites aux alentours par les Wang-
wana et les Arabes. Les indigènes ont dû vivre de racines ; un grand
nombre d'entre eux ont été vendus comme esclaves aux trafiquants, en
échange de vivres, en sorte qu'il en est peu resté auprès des missionnai-
res. Cependant ceux-ci ne doutent pas, qu'avec le tempp, le pays qui est
très fertile ne se repeuple. Quelques natifis ont construit leurs huttes
dans le voisinage du chantier où l'on remonte le vapeur, disant qu'ils se
sentent en sécurité pendant ^ue les blancs résident auprès d'eux.
Des chefe ont envoyé leur bétail' à la station pour qu'il y fût protégé, ce
qui prouve que les missionnaires ont gagné la confiance des indigènes.
A mesure que le montage du vapeur avance, ils sont extrêmement sur-
pris de cette œuvre énorme; il en vient de loin, avec leurs chefs, poorlé
voir ; au premier abord ils sont comme stupéfaits ; ce qui les étonne le
plus, c'est que Ton ait l'idée de faire flotter sur Teau une telle masse de
fer, et ils supposent que les missionnaires ont pour cela des moyens qui
tiennent dé la magie.
M! le consul O'NeiU; parti eoi avril de Mozambique, pour leZamb&ze
et le Chiré, afin d'aider au capitaine Foot, consul du district du Nyassa,
— 247 —
à rétablir la pair sur le GhTré,it gagné la statioii de Blantyre' par iioe
route de terre entièrement nouvelle. Quittant le Chiré à Chironjî,
parI6°57' lat. sud, il a passé à Test défi districtsdes Ma-Kdolo, révoltéB
ensuite de la mort de leur chef Ghipitoula, et il a relevé, par des obser-
vations astronomiques, la position de plusieurs localités : Mlolo,
Manasomba et Milanji. A Blantyre il a décidé de faire une séried'obs^p-
vations, pour en tixer la longitude exacte, afin d'avoir un méridien dans
TAfrique centrale orientale, fait de la plus haute importance, pense-t-il,
pour le relevé de cette région \ Le capitaine Foot écrivait de Blantyre,
le 8 juillet, que ses négociations avec les Ma-Kololo, pour la réouverture
du Chiré, étaient en bonne voie, mais que les troubles de ce district
l'avaient empêché de faire, comme il l'avait compté, un voyage au Tan-
ganyika. En mars il avait fait, à l'ouest et au nord du Ghiroua, une
excursion dans laquelle il était monte au sommet du mont Ghaoni,
à 1300" d'altitude, d'où il avait vu le lac Ghiouta, découvert peu aupa-
ravant par M. O'Neill. « La vue dont on jouit de ce sommet, » écrit-il,
« est très étendue; elle embrasse le Ghiré, les lacs Pamalombé et Nyassa,
le pie Mangoche, au nord, le mont M'iangi, à 100 kilom. au sud, Zomba
au S.-O., avec la silhouette des montagnes au delà du Ghiroua, dont les
eaux s'étendent presque au pied du spectateur. Le climat de ces hau-
teurs convient à la santé des Européens. » — Malheureusement depuis
le retour de cette excursion, M. Foot a été pris d'un accès de fièvre
auquel il a succombé.
M. W\ O. M'Eiwan, chargé de diriger, après la mort de M. J. Ste-
wart, la construction de la route du Nyassa au Tanganyika, est arrivé à
Chironji, sur le Ghiré, à bord de la Lady Nyassa, après avoir été
retenu près de la côte pendant plus de deux mois, par l'état d'insurrec^
tien où se trouvait le pays. Les esprits paraissant se cahner, il avait pu
se mettre en route, et espérait arriver à Blantyre le 26 juillet. Préparé
avant son départ aux observations astronomiques, par les soins de la
Société de géographie de Londres, il pourra déterminer d'une manière
précise la position des lieux importants qu'il visitera.
Dans l'A'ssemblée générale de la Société coloniale allemande tenue à
* Nous pensons que la détermination exacte dé la position de Hlantjrre, d'après
le méridien de Greenwich, adopté récemment à Washington 'comme mériditsu
initial par la grande- majorité des États citilisés, serait sttffîsante.
£k ce qui nous concerne, nwa nous confot^erMis, pour PhiâtoailMi ôéê^loiÊ^
tndasf alla dédsionrdn Congrès» de' Washinglém
^
— 248 —
Eisenach, le 21 septembre dernier, M. LQderitz a fourni des renseigne-
I
ments précis sur le but de la deruîère expédition qu'il a envoyée pour
explorer le territoire qu'il a acquis au nord du fleuve Orange, et nommé
aujourd'hui le Lûderitzland. Elle essaiera d'abord d'entrer dans le fleuve,
dont la barre passait jusqu'ici pour infranchissable. Dans un voyage
qu'il fit l'année passée à An^ra-Pequena, le capitaine de la canon-
nière le Nautilus exprima un avis contraire, auquel se rangea le comman-
dant de la Mda, les cartes marines de cette partie de la côte étant défec-
tueuses, par suite du peu d'intérêt qu'on attachait à cette région.
M. Lttderitz a voulu, au mois de février de cette année, essayer de fran-
chir cette barre, avec la Meta qui ne tire que 2" d'eau, mais le vent du
S.-E., qui soufflait alors violemment, ne lui permit pas d'approcher de la
côte. L'expédition actuelle composée de M. Pohle de Freyberg, du
D' Ad. Schenck de Bonn, du D*^ Schinzvde Zurich, et de M. de Jongh
d'Amsterdam, plus six mineurs de Freyberg, devra, si elle peut forcer la
barre de l'Orange, remonter le fleuve aussi haut qu'elle le pourra et en
explorer la rive septentrionale. A cet effet elle est pourvue d'instruments,
de tentes, de vivres, d'armes et d'articles d'échanges pour les indigènes.
M. Lûderitz a appris que la rive septentrionale de l'Orange est riche en
fourrage, en gibier, et que les tribus indigènes qui l'habitent élèvent de
grands troupeaux de bestiaux. Il y a en outre des exploitations' d'or
d'alluvion. Dans tous les cas, il sera possible de commencer à cultiver le
sol dans le voisinage du fleuve. Lorsque cette rive aura été explorée en
tous sens, surtout au point de vue minéralogique, l'expédition débar-
quera sur tous les points abordables, et entreprendra, aussi loin qu'elle
le pourra, l'exploration de l'intérieur du pays. — Outre le fer et le cuivre,
dont plusieurs gisements se trouvent près de la côte, il existe près de
Pomona un gisement de plomb argentifère. L'exploration dira quelle en
est la puissance, et si l'exploitation en serait rémunératrice. MM. Pohle
et Schenck exploreront soigneusement les gisements de minerais, pen-
dant que M. Schinz s'occupera surtout de la flore. Les mineurs entre-
prendront des sondages, et M. de Jongh, qui sait un peu la langue des
Namaquas, servira d'interprète, nouera des relations commerciales avec
les indigènes, et éventuellement pourvoira à la fondation ultérieure de
factoreries. Sur la route d'Angra-Pequenaà Béthanie, M. Lûderitz con-
naît 11 sources. Le plateau de Tsirup paraît avoir été autrefois un bas-
sin lacustre; le terrain consiste en une argile rouge; si l'on peut y forer
des puits, peut-être l'agriculture pourra-t-elle y prospérer. La pluie y
tombe rarement, mais lorsque le sol en reçoit quelque peu il se transforme
— 249 —
en un vaste tapis d'herbe et de fleurs, qui témoigae de sa grande fécon-
dité. Les jardins de Bétbanie, arrosés par des canaux dont l'eau est
prise de la rivière qui y passe, produisent en abondance du maïs, de
l'orge, des citrouilles, des figues, des bananes et du vin.
Pour obvier au manque d'eau, M. Lûderitz enverra prochainement,
avec son brick le Tilly, une nouvelle expédition, pour creuser des puits
artésiens, d'abord dans le voisinage d'Angra-Pequena, puis, dans l'inté-
rieur le long du chemin de Béthanie. Si ce forage réussit, on pourra son-
ger à la colonisation. Quant à l'exploration minière, l 'ingénieur Prescher
a trouvé, dans une vallée pourvue d'eau et d'une herbe abondante, un
gisement où le minerai de cuivre est à découvert sur une superficie de
2 milles carrés anglais, et contient 57, 18 Vo de cuivre ; il en a trouvé
deux autres d'une épaisseur de 2 à 5"*. .
Nous résumons ici les dernières nouvelles fournies par le Mouvement
géographique de Bruxelles, sur les travaux des explorateurs belges dans
le bassin du Cong^o. Sur le bas-fleuve, le D' Van den Heuvel va quitter
Banana, reconduisante Zanzibar surlaFïZZed'O^^end^^ voilier de l'A^sso-
ciation internationale, 150 Zanzibarites dont le terme de service est
expiré. — MM. J. Chavanne et Zintgraff ont entrepris l'exploration du
Mpozo, affluent du Congo, et espéraient pouvoir le remonter jusqu'àSan-
Salvador. — A Isanghila est arrivée la caravane de 600 hommes qui trans-
porte le Stanley à Léopold ville; le steamer remonté et mis à flot ira par
eau jusqu'à Manyanga. — Dans cette dernière localité a passé un déta-
chement de l'expédition de Brazza commandé par le lieutenant Dolizie,
aidé de deux adjoints. Il se composait de vingt soldats algériens et de
vingt-cinq indigènes; il venait de Loango, et conduisait à Stanley-Pool un
fort ravitaillement pour la mission française. Le voyage de Stéphanieville
au Congo avait été des plus difficiles et contrarié par la désertion de
presque tous les porteurs. Près de M' Pambo, surlaLoudima, ils avaient
été forcés d'abandonner plus de 200 charges, n'ayant plus d'hommes
pour les transporter. Le commandant de la station de Manyanga les reçut
fort bieni et s'efforça de les tirer d'embarras pour qu'ils pussent aller
promptement ravitailler M. de Brazza qui attendait leur convoi avec
impatience. — En amont de Stanley-Pool, sir Francis de Winton avisHé,
à bord du Feace, vapeur de la mission baptiste, et en compagnie de
MM. Comber et Grenfell les stations de Kimpoko, Msouata et Koua-
mouth. Ensuite il a exploré le Quan^o^, dont il a remonté le cours pen-
dant cinq jours. A son embouchure il a une direction N.-E., une largeur
d'environ 350" et une profondeur moyenne de 9". La rive droite est habi-
— 250 —
tée par la tribu des. Ba-Feimo; <m.Q'y reaoontre aucun village importaiit
avant d'arriver à-Mbo, à 50 kUoœ. du confluent du Quango et du Congo.
Les habitants en Bomttrès pacifiques. Au ddà de Mbo la rivière «'élar-
git ; de grandes âes basses et sablonneuses apparaissent et ne laissent
entre elles que d'étroits canaux, accessibles seulement à des steamers
d'un faible tirant d'eau. Le troisième jour l'expédition atteignit le grand
village de Mbousie, d'une étendue de 4 kilomètres, habité par des indi-
gènes de la tribu des Wa-Bouma. Leur chef actuel est une femme nom-
mée Monakobé, qui accueillit les voyageurs avec empressement et leur
offrit des terrains pour rétablissement d'une station. LesWa-Bouma
sont pêcheurs et marchands; ils vont jusqu'à Stanley-Pool pour y échan-
ger leurs produits contre des étoffes etautresmarchandises européennes.
En amont de Mbousie, le Quango, se bifurque; la branche qui vient du
S.-E. est le Quango proprement dit ; celle qui descend du N.-E. sort du
lac Léopold II, découvert par Stanley en 1882. — Près de la station de
Kouamouth, M. de Winton a passé sur la rive droite du Congo, et a
rendu visite h Savorgnan deBra^za àN'Ganchou, puis, quittant le Feace
et les deux missionnaires anglais qui continuaient leur voyage vers le
haut-fleuve, il est revenu à Léopoldville le 19 juillet. — M. Glaive, chef
de la station de Loukoléla, a rencontré près de sa station un vaste ter-
rain d'une étendue déplus d'un hectare, entièrement couvert de caféiers
sauvages. — A la mort du grand chef Seko-Touughi, le moucounzi
d'Ibouga-Wangata, grand village situé près de la station de 4'Équateur,
les habitants de la localité se réunirent en assemblée solennelle et élu-
rent pour chef des Ba-Koumbé« le lieutenant Yan-Gèle, commandant de
ce poste, preuve du bon accord qui existe entre lui et les indigènes.
D'après des renseignements fournis par M. Van-Gèle, l'Ikélemba ne
serait pas, comme on l'a cru jusqu'ici, sur le témoignage de Stanley, le
plus considérable des aflluents die la rive gauche du Congo. En amont de
la station de l'Equateur, le Congo reçoit sur sa rive gauche deux affluents ;
c'est d'abord, à ô kilom. de la station, le Rouki, et à 3 kilom. plus au
nord, l'Ikélemba ; or ce dernier n'est qu'un affluent d'une centaine de
mètres à son embouchure, comme le Congo en compte beaucoup, tandis
que le Rouki est large comme le Congo, et comme lui il est parsemé
d'îles. Il contient toujours énormément d'eau. Stanley suppose que tous
les principaux aiffuents de gauche du Congo sortent de vastes marais
situés au nord du royaume du Mouata-Yamvo, et qui ne seraient autres
que le lac Sankourou signalé par Cameron ; ce seraient ces marais qui
donneraient à toutes ces rivières la teinte noire qui caractérise leurs
éV\
— 251 --
eaux. 'Mais d'après le lieutenant Van-Gèle, le Rouki ne sort pas d'un lac;
c'est du moins ce que lui a affirmé un indigène qui en a remonté le cours,
et'^ui lui a rapporté les noms de 2rgrands villages, situés, jusqu'à dix
jenmées de marche, le long de sa rive gauche extrêmement peuplée. Le
ReuM reçoit lui-mênae de nombreux cours d'eau, qui drainent une vaste
i^on. Les éléphants sont nombreux dans le bassin des deux rivières.
C'est sans doute à la proximité des embouchures des deux affluents qu'est
due la double dénomination du seul cours d'eau marqué dans les cartes :
Ikélemba- Ourouki.
Dans lé bassin du Qullou, le lieutenant Spenser Burns, chef de
la station de Rudolfstadt, a fait à l'intérieur une excursion de trois mois
et exploré un territoire encore inconnu, habité par des Ba-Soundi. La
chaîne de montagnes qui couvre le jfays porte le nom de Cibemba-
M'boko; elle renferme deux monts isolés dont la hauteur dépasse
1500"", et d'où la vue s'étend sur toute la contrée d'alentour ; M. Burns
les a nommés Victor-Emmanuel et Humbert , et il les a inscrits sous
ces noms dans la carte qu'il a envoyée^ à TÂssociation internationale de
Bruxelles. La position approximative en est par S^'ôS'SO" lat S. et
13^37'20" long. E. de Greenwich.
Enfin deux nouvelles stations ont encore été fondées dans la région
du Quilou : la première, Arthurville, sur les bords du fleuve, et la
seconde, Strauch ville ', sur un des affluents de gauche du Quilou.
Le II' BAllay est rentré en France, après avoir quitté Savor^nA.»
lie Bt^azsEa, à Brazzaville, le 28 mai dernier. Il a remonté le Congo et
l'Alima avec la chaloupe à vapeur, et rapporté une copie des lettres
échangées entre de Brazza et les agents de TÂssociation internationale,
au sujet du droit reçu de Makoko par l'explorateur français, d'occuper
un point de la rive gauche du Congo. Brazzaville est situé sur la rive
droite; mais, dit M. Ballay,les Etats de Makoko sont situés sur les deux
rives,et le chef suprême avait accordé à de Brazza une concession à Kin-
cbassa sur la rive gauche, village oii le sergent Malamine résida dix-
huit mois. Stanley ne voulut pas reconnaître cette concession, et prit
possession de toute la rive gauche de Stanley-Pool, oti il fonda quatre
postes, protégés par une batterie de dix canons Krupp établie sur une
hauteur qui commande le fleuve. De Brazza fit convoquer les chefs de la
' D'après la carte da Congo, de PÊqaatfeur à l'Océan, établie par l'Institut
national de géographie de Bruxelles, la chaîne de montagnes qui longe le Quilcu,
dans son cours moyen, a reçu le nom de monts Strauch.
1
— 252 —
rive gauche pour qu'ils reconnussent ses droits, en présence des agents
de rAssociatipn,aiin que ceux-ci vissent bien que les indigènes agissaient
de leur plein consentement. D'abord les agents belges ne voulurent pas
venir ; puis de Brazza leur ayant déclaré que leur absence serait consi-
dérée comme un acquiescement à la reconnaissance de son droit, ils
tirent contester par leurs Zanzibarites et leurs interprètes noirs le sens
des déclarations des indigènes inscrites au procès- verbal delà cérémonie.
Il ne resta à de Brazza qu'à s'en référer à son gouvernement, et à faire
savoir qu'il considérerait comme insulte au pavillon français toute vio-
lence tentée contre le village de Kînchassa, et l'affaire en resta là. Elle
trouvera sa solution dans l'accord intervenu entre le gouvernement
français et l'Association internationale, qui était alors ignoré à Brazza-
ville aussi bien qu'à Léopoldville. — Quant àl'état actuel de la mission de
Brazza, elle compte douze stations établies du cap Lopez à Brazzaville,
sans parler de celles de la côte qui relèvent maintenant directement du
ministère de la marine ; elle a une chaloupe à vapeur sur le Congo, et
en recevra bientôt une autre qui est en route. Les Adouma, peuplade
de rOgÔoué, qui peuvent fournir 1200 pagayeurs et qui auparavant
n'avaient jamais voulu sortir du bassin de leur fleuve, ont passé, avec les
conducteurs de l'expédition française, dans celui du Congo par l'Alima,
et pris l'habitude de voyages qui serviront au développement du com-
merce dans cette région.
Après un temps assez long pendant lequel l'explorateur Flegel
n'avait pu envoyer aucune lettre à la Société africaine allemande, il est
arrivé lui-même à Berlin, où il a exposé à la Société de géographie les
principaux faits de son dernier voyage au Béaoué. Parti de Ibi, il a
été retenu trois mois à Wukari par la maladie, et en est reparti le
1" décembre 1882, pour traverser de nombreux affluents méridionaux
du Bénoué, jusqu'à Katschka, où des querelles de chefe indigènes
l'obligèrent de s'arrêter longtemps. Une guerre avait éclaté entre le
chef de Ngaunderé, et celui de Gasaka, un de ses vassaux, sur le terri-
toire duquel le suzerain, pour prélever le tribut, fit une incursion de
laquelle il remporta un riche butin . Dans sa retraite cependant il fut
attaqué, et perdit les esclaves qu'il emmenait, ainsi que les biens qu'il
avait pillés. Ces circonstances empêchèrent Flegel de se rendre au
Congo, ou tout au moins de regagner l'Océan directement comme il
l'avait compté. Muni d'une lettre de recommandation du sultan de
Sokoto, il se rendit à Bagnio qui, avec Ngaunderé et Tibati, est un des
plus grands marchés d'ivoire de cette partie de l'Afrique. De Bagnio il
— 253 —
envoya des messagers au prince de Tibati, qui assiégeait différentes
Tilles païennes, et qui lui refusa l'entrée de sa capitale, ensorte qu'il
dut échanger le reste de ses marchandises contre de l'ivoire et se déci-
der au retour. Près de Wassi il traversa pour la seconde fois la ligne
de partage des eaux entre le Bénoué et le Cameroon, puis la région des
sources des affluents de gauche du Bénoué, pour déterminer les limites
méridionales du bassin de ce fleuve comme Rohlfs l'a fait au nord. Les
afSuents méridionaux sont, en allant de l'est à l'ouest, le Faro, le
Taraba, le Kam, le Cogindongo, le Cogintaraba et le Cogiukatoschema.
Flegel suivit le Cogintaraba à partir de Beti, et le trouva navigable sur
une centaine de kilomètres. Au sud du Bénoué s'étend, du N.-E. au
S.-O,, une chaîne de montagnes de 1300" à 1600* de hauteur moyenne.
Les plus hauts sommets peuvent avoir de 2000" à 2300" ; toutefois le
Gendorro peut bien dépasser 3000". Si l'on peut songer à coloniser dans
l'Afrique centrale, Flegel croit que cette région élevée et salubre serait
la meilleure. L'examen qu'il a fait des cours d'eau qu'il a traversés lui
a donné la conviction que, outre le Bénoué, qui a 1100 kilomètres, les
affluents sus-mentionnés sont navigables sur 75 à 100 kilom., pendant 5
à 6 mois, ce qui permettrait de pénétrer par voie fluviale presque jus-
qu'au pied des montagnes qui forment la ligne de partage des eaux de
ce bassin et de celui du Cameroon. Le sol est très fertile, on y élève des
bestiaux ; Flegel estime qu'il est très important d'en maintenir l'accès
par le Niger ouvert à tous les peuples civilisés, au lieu de le laisser fer-
mer au profit de quelques-uns seulement.
M. I^enoir, capitaine d'infanterie de marine, chargé par le gouver-
nement du Sénégal d'une exploration ayant pour but d'étudier les res-
sources commerciales de la Haute-Casamance *, est heureusement
arrivé à Bakel. Parti le 21 juin de Sedhiou, il a visité le Fridou, gagné
ensuite la Gambie qu'il a traversée en pirogue à Oualibacounda, pour
pénétrer dans le Ouli. La guerre entreprise par le roi du Fridou contre
le Kantora, l'a empêché de se rendre dans le Niocolo, province du
Fouta-Djallon, visitée en 1881 par le D' Bayol. D a constaté que le Ouli
a été réduit en désert par les marabouts du Rip et du Badibou qui
l'ont ravagé. Il l'a quitté pour entrer dans le Bambouk, puis, après avoir
passé à la nage le Nieri, il a atteint Goumbel, le 1*' août, en se dirigeant
sur Badou.
* V. la carte du pays situé entre la côte de Sénégambie et le Niger, IV™* année,
p. 200.
— 254 —
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
M. Lemay, vice-consul de France à Massaoua, revenu, il y a quelques semaines,
d'une mission à Zeïla et à Harrar, est retourné à son poste, chargé de renseigner
le gouvernement français sur l'état du pays où sévit l'insurrection contre la domi-
nation égyptienne; peut-être recevra-t-il une mission auprès du négous.
Deux nouvelles caravanes de missionnaires d'Alger partiront prochainement
pour le Victoria-Nyanza et le Tanganyika ; les premiers médecins arabes élevés
par les soins du cardinal Lavigerie y seront adjoints.
Le missionnaire Johnson, qui a exploré la c6te orientale du Tanganyika et la
Loujenda, émissaire du Chiroua, a constaté que ce dernier n'est pas un lac au
sens propre du mot, car, dans la saison sèche, il ne forme qu'un immense marécage,
et n'a d'eau que pendant la saison des pluies.
Le major Serpa Pinto organise è^ Mozambique une expédition à la tête de
laquelle il explorera le pays situé entre l'Océan Indien et le lac Nyassa. On sup-
«
pose que, de là, il se dirigera sur le Congo en passant par le Tanganyika. Il aura
avec lui 250 porteurs, une centaine de Zoulous, un lieutenant de marine portugais
et un photographe anglais. i
Pour parer au danger dont la culture exclusive de la canne à sucre à la Réu-
nion menace cette colonie, un certain nombre de colons reviennent à d'anciennes
cultures abandonnées à tort, celles du café, de la vanille, du cacao, des plantes
tinctoriales et médicinales, etc.
Les essais tentés pour relier par des signaux op^tiques la Réunion à l'Ile Mau-
rice (léOkilom.) ont pleinement réussi. On correspond de Saint-Benoit à Port-Louis,
au moyen d'appareils placés sur le piton Lacroix et sur le Pic Vert.
D'après le rapport de miss Graham sur la mission médicale à Madagascar, 850
patients ont été soignés l'année dernière dans l'hôpital de la mission, et 3000
malades hors de l'établissement.
On annonce de Londres que des lettres patentes de la reine vont être publiées,
confirmant officiellement l'annexion aux possessions anglaises du Cap, des territoi-
res qui jusqu'ici appartenaient à la^Cafrerie indépendante : le Tembouland, le
Galekaland et le Bemvanaland. De leur côté, les Boers de la nouvelle république
du Zoulouland ont l'intention d'occuper Port-Durnford, au nord de Natal.
La Société de géographie de Lisbonne a reçu des nouvelles des voyageurs
Capello et Ivens, qui ont visité tout le territoire de Moulondo, région fertile, et de
M. Carvalho, qui dirige l'expédition en marche pour le pays du Mouata-Tamvo.
A la demande de la famille de l'explorateur Junker, que l'on suppose avoir
cherché à gagner le Congo par l'Arououimi ou la Népoko, le comité de l'Associa-
tion internationale a donné des ordres à ses agents pour que des secours soient
envoyés au-devant de lui, à son arfi^ sur .le haut Congo.
L'expédition de l'Association internationale, dirigée par le lieutenant Becker
(v. p. 224), s'est embarquée le 22 octobre à Marseille pour Aden et Zanzibar.
— 255 —
Une escadre allemande, à laquelle sera attaché Pexploratear Gérard Rohlfs, se
rendra à la c6te occidentale d'Afrique, pour protéger les colonies que l'Allemagne
vient d'y acquérir. ^ »'
Les factoreries allemandes établies sur la côte occidentale d'Afrique sont au
nombre de 44; 84 appartiennent à des maisons de Hambourg, et 10 à des maisons
de Brème; il y en a 24 sur la Côte des Esclaves, 13 au Cameroon, 2 dans la baie
de Oorisco, S au Gabon, 1 sur un d^ territoires de l'Association internationale à
Rudolfstadt, et 1 à Angra-Pequena. Sur l'invitation de M. de Bismarck, les prin-
cipales maisons de Hambourg qui ont des factoreries dans ces régions, ont formé
vm syndicat de l'Afrique occidentale, ayee I^nel le gouvernement allemand pourra
entrer en relations.
L'annexion par l'Angleterre du territoire de Wari, à l'ouest du Niger, et la
prétention de cette puissance de faire reconnaître comme possession anglaise le
bassin inférieur de ce fleuve ne paraissent ^s devoir être admises par les princi-
paux États invités à se faire représenter au Congrès de Berlin. La question de la
libre navigation de ce fleuve y sera posée et résolue, nous l'espérons, dans le même
sens que celle du Congo.
M. Viard, qui a déjà parcouru plusieurs fois les districts du Niger, va y retour-
ner. Déjà en 1880 il y accompagna M. de^Bemellé; en 1881 et 1882 il visita le
Nupé; dépendant du royaume de Sokoto; cette fois-ci, il se propose d'explorer
plus particulièrement le Bénoué.
M. le D*" Mfthly est de retour de la Côte d'Or. Les propositions qu'il fera au
comité des Missions de Bàle pour l'équipement, le vêtement, l'alimentation, l'habi-
tation, le mode de vivre et de voyager, seront sans douta d'une grande utilité pour
les missionnaires de cette Société. Pendant son séjour à la Côte d'Or, il en a soi-
gné beaucoup de très malades ; partout il s^remis en bon état les pharmacies des
stations, et a gagné à la Mission la sympathie de nombreux indigènes auxquels il
a donné des soins dévoués; en un mot, il a bien préparé la mission médicale que
va commencer le D' R. Fisch.
D'après le rapport du consul des États-Unis à Libéria, la rivière Cavalla, qu'on
a remontée en bateau sur une longueur de plus de 300 kilomètres, a une grande
importance commerciale; aux ressources agricoles qu'offrent ses rives, s'ajoute le
lavage de l'or qu'on a trouvé sur ses bords. Le gouvernement des États-Unis a
autorisé l'ouverture de deux nouveaux ports, l'un à Niffou, dans le comté de Sinon,
l'autre dans le comté de Montserado, et l'établissement d'une colonie à San-Pedro,
à la frontière S.-E. de Libéria.
Les colonies anglaises de la côte occidentale d'Afrique vont être reliées à l'Eu-
rope par le télégraphe. Le navire, le SUoertown, est parti pour Ténériffe ayant à
bord une longueur de câble de 2000 kilomètres. Après avoir relié cette tle avec
celle de Lanzerote, il ira à Dakar et à Baâkurst, puis à d'autres points de la côte
africaine.
— 256 —
STANLEY ET L'ŒUVRE OU CONGO
t
•
Au moment oîi vont se réunir, à Berlin, les représentants de la plu-
part des États civilisés des deux mondes, pour appliquer au Congo,
comme M. G. Moynier le proposait Tannée dernière à Tlnstitut de droit
international à Munich, les principes que le Congrès de Vienne avait
adoptés pour assurer la liberté de la navigation de quelques fleuves inter-
nationaux, principes appliqués plus tard au Danube, il nous paraît utile
de rappeler à nos lecteurs où en 9ët Tœuvre de la civilisation sur le grand
fleuve de l'Afrique équatoriale.
On pouvait espérer apprendre de Stanley plus de détails qu'il n'en a
donné jusqu'ici au public, sur ses nouvelles explorations du Congo et de
ses aflluents ; mais, comme U Ta dit à la Chambre du commerce de Lon-
dres, il y a certaines choses qu'il n'est pas autorisé à dire. Néanmoins il
a parlé, et c'est à sa conférence h Londres, qui nous a été obligeamment
communiquée, que nous emprunterons nosrenseignenaentssur le Comité
dont il relève, sur le but de l'œuvte dont il a été chargé, sur les moyens
employés pour l'atteindre et sur les résultats obtenus jusqu'ici.
A son retour en Europe, en 1877, il fut informé de plusieurs projets
relatifs à l'extension du commerce en Afrique, et il entra en correspon-
dance avec leurs promoteurs sur la (luestion des voies et moyens. D'après
une lettre de lui, de Î879, il fut mis en rapport avec une commission
composée de membres de l'Association internationale africaine : Belges,
Hollandais, Français, Anglais, Américains, qui, constitués en 1878 en
Comité d'études du Haut-Congo, avaient adopté le drapeau de l'Asso-
ciation. Les deux Sociétés avaient le même Comité exécutif. Nous savons,
par le rapport de M. G. Moynier, délégué du Comité national suisse à la
session de 1877 à Bruxelles, que le Comité exécutif était alors composé
comme suit :
S. M. le roi des Belges, président ;
MM. le D' Nachtigal (Allemagne) ;
de Quatrefages (France);
Sanford (États-Uqis) ;
le baron Greindl (Belgique), secrétaire général.
Dès lors il a subi des modifications : le baron Greindl a été envoyé à
Lisbonne, comme ambassadeur belge ; le D*" Nachtigal, d'abord consul
général de l'empire allemand à l^unis, est actuellement commissaire en
mission à la côte occidentale d'Afrique, et le successeur du baron Greindl,
— 257 —
M. Strauch, dans sa lettre du 23 avril de cette année, à M. Jules Ferry,
apparaît comme président de TAssociation internationale du Congo ;
nous supposons qu'il s'agit ici du Comité exécutif duquel dépendent,
d'une part, l'Association internationale africaine primitive, de l'autre, le
Comité d'études du Haut-Congo.
Quoi qu'il en soit, d'après la lettre susmentionnée de Stanley, le but
de ce comité était triple : philanthropique, scientifique et commercial.
Au point de vue philanthropique, il s'agissait d'ouvrir l'intérieur de
l'Afrique, par le Congo, en soustrayant les tribus du bas fleuve et celles
qui habitent en amont de Stanley-Pool, à l'état de barbarie et de défiance
dans lequel elles vivent, et de leur apprendre à prêter volontairement un
concours matériel à ceux qui s'y emploieraient. Stanley ne doutait pas
que, quand on aurait montré les blancs de la côte disposés à nouer de
bonnes relations avec les noirs de l'intérieur, et la route entre l'Atlanti-
que et leur pays débarrassée des obstacles que suscitent les guerres des
tribus entre elles, le problème ne fût résolu. Les blancs pourraient hâter
les progrès de l'œuvre en créant des moyens rapides de communication,
et laisser au temps le soin de faire fri,ictifier la bonne semence qu'il allait
jeter en terre. D ne pensait pas que la route qui serait créée par les
blancs et les noirs, unis dans un sentiment de confiance réciproque, pût
jamais se refermer.
Le but que se proposait le Comité d'études était en même temps scien-
tifique, car Stanley était chargé de faire un relevé systématique du pays
situé entre Boma et Stanley-Pool, sur les deux rives du Congo, et de
déterminer la position des centres de population importants, et celle des
principaux points qui peuvent intéresser le géographe et le négociant.
Enfin, le but de cette Société était encore commercial, en ce sens
qu'il s'agissait de voir jusqu'à quel point on pourrait se hasarder dans
des opérations mercantiles avec les tribus du haut fleuve, en les invitant
à échanger les produits de leur sol et de leur industrie contre les mar-
chandises des manufactures des pays civilisés. Les renseignements sta-
tistiques que l'on pourrait obtenir, devaient servir de guide pour les
marchands, quant à la nature et à la quantité des produits de l'intérieur
de l'Afrique, et quant aux dispositions générales de ceux avec lesquels
on serait entré en rapport.
Pendant trois ans et demi Stanley poursuivit un but analogue à celui
que l'A^odation internationale se proposait à la côte orientale; il créa
des stations hospitalières et scientifiques le long du Congo ; il s'efforça
d'empêcher la traite des esclaves; il travailla à faire le relevé du
— 258 —
terraÎD et à recueillir des renseignements sur le pays, ses habitants et
ses ressources. Le succès dépassa Tespoir de tous ceux qui étaient
engagés dans cette entreprise.
En effet, le nombre des stations, créées par le Comité duquel relève
Stanley est considérable, et nous ne pouvons les énumérer toutes. On
en compte onze dans la partie du fleuve qui s'étend de Borna à Stanley-
Pool ; neuf, de Léopoldville aux chutes de Stanley sur le haut Congo ;
trois, le long du littoral de l'océan jusqu'à l'embouchure du Quilou, et
dix, dans le bassin de cette rivière; enfin quatre, de l'embouchure du
Quilou à la limite méridionale de la colonie française du Gabon ; ce qui
forme un total de 37 stations.
n est vrai qu'elles ne sont pas encore toutes complètement organisées,
et qu'il n'y en a que quelques-unes qui aient servi de base à des tra-
vaux scientifiques. Jusqu'ici il n'y a guère eu que les observations de
Dankelmann qui aient été publiées; la Deutsche Rundschau fur
Géographie und Statistik, de Vienne, a donné quelques extraits du
journal deSchaumann; le D' Joseph Chavanne travaille actuellement
au relevé scientifique du pays occupé par les stations du bas Congo,
et l'on peut espérer qu'il sera chargé de dresser également la carte du
cours moyen du fleuve, ainsi que celle du bassin du Quilou, sur lequel
on n'a jusqu'ici que des renseignements provisoires.
n est naturel que, partout oîi le fleuve est navigable, les stations de
ses rives soient reliées entre elles par cette voie de communication déjà
sillonnée de bateaux à vapeur, au moyen desquels Stanley a pu faire, en
dehors de la chaîne des stations^ des explorations sur tels ou tels
affluents de gauche et de droite du Congo. Dans les parties du pays oii
le fleuve est coupé par des rapides ou des cataractes infranchissables
pour des steamers, les stations sont reliées entre elles par une route :
c'est le cas pour Vivi et Isanghila, Manyanga et Léopoldville. Enfin un
chemin de fer à voie étroite relie la rive droite du Congo à Vivi, en
attendant que, selon le désir de Stanley, la partie maritime du bas
fleuve soit mise en communication directe, par une voie ferrée, avec
Stanley-Pool.
Généralement, les emplacements des stations sont des mieux choisis,
mais ce qui importait le plus, c'était qu'elles y fussent établies d'une
manière solide, avec l'agrément des indigènes et des chefs, et en vertu
de contrats régulièrement conclus avec les possesseurs du sol. A cet
effet Stanley fit des traités avec les natifs, et obtint d'abord, au moyen
d'achats, la souveraineté et le gouvernement de toutes les tribus, de
— 259 —
Borna jusqu'à Stanley-Pool, même jusqu'au Quango, et plus tard, celui
de toutes les principales tribus jusqu'aux chutes de Stanley. Ces traités
seront sans doute communiqués à la Conférence de Berlin. Stanley
n'était pas autorisé à les montrer à li^'Chambre du commerce de Lon-
dres, mais voici ce qu'il en a dit : « Nous avons fait ces traités aussi
stricts que possible, pour que personne ne puisse entrer dans la vallée
du Congo sans notre assentiment, que personne, soit missionnaire pro-
testant ou catholique, soit commerçant, voyageur, chasseur ou touriste,
ne puisse pénétrer dans le pays et nous faire du mal. Ces traités nous
concèdent tous les droits que possédaient les natifs : de trafiquer,
d'exploiter les mines, de planter, de semer, de bâtir des maisons, et de
décider qui viendra dans le pays. Nous n'avons rien laissé aux natifs qu'ils
puissent donner à qui que ce soit, sous quelque prétexte qu'il se présente
ou quelle que puisse être sa profession; Le sort du pays a été remis à
l'Association. Des agents politiques ne peuvent plus avoir recours à un
déguisement; fls ne peuvent plus s'adresser directement à l'indigène
naïf; il faut qu'ils viennent à l'agent de l'Association internationale, qui
les interrogera sur leurs intentions.
« Si le commerçant vient pour trafiquer, qu'il le fasse sans crainte
d'être molesté par des blancs ou par des noirs. Si le missionnaire vient
pour prêcher ou pour enseigner, il sera le bienvenu, l'Association lui
aidera autant qu'eîle le pourra. Si un voyageur vient pour faire une
exploration, le pays est ouvert devant lui, qu'il voyage, qu'il observe,
qu'il chasse, qu'il aille où il veut, il est aussi libre dans le pays que si
celui-ci lui appartenait. Si un homme Vient pour coloniser, on lui donne
conseil, aide et protection ; mais l'intrigue politique ne pourra trouver
place au Congo ni maintenant ni plus tard.
« Nous avons fondé un État, et c'est à nous qu'il appartient de l'en-
tourer des mesures propres à le garantir contre toute espèce de trou-
bles, pendant sa période d'enfance et de faiblesse. »
A ceux qui s'étonnent que Stanley se soit attribué le droit d'acheter
la souveraineté sur un territoire aussi vaste, à si bon marché : tant de
mètres d'étoffe, tant de vêtements militaires, de bouteilles de^gin, de
couteaux, d'anneaux de laiton, de perles de verre, de mouchoirs de
coton, il répond qu'il a trouvé les prix demandés exorbitants, la souve-
raineté qu'il a achetée étant improductive dans les mains des natifs, et
ayant dû être mise en activité pour devenir rémunératrice. « Nous avons
payé, .» ajoute-t-il, « pour ce privilège, plusieurs vies d'hommes de
mérite, cinq années de travail, et environ un demi-mUlion délivres ster-
— 260 —
ling. Nous avons dû traiter avec environ 500 chefe, grands et petite,
dont chacun a reçu ce qu'il demandait ; plus d'une centaine d'entre eux
reçoivent une pension à vie, et leurs héritiers et successeurs y ont droit
de par les traités. Nous avons promis que nous les protégerions contre
tout ennui de la part de nos gens, de celle des étrangers et de celle de
leurs voisins plus forts. Nous ferons ensorte que les blancs soient justes
à leur égard. C'est dans notre intérêt mutuel ; car, sans eux, nous ne
serions rien, et sans nous, les liens qui les unissent les uns aux autres
seraient rompus ; ils redeviendraient ce qu'ils étaient auparavant : des
gens disséminés, pillés, faibles, des communautés de sauvages.
« Nous formons doncun État qui, de notrestationinférieuresurleCongo,
jusqu'aux chutes de Stanley, s'étend sur une longueur de plus de 2,000
kilom., avec une largeur qui varie de 300 à 700 kilom., et peut exercer
son influence, de l'Océan jusqu'au Tanganyika, et des sources du Cassai
à ceUes du Timbiri, soit sur une population d'environ 40,000,000 d'habi-
tants.
a L'Association proclamera la liberté du commerce en faveur de toutes
les nations : les États libres dm pongo seront ouverts h la France, au
Portugal, à la Grande Bretagne, à l'Allemagne, à l'Amérique, à l'Au-
triche, à l'Italie, à tous les peuples.Un chemin de fer sera immédiatement
construit pour relier le bas fleuve avec le Congo supérieur, et alors,
mais seulement alors, commencera réellement la propagande civilisa-
trice, par le développement du commerce et de l'industrie, et par la
mise en valeur de ce qui jusqu'ici était improductif. Jusqu'à ce que l'on
puisse atteindre le haut Cougo par un chemin de fer, et que la liberté
commerciale soit garantie, les millions de kilomètres carrés inaccessibles
aujourd'hui et invendables sont sans valeur. Dans l'état actuel des
choses, l'ivoire même, un des principaux produits du pays, ne vaut
rien ; les bénéfices^ qu'on en retirerait seraient la proie des voleurs, qui
déroberaient d'abord les marchandises et ensuite l'ivoire lui-même. Jus-
qu'ici l'Association n'a fait que préparer les voie^ ; mais avant de s'en-
gager dans l'œuvre civilisatrice proprement dite, il est nécessaire que
les nations européennes s'entendent entre elles et s'engagent à ne pas
intervenir dans ce projet de l'Association. Le capital nécessaire pour
cette entreprise est si considérable, qu'il faut l'entourer de sécurités et
de garanties ; le capital est timide et il fuit instinctivement devant h
violence et le danger. » ,
Pour le moment, des hommes éminents préparent une constitution en
faveur des États libres du Congo. Quand elle sera élaborée, le bassin du
— 261 —
Congo, avec ses millions d'habitants, recevra un nom d'État, qui pren-
dra la place de ce qui porte aujourd'hui le nom d'Association internatio-
nale du Congo f celle-ci sera dissoutes lUn programme de gouvernement
sera rédigé, et l'on fera coimattre les voies et moyens les meilleurs pour
pourvoir à ^admini^tration. Alors, suivant Stanley, on comprendra que
les fonctionnaires, la police, l'armée et la marine, pourront être entre-
tenus sans tarifs ni droits de douane.
Quant aux perspectives que l'ouverture du Congo à la libre navigation
peut oflfrir aux entreprises commerciales et industrielles, Stanley a indi-
quée la Chambre du commerce de Londres les ressources que le bassin
de ce fleuve peut fournir. De Bolobo aux chutes de Stanley et le long des
affluents : le Louloungou, l'Ikélemba, l'Itimbiri, le Loubilache, le
Mboura, l'Arououimi, et le Mbourgou, l'huile de palme et le caout-
chouc abondent, ainsi que rorseil]e,la gomme copal, etc. Si la région du
Vieux-Calabar fournit 500 tonnes d'huile de palme par semaine, les ter-
ritoires du Congo devraient en fournir 10,000.
Le développement pris par les factoreries dans le bas fleuve, depuis le
commencement de l'œuvre du Congo^ permet de prévoir celu^ que pren-
drait le comnjerce, si la liberté de navigation était consacrée parle Con-
grès de Berlin. Le nombre des factoreries européennes a au moins qua-
druplé. Il en a été établi sur tous les points qui offraient des avantages
rémunérateurs ; d'oîi il résulte que les indigènes ont déjà appris à répon-
dre à Taugmentation de la demande, par un apport plus abondant de
leurs produits.
Les communications à vapeur de l'Eul'ope avec l'embouchure du Congo
se sont multipliées, pour répondre aux besoins croissants des compagnies
hollandaises, anglaises et françaises. Il a été importé l'année dernière
au Congo, pour plus de vingt millions de francs de marchandises euro-
péennes, et il en a été exporté pour plus de quarante-six millions de
produits du pays.
Mais, en vue du développement commercial, ce qui importe le plus
niaùitenant c'est l'établissement d'une voie ferrée qui permette de renon-
<^r aux coûteux transports par caravanes de porteurs entre Stanley-Pool
«t Vivi. Aussi Stanley insiste-t-il spécialement sur ce point. Le Prècur-
«^r d'Anvers estime que les frais de cette ligne s'élèveraient à quinze
Baillions de francs. ^
Nous n'entretiendrons pas nos lecteurs des discussions soulevées dans
la presse anglaise à l'occasion de la conférence de Stanley. Les détails
dans lesquels nous sommes entrés doivent suffire pour faire comprendre
— 262 —
riraportance acquise par rœuvre.du Congo, ainsi que celle des résolu-
tions que pourra prendre le congcès qui va se réunir à Berlin.
vo
LE MAL CAUSÉ PAR LES SPIRITUEUX EN AFRIQUE
ET LES MOYENS D'Y REMÉDIER
L'on ne peut que se réjouir en voyant le zèle déployé aujourd'hui en
faveur de l'Afrique, par toutes les nations civilisées de l'Europe et de
TAmérique. Il semble que tous ceux qui ont le plus à se reprocher —
Portugais, Hollandais, Français, Anglais — tiennent à faire œuvre de
réparation envers les malheureux descendants de ceux qui ont eu tant à
souffrir de la traite, et qu'ils veuillent les relever par tous les moyens
en leur pouvoir. Écoles, missions, soins médicaux, commerce, industrie,
tout est mis à leur portée, pour les faire bénéficier tout d'un coup des
avantages que nos peuples civilisés n'ont réalisés qu'après des siècles
d'efforts et de progrès. D y a devoir de la part des races supérieures, à
communiquer aux inférieures les (biens matériels et spirituels dont elles
jouissent, et nous sommes heureux de voir que cette obligation est assez
généralement comprise.
Cependant, en même temps que, de toutes parts, on travaille à répa-
rer les maux causés aux Africains par la traite, à faire disparaître complè-
tement celle-ci de toutes les parties du continent où elle subsiste encore,
à supprimer l'esclavage et à lui substituer le travail libre, à remplacer
la polygamie par la famille et le cannibalisme par le respect de la vie et
de la personne d'autrui, l'introduction des spiritueux, par les voies
ouvertes jusqu'au cœur du continent, peut compromettre tous les tra-
vaux entrepris pour le relèvement des indigènes ; elle peut même plon-
ger ceux-ci dans un esclavage pire que celui dont on les avait délivrés»
et rendre leur régénération, sinon' impossible, du moins extrêmement
douteuse et difficile.
Nous connaissons les maux causés à nos sociétés civilisées par les
boissons alcooliques, les ruines physiques, intellectuelles et morales
qu'elles accumulent dans les famiUes, dans les communes, dans les
États ; c'est au point que la société, menacée d'être replongée dans la
barbarie par ceux qui sont devenus les esclaves des spiritueux, doit,
p5ur prévenir un plus grand mal, recourir à des mesures légales contre
les abus de la boisson, pendant qu» des associations et des philanthropes
emploient des moyens individuels et collectif pour relever ceux qiu
-- 263 —
sost tombés. Mais les boissons alcooliqueis importées chez les indigènes
de l'Afrique sont encore plus pernicieuses que chez nous, d'autant
qu'elles sont présentées à des êtres moins forts pour résister à la tenta-
tion, et déjà prédisposés à boire avec excès, par l'usage et même l'abus
des boissons fermentées qui leur sont propres.
Sous ce rapport, il y a une distinction à établir entre les parties sep-
tentrionale et méridionale de l'Afrique, entre les populations sur les-
quelles s'est étendue l'influence du mahométisme et celles qui ne l'ont pas
encore subie.
Sans doute, avant la conquête musulmane, les indigènes du nord de
l'Afrique avaient l'usage du Vin de palmier, et, malgré les prescriptions du
Coran, des sectateurs de l'islamisme trouvent le moyen d'abuser de la
boisson rafraîchissante qu'ils tirent de la sève du palmier. Cependant
l'on peut dire d'une manière générale que, chez les Africains devenus
disciples de Mahomet, l'ivrognerie n'apparaît qu'exceptionnellement.
Aussi les musulmans exercent-ils, par l'exemple de leur sobriété, une
influence heureuse sur les populations du nord du continent, supérieurs
à cet égard à beaucoup d'Européens, qui ne peuvent être proposés
comme des modèles de tempérance, ni en Algérie, ni en Egypte, ni à la
côte de Guinée. L'autre jour encore le Moniteur de V Algérie ' signalait
le progrès continu de l'alcoolisme dans l'élément européen de la colonie,
conmie une des causes qui contribuent le plus à l'accroissement de la
criminalité et de l'aliénation mentale. Quoiqu'il soit assez difScile
d'établir une statistique, même approximative, des quantités de bois-
sons diverses consommées en Algérie, parce qu'il n'y a pas de contrôle
sérieux pour les liquides fabriqués sur place, cependant le nombre, tout
à fait disproportionné avec ]e chifire des habitants, des débits et des cafés,
jusque dans les centres les plus petits, et l'importance du chifire des
clients qui fréquentent ces établissements sufBsent,pour permettre d'af-
firmer que le goût de la boisson est très répandu dans la colonie. Le
mCme journal fait remarquer que le ncmbie des aliénés et des criminels
tend à s'accroître dans des proportions inquiétantes parmi la population
arabe, et que cette augmentation de l'aliénation et de la criminalité
correspond au progrès de l'alcoolisme ; il ajoute que, si une consomma-
tion exagérée d'un liquide est déjà par elle-mfme une très mauvaise
chose, le d anger se centuple lorsque ce liquide falsifié est devenu un
' Tous Ips faits que nous citons dans cet âMiclesont appuyés sur des documents
authentiques.
— 264 —
véritable poison. Or telle est la généralité des boissons qui se débitent
en Algérie, p^r suite d'une tolérance blâmable, d'une négligence inquali-
fiable, ti.
Nous ne voudrions pas répéter tout ce que M. Bainier, dans son
volume sur l'Afrique, dit des vices des Européens: Maltais, Grecs, Italiens,
etc., fixés en Egypte, qui, d'après lui, sont, k peu d'exceptions près,
ivrognes et viveurs, et auxquels le clima^t fait souvent payer cher ces
vices qu'il ne tolère pas. Mais nous rappellerons qu'au Soudan, alors que
la plupart des étrangers quittaient Khartoum menacé par les troupes
du Mahdi, les Grecs, débitants d^ liqueurs, Jurent à peu près les seuls
qui ne voulurent pas abandonner leurs boutiques. Dans la statistique de
l'importation à Alexandrie, un des chiffres les plus forts est celui des
vins et liqueurs, principalement destinés à la colonie européenne et aux
grands personnages.
Quoi qu'il en soit, il y a à l'égard des boissons fermentées une grande
différence entre le nord de l'Afrique, oii l'abus ne règne généralement
pas parmi lesnati&,et la partie méridionale du continent, oU l'usage du
pombé, la bière indigène, consMitnô en quantité considérable dans
toutes les occasions importantes de la vie, donne lieu à toutes sortes de
désordres et de crimes.
Non pas qu'il n'y ait point de populations qui faussent exception, témoin
les Zoulous de Cettiwayo, au dire de leur roi, lors de l'entrevue qu'eurent
avec lui les délégués de la Société de tempérance d'Angleterre ; témoin
encore les Ba-Mangwato du royaume de Ehama, qu'un souverain sage
et ferme a su garantir des maux que l'importation des liqueurs par les
blancs et la fabrication de la bière indigène leur auraient causés.
Mais les natiÊ de l'Afrique méridionale sont généralement disposés
à faire abus de pombé; leurs fêtes sont presque toujours l'occasion
de libations abondantes, et trop souvent les voyageurs sont obligés de
signaler l'ivresse dans laquelle tel ou tel chef se trouvait !ors de leur
passage dans ses États. Q en est peu qui aient la sagesse de Mirambo.
Gonmie tous les jeunes gens qui l'entourent, il avait, avant d'assumer la
responsabilité du pouvoir, l'habitude de boire le pombé ; devenu roi, il
y renonça pour to^jours, en disant : c si je bois du pombé, je ne pourrai
pas bien gouverner mon peuple, ni faire toutes mes affaires. » Dès lors,
rapporte un missionnaire de la Société de Londres, il s'est abstenu de
toute boisson enivrante. ^
Toutefois, si l'effet produit ^Tar l'abus de la boisson indigène est
fâcheux, il n'est pas comparable à celui des boissons spiritueuses impor-
— 265 —
tées d'Europe et d'Amérique, ou fabriquées par des colons blancs sur le
continent ou dans telle des lies qui en dépendent. Il ne décime pas les
populations, il n'agit pas violemment sur les natife comme le font les
liqueurs fabriquées dans les pays civilisés, et Ton peut dire que jamais
les indigènes n'auraient été ce qu'ils sont devenus dans certains
cas, sans l'importation des spiritueux par les blancs qui, sur presque
tous les points de la côte d'Afrique, du Sénégal à Zanzibar, abusent de
leur supériorité pour ruiner corps et âme, par leurs boisson^ enivrantes,
ces noirs qui, de leur côté, ne leur donnent en échange que des produits
utiles : huile de palme, ivoire, caoutchouc, plumes d'autruche, etc.
A l'exception de la nouvelle colonie allemande d'Angra-Pequena, où
les missionnaires de la Société rhénane ont pu obtenir de l'acquéreur
qu'il n'introduirait aucun spiritueux, dans toutes les possessions, des
Européens: françaises, anglaises et portugaises, et dans toutes les fac-
toreries établies sur des territoire dont les chefs indigènes ont
encore conservé leur indépendance, vous trouvez partout, à côté des
marchandises d'échange, les boissons alcooliques : vins, tafia, gin, rhum,
eau-de-vie, liqueurs fortes. A Sierra \iéone comme à Libéria, à Lagos
comme au Gabon, à Ambriz comme à Mozambique, les spiritueux impor-
tés de France et d'Angleterre, de l'Amérique du Nord aussi bien que de
la Hollande et de Hambourg, affluent en quantité toujours plus consi-
dérable. C'est comme un fleuve dont les flots augmentent chaque année,
et menacent de destruction les malheureux que les philanthropes et les
missionnaires cherchent à relever, a Nous nous arrêtons de un à cinq
jours, disait récemment un correspondant ielaDeutscJ^Bundschau/ur
Géographie und Statistik de Vienne, dans chacun des petits ports de la
côte de Guinée, pour décharger de l'eau-de-vie et changer de l'huile de
palme et du caoutchouc, à Sierra-Léone, au Gap des Palmes, à Accra,
à Cape-Coast Gastle, à Whydah, à Bénin, à Bonny. L'Anglais envoie
un missionnaire dans chaque village nègre, mais en même temps des
masses d'eau de feu, de la pire espèce, du pur acide sulfurique coupé
d'eau et de sucre. Aussi personne ne doit s'étonner si les nègres des
stations missionnaires anglaises ont échangé leur nature primitive insou-
ciante contre tous les vices de la population européenne, s Au Gabon,
tel missionnaire ne peut parler à la population d'un village, parce que
l'eau-de-vie y circule sans interruption. Presque tous les traités conclus
avec les chefs indigènes pour obtenir une concession, soit pour une fac-
torerie, soit pour un établissement quiconque,, contiennent une clause
d'après laquelle le concessionnaire devra payer une redevance dans
— 266 —
laquelle ne manque pas de figurer un chiffre quelconque de bouteilles
d^eau-de-vie. Là où les chefs en interdisent Tintroduction dans leurs
États, comme chez Ehama et'^ez les Ba-Souto, les trafiquants en
importent en contrebande, ou bien ils profitent des guerres, pour faire
suivre les armées des blancs envahisseurs du pays, par leurs agents
qui y sèment la dissolution et la mort spirituelle, pendant que le fer
et le feu y amoncellent les ruines matérielles.— Ou bien, comme à Kim-
berley, ou le long des chantiers ouverts pour la construction des voies
ferrées, ils vont dresser leurs cantines, oti les ouvriers noirs s'empressent
de venir demander cet excitant qui, après avoir stimulé un instant leurs
forces, les fait tomber dans un état de torpeur et d'hébétement ; sanspar-
1er des crimes auxquels il les pousse, ni des guerres nombreuses dont
Tusage des liqueurs fortes a été rorigine. Dans la discussion qui a eu
lieu dernièrement au Parlement de la Colonie du Gap, le D' Atherstone
n'a pas craint de dire qu'aucun règlement ne pourrait être trop sévère
pour faire disparaître l'habitude de la boisson parmi les natifs des
frontières, car c c'est elle, » a^t-il ajouté , a qui a été la cause de
presque toutes les guerres avec téS indigènes et qui a occasionné plus de
la moitié des frais pour les gouverner. »
M. Dempster, inspecteur sanitaire aux mines de diamants^ rapporte
qu'un dimanche, entre onze heures et midi, il ne compta pas moins de
317 natifs, tous dans un état d'ivresse qui les rendait insensibles ou vio-
lents. Et a ce chiffre s, ajoute-t-il, « ne représente pas tous ceux qui
étaient sous l'influence de la boisson. J'en ai vu des centaines d'autres qui
évidemment avaient bu. Cependant, la première et la seconde année
après l'ouverture des mines de diamants, l'ivrognerie y était presque
inconnue parmi les natifs. Aujourd'hui la plupart des maladies des
indigènes proviennent de la boisson, dans certains cas directement, dans
beaucoup d'autres indirectement, car ils ont l'habitude de dépenser tout
leur salaire entre le samedi et le lundi, ne réservant rien pour leur nour-
riture et leurs vêtements. »
« Avant l'application de la nouvelle loi sur les liqueurs »,dit l'^^pre^^
de l'État libre de l'Orange, « la moralité des indigènes était sérieusement
compromise par le contact de la civilisation. On voyait d'ordinaire, le
jour de l'an, les rues remplies dé vagabonds, hommes et femmes, rendus
à moitié fous par les effets de l'eau de feu, portant sur leur visage les
marques de la maladie. Des AàAs^ indécentes, ordinairement confinées
dans des endroits retirés, s'étalaient alors au milieu de nous, présentant
la vie et les mœurs des natifs sous une forme de mauvais augure pour
l'avenir de notre population de couleur. »
— 267 —
Le mal ae se limite pas aux populi^tions des territoires oii sont les
factoreries ou sur lesquels les blancs exercent Tautorité ; il se répand h
rintérieur, par les trafiquants qui y pénètrent bien au delà des frontières
des colonies actuelles, et par les indigènes qui viennent à la côte
soit pour apporter à la factorerie les produits du pays, soit pour travail-
ler im certain temps dans les centres industriels ; quand ils retour-
nent dans leur tribu, ils emportent avec eux la déplorable habitude con-
tractée dans leurs rapports avec les blancs, au lieu d'avoir pris le goût
d'un travail honnête et rémunérateur.
Beaucoup de chefe ne veulent pas permettre à leurs gens d'aller aux
mines de diamants pour y chercher de Tou vrage, parce que, disent-ils , « on
y devient esclave de la boisson, ou Ton en revient complètement démo-
ralisé. » Les missionnaires du Le-Soutp et duTransvaal ont fait la même
observation k Tégard des natifs qui ont quitté les stations où ils avaient
grandi; et que Tappât du gain avait t^ttirés à Kimberley ou à telle autre
exploitation minière.
Les tles qui dépendent de T Afrique Q!échappent pas à ce fléau. Il sem-
ble au contraire qu'il y sévisse encore.plus que sur le continent. C'est h
Madagascar qu'il exerce le plus de ravages. Déjà en 1875, le Rev.
J. MuUens, après une tournée d'inspection parmi les églises presby-
tériennes de la Grande Terre, constatait la quantité énorme de spiritueux
qu'on y importait. « Nous avons vu », disait-il, « à toute heure du jour,
rouler dans la principale rue de Tamatave des barils de rhum, et la plage,
où ils étaient rangés par douzaines, eg était couverte. Chez les petits
trafiquants créoles aussi bien que chez les grands négociants anglais, la
cannette vient toujours après la barrique. Il en résulte souvent des
scènes de désordre et de dégradation. Toutes les villes situées sur
la côte sont infestées par cette liqueur et par ces exemples diaboli-
ques. Quand donc les Anglais et les Américains voudront-ils compren-
dre que c'est un crime que de débaucher et de ruiner ces jeunes nations ?
Ne savent-ils pas que c'est entraîner à leur dégradation immédiate les
tribus ignorantes et sauvages, incapables de comprendre et de calculer
les terribles conséquences du vice, que de les placer en face de tenta-
tions presque irrésistibles? s
Le missionnaire Shaw n'a pu que confirmer ces données sur le fléau
de l'ivrognerie et sur son extension. « Souvent, » dit-il, a le voyageur
entrant dans un village, en trouve l6%>^abitants plus ou moins asservis
à ce vice. Il m'est parfois arrivé de rencontrer dans une localité, après
le coucher du soleil, toute une population ivre, même les enfants. Plus
— 268 —
de 10,000 tonneaux, de 45 gallons chacun, sont importés annuellement
à la côte orientale, surtout par des navires anglais, et rAngletenre a
interdit à Madagascar d'élever 1^ droits d'entrée pour restreindre cet
odieux trafic ! »
Mais les Anglais ne sont pas les seuls coupables ; les Français aussi
ont contraint le gouvernement de Madagascar à accepter Timportation
des liqueurs fortes, malgré les protestations les plus sérieuses des auto-
rités. Bien plus, le gouvernement a été forcé, même après ses protesta-
tions, de recevoir le paiement des droits en eau-de-vie. Toutefois, pour
être conséquent avec ses principes, et avec sa législation, et pour arrêter
autant qu'il le pouvait le fléau qiii menace d'inonder le pays, le gouver-
nement hova a donné l'ordre à ses fonctionnaires de détruire les spiri-
tueux, aussitôt qu'ils les auraient reçus. Pendant quelque temps, en
effet, les employés des douanes hovas ont répandu sur le sable du rivage
la dixième partie du rhum importé, qui représentait le montant des droits
d'importation. Aujourd'hui cela ne se fait plus, et le rhum a conquis son
droit d'entrée à Madagascar, comme l'opium en Chine.
Lorsque, en 1875, le gouvemen^ent hova a essayé de réclamer auprès
de la philanthropique Angleterre, pour demander l'interdiction de
l'importation du rhum dans ses États, on lui a répondu que les intérêts
de la colonie anglaise de l'île Maurice en souffriraient trop ; exactement
comme on i^pond aux Chinois, lorsqu'ils supplient qu'on supprime le
commerce de l'opium : a Nous voudrions bien faire droit à votre
demande, mais l'équilibre du budget des Indes ne nous le permet pas. »
A Tamatave, avant le bombardement, le noyau de l'élément étranger
était composé de créoles des Ûes voisines, de Maurice et de la Réunion ;
les natifis étaient des Hovas et des Betsimisaraka. Ces derniers étaient
généralement moins énergiques que leurs conquérants les Hovas, mais la
lenteur de leur esprit a beaucoup empiré par le fait de l'énorme impor-
tation de rhum de Maurice ^ et de la Réunion. Dans les dernières années,
la quantité importée en a doublé, ainsi que la valeur de ce spiritueux.
La dégradation des nati& s'est accrue d'une manière effirayante. Il n'y
a presque pas de maison de natif à Tamatave où il n'il y ait des
tonneaux de rhum ; la population décroît rapidement ; les vices de
toutes sortes augmentent de plu^ en plus. Un grand nombre de natifs
vivent dans un état de demi-intoxication, et se sont tellement pion-
* En 1881, il en a été importé, de Maurice seulement, plus de deux millions de
litres.
— 269 —
gés dans le rhum qu'ils sout devenus insensibles à toute influence
supérieure.
La description que fait Hildebrand dëà villages Sakalaves, n'est pas
moins triste, a Les maisons, » dit-il, a sont entourées, selon Tusage
musulman, d'une haute palissade de joncs; il n'y a que les boutiques
d'eau-de-vie, qu'on trouve dans chaque village, qui soient toutes grandes
ouvertes. On y voit, assis sur de misérables bancs, ou accroupis jour et
nuit sur le sol, des hommes, des femmes, des vieillards, des jeunes
gens, voire même des enfants. Là se vident, les unes après les autres, les
bouteilles de cette infernale drogue, aux sons horriblement monotones
d'un harmonica étique. Les yeux des buveurs prennent peu à peu un aspect
vitreux ; ils finissent par tomber l'un après l'autre sur le sol avec un
éclat de rire stupide, et bientôt on ne voit plus que des corps entassés
pêle-mêle comme des cadavres, au milieu de bouteilles cassées et dans une
atmosphère infecte. Voilà la malédiction qui résulte, pour ces-pauvres gens
du contact de la prétendue civilisation sans l'ÉvangUe avec les races
indigènes. Voilà comment on civilise des nations en les tuant ! »
« Le plus grand obstacle à la civilisation à Madagascar j> écrit encore
le missionnaire Shaw, « c'est le trafic du rhum. C'est lui qui y a ruiné
le vrai commerce. Il se vend toujours et avec profit ; il est, selon le lan-
gage d'un trafiquant de Madagascar, aussi bon que de l'argent comp-
tant. Mais l'énergie de la population diminue ; elle descend à une con-
dition qui ne vaut guère mieux que celle de la brute, sans désirer mieux
que ce qu'a cette dernière. Les Madécasses avaient des aptitudes com-
merciales, mais elles leur ont été ravies par le commerce des spiritueux.
On a ainsi tué la poule aux œufs d'or. »
n y aurait encore beaucoup à dire sur les effets produits chez les
indigènes par l'importation des spiritueux des peuples civilisés, sur les
turpitudes qu'on les entraîne à commettre pour se procurer du rhum ou
de l'eau-de-vie, sur l'augmentation de maux qu'y ajoutent les condi-
tions climatologiques de régions souvent insalubres, sur la paresse que
leur reprochent les blancs et qui souvent ne leur est pas imputable, car
enfin ce sont les blancs qui, par les boissons qu'ils leur présentent,
ruinent leur santé, leur volonté, et les rendent incapables de travailler.
Mais nous en avons dit assez sur le mal, sur son extension, sur ses
auteurs ; un mot encore cependant avant de passer à la recherche*des
moyens d'y remédier. On s'indignerait contre celui qui vendrait des
spiritueux à un enfant, et l'on demeurerait froid ou indifférent en pré-
sence de l'épouvantable importation qui s'en fait au milieu de ces grands
enfants qui s'appellent les noirs ! On proteste contre l'esclavage et la
— 270 —
traite, et Ton n'aurait pas un' mot contre ce trafic qui fait descendre la
race noire plus bas encore que ne l'ont fait la tyrannie du maître ou la
rapacité des traitants ! Dans Tésiftavage, le malheureux peut conserver
encore la conscience de ses droits, de sa dignité, ses sentiments de
famille, comme époux, père, fils ou frère ; chez l'ivrogne, tous ces titres
de noblesse ont disparu, et, comme chez le fumeur d'opium qui, pour
satisfaire sa passion, méconnaît complètement ses devoirs envers les
siens, vous chercheriez vainement chez les noirs abrutis par l'abus des
spiritueux, la moindre trace de vie supérieure; c'est la mort de l'esprit,
de l'âme et du cœur, avant la mort du corps et la dissolution des élé-
ments qui le composent ! (.4 suivre.)
CORRCSPONDANCE
Une exeorslon en chemin de fer «a Sénégal.
Monsieur le Directeur,
Je viens de faire une excursion k Lou^a, actuellement station-terminus du che-
min de fer de Saint-Louis à Dakar, et peut-être que quelques notes rapides vous
intéresseront.
Nous arrivons à la gare, M. Debeux, le seul horloger de Saint-Louis, et moi, un
peu avant 6 h. du matin, pour prendre le seul train qui, quotidiennement, quitte
Saint-Louis pour y rentrer le soir, aussi à 6 h. La gare nous rappelle absolu-
ment les jolies gares de Suisse et de France; en y entrant, on oublierait qu'on est
au Sénégal, si une vraie cohue d'indigènes, hommes, femmes, enfants, chargés de
sacs, d'outrés de peaux de boucs, de calebasses énormes renfermant un monde de
choses, ne vous le rappelait suffisamment. Moyennant deux sous, les calebasses et
autres obj«ts encombrants passent dans le wagon de service; mais quelle bouscu-
lade et quels cris lorsqu'il s'agira pour chacun de reconnaître son bien ! Point de
marques ni d'étiquettes : A qui le sac ? — A moi — et tout est dit.
De 70 à 80 personnes prennent le train ; tous les wagons, sauf un, sont bondés.
Ces wagons nous paraissent petits, bien étroits surtout, en comparaison de ceux à
voie normale. Ils sont du système américain. — Mon compagnon de route et moi
étions les seuls blancs, avec le conducteur du train et le chef mécanicien.
Nous partons à 6 h. précises, et marchons à une vitesse de vingt et quelques
kilomètres à l'heure. J'ai été surpris du nombre des voyageurs indigènes ; le chef
de train me disait que même les simples cultivateurs^ qui ont quelque vente ou
quelque emplette à faire à Saint-Louis, profitent de la voie ferrée. Vraiment, à
juger par le mouvement actuel et par^ce que nous avons déjà vu pendant la der-
nière saison de traite des arachides çt autres produits, on peut à coup sûr prédire
un important avenir à cette voie ferrée, lorsqu'elle sera ouverte à la circulation
de Dakar à Saint-Louis, et que, par le fait même de son existence, la sécurité sera
assurée, les cultivateurs n'ayant plus à redouter le pillage et la guerre.
— 271 —
-Une éhosequi étonne >aa premier ibord> 0'e8t la stabilité de la ▼oie reposant
absolument snr le sable, un sable fo eV blanc. Si ce n'étaient les pluies torrentiel-
les, qui produisent de graves érosions et .^cf^sitent une suryeillance et un entre-
tien minutieux , le maintien de la Toie serait facile et peu onéreux. — Le pays est
absolument plat; Pherbe ne réussit pas à cacher le sable qui se montre en gran-
des taches: blan(;kes. Voici, sur notre gauche, les fameux baobabs dont tous les
voyageurs ont parlé. C'est un arbre qui n'est pas beau et qui donne plus dWbre
par son tronc énorme et ses grosses branches que par son feuillage. Nous traver-
sons un marigot, large oomme un petit lac et qui se perd dans la brume matinale.
On dirait un immense miroir d'argent terni, bordé d'une ceinture de palétuviers,
au feuillage sombre et uniforme. Voici le pont de Leybor, puis le village où se
trouve le premier arrêt du train. Peu ou point de culture; des mares à droite, à
gauche, animées par quelques bécassines, quelques martins-péoheurs et d'autres
oiseaux aquatiques en petit nombre. L'herbe devient de plus en plus drue. Ce sont
de longues graminées dont les fleurs en ép'ftfou en grappes, d'une finesse et d'une
élégance charmantes, ondulent, chargées de gouttelettes de rosée, au souffle de la
brise. Voici de grandes fleurs en gobelets, d'un jaune paille p&le, avec un grand
cœur du plus pur velours noir. En voici d'autres semblables à de gigantesques
convolrnlus couleur magenta, se détachant par centaines sur un tapis de feuilles
vertes luisantes. Beaucoup de buissons épineux ; des gonakés, dont l'apparence a
quelque chose de singulier ; d& très* loin, on diritit un petit brouillard vert, accro-
ché au sommet d'un faisceau de branches élargi ; des tamariniers, au feuillage
plus fourni que celui des gonakés et qui procurent un ombrage vivement apprécié.
On en voit dont les branches descendent jusqu'à terre, et forment ainsi un vérita-
ble pavillon avec un épais dôme de verdure. — Les champs d'arachides^ avec leurs
feuilles d'un beau vert tapies sur le sol, les champs de gros et de petit mil, se
montrent peu à peu comme de véritables îlots au milieu des broussailles et des
grandes herbes; de temps en temps un troupeau de bœufs aux cornes parfois
énormes et qui s'enfuient à travers les buissons. De rarissimes passants, qui à pied,
qui à cheval. Nous croisons un chameau.
Voici Rao Poundioun, avec une petite gare posée là à côté de la voie. Les villa-
ges les plus rapprochés sont à une ou deux heures de marche. Comme les pâtura-
ges y sont bons, il y avait là autrefois un grand campement de Peuls pasteurs,
avec d'immenses troupeaux de bœufs, de chèvres et de moutons. Le passage des
trains effrayant leurs bestiaux, ils ont émigré dans des parages plus tranquilles.
A partir de Bao, les champs cultivés sont un peu plus nombreux, le pays plus
ondulé. Nous passons près de buttes couvertes d'épaisses broussailles, et qui,
éventrées par la pioche européenne, laissent voir qu'elles sont entièrement compo-
sées de coquillages dont on se sert pour ballaster la voie. — Nous arrivons à
M'pal, gare et localité importantes. Bon nombre de petits bâtiments couverts en
tuiles rouges sont occupés par des traitante. Le village lui-même est en arrière,
hors de la portée de la vue. Beaucoup de gens descendent à M'pal ; il en monte
presque autant.
— 272 —
Je fais à la gare la connaissance da docteur attaché au fort, à qui j'avais fait
parvenir, par Pintennédiaire d'un soldat en garnison à M'pal, quelques livres et
quelques numéros de la < Bibliothèque universelle, » qui sont lus avec un extrême
intérêt.
A partir de M'pal, dont le fort se dresse à quinze minutes de la gare, le terrain
est plus boisé, d'une apparence plus fertile; peu à peu il prend un aspect singu-
lier. C'est une suite parfaitement régulière de collines de sable couvertes de ver-
dure et de buissons, séparées les unes des autres par des dépressions, — ce que les
Jurassiens appellent des combes, — qui se suivent, et que nous traversons en biais.
On dirait une mer dont les vagues imnienses ont été subitement immobilisées par
quelque puissance merveilleuse.
Voici Sakal, où la gare, comme à Leybor, se compose d'un simple poteau indi-
cateur avec le nom de la station. La contrée avoisinante est assez peuplée et fer-
tile, mais on ne s'en douterait pas, car on n'aperçoit pas l'ombre d'un toit de
chaume. A mesure que nous avançons vers l'intérieur, le pays est plus accidenté,
les arbres plus nombreux, plus grands, les cultures plus considérables; on voit
dans les champs, des indigènes au travail. Ënûn à 9 h. et demie nous sommes à ,
Lougff (71 kil. de Saint- Louis). Je me hâte d'aller faire une excursion dans le vil-
lage, avant que la chaleur ne soit insupportable, car il fait sensiblement plus chaud
ici qu'à Saint-Louis. Nous passons prèâ du fort de Louga, avec ses larges épaule-
ments de terré et de sable sur lesquels des canons, braqués dans la direction de
l'Est, brillent au soleil comme des flammes d'or. Les soldats et même le comman-
dant habitent des cases en paille, et ils ne se trouvent point mal de ce régime. Le
docteur m'a affirmé que M'pal et Louga sont des localités saines, bien que la cha-
leur y soit un peu élevée. Il n'y a pas cette humidité pénétrante de Saint-Louis,
qui fait que, lorsque le soleil se couche, bien que le thermomètre marque 26®, vous
éprouvez de légers frissons, et vous sentez le besoin de mettre la grande ceinture
de flanelle.
Louga est une localité considérable ; les maisons sont groupées par cinq ou six,
de distance en distance, ordinairement à l'ombre d'un bouquet d'arbres élevés.
L'intervalle est rempli par des cultures entourées de hautes clôtures, et par de
hautes herbes où abondent les serpenté noirs et les trigonocéphales. Il faudrait
beaucoup de temps pour parcourir Louga en entier. Nous nous dirigeons vers an
puits, situé à 10 minutes; il n'a pas moins de 40m. de profondeur, et il est creusé
dans une argile assez compacte, d'un jaune rougeâtre. Dix femmes et jeunes filles
sont occupées à tirer de l'eau avec des seaux plats, en cuir, que l'on tient entr' ouverts
au moyen d'une poignée d'herbe. Elles ramènent la valeur d'un ou deux verres
d'eau ; aussi leur faut-il un temps considérable et un travail fatigant pour remplir
leurs grandes calebasses de bois noir. L'eau est fade, blanchâtre, tiède, avec une
apparence savonneuse. Ce manque d^eau constituera toujours une des grandes dif-
ficultés pour le développement de cea^bntrées. Nous rentrons à la gare vers 11 h.,
par une température qui me rappelle tout à fait celle de Bakel et de Médine dans
le haut-fleuve.
75M
— 273 —
Le retour s'effectue par une chaleur heureusement tempérée par la marche du
train, et à 6 heures nous entrons en gare à Saint-Louis sans autre incident.
Ceux qui, au prix d'efforts patients et persévérants, ont doté le Sénégal de ce
chemin de fer de Dakar à Saint-Louis, ont rendu à notre colonie un signalé service
et méritent la reconnaissance de tous. L. Jaques.
BIBLIOGRAPHIE '
La Tripolitaine et l'Egypte, par M. Kohn-Abrest, Paris (Ch. Delà-
grave), 1884, in 8**, 188 pages, avec gravures, fr. 1.20, — Écrit d'après
un ouvrage allemand de M. de Schweiger-Lerchenfeld, ce livre fait
faire à ses lecteurs une promenade fort attrayante et sans danger, à
travers la Tripolitaine et l'Egypte. Destiné particulièrement aux jeunes
gens, le récit revêt une forme simple, qui n'exclut pas les observations
sérieuses et instructives. Les remarques plaisantes, les anecdotes, les
digressions historiques qui émaiUent la narration, la coupent de temps
à autre et permettent de la suivre sans aucune fatigue. C'est sur la
côte de la Tripolitaine que débarque le ^voyageur fictif ; il en visite les
ports, puis, s'enfonce dans le désert pour explorer les oasis libyennes,
avec Rohlfs, et revenant au sud-ouest, celles du Fezzan et du Tibesti,
avec Nachtigal. Çà et là le guide s'arrête, pour faire remarquer les
ruines datant de l'époque romaine et montrer partout la désastreuse in-
fluence de l'administration turque, qui transfonne les villes florissantes
en bourgades misérables, et fait du Fezzan, plus grand que la France,
un pays où ont peine à vivre 140,000 personnes. Le touriste entre
ensuite en Egypte par le canal de Suez qu'il explore dans toute sa lon-
gueur, visite le Caire, Alexandrie et les autres villes, puis rémonte le
Nil, examinant de près les ruines antiques, et enfin, passe rapidement à
travers le Soudan égyptien, qu'il décrit tel qu'il était avant la révolte du
Mahdi. Un appendice, qui ne se trouvait pas dans l'ouvrage allemand,
donne le récit de l'expédition anglaise en Egypte et du soulèvement du
Soudan.
L'Egypte. Son avenir agricole et financier, par Félix Paponot Paris
(Baudry et C*'), 1884, in-8% 240 pages avec plans et cartes, 10 fr. —
Au moment où une succession de récoltes insuffisantes, cause de la mau-
vaise rentrée des impôts, compromet gravement la situation financière
de l'Egypte, il sera intéressant pour les.ingénieurs et les hommes d'État,
de lire ce livre qui traite de l'aménagenvent des eaux du Nil, en vue de
r
' On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bâle, tous les
oarrages dont il est rendu compte dans V Afrique ea^îorée et cwiUeée.
— 274 —
rirrigatiOQ la plug étendue des •campagods *qui ravoisineat. Le fellah se
plaint de la dimimitton du pvodiiit de sa terre, de cette terre qui, defwiB
des milliers d'années, a pourtant' si largement récoinpensé les efforts du
laboureur, roais dont la fécondité êembie s'affaiblir aujourd'hui. Le seul
moyen de remédier à cet état de choses, d'après Tauteur, consiste dans
une meilleure répartition des eaux de Tinondation. C'est pour soutenir
cette thèse qu'il a écrit cet ouvrage technique, rempli de faits et de
chiffres, et renfermant un certain nombie de figures explicatives et de
plans clairs et bien dressés. D propose, comme travaux indispensables,
la mise en état des deux barrages* de Saldieh (point de bifurcation des
deux branches principales de Rosette et de Damiette), et la construction
de cinq barrages nouveaux; puis, une série d^ouvrages d'une utilité
moins directe, entre autres, la création du canal Tewfickîeh, entre Ismal-
lia et Port-Saïd, dont l'étude, dirigée par M: Pàponot Itri-même, est
achevée depuis 1882, mais à la construction duquel les événements
politiques ont empêché de donner suite. En terminant il presse la com-
pagnie du canal de Suez de se mettre à la tête de ces entrepiises, et
d'appliquer les mémorables paroles de Bonaparte lors de son séjour en
Egypte : « je voudrais faire exécuter de tels travaux que pas une goutte
de l'eau du Nil ne s'écoulât à la mer, avant d'avoir passé sur les terres
pour les irriguer et les fertiliser, parce que chaque mètre cube d'eau qui
s'en va à la Méditerranée, est un talari perdu. »
C.-G. BtiTTNEK. DaS HlNTBBLAlO) VON WaLFISCHBAY UND AnGRA-
Pjequena. — Heidelberg (Cari Winter's Universitâts-Buchhandlung),
1884, in-8°, 124 p. 2. Marks. — Comme l'indique le sous-titre, c'est
une revue du travail civilisateur des missionnaires et du développement
du commerce allemand dans le sud-ouest de l'Afrique, qu'a écrite
M. BUttner; sa qualité d'ancien missionnaire dans le Damaraland,
indiquait tout naturellement pour traiter un sujet auquel les circon*
stances actuelles ont donné une grande importance. La régularité avec
laquelle nous suivons, dans notre bulletin mensuel, les événements qui
s'accomplissent dans la Hottentotie comme dans les autres régions de
l'Afrique, et l'article accompagné d^une cs^te que nous avons consa-
cré, il y a quelques mois, à' ce pays, notis dépensent de parier
longuement de cet ouvrage d'un grand mérite et dont la lecture est
indispensable à toute personne qui voudrait s'établir, soit comme négo-
ciant, soit commexolon, dans lar «œuvelié possession allemande.
Tous les côtés de la questiofi^y 'sont traités d'une manière complète,
et avec l'autorité d'uu Homme parlant de choses qu'il a vues de ses
yeux, aussi bien oe qui tientau dimat, àla nature du pays'^et àil^état
— 275 —
des peuples qij Thabitei^t, que ce qui sd rapporte à la>situatieB de l'œu-
vre missioBAaire, et aux coikUtkms toutes, spéciales du commerce daus
une contrée ouverte depuis si peu 4^ temps à la ciyilisatioii. Auk
mineurs, nous conseillerons la lecture du chapitre sur les gisements de
cuivre ; aux amis de Tœuvre religieuse, celle de la description de la
colonie d'Otjimbingué et de la station missionnaire et commerciale de
Barmen ; aux négociants eniin, celle de Tétude sur la manière de nouer
des relations de commerce avec les indigènes, sur les marchandises qyi
trouveraient un écoulement assuré dans la Hottentotie, sur les mon-
naies employées, etc. Les deux derniers chapitres traitent le côté
politique du sujet, et Ton y trouvera des vues originales sur les
intentions annexionnistes de T Angleterre, ainsi que quelques documents
diplomatiques ayant trait à la déclaration de protectorat faite par
TAllemagne sur cette région. Enfin, ^'ouvrage se termine par une
petite statistique des stations de la mission rhénane dans le sud de
TAfirique, en 1883. Elles sont au nombre dé 10 dans la colonie du Cap, et
de 17 dans le Damaraland et le Namaqualand. Notons que M. Buttner
répartit comme suit les indigènes de la If ottentotie : Namaquas, 17,000;
Héréros, 80,000; Damaras des montagnes, 50,000.
Lettres de Gorxx)n a sa sœur, écrites du Soudan, précédées d'une
étude historique et biographique par Philippe DaryL Paris (J. Hetzd
et C""), 1884, in^l8, 333 pa^es, 3 fr. — Au moment oii tous les yeux sont
fixés sur Khartoum, que le général Gordon conserve à TÉgypte, envers
et contre tous, la publication de cet ouvrage ne pouvait être plus oppor-
tune. Il se rapporte à cette période de sa vie oh il fut appelé à se rendre
sur les rives du Nil-Blanc pour consolider l'autorité du khédive, et y
faire connaître les principes d'égalité qui prescrivent de considérer tout
homme, même inférieur en intelligence, non comme un esclave, mais
comme un frère. C'est en 1874 qu'il succéda à sir Samuel Baker, comme
gouverneur des provinces égyptiennes de l'Equateur, et en 1877 qu'il
fut nommé gouverneur général du Soudan. Sa correspondance qui se
fiait remarquer par un style coupé, une rare liberté d'allures et une
grande fEuniliarité, et qui va du 9 février 1874 au 17 décembre 1879^
forme un ensemble vivant, compact, dont toutes Ips parties s 'enchaî-
nent ; elle se présente au lecteur comme le récit d'une magnifique odyssée.
Il serait difficile, en effet, pour un romancier, d'inventer une série
d'événements plus étranges que ces «guerres incessantes aux marchands
d'esclaves; des expéditions plus doamatiques que ces perpétuelles
reconnaissances en pays inconnu, et de créer un héros plus extraordi-
naire que cet homme mystique, ce blanc qui, presque seul au milieu des
— 276 —
sauvages, accomplit en si peu de temps, grâce h son énergie et à son
inébranlable confiance en Dieii, une œuvre vraiment admirable. « Gor-
don, » lit-on dans Tintroduction^ « est incontestablement de nos jours
un anachronisme vivant, comme la féodalité anglaise peut seule en
produire. Il semble plutôt taillé sur le modèle du Loyal Serviteur que sur
celui d'un officier général du génie, au millésime de 1884.
L'ouvrage s'ouvre par une étude de la situation de Gordon à Khar-
toum, dans laquelle M. Daryl ne ménage ni les Anglais, ni les Allemands,
et par un précis de la vie si mouvementée du colonel anglais. Si ces
deux notices sont d'un utile secours pour le lecteur, eUes ne l'empêchent
pas de regretter l'absence d'une table détaillée des matières et d'une
carte du bassin du Nil-Blanc qui auraient rendu la consultation du livre
beaucoup plus facile.
Lettres de Lady Barker. Nouvelle série. Une femme du monde au
pays des Zoulous. Traduction de M"'* E. B. Paris (Firmin-Didot et C**),
1884, in-18% 308 pages, 3 fr.
C'est probablement la renommée qu'ont acquise les Zoulous, dans
leurs luttes contre les blancs, qui a engagé l'auteur à donner à cet
ouvrage un titre qu'il ne mérite que dans une bien faible mesure, puisque
les lettres sont datées de Pieter-Maritzbourg, capitale de la colonie de
Natal, et que la personne qui les a écrites, loin de visiter la contrée sur
laquelle a régné Cettiwayo, s'est contentée de faire quelques excursions
dans le voisinage de sa résidence, c'est-à-dire en pays connu et colonisé.
Mais alors même que les descriptions s'appliquent à Natal, et les étu-
des ethnographiques à la nation (isîre, en général, le public français lira
avec plaisir cette œuvre nouvelle de Lady Barker, qu'il connaissait déjà
par ses lettres de la Nouvelle-Zélande. Pendant les deux années qu'elle
passa à Natal, où elle accompagnait son mari, sir Frédéric Barker,
secrétaire général du gouverneur de cette province, elle ne cessa d'en-
tretenir avec sa famille une correspondance active, dans laquelle elle
passe en revue aussi bien la contrée elle-même, avec son climat insalu-
bre, ses paysages chauds et verdoyants, que les mœurs, les coutumes
des indigènes et l'œuvre de la colonisation. Tous ces sujets l'intéressent
et sont traités par elle avec la justesse de jugement, la profondeur et la
sagacité qui distinguent un esprit supérieur. Ajoutez à cela un style
animé et d'une grande vivacité de couleurs, et vou3 comprendrez
l'intérêt qui s'attache à ces lettres, dès les premières, et qui se soutient
jusqu'au bout. *
•%
ÉCHANGES
Amsterdam.
Anvers.
Berlin.
Brème.
Bmxelles.
Berlin.
Boclôtès de géographie.
Constantine. Hambourg. Lisbonne.
Donai. léna.
Francfort "/M. Le Caire.
Greifswald. Leipzig.
H-ille. Lille.
Nancy.
Lyon. New-York
Madrid. Oran.
Marjseille. Paris.
Montpellier.
Sociétés de géographie oommeroiale.
Bordeaux. Paris. Porto. Saint-Gall.
Miasioxis.
Roehefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Le Havre.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XIX»» siècle
(NeuchAtel).
Journal de l'Unité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Bi itt (Barmen) .
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bâie).
Ëvangelisches Missions -Ma gaz in (BAle).
r^ilwer Missions -Biatt ((^Iw).
Allgemeine Missions- Zeitschrift (Gilters-
lob).
GLiubensbote (Bâle).
Africa (Londres).
La NigrLua (Vérone).
Ghurcb missionary Intelligencer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionary (New-York).
Régions beyond (Londres).
CLronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly R^sord of the Free Church of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Chcù'ch of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presbj-
terian Lhurch (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Woman's fortMgn missionary Society
(Philadelphie).
Divers.
Exploration (Paris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du Comice agricole (Mèdéa).
Bulletin de l' Académie d'Hippone (Bone).
Bulletia de renseig. colonpiux (Paris).
Revue. géographique internationale (Paris).
Le Mouvement géographique (Bruxelles).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau fQr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischcn Gcsell-
schafl in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift ftlr den
Orient (Vienne).
Zeitschrift fUr wissenschaftliche Géogra-
phie (Lahr).
Ans allen Welttheilen (Leipzig).
Deutsche KoloniîUzeilnng (Francfort s/M).
Ch imber of Commerce Journal (Londres).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repositorjr (Washington).
Obscur ver (Monrovia).
Esploratore (Milan).
Osmos (Turin).
Bollettino délia Societa africana dltalia
(Naples).
Esplorazione (Naples).
Marina e Commercio, e Giornale délie co-
lonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Revista de Estudos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris). .
Rovuo maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
Dr A. Petermann s Mittheilungen (Gotha)
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Record of geogra
'phy (Londres).
Natif Mercury (Durban).
Cape Argus (Cape-Town).
West African Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
/
SOMMAlkE
PttgCB
BUU^TIN MENSUEL • 245
Nouvelles complémentaires 254
Stanley et L'œirvBB vv Conao 256
Le mal Causé pah leô spiritueux en Afrique et les moyens dV
remédier , 262
Correspondance de M. L. Jaques :
Une excursion en chemin de fer au Sénégal 270
Bibliographie :
La Tripolitaine et PÉgypte, par M. Kohn- Abrest 273
L'Egypte, par M. Félix Paponot 273
Das Hinterland von Walfischbai uud Angra-Pequena, von C.-G.
Bûttner 274
Lettres de Gordon à sa soeur, par Philippe Daryl 275
Lettres de Lady Barker 276
OUVRAGES REÇUS :
Lettres de Gordon à sa sœur, écrites du Soudan, précédées d'une étude historique
et biographique par PhUippe Daryl.— Paris (J.Hetzel et C*), 1884, in- 18, 333 p.
Fr. 3.
Karte West-eequatorial Afrikas, zur Yeranschaulichung des deutschen Colonialbe-
sitzes, von L. Friederichsen. — Hamburg (L, Friederichsen et O), 1884,
fr. 1,60.
Lettres de Lady Barker. Nouvelle série. Une femme du monde an pays des Zou-
lous. Traduction de M™« E. B. Paris (Firmin Didot et C% 1884, in-18, 308 p.
Fr. 3.
Land und Volk in Afrika. Berichte aus den Jahren 1865-1870, von Gerhard Kohlfs.
Dritte Ausgabe. Norden (Hinricus Fischer Nachfolger), 1884, in-18, 240 p.,
fr. 5, 35.
Afrikanische Reisen von Gerhard Rohlfs. Eeise durch Marokko. Vierte Ausgabe.
, Norden (Hinricus Fischer Nachfolger), 1884, in-18, 278 p., fr. 6, 70.
Études et souvenirs d'Afrique. D'Aller à Zanzibar, par le P. Charmetant, 1881,
fr. 1. — A travers le Sahara. Les missions du colonel Flatters, par J.-V. Barbier,
1884, fr. 1. — Madagascar, par H. Castonnet des Fosses. 1884, fr. 1. Paris (Libr.
de la Soc. bibliographique), 3 vol. in-18 avec cartes.
Deutschlands Koloriien. EinBeitrag zur Kolonisationsfrage, von Albrecht Franzius,
Seeoffizier a. D. Zweite Auflage. Bremen (J. Ktihtmann et C"), 1884, in-8, 28 p.
Timbuktu. Heise durch Marokko, die Sahara und den 6udan, von B'^ Oskar Leng.
Leipzig (F.-A. Brockhaus), 1884, 2 Bande, 430 und 408 Seiten, mit 57 Abbil-
dungen und 9 Karten, fr. 32.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
DÉCEMBRE
1884
GENÈVE
H. GEOEG, LIBRAIRE-ÉDITEUB
Ui
^^v
ci.'-
I •«■■*'
if
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIKIOÉ PAB
M. Crnstave MOTNI^B
Mcinbro de la CommlMion internationale de Bruxelles pour Teiploration et la ciTiliiation
de TAfriqne centrale; membre oorrespondant de TAcadémio d'flippone,
et des Sociétés de géographie de Marseille, de Nancy, de Loanda et de Porto.
ÏÉDIQé' PAA
M. Charles FAUBE
Secrétatre-Biblbtbécaire de la Société de géographie de Genève , membre correspondant des Sociétés
de géographie de Lisbonne, de Loanda. do Porto, de Saint-Gall et de Berne.
■ »
<
f.fr*
<
A.
U Afrique parait le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8o d'au
moins 20 pages chacune ; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
paraît nécessaire.
Le prix de Tabonnement annuel, payable d'aTanee, est de 10 fWmeSy
port compris, pour tous les pays de l'Union postale (première zone); pour les
antres, il fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit h un eompte renda.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à RI. GiuitaTe IMoyiilery
%9 rm de PAtliénéey h GenèTe (Suisse).
S'adreséer pour les abonnements h l'éditeor, m. H. Georg, h
GenèTe on h BAle.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Ch. Delagrave, libraire. 15, me Soufflol, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la Cour, 45, rue de la Régence, à Bruxelles.
DuMOLARD frères, libraires, Corso Vitlorio Emmanuele, 21, à Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querstr., 29, à Leipzig.
L. Friederichsen et C", libraires, Adrniraliliitsstr, 3/4, à Hambourg
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autriche).
Trubner et C», libraires, Ludgate HilL 57/59. à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays. .
AVIS. — Nous mettons à la disposition de nos nouveaux abonnés^ au prix.de
12 fr. chacun^ un certain nombre d^ exemplaires complets de la U^^^ de la IlL
et de la IF"* année. La I^ est épuisée.
Die
— 277 —
BULLETIN MENSUEL {Ir décembre 1884.)'
Jusqu'ici la colonisatioD en Algérie ne s'est guère faite que par TÉtat,
ou par Pindividualisme livré à ses seules forces. Aujourd'hui l'associa-
tion, dont la force est si grande en matière économique, veut y appor-
ter son concours. La Société française de colonisation en
Alipérie est entrée en rapport avec les comices agricoles de la colonie,
afin de recevoir d'eux les renseignements nécessaires sur les besoins de
la main-d'œuvre agricole et industrielle, de centraliser les o&es
d'emploi, soit comme valets de ferme ou fermiers, soit comme ouvriers
de8 différents corps de métiers. Elle fournit des indications sur les achats
de terre qui pourraient être faits par de petits capitalistes. Elle a déjà
reçu plusieurs demandes de cultivateurs du midi, disposés à réaliser leur
avoir pour aller faire de l'agriculture en Algérie.
Une mission militaire confiée à la direction de M. Bernard, capi-
taine d'artillerie, a quitté Alger, le 13 novembre, pour se rendre au sud
de l'Algérie, où elle est chargée de vérifier la salubrité des eaux
sur les points principaux d'étape, depuis Boghari, à la limite du Tell,
jusqu'à Djelfa, Laghouat, Gardaïa et Ouargla. Cette mesure est deve-
nue nécessaire en suite des souffrances qu'ont eu à endurer les troupes
françaises, pour avoir dû faire usage d'eaux impropres à la consomma-
tion. Aussi importait-il de vérifier le degré de bonté des eaux des puits
et des sources sur l'itinéraire ordinaire des colonnes, et de rechercher
s'il n'en existe point de préférables en dehors de ces itinéraires que l'on
pourrait modifier selon les résultats obtenus. La mission devra étudier
en même temps la flore et la faune de la région du Mzab et du groupe
d'oasis qui entourent Ouargla.
Plusieurs grandes tribus dont les territoires s'étendent de Kassala
à la mer Rouge et qui jusqu'ici étaient demeurées fidèles au khé-
dive, se sont rattachées au Mahdi ; ce sont les Barkab, les Béni- Amer,
les Habbab, les Mensa et la fraction méridionale des Hadendoa, dont la
fraction du nord s'était déjà ralliée à Osman Digma. Ils se sont jetés en
masse sur les territoires égyptiens qui, d'après le traité conclu par
l'amiral Hewett avec le roi Jean d'Abyssinie, devaient être remis à celui-ci
* Les matières comprises dans nos Bulletins menswils et dans les Nouvelles corn-
pièmentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la c6te orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
L'âFRIQUS. — CINQUIÈME ÀiméE. — N^ 12. 12
— 278 —
à la fin de Tannée. Les habitants chrétiens de ces territoires, les
Boipos, ont dû se réfugier en Abyssinie, sous la protection de Tarmée
de Ras-Aloula. La ville de Eeren a été pillée. Des missionnaires et des
sœurs de charité, qui s'y trouvaient, ont refusé de quitter la ville avant
d'en avoir reçu Tordre de leurs supérieurs résidant à Paris ; leurs per-
sonnes ont été respectées, mais l'église a été pillée.
L' Antislavery B^orter a été informé d'Egypte, par un de ses corres-
pondants, qu'en octobre, un natif du Maroc arriva k Port-Saïd avec
une troupe de quatorze esclaves, la plupart du sexe féminin. Il les
faisait passer pour des membres de sa famille avec lesquels il se rendait
à Jeddah ; en réalité il allait les y vendre. U s'embarqua avec eux sur
un navire britannique, sans être nullement inquiété ; aussi le journal
sus-mentionné proteste-t-il hautement contre cette impunité. — D'autre
part il annonce que le vaisseau anglais, le Philoinèle, a capturé dans la
mer Roui^e une barque chargée de 150 esclaves qui ont été conduite à
Aden. — De son côté le Temps a reçu d'un correspondant d'Aden une
lettre, d'après laquelle les négriers de la mer Bouge continuent à prati-
quer la traite sous la forme ingénieuse que voici. Les esclaves du sexe
féminin sont considérées comme étant les sœurs ou les femmes des
Arabes ou Somalis, qui les emmènent sur leurs caboteurs indigènes. Les
petits sultans de la côte orientale d'Afrique délivrent des papiers qui le
reconnaissent ; une fois dans l'intérieur de l'Arabie, ces mêmes hommes
les vendent et vont se remarier ou chercher de nouvelles sœurs eo
Afrique.
De retour du Choa, oii il a passé deux ans, M. Soleillet a exposé à
la Société de géographie de Lyon les avantages que la station d'Obock
peut offrir pour le conmierce à l'intérieur. Une route conduit directe-
ment au Choa et au Eaffa, et la puissance de Ménélik s'étend à tous les
pays gallas et jusqu'aux grands lacs de l'équateur. Actuellement le com-
merce est peu important; pour l'exportation: de l'ivoire, de l'or, du
musc, des plumes d'autruche, etc. ; pour l'importation : des armes, des
munitions et des tissus, etc. Ce qui nuit à son dévelopi)ement, c'est la
cherté des transports à dos de chameaux ; elle empoche de tirer profit
d'autres produits du pays : le café, les oliviers, la vigne, etc. Le sol est
très fertile dans ses trois régions : la plaine, où. croissent la canne à sucre
et la vanille ; la région moyenne, où prospère la vigne, et le plateau
couvert de pâturages qui nourrissent de grands troupeaux. M. Soleillet
pense que l'on pourrait améliorer les voies de communication par des
travaux de canalisation, notamment sur l'Haouasch. Ce fleuve devien-
— 279 —
drait navigable dans presque toute son étendue, et servirait à ame-
ner à Obock lés produits de l'Afrique équatoriale. — Une dépêche
d'Aden, du 20 novembre, au Temps, annonce Toccupation de Tadjoura
par les Français.
L'évacuation des troupes égyptiennes de Harrar ne paraît pas devoir
être aussi facile que celle de Zellah et de Berbera, où les Anglais ont
remplacé les soldats du khédive. Ceux de Harrar occupent le pays
depuis l'annexion de ce district à l'Egypte (1875) ; ils se sont créé une
famille dans le pays ; presque tous les officiers et les fonctionnaires sont
devenus propriétaires ; beaucoup de soldats ont leur petite maison ; il y
en a auxquels le gouvernement égyptien doit jusqu'à six années de leur
solde. Aussi demandent-ils qu'on leur paie ce qui leur est dû, et qu'on
les indemnise de ce qu'ils sont obligés d'abandonner ; sans quoi ils ne
quitteront le Harrar que contraints parla force, et au besoin résisteront
si on les y oblige. Quant aux indigènes gallas ils sont partisans de l'éva-
cuation, mais à la condition que les Européens remplacent les Égyptiens.
a Avec les Européens, » disent-ils, « nous aurons la libre possession de
DOS biens, nous ne serons plus écrasés d'impôts, nous pourrons vendre
les produits de notre sol et faire du commerce librement, sans avoir à
craindre à tout moment d'être volés, battus et traînés dans les prisons
oîi nous avons des parents enchaînés depuis nombre d'années, sous pré-
texte qu'ils ont refusé l'impôt, et auxquels on a pris tous leurs biens. »
Lorsqu'un effendi passe avec sa suite dans un village, il s'empare de
Tive force de tout ce qui lui tombe sous la main, met les habitants hors
de leurs paillettes et s'y installe en conquérant pour tout le temps de
son séjour, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien; il prend
bœufe, moutons, volailles, etc., dévore tout, et, pour paiement, roue de
coups ses hôtes forcés, à la moindre réclamation et à la plus légère
plainte. L'Européen, au contraire, paie ce qu'on lui vend, traite avec
douceur les indigènes et s'en fait des amis. La lettre du correspondant
du Temps, de laquelle nous extrayons ces renseignements, renferme en
outre des informations intéressantes sur le pays des Ittous, succession
de montagnes au-dessus desquelles s'étendent d'immenses plateaux cou-
verts de cultures de toutes sortes où domine le caféier. On y rencontre
d'épaisses forêts où habite l'éléphant. Les troupeaux de bœufe et de
moutons y sont en grand nombre, la végétation y est luxuriante, la tem-
pérature clémente, le thermomètre varie entre 8*" et 22** maxima. Mal-
gré tous ces dons delà nature, les populations y sont dans la plus grande
misère, par suite de la situation géographique du pays, placé entre le
Choa et les possessions égyptiennes. Tantôt c'est Ménélik qui y fait une
— 280 —
incursion avec ses soldats, et, sous prétexta d'en protéger les habitants
contre les Égyptiens, y perçoit ce qu'il appelle ironiquement Timpôt,
c'est-à-dire fait une razzia générale de tout ce qu'il trouve dans le
pays, pour emmener au Ghoa tous les prisonniers valides, honunes et
femmes ; après quoi, il rentre dans ses États, pour recommencer Tannée
suivante, lorsque l'Haouasch sera guéable. Aussitôt qu'arrive la saison
des pluies, les Égyptiens vienne^nt à leur tour, et sous le même prétexte,
recommencent les mêmes exactions ; mais ils se gardent bien d'occuper
le pays, car ils craignent que lorsque la saison sèche viendra, les soldats
de Ménélik ne viennent les en diasser. Les produits du pays sont expor-
tés avec beaucoup de difficulté par les ports somalis entre les caps Gar-
dafui et Bas-Afoun, c'est-à-dire, par une route qui exige un voyage de
trois ou quatre mois; mais les marchands la prennent pour échapper à la
rapacité des Égyptiens qui leur font payer des droits exorbitants lors-
qu'ils viennent à Zellah, et s'ils sont rencontrés, avec leurs caravanes,
par des bachi-bouzoucks sur le territoire du Harrar, les Égyptiens leur
saisissent tout, chameaux et marchandises, sous prétexte qu'ils n'ont pas
passé à la douane de Harrar, oii on leur prend en moyenne 50 7o de la
valeur de leurs marchandises ; heureux sont-ils quand les soldats égyp-
tiens qui sont aux portes de la ville ne leur prennent pas le restant en
les rouant de coups en guise de paiement.
Nos lecteurs se rappellent que les misslonnalpes d'Alg^p, en quit-
/tant l'Ouganda, se sont établis au S.-E. du Victoria-Nyanza, dans l'Ou-
Koumbi. Au mois de février de cette année,rapporte le P. Giraud, supé-
rieur de la mission, une flotte de 350 pirogues, dirigée par un Arabe,
Mougni-Sungouza, au service de Mtésa, amena à la côte du Muéré, voisine
de rOu-Koumbi, toute une armée de Ba-Ganda, contre le chef Roma,
ennemi personnel de Sungouza, Roma écrasé par le nombre ne put que
s'enfuir, et ses États furent ravagés. De leur station les missionnaires
apercevaient la flamme des incendies que les Ba-Ganda allumaient par-
tout à mesure qu'ils avançaient, ils entendaient leurs grands tambours
de guerre, et de temps en temps, les coups de fusil tirés sur les malheu-
reux Ba-Muéré qui n'avaient pas pu se sauver à temps. Les immenses
troupeaux du Muéré tombèrent au pouvoir des vainqueurs. Heureuse-
ment les femmes et les enfants, mis en sûreté, leur échappèrent; mais les
Ba-Ganda furieux de voir cotte proie leur échapper, voulurent pénétrer
dans l'Ou-Eoumbi, infliger à ce district le même sort qu'à celui du
Muéré, et mettre le feu à la maison des missionnaires, toutefois Sungouza
s'y opposa. Les villages de l'Ou-Koumbi sont nombreux ; leurs habitants
— 281 —
sont génératement pacifiques et laborieux ; les missionnaires en ont tou-
jours un certain nombre chez eux pour travailler. L'esclavage n'y existe
pas. Malgré leur amour de la paix, les Ba-Koumbi se battent bien quand
il s'agit de défendre leur pays. Un moment prévenus contre les mission-
naires qu'ils croyaient de connivence avec les Ba-Ganda, il les envisa-
gent comme faisant partie de leur tribu, depuis qu'ils ont appris que
la présence des blancs a^ contribué à empêcher les Ba-Ganda d'envahir
leur pays. — Le P. Lourdel a installé un nouveau poste dans l'Ou-
Konné. H avait d'abord choisi le village de Souérou, mais cet emplace-
ment ayant été trouvé par Mipanibo trop ouvert et exposé aux atta-
ques nocturnes des Wa-Touba, qui sont en guerre perpétuelle avec ce
chef, il s'est fixé près du grand village de Djihoué-la-Singa, où Mirambo
lui a fait bâtir un vaste tembé de 30 mètres de long. D'autre part
Mirambo ne permet pas que les caravanes qui transportent des bagages
ou des provisions à Oudjidji s'écartent de la route qui passe par sa rési-
dence. Le dernier renfort de missionnaires d'Alger ayant laissé à Tabora
la plus grande partie de ses bagages, pour cheminer plus rapidement,
et TÂrabe qui s'était chargé du transport ayant voulu laisser de côté la
route de Mirambo, celui-ci envoya de fortes bandes de Rougas-Rougas
dans les bois attendre la caravane, avec ordre de l'attaquer, de prendre
tout son matériel, et de le porter chez lui, à Ourambo. — Malgré cela, le
service de la poste de Zanzibar au Tanganyika va cesser de se faire par
Ourambo et Oudjidji, pour prendre la direction de Karéma. Ce change-
ment, proposé par l'Association internationale, a été accepté par les
missionnaires anglais dont les établissements se développent plutôt dans
la région méridionale du lac. La sécurité, la régularité, la rapidité des
communications y gagneront ; en outre les frais diminueront de beau-
coup.— Le P. Guillet,de la station d'OudJidJi,a eu une entrevue avec
l'Arabe fameux, Tipo-Tipo, bien connu des lecteurs de l'ouvrage de
Stanley, et qui conmiande en maître dans tout le Manyéma. Le mission-
naire lui ayant exprimé le désir de s'établir prochainement dans cette
partie du bassin du haut-Congo, et lui ayant demandé s'il pourrait
compter sur son appui et sur sa protection, Tipo-Tipo lui a répondu :
« Vous pouvez me regarder comme votre ami ; je vous aiderai de toutes
mes forces. Soit que vous désiriez aller jusqu'à la côte occidentale, soit
que vous vouliez vous fixer dans le pays, vous me trouverez toujours à
votre disposition. Toutefois je ne vous conseille pas de vous établir là où
il y a des Wa-Ngouana, comme à Koua-Easongo ou à Nyangoué ; les
Arabes ne reçoivent pas volontiers votre doctrine qui leur semble trop
^
— 282 —
sévère. Vous réussirez mieux chez les nègres* Je vous coiiseille donc de
passer le Loualaba, et de vous installer dans le pays qui sépare ce fleuve
du Lomami^ chez Roussouma, à Mouavi ou à Imbani, chez Eafoura ou
Eibengi, etc. Dans toutes ces localités vous trouverez une population
très dense; vous n'y aurez rien à craindre, tant de la part des
Wa-Ngouana que de celle des indigènes, car mon autorité est reconnue
partout là-bas sans conteste. Dès que vous serez prêt à venir, écrivez-
moi à Koua-Kasongo, qui est à un jour environ de Nyangoué, du côté
d'Oudjidji, et oîi je réside habituellement. Vous visiterez le pays dont
je vous ai parlé et choisirez remplacement qui vous conviendra le
mieux. » —A la nouvelle de la venue de Stanley par le Congo, jusque près
de Nyangoué, les Arabes du Manyéma ont été stupéfaits d'une telle
rapidité. Quelques-uns semblent voir de bon œil la route du Congo
ouverte, et ont vendu leur ivoire à Stanley pour éviter les frais et
risques de transport, et aussi la douane de Zanzibar. En revanche
Saïd-Bargasch redoute l'ouverture de cette route qui portera un
coup funeste au conmierce de Zanzibar. Le bruit courait à Oudjidji qu'il
avait ordonné à Tipo-Tipo de faire enchaîner et conduire à Zanzibar
ceux qui vendent leur ivoire aux Européens.— Le P. Guillemet a constaté
à Ba^amo.yo que, malgré les mesures prises et le traité signé par le
sultan Saïd-Bargasch, le commerce des esclave» se pratique encore
sur une grande échelle, et que la vente des malheureuses victime^ de
la traite se fait presque publiquement, à l'aide de crieurs qui cèdent au
plus offrant la marchandise humaine. Les enfants nègres dont la com-
munauté de Bagamoyo s'est augmentée dernièrement, furent d'abord
tout effrayés de se voir en compagnie de blancs, qui, pensaient-ils, ne
pouvaient s'intéresser à eux que pour les manger un jour ou l'autre.
Aussi était-ce avec terreur qu'ils voyaient un couteau entre les mains
d'un des missionnaires, et toutes les fois que celui-ci sortait de la cuisine
pour se rendre au jardin, son instrument à la main, ils disparaissaient
comme une volée de perdreaux en déroute, en se demandant lequel
serait sacrifié le premier. Quelque&>uns se consolaient un peu en regar-
dant leurs membres amaigris, décharnés par la faim, les mauvais trai-
tements et les privations de toutes sortes, endurées pendant un voyage
de 800 kilomètres. Les diverses langues qu'ils parlent prouvent qu'ils
appartenaient à plusieurs districts de l'Afrique. L'un d'eux vient du
Manyéma. Aujourd'hui leurs inquiétudes sont tombées, et sont rempla-
cées par la joie de se sentir l'objet de la compassion des missionnaires.
La constitution récente des trois petites républiques du Zoulouland,
— 283 —
du Stellaland et du Gosenland, sous Tinfluence des Boers du Transvaal,
est un phénomène qui mérite d^attirer l'attention. M. Fr. Jeppe de
Pretoria, auquel on doit la première bonne earte du Transvaal, et l'un
des hommes qui connaissent le mieux et qui peuvent juger avec le plus
de compétence les circonstances dans lesquelles se trouve l'Afrique aus-
trale, a adressé à ce sujet aux Mittheilungen de Gotha, une communica-
tion intéressante, de laquelle nous extrayons les renseignements suivants
sur la situation, la population et l'origine de ces trois républiques.
Celle du Zoulooland est située à la limite S.-E. du Transvaal, et
confine au nord au Zwaziland, et au sud à la Réserve ou territoire
neutre réservé par le gouvernement anglais après la défaite de Cet-
tiwayo. Le 21 mai 1884, les Boers proclamèrent et couronnèrent comme
chef suprême de la tribu, Dinizoulou, fils de Cettiwayo, mort le 8 février
précédent. En vertu d'une cession du 16 août dernier, ce chef donna
aux Boers la partie septentrionale de l'ancien Zoulouland indépendant
et se plaça, Im et sa tribu, sous la suzeraineté de la République du sud
de l'Afrique. La superficie de celle du Zoulouland est de 11,560 kilomè-
tres carrés ; la population en est de 18,500 indigènes et de 2500 blancs ;
le protectorat s'étend à 26,000 Zoulous. La république comprend la
partie la meilleure et la plus salubre du Zoulouland, le haut pays,
qui est riche en eau et en bois. L'élève des moutons y réussit très
bien. M. L. J. Meyer y exerce les fonctions de président. La nouvelle
république tend à s'annexer encore une partie de la côte entre la colonie
de Natal et la baie de Delagoa, en particulier la baie de Sainte-Lucie,
pour mettre les États boers en communication directe avec le monde
commercial, et les soustraire au système des douanes anglaises et portu-
gaises, nuisible au développement de ces républiques.
Quant à celle du Stellaland, eUe est située à la limite S.-O. du
Transvaal, et bornée au sud par le Griqualand-West, et au nord, par
celle de Gtosen. Ensuite d'un traité de paix conclu le 26 juillet 1883
entre les chefs ba-tlapin, Mankoroane et Massouw, ce territoire, cédé
aux Boers, fut proclamé république le 7 août, et les limites en furent
déterminées par des décrets du 7 août, du 18 septembre et du 9 novem-
bre de la même année. Le 1*' août 1884, il fut incorporé par M. Mac-
kemde, commissaire anglais, à l'Empire britannique, comme colonie de
la couronne; toutefois le successeur de M. Mackenzie, M. le colonel
Bhodes dut, en suite d'une protestation et d'un soulèvement des
propriétaires du sol, amener le pavillon britannique et reconnaître
rindépendance de la république. L'annexion à la colonie du Cap,
demandée précédenuneDt pu uae partie des habitants, s'a pas été
jusqu'ici votée par le Parlement colonial. Le territoire de la république
mesure 15,500 kilom. carrés; kis blancs y sont au nombre de 3000, et
les indigènes, de 17,500, dont 12,500, sous la domination de Han-
koToane et 5000 sous œlle de Massouw. L'administrateur en est
M. G. V. van Niekerk; la capitide Vrybourg est an centre du pays, qui
est particulièrement propre ^rt^culture et à l'élève du bétail; cepen-
dant l'eau n'y est pas abondante, non plus que le bois. La proximité des
mines de diamants &cilite l'écoulement des produits agricoles.
Enfin la république de doses, au sud de celle du Stellaland, a été
instituée en vertu du traité de pwx du 24 octobre 1882, entre les chefe
ba-rolong, Mosbetteet Montsioa. Ce dernier ayant,enmai 1884, violé le
traité et attaqué VrywiUlgers-Bust, ta guerre se ralluma entre les deux
cbefe, et ce fut Moshette qui, soutenu par des volontaires boers, l'emporta
sur son adversaire. Par le trwté de pwx du 28 août 1884, les Boere obli-
gèrent Montsioa à leur céder son territoire tout entier, k reconnaître
leurs lois, et lui assignèrent comme réserve, pour lui et sa tribu, une
bande de terre de 250 kilom. carrés. Le 16 septembre une proclamation
du président Krttger a annoncé l'annexion de Oosen an Transvaal ;
mais elle a été retirée, cette annexion étant contraire & la convention du
27 février de cette année avec l'Angleterre ; celle-ci avait annexé au
Transvaal une bande étroite de la partie orientale du territoire du
Stellaland, et de Gosen. Cette dernière république, qui a pour président
M. N. Gey van Pittius, s'étend sur une superfiâe de 10,400 kilom.
carrés ; elle a une population de 3000 blancs et de 15,000 indigènes,
dont 12,500 sont sujets de Montsioa et 2500 de Moshette. Le sol est
propre à l'élève des moutons; il a peu de bois, en revanche il est mieux
arrosé que le Stellaland.
Depuis l'acquisition du territoire d'A«gr«^Peqneiia par la maison
LQderitz de Brème, des marchandises allemandes ont déj&été importées
au Stellaland, et y ont été vendues à un prix inférieur & celui des mai^
cbandises anglaises vendues k Eimberley. L'ouverture de cette vole
commerciale, en dehors des possessions britanniques, a inspiré aux
Boers le désir de voir le nouvel Ëtat s'étendre plus à l'ouest, au moins
jusqu'à Kourouman, pour qu'ils puissent tendre la main aux Allemands
d'Angra-Pequena. Sans doute le Lûderitzland ne s'étend pas jusqu'à
Kourouman, mais ce rapprochement préviendrait au moins la possibilité
de voir la Colonie du Cap, par l'occupation du territoire des Be-Chuana,
pénétrer conune un coin entre les possessions allemandes et les républi-
ques boers.
— 285 —
Le dernier numéro de la revue trimestrielle Africa nous a apporté la
triste nouvelle de Texpulsion des missionnaires américains de
BaHounda et de Bilié, par le roi Kuikui de Ballounda, à Tinstigation
d'un Portugais, trafiquant d'esclaves et d'eaunle-vie. Le 15 mai les
missionnaires reçurent Tordre de quitter le pays; ils en furent d'autant
plus surpris que, la veille, le roi leur avait fait faire un message verbal,
pour les remercier du présent ordinaire en étoflfe qu'ils lui avaient
adressé, ajoutant qu'il avait refusé au susdit Portugais de chasser les
missionnaires, vu que Ballounda était assez grand pour lui et pour eux.
L'ordre du roi n'en était que plus inexplicable, mais il était assez expli-
cite pour ne laisser aucune place au doute, a U vous est enjoint, » por-
tait-il, « de quitter ce pays et ses dépendances dans l'espace de huit
jours, et de n'y pas revenir. Si vous n'êtes pas partis dans le temps
prescrit, vous serez considérés comme des ennemis, et je ne serai pas
responsable de votre sécurité. Vous m'avez assez bien traité, mais vous
ne donnez pas à mes grands ce que vous devriez; vous ne donnez ni eau-
de-vie, ni poudre, ni fusils. Vos habitudes.ne s'accordent pas avec les
nôtres. Que nul de vous ne vienne chez moi pour parlementer, ce décret
est irrévocable, d Le message avait été écrit par le clerc du marchand
sus-mentionné. Il était évident qu'il y avait un parti pris déminer l'œu-
vre missionnaire. Lorsque MM. Fay et Sanders, qui étaient à Bihé, appri-
rent ce qui se passait à Baïlounda, ils rejoignirent leurs collègues afin
que, si le départ était nécessaire, ils pussent se retirer tous ensemble à
Benguéla. M. Sanders qui avait eu plus de relations avec le roi Kuikui,
réussità obtenir de celui-dune entrevue, mais il n'en résulta qu'un ordre
plus strict encore de quitter le pays dans l'espace de quatre jours. Les
missionnaires durent s'enfuir précipitamment ; des bandes affamées et
avides pillèrent tout ce qui leur tomba sous la main. D'un autre côté
les domestiques indigènes, et les élèves de l'école, ainsi que quelques
hommes d'un village voisin de Ballounda, accompagnèrent fidèlement les
fugiti& jusqu'à Benguéla. Des porteurs indigènes ont rapporté que Silva
Porto, négociant portugais, établi à Bihé depuis trente ans, a envoyé à
Kuikui un messager, pour lui reprocher la mauvaise action qu'il avait
commise en expulsant des blancs innocents. Il est vrai de dire que le
roi, malgré les sollicitations les plus instantes, refusa de faire mourir les
missionnaires et de permettre qu'on touchât à un des cheveux de leur
tète. Une pétition a été adressée au gouverneur de Benguéla, qui s'est
enquis de la perte subie par les missionnaires et a promis de leur £a.ire
faire restitution. Deux d'entre eux^ MM. Fay et Stover se sont rendus à
— 286 —
Boston, pour faire rapport au Coinité américain, et le consulter sur le
rétablissement ultérieur de la mission. Ceux qui sont restés à Benguéla
attetident de voir ce que fera Tautorité portugaise et ce qu'elle obtien-
dra ; ils espèrent pouvoir reprendre leur œuvre si heureusement com-
mencée.
n semble, d'après un rapport de M. Arnot, arrivé aussi à la côte
occidentale, que les che& des tribus de Tintérieur ont déjà expédié des
lettres pour rappeler les missionnaires. Mais M. Arnot lui-même a été
engagé par un trafiquant et par de mystérieuses insinuations des chefis,
à quitter momentanément Lialui sur le haut Zambèze, résidence de
Robosi, roi des Ba-Rotsé, et à gagner le territoire portugais de la pro-
vince de Benguéla. Après son départ la guerre éclata entre les Ba-Botsé
et une tribu voisine S et le roi Robosi fiit tué. En arrivant à Bihé,
M. Arnot n'y trouva plus les missionnaires américains ; il poussa jusqu'à
Bailounda, qu'il atteignit au moment où les pillards détruisaient la pro-
priété, a Les habitants de Bailounda s'imaginèrent, » écrit le père de
M. Arnot à la revue Africa^ a que ce blanc était tombé du ciel; il profita
de leur confusion et convoqua un conseil de tous les notables. Le résultat
fût l'envoi d'une lettre pour rappeler les missionnaires.» Descendu
ensuite à Benguéla pour s'y ravitailler, il se proposait de retourner à
l'intérieur, mais plus au nord.
^ous complétons, d'après le Mouvement géographique de Bruxelles,
les renseignements géographiques nouveaux, rapportés par M. le
capitaine Hanssens de son voyage au delà de la station de l'Equa-
teur, jusqu'aux chutes de Stanley. A environ 130 kilom. en amont de la
station qu'il avait réussi à fonder chez les Bangala, il reconnut, sur la
rive droite, l'embouchure d'une énorme rivière venant du N.-E., large
en moyenne de 600", et dont les rives sont basses et boisées. Quelques
indigènes prétendent qu'elle provient d'un lac appelé Boukoumba, situé
à une quinzaine de jours de navigation. La rivière elle-même s'appdle
N|ir<^la ou Hanipala. Sur sa rive gauche, près de son confluent est
situé le grand village de Mobika. Un peu en amont du confluent de la
Ngala se trouve le village de Moubangi ; en cet endroit le lit du Congo
est obstrué de rochers jusqu'à une distance de 500" de la rive, et le cou-
rant est très fort. La navigation n'y est possible qu'avec des embarca-
tions d'un faible tirant d'eau.
Le capitaine Hanssens a remonté sur une distance de 75 kilom. envi-
' y. la lettre de M. Jeanmairet, p. 808.
— 287 —
roa, ritlHibiri, afflueat de la rive droite du Congo également, et dont
la largeur varie de 800" à 400*. Dans la partie parcourae, la rive gauche
si>édalement est très peuplée dans ses trois districts : le Bourambi, le
Libouki et le Boumbouni. Sur la rive droite se trouve le district d'Itembo,
h quelques kilomètres en amont du confluent ; il est habité par des indir
gènes de la tribu des Yankooué, avec le chef desquels M. Hanssens a
&it l'échange du sang. D'après les renseignements qu'il a obtenus, le
nom d'Itimbiri serait le nom du Congo lui-même, dans la partie où il
reçoit cet affluent, dont le nom est Mboula on Bouloumbou. H offre cette
particularité , qu'il se jette dans le Congo en formant un delta ; la
brandie occidentale est obstruée par de grandes herbes ; la branche
orientale qui n'a que 50* de large est très tourmentée, mais complète-
ment libre. Toute cette partie du cours du Congo, sur la rive nord,
entre les confluents du Npala et de la Mboula est extrêmement popu-
leuse. On y fait un grand trafic, principalement en ivoire et en esclaves.
Quant à rAjrouoiiiiiii, les Ba-Soko,chez lesquels le capitaine Hanssens
a fondé une station, l'appellent Ubingi.Le nom d'Arououimi serait celui
du Congo dans la partie de son cours où débouche l'Ubingi.
Jusqu'à l'Arououimi le passage de l'expédition n'avait nulle part pro-
voqué la frayeur des indigènes ; en amont, il n'en fut plus de même. A
rapproche des steamers, toute la population, hommes, femmes et
en&nt8, abandonnait les villages pour se réfugier dans les bois de l'in-
térieur, ou s'éloignait à force de bras dans les canots. Depuis les raz-
zias exercées il y a un an par les chasseims d'esclaves, les natifs éprou-
vent une frayeur instinctive & l'aspect de tout étranger quel qu'il soit.
Un peu en amont de Mayomubé, l'influence salutaire de la station
des citâtes de Stanley se fait déjà sentir. M. Hanssens reçut à
bord la visite de tous les chefis des villages devant lesquels il passait.
Tous lui apportaient des présents, se déclaraient ses amis et lui deman-
daient le drapeau bleu de l'Association. Ds ont déjà vu passer et repas-
ser la flottille du Congo sans qu'il en résultât pour eux le moindre dom-
mage. De plus, ils se rendent périodiquement chez les Wa-6enya des
chutes de Stanley, pour y échanger leur manioc et leurs bananes contre
le poisson péché dans les rapides. Ils ont vu « le village du blanc, » ils
ont constaté qu'il b&tit ses maisons et cultive ses plantations sans mo-
lester personne, qu'il paie comptant ce qu'il achète, et qu'il assiste ses
voisins chaque fois que cela lui est possible. La confiance est venue natu-
rellement«
Dqiuis la première expédition, plus un seul marchand d'esclaves
— 288 —
n'a osé s'approcher du district et les populations^ ont acquis là con-
viction que la présence des blancs constitue leur meilleure sauvegarde.
Le personnel de la station des chutes est dans les meilleurs termes
avec tous les chefe des environs, <)ui attachent un très haut prix à la
conservation de la protection des blancs, parce qu'ils sentent que, du
jour où elle leur serait retirée, ils redeviendraient la proie des chasseurs
d'hommes.
Tandis qu'en remontant le fleuve, M. Hanssens avait suivi la rive
droite, pour redescendre il longea la rive gauche. Partout il fut reçu
avec le même empressement, et put conclure de nombreux traités avec
les chefs indigènes, et obtenir pour l'Association d'importantes conces-
sions de terrains.
■
Avant de quitter le Congo, disons encore que M. le lieutenant Mas-
sari, après avoir été retenu quelques semaines par la fièvre au sanita-
rium de Boma, a été mis par Sir Francis de Winton à la tète d'une
expédition de découverte chargée d'explorer le Quanf^o. Il devra pour-
suivre les études commencées par Stanley et Sir F. de Winton, relever
le cours de la rivière aussi loin qu'il pourra la remonter avec son stea-
mer, et procéder, le long de ses rives, à l'installatioa d'une ou de plu-
sieurs stations nouvelles.
Le D' ^m Chavanne a écrit le 20 août aux Mittheilungen de Gotha
qu'il se préparait à se rendre à San-Salvador par une route nou-
velle, suivant à peu près la ligne de partage des eaux entre les rivières
de la côte et la Mpozo, tributaire du Congo ; de là il se proposait de ga-
gner, par le pays de Zombo, le bassin inférieur du Quango, et suivre
celui-ci jusqu'à son confluent avec le Congo. Le relevé de la partie du
fleuve de Banana à Borna lui a imposé un dur labeur, le fleuve étant
couvert d'un labyrinthe d'îles dont un grand nombre n'étaient pas des-
sinées sur les cartes ; d'autres y sont portées qui n'existent pas ; il en a
relevé cinquante nouvelles. Jusqu'ici les cartes de cette partie du Congo,
même celle de l'amirauté anglaise, ne reposaient que sur des renseigne-
ments. De Banana à Yivi, le D' Chavanne a déterminé géodésiquement
plus de mille positions, fait quantité de sondages, en même temps qu'il
étudiait la géologie de cette partie du.bassin du fleuve. Il ne s'est pas
borné au Congo ; il a fait plusieurs excursions à l'intérieur dans le bas-
sin du Passi-Bombo et du Eàlamou (la rivière des Crocodiles). Son com-
pagnon, le D' Zintgraff, s'est occupé de l'ethnographie des Mussorongo
et des Aboma.
D'après un rapport de M. Dutreuil de Bhins à la Société de géo-
— 289 —
gntphie de Paris, M. Doitale» chaîné d'an ravitaillement pour Savorr
gnan de Brazza, quitta en juin Loango avec une trentaine de porteurs
iodigènes, dont une partie Tabandonnèrent suc les bords de la Louil-
dittia, affluent du IVIari» qu'il suivit jusqu'à son confluent, vis-à-vis de
Stephanîeville. L'agent de TAssoeiation internationale dans cette sta-
tion se refusant à lui louer un magasin, le roi du pays offrit à M. Dolisie
le terrain qu'il choisirait, et conclut avec lui un traité, par lequel tout
le pays compris entre la Loundima et le Niari a été placé sous la suze-
raineté et le protectorat de la France. Le roi et les chefs déclarèrent en
même temps qu'ils avaient seulement loué l'emplacement sur lequel se
trouve le poste de Stephanîeville, et qu'ils n'avaient cédé aucun de leurs
droits à l'Association internationale. M. Dolisie fonda la station de
Niari-Liouadimay et se dirigea au N.-E. vers PhilippeviUe. Dans ce
trajet, il constata que le Niari est navigable par canot à vapeur sur son
cours moyen et même en partie sur son cours supérieur. Une nouvelle
station fiit fondée pour compléter la chaîne des postes français de Loango
à Brazzaville, où M. Dolisie arriva à la fin de juillet. Le trajet avait été
fait en 40 jours ; il pourra être fait en 20 jours, quand on utilisera la
voie fluviale, et qu'on aura organisé un service régulier de porteurs
comme chez les Ba-Téké.
Le H' Colin, médecin de la marine française, est de retour d'un
voyage d'exploration dans le bassin de la Falémé ^ et dans la région
aurifère qui s'étend entre ce cours d'eau et le Bafing. Parti de Podor le
24 juin 1883, avec un convoi de douze noirs et douze bêtes de somme, il
suivit la rive gauche du Sénégal jusqu'à Bakel, traversant ainsi le Fouta,
où les Toucouleurs lui créèrent toutes sortes d'ennuis. De Bakel il se
dirigea vers Sénoudébou sur la Falémé, mais là, les Toucouleurs du
convoi refusèrent absolument d'entrer sur territoire malinké, aussi le
docteur dut-il se rendre à Médine pour recruter un nouveau personnel.
De retour à Bakel, il alla étudier les terrains aurifères de Eeniéba,
explorés il y a deux ans par notre compatriote M. Demaffey . Puis il gagna
Dialafara, capitale du Tambonara, où il reçut un accueil empressé
du chef du pays, qui conclut avec lui un traité plaçant son territoire
sous le protectorat français, et donnant à la France le droit exclusif de
construire des routes et d'exploiter des mines. Toute la région du Tarn*
bouara, dit le D' Colm, est très riche en or, et, dans l'avenir, on y
créera certainement des exploitations. Toutefois il estime qu'il ne faudra
* V. la Carte, IV«»« année, p. 200.
L
— 290 —
se lancer dans ces opérations qu'avec une extr&me pruddnoe, et qu'avant
de chercher à exploiter ce pays induâtriellemeiit, il est indispensable
d'améliorer les voies de communication ^ et de créer des relations corn*
merciales avec lés indigènes qui désirent écouler leurs produits par le
Sénégal. Dialafara est un viMage malinké de 2000 habitants, bien dis*
posés pour les blancs. Leur territoire est riche en pâturages, et abonde
en bétail ; leurs principales cultures sont le riz, Tindigo et le coton. De là,
M. Golin se rendit à KasHnama^ capitale du Diébédougou, à une jour-
née de marche de Koundian, une des places fortes les plus importantes
des États du roi de Ségou. C'était la première fois qu'un Européen visi-
tait E>u3sama. Admirablement reçu par le roi, l'explorateur y fit un
séjour d'un mois et put étudier à loisir les ressources du pays. Eassama
est situé sur un plateau élevé, en pays accidenté, au centre d'une région
aurifère; son territoire produit du caoutchouc, de l'indigo et du coton.
Là aussi le bétail est abondant. Les deux mille Malinkés de Eassama
ne vivent pas en trop mauvaise intelligence avec les Toucouleurs de
Eoundian. Ceux-ci, isolés dans leur forteresse considérée comme impre-
nable, sont trop peu nombreux pour attaquer leurs voisins. Les mines
d'or se trouvent à 10 kilomètres au sud de Eassama, au pied de la ligne
de partage des eaux entre la Falémé et le Bafing ; on ne les exploite que
dans la: saison sèche, dès que la récolte est terminée. L'or s'échange sur-
tout contre du sel, condiment qui manque absolument dans le pays.
Pour un lingot d'or d'une valeur de 15 francs, les traitants donnent, à
Eassama, une quantité de sel qui vaut environ 1 franc à Saint-Louis.
En hiver, la température est très agréable; en décembre, à midi, le
thermomètre monte à 24'', mais la nuit, il descend souvent à T". L'im-
portance de Eassama parut telle auD' Colin, qu'il crut utile de chercher
une route pour aller de ce point à Bafoulabé. Malheureusement le che-
min est tellement accidenté, qu'il serait très difficile de construire une
route à voitures. De Bafoulabé 'U revint à Eassama, et résolut de
reconnaître le cours de la Falémé, pour juger si cette rivière pourrait
servir de route vers les terrains aurifères. Il l'atteignit au village de
Eiénékou, à environ 400 kilomètres de son confluent avec le Sénégal, et
reconnut qu'elle n'est pas navigable dans la saison sèche. Aussi dut-il
cheminer sur ses rives, obligé cependant par la végétation puissante, de
se tenir presque constamment à une distance de 100"* à 300" du bord.
Le gibier y est très abondant; partout l'on voit des traces d'éléphants,
délions, de panthères, des antilopes et des troupeaux de bœufis sau-
vages, etc. Une multitude d'oiseaux aux couleurs éclatantes animent le
— 291 —
paysage. De nombreux villages sont coostniits à quelques kilomètres de
la rivière. La Falémé roule de Tor, et sou cours, qui se développe sans
chutes ni rapides, serait aisément navigable à la saison des pluies, si on
le débarrassait des quelques rochers qui Tobstruent. Les traitants la
remontent avec leurs chalands à petit tirant d'eau, et il ne serait pas
difficile de la rendre accessible h de petits vapeurs. Cette exploration
terminée, le D' Colin rentra à Bakel pour se ravitailler, car il voulait
dresser une carte de la Falémé. Il se procura à Bakel un petit chaland
et remonta la rivière àur une longueur de 160 kilomètres environ ; mais
son chaland subit des avaries qui Tobligèrent à redescendre à Bakel et
à Saint-Louis. Ici, il présenta au gouverneur le fils du roi de Kassama,
jeune homme de 28 ans, qui venait, au nom de son père, faire acte de
soumission volontaire à la France. De Bakel à Saint-Louis, il avait eu
pour compagnon de voyage un Maure de Timbouctou, délégué par la
corporation des marchands de cette ville, pour présenter au gouverneur
du Sénégal les vœux des négociants de la métropole du Soudan occiden-
tal, pour l'ouverture d'une voie commerciale par le Niger, Bamakou et
les escales françaises du Niger et du Sénégal. Ce Maure a affirmé que,
si cette route s'ouvrait, tout le commerce de Timbouctou cesserait de pas-
ser par le Maroc, et que, dans les hautes eaux, le Niger est suffisamment
navigable de Timbouctou jusqu'à Bamakou. — Dès lors, ce délégué a
dû repartir pour Timbouctou, où l'on se proposait de le reconduire, à
partir de Bamakou, par le vapeur que le capitaine Delanneau a fait
remonter sur le Niger, et avec lequel il avait déjà dû se rendre à Yamina,
où se trouvait Ahmadou, sultan de Bégou.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Les événements dont la vallée du Nil est le théâtre, ont porté les caravanes du
Soudan à prendre la voie de Tripoli pour y amener les produits de Pintérieur;
aussi le journal officiel de la Tripolitaine constate-t-îl que le commerce de cette
région a pris récemment un développement qui dépasse tontes les prévisions.
D'après une communication de M. de Lesseps à la Société de Géographie de
Paris, la Compagnie du Canal de Suez fera élargir le canal existant, de façon que
les navires puissent se croiser sans danger, et l'on étudie un mode d'éclairage élec-
trique qui permette d'y naviguer de nuit.
Le colonel Chemside, établi depuis quelque temps à Souakim en qualité de com-
mandant civil et militaire, a été nommé gouverneur général de tout le littoral de
la mer Rouge, avec ordre de résider à Mk^saoua.
— 292 —
Lé capitaine Kling, de la gamiBon anglaise d'Aden, se propose de reprendre
itinéraire de la dernière expédition de M. G. Réveil. Il croit que^moni delettrjo»
des clieik» de La Mecque et de cadeaux, il pourra.se frayer un passage^ de Maga-
daxo à travers les pays Galla, et arriver à Berberah sur le golfe d'Aden.
Le célèbre explorateur Gerhard Bohlfs a été nommé consul-général de l'em-
pire allemand ^ Zanzibar.
Une lettre de M. Ledoulx, consul de France à Zanzibar, adressée au ministère
des affaires étrangères, l'informe que l'explorateur Giraud est toujours à M'pala,
station de l'Association internationale, à la c6te occidentale du Tanganyika. Un
certain nombre des porteurs et des hommes de son escorte, après l'avoir aban-
donné, ont attaqué la mission des Pères algériens à Kipalapaba, près de Tabora,
et menacé de mort le père Hautecœur; Informé de ces faits, M. Ledoulx les a fait
connaître au sultan Saïd-Bargasch, qui s'est empressé de donner les ordres néces-
saires pour que ces hommes fussent punis.
Le lieutenant Shufeldt, de la marine des États-Unis, a fait récemment un impor-
tant voyage à travers l'île de Madagascar, dans une direction S.-0., à partir de la
capitale, en suivant un itinéraire de llOOkilom., que n'avait encore parcouru aucun
explorateur scientifique. Quittant Antananarive avec une forte caravane, il recher-
cha les sources et les nombreux tributaires supérieurs de la Zizibongy, qu'il explora
en détail et dont il détermina le tracé ; puis, descendant des plateaux vers la côte
S.-O., il fit, sur les diverses terrasses qu'on y rencontre, des observations exactes.
Nous reviendrons sur cette exploration quand les Proceedings de la Société de
géographie de Londres auront publié le rapport que leur a promis le lieutenant
Shufeldt.
Une exposition industrielle qui vient d'avoir lieu à Capetown, a permis de con-
stater que, pour les cuirs du Cap, les meubles des écoles des Ba-Souto et des Zou-
lous, les voitures et la taille des diamants, l'Afrique australe peut rivaliser avec
les produits du même genre fabriqués en Europe.
La Société des Missions épiscopales méthodistes de New- York a décidé d'établir
une ligne de stations à partir de Loanda jusqu'au Tanganyika, le long de la route
de Pogge et de Wissmann.
D'après un rapport du général Lefroy, président de l'Association britannique
au congrès de Montréal, un chasseur anglais, M. Hemmings, a traversé, en compa-
gnie d'un Hollandais, la partie de l'Afrique occidentale qui s'étend entre Wal-
fishbay et Vivi , en suivant à peu près la limite orientale des possessions portugaises.
Une dépêche de Madrid, de source officieuse, annonce que l'Espagne étant
décidée à se rétablir solidement dans ses colonies de la côte occidentale d'Afri-
que, un agent espagnol a été nommé pour les lies d'Ëlobey, dans le golfe de
Corisco, au nord du Gabon.
Le ministère français de la marine a décidé l'envoi au Sénégal d'une mission
confiée à MM. Marchai, de Lorient, et Auger, ingénieur des travaux hydrauliques
à Cherbourg, pour étudier la question de l'amélioration du port de Dakar. Cette
mission s'embarquera à Bordeaux le 5 décembre.
— 293 —
La Conférence internationale convoquée pour s'occuper des intérêts généraux
de la civilisation en Afrique, s'est ouverte le 15 novembre à Berlin. Nous aurons
certainement à parler plus tard de ses travaux. Disons seulement aujourd'hui que
l'Allemagne a reconnu l'Association internationale africaine.
LE MAL CAUSÉ PAR LES SPIRITUEUX EN AFRIQUE
ET LES MOYENS D'Y REMÉDIER
(Suite et fin.)
Nous avons exposé, dans notre précédent numéro (p. 262-270), le
mal que les spiritueux font aux indigènes du continent et des îles, et
constaté qu'il appelle un remède ou plutôt des remèdes, car les sources
du mal étant diverses, les moyens à employer pour le guérir, si possible,
et pour en prévenir le retour, doivent être divers aussi.
Les moyens les meilleurs sont certainement ceux qui procèdent de la
Tolonté des indigènes, persuadés de renoncer à Tusage des boissons
alcooliques par la conscience du mal qu'ils se font à eux-mêmes et aux
autres, ou par l'exemple et les conseils des personnes qui y ont renoncé
pour elles-mêmes, afin d'aider au relèvement des malheureuses victimes
de l'ivrognerie. Si le mal est très répandu et profond, il ne manque pas,
dans l'Afrique australe, et surtout dans les possessions britanniques, de
sociétés de tempérance et d'a^bstinence, qui travaillent à en arrêter les
progrès et à le guérir, par la création d'institutions analogues h celles
de notre Europe, cafés de tempérance, salles de lecture, bibliothè-
ques, etc. Ces diverses sociétés ont aussi, comme les nôtres, formé une
alliance pour chercher à restreindre le trafic des liqueurs. Elles ont
des sociétés spéciales d'assurance mutuelle sur la vie '.
Mais les amis des noirs ne s'en tiennent pas là. Au Le-Souto, par
exemple, où nous avons vu l'eau-de-vîe pénétrer à la suite de l'armée
coloniale, lors de la dernière guerre, le Comité des missions de Paris,
une fois la paix rétablie, rappela aux che£s Ba-Souto, dont plusieurs
donnaient un mauvais exemple, ce qu'avait fait leur père. « Enfants
* L'expérience des Compagnies d'assurance a prouvé que la tempérance est
favorable à la longévité. Une Société a constaté, en 1882, que, parmi ses assurés,
les cas de décès ont été de 116 abstinents et de 370 non abstinents; en 1883, la
proportion fut de 7 à 19. Aussi, quelques Compagnies d'assurances ont-elles
réduit de 20 ^o, pour les abstinents, le taux d'assurance.
— 294 —
de Moschesh, » leur écrivit-il, « vous avez été un moment divisés, soyez
de nouveau unis, et rentrez tous ensemble dans la voie du progrès.
Retournez aux jours où la boisson enivrante des blancs était proscrite
chez vous, car c'est bien là le poison des corps et des âmes, la mort des
peuples. » Lors d'une conférence des missionnaires du Le-Souto, ceux-ci
se rendirent en corps auprès du chef Letsié, afin de lui présenter leurs
vœux pour la prospérité du pays ; ils prirent occasion de cette visite
pour faire au chef une protestation contre le trafic de l'eau-de-vie, et
le prier de rétablir la loi prohibitive sur les spiritueux promulguée par
feu son père: Letsié ne donna d'abord aux missionnaires qu'une réponse
évasive. Toutefois la protestation eut un certain résultat. La vente et
l'achat de cette drogue diminuèrent considérablement, les magistrats lui
firent aussi la guerre, autant que leur position difficile le leur permettait.
Le fils du vénérable Moffat, de Kourouman, qui avait été lui-même pen-
dant un certain nombre d'années missionnaire chez les Ba-Kouéna, s'y
employa d'une manière énergique. D'après un rapport de M. Bœgner,
directeur de l'Institut des missions de Paris, les chefs ont rendu, au
commencement de cette année, un décret en vertu duquel il est permis
à chacun de détruire l 'eau-de-vie qu'il pourra découvrir entre les mains
de n'importe qui. La permission n'est pas demeurée sans effets. Un cor-
respondant du Cape ArgiAS raconte qu'à la suite de ce décret, un wagon
d'eau-de-vie fut saisi près du village de Tlasoa, le contenu en fut détruit,
et le propriétaire arrêté. En outre le Le-Souto a bénéficié d'une loi votée
par le Yolksraad de l'État Libre de l'Orange dont nous aurons à parler
plus loin, et par laquelle ont été abolis tous les débits d'eau de vie qui
se trouvaient sur la frontière ; aucun débit ne peut plus être établi qu'à
deux lieues au moins des limites du Le-Souto ; c'est une des causes
auxquelles est due la diminution récente de l'ivrognerie dans ce pays.
Dans l'État Libre ce sont aussi les maux causés par les boissons alcoo-
liques, qui ont fait sentir la nécessité d'une loi pour réduire le nombre des
débits et la vente des spiritueux dans les boutiques. En vertu de cette
loi, aucun cabaret ne peut s'ouvrir avant qu'une commission de cinq
personnes en ait constaté la nécessité. Le tenancier doit payer ime con-
tribution annuelle de 2500 francs, et les marchands ne doivent livrer
aux noirs aucune boisson spiritueuse (bière, vin, eau-de-vie). Un premier
délit est puni d'une amende de 1250 francs ou de trois mois de prison,
avec eau de riz pour nourriture de deux jours l'un; en cas de récidive,
la peine est de six mois de prison avec travail forcé. Quiconque est
trouvé en état d'ivresse doit payer 25 francs d'amende, au moins. Les
— 295 —
efiets de la loi sont salutaires, et montrent que le gouvern^nent de
l'État Libre prend la question au sérieux. En opposition à ce qui se pas-
sait avant la promulgation de la loi (p. 266), VExpress dit que les désor-
dres du jour de Tan disparurent soudainement, comme s'ils eussent été
balayés par un pouvoir magique. On ne vit plus dans les rues un seul
natif qui ne se rendît à son travail dans une tenue convenable. Les can-
tines, qui auparavant servaient de lieux de refuge au crime et k l'immo-
ralité, furent fermées, et le jour de l'an se passa dans une tranquillité
et une paix qui firent tomber toute opposition , et qui permettent d'espérer
nne révolution complète dans la vie et les habitudes des natife. Toute-
fois, dans les localités oii les Anglais ont la haute main, il n'est guère
possible d'appliquer des lois pour s'opposer au mal qui dévore le pays.
Au Transvaal, il est triste de constater que la première fabrique éta-
blie depuis la restauration de la république, est une fabrique de liqueurs
fortes, à- 20 kilomètres environ de Pretoria, sur le bord de la rivière
Pienaars, et qu'autour d'elle s'est élevé tout un petit village d^employés
de la fabrique : 35 blancs et 100 Cafres, logés et entretenus sur la pro-
priété. Elle fournit 500 litres de spiritueux par heure. L'État qui a
autorisé cette fabrication, ne peut naturellement pas édicter de loi
contre les débits et la vente de l'eau-de-vie.
En revanche les missionnaires de la Société de Berlin s'efforcent de
restreindre par la persuasion l'abus des boissons fermentées. Il y a deux
sortes de bière cafre : l'une est pour les indigènes une boisson rafrat-
chissante ; l'autre ne le cède pas beaucoup k Teau-de-vie, pour son
effet enivrant. A Wallmannsthal, dans le Transvaal méridional, les
missionnaires ont mis les indigènes en garde contre l'usage immo-
déré de la forte bière cafre. La plus grande partie des hommes se sont
rassemblés de leur propre mouvement ; ils ont décidé que la fabrication
de la bière légère sera permise, mais pas celle de la seconde ; les femmes
qui fabriqueront celle-ci seront punies, ainsi que les ivrognes.
Plus au nord, sur le Ghiré, il a suffi de la résolution bien arrêtée de
la a Compagnie des lacs africains, » pour qu'aucun baril d'eau-de-vie ne
remontât le fleuve.
A Madagascar le gouvernement a édicté des lois prohibitives contre
l'importation et la fabrication de liqueurs fortes. Déjà en 1881, .dans le
code de lois rédigé pour améliorer l'administration de l'tle, la fabrication
du riium était interdite dans la province d'Imérina. Quiconque serait
découvert en fabriquant, serait passible d'une amende de dix bœufs et dix
dollars; le rhum trouvé devait être versé et la plantation détruite.
— 296 —
Quiconque serait trouvé, dans cette province, vendant du rhum ou en
ayant en sa possession, devait être puni d'une amende de dix bœufis et
dix dollars, et le rhum trouvé, versé. Quiconque serait trouvé en état
d'ivresse dans ce territoire devait payer une amende de sept bœufs et
sept dollars. Enfin, quiconque serait rencontré transportant du rhum
quelque part, dans les limites de cette province, serait puni d'une amende
de cinq bœufis et cinq dollars. La loi prévoyait l'emprisonnement pour
cas d'incapacité de payer l'amende ; un jour de prison était considéré
comme équivalent à six pences de l'amende. Malheureusement les im-
porteurs ont réclamé l'appui des gouvernements de France et d'Angle-
terre, qui ont contraint le gouvernement de Madagascar, malgré les
protestations les plus sérieuses des autorités^ à admettre les liqueurs
fortes, et même k recevoir en eau-de-vie le paiement des droits d'entrée.
Pour être conséquent avec ses principes et avec sa législation, et pour
arrêter autant qu'il le pouvait les progrès de ce fléau qui menaçait d'en-
vahir tout le pays, le gouvernement ordonna aux fonctionnaires de dé-
truire les spiritueux aussitôt qu'ils les auraient reçus. Cela se fit chaque
année dans les ports ; dans certains cas, quantité de tonneaux ont été
défoncés pour protester contre le mal et sauver la communauté. Mais la
résistance se lassa, et l'eau-de-vie pénétra dans l'île en plus grande
abondance que jamais. En 1883, à l'occasion de la venue en Angleterre
des envoyés malgaches, le Comité exécutif de l'Alliance de la Tempé-
rance du Royaume-Uni s'adressa à Lord Granville, pour attirer son
attention sur les clauses des traités avec Madagascar, qui donnent aux
sujets de S. M. britannique un droit légal d'importer des liqueurs fortes
dans cette île moyennant certains droits d'entrée, en opposition à l'opi-
nion qui attribue à ces liqueurs un efiet pernicieux sur les Hovas comme
sur les autres habitants. Le gouvernement de Madagascar cherchant à
abroger les clauses sus-mentionnées de ces traités, afin de pouvoir agir
plus efficacement contre ce fléau, le Comité en appela à Lord Granville
et à ses collègues, pour que, sans attendre l'action d'autres nations, le
gouvernement anglais accordât à l'administration malgache toute faci-
lité d'accompUr son louable projet. L'importance du commerce anglais
ne devait pas dépendre de l'importation à Madagascar d'un article des-
tructif de la vie et de la morale d'un grand nombre des habitants de
cette île ; aussi le Comité de l'Alliance ne doutait-il pas que le gouver-
nement de S. M. ne tînt compte des vœux de toutes les classes du peu-
ple anglais, en répondant à la requête des envoyés malgaches, de ma-
nière à écarter tout obstacle à l'exécution des mesures propres à remé-
— 297 —
dier au mal. Lord Granville promit de prendre cette demande en
sérieuse considération. Qu'en est-il résulté? nous l'ignorons absolu-
ment.
Quelque partisans que nous soyons de la liberté commerciale et de la
liberté individuelle, nous n'estimons pas qu'aucun gouvernement civilisé
ait le droit d'empêcher une administration quelconque de refuser l'en-
trée de son territoire à des substances nuisibles, dangereuses, perni-
cieuses même aux habitants confiés à ses soins, ou de restreindre l'im-
portation de ces substances par de hauts droits d'entrée à payer. Aucun
État ne permettrait qu'un gouvernement voisin lui interdît de prendre
des mesures de précaution à l'égard des substances explosibles ; or il
s'agit, dans la question des spiritueux, d'éléments bien plus dangereux
que la poudre ou la dynamite.
Sans doute on ne pourrait pas conseiller d'adopter partout le moyen
employé par la reine Makea, de Rarotonga, dans l'Océan Pacifique,
quelque efficace qu'il ait été. Affligée des progrès de l'intempérance au
milieu de son peuple, et n'obtenant pas des agents de police la répres-
sion désirable de l'ivrognerie, elle convoqua une assemblée populaire, et
devant tous réprimanda sévèrement les agents pour leur coupable indul-
gence envers les ivrognes ; puis elle les révoqua tous et créa une nou-
velle police composée de femmes d'âge mûr. L'expérience réussit par-
faitement. Les femmes appelées à ces fonctions firent preuve d'une éner-
gie et d'une habileté extraordinaires à découvrir les fraudes et les
fraudeurs. Elles trouvèrent et firent jeter à la mer des quantités consi-
dérables dWu-de-vie introduite en fraude dans l'île, si bien que, depuis
qu'elles ont en mains cette affaire, une vraie réforme s'est opérée dans
les mœurs de la population. La reine avait parfaitement compris que
les femmes de Rarotonga sont les premières intéressées à la suppression
du fléau de l'eau-de-vie. Elles le sont également en Afrique et ailleurs.
Les gouvernements indigènes ne peuvent d'ailleurs rien faire s'ils sont
contraints, par les États qui se disent civilisés, de recevoir l'eau-de-vie
fabriquée chez ceux-ci et exportée par leurs ressortissants. Aux hommes
d'État européens, ils pourraient répondre ce queCettiwayo, pendant son
séjour à Londres, répondit aux délégués de la Ligue anglaise de Tempé-
rance, qui insistaient auprès de lui pour qu'à son retour il prît des
mesures afin d'interdire à son peuple, dans le Zoulouland, l'usage des
liqueurs fortes. Après leur avoir appris, par son interprète, que pendant
son règne il avait fait une proclamation contre l'introduction des spiri-
tueux, et leur avoir dit qu'il la renouvellerait à sa rentrée dans ses
— 298 —
États, il ajouta : a Je comprends tous les maux qu'ils causent, et suis
décidé à ne tolérer que l'usage de la bière peu forte des natifs. Mais ce
n'est pas à moi seul qu'incombe le devoir de leur fermer la porte ; je
suis à l'intérieur du pays, je ne peux pas savoir ce qui se passe ailleurs;
c'est aux frontières qu'il faut mettre un obstacle ; c'est du côté du pays
d'où proviennent les spiritueux qu'il faut fermer la porte ; ce n'est pas
chez moi que sont les distilleries ; ce serait aux autorités de Natal à
empêcher les spiritueux de sortir de leur colonie pour aller empoisonner
leurs voisins. » Le cousin de Cettiwayo, Ngcongcwana, confirma le fait
que les spiritueux causent la mort du peuple ; que les Zoulous étaient,
avant la guerre avec les Anglais, un peuple remarquable pour sa sobriété,
mais que, avec les troupes anglaises, l'eau-de-vie est entrée dans leur
pays; que dès qu'un natif prend goût à l'alcool, ce goût devient très
vif, et que malheureusement les effets en sont très marqués. Lui aussi
fit comprendre aux délégués de la Ligue que les chefs indigènes ne pou-
vaient être laissée seuls à combattre le fléau, et que le gouvernement
britannique, ainsi que les autorités anglaises des colonies de Natal, du
Cap, du Griqualand'West, devait leur aider. Les délégués promirent
d'agir en vue d'obtenir du gouvernement de la reine, qu'il aidât au roi
à empêcher les spiritueux d'être introduits dans son pays contre sa
volonté. Nous ignorons quel a été le résultat de leur démarche.
Sans doute le premier devoir à cet égard est de ne pas forcer les indi-
gènes qui s'y refusent, à laisser entrer chez eux les spiritueux qui les
ruinent corps et âme ; mais il faut aussi leur aider à en restreindre l'usage
le plus possible. Sous ce rapport l'Angleterre n'est pas seule en cause;
mais avec elle, tous les États européens, France, Portugal, Espagne,
Allemagne et Italie, qui ont des possessions et des colonies le long de la
côte d'Afrique ou à l'intérieur, ont une responsabilité qu'ils ne peuvent
méconnaître. A peu d'exceptions près, toutes les côtes du continent afri-
cain sont des dépendances des États européens qui les font administrer
par des gouverneurs, et, dans les quelques territoires dont les chefs sont
encore indépendants, il y a des factoreries établies sur des terrains
dont la concejssion a été obtenue des chefs en vertu de traités réguliers.
Mais que trouve-t-on presque toujours inscrit dans ces contrats?
Nous ne parlons pas de celui qu'a conclu M. Lûderitz avec le chef de
Béthanie, et qui fait honorablement exception. Sans remonter à cin-
quante ans en arrière nous lisons, dans les Annales du ministère de
la marine et des colonies, le texte d'un traité conclu entre le roi de
France et le souverain du Oualo, avant l'arrivée de M. Faidherbe
I
I
— 299 —
comme gouverneur de la colonie du Sénégal. Nous en extrayons ce qui
suit, comme exemple des clauses insérées dans la plupart des contrats
passés avec les chefs indigènes. « Le gouvernement français s'engage à
donner au souverain du Oualo, dix bouteilles d'eau-de-vie ; à son servi-
teur, deux bouteilles d'eau-de-vie... ; à la princesse Gimbotte, quatre
bouteilles d'eau-de-vie...., et en outre, pour sa consommation person-
nelle, une dame-jeanne d'eau-de-vie (de 50 à 60 litres '). »
Dans un article de M. de Hesse-Wartegg, inséré dans le dernier
numéro de la Deutsche Rundschau fur Géographie und Statistik de
Vienne, l'auteur s'exprime ainsi au sujet des traités conclus avec les
chefs indigènes par les agents de l'Association africaine internationale :
« les princes africains n'ont aucune idée de la portée de ces traités accep-
tés pour quelques bouteilles d'eau-de-vie ^ Pour quelques vieux fusils et
couvertures, ils cèdent à l'Association leurs droits de propriété et de
souveraineté. Ces princes noirs, sans vêtements, signent quoi que ce
soit, arborent toute espèce de pavillon, aussitôt qu'ils peuvent obtenir
de l'eau-de-vie, mode usité de paiement. Et voilà comment se font les
premiers essais de civilisation dans l'Afrique centrale. En outre l'As-
sociation échange avec les indigènes de l'eau-de-vie, des fusils, des
couvertures, de la verroterie, contre de l'ivoire, de l'huile de palme, et
autres produits des tropiques. v—Nous nous rappelons aussi que, parmi
les objets offerts au roi de San-Salvador par les missionnaires portugais
envoyés récemment pour recommencer leur œuvre dans cette ville, se
trouvaient des bouteilles de rhum. Or, sachant quel effet déplorable les
spiritueux produisent sur les indigènes, chefs et sujets, n'est-il pas
immoral que les agents de pays civilisés ou de sociétés missionnaires
emploient un semblable moyen pour obtenir d'eux la faveur ou les con-
cessions qu'ils désirent pour leurs établissements ?
Certains États possesseurs de colonies spéculent d'une autre manière
sur la faiblesse des noirs et sur le goût des liqueurs fortes que leur ont
inoculé les blancs. En effet s'ils frappent les spiritueux de droits d'en-
trée élevés, ce n'est pas pour en restreindre la quantité importée, mais
bien plutôt pour retirer de forts revenus de ces boissons alcooliques,
dont ils savent qu'elles seront toujours recherchées, quelque élevé qu'en
soit le prix de revient.
* V. Afrika aU Handdsgebiet, von Fritz Robert, p. 74. Wien, 1882, in-8°, 350 p.
* Les bouteilles de gin figurent en effet dans l'énumération des objets cités par
Stanley dans sa conférence à la Chambre du Commerce de Londres^ comme prix
d'achat des concessions et des droits de souveraineté obtenus des chefs indigènes.
• V^V
— 300 —
Mais si le point de vue vraiment moral est celui ob la mère-patrie
s'estime obligée d'administrer ses colonies, pour le plus grand bien des
indigènes, et non pas seulement dans son intérêt particulier, les gouver-
nements européens ne devraient-ils pas tous empêcher que, de chez eux
ne soit exportée pour leurs colonies et pour toutes les autres, aucune
de ces boissons alcooliques qui ruinent physiquement et moralement
ceux qui en font usage? Pour contribuer au développement commercial
des nations civilisées avec les tribus africaines, il importe que le trafic
des spiritueux soit réduit au minimum possible, car, comme l'ont constaté
les missionnaires à Madagascar, c'est ce trafic qui détruit le vrai com-
merce, tandis que si les natifs reçoivent intégralement le paiement de
leur travail et de leurs produits, sans être exposés à le dépenser en gin
ou en eau-de-vie, ils pourront acheter les marchandises européennes
vraiment utiles et propres à affermir leurs progrès dans la voie de la
civilisation.
Pour réduire au minimum l'importation des spiritueux dans leurs colo-
nies, les États européens pourraient avoir des agents spéciaux chargés
de veiller sur les ports d'arrivée, et aussi sur les ports de départ des
navires de transport. Les lignes sont connues, et alors même que la
surveillance de ces agents serait parfois mise en défaut, le mal dimi-
nuerait cependant dans une forte mesure, pour le plus grand bien des
colonies.
Il y a là, pour l'Afrique, une question suprême, qui mérite d'être exa-
minée attentivement par tous les États civilisés ; et, puisqu'ils sont pres-
que tous représentés aujourd'hui au Congrès réuni à Berlin pour s^enten-
dre sur les mesures à adopter relativement h la navigation du Congo, et
nous l'espérons aussi, à la traite des noirs à l'intérieur, nous voudrions
qu'ils prissent en considération le désir exprimé par M. le D' Grunde-
mann, missionnaire éclairé, dans VAllffemeine Missions-Zeitschrift^
que l'eau-de-vie comme objet de traite fût absolument prohibée. M. le
D' Christ-Socin, de Bâle, en priant M. Moynier de soumettre cette idée
au Comité national suisse pour l'exploration et la civilisation de l'AM-
que, s'exprimait ainsi : a II n'y aurait pas de plus belle, de plus utile,
de plus bienfaisante convention internationale que celle qui empêcherait,
dès le début, la ruine d'une population qu'il s'agit au contraire de
gagner tout d'abord pour la vraie civilisation, laquelle n'est autre que
la vie chrétienne. D y a là, au centre de l'Afrique, un immense champ
mûr pour la moisson. Faut-il le voir ravagé, ruiné, comme l'ont été
tant de peuplades, pour lesquelles le contact de la civilisation n'a
— SOI —
signifié que Textirpation ? » Nop , cent foiâ doa ! ajouterons-nous avec
M. le D' Christ-Socin.
Et puisque l'Antislavery Society a demandé que la question de l'abo-
lition de la traite à l'intérieur fût examinée au Congrès de Berlin, nous
aurions voulu que les Sociétés de tempérance des deux Mondes fissent
une demande analogue au sujet du trafic des spiritueux. Elles auraient
eu plus de chance de voir leur vœu obtenir de l'auguste assemblée la
considération qu'il mérite, que s'il est présenté à celle-ci par un simple
particulier.
Le moment est solennel pourl'Afirique. C'est elle qui fait actuellement
le sujet des préoccupations de tous les États civilisés, et de longtemps
une réunion semblable à celle de Berlin ne se reproduira pas. Des déci*
sions qui seront prises relativement à la navigation et au commerce,
peut dépendre la civilisation de cet immense continent et de ses deux
cents millions d'habitants. Que, tout en posant en principe la liberté de
navigation et de commerce en faveur de tous, les représentants des puis-
sances civilisées se rappellent que, même chez ces puissances, il y a des
réserves à la liberté commerciale, et que ceux des États européens ou
américains qui ont dû, pour prévenir leur ruine, prendre des mesures res-
trictives, parfois même prohibitives à l'égard des spiritueux, ne peuvent
pas imposer aux noirs de l'Afrique centrale ce dont ils ont reconnu le
danger pour eux-mêmes. Que nul d'entre eux ne dise : périssent tous
les noirs pourvu que le principe de la liberté de commerce soit sauvé !
Que bien plutôt le Congrès de Berlin continue l'œuvre commencée à
celui de Vienne U y a soixante et dix ans, et qu'à l'abolition de la traite
s'ajoute la suppression du trafic des spiritueux de la part des blancs en
Afrique. Sinon l'élément musulman, qui s'avance à la fois du nord et de
l'est, et qui s'étend déjà sur la moitié du continent africain, trouvera,
dans la sobriété et l'abstinence de ses représentants, une force qui lui
permettra de l'emporter facilement sur la civilisation européenne, trop
souvent représentée chez les nègres pat* des blancs que l'usage des bois-
sons alcooliques a dégradés et corrompus. Les nègres savent très bien
firire la différence entre le blanc qui s'enivre et qui les enivre avec lui, et
le musulman qui reste sobre et conserve toujours sa raison, sa force et sa
dignité. Entre les deux civilisations qui s'avancent, l'une du nord,
Tautre du sud, la victoire demeurera à celle dont les représentants se
montreront les plus sobres ; et la civilisation chrétienne ne conservera
son influence sur les noirs, que si ceux qui la leur portent se montrent
supérieurs aux Arabes qui les réduisent en esclavage et les vendent, non
— 302 —
seulement par le respect de leur liberté, mais encore par Tabstentioa de
tout ce qui peut contribuer à les dégrader et à les corrompre.
NOUVELLES POSSESSIONS ALLEMANDES DU GOLFE
DE GUINÉE '
Dans un de nos premiers numéros de cette année (p. 87*97), nous
avons décrit la nature de la zone littorale de la Hottentotie et de la
Gimbébasie ', où M. Lûderitz venait, par Tacquisition du territoire
d'Angra*Pequena, de préparer la voie à rétablissement du protectorat
allemand, étendu aujourd'hui du cap Frio à l'embouchure du fleuve
Orange, à Texception de l'endave de Walâsh-Bay, demeurée possession
britannique. L'extension toute récente de ce protectorat à certains
territoires du golfe de Guinée, sur lesquels l'attention générale se porte
maintenant, nous engage à en donner une carte, que nous accompagnons
de quelques mots pour faire comprendre l'importance des nouvelles
positions que l'Allemagne vient d'acquérir.
Et d'abord le petit territoire de Togno est situé entre les deux parties
des possessions anglaises de la Côte d'Or et de la Côte des Esclaves,
dont les localités les plus importantes sont Cape-Coast-Castle et Lagos.
Le Portugal y possède encore le fort de Saint-Jean-Baptiste d'Ajouda
et Whyda, et la France y occupe Porto-Novo et Cotonou.
Le D' Nachtigal, commissaire de Temph^e d'Allemagne, a arboré le
drapeau allemand sur Bay-Beach, Bagelda et Porto-Seguro. La Société
des ipissions de Brème a des agents qui travaillent parmi les tribus
des Éwés, avec station à Peky, dans l'intérieur. Depuis un certain temps,
un commissaire anglais, résidant à Quitta, s'efforçait d'annexer aux pos-
sessions britanniques toute la zone littorale jusqu'à 'Lagos; mais les
chefe indigènes refusaient de la céder aux Anglais, dont le système
douanier dans les districts à l'ouest et à l'est de cette zone, avaient fait
de celle-ci comme une porte, par laquelle le commerce libre, en grande
partie entre les mains des Allemands, importait et exportait des quan-
tités considérables de marchandises. Ayant échoué dans sa tentative
d'obtenir pour l'Angleterre la cession de ce territoire, le commissaire
britannique excita contre les marchands européens, en majorité aile*
' y. la carte qui accompagne cette liTraison. p. 816.
* V. la carte p. 100.
■^ *-»»>.
— 803 —
mands, les indigènes qui menacèrent de piller les factoreries. A ce
moment le Jy Nachtigal ariivait devant Porto-Seguro et Bagelda ; ses
compatriotes réclamèrent sa protection, ce qui amena la conclusion d'un
traité avec M'iapa, roi de Togno. Aux termes de ce traité, et pour
protéger le commerce légitime exercé dans son pays, principalement
par des négociants allemands, ce roi a demandé la protection de Tempe-
reur' d'Allemagne; il s'est engagé à ne concéder à aucune autre puis-
sance les droits souverains sur une partie de son territoire, et à ne
jamais accorder à des sujets d'autres nationalités plus de liberté ou de
privilèges qu'aux sujets allemands. En accordant sa protection, l'empe-
reur d'Allemagne s'est engagé de son côté à respecter tous les traités
de commerce antérieurs, conclus par le roi M'iapa avec d'autres États,
et à ne point porter atteinte h la liberté commerciale qui existe actuel-
lement sur le territoire du roi de Togno.
C'est aussi le danger couru par les nombreux établissements des
négociants allemands de Brème et de Hambourg, dans la baie de Biafi'a,
qui a engagé le commissaire impérial allemand à placer sous le protec-
torat de l'empire, le territoire beaucoup plus vaste qui s'étend, du
pied S.-Ë. du mont Gameroon au Petit-Batanga, sur une ligne de côte
de 160 kilom. de longueur. Le Grand-Batanga, un peu plus au sud, a
été cédé par les clie& à la France, en vertu d'un traité conclu en 1862 ;
et au N.-O. de la nouvelle possession allemande, au pied du Cameroon,
l'Angleterre s'est annexé, au mois de juillet . dernier, le territoire de
Victoria, sur une longueur de côte de 16 kilom., et une profondeur à
l'intérieur d'une dizaine de kilomètres '.'
Le pays placé sous le protectorat de l'Allemagne comprend^ les
bouches du Mungo, avec le delta de ce fleuve, dont un des bras, le
Bimbia, a donné son nom à la zone littorale où se trouve la ville
de King William'stown, puis, l'embouchure de la rivière Cameroon ou
Dualla, sur la rive méridionale de laquelle sont situées les viUes des
rois Bell, Dido, Aqua; enfin, dans le delta de la rivière Edea, le terri-
toire de Malimba, avec la ville de ce nom , au sud de la baie de Cameroon.
Les indigènes servent d'intermédiaires pour le commerce entre les
Européens et les natifs de l'intérieur. Les factoreries allemandes y ont
' Plosieun cartes attribuent à l'Angleterre^ les deux rives du Vieux-Calabar,
mais le mémoire de Sir Rawson W. Rawson, The Territorial partition of ihe Coasi
of Africa, publié avec une carte dans le dernier numéro des Proeeedings de la
Société de géographie de Londres, les présente comme territoire indépendant.
— 304 —
acqdls. une très grande importance, par suite du déveleppement des
relations commerciales avec l'AUemagne. De 1861 à 1883 TexportatioD
par navires, de Hambourg au territoire de Cameroon, s'est élevée
de 3333 à 46,792 tonnes de marchandises, et rimportation de Cameroon
à Hambourg a augmenté dans la même proportion.
Ici aussi les Anglais ont manifesté l'intention de s'annexer ces terri-
toires, ou du moins d'en prendre les populations sous leur protectorat.
Mais plusieurs des rois, entre autres ceux de Bell'stown et d'Aqua'stown,
ont refusé cette protection et ont fait, aîvec les représentants des mai-
sons de Hambourg et de Brème, un traité en suite duquel les négociants
allemands ont transmis leurs droits au commissaire de l'empire d'Alle-
magne.
L'importance de cette possession, pour le développement des échanges
entre les marchandises européennes et les produits de l'intérieur, pro-
vient du fait que le fleuve Cameroon est large et navigable sur une assez
grande étendue, et qu'il offire un mouillage beaucoup plus favorable
(|ue la plupart des embouchures des rivières qui se versent dan& le golfe
de Guinée.
D'autre part la région montagneuse du Cameroon est très propre au
développement de l'agriculture. De plus les nègres de cette région sont
généralement plus travailleurs que ceux de l'intérieur; placés depuis
longtemps déjà sous l'influence des missionnaires baptistes^ ils voient
comment l'on doit travailler, et ils ont déposé l'indolence naturelle de
leur race.
A côté des commerçants allemands, les agriculteurs européens pour-
ront trouver là un champ favorable de travail, et les diverses régions du
Cameroon pourront recevoir, dans des sanitaria, à différentes altitudes,
ceux que le séjour dans la zone littorale obligera à chercher un air plus
vivifiant pour y renouveler leurs forces.
Nul doute que, par cette porte, la civilisation européenne ne pénètre
plus facilement à l'intérieur qu'elle ne l'a pu jusqu'ici ; nul doute non plus
que les explorateurs allemands, auxquels la science géographique doit
déjà tellement, sous le rapport des découvertes, dans la partie occidentale
de l'Afrique équatoriale, ne pénètrent enfin par là dans cette région
encore inconnue qui s'étend entre les sources du Bénoué, le Chari et le
Congo. La présence du D' Bttchner, préposé par le gouvernement alle-
mand à l'administration de cette nouvelle possession, nous en est
garant. Il y a quelque temps déjà, la Société africaine allemande avait
formé le projet de lui confier une expédition, qui aurait pris pour point
— 305 —
de départ la baie de Cameroon et se serait dirigée vers le lac Liba et le
Chari. n y a de bonnes raisons de croire que si l'entreprise de M, Rogo-
zinski ne peut réussir, les explorateurs allemands auront Thonneur de
résoudre les problèmes qui se rattachent à cette partie de Pintérieur du
continent.
CORRESPONDANCE
Patamatenga, près du Zambèze, 16 juillet 1884.
Cher Monsieur,
La dernière fois que j'ai eu le plaisir de tous écrire, c'était de Schoshong, en
mai dernier; quel long temps se sera écoulé depuis, sans que vous ayez reçu de
mes nouvelles 1 si toutefois ces dernières vous sont parvenues. C'est presque décou-
rageant de vous donner des nouvelles qui seront si vieilles quand elles vous par-
viendront.
n est si difficile de bien voir et surtout de bien juger, sans se laisser dominer
par une idée préconçue ! c'est la réflexion qui me vient à l'esprit en essayant de
vous donner mon impression sur la contrée que nous venons de parcourir; chaque
membre de l'expédition emploierait sans doute à le faire d'autres couleurs.
Quant à moi, j'ai un faible pour les teintes sombres, et, malgré ma prétendue
impartialité, vous aurez une description bien plutôt subjective qu'objective.
Cette immense contrée, dont nous avons traversé une largeur d'environ 650 kilo-
mètres, ne présente pas un caractère uniforme. £n quittant Schoshong, c'est un
fourré de buissons épineux avec quelques taillis de grands arbres; longtemps
encore les collines qui dominent le village de Ehama forment un ruban noirâtre
à l'horizon, et quelques kraals indigènes animent aussi cette solitude. C'est de
Eané, à cinq traites de Mangwato, que l'on jette un dernier regard sur les mon-
tagnes. De notre camp, placé sur une éminence, nous voyions une immense plaine
s'étendre à perte de vue, triste et monotone avec les teintes brunâtres de l'au-
tomne. Plus loin, nous entrons pour un moment dans la forêt, pour retrouver
encore les mêmes buissons épineux, et de plus que précédemment, un sable pro-
fond où nos wagons manœuvrent avec difficulté. Bien de remarquable dans cette
partie de notre voyage ; pas de gibier, une herbe haute plus ou moins desséchée,
des ronces, c'est presque tout ce que nous voyons. Je m'étais fait l'illusion de
croire que nous aurions toujours un immense horizon ; il n'en est rien. Souvent
nous étions comme entre deux murs d'arbrisseaux, et ce n'a été que de place en
place que nous avons eu une vraie vue du désert.
De Linokaneng, nous entrons dans un nouveau pays. Cet endroit même, abon-
dant en eau, est joli; il est à peu près au tiers de notre route. Là, nous remarquons
les premiers palmiers, les aloès, et jusqu'à l'entrée du Makarikari, nous jouissons
beaucoup des belles forêts que nous traveri^ons, mais toujours le gibier semble
— 306 —
fuir devant nous. Le Makarikari s'étend dans la partie moyenne de notre route,
mais non d'une manière continue; ce sont des prolongements onentauz qui coupent
la route du Zambèze, à trois ou quatre reprises. Le premier que nous rencontrons
est une surface parfaitement plane, sans herbes, sans buissons, et qui dépasse beau-
coup les bornes de notre vue. Parfois elle a la teinte jaunâtre du sable, mais plus
souvent, l'apparence d'une plaine de sel ; tout le sol est saturé de ce minéral, ce
qui explique l'effet si fréquent du mirage.
Toute cette partie a sans doute été jadis une mer Intérieure; il en reste encore
un étang salé très considérable, qui se termine à l'Ouest par un canal profond et
sans issues. Le second Makarikari diffère du précédent en ce qu'il ressemble à un
immense pâturage, sans aucun arbre ; à peine de distance en distance un palmier
élève-t-il vers le ciel sa cime solitaire. Là, nous avons un peu chassé les antilopes,
mais sans succès. Quant à la troisième contrée, elle est aussi pourvue d'herbe, et
en particulier couverte d'étangs, je dirais presque complètement submergée. Nous
avons eu grand'peine à nous tirer d'affaire au milieu de ces flaques d'eau. Elle se
termine & la Shua-river ou Nata-river, la seule que nous ayons trouvée avec quel-
que abondance d'eau. A partir de cette dernière surtout notre voyage a été labo-
rieux. Le sable était très profond, et la route se frayait difficilement un passage
entre les buissons ou à travers les forêts vierges. Quelquefois nous dessellions
dans des endroits charmants, mais en somme, ce pays m'a paru triste ; la civilisa-
tion le rendrait tout autre; en plusieurs endroits il serait facile de conserver l'eau
toute l'année, et le sol se prêterait admirablement à la culture ; pour nous, c'était
peu d'y rencontrer quelques misérables Masarois au lieu de toutes les richesses
que fournirait ce pays habité, aussi n'avons-nous pas été tentés d'y planter nos
tentes. — A huit jours de distance de Patamatenga, notre voyage est devenu plus
intéressant, nous étions dans la région des grandes forêts et du gibier. Les pre-
mières sont de belle apparence, fok'mées d'arbres de haute futaie, au feuillage
très vert, et qui contraste avec la couleur jaunâtre de l'herbe et des buissons.
De loin, vues d'une clairière, elles semblent impénétrables, mais quand on y entre,
les arbres paraissent plus espacés que dans nos forêts européennes, de sorte qu'il
serait facile d'y établir des cultures en ne saccageant que les buissons dans les
endroits les plus ouverts. En revanche, dans les forêts plus jeunes, les jeunes plan-
tes sont très serrées.
Nous avons remarqué une assez grande variété de bois que nous ne sommes
malheureusement pas en mesure de déterminer. Les seuls que nous connaissions
par nos ouvriers anglais sont le bois de teck et le Magoganay, tous deux faciles
à travailler, quoique durs; le dernier surtout est très abondant ainsi que l'aci^ou.
Un autre bois, dont nous nous sommes servis pour des timons de vragons, a le nom
indigène de Mopané, Nous savons <ce qu'il est pour l'avoir travaillé avec facilité ;
son avantage sur les précédents est que sa taille est plus droite et plus élancée,
c'est un vrai bois de construction.
Déjà nous en avions remarqué de belles forêts dans les intervalles entre les
Makarikari. Le Motsiuri est un autre arbre de grande taille, mais très difficile
— 807 —
k trftTailler à cause de sa dureté ^ Nous rencontrons quelques rares baobabs dans
eeite région, et plus de palmiers que nous n'en avons remarqué à Linokaneng et
dans le Makarikari.
Les premiers dont je tous ai parlé ont tous une couleur rouge ou rosée sous
Péoorce. En fait d'arbres résineux, nous avons trouvé un genre de gommier au
suc blanchâtre comme du lait, et un autre, dont la résine est d'un beau rouge
comme le sang des enfants. Je dois dire qne rien de ce que j'ai vu ne me paraît
comparable à nos belles forêts européennes. Je dirai la même chose des sites les
plus avantageux. C'est beau peut-être, mais pour l'Afrique, dont le vrai caractère
est bien l'aridité, le jeu des contrastes entre la surabondance d'eau et leur manque
complet. Les quelques fruits sauvages que nous trouvons sont insipides «t ne sup-
portent pas la comparaison avec ceux de nos contrées. Tel est le désert à mes
propres yeux, non inhabitable en plusieurs endroits, mais inhabité, car de Kané
à Patamatenga, nous n'avons rencontré que quelques Masarois nomades et chas-
seurs.
Je vous disais que nous étions entrés dans le pays du gibier ; nous en avons vu
quelque peu, mais non depuis nos sièges sur les wagons, c'est-à-dire ceux-là seuls
en ont vu qui ont fait bon usage de leurs jambes. Les empreintes de girafes,
d'éléphants même, de lions étaient nombreuses, mais il eût fallu nous écarter de
plusieurs milles de la route pour rencontrer ces animaux, ce que nous n'avions
guère le loisir de faire sans chevaux. Chose curieuse, nous n'avons jamais entendu
les lions, bien qu'à Tamafnpa, l'un de nos gens ait vu l'un d'eux, que plusieurs ont
entendu dans la nuit, à l'insu de presque toute notre caravane. Nous avons eu un
chien tué sans doute par un tigre et un autre par un serpent ; l'un de nos Ânes
disparu a peut-être eu le même sort. C'est le seul tribut que nous ayons payé aux
fauves. Une bonne main veillait sur nous et n'a pas permis qu'aux difficultés de
notre voyage s'ajoutassent les dangers de la part des lions. Nous avons voyagé
à l'époque la plus agréable, l'hiver, et nous avons eu jusqu'à 3° C. au-dessous de
zéro et de 15 à 20'', à l'ombre, à midi. 'L'eau était suffisante ; à deux ou trois
reprises seulement nos bœufs ont été trente-six heures sans boire. Malgré ces cir-
constances favorables notre voyage a été très long. Nous quittions Schoshong
le 21 mai et arrivions à Patamatenga le 14 juillet. Il est vrai que nous avions eu
un arrêt de huit jours à Kané, d'où nous avons renvoyé quelques bagages. Sauf
quelques légères indispositions parmi nos gens, nous avons joui et jouissons encore
tous d'une excellente santé. Notre désir est de nous établir provisoirement à
Leshoma, à cause de la proximité de la rivière et des vivres. 'De là M. Coillard et
moi, nous pensons faire visite à Lobossi * et espérons obtenir de passer tous la
^ Les Pères nous font part de leurs expériences, le MàbatUa est le plus facile
à travafller, il ressemble beaucoup au chêne.
* M. Amot écrit Robosi. Nos lecteurs verront qu'au moment où M. Jeanmairet
nous écrivait il ignorait les événements qui se passaient au-delà du Zambèze :
départ de M. Arnot et mort de Robosi (p. 286).
— 308 —
riYière cette année. Nous n'avons pas appris, de nonvelles récentes des Ba-Rotsé,
sinon qu^ils sont en expédition guerrière contre les Ma-Chikolombos. M. Westbeach
dit que tons les chefs lui ont parlé* favorablement de notre .projet, et ne doute
pas que nous n'ayons une franche réception. Aqjourd'hui il a envoyé un messager
à Lobossi avec une lettre de M. Coillard, et sa recommandation a beaucoup de
poids.
Patamatenga est situé à l'extrémité d'une forêt de mopané, et à la lisière d'ane
plaine marécageuse arrosée par une petite rivière qui donne son nom à l'endroit.
L'emplacement est peu joli, si l'on en enlève la vue de constructions à l'européenne,
et celle de beaux champs de blé européen qui croit à merveille ainsi que les lai-
tues, les salades et maints autres produits. L'établissement de M. Westbeach est
sur une éminence et les missionnaires romains ont b&ti tout auprès de lui plusieurs
maisonnettes et une petite chapelle ; quelque huttes indigènes complètent le
tableau. Les quelques natifs sont je crois, pour la plupart, de bons chrétiens et
envoient leurs enfants à l'école des Pères. Quant à leur projet d'aller chez les
Ba-Rotsé,de l'avis de M. Westbeach, il a peu de chance de succès, et l'on pense même
«
que dans un court délai ils devront quitter cette place. Les gens ne sont pas des
6a-Rotsé, mais des 6a-Tokas, chasseurs au service de M. Westbeach. M. Coillard
et moi nous avons fait une visite aux Pères ; leur supérieur, M. Eroot, nous a reçus
avec la plus grande courtoisie et nous a entretenus assez longtemps en bon anglais
avec beaucoup d'humour; il est d'origine hollandaise.
Nous étions à court de vivres pour nos gens, et M. Westbeach ne pouvant nous
en fournir à cause de son prochain départ pour Natal, force a été à M. Coillard
de s'adresser au Père Eroot, qui a aimablement mis deux sacs de blé à notre dis-
position. Le second des Pères était en course aux chutes Victoria ou plutôt au
Mouaioatunya, le vrai nom indigène, vu que nous ne sommes pas en pays conquis.
Trois frères laïques complètent leur personnel ; l'un d'eux est mort noyé au Vaal,
un second a eu le même sort au Zambèze et un troisième est mort ici de consomp-
tion. Nous tenons ces renseignements du Père Eroot. D'ici à la côte Est, ils ont
perdu dix hommes ces dernières années. Outre les trois mentionnés ci-dessus, deux
autres sont morts de faim dans le pays d'Umzila, et un troisième s'est cassé la
nuque dans une chute de cheval à Tati.
La part laissée à la fièvre est bien restreinte. Un fait utile à constater, c'est
qu'aucun des Jésuites se rattachant à la mission du Zambèze n'est mort de la
fièvre. En réalité la tsétsé est devant nous et nous entoure, mais elle n'est pas
dans le vallon d'où nous venons.
P. S, Arrivés tous en bonne santé à Leshoma, à trois lieues du Zambèze, le
25 juillet. Nous n'avons pas rencontré la tsétsé, et M. Westbeach envoie souvent
son bétail à Leshoma, tout près du Zambèze.
JSAKMAIRBT.
A cette lettre nous joignons quelques extraits d'une correspondance postérieure
que nous apporte le BuUetin de la Société neuchâtéloise des missions :
-.js
!/J
')h:
\.^'S
v.^^
* — 309' —
Leshoma, à 3 lieues au sud du Zambèze, 27 juillet 1884.
Nous sotnmee au cœur de Phiyer; mais qui le croirait, en me voyant à Pombre
de mon wagon, vêtu d'un habit léger? Je suis assis sur un petit tabouret d'artiste
que m'a donné M. Cbristol ; je vous écris sur mes genoux, et mon encrier est posé
sur mon tonnelet à eau, l'ami du désert. Peut- on rêver quelque chose de plus
champêtre?
L'emplacement où nous sommes est joli; il est situé sur Pun des coteaux de la
rallée de Leshoma, au milieu de la forêt. Devant nous s'étend la plaine, puis une
longue colline boisée, et, dans le lointain bleuâtre, d'autres collines, d'autres
forêts, où nous croyons voir déjà couler le Zambèze. Ici demeure un blanc,
employé de M. Westbeach, M. Blokley, depuis douze ans dans le pays. Son éta-
blissement est des plus rustiques : quelques huttes et quelques enclos, rien de plus.
Notre installation est bien préférable à celle de la première expédition; nous
avons visité cet endroit la tristesse au cœur ; il ne restait plus qu'un bout de
planche carbonisé et la tombe de Khosana, pour rappeler un drame de plus de
quatre mois. C'est là que les Coillard ont été attaqués à plusieurs reprises dans
leur camp par des lions. Aujourd'hui, les choses ont bien changé : plus de lions,
plus de tsétsé dans cette partie du pays; les léopards et les hyènes restent seuls
et nous troublent peu. Nous sommes à trois quarts d'heure plus près du fleuve que
M. Coillard ne Pétait en 1878. L'eau est abondante, mais il faut la chercher un
peu loin ; c'est le seul inconvénient que nous ayons ici. Quant à la tsétsé, elle
n'existe plus de Schoshong jusqu'ici, mais on la trouve encore devant nous et de
chaque côté de la route parcourue. Notre bétail ne peut paître que dans la vallée,
où il est en toute sûreté, vu que la mouche est localisée d'une manière étrange.
Pour vous en donner un exemple, elle existe, dit-on, sur l'une des rives du Chobé,
et pas du tout sur l'autre. Cependant, pour plus de sûreté, nous renverrons notre
bétail en arrière, du côté de Fatamatenga.
Mais revenons au désert dont je vous ferai la description d'un trait de plume,
TU que vous la trouverez plus complète dans V Afrique explorée et civilisée.
Ce qui a rendu notre voyage si long, c'est la grande charge de nos wagons et la
fatigue de nos bœufs, car cette partie n'a pas été plus difficile que les autres ;
nous n'avons pas eu de wagon à décharger et nous avons joui d'un temps splen-
dide. Ce qui l'a rendu difficile a été le manque de vivres; pendant plus de quinze
jours il a fallu mettre notre monde à la ration, non jusqu'à sentir la faim, mais
assez pour mettre nos gens de fort mauvaise humeur. Je vous assure que j'admire
beaucoup moins les chrétiens indigènes qu'on ne le fait en Europe. Ce sont des
rachetés, et nous en bénissons Dieu; mais ils ont encore de bien grandes misères;
il leur manque toute l'influence de la civilisation, des bonnes habitudes et de ce
que nous pourrions appeler l'honneur à cœur. Aussi, il est fort mal aisé de les
plier aux exigences d'un voyage difficile, où à chaque instant il faut faire appel à
Pénergie et au renoncement en vue du but à atteindre. En Europe, on se figure
aisément que les néophytes sortis du paganisme mènent une vie exemplaire, et
surpassent de tous points les chrétiens d'Europe ; c'est faux, c'est une légende ;
S ri
«Tk
.» >!■•
, ♦
;•. -'il
A
.>'
— 310 —
mais, ce qui est vrai, c'est qu'on rencontre parfois chez eux de beaux traits de foi,
tout comme il peut arriver à des enfants de surpasser quelquefois la piété de lenn
parents; mais n'allons pas croire que l'exception fasse la règle. J'insiste sur ce
point parce que l'œuvre missionnaire gagnerait à être vue sous ce jour-là par les
gens de bons sens, qui peut-ôtre sont tentés de lui rester étrangers, parce que les
belles histoires qu'on leur fait leur paraissent suspectes. C'est déjà beaucoup de
transforme^ des païens en croyants, sans en faire du même coup des saints aux-
quels il n'y ait rien à reprocher, et certes les résultats obtenus ont d^à une assez
grande valeur sans qu'on y ajoute des exagérations. De combien nos ouvriers
blancs surpassent nos indigènes dans leur dévouement I II est vrai de dire que ce
sont des hommes qui font honneur aux chrétiens d'Europe. Nos deux évangélistes
noirs sont aussi tout ce que nous pouvions espérer d'eux, et bien au-dessus de
leurs compatriotes.
Notre premier projet avait été d'établir notre camp à Patamatenga, mais nous
n'avons pu nous procurer des vivres auprès de M. Westbeach, à cause de son pro-
chain départ pour Natal. Du reste, Patamatenga est bien moins joli que Leshoma,
et aussi fort éloigné de la rivière. L'établissement de M. Westbeach et celui des
Pères sont sur une même éminence, à l'extrémité d'une forêt déjà bien déboisée,
et à la lisière d'une plaine marécageuse, traversée par la rivière Patamatenga.
Le vent y souffle avec violence, et rien ne nous fait regretter la non-exécution de
notre désir. Quelques huttes de natifs forment un petit hameau avec les construc-
tions européennes.
Nous avons fait deux visites aux Pères; leur supérieur, le Père Kroot, nous a
reçus avec la plus grande cordialité et nous a rendu nos visites. Sa conversation
est enjouée; il est jeune encore, d'origine hollandaise, de petite taille, et il a le
type juif; ses manières n'ont rien de clérical, pas plus que sa tenue. Le second
des Pères était absent avec un frère laïque. Deux autres frères, dont l'un est cui-
sinier et l'autre jardinier, complètent leur personnel. Ils ont deux maisons rusti-
ques à l'européenne, une petite chapelle assez jolie à l'intérieur, et plusieurs
huttes pour leurs dépendances. Leur œuvre est très rudimentaire; ils ne savent
que quelques mots de la langue du pays, et ils n'ont d'autres ouailles que leurs
domestiques et les familles des chasseurs employés par M. Westbeach. Ce dernier
nous dit que leur projet d'aller chez les Ba-Rotsé a complètement échoué; mais
qu'en revanche, tous les chefs lui ont manifesté le désir de nous voir arriver. Ce
n'est pas que les Ba-Eotsé désirent l'Évangile ; s'ils paraissent nous donner la
préférence, c'est pour des motifs tout intéressés. Dans ces dernières années,
les Pères ont perdu dix personnes. Ils ont trois stations dans cette région : l'une
chez les Matébélés, une seconde à Tati et la troisième à Patamatenga. Nous
tenons tous ces détails du Père Eroot lui-même; ce qu'on dit de plus est donc de
la fable.
J'ai oublié, en vous parlant de Patamatenga, de vous signaler un fait qui nous a
beaucoup réjouis : la vue de magnifiques champs de blé européen qui prospèrent
parfaitement. Le jardinier des Pères dit que 40 livres de semence en ont produit
— 311 —
1400. Nous avons aussi yu des jardins où les choux, les laitues, les salades, les
citrouilles prospèrent; cela nous fait espérer que, plus tard, nous pourrons avoir
une nourriture européenne et variée. Jusqu'à cette époque, nous ne sommes pas à
plaindre : hier, les gens de la rivière nous ont apporté des haricots indigènes
excellents ; le miel est abondant, et j'espère que nous pourrons aussi nous procu-
rer du lait auprès d'eux. Quant à moi, la farine indigène me convient ; alternant
avec le maïs du pays, ce sera là le fond de notre alimentation.
Depuis Patamatenga, M. Westbeach a envoyé une lettre de M. Coillard et sa
recommandation au roi des Ba*Rotsé. Nous savons acgourd'hui qu'elle est arrivée
jusqu'à Séchéké, mais que là on n'a pas voulu l'envoyer plus loin, parce qu'elle
n'était pas accompagnée de présents. Le plus simple est que nous nous mettions en
route le plus tôt possible; par nous, j'entends M. Coillard et moi, un évangéliste,
on autre Mo-Souto et l'envoyé de Khama. Ce sera, je l'espère, la semaine pro-
chaîne, et le voyage avec le retour nous prendra sans doute trois mois; puis, s'il
plaît à Dieu, nous passerons encore tous le fleuve cette année. Pendant notre
absence, nos ouvriers construiront ici, à Leshoma, une petite maisonnette qui sera
notre entrepôt, et, comme nous disons en riant, notre maison de campagne. Nous
désirons aussi, dès l'abord, commencer un petit jardin, car nul ne sait combien
de temps nous passerons ici. D. Jbanmairbt.
BIBLIOGRAPHIE '
Kâbte W£8t-Aequatorial-Afeika's zqr Yeransghaulichung des
Deutschen Colokialbesitzes , VON L. Friedebichsek. Hambourg
(Institut géographique et nautique de L. Friederichsen et C**), 1884,
1 fr. 50. — Il appartenait à M. Friederichsen, secrétaire-général de la
Société de géographie de Hambourg, de dresser la carte de cette région
qu'il désigne, depuis de longues années, de concert avec le D' Hûbbe-
Schleiden, comme Tune des contrées les plus propices pour rétablisse-
ment de colonies allemandes. Cette carte autographiée, et cependant
très claire, dans laquelle les montagnes sont marquées en noir, repré-
sente la côte occidentale de l'Afrique, du 5"* lat. N. jusqu'à Téquateur.
Dire qu'elle a été construite à l'échelle de Viaoooo» c'est indiquer qu'elle
est de grande dimension, et renferme une foule de détails glanés de tous
côtés. La nouvelle possession allemande commence à l'est de Victoria,
sous le 4"" lat. N. et se termine au 2"" 56' lat. N., à l'endroit où se jette,
en faisant une chute, un cours d'eau qui vient de la montagne de l'Élé-
phant. Entre ce point, dans le voisinage duquel se trouve une factorerie
anglaise, et la possession espa!gnole de Corisco, s'étend une longue
^ On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bftle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
«— l-
— 312 —
côte où sont établis plusieurs comptoirs allemands, et qui, pour le
moment, n'est placée sous la suzeraineté d'aucune puissance. Nul doute
qu'elle ne soit ardemment convoitée par les partisans des projets de colo-
nisation allemande.
Un carton donne la côte des Esclaves au ^ ,t9oooo9 ^t là, comme dans la
carte principale, les factoreries allemandes, fort nombreuses du reste,
et relevant presque toutes de maisons de Hambourg, sont soulignées
d'un trait rouge.
Afrikanische Reisen vok Gerhard Rohlfs. Reise durch Marokko,
Tafilet, Tuât, Tidikelt und die grosse Wûste ûber Rhadames nach Tri-
poli. Vierte Ausgabe. — Land und Volk in Afrika. Berichte aus den
Jahren 1865-1870, von Gerhard Rohlfe. Dritte Ausgabe. Norden. (Hin-
ricus Fischer Nachfolger, 1884, in- 18, 278 et 240 p., fr. 6. 70 et 5. 35.
— Qui ne connaît Gerhard Rohlfe, le célèbre explorateur africain,
aujourd'hui, comme Nachtigal, chargé par le gouvernement allemand
d'une mission officielle sur la côte orientale de l'Afrique? Aussi, nous
dispensera-t-on de parler longuement de ces deux ouvrages, qui ne sont
du reste que des rééditions, le premier ayant déjà paru en 1869 et le
second en 1870. Ils nous conduisjent de 1863 à 1870, c'est dire qu'ils
ont trait à la période des brillants voyages du géographe allemand k
travers le Maroc, le Sahara septentrional et central, le Soudan et l'Abys-
sinîe. On sait, en eifet, que Rohlfe, ayant gagné la faveur d'un shérif
très influent, put faire, dans l'Atlas et le Sahara septentrional, plusieurs
expéditions qui le conduisirent aux oasis de Tafilet, du Touat, de Temas-
sinin et de Ghadamès. Malgré les dangers que présentait l'exploration
des régions inhospitalières que si peu d'Européens ont visitées, il entre-
prit de traverser le Sahara par des routes complètement inconnues, et
arriva, en 1866, au Bornou, oti ilapprit avec certitude le meurtre de Beur-
mann. Ne pouvant pénétrer dans le Wadaï, il se replia sur le Bénoué et
le Niger et arriva à Lagos où il s'embarqua à bord d'un paquebot anglais
pour Liverpool. En 1868, il explora l'Abyssinie, et revint plus tard à
plusieurs reprises sur cette terre africaine, dont il veut découvrir les
secrets et sur laqueUe il va se retrouver bientôt. Le second ouvrage ne
raconte pas ses explorations en suivant un itinéraire déterminé. C'est
plutôt une description du pays et de ses habitants; ainsi, un chapitre est
consacré au trajet de Lagos à Lliverpool, un autre, à la ville de Eouka,
un troisième, au lac Aschangi, etc. Tous sont écrits avec le talent et
la hauteur de vues qui distinguent le grand voyageur.
D' OsKAR Lenz. Timbuktu. Reise durch Marokko, die Sahara und
— 313 —
den SudaD. Leipzig (F .-A. Brockhaos), 1884, 2 B&nde, in-8% 430 und
408 Seiten mit 57 Abbildungen und 9 Karton. Fr. 32.
Le récit détaillé du voyage du D' Leoz, de Tanger à Timbouctou à
travers le Sahara occidental, puis, de Timbouctou à Saint-Louis du
Sénégal par le Soudan occidental, en suivaut une route non encore
explorée avant lui, était attendu avec une légitime impatience par tous
les amis de l'exploration africaine.
Nous en avons présenté les principaux faits dans deux articles
(II"* aunée, p. 345, et III" année, p. 12), les lecteurs seront heureux
de les retrouver accompagnés d'abondants détails, et relevés par une
quantité d'illustrations et de cartes excellentes, dans les deux volumes
sus-mentionnés, qui, nous l'espérons, seront bien vite mis h, la portée du
public de langue française.
Indépendamment de la description géographique du voyage à travers
le Maroc des deux côtés de l'Atlas, le premier volume renferme, sur les
États marocains, leur industrie et leur commerce, sur l'administration,
les finances, les impôts, les dépenses, les affaires militaires, l'agriculture
et l'élève du bétail, enfin, sur les richesses minérales, des renseignements
nouveaux importants à. connaître.
Dans le second volume, l'auteur décrit, d'une manière très pittores-
que, Timbouctou avec ses mosquées, ses bibhothèques, son commerce
de plumes d'autruche, d'ivoire, de corail, etc. ; cependant, dit-il, il
existe, dans l'ouest du Soudan, d'autres villes d'une importance égale,
sinon plus grande que celle de cette métropole, qui n'a plus aujourd'hui
que 20,000 habitants.
Les observations relatives aux conditions physiques du Grand Désert
nous paraissent de nature à intéresser particulièrement les lecteurs ;
elles leur permettront de rectifier les opinions généralement erronées
quel'onse&iit sur le Sahara. Le D'Lenzya trouvé des plateaux élevés
au Heu de plaines unies, une grande variété de formes de reUef au lieu
d'une uniformité continuelle, une température moyenne de 30° centig.
au lieu d'une chaleur intolérable, beaucoup de sources, même des
rivières pleines d'eau au lieu de la sécheresse que l'on attribue d'ordi-
naire il cette région; au miUeu demai, au centre du Sahara occidental, il
vit tomber de la pluie et briller un arc-en-ciel. Dans la partie connue
sous le nom d'Areg, il trouva, à Bir-Tarmanant , tout un réseau de
sources, dont trois étaient profondes et sont permanentes, mais l'eau de
l'une d'elles, réputée la meilleure, était un peu imprégnée d'hydrogène
sulfureux. Cette zone de sources parait commencer avec ta dépression
du Ouadi-Sous.
— 314 —
Quant à une grande cuvette centrale, dont M. Mackenzie, le promo-
teur des établissements anglais du cap Juby, se proposait de faire une
mer intérieure, pour atteindre Timbouctou plus facilement qu'à travers
le désert, il existe il est vrai une dépression d'une certaine étendue
marquée sur les cartes du nom de El-Djouf ; mais le niveau le plus bas
atteint par le D' Lenz, pendant sa traversée de cette partie du Sahara,
est encore à 120"" et même 150"" au-dessus du niveau de la mer.
SMl y a dépression, ce n'est que relativement aux parties élevées, aux
plateaux qui caractérisent le Sahara central et occidental. Le désert
n'est pas, selon l'explorateur, un ancien bassin océanique desséché,
mais une formation de grès, désagrégé par des influences atmosphéri-
ques, et la vaste région de dunes de sables mouvants qu'il renferme,
offre par elle-même un obstacle physique insurmontable à la création
de toute mer intérieure. Les niveaux donnés dans la carte générale au
Viooooooo» qui accompagne le premier volume sont de 353" au Ouadi-
Sous, sur le versant nord du El-Djouf, et de 255" à Araouan, à l'extré-
mité méridionale de la dépression ; les altitudes intermédiaires ont été
de 148" à 180" et même 190".
Dans le second volume sont données huit sections de l'itinéraire, au
Visûoooo» avec indication de remarques générales ou détaillées, géologi-
ques et topographiques d'un grand intérêt, et très utiles pour l'étude
approfondie de cette exploration, l'une des plus heureusement accom-
plies, et des plus fécondes en résultats pour la science géographique.
A TRAVERS LE Sahara. Les missious du colonel Flatters, par «7.- F. Bar-
hier. Paris (libr. de la Société bibliographique), 1884, in-18, 175 p.,
avec carte. Fr. 1. — D y a bien peu de choses nouvelles à dire sur les
missions Flatters. Ce n'est que lorsque la France aura vengé les héros
de cette sanglante épopée et qu'elle aura solidement établi son influence
dans le Sahara central, que le projet de chemin de fer à travers le désert
pourra être repris, et les faits nouveaux recueillis par les explorateurs,
utilisés. M. Barbier a voulu, cependant, résumer, d'après les meilleurs
documents, ces deux expéditions mémorables, et il l'a fait en géographe
érudit. Le second chapitre qui analyse les résultats géographiques de la
première mission, témoigne d'un travail considérable et d'une étude
approfondie de la question. Sans doute il enlève au livre une partie de
son caractère populaire, mais l'auteur n'a pas besoin de s'en excuser,
car les amis de l'Afrique et les cartographes lui seront, au contraire
reconnaissants pour les données précieuses qu'il leur fournit sur la con-
figuration, la constitution physique et les ressources du sol saharien.
T^BLE DES M:A.TIERE8
DE LA CINQUIÈME ANNÉE
BOIiLETIN MENSUEL et NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Pages 3, 25, 49, 73, 101, 126, U5, 165, 197, 221, 246, 277.
CORRESPONDANCE
Pages [ Pages
Lettrée de M. D. Jeanmairet (Mission da ! Lettre de M. J.iM. Sohaver, de Meshra-
Zambtee} 28, 70, 98, 190 305, 809 el-Rek 97
— de K. B.-N. Cast (Orthographe des
noms afrioains) 45
— de M. L. Jaques (Une excursion en
chemin de fer an Sénégal) 270
ARTICLES DIVERS
Le Soudan égyptien
Les langues modernes de l'Afrique, d'après
R.-N. Cust
L'œuvre de Gordon dans le Soudan égyp-
tien
Cimbébacie et Hottentotie
La province égyptienne du Bahr-el-QhazsI.
Madagascar 155,
Voyi^e de M. Bnonfanti de Tripoli au
golfe de Guinée
13
38
69
Annexion du territoire de Thaba-N'ohn A
l'État Libre de l'Orange, par M. E.
Jacottet 232
Expédition de MM. les missionnaires
Coillard et Jeanmairet au Zambéze . . . 236
87 ' Stanley et l'œuvre du Congo 256
136 Le mal causé par les spiritueux en Afrique
179 et les moyens d'y remédier 262, 293
209
BIBLIOaRAPHIE
Agenda pour 1884, avec éphémérides
géographiques 48
A l'assaut des pays nègres 143
AniUKan (P.S.) : La Tunisie. Son passé
et son avenir 244
BarbUr (J-'V.) : A travers le Sahara.
Les missions dn colonel Flatters 314
Barler (Lettres de Lady) 276
Baudm (le R. P.) : Fétichisme et Féti-
cheurs 242
Banir (le Bev. P.) : Voyage dans l'Ou-Doé
et l'Ou-Zigoua. . . , 118
Btrthovd (PauC) : Grammatical note on
the Gwamba language in South Africa. 119
Boiisière (Outiavê) : L'Afrique romaine. 195
Buet (CharUt) : Six mois û. Madagascar. 196
BûUnêr (C.-O.) : Das Hinterland von
Walfischbai und Angra-Pequena 274
CoiolU (Eugène) : Mes souvenirs 47
Chavoffine (D* Joteph) : Carte de l'Afrique
équatoriale 163
ChrittaUer (Rw. J.-O.) : A Grammar of
the asante and faute language called
tsbi 121
Courrtt : A l'Est et à TOuest dans l'océan
Indien 163
Danekdmann (A. v.) : Association inter-
nationale du Congo 240
— 316 —
Daryl (FkiUppe) : Lettres de Gordon A
sa sœor
Depelefiin et Croonenberghê (P.) : Trois
ans dans l'Afrique australe : a) Le pays
des Ma-Tébélé; 6) Aa pays d'Umzila.
Lettres
jyEteamps (Henry) : Histoire et géogra-
phie de Madagascar
Detfossés (Edmond) : Le protectorat fran-
çais en Tunisie. — > De la réorganisation
administrative et financière en Tunisie.
Dieiz (EmiU) : Un explorateur africain.
DoéUer (D' C) : Uber die Capverden
nach dem Rio«6rande ond Futtah-
Djallon
Duff Maedonald (Rev.) : Africana
Duvtyrier (M.) : La confrérie musulmane
de Sîdi Mohammed Ben'Alt-Es-Senoûst.
Essai de grammaire en langue joruba . .
l'arUane (Mariuê)m: Les Êgjptes
Friederiekten (L.) : Earte West-.Equa-
torial-Afrika's zur Veranschanlichung
des deutschen Colonialbesitzes
Qiridt (Jo9é Micart) : El Forvenir de
Espana en el Sahara
Oroê (J.) : Voyages, aventures et capti-
vité de J. Bonnat chez les Aobantis . .
HartTMom (Prof. D.) : Die Nillœnder. .
Sennebert (lieutenant- colonel) : Les An-
glais en Egypte
Kokn-AbreH : En Algérie
Id. La Tripolitaine et TÊgypte.
Kriegsscbanplatz im ^gyptischen Sudan,
1888 et 1884
Zanier (L.) : L'Afrique
X«nz (D^ Otlar) : Timbnktu. Reise duroh
Marokko, die Sahara und den Sudan.
Pages
276
220
70
46
116
123 !
142
100
242
113
311
196 I
I
I
239
123
122
248
278
120 t
239 ,
I
i
312
Pages
Zepie (Ludovic) : La dernière Êf^ypte. . 816
Le Boy (le R. P.) : A travers le Zan-
gnebar 219
liae^uarie (L.) : Voyage A Madagascar. 164
MoffoUiaei (C.) : Le Zaïre et les contrats
de l'Association internationale 241
Mager (Seniri) : De la lecture des cartes
étrangères 24
Map of the Nile from the Equatorial Lakes
to the Mediterranean , embracing the
Egyptian Sudan and Abyssinia 120
Mayo (Earl oj) : De rébus africanis . . . 120
Merefieky (Rev. A,) : Original-Map of
South Africa 144
NaviUe (Edouard) : Egypt exploration
fond 115
Pàponot (Faix) : L'Egypte 278
Paesavant (D* Cari) : Craniologisdbe Un-
tersuchung der Neger und der Neger-
volker 117
PaulitteJtke (D* PhiUpp) : Geographische
Erforschmig der AdM - L&nder und
Harar's in Ost-Afrika 194
PauUiat (Louie) : Madagascar 243
Roches (Lion) : Trente-deux ans à travers
l'Islam 118
Rohlfe (Oerard) : Reise durch Marokko,
Tafilet, Tuât, Tidikelt und die grosse
Wûste. Land und Volk in Afrika 312
WaHU (Victor) : Une excursion A Ham-
man-R'irha 119
Wallaee (D. Mackerutic) : Egypt and the
Egyptian Question 217
WtUon (Rev. C-S.) und Feikm (R. W.J :
Uganda und der iEgyptische Sudan . . 115
ZiUel (Dr K.-A.) : Die Sahara 218
CARTES
Soudan égyptien et Abyssinie 24
Cimbébasie et Hottentotie 100
Madagascar 164
Nouvelles possessions allemandes du golfe
de Guinée 816
Af iâikê- 1.^ Çy^^nm'u
1C
TiKAR
T£KÂ
"^KT^ytt
M R/Kûlt%
O
i A&^Wii*' ^, r. \R n n i àâ A ai
o
<
"vioui^i BAN en
NOUVELLES POSS
/>^/ GOLF.
par_J
û;/-/ ^7/ Ûl//Af££ DE L
U.
t-'^iU. ^u^^v0rrai^ <1 ^Ftù. dr^nétfe
MHfu afi. tttM. . X'IÎ. . Kami. /tS*
ÉCHANGES
Amsterdam.
Anvers.
Berlin.
Brème.
Bruxelles.
Berlin.
Sociétés de géographie.
Constantine. Hambourg. Lisbonne.
Douai. lëna.
Francfort •/M. Le Caire.
Greifswald. Leipzig.
Halle. Lille.
Lyon.
Jrfadrid.
Marseille.
Montpellier.
Nancy.
New- York.
Oran.
Paris.
Sociétés de géographie ooxnmeroiale.
Bordeaux. Paris. Porto. Saint-Gall.
Missions.
Rocbefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Le Havre.
Journal des missions évangéiiques (Paris).
BuUetin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéiiques au XDC«»« siècle
(.\euchâtel).
Journal de TUnité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Bericbte (Berlin).
Heidenbote (B^le).
E>ungelisches Missions -Magazin (Bâle).
(^twer Missions -Blatt (Calw).
Aligemeine Missions- Zeitschrift (Gttters-
loh).
Glaubensbote (Bâle).
Africa (Londres).
La Nigrizia (Vérone).
(]lhurch missionary Intelligencer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionary (New-York).
Régions beyond (Londres).
Cltronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Ghurch of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian Uiurch (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Woman's foreign missionary Society
(Philadelphie).
Divers.
Exploration (Paris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bolletin du (lamice agricole (Médéa).
fiolletin de i*A.cadémie dllippone (Bone).
Bnlletin de renseig. coloniaux (Paris).
Reviie géographique internationale (Paris).
Le Mouvement géographique (Bruj^elles).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundischau fUr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen (îesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fur den
Orient (Vienne).
Zeitsi'hrift fUr wissenschaftliche Géogra-
phie (Lahr).
Ans allen Welttheilen (Leipzig).
Deutsche Kolonialzeitung (Francfort s/M).
Chamber of Commerce Journal (Londres).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Ësploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Boliettino délia Societa africana d'Italia
(Naples).
Esplorazione (Naples).
Marina e Commercio, e Giomale délie co-
lonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Revista de Ëstudos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Ind 'pendant (Constantine).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
Df A. Pelermann s Mittheilungen ((îotha)
Proeeedings of the royal geographical
Society and monthly Record of geogra
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus (Cape-Town).
West African Reporter (Sierra Leone)
Etc.) etc.
SOMMAIRE
Bulletin mensuet •. 277
Nouvelles complémentaires 21)1
Le mal causé par les spikititeux en Afrique et les moyens d'V
REMÉDIER (Suite et fiu) 290
Nouvelles possessions allemandes du golfe de Gcinée 302
■
Correspondance :
Lettres de M. D. Jeanmairet de Pataraatenga et de Leshoma. 305
Bibliographie :
Karte West-^qaatorial Afrika's zur Veranschaulicfaung des
Deutschen Colonialbesitzes, von L. Friederichsen 311
Afrikanische Reisen von Gerhard Rohlfs 812
Timbuktu, von D' Oskar Lenz 312
A travers le Sahara, par J.-V. Barbier 314
Table des matières de la cinquième année 315
Carte :
Nouvelles possessions allemandes du golfe de Guinée 316
OUVRAGES REÇUS :
Keinhold Biichholz' Reisen in' West-Afrika, von Cari lïeinerBdorff. Mit AbbiliUui-
gen und einer Karte. Leipzig (F.-A. Brockhaiis), 1880, in-S", 264 p. Fr. 8.
Die Zukunft der Kongo und Guineagebiete, von D' J. Falken^tein. Weimar (Geo-
graphischcs Institut), 1884, in-32, 36 p.
Guinea und Kongo-Kûsten-Karte '/soooooo. Weimar (Geographisches Institut),
1884, folio.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
^ ■■
JANÏIER
1885
OENÈVE
H. GEOR'G, LIBRAIRE-ÉDITEUB
L'AFRIQUE
EXPLORÉE .ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIRIGÉ PAR
M. Gnstaye MOTNIER
Membre de la Commission internationale de Bruellee poor l'exploration et la civilisaliOD
de rAfriqae centrale; membre^oorrespondant de PAeadémio d'Hippone,
et des Sociétés de géographie de Marseille, de Nancy, de Loanda et de Porto.
RÉDIGÉ PAR
M. Charles FAUBE
Seerétaire-Bibliotbécaire de la Société de géographie de G-enève , membre correspondant des Sociéti'8
de géographie de Lisbonne, de Loanda. do Porto, de Saint-Chtll et de Berne.
L'Afrique parait le premier lundi de chaque mois, par livraisons in -80 d*aa
moins 20 pages chacune; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaire.
Le prix de Tabonnement annuel, payable d'avanee» est de 10 IVrane»)
port compris, pour tous les pays de l'Union postale (première zone); pour les
autres, 11 fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, m droit A on eompte renda.
Adresser tout ce qui concerne la rédaetion à M. Gostave Alojriiier*
8, rae de l'Athénée, A Genève (Snl««e).
S'adresser ponr les abonnements A Téditenr, AI. H. George à
GenèTO 00 A BAle.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Ch. Delagravb, libraire. 15, rue Soufllot, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la Cour, 45. rue do la Régence, à Bruxelles.
DuMOLARD frères, libraires. Corso Vittorio Kmmannele, 21. a Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Quei-str., 29, à Leipzig.
L. Friederichsen et C'*, libraires. Admiralitâtsstr, 3/4, à Hambourg
Wilhelm Fbick, libraire de la Cour, Graben 27, V^ionne (Autriche).
Trubnbr et C^ libraires, Ludgate Hill. 57/59. à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous lés pays.
ATIS. — Nous mettons à la dispositùm de nos nouveaux abonnés^ au prùe de
12 fr. chacun^ un certain nombre d* exemplaire'^ complets de la J/™% d^. la 111""'
et delà IV^* année. La I" est épuisée.
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
SIXIÈME ANNÉE
1885
•-S-=8«>^S«-**=3-"
t
j :-~; f
' V-, ->
/
i'iBCDLiUBi^'
''v> >
i- /-,■■/ QQ.r.,
» "^ '
GENÈVE
H. GSOUO, LIBBAIBHl-âDITSUR
1886
;•
Genève. — Imprimerie Charles Schachardt.
BULLETIN MENSUa (5 janvier 1885.Y
L'mcertitude qui règne encore sur le sort de <]uelques-uns des mem-
bires de la mi«sloai Flattera, a inspiré à M. FoHreau, de Biskra,
le désir de faire une expédition destinée à traverser le Sabara, en
recherchant en route soit les survivants, soit les papiers de la mission.
Déjà Tannée dernière, M. Foureau a poussé une pointe hardie vers le
sud, an delà des établissements qu^il a fondés à Touggourt , et tout
récemment, il a adressé, au ministère de l'instruction publique, la
demande d'être chargé d'une mission scientifique, qui aurait pour but
de relier l'Algérie au Niger et au Soudan, et de relever définitivement la
route parcourue. — Un autre colon français, M. Ponteoorboll, éta-
bli depuis quarante ans dans la province de Constantine, s'occupe aussi
de constituer le personnel d'une expédition en faveur des survivants de
la mission Flatters, avec l'aide d'anciens militaires, volontaires et retrai-
tés pour la plupart, qui se rendraient d'abord aux renseignements auprès
des chefs arabes des régions du sud de l'Algérie, et prendraient des gui-
des sûrs chez les Beni-M'zab et chez les Soufis.
M. le ministre de l'instruction publique de France a chargé le
D' Rouire d'une mission scientifique et archéologique sur les bords
du lac Kelbiah, en Tonisie, où l'explorateur prétend avoir décou-
vert l'emplacement de la mer intérieure à laquelle les anciens donnaient
le nom de lac Triton. Les amis du colonel Rondaire ne renoncent pas
encore à l'opinion que cette mer intérieure occupait l'emplacement
actuel des chotts du sud de la Tunisie et de l'Algérie. Dans une des der-
nières séances de la Société de géographie de Paris, M. de Lesseps a fait
hommage à la Société d'un, ouvrage considérable de feu M. Ch. Tissot,
dans lequel le savant auteur a consigné les résultats de son exploration
minutieuse de la Tunisie. Ces résultats confirment pleinement les
recherches du colonel Roudaire qui, pour le moment, sans rien deman-
der au gouvernement, poursuit la réalisation de la création d'un port
ao seuil de Gabès. Il a choisi pour cela un point oii la mer est plus
profonde qu'elle ne l'est généralement dans ces parages; ce serait
l'amorce du canal futur, qui mettrait les chotts en communication avec
la mer, et en même temps le seul port de cette côte inhospitalière.
^ Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Nouvelles corn-
plémetUaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
PAlgéi^ie, puis aNunt à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
rerenant par la côte occidentale.
— 4 —
Les études entreprises, sous la direction de M. de Lesseps, pour trou-
ver les voies et moyens de satisfaire aux besoins nouveaux créés par
Taffluence extraordinaire des navires dans le canal de Saes, sont
terminées. La sous-commission qui en était chargée a renoncé à la
création d'une seconde voie entre les deux mers, et a condu à l'élargis-
sement du canal actuel, dont le plafond sera porté de 24 mètres, sa lai^
geur présente, à 40mètres»Les travaux seront divisés en deux parties : la
première consistera à élargir le canal de huit à dix mètres sur tout son
parcours ; la seconde aura pour but de donner au canal son type défini-
tif. Cette division des travaux permettra aux navires de profiter le plus
rapidement possible des améliorations qui viennent d'être adoptées. La
traversée du canal s'opérera en 1,8 heures au lieu de 36. En même temps^
M. de Lesseps a enfin obtenu du gouvernement égyptien l'autorisation
de construire un canal d'eau douce, pom* en alimenter la ville de
Port-Saïd, qui, jusqu'ici, n'avait pour ce service que deux conduites,
l'une de 24 centim., l'autre de 32 centim., à découvert le long des ber-
ges du canal, dans lesquelles deux machines élévatoires, établies à Ismal-
lia, amènent l'eau douce. Le nouveau canal aura sa prise à IsmaAia.
Au moment de quitter Assab pour se rendre au Choa, le comte Anto-
nelli a reçu de lEénélik une lettre lui annonçant l'envoi d'une
caravane chargée de dons pour le roi d'Italie, pour le commissaire
d'Assab et pour le conmiandant du vaisseau de guerre en station dans
les eaux de la colonie italienne. Le roi du Choa aimonce aussi qu'il a fait
des présents à Mohammed-Anfali, le sultan d'Aoussa, pour qu'il prête
son concours aux voyageurs italiens et prenne soin de leurs intérêts, en
particulier pour qu'il leur fournisse les chameaux dont ils auront besoin ;
Ménélik en aurait envoyé lui-même, mais comme ils meurent facile-
ment en route, il a écrit à Mohammed-Anfali qu'il lui paraît plus pru-
dent de les prendre à la côte. — Il avait chargé M. Franzoi de transpor-
ter les restes de Chiarini par la route d'Assab, à laquelle il tient tout
particulièrement, mais M. Franzoi a préféré celle d'Obock.
Après avoir mis garnison à ZeHa et h Berbera, en remplacement des
soldats égyptiens, l'Angleterre comptait faire de même pour Ta4jonra»
entre les possessions françaises d^Obock et de Sagallo; mais la France a
pris les devants. Déjà au conmiencement de novembre, le conmiandant
d'Obock avait rallié autour de lui les grands chefe indigènes, qui détien-
nent les routes des caravanes, et, au moment où l'évacuation de la côte
par les troupes égyptiennes a commencé, il a obtenu d'eux qu'ils signas-
sent un traité de protectorat en faveur de la France. Les territoires de
-5^>
— 5 —
Sagallo et de Tadjoura ont une grande importance au point de vue com-
mercial. En effet, tandis que la route d'Obock présente certaines
difficultés aux caravanes, elles peuvent arriver en ligne droite à Sagallo
ou à Tadjoura ", en gagnant plus de huit jours de marche. L'eau douce se
trouve en abondance dans cette région, dont l'aspect, même en été, est
verdoyant. Les deux nouveaux postes français ont été organisés par le
commandant d'Obock, que les deux sultans, Hamed et Loelta, ont suivi
au chef-lieu de la colonie française.
Le P. Liocminé, missionnaire chez les Gallas, a écrit aux Missions
^catholiques, qu'il allait s'installer chez les Annia, de race galla, ber-
gers, occupant un territoire grand comme la moitié de la Bretagne, et
sans aucune culture. Adopté, suivant la coutume du pays, par Mudde
Dalali, chef de la famille Dadakium, de la tribu des Ao-borayu, une des
trois branches de la famille Malkatou, l'un des sept fils d'Annia, il est
devenu un des hommes influents du pays. Il peut aller et venir partout
sans le moindre danger. Son père adoptif a environ 90 ans. La cérémo-
nie d'adoption n'a lieu qu'après conseil de famille et présentation à tous
les notables de la tribu. Voici comment le P. Locminë la décrit : « Elle
s'est faite dans un endroit retiré de la forêt, devant le « Conseil des dix, »
présidé par mon « vieux père, » avec le cérémonial usité en pareille
circonstance. Je vous assure que « mes frères » ne sont pas aussi sauva-
ges que vous pourriez le croire, et qu'ils font bien les choses. Le conseil
était assemblé depuis six heures du matin. A midi précis, le Bahba en
fonction (espèce d'huissier) est venu à la cabane où j'attendais, avec une
<!ertaine anxiété, le résultat de la délibération. H s'accroupit, puis après
un moment de silence : « Viens, » me ditril simplement. Je le suivis
pendant une demi-heure.
« Il ne parlait pas, ni moi non plus. Au bout de ce temps, il me fit tour-
ner vers l'est, et me demanda de jurer de ne jamais faire connaître à
personne les noms de ceux que j'allais voir. Je le lui promis. Alors il se
remit en marche et, après plusieurs tours et détours, j'arrivai devant
le conseil. Le président était assis sur une peau de veau, à trois ou quatre
pas du cercle des « dix. » En ligne, du côté opposé au « vieux, » en
dehors du cercle, les autorités BokUj Dori et Rabba, formant un carré ;
leurs visages étaient tournés vers l'est, et ils s'appuyaient sur leurs bou-
chers, leurs lances à la main, tous plus graves que des sénateurs. On me
fit signe de m'asseoir au milieu du carré. Pas un mot ! pas un mouve-
' Voir la carte, IV"»« année, p. 352.
— 6 —
mmi de tête ! J'étais presque impremoniié. An bout d'tia quart d'heure
estviron, les deux fils du chef anrirèreiit et Tinrent se placer à mes cfttés.
C'étaieat mes parraius. Ils me présentèrent et firent ma demande d'aA^
liation. On me demanda mes noms» titres et qualités, que je déclinai de
mon mieux. On me dit ensuite que tous, diez les Annia, étaient déci-
dés h vivre et à mourir libres, et l'on me d^nanda ci je ne venais pas
dans le pays pour travailler à le' soumettre. Il me fut facile de répon-
dre que je n'étais pas un homme de gouvernement, etc. « C'est bien, »
dirent-ils. On me demanda enfin si je désirais des troupeaux. Alors eut
lieu un petit débat. On ne comprenait pas mon désintéressement. Cepen-
dant nous finîmes par nous entendre. Puis le Boku me dit : « Pierre, tu
es fils de Dalali. » Le Dori répéta la môme formule, et tous répondirent
en chœur : a Qu'il en soit ainsi, d Ensuite vint la proclamation de
membre de la tribu ; le tout avec beaucoup de gravité. On m'avait fait
lever et appuyer les mains sur les épaules de « mes frères » ; le a vieux
chef D me dit : « Désormais tu es nôtre, tu peux aller et. venir partout en
pays annia ; même conduit par une jeune fille, personne ne te dira rien.
Va maintenant. » Je crus devoir donner, gravement aussi, des poignées
de main à tous mes nouveaux u frères, » et embrasser mon nouveau
« père. » Cette adoption a fait sensation dans la contrée, et j'espère que
tout continuera à bien aller. On vient me voir de tous côtés. Ce qui intri-
gue surtout les gens, c'est ma montre. Ds la prennent, la mettent à leur
oreille ; le tic-tac les déconcerte. Us ne sont pas éloignés de croire qu'il
y a quelque dieu ou déesse caché dans la botte. Pour terminer la fête, le
jour de mon adoption, j'offiris à nK>n « père », &i cadeau, un gros bouc.
Il me demanda si l'animal serait tué chez moi ou chez lui. Connaissant
son goût et tenant à lui faire plaisir, je déclinai l'honneur de tuer la
bête. De plus, je prétextai la fatigue pour ne pas assister au festin, ce
qui plut encore davantage, car c'était pour eux une part de plus. A six
heures on tuait le bouc, et à huit heures il n'en restait plus que la peau.
Le sang avait été bu, et la chair, mangée presque crue. Les Annia som
forts et braves ; ils ont une certaine loyauté. La peur de toute domina-
tion étrangère fait qu'ils s'abstiennent de toute culture. Je m'occupe à
faire bâtir une cabane qui me manque. En attendant je suis logé dans
une chétive masure aiq)artenant à a mon père, » oii, la nuit, tout ronûe
pêle-mêle, hommes, chevaux, ânes, etc., pendant que je suis dévoré par
la vermine. Mais ai-je le droit de me montrer difficile, quand je vois les
princesses, a mes sœurs, » balayer la cour de leurs propres mains? Dans
quelques semaines j'irai à Harrar, prendre un ou deux missionnaires
pour commencer la mission des Annia. »
— T —
L'expédition préparée par le D' de Hardesse^ et le H* Fan*
litoGhlœ doit quitter TEnrope à la fin de décembre, pour se rendre à
Zella, et explorer le territoire habité par les Sooaiali et les Galla au
sud du golfe d'Aden, au point de vue de la géographie, de l'ethnogra-
phie et de l'histoire naturelle. Au sud, à l'est et à Touest de Harrar,
s'étend un pays jusqu'à aujourd'hui inconnu au delà d'un rayon de
quelques kilomètres autour de cette ville, de laquelle dépendent les
relations commerciales arec les pays situés au nord des grands lacs de
i'équateur. Toute la région habitée par les tribus des Isa et des Gà&i-
boursi Somali, et par les Noli, Abaddo, Ittou et Annia-GaUa, est encore
inexplorée. Le D' de Hardegger se propose de l'étudier en détail, et d'y
faire des collections. H part muni des meilleurs instruments : chrono-
mètres, baromètres, hygromètres, boussoles, microscopes, appareil pho-
tographique, etc. D emporte de plus une forte provision d'écus à TeflSgie
de Marie-Thérèse, au millésime de 1780, la monnaie courante des pays
de cette partie de l'Afrique. Il aura avec lui, comme serviteurs, deiax
robustes jeunes gens de Transylvanie. Le D* Schweinfurth emploiera
ses bons offices à aplanir la voie des explorateurs en Egypte ; le nouveau
résident britannique à Zefla et Berbera, le major Hunter, leur rés»ve
aussi son bon vouloir. Si l'expédition atteint heureusement Harrar, qu'elle
poisse y séjourner quelques mois, et faire des excursions au sud et à
l'est de la ville, il en résultera des découvertes utiles pour la géographie
et l'histoire naturelle. Mais elle devra se hâter, car ce n'est que de novem-
bre à avril que les pluies équatoriales cessent dans cette partie de l'Afri-
que orientale, et que les explorateurs pourront faire les observatiwas
astronomiques nécessaires pour déterminer la topographie du pays.
Le consul anglais de |Mozambique, M. O'Neill, a adressé aux JVo-
ceediriffs de la Société de géographie de Londres, des renseignements
sur l'expédition portugaise confiée au major Serpa Pinto. Nous
en extrayons ce qui suit : Partie de Mozambique, elle suivra d'abord
la route prise par M. O'Neill lui-même, en 1883, pour se rendre au lac
Kiloua, puis elle se dirigera au nord, vers le Tanganyika et le cours
supérieur du Congo. H est probable que ses travaux se combineront avec
ceux de l'expédition, également portugaise, commandée par le major
Carvalho, qui a remonté la Quanza, et doit s'avancer vers les États du
Mouata Yamvo, pour traverser ensuite le continent dans la direction de
Mozambique. « CeUe du major Serpa Pinto, » dit M. O'Neill, « est orga-
nisée sur une grande échelle. J'ai rarement vu une expédition plus par-
faitement équipée partir pour l'intérieur de l'Afrique. Son escorte se
— 8 —
compose de 104 Zoulous, du pays à youest d'Inhambaûé, tous armés de
carabines à répétition ; ses porteurs, au nombre de 200, ont pour la plu-
part des fiisils Sniders, fournis par le gouvernement local. Serpa Pinto
a pris avec lui deux Européens, le lieutenant Gardoso, de la marine por-
tugaise, et un Anglais, M. Mapp, son secrétaire privé, chaîné spéciale-
ment de faire des photographies. On n'a épargné aucun frais pour pour-
voir Texpédition des instruments les meilleurs, chronomètres, télescopes,
sextants, baromètres, thermomètres, etc. Toutes les provisions sont
enfermées dans des boîtes de même grandeur, chaque colis pesant 20 kilo-
grammes. Quatre tentes, munies de tous les meubles et tapis nécessaires,
sont à la disposition des voyageurs. Le chef de Texpédition a pris en outre
avec lui deux chevaux, et quatre ou cinq chiens. Le cheval qu'il monte
lui a été donné par M. Eruger, ex-vice-président de la République du
Transvaal; c'est, comme on dit dans les colonies de l'Afrique australe,
un cheval salted, c'est-à-dire inaccessible aux attaques de la tsétsé.
Serpa Pinto est chargé spécialement des observations astronomiques et
des collections botaniques. Le lieutenant Gardoso, qui lui aidera pour
les observations, devra s'occuper surtout des collections d'oiseaux, de
papillons et autres spécimens d'histoire naturelle. »
Quant à M. CNeill lui-même, il est revenu de son excursion à
Blantyre, par une route en partie nouvelle, à Quilimane. Un des buts
qu'il avait en vue dans ce voyage était de relever le cours du Rno» que
les Portugais envisagent comme la limite naturelle de leur territoire.
Grftce aux observations prises auparavant sur sa rive gauche, à Mana-
somba Hill, puis à Ghoumbaza, près de sa source, et enfin à son con-
fluent avec le Ghiré, par M. Rankin, secrétaire privé de feu M. le consul
Foot, M. O'Neill a pu tracer le cours à peu près complet de cette rivière.
Son itinéraire l'a conduit au sud du montMilangi ; cette route, de Blan-
tyre à la côte, est plus directe que celle du Rév. Johnson. G'est une des
principales voies commerciales ; elle sera très utile toutes les fois qu'il y
aura quelque empêchement dans les communications fluviales avec le
lac Nyassa.
Pour le moment la voie du Chiré est rouverte, quoiqu'il y ait encore
chez les Ma-Ghingiri une grande irritation contre les Portugais. Le
vapeur de la Gompagnie des lacs a pu remonter le fleuve et le redescen-
dre sans opposition.
Les missionnaires de Blantyre ont choisi un emplacement pour une
nouvelle station à Domasi, à l'angle N.-E. du mont Zomba. Le nom
de Domasi est aussi celui d'une belle rivière de montagnes qui, après
— 9 —
avoir franchi la gorge de Zomba, traverse la plaine dans la direction du
N.-E., pour aller se jeter dans le lac Chirona. De Domasi la vue est très
belle sur le lac et les lies, et dans le lointain s'élèvent les monts du pays
de Wa-Ngourou. Ce qui a décidé les missionnaires dans le choix de cet
emplacement, c'est une invitation du chef Malemia à venir chez lui pour
instruire son peuple. En outre, c'est le centre d'ime région dont la popu-
lation est très dense, à peu de distance de la grande route de Quilimane
à l'intérieur. Les indigènes sont familiers avec les noms du Bangouéolo,
du Louapoula, etc. a A peu de distance, » écrit un des missionnaires au
Missionnary Record de l'Église d'Ecosse, « il y a un grand dépôt
d'esclaves et d'ivoire ; là se forment de grandes caravanes pour la
côte. » ^''
M. Scott, missionnaire de la station de Blantyre, a fait, avec sa fenmie
et le D' Peden, une excursion chez les Anfi^ni, Muni par Kasisi, chef
qui a rendu de grands services dans les troubles amenés par le meurtre
de Chipitoula, d'une recommandation pour Chikousé, le chef des
Angoni, qui exerce un pouvoir très étendu, il passa par les villages qui
bordent les rapides Murchison, du Chiré; puis, après avoir traversé une
vaste plaine de quatre journées de large, il atteignit les montagnes qui
entourent, comme un rempart, le plateau des Angoni. Il en fit l'ascen-
sion, redescendit le versant opposé, campa trois jours sur un plateau dé-
sert et arriva enfin aux villages des Angoni. Les habitants reçurent les
missionnaires avec beaucoup de respect ; cependant ceux du chef-lieu
demeurèrent froids, par suite de l'opposition faite à deux caravanes de
Chikousé, conduites par des Arabes, dont deux avaient été tués. Les
voyageurs durent s'établir en dehors du village de Chikousé, qui vint
leur faire visite, en grand appareil, et accompagné d'un cortège impo-
sant de tous ses principaux chefis. Ses gens se disaient entre eux : « Nous
mourrons, car nous avons vu les blancsi » Toutefois leur terreur se dis-
sipa, et de nombreux groupes se pressèrent bientôt autour des mis-
sionnaires ; M"* Scott surtout était pour eux un sujet de profond éton-
nement. Chikousé s'entretint avec les étrangers, sans cérémonie, accepta
leurs présents, du sel et des couvertures, et conclut amitié avec eux en
leur donnant une chèvre en retour. On se sépara dans les meilleurs
termes, et les missionnaires rentrèrent à Blantyre sans accidents ni
maladies. Cette visite avait été faite au bon moment, car pei} après
leur retour, tout le pays autour de leur station devenait le théâtre d'un
vaste embrasement, causé par une incursion des Angoni dans les terri-
toires de Eoumtaja et de Kapeni. Le 22 août, à 3 heures du matin, le
V »
— 10 —
signal d'alarme fut donné ; des gens en foule traversaient Blantyre, ou
passaient auprès pour se réfugia dans les bois. Le lendemain des
colonnes de fumée annoncaient.au loin que les villages brûlaient les uns
après les autres. Les habitants s'enfuyaient vers tes montagnes. Des
centaines de femmes et d'enfants vinrent demander un abri & Blantyre
et à Mandata, où toutes les places disponibles furent transformées en
dortoirs. Tous les sentiers conduisant à la station étaient occupés par
des hommes armés d'arcs, de flèches, et de fusils & pierre. Le pays tout
autour était rempli d'Angoni pillant et capturant femmes et enfants,
pour les réduire en esclavage. Cependant ils s'abstinrent de toucher à
ce qui appartenait à la mission. Les gens d'un des missionnaires, qui
revenait de voyage, étant tombés entre les mains des Angoni, ceux-ci,
quand ils surent qu'ils étaient attachés à la mission, les traitèrent avec
bonté, et les renvoyèrent en sécurité à Zomba. M. Scott résolut de se
rendre au camp des Angoni pour arrêta si possible la dévastati^i.
Accompagné d'un de ses coliques et de deux natife courageux, il se mit
en route, et, après une marche pénible, il se trouva en présence de
l'ennemi. Celui-ci le reçut bien ; les deux chefs furent très amicaux,
quoiqu'ils euss^it parfaitement conscience de leur force. Cette visite eut
une certaine efficacité, car peu de jours après, les Angoni se retirèrent,
sans avoir commis aucune déprédation, dans les montagnes de Dirandi
et de Socbé.
Une lettre de M. le missionnaire Jacottet, dont nous publions plus
loin le voyage d'exploration dans le bassin du HautOrange (p. 24),
nous permet de compléter ce que nous avons dit du Lie-JSouto» dans nos
deux articles sur la question des spiritueux, a Je suis & même, » nous
écrit M. Jacottet, « de vous donner un ou deux renseignements à propos
de l'alcoolisme. La loi qui interdit absolument l'entrée des spiritueux
au Le-Souto (pour les blancs comme pour les noirs), existe toujours.
Depuis la guerre eUe n'était plus observée, mais le colonel Clarke, n'en-
tendra pas plaisanterie à cet égard. Sauf dans le district de Masoupa,
toujours rebelle, il n'entre plus guère d'eau-de-vie. Les chefe boivent
tous, mais à part cela, je n'ai vu que peu d'ivrognes. Chez Masoupa, il
existait encore quelques cantines ; l'autre jour il en a fait disparaître
dix-sept. Je ne sais s'il en reste beaucoup maintenant. Dès que le rési-
dent britannique se sentira assez fort, il fera observer la loi. Nous
n'avons pas d'association contre l'eau-de-vie ; jusqu'ici cela n'était pas
nécessaire, vu la sévérité de la législation; j'espère qu'à l'avenir, la
nécessité ne s'en fera pas s^itir non plus. Dans l'Église, jusqu'à ces
W^r
■•■■» r -■
— 11 —
derniers temps, il était défendu, du moins en tliéorie, de boire de i^'^au-
4^viB, soit européenne, soit indigène* Je ne sais si la loi «xiste enooro,
m tout cas ^Ue n'est plus strictement appliquée, et les biiTOurs de
t^pola (eau-de-vie indigène), ne sont plus mis sous diseipline, sa^pf efi
<^ d'ivresse, bien entendu. Je ne sais quelles sont les lois coloniales
ou bœrs ; vraisemblablement elles sont moins strictes que ceUes du Le-
^uto. D
La Société de géograpbie de Paris a reçu communication des progrès
de TeKpédition du D' Holnb» qui était le U juillet à Growley, district
de Pauresmith, dans TÉtat-Libre de TOrange. « Nous sommes en hiver, »
écrivait reiLplorateur, a nous n'avons pas de neige il est vrai, mais l'herbe
est rare et sèche, et j'ai déjà perdu trots bêtes de trait. C'est pour moi
une grosse perte ; j'ai dû recourir à l'aide de mes amis d'Aujtriehe ;
chaque dépense inutile, chaque perte, diminue la somme dont je dispose.
jMon personnel se compose de douze individus ; mon pare de voyage, de
quatre chariots, un bateau en fer, et 59 bêtes de sonune, dont 57 bœufii.
A Gape-Town, où des difficultés avec la douane m'ont obligé de m'arrê-
ter, j'ai utilisé mon séjour forcé à explorer les environs ; j'ai envoyé
ehez moi dix-huit caisses contenant les résultats de mon travail. De
Cape-Town j'ai expédié mon parc de voyage par le chemin de fer, à
Oolesber^. Lit j'ai subi encore un retard d'un mois, mais j'ai rempli
trois caisses de collections. Le mois prochain rhai)e commencera à
j^uaser. Pour ne pas fatiguer mes animaux, je voyage très lentement,
ce qui entratne de fortes dépenses, quoique, tant que je suis parmi les
Européens, on me traite de la manière la plus amicale et que je sois
l'objet de beaucoup de prévenances. Le président de l'Ètat-Libre de
l'Orange m'a invité à aUer àBloemfontein, la capitale, maiscela m'écar-
terait trop de ma route. Je me rends par Boshof vers le Transvaal, et,
de Waterberg, je couperai droit à l'ouest sur Shoshong. Comme la
saison avancée ne me pennet plus de songer à traverser le Zambèze
cette année-ci, surtout à cause de mon personnel, la fièvre intermittente
commençant à sévir à la fin d'octobre, je passerai deux ou trois mois
sur le Limpopo, ou dans le biissin des lacs salés des Ba-Mangwato.
Dans toutes les stations oii nous nous arrêtons quelques jours, je pro-
cède à des déterminations astronomiques de la position du lieu, opéra-
iiom pour lesquelles le gouvernement autrichien a mis & ma disposition
les instrumrats nécessaires: un excelleAt théodolite, trois chronomè-
tres, deux b0.romètres anéroïdes, etc. Plus tard, quand n^es compagnons
me paraîtront mieux accoutumés au parc de voyage et à leurs travaux,
et qu'ils pourront me servir d'aides, nous ferons les observations astro-
nomiques, même dans les stations plus courtes. Je ne calcule pas les
observations moi-même ; mais je les envoie à l'Institut militaire géogra-
phique de Vienne, oii se font les calculs. Depuis mon départ de Cape-
Town, nous faisons chaque jour, deux ou trois fois, des observations
météorologiques qui paraissent donner Ides résultats intéressants, sur-
tout là oii nous nous arrêtons plusieurs jours. Pour les difTéreutes bran-
ches des sciences naturelles, je tiens des journaux spéciaux, dans
lesquels je consigne, jour par jour, les résultats constatés et la descrip-
tion des collections faites. Le gouvernement de laBépubliquedu Trans-
vaal m'a fait savoir que je pouvais faire passer sur son territoire tous
mes équipages sans payer de Atoits de douane, tandis que celui de la
Colonie du Gap a taxé mon équipement comme marchandises impor-
tées. »
Le SaintSelena Guardian annonce savoir, de source autorisée, que
les steamers de la New-Zealand Shipping Company, qui touchent au Cap,
n'aiment pas ce mouillage, et ne s'y arrêtent que parce qu'ils y sont
forcés ; ils l'échangeraient volontiers contre Sainte-Hélène, s'ils pou-
vaient faire ici leur charbon. L'océan et les vents ne permettent pas aux
navires d'entrer dans le port de Cape-Towu ni d'en sortir en toute saison,
tandis que l'ancrage du port de James-Town, à Sainte-Hélène, est tou-
jotu^ sûr ; k quelque époque de l'année que ce soit, les vaisseaux peuvent
y entrer et en sortir en toute sécurité, y faire de l'eau, et y prendre des
provisioifô toujours abondantes. Placé sur la route des steamers des colo-
nies de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, ce mouillage leur offrirait
toute facilité pour faire leur charbon et réparer leurs machines sans
aucune perte de temps.
Le Mouvement géographique nous apporte d'utiles renseignements
sur les caltarea entreprises h Léopoldvtlle et h Bam« par
M. Teuach, agent allemand de l'Association internationale du Congo,
qui vient de rentrer en Europe ai)rès trois ans de séjour dans les stations
du Congo. Il a planté autour de celle de Léopoldville 8000 bananiers qui,
au bout de dix mois, avaient atteint une hauteur de trois mètres et don-
naient déjà des fruits abondants. Il a également planté dans le potager
90 pommes de terre qu'il avait apporta de la côte. Au bout de quatre
mois, il avait une première récolte, qu'il a employée intégralement à de
nouvelles plantations. Il a renouvelé l'opération une troisitoie fois, et la
station possède aujourd'hui une centaine de kilogrammes de pommes de
terre qui fourniront de quoi ensemence tout un hectare. L'expériraiGe
— 13 —
lui a prouvé que la culture de la pomme de terre exige que Ton se con-
tente de deux récoltes par an. On pourrait cependant en avoir trois, tant
la terre est fertile autour de Stanley-Pool. Il a semé aussi des choux, des
malades, des carottes ; le tout a parfaitement réussi. Le manioc a donné
d'excellents résultats, de même que le sorgho. Les plantations de cannes
h sucre couvrent actuellement deux acres. Il ne faut que huit à neuf
mois pour récolter le sucre. Au bout d'une année la station de Léopold-
ville en a obtenu 'd'excellent. Plus de 300 plants de caféier poussent
avec un plein succès, mais il faut trois ans pour obtenir une première
récolte. Indépendamment de ces cultures, les jardins de Léopoldville ont
reçu des plants de Sauersop, fruit qui se rapproche beaucoup de Tana-
nas, des pruniers, des pommiers, des poiriers, des cerisiers, des vanil-
liers, des cacaotiers, des orangers, des. figuiers. De tous ces plants ont
^té tirés un nombre considérable de rejetons, dont Tensemble constitue
déjà, autour de la station, une véritable forêt. La station possède trois
mules et trois ânes. L'arrivée de ces animaux dans cette contrée, oii
jamais cheval ni mule n'avaient pénétré, a été un véritable événement,
<liii remplit encore d'étonnement, et même d'effroi, ses nalfis habitants.
— En redescendant à la côte, M. Teusch s'est arrêté trois mois à Boma,
où il a créé également un potager et un jardin. Il y a planté entre autres
des eucalyptus qui constitueront un excellent fébrifuge.
Le journal le Heidenhote, publié par la Société des missions de Bâle,
renferme, sur le Volta, des renseignements nouveaux, extraits du rap-
port de M. Grottfried Zimmermann, qui faisait partie de l'expédition mis-
sionnaire envoyée à Salaga. A vingt milles à l'ouest de Salaga se trou-
vent les sources des deux bras du fleuve qui, en amont de Jeguy, se
réunissent pour former le Volta. Le bassin de ses sources est très étendu.
Dès la jonction de ces deux bras, il forme déjà un véritable fleuve, car il
a à peu près la même largeur qu'il conserve jusqu'à son embouchure,
•environ 400 à 500 mètres ; en revanche, sa profondeur est faible. De
Jeguy à Baguiemsou, il forme de nombreux méandres, puis prend une
direction sud jusqu'à Kpong, et sur ce parcours de 45 milles se trou-
vent quinze rapides plus ou moins forts. Son lit est tantôt parsemé
de rochers, tantôt sablonneux ; sur une faible longueur seulement, il
-est navigable. De Kpong à Ada il coule dans une direction E.-S.-E.,
puis à Ada, à un mille de la mer, il forme un delta, semé de bancs
de sable, et en quelques endroits, de rochers. Gomme les eaux mon-
tent de juillet en octobre, de dix à quinze mètres aii-dessus de leur
niveau ordinaire, tandis que la hauteur des rochers et des bancs de sable
— 14 —
f
ne dépasse pas fuinee mètres au^dmras du loAd, ou peut^ avec quelque
précaution, le remonta avec des embaroatioos tirant deux mèti^ d'eau,,
tandis qu'aux eaux basses, un bateau tirant quin^ centimètres d'eau
s'^isablerait infailliblement. Aussi ne peut-on pas songer à établir des
communications par la voie du fleuve, entre la côte et Salaga. Les orues
énormes qu'il subite et qui en font par moments un fleuve de 650 mètres,
dé large, empêcbent les habitants d'établir leurs villages sur ses bords.
NOUVEUU5S GOlEPItâlIENTAZRBS
M^ Sogaro, vicaire apcrstolique de l'Afrique centrale, actuellement au Caire, a
entoyé le P. Yincentini au Mahdl, pé'ûi* lui demander la mise en liberté des reli-
gteoses et des missionnaires, prisonniers à El^Obéid depuis vingt^Mpt mois. Grftce-
anafc facilités que lui a accordées le général Wolseley, le P. Yincentini a attdnt
Dongola, d'où il a télégraphié qu'il espérait beaucoup pouvoir arriver jusqu'au
Mahdi.
Le comte Auguste Boutourline qui, malgré sa jeunesse, a déjà fait ses preuves
comme explorateur, est parti d'Assab pour se rendre au Choa, en suivant la route
ouverte par Antonelli.
M. J. James, connu par ses expéditions de chasse au Soudan, se propose de
pénétrer, pendant l'hiver, de Berbera à Webbi, avec un de ses compatriotes,.
M. Phillips.
De retour du Choa, M. Soleillet a formé le projet, plus ou moins fantastique,,
de faciliter les communications de ce pays avec la côte, en détournant dans
l'Hàôuasch, l'Abai, partie supérieure du Nil-Bleu. Aujourd'hui l'Haouaech se
perd dans les lacs Aoussa ; augmenté par l'apport des eaux de l'Abai, il se fraie-
rait, croit M. Soleillet, un lit jusqu'à la baie de Ta^joura (?), et fournirait ainsi
une voie fluviale navigable jusqu'au Choa.
D'après une lettre de M. Ledoulx, consul de France à Zanzibar, la station
missionnaire de Mrogoro a été incendiée, ce qui retardera la création d'un non-
veau poste projeté pour la fin de l'année. La malveillance est étrangère à cet
incendie, car les indigènes aiment beaucoup les missionnaires ; la reine Simba
Mouéni leur est toute dévouée ; elle s'oppose, autant qu'elle le peut, aux sacri-
fices humains.
Le capitaine Bloyet a écrit de Condoa que la guerre règne entre les chefs du
pays ; Mahouinga, sultan de POu-Héhé, se disposait à attaquer Condoa, dont les
habitants faisaient des préparatifs de défense. M. Bloyet sé proposait d^envoyer
sa femme à la station de Mrogoro, dès que les hostilités deviendraient imifiin«nteê.
L'expédition commerciale portugaise commandée par le oapitaine Palva d'An*
drada poursuit sand obstacle sa marche vers Manica. Elle passera l'hiver à Q«k
rongozo.
— 15 —
Jusqu'ici c'était surtout dans le district de Lydenboarg que l'on avait constaté,
au Transvaal, l'existence de gisements aurifères exploitables. On en a découTert
récemment près de Palalaberg, dans le district de Waterberg, d'aussi riobes,
paralt-il, que les premiers.
Le Border News d'Aliwal North annonce la découTerte d'nne nouTelle mine de
honille, à 5 kilom. de Burgbersdorf, près de Molteno, et à 50^ de la voie ferrée.
Des experts ont rapporté que la qualité en est supérieure à celle de la mine de
Cyphergat.
Les comités de VAfirioander Bimd, dans le Transvaal et dans l'État-Libre de
l'Orange, ont convoqué à Potchefstroom, pour le 24 décembre, un congrès, afin de
délibérer sur la question d'une union politique plus intime entre les deux répu-
bliques sud-africaines.
Le gouvernement de l'empire d'Allemagne, a nommé le D' Bieber consul géné-
ral pour l'Afrique australe.
Le SQverioum^ navire de 5,000 tonnes, construit spécialement pour la pose des
cAbles sous-marins, a quitté la Tamise emportant la seconde secUon du c&ble qui
doit relier les colonies anglaises de la côte occidentale d'Afrique à T Angleterre et
à la Colonie du Cap.
Il existait déjà de petits journaux dans les langues indigènes, par exemple le
KafifT EocpresSj mais ils étaient tous plus ou moins les orgsnes d'institutions ou
de sociétés missionnaires. La fin de l'année 1884 en a vu paraître, à King-Wil-
liam's Town, un nouveau, indépendant, le Imvo Zabantmndu^ ou V Opinion indi-
gène. Il est imprimé en partie en cafre, en partie en anglais. L'éditeur en est un
natif, auquel il servira d'organe pour plaider la cause des intérêts des indigènes,
dans leurs rapports avec les colons.
La Société des missions baptistes d'Angleterre se propose d'étendre son x^hamp
d'activité vers le Congo supérieur, et de tenter l'exploration d'une route dans la
direction de l'Albert-Nyanza et du Mouta-Nzigué de Stanley. M. Arthing^on a
donné pour cela une somme de 50,000 fr.
La maison Jantxen et Thormalen, de Hambourg, a constitué une société au ca-
pital de 625,000 fr. pour explorer le Niger et le Bénoué. L'expédition, à la tête
de laquelle se trouve M. Robert Flegel, se mettra en route au printemps prochain.
M. Yiard, ancien compagnon de M. de Semelé, après avoir, en 1881 et 1882,
exploré le royaume du Nupé dépendant de celui de Sokoto, prépare une nouvelle
expédition qui remontera le Bénoué.
D'après le Cahoer Miaeionshlatt, le trafic de l'eau-de-vie à la côte de Guinée y
fait d'affreux ravages. Il a été débarqué récemment, à l'embouchure du Niger,
pour deux factoreries seulement, 2500 caisses de rhum et d'eau-de-vie de genièvre.
Et un journal de Boston écrivait, le 28 août de cette année : « Le plus fort char-
gement de rhum de la Nouvelle- Angleterre qui ait jamais été fait aux États-Unis,
vient de partir pour la cête occidentale d'Afrique; il était de 8500 tonnes. »
La Société des missions de l'Église presbytérienne unie d'Ecosse a décidé de
fonder une nouvelle station au Vieux-Calabar, à Ikorana, ville de la tribu dea
— 16 —
Oamon, à une. grande distance d'Ikorofiong, jusqu'ici le poste le plus avancé de
cette Société. Ce sera un centre d'activité d'où les missionnaires pourront attein-
dre Biakpan, ville de 3000 habitants, et plusieurs villages et fermes du voisinage.
Le Comité des missions de Paris a également l'intention de créer un nouveau
poste à Eerbala, village bambara, à 8 kilom. de Dagana. M. le missionnaire Jac-
ques, aide de M. Taylor à S^-Louis, y a fait une reconnaissance, et a choisi l'em-
placement de la future station.
Un env(»yé du grand chef de Tombouctou a fait annoncer son arrivée à Saint-
Louis. Chargé d'établir des rapports directs avec la colonie du Sénégal, il est
venu en France par un paquebot de Bordeaux. Un professeur d'arabe l'accom-
pagne comme interprète. 11 devra conduire à Timbouctou les personnes que le
gouvernement français voudra y envoyer avec lui, et répondra sur sa tête de
leur retour à S^-Louis.
La pose du câble sous-marin destiné à relier le Sénégal avec l'Europe par la
voie de Ténériffe-Cadix est terminée.
Deux compagnies de pèche et de colonisation des Canaries ont établi des comp-
toirs entre le cap Blanc et le cap Bojador. Sur cet espace de 500 kilom., il y a six
baies et plusieurs rades. Des missionnaires et des colons ont d^à quitté les Cana-
ries pour s'établir sur les points occupés par les compagnies.
LA CONFÉRENCE AFRICAINE DE BERLIN
D peut paraître prématuré d'entretenir les lecteurs de V Afrique de la
Conférence de Berlin, avant que celle-ci ait terminé l'œuvre pour laquelle
elle a été convoquée. Si la liberté de navigation et de commerce dans le
bassin du Congo et de ses affluents, sous la surveillance d'une commission
internationale, paraît dès maintenant acquise, il reste encore à étudier
d'importantes questions, dont l'examen a dû être ajourné en janvier.
Aussi ne nous proposons-nous point de faire aujourd'hui l'exposé des
travaux de la conférence ; nous nous bornerons à rappeler succinctement
les faits qui ont rendu nécessaire cette réunion solennelle, comment elle
a été préparée, et l'esprit dans lequel elle a été ouverte. U sera facile de
pressentir les heureux résultats qu'on peut en espérer pour la civilisa-
tion et l'exploration de l'Afrique.
Le moment où le chancelier de l'Empire allemand a invité les repré-
sentants des principaux États civilisés des deux mondes à cette confé-
rence, qui concentre sur elle l'attention de tous les esprits, avait une
gravité toute spéciale. L'Europe, il est vrai, n'avait pas été ébranlée par
une de ces grandes guerres qui modifient profondément les rapports des
États entre eux et à la suite desquelles il est nécessaire de consacrer,
par un acte international, l'état de fait qui en est résulté et les droits
— 17 —
nouYeaux des parties naguère encore en hostilité ouverte. Mais il était à
prévoir que la concurrence des intérêts politiques et commerciaux, qui
entraîne vers l'Afrique, et tout particidièrement vers la région occi-
dentale-équatoriale de ce continent, plusieurs des États de l'Europe,
en quête de débouchés pour leur commerce, amènerait avant peu des
conflits, si des mesures n'étaient pas adoptées pour les prévenir.
Dans les derniers temps, l'entraînement prenait le caractère d'une
vraie course.au clocher. C'était, semblait-il, à qui arriverait le premier
à hisser son pavillon sur tel ou tel point de la côte d'Afrique non encore
possédé par une des nations de l'Europe.
Non contente de ses anciennes possessions de l'Algérie et du Sénégal,
la France étabUssait son protectorat en Tunisie, créait une colonie k
Obock et à Sagallo, étendait son influence jusqu'à Bamakou, sur le Haut-
Niger, et, par le Gabon, l'Ogôoué et l'Alima, arrivait sur le cours
moyen du Congo. — L'Italie fondait à Assab la première colonie ita-
lienne et jetait un regard d'envie vers la Tripolitaine. — L'Angleterre
étendait les limites orientales de sa colonie de Sierra-Leone, et, le long de
la côte du golfe de Guinée, elle travaillait par ses consuls à faire passer
sous son protectorat les territoires des chefs encore indépendants, entre
ses colonies de la Côte d'Or et celles de la Côte des Esclaves ; sans parler
des annexions qu'elle opérait dans le bassin du Niger inférieur, et au pied
sud-est du mont Cameroon *. — L'Espagne, mise en possession de Santa-
Cruz de Mar-Pequena, préparait, par l'établissement de factoreries
entre le cap Bojador et le cap Blanc, son installation sur toute cette
ligne de côte. — Maître de la Guinée inférieure, du Cunéné à Ambriz, le
Portugal renouvelait ses prétentions sur la côte oii débouche le Congo,
devenu important pour lui, depuis que Stanley avait annoncé que celui
qui posséderait le Congo aurait le monopole du commerce avec le bas-
sin immense qu'il arrose, ce fleuve étant la grande route commerciale de
l'Afrique centrale de l'ouest. — L'Allemagne était engagée par les nom-
breuses factoreries de ses nationaux, de la Côte d'Or à la baie de Biafra
et au Congo, à se présenter comme gardienne de leurs intérêts, et à
prendre sous son protectorat les chefs qui avaient concédé aux négo-
ciants allemands les terrains nécessaires à leurs établissements; sans
compter la protection qu'elle devait à la possession récemment acquise
par M. Ltideritz du territoire dont Angra Pequena est le centre, de
^ On mande de Durban que le drapeau anglais a été arboré à Sainte-Lucie
(Zoulouland).
»,
■>;-.',
-18-
l'embouchure du fleuve Orange au cap Frio. — La Hollande ne pouvait
rester indifférente aux intérêts de ses ressortissants, dans les factoreries
qu'ils ont multipliées au nord et au sud de l'embouchure du Congo et
sur les rives du cours inférieur de ce grand fleuve. — Sans former un État,
au sens propre du mot, l'Association internationale du Congo, succes-
seur du Comité d'études, se trouvait concessionnaire d'une quantité de
territoires pour ses quarante stations, de l'Atlantique à Nyangoué, et
confinant, au Niari-Quilou et à Stanley-Pool, avec les nouvelles posses-
sions françaises, elle risquait d'entrer en conflit avec son puissant voisin.
Nous ne disons rien des dangers que pouvaient faire courir à ses projets
de civilisation, les prétentions du Portugal à la souveraineté sur tout le
territoire du Congo inférieur, du'S" au 5'', 12, ainsi que l'établissement
des tarifs et des fonctionnaires portugais dans ces parages \
La conclusion d'un traité anglo-portugais ' signé le 26 février 1884,
par lequel l'Angleterre, jusqu'alors opposée aux prétentions du Portu-
gal, lui reconnaissait les droits de souveraineté qu'elle lui avait toujours
contestés, provoqua une opposition unanime de tous les interdisses,
Français, Hollandais, Allemands, Belges, outre celle qui se produisit en
Portugal, et en Angleterre dans toutes les classes de la population :
commerçants, industriels, philanthropes, amis des missions, tous pro-
testèrent énergiquement, en sorte que le ministère britannique dut
abandonner le traité, avant même de l'avoir soumis au Parlement.
Mais l'avortement de ce traité fit comprendre la nécessité d'une
entente internationale sur les questions relatives au Congo.
A cet égard, il n'est que juste de rappeler la part qui revient à l'In-
stitut de droit international, dans les travaux qui ont préparé l'opi-
nion publique et l'œuvre même de la conférence de Berlin. Ici nous ne
pouvons faire mieux que de suivre l'exposé qu'en a fait le secré-
taire général de l'Institut, M. le professeur Alphonse Rivier, dans une
lettre adressée de Bruxelles au Journal de Genève •.
M. Rivier rappelle que, déjà dans la session de l'Institut de droit inter-
national tenue à Paris en 1878, M. 6. Moynier attira l'attention de ses
collègues sur l'importance qu'allait prendre le magnifique cours d'eau
* Le Standard annonce que le sultan du Maroc songe à annexer à ses états le
district situé le long de la côte, au sud du Maroc, et qu'il n'a pas abandonné ses
prétentions sur Timbouctou, possession marocaine au moyen &ge.
• Voy. V»« année, p. 80-82.
' Voy. Journal de Genève, du 11 décembre 1884.
— lo-
que Stanley avait exploré Tannée précédente, qu'il montra la probabi-
lité de conflits internationaux surgissant dans un avenir plus ou moins
éloigné et recommanda T étude des moyens propres à les prévenir'. Dès
lors plusieurs des membres de l'Institut: M. E. de Laveleye, sir Travers
Twiss, M. Gessner et M. Lorimer, vouèrent à ce sujet une attention
spéciale. M. de Laveleye consacra plusieurs publications à Pexamen de la
question de la neutralité du Congo, traitée également dans une étude
signée de lui et insérée, en juin 1883, dans la Bévue de droit intematio-
naP; il y recommandait que Ton confiftt le règlement de tout ce qui con-
cerne la région du grand fleuve à une commission internationale, comme
on Ta fait pour le Danube, ou tout au moins que Ton reconnût la neutralité
des stations hospitalières et humanitaires déjà fondées ou à fonder suc-
cessivement sur le Congo. Sir Travers Twiss, qui est actuellement à
Berlin en qualité de conseil du plénipotentiaire anglais, tout en se pro-
nonçant contre la neutralisation, proposait, dans une série d'études
publiées dans la Revue sus-mentionnée ', « d'appliquer au Bas-Congo un
régime analogue à celui qui est en vigueur pour la partie inférieure du
Danube, » et, quant au Congo moyen et au Haut-Congo, il suggérait
« l'application d'un autre principe, que les puissances européennes ont
déjà approuvé dans la question d'Orient, parla signature d'un protocole
de désintéressement. « Si les puissances maritimes, » concluait-il, a sont
d'accord pour mettre la navigation du Bas-Congo sous l'égide d'une
commission internationale, les signataires d'une convention réglant la
navigation de la partie inférieure du grand fleuve pourront arrivei* à
une entente en signant, comme annexe à la convention, un protocole de
désintéressement touchant le Congo moyen et le Haut-Congo. »
De son côté, M. Moynier n'avait pas perdu de vue l'étude des moyens
proprés à prévenir les conflits internationaux qu'il prévoyait dès 1878,
et, les lecteurs de V Afrique se le rappellent, il présenta à la session de
l'Institut tenue à Munich, en septembre 1883, une proposition formelle
relativement au Congo, avec un mémoire à l'appui, intitulé : La ques-
tion du Congo devant V Institut de droit international *. Ce mémoire
' Voy. Annuaire de 1879-1880, t. I, p. 155.
* T. XY, p. 254. — Voy. aussi : Les Fra/nçais, les Anglais et le Comité interna-
tional sur le Congo.
' La libre Davigation du CoDgo (Bévue de droit intern,, t. XV, p. 437, 547;
t. XVI, p. 237). — Voy. aussi : An international protectorate of the Congo river.
* Ce mémoire a été publié dans V Afrique explfyrée et çiviUséCy IV"* année, p. 272,
— 20 —
était accompagné d'un projet de convention internationale en dix arti-
cles, dont les principaux portaient :
Art. !•'. La navigation sur le Congo et ses affluents sera entièrement
libre et ne pourra être interdite à personne.
Cette liberté implique le droit, pour tout navigateur, de débarquer et
d'embarquer dans tous les ports, et de n'être astreint ni à des arrêts,
ni au paiement de droits de péage ou de douane.
Art. 3. La liberté de parcours, de commerce et d'établissement sera
aussi de droit, sur les territoires compris dans le bassin du Congo. .
Art. 5. Par exception, le trafic des liqueurs fortes sera soumis à un
règlement restrictif.
Art. 6. La traite des esclaves sera interdite dans le bassin du Congo,
et l'esclavage lui-même y sera aboli.
Art. 8. Une commission internationale, formée d'un représentant de
chacune des hautes parties contractantes, sera chargée de réglementer
tout ce qui concerne l'usage du fleuve et de ses affluents, et de veiller à
l'observation de la présente convention.
Elle sera investie de pouvoirs suffisants pour agir au nom de tous les
signataires dans la défense de leurs intérêts communs.
Elle sera chargée, en particulier, des démarches à faire auprès des
indigènes ou autres détenteurs du sol pour les amener à se conformer à
la présente convention.
Elle aura la police du fleuve, et une force armée convenable sera mise
pour cela à sa disposition.
Art. 9. En cas de dissentiment entre les hautes puissances contrac-
tantes, au sujet de l'interprétation ou de l'application de la présente
convention, l'affaire sera déférée à des arbitres.
D sera procédé alors conformément au règlement voté par l'Institut
de droit international dans sa session de Genève (1874).
Le projet de M. Moynier fut examiné par une commission qui rapporta
par l'organe de M. Arntz, professeur de droit des gens à l'Université de
Bruxelles. L'Institut ne pouvant, sans déroger à ses habitudes, se pro-
noncer catégoriquement sur les conclusions de M. Moynier, avant d'avoir
pu peser suffisamment toutes les considérations par lui énoncées, ce qu'il
n'avait pas le temps de faire au cours de cette session, la commission
proposait que :
« L'Institut de droit international exprimât le vœu que le principe de
« la liberté de la navigation pour toutes les nations fût appliqué au
« fleuve du Congo et à ses affluents, et que toutes les puissances s'enten-
— 21 —
« dissent sur les mesures propres à prévenir les conflits entre nations
« civilisées dans l'Afrique équatoriale. »
Ce vœu fut voté, et l'Institut décida en outre de le communiquer aux
diverses puissances, en y joignant le mémoire de M. Moynier à titre
d'information, ce qui fiit exécuté au mois de décembre de l'année 1883.
« Au moment où la Conférence de Berlin, » dit en terminant M. Rivier,
« rq)rend les diverees idées qui ont été émises sur cette question très
délicate et paraît disposée à donner à celle-ci une solution essentielle-
ment libérale et humanitaire, il est intéressant et juste de constater qui
sont ceux auxquels revient le mérite d'avoir préparé le terrain et
jeté le fondement d'une des œuvres qui feront le plus d'honneur à notre
époque. »
Comme M. Moynier l'avait dit dans son mémoire, tous le.s États civi-
lisés étaient plus ou moins intéressés à ce qu'aucune puissance ne s'attri-
buât un droit exclusif de passage sur tout ou partie du Congo, mais
aucun d'eux n'avait encore manifesté l'intention de se mettre en avant
pour provoquer une entente dans ce sens, et il paraissait douteux que,
livrés à eux-mêmes, ils renonçassent à leur attitude expectante.
L'échec du traité anglo-portugais fit sortir l'Angleterre et le Portugal
de cette réserve. Dès le 26 mai 1884, lord GranviUe informait l'ambas-
sadeur anglais à Berlin, lord Ampthill, qu'ensuite d'un échange de vues
sur la façon dont les dispositions du traité étaient envisagées par les prin-
cipales personnes intéressées dans le commerce du Congo, il avait pu se
convaincre que les diverses puissances commençaient à revenir de leur
opposition première au projet de l'établissement d'une commission inter-
nationale du Congo, analogue à celle du Danube. Le gouvernement de
la reine, ajoutait-il, ayant toujours été d'opinion que la commission
devait être internationale, et « n'ayant consenti qu'avec répugnance à
la disposition du traité du 26 février qui la composait exclusivement de
membres anglais et portugais, » constate avec plaisir ce changement
d'opinion et se déclare favorable à l'admission d'autres puissances. Et il
chargeait l'ambassadeur anglais, à Berlin, de demander au prince de
Bismarck si l'Allemagne serait disposée à nommer un délégué pour
faire partie de la commission projetée. Le prince de Bismarck répondit
le 7 juin que le Portugal, convaincu de la nécessité de régler la question
du Congo par un arrangement international, avait déjà suggéré de lui-
même à certaines puissances l'idée d'une conférence, et qu'au cas où
cette suggestion serait favorablement accueillie par les gouvernements
— 22 —
intéressés, rAllemagno était disposée à désigner un plénipotentiaire,
tout en refusant d'avance d'admettre des droits de possession antérieurs
pour aucune des puissances intéressées dans le commerce du Congo.
« Dans l'intérêt du commerce allemand, » concluait le chancelier, «je ne
puis consentir à ce qu'une côte d'une si grande importance (du 8° auô'' 12),
demeurée jusqu'à ce jour pays libre, soit soumise au système colonial
portugais. Nous sommes néanmoins tout prêts et tout disposés à coo-
pérer à une entente entre toutes les puissances intéressées, en vue d'in-
troduire sous une forme convenable, dans ce territoire africain, par la
réglementation de son commerce, les principes d'égalité et la commu-
nauté d'intérêts qui ont été appliqués depuis longtemps dans l'extrême
Orient. »
Dès lors, le gouvernement anglais se déclara prêt à ouvrir des négo-
ciations pour la conclusion d'un arrangement international. Mais ce fut
M. de Bismarck qui en prit l'initiative, en suggérant au ministre des
affaires étrangères de la République française la convocation d'une con-
férence sur la question du Congo, et en indiquant les bases sur lesquelles
il désirait se mettre d'accord avec la France, avant d'adresser aucune
convocation aux autres puissances. L'entente avec la France obtenue,
l'ambassadeur d'Allemagne à Londres fut chargé de porter à la connais-
sance de lord Granville ce qui suit :
« L'extension que le commerce de l'Afrique occidentale a prise depuis
quelque temps a suggéré, aux gouvernements d'Allemagne et de France,
l'idée qu'il serait de l'intérêt commun des nations engagées dans ce com-
merce de régler, dans un esprit de bonne entente mutuelle, les conditions
qui pourraient en assurer le développement et prévenir des contestations
et des malentendus.
« Pour atteindre ce but, les gouvernements d'Allemagne et de France
sont d'avis qu'il serait désirable d'établir un accord sur les principes
suivants :
« 1* Liberté du commerce dans lè bassin et l'embouchure du Congo :
« 2° Application, au Congo et au Niger, des principes adoptés par le Con-
grès de Vienne en vue de consacrer la liberté de la navigation sur plu-
sieurs fleuves internationaux, principes appliqués plus tai'd au Danube ;
« 3° Définition des formalités à observer, pour que des occupations
nouvelles sur la côte d'Afrique soient considérées comme effectives.
« A cet eflfet, le gouvernement de l'Allemagne, d'accord avec celui de
la République française, propose que des représentants des différentes
puissances intéressées au conmierce avec l'Afrique se réunissent en con-
- 23 --
férence à Berlin, pour aiTÎver à une entente sur les principes énoncés
ci-dessus. »
Lord Grandville était prié de faire savoir à l'ambassadeur d'Allema-
gne si le gouvernement de S. M. britannique était disposé à participer
à la conférence projetée.
Il était prévenu qu'une invitation semblable était simultanément
adressée aux gouvernements de la Belgique, de l'Espagne, de la France,
de la Hollande, du Portugal et des États-Unis, et enfin que, pour assu-
rer aux résolutions de la conférence l'assentiment général, les gouverne-
ments d'Allemagne et de France avaient l'intention de convier toutes
les grandes puissances et les États Scandinaves à s'associer à ces déli-
bérations.
Tout en acceptant en principe l'invitation, l'Angleterre demanda des
éclaircissements et formula des réserves, ce qui entraîna l'ajournement
au 15 novembre de la réunion de la conférence, à laquelle furent encore
invités les représentants de l'Italie, de la Russie, de l 'Autriche-Hon-
grie, de la Suède et Norwège, du Danemark et de la Turquie.
Tels furent les préliminaires de la conférence africaine. Ajoutons que,
dès le début de ses séances, on a pu pressentir, par le discours d'ouver-
ture du président, prince de Bismarck, que l'on était en présence d'une
des œuvres les plus grandes de notre siècle, œuvre qui permet de conce-
voir les plus belles espérances pour l'avenir de l'exploration et de la
civilisation de l'Afrique.
« Enr conviant à la conférence » a dit le président, « le gouvernement
impérial a été guidé par la conviction que tous les gouvernements invi-
tés partagent le désir d'associer les indigènes de l'Afrique k la civilisa-
tion, en ouvrant l'intérieur de ce continent au commerce, en fournissant
à ses habitants les moyens de s'instruire, en encourageant les missions
et les entreprises de nature à propager les connaissances utiles, et en
préparant la suppression de l'esclavage, surtout de la traite des noirs,
dont l'abolition fut déjà proclamée au Congi'ès de Vienne, en 1815,
comme un devoir sacré de toutes les puissances. »
Puis, après avoir exposé le but de la conférence, conformément aux
principes de l'accord avec la France, le président a terminé par ces
paroles :
« Messieurs, l'intérêt que toutes les nations représentées dans cette
conférence prennent au développement de la civilisation en Afrique,
intérêt incessamment témoigné par des entreprises hardies d'explora-
— 24-
tion, par le mouvement commercial, parles sacrifices et les efforts faits
dans chaque nation pour l'un ou l'autre de ces buts, nous oflEre une
garantie du succès des travaux que nous entreprenons, pour régler et
pour développer les relations conmierciales que nos nationaux entretien-
nent avec ce continent, et pour servir en même temps la cause de la paix
et de l'humanité. »
C'est par des vœux pour l'heureux achèvement des travaux de la con-
férence que nous prenons aujourd'hui congé de nos lecteurs, nous réser-
vant d'exposer dans un prochain article, ces travaux eux-mêmes et les
conséquences que l'on peut légitimement en espérer.
(A suivre.)
LE BASSIN DU HAUT-0RAN6E ET DE SES AFFLUENTS
En envoyant à V Afrique explorée quelques détails sur l'annexion
récente de Thaba-N'chu à l'État-Libre de l'Orange, et .sur la situation
politique du sud de l'Afrique, je parlais à son directeur d'une coutte
expédition que je me proposais de faire au travers des Maloutis, en com-
pagnie d'un de mes collègues de Morija, M. H. Dyke. Je me fais un
plaisir d'envoyer aujourd'hui le résultat des observations que ce voyage
nous a permis de faire. Il ne s'agit sans doute que d'un petit coin de
pays, mais en géographie, comme en toute autre science, aucun détail
n'est à dédaigner. Les quelques renseignements nouveaux que je suis en
état de communiquer, ne combleront sans doute aucun vide important,
mais ils contribueront à faire mieux connaître le bassin du Haut-Orange
et de ses affluents ; à cet égard, j'ose croire qu'ils seront les bienvenus.
A première vue, il semble étrange que, dans cette partie du sud de
l'Afrique, que les colonies européennes enserrent de toutes parts, on
puisse parler encore de régions inexploréas ; quand on est sur les lieux,
on comprend mieux cette apparente anomalie. Voilà 50 ans à peu près
que le Le-Souto (ou Ba-Souto Land) est connu ; mais de fait, on n'en con-
naît qu'une partie seulement, cellequi s'étend des Maloutis au Calédon, et
l'étroite bande de terrain qui, au S.-O., sépare les derniers contreforts
des montagnes de la frontière de l'État-Libre. Plus des trois quarts du
Le-Souto sont occupés par une large chaîne de montagnes qui, à l'est, le
sépare de la Natalie et du Griqualand-East \ L'altitude de ces monta-
' Voir pour ces détails géographiques, outre les cartes ordinaires du sud de
l'Afrique, la carte du Le-Souto de M! Krûger, publiée en 1882.
— 25 —
gnes ne permet pas aux Ba-Souto de s'y établir ; le firoid trop vif de
rhiver ne laisse pas venir à maturité le mabèbé^ ou blé cafre, qui forme
le fond de leur alimentation ; mais en temps de guerre, ce fut toujours là
le refuge assuré d'où aucun ennemi n'aurait pu les déloger. C'est pour
cette raison que les missionnaires, occupés d'ailleurs par les besoins
d'une œuvre grandissante, n'ont eu, jusqu'ici, ni le temps, ni l'occasion
de les explorer. Mais ces dernières années les choses ont changé d'aspect ;
la dernière guerre avec la Colonie a fait refluer dans le Le-Souto une
foule d'indigènes chassés du Griqualand-East ou d'ailleurs ; d'autres ont
quitté leurs villages, en quôte de retraites plus sûres et moins exposées.
Les hautes et profondes vallées de l'Orange et de ses affluents ont dès
lors commencé de se peupler ; d'un autre c6té, le grand chef Letsié a
compris qu'il était dans son intérêt de faire occuper, par des hommes à
lui, tous les points susceptibles de l'être. Le mouvement ainsi commencé
depuis trois ans dure encore ; il ne s'arrêtera sans doute que lorsque des
villages existeront dans tous les endroits favorables. Deux choses détes-
tables en elles-mêmes, la guerre et la politique, ont eu, dans ce cas
particulier, l'heureux résultat de conquérir à la culture, des terres jus-
qu'ici laissées en friche. Avec l'énergie qui les caractérise, les Ba-Souto
se sont mis à labourer et à ensemencer tous les coins de terre qu'ils ont
pu trouver au fond des étroites vallées des Maloutis, de sorte que bien-
têt il n'y aura plus un pouce de terrain arable dont ils ne cherchent à
tirer parti. Quand on connaît le climat relativement froid des monta-
gnes, et les difficultés que rencontrent les premiers essais de culture,
on comprend mieux la somme de travail et de patience dont il faut
s'être armé ; c'est encore un problème pour moi, de savoir comment ces
braves gens ont pu transporter leurs lourdes charrues dans ces lieux
presque inaccessibles, à travers cet inextricable réseau de montagnes.
Je livre ce simple fait à l'appréciation impartiale de ceux qui ne voient
d'avenir pour le sud de l'Afrique que dans la colonisation européenne ;
ils seraient bien étonnés de constater que les régions les plus cultivées
sont toiqours les réserves indigènes. Â cet égard, le contraste que
présentent les champs cultivés du Le-Souto et les vastes plaines nues
de l'État de l'Orange est remarquable.
Ce qui précède fera comprendre le vrai but de notre expédition ; faire
une rapide reconnaissance à travers les monti^nes, pour constater la
position des différents centres dépopulation, et voir de quelle manière il
serait possible à notre mission de les atteindre. En général nous avons
trouvé partout une population bien supérieure en nombre à ce que nous
— 26 —
pensions. L'intérêt géographique nous guidait également; il importait à
notre curiosité, de eo&naitre un peu mieux le système hydrographique
de la région du Haut-Orange, et nous désirions virement savoir à quoi
nous en tenir sur des montagnes près desquelles nous vivions, sans
qu'aucun de nous y eût jamais pénétré. M. Dyke devant alla- à Natal
pendant les vacances des écoles, je me décidai à raccompagner jusqu'^
Tautre versant, pour me rendre d^ là au Griqualand-East, dans Tinten-
tion d'y visiter Matatiele et Paballong, deux de nos stations que je ne
connaissais pas encore. M. MabiUe et quelques autres de nos collègaes
nous accompagnèrent les deux premiers jours, jusqu'à la splendide chute
de la Maletsunyane, qu'un prêtre catholique avait vue deux ans aupara-
vant et qui piquait vivement nqtre curiosité.
On n'attend pas sans doute une relation détaillée des 8 jours de voyage
qui, de Morija (Le-Souto), m'ont conduit à Matatiele (Griqualand-East);
je ne voudrais pas abuser de la patience des lecteurs de V Afrique.
Ce qui peut le plus les intéresser, ce sont les quelques renseignements
géographiques que je suis en mesure de leur fournir. Malheureusement,
ni mon compagnon, nimoi, nous nepossédions les instruments nécessaires
pour faire des observations rigoureusement exactes ; notre bagage
scientifique se réduisait à une bonne boussole marine et à deux baro-
mètres anéroïdes. Un chronomètre surtout nous a fait défaut ; si jaxnais
l'occasion se représente de nouveau, il serait à souhaiter que nous
fussions mieux pourvus. D'ailleurs les distances se sont toujours trouvées
plus grandes que nous ne pensions, et la crainte constante de voir nos
provisions arriver à leur fin, ou d^être arrêtés par la crue des fleuves, ne
noQs eût pas permis de nous arrêter longtemps nulle part. Je ne parie
pas de la fatigue inséparable d'un voyage à cheval, dans un pays aussi
coupé que celui que nous avons traversé ; un coup d'osil jeté sur nos
notes barométriques montrerait tout ce qu'il nous a fallu monter et des-
cend^ chaque jour et, comme nous, on s'étonnerait que nos chevaux
aient supporté une semblable fatigue. Ce que je regrette le plus, c'est
que, nulle part, il ne nous ait été possible de déterminer soit une longi-
tude, soit une latitude. Pour la latitude cela est peut-être moins regrolr
table, puisque, ayant marché presque constamment dans la direction de
l'est, pour arriver aux sources de l'Umzimkulu, nous n^avons guère
dévié de la latitude de Morija (29 degrés 40 min. environ). Le manque
de données exactes sur la longitude des différents lieux que nous atons
traversés est infiniment plus regrettable, puisqu'il nous est ainsi impos-
sible d'évaluer les distances un peu exactement. La largeur des monta-
— 27 —
gués, de M<nija à la Kgne de faite âe la chaîne qui sépare T Orange de
la Natalie, doit être au moins aussi grande qne celle qu'indiquent lea
cartes de Stieler ou de Jcdinstoii, peut-être même la dépasse-t-elle : pour
le moment je ne puis savoir si la triangulation des frontières de Natal et
do Griqùaland-East a jamais été sérieusement faite. Jusqu'à TOrange
nous avons eu (haltes déduites) 35 heures de marche à cheval, mais, vu
les difficultés de la route, les montées crt les descentes, les détours inévi-
tables, il nous est impossible de faire un calcul même approximatif; de
rOrange à la ligne de faite, il faut encore compter 7 à 8 heures de cheval.
Les Maloutis sont un des membres de la grande artère de montagnea
du sud de TAfrique, qui, après avoir porté, dans la Colonie, les noms de
Nieuweveld Mountains, SneuwBerge, Stûrmberg, prwd, entre la Natalie
et l'État de l'Orange, le nom de Drakensberg, et se prolonge au nord,,
à travers le Transvaal, jusqu'au Limpopo. La plupart des géographes
appellent Drakensberg (en cafire Qathlamba) toute cette partie de la
chaîne qui, du Tembuland, s'étend jusqu'à la frontière du Transvaal, et
s^are le Le-Souto et l'État-Libre, du Griqualand-East et de la Natalie.
D convient sans doute de lui conserver cette appellation, pourvu qu'on
la restreigne à la haute et étroite chaîne qui se trouve au sud de
l'Orange, et qui est certain^nent la continuation du système de monta-
pes de la Colonie et des Drakensberg • de Natal. Les 3 ou 4 chaînes
parallèles qui occupent toute la longueur du Le-Souto sont nommées
Maloutis par les indigènes. Avec la chaîne des Drakensberg, au sud de
l'Orange, les Maloutis forment une grande région de montagnes, le
centre géc^aphiqué de l'Afrique du sud. Ce vaste massif de montagnes
se compose de 4 ou 5 chaînes parallèles qui, ayant au N.-E. leur com^
mune origine au Mont aux Sources, traversent le Le-Souto d'un bout à
l'autre, et vont se perdre au S.-O. de l'État de l'Orange, oti eUes finissent
par ne plus être que de Itères ondulations. C'est à peu près le même
phénomène que celui que les Alpes nous présentent en Suisse, celui d'un
élargissement considérable dans la région oii elles atteignent leur plui&
grande élévation. Par sa position géographique, le Le-Souto rappelle
donc la Suisse ; il est, ausud de l'Afrique, ce que la Suisse est en Europe,
le centre du système fluvial. Ces différentes chaînes longitudinales sépa-
rent les uns des autres l'Orange et ses principaux affluents, le Senku-
nyane, ou Petit Orange, et la Makhaleng * (le Comet-Spruit des cartes).
^ Saaf quelques corrections nécessaires pour des lecteurs européens, je conserve
aux noms propres Porthographe se-souto.
— 28 —
Bien que se ressemblant à beaucoup d'égards, ces chaînes diffèrent
entre elles, tant par Taspect général que par leur altitude.
J'essaierai de donner leurs altitudes aux points où nous les avons tra*
versées, en faisant remarquer que presque nulle part le temps ne nous a
permis de gravir les sommets ; ces chiffres indiquent presque tous la
hauteur des cols ; lorsqu'il en sera autrement je l'indiquerai spéciale-
ment ' . La première chaîne à partir du Le-Souto, celle qui sépare la
Makhalaneng, de la Makhaleng, dont elle est un des affluents a été tra-
versée à l'altitude de 2018". Entre la Makhaleng et le Senkunyane,
se trouve un haut plateau herbeux et ondulé, assez étendu, d'une éléva-
tion moyenne de 2200™, bordé de chaque côté par une haute chaîne de
montagnes; à l'ouest, celle de Thaba-Puttoa (montagne grise), nous a
donné une altitude de 2520" ; celle de l'est serait un peu plus basse,
n'ayant que 2477". Il faut noter qu'ici, les cols sont sensiblement moins
élevés que les sommets qui peuvent bien avoir 1000 à 1200" de plus. Du
côté de l'est, les montagnes descendent presque perpendiculairement dans
l'étroite et profonde vallée du Senkunyane (1604"); à l'ouest, au con-
traire, elles s'élèvent du lit de la Makhaleng (environ 1700") par une
série de gradins.
Plus haute que ces 3 premières chaînes semble être celle qui sépare
du Senku (ou Orange) le Senkunyane ; pour la traverser nous avons
d'abord suivi pendant un jour et demi la vallée de la Lesobeng (affluent
de gauche du Senkunyane), rivière qui coule presque directement de
l'est à l'ouest. Il nous a été facile d'atteindre ainsi un haut plateau fort
large, d'environ 2870" d'altitude, où nous avons passé la nuit; ce pla-
teau est bordé k l'est par une haute paroi qui le sépare de la vallée du
Senku. Nous l'avons traversée le jour suivant, à un col d'une altitude
d'environ 8420"; le sommet qui le domine n'a que 60" de plus. La
vue dont on jouit de là sur toutes les chaînes des Maloutis est réellement
grandiose. C'est la plus haute altitude que nous ayons atteinte (3480");
cette quatrième chaÎQe, appelée Ditsuetsue par les indigènes, est peu
coupée et sans sommets saillants ; c'est une longue crête presque sans
' Je donne ces chiffres pour ce qu'ils valent; chacun sait qu'une observation
purement barométrique ne doit être admise qu'avec quelques réserves; mais
comme, au Le^Souto, le baromètre ne varie jamais que de quelques miUimètres,
l'altitude réelle ne saurait être bien différente. Pour réduire les indications du
baromètre, je me suis servi des tables de correction de M. IRadau (Paris, Gauthier-
Villars, 1872).
— 29 —
échancrurea. Certaines cimes cependant paraissent sensiblement plus
élevées que celle que nous avons gravie, et que, faute d'un nom indigène,
nous avons appelée Mont-Hamilton ; les géographes lui conserveront-ils
ce nom? Autant qu'on peut en juger de là, par un simple coup d'œil, la
cinquième chaîne longitudinale, celle qui sépare la vallée de V Orange du
Griqualand-East et de la Natalie, semble être plus haute ; mais les cols
en étant sensiblement plus échancrés^, et le manque de temps ne nous
ayant permis, lorsque nous la traversâmes, de gravir aucun sommet, il
est difficile d'affirmer qu'elle le soit réellement. Après avoir quitté
M. Dyke sur les bords de l'Orange, en me dirigeant dès lors droit au sud,
j'ai traversé beaucoup plus bas cette dernière chaîne, à un col d'une alti-
tude de 2750" environ ; les sommets que |'ai vus dominent les cols de très
haut. Avant d'y arriver, j'ai encore eu à traverser, à une altitude
moyenne de 2500" à 260O", plusieurs chaînes transversales qui sépa-
rent les uns des autres les divers affluents de l'Orange ; toutes ces chaî-
nes secondaires paraissent également avoir de très hauts sommets.
Si nos observations barométriques ne sont pas absolument exactes,
elles prouvent, en tout cas, que l'altitude générale des Maloutis est bien
supérieure à ce qu'on pensait généralement, et que les cartes anglaises
qui parlent de 10,000 pieds sont bien au-dessous de la vérité. Nous avons
constaté nous-mêmes une altitude de plus de 3480^, et je n'ai aucun
doute, que quelques-uns des sonmiets des deux dernières chaînes n'attei-
gnent à la hauteur de près de 4000 mètres.
Pour en finir avec ce genre de renseignements et donner quelque idée
de la profondeur des vallées, j'ajouterai l'altitude des rivières à l'endroit
cil nous les avons traversées : la Makhalaneng, 1648"* ; la Makhal^sg,
1700" environ ; le Senkunyane (à son confluent avec la Lesobeng), 1604" ;
le Senku, 1857", etc. On voit par ces chiffres que les rivières coulent en
général dans de profondes vallées, encaissées entre de hautes monta-
gnes ; le fond des vallées est d'ordinaire fort étroit, ne laissant de place
que pour la rivière et les saules qui la bordent. Par place, la gorge s'élar-
git assez pour permettre aux habitants d'établir quelques champs sur les
bords du fleuve; c'est près de là qu'on place les villages, bâtis ordinai-
rement, de 60" à 250" au-dessus du fleuve, sur les premiers gradins des
montagnes.
Je me rends bien compte de tout ce qu'il peut y avoir de défectueux
dans ces renseignements orographiques ; mais ils ont l'avantage d'être
le fruit d'observations personnelles, et quoique incomplets, ils sont sans
doute justes dans leur généralité. Je n'ai parlé que des grandes lignes,
— 30 —
laissant de eftté toutes les isukombrables chaines tmoArersales, plus m
moins iiQiMHrtajites, que nims avoiis vues on traversées, et dont Tendie-
vétrement rendra, pour longtemps, bien difficile la géographie des
Maloutis. £n faine U carte serait, à l'heure qu'il est, poresque impossible;
ce qui double encore la difficulté, c'est l'absence de noms propres pour
les montagnes. Le se-souto, si riche à tant d'égards, est pauvre en
noms propres, surtout pour les laontagnee ; peu de montagnes <mt un
noin« et l'on retrouve les mtexes un peu partout; j'ai d^à vu tant de
Thaba-Telle (haute montagne), de Thaba-Ntsu (ittontagne noire), de
Thaba*Tsuen (montagne bknclie), etc., que ma mémoire rebelle ne sait
plus oii les placer.
Je passe maintenant h un^» -courte esquisse de l'hydrographie, des
Maloutis ; il me sera plus facile d'être complet, et les renseignements
une je puis donner sont assez précis, puisque nous avons traversé nous-
mêmes la plupart des cours d'eau importants, et n'avons pas eu de peine
à en constater la direction générale. Pour ce que nous n'avons pas vu,
les renseignement que nous avons obtenus des indigènes sont assez
sArs, et concordât assez parfaitement pour qu'on puisse leur accorder
pleine confiance.
L'Orange ou Senku ^ sort du Mont aux Sources; il court d'abord
au S.-E., puis au sud; vers 29 degrés 20 minutes, àpeUiprès, il reçoitde
gauche son premier grand affinent, la S^nèna, qui vient du N.-E., de
Giant's-Castle et de Bushman's-Pass. Dans ca^taines cartes, celle de
Johnston, par exemple, c'est cette branche qui porte le nom de Senku;
lesrenseignements très exacts que nous avons pu recueillir nous prouvent
ime c'est une erreur, et que le cours d'eau principal est effectivement
<^elui qui vient du Mont aux Sources; c'est à lui d'ailleurs que les indi-
gènes conservent le nom de Senku. Nous n'avons pas vu la Semèna elle-
même, ayant passé l'Orange, à quelques lieues au-dessus du confluent
de ces deux rivières, mais de loin nous avons pu observer sa large vallée,
dont la direction est bien du N.-E. au S.^0. Arrivé au point où nous
l'avons traversé, c'est-à-dire à peu près vers 29 degrés 40 min. de lati-
tude, l'Orange coule au S.-S.-O. , pour se diriger, un peu en aval,
<lirectement au S.-O.
Passablement plus bas, soit à peu près à 30 degrés de latitude, le
^ Le nom de Senku vient des Bushmen ; les Ba-Souto l'ont adopté. Dans ce nom,
ainsi que dans celui de Senkunyane, le k représente un de ces étranges dicks^ qui
sont une des particularités les plus remarquables de certaines langues africaines.
— 31 —
Senku reçoit de droite son plus grand affluent, le Senkunjane (Petit
Senku). C'est une rivière rapide et profonde; son volume d'eau est con-
sidérable. Autant que nous avons pu le constater, elle coule dans une
ibrection générale du nord au sud, sauf probablement vers ses soiB'ces
et près de son confluent avec le Senku. Le S^kunyane a ses sources
sur de hauts plateaux, quelques lieues au-dessous de celles du Senku ;
oertaines cartes (ceUe de Erûger, enAre autres) le font -sortir du mont
aux Sources ; c'est là une erreur qu'il faut corriger, d'après les dires de
tous les natifs que nous avons interrogés. Vers 29 degrés 40 min., le
Senkunyane reçoit de gauche un affluent assez important, la Lesobeng,
^ coule dans de profondes gorges ; les Bushmen dont elles furent la
retraite jusque vers 1870, en ont orné les nombreuses cavernes, de leurs
curieuses peintm^. Le cours général de la Lesobeng est de l'est à
l'ouest; à peu près à trois lieues de sa jonction avec le Senkunyane, elle
fléchit au S.-O., après avoir reçu, de droite, un affluent, la Mantsunyane.
Nous avons remonté la Lesobeng, de son embouchure à sa source, pen-
dant un jour et demi.
Ce n'est que pour mémoire que je parle ici de la Makhaleng (Comet-
Spruit) qui, comme toutes les cartes ^indiquent, se jette beaucoup plus
bas dans l'Orange, à la frontière du Le-Souto et de l'État-Libre, non
loin de la station missionnaire de Béthesda. EUe ne reçoit qu'un affluent
de droite, la Makhalaneng, ou Petite Makhaleng, qui se joint à elle, un
peu au S.-E. de Morija. La plupart des cartes, sans doute par suite
d^une confusion avec le Senkunyane, ont une tendance à faire remonter
la Makhaleng beaucoup trop haut, parfois même jusqu'au Mont aux
Sources; c'est également une erreur, puisqu'elle a ses sources à peu
près à la hauteur de la station de Cana, un peu au-dessus de la grande
montagne de Machacha. Son volume d'eau, quoique considérable, est bien
inférieur à celui du Senkunyane, qui est, après le Senku lui-môme, la
plus importante des rivières des Maloutis.
Il ne reste plus qu'à parler des autres affluents de l'Orange; la
Makhaleng et le Senkunyane ne paraissent pas en avoir en dehors de
ceux que j'ai déjà nommés. Outre le Senkunyane, l'Orange ne reçoit de
droite que trois affluents, peu importants d'ailleurs ; au nord, entre
29 degrés et 29 degrés 30, la Matsoku, que nous n'avons pas vue;
en-dessous de sa jonction avec le Senkunyane, l'Orange reçoit encore la
Maletsunyane avec son affluent, la Letsunyane, dont je parlerai bien-
tôt plus en détail, puis la Ketane qui a pour affluent la Kuatsing.
ÎDe gauche, le Senku reçoit un nombre d'affluents bien plus considéra-
--- 32 —
ble, 12 à 13 au moins, en ne comptant que les rivières d'une certaine
importance. Jusqu'ici les meilleures cartes (celle de Erûger, par ex.) ne
donnaient que la Kuting, la Sebapala, la Masitise et la Tele; pour cette
raison je n'ai pas besoin d'en parler, non plus que de la Semèna^ dont
j'ai fait mention plus haut comme premier grand affluent de l'Orange.
Plus bas que la Semëna se trouvent trois autres rivières, la Hakhidi, la
Dinakeng et la Mashai, dont notffî devons la connaissance aux dires des
indigènes, mais dont nous avons pu fort bien reconnaître les vallées ; en
me rendant de l'Orange à Matatiele, j'ai traversé du nord au sud
quatre autres rivières, affluents de l'Orange: la Mangolong,la Eudua,la
Medikane et la Tsuedikue ; enfin, entre la Tsuedikue et la Kuting, se
trouve une dernière rivière, la Suadi, que d'autres ont vue. Tout cela
n'est qu'une nomenclature, mais je la crois aussi complète que possible;
si quelques cours d'eau ont pu être oubliés, c'est plus au nord qu'il fau-
dra les chercher. De tous ces affluents, les plus importants sont sans
doute, entre la Tsuedikue et la Sebapala, la Semèna et la Mashai.
Comme la vallée de l'Orange, presque toutes les vallées de ces rivières
sont couvertes de villages ; leur direction presque constante est du
N.-E. au S.-O., sauf la Kuting, la Sebapala et la Tele qui coulent du
S.-E au N.-O.
Toutes ces rivières ou fleuves^ des Maloutis se ressemblent du plus au
moins; encaissées, rapides, torrentueuses, elles sont sujettes, après un
orage ou de fortes pluies, à des crues subites ; pendant des semaines elles
peuvent ainsi couper toutes les communications. Pour cette raison, des
fleuves de la largeur du Senku ou du Senkunyane sont parfois, pour le
vèyageur un véritable danger; aussi, en été, la traversée des Maloutis
serait dans certains cas une entreprise assez hasardeuse. Nous l'avons
faite au bon moment (du 3 au 10 octobre), lorsque les eaux encore bas-
ses ne nous opposaient aucun obstacle sérieux. Une ou deux s^naines
plus tard nous aurions pu nous en trouver plus mal ; je le compris bien au
retour lorsque, entre Matatiele et Masitise, la Kuting et la Sebapala,
enflées par les pluies faillirent m' arrêter quelque temps.
La Maletsunyane, seule, fait exception à la règle générale, du moins
pendant la première partie de son cours ; elle coule pendant quelques
lieues sur le haut plateau, de 2200" d'élévation moyenne, qui s'étend
entre la Makhaleng et le Senkunyane, et durant tout ce trajet ses eaux
sont, chose rare en Afrique, presqu'au niveau du soL Son lit est formé
d'une couche de quartz, et parsemé de paillettes scintillantes et de belles
rainures blanches qui brillent, aiï travers de l'eau. J'en parle ainsi m
— 33 —
•
détail à cause de la magnifique chute qu'elle fonue au sortir du haut
plateau; c'est un des spectacles les plus grandioses que le sud de rAM-
que puisse pr^enter, et certainement la merveille du Le-Souto, peu
riche d'ailleU3rB en vraies beautés naturelles. La rivière, large de 7 à 8""
quand les eaux sont basses, se précipite d'un seul bond dans un profond
abîme, bordé de tous côtés par d'immenses rochers perpendiculaires. Â
300 ou 40Qr du bas de la chute, l'eau s'jéehappe à gauche par une gorge
extrêmement resserrée; lorsque dushaut des rochers d'où la rivière
s'élance en boulonnant, on contemple le terrible spectacle qu'on a sous
les yeux, on ne voit qu'un gouflEre profond qui semble sans issue, et l'on
se demande avec étonnement par où l'eau se fraie un chemin. On peut,
en se couchant sur un rocher plat, à un mètre de la cascade, voir au-des-
sous de soi, au fond de l'abîme, l'eau tomber avec un bruit assourdissant.
D est peu déchûtes qu'on puisse voir aussi bien et d'aussi près. Cepaysage
a quelque chose de grand et de sauvage qui saisit vivement l'imagina-
tion ; c'est un genre de beauté auquel je n'étais pas habitué, mais qui ne
m'a que plus fortement frappé. Si je ne craignais de faire une trop écra-
sante comparaison, je dirais que toute la configuration de la chute et de
son entourage m'a rappelé les belles cartes que Holub donne des chutes
du Zambèze ; mais rappelons-nous qu'ici il ne s'agit que d'une rivière
sans imi>ortance, tandis que là, c'est un des plus grands fleuves de
l'Afrique équatoriale qui, d'une seule masse, se précipite dans un abtme
sans fond.
D'en bas, où l'on ne parvient pas sans peine, le spectacle n'est pas
moins merveilleux ; on se sent comme écrasé par ces gigantesques
murailles de rochers qui se dressent devant vous ; pour voir le bleu du
del il faut lever bien haut les yeux. Quelques arbres verts, où jouent des
singes, un frais gazon et des fleurs d'un rouge éclatant, donnent à cette
gorge sauvage un charme tout particulier, d'autant mieux apprécié qu'il
est plus rare au Le-Souto. Cette chute de la Malet sunyane est une des
curiositésnaturelles les plus remarquables qu'ilm'ait encore été donné de
contempler ; nos cascades suisses les plus vantées ne sauraient en donner
une idée. D'après des observations barométriques prises en haut et en
bas de la chute, la même après-midi, au niveau de l'eau (2051°',7 et
1870",8), la hauteur totale de la chute est de 180",9, c'est-àrdire environ
600 pieds. La rivière se précipite d'un seul bond, sans qu'aucun rebord,
aucune corniche vienne briser son élan, et n'arrive en bas qu'à l'état
de fine vapeur blanche que le vent fait voler dans tous les sens. Les
rochers qui l'entourent ont une centaine de mètres de plus, soit à peu
- 34- .
près 280 à 290», Teau ayant, dans le cours des siècles, pr^rfondénMiit
rongé son lit de quartz. Il est certainement étrange qne, âepins einçoante
ans qu'ils sont dans le pays, les missionnaires n'aient jamais ehtenda
parler d'une si admirable merveille ; un Uanc la découvrit par hasard,
en remontant l'Orange, il y a environ deux ans, et dès lors, outre le
résident britannique, col. Glarke, qui vient de la visiter, nous sommes
probablement les seuls Européen qui l'ayons vue. Les Ba-Souto ne la
connaissent-ils eux-mêmes que depuis peu ? Ou bien devons-noro y voir,
une fois de plus, à quel point ils manquent de sens pour lôs beautés de la
nature? Si l'accès des lieux étaient moins difficile (la cascade se trouve
h deux journées à cheval de Morqa, d'où elle est le plus facilement aôee&*
sîble) et le pays plus connu, le pororo (cascade) de la Maletsunyane,
deviendrait bien vite un des sites les plus visités du sud de l'Afrique, et
ne tarderait pas à être rangé parmi les plus belles chutes connues.
A côté de cette remarquable curiosité naturelle, je ne parle que pour
mémoire d'une autre, moins belle sans doute, mais plus étrange encore,
le trou (lesoba) qui a donné son nom à la Lesobeng. C'est une grande
arche naturelle, très hardie, d'un diamètre d'une centaine de pieds,
formée d'un seul bloc de rochers ; elle se trouve sur les bords de la
rivière, au-dessus des belles gorges dont j'ai parlé plus haut.
Ces montagnes doivent sans doute receler dans leurs flancs de riches
trésors minéraux ; toutes les analogies se^mblent l'indiquer. Nous n'avons
vu que du fer, en fort grande quantité probablement, puisque, pendant
quelques heures, notre boussole était comme prise de vertige lorsqu'on
l'approchait des lourds fragments de rocs qui jonchaient le sol. Notrepeu
db connaissances géologiques ne nous eût d'ailleurs pas permis de fiedre
de plus importantes trouvailles minéralogiques. Si les Maloutis possè-
dent des mines d'or, puissent-ils longtemps encore les cacher à tons les
regards ; une telle découverte serait, dans l'état actuel du sud de l'Afrique,
le coup de mort porté k l'indépendance d'une tribu, que Boers et colons
détestent également, etdontils convoitent le pays fertile. Jusqu'icion n'ya
trouvé que du fer et du chari)on, dont personne encore n'a songé à tirer
parti ; il faudrait pour cela des voies de communication qui n'existeront
pas avant de longues années.
Cette lettre est bien longue, je le crains; j'aurais voulu surtout pou-
voir y mettre plus de clarté. Telle qu'elle est cependant, elle contient
certains renseignements inédits et contribuera, je l'espère, à enrichir,
de quelques données nouvelles, la géographie du bassin du Haut-Orange,
spécialement au point de vue orographique et hydrographique. Quel-
— 35 —
ques autres blancs opt sans doute, avant nous, traversé ces montagnes,
mais aucun ne l'a fait par une route aussi favorable que celle que M. Dyke
et moi nous avons suivie ; parmi eux personne, que je sache, n'a fait
part au public du résultat de ses observations. Nous avons donc droit de
prétendre à donner des renseignements nouveaux. La Société des mis-
sions de Paris avait été la première à fournir à la géographie des données
dignes de foi sur le Le-Souto et le pays «itué entre l'Orange et le Vaal ;
c'est également à MM. Arbousset et Daumas qu'est due la découverte
du Mont aux Sources, le centre du système fluvial de l'Afrique australe.
Il était naturel que ce fût elle aussi qui se chargeât de l'exploration des
Maloutis, dont les différentes chaînes couvrent une si gnmde portion du
pays qu'elle occupe.
Mais je tiens à le répéter : notre but en les traversant était avant tout
un but missionnaire; à ce point de vue, notre court voyage a pleinement
réussi; nous sommes en possession des renseignements qu'il nous fallait,
et notre mission devra maintenant chercher àsuivre, jusqu'ausein de ces
montagnes, ces nombreuses ipopulations privées de tout moyen d'Instruc-
tion. Il y a làun nouveau champ d'activité qui s'ouvre devant nous, et no-
tre devoir est d'y entrer avant qu'il soit trop tard. Vu les rapports
intimes qui existent entre l'oeuvre missionnaire et l'œuvre civilisatrice, me
serait-il permis de recommander ici-même ce fait à l'attention detousles
vrais amis des natifs ? Il serait triste que, faute de ressources et d'appui
du dehors, nous fussions obligés d'abandonner à leur ignorance et k
leurs vices ces milliers de Ba-Souto que la Providence a poussés dans nos
bras.
Je n'ai pas besoin non plus de faire remarquer, en terminant, quel
beau témoignage ce mouvement de la population vers les Maloutis porte
en faveur des Ba-Souto. Certainement il n'est pas paresseux ce peuple
qui va chercher, au fond de montagnes presqu'inaccessibles, des terres
à défricher et cultive à la sueur de son front un sol aride et infécond, et
qui, malgré les épreuves et les difficultés qui l'attendent, préfère le tra-
vail avec l'indépendance à la demi-servitude dans les villes de la Colonie»
où tant de noirs vivent presque sans travail. Cette simple observation
peut corriger de fausses impressions dans l'esprit de plusieurs ; on ne
connaît guère en Europe les natife de l'Afrique, ou d'ailleurs, que par
les récits de colons toujours prêts à cacher sous d'habiles sophismes
l'égolfime de leur politique. Il est utile de relever quelquefois l'autre
cftté de la question Bt, puisque V Afrique explorée m'ouvre largement
ses pages, je profiterai de toutes les occasions pour le mettre en lumière.
Morija (Ba-Souto-Land), 5 novembre 1884. E. Jacottet.
— 36 —
CORRESPONDANCE
Les spiritueux au Traits vaa.1.
Lausanne, 19 décembre 1684.
Monsieur le Directeur.
Je ne saurais assez vous remercier, en ma qualité de missionnaire, de vos efforts
pour attirer l'attention du monde civilisé sur le mal causé par les spiritueux en
Afrique.
Il faut avoir été témoin des ravages moraux et matériels que cause l'usage des
spiritueux chez les blancs et les noirs des colonies, pour être persuadé d'une
chose, c'est que, si un frein n'est pas mis à la cupidité des marchands sans con-
science, qui ruinent ces pays, il n'y a pas grand chose à espérer, pour l'Afrique,
des projets de civilisation chrétienne qui attirent aujourd'hui les regards.
On peut dire que la plaie de l'alcoolisme, qui ronge notre pays, menace de tous
les côtés cette Afrique sans défense; et qu'elle est le plus grand obstacle au déve-
loppement normal des ressources de ce continent.
Au Transvaal, il y a tout un code de lois sur la fabrication, la vente et le débit
des spiritueux, édicté par le gouvernement anglais après l'annexion, et ces règle-
ments ont encore aigourd'hui force de loi. Ils portent en principe qu'aucun débit
de spiritueux ne peut être ouvert sans que la permission en ait été accordée par
le gouvernement, sur la demande d'une commission de district, chargée de donner
ou de refuser l'autorisation demandée. Des amendes très fortes sont imposées à
ceux des débitants qui vendent des spiritueux falsifiés, à ceux qui en vendent à
des ivrognes, à des mineurs (de moins de 16 ans), et aux domestiques noirs.
Mais la connivence des préfets et des syndics rend la loi de nul effet, et nous
avons eu le chagrin de voir, aux Spelonken en particulier, presque chaque bou-
tfque se transformer en débit de spiritueux. On allait même jusqu'à créer ou exciter
la passion des liqueurs fortes en en dormant comme présent à ceux des noirs qui
avaient acheté des marchandises, et à les presser de prendre plutôt un petit verre
qu'un mouchoir.
Après avoir longtemps lutté et cherché à ramener à de meilleurs sentiments les
marchands du pays, en leur montrant qu'ils agissaient contre leurs intérêts en
rendant les natifs incapables de tout travail et de tout progrès, nous jugeâmes
nécessaire -d'attirer l'attention du gouvernement sur ce qui se passait dans notre
district. Le commissaire en chef des natifs des Spelonken, M. Albasini, qui autre-
fois s'était fort irrité contre moi de ce que je l'avais empêché d'ouvrir un débit
de boissons alcooliques fut le premier à me suggérer cette idée, tant il lui deve-
nait difficile de gouverner ses administrés.
Nous écrivîmes donc au gouvernement une lettre, qui fut signée par tous les
missionnaires berlinois et vaudois des Spelonken, pour supplier le gouvernement
de faire respecter la loi.
Le conseil exécutiC nous répondit une lettre très aimable, mais caractéristique.
— 37 —
Tout en nous remerciant de nos bonnes intentions, et en noas assurant que la lo|
serait respectée, elle nous invitait, nous missionaaires, à nous faire délateurs et à
dénoncer toutes les contraventions à la loi, c'est-à-dire que, pour chaque cas, nous
aurions eu à faire un voyage de 8 jours aller et retour pour déposer notre plainte,
pois à trouver des témoins sûrs et incorruptibles, et enfin nous aurions été exposés,
dans le cas d'un échec, à des dommages-intérêts considérables. De plus, une telle
manière d'agir, nous aurait d'emblée exposés à l'animadversion publique.
Au moment où je me préparais à partir du Transvaal, j'ai entendu parler d'un
projet de vaste pétitionnement, des missionnaires du Transvaal et des citoyens
bien pensants, pour amener le gouvernement à interdire formellement la vente
des spiritueux aux noirs. — Mais le gouvernement, M. Kruger en tête, qui a inau-
guré officiellement l'ouverture de ce qu'on appelle « la première fabrique du
Transvaal, > c'est-à-dire la première distillerie en grand (celle dont parle votre
article *), pourra-t-il et voudra-t-il faire son devoir ? La vente des spiritueux
amène trop d'argent dans le trésor, pour qu'un gouvernement qui est au-dessous
de ses affaires n'y regarde pas à deux fois.
En attendant, ce sont les églises qui donnent l'exemple. Il est entendu, dans
les nôtres, qu'en devenant chrétien^ on renonce à l'usage des spiritueux et de la
bière forte des indigènes. Les églises des missionnaires berlinois du nord du
Transvaal ont adopté la même mesure, et ont passé de la tempérance à l'absti-
nence pour bonnes raisons. Aux grands maux les grands remèdes.
Sur la côte orientale, les Portugais et les Banyans venus des Indes font un
commerce considérable d'eau-de-vie et viennent même jusque chez nous. Us
apportent de l'alcool concentré à tel point qu'une cuillerée à soupe suffit pour
faire une bouteille d'eau-de-vie. — C'est à des scènes abominables que l'on assiste,
qaand on arrive dans un village après le passage d'un de ces marchands d'eau de
mort.
L'hiver dernier, j'arrivai dans une tribu de Thongas, chez Madjadji, juste à.,
temps pour faire fuir deux marchands portugais qui nous prirent, de loin, moi et
mes gens, pour des douaniers du gouvernement.
Si tous les chrétiens et toutes les sociétés philanthropiques et missionnaires ne
s'unissent pas pour limiter, ou supprimer cet odieux trafic, ceux qui sèment la
mort la récolteront.
Parlez d'industrie, de produits agricoles, à ceux qui sont sans défense devant
ce vice, dites-leur de travailler, de s'instruire, de penser à la vie éternelle, c'est
à peu près peine perdue.
Prévention ia hetter thon cure, dit un proverbe anglais; puissent les nouveaux
États-Unis d'Afrique s'en souvenir, pour le bien moral et la prospérité des innom-
brables tribus avec lesquelles ils seront en contact !
Ernest Creux, miss*.
* Voy. Y* année, p. 295.
— .38 —
BIBLIOGRAPHIE «
Étitpbs et «ovvbkibs D'AFEiauE. D'Alger à Zanzibar^ par le P.
Oiarmetantt Paris (Librairie de la Société bibliographique), 1881, in-18.
176 p., avec cartes, 1 fr. — Ouvrage d'une lecture facile et agréable,
racontant le voyage de Marseille & Zanzibar par la Méditerranée, le canal
de Suez, la mer Rouge et l'Océan Indien, avec escale à Port-Saïd et à
Aden. Le P. Charmetant, un des nombreux missionnwBs d'Alger
envoyés dans l'Afrique orientale, sait émailler son récit d'anecdotes et
de remarques très judicieuses, si clairement exprimées que son livre est
tout à fait à la portée de la jeunesse. On lira avec intérêt sa descriptioD
d'Aden, au climat brûlant et aux environs complèt^neut stériles, dans
laquelle il dut séjourner trois longues semaines pour attendre un bateau
de la Compagnie British-India, qui, en dix ou douze jours, conduit à
Zanzibar. Chemin faisant, il raconte une entrevue qu'il eut avec Gordon-
Pacha, alors gouverneur du Soudan égyptien (1879), et fait une petâte
digression en décrivant Obock que, du reste, il n'a pas vu et qu'il écrit
Hobok, parce que, dit-il, les indigènes, en prononçant ce mot, le font
précéder d'une aspiration.
Madagascar, par H. Gastojinet des Fosses. Paris (Libr. de la Soc.
bibliographique), 1884, in-18, 176 p., avec carte. Fr. 1. — La grande fle
africaine n'occupe pas les esprits au même degré que le Tonkin, à cause
du peu de changement qu'offre la situation militaire. Les deux armées
française et malgache restent dans leurs positions, la première, par suite
de l'insuffisance de son effectif, et il ne semble pas que la diplomatie soit
en mesure de régler à elle seule la question. Il faudra, malheureusement,
là comme partout, recourir aux moyens violents. En attendant que la
parole appartienne au canon, M. Castonnet des Fosses nous donne une
petite monographie populaire de l'tle, bien écrite et touchant à tous les
domaines. Peut-être la géographie physique et l'ethnographie, qui don-
nent lieu à tant de remarques curieuses, auraient-elles pu être déve-
loppées, et l'histoire moins captivante des tentatives de colonisation
française, écourtée. Quoi qu'il en soit, le livre se lit avec intérêt et
conduit les lecteurs jusqu'aux derniers événements. II est accompagné
' On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bàle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et dviUsée.
— 39 —
4e la carte de Tfle, publiée par rJSepîc^o^ion, et qui aurait dû être mise
à jour.
DsuTSCHZASDS KoLoij^EN. Elu Beitrag zur Eolooisationsfrage, von
Mbrecht Franziua. Zweite Àuflage. Bremen (J. Ktlhtmann et C'), 1884,
in-S""» 28 p. — La prise de possesaion par rEmpire allemand de trois
t^ritoires plus ou moins étendus le long de la côte occidentale d'Afri-
que, a ôté àces quelques pages l'intérêt d'actualité qu'eUes présentaient,
lorsque la question coloniale allemande n'avait pas encore passé du
domaine de la théorie et de la discussion dans celui des faits accomplis.
Alors on pouvait encore chercher, comme le fait M. Franzius, quel serait
le pays le meilleur pour y diriger le courant si puissant de l'émigra-
tion allemande. Aiyourd'hui, l'on se demande quels émigrants pourront
recevoir les territoires de Togno, de Cameroon, et du Lftderitzland : des
mineurs, des agriculteurs, ou des commerçants ? Néanmoins, la partie
de l'étude de M. Franzius consacrée à la revue historique des colonies
créées par les Phéniciens, les Grecs, les Romains, par Venise et Gênes,
puis pax les Portugais et les Espagnols, les Hollandais, les Anglais et
les Français, conserve toute sa valeur conmie étude des causes de la
prospérité ou de la décadence des établissements coloniaux.
Reikhold Buchholz' Rbisek in West-Afrika von Cari Heinersdorff.
Leipzig (F.-A. Brockhaus), 1880, in-8°, 264 p. avec gravures et une carte,
fr. 8. — Aujourd'hui que les nouvelles acquisitions allemandes sur les
côtes du golfe de Guinée et la réunion de la Conférence internationale
du Congo attirent toute l'attention sur l'Afrique occidentale, on lira
avec fruit cet ouvrage, dans lequel M. Caxl Heinersdorflf raconte les
voyages, de son ;.mi Reinhold Buchholz, bien connu des personnes au
courant des affaires africaines, pour ses explorations au Cameroon et au
Gabon. Ce récit a été fait d'après le journal du voyageur et ses lettres
à ses amis d'Europe. C'est en juin 1872 que Buchholz pai'tit de Greifs-
wald, oii il occupait, à l'université, la chah*e de professeur de zoologie,
pour le golfe de Guinée. Après avoir touché à Accra, Whydah, Lagos,
Bonny, il arriva au Cameroon en octobre de la même année. De cette
date, jusqu'en août 1874, il visita la région avoisinante, c'est-à-dire
yict(Ȕa, Bimbia, Benjonjo, Abo, Mungo, Bungia et Balong. Ensuite il
fit deux voyages dans la direction du sud : le premier, au Gabon ; le se-
cond, au Gabon et à l'Ogôoué, en touchant aux îles de Fernando-Po, du
Prince et de St-Thomas. Enfin, après trois années de séjour dans ces
— 40 —
parages équatoriàux, U les quitta pour rentrer à Berlin, où il arriva le
30 octobre. Ce simple exposé des itinéraires indique l'importance de ses
voyages. C'est lui qui, à vrai dire, nous a révélé la plus grande partie
de la région où l'Allemagne vient de s'établir. Observateur conscien-
cieux, savant et surtout naturaliste de premier ordre, il a recueilli, sur
la géographie physique, les populations, la faune et la flore des pays
qu'il a visités, un nombre considérable de faits qui donnent à l'ouvrage
que nous signalons un grand intérêt. En décrivant les produits de ces
riches contrées, il a été amené à parler du commerce auquel elles don-
neront lieu et de leur avenir, aussi est-il de toute utilité, pour le négo-
ciant et le colon, conmie pour le géographe et l'homme d'État, de
prendre connaissance de ce livre, s'ils veulent se faire une idée exacte
des pays que l'AUemagne cherche à faire entrer dans le domaine des
relations commerciales avec l'Europe. Du reste la lecture en est facilitée
par une biographie de l'explorateur, une carte très claire et suflSsam-
ment complète, enfin par quelques planches d'histoire naturelle.
Bibliothèque d'aventures et de voyages. Les deux missions du
colonel Flatters racontées par un membre de la première mission. Paris
(M. Dreyfous), 1884, in-12*, 308pages avec une carte, 2 fr.— Le souvenir
des missions Flatters, des brillants résultats de la première, et du désas-
tre de la seconde livrée traîtreusement aux Touaregs par ses guides, est
toujours vivace en France, alors même que ces événements datent de
trois ou quatre ans. Du reste, de temps à autre, paraît un volume racon-
tant cette odyssée sanglante, et rappelant que les cadavres livrés en
pâture aux oiseaux du désert demandent réparation. Aujourd'hui, c'est
un membre de la première mission qui nous donne le récit complet, et
presqu'au jour le jour, de ces deux expéditions mémorables: de la pre-
mière, d'après ses propres notes de voyage, et de la seconde, d'après ce
qu'on possède des journaux de route du colonel et d'après les interroga-
toires subis par les survivants. L'auteur ne se bornant pas à narrer les
événements tels qu'ils se sont déroulés, mais y joignant des commen-
taires sur la géographie historique, physique et politique, est arrivé à
faire un ouvrage instructif ; il est même parvenu à trouver du nouveau
dans un sm'et si souvent traité. Un dernier chapitre résume les connais-
sances nouvelles que les deux missions nous ont fournies sur le Sahara
central et ses habitants.
r
ÉCHANGES
Sociétés de géographie.
Amsterdam. Constantine. Hambourg. Lisbonne. Nancy.
Anvers.
Berb'n.
Brérne.
Bruxelles.
Douai. léna.
Francfort «/M. Le Caire.
Greifswald. Leipzig.
•Halle. Lille.
New- York.
Oran.
Paris.
Rocbcfort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Ijvon.
mdrid.
Marseille.
Montpellier.
Sociétés de géographie oommerciale.
Berlin. Bordeaux. Paris. Porto. Saint-Gall.
Missions.
Journal des missions évangéliques (Paris). (Ihiirch inissionary Intelligencer and Re-
Le Havre.
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XÏX^e siècle
(Neuchâtel).
Journal de l'Unité des Frères [moraves]
(Pesenx).
.Missions cathoUques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmen).
Berliner Mission s-Berichte (Berlin).
Heidenbotc (BAle).
Evangelisches Missions -Magazin (BAle).
(^Iwer Missions -Blatt (Calw).
Aligemeine Missions-Zeitscbrift (GUters-
lob).
Giâubensbote (Bâle).
Africa (Londres).
La Nigrizia (Vérone).
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Mis.sionary (New -York).
Foreign Missionary (New- York).
Régions beyond (Londres).
Chronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Chnrch of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
('hurch of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian Lhurch (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Woman*s foreign missionary Society
(Philadelphie).
Exploration (Paris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alj[er).
Bulletin du Comice agricole (Médéa).
Bulletin de l'Académie d'Hippone (Bone).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris)
Divers.
Chamber of Commerce Journal (Londres),
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Obsen^er (Monrovia).
Esploratore (Milan).
(Cosmos (Turin).
Revoe géographique internationale (Paris). Bollettino délia Sociela africana d*flalitf
Le Mouvement géographique (Bruxelles)
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau filr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilnngen der afrikanischen Gesell-
»chaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrifl fUr den
Orient (Vienne).
Zeitschrift ftlr wissenschaftliche Géogra-
phie (Lahr).
Aus allen Welttheilen (Leipzig).
Deutsche Kolonialzeilung (Francfort s/M).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris)
Indépendant (0)n8tantine).
Moniteur de T Algérie (Alger)
Dr A. Petermann s Mittheilnn
(Naples).
Esplorazione (Naples).
Marina e Commercio. e Giornale délie co-
lonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Revista de Estudos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
Inngen (Gotha)
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Record of geogra
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus ((iape-Town).
West African Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
SOMMAIRE
BULI^TIN MENSUEL 0
Nouvelles complémentaires 14
La Conférence africaine (Premier article) 16
Exploration du bassin du Haut-Oranqe et de ses affluents,
par M. E. Jacottet 24
Correspondance :
Lettre de M. E. Creux (Les spiritueux au ïraixsvaal) 36
Bibliographie : ^
Études et souvenirs d'Afrique, par le P. Charmetant 38
Madagascar, par H. Castonnet des Fosses 38
DeUtschlands Kolonien, von Albrecht Franzius 89
Reinhold Buchholz' Reisen in West-Afrika, von Karl Heinersdorff. . 39
Bibliothèque d'aventures et de voyages 40
OUVRAGES REÇUS :
Voyage au Soudan français. Haut-Niger et Pays de Ségou (1880-1881), par le
commandant Gallieni. Paris (Hachette) 1885, gr. in-8% 632 p. avec carte et
150 gravures, fr. 15.
La mer saharienne, par M. G. Rolland. Bevtte scientifiquey N° 23, p. 705-718.
Les deux missions du colonel Flatters en Afrique. Récit historique et critique, par
un membre de la première mission. Paris (Dreyfous), 1884, in- 12, 308 p. et
carte, fr. 2.
Les missions évangéliques depuis leur origine jusqu'à nos jours, par G.-£. Burck-
hardt et R. Grundemann. Traduit de l'allemand. T. II, Afrique, Lausanne
(Georges Bridel), 1884, in-S**, 520 p. et 5 cartes, fr, 6.
Congreso espanol de geografia colonial y mercantil, celebrado en Madrid en los
dias 4-12 de noviembre de 1883. Actas, t. II. Madrid (Imp. de Fortanet), 1884,
in-8S 371 p.
Genève. — Imprimerie Charles Schncbardt.
FEVBIER
1885
GENÈVK
H. GEORG, LIBRAIRE-ÉDITEUB
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIBIOÉ P^E
M. enstave MOTNIE&
Membre de la Conunieeioii internatioiutle de Bnizellei pour ^exploration et la ciyilisaiiot)
de l'Aftiqae centrale ; membre oorreepoodant de PAcadémie d'Hippone ,
et des Sooiétéa de géographie de Marseille, de Kancy, do Loanda et de Porto.
UtolGÉ PAS
M. Charles FAU&E
Seerétaire-Blbliotliéoaire de la Sooiété de géographie de Genève , membre corrcapon^aut des Sociétés
de géographie de Llabonne, de Loanda. do Porto, de Saint-Gall et de Berne.
L'Afrique parait le premier luadi de chaque mois, par livraisons in-8o d'aa
moins 20 pages chacune ; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaire.
Le prix de Tabonnement annuel, payable d'avance 9 est de 10 IVaiies»
port compris, pour tous les pays de TUnion postale (première zone) ; pour les
antres, IJi fr. 50.
aires à
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemptai
la Direction, a droit h un eempte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaetlon à BI* Onstave.BIojrnlery
Bp rue de PAOténée, h Genève (Snlmie).
S'adre«»er poor le« abonnements h l'édltenr, 91. H. Oeorg« à
Genève on 4 Bdle.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Ch. Delagravb, libraire. 1*5, nie Soufilot, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la Cour, 45, rue de la Régence, à Bruxi»II<*s.
DuMOLARD frères, libraires. Corso VittorioEmmanuele, 21* à Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querstr., 29, à Leipzig.
L. Fribdericusen et O; libraires, Admiralitâlsstr, 3/4, à Hambourg .
Wilhelm Frigk, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autriche).
Trubnbr et C*% libraires, Ludgat« Hili. 57/59. à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
ATM. — j^Tott^ mettons à la disposition de nos nouveaux abonnés^ an prix de
12 fr, chacun^ un certain nombre d*exemplaires complets de la /J»"", de la lll^^
et delà JF™» année, La P« est épuisée.
— 41 —
BULLETIN tàEHS\iEL {2 février 1885.y
Les doutes que I'od pouvait encore avoir le mois dernier sur le sort
(le la mission Blanchi ne sont plus possibles aujourd'hui. Les lettres
d'Abyssinie et d'Assab s'accordent à dire que le chef de l'expédition, ses
deux compagnons de voyage, MM.Monari et Diana, et onze Abyssiniens,
ayantquittéleTigré,au commencement d'octobre, pour se rendre directe-
ment à Assab par une route encore inconnue des Européens, ont été
assaillis, de nuit, par une bande de Danakils, dans le voisinage du lac
salé Alelbad ^ et qu'ils ont été tous massacrés. Le commissaire italien
d'Assab a envoyé un courrier qui, après avoir pénétré aussi avant
que possible à l'intérieur, a confirmé le fait; suivant lui, le désastre
aurait eu lieu à Kouriboula, sur le territoire de Doya, à six journées de
la frontière d'Abyssinie. D'après une lettre de M. Naretti, le guide
abyssinien, qui a réugsi à échapper au massacre a rapporté que la catas-
trophe s'est passée à trois étapes de l'endroit oti se perd le cours, de la
Croulima. Enfin le comte Antonelli, qui retournait au Choa avec le
D' Ragazzi, a rapporté s'être trouvé le 18 octobre à Adali-Garsha, grand
centre danakil, dont le chef lui a appris que c'est dans la nuit du 3 au
4 octobre que Blanchi et ses compagnons ont été assassinés à Ala, à
deux jours, soit environ 50 kilom. au S.-O. du lac Alelbad, que la cara-
vane avait laissé sur sa gauche. La certitude de ce nouveau meurtre
ajouté à tous ceux dont les expéditions italiennes dans ces parages ont
été les victimes, a produit dans toute l'Italie une douloureuse émotion,
qui s'est traduite par des manifestations en souvenir de Blanchi, dans
la société africaine d'Italie à Naples et dans la section florentine de
cette société, ainsi que dans la Société milanaise d'exploration commer-
ciale en Afrique. De son côté, le gouvernement italien estimant sans
doute que cet événement pourrait entraîner de fâcheuses conséquences
pour la colonie d'Assab, a jugé bon de tâcher de les prévenir en y
envoyant deux navires de guerre avec des troupes qui y tiendront gar-
nison.
Le massacre susmentionné a eu lieu en dehors du territoire soumis
* Les matières comprises dans nos BuUetina mensuels et dans les NowoéUes com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
TAlgérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la c6te occidentale.
• V. la Carte IV»« année, p. 328.
L'AFRIQUE. — SLKIÈME ANNiE. -* N<^ 2. 2
— 42 —
au sultan d'Âpussa, Illoliaiiied-Anfliàli, avec lequel le comte Auto*
nelli a conclu une convention, dont le journal de Rome Marina e
Commercio a donné le texte :
Article premier. — La paix et l'amitié seront constantes et perpé-
tuelles entre les autorités italiennes d'Âssab et le sultan Mohamed-
Ânfali, ainsi qu'entre leurs sujets respectifs.
Art. 2. — Chacune des deux parties nommera un représentant pour
traiter les affaires.
Art. 3. — Le sultan Mohamed-Anfali garantit au gouvernement
italien et à S. M. le roi Ménélik, la sécurité de la route entre Assab,
Aoussa et le royaume du Ghoa pour toutes les caravanes italiennes
venant de la mer ou s'y rendant.
Art. 4. — Le sultan Mohamed-AnfaU, d'accord avec les autres sultans,
déclare exemptes de droits ou de tributs toutes les caravanes italiennes
venant d'Assab ou s'y rendant.
Art. 5. — ^Le sultan Mohamed-Anfali cède au gouvernement de S. M. le
roi d'Italie l'usage de la terre d^Ablis (Aoussa) sur la partie du terri-
toire d' Aoussa propre à la culture, pour y établir une station commer-
ciale italienne.
Art. 6. — Toutes les religions seront respectées.
Art. 7. — Les sujets de S. M. le roi d'Italie voyageront librement
dans tout le pays dépendant du sultan Mohamed-Anfali, et les sujets
de celui-ci seront toujours assistés par les autorités consulaires ita-
liennes.
Art. 8. — Les vaisseaux de guerre de S. M. le roi d'ItaUe veilleront à
la sécurité du littoral danakil.
Art. 9. — Cette convention sera soumise à l'approbation de S. M. le
roi du Choa et sera ratifiée au Choa par le représentant du gouverne-
ment de S. M. le roi d'Italie.
Art. 10. — Il sera fait des copies de la dite convention en langues
amharique, arabe et italienne, qui devront concorder parfaitement dans
les traductions respectives.
Un correspondant du Temps qui a fait à Oboek un long séjour, pen-
dant lequel il a établi des cultures potagères et maraîchères, a fourni
à ce journal des renseignements d'où il résulte que cette colonie fran-
çaise pourra devenir, dans la mer Rouge, un excellent port de ravi-
taillement. Dans la plaine d'Obock, à deux kilomètres du port, se
trouvent une trentaine d'hectares, où l'on est sûr de pouvoir fedre des
cultures, en ne manquant jamais d'eau douce pour l'arrosage nécessaire.
— 43 —
Od peut y cultiver des légumes très facilemeut pendaat dix mois de
Tannée. Il y a deux mois très chauds, pendant lesquels cela peut
devenir plus difficile, mais on est toujours certain d'avoir de la verdure.
La végétation est rapide; les haricots et les épinards peuvent être
cueillis une vingtaine de jours seulement après que la graine a été semée.
—D'après le Moniteur des colonies, l'administratioii des colonies a fait,
au commandant d'Obock, un important envoi de plantes potagères, et le
gouverneur général de l'Algérie prépare un envoi de plants d'euca-
lyptus, de palmiers et de vignes destinés au nouvel établissement fran-
çais de la mer Rouge. — L'eau manque si peu que le correspondant a
pu voir, tous les jours, venir au bas d'une factorerie, pour s'abreuver,
150 bétes à cornes, quelques centaines de chèvres et 200 chameaux.
£t ce ne sont pas les pluies qui donnent de l'eau douce, car, pendant un
séjour de huit mois, il n'a vu pleuvoir qu'une fois. La route de Tadjoura
au Choa facilitera les transactions ; plus courte que les autres, elle est
en outre meilleure, car on y rencontre les puits nécessaires pour
abreuver les chameaux des caravanes. Les chefs des tribus par lesquelles
il faut passer sont aussi plus sûrs que ne l'est Abou-Beker, le sultan
de Zellah, tête de ligne d'une autre route de la côte au Choa.
L'expédition portugaise de Serpa Pinto paraît avoir rencontré les
difficultés ordinaires suscitées parles porteurs indigènes, et cela, malgré
l'appui du gouvernement colonial de Mozambique. Faute d'hommes,
elle a été retenue plusieurs mois à Mozouril ; il a fallu renvoyer un grand
noml^re de charges, et Serpa Pinto a dû changer de route. Il s'est
décidé à prendre la voie du golfe de Pomba ; s'il peut obtenir là les 250
porteurs qui lui manquent, il en fera son point de départ vers les monts
Méza. Pour atteindre Pomba, il comptait prendre la route suivie par
Elton dans son voyage de Mozambique à Ibo en 1876, et espérait faire
ce trajet en un mois. A Mozouril, il a pris 178 observations de latitude,
et un certain nombre de longitudes. D'après les premières, la position
du lieu serait de 1"" à 1^5' au sud de celle que lui attribuent les cartes.
La Société de géographie de Marseille a reçu des nouvelles de
M. Tlctor Glraud, qui a dû renoncer à son projet de traverser
l'Afrique de l'est à l'ouest. Nos lecteurs n'ont pas oublié dans quelles
circonstances il a été abandonné par ses porteurs après avoir atteint le
lacBangouéolo \ Ce ne fut qu'à grand'peine qu'il put regagner la station
de TAssociation internationale, sur les bords du Tanganyika, où il reçut
^ V. V- Année, p. 105-107.
— 44 —
une cordiale hospitalité. De là il se rendit au Nyassa par la route ouverte
entre les deux lacs ; le petit vapeur de la Compagnie des lacs le trans-
porta siur le Chiré, d'où en quinze jours de pirogues il gagna le Zambèze;
enfin il atteignit Quilimane, où la factorerie française Mante frères et
Borelli le reçut très hospitalièrement. S'il n'a pu réaliser entièrement
son projet, son exploration de la région comprise entre Zanzibar, les
lacs Nyassa, Tanganyika, Bangouéolo et Moéro, ne peut manquer
d'ajouter beaucoup de données nouvelles à celles que nous ont déjà
fournies Livingstône et J. Thomson.
Comme il l'avait fait pour Angra-Pequena, M. Ltideritz a acquis au
mois de novembre, à prix d'argent, du roi Dinizoulou, et par l'intermé-
diaire de M. Einwald, un territoire d'une étendue de 60,000 acres, autour
de la baie de Salnte-Liucie. Le chef zoulou a cédé non seulement
le terrain, mais encore le droit de souveraineté. Le gouverneur de la
colonie de Natal en ayant eu connaissance en décembre, s'empressa de
faire hisser le drapeau anglais sur la nouvelle acquisition de M. Lûde-
ritz, avant que le protectorat de l'empire allemand eût pu être réclamé
et proclamé. D'après le Times, la baie de Sainte-Lucie a déjà été cédée
à l'Angleterre par Fonda roi des Zoulous, en 1843, en vertu d'un traité
spécial conclu entre le roi et M. Cloete, commissaire du gouvernement
britannique. La baie et l'embouchure de l'Oumvoloosi, mentionnées
dans le traité, seraient ce qu'on appelle aujourd'hui la baie de Sainte-
Lucie. L'Angleterre, il e^t vrai^ n'a point notifié cette acquisition aux
autres puissances, et n'y a point fait acte d'autorité. Néanmoins cette
question ne semble pas devoir amener un conflit entre l'Allemagne et
la Grande-Bretagne. Sans doute M. Ltlderitz a cherché à établir ses
droits auprès de la chancellerie allemande. Mais, d'après une note de
la Gazette de V Allemagne du Nord^ il ne paraît pas qu'il puisse espérer
les voir reconnus oflSciellement. Pouï* rendre une pareille acquisition
valable, et pour le transfert des droits souverains, dit cette note, un
traité avec les chefe indigènes ne suffit pas ; il faut le consentement de
la république des Boërs qui exerce un protectorat sur le Zouloulaiid. En
outre, il y aurait lieu de tenir compte de l'état des choses existant entre
les Boërs et l'Angleterre, qui s'est réservé le droit d'approuver les
traités que la république des Boërs aurait à conclure. Lord Grandville
a informé l'ambassade d'Allemagne à Londres que le gouvernement
britannique s'en tient à la convention de 1843 qui lui donne le territoire
et le port de Sainte-Lucie. De son côté l'ambassadeur allemand a
reconnu que jusqu'ici l'Allemagne n'y a exercé aucun protectorat.
— 45 —
En attendant que cette question soit réglée, T Angleterre a établi, par
mesure de précaution, son protectorat sur la côte entière du Pondo-
land, territoire indépendant jusqu'ici, qui remplit tout l'espace com-
pris entre la Colonie du Gap et Natal. La nombreuse population, quoique
parfois en désaccord arec les peuplades voisines sur des questions de
limites, n'est ni agressive, ni belliqueuse. Un des rêves de sir Bartle
Frère avait été d'annexer ce pays à la Colonie du Cap; mais lord Wol-
seley ayant décliné la responsabilité des opérations militaires que cette
annexion aui'ait rendues nécessaires, les Fondes sont demeurés indé-
pendants sous leur roi Oumquikéla. Ils ont cependant été obligés de
cMer au gouvernement britannique l'embouchure de la rivière Saint-
John, cession qui a laissé dans leurs cœurs un ferment d'irritation
sourde. La déclaration du protectorat anglais sur toute la côte les
calraera-t-elle ? On peut en douter, à en juger par les précautions prises
pour tâcher de leur faire comprendre que, quoique jusqu'ici l'Angleterre
n'ait exercé son autorité maritime qu'à l'embouchure de la rivière
Saint-John, la déclaration de protectorat n'implique pas l'intention
d'annexer le pays. Les déclarations du DaUy-News, qui a la prétention
d'être l'organe de la politique actuelle du gouvernement anglais, les
rassureront d'autant moins, croyons-nous, que, tout en protestant du
respect pour l'indépendance des Fondes, il ajoute que le gouvernement
britannique a maintenant affirmé son .autorité, sur toute la ligne du sud-
est de l'Afrique jusqu'aux limites nord du pays des Zoulous, pour ne
pjis permettre à une puissance étrangère de hisser son pavillon sur une
partie de la côte où les intérêts anglais auraient pu être compromis.
Le Mouvement géographique de Bruxelles a reçu des nouvelles de
l'expédition qui transporte le long des chutes du Con§^o jusqu'à
Stanley-Fool, le steamer le Stanley destiné à la navigation du haut-
fleuve et de ses affluents. Nos lecteurs se rappellent qu'il s'agit d'un
vapeur démontable, composé de six compartiments étanches qui, mis
sur l'eau, forment un tout navigable, et qui, à terre, séparés et montés
sur de grandes roues en acier, se transforment en véritables chariots.
Six cents indigènes, sous la conduite de huit agentsblancs, transportent
le bâtiment qui ne pèse pas moins de 50,000 kilogranmies. — Il y aura
bientôt un an que le Stanley a quitté Liverpool. Arrivé au mois de mars
1884 à Banana, il y a été remonté, puis il a suivi le Congo jusqu'à Vivi.
Là, la machine a été débarquée, puis on a procédé à la disiouction des
sections. D a fallu trois mois à l'expédition pour franchir la route ter-
restre de Vivi à Isanghila, où le bateau, arrivé le 4 septembre, a été
-^ 46 —
remonté, et mys à flot, pour faire, par le fleuve, le trajet entre Isanghila
et Manyanga. D'Isanghila, l'expédition s'est mise en route le 4 octobre.
Le premier jour de navigation s'est bien passé. Pour traverser les
rapides de Kilolo et de Baynestown, on a dû employer des pressions
supérieures à celles auxquelles le bateau est destiné à marcher ; cepen-
dant les dangers ont été surmontés avec une facilité relative.
Le lendemain des difficultés nouvelles et plus grandes ont été ren-
contrées, près de la grande lie Flamini, où le Congo forme des rapides
dangereux. Néanmoins cet obstaèle a été heureusement franchi ; mais
un peu plus loin, devant les rapides de Tchoumbou, malgré deux heures
d'efforts surhumains, le Stanley a été arrêté. Dans ses manœuvres
pour essayer de doubler la chute, il a touché un récif et a subi une
avarie, heureusement insignifiante et qui a été réparée le lendemain.
Le 23, nouvelle tentative pour forcer le passage. Quoique le bâtiment
eût été considérablement allégé, tous les efforts furent vains et on dut
rebrousser chemin. Après ce nouvel échec, le chef de l'expédition,
M. Valcke, s'est décidé à attendre la crue du fleuve pour faire un nouvel
essai. Devant les rapides de Tchoumbou, le passage se trouve près de la
rive sud. Au moment des eaux basses, bien qu'il soit rempli de rochers,
il est praticable pour des embarcations d'un tirant d'eau moins fort ;
mais pour qu'un bateau de l'importance du Stanley puisse y passer, il
faut que le fleuve monte de quelques pieds. Ces difficultés disent toute
la hardiesse de l'entreprise et aussi le mérite qu'il y a, pour celui qui
la dirige, à la mener à bonne tin.
Nous avons déjà dit que le Peace, le vapeur de la mission baptiste
anglaise, mis à flot à Stanley-Pool, avait pu remonter le fleuve jusqu'à
la station de l'Equateur, Aujourd'hui le Missionary Herald nous
apporte les détails de l'explopation faite par MM. Comber et
Grenfell. Nous en extrayons les faits nouveaux propres à intéresser
nos lecteurs. Les missionnaires explorèrent d'abord Tlbarl Nkoaton,
affluent de gauche du Congo, et, à 80 kilomètres de son embouchure,
ils arrivèrent en vue de la ville de Nga Nkabi, Blvahie, capitale du
pays des Wa-Bouma, formée d'une série de hameaux de trois à cinq
kilom., le long de la rive septentrionale. Elle est gouvernée par une
chefesse, femme très capable, énergique, qui parle peu, mais sait gou-
verner ses sujets. Ceux-ci sont les meilleurs spécimens que MM. Comber
et Grenfell aient rencontrés dans leur voyage. Bien constitués, intelli-
gents et relativement industrieux, il n'est pas étonnant qu'ils soient
parmi les trafiquants les plus prospères du Congo. Il n'est pas rare de
— 47 —
rencontrer une flottille de dix à vingt canots, tous pesamment chargés,
descendant à Stanley-Pool où ils transportent leurs produits. Ils sont eu
outre bons constructeurs, fabriquant non seulement leurs propres canots,
mais encore beaucoup d'autres pour les vendre. L y en avait environ
deux cents dans la baie, et plusieurs autres en construction. Quel-
que soleuDel que fût son maintien, Nga Nkabi, ne crut pas au-dessous
de sa dignité d'entrer dans un canot avec une autre femme pour appor-
ter en présent aux missionnaires une chèvre et du plantain. Ceux-ci
ont résolu d'y fonder une station, dès que des renforts leur seront
envoyés. Le pays qui environne Mushie est très pittoresque ; la ville
elle-même est construite sur une élévation qui s'étend parallèlement à
la rivière et aux montagnes que l'on aperçoit denrière elle, et dont elle
est séparée par une bande de terrain bas, où sont les champs de blé et
les plantations de cannes à sucre et de cassave. Les habitants sont au
nombre de 3000 environ, sans compter la population de villes plus ou
moins éloignées qui reconnaissent l'autorité de Nga Nkabi.
A une cinquantaine de kilomètres en amont, les voyageurs rencon-
trèrent le confluent du Quango. Ce dernier est un beau fleuve de
400°* à 500* de large, avec une vitesse moyenne de 1 à 2 kilomètres à
l'heure. Cependant ils jugèrent qu'il devait être beaucoup plus petit
que le cours d'eau venant du N.-E., exploré jusqu'au lac Léopold II par
Stanley, sous 1°30 lat. S. Ils auraient aimé à étudier les deux
rivières, mais ils durent se contenter de remonter un peu le Quango.
Ils remarquèrent que, tandis que jusque-là les maisons sont carrées, sur
les bords du Quango elles sont rondes, ce qui indique qu'on atteint la
limite d'un peuple distinct. Cette forme nouvelle s'accorde avec celle
que Capello et Ivens ont signalée à 300 kilomètres plus au sud.
MM. Comber et GrenfeU ne purent pas entrer en rapport avec les
indigènes trop effrayés pour répondre à leurs questions ouàleui-s saluta-
tions. Ils couraient le long delà rive, la lance à la main, ou se cachaient
derrière les arbres comme s'ils eussent eu peur du bruit du bateau.
Rentrant ensuite dans le Congo, les missionnaires le remontèrent
jusqu'à la ville de Choumbiri, à G kilomètres de laqueUe ils trou-
vèrent une montagne rocheuse remarquable, commune dans la région
des cataractes, mais rare dans cette partie du continent où les mon-
tagnes ont toutes les contours doucement arrondis des collines de sable
qui la caractérisent. De 100" à 200° de hauteur, elles surgissent pour
ainsi dire, pour la plupart, du fleuve sur la rive droite, tandis que sur la
gauche la rive s'élève en pente douce, et fournit un emplacement suffi-
— 48 —
sont aux villes nombreuses devant lesquelles passe le bateau. Quelques
endroits sont extrêmement pittoresques et présentent des villes sises
immédiatement au bord du fleuve; mais d'ordinaire les rochers sont
tout à fait abrupts, et s'élèvent verticalement à 10" ou 15", et n'ofl&rent
pas de place pour aborder.
Après avoir quitté Choumbiii, on arrive en vue de l'île de Lone,
l'une des îles innombrables qui cai'actérisent le Congo moyen jusqu'aux
Chutes de Stanley. Ici l'on échange l'eau profonde et les écueils dange-
reux de rochei-s contre des bas-fonds, des bancs de sable et des bras du
fleuve, si entre-croisés que souvent on perd de vue la terre ferme et
qu'il faut se servir de la boussole pour se diriger. Au bout d'une cin-
quantaine de kilomètres de navigation au milieu de ces îles et de ce^
bancs de sable, les montagnes se rapprochent de nouveau du fleuve, et,
sur la rive orientale, apparaissent les villes de Bolobo et de Moïé
dont Ibaka est le souverain. A l'exception de Ilebou et de Liboko
villes des Ba-Ngala, aucun endroit ne paraît contenir une population
aussi dense; elle doit être de plus de 5000 habitants. Bolobo est peuplée
de Ba-Nyansi, ou comme ils s'appellent eux-mêmes de Ba-Bangi émigrés
du Ou-Bangi, vis-à-vis de Nhombé. A Moïé, ce sont des Ba-Nounou,
probablement les habitants primitifs. A l'intérieur sont les Ba-Tendé.
La ville de Bolobo est composée de villages rangés sur une longueur de
trois kilomètres ; Moïé est encore plus grand, et ses villages, gouvernés
chacun par un chef particuUer, s'étendent à une plus grande distance
du fleuve, et plus haut sur le flanc de la montagne. Entre Bolobo et
Moïé il y a généralement hostilité, et dans chaque district il y a d'ordi-
naire des dissensions intestines entre les chefs. Quoique Ibaka soit le
chef spécial de Bolobo, il y en a quatre-vingts autres. Les traits domi-
nants des habitants sont l'ivrognerie, l'immoralité et la cruauté pro-
duisant des actes impossibles à décrire. Le lieutenant Liebrecht, chef de
la station de Bolobo, accompagna MM. Comber et Grenfell dans ces
villes. La femme d'un des chefs de Bolobo étant morte, il devait y avoir
une orgie de bière durant quatre ou cinq jom's avec des sacrifices
humains pour terminer; les victimes sont des esclaves achetés pour la
circonstance. De grands cercles de belles femmes ornées de coUiers de
12 à'15 kilogrammes dansaient au son du tambour. Les missionnaires
cherchèrent à plaider en faveur des pauvres victimes, mais ce fut en
vain. Autre supplice ; des prix en vivres sont organisés et, pour sceller
cette espèce de concours, on tue un esclave ; un trou est creusé entre
les deux villes, on brise bras et jambeê à la victime, qui est jetée dans
— 49 —
le trou, pour y mourir, sans qu'il soit permis èi personne de lui donner
à manger ni à boire. On voit très peu d'enfants dans la ville des Ba-
Bangi, ce qu'explique l'immoralité de la population. Il y en a davan-
tage chez les Ba-Nounou de MoIé. Leurs maisons sont plus grandes que
celles des Ba-Bangi; quelques-unes sont ornées de crânes humains.
Autour de la base de grands arbres, des crânes d'hippopotames indi-
quent que les habitants chassent cet animal. MM. Gomber et Grenfell
espèrent pouvoir prochainement fonder là une station. Ils ont déter-
miné la latitude de Bolobo par 2** 13'.
Le lieutenant Liebrecht les accompagna jusqu'à Loukoléla où le
fleuve se rétrécit, et n'a plus que deux kilomètres de large. Les alen-
tours sont très boisés ; les cotonniers et le chêne africain y abondent.
Les missionnaires avaient depuis longtemps fait choix de cette localité
pour y établir la station de Liverpool. Ayant avec eux trois chrétiens
des stations de Victoria et de Bimbia, de la mission baptiste de Came-
roon, ils les y ont laissés avec le soin de défricher un coin de terre dans
la forêt et de bâtir une maison provisoire. La station sera voisine de
celle de l'Association internationale. Ici les villages sont moins grands
et plus disséminés que ceux de Bolobo, quoique les indigènes appar-
tiennent aussi à la tribu des Ba-Bangi. Ils sont aussi plus doux et se
montrent mieux disposés. Ils parurent très contents en apprenant que
les missionnaires viendraient vivre au milieu d'eux pour les instruire.
Le chef Mangaba voulut les accompagner chez les Ba-Ngala, pour les
introduire auprès des chefs de ces derniers. En amont de Loukoléla le
fleuve s'élargit de nouveau pour se rétrécir à Nfrombé» vis-à-vis de
laquelle se jette dans le Congo, la rivière Albangi, grand cours d'eau de
couleur brun clair, dont les eaux sur un long parcours ne se mêlent pas
avec celles du fleuve plus foncées. Le même fait se reproduit pour la
Loulongo dont les flots sont noirs comme de l'encre. Ngombé, où l'Asso-
ciation internationale aune station, est déjà un poste de Ba-Ngala, des-
cendus au bord du Congo, vraisemblablement par l' Albangi. Us sont
très nombreux et se montrèrent animés de dispositions amicales. A vingt
kilomètres en amont sont situées quantité de villes, séparées l'une de
l'autre par une bande de terrain d'un kilomètre et demi de larçe, et
fourmillant d'habitants. Le sol paraît tout particulièrement fertile.
MM. Comber et Grenfell visitèrent les cheis des villes de Boishende
et de llebou, qui leur firent un accueil très cordial, et se montrèrent
fort désireux de sceller amitié par la cérémonie de la fraternité du sang,
commune chez les Ba-Bangi et chez les Ba-Ngala. La densité de la
- ÔO-
population d^Ilebou engagea les missionnaires à choisir cette localité
comme emplacement d'une future station. Au delà commencent les
villes du Congo équatorial, depuis Bojoungi jusqu'à l'embouchure du
Rouki, à dix kilomètres au N. de l'Equateur. La population en est fort
disséminée dans les districts de Bojoungi, Mbongo, Inganda et Bouan-
gata. Les agents de la Livingstone-Inland-Mission ont décidé de s'éta-
blir dans ringanda et d'étendre leur activité aux villes du Bouangata
sur le Rouki, où sont des populations tout à fait primitives, les seules
que MM. Comber et Grenfell eussent encore vues armées d'arcs et de
flèches. La plupart des hommes portent en outre un bouclier, ou bien
une lance avec le bouclier et quelques couteaux meurtriers. Au dire du
lieutenant Van Gèle, de la station de l'Equateur, ils sont cruels ; ils
immolent des victimes humaines avec les couteaux susmentionnés, ou
bien ils en poursuivent d'autres avec lances, arcs et flèches, pour pro-
curer aux spectateurs altérés d^ sang le divertissement de la chasse. En
revanche et en parfait contraste avec ces cruautés, les missionnaires
furent témoins à Equatorville d'une très jolie scène de plusieurs
heures représentée par des enfants, consistant d'abord en une danse,
suivie d'une sorte de petit opéra dont le chœur était très bien rendu
par de petites filles de huit à douze ans. Quatre hommes portaient sur
leurs épaules une sorte de bière dans laquelle se trouvait un corps ou
quelque chose recpuvert d'une étoffe rouge. Assise à l'un des bouts, une
jolie petite fille paraissait triste et chagrine. La bière fut déposée sur le
sol, et entourée du chœur composé de six petites filles ; une femme pla-
cée à côté de la bière chanta un chant plaintif, avec accompagnement
du chœur. Les missionnaires n'en purent comprendre que les quelques
mots, souvent répétés à la fin des chœurs : a Ka-oua-ka^ il n'est pas
mort. » Au bout d'un certain temps, l'incantation parut avoir eu l'effet
désiré, un mouvement se produisit dans l'objet recouvert aux pieds des
jeunes filles ; on écarta l'étoffe rouge et une petite fille apparut, tremblant
de tous ses membres comme dans un accès d'épilepsie. Deux personnes
s'avancèrent, la prirent par les bras et la mirent sur ses pieds.
Au delà du Rouki sont les villes des Ba-Ngala, qui s'étendent jusqu'à
Liboko, par 1°50' lat. N., le point le plus éloigné atteint par MM. Com-
ber et Grenfell. La première est Loulanga sur la rive orientale du
fleuve semé d'tles couvertes de forêts, fourmillant d'oestres (mou-
ches piquantes) pendant le jour, et de moustiques pendant la nuit. Les
Ba-Ngala parurent à MM. Comber et Grenfell les plus sauvages, les plus
turbulents de tous les indigènes qu'ils eussent rencontrés jusque-là. Ils
— 51 —
furent présentés par le chef Mangaba de Loukoléla, qui paraissait con-
naître tout le monde et avoir une femme dans chaque ville ; il saluait
chacun des chefs importants comme son propre père. Loulanga peut
avoir autant d'habitants qu'Ilebou ; ils se précipitèrent vers le steamer
dans de bons canots et montèrent sur le pont, comme pour en prendre
possession. Les missionnaires eurent beaucoup de peine à les renvoyer
à leurs embarcations ; ni la vapeur, ni les sifflets ne les eussent fait par-
tir. Il fallut le plus grand sang-froid chez tous les hommes du vapeur
pour prévenir une catastrophe, tous ces visiteurs étant armés de cou-
teaux et de lances. Un peu en amont de Loulanga, on rencontre Tembou-
chure de la Loulongo, rivière de 700" de large, aux eaux noires conune
de l'encre; à 120 kilomètres au delà se trouve la ville de Liboko, par 2*
au nord de l'Equateur, la dernière d'une série de villes qui s'étendent
sur une longueur de dix kilomètres, tout près les unes des autres.
C'est à Liboko que, en 1877, Stanley soutint pendant quatre heures
le grand combat dans lequel il fut attaqué par soixante-trois canots.
Le brave fils du chef Mata-Mayiki mourut de ses blessures. Son vieux
père, grand et bel homme, crut que l'un des missionnaires s'était
trouvé avec Stanley. Ses gens arrivèrent sur la rive dans l'idée que ces
blancs étaient des ennemis, et ils se préparèrent à combattre. Grâce à
M. Coquilhat, chef de la station de l'Association internationale, des
explications furent échangées et l'entrevue fut amicale. Quoique
Liboko soit mieux bâtie que les autres villes des Ba-Ngala, et que ses
habitants aient la réputation d'être de grands trafiquants, on ne voit pas
chez eux des signes de prospérité. Liboko est à moitié chemin des
Chutes de Stanley. LePeace aurait pu pousser jusque-là, mais le temps
que les missionnaires pouvaient consacrer à leur exploration étant
presque écoulé, ils durent redescendre à Stanley-Pool. La route est
ouverte, et dès que des renforts leur arriveront, ils établiront les nou-
velles stations à Mushié, à Bolobo et à Hebou.
La Conférence africaine n'ayant pas terminé ses travaux, nous devons
ajourner à noti'e prochain numéro le résumé que nous nous proposons
d'en faire*.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Le lieutenant-colonel Roudaire vient de mourir à Guéret dans sa famille. Mal-
gré Pappai prêté par M. de Lesseps an projet de créer une mer intérieure dans le
* V. p. 16 à 24.
/
— 52 —
bassin des Ghotts du sud de l'Algérie et de la Tunisie, il est douteux qu'il trouve
un successeur dans la poursuite de ce dessein, à la réalisation duquel il a consacré
les dix dernières années de sa vie.
MM. Clément et Gustave Denhardt auxquels la science géographique doit déjà
une exploration du bassin de la Dana (v. \W^^ année, p. 97 et 120), sont repartis à
la fin de l'année dernière pour Zanzibar, afin d'y organiser une nouvelle expédi-
tion dans l'est de l'Afrique.
Le voyageur anglais Johnston est de retour à Zanzibar. Il paratt content de
son exploration du Kilimandjaro, sur lequel il s'est élevé à une hauteur de 4600"'
n a rapporté des collections ; la flore et la faune des régions supérieures offrent
des ressemblances avec celles des parties montagneuses de l'Afrique australe.
Les missionnaires de Bagamoyo ont fondé une nouvelle station à Kounzagira,
sur la rive gauche du Eingani. Le pays est fertile, boisé, bien arrosé, la population
est sympathique aux blancs.
Un télégramme de Zanzibar annonce que 200 esclaves enlevés à des négriers,
ont été remis par le consul britannique à la mission de Frère Town.
D'après le Buttetin de renseignements coîoniaitx, une société qui a pris le titre de
Société de colonisation à Madagascar est en voie de formation à Itle Maurice,
pour obtenir du gouvernement français des concessions de terrain dans Itle, dont
elle espère l'occupation définitive par la France. Ce mouvement est provoqué par
une crise très forte que traverse en ce moment l'Ile Maurice, où la vente des
sucres ne s'opère qu'avec des pertes considérables pour les planteurs.
Le ministère français des colonies étudie un projet tendant à établir un câble
sous-marin entre Mozambique, Mayotte, Nossi-Bé, Madagascar et la Réunion. L^
câble serait prolongé jusqu'à l'fle Maurice, l'Angleterre contribuant pour les frais
de cette prolongation.
Le conseil général de la Réunion, pour favoriser les cultures nouvelles dans la
colonie, a décidé que tous les nouveaux produits exportés jouiront de l'exonéra-
tion des droits de sortie et d'une prime pendant trois ans.
Un correspondant de Madagascar a écrit à un journal de Maurice, la PUm-
ters Gazette^ pour l'informer que l'on a trouvé de l'or d^alluvion à Madagascar et
qu'on l'exploite. Le premier ministre a visité plusieurs endroits exploités près
d'Antananarive. L'or appartient au gouvernement; mais cela n'empêche pas des
Malgaches d'en recueillir en secret et de vendre de la poudre d'or à des étran'
gers ; un de ceux-ci en a acheté cent onces à six dollars l'once.
Un correspondant du Cape Argus' écni que depuis la prohibition de la vente
des spiritueux aux natifs, les crimes ont diminué de 50 % dans le district de King
William's Town et que les taxes y sont payées beaucoup plus volontiers et plus
régulièrement qu'autrefois. Les gens apprécient le changement et désirent voir la
vente des spiritueux soumise aux mêmes restrictions pour tous les habitants.
D'après le Magojsvne of the American Baptist Missionary Union^ M. F. G. Gar-
land, membre du conseil exécutif de Natal, affirme que la polygamie parmi les
Cafres, protégée et réglée par les autorités anglaises, n'est pas autre chose qu'un
— 53 —
esclavage déguisé. Les femmes sont comptées au nombre des propriétés du mari ;
1« prix d'une fille est fixé par la loi anglaise ; il y a là, dit M. Garland, une tache
à faire disparaître.
ïïne nouvelle expédition allemande à laquelle sont attachés plusieurs mineurs
de Freyberg, en Saxe, doit s'embarquer très prochainement à Southampton pour
Angra-Pequena. Elle a pour mission essentielle de constater la puissance des
gisements miniers signalés dans le territoire placé sous le protectorat de l'em-
pire allemand.
Le Natal Mercury annonce que plusieurs des familles Boers, émigrées il y a
qaatre ans dans le territoire de Humpata, ont résolu, en présence de l'hostilité
des natifs de cette partie de la colonie portugaise, de quitter leurs établissements
actuels et de se rendre dans le district de Rehoboth, entre le Damaraland et le
pays des Grands Namaquas.
Les missionnaires américains qui avaient dû s'enfuir du Bihé à la côte, se pro-
posent de répondre à l'invitation qui leur a été faite de se rendre d'abord à Chi-
voula, à 160 kilom. dans l'intérieur, puis de remonter au Bihé s'ils trouvent le
nombre de porteurs nécessaires.
La Société des missions méthodistes américaines a décidé d'envoyer quarante
missionnaires, hommes et femmes, pour fonder des stations au sud du Congo dans
le pays des Tuchilangués. Des amis des missions subviennent aux frais de voyage
et fournissent l'équipement des missionnaires qui, une fois en Afrique, devront
vivre des produits du pays.
Le D' J. Chavanne a dû revenir temporairement en Europe, pour raison de
santé pi espère pouvoir retourner au Congo dans le courant de février.
D'après une lettre de M. Antonio Borges Silva, directeur de l'école mission-
naire espagnole de Santa Isabel à Fernando Pô, et ami de M. Rogozinski, publiée
dans le journal de Varsovie, la Kuryer Warszawski, cet explorateur a employé
son influence auprès des tribus indigènes de Cameroon pour les exciter contre
l'autorité allemande. Il a fait proposer au consul anglais de Bonny, M. Hewett,
de placer le territoire de la baie de Cameroon sous le protectorat de la Grande-
Bretagne. Le consul britannique a immédiatement envoyé la canonnière le For-
ward porter son consentement à cette proposition, et le commandant de ce bâti-
ment a proclamé le protectorat anglais. C'est vraisemblablement à ces intrigues
qu'il faut attribuer le soulèvement des indigènes contre les factoreries allemandes
des territoires récemment annexés, auxquelles notre compatriote, M. le D' Passa-
vant, a heureusement pu, avec ses quatre-vingts porteurs, prêter un secours effi-
cace. Les journaux politiques ont donné les détails de la répression, par les vais-
seaux allemands, de la révolte des chefs et des naturels de ce district.
Un témoin oculaire ébrit aux Missions catholiques que le roi de Dahomey a fait
célébrer en 1884 la fête de la grande Coutume avec plus de barbarie que jamais.
Pendant trois mois, chaque jour, on a pu voir, à la porte du palais, six têtes fraî-
chement coupées, sans compter les cadavres cloués aux arbres la tête en bas, ou
cloués par les mains seulement ou par les pieds, et mourant ainsi à la suite de
leurs souffrances, de la faim et des piqûres des insectes.
— 54 —
Une lettre du missionnaire Ramseyer à la Société neuchàteloise des missions
nous apporte les détails de son voyage de reconnaissance au nord de PAchanti,
à travers l'immense steppe de TAfram, jusqu'à Atéobou, aujourd'hui indépendant
du roi de Coumassie. Le roi des Acliantis, Kwakou-Dua, est mort de la petite
vérole, et le prince Owousou Koko a fait briser la^ nuque à Earikari, auquel il
reprochait d'être la cause de la mort du roi. Toutes les villes de l'Achanti sont
Urès excitées contre Owousou Koko.
Nous ne mentionnons que pour mémoire le séjour à Paris de l'envoyé du cheik
de Timbouctou, dont les journaux quotidiens ont donné les détails, et la promesse
du Président de la république française de lui adjoindre, pour son retour, plusieurs
Français chargés d'aller poursuivre, à Timbouctou même, les négociations néces-
saires à la conclusion d'un traité de commerce.
EXPÉDITION DE M. J. THOMSON, DE MOMBAS AU VICTORIA-NYANZA
PAR LE PAYS DES MASAI
Dès le commencement de Tère moderne des explorations africaines,
la partie du continent traversée récemment par M. J. Thomson a passé
pour une de celles qui ofirent le plus de dangers et de diflScultés pour un
voyageur européen. Les premières tentatives pour y pénétrer furent
faites par les missionnaires Krapj et Rebmann, dont l'un* découvrit le
Kilimandjaro, tandis que l'autre aperçut le second sommet neigeux de
cette région: le Kénia. Mais le pays compris entre ces montagnes et le
Victoria-Nyanza n'avait jamais été parcouru par un Européen, jusqu'au
voyage du D' Fischer qui ne dépassa pas le lac Naïvascha (1883).
Le peu de place dont nous disposons ne nous a pas permis de donner
des renseignements détaillés sur cette expédition ; nous nous réservions
d'ailleurs de faire connaître ce pays, lorsque M. Thomson aurait rendu
compte de la sienne à la Société de géographie de Londres. Le dernier
numéro des Proceedings de cette Société nous permet de suivre pas à
pas le voyageur écossais, et de donner une carte d'après celle qui accom-
pagne son rapport.
Les observations de M. Thomson méritent toute créance, car il n'était
pas nouveau venu dans le champ des explorations africaines. Nos lec-
teurs se rappellent le succès avec lequel il conduisit l'expédition envoyée
par la Société de Londres, pour reconnaître la route de Zanzibar au
Nyassa, et de ce lac au Tanganyika *. L'expérience qu'il avait acquise
" V. Il»» année, p. 138 et la carte 148.
— 55 —
dans cette première expédition, l'avait admirablement préparé pour un
nouveau voyage. Il eut le bonheur de retrouver à Zanzibar son vieux
domestique Makatoubou, un ancien guide de Stanley, Muinyi-Sera, et
un marin maltais, James Martin ; ces trois hommes furent mis à la tête
de sa caravane composée de 120 hommes, malheureusement le rebut
des porteurs de Zanzibar, les meilleurs ayant tous été transportés par
mer à la côte occidentale pour le service de Stanley. Ce n'était pas
trop de dix soldats fidèles pour maintenir Tordre dans la caravane.
Ainsi équipé Thomson se rendit à Rabaï, près de Mombas, et en partit
le 15 mars de l'année dernière. De Rabal au Kilimandjaro, la route est
assez connue pour qu'il ne soit pas nécessaire de la décrire en détail.
Elle traverse d'abord les terrains cultivés de la mission sur les pentes
et les hauteurs de la première terrasse; puis, la Nyikaplus ou moins
déserte et le Dourouma, pays ondulé, couvert de fourrés épais, alternant
avec des buissons épineux, au milieu desquels on rencontre çà et là de
misérables établissements de natifs luttant contre la nature, pour lui
arracher une chétive subsistance, toujours menacés de la famine ou
fiiyant la lance redoutable des Masaï.
Dès le troisième jour on laisse denière soi toute trace d'habitants ;
le cinquième, les bois touffus disparaissent, remplacés par des épines et
des arbres noueux. La nature du sol change aussi ; à l'argile gris foncé
et au grès, succèdent un sable d'un rouge brillant, des schistes et le
gneiss. On ne trouve un peu d'eau que dans de petits creux remplis par
les deruières pluies ; encore faut-il toutes les angoisses de la soif pour
vous en faire boire. C'est le vrai désert, plaine inhabitée qui entoure
les montagnes du Teïta, et s'étend de l'Ou-Sambara au sud, jusqu'à
rOu-Koumbani et au pays des Gallas au nord, et du Dourouma à l'est,
jusqu'au Kilimandjaro à l'ouest.
En approchant des frontières du Teïta, on échange la monotonie du
désert contre le pittoresque de montagnes isolées, avec leurs ruisseaux
murmurants et leurs fraîches brises; s'élevant du milieu d'une vaste
plaine à des hauteurs qui varient de 1000" à 2000", elles ressemblent à
un archipel d'fles abruptes sortant d'uii océan de boue.
Après avoir traversé la chaîne de Boura, on franchit en deux fortes
marches le désert qui sépare ces monts de Taveta, entourée de délicieux
ombrages. Thomson présente ce district comme l'idéal des forêts tropi-
cales, dont l'imagination populaire revêt les régions équatoriales, mais
que le voyageur africain excédé de fatigue voit rarement. La végétation
la plus luxuriante couvre les bords de la Loumi alimentée par la neige.
— 56 —
et le travail de rhomme y a créé de charmanites clairières, des bosquets
en arceaux et de riches plantations. La fraîcheur de la Loumi y répand
la fertilité toute Tannée. La neige du sommet du Kilimandjaro tempère
l'atmosphère et la maintient fraîche.
Pacifiques, hospitaliers, honnêtes, les Wa-Tayeta sont un mélange de
deux races distinctes, les Wa-Taveta proprement dits, appartenant à la
race bantoue, et les Wa-Kouafi, ou Masal, alliés aux tribus chamitiques
du Nil et du nord de l'Afrique ; ceux qu'on trouve maintenant à Taveta
y sont venus après avoir perdu leur bétail dans leurs nombreuses guerres
civiles, ce qui les a obligés de renoncer aux préjugés de leur caste, et de
se mettre à la culture du sol.
La position de Taveta est excellente comme centre de commerce
pour les caravanes, qui se rendent au pays des Masal ou qui en revien-
nent. Aussi cette ville a-t-eUe toujours eu une grande importance. De
là, Thomson fit quelques excursions : au lac Jlpé, au charmant cratère
du lac Chala, etc. L'éruption à laquelle est due ce lac doit avoir été
récente, à en juger par une tradition des Masal, qui racontent qu'un
village wa-kouafi existait autrefois sur cet emplacement, et qu'il fut
projeté en l'air par une terrible explosion. Les Wa-Kouafi disent que
l'on entend encore le beuglement des bestiaux, les aboiements des
chiens et d'autres bruits caractéristiques de la vie de village.
Pendant une excursion dans la forêt, Thomson aperçut le Kilimand-
jaro. Depuis plusieurs jours il campait à sa base sans que le sommet
enveloppé de nuages se fftt montré à ses yeux, lorsqu'un jour il apparut
dans toute sa gloire. Le grand dôme, ou cratère de Kibo s'élevait
majestueusement au-dessus des forêts de Chaga, avec son sommet nei-
geux, étincelant comme de l'argent aux rayons du soleil de l'après-
midi ; sur son flanc oriental se dressaient, en contraste frappant, les som-
bres rochers du profil dentelé du pic du Kimaouenzi. Le spectacle était
imposant, mais il fut de courte 4urée. Les nuages se rassemblèrent
bientôt pour se traîner le long des flancs des montagnes, laissant pen-
dant quelque temps le pic noir et le dôme éclatant de blancheur se pro^
jeter sur l'azur du ciel, en apparence suspendus entre ciel et terre et
plus grandioses que jamais.
Thomson rencontra dans ces parages des trafiquants revenant du
pays des Masai; ils lui firent comprendre que sa caravane était trop
petite pour s'y aventurer, car jamais, lui dirent-ils, on ne le fait avec
moins de trois cents hommes.
Néanmoins tous ses préparatifs étant achevés, il quitta Taveta le
— 57 —
18 avril, et longeant les pentes S.-O. du Kilimandjaro, dès le lendemain
il abordait le pays des Masaï. Arrivé à la rivière Habali, il apprend
qu'une forte troupe de Masaï est campée en face de lui. Bien vite il se
barricade au moyen d'une enceinte d'épines impénétrable, et y met une
forte garde pour empêcher les désertions, ou prévenir une attaque noc-
turne. Le lendemain il s'avance avec toutes les précautions possibles,
en se cachant dans les jungles jusqu'à ce que les Masaï soient partis.
Puis il s'établit pour quelque temps dans le voisinage de la résidence du
chef Mandara, avec lequel il a une entrevue où il est fi-appé de l'attitude
princière et de la haute intelligence de son hôte.
La description qu'il fait de cette région mérite d'être citée.
« Les nombreux torrents de montagnes de la région des pluies et de
la neige ont creusé les pentes de Chaga, de manière à former un ensemble
très varié de monts et de vallées; ici, une galerie de forêt s'étend en
arceaux sur un torrent écumeux, là, c'est im bois touflfu élevé, ailleurs
une clairière, ou encore im coin de pays semblable à un parc. A notre
gauche, la vue s'étend sur de fertiles pentes cultivées, d'oîi s'élèvent en
spirale des colonnes de fumée ; de là, montant plus haut, l'œil sonde
la région de forêts d'un vert sombre, et atteint au delà une zone nue
d'oïl s'élancent vers le ciel les masses du Kibo et du Kimaouenzi. A l'est,
dans le lointain, Taveta, et au delà, la plaine bornée par les pics élevés
de Boura et de Kadiaro, élevant au-dessus de l'horizon leurs roches
noires menaçantes. Au S.-O., une riche étendue de forêts et de jungles,
d'où émergent çà et là des monts volcaniques en forme de pains de
sucre, ou des masses plus bosselées de schistes sortant des laves et des
tufs. A travers ce voile on aperçoit, comme une nappe d'argent, le lac
Jipé entre les chaînes tristes et sombres des monts Ougono.*Ausud, la vue
s'étend sur le pays bien arrosé de Kahé jusqu'aux monts Sogonoï. Ce
beau panorama est complété à l'ouest par le profil magnifique, quoique
simple, du cône volcanique du mont Merou, qui surgit de la plaine envi-
ronnante comme une pyramide cyclopéenne. »
A partir die Mandara, on traverse en quatre marches cette délicieuse
contrée avec ses nombreux cours d'eau- et rivières coulant vers le sud,
et Ton arrive à Kibonoto, sur. le flanc occidental du Kilimandjaro.
C'est ici que les caravanes marchandes font provision de vivres,
pour traverser le pays des Masaï dans lequel on ne trouve que du bétail.
A Kibonoto, Thomson rejoignit l'itinéraire du D' Fischer, qui, peu de
jours auparavant, avait eu un combat avec les Masaï; aussi tout le pays
était-il en fermentation ; quelque faible que fût sa caravane, en compa-
58 —
raison de celle de son prédécesseur qui comptait 600 hommes, le voya-
geur écossais résolut de faire au moins un essai pour passer. Il atteignit
les kraals des Masal, à Ngaré-N'Erobi dans le Sigirari, où il fut d^abord
bien reçu; mais les guerriers masaï devinrent bientôt turbulents et
agresseurs, et en un moment tout le pays fut en armes pour venger sur
la petite troupe l'insuccès de la lutte contre le D' Fischer, Thomson
profita de l'obscurité de la nuit pour se replier en hâte sur Taveta, et
gagner de là, avec dix de ses hommes et à marches forcées, Mombas,
afin d'y recruter des hommes pour sa caravane. Puis il revint à Taveta,
où il retrouva tout son monde sain et sauf. En outre une forte caravane
de Pangani se disposait à partir peu de jours après pour Tintérieur; il
réussit à entrer en communication avec le conducteur Joumba-Einia-
meta, qui lui permit de l'accompagner jusqu'au delà de la première
étape ; les autres trafiquants refusèrent , il est vrai , d'avoir aucun
rapport avec lui, mais Kimameta leur déclara que plutôt que de voir
le voyageur européen arrêté, il le porterait, lui, sur ses épaules.
Les caravanes combinées résolurent d'adopter la route qui passe à
l'est du Kilimandjaro; elle avait été fermée pendant plusieurs années
par suite de nombreux cômbate entre les marchands et les Masal de
Lytokitok ; mais étant en force, les caravanes ne craignaient pas leurs
attaques. Longeant le Versant oriental du Kilimandjaro, elles traversè-
rent un pays de pâturages, entr^ la base de la montagne et la Loumi;
les bords de cette rivière plantés d'arbres marquent la ligne de sépara-
tion entre le sol fertile et les étendues désertes de la Nyika, ainsi
qu'entre les roches volcaniques etles roches métamorphiques. De là, elles
atteignirent l'Ouseri, cours d'eau qui, avec les tributaires venant de
Kimangelia, forme les sources du Tzavo, un des bras de la Sobaki. Ces
rivières ont ceci de remarquable, qu'elles naissent à la base du Kili-
mandjaro, tandis que toutes celles du Chaga prennent leurs sources bien
haut dans la montagne.
A mesure que l'on s'avance vers le nord, le sol s'élève graduellement
jusqu'au delà de Kimangelia, où il atteint son point culminant (1600").
Le gibier y est extrêmement abondant. Plusieurs fois, M. Thomson fut
exposé à des attaques de la part de rhinocéros qui se précipitèrent sur
la caravane. L'un d'eux, en particulier, la chargea avec fureur, et le
voyageur ne réussit à l'arrêter qu'en déchargeant sur lui sa dernière
cartouche. A Kimangelia un buffle dispersa la caravane, lança un âne en
l'air et tua presque deux hommes ; toutefois une baUe en eut raison.
A partir de Kimangelia, la route incline vers l'ouest, et dans la vaste
— 59 —
plaine du Ngiri Texpédition retrouve les Maaal, mais elle apprend de
quelques anciens que tous les guerriers de cette région sont partis pour
faire la guerre au loin. Ngiri semble é£re le fond desséché d'un grand
lac, qui fournissait vraisemblablement au Kilimandjaro Teau nécessaire
à son activité volcanique. L'altitude en est de 1200" ; on y trouve encore
des étangs, des marais alimentés par des sources, car, chose singulière,
il ne descend pas une seule rivière de tout le versant septentrional du
Kilimandjaro.
Du centre de la plaine de Ngiri, la vue est de nature à faire une
grande impression. Pas une seule inégalité de terrain pour rompre la
monotonie de la plaine, pas un brin d'herbe pour corriger l'aspect nu
du sable humide qui, chargé de sels divers, empêche la végétation de
se former. Çà et là cependant, dans le lointain, on aperçoit quelques
nappes d'eau entourées d'une ceinture d'herbe verte,- tandis que
quelques arbres noueux ou quelques buissons rabougris indiquent les
endroits oîi jaillissent des sources d'eau fraîche. Ailleurs ce sont des
espaces couverts d'une croûte de natron et de salpêtre, formée par
efflorescence ou par l'évaporation de l'eau des sources; ils font à l'œil
re£fet de nappes de neige blanche, ou de lacs d'une belle eau claire,
et aux rayons du soleil ils resplendissent comme l'astre du jour lui-
même. Malgré le caractère désolé de la scène, la vie animale y abonde.
La girafe paît entre les buissons qui entourent les étangs, les fauves
gambadent, où se promènent en grandes troupes à travers les plainas
de natron, tandis que le zèbre paît tranquillement en longues files dans
des pâturages éloignés. Plusieurs autres espèces animent le paysage,
en nombre suflBsant pour que l'on se demande conunent elles peuvent
vivre dans ce désert extraordinaire. Des effets de mirage font apparaître
les fauves comme des fantômes se mouvant dans l'atmosphère, tandis
que l'air échauffé mobile au-dessus des sables imprime un mouvement
curieux aux raies noires et blanches des zèbres.
A travers une pâle brume apparaît le Kilimandjaro s'élevant abrupt
vers les nues, sans aucune habitation sur ses pentes. A l'O.-S.-O., la
pyramide du mont Merou; au N.-O., les pics de N'dapdouk et la masse
sourcilleuse du Donyo-Erok; au N., les hauteurs moins importantes du
Matoumbato, et tout au loin, au N. et à TE., les monts Oulou et Kyoulou,
(A suivre.)
— 60 —
CORRESPONDANCE
liettres de M. de Pour talés, de ¥i¥l.
Nous devons à robligeance de M"'^' la comtesse de Pourtalès-Saladin la com-
munication de lettres de notre compatriote, actuellement à Vivi, et Paimable
autorisation d'en extraire les morceaux qui nous ont paru les plus propres à faire
bien connaître à nos lecteurs soit le Bas-Congo, soit la station elle-même de Vivi,
si importante dans l'œuvre de l'Association internationale. Nos abonnés lui en
seront certainement, comme nous le sommes nous-mêmes, très reconnaissants.
l*"" octobre.
Après le déjeuner chez M. de Kuyper, agent de l'Association, à Borna, nous
allons visiter le sanitarium, joli bâtiment en bois, avec chambres de malades, spa-
cieuses et bien aérées ; magnifique véranda, avec vue splendide du haut de la
coupole d'une colline dominant des vallons de tous côtés. Dans un de ces vallons
coule une rivière très peu large, la rivière des Crocodiles, où ces animaux abon-
dent ; on les voit en grande quantité sur la berge. Tout le monticule est garni de
grands baobabs épars qui font un bel effet avec leurs troncs énormes et leur
grand fruit allongé comme un petit ballon pendant à une corde d'un pied de long...
Nous faisons connaissance avec le D** Allart, homme d'un certain âge déjà, d'une
amabilité et d'une serviabilité rares. Il est passionné de sa création, de son sani-
tarium^ comme il l'appelle, et ne peut se lasser d'en montrer jusqu'aux moindres
détails, ni de raconter les péripéties et les difficultés par lesquelles il a dû passer
pour arriver à un tel résultat...
Ail heures, départ pour Yivi. Du bateau la vue de Borna est charmante. Mais
à mesure qu'on remonte le Congo, ses rives montagneuses rappellent le Rhin,
avec cette différence que leur aspect est celui de la désolation, par suite de la
coutume des indigènes de mettre le feu, en cette saison, aux graminées de près
de quatre mètres de hauteur. C'est le procédé qu'ils emploient pour fumer la
terre et permettre à l'herbe tendre de pousser, car le printemps, la petite saison
des pluies, va arriver. Figurez-vous tout un pays de montagnes noirci par le feu,
des rochers énormes tout calcinés, et vous comprendrez l'effrayante beauté de ce
pays... Une atmosphère de plomb vous enveloppe, rendue plus accablante encore
par la chaleur qui rayonne de la chaudière de notre petit vapeur. Dans le fieuve,
deux ou trois Ilots de rochers sans végétation aucune, hors un ou deux troncs
d'arbres morts dirigeant vers le ciel une branche nue, comme tordue par la souf-
france et le désespoir. Sur la berge, de monstrueux crocodiles, et parfois sur l'arête
d'un rocher, la silhouette d'un indigène accroupi et immobile, regardant notre
bateau sans faire un mouvement et comme pétrifié. Sur tout cela est répandu ce
quelque chose d'indéfinissable, de mystérieux qui caractérise l'Afrique. L'Euro-
péen n'est pas habitué à voir un fleuve immense sans navigation et sans localités
sur ses bords. Ici, rien que le bruit des tourbillons produits par un courant d'une
puissance si énorme que notre bateau, en certains endroits, n'a plus l'air d'avan-
cer, et qu'il est roulé comme par une houle immense. Cependant ce spectacle
lugubre, ce silence, cette immobilité dans la création sont d'une sévérité et d'an
grandiose émouvants... '
— 61 —
Après un tournant, et à quelques kilomètres^ le fleuve paratt barré par une
chaîne de hauteurs toujours plus élevée... ; silr notre gauche, dans un espace libre
de montagnes, se présente un grand terrain d'alluvion avec palmiers, où, paralt-il,
se promènent souvent des éléphants. Nous traversons le fleuve pour éviter le cou-
rant très fort qui existe autour d'un promontoire fort élevé et escarpé de la rive
sud, au haut duquel est située la station de la mission baptiste qui a hissé le dra-
peau anglais. Nous nous arrêtons un instant sur la rive nord, à Ikoungoula (sta-
tion de l'Association), pour y déposer quelques provisions, puis, retraversons le
fleuve toujours pour éviter le courant. De l'autre côté, nous nous arrêtons à
N'Callacoula, à la factorerie anglaise. C'est de là qu'on aperçoit pour la première
fois Yivi, ou plutôt Nouveau-Vivi, aux quelques maisons blanches, sur le versant
en pente douce d'une montagne dont la sommité, bien au-dessus et en retrait,
paraît être très élevée.
La ressemblance avec le Rhin devient de plus en plus frappante. Il y a là des '
montagnes qui rappellent tout à fait la Loreley. Ce sont les mêmes dimensions et
les mêmes formes, seulement la végétation et la culture manquent, ainsi que le
moindre espace libre au pied des monts, qui permette de créer un passage le long
du fleuve. Immédiatement au bord de l'eau toutefois, se dessine une ceinture
d'arbres bien verts et bien feuilles, que le voisinage de l'eau a sauvés de l'incendie
Ces arbres croissent dans les interstices de ces rochers de Titans.
Quelques moments encore de navigation et nous apercevons Vieux- Yivi, avec sa
maison. construite par Stanley, un toit immense sur rez-de-chaussée, abritant en
outre une grande véranda, et, émergeant de ce toit, la chambre haute de Stanley,
cube blanc surmonté d'un autre toit en forme de cône. Cette construction est située
sur un promontoire de la haute montagne Léopold, qui domine toute la contrée.
Ce contrefort s'élève en forme de pyramide très escarpée, surplombant le fleuve
d'une hauteur de 250" à 300".
Le Congo se rétrécit de plus en plus, surtout quand nous dépassons un promon-
toire de rochers de la rive sud, baigné en amont par l'eau d'une anse dans laquelle
le courant s'engouffre ; la base en est rongée de manière à lui donner l'apparence
d'une énorme grenouille au repos. De l'autre côté se trouve une autre anse, Belgique
creek, avec de charmants îlots, puis vient un étranglement du Congo avec un cou-
rant d'une puissance effrayante ; il paraît qu!en cet endroit de tourbillons le fleuve
est insondable. Nous traversons pour aborder à un banc de sable, dans une petite
anse avec belle végétation, à la base de la montagne pyramidale du Yieux-Yivi
qui tombe à pic sur nous. Il est plus de 6 h. 4u soir, l'heure éternelle du coucher
du soleil ici, comme 5 h. 30 est celle de son lever. Personne ne le désire plus
longtemps sur l'horizon. La nuit tombe vite, et le temps de gravir la côte escar-
pée qui mène à Yieux-Yivi suffit pour amener la nuit close. Même alors la cha-
leur est accablante, et vous souffrez d'une transpiration pénible que rend impar-
faitement l'expression: cuire dans son jus.
Arrivés à Yieux-Yivi nous le trouvons bondé de monde, une partie du person-
nel de la station, et cinq arrivants amenés par VAmbrù. Yieux-Yivi est néanmoins
condamné ; une grande partie des magasins ont déjà été démolis et réédiflés à
,-*
— 62 —
Nouveau-Vivi. Je suis encore fort heureux de trouver une ckambre pour moi geai
dans ce qu'on appelle l'écurie. Heureusement, la guerre et les manœuvres habi-
tuent à tout, sans cela la première impression aurait pu être fatale pour quel-
qu'un qui aurait été plus gâté... Mais il faut se rendre au plus t6t à NouTeau-Vivi,
résidence du chef de Vivi, le major Farminter et du colonel de Winton, adiunis-
trateur général.
En pleine obscurité et sans aucune connaissance du terrain, je descends le sen-
tier qui conduit au ravin séparant Yieux-Yivi de la nouvelle station. Au fond da
ravin, l'on passe à tâtons un pont, sans garde-fou, de Ô'' au-dessus d'un torrent
encaissé. Les rails du petit chemin de fer établi par Stanley ne servent qu'à vous
faire trébucher. Au delà du pont, je gravis une côte presque à pic pour atteindre
ce qu'on appelle ici le plateau^ c'est-à-dire la nouvelle station ; le mot plateau
n'est pas le terme propre, car il s'agit plutôt du versant en pente douce, dont j'ai
parlé. plus haut.
Ici l'impression change heureusement ; je trouve le major Farminter installé
dans une chambre spacieuse avec quelques meubles en osier. Le long des parois
de cette salle, de grandes planches recouvertes d'éto£fe forment une vaste table
sur laquelle sont des photographies, des casiers, une lampe, etc. Le tout a l'air
assez confortable; à côté de la chambre, un cabinet de toilette; la salle à manger
divise la maison en deux parties ; l'autre côté, exactement semblable à l'apparte-
ment du major, est la demeure du sous-chef, M. Shaw, actuellement malade de la
fièvre bilieuse.
12 octobre.
Je fais une promenade au heach^ oCi les magasins sont établis dans un site ra-
vissant, tout au bord du fleuve au-dessous du Yieux-Yivi : anses, criques, embou-
chures de torrents et végétation luxuriante épargnée par le feu, donnant asile à
de nombreux oiseaux, tous plus beaux les uns que les autres. Devant soi le fleuve
immense et les charmants Ilots, demi-rocheux, demi-verdoyants, où les crocodiles
vont faire leur sieste...
Le sommet de la montagne du Yieux-Yivi offre une surface fort étroite; c'est
en partie le manque d'espace qui a fait établir la nouvelle station sur le versant
de l'autre côté du ravin. A son extrémité, du côté de l'eau, elle a à peine 30 pas
de large, et forme la terrasse de la maison de Stanley. Yous pouvez vous flgurer
la position, presque à pic sur le Congo, limitée à l'est par le torrent qui sépare
les deux stations et profondément encaissé dans un lit d'énormes dalles. Du côté de
ce torrent la plateforme surplombe un précipice dont les parois de rochers sont
verticales...
J'ai passé nombre de soirées en cet endroit, ne pouvant me lasser d'admirer de
là le coucher du soleil, là lune et les étoiles qui me paraissent plus belles encore
qu'en Europe. De cette place, le mugissement du Congo ferait croire au bruit de
trains de chemin de fer courant sur les rives du fleuve. Heureusement qu'il n'en
est rien encore. J'aime mieux notre Congo mystérieux...
10 novembre.
Jusqu'ici j'ai rempli les fonctions de sous-chef de station. Tous les jours, dès
— 63 —
5 h. 80 du matin, et de 2 h. à 6 h. noas sommes occupés... Yivi étant tête de ligne
des communications jusqu'aux Chutes de Stanley en aval de Nyangoué, c'est elle
qui reçoit toutes les provisions, les étoffes, etc. Il faut correspondre avec l'Eu-
rope et avec toutes les stations du Congo, organiser les caravanes qui partent
presque journellement, suivre les travaux de reconstruction sur le nouvel empla-
cement, très souvent mettre soi-même la main à l'œuvre pour montrer aux noirs la
manière de faire. J'ai dû creuser des tranchées, faire le menuisier, l'emballeur, etc.
Actuellement ma santé est excellente ; mais de mardi dernier à dimanche, j'ai
en la fièvre à laquelle chacun ici doit payer son tribut. C'est une singulière sensa-
tion de faiblesse, beaucoup de douleurs dans les membres. La maladie a été très
bénigne pour moi ; avec de la quinine, l'accès a bien vite passé, et maintenant
toute trace de malaise a disparu.
BIBUOGRAPHIE'
Dee Zukunft dee Konqo- und GtTiNEAGEBiETE, VOD D' J. Falkcti'
stein, Weimar, Geographisches Institut, in 12**, 36 p. — Au moment oii
la Conférence africaine vient de poser en principe la liberté commer-
ciale dans le bassin du Congo et de ses affluents, il est utile d'avoir,
résumées en quelques pages, les vues d'un voyageur sur le commerce
de cette région. Le D' Falkenstein a fait partie de la première expédi-
tion de la Société africaine allemande à la côte de Loango (1873-1875),
pour chercher à ouvrir l'Afrique centrale équatoriale par la côte occi-
dentale. Son séjour prolongé dans cette partie du continent, ses voyages
aux principaux ports de la côte et dans les établissements européens du
Congo inférieur, lui ont fourni une connaissance exacte des conditions
commerciales, des procédés, des intermédiaires entre les factoreries et
les nègres de l'intérieur, des produits du pays et des marchandises
importées, des chances que peuvent présenter des plantations bien
dirigées, des nécessités d'une transformation dans les rapport*?
d'échange, etc. L'auteur ne se borae pas à exposer ses observations
personnelles; il donne aussi la parole à MM. Hûbbe-Schleiden et
Wœrmann, dont les opinions, quelque divergentes qu'elles soient, doi-
vent être pesées mûrement, par tous ceux qui veulent s'éclairer sur les
perspectives plus ou moins favorables que l'ouverture du bassin du
Congo peut offrir au commerce européen.
GuiNEA UND KoNOo-KllsTEN im Massstabe von Veoûoooo- Kolonial
karte n* 2. Weimar, Geographisches Institut. — Depuis que le désir du
peuple allemand de posséder des colonies sur la côte d'Afrique a revêtu
* Ou peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bàle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et cwilisée.
3i
1
— 64 —
une forme concrète, l'Institut géographique de Weimar a jugé néces-
saire de fournir au nombreux public qui s'intéresse à la question colo-
niale, des cartes des territoires acquis ou annexés à la suite de la pro-
clamation du protectorat de Tempire allemand. Dans une première,
arrivée bien vite à sa quatrième édition, il avait donné la «partie de
l'Afrique australe dont Angra-Pequena est le centre. La seconde que
nous annonçons présente la région du golfe de Guinée, de Monrovia à
St-Paul de Loanda, avec des cartons pour la côte des Esclaves où se
trouve le territoire de Togno, et^our la baie de Çameroon ; elle tient le
milieu entre les petites cartes générales qui ne peuvent donner une
idée du relief du pays, et les grandes cartes destinées seulement aux
spécialistes. Elle offre en outre des renseignements utiles sur la ligne
des vapeurs de Hambourg à Ambriz, avec indication des escales. Les
stations françaises de l'Ogôoué et celles de l'Association internationale
y sont aussi marquées.
Afrika. Der dunkle Erdtheil im Lichte unserer Zeit, von A, v.
Schweiger-Lerchenfeld. Wien (A. Hartleben), 1885, in-S**, mitSOOlllus-
trationen in Holzschnitt und 18 colorirten Karten, fr. 24. — Nous ne
pouvons aujourd'hui qu'annoncer le nouvel ouvrage de M. Schweiger-
Lerchenfeld, auteur bien connu par celui qu'il a publié sur l'Orient.
Le livre dont la première livraison vient de paraître, et qui en aura 30,
de 32 pages chacune, est imprimé avec un grand luxe de typographie
et d'illustrations, sans parler des nombreuses cartes qui doivent
l'accompagner. Outre une introduction dans laquelle l'écrivain passe en
revue à grands traits l'histoire de la découverte du continent noir, des
temps les plus anciens jusqu'à nos jours, cette piç^mière livraison con-
tient le conunencement de la première partie de l'ouvrage consacré à «.
l'Afrique australe. Plus tard viendront successivement l'Afrique cen-
trale, le Soudan, le Sahara, l'Afrique septentrionale, l'Afrique N.-E.,
et les îles. La première livraison renferme déjà une carte politique de
l'Afrique avec quatre cartons, pour le territoire du Bas-Congo, la côte
de l'embouchure du Niger au Gabon, le pays qui entoure Angra-
Pequena et les environs de Khartoum. Le cartographe s'est un peu
trop hâté en attribuant aux possessions allemandes, la côte au nord de
la colonie de Natal jusqu'à la baie de Delagoa et le Zanguebar. Nous
reviendrons sur cette publication, à laquelle le soin de l'auteur à faire
parler les pionniers de l'exploration africaine, et celui de l'éditeur à
illustrer le mieux possible les descriptions de la nature ou les scènes
de la vie des voyageurs et des indigènes, promettent un grand succès.
t"7,-J
A.
34^
ÉR A
B
4, & »
D
VICTOl
rxS DEi
^s^.
ÉCHANGES
Amsterdam.
Anvers.
Berlin.
Brème.
Bruxelles.
Berlin.
SooiétéB de géographie.
Constantine. Handsonrg. Lisbonne. Nancy.
Douai. léna.
Francfort "/M. Le Caire.
Greifswald. Leipzig.
Halle. Lille.
Jjvon.
Madrid.
Marseille.
New- York.
Oran.
Paris.
Montpellier.
Sociétés de géographie coxninajciale.
Bordeaux. Paris. Porto. Saint-Gall.
Missions.
Rochefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Le Havre.
Journal des nussions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XIXn»« siècle
(Neuchâtel).
lournal de TUnité des Frètes [rnoraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon). ^
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Bannen).
Berliner Missions-Beriehte (Berlin).
Heidenbote (Bâle).
Evangelisches Missions -Magazin (Bâle).
Calwer Missions -Blatt (Calw).
Allgemeine Missions -Zeitschrift (Gilters-
loh).
Glaubensbote (Bâle).
Airica (Londres).
La Nigrizia (Vérone).
Church missionary Intelligencer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionary (New- York).
Régions beyond (Londres).
Chronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Church of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the uDited presby-
terian Church (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Woman's foreign missionary Society
(Philadelphie).
Divers.
Gazette géographique et Exploration (Pa-
ris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Al^er).
Bulletin du (lomice agricole (Médéa).
Bulletin de TAcadémie d'Hippone (Bone).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris).
Revue géographique internationale (Paris).
Le Mouvement .géographique (Bruxelles).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau fUr Géographie und
Statistifc (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischcn Gesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fttr den
Orient (Vienne).
Zeitschrift fUr wissenschaftliche Géogra-
phie (Lahr).
Aus allen Welltheilen (Leipzig).
Deutsche Kolonialzeitung (Francfort s/M).
Chamber of Commerce Journal (Londres;.
African Times- (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine*s Friend (Londres).
African Repository (V^ashington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
BoUettino délia Societa africana d'Italia
(Naples).
Esplorazione (Naples).
Marina e Commercio, e Giornale délie co-
lonie (Rome).
Boletin de la Ëxploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Revista de EÎstudos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Record of geogra
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argjis (Cape-Town).
West African Reporter (Sierra Leone)
Toup du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine).
Moniteur de TAlgêrie (Alger).
Bf A. Petermann s Mittheilungen (Gotha)
Etc., etc.
SOMMAIRE
Bulletin mensuel 41
Nouvelles complémentaires 51
Expédition de I^r J. Thomson, de Mombas au Victoria-Nyanza,
PAB le pays des Masaï — ... 54
^
GORBESPONDAKCE :
Lettre de M. de Pourtalès, de Vivi 60
Bibliographie :
Die Zukuttft der Kongo- und Guineagebiete, von D*" J. Falkenstein. . 63
Gainea und Kongo-Kûsten-Kolonial Earte, N° 2 68
AMka. Der dunkle Erdtheil im Lichte unserer Zeit, von A. v.
Schweiger-Lerchenfeld 64
OUVRAGES REÇUS :
Paul Melon. La nécropole phénicienne de Medhia. Paris (Ernest Lero^), 1884,
m-8<>, 8 p. et pi. Extrait de la "Rmu^ archéologique»
Les Belges au Congo. Publié par le Mouvement géographique, Bruxelles (Institut
national de géographie), in-fol., 24 p. avec portraits, cartes et vues, fr. 8.
A. Barthélémy. Guide du voyageur dans la Sénégambie française. Bordeaux (fia-
' reaux de La CHronde et Paris, A. Barbier, 182, boul. S*-Germain), 1884, in-12,
331 p. et carte, fr. 5. - -
A travers le Fouta-Diallon et le Bambouc, par Ernest Noirot, attaché à la mission
Bayol. Paris (Maurice Dreyfous), in-8<», 360 p. avec pi. et carte, fr. 5.
Afrika. Der dunkle Erdtheil im Lichte unserer Zeit, von A. -v. Schweiger-Ler-
chenfeld. 1 Lieferung. Wien, Pest, Leipzig (A. Hartleben), în-8% avec gravures
et cartes ; 30 livraisons à fr. 0,80.
Life in the Soudan. Adventures among the tribes, and iravels in Egypt, in 18ÔI
and 1882, by D' Josiah Williams F. R. G. S. London (Remington et C*»), 1884,
in-8^ 838 p. illustr.
Die deutsche Kolonie Kamerun, von D' Ant. Reichenow. Mit einer Karte. Berlin
(Gustav Behrend), 1884, in-8<», 51 p.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
GKNÈVE
L'AFRIQUE
EXPLORÉE. ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIKIOÉ PAS
H. OnstaTo HOTNISR
Membre de la Oommission internationale de BmxeUes ponr rexplomtioa et la civilisation
de TAfrique centrale; membre correspondant de PAcadôniie d'Hipponej .
et des Sociétés de ^ograpble de Marseille» de Nancy, de Loanda et de Porto.
KlîDiGâ Par
M. Charles FAURS
Sucrétnire-Bibliothécaire de la Société de géographie de Oenére /membre correspondant dos Sociétés
de géograpbie de Lisbonne, de LoandA. do Porto, de Saint-Gall et de Berne.
UAfriqw paraît le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8o d'an
moins 20 pages chacune ; le texte est aocpnipagnè de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaire.
> Le prix de l'abonnement annuel, payable d'avanee* est de 10 fWmes»
port compris, pour tous les pays de TUnion postale (première zone) ; pour les
autres, 11 fr. 30. -
Tout ouvrage nouveau relatif à TAfriquë, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a* droit à'im compte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à H. Gnstave Moynler,
8, rae de l'AtKénée* 1^ QenèYc (Snifse).
. S'adreo«er pour les abonnements A Tédltenr» M. H. €(eorg« à
Oenéve on 1^ BAle. .
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Ch. Delagrave, libraire. 15, rue Soufflot, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la Cour, 45, rue de la Régence, à Bruxelles.
DuMOLARD frères, libraires, Corso Vittorio Emmanuele/21, à Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querstr., 29, à Leipzig.
L. Friederichsen et C^% libraires, Adrairalitatsstr, 3/4, à Hambourg
Wilhelm FuiCK, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autriche).
Trubnbr et G*% libraires, Ludgate Hill, 57/59. à Londres E. G.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
A VIA. — Nous mettons à la disposition de nos nouveaux abonnés^ au prix de
12 fr. chacun, un certain nombre d'exemplaires complets de la U»»®, de la IV^
et de la F"* année» La I" et la Iir°^ sont épuisées.
— 65 —
BULLETIN MENSUEL {2 niars 1885.)'
A l'occasion de l'éloge du colonel Roudaire, prononcé dans la der-
nière séance de la Société de géographie de Paris, M. de Lesseps a
annoncé que l'œuvre du défunt ne périra pas avec lui. Le commandant
Landas, professeur de topographie à l'école de Saint-Cyr, où il avait
succédé à M. Roudaire, a demandé à le remplacer. Le ministre de la
guerre y a consenti. Une commission a été nommée pour examiner le
dernier projet du défunt, la création d'un port à, Gabés, sorte de
préliminaire de l'entreprise générale, et qui servirait comme d'amorce
à la mer intérieure, sur une côte oh les vents d'est sont très dangereux,
et où, sur cent lieues de longueur, il n^existe pas un seul port. La com-
mission est partie pour Gahès le 12 février.
A l'heure qu'il est, nous ne pouvons que nous associer à la profonde
tristesse causée au monde civilisé par la chute de Khartoum aux mains
du Malidl, la mort de Gordon et des Européens qui, avec lui, y repré-
sentaient la civilisation, et le retour de la barbarie dans une région
d'où la traite était refoulée, et où l'on pouvait espérer voir l'esclavage
lui-même prochainement aboli. Le gouvernement du Mahdi et de ses
partisans, ne fût-il que temporaire, n'y tolérera, pas plus qu'à El-
Obéid, ni étabhssements missionnaires, ni écoles chrétiennes ; et dans
l'état de guerre prolongée que l'on peut prévoir pour cette partie de
l'Afrique, les progrès que les indigènes avaient faits dans la culture
des terres aux environs de* Khartoum, ne seront-ils pas arrêtés? Ne
le sont-ils pas déjà, par l'insécurité qui y règne depuis .trois ans? L'espoir
devoir aboutir les démarches de Mgr. Sogaro en faveur des missionnaires
prisonniers du Mahdi, auquel un messager a été envoyé pour
réclamer leur mise en liberté, est bien ébranlé. Nous nous deman-
dons aussi comment Emin-bey, gouverneur de la province égyptienne
équatoriale à l'est du Nil, a pu jusqu'ici tenir à Lado où, d'après le
Bulletin de la Société de géogra/phie de Rome , il a auprès de lui les
deux explorateurs Casati et Junker. Il semble que ceux-ci, en quittant
le bassin de l'Ouellé, ont renoncé à l'idée de se diriger vers le Congo,
où les agents de l'Association internationale avaient ordre de leur don-
^ Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Nouvelles corn-
plémentaires y sont classées sniyant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
reyenant par la côte occidentale.
L'AFRIQUE. — SIXIÈME ANNÉE. — N^ 3. 3
— 66 —
ner l'hospitalité. Saiis doute en revenant àLado, ils comptaient pouvoir
rentrer en Europe par la voie du Nil et de la mer Rouge. Mais cette
route leur est fermée plus que Jamaisj Et combien de temps faudra-t-il
à l'Angleterre pour rouvrir les communications par la vallée du Nil, si
sûre encore à T époque où Wilson et Felkin la suivaient, pour amener
de rOu-Ganda les trois ambassadeurs que Mtésa envoyait à la reine
Victoria ?
Nous laissons de côté les incidents de la politique italienne dans la
mer Rouge ; mais nous devons signaler le projet de loi présenté à la
Chambre des députés de Rome, pour l'amélioration des conditions nau-
tiques de la baie d' Assab. Les travaux en perspective sont : V la
construction d'un phare dans l'fle Fatmah ; 2'' l'érection d'un fanal de
port au cap Buja, et 3** la création d'un port capable de recevoir les
grands navires de commerce qui font les voyages de l'Orient. — La
Société italienne de navigation va établir deux lignes de vapeurs pour
la partie méridionale de la mer Rouge , Assab , Aden et la côte des
Somalis , afin de satisfaire aux exigences du commerce et aux besoins
d' Assab. La Société concessionnaire recevra une subvention mensuelle,
en échange de laquelle elle devra faire gratuitement certains transports,
entre autres celui des membres des explorations scientifiques. Le service
sera divisé en deux parties, l'une pour Assab et Aden, l'autre pour
Assab et Massaoua.
La Société de géographie de Rome a reçu du comte Antonelli et
du D' Rai^zzi des lettres annonçant leur heureuse arrivée au Ch€>a.
Datées de Borou-ljliéda, le 7 novembre 1884, ces missives sont parvenues
à Assab en un mois. Les voyageurs avaient été reçus avec de grandes
démonstrations de respect par rojBScier du roi, Azagé-Waldé-Tzadek.
Antonelli resta à Borou-Miéda pour y attendre Ménélik, tandis que le
D' Ragazzi se rendait à Let-Marefia, la station italienne fondée par
Antinori. La santé des voyageurs était très bonne. La route qu'ils ont
parcourue, de Bouldhoughoumà Gafra, est entièrement nouvelle. D'après
les observations faites par le comte Antonelli, Gafra doit être placé à
une soixantaine de kilomètres au sud de l'emplacement qui lui est
assigné par les cartes italiennes.
Antonelli a conclu avec Ménélik, au nom du roi d'Italie et pour dix
ans, un traité plus complet que la convention passée avec Mohamed-
Anfali, sultan des Aoussa, mentionnée dans notre dernier numéro (p.
42). Nous ne pouvons en indiquer ici que les principales stipulations.
Chacune des parties contractantes pourra être représentée par un agent
— 67 —
diplomatique auprès de l'autre partie, et'pourra nommer des consuls et
des agents consulaires pour la protection du commerce. Les «ujets de
chacun des âeux pays pourront Kbremcmt entrer et voyager avec leui-s
effets et marchandises dans toutes les*\)arties des deux États, et joui-
ront, pour leurs personnes et leurs biens, de la protection constante du
gouvernement et de ses fonctionnaires. Les Italiens au Choa, et les
habitants du Choa en Italie pourront librement se livrer au commerce, à
ragriculture et à toute industrie non contraire aux loi§. Vu les diflB-
culté« qu'il y a encore à voyager au Choa, le roi Ménélik promet de
faciliter autant qu'il le pourra le transport des bagages et des mar-
chandises appartenant à des négociants italiens, en accordant, moyen-
nant rétribution équitable aux porteuHs; les bêtes de sonmie et tout ce
qui sera nécessaire à cet effet. Les marchandises appartenant aux Ita-
liens paieront au Choa un seul et unique droit d'entrée et de sortie de
5 7o ad valorem. En revanche, les marchandises appartenant aux sujets
du roi du Choa ne paieront aucune taxe d'importation ni d'exporta-
tion, dans le territoire de la colonie italienne d'Assab. Les deux parties
contractantes feront tout ce qui sera en leur pouvoir, pour établir des
relations commerciales fréquentes, et sûres entre le Choa et Assab.
Ménélik agira auprès des autorités qui dépendent de lui , afin que les
Italiens puissent se rendre librement d'un pays à l'autre, et, en cas
d'offense, obtenir une juste réparation. Il s'engage entre autres à
employer toute son influence auprès de Mohamed-Anfali pour obtenir
que, moyennant une rétribution annuelle ou un droit fixe de transit, il
surveille la route entre les deux pays et en garantisse la sécurité contre
les tribus des Danakils et des SomaUsj Le roi d'ItaUe promet de concé-
der gratuitement aux habitants du Choa qui viendront à Assab, un
emplacement où ils puissent construira des huttes pour tout le temps
de leur séjour. Les autorités consulaires auront, dans chacun des deux
pays, la juridiction sur leurs ressortissants respectife. Le roi du Choa
aura la faculté de s'adresser aux autorités italiennes à Assab pour toute
lettre ou communication qu'il voudra faire parvenir en Europe, aux
gouvernements auprès desquels ces autorités seront accréditées. SMl
surgissait, entre le gouvernement italien et celui du Choa, quelque ques-
tion qui ne pût être résolue à l'amiable, elle serait soumise à l'arbitrage
d'une puissance neutre, et la sentence arbitrale serait agréée par les
deux parties. Au bout de dix ans le traité pourra être revisé d'un com-
mun accord.
M. Joies Sleii^èS) collaborateur des Mittheïlungen de Gotha, est
— 68 —
heureusementrevenu à Berbera, d'une excursion nouvelle de vingt et un
jours, qu'il a faite à rintérieur du pays des Somali», et dans laquelle
il a exploré un territoire encore inconnu, en grande partie au moins. De
Berbera il s'est rendu d'abord h la plaine de Gerbatir, puis s'est dirigé
vers l'est jusqu'à Golis, d'où, longeant les montagnes vers l'ouest, il a
atteint le Gran-Libach dont il a fait l'ascension. Il en a déterminé la
hauteur, qu'il estime être de 2100" à 2200", et non de 2800", comme
l'indiquent les cartes. Après cela, il a parcouru le vaste plateau de
Hékélo et est revenu vers le N.-O. à Boulhar, d'où les nouvelles de
Berbera l'ont obligé de redescendre à la côte; sans cela il aurait encore
visité le plateau des Ittou-Gallas au S.-O. Ses bons rapports avec les
Somalis lui auraient permis dfexécuter ce projet, sans rencontrer de
difficultés autres que les éternelles demandes de cadeaux, qui font des
indigènes de véritables mendiants.
M. Mengès communique aux Mittheilimgen de Gotha que M. tf a^mes,
l'auteur des Tribus sauvages du Soudan j a quitté Berbera le 22 décem-
bre, pour pénétrer dans l'intérieur avec quatre compagnons de voyage.
Ils comptaient traverser l'Og^aden, pour atteindre le liVebbî, tribu-
taire de l'Océan indien. Le 27 décembre ils étaient sur le plateau, et
se dirigeaient vers Aroli et Toyo sur la grande route de l'Ogaden.
M. Mengès doutait de la réussite de leur expédition, leurs provisions de
vivres et de cadeaux ne lui paraissant pas suffisantes pour répondre à
toutes les demandes des nombreuses petites tribus dont la route tra-
verse le territoire. Cependant, ajoute-t-il, leur libéralité leur a obtenu
déjà un très bon renom parmi les Somalis. On croit qu'ils pourront
attendre la partie septentrionale de l'Ogaden, à 10 ou 12 jours de
marche de Berbera, mais qu'ils ne pourront pas aller jusqu'au Webbi.
De retour en Angleterre, M. H.-H. Johnston a rendu compte à la
Société de géographie de Londres de l'expédition au Kilimandjaro,
dont il avait été chargé par cette Société et par l'Association britanni-
que. Nous empruntons les détails suivants à l'extrait qu'en a publié
ïAfrican Times, Après beaucoup de difficultés pour obtenir le nombre
d'hommes nécessaires à l'expédition, Johnston quitta Mombas vers la
fin de mai de l'année dernière, à la tête d'une caravane de 120 hommes,
dont un quart désertèrent en route. Il atteignit la montagne au com-
mencement de juin, et après avoir résidé un certain temps dans le ter-
ritoire de Mandara, remarquablement fertile et bien arrosé, il aUa
s'établir à Taveta (voir la carte p. 64). Il traversa la zone cultivée qui
se tennine à une altitude de 1800 mètres, et entra dans une r^on
— 69 —
salubre de monticules herbeux entre lesquels courent quantité de riviè-
res ; puis il établit son campement au delà d'un cours d'eau bordé de
fougères, à 2100 mètres de hauteur. Le lendemain il rencontra une
forêt d'arbres rabougris garnis de plaates grimpantes, oîi les bégonias
projettent de branche en branche leurs clochettes parfumées ; les dra-
céiiacées, cultivées par les Wa-Chagga, pour en faire des haies, y
croissent à l'état sauvage ; les fougères arborescentes y abondent. Au-
dessus de 2300 mètres, la mousse orseille drape les arbres de la forêt de
longs festons gris ; les traces d'éléphants y sont très nombreuses; on
rencontre des porcs à verrue jusqu'à 2600 mètres. A 3000 mètres, John-
ston campa pour la nuit près d'une petite source, au milieu d'une forêt
dont les arbres n'étaient point rabougHs comme ceux de la zone infé-
rieure. Le lendemain, après avoir fait plusieurs kilomètres dans la
direction de l'est, afin de trouver un bon emplacement pour s'établir
près d'un cours d'eau, il choisit un endl*oit admirable sur un monticule,
à 3350 mètres, dominant la Kilema qui prend sa source à la base du
Kimaouenzi. Ses gens construisirent une quinzaine de huttes, couvertes
de bruyères et faites de manière à les garantir contre la pluie et le
froid, le tout entouré d'une forte clôture en prévision d'une attaque.
Chaque nuit le thermomètre descendait à un ou deux degrés au-dessous
de zéro. S'élevant plus haut encore , au-dessus de pentes herbeuses
seraées de plaques de neige, à 4270 mètres, ils traversèrent une belle
rivière coulant au S.-S.-O. au milieu d'une épaisse végétation. On y
voyait des traces de buffles; les abeilles et les guêpes s'y rencontraient
encore. A une altitude de 4390 mètres, Johnston s'aperçut que l'eau
était chaude; la température de la boue humide était de 33° centi-
grades ; la végétation que l'on rencontrait par place était rabougrie; le
sol était couvert de cailloux ; à4500 mètres on aperçut le dernier oiseau.
A une centaine de mètres plus haut, la montagne fut enveloppée par le
brouillard ; puis, tout à coup, les nuages se séparèrent et une surface de
neige apparut au voyageur, mais les rayons du soleil la rendaient si
éblouissante, qu'il ne put guère en voir les détails. Continuant à gra-
vir, malgré le mal de montagne, il atteignit enfin la limite des neiges,
à 4940 mètres, à 800 mètres au-dessous du sommet du Kibo. Il redescen-
dit par une autre route à travers un pays fertile, bien arrosé, mais
entièrement inhabité; les buffles et les éléphants s'y rencontrent. La
hauteur moyenne de ce district est de 3300 à 3600 mètres. Enfin il
rentra à Taveta, d'oti il regagna la côte et Zanzibar.
Le navire anglais Osprey a capturé à la fin de novembre dernier,
— 70 —
près de File Pemba, un bâtiment arabe de cinquante tonnes, conte-
nant 169 esclaves et 30 trafiquants. L'embarcation avait quitté
Mombas huit jours auparavant, et les <esclaves n'avaient rien eu à man-
ger depuis cinq jours, ni rien à koire depuis trois jours. Aussi étaient-ils
dans un état lamentable, et quand VOsprey s'approcha d'eux, ils firent
presque chavirer le bateau en s'avançant en dehors pour obtenir de
l'eau et des vivres. La plupart n'étaient que des squelettes vivants ; qua-
tre enfants moururent immédiatement après la capture. L'infection de
leur bateau était telle, qu'après leur débarquement, les matelots anglais
qui y entrèrent pour le nettoyer en furent tous malades. Les esclaves
furent transportés àFrere-To^wn. Au retour de Mombas, l'O^prey aper-
çut au point du jour deux canots, et une barque ; il leur donna la chasse;
mais loi-sque les négriers se virent poursuivis, ils jetèrent par-dessus
bord sept de leurs esclaves, dont six furent noyés, un seul fut sauvé.
Plus au sud, le consul O'Neill a constaté, dans son voyage au lac
Ghiroua, les effets déplorables . de la traite qui sévit encore dans les
possessions portugaises de l'Afrique orientale. Un peu avant de passer
la Mléla, il remarqua le long de sa route une diminution très sensible
du nombre des villages; la vue de l'un d'entre eux, Nerua, désert et eu
ruines, lui en fit comprendre la cause ; c'était un des districts exploités
par les trafiquants d'esclaves de la côte. Six semaines avant son arrivée,
Nerua était encore un village populeux et florissant, conmie il put faci-
lement le voir au grand nombre de maisons ruinées, à la grandeui*
des cours adjacentes qui n'avaient pu être encore recouvertes par la
végétation. L'œuvre de destinHition avait été taite par un trafiquant
demi-caste, né d'une mère makouà et d'un père arabe, associé à un
chef nommé Hoshia ; tous les natifs que le consul britannique inter-
rogea lui dirent que Nerua n'était pas le seul village qu'ils eussent
détruit, jnais qu'ils avaient étendu leurs opérations et porté la guerre
dans tout le pays environnant. Ce n'est qu'ainsi qu'on peut expliquer
la dépopulation de la région côtière, comparée à la densité des habi-
tants à l'intérieur. M. O'Neill a constaté en effet, que leur nombre s'ac-
croît beaucoup à l'ouest des mpnts Inagou, tandis qu'elle décroît très
fortement à l'est de la Mléla. — Dans ce même voyage, M. O'Neill a
remarqué, qu'au nord du lac Chiroua s'étend un bourrelet de ter-
rain boisé étroit, de 5 à 10 mètres de hauteur seulement, qui sépare le
lac des sources de la LioojencUi. Celle-ci sort du marais de Mtoran-
denga, traverse celui de Tambo, puis les lacs étroits de Chiouta et
d'Amaramba. M. O'Neill croit que lorsque les eaux du lac Chiroua
• 1
— 71 —
seraient extrêmement hautes, .il ne serait pas impossible qu'elles
8'écoulassent dans le bassin de la Loujenda; mais d'après le témoi-
gnage des indigènes, ce fait ne s'est pas produit de mémoire d'honmie.
Le lac n'ayant pas d'émissaire au sud, on est obligé de l'envisager
comme un lac intérieur, ce qu'indique bien sa salure. Avant le voyage
du consul anglais, l'espace compris entre Mozambique et le lac Chiroua
était encore en blanc sur les cartes ; ses observations permettront d'en
compléter la cartographie.
h'Afrkan Times a publié, dans son dernier numéro, une lettre de
M. Rog^ozinaky, datée de Mandoleh, de laquelle il résulte qu'il a
obtenu, pour son expédition polonaise, une concession de terrain à l'ouest
de Victoria, au pied du €amerooB.^Xa voyant menacée par la pré-
sence des Allemands dans cette région, il a demandé au consul anglais,
M. Hewett, de la placer sous le protectorat britannique, lui promettant
en retour d'user de son influence sur lés natifs, pour les engager à solli-
citer le protectorat de l'Angleterre tout le long de la côte. Le 28 août,
il aurait conclu une convention avec les indigènes au sujet de ses pos-
sessions à Bota,puis il aurait longé la côte avec le lieutenant Purlonger,
et signé, avec onze chefs natifs, des traités analogues, de manière à
placer tout le district de la côte sous le protectorat anglais '.
Postérieurement à cette lettre, VAfrican Times annonce, d'après
une nouvelle arrivée à Varsovie, que M. Rogozinsky a été arrêté par
ordre des autorités allemandes. — Des lettres du milieu de décembre, de
Cameroon, rapportent que des centaines de natifs, armés de carabines,
ont menacé une des factoreries de M. Wœrmann, où se trouvait le
consul allemand, le D' Bûchner. Sans la prudence de ce dernier et des
Européens présents, et, sans l'arrivée opportune du D' Passavant, avec
quatre-vingts nègres de Lagos bien armés, une collision aurait éclaté.
— A la fin de l'année dernière, lorsque l'escadre allemande opéra le
débarquement nécessaire pour la prise de possession des territoires pla-
cés sous le protectorat de l'Allemagne, elle fut attaquée par les natifs
qui avaient auparavant brûlé la ville de Bell-town, ime de celles qui
avaient réclamé la protection de l'empire allemand. De leur côté les
troupes allemandes ont incendié la ville de Hickory, sur la rive droite
du Cameroon. Aux dernières nouvelles la tranquillité était rétablie.
Quoique le chemia de fer de Dakar à, Salat-Liouis ne soit pas
terminé, le trafic se développe d'une manière considérable sur les deux
' Voir, à la Correspondance, la lettre du D' Passavant.
— 72 —
sections de Saint-Louis à Goumba-Gouéoul (90 kilom.)i et dfe Dakar à
Tivouanne (92 kilom.). Le chemin de fertransporte chaque jour de2,000
à 2,500 sacs d'arachides et des bois destinés à la construction des bara-,
ques aux abords des stations Récemment ouvertes. Les villages des
Thiès et de Tivouanne, qui n'avaient naguère qu'une cinquantaine
d'indigènes avec quelques cases , sont maintenant animés chaque jour
par 3,000 ou 4,000 noirs, venant de tous les points du Cayor apporter et
acheter des marchandises aux négociants qui y ont installé des comp-
toirs. Les files de chameaux se succèdent sans discontinuer; 'les arachi-
des qu'ils apportent sont expédiés à Rufisque.
NOUVELLES GOMPIiÊMENTAIRBS
Le cardinal Lavigerie, fondateur des missions d'Alger, a obtenu du saint-siège
l'établissement à Rome des jeunes missionnaires destinés aux diiférents champs
de travail de l'Afrique centrale placés sous sa direction.
La Société africaine d'Italie, dont le siège central est à Naples, a maintenant
des sections à Florence, à Chioti et à Bari, et des comités à Ayellino, Terni,
Palerme et Alexandrie d'Egypte.
Sur les instances de l'agent consulaire d'Italie à Massaoua, le roi d'Abyssinie a
donné l'ordre d'arrêter le guide qui a trahi Bianchi et ses compagnons et de le
livrçr à l'autorité italienne.
Plus heureux que Bianchi, M. A. Franzol a réussi dans son expédition du Choa
au Ghera, où il se rendait pour réclamer les restes de l'infortuné Chiarini. Tra-
versant le Limmou, le Gimma et le Coma, il a atteint Cialla, la capitale du Ghera,
dont le roi a fait droit à sa demande. A son retour, il a fait un séjour prolongé au
Choa, d'où il est redescendu à Assab.
Un projet de loi portant ouverture au ministère français de la marine et des
colonies d'un crédit de 450,000 francs environ, pour l'organisation de la colonie
d'Obock et du protectorat de la France sur Tadjoura et les territoires voisins, a
été déposé sur le bureau de la Chambre des députés et renvoyé à la commission
du budget. Sur ce crédit, 30,500 francs sont affectés aux < coutumes » à payer aux
sultans de Tadjoura, de Loïtah, d'AmphaUé ; 8,000 francs, à des présents pour le
roi Ménélik; 21,800 francs, à des cadeaux pour les sultans et les chefs des Issas
et des Gadiboursis ; 163,000 francs, aux routes, creusement de puits, travaux du
port, construction d'un appontement et de quais, éclairage et balisage de la rade.
M. L. Brémond est de retour à Marseille du voyage qu'il a entrepris au Choa,
pour le compte de la Société des factoreries françaises du golfe Persique et de
l'Afrique orientale. Nous aurons à revenir sur ses excursions dans les pays Gallas,
et sur ses études du cours de l'Haouasch, dont il entretiendra la Société de
géographie de Marseille. Il compte repartir en avril pour le Choa.
— 73 ~
Bes troublas ont éclaté au Harrac; les Somalis se jsont réyoltés ooiitre les trou*
pes égyptienne^. Les colons italiens ont réclamé la protection de leur gouverne-
ment.
Dans une des dernières séances de la Chasibre ^es députés d'I^lie, M. Mancini
a parlé d'une terre inexplorée, qui serait l'objet d'une expédition spéciale à ajou-
ter à celle d'Assab. D'après le Pungoîo de Naples, il s'agirait du Jnba, dont le
bassin est libre jusqu'ici d'occupations européennes, et réputé pour ses riches pro-
ductions et son commierce.
Le capitaine King, d'Aden, se propose de reprendre le projet de M. Revoil, de
se rendre de Magadozo à Gerbera, en traversant la péninsule des Somalis.
Le Sémaphore nous appprte plusieurs nouvelles envoyées de Zanzibar à la
Société de géographie de Marseille. L'expédition de MM. Clément et Gustave Den-
hardt envoyée par la Société africaine allemande a pour mission d'explorer le
pays des Borani-Gallas, h l'Est dit lac de Sambourou. Elle partira probablement
de Eismayou, au nord de La mou, et visitera lep montagnes neigeuses qui doivent
se trouver près du \w^ susmentionné.
Deux cents hommes, sous le commandement de M. Mattheus, au service du
sultan de Zanzibar, sont partis pour l'fle de Pemba, afin de se saisir de la per-
sonne de Halfan-ben-Massoud, Arabe puissant qui pratique ouvertement la traite
et s'est révolté contre l'autorité de Saïd-Bargasch.
La cinquième expédition de l'Association internationale africaine arrivée en
décembre à Zanzibar, ira relever M. Storms de ses fonctions à Karéma. M. Becker
qui la dirige continuera sa route vers Nyangoué, afin de relier les stations du Tan-
ganyika à celles du Congo. Il faut un millier d'hommes pour transporter les ravi-
taillements destinés aux stations d^à fondées et aux nouvelles à créer à l'ouest
du lac
Les missionnaires d'Alger ont fondé une nouvelle station à Tchonsa, sur la côte
occidentale du Tanganyika, à une journée de marche de Mpala, station de l'Asso-
ciation internationale africaine.
La Société allemande de colonisation de Berlin a envoyé à Zanaibar MM. Peters
et Julke avec mission d'acquérir des terrains dans l'Ou-Sagara.
Une grande famine règne dans les districts du continent à l'ouest de Zanzibar.
Des affamés en sont réduits à se vendre aux trafiquants arabes qui tentent de les
exporter à Zanzibar et à Pemba. A Dar-es«Salam, un nègre adulte se vend actuel-
lement fr. 4,50; les femmes valent à peine le double. Les caravanes souffrent beau-
coup de cette disette. Sur 200 noirs partis dernièrement pour le lac Tanganyika,
55 étaient morts de faim avant l'arrivée de la caravane à Taborah. La saison des
pluies étant arrivée dans l'intérieur, on espère que la famine cessera bientôt.
Une dépêche de Zanzibar a annoncé la mort de Mirambo.
M. Girand est arrivé de Quilimane à Zanzibar, où, sur son rapport, le procès
sera fait à ceux de ses porteurs qui l'ont abandonné. — Il a débarqué & Marseille
le 17 février.
— 74 —
Un projet de décret concernant l'immigration à Mayotte et à Nossî-Bé a été
adopté par le Conseil d*État de la République française. Il règle d'une manière
générale les rapports et les traités à intery^nir entre engagés, engagistes et leurs
intermédiaires, et détermine la composition des services administratifs de l'immi-
gration.
D'après VAfvican limes an traité de commerce a été conclu entre l'Allemagne
et le Transvaal.
Le Times of Natal rapporte que les Boers de l'État libre arrivent en grand nom-
bre dans le Zoulouland, et qu'ils y achètent des terres. Des levers de terrains
pour fermes se font dans la direction de la baie de S^Lucie.
Une disette terrible sévit en ce moment au sud de l'Afrique ; quelques-unes des
parties du Le-Souto en sont très éprouvées. La récolte du mais et du sorgho qui
constituent la principale nourriture des Ba-Souto, a complètement manqué. Le
renchérissement des grains dépasse toute idée. Un sac de mais ou de sorgho, qoi
l'année dernière se vendait de 6 à 7 fr. 50, coûte maintenant fr. 37,50. Beaucoup
de personnes meurent de faim. Néanmoins l'œuvre missidnnaire s'étend. Après
avoir constaté, dans un premier voyage d'exploration, qu'une fort nombreuse popu-
lation habite la vallée de la Makhajleng, M. Jacottet y a été envoyé de nouveau
pour en visiter les villages et voir dans quels endroits il serait possible de placer
des annexes.
Le gouvernement portugais a mis en adjudication la construction d'un chemin
de fer de Loanda à Ambaca.
Une Société vient de se constituer à Manchester, sous le nom de British Ck)ngo
Company Limited, en vue de favoriser l'exploitation, par le commerce anglais, du
Congo et de la côte d'Afrique. M. Jacob Bright et de grands négociants et indue-
triels de Manchester font partie de son comité directeur. Le capital action est de
12,500,000 francs.
M. Hanssens a organisé à Léopoldville une nouvelle expédition des trois vapeurs
le BaycU^ V Association intematûmcUe et VJSn-Avant, pour remonter le Congo jus-
qu'à la station des chutes de StanleJ' afin de compléter les établissements de l'As-
sociation internationale.
Le vapeur de la Livingstone Inland Mission, le Henri Beedy a été mis à flot à
Stanley-Pool, le 24 novembre dernier.
Le Parlement allemand a accordé une somme de 187,500 francs pour des explo-
rations dans l'Afrique centrale.
L'expédition allemande dirigée par le lieutenant Schulz a acquis de l'Associa-
tion internationale un terrain près de Noky, pour y fonder une station et y con-
struire des magasins. Son intention est de se diriger vers San-Salvador et de gagner
de là le Quango, par Ango-Ango et Cassongo.
Le lieutenant Massari a commencé l'exploration scientifique du Quango, à partir
de la station de Eouamouth au confluent du Congo. Il fondera vraisemblablement
une nouvelle station sur les bords de cette rivière. Peut-être en remontant la val-
lée du Quango, rencontrera-t-il l'expédition dirigée par M. Schulz, ou celle des
— 15 —
voyageurs Capello et iTens enyoyés par le gouvememeiit portugais pour conti-
nuer le levé de eet affluent du Congo.
L^administration du Gabon a consVitué récemment un comité consultatif d'agri-
culture et de commerce, qui sera appelé à ^libérer et à donner son avis sur tou-
tes les questions se rattachant au commerce et à l'agriculture de la colonie.
D'après le BuUetin de la Société royale belge de géographie, l'Espagne se préoc-
cupe sérieusement de la situation de ses possessions du golfe de Guinée, et de cel-
les qu'elle revendique sur le littoral de l'Afrique septentrionale. Une compagnie
s'est formée pour la colonisation des lies de Corisco, d'Annobon et de Fer-
nando-Pô, et une expédition s'organise à Cadix sous la direction du nouveau gou-
verneur de la dernière de ces lies; des missionnaires s'y adjoindront pour aller
fonder des établissements à Corisco.
Le commandant du navire allemand VAriàdne a obtenu du chef de Eabîta une
demande pour que son territoire fût placé sons le protectorat de l'empire alle-
mand. Ce territoire limité par deux rivières navigables, le Dubreca et le Bramaya,
est situé entre le Rio-Pongo et Sierra Leone, et a une factorerie allemande. Mais
les traités signés avec les rois de Rio-Pongo, de Bramaya et de Dubreca ont déjà
placé ce territoire sous le protectorat de la France. Sans doute le commandant de
TAriadue ignorait le fait, et cette affaire se réglera par voie diplomatique.
Une dépêche de Madrid annonce que deux expéditions partiront prochainement
pour le Maroc ; l'une se dirigera vers Poasis de Figuig par la Moulaya ; l'autre
suivra la côte occidentale jusqu'au Draa. Un dépôt de matériel est déjà installé près
de la rivière du Eep, base d'opération de ces expéditions.
D'après le BéveQ du Maroc, l'ambassadeur de l'empire allemand au Maroc,
M. Weber, que son âge appelle à la retraite, sera probablement remplacé par le
D*" Nachtigal, commissaire actuel du gouvernement allemand à Angra-Pequena.
LA CONFÉRENCE AFRICAINE DE BERLIN
(Suite. Voy. p. 24).
En nous proposant de résumer, après la clôture de la Conférence de
Berlin , les travaux de ce congrès si important pour l'Afrique , nous ne
pensions pas que ses délibérations se prolongeraient au delà de la fin de
janvier, et nous espérions avoir en mains très promptement tous les
documents officiels nécessaires pour nous rendre un compte exact de
son œuvre. S'il n'y avait eu à délibérer que sur les trois principes men-
tionnés dans l'invitation aux gouvernements à se faire représenter à
la Conférence*, les représentants de toutes les puissances, réunis à
* 1*" Liberté du commerce dans le bassin et l'embouchure du Congo ;
2° Application au Congo et au Niger des principes adoptés par le Congrès de
— 76 —
Berliu, seraient arrivés beaucoup plus tôt à établir l'entente désirée
par tous.^ Mais les questions subsidiaires, traitées par 1^ membres de
rinstitut de droit iateruation^l dont nous avons rappelé les noms
(p. 19), — neutralité du Congo, création d'une Commission internatio-
nale comme pour le Danube, abolition de la traite et de l'esdavage,
restriction du trafic des spiritueux, etc., — ne pouvaient pas être complè-
tement passées sous silence, et ont obligé la Conférence à prolonger ses
séances au delà du temps primitivement prévu pour la clôture de ses
travaux. Passe encore s'il n'y avait eu que ces questions accessoires à exa-
miner! Sans doute, il avait été convenu d'avance que la Conférence ne
s'occuperait pas des questions actuelles de souveraineté territoriale, qui
devaient être^raitées de cabinet à cabinet, et que les « statuts et actes »
de l'Association internationale du Congo ne rentraient pas dans le pro-
gramme du Congrès. Mais, concurremment aux délibérations de celui-
ci, se poursuivait, en dehors des séances, la reconnaissance, comme
État, de l'Association internationale du Congo par chacune des puissan-
ces représentées à Berlin. Cette reconnaissance exigeait des négociations
spéciales avec leurs gouvernements, pour obtenir de chacun d'eux
la conclusion d'un traité particulier ; et, si la plupart des puissances ne
firent pas de difficultés pour conclure le traité jqui leur était demandé,
d'un autre côté, les négociations avec la France durèrent très longtemps,
et l'opposition du Portugal tint en échec jusqu'à ces derniers jours tous
les autres États, résolus à ne pas clore la Conférence avant que cette
résistance eût été vaincue.
Telles sont les raisons qui nous empêchent forcément de donner dès
aujourd'hui, comme nous l'avions espéré, un résumé complet des travaux
de la Conférence. Les derniers protocoles ne nous sont pas encore par-
venus. En outre , la Commission, chargée de rédiger le préambule de
« l'Acte général » et de coordonner les articles de ce document,
a reçu 1^ pouvoir d'en modifier légèrement la forme, si elle juge que sa
rédaction exige quelque modification. Les termes des décisions
consignées dans les protocoles que nous possédons à cette heure n'ont
donc pas un caractère absolument définitif. Et cependant, nous ne
saurions tarder davantage à commencer du moins l'exposé succinct de
Vienne en vue de consacrer la liberté de la navigation sor plusieurs fleuves inter-
nationaux ;
3<* Définition des formalités à observer, pour que des occupations nouvelles sur
la côte d'Afrique soient considérées comme effectives.
— 77 —
cette œuvre, qui peut adoucit", pour 1^ amis de la civilisation en
Afrique, les regrets que leur cause le retour, temporaire nous voulons
Tespérer, de la barbarie dans le bassin ^du Haut-Nil.
Pour apprécier équitablement les travaux de la Conférence africaine,
il est nécessaire de se rappeler le but pour lequel elle avait été convo-
quée. D s'agissait de prévenir, par une entente internationale, ces con-
flits que M. Moynier prévoyait, dès 1878, lorsque, dans la session de
Paris de l'Institut de droit international , il engageait ses collègues à
étudier la question du Congo, en prévision des compétitions dangereuses
dont le fleuve découvert par Stanley Tannée auparavant pouvait devenir
l'objet, n n'eût pas été trop tôt alors t><>ur s'en occuper. La concur-
rence des intérêts devenait très vive, les ambitions nationales gran-
dissaient, les prétentions du Portugal, reconnues par l'Angleterre,
étaient une menace pour tous , déjà les contestations se produisaient
avec plus ou moins de violence. Il fallait absolument prévenir les maux
qui pouvaient en résulter, soit pour les1)lancs, soit pour les indigènes ,
afin de permettre aux uns et aux autres de profiter de tout le bien
que peuvent leur procurer la découverte de l'intérieur du continent,
ainsi que les relations pacifiques à établir entre ceux qui goûtent déjà
les bienfaits de la civilisation et ceux qui ne connaissent encore que les
misères de la barbarie.
L'Allemagne et la France nous paraissent avoir choisi les moyens les
plus propres à atteindre ce but, en proposant une entente internationale
sur les trois principes susmentionnés , qui devaient fournir trois bases
de délibération.
Le premier était, nous l'avons rappelé , le principe de la liberté dn
commerce dans le bassin ei V embouchure du Oongo.
Jusqu'alorÉf le commerce avait été libre dans la partie inférieure du
fleuve, grâce à ce qu'aucune puissance européenne n'y exerçait d'au-
torité. Mais, dans le projet de traité anglo-portugais du 26 février 1884,
les droits de douane, que le gouvernement anglais avait reconnu au Por-
tugal la faculté de prélever sur toutes les marchandises , atteignaient,
sauf pour le tabac , l'eau-de-vie , les armes à feu et la poudre, le taux
de 10 Vo od valorem/ Aussi, dans l'intérêt du commerce allemand,
M. de Bismarck avait-il refusé de consentir à ce qu'une côte de si grande
importance fût soumise au système colonial portugais, et réclamé pour
tous la liberté de commerce sur le Congo.
— 78 —
Dès la première séance, le 15 novembre, un projet de déclaration,
traitant de la liberté du commerce dans tous les territoires constituant
le bassin du Congo et de ses affluents, fujb soumis aux délibérations de la
Conférence. Comme personne n^ savait encore exactement ce qu'étaient
ces territoires, la première chose à faire était de déterminer exactement
ce point-là. Une Commission, composée des plénipotentiaires allemands
et de ceux des États compris dans la première invitation — c'est-à-dire
l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, les États-Unis, la France, la
Grande-Bretagne, les Pays-Bas et le Portugal — fut chargée de prépa-
rer im rapport sur cette question. On lui reconnut le droit de s'éclairer
en faisant appel aux délégués spéciaux des gouvernements représentés
dans la Conférence. Stanley, eiirparticulier, qui était à Berlin comme
conseil du ministre des États-Unis, et M. Adolphe Wœrmann, conseiller
technique du plénipotentiaire de l'empire allemand, fournirent à la
Conmiission tous les renseigneme'nts que leur connaissance de l'Afrique
occidentale-équatoriale leur permettait de donner.
Dès le début de ses travaux, la Commission dut établir une distinction
entre le bassin géographique et le bassin économique du Congo, déter-
miner l'étendue du premier, et étudier la convenance d'y acy oindre,
dans l'intérêt des conununications commerciales, certains territoires, soit
sur le littoral de l'Océan Atlantique, au sud et au nord de l'embouchure
du Congo, soit à l'est du bassin de ce fleuve, jusqu'à l'Océan Indien.
En effet, le cours inférieur du fleuve étant en grande partie innavigable,
et les routes commerciales du Stanley-Pool à la côte se déplaçant fr^
quemment sous l'influence d'hostâiités entre les tribus de l'intérieur, les
caravanes aboutissent parfois à des points du littoral très éloignés de
leur destination première. D'autre part, le commerce avec le bassin du
Congo se fait par Zanzibar non onoins que par la côte occidentale ; seu-
lement, dans cette région, il y avait à tenir compte des droits du sultan
de Zanzibar et de ceux du Portugal qui a des colonies dans l'Afrique
orientale. A ces divers égards, les travaux de la Commission et les déli-
bérations de la Conférence ont abouti au résultat suivant :
Le bassin proprement dit du Congo et de ses affluents a été délimité
par les crêtes des bassins contigus, savoir, notamment, les bassins.du
Niari, de l'Ogôoué, du Chari et du Nil, au nord; du lac Tanganylka, à
Test; du Zambèze et de la Logé, au sud. En conséquence , il comprend
tous les territoires drainés par le Congo et ses affluents , y compris le
lac Tanganyika et ses tributaires orientaux.
-.r.
—.79 —
La zone maritime s'étend, supTOcéan Atlantique, depuis la position
de Setté- Gamma jusqu'à rembouchure de la Logé. La limite septen-
trionale suit le cours de la rivière qui débouche à Setté-Camma, et,
à partir de la source de celle-ci, elle^ se dirige vei-s Test jusqu'à la
jonction avec le bassin géographique du Congo, en évitant le bassin de
rOgôoué. La limite méridionale suit le cours de la Logé jusqu'à la
source de cette rivière, et se dirige de là vers l'est, jusqu'à la jonction
avec le bassin géographique du Congo.
A Test du bassin du Congo, tel qu'il est délimité ci-dessus, la zone se
prolonge jusqu'à l'Océan Indien et s'étend le long de la côte, depuis le
5** lat. N. jusqu'à l'embouchure du Zambèze; de ce point, la ligne. de
démarcation suit le Zambèze, jusqu'à cinq milles en amont du confluent
du Chiré, et continue par la ligne de faite séparant les eaux qui coulent
vers le lac Nyassa des eaux tributaires du Zambèze, pour rejoindre
enfin la Ugne de partage des eaux du Zambèze et du Congo.
Tels sont donc les territoires qui constituent le bassin non seulement
géographique mais encore économique du Congo et de ses affluents,
dans lequel le commerce de toutes les nations doit jouir d'une liberté
pleine et entière. Toutefois, il a été expressément entendu qu'en éten-
dant à la zone orientale susmentionnée le principe de la liberté com-
merciale, les puissances représentées à la Conférence ne se sont enga-
gées que pour elles-mêmes, et que ce principe ne s'appliquera aux
territoires appartenant à quelque autre État indépendant et souve-.
rain, qu'autant que celui-ci y donnera son consentement. En môme
temps, les puissances ont convenu d'employer leurs bons offices auprès
des gouvernements établis sur le littocal africain de la mer des Lides,
afin d'assurer, en tout cas, au transit de toutes les nations, les conditions
les plus favorables. Le rapport de la commission, présenté par le pléni-
potentiaire belge, M. le baron Lambermont, a reconnu la nécessité de
ménager, dans la mesure du possible, les droits acquis et les intérêts
légitimes des chefs indigènes. U faut prévoir, en effet, les difficultés qui
pourront s'élever entre ces derniers et les commerçants ; ceux-ci pour-
raient s'imaginer que l'application du régime de la liberté conmierciale
ne devra subir aucun tempérament partout oîi elle aura été proclamée
par la Conférence, y compris les portions de territoire où s'exerce
actuellement l'autorité de chefs indigènes qui ne subissent l'influence
d'aucune des puissances contractantes. U importe de prévenir les inté-
ressés contre cette illusion. Dans la pratique, il sera impossible, du
moins au début, d'empêcher certaines dérogations locales et de
-ôo-
détall au régime général que la Conféi'ence s'est donné pour tâche
d'établir, mais il est bien entendu que ces exceptions ne seront tolérées
qu'au profit des souverainetés indigènes existantes dans le bassin du
Congo, et ne sauraient concerner des territoires possédés ou à acquérir
par l'une des puissances contractantes.
Dans les limites indiquées ci-dessus et moyennant ces réserves, tous
les pavillons, sans distinction de nationalité, auront libre accès à tout le
littoral des territoires énumérés plus haut, aux rivières qui s'y déver-
sent dans la mer, à toutes les eaux du Congo et de ses affluents, y com-
pris les lacs, à tous les ports situés sur les bords de ces eaux, ainsi
qu*à tous les canaux qui pourraient être creusés à l'avenir pour relier
entre eux les cours d'eau ou les lacs compris dans cette vaste
enceinte. Us pourront entreprendre toute espèce de transports et
exercer le cabotage maritime et fluvial, ainsi que la batellerie, sur le
même pied que les nationaux.
Le commerce toutefois ne serait pas complètement libre, si les posses-
seurs de territoires compris dans le bassin du Coiigo pouvaient prélever
à leur gré des droits sur les marchandises ; aussi a-t-il été statué que
les marchandises de toute provenance importées dans ces territoi-
res, sous quelque pavillon que ce soit, par voie maritime, fluviale ou
terrestre, n'auront à acquitter d'autres taxes que celles qui pour-
raient être perçues comme une équitable compensation de dépenses
utiles pour le commerce, et qui, à ce titre, devront être également sup-
portées par les nationaux et par les étrangers de toute nationalité.
Tout traitement différentiel est interdit à l'égard des navires conune
des marchandises. Les marchandises importées seront aflFranchies de
droits d'entrée et de transit. Cependant les puissances se réservent de
décider, après une période de vingt années, si la franchise d'entrée sera
ou non maintenue.
Il a été stipulé, en outre, qu'aucune des puissances qui exercent ou
exerceront des droits de souveraineté dans les territoires sus-indiqués,
ne pourra y concéder ni monopole ni privilège d'aucune espèce en
matière commerciale. Les étrangers y jouiront indistinctement, pour
la protection de leurs personnes et de leurs biens, l'acquisition et la
transmission de leurs propriétés mobilières et immobilières, et pour
l'exercice de leur profession, du même traitement et des mômes droits
que les nationaux.
Mais il ne s'agissait pas seulement d'ouvrir cet immense bassin à
tous ceux qui voudront y faire le commerce. Comme l'avait dit le prince
i
— 81 —
de Bismarck au début de la CtoférenCe; « Les gouvernements invités
partageaient le désir d'associer les indigènes de l'Afrique à la civilisation,
en leur fournissant les moyens «de s'instruire, en encourageant les mis-
' Biens et les entreprises de nature à propager les connaissances utiles. »
Aussi, après avoir proclamé le principe d'une complète liberté de com-
merce, les puissances qui exercent des droits de souveraineté ou une
influence dans les. dits territoires se sont-elles engagées à veiller à la
conservation des indigènes et à l'amélioration de leurs conditions mora-
les et matérielles d'existence, soit en concourant à la suppression de l'es-
clavage et surtout de la traite des noirs, soit en protégeant et en favori-
sant, sans distinction de nationalités ni de cultes, toutes les institutions
et entreprises religieuses, scientifiques; charitables, créées et organisées
à ces fins, ou tendant à instruire les indigènes et à leur faire comprendre
et apprécier les avantages delà civilisation.Les missionnaires, les savants,
les explorateurs, leurs escortes, leurs bagages, leurs collections seront
également l'objet d'une protection spéciale. Enfin, la liberté de con-
science et la tolérance religieuse ont été expressément garanties aux
indigènes comme aux nationaux et aux étrangers. Le libre et public
exercice de tous les cultes, le droit d'ériger des églises, temples et cha-
pelles, et d'organiser des missions religieuses quelconques ne seront
soumis à aucune restriction ni entrave.
Le projet de déclaration relative à la liberté du commerce dans le
bassin du Congo et de ses affluents renfermait un paragraphe portant
que, « sauf arrangement ultérieur entre les gouvernements signataires de
la déclaration et telles puissances qui exerceront des droits de souverai-
neté dans les territoires dont il s'agit, une Commission internationale
serait chargée de surveiller l'application des principes proclamés et
adoptés par cette déclaration. »
L'examen de cette disposition ayant été ajourné jusqu'après l'adoption
de l'acte relatif à la navigation du Congo, dont nous parlerons dans
notre prochain numéro, cet acte une fois adopté, la discussion du para-
graphe susmentionné fut reprise et sa rédaction, trouvée ambiguë, fut
remplacée par la suivante :
a Dans toutes les parties du territoire visé par la présente déclaration
oïl aucune puissance n'exercerait des droits de souveraineté ou de pro-
tectorat, la Commission internationale de la navigation du Congo,
instituée en vertu de l'Acte signé à Berlin le sera chargée
de surveiller l'application des principes proclamés et consacrés par
cette déclaration.
— 82 —
« Pour tous les cas oh les difficultés relatives à l'application des prin-
cipes établis par le présent Acte viendraient à surgir, . les gouverne-
ments intéressés pourront convenir de fttire appel aux bons offices de la
Commission internationale, en luv déférant l'examen des faits qui auront
donné lieu à ces difficultés. »
A ce propos, il a été bien établi que Tautorité attribuée à la
Commission internationale, en vue de surveiller l'application des prin-
cipes de la liberté commerciale, n'aurait à s'exercer que dans les
territoires où n'existerait aucune autorité souveraine régulièrement
établie.
Enfin, une dernière disposition fut encore ajoutée, portant que la
Convention de l'Union postale ^universelle serait appliquée au bassin
conventionnel du Congo. Les puissances qui y exercent ou y exerceront
des droits de souveraineté ou de protectorat, devront prendre, aussitôt
que les circonstances le permettront, les mesures nécessaires pour l'exé-
cution de cette clause.
Dans son mémoire sur la Question du Oongoy M. Moynier exprimait le
vœu que tous les territoires du ba$sin de ce fleuve, que des États civilisés
se seraient appropriés, fussent dotés de franchises pareilles à celles des
eaux qui les arrosent, a Nous sommes , » disait-il ' , a dans un
siècle où l'on tend à abaisser les barrières qui isolent les nations ; ce
serait donc travailler dans le sens de ces efforts que d'empêcher, entre
les divers peuples qui possèdent ou posséderont des établissements au
Congo, la création d'entraves è leurs relations, soit réciproques, soit
avec d'autres pays, par une entente à priori. Cela ne vaudrait-il pas
mieux que de laisser se reproduire, sur la terre africaine, les complica-
tions que des préjugés séculaires ont fait naître et perpétuées en
Europe? Arborer là-bas le drapeau du libre échange, du libre parcours,
ainsi que du libre établissement, sur terre comme sur eau, serait agir
dans l'intérêt bien entendu du monde entier. Et il n'est pas moins
urgent de prendre cette mesure que de légiférer au si^et du fleuve lui-
même, puisque dans ce moment, et jusqu'à nouvel ordre, les transports
doivent nécessairement se faire par terre dans la zone des cataractes, v
Ce vœu a été entendu, et quelles que puissent être les difficultés qui se
présenteront dans l'application de la liberté conunerciale au vaste
bassin du Congo et de ses affluents, ce sera à tout jamais un honneur
pour la Conférence de BerUn d'avoir, la première, consacré ce principe
• Voy. Afrique explorée et cwQme^ IV»« année, p. 284.
— 88 —
àana un acte intemationa]. Les avantages qui, nous n'en doutons
pas, en résulteront pour rÂMque centrale-équatoriale, ne demeure-
ront pas confinés dans cette réj^on ; ilS' reviendront aux États civilisés
qui Ten auront doté et s'étendront au^ononde entier ! Nous l'espérons
fermement.
(A suivre.)
EXPÉDITION DE M. J. THOMSON, DE MOMBAS AU ViCTORIÀ-NYANZA
PAR LE PAYS DES MASAI
(Suite et fin. Ypy. p. 59.)
'i
En quatre marches, Texpèàition atteignit la Ngaré-Na-Lata' qui coule
au pied du Donyo-Erok-el-Matoumbato. Ici, pour la première fois, elle
rencontra les Masal en nombre considérable, et alors commencèrent les
épreuves sérieuses. Même avec une forte caravane, les explorateurs
furent l'objet de traitements indignes. Chaque jour, la première chose
à faire en dressant le camp était la construction d'une forte ^[enceinte
d'épines ; à l'intérieur une clôture en cercle protégeait les marchan-
dises et les cachait aux regards envieux ; une autre clôture entourait les
tentes, et l'entrée en était gardée par plusieurs hommes qui, par des
manières flatteuses et de douces paroles cherchaient à prévenir les hor-
reurs d'une invasion de Masal. Mais en dépit de tout, dit Thomson,
ceux-ci poussaient les gardes de côté, se précipitaient dans la tente,
s'approchaient de mon lit ou de tout ce qui paraissait répondre le mieux
à leurs idées de confort. Après les salutations d'usage, ils commençaient
à mendier, et, pour hâter leur départ, je devais leur donner tout ce que
j'avais en perles et verroterie.
Jusqu'à la nuit impossible de poser un fusil ou de laisser quoique ce
fut exposé aux regards ; les hommes de la caravane ne pouvaient non
plus aller puiser de l'eau ou faire des provisions qu'en grand nombre.
Les Masal ne se retiraient qu'au coucher du soleil, moment où les voya-
geurs pouvaient commencer à goûter un peu de repos. La porte était
close, on y mettait une garde, puis les fusils étaient posés de côté, le feu
flambait et l'on préparait le repas. Les langues se déliaient, il s'ensui-
vait une animation générale, interrompue seulement çà et là par la ten-
». Voy. la Carte p. 64.
— 84 —
tative d'un voleur masaï, qu'il fallait effrayer par un coup de pistolet
tiré à poudre. L'agitation du camp atteignait son maximum trois heu-
res après le coucher du soleil, puis elle se calmait peu à peu, à mesure
que les porteurs, fatigués du lateur du jour et repus, s'étendaient pour
se reposer. Alors s'élevaient, retentissant dans le silence de minuit, les
horribles hurlements des hyènes, le rugissement des lions, les cris des
chacals ou des chiens sauvages.
Quant aux traits caractéristiques des MasaX, Thomson les présente,
au point de vue de leur physique, de leurs mœurs et de leur religion,
comme distincts des vrais nègres ainsi que des Gallas et des Somalis.Ce
sont les types de sauvages les plus beaux qu'il ait jamais vus ou dont il
ait entendu parler. Bien proportionnés, ils ont les traits fins et bien
dessinés que l'on prête à ÂpoUon, sans jamais avoir les muscles déve-
loppés des athlètes. Les femmes sont décemment vêtues de peau de
buffle. Elles portent en guise d'ornements, aux jambes, aux bras et au
cou, de 10 à 15 kilog. d'épais anneaux en ivoire, outre un grand assor-
timent de colliers et de chaînes de fer. Les hommes ne portent autour
des épaules et de la poitrine qu'une petite garniture de peau de che-
vreau, qui prend chez les hommes mariés des proportions un peu plus
amples.
Certaines distinctions caractérisent les diverses époques de la vie des
Masaï. Jusqu'à un certain âge, garçons et filles vivent avec leurs parents
et se nourrissent de viande, de grain et de lait caillé. Â l'âge de 12 ans
pour les filles, et de 12 ou 14 pour les garçons, on les fait passer du
kraal des gens mariés, dans un kraal oh il n'y a que des jeunes gens,
hommes et femmes non mariés ; ils y vivent jusqu'à ce qu'ils soient
mariés. Pendant ce temps, les hommes sont guerriers, et leur seule occu-
pation est de voler des bestiaux ou de s'amuser à la maison. Les jeunes
femmes s'occupent du bétail, construisent les huttes, et remplissent les
autres devoirs domestiques. Les deux sexes sont soumis à un régime
très strict de viande et de lait; ils doivent s'abstenir de spiritueux, de
bière, de tabac, de nourriture végétale et même delà chair d'animaux
sauvages quels qu'ils soient. En outre la viande et le lait ne doivent
jamais être pris ensemble. Pendant plusieurs jours ils ne prennent que
de la viande, puis, après un fort purgatif, du lait. Quand ils tuent un
buffle, ils en boivent le sang cru. Lorsqu'ils mangent de la viande, ils
se retirent dans la forêt par petits groupes accompagnés d'une jeune
femme.
Le Masal guerrier trouve cette vie si agréable qu'il se marie rare-
— 85 —
ment avant d'avoir passé le printemps de sa vie, et de sentir sa vigueur
décliner. Alors il met de côté la grande lance de guerre, le lourd bou-
clier de peau de buffle, Tépée et la massue à nœuds. Pendant un mois
il porte le vêtement d'une femme non mariée, après quoi il devient un
membre respectable et grave de la société masaï. Il ne va plus à la
guerre, mais se consacre à l'éducation d'une volée de jeirnes guerriers.
Son régime change avec son genre de vie ; il peut se nourrir de légumes,
boire de la bière ou des spiritueux, fiimer ou chiquer du tabac. A sa
mort son corps est simplement livré aux hyènes et aux vautours.
Les Masal sont tout à fait nomades ; ils se déplacent pour chercher
les pâturages nécessaires à leurs troupeaux. Leurs maisons, formées
d'arceaux recourbés, enduits de fumier et de peaux, leur fournissant
un abri suiSsant dans la saison des pluies.
De Donyo-Erok l'expédition se dirigea au nord, à travers le Matoum-
bato, région qui ressemble à la Nyika par son caractère stérile, son sol
rouge, sa formation géologique, mais en diffère par l'abondance de ses
eaux, les accidents de sa surface et le grand nombre de ses habitants.
A la cinquième étape, elle atteignit une contrée aride, s'étendant vers
l'ouest jusqu'à Ngouroumani et aux monts Maou. La route suit la
base du plateau de Kapté, dont l'escarpement perpendiculaire sur-
plombe la plaine. U y a là comme une grande faille qui court du nord
au sud, et dont le caractère géologique est indiqué par de nombreux
cônes volcaniques soulevés le long de ses bords.
En montant sur le plateau on rencontre, à 2000" d'altitude, Ngongo-a-
Bagas, dans le voisinage duquel prend sa source l'Athi, rivière de l'Ou-
koumbani. Thomson s'y arrêta une quinzaine de jours, pour laisser sa
caravane se reposer et faire provision de grains apportés en quantité
considérable par les Wa-Kikouyou. Cela fait, il se remit en marche, mais
la première nuit d'étape fut agitée, par suite d'une dispute qui amena la
mort de deux porteurs de Pangani et de plusieurs Wa-Kikouyou. La
nuit était orageuse, les voyageurs se trouvaient dans une forêt épaisse,
sans leur enceinte ordinaire d'épines ; aussi se félicitèrent-ils d'en être
quittes à si bon marché. Le matin une quantité de Wa-Kikouyou étaient
prisonniers, et ce ne fut qu'avec beaucoup de peine que Thomson
empêcha qu'ils ne fussent égorgés par les trafiquants furieux. La
marche suivante fut longue et sans eau ; elle se termina par une scène
de désordre et une panique extraordinaire. Les hommes tombaient
d'épuisement; les lions attaquèrent les ânes et en tuèrent plusieurs ; les
ânes s'enfuirent enbrayant, se débarrassèrent de leurs charges et dans
— 86 —
les ténèbres, plusieurs furent pris pour des lions et tués. De leur côté
les hommes jetèrent à terre leurs fardeaux, et se réfugièrent dans le
camp ou passèrent la nuit sur lesi arbres. « Rugissement des lions, braie-
ment des ânes, coups de fusils, cris des porteurs saisis de terreur et des
maîtres surexcités, tout cela, » dit Thomson, « produisait un effet que je
n'oublierai jamais, tandis que les bestiaux affolés, échappant à toute
surveillance, se précipitaient dans le fourré. Habilement secondé par
Martin et par mes guides, je réussis à maintenir mes porteurs groupés
ensemble et à tout ramener au camp. Une moitié des gens de la cara-
vane de Pangani s'imaginant que les Masaï et les Wa-Kikouyou nous
avaient attaqués n'osaient pas ay^cer, mais se tenaient massés comme
un troupeau de moutons, voyant des lions dans tous les buissons et des
Wa-Kikouyou derrière tous les troncs d'arbre. Il nous fallut trois jours
pour rassembler les ânes et les bestiaux ainsi que les charges perdues ;
encore dûmes-nous repartir sans avoir pu réparer toutes nos pertes. »
Bientôt la caravane atteignit la base d'un cône volcanique éteint
remarquable, nommé Donyo-Longono ou Sousoua. D s'élève à 1000^
mètres au-dessus de la plaine, qui est elle-même à 2000"; sa forme est
celle d'un cône tronqué, le centre forme un entonnoir circulaire de
3 kilomètres de diamètre et de plus de 100" de profondeur. Le rebord
en est si escarpé qu'on peut s'y asseoir, une jambe pendante sur l'abtme
et l'autre sur la pente abrupte de la montagne. De cette hauteur la vue
est très imposante : au sud s'élève un autre cratère, le Donyo-La-NyouM.
A l'est se dressent les monts sourcilleux de Eapté, par-dessus lesquels
on aperçoit les pics plus élevés encore de la magnifique chaîne des
monts Settima. Au nord s'étend le lac Nalvasha, semé de jolies tles, et
bordé à l'ouest par le grand escarpement des monts Maou, formant le
pendant du plateau de Eapté. Aîrivé à l'extrémité nord du lac Nalvasha,
Thomson apprit que le D' Fischer avait pu pousser jusque-là, mais qu'il
avait dû rebrousser chemin vers la côte. Ce lac, comparativement peu
profond, forme un carré irrégulier de 19 kilomètres de long sur 15 de
large, à une altitude de 2000". Il a été formé par les entassements de
débris volcaniques accumulés à travers la vallée étroite qui sépare les
monts Maou du plateau de Eapté ; ces débris ont ainsi formé une digue
qui retient les eaux des deux rivières Mouroundat et Guaso-Giligili.
Partout autour du lac on rencontre des preuves d'une période relative-
ment récente d'activité volcanique : des cônes, des cratères, le mont
Bourou projetant de la fumée, des failles à angles très aigus, de nom-
breuses sources chaudes, et des fissures par lesquelles s'échappent
encore des vapeurs.
— 87 —
De Textrémité nord du lac, Thomson résolut de visiter le district de
Lykipia et le mont Kénia. D chargea Martin de conduire la caravane au
lac Baringo pendant que lui, avec trente hommes choisis, se dirigerait
vers Test. Traversant une dépression semée de lacs, il remonta à une
hauteur de 2800°* sur le plateau de Lykipia, occupé par un grand
nombre de Wa-Kouafi, et entra bientôt dans une magnifique forêt de
conifères formant un paysage qui rappelait beaucoup plus les scènes de
l'Europe que celles des régions équatoriales. Le matin, le thermomètre
était au point de congélation; im brouillard épais enveloppait Texplo-
rateur, dont les gens accroupis, à moitié morts auprès d'énormes feux,
présentaient un triste tableau. Il fallut rester au camp jusqu'à ce que
le soleil eût dissipé le brouillard et réchauffé la température. La route
traverse des forêts de conifères, puis des bruyères, des collines, et des
plaines sans arbres, coupées de torrents et de ruisseaux sans nombre
qui se versent dans le mystérieux Guaso-Nyiro. Thomson visita la belle
cascade de TOurourou ou N'Erok, franchit ime belle chaîne de mon-
tagne de 4600", sans nom, qu'il appela les monts Âberdare, du nom du
Président de la Société de géographie de Londres, et réussit enfin à
atteindre la base du Kénia, non sans avoir eu à surmonter de grandes
fatigues de jour et de nuit. Le Kénia est un grand cône volcanique de
près de 48 kilomètres de diamètre à sa base, s'élevant de 1900^ environ
au-dessus de la plaine. Jusqu'à 1000" du sommet, la pente est douce et
n'est pas coupée de fissures ni de ravins. Au-dessus de ce niveau, la
montagne prend la forme d'un pic ressemblant d'autant plus à un pain
de sucre que la neige le fait resplendir de blancheur. Les flancs en sont
si abrupts, qu'en certains endroits la neige ne peut pas prendre, aussi
de grandes taches noires apparaissent-elles sur ce manteau blanc, ce
qui a fait que les Masal lui ont donné le nom de Donyo-Egéré, la
montagne grise ou tachetée. Mais, comme le Kilimandjaro, on ne peut
guère l'apercevoir que le matin ou le soir.
La présence de nombreux Masal, et la mauvaise alimentation de
l'expédition obligèrent Thomson à quitter le voisinage du Kénia. Une
maladie étrange avait frappé les bestiaux des Masal, et les emportait
par milliers. Dans beaucoup d'endroits il n'en restait pas une seule tête ;
les corps décomposés couvraient le sol à plusieurs kilomètres de dis-
tance, ce qui rendait la marche fort peu agréable. Les habitants eux-
mêmes du Lykipia, mourant de faim, voulaient à toute force que
Texplorateur, qui passait pour médecin, leur donnât des remèdes afin
d'arrêter le fléau. Us ne lui vendaient que des bestiaux sur le point de
— 88 —
périr, et encore à des prix eKOTbitantfl;' de petites parties seulement
en étaient mangeables, le reste était en putréfaction. Lepays.il est vrai
fourmillait de buffles, mais le voyageur n'osait pas tirer, ni quitter te
camp pour chasser. p'i
Le péril devenant plus imminent de la part des Masal, Thomson
s'enfuit de nuit avec ses gens ; n'ayant pas de bagages, ils purent faci-
lement mettre un intervalle considérable entre eux et ceux qui les pour^
suivaient, et bientôt ils respirèrent plus librement dans le désert
inhabité.
La route du KéniaaulacBaringoa une direction O.-N.-O.; elle traverse
une forêt épaisse dans laquelle les traces des buffles et des éléphants,
ainsi que la boussole servirent à^ voyageur à trouver son chemin. Le
sixième jour il arriva au bord du plateau, d'où le lac Baringo apparaît à
plus de 1000" plus bas. Quoique les scènes des lacs et des montagnes
de l'Afrique lui fussent familières, il déclare qu'aucune n'a fait sur lui
un eflFet aussi remarquable. Des monts Lykipia, à 2600* d'altitude, la
vue s'étend au midi jusqu'au lâîc Nalvasha dont le côté occidental est
formé par la chaîne abrupte des monts Eamasia. Au loin s'élève
l'Elgeyo dont le sommet se dessine faiblement au delà de la plaine
rouge, sans arbres, de Gouas'Ngishou, tandis qu'à angle droit s'étend
la grande chaîne des Chibcharagnani. Au nord la vue est bornée par
le profil du Donyo-Silali et par la haute chaîne des monts de Souk,
au delà desquels apparaissent encore à l'horizon lointain, les masses
isolées du Nyiro et du pays des Gallas. Tout autour des voyageurs et
dans le voisinage inmiédiat du lac se dressent de nombreuses collines
volcaniques, assemblage curieux de lignes droites^ de remparts abrupts,
d'angles aigus, tous témoins de perturbations volcaniques.
A Njemps, Thomson rejoignifla caravane anxieuse de ne le voir pas
revenir. Cette ville est une colonie de Wa-Kouafi, contraints par la perte
de leur bétail de se livrer à l'agriculture, et d'adopter une vie sédentaire.
Ils vivent dans une frayeur continuelle de leurs frères du Lykipia.
Comme les Wa-Kouàfi de Taveta, ils ont beaucoup gagné sous le rap-
port de l'honnêteté, par suite dé leur nouveau genre de vie, et leur pays
est devenu un centre d'affaires important pour les trafiquants d'ivoire.
Thomson fit à la hâte ses préparatifs pour continuer son voyage
vers Kavirondo, quelque hasardée que pût paraître l'entreprise, les
trois dernières caravanes qui avaient pénétré dans ce pays ayant perdu
chacune plus de cent hommes, tués dans de nombreux combats. Le
guide, qui d'ailleurs connaissait bien cette région, avait tellement peur
— 89 —
qu'il feignit d'être gravement malade pour ne pals avancer. Alors, lais-
sant en arrière tous ceux qui étaient lâches ou incapables, et ne prenant
avec lui que les marchandises nécessaires, Thomson se remit en route; se
dirigeant vers Touest, il traversa d'abord les monts Kamasia, pour
redescendre bientôt dans une vallée où coule un des grands tributaires
du lac Sambourou. Gravissant ensuite les hauteurs abruptes de TElgeyo
à 2500", il traversa le plateau de Guas'Ngishou, sans arbres et borné
par les collines de Kabaras, et par le grand mont volcanique de Masaoua
ou Elgon, le pendant du Kénia, moins le pic supérieur. Vers le N.-O.
s'élève le Donyo-Lekakisera qui était alors couvert de neige. Les habi-
tants des monts Kamasia et Elgeyo sont, pour le langage et pour cer-
taines coutumes, parents des Masaï, mais ils diffèrent d'eux en ce qu'ils
se sont construit des habitations et qu'ils vivent essentiellement d'agri-
culture. D'autre part le Guas'Ngishou était autrefois occupé par des
Wa-Kouafi, qui ont été dispersés par leurs frères de la plaine et se sont
vu enlever leurs bestiaux. En conséquence, ils se sont réfutés dans le
district de Kavirondo, où, trop fiers pour travailler, ils vivent comme
des pauvres et dépouillent les Wa-Kavirondo.
En cinq marches Thomson atteint le district de Kabaras, et pour la
première fois depuis le départ de Taveta, il retrouve abondance de
volailles et d'œufs, de blé indien, de patates douces, qui lui paraissent
délicieuses après la maigre chère du pays des MasaJ.
Les Wa-Kavirondo sont une race aimable, mais l'excitation ou la
boisson les rendent dangereux. Les femmes mariées seules portent un
costume très succinct: un cordon porté en guise de queue. Quoique les
habitudes, le genre de vie, les maisons, etc., soient semblables, cette
tribu est cependant composée de deux éléments distincts. Au nord, les
habitants sont parents des Souhahélis, tandis qu'au sud ils se ratta-
chent aux tribus du Nil, ce qu'indique positivement leur langage.
Le pays de Kavirondo entoure la partie N.-E. du Victoria-Nyanza,
jusqu'à 64 kilomètres du Nil, et à 50 kilomètres au sud de l'équateur.
D'après les observations de Thomson, une partie de son territoire
occupe une place attribuée au lac lui-même par les cartes dressées jus-
qu'ici. En trois marches à partir de Kabaras, on atteint la grande ville
de Koua-Soundou, sur une belle rivière, la Nzoia. Les vivres y étant très
abondants et à des prix extrêmement bas, Thomson y fit camper ses
gens et, avec un petit nombre d'hommes seulement, il se rendit au lac,
à travers une contrée plus peuplée qu^auciine de celles de l'Afrique
qu'il eût encore vues ; et, malgré la tentative des indigènes de lui barrer
— so-
le passage, il eut le 10 <lécembre<1883, la. satisfaction de boire 4e Teau
du Victoria-Nyanza, à 72 kilomètres de L'endroit oîi le Nil soijt du lac,
A rinverse d'autres lacs africains, le \(ictoria-Nyanza n'est pas bordé
de chaînes de montagnes. Le eoL descend graduellement jusqu'à la
plage, et les eaux baignent paisiblement la baie limoneuse et maréca-
geuse, quoique souvent ses flots présentent l'aspect d'une mer en fureur.
Thomson eût volontiers poussé jusqu'au Nil, mais ses provisions étaient
épuisées ; il fut pris d'un accès de fièvre, et ignorant quelle récep-
tion l'attendait au delà des frontières du pays de Kavirondo, il résolut
de revenir sur ses pas plutôt que de risquer un échec ou une détention.
Il regagna d'abord Eoua-Soundou, mais à partir delà, il résolut de
prendre une route à travers un district plus septentrional, afin de visi-
ter l'Elgon ou Ligonyi, montagiie qui atteint presque la limite des
neiges. Ce qui la caractérise, ce sont ses grottes artificielles de 10°* de
haut, extrêmement nombreuses, vastes et soutenues par des colonnes.
Elles sont taillées dans un conglomérat volcanique très compact à la
base de la montagne, et beaucoqp d'entre elles sont occupées par des
indigènes avec leurs bestiaux. Leur profondeur à l'intérieur delà mon-
tagne et dans l'obscurité la plus nbire fait comprendre que leur desti-
nation primitive n'était pas d'être habitées. Thomson croit que c'était
autrefois des mines, mais sans pouvoir dire par qui elles ont été exploi-
tées ; aucune tradition des habitants ne s'y rapporte. Il aurait beaucoup
aimé à les explorer , mais les vivres lui manquant, il dut y renoncer.
D'ailleurs il avait à traverser une plaine inhabitée, dans laquelle sa
boussole devait être son seul guid^ Dans une chasse, il fut pris par les
cornes d'un buffle qu'il avait blessé à mort, mais qui, furieux, le jeta
en l'air, en sorte qu'il retomba loui*dement à terre; il allait être foulé
aux pieds, lorsqu'un de ses serviteurs déchargea son fusil sur l'animal
qui tomba raide mort. Grièvemeht' blessé, Thomson dut être rapporté
sur une sangle jusqu'à Njemps, où il fut retehu un mois avant de pou-
voir se remettre en route. Delà il fit une excursion d'une quinzaine de
jours au lac Baringo qui est à 1000" d'altitude et dont l'eau est douce ;
mais bientôt il fut atteint de dyssenterie. Gela ne l'empêcha pas d'explo-
rer encore, tantôt à pied, tantôt monté sur un àne, le pays entre ce lac
et les lacs salés Nakouro et Elmetelta. Il arriva épuisé au bord du
Nalvasha. Deux jours de repos lui rendirent assez de forces pour monter
sur le plateau des Wa-Kikouyou afin de s'y procurer des vivres. Il y
réussit, mais tomba malade et, pendant deux mois, il fut entre la vie et
la mort, et dans des circonstances qui ajoutaient à l'horreur de sa situa-
— 91 —
tien. Sa seule nourriture était une soupe^ claire faite avec de la viaûde
gfttée fournie par les Masal. Le temps étant humide et froid, il était
obligé de s'enfermer dans une hutte d'herbe, sombre, sans feu ni
lumière, et sans pouvoir même se traîner jusqu'à la porte.
A la fin voyant que son état ne s'améliorait pas, et jugeant que, s'il
restait chez les Masal, il y mourrait, il résolut de faire une tentative
pour atteindre la côtel Placé dans un hamac, il quitta sa hutte plus
mort que vif, et heureusement la maladie s'arrêta; la convalescence fit
des progrès rapides; ses porteurs atteignirent à marches forcées Ngongo-
a-Bagas ; de là, tirant vers l'est à travers le dangereux district de
Kapté, ils arrivèrent à Oulou, au milieu d'indigènes bien disposés,
malgré la famine qui ravageait le paysil Sans proférer de murmures ,ils
traversèrent encore les solitudes stériles de Kikpumbouliou ; le 26 mars
la caravane campait de nouveau à la base du Ndara, et le 2 juin elle
saluait la station de Rabal d'oti elle était partie 15 mois auparavant.
Thomson n'avait pas perdu im seul homme par suite de violence, quoi-
qu'il eût traversé une région habitée ipar des tribus aussi dangereuses
pour l'Afrique que les Huns ou les Vandales l'ont été pour l'Europe,
comme l'a dit Cameron. Son expédition nous a fourni des données
toutes nouvelles sur la topograpUet ainsi que sur les traits caractéris-
tiques des habitants d'un pays qui jusqu'ici était véritablement encore
une terra incognita.
CORRESPONDANCE
Ijeitre de H. le D' €• Pas«»Taiii.
Dans notre Bulletin mensuel da numéro dfnotLi de l'année dernière, nous disions
(p. 175) que M. Rogozinski avait auprès dtdui, dans sa station de l'Ile Mondoleh
au sud des monts Cameroon, notre compatriote, M. le D' Passavant, qui se pro-
posait aussi d'aller au lac Liba, et qu'ils attendaient la fin de la saison des pluies
pour t&cher de nouveau de pénétrer dans l'intérieur. Nos lecteurs ont pu croire
que M. le D" Passavant faisait partie d'une expédition dont M. Rogozinski était
le directeur. Il n'en est rien ; l'expédition de notre compatriote est tout à fait dis-
tincte de celle de l'explorateur polonais ; elle ne relève que de M. Passavant qui
en fait seul tous les frais, et qui nous écrit pour dissiper l'erreur que nos lignes
ont pu contribuer à répandre.
Cameroon; 28 novembre 1884.
M. Rogosinsld est parti d'Europe, la première fois, au commencement de l'an-
née 188S, et y est rentré un ou deux mois plus tard, ayant trouvé sur son chemin,
02-
comme disait VErpîoration, des diftf cuites insilTtiiontableB. il s'agissiait ^de contes-
tations incessantes entré Im et ses comi^agnoiis de royage •
Parti dtl Havre^ lar seconde fois^ le 13 décenftère 1888, atvec nn bâtiment à Toik
acheté par lui, il toa<ihA h Fanellarie 20^ janvier 1884, et, iipirès de noriibredx
s^ours à la côte de Gainée, entre Monrovia et Lagos, il arriva le l'^' mai à
Cameroon* Il s'installa^ avec ses quatre compagnons polonais, et un Français qui
était arrivé avec lui mais ne faisait pas partie de son expédition, ches un agent
d'une maison hambourgeoise qui, peu de temps après, affréta son navire^ la Lucie'
Marguerite, et le fit partir pour Victoria, vers le 10 mai. Le 16,je partis de Came-
roon, dans mon canot, avec mon ami, le D'^ Retaer, M. Rogozinski et M. de 0. ;
nous passâmes la nuit à Bimbia. Le lendemain, Kpgozinski ne partit pas avec
moi, mais j'avais dans mon canot une petite boite lui appartenant, et contenant,
a-t-il dit, du linge et quelques cadeaux pour un roi nègre. Cette boîte a été per-
due, ainsi que presque toutes les miennes et mes instruments, dans l'orage pen-
dant lequel mon ami s'est noyé. Dans la nuit du 18 au 19 mai, la Lueie-Marffiierite
étant à l'ancre dans la baie de Victoria, se perdit par une faute grossière du capi-
taine ; une tornade la jeta au milieu de rochers desquels elle ne put plus sortir
Cette perte fut supportée par parties égales par M. Bogodnski et par l'agent de la
maison hambourgeoise. Une lettre insérée dans les journaux de Cracovie eut pour
effet de la réparer pour M. Rogozinski;)j9es concitoyens lui envoyèrent de l'argent
et des instruments. Toutefois, il n'avait pas encore ces derniers lorsqu'il fit son
excursion à l'est du mont Cameroon, et je ne sais pas comment il a pu alors déter-
miner d'une manière exacte la position des différents endroits par lui trouvés.
J'ajoute que le lac qu'il prétend avoir été découvert par lui, l'a été depuis long-
temps par le missionnaire Thomson, et qu'il est indiqué sur une carte de ce der-
nier, publiée dans un des numéros des Proceedings de la Société royale de géogra-
phie de Londres, de l'année 1881.M.RQgozinski le savait, car je lui avais prêté cette
carte et il l'a copiée. A propos de celle, qu'il a dressée et qu'ont publiée les MU-
iheUnngen de Gotha, je dois vous signaler comme erronée l'indication de rapides
interrompant la navigation à Eliki, sur. le Moungo; en effet, c'est-à-dire dans les
mêmes mois où Rogozinski a voyagé, en septembre et en octobre, un steamer, long
de plus de 25™, a passé ces soi-disant rapides presque sans s'en apercevoir et est
allé jusqu'à la cataracte. La ville de Kumba, de 2000 habitants, n'existe pas.
Pendant son séjour à Cameroon, M. Rogozinski chercha à persuader M. L., le
Français susmentionné, de s'associer à lui pour foncier des factoreries commer-
ciales et d'acheter autant de terrain que possible. M. L. n'entra point dans ses
vues. Pour le moment, M. Rogozinski cherche à se procurer de l'argent d'une
autre manière. A Fernando-Pô, on manque tot^ours d'ouvriers, les indigènes ne
voulant pas travailler et les Erooboys n'aimant pas à y aller, M. Rogozinski a
fait le tour des marchands de l'Ile, pour leur demander de combien de Erooboys
ils avaient besoin ; actuellement il est en route^ sur un steamer anglais, pour la
cête Eroo, afin d'y cherdier 800 Krooboys environ.
Depuis la mort du géologue Tomezek, le seul capable de diriger l'expédition,
I
— 93 —
M. RojjTosiDAkiji'a jj^las ^qprès de .}ui qu^ M. ^ J. ^ui ae psurlç- absolument que
le polonais.
D'après ces détails, youa eoçipr^^^dre^ que je ne m'associerai jamais à lui pour
i|ipn exploration. J'ai 80 porteurs de Lagos^pt je partirai dans peu de temps.
D' C. Passavant.
Nous comprenons que les érénements dont Cameroon est lethé&tre, et auxquels
M. Bogozinski paraît n'être pas demeuré étranger, aient fait un devoir à M. le
D' Passavant de fournir les renseignements ci-dessus, pour qu'il ne puisse s'éta-
blir de confusion entre les deux expéditions qui, quoique leur base d'opérations
soit la même, n'en sont pas moins entièrement indépendantes l'une de l'autre.
Tr^
Ltettre de M* JfeanmaireÉ.
Séshéké, 8 septembre 1884, rive gauche du Zambèze.
Vous avez, je l'espère, reçu ma dernière lettre datée de Patamatenga ; par elle,
TOUS aurez eu des nouvelles de notre voyage à travers le désert et de notre arri-
vée à Leshoma, sur la rive droite du Zambèze. Je reprends mon récit où je l'ai
laissé, en suivant un certain ordre chronologique.
Après quinze jours de repos à Leshoma, la réponse du roi n'arrivant pas, nous
projetâmes une excursion aux chutes; malheureusement, an dernier moment,
M. Coillard dut renoncer à la partie.
Je partis le 5 août, accompagné de nos ouvriers, de deux Ba-Souto, de trois
Zambéziens, et de deux ânes pour nos bagages.' De Leshoma, le voyage est assez
long — quatre jours de marche — mais il excite un intérêt constant.
A la fin de la première journée, nous atteignions le Zambèze en suivant une dia-
gonale. Je ne pense pas qu'un voyageur puisse éprouver une autre impression, que
celle qui nous a saisis en face de ce fleuve majestueux. Tantôt il se montre calme
comme un lac aux eaux bleu-sombre, tantôt,' dans les rapides, il gronde comme la
mer et sa grande largeur lui donne un aspect tout à fait imposant.
Le caprice des eaux a créé des lies et des tlots nombreux couverts de verdure ;
les palmiers à la taille élancée se mirent dans les flots, et les bords du fleuve sont
couverts d'une végétation luxuriante. Plus loin, les regards s'étendent sur une
plaine vaste et dénudée, formant un singulier contraste avec l'avant-scène ; enfin,
à l'arrière-plan, une chaîne continue de collines bleuâtres fait de l'ensemble un
tableau d'une rare beauté.
Quant â la rive droite où nous nous trouvions, elle a aussi son genre de beauté.
Elle est couverte de grandes forêts, d'une végétation tropicale; les baobabs et d'au-
tres arbres géants sont enguirlandés de plantes grimpantes ; les oiseaux abondent ;
de temps en temps apparaît une antilope, et, le tout, -éclairé du soleil d'Afrique,
nous fait oublier les ronces et les épines ainsi que les pierres qui méritent bien
— 94 —
aussi ane mention spéciale. Noas avons vu un grand nombre d^hippopotames, quel-
ques crocodiles et entendu le lion.
Le II août, de grand matin, nous arrivionë au dernier campement des voya-
geurs avant les chutes, et t6t après, nous nous remettions en route pour visiter ces
dernières. Le sentier qui y conduit est bien marqué et traverse une herbe courte et
âne dans une forêt que je pourrais appeler un parc.
Après une petite heure, nous avions atteint notre but. Je renonce à vous faire
une description des chutes. Je n'y ai passé qu^une journée et vous devez compren-
dre ma réserve, quand de beaucoup plus autorisés que moi, après une étude
sérieuse du s^jet, déclarent échouer dans une telle tentative. Les chutes m'ont
paru terriblesj énormes. Un sentiment involontaire d'effroi vous saisit devant un tel
prodige; l'homme paraît petit, et se ■sent écrasé; il contemple et se tait.
Le 12 août, dans l'après-midi, nouBiréjprenions le chemin de Leshoma, où nous
arrivâmes tous en bonne santé, le 16 au matin. M. Coillard avait quitté le camp
peu de jours auparavant, et s'était rendu à Séshéké, d'où on lui. avait envoyé des
bateaux. Je passai le dimanche à Léshoma, et le lendemain 18, je me remis en
route pour Séshéké, avec un Mo-Souto, et rejoignis M. Coillard le jeudi suivant.
Les Zambéziens sont de vigoureux rameurs, j'admirais beaucoup qu'ils pussent se
livrer à un tel exercice, debout tout un jour, sous un soleil brûlant. Les bateaux
ne sont pas très confortables et prennent beaucoup d'eau ; au bout de quelques
temps on se fait cependant à la chose, et l'on jouit pleinement d'une telle naviga-
tion. Bien que ces embarcations soient frêles, je ne crois pas qu'elles sombrent
très souvent. Le plus grand danger vient des hippopotames qui vous tiennent con-
stamment en éveil, dans les endroits profonds. J'ai été surpris en bien des endroits
du peu de profondeur des eaux ; souvent les bateliers, au lieu de ramer, manœu-
vrent le bateau en appuyant leurs rames sur le lit sablonneux du fleuve. D est vrai
que nous étions à la fin de l'hiver; à cette époque tout au moins, un vapeur serait
complètement inutile, de notre gué à Séshéké.
Ce dernier village est situé sur la rive gauche du Zambèze, et a une assez grande
importance. Il est habité par les principaux chefs du pays et, bien que ceux-ci ne
soient pas très nombreux, leur village^occupe une assez grande superficie, vu que
chaque chef, quelle que soit son importance, occupe cinq ou six maisons, qui indi-
quent le nombre de ses femmes, et en outre, un certain nombre de huttes pour ses
esclaves. Les plus importants ont des tribus sous leurs ordres; les autres sont des
chefs de villages.' Ils ont fait de Séshéké leur ville de plaisance, d'où ils visitent
leurs sujets selon leur bon plaisir. Ces derniers vivent à la campagne et mènent
une triste existence. Leur position est des plus humiliante : les chefs sont leurs
maîtres absolus, ils les marient selon leurs convenances, et disposent de leurs enfants
à leur gré ; ils ont même le droit de déposséder leurs si]gets de tout ce qui peut
appartenir à ceux-ci. Le résultat d'un tel état de choses est un grand affaissement
moral. Quant aux chefs, Us disent nous être franchement favorables; ik nous
comprennent et peuvent s'entretenir avec nous ; c'est un avantage immense que
nous avons sur les missionnaires romains; sachant ce que pensent les gens et étant
— 95 —
en mesure de leur répondre, nous pouYons ériter bien des malentendas. La langue
usitée généralement est le sé-kololo, un sé-souto altéré et mélangé d'autres idio-
mes ; cependant il nous est aisé derles comprendre, nous nous croyons presque au
Le-Souto. m
Bon nombre de femmes parlent un pur sé-souto, je yeux dire les premières fem-
mes des chefs, les femmes ma-kololo formant encore l'aristocratie féminine.
Chose étrange, le sé-rotsé n'est pas usité généralement, pas plus au conseil
qu'autour du foyer ; il n'est employé qu'occasionnellement, entre confidents dis-
crets. Nous ayons aussi remarqué que les esclaves ne le savent pas ou le parlent
mal. Le sé-kololo est le lien entre tous, maîtres et esclaves, le trait d'union des
nombreuses tribus sujettes des Ba-Rotsé. Ces derniers ne sont pas très nombreux ,
mais chacun d'eux joue le rôle d'un citoyen, romain, tandis que les sujets repré-
sentent ce qu'étaient les barbares pour i^andenne Rome.
Tous ces gens sont sociables/ c'est-à-dire que volontiers ils vous visitent et vous
questionnent ; ce sont des barbares à demi civilisés et qui inspirent peu de crainte.
Toutefois nous avons un grave reproche à faire aux gens de Séshéké, c'est qu'ils
ne connaissent pas les devoirs de l'hospitalité ; ils mettent exactement en pratique
cette vilaine maxime : rien pour rien. En outre, ils sont excessivement importuns
par leurs demandes, tous, à peu près sans exception, du haut de l'échelle au der-
nier échelon; cela se répète chaque jour^et pour toutes choses, aussi faut-il une
bonne dose de patience pour éconduire poliment tous les solliciteurs. Un blanc
est pour eux une vache à lait, une mine de trésors, et notre qualité de mission-
naires ne nous soustrait pas à la règle. M. Goillard a fait des présents aux
principaux chefs ; s'il lui fallait contenter tous les autres, les trésors de Crésus
n'y suffiraient pas. Il faut apprendre à dire non, sans blesser personne, et les con-
fondre quelquefois en demandant à son tour. Accepter un cadeau est ici une mau-
vaise spéculation ; il faut le faire parfois, mais empêcher que la chose ne se répète
trop souvent. Je pense que les choses changeraient assez vite, une fois que nous
serions considérés comme des leurs. Je crois aussi que nous aurions promptement
des amis, surtout parmi les esclaves, qui aiment beaucoup à nous servir.
Quant aux mœurs, elles sont aussi corrompues que possibles : la volupté est en
honneur et pratiquée sans honte ; l'ivrognerie est un fléau non moins redoutable ;
la grande occupation des chefs que nous voyons est de boire de la bière, du matin
au soir ; c'est autour des calebasses que se discutent les affaires. Tous ici fument
le chanvre, chefs et esclaves, ce qui contribue à les abrutir plus encore. Ce peuple
est aussi très superstitieux, sans doute à cause des dangers qu'il court sur le
fieuve ; il a des notions religieuses plus développées que d'autres peuples du sud
de PAfrique ; tout prodige a pour lui une cause surnaturelle : le fleuve est un
dieu dont il faut s'acquérir les faveurs, les crocodiles et les hippopotames subis-
sent le charme de leurs médecins, ainsi de suite, je n'ai fait encore qu'entrevoir ce
-tissu de ténèbres.
La politique est celle de l'intérêt; le plus fort aura raison, du moins personne
^^ se compromettra pour soutenir une cause juste. Voilà ce qui nous frappe tout
— 96 —
d'Abord, piafs ce ^ont des premières impreasioas gai ont besoin d'être confirmées
p^ de longues observations, aussi est-ce comme telles q,ue je tous les donne.
Au point de yqe physique, les Zambéziens ng sont p^s au dernier rang ; ce sont
de grands hommes à la figure intelli^e^Dte ; beaucoup portent la barbe, et certains
vieux chefs de Séshéké ont un aspect digne et vénérable. Quel immense champ
s'ouvrira à notre activité, si Dieu nous permet de nous établir au Zambèze ! Les
Ba-Botsé ne sont qu'un nom au milieu de beaucoup d'autres tribus sujettes, de
quelques journées de marche au sud des chutes jusqu'à la vallée des Ba-Rotsé, et
plus baut encore avec toute )a contrée comprise entre la Chobé et le 2^mbèze.
Toutes ces tribus, nous assure-t-on, comprennent le sé-kololo. Notre cœur bat
de joie, puis, les difficult)§s nous apparaissent bien grandes. Ce n'est d'ailleurs
que la porte pour atteindre d'autres nations.
Notre grande préoccupation était 1^ visite au roi ; pendant notre séjour à Sé-
shéké, nous n'étions pas sans appréhensions à son sujet, bien qu'il eût envoyé un
messager pour nouç chercher; après de longs pourparlers et de nombreuses solli-
citations, nous obtînmes deux bateaux des chefs d'ici, et, le 30 août, nous nous
mettions en route pour la vallée des Ba-Botsé, M. Coillard et moi, en bateau avec
un driver; deux Ba-Souto faisaient le voyage par terre avec l'envoyé du roi.
Nos débuts ne furent pas heureux ; le jour même de notre départ, le bateau de
M. Coillard faillit couler à cause de ses yoies d'eau, et force nous fut de nous ar-
rêter pour le réparer. Le lendemain de ce jour était un dimanche ; nous le pas-
sfUnes à quelque distance de Séshéké, et, le lundi suivant, nous allions nous re-
mettre en route, quand un messager de Séshéké nous pria de revenir en hâte sur
1^08 pas. Nous apprîmes des chefs que le roi actuel venait d'être détrôné et que la
vallée était en révolution ; voici les faits. Tout dernièrement, le roi a fait périr
un grand chef et la femme d'un second ; il se proposait encore d'autres exécu-
tions, quatre chefs de Séshéké étaient désignés, mais l'indignation de la tribu le
prévint dans ses desseins. Cerné dans sa maison, il a cependant réussi à s'échap-
per en tuant deux hommes et personne ne sait où il est. La sœur du roi, l'exécu-
trice des deux derniers crimes, a été déposée, et les conseillers royaux ont pris la
fuite. Quant aux fidèles sujets du roi à Séshéké, ils paraissent peu affectés et
noient leur chagrin dans la bière. Que faire nous-mêmes ? Après beaucoup d'hési-
tations, nous nous sommes décidés à attendre à Leshoma les événements, et à faire
le voyage à la vallée avec les chefs, lorsqu'Us iront saluer le nouveau roi. En ar-
rivant ici, nous avons appris que M. Arnot avait quitté le pays pour la côte ouest,
avec un marchand portugais. Il a, pavaît-il, beaucoup souffert en dernier lien, de
maux d'yeux et de maux de dents, c'est là. tout ce que nous avons appris de lui.
15 septembre.
Nous apprenons que le roi s'est conduit en vandale dans sa retraite ; il a, pa-
raît^il, tué beaucoup de gens ; on nous dit qu'il a pUlé les efifets de M. Amol, ce
dont nous ne sommes pourtant pas certains. D'autre part, nous sommes convaiB-
cofl qu'il a pillé des marchands de Mangwato, qui avaient eu l'imprudence de faire
— 97 —
passer la i^vière à quelques-unes de leurs marchandises venues par le lac Ngamî;
son but est' d'attirer une yengeance' isur la tribu qui l'a dépossédé ; deux conseil-
lers l'ont suivi dans sa fuite, l'uu d'eux est Eambella. Le futur roi est ^ùn cousin
du précédent ; il est absent du pays et on l*èt*8nvôyé chercher, il se nomme Akou-
foana. Une sœur de ce dernier, selon la coutume qui date de Sébétuané, occupe le
second siège du royaume, son nom est Maembiba, elle est déjà à son poste. Quant
an nouveau roi, il peut encore beaucoup tarder à arriver. Voici la succession des
derniers rois et leur parenté :
 Sékélétou, fils de Sébétuaué, le Mo-Souto, a succédé Sépopa. A Sépopa,
Nguanawina, fils de Sébéso, frère atné de Sépopa. A Nguanawina succéda Lua-
nika ou Lobossi, fils de Litia, second frère de Sépopa. A ce dernier, succède le
roi de ce jour Akoufouna, fils de Limbona, troisième frère de Sépopa. C'est tou-
jours un frère et une sœur qui occupent lesf (feux premiers sièges du pays. Vau-
dront-ils mieux que les précédents ? nous seront-ils favorables ?
Le l*"' octobre, nous avons appris que les marchands cités plus haut ne sont
pas de Mangwato, et la tribu, paraît-il, le'^ remboursera. Nous ne savons rien du
nouveau roi, et, de retour à Leshoma, nous ignorons toutes les nouvelles de la
vallée. Il est impossible pour nous de nous établir cette année chez le roi, vu la
saison des pluies qui est prochaine ; nous aimerions à faire seulement un voyage,
pour nous entendre avec les chefs et tout préparer pour l'hiver prochain. Nous
attendons un nouveau messager des chefs actuels pour nous mettre en route, car
nous vivons au temps des Juges et nous craignons d'être pillés en précipitant ce
voyage.
Ce que j'ai vu du pays des Ba-Rotsé, depuis le gué jusqu'à Séshéké, n'a rien de
remarquable. C'est une plaine de chaque côté du fleuve, et les regards ne rencon-
trent qu'une herbe haute et des roseaux ; beaucoup plus loin sont les forêts peu-
plées de beaucoup de gibier. La rivière est' très belle an gué, à quelques centaines
de mètres an-dessous de son confluent avec le Chobé, et jusqu'à Emparira, à 8 ki-
lomètres plus haut ; à partir de ce point, plus de forêts, plus de palmiers, le
tableau a perdu toutes ses couleurs. Séshélcé (les sables) n'est pas dans une jolie
situation. *'"
Nous nous établissons à Leshoma pour la saison des pluies ; cette station prend
l'air d'un petit village. Grâce à Dieu, après quelques indispositions nous sommes
tous bien à cette heure.
Dernières nouvelles. 28 oct. Aujourd'hui arrivent des bateaux pour nous cher-
cher; MM. Coillard, Arone et moi,' nous esj^érons partir après-demain pour la
vallée. — Le nouveau roi est élu, paraît-il: ce serait Maina, un frère d^Akoufouna;
Maembiba reste en place. — Nos Ba-Souto nous quittent aujourd'hui. Tous nous
sommes bien !
N. B. MM. Coillard et Arone partent seuls pour la vallée. D. Jeanmairet.
y
— 98 —
Lettre de M. P. Bertkoad.
■Si
Valdé^tf, Spelonken, Transvaal, 20 décembre 1884.
Vous sayez sans doute qoe le roi Ouîmzila (ou Moâla) est mort. Toutefois cette
nouvelle a grand besoin d'être confirmée, car nous manquons de détails. Peut-être
l'est-elle à vos yeux, puisque, malgré votre éloignement, vous avez, avec nos
voisins du sud de PAfrique, des communications plus régulières et plus rapides que
nous, qui vivons au milieu de la barbarie. Cet événement est de la plus haute
importance pour la tribu des Ma-Gouamba que nous évangélisons. En effet, pour
qu'il n'amenftt pas de changement dans la situation politique de la tribu, il fau-
drait qu'Oumzila eût un successeur aussi fort et aussi bien assis que lui ; or, je
doute qu'on lui en trouve un pareil^ ^ ^
Nous suivons ces événements avec attention et sollicitude, parce qu'ils touchent
à la vie même de notre œuvre missionnaire. Ainsi nous avons une annexe impor-
tante sur laquelle planent des menacée de guerre, et ces nuages noirs se dissipe-
raient bientôt si la nouvelle de la mort du roi était confirmée. Cette annexe, —
soit station missionnaire dirigée par un évangéliste indigène, — se trouve chez
Magoud (prononcez Magoudou, avec l'accent sur^ou, et la dernière syllabe muette),
un peu au nord de la baie de Delagoa. €e chef assez important a été obligé de se
reconnaître tributaire d'Oumzila, et il se trouve maintenant plus ou moins pris
entre deux feux. Son suzerain, en effet, enhardi sans doute par le succès de ses
impositions autoritaires, essaya de faire un pas de plus, et ordonna à Magoud de
lui envoyer le tribut des marchands blancs dont les factoreries ressortissent à son
pays. Sur tout le littoral il y a des boutiques, desservies pour la plupart, non par
des « blancs, » mais par des Banyans ; en réalité les Européens y soAt rares, il y
en a peut-être deux ou trois dans lé territoire de Magoud. Toutefois les mar-
chands ne se sont pas établis dans la capitale du chef, parce que, parait-il, la
localité est insalubre; et pour éviter cet inconvénient, ils ont bftti leur village au
bord d'un petit lac, à 50 ou 60 kilom. plus à l'est; c'est là qu'on peut voir six ou
sept boutiques, où l'on fait, hélas ! un immense trafic d'eau-de-vie.
Les instructions envoyées par Oumzila étaient claires et positives, autant que
prétentieuses; si je ne me trompe, il exigeait que chaque boutique livrât un tribut
d'une valeur de 400 francs. Les marchands refusèrent avec protestation. Mais
Magoud leur fit comprendre qu'il aurait, lui, à payer pour eux, afin de satisfaire
son suzerain. Sur quoi, les marchands de le pousser à la résistance, lui représen-
tant à leur tour que si les exigences du roi allaient ainsi croissant, ils ne pour-
raient pas rester dans le pays, et que le peuple de Magoud perdrait l'avantage
qu'il retire de la présence des factoreries; d'ailleurs, lui dit-on encore, les blancs
sont les hôtes de Magoud, et c'est à lui qu'ils veulent payer des redevances,
comme ils l'ont toiyours fait. Enfin Oumzila vient de mourir, et ses soi-disant
envoyés pourraient bien être des imposteurs.
— 99 —
n faat id toos expliquer le système d'impositions, qui a cours dans le royaume
d'Onmzila. Naturellement il n'y a pen de très régulier ; au contraire, l'arbitraire
est la règle, selon la coutume des tribus sauvages. Le royaume est divisé en plu-
sieurs grandes provinces, dont les frontières^^ien déterminées de province à pro-
vince, sont souvent mal définies du côté des autres royaumes ou des pays voisins.
La perception des redevances est remise à la prudence des gouverneurs des
provinces, lesquels font du zèle pour mériter la faveur de leur monarque. Cepen-
dant celui-ci ne leur demande pas de présenter des comptes balancés ! Et ils en
profitent pour soigner leurs propres affaires, prenant garde seulement de ne pas
paraUre plus riches que le roi. Voici donc leur manière de procéder; ils envoient,
au nom d'Oumzila, une petite troupe de guerriers, avec l'ordre de rapporter, de
gré ou de force, par exemple dix têtes de bétail d'un village — à supposer que
les habitants aient du bétail,— ou bien des étoffes et de l'eau-de-vie d'une factore-
rie désignée. Les guerriers reviennent avec leur butin chez le gouverneur, qui en
envoie peut-être les deux tiers à Oumzila, et garde le reste pour lui-même ou
pour l'entretien de ses gens. Si quelqu'un s'avise de refuser le payement de cette
réquisition, on a bientôt rassemblé un contingent armé, auquel Oumzila ajoutera
du renfort si c'est nécessaire, et l'on ch&tie sévèrement, cruellement même, les
récalcitrants.
Voilà ce qui faisait trembler Magoud, dont le seul désir est de vivre en paix.
Cest un homme remarquable, à la fois plein d'intelligence et de bonté ; on pour-
rait citer de lui bien des nobles traits. Dax^ le cas qui nous occupe, on comprend
que les exigences exorbitantes de ses supérieurs lu^ fissent une situation vraiment
périlleuse. Il est probable toutefois que la petite troupe d'Oumzila avait été
envoyée par un gouverneur qui habite au bord du Limpopo et qui se promettait
une bonne affaire; néanmoins ses ordres avaient autant d'autorité que s'ils étaient
venus de plus haut, comme je viens de l'expliquer. Comment donc sortir de cette
impasse ? Le seul moyen eût été de parler au roi lui-même et de lui montrer que
la corde était trop tendue. Plus sage et mieux placé que le gouverneur compromis,
il aurait probablement arrangé la chose. Mais la demeure du roi est à neuf cents
kilomètres du village de Magoud !
Cependant la situation était si grave qu'on dut forcément se résoudre à entre-
prendre cette grande expédition. Les blancs proposèrent donc à Magoud le plan
suivant. On enverra à Oumzila une députation composée de l'un des marchands et
de plusieurs notables de Magoud. S'ils trouvent que le roi est vraiment mort, ils
reriendront et l'on refusera de livrer ce qui .^t réclamé. Si Oumzila vit encore, ils
lui exposeront les circonstances et demanderont un allégement de la charge
imposée aux marchands. Enfin, quoi qu'il arrive, les blancs sont prêts à prendre
les armes, pour se joindre à Magoud en vue de la défense commune.
Ayant trouvé ce plan bien conçu, le chef Magoud l'accepta, mais en tremblant,
car il aurait beaucoup aimé que les blancs payassent, quoique en protestant.
L'affaire en était là au mois d'août dernier, et j'attends maintenant la suite.
Notre évangéliste partage l'anxiété du chef et sympathise avec lui. Comme
— 100 —
cette annexe est à 400 kilom. de nos stations, nos missionnaires ne l'ont jamais
Yue, et il est à désirer que Pun d'eux y soit prochainement envoyé, au moins pour
la visiter et pour voir Magoud lui-même. Malheureusement un voyage jusque-là
constitue une véritable entreprise dr<Bxploration, parce qu'on ne peut s'y rendre
d'ici que par des contrées sans routes et souvent sans habitants. Si nous avions
une station à Lorenzo-Marquès, la chose serait infiniment plus simple, puisque
des barques font souvent le trajet de cette ville chez Magoud, en remontant la
rivière Komati.
Cela me rappelle que vous avez parlé du petit vapeur Maud, qui a essayé de
remonter le Limpopo. Mais je regrette de ne pas connaître le résultat de cette
expédition '. Cependant j'ai oui dire que le bateau avait pu faire aisément
environ 80 kilomètres sur le fleuve, mais qu'il avait été arrêté là par la fièvre qui
décimait les membres de l'expéditiott; On s* était mis en route trop tôt, paraît-il,
avant la fin de la mauvaise saison, qui, cette année, s'est prolongée plus tard que
d'ordinaire. Il reste acquis cependant que le Moud a navigué sans peine sur la
partie du fleuve la plus défavorable ; mais les eaux n'étaient pas encore basses.
Aux pages 86, 112 et 135 de V Afrique explorée*^ vous annoncez les mesures prises
en vue de la construction d'un chemin de fer de Pretoria à la baie de Delagoa.
Mais nous venons d'apprendre que l'emprunt émis en Hollande par le Transvaal
n'a pas été souscrit, et que le comité néerlandais d'initiative s'est dissout. A
quand la voie ferrée ?
En 1876 un semblable emprunt, destiné au même but, avait déjà été souscrit;
mais, pour gagner les souscripteurs, on avait émis les titres au 60 %, tout en
garantissant un fort intérêt du pair. Nous le payons, cet intérêt, depuis 1876 ; cela
fait un impôt annuel, dit pour le chemin de fer^ de Ls 1.10 0 par habitant (homme
adulte). Mais l'argent de cet emprunt a été dilapidé dès l'origine, et nous sommes
sans chemin de fer. Paul Bertboud.
BIBLIOGRAPHIE
Mission d^exploratiok du qaut-niojsr. Voyage au Soudan français
(Haut-Niger et pays de Ségou), 188Q-1881, par le commandant Galliéni,
contenant 140 gravures dessinées sur bois par Riou, 2 cartes et 15 plans.
Paris (HacbetteetC*), 1885, gr.in-8',632 pages, 15 fr.— Si le Tonkin et
Madagascar détournent pour le moment P attention du Sénégal, cela ne
* Nous ne l'ayons tu mentionné dans aucun des journaux que nous receTons
de l'Afrique australe.
' Voir V"« année.
^ On peut se prpcurer à la librairie H. Georg, à Genève et à B&le, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 101 —
signifie pas que la France ait abaDdouaé son projet d'atteindre, par
cette voie, le cœur du Soudan, afin d'attirer à St-Louis le commerce
qui suit actuellement les routes sahariennes conduisant au Maroc et à
la Tripolitaine, L'échec des missions Fïatters ayant démontré que l'on
ne pourra de longtemps atteindre Timbouctou, parle nord, il s'agit d'a-
border ce grand marché par le Niger, et il ne semble pas, jusqu'à pré-
sent, que l'on ait rencontré de ce côté une bien vive résistance. En 1879,
des oflSciers étudièrent le cours du Sénégal et les territoires voisins jus-
qu'à Bafoulabé; de 1879 à 1881, le capitaine GalUéni explora la vallée
du Bakhoy, atteignit le Niger et arriva jusqu'à Nango, c'est-à-dire à
une faible distance de Ségou, résidence du sultan Ahmadou ; enfin de
1880 à 1882, le colonel Borgnis-Desl^ordes acheva l'exploration des
régions situées entre le Sénégal et le Niger, et planta le drapeau fran-
çais sur ce fleuve à Bamakou.
L'ouvrage que nous annonçons est consacré à la narration de la mis-
sion Galliéni, par le commandant lui-même. C'est im beau volume, pré-
paré avec le soin qui distingue les publications de la maison Hachette.
L'impression, les gravures de Riou, les cartes et les plans sont admira-
bles d'exécution et de dessin. Quant au récit, il est écrit d'un style
simple et sans emphase ; on y reconnaît la plume d'un soldat qui raconte
d'une manière claire ce qu'il a vu, ce qu'il a fait, au fiir et à mesure que
les événements se déroulent, sans exagérer ni l'importance de ses décou-
vertes, ni la grandeur des obstacles qu'il a surmontés. L'accent de
vérité que l'on sent à chaque page rend très attachante la lecture de ce
volume, et augmente le mérite et la haute idée qu'on se fait de l'énergie
et de la bravoure de ces hommes, perdus au milieu de populations barba-
res et dont la vie a été constamment en danger. GalUéni, du reste, avait
été fort heureux dans le choix de ses compagnons de voyages: Piétri,
Vallière et Tautain, ofBiciers d'un caractère éprouvé et d'une grande
valeur au point de vue des connaissances scientifiques nécessaires pour
accomplir le programme fixé. Voyez-les remonter le Sénégal et la Bak-
hoy, chercher à conclure avec les tribus nègres des traités de commerce
et d'amitié, se séparer et diviser leur troupe si restreinte en trois grou-
pes, afin de pouvoir comprendre une plus vaste étendue de terrain dans
le champ de leur exploration ; écoute^ Galliéni racontant le combat de
Bio, dans lequel son convoi dut supporter le choc de 1500 à 2000 Bam-
barras bien armés, sa retraite sur le Niger et sa rencontre avec ses amis
à Bamakou; suivez la mission dans sa marche sur Ségou que, malgré
ses efforts, elle n'atteignit pas, obligée qu'elle fut, par ordre d'Ahmadou,
— 102 —
de s'arrêter à Nango ; lisez eafiti la description de la véritable captivité
queleurimposale sultan et celle duretour à St-Louis. Est-il possible, après
avoir pris connaissance de ces faits, de n^ôtre pas pénétré d^admiration
pour ces hommes généreux qui,' en dépit de tous les dangers, veulent
remplir leur mandat jusqu'au bout? Ce sentiment ne fait que grandir
lorsqu'on constate que, malgré les attaques de fièvre et l'état de dénue-
ment dans lequel ils se trouvaient après le combat de Dio, ils sont par-
venus à faire assez d^ observations précises et à recueillir suffisamment
d'informations, pour permettre à Galliéni de décrire, dans les cent der-
nières pages , la région parcourue ; description si complète que ces con-
trées, hier encore marquées presque en blanc sur les cartes, peuvent être
aujourd'hui considérées conmie connues,aumoins dans leurs grands traits.
II est à espérer que ces reconnaissances, accomplies au prix de tant de
privations et de souffrances, ne profiteront pas seulement à la science,
mais qu'elles contribueront aussi au progrès de la civilisation et de la
colonisation européennes.
I r
M. G. RoLiAND. La mer SAHAais^NNE. Bevtie scientifiqtie du 6 décem-
bre 1884, p. 706-718. — L'étude géologique du Sahara faite par
M. Bolland au cours de la mission transsaharienne de M. Choiây, en
1879-1880, et pendant deux voyages ultérieurs en 1882 et 1884, lui a
fait constater de nombreuses formations dues à l'action des eaux, ce
qui oblige à admettre qu'à une époque relativement récente, les eaux
ont agi puissamment à la surface du Sahara, et en ont recouvert certaines
parties, telles que la région des Ghotts tunisiens et algériens. Mais
ces bassins sahariens n-étaient point, suivant M. Rolland, en communi-
cation directe avec la mer (Océan ou Méditerranée) ; les coquilles
trouvées dans certaines formations, — leCardium edule en particulier,—
espèces marines, peuvent s'être accommodées aux eaux saumfttres, voire
même aux eaux douces. Or, les eaux douces dans lesquelles se sont
formés les dépôts qui constituent les couches supérieures des cuvettes
du Sahara, et celles qui en ont creosé les vallées d'érosion, provenaient,
dans l'opinion de M. Rolland, d'une époque pluviaire entièrement
différente des conditions météorologiques qui caractérisent aujourd'hui
le Sahara. La source de l'humidité qui fournissait cette abondante
condensation devrait être cherchée dans l'immense étendue d'eau qui
recouvrait autrefois la vaste plaine de l'Asie septentrionale ; ce serait de
là, que le vent alizé du N.-E. apportait au nord de l'Afrique les vapeurs,
auxquelles le Sahara devait alors l'humidité extrême qui le caractéri-
— 103 —
sait. Nos connaissances météorologiques sont insuffisantes pour nous
permettreide nous prononcer sur l'hypothèse de M. Rolland, non plus
que sur les considérations qui terminent son mémoire. Rattachant
répoquepluviaire du nord de rAfriqueà la période glaciaire de l'Europe,
il suppose que la zone niaxima des précipitations atmosphériques s'est
déplacée du sud au nord, et que les étapes successives de ce déplace-
ment ont été le Haggar, l'Atlas, les Alpes et enfin les montagnes du
nord de l'Europe. L'hypothèse nouvelle tient-elle suffisamment compte
des conditions d'altitude et de latitude septentrionale ! De plus compé-
tents que nous diront si elle explique tous les faits du phénomène gla-
ciaire. . j
»
A. Barthélémy. Guide du voyageur dans la Sénéoambie française.
Bordeaux (Bureaux de la. Gironde)^ ^t Paris (A. Barbier, 182, boulevard
Saint-Germain), 1884, in-12, 331 p. et carte, 5 francs. — Les Guides pour
les pays d'Europe ne manquent pas. Même l'Algérie a été l'objet de publi-
cations de ce genre; mais ceux qui traitent de contrées non connues
dans toutes leurs parties, et oîi les voyages ne se font pas dans les mêmes
conditions que dans nos pays civilisés, sont fort rares. Il y a des guides
pour la Nouvelle-Calédonie, et la collection Basdecker renferme un
ouvrage semblable pour la Syrie et la Palestine. C'est un essai du même
genre qu'a tenté le géographe bien connu qui a emprunté le pseudonyme
de Barthélémy ; tentative heureuse, car l'ouvrage, accueilli favorable-
ment par la presse et le public, vient d'être couronné par la Société de
géographie commerciale de Bordeaux.
En ce moment où toutes les puissances s'occupent de questions colo-
niales, où l'émigration tend à s'accroître, entraînant l'établissement de
bateaux à vapeur, la construction de chemins de fer et de lignes télégra-
phiques, la publication de guides pour les colonies est une nécessité.
C'est par la plus ancienne possession française en Afrique qu'a voulu
commencer M. Barthélémy. Son ouvrage renferme un itinéraire de Bor-
deaux à Dakar, un historique sommaire et une étude géographique
courante, soit du Sénégal, soit du Cayor et des régions voisines, oîi
toutes ces routes par terre et par eau sont indiquées. Mais l'auteur ne
s'est point arrêté là; afin de rendre son guide plus pratique, il y a joint
un vocabulaire français-ouoloff, ainsi que quelques phrases usuelles, une
note sur l'hygiène des Européens au Sénégal, extraite de l'ouvrage de
M. Bérenger-Féraud, médecin en chef de la marine. Enfin les cinquante
' dernières pages contiennent une foule de renseignements utiles au voya-
1
— 104 —
geur et qu'il devrait glaner dans beaucoup d'ouvrages diflférents : liste
des autorités civiles, militaires et judiciaires, écoles, hôpitaux, douanes,
ligues dé navigation entre l'Europe et la Sénégambie, 'tarifs postaux,
télégraphiques et des chemins i/de fer, etc. Nous y avons trouvé un
horaire et un tarif des sections ouvertes du chemin de fer de Dakar k
Saint-Louis.
Enfin l'ouvrage se termine par une carte en noir, claire et facile à
consulter, mais qui n'indique pas le relief et laisse en blanc les parties
peu connues ou celles dont il n'est pas fait mention dans le guide.
Tel qu'il est, ce livre rendra de grands services, et nous ne pouvons
que conseiller fortement aux voyageure, colons, soldats ou marins, de
ne pas partir pour le Sénégal sasm avoir dans leur malle le guide de
M. Barthélémy.
Le Congo français, par J.-Ll Dutreuil de Rhins. Paris (Dentu),
1885, in-8**, 64 p., avec carte et portraits de Brazza et de Makoko. —
Le titre de cette brochure, et le fait qu'elle est due à l'un des partisans
les plus zélés des expéditions confiées à Savorgnan de Brazza, expli-
quent le point de vue exclusif auquel elle est écrite, celui des intérêts
français, des intérêts matériels surtout, que le système protectionniste
seul, à en croire M. Dutreuil de Rhins, peut sauvegarder. D'après
cela il est facile de comprendre que tout ce qui ne procède pas de la
France, et ne tend pas à assurer aux intérêts français la prépondérance
dans le bassin du Congo, ne peut trouver grâce aux yeux de l'auteur,
qui ne voit dans Stanley qu'un aventurier doublé d'un mystificateur,
dans ses agents que des pirates, dans l'œuvre des représentants de tous
les États civilisés réunis à Berlin, et surtout dans la proclamation de la
liberté commerciale pour tous, et de la libre navigation du Congo sous
la surveillance d'une Commission internationale, qu'une comédie jouée
au profit de l'Allemagne et de l'Angleterre. Aussi espère-t-il que, lors-
que les décisions de Berlin seront soumises au Parlement français,
celui-ci ne laissera pas porter atteinte aux intérêts et aux droits de la
France sur le Congo ! Nous voulons croire que les représentants de la
France, tout en s'efiForçant de sauvegarder les intérêts français, sauront
avoir égard à ceux des autres États civilisés et des indigènes. Le meil-
leur moyen d'assurer les intérêts de tous n'est-il pas l'établissement de
la liberté pour tous, dans tous les domaines, comme le préparera l'œu-
vre de la Conférence de Berlin ?
ÉCHANGES
Sociétés de géographie.
Amsterdam. ConstantiDe. Hambourg. Lisbonne.
Anvers.
Berlin.
Bréffle.
Bruxelleg.
Berlin.
Douai. Iéna«
Francfort «/M. Le CJaire.
Greifswald. Leipzig.
Hdle. yile.
Nancy.
New-York.
Oran.
Paris.
Lyon.
Madrid.
Marseille.
Montpellier.
Sociétés de géographie commerciale.
Bordeaux. Paris. Porto. Saint-Gall.
Rochefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Le Havre.
Hissions.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XIX°>« siècle
(Neuchâtel).
Journal de l'Unité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bâie).
Evangelisches Missions -Magazin (Bâle).
Cal wer Missions - Blatt (Calw) .
AUgemeine Mlssions-Zeitscbrift (Gilters-
loh).
Glaubensbote (Bâle).
Africa (Londres).
La Nigrizia (Vérone).
Chnrch missionary Intel ligencer and Re*
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionary (New- York).
Régions beyond (Londres).
QU^nicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Church of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian Church (Edimbourg) . *
Central Africa (Londres).
Woman's foreign missionary Society
(Philadelphie).
Divers.
Gazette géographique et Exploration (Pa-
ris). .
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du Comice agricole (Médéa).
Bulletin de T Académie d*Hippone (Bone).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris).
Revue géographique internationale (Paris).
Le Mouvement géographique (Bruxelles).
Handels-2eitung (Saint-Gali).
Deutsche Rundschau fiir (jeographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen (jesell-
sehaft in DQutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fUr den
Orient (Vienne).
Zeitschrift fUr wissenschaftiiche Greogra-
phie (Lahr).
Deutsche Kolonialzeitung (Francfort s/M)«
Chamber of Commerce Journal (Londres).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend' (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
BoUettino délia Societa africana dltalia
(Naples).
Esplorazione (Naples).
Marina e Commercio, e Giomale délie co-
lonie (Rome).
Africa oriental (Mozambique).
O Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Revista de Ëstudos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Hevue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine).
Moniteur de TAlgérie (Alger).
Dr A. Petermann s Mittheilungen (Gotha)
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Record of geogra
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus (Cape-Town). «
West Alrican Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
sommaihk
^ Page*
BULtJETIN MENSUEL 65
Nouvelles complémentaires , 72
La Conférence africaine de Berlin (suite) 75
Expédition de Mr J. Thomson» de Momdas au Victoria-Nyanza»,
PAR i.E pays des Masaï (suîte (ît fia) . . . , 83
Cîorkespondance :
Lettre de M. le D' C. Passavant, de Cameroon 91
Lettre de M. D. Jeanmairet, du Zambèze 9a
Ijettre de M. P. Bei-thoud, du Transvaal 98
Bibliographie :
Mission d^exploration du Haut-Niger, par le commandant GalHénî. 100
La mer Saharienne, par G. Holland lOfi
Guide du voyageur dans la Sénégambie française, par A. Barthélémy. 103
Le Congo français, par J.-L« Dutrenil de Bhinfl 104»
/ —
OUVRAGES REÇUS :
Les Arabes dans PAfrique centrale, par Adolphe Burdo. Paris (IXentu), 18S5,
in-S*», 48 p.
Le Congo français, par J.-L. Dutreuil de Rhins. Paris (Dentu), 1885, in-8", 64 p.
avec carte et portraits de Brazza et de Makoko.
Genève. — Imprimerie Charles SchuchanU,
GENÈVE
GEORG, LIBRAIRE-ÉDITEUB
m£iie haï son a bale it a lïon
. V
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIRIGÉ PAR
M. Oastaye MOTNIES
Membre de la CommiMion internationale de Bruxellee pour l*exploration et la ohriliaation
de FAfriqne centrale; membie oorzeapondant de rAoadémio d*Hlpp<me,
et dea Soelétéa de géographie de Maraeille, de Nancy, de Loanda et de Porto.
RÉDIGÉ PAR
M. Charles FAUSE
Seerètaire-Bibliothéeaire de la Société de géographie de Oenève , membre oorreapondinit dea Soeiétéi
de géograpUe de Liabonne, de Loanda, do Porto, de 8alnt-Gall et de Becne.
L'Afrique parait le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8o d*aa
moins 20 pages chacune ; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaire.
Le prix de Tahonnement annuel, payable d'aTmneey est de 10 fWmesy
port compris, pour tous les pays de FUnion postale (première zone) ; pour les
autres» il fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, • dreit h mi eempte renda»
Adresser tout ce qui concerne la réd»etioii à M. OnstaTe IleyBiêr,
9f rue de l*Atliéiiée» h OenèTe (Soimie).
S'adremier pour les «beiiiiemenUi h Péditenry M. H. Georc« à
C^nèTe ou h BAle.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Ch. Delàgravb, libraire, i5, rue Sou£Qot, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la Cour, 45, rue de la Régence, à Bruxelles.
DuMOLÀRD frères, libraires, Corso Vittorio Ëmmanuele^ 21, à Milan.
F,-A. Brogkhaus, libraire. Querstr., 29, à Leipzig.
L. Fribderichsen et C'% libraires, Admiralit&tsstr, 3/4, à Hambourg
Wilhelm Fbick, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autriche).
Trubnbr et 0\ libraires, Ludgate Hill, 57/59, à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
ATIS. -- Noua mettons à la disposUion de nos nouveaux abonnés, au prix de
12 fr, c^kiotm, tin eerioMn wmlbre d'exemplaires complets de la 11^; de la IV^
et delà V^^ année, La I^ et la UD^ sont épuisées.
— 105 —
BULLETIN MENSUEL {6 avril 1885.Y
La commission internationale des délégués de France, d'Angleterre,
d'Espagne, d'Autriche, d'Italie, d'Allemagne, de Hollande, de Russie
et de Turquie, chargée d'étudier la question de la navigation du c»nal
de Suez, a déterminé les phases successives d'un programme complet
et définitif pour l'élargissement et l'approfondissement du canal d*une
mer à l'autre. Une des conséquences de cette entente entre les grandes
puissances maritimes sera la neutralisation du canal. Une conférence
qui a pour mission de régler ce qui se rapporte à la libre navigation
du canal s'est réunie le 30 mars à Paris. Toutefois ses travaux n'au-
ront qu'un caractère préparatoire, et les puissances auront ensuite à
décider si elles doivent en consacrer le résultat dans un acte définitif.
La convention pour le règlement de la question financière égyptienne
contient un article qui proclame en principe la liberté du canal en tous
temps. Mais le règlement pour l'application de ce principe devra être
ultérieurement élaboré par les puissances.
Nos lecteurs se rappellent que Mgr Sogaro, vicaire apostolique de
rAWque centrale, avait envoyé à Dongola le P. Vicentini qui, à son
tour, dépêcha un messager arabe au Mahdl, pour chercher à obtenir
de lui la libération des missionnaires du Djebel-Nouba et d'El-
Obeld, qu'il retient prisonniers depuis la conquête du Darfour et du
Kordofan. Après deux mois de cruelle incertitude, le P. Vicentini est
revenu au Caire ; le messager a rapporté à Dongola une lettre d'une
des sœurs prisonnières, datée du 3 février, d'Omdurman, vis-à-vis de
Khartoum. D'après cette lettre les missionnaires ont à endurer de
grandes souffrances, et cependant ils co^iseillent de ne pas insister à
demander leur délivrance au Mahdi, cette demande pouvant entraîner
des conséquences encore plus fâcheuses pour eux.
V Antislavery Reporter a publié une description de la traite H
Donf^ola, due à la plume de M. Cameron, correspondant du Standard,
tué dans un des engagements avec les partisans du Mahdi. a Dongola,»
disait-il, « est un nid d'esclaves ; la traite se fait sous nos yeux. Vingt-cinq
esclaves ont été envoyés tout récemment à Wadi-Halfa, pour être ven-
' Les matières comprises dans nos Bulletim mensuels et dans les Nouvelles com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
rAlgérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
L'AFRIQUE. — SIXlilIE ANNÉE. — N<^ 4. 4
— 106 —
dus aux officiers et aux soldats égyptiens qui s'y trouvent. Dans un des
engagements du mudir de Dongola avec les troupes du Mahdi, il a pris
à celles-ci plus de trente nègres, dont le bonheur fut extrême en voyant
qu'au lieu de les vendre comme esclaves, selon l'usage habituel, ou
faisait d'eux des soldats. J'ai cherché à engager deux Arabes à
m'accompagner comme domestiques dans ma marche vers Khartoum,
' mais ils tirent quantité d'objections à aller au delà de Merawi, môme
protégés par l'armée anglaise. Deux nègres à la taille imposante
s'oifrirent, mais j'appris plus tard qu'ils désiraient se rendre vers le
sud pour une expédition en vue d'acheter des esclaves. Tout travail ici
est fait par des esclaves ; la ville fourmille littéralement de jeunes filles
nègres du Soudan qui, naturellement, sont peu à peu dirigées sur la basse
Egypte et remplacées, par d'autres fraîchement arrivées de l'intérieur.
Il ne suffirait pas d'interdire de nouveau la traite sur le haut-NO pour
mettre fin au trafic, qui ne cessera entièrement que si l'esclavage lui-
même était entièrement aboli dans les pays musulmans des bords de la
Méditerranée. »
D'après une lettre d'Obock au Temps, l'administration ayant, pour
dégrever le budget des dépenses que nécessite l'occupation de cette
colonie, frappé d'un droit de neuf francs chaque boutre qui mouillait
sur rade, il n'en vient plus un seul à Obock depuis que cette taxe existe.
Auparavant on venait y apporter des nacres, des peaux, des bestiaux,
qui font défaut dans le pays, et que l'on était obligé de faire venir à
grands frais d'Aden, de Zeïlah et de Berbera ; actuellement il n'en vient
plus, et les négociants arabes et somalis ont déclaré qu'ils ne vien-
dront plus à Obock tant que cette taxe subsistera. Le commerce qui
s'était peu à peu établi avec les Arabes et les indigènes a complètement
cessé. En outre le territoire d^Obock a été dévasté par des pluies tor-
rentielles qui y ont causé une véritable inondation. Les eaux descendant
des hauteurs ont formé des torrents considérables. Le pied de la falaise
où les indigènes avaient commencé à établir quelques habitations a été
envahi par là mer ; les constructions que le gouvernement faisait élever
ont été à moitié détruites et les jardins anéantis.
C'est à Obock qu'est redescendu des plateaux du Choa, M. R.-A.
Brémond qui, dans son second voyage, s'était proposé de trouver une
route plus facile que celle de Zeïlah, la voie ordinaire de la côte au pla-
teau abyssin, qu'il avait suivie dans sa première expédition. Revenu à
Marseille, il a rendu compte de son exploration à la Société de géogra-
phie de cette ville. Nous extrayons du Sémaphore ce qui nous parait le
— 107 —
plus important pour nos lecteurs. Il avait avec lui un docteur en méde-
cine, M. Hamon, un ingénieur des mines, M. Aubry, un officier de
cavalerie, chargé des travaux cartographiques, M. Hénon, dont le frère
servait de secrétaire à l'expédition. Il pouvait compter sur le concours
de personnages puissants dans cette région, le fils d'Abou-Bekre, pacha
de Zeïlah, Abd-el-Rhaman, parent et homme de confiance du sultan
d*Aoussa, Mohamed-Anfali, et surtout ce dernier qui désire obtenir le
protectorat de la France contre l'invasion égyptienne. Parti d'Obock
avec sa caravane, il passa par Tadjoura et Sagallo *, et, à travers une
série de mamelons qui s'étendent sur une longueur de 20 kilom., il
gagna les rives du lac Assal, dont les berges sont formées de couches
de sel assez solides pour supporter le poids d'un chameau •. Le.s Arabes
le nomment par plaisanterie le a lac de miel. » Le l* juillet 1883, la
caravane traversa en radeau l'Haouasch, considérablement grossi par
les pluies des hauts plateaux. Cette rivière qui naît au S.-O. des Alpes
du Choa, dans le district de Finfini, à peu de distance du Nil bleu, con-
tourne les terrasses de l'Abyssinie qu'elle suit daas la direction du sud
au nord. Elle ne coule pas comme les autres cours d'eau du plateau
abyssin, dans des gorges pi*ofondes, mais à pleins bords. A l'époque de
l'étiage, elle a 50 mètres de largeur et plus d'un mètre de profondeur.
Au moment des crues causées par les pluies qui tombent sur le haut
plateau, son niveau s'élève de 12, 14 et même 18 mètres. Elle coule
dans la direction de Tadjoura, et va se perdre non loin de ce golfe, mais
sans atteindre la mer, dans le Bada ou lac d'Aoussa. M. Brémond la
croit navigable pour des bateaux à vapeur et estime que ce serait la
voie de communication la plus facile du Choa à la côte.
Après 35 jours de marche, l'expédition atteignit Farré le 3 juillet ;
le 7 elle était à Ankober, que le roi Ménélik venait de quitter, pour se
rendre à Antoto, sa résidence d'été. Il invita les voyageurs à venir
auprès de lui et leur fit un très bon accueil. Après cela le Choa fut
exploré dans diverses directions. M. Brémond ne put pas aller au Kaffa,
comme il l'aurait désiré ; toutefois il fit une excursion dans la région
* Voyez la carte, IV"» année, p. 328.
' Le lac Assal est encaissé dans une espèce d'entonnoir, où il faut descendre
par des sentiers qui offrent quelques difficultés. On suit alors les berges du lac
sur une longueur de 20 kilomètres. On peut même raccourcir la route de moitié en
traversant le lac dans un endroit où la couche de sel est assez épaisse pour sup-
porter le poids d'un chamèan chargé.
— 108 —
qui s'étend au sud vers le pays des Ma^al. Ce haut plateau est arrosé
par un cours d'eau, le Gbybé, qui, après avoir contourné le pays des
Arousis-Gallas, va grossir le Djouba, tributaire de l'Océan Indien. Il
serait facile, croit M. Brémond, à un explorateur venant du Cboa, de
descendre ce fleuve sans trop de danger. Son opinion se fonde sur
l'accueil qu'il a reçu des indigènes, la plupart soumis à Ménélik. Le
3 janvier 1884, il était de retour à Antoto, où le roi revint bientôt, avec
un butin considérable fait dans une expédition contre les Arousis-
Gallas. Il organisa sa caravane pour revenir à Obock, où il rapporta
400 défenses d'éléphants, 60 cornes de musc et 300 lingots d'or de
10 kilos. Le retour se fit par la vallée de l'Haouasch, dont M. Brémond
put déterminer le cours.
C'est d'Obock encore qu'un correspondant du Temps a cherché et
trouvé une route praticable pour pénétrer au Harrar, sans passer par
ZelQah, aujourd'hui occupé par les Anglais. Traversant le territoire des
possessions françaises de Tadjpura et de SagallQ, il s'est rendu, lui aussi,
au lac Assal, d'où, laissant au N.-E. les monts Godah, il marcha direc-
tement sur Gobab, capitale du sultan Mohamed Loelta, allié de la
France. De Gobab, la route se dirige vers le sud jusqu'à Sarman,
frontière des Danakils et des Issas-Somalis, souvent en guerre avec leurs
voisins. A cette station il faut changer de guides et de chameaux pour
prendre ceux des Somalis. L'usage du pays est que chaque tribu four-
nisse les chameaux pour le transport des marchandises sur son terri-
toire, mais à toutes les stations où ce changement doit avoir lieu, le
service est organisé de iaçon que les caravanes n'ont jamais à attendre
longtemps avant de pouvoir se remettre en route.
De Sarman on gagne Las-Werdick, point d'intersection des routes du
Harrar et de l'Abyssinie. Cette voie nouvelle, qui n'est pas plus longue
que celle de Zeïlah à Harrar, oflEre au commerce français l'avantage de
se trouver en grande partie sur le territoire de Mohamed Loeïta, ce
qui est un gage de sécurité. Le même correspondant ajoute que l'éva-
cuation complète de Harrar par les troupes égyptiennes, devait,
d'après les ordres de l'Angleterre, être terminée à la fin de février ; le
nombre des évacuants ne se montait pas à moins de 18,000 personnes, y
compris les femmes et les enfants. Le major Hunter gouverne le pays
comme délégué de l'Egypte ; après avoir fait occuper la côte par des
troupes anglaises, et nommé des agents consulaires àBerbera et Zeïlah,
il a délégué un résident à Harrar, mis ses fonctionnaires dans toutes les
branches de l'administration ; enfin il a supprimé la poste pour Zeïlah
— 109 —
et le Han-ar, sous prétexte qu'il envoie un coumer spécial au résident,
le major Heath, et que les négociants européens n'ont qu'à faire comme
lui, envoyer des courriers spéciaux, s'ils veulent correspondre avec
l'Europe. Au reste l'occupation de la côte par les Anglais a déjà occa-
sionné des troubles ; certaines tribus somalis, celles des Issas-Mousas et
des Alal-Ahmed, voisines de la région de Berbera, se sont fait remar-
quer par une attitude agressive qui n'a pu être vaincue que par de
grandes largesses. A Zeïlah, où a été placée une garnison d'une centaine
de cipayes, une caravane ayant été attaquée aux portes de la ville, le
capitaine King, qui en est le gouverneur, ne put obtenir des agents de
police somalis qu'ils allassent saisir les agresseurs pour les lui amener ;
il voulut les désarmer et se servit pour cela des cipayes indiens, mais les
Somalis soutenus par la population tinrent tète à ceux-ci qui durent se
retirer. D'après une dépêche d'Aden, l'autorité britannique, d'accord
avec le gouvernement égyptien, laisserait le pouvoir à l'émir Abdalla-
Mohamed, fils de l'ancien émir du Harrar. Mais il est à craindre que
les partisans d'Ali-Aboubaker, père de l'émir Mohamed-Abdou-Cheik-
hou, ne saisissent cette occasion de fomenter une révolte, comme ils
l'ont fait une première fois il y a peu de temps.
Une lettre du D' Paulîtacbke, exprime des craintes analogues
au sujet de Harrar, où il est arrivé, avec le D' v. Hardeg^ger, le
15 février. Non seulement la ville, mais tous les territoires gallas qui,
au point de vue commercial, dépendent de la côte sud du golfe d'Aden,
passent par une crise des plus graves, suite de l'évacuation de Han*ar
et de ses dépendances par les troupes égyptiennes. L'autorité anglaise
qui veut rendre le pouvoir à Abdalla-Mohamed a cherché à organiser
une milice de fantassins et de cavaliers du Harrar, et fait construire un
fort dans la partie la plus élevée de la ville. Mais cela suffira-t-il pour
résister aux attaques des Gallas contre la capitale de leurs anciens
oppresseurs ? Il faudrait à Harrar une force de quelques centaines de
soldats aguerris ; ceux que cherche à former le lieutenant Peyton, vice-
consul anglais, sont trop faibles pour pouvoir maintenir Tordre dans la
ville. Aussi les négociants européens, qui ne peuvent pas liquider à bref
délai leurs affaires, ont-ils adressé une protestation à leurs consuls res-
pectifs à Aden, pour rendre le gouvernement du khédive responsable
des pertes matérielles qui pourront résulter pour eux de l'évacuation ;
ils ont en outre demandé des garanties pour leur sécurité. Les routes
des caravanes de Harrar à Ankober et à Zeïlah sont fermées, ce qui a
fait perdre à la ville toute son importance commerciale. Le voyage de
— 110 —
MM. Paulitschke et v. Hardegger de la côte à Harrar a d'ailleurs très
bien réussi. A Chaldessa, point de rencontre des caravanes du Cboa, du
Kaffa et de TOgaden, Témir des Issas-Somalis vint à leur campement
pour s'informer du but de leur expédition. Une telle entreprise, en ces
temps pleins de périls, lui paraissait suspecte. Les voyageurs venaient-
ils pour prendre possession du pays des Issas au nom de rAutriche-
Hongrie ? Étaient-ils des rivaux des Anglais ? D voulait être renseigné
exactement. Sur leurs explications, il leur accorda le passage, après leur
avoir fait présent d'un bœuf et de trois moutons. Quittant Cbaldessa
les voyageurs entrèrent sur le territoire des NoUé-Gallas qui ne leur
suscitèrent aucun obstacle. Le D' Paulitschke a relevé avec soin tout
l'itinéraire jusqu'à Harrar. De cette station il comptait faire, avec le
D' V. Hardegger, deux excursions, l'une, au sud dans le pays des Oum-
béni-Gallas, la seconde, chez les Ittou-Gallas et jusqu'à l'Haouasch.
La Société allemande de colonisation avait envoyé, l'année
dernière, une expédition dans l'Afrique orientale, avec mission d'y
acquérir du terrain pour y fonder des colonies. A la tête de l'expédition
se trouvait M. le D' Karl Peters, secondé par deux officiers, MM, Jtthlke
et Pfeil. Partis de Zanzibar le 10 novembre, ces messieurs ont conclu,
au nom de la susdite société, une douzaine de traités, avec dix sultans
indépendants, qui leur ont cédé à perpétuité et avec tous les droits de
propriété et de souveraineté, le territoire de l'Ou-Si^oua (à l'exception
des points de la côte appartenant au sultan de Zanzibar) et ceux du
IVgourou, de l'Ou-Sagpara et de l'Ou-Kami, soit une superficie de
137 500 kilom. carrés*' Ces traités ont été soumis au gouvernement de
l'empire allemand, qui en a reconnu la validité, et a placé les territoires
sous sa protection. Après cela le comité de la Société de colonisation a
fondé une Société allemande de l'Afrique orientale, pour faire exploiter
et administrer cette nouvelle acquisition, et M. Jilhlke en a été
nonmié l'administrateur, sous la direction du consul général alle-
mand à Zanzibar, M. le D' Gerhard Rohlfs. Les territoires ainsi placés
sous le protectorat de l'Allemagne sont traversés • par les routes des
caravanes qui vont de Zanzibar au Tanganyika et au Victoria Nyanza.
Ils sont décrits par Burton , Stanley , Cameron comme étant des plus
beaux, des plus fertiles, et très salubres dans leurs parties supérieures.
La station française de Condoa établie par le capitaine Bloyet, et celle
des missions anglaises de Mpouapoua s'y trouvent comprises.
* Voy. la carte p. 140.
— 111 —
La Société de géographie de Marseille a eu l'honneur de recevoir la
première M. Victor Giraud» au retour de son exploration dans
l'Afrique centrale ; nous en avons déjà indiqué les principales péripé-
ties ' ; aussi n'emprunterons-nous au Bulletin de la Société de Mar-
seille que les renseignements nouveaux qu'il contient sur les pays par-
courus par M. Gii*aud. De Dar-es-Salam, son point de départ pour l'inté-
rieur, il ti-aversa l'Ou-Héhé, plateau abondamment arrosé, fertile et
riche en bétail, assez semblable à l'Ou-Gogo, situé plus au nord et bien
connu par les descriptions qu'en ont faites les voyageurs ; mais l'Ou-
Héhé a sur ce dernier pays, dit M. Giraud, l'avantage d'être sous la
domination d'un chef unique, tandis que l'Ou-Gogo subit le joug d'une
multitude de potentats qui exigent tous des droits de passage. Mieux
que tout autre district de l'Afrique orientale, l'Ou-Héhé pourrait oflFrir
un sol convenable à la colonisation. Dans sa marche vers le lac Nyassa,
M. Giraud rencontra, entre l'Ou-Sango et l'Ou-Béna, des populations
de mœui*s douces et pacifiques ; puis il atteignit le Kondé, plateau situé
au milieu d'un hémicycle de montagnes au nord du lac, vers lequel il
descend en pente douce. Le voyageur put y goûter, pendant un mois et
demi, un véritable repos au milieu de populations tranquilles, et attendre
la fin de la période des pluies, pour gagner avec la saison sèche les rives
du Bangouéolo. Il s'engagea alors dans le Lobemba qui, sous la domi-
nation d'un chef unique, occupe toute la région située entre les lacs Tan-
ganyika, Nyassa, Moëro et Bangouéolo. C'est là que s'ouvre la vallée du
Tchambézy, qui prend sa source au sud du Tanganyika et va se perdre
dans les marécages du Bangouéolo. Le chef Kétimbourou se montra
d'une générosité rare chez les nègres. Il combla de présents l'explora-
teur, sans vouloir presque rien recevoir en échange. Laissant une partie
de sa caravane dans le Lobemba, M. Giraud en envoya une autre partie
dans la direction du lac Moéro, à Cazembé ; lui-même voulait, avec huit
hommes seulement, se rendre au Bangouéolo, y lancer le canot d'acier,
qu'il avait transporté à graud'peine par sections jusque dans ces para-
ges, faire l'exploration du lac, et en sortir, comme il le croyait, vers le
nord par la Louapoula, dans la direction de Cazembé et du lac Moêro.
Il lui fut difficile de s'approcher du Bangouéolo ; des marais s'éten-
dant sur une zone de 40 à 50 kilom. séparaient la terre ferme du lac
proprement dit, et il dut patauger pendant des mois entiers dans une
forêt inextricable de joncs. Il faillit périr de faim, avec ses gens, dans
* Voy. V™« année, p. 105.
— 112 —
cette plaine qui n'est ni eau ni terre et où la chasse est des plus diffi-
ciles. Enfin, le 18 juillet 1883, il atteignit le lac et put circuler avec son
canot au milieu des îles assez considérables qui émergent de son bassin.
Dans cette navigation il constata que la Louapoula que Livingstone fait
sortir au N.-O. du lac en sort au S.-O. Dès lors, au lieu de pouvoir
rejoindre sa caravane en cinq jours, comme il l'avait espéré, il eut à par-
courir une route cinq fois plus longue, au travers de tribus hostiles qui,
à coups de flèches et de fusils, le harcelèrent incessamment. Pendant trois
jours ij navigua sur la Louapoula, qui d'abord serpente au milieu de
marais, et bientôt se fraie un passage entre deux berges assez élevées.
Après avoir franchi quelques rapides, M. Giraud arriva près de la cata-
racte de Mombotanta, qui coupe le fleuve. Les rives étaient garnies
d'une véritable armée d'indigènes entre les mains desquels il dut se
constituer prisonnier en leur abandonnant son canot. Conduit chez Méré-
Méré qui réside à dix journées de marche au nord, il y resta en capti-
vité deux mois et demi, au bout desquels il parvint à s'échapper avec
ses huit honmies, et en quinze jours il rejoignit le reste de la caravane
à Cazembé. Le chef de cette localité avait rançonné les porteurs, s'était
emparé de leurs fusils, et M. Giraud fut réduit à accepter ses conditions
quelque dures qu'elles fussent. Après mille vicissitudes, il réussit de
nouveau à s'enfuir avec sa poignée d'hommes et se lança vers le nord,
dans la direction du lac Moëro,q|i'il atteignit en six jours.» C'est,» dit-il,
«sans contredit, le plus beau de tous les lacs de la région équatoriale ;il
est flanqué de hautes montagnes : la chaîne du Roua, à l'ouest, et celle
du Koma, à l'est. Toutes deux s'inclinent légèrement l'une vers l'autre,
pour se rencontrer au nord du lac, oU elles forment un défllé d'oîi sort
le Louvoua qui va rejoindre le Loualaba près du lac Kamolondo.» En
quittant les rives du lac Moêro, M. Giraud s'engagea dans la vallée du
Kalongosi, et, après quinze jours de marche dans un pays accidenté, il
atteignit le Tanganyika à Liendoué, station des missionnaires anglais,
qui lui fournirent les moyens de faire parvenir tout son monde à Karéma.
Nous ne reviendrons pas sur son séjour dans cette station, ni sur les
obstacles qui l'empêchèrent de se ravitailler pour recommencer son
expédition; qu'il nous suffise, pour aujourd'hui, d'avoir attiré l'attention
sur cette exploration, qui rectifie sur plusieurs points l'hydrographie de
1! Afrique tropicale, et fera mieux connaître plusieurs districts à peu près
ignorés jusqu'ici.
M. Richards, missionnaire américain établi à Mongoué, dans la
baie d'Inhambané, a fait en automne de l'année dernière une expé-
*
— 113 —
dition au Liimpap*» pour s'assurer de l'existence d'une population
parlant le zoulou, qu'on lui aYait dit habiter dans le bassin oriental de ce
fleuve, avec Baleni pour Tille principale. Il avait avec lui un aide zoulou,
huit porteurs, un cheval et- un chien. Le troisième jour, rapporte le
Uimonary Herald de Boston, les voyageurs arrivèrent chez les Ama-
KoarKaa, si souvent pillés par les gens d'Oumzila qu'ils n'osent plus
cultiver de jardins ; les fruits d'ailleurs sont très abondants ; le vin de
palmier aussi est répandu dans tout le pays. L'arbre qui le produit a
d'ordinaire de 1~,50 à 2" de haut, rarement il atteint 3". La végétation
n'en est pas riche, excepté au sommet de l'arbre où apparaissent les
feuilles. On les coupe toutes , et Ton obtient de chaque arbre , tous les
jours, une pinte d'un suc délicieux, mais très enivrant lorsqu'on l'a
laissé reposer quelques heures. Aussi rencontre-t-on de tous côtés des
indigènes ivres, hcnnmes, femmes, même de petits enfants. Il en résulte
qu'ils sont grossiers, souvent pillards, amateurs de querelles et de com-
bats dans lesquels le sang coule d'ordinaire. Les traces des traitements
que leur fait subir Oumzila se voient partout, dans le grand nombre de
kraals déserts ; à peine un tiers des kraals rencontrés par l'expédition
étaient habités, et, à l'ouest du pays des Ama-Kua-Kua, un espace de
100 kilom. de large, sur une longueur encore plus grande, ne comptait
que des kraals abandonnés. Cette zone ravagée par Oumzila s'étend
jusqu'au pays des Ama-Govasa, que M. Richards atteignit le neu-
vième jour après son départ d'Inhambané. La tsétsé y abonde ; cepen-
dant le cheval et le chien de l'expédition supportèrent ses attaques.
Les Ama-Qouaza sont sujets d'Oumzila; le nom de leur chef, ainsi que
celui de la ville qu'il habite est Ama-Grounyana. Là les voyageurs enten-
dirent parler de Baleni comme étant sur le Limpopo, à trois jours de
distance du point ob M. Richards atteignit le fleuve. N'ayant pas les
provisions nécessaires pour prolonger son expédition, il dut revenir à
Inhambané à travers le grand bois de Ma-Eua-Kua. Les arbres n'en sont
ni bien gros ni bien hauts ; ils ne sont pas très serrés non plus et ressem-
blent plus à un verger qu'à une forêt. Tous ils sont revêtus d'une mousse
grise semblable à celle que l'on trouve dans la Floride. Tous les troncs,
vivants ou morts, sont enveloppés d'une extrémité à l'autre de cette
mousse gris-vert, qui leur donne un aspect fantastique. Les oiseaux au
beau plumage y abondent, ainsi que les hérons, les perdrix et les poules
de Guinée. A chaque instant les antilopes se lèvent à l'approche des
voyageurs, s'enfuient comme un trait à une vingtaine de mètres, s'arrê-
tent, regardent autour d'elles pour voir quelle était la cause de leur
— 114 —
efifroi, puis se souvent précipitamment. Au bout de trois jours de marche
à travers ce bois marécageux, les voyageurs atteignirent la ligne de &tte
entre le bassin du Limpopo et celui de rOcéan^ à 90 kilom. de la mer,
et à 120 kilom. du fleuve. La population de cette région est nombreuse,
douce, industrieuse, et proprement vêtue. Les soldats d'Oumzila ne la
pillent jamais^ aussi a-trelle de grands jardins fertiles, des chèvres et
des moutons eu grand nombre ; en maints endroits l'on élève des bes-
tiaux. '
Quant à Tethnographie de la contrée explorée par M. Richards,
les indigènes de la province dlnhambané, de la côte jusqu'à une cin-
quantaine de kilomètres à Tintérieur, sont des Ama-Tonga ; leurs kraals
sont grands, leurs jardins bien cultivés ; ils ont quelque idée du com-
merce, et ont un caractère content. Au delà de ceux-ci et sur une éten-
due de 150 kilom. environ, habitent les Ama-Kua-Kua, qui, pour le
physique et pour la langue, ressemblent plus aux Zoulous qu'aux Tongas ;
au moyen du vocabulaire zoulou, il est facile de se faire comprendre
d'eux. Enfin les Ama-Gouaza sont répandus, des rives du Zambèze
au nord, à celles du Limpopo au sud, et des possessions portugaises à
l'est, au pays des Ma-Tébélé à l'Ouest. Le capitaine Hore en a ren-
contré sur le Chiré. Baleni, sur la rive occidentale du Limpopo, a été
pendant quelque temps la résidence d'Oumxila) c'est encore là que la
plus grande partie de ses bestiaux sont élevés ; il n'a près de son kraal
que ceux dont il a besoin pour son usage quotidien. L'ivoire, autrefois
très abondant, a presque disparu. Défense est faite sous peine de mort
de chasser les quelques éléphants qui restent encore. Quand un animal
meurt, l'ivoire doit en être livré à Oumzila ; c'est à lui également que
reviennent toutes les peaux de quelque bête que ce soit ; ce sont ses
impôts. Beaucoup de ces indigènes sont de purs Zoulous ; cependant ils
ne parlent ni le vrai zoulou, ni le tonga. M. Riehards croit que primi-
tivement toutes ces tribus parlaient un dialecte parent du tonga, que
les Zoulous les subjuguèrent, puis, avec le temps se mêlèrent avec eux.
Les Zoulous étant inférieurs en nombre, les générations suivantes s'accou-
tumèrent davantage au dialecte tonga, et la génération actuelle sait
aussi peu le zoulou, que la seconde génération des émigrés allemands
aux États-Unis, la langue de ses ancêtres.
Le D' Sohalz qui était parti de D'Urban, le 1" mars de l'année der-
nière, pour une exploration à l'intérieur, est revenu à la côte, où il ^
donné aux journaux de Natal, le Natal Mercury et le Natal Mercantile
Advertiser, des détails sur son expédition au Chohé et au.Coabaas^.
— 115 —
Le manque de place ne nous permet pas de les reproduire tous, nous
nous bornerons à résumer ce qui se rapporte à la partie la moins con-
nue du pays qu'il a parcouru. H avait pris avec lui un ingénieur civil,
M. Hammar, deux domestiques européens et un certain nombre de
natifs. A Schoshong, oii Khamé les reçut très cordialement, ils engagè-
rent un interprète et se dhigèrent au N.-N.-O. à travers le désert de
Kalahari. A Pandamatenka, ils prirent des porteurs et des guides pour
les contrées de l'ouest dans lesquelles ils allaient entrer ; mais ceux-ci
leur causèrent beaucoup d'ennuis, par la peur constante qu'ils avaient
d'être poursuivis par les Ma-Tébélé, et ils iinirent par déserter. Un chas-
seur boer ofiBrit de conduire les voyageurs à Matambanyé sur le Chobé,
à 800 kilom. de son confluent avec le Zambèze (voy. la carte III* année,
p. 64). Le D' Scbulz et son compagnon purent tuer assez de gibier pour
nourrir les domestiques indigènes, le pays abondant en fauves de toute
espèce, sauf en éléphants que les chasseurs ont refoulés vers l'intérieur.
Dans son cours inférieur le Chobé forme une série de lacs, remplis de
roseaux et fourmillant de crocodiles dont les voyageurs tuèrent un
gmnd nombre. Le 18 juillet ils atteignirent Lynianti, oii ils trouvèrent
encore intacts les wagons et les objets qui avaient appartenu à la sta-
tion missionnaire fondée par Price et Livingstone. Les m^nbres de la
mission étaient morts de la fièvre, et les chefis indigènes, retenus par une
crainte superstitieuse, n'avaient pas osé toucher aux objets susmention-
nés. De Lynianti, ils atteignirent en cinq jours une petite rivière venant
du sud, la Liana, d'où ils se rendirent à Matambanyé, la ville princi-
pale du Chobé, dont Serpa Pinto et Selous n'avaient exploré que la par-
tie inférieure. Le chef Matambanyé les dissuada de remonter la rivière,
les tribus de ses rives étant très hostiles, et leur conseilla de se diriger
vers le Coubango qui coule à 240 kilom. au sud du Chobé. Ils résolurent
d'explorer le Coubango et de le remonter si possible jusqu'à ses sources.
Commençant par suivre la Liana en en faisant le relevé, ils la quittè-
rent ensuite pour se porter vers l'ouest, à travers un pays sablonneux,
sans gibier et pauvre en eau. Enfin ils atteignirent le Coubango, en un
endroit oli il a 400" de large, 8" de profondeur, et une vitesse de 35 à
40 kilom. à l'heure. Le l"' septembre ils arrivaient à la résidence du
roi Oundalé; ils lui envoyèrent un présent que le chef leur retourna
aussitôt en leur faisant dire que ce n'était pas assez pour un grand roi
comme lui, que cela ne valait pas l'eauqu'ils avaient bue de sa rivière.
Ce chef vit dans une tle au milieu du courant rapide du Coubango ; les
gens de sa tribu s'appellent les Mombo-Kouchou ; ce sont d'habiles
— 116 —
t^notiers. Le roi fit visite aux voyageurs dans leur camp, examina tout
ce qu'ils avaient, et exigea qu'ils lui donnassent à peu près tout ce qu'ils
possédaient, jusqu'à leurs couvertures. Un trafiquant portugais venu
de la côte occidentale, qu'ils rencontrèrent chez Oundalé, leur dit qu'il
était très facile de remonter le Coubango jusqu'à ses sources, et de
gagner de là l'Atlantique; il offrit de les accompagner. Les serviteurs
du D' Schulz refusant de traverser la rivière par peur des indigènes
dont l'attitude était hostile, il s'élança dans un canot et fut immédiate-
ment suivi par un jeune garçon qu'il avait amené de Natal et qui s'écria:
« Si mon maître doit être noyé, je veux être noyé avec lui. » Ils traver-
sèrent heureusement, et bientôt le reste de la caravane les suivit. Sur
la rive méridionale du Coubango, ils rencontrèrent bientôt deux
chasseurs tauwana, du pays des Ba-Mangwato de l'ouest, qui les
détournèrent de l'idée de suivre le trafiquant portugais vers l'Atlan-
tique, et leur offrirent de les conduire au lac Ngami. Le D' Schulz
accepta cette ofire, et toute l'expédition reprit la direction du S.-E.
Dans son cours inférieur, le Coubango, comme le Chobé, s'élargit et
forme des marécages qui, en certains endroits, ont 50 kilomètres de
large, et couvrent le pays d'une nappe d'eau d'où émergent des îles, et
dont l'évaporation remplit l'air de miasmes pestilentiels. Les îles du
Coubango, sont habitées en partie par les Mambokotyuzé, qui élèvent
des chèvres mais pas de grand bétail, et en partie par les tribus du
Kalahari, sous le chef Moremi, frère de Ehamé. Tout ce pays était
autrefois infesté par la tsétsé, et alors on n'y voyait point de bestiaux;
mais à mesure que la mouche disparaît, on rencontre du gros bétail en
certains endroits. Les huttes sont misérables, et annoncent une race
inférieure aux Zoulous. Elles sont circulaires, construites en boue, avec
un toit d'herbe ou de chaume. Les armes primitives des natifs étaient
l'arc, les flèches etl'assagaie barbelée. Maintenant ils ont toutes sortes
de fusils, depuis le vieux fusil à pierre jusqu'au fusil à répétition. Les
voyageurs étaient encore à neuf jours du lac Ngami, lorsqu'ils furent
faits prisonniers, sous prétexte qu'ils étaient des espions ma-tébélé.
Lorsqu'ils arrivèrent à la ville de Moremi, à l'est du lac, sur la rive
nord de la Zouga, on ne leur permit pas d'y entrer; il durent rester
sous un arbre, sans pouvoir sortir de son ombre sous des peines sévères.
Peu auparavant les Ma-Tébélé avaient fait une incursion sur le terri-
toire de Moremi pour lui enlever du bétail. Moremi avait réussi à leur
échapper en se réfugiant dans une île, et après avoir mis à l'abri la plus
grande partie de ses troupeaux. Désappointés, les Ma-Tébélé avaient
— 117 —
ravagé le pays et s'étaient retirés, mais en menaçant de revenir. De Ik
les soupçons éveillés par Texpédition du D' Schulz, qui n'échappa à
l'extermination, que grâce au témoignage d'une petite fille qu'il avait
soignée à son passage à Schoshong, et à l'intervention d'un négociant
blanc, M. John Trembone, Suédois, et de deux Hottentots qui purent
aiïirmer avoir vu les voyageurs dans cette ville. Les tribus soumises à
l'autorité de Moremi sont diverses. Celles qui demeurent près du lac
Ngami s'appellent les Tauwana, et la classe dominante parmi eux
paraît descendre d'émigrants bé-chuana, venus de Schoshong, dans les
dix premières années de ce siècle. A l'exception de quelques chrétiens
natifs, ils sont tous polygames ; les bords du lac sont encore le centre
d'un grand commerce d'ivoire et de plumes d'autruche; mais cette res-
source fera bientôt défaut. Sur le Coubango, les explorateurs ont
trouvé une tribu qui se distingue par son goût pour la pêche, c'est
celle des Ma-Kouba, très habiles en outre à conduire les pirogues et
ayant horreur de répandre le sang humain. Ayant réussi à convaincre
Moremi de leur innocence, les voyageurs obtinrent de pouvoir redes-
cendre la Zouga, et de retraverser le Kalahari dans la direction de
Schoshong, où Khamé fut très content d'apprendre tout ce qu'ils avaient
fait et yu depuis qu'il les avait laissés partir. Le D' Schulz a dû revenir
en Allemagne rendre compte de son expédition à la Société de géogra-
phie de Berlin, qui sans doute en publiera la carte et les résultats scien-
tifiques. Nous aurons soin de les communiquer à nos lecteurs. Notons
seulement encore ce que le D' Schulz a rapporté des mesures prises par
Khamé contre l'usage des spiritueux dans ses États. Tout trafiquant
blanc vendant des liqueurs est puni d'une amende de 100 liv. sterl. ; et
tout indigène qui fabrique de la bière cafre est expulsé du pays.
Il s'est fondé à Manchester, sous le nom de « West African Trading
Company (Limited) » une Société commerciaie pour l'exploita^
tion de l'Afrique occidentale. Elle a déjà acquis des factoreries à
Freetown et sur la rivière Bramiah dans la colonie de Sierra-Leone, et
se propose d'en fonder d'autres au Niger, à la Baie de Bénin, à la
rivière de Brass et au Congo, ainsi que de développer le trafic sur ces
cours d'eau au moyen de vapeurs rapides. Le commerce actuel de
l'Angleterre avec les principaux ports de l'Afrique occidentale s'élève
déjà à 5,000,000 de liv. st par an ; il emploie 45 vapeurs et 80 voiliers.
— 118 —
NOUVEUiES GdHPIsÉKSNTAIRBS
M. Teisserenc de Bort, secrétaire général de la Société météorologique de
France, a été chargé de continuer, dans le Sahara algérien et tunisien, les tra-
vaux qu'il y a commencés en 1888.
Le ministère de l'instruction publique de France a confié à MM. Salomon Rei-
nach et Gagnât une mission archéologique en Tunisie.
Une Société s'est fondée à Tunis, sous le nom de Société carthaginoise ; elle a
pour but l'étude historique et géographique de la Tunisie, ainsi que la description
et la conservation de ses monuments antiques.
Le D** Schweinfurth est rentré au Caire, d'une exploration qu'il a faite dans la
partie est du désert égyptien, entre le Nil et la mer Rouge, pour en déterminer
la formation géologique et en dresser une carte. Il a visité entre autres le mont
Claudiarius (Djebel Fatereh), où se trouvent des carrières de granit qui datent
des empereurs Trajan et Adrien.
La Compagnie du canal de Suez a fait don d'un terrain, sur lequel sera élevé, à
Port-Saïd, par le comité du souvenir national pour le général Gordon, un hôpital
anglais : Gordon Mémorial Hoapital. — La PdU MaU Gazette a proposé que le Co-
mité susmentionné forme une Société nationale qui fasse pour le Nil ce que
l'Association internationale africaine a fait pour le Congo.
M. Maspero a entrepris de déblayer le temple de Louqsor, encombré par des
masures. Par la grandeur du plan et la beauté des proportions, ce monument
égale presque celui de Karnak. Les sculptures qui en décorent les chambres et
les colonnes sont d'un travail fin et délicat.
La Société africaine de Naples a ouvert une école coloniale dans laquelle elle
fait enseigner, outre les branches d'études commerciales, la géographie écono-
mique, la science de la colonisation, le droit international, les langues arabe et
anglaise.
Un câble télégraphique sous-marin sera posé entre Massaoua et Assab.
Le capitaine Ferrari) accompagné du D' Nerazzini, médecin de la colonie
d'Assab^ est parti de Massaoua pour l'Abyssinie.
Le sultan d'Aoussa a fait savoir au commissaire d' Assab qu'il organise une
expédition, pour rechercher et punir les assassins de Blanchi et de ses compa-
gnons de voyage.
Des caravaniers de l'Ogaden ont apporté à Berbera la nouvelle que l'expédi-
tion de M. James (voy. p. 68), a passé le Webbi-Ouenat.
En présence de la famine qui sévit dans la région à l'ouest de Zanzibar, et de
l'impossibilité de recruter des porteurs en nombre suffisant, l'Association interna-
tionale africaine a dû renoncer à faire partir de Zanzibar l'expédition qui s'y
organisait sous la direction du lieutenant Becker. Le Mouvement géographique de
Bruxelles, auquel nous empruntons cette nouvelle, ajoute que le lieutenant
Storros, dont le terme de service est expiré, reprendra le chemin de la côte après
— 119 —
avoir confié proTisoireinent la garde des stations de Karéma et de Mpala aux
membres de la mission algérienne d'OudjidjI.
Une lettre de M. Ledoulx, consul de France à Zanzibar, annonce la mort de
Mtésa ; coïncidant avec celle de Mirambo, elle fait naître, dit M. Ledoulx, la
crainte de longues guerres pour l'Afrique orientale.
D'après le Chcmber of Commerce Journal de Londres, le gouvernement fran-
çais a fait un contrat pour la pose du câble de Zanzibar à Mayotte, Nossi-Bé et
Tamatave; l'opération doit être terminée en juin. La Compagnie prolongera
ensuite le câble jusqu'à la Réunion et Maurice.
Dans une lettre adressée à la Société de géographie de Paris, le major Serpa
Pinto rectifie une assertion émise par des journaux mal renseignés, qui ont an-
noncé que son expédition se rendrait au Congo. Il a pour mission spéciale d'étu-
dier le pays compris entre la côte orientale d'Afrique et le Tchambézi jusqu'au
lac Bangouéolo.
M. Stevenson, qui a déjà établi à ses frais des vapeurs sur les grands lacs de
l'Afrique centrale et a fait construire la route entre le Nyassa et le Tanganyika,
offre de garantir la construction d'un chemin de fer à voie étroite le long des
100 kilom. de rapides du Chiré. Si cela est nécessaire, il fournira entièrement les
fonds.
Le port de S*-Pierre, dans l'île de la Réunion, vient d'être officiellement ouvert
à la navigation par le Bureau hydrographique des plans et cartes de la marine,
qui l'a reconnu et le fait figurer au nombre des ports maritimes.
Le colonel Clarke, résident anglais au Le-Souto, a pris des mesures énergiques
pour supprimer le trafic illicite des liqueurs dans ce pays.
Le gouvernement de la nouvelle république des Boers, dans le Zoulouland, a
autorisé tous les missionnaires qui occupaient autrefois des stations dans le pays,
à en reprendre possession, sous la condition qu'ils n'interviendront pas dans les
affaires politiques et qu'ils se soumettront aux lois.
Le Tranavduil Advertiser rapporte qu'il est question d'une expédition que pré-
parent les Boers au pays des Ma-Tébélé, au nord du Limpopo, pour y fonder
encore une nouvelle république, la convention de Londres leur laissant le champ
libre dans cette direction.
Une Société s'est fondée à Berlin au capital de 1,50(),000 fr., pour acheter à
M. Lttderitz les territoires qu'il a acquis en Afrique.
Une Commission mixte a été chargée d'examiner les prétentions à des droits de
propriété privée ou à des dommages-intérêts, que croient pouvoir élever les sujets
anglais habitant les pays placés sous le protectorat allemand, du cap Frio à
Tembouchure de l'Orange, et les sujets allemands demeurant prèb de Walfish-bay.
Le lieutenant Massari est rentré à Léopoldville après une reconnaissance du
cours inférieur du Quango. Les indigènes riverains se sont montrés très pacifiques
et lui ont fait le meilleur accueil. Une station a été établie à Mbousie. Massari a
poussé sa reconnaissance jusqu'au 4** lat. S. Le major de Mechow ayant exploré
le cours du fleuve du 8° au b'' lat. S., il ne reste plus qu'à étudier la section du
5' au 4«.
— 120 —
Le Mouvement géogra^ohigue de Bruxelles annonce que le Stanieif doit être arrivé
à Léopoldville ; le lieutenant Valcké à' réussi à obtenir, pour le transport, le con-
cours de 800 indigènes de la rive méridionale du Congo.
Le D' Oscar Lenz a été chargé, par la Société de géographie de Vienne, d'une
exploration entre le Congo et le Nil. Il se propose de partir dans le courant de
mai, et pense que son voyage durera d'un an à dix-huit mois au plus. Espérons
qu'il réussira à résoudre le problème de l'Arououimi et de POuellé.
Un accord s'est établi entre l'Angleterre et l'Allemagne au siget de leurs pos-
sessions respectives dans le golfe de Guinée. Le gouvernement anglais a cédé à
l'Allemagne le port de Bota et abandonné toutes réclamations sur les territoires
situés entre ce port et la rive gauche du Rio-del-Rey. L'Allemagne conserve la
possession de tout le territoire de Cameroun, sauf celui de Yietoria qui demeure
possession anglaise. L'Angleterre s'est engagée à ne conclure aucun traité avec
les chefs indigj^nes des territoires situés entre le Rio-del-Rey et l'établissement
français du Gabon. De son côté l'Allemagne s'est engagée à ne créer aucune
difficulté à l'Angleterre dans les territoires s'étendant entre Lagos et le Rio-del-
Rey.
L'armée de Samory qui opérait sur le Niger supérieur s'est emparée de Falaba,
puis s'est avancée jusqu'à. Cambia sur la grande Scarcie. Son chef s'est rendu à
Sierra-Leone pour offrir au gouverneur de la colonie de laisser les routes libres,
de Ségou jusqu'à la mer.
LA CONFÉRENCE AFRICAINE DE BERLIN
(Suite et fin. Voy. p. 24 et 75, et la carte, p. 140).
Nous avons exposé, dans notre dernier numéro, les résultats des tra-
vaux de la Conférence africaine, relativement au premier des principes
qui devaient servir de base à ses délibérations : celui de la liberté de
commerce dans le bassin du Congo, ses embouchures et les pays circon-
voisins \ Peut-être devrions-nous parler maintenant des adjonctions
qui ont été faites dès lors à ce qui concerne cette liberté ; mais il
nous paraît préférable de présenter de suite ce qui a trait aux deux
autres bases de délibération de la Conférence : au principe de la liberté
* Il eût été plus logique, nous semble-t-il, de faire passer le principe de la
libre navigation du Congo avant celui de la liberté du commerce dans son bassin;
mais l'ordre adopté dans la circulaire de convocation était plus ou moins imposé
par le but essentiel que l'on avait en vue, le maintien de la liberté commerciale
qui jusqu'alors avait régné dans cette région, et que menaçait le projet de traité
anglo-portugais du 26 février 1884.
— 121 —
de navigation sur le Congo et ses affluents, et aux conditions à remplir
pour que des occupations nouvelles sur les côtes du continent soient
considérées comme effectives. Une fois cet exposé terminé, nous dirons
Tobligation où la Conférence s'est trouvée d'aborder des questions qui
n'étaient pas inscrites à son programme, pour restreindre la liberté
comjnerciale à l'égard de la traite des esclaves, et pour garantir, en cas
de guerre, cette même liberté par des dispositions relatives à la neu-
tralité des territoires compris dans le bassin conventionnel du Congo.
Après cela, nous auronis à mentionner l'œuvre poursuivie parallèlement
à celle de la Conférence : la reconnaissance, par les gouvernements des
puissances représentées à Berlin, de l'Association internationale du
Congo comme État admis à signer l'Acte général. Enfin, nous verrons
les espérances que l'œuvre totale accomplie à Berlin permet de conce-
voir pour l'Afrique et pour le monde entier.
Commençons donc par le principe de la libre navigation du Congo.
Déjà avant la Conférence, des voix autorisées appuyant les réclamar
tions de sociétés commerciales, philanthropiques et missionnaires^
avaient insisté pour que les puissances civilisées s'entendissent, afin de
prévenir les dangers qu'aurait pu faire courir à la navigation la prise
de possession, par un seul État, des deux rives et de l'embouchure du
Congo. M. de Laveleye et sir Travers Twiss avaient écrit à ce sujet dans
la Bévue de droit international^ demandant, le premier, la neutralité,
le second, l'internationalisation du Congo. M. Moynier, saisissant de
la question l'Institut de droit international, avait montré ^ que « le but
que l'on devait poursuivre était la liberté pour tout le monde de navi-
guer, soit sur le Congo lui-même, soit sur ses affluents directs et ses
autres tributaires, et d'y trafiquer pacifiquement en tout temps. On
vise, » ajoutait-il, a à ce que le droit de circuler sur ce vasteréseau fluvial
ne puisse pas devenir l'objet d'un monopole, à ce que l'accès en soit
toujours permis et à ce qu'aucune entrave ne soit mise à l'activité civi-
lisatrice d'un peuple quelconque dans ses parties navigables. Les inté-
rêts de la production européenne, du commerce, de la colonisation, du
progrès en un mot seraient admirablement servis par un semblable
régime, et le bassin du Congo se trouverait ainsi mieux partagé, écono-
miquement parlant, que les États du vieux monde auxquels il serait
redevable de cette supériorité. »
> Voyez la Qu^tion du Congo devant Vlmtittit de Droit international, lY""* an-
née, p. 272.
— 122 —
Le principe de la liberté de naTigation, proposé pour le Congo, n'était
pas absolument nouveau. Le traité de Vienne de 1815 Tayait proclamé
pour les fleuves qui séparent ou traversent plusieurs États. Le traité
de Paris de 1856 l'avait appliqué au Danube, au sujet duquel il avait
statué que, sauf les règlements de police, aucun obstacle ne serait mis
à la navigation, et que les pavillons de toutes les nations seraient traités
sur le pied d'une parfaite égalité. Peu à peu on en était venu à com-
prendre que monopoliser un fleuve, en accaparer Tusage, serait le
détourner de sa destination normale. Aussi Bluntschli avaitril formulé
cette maxime en disant : « Les fleuves et les rivières navigables, qui sont
en communication avec une mer libre, sont ouverts en tout temps aux
navires de toutes les nations. Le droit de libre navigation ne peut être
aboli ni restreint au détriment de certaines nations. »
Entrant dans cet ordre d'idées, le président de la Conférence, prince
de Bismarck, annonça, à l'ouverture des séances, que le*gouvemement
allemand se rallierait volontiers à des propositions tendant à régler, en
dehors de la Conférrace, la question de la liberté de navigation sur tous
les fleuves de l'Afrique. Mais le programme étant circonscrit à la liberté
de navigation sur le Congo et le Niger, le projet d'Acte de navigation
présenté à la Conférence ne concernait que ces deux fleuves et leurs
affluents.
Se référant à l'Acte final du Congrès de Vienne, au traité de Paris et
à l'Acte de navigation du Danube, le projet proposait d^assurer à tous
les pavillons la pleine et entière liberté de navigation, et la frandiise de
toutes taxes autres que celles prélevées en vue de payer les travaux
nécessités par les besoins de la navigation même. Le représentant bri*
tanmque était disposé à examiner l'application du principe de la liberté
de navigation à d'autres fleuves et à placer celle du Congo sons la sur-
veillance d'une commission internationale, mais il jugeait impraticable
rétablissement d'une commission semblable pour le Niger. Suivant
lui le fleuve n'était pas suffisamment exploré; des rapides séparent la
section supérieure de l'inférieure qui, en s'approchant de la mer, se
disperse dans un réseau d'embouchures ; d'ailleurs l'exploration en a
été faite par des Anglais, le commerce y est aux mains des Anglais, le
pays est sous le protectorat anglais ; aussi demandaitril que le contrdle
sur le Niger fftt confié au gouvernement anglais qui, par une déclaration
formelle, serait tenu à y appliquer le principe de la libre navigation pour
tous.
La Conunission à laquelle fut renvoyé le projet eut & étudier
— 123 —
d'abord le régime du Congo et ^siuAe celui du Niger. Les délégués
teehniques examinèrent la question de très près, et M. Lambermont,
plénipotentiaire belge, rendit c(Hnpte de la façon la plus claire des trar^
vaux de la Commission. Q rappela, dans son rapport, que le traité de
Paris de 1814 avait déjà prévu que le principe de la liberté de naviga-
tion pour tous, appliqué au Rhin, pourrait être étendu à d'autres
fleuves ; qu'en fait il l'a été à l'Escaut, au Parana, à l'Uruguay et au
Danube avec des améliorations de détail. Dès lors la Cornspâaston propo-
sait que, conformément à une des dispositions de la Déclaration relative
à la liberté commerciale, la Conférence stipulât la liberté de navigation
pleine et entière pour tous les navires marchands de toutes les nations,
sur le Congo, sans exception d'aucun des embranchements ni issues de
ce fleuve, sans distinction entre les siqets des États riverains et ceux
des non-riverains, et sans qu'il puisse être concédé aucun privilège exdu-
sif de navigation, soit à des sociétés ou corporations quelconques, soit &
des particuliers.
Cette proposition fut adoptée, et les propositions qu'dle renferme
fuient reconnues comme faisant désormais partie du droit public inter-
national.
La liberté de navigation ainsi proclamée exclut toutes les servitudes
connues jadis sous le nom de droits d'échelle, d'étape, de dépôt, de
rompre charge ou de relâche forcée ; elte exempte de tout droit de tran-
sit les navires et les marchandises ; enfin elle interdit l'établissement de
péages maritimes ou fluviaux basés sur le seul fait de la navigation. H
ne pourra donc être perçu que des taxes qui auront le caractère de rétri-
bution pour services rendus â la navigMi<ui même, telles que des taxes
de port, pour Pusage effectif de certains établissements locaux : quus,
magasins, etc.; des droits de pilotage sur les sections fluviales oti il
paraîtrait nécessaire d'avoir des pilotes brevetés ; des droits destinés à
couvrir les dépenses techniques et administratives faites dans l'intérêt
général de la navigation; des droits de phare, de fanal, de balisage,
basés sur le tonnage des navires, conformément aux règles adoptées sur
le bas Danube. Les tarife visant ces taxes et droits ne comporteront
aucun traitement différentiel.
Quant aux affluents du Congo, flQUyeSt rivières, lacs et canaux,
auxquels s'applique le même régime, il a été convenu qu'ils ne seront
soumis k la surveillance de la Commission internationale qu'avec l'as-
sentiment des États sous la souveraineté desquels ils sont placés.
La configuration physique du continent africain a obligé la Confé-
-124-
rence à introduire dans le droft international une idée nouvelle, qui
sera envisagée comme un progrès. La voie fluviale étant interrompue
par des cataractes sur une grande longueur, il a été décidé que les rou-
tes, chemins de fer ou canaux latéraux , établis pour suppléer k Pinna-
vigabilité du Congo sur certaines sections de son parcours, de sea
afSuents et des autres cours d'eau, seront considérés, en leur qualité de
moyens de communication, conmie des dépendances de ce fleuve, et
seront également ouverts au trafic de toutes les nations. H ne pourra
y être perçu que des péages calculés sur des dépenses de construction,
d'entretien et d'administration, ainsi que sur les bénéfices dus aux entre-
preneurs, les étrangers et les nationaux des territoires respectifs devant
d'ailleurs être traités sur le pied d'une parfaite égalité.
L'idée émise de divers côtés de créer pour le Congo une commission
analogue à celle du Danube, a trouvé son expression dans la création
d'une Commission internationale chargée d'assurer la libre navigation
du fleuve et de ses affluents, et dans laquelle les puissances signataires
de la Déclaration, ainsi que celles qui y adhéreront ultérieurement,
pourront se faire représenter chacune par un délégué. Ses membres et
ses agents jouiront du privilège de l'inviolabilité dans l'exercice de leurs
fonctions^ et la même garantie s'étendra aux offices, bureaux et archi-
ves de la Commission. Celle-ci se constituera dès que cinq puissances
auront nommé leur délégué.
C'est à elle qu'incombera le devoir d'élaborer les règlements de navi-
gation, de police fluviale, de pilotage, de quarantaine qui, avant d'être
mis en vigueur, devront, ainsi que les tarife, être soumis à l'approbation
des puissances représentées dans la Commission. Les infi'actions à ces
règlements seront réprimées, par les agents de la Commission, là où elle
exercera directement son autorité, c'est-à-dire là où le territoire ne
relèvera d'aucun État souverain; ailleurs, par la puissance riveraine.
Les personnes qui se croiraient lésées dans leurs droits par un abus de
pouvoir ou une injustice de la part d'un agent ou d'un employé de la
Commission, pourront en appeler à l'agent consulaire de leur nation et
à la Commission elle-même.
Pour assurer l'exécution des dispositions prises par la Conférence, la
Commission internationale a reçu les attributions suivantes :
1* Désignation des travaux propres à assurer la navigabilité du Congo,
selon les besoins du commerce international.
2* Fixation du tarif de pilotage et du tarif général des droits de navi*
gation.
— 125 —
S"* Administratioa des reveaus provenant de l'application de ces tarifs.
4"* Surveillance de rétablissement quarantenaire, dont il sera fait
mention plus loin.
ô"" Nomination des agents dépendants du service général de la navi-
gation.
La Commission pourra, au besoin, pour T accomplissement de sa tâche,
recourir aux bâtiments de guerre des puissances, qui seront exemptés
des droits de navigation, ainsi que des droits de pilotage et de port,
toutes les fois que leur intervention aura été réclamée par la Commis-
sion internationale ou par ses agents.
Pour subvenir aux dépenses techniques et administratives qui lui
incomberont, la Commission pourra négocier en son nom propre des
emprunts, exclusivement gagés sur les revenus dont Tadministration
lui est attribuée.
Un établissement quarantenaire, exerçant le contrôle Sur les bâti-
ments, tant à l'entrée qu'à la sortie, sera fondé à l'embouchure du
Congo.
Enfin, même en temps de guerre, la navigation de toutes les nations
neutres et belligérantes sera libre pour les usages du commerce, sur
le Congo, ses affluents et ses embouchures, ainsi que sur les routes,
chemins de fer, lacs et canaux dépendants du fleuve, avec une seule
exception en ce qui concerne les objets destinés à un belligérant et
considérés, en vertu du droit des gens, comme contrebande de guerre.
Les ouvrages et les établissements tels que bureaux de perception et
caisse, ainsi que le personnel attaché à leur service, seront placés sous
le régime de la neutralité et, à ce titre, respectés et protégés par les
belligérants.
En ce qui concerne le Niger, vu les circonstances dans lesquelles se
trouve ce fleuve, navigable seulement dans son cours inférieur et dans
une partie de son cours supérieur, il a été décidé d'y appliquer tous les
principes stipulés pour le Congo, à l'exception de ceux qui se rappor-
tent à la Commission internationale. Mais la Grande Bretagne s'est
engagée à appliquer ces principes, en tant que les eaux du Niger, de
ses afSuents et issues, sont sous sa souveraineté ou son protectorat.
Ses règlements devront être conçus de manière à faciliter autant que
possible la circulation des navires marchands. Elle a pris en outre l'en-
gagement de protéger les négociants étrangers de toutes les nations,
faisant le commerce dans les parties du cours du Niger placées sous sa
souveraineté ou son protectorat, comme s'ils étaient ses propres sujets,
pourvu qu'ils se conforment aux règlements.
N
— 126 —
La France, établie sur le cours supérieur du Niger, a accepté, sous les
mêmes réserves et en termes identiques, les obligations stipulées relati-
vement au Niger inférieur. Chacune des autres puissances s'est engagée
de même, pour le cas où elle exercierait à l'avenir des droits de souve-
raineté ou de protectorat sur quelque partie des eaux du Niger ou de
ses affluents.
Les dispositions relatives à la neutralité du Congo en temps de guerre
ont été adoptées pour le Niger.
C'est un progrès considérable introduit dans le code maritime des
nations et qui fera époque dans l'histoire du droit international. Il y a
là une sanction nouvelle et une extension importante de l'inviolabilité
de la propriété privée dans les conflits internationaux.
Par ces dispositions, la navigation et le commerce ne seront soumis à
aucune formalité vexatoire dans ces deux vastes bassins. Le système de
franchise et de garantie appliqué à la libre navigation des fleuves, pro-
tégeant le commerce et le progrès sous toutes les formes, sera incon-
testablement une des plus belles conquêtes du droit moderne.
Après avoir entouré de garanties la liberté du commerce et de la
navigation dans le bassin du Congo, la Conférence avait encore à déter-
miner les formalités requises pmir faire considérer à V avenir comme
effectives les occupations de territoires sur les côtes d'Afrique^ afin de
prévenir les contestations ou les malentendus auxquels pourraient don-
ner lieu des occupations nouvelles.
Jusqu'ici, le droit public ne prescrivait pas à un État l'obligation
d'une notification aux autres puissances, pour les mettre à même de
taire valoir, s'il y avait lieu, leurs réclamations contre une prise d« pos-
session ou Une déclaration de protectorat. Les règles adoptées à cet
égard par la Conférence introduisent donc une innovation utile. En
voici la substance: La puissance qui, dorénavant, prendra possession
sur les côtes du continent africain, d'un territoire situé en dehors de
ses possessions actuelles, ou qui n'en ayant pas eu jusque-là viendra
à en acquérir, et de même la puissance qui y assumera un protectorat,
accompagnera l'acte respectif d'une notification aux autres puissances
afin qu'elles puissent faire valoir, s'il y a lieu, leurs réclamations.
En outre, les puissances réunies à Berlin ont reconnu l'obligatioii
d'assurer à l'avenir, dans les territoires occupés par elles, l'existence
d'une autorité sufilsante pour faire respecter les droits acquis, et, le cas
échéant, la liberté du commerce et du transit dans les conditions où
elle serait stipulée.
— 127 —
La simple notification ne peut suffire^ une occupation ne peut devoir
effective que par T accomplissement de conditions qui impliquent une
idée de continuité et de peimanence. Mais, conune il s'agissait d'éta-
blir des règles de droit public, la Conférence a eu soin de s'en tenir à
quelques prescriptions aussi simples et générales que possible, ne
déterminant que le minimum des obligations qui incombent à l'État
occupant, et laissant à la sagesse des gouvernements le soin de les
compléter par des arrangements ultérieurs, si l'expérience les y convie;
elle s'est bornée à mentionner les droits acquis et la liberté du coin-
merce et de transit, que l'autorité doit pouvoir faire respecter.
Outre les trois principes destinés à servir de base aux délibérations
de la Conférence, celle-ci, nous l'avons déjà dit, a abordé des questions
connexes qui se rattachent directement à la liberté commerciale. Celle
des spiritueux fut une des premières que traitèrent les plénipoten-
tiaires. Déjà en 1878, le Comité national suisse africain avait attiré
sur elle l'attention de l'Association internationale; M. Moynier y était
revenu en traitant la question du Congo devant l'Institut de droit inter*
national. Dès la seconde séance de la Conférence, le plénipotentiaire
italien, s'appuyant sur des considérations morales, la souleva à l'occasion
de la liberté commerciale, et le représentant des États-Unis demanda
que Ton cherchât à remédier aux abus possibles par des mesures régle-
mentaires ultérieures. Dans la séance du 18 décembre, où fut discuté
l'Acte concernant le Niger, le plénipotentiaire britannique qui, dans la
Commission, avait demandé que le transit des boissons spiritueuses fût
prohibé Bur le cours du bas Nigex, informa la Conférence que la Com-
mission avait décidé de proposer l'adoption d'un vœu dans ce sens.
Elle désirait qu'une entente s'établît entre les gouvernements, pour
r^ler la question dont il s'agit d'une manière qui conciliât les droits
de l'humanité avec les intérêts du commerce, en ce que ces derniers
peuvent avoir de légitime. Sir E. Malet demanda à l'Assemblée de
ratifier ce vœu et d'en prescrire l'insertion au protocole. Plusieurs des
plénipotentiaires, entre autres MM. Andersen et Van der Straten',
demandèrent que les effets de ce vœu fussent étendus à tout le terri-
toire du Congo.
* Les affirmations de ces deux hommes, parfaitement compétents, concordent
avec ce que nous avons dit du mal causé par les spiritueux en Afrique. Voyez y»«
année, p. 262 et 293.
— 128 —
Les représ^tants de la Hollaade et de rÂllemagne firent des objec-
tions. M. de Kosserow mit cependant sur la yoie de ce que Ton pourra
faire, en rappelant que le gouvemement de Siam a demandé des modifi-
cations aux traités cpnclus par lui avec les puissances européennes, de
façon à lui permettre de réprima les abus du commerce des liqueurs,
demande qui a obtenu l'assentiment général des puissances. Cesera donc
dans rinitiative à prendre par les gouvemements locaux, que se trou-
vera le remède contre la démoralisation des populations par Tabùs des
liqueurs fortes. On aura, dans le vœu émis par la Conférence, une garan-
tie que les gouvernements locaux trouveront, auprès des puissances
représentées à Berlin, le concours quMls demanderont.
Espérons qu'il en sera ainsi et que, si les administrateurs des nou-
velles possessions portugaises et françaises ou de l'État libre du Congo
demandent à la Hollande ou à l'Allemagne de conclure un traité ana-
logue à celui de Siam, il ne leur sera pas répondu comme à celui de
Madagascar. Dans cette île, contrairement à la volonté de la reine, la
France et l'Angleterre ont obligé les populations madécasses à recevoir
le rhum et l'eau-de-vie que leurs ressortissants importent dans cette
île'.
Les paroles du représentant de la Hollande, rappelant que l'adoption
du vœu relatif au Niger a été déterminé par ce que Ton savait de la
présence sur le Niger de populations musulmanes qui ne consomment
pas de boissons spiritueuses, ne sont pas de nature à nous rassurer.
Dans le bassin du Congo, a-t-il dit, il s'est créé des habitudes dont il
est impossible de ne pas tenir compte ; il s'est notamment établi des
usages commerciaux, d'après lesquels les spiritueux remplacent en
quelque sorte la monnaie et sont le principal instrument d'échange.
N'est-ce pas justement l'état de choses qui règne au Congo qui devait
faire adopter la proposition de MM. Andersen et Van der Straten?
Quoique l'abus n'existe pas au Niger, il a été très bon d'enregistrer le
vœu du représentant britannique pour prévenir le mal ; mais ce n'était
pas une raison pour r^iiser d'y remédier là où il est déjà constaté. Ren-
voyée à la Commission pour nouvel examen, la question revint devant
la Conférence qui la résolut par l'adoption de la proposition suivante :
a Les puissances représentées à la Conférence, désirant que les popu-
lations indigènes soient prémunies contre les maux provenant de l'abus
des boissons fortes, émettent le vœu qu'une entente s'établisse entre
« Voyez V«« année, p. 267-268.
. X
— 129 —
elles pour régler les difficultés qui pounraiènt naître à ce sujet, d'une
manière qui concilie les droits de Thumanité avec les intérêts du com-
merce, en ce que ces derniers peuvent avoir de légitime. »
M. Busch» plénipotentiaire allemand, crut devoir constater que son
gouvern^nent, en s'associant au vœu formulé par la Commission, ne
saurait consentir à ce que ce vœu pût être interprété à l'avenir dans un
sens contraire aux intérêts du commerce, ou qu'il pût servir de pré-
texte à des mesures vezatoires pour les n^ociants.
On comprend que les pays producteurs d'alcool, comme rAUemagne
et la Hollande, trouvent peu conforme & leuirs intérêts pécuniaires de fer-
mer à leurs produits le débouché du Congo *; mais nous esp^ns que ceux
qui prendront en mains la direction de Tadministration de ces vastes
territoires comprendront que les véritables intérêts des indigènes récla-
ment la transformation de la soi-disant monnaie des spiritueux en un
autre instrument d'échange, et que les droits imprescriptibles des popu-
lations africaines doivent l'emporter sur les intérêts plus ou moins légi-
times des trafiquants d'alcool.
La Conférence fut plus explicite dans la question de la traite des
nègres, qui fut introduite dès la discussion du principe de la liberté
commerciale. L'un des délégués américains demanda alors que, dans le
projet, après la suppression de la traite des noirs, onigoutât celle du a com-
merce d'esclaves sur terre et sur les fleuves, »le mot traite ne se rappor-
tant généralement qu'au trafic des esclaves par mer. Le plénipotentiaire
anglais, dans la séance du 18 décembre, présenta & son tour une pro-
position ainsi conçue: a Selon les principes du droit des gens, tels qu'ils
sont reconnus par les Hautes-Parties contractantes, la traite des nègres
et le conmierce qui fournit des nègres à la traite sont interdits, et il est
du devoir de toutes les nations de les supprimer autant que possible, b
Le commerce des nègres avait déjà été déclaré coupable et illicite au
' D'après un rapport statistique de MM. Hutton et 0>, de Manchester, l'expor-
tation annuelle des spiritueux, d'Angleterre à la côte occidentale d'Afrique, est de
deux millions et demi, et celle de l'Allemagne ne s'élève pas à moins de quinze
milUûns de francs.— D'après les documents officiels de la Commission du budget de
l'Empire allemand, sur une exportation de 39,63 l,000fr., en 1883, de l'Allemagne
en Afrique, les spiritueux figurent à eux seuls pour 40 ®/o. £t d'après le GlobuSy
il a été exporté, en 1884, de Hambourg seulement, pour l'Afrique occidentale,
26,491,200 kilog. de marchandises, sur lesquelles 18,982,800 kilog. de spiritueux,
et seulement 7,508,400 kilog. d'autres articles, soit 350 \ de spiritueux.
— 130 —
Congrès de Vienne et à celui de Vérone, dont une résolution l'avait con-
damné comme un fléau qui avait trop longtemps désolé l'Afrique, dégradé
l'Europe et affligé l'humanité. Les puissances «'étaient engagées à con-
courir à tout ce qui pourrait assurer et accélérer l'abolition de ce com-
merce. La proposition de sir Edward Malet, à Berlin, avait pour but de
faciliter l'application des principes du Congrès de Vérone ; les mots « et
le commerce qui fournit des nègres à la traite » lui paraissaient néces-
saires pour développer d'une manière complète les principes énoncés.
Seul le représentant de la Turquie crut devoir s'abstenir de participer
à la délibération, qui sortait du programme primitivement fixé. En
revanche, et quoique la suppression de la traite Mt déjà mentionnée dans
la déclaration relative à la liberté du commerce, la Conférence jugea que
ce sujet devait être mis à part, et former un chapitre spécial dans l'Acte
général issu de ses délibérations. En effet la proposition anglaise visait
deux formes différentes du commerce des esclaves : V la traite des
nègres, considéi-ée comme se faisant par mer.' 2*^10 commerce qui fournit
des nègres à la traite. La première était déjà interdite d'après le droit
public, tandis que le Commerce préalable n'avait encore été l'objet
d'aucune stipulation légale. Dans la pensée du représentant britannique,
la portée de sa proposition dépassait les bornes du bassin du Congo ; il
estimait que, quoique des difficultés ne permissent pas d'espérer à bref
délai la suppression de l'esclavage dans toutes les régions du centre
africain, on devait tenter inunédiatement d'empêcher le commerce des
troupeaux de noirs qui alimente la traite.
Le plénipotentiaire des États-Unis aurait voulu que chaque puissance
s'engageât, non seulement à ne pas tolérer le commerce des esclaves
dans les territoires soumis à sa juridiction, mais encore à ne pas per-
mettre aux traitants de chercher asile et refuge dans ces territoires.
La proposition de sir Edward Malet, renfermant l'application d'un
principe nouveau dans le droit des gens, aurait exigé la rédaction d'un
Acte séparé, applicable au monde entier et destiné à former le complé-
ment du droit international en matière de traite. Celle du représentant
américain se heurtait à des points de droit constitutionnel, pour certains
Etats dont la législation pénale n'autorise le bannissement qu'en vertu
d'un jugement ou ne l'autorise en aucun cas. Les plénipotentiaires durent
dès lors consulter leurs gouvernements respectife pour savoir s'ils adhé-
reraient à une résolution d'un caractère général, ou seulement à une
résolution ayant un caractère limité et intercalée dans le texte de la
déclaration relative à la liberté du commerce dans le bassin du Congo.
— 131 —
Le résultat de cette consultation et des, travaux de la Commission trouva
son expression dans la disposition suivante :
<i Conformément auxprincipes du droit des gens, tels qu'ils sont recon-
nus par les puissances signataires de la présente Déclaration, la traite
des esclaves étant interdite, et les opérations qui, sur terre ou sur mer,
fomnissent des esclaves à la traite devant être également considérées
comme interdites, celles de ces puissances qui exercent ou exerceront
des droits de souveraineté ou une influence dans les territoires formant
le bassin conventionnel du Congo déclarent: que ces territoires ne pour-
ront servir ni de marché ni de voie de transit pour la traite des esclaves
de quelque race que ce soit. Chacune de ces puissance s'engage à
employer tous les moyens en son pouvoir pour mettre fin à ce commerce
et pour punir ceux qui s'en occupent. »
On peut donc espérer voir la France, le Portugal et le nouvel État
du Congo travailler à l'envi à restreindre d'abord, puis à supprimer tout
à fait, le commerce des esclaves qui subsiste encore dans les territoires
voisins du Congo. Ce sera un des meilleurs moyens de prévedir l'inva-
sion, vers le sud-ouest, des Arabes trafiquants d'esclaves, et d'arnver à la
suppression de l'esclavage lui-même.
Avant même que les principes de liberté du commerce et de la naviga-
tion eussent été votés, on avait compris que le seul moyen de leur faire
porter réellement les fruits qu'on en attendait était de les couvrir d'une
garantie propre à encourager les entreprises commerciales, en assurant
à celles-ci la protection du droit international contre les dangers de
guerre dont elles pourraient être menacées.
Dans la pensée de la Commission, ce préservatif devait consister en
un engagement mutuel que prendraient les puissances, de renoncer à
étendre, en temps de guerre, leurs hostilités aux territoires formant le
bassin commercial du Congo. Faute de garanties contre les dangers de
guerre, les établissements à fonder dans ces pays manqueraient de la
principale condition de réussite : la confiance dans le maintien de
l'ordre public et dans la sécurité des droits acquis. Le représentant des
États-Unis montra à quels dangers les commerçants et leurs entreprises
se verraient exposés, si les puissances ne s'entendaient pas sur la neutrati-
sationdu Congo, et un projet d'article additionnel à la déclaration relative
à la liberté commerciale fut présenté par lui à la Conférence. Il proposait
que la totalité du bassin, ou le territoire soumis à la souveraineté ou au
protectorat d'une puissance belligérante, fût considéré comme territoire
— 132 —
d'un État non belligérant ; que les puissances belligérantes s'engageas-
sent à renoncer à étendre les hostilités aux territoires compris dans ce
b£tssin ou à les faire servir de base d'opérations de guerre ; que, dans le
cas où des difficultés s'élèveraient entre des puissances qui exerceraient
des droits de souveraineté ou de protectorat dans le dit bassin, les par-
ties s'engageassent à faire appel à la médiation ou à s'en remettre à
l'arbitrage d'une ou de plusieurs puissances amies.
Ici se présentait, pour lespuissancesqui,commelePortugal et laFrance,
ne sont pas soumises au régime de la neutralité, la difficulté de s'engager
d'avance à ne pas se servir de territoires leur appartenant, comme base
d'opérations de guerre. Néanmoins, après de longues délibérations, les
plénipotentiaires réussirent à s'accorder sur une formule, par laquelle les
Hautes-Parties contractantes se sont engagées à respecter la neutralité
des territoires ou parties des territoires dépendant des dites contrées, y
compris les eaux territoriales, aussi longtemps que les puissances qui exer-
cent ou qui exerceront des droits de souveraineté ou de protectorat sur
ces territoires, usant de la faculté de se proclamer neutres, rempliront les
devoirs que la neutralité comporte. En outre, dans le cas oùujie puissance
exerçant des droits de souveraineté ou de protectorat dans les contrées
placées sous le régime de la liberté commerciale serait impliquée dans
une guerre, les Hautes-Parties signataires de l'Acte général, ainsi que
celles qui y adhéreront par la suite prêteront leurs bons offices, pour
que les territoires appartenant à cette puissance et compris dans la
zone conventionnelle de la liberté commerciale soient, du consentement
commun de cette puissance et de l'autre ou des autres parties belligé-
rantes, placés pour la durée de la guerre sous le régime de la neutralité
et considérés comme appartenant & un État non belligérant. Les parties
belligérantes renonceraient dès lors, k étendre les hostilités aux terri-
toires ainsi neutralisés, aussi bien qu'à les faire servir de base à des
opérations de guerre. Enfin, dans le cas où un dissentiment sérieux,
ayant pris naissance au sujet ou dans les limites des territoires placés
sous le régime de la liberté commerciale, viendrait à s'élever entre des
puissances signataires de l'Acte général ou y ayant adhéré, celles-ci,
avant d'en appeler aux armes, recourront à la médiation d'une ou de
plusieurs puissances amies. Pour le même cas, elles se sont réservé le
recours facultatif à la procédure de l'arbitrage.
Avant d'aborder la question de la forme que devait revêtir l'Acte
général de la Conférence, il a été bien établi, qu'en se réservant de reviser
— 133 —
s'a y a lieu, au bojt d'une période de vingt ans, le régime conventionnel
adopté relativement à la suppresgion des droita à l'importation, les
plénipotentiaires n'en ont pas moins reconnu et consacré un certain
nombre de principes, qui assurent pour toujours l'application de la
liberté du commerce dans le bassin du Congo. L'interdiction des
droits différentiels, des monopoles ou privilèges, et de toute inégalité
de traitement au préjudice de personnes appartenant à une nationalité
étrangère, n'est soumise à aucune limitation de temps. Le bienfait qui
en résulte doit être considéré Comme définitivement acquis. « En inau-
gurant un tel état des choses, » a dit M. le baron de Courcel, président
de la Commission, « la Conféi*ence aura accompli une œuvre dont le
libéralisme est jusqu'ici sans précédent. Après avoir entouré de garan-
ties la liberté du commerce et de la navigation dans le centre de l'Afri-
que, manifesté sa sollicitude pour le bien-être matériel et moral des
indigènes et fait entrer, dans le droit public positif, des règles desti-
nées à écarter des relations internationales des causes de dissentiment
et de conflit, elle a préparé, nous l'espérons, un avenir heureux et
fécond pour toute cette partie du continent africain. »
En dehors de l'œuvre proprement dite de la Conférence, sa réunion
et ses délibérations ont beaucoup contribué à hât^r la reconnaissance de
V Association internationale du Congo, par la presque unanimité des
gouvernements représentés à Berlin, comme le président de cette Asso-
ciation, M. Strauch, se plut à le reconnaître, en communiquant au prince
de Bismarck l'avènement du nouvel État, qui se donne la mission exclu-
sive d'introduire la civilisation et le commerce au centre de l'Afrique,
et en priant la Conférence de l'envisager comme un gage des fruits que
doivent produire ses importants travaux.
En effet, l'Association avait conclu successivement avec les États-
Unis, l'Empire d'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, l'Autriche-
Hongrie/les Pays-Bas, l'Espagne, la France, la Russie, les royaumes
UDis de Suède et de Norwège, le Danemark, la Belgique et le Portugal,
des traités, dont une des dispositions reconnaissait son pavillon comme
celui d'un État ou gouvernement ami. Des négociaticms spéciales avec
la France et le Portugal avaient abouti à déterminer les lignes fron-
tières entre l'État du Congo et les possessions de ces deux puissances'.
Entre celles de la France et le territoire du nouvel État, la frontière
* Voir la carte, p. 140.
' t
— 134 —
suit» à partir de l'Océan, la rivière Chiloango jusqu'à sa source la plus
septentrionale ; la crête de partage des eaux du Itiari-Quilou * et du
Congo jusqu'au delà du méridien de Manyanga ; une ligne à déterminer
et qui, suivant autant que possible une division naturelle du terrain,
aboutisse, entre la station de Manyanga et la cataracte de Ntombo-
Makata, en un point situé sur la partie navigable du fleuve ; le Congo
jusqu'au Stanley-Pool ; la ligne médiane du Stanley-Pool ; le Congo jus-
qu'à un point à déterminer en amont de la rivière Licona-Nkundja;
une ligne à déterminer depuis ce point jusqu'au 17** de long. E. de
Greenwich, en suivant autant que possible la ligne de partage des eaux
de la Licona-Nkundja, qui fait partie des possessions françaises ; enfin
le 17"* long. E. de Greenwich.
Une commission, composée de représentants des deux États en nom-
bre égal, sera chargée d'exécuter sur le terrain le tracé de cette fron-
tière, conformément aux stipulations susmentiomiées. En cas de diffé-
rends, le règlement en sera ai'rèté par des délégués que nommera la
Commission internationale du Congo.
Quant à la délimitation établie entre le nouvel État et les j)ossessions
portugaises, les frontières ont été fixées comme suit: Au norcfdu Congo,
la ligne droite joignant l'embouchure de la rivière qui se jette dans
l'Océan Atlantique au sud de la baie de Cabinda, près de Ponta Ver-
malha, à Cabo-Lombo; le parallèle de ce dernier point, prolongé jusqu'à
son intersection avec le méridien du confluent du Culacalla avec le
Luculla ; le méridien ainsi déterminé jusqu'à sa rencontre avec la rivière
Luculla; le coiu^du Luculla jusqu'à son confluent avec le Chiloango.
Au sud du Congo, le cours du fleuve, depuis son embouchure jusqu'à son
confluent avec le petite rivière de Uango-Uango ; le méridien qui passe
par l'embouchure de la petite rivière de Uango-Uango, entre la facto-
rerie hollandaise et la factorerie portugaise, de manière à laisser celle-ci
en territoire portugais, jusqu'à la rencontre de ce méridien avec le
parallèle de Nokki; le parallèle de Nokki, jusqu'à son intersection avec
larivière Quango ; à partir de ce point, dans la direction du sud, le cours
du Quango. Pour l'exécution du tracé de cette frontière sur le terrain,
^ Nous adoptons l'orthographe « Xiari » de préférence à « Nîadi » employée
dans le traité avec la France, pour nous conformer à celle qui se trouve dans
l'Acte général de la Conférence. Le nom du Qailou est aussi écrit de 4î^^i'scs
manières dans les documents officiels que nous avons sous les yeux; celle que nous
adoptons est conforme à la prononciation française.
— 135 —
il sera procédé confonnément à la stipulation mentionnée ci-dessus
relativement au tracé de la frontière entre les possessions françaises et
le territoire de l'État du Congo.
L'avènement du nouvel État tut salué par tous les plénipotentiaires
avec la cordialité la plus vive, et avec le vœu de le voir fleurir sous
l'égide de S. M. le roi des Belges. Les efforts personnels et les sacrifices
pécuniaires de ce souverain, en vue de la réalisation d'une idée philan-
thropique, permettent de voir, dans les succès dont ils ont été couron-
nés jusqu'ici, le gage de la prospérité future du nouvel État.
Nous n'avons pas besoin de dire que dans tous les traités conclus
par l'Association internationale avec les gouvernements susmentionnés,
sont garanties à leurs sujets respectifis toutes les libertés dont les prin-
cipes ont été posés dans la Déclaration de la Conférence de Berlin, et
que le nouvel État a été admis à adhérer aux décisions de la Confé-
rence stipulées dans l'Acte général.
Deux mots encore sur les dispositions générales adoptées à la fin de
la Conférence. Les puissances contractantes se sont réservé d'intro-
duire ultérieurement et d'un commun accord, dans cet Acte, les modi-
fications et améliorations dont l'utilité serait démontrée par l'expé-
rience. En outre, il a été décidé que les puissances qui ne l'auraient pas
signé pourraient y adhérer par un acte séparé, leur adhésion emportant
de plein droit l'acceptation de toutes les obligations et l'admission à tous
les avantages qui y sont stipulés.
Il ne-reste plus qu'à le faire ratifier par tous les gouvernements dans
le plus bref délai possible; il entrera en vigueur, pour chaque puissance,
à partir de la date où elle l'aura ratifié. En attendant, toutes les puis-
sances se sont engagées à n'adopter aucune mesure contraire aux dis-
positions qu'il renferme.
Dès lors le prince de Bismarck a pu constater, avant la clôture de la
Conférence, le 26 février *, que, grâce à Tesprit de conciliation qui l'a
caractérisée, l'entente complète avait pu s'établir sur tous les points
du programme, et qu'ainsi le libre accès au centre du continent africain
était assuré au commerce de toutes les nations. Les garanties dont la
liberté commerciale est entourée sont de nature à offrir, au commerce et
> Par une coïncidence singulière, l'Acte géfiéral de la Conférence a été signé
juste un an, jour pour jour, après le traité anglo-portugais dont nous avons rap-
pelé l'insuccès, p. 18.
— 136 —
à l'industrie de tous, les conditions les plus favorables à leur développe-
ment et à leur sécurité. La sollicitude pour le bien-être moral et maté-
^ riel des populations indigènes, exprimée par les représentants de tous
les États, permet d'espérer que les principes adoptés porteront leurs
fruits et contribueront à associer ces saqvages aux bienfaits de la civili-
sation.
Le prince de Bismarck n'a pu qu'applaudir aussi à l'esprit de bonne
entente mutuelle qui, en dehors de la Conférence, avait présidé aux
négociations destinées à régler les questions de délimitation entre les
parties qui exerceront des droits de souveraineté dans le bassin du Congo,
et qui, par leur position, sont appelées à devenir les principales gardien-
nes de l'œuVre de la Conférence. Sans doute les travaux de celle-ci sont
susceptibles d'amélioration et de perfectionnement ; mais, tels qu'ils
sont, ils marqueront un progrès du développement des relations inter-
nationales et formeront un nouveau lien de solidarité entre les nations
civilisées.
Qu'il nous soit permis, avant de poser la plume, d'exprimer l'espoir
que nous donne l'œuvre qui vient de s'accomplir à Berlin. Il est vrai
que toutes les bonnes pensées émises au cours des délibérations de la
Conférence, n'ont pu être adoptées : celle de la création d'un che-
min de fer de l'Atlantique au Stanley-Pool, celle de la fondation de sta-
tions météorologiques sur le Haut-Congo, par exemple, mais elles ne
s'en réaliseront pas moins un jour ou l'autre, nous en sommes persuadé.
Et quant à ce qui a été obtenu, les progrès accomplis depuis huit
ans, depuis le moment oU Stanley découvrait le Congo et où le roi des
Belges convoquait à Bruxelles la première des conférences oh fut fon-
dée l'Association internationale africaine, nous paraissent être un gage
des plus heureux pour l'exploration et la civilisation de l'Afrique.
Au point de vue de l'exploration nous touchons, nous semble-t-il, au
moment oii elle va subir, du moins en ce qui concerne l'Afrique centrale
équatoriale, une transformation des plus avantageuses. Rappelons-nous
les voyages de Livingstone, de Speke, de Grant et de tant d'autres, les
difficultés rencontrées par eux pour pénétrer à l'intérieur, et le nombre
de victimes frappées par la mort dans la région côtière, avant même
d'avoir atteint les premières terrasses du plateau central. Malgré les
tentatives incessantes faites par les explorateurs pour déchirer le voile
qui recouvre encore l'immense espace compris entre la ligne de faite du
bassin du Chari et du lac Tchad, au nord du Congo, et les itinéraires
— 137 —
de Pogge et Wissmann, de Btlchner et de Cameron, au sud de ce fleuve,
le mystère demeure presque complet. Ce que Stanley, de Brazza,
Mizon et les missionnaires, nous ont révélé du bassin du Congo n'est que
peu de chose auprès de ce que nous avons besoin de savoir. L'ouvrage
de Stanley, si impatiemment attendu, répondra déjà en partie à ce
besoin, au moins pour quelques sections de la zone qui borde le fleuve.
Mais maintenant, les États dont les limites viennent d'être fixées à Berlin,
devront faire le nécessaire pour explorer soit les zones traversées par leurs
frontières, soit les territoires qui leur ont été attribués. Ce sera du cœur
même du continent, où ils pourront établir leurs bases d'opérations,
que les explorateurs rayonneront dans toutes les directions vers la péri-
phérie du bassin conventionnel auquel s'appliquera la liberté de
circulation la plus complète. De la grande voie fluviale qui s'Stend du
Tanganyika à l'Atlantique, ils remonteront les mille cours d'eau qu'elle
reçoit sur ses deux rives, au nord, jusqu'à la ligne de faîte qui sépare ce
bassin des lacs Muta-Nzigué et Albert-Nyanza, delaNepoko, du Bomo-
kandi, du Chari et de Jl'Ogôoué ; au sud, ils gagneront les régions
jusqu'ici impénétrables à tout voyageur européen, qui, sur une
étendue de huit degrés de latitude au moins, remplissent tout Tespace
compris dans le grand arc de cercle du Congo moyen. Pour cette par-
tie du continent, nous avons tout à apprendre : topographie, histoire
naturelle et ethnographie. Si les rivières qui descendent des terrasses à
la côte opposent, par leurs rapides et leurs cataractes, des obstacles
insurmontables à la navigation, les affluents du Congo sont ouverts au
libre parcours des explorateurs sur des milliers de kilomètres ; ils per-
mettront de pénétrer jusqu'aux extrémités de ce bassin, cinq fois grand
conune la France, et d'en étudier les parties demeurées jusqu'ici les plus
mystérieuses".
En même temps, sous le régime de la liberté dans tous les domaines,
liberté de commerce, d'enseignement, de conscience et de culte, les sta-
tions établies le long du Congo et de ses affluents, au bord des lacs ou
dans l'intérieur des terres, deviendront des foyers de lumière et de vie,
d'où la civilisation se répandra dans toutes les tribus du centre du con-
tineat africain. Un jour elle franchira les limites des territoires visés
par la Conférence de Berlin, pour s'étendre aux populations des bassins
moins favorisés du Zambèze, du Nil, du Chari et de l'Ogôoué, car si,
pour le moment, l'application des principes adoptés est restreinte à cer-
taines régions, il a été bien convenu qu'il ne s'agissait là que d'un mini-
mum et qu'on travaillerait à les appliquer partout, en particulier à tous
— 138 —
les fleuves d'Afrique. Les puissances sont également résolues à pour-
suivre la suppression de la traite et l'abolition de l'esclavage dans toute
rétendue du continent africain. Les peuples de l'Europe et de l'Amé-
rique travailleront à l'envi à l'œuvre de réparation à laquelle ils sont
obligés envers les descendants des victimes de trois siècles d'oppression
et de brigandage. Relevées par l'influence de la civilisation chrétienne,
d'un travail et d'un commerce honnêtes, d'une vie de famille basée sur
la monogamieet de relations sociales fondées sur la justice et l'équité, les
tribus indigènes redeviendront fortes pour résister à l'invasion de la
barbarie musulmane qui sera refoulée vers le nord. Affranchies de
l'esclavage et de la superstition, elles seront les aides des blancs dans
l'œuvi'e d'instruction et de libération des populations des autres parties
du continent.
Il nous semble impossible de méconnaître, dans le mouvement qui se
produit de nos jours en faveur du centre africain, la direction d'une
volonté supérieure qui, après avoir enrichi les peuples de l'Europe et de
l'Amérique du nord des trésors des anciennes 'civilisations, leur montre
qu'elles doivent faire part de ces biens aux races les plus déshéritées, et,
avant tout, à cette race noire, si longtemps opprimée par toutes les
nations qui possédaient une maiine et des colonies.
L'œuvre commencée laborieusement, va recevoir une puissante impul-
sion de l'union de tous les efforts combinés en faveur des nègres, et, par
un juste retour, le bien que leur auront fait les nations civilisées rejaillira
sur celles-ci de mille manières. La liberté, qui aura présidé au dévelop-
pement commercial, industriel, agricole, religieux des populations du
Congo, reviendra aux États qui les en auront dotées.
Dans notre vieux monde, comme dans l'Amérique du nord, on com-
prendra que la prospérité des peuples ne dépend pas des barrières oppo-
sées à l'importation, ni des obstacles mis à la libre circulation sur les
fleuves, ni des entraves créées à l'exercice des cultes, ni des restrictions
apportées à l'enseignement, mais qu'elle grandit dans la mesure où les
relations sont plus faciles, ou tous les habitants d'un pays, jouissant
de la libre disposition de leur personne et de leurs biens, peuvent
travailler librement au bonheur les uns des autres.
CARTOGRAPHIE DU CONGO
La réunion de la Conférence africaine et le règlement diplomatique
de la question du Congo ont donné naissance à plusieurs cartes, iudi-
— 139 —
quant les frontières politiques assignées aux possessions françaises et
portugaises et au nouvel État libre du Congo. Celle qui a été dressée
par l'Institut national de géographie de Bruxelles et d'après laquelle
nous avons établi la nôtre, est à une petite échelle (V,ooooooo)» i^ais
embrasse toute la zone équatoriale, de l'Océan Atlantique à la Mer des
Indes, et donne, d'une manière très claire, l'étendue des diverses sou-
verainetés, soit dans le bassin du Congo, soit dans les territoires envi-
ronnants. C'est avant tout une carte politique, car elle n'indique pas
le relief du sol.
Celle qu'a publiée le D' Richard Kiepert est à une échelle deux fois
et demie plus grande (V^oooood) ^t renferme par suite beaucoup plus de
détails. Toutefois elle ne comprend pas toute la largeur du continent
africain ; elle s'arrête au nord au 2** 30' ; au sud, au 13" 40' ; à l'est, au
34° longit. E. de Greenwich. Du reste elle a été dressée avec la cor-
rection et le fini qui distinguent les œuvres de l'éminent cartographe.
Le relief est nettement marqué en brun ; les nouvelles frontières et la
zoue du commerce libre sont indiquées par des couleurs différentes, et
les routes suivies par les voyageurs sont toutes tracées, au moyen de
traits de couleur qui varient suivant la nationalité de l'explorateur.
Enfin l'échelle de la carte a permis d'y faire figurer tous les noms de
localités et de peuplades, même d'importance secondaire, de sorte
qu'on y peut suivre pas à pas les relations des voyageurs modernes
qui ont parcouru ces, régions. Malgré le grand nombre d'informations
qu'elle fournit, l'arrangement des couleurs la rend nette et d'une lec-
ture facile.
Voici en quoi consistent les décisions de. la Conférence africaine concer-
nant les nouvelles circonscriptions territoriales. L'État libre du Congo ne
possède qu'une faible longueur de côtes sur l'Océan Atlantique, au nord
de l'embouchure du Congo, mais cela suffira comme point d'attache du
futur chemin de fer qui parcourra ces régions. Ensuite son domaine
s'élargit et, limité d'abord à la rive droite, il comprend, dans la région
des cataractes, les deux rives du fleuve, puis de nouveau une seule, la
rive gauche, en amont de la station de Manyanga jusqu'à l'équateur.
Dans la partie encore inexplorée, les limites de l'État, pareilles à celles
des États du centre de l'Union américaine, sont rectilignes ; au nord,
c'est le 4* lat., qui coupe le cours de l'Ouellé ; au sud, le 6* ; enfin,
à l'est, la frontière suit d'abord le 30** long. E., puis la rive occi-
dentale du Tanganyika et englobe, plus au sud, une partie du bassin
supérieur du Congo, c'est-à-dire les États du Kassongo et une portion
!•
— 140 —
de ceux du Cazembé et du Mouata-Yamvo. L'étendue totale de l'État
libre, calculée sur la carte, esC d'environ 2,000,000 kilom., dont la plus
grande partie reste à découvrir ou tout au moins à occuper. C'est près
de quatre fois la France.
A cette dernière puissance appartient maintenant un territoire de la
forme généraled'un trapèze, compris entre le Congo et la mer, et d'une
superficie approxiinative de 400,000 kilom., c'est-à-dire égal aux trois
quarts delà France. Il embrasse les bassins de l'Ogôoué, du Niari, de la
Licona et de l'Alima, et de la rive droite du Congo, de l'équateur à
Manyanga. Au-dessous de cette station la France ne possède aucune
partie du Congo ; c'est donc par la vallée du Niari qu'elle devra arriver
à Brazzaville, si elle veut rester sur son propre territoire.
Quant au Portugal, ses prétentions à la possession de toute la contrée
s'étendant jusqu'au 5*'12' lat. S. n'ont pas été reconnues, dans le traité
qu'il a conclu avec l'Association internationale du Congo. U possède la
rive gauche du fleuve de Nokki à l'embouchure, et une étroite enclave
comprise entre, les possessions françaises, l'État libre et la mer,
ayant comme principales localités Landana et Cabinda^ L'État nègre du
Congo, avec la ville de San-Salvador, regardé jusqu'ici comme iudépen-
dant, devient territoire portugais.
Enfin, la zone de liberté commerciale comprend le bassin hydrogra-
phique du Congo, puis à l'ouest, la région côtièredeSetteCamaàAmbriz,
et à l'est, une partie du bassin du Zambèze et de petits bassins fluviaux
dont les eaux se rendent à la Mer des Indes. L'État libre se trouve en
entier dans cette zone, tandis que les possessions françaises et portugai-
ses sont partagées en deiix parties : dans l'une, le commerce se fera
librement ; dans l'autre, la métropole pourra établir des droits de
douane et de transit. Au nord du Congo, il est clair que la limite de la
région du conunerce libre a été tracée d'une manière arbitraire, puisque
cette contrée est encore entièrement inexplorée. Il est possible, en parti-
culier, que l'on doive plus tard en distraire le bassin de l'OueUé, car rien
ne prouve avec certitude que cette rivière fasse partie du bassin du 1
Congo ; c'est l'hypothèse de Stanley , mais d'autres géographes et
voyageurs, entre autres Junker et Casati, la regardent comme le cours i
supérieur du Chari. La question n'est pas résolue et il faut attendre
de nouvelles explorations pour se prononcer à cet égard.
' C'est par erreur que la carte de PInstitut national belge y fait figurer Mas-
sabé qui est au nord du Chiloango, cette rivière formant la limite sud du terri-
toire français.
f
ÉCHANGES
Amsterdam.
Anvers.
Beriln.
Brème.
Bruxelles.
Berlin.
Sociétés de géographie.
Constantine. Hambourg. Lisbonne. Nancy.
Doaai. léna.
Francfort "/M. Le Caire.
Greifswald. Leipzig.
Halle. Lille.
Lvon. New-York.
lÉuirid. Cran.
Marseille. Paris.
Montpellier.
Sociétés de géogzaphie commerciale.
Bordeaux. Paris. Porto. . Saint-Gall.
Ififlsions.
Rochefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Le Havre.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XlX^e siècle
(Nenchàtel).
Journal de l'Unité des Frères [moraves]
(Pesenx).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon) .
Missions-Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (B&le).
Evangelisches Missions-Magazin (B&le).
Calwer Missions-Blatt (Galw).
Allgeineine Missions-Zeitschrift (Gtiters-
loh).
Gla^ibensbote (B&le).
Africa (Londres).
La Nignzia (Vérone).
(]lhurch missionary Intelligencer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionarv (New-York).
Régions beyond (Londres).
GLronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Ghurch of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Ghurch of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the unitea presby-
terian Church (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Woman's foreign missionary Society
(Philadelphie).
Diveirs.
Gazette géographique et Exploration (Pa-
ris).
Moniteur des (k)lonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du (kunice aj^cole (Médéa).
Bulletin de F Académie d*Hippone (Bone).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris).
Revue géographique internationale (Paris).
Le Mouvement géographique (Bruxelles).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau fttr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilnngen der afrikanischen Gîesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fttr -den
(Ment (Vienne).
Zeitschrift fUr wissenschaftliche (Géogra-
phie (Vienne).
Deutsche Kolonialzeitung (Francfort s/M) .
Ghamber of Commerce Journal (Lon-
dres).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter ^Londres).
Aborigine*s Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Bollettino délia Societa africana d'Italia
(Naples).
Marina e (k)mmercio, e Giomale délie co-
lonie (Rome).
Africa oriental (Mozambique).
0 Ahicano ((}uilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Revista de Eîstudos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
Dr A. Petermann s Mittheilnngen (Gotha)
Proceedings of the royal geographical
Societv and monthly Record of geogra
phy (Londres).
Natal Mercurv (Durban).
Cape Argus (Cape-Town).
West African Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
SOMMAIRE
BULIJBTIN MENSUEL 105
Nouvelles complémentaires 118
La Conférence apkicaine de Beblin (dernier article).. 120
Gartograpsub du Congo 138
Cartb :
Âfirique Équatoriale 140
OUVRAGES REÇUS :
Die Sudanl&nder nach dem gegeimartigen Stande der Kenntnis, von D' PMlipp
Paulitschke. Freiburg i. B. (HerderBche Verlagshandlang), 1885, in-8^ 811 p.
avec gravures et carte, fr. 8,75.
Carte du Bassin du Congo, par le D^ Richard Kiepert, '/«««oooo. Berlin (Dietrieh
Reimer), 1885, fr. 2,60.
Dix années de voyages dans l'Asie centrale et l'Afrique équatoriale, par le
D' Potages. Traduction de MM. Meyer, Blancard et Labadie, avec notes de
M. Burnouf. T. I. Paris (Fischbacher), 1885, in-8^ 416 p. et cartes.
Carte politique de l'Afrique centrale, d'après les documents les plus récents.
Vi 0000000. Bruxelles (Institut national de géographie), 15 mars 1885.
Conférence africaine de Berlin, 1884^85. Documents officiels, in-4^, 434 p.
Carte d'Afrique au Vi^sooooo (en russe). Projection de Flamsteed. S^^Pétersbourg,
1885.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
GENÈVE
GEOKG, LIBRAIRE-ÉDITEUR
IUUE H4130N A BALE ET A LVOH
«. ."■
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIUaJÊ TAtL
M. Gustave MOTNIEB
Membre de la Comminion internationAle de BrozelloB pour rezploration et la eiviliiatioB
de TAfriqne centrale; membre correspondant de rAoadémio d'Hippone,
et dea Sociétés de géi^raphie de Marseille, de Nancy, de Loanda et de Porto.
RJÊDIOJt PAE
M. Charles FAUSE
Secrétaire-Bibliothécaire de la Société de géographie de Genève , membre correspondant des Soef étêa
de géographie do Lisbonne, de Loanda, do Porto, de Saint-Gall et de Berne.
L* Afrique paraît le premier lundi Je chaque mois, par livraisons in-8<> d*aii
moins ÎO pages chacune; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaire.
Le prix de Tabonnement annuel, pajable d^avaiice» est de 10 ffiraiie*»
port compris, pour tous les pays de T Un ion postale (première zone); pour les
autres, il fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, ft droit à un compte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à III. Gnstave INTojnler,
9, rae de l'Athénée, à Génère (Snisse).
S'adremier ponr les abonnements à l'édltenr. M» H» Geor^, a
«enève on à BAle.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Ch. Delagrave, libraire. 15, rue Soufflot, à Paris.
MuQUARDT. libraire de la Cour, 45. rue d^ la Régence», à Bruxelles,
DuMOLARD frères, libraires. Corso Viltorio Emmannele^ 24. k Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querstr., 29, à Leipzig.
L. Friedbrichsbn et C*% libraires. Admiralit'àtsstr, 3/4. à Hambourg
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autriche).
Trubnbr et C»«. libraii-es, Ludgate Hill. 57/59. à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
ATIS. -- Noms mettons à la disposition de nos nouveaux abonnés^ au prix de
12 fr. chacun, un certain nombre d^exemplaires complets de la II""*, de la /r**
et de la F™* année. La /" et la III^*^ sont épuisées.
141 —
BULLETIN MENSUEL (4 mai 1885. ')
M. Teisserene de Bort, seorétaire général de la Société météoro-
logique de France, chargé d'une mission dans le SaJiara alipérien et
tunisien, pour y continuer les travaux qu'il avait commencés en 1883,
s'est rendu de Biskra à Touggourt, par le désert de Mokran, en faisant
un levé sonmiaire de sa route. Aux environs de Filiach, dans l'onsi»
des Zibnnsy il a procédé à des fouilles, avec le concours de MM. Four-
reau et Fau de Biskra, dans une ancienne nécropole, oîi se trouvent des
tombes, sur une longueur de plus de 500 mètres. Elles sont enfouies à
une assez faible profondeur, dans un sol compact d'alluvion rougefttre.
Les corps sont déposés dans des jarres, munies d'une ouverture ou
goulot circulaire et de deux anses ; elles devaient être cassées à leur
extrémité au moment de la mort, puis emboîtées l'une dans l'autre. Ces
sépultures paraissent appartenir à une époque antérieure à l'invasion
arabe ; elles ne sont pas orientées vers la Mecque comme celles des
musulmans.
Un correspondant du journal la Oironde, lui écrit de Marseille que
le eommnndnnt Liandns, et les membres de la mission d'études de
la mer intérieure des Chotts, ont terminé la première partie de leurs tra-
vaux, et qu'ils viennent de rentrer en France. Leur but était de déter-
miner le point de la côte le plus favorable pour la création du port
RoudAire, à l'embouchure de l'Oued-Melah. Ds ont tout d'abord
choisi un emplacement pour le forage d'un puits artésien, dans l'oasis
d'Oudreff, à un kilomètre de la Méditerranée, et à 800" de l'Oued-
Melah, en se basant sur les sondages antérieurs et l'inclinaison exacte
des différentes couches du sol. Les populations du voisinage, comprenant
l'avantage que peut leur procurer la création de puits artésiens, se sont
empressées d'apporter leurs témoignages de sympathie au successeur
de ïtoudaire. Les cheiks n'ont pas été moins zélés que les simples
indigènes ; le plus ancien d'entre eux a réclamé l'honneur d'enlever du
puits la première pelletée de terre, et a demandé la permission d'em-
porter la pioche en souvenir de l'événement. Le commandant Landas
^ Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les NouveUea com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à PEst, longeant ensuite la côte orientale du continent et
reTenant par la côte occidentale.
L^AFRIQUE. — SIXIÈME ANNÉE. — N° 5. 5
— 142 —
croit que si le puits artésien donne le volume d'eau qu'on en attend, le
sol pourra recevoir des plantations de dattiers, de palmiers, d'oliviers
et même de vignes. Autour de l'Oued-Melah il sera facile de créer des
pâturages et des plantations d'alfa.
Les délibérations de la Commission du cajial de Sues réunie à
Paris sont tenues secrètes. Nous ne connaissons jusqu'ici que les articles
servant de base à la discussion ; en voici le texte :
1* Le canal de Suez doit être libre pour le passage de tous les navires
et en toutes circonstances.
2* En temps de guerre, il devra être fixé une limite de temps pour les
bâtiments de guerre des puissances belligérantes se trouvant dans les
eaux du canal, et ni troupes, ni munitions de guerre ne pourront être
débarquées sur ses rives.
3"" Des actes d'hostilité ne pourront avoir lieu ni sur le canal ni dans
ses environs, ni ailleurs dans les eaux territoriales de l'Egypte, même
dans le cas oti la Turquie serait une des parties belligérantes.
i"" Aucune des conditions stipulées par les deux clauses précédentes
ne pourra être appliquée aux mesures qui seraient jugées nécessaires
pour la défense de l'Egypte.
5"" Toute puissance dont les bâtiments de guerre auraient causé quel-
que dommage au canal est tenue à supporter les frais de la réparation
immédiate de ce dommage.
6^ L'Égyptè devra prendre toates les mesures en son pouvoir pour
assurer l'exécution des conditions imposées au transit sur le canal, des
navires appartenant aux puissances belligérantes.
7** Aucunes fortifications ne pourront être élevées, ni sur le canal ni
dans son voisinage.
8"* Cet arrangement ne devra ni réduire ni affecter en rien les droits
territoriaux du gouvernement égyptien, sauf en ce qui sera expressé-
ment stipulé.
D'après une lettre de Londres au Succès, le chemin de fer en
construction de Soualcim à Berber ne serait pas seulement une
ligne stratégique, il deviendrait plus tard le moyen d'établir des com-
munications conmierciales permanentes. Une compagnie privée, sous la
présidence du duc de Sutherland, a déjà obtenu du gouvernement une
concession pour l'exploitation commerciale et industrielle du Soudan,
avec des privilèges analogues à ceux de la Compagnie du nord de Bornéo.
Lorsque la puissance du Mahdi et d'Osman-Digma aura été détruite,
le gouvernement cédera la voie ferrée à la Compagnie qui, avec l'aide
— 143 —
do Samuel Baker, se chargera d'établir une administration régulière
dans le pays (?) ' .
L'ingénieur Salimbenl chargé par Blanchi de construire sur le Nil-
Bleu un pont, pour faciliter les communications du Godjttm avec les pays
situés au sud du fleuve, a écrit à la Société de géographiede Rome, pour
l'informer du succès de ses travaux. Ceux-ci ontbien cheminé, malgré les
difficultés à surmonter. Mais la station du Grodjam ayant perdu son chef
par la mort de Blanchi, le ministre de l'agriculture et du commerce
d'Italie a prié M. Salimbeni de prendre le commandement de la station
qui devra servir aux observations météorologiques, au ravitaillement
des voyageurs et des commerçants ; elle sera aussi un centre d'études
et de collections d'objets des sciences naturelles, ainsi que d'informa-
tions commerciales. Le gouvernement italien se propose en outre de
fonder une nouvelle station météorologique à Maccalé, en Abyssinîe,
oii demeure M. Naretti.
M. Alfred Bardey a communiqué d'Aden, à la Société de géographie
de Paris, des nouvelles de l'expédition autrichienne du baron de Har-
d^fl^S^** 6t du D' Paulltschke. De Harrar les explorateurs ont
visité les petits lacs Moyabo et Adelli à 25 kilom. au N.-O. de la ville.
Un soir M. de Hardegger, se promenant autour des remparts a été
attaqué et mordu à la jambe par une hyène qu'il a tuée à coups de
sabre. Les voyageurs désirent visiter le marché de Goulfa à cinq jours
de Harrar, sur ]e Wabi qui sépare les tribus Aroussi-Gallas et Anuya-
Gallas. Groulfa est habité principalement par des forgerons indigènes
qui, à certaines époques de l'année, échangent leurs produits contre les
cotonnades dont ils ont besoin. « De Harrar à Goulfa, » ajoute M. Bar-
dey, « la route suit la vallée d'Argoba, passe à Afordoba, Farezzo,
Boubassa, où je suis allé ; puis, m'a-t-on dit, en continuant dans une
direction S.-S.-O., on trouve Ilmané, sur un plateau sans eau, Mitti,
Dalatto, Afata, Itto au confluent du Moya qui se jette dans le Herer,
affluent du Wabi, enfin Goulfa sur la rive droite du Wabi, en pays
Aroussi. » Nous désirons que les explorateurs autrichiens puissent
exécuter leur projet, et dresser la carte de cette région, car les noms
indiqués par M. Bardey ne figurent dans aucun des documents carto-
graphiques que nous possédons.
^ Â la dernière heure, nous apprenons que le gouvernement anglais a décidé de
ne pas continuer le chemin de fer, du moins avant la cessation des chaleurs, au delà
de Tambouk, Sinkat ou un autre endroit pouvant servir d'hôpital à la garnison
nécessaire pour garder Souakim.
— 144 —
La mort de Htésa n'a pas été suivie d'un état d'anarchie et de meur-
tres sur une grande échelle, comme on aurait pu le craindre d'après
l'usage ordinaire en semblable occasion. Quelques-uns des chefs propo-
sèrent, il est vrai, de mettre à mort les missionnaires et de détruire la
mission. Mais le Katikiro^ le magistrat principal, empêcha qu'on ne
commît aucune violence, et l'influence du missionnaire O'Flaherti
fit beaucoup pour prévenir les troubles et l'effusion du sang. Le
nouveau roi, Mouanga, est un tout jeune homme, qui, de temps à
autre, a visité les missionnaires ; son attitude à leur égard, après son
avènement, a été tout à fait cordiale. La princesse élevée à la dignité
supérieure de sœur du roi y est chrétienne. Mouanga désire avoir dans
ses États un plus grand nombre de prédicateurs blancs ; il enverra,
avec le missionnaire Mackay, un messager pour en chercher en Angle-
terre.
Les Missions catholiques nous apportent des renseignements sur les
tribus des Bou-Sambiro» des Ba-Moaeri et des Boa-Koumbi»
chez lesquelles les missionnaires d'Alger ont fondé des stations, au
S.-O. du Victoria-Nyanza. Les plateaux qu'elles habitent sont très
élevés et généralement parsemés de nombreux et grands villages. Les
productions du pays sont le sorgho, le maïs, les patates, les arachides,
le sésame. De nombreux troupeaux de bœufs, de moutons et de chèvres
paissent dans les campagnes. Les populations paraissent plus simples
et mieux disposées que celles qui sont en relations fréquentes avec les
commerçants du Zanguebar. Une des plus remarquables de ces tribus,
est celle des Bou-Sambiro, renommée pour ses forgerons. Le minerai de
fer abondedans le pays, mais jusqu'ici on n'ena pas employé d'autre que
celui qu'on trouve à la surface du sol. Porté dans despaniers, à des forge-
rons installés dans de pauvres huttes couvertes de paille, ceux-ci par-
viennent à en tirer, avec l'outillage le plus imparfait, quantité de
pioches, de hachettes, de fers de lances et de flèches. La réputation des
forgerons du Bou-Sambiro s'étend au loin; un grand nombre de tribus
viennent de cinq, dix et quinze jours de marche se pourvoir dans leurs
ateliers. — Le Mouéri est un des plus grands royaumes des bords du
Victoria-Nyanza. Ses immenses forêts sont remplies d'animaux de toute
espèce : girafes, onagres, zèbres, buffles, rhinocéros, antilopes, etc. Le
roi Rouoma fit d'abord bon accueil aux missionnaires ; mais, à l'instiga-
tion de Mtésa, il leur refusa ensuite la liberté nécessaire pour fonder
un établissement dans ses États, après quoi cependant il leur fit expri-
mer son désir de les voir revenir chez lui et leur accorda la permission
— 145 —
de bâtir où ils voudraient. Les Ba-Mouéri sont aussi très habiles à tra-
vailler le fer. Ce sont des archers par excellence ; le buffle, le rhino-
céros, tombent percés de leurs longues flèches. Ds savent réduire le fer
jet le cuivre en fils très minces, pour les rouler autour de longues ficelles
de crins qu'ils portent aux jambes comme ornements de prédilection.
Leur costume ordinaire se compose d'une ou plusieurs peaux bien pré-
parées et enduites de beurre^ Le roi se fait graisser de beurre rance,
tous les jours, des pieds à la tête. — Au delà des Ba-Mouéri sont les Bou-
Koumbi, qui ont pour roi Kikanga. Ils sont beaucoup moins industrieux
que leurs voisins chez lesquels ils vont se fournir de lances, de flèches
et de pioches pour cultiver leure terres, leur principale occupation avec
l'élevage du bétail. Kikanga a accordé l'hospitalité la plus bienveillante
aux missionnaires, qui ont gagné la confiance des habitants en soignant
leurs nombreux malades. Les plaies aux jambes sont extrêmement
fréquentes, et doivent être attribuées à l'humidité des huttes et h
l'absence de toute propreté, dont les Bou-Koumbi semblent ignorer les
premières notions ; ils couchent à côté de leurs moutons et de leurs
chèvres et ne se lavent presque jamais.
M. Cbauncy Maples a exposé dans une séance de la Société de
géographie de Manchester, nouvellement fondée, les résultats des
explorations des dernières années entre la côte de l'Océan
Indien et le lac IVyassa» pays naguère encore inconnu des Euro-
péens, mais oU la mission des Universités a des établissements à Masasi
et à Néouala, et oU l'Angleterre est représentée par* un consul pour le
district du Nyassa, afin de tâcher d'en faire disparaître la traite. Les
indigènes appartiennent en grande partie à la tribu des Ma-Koua, qui
s'étend jusqu'aux territoires situés à l'ouest du Nyassa. M. Maples ayant
vécu huit ans au milieu d'eux en qualité de missionnaire, les décrit
comme un peuple pacifique, industrieux, d'une intelligence supérieure à
celle des autres natifs, et très accessible aux influences de la civilisation.
Autour de Masasi se pressent les villages ma-koua ; le sol du pays est
fertile, et produit chaque année des récoltes -abondantes de sorgho, de
maïs, de riz, de sésame, de cassave, de fèves, etc. On y a introduit et
cultivé avec grand succès, les mangues, les goïaves, les limons, les
citrons et quantité d'autres fruits. On a essayé d'y cultiver le café, le
girofle, la cannelle ; mais l'absence de pluies régulières a fait échouer
cette tentative. Le cotonnier et le palma christi se trouvent partout à
l'état sauvage. M. Maples ne doute pas que s'il était cultivé, le coton
ne fournît un produit excellent pour le marché. Le tabac, le fer, le sel
s'y trouvent aussi. Actuellement lès seuls objets d'exportation sont
— 146 —
J'ivoire, la gomme-copal, le caoutchouc et l'orseille ; le trafic en a beau-
coup augmenté dans les dernières années, et il augmenterait plus
encore sans la traite et les guerres de tribus pour faire des esclaves.
M. Maples a cité à ce sujet l'opinion de M. O'Neill, consul anglais à
Mozambique et explorateur de cette région. Les neuf dixièmes des
guerres de l'Afrique orientale sont entreprises pour répondre à la
demande des trafiquants d'esclaves, et non par amour de la guerre.
Quand on dit aux indigènes que les esclAves sont l'objet le plus estimé
pour l'achat de tissus et d'autres objets dont ils ont besoin, ils organi-
sent des expéditions contre leurs voisins pour faire des esclaves. Mais,
quand ils verront que ces objets peuvent être obtenus avec beaucoup
moins de difficultés et de dangers que par la guerre, un grand pas
aura été fait vers la suppression de ces luttes destructrices. La situa-
tion des lacs Nyassa et Tanganyika est excellente po^r procurer aux
natife le bienfait d'un commerce légitime régulier. Dans l'état actuel
des choses, leurs vastes bassins s'interposent entre la demande de la
part des cheÉs qui attendent l'arrivée des agents de la côte, et le terri-
toire d'où les esclaves sont tirés. Des stations commerciales sur leurs
bords seraient admirablement placées pour lutter avec les trafiquants
d'esclaves, et fournir aux indigènes de l'intérieur les produits de
l'industrie européenne. Les natifs apprécient déjà à leur juste valeur les
services rendus par les établissements missionnaires anglais et écos-
sais, ainsi que par les agents de l'African Lakes Company. Que les
stations se multiplient, que le nombre des steamers augmente sur les
lacs et les rivières, les guerres diminueront, le sol produira davantage,
et les progrès de la civilisation seront encore plus marqués qu'ils ne
l'ont été depuis l'arrivée des missionnaires.
Le dernier numéro du Central Africa, annonce que les 800 colis de
l'expédition qui transporte le Charles Janson, destiné à la mission de
la eôte orientale du IVyassa» sont portés actuellement par eau
jusqu'au pied des rapides du Chiré, et de là, à dos d'hommes, le long
de la route qui permet d'atteindre facilement le cours supérieur du
fleuve, où le navire sera remonté. Malheureusement le missionnaire
Johnson, qui accompagnait l'expédition, a perdu la vue par suite d'une
ophtalmie et a dû être ramené en Angleterre.
Le Natal Mercury a reçu du consul anglais de Mozambique,
M. O'Neill, à son passage à Port Natal des informations utiles sur
le pays d'OamzIla. Une lettre de M. le missionnaire P. Berthoud * nous
* Voy. p. 98.
— 147 —
a annoncé récemment la mort de ce dernier ; son fils aîné a été élu pour
le remplacer, mais un grand nombre des chefs lui ont substitué un fils
plus jeune. Un combat s'en est suivi dans lequel l'aîné a été tué, et
maintenant c'est le plus jeune qui règne. Le gouvernement portugais a
envoyé une commission spéciale, sous la direction de M. Gose Rodrigues
qui a une longue expérience des affaires de l'Afrique orientale, pour
aplanir les difficultés existant depuis plusieurs années entre la colonie et
le pays d'Oumzila. Elle a débarqué à Chilouane, et traversé le pays de
Sofala, d'où elle a dû se rendre au kraal d'Oumzila. — Une autre mission
s'y est rendue pour le compte de la Compagnie d'Ophir, qui se propose
de développer les industries minières de ce-pays. C'est M. Païva d'An-
drada qui représente la Compagnie ; il doit chercher à obtenir l'autori-
sation d'exploiter les mines de Manika. — M. O'Neill croit que l'on
pourrait ouvrir une voie au commerce avec le Ma-Koua et le Lomwé par
le Zambèze. De Tété un grand trafic se fait déjà, à l'ouest, vers
Zoumbo, au sud, dans le pays des Ma-Tébélé, et au nord, vers le plateau
qui borde le Nyassa. Chaque année plus de 300 bateaux y sont employés.
Ils remontent de Tété à Kébrabasa, d'où, en huit jours de voyage par
terre, on franchit les rapides de ce nom. En amont, le fleuve redevient
navigable jusqu'aux chutes Victoria. L'ivoire est le principal objet de
commerce de cette partie de l'Afrique.
Le numéro de février du Mercantile Marine Service Association
Reporter contient un article du capitaine G.-A. Chaddock sur son explo-
ration du Ijimpopo ', en avril de l'année dernière. Malgré un courant
assez fort, il réussit, avec la Maud, à en franchir la barre, par l'embou-
chure méridionale, dont le lit est très étroit et a 4 Va brasses de pro-
fondeur. Le pays aux alentours est composé de hautes collines de sable
légèrement couvertes de broussailles peu élevées ; la population paraît
très dense, et le sol propre à l'agriculture et à la culture de la canne à
sucre. Jusqu'à une distance de vingt kilomètres de l'embouchure, le
fleuve est bordé de manguiers ; au delà il ne présente plus de bois propre
au chauffage. Un peu en amont du kraal de Manjoba, le pays s'élève et
devient très boisé, et d'après les renseignements des indigènes, il est
très salubre. Le capitaine Chaddock croit que le fleuve est navigable
jusque près des frontières du TransvaaJ.
M. LiûderitsE a conclu, avec un syndicat allemand, une conven-
tion, par laquelle il cède à ce dernier tous ses droits sur le territoire qu'il
* Voy. V»« année, p. 79.
— 148 —
possède dans rAfrique occidentale au nord du fleuve Orange. Les acqué-
reurs ont Tintention de former une société dont les statuts seront sou-
mis à Tapprobation de Tempereur. Leur but serait d'acquérir, d'admi-
nistrer et d'exploiter tous les territoires de l'Afrique australe placés
sous leprotectoratdel'Allemagne. Le capital social est fixéà l,500,000fr.,
divisés en actions de 1250 fr. chacune. Les excédents annuels des recettes
seront répartis entre les actionnaires, après l'autorisation préalable du
gouvernement. Un comité de trois membres et un conseil d'administra-
tion sont placés à la tête de l'entreprise.
La Société de géographie de Paris a reçu communication de nouvelles
de l'expédition de MM. Veth et van der Hellen dajis l'Afrique por-
tugaise occidentale. De Mossamédès ils se sont rendus à Humpata,
pour y visiter la colonie des Boers établis là depuis quelques années.
M. Yeth y fit d'abord une reconnaissance, avec deux Boers attirés à
Mossamédès par le bruit de l'arrivée de deux Hollandais dans cette
ville. Les services que lui rendit, pendant ce premier voyage, un petit
cheval javanais lui font croire que ces poneys pourront être très utiles
aux voyageurs dans les régions tropicales de l'Afrique ; ils s'accommo-
dent facilement au climat. Bevenu à la cote, il en repartit le 15 janvier,
avec M. van der Hellen et un wagon attelé de dix-neuf bœufs. Mais,
après quelques heures de route, le char, mal conduit par le charretier,
s'enfonça dans le sable qui, sur certains points, forme d'immenses entas-
sements. Il fallut travailler jusqu'à l'aube du lendemain pour le déga-
ger. A partir de ce moment les dijBScultés se renouvelèrent sans cesse :
terrains impraticables, disette d'eau, épuisement de l'attelage, danger
de la présence des lions et d'autres fauves qui enlevèrent les trois chiens
javanais de M. Veth. Celui-ci tomba malade de fatigue, et dut s'arrêter
dans des fermes portugaises ; grâce au secours de bœufs prêtés par des
fermiers portugais et par des paysans néerlandais, le wagon put attein-
dre, le 30 janvier, la cime de la Serra de Chella. Le plateau de Humpata
est magnifique, disent les voyageurs; assez élevé et descendant en
pente douce vers le sud, il a la réputation d'être d'une salubrité par-
faite.
Les journaux de Lisbonne donnent quelques renseignements sur
Texpédition portui^^aise du major de Carvalho, chargé de se
rendre chez le Mouata-Yanivo. A la date du 6 janvier elle était arrivée
à Cossa-e-Silva, dans le territoire du Capenda Camubenda, sur la rive
droite du Quango, par 8° 47' 45" lat. sud et 17" 12' 50" long. est. Elle
avait rencontré des difficultés entre le Lui et le Quango, par suite des
— 149 —
exigences des chefe indigènes et des vols dont elle avait été la victûne ;
150 porteurs avaient déserté, les uns en abandonnant leur charge, les
autres en l'emportant. A son arrivée à Cossa-e-Silva, l'expédition fut
reçue par des décharges de coups de fusil en signe de réjouissance. Le
chef est une femme âgée du nom de Ma ; elle a pour protecteur un
nègre d'une quarantaine d'années, grand, robuste, aimable et parlant
bien. Elle a des enfants de différents pères. Le plus âgé, Muana-Mocanzo,
est le futur Gapenda. Il n'a pas encore pris les rênes du gouvernement,
sa mère le trouvant trop jeune ; il n'a que 20 ans. Ses frères Muana-
Candole, et Muana-Ca-Nzambo sont vêtus de pantalons et de vestes
d'une étoffe à raies bleues, chemises blanches, chapeaux de feutre à larges
bords. Le major Carvalho est d'avis que le chemin de fer de Loanda à
Arabaca devrait être prolongé jusqu'à Malangé, àSOkilom. à l'est d'Am-
baca. Il a constaté avec satisfaction que le gouvernement d'Angola rétablit
les anciennes stations dans la province, sur la route de Dondo à Malangé,
et en fait élever de nouvelles sur des points d'une utilité reconnue pour
le commjBrce, afin d'encourager et de faciliter les relations de la côte
avec l'intérieur.
Le Moiivement géographique a publié, d'après une lettre arrivée à
Bruxelles, les premières données fournies par le lieutenant ^Wiss-
mann sur son expédition au Cassaï. Jusqu'ici on ne connaissait
qu'une partie du cours supérieur de cet affluent du Congo, reconnue par
Livingstone, Btichner, Schtitt, Wissmann etPogge. Celui-ci en avait touché
le point connu le plus septentrional, par environ 5° delat. S., au confluent
du Louloua, un des grands tributaires de droite ; toute la partie inférieure
de la rivière est encore à reconnaître. Le but de l'expédition de Wiss-
mann est d'étudier ce cours inférieur et les territoires inconnus qu'il
traverse. Au mois de février 1884 il se trouvait, avec les deux frères
Meyer et le D' Wolff, à Malangé, non loin de la frontière de la province
d'Angola. Là, l'aîné des frères Meyer fut emporté en quelques jours par
la dysenterie. L'expédition y rencontra le D' Pogge, duquel eUe apprit
que le pays était couvert de forêts vierges presque impénétrables, et
qu'au loin en aval du confluent du Louloua, les rives du Cassai en étaient
bordées. Wissmann eut la bonne fortune de pouvoir reprendre tous les
anciens porteurs et les deux interprètes du D' Pogge. Au commence-
ment de juillet l'expédition était organisée ; 400 porteurs étaient enga-
gés ; des charpentiers et des mécaniciens complétaient le personnel blanc,
et parmi eux, le charpentier Buchschlag qui, en 1880, avait descendu le
Quango avec le major de Mechow. L'expédition emportait un canot en
— 150 —
acier pouvant contenir de dix à douze personnes. Le départ de Mal&ngé
eut lieu le 17 juillet; il s'effectua successivement, par petites caravanes,
placées chacune sous la direction d'un ou deux blancs, le lieu de con-
centration étant le Quango, en aval de Cassangé. Du Quango au Cassai,
la route de Wissmann ne s'est pas sensiblement écartée des précédents
itinéraires de retour de Bttchner, Schûtt et Pogge. Il passa par Cabembo
et Cabocco, sur le Louchico. Arrivé là, le lieutenant Meyer, avec douze
hommes, descendit la rivière, se dirigeant vers Koumbana. Quant au
gros de l'expédition, au lieu de se diriger sur Cahoungoula vers l'est, il
suivit une direction N.-E. rejoignant l'ancienne route à Muéné-Tombé,
sur le Tchikapa. C'est de là qu'est datée la lettre de Wissmann, du
12 octobre. Le trajet de Malangé au Cassai, qui s'est effectué en trois
mois, s'est fait sans grandes difficultés ; la santé des voyageurs est des
plus satisfaisantes; un seul porteur est mort, en route, de maladie.
Arrivé au Cassai, Wissmann comptait le descendre jusqu'au confluent
du Louloua, ob il a dû établir une base d'opération. Un traité devait
être passé avec Loukengo, roi des Ba-Kouba; une station, élevée sur
les bords de la rivière et laissée à la garde de trois blancs et d'un
certain nombre de soldats; enfin, une petite flotille de canots devait être
construite par les charpentiers de l'expédition, et, avec son aide, Wiss-
mann voulait suivre le Cassai jusqu'à son embouchure dans le Congo. II
écrivait qu'il espérait atteindre le grand fleuve vers le commencement
d'avril 1885. Depuis le mois de février, un des petits vapeurs de l'Asso-
ciation internationale croise entre les confluents du Rouki et du Lou-
lemgou, prêt à se porter à la première alerte au secours de l'expédition,
par l'une ou l'autre de ces rivières.
Le D' J- Chavanne, que sa santé avait obligé à revenir en Europe,
a pu repartir le 6 avril pour le Con^o. Les quelques mois qu'il a passés
en Belgique ont été consacrés au calcul des observations qu'il avait
faites au Congo, et à la confection d'une carte du cours inférieur du
fleuve ; elle est dressée à l'échelle de Vjooooo et sera publiée par l'Institut
national de géographie. Elle donne toute la partie delà côte occidentale
qui s'étend entre Landana et Shark-Point, le cours du Congo depuis
Banana jusqu'à Boma, et, dans des cartouches, la partie du fleuve devant
Boma, de Fetiche-Roc à l'île des Princes, au Vtoooooi ^t les plans de Banana
et de Boma au Vî^oof.- Ce sera le document cartographique le plus com-
plet et le plus précis que l'on possède jusqu'ici de l'embouchure du
fleuve.
A l'occasion de rExposItion d'Anvers^ un Congrès international
— 151 —
de botanique et d'horticulture se tiendra dans cette ville ; la question
du Congo y aura sa place. En effet, un questionnaire a été transmis
au Comité de l'Association internationale pour être soumis aux
agronomes attachés aux différentes stations ; ils sont priés de répondre
aux questions suivantes :
P Quelle est la composition du sol des contrées que vous avez visitées
jusqu'ici ?
2^ Quelle est l'altitude des contrées ou des terrains que vous signalez?
Quelles sont les températures minimd et maxima ? Quelle est la tempé-
rature moyenne de ces contrées ?
3"" Quelles en sont les conditions climatériques ?
4* Quels sont les avantages naturels et les inconvénients qu'elles pré-
sentent au point de vue de la culture ?
b"* Quels sont les produits végétaux dont l'utilité est reconnue comme
plantes alimentaires, médicinales ou officinales, vénéneuses ou indus-
trielles ?
6" Quel est le caractère de la flore des contrées que vous avez explorées ?
7" Quelles ressources l'Afrique centrale pourrait-elle offrir aux bota-
nistes, pour rétude de la flore tropicale et de la physiologie? Avez-vous
déjà rencontré des végétaux qui pourraient jeter quelque lumière sur
certaines questions botaniques, ou qui augmenteraient la richesse de nos
collections de plantes vivantes ?
8** Comment devrait se faire au Congo la culture potagère ?
9"* Quels sont les principaux ennemis des cultures : a) du règne ani-
mal ; h) du règne végétal ?
10° Dans quelle mesure les botanistes et les horticulteurs pourraient-
ils se rendre utiles aux explorateurs du Congo, en vue des essais de cul-
ture, d'acclimation,ou à un point de vue quelconque?
A l'Exposition seront réunis des types de toutes les marcliandises
d'Europe qui font l'objet du trafic au Con^o» ainsi que des modèles
des différents objets, tels que : objets de campements, maisons démon-
tables, appareils, outils, instruments, armes, médicaments, etc. néces-
saires aux explorations, à l'établissement et à l'outillage des stations.
D'après les Verhandlungen de la Société de géographie de Berlin, un
certain nombre des stations de l'Association internationale du Congo
doivent être dotée.s de téléplionesi quelques-unes de celles du Bas-
Congo seront reliées les unes aux autres par un fil téléphonique.
Le Comité des n&issions de BUe a adressé à M. de Bismarck
une pétition au sujet de l'introduction de l'eau-de-vie dans les
— 152 —
nouvelles possessions allemandes en Afrique* L'importation
en masse de ce produit aurait, d'après la pétition, des conséquences perni-
cieuses pour les nègres qui , pas plus que des enf an ts , ne savent se gouverner
eux-mêmes, et sont passionnés de liqueurs fortes ; leur en fournir à bon
marché serait les mener à la ruine. On dit que si l'on apporte des res-
trictions à ce commerce, ce serait faire tarir une abondante source de
gain. Mais ceux qui condamnent le commerce d'opium que l'Angleterre
pratique en Chine, peuvent-ils tavoriser un commerce qui devient immoral
par le fait des conséquences qu'il entraîne ? Il reste à prouver que le
commerce de l'eau-de-vie soit à la longue une source de gain réel ; des
populations abruties ne sont pas commerçantes. D'ailleurs les comp-
toirs de la mission bâloise et d'autres ont fait l'expérience que le com-
merce, même sans eau-de-vie, peut être rémunérateur dans ces contrées.
Il y a là un intérêt humanitaire qui doit primer tous les autres. Aussi
le Comité demande-t-il, que l'importation des spiritueux dans les nou-
velles possessions coloniales allemandes soit restreinte le plus possible
par l'imposition de droits d'entrée très élev^.
M. Robert Fle^pel va repartir pour le Soudan occidental, où il a déjà
fait deux explorations pour le compte de la Société africaine allemande.
Il étudiera d'abord les pays du Niger et du Bénoué. D sera accom-
pagné par le D' Semon, comme médecin et spécialiste pour l'ethnogra-
phie, la zoologie et d'autres branches des sciences naturelles, et par le
D' Gtirich, comme géologue, minéralogiste et botaniste. MM. Hartertet
Staudinger qui poursuivent d'autres buts s'adjoindront à l'expédition,
mais ne seront considérés comme en faisant partie qu'aussi longtemps
qu'ils resteront auprès d'elle. Les voyageurs séjourneront un certain
temps en un endroit convenable du Niger ou du Bénoué, pendant que
M. Flegel visitera quelques points du royaume de Sokoto, pour remettre
aux chefs du pays des lettres et des présents de l'empereur d'Allemagne.
Au retour de M. Flegel, l'expédition se rendra au Bénoué pour aborder
sa mission principale : l'exploration des pays rntre le Bénoué
et le Cameroun.
Des ouvriers piémontais et autres, employés aux constructions du
chemin de fer de Dakar à Saint-Louis, ont manifesté l'intention de s'éta-
blir d'une manière définitive au Sénéi^al, en obtenant des concessions
de teiTes à cultiver à proximité de la voie ferrée. Le conseil-général du
Sénégal a décidé de leur accorder les subsides votés précédemment à
titre d'encouragement en faveur des colons, qui viendraient se fixer dans
certaines parties de la banlieue de SaintrLouis, sur les bonis du fleuve et
— 163 —
sur leB territoires du deuxième arrondissement. — Sur le haut fleuve la
situation des postes français est excellente. Les forts de Bàfoulabé, de
Condou et de Bamakou sont approvisionnés pour une année. Le ravi-
taillement de Niagassola est assuré ; ce poste est maintenant relié par
le télégraphe. La chaloupe canonnière du Haut-Niger a été remise en
état, et pourra, à Tépoque des hautes eaux, descendre le fleuve jusqu'à
Tombouctou.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
L'hiver semble s'être prolongé d'ane manière exceptionnelle en Algérie. Au
commencement d'avril les hauts plateaux étaient tout blancs. Toute la nuit du 7
an 8, la neige est tombée à Tlemcen, et le 9 il y en avait 35 centimètres à Salda.
Le gouverneur général de l'Algérie a concédé de grandes étendues de terres
sablonneuses pour la création de parcs à autruches au Krelder. Les tentatives
d'élevage sur le littoral n'ont pas très bien réussi, le climat y étant trop humide,
et l'espace consacré à ces oiseaux du désert n'étant pas suffisant pour leur per^-
mettre d'acquérir leur plein développement. Le transport des parcs d'autruches
an Krelder permet d'espérer le succès de l'élevage en grand.
Le 8 avril, quatorze missionnaires sont partis d'Alger pour les stations du Yic-
toria-Nyanza et du Tanganyika.
M. de la Blanchère, ancien élève de l'école française de Rome, a été chargé
d'étudier les mesures à prendre pour assurer la conservation des monuments his-
toriques de la Tunisie.
Avant l'arrivée des Français en Tunisie, le fanatisme musulman régnait en sou-
verain à Sfax. Un collège arabe-français y a été ouvert au commencement de cette
année. Les élèves musulmans, européens et iaraélites qui le fréquentent aigourd'hui
ont déposé tout sentiment d'hostilité. A Eaïrouan a été fondée une école, annexe
de celle de Tunis ; à part les sciences touchant à la religion, et qui sont naturel-
lement enseignées en langue arabe, toutes les autres branches d'enseignement y
sont professées en langue française.
Depuis un an, 23,000 hectares de terrain ont été achetés et mis en valeur dans
les environs de Tunis seulement. Ils ont été convertis en vignobles, prairies, ou
plantés en légumes, asperges, pommes de terre, etc. D'autres achats d'exploitation
ont été faits dans la vallée de la Medljerdah, ainsi qu'à Hammaneh, Zagouan,
SouBse, etc.
Depuis quelques années, la pèche des sardines a pris un grand développement
dans les eaux de Maddhia, en Tunisie. De douze qu'elles étaient au début, le
nombre des barques atteint aigourd'hui à deux cents. Dès que les eaux deviennent
chaudes, de mai en juillet, les bancs de sardines apparaissent en si grande abon-
dance que chaque barque prend en moyenne de huit à douze quintaux de poisson
frais en une nuit.
— 164 —
D'aprèB une dépêche d'Alexandrie, im nouTewi. ICahdi en surgi ta nord de Gon-
dekoro, dans le TÎllAge de MBri. C'est tmchef nègre, nommé Omdoli-Bati; Ut
réani autoar de lui un grand nombre de guerriers, l'est emparé de plusieurs rilles
de la vallée du Nil, et. a été proclamé souTerain du pays. Il marche vers le Yictorit-
Nyanza pour étendre jusque-là les limites de son pouvoir.
Un frère du D' Junker a organisé à ses frais une expédition qui sera envoyée,
sous la conduite du D' Fischer, l'spi|^rateur de la Dana et du pays des Masal, à
la recherche des trois gouverneurs européens des provinces égyptiennes équato-
riales, Emin-Bey, D' Junker et Lupton-Bey, coupés de toute communication avec
l'Europe par la révolte du Mahdi.
Le prince Oscar de Suède, dans son voyage autour du monde, a visité près de
Hassaoua les missionnaires suédois, dans leur station de Mokulho, où les enfants
des écoles lui ont fait un joyeux accueil.
La mission du capitaine Ferrari auprès du négous d'Abyssinie parait avoir pour
but de lui faire accepter que Massaoua soit occupée par les tFOupes italiennes.
Les taxes excessives mises par les autorités turque et égyptienne avaient presque
fermé cette voie au commerce de l'Abyssinie. L'Italie en fera un port franc; on
construit un chemin de fer pour relier Massaoua avec les divers points de la cète:
un câble souterrain rattachera la ville au câble anglais de Périm, et un service
régulier de paquebots sera établi entre elle et l'Italie.
Une caravane d'Abyssinie est arrivée à Massaoua, rapportant tous les objets
qui appartenaient à Bianchi, et les dons précieux que lui avait faits le négous.
Mohamed Anfali, sultan des Aoussa, a envoyé, contre les tribus coupables du
meurtre de Bianchi, une expédition d'un millier d'hommes.
Le comité de la Société commerciale d'exploration en Afrique et le gourerne-
ment italien se sont mis d'accord, pour proposer au parlement d'accorder un sub-
side de 600,000 fr. à la colonie d'Assab. Cette somme servirait ft établir un lieu de
débarquement, un dock pour les petits navires, un phare et un port en un endroit
favorable de la côte. Assab sera relié aux grandes lignes télégraphiques.
n s'est formé à Turin, sous la présidence du chevalier Corroiti, un Comité qui
se propose de pourvoir des ressources les meilleures la nouvelle expédition afri-
caine de Zeïlah au Eaffa et aux lacs équatoriaux ; elle sera placée sous le com-
mandement d'Auguste Franzoi.
M. J. Borelli a été chargé, par le ministère de l'instruction publique de France,
d'une mission scientifique à Harrar et au Choa.
D'après des nouvelles de Zanzibar arrivées à Hambourg, la corvette Oiteiimau,
aux ordres de Rohlfs, a mis sous la protection de l'Allemagne une partie de Is
côte du pays des Somalis.
L'expédition de MM. Clément et Gustave Denhardt, envoyés par la Société de
géographie de Berlin aux monts Kénia et KilimancUaro, pour s'y livrer à des études
géologiques et botaniques, et gagner de là le lac Sambourou et le pays des Borani-
Gallas, s'est adjoint à Zanzibar M. Schlumke, qui était chargé de construire Is
route de Dar-es-Salam.
La Société allemande de l'Afrique orientale a organisé une nouvelle expéditioo,
— 155 —
composée dB àcmze membres, géotogaes, arehîtettei, iagénieurs, officiers en congé,
plus on jardinier. Elle emporte à l'usage des elielii nègres cinquante iinilqnnes
des hnssards de la g^de.
Des lettres de la fin de décembre, de MM. Ooillard et Jeanmalret an Comité des
missions de Paris, annoncent qn'à cette date 'l'expédltkMi avait été éprouvée de
diverses manières, mais qu'elle n'avait aucune perte à déplorer. Le nouveau roi
des Ba-Rotsé, Âkoufouna, avait envoyé à SèMké des bateaux pour faire venir
les missionnaires à sa résidence, Lialui. "M. Colllurd est parti avec Aaron l'évan-
géliste et M. Middleton, laissant par prudence M. Jeuimairet à Leshoma.
Une ambassade de la tribu de Mosiéla, qui habite près du Zambèse, est venue à
Pretoria apportant, pour le gouvernement, ttee défense d'éléphant en témoignage
d'amitié.
Le gouvernement britannique a fait à cehd de la Colonie du Cap une avance de
dix millions de francs, pour prolonger le résUftU des chemins de fer, de Hopetown
jusqu'à Eimberley, à la condition que le travsil sera termîué dans l'espace de
sept mois.
M. Narciso ^eyo, attaché à la Compagnie royale des chemins de fer portugais,
se propose d'établir à Huilla, province de Mossamédèa, un» eolonie portugaise
agricole, commerciale et civilisatrice.
L'expédition du lieutenant Schulze est arrivée à San-Salvador, où le roi Don
Pedro y lui a fait un très cordial accueil. Dès lors M. Schulse est mt>rt.
Une troupe missionnaire de cinquante personnes, prédicateurs, médecins, méca-
niciens, feriniers avec leurs familles, formant toute une petite communauté chré-
tienne, est partie de New-York pour le Congo.
Le P. Merlon va fonder une nouvelle mission française sur les bords du Stanley-
Pool.
J. Thomson s'est rendu sur le Niger moyens pour y fonder un établissement sur
un territoire acquis par PAfrican Trading Company, le long d'un des tributaires
du fleuve.
M. Bar do a l'intention de retourner dans la région du Bénoué, qu'il a déjà
explorée avec le comte de Semelle.
On annonce de Londres qu'une maison de Hambourg établie à Lagos a acquis,
au nord et à l'est de cette ville, de vastes territoires sur lesquels le D' Nachtigal
a arboré le drapeau dé l'empire allemand.
Sir Samuel Rowe, gouverneur des possessions anglaises dé l'Afirique occidentale,
a reçu comme instructions de rétablir, par des moyens pacifiques, Fordre et la
tranquillité dans le pays agacent à Sierra-Leone et à Sherbro,pour y faire revivre
le commerce.
La Chambre des députés du Portugal a adopté le contrat préparé pour l'établis-
sement d'un câble télégraphique sur la côte occidentale d'Afrique.
Aux derniers examens du Local Marine Board, à Liverpool, M. John Metzger,
natif de Sierra*Leone, a obtenu le diplôme d'ingénieur de première classe; c'est le
premier Africain de la côte occidentale qui ait obtenu cet honneur.
_-j
— 166 — '
. Une nouTeUe station misaioniiâire protestante sera fondée à EerbaUt (Sén^;al);
M. et M"** Taylor seront rempUcés temporairement par MM. Mabille et Morin,
heureusement arrivés à Saînt-Lonis.
La Société africaine espagnole rétablira les comptons pillés et détruits par les
Arabes du Bio^del-Oro. Les nafires envoyés des Canaries pour ch&tier les coupa*
blés n'ont trouvé personne^ les individus compromis s'étant tous retirés dans l'in*
térieur. .. •
Le nottveacu- ministre de France au Maroc doit aller prochainement présenter
ses lettres de créance aa sultan, à Mequines. Il sera accompagné par M. H* Duvey-
rier, chargé de faire un voyage scientifique dans l'intérieur du Maroc
M. Saturnine GHimenez est rentré ^ Espagne, «près avoir visité les tribus du
sud du Maroc, et exploré ensuite le bassin de la Moulouya entre l'Algérie et le
Maroc.
LES GISEMENTS AURIFERES DU TRANSVAAL
Dans rarticle que nous avons consacré aux gisements aurifères en
Afrique (H"" année, p. 18-22), nous avons dit quelques mots de ceux du
TransvaaJ, qui commençaient à attirer Tattention des colons du sud de
rAfrique. Dès lors le nombre des gisements découverts s'est étendu,
Timportance de la quantité d'or qu'on peut en espérer a été mieux
constatée, des améliorations ont été apportées à l'exploitation ; quoiqu'il
y ait encore beaucoup de progrès à faire à cet égard, le moment nous
parait venu de réunir dans un exposé succinct les résultats obtenus jus-
qu'à ce jour. Nous nous aiderons pour cela des données que nous four-
nissent d'une part, le Cwpe Argus et le Natal Mercury^ et d'autre part,
les Mittheïlungen de Gotha qui ont consacré à cette question deux arti-
cles accompagnés de deux cartes, l'une géologique, de l'Afrique aus-
trale-orientale, l'autre, plus spécialement destinée à montrer l'emplace-
ment et l'étendue des gisements connus aujourd'hui. Ces cartes étaient
nécessaires au gouvernement de la république sud-africaine, aussi bien
qu'aux nombreuses personnes intéressées dans les concessions minières
du Transvaal. M. Haevernick de Pretoria, qui les a dressées, est per-
suadé qu'une exploitation sérieuse de ces gisements ne peut se faire
que par des spécialistes européens désintéressés, par une commission
internationale de géologues minéralogistes, qui apprécieraient d'une
manière générale la valeur des mines découvertes ; néanmoins les docu-
ments dont il s'est servi pour les établir permettent d'en admettre les
données avec confiance ; elles ont pour base les levés de M. Haever-
nick lui-même et les observations de Mauch, Jeppe, sir G. Colley, P.
Berthoud, Riedle, Rissik, Loveday, Machado, etc.
— 157 —
Jusqu'ici il n'y a pas eu d'exploration détaillée faite par des experts ;
des mineurs ont tenté la fortune, tantôt sur un point tantôt sur un
autre, avec des chances diverses, sur des conjectures ou des indications
particulières. Dès qu'un gisement réel était constaté, le gouvernement
accordait des concessions d'exploitatioB, que souvent le concessionnaire
délaissait bientôt comme improductives ; aussi la répartition des forma-
tions aurifères ne put-elle être connue qu'après qu'on eut étudié exac-
tement les emplacements renfermant de l'or. L'exploitation n'est pas
encore sortie de la période d'essai, et, avant que l'on ait obtenu un
rendement plus rémunérateur, ou que l'on puisse espérer le voir acquis
par de plus grandes facilités de communication, on ne peut compter sur
un relevé exact des territoires en question, parce que les capitalistes,
les mineurs, les géologues n'aiment pas à dépenser leur temps et de
fortes sommes d'argent à des entreprises qui, quoique très importantes,
ne promettent pas un gain assuré. D'ailleurs l'état des finances du gou-
vernement auquel incombe le devoir de faire faire l'exploration du pays
à ce point de vue, ne lui a pas permis de vouer toute son attention à ce
sujet-
Ce fut Mauch qui, le premier dans l'époque moderne, découvrit en
1867 de l'or à Tati, dans le pays des Ma-Tébélé. Sa découverte donna
une impulsion énergique à des recherches dans le Transvaal. Déjà
l'année suivante, Mauch lui-même y constata l'existence de terrains
aurifères dans la chaîne des monts Murchison, au nord de l'Oliphant's
River, affluent du Limpopo, mais ils ne parurent pas pouvoir fournir
une exploitation rémunératrice. La première exploitation au Transvaal
fut entreprise à Marabastad, oii Button découvrit de l'or en 187L
Pendant plusieurs années on travailla dans les mines de Eerstelling
voisines de cette ville, mais sans grand profit. Lorsqu'on 1873 se répandit
la nouvelle de la découverte d'or d'alluvion dans la vallée de la Blyde,
affluent de l'Oliphant's Kiver, au N.-E. de Lydenbourg, les mineurs y
affluèrent, mais le lavage des dépôts n'étant pas très profitable, ils
durent se mettre à l'exploitation de la couche de quartz aurifère exis-
tant dans cette partie du Transvaal. Coup sur coup on ouvrit des mines
près de Mac-Mac (concession de Pilgrira's Rest), dans laquelle on
trouva quelques pépites extrêmement grosses ; puis, à Waterfall-Creek,
à Rotund-Creek, et enfin, à Spitzkop aux sources de la Blyde. En géné-
ral on vit se renouveler ici l'expérience faite dans d'autres districts du
Transvaal ; on trouva quelques dépôts d'une grande valeur, en sorte
que quelques mineurs firent fortune en peu de temps, mais ce furent
— 15Ô —
des exceptions. La plupart des ouvriers gagnaient à peine de quoi sub-
venir à leur entretien.
Les années suivantes amenèrent la découverte des gisements de
Nylstroom dans le district de Waterberg, de Blaubank dans les monts
Witwaters au sud de Pretoria, d'Elands Spruit sur le cours supérieur
de la rivière dés Crocodiles, de TÂmasonazi Land, de Schola Spruit
dans le district de Potchefstrom, des Dwarsberg dans le district de
Marico ; enfin, ceux des environs de Pretoria. Les roches aurifères
paraissent répandues dans tout le nord et le nord-est du Transvaal. La
découverte la plus importante fut celle des mines de De Eaap, sur la
petite rivière Lempogwan, qui se jette dans la rivière des Crocodiles.
L^exploitation donnait déjà les plus grandes espérances, lorsque sur-
vint une circonstance qui lui porta un coup fatal. En 1876 commença la
guerre des Boers contre Secocoeni, qui s'était retranché dans les monts
Lolou, au nord-ouest de Lydenbourg, et troublait la sécurité de toute
la contrée avoisiuante. Quoique les ouvriers travaillant aux mines ne
courussent pas un danger imminent, cette lutte, qui dura des mois et
se termina par la dispersion de l'armée des Boers et par le triomphe de
Secocoeni, exerça dans tout le Transvaal une influence qui futloia
d'être favorable aux entreprises minières. L'annexion ultérieure du
Transvaal par la Grande-Bretagne, la soumission de Secocoeni par le
général Wolseley qui, outre les troupes régulières dut lever un corps
considérable de volontaires, en grande partie ouvriers mineurs, et un
autre corps de 8000 Souazi, l'irritation croissante des Boers contre
la domination anglaise, et la guerre de l'indépendance, n'étaient
pas propres à contribuer au développement de l'exploitation des mines;
aussi la plupart d'entre elles furent abandonnées, ou bien le travail y
fut réduit au minimum.
Une amélioration à cet état de choses ne se produisit que lorsque,
en 1881, le Transvaal eut assuré son indépendance par le traité de
Pretoria. C'est alors que fut annoncée la découverte des mines de De
Kaap, qui coïncida avec une crise sérieuse dans l'exploitation des mines
de diamants de Kimberley, où l'éboulement des parois intermédiaires
des puits arrêta pour longtemps le travail, et causa la ruine de plu-
sieurs sociétés d'actionnaires. Des centaines d'ouvriers européens et
indigènes perdirent ainsi leur gagne-pain et se portèrent vers les mines
du Transvaal, oU beaucoup d'entre eux ne trouvèrent que déception,
soit parce qu'ils n'avaient pas l'expérience nécessaire pour ce nouveau
travail, soit parce qu'ils l'entreprirent avec des ressources insuffi-
santes.
— 159 —
Les difficultés que présente Texploitation des mines d'or du Trans-
vaal sont beaucoup plus grandes qu'en Australie et en Californie. Dans
la plupart des gisements, Tor est incrusté dans le quartz et, en Tab-
sence de machines, ne peut en être extrait que par un travail très péni-
ble. Dans les vallées inférieures où sont les dépôts d'or d'alluvion, le
lavage est rendu difficile par le peu d'eau qu'elles possèdent. Il faudrait
des capitaux considérables pour installer des machines afin de désagré-
ger le quartz ; mais ces capitaux manquent, la crise de Kimberley ayant
ébranlé, dans toute l'Afrique australe, la confiance des capitalistes dans
le rendement des raines d'or. Plus récemment, et depuis que de nou-
veaux terrains aurifères ont été découverts le long de plusieurs affluents
de la rivière des Crocodiles, aux mines de Moodie ', de Devil's Kantoor,
de Barrett, etc., et que le lavage et les galeries de celles de De Kaap
ont pris plus d'extension, des compagnies minières se sont formées, pour
la plupart de capitalistes anglais, et on a monté quelques machines pour
broyer le quartz.
Mais l'exploitation de tous ces gisements du Transvaal ne pourra
devenir rémunératrice que lorsque le chemin de fer de la baie de Dela-
goa sera construit. Déjà en 1870 le gouvernement du Transvaal en
avait projeté un de Pretoria à Lorenzo Marquez ; la compagnie à la-
quelle il avait été concédé ne put trouver les fonds nécessaires, et le
projet ne fut repris que lorsque, en 1876, le gouvernement résolut de
l'exécuter lui-même. Un emprunt de 7,500,000 francs fut conclu en Hol-
lande, mais l'annexion du Transvaal par l'Angleterre arrêta tout. Celle-
ci n'avait aucun iiitérêt à doter le Transvaal d'une route directe vers
rOcéan et les possessions portugaises. Après que le traité de Pretoria,
en 1881, eut rendu à la république sud-africaine son indépendance, et
lorsque l'on put espérer voir le commerce se relever, l'attention se porta
de nouveau sur le projet de chemin de fer, mais il fallait en modifier le
tracé, pour éviter le Souazi Land, auquel le traité de Pretoria garantis-
sait son indépendance du Transvaal. Le major Machado, ingénieur
portugais, fit en 1881 et 1882 un nouveau tracé, qui devait mettre les
mines d'or du bassin de la rivière des Crocodiles en communication
directe avec l'Océan.
La construction de cette ligne paraît indispensable pour une exploi-
tation prospère. Actuellement les frais de transport d'une tonne de
* D'après une correspondance du Cape Argus^ de Moodie, on n'a pas découvert
moins de 26 gisements dans Tespace des douze derniers mois.
— 160 —
marchandises, de Port-Natal à Lydenbourg, s'élèvent à 875 fr. , sans comp-
ter les droits d'entrée et de transit que le gouvernement de Natal a
encore augmentés. L'installation de machines pour l'exploitation
minière est donc extrêmement coûteuse, et le combustible doit suivre
la même voie. Dès lors la production ne peut être rémunératrice que
sur les gisements les plus riches.
La conclusion de la convention de Londres, en 1884, en assurant au
Transvaal une indépendance plus grande que ne le faisait celle de Pre-
toria de 1881, et en allégeant la dette de la république sud-africaine,
avait fait espérer que le chemin de fer pourrait être construit un peu
promptement ; mais cet espoir ne s'est pas réalisé. La tentative d'un
emprunt de 12,000,000 fr., à Amsterdam, a échoué, et, pendant un cer-
tain temps encore, les relations du Transvaal avec le dehors devront
avoir lieu par la voie coûteuse de Natal, ce qui retardera certainement
le développement de ce pays. Sans doute la route de Lydenbourg et
des mines d'or de ce district à la baie de Delagoa est beaucoup plus
courte que celle de Durban, mais elle présente des difficultés sérieuses,
en sorte que jusqu'ici une faible partie seulement de l'importation et de
l'exportation du Transvaal l'a adoptée, quoique le Portugal, afin d'ac-
croître le trafic de sa colonie, ne réclame que le 3 Vo P^^^ 1^ droits
d'entrée. La route de Lorenzo Marquez passe, sur une longueur de 80
kilomètres, à travers un pays plat, marécageux, foyer d'émanations
pestilentielles pour les hommes et les bêtes de somme, qui ne peuvent
le parcourir sans trop de dangers que pendant les mois de juin à août.
Du passage de la Comati, par les monts Libombo , chaîne frontière
entre le Transvaal et la colonie portugaise, jusqu'aux mines d'or, sur
une étendue de plus de 160 kilomètres, le terrain est très coupé, des
pentes abruptes alternent avec des gorges semblables aux canons du
Colorado, et l'on ne peut les franchir qu'avec de grandes pertes de
temps et de bêtes de somme. Aussi la construction d'une voie de com-
munication directe avec l'Océan, quelque désirable qu'elle soit, peutrelle
se faire attendre longtemps encore.
BIBLIOGRAPHIE '
Les MI88IOKS ÉvAKaÉLiQUES depuis leur origine jusqu'à nos jours, par
G. K Burckhardt et R. Orundemann. T. II, Afrique. Lausanne (G.
^ On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à B&Ie, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans VAfriq%ie ea^ûiorée et civilisée.
— 161 —
Bridel), 1884, in-8**, 520 p. avec 5 cartes, fr, 6. — Voici le deuxième
volume d'une œuvre d'ensemble sur les missions évangéliques du globe
entier, sauf TËurope. Le tome premier est consacré à TAmérique, les
deux autres le seront à TAsie et à TOcéanie. Le comité vaudois de
rUnion évangélique a été bien inspiré en les faisant traduire de l'alle-
mand, car nous avons là un ouvrage substantiel, solide, dans lequel
rien d'important n'a été oublié ; toutes les informations qu'il fournit
sont utiles à connaître ; la consultation en est rendue facile par un
répertoire alphabétique détaillé à la fin du volume.
Ce n'était cependant pas une petite tâche de décrire l'état actuel des
missions africaines, car il y a une trentaine de sociétés, — anglaises,
américaines, allemandes, françaises, suisses, Scandinaves, — à l'œuvre
dans cet immense continent, sans parler de sept missions entreprises
par les catholiques romains. Le champ d'activité de ces sociétés n'em-
brasse pas seulement la région côtiëre du Sénégal au Pays du Cap et à
l'Abyssinie ; sur un grand nombre de points , nous trouvons les stations
missionnaires déjà assez en avant vers le centre du continent : chez les
Achantis, le long du Congo moyen, au Bihé, dans l'Ovampo et le Dama-
raland, au Zambëze, au Transvaal et dans la région des trois lacs
Nyassa, Tanganyika et Victoria-Nyanza.
Les auteurs n'ont pas voulu présenter simplement une étude de l'œu-
vre chrétienne dans les diverses régions où travaillent des missionnai-
res. Leur but a été plutôt de peindre, dans un vaste tableau, à la fois
l'histoire des découvertes, le pays, ses habitants, les efforts faits de
toutes parts pour les relever, et les résultats déjà obtenus. Pour chacune
des trois parties de l'ouvrage : Afrique occidentale, australe et orien-
tale, après le récit des premières explorations, ils décrivent la géogra-
phie physique et l'ethnographie du pays, afin de faire bien comprendre
les conditions dans lesquelles s'est trouvée telle ou telle mission, ce qui
en explique souvent la réussite ou l'insuccès.
Après ces informations préliminaires vient l'exposé historique de
chaque mission, depuis sa fondation jusqu'à nos jours, car, si l'ouvrage
aUemand s'arrêtait à quelques années en arrière, le traducteur s'est fait
un devoir de donner des détails complémentaires sur l'état actuel de
chacun des champs d'activité des sociétés missionnaires jusqu'à la fin
de 1883, sur le nombre de leurs agents européens ou indigènes, de leurs
écoles, des convertis, etc. C'est dans l'histoire du développement de
toutes ces missions, que l'on peut se faire une idée des difficultés de la
tâche des missionnaires, mais aussi de la variété étonnante des moyens
— 162 —
employés pour atteindre le même but, variété provenant des différences
de nationalité ou de dénomination chrétienne auxquelles appar-
tiennent les agents ; impossible d'évaluer la somme de dévouements
mis au service de cette œuvre, ni l'étendue des sacrifices qu'elle a
coûtés et qu'elle coûte annuellement ; mais il est salutaire de voir l'em-
pressement avec lequel de nouveaux missionnaires se présentent, pour
combler les vides que la mort fait dans les rangs de ces héros qui expo-
sent journellement leur vie pour sauver leurs frères noirs. Ceux qui
liront ce volume comprendront sans peine tout ce que la science et la
civilisation doivent aux missionnaires. Des cartes, gravées à Lausanne,
indiquent la position des stations qui y sont mentionnées et pennettent
au lecteur de s'orienter sans peine.
C'est, on peut le dire, un ouvrage classique, et il suffira de le mettre
à jour pour qu'il rende, pendant de longues années, de grands services
aux personnes qui s'occupent spécialement des missions ; aux autres, il
permettra de se faire une idée exacte de l'œuvre de chaque société, car
les jugements qu'il porte sur chacune d'elles sont motivés et sagement
pesés. Les critiques ne manquent pas, mais elles sont justes ; l'une des
principales vise l'état de lutte sourde dans lequel vivent les établisse-
ments de sociétés différentes dans une même région. Le christianisme
ne s'y présente pas aux païens comme quelque chose d'homogène, et
les divisions de partis en guerre les uns contre les autres ne peuvent que
nuire beaucoup à ses progrès. Aussi appelons-nous de tous nos vœux
le moment, où, par suite d'une entente entre les diverses sociétés, cha-
cune d'elles aura son champ d'activité bien défini, et pourra travailler
à la régénération des indigènes avec un zèle exempt de toute jalousie.
A TRAVERS LE FouTA-DuLLON ET LE Bambouc, par Emest Nùiroij.
attaché à la mission Bayol. Paris (Maurice Dreyfus), in-S"*, 360 p., avec
planches et carte, fr. 5. — Le voyage raeonté dans ce livre a eu lieu en
1881, mais les événements, tant européens que coloniaux, se précipi-
tent avec une telle rapidité, que l'on a peut-être oublié l'expédition
dont il s'agit. Placée sous la direction du D'^ Bayol, actuellement lieu-
tenantrgouvemeur à Dakar, et comprenant en outre MM. Noirot et
Billet, elle avait pour but l'exploration du Fouta-Diallon et du Bambouc,
et surtout la conclusion de traités de bonne amitié et de conmierce avec
les souverains de ces pays. Partie de Boké, sur le Rio-Kunez, la mission
remonta ce fleuve et entra dans la région montagneuse qui se rattache
au massif du Loma. Après avoir séjourné quelque temps à Timbo, la
— 163 —
capitale du Fouta-Diallon, elle revint par le Bambouc et le Sénégal.
Les explorateurs ramenèrent avec eux à Paris une ambassade Peulb,
envoyée parles tribus du Fouta-Diallon auprès du gouvernement de la
République, pour l'assurer que les traités seraient respectés. Composée
de quatre hauts personnages, chefis ou généraux, la mission Peulh resta
un mois h Paris et fut fêtée soit par les autorités, soit par les différentes
sociétés de la capitale. Nul doute que les ambassadeurs ne soient
retournés dans leur pays avec une bonne impression qui aura la plus
heureuse influence sur les relations futures de la France avec ces pays.
C'est dans l'introduction que l'auteur raconte le séjour de l'ambassade
Peulh et les impressions que notre civilisation fit sur ces noirs. Les
réflexions et les marques d'admiration que les créations de notre indus-
trie moderne leur arrachèrent souvent feront sourire plus d'un lecteur.
Du reste, l'ouvrage tout entier est écrit avec humour et présente un
grand intérêt. Il est illustré de 17 dessins exécutés par l'auteur, et d'une
carte en noir qui présente peu de détails à cause de la petitesse de
l'échelle. M. Noirot a vaincu une grande difficulté en notant les princi-
pales chansons qu'il à entendues chez les Peulhs et les Malinkés. On
consultera avec curiosité ces morceaux, qui montrent que les nègres
sont capables de faire de la musique harmonieuse, quoique en général
traînante et triste. Mais il ne lui a pas été possible d'en reproduire les
accompagnements, qui se composent d'ordinaire de deux notes discor-
dantes touchées ensemble.
A côté du récit du voyage, d'études de mœurs et de charmantes
digressions, l'ouvrage renferme une description sérieuse du Fouta-
Diallon et du Bambouc. La première de ces contrées jouit, grâce à son
altitude, d'un climat tempéré et relativement salubre. Les productions
sont nombreuses et variées ; cependant, grande comme la France, elle ne
renferme qu'un million d'habitants. Elle est donc dans d'excellentes
conditions pour devenir une florissante colonie. U n'en est pas de même
du Bambouc, dont l'insalubrité empêchera toujours les Européens de s'y
établir en grand nombre; M. Noirot parle beaucoup de ses mines d'or,
mais les tentatives d'exploitation faites il y a peu de temps n'ont pas
réussi, et les explorations récentes n'ont pas révélé de gisements aurifères
comparables à ceux du pays de Wassaw et du Transvaal.
Life m the Soudan. Ad vektures among ths tribes, and travels in
Egypt, in 1881 and 1882, by D' Josiah Williams F. B. Q. S. London
(Remington et C*), 1884, in-8'», 338 p., illustré. — L'auteur est un de
— 164 —
ces nombreux Eui*opéeiis qui ont profité de la tranquillité relative dont
a joui le Soudan jusqu'en 1883, sous la domination égyptienne, pour en
visiter certaines parties. Il accompagnait, en qualité de médecin, six gen-
tlemen qui, dédaignant les routes frayées et l'itinéraire si souvent suivi,
de l'Egypte à Khartoum et à Lado par le Nil, allèrent en 1881 et 1882
explorer la région beaucoup moins connue comprise entre Souakim,
Kassala, Massaoua et l'Abyssinie.
Les sept premiers chapitres sont consacrés au voyage d'Angleterre à
Souakim par Paris, Milan, Brindisi, Alexandrie, le Caire, Suez et la
mer Rouge. De Souakim les explorateurs s'enfoncèrent dans l'intérieur
vers le S.-O., visitèrent Eassaia et le Taka, le pays des Bazen et des
Beni-Amer, la région septentrionale de l'Abyssinie et revinrent ea
Angleterre par Massaoua, la mer Rouge et le canal de Suez.
La narration vivement conduite, est d'un grand intérêt. Les traits de
mœurs abondent et l'on sait que ces populations, que l'Egypte ni
l'Abyssinie n'ont réussi à soumettre, ont des coutumes fort curieuses qui
se distinguent sous beaucoup de rapports de celles des peuples voisins.
Leur pays est du reste montueux et bien arrosé. Les récits de chasse
i*emplissent bien des pages. L'auteur étudie aussi la contrée au point
de vue politique, et ses réflexions sur la domination égyptienne et sur
l'œuvre de Gordon dans le Soudan, sur la situation de l'Abyssinie, enfin
sur le rôle des Arabes dans cette région, sont bonnes à consulter et
pleines d'actualité.
L'ouvrage est illustré de 7 gravures assez belles, mais il y manque
une carte, ce qui est très regrettable, les atlas étant fort incomplets
sur cette contrée encore aujourd'hui peu connue. Espérons que cette
lacune, qui rend très difficile la lecture de certaines parties du volume,
sera comblée dans la seconde édition.
Die DEUTSCHE EoLONiE Eameeun, von D' Ant Bdchenow. Mit einer
Karte. Berlin (Gustave Behrend), 1884, in-8*, 51 pages. — Voici une
monographie sérieuse et suffisamment complète de la nouvelle colonie
allemande du Cameroun. Plusieurs voyageurs et marchands en ont déjà
parlé longuement, chacun à son point de vue; mais, d'ordinaire, dans
leui*s récits, les matières ne sont pas classées, et il faut souvent par-
courir tout un volume pour y trouver ce que l'on cherche. Dans cette
brochure, au contraire, l'auteur réunit les principaux renseignements
recueillis et les coordonne, étudiant successivement la nature du pays,
sa flore, sa faune et son climat, le caractère et les mœurs des indigènes.
— 165 —
leurs rapports avec les Européens, enfin, Tavenir du commerce du
Cameroun. Plusieurs pages sont consacrées au dualisme anglo-allepand
dans cette partie de TÂfrique. M. Reichenow est un partisan convaincu
de la politique coloniale actuelle de TAIlemagne. Il croit que le com-
merce et l'industrie de sa patrie ne peuvent qu'en bénéficier. D est vrai
que l'AUemagne est venue la dernière, et qu'il ne reste plus beaucoup
de bonnes terres à conquérir ; néanmoins l'auteur trouve qu'elle a bien
commencé, et que le Cameroun, situé au seuil de l'immense région cen-
trale africaine, a un grand avenir.
Les arabes dans l' Afrique centrale, par Adolphe Burdo. Paris
(Dentu), 1885, in-8*, 48 p. — L'explorateur du Niger, du Bénoué et
de la côte orientale d'Afrique jouit dans le monde géographique d'une
légitime autorité. Mais dans la thèse qu'il soutient aujourd'hui, il ne
peut manquer de rencontrer de nombreux contradicteurs qui n'auront
pas beaucoup de peine, croyons-nous, à la réftiter. Vouloir montrer que
les Arabes sont en Afrique les agents et les alliés de l'Européen, c'est se
mettre en désaccord avec tous les événements contemporains. Ne sont-
ce pas les Arabes et les nègres musulmans qui opposent la plus forte
barrière à l'influence européenne dans le Nord particulièrement, où les
Anglais sont aujourd'hui même aux prises avec eux, et où les Français
sont toujours contre eux en lutte, tantôt sourde, latente, tantôt vio-
lente? Combien de crimes, de meurtres de voyageurs ne doivent pas
leur être imputés? Ce sont surtout les missionnaires chrétiens qu'ils
combattent ; dans certaines régions de l'Afrique ils ont arrêté net les
progrès del'évangélisation. Enfin, comme négriers, chasseurs d'esclaves,
n'accomplissent-ils pas encore tous les jours une œuvre infâme dont ils
tirent le plus clair de leurs bénéfices? M. Burdo trouve cependant
moyen de les excuser sur ce point; il est vrai qu'il se déclare, dans une
certaine mesure, partisan de l'esclavage, aussi bien, dit-il, au point de
vue de l'Européen dont les plantations manquent aujourd'hui de bras,
que du nègre qui, maintenant aiSranchi sur la côte, croupit dans la fai-
néantise, le vice et la débauche. L'auteur n'expose sa thèse que dans les
dix premières pages de son opuscule. Les trente dernières sont consa-
crées à une étude qui ne s'y lie qu'indirectement, ceUe de la situation
actuelle de l'état de Zanzibar et de la région comprise entre la côte
orientale et le lac Tanganyika.
L'alliance française et l'enseignement français en Tunisie et en
TaufOLiTAiNE, par Paul Melon, Paris (Dentu), 1885, gr. in-8'*, 45 p.—
— 166 —
H est agréable de s'écarter parfois des sentiers battus et de s'occuper
de sujets rarement traités, tel que celui de renseignement dans les colo-
nies, question vitale s'il en fut, à notre époque, car c'est d'elle que
dépendent la fusion des races et la conquête morale d'un pays, sans les-
quelles il n'y a pas de conquête matérielle durable. Il n'est plus possible
de coloniser maintenant à la manière des Espagnols en Amérique et des
Portugais en Afrique, lors de la découverte de ces pays. A part cer-
taines contrées qui ne seront jamais, à cause de leur climat mortel pour
les blancs, que des colonies d'exploitation, la métropole, en même temps
qu'elle met à profit les ressources du sol, doit songer à élever la race
indigène, à l'instruire, en un mot, à la civiliser.
C'est pour cela et aussi afin de répandre l'étude de la langue fran-
çaise dans les colonies, que s'est fondée « l'Alliance française, » en juillet
1883. Cette société, qui compte déjà plus de 6000 adhérents, a pris pour
premier champ d'activité la région méditerranéenne de l'Afrique, et,
dans la brochure que nous annonçons, M. Melon, l'un de ses promoteurs,
communique les résultats d'un voyage qu'il a entrepris en Tunisie et
en Tripolitaine, pour se rendre compte de l'état de l'enseignement
français dans ces pays. Inutile de dire qu'elle est rédigée à un point de
vue exclusivement national.
L'auteur se prononce pour que la France continue à exercer à l'étran-
ger cette sorte de protectorat catholique dont elle a déjà si souvent
bénéficié, car, si ce rôle de tuteur des missionnaires passait à l'Italie ou
à l'Autriche, la France en ressentirait bientôt un peu partout des contre-
coups fâcheux. Et de fait, les écoles congréganistes de Tunisie et de
Tripolitaine sont le meilleur moyen de propagande française et de
diifusion de la langue de la métropole. Sous l'influence énergique du
cardinal Lavigerie, dont l'auteur reconnaît hautement les mérites, les
écoles, de misérables qu'elles étaient avant 1881, sont devenues prospères
et comptent un nombre considérable d'élèves. Outre les classes pri-
maires françaises de Tunis, la Goulette, Sousse, Djerbah, Béja,'Monas-
tir, Sfax, etc., il existe à Tunis deux établissements d'instruction
secondaire, tous deux florissants : le collège St-Charles pour les gar-
çons, et l'école des Dames de Sion pour les jeunes filles. Il y a en outre,
à Tunis, une école israélite, fréquentée par un miljier d'élèves et entre-
tenue par l'Alliance israélite universelle. Le français est la langue de
l'enseignement. Enfin un établissement laïque, le collège Sadiki, fondé
par le général Khérédine, donne la culture française à plus de 150 élè-
ves. Il a été tout récemment réorganisé par M. Machuel, délégué du
— 167 —
ministère de rinstniction publique. — Le collège Sadiki et Técole
normale des instituteura indigènes viennent de recevoir la visite de
M. Elisée Reclus, qui, d'après le Temps, a été émerveillé des résultats
obtenus, e^ a déclaré qu'on ne se doute nullement en France des progrès
que la langue française fait en Tunisie.
Trois écoles françaises existent en Tripolitaine : deux à Tripoli et une
à Benghazi. Quant à Malte, que M. Melon a visitée aussi, elle possède
une institution spéciale, créée par le cardinal Lavigerie pour recevoir
déjeunes Soudaniens, Wa-Ganda, Kabyles, etc. Ces élèves, à leur sortie
de l'école, retournent dans leur pays, où ils deviennent les pionniers de
l'influence et de la civilisation françaises. L'auteur donne le récit de la
distribution de récompenses faite par lui, au nom de l'Alliance française,
à neuf des écoliers les plus méritants.
On le voit, cet ouvrage, écrit d'un style élégant et facile, contient
une foule de renseignements d'un haut intérêt, car il nous montre un
côté trop peu connu du mouvement de colonisation.
Les possessions espagnoles du golfe de Guinée, leur présent et
LEUR AVENIR, par le lieutenant Sorela. Paris, (A. Lahure), in-8°, 46 p.
et carte. — L'auteur cite, en tête de son ouvrage, cette phrase de
M. Leroy-Beaulieu : a Les lambeaux de la puissance coloniale de l'Es-
pagne sont encore magnifiques. » C'est aussi notre avis, mais nous
serions bien étonnés si, en formulant cette opinion, le savant économiste
pensait aux îles du golfe de Guinée. On sait, en effet, qu'elles sont mal-
saines au plus haut degré, particulièrement dans la région côtière où
sont situées toutes les plantations, et qu'elles ne présentent pas les con-
ditions propres à y attirer les colons. Cependant c'est une tâche loua-
ble qu'a remplie M. Sorela, en décrivant d'une manière très détaillée
l'île de Fernando-Po, en en faisant valoir les richesses végétales, et en
donnant l'état actuel de la colonisation dans cette région. Sans doute
si le bas prix des terrains était la seule chose visée par les colons, ils
seraient satisfaits à Fernando-Po, car l'hectare s'y loue 25 centimes par
an et s'y achète 5 francs. Malheureusement l'étendue du sol disponible
est encore immense dans l'île et ne diminue pas d'une manière sen-
sible. On peut craindre que le vœu de M. Sorela, qui Voudrait voir les
Espagnols de la Murcie et de l'Andalousie se transporter à Fernando-
Po plutôt qu'en Algérie, ne se réalise jamais, et que, pour longtemps
encore, le faible service postal soit fait par la malle anglaise du Cap,
à défaut de navires espagnols spéciaux. Le volume est accompagné
— 168 —
d'une carte de Femando-Po à très grande échelle ; le relief laisse à
désirer.
Les Français au Niger, voyages et combats par le cajHtfiine Piètri,
Paris (Hachette et C**), 1885, in-8", 438 p, avec illustr. et carte, 4 fr.
— Le capitaine Piétri était membre de la mission du Haut-Niger,
dont le commandant Gallienî à récenmient décrit en détail Titinéraire
dans les bassins du Sénégal et du Haut-Niger. L'ouvrage que nous
avons sous les yeux renferme une série d'attachants récits sur l'œuvre
entreprise par la France dans cette région, depuis la période de prépa-
ration de la marche sur le Niger, dont le général Faidherbe, en 1855,
posa les premiers jalons, jusqu'à la déclaration de souveraineté de la
France par le colonel Borgnis-Desbordes, en 1883. C'est donc une his-
toire complète et fort instructive, qui débute par un rapide exposé de
l'état social et politique du pays et des voyages antérieurs à 1880,
c'est-à-dire ceux de Mungo-Park, René Caillé, RaflFenel, Mage et Quin-
tin. Ensuite l'auteur consacre trois chapitres au célèbre prophète Al-
Hadj-Oumar, à ses conquêtes et aux guerres dont les états du Bélédou-
gou et de Ségou furent le théâtre sous ses successeurs. Le récit des
expéditions de Gallîeni et de Borgnis-Desbordes remplit le reste du
volume, écrit sous une forme simple d'oîi se dégage un réel accent de
vérité. Ce sont, nous dit l'auteur, de simples notes sans prétention
dont il a cherché à exclure toute ingérence de la fantaisie. De bonnes
gravures reproduisent des types indigènes de différentes races, et une
cai'te en noir suffisamment complète sert de guide au lecteur. Actuelle-
ment diverses préoccupations empêchent le gouvernement français de
poursuivre avec énergie l'œuvre commencée sur le Haut-Niger. La
construction du chemin de fer, en particulier, a été suspendue. Cepen-
dant, en 1883-84, une quatrième campagne dirigée par le colonel Boi-
lève a affermi la ligne ^e communication du Sénégal au Niger par
l'établissement d'un nouveau poste, celui de Koundou, de sentiers car-
rossables et d'une ligne télégraphique de Bammakou à Bakel. La paix
est rétablie dans le Bélédougou, dont les relations avec Saint-Louis se
développent de jour en jour, et vraisemblablement la France reprendra
bientôt ses projets sur le Haut-Niger et le Soudan \
' Nos lecteurs se rappeUent que le capitaine Piétri a fait, avec son collègue
Yallière, le levé de la région comprise entre le Haut-Sénégal et le Niger (Yoy.
IV« année, p. 349.)
OUVRAGES REÇUS :
L'Alliance française et l'enseignement français en Tnnisie et en Tripolitaine, par
Paul Melon, Paris (Dentu), 1885, in-8o, 45 p.
Les possessions espagnoles du golfe de Guinée. Leur présent et leur ayenir, par
le lieutenant Sorela. Paris (Lahure), 1884, in-8% 46 p. avec carte de Fernando-
Po à Vi&ooo.
Les Français au Niger. Voyages et combats, par le capitaine Piétri. Paris
(Hachette), 1885, in-16, 438 p. et carte., fr. 4.
Rapport adressé au ministre des affaires étrangères par M. £d. Engelhardt, minis-
tre plénipotentiaire, délégué à Berlin pour la Conférence africaine. Paris (Imp.
nationale), 1885, in-4», 39 p.
A Map of the Gold-Coast and Inland Countries, between and bejond the Pra and
Yolta, by the Basel Missionaries, ^Iboquoq. Basel (Mîssions-Buchhandlung), 1885,
fr. 4.
Itinéraire de Dar-es-Salam aux lacs Bangouéolo et Moéro, par Victor Giraud,
1882-1884, Vaoooooo. Paris (Soc. de géographie), 1885.
DocuiAents diplomatiques (Livre jaune). Affaires du Congo et de l'Afrique occi-
dentale. Paris (Imp. nationale), 1885, in-4<», 333 p.
David Livingstone, missionnaire, voyageur et philanthrope, 1813-1873, par Rodol-
phe Reuss. Paris (Fischbacher), in-8*, 119 p., fr. 1,60.
Conférence africaine de Berlin. Reconnaissance par la Belgique de l'Association
internationale du Congo (Extrait des Annalea parlementaires belges), 10 mars
1886, în-4», 9 p.
Resposta a Sociedade antiesclavista de Londres, por J.-A. Corte Real. Lisboa
(Sociedade de geographia), 1884, in-8<', 23 p.
Afrikas Westkûste. Vom Ogowe bis zum Damara-Land, von D" .1. Falkenstein.
I. Abtheilung : Mit 17 VoUbildern nnd 64 Abbildungen. Leipzig (Freytag),
1885, in>12, 241 p., fr. 1.35.
Sficlafrika bis zum Zambesi, von D' Gustav Fritsch. I. Abtheilung : Das Land mit
seinen pflanzlichen nnd tierischen Bewohnern : Mit 50 Abbildungen und einer
Karte. Leipzig (Freytag), 1885, in-12, 233 p., fr. 1.35
Cartes dressées par L. Friederichsen et publiées par ordre du ministère des affaire^
étrangères. Hambourg (L. Friederichsen & C*", Geographisches und Nautisches
Institut), 1885 :
a. Zwischen dem Alt Kalabar Flnss und Corisco Bai (Eamerun, Biafra, Batanga^
etc.); V^soooo., fr. 2.
b. Ober-Guinea, zwischen Cap Saint-Paul und Gabon, V<oooooo., fr. 2.
c. Kûste des Herero-, Namaqua- und LUderitz^Landes, Vsoooooo, avec cartons
d'Angra Pequena, Viooooo, et des factoreries allemandes sur toute la côte
occidentale d'Afrique, fr. 1,35.
d. Central Afrika, V&oooooo, d'après les décisions de la Conférence de Berlin,
fr. 5,35.
(Voir la page suivante.)
SOMMAIRK
RUM.ETIN MEKSUKI 141
Nouvelles complémentaires 153
Les (usëments aurifères du Transvaal 15G
HlKliIOGRAPHIË : «
Les missions évangéliques, par Burckhardt et Grundemann 100
A travers le Fouta-Diallon et le Bambouc,'par Noirot 162
Life in the Soudan. Adventures among the tribes, and travels in
Egypt, by D' Williams 163
Die Deutsche Kolonie Kamerun, von D*" Reichenow 164
Les Arabes dans l'Afrique centrale, par Burdo 165
L'alliance française et l'enseignement français en Tunisie et en Tri-
politaine, par Melon 165
Les possessions espagnoles du golfe de Guinée, leur présent et leur
avenir, par Sorela 167
Les Français au Niger, par Piétri 168
SUITE DES OUVRAGES REÇUS
(Yoy. la page précédente.)
Drei Briefe an die Freunde deutschér Afrika-Forschung, colonialer Bestrebungen
und der Ausbreitung des deutschen Handels, von £d. Robert Flegel. Hamburg
(L. Friederichsen & C°), 1885, in-8% 24 p., fr. 1.
Mehr Licht im dunklen Welttheil. Betrachtungen uber die Kolonisation des tro-
pischen Afrika, von D' G.- A. Fischer. Hamburg (L. Friederichsen & C«), 1886,
in-8% 130 p., fr. 3,35.
La Conférence africaine de Berlin et l'Association internationale du Congo, par
Emile Banning, délégué à la Conférence. Bruxelles (C. Muquardt), 1885, in-8",
26 p.
Kolonialpolitik und Christenthum, von C.-G. Bûttnec Heidelberg (Cari Winter),
1885, in-8o, 47 p., fr. 1.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
n
L'AFRIQUE
KXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
niRJGâ PAR
M. eastave MOTNIBS
Mriiibrc ilo 1a Commiulon internationale de Broxelloa pour Poxploration et la ciyiliaation
de l'Afrique centrale; membre correspondant do rAoadémio d'Hippone,
et doi Sociétés de géographie de Marseille, de Nancy, do Loanda et de Porto.
RÉDIGÉ PAS
M. CharleB FAUSE
Siterôtaire-Bibliotliôeidre do la Société de géc^raphie de Genève , membre correspondant des Socîétôe
de géographie de Lisbonna, do Loanda. do Porto, de Saint-Oall et de Berne.
L Afrique parait le premier lundi de chaque lïîois, par livraisons in-8o d'au
Hioius 20 pages chacune; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que ceh
parait nécessaire.
Le prix de rabonnement annuel, payable d'avanee» est de lO ftaneSf
port compris, pour tous les pays de l'Union postale (première xone); pour les
autresj H fr. 50,
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires a
la Direction, a droit h an eompté rendn.
Adresser tout ce qui concerne la rédaetlon à M. Gnstave IHoyiiler*
8, rne de l*Ailiénée, h Genève (Snlsse).
S'adresser pour le» abonnements A rédltenr» M. H. Georg« A
Genève on A BAIe«
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
(Lhez MM. (]h. Delagrave, libraire. 15, rne Soufflot, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la (]lour, 45. rue de la Régence, à Bnixelles
DuMOLARD frères, libraires, (k)rso Vittorio Enunannele, 21. h Mil.in
F,-A. Brogkhaus, libraire, Querstr., 29, à Leipzig.
L. Friederichsen et C'«, libraires, Admiralitâtsstr, 3/4, à Ilambourjr
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne ( Autriche)
Trubnbr et C^*, libraires, Ludgate Hill, 57/59, à Londres E. G.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
AVIS. — Nous mettons à la disposition de nos nouveaux abonn^y em prix d'
13 fr. chacun^ un certain nombre d^ exemplaires complets de la IT^^ de la /l*^
et de la K"'« année. Iai P" et la IIP»* sont ^misées.
%!.
169 —
BUUETIN MENSUEL (l^juin 1886. ')
4
D'après le Bulletin de renseignements œlomaux^ îl vient de se con-
stituer, parmi les membres de la Société de géographie commerciale de
Paris, une Commission de l'Afrique du nord, pour Pétude scien-
tifique et économique de l'Algérie, de la Tunisie et aussi du Maroc et
de la Tripolitaine. Cette commission recherchera les moyens de resser-
rer l'union de la France avec l'Algérie et la Tunisie, de faciliter les
progrès et la fréquente exploration du pays. Elle réunira des renseigne-
ments scientifiques, commerciaux, industriels, administratifs, etc., et
donnera au public la plus grande facilité de les consulter et de les utili-
ser. Elle a aussi pour mission d'organiser, aux meilleures conditions
possibles, des voyages d'étude, tant dans la colonie française qu'au
Maroc et en Tripolitaine.
La Sott»-CoiD mission du canal de Suez a terminé ses travaux.
Nous ne possédons pas encore le texte officiel de ses résolutions, et nous
devons nous borner aujourd'hui à annoncer que, d'après, les journaux
quotidiens, le principe d'égalité de droits et de devoirs de toutes les puis-
sances en ce qui concerne la libre navigation dans le canal, en temps de
guerre comme en temps de paix, a été admis. Nous reviendrons sur
cette question quand les documents officiels nous seront parvenus.
M. Êloi Pino, capitaine au long cours, négociant à Ankober, qui
n se rendre pour la troisième fois au Clioa, a transmis à la Société de
géographie de Paris dont il fait partie, les renseignements suivants sur
la voie la plus courte de la côte au Choa : « D'après les informations
prises auprès des indigènes compétents, la route la plus directe est
celle qui part de Sagallo ^ rejoint le lac Assal et passe sur le territoire
de Gobab. Elle a déjà été parcourue par MM. Soleillet et Léon Chef-
neux. Ce dernier est parti le 10 mars pour le Choa par la même route.
Il faut croire que c'est celle qui est préférable, car M. Chefneux, qui a
suivi aussi la route de l'Aoussa, ne repart plus dans cette direction. Les
Dankalis qui ont loué leurs chameaux au comte Antonelli, à Assab, sont à
Sagallo, pour prendre la route que j'appellerai la route de Gobab. Une
^ Les matières comprises dans nos BuLUtins mensuels et dans les Nouvelles corn-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à TEst, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
* Voy. la carte, IV» année, p. 328.
L' AFRIQUE. — SIXIÈME ANNÉE. — N<» 6. 6
— 170 —
caravane composée d'Éthiopiens appartenant au roi Ménélik prend aussi
cette route, et enfin je vais la prendre. Utie autre cà^&Yane, celle de M.
Lorès, agent de la Compagnie Mesnier à Obock, se reud aussi de Sa
gallo au Choa par Gobât). »
L'agent consulaire français à Harrar, Zeïlah et dépendances (Afaique
orientale), a placé sous le protectorat de la France ]es territoi-
res des Gibrit-Abakors et des Gadi-Boursis, sur la demande
écrite des chefs du pays. Les débouchés de la région du Harrar et des
pays gallas sont ainsi ouverts au commerce français. Il faut espérer que
ce protectorat rendra à la route de Zeïlah à Harrar et aux pays galIas la
sécurité qui lui fait défaut depuis que les Anglais ont éloigné des villes
du Harrar les troupes égyptiennnes qui les gardaient. En effet les popu-
lations de l'intérieur, assurées de l'impunité, ne se gênaient plus pour
attaquer et piller les caravanes qui descendaient du Harrar par cette
route.
M. tfohnston, le dernier explorateur du Kilimandjaro, a pré-
senté récemment à la section coloniale de la Société des arts de Londres,
un mémoire sur les intérêts anglais dans l'Afrique orientale, spéciale-
ment dans le district du Kilimandjaro, soit dans le pays compris entre
la côte de l'Océan Indien et le Victoria-Nyanza. Après avoir décrit la
nature physique de cette région, sa flore, sa faune, ses habitants, il a
montré comment le sol et le climat sont admirablement propres à la
culture du quina, du café, du thé, du cacao, de la vanille, du riz, de la
canne à sucre, etc. Il a rappelé ses propres expériences dans la culture
des légumes d'Angleterre, et la réussite parfaite de ses pommes de
terre et de ses concombres. Puis il a cherché à persuader ses auditeurs
de l'avantage qu'il y aurait, au point de vue commercial et philanthropi-
que, à ouvrir ce pays, et indiqué les moyens qui pourraient être employés
à cet effet. Il se servirait de Zanzibarites comme porteurs, gardes et
travailleurs; les chefs de l'expédition devraient être des Anglais, jeunes
et sérieux. Les frais d'une caravane de commerce et de colonisation,
composée de 4 blancs et de 200 Zanzibarites, sont évalués par lui à
16,500 L. st. pour trois ans, soit 7500 L. st. pour la première année,
5000 L. st. pour la seconde et 4000 L.st. pour la troisième. M. Johiiston
a aussi parlé des moyens de faire disparaître la traite, et de la capacité
des indigènes d'atteindre une demi-civilisation. Supposant que les Alle-
mands sauraient profiter de cette magnifique région pour leur commerce
et leur civilisation, il n'a pas voulu que ses concitoyens pussent lui
reprocher d'avoir gardé le silence sur les divers avantages que leur
— 171 —
offre cette partie de l'Afrique, et a conclu en suggérant l'idée de la for-
mation d'une société pour créer un établissement anglais au Kiliman-
djaro, (c La seule faveur que je demande, » a-t-il dit eu terminant, « en
retour des renseignements que je viens de donner, c'est de pouvoir
présenter à cette société colonisatrice, la bannière qui devrait précéder
ses caravanes et flotter sur ses stations; ses couleurs seraient le vert, le
blanc et le bleu : le blanc, pour la neige qui couronne la cime du Kili-
mandjaro, le bleu pour les ciêux, et le vert pour les forêts de ce splen-
didepays. »
Les Mittheilungen de Gotha nous apportent des renseignements
détaillés sur le projet d'expédition du H' Fisc^ep à la recherche de
Jonker, d'Êmin-bey, de l<àpton-bey et de Casati, que nous
avons annoncé dans notre dernier numéro (p. 154). II importe beaucoup
pour le succès de cette entreprise, que le sultan Saïd Bargasch ne mette
aucun obstacle à l'expédition, qui partirait de Zanzibar d'oîi elle cher-
cherait à atteindre Lado. On peut craindre que, par suite de l'annexion
à l'Allemagne des territoires à l'ouest de Zanzibar, le sultan ne voie
qu'avec méfiance le pi-ojet des explorateurs allemands. S'il n'autorisait
pas l'enrôlement de porteurs, il ne serait pas possible de songer à péné-
trer à l'intérieur; mais on peut espérer que le D' Fischer, qui connaît à
fond les xirconstances de Zanzibar, où il a pratiqué l'art médical pen-
dant sept ans, saura triompher des difficultés qui pourront se présenter.
Afin de faire semr cette expédition au progrès de la science géogra-
phique, il se propose de suivre une nouvelle route directe de Pangani au
golfe de Speke, ce qui lui permettra d'éviter les nombreux et forts tributs
à payer dans l'Ou-Gogo. Il compte traverser l'Ou-Ganda directement,
pour atteindre le plus vite possible Lado, oîi, d'après les deniières nou-
velles qui, il est vrai, ne reposent que sur des renseignements fournis
par des Arabes, Émin-bey maintenait encore, en août 1884, l'autorité
égyptienne, et où devaient se trouver aussi en bonne santé Casati et le
D"* Juuker. Dans le cas où Kabrega, roi de l'Ou-Nyoro, refuserait le
passage, le D' Fischer a l'intention de longer la frontière orientale de
cet État, ou, en cas de nécessité absolue, de se frayer un passage les
armes à la main. Aussi importe-t-il beaucoup pour le succès de l'expédi-
tion que la caravane puisse être nombreuse et, pour cela, que les
contributions pécuniaires soient abondantes.
De nouveaux missionnaires d'A1§^ersont partis pour les stations
du Victoria-Nyanza et du Tanganyika. D'après \esMissio7is d'Afrique^
le travail des agents de la station de lEIonéona, dans le Massanzé, à
— 172 —
Toiiest du Tani;»nyika, est rendu difficile par les procédés des Ara-
bes envers les indigènes de cette région : impositions, corvées, ravages
du pays, etc. Un de ces Arabes, Mohamed-ben-Rhelfan, maître des
Wa-Ngouana, établis un peu au sud de Mlonéoua, a apporté de la côte
beaucoup de fusils et de munitions ; outre ses esclaves, il a enrôlé une
cinquantaine de Rougas-Rougas, chasseurs des bois et pillards de cara-
vanes, n veut ouvrir, au nord du lac, un nouveau chemin, pour rejoindre,
au Manyéma, Tipo-Tipo, qui est de sa parenté. Mais auparavant, il
lève le tribut chez les timides populations de TOu-Bouri et du Massanzé,
dont Sald Bargasch lui a, paratt-il, donné le gouvernement. Il a réclamé
de Foré, le chef du territoire sur lequel se trouve la station de Mlonéoua,
une défense d'ivoire, des esclaves, des vivres, etc. Pore, qui n'aime pas
à donner, laisserait plutôt piller ses gens que de livrer ce qui lui est
demandé. Mohamed ayant conduit à Oudjidji les bagages de leur der-
nière caravane, les missionnaires se proposaient d'intervenir auprès de
lui, pour le dissuader de ravager le pays environnant. Du Massanzé, les
missionnaires enverront deux des leurs chercher un emplacement favo-
rable à une nouvelle station dans les environs de Mpala, à Touest du
Tanganyika. L'étabhssement de Klbani^a prospère. Les essais de cul-
ture de riz, froment, manioc, patates, etc., réussissent, et bientôt les
missionnaires de ce poste auront de quoi faire vivre les orphelins qu'ils
ont recueillis. Et cependant leurs instruments aratoires^^ sont des plus
imparfaits ; ils n'ont que des pioches indigènes, pour défricher un terrain
dont l'exploitation réclamerait au moins dix charrues européennes. Les
missionnaires de ces différentes stations espèrent que le vapeur la Bonne
Nouvelle pourra leur faciliter les relations qu'elles doivent entretenir
les unes avec les autres.
M. Hore qui doit remonter ce vapeur envoyé pour le service des
stations des missions de Londres, est reparti de Quilimane où il était
allé chercher sa femme et son enfant, ainsi que quelques pièces qui
manquaient au bateau. M. Sin^ann, de la station de liiendui^é» où le
vapeur est en reconstruction, fait à la Chronicle ofthe London mis-
sionary Society, un triste tableau du district où se trouve la station.
C'était autrefois le plus florissant des alentours du Tanganyika ; il fut
ravagé peu avant l'arrivée des missionnaires, mais les habitants revin-
rent, se croyant en sûreté auprès de ces derniers. Ils travaiUèreut pen-
dant toute la bonne saison, bêchèrent le sol, firent leurs semailles ;
mais au moment où ils allaient pouvoir serrer leurs récoltes, survinrent
les Arabes alliés de Tipo-Tipo, et leur suite, qui enlevèrent tout le
— 173 —
fruit des labeurs des pauvres Wa-Loungou. Ils prirent des hommes pour
les réduire en esclavage avec leurs femmes et leurs familles, et cela à
la porte des missîonnaii-es. M. Swann demande si le consul général bri-
tannique à Zanzibar, sir John Kirk, ne pourrait pas empêcher Tipo-
Tipo, qu'il connaît fort bien, de continuer ses dévastations, sans cela
l'œuvre de la mission devient presque impossible.
Des lettres de Mozambique annoncent que l'expédition portu-
i:aise dirigée par le major Serpa Pinto a échoué dans sa première
tentative de pénétrer à l'intérieur. Le 14 février, il arriva avec son
escorte de Zoulous à Kisango, sur la côte, dans un état déplorable, la
saison des pluies étant survenue pendant qu'il s'avançait vers le nord.
Dix jours durant ses hommes avaient marché dans l'eau, en ayant en
certains endroits jusqu'au cou, et depuis cinq jours ils n'avaient plus
de vivres. Serpa Pinto souflFrait de la fièvre, un de ses compagnons ne
pouvait plus marcher, ses jambes et ses pieds étant couverts d'ulcères.
Après avoir visité Ibo, le chef de l'expédition est retourné à Kisango,
pour recruter 250 nouveaux porteurs. Il comptait pouvoir, au bout de
six semaines, repartir pour le pays de Medo, d'où il voulait se diriger
vers l'extrémité du Nyassa pour gagner de là le lac Bangouéolo.
Le Journal des missions évangéliqnes de Paris publie des lettres de
M. Coillapd, postérieures à celles que nous avons reçues de M. Jean-
raairet. Nous en extrayons les détails suivants, pour que nos abonnés
soient tenus au courant des progrès de l'expédition du Haut-Zam-
bèase. Le nouveau roi des Ba-Rotsé, Alcufana, est un jeune homme
qui a grandi en exil et qui a dû d'abord agir avec prudence et s'initier
aux devoirs de sa position. Dès qu'il s'est senti établi, il a pensé aux
missionnaires. Il désirait les voir, même avant les chefs du pays, dans
l'espoir de recevoir d'eux de bons conseils, pour être guidé dans l'exer-
cice du pouvoir qui lui est confié. Il envoya à Seshéké deux bandes de
messagers avec des messages plus pressants l'un que l'autre. Les chefis
de Seshéké les transmirent sans perdre de temps à M. Coillard, et trois
d'entre eux descendirent en canot au gué de Gazungula pour le cher-
cher, envoyant en même temps une vingtaine de jeunes gens pour por-
ter les bagages de l'expédition. Sur ces entrefaites. M™ Coillard prit la
fièvre, mais sa maladie n'eut pas de suites fâcheuses. Cependant la
mauvaise saison approchait; des pluies presque quotidiennes alternaient
avec un soleil ardent ; les grandes pluies qui amènent les inondations
annuelles étaient à la porte. Middleton et Aaron furent expédiés de
Leshonia avec les bagages chargés sur deux ânes. Ils devaient atten-
— 174 —
dre M. Coillard au gué de Gazuugula, et coiunûiuniquer avec les chefs
chargés de conduire rexpédition chez Akufuna, M. Coillard prévoyait
que rhabitude des marchands de prodiguer leurs présents aux chefs lui
créerait des diflBicultés. Pour se faire un bon nom et s'assurer le mono-
pole du commerce de Tivoire» ils ont multiplié leurs libéralités exti'a-
vagantes, et il faudra lutter dès le début contre ^'avidité des chefs.
A Mparira, M. Coillard trouva ceux que le nouveau roi avait envoyés
pour le chercher et qui se montrèrent pleins de considération pour lui.
Ils lui avaient apporté en présent des provisions de route, et lui four-
nirent des renseignements précieux sur l'ethnographie et sur la langue
des Ba-Rotsé. M. Coillard eut néanmoins une déception en découvrant
que les caisses et les ballots qu'il avait laissés aux soins du chef Taha-
lima, avaient été ouverts, et qu'on y avait pris beaucoup de verroterie,
de poudre, de calicot, de bonnets de laine rouges et noirs. Le voleur
s'était amusé à endosser les chemises de laine et les vêtements de fla-
nelle blanche qui se trouvaient dans une caisse ; comme il était tout
couvert d'ocre et de graisse, on peut juger de l'état dans lequel M.
Coillard les retrouva, pêle-mêle avec des médecines en flacons, du
plomb, etc-
Un correspondant de VAborigines Friend écrit que des naeetiniçs
ont eu lieu récemment à Pretoria, pour préparer l'invasion du
territoire deL«oben§^la, roi des Ma-Tébélé, par les Boers. Quinze
cents bons tireurs y seraient employés. Ils passeraient par les terri-
toires de Séchélé et de Khamé, et devraient faire, sur leur passage, des
réquisitions de vivres ou enlever des bestiaux aux natifs, ce qui amène-
rait des querelles et la guerre avec les Be-Chuana. Ne pouvant pas
s'établir dans le territoire de Montsiva que les Anglais ont pris sous
leur protectorat, les Boers se fixeraient dans le pays plus au nord, et
fermeraient ainsi aux Anglais la route vers l'intérieur. A ce propos le
journal susmentionné nous apprend que le protectorat britannique
s'étend jusqu'à Shoshong, et que les territoires de Séchélé et deKhanié
sont placés sous le pavillon anglais, ce qui obligerait les Boers à s'écar-
ter de l'itinéraire indiqué par son correspondant.
A son passage à Londres, M. Einin^aid, aux négociations duquel est
due la cession de la baie de Sainte-Liucie à l'Allemagne par Diui-
zoulou, a fourni au secrétaire de l'Aborigines Protection Society les
informations les plus précises sur cette cession. A son arrivée dans le
Zoulouland, il n'avait d'autre but que d'explorer le pays à un point de
vue scientifique, et ne songeait nullement à y établir l'influence aile-
— 175 —
mande. Ce fût à la prière de Dinl^oulou quMl se rendit à Eranyati, où
le jeune roi lui fit part de ï'appréhension que lui causaient les Boers,
qui passaient en nombre la frontière et menaçaient de prendre pos-
session de tout le pays. L'idée d'une intervention allemande pour sau-
ver le pays émane de Dinizoulou lui-même. Son père Cetywaïo lui a
parlé de l'empereur d'Allemagne et lui a fait croire qu'il pourrait
obtenir du secoui-s de ce côté-l{i. M. Einwald ayant répondu qu'il serait
impossible h l'Allemagne de protéger les Zoulous contre les Boers, si
elle n'avait acquis auparavant quelques droits dans le Zoulouland, Dini-
zoulou consentit à la cession de la baie de Sainte-Lucie, qui, dit-il, ne
lui était d'aucune utilité, et en môme temps il déclara qu'il était dis-
posé à placer son pays tout entier sous la protection de l'Allemagne.
Le Mouvement géographique a reçu une nouvelle lettre de 'Wîss-
mann, du l** décembre 1884, annonçant qu'il est heureusement anivé
à EfOuboaktMi, résidence du Ealamba Moukeng^, chef de la tribu
des Ba-Louba, par G'* lat. S. et 22^*, 15' long. E., près de la rive gauche
du Louloua, affluent de droite du Kassaï. Son avant-garde y arriva le
10 novembre, tandis que l' arrière-garde, commandée par le lieutenant
MuUer et venant de chez le Mouata Kombana, roi des Kalonda, n'y
parvînt que le 16. Moukengé lui fit un accueil chaleureux, et Wiss-
mann fonda à une journée de marche de sa résidence, sur la rive gau-
che de la Louloua, une station qui fut nommée LfOuloiiabour§^. Elle
est située sur une montagne qui domine les environs, par 5^,58' lat. S.
et par 22*^,20' long. E. Elle est entourée de vastes plantations de
manioc, présent du chef à l'expédition, et possède déjà 25 têtes de
bétail, 30 chèvres et moutons, quelques porcs, et une basse-cour de
poules et de pigeons amplement garnie. Tout le pays est très fertile ;
le riz qui a été importé et semé dans le district est largement culttvé,
et est devenu un des aliments favoris de la population indigène. Des
céréales, des légumes et des fruits de la côte ont été également semés
et prospèrent. La rivière est poissonneuse et abonde en hippopotames.
Le lieutenant Wissmann se proposait de passer trois mois àLouboukou,
afin d'y consolider la base d'opération de son expédition et de mettre
en parfait état la nouvelle station. Après cela il comptait remettre le
commandement de celle-ci au lieutenant Muller, en lui adjoignant le
mécanicien Schneider qui en a dirigé les constructions. De son côté le
D' Wolf se préparait à pousser une pointe vers le nord pour y faire la
reconnaissance du pays de Loukengo, qui s'étend entre le Kassaï et le
Sânkourou, et qui est encore -plongé dans une barbarie telle qu'à la
— 176 —
mort du père de Loukengo, 2000 personnes, ditron, furent immoles
sur sa tombe. Quant à Wissmann lui-même, son objectif principal est
la reconnaissance du Kassal jusqu'à son confluent avec le Congo. A cet
effet il a emporté avec lui un canot en acier que le mécanicien de
l'expédition remonte, tandis que )e cbfg*peiitier Buschlag achève la
construction d'un grand canot en bois. A ces deux embarcations sont
venus se joindre trois canots, présents, du chef Dsihimgengé ; c^est
avec cette flottUle qu'il descendra le cours inconnu du Kassal. Le roi
Moukengé et son premier chef l'accompagneront jusqu'au Congo avec
200 guerriers. Les sujets de Moukengé sont, comme celui-ci, disposés à
recevoir la civilisation. Leur territoire n'ayant pas été jusqu'ici visité
par les traitants de la côte, gens d'ordinaire peu scrupuleui qui ne ce^
sent de tromper les indigènes et les indisposent presque toiyours contre
les blancs, leur confiance dans les Européens est complète. Le voyage
de ce chef aux stations du Congo, ou une bonne réception lui est assu-
rée, hâtera l'introduction de la civilisation dans le centre du continent.
Nous ne connaissons .pas encore la constitution du nouvel Êtot du
Conf^o, dont le roi des Belges a été autorisé par les deux Chambres à
devenir le chef, l'union entre la Belgique et cet État étant exclusive-
ment personnelle. En revandie l'on sait que le gouvernement de ce pays
sera réparti en cinq ministères : de l'intérieur, de la guerre, du com-
merce, des finances et de la justice, dont les titulaires prendront le
titre d'administrateurs. En attendant, l'Association internationale du
Congo envoie un commissaire spécial chargé de faire le tracé de la
n&eilleupe voie pour relier Vivi à Isani^hila. Ce commissaire
sera accompagné de quatre ingénieurs. Il semble qu'on veuille cons-
truire d'abord une simple route de Vivi à Isanghila, après quoi on
passerait à l'étude du tracé d'une seconde voie, qui mettrait en commu-
nication directe Liéopoldvllle et Vivi. Pendant ce temps on fera des
essais de culture entre Vivi et la cote, r— M. Tisidel, agent diploma-
tique des États-Unis près l'Association internationale africaine, qui
avait été chargé par son gouvernement d'explorer avec soin le nouvel
État africain et de présenter un rapport à ce sujet, est rentré en Eu-
rope, après avoir visité les rives du Congo, de Banana à Léopoldville.
— Une maison belge a acheté sur le bas-Congo un terrain de grande
étendue et y a envoyé un agent, qui a expédié à,se6 chefs du minerai de
cuivre très riche, trouvé près des rives du fleuve, au-dessus de la
cataracte.
Le vapeur le Feace, ayant à bord M. Grenfell de la mission baptiste
— 177 —
de Stanley-Pool, et M. le D' Sims de la Livingstone Inland Mission, a
fait le voym^B de Léopold ville »ux cataracte» de Stanley;
ils en ont rapporté d'utiles renseignements sur quelques aiBuents du
haut fleuve, que publie le Mouvement géographique^ avec d'autres four-
nis par M. le lieutenant Coquilliat chef de la station des Baugala,
qui fit avec eux une partie de l'expédition. — La Mpaka, ajffluent de
la rive droite, vient de l'ouest, et après un cours de 160 ou 200 kilomè-
tres, elle se termine par des chutes, entre des collines d'environ 150"
de hâuteui', et se jette dans le fleuve à 15 ou 20 kilomètres en amont
de Bolobo. — M. Grenfell a remonté, sur une longueur de 200 kilom.
environ, le cours de l'Ikelemba qui rejoint le Congo un peu en amont
de l'embouchure du Rouki. Ce cours d'eau est très tortueux ; sur les
bords sont de nombreux petits villages, très éparpillés, sans grandes ag-
glomérations. Le Lioulemi^ou a d'abord une direction N.-E., puis, sous
le nom de Maringa, il draine, plus ou moins parallèlement au cours du
Congo, toute la région comprise entre le Loubilache à l'E. et le Rouki
à l'O. M. Grenfell a déterminé l'entrée du Loubilache, par 0°44' lat.
N., et Ta remonté jusqu'à l^'SS' lat. S. Le cours en est très sinueux et
le courant très violent ; il n'y a pas do cataracte. Sur la rive droite, le
même voyageur a exploré le lEboundoa-Iiiboko, qui, à son confluent
à Oubandji, a 11 kilom. de large. Il Ta remonté jusqu'à l''25' lat. N.,
et là encore, sous le nom de Liboko, cette rivière mesure plus de 3000"
de largeur. Vers 0°30', le Liboko a plus de 18" de profondeur. Sa direc-
tion est presque parallèle à celle du Congo, de sorte que le pays entre
les deux cours d'eau forme une longue et étroite presqu'île. Avec M.
Coquilhat, M. Grenfell a exploré la IV^alla, qui se jette dans le Congo
à environ deux jours de navigation, en amont de la station des Bangala.
Les voyageurs l'ont remontée jusqu'à 2° 6' lat. N. ; elle avait là 150" de
largeur et 3" à 4" de profondeur. En comparant le régime des eaux de
la Ngalla avec celui de l'Ikelemba, que M. Grenfell a reconnu jusque
près de son extrémité, il estime qu'elle mesure au plus une centaine de
kilom. —Enfin le Lioïka a été exploré jusqu'au 2°55' lat. N.; dans
son cours supérieur il fait une chute, en un endroit où la rivière a
encore 180" de largeur et 3" ou 4" de profondeur.
En même temps que, de Zanzibar, partira l'expédition du D' Fischer
pour la région du Haut-Nil, de Vienne aussi en partira une organisée
par la Société de géographie de l'empire d'Autriche ; la direction en
sera confiée au D' Oscar Lenz déjà célèbre par ses explorations à la
côte occidentale d'Afrique et par sa traversée du Sahara entre le Maroc
— 178 —
et Tombouctou. Mais tandis que le D' Fischer prendra pour base d'opé-
ration la côte orientale, le D' Lenz se rendra à l'embouchure du Congo,
qu'il remontera jusqu'aux chutes de Stanley, pour se rapprocher le plus
possible de la région qu'il compte explorer. Un de ses buts est la
recherche des gouverneurs des provinces égyptiennes équatoriales,
Émin-bey et Lupton-bey, et des explorateurs Junker et Casati, ou,
s'ils ont été victimes de l'insurrection du Mahdi, il tâchera de retrou-
ver leurs journaux de voyage, leurs papiers et leurs collections. Quant
au but scientifique de cette exploration, le D' Lenz s'attachera surtout
à étudier et à faire connaître le pays qui s'étend entre le Haut-Congo
et le HautrNil, et à déterminer la ligne de partage des eaux entre les
bassins de ces fleuves et celui de Chari. Il recherchera aussi les infor-
mations qui pourront être le plus utiles à l'industrie et au commerce de
l'Autriche. Les conditions dans lesquelles se prépare cette expédition
sont des plus favorables et permettent d'espérer un plein succès:
l'expérience de son chef, qui connaît très bien le climat de l'Afrique
équatoriale, l'appui moral du roi des Belges, aujourd'hui souverain du
nouvel État du Congo, les recommandations du président de TAssocia-
tion internationale du Congo pour sir Francis de Winton et pour tous
les'agents des stations établies le long du fleuve, engagés de la manière
la plus instante h appuyer l'expédition de toutes leurs forces. Les Socié-
tés de missions qui travaillent au Congo lui ont aussi remis des lettres
de recommandation pour leurs missionnaires dans ces parages. Le D'
Lenz espère partir le 1" juin de Hambourg, accompagné de M. 0. Bau-
mann, jeune géographe, membre de la Société de géographie devienne.
La Société de géographie de Paris a reçu dans sa dernière séance
diverses informations relatives au Congo, qui confirment les données
fournies par le Mouvement géographique. Elles nous apprennent de plus
que Savopspn»n de Brazz»' était descendu de Brazzaville à Vivi,
pour y rencontrer le P. Augouard et le colonel Francis de Winton, qui
dirige actuellement les stations de l'Association internationale. Un des
agents de celle-ci s'est adjoint aux Arabes de TipcnTipo, pour
gagner le Tanganyika et, de là, Zanzibar. Ce chef deNyangoué a main-
tenant avec lui 3000 Arabes, armés de fusils à piston, et commandés par
des chefs armés de fusils se chargeant par la culasse. Il se dit représen-
tant du sultan de Zanzibar, auquel, selon lui, appartient tout le Congo.
La quantité d'ivoire que possède encore la région du Haut-Congo,
* A la dernière heure nous apprenons que de Brazza revient en France*
— 179 —
excite la convoitise des Arabes qui, pour s'en emparer, ravagent le
pays et obligent les populations à s'enfuir devant eux.
Le 1> Ball»y a fait récemment à la Société de géographie de Paris
une communication sur son voyage de rogôoué au Congo ; nous en
extrayons le paragraphe suivant, relatif aux peuples nains de l'Afrique,
auxquels nous avons consacré un article spécial (III"* année, p. 59-63),
« Un des barrages de rochers de l'Ogôoué me força à m'airêter au pays
des Okandas, pour y attendre le retour des premières pluies et la crue
des eaux. C'est là que, pour la première fois, je pus pénétrer dans un
village de ces nains Akkas ou Okoas, dont on a tant parlé, et dont .
je n'avais vu jusque-là que des spécimens isolés . Je circulais un jour
dans la rivière, quand je remarquai, à quelques centaines de mètres,
des gens cachés derrière des rochers et surveillant nos mouvements. A ^
mesure que nous approchions, il s'enfuyaient en se dissimulant le plus
possible, et se blottissaient de nouveau derrière quelque obstacle pour
nous regardera distance. Mes guides Okandas m'apprirent que c'étaient
des Okoas qui avaient un campement dans le voisinage ; ils n'avaient
jamais vu de blanc, et venaient me regarder de loin ; mais si leur curio-
sité était grande, leur frayeur était plus grande encore, car ils ne se
laissaient pas approcher. Depuis longtemps désireux de voir ces pygmées,
j'usai en vain de tous les moyens pour arriver jusqu'à eux, en calmant
leur terreur; à la fin, un chef Okanda qui m'accompagnait réussit à
entrer en pourparlers avec eux et, malgré leurs protestations, me con-
duisit à leur campement où ils revinrent bientôt eux-mêmes ; mais je ne
pus jamais approcher aucun d'eux à moins de dix mètres. Leur campe-
ment était un ramassis de huttes basses et ouvertes de tous côtés. Des
engins de chasse : filets, lances, sagaies, les remplissaient. Des chiens et
quelques poules erraient çà et là. Le chef, un petit homme jeune encore,
portant une longue barbe, et le corps tout velu, pouvait avoir 1",40.
La coloration de sa peau était peu foncée. Les autres hommes, tous
bien conformés dans leur petite taille, avaient une stature voisine de la
sienne; les femmes paraissaient aussi grandes que les hommes. Bien
que je n'aie pu les examiner qu'à distance, l'aspect général de leur tête
m'a paru brachycéphale. Le chef me promit de venir me voir quelques
jours après, mais jamais plus je n'entendis parler de lui. Ces Okoas
vivent dans une sorte de servage à l'égard de leurs voisins plus puis-
sants qu'eux. Toujours disséminés par petits groupes, dans cette région
du moins, ils sont complètement à la merci des possesseurs du sol, qui
ne se gênent guère pour les exploiter, tout en y mettant une certaine
— 180 —
modération, ne les réduisant pas en esclavage, par exemple, à cause des
services qu'ils reçoivent d'eux. Les Okoas sont exclusivement chasseurs,
et obtiennent de leurs voisins, cultivateurs, un peu de nourriture végé-
tale en échange du gibier qu'ils leur fournissent en quantité. Ils s'instal-
lent généralement à côté d'un chef puissant qui les protège et les ran-
çonne, puis im beau jour ils disparaissent pour s'en aller dans des
contrées nouvelles, chercher de nouveau gibier et de nouveaux maîtres. »
Après le voyage à Salaga, entrepris par les missionnaires de la Société
de Bâle en vue de chercher un emplacement favorable à un sanatorium,
notre compatriote, M. Ramseyer, missionnaire à Abétifi, en a fait un
au nord du pays des Achantis, à Atéoboa, Krakyé» Boein» qui
autrefois faisaient partie des États du roi de Coumassie. D'Abétifi, il se
dirigea au nord vers l'Afram, affluent du Volta, de 20 h 25 m. de
large ; au delà s'étend une vaste steppe, et ce n'est qu'au bout de qua-
tre jours de marche que l'on atteint un petit village achanti, dont les
habitants vivent de la chasse aux antilopes, aux buffles et aux éléphants.
A partir de là, le pays devient plus peuplé. Le village que rencontrèrent
les voyageurs compte environ 2000 habitants. Plus au nord, ils traversè-
rent une plaine, où la culture des yams réussit parfaitement et fournit le
principal aliment de la population. M. Ramseyer trouva là un homme
qu'il avait connu en 1874 à Coumassie, et qui avait même été prisonnier
avec lui ; mais, pour se faire bien venir des tribus de l'intérieur, il était
devenu mahométan. Il se trouvait alors à la tête d'une ambassade de
quelques villes des environs de Coumassie qui se rendait à Krakyé sur
le Volta, pour rechercher l'appui du prêtre Dentés, qui aujourd'hui
jouit d'un grand crédit parmi les tribus de l'ancien royaume des Achan-
tis. En général, les villes et les villages qui autrefois s'appuyaient sur
Coumassie, cherchent à se fortifier d'un autre côté. Les habitants des
territoires traversés ont fait un bon accueil à M. Ramseyer. A Atéobou,
en particulier, ville de 2500 à 3000 habitants, le roi se montra très
généreux; la pompe déployée pour recevoir le voyageur indique qu'il
s'agit d'un souverain d'une toute autre importance que les petits chefs
des villes ou villages de cette région. Aussi, M. Ramseyer songe-t-il à
étendre le champ de la mission jusqu'à Atéobou. Il doit revenir en Suisse
cette année-ci pour se reposer, et nous espérons recevoir de lui directe-
ment des renseignements détaillés, soit sur son dernier voyage, soit sur
ses plans pour l'avenir.
— 181 —
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Les travaux de la voie ferrée de Batna à Biskra sont poussés de telle sorte que
Pexploitation de cette ligne pourra commencer dès le printemps de 1887. Les
études de la section de Biskra à Touggourt sont assez avancées, pour que la con-
cession puisse en être votée par les Chambres dans leur session de juillet.
Le directeur des mines de Mokta-el-Hadid s'est rendu à Tabarka, pour y ter-
miner les études relatives aux mines, au port et au chemin de fer projetés.
M. Cambon, ministre de France à Tunis, accompagné de M. Baraban, inspecteur
des forêts, a visité la région au sud 4es Chotts, afin d'étudier les mesures à prendre
pour prévenir l'envahissement par les sables de plusieurs oasis importantes.
M. Teisserenc de Bort est revenu à Gabès, de sa mission à la vallée de
PIgharghar. Nous en donnerons les détails dans notre prochain nuniéro.
Le bruit de la mort de Slatin-bey, gouverneur du Darfour avant la révolte du
Soudan, s'était répandu en Europe; mais d'après le Taghlatt devienne, des lettres
de lui à sa famille informent celle-ci qu'il est prisonnier du Mahdi.
M. Gaston Lemay, vice-consul de France à Massaoua, chargé d'une mission
spéciale auprès du roi Jean d'Abyssinie, est redescendu à la côte. Accompagné
de M. Marquet, négociant de Souakim, il a eu beaucoup à souffrir, pendant le
voyage, de la chaleur, de la mauvaise nourriture et de la fatigue, le pays étant
dépourvu de routes et très accidenté. 11 a été très bien accueilli par le négous qui
se trouvait alors dans la province de l'Amhara, au sud d'Adoua, au delà du
Taccazzé, dans les montagnes de Semien.
Le D' Paulitschke est de retour du voyage entrepris avec M. de Hardegger au
Harrar et dans les pays Gallas. Il en a fait à la Société de géographie de Vienne
on compte rendu sur lequel nous reviendrons prochainement.
D'après une dépêche du consulat allemand à Zanzibar, l'expédition allemande
de MM. Bœhm et Reichardt a été attaquée à l'ouest du lac Moèro; le premier a
été tué, le second a réussi à s'échapper et a pu atteindre Zanzibar. — D'autre
part, le sultan de Zanzibar a envoyé contre les Allemands établis dans le terri-
toire placé récemment sous le protectorat de l'Allemagne, une expédition de
300 Zanzibarites, sous les ordres du général Matthews, sujet anglais au service
de Sald Bargasch. L'escadre allemande dans les eaux de Zanzibar sera renforcée.
Le gouvernement de l'empire allemand a conclu avec la reine de Madagascar
une convention, aux termes de laquelle les sujets et citoyens des deux États jouiront
dans l'autre État, pour leurs personnes, leurs biens, le commerce et fa navigation,
et en général pour toutes choses, de tous les droits, immunités et exemptions dont
jouissent les citoyens de la nation la plus favorisée.
Les interruptions fréquentes du service télégraphique entre l'Angleterre et
l'Afrique australe, causées par la rupture du c&ble entre Mozambique et Zanzibar,
ont provoqué la réunion d'un meeting à Londres. La question de la pose d'un
câble le long de la côte occidentale d'Afrique a été examinée, mais comme aucune
— 182 —
société de capitalistes ne se chargerait de cette entreprise, sans être largement
subventionnée par le gouvernement, les négociants présents à la séance ont
demandé que lord Derby fût prié de prendre les mesures nécessaires à cet égard.
M. Beelaerts von Blackland, ministre du Transvaal, s'est rendu à Paris pour
négocier un traité de commerce entre la France et la république Sud- Africaine.
D'après une lettre d'un traitant anglais établi au Gabon, la sécurité fait corn-
plètement défaut dans cette coloûie, les nègres pratiquent impunément la piraterie
à l'égard des embarcations des factoreries anglaises et allemandes, les personne
elles-mêmes, traitants ou kroumen, ne sont pas épargnées.
Le journal de Madrid, el Imparcial, publie une lettre adressée à la Société des
Africanistes par un voyageur espagnol qui raconte qu'un vaisseau français a arboré
le drapeau tricolore sur plusieurs territoires appartenant à des Espagnols. Il
invite le gouvernement espagnol à envoyer un navire pour protéger ses nationaux.
Des sous-officiers allemands disposés à prendre un engagement pour le service
colonial à Gameroon seront envoyés dans la nouvelle colonie allemande, pour y
exercer les nègres au maniement des armes et en former un corps de police. Les
indigènes qui s'étaient révoltés il y a quelque temps ont fait leur soumission.
Nous ne pouvons pas rappeler en détail les services rendus, pendant près de
vingt-cinq ans, à la géographie de l'Afrique par le D' Nachtigal, mort le 20 avril,
en mer, entre Lagos et le cap Palmas, à l'&ge de 6Qf ans, mais nous joignons l'ex-
pression de notre sympathie aux nombreux témoignages de regrets qu'a provoqués
le décès inattendu de l'illustre explorateur.
La Chambre des pairs du Portugal a voté le projet de loi portant concession
du cÀble sous-marin qui doit reïier Lisbonne aux stations de la côte occidentale
d'Afrique. Subventionné par la France, l'Espagne et le Portugal, il ira de Lis-
bonne aux Canaries, pour se diriger de là sur le Sénégal, la Guinée, Saint-Paul de
Loanda et le cap de Bonne-Espérance.
Le Bulletin de la Société de géographie commerciale de Bardeaux annonce que
M. Bouquet de la Grye, ingénieur hydrographe, a terminé sa mission au Sénégal.
Pendant son séjour à Saint-Louis, il a étudié le cours du fleuve depuis Saint-
Louis jusqu'à l'embouchure, ainsi que la région de la barre qui en obstrue l'entrée.
Il ressort de l'examen auquel il s'est livré, qu'il est possible d'améliorer ce régime,
et de rendre l'entrée du fleuve accessible en tout temps aux navires de fort ton-
nage.
La Société africaine de Madrid a rétabli sur les rives du Rio del Oro ses ,comp-
toirs que les indigènes avaient pillés.
Le sultan du Maroc a fait à l'ambassade française un accueil très amical, et
s'est montré très sensible aux témoignages de bienveillance qui lui ont été exprimés
de la part du président de la république.
M. Donald Mackenzie, le fondateur des établissements anglais au Cap Juby,
prépare, sur ses travaux en Afrique, un ouvrage qui contiendra tous les détails de
ses opérations en vue d'amener l'eau de l'Océan dans la dépression du Sahara
occidental.
— 183 —
Le directeur de la compagnie JSastem Télégraphe de Gibraltar, a visité Tanger,
accompagné d'an ingénieur, pour étudier la question de la pose d*up câble sous-
marin entre le Marop et PËurope.
Ensuite d'une proposition de M. Fritz Robert de Vienne, l'auteur de Afrika aïs
Handelsgehiet, à la Société de géographie commerciale de Paris, cette Société a
ouvert une souscription destinée à la création d'une bourse de voyage; ce voyage
aura pour objet l'Afrique et aura un caractère spécial d'exploration commerciale.
EXPLORATION DU LIMPOPO PAR LE CAPITAINE CHADDOCK
Nous avons indiqué sommairement, d'après les Proceedijigs de la
Société de géographie de Londres, le résultat de l'expédition du com-
mandant de la Matid (voyez p. 147). L'importance» de son exploration
nous engage à y revenir, et à lui consacrer un article dont nous devons
les données au rapport du capitaine Cbaddock, publié dans le numéro
de février du Mercantile marine service association Reporter, de Liver-
pool.
Deux fois déjà le Limpopo avait été exploré, en 1868, par Vincent
Erskine, fils du gouverneur de Natal, et en 1870 par J.-F. Elton, de
l'armée des Indes, plus tard consul anglais à Mozambique. Le premier,
après avoir rejoint Mauch à Lydenbourg, se dirigea au N.-E., vers le
confluent de l'Oliphant-River et du Limpopo, dont il longea ensuite la
rive gauche jusqu'à son embouchure, rapportant l'impression que le
fleuve pouvait être navigable, et l'intention de faire une tentative pour le
remonter depuis l'Océan Indien; mais ce projet ne put être mis à exé-
cution. Quant à Elton, il se rendit à travers le Transvaal à Tati, d'où,
par la Shasha, il atteignit le Limpopo, qu'il descendit en pirogue jusqu'à
la cataracte de Tolo-Azimé; puis, du confluent du Lipaloulé avec le
Limpopo, il regagna, par terre, Lorenzo Marquez, sans rapporter d'in-
formations nouvelles sur le cours inférieur du fleuve. Les Portugais, dans
les possessions desquels coule ce dernier, ne firent rien au point de vue
de l'exploration de cette partie du Limpopo, et, en 1878 encore, d'après
VAfrican pilot, le capitaine Owen, dans le relevé de la côte, en plaçant
l'embouchure du fleuve par 25% 11', 30" lat. S., et 33°, 28' 15" long. E.,
ajoutait : « Nous n'avons pas de renseignements sur ce fleuve. »
La situation critique du commerce anglais et la nécessité de lui cher^
cher de nouveaux débouchés en Afrique, engagèrent, en 1883, la « Mer-
cantile marine service association » à envoyer un de ses membres, le jeune
et énergique capitaine G.- A. Chaddock, explorer la côte orientale
— 184 —
d'Afrique, au sud de Zanzibar. Un petit vapeur à hélice, de seize tonnes,
la Maud, de 66 pieds de long sur 10 pieds 6 pouces de large, tirant
6 pieds d'eau, fut équipé à cet effet, et quitta Liverpool le 25 septem-
bre 1883. Il s'arrêta d'abord à l'embouchure de la Rovouma, mais en
trouva les eaux trop peu profondes à la marée basse, et continua sa
route jusqu'à la baie de Fernando Veloso, un peu au nord de Mozambi-
que, dans la partie de l'Afrique la plus rapprochée de Madagascar (cap
Saint-André), où le canal de Mozambique est le plus étroit. La rivière
qui se jette dans la baie paraît être navigable jusqu'à une certaine dis-
tance à l'intérieur, et offre im refuge assuré aux barques de négriers qui
cherchent à échapper aux croiseurs. Chaddock estime que c'est un des
points où la traite s'est faite sur la plus grande échelle. L'attitude des
indigènes l'engagea à descendre plus au sud, vers la baie de Delagoa,
où il jeta l'ancre, à Port-Melville, le 14 janvier 1884. Une avarie à la
chaudière lui rendait d'ailleurs nécessaire une course à Natal pour répa-
rations, avant de s'engager dans l'exploration du Limpopo.
Ne trouvant pas prudent de conduire sous voile le steamer à Lorenzo
Marquez, il s'y rendit en canot avec deux hommes de son équipage,
pour s'informer de l'arrivée des marchandises d'échange qui avaient dû
y être amenées auparavant par un des membres de Texpédition,
M. Wylie. Il nous est impossible, vu le peu de place dont nous disposons,
de rapporter en détail les ennuis que lui suscitèrent, cinq jours durant,
les fonctionnaires portugais, agents de la douane et gouverneur : arres-
tation à Lorenzo Marquez, visite du steamer à Port-Melville, sous
prétexte qu'il pouvait renfermer de la contrebande, avec déploiement
de force armée, officiers et soldats, carabines chargées, etc. Plus tard
encore, après deux mois de séjour à Natal pour réparations, quand la
Maud revint prendre à Lorenzo Marquez ses marchandises d'échange,
l'autorité portugaise ne la laissa repartir que lorsque le capitaine Chad-
dock eut fourni une caution, comme garantie que le steamer et les
marchandises étaient réellement destinés au Limpopo, et que le vapeur
reviendrait à la baie de Delagoa, immédiatement après avoir redescendu
le Heuve, avec les produits qu'il en rapporterait. Ce procédé est d'autant
plus incompréhensible que les mai'chandises avaient payé tous les droits
d'entrée, et que le receveur des douanes dit au capitaine Chaddock, à
son départ de Lorenzo Marquez, qu'il ne pensait pas le voir revenir,
les essais faits par un vaisseau de guerre portugais ayant prouvé qu'il
n'était pas possible d'entrer dans le fleuve.
Pour assurer le succès de l'expédition, Chaddock prit toutes les pré-
— 186 —
cautions nécessaires. Il croisa plusieurs fois devant Tembouchure du
Limpopo, fit faire des sondages le plui$ près possible de celle-ci, attendit
le moment de la marée haute, puis, quand il jugea le moment favorable,
prenant son point de départ en mer, à une certaine distance de la barre,
il donna l'ordre de faire marcher le vapeur à toute vitesse et réussit à
passer de Tocéan dans le fleuve, sans obstacle. Les précautions étaient
bonnes, car le courant, dans cette partie du Limpopo est de quatre
nœuds à Theure ; un navire entraîné sur les brisants du voisinage risque-
rait de se perdre.
A mesure que la Mmid marchait, Chaddock faisait faire des sondages ;
il trouva quatre brasses et demie dans la bouche méridionale du fleuve,
un fond de sable, et en dedans de la barre, un magnifique mouillage
fonné par une longue langue de terre constituant un brise-lames
naturel pour abriter les navires contre les vents et la mer ; une centaine
de vaisseaux pourraient y stationner en sûreté. L'ouverture du canal a
un kilomètre de large. L'eau du fleuve est fraîche et potable. A droite
et à gauche le pays est formé de collines de sable couvertes d'une courte
végétation; l'une d'elles, haute de 200 pieds et visible k une assez
grande distance, fournit une indication précieuse pour reconnaître l'en-
trée du fleuve.
Du 15 au 19 avril, la Maud remonta le Limpopo sur une longueur de
130 kilomètres, ne naviguant que de jour bien entendu, puisqu'il s'agis-
sait avant tout de reconnaître le fleuve, la profondeur des eaux, les
rives, la nature de leur sol, les villages et la population. De quatre
brasses, au début de la navigation, la profondeur des eaux n'était plus
le deuxième jour que de trois brasses et demie, et le dernier jour, de
huit pieds, quantité très suflisante encore pour le steamer. Il faut noter
d'ailleurs que c'était l'époque des basses eaux. Le fleuve faisant de
nombreux méandres, il arriva quelquefois que le bateau toucha terre,
soit que la navigation se fût prolongée au delà du crépuscule, soit par
suite d'une fausse manœuvre du pilote. Mais chaque fois, il fut dégagé
en peu de temps et facilement.
Le capitaine Chaddock s'apercevant de la baisse des eaux, ne jugea
pas prudent de pousser plus avant son exploration, de peur d'être em-
pêché, au retour, de franchir la barre à l'embouchure, et de ne pouvoir
rentrer k Lorenzo Marquez avant l'expiration du terme fixé par les
autorités portugaises pour la caution qu'elles avaient exigée. Il dut,
avant de redescendre, faire dresser des huttes pour y déposer les mar-
chandises qui lui restaient et les provisions nécessaires aux gens qu'il
— 186 —
comptait laisser là, près du kraal de Manjoba, le point le plus avancé
atteint par la Matid.
Sur la plus grande partie du trajet, le fleuve est étroit et profond,
mais le pays d'alentour est bas et plat. A mesure qu'il remontait, le
bateau était accompagné par des foules d'indigènes, qui pouvaient, vu
le courant, suivre le bâtiment à la course et lutter de vitesse avec lui.
Us dansaient et poussaient des cris de joie en courant ; de temps à
autre cependant, le sifflet du bateau les faisait ressauter d'épouvante ;
alors ils s'écartaient jusqu'à une portée de fusil ; puis, voyant qu'il
n'en résultait aucun mal pour eux, ils reprenaient courage, et se rap-
prochaient afin de voir les nouveaux arrivants. Le vapeur s'arrêta aux
principaux villages, pour en voir les chefs qui tous reçurent les voya-
geurs avec étonnement et courtoisie. Les vieillards les plus âgés aflSr-
mèrent tous n'avoir jamais vu de navire dans le fleuve. La population
est très dense ; les hommes sont d'un caractère ardent, et prêts à tra-
vailler pour un salaire des plus minimes ; pour un mouchoir de poche
de deux pences, un homme fera un travail quotidien très pénible. Le
pays paraît favorable à l'agriculture et à la culture de la canne à sucre;
la végétation arborescente ne s'y rencontre guère que sur une longueur
de 20 kilomètres à partir de l'embouchure ; une épaisse ceinture de
manguiers borde le fleuve sur ses deux rives. Au delà du kraal de Man-
joba, le pays s'élève et devient très boisé.
Manjoba est la limite extrême des trafiquants indiens ou Banyans,
qui paraissent importer surtout des spiritueux ; le paiement s'en fait
en argent ou en objets de commerce aussi petits que possible, les frais
de transport excluant la possibilité d'emporter des objets d'un gros
volume. Le tabac pourrait y être cultivé, mais la culture n'en serait pas
rémunératrice à cause du coût des transports ; les trafiquants gagnent
beaucoup plus avec les peaux, le caoutchouc et la cire d'abeilles. A
l'embouchure du fleuve le caoutchouc abonde ; on pourrait employer
beaucoup de bras à le recueillir, mais les frais de transport absorbe-
raient tout le profit qu'on pourrait en tirer. Du kraal de Manjoba à la
baie de Delagoa, le port d'une charge de 25 à 30 kilog. coûte fr. 12,50.
En outre, les natifs exigent le paiement d'avance, et souvent ils décam-
pent après avoir reçu l'argent. Il faut en outre compter avec les voleurs,
ainsi qu'avec les pluies et les inondations qui parfois sont considérables.
Les risques et les frais de transport diminueraient de beaucoup, si les
communications par eau pouvaient devenir régulières.
Les indigènes affirment que le pays va en s'élevant continuellement
— 187 —
yers rintérieur et qu'il est très salubre. Us ue eonnaiasent pas d'obs-
tructions dans le fleuve qui puissent empocher la navigation en toute
saison. Toutefois, ont-iLs dit, ils peuvent, dans certaines années, pendant
la saison sèche, traverser le fleuve à gué près de Manjoba. Chaddock
doute beaucoup qu'ils le fassent jamais, le fleuve étant rempli de cro-
codiles et d'alligators ; les natifs les redoutent tdlement qu'Us n'osent
pas s'approcher de l'eau pour boire ; ils puisent l'eau dans des pots
attachés à de longues perches.
La marée se fait sentir jusqu'à Manjoba. Peu avant l'arrivée de la
Mand, le niveau avait été de huit pieds plus élevé que pendant qu'elle y
stationna, et après son départ, les gens laissés là par le capitaine Chad-
dock le virent remonter de deux pieds au-dessus du point où il était
pendant que la Maud stationnait à Manjoba.
Le 25 avril la Maud quitta le Lhnpopo, et réussit de nouveau à en
franchir la barre, quoique l'eau fût beaucoup moins haute qu'au moment
où elle était entrée dans le fleuve. La santé de l'équipage laissait à
désirer ; plusieurs des hommes avaient la fièvre, Chaddock lui-même en
était atteint, ce qui ne l'empêcha pas de se tenir sur le pont pour diri-
ger la manœuvre. L'arrivée à Lorenzo Marquez fut assombrie par le
décès d'un jeune homme de l'expédition. Le sept mai la Maud repartit
pour Natal où les autres malades recouvrèrent tous la sauté.
Quant à M. Wylie, qui avait été laissé au Limpopo avec les marchan-
dises d'échange, on apprit plus tard qu'il avait été saisi par les natifs,
sous prétexte qu'il était venu avec le steamer pour tuer les indigènes.
Ceux-ci le gardèrent un certain temps ; il réussit cependant à envoyer
un message au gouverneur de Lorenzo Marquez qui, après six jours
de délai, déclara qu'il ne pouvait rien faire, prétendant que le teni-
toire du Limpopo était en dehors de sa juridiction ; et pourtant le
capitaine Chaddock, en deux endroits du fleuve habités par une forte
population, avait vu flotter le pavillon portugais et avait rencontré des
fonctionnaires militaires portugais. M. Wylie a pu quitter Manjoba,
mais en abandonnant toutes les marchandises laissées par la Maud ; à
son retour à Lorenzo Marquez, il réclama la protection des autorités
portugaises qui refusèrent de rien faire pour qu'il rentrât en possession
des biens de l'expédition, quoique Chaddock, en entrant dans le district
du Limpopo, se fût conformé à tous les règlements et eût acquitté tous
les droits établis par le gouvernement portugais. Une exploration ulté-
rieure, dans une saison plus favorable, ne rencontrera pas, nous l'espé-
rons, les mêmes diflicultés, et permettra de reconnaître la navigabilité
— 188 —
du âeuye, au moins jusqu'au confluent de rOIiphant-KlrerS par lequel
on pourrait s'appl*ooher par eau du Nord du Transvaal, de manière à
n'avoir plus, pour atteindre ce pays, que quelques jours de marche par
terre, au lieu de trois mois de voyage en wagons attelés de seize bœuÈ.
Il est facile de comprendre les avantages qu'en retireraient les missions
de Berlin et de la Suisse romande qui ont leurs stations dans cette
région, et aussi les Sociétés minières qui exploitent les gisements auri-
fères dont nous avons parlé dans notre dernier numéro.
BIBLIOGRAPHIE
David Livingstone, missionnaire, voyageur et pMlanthrope, 1813-
1873, par Rodolphe Beuss. Paris (Fischbacher), 1885, in-8**, 119 pages,
1 fr. 50. — Cette nouvelle biographie de Livingstone a été faite d'après
les publications du voyageur lui-même, ses lettres, son journal intime,
et l'ouvrage que vient de publier, sur le même sujet, M. William ftarden
Blaikie. L'auteur, cherchant à mettre en relief l'homme et le croyant,
insiste surtout sur le côté philanthropique et religieux de cet apostolat
de trente années, de cette longue vie de privations journalières et de
sacrifices qui fut entièrement consacrée à lutter contre l'ignorance et le
mal. Nul plus que Livingstone n'a témoigné aux pauvres nègres d'afifec-
tion sincère et constante, et nul non plus n'a développé chez eux une
confiance plus entière, un attachement plus absolu. Les nombreuses
tribus du bassin du Zambèze et du Haut-Congo gardent encore le sou-
venir de celui qu'elles appelaient le « père, » « l'homme blanc qui
aimait les noirs. » Aussi son œuvre vivra-t-elle longtemps. Il a
préparé la voie aux explorateurs, qui seront toujours bien accueillis
lorsque, comme lui, ils chercheront à gagner les cœurs par la douceur
et l'affection ; c'est lui, en outre, qui a le mieux fait toucher du doigt
la plaie sanglante de la traite des esclaves, et ceux dont les efforts ten-
dent à supprimer ce honteux trafic ne font que suivre ses traces. C'est
ce caractère humanitaire imprimé par Livingstone à l'œuvre africaine
que l'ouvrage de M. Reuss fait également ressortir. Il est regrettable
qu'il ne renferme pas de carte donnant les itinéraires si nombreux du
grand voyageur.
* A 130 kilom. en amont de Manjoba; peut-être même jusqu^au confluent de la
Nuanetsi, ce qui constituerait une voie navigable de plus de 600 kilomètres.
^ On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bftle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et cwHieée,
— 189 —
Die SuDAinUËNDER NACH DEM GSO£NWJEBri;iQ£K StAKI>£ DEK EeVKTNIS,
Ton D' Philipp Puulitschke. Freiburg i. B. (Herderscbe Yerlagshand*
lung), 1885, in-8*, 311 p. avec gravures et carte, fr. 8,75. — li'immense
Soudan limité par le Sahara, les montagnes de Koug, le plateau cen-
tral et le haut massif des monts d'Abyssinie, forme une région assez
nettement circonscrite et possédant une unité géographique remarqua-
ble. Elle se divise en trois grands bassins disposés d'une manière symé-
trique : au centre, le fond de la dépression est occupé par le lac Tchad
(244""), sans écoulement vers la mer; à l'ouest, la contrée s'incline vers
le golfe de Guinée dans lequel ses eaux s'écoulent par le Niger ; à l'est
au contraire, la pente est tournée vers le nord, direction générale du
Nil. Sur toute l'étendue de cette immense zone parallèle à Téquateur,
le climat, la flore et la faune sont à peu près les mêmes, et les peuples
ont pu facilement s'étendre dans le sens des degrés de latitude ; mais
si le fond de la population, c'est-à-dire la race primitive, est à peu près
partout le même, les conquérants sont venus, à l'ouest, de l'Atlas par le
Sah^a, à l'est, de l'Arabie par le Nil ; aussi le Soudan présente-t-il une
grande diversité de peuples qui diffèrent par la race, la religion, les
mœurs et les coutumes.
Le D*^ Paulitschke, déjà si avantageusement connu par ses publica-
tions sur l'AMque, fait aujourd'hui dans un magnifique ouvrage le
tableau complet de cette vaste région. Après une vue d'ensemble de la
contrée, il traite à fond l'histoire des découvertes, depuis Hérodote, qui
nous transmet les premières notions géographiques sur le Soudan, jus-
qu'aux voyageurs contemporains tels que Nachtigal, Lenz, Flegel,
Schweinfurth, etc. Tous les explorateurs ont une place proportionnée à
l'importance de leurs découvertes, et les portraits de beaucoup d'entre
eux sont intercalés dans le texte.
La troisième section est consacrée à l'étude de la région du Niger et
à ses peuples, la quatrième, au bassin du Tchad, la cinquième, aux pays
baignés par le Haut-Nil et ses affluents occidentaux. Le lecteur voit
ainsi passer une succession de tableaux décrits d'une façon magistrale
et d'après les plus récents explorateurs ; en outre, ce livre parle aussi
bien aux yeux qu'à l'esprit, car il abonde en gravures très nettes et fort
bien choisies, reproduisant des types des races du Soudan, de sa flore,
de sa faune, des paysages tout entiers, des vues de villes, etc. Il dis-
pense pour ainsi dire d'avoir recours aux ouvrages spéciaux et de lire
les nombreux récits de voyages parus ces dernières années.
D'ailleurs pour ceux qui voudront remonter aux sources, l'auteur a
dressé un excellent répertoire bibliographique comprenant toute la lit-
— 190 —
térature soudanienne modefrne. Il ne renferme pas moins de 590 titres
d'ouvrages indiqués par ordre de dates, et de 106 titres de cartes classés
par région.
Enfin une carte du Soudan au Vnsooooo et dans laquelle les divers
États sont indiqués au moyen de couleurs différentes, accompagne le
volume. Comme elle est d'une netteté remarquable et qu'elle a été com-
plètement mise à jour, elle forme une partie importante de l'ouvrage
et constitue un de ses nombreux éléments de succès.
Dix ANNKE8 DE V0TACHS8 BANS l'AbIE CENTRALE ET l'AtBIQUE ÉQUA-
TORiALE, par le D' Potagos. Traduction de MM. Meyer, Blaneard et
Labadie, avec notes de M. Burnouf. T. 1. Paris (Fischbacher), 1885,
in-8% 416 p. et cartes. — C'est plutôt un ouvrage de géographie histo-
rique que de géographie moderne qu'a voulu faire M. Potages. Connais-
sant à fond les descriptions faites par les auteurs anciens du monde
alors connu, il a voulu les comparer avec la topographie exacte des
lieux telle que lui-même et d'autres voyageurs modernes l'ont recon-
nue. Il indique pour chaque contrée, chaque fleuve, chaque viUe, toutes
les fois que la chose est possible, le nom antique et la désignation
actuelle et, en cela, il fait preuve certainement d'une fort grande éru-
dition.
Ses voyages en Asie l'ont conduit en Perse, dans l'Â^anistan, le
Turkestan, la Mongolie, et ses explorations en Afrique (1876-77), dans
une région fort intéressante située au sud du bassin du Bah]>el*Ghazal.
Là, il a suivi un fleuve appelé Béré pai* les indigènes, et qui, d'après ses
descriptions, devrait être l'Ouellé de Schweinfurth. Or, comme ce
cours d'eau continue à couler dans la direction de l'ouest jusqu'à 2O''40'
long. E. de Paris, tandis que l'Arououimi de Stanley se jette dans le
Congo beaucoup plus à l'est, il serait vraisemblable d'admettre que
l'Ouellé n'est pas le cours supérieur de l'Arououimi comme le croit
Stanley, mais celui du Chari.
Le bulletin de la Société de géographie de Paris a, du reste, donné
le résumé des voyages du D' Potagos et l'a fait suivre d'un croquis qui
est reproduit dans l'ouvrage complet.
Outre le récit de ces explorations, le volume renferme plusieurs cha-
pitres indiquant les concordances entre les dates de l'histoire ancienne,
et d'autres traitant de questions de météorologie et de physique.
On désirerait voir dans cet ouvrage, plus d'ordre et de clarté. Les
sujets les plus divers sont traités en même temps, sans que la liaison
soit indiquée ; les affirmations, les paradoxes, se suivent et rendent
— 191 —
la lecture de ce livre fort difficile, d'autant plus que les noms propres
anciens et modernes fourmillent et qu'aucune carte complète n'est.là
pour éclairer le lecteur.
m
A MAP OV THE 60LD-C0A8T AND InLAND COUNTRIE8, BETWEEN AND
BEYOND THE Pra AND VoLTA, bj the Bascl Missionarfes, Ys„oonn« Basel
(Missions-Buchhandlung), 1885, fr. 4. — Pour se reposer des travaux
de l'évangélisatîon, les missionnaires bâlois, étudient les contrées oii ils
résident, au point de vue physique et en dressent les cartes, rendant
ainsi de réels services à la géographie. Nombreux sont les ouvrages de
géographie pure qui ont été publiés par leurs soins, et si la région de la
Côte d'Or est actuellement un des pays les mieux connus de l'Afrique
c'est à eux qu'il faut l'attribuer.
Quoique écrite en anglais, cette carte a été gravée dans les ateliers de
MM. Wurster, Randegger et C' à Winterthur. Elle est due aux tra-
vaux de MM. P. Steiner, F. Ramseyer, A. Mohr, etc., qui ont réuni
les matériaux et en ont fait la compilation. De fort belle^ dimensions,
elle ne comprend cependant, par suite de la grandeur de l'échelle, en
largeur, que l'espace limité à l'est par l'embouchure du Volta et à
l'ouest par Elmina ; en hauteur, elle s'arrête un peu au nord d'Abétifi.
Les montagnes sont indiquées en bistre, les eaux en bleu. Les degrés
sont marqués de dix en dix minutes. Toutes les localités, villes, stations
missionnaires et jusqu'aux plus petits hameaux indigènes ont leur
place. D'une grande netteté, elle est d'une consultation facile. C'est,
croyons-nous, l'une des cartes les plus complètes et les meilleures pu-
bliées jusqu'à ce jour.
Elle renferme aussi un profil < sud-nord, partant de Christiansborg et
dressé par M. Ramseyer, une petite carte générale d'Afrique , enfin la
continuation à plus petite échelle (V700000) du cours du Volta jusqu'à
Salaga..
Aî^RiKAS WestkUste. Vom Ogowe bis zum Damara-Lakd, von D' (?.
Falkenstein. I. Abtheilung : mit 17 Vollbildern und 64 Abbildungen.
Leipzig (Freitag) und Prag (Terapsky), 1885, in-12, 241 p., 1 fr. 35. —
Voici le troisième ouvrage sur l'Afrique, de la collection si intéressante
et si utile, a L'état actuel de la science, » qu'éditent MM. Freitag et
Tempsky. Les deux premiers, dus à la plume du D' Hartmann, s'occu-
paient de la région du Nil, c'est-à-dire de l'Afrique orientale; M. Fal-
kenstein a choisi la côte occidentale, vers laquelle la question du Congo
a attiré l'attention. Mais il ne décrit pas la division politique telle qu'elle
ressort des derniers arrangements. Le chapitre consacré à l'histoire des
— 192 —
découvertes, dans lequel il est fait une large part aux explorations alle-
mandes, conduit jusqu'à rétablissement des premières stations de
r Association internationale du Congo.
L'auteur examiné ensuite le climat, la géographie physique, la flore
et la faune de cette partie de la côte occidentale comprise entre
rOgôoué et la Gimbébasie, et formée de terrasses qui, du plateau cen-
tral, s'abaissent vers l'océan Atlantique, région bien limitée et consti-
tuant un tout distinct des contrées voisines. Les habitants, blancs et
noirs, leurs mœurs, leurs habitations, leur religion, leur organisation
politique sont aussi l'objet d'une étude fort intéressante.
En sonune, cet ouvrage est substantiel, instructif et doit plaire à la
jeunesse, soit par le style tout à fait à sa portée, soit par ses nombreuses
gravures : villages nègres, types d'habitants, spécimens végétaux, for-
mes animales, etc.
SûDAFRiKA BIS zuM Zambesi, vou D' Gustav Fritsch. I. Abtheilung :
Das Land mit seinen pflanzlichen und tierischen Bevrohnern : Mit 50
Abbildungen und einer Karte. Leipzig (Freytag) und Prag (Tempsky),
1885, in-12, 233 p., 1 fr. 35. — Cet ouvrage fait aussi partie de la col-
lection « L'état actuel de la science. » C'est le quatrième de U série
africaine et l'on nous en promet d'autres sur Madagascar, le Maroc, etc.
Le D' Fritsch étudie la contrée située au sud du Zambëze, c'estrà-dire
le bassin du Ngami, le Kalahari, le Transvaal, la République du fleuve
Orange, et le pays du Cap ; vaste' région dont les diverses parties diffè-
rent de nature et d'aspect puisqu'elle englobe une partie du plateau
central, les monts Nieuweveld, les plateaux appelés Earrous, et aussi,
bien le désert sans eau que le bassin du Limpopo, couvert d'une si belle
végétation.
Le sujet même comportait donc une grande variété dans la descrip-
tion, et l'auteur a su en tirer parti pour rendre intéressante et pittores-
que l'étude du relief de la nature géologique et minéralogique et du
système fluvial, sujets souvent arides et ingrats. Les chapitres qui
traitent de la végétation et de la vie animale présentent plus d'attrait,
grâce surtout aux nombreuses illustrations reproduisant des types de
plantes et d'animaux, des paysages complets qui transportent en pen-
sée le lecteur dans ces contrées lointaines.
Ce volume qui s'adresse surtout à la jeunesse par son style simple et
facile, sera suivi d'un second spécialement consacré aux populations
et à la géographie politique.
ÉCHANGES
Amsterdam.
Anvers.
Berlin.
Brème.
Bruxelles.
Berlin.
Booiétés de géographie.
CcHistantine. Hambourg. Lisbonne.
Douai. léna.
Francfort "/M. Le Caire.
Greifswald. Leipzig.
Halle. Lille.
Jjvon.
mdrid.
Manchester.
Marseille.
Montpellier. Rochefort.
Nancy. Rome.
New-York. Rouen.
Oran. Vienne.
Paris.
Sociétés de géographie oommerciale.
Bordeaux. Paris. Porto. Saint-Gall.
MiMdona.
Le Havre.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XIX™a siècle
(Neuchâtel).
Journal de TOnité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bàle).
Ëvangelisches Missions -Magazin (Bâie).
Câlwer Missions -Blatt (Calw).
Allgeineine Missions -Zeitschrift (GUters-
lob).
Glaubensbote (Bâle).
Afirica (Londres).
La Nigrizia (Vérone).
Chnrch missionary Intelligencer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionarv (New-York).
Régions beyond (Londres).
Glironicle of tbe London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of tbe Free Chnrcb of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres). /
Churcb of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of tbe united presby-
terian (iiurch (Edimbourg).
Ontral Africa (Londres).
Woman's foreign missionary Society
(Philadelphie).
Divers,
Gazette géographique et Exploration (Pa-
ris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du (jomice agricole (Médéa).
Bulletin de l'Académie d'Hippone (Bone).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris).
Revue géographique internationale (Paris).
Le Mouvement géographique (Bruxelles).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau fUr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fUr den
Orient (Vienne).
Zeitschrift fUr wissenschaftliche Geogra- ;
phie (Vienne). (
Deutsche Koloaîalzettung (Francfort s/M) .
Ghamber of Commerce Journal (Londres).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Esploratore (Milan).
(Cosmos (Turin).
Bollettino délia Societa africana d^Italia
(Naples).
Boll. délia sezione Fiorentina (Florence).
Marina e Commercio, e Giornale délie co-
lonie (Rome).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Revista de Ëstudos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant '(Constantine).
Moniteur de TAleérie (Alger).
Dr A. Petermann s Mittheilungen (Gotha)
Proceedings of tbe royal geographical
Society and monthly Record of geogra
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus (Cape-Town).
West African Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
\
SOiMMAlKK
Hlîl.LKTIN MKNSUKL 1G9
Nouvelles conipléiueiïtiiires 181
J^]XI'L0UAT1OX DU LlMPOlH) PAU LE CAPITAINE CIIADDOCK. 188
i>lHl.lO(}KAlMIIE KT CaRTOOKAPHIE :
David Livhîgstonc, par Reiiss .^ 18H
Die Sudanlânder nach dem gcgenwœrtigefi Suinde der Konntiiis,
7on D»- Philipp Paulîtschke 189
Dix années de voyages dans l'Asie centrale et PÂfriqno éqiiato-
riale, par le D' Potagos 100
A map ôf theGold-Coast and Inland conntrics, between and beyond
the Pra and Volta, by the Basel Missionaries 191
Afrikas Westktiste. Vom Ogowe bis zum Damara-Land, von D"^ G.
Falkenstein 191
Sûdafrîka bis zum Zambesi, .von D' Gustav Fritsch 192
OUVRAGES REÇUS :
Aktenstiicke betreffend die Kongo-Frage. Dem Bundesrath uud dem * Rcichstag
vorgelegt ira April 1885 (mit einer Karte von L. Friederichsen). Berlin, in-4«,
vii-60 p.
Die afrikaniscbe Konferenz und der Congostaat, von C.-A. Patzig. Heidelberg
(Cari Winter), 1885, in-12, 120 p., fr. 2,50.
Afrika. Der dunkle Krdtheil im Lichte unaerer Zeit, von A. v. Schweiger-
Lerchenfeld. Lieferungen 7-12 (Hartleben), Wien, in-8°.
Do Palerme à Tunis, par Malte, Tripoli et la côte. Notes et impressions par Paul
Melon. Paris (Pion), 1885, in-12, 216 p. et 8 gravures, fr. 3,50.
L'Acte général de la Conférence de Berlin, par J. Jooris. Bruxelles (Muquardt),
1885, in-8°, 79 p., fr. 1,50.
Marabouts et Khouan. Étude sur l'islam en Algérie, par Louis Rimi, avec une
carte indiquant la marche, la situation et l'importance des ordres religieux
musulmans. Alger (Ad. Jourdan), 1884, gr. in-8", 552 p., fr. 15.
Les chemins de fer algériens. Étude hiptorique sur la constitution du réseau. Le
classement de 1857, par Louis Hamel. Alger (Ad. Jourdan), 1885, in-8", 115 p.,
fr. 3.
Carta del 8udau orientale. Teatro délia guerra 1884-85, per il cap. M. Camperio.
'/•ioooooo. Milan (A. Brigola e C).
Nouvelle géographie universelle. La Terre et les Hommes, par Elisée Rt^clus.
T. X. L'Afrique septentrionale. Première partie : Bassin du Nil. Paris (Hachette
et C*), 1884, gr. in-8<», 639 p. avec cartes et vues.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
1^
GENÈVE
U. GEORG, LIBRAIKE-ÉDITKUE
MÊME MIIBOM 1 BILE ET A LION
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
BOUGÉ PAK
M. eustETe MOTHISB
Membre de la Commioalon internationale de Brnxolles ponr Pexploration et la cirilitalion
de TAfiriqne centrale ; membre correapondant de rAoadémio d*Hippone ,
et des Sociétés de géographie de MaraeiUei de NanojT} do Loanda et de Porto.
EÉDIOli ?AS
M. Charles FAUBS
Seorétalre-BlbUotbéoaire de la Société do géogiapbie de Gknéye , membre correspondant des Sociétie
de géographie de Lisbonne, de Loanda. do Poi'to^ do Saint-Gall et de Berne.
L'Afrique pamit le premier lundi de chaqne mois, par livraisons in-8<> d*au
moins 20 pages chacune; le texte es^ accompagné de cartes, chaqne fois que cela
paraît nécessaire.
Le prix de Tabonnement annuel, payable d'aTanee, est de 10 finmeê,
port compris, pour tous les pays de TUnion postale (première zone) ; pour les
antres, il fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif k l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit h nn compte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaetlon à INT. Gastave INTojrnler,
9, rae de l'Atliénée, ft GenèTe (Snlsse).
S'adresser poor le« abonnemeats ft l'éditeur, 91. H. George à
Genève on ft BAle.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Ch. Dei.agravb, libraire. 15, rue Soufilot, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la (lour, 45, rue de la Régence, à Bruxelles.
DoMOLARD frères, libraires. Corso Vittorio Eiumanuele^ 21. à Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querslr., 29, à Leipzig.
L. Friederichsen et O, libraires, Admiralitatsstr, 3/4, à Hambourg
Wilhelm Frigk, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autriche).
Trubner et C**, libraires, Ludgate Hill. 57/59. à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
AVIS. — Nous mettons à la disposition de nos nouveaux abonnés, au prix de
12 fr, chacun, un certain nombre d'exemplaires complets de la 11'''^, de la JT""
et delà "P"' année. La I" et la HT'»» sont épuisées.
— 193 —
BULLETIN MENSUEL (6 juillet 1885. ")
M. Teisiiereiio de Bort, secrétaire général de la Société météoro-
logique de France, chargé de continuer dans le S&h&ra algérien et
tanisiei» les travaux qu'il y avait commencés en 1883, a exploré, au
sud de Touggourt, la vallée de l'Igharghar. De Hassi-Ouled-Miloud,
visité par la mission Flatters, il s'est dirigé vers le sud-ouest, dans la
région des grandes dunes, qui se présentent comme des montagnes bor-
dant de grandes plaines, où le sol résistant est encore à nu, et dont plu-
sieurs sont encore recouvertes de petits cailloux. Passant par les puits
d'El-Aouidef, de Rhourd-Roumed et d'Oglet-Naceur-Jeretmi, il est
remonté vers Bereçof, d'où il a regagné le Nefzaoua et Gabès. Près du
puits de Rhourd-Roumed, il a trouvé la trace bien caractérisée d'un
ancien lac d'eau douce, d'un kilomètre de longueur sur 700 à 800 mètres
de largeur. Le fond de la dépression où il étaitrenferme un limon durci,
rempli de coquilles fossiles d'un âge récent. De là, jusqu'à Gabès, l'explo-
rateur a constaté la présence de l'homme, à une époque très ancienne,
par de nombreux silex taillés, pointes de flèches, girattoirs, etc., dans
presque toutes les dépressions où subsiste l'ancien sol, c'est-à-dire à peu
près partout, les dunes n'occupant que des surfaces restreintes. Entre
Touggourt et Bereçof, il a rencontré une sebka de six à huit kilomètres
d'étendue, qui était alors à sec ; mais l'eau s'y rassemble après les
grandes pluies. Elle est bordée d'une chaîne de dunes à peu près circu-
laire, au delà de laquelle se trouvent deux plaines où les vestiges de
l'habitation de l'homme sont très nombreux ; outre des silex taillés, on
y rencontre par centaines des traces de foyers indiqués par des agglo-
mérations de pierres noires autour de certains points.
La mission du colonel Landaâ, envoyée pour choisir l'emplacement le
plus favorable à la création du port de Gabès, avait à étudier en
même temps la nature du sol dans le voisinage de cette localité, pour
s'assurer de l'existence de matériaux de construction nécessaires à la
construction du port, et d'eau pour alimenter les travailleurs et les futu-
res colonies agricoles. M. Léon Dru, spécialiste en hydrologie, attaché
* Les matières comprises dans nos 3%iiU^\%s mmsMH» et dans les NouveÏÏe$ eom-
pUmentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
TAlgérie, puis allant à PEst, longeant ensuite la c6te orientale du continent et
revenant par la c6te occidentale.
L'AFRIQUE. — SIXIÈME AHWIÉE. — K« 7. 7
— 194 —
à la mission, a trouvé, à onze kilomètres de l'embouchure de TOued-
Mélah, des calcaires marbrés de très bonne qualité, dans un relief mon-
tagneux désigné sous le nom de Coudiat-Hamacimet. En outre, à 800
mètres de la rive gauche de l'Oued-Mélah, et à 1200 ou 1500 mètres de
la mer, il a fait un sondage qui promet une eau suffisante pour Talimen-
tation. A 85 mètres de profondeur, l'eau a jailli et s'est élevée à cinq
mètres au-dessus du sol ; puis à 91 mètres, le puits a déversé, h l'orifice
du trou de sonde, près de huit mètres cubes d'eau à la minute. Cette
abondance d'eau gênant les ouvriers sondeurs, le travail a dû être sus-
pendu, et il a fallu creuser des tranchées pour diriger cette source sur
l'Oued-Mélah.
Nous espérions pouvoir résumer aujourd'hui les travaux de la Com-
missioii du can&l de Suez, mais la crise ministérielle anglaise
ayant privé les délégués britanniques des instructions qui leur auraient
été nécessaires pour la discussion du dernier article du projet de traité,
la délibération finale a été ajournée. En ce moment, le ministre des
affaires étrangères fait réunir les documents de ces travaux, pour en sai-
sir les cabinets intéressés et provoquer un nouvel échange de vues. Nous
attendrons la solution de la question pour en parler en détail.
Il est difficile d'être exactement renseigné sur les faits qui se passent
au delà d'Assouan, Korosko et Wady-Halfa, les points les plus méridio-
naux de la Vallée du IWil occupés encore par les troupes anglaises.
Qu'y a-t-il de vrai dans les assertions des journaux du Caire, d'après
lesquelles le Maltdl aurait convoqué à Khartoum tous les émirs du Sou-
dan, qui auraient décidé de marcher sur Dongola et sur la Haute-
Egypte? Il serait même arrivé à Korti avec l'intention de s'emparer de
Dongola ; les chefs indigènes d'Ambukol se seraient ralliés à lui après
la retraite des troupes anglaises ; Kassala serait tombé aux mains de ses
partisans! On aurait reçu à Dongola une lettre signée de lui, dans
laquelle il déclarerait qu'il refuse de rendre les chrétiens qu'il a avec
lui, vu qu'ils ont embrassé l'islamisme et ne veulent pas se séparer de
lui, ainsi que l'attesterait une autre lettre signée par 96 prisonniers,
parmi lesquels seraient Slatin-bey et Lupton-bey ! Quelque tristes que
soient ces nouvelles, elles ne sont pas invraisemblables ; il est même très
probable que le Mahdi et ses partisans n'ont pas tardé à occuper le
champ laissé libre par la retraite des Anglais, et dans quel décourage-
ment n'ont pas dû être plongés les défenseurs de Kassala et les prison-
niers du Mahdi, en voyant se retirer ceux en qui ils saluaient en espé-
rance des libérateurs !
— 195 —
Quelque respect que nous ayons pour le colonel Messedaglia, nous
osons à peine ajouter foi |i rafl5rmatiqn contenue dans une lettre adres-
sée par lui à la Riforma de Rome, d'après laquelle Gordon serait
encore vivant. Sa conviction est basée sur le récit d'un négociant syrien,
témoin oculaire de la chute de Khartoum, qui a rapporté que ni Gor-
don, ni sa suite, ni ses habits et ses papiers n'ont été retrouvés, malgré
les recherches ordonnées par le Mahdi et qui ont duré trois mois. Le
négociant croit que Gordon a réussi à gagner Messalamieh, sur le Nil-
Bleu, et que de là il s'est dirigé vers le sud.
D'après une correspondance de Massaoua, la garnison égj'ptienne de
Senaheit, citadelle qui domine Keren et le pays des Bogos, a aban-
donné cette contrée au négous d'Abyssinie, et l'un des oflSciere de ce
dernier. Ras Aloula en a pris possession ainsi que de la forteresse. Aux
termes de la reddition, les fortifications auraient dû être conservées,
ainsi que le marché qui existe dans le pays, et les étrangers pouvaient y
demeurer et y continuer leurs plantations de tabac. Mais la peur que
les Italiens de Massaoua ne vinssent jusqu'à Keren, et ne s'en emparas-
sent, ainsi que de la forteresse de Senaheit et du territoire des Bogos, a
engagé les Abyssins à démolir de fond en comble la citadelle, les bâti-
ments du marché et les maisons des étrangers. Il n'y a eu d'épargné
que les maisons des missionnaires français. — Néanmoins M. Ferrari
envoyé en mission auprès du négous a reçu de celui-ci un très bon
accueil. L'impression défavorable causée par l'occupation italienne de
Massaoua a été promptement effacée. D'après la Correspondance poli'
tique, une seconde mission sera envoyée de Rome au négous, pour lui
remettre une nouvelle lettre autographe du roi d'Italie ainsi que des
cadeaux d'un grand prix.
Le D' PiMilitschke a fait à la Société de géographie de Vienne un
rapport sur l'exploration entreprise avec le D' Kammel %on Har-
*«««;«■• au Haprap et dans la partie septentrionale du pays des Gai-
las^ malgré des circonstances en apparence dangereuses, elle a pu
s'exécuter sans résultat fâcheux. De Harrar les voyageurs ont visité les
lacs Timti, labata, Hai'amaja et Adelé, et fait une reconnaissance par
Argobba et Bulassa, dans le territoire des Annias-Gallas, jusqu'aux
grandes ruines de Bia-Woraba, par &"* 10' lat. nord, qui remontent à
l'époque du royaume des Adals. Ils ont rapporté de riches collections
d'ethnographie et d'histoire naturelle.
M. Caspapi, ingénieur hydrographe a rendu compte à la Société de
géographie de Paris, de la mission dont il a été chargé au Golfe de
— 196 —
Tad^oara. Le protectorat de la France s'éteud sur toute la côte nord
de ce golfe jusqu'au Bahr-Assal, situé dans Touest du Ghubbet-Khorab
oii Ton exploite le sel qui se dépose naturellement et en grande abon-
dance. C'est une région très pittoresque de hautes montagnes volcani*
ques. Les Danakils qui la peuplent sont noirs> mais diffèrent beaucoup
des nègres et se rapprochent des Soudaniens et des Arabes. Ils sont
mahométans et nomades ; leur civilisation est peu avancée. — Le port
d'Obock, sans être très spacieux, est sûr et d'un accès très facile. Uk
dépôt de charbon et des maisons y ont été établis par la Compagnie de
navigation Mesnier ; c'est une station qui constitue un point de ravitail-
lement très bien placé ; elle sujSit pour approvisionner en vivres et en
charbon les navires français qui vont dans l'extrême Orient. Il est ques-
tion de créer un service poiâital entre Obook et Aden, en coïnci-
dence avec le passage des paquebots de la ligne de l'Indo-Chine, et de
relier Oboek à. Pépim par un câble télégraphique. Les autres postes
français du golfe de Tadjoura, Sagallo en particulier, ne sont que des
têtes de ligne de caravane : la nature du sol, le peu de salubrité du cli-
mat et le peu de goût de la population pour les travaux agricoles oppo-
sent de sérieuses difficultés à un établissement colonial véritable.
Le sultan deZanzibar a chai^gé un ingénieur français, M. G. An^elvy^
d'explorer les n^Bementa hooillers qu'on supposait exister sur les
bords de la Rienda» affluent de la Rovouma. Parti de Lindy, sur la
rive gauche de l'Ukeredjié, avec cinquante Zanzibarites et un certain
nombre de pagazzis, il remonta, en mai 1884, la rivière en canot ; mais
déjà à une vingtaine de kilomètres en amont de l'embouchure, ce cours
d'eau, large de 800" et d'une pi!ofondeur de 5 à 6 brasses à Lindj\
devient un mince filet d'eau de deux brasses de largeur et d'un demi-
pied de profondeur; les sources, dans la plaine Yao, en étaient à sec.
Cette plaine est parsemée d'éminences rocheuses qui atteignent, à
Masasi, jusqu'à 900" d'altitude, et qui paraissent être la tête de filon»
cuivreux ; sur presque toutes, M, Angelvy a recueilli des fragments de
malachite. L'examen du sol du ba3sin de la Rovouma semble indiquer
l'existence de gisements de fer considérables. Au confluent de la Rienda
et de la Rovouma, cette dernière rivière est très large, mais coupée par
un grand nombre de blocs de rochers qui fonnent autant d'Iles ; ses
sables renferment une forte proportion de fer. Les bords de la Rienda
sont parsemés de fragments de houille. Après 46 jours de marche,
l'explorateur atteignit le premier affleurement de charboa qui looge le
bord de la rivière ; il fit organiser les fouilles, et suivit la Ugne d'afflea*
— 197 --
Tement sur une longueur de 60 kilom. jusqu^à Tchipoupouta, où elle
traverse la Rienda. D'après les échantillons pris à quelques décimètres
4iu-dessous du sol, qui ont subi les influences de Tair et de l'eau, la qua-
lité du charbon est excellente. Le seul regret à avoir, c'est qu'un gise-
ment aussi important se trouve à 290 kilom. de la côte, d'autant plus
qu'il existe des minerais de fer carbonate à quelques centaines de mètres
du gisement de houille. M. Angelvy aurait voulu continuer l'exploration
de cette région si riche au point de vue minéralogique, mais il dut reve-
nir à Zanzibar. Il suivit la rive gauche de la Rovouma ; le versant nord
de la vallée est parsemé de nombreux blocs de syénite, dont les couleurs
variées donnent au paysage un aspect pittoresque que rehausse encore
la végétation luxuriante des bords de la rivière.
Après avoir placé sous le protectorat anglais les territoires des tribus
be-chuana de Goshen et du Stellaland, à l'ouest du Transvaal, le général
Warren a encore établi ce protectorat sur le pays des BA-lHaiiir^ivato
de Sboshon^. D'après le Cape Argus, le chef Khama, a proposé
d'en réserver une partie pour lui et son peuple, et d'en mettre le reste
à la disposition du gouvernement britannique pour les colons anglais.
Son territoire dépasse de beaucoup le 22°, qu'on prétendait lui assigner
comme limite ; il s'étend jusqu'au Zambèze, et Khama demande que
cette frontière lui soit reconnue. Il a insisté aussi pour que l'autorité
anglaise maintienne la loi prohibitive contre les liqueurs fortes, et
accepte celle qui interdit la vente du sol ba-mangwato. L'établissement
du protectorat britannique sur ce territoire a dû être annoncé au roi
des Ma-Tébélé, Lo Bengula, qui se proposait d'ouvrir des hostilités
contre les tribus du voisinage du lac Ngami, dans le pays de Khama.
Le steamer Peace, de la mission baptiste du Congo, ayant à bord
M. Orenfell et le IK Sims» a fait une nouvelle reconnaissance du
Haut-Congo et de ses affluents. Parmi ceux-ci l'Ikelemba, qui rejoint
le grand fleuve, <sur la rive gauche, près de l'Equateur, a été remonté
sur la plus grande partie de son cours, de 200 à 250 kilom. L'Itim-
blrl, affluent de droite, a été exploré jusqu'à 2° 55' lat. nord, où son
cours est barré par les chutes de Loubi, et la Mang^ala, également
tributaire de droite du Congo, a été reconnue jusqu'à 2° 6' lat. nord où
elle a 150" de large et 3 à 4" de profondeur, ce qui permet de supposer
qu'elle n'a pas plus d'une centaine de kilom. de longueur. L'exploration
la plus importante du Peace dans ce voyage a été celle de la Liboko
nommée aussi Oubanf^» affluent septentrional, dont l'embouchure dans
le Congo est par 0** 28' lat. sud. Disons d'abord que M. Grenfell a rec-
— 198 —
tifié la direction du Congo lui-même, dans la partie de son cours entre
Bangala et TÉquateur ; le coude qu'il forme en cet endroit est beaucoup
moins accentué que ne l'indiquent les cartes. Dans sa première descente
du Congo, Stanley avait entendu parler de la grande rivière Oubangi,
réputée par les indigènes comme le plus important affluent de cette
région. Sans avoir pu l'explorer depuis 1879, il avait cependant cru
pouvoir déclarer, devant la commission technique de la Conférence afri-
caine de Berlin, que ce cours d'eau très considérable prenait sa source k
une grande distance au nord, près de celles du Chari. Le premier, le
capitaine Hanssens, accompagné du lieutenant Van Gèle, y pénétra en
1883, reconnut la grande agglomération de villages connue sous le nom
d'Oubangi, et assura, par traité, de vastes territoires à l'Association,
près de ce centre populeux, un des marchés les plus importants de cette
partie du continent. Après lui, le Peace a remonté deux fois l'Oubangi,
qui, à son confluent, mesui*e onze kilomètres de large. Dans un premier
voyage, M. Grenfell s'avança jusqu'à 1** 25' lat. nord, à 175 kilom. de
l'embouchure, en un endroit où l'affluent avait encore 3000" de largeur;
à 53 kilom. du confluent il mesurait 18" de profondeur. Il venait du
N.-E., dans une direction parallèle k celle du Congo, de sorte que le
pays entre les deux cours d'eau forme une presqu'île longue et étroite.
A l'époque des hautes eaux, plusieurs canaux les font communiquer. La
seconde fois le Peace a remonté l'Oubangi sur un parcours d'environ
540 kilom. jusqu'à 4° 30' lat. nord. La rivière avait en cet endi-oit 600"
de largeur et 6" de profondeur, quoiqu'on fût à la fin de janvier et que
les eaux baissassent depuis près de deux mois. Sur les renseignements
fournis par M. Grenfell, M. Wauters, rédacteur en chef du Mouve-
ment géographique de Bruxelles, a basé une hypothèse nouvelle, d'après
laquelle l'Ouellé ne serait plus le cours supérieur de l'Arououimi comme
le croit Stanley, non plus que celui du Chari comme le pensent Schweîn-
furth, Junker et Casati, mais celui de l'Oubangi. Procédant par élimi-
nation, M. Wauters cherche àdémontrer qu'au point de vue de l'époque
des crues et du volume d'eau, il n'est pas possible que le Chari, qui
acquiert son maximum de hauteur en septembre et octobre, et dont le
débit n'est que de 730 mètres cubes par seconde à l'époque oU les eaux
atteignent leur niveau le plus bas, ait pour source l'Ouellé dont le
maximum de cime arrive à la fin d^octobre, et dont le débit au moment
de l'étiage n'est que de 300 mètres cubes. Des motifs analogues ne lui
Pjermettent pasd'admettre l'hypothèse de rOuellé^-Arououimi de Stanley»
que semble d'ailleurs ébranler le dessin de la carte qui accompagne le.
— 199 —
nouvel ouvrage du célèbre explorateur ; en eflfet, d'après cette carte, le
cours de TOuellé est à peu près direct d'est en ouest, ce qui, vu les indi-
cations précises de Junker et de Potages ne permet pas d'établir de
liaison entre l'Arououimi et l'Ouellé. Disons cependant que, malgré
cette direction d'est en ouest indiquée dans sa carte, Stanley pense tou-
jours que rOuellé et l'Arououimi sont une seule et même rivière. Nous
n'avons pas encore eu sous les yeux le rapport de M. Grenfell qui,
selon M. Wauters, incline à rattacher l'Ouellé à l'Itimbiri, affluent dont
l'embouchure dans le Congo se trouve passablement à l'ouest de celle
de l'Arououimi ; mais M. Wauters ne peut accepter cette hypothèse,
l'Itimbiri ne débitant, à l'époque du maximum de crue, que 630 mètres
cubes. Resterait l'hypothèse de M» Wauters d'après laquelle l'Ouellé,
après avoir reçu ses nombreux affluents connus, le Bomokandi, le
M'bomo, le Genko, le Foro, etc., suivant presque paraUèlement le mou-
vement de la courbe du Congo, s'infléchirait doucement vers le S.-O. en
recueillant les eaux d'un vaste bassin délimité par ]a ligne de partage
des eaux du Chari, du Bénoué et du Mayo, et dont Flegel a signalé
quelques rivières^ le Bali, le Donasala, le Nana, le Kouandé, etc. En
aval, et réglant toujours son cours sur celui du Congo, l'Ouellé pren-
drait le nom de Liboko, recevrait de l'ouest la Licona, découverte dans
sa partie supérieure par de Brazza, et après un parcours de 2000 kilom.,
déverserait la masse de ses eaux dans le Congo, près du village d'Oubangi,
sous 0" 28' lat. sud, par une embouchure de onze kiloihètres de largeur
et de 20" de profondeur. Pour appuyer son hypothèse, M. Wauters en
appelle à la configuration du terrain de cette partie de l'Afrique, telle
qu'on peut se la représenter à grands traits d'après les ouvrages de
Baker et de Schweinfurth, et les indications fournies par le D' Junker
et M. Grenfell; au volume et à la crue des eaux, ainsi qu'aux renseigne-
ments donnés par les indigènes, qui signalent l'existence de lacs ou de
grandes eaux au nord du Congo, sur la ligne que devrait suivre l'Ouellé
pour rejoindre l'Oubangi. Si cette hypothèse était fondée, ce qu'une
exploration ultérieure pourra seule permettre de constater, la voie navi-
gable offerte par ce grand affluent du Congo, fournirait la facilité de
pénétrer avec des bateaux à vapeur jusqu'au pays des Mombouttous et
des Niams-Niams, aux limités du bassin du Bahr-el-Ghazal ; les vapeui-s
pourraient remonter de la station (fe l'équateur jusqu'à l'endroit oU
Schweinfurth salua l'Ouellé pour la première fois. Comme c'est à
Schweinfurth lui-même que M. Wauters a soumis en premier cette
hypothèse, nous attendrons, pour émettre notre avis, que cet expert, qui
— 200 —
le premier a rattaché TOuellé au Chari, ait examiné la question nou-
velle posée par M. Wauters. Il est plus compétent que nous pour juger
si l'hypothèse du savant géographe de Bruxelles résout mieux que la
sienne les diflacultés du problème de l'Ouellé.
Deux expéditions ont été organisées h Bruxelles en vue d'étudier le
meilleur tracé pour un chemia de fer le long du Bas-Ckini^o. Deux
projets sont 'en présence. D'après le premier, la voie ferrée serait frac-
tionnée en deux tronçons, réunissant Vivi à Isanghila, et Manyanga à
Léopoldville ; ces deux tronçons seraient reliés par un service de bateaux
à faible tirant d'eau, enti'e Isanghila et Manyanga. L'autre projet suit
entièrement la rive gauche depuis un point à déterminer, en amont de
Noki, jusqu'au Stanley-Pool. Il aurait sur le premier l'avantage que les
transports s'opéreraient sans rompre charge à Isanghila et à Manyanga;
en outre il traverse des plateaux beaucoup moins ravinés que ceux de
la rive septentrionale, très fertiles et extrêmement peuplés. La première
expédition, dirigée par M. le lieutenant Van de Velde, ancien chef de
Vivi, s'est embarquée à Rotterdam le 31 mai. La seconde, commandée
par M. le capitaine Zbomski, partira vraisemblablement au commence-
ment de juillet.
Le bruit s'étant répandu que des bandes d'Arabes auraient attaqué
les stations de l'Association internationale sur le Haat-Conno,
M. Wauters a exposé, dans le Moiwement géographique, les faits qui se
sont passés à la' station de Stanley-Falls, et qui ont donné lieu à la
rumeur susmentionnée. Voici les renseignements que lui a fournis à cet
égard M. Van Gèle, naguère encore chef de cette station et actuelle-
ment en Europe. Un certain nombre d'esclaves nègres, guidés pai*
quelques Arabes, obéissant au puissant Tipo-Tipo, gouverneur de
Nyangoué, ont détruit plusieurs villages indigènes, situés en dehors de
l'action des établissements de l'Association, mais ils n'ont nullement
attaqué ceux-ci. Dans une entrevue que Tipo-Tipo a eue avec M. Van
Gèle, il a donné à celui-ci l'assm^ance que ses intentions étaient entière-
ment pacifiques; que si ses lieutenants avaient détruit quelques
bourgades nègres, c'était en contrevenant à ses ordres, et parce que les
indigènes avaient refusé de leur vendre des vivres. Il prondt de rappeler
tous ses sous-chefs dans le Manyéma, et s'engagea à faire respecter par
ses hommes la vie et les propriétés des indigènes habitant les territoires
de l'Association. Il a témoigné le désir d'entamer avec les natifs des
relations commerciales régulières, et a prié M. Van Grêle d'intervenir
auprès des populations pour les rassurer sur les intentions des Arabes et
— 201 —
les engager à entrer en relation avec eux, M. Van Gèle ayant appris
que Tipo-Tipo se préparait à envoyer une caravane dans la région où se
trouvent Junker et Gasati, a remis au chef arabe une lettre pour les
explorateurs européens, afin de les informer des bonnes intentions de
l'Association du Congo à leur égard Bt des secours qui les attendent
dans ses stations.
Nous avons aononcé (p. 155) le départ d'Amérique d'une troupe de
50 mis9ionnaiF«»8, hommes et femmes, pour le Con§^o. M. Paul
Châtelain, de la Ferrière (Jura bernois), qui a un frère parmi ces mis-
sionnaires, nous a donné sur cette expédition des renseignements que
nous jugeons utile de faire connaître à nos lecteurs. Elle est indépen-
dante de toute société de missions et se trouve sous la direction
de l'évêque méthodiste Williajn Taylor, secondé par le D' Summ^^.
Celui-ci, avec M. Châtelain, précéda quelque peu le gros de l'expédi-
tion à Loanda; a Vaut l'arrivée de l'évêque dans cette ville, une station
fut établie à Mayemba, où M. Taylor laissa cinq de ses hommes. Dès
les premiers joui*s du séjour à Loanda, de fortes pluies survinrent,
les maladies ne tardèrent pas à se déclarer, très graves pour quelques-
uns; l'un même y succomba. Néanmoins les préparatifs se firent pour
avancer dans l'intérieur. Le D' Summers fit une excursion jusqu'à
Malangé, par Ambaca, avec retour par Pungo-N'longo. Aux dernières
nouvelles (12 mai), des pionniers allaient faire une reconnaissance dans
cette direction, tandis qu'un quaker, le D' Johnson, membre de l'expé-
dition, se disposait à partir pour Mossamédès où il comptait s'établir.
Le gouvernement français a chargé le D* Baliay et le lieutenant de
vaisseau Rouvier de se rendre au Congo, pour reconnaître sur place
les établissements cédés par l'Association internationale
à la France. Avant leur départ les deux commissaires se sont rendus
à Bruxelles, où ils ont été présentés au roi Léopold, qui a réglé d'avance,
avec le directeur de l'État libre du Congo, les points sur lesquels
MM. Rouvier et Baliay auront à s'entendre avec les commissaires de
l'État du Congo, ainsi que ceux qui sont restés en suspens relativement
aux firontières, après la Conférence de Berlin. Une fois l'entente établie
entre les commissaires français et ceux qu'aura désignés le Comité de
Bruxelles, les agents des stations cédées par l'Association à la France,
les r^nettront au commandant supérieur des établissements français du
golfe de Guinée, M. le capitaine de frégate Pradier, qui en prendra
possession, en même temps qu'il prendra la direction de celles qui ont
été créées sur l'Ogôoué et l'Alima par la mission de l'ouest africain.
— 202 —
Au Gabon, MM. Bouvier et BaUay toucheront à Libreville; puis ils se
rendront dans la baie de Loango, d'oii leur caravane se mettra eu
route pour visiter toutes les stations du Niari-Quillou, jusqu^à
Manyanga. De ce point, la mission se dirigera sur Brazzaville, en lon-
geant les cataractes de Livingstone jusqu^au Stanley-Pool ; elle suivra
ensuite le Congo jusqu'au confluent de TAlima, qu'elle remontera jus-
qu'au point où commence la route qui relie cette rivière à rOgôoué. La
durée de la mission sera de cinq à six mois.
D'après une lettre d'un officier à bord du Bismarck^ au Cameroon,
ramiral Knorr, commandant de l'escadre allemande, au golfe de
Guinée, a été quelque temps prisonnier des indigènes. Il avait formé le
projet de contracter une alliance avec les natifs du haut Cameroon,
mais il fut pris par des nègres Abo, qui ne le relâchèrent que lorsque
ses hommes eurent pris des mesures sévères de représailles. Dès lors il
résolut d'interrompre tout commerce avec les nègres Abo, qui occupent
les rives du Yabang; il envoya un. petit steamer de la maillon Wœrmann,
avec une vingtaine d'hommes, mouiller au confluent du Yabang et du
Cameroon, et établir une sorte de blocus. Mais au bout de peu de temps
il fallut remplacer l'équipage du steamer, tous les hommes souffrant de
la fièvre. Une petite expédition fut faite sur le Yabang et aboutit à la
prise de quelques canots ; quelques nègres furent tués.
Un accord est intervenu entre l'Ans^leterre et l' Allemagne,
relativement à la sphère d'action des deux puissances dans le §^lte de
Gainée. L'Angleterre a reconnu à l'Allemagne la partie de ce golfe
qui ^s'étend entre les rivières Bio-del-Rey et Vieux-Calabar. L'Alle-
magne s'est engagée à ne pas faire d'acquisitions, à ne pas accepter de
protectorat et à ne pas s'opposer à l'extension de l'influence anglaise
dans la partie du golfe située entre la rive droite du Rio-del-Rey et la
colonie britannique de Lagos. Chacune des deux puissances a retiré les
protectorats déjà établis dans les limites assignées à l'autre partie con-
tractante.
La Gazette officielle a publié une notification du ministre français des
affaires étrangères, énumérant les districts du Nlf^er placés sou
le protectorat annulais. Ces districts embrassent les territoires
situés sur la ligne de la côte comprise entre le protectorat anglais de
Lagos et la rive occidentale de Vembouchure du Rio-del-Rey; puis les
territoires situés sur les deux riv^ du Bénoué, de son confluent jusqu'à
Ibi.
La llffne ferrée de Dakar A Salnt-IiOnls a été terminée
— 203 —
le 12 mai ; elle traverse le Cayor, qui produit en abondance des graines
oléagineuses qu'on exporte à Marseille, Bordeaux et Dunkerque. Jus-
<iu'îci ces graines étaient apportées au port d'embarquement par de
nombreuses caravanes de Maures, mais au fur et à mesure de la cons-
truction de la ligne, les comptoirs se sont établis aux stations, et des
villes nouvelles se sont fondées à Thiès, Tivaouanne et N'Dandé, sous
la protection de la France. Partout s'est développé un commerce telle-
ment actif que, dès le début, la ligne a eu les plus grandes peines à
faire face au trafic qu'elle créait. Actuellement, on voit tout le long de
la ligne les noirs se mettre à défricher les broussailles pour cultiver
les arachides. L'année prochaine, la production et le trafic auront
vraisemblablement doublé.
Le roi du Djolof qui, en 1883, avait rompu les liens d'amitié
unissant ses États avec la colonie du Sénégal, et dont les actes de bri-
gandage désolaient le Djolof et les pays avoisinants, en même temps
qu'ils entravaient le commerce, a signé avec le gouvernement du Séné-
gal une convention destinée à régler les relations qui devront exister
^ntre les deux pays. Il a placé son pays sous la suzeraineté et le pro-
tectoriit de la France, et s'est engagé à ne pas tolérer sur son
territoire des individus qui s'y réfugieraient pour nuire à la sécurité de
Saint-Louis, du Cayor et du Baol. Il a promis de ne gêner en rien la
liberté commerciale, de ne jamais intercepter les communications,
d'user de son autorité pour protéger te commerce, de favoriser l'arri-
vage des produits et des troupeaux, et de développer les cultures de son
pays. Dans le cas oîi le gouvernement français voudrait relier une des
stations du chemin de fer de Dakar Sàînt-Louis, à Bakel, par une ligne
qui traverserait le Djolof, le roi donnerait toutes les facilités possibles
pour la construction de cet embranchement ; en particulier, il fournirait
des travailleurs pour creuser des puits sur le parcours de cette ligne.
Gomme gage de ses bonnes intentions, le roi du Djolof s'est engagé
à confier son fils aîné au gouvernement français, pour que celui-ci lui fasse
donner à Saint-Louis une instruction suffisante et une éducation qui lui
permette un jour de régner avec sagesse sur le Djolof.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Des études sérieuses se poursuivent entre Sétif et Bougie, par le ChÀbet-el-
Âklira et par le Dra-el-Arba, pour rétablissement d'un chemin de fer à voie
étroite.
WP^
— 204 —
Le cardinal Manning a publié, dans les Tablettes^de Londres un appel en faTeur
de la création d'une Association du Nil, analogue à celle qui a préparé l'établisse-
ment du nouvel État du Congo. < Une pareille association serait, » dit-il, « un
monument consacré au souvenir de Gordon, car si le Haut-Nil pouvait être ouvert
à l'industrie et au commerce légitime, la traite des esclaves mourrait de sa belle
mort. »
Un service postal hebdomadaire a été inauguré le 12 juin entre l'Italie, Mas-
saoua, Âssab et Aden.>
L'expédition de MM.-F.-L. et W.-D. James pour l'exploration du pays desSoma-
lis, n'a pu exécuter pleinement son projet de se rendre de Berbera à Magadoxo.
Elle a cependant réussi à atteindre Barri, sur le Webbi, à 640 kilom. de Berbera,
à travers une partie du plateau non encore explorée par des Européens. Barri est
à 320 kilom. de Magadoxo.
Une souscription publique a été ouverte à Stuttgardt, en faveur de l'expédition
allemande que le D' Fischer doit entreprendre, pour tâcher de pénétrer jusqu'aux
anciennes provinces égyptiennes équatoriales, où sont encore, nous l'espérons,
Emin-bey, le D"^ Junker et Casati.
Un télégramme de Zanzibar annonce que l'empire allemand a conclu, avec les
chefs indigènes de Yitou, province située au nord des États de Saïd-Bargasch, nn
arrangement qui lui confère le protectorat sur cette région.
Par suite de difficultés survenues entre les membres de l'expédition italienne,
le capitaine Ceccbi a dû entreprendre seul avec M. Cenni l'exploration du Djouba
inférieur. Le Barberigo, sur lequel ils s'étaient embarqués, est heureasement
arrivé à Zanzibar.
M. Hornicke, chef d'une expédition allemande à la côte orientale d'Afrique,
s'est mis en route, de Zanzibar pour l'intérieur, le 11 mai, avec 160 porteurs indi-
gènes et des provisions pour cinq mois.
Le sultan de Zanzibar a conclu des traités de commerce avec l'Italie et la Bel-
gique. — D'autre part, il a élevé des prétentions sur les territoires récemment
placés sous le protectorat de l'empire allemand, et y a même envoyé des troupes.
Une escadre allemande s'est rendue dans les eaux de Zanzibar.
Le ministère français de la marine a conclu, avec la Compagnie des Messageries
maritimes, un traité pour la création d'un service postal mensuel qui desservira la
Réunion, Tamatave, Yohémar, Diego-Suarez, Nossi-Bé, Majunga, Mayotte, Mozam-
bique et Zanzibar.
Le vapeur, le Charles Janson^ destiné à la Mission des universités, sur la c6te
orientale du lac Nykssa, a été transporté, par parties démontées, au delà des
rapides du Chiré, et va être reconstruit sur le haut fleuve.
• M. Frédéric Bordas, naturaliste, estf chargé, par le gouvernement français, d'une
mission zoologique aux Comores.
Le président de la république du Transvaal a protesté contre la prise de pos-
session, par l'autorité britannique, de la baie de Sainte-Lucie, qu'il réclame pour
— 205 —
la nouvelle république du Zoulouland, et qu'il déclare port libre pour toutes les
nations, sans exception aucune.
D'après un Blué Boclk qui vient de paraître, l'Allemagne a retiré sa protestation
contre la prise de possession de Sainte-Lucie par les Anglais. Elle s'abstiendra de
faire des acquisitions territoriales ou d'établir des protectorats sur la côte entre
Natal et la baie de Delagoa.
M. Jacques de Morgan, ingénieur civil des mines, est chargé d'une mission géo-
logique et minéralogique dans l'État libre de l'Orange, le Transvaal, le Zoulou-
land et la colonie de Natal.
Le Tr€tn8va4xl Advertiser annonce que, dans la prochaine session du Volksraad,
une concession sera demandée pour la construction d'un chemin de fer entre Pré-
toria et Kimberley.
Le comte d'Oksza a passé avec le gouvernement de Lisbonne un contrat pour la
pose d'un câble sous-marin, qui relierait le Portugal avec les possessions euro-
péennes de la côte occidentale d'Afrique jusqu'au Cap de Bonne-Espérance. Le
comte d'Oksza est actuellement en pourparlers avec les gouvernements espagnol,
français, allemand et anglais, pour faire profiter leurs colonies respectives des
avantages qu'offrira cette nouvelle ligne de communications rapides.
Notre compatriote, M. Max de Pourtalès, depuis près d'un an au service de
l'Association internationale du Congo, a été nommé chef de la station de Vivi.
A l'exemple de la Société des missions de Bâle, celle de l'Allemagne du nord,
'dont le siège est à Brème, a adressé au prince de Bismark une pétition pour
demander que l'Allemagne s'efforce d'obtenir, par voie diplomatique, que l'impor-
tation des spiritueux dans les territoires du Congo et du Niger soit restreinte par
un impôt, et la vente, par un droit de patente élevé ; une demande analogue vise
spécialement les territoires placés récemment sûus le protectorat de l'empire
allemand.
L'expédition autrichienne placée sous la direction du D' Lenz, et chargée de
chercher à porter secours aux Européens bloqués dans la province du Bahr-el-
Ghazal, a dû s'embarquer le 30 juin à Hambourg. Elle tâchera de gagner la
région de l'Ouellé, soit par la vallée de l'Oubangi, soit par celles de l'Itimbiri ou
de l'Arououimi.
La mission italienne d'exploration commerciale du Congo, dont le départ avait
été ajourné, se mettra prochainement en route sous les ordres du capitaine Bove,
un des compagnons de voyage de Nordenskiôld.
La Chambre des députés de Lisbonne a adopté l'Acte général de la Conférence
de Berlin, et la convention avec l'Association internationale. Le gouvernement a
présenté un projet de loi relatif à l'organisation du nouveau district du Congo, qui
restera sous l'autorité du gouverneur général de la province d'Angola. La rési-
dence dn sous-gonverneur sera à Cabinda.
Le roi de Bonny (bouches du Niger), Oko-Jumbo, est venu faire visite à la
reine d'Angleterre, sous le protectorat de laquelle son royaume a été placé.
La souscription ouverte par la Société coloniale allemande en vue de l'établis-
— 206 —
tement de stations sur le haat Bénooé, ayant produit des sommes asses considé-
rables, il a été décidé de procéder sans retard à l'exécution de ce projet
Le protectorat de la France a été^ établi sur les territoires des deux Popos, le
Grand et le Petit Popo, à la c6te des Esclaves. Ce protectorat relère du comman-
dant dQ Eotonou, placé lui-même sous les ordres du commandant supérieur des
établissements français du golfe de Guinée, résidant à Libreville.
Le D' Fisch, envoyé par la Société des Missions de 6&Ie, aux stations de la
Côte d'Or, comme médecin missionnaire, est arrivé à sa destination, et a reçu des
indigènes un accueil très cordial.
L'ambassade française a reçu du sultan du Maroc un très bon accueil à Mequi-
nez; on peut espérer un règlement satisfaisant des questions pendantes entre les
deux pays. D'autre part, l'envoi d'une ambassade marocaine, arrivée récemment
en France, témoigne du désir du sultan d'entretenir des rapports de bon voisinage
avec le gouvernement français.
DE L'EMPLOI DES OUVRIERS EUROPÉENS DANS L'AFRIQUE TROPICALE
D'après le D^ Fischkr.
L'activité déployée par les gouvernements européens pour étendre
leurs possessions en Afrique, et l'œuvre importante accomplie par la
Conférence africaine de Berlin, pourraient entraîner de nombreux émi-
grants vers les parties de ce continent ouvertes à la liberté de commerce
et d'établissement. Il ne manqua pas de publications qui croient hâter
les progrès de la civilisation en préconisant la création de colonies, aux-
quelles elles promettent un travail aussi facile et aussi rémunérateur
que celui de la mère-patrie. Maîa^. comme la première condition est de
vivre, il importe de savoir si le travailleur européen peut supporter le
climat des régions vers lesquelles les émigrants pourraient être tentés
de se rendre, quelle influence il peut avoir à subir à cet égard, et quel-
les précautions il doit prendre pour obvier aux inconvénients résultant
de la situation et de la nature du pays. Sous ce rapport, nous avons
trouvé de précieuses indications dans un mémoire présenté par M. le
D' Fischer au récent Congrès des géographes allemands à Hambourg,
et nous nous faisons un devoir d'en extraire ce qui nous paraît le plu&
utile en môme temps que le plus intéressant pour nos abonnés.
L'autorité du D' Fischer en <m matières est incontestée. Dq>ui8 de
longues années médecin à Zanribar^ il a fait, à l'intérieur, plusieurs
explorations qui lui ont fourni Toecasion d'étudier la climatologie ^ la
zone côtière aussi bien que celle du plateau central ; c'est d'après ses
207 —
observations personnelles, en même t^nps que d'après celles des explo-
rateurs les plus sérieux, qu'il résout la question de la possibilité d'em*
ployer en Afrique des ouvriers européens.
D'une manière générale, le D' Fischer ne croit pas que l'ouvrier
européen puisse s'acclimater aisément dans l'Aâîque tropicale, parce
que, plus il y reste longtemps, moins il demeure capable de résister
aux influences funestes du climat ; il devient anémique et se voit forcé
de chercher de nouveau un climat plus tempéré. D'ailleurs, à supposer
qu'il pût passer toute sa vie dans cette région, ses enfants, pour ne pas
d^énérer, cl^vraient passer leur jeunesse en Europe. Quand il s'agit
d'émigration et d'acclimatation, il faut avant tout que les descendants,
qui naîtront et qui grandiront dans des conditions et sous des influences
toutes différentes, ne soient pas, pour les qualités physiques et morales,
au-dessous de leurs parents. Or, à cet égard, on a remarqué que les
générations qui ne se retrempent pas dans le climat de l'Europe dégé-
nèrent ; les Portugais, par exempjiei^ui cependant s'accommodent le
mieux du climat des tropiques, voient, par un séjour prolongé dans les
colonies africaines, diminuer la force physique de leurs descendants.
C'est surtout la région des côtes qui exerce sur les Européens une
influence fatale, aussi les négociants ne peuvent-ils y séjourner que peu
de temps, et paient-ils un fort tribut au climat. Ce sont donc les pla-
teaux soi-disant frais et fertiles, qui attirent l'attention des émigrants;
on les engage instamment à aller f'^ fonder des colonies agricoles ;
Stanley a même annoncé publiquement qu'il pouvait indiquer des empla-
cements très salubres pour l'émigration allemande. Mais l'expérience
acquise par le D' Fischer, dans ses voyages sur le plateau central, à une
altitude de près de 2000 mètres, ne lui permet pas de croire à la possi-
bilité, pour les ouvriers d'Europe, de se livrer à la culture du sol dans
l'Afrique centrale avec espoir de succès.
Comparés aux districts de la côte où régnent une température acca-
blante et des miasmes délétères, les platisaux offrent, il va sans dire, à
l'Européen, un séjour moins chaud et moins insalubre ; mais ce serait une
erreur de croire que les meilleures conditions climatologiques à l'inté-
rieur dépendent partout de l'altitude ; ceci n'est vrai que dans une cer-
taine mesure et à une hauteur consid^able. Dans un pays où la limite
des neiges ne commence qu'à 5000 mètres, et où il n'y a point d'hiver
au sens propre de ce mot, une altitude de 500 mètres et même de 1000
mètres en plus ou en moins n'a pas une grande importance.
Quant à la température, le D" Fischer a pu constater, dans son der-
— 208 —
nier voyage au pays des Masaï, que la région où se produit un change-
ment sensible dans la température, la végétation et le régime des
pluies, ne commence qu'à 1400 mètres. Même à une hauteur de 1900
mètres, près du lac Naïwasha ', dans la saison froide, le thermomètre
ne descendit pas au-dessous de 9"* pendant la nuit, le plus souvent il mar-
qua, de nuit, 18° ou 14** ; de jour, en mai et juin, par un temps pluvieux,
23** au maximum. Dans toute la partie de l'Afrique centrale dont on s'oc-
cupe le plus aujourd'hui on ne rencontre nulle part cette altitude. Les
plateaux de 1000 mètres dépassent déjà la hauteur de la zone centrale
tropicale ; les chutes de Stanley ne sont qu'à 410 mètres d'altitude. Ce
n'est pas tant l'élévation du plateau qui en abaisse la température
moyenne, que le rayonnement considérable pendant la nuit. Dès qu'on
a quitté la côte oti, vu son climat maritime, la différence de tempéra-
ture entre le jour et la nuit est très peu sensible, le thermomètre des-
cend pehdant la nuit à 20** et même à 15**, dans la partie orientale du
continent, sans qu'il soit nécessaire de s'élever à \me altitude bien forte.
De jour, la température de l'intérieur est de très peu inférieure à celle
de la côte. A Roubaga, au bord du Victoria-Nyanza, à 1300 mètres, la
chaleur la plus forte, de jour, dans tous les mois de l'année, s'élève à
30° ; à Zanzibar elle est de 32° ; mais, de nuit, elle descend à Roubaga,
à 15° et même à 13°, tandis qu'à Zanzibar, ce n'est que dans les jours
de pluie les plus froids qu'elle descend, de nuit, à 22°. D'ailleurs il ne
faut pas trop généraliser les conditions de température du plateau cen-
tral. Les diverses parties de cette zone présentent des diJQférences con-
sidérables, qui dépendent du relief, des fleuves, des montagnes et d'au-
tres causes encore.
Les endroits ouverts, comme Roubaga, subissent de nuit un rayonne-
ment plus fort que ceux qui sont situés dans des vallées étroites, ou le
long des rives boisées d'un fleuve. Au Congo, la températui-e ne des-
cend pas bien bas pendant la nuit ; autant qu'on peut en juger, d'après
les observations faites jusqu'ici , la température moyenne est de 24° à
25°, tandis qu'à Roubaga elle est de 21°,4, et à Zanzibar, de 27°.
Pour l'ouvrier européen, c'est tout autre chose d'exécuter son tra-
vail ordinaire dans un climat comme le nôtre, avec une température
moyenne de 11°,5, ou dans une atmosphère de 23°,5, comme l'indique
Stanley pour le Congo. Sous les tropiques, le soleil monte rapidement
au-dessus de l'horizon et sa chaleur augmente très vite, aussi la tempe-
*
' Voir la carte p. 64 ; Thomson indique 2000 mètres pour l'altitude du lac.
— 209 —
rature doit-elle être étouflfante pour le travailleur. En Europe, les nuits
firaîcbes lui procurent un sommeil réparateur; il n'en est pas de même
sur le plateau central africain. L'agriculteur européen peut supporter
ce changement un certain temps, mais il s'aperçoit bientôt que sa santé
eu souffre ; les fonctions du cœur deviennent beaucoup plus actives, le
mouvement musculaire exige plus d'efforts, la respiration est plus
courte, le pouls bat avec plus de violence, le teint se colore d'un rouge
foncé, l'hypertrophie du cœur peut se déclarer.
Quant aux maladies qu'engendrent d'ordinaire les miasmes de la
région côtière, l'altitude des territoires du plateau central n'en exempte
pas leurs habitants d'une manière absolue. La condition qui peut le«
rendre les plus favorables aux Européens est la sécheresse de beaucoup
d'entre eux. Là oîi elle n'existe pas, comme le long de la plupart des
fleuves, dans beaucoup de dépressions marécageuses, le climat peut leur
être très nuisible. C'est le cas pour les alentours de Stanley-Pool, pour
la plus grande partie du cours du Congo, mais surtout pour les bassins
des lacs Bangouéolo et Moero, ainsi que pour celui duLoualaba.il en est
(le même, dans l'Afrique orientale, pour le territoire au pied du Kili-
mandjaro, oïl se trouvent Taveta, le lac Jipé,Teïta,etpourles alentours
des marais de Makouta dans l'Ou^Sagara.
Le D' Fischer fut atteint, au lac Naïwasha, d'une fièvre bilieuse qui
ne le cédait en rien aux fièvres de la côte. Beaucoup de ses porteui*s
tombèrent également malades, tandis que leur santé avait été excel-
lente pendant tout le temps où ils avaient traversé la steppe sèche. Si
l'Afrique orientale passe pour plus salubre que la partie occidentale du
continent, cela tient essentiellement à ce qu'elle est moins humide et
reçoit moins de pluie. Depuis qu'il pleut moins à Zanzibar, les condi-
tions sanitaires se sont améliorées.
Le D' Fischer croit pouvoir affirmer que dans toute l'Afrique tropi-
cale et voisine des tropiques, les territoires salubres sont stériles, et les
territoires fertiles, insalubres. « Dans le Sahara, » dit-il, « et dans le Lûde-
ritzland, il n'y a point de fièvre, mais la végétation y est pauvre ; dans
les districts montagneux du Zanguebar, on rencontre un terrain fertile,
mais les Européens ne pourraient pas y vivre ; même dans le Dama-
raland, en général salubre, se trouvent .des dépressions dans lesquelles,
d'après le témoignage du missionnaire Bttttner, la fièvre, engendrée par
l'humidité qui y règne, enlève des fajnilles entières. » On pourrait, au
moyen du drainage, faire de l'île de Zanzibar tout entière un séjour très
salubre, mais on détruirait du même coup la culture du riz qui nourrit
— 210 —
\me grande partie des habitants. L'agriculteur recherche naturellement
les districts humides, fertiles ; il doit souvent s'établir dans des vallées
chaudes, malsaines, parce que,:dans TAfrique cent)*ale, ce n'est que là
que se rencontrent les conditions nécessaires à la réussite des produits
du sol ; il n'aurait rien à attendre sur les plateaux secs et dans les
savanes. En outre, si, à l'époque de la saison des pluieç, le voyageur,
et en général l'Européen vivant sous les tropiques, se ménagent et cher-
chent un séjour aussi sec que possible, l'agriculteur doit travailler ses
terres, justement alors qu'il est le plus exposé aux influences pernicieu-
ses des miasmes qui se développent avec le plus d'intensité presque
partout à cette époque. On coimatt l'influence morbide de la mise en
culture de terrains humides contenant des produits végétaux en décom-
position. La plupart des Chinois importés en Sénégambie par les Fran-
çais ont été victimes du cUrnat^
Que des voyageurs soient restés à l'intérieur un certain temps sans
souffrir de la fièvre, le D' Fischer, ne le conteste pas. Mais les agents de
l'Association internationale vivent dans des stations plus ou moins bien
installées, sur les emplacements les plus salubres, ils peuvent prendre
les précautions nécessaires et ne cultivent pas le sol eux-mêmes. Ils sont
approvisionnés d'Europe le mieux possible, et ne manquent d'aucune
des choses auxquelles les Européens sont accoutumés. Pour Touvrier
des champs, il ne pourrait en être question, il n'en aurait pas le moyen;
avant d'avoir fait quelques épargnes, il deviendrait faible et malade.
D'ailleurs, combien de temps les agents susmentionnés passent-ils au
Congo ? Leurs contrats sont conclus pour trois ans, au bout desquels ils
sont rappelés en Europe pour jf.recouvrer de nouvelles forces dans un
climat meilleur, et retrouver les douceurs de la civilisation dont ils ont
été privés pendant trois ans. Quant à l'ouvrier européen, à supposer
qu'il pût supporter le climat aMcain pendant cinq ans sans que sa santé
en souffrît, qui lui procurera les ressources suffisantes pour revenir
passer une année ou dix-huit mois en Europe, afin d'y recouvrer les
forces nécessaires à son travail en Afrique pour une nouvelle période de
cinq ans ? D'ailleurs l'émigration comprend des familles ; qui leur four-
nira les moyens nécessaires pour laisser les enfants en Europe afin qu'ils
y acquièrent la force physique et morale dont ils auront besoin là-bas ?
Il en est des Européens comme 4e. nos plantes indigènes, qui ne s'accli-
matent jamais dans les régions chaudes ; malgré les soins les plus minu-
tieux, elles y végètent et dégénèrent. ^,
En admettant même que l'ouvrier européen pût faire produire au soi
— 211 ^
de l'Afrique ce dont il aurait besoin, en travaillant beaucoup moins
longtemps chaque jour qu'il ne doit le faire en Europe, il ne faut pas
perdre de vue qu'il rencontrerait à l'intérieur du continent d'autres
difficultés que celles auxquelles il est accoutumé, et beaucoup d'enne-
mis, du règne animal, qui lui rendraient très pénible la culture des pro-
duits indigènes. S'il ne travaille pas plus de six heures par jour,
de quoi s'occupera-t-il le reste du temps ? Le loisir le perdra ; quand il
aura travaillé trois heures le matin, il sera fatigué, se reposera et se
mettra à boire. Il faut remplacer par un breuvage abondant la déperdi*
tion d'eau qui se produit par la transpiration, chez l'Européen en géné-
ral, et chez l'ouvrier en particulier. Mais avec le préjugé qu'ont d'ordir
naire contre l'eau les Européens, vivant sous les tropiques, l'agriculteur
croira devoir, pour conserver sa santé, verser une goutte d'eau-de-vie
dans son eau, quoique cela ne rende pas salubre une eau qui serait mal-
saine. Il commencera par une goutte, mais bientôt le verre contiendra
plus d'eau-de-vie que d'eau. L'homme, ditron, a besoin, dans ce climat»
d'un fortifiant et d'un excitant, si non il s'affaiblit ; mais avec ce prin-
cipe on succombe au climat. Sous les tropiques, rien n'est plus propre à
miner la santé, dit le D' Fischer, que l'abus des boissons alcooliques, et
nulle part l'Européen n'y est plus enclin que dans les régions tropicales.
Quelle que soit la profession qu'il exerce, il a beaucoup de loisir; l'hommo
cultivé peut s'occuper d'une manière intellectuelle, et a plus de force
pour résister à la tentation ; le négociant sait qu'au bout de peu de
tejnps il pourra revenir en Europe, et qu'après avoir fait fortune il
n'aura plus besoin de retourner sous ce climat brûlant ; l'explorateur»
qui poursuit un but scientifique s'efforce d'éviter tout ce qui pourrait
lui nuire; à l'ouvrier, il nç reste que l'eau-de-vie, et l'on ne peut
douter qu'une forte proportion d'ouvriers ne succombent à l'abus des
boissons alcooliques.
Quant aux colonies de mineurs dont il a été question, à l'occasion de
l'acquisition, par M. Lttderitz, des vastes territoires placés aujourd'hui
sous le protectorat allemand, de l'embouchure du fleuve Orange au cap
Frio, on estime généralement qu'elles seraient préférables à des colo-
nies agricoles, qui pourraient faire concurrence à l'élève du bétail ou à
l'agriculture indigène. Toutefois le D' Fischer est d'avis que l'expérience
faite dans les mines des possessions portugaises, avec des ouvriers eui*o-
péens, se produira dans le LûderitÉland, et qu'ici aussi les ouvriers
seront en grande partie des indigènes.
En général les principes morbides trouvent moins facilement accès»
— 212 —
ou se développent moins rapidement, dans un coi-ps sain et vigoureux que
dans un corps faible et itoaladif; mais ce principe n'est vrai que dans
une certaine mesure et pour certaines maladies infectieuses, et quant à
la malaria, il n'a pas d'importance ; le D' Fischer a souvent fait l'expé-
rience du contraire. Tous les explorateurs savent que des marches for-
cées préviennent la fièvre, mais que l'on en est atteint dès qu'on s'arrête
quelque part pour se reposer. D'un autre côté, on peut, sans éti^ malade,
chasser l'hippopotame pendant des semaines dans des vallées malsaines,
et quand on en sort, ou peut compter qu'au sixième jour on sera pris
d'un fort accès de fièvre. Néanmoins une activité musculaire régulière,
accompagnée d'une abondante transpiration, et une alimentatiou forte,
«ont un des moyens les meilleurs d'entretenir la santé. Il est très rare
que l'eau occasionne la fièvre, a J'ai fait souvent usage, » dit le D' Fis-
cher, « d'eau de toutes sortes et de localités très diiférentes : étangs,
i*uisseaux, fleuves, flaques d'eau de pluie, sans en contracter la fièvre.
Je n'ai jamais pu constater sur d'autres que l'eau fût la cause de la
fièvre. Il n'en est pas de même pour la dysenterie. Les indigènes savent
très bien distinguer l'eau mauvaise et nuisible de celle qui est potable.
On éprouve d'abord une certaine appréhension ; maiis lorsque, après une
forte marche et une transpiration abondante, on arrive à un endroit oii
il y a de l'eau, et que l'on voit le nègre boire avec délices, on ne songe
pas au filtre, et l'on déguste avec avidité le précieux liquide, de quelque
nature qu'il soit. »
C'est surtout l'air qu'on respire qui contient les germes morbides, et
très souvent l'air des salles dans lesquelles on vit. Il faut remarquer en
outre, que dans quantité de cas, les foyers d'infection sont des localités
assez restreintes; le négociant, le fonctionnaire, le propriétaire de plan-
tations, comme le voyageur, doivent les éviter autant que possible.
Au point de vue sanitaire, l'île de Zanzibar a une très mauvaise répu-
tation ; naguère les compagnies d'assurances refusaient d'assurer ceux
qui s'y rendaient. Mais il faut distinguer entre la ville et la campagne.
La ville offre aujourd'hui aux Eui'opéens un séjour aussi favorable
qu'aucune autre ville des régions tropicales dans des conditions analo-
gues. Les négociants n'habitent que la ville ; aucun d'eux ne s'est établi
dans une autre partie de l'île ou de la côte. Les Européens souffrent
relativement moins de la fièvre que les indigènes, par la raison qu'ils
ont des habitations sèches, propres, vastes, bien aérées ; ce à quoi ils
doivent surtout prendre garde sous les tropiques, c'est à posséder une
demeure, et tout particulièrement une chambre à coucher, salubre. Les
— 213 —
huttes que Ton avait, au début, préparées au Stanley-Pool pour les Euro-
péens, construites de blocs de rochers recouverts de terre, devaient
être, dans la saison des pluies, extrêmement insalubres. A la côte orien-
tale, les habitations sales, humides et obscures des Indiens, mériteraient
le nom de cavernes, et sont un foyer de miasmes .des plus pernicieux.
Même dans les demeures spacieuses des Indiens de haute volée, riches^
règne une odeur particulière qui répugne à l'Européen; on peut la
comparer à celle du vieux linge ou d'une chambre d'enfants. La fièvre
y trouve les conditions favorables à sou développement. Les pei*sonnes
qui dorment dans ces demeures sont régulièrement atteintes d'accès de
fièvre, elles prennent force doses de quinine, sans succès ; mais dès
•qu'elles changent de chambre à coucher, la fièvre les quitte.
Quoique pendant les premières années de son séjour dans l'île, le
D' Fischer passât chaque jour plusieurs heures sur les plantations, ou
à la chasse au bord des marécages, il n'y a jamais pris la fièvre. Plus
tard, dans sa pratique médicale auprès des Européens qui soufi'raient
de la fièvre, il aurait pu indiquer le foyer d'infection où ils l'avaient
prise. La première fois qu'il en fut atteint, ce fut après avoir couché
une nuit dans une hutte d'argile humide; auparavant il avait passé
deux mois et demi à Zanzibar, et sept mois dans les villes de la côte les
plus diverses, sans être malade. Il a constaté, sur lui-même et sur d'au-
tres personnes, qu'il suffit d'une demi-heure passée dans certains lieux,
pour prendrela fièvre. Les organismes inférieurs quiproduisent la malaria,
nesont pas attachés au sol uniquement; ils sontrépandus partout, lèvent
les met en circulation ; cependant il faut encore certaines circonstances
particulières pour les rendre dangereux. Pendant la saison sèche, cer-
taines régions sont si salubres qu'on peut dormir sur le sol, sans aucune
conséquence fâcheuse. En revanche, pendant la saison des pluies, oii
les germes se développent partout, sur les hauts plateaux de l'intérieur,
comme à la côte, on est plus ou moins exposé, même dans les territoires
réputés salubres. Des fièvres malignes régnent autour des lacs du haut
plateau ; les forêts de bambous y sont tout particulièrement dangereuses,
les caravanes y perdent de nombreux portexirs. Les conditions du déve-
loppement des germes sont un certain degré de chaleur, d'humidité, la
stagnation de l'air ; elles se rencontr,ent dans une quantité de petites
maisons, mal aérées, dans les tentes humides des voyageurs, dans cer-
taines parties des villes, par exemple dans les ruelles malpropres, à
l'embouchure des .rivières, dans les forêts de leurs bords, dans des val-
lées étroites et humides, dans des dépressions marécageuses, etc. Aussi
— 214 —
longtemps que les Européens des établissements de Stanlej-Pool séjour-
nent dans une station bien située, ils conservent d'ordinaire une bonne
santé, mais s'ils doivent aller chasser dans la forêt viei^e ou sur Teau,
ils prennent la fièvre. Les cas de maladie sont les plus nombreux quand
le soleil et les averses alternent et que régnent les cahnes. Les épidé-
mies qui naissent et se développent surtout dans les huttes d'argile
des indigènes, se produisent généralement lorsque, après de fortes pluies
prolongées, les habitations, tout imbibées d'eau, sèchent de nouveau.
Certains districts de l'intérieur de l'tle de Zanzibar et de la côte sont
très dangereux, surtout quand on y passe la nuit. Burton parle d'un
ceftain nombre de matelots qui, pour chercher de l'eau d'une petite
rivière, s'y rendirent en canot, dormirent une nuit dans leur embarca-
tion, prirent la fièvre et en moururent tous. Les fièvres que l'on prend
dans les dépressions où règne une végétation luxuriante sont d'ordinaii-e
violentes et pernicieuses. De tous les Européens qui vont chasser, ne
fût-ce que quelques jours, dans les vallées du Kingani ou du Wami, pas
un seul ne demeure indemne.
Il n'est pas nécessaire que l'humidité qui développe les organismes
fébrigèfles soit bien forte. Par une pluie abondante l'air est déjà telle-
ment saturé de vapeur d'eau, que cette humidité suffit pour créer un
foyer d'infection. Il semble parfois impossible qu'il puisse y avoir infec-
tion dans une chambre à coucher qui, au premier abord, ne fait point
l'effet d'être insalubre. Mais oa, s'en aperçoit bien vite quand on fait
toucher le malade dans une autre chambre. La pièce souvent très vaste
qui, dans nombre de maisons arabes de Zanzibar, habitées par des
Européens, est attenante à la cuisine, donne souvent naissance k des
miasmes, parce qu'on y verse les eaux de la cuisine. Les cuisiniers
portugais qui y passent la nuit ne se débarrassent jamais de la fièvre.
Dans chacune des parties fertiles de l'Afrique tropicale, haute ou
basse, on trouve quantité de localités dans lesquelles l'Européen tombe-
rait infailliblement malade s'il s'y rendait comme simple voyageur, ou
pour y habiter et en cultiver le sol. Les missionnaii'es français qui
demeurent dans les montagnes de l'Ou-Sagara et de i'Ou-Sigoua, ont
plus à souffrir de la fièvre que ceux qui sont établis dans la ville de
Zanzibar; ils descendent de leurs hauteurs, soi-disant fraîches et salu-
bres, à Zanzibar, pour restaurer leur santé. Tous les bassins des rivières,
particulièrement ceux du Loufidji, du Kingani et du Wami, ont aussi,
dans leiir partie supérieure, de nombreuses localités très dangereuses
pour la santé des Européen^.
— 215 —
Plus le foyer d'infection est grand, plus il y a de probabilité pour que
ceux qui en sont rapprochés soient atteints. Cependant le danger d'être
infecté par le vent qui amène les germes n'est pas grand ; sans cela il
faudrait qu'à certaines époques oti le vent souffle de l'intérieur de l'tle
de Zanzibar vers la ville, tous les habitants, surtout les Européens,
fussent malades. Cependant l'état sanitaire est généralement alors plus
favorable.
Ce sont surtout les épidémies à bord des vaisseaux, observées par le
ly Fischer, à Zanzibar, qui lui ont fait comprendre que ce n'est pas le
vent qui apporte directement la maladie, ni le sol seul qui développe les
germes, mais que, bien souvent, ce sont les habitations des hommes qui
fournissent les foyers d'infection. Une vieille frégate anglaise, faisant le
service de croiseur, était à l'ancre à im kilomètre du bord ; chaque année
des épidémies de fièvre maligne s'y déclaraient, alors que dans la ville
la fièvre n'était pas plus forte qu'à l'ordinaire. Souvent le tiers de
l'équipage, qui dépassait 200 hommes, était frappé. Une année où les
cas de maladie étaient spécialement nombreux et violents, le navire fut
mis à l'ancre dans un autre endroit, parce qu'on croyait que le vent
venant de l'île apportait de terre les germes délétères. Ce changement
ne produisit aucun eflfet. On crut alors que l'équipage avait pris la fièvre
à terre pendant un congé, quoique dans la ville comme au dehors,
Européens et indigènes ne fussent pas plus malades qu'à l'ordinaire. On
se convainquit que l'opinion du D' Fischer était fondée, en remarquant
que les épidémies éclataient pendant les fortes pluies, alors que les fenê-
tres du navire devaient rester fermées. Les parois de bois des chambres
à coucher étaient comme couvertes de gouttelettes de rosée ; la ventila-
tion était insuffisante; c'était dans les dortoirs de l'équipage que les
malades étaient les plus nombreux, mais il y en avait aussi dans les
cabines des officiers.
De toutes les observations présentées par le D' Fischer, ressortent
pour les négociants, les colons et les voyageurs, des indications prati-
ques qu'il a résumées à la fin de son mémoire, et par lesquelles nous ter-
minerons cet article.
Avant tout, il faut prendre garde à l'emplacement sur lequel on élève
sa maison, sa hutte, ou bien oh l'on dresse sa tente. En outre il ne faut
pas faire d'économies aux dépens d'une installation vraiment saine, car
la première condition de la conservation de la santé, c'est une habita-
tion et surtout une chambre à coucher salubre.
Le voyageur doit emporter avec lui une tente qui réponde aux exi-
— 216 —
gences du voyage, dût-il engager quelques porteurs de plus. Par là le
D' Fischer entend une tente à toit double ; le toit supérieur doit être d'un
tissu imperméable et dépasser (Je beaucoup les parois de la tente.
Celle-ci, par un temps humide, doit être transportée dans un sac imper-
méable; par un temps clair, il faut l'exposer au soleil. Pendant la saison
des pluies, il faut éviter de camper sous des arbres ou sous un feuillage
épais ; le campement au vent et à la pluie est plus salubre que dans des
endroits où Tair se renouvelle moins. Dans la saison sèche on peut dres-
ser sa tente sous des arbres, si le sol est sec et qu'il ne s'y trouve pas
d'insectes rongeurs ; mais si Ton n'a que le choix entre un terrain sans
arbres et une forêt humide, il faut choisir le premier. Il vaut mieux sta-
tionner au grand soleil et sur le sable qu'à l'air de la forêt. De jour, il
est vrai, on ne peut pas se tenir dans une pareille tente, au moins pas
de 9 à 4 heures. Il faut alors faire élever une toiture d'herbe et de feuil-
lage, reposant sur des perches, ce que les nègres savent faire en très
peu de temps. On peut être sûr q^e dans une semblable tente, dressée
sur un terrain sec, exposée au soleil tout le jour, et dans laqueUe la
température monte jusqu'à 50°, on sera, pendant la nuit, à l'abri de
toute infection de germes fébrigènes. Les régions sèches et chaudes de
l'Afrique conviennent mieux aux Européens que celles qui sont humides
et plus fraîches.
Quant aux huttes ou aux maisons, il faut les construire, autant que
possible, dans un endroit ouvert,, exposé au soleil et au vent, loin des
grands arbres ombreux, qui retieuAent l'humidité, et empêchent l'air
de se renouveler. D faut laisser agir le soleil des tropiques dont la force
est souverainement efficace pour sécher, et par là même désinfecter, ce
qui est très important, surtout avec des toits couverts en paille. Dans
une hutte d'argile, couverte d'un toit pareil, si celui-ci est suffisamment
élevé, et qu'on laisse de côté un espace libre pour un courant d'air, il
fait très frais. Le plancher doit être formé d'une couche d'un demi-pied
de cendre et d'argile pétris ensemble. Il faut prendre garde que la
chambre à coucher n'ouvre pas du côté d'où vient la pluie, et que les
fenêtres permettent beaucoup de courants d'air. Les toits des huttes
doivent avancer beaucoup pour garantir le plus possible les murs contre
l'humidité. Enfin, pendant la saison pluvieuse, il faut protéger le côté
du vent au moyen d'une paroi tissée d'herbe ou de feuilles de palmier,
que l'on enlève lorsque le soleil reparaît.
— 217 —
BIBLIOGRAPHIE '
Cartes diverses, par L. Friederichsén, et publiées par ordre du
Ministère des affaires étrangères. Hambourg (L. Friederichsen et C**,
Geographisches und Nautisches Institut), 1885;— a. Zwischen dem Alt-
Kalabar Fluss und Corisco-Bai (Kamerun, Biafra, Batanga, etc.),
Vtsoooo' Fj^- 2. — b. Ober-Guinea, zwischen Cap Saint-Paul und Gabon,
V2000000' Fr. 2. — c. Ktiste des Herero, Namaqua-und Ltideritz-Landes
V3000000, avec cartons d'Angra-Pequena, Viooooo, et des factoreries alle-
mandes sur toute la côte occidentale d'Afrique. 1 fr. 35. — d. Central
Afrika, V5000000, d'après les décisions de la Conférence de Berlin.
Quoique d'une création plutôt récente, l'institut cartographique de
L. Friederichsen est rapidement arrivé, par ses publications, à l'une des
premières places parmi les établissements de ce genre, en Allemagne et
en Europe. Sous la direction habile d'un géographe çle talent, il fait
paraître un grand nombre de cartes se distinguant aussi bien par leur
élégance que par leur fini, et pouvant rivaliser avec les meilleures publi-
cations de Gotha ou de Berlin. Du reste, l'époque se prête tout spéciale*
ment à la fondation d'instituts géographiques depuis que l'attention,
stimulée par les progrès des voyages, au lieu de se fixer sur notre vieille
Europe, se dissémine maintenant aux quatre coins du monde.
Nous avons déjà assez souvent parlé des possessions allemandes et du
règlement de la question du Congo, pour qu'il ne soit pas nécessaire de
s'arrêter longtemps sur les nouvelles cartes dressées par L. Friederich-
sen. Rappeler qu'il a été chargé de leur construction par le ministère des
affaires étrangères de l'empire allemand, c'est dire qu'il a pu s'entou-
rer de tous les renseignements ofi&ciels sur les délimitations des nouveaux
États et possessions, et que ses cartes peuvent désormais servir de base
dans les discussions auxquelles ces frontières pourront donner lieu.
Leurs données ayant été contestées sur plusieurs points par M. Wich-
niann, dans les Mittheilungen de Gotha, M. L. Friederichsen vient d'y
répondre par une lettre ouverte, adressée à la rédaction de ce journal et
envoyée à toutes les sociétés de géographie et aux personnes que cela
intéresse. II y réfute les critiques qui lui ont été adressées, au moyen
d'arguments d'une grande valeur, mais la question est trop spéciale pour
que nous voulions entrer dans le débat.
' On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bàle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique ex^^ée et civilisée.
— 218 —
Mehr Ligut m dukelen WsiiTTHSiL. Betrachtungen uber die Eolo-
NI6ATI0N DE8 TBOPiBCHEN Afriea, Yon D' O.-A. Fischer. Hambourg
(L. Friederiohsen et C*), 1885} 10-8% 130 p., 3 fr. 35. — « H y a quelque
temps, » dit T auteur dans sa préface, a un ami me disait: Actuellement,
en Allemagne, beaucoup de gens sont pris d'une sérieuse fièvre africaine.
— Je compte leur écrire prochainement l'ordonnance qui leur convient,
répondis-je. — Cette ordonnance la voici ; puisse-t-elle leur faire du
bien. »
Ainsi conmience le volume que nous avons sous les yeux. Et, certes,
ce style est de mise sous la plume de M. Fischer qui a été longtemps
médecin pratiquant à Zanzibar et qui a parcouru l'Afrique comme voya-
geur. Mais, ne vous attendez pas à lire une critique serrée des tentatives
de colonisation allemande en Afrique, dont l'auteur est, au contraire, un
chaud partisan. Il a voulu seulement jeter un peu de lumière sur cette
question encore bien obscure, et s'adresser à ceux qui, l'envisageant
avec plus d'enthousiasme que de sang-froid, sont portés à prendre sou-
vent leurs espérances pour la réalité, et à se jeter, tête baissée, dans des
entreprises condamnées d'avance à ne point réussir. En un mot, il a
cherché à empêcher que la fièvre n'amenât le délire.
C'est là une œuvre sage et bien pensée, qui rendra bien des services
aux personnes que ce sujet intéresse et leur évitera peut-être de cruels
mécomptes. Ce livre, de 138 pages seulement, répond à une foule de
questions que l'on s'adresse en lisant les récits des voyageurs, et qui ne
sont point satisfaites par les renseignements [que l'on trouve, soit dans
ces narrations, soit dans les ouvrages écrits avec des idées préconçues,
en vue de stimuler le mouvement colonisateur et commercial. Le
travail des nègres, leurs mœurs et leur caractère, l'esclavage, la pro-
ductivité du sol, le commerce, le genre de vie des Européens en Afrique,
les maladies auxquelles ils sont sujets, les rapports des colons avec les
indigènes, l'œuvre missionnaire, sont successivement passés en revue
avec la sûreté de jugement que donne une longue expérience.
DrEI BrIEFE an die FrEUKDE DEUT8CHEB AfBIKA-FoRSCHUNO, COLO*
NULER BeSTREBUNGEN UND DEB AuSBREITUNG des DEUT8CHEN HaNDELS,
von Ed. Robert FlegeU Hambourg (L. Friederichsen et C*^), 1885, in-8*,
24 p., 1 franc. — M. Flegel, le hardi explorateur du Bénoué et de
l'Adamaoua, de retour en Europev vient de publier trois lettres adressées,
de la côte occidentale d'Afrique,aux amis des explorations et de la poli-
tique coloniale que poursuit actuellement l'Allemagne. La première est
— 219 —
datée de Lagos, le 20 avril 1883, la deuxième, d'Aboutschi, sur le Niger,
le 18 août 1883, la troisième, de Lagos, août 1884. Elles ont donc été
écrites avant les récentes acquisitions coloniales allemandes, et Tappel
que l'auteur fait à ses compatriotes en faveur de l'œuvre africaine, les
recommandations qu'il leur adresse pour les pousser à diriger de ce
côté leur industrie et leur commerce, n'ont plus guère qu'un intérêt
historique. M. Fiegel a cru néanmoins devoir les livrer à la publicité,
car ces lettres ont en outre pour but d'attirer l'attention sur le bassin
du Bénoué et d'en faire ressortir toute l'importance. Indépendamment
des avantages qu'offre le cours d'eau lui-même, navigable sur plus de
1100 kilomètres, ainsi que l'ont démontré les expéditions de la Pléiade,
en 1854, et du Henry Venn, en 1879, la région est d'une grande
richesse minérale, végétale et animale, et pourrait fournir immédiate-
ment de grandes quantités de beurre, d'huile de palme et d'ivoire, que
les nègres livrerdent contre le sel, les étoffes et les mille objets impor-
tés d'Europe. La nouvelle colonie du Cameroon est au seuil, soit de la
route maritime par le Niger, soit de la route de terre pour. atteindre le
Béuoué ; il appartient donc au conunerce allemand, de se lancer sur une
voie qui offre, d'après M. Fiegel, de si belles perspectives.
De Palerme a Tunis, par Malte, Tripoli et la côte. Notes et
impressions par Paul Melan. Paris (Pion), 1885, in-12, 216 p. et 8 gra-
vures, fr. 3,50. — Nous avons déjà réc^ment analysé une étude de
M. Melon sur les écoles de la Tripolitaine et de la Tunisie. Aujourd'hui
ce même voyageur décrit, d'une manière complète, son excursion et,
bien qu'il reproduise les impressions qu,'il a ressenties lors de sa- visite
dans les divers établissements d'instruction, ce n'est plus un travail spé-
cial, c'est un carnet de touriste, et de touriste qui sait observer et juger.
Comme son voyage ne date que de 1884, il peut parler avec compétence
des questions politiques actuelles concernant la Tripolitaine et la Tuni-
sie. Il le fait à un point de vue exclusivement français, mais avec beau-
coup de discernement, et les conseils qu'il donne à l'autorité tuuisienne^
après avoir vu par lui-même et écouté les observations des résidents,
méritent d'être pris en considération. A côté de cela, il y a quantité de
tableaux charmants et décrits d'une manière si vivante qu'on croit les
voir, d'autant plus qu'ils sont illustrés par quelques dessins faits avec
goût et fort bien choisis ; des digressions Intéressantes dans le domaine
de l'antiquité classique, car la Tunisie est la terre privilégiée de l'ar-
chéologie. Rien de plus agréable que de parcourir avec l'auteur cette
— 220 —
région centrale de la Méditeri'anée : on part de là Sicile, île pleine de
souvenirs de l'époque romaine et de sa période de grande prospérité :
on touche à Malte, où M. Melon après avoir parlé de l'île, de ses cultu-
res, de ses forts, de ses canons, se fait l'écho des vives réclamations des
habitants contre leui-s maîtres, les Anglais ; on aborde à Tripoli dont
l'état actuel indique si bien la décadence du monde musulman, que les
nouveaux prophètes et les sectes religieuses, entre autres le Senoûssisme.
seraient impuissants à le relever ; puis à Djerbah, à Gabès, à laquelle les
projets de M. Roudaire ont déjà donné de l'importance ; à Sfax, ville
d'avenir ; à Tunis, bien agrandie et bien embellie depuis la conquête
française ; à Bizerte enfin, le plus beau port de la Méditerranée.
C'est un véritable voyage, accompli avec un guide aimable qui, si!
sait vous faire sentir toutes les beautés de ces riches contrées, n'oublie
pas qu'il y a encore une grande œuvre à accomplir pour les amener à
un état digne de leur passé. Mais ce n'est pas la terre qui manque ;
la Tunisie possède tous les éléments de prospérité. Avec le temps, et
sous un régime intelligent et réparateur, elle montrera qu'elle est suscep-
tible de prendre un beau rang parmi les pays civilisés.
Marabouts et Khouan. Étude sur l'Islam en Algérie, par Louis Binn,
avec une cart« indiquant la marche, la situation et l'importance des
ordres religieux musulmans. Alger (Ad. Jourdan), 1884, gr. in-8%
552 p., fr. 15. — On sait que les chefs religieux de l'Islam, pour com-
battre le courant de la civilisation moderne qui, de tous côtés, menace le
monde musulman, ont réussi à déterminer un mouvement panislamique
<jui s*étend de la Chine au Maroc et comprend 175,000,000 de maho-
raétans. Il constitue un danger pour les puissances européennes qui pos-
' sèdent des colonies ou ont simplement des intérêts commerciaux en Afri-
que et en Asie. Ce panislamisme s'appuie surtout sur les nombreuses
associations religieuses qui, se développant rapidement depuis le com-
mencement du siècle, ont acquis une puissante influence sur les masses.
Or si ces congrégations ne sont pas absolument secrètes, le public ignore
le plus souvent leurs statuts et leurs moyens d'action, les quelques per-
sonnes qui ont écrit sur ce sujet n'ayant eu à leur disposition qu'un
petit nombre de documents.
Profitant de sa position de chef du service central des affaires indigè-
nes au gouvernement général de l'Afrique, et de ses relations personnel-
les avec quelques notabihtés religieuses, M. Louis Rinn a voulu oifiirau
public français un exposé impartial et complet de la situation des congre-
— 221 —
gâtions musulmanes en Algérie. Le sujet était vaste et complexe ; pour
l'exposer sous toutes ses faces, un fort volume a été nécessaire. Si la
lecture n'en est pas toujours facile, vu la gravité de certaines questions
et les discussions auxquelles ell^ donnent lieu, ce travail a le mérite
d'être substantiel, conçu d'après un plan logique et fidèlement suivi, et
de présenter une utilité incontestable pour tous ceux qui s'occupent de
l'avenir des colonies européennes en pays mahométans.
Il nous est impossible de donner un aperçu, même succinct, de ce bel
ouvrage. Nous nous bornerons à indiquer la signification du titre.
D'après l'auteur, l'action religieuse musulmane est exercée par trois
catégories d'individus qu'il importe de ne pas confondre.
La première comprend le clergé musulman officiel, investi et salarié
par l'État, au même titre que celui des autres cultes reconnus par les
lois françaises. De celle-là, il y a peu de chose à dire, et M. Riun ne lui
consacre qu'une quinzaine de pages.
Bien différente est l'action des deux autres catégories dont l'étude
remplit le volume. La seconde se compose des Marabouts locaux, reli-
gieux libres, sans attaches officielles, voués au sacerdoce ou à l'enseigne-
ment ; la troisième, des Khouan om frères, membres des ordres religieux
coiigréganistes ; ce sont eux qui, n'ayant pas de résidence fixe, pas
même de patrie, tour à tour négociants, prédicateurs,. étudiants, méde-
cins, ouvriers, mendiants, charmeurs, saltimbanques, toujours bien
accueillis par les fidèles, parcourent le monde immense de l'Islam, et
mettent ses capitales, La Mecque, Stamboul, Calcutta, Alger, Fez, eu
relations constantes les unes avec les autres. Quelle ne doit pas être
l'iutluence et l'action de ces agents, puisque, sur les 2,850,000 musul-
mans algériens, ils ne sont pas moins de 170,000 !
Afin de rendre son ouvrage encore plus complet et plus facile à lire^
l'auteur l'a accompagné d'une carte très curieuse et fort judicieusement
construite par M. le capitaine Bissuel. Elle indique la situation, la mar-
che et l'importance numérique des ordres religieux. Le relief et le réseau
des cours d'eau n'étant pas nécessaires pour sa lecture, on s'est con-
tenté de donner les divisions administratives et les principales localités.
Ce qui fait l'intérêt de ce travail, c'est que le domaine d'activité de cha-
que ordre est très nettement marqué au moyen de longues branches de
couleurs diflérentes, dont chaque fruit et chaque feuille ont une signifi-
cation. Un gros fruit représente mille khouan, un petit, de un à dix, et
ttûe feuille, cent. On peut ainsi se rendre compte aisément du nombre
des kh&uan qui ont été gjpoupés, dans le Tell, par circonscriptions admi-
nistratives, dans les hauts plateaux et le Sahara, par tribus.
1
— 222 —
Les chemins de fer algériens. Étude historique sur la constitution
du réseau. Le classement de 1857, par Louis Hafnd. Alger (Ad. Jour-
dan), 1885, iu-S*', 115 p., fr. 3. — C'est le 8 avril 1857 que parut le
décret impérial qui traçait le programme des lignes ferrées à exécuter
«n Algérie, et le 8 juillet 1862 que la première de ces lignes, celle
d'Alger à Blidah, était ouverte à l'exploitation. Aujourd'hui l'Algérie et
la Tunisie possèdent environ 2300 kilomètres de chemins de fer, et leur
réseau s'accroît par la construction de lignes de pénétration qui, de la
côte, montent sur les hauts plateaux. M. Hamel réunit en ce moment
les élén^ents d'un travail assez considérable sur l'historique de toutes
les concessions de chemins de fer dans le territoire de la colonie fran-
çaise. D voudrait grouper les renseignements dispersés dans une foule
d'ouvrages, concernant les différentes compagnies qui ont construit le
réseau : Paris - Lyon -Méditen-anée, Compagnies Franco- Algérienne,
Bône-Guelma, de l'Ouest et de l'Est-Algérien. Un tel travail serait
d'une réelle utilité pour les publicistes, les économistes et les financiers.
Mais il n'est pas terminé et M. Hamel n'en publie aujourd'hui que la
première partie. Il est évident qu'il s'agit avant tout d'un ouvrage tech-
nique, dans la lecture duquel une notable partie du public ue trouvera
qu'un minime intérêt. Cependant la question des chemins de fer est tel-
lement liée à celle de la colonisation que l'auteur a dû aussi traiter ce
sujet à plusieurs reprises. Son livre a en outre le mérite de rappeler les
services rendus par des honmies distingués qui, n'ayant pas joué un rôle
militant dans la politique, sont peut-être oubliés aujourd'hui.
Carta DEL SuDAN ORIENTALE ."Toatro doUa guerra 1884-85, péril cap.
M, Gamperio. Vaoooooo- Milan (A. Brigola e C). — Quoiqu'il ne soit
plus question aujourd'hui, en Angleten'e, de recommencer la lutt€ coutre
le Mahdi, que l'Italie semble regretter son action militaire sur le litto-
ral de la mer Rouge et déclare ne pas vouloir aller plus loin, le capitaine
Camperio, si apprécié pour ses beaux travaux géographiques, vient de
dresser la carte du théâtre de la guerre de 1884. Qui sait si ce ne sera
pas celui d'une guerre prochaine qui, pour être tardive, n'en sera que
plus terrible ? Sera-t-il possible d'ignorer ce foyer d'insurrection, mena-
çant pour l'Egypte, et laissera-t-on toutes ces contrées, qui avaient
déjà fait quelques pas sur la voie de la civilisation, retomber dans la
barbarie ?
Cette carte va au nord jusqu'à Abou-Hamed, à l'est, jusqu'à^ Has-
saoua, au sud, jusqu'à Gondar, et à l'ouest, jusqu'à El-Obeld. Elle corn-
— 223 —
prend donc le cours inférieur du Nil-Blanc et du Nil-Bleu, le grand
méandre du Nil autour de la steppe deBayouda, et le territoire situé en-
tre Khartoum, Berber, Massaoua et Souakim. La portion de l'Abyssinie
qui rentre dans le cadre de la carte a été laissée en blanc, mais d'autre
part, le bassin du Cbor Baraka habité par les nombreuses peuplades Bo-
gos, Habab, Mensab, Beni-Amer, etc., est donné avec assez de détails.
Le relief est indiqué en couleur; l'écriture très nette est facile à lire.
Trois cartons indiquent les profils : P de Souakim à Berber, 2** de la
vallée des Bogos à la mer Rouge par Keren et Gheleb, 3** des contreforts
septentrionaux de PAbyssinie.
Itinéraiee descriptif, historique et archéologique de l'Orient
par le D' Emile Isambert. Deuxième partie : Malte, Egypte, Nubie,
Abyssinie, Sinaï. Paris (Hachette et C', Collection des guides Jeanne),
1881 ; in-8** ; 772 p., avec cartes, plans et gravures, fr. 30. — Ce volume
est le second d'une série de Guides relatifs à l'Orient. Le premier est
consacré à la Grèce et à la Turquie d'Europe, et le troisième, encore en
préparation, traitera de la Syrie, de la Palestine et de la Turquie d'Asie.
Une première édition de ce beau travail, publiée en un seul volume, en
1861, par MM. Isambert et A. Jeanne, fut promptement épuisée.
M. Isambert se mit alors à préparer le travail de révision devenu néces-
saire. Il fit un voyage en Orient et, grâce à sa vaste érudition, et aussi
aux changements considérables survenus en dix ans dans nos connais-
sances sur l'Orient, il accumula une si grande quantité de matériaux
qu'il reconnut bien vite que l'œuvre était entièrement à refaire. Trois
volumes étaient nécessaires ; le premier, qui parut en 1873, valut à son
autem* les éloges les plus flatteurs des savants de tous les pays. Sans
perdre de temps, il travailla à la rédaction du second volume qu'il ter-
mina presque entièrement, mais qu'il ne publia pas ; trop de travaux
avaient miné cette natui'e ardente ; Isambert mourut en 1876.
M. Chauvet, qui avait été son principal collaborateur, termina l'on-*
vrage et en surveilla l'impression. Parmi les autres personnes qui avaient
aidé Isambert de leurs recherches et de leurs conseils, il convient de
citer M. Maspero qui a pris, en outre, la peine de revoir toutes les épreu-
ves, M. Barbier-Meynard, qui a voué tous ses soins à l'orthographe,
Mariette-Bey, enfin M. Gaillardot d'Alexandrie.
On le voit, la rédaction de ce guide a été entourée de toutes les garan-
ties possibles et, bien loin d'être un simple itinéraire, c'est un ouvrage
vraiment scientifique qui a sa place marquée dans toutes les bibliothè-
— 224 —
ques. n n'existe pas, à notre connaissance, d'étude comparative plus
complète ni plus sérieuse de TÉgypte ancienne et de l'Egypte moderne.
Si, d'un côté, le réseau complet des chemins de fer du delta et delà val-
lée du Nil est décrit dans tous ses détails, d'autre part, les découvertes
archéologiques les plus récentes faites dans la Haute-Egypte sont men-
tionnées. C'est à la fois le guide du savant, qui examine toutes les vieil-
les pierres afin d'arracher de nouveaux secrets à l'Egypte des Pharaons,
du touriste amateur, qui désire simplement contempler le Nil et visiter
Alexandrie et le Caire, et du financier, qui veut se rendre compte des
ressources de la contrée avant d'engager ses fonds.
En outre les chapitres sur la Haute-Nubie, le Soudan, l'Abyssinie
sont entièrement nouveaux. Lors de l'apparition de l'ouvrage en 1881,
il faisait rentrer ces pays dans le nombre de ceux que les touristes curieux
et entreprenants pouvaient visiter, sans qu'ils eussent besoin d'organi-
ser une véritable expédition et de faire œuvre de voyageur proprement
dit. Malheureusement les événements politiques récents ont complète-
ment modifié la situation, de sorte que beaucoup des informations prati-
ques du guide ne peuvent plus être utilisées. Cependant ces chapitres
n'en sont pas moins d'une grande utilité, non seulement parce que ces
pays ne sont pas fermés pour toujours, mais aussi, parce que la des-
cription qu'en donne l'ouvrage reste comme un document scientifique
d'une haute valeur.
Encore quelques mots des cartes. Cinq d'entre elles sont consacrées
à l'Egypte proprement dite : celles de la Basse, de la Moyenne et de
la Haute-Egypte ont été dressées d'après les cartes de Linant-Pacha et
de la Commission d'Egypte, les plus exactes que l'on connaisse. La carte
de la Nubie inférieure est une réduction du travail de Caillaud et de
Lepsius ; celle qui comprend la Haute-Nubie, l'Abyssinie et le Soudan a
été construite d'après les cartes des Mittheilungen de Gotha. En outre»
trois grands plans, ceux d'Alexandrie, du Caire et de Kamak, et un
grand nombre de plus petits enrichissent l'ouvrage. La partie carto-
graphique est due à un habile dessinateur, M. Th\;iillier, et comme elle a
été faite en puisant aux meilleures sources, elle est d'un mérite bien
supérieur à celui des travaux du même genre que l'on troure dans les
guides ordinah*es.
Amsterdam.
Anvers.
Berlin.
Brème.
Brnxelles.
Berlin.
ÉCHANGES
Sociétés de géographie.
Constantine. Halle.
Douai. Hambourg.
Edimbourg. léna.
Francfort «/M. Le Caire.
Greifswald. Leipzig.
Lille.
Lisbonne.
Lyon.
Madrid.
Manchester.
Marseille. Paris.
Montpellier. Rochefort.
Nancy.
New-York.
Oran.
Sociétés de géographie commeroiale.
Bordeaux. Paris. Porto. Saint-Gall.
Missions.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Le Havre.
Journal des missions évangéliqnes (Paris).
.Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XlXn^^ siècle
(NeuchUtel).
Journal de TUnité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Bannen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bâle).
Evangelisches Missions -Magazin (Bâle).
C^alwer Missions -Blatt ((]alw).
Allgemeine Missions-Zeitschrift (GUters-
loh).
Glanbensbote (Bàle).
Africa (Londres).
La Nigrizia (Vérone).
(]hiu"ch missionary Intel tigencor and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New-York).
Foreign Missionary (New-York).
Régions beyond (Londres).
Cbronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free (]lhurch of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
(]lhurch of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the uniteu presby-
terian (^hurch (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Woman's for.Mgn missionary Society
(Philadelphie).
Divers.
Gazette géographique et Exploration (Pa-
ris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Al^er).
Bulletin dn Comice agricole (Médéa).
Bulletin de l'Académie d*Uippone (Bone).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris).
Revue géographique internationale (Paris).
Le Mouvement géographique (Bruxelles).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsclie Rundschau fUr Géographie und'
Statistik (Vienne).
Deutsche Kolonialzeilung (Francfort s/M) .
Chamber of Commerce Journal (Londres).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repository (Washington).
F^sploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Bollettino délia Societa africana dltalia
(Naples).
Boll. délia sezione Fiorentina (Florence).
Marina e Commercio.eGiornale délie co-
lonie (Rome).
Africa oriental (Mozambique).
Mittheilungen der afrikanischen Gresell-jO Africano (Quilimane).
schaft in Deutschiand (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fUr den
Orient (Vienne).
Zeitschrift f(lr wissenschaftliche Géogra-
phie (Vienne).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Revista de Ëstudos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
hf A. Petermann s Mittheilungen (Gotha)
Etc.
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Record of geogra
phy (Londres).
Natal' Mercury (Durban).
Cape Argus (Cape-Town).
West African Reporter (Sierra Leone)
etc.
SOMMAIRE
Bulletin mensu^îl 193
Nouvelles complémeataires 203
De l'emploi des ouvriers européens dans l'Afrique tropi-
cale, d'après le D' Fischer 206
BiBLIOGRAPUlE ET CARTOGRAPHIE :
Cartes diverses, par L. Friederichsen 217
Mehr Licht im duDklen Welttheil. Betrachtungen iiber die Koloni-
sation des tropischen Afrika, von D*" Fischer 218
Drei Biefe an die Freunde deutscher Afrika-Forschung, von Ed.
Robert Flegel 218
De Palerme à Tunis, par Malte, Tripoli et la côte, par Paul Melon. 219
Marabouts et Khouan, par Louis Rinn 220
Les chemins de fer algériens, par Louis Hamel 222
Carta del Sudan orientale, par M. Camperio 222
Itinéraire descriptif, historique et archéologique de TOrient, par
le D' Emile Isambert 223
OUVRAGES REÇUS :
Itinéraire descriptif, historique et archéologique de l'Orient, par le D** £. Isam-
bert. 2"»« partie : Malte, Egypte, Nubie, Abyssinie, Sinaï. — Collection des gui-
des Joanne. — Paris (Hachette), 1881, in-8'', 772 p. avec cartes, plans et gra-
vures, fr. 30.
Itinéraire de l'Algérie, de la Tunisie et de Tancer, par Louis Pîesse. Collection
des guides Joanne. — Paris (Hachette), 1885^ m-16, 600 p. avec cartes et plans,
fr. 15.
Aux pays du Soudan. Bogos, Mensah, Souakim, par Denis de Rivoyre. — Paris
(Pion, Nourrit et C«), 1885, in-18, 293 p. avec carte et gravures, fr. 4.
De Congo-Akte, door M. T.-M.-C. Asser. — Amsterdam, mai 1885, in-8^, 32 p. et
carte.
Le Congo au point de vue économique, par A.-J. Wauters. — Bruxelles (Institut
national de géographie), 1885, in-12, 256 p. avec trois cartes et vignettes, fr. 3.
Libéria. Histoire de la fondation d'un État nègre libre, par le colonel Wauwer-
mans. — Bruxelles (Institut national de g^graphie), 1885, in-12, 274 p. et
2 cartes, fr. 3.
Souvenirs d'une exploration médicale dans l'Afrique intertropicale, par P. Dutrieux*
— Paris (Georges Carré), 1885, in-S^ 146 p. et carte, fr. 8,60.
Marrocco. Das Land und die Leute, geschildert von Adolph von Conring. Nouvelle
édition. — Berlin (G. Hempel), 1884, in-S"", 335 p. avec carte et plan du Maroc,
fr. 6,70.
Zum Klima der Goldkûste, von A. Riggenbach. — Basel (Buchdruckerei von
Baur), 1885, in-12, 42 p. et pi.
Nomina geographica neerlandica, door het Nederlandsch Aardrijkskundig Geno-
otschap. 1*« Deel. — Amsterdam (C.-L. Brinkman), 1885, in-S*», 197 p.
Nos droits sur Madagascar et nos griefs contre les Hovas, par R. Saillens, avec
une préface de M. Frédéric Passy. — Paris (Paul Monnerat), 1885, in-8*,
163 p., fr. 2.
Le Congrès de Vienne et la Conférence de Berlin, par sir Travers Twiss. Bruxelles
et Leipzig (Mnquardt), 1885, in-8°, 19 p.
Une promenade dans le Sahara, par Charles Lagarde. — Paris (Pion, Nourrit et G*),
1886, in-18, 301 p.,fr. 3,50.
Genève. ^ Imprimerie Charles Schuchardt.
GENÈVE
H. GEORG, LIBRAIRE-ÉDITEUB
HtNE HllSOK 1 HALE Et « LTON
« • * ■
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIRIGÉ PAR
M. Gustave MOTNIEB
Muinbrc de la Société de géographie de Genève, de l*Institat do Droit international;
membre correspondant de TAcadémio d'Hippone, et des Sociétés de géograpliie de Maneille,
de Kancy, de Loanda et de Porto.
R^IOA PAR
M. Charles FAÏÏB£
Secrétaire-Bibliothécaire de la Société de géographie de Genève ,. membre correspondant des Sociétés
de géographie de Lisbonne, de Loanda. de Porto, de Saint-GtiU et de Berne.
U Afrique parait le premier lundi (le chaque mois, par livraisons in-B^* d'au
nloins 20 pages chacune; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
paraît nécessaire.
Le prix de Tabonnement annuel, payable d'aTanee, est de 10 firaneS)
port compris, pour tous les pays de TUnion postale (première zoiie) ; pour les
autres, H fr. SO.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires h
la Direction, a droit à nu compte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaetion à M. Gnstare Moxiiler*
9, rne de l'Atliénée» h OenéTe (Suisse).
S'adresser pour les abonnements à. l'éditeur, M. H. Goorg, à
GenèTe ou h BAle.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse,
(^hez MM. Gh. Delagrave, libraire, io, rue'Soufflot, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la Cour, 45. rue de la Régence, à Bruxelles.
DuMOLARD frèros, libraires, Corso Vittorio Emmanuele, 21. à Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querslr., 29, à Leipzig.
L. Friederïchsen et C*«, libraires, Admiralitatsstr, 3/4, à Hambourg
Wilhelm Fhick, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autriche).
Trubner et C**, libraires, Ludgate Hill. 57/69. à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
AVIS. — Notis mettons à la disposition de nos fwuveaux abonnés^ au prix de
12 fr. chacun^ un certain nombre d'exemplaires complets de la /!"'•, de la IV""
et de la K"»* année, La P* et la ni""^ sont épuisées.
225
BULLETIN MENSUEL (5 aofit 1883. ')
M. H. Duveyrier a reçu de M. Teis.«ierenc de Bort, une nouvelle
lettre, de Bir Guettariet, sur la route de Bereeof an IVerzaoua.
Quoique Bereçof soit un point d'eau important, il n'a point trouvé de
tentes de nomades dans les environs, ce qu'il attribue à la terreur que
les Touaregs causent dans cette région ; on n'en rencontre un certain
nombre que sur la ligne qui joint El-Oued au Nefzaoua. La sécurité est
revenue, au dire des indigènes, depuis l'établissement du protectorat
français en Tunisie; les Ouled Yacoub et Oughramma n'osent plus se
livrer comme auparavant à de fréquentes razzias. Les Touaregs seuls
sont toujours très redoutés. Quant aux dunes, M. Teisserenc de Bort
distingue plusieurs sortes de terrains parmi ceux qu'elles recouvrent :
l'un complètement recouvert de sable comme à El -Ouled, avec de
grandes dunes dominant des haouds sableux, où se trouvent les puits,
et qui arrivent presque au sol primitif généralement formé de gypse et
de terre ou de petits cailloux calcaires; l'autre recouvert aussi de sable,
mais avec un mélange de terre, dans ce cas le sol est généralement
ondulé ; un autre aspect est fourni par les parties du pays ou les haouds
sont recouverts de petits cailloux et de gypse, et où les dunes forment
de grandes chaînes entourant les cuvettes. M. Teisserenc de Bort croit
que cette dernière disposition se produit dans les contrées nouvellement
envahies par les dunes, et que peu à peu le sable, arrêté d'abord sur les
points culminants, se répand sur le reste du pays à mesure que les dunes
augmentent ; il estime aussi que leur base croît en proportion, la pente
de la dune ne dépassant pas une certaine limite. Toute la partie com-
prise entre Touggourt, Metekki et Jeretmi, c'est-à-dire la rive est de
l'Igargar, est dans ce cas, et il semble probable que c'est une des
régions les plus récemment couvertes pai* les sables.
M, Ferdinand de LeHNeps a fait à la Société de géographie de
Paris, sur les sondages entrepris par le colonel Landas dans l'Oued-
Mélah, un rapport qui complète les renseignements donnés à ce sujet
dans notre dernier numéro (p. 193-194). Lors du voyage qu'il lit, il y a
* Les matières comprises dans nos BuUethis mensuels et clans les Nouvelles com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
TAlgérie, puis allant à PEst, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
L'AFRIQUE. — SIXIÈME ANNÉE. — X" S. 8
— 226 —
deux ans, avec le colonel Roudaire, dans la région des Chotts, il
remarqua, sur les bords de TOued-Mélah, un bassin dont l'eau ne bais-
sait jamais ; elle était excellente. Il pensa que ce bassin pouvait être en
communication avec une nappe d'eau profonde, et fut ainsi conduit à
recommander aux ingénieurs de pratiquer des sondages en cet endroit.
La nappe cherchée a en effet été rencontrée ; l'eau a jailli avec une telle
impétuosité, qu'elle soulevait des pierres de douze kilog. et les projetait
à une certaine hauteur. Cette trouvaille a causé une vive émotion dans
le pays. Le ministre des affaires étrangères a recommandé au résident
français à Tunis, de faire le nécessaire pour prévenir les revendications
rétrospectives de propriété, qui pourraient se produire, sur le terrain
arrosé par cette eau jaillissante, qui va devenir une source de prospérité
pour le pays avoisinant. Il y a là plus de 400 hectares oîi l'on pourra
faire des plantations de palmiers et se hvrer à l'élève des autruches.
De son côté, M. Rouire a rendu compte à la Société de géographie,
des résultats de la mission que lui avait confiée le ministre de l'instruc-
tion publique. Il a exploré la région comprise entre Kaïrouan, Sousa,
Hammamet et le lac Kelbiah. Il a étudié la faune et la flore de ce pays,
et délimité des bas-fonds marins qui, à son avis, constituaient, il y a
trente siècles, les bas-fonds du lac Triton. Il a relevé les voies qui, à
l'époque romaine déjà, sillonnaient ces bas-fonds. Enfin il a annoncé la
découverte de l'ancien port phénicien, par lequel les navigateurs péné-
traient de la haute mer dans la baie de Triton, ainsi que celle de la
chaussée antique qui reliait à la terre l'île placée à l'entrée de cette
baie.
Le numéro du 20 juin du journal anglais, The Academy^ renferme
une lettre de notre savant compatriote, M. Edouard IVavilte, annon-
çant que, dans sa campagne de l'hiver dernier, pour VEgypt Exploration
Ftind, il a pu constater que le pays de Gosen, oh le patriarche
Jacob s'établit avec sa famille, correspondait à la région oh se trouve
aujourd'hui Saft-el-Henneb, à 10 kilom. à l'est de Zagazig, près du
canal d'eau douce et de la station du chemin de fer de Abou-Haramad.
Il s'y tient chaque semaine un des marchés les plus importants du Ouadi
Toumilât, sur un tell, ou remblai, couvert de ruines d'anciennes mai-
sons qui s'étendent au-dessous et au delà du village. Du côté méridio-
nal du tell se trouve une antique muraille de grosses briques de l'époque
des Pharaons. De ce mur, le tell descend vers la plaine et est cultivé
par places. On y a découvert, il y a une vingtaine d'années, un grand
autel monolithe en granit noir, couvert de sculptures et de hiéroglyphes ;
— 227 —
il fut mis eu pièces par ordre d'un pacha, probablement pour voir s'il
contenait de l'or. Ce sont deux fragments de ce monolithe, laissés à
Saft-el-Henneh, qui ont permis à M. Naville de résoudre la question de
la situation du pays de Gosen. Nous reviendrons sur ce sujet géogra-
phique, quand aura paru le mémoire que notre compatriote prépare sur
les monuments de Saft-el-Henneh.
M. Santoni, envoyé par le P. Vicentini, de Dongola au Soudan, en
est revenu et a rapporté, dans une lettre adressée à Mgr Sogaro, vicaire
apostolique de l'Afrique centrale, les péripéties de son voyage à. Undur-
man, oii se trouvent les priiioniiiers du lllahdi, S'étant rendu au
bazar, il se mit à vendre des marchandises qu'il avait apportées avec
lui. Un blanc qu'il distingua parmi la foule, et à qui il demanda des
renseignements, le conduisit vers quatre pauvres cabanes, dont deux
étaient occupées par les missionnaires, les deux autres par les sœurs.
M. Santoni leur remit une lettre du P. Vicentini et leur montra celle
qui était adressée au Mahdi ; tous furent d'avis qu'il était dangereux
de la lui faire parvenir, et on la détruisit. Peu de jours après, M. San-
toni fut arrêté et emprisonné comme espion des Anglais. Au bout de
trois semaines, on le relâcha, et il put rapporter à Dongola une lettre
d'une des sœurs, Thérèse Grigolini, écrite au crayon sur un mouchoir
en cotonnade, mais illisible en plusieurs endroits. Elle raconte briève-
ment les indicibles souffrances auxquelles les prisonniers sont en proie,
et expose un plan pour leur porter secours. Elle dissuade de récrire au
Mahdi en leur faveur, et dit que le nombre des habitants de Khartqum
massacrés avec le général Gordon et le consul autrichien, M. Hansal,
s'élève à 2000. Le P. Bonomi, prisonnier du Mahdi, a réussi à s'échap-
per et est anivé à Dongola.
Le SecoU) a reçu de Massaoua la nouvelle de l'arrivée de MM. ï'er-
rarl et IVeraxzini, de retour de la mission dont ils étaient chargés
par le gouvernement italien pour le roi d'Abyssinie. Ras-Aloula,
généralissime des troupes abyssines, leur donna une escorte de soixante
soldats qui les accompagnèrent une partie du chemin. Un traité provi-
soire a été conclu avec le négous, mais devra être ratifié par une nou-
velle mission, qui partira en octobre et se composera d'officiers supé-
rieure, entre autres un général, le roi Jean voulant parler avec les
grands. Les principales dispositions du traité dont les préliminaires ont
été arrêtés entre le négous et le capitaine Ferrari sont les suivantes :
1** Pleine liberté de commerce pour l'Abyssinie dans le port de Mas-
saoua, et par conséquent exemption de tous droits de douanes, des impor-
tations aussi bien que des exportations abyssines.
— 228 —
2** Faculté pour le gouvernement italien de faire occuper par ses
troupes la partie du Soudan cédée à l'Abyssinie par le traité conclu
entre le négous et Tamiral Hewett. L'Italie pourrait par conséquent
occuper Kéren et tout le pays des Bogos, Algheden et Kassala, et ouvrir
une route commerciale de Massaoua au Soudan.
Le D' Nerazzini doit se rendre à Assab pour prévenir les cheiks des
principaux pays de la côte orientale, au-dessous d'Assab, de la prochaine
occupation italienne.
M. GAston Lemay, vice-consul français à Massaoua, est rentré
en France pour restaurer sa santé éprouvée par les fièvres et les cha-
leurs du littoral de la mer Rouge. Pendant deux ans il a rempli diverses
missions dans les provinces égyptiennes du Soudan oriental : à Souakim,
durant les malheureuses expéditions de Baker-pacha et de l'armée
anglaiise ; au Harrar, à travere le pays des Somalis et une partie de celui
des Gallas. C'est lui qui a eu l'idée de faire occuper le golfe de Tadjoura
pour préveiiir l'occupation, méditée par les Anglais, de cette partie du
littoral du golfe d'Aden. En dernier lieu M. Lemay a occupé le poste de
Massaoua et s'est rendu en Abyssinie, où il a séjourné trois mois, dans les
royaumes du Tigré et de l'Amhara, voyageant avec le négous et son
armée, depuis le pays d'Enderta jusqu'au mont Selkit, le géant des
montagnes du Semiène, dont la hauteur égale presque celle du Mont-
Blanc.
En vertu du traité conclu entre le sultan de Zanzibar et
l'Italie, les nationaux de chacun des deux pays pourront, en pleine
liberté, voyager, résider, commercer, acheter, vendre, prendre à bail,
établir des magasins et dépôts d'approvisionnements de tous genres sur
le territoire de l'autre. La clause de la nation la plus favorisée sera
applicable à chacun des deux pays. En cas de péril ou de naufrage, il
sera porté réciproquement aide aux navires de l'une et l'autre nation.
Les marchandises et les navires des deux pays contractants ne paye-
ront que les droits ou taxes imposés aux nations jouissant de la
clause de la nation la plus favorisée; aucun article de commerce ne
sera prohibé à l'importation ou à l'exportation, et Te commerce sera
parfaitement libre.
Les sociétés de géographie allemandes ont adressé au prince de Bis-
marck une demande, pour que le ministère des affaires étrangères de
l'empire prît des mesures afin de porter secours aux explorateurs Jun-
ker et Emîn-bey. D'après le Hamhurger Correspondent, le chance-
lier a répondu que le consul général de l'Allemagne à Zanzibar a été
— 229 —
chargé de prendre les dispositions nécessaires pour délivrer les explora-
teui-s de leur situation périlleuse et faciliter leur retour. Les gouverne-
ments d'Angleten'e, de France, d'Italie, de Belgique et du Caire ont
été priés de donner des instructions analogues à leurs autorités consu-
laires sur les différents points de la côte africaine. — A la dernière heure,
les journaux allemands publient une note disant que le ministre des
^ifaires étrangères de Berlin a reçu, du consul général d'Allemagne à
Alexandrie, un télégramme annonçant que les voyageurs Junker et
Casati sont en sûreté à Lado, chez Emin-bey.
Le Mouvement géographique et les Mittheiltingen de Gotha renfer-
ment, sur l'expédition allemande à l'ouest du Tanganylka»
des renseignements fournis par M. Storms, qui les a reçus du D"^ Roi-
chard, rentré le 30 novembre à la station de Mpala, après avoir poussé
son exploration jusqu'au Loualaba, oîi il perdit son compagnon de
voyage, le D' Bœhm, emporté par la fièvre, sur la frontière occidentale
de l'empire de Casongo. L'expédition avait quitté Mpala. sur le Tanga-
nyika, le 1" septembre 1883 ; elle atteignit le Louapoula le 27 septembre.
Un mois plus tard elle entrait dans le pays de Katanga, gouverné actuel-
lement par le chef M'Siri. Le 2G novembre elle passa le Loufira, le prin-
cipal affluent du Loualaba, au confluent du Likouloué. Après un séjour
d'un mois à Kagoma, les voyageurs se rendirent, au commencement de
janvier, à l'ouest de l'Ouroua pour se joindre à M'Siri, qui faisait alors
une campagne militaire. Le 4 février, ils découvrirent, au sud du lac Kas-
sali de Cameron, l'Oupemba, beaucoup plus grand, nommé par Cameron
Lohemba, et placé trop au sud dans nos cartes. C'est dans le voisinage
de ce dernier lac, près de Katapena où sont des sources thermales sul-
fureuses, que le D' Bôhm mourut de la fièvre, le 27 mars. M. Reichard
chercha alors à traverser le Katanga, dans une direction méridionale,
pour atteindre les sources du Loualaba et du Loufira. Mais l'hostilité des
Wa-Ramba, habitants du pays d'I-Ramba, l'obligea à revenir sur ses
pas, alors qu'il n'était plus qu'à dix jours de marche de ces sources. M'Siri
lui-même, dans la résidence duquel il avait espéré trouver un refuge, lui
devint hostile et attenta à sa vie, en sorte que l'explorateur ne put effec-
tuer son retour au Tanganyika que les armes à la main. Le 25 septem-
bre, il quitta Ounkéa, capitale de M'Siri, dans le voisinage de laquelle
il avait exploré de riches mines de cuivre; trois jours après, il passait le
Loufira et entrait dans le défilé des monts Koundé-Iroundé. Pendant
plusieure semaines, l'expédition, abandonnée de ses guides, eut à lutter
contre la faim et contre les indigènas, jusqu'à ce que, le 15 octobre, elle
— 230 —
retrouva sa route, et put retraverser le Louapoula, à un jour de marche
au nord de sa sortie du lac Moëro.
La contrée comprise entre le Louapoula et le Loualaba, les deux
rivières qui forment le Congo, n'avait pas encore été parcourue par
des Européens. Livingstone et Giraud ont fait connaître le Louapoula;
Cameron, dont l'itinéraire est parallèle au Loualaba, à 50 ou 100 kilo-
mètres de distance, a donné une idée imparfaite de son cours supé-
rieur, dont il franchit successivement plusieurs des affluents occidentaux.
Les renseignements rapportés par le B' Reichard jetteront un nou-
veau jour sur l'orographie et l'hydrographie de cette partie de l'Afrique
centrale. La rivière qui sort du lac Moëro continue à porter le nom de
Louapoula, que les indigènes lui donnent entre le Bangouéolo et le Moëro,
tandis que celle qui se verse dans le lac Kassali porte exclusivement le
nom de Loualaba, qu'elle conserve jusqu'à Nyangoué. Le D' Reichard a
vu ce dernier du haut des monts Mitoumba, au sud du lac Oupemba : il
estime qu'en cet endroit le Loualaba mesure déjà 300 mètres de largeur.
Le lac Oupemba est situé à quatre joui'S de marche seulement au sud
du lac Kassali, par conséquent moins loin que ne l'a supposé Cameron.
Celui-ci, empêché par le chef du pays de s'approcher de l'Oupemba,
n'en aperçut les eaux que d'une distance de ISkilom. ; l'importance de
ce lac a été exagérée dans les cartes. Quant aux deux grandes rivières,
le Loualaba et le Louapoula, si, quant à la longueur c'est ce dernier qui
doit être envisagé comme la partie supérieure du Congo, au point de
vue du volume d'eau, le Loualaba l'emporte de beaucoup. La longueur
du Louapoula, de la source duTchambezi au lac Lan dji, peut être approxi-
mativement fixée à 1300 kilom., tandis que le Loualaba n'a guère que
800 à 900 kilom. En revanche le Loualaba apporte au lac Landji beau-
coup plus d'eau que le Louapoula. Lespœnbeiros qui seuls, en 1806, ont
franchi le Loualaba dans son cours tout à fait supérieur, rapportent
qu'il mesure déjà 90™ de large à la résidence du chef Kibouri. En aval
un peu au sud du lac Oupemba, il atteint 300". Ses affluents sont nom-
breux et importants : à gauche, le Loubouri ; à droite, le Loufira et le
Lekouloué. Entre les lacs Kassali et Landji, avant de réunir ses eaux à
celles du Louapoula, son volume doit être considérable. A sa sortie du
lac Moëro, le Louapoula, d'après M. Giraud, n'a que 90" ; il n'a pas
d'affluents importants. Réunis, les deux cours d'eau ne tardent pas à
prendre une largeur majestueuse, qui atteint 900" devant Nyangoué.
Quant à la source du Loualaba, il paraît qu'elle doit être reportée plus
au sud que ne le supposait Livingstone, d'après lequel toutes ces riviè-
— 231 —
res descendraient du versant septentrional d'une chaîne de montagnes
faisant suite aux monts Lokinga, au sud du Bangouéolo. Les renseigne-
ments fournis au D' Reichard permettent de croire, qu'au lieu de ces
montagnes ce sont des plaines qu'il faut inscrire sur les cartes, et d'après
M. Giraud, la chaîne indiquée à l'est des monts Lokinga n'existe pas ;
probablement en est-il de même vers l'ouest. La ligne de faîte se pré-
sente vraisemblablement sous forme de mamelons à peine sensibles,
comme entre le bassin du Bahr-el-Ghazal et celui de l'Ouellé. Living-
stone pensait que. le petit lac Dilolo, qui se trouve sui* cette ligne de
faîte, déverse ses eaux à la fois dans le bassin du Congo et dans celui du
Zambèze. Si l'on compare le volume d'eau du Loutira avec celui du
Loualaba, il semble que la source de ce dernier ne peut être cherchée
que beaucoup plus au sud. Sous le 10^ lat. sud, l'affluent ne mesui*e que
5Cr à 60" de large, tandis que le Loualaba atteint déjà SOC". Quoique
le D' Reichard n'ait échappé que très difficilement à une tentative d'as-
sassinat, il songe à entreprendre une nouvelle expédition à l'intérieur.
Auparavant il a dû revenir à la côte, et comptait être à Zanzibar à la fin
de juin ; nous n'avons pas encore appris son anivée, mais nous espérons
qu'elle ne tardera pas.
Malgré les bruits alarmants qui courent sur la situation de la nou-
velle colonie allemande à l'ouest de Zanzibar, les directeurs
de la Compagnie, qui se disposent à exploiter cette région, après l'avoir
placée sous le protectorat de l'empire d'Allemagne, continuent à éten-
dre leurs possessions. Le comte Pfeil, qui représente la Société, a acheté
le territoire de Koutou, et a pris possession de la partie supérieure du
bassin de la Roufidji. D'après M. Giraud, le Koutou, situé à quinze ou
vingt jours de marche de la côte, est à l'abri des incursions des bandes
pillardes de Saïd-Bargasch, et jouit d'une prospérité relative; une large
zone de culture entoure les villages : riz, sorgho, maïs, tabac croissent
en abondance, et les indigènes ne se font pas, comme ailleurs, un point
d'honneur de ne pas toucher une bêche : hommes et femmes, maîtres et
esclaves, passent la plus grande partie de la journée dans les champs,
situés souvent à deux et trois heures du village. Les Wa-Koutou taillent
leurs villages, à coups de hache, dans d'immenses buissons épineux,
fourrés assez communs dans la contrée, sur les bords des marigots. Ces
villages, qui mesurent quelquefois jusqu'à 500™ ou 600" de diamètre,
sont défendus par 30" ou 40" d'un fourré de ronces et d'épines qui les
abrite très sûrement contre les attaques du dehors. Cette partie du pla-
teau étant à lôO" ou 200" au-dessus de la mer, les chaleurs tropicales
— 232 —
de la côte commencent à tomber et les brises du sud à se faire sentir.
D'après le Mouvement géographique, il est probable que la nouvelle
colonie allemande reculera peu à peu ses limites vers l'intérieur, et éten-
dra ainsi son influence civilisatrice dans ces parages, oîi jusqu'ici aucune
mission ni station humanitaire n'a été fondée. — Le D' Fischer écrit
de Zanzibar que pendant son absence les sentiments de Saïd-Bargasch
à l'égard de l'Allemagne ont beaucoup changé. Le sultan s'est entière-
ment jeté dans les bras des Anglais. La surveillance de la marine
anglaise pour empêcher le commerce des esclavas a été supprimée, aussi
la traite a-t-elle pris une grande recrudescence ; les prix des esclaves
ont baissé. Les membres de la Société allemande de l'Afrique orientale
abandonnent les points de la côte. Le D"" Jtthlke s'est rendu de Pangani au
Kilimandjaro. Partout le sultan a fait hisser son drapeau et a établi des
postes militaires jusque dans la baie de Formose. — La Colonial polir
tisclie Correspondenz annonce que la cinquième expédition de la Société
allemande de l'Afrique orientale, sous la direction du lieutenant Schlû-
ter, est arrivée à Zanzibar le IG juin. Elle a reçu l'ordre de se diriger
sur rOu-Sagara et d'y attendre des instructions ultérieures. — Une
sixième expédition a dû quitter Berlin le 14 juillet ; elle est composée de
quelques officiers et déjeunes colons pi'opriétaires. Le professeur Hent-
schel, de léna, l'accompagne en vue d'études pratiques sur l'agriculture.
La Société a fait de nombreux achats de semences.
La Société de géographie de Londres a chargé M. J.-T. Last, agent
laïque de la « Church Missionary Society, » d'une expédition d'un
caractère différent de celles qu'elle a patronnées jusqu'ici. Tandis que
les précédentes avaient pour but la découverte d'une voie de communi-
cation d'un point de la côte à l'intérieur, M. Last devra étudier en
détails une région particulière. Il quittera l'Angleterre au mois d'août,
organisera une caravane à Zanzibar, puis se dirigera vers Lindi, au nord
de l'embouchure de la Rovouma. De là il se rendra au confluent de cette
rivière et de la Loujenda, point important en géographie, et dont il déter-
minera la longitude. Prenant ensuite une direction S.-O., il se portera,
avant d'atteindre l'extrémité septentrionale du lac Chiroua, au sud,
vers les monts Namuli, découverts parle consul O'Neill à la fin de 1883.
Il s'y établira pour faire l'étude détaillée du pays au point de vue topo-
graphique et ethnographique, en même temps qu'il apprendra à en con-
naître le mieux possible la flore, les produits, le climat, les langues, etc.
Ces études terminées, M. Last entrera dans la vallée de la Likougou,
qui prend sa source dans le voisinage de ces montagnes ; il. la suivra jus-
— 233 —
qu'à la côte, à Quizoïmgou, d'où il se rendra au sud, à Quilimane, ou au
nord, à Angoche et à Mozambique. Il devra recueillir, partout où il pas-
sera, toutes les informations possibles sur le pays, les habitants, leurs
coutumes, les conditions sanitaires, et la possibilité d'introduire des
plantes européennes ou d'autres, utiles à l'économie agricole. La vallée
de la Likougou est, diton, d'une très grande fertilité, et peut devenir
d'une grande importance, soit pour la colonisation, soit pour le com-
merce.
Les explorateurs portugais, Capello et Ivens, qui étaient partis
l'année dernière de Saint-Paul de Loanda, ont télégraphié à
Lisbonne leur arrivée à Mozambique, après avoir traversé l'Afrique
sur une ligne de 3000 kilom. de longueur. Elle constitue en majeure par-
tie la ligne de faîte qui sépare le bassin du Congo de celui du Zambèze.
Elle a déjà été traversée sur plusieurs points par Livingstone, Cameron,
Giraud, le D' Reichard, mais c'est la première fois qu'une expédition
scientifique la suit de l'ouest à l'est ; et l'on peut espérer que les explora-
teurs, auxquels on doit déjà des données très exactes sur le cours supé-
rieur de la Quanza et le cours moyen du Quango, nous apporteront enfin
le vrai tracé de cette ligne de faîte, intéressante non seulement au point
de vue physique, mais aussi, depuis la Conférence de Berlin, au double
point de vue politique et économique. En effet, elle limite au sud la zone
du commerce libre, et en partie l'État libre du Congo. C'est là qu'ont
leurs sources le Congo et le Zambèze, et leurs principaux tributaires, le
Liba, le Cassaï, le Kabompo, la Loudona, le Loualaba, le Loufira et le
Loangoua.
Le numéro des Proceedings qui vient de paraître renferme le rensei-
gnement suivant, au sujet du territoire des Be-Chuana, sur lequel
le gouvernement anglais a proclamé le protectorat britannique
décidé en conseil de S. M., à Osbome, le 27 janvier de cette année. Ce
protectorat s'étend sur les parties de l'Afrique australe qui ne sont sous
la juridiction d'aucune puissance civilisée, à l'ouest de la frontière de la
République sud-africaine, telle qu'elle a été fixée par la Convention de
Londres du 27 février 1884, entre S. M. britannique et la susdite répu-
blique ; au nord de la Colonie du Cap de Bonne-Espérance ; à l'est du
20"* longit. est, et au sud du 22° de lat. S. D'après un correspondant
du Times résidant dans la ville du chef Sekélé, ce territoire est aussi
grand que l'Espagne ; il embrasse beaucoup plus que le pays des Be-
Cbuana, puisqu'il comprend le désert de Kalahari. Tandis que les par-
ties méridionale et orientale sont bien connues, d'après les travaux de
— 234 —
Livingstone et des voyageui's qui lui ont succédé, celles de l'ouest et
du nord sont encore à explorer. Il semble qu'il y ait quelque incertitude
quant à la partie orientale de la frontière septentrionale. Les autorités
du Cap rétendent à peu près jusqu'au 32°, réclamant la bande de terri-
toire entre le Limpopo et le 22° lat. Sud, pour enfermer le Transvaal
au nord, comme d'autres États l'enferment de tous les autres côtés.
D'après la Kolnische Zeitung, des conventions importantes ont été
conclues à Berlin au sujet d'An^ra-Pequena. Déjà avant l'acquisi-
tion de ce territoire par M. Ltlderitz, des commerçants allemands du
Rhin et des négociants anglais avaient acquis le droit d'en exploiter les
mines de cuivre. Après la transformation de l'entreprise Llideritz en
Société allemande de colonisation de l'Afrique méridionale, une entente
entre la Société commerciale et cette dernière était désirable dans l'in-
térêt du développement commercial d'Angra-Pequena. Les pourparlers
engagés à ce propos ont abouti. Une expédition technique et scientifi-
que sera d'abord envoyée dans le pays, pour s'enquérir de la richesse
des ndnes et des conditions d'exploitation au point de vue financier et
technique. Un doute subsiste encore relativement à la facilité d'ex-
ploiter ces mines éloignées de la côte, et qui pourraient n'être pas
suffisamment riches en minerai pour motiver une exploitation sur une
grande échelle. Le commissaire impérial d'Angra-Pequena, M. Goring,
a quitté Berlin le 15 juin, pour se rendre au Gap et à Angra-Pequena.
Le D' Schuvelnfarth a répondu à M. Wauterti, qui lui avait
soumis son hypothèse sur le problème de rOuellé (p. 199), dont
le savant géographe de Bruxelles fait le cours supérieur de l'Oubangi.
L'explorateur de l'Ouellé reconnaît la valeur de l'exposé de M. Wauters,
mais réserve de se prononcer au moment oh les renseignements des
explorateurs, MM. Grenfell et Coquilhat, lui seront parvenus. Actuelle-
ment, le rapport de M. Grenfell n'a point encore été publié; ou ne
connaît à ce sujet que deux sources d'information, l'une la lettre de
M. Coquilhat, annonçant que M. Grenfell avait, une première fois,
remonté l'Oubangi jusqu'à l"" 25' lat. nord, dans une direction paral-
lèle au Congo, la rivière laissant,*entre sa rive gauche et la rive droite
du fleuve, une longue et étroite langue de terre qui forme une presqu'île;
les 175 kilom. du cours inférieur de l'Oubangi se dirigeraient donc
du N.-E. au S.-O. ; la seconde, un rapport de M. Van Gèle, revenu du
Congo à Bruxelles, d'après lequel M. Grenfell aurait fait une seconde
exploration de la rivière jusqu'au 4'',20\ la direction générale de la
rivière étant, dans cette partie moyenne de son cours, du nord au sud.
— 235 —
Une difficulté empêche le D' SchweiQfiirth d'accepter d'emblée l'hypo-
thèse de M. Wauters, c'est le fait qu'en l'admettant, on n'aurait plus
aucun tributaire du Congo, descendant de la ligne de partage du bassin
du Bénoué. A quoi M. Wauters répond que les rivières qui prennent
naissance à cette ligne de faîte, le Kundé, le Tukki, la Nana, mention-
nés par Flegel, apportent leur tribut au Congo par l'Oubangi, et qu'il
faut bien la réunion de toutes les eaux du vaste territoire, compris
entre le Chari, le Bénoué et le Congo, pour expliquer le volume considé-
rable de rOubangi, large à son embouchure de 11 kilomètres. Le
D' Schweinfurth rappelle encore, en faveur de son hypothèse, le témoi-
gnage de Junker, qui, dans une de ses dernières lettres, lui dit expres-
sément avoir la certitude de l'identité des deux cours d'eau, Ouellé-
Chari, et en rapporter les preuves indiscutables. Devant une affirmation
aussi positive d'un explorateur qui, depuis plus de quatre ans, étudie la
région du Haut-Ouellé, nous n'osons encore, quelque plausible qu'elle
puisse paraître, admettre l'hypothèse de M. Wauters. D'après ce der-
dier, le Bomokandi serait le cours supérieur de l'Itimbiri, avec une
direction E.-S.-O., tandis que Junker, qui l'a traversé plusieurs fois
(voir la carte, IV°' année, p. 116), lui donne une direction E.-N.-O., et
le fait se jeter dans l'Ouellé par 4*' lat. nord. Cette divergence de vues
entre l'explorateur et M. Wauters ne peut que nous faire désirer tràs
vivement voir Junker revenir du pays des Mombouttous par le Congo,
ce qui lui fournirait l'occasion de traverser toute la région encore en
blanc sur nos cartes, et de résoudre, par l'observation directe, le pro-
blème dont les hypothèses les plus savantes ne peuvent donner la
solution '.
' A la dernière heure, les Proceedings de la Société de géographie de Londres
nous apportent une lettre de M. Grenfell, d'où nous ne pouvons extraire pour
aujourd'hui que ce qui concerne le Mobangi, l'affluent que M. Wauters appelle
rOubangi. « Le Mobangi, qui se jette dans le Congo en formant un delta, entre 0^,26'
«t 0^,42' lat. S., est un de ses plus grands tributaires. En le remontant, j'ai suivi
une direction moyenne nord un quart nord-est, et jusqu'au 4i°^^(y lat. N. il est
•encore navigable. Par 4°, 23', immédiatement au-dessous des seconds rapides, je
lui ai trouvé 673"" de largeur; en aucun point en aval sa largeur n'est moins consi-
dérable. Sa profondeur moyenne est dé 25 pieds, et quoique le courant ne fût que
de 80 à 100 pieds par minute, il semble qu'un énorme volume d'eau provient d'un
point bien rapproché des sources du Bénoué. D'où vient-elle? Les trombcu^ies
{armes de jet) du bassin du lac Tchad, mentionnées par Schweinfurth, y sont
communes, tandis qu'on les ignore sur le Congo. Sur la rivière qui correspond à
236 —
Tout en reconnaissant que les afllaeiits de la rive droite dit
Con^o entre Stanley-Pool et l'emboncliure de l^Gabanf^i,.
sont encore peu connus, le Motivefinent géographique résume de la
manière suivante ce que Ton sait sur les quatre tributaires importants
de la partie du Congo qu'il appelle le Congo français. Le LavirAon a
été reconnu presque tout entier dans son cours supérieur par M. de
Brazza, et le confluent en est fixé par les missionnaires Grenfell et
Comber à 2°58' de lat. sud et 16**27' de long, est; laMpakaaété
explorée par M. Grenfell, qui place son embouchure à 15 ou 20 kilom»
en amont de Bolobo; elle vient en droite ligne de l'ouest; PAlima, à
laquelle se rattache l'Obo, a été découverte par de Brazza en 1878; son
confluent avec le Congo, d'après Grenfell, est à 1°33' de latitude sud ;
enfin vient la Nicoundja ou Koiinya, dont le confluent doit servir à
la délimitation N.-E. de la nouvelle colonie française, quoiqu'on ne
sache pas encore positivement où se trouve ce confluent. Quant à la
Licona, M. Wauters en fait un affluent de TOubangi.
Un projet de loi portant ouverture d'un crédit de 946,829 fr., pour
l'organisation des établisHements français du^olfe de Gainée»
a été présenté à la Chambre des députés. L'exposé des motifs rappelle
qu'à la suite des conventions passées avec l'Association internationale
africaine, celle-ci a cédé à la France ses stations et propriétés de la
vallée du Niari-Quillou, moyennant une indemnité qui a été fixée d'un
commun accord à 300,000 fr. Les stations sont au nombre de seize ;
douze d'entre elles sont situées entre le Niari-Quillou et le Chiloango.
Le département de l'instiniction publique ayant remis à celui de la
marine et des colonies tout ce qui peut constituer l'actif mobilier et
immobilier de la mission de l'ouest africain, celle-ci est terminée. Quant
à l'organisation de la nouvelle colonie française, le département de la
marine constate qu'on ne peut y procéder avant le retour de la mission
confiée à MM. Bouvier et Ballay.
M. Léon Gairal, chargé par le ministre de l'instruction publique
d'une mission dans le bassin de la rivière San Benito» au nord du
Gabon, a adressé à la Société de géographie de Paris une note sur son
voyage dans la partie supérieure de ce bassin. Il n'a trouvé le Benito
navigable que jusqu'aux chutes de Yobé, à 35 kilom. de l'embouchure.
POukéré de Stanley et que j'ai remontée jusqu'à une cataracte, par 2**,50' lat. N.»
j'ai trouvé des boucliers et des cimeterres aussi bien que des trombaches, répon-
dant exactement aux dessins de Schweinfurth. »
— 237 —
A partir de ce point, le coui-s de la rivière est à chaque instant inter-
cepté par des rapides ou des cataractes ; aussi renonça-t-il à le remon-
ter en pirogue, et prit-il la voie de terre pour pénétrer dans l'intérieur.
Le Benito reçoit sur sa rive droite, en aval du village de Maliko, plu-
sieurs affluents, gros ruisseaux coulant dans un terrain tourmenté et
dans un lit hérissé de rochers ; les eaux vives et fraîches en sont très
poissonneuses ; la région que traversent ces petites rivières est généra-
lement montagneuse et boisée. Elle est habitée par des gorilles qui, à
la saison des fruits, restent dans, la forêt, qu'ils abandonnent plus tard
pour venir ravager les plantations établies auprès des villages. Elle est
aussi peuplée de troupes d'éléphants qui joignent leurs déprédations à
celles des gorilles. M. Guiral poussa une pointe sur la rive gauche
jusqu'au village de Soungoué, perché sur les montagnes qui bordent le
Benito, dans l'espoir d'y rencontrer des gorilles, mais il lui fut impos-
sible d'en atteindre aucun. Sur la rive gauche, l'affluent le plus impor-
tant reconnu par l'explorateur français est le Langé, d'une largeur
moyenne de 30" et d'une profondeur de 60 centimètres ; il est aussi
intercepté par des cataractes. Aucun Européen n'ayant encore pénétré
jusque là, le chef de Ngombé fut très effrayé à l'aspect d'un blanc,
mais M. Guiral n'eut pas de peine à le rassurer. Les naturels lui avaient
parlé d'un lac — adiba — sans nom spécial ; il réussit à l'atteindre à
140 kilom. de la côte, et lui trouva 500" de longueur, sur une largeur
de 200". Sur les rives on constate de nombreuses traces d'éléphants. A
une journée de là commence le territoire des Ossiébas et des Pahouins.
M. Guiral s'arrêta au village de Njala près du lac, poui- ne pas s'exposer
au danger d'être pris et mangé par les Pahouins cannibales. Peu de
temps auparavant, ils avaient pris trois hommes de la tribu des Bala-
nigny dans le voisinage du lac, et les avaient mangés ; de là était
résultée une guerre entre les Balanigny et les Pahouins, ce qui empêcha
M. Guiral de pénétrer plus avant.
M. Daban, explorateur français, qui a déjà fait un voyage dans le
bassin dn TVig^er, repartira dans quelques semaines pour la côte
occidentale d'Afrique. De la côte des Esclaves, il se propose de péné-
trer dans les parties encore inconnues des régions riveraines du Niger,
pour les explorer au point de vue géographique et ethnographique ; ij
s'occupera aussi d'histoire naturelle, et s'attachera à apprécier les res-
sources commerciales du pays en vue des possessions françaises de
Porto-Novo et d'Assinie. Depuis que les comptoirs français du Niger ont
<^té cédés à des compagnies anglaises, la France cherche à faire de ces
— 238 —
deux points le débouché des richesses naturelles que contiennent les
contrées que va explorer M. Duban.
M. le lieutenant P»l»t, qui pendant six ans a fait campagne en Algé>
rie et en Tunisie, et qui possède parfaitement l'arabe, a obtenu du
ministre de Tinstruction publique une mission à travers le
Sahara, en prenant comme point de départ le Sénégal, et pour point
d'arrivée l'Algérie, Il comptait partir le 20 juillet pour Saint-Louis, et
se rendre de là à Médine par l'aviso qui remonte le fleuve. De Médine,
il ira par caravane à Bamakou, en suivant la ligne des postes français.
De ce dernier.fort sur le Niger, il espère pouvoir se rendre à Timbouc-
tou par la canonnière française qui y stationne ; s'il en est empêché, il
prendra la route des caravanes plus longue et moins facile. A Timbouc-
tou il profitera de la bienveillance de l'envoyé venu à Paris l'année der-
nière, et de celle des habitants delà ville, pour diriger sur l'Algérie et le
Sénégal les courants commerciaux qui prennent la voie de la Tripoli-
taine et du Maroc. D tâchera ensuite de profiter du départ d'une cara-
vane pour passer à travers les pays touaregs, coiffera le turban vert et
se donnera comme médecin. Il espère pouvoir ainsi regagner l'Algérie
par Mabrouk et le Touat. Peut-être les bonnes relations nouées avec
les Français et les ambassadeurs marocains, d'un côté, et les chefs
arabes du sud oranais de l'autre, faciliteront-elles l'exécution de ce
projet pour lequel nous formons les meilleurs vœux.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Une compagnie française de navigation va être créée, pour fournir des transports
à bon marché entre l'Algérie et la France, en faveur de certains produits, dont
la valeur ne permet pas de les grever de frais trop élevés. Les alfas récoltés en
Algérie et en Tunisie sont presque tous, jusqu'à présent, exportés en Angleterre;
ils pourront* désormais être très avantageusement utilisés par les papeteries de la
vallée du Rhône.
Le capitaine Bernard, chargé d'une mission militaire d'Alger à Ouargla, par
Laghouat et Gardaïa, a envoyé à la Société de géographie de Paris son itinéraire,,
la route qu'il a suivie n'étant encore portée sur aucune carte. Son voyage a été
rendu assez pénible par les circonstances atmosphériques de l'hiver, qui a été
caractérisé par la grande masse d'eau tombée dans cette partie de l'Afrique.
Les essais d'éclairage à la lumière électrique dans le canal de Suez ont très
bien réussi, en sorte que les navires pourront faire le passage de nuit aussi bien
que de jour, ce qui améliorera beaucoup la circulation d'une mer à l'autre.
— 239 —
L'office international télégraphique de Berne a annoncé que les câbles sous-
marins ont été immergés de Suez à Souakim, et de Souakim à Périm. Les télé-
grammes pour Massaoua et Assab sont dirigés sur Aden^ d'où ils sont transportés
par la poste, chaque semaine, à leur destination.
L'agence Stefani rapporte que VEsplaratore, aviso italien, qui faisait un voyage
d'exploration sur le littoral de la mer Rouge, a noué des relations amicales avec
les chefs indigènes, qui ont accepté de se placer sous la protection des autorités
italiennes établies à Massaoua et à Assab.
Une expédition Italienne, commandée par le comte Porro, président de la Société
africaine d'Italie, se prépare à explorer, dès l'automne prochain, après la saison
des pluies, les hautes terres de Mensah et d'Aghedé, au noi^ de l'Abyssinie.
Depuis le mois de janvier on était sans nouvelles du comte Antonelli. Une lettre
du 12 avril annonce qu'il se dirige du Choa vers la côte, et qu'il arrivera prochai-
nement en Italie avec une ambassade du roi Ménélik.
Le D' Ëmil Biebeck, auquel on doit une exploration scientifique très conscien-
cieuse de Socotora, faite avec le D' Schweinfurth, est mort, le 22 juin, à Feld-
kirch, en Tjrrol. C'est lui qui a envoyé l'explorateur Krause au Niger, au
Bénoué et au lac Tchad, pour en étudier les bassins au point de vue linguistique
et ethnographique.
D'après un télégramme, adressé de Zanzibar au Standard, un accueil cordial a
été fait au général Matthews, envoyé de Saïd-Bargasch, par les chefs de Chagga,
de Taveta, de Teïta et d'Arousha ; 25 chefs ont signé un acte par lequel ils ont
reconnu la souveraineté du sultan.
L'évêque Hannington a fait récemment une excursion à Teïta et à Moschi, rési-
dence du chef Chagga, au pied du Kilimandjaro, pour faire choix d'un emplace-
ment en vue de l'établissement d'une station missionnaire. Il a dû, dès lors,
chercher à atteindre la c6te orientale du Victoria-Nyanza, par la route de
M. Thomson, à travers le pays des Masaï.
Le petit vapeur, la Bonne Nouvelle, a été lancé le 3 mars sur le Tanganyika.
De son côté, le lieutenant Storms a lancé en février, sur le même lac, un deux-
mâts, à fond plat, dont toutes les parties, depuis le moindre clou jusqu'au dernier
bout de cordage, sortent des ateliers de la station de Earéma. Il peut porter
facilement 125 personnes, et plus de cent tonnes de marchandises.
MM. Henri Berthoud et Eugène Thomas, missionnaires au Spelonken, ont dû
partir à la fin de mai pour se rendre à la station fondée par un évangéliste
ma-gwamba, chez Magoud, à peu de distance de la baie de Delagoa.
La Chambre des députés de Lisbonne a ratifié le traité de commerce avec la
république du Transvaal.
Un gisement aurifère d'une grande importance a été découvert près de Preto-
ria, dans la chaîne des monts Wittewater.
Une dépêche de Durban annonce que les Boers ont occupé la baie de Ste-Lucie,
et que l'on considère cette occupation comme devant amener un nouveau conflit
entre l'Angleterre et le Transvaal.
— 240 —
Une expédition scientifique composée de trois explorateurs allemands que l'on
croit envoyés par leur gouvernement, dit le Natal Mercury, a passé à Mafeking,
se dirigeant sur le Zambèze, où elle rejoindra un autre groupe d'explorateurs
partis de Zanzibar. Leur destination serait le lac Ngamî.
A rimitation des Sociétés de missions de Bâle et de Brème, la Société rhénane»
dont le siège est à Barmen, a adressé au prince de Bismarck une pétition pour
demander que toutes les restrictions possibles soient apportées au commerce des
spiritueux dans les colonies africaines allemandes.
Le major Henrique de Carvalho, chef de l'expédition portugaise chargée de se
rendre chez le Mouata-Yamvo, a conclu avec les Ca-pendas Camu*Lenbas, un
traité d'amitié et de commerce, dans le genre des traités passés par Stanley avec
les chefs indigènes du Congo.
Le D*" Chavanne, qui s'est embarqué à Lisbonne, le 6 avril dernier, est arrivé à
Boma le 1*'' mai. Il est chargé d'établir, dans le voisinage de ce port, d'importantes
cultures pour le compte d'une maison d'Anvers.
Une nouvelle station a été établie à Mabimo, sur la rive gauche du Congo, à
peu près à égale distance de Kwamouth et de Bolobo. C'est à Mabimo que com-
mence la région populeuse habitée par les Bayanzi. Le chef Mokatoula a reçu les
agents de l'Association avec de grandes démonstrations de joie.
Le lieutenant Van Gèle a reçu de Tipo-Tipo, sur le Mouta-Nzigué, des rensei-
gnements d'après lesquels ce lac appartiendrait au bassin du Nil; il serait relié
par un courant d'eau avec l'extrémité méridionale du lac Albert. Tipo-Tipo n'a
pas constaté lui-même le fait; mais ses sous-chefs, qui exploitent cette région, le
lui ont donné pour absolument positif. La rive orientale du lac serait habitée par
des populations extrêmement belliqueuses, tandis que sur la rive opposée se
trouveraient des tribus paisibles et agricoles.
Le gouvernement turc a signé, avec l'État indépendant du Congo, une conven-
tion semblable à celles qu'ont déjà conclues les treize autres puissances représen-
tées à la Conférence de Berlin.
On a distribué à la Chambre des députés un projet de loi portant approbation
d'une convention signée, d'une part, par le ministre de la marine et le ministre des
postes et télégraphes, et, d'autre part, par la Société « West african Telegraph C*
limited, » de Londres, à l'effet de relier par un câble sous-marin les possessions
françaises du Gabon, Porto-Novo, Grand-Bassam et Rio-Nunez, à Saint-Louis du
Sénégal, point qui est, depuis peu, en communication télégraphique avec le réseau
européen.
M. Rogozinski est en route pour revenir en Europe ; il rapporte de Cameroon
quantité de notes et d'observations scientifiques et commerciales qu'il se propose
de publier.
M. J. Thomson, l'explorateur du pays des Masaï, a accepté une mission au
Niger et au Bénoué; il est déjà arrivé à destination.
La Société coloniale allemande de Berlin se propose d'établir, des stations, au
nord d'une ligne tirée de l'embouchure du Rio-del-Rey à la ville de Ibi, sur le
Bénoué supérieur.
— 241 —
Par arrêté dit gouverneur du Sénégal, la commune de Rufisque, marché d'ara-
chides très important de la côte, a été autorisée à établir un chemin de fer
Decauville, qui sera mis à la disposition du commerce et du public, moyennant
une redevance à payer par ceux qui se serviront de cette voie pour le transport
^e leurs marchandises.
Le chemin de fer de Dakar à Saint-Louis a été inauguré le 7 juillet, et est
ouvert à l'exploitation sur toute sa longueur.
La Gazette officielle de Madrid a publié un décret du roi nommant l'explorateur
espagnol Bonelli, commissaire royal , investi du commandement suprême civil et
militaire, pour le territoire situé sur la côte occidentale d'Afrique entre le cap
Bojador et le cap Blanc, et qui a été placé sous le protectorat de l'Espagne en
décembre 1884. Le commissaire aura le droit de conclure des traités avec les tribus
indigènes et de prendre possession de nouveaux territoires, sauf l'approbation de
son gouvernement.
M. H. Duveyrier qui avait accompagné l'ambassade française au Maroc, est
rentré en France par Oran, où il a donné à la Société de géographie d'intéres-
sants détails sur le pays qu'il venait de parcourir.
Après avoir envoyé une ambassade à Paris, le sultan du Maroc a décidé d'en
«nvoyer une au roi d'Italie.
LE COMMERCE DE L1V0IRE AFRICAIN.
De tous les produits que le continent africain fournit au commerce,
le plus recherché est sans contredit l'ivoire ; c'est aussi celui qui peut
être le plus rémunérateur pour les nouvelles possessions et colonies
européennes, à leur début.
Il y avait, au dire de Stanley, l'année dernière, un stock de plus de
3000 défenses à vendre à Stanley-Pool. Le Moniteur des Consulats, du
11 juillet, s'exprimait ainsi : « L'ivoire sera, pour les nouveaux colons,
une source considérable de richesse. Il occupe, sur le marché africain,
une place tellement grande, que, parmi les productions animales du
monde entier, il en est peu qui soient l'objet d'un plus grand commerce
et la source de plus gros bénéfices. Si l'on songe qu'une belle défense,
rendue à Londres, vaut de 1200 à 1500 fr., que le marché anglais à lui
seul en demande annuellement 40 à 50,000, soit pour environ cinquante
millions de francs (?), qu'en outre les défenses africaines, pour la ténuité
de leur grain et pour leur grosseur, sont plus recherchées que celles de
l'Asie, et que d'un autre côté, au rapport de MM. Van Gèle, Coquilhat
et Zboïnski, les éléphants sont très nombreux dans le Haut-Congo, ou
comprendi'a facilement quelle importance prendra, pour le nouvel État
— 242 —
libre, le commerce de l'ivoire, dès la construction du chemin de ter pro-
jeté, de Vivi à Isanghila et de Manyanga h LéopoldviUe. »
Quelle que soit la quantité d'ivoire que puisse fournir la région da
Congo, il en est exporté d'une foule d'autres points des côtes, et il
importe d'avoir une vue d'ensemble sur ce sujet, soit quant à la quan-
tité, soit quant aux ports par lesquels se fait l'exportation et à la mesure
dans laquelle chacun d'eux en fournit au marché européen. Sous ce rap-
port, nous avons été heureux de rencontrer, parmi les travaux présentés
au Congrès des géographes allemands réunis à Hambourg en avril der-
nier, un mémoire très complet sur cette question, dû à M. Westendaip,
qui, déjà en 1880, avait fait à la Société de géographie de Hambourg
une communication sur les éléphants des Indes et de l'Afrique, et sur
l'extension du commerce de l'ivoire. L'étude approfondie à laquelle il
s'est livi'é et ses nombreux voyages en Asie et en Afrique, lui permet-
taient de traiter le sujet avec une autorité incontestée. C'est à ses tra-
vaux que nous empruntons les renseignements suivants.
On peut dire que toute l'Afrique centrale, du Sahara à la Colonie du
Cap, est encore riche en éléphants, surtout les parties arrosées par les
fleuves et baignées par des lacs. Les connaisseurs distinguent facilement
deux qualités d'ivoires, l'un tendre, celui de la côte orientale, l'autre
dur, qui provient de la côte occidentale, Au point de vue du commerce
aussi, les deux côtes ont beaucoup différé jusqu'ici. Connue depuis plus
de mille ans par des peuples de demi-civilisation, les Arabes, les Per-
sans, les Hindous, la côte orientale a été exploitée par eux, tandis que
la côte occidentale ne l'a été que beaucoup plus tard, et seulement par
des nations européennes. C'est ce qui explique que les meilleurs guides
nègres pour l'intérieur se rencontrent surtout à l'est ; en effet, depuis
des siècles ils sont employés, soit au transport, soit aux recherches, et,
dans leurs rapports avec des hommes de races supérieures, ils ont
acquis plus de connaissances et de confiance. Aussi M. Westendarp
reconnut-il bien vite que l'ijnportance de la côte orientale, quant à
l'exportation de l'ivoire, l'emportait de beaucoup sur celle de la côte
occidentale. On ignorait ce fait en Europe ; les fortes quantités d'ivoire
venant de l'Inde, on croyait que c'était l'Inde qui les produisait, tandis
que c'étaient des Banians qui, voyant l'ivoire diminuer dans la pénin-
sule, allaient le chercher h la côte orientale d'Afrique. Favorisés par les
moussons du N.-E. et du S.-O., ils pouvaient accomplir leur voyage régu-
lièrement, et en toute sécurité, en quelques mois. Par un examen atten-
tif de certains lots importés de Bombay, M. Westendarp a constaté que
— 243 —
]a plus grande partie de l'ivoire expédié de ce port k Londres, pix)vieut
rie la côte de Mozambique. On peut, sans avoir visité soi-même le pays,
et d'après l'état extérieur et intérieur des dents d'éléphants, dire quels
étaient la nature du sol et le climat de la région où vivaient les individus
qui les portaient. U est facile de distinguer ceUes qui proviennent de la
côte orientale de celles que l'on reçoit de la côte occidentale. Quoiqu'il
y en ait de qualité intermédiaire, on reconnaît, en règle générale, que
celles de cette dernière côte sont plus élégantes, moins massives, plus
dures, plus transparentes, tandis que celles de la côte orientale sont de
qualité plus tendre, plus blanche et plus opaque. Un bon connaisseur
peut même, en examinant des dents bien conservées, indiquer approxi-
mativement le degré de longitude et de latitude, sous lequel, au nord
ou au sud de l'Equateur, dans la partie orientale ou occidentale du con-
tinent, ont vécu les éléphants auxquels elles appartenaient. On admet
d'ordinaire que les défenses les plus grosses et les plus lourdes, du poids
(le 50 kilog. comme on en rencontre souvent à la côte orientale, viennent
du nord de l'Equateur; en revanche, au S.-O. de l'Equateur, une défense
de 30 kilog. dépasse le poids moyen. Quoiqu'il soit parfois question de
défenses du poids de 150 kilog., M. Westendarp n'en a jamais vu d'aussi
pesantes ; sur un million de dents environ qu'il a eu à examiner en seize
ans, la plus lourde pesait 94 kilog.
Le port le plus rapproché de l'Europe, par lequel est exporté l'ivoire
africain, est Tripoli. Les éléphants, il est vrai, n'apparaissent plus au
nord du 15° ; cependant il sort régulièrement, soit par ce port, soit par
celui de Bengasi, de gi-andes quantités d'ivoire venant du pays des
Haoussas et du Bornou. Les caravanes qui l'apportent mettent de 4 à 5
mois pour traverser le désert, et la marchandise, transportée à dos de^
chameaux qui doivent être chaque soir déchargés de leur fardeau, perd
environ 30 Vo de sa valeur. Le transport par leBénoué et le Niger serait
beaucoup plus court, moins coûteux, et n'exposerait pas autant l'ivoire
aux avaries. Il importe donc que cette voie fluviale soit adoptée pour
l'exportation de l'ivoire de cette région. Tripoli en a exporté, dans les
dernières années, en moyenne 18,000 kilog. ; il en est sorti 5000 kilog.
par le port de Bengasi ; la valeur totale de la quantité exportée annuel-
lement par ces deux ports a été de 430,000 fr. environ '.
Pendant un certain temps, le Caire a été un marché très important
' Les indications fournies par M. Westendarp reposent sur des observations
faites surtout dans une série de cinq années, de 1879 à 1883.
— 244 —
pour l'ivoire. Le gouvernement égyptien s'en était attribué le mono-
pole. Autrefois ce commerce était concentré à Khartoum, dans les
mains de quelques Syriens, jusqu'à ce que la maison Westendarp résolut
d'y avoir, comme sur d'autres points de l'Afrique, un représentant par-
ticulier. Lorsqu'on comprit que celui-ci serait un concurrent sérieux,
les Syriens soulevèrent contre lui une opposition si vive, qu'il dut
momentanément abandonner la place. Mais bientôt il reprit le chemin
de Souakim à Berber et à Khartoum, et finit, malgré les nouveaux
embarras qui lui furent suscités, par triompher de la malveillance des
trafiquants, qui prétendaient écarter les Européens de ce commerce.
L'Egypte reçoit pour l'exportation 83,000 kilog. d'ivoire du Bahr-el-
Ghazal et du Darfour, et, par le Bahr-el-Djebel, 65,000 kilog. des pro-.
vinces équatoriales, soit un total de 148,000 kilog. représentant une
valeur de 2,960,000 fr. par an. Souakim et Massaoua, les deux ports du
Soudan et de l'Abyssinie sur la mer Rouge, en exportent 19,000 kilog.
Le commerce de l'ivoire a beaucoup diminué dans le golfe d'Aden,
depuis que M. Westendarp l'explora à ce point de vue, pour la première
fois, il y a trente ans. Berbera était le seul port du vaste pays des
Somalis ; il n'avait d'importance que par un marché annuel qui s'y
tenait en automne, et auquel arrivaient des caravanes considérables de
l'intérieur et de nombreux navires de l'Arabie et de l'Inde. L'ivoire
qui en sortait, ainsi que des petits ports du voisinage, pouvait monter
à 7000 kilog. Aujourd'hui, il en vient très peu de l'intérieur.
Depuis longtemps les Arabes et les Hindous occupent et exploitent
avec profit toutes les places de la côte jusqu'au Zanguebar ; toutefois,
aujourd'hui ce trafic serait peu rémunérateur, la zone côtière fournis-
saut peu d'ivoire, et les expéditions dans les territoires des tribus nègres
belliqueuses étant très coûteuses. C'est Zanzibar qui, avec l'Egypte, est
le plus ancien, en même temps que le plus grand marché africain pour
ce commerce. Une douzaine de ports des États de Saïd-Bargasch, la
plupart peu importants par eux-mêmes, envoient à ce marché environ
196,000 kilog. d'ivoire par an, pour une valeur de cinq millions de firancs.
M. Westendarp a exploré la plupart de ces ports au point de vue com-
mercial, sans résultats appréciables pour le trafic européen ; les Banians
y régnent en maîtres, et la concurrence avec eux est impossible. Les plus
importants de ces ports sont Mombas, Pangani, Sadani et Bagamoyo.
C'est Pangani qui fournit l'ivoire le plus beau, le plus fin et le plus
tendre de la côte orientale ; preuve que l'influence du climat équatorial
se fait sentir dans la formation de ce produit. U faudrait pouvoir éta-
\
— 245 —
b]ir, dans cette partie du continent, des stations semblables à celles
que Ton a fondées à la côte occidentale, mais les frais de création
seraient beaucoup plus considérables, parce que, pour atteindre la région
où les échanges seraient rémunérateurs, il faudrait les établir très avant
dans l'intérieur. On ne pourrait obtenir Tivoire à un prix modique qu'à
l'ouest des grands lacs. Les quantités d'ivoire apportées de l'intérieur
à Zanzibar, dans les dix dernières années, ont été sensiblement les
mêmes : de 1874 à 1878 elles se sont élevées à 974,000 kilog., de 1879 à
1883, à 983,000 kilog.
Comme c'est h Londres que presque tout l'ivoire de Zanzibar est
apporté, il est intéressant d'y suivre la marche des prix pendant les
quarante dernières années. Les grosses défenses d'éléphants venues de
Zanzibar coûtaient, de 1840 h 1850, 660 fr. les 50 kilog. ; de 1850 à
1860, 900 fr. ; de 1860 à 1870, il n'y eut pas d'augmentation, par suite
de grandes guerres ; mais de 1870 à 1880, les prix montèrent de nouveau
beaucoup ; en 1872 ils atteignaient 1650 fr. ; toutefois ils baissèrent
fortement jusqu'en 1879. L'importation en Angleterre a suivi, depuis
1840, la marche ascendante suivante :
De 1840 à 1850, environ 300,000 kilog.
1850 à 1860, » 500,000 »
1860 à 1870, » 550,000 »
1870 à 1880, » 600,000 »
EUe a donc doublé en quarante ans, ce qui suppose une destruction
d'éléphants double de ce qu'elle était avant 1840.
Quoique Mozambique passe pour exporter de grandes cargaisons
d'ivoire, il n'en vient cependant que très peu de l'intérieur de la pro-
vince portugaise. La plus grande partie sort de Quilimane, où se con-
centre presque tout le commerce du bassin du Zambèze, du Chiré et du
lac Nyassa. Indépendamment de la population nègre, cette ville a 350
habitants contribuables, Hindous et descendants de Portugais de toutes
nuances. Le nombre des vrais Européens est très petit. Le commerce
de l'ivoire y était autrefois considérable, et se faisait contre avances de
marchandises ; mais il en est résulté de fortes pertes, beaucoup de cour-
tiers, envoyés à l'intérieur avec des pacotilles, n'ayant pas reparu.
Aujourd'hui on est plus prudent; toutefois il arrive que de grosses
défenses se paient plus cher à Senna qu'à Londres. Outre les commer-
çants portugais, la tribu nègre des Matapuirès, qui habite à l'ouest du
lacBangouéolo, apporte de grandes quantités d'ivoire. Ces nègres anivent
par centaines, en avril ou mai, jusqu'à Boror, à une journée de marche de
— 246 —
Quilimane, dont il ne leur est pas permis d'approcher davantage, parce
que, en 1877, lors de l'abolition de l'esclavage, ils ont occasionné des
troubles. L'anivée de ces grandes caravanes de l'intérieur attire à
Boror, à la rencontre des Matapuirès, tout ce qui porte le nom de mar-
chand ; des huttes sont constiniites, et chacun se loge comme il peut.
Pei-sonne ne se hâte ; le plus souvent il s'écoule un mois avant que le
trafic commence. Alors chaque défense est échangée contre des étoffes,
des perles, du fil de laiton, etc. Les principales affaires se font le soir et
la nuit, où acheteurs et Matapuirès cherchent à se surpasser les uns les
autres en ruse. La quantité exportée par la côte de Mozambique s'élève
à 142,000 kilog., pour une valeur de 3,550,000 fr. Il n'en arrive guère
en Europe que 30,000 kilog. pour 1,250,000 fr. Ces fortes quantités
d'ivoire, qui ne sont que peu inférieures à celles du Soudan Égyptien,
et qui dépassent de beaucoup celles des bassins du Congo et du Niger,
indiquent que le pays d'où proviennent ces défenses doit avoir une végé-
tation extrêmement riche. M. Westendarp estime que ce vaste territoire,
avec tous ses fleuves, ses lacs, ses tribus nègres débonnaires, est, au
point de vue de l'ivoire, la partie la plus intéressante de l'Afrique.
La colonie du Cap a beaucoup perdu de son importance comme mar-
ché d'ivoire; l'abondance de gibier qu'elle possédait autrefois est passée
aujourd'hui. C'est du territoire au nord du Limpopo que se faisaient les
plus fortes exportations pendant les premières années de l'occupation
anglaise. Il y a 70 ans, cette contrée offrait encore aux chasseurs d'élé-
phants de riches districts de chasse. Lorsqu'il se trouvait un homme
capable de diriger une expédition, on faisait à cet effet, et pour le long
voyage qu'elle entraînait, de forts chariots à roues, pourvus de tout le
nécessaire. Le guide s'engageait pour la moitié du produit de la chasse,
et souvent pour deux ou trois ans. Quelques chasseurs d'éléphants ont,
de cette manière, gagné beaucoup d'argent, ce qui n'est pas le cas ail-
leurs. Aujourd'hui les colonies de l'Afrique australe ne fournissent plus
que 29,000 kilog. d'ivoire, pour 625,000 fr., tandis que précédemment
elles en exportaient 52,000 kilog.
En remontant le long de la côte occidentale, il faut gagner les posses-
sions portugaises, pour rencontrer de nouveau des éléphants. La colonie
d'Angra-Pequena n'en a point et n'exporte pas d'ivoire ; Mossamédës
même, fondé seulement au milieu de ce siècle, n'en fournit que 2000
kilog. En revanche Benguela, établissement portugais du commence-
ment du XYII"* siècle, en exportait environ 24,000 kilog. Il y a eu cepen-
dant une diminution sensible ces dernières années. S*-Paul de Loanda,
— 247 —
siège de T administration portugaise, a beaucoup perdu, par le fait de
tarifs élevés et de difScultés innombrables, LMvOire qu'on en exporte
ainsi que celui d'Âmbriz, appaitient indubitablement, par la qualité, au
bassin du Congo, tandis que celui de Benguela vient du Haut-Zam-
bèze ; ce n'est qu'ainsi qu'on peut expliquer la différence très marquée
de qualité entre deux ivoires sortant de ports si rapprochés.
Quant au territoire du bassin du Congo, au dire de Stanley, l'ivoire y
est si abondant, surtout dans la région de l'Equateur, qu'il n'y a pres-
que point de valeur ; il y a sans doute de l'exagération dans cette asseï*^
tion, car c'est l'objet d'échange le plus précieux, contre lequel les indi-
gènes de l'intérieur mettent en gage leur bien le plus cher, leurs
femmes. A l'est comme à l'ouest, on s'en sert pour payer le tribut, et les
natifs eux-mêmes le paient très cher. Stanley a trouvé un temple de
cornes de guerre, de massues, de fléaux à battre le grain, de bracelets,
en ivoire, comme on en rencontre encore dans l'Inde. Mais l'Afrique
centrale et ses habitants ne peuvent être comparés à l'Inde au point de
vue de la civilisation.
M. Westendarp croit que ce serait une illusion dangereuse de s'ima-
giner qu'on trouvera, au cœur de l'Afrique, l'ivoire en quantité si consi-
dérable que la valeur en deviendrait presque nulle ; l'Européen devra
le payer partout à proportion de la difliculté des transports à la côte, à
moins qu'il n'imite les Arabes, ses prédécesseurs de plusieurs siècles,
qui dépouillaient simplement les indigènes de leur ivoire. Il engage donc
les commerçants à ne pas entreprendre d'expéditions commerciales dans
l'Afirique centrale en vue d'y trouver de l'ivoire en abondance et à bon
marché. L'éléphant sauvage disparaît bien vite là où commence la civi-
lisation.
Si l'on compare les quantités d'ivoire reçues du bassin du Congo pen-
dant les cinq années qui précédèrent l'ouverture de ce fleuve par Stan-
ley, et pendant les cinq années qui la suivirent, on voit que de 1875 à
1879, il en est sorti 441,000 kilog., et de 1879 à 1884, 421,000 kilog.
Les ports du Gabon et ceux du nord, jusqu'au golfe de Cameroon, en
livraient 64,000 kilog. pour 1,437,500 fr. C'est du Gabon que vient la
belle qualité transparente connue sous le nom d'ivoire vert ; tandis que
de Cameroon on n'en exporte qu'une qualité, belle encore sans doute,
mais plus grossière, selon qu'elle y est apportée du sud ou du nord. La
nuance de ces défenses est brun foncé. On trouve au Cameroon l'élé-
phant à une altitude de 3000" '.
* Johnston Pa rencontré à 4200'" au Kilimanclj aro.
f^.
— 248 —
Depuis un certain nombre d'années la région du Niger est, pour les
trafiquants d'ivoire, le pays le plus important de la côte occidentale. Le
Niger inférieur et le Bénoué n'ayant pas de cataractes, les navires peu-
vent les remonter toute l'année et atteindre sans diflSculté les marchés
d'ivoire de l'intérieur. Avant 1876 ce bassin fournissait à l'exportation
89,000 kilog. de ce produit ; dès lors ce chiflEre s'est élevé de beaucoup.
La « United-African-Company » a des vapeurs qui font des courses régu-
lières sur les deux fleuves, ce qui contribue beaucoup à cette augmenta-
tion.
Tous les ports de la Côte des Esclaves, de la Côte d'Or, de la Côte
des Dents, et de la Côte du Poivre, jusqu'à la Sénégambie, étaient
encore, dans la première moitié de ce siècle, d'une grande importance
pour le commerce de l'ivoire, mais aujourd'hui celui-ci a presque cessé.
D n'en sort plus guère que 14,000 kilog. d'ivoire. La Sénégambie en four-
nit 5000 kilog.
Quant à la qualité, c'est l'ivoire exporté de la limite septentrio-
nale de l'habitat des éléphants, qui est le plus grossier et a le moins
de valeur ; il en est de même de celui de la limite méridionale, Mossamé-
dès ; preuve nouvelle que la température exerce son influence sur la
qualité ; plus on s'éloigne de l'Equateur, plus un district est élevé et sec,
moins l'ivoire est fln ; la finesse et la transparence augmentent avec
la chaleur et l'humidité.
Le Maroc reçoit chaque année, de Timbouctou, environ 8000 kilog.
d'ivoire ; mais il est travaillé dans le pays, sous forme de crosses de
fusils, et d'objets de parure, qui se vendent à Fez et dans les autres
villes de l'empire.
En résumé, de 1879 à 1883, l'exportation totale de l'ivoire africain a
été en moyenne de 840,000 kilog. — 564,000 kilog. de la côte orientale,
et 284,000 kilog. de la côte occidentale — pour une somme de dix-neuf
à vingt-deux millions de francs. Cela suppose une destruction de 65,000
éléphants par année, sans compter ceux qui sont tués pour fournir aux
Africains eux-mêmes les objets de parure que l'on rencontre chez eux.
CORRESPONDANCE
Leshoma, 24 février 1885.
Rive droite du Zambèze.
Cher Monsieur,
 cette heure sans doute vous avez reçu mes dernières nouvelles et le récit de
nos premières ouvertures avec les Ba-Rotsé. Malheureusement, la guerre civile
— 249 —
avait renversé tous nos plans d^établissement pour Tannée dernière, et posé tout à
nouveau la question de notre réception par la tribu. Je vous ai raconté notre
première tentative pour nous rendre à la vallée, notre insuccès et nos plans d^at-
tente.
Ai]Ûourd'hui, j'ai la joie de vous annoncer qu'un grand pas a été fait. Le fameux
voyage à la vallée est accompli. Une seconde tentative faite en novembre avait
échoué à cause d'informations erronées. Mais, au commencement de décembre,
deux envoyés successifs du roi ne laissaient plus de doutes sur l'opportunité d'un
nouvel essai pour se rendre à la vallée. Le 12 de ce mois, M. Coillard, M. Middle-
ton et l'évangéliste Arone se mettaient en route. Leur voyage, dans la mauvaise
saison, a été exceptionnellement favorisé par une température relativement sèche
et le bon vouloir des envoyés du roi et d'un des chefs de Sesbeké. M. Middleton
est le seul qui ait fait ce voyage en invalide, et échangé son rôle de garde-malade
aveocelul qu'il se proposait de soigner.
La réception à la vallée a été franche et cordiale. Les chefs, dans leurs dis-
cours publics, ont déclaré vouloir notre enseignement et non nos effets. Je dois
ajouter que pour la question des cadeaux, ils se sont montrés bien plus raisonna-
bles que les chefs de Sesbeké. L'impression de M. Coillard est que la porte nous
est largement ouverte; cette impression est chez lui le résultat de ses observations
sur les procédés des Ba-Kotséetde leurs entretiens particuliers, bien plus que des
discours officiels.
Le peuple a soif de la paix, et les chefs considèrent que l'influence des mission-
naires peut seule la leur procurer. Ces derniers se sont montrés très contrariés du
départ de M. Coillard ; ils eussent voulu qu'il s'établît de suite chez eux.
Malgré toutes ces protestations de bonne amitié, M. Coillard a demandé compte
aux Ba-Rotsé de leurs procédés peu loyaux envers les Jésuites. A quoi les chefs
ont répondu que le roi Lobossi désirait leur admission, contre tous ses officiers;
mais plus tard, le roi se voyant seul pour exécuter son projet et ne se sentant pas
de force à résister à son peuple, plutôt que de revenir sur sa parole, a eu pour tac-
tique de décourager les prêtres par des actes d'autorité arbitraire et par le pillage
de leurs biens.JAprès cette explication les chefs ajoutèrent : quant à vous, rien de
semblable ne peut vous arriver, vu que nous sommes unanimes pour vous recevoir,
et c'est nous qui sommes les maîtres du pays.
Je ne vous ai pas encore parlé du nouvel élu, qui est bien Akoufouna, selon ma
première version. C'est un jeune homme ou plutôt un adolescent dégingandé, et qui,
par toutes ses manières, n'a guère fait preuve d'un sentiment bien vif de sa dignité.
Son plaisir favori est de sortir avec sa bande de joueurs d'instruments, et accompagné
<i'une suite formée d'adolescents comme lui et même d'enfants. Le pauvre jeune
chef joue le rôle de mannequin, et dans là réception de M. Coillard, il a bien récité
sa leçon. Le vrai chef est Mataga, le Gambella de ce jour, un vrai politicien, qui ne
se compromet pas par ses paroles et a été l'instigateur de la dernière révolution.
<2uant à la reine, sœur du roi, femme digne et intelligente, elle gagne l'affection de
tous ceux qui la voient.
— 250 —
Est-ce à dire que Pétat du pays soit arrivé à la stabilité ? C'est peu probable, à
moins que les chefs ne veuillent un roi qu'ils puissent mener à leur guise; mais une
certaine rumeur publique semble prouver que les Ba-Rotsé ne sont pas enchantés
de leur choix, et qu'ils ont les yeux sur quelque autre membre de la famille royale.
Peut-être fermerai-je ma lettre en vous annonçant une nouvelle révolution.
Je reviens au voyage de M. Coillard; il s'agissait de trouver le site d'une station
dans un endroit relativement salubre.
Le premier endroit désigné par les Ba-Kotsé était celui sur lequel les Jésuites
avaient jeté les yeux. lise trouva que cet emplacement, bien que répondant en
partie par sa position et son élévation aux désirs de M. Coillard, se trouvait
entouré de jardins indigènes et à une assez grande distance de l'eau.
De nouvelles recherches furent faites, et le résultat en a été le choix d'une col-
line appelée Sefoula, du nom d'une petite rivière qui coule à ses pieds. De nom-
breux villages sont à proximité ; cet endroit se trouve situé entre les villages du
roi et de la reine, à une journée de celui d'Akoufouna, et à une demi-journée de
celui de sa sœur; quoique peu élevé, il paraît cependant répondre aux conditions
désirables de salubrité, et nous sommes portés à croire que la vallée est moins
malsaine que Leshoma ou Sesheké.
La porte nous étant ouverte, et notre premier établissement fixé, la mission de
M. Coillard se trouvait achevée, et le 10 février il était de retour à Leshoma, jouis-
sant ainsi qu'Ârone d'une bonne santé ; M. Middleton entrait en convalescence.
Il est à peine besoin de vous dire la reconnaissance qui remplit nos cœurs pour
un voyage aussi heureux, pour la protection accordée à M. Coillard et à ses com>
pagnons. Le Zambèze n'est plus pour nous une barrière; bientôt nos tentes seront
plantées sur l'autre rive, et l'Évangile proclamé à ces pauvres noirs dégradés.
Nous admirons la puissance et la bonté de Dieu à notre égard.
L'absence de M. Coillard de Leshoma avait duré deux mois. Pendant ce temps^
nous qui étions restés au camp, avons été éprouvés sérieusement par la maladie.
La fièvre a régné parmi nous sans interruption, passant de l'un à l'autre, et
ne laissant parfois, de toute notre expédition, qu'un .ou deux membres valides.
Plusieurs fois nous avons été alarmés au sujet de tel de nos malades, mais, grâce à
Dieu, aucun de nous n'a succombé. Nous avons néanmoins été vivement affligés,
à la fin de décembre, par la perte d'une charmante enfant d'Arone, notre rayon
de soleil; elle a sans doute mangé des baies vénéneuses, à notre insu, et nous a été
enlevée au moment où nous croyions à sa convalescence. Hier, les pauvres parents
affligés ont eu la joie de la naissance d'une petite fille, pour remplacer celle
dont le départ nous avait tant affectés.
Mon expérience de la fièvre me fait penser qu'elle est tout aussi curable ^e
n'importe quelle maladie, je dirai même que quand je la compare à nos fièvres
typhoïdes d'Europe, elle me parait généralement moins dangereuse, et surtout
de bien plus courte durée. Dans la fièvre, le moral joue un grand rôle; nous avons
remarqué que ceux qui se laissaient dominer par des appréhensions et ne cher-
chaient pas à réagir par la volonté, ont été le plus longtemps et le plus sérieuse-
ment malades.
— 251 —
La fièvre a ses victimes, mais combien meurent d'autres maladies sous les tro»
piqnes ! Dans le courant de ce mois, les Jésuites nous annonçaient la mort d'un
frère, leur cuisinier et leur docteur, qui est mort d'une hémorragie intérieure. Nou» .
avons pris part à leur perte d'une manière sincère, car, quelles que soient leurs
opinions religieuses, ce sont des hommes dévoués et de vrais gentlemen dans tous
leurs rapports avec nous.
15 mars 1885.
Je désire fermer ma lettre aujourd'hui car nous pensons envoyer notre poste à
Mangwato (Shoshong), au commencement de la semaine prochaine. Je n'ai pas^
d'autres nouvelles à vous communiquer.
Nous n'avons aucune lettre depuis la fin de novembre, nos wagons n'étant pas de
retour. Que leur est-il arrivé ? Le mieux est d'espérer que les pluies les auront
retenus à Mangwato. Un accident dans le désert serait bien plus sérieux pour
nous.
La vie africaine nous expose à toutes sortes de vicissitudes matérielles dont
cette dernière est un échantillon. Nous pensons nous mettre en route pour la val-
lée au commencement de mai; plus tard, j'espère pouvoir vous parler du pay»
même des Ba-Rotsé.
Je suis heureux de savoir que vous et d'autres amis de Genève vous nous suivez
avec un intérêt chrétien, cela nous rend forts. Que nos cœurs et nos mains s'unis-
sent toujours plus fermement.
Leshoma, 16 avril 1885.
Seulement quelques mots aujourd'hui. £n mars, je vous ai donné de nos nouvelles;
elles vous parviendront ,en même temps que ces lignes, pour la raison que le mes-
sager dont je vous parlais nous a manqué.
Notre poste nous est parvenue le 21 mars; c'était la première depuis novembre
dernier. Je veux tout d'abord vous remercier bien chaleureusement ^ourV Afrique
ejplorée^ dont toutes les nouvelles m'intéressent vivement.
Nos wagons sont arrivés ici quelques jours plus tard, en bonnes conditions. La
raison de leur retard a été la mortalité qui a régné parmi nos bœufs, soit dans le
voyage d'aller, soit pendant leur séjour à Mangwato. Nos wagons seraient encore
dans ce dernier endroit, sans la bonté de MM. Whiteley et Musson, de Mangwato^
qui nous ont généreusement prêté un bon nombre de bœufs. Cette bienveillance
est surtout remarquable pour le dernier de ces Messieurs, qui dernièrement, dan&
le Transvaal, s'est vu dépouillé par les Boers, de son wagon, de ses bœufs et de
toutes ses marchandises, à cause de son origine anglaise. Nous allons renvoyer ces
bœufs à leurs propriétaires, et c'est par cette occasion que notre poste partira»
Cette nouvelle perte nous a été très sensible et nous met dans l'embarras pour
notre prochain voyage à la vallée.
Nous aimerions à démonter un ou deux wagons, pour traverser la rivière en
bateaux et recharger nos bagages sur l'autre rive. Peut-être pourrons-nous encore
le faire pour un seul wagon. Cette manière de faire, qui parait assez compliquée^
— 252 —
est la plus simple pour nous, vu le peu de largeur des bateaux des Ba-Rotsé, les
avaries que l'eau nous ferait subir, et la difficulté de gouverner une troupe de
sauvages, sans parler de tout le calicot à dépenser pour les payer. Noos userons
des deux moyens de transport; ce ne sera pas la partie la plus facile de notre
voyage, et nous voudrions l'avoir déjà effectuée.
Le fleuve coule encore par-dessus ses bords, et nous ne pourrons nous mettre
■en mouvement qu'à la fin de mai.
A la fin du mois dernier, est survenue une nouvelle révolution chez les Ba-Rotsé.
Tout un parti s'est ligué contre le nouveau roi. Une première fois il a échoué, à
<;ause de la défection de certains chefs, qui ne s'étaient joints au mouvement qu'en
«royant que Lobossi était de retour au pays ; désillusionnés ils se sont retirés.
Une seconde tentative a été faite, mais elle n'a pas eu plus de succès que la pre-
mière. Les partisans du roi, prévenus, ont fait battre le tambour de guerre pen-
<3ant toute une nuit. Les insurgés, en entendant le signal d'alarme de. leurs
adversaires, ne se sont pas émus, voulant, disaient-ils, chasser en plein jour ce
makàtaka—titTe méprisant donné aux derniers esclaves. La rencontre eut lieu un peu
avant le milieu du jour; les insurgés ont été refoulés contre la colline, puis ont dA
tourner le dos, et ont été précipités dans la vallée couverte d'eau, où beaucoup ont
péri. A cette heure tout est rentré dans le calme, et les eaux du fleuve ont étenda
leur voile mystérieux sur les pauvres victimes de la guerre civile. Mataga (Gam-
bella) est au faite de la puissance, et ces derniers événements auront sans doute
affermi un peu le trône de l'infortuné jeune chef. Les gens de Sesheké sont demeu-
rés tranquilles comme dans la première révolution. Ces désordres n'ont eu pour
acteurs que les chefs de la vallée.
Dans le courant de mars, la fièvre nous avait laissé un peu de répit, mais avril
nous l'a ramenée plus sévère que jamais. Tous, nous avons de nouveau été mala-
des et assez sérieusement. La température a déjà beaucoup changé, les nuits sont
froides, les matins frais, et les feuilles qui tombent nous annoncent l'hiver.
En général le temps est splendide, mais un vent persistant nous amène les
miasmes de la rivière et nous éprouve beaucoup.
Nous venons sans doute de ressentir les dernières atteintes de la mauvaise sai-
son, et quoique nous ayons bien payé notre acclimatation, nous avons cependant
lieu d'être reconnaissants de la manière dont nous avons été gardés jusqu'ici. £n
trois mois, la première expédition avait perdu deux de ses membres, dans la meil-
leure saison, tandis que nous sommes encore au complet.
Nos plans futurs pour la division du travail ne sont pas encore définis. Les
€oillard s'établiront à Sefoula, où seront immédiatement commencés les tra-
vaux d'une construction à l'européenne. Quant à moi, je serai encore quelque
temps avec eux, puis je me construirai une hutte confortable de deux ou trois
•chambres, et m'établirai aussi dans la vallée, à quelque distance de Sefoola, sans
<loute dans un village.
Nos deux évangélistes, Lévi et Arone, resteront probablement à Sesheké. Ce
que je vous donne, ce sont seulement . des plans qui peuvent parfaitement être
modifiés.
— 253 —
Pour ce qui me concerne, mon œurre sera provisoire ; j'aurai plus t^ard à me
fixer à l'endroit qui deviendra notre seconde station. Avant de penser à fonder
cette dernière, nous voulons voir de quelle manière les Ba-Rotsé nous recevront^
et connaître aussi mieux le pays et les vrais besoins de notre oeuvre.
Nous n'avons aucune nouvelle de M. Arnot, mais un journal anglais nous a
appris, à notre douloureuse surprise, l'expulsion de tous les missionnaires améri-
cains du Bihé. Bien que plus éloigné que moi, vous êtes trop au courant des
affaires du Transvaal^ pour qu'il vaille la peine que je vous en parle.
Notre petite œuvre continue ici auprès des quelques gens qui nous entourent.
L'école n'est pas brillante, mais il nous arrive parfois d'avoir de bons auditoires le
dimanche.
Telles sont, cher Monsieur, quelques-unes de nos nouvelles de ce jour. Je ne vous
parle pas des Ba*Ilotsé,ni du pays, ne voulant pas anticiper sur les événements, et
préférant être sur place avant d'entamer ce sujet dont je ne pourrais vous parler
que par le séjour que j'ai fait à Sesheké.
Je ne prévois pas quand nous aurons une nouvelle occasion de faire partir des
lettres.
D. Jeanmairet.
BIBLIOGRAPHIE
KoLONiAL poLiTiK UND Chhistenthum, voii C'O, BUUnev. Heidelberg
(Cari Winter), 1885, iii-8% 47 p., fr. 1. — Le mémoire de M. Btittner,
ancien missionnaire dans le Damaraland, complète celui qu'il a déjà fait
paraître, sous le titre : Das Hinterland vmi Walfischbay iind Angra-
Peqiœna, dont nous avons rendu compte (V™ année, p. 274-275). Il y
montre que les entreprises coloniales de l'empire allemand dans l'Afri-
que australe occidentale se rattachant au travail des missionnaires
allemands, elles rendent par là-même un bon témoignage aux résultats
de ce travail. Mais les projets de colonies allemandes ne seront un bien
poui- l'empire, que si son gouvernement, ses fonctionnaires et les colons
respectent, à l'égard des indigènes les moins civilisés, les principes de
justice et de fidélité dont ils s'inspirent envers les mations policées.
Enfin le mouvement colonial qui se produit dans l'empire doit contri-
buer au développement de l'intérêt pour les œuvres missionnaires.
Abstraction faite des principes chrétien ou humanitaire, les économistes
doivent reconnaître que les dépenses faites pour les missions ne sont pas
' On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bâle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique ea^orée et civilisée.
— 254 —
improductives, puisque des milliers d'iadigèues qui ne portaient aucun
vêtement et ne connaissaient aucun besoin relevé, portent maintenant
des habits d'Europe et se servent d'ustensiles et d'instruments fournis
par l'industrie et le commerce européens.
Itinéraire de l'Algérie, de la Tunisie et de Tanger, par Louis
Fiesse. Collection des Guides Jeanne. Paris (Hachette), 1885, iii-16,
600 p., 9 cartes et 10 plans, fr. 15. — La situation nouvelle provenant,
pour l'Algérie, de l'ouverture et du prolongement de plusieurs lignes
ferrées, et pour la Tunisie, de la reconnaissance du protectorat de la
France, a amené l'auteur de ce Guide à le remanier et à en modifier
beaucoup la présente édition. Le chemin de fer d'Alger à Constantine
est ouvert à la circulation, d'Alger à Ménerville, et d'El-Achir à Cons-
tantine. La section comprise entre Ménerville et El-Achir nécessite des
travaux si considérables qu'elle ne sera pas ouverte avant deux ans.
L'ouverture de la ligne de Souk-Ahrras à Ghardimaou permet aujour-
d'hui aux touristes de faire le trajet de Philippeville, de Constantine ou
de Bône à Tunis par la vallée de la Medjerda. Les voies de pénétration
dans le Sahara algérien sont aussi plus nombreuses qu'il y a quelques
années : dans la province d'Oran, on a prolongé le chemin de fer d'Arzeu
à Saïda jusqu'à Méchéria, et celui du Tlélat à Sidi-bel-Abbès, jusqu'à
Ras-el-Ma, à l'entrée des hauts plateaux; enfin la durée de l'excursion
de Biskrasera abrégée par la ligne d'El-Guerra à Batna. Les conditions
des voyages en Algérie se sont donc modifiées ; il fallait décrire les
nouvelles voies de communications et les localités qui les jalonnent.
Mais c'est en Tunisie surtout que la situation s'est améliorée; on peut
maintenant visiter ce magnifique pays, en toute sécurité, en chemin de
fer dans la partie septentrionale ; au moyen des bateaux à vapeur qui
desservent les différents ports : Bizerte, la Goulette , -Sfax , Gabès ; à
l'intérieur, en employant des voitures légères, des chevaux, des mulets,
et en suivant les routes des caravanes. Ce sont celles que l'armée fran-
çaise a parcourues en 1881 et en 1882 et qu'elle a fait connaître. Sans
doute ces itinéraires sont peu nombreux, et la partie du Guide relative
à la Tunisie est loin d'être complète, mais c'est la meilleure description
qui en existe jusqu'à présent.
On sait avec quel soin sont dressés les itinéraires de la collection
Jeanne ; ils renferment tout ce que le voyageur peut espérer y trouver
et le guident pas à pas de la manière la plus sûre. Pour qu'il soit tou-
jours tenu au courant quant aux hôtels, aux voitures, etc, les rensei-
— 255 —
gnements qui concernent cette partie essentielle d'un ouvrage de ce genre,
se trouvent réunis à la fin du volume, et comme ils varient quelquefois
pendant une saison, ils seront réimprimés dès que la correction en sera
devenue nécessaire. Neuf cartes et dix plans, dont sept de villes tuni-
siennes,enrichissent encore ce volume, à la rédaction duquel ont colla-
boré plusieurs personnes bien placées pour donner à l'auteur des ren-
seignements dignes de foi.
Nouvelle géographie universelle. La Terre et les Hommes, par
ÊUsée Reclus^ t. X. L'Afrique septentrionale. Première partie : Bassin
du Nil. Paris (Hachette et C'*), 1884, gr. in-S**, 639 p., avec cartes et vues,
fr. 20. — Il est presque superflu d'appeler l'attention du public lettré
sur l'apparition d'un nouveau volume du célèbre géographe français.
Tout lecteur désireux de s'instruire, en même temps que de se délasser,
connaît cette collection magnifique, œuvre de toute une vie ; tiré à 25,000
exemplaires, cet ouvrage pénètre dans la plupart des bibliothèques, de
villes, de collèges, de sociétés scientifiques ou littéraires, d'hommes du
monde, de voyageurs et de savants.
Chacun y trouve ce qu'il cherche, aussi bien pour la forme que pour
le fond. La forme est soignée, pleine et brillante, le fond est étudié
jusque dans les moindres détails. C'est la tournure française, si belle,
si fine, adaptée à la méthode allemande, scientifique et rigoureuse.
Voulez-vous une peinture de paysage, une étude générale de l'histoire
naturelle ou de la vie d'une contrée, des renseignements sur l'état poli-
tique actuel d'un pays, une description de ses villes, le nom des voya-
geurs qui l'ont fait connaître, ou de simples indications de statistique,
cherchez dans Reclus, vous y trouverez tout cela. C'est une véritable
encyclopédie géographique, un monument élevé à l'histoire de la Terre*
Le Bassin du Nil qui vient de paraître, forme la première partie du
tome X (Afrique septentrionale), trop étendue pour ne former qu'un
seul volume. On y retrouve la brillante manière du grand écrivain et
toutes ses qualités de style et de composition. Il abordait un sujet brûlant,
surtout pour \m Français ; mais il s'en est tiré avec beaucoup de tact,
en laissant de côté la question politique qu'il n'a fait qu'effleurer, pour
ne s'occuper que de la géographie proprement dite, de la conquête ini-
que faite par l'Egypte, au profit des chasseurs d'esclaves du bassin du
Haut-Nil, enfin de la situation présente des noirs et des moyens de faire
triompher la vraie civilisation.
L'étude physique du pays est admirablement conduite, à l'aide des
— 256 —
récits de tous les explorateurs anciens ou modernes, et d'observations
personnelles recueillies dans un récent voyage en Egypte. L'ouvrage
donne des renseignements sur toutes les questions concernant ce pays,
aussi l)ien sur les magnifiques ruines qu'il renferme et en particulier sur
celles qui ont été récemment découvertes, que sur la situation présente
de la contrée, sur son mouvement commercial et industriel. Chaque
chose est à sa place, et la lecture de ce livre dispense de celle des récits
qui s'y trouvent résumés quant à leurs résultats importants. En outre,
111 cartes, dont ti'ois sont en couleur et gravées sur pierre, et 56 gra-
vures, permettent aux lecteurs de se représenter fidèlement les pays dé-
crits. Un excellent index alphabétique, renfermant tous les noms propres
dont il est fait mention dans le texte, se trouve à la fin du volume.
Libéria. Histoire de la fondation d'un État nègre libre, par le colo-
nel Watiuermana. — Bruxelles (Institut national de géographie), 1885,
in-12, 274 p. et 2 cartes, fr. 3. — Au moment où l'attention est fixée
sur le nouvel État libre du Congo, il est sans contredit intéressant
d'étudier un autre État, libre aussi, jaloux de son indépendance, qui,
sans avoir devant lui le brillant avenir réservé au bassin du Congo,
n'est pas cependant sans importance, vu sa proximité du Soudan et
ses ressources minérales et végétales. C'est pour montrer à ses compa-
triotes que toutes les entreprises, comme celles de l'Association interna-
tionale du Congo, ont des commencements difliciles, que M. Wauwer-
mans a écrit ce livre, qui a été l'objet de beaucoup d'éloges de la part
d'autorités compétentes, en particulier du président et des membres du
gouvernement de Libéria. Fondée par un comité américain pour rece-
voir les esclaves libérés en Amérique, ou délivrés par les croiseurs qui
arrêtaient les vaisseaux négriers, la république de Libéria traversa, de
1820 à 1828, une période agitée. Jusqu'en 1847, elle resta sous la haute
tutelle du Comité, mais à cette date, elle fut déclarée complètement
indépendante et, depuis lors, s'administra elle-même. Aujourd'hui elle
compte 18,000 nègres civilisés et 1,050,000 nègres indigènes. Monrovia, sa
capitale, est une petite ville de 3000 habitants. Sans doute, l'horizon
est encore bien sombre par suite des prétentions de l^Augleterre sur
plusieurs points du territoire de Libéria, et de l'échéance de 1886, à
laquelle l'État doit rembourser une forte dette. Mais il ne faut pas
désespérer. La république vient d'ouvrir aux capitalistes étrangers son
territoire autrefois fermé aux blancs ; elle a passé jadis par des pério-
des plus critiques encore, et la génération nouvelle, forte, intelligente, a
une inébranlable confiance dans l'avenir.
"^c-l
ÉCHANGES
Sociétés de géographie.
Amsterdam.
Anvers.
Berlin.
Br«5me.
Bruxelles.
Berlin.
Constantine. Halte.
Douai. Hambourg.
Edimbourg. léna.
Francfort "/M. Le Caire.
Greifswald. Leipzig.
Lille.
Lisbonne.
Lyon.
Madrid.
Manchester.
Marseille.
Montpellier.
Nancy.
New- York.
Oran.
Sociétés de géographie commerciale.
Bordeaux. Paris. Porto. Saint-Gall.
Missions.
Paris.
Rochefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Le Havre.
Journal des missions évangëliqnes (Paris).
Bnlletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XIXŒe siècle
(Neuchâtel).
Journal de TUnité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d^Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
H. idenbote (Bâle).
Evangelisches Missions -Magazin (Bâle).
(]alwer Missions -Blatt (Calw).
Allgemeine Missions -Zeitschrift (GUters-
loh).
Glaubensbote (Bâle).
Africa (Londres).
La Nigrizia (Vérone).
Church missionary Intelligencer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionary (New-York).
Régions beyond (Londres).
Chronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Church of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian Church (Edimbourg).
Central ^rica (Londres).
Woman*s foreign missionary Society
(Philadelphie).
Divers.
Gazette géographique et Exploration (Pa-
ris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du Comice agricole (Médéa).
Bulletin de l'Académie d'Hippone (Bone).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris).
Revue géographique internationale (Paris).
Le Mouvement géographique (Bruxelles).
Handel&-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau fUr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
Deutsche Kolonialzeitung (Francfort s/M) .
Chamber of Commerce Journal (Londres).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Bollettino délia Societa africana dltalia
(Naples).
Boll. délia sezione Fiorentina (Florence).
Marina e Commercio, e Giornale délie co-
lonie (Rome).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
schaft in Deutschiand (Berlin).
Oesterreichische Monatssehrift fUr denl As colonias portuguezas (Lisbonne).
Orient (Vienne). ! Revista de Estudos Livres (Lisbonne).
Zeitschrift fUr wissenschaftliche Geogra- , Réveil du Maroc (Tanger).
phie (Vienne). i ^
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
Dr A. Petermann s Mittheilungen (Gotha)
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Record of geogra
phy (Londres).
Nataf Mercu ry (Durban) .
Cape Argus (Cape-Town).
West African Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
SOMMAIRE
Pige»
Bulletin mensuel .* 225
Nouvelles complémentaires 238
Le commerce . de l'ivoire africain 241
correbpondakce :
Lettres de M. Jeanmairet, du Zambèzc 248
Bibliographie :
Kolonial politik iind Cliristenthum, von C.-G. Bûttner 258
Itinéraire de PAlgérie, de la Tnni$tie et rie Tanger, par Louis
Piesse ^ 254
Nouvelle géographie universelle, par Elisée Reclus 255
Le Congo au point de vue économique, par Â.-J. Wauters 256
OUVRAGES REÇUS :
Afrika. Der J)unkle£rdiheil ip Licht unserer Zeit, von A. v. Schweiger-Lerchen-
feld, mit 300 Ulustrationen. Lief. 18-18. — Wie% Pesth, Leipzig (Hartleben),
1885, in-8«.
Croquis hydrographique de l'Afrique centrale, mis au courant des dernières
explorations, par A.-J. Wauters. V^ooooooo. — Bruxelles (Institut national de
géographie), 1885.
Der Kongo und sein Gebiet. Eine geographi^che Studie, von D' A. Oppel. —
Bremen, 1885, in-8°, 82 p.
La langue commerciale universelle. Exposé de la question. Grammaire, par Aug;
Kerckhoffs. — Paris (Le Soudier), in-8*», 31 p.
Assab e i Danachili. Viaggio e studii di G.-B. Licata. — Milano (Fratelli Trêves),
1885, in-18, fr. 3, 50.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
f^L r r
GENÈVE
GEORG, LIBRAIRE-ÉDITEUB
Htm miBOH A ULB IT A LTOM
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
M. GnstETe MOTNIEB
M(>inbrc de la Société de géo^aphie de Geoève, de llastitat de Droit international;
«nembro correepondant de rAoadéinio d^Hlppone, et des Sooiétès do géographie de liametUe.
do Nancy, de Loanda et de Porto.
xAdioé PA&
M. Charles FAIJBS
8oorétiûre-BibUothécaire de la Société de géographie de G-enéve , membre correspondant des Soeiélv-»
de géographie de Lisbonne, de Loanda. do Porto, de Saint-Gall et de Berne.
L'Afrique parait le premier lundi de chaque mois, par livraisons iu-8<) d'au
moins 20 pages chacnnc; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que lvIj
paraît nécessaire.
Le prix de Tabonnement annuel, payable d'avance 9 est de lu firanes*
port compris, pour tous les pays de TUnion postale (première zone); pour !••>
autres, H fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplairt^ ?
la Direction^ a droit h an eompte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaetton à 91. Gustave Mo^iiifr.
S, rne de TAtlténée» A Genève (Suisse).
S'adresser peur les abonnements h l'éditeur» m. H. Georis. <^
Genève ou h B41e.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Ch. Delagravb, libraire. 15, me Soufflol, à Paris.
MuQUAKDT, libraire de la (^our, 45. rue do la Régonce. k Bruxollt's.
DuMOLARD frères, libraires. Corso Vittorio Ëmmaimele, 31. û Mil.ni
F, -A. Brogkhaus, libraire, Querslr., 29, à Leipzig.
L. Pribderichsen et O, libraires. Admiralilâtsstr. 3/4, h HantlKiiin.'
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autridit*'
Trurnbr et C*', libraires, Ludgate Hill. 57/39. k Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
AVIS. — Nous mettons à la disposition de nos nouveaux abonnés, au prù "
12 fr. chacun, un certain nombre d^exemplaires complets de la il'"*, de ht ^'
et delà V^* année, La P* et la LU^* sont Risées,
K^- -1.
— 257 —
BULLETIN MENSUEL (7 septembre 1885. >)
L'exploitation entreprise par la Société agricole et industrielle de
Batna, dans la région de TOued-Rir, prend chaque année un déve-
loppement plus étendu. D'après le rapport de l'exercice de 1884, sur
les 1500 hectares environ qu'elle possède, elle a fait planter 32,000 pal-
miers, dont la plupart, ne datant que de 1882 et 1883, forment déjà
(les arbustes verts et touifus ; à Sidi-Yahia, plusieurs de ceux qui ont
été plantés, il y a trois ans seulement, ont déjà donné des dattes cette
année-ci. La Société a commencé à exploiter l'alfa sur une concession
qui lui a été accordée entre Batna et El-Kantara.
Un résident anglais au Caire a fourni à l'Antislavery Society des
documents* desquels il ressort que, malgré l'occupation anglaise et la
convention conclue entre l'Angleterre et l'Egypte, aux termes de laquelle
la vente d'esclaves de famille à famille serait, à partir du 4 août 1884,
déclarée illégale et punie d'un emprisonnement de 5 mois au minimum,
à 5 ans au maximum, avec travail forcé , le trafic d'esclaves se
poursuit au Caire. Le département pour la suppression de la traite est
beaucoup moins bien servi aujourd'hui qu'il ne l'était il y a trois ans.
Jusqu'en 1882, il avait à son service 500 fonctionnaires, avec un budget
de 20,000 livres, et à cette date, 10,000 esclaves avaient été libérés.
Actuellement il est dirigé par un officier étranger qui a sous ses ordres
deux sous-inspecteurs natifs, empêchés de remplir leurs fonctions par
ceux-là mêmes qui devraient les y aider. Loi*sque ces sous-hispecteurs
réussissent à arrêter en flagrant délit un vendeur d'esclaves, celui-ci est
traduit devant une cour martiale composée d'officiers égyptiens, tous
possesseurs d'esclaves, et présidée par Nessim bey, un des familiers du
khédive. Le prévenu a toujoura une douzaine de témoins qui ne crai-
gnent pas de se parjurer pour attester son innocence. D en résulte, au
dire du correspondant de l'Antislavery Society, 'qu'il y a actuellement
au Caire, au moins trente marchands d'esclaves qui poursuivent en
paix leur honteux trafic. Au mois d'avril de Tannée dernière, arrivèrent
de Khartoum plusieurs personnes ayant des esclaves en leur possession.
* Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Nouvelles com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
* Scandais at Cairo, in connection mth àlavery. Cairo, 1885, in-8°, 18 p.
L'AFRIi^UE. — SIXIÈME ANNÉE. — N*» 9. 9
— 258 —
Las sous-iuspecteurs se contentèrent de faire signer à chacun des pro-
priétaires l'engagement de ne pas vendre leurs esclaves, et déposèrent
les pièces au bureau du gouverneur du Caire. Ayant appris plus tard que,
malgré cet engagement, les propriétaires avaient vendu leurs esclaves,
les sous-inspecteurs réclamèrent au bureau du gouverneur les pièces
nécessaires pour exercer des poursuites contre eux, mais le gouverneur
refusa absolument de les leur rendre, en sorte qu'ils ne purent rien faire
contre les délinquants.
Quant à la recrudesceiioe de la traite au Soudan, on peut s'en
faire une idée, d'après la lettre suivante d'un Ai-abe, publiée dans le
Journal de Gordon, et citée pai* Stanley dans son discours à l'assemblée
de l'Antislavery Society, le 22 juillet : « J'ai l'honneur de vous annon-
cer, » écrit Karam Illali, fakir du Bahr-el-Ghazal, à l'émii* de l'armée
du Mahdi, « que nous avons capturé, comme esclaves, un grand
nombre de femmes, et que 1360 esclaves ont déjà été envoyés à Chakka.
Tous les fakirs ont été répartis dans les différentes zeribas pour y ras-
sembler le butin. Tout ce qui sera pris sera, au fur et à mesure,
expédié à Chakka. Gomme les esclaves saisis sont extrêmement nom-
breux dans ce pays, nous sommes très pressés de les faire partir. Main-
tenant nous attendons des ordres, soit pour rester ici, soit pour nous
rendi'e auprès de vous, soit pour attendre la cessation des pluies, par
pitié pour les esclaves qui ont de petits enfants. »
Le Times a publié une lettre de l'évêque de Carlisle relativement à
l'association créée, il y a deux ans, par un certain nombre d'ecclé-
siastiques anglais, pour la propagation du christianisme em
Egypte. Comprenant la responsabilité qu'impose à l'Angleterre le fait
de la position qu^elle a prise dans les affaires de ce pays, ils ont cher-
ché si l'Église copte ne pourrait pas leur fournir le moyen d'atteindre
le but qu'ils se proposent. Mais la faiblesse à laquelle son isolement
et l'oppression musuliAane ont réduit cette église, leur a fait comprendre
qu'on ne peut attendre d'elle de grands efforts en faveur de l'éducation,
et que le secours doit venir du dehors. L'association a décidé de fonder
au Caire une école supérieure pour jeunes gens, auxquels sera donnée
une bonne éducation ordinaire, en même temps qu'une éducation reli-
gieuse et morale soignée. Elle sera ouverte à tous : chrétiens et maho-
métans ; cependant il est probable que ce seront les Coptes qui en pro-
fiteront le plus. L'African Times propose que l'école soit appelée Collège
Gordon.
La nouvelle apportée au Caire par lejP. Bonomi, que les explorateurs
— 259 —
Junker et Casati étaient eu sécurité à Lado, auprès d'Ërnin
beyj a pu faire croire que les expéditions dirigées par le D' Fischer et
le D' Lenz, pour chercher à leur venir en aide par le Victoria-Nyanza
et le Congo, sont devenues inutiles. Mais, comme le font remarquer les
Mittheiliingen de Gotha, la situation d'Emin bey et de ses hôtes est
rendue très critique, par le fait que les partisans du Mahdi se sont
emparés de la pronnce du Bahr-el-Ghazal dont Lupton bey était gou-
verneur. Depuis le 14 avril 1883, aucun vapeur n'est parti de Lado; la
gî-ande quantité d'ivoire qui y est accumulée doit exciter la convoitise
(les rebelles. La chute de Khartoum et la retraite des Anglais de Don-
gola ont aggravé la position des Européens. Pour le moment ils ne peu-
vent attendre aucun secoui's par la voie du Nil. Quant à la route du
sud, par le Victoria-Nyanza, les dernières nouvelles d'Emin bey, remon-
tant au 14 avril 1883, portaient que la guerre avait éclaté entre l'Ou-
Nyoro et TOu-Ganda. Le poste militaire égyptien de Mruli, qui commande
la route entre le Nil et FOu-Ganda, étant occupé par les gens de TOu-
Nyoro, la route vers le sud était si bien fermée, qu'à Roubaga aucune
communication d'Emin bey, autrefois en rapports constants avec Mtesa,
u'anivait plus à ce dernier; les missionnaires ne connaissaient la
révolte et les progrès du Mahdi que par Zanzibar. Il paraît que Kabrega,
souverain de l'Ou-Nyoro, n'a pas renoncé à son ancienne inimitié contre
l'Egypte, et le territoire occupé par ses gens ne pourrait être que diffi-
cilement traversé par Emin bey et les Européens qui sont avec lui. Il
semble même, d'après une dépêche publiée par la Oazette de V Allema-
gne du Nord, que le gouverneur de la province égyptienne équatoriale
et le D' Junker ont été attaqués dans une tentative qu'ils ont faite de
se rendre de Lado dans l'Ou-Ganda. Après avoir repoussé les agres-
seurs, Emin bey et Junker se sont établis dans un camp retranché où
ils espéraient recevoir du secoui*s du roi de l'Ou-Ganda.
Le journal Marina e Commercio de Rome a publié une lettre du
comte Salimbeni, ingénieur, chargé de fonder une station dans le
Oo<iJani et de construire un pont sur le IVil-Bleu s « Le 14 mars, »
écrit-il à sa femme à Palerme, « le pont était terminé ; le 28 du même
mois,Tekla-Haimanot y a passé avec toute sa suite qui l'a salué du nom
de nouveau Fassil. Il m'a écrit : J'ai vu le pont. Il est beaucoup plus
beau que celui fait par le précédent Fassil. Grâce à Dieu, j'ai délivré le
capitaine Cecchi de la main de la reine de Ghera. Si tu veux rester dans
mon royaume, garde la terre qui est ma propriété ; je te donnerai en
toute propriété celle qui te plaira le mieux. Je te donnerai des servi-
"S-/
— 260 —
teurs, des bœufs, beaucoup de vaches, de moutons et de chèvres. Si tu
veux faire du commerce dans mon pays, tu ne paieras point de droits
de douane. Si tu veux voir les pays gallas sur lesquels je règne, je t'y
accompagnerai ; va, regai'de et étudie. » Le roi lui a fait de riches pré-
sents ; après les avoir énumérés, il continue : « Tu ne peux t'imaginer,
les peines, les souffrances, les violences, les humiliations que j'ai dû
supporter pour conduire mon travail à bonne fin. Le maître maçon,
Andreoni, et moi, nous avons lutté seuls contre tout et contre tous.
Privés de chaussure, affamés, sans nouvelles des nôtres, tournés on
ridicule, maltraités, menacés de mort, nous avons cependant triomphé.
Si je retournais maintenant en Italie, je fournirais aux indigènes un
prétexte de dire du mal de nous ; ils diraient que nous nous sommes
enfuis craignant qu'à la saison des pluies notre pont ne fût emporté. i>
Les missionnaires romains ont profité de la retraite des garni-
sons égyptiennes du Harrar, pour créer plusieurs stations au milieu
des tribus g^allas voisines de Harrar, avec lesquelles ils ont pu se
mettre plus facilement en rapport. Mgr Taurin Cahagne, vicaire apos-
tolique des Gallas, écrit aux Missiom catholiques, que ses missionnaires
rayonnent autoui- de Harrar, à la distance d'une journée et demie, dans
une situation assez indépendante. La tribu des Noli-Gallas, qui confine
aux Issas et est maîtresse des grandes voies commerciales, est surtout
l'objet de leur activité. Son territoire se compose de hauts plateaux, et
de vallées profondes, bien arrosées pour la plupart, fertiles, mais peu
accessibles, si ce n'est du côté du désert. Les missioimaires occupent
trois des vallées principales ; la population de celle d'AwoIé est surtout
pastorale, et moins entamée par le mahométisme ; les campements des
bergers sont à une journée de la station au milieu des bois et des brous-
sailles. Plus au N.-E. s'ouvre la vallée d'Ama, remarquable par des
ruines d'anciens édifices ; on y descend par des pentes rapides et boi-
sées. En se dirigeant vers l'est, et en gravissant les flancs des monta-
gne>s, on atteint les beaux sommets de l'Edjersa-Goro, couverts de
belles forêts de pins qui descendent assez bas dans les vallées. De là on
découvre, à 30 ou 40 kilom., les plaines bi-ûlées des Issas. La troisième
vallée est celle de Mité, par laquelle passe une ancienne route commer-
ciale, le long de laquelle se trouvent des ruines a*ssez considérables.
Le D' Hannin^ton, évèque de l'Afrique équatorialeafait, deFrere
Town, un voyage à Teïta, dans le Chagga, oîi se trouve une station ml^
sionnaire. Il tenait aussi à reconnaître une route par le pays des Masaï
au Victoria-Nyanza, différente de celle qu'avait suivie M. J. Thomson.
— 261 —
A la tête d'une centaine de porteure, il rencontra plusieurs cara-
vanes amenant des esclaves à la côte, et eut le bonheur de libérer
plusieurs de ces malheureux qu'il remit à la mission. Arrivé à Teïta il
trouva cette station affaiblie par la famine, pendant laquelle un certain
nombre d'indigènes étaient morts, d'autres avaient quitté le pays,
d'autres encore avaient été tués, ou pris et vendus comme esclaves. Tous
les villages, sauf ceux dans lesquels s'exerçait l'activité du missionnaire,
M. Wray, avaient été abandonnés. La situation parut si grave à
M. Hannington, qu'il jugea plus sage de renoncer à ce poste, et de faire
venir à Rabaï, près de Frère Town, les survivants, en attendant que le
district au pied du Kilimandjaro se repeuple, et que le besoin de mis-
sionnaires se fasse de nouveau sentir. Dès lors, M. Hannington est
reparti avec M. Taylor pour le Victoria-Nyanza avec une caravane de
Souahélis. Il comptait passer près du lac Naïvasha, et arriver à Sendega
dans le bas Kavirondo. Il croit que si cette route de la coteau Victoria-
Nyanza était ouverte, toutes les caravanes de Mombas pour l'intérieur
l'adopteraient, ce qui abrégerait beaucoup les distances et serait une
grande économie de temps et d'argent.
D'après une lettre du D' Schweinftirth au Ternes, la Compagnie
allemande de l'Afrique orientale a adopté, pour principe colo-
nial, d'expulser de ses possessions les Arabes et les musulmans étran-
gers, particulièrement ceux qui font le commerce des esclaves. Elle se
propose également d'interdire la chasse aux éléphants, afin de conserver
ces animaux et de les utiliser pour l'exploitation des colonies allemandes.
L'introduction des spiritueux, des armes à feu et des munitions sera
rigoureusement prohibée. En tenant les Arabes éloignés de leui-s colo-
nies, les Allemands y mettront fin à l'esclavage et à la traite, et peu à
peu ils amèneront les indigènes à un état de civilisation supérieure.
Le P. Guillet, supérieur de la mission romaine au Tanganyika, a
fait une excursion dans le Manyéma en vue d'y établir une station ;
à cet eflfet il a profité du passage de Tipo-Tipo, souverain du
Manyéma, à Oudjidji, pour avoir avec lui une entrevue dans laquelle il
lui a exposé son but, et a réclamé son appui. « Vous pouvez compter
sur moi », lui a répondu Tipo-Tipo; « venez quand vous voudrez, je vous
aiderai de toutes mes forces. Si vous voulez faire des excursions, aUer
jusqu'à la côte occidentale, je vous fournirai des hommes sûi'S. Si vous
voulez vous fixer dans le pays, vous me trouverez également à votre
disposition ; mais je ne vous conseille pas de vous établir chez les Wa-
Ngouana, comme à Koua-Kasongo, ou àNyangoué ; les Arabes ne reçoi-
— 262 —
vent pas volontiers votre doctrine qui leur paraît trop sévère. Il vous
faut des sauvages ; je vous conseille donc de passer le Loualaba et
de vous installer chez Roussouma ou chez Kaboura, à Mouavi.ou à
Imbani. Là vous trouverez des populations très denses ; vous n'aurez
rien à craindre ni des indigènes, ni des Wa-Ngouana, parce que je suis
le seul maître du pays. Dès que vous serez prêts à venir, écrivez-moi à
Koua-Kanongo, à un jour environ de Nyangoué, où je réside habituel-
lement. Si je n'y suis pas, je laisserai des ordres à mon frère, pour
qu'il vous reçoive à ma place. Vous visiterez tout le pays et choisirez
l'emplacement qui vous conviendra le mieux. »
Nous devons à M. Luciano Cordeiro, secrétaii'e perpétuel de la Société
de géographie de Lisbonne, les premiers renseignements sur l'itiné-
raire des explorateurs Capello et Ivens, de Mossamédèi^ à Qoili-
mane. Pai'tis de Mossamédès au mois de mars 1884, avec une petite
caravane de porteurs rapidement organisée, et accompagnés d'une faible
escorte de quelques soldats de la province, ils commencèrent l'étude de
la région du Coroca et de la zone située entre la côte et le plateau de
Huilla. Poursuivant ensuite leur marche vers le S.-S.-E., sur Humbé,
et plus tard vers le N. le long du Cunéné, ils firent dans cette région
une série d'observations qui leur ont permis d'en déteiminer la topo-
graphie générale, ainsi que celle du pays qui s'étend entre le Cunéné
et le Coubango. Après avoir passé cette rivière, ils en suivirent la rive
gauche jusqu'au 16**20 de lat. S., et se trouvèrent dans un pays presque
désert, sillomié de nombreux cours d'eau et extrêmement marécageux.
Remontant vers le nord, ils pénétrèrent par le Lovalé dans la région
située entre le Coubango et le haut Zambèze qu'ils atteignirent à
Libonta. Le pays de Lovalé, exploré par les Portugais à la fin du siècle
passé, est formé de vastes plaines inondées, que l'expédition ne travei'sa
qu'au prix de mille difiicultés et de grandes souffrances. Airivés au
Zambèze, les explorateurs cherchèrent à découvrir la ligne de partage
des eaux entre les bassins du Zambèze et du Congo, visitèrent les cen-
tres commerciaux de cette région et étudièrent la meilleure voie de
communication entre les deux côtes. Traversant le Zambèze à Libonta,
ils poursuivirent leur marche le long de la rive gauche de ce fleuve, et,
au bout de six jours, rencontrèrent le grand affluent venant du N.-E..
nommé Cabompo. De là jusqu'aux environs du lac Moero, l'expédition
éprouva de grandes pertes en hommes, en animaux et en ustensiles,
tout le pays jusqu'à Garanganja, grand marché de l'Afrique centrale,
étant complètement désert. Ils purent néanmoins étudier les sources du
— 263 —
Loualaba, et déterminer par des observations minutieuses la ligne de
faîte des deux bassins du Congo et du Zambèze. De GaranganjaTexpé-
dition redescendit vers le sud, puis se dirigea vers l'est, à la recherche
du Louapoula, à travers d'immenses forêts désertes qui, du Louapoula,
s'étendent vers le sud. Affaiblis et harassés de fatigue, les explorateui-s
reprirent leur marche vei-s le Zambèze, qu'ils suivirent jusqu'à Tété, et de
là, jusqu'à Quilimane. Ils avaient fait un parcours de plus de 7000 kilom.
dont 2500 en pays entièrement inexploré avant eux. On comprend dès
lors la valeur de leur exploration, qui permettra de déterminer exacte-
ment l'orographie et l'hydrographie de cette vaste région, représentées
jusqu'ici dans nos cartes d'une façon plus ou moins hypothétique.
Embarqués à Quilimane, MM. Capello et Ivens ont touché à Port-Dur-
ban et à Capetown', et ont reçu des témoignages de cordiale sympathie
de la part des Européens établis dans ces villes ; dès lors ils ont pas-
sé à Loanda et sont attendus à Lisbonne pour le mois de septembre.
Nous reviendrons ultérieurement sur les résultats de leur exploration.
M. 'Wîleox, missionnaire américain à Inhambané, près des bou-
ches du Zambèze, a fait récemment une visite au roi des Ma-Kiwak-
wa, à quatre jours de marche de la côte. Les hommes de cette tribu .
lui ont paru plus virils et plus respectueux que les Ba-Tonga. Leurs us
et coutumes, leurs danses, leur caractère belliqueux, la manière dont
ils traitent les femmes, et leur accent les rapprochent beaucoup des
Zoulous. La demeure du chef n'a rien qui la désigne comme résidence
royale, si ce n'est qu'elle est surmontée d'une paire de cornes de vache,
et entoui'ée d'une haute palissade de roseaux. Près de l'entrée étaient
assis plusieurs indunas ou officiers, deiTière lesquels se tenaient 30 ou
40 jeunes hommes. L'induna qui conduisait M. Wilcox s'assit à l'entrée
ot dit, en faisant un geste de la main : « Voilà notre roi, » mais sans le
désigner expressément, aussi M. Wilcox était-il très embarrassé de
' A la dernière heure, VIndépendance belge nous apporte quelques renseigne-
ments supplémentaires sur l'exploration de MM. Capello et Ivens, fotirnis à ce
journal par un de ses correspondants de Capetown. Les explorateurs portugais
ont trouvé la tsétsé au cœur de l'Afrique, en même temps qu'une quantité énorme
d'éléphants ; la région qu'ils ont parcourue serait donc riche en ivoire. D'autre
part le pays où se trouve Garanganja aurait des mines de cuivre. Le chef Muchir
qui voyait des blancs pour la première fois, s'est montré très défiant, et même
hostile; mais on peut espérer que ses préjugés se dissiperont, quand il aura une
nouvelle occasion de voir des Européens venir chez lui avec des dispositions paci-
fiques.
— 264 -
savoir lequel des trois ou quatre jeunes gens présents était le roi, et
dut-il demander une explication aux indunas, mais aucun d'eux ne
parut disposé à le tirer d'embarras. Appelant alors son domestique :
a Angelasi », lui dit-il, « indique-moi qui est le roi Mpandé. » « Aucun de
ceux que vous voyez, mais le voilà, » répondit Angelasi en regardant à tra-
vere les roseaux. M. Wilcox aperçut alors un jeune homme de 18 ans,
à moitié caché demère la palissade ; il lui tendit la main en faisant le
salut ordinaire des Zoulous ; le roi s'approcha, lui prit la main, mais
d'un air très réservé, et assez mal à son aise. Le missionnaire exposa le
but de sa \isite, mais voyant que le jeune roi n'aurait pas grand chose
à dire, il s'adressa aux indunas qui l'écoutèrent avec une grande atten-
tion. L'un d'eux, qui avait vécu dans la Colonie de Natal, leur expliqua
en détail ce que M. Wilcox se proposait de faire. On l'invita à se retirer
un instant, après quoi les indunas lui firent dire qu'ils aimeraient beau-
coup à l'avoir au milieu d'eux, et que, comme il était le premier mission-
naire qui fût venu les visiter, ils lui réserveraient la place, mais qu'ils
n'oseraient pas lui accorder l'autorisation de commencer à travailler
parmi eux avant qu'il eût vu le roi Oumgané, successeur d'Oumzila,
sans cela, le suzerain leur dirait : pourquoi avez-vous pris un mission-
naire pour vivi-e comme les blancs, sans me consulter ? Les indunas l'en-
gagèrent à se rendre à Baleni, chez Manjoba, un des principaux oflSciers
du roi, en ajoutant que si celui-ci donnait son autorisation, eux aussi
consentiraient volontiers à recevoir le missionnaire. M. Wilcox jugea
qu'il valait mieux s'adresser au roi lui-même, et revint à Lihambané
avec l'intention de se rendre à Omovamouhlé, résidence du nouveau
roi. — D'autre part, M. Richards» aussi missionnaire américain, a
fait, de Natal, en compagnie d'un natif, nommé Maziana, un voyage au
Limpopo, en vue d'atteindre la ville de Baleni ; Manjoba s'est montré
disposé à recevoir des missionnaii"es, mais à la condition que l'autorisa-
tion soit aussi demandée à Oumgané. Le pays qui entoure la ville est
plat et peu salubre, mais il y a, à quelque distance, des hauteurs vrai-
semblablement plus favorables à une station missionnaire.
La protestation du président de la Nouvelle République des Boers con-
tre la prise de possession de la baie de S*«- Lucie par le lieutenant
W.-J. Moore, de la marine britannique, a provoqué une démarche d'un
certain nombre de Zoulous auprès de l'autorité anglaise de la Colonie
de Natal. Leurs délégués, reçus par le gouverneur, ont exposé qu'ils
avaient reconnu Dinizoulou comme successeur de Cettiwayo, en témoi-
gnage de quoi ils apportaient en présent deux peaux de lion, leur pau-
— 265 —
vreté ne leur permettant pas d'offirir des défenses d'éléphants. « Mais, »
ont-ils ajouté, « nous ne savons où installer notre roi ; vous, Anglais,
vous nous avez pris une partie de notre pays — le territoire dit de la
Réserve — et de notre population ; la Nouvelle République des Boers nous
en enlève une autre partie ; de quoi notre roi pourrait-il prendre posses-
sion? » Le gouverneur a demandé du temps pour répondre. Une députa-
tion de membres du parlement anglais et d'autres notabilités qui s'in-
téressent aux affaires de l'Afrique australe s'est rendue auprès du
nouveau secrétaire d'État pour les colonies, le colonel Stanley, pour
s'informer des mesures que le gouvernement anglais compte prendre en
faveur des Zoulous. Le secrétaire d'Etat a répondu que le plus grand
désir du gouvernement est de voir les colons anglais et les Boers vivre
en bonne harmonie et travailler en commun à leur bien-être mutuel, et
qu'il ne fera rien qui puisse tendre à accentuer la distinction entre les
deux races dans cette partie de l'Afrique. Il a même ajouté que l'offre
du roi Khamé, de placer son territoire sous le protectorat britannique,
ne peut être acceptée. Il est en commimication avec le gouverneur de
Natal au sujet du Zoulouland, mais la question de l'annexion ou du
protectorat n'est nullement résolue.
M. le missionnaire E. Jacottet» auquel nous devons l'exploration
du haut Orange et de ses af9uents (p. 24-35), ayant constaté que les
hautes vallées sont suffisamment peuplées, la conférence du Le-Souto
décida d'abord d'étendre l'œuvre de la mission à la vallée de la
Maklialeiiii;» la plus rapprochée de Morija, puis à celle de la Senku-
nyane» dont la population est encore tout à fait païenne. Elle chargea
M. Jacottet d'y préparer les voies à l'installation d'un évangéliste, pour
le mois d'octobre ou de novembre. Pour cela notre compatriote a entre-
pris un second voyage, dont nous regrettons de ne pouvoir emprunter
que quelques détails au Bulletin missionnaire de Neuchfttel. Ce fut à la
tin de juin, c'est-à-dire au fort de l'hiver du Le-Souto, que M. Jacottet
dut se mettre en route, avec la perspective de devoir passer une ou deux
nuits dans la neige, à 2700 mètres d'altitude. En traversant le col qui
sépare le Le-Souto de la vallée de la Makhaleng, il constata avec éton-
nement que, depuis son premier voyage, sept mois auparavant, on y
bâtissait un nouveau village. Au col de Thaba-Putsa, à 2800 mètres
au-dessus de la mer, de grandes masses de neige garnissaient les flancs
des montagnes ; et pour atteindre le village de Motsiba, dans la vallée
âpre et sauvage de la Senkunyane, il dut chevaucher pendant plus de
trois heures sur un étroit sentier, presque littéralement suspendu sur
— 266 —
l'abîme, voyant, à une centaine de mètres au-dessous, rouler les eaux
torrentueuses du fleuve. La population est plus dégradée que celle des
vallées inférieures du Le-Souto. Le chef Mosheli, honteux de Tignorance
dans laquelle croupissent ses gens, demanda instamment qu'on lui
envoyât un évangéliste, pour leur fournir l'occasion de s'instruire. Celui
qui sera installé là-haut commencera par ouvrir une école. En revenant
dans la direction de Thaba-Bosigo, M. Jacottet passa dans un endroit
situé à 2700 mètres, dont les habitants ont réussi à faire une véritable
oasis dans le désert ; cependant il y manque des habitations un peu
confortables ; la hutte rectangulaire oîi il avait couché précédemment
avait croulé sous le poids de la neige. Après une nuit passée dans une
hutte étroite, il vit, à son réveil, les montagnes toutes blanches de
givre; c'était à se croire en Suisse; mais le spectacle ne dura pas long-
temps, le soleil eut bien vite fait disparaître ces frimas. Quoique l'évan-
géliste Josepha qui l'accompagnait, ait trouvé la vallée âpre et sauvage,
il quittera le champ du travail plus facile qu'il a cultivé jusqu'ici, pour
se transporter prochainement sur ces hauteurs, oîi il devra reprendre la
vie de la hutte, car il ne pourrait transporter ni table, ni lit, ni usten-
siles, à travers ces montagnes presque inaccessibles.
Les MiWieilungen de la Société de géographie de Vienne nous
apportent des renseignements sur les progrès de l'expédition dnIF
Holub, dont nous étions sans nouvelles depuis longtemps. Les lettres
publiées sont datées de Liinokana, la dernière station postale sur la
route de Potchefstrom à Shoshong. Après avoir fait plusieurs excur-
sions dans le sud pour réunir des collections qu'il a expédiées en Europe,
l'explorateur a dû pratiquer la médecine pour pourvoir aux besoins
de l'expédition, traitant gratuitement les pauvres, mais se faisant
payer en nature par les chefs indigènes. Il écrivait le 8 mars : « Daa^
l'État libre le temps reste invariable ; il n'y est pas tombé de pluie
depuis toute une année, aussi les bêtes de trait succombent-elles
presque toutes faute de fourrage. Il vient de mauvaises nouvelles du
pays des Ba-Mangwato, menacés par les Ma-Tébélé. — Par ma prati-
que médicale, j'ai obtenu six bœufs qui me seront très utiles pour mon
voyage à l'intérieur. Nous comptions pouvoir prendre une route à
l'est, atteindre la frontière du Transvaal en une marche à travers un
pays de collines, puis descendre dans la vallée du Marico et du Lim-
popo, qui nous promettait non seulement du gibier mais encore de
riches collections. Malheureusement une querelle s'est élevée entre le
percepteur du district de Marico et les Ba-Thloka ; il en est résulté une
— 267 —
levée (le 250 hommes qui amènera sans doute un combat, et aura peut-
être des suites plus graves vu la proximité des troupes anglaises. Cette
route m'est donc fennée, et je devrai prendre celle de la Notuane,
beaucoup plus longue, et rendue plus difficile par des moraines et des
collines de sable ; elle a moins de foun*age que celle de l'est, et l'on
n'y rencontre point de gibier. Les Boers attaqueront sans doute le
chef Kils. Si je passe dans son voisinage, il s'emparera de mes bœufe,
pour se venger sur le premier blanc qui lui tombera sous la main. Les
Ba-Thatla sont amis des Ba-Thloka; même en supposant que nous
pussions nous frayer à travers leur territoire un passage vers le nôï'd,
nous serions exposés à l'éventualité de voir nos collections pillées pai*
les indigènes qui s'imaginent que nos caisses renferment toutes sortes
de trésoi-s. — Nous allons quitter Linokana, et demain au point du jour
nous serons à Baisport, le chemin le plus court pour Shoshong. Les
bœufs s'étant reposés pendant cinq mois nous donneront de la peine.
Je conduirai le premier wagon, en fer ; Bukacz, qui doit porter le chro-
nomètre dans les endroits cahotants, m'aidera à passer les ravins et
les endroits sablonneux en prenant par la bride les bœufs de l'attelage.
Le second wagon attelé de 16 bœufs est conduit par Meintjes, aidé de
deux autres hommes ; au troisième wagon sont attachés Fekété, Spii'al
et un petit blanc africain que j'ai dû prendre avec moi, n'ayant pu
louer aucun garçon noir par peur de la fièvre du Zambèze. Dans le
quatrième wagon se trouve mon unique serviteur noir, Plati, Koramia,
avec deux aides. Derrière mon wagon de fer, Halouschka, à cheval,
conduit par la bride mes cinq chevaux «elles pour que nous puissions
les monter dès que nous verrons quelque pièce de gibier ou un objet
quelconque intéressant au point de vue de l'histoire naturelle. J'em-
mène en outre avec moi huit chevaux de chasse, un bouquetin apprivoisé,
deux singes de lagrosseurdupoing, un aigle et un vautour apprivoisés,
un chat marin, etc.» — Dès lors, le président de la Société d'exploitation
austro-hongroise àCapetown a recula nouvelle de l'heureuse arrivée du
D' Holub à Shoshong et de son départ de cette ville pour le Zambèze.
Dès qu'il aura atteint le fleuve , il renverra à Colesberg deux de ses
wagons avec les bœufs dont il n'aura plus besoin. Quand il traversera
le fleuve, il enverra un messager avec une dépêche à la première sta-
tion télégraphique du Transvaal ; mais il n'est pas probable que l'on
reçoive des nouvelles ultérieures de lui avant le milieu d'octobre ou de
novembre.
Les travaux des missionnaires rhénans dans le Damaraland sont
— 268 —
rendus diflBciles par le droit de succession en vigueur dans cette partie
de TAfrique australe. Dans beaucoup de familles le mari et la femme
n^appartiennent pas à la même tribu. En cas de mort du mari, si la
veuve n'a aucun parent du défunt dans la conmiunauté chrétienne, il
faut qu'elle aille vivre avec ses parents païens, et la tribu du mari
hérite des bœufs, des vaches, même des enfants du défunt, jusqu'au
nourrisson aussitôt qu'il peut être séparé de sa mère, en sorte que la
pauvre veuve demeure complètement seule et sans ressources. Même
dans le cas où elle épouserait U4i chrétien d'une autre famille, les
enfants lui seraient enlevés. Si le défunt avait un parent chrétien, ce
serait lui qui hériterait de tout, bétail, enfants et veuve. Mais il arrive
assez souvent qu'un mari chrétien n'a pas de parents dans sa commu-
nauté, dès lors la veuve retourne dans un milieu païen, ainsi que les
enfants. Les missionnaires s'efforcent de modifier ces conditions du
droit de succession du Damaraland, mais jusqu'ici ils n'ont pu y
réussir.
D'après le Mouvement géographiqrie, une briipade topoi^paplii-
que» placée sous la direction de M. l'ingénieur Petitbois et du lieute-
nant Van de Velde, a été chargée par l'État du Congo de la reconnais-
sance, au point de vue du tracé d'une vole ferrée, du territoire qui
s'étend entre Vfvî et IsAng^hila* Elle jalonnera la voie et préparera
le travail topographique qui permettra de tracer la carte de la zone de
200" de chaque côté de la ligne du tracé. En attendant l'exécution de
ce travail, l'Association étudie le moyen le plus pratique de créer une
route entre Vivi et Léopoldville, le long de la rive méridionale du
Congo, pour y installer un service de transport par bœufs. A cet effet
elle a donné des ordres pour que l'on recherche, en face de Vivi, le
point le mieux approprié à l'établissement d'une ferme, oîi un certain
nombre de bœufs seront réunis, aussitôt que les cultures suffisantes
pour leur fournir des fourrages auront été créées. Dès que ces bœute
seront acclimatés, il sera procédé à la création d'une seconde ferme, à
une journée de marche de la première, on y en installera d'autres,
et ainsi de suite jusqu'à Stanley-Pool. Il est probable que les bœufe
qui seront employés seront ceux de Mossamédès ou du Damaraland.
Actuellement les bestiaux sont rares au Congo ; l'espèce bovine n'y est
pas indigène , elle est importée de Mossamédès. La race est grande et
rappelle celle de la Hongrie avec ses belles cornes. Chaque factorerie
possède un troupeau plus ou moins nombreux, que, malheureusement»
des maladies périodiques déciment à la fin de la saison sèche. S n'est
— 269 —
pas rare de voir disparaître ainsi des troupeaux eiitiei'S, mourant vic-
times d'une cause que Ton n'est pas encore parvenu à déterminer exac-
tement, mais que quelques pereounes attribuent à des plantes véné-
neuses. L'établissement de prairies lai'gement irriguées par les eaux
du fleuve ou de ses affluents, est un dos premiei-s progrès que l'on
devra réaliser, si l'on veut approvisionner les stations de laitage et de
viande fraîche. L'élevage des bestiaux, dit M. Daumas, peut à lui seul,
et à cause de la grande extension qu'il est susceptible de prendre,
devenir au Congo une source importante de richesses. Aussi la maison
Daumas, Béraud et C° se propose-t-elle de faire, sur une vaste échelle,
un essai d'élevage près de sa factorerie de Noki.
La maison Roubaix d'Anvers a envoyé au Congo un agronome
hollandais, M. Fuipiper» pour établir des cultures le long des rives et
dans les îles du bas fleuve ; elle s'est aussi attaché le D*^ Chavanne
qui, avec M. Fugger, a choisi, comme premier champ de travail l'île
de Matéba, à peu près à égale distance de Boma et de Ponta da
Lenha, et qui appartient à l'État du Congo. Elle mesure environ
15 kilomètres de longueur et 4 de largeur. Elle est couverte, écrit
M. Fugger, sur une bande d'une largeur de 100" au bord de l'eau,
d'une végétation luxuriante de palmiers et de bananiers. A l'intérieur
elle est plate, la terre y est bonne, exceUente même, avec beaucoup
d'arbres. Outre l'arachide, le tabac et le café y réussiront à merveille.
L'État du Congo a loué à la maison Roubaix l'île de Matéba, sur
laquelle, h l'heure qu'il est, des constructions ont déjà été élevées non
loin du village de Boulon, à 200" du rivage, en un endroit oti de petits
steamers peuvent aborder aisément. L'île renferme neuf villages, dont
aucmi n'a plus d'une vingtaine de cabanes, abritant de 60 à 70 habi-
tants, appartenant à la tribu des Moussorongo. L'île renferme un féti-
che en gi'ande vénération dans le pays, le dieu de la pluie, auquel on a
construit une cabane spéciale ; le gardien en est le prince Mpoungou
qui est en même temps le directeur des cérémonies religieuses.
Les Proceedings de la Société de géographie de Londres annoncent,
d'après des nouvelles amvées en Suède, de la côte occidentale d'Afrique,
que des néipoclants suédois ont acquis, dans le pays de Massanja,
au Cameroon, environ 20 milles carrés de terre, sur lesquels le drapeau
suédois a été arboré, il y a quelques mois. Le climat passe pour être
salubre et le sol riche ; on y cultive du cacao, du café, du sucre, du riz
et de l'indigo. Les colons ont réussi à nouer de bons rapports de com-
merce avec les indigènes, qui leur livrent surtout du caoutchouc que
270 —
fournissent en abondance les forêts voisines. Si le gouveniement suédois
les avait autorisés il y a deux ans à s'établir en cet endroit, ils auraient
pu prendre possession du pays de Boto, près de Victoria, jusqu'au Rio-
del-Eey une des parties les plus fertiles de la côte occidentale d'Afrique.
A présent ils doivent faire leur commerce à leurs risques et périls.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Une expédition allemande, entreprise sous les auspices de la Commission cen-
trale de la Société de géographie commerciale dont le siège est à Berlin, et de la
Banque d'exportation, est préparée en vue de la fondation d'établissements
commercianx dans les pays d'outre-mer. Elle visitera d'abord les ports de
l'Afrique septentrionale, pour nouer des relations avec les maisons allemandes
qui y sont établies, et chercher dans chaque port quels sont les articles de
fabrication allemande qui y trouveraient un écoulement.
Le D' Rouire a profité de son passage à Tunis pour y provoquer la création
d'une Société de géographie.
Le capitaine Ferrari, rentré en Italie de la mission dont il avait été chargé en
Abyssînie, a rapporté que plusieurs chefs de tribus so sont révoltés contre le
Négous, et qu'ils sont maîtres de la route de Massaoua à Debra-Tabor. Une
humeur fantasque s'est emparée du roi Jean, qui paraît ne plus jouir de toute sa
raison. Souvent il est en proie à des accès de fureur qui se terminent par des actes
sanglants ; parfois même il ordonne des supplices contre des sujets qui n'ont eu
d'autre tort que de se trouver sur son passage dans un de ces moments d'humeur
noire.
MM. Capucci, Ciccognani et Duylio, envoyés par la Société africaine de Naples,
sont partis, le 28 juillet, d'Assab pour le Choa.
M. Clément Denhardt est revenu à Berlin, après avoir exploré avec son frère
le bassin de la Dana. A peine de retour il songe à repartir pour un nouveau
voyage en Afrique.
Le D' Jûhlke et M. Weiss, délégués de la Société allemande de l'Afrique
orientale, ont acquis au nom de la Société tout le territoire du Kilimandjaro,
au N.-O. de Pangani, sous 2^,30 lat. sud, comprenant l'Ou-Sambara, le pays
d'Arousha et le Chagga. D'après les traités passés avec les chefs, l'Allemagne se
charge d'y organiser la justice et de faire occuper le pays par ses troupes. Elle
s'est réservé le droit d'établir les impôts qu'elle jugera nécessaires, et d'introduire,
pour les relations du commerce, les restrictions qui lui paraîtront utiles.
Le nouveau consul allemand à Zanzibar a pris possession du poste occupé pré-
cédemment par l'explorateur Gérard Rohlfs.
D'après une dépêche de Zanzibar du 29 août, l'explorateur Reichardt est arrivé
en bonne santé à Zanzibar.
— 271 —
Le vapeur la Bonne Nouvelle a été lancé sur le Tanganyika, le 8 mars, au grand
étonnement des indigènes qui, en le voyant remonter, ne pouvaient se représenter
qu'un bateau en fer pût jamais flotter sur les eaux.
Le missionnaire Bôhm écrit, de Wallfish-bay, que Jan Jonkers qui, jusqu'ici,
s'opposait à la conclusion d'une paix définitive entre les Namaquas et les Héréros,
se plaint beaucoup que le consul allemand, M. Yogelsang, lui ait interdit de conti-
nner à piller les Bastards de Rehoboth, placés désormais sous le protectorat de
l'empire allemand. Il a réclamé, pour lui aussi, ce protectorat et a promis de faire
la paix avec les Bastards ; il a déjà conclu avec eux un armistice.
M. Jôao Auguste de Moura, originaire de l'Ile de Madère et négociant à Lis-
bonne, a obtenu du gouvernement portugais une concession de 5000 hectares de
terrains incultes jusqu'ici, dans la province de Mossamédès, au nord du cap Frio.
Le gouvernement a pris à sa charge de faire transporter, du port de Funchal jus-
qu'à Mossamédès, 200 maisons pour les colons, et s'est engagé à fournir tous les
secours nécessaires pour assurer le prompt établissement de la nouvelle colonie
qui portera le nom de Luciano Cordeiro.
Le chef indigène Coanhama, de Huilla, dans la province de Mossamédès, étant
mort subitement, les natifs crurent à un sortilège de la part des blancs résidant
dans la localité. Vingt Européens furent massacrés, entre autres trois membres
de la mission de Huilla. Un Anglais a pu s'échapper avec une de ses filles, mais
deux autres de ses enfants ont péri dans ce massacre.
Le D*" D.-D. Veth, qui dirigeait l'expédition hollandaise du Cunéné, est mort
le 19 mai à Kalakanga, entre Humpata et Benguela. Les voyageurs ont eu à lutter
contre de grandes difficultés pour gravir les terrasses qui conduisent aux hauts
plateaux.
L'expédition missionnaire, à la tête de laquelle se trouve l'évêque William
Taylor, a eu plusieurs de ses membres malades à Loanda. Le D' Johnson a dû
repartir pour l'Amérique ; M. Châtelain devait être conduit à Mossamédès, plus
salubre que Loanda, en attendant qu'il pût revenir en Europe, mais il a dû s'arrê-
ter à Benguela, la faiblesse dans laquelle il se trouvait ne permettant pas de le
transporter jusqu'à Mossamédès.
Les missionnaires américains du Bihé ont été rappelés par le roi qui les avait
d'abord chassés. M. Sanders est retourné à Baïlounda, où s'est aussi rendu
M. Arnot, après avoir séjourné plusieurs mois à Benguela.
Le marquis Buonfanti, entré au service de l'Association internationale du
Ck>Dgo, après avoir traversé l'Afrique, de Tripoli au golfe de Guinée, est mort de
la fièvre à Massabé, et M. Casman, chef de la station de l'Equateur, a succombé à
un anthrax.
Dans une des séances du Congrès d'horticulture et de botanique à Anvers, a été
discuté le rapport concernant la flore du Congo, rédigé par M. Moukemeyer,
ancien chef de culture à Boma. Le Congrès a adopté la proposition de former un
Comité international en vue d'une exploration botanique du Congo.
Le 29 août sont partis, par le steamer Afrikaait, M. Janssens, nommé vice-gcu-
— 272 —
verneur de FÉtat du Congo, arec résidence à Borna; M. Destrains, son secrétaire;
M. Cuvelier, juge; trois officiers de l'armée belge, chargés d'une mission spéciale;
M. de Blœme, nommé directeur général des factoreries hollandaises du Congo;
enfin le chef Massala et les indigènes qui l'accompagnent.
La Castle Mail Packet Company organise une nouvelle ligne de vapeurs, dont les
steamers partiront de Hambourg dès le mois de septembre ; ils toucheront à Rot-
terdam, Anvers et Lisbonne, en Europe, puis à Madère, Banana, Ambriz, Saint-
Paul de Loanda, Algoa-Bay, East-London, Natal et la baie de Delagoa.
La ViUe d'Anvers, petit steamer de 30 tonnes, qui faisait le service des trans-
ports entre Boma et Vivi, a coulé bas un peu en amont de Ponta da Lenha.
Le Stanley démonté est arrivé à Léopoldville le l'^' juillet. Trois mécaniciens
attachés au transport se sont immédiatement mis à l'œuvre pour sa reconstruction
et son lancement sur les eaux du Stanley-Pool.
M. Francis de Winton, administrateur général du Congo en l'absence de Stan-
ley, a dû, par crainte de troubles et d'une levée des noirs en certains points du
territoire de l'État nouvellement constitué, restreindre temporairement la vente
des armes à tir rapide et des munitions nécessaires pour l'usage de ces armes.
Cette vente est soumise, dans toute l'étendue du territoire de l'État du Congo, à
une autorisation préalable de l'administration générale.
Dans une lettre du 29 mai, de Stanley-Pool, M. Grenfell recommande à la Société
des missions baptistes d'Angleterre, comme emplacements de futures stations :
Msouata, à 160 kilom d'Arthington ; Mouxie, sur le Quango, à 80 kilom. en amont;
Bolobo, à 145 kilom. au delà de Msouata; Loukoléla, position très importante
pour les opérations futures sur le Mobandji; Bangala, à 200 kilom. d'Equateur-
ville; Roubounga, à 270 kilom. de Bangala; Yambinga, à l'embouchure du liOïka,
et Yangowa, au confluent du Loubilache.
Le D*" C. Passavant de Bâle qui était, depuis deux ans, arrêté au Cameroondans
son projet d'exploration à l'intérieur, dans la direction de la ligne de partage des
eaux entre le bassin du lac Tchad, et celui du Congo, a été obligé par les circons-
tances politiques de cette région de renoncer à son plan, et va rentrer en Europe.
M. Stephan, directeur général des postes de l'empire allemand, a reçu de Came-
roon une lettre renfermant des renseignements sur le système de télégraphie
acoustique dont se servent les indigènes de la nouvelle colonie allemande. Chaque
hameau est pourvu d'une espèce de trompette en bois à deux petits trous. Au
moyen de cet instrument et de signes conventionnels, les nègres se transmettent
les nouvelles à une distance considérable avec une rapidité surprenante. Chaque
signe exprime un mot. Les indigènes libres seuls ont le privilège de se servir de
ce système de correspondance dont l'usage est interdit aux esclaves et aux Euro-
péens.
L'explorateur polonais Rogozinsky a annoncé au Dziennik de Posen, que les
fonctionnaires anglais lui ayant retiré l'appui qu'ils lui avaient généreusement
accordé jusqu'ici, il renonçait à son expédition et allait revenir en Europe.
La direction des postes de l'empire allemand a fait une convention avec la
— 273 —
maison Woermann de Hambourg, pour établir un service postal, à partir du V août,
à bord des vapeurs qui font le trajet entre Hambourg et la côte occidentale
d'Afrique.
M. Robert Flegel, actuellement à Brass, à Fembouchnre du Niger, prépare une
nouvelle expédition au Bénoué supérieur.
D'après une lettre du D' Lenz à la Société de géographie de Vienne, l'expédi-
tion autrichienne a eu une traversée difficile le long de la côte de Krou, entre
Monrovia et Accra. Il comptait s'arrêter quelques jours à Cameroon et poursuivre
ensuite sans arrêt jusqu'au Congo. L'annonce de la découverte du Mobandji par
M. Grenfell, lui faisait penser que son premier devoir était de tâcher de remon-
ter le plus haut possible cet affluent du Congo.
EXPLORATION DES AFFLUENTS DU CONGO
Par le Rev. Grsbtfell.
Dans notre article sur les grandes voies fluviales de l'Afrique (IV*
année, p. 339-347), nous faisions remarquer de quelle importance
seraient les affluents des grands fleuves africains, pour faciliter l'étude
des parties encore inconnues de leurs vastes bassins, et poui* y faire
pénétrer la civilisatioji. Cette observation s'appliquait tout particulière-
ment au Congo, le plus riche en tributaires, surtout dans la partie
navigable de son cours, entre Stanley-Pool et les chutes de Stanley, sur
une longueur de 1400 kilom. Dès loi-s, le fleuve a été reconnu enti-e ces
deux points, soit par les vapeurs de Stanley et de ses agents, soit par
ceux des missionnaires. Stanley tout d'abord pénétra par l'embouchure
du Quango dans la Wabouma, un de ses tributaires, et découviit le lac
Léopold II; un peu après, remontant le Congo, il signala, entre la
station de l'Equateur et le V lat. S., le lac Mahoumba, dans une direc-
tion parallèle au grand fleuve; nous avons rapporté l'exploration ulté-
rieure qu'il fit du cours inférieur de l'Arououimi, jusque près des
cataractes de Yambouga, sur une longueur de 75 kilom. A son tour, le
capitaine Hanssens a reconnu l'embouchure de la Mongala et remonté
ritimbiri. Mais il n'y a encore là que ce que nous appellerions les pré-
liminaires des études des affluents du Congo; les agents des stations du
nouvel État libre les continueront sans doute en détail et d'après un
plan régulier, de manière à étendre progressivement et dans tous les
sens nos connaissances sur toutes les parties de l'immense territoire
qui s'étend du fleuve aux sources de ses grands tributaires, jusqu'aux
limites mêmes de son bassin.
— 274 —
En attendant cette exploration méthodique, le Rev. Grenfell a été
conduit, par ses recherches d'emplacements pour fonder de nouvelles
stations missionnaires, à étudier soit les rives du fleuve et les embou-
chures de plusieurs de ses affluents, soit un certain nombre de ces der-
niers non encore exploités par les agents des stations de l'État libre.
Nous avons déjà mentionné (p. 46-51), son premier voyage avec le
Peace, de Stanley-Pool à la station de l'Equateur et à Liboko, à moitié
chemin des chutes de Stanley, et donné sommairement (p. 197-198) les
résultats de ses dernières explorations dans le bassin du haut fleuve.
L'abondance des renseignements que nous apporte le Missionary
Herald, nous engage à en extraire ce qui nous paraît le plus important
pour nos lecteurs. Aujourd'hui, nous nous bornerons aux découvertes
fournies par l'avant-dernier voyage de Grenfell, réservant pour un
article ultérieur l'exploration du Mobandji, — l'Oubangi de M. Wau-
ters, — dont les détails ne nous sont pas encore parvenus.
Ce fut le 13 octobre de l'année dernière, que M. Grenfell s'embarqua
sur le Peace, pour remonter de nouveau le Congo, avec sa femme, le
D' Sims, de l'Union missionnaire baptiste américaine, six garçons de
l'école, et deux jeunes filles capables d'aider M"' Grenfell dans les soins
à donner à son enfant âgé d'un an seulement. A la station française de
Nganchou, ils rencontrèrent le capitaine Massari et le lieutenant Par-
gels avec lesquels ils remontèrent jusqu'à Kouamout, à l'embouchure
du Quango.-De là, ils longèrent la rive droite du Congo jusqu'à son
confluent avec le Lefini * , qu'ils résolurent d'explorer, afin de voir s'il offre
une voie facile pour arriver à Mbé, capitale de Makoko. Ce chef préten-
dant être le souverain de toutes les tribus ba-téké, qui occupent le
territoire entre le Congo et l'Ogôoué, il leur paraissait important d'éta-
blir avec lui des relations amicales, si l'occasion leur en était offerte.
Leur tentative échoua par le fait que le Léfini, à cinq kilomètres en
amont de son confluent, devient un ton-ent qu'il n'est plus possible de
remonter ; iLs durent donc le redescendre et rentrer dans le Congo.
C'est à peu de distance du confluent du Léfini, que le fleuve s'élargit,
et que commencent les îles qui en partagent le cours en plusiem's bras.
A 25 kilom. de Bolobo, se trouve l'embouchure de la Nkié, ou Nkeuyé,
qui traverse un district peu populeux, mais dont les habitants arrêtè-
rent l'expédition, en ne permettant pas au vapeur de faire provision de
bois à brûler. Les voyageurs purent cependant remonter la rivière sur
* V. la Carte, p. 140.
— 275 —
un parcours d'une centaine de kilomètres, tout en remarquant que les
natifis ne s'en servent pas comme voie navigable, ce qui est dû sans
doute à ses nombreux et longs méandres, et à ses eaux rapides, qui font
que le voyage par terre est plus facile ; il est aussi plus sûr, les crocodiles
étant très nombreux dans la rivière. Ce ne fut qu'en manœuvrant avec
la pliLS gi'ande pnidence que le Peace put redescendre sans avaiîes, le
courant se précipitant dans les tours et détours de la rivière avec une
rapidité de 5 à 7 kilom. à l'heure.
En se rapprochant de l'Equateur, les explorateurs rencontrèrent
Tembouchurc du Mobandji, dans lequel ils pénétrèrent ; mais sa direc-
tion étant la même que celle du Congo, ils crurent d'abord n'avoir à
faire qu'à une section du fleuve, appelée de ce nom. Toutefois, après
une marche de 200 kilom. environ, ils constatèrent qu'il s'agissait
réellement d'un cours d'eau spécial. Au premier abord, les natifs furent
effrayés et s'enfuirent, laissant leurs bouilloires sur le feu, leurs maisons
tout ouvertes, leurs chèvi*es et leure poules à la merci des nouveaux
aiTivauts ; ici, les adultes tremblants abandonnaient les plus jeunes ; là,
les plus courageux mettaient les villes en état de défeiLse, tandis que
d'autres se tenaient derrière eux portant les aimes et les boucliers de
leurs camarades et les leurs propres. Près d'une de ces villes, les mis-
sionnaires furent reçus aux cris de : Esprits ! Esprits ! poussés de derrière
la barricade. Un indigène de Loukoléla qu'ils avaient pris avec eux, eut
beau dire que ce n'étaient point des esprits, mais des hommes venus
pour se reposer et dormir comme d'autres ; rien ne put triompher du
préjugé des natifs ; il fallut se retirer et passer sur l'autre rive pour
voir si les gens y seraient plus trait ables.
Quand les missionnaires approchèrent de la première ville de la rive
gauche, tous les natifs s'enfuirent. On pouvait voir que les vivres étaient
abondants, et l'on dépêcha à terre trois hommes de l'expédition qui,
munis d'étoffes, de verroterie et de lil de laiton, essayèrent d'entrer en
pourparlei-s avec le peuple. Mais ils durent bientôt battre en retraite
devant une foule irritée, qui reçut les agents pacificateui's en leur jetant
une lance que ceux-ci esquivèrent adroitement. Ils ne se retirèrent ce-
pendant qu'à une petite distance, espérant que lorsque les indigènes
verraient qu'aucun dommage n'avait été causé à leurs biens, ils seraient
convaincus des bonnes dispositions des voyageurs. Bientôt le vapeur se
rapprocha, mais les guemers conmiencèrent alors à se revêtir do leurs
cuirasses en peau d'éléphant et de buffle, à se cacher derrière leurs
boucliers, et à préparer leurs faisceaux de lances ; puis ils organisèrent
— 276 —
une danse de guerre, et poussant un terrible hurlement, ils firent une
charge comme s'ils eussent voulu se précipiter à travers les flots sur les
étrangers. Mais ils se bornèrent à cette démonstration. Le vapeur
longea lentement la côte, assez près du bord, pour que les natifs pussent
bien voir ceux qui le montaient, et juger de leurs dispositions paci-
fiques.
La présence de M"^ Grrenfell et de son enfant parut les rassurer.
Bientôt on put essayer de faire accepter au chef un morceau d^ étoffe
qu'on lui tendit au bout d'un long bâton ; enfin, l'équipage du vapeur
put acheter du plantain et des vivres en abondance, ainsi que quelques
cuirasses, boucliers, couteaux et lances, en souvenir de cette rencontre.
Les habitants de cette partie du fleuve sont des Ba-Loï, tout à fait
distincts, par l'aspect et par la langue, des Ba-Ké et des Ba-Yansi, qui
ont le monopole du trafic sur le Congo moyen.
Le vapeur redescendit la rivière, mais avant d'en être sorti, il fut,
pendant une nuit où il était à l'ancre, rejoint par une des nombreuses
îles flottantes qui rendent dangereuse la navigation du cours inférieur
du Mobandji. M. Grrenfell appela inmiédiatement tous ses gens pour
l'écarter, de manière à ce qu'elle pût flotter le long du bateau ; mais
leure efforts furent inutiles ; le steamer continua à être entraîné chas-
sant sur ses ancres. Alors il fit descendre sur l'île flottante ses hommes
amiés de hachettes, pour tâcher de la pai-tager en deux, afin que cha-
cune des parties fût emportée par le courant à droite et à gauche du
Peace. Ce moyen n'atteignant pas le but, on eut recours aux scies, et,
en une dizaine de minutes, le bateau fut dégagé ; après quoi, il reprit sa
marche vers l'embouchure du Mobandji, d'oîi il remonta un peu au
nord vei*s la station de l'Equateur.
Là, M. Van Gèle donna aux missionnaires, pour leurs explorations
ultérieures, Éyambi, un des hommes qui avaient déjà fait le voyage
jusqu'aux chutes de Stanley avec un des vapeurs de l'Association du
Haut-Congo. A 5 ou 6 kilom. en amont, ils atteignirent l'embouchure du
Kouki, le grand affluent méridional du Congo. Quoiqu'ils eussent grande
en\ie de le remonter, ils n'osèrent se lancer sur ces flots noirs comme
de l'encre, ni entreprendre une exploration que la puissance de l'affluent
leur faisait supposer devoir être très longue. Ils préférèrent explorer
rikelemba, cours d'eau moins considérable, qui se verse dans le Congo
à deux kilomètres plus au nord, et dont les bords, leur disait-on, de-
vaient être très peuplés d'indigènes habiles à fabriquer des couteaux et
des lances. Les missionnaires furent désappointés quant au nombre
— 277 —
d'habitaDtâ qu'ils rencontrèrent. Toutefois, ils comptèrent une quin-
zaine de villages, sur un parcours de 200 kilomètres, jusqu'à un point où
la rivière, après avoir diminué graduellement, se trouva trop obstruée
par la végétation pour leur permettre de la remonter plus haut; Peau»
cependant, n'eut jamais moins de 4 mètres de profondeur. Pendant tout
le trajet, ils virent très peu de terrain au-dessus du niveau de Teau ;
partout où le sol paraissait favorable, s'élevait un village; la rive
gauche était particulièrement basse, et comme ils rencontrèrent beau-
coup de Ba-Bouki, M. Grenfell suj^ose que de petits canaux mettent
en communication l'Ikelemba et le Bouki, la bande de terre qui les
sépare étant fort peu large. Les eaux de l'Ikelemba ressemblent à celles
du Bouki ; elles sont toutes noires, et tellement saturées de fer qu'elles
sont très astringentes; c'est au point que, employées à faire le thé,
elles lui communiquent un goût d'encre qui le rend impotable. Les habi-
tants des premières villes que M. Grenfell rencontra en remontant
l'Ikelemba, se montrèrent très bien disposés; il en avait vu, sur le
Congo, quelques-uns qui lui servirent d'introducteurs auprès des autres,
et rendirent les relations mutuelles faciles. A mesure que le vapeur
remonta la rivière, les natifs devinrent plus timides et plus soupçonneux,
surtout dans les localités où une forte proportion de Ngombé, ou hom-
mes des bois, étaient mêlés aux riverains leurs voisins.
L'expédition visita Danda, une des villes dont la population tout
entière appartient aux Ngombé ; elle est située à 1 Vs kilom. de la ri-
vière, et diffère complètement de ce que les missionnaires avaient vu
auparavant. Un grand fossé de 4 mètres de largeur et de 2 mètres de
profondeur l'entoure entièrement; le bord intérieur en est surmonté
d'une forte barricade de poutres de 4 mètres de hauteur. Trois ouver-
tures, auxquelles conduisent des ponts [de poutres, donnent accès dans
la ville ; ces ouvertures sont étroites et garnies de planches propres k
les fermer en cas de besoin. Le D' Sims et Ëyambi entrèrent les pre-
miers dans la ville; mais les habitants furent si effrayés de la vue
d'un blanc, que l'un d'eux, se levant précipitamment, lança une flèche
aux visiteurs qui ne s'étaient pas fait annoncer ; le trait manqua le
docteur, mais traversa le vêtement d'Éyambi. Les indigènes ne com-
prenaient pas pourquoi les arrivants ne déclaraient pas la guerre d'em-
blée, et envisageaient comme très suspecte cette tentative de nouer
des relations amicales avec eux. Ils ont la face entièrement couverte de
cicatrices qui s'étendent jusqu'aux lèvres, avec des boutons gros comme
des pois. Parfois, l'un d'eux en a une rangée tout le long du nez, très
— 278 —
rapprochés les uns des autres; d'autres se contentent de trois ou quatre
boutons, tandis que d'autres encore en ont un énorme sur la lèvre,
comme pour simuler une corne de rhinocéros; d'autres enfin eu ont
tout autour des yeux, et le long des joues jusqu'au menton, de manière
à esquisser les traits saillants d'une tête de mort. Une jeune fille avait,
de chaque côté du nez, une loupe grosse comme un œuf de pigeon, si
près des yeux qu'elle devait avoir beaucoup de peine à regarder quoi
que ce fût, car, quand elle voulait voir quelqu'un, elle devait baisser la
tête pour regarder par-dassus ces « grains de beauté. » Les visiteurs
remarquèrent beaucoup de malades, quantité de gens couverts d'ulcè-
res graves, et plusieurs cas de lèpre ; ils attribuent ces maux à la con-
dition de l'eau qui leur parut détestable. Ils n'estiment pas que l'Ike-
leniba doive être rangé parmi les grands affluents du Congo, quoique
ses bords soient assez peuplés, et que ses fabriques de couteaux et de
lances donnent lieu à un grand trafic.
Redescendant au Congo, le Peace traversa le fleuve pour atteindre la
rive di-oite qu'il longea jusqu'à Boungata, ville importante, à 35 kilom.
au nord de l'Equateur. Les missionnaires nouèrent des relations d'ami-
tié avec le chef Nanou, et purent s'approvisionner, à des prix modiques,
de vivres et de combustible. Pendant qu'ils étaient là, à l'ancre, en
novembre, ils essuyèrent un de ces tomados, qui, dans cette saison, ren-
dent la navigation pénible et dangereuse ; le Peace le supporta heureu-
sement. Le 19 novembre il passa devant la ville déserte de Boberi, dont
les habitants avaient été chassés par les Ngonda, de l'Equateur, et s'é-
taient établis sur une crique étroite qui, pendant la saison des hautes
eaux, communique avec le Mobandji ; elle traverse toute l'étroite pénin-
sule qui sépare le Mobandji du Congo.
De là, M. Grenfell se rendit à Lobengo, qu'il avait déjà visitée avec
M. Comber, au mois de juillet. On le reconnut comme un vieil ami, et il
put avoir avec les indigènes des rapports beaucoup plus directs que la
première fois. On connaissait l'homme blanc, on savait qu'il était iuof-
fensif, et quoique sa femme et son enfant fussent des êtres nouveaux
pour les indigènes, et que leur présence causât un certain émoi parmi
les femmes, la ville néanmoins demeura tranquille. Le chef, homme
âgé, continua les réparations de son palais, qui n'est pas autre chose
qu'un vaste toit, de 20 à 25 mètres de long, sur 6 ou 8 mètres de large,
soutenu par des poteaux, sans aucune muraille; ces poteaux sont
d'un beau travail, ornés d'une sorte de sculpture qui témoigne d'une
grande habileté et de beaucoup de patience. C'est la demeure com-
— 279 —
mune, mais chacune des femmes du chef a son habitation distincte. La
pièce susmentionnée sert de cuisine, de salle à manger, de salon de con-
versation et de fumoir. Du toit pendait une collection de filets de toutes
sortes, avec des mailles de la grosseur d'un doigt jusqu'à la longueiir
d'une main, pour prendre toute espèce d'animaux, depuis le petit pois-
son, jusqu'au grand cerf des bois ; il y avait aussi des trappes à rats,
du genre du jouet connu sous le nom d'anneau siamois, dans lesquelles
le rat est sen'é d'autant plus qu'il se débat davantage. Le^ pipes, lon-
gues et courtes, abondent; les courtes sont à l'usage des femmes du
chef, qui fument en se livrant aux travaux dans les plantations ; le chef
se sert de pipes de 2 à 3 mètres de longueur. Il y avait, en outre, des
lances, des boucliers, des couteaux, toutes sortes d'armes offensives,
des provisions de remèdes et des charmes pour conserver la vie du chef
et éloigner de son corps tous les maux imaginables, des ustensiles, des
plats, un ou deux lits de réserve, des chasse-mouches, une espèce de
îeu de tric-trac, divers trophées de chasse, et quantité d'objets dont
rénumération est impossible.
Remontant ensuite le fleuve jusqu'à Mounsembi et à Boumbinda, les
missionnaires y reçurent un accueil amical, quoique les habitants de ces
villes eussent cru d'abord à une invasion de leurs voisins les Ba-Ngala.
A peine quelques femmes et quelques enfants se laissèrent-ils aperce-
voir, la plupart s'étant sauvés dans la forêt. Les hommes, demeurés
dans la ville, étaient prêts à livrer un combat. Au delà, le Peace passa
devant une autre crique, aussi en communication avec le Mobandji, et
explorée en partie par le lieutenant Coquilhat, qui atteignit par là un
petit lac d'une dizaine de kilom. carrés. Les natifs lui dirent qu'il au-
rait à en travereer un autre avant d'arriver au Mobandji. L'existence
de communications entre les deux cours d'eau, à200 kilom. deleur con-
fluent, ne fait, pour M. Grenfell, l'objet d'aucun doute, car il vit dans
cette crique des canots montés par des Ba-Loï, indigènes que l'o^i ne
rencontre jamais en aval; ils ont la tête rasée, et leurs couteaux de
bronze ornementés, ainsi que leur vêtement de peau d'^Jéphant, diifë-
rent entièrement de ceux que l'on trouve chez les autres tribus du
Congo.
A Bangala les voyageurs coBStatèrent des faits patents de canniba-
lisme, quoique, au commencement de ce voyage, M. Grenfell crût que
celui-ci recule à mesure qu'on avance ; chacune des tribus indigènes
disant, qu'au delà de ses limites les natifs sont méchants, qu'ils man-
gent des hommes, il commençait à devenir sceptique à ce sujet, lorsque.
— 280 —
à Basgala, il fut obligé de reconnaître que le fait n'était que trop vrai.
Les indigènes ne pouvaient pas comprendre que Thomme blanc et ses
gens fissent exception à leurs us et coutumes» et qu'il voulût intervenir.
« Pourquoi, » lui dirent-ils, « voulez-vous vous mêler de nos affaires ?
Nous ne vous dérangeons pas quand vous tuez vos chèvres. Nous ache-
tons notre Nyama^ et nous le tuons, ce n'est pas votre affaire, b Le
lieutenant Coquilhat a vainement cherché à mettre un terme à cette
coutume, et il estime même qu'il ne serait pas bon de racheter un des
malheureux destinés à être victimes de ces horreurs, parce qu'avec le
prix qu'on en donnerait, les indigènes en achèteraient trois autres. A
partir de Bangala, on rencontre partout des traces de cannibalisme ;
toutefois, à la répugnance avec laquelle, en certains endroits, les indi-
gènes s'avouent mangeurs d'honmies, on peut espérer qu'il existe déjà
en eux un sentiment qui est le commencement d'une protestation contre
ce crime.
Le lieutenant Coquilhat devant visiter Mobeka, à l'embouchure de la
Ngala, à 80 kilom. plus à l'est, remonta le Congo avec M. Grenfell. A
cette époque il y avait à peine un mètre carré de terrain sec dans la
Tille, qui paraissait fort insalubre. Il en était à peu près de même de la
ville de Mpesa dont la position est également basse. Les eaux du fleuve
avaient monté jusqu'à la fin de novembre ; elles commençaient à baisser,
mais ce n'était pas encore le moment où les habitants retirent le plus de
profit de la pêche des poissons qui, aux eaux basses, remplissent les
pièces d'eau formées par la crue du fleuve. A Bopoto, à 12 kilom. en
amont, se trouve une population qui compte beaucoup de forgerons,
fabriquant des haches et des bêches de manière à en fournir à tout le
district avoisinant.
De Stanley-Pool jusqu'à l'embouchure de la Ngala, le Peace avait
suivi une direction nord ; à partir de là il se dirigea vers l'est, et
depuis Moumba il commença à courir vers le sud. Au coude du fleuve
près duquel sont les villes des Yambinga, il entra dans celui des affluents
septentrionaux du Congo auquel Stanley a donné le nom d'Oukéré,
mais que les natifs appellent le Lolka. C'est un cours d'eau considéra-
ble, de 200" à 300" de large ; M. Grenfell le remoQta sur un parcours
d'environ 160 kilom., dans une direction^. N. E., jusqu'à une cataracte
qui lui barra le passage. Près de son confluent avec le Congo, les villes
sont grandes et les habitants traitables ; mais à mesure que l'on remonte
l'affluent, ils deviennent plus timides, et les comjnunications avec eux,
plus difficiles. A Mosakou, le chef vint à bord du Peace apporter nn
— 281 —
présent ; mais un des hommes du vapeur, ayant, sans réflexion, ouvert
tout à coup une des soupapes de sûreté, le sifllet qui en résulta fit sur
lui et sur tous les indigènes une telle impression, que tout son équipage
et les gens de vingt ou trente canots qui l'accompagnaient se jetèrent à
l'eau, pour se sauver à la nage jusqu'à terre. La panique ne fut pas de
longue durée, et de bons rapports purent s'établir entre les habitants
et les blancs.
En remontant la rivière, les explorateurs remarquèrent qu'elle se fraie
un passage à travers une rangée de collines d'une trentaine de mètres
de hauteur, courant au N. 0., et laissant entre elles des vallées basses
et marécageuses. A Bonganga, les indigènes brûlaient les herbes des
marais et des plantes flottantes pour en faire du sel. A 15 kilom. en
amont on rencontre les villages momégé, qui s'étendent sur une lon-
gueur de 6 à 8 kilom. le long de la rtve gauche. Ils sont bien situés, au
milieu de terrains extrêmement fertiles ; les maisons en sont bien bâties;
leurs murailles, d'argile blanchie à la chaux ou peinte en rouge, ont les
angles arrondis. Au delà viennent de grandes villes dont les habitants
se montrèrent d'abord hostiles et reçurent les arrivants à coups de flè-
ches. Ceux de la première ville des Mobélé les tinrent en échec pendant
deux ou trois heures, et ce ne fut qu'en les voyant répondre à toutes
leurs attaques par des propositions de paix, qu'ils déposèrent enfin leurs
dispositions hostiles. Heureusement une des petites filles qui accompa-
gnaient M. Grenféll était originaire de cette partie de l'Afrique, et put, du
bateau, se faire entendre des gens qui étaient sur le bord de la rivière,
et leur faire comprendre que les blancs ne demandaient que des vivres,
en échange desquels ils donneraient quantité de belles choses. Ils paru-
rent très étonnés en entendant quelqu'un pai-ler leur langue ; alors ils
conmiencèrent des pourparlers pour qu'Éyambi allât à terre leur mon-
trer des grains de verroterie et des étoffes. Mais ils ne voulurent pas le
laisser gravir le rocher qui protégeait leur ville du côté de l'eau, s'il
n'amenait avec lui la petite fille. Il la prit avec lui, fut cordialement
accueilli, et reçut, pour elle et pour lui, des présents, ainsi que des vivres
pour l'équipage du Peace, qui continua sa marche jusqu'à la ville des
deux chefs Esima et Katanga, lesquels leur firent le meilleur accueil. A
leur descente à terre, la venue des chefe fut annoncée au bruit des tam-
bours, et au son de cors en ivoire de 2" de long ; quelques minutes
après que tous les notables eurent pris place, des esclaves apportèrent
en abondance des vivres qu'ils entassèrent aux pieds des missionnaires.
Dès que M. Grenféll commença à exprimer ses remerciements, l'ordre
— 282 —
fut donné de lui en fournir davantage, et les femmes apportèrent de la
cassave en si grande abondance, que jamais ailleurs les voyageurs n'en
reçurent autant.
A 50 kilom. en amont de l'embouchure du Lolka, les habitants de
Monoungeri se montrèrent tellement hostiles aux étrangers que
MM. Grenfell et Sims s'estimèrent très heureux, après une visite à
leur ville, de se retrouver sains et saufs à bord du Peace. A Bosoko, où
avait eu lieu, en 1877, l'attaque des gens de l'Arououimi contre Stanley,
ils virent s'enfuir plus d'une centaine de canots, tous chargés d'enfants
et de provisions ; la baie était tout entourée de fétiches, et les hommes
armés étaient tout prêts pour un combat ; ils disaient retenir comme
otages les blancs de la station internationale, parce qu'ils avaient
craint que l'expédition du Peace ne fût le prélude d'une invasion enne-
mie. M. Grenfell apprit que deux des honmies de la station avaient été
mangés, et que le troisième n'avait dû son salut qu'au répit qui lui
avait été accordé parce qu'il était trop maigre ; il en avait profité pour
s'échapper.
Le Peace s'éloigna, mais un peu en amont, en un endroit où les mis-
sionnaires avaient espéré passer une nuit tranquille, loin du bruit des
tambours des gens de Bosoko, ils virent descendre le fleuve et passer
auprès d'eux quantité de canots fugitifs échappés de la ville de Yam-
bouli, incendiée par des Arabes en quête d'esclaves et d'ivoire. Des épa-
ves de toutes sortes, toits, lits, ustensiles, calebasses; filets de pêcheurs,
étaient entraînés par le courant ; tout ce qui pouvait flotter avait été
jeté dans le fleuve, soit par les fugitifs serrés de près, soit par les Arabes
embarrassés de leur butin. La ville de Mawembé était également déserte,
et dans celle que le Peace rencontra ensuite, sur 400 ou 500 maisons, il
n'y en avait plus que 3 ou 4 qui eussent encore le toit. Un peu plus en
amont, M. Grenfell vit sortir du milieu des ruines fumantes d'une autre
ville, également ravagée par les Arabes, un des habitants qui s'était
hasardé à revenir en arrière ; tendant vers les blancs des mains sup-
pliantes, il leur dit : « Voyez, on ne nous a rien laissé ; » et montrant
les poutres carbonisées, il ajouta : « Voyez, nos maisons sont brûlées,
nos plantations détraites, nos femmes et nos enfants enlevés. Et les
hommes qui ont fait cela sont tous là-bas, » disait -il, en montrant du
doigt l'autre rive du fleuve. « La vue de ce malheureux, au milieu decette
scène de désolation, » écrit M. Grenfell, « est une de celles dont l'impres-
sion ne peut jamais s'efiacer. »
Après avoir traversé le fleuve et rencontré encore d'autres villes
— 283 —
inceDdiées, les missionnaires arrivèrent au camp des Arabes à Tembou-
chure du Loboko, le Loubilache de nos cartes. Ils trouvèrent les Arabes
se préparant à repousser une attaque, et postant des corps de troupes
dans les hautes herbes qui commandaient les approches du camp. Les
chasseurs d'esclaves reconnurent bientôt qu'ils n'avaient pas affaire à
des hommes de guerre. Ils étaient au nombre de 700, sous le comman-
dement de Mounya Mani, vassal du fameux Hamed ben Mohammed,
plus connu sous le nom de Tipo-Tipo.
De ce point aux chutes de Stanley, le Peace rencontra des milliers de
fugitifs, et quantité de villages dont les habitants n'attendaient qu'un
signal pour s'enfuir ; leurs biens et leurs provisions de vivres étaient
déjà déposés dans leurs canots. Le plus grand nombre paraissaient vouloir
coucher dans leurs bateaux, pour éviter une surprise nocturne ; de jour,
ils se tenaient à teiTe, un canot ou deux faisant le guet dans les postes
d'observation les meilleurs. Les gens de M. Grenfell, qui avaient appris
leur chant national, n'avaient qu'à l'entonner, pour produire chez ceux
qui étaient à terre un enthousiasme sympathique avec accompagnement
de danses.
La présence des Ai*abes dans cette région augmentait considérable-
ment les diflBcultés d'approvisionnements de la station des chutes de
Stanley. Néanmoins, l'agent, M. le lieutenant Webster, officier suédois,
pourvut Ubéralement aux besoins de l'équipage du Peace, M. Grenfell
fit visite à Tipo-Tipo qui lui offrit ses services pour envoyer ce qu'il
désirerait à Oudjidji ou à Zanzibar, oîi il expédie des dépêches tous les
quinze jours. Il paraît se disposer à occuper les chutes de Stanley d'une
manière permanente. Il fait de grandes plantations, parle de se cons-
truire une maison de pierre, et dit qu'il attend 2000 hommes de renfort.
Il se donne l'air de vouloir faire un trafic légitime, et déclare que si les
gens n'étaient pas si méchants et voulaient trafiquer sans combattre,
lui le voudrait aussi. Il dit avoir entrepris l'expédition susmentionnée
sur Tordre de Saïd-Bargasch, qui l'a fait appeler à sa cour pour qu'il
lui exposât les raisons de la diminution du trafic par la côte orientale ;
aussi s'enquiert-il maintenant de ces raisons pour le sultan de Zanzibar,
qui prétend à la souveraineté du Congo jusqu'à l'Océan Atlantique ! !
M. Grenfell insiste sur la nécessité de prendre des mesures pour
arrêter le fléau de la traite qui désole les rives du haut Congo. Le lieu-
tenant Webster a l'ordre d'empêcher les Arabes de descendre le fleuve,
mais il ne peut l'exécuter. Ses Zanzibarites ne voudraient pas combattre
contre leurs compatriotes, et ses Haoussas sont trop peu nombreux.
iWi*'*
1
— 284 —
Maintenant que le nouvel État libre du Congo a été créé, c^est à lui
qu'incombe le devoir d'arrêter la marche des Arabes de Nyangoué dans
la direction de TAtlantique.
BIBLIOGRAPHIE
Aux PAYS DU Soudan. Bogos, Mensah, Souakim, par Denis de Rivoyre.
Paris (Pion, Nourrit et C*), 1885, in-8*, 293 p. avec carte et gravures,
fr. 4. — Il ne s'agit pas ici d'une nouvelle expédition de l'explorateur
qui nous a fait connaître la région africaine voisine du golfe d'Aden,
mais d'un voyage accompli, il y a vingt ans environ, c'est-à-dire long-
temps avant que le Soudan, Kbartoum et la côte de la mer Rouge fixas-
sent l'attention publique.
C'est en compagnie de Mûnzinger, alors vice-consul de France à
Massaoua, et de l'évêque Bol, qui allait avec le P. Delmonte réorgani-
ser la mission catholique chez les Bogos, que cette courte excursion à
Keren a été entreprise.
Cet ouvrage n'ajoute pas grand chose à nos connaissances sur le
bassin supérieur du Cher Barka, et la carte qui l'accompagne renferme
bien peu de détails, mais on le lira avec plaisir, parce qu'il est écrit
d'un style simple et facile, et que le récit est émaillé de nombreuses
digressions intéressantes, entre autres d'anecdotes et d'histoires fabu-
leuses que l'auteur se fait raconter par les gens de sa caravane. Du
reste les descriptions faites par un homme qui a vu de ses propres yeux,
inspirent toujours confiance et, dans ces pays encore barbares, le pay-
sage ne change guère, pas plus que les mœurs des habitants. En outre
M. de Rivoyre, n'oubliant pas qu'il écrit en 1885, fait de fréquents
rapprochements avec la situation politique actuelle.
Le Congo au point de vue économique, par A.-J. Wauters. Bruxelles
(Institut national de géographie), 1885, in-12*, 256 p. avec 3 cartes et
8 vignettes, fr. 3. — C'est un ouvrage de géographie commerciale qu'a
voulu écrire M. Wauters, bien connu dans le monde géographique par
ses nombreux ouvrages et par son journal le Mouvement géographique.
Recueillant les informations fournies par les grands explorateurs, les
' On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bàle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et eiciUsée,
— 285 —
agents de l'Association internationale, les commerçants de la côte, les
missionnaires anglais, et enfin par le Comité d'études lui-même, il a pu
faire un résumé méthodique de nos connaissances sur le Congo, une
sorte de monographie du bassin de ce fleuve au point de vue économique.
Fertilité du sol, populations, conditions climatériques, produits actuels
et ressources futures, possibilité de nouer avec les indigènes des rela-
tions commerciales fructueuses, conditions de transport, projet de
construction d'une voie ferrée se dirigeant de la côte occidentale
vers le centre du continent, tous ces points, qui intéressent au plus
haut degré l'opinion publique, parce que ce sont les questions vitales
d'oii dépend surtout l'avenir du nouvel État, sont examinés en
détail.
On consultera avec fruit, en particulier, les chapitres traitant du
mouvement commercial actuel du Congo inférieur et des lignes de navi-
gation qui le relient avec l'Europe, chapitres dans lesquels l'auteur
fournit des renseignements nouveaux, précis et dignes de foi. On y trou-
vera les noms des maisons européennes établies actuellement au Congo,
les chiffres d'importation et d'exportation pour 1883, enfin l'indication
des cinq lignes de bateaux à vapeur qui desservent le Congo, avec le
prix, la durée et les autres conditions du voyage. Ce sont : !• la ligne
des deux compagnies réunies de Liverpool : British and African Steam
Navigation C** et Afirican Steam Ship C*»; 2' la ligne anglo-portu-
gaise, Empreza Nacional ; 3** celle de la maison Wœrmann, de Ham-
bourg; 4** celle de la Nieuwe Afrikaansche Handels-Vennootschap
de Rotterdam ; 5** V Angola, de la maison Hatton et Cookson de Liver-
pool.
Nous reviendrons peut-être sur cette partie importante de l'ouvrage.
Souvenirs d'une exploration médicale dans l'Afrique intertro-
picale, par P. Dutrieiix. Paris (G. Carré), et Bruxelles (A. Man-
ceaux), 1885, in-8% 146 p. et carte, fr. 3,50. — M. Dutrieux a fait partie
de la première expédition de l'Association internationale africaine. En
1878, l'opinion publique en Belgique avait été alarmée par la mort de
deux des trois membres de l'expédition, peu de temps après leur arrivée
à Zanzibar. Désirant aller étudier sur place les conditions d'insalubrité
du climat de l'Afrique équatoriale, et mettre pour cela à profit l'expé-
rience qu'il avait acquise pendant dix années de séjour au Caire où il
pratiquait la médecine, le D' Dutrieux oflWt ses services au Comité de
Bruxelles, qui les accepta avec empressement.
— 286 —
Mais il ne put pas mettre à exécution ses projets d'études d'anthro-
pologie et d'ethnologie ; il aurait fallu pour cela être libre de tout enga-
gement envers une société quelconque, et maître de son temps et de
ses mouvements. M. Dutrieux reconnut qu'une mission n'a de chances
d'aboutir à des résultats scientifiques qu'à la condition d'être person-
nelle et indépendante. Après un voyage intéressant et fructueux, de
Bagamoyo à Tabora, il fut employé, pendant plusieurs mois, k garder
dans cette dernière localité un dépôt de marchandises. Considérant que
de telles fonctions, peu dignes d'un médecin ou d'un voyageur scienti-
fique, n'étaient pas de nature à compenser le sacrifice de sa santé, il se
retira du service de l'Association et revint en Europe, où il lui fallut
plusieurs mois de repos pour se rétablir des rudes atteintes du palu-
disme qui avait fini par le terrasser.
Quoique le bagage scientifique qu'il a rapporté de son voyage ait été
moins considérable qu'il ne l'espérait, il a cependant pu formuler les
principaux caractères de la pathologie des Européens dans la zone
torride de l'Afrique, et donner quelques vues d'une portée pratique,
sans avoir toutefois l'idée de publier un guide médical du voyageur.
Il passe en revue les diflFérentes maladies des pays chauds, entre
autres la dysenterie, les aflFections du foie, les fièvres paludéennes, et
traite la question si complexe de l'acclimatement. Une seconde partie
contient des notes de climatologie, d'anthropologie et d'ethnologie,
recueillies à Mpouapoua et dans l'Ou-Nyaraouézi.
L'étude de toutes ces questions, desquelles dépendent tant d'exis-
tences humaines, a été faite par M. Dutrieux avec le seul souci de don-
ner à ses lecteurs des renseignements absolument exacts, et qui les met-
tent en garde contre les assertions souvent fausses des apôtres enthou-
siastes de la colonisation à outrance. Décrire l'Afrique telle qu'elle est,
c'est le premier devoir du voyageur sérieux.
Maeroco, DA8 Land und DIE Leute, goschildcrt von Adolph von
Conring. Nouvelle édition. Berlin (G. Hempel), 1884, in-8*, 335 p. avec
carte et plan du Maroc, fr. 6,70. — Chargé, en 1877, par l'empereur
d'Allemagne, d'une mission au Maroc, pour étudier les rapports commer-
ciaux de ce pays avec l'empire allemand, l'auteur de cet ouvrage eut la
possibilité de parcourir à plusieurs reprises le versant occidental de
l'Atlas jusqu'à l'Océan. Il recueillit ainsi, sur l'état actuel de cette con-
trée, quantité de matériaux qu'il a tenu à livrer au public. Son premier
souci a été de dire la vérité sur toutes les questions concernant ce
— 287 —
gi'and empire nord-ouest afiûcain, et d'exposer ses idées personnelles
avec clarté et méthode.
Il débute par une vue d'ensemble de la contrée, et étudie ensuite la côte
et les villes maritimes, de Tétouan à Saffi, puis il décrit ses itinéraires :
P de Saffi à Maroc ; 2° de Maroc à Mogador ; 3° de Mogador à Tanger
et retour par Mareeille. Le reste du volume est consacré à l'étude
détaillée de la situation économique du Maroc : les mœurs et le genre
de vie des indigènes, le gouvernement, Muley Hassan et sa famille, les
guerres civiles et leurs causes, tous ces sujets sont traités avec une haute
clairvoyance et par un homme qui connaît bien les choses dont il parle.
Enfin, les conditions de l'agriculture marocaine, la production et la
consommation, le commerce intérieur, l'exportation et l'importation,
forment une des parties les plus importantes de l'ouvrage. C'est celle à
laquelle l'auteur a voué tous ses soins, et les renseignements nouveaux
et puisés aux meilleures sources qu'il fournit, seront hautement appré-
ciés par ceux qui ont des intérêts dans ce pays.
Nos DROITS SUR MADAGASCAR ET NOS GRIEFS CONTRE I4E8 H0VA8,
par B. SaillenSj avec une préface de M. Frédéric Passy. — Paris (Paul
Monnerat), 1885, in-8°, 163 p., fr. 2. — On pourrait croire, à la lecture
de ce titre, qu'il s'agit ici d'un ouvrage comme il en a paru plusieurs
depuis le commencement de l'expédition militaire française à Madagas-
car, poussant à une action énergique, à une prise de possession du pays ;
il n'en est rien. Déjà, dans sa préface, M. Frédéric Passy, président de
la Société des a Amis de la Paix, » déclare que l'on n'a pas dit au par-
lement et à la nation toute la vérité, que le livre rouge que viennent
de publier les Hovas, analogue au livre jaune français, renferme beau-
coup de pièces inédites qui ne sont pas à l'honneur du gouvernement
français. En un mot, la cause que soutiennent les annes de la France
ne lui semble pas suffisamment juste, et il demande des éclaircisse-
ments.
M. Saillens va plus loin. Son livre ne traite pas la question au point
de vue géographique, mais s'occupe de l'histoire de la colonisation fran-
çaise à Madagascar. Il la divise en deux parties : la première, qui va
jusqu'à la conclusion du traité de 1868, se résume par ces mots : Nos
droits sur Madagascar sont abrogés. Nos droits modernes n'ont jamais
existé ; les négociateurs français l'ont reconnu. La seconde est consacrée
aux événements récents.
L'auteur désire la paix ; il est opposé à la politique violente précoai-
— 288 —
sée par les jésuites français, qui ne peuvent pardonner aux protestants
d'être arrivés les premiers et d'avoir conquis une influence prépondé-
rante, et par les colons de la Réunion qui, privés des coolies hindous,
voudraient les remplacer par des Malgaches. Si l'on fait abstraction des
prétentions exagérées des uns et des autres, la France, croit l'auteur,
est bien près de s'entendre avec les Hovas. L'aflFaire peut se terminer
par quelques concessions, mais les accordera-t-on ?
Une promenade dans le sahara, par Charles Lagarde. Paris (Pion,
Nourrit et C^), 1885, in-18, 301 p., fr.3,50. — La librairie Pion, qui a
déjà édité sur l'Afrique du Nord les beaux ouvrages de Fromentin,
publie aujourd'hui un livre posthume de M. Lagarde^ ex-ofl5cier au !•"
régiment des chasseurs d'Afrique. Misanthrope, ennemi de notre vie
matérielle et bourgeoise, l'Orient lui souriait à cause de l'absence de
civilisation ; il aimait le désert, la forêt vierge, les grands spectacles de
la nature, et quand il découvrait une correcte habitation européenne,
plantée comme par miracle au milieu d'un désert sauvage, sa colère
n'avait plus de bornes. A la tête de ses soldats, il parcourut pendant
huit ans toute la province d'Alger et descendit, dans sa dernière cam-
pagne, jusqu'aux confins du Maroc.
Rappelé en France par la guerre franco-allemande, il fut fait prisonnier
et envoyé en Allemagne, puis, après la conclusion de la paix, il retourna
en Algérie où l'insurrection de 1871 venait d'éclater. Envoyé à Marengo,
une des villes les plus malsaines de la colonie, puis, chargé d'escorter un
convoi de colons français, il tomba malade, se rétablit, lutta encore,
jusqu'au jour où sa forte constitution fut attaquée. Il dut renoncer au
service actif, mais il ne put jouir longtemps d'un repos bien gagné. Une
courte maladie l'emporta, le 23 janvier 1876, dans ce Blidah enchanteur,
lieu de sa première résidence, où il était arrivé plein de vie, de joie et
d'espérance.
Ses notes et ses lettres ont été recueillies par M. Charles Joliet, qui
trace à grands traits, dans la préface, l'histoire de l'auteur. Le livre lui-
même est une étude de paysages et de mœurs faite par un fin observa-
teur, ayant à sa disposition une plume facile et élégante ; c'est une
série de petits tableaux, manquant de suite peut-être, mais finement
tracés, et tout pénétrés du parfum de la riche nature algérienne.
ÉCHANGES
Amsterdam,
Anvers.
BtTlin.
BréiiiP.
Briixollos.
Borlin.
Booiétés de géographie.
Constantine. Halle. Lille. Mai-seille. Paris.
Douai. Hamhourp;. Lijibonne. Mantpellior. Rochefort.
Edimbourg. léna. Lyon. JNancy. Rome.
Francfort "/M. Le Giire. irfadrid. New-York. Rouen.
Greifswald. Leipzig. Manchester. Oran. Vienne.
Sociétés de géograpliie co:irueroiale.
Bordeaux. Paris. Porto. Saint-Gall.
Le Havre.
Missions.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Vi illetin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XIX™e siècle
(NeucMlel).
Journal de TUnité des Frères fmoraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions-Blîtt (Barmen).
|]^»rlîner Missions-Bcrichte (Berlin).
Heidenbote (BAle).
Evangelisches Missions -Magazin (Bâlc^
(lalwer Missions -Blatt (Calw).
Allgemeine Missions- Zeitschrift (GUlt .;-
loh).
Glaubensbote (Bàle).
Africa (Londres).
La Nigrizia (Vérone).
J>ivex
Gazette géographique et Exploration (Pa-
ris).
Moniteur des ('olonies (Paris;.
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du (iOmice agricole (Médéa).
Bulletin de KAcadémie d'Ilippone (Bone).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris).
hevue géographique internationale (Paris).
Le Mouvement géographique (Bruxelles). Boll. délia sezione Fiorentina (Florence).
Handels-Zeitung (Saint-Gall). Marina e Commercio, e Giornale délie co-
Deutsche Rundschau fttr Géographie und, lonie (Rome).
Statistik (Vienne). i Africa oriental (Mozambique).
Mittheilungen der afrikanischen Gosell-,() Africano (Quilimane).
schaft in Deutschland (Berlin). ; Jornal das colonias (Lisbonne).
Oesterreichische Monatsschrift fUr den As colonias portuguezas (Lisbonne).
Orient (Vienne). I Revista de Estudos Livres (Lisbonne).
Zeitschrift ftir wissenschaftliche Geogra-, Réveil du Maroc (Tanger),
phie (Vienne). |
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
(;ihur,:h missionary Intelligencer and Re-
cord (Londres).
Missi iuary Herald (Boston).
Arîivrican Missionary (New-York).
F«)r.Mgn Missionary (^'ew-York).
Régions beyond (Londres).
(liironicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
MontKly Record of the Free Charch of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
(^hurch of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian Lhurch (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Woraan's foreign missionary Society
(Philadelphie).
Deuvc *»e Kolonialzeilung (Francfort s/M) .
Chambc. ' Commerce Journal (Londres).
African Tiiii- (Londres).
Anlislavery Re,>orter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres)..
African Repository (Washington).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Bollettino délia Societa africiyia dîl.l'a
(Naples).
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant ((^onstantine) .
Moniteur de TAlgérie (Alger).
Dr A. l*etermann s Mittheilungen (Golhî
a)
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Record of geôgra
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
(]ape Argus ((^pe-Town).
West African Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
i
SOMMAIRE
Pa«ea
Bur.LETIN MENSUEL 257
Nouvelles complémentaires 270
Exploration des affluents du Congo, par le Rev, Grenfell. . . . 273
Bibliographie :
Aux pays du Soudan, par Denis de Rivoyre 2^4
Le Congo au point de vue économique, par A.-J. Wauters 284
Souvenir d'une exploration médicale dans PAfrique intertropicale,
par P. Dutrieux 285
Marroco, das Land und die Leute, von Adolph von Conring 286
Nos droits sur Madagascar et nos griefs contre les Hovas, par R.
Saillens 287
Une promenade dans le Sahara, par Charles Lagarde 288
OUVRAGES REÇUS :
La question du Congo, depuis son origine jusqu'à aujourd'hui, par J. Du Fief.
Bruxelles, 1885, in-8<», 80 p. et carte.
Vingt jours en Tunisie, par Paul Arène. Paris (Lemerre), 1884, in-lS*", 900 p.,
3 fr. 50.
Société française et africaine d'encouragement. 3™« rapport annuel. Paris, 1885,
in-8<>, 12 pages.
Afrika : Der dunkle Ërdtheil im Lichte unserer Zeit, von A. v. Schweiger-Lerchen-
feld. Lief. 19 bis 24. Wien (A. Hartleben), 1886, in-8«.
Scandais at Cairo, in connection wîth Slavery, by an englisb Résident at Cairo.
Cairo, 3 June, 1885, in-8<>, 18 pages.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt<
■f'.
c>/
â)
GENÈVE
, LIBRAIRE-ÉDITEUE
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIE^Oâ PAB
H. Onstave HOTNIER
Membre de la Société de géographie do Genève, de Hnstiiat de Droit internattonal ;
membre correspondant de rÂoadémio d'Hippone, et des Sociétés de géographie de Marseille,
de Nancy, de Loanda et de Porto.
' Il1tl>10£ PAR
M. Charles FlïïRE
Seorétaire-Bibliothéoaire de la Société de géograpMe de Oenève , membre correspondant des Sociétés
de géographie de Lisbonne, de Loanda. do Porto, de Saint-Qall et de Berne.
L Afrique parait le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8« d'au
moins 20 pages chacune; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
paraît nécessaire.
Le prix de l'abonnement annuel, payable d'avanee, est de 10 rrane»,
port compris, pour tous les pays de l'Union postale (première zone) ; pour les
autres, H fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit h un compte rendu*
-Adresser tout ce qui concerne la rédaetion à H. Gustave BVoynler^
8, me de l'Atliénée» h Genève (Suisse).
S'adresser pour les abonnements h Téditenr, m. H* Georif, à
Genève on h BAle.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Ch. Delagrave, libraire. 45, nie Soufllot, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la Cour, 45. rue de la Régence, à Bruxelles.
DuMoiARD frères, libraires, Corso VittorioEmmanuele, 21. îi Milan.
F,-A. Brockiiaus, libraire, Querstr., 29, à Leipzig.
L. Friederichsen et i>, libraires, Admiralitâtsstr, 3/4, à Hambourg
Wilhelra Frick, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autriche).
Trubner et C*% libraires, Ludgate HilU 57/59. à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
ATIS* — Nous mettons à la disposition de nos nouveaux abonnés, au prix de
12 fr, chacun^ un certain nombre d^ exemplaires complets de la IT^^, de la IV'
et de la F""» année. La P^ et lo III"^'^ sont épuisées.
mf
— 289 —
BULLETIN MENSUEL {5 octobre 1885. *)
La Société française d'encoara^ement continue son œuvre
en faveur des Missions africaines. Indépendamment de ce qu'elle
a fait sur d'autres points de l'Afrique, nous trouvons, dans le rapport
communiqué à l'Assemblée générale du mois de juin, qu'elle a expédié à
M. Mayor, fondateur du poste de Moicnéa en Kabylie, une tente-
baraquement^ pour suppléer à l'insuffisance de sa petite maison, comme
dispensaire et salle d'école. Elle lui avait précédemment envoyé des
semences qui venaient très bien, mais pendant une absence de M. Mayor
de sa station, des hommes payés par les marabouts s'étaient introduits
dans la maison et en avaient emporté les meilleures choses. Ils avaient
même poussé la haine jusqu'à dévaliser le jardin et à en détruire les
plantes. — Elle a également envoyé aux colons des Trois-llara-
bouts (province d'Oran), des vêtements de travail et des étoffes que
les femmes confectionnent elles-mêmes, le travail de la dernière campa-
gne des colons ayant été rendu en partie infructueux par le choléra qui
a fermé les débouchés à leurs récoltes, d'ailleurs satisfaisantes.
Le D' Traversi, parvenu dans l'Aonssa, a transmis à M. Bou-
tourline (voy. p. 14) quelques détails sur une entrevue qu'il a eue avec
Moliamed Anfali. Le sultan des Aoussas lui a promis de lui remettre,
pour le roi d'Italie, une lettre dans laquelle sera rapporté tout ce qu'il a
fait après la mort de Bianclii. Peut-être, par ce moyen, arrivera-t-on
à savoir quelque chose de précis sur ce mystérieux assassinat, tout au
nioins apprendra-t-on en quel endroit il a eu lieu. M. Traversi a entendu
dire que Blanchi et ses deux compagnons ont péri dans le pays des
Taltals, à deux journées du Tigré ; mais cette donnée est encore assez
vague.
Le commandant d'Obocic a transmis au ministre de la marine des
renseignements favorables sur cette nouvelle colonie française. Tandis
qu'au commencement de l'année dernière elle ne comptait pas trente
indigènes, elle compte aujourd'hui de 700 à 800 habitants, dont une
centaine de Danakils, qui, sous la conduite d'un chef dévoué, sont
venus demander du travail, le reste se compose de Somalis, d'Arabes
' Les matières comprises dans nos BuUetins mensuels et dans les NouvdUs corn-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant^ partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
L'AFRIQUE. — SIXIÈME ANNÉE. — N° 10. 10
— 290 —
et d'Abyssins. Les premiei-s sont campés aux environs des factoreries, le^
autres ont formé un village provisoire de paillotes, sur le plateau des
chasseui*s. Des marchands indigènes de même race se sont installés
dans ce village et commencent à fournir quelques j^rovisions aux tabte
des bâtiments de passage. — A Obock et à Tadjourah se préparaient
deux caravanes françaises pour le Choa, appartenant, l'une à M. Barrai,
l'autre à M. Brémond ; elles ont dû partir dans la seconde quin2aine
d'août. Les communications avec le Choa étaient d'ailleiire rares;
depuis plusieurs mois il n'était point venu de nouvelles de ce pays. On
supposait que des courriers avaient été interceptés par les gens du sul-
tan d'Aoussa. — Le choix du plateau du cap d'Obock,pour la construc-
tion des baraquements, se montrait excellent ; à l'abri des torrents qui
se forment ailleurs pendant les orages, le plateau est continuellement
balayé par les vents régnants qui lui ai'rivent directement de la mer,
sans passer par la plaine ni par les marais à palétuviers qui poun'aient
causer la fièvre.
Un décret du 22 août a ratifié le traité qui établissait le protectorat
français sur Amhaho, port de mer du pays des Somalis dans la baie
de Tadjourah ',et l'une des têtes de ligne des caravanes venant de Har-
rar et du Choa. Ambabo a un mouillage suffisant pour abriter le^
bateaux qui font le cabotage dans la baie, et six ou sept grands navires.
D'après une correspondance adressée d'Aden au Temps, le territoire
d' Ambabo n''est habité que par quelques tribus nomades dépendantes
des Issas-Somalis. Pendant la saison des pluies, elles descendent des
hauts plateaux, pour venir faire paître leure troupeaux dans la plaine,
qu'elles quittent de nouveau à l'époque de la canicule. Comme point de
départ des caravanes, Ambabo offre une supériorité incontestable sur
Sagallo et Zeïlah. Les deux routes d' Obock et d' Ambabo pour le Choâ
se rejoignent à Gobab, et l'organisation des caravanes avec les Issas-
Somalis offre plus de sécurité qu'avec les chefs danakils. D'autre part,
la route d' Ambabo pour le Harrar pourrait bénéficier des mesures pri-
ses par les Anglais, pour détourner le courant commercial de Harrar à
Zeïlah en faveur du port de Berbera où flotte le pavillon britannique.
Les Issas-Somalis maîtres de la route de Zeïlah, étant les rivaux des
Haber-Awal qui tiennent la route de Berbera, prêteront volontiers leur
concours pour l'ouverture de la route d'Arnbabo.
Au dire do la Kolonial Zeitnng, rexpédition des frère**
Denhar dt à la Dana avait reçu d'un consortium allemand les ri^-
^ Voyez la carte, IV"** année, p. 352.
— 291 —
sources nécessaires pour faire des acquisitions de terrains près de Tem-
boucliure de cette rivière, et nouer des relations commerciales avec les
sujets du sultan de l^itou^ Déjà en 1867, l'explorateur Richard
Breuner avait écrit à Berlin que ce sultan désirait conclure un traité
d'amitié avec la Prusse; il s'engageait d'avance à accorder du terrain et
une entière liberté de conscience aux sujets prussiens qui voudraient s'éta-
blir dans son pays; il leur garantissait, en particulier, exemption de tout
droit de transit à travers ses états dans la direction deh pays des Wa-
Pokomo et des Gallas. Les frères Denhardt ont pu conclure, cette année-
ci, un traité de protectorat entre le sultan de Witou et l'empire d'Alle-
magne. Saïd Bargasch a cherché à rompre, par des mesures militaires
contre le dit sultan, les liens d'amitié et d'alliance ainsi formés, mais
il a dû céder devant l'apparition d'une escadre allemande dans les eaux
do Zanzibar. U a pleinement reconnu le protectorat de l'empereur
d'Allemagne sur les territoires dont les Allemands ont pris possession
sur le continent, ainsi que sur celui de Witou.
D'après VAfrican Times^ le D' Jtthlke, revenu à Zanzibar, de son
expédition au Kilimandjaro, a conclu, pour la Société allemande de
TAfrique orientale, dix traités qui augmentent de 1000 milles car-
rés les tenitoires qu'elle possédait déjà dans cette région. Une Société
ag^ricole, analogue à celle que MM. Woermann, Thormlihlen et C**^
ont créée pour l'établissement du Cameroon, est en voie de formation
pour les nouvelles possessions allemandes. La Société de l'Afrique
orientale fait des essais de culture de café et de tabac, et a fait venir
pour cela de jeunes plants de Batavia. — La Kolonial Politische Cnr-
respondenz a calculé que la Société allemande de l'Afrique orientale
a réussi à faire placer sous le protectorat de l'Allemagne, 4,500 milles
carrés de territoires fertiles et salubres, dans une situation centrale.
On a déjà établi une factorerie et une première station agricole
dans l'Ou-Sagara, et la Société se propose de créer cinq stations
militaires sur une base agricole ; d'un côté elles serviront à l'ins-
truction militaire des nègres, par des officiere capables qui sont déjà sur
le^ lieux, de l'autre on y fera des expériences agricoles au moyen de
natifs ou d'ouvriers asiatiques. La maison Krupp, de Essen, a promis
des canons d'un genre nouveau, pour la défense de ces stations, qui for-
meront le point central des travaux de la Société allemande, et fourni-
ront aux capitalistes intéressés au développement de l'Afrique orientale,
un champ n du veau pour y faire valoir leur argent. i
Nous devons à l'obligeance de M. R. N. Cust, de la Royal Asiatic
— 292 —
Society, communication des nouvelles reçues récemment de l'Oa-
Ganda« Les dernières lettres, datées du mois de novembre 18B4,
avaient été publiées dans le numéro d'avril du Church Mi&tiomry
Intelligencer and Record; les nouvelles ultérieures vont jusqu'au 20 mai.
La lettre de novembre avait été apportée au sud-ouest du Victoria-
Nyanza, à Msalala, par M. Mackay, chargé par le jeune roi, Mwanga,
successeur de Mtésa, d'amener dans l'Ou-Ganda trois missionnaires
anglais qui devaient être arrivés à cette station. Ils n'y étaient point
encore, retenus qu'ils avaient été à une station plus rapprochée de la
côte. Au retour de M. Mackay à Roubaga, Mwanga fut très fâché de
voir qu'il ne les ramenait pas. En même temps se répandait le
bruit que des blancs étaient arrivés en forces dans le Bouisoga, au
N.-E. du Victoria-Nyanza. On supposa que ces bruits se rapportaient
à l'expédition de M. J. Thomson, arrivé à cette extrémité du lac une
année auparavant ; mais le roi soupçonneux, excité par des chefs hos-
tiles, préféra croire que les hommes que M. Mackay n'avait pas rame-
nés avec lui, étaient dans le Bousoga et négociaient avec les ennemis
de rOu-Ganda. Ce fut le commencement d'une série de soupçons et
d'accusations absurdes, jusqu'à ce qu'à la fin de janvier, M. Mackay
ayant obtenu la permission de retraverser le lac, rencontra, en se ren-
dant au port, une troupe en armes qui l'obligea à retourner à la capi-
tale, tandis que quelques-uns des jeunes chrétiens qui l'accompagnaient
au bateau étaient arrêtés, sous prétexte qu'ils cherchaient à quitter
rOu-Ganda. Ne pouvant avoir accès auprès du roi, MM. Mackay et
Ashé en appelèrent au Katikiro, juge suprême et premier ministre,
mais ils furent écartés de sa présence avec accompagnement de violen-
ces et d'insultes. Un présent d'étoffes fait à propos apaisa Mwanga et
le Katikiro, et de sérieux efforts furent faits pour obtenir que les jeu-
nes gens arrêtés fussent relâchés. Trois d'entre eux furent libérés, mais
ils rapportèrent qu'ils avaient été pris avec d'autres, parmi lesquels les
nommés Serwanga, Kakumba, et un domestique de M. Ashé, et con-
duits hors de la capitale. Les trois chrétiens susmentionnés avaient été
torturés, on leur avait coupé les bras, puis on les avait attachés à un
échafaud sous lequel on avait allumé du feu, et on les avait brûlés à
petit feu, pendant que Mujasi, le chef du parti hostile, se moquait d'eux
et leur disait de prier le Christ pour voir s'il les sauverait de ses mains.
Les jeunes martyrs persévérèrent dans leur foi jusqu'à la mort, chantant,
au milieu des flammes, les louanges de Dieu. M. Mackay pense qu'il ne
s'agit pas d'une persécution religieuse pure et simple. C'a été une explo-
sion de fiireur contre les Anglais et tous ceux qui leur sont attachés. Pré-
— 293 —
voyant cependant qu'ils seraient probablement obligés de quitter le
pays, les missionnaires ont pourvu à l'organisation de la communauté
indigène qu'ils devi'aient peut-être laisser à Roubaga. Ils ont choisi,
comme anciens, six des hommes les plus avancés et jouissant d'une
bonne réputation, pour diriger les cultes dans différents centres, pour
le cas oîi les services réguliers de la mission seraient interrompus. Heu-
reusement l'orage s'est dissipé ; l'œuvre missionnaire a continué et
M. Mackay pouvait écrire, le 22 février : a De grandes foules viennent le
dimanche, ceux qui courent le risque d'être arrêtés viennent le soir ; la
mort des jeunes martyrs a fait grandir, plutôt que diminuer, le désir de
devenir chrétien. Quelques-uns des hommes de Mujasi sont venus à nos
instructions; l'un d'eux en particulier a été tellement impressionné par la
conduite de ces jeunes gens au milieu des tortures et des flammes, qu'il
a voulu apprendre aussi à prier. » Au mois de mai le roi était redevenu
très gracieux, il prêtait une attention soutenue aux instructions que lui
donnait M. Mackay dans des entretiens particulière ; le Katikiro, lui
aussi, était redevenu amical. M. Mackay insiste pour que des renforts
lui soient envoyés ; Mwanga, voyant que les missionnaires anglais n'ar-
rivaient pas, avait dépêché un messager aux missionnaires français
établis à la côte est, et trois d'entre eux étaient arrivés à Roubaga.
Des renforts anglais sont en route ; si leur voyage réussit, ils pourront
aniver dans l'Ou-Ganda à la fin de l'année.
Le Mouvement fféographique annonce qu'une lettre de M. Storm»,
datée de Karéma, du 8 juin, est parvenue le 31 août à Bruxelles.
M. Storms a eu des démêlés avec des chefs voisins de la station de
Mpala, toujours en gueiTe les uns contre les autres et ruinant le pays.
Dans une prise d'armes, le bâtiment de la station a été brûlé ; il a été
reconstruit avec l'aide des indigènes. Conformément aux instructions
qui lui ont été transmises de Bruxelles, M. Storms a remis provisoire-
ment les stations de Karéma et de Mpala, avec leurs dépendances, à la
garde des Pères de la mission d'Alger. Lui-même comptait reprendre
le chemin de Zanzibar vers la fin de juillet.
Le numéro du 20 juillet du Compte rendu de l'Académie des sciences
de Paris renfeime un article de MM. A. Mihie Edwards et C. Oustalet
sur la faune de Grande Comore. Les observations sont basées sur
les collections faites par M. Humblot durant un séjour récent de plu-
sieurs mois dans cette île. Son but était de découvrir quels avaient été
les anciens rapports des îles de cet archipel. Il n'a pas trouvé à Grande
Comore de mammifères indigènes ; tous ceux qu'on y rencontre ont été
importés. M. Humblot y a trouvé 34 espèces d'oiseaux. Après avoir
— 294 —
examiné toutes les collections, MM. Mihie Edwards et Oustalet sont
arrivés à la conclusion que Grande Comore n'est point une dépendance
de Madagascar, qu'elle n'a point été détachée de cette île, et que sa
faune a été importée des régions voisines. — M. Le Blanc, ingénieur
des arts et manufactures, colon à Mayotte, a été chargé par M. Rous-
seau, sous-secrétaire d'État à la marine et aux colonies, d'une mission
d'exploration agricole et commerciale aux trois autres îles de l'archî-
pel dos Comopes, Anjouan, Mohilla et Grande Comore.
Nous extrayons d'une correspondance de Tamatave, au Temps, les
renseignements suivants sur No»I-Vey, îlot de 1400" de long et 50(f
de large, à l'embouchure de la rivière St-Augustin, à la côte S.-O. de
Madag^Ascar '. Grâce à l'initiative du capitaine au long coui^s, Macé,
qui y a fondé un comptoir en 1876, avec l'agrément du roi des Masi-
cora, Leimérisa, un établissement commercial français s'y est rapide-
ment développé. Autour des magasins que défendent de fortes palissa-
des armées de quatre canons, des cases et des paillotes n'ont pas tardé
à s'élever. Autorisés par M. Macé, des Anglais s'y sont établis, et
aujourd'hui Nosi-Vey contient un gros village, peuplé de créoles de la
Réunion et de quelques Anglais. C'est un centre et un entrepôt, pour
sept ou huit petits comptoirs échelonnés depuis le cap Sainte-Marie, à
l'extrémité sud de Madagascar, jusqu'à la baie de Morondava, sur la
côte occidentale. Jusqu'ici les Mahafalys et les Masicora sont restés
hors d'atteinte des Hovas, grâce à leur éloignement du centre de l'île.
Cependant des agents de Tananarive descendent de temps à autre à la
côte S.-O., pour tâcher d'en gagner les chefs ; les indigènes sont devenus
méfiants à l'égard des trafiquants français; les droits qu'ils exigent
pour le débarquement des marchandises deviennent exorbitants. Des
navires anglais et américains amènent à Morondava des armes et des
munitions qui sont, de là, tran^sportées dans la province d'Iraérina.
D'après M. Macé, la côte S.-O., et Nosi-Vey en particulier, sont très
salubres ; lorsqu'il a des employés malades, c'est à Nosi-Vey qu'il les
envoie, et ils s'y remettent rapidement.
xV la dernière heure, le Natal Mercury nous apporte le récit d'une
expédifion du capitaine Li^sau, de la baie de Morondava à
Tiinanarive, par une route qui diffère en partie des itinéraires mar-
qués dans notre carte. Le manque de place nous oblige à en ajourner
les détails au prochain numéro.
La mission du major Edwardsr, auprès de Lo^eni^ula, roi des
* Voy. la carte, V™« année, p. 164.
— 295 —
Ma-Tébélé, dont l'Angleterre voulait placer le territoire sous son pro-
tectorat, n'a pas abouti. Lobengula a bien reçu le major anglais, l'a
remercié de ses propositions, et lui a demandé quel droit Khamé avait
de tracer des limites entre son pays et celui des Ma-Tébélé. « Où sont »,
a-t-il dit, « les frontières des Ma-Tébélé ? J'ai toujours vécu en paix avec
Khamé, et je me propose de continuer de même^ mais je ne sais pas
quels sont les sentiments de Khamé à mon égard. » — L'armée des Ma-
Tebélé, qui avait fait une expédition au lac Ngami, a subi une grande
défaite. Les indigènes de cette région se cachèrent dans les roseaux de
la rivière, d'où ils tirèrent sur les assaillants, auxquels ils tuèrent beau-
coup de monde. Les derniers rapports évaluent à 8000 le nombre des
Ma-Tébélé tués dans cette expédition. Les survivants n'ayant point cap-
turé de bétail, souffrirent beaucoup de la faim et de la fièvre dans leur
retraite.
Le Mismonary Herald de Boston nous a apporté le récit du voyage
de ni* Richards, de la baie de Dela^oa à. Baleni, à travers
un pays très populeux, mais jusqu'à présent inexploré. Le lende-
main de son départ, il atteigi^it la rivière Saint-Georges, ou Komati, qui
a 200""^ de large et 10" de profondeur. Il en suivit la rive gauche
pendant trois jours, marchant dans un sable profond, dans la boue ou
dans l'eau ; sur l'autre rive, s'étendaient des marais et des lagunes, et
partout abondaient les veaux marins et les crocodiles. Personne n'osait
se baigner par peur de ces derniers et des requins. Dans tous les kraais
on trouvait du riz, mais en somme les vivres étaient rares. Le quatrième
jour il longea 13 lacs différents; les natifs leur donnent le nom de
Rivière Lipouta, quoiqu'il n'y ait pas de rivière; il y a souvent entre
eux des collines et de grandes étendues de bois. Un des messagers
d'Oumzila, qui lui avait fait visite près d'Inhambané, l'ayant rencontré,
l'accompagna jusqu'à Baleni. Le septième jour il atteignit le Limpopo,
qui, en cet endroit, coule à travers une vaste plaine, de plusieurs kilom.
à l'est; partout se voyaient des troupeaux de bestiaux, quantité de
huttes, peu grandes, mais très rapprochées les unes des autres. Amvé
au kraal de Manjoba, il trouva que ce chef s'en était construit un autre,
sur la rive gauche du Limpopo, à Emkoutweni. Là le fleuve avait au
moins 200" de large, et environ 5° de profondeur au milieu. Les
veaux marins et les crocodiles y abondaient. Manjoba est le personnage
qui a le plus d'autorité après le roi Oumganou, fils et successeur d'Oum-
zila. Il est lieutenant-général de l'année et en a toutes les allures ; jamais
il n'était plus de cinq minutes dans la même hutte. Six « loups » du nou-
veau roi, espions d'Oumganou, chargés d'épier et de faire mourir qui-
— 296 —
conque parlait mal du souverain, le rendaient crmntif. Il avait peur de
paraître avoir trop de rapports avec M. Richards, les espions pouvant
aller redire au roi quMl était ligué avec les blancs et lui faire perdre la
vie. Le lendemain de l'arrivée du missionnaire, Manjoba voulut qu'il vît
ses soldats. U lui en présenta 300, tout équipés, qui célébrèrent les
louanges du chef. Il les avait envoyés faire la guerre aux Machappa,
dont ils avaient égorgé tous les adultes, et réduit en esclavage les
enfants, pour les vendre aux Portugais h la baie de Delagoa et à Inham-
bané, une fille 5 liv. sterl., un garçon 1 liv. sterl. ; il y avait beaucoup
d'esclaves autour du kraal de Manjoba, chacune de ses femmes en avait
un ; plusieurs jeunes hommes faisaient les récoltes et gardaient les bes-
tiaux ; tous avaient été pris à la guerre. Leur pays n'était qu'à trois
journées de marche, mais ils ne pouvaient pas s'éloigner; s'ils le fai-
saient et qu'ils fussent pris, on les mettait à mort. M. Richards ayant
exposé à Manjoba le but de son voyage, celui-ci lui dit qu'il n'était pas
en son pouvoir de faire rien pour lui ; il ajouta que personnellement i'
serait content de le voir venir s'établir au milieu de son peuple, mais
qu'il devait attendre les ordres d'Oumgançu. Il lui donna un guide pour
le conduire chez les Makwakwas, sur la route d'Inhambané. A quatre
heures du kraal de Manjoba, M. Richards atteignit la Luize, aussi
appelée la Chagane. L'ayant traversée, il gravit une colline d'une tren-
taine de mètres, du haut de laquelle il vit la plaine s'étendre au N.-O.
et au S.-E. aussi loin que le regard pouvait atteindre. Le Limpopo coule
au centre, et la Chagane à l'est; celle-ci se verse dans le Limpopo.
Ëmkontweni est situé sur le Limpopo, à environ 20 kilom. au nord du
confluent des deux cours d'eau. Dans la saison des pluies, toute cette
plaine n'est qu'un lac immense ; Ëmkontweni et les centaines dekraais
de ce district sont abandonnés pour deux ou trois mois. A l'est et à
l'ouest, les collines sont relativement salubres, mais la plaine ne doit pas
l'être. Elle produit du blé, du millet, des pommes de terre douces, des
melons, des bananes, etc. ; les troupeaux de. bestiaux y abondent. Les
habitants, appelés communément Changani, s'étendent à l'ouest jusqu'à
la rivière Saint-Georges, et occupent un immense territoire v^is le nord.
Le zoulou est la langue de la cour, et chaque homme le comprend; il
n'en est pas de même des femmes et des enfants. Les deux principaux
kraals que M. Richards rencontra ensuite jusqu'à Inhambaoé sont ceux
de Bingouana, de mille huttes au moins, et de Gouamba, encore plus
considérable. En quittant Bingouana, il atteignit la rivière Inhambané,
de 10" de large, très profonde, et s'élargissant en plusieurs endroits
en petits lacs.
— 297 —
Le l*' septembre a été signé, à Pans, un traité de commerce
entre la France et le Transvaal. Les deux parties contrac-
tantes se sont réciproquement garanti le traitement de la nation la plus
favorisée. Le. paragraphe 2 de l'article 3 renferme cependant une
réserve en faveur de la République sud-africaine, qui conserve la faculté
de maintenir ou de concéder des avantages particuliers, à un ou plusieurs
des États ou colonies « limitrophes, » en vue des facilités accordées ou à
accorder aux ressortissants ou aux produits de ces États ou colonies,
pour le commerce frontière. Ces avantages ne pourront pas être récla-
més par la France comme conséquence de son droit au traitement de la
Dation la plus favorisée, à moins qu'ils ne viennent à être étendus à un
État non limitrophe, notamment à ceux dont relèvent ou relèveraient
les pays auxquels les dits avantages ont été ou seraient accordés. Dans
ce caB, le bénéfice en serait immédiatement acquis aux ressortissants
français.
M. H.-C. Schunke, arpenteur officiel de la Colonie de Natal, a été
nommé par le D' Gill, astronome au Cap, pour diriger le levé tri-
If^nométrique qui doit être fait du Transvaal, conformément à
la décision du Volksraad, et relié aux levés géodésiques des Colonies du
Cap et de Natal. La chaîne des principaux triangles doit s'étendre, de
Newcastle (Natal), au Limpopo, près du 30 ** long. E., puis, au 8,-0., le
long de la frontière ouest du Transvaal jusqu'à la limite occidentale du
Griqualand-West. Une autre chaîne de triangles ira de Middlebourg, par
Pretoria, au Marico. La longitude de Pretoria devra être déterminée par
la méthode de télégraphie électrique, directement de l'observatoire du
Cap, qui prêtera les instruments nécessaires pour la partie astronomique
du travail.
Le 19 juillet, l'administrateur-général de l'État libre dn Cong^o,
Mir Francis de l^inton, a communiqué à Banana, aux représen-
tants de toutes les maisons de commerce établies sur la rive droite du
fleuve et aux chefs indigènes résidant entre Banana et Borna, les décrets
par lesquels le roi Léopold II a annoncé son avènement à la souveraineté
du nouvel État. En même temps il leur a donné l'assurance que le but
de son gouvernement serait : le maintien de l'ordre et de la loi, le déve-
loppement du commerce et de l'industrie, la protection et le bien-être
des populations indigènes. Puis, afin d'assurer la reconnaissance des
droits acquis et de permettre, dans un avenir prochain, l'organisation
régulière de la propriété foncière, d'en assurer la possession légale avec
toutes les garanties qui entourent la possession des propriétés privées
— 298 —
dans les Etats civilisés, il a demandé à chacun des assistants de prépa-
rer une liste de tout terrain lui appartenant , à lui ou à la maison qu'il
représente. Cette liste devra indiquer les limites de ces terrains et
leurs positions, et sera accompagnée d'une copie du contrat en vertu
duquel les propriétaires en sont devenus possesseurs. Enfin il a prescrit
qu'à l'avenir tout contrat, ou convention, passé avec les indigènes se fit
par l'intervention de l'officier public commis à cet effet. Nul n'aura le
droit d'occuper, sans titres, des terres vacantes, ni de déposséder les
indigènes des terres qu'ils occupent. Les terres vacantes devront être
considérées comme appartenant au domaine public.
Après la découverte du Mobancyi par M. Grenfell, l'expioimcloa
du Cassaï par le lieutenant Wissmann est venue jeter un jour
tout nouveau sur l'hydrographie de quelques-uns des affluents méridio-
naux du Congo. La dernière lettre reçue à Berlin, pubUée dans les
Mittheilungen de la Société africaine allemande, était datée du l*' décem-
bre 1884, de Louboukou sur la Louloua; l'explorateur annonçait son arrivée
à Mukengué, et son intention de descendre, par cette rivière, au Cassai,
pour tâcher d'atteindre le Congo, si le Cassai n'avait pas de rapides ou
de cataractes, comme en a le Quango, le seul des affluents de la rive
gauche qui eût été alors exploré dans presque toute son étendue, le
major de Mechow l'ayant descendu jusqu'au ô"" lat. sud. Depuis les
dernières explorations des agents de l'Association internationale du
Congo et des missionnaires anglais, l'on croyait généralement que le
cours d'eau nommé Bouki, dont l'embouchure est un peu au nord de la
station de l'Equateur, et qui apporte au grand fleuve un tribut considé-
rable, était le cours inférieur du Cassai. La couleur noire de ses flots
faisait supposer qu'il avait sa source très loin de son confluent, et tout
récemment M. Grenfell et le D' Sims, dans leur étude des affluents du
haut fleuve, avaient préféré remonter l'Ikelemba, plutôt que de s'aven-
turer sur le Bouki, dont l'exploration les eût entraînés beaucoup trop
loin, dans l'intérieur de régions encore complètement inconnues. A la
nouvelle que le lieutenant Wissmann allait quitter Louboukou pour
chercher à atteindre le Congo par le Cassai, les agents des stations de
l'Association internationale avaient reçu l'ordre de veiller sur les
embouchures de l'Ikelemba et du Bouki par lesquelles on supposait
qu'il devait arriver. L'on était dans cette attente, lorsqu'une dépêche de
Léopoldville, du 18 juillet, apportée à Madère, d'où elle fut transmise à
Bruxelles le V septembre, annonça que Wissmann était arrivé par eau,
de Louboukou à Kwamouth, avec le D"^ Wolff, M. von François, le lieute-
nant MuUer, et MM. Gunsmith et Schneider. En revanche la dépêche
— 299 —
portait que MM. Franz Millier et Meyer étaient morts. Enfin elle ajou-
tait qu'aucun obstacle ne s'oppose à la navigation, que c'est le Kwa-
Mfini qui est le cours inférieur du Cassai, dont le Sankourou, le lac
Léopold et le Quango sont des affluents. Sans doute ce n'est qu'une
dépêche ; les détails manquent, et la brièveté de l'annonce laisse quan-
tité de points inexpliqués. Quoi qu'il en soit, la descente des explorateurs,
de Louboukou à Kwamouth par eau, est un fait devant lequel toutes les
hypothèses sur lesquelles reposaient jusqu'ici le dessin de nos cartes
doivent être abandonnées. Mais quel arc de cercle doit décrire le San-
kourou pour se verser dans le Cassai, et quelle conversion à l'ouest ne
doit pas faire celui-ci qui, jusqu'au 5° avait une direction S.-N.-N.-E.,
pour passer au sud du lac Léopold II qu'il ne forme pas, qui doit son
existence à d'autres rivières, et dont les eaux viennent, par le Mtini,
grossir le Cassai, dont le Quango lui-même n'est qu'un affluent! Le vaste
plateau central entre la ligne de faîte du bassin du Zambèze et le Congo
ne serait pas sillonné de coui'S d'eau à peu près parallèles depuis le
<juango à l'ouest jusqu'au Lomami à l'est. Il y aurait dans les formes
de son relief beaucoup plus de vaiiété que n'en laissaient supposer les
indications de Lux, de Pogge, de Bttchner. Si le Rouki n'est plus le
cours inférieur du Cassai, il faudra lui retrouver un bassin d'une étendue
suffisante pour expliquer l'abondance de ses eaux. Au reste, pour le
moment ce ne sont pas les hypothèses qui importent, mais bien le fait
<}ue, par la découverte de Wièsmann et de ses compagnons, une voie
navigable, de 800 kilom. au moins, vient d'être ouverte aux explorateurs
et aux missionnaires, par laquelle ils pourront être transportés en peu
de temps et à peu de frais aux limites du bassin du grand fleuve, pour y
poureuivre leur œuvre de découverte et de civilisation.
M. le lieutenant Mikic, chargé par l'Association internationale de
l'exploration du pays qui s'étend entre le Congo et le Quilou jusqu'au
Stanley-Pool, est rentré à Bruxelles après avoir traversé, à différentes
reprises, du nord au sud, du sud au nord-ouest et de l'est à l'ouest, la
rég^ion comprise entre le Cong^o et le Tchlloang^o. U ressort
•des renseignements détaillés qu'il a donnés à M. Wauters, rédacteur du
Mouvement géographique, que le pays qui s'étend sur la rive gauche du
Tcbiloango, dans les parages des sources de la Loukoulou, son affluent,
^t couvert de forêts ; de Tchimbanza, sur le Tchiloango, jusqu'à
Kibata, près du coude que forme la Loukoulou, ce ne sont que hautes
futaies, des forêts vierges parfois impénétrables, entrecoupées de petites
■clairières. Plus au sud, sui* la ligne de faîte, entre la Loukoulou et le
— 300 —
Congo, le pays présente l'aspect d'un vaste plateau, bordé à l'est et à
l'ouest par des vallées qu'arrosent les petits affluents des deux cours
d'eau. Ce plateau est couvert de champs de manioc, de maïs, de fèves,
d'arachides, coupés par des plantations de bananiers et des bosquets de
palmiers à huile. Les bananiers y sont plantés avec une symétrie et
un soin parfait, par rangées de vingt, à distance de l'",50 à 2 mètres
l'un de l'autre. Us poussent sans culture; les indigènes n'ont que la
peine de les planter, d'en cueillir les fruits, d'élaguer les jeunes pous-
ses trop abondantes, et de les replanter plus loin. Tout le monde tra-
vaille avec activité : les fermiers s'occupent des travaux des champs et
de la préparation du manioc ; les hommes manipulent l'huile de palme»
vont vendre les produits aux factoreries, chassent, pèchent, etc. Sur les
itinéraires suivis par M. Mikic, entre Boma et Loango, et entre Borna
et Stephanieville, ainsi que sur le plateau susmentionné, les village»
se suivent presque sans interruption. Entre Boma et Kibata, en trois
étapes, l'explorateur en a compté soixante-quatre; un de ces trois jours»
sa caravane en a traversé vingt-six, et à droite et à gauche de la route»
on en voyait, de loin, encore un nombre égal; en moyenne la population
en est de 125 habitants. Tous récoltent le caoutchouc qui- abonde
dans les forêts de Mayoumba, aux sources de la Loukoulou ; leurs cara-
vanes le transportent à Boma et ailleurs. Le tabac se trouve partout»
mais n'est l'objet d'aucune culture en grand. Le coton croît à l'état
sauvage, l'indigène se sert de son duvet pour se faire des oreillers; la
canne à sucre croît aussi partout, mais n'est pas l'objet d'une exploita-
tion proprement dite ; les nègres en ont dans leurs jardins, à proximité
des cabanes, et de temps en temps ils brisent un morceau de canne, le
mâchent et en sucent le jus comme friandise. L'influence de Boma se
fait sentir au loin sur les populations, au point de vue du travail ; assu-
rées de pouvoir échanger, dans les factoreries, leur huile de palme, leurs
noix de coco, les arachides et le caoutchouc, contre des produits euro-
péens, elles sont devenues laborieuses. Elles sont en même temps hospi-
talières; dans la plupart des villages, M. Mikic n'avait pas besoin
d'acheter des vivres, on les lui offrait en cadeau; il a passé partout avec
ses dix hommes, sans être jamais inquiété le moins du monde. Entre
eux, ces indigènes n'ont point de guerre; ils n'appartiennent pas à des
tribus belliqueuses; ce sont des agriculteurs et des commerçants. Les
agents de l'Association en particulier sont très bien vus d'eux ; partout
le drapeau bleu à étoile d'or est considéré avec respect ; en bien des
endroits, son arrivée est saluée par des salves de mousqueterie. Quant
— 301 —
à la salubrité du pays, M. Mikic a eu de petits accès de fièvre en 1883 ;
Tannée suivante et cette année-ci, il n'a pas eu une seule fois la fièvre.
Les produits européens que les indigènes préfèrent sont les tissus, les
-armes, la poudre et T eau-de-vie.
A propos d'eau-de-vie, nous sommes heureux de voir qu'un mou-
vement très prononcé se produit en Allemagne, contre l'exportation
-énorme de spiritueux qui se fait de ce pays en Afrique. Dans la réunion
que la Société allemande contre Falpus des boÎHHons alcoo-
liques, qui compte 6000 membres, a eue cette année-ci, à Dresde,
après avoir entendu plusieurs rapports d'hommes éminents par leurs
connaissances en économie sociale, elle a voté la résolution suivante :
« Si grandes que soient les espérances éveillées dans tout cœur alle-
mand pai* l'inauguration de la politique coloniale, elles n'en ont pas
moins rendu plus pénible l'impression reçue par la connaissance de cer-
tains faits relatifs au commerce allemand en Afrique. Il est de fait que,
dans une mesure considérable, ce commerce réussit à pourvoir les nègres
de spiritueux de très mauvaise qualité. Tous les hommes qui ont quel-
que compétence dans la matière, reconnaissent que, par la consommation
de l'eau-de-vie, les nègres dépérissent à vue d'oeil, tant au point de vue
moral qu'au physique, qu'ils deviennent toujours plus incapables de
subir les effets de la civilisation, et par là même de favoriser l'importa-
tion de l'industrie. On nuit donc ainsi directement à ce même négoce
qu'on prétend encourager, sans compter qu'en suivant cette voie
funeste, le commerce allemand se déconsidère et s'avilit. L'intérêt des
négociants, aussi bien que les traditions suivies jusqu'ici sur les côtes
d'Afrique, doivent trouver leur contre-poids et leur limite dans la con-
sidération de la faiblesse morale et spirituelle des nègres et dans la
conscience morale du peuple allemand. »
M. le D** Hufi^o Zœller a essayé de remonter la Batanga ou
Hoanya, qui se jette dans la baie de Biafra. En anivant à Petit-
Batanga, il fut surpris de se trouver à l'embouchure d'une rivière qui
n'avait jamais été explorée au delà de Mahoumbi, ville du roi Yapité,
è, une dizaine de kilomètres de l'océan. Prenant avec lui, comme
guide, le fils du roi et un interprète, il atteignit une île dans laquelle
réside le roi Njea, qui chercha à entraver son projet, mais se laissa
persuader par des présents à l'accompagner. Quittant les districts des
Ba-Oundo et Ba-Tanga, l'expédition entra sur le territoire des Ba-Koko,
« hommes des bois. » A Jawanja, à 15 kilomètres en amont de Ma-
houmbi, deux pirogues de guerre, montées chacune par 18 Ba-Koko,
— 302 —
l'arrêtèrent peudant quelques heures; mais des présents, de bonnes
paroles, et la vue d'armes chargées, empêchèrent les hostilités d'éclater.
H faut que le bruit de l'arrivée d'hommes blancs se fût répandu très
rapidement, car les deux bords de la rivière étaient couverts de foules
de gens. A Mahoumbi, le D' Zœller avait entendu parler d'une cataracte
que les canots ne peuvent pas remonter ; en eflFet, dès le second jour de
navigation, il atteignit un point, à 32 kilomètres de l'embouchure, où la
masse d'eau se précipite, en trois terrasses, d'une hauteur totale de
dix mètres. Le volume de l'eau, à la fin de la saison sèche, équivalait
aux deux tiers de la masse d'eau de la chute du Rhin à SchaflFhouse ;
dans la saison des pluies, il doit être deux ou trois fois plus considé-
rable. L'explorateur ne vit point de montagnes, et dit que le mont
Guerava, marqué dans les cartes de l'Amirauté anglaise, est un mythe.
• Le P. Poirier, des missions africaines de Lyon, récemment arrivé à
Lokodja, au confluent du Nif^ep et du Bénoué, a adressé à la Société
de géographie de Lyon une lettre dont nous extrayons les renseigne-
ments suivants. Depuis la remise des comptoirs français du Niger à la
Compagnie anglaise National arrican Company, celle-ci déploie
une activité remarquable. Ses factoreries s'échelonnent sur les deux
rives du Niger et du Bénoué, au nombre d'au moins soixante ; plusieurs
autres sont en voie de création. Le commerce est complètement mono-
polisé par cette Compagnie qui emploie plus de cinquante Européens.
Son personnel noir est considérable et se compte par centaines d'em-
ployés, ouvriers, mécaniciens, tonneliers, charpentiers et hommes de
peine. Une flotte de 25 vapeurs, de toutes dimensions, sillonnent les deux
fleuves pour le service des factoreries, depuis Akassa, à l'embouchure de
la principale branche du delta, jusqu'à Rabba, à 1100 kilom. à l'inté-
rieur, et depuis Lokodja jusqu'à Ibi, à 750 kilom. sur la route du lae
Tchad. La Compagnie exploite aussi des mines d'argent et d'antimoine,
sur la rive gauche du Bénoué, aux environs de Gin-en-Zabu, à peu près
à mi-chemin de Lokodja à Ibi. — Le Niger et le Bénoué sont donc aux
Anglais, et il serait difficile à une nouvelle Compagnie de s'y établir
avec quelque chance de succès. Tout dernièrement, l'agent général de
la Compagnie anglaise, agissant comme vice-consul de S. M. Britan-
nique, a fait signer au roi de Bida et aux principaux chefs du pays un
traité qui place cette capitale et tout le royaume de Nupé sous le pro-
tectorat anglais. En même temps que se signait le traité, deux voyageurs
anglais, le capitaine Hamilton, de la marine royale, et M. J. Thomson»
célèbre par ses voyages aux grands lacs, arrivaient à Lokodja. Après
plusieurs jours employés à organiser leur caravane, ils partirent pour
— 303 —
remonter le Niger jusqu'à Rabba, sur un vapeur de la Compagnie. L'iti-
néraire de l'expédition n'est pas connu, mais tout porte à croire que les
voyageurs se rendront directement à Sokoto, où réside le sultan de
Haoussa, et qu'ils se dirigeront ensuite vers le lac Tchad, pour redes-
cendre sur r Adamaoua et le Bénoué. La caravane avait quitté Rabba
depuis quelques heures, loi*sque le capitaine Hamilton se cassa la jambe
dans une chute de cheval. Il est redescendu à Lokodja, où le P. Fioren-
tini lui donne ses soins. L'expédition a continué sa route sous la con-
duite de M. Thomson et d'un autre Européen. — A dix minutes de
Lokodja la mission a établi une ferme-école, pour y élever des enfants
orphelins ou esclaves rachetés. Ce sera en même temps un sanatorium
pour les missionnaires fatigués.
M. Lewis, consul des États-Unis à Sierra-Leone, a adressé à son
gouvernement un rapport' sur un grand soulèvement des maho-
métans dans Fonest de TAfrique, lequel s'étendrait sur toute
la côte, depuis la rivière de Sherbro jusqu'au Niger, et renverserait le
paganisme et tous les autres obstacles qui s'opposent à la prédominance
du mahométisrae. Le chef du soulèvement serait un nommé Samonda,
de la tribu des.Mandingues. D'après ce que dit M. Lewis, Samonda est
tm homme d'une intelligence remarquable. Il y a cinq ans, il a conçu
l'idée qu'il était appelé par Dieu pour délivrer son pays de tout ce qui
arrête les progrès de la religion de Mahomet. A la date où M. Lewis
écrivait son rapport, le 14 juillet, Samonda organisait une armée qui
devait compter 100,000 hommes au moins ; toute la jeunesse musulmane
courait se ranger sous ses drapeaux.
Après avoir proclamé le protectorat espagnol sur la côte du
Sahara, du cap Bojadop an cap Blanc, le gouvernement de
Madrid en a désigné comme gouverneur le capitaine Bonelli. Celui-
ci a exploré les points de la côte où des navires peuvent aborder sans
danger. Ces endroits de débarquement sont importants pour la flotille
des pêcheurs des Canaries, en faveur desquels l'annexion a été faite ;
jusqu'ici ce sont eux seuls qui ont exploité ces parages remarquables par
l'abondance de poisson qu'on y trouve, à peu de distance du continent.
Les baies les meilleures sont celles de Rio del Oro et Bahia de Cintra,
où, grâce à de petites presqu'îles de sable formant des promontoires, les
vaisseaux sont à l'abri par tous les temps. La végétation y est pauvre,
l'eau douce y est rare, mais la température y est favorable ; elle oscille
entre 15° et 28'' centigrades. La Sociedad Espanola de Africanistas et
Colonistas y a déjà fondé trois factoreries, et la Compania Hispano-
Africana, une. Les caravanes viennent de l'intérieur à Rio del Oro avec
— 304 —
des chameaux et des bœufs pour vendre de la laine, des peaux et des
plumes d'autruche. M. Bonelli est autorisé à conclure des traités avec
les tribus indigènes et à prendre possession d'autres territoires en réser-
vant la ratification du gouvernement.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Les études du tracé du chemin de fer direct de Bougie à Sétif, par les gorges du
Chàbet-el-Akra et par la vallée de l'Oued- Agrioun, ont permis de constater que la
construction de cette ligne, de 100 kilom. plus courte que les autres, est parfaite-
ment possible.
Dans sa séance du 14 septembre, l'Académie des sciences a reçu communication
d'un mémoire de M. Rolland, ingénieur des mines, relatif au régime des eaux sou-
terraines qu'on trouve en abondance à une certaine profondeur dans les sables de
l'Oued-Rir. Cette vallée, bornée à droite et à gauche, sur toute sa longueur, par
des matériaux de transport absolument secs, recevrait ces nappes d'eau, d'infiltra-
tions provenant des montagnes de l'Atlas, et qui passeraient sous ces matériaux
de transport.
Un journal arabe, VEl Akhar^ a reçu de Tripoli la nouvelle que le sultan de
Kano, dans le Soudan, s'efforce d'arriver à une entente avec tous les autres sul-
tans soudanais, spécialement avec ses voisins, afin de les amener à se rapprocher
des sultans du Maroc et de Constantinople, pour établir une solide barrière contre
les envahissements des États de l'Europe.
Le tribunal criminel du Caire a condamné un marchand d'esclaves aux travaux
forcés à perpétuité ; à cette occasion 268 esclaves des deux sexes ont été mis en
liberté.
Le congrès de médecine réuni à Bruxelles, voulant prévenir l'importation du
choléra d'Asie en Europe, a émis le vœu qu'une surveillance médicale sérieuse
soit exercée à Suez, que le conseil international d'Alexandrie soit réorganisé, et
que le gouvernement belge veuille bien amener une entente à ce stget entre
l'Egypte et les divers gouvernements.
Suivant une dépêche du Daily Ghronicîe du 18 septembre, le général abyssin
Ras-Aloula a franchi la frontière d'Abyssinie avec un corps de troupes de 12,000
hommes, pour porter secours à la garnison de Eassala.
D'après un télégramme de Zanzibar, l'exploration du Juba, par le capitaine
Cecchi, se poursuit régulièrement. 11 n'est pas exact que l'Allemagne élève des
prétentions sur ce fleuve.
La sœur du sultan de Zanzibar et sa famille, qui avaient résidé à Berlin plu-
sieurs années, sont retournées à Zanzibar à bord d'un vapeur allemand. Le vice-
amiral Knorr, commandant de l'escadre allemande, a réclamé pour elle des pro-
priétés personnelles qui avaient été confisquées, et a demandé pour l'Allemagne
la conclusion d'un nouveau traité de commerce plus avantageux que le dernier.
— 305 —
M. J. Roxburghf ringénieùr du bateau à vapeur la Bonne' Nouvelle, et M. Har-
ris, de la Société des mi8sioii3 de Londres, sont morts tous les deux au mois de
mai. M. Roxburgh avait achevé de remonta le steamer qui doit faire le service
9Ur le Tanganyika; M. Harris avait quitté Ou^jidiji, pour visiter quelques stations
dans la partie supérieure du lac.
Le vapeur Melroae, arrivé de la ^eéte odealale «L'Afrifue à i^>rt-Ûi»ban; y a
apporté la neuvelle d'une guerre p«nù iw -Aiigones de -la cAtenord-est du lac
Nyassa ; les missionnaires devaient fortifier les stations qu'ils ont dans cette région.
Le Mélrose amène en Europe des chefs indigènes chargés d'uqe mission politique
auprès du roi du Portugal.
Un correspondant de Shoshong écrit, le 20 juillet, au Diamond Fldds Advertiser,
que le D' Holub était attendu chaque jour, et que l'on craignait pour lui le voyage
au Zarobèze à cette époque de l'année, l'eau étant très rare et l'herbe brûlée.
Une expédition composée de deux des missionnaires des Spelonken, accompagnés
de plusieurs chrétiens gouambas, s'est mise en route pour se rendre chez Magoud,
dans le voisinage de la baie de Delagoa. Les voyageurs ont avec eux, pour trans-
porter leurs bagages et leurs provisions, un véhicule à deux roues attelé de huit
bœufs ; par mesure de précaution, ils ont pris six ânes, pour le cas où les bœufs
viendraient à périr des piqûres de la tsétsé.
Le roi de Quanhama, dans l'Ovampo, entre le Cunéné et le Coubango, par
IV" lat. S., jeune homme très bien disposé pour les Européens, étant mort empoi-
sonné, les habitants du pays, mécontents de sa sympathie pour les blancs, ont
massacré une vingtaine d'Européens, parmi lesquels on compte trois membres de
la mission du P. Duparquet. Deux autres membres de la même mission, établis
chez les Amboellas, à l'est du Coubango, sont morts de la fièvre.
L'Union missionnaire baptiste américaine, ayant repris l'œuvre commencée au
Congo par la Livingstone Inland mission, a envoyé son président, le Rev. Edward
Judson, avec le Rev. A. Loughridge, visiter cette région, et faire toutes les
explorations nécessaires. La députation s'est immédiatement mise en route; on
compte qu'il lui faudra six mois pour faire Pétude dont elle est chargée.
Cinq nouveaux missionnaires sont partis d'Angleterre pour les stations de la
Société des missions baptistes anglaises. Pour protéger autant que possible leur
santé, la Société a remis à chacun d'eux un volume qu'elle a publié : Health on the
Congo (la santé sur le Congo) ; les meilleures autorités ont été consultées pour sa
rédaction, et les missionnaires ont été sérieusement exhortés à étudier soigneuse-
ment les directions médicales qu'il renferme.
Le D*^ Allard, fondateur du sanatorium de Boma, est actuellement en Belgique,
où il a pu rectifier les préjugés répandus par les adversaires de l'œuvre du Congo,
à l'égard du climat du bas fleuve. Le D** Lucan qui revient aussi temporairement
«n Europe, sera appelé plus tard à la direction d'un nouveau sanatorium à con-
struire sur le littoral de l'État du Congo, un peu au nord de Vista, au village de
Mohouda, où se trouve déjà établie une factorerie hollandaise.
**
1
— 306 -
- M. Rigail de Lastours, attaché depuis trois ans à la mission de Savorgnan de
Brazsa, et chef des postes de POgôoné, est mort des suites d'une fièvre perni-
cieuse.
Le D' Garl Passavant, qui a dû renoncer à son projet d'expédition de la baie de
Cameroon au lac Albert, a dû s'arrêter à Madère, pour y rétablir sa santé éprouvée
par le climat du golfe de Guinée.
M. Flegel, qui était parti de Brass pour remonter le Niger et le Bénoué, en
yue de décopvrir une route, de ce cours d'eau à la rivière Cameroon, a vu sa
chaloupe à vapeur échouer près de Loko4JA; deux des canots qu'elle emmenait
avec elle ont été brisés. L'explorateur a été obligé de revenir à Brass.
M. Edouard Viard, déjà connu par ses V(»yage3 au Niger et au Bénoué organise
une nouvelle expédition à destination du lac Lîba. Il se propose d'explorer la
région inconnue où doit se trouver ce lac présumé, et de répandre, parmi les
populations de cette partie de l'Afrique centrale, de nombreux spécimens de
l'industrie française. M. Henry Estève, capitaine de frégate en retraite, est attaché
à l'expédition.
La Société française d'encouragement pour les missions africaines a expédié à
MM. Jacques et Morin, missionnaires au Sénégal, un petit chemin de fer Decau-
ville, destiné à relier le poste de Dagana à la nouvelle station en voie de for-
mation à' Kerbala, à 8 kilomètres du fleuve, sur un terrain plus élevé. Elle a fait
expédier également une charrette établie sur les indications de M. Jacques, qui
sait par expérience combien la plus grande prudence est nécessaire pour éviter
les effets du climat et d'un soleil de feu, sous lequel la marche prolongée est sou-
vent une témérité.
Mgr Biehl, missionnaire au Sénégal, ira prochainement fonder une nouvelle
station à Bammakou, sur le Niger.
M. Seignac-Lesseps, gouverneur du Sénégal, dans un récent voyage sur le haut
fleuve, a signé, avec le chef du Foutah, Abdul-Boubakar, un nouveau traité par
lequel ce chef influent s'est engagé à protéger tous les sujets français dans le
Foutah, et à faciliter la construction d'une ligne télégraphique destinée à combler
la lacune qui sépare le réseau du bas Sénégal de celui du haut fleuve. Cette ligne
achevée, Paris se \rouvera en communication directe avec Bammakou.
Les explorateurs portugais Capello et Ivens sont arrivés à Lisbonne, où ils ont
été l'objet d'une ovation des plus méritées. Nous reviendrons sur les résultats de
leur voyage dès que leur rapport aura été publié.
LA COTE D'OR ENTRE LE PRAH ET LE VOLTA
Située au centre de la Guinée supérieure, la Côte d'Or embrasse, non
seulement le littoral de 480 kilom, entre le 3°20' long. 0. et le 0"40'
long. E., placé sous le protectorat de l'Angleterre, mais encore un ter-
ritoire assez étendu, à l'intérieur, où la civilisation tend à pénétrer, sous
— 807 —
la double influence des rapports de Tadministration anglaise avec le
royaume des Achantis et des missions de la Société de Bftle ; de la
côte, celles-ci ont déjà atteint le plateau, où leur poste le plus avancé,
Abétiti, est occupé par notre compatriote M. le missionnaire Ramseyer.
Nos lecteurs se rappellent, qu'il y a tro^s ans, le Comité de Bâle adjoi-
gnit à son délégué, M. Prétorius, chai-gé de visiter les statious de la
Côte d'Or, M. le D*^ Mâhly, avec la mission spéciale d'étudier tout ce
qui se rattache à la climatologie de cette partie de l'Afrique. On comp-
tait recueillir des renseignements sûrs, qui permissent de donner aux
missionnaires les conseils les plus sages au point de vue de l'bygiène, de
Talimentation, du vêtement, du logement, du travail, des voyages, afin
de prévenir si possible les ravages que la maladie fait dans leurs rangs.
Après s'être acquitté de son mandat, et avoir fait à Salaga un voyage,
pour chercher un emplacement convenable à l'établissement d'un sana-
torium, le D' Mâbly a remis au Comité des missions un rapport spécial
sur la question qu'il avait été chargé d'étudier. Sans doute ce Comité
en fera connaître ce qui peut intéresser plus particulièrement les amis
des missions et ceux qui ont des intérêts directs à la Côte d'Or, mais
jusqu'à présent il n'en a rien été publié. En revanche, M. Albert Rig-
genbach a fourni aux Verhandlungen de la Société des sciences natu-
relles de Bâle (VII Theil, 3 Heft, p. 753-794), un mémoire sur la clima-
tologie de la Côte d'Or ', basé essentiellement sur les matériaux mis à
sa disposition par M. Màhly, qui vient de donner lui-même, dans la
même publication (p. 809-852), un travail spécial sur la géographie et
l'ethnographie de la Côte d'Or *. Cette dernière étude est accompagnée
d'une carte, dressée par notre collaborateur M. le professeur Rosier,
et dont M. Mâhly a bien voulu nous autoriser à faire faire un tirage à
part pour notre journal •. Voulant faire un travail scientifique, M. Màhly
a renoncé à tous les détails pittoresques qu'aurait pu lui fournir le récit
du voyage, qu'il savait d'ailleurs devoir être rédigé par un de ses com-
pagnons, le missionnaire indigène D. Asanté, Celui-ci a, en effet, envoyé
à la Société de Bâle un récit, dont le missionnaire Christaller a fourni
des extraits aux Mittheilimgen de la Société de géographie de Thu-
ringe, à léna*. S'étant séparé du D' Mâhly à Salaga, pour faire une
^ Zum Klima der Goldkûste, von A. Riggenbach, Basel (J. G. Baur), 1885, in-8®
' Zur Géographie und Ethnographie der Goldkiiste, mit Karte, von D' E. M&hly,
Basel (J. G. Baur), 1885, in-8^.
' Voir à la fin de cette livraison.
* Band IV, Heft 1 und 2, p. 15-40.
— 308 —
exploration au N.rE. et revenir à Ânum par la région montagneuse
située à Test du Volta, D. Asanté eu a rapporté des renseignements
importants sur cette partie du pays encore inexplorée jusqu'ici. D'autre
pai-t. M, Ramseyer, parti d'Abétifi, au mois de mars de Taiinée der-
nièie, a fait, à l'ouest du Volta, jusqu'à Ateobou et à Krakyé, une excur-
sion, dont les mêmes Mittheilungen ont donné un récit \ qui renferme
des données confirmant pleinement les observations du D' Mâhly. Celui-
ci a pu, pour sa carte, profiter de tous les l'enseignements rapportés par
les derniers voyageure, aussi peut-on dire qu'elle est la plus exacte et la
plus complète de toutes celles qui ont été publiées jusqu'à ce jour.
C'est dans la partie de la Côte d'Or à l'est du Prah, qu'ont été fon-
dées les stations de la Société des missions de Bftie, dont deux sont
situées en pays indépendants, au delà des limites du protectorat anglais.
Tandis que les trafiquants et les employés européens résident presque
exclusivement à la côte et ne voyagent qu'exceptionnellement à l'inté-
rieur, les missionnaires, de leurs diverees stations, parcourent le pays
dans toutes les directions, et sont en définitive les seuls qui apprennent
véritablement à en connaître les conditions topographiques. Quoique les
déteiminatious astronomiques fassent encore à peu près complètement
défaut, la Société de Bâle a pu, d'après les nombreux voyages de ses
missionnaires, dresser au l/,,,., , une carte (voy, p. 191) qui sui-passeà
tous égards les cartes anglaises publiées jusqu'ici. En effet, comme le
fait remarquer M. Mâhly, celles-ci présentent des lacunes considé-
rables et des erreurs, même tout près de la côte. La carte publiée par
la Société de Bâle renferme cependant quelques incorrections qu'expli-
que sa publication antérieure aux observations rapportées par le
D' Mfthly ; celui-ci a pu donner les corrections dans la sienne, qui s'étend
jusqu'au delà de 8"40' lat. N., tandis que la précédente ne dépassait pas
e^'ôO'. De plus, il a pu y tracer les deux itinéraires de D. Asanté et de
F. Ramseyer à l'est et à l'ouest du Volta.
Le Volta et ses aflluents servent pour ainsi dire de base à la carte nou-
velle. Jusqu'ici l'esquisse approximative de Bonnat, publiée dans VEocplo-
ratexir, en 1876, était le seul travail original que l'on possédât sur cette
partie de l'Afrique. Boiniat avait remonté ce fleuve en canot sur un
parcours de 400 kilom., puis, marchant vers le nord, il avait atteint
Salaga, à 37 kilom. du Volta. C'était le premier Européen qui eût vu
cette ville. Toutefois, il n'avait appris à connaître les rives du fleuve
que partiellement. M. Mâhly et ses compagnons de voyage ont fait ta
» Hett 3, p. 69-87.
— 309 —
plus grande partie de leur excureion par terre ; ce n'est qu'au^retour, à
partir d'Akoroso, qu'ils ont pris la voie du fleuve ; mais, soit à l'aller,
soit au retour, les observations ont été faites avec le plus grand soin, et
les données fournies par le voyageur nous paraissent extrêmement utiles
pour les futurs explorateurs de cette partie de l'Afrique. Nous les résu-
merons en quelques pages.
Le Volta est vraisemblablement le cours d'eau le plus important du
vaste teiTitoire qui s'étend entre le Niger et la Gambie ; moins grand
que cette dernière, il est presque insignifiant en comparaison du Niger,
avec les bouches duquel beaucoup de géographes, au commencement de
ce siècle, confondaient son embouchure. Dès lors, le cours inférieur du
Niger a été découvert, et cependant Johnston, en 1882, et Paulitschke,
en 1884, croyaient encore que ce serait par le Volta qu'on pénétrerait
un jour dans les régions du Niger supérieur.
Comme celle de presque tous les cours d'eau de l'Afrique occidentale,
l'embouchure du Volta est obstruée par une barre; mais celle-ci est, une
fois par an, rompue et emportée en grande partie par les hautes eaux.
Toutefois, le danger pour les bateaux ne réside pas seulement dans le
peu de hauteur des eaux au-dessus de la barre, il est suitout dans la
violence avec laquelle les vagues déferlent sur le rivage. Plusieurs petits
vapeurs cependant ont déjà réussi à franchir la barre. Au delà de la
passe, relativement étroite, se trouve un bassin de cinq kilomètres de
large, où les îles abondent, puis le fleuve traverse, en décrivant un
grand arc de cercle, un vaste terrain d'alluvion formé par lui, et pré-
sente, dans cette partie de son coui'S, d'assez nombreux bancs de sable ;
malgré cela, les vapeurs de rivière peuvent le remonter presque toute
l'année sur une longueur de 70 kilom. Là se trouve le premier bas-fond
rocheux. A l'époque de la cnie des eaux, les vapeurs remontent encore à
15 kilom. en amont, jusqu'à Akousé, le poste de commerce européen le
plus avancé, le seul qui ne soit pas sur le littoral. De très petits remor-
queurs circulent en tout temps jusqu'ici ; il est vrai qu'aux eaux basses,
ils touchent çà et là sur les bancs de sable.
Au delà d' Akousé se trouve le premier des rapides qui opposent un si
grand obstacle à des communications régulières par eau, et dont on n'a
pas compté moins de quinze sur une longueur de 300 kilom. Toutefois,
il ne faut pas se représenter ces rapides comme des cascades ou des
cataractes ; la différence de niveau entre le bas et le haut des rapides
n'est que de quelques pieds. L'obstacle provient moins du courant, que
du peu de hauteur de l'eau sur de puissantes barres de rochers, souvent
doubles et triples, qui s'étendent tout au travers du fleuve. On en trouve
-J- -T
— 310 —
de semblables près de Kpong et de Senkyé, où d'ailleurs le lit du fleuve
s'élargit et présente de nombreuses îles. A Krakyé, oîi M. Ramseyer
atteignait le Volta le 28 mars, le fleuve était alors si bas, que les nom-
breux rochers qu'il avait vus en septembre, dans un précédent voyage,
couverts par les eaux, s'élevaient au-dessus de l'eau à une hauteur de 5*
ou 6", et les bateliers qui lui firent traverser le fleuve durent faire quan-
tité de tours et détours entre les blocs de rochers avant de le déposer
sur l'autre rive.
C'est à Âkwam, à 105 kilom. de l'embouchure, que le Volta se fraie
un passage dans le bas pays, à travers une porte de rocher qui a à peine
25" de large. L'eau y est profonde et le passage ne présente pas de
danger. A 20 kilom. en amont de ce point, il reçoit son affluent inférieur
le plus considérable, l'Afram, puis viennent, sur la rive gauche, l'Abo, le
Konsou, l'Asouoko, l'Oti et la Daka, traversés près de leur confluent
par les deux caravanes de MM, Mfthly et Ramseyer, et dans leur cours
supérieur, par D. Asanté.
Jusqu'à 270 kilom. de l'embouchure, à Akoroso, la pente mesurée avec
grand soin par le D' Mâhly, ne dépasse pas 0"13 par kilomètre ; mais à
50 kilom. en amont, la différence de niveau indiquée par le baromètre
est déjà de 9 mètres ; et à 40 kilom. plus avant, le plus haut point du
fleuve touché par l'explorateur, il put constater que dans cette section
la pente est encore plus forte.
La largeur du fleuve dans son cours inférieur, est rarement moindi-e
d'un kilomètre et souvent elle est supérieure ; dans son cours moyen elle
est en général de 700", mais elle atteint souvent un kilomètre. Encore
ces données se rapportent-elles à l'époque des eaux basses, et sont-elles
considérablement modifiées chaque année. En effet, l'eau commence à
monter lentement en juillet ; en 4 ou 6 semaines elle atteint son maxi-
mum qui, à Akousé, est de 12" ; mais en amont il est de 15" et plus.
Alors, non seulement 1p lit du fleuve est tout à fait rempli, mais encore
les terrains bas des bords sont inondés sur plusieurs lieues d'étendue.
Les habitations construites sur le rivage sont souvent emportées, aussi
ont-elles un caractère tout à fait primitif et temporaire. Les viUages
proprement dits sont tous situés à distance du Volta, et n'ont que leurs
ports sur le fleuve. A l'époque de la crue, les rochers des rapides sont
assez recouverts par l'eau pour que d'assez gros vapeurs de rivière
puissent les franchir. Une expédition d'exploration commerciale pour-
rait alors atteindre facilement Salaga ; mais déjà en octobre l'eau baisse
rapidement, et le seul moyen de communication qui reste ce sont les
petits canots des indigènes.
— 311 —
M. Màhly explique très bien comment il se fait que, tandis que la sai-
son des pluies commence à la côte en avril, la crue du fleuve ne se pro-
duise qu'en juillet et soit si lente. La cause en est, d'une part, dans le
régime des pluies, d'autre part, dans l'étendue et la configuration du
bassin du fleuve dès la région de ses sources.
Les pluies suivant la marche du soleil, s'avancent du sud ; elles attei-
gnent d'abord la côte et la partie inférieure du fleuve, qui, ne recevant
pas d'affluents considérables, déverse promptement son surcroît d'eau.
Au bout de deux ou trois semaines, le cours moyen et son bassin sont
alimentés par les pluies ; mais ce bassin étant, au moins dans sa partie
occidentale, extrêmement sec et plat, retient une très forte quantité
d'eau. Ce n'est que plus tard encore, lorsque les pluies atteignent le
territoire supérieur où se trouvent les sources, que la surabondance
d'eau atteint le fleuve, mais la pente étant peu forte, elle n'y descend
que lentement. Il n'est point nécessaire de supposer, comme l'a fait
M. Queen, un lac du nom deBouro, au S.-O. de Salaga, à 15 kilom, du
fleuve, avec lequel il serait en communication dans la saison des pluies.
Il ne s'agit probablement que de marais, comme Bonnat en a vu dans
cette région, et le lac Kyirikora, mentionné parles indigènes sur l'autre
rive du fleuve, n'est pas autre chose. Le Niger présente, quant à la crue
de ses eaux, les mêmes phénomènes que le Volta, et n'a à proprement
parler aucun lac.
Quant au relief du pays, il est en général assez simple. En longeant la
côte à l'est du Prah, on voit, derrière les falaises, contre lesquelles
viennent se briser lès longues lames de l'Océan, des collines doucement
arrondies, très boisées, ou des montagnes qui ne permettent pas de
découvrir l'intérieur du pays. Tout à coup les montagnes se retirent et
s'étendent, en forme de chaîne plus élevée, dans la direction du nord.
La côte devient basse ; du pont du navire elle paraît même tout à fait
plate ; ce n'est que quand on la traverse qu'elle paraît légèrement ondu-
lée. A mesure qu'on s'approche du Volta elle devient complètement
plate. Au loin s'élèvent quelques monts isolés, d'une certaine hauteur :
le Noyo de 450", le Krobo et le Schaï de 300" environ. La chaîne elle-
même a une hauteur moyenne de 450" ; derrière elle s'en trouvent d'au-
tres qui sont d'abord parallèles, puis s'étendent dans d'autres direc-
tions ; moins hautes vers l'Océan, elles s'élèvent davantage vers le nord
et atteignent 670" dans l'Okwawou, où se trouve Abétifi. Au delà, on
pourrait s'attendre à trouver un plateau central élevé ; il n'en est rien ;
les montagnes s'abaissent et l'on rencontre une immense plaine inté-
rieure qui s'étend jusqu'au Volta et bien au delà ; les limites occiden-
— 312 —
taies et septentrionales en sont encore complètement inconnues; la
limite orientale est formée par la prolongation de la chaîne principale
mentionnée en premier lieu, d'abord basse, bientôt plus haute et en
même temps plus large. Plus avant dans Tintérieur, au dire du mission-
naire indigène, D. Asanté, elle est d'une hauteur telle que la sommité
de 670™ mesurée dans TOkwawou, ne peut lui être comparée. Les mon-
tagnes doivent s'étendre encore plus au nord, mais au delà, d'après les
renseignements fournis par les indigènes, il n'y a plus de chaîne jusqu'au
pays des Haoussas.
Des deux côtés du fleuve, la plaine s'élève peu. Salaga, le point le
plus haut qui ait été atteint par le D' Mâhly, n'est qu'à 165" d'alti-
tude S et de là, aussi loin que le regard peut atteindre vers le nord, on
n'aperçoit aucune trace de montagnes. En revanche, les deux sources
du Volta doivent jaillir d'une montagne à quatre ou cinq jours de mar-
che au N.-O. de Salaga : ce pourrait être une ramification des monts de
Kong, qui s'étendrait, de Sierra Leone à travers la Guinée supérieure,
sur une longueur de 350 kilom. Ce qui appuierait cette hypothèse, c'est
l'existence, dans cette région, d'une grande ville du nom de Kong, à 20
ou 24 jours de marche au N.-O. de Coumassie, et d'après Barth, à 26
jours de Salaga. Dans la langue des nègres de la Côte d'Or, jusqu'à
Salaga, le mot Kong n'existe pas, tandis que, dans celle des Mandingues
du Haut-Sénégal et du Niger, il signifie tête, ou montagne. Mungo Park '
l'avait déjà constaté. Les Mandingues s'étendent du Haut-Niger jus-
qu'aux sources du Volta au S.-E. ; il y a là des montagnes ; Robertson
a même entendu dire qu'il y a des sommités couvertes de neige ; mais
cette partie du continent est encore tout à fait inconnue. Entre Yeudi
et le coude du Niger, Barth est le seul Européen qui ait passé de Say à
Sarayjamo. C'est sur ses renseignements que reposent presque toutes
les données figurées sur nos cartes, au sud de sa route ; sans ses cro-
quis nous n'aurions là qu'un vaste blanc, un des plus grands que l'Afri-
que présente aujourd'hui. Les renseignements fournis par le marquis de
Buonfanti, sur son itinéraire de Timbouctou au golfe de Guinée, ne
l'ont pas fait dispai'aître. Il y a là à explorer un inunense territoire dont
les voyageura ont pu être éloignés par la peur des Achantis ; mais depuis
que l'Angleterre a abattu la puissance de ceux-ci dans la guerre de
1874, les habitants des provinces autrefois sujettes de Coumassie et
devenues indépendantes, considèrent l'Européen comme leur libérateur
^ C'est par une erreur de dessin que la carte indique une montagne à rempla-
cement de Salaga.
— 313 —
et leur ami. Pendant toute la durée du voyage, M. Màhly et ses compa-
gnons ont trouvé le meilleur accueil, non seulement chez les tribus
païennes, mais encore chez les populations déjà mahométanes de
Salaga ; s'ils Teussent voulu, ils auraient pu pénétrer plus loin. Une
expédition .d'exploration pourrait employer avantageusement la voie du
Volta sur un parcours de 400 kilom. environ.
Sur la route d^Abétifi à Ateobou, à travei-s l'immense plaine de
l'Afram et du Volta, M. Ramseyer a rencontré la même bienveillance.
Elle est parcourue, à (Certains moments de l'année, par un grand nombre
de voyageurs. Au mois de mars, Sadang, au pied des montagnes de
rOkwawou, fourmillait de gens venant de Salaga ou s'y rendant ; ceux
qui en revenaient étaient faciles à reconnaître à leur épuisement; des
esclaves se trouvaient dans leurs rangs, mourant de faim, et cependant
heureux d'arriver dans l'Okwawou, où leur sort est généralement moins
dur qu'ailleurs, et où la nourriture est abondante ; ils y sont assez rap-
prochés de la colonie anglaise pour que bon nombre d'entre eux, un peu
plus tôt ou un peu plus tard, puissent se réfugier sur un sol libre.
Les nombreux cours d'eau qui sillonnent la plaine en faisaient, en
mars, un parc de verdure. Partout croissait un gazon tendre, dont les
tiges atteignaient cinquante centimètres de hauteur. Les arbres avaient
tout leur feuillage ; on les rencontre par bouquets de demi-heure en
demi-heure ; et toutes les trois ou quatre heures des lieux de halte sont
préparés, pour permettre au voyageur soit de se reposer, soit de puiser
de l'eau. Sur la route se rencontrent des rendez-vous de chasseurs, qui
ne sont pas rares dans le pays, le gibier étant très abondant ; ils fument
en général leur venaison et l'expédient dans l'Okwawou et dans l'Akem,
ou bien ils la vendent aux caravanes qui viennent de Salaga. La route
suivie par M. Ramseyer avait été fréquentée jusque-là par les marchands
de noix de cola, qui transportaient cette denrée à Salaga où le débit en
est très rémunérateur. L'Achanti, l'Akem et l'Okwawou produisent ce
fruit en grande quantité. On ne le mange pas, mais on le mâche, et il
laisse dans la bouche une saveur amère qui n'est pas désagréable,
aussi les tribus de l'intérieur en font-elles des achats considérables ; la
noix de cola est pour elles à peu près ce que le tabac est pour les
fumeurs. Un,e charge de ces noix coûte, dans l'Okwawou, fr. 7,50, et se
vend jusqu'à 37 et 38 fr. sur le marché de Salaga. Jusque-là, une bonne
partie de cette denrée passait par Ateobou, mais la route de Salaga
venait de lui être interdite. Le grand fétiche Denk, de Krakyé, l'un des
plus redoutés du pays, voulant avoir le monopole de ce trafic, avait
obtenu du roi d'Ateobou que la seule route permise aux trafiquants de
— 314 —
noix de cola fût celle de Krakyé. Il prélevait un tribut de 100 noix par
charge complète.
Âberewanko est la premièi-e localité du territoire d^ Ateobou. Les habi-
tants se distinguent des nègres parlant le tchi, non seulement par leur
langage, le guang, la langue de Salaga, mais encore par leur apparence
extérieure et par la manière de construire leurs demeures. La plupart
des individus sont grands et bien bfttis ; ils ont les joues tatouées. Escla-
ves de fait, ils jouissent néanmoins d'une liberté qui leur fait presque
oublier l'esclavage. Leur village appartient au roi d'Ateobou ; les mai-
sons ont des toits pointus recouverte de gazon, comme dans l'Akuapem ;
elles sont construites en deux ailes qui laissent au milieu une longue
cour. Les parois et le soi sont couverts d'une sorte de vernis gris foncé
qui les durcit complètement. Les plantages de yams que Ton rencontre
d'Aberewanko à Ateobou témoignent d'une réelle application au travail.
Le terrain est particulièi^ment léger et friable, aussi la culture est-elle
plus facile qu'ailleurs ; outre les yams, le riz et le blé sont aussi cultivés.
Ateobou a dû être une ville plus considérable qu'elle ne l'est aujour-
d'hui ; car aux alentours, surgissent de tous côtés, du sein des hautes
herbes, des restes d'enclos. Les maisons ne ressemblent pas à celles de
r Achanti ; hautes de 3"*, elles sont couvertes de toita parfaitement plats.
La rue centrale, longue et large, est bordée d'une double rangée d'ar-
bres magnifiques, dont les troncs énonnes prouvent que la ville n'est
pas d'hier. Autour de cette rue, ou plutôt de cette allée, se groupent les
principaux quartiers, formés en général de 20 ou 30 maisons et séparés
par des places spacieuses.
M. Ramseyer et ses compagnons de voyage virent bientôt venir à
eux des personnes qui leur apportaient de petites chaises pour se repo-
ser, puis une troupe de gens, accompagnant un porte-épée chargé de
leur apprendre que le roi était en séance. Aussitôt ils se mirent en mar-
che pour se présenter devant la cour. Le roi occupait le centre d'un
demi-cercle. Us durent lui donner la main, ainsi qu'à quelques-uns de
ses chefs et à sa mère qui se tenait à sa droite ; pour les autres assis-
tants une salutation suffit. Les voyageurs prirent place sur des sièges
qui leur avaient été préparés, et toute l'assemblée vint les saluer en
défilant devant eux. Le roi portait sur la tête une sorte de turban de
soie, d'oîi pendaient, à droite et à gauche, deux rubans assez longs; aux
doigte et au cou, quantité de bagues et de colliers d'or ; son vêtement,
garni de broderies de soie, était de fabrication achantie. Des maisons
furent mises à la disposition des arrivants, et à peine ceux-ci y étaient-
ils installés, que le roi, voulant s'assurer qu'ils étaient bien logés, vint
— 815 —
les voir avec sa suite ; derrière lui on portait son siège et les images des
fétiches protecteurs. Il avait cependant une autre préoccupation. « Tu
viens de TOkwawou, » dit-ii à M. Raniseyer, a et tu affirmes que tu u^as
point de communication politique à me faire ! Nous avons appris cepen-
dant qu'un autre blanc s'est rendu à Coumassie et même jusqu'à Mko-
ransa (à trois journées de chemin d'Ateobou). On ajoute qu'il doit bien-
tôt arriver ici. Pourquoi deux blancs viennentrils chez nous, dans le
même moment, de deux côtés différents? » M. Ramseyer put le tran-
quilliser en lui expliquant que la mission du capitaine Kurby, officier du
gouvernement anglais, n'avait aucun rapport avec la sienne, exempte
de tout caractère politique.
La maison du roi Gyang Kwakou, auquel M. Ramseyer rendit sa
visite, ne se distingue des autres habitations d'Ateobou que par sa
hauteur ; elle les dépasse toutes d'un mètre et demi. Le roi se montra
bienveillant; l'entretien roula sur l'Achanti et Coumassie, et le roi
raconta à M. Ramseyer qu'autrefois les habitants d'Ateobou devaient
livrer chaque année à Coumassie un certain muubre de leurs conci-
toyens et même de leurs propres enfants, ce qui explique la dépopula-
tion actuelle de la ville. Après avoir prêché devant le roi, ses chefs, sa
mère, et tous les habitants groupés devant le palais, M. Ramseyer
quitta Ateobou, non sans avoir reçu de beaux présents d'adieu du roi,
qui aurait voulu le voir prolonger sa visite.
De là il se dirigea sur Krakyé, oîi il arriva au bout de cinq jours, en
allant presque constanm^ent vers l'est. La peur des Achantis a engagé
les chefs et une bonne partie des habitants à se retirer à Krakyé, aussi
le pays paralt-il dépeuplé. On n'y voit guère que de l'herbe, des arbres
rabougris dont le rare feuillage ne procure aucune ombre ; cependant
le sol doit être fertile, car partout les yams prospèrent.
Le 28 mars, M. Ramseyer atteignait le Volta et Krakyé, la fameuse
ville du fétiche ; elle doit avoir de 5 à 6000 habitants, mais n'a point de
rues proprement dites, chacun posant son habitation oU il lui plaît ; elle
domine d'environ 20 mètres le niveau du fleuve, mais en septembre, à
l'époque des hautes eaux, ceUes-ci touchent presque aux premières
maisons. Krakyé sert de centre commercial pour quantité de tribus de
l'intérieur. Ses habitants parlent le guang ; néanmoins ils comprennent
tous le tchi. Les trafiquants y séjournent pendant dès mois; ils vont
souvent jusqu'à Salaga, quoique les voyages du côté de cette ville ne
soient plus aussi fréquents qu'auti*efois. On vient plutôt maintenant
de Salaga à Krakyé, et les caravanes poussent même jusqu'à la côte.
On ne vient pas non plus seulement pour le conmierce ; on veut aussi
— 316 —
consulter le fétiche, qui, pour une dispute ou un procès, qui, pour une
maladie, qui, pour des embarras de famille; l'oracle rendu est tenu
pour irrévocable. Cependant, malgré toute la terreur qu'inspire le prê-
tre du fétiche, son prestige diminue. Peu avant l'arrivée du mission-
naire, un homme avait été mis à mort pour avoir osé . proclamer le
néant du fétiche. L'épouvante règne encore, mais la foi s'en va; la
crainte d'ailleurs n'empêche pas certains progrès. Naguère, par exem-
ple, il était défendu à tout le monde d'allumer des lumières, parce que
le fétiche les déteste; aujourd'hui cettte interdiction est abolie. A
7 kilom. de Krakyé se trouve Kété, lieu de marché, une sorte de
Salaga en petit, oîi l'on vend toute espèce de produits de l'intérieur et
d'Europe ; des étoffes pour vêtements, des costumes mahométans, des
étuis de cuir, des ouvrages de vannerie, des couteaux, des ciseaux, du
fil, des aiguilles, des perles. Comme à Salaga, les cauries servent de
monnaie.
Après avoir passé l'Asouoko, on entre dans le district de Bœm. La
rivière est assez torrentueuse; à la suite de fortes pluies, elle entraîne
des masses de sable rouge. Ici l'on est déjà près de la montagne, ce
dont on s'aperçoit aux forêts de palmiers, qui ne sont pas loin, et au
vin de palmier que les jeunes filles offrent aux amateurs.
En continuant à s'avancer vers le sud, on arrive à Tapa, à une dou-
zaine de mètres du sommet d'une montagne d'où l'on jouit d'une vue
magnifique sur toute la chaîne, jusqu'à Anum. Le pays est beau et
ressemble à l'Okwawou; il a d'excellente eau et produit des yams, du
pisang, du riz et du blé. Le prince d'un des deux villages qui forment
le bourg de Tapa, après avoir entendu le missionnaire, insista beau-
coup pour qu'il restât au milieu de ses gens et les instruisît. Il en fut
de même dans plusieurs des localités que traversa M. Ramseyer jusqu'à
Anum, où il rencontra D. Asanté, heureusement revenu de son voyage
à Salaga.
Nous empruntons encore, au rapport de ce dernier, quelques rensei-
gnements sur Salaga et sur son itinéraire de retour. Avant d'arriver à
Salaga, on aperçoit, d'une assez grande distance, une longua rangée, de
deux kilom., de maisons ombragées de quelques arbres. Les environs de
la ville sont complètement nus; on n'y voit que quelques maigres buis-
sons. A mesure qu'on approche, et quand on entre dans la ville, on est
désagréablement affecté par une odeur d'ordures, de fumier et de cada-
vres en décomposition. Des quartiers entiers, en pai'ticulier celui des
Achantis, ne sont qu'un tas de décombres. Les rues sont aussi irrégu-
lières que possible ; beaucoup de huttes sont sans toit, d'autres sont
— 317 —
iahabitées ; les habitations sont construites très irrégulièrement, l'en-
trée en est si basse qu'il faut courber la tête jusqu'aux genoux pour
pouvoir y entrer. Les salles d'école servent en même temps d'écuries
pour les chevaux, et de passages publics pour se rendre dans certains
groupes de maisons. Salaga est en décadence; le commerce s'est
déplacé, le trafic des esclaves a diminué, et les habitations, jadis belles,
sont si délabrées qu'on ne peut plus les remettre en état.
De Salaga, D. Asanté prit la direction du N.-E., et quoique l'in-
fluence musulmane se fasse sentir dans les villages qu'il rencontra, il y
trouva une hospitalité cordiale. A Kokrone, le point extrême de son
excursion vers l'est, se tient un marché d'ivoire et d'esclaves. De là, le
missionnaire reprit la route du sud à travei^s un pays montagneux, oîi
croît en abondance le palmier qui fournit du vin aux habitants. Dans
l'Adélé, chaque chef est en même temps prêtre de la localité qu'il
habite. On n'atteint le plateau de Kpaleavé, qu'à travers des monts et
des vallées, tantôt boisés, tantôt coupés de ruisseaux et de gorges qui
rendent la marche diflScile et même périlleuse. Plus au sud, après avoir
passé le Wawa, affluent de l'Asouoko, Asanté fut surpris par la nuit
dans une ascension de montagne, sur une pente oîi il y avait à peine un
pied de large de terrain plat, et au-dessous de lui se trouvait un pro-
fond abîme. Il dut y passer la nuit avec ses gens, sans oser avancer, la
pluie ayant rendu le sol très glissant.
A Avatimé, en plein pays païen, il trouva un village chrétien, fondé
par cinq hommes qui, dans la guerre de 1869, s'étant enfuis dans le
pays de Ga, étaient devenus chrétiens à la station bâloise de Mayera,
revenus dans leur pays ils avaient persévéré dans le christianisme, y
avaient gagné quelques païens, et avaient construit une maison pour
l'instituteur que leur avait donné la mission de Brème, à laquelle ils
s'étaient rattachés.
D'une manière générale, le pays parcouru par Asanté, de Dadeasé
jusqu'à l'Abo, est un pays de montagnes, avec des plateaux, tantôt
herbeux, tantôt boisés. Les forêts se rencontrent surtout dans les val-
lées profondes et étroites, et sur les pentes des montagnes. Les teni-
toires herbeux sont très fertiles, et les habitants y cultivent des yams,
du riz, du maïs et trois sortes de blé de Guinée. L'air est frais et moins
humide que dans l'Akuapem, parce que les forêts n'y prédominent pas.
Toutefois il y pleut souvent ; le pays est abondamment arrosé de cours
d'eau qui ne tarissent jamais ; le Daka, l'Oti, l'Asouoko et l'Abo por-
tent tous leurs eaux au Volta.
— 318 —
La principalo occupation des habitants est l'agriculture ; les femmes
filent le coton, le teignent avec l'indigo indigène, et en tissent des
vêtements pour leurs maris ; elles font aussi de la poterie et des corbeilles
d'osier. Les beaux pâturages qui poun'aient nourrir beaucoup de bétail,
n'ont que peu de moutons et de chèvres.
Quoique le rainerai de fer soit répandu partout, ce n'est guère
([u'h Santrokofi et Akpawou qu'on trouve des fonderies et des
forges. Les gens de l'Atshati recueillent le miel et vont le vendre à
Salaga.
Quant au climat de cette partie de l'Afrique, le D' Mâbly n'estime
pas qu'il soit tel que l'existence ou la santé de l'homme, noir ou blanc,
y soit menacée. Sans doute il faut que l'Européen s'acclimate, mais il
n'est point nécessaire qu'il tombe malade. M. Mahly a fait sur lui-
même l'expérience que, dans les premiers temps du séjour en Afrique,
on peut se trouver aussi bien portant de corps que chez soi ; à plus forte
raison devrait-il en être de même après l'acclimatement. Ce n'est qu'au
bout d'un certain norabre d'années que l'appauvrissement du sans?
réclame un séjour réparateur en Europe. Il en est de même pour tous
les pays tropicaux ; s'il y a une différence pour l'Afrique, elle ne pro-
vient pas du climat, mais d'une cause spéciale, favorisée, il est vrai, par
le climat, ce qui a donné lieu à l'expression ^èrre du climat, expression
impropre aussi bien que fièvre paludéenne, car, d'une part, la fièvre ne
règne pas dans tous les pays tropicaux, d'autre part la présence de
marais n'est nullement nécessaire pour la faire naître. L'expérience
apprend que, siu* la plus grande partie de la côte occidentale d'Afrique,
la fièvre peut se rencontrer partout, à des degrés d'intensité difféi-ents,
suivant les lieux et les moments. On peut en conclure que les germes
de la maladie existent partout dans le sol, qu'ils se répandent dans l'air
et sont, avec l'air, absorbés par le corps. C'est une maladie infectieuse
qui, h l'inverse des autres, provient directement et exclusivement du
sol et n'est pas propagée par des personnes malades. L'agent de la
nialadie n'est pas encore parfaitement connu ; on suppose qu'il appar-
tient aux organismes infiniment petits. On ne peut guère songer à h*
détruire en Afrique, vu sa grande extension, mais si l'homme ne peut
pas ne pas absorber les germes du mal, il pourra les empêcher de se
log(T chez lui et d'y multiplier. Toutefois, jusqu'à ce qu'on en ait
trouvé le moyen, les conditions climatériques ne s'amélioreront pas.
Aussi le D' Mahly appuie-t-il les conseils du D' Fischer dans Mehr
Licht im dunkeln Welttheil (p. 218), et pense-t-il qu'un optimisme
— 319 —
dangereux peut seul recommander rétablissement, dans cette région,
d'Européens pour des travaux agricoles.
CORRESPONDANCE
Loanda, 15 août 1885.
Monsieur,
Abonné à V Afrique, j'y lis toujours avec le plus grand intérêt les correspon-
dances de nos compatriotes Berthoud, D' Passavant, etc., et j'ai Pespoir que quel-
ques lignes sur la région du Continent noir, dans laquelle je me trouve, ne vous
déplairont pas. Je fais partie de la mission de Pévêque Taylor que vous mention-
nez deux fois dans votre journal. Vous avez fait remarquer le caractère self-
supporting qui distingue cette mission de toutes les autres ; cette entreprise est en
effet un essai basé sur des raisons suffisantes aux yeux de son chef, mais elle est
sévèrement jugée par le monde en général et par les Sociétés de missions, qui la
condamnent comme téméraire. Jusqu'ici toutefois tout s'est passé plus heureusement
que nous n'osions l'espérer, malgré les fatigues et les privations que nous avons
dû et devons encore endurer. De nombreuses délivrances n'ont fait qu'affermir la
foi et le courage des membres de l'expédition. On nous avait prédit maintes fois,
qu'avant deux mois les enfants auraient succombé, victimes du fanatisme des
parents. Nous sommes heureux de constater, après six mois d'expérience, que les
enfants sont beaucoup moins sujets aux maladies que les adultes. Sur un nombre
de 42 personnes, un jeune homme a seul succombé, et cela, parce qu'il ne se laissa
persuader de se soigner que lorsqu'il fut trop tard. Il faut faire observer ici que
nos gens arrivèrent pour la plus mauvaise saison des pluies qui eût visité la côte
depuis beaucoup d'années. Le nombre des patients à l'hôpital doubla en peu de
temps; les indigènes souffraient autant que les blancs et pas une seule de mes
connaissances n'échappa à la fièvre. Or, nos hommes devant coucher sous des
tentes, alors que mouraient quantité de blancs jouissant d'autant de conforts que
nous souffrions de privations, nous fûmes bien reconnaissants envers la Provi-
dence de nous avoir si merveilleusement préservés. Nous n'avions point de domes-
tiques et tout le travail du ménage reposait sur les épaules des missionnaires.
Ceux-ci se passèrent de vin sans que leur santé s'en ressentît, contrairement à
l'opinion de tous les résidents africains. Nous ne pouvons que nous louer de la
réception cordiale des autorités et des particuliers portugais, tant sur la côte qu'à
l'intérieur. La maison de Loanda a successivement évacué ses occupants, deux
hommes seulement sont restés en arrière, dont l'un est votre correspondant. A
Pintérienr trois stations sont déjà établies et en bonne voie ; plusieurs sont proje-
tées ; le travail est en partie agricole et en partie scolaire. Le gouverneur nous a
jLccordé 150 livres d'école avec une centaine de tableaux de lecture. La première
- 320 —
station est à Nhangué ia Pépé, à 100 kilomètres au nord de Dondo sur la Quanza,
la seconde à Pungo Andongo ; la troisième à Malangé. Le D' Sumners vient
d'arriver de l'intérieur, après avoir parcouru à pied un millier de milles en six
semaines, en traversant Duque de Bragança, le Gk>lungo Alto, et en suivant le
cours du Bengo.
Depuis le 12 août, nous avons Thonneur de posséder au milieu de nous les explo-
rateurs Capello et Ivens, qu'un vapeur du Cap a amenés jusqu'à Mossamédès,
d'où le steamer portugais les a transportés ici. Loanda s'est surpassée en offrant
aux deux illustres voyageurs une réception vraiment grandiose et enthousiaste.
Le 13, cortège imposant, conduisant les héros à l'église épiscopale, où un Te Deum
solennel fut chanté. Capello et Ivens marchaient sous un dais de soie blanche, à
franges d'or, et supporté par six colonnes dorées, aux mains de notables de Loanda
en magnifiques uniformes. Les corporations et les écoles de Loanda ouvraient la
marche; après elles venaient les consuls, ensuite le dais, derrière celui-ci le gouver-
neur et sa suite, puis un groupe de messieurs, et enfin les troupes terminaient le
cortège qui s'avançait lentement aux accents patriotiques de la musique milit&ire,
aux acclamations de la foule bigarrée et au bruit de fusées sans nombre. Le 14,
conférence des voyageurs et quelques autres discours ; Ivens était le Mercure, et
Capello brillait, comme de coutume, par son silence modeste. Le soir du même jour
représentation au théâtre jusqu'après minuit; hier régates, aujourd'hui adieux
officiels.
Agréez mes meilleurs vœux pour le succès de votre publication.
Héli Châtelain.
Un correspondant bien informé nous adresse, du Bas-Congo, à la date du
14 août, les renseignements suivants :
1^ Le lieutenant Wissmann a atteint, par eau, le Congo supérieur, avec ses 200
natifs, après avoir perdu six blancs en route; ayant suivi le Cassai, il a trouvé
qu'il se verse dans le Kwa. '
2^ Le D' Wolff, de l'expédition du lieutenant Schultz, parti pour Kiamvou, avec
* Une carte provisoire accompagne la lettre de notre correspondant ; elle donne
le cours des affluents du Congo récemment explorés, la Mboura, le Lolka, le
Mobandji, la Nkéné sur la rive septentrionale, le Lomami, la Kgala, l'Ikelemba, le
Cassaï, la Nkissi, la Loukounga et le Kwilou sur la rive sud. Quant au Cassai, le
croquis en place le confluent avec le Quango, en amont de celui de l'émissaire dn
lac Léopold II, dont il serait tout à fait indépendant. Nous attendons des déter-
minations plus précises, pour donner une carte de cette partie du centre africain,
que les récentes découvertes de Grenfell et de Wissmann présentent sous un jour
si différent de celui sous lequel on la voyait jusqu'ici.
— 321 —
<;iDq hommes du Loango et deux guides indigènes, a Ireancoup souffert de la faim
en route; il a reçu un bon accueil, et après s'être reposé quinze jours, il est revenu
à San Salvador, son point de départ.
3^ Le D' Bûttner est aussi parti pour San Salvador. — Les lieutenants Kund et
Jappenback continuent à séjourner à Stanley-Pool. Grâce à la bienveillance de la
mission baptiste américaine, M. Kund a pu faire, avec le Henry Beed^ une excur-
sion jusqu'à Bangala.
4^ L'agent diplomatique américain, M. le lieutenant Jaunt, a quitté Stanley-
Pool, pour se rendre aux chutes de Stanley, par le Henry Beed^ sur lequel on lui
a donné le passage.
5<* L'État libre du Congo renonce à plusieurs de ses stations : Ruby Town,
Yunda, Manyanga (rive droite), Lutété, Kalena Point, Eimpoko, Kwamouth,
Mushié et Lukoléla. — Le steamer la ViUe WAwoers a donné sur un rocher près
de Boma; il a sombré en deux heures et est complètement perdu.
6<» La mission baptiste américaine (Livingstone Inland Mission), a achevé sa
station de l'Equateur ; ses agents sont occupés à étudier la langue de ce district
et à créer une école.
7<> Le P. Augouard a remonté le fleuve, pour fonder une nouvelle station au delà
de Stanley-Pool, et trois membres des missions d'Alger sont arrivés à Yivi. — On
a remonté le Stanley et sir Francis de Winton part, avec ce steamer, afin de
Yoir ce qu'il pourra faire pour chasser du haut fleuve les Arabes, ou pour les
arrêter..
Comme témoin oculaire, je puis vous assurer qu'ils n'ont attaqué aucune des
stations de l'expédition.
BIBLIOGRAPHIE '
Vingt jours en Tunisie, par Paul Arène. Paris (Alph. Lemerre),
1884, iii-8% 300 pages, fr. 3,50. — Le mois d'août n'est guère le meil-
leur pour un voyage en Tunisie ; malgré cela, ayant vingt jours à per-
dre, c'est ce moment que M. Paul Arène choisit pour s'y rendre. D est
vrai qu'il ne pénétra que peu dans l'intérieur, où la chaleur est aloi-s
presque insupportable pour un Européen; il se contenta de visiter
quelques villes situées sur la côte, ou dans son voisinage, et rafraîchies
par la brise de mer. Le but de son voyage était Sousse, où M. Jules
Arène, frère de l'auteur, remplit les> fonctions de vice-consul de France.
* On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et àB&le, tous les
oiivrages|dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 322 —
Cependant, il accorda^ chemin faisant, trois joux-s à Tunis et à Car-
thage, et, d'autre part, entreprit quelques excufsions autour de Sousse,
à Monastir, à Kaïrouan, etc.
Les lieux dont il est parlé dans cet ouvi*age sont donc de ceux qui
ont été souvent décrits depuis la conquête française. Mais si l'auteur
ne nous apprend rien de bien nouveau, si même il ne cherche pas à
tout dire et néglige beaucoup de choses, préférant s'arrêter où le hasard
le conduit, il se fait lire avec plaisir, grâce à un récit enjoué et char-
mant, à des descriptions remplies de poésie, à des peintures de mœurs,
si réussies qu'il semble que Ton ftiit avec lui le voyage et que l'on se
croit en plein pd|'S arabe. Il a su trouver le style qui convenait à sa
naiTation, et la douleur locale propre à ce pays éblouissant de lumière,
où la richesse de la nature contraste avec la misère et avec les usages
à demi barbares des hommes qui l'habitent.
La Conférence africaine de Berlin et l'Association internatio-
nale DU Congo, par Emile Banning. Bnixelles (C. Muquardt), 1885,
in-8°, 26 p. — L'acte général de la Conférence de Berlin, par
J. Joaris. Bruxelles (C. Muquardt), 1885, in-8**, 79 p., fr. 1,50. — La
question du Congo, par J. Du Fief. Bruxelles (Secrétariat ^de la
Société royale belge de géographie), 1885, in-8*, 80 p. et carte. — Le
Congrès de Vienne et la Conférence de Berlin, par sir Travers
Ttviss. Bruxelles et Leipzig (C. Muquardt), 1885, in-8**, 19 p. — Die
Afrikanische Konferenz und der Congostaat, von C.-A, Patzig.
Heidelberg (Cari Winter), 1885, in-12% 120 p., fr. 2,50.
Après avoir concentré sur elle, pendant quelques mois, l'attention de
tout le monde, la Conférence de Beriin a donné lieu à plusieurs mono-
graphies que nous réunissons dans un même article bibliographique.
Sur six des travaux qui nous ont été adressés, trois sont dus à dos
Belges, tous les trois très compétents pour apprécier l'œuvre accomplie
à Berlin : M. Banning, membre de la Conférence de Bruxelles en 1876,
et délégué belge à celle de Berlin ; M. Jooris, ministre de S. M. le roi
des Belges ; M. Du Fief, secrétaire général de la Société royale belge
de géographie ; tous les trois également animés du désir de faire valoir
le rôle que la Belgique a joué dans la grande entreprise couronnée par
la reconnaissance de l'État libre du Congo.
Chacun de ces auteure présente d'ailleui-s son résumé des faits, à son
point de vue spécial, et relève tel ou tel des traits particuliers, soit dos
travaux de la Conférence, soit de l'œuvre de l'Association internatio-
-- 823 —
nale du Congo. M. Bauning fait ressortir qu'aucun établissement loin-
tain n'a possédé en naissant autant de garanties de développement
pacifique que le nouvel État du Congo, et montre, par des faits, à ceux
qui doutent du succès de l'œuvre nouvelle, que la plupart des hommes
qui ont agrandi le domaiue géographique, maritime, colonial, ne
savaient pas oîi aboutirait le sillon qu'ils ouvraient ; mais ils l'ont réso-
lument poussé devant eux, et c'est parce qu'ils ont fait cela, que
rhumanité leur doit quelques-unes des belles pages de son histoire.
M. Jooris relève l'extension prise par le droit international, fait une
étude spéciale des progrès de la législation des fleuves internationaux,
et cite l'application au Zambèze, par le Portugal, des principes de libre
navigation. Il donne en outre un résumé historique des prises de pos-
session depuis un quart de siècle, et montre que la Conférence de
Berlin est bien venue à l'heure où il était nécessaire de consacrer, par
un acte international, les principes nouvellement introduits dans le
droit des gens.
Partant des explorations qui ont fait connaître le bassin du Congo,
M. Du Fief présente le développement historique de l'Association inter-
nationale africaine, du Comité d'études et de l'Association internatio-
nale'du Congo, accentue, en citant M. Banning, les diflicultés qu'avait
rencontrées la création de l'État indépendant du Congo, et cherche
quels peuvent être théoriquement les éléments constitutifs du nouvel
État, appropriés à sa nature spéciale et aux circonstances éventuelles.
Les fonctions que M. Du Fief remplit dans la Société belge de géogra-
phie l'ont engagé à donner,. dans son mémoire, une grande place à la
géographie du bassin du Congo ; son exposé détaillé était généralement
exact au moment où il le publiait ; mais l'exploration des affluents du
grand fleuve, soit sur la rive droite, soit sur la rive gauche, celle de
Grenfell dans le Mobandji jusqu'au 4°30' lat. N., et celle de Wissmann
arrivant à Kwamouth par la Louloua, le Cassaï et le Quango, modifie-
ront complètement la géographie de cette partie de l'Afrique centrale,
telle qu'elle figurait dans les cartes il y a quelques semaines seulement.
Collaborateur de la Renie de droit international, membre de l'Ins-
titut de droit international, et conseil du ministre d'Angleterre à la
Conférence de Berlin, sir Travei-s Twiss était désigné par ses travaux
antérieurs pour traiter la question du développement du principe de la
navigation des fleuves internationaux, et marquer le^ progrès accomplis
à cet égard depuis le Congrès de Vienne. Il l'a fait avec une grande
sagacité dans le mémoire : le CongrJs de Viemie et la Conférence de
— 324 —
Berlin, dans lequel toutefois il ne s'est pas borné aux questions qui
touchent à la navigation du Congo et du Niger. Son examen a porté
plus loin. Après avoir montré que, du Congrès de Westphalie à celui de
Vienne, les intérêts particuliers avaient eu le dessus, le principe du
droit public d'alors étant le respect absolu de la souveraineté des États
individuels, et qu'au Congrès de Vienne avait été proclamé le principe |
que les États de l'Europe ont, envers la communauté des États, des
devoirs auxquels leurs intérêts particuliers doivent être subordonnés,
sir Travers Twiss a marqué les pas considérables que ce principe a ;|
faits par les différentes stipulations de l'Acte général de la Conférence :}
de Berlin, sans toutefois que rien ait été fait contré le gré des États
intéressés. C'a été en particulier, parce qu'on voulait laisser à l'Associa-
tion internationale le temps de conduire à bonne fin ses arrangements
avec la France, et éventuellement avec le Portugal, sous la médiation
de la France, que la marche des travaux de la Conférence a été volon-
tairement ralentie.
On pourrait dire que les auteurs des mémoires susmentionnés sont
tous plus ou moins juges et parties dans la question, mais M. Patzig ne
l'est pas, ce qui ne l'empêche pas de vouer à l'œuvre de la Conférence
une réelle sympathie. Après avoir rappelé les prétentions du Portugal à
la souveraineté du Congo inférieur, et les conflits auxquels ces préten-
tions menaçaient de donner lieu, il rend à l'Institut de droit internatio-
nal l'honneur qui lui revient, d'avoir émis, le premier, l'idée et le vœu
de voir la question du Congo réglée par une Conférence des puissances
civilisées. A la Conférence même, il montre les puissances se groupant
d'une manière très significative, les imes, et à leur tête rAmérique,
pour appuyer toutes les propositions les plus conformes aux tendances
modernes de liberté et d'humanité, les autres, la Russie et la Porte,
opposées à tout ce qui s'écartait du programme de la Conférence dans
le sens d'une application des principes du droit international au monde
entier. Il étudie ensuite avec soin les travaux de la Conférence sur la
base du programme exposé d'avance, et consacre un chapitre spécial à
la question des spiritueux, regrettant que les Sociétés de tempérance et
les Associations coloniales n'aient pas cherché les moyens d'amener une
entente entre les puissances, pour concilier les intérêts du commerce
avec ceux de l'humanité.
._ BOOSO / ^§^
) isi
y il '\\^. / -
i iriNÉlffMRES
rMàAL et'Wm. X J^ùfffer 5t ^ ^/mm^rflion»
'.Kaméiuer Ji. disante-
'ontilr^ fftUtUaâ. a^/ut^ a'» f'^c^aaiH ■
\A. tQOpiO ^ ,f <» -y A* I j, /,/
p'
' y*/î fjfo/i/iMZJtms, smm
Amsterdam.
Anvers.
Btîriin.
Brème.
Bruxelles.
Berlin.
ÉCHANGES
Sociétés de géographie.
Constantine. Italie. Lille. Mâi'seille. Paris.
Douai. Hambourg. Lisbonne. Montpellier. Rocheforl.
Edimbourg. léna. Lyon. rsancy. Rome.
Francfort "/M. I^e Oiire. Madrid. New- York. Rouen.
Greifswald. Leipzig. Manchester. Oran. ' Vienne.
Sociétés de géographie commerciale.
Bordeaux. Paris. Porto. Saint-Gall.
Le Havre.
Hissions.
Journal des missions évangt*lique,s (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangêliques au XIX»ne sfècle
(Neuchâtel).
Journal de l'Unité des Frères [moraves]
(Pesoux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Algï?r).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Bamien).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenl)ote (Bâle).
Evangelisches Missions -Magazin (BAle).
f^aiwer Missions -Blatt (Calw).
Allgemeine Missions -Zeitsch ri fl (GUters-
loh).
Glaubensbote (Bâle).
Africa (Londres).
La Nigrizia (Vérone).
C^hurch missionary Intel ligencer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionarv (New- York).
Régions beyond (Londres).
Chroniclc of tlie London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Church of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
(ihurch of Scotland home' and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian (church (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Wbman's foreign missionary Society
(Philadelphie).
Divers.
Gazette géographique et Exploration (Pa-
ria).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paria).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du Comice agricole (Médéa).
Bulletin de FAcadémie d'Hippone (Bone).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris).
Revue géographique internationale (Paris).
Le Mouvement géographique (Bruxelles).
ifandeI»-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau fUr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
sehaft in Deutschiand (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fUr den
Orient (Vienne).
Zeitsohrift flir wissenschaftliche Géogra-
phie (Vienne).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Deutsche Kolonialzeilung (Francfort s/M) .
Chamber of Cqmmerce Journal (Londres).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Bollettino délia Sociela africana d'Italia
(Naples).
Boll. délia sezione Fiorentina (Florence).
Marina e Commercio.eGiornale délie co-
lonie (Rome).
Africa oriental (Mozambique).
•0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Revista de Estudos Livres (Lisbonne).
: Revue Coloniale internat. (Amsterdam).
Réveil du Maroc (Tanger).
Tour du monde (Paris).
Rovne de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indé|)endant ((Constantine).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
Dr A. Petermann*s Mittheilungen (Gotha)
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Record of geogra
phy (Londres).
NaUil Mercury (Durban).
Cape Argus ((lape-Town).
West African Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
SOMMAIRE
PagçB
Bulletin mensuel 289
Nouvelles complémentaires. 304
La Côte d'Ok entre le Pkah et le Volta. 307
*f
Correspondance :
Lettre de M. Héli Châtelain, de Loauda 319
Lettre du Bas-Congo. 320
Bibliographie :
Vingt jours en Tunisie, par Paul Arène 321
Brochures relatives à la Conférence africaine de Berlin : La Confé>
rence africaine de Berlin et PAssociation internationale du Congo,
par E. Banning. — L'acte général de la Conférence de Berlin,
par J. Jooris, — La question du Congo, par J. Du Fief. — Le
Congrès de Vienne et la Conférence de Berlin, par sir Travers
Twiss. — Die Afrikanische Eonferenz und der Congostaat, von
C.-A. Patzig • . 322
Carte :
La Côte d'Or entre le Prah et le Volta.
OUVRAGES REÇUS :
The Mozambique and Nyassa Slave trade, by Lient. H.-E. O'Neill. London (British
arid Foreign Antislavery Society), 1885, in-8', 24 p.
Ackerbau nnd Viehzucht in Siid-West-Afrika (Damara u. S^r. Namaqualand), von
C.-G. Bûttner, friiherer Missionàr ira Damaraland. Leipzig (Edwîn Schlœmp),
1885, in-8*», 60 p. mit 1 Karte und lUustrationen, fr. 1. 25.
Kamerun, Land, Vôlk und Ilandel, geschildert nach den neuesten Quellen, von
Cari Hager. Leipzig (Edwin Schlœmp), 1885, in-8% 60 p. mit 1 Karte und 4 lUus-
trationen, fr, 1. 25.
Annales Sénégalaises de 1854 à 1885, suivies des traités passés avec les indigènes.
Ouvrage publié avec Pautorisation du ministre de la marine. Paris (Maison-
neuve frères et Ch. Leclerc), 1885, in-S», 484 p., fr. 3. 50.
Europas Kolonien, l***" Band. West-Afrika vom Sénégal zum Rajnerun. Nach den
neuesten Quellen geschUdert, von D"" Hermann Roskoschny. Leipzig (Grosner et
Schramm), 1885, in-4°, 2^ Auflage, 15 Liv., à fr. 0. 75.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
GENÈVE
H. GEORG, LIBRAIRE-ÉDIÎTEUR
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
OaïQÉ PAR
M. Gastave MOTNIBB
Membre de la Soeiétô de géographie de Genôve, de llnstitat do Droit international;
membre correspondant de rAoadémie d'Hippone , et des Soeiétés de géographie de MarteiUe,
de Nancy, de Loanda et de Porto.
KÉDIOÉ PA&
M. Charles FAUBE
.Soorétuire-Bibliothécaire de la Société de géographie de Oenéye » membre correspondant dos SociôtcK
de géographie de Lisbonne, de Loanda, do Porto, de Saint-Gkll et à9 Berne.
L'Afrique paraît le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-S» d'au
moins 20 page^ chacune ; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
paraît nécessaire.
Le prix de l'abonnement annuel, payable, fl'avaiiee» est de 10 A*an«»9
port compris, pour tous les pays de TUnion postale (première zone) ; pour les
autres, 11 fr. 50. *^
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont ilest envoyé deux exemplaires à
ta Direction, a droit il un compte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaetlon à M. Gnstaire Moyiiler,
8, rue de l'Atlténéet il GenèTe (Suisse).
S'adresser pour les abonnements il l'éditeur» M. H. Geors« il
CïenèTe ou il BAle.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
(Ihoz MM. Ch. Delagrave, libraire. 15, rue Soufllot, à Paris.
MuQUARDT, libraire do la Cour, 43, rue de la Réj?ena\ à Bruxelles.
DuMOLARD frères, libraires. Coreo Vittorio Emmanuele, 21. à Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querstr., 29, à Leipzig.
L. Friederighsen et D«, libraires, Admiralilâtsstr, 3/4, à Hambourg
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autriche).
Trubner et C*% libraires, Ludgate HilK 57/59. à Londres E. G.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
AVIS. — Noi^s mettons à la disposition de nos nouvecuix aibontiés^ au prix de
12 fr, chacim, un certain nombre d'exemplaires complets de la XT"*, de la IP"^
et de la 7"" année, La !'• et la UI^^ sont Risées,
— 325 —
BULLETIN MENSUEL {2 novembre 1885. <)
M. le lieutenant Palat est parti de Géryville (sud Oranais), pour
entreprendre, avec un Arabe et un nègre, la traversée du Sahara $
il se propose d'atteindre Timbouctou par le Gourrah et le Touat. D y a
trois ans déjà qu'il a conçu ce plan, mais l'insurrection d'Abou-Amema
dans le sud Oranais interrompit ses préparatifs. Le récent voyage de
l'envoyé de Timbouctou à Paris lui a fourni l'occasion de reprendre son
projet. A côté de la mission géographique et scientifique que lui a con- '
fiée le ministère de l'instruction publique, il étudiera le pays au point
de vue de l'établissement d'une grande voie de communication entre
l'Algérie et le Sénégal, et des moyens de diriger sur ces deux colonies
françaises le courant commercial des tribus sahariennes, qui aujourd'hui
suit les routes du Maroc et de la Tripolitaine.
Nous devons à l'obligeance de M. G. Rolland, ingénieur des mines,
un résumé des observations poursuivies par lui, depuis six ans, sur le
régime des eaux artésiennes du bassin du ehott Melrlr ou du
bas Sahara algérien et tunisien, et en particulier de l'Oued-Rir, la
grande vallée qui, descendant du sud au nord, sur une longueur de
130 kilom., aboutit au sud-ouest du chott susmentionné. Dans cette
vallée, les eaux artésiennes se présentent comme une grande nappe, une
sorte d'artère souterraine, qui serpente sous le sol, depuis Touggourt
au sud, jusqu'à Ourir au nord, sur 100 kilom. de long ; la largeur connue
varie de 4 kilom. à 14 kilom. Au centre de l'Oued-Rir, vis-à-vis d'Our-
lana, elle se dédouble vers le nord. Une zone artésienne analogue, mais
moins importante, règne à 100 kilom. plus au sud, sous le bas-fond de
Negoussa à Ouargla. En outre, une diffusion générale d'eaux souter-
raines existe au centre des terrains sableux du bas Sahara, au nord
duquel on a constaté des nappes ascendantes ou faiblement jaillissantes.
Toutes les eaux artésiennes de ce bassin s'alimentent par les eaux de
pluie et l'apport des rivières, surtout de celles qui prennent leur source
dans l'Atlas, au nord, et présentent des crues annuelles. Ces eaux s'in-
filtrent en partie dans les sols perméables, puis descendent et se distri-
buent dans les formations d'atterrissement, lesquelles plongent vers
^ Les matières comprises dans nos BnUetina mensttels et dans les NowoéHea eom-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
TAlgérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la c6te occidentale.
L'AFRIQUE. — SIXIÈME ANNÉE. — N° 11. 11
— 326 —
rintérieur du bassin, et dont les dispositions les amènent à être ascen-
dantes ou jaillissantes dans les régions basses. Les puits échelonnés daiis
rOued-Rir débitent ensemble plus de 3 mètres cubes d'eau par seconde,
h une température moyenne de 25^,1, et ceux de la région du bas-fond
de Negoussa à Ouargla, environ un mètre cube d'eau, à 24°, 2.
Un correspondant de VEsploratore écrit de Ben^asi que l'attention
publique ayant été attirée sur l'embarquement d'esclaves dans ce port,
les autorités turques ont paru disposées à empêcher la traite. Mais si
» la voie par mer a été fermée, la route par terre n'en est que plus libre-
ment ouverte. La semaine précédente en effet, en plein jour, au vu et
au su de tout le monde, deux caravanes d'esclaves nègres avaient
quitté Bengasi, l'une pour Tripoli, l'autre dans la direction d'Alexan-
drie.
On écrit du Caire à la Nigrizia qu'un Grec, nommé Anastasio
Mlcallolano» parti d'Omdurman le 25 juillet, est arrivé au Caire le
16 septembre. Après avoir traversé le désert jusqu'à Abou-Dom, il
passa sur la rive droite du Nil, mais en arrivant à Abou-Hamed il fut
arrêté par des partisans du Malidi, qui voulaient lui faire rebrousser
chemin; grâce aux bons offices de deux Arabes, il fiit mis en liberté. De
toute la population de Khaptoum, a-t-il dit, à peine 1500 pei-sonnes
vivent encore, tout le reste a été massacré. Il estime que depuis la mort
du Mahdi, il serait facile de reprendre le Soudan, que les forces de ses
partisans, à Khartoum et à Omdurman, ne dépassent pas 8000 ou
10,000 hommes, fatigués d'ailleurs de la guerre; il n'y a plus ni ordre
ni unité. Les rebelles ont pillé le palais du gouverneur, pour élever un
tombeau au Mahdi à Omdurman ; ils n'ont pas touché aux établisse-
ments de la mission. Les sœurs prisonnières sont assez bien et s'occu-
pent à travailler de leurs mains ; elles sont gardées par les Gre<;s qui
ont survécu au massacre, et qui veillent sur elles dans l'espoir de rece-
voir un jour du secours de la mission.
Aux territoires déjà précédemment placés sous le ppotectorat de
remplre allemand, à l'ouest de Zanzibar, s'est ajouté dernièrement
celui de l'Ou-Zapamo avec le port de Dar-es-Salam* L'Ou-Zaramo
est arrosé par le Kingani, qui débouche à la côte, presque vis-à-vis d('
Zanzibar. C'est une terre de hautes futaies et de plaines, que coupent çà
et là des fourrés impénétrables. Les champs cultivés sont nombreux et la
population est assez dense. Le sol est très fertile ; c'est un riche humus
brun ou noir, présentant en quelques endroits des filons d'argile rou-
geâtre. Les Wa-Zaramo sont agriculteurs ; ce sont des nègres grauis
— 327 —
bien faits et vigoureux ; leur physionomie est sauvage ; presque tous
portent des vêtements. Jadis turbulents et querelleurs, ils sont devenus
plus traitables, grâce au fréquent passage des caravanes et au voisinage
des commerçants de la côte. Quant à Dar-es-Salam, c'est le seul port
réellement abrité qui existe entre le cap Guardafui et la baie de Delagoa.
Il est profond ; quelques rochers en gênent un peu l'entrée, mais, d'après
la reconnaissance qui en a été faite par des officiei's de la marine alle-
mande, il serait facile de les faire sauter, pour permettre l'entrée du
port aux plus grands navires.
Le capitaine Lissau a fourni au Natal Mercury des renseignements
détaillés sur une ex|»éditioii qu'il a faite de la côte occidentale
de Madag^Mcar à, Tananarive. Arrivé à Nosi-Vey le 27 février,
il se rendit de là à la baie de MorondavaS oîi il demeura 17 jours avant
de partir pour l'intérieur. Porté dans un palanquin, il dut d'abord tra-
verser, pendant deux jours, un marais de 25 kilom. de longueur, où, en
plusieurs endroits, ses porteurs avaient de l'eau et de la boue jusqu'à Ja
ceinture. Une fois sur terre ferme, son itinéraire le conduisit à travers
des forêts percées de quelques ouvertures sur de petits champs cultivés,
et oU se fait remarquer surtout le renyall, arbre qui atteint une tren-
taine de mètres de hauteur, n'a de branches qu'à son sommet, et dont
le feuillage ressemble à de l'argent. D a vu de ces arbres dont le tronc
avait au moins cinq mètres de diamètre ; dans l'intérieur de l'un d'eux
vivait une famille entière.
Le premier endroit important atteint par l'explorateur fut Mahabo,
d'où il eut à faire plus de 120 kilom. sans rencontrer un seul habitant.
Il apprit cependant que ce pays a été peuplé autrefois; mais, depuis que
les Ho vas en ont pris possession, les Sakalaves l'ont abandonné, préfé-
rant leur vie sauvage à la gêne de la règle imposée par les vainqueurs
plus civilisés. Après avoir traversé cette contrée déserte, il arriva à
Malaimbandy, ville à l'est de laquelle commencent les premières chaînes
de montagnes ; puis, le terrain va en s'élevant jusqu'à 700 mètres. La
première ville de ce district montagneux est Zanzeen ; mais, avant de
l'atteindre, il faut traverser une jungle de figuiers d'Inde, au delà de
laquelle les porteurs ont à gravir une rampe de degrés taillés dans le
flanc d'une montagne presque à pic. Arrivé au sommet on aperçoit la
ville susmentionnée ; elle compte 2000 habitants et a un gouverneur.
A deux journées de marche se trouve Midongy, célèbre par les batailles
' Voy. la carte, V">« année, p. 164.
— 328 —
livrées entre les Hovas et les Sakalaves. A une époque antérieure»
a-t-on dit au capitaine Lissau, les Hovas étaient esclaves des Saka-
laves, et quoiqu'ils eussent obtenu de conserver leurs propres lois,
ils devaient payer un tribut aux Sakalaves. Ce fut leur roi Radama I*^
qui, après avoir reçu des Anglais des fusils pour en armer ses gens,
s'avança vers Midongy et s'empara de la montagne. Pendant dix-huit
mois les Sakalaves l'y tinrent assiégé, luttant vaillamment avec leurs
lances contre les mousquets de leurs adversaires ; néanmoins ils furent
battus, et plus de 7000 d'entre eux furent tués au pied de la montagne.
Sur le sommet de celle-ci s'élève un monument de pierre, à l'endroit
où furent enterrés les officiers de haut rang de Radama, morts dans la
bataille. Le capitaine Lissau, qui a fait la guerre de la sécession améri-
caine, estime que ce poste est imprenable ; un millier d'hommes pour-
raient le défendre contre 20,000 assiégeants.
L'expédition eut ensuite à traverser plusieurs chaînes de montagnes
dont la plus haute dépasse 2300 mètres. Après avoir passé un sommet
entièrement rocheux, elle descendit dans la vallée d'Ambositra, où elle
trouva le premier essai de culture. Les villages sakalaves rencontrés par
le capitaine Lissau étaient tous entourés de figuiers d'Inde en guise de
murailles ; quelques-unes des villes étaient établies sur le sommet des
collines, ce qui en rend l'attaque difficile. Ambositra a une station de
la Société des missions de Londres. Au delà s'étend un plateau désert
que l'on traverse en six heures, sans y rencontrer d'habitants, quoique
la végétation y soit belle et qu'il y ait abondance d'eau. Il y règne
cependant un froid continuel, même au milieu de l'été, ce qui explique
qu'il soit inhabité. Tout ce pays est dépourvu de routes ; il n'y a que
des sentiers, et le passage des montagnes est très difficile. En maints
endroits il faut passer le long de précipices de plusieurs centaines de
mètres de profondeur, sur des corniches qui n'ont que trente centimè-
tres de large. Le voyage du capitaine Lissan, de Morondava h Antana-
narive, dura 21 Va jours ; il n'en mit que 14 Vj pour regagner la côte.
Le Diaro de Notidas de Lisbonne publie des nouvelles allant jusqu'au
22 juin de l'expédition dirigée par MM. Serpa Pinto et CardosMi.
Elle était campée à Midiriani, sur la route qui mène h Abéto et au lac
Nyassa. L'eau ne manquait pas et la santé des explorateurs était bonne.
Plusieurs chefs arabes ont reconnu la suzeraineté portugaise, et des
mesures ont été prises en vue d'un service régulier pour la correspon-
dance avec la côte. Le gouverneur Perry a réussi à pacifier le pays et à
assurer la sécurité du commerce ; maintenant les caravanes qui appor-
— 329 —
tent l'ivoire afflueat à la côte portugaise. Il en était récemment arrivé
deux aux postes douaniers de Masimba et Quissanga. A la dernière
date, l'expédition avait rencontré un nouveau lac qui, à l'époque des
mandes pluies, donne naissance à une rivière qui va se verser dans le
Matepuizé.
Les journaux de Lisbonne nous apportent des renseignements nou-
veaux sur le pays de Sofala, exploré par le capitaine Palva de
Andrada. La rivière Zungué, afSuent du Zambèze, sort du lac Âbsinta,
^t communique, par une série de lacs, avec le canal Mucua, au moyen
d'une forte dépression de terrain, où débouchent plusieurs rivières qui
viennent de la chaîne des monts Gorongozo et forment un grand lac.
C'est de là que part l'Ouréma, navigable toute l'année ; après s'être
réuni au Pungué, il va se jeter dans la mer sur la côte de Sofala. Le
Busi, qui coule dans la vallée de Manica et près de la forteresse que les
Portugais y avaient construite, est navigable sur une assez grande lon-
gueur, jusque près du confluent du Lusité. Il prend sa source dans un
groupe de hautes montagnes, qui séparent son bassin de celui du Save.
Celui-ci coule du nord au sud, puis tourne rapidement vers l'est, pour
aller se jeter dans l'Océan Indien par de nombreux bras qui forment le
delCa où se trouve Chiloane.
Le Scottish geographical Magazine annonce, d'après le Cape Times^
que M. Montan^uKerr a fait, dans le bassin du Zambèze, une expédi-
tion périlleuse dont il est cependant heureusement revenu. Il se rendit
d'abord du Cap à Grouboulouwayo, résidence de lioben^ula, roi^des
Ma-Tébélé, ayant avec lui M. Selous, qui avait déjà exploré ce même
bassin.#Lobengula lui parut intellectuellement de beaucoup supérieur
aux indigènes qu'il gouverne avec un sceptre de fer, et chez lesquels il
ne trouva aucune trace de civilisation. Ayant équipé son wagon, il se
dirigea vers la rive méridionale de l'Hanyane ; ne pouvant la passer
avec son wagon, il laissa celui-ci en arrière, et, avec 25 Mashona et d'au-
tres noirs engagés à son service, il se mit en route à pied dans la direc-
tion de Tété, à une distance de 400 kilom. Mais ses' gens craignant les
tribus à l'est de l'Hanyane, il dut changer de direction, et atteignit
Mchésa, ville des Mashona, au milieu d'un pays riche en fer, et dont la
principale industrie est la fabrication d'assagaies. Devenu incrédule à
l'endroit du danger devant lequel tremblaient ses gens, il reprit sa
route vers l'est, mais sa témérité faillit lui coûter la vie. Chou^sa, chef
des Ma-Korikori, le reçut froidement, et bientôt sa position devint si
périlleuse qu'il fut obligé d'opérer une retraite en armes, sur une distance
— 330 —
de 65 kilom. Il atteignit ensuite une ville à 225 kilom. du Zambëze^
mais tous ses gens désertèrent. Conduit par un natif, il put cependant
atteindre Tété, d'où, se dirigeant vers le nord, il parvint, après 20 jours
de marche; sur leplateauqui s'étend à l'ouest du lac Nyassa, à 1500 mètres
au-dessus de la mer ; de là il gagna la station de Livingstonia, d'où il
descendit à Quilimane par le Chiré. Le ScoUish geographical Magazine
publiera la carte et le rapport de M. Kerr sur son exploration.
Un correspondant du Natal Mercury lui adresse un extrait d'une
lettre de Goubouloniivayo, qui complète nos précédents renseigne-
ments sur la mission du ms^op Edi^vards, et sur l'expédition des
Ma-Tébélé au lac IVgami. L'étiquette étant très stricte à la cour
de Lobengula, les oflftciers anglais durent veiller soigneusement à ne pas
l'enfreindre. Le roi est plus ou moins entre les mains de ses gens, et la
foi à la sorcellerie est si forte, que tout ce que font les étrangers est
regardé avec défiance. La présentation au roi fut retardée par l'absence
du missionnaire, M. Hubn, qui devait servir d'interprète, afin* de bien
expliquer à Lobengula ce que demandaient les Anglais. Quelques années
auparavant Baines, accusé d'avoir ensorcelé le pays, eut beaucoup de
peine à se tirer d'affaire, parce qu'il ne put se faire suffisamment com-
prendre des indigènes. La sécheresse régnant sur la route de Tafi à
Shoshong, les Anglais prévoyaient qu'ils devraient revenir par la vallée
du Limpopo. Gouboulouwayo est à 1300" au-dessus du niveau de la
mer ; le pays est ondulé. Après l'expédition contre les indigènes du lac
Ngami, l' officier-général Lotché n'avait plus que 600 hommes avec lui,
quand il se présenta devant le kraal royal pour rendre compte de sa
campagne. Sa seule excîuse aux reproches des Ma-Tébélé fut qu^l avait
ramené le corps d'élite, et ne l'avait pas sacrifié inutilement.
M. A.-J. VlToolcey, missionnaire à Kuruman, a visité les stations de
la Société des missions de Londres situées sur les limites du désert de
Kalahari. Nous extrayons de son rapport publié dans le Chronicle,
les renseignements qu'il donne sur la vie des Ba-Kalaikari. Ils ont
peu de villes permanentes, vivent en petites communautés, et se trans-
portent d'un endroit à un autre dans certains districts bien déterminés
entre eux. L'eau est très rare ; leur boisson est extraite des racines suc-
culentes de diverses plantes, et leur nourriture consiste en baies, en
racines, en gibier, et en tout ce qu'ils peuvent trouver de mangeable.
Ds ont quelques chèvres, qu'ils conduisent avec eux de lieu en lieu.
Leurs huttes sont de simples treillis de perches minces, plantées dans
le sol en demi-cercle, et courbées de manière à se rencontrer en un
— 331 —
point au sommet; elles sont couvertes d'herbe. En certains endroits, il
y a des creux oîi l'on trouve de Teau en permanence. Dans d'autres qui
ne sont connus que des Ba-Kalahari eux-mêmes, il y a de l'eau au-des-
sous de la surface du sol recouverte de sable. Quand ils en sont requis,
ils aspirent, au moyen d'un roseau, cette eau qu'ils rejettent ensuite
dans un bol. Un voyageur ou un chasseur peut obtenir de cette manière
de l'eau pour son cheval ou son bœuf. Ou bien ils conservent un grand
nombre de coques d'œufs d'autruches ; quand il pleut, ils les remplis-
sent d'eau fraîche, puis ils bouchent le trou de la coque avec un bou-
chon d'herbe, et les enfouissent dans le sol. Ces coques, dit-on, conser-
vent l'eau dans d'excellentes conditions pendant des mois. Lorsqu'ils
veulent témoigner à quelqu'un un grand respect ou une aifection parti-
culière, ils lui offrent de cette eau ainsi conservée. Toutefois leur fruit
de prédilection est le melon d'eau sauvage, qui leur sert à la fois d'ali-
ment et de boisson. A une distance d'un mois de voyage dans le désert
se trouve la ville de Lehututung, où il y a abondance d'eau, et qui est
habitée par un grand nombre de Ba-Kalàhari, dont l'un a construit un
temple, tient l'école et célèbre le culte. Les Be-Chuana y vont sur-
tout pour chasser la girafe, l'élan et l'autruche, et pour faire le com-
merce de peaux et de plumes.
Le lie-Souto continue à se ressentir de l'état de désorganisation
011 l'a plongé la dernière guerre. La boisson en particulier y produit des
effets désastreux. Pour arrêter les progrès de l'îvpognerîe, une société
de tempérance a été fondée à Morija, dans laquelle païens et chrétiens
sont admis sans distinction. En outre la Conférence missionnaire a
adressé aux chefs Ba-Souto, presque tous adonnés à la boisson, incapa-
bles le plus souvent de s'occuper des affaires de la tribu, et dont leurs
sujets suivent l'exemple, une lettre d'avertissement pour leur ouvrir les
yeux sur les dangers que le fléau de l'eau-de-vie fait courir à la tribu,
et les supplier d'agir en conséquence. Chacun des missionnaires a dû se
rendre auprès du chef de son district, accompagné d'une délégation de
son consistoire, pour lui en donner lecture. Cette lettre n'était pas
encore remise, que l'esprit des chefs changeait, à la suite d'un rêve fait
par Lerotholi, dans lequel il avait vu le Le-Souto habité rien que par
des blancs, et avait entendu une voix lui disant : « Voilà l'œuvre de
l'eau-de-vie. » Bouleversé à son réveil, il envoya immédiatement un
message à Letsié et à ses frères, pour leur demander de chasser l'eau-
de-vie du pays. Enfin Mopéli, frère deMoshesh, qui habite l'État Libre,
a fait au Le-Souto une visite de quelques semaines, dans laquelle il a vu
— 332 —
les différents chefis, et tenu des pitsos, pour encourager les chefs à retour-
ner vers Dieu et à renoncer à Teau-de-vie. — Une lettre du Lessouto
nous fait craindre que les efforts des chefe pour empêcher l'importation
de l'eau-de-vie ne soient rendus vains par de nouveaux troubles dans
cette colonie de la couronne d'Angleterre. Le résident britannique ayant
été gravement insulté par un fils de Masoupha, a écrit au haut commis-
saire de la reine à Capetown, qu'il ne pouvait pas rester plus longtemps
dans un pays où le gouvernement anglais est si peu respecté.
Nous avons eu le plaisir de voir, à son passage à Genève, M. Het-
tasch qui, après avoir travaillé pendant 27 ans au service de la mis-
sion morave chez les Hottentots et les Cafres de l'Afrique australe,
retourne au milieu des Hottentots de la Colonie du C^p, pom*
essayer d'introduire parmi eux de nouvelles industries rémunératrices,
qui leur permettent de conserver la vie sédentaire à laquelle les mis-
sionnaires avaient réussi à les attacher. Les conditions économiques de
la Colonie depuis la guerre contre les Zoulous, les Ba-Souto et les
Boers, sont telles que les charges fiscales prélèvent le plus net des res-
sources procurées par le travail ordinaire ; ce qui reste au travailleur ne
suffit plus à son entretien et à celui de sa famille. Pour ne parler que
des Hottentots dont s'occupent particulièrement les missionnaires
raoraves, beaucoup d'entre eux ont dû quitter les stations sur lesquelles
le travail agricole n'était plus suffisamment rémunérateur, pour se ren-
dre à Capetown avec l'espoir d'y trouver une occupation plus lucra-
tive, malgré les dangers auxquels les expose le.s vices de la capitale,
en particulier l'exemple des blancs adonnés à la boisson. Pour obvier à
ces inconvénients et prévenir la perte des Hottentots émigrés à Cape-
town, la mission leur a donné un agent spécial, M. Hickel, chargé de les
visiter et d'empêcher que les liens qui les unissent à la communauté, à
leurs familles et à leurs enfants demeurés à Gnadenthal, la principale
station de la Colonie, ne se relftchent tout à fait. Le missionnaire sus-
mentionné a eu souvent à constater les misères inouïes auxquelles sont
en proie les indigènes attirés dans la capitale par l'espoir d'un gain illu-
soire. M. Hettasch est venu passer quelques mois en Europe, pour étu-
dier la question et les moyens les meilleurs de remédier à cet état de
choses. Le terrain autour de GnadenthaJ et l'exposition de la vallée
seraient convenables à la culture du mûrier et du ricin ; l'élève du ver
à soie et l'industrie qui s'y rattache pourraient y être introduits ; mais
M. Hettasch commencera par un essai de culture du ricin. L'huile qu'on
en extrait peut fournir un produit dont la demande est très forte pour
— 333 —
les différentes usines et manufactures, pour les machines, locomotives
et wagons de chemins de fer. Aujourd'hui cette huile est importée
d'Europe dans la Colonie, qui la paie fort cher. Si la tentative de
M. Hettasch réussit, ce sera autant d'argent qui restera dans la Colo-
nie, et, en rendant un important service au pays au point de vue écono-
mique, la mission morave aura fourni aux Hottentots une industrie qui
ramènera à.Gnadenthal ceux qui végètent misérablement à Capetown,
resserrera les liens de famille et rendra à eee indigènes la prospérité
relative dont ils jouissaient naguère. M. Hettasch nous ayant promis de
nous tenir au courant des résultats de sa tentative, nous aurons lieu de
revenir plus tard sur ce sujet.
La Tijdschrift, publicatidn de la Société néerlandaise de géogra-
phie, en annonçant la mort de M. D.-D. Veth, chef de l'expédition
hollandaise dans l'Afrique tropicale occidentale, donne des renseigne-
ments qui ne peuvent que faire regretter vivement ce décès. M. Veth
s'était préparé soigneusement aux observations astronomiques et aux
travaux nécessaires pour dresser la carte des pays qu'il se proposait
d'étudier. Il comptait se rendre d'abord de Humpata à Benguéla par
Quillenguès, et faire le lever du terrain de ce district, après quoi il se
serait dirigé à l'esi, au delà du Cunéné, vers le territoire d'Okayango;
la mort a empêché l'exécution de ce projet. Des deux compagnons de
voyage de M. Veth, l'un, M. Gcnldefroy, a rapporté en Hollande des
collections ethnographiques; l'autre, M. van dep Kellen, est resté
en Afrique où il étudie spécialement la faune. Les missionnaires de
Huilla lui prêtent leur concours. S'il peut recevoir d'Europe des res-
sources pécuniaires suffisantes, il continuera l'exploration dont M. Veth
était chargé.
Le journal As Colonias Portuguezas a publié une caite d'Afrique
^^ Vasoonooo» avec l'itinéraire des explorateurs portugais Capello et
Ivens, ainsi qu'un article sur leur voyage, d'où nous extrayons ce qui
suit. Les questions qu'ils avaient à résoudre se résumaient en ceci :
Étudier les relations entre les bassins hydrographiques des deux grands
fleuves de l'Afrique australe, le Congo et le Zambèze, et découvrir une
route commerciale directe et sûre entre les colonies commerciales d'An-
gola et de Mozambique. Pour résoudre ces questions, les explorateurs
partirent de Mossamédès, se dirigèrent sur Huilla, et firent d'abord
des études importantes dans la vallée du Cacolovar, entre ce point et le
Cunéné. Us traversèrent ce fleuve à Quitévé pour s'avancer vers l'est,
par une région inexplorée jusqu'ici, dans la direction du Coubango,
— 334 —
puis ils firent une diversion vers le sud pour étudier le cours de cette
rivière jusqu'à Moucousso. Ils essayèrent d'en faire le lever, mais ils
furent bientôt obligés de renoncer à ce projet, par suite des difficultés
que leur causèrent soit les rives de ce cours d'eau, soit la fuite d'une
partie de leurs porteurs. Se dirigeant alors vers le haut Zambèze, ils
traversèrent le territoire de Lovalé et atteignirent Ubonta, sur la
route que suivent les trafiquants qui, du Bihé, se rendent.au Zambèze
supérieur. De Llbonta ils cheminèrent le long de la rive gauche du
Zambèze jusqu'au confluent du Cabonpo, un de ses principaux tribu-
taires, dont ils suivirent la rive droite jusqu*à la ligne de partage des
eaux entre les deux bassins, du Zambèze et du Congo, au delà de
laquelle ils rencontrèrent les sources du Loualaba, un des aflluents les
plus considérables du Congo. Après avoir déterminé la position de ces
sources, ils continuèrent leur exploration en suivant la ligne de faîte
des deux bassins jusqu'à la résidence de Muchiri, ix)i de Gapsuiganja.
Cette partie du voyage fiit des plus pénibles pour les explorateurs;
éprouvés par les rigueurs de l'hiver, par la mort de porteurs succom-
bant à la faim et à la fatigue, parla perte de marchandises d'échanges,
ils furent encore contrecarrés dans leurs recherches par Muchiri qui ne
voulut pas leur permettre de se rendre à Cazembé, d'où ils auraient pu
gagner le Tanganyika et la station de Karéma.
Ne pouvant se diriger vers lé N.-E., ils se tournèrent au S.-S.-E. vers
le Louapoula, dont ils déterminèrent le cours. D'après leurs observa-
tions il y aurait lieu de le reporter à 67 kilom. plus à l'est que ne l'indi-
quent les cartes actuelles. Sans doute leur détermination ne repose que
sur des calculs de marche d'après leurs chronomètres, la lunette astro-
nomique dont ils avaient fait usage entre Libonta et Garanganja n'ayant
pu être employée au Louapoula ; mais leurs chronomètres, auxquels ils
attribuaient d'abord la différence qu'ils avaient constatée entre les car-
tes et leurs observations, examinés à l'observatoire de Capetown, furent
reconnus être en parfait état.
Ils suivirent le Louapoula sur une grande longueur, et ils se propo-
saient de faire la circumnavigation du Bangouéolo ; mais il eût fallu
pouvoir construire des canots, ce dont leurs porteurs exténués étaient
incapables, et leurs marchandises d'échange étaient presque épuisées.
Se tournant vers le sud, ils s'avancèrent dans la région inconnue qui
s'étend des bords du Bangouéolo au Zambèze, afin de trouver une route
qui mît en communication Garanganja avec Mozambique. Ils eurent à
souffrir de grandes privations, par suite des ravages que la guerre avait
— 335 —
semés dans tout le territoire du Zambèze entre le Cafoué et Zoumbo ;
et après avoir réussi à atteindre cette ville, ils suivirent le coui-s infé-
rieur du Zambèze jusqu'à Quilimane. Ils avaient déterminé en bien des
points la ligne de partage des eaux entre les bassins du Zambèze et du
Congo. Quant à la voie eommerciale entre les provinces d'Angola et de
Mozambique, elle devrait, d'après leurs indications, se diriger de Bihé
par Lialui à Zumbo par le Cafoué, puis par Tété et le Zambèze à Quili-
mane ; elle aurait une longueur de 3000 kilom., mais serait en grande
partie formée par des cours d'eau navigables, le Loungo-e-Ungo, le
Cafoué et le Zambèze. Il faudra seulement s'assurer par de nouvelles
explorations spéciales quelles sont les parties de ces divers cours d'eau
qui sont réellement navigables.
D'après la carte publiée par le journal As Colojnas Portngxœzas, le
Coabang^o serait un affluent du Zambèze, tandis que, d'après Sei'pa
Pinto, il serait le cours supérieur du Chobé \ qui forme le lac Ngami,
bassin fermé dans une dépression du plateau, dont la Botletlé n'emmène
les eaux au Makarikari que dans la saison où les pluies tombent en
abondance dans la partie occidentale du bassin, tandis qu'il lui rapporte
les eaux du Makarikari lorsque les pluies régnent dans la région orien-
tale. — La carte des explorateurs portugais présente le Bang^ouéolo
comme formant deux lacs, l'un, de ce nom au nord, et l'autre au sud,
le Bemba, au bord duquel est mort Livingstone. Les différences de forme
données au Bangouéoio parles divers explorateurs, Livingstone, Giraud,
Capello et Ivens, ne proviennent-elles point du fait que le fond de ce
bassin étant très marécageux, suivant qu'il est visité à la saison des
pluies, pendant que les eaux baissent, ou à l'époque oîi elles sont le
plus basses, la nappe d'eau recouvre tout le fond du bassin, ou ne
s'étend plus que sur une partie restreinte, ou même forme deux lacs
distincts dans les dépressions les plus profondes du bassin *.
Tandis qu'on attendait en Italie le retour de Jacques de Brazza
et d' A. Pecile, la famille de ce dernier a reçu une lettre écrite de
Madiville, le 27 juin, annonçant le départ des deux voyageurs pour une
nouvelle exploration au nord de l'Ogôoué, à travers des pays inconnus,
mais qui, d'après les renseignements des indigènes, seraient habités
' Voy. la carte, III* année, p. 64.
• A la dernière heure nous arrivent de nouveaux documents qui nous fournis-
sent des détails plus complets sur cette expédition. Nous y reviendrons dans notre
prochain numéro.
— 336 —
par des populations d'humeur douce et pacifique. L'état excellent de
leur santé a engagé les voyageurs à entreprendre ce nouveau voyage
pour compléter leur mission scientifique. Dans une lettre précédente,
M. Pecile annonçait que leur retour en Italie avait été retardé par
remballage de soixante caisses destinées à TEurope. Ils attendaient à
Madiville le départ d'un convoi pour le bas Ogôoué, et l'arrivée du
comte Pierre de Brazza, qui devait remonter l' Ogôoué avec deux cents
hommes du Loango destinés au service des stations de l'intérieur.
La Epoca, de Madrid, annonce que M. José Montes de Oca,
commandant de la station navale de Fernando-Po, a fait un voyage aux
îles Elobey, d'où il a passé sur le continent et a remonté la rivière
Muni, puis il est entré dans le ]%'aya, qu'il a parcouru jusqu'à une
distance assez considérable dans de petits canots du pays. Les districts
par lesquels il a passé ont tous été annexés, sur les deux bords des riviè-
res, et des traités ont été conclus au nom de l'Espagne avec les chefs
des diverses tribus indigènes. M. Montes de Oca se* proposait de fran-
chir les monts de Cristal et d'atteindre la rivière Benito ; mais comme
les indigènes de la côte ne sont pas en bons rapports avec ceux de l'in-
térieur, ils n'ont pas osé l'accompagner, de sorte qu'il s'est vu obligé
de traverser les hautes terres qui séparent le Naya de l'Outombouy
pour gagner directement le Benito. M. Montes de Oca est accompagné
du docteur Osario, de la Société des Africanistes, et de cinq Cubains,
qui sont partis comme volontaires de Fernando-Po ; ils ont une troupe
de 80 à 100 indigènes, pour transporter le matériel et les bagages de
l'expédition.
Pour prévenir un de ces sacrifices humains qui accompagnent encore
d'ordinaire les grandes fêtes préparées par le roi du ]>ahoniey9 les
autorités portugaises du golfe de Guinée ont otîert à ce souverain de lui
acheter 1200 prisonniers de guerre qui devaient être prochainement
mis à mort. Le roi ayant accepté l'offre, un navire portugais a embar-
qué ces malheureux et les a transportés à St-Thomas, « comme hommes
libres » dit un correspondant de Lisbonne à V Indépendance belge, a enga-
gés par contrat, pour une période de trois ans, pour travailler dans les
plantations de l'île ». La question des travailleurs eng^f^s pour
StrThomas a déjà, à plusieurs reprises, provoqué les réclamations
des philanthropes qui y voient un esclavage déguisé '. Dans le cas actuel,
si le rachat de ces 1200 victimes fait honneur au Portugal, il importe
^ Voy. IV« année, p. 198 et 229.
— 337 —
qu'ir apparaisse exempt de tout intérêt national, et que le gouverne-
ment de Lisbonne ne puisse pas être accusé de les avoir rachetés au
profit de sa colonie, d'autant plus que l'argent payé au roi du Daho-
mey, pourrait éveiller chez d'autres chefs de cette région le désir de
s'enrichir de la même manière. Il se trouverait bien vite quantité de
vendeurs, empressés de fournir au Portugal, pour tel ou tel travail h
faire dansées îles, des centaines d'engagés soi-disant libres, mais escla-
ves en réalité. Nul doute que le gouvernement portugais ne se hâte de
donner tous les renseignements désirables sur la situation réelle de ces
engagés. A l'occasion de ce rachat il a été dit que le Portugal avait
obtenu de pouvoir établir son protectorat sur tout le littoral du Daho-
mev dont le souverain abolirait la coutume des sacrifices humains. Mais
il faut attendre des renseignements complets avant de se prononcer sur
la portée de l'acte intervenu entre les royaumes de Portugal et de
Dahomey, l'Angleten-e, l'Allemagne et la France ayant déjà leurs
pavillons sur plusieure points de ce littoral.
Au congrès régional des sociétés de géographie réunies à Bergerac,
M. Laplène, membre du conseil privé du Sénégal, a exposé les résultats
de la construction du chemin de fer de Dakar à St-Liouis, à
travers le Cayor. Grâce à cette voie fen'ée, le Cayor a été transformé ;
l'exploitation commerciale a triplé et même quadruplé ; douze vapeurs,
qui font le service de France à Saint-Louis, reviennent en Europe avec
un complet chargement d'arachides. Avant le chemin de fer, les indi-
gènes ne cultivaient guère l'arachide : les frais de transport étaient
énormes et ne disposaient guère les natifs au travail agricole; les agents
de transport étaient les Maures avec leurs caravanes de chameaux,
moyen fort coûteux. Aujourd'hui, les facilités qu'offre le chemin de fer
pour le transport, ont entièrement changé la situation, et développent
la production des arachides dans des proportions toujours croissantes.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Le ministre français de Pinstruction publique a chargé le D' Faurot d'une mis-
sion scientifique dont le centre sera Obock. De là l'explorateur étendra ses recher-
ches en Abyssinie, au Choa et au pays des Somalis.
Pour prévenir le retour de catastrophes telles que les naufrages du Nil et de
VAveyron,à&ns les parages du cap Guardafui, où règne un courant du nord au sud
non indiqué sur les cartes anglaises et françaises, qui d'ailleurs ne sont pas d'ac-
•cord, le Congrès des sociétés de géographie réunies à Bergerac a émis le vœu que
— 338 —
le gouYernemeiit français fit iaire une ^ude sériaose dt G«Ue cdtapar nae aiasloa
hydrographique.
D'après une correspondance d'Aden au TempSy legouy«rnement anglais fait pré-
parer à Boulhar, à l'ouest de Berbéra, des logements pour y installer une garnison
de soldats indiens. Plus rapproché de Harrar que Berbéra, Boulhar sera préféré à
ce dernier port, par les caravanes venant du Harrar ; c'est pour cette raison qu&
les Anglais veulent l'ouvrir au conunerce européen.
La Société coloniale allemande de l'Afrique orientale a fermé l'entrée de sea
possessions au nord et à l'ouest de Zanzibar à' toutes les eaux-de-vie qui ne seraient
pas destinées à l'usage médical on à des usages inânstriels.
M. M'£wan, qui avait succédé à M. James Stewart dans la construction de la
route entre les lacs Nyassa et Tanganyika, est mort de la fièvre.
Le Charles Janson, destiné au service de la mission des Universités le long d&
la côte orientale du Nyassa, a été remonté. Le pays est troublé par les incursiona
des belliqueux Angones.
Le D' E. Holub a quitté Shoshong le 30 juillet. On craint que son voyage jus-
qu'au Zambèze ne soit bien difficile, l'eau étant très rare le long de la route, à cette
saison, et les natifs ayant brûlé toute l'herbe des pâturages.
M. Sheppard, ancien juge dans la colonie du Cap, a été nommé administrateur
des territoires be-chuana soumis au protectorat anglais.
La maison Lûderitz, qui avait promis aux missionnaires rhénans qu'elle ne
débiterait pas d'eau-de-vie aux indigènes du Namaqualand et du Damaraland, a
néanmoins fait arriver des barils d'alcool sur le territoire de la station de Bar-
séba. Ses agents ont cherché à se justifier en disant qu'on s'était engagé à ne pas
vendre aux indigènes Peau-de-vie en détail, par bouteilles, mais nullement à ne
pas la leur vendre en gros, par tonneaux l Nous ne pensons pas que le Comité des
missions de Barmen accepte cette réponse de casuistes, qui pourrait faire douter
de la sincérité des restrictions mises par la Société coloniale à l'importation de
l'eau-de-vie dans les possessions allemandes de l'Afrique orientale.
Après avoir passé quelques mois à la côte, le missionnaire Arnot est reparti
pour l'intérieur avec 40 nègres, comme porteurs de ses marchandises d'échange,
et un jeune mulâtre, qui sait trois des langues des indigènes et pourra lui rendre
de grands services comme interprète. Il ne savait pas encore s'il retournerait ches
les Ba-Rotsé, où sa présence est moins nécessaire depuis que MM. Coillard et
Jeanmairet sont arrivés sur le haut Zambèze.
Le chef de Baïlounda, Kwikwi, a fait écrire aux missionnaires américains expul-
sés de son territoire, qu'il avait été induit en erreur à leur égard par des Portu-
gais, et qu'il n'avait rien à leur reprocher ; il les priait de revenir chez lui et de
s'établir où il leur plairait. La tromperie dont il a été la victime le rendra pru-
dent, et les missionnaires n'ont plus à craindre le renouvellement des violences
passées.
L'expédition allemande du Congo, dirigée par le D<' Wolf, a réussi à atteindre le
Quango. Partie de San Salvador, elle a fait, pendant trois mois, une reconnaissance
— 339 —
du paya situé entre cette ville et le fleuve. Le D' Wolf dut revenir à San Salva-
dor, pour transporter tout son bagage à Kiamvou, avec les porteurs amenés de la
côte du Loango par le D' Bûttner. Les lieutenants Eund et Tappenbeck ont
remonté le Quango, avec le Peace mis à leur disposition par les missionnaires bap-
tistes anglais, jusqu'aux premiers rapides, d'où il devaient faire le voyage par terre
jusqu'à Kiamvou, pour s'y réunir à MM. Wolf et Bûttner.
A partir du l*» janvier prochain, l'État libre du Congo entrera dans l'Union
postale.
Une expédition suédoise s'organise pour le Congo sous les ordres de M. de
Schwerin, professeur de géographie à l'université de Lund ; elle étudiera diverses
questions de météorologie, de botanique et de minéralogie, ainsi que celle des
débouchés que pourrait offrir, aux produits du Nord, le bassin du Congo.
Le D' Lenz, chef de l'expédition autrichienne envoyée à la recherche d'Ëmin
bey, du D' Junker et de Casati, est arrivé au Congo.
Les PP. Augouard et Paris ont atteint la station de l'Equateur, près de laquelle
ils se proposent de fonder un établissement missionnaire.
Le Stanley a été remonté, et devait être prêt à partir le 18 septembre, avec sir
Francis de Winton qui avait l'intention de continuer sa route en amont du fleuve.
Une commission franco-portugaise a été nommée pour délimiter les colonies
portugaise et française près de l'embouchure du Tchiloango. Les délégués fran-
çais sont MM. Laboulaye, ministre de France à Lisbonne, le capitaine de vaisseau
O'Neill et le D' Bayol.
Le David WiUiamson, au service de la mission de l'église presbytérienne unie
d'Ecosse, a remonté le vieux Calabar jusqu'au point où le capitaine Beecroft
l'avait remonté en 1842. L'ingénieur, M. Ludwig, aurait désiré tenter de franchir
les rapides qui empêchèrent VEthiopé de remonter plus avant, mais un brouillard
vint recouvrir la riyière, et l'obligea à renoncer à l'exécution de son projet.
La Société africaine allemande, qui avait pris l'initiative de l'expédition de
Flegel au Niger et au Benoué, a cédé à la Société coloniale allemande toutes les
acquisitions faites en son nom sur ces deux fleuves, moyennant remboursement
des sommes dépensées pour ces achats. La Société coloniale .enverra prochaine-
ment un délégué muni de pleins pouvoirs pour prendre possession de ces acquisi-
tions, et la Société africaine allemande mettra gratuitement le Henri Barth à sa
disposition.
La petite canonnière transportée à Bamakou a profité de la saison des hautes
t
eaux pour faire la reconnaissance du Niger et en dresser la carte. Elle a poussé
une de ses excursions jusqu'à Segou-Sikoro, capitale du sultan Ahmadou.
Le Maroc a cédé à ^a France l'oasis de Figuig, qui servait de refuge aux derniers
partisans d'Abou- Amena et de Si-Sliman, lors des troubles dans le sud Oranais.
Le gouvernement allemand a demandé au sultan du Maroc l'autorisation d'éta-
blir des dépôts de charbon dans divers ports marocains; un traité de 'commerce
entre les deux nations est en préparation.
A l'occasion du conflit hispano-allemand relatif aux îles Carolines, la Deutsche
— 340 —
Kolonial Zeitung a présenté comme base d'une entente sérieuse entre l'AUema-
gne et l'Espagne, l'établissement d'une station navale allemande aux îles Chaffa-
rines, possession espagnole sur la côte marocaine ; elles offrent un des meilleurs
porte du, littoral africain.
EXPLORATION DU KASSAI
Par le lieutenant Wibsmànk.
s Nous n'avons pas encore le rapport de l'explorateur lui-même, mais
nous ne voulons pas l'attendre pour présenter à nos lecteurs,d'après le
Mouvement géographique, V Indépendance belge, le Temps, le Mis&io-
nary Herald et les Oeographische Nachrichten, les faits les plus
importants de ce voyage.
Ce fut le 28 mai que, laissant la station de Loualabourg * à la garde
du charpentier Buschlag, constructeur des bâtiments et de toute une
flottille de pirogues pour l'expédition, le chef de celle-ci commença la
navigation qui devait nous révéler le cours du Kassaï. Le bateau en
acier, le Paul Pogge, était accompagné d'une vingtaine d'embarcations,
grandes et petites, transportant plus de 200 personnes, entre autres
48 nègres de l'Angola, engagés à Malangé, et 150 indigènes du Louba,
dont 30 femmes et enfants. Pendant trois jours l'expédition descendit
la Louloua, dans la direction du N.-O., sans rencontrer d'obstacles.
Le quatrième jour on atteignit des rapides, par 5°, 16' lat. S. et 21°, 50'
long. E. ; le courant de la rivière étant très violent, et la plupart des
indigènes n'ayant aucune pratique de la conduite des grandes pirogues,
une de celles-ci chavira, et deux Ba-Lo.uba furent noyés. Dès lors, la
navigation jusqu'au Congo ne fut plus entravée par aucun obstacle,
ni attristée par aucun nouvel accident de ce genre.
Le 5 juin les embarcations entrèrent dans le Kassaï qui, après sa
réunion avec la Louloua, par 5°, 5' lat. S. et 21°, 5' long. E., prend un
aspect grandiose ; son cours est parsemé d'îles pittoresques, ses rives
sont bordées de forêts vierges d'une végétation exubérante. Les indigè-
nes lui donnent, dans cette partie de son cours, le nom de Zaïre.
Les Ba-Kouba en occupent la rive droite, et les fia-Chilélé la rive
gauche. Les indigènes de ces deux tribus accueillirent très favorable-
ment les blancs ; chaque matin ils anivaient en foule au camp pour
' Voy. p. 175-176.
— 341 —
échanger leurs produits, ivoire et caoutchouc, contre des cauries, des
perles ou du cuivre. Les forêts qui s'étendent le long du Kassaï et de la
Louloua, doivent renfermer des richesses considérables en caoutchouc,
car cette matière est d'une abondance extraordinaire dans cette région.
Le pays est également riche en gibier.
En descendant le Kassaï, la première découverte importante que fit
Texpédition fut celle de l'embouchure du Sankourou, qu'elle attei-
gnit le 16 juin, par 4% 20' lat. S. et 20°, 25' long. E. Jusqu'ici, ce cours
d'eau était indiqué sur les cartes comme formant le cours inférieur du
Loubilache, traversé en 1881 par Pogge et Wissmann, par 5" lat. S.
environ, et se jetant dans le Congo par V,SO' lat. N. La découverte de
Wissmann montre que, du point oîi il avait traversé le Sankouroy, ce
cours d'eau se dirige à l'ouest, pour se jeter dans le Kassaï, auquel il
apporte un tribut considérable, par deux bras mesurant, l'un 250 mètres,
l'autre 300 mètres de largeur. Au dire des indigènes, son cours n'est
nulle part entravé par des obstacles ou des rapides, ce qui augmente
considérablement la longueur des voies navigables de cette partie de
l'Afrique centrale \
Au delà du confluent du Sankourou, le Kassaï, au lieu de se dirigei*
vers le nord, comme l'indiquaient toutes les cartes, continue sa couree
droit vers le N.-O. ; sa largeur augmente et atteint par places jusqu'à
3000 mètres. Le pays est extrêmement peuplé ; il est habité par les
Ba-Dinga. Un de leurs principaux chefs fit à Wissmann et à ses com-
pagnons l'accueil le plus empressé ; ses sujets suivirent son exemple, et
le camp ne cessa d'être entouré d'une foule sympathique, très pacifique
et fort désireuse de trafiquer. Le 20 juin, l'expédition reconnut sur la
rive gauche, par 4°, 25' lat. S. et 20%5 long. E., l'embouchure d'un
nouvel aflluent d'une quarantaine de mètres de large, apportant au
Kassaï une eau rougeâtre, vraisemblablement le Louchico réuni au
Loangé, que Schûtt traversa en 1878, par 7°, 30' environ lat. S.; à son
embouchure il porte le nom de Temba.
En aval, les voyageurs rencontrèrent les Ba-Ngodi, qui ne leur
firent pas un accueil moins empressé que les Ba-Dinga. Lorsqu'ils
apprirent que l'expédition avait un but pacifique, ils l'escortèrent dans
leurs canots avec des démonstrations de joie ; leur chef, Gina-Damata,
arbora même sur son village le drapeau de l'Association internationale.
' D'après une correspondance du Congo du 14 septembre, il existe réellement
une ligne de partage des eaux entre le Kassaï et le Rouki.
— 342 —
Mais les mauvais jours allaient arriver. L'expédition approchait du
territoire des Ba-Eoutou, tribu inhospitalière, batailL^ise et anthro-
pophage, toujours en lutte avec les tribus paisibles et commerçantes du
voisinage. Aussi. Wissmann s'entoura-t-il de toutes les précautions
nécessaires, lorsque le 24 juin, il établit son camp près du premier vil-
lage ba-koutou, par 3%45' lat. S. et 19'',20' long. E. La journée ne se
passa pas trop mal ; seules, les femmes se montrèrent acharnées, gesti-
culant, jurant, se frappant la poitrine, et maudissant les étrangers avec
des expressions de bestialité inouïe. Le. lendemain matin, ce fiit le tour
des hommes qui, encouragés sans doute par le calme et Tindifférence
affectée du personnel de Texpédition, attaquèrent le camp par terre et
par eau, avec une grande impétuosité et en poussant des cris de vic-
toire, se réjouissant de la proie que leur promettait la chair des blancs.
Heureusement l'attaque fut repoussée ; les Ba-'Koutou devinrent plus
prudents et se tinrent à distance.
Dans cette partie de son cours, le Kassaï se rétrécit mais augmente
de profondeur. La forêt vierge disparaît, la population devient ti'ès
dense; toutefois il n'y a point de commerce; le seul produit que l'on
rencontre est le cuivre.
Le !•' juillet, la présence d'un fusil, et quelques lambeaux d'étoffe
entre les mains d'un indigène Ba-Dima, indiquèrent qu'on approchait
du Congo. Continuant sa course, la flottille arrivait le lendemain dans
des parages où le fleuve prend des proportions colossales, s'élargissant
parfois jusqu'à 9000 et 10,000 mètres; en même temps sa profondeur
diminue ; il est tout parsemé d'îlots et de bancs de sable. Sur la rive
gauche, l'expédition découvrit bientôt, par 3**, 15' lat. S, et 17*,60'
long. £., l'embouchure d'un important affluent venant du sud, c'était
le Quango. A partir de ce point, les indigènes étaient armés de fusila,
mais ils étaient moins sauvages qu'en amont, connaissaient déjà les
.blancs ainsi que les bateaux à vapeur, et assuraient qu'ils possédaient
dans leurs villages le drapeau bleu à étoile d'or.
Le 4 juillet, l'expédition reconnut, par 3° lat. S. et 17°, 35' long. E.,
le confluent d'une rivière venant du nord, apportant au Kassaï un
important tribut d'eaux de couleur noirâtre; c^était le Mfini, l'émis-
saire du lac Léopold II, découvert par Stanley. Entre le confluent du
Quango et celui du Mfini, le Kassaï forme un vrai labyrinthe de lagu-
nes et d'étangs, reliés entre eux par un réseau très compliqué de che-
naux étroits, bordés d'une large et épaisse végétation d'ajoncs ; le
village de Mousyé domine le confluent du Mfini et du Kassaï. En aval,
— 343 —
ce dernier est désigné par les indigènes sous le nom de Kwa; la rive
droite en est habitée et cultivée, tandis que, sur la gauche, s'étendent
de vastes plaines peuplées de troupeaux d'éléphants. Le 6 juillet, dans
l'espace d'un quart d'heure, l'expédition en tua sept, et le lendemain,
tout en descendant le fleuve, elle en compta quatre troupeaux. Les
hippopotames sont parfois si nombreux qu'ils entravent la navigation.
Après quarante-trois jours de voyage, l'expédition atteignit Kwa-
mouth, sur le Congo, le 9 juillet. A son embouchure, le Kwa n'a que
410 mètres de largeur; mais sa profondeur et sa vitesse sont considéra-
bles.
M. Whitley, missioimaire baptiste de la station de Stanley-Pool, a
fourni au Missùmary Herald des renseignements sur les 200 Ba-
Louba arrivés avec l'expédition de Wissmann. a Ils diffèrent beaucoup, »
dit-il, « des types que nous avons l'habitude de voir ici. La plupart des
hommes sont grands, tatoués par tout le corps, non pas avec des cica-
trices comme les Ba-Yansi, mais avec de belles lignes bleues et des
courbes comme les insulaires des Fidji. Avant leur amvée ici, ils son-
geaient peu à leur vêtement, ne portant qu'une pièce d'étoffe très
étroite, mais maintenant ils sont mieux vêtus. Les femmes ont assez
bonne façon, sont exemptes de tatouage, et ont la peau douce. Ce sont
des gens gais, sociables et très curieux; j'en ai dans ma chambre plu-
sieurs qui regardent ma plume par-dessus mon épaule et ouvrent toutes
mes boîtes; se mirant dans ma glace, ils ont l'air très satisfaits d'eux-
mêmes. D est impossible de s'en défaire ; leur bon naturel désarme toift
ressentiment que pourraient provoquer les libertés qu'ils s'accordent, et,
quoiqu'ils aient touché tous les objets qui sont dans ma chambre, ils
n'ont rien volé ; cependant ils sont ici depuis dix jours et plus. Leur camp
est près de ma demeure ; ils dansent, tambourinent et chantent vigou-
reusement, depuis 2 heures après midi jusqu'à 8 heures du matin le
lendemain. Ils resteront ici encore quelque temps, puis ils repartiront
sous la conduite des blancs qui les ont amenés. Il y a avec eux trois
chefs, mais le vrai souverain est une sœur du chef principal ; elle a tout
à fait la tenue d'une reine. D'un geste de la main, elle arrête toute la
foule des Ba-Louba au milieu d'une danse entraînante, et leur impose
silence comme s'ils étaient instantanément pétrifiés. »
Le rapport du lieutenant Wissmann sera accompagné d'une carte
en trois feuilles, dressée avec soin par le lieutenant von François ; elle
permettra de corriger les erreurs de la cartographie actuelle dans cette
partie de l'Afirique équatoriale. Indépendamment de la connaissance
— 344 —
exacte que cette expédition nous fournit du cours du Kassaï, elle révèle,
de Kwamouth à Louloualabôurg, une voie navigable de 800 kilom., que
de nouveaux vapeui's ne tarderont pas à remonter.
LE COMMERCE DE L'HUILE EN AFRIQUE
Nous avons déjà attiré l'attention de nos abonnés sur plusieui-s des
principaux produits de F Afrique, et sur l'importance qu'ils ont ^quise
dans les relations commerciales avec les peuples civilisés. Les plumes
d'autruche, l'or, les diamants, les dattes, la gomme, l'ivoire ont fait
le sujet d'articles spéciaux ', mais jusqu'ici nous n'avons rien dit de
l'huile, qui est cependant un des produits les plus abondants du conti-
nent africain, et l'un de ceux dont l'exportation a pris le .développement
le plus rapide et le plus considérable. Un article de la Deutsche Rund-
schau fiir Géographie und Statistik, a Afrika ein Dorado des OeXhan-
dels, » nous fournit, sur cet objet du commerce africain, des renseigne-
ments que nous croyons utile de communiquer à nos lecteure.
Si l'Amérique possède des richesses presque inépuisables en huiles
minérales, l'Afrique peut se vanter de trésors énormes en huiles végé-
tales. Le lin^ l'olivier, le palmier à huile et beaucoup de plantes oléagi-
neuses prospèrent de temps immémorial dans les diflférentes parties du
continent africain. Toutefois, c'est le palmier à huiLe (Elaïs Ouineensis),
q«i fournit la plus grande partie de l'huile exportée d'Afrique.
Les fruits sont disposés en grappes, énormes à Zanzibar, plus petites
dans la Guinée et dans les pays voisins. Dans la Nigritie, il y a de vas-
tes forêts de palmiers à huile ; les habitants sont en relations avec les
indigènes de la Côte d'Ivoire, de la Côte d'Or et de la Côte des Escla-
ves, oîi existent aussi des forêts de palmiere, et dont les villes, Ebboe,
Ejeurin, Rabba, Idda, Bacca et Koulfou ont des marchés, sur lesquels
de fortes quantités d'huile de palme sont vendues, par voie d'échange, à
des maisons européennes. Avant la dernière guerre de Lagos, Ejeurin,
dans le Jabou, exportait à elle seule, chaque semaine, de 60,000 à
^ L'élevage des autruches au Cap et en Algérie, 1" année, p. 234. — Les gisements
aurifères en Afrique, II™« année, p. 18 et les gisements aurifères du jyanscaal
yXme année, p. 156. — Les mines de diamants au sud de V Afrique, !!"• année,
p. 180. — Le palmier-dattier, II"« année, p. 137, III™* année, p. 8. — Les acacias-
gommiers en Afrique, III"« année, p. 73. — Le commerce de Vivoire africain,
VI"»« année, p. 241.
345 —
70,000 gallons ^ anglais d'huile. Le commerce est entre les mains
d'agents indigènes qui achètent Thuile aux producteurs contre de la
monnaie de convention, poudi*e d'or, barres de fer, de laiton, til de
cuivre, etc., puis la livrent aux Européens contre d'autres marchandises.
Il y a en outre de nombreuses maisons de commerce établies en perma-
nence. Ces trafiquants d'huile possèdent aujourd'hui au moins cent éta-
blissements sur sept, fleuves différents ; ils emploient au moins quatre
cents agents blancs dans des comptoirs ou sur des navires, et autant de
noirs comme tonneliers, chai-pen tiers, cuisiniers , et surveillants. La plu-
part de ces gens vivent sur des pontons à l'ancre dans des ports ou dans
des baies abritées ; le silence n'y est inten*ompu que par le clapotement
des vagues, aussi leur vie est-elle uniforme ; le climat est très dange-
reux pour eux.
Toute la côte occidentale, depuis le Cap Blanc jusqu'à Saint-Paul de
Loanda, est couverte de forêts de palmiers ; mais la population qui
pourrait les exploiter est clairsemée et très paresseuse. A Fernando-Po,
les arbres sont si nombreux que le sol est littéralement couvert de fruits,
qui servent de nourriture aux singes ou pourrissent sans emploi. Jusqu'à
présent on n'en a tiré que 400 à 500 tonnes d'huile par année, tandis
que l'île pourrait en produire facilement dix fois plus. Cela provient
de ce que lés habitants sont très paresseux, et comme ils ont peu de
rapports avec les peuples civilisés, leuKS besoins sont encore très res-
treints. Les tribus qui, par leurs relations avec les Européens, ont pris
goût à toutes sortes d'articles de notre industrie, se donnent la peine de
produire plus pour retirer davantage. A Fernando-Po, le travail des
hommes se borne à grimper sur les arbres pour en faire tomber les
noix; tout le reste est l'affaire des femmes et des enfants. Les fabriques
sont de simples huttes dans les forêts ; l'huile y est préparée de deux
manières. Les coques des noix recueillies sont coupées ^et mises dans
une espèce d'auge de six pieds carrés, pratiquée dans la ten-e argileuse
bien battue et entourée d'un mur de dix-huit pouces de hauteur. Dès
que l'auge est remplie à moitié, une femme y entre, foule les coques
jusqu'à ce que l'huile en sorte mélangée avec le résidu des coques ;
cette substance a à peu près la consistance d'un mastic tendrei On la
verse alors dans des vases remplis d'eau que l'on place sur le feu ;
l'huile se sépare, monte à la surface, et on la puise pour la mettre dans
des cruches de terre contenant pour la plupart cinq gallons anglais.' A
^ Le gallon anglais vaut à peu près quatre litres et demi.
— 346 —
•
Fernando-Po on procède autrement ; mais on perd beaucoup d'huile par
suite d'une manipulation défectueuse. On entasse les coques coupées et
on les recouvre de feuilles de palmier ; dès qu'elles commencent à se
gâter, on les jette dans des trous en forme de mortiers garnis de pierres,
et on les concasse à l'aide de grosses pierres ou de pilons de bois. Le
suc est mis dans des pots sur le feu, mais sans eau, et les femmes en
puisent l'huile à la main.
Les coques sont employées comme combustible et comme engrais :
souvent aussi on en fabrique des mèches de lampe. Quant au noyau, à
la noix proprement dite, autrefois on la jetait toujours, quoiqu'elle ren-
ferme 30 Vo d'huile, et qu'elle soit très utile pour engraisser le bétail et
fabriquer des bougies. Ce fut André Swanzy qui eut le premier l'idée
de se servir de la noix. En 1850 il en apporta dix tonnes en Angleterre,
mais il ne trouva alors aucun écho chez les fabricants d'huile ; toutefois
des essais ultérieurs furent couronnés de succès, et aujourd'hui ce com-
merce s'accroît continuellement. L'huile extraite de ces noix en Europe
ressemble beaucoup, par ses qualités et sa valeur, à l'huile de coco.
Actuellement, les indigènes commencent aussi à employer çà et là les
noix pour en faire de l'huile. Ils les font rôtir sur le feu, les concassent
dans des mortiers et les font cuire dans des pots remplis d'eau. Le liquide
qu'ils en retirent est connu dans le commerce sous le nom d'huile de
noix noire. Beaucoup d'indigènes ne font pas autre chose que brûler les
noix et recueillir la graisse qui en sort.
Dans certains pays, l'huile forme l'objet d'un monopole très fructueux;
par exemple, le fermier auquel a été accordé le monopole pour la petite
localité d'Appia-Vista, qui est presque en dehors de la région de l'huile,
paie chaque année au souverain du Dahomey 50,000 francs. Les pro-
ducteurs d'huUe sont tous tenus^ sous peine de perdre la vie, de vendre
l'huile à ce fermier, à un prix fixé par le roi, qui le détermine sans égard
aux oscillations des prix du marché.
La région connue sous le nom de Côte de l'huile de palme s'étend de
Lagos à l'embouchure du Cameroon. Le delta du Niger est très fré-
quenté par les navires à huile. Au Bénin, le trafic est entre les mains
des Anglais ; à Telma, ce sont des maisons allemandes et françaises qui
l'emportent. Le centre le plus important de tout le commerce de l'huile
est le fleuve Bonny , sur les rives duquel sont les fameux villages à huile,
de Talifer, Fishtown, Snaketown et Bonny ; le dernier en est le marché
principal. Les habitants y déploient, à vendre leur huile, la même ardeur
que leui-s ancêtres apportaient naguère à la vente de leurs parents et de
— 347 —
leurs connaissances comme esclaves. L'introduction du commerce de
rhuiie a fait diminuer l'exportation des esclaves, mais, à Tintérieur, la
traite fleurit encore. Les chefs emploient le travail servile, pour la pro-
duction de l'huile, et le prix des esclaves monte avec celui de l'huile.
Les chiffi*es indiqués de temps à autre dans les rapports des autorités
anglaises, donnent une idée du développement de ce commerce. De
8000 Uv. steri., représentant l'huile importée d'Afrique en Europe en
1807, il s'est élevé à 1,600,000 liv. steri. En 1818, il n'avait été exporté,
de la côte occidentale d'Afrique en Angleterre, que 1464 tonnes d'huile,
aujourd'hui l'Angleterre en reçoit au moins 100,000 tonnes.
La côte occidentale d'Afrique a beaucoup d'autres sortes d'huiles.
Le Carapa Quineensis fournit l'huile de touloukouma, de Séuégaiflbie
et de Guinée; le Basai Parlai, l'huile de Galam, aussi nommée
beurre de Tchi ou de Bambouk. On emploie la première tantôt comme
huile à brûler, tantôt pour s'oindre le corps ; à Sierra Leone elle sert
aussi de purgatif. On en exporte dans la France méridionale oîi l'on en
fait du savon. Le résidu des noix après le pressurage fournit un bon
engrais pour l'agriculture. L'huile de Galam, extraite de la plante par
la cuisson, sert à fabriquer du savon et des bougies. On l'emploie aussi
en Afrique comme ingrédient dans la préparation des aliipents. Les
savants ne sont pas d'accord sur sa qualité ; Mungo Park la louait
beaucoup.
En Sénégambie, croît, à l'état sauvage, le Riciniis communis, qui
atteint une hauteur de 4"* à 5". Pour en obtenir de l'huile, on coud les
graines dans des sacs faits de crins de cheval, et on les broie avec de
lourds maillets de fer. Des auges reçoivent l'huile qui en découle, et on
la met dans des bouteilles dont là plus grande partie sont envoyées en
Angleterre. Les arachides,'qui forment le principal article du commerce
de la Gambie, fournissent aussi de l'huile ; on les expédie en Europe oîi
on les pressure, et l'huile qu'on en tire est employée surtout par les
fabriques de savon de Marseille.
Le cocotier, ou roi des palmiers, Cocos nucifera, forme d'immenses
forêts dans le voisinage de Zanzibar ; l'huîle qu'on tire de son fruit est
envoyée en France et en AngleteiTe, pour être employée dans les fabri-
ques de stéarine. Souvent les noix sont envoyées séchées en Europe, oîi
elles sont pressées.
Il existe encore d'autres plantes oléagineuses que l'on a découvertes
récemment et que le commerce n'exploite pas encore. De ce nombre est
la Motsakiri^ (probablement identique à la Trichiliacapitata), qui croît
— 348 —
au bord du Zambèze, et dont les graines noires, étroites, longues d'un
demi-pouce, sont extrêmement riches en huile. Le D' Kirk a découvert,
à l'ouest du lac Nyassa, une espèce de palmier qui ressemble plus au
dattier qu'au palmier à huile ; il atteint 14"" de hauteur, est très riche
en huile et cependant les indigènes ne l'exploitent pas encore; en
revanche, ils se servent, pour la cuisine, de l'huile douce du Bomanns,
dont le fruit a la grosseur d'une noix. Ces plantes, et d'autres encore,
méritent à un haut degré l'attention des commerçants et des indus-
triels européens.
L'Afrique produit aussi de l'huile d'olive et de l'huile de lin. L'Al-
gérie a de vastes forêts d'oliviers ; si l'on y établissait, en nombre suffi-
saiît, des fabriques d'huile, elles pourraient approvisionner une grande
partie de l'Europe. L'olivier y croît partout à l'état sauvage, et y pros-
père si bien qu'un seul arbre suffit souvent à l'alimentation d'un Kabyle.
La Kabylie en particulier n'est guère qu'un immense bois d'oliviers.
Depuis 1S52, le commerce des olives a fait de grands progrès en Algé-
rie. Bougie, Dellis et Djidjelli sont d'importants marchés pour les rela-
tions entre les Français et les Kabyles. Il y a, dans les montagnes,
quelques établissements européens où les indigènes ont appris l'art de
manipuler les olives. En 1853, il a été exporté environ trois millions de
kilogrammes d'huile, en 1880 le chiffre de l'exportation a atteint la
somme de dix-sept millions de francs. On pourrait facilement atteindre
un chilfre de beaucoup supérieur, si l'on exploitait convenablement 1©=
forêts qui ne gèlent jamais et dont les arbres ne sont jamais malades.
Tripoli, Tunis et le Maroc, ainsi que Mogador, fournissent beaucoup
d'huile d'olive. Comme dans le midi de l'Europe, on emploie surtout
les olives d'un bleu foncé ; on les fait sécher, puis on les porte au pres-
soir où elles sont broyées entre deux meules.
Le lin croît surtout en Egypte, où, déjà sous les Pharaons, il était
renommé. Les anciens Égyptiens en tiraient une huile, à laquelle on
doit la parfaite conservation des peintures de leurs monuments vingt
fois séculaires. Aujourd'hui la culture du lin en Egypte est très négligée,
mais, avec quelques soins, elle pourrait l'edevenir prospère.
Comme tout le commerce africain, celui de l'huile est encore à ses
débuts ; mais ceux-ci sont des plus favorables, et suffisent pour donner
une idée de ce que ce trafic pourra devenir, lorsque les meilleurs pro-
cédés de culture et d'exploitation auront été appliqués dans toutes les
parties du continent où prospèrent les plantes oléagineuses, et lorsque
les voies de communication auront été ouvertes avec Tintérieur, où
— 349 —
demeurent encore sans emploi des quantités énormes de produits qui se
perdent, faute de moyens de transports rapides et peu coûteux pour les
amener à la côte. '
CORRESPONDANCE
Lettre du ZambèsEe.
Leshoma, 20 juin 1885, rive droite du Zambèze.
J'ai le plaisir aujourd'hui de vous accuser réception de votre bonne lettre, et de
TOUS remercier de votre fidélité à me faire parvenir V Afrique explorée. J'ai reçu,
au commencement de ce mois-ci, les numéros de décembre 1884, de janvier et
février 1885, que j'ai déjà lus avec beaucoup de plaisir.
En avril dernier je vous ai envoyé deux lettres qui, je l'espère, vous sont par-
venues. Je vous racontais le voyage de M. Coillard à la vallée et ses résultats,
puis, les événements qui sont survenus depuis son retour. Mes nouvelles aujour-
d'hui se réduisent à peu de chose :
Les chefs de Seshéké, à l'exception d'un seul, et tous ceux de cette partie du
pays sont partis le mois dernier pour la vallée, afin de rendre hommage au nouveau
roi. Je ne sais si c'était leur but unique ; nous avons entendu dire que Mataga ~
le Gambella actuel — avait appelé Morantsyane, de Seshéké, le suzerain de toute
cette contrée à partir des chutes Victoria, afin qu'il lui aidât à éteindre la rébellion
dirigée contre Akoufouna.
A vrai dire, nous ne savons et ne saurons rien de positif sur cette affaire avant
le retour des dits chefs, retour qui s'effectuera sans doute le mois prochain.
Ces faits ne laissent pas de nous préoccuper, non au sujet de notre admission
dans le pays, mais bien à cause des retards que les événements politiques peuvent
apporter à notre œuvre. Le temps est moins précieux pour les Ba-Rotsé que pour
nous, et rien ne les stimule à nous faire sortir de notre retraite au milieu des
forêts. Toutefois, si nous n'apprenons rien, d'ici au commencement du mois prochain,
nous désirons, malgré tout, traverser le fleuve et nous installer tous provisoirement
à Seshéké, jusqu'à ce que le chemin de la vallée soit ouvert à ceux d'entre nous
qui doivent s'y rendre. Alors même que l'on se battrait tout cet hiver à la vallée,
nous désirerions tout au moins nous mettre en route et ne pas passer un nouvel
été loin de nos gens.
Les Pères quittent Padamatenga; ils ont déjà fait une longue absence, laissant
ici un seul Frère ; aujourd'hui, l'un d'eux est de retour de Tati, chez les Ma-Tébélé,
et liquide leurs affaires à Padamatenga. Leur station de Tati a subi le même sort
que celle de Padamatenga, et ils se replient tous, je crois, sur une autre partie du
pays des Ma-Tébélé. Le Père Eroot a été dangereusement malade et est hors
d'état de revenir ici.
Notre santé s'est beaucoup améliorée avec le retour de l'hiver. L'un de nos
— 350 —
ouvriers qui nous avait donné de vives inquiétudes est en bonne voie de se remettre
tout à fait. Somme toute, notre expérience du climat est favorable, et c'est pour
nous un grand sujet de reconnaissance. Je trouve la chaleur très supportable,
même au cœur de l'été ; en outre, à cette époque de l'année, les nuits sont encore
fraîches, de telle sorte que nous n'éprouvons jamais ici un sentiment pénible de
manque d'air. Pourquoi ne vivrions-nous pas au Zambèze comme ailleurs, une fois
que nous aurons fait bonne connaissance avec la fièvre et avec le traitement propre
à chaque constitution ?
Ces derniers temps nous avons eu un bien triste exemple de la cruauté des
Ba-Rotsé : Lesuane, chef d'un village situé entre le gué et le village d'£mpalira\
avait une fille recherchée par un jeune homme de son village. Cette dernière
éprouvait de l'aversion pour son amoureux et refusait obstinément de lui être
unie. Le jeune homme, lassé de ses sollicitations infructueuses, en vint aux menaces,
et jura à celle qu'il aimait qu'elle n'épouserait jamais un autre que lui. Sur ces
entrefaites, la jeune fille tomba malade et mourut, et tout le village en émoi de
s'enquérir de celui qui lui avait lancé un mauvais sort. Naturellement, les soupçons
tombèrent sur son ancien amoureux qui fut condamné à passer par l'épreuve de
l'eau bouillante, c'est-à-dire qu'il avait à plonger ses mains dans ce liquide et à
prouver son innocence en les ressortant intactes. Le malheureux eut au moins le
bon sens de se refuser à cette expérience peu douteuse, mais il n'échappa pas an
supplice du feu. A la suite de son refus, il est déclaré coupable, et en conséquence
brûlé vif ; un bûcher s'élève à l'entrée du village ; le pauvre homme, couché sur
le ventre, y est lié par les pieds, les mains et le cou. Cela fait, on le recouvre d'un
tas de branches d'une épaisseur de deux pieds, et le feu est allumé. Auparavant,
on avait asséné au condamné un coup de gourdin, afin de l'étourdir et de rendre
ses souffrances moins vives. Malgré cette précaution plus ou moins charitable,
l'infortuné expira en poussant des cris affreux, pendant une danse infernale de ses
juges; puis, une fois la mort survenue, toute l'assemblée se sauva^ la frayeur dans
l'âme.
Ces détails nous ont été racontés avec un cynisme incroyable par un parent du
défunt. Nous savons qu'une scène analogue s'est produite à Seshéké, à l'occasion
de la mort d'une femme de Morantsyane. Pauvres gens! où est leur espérance?
Hier , nous avons appris que les chefs de Seshéké sont en route pour revenir,
mais nous ne connaissons pas les détails '.
Notre poste partira par le wagon de M. Westbeach, et je me vois forcé de clore
ici mon récit. J'ai simplement voulu vous dire un mot affectueux et vous apprendre
que, grâce à Dieu, nous sommes encore sur la terre des vivants.
D. Jeàhiiairst.
* Voy. la carte, III">« année, p. 64.
' D'après une lettre de M. Coillard, mise obligeamment à notre disposition, le
retour des chefs prouve que la tranquillité a été rétablie, relativement du moins.
— 351 —
BIBLIOGRAPHIE '
Der Kongo und sein Gebdet. Eine geographîsche Studie, von D' A,
Oppel. Breinen, 1885, iii-8°, 32 p. — L'importance qu'a prise de nos
jours le bassin du Congo, au point de vue scientifique et économique, a
engagé l'auteur à en faire une étude sérieuse dans laquelle il examinera
successivement : 1* la découverte et l'exploration du Congo et de son
bassin ; 2** le pays et sa nature ; 3"* la population indigène et les condi-
tions sociales dans lesquelles elle se trouve ; 4** la position des Euro-
péens au Congo, et les perspectives qui s'ouvrent devant eux. Après
avoir rappelé succinctement ce qui a été fait depuis la découverte de
l'embouchure du Congo par Diego Cam, il y a 400 ans, il montre que
ce n'est que depuis Livingstone et Stanley que commence l'exploration
méthodique du fleuve et de ses affluents, et détermine la part qui revient
à chacun des voyageurs ou des missionnaires à l'œuvre dans ce vaste
champ de travail. Puis il décrit le relief de ce bassin, sa formation géo-
logique, et ses conditions météorologiques. Les deux dernières parties
de l'étude du D' Oppel ne nous sont pas encore parvenues, vraisembla-
blement parce que l'auteur se réserve de les communiquer à la Société
de géographie de Brème, devant laquelle il a lu les deux premières. Nous
en parlerons lorsqu'elles auront été publiées.
AflSAB E I Danachiu, viaggio e studh di O.-B. Licata. Milano (Fra-
telli Trêves), 1885, in-16, 335 p., fr. 3,50. — Dans un style facile et
attrayant, le professeur Licata a donné le récit de son voyage .jusqu'à
Assab, puis une étude détaillée sur cette colonie, son passé et son ave-
nir. Il décrit la vie à Assab, le climat, la flore, la faune, et fait un
exposé fort intéressant de l'origine des Danakîls, ainsi que de leurs us
et coutumes. Sans être d'un optimisme exagéré, les conclusions de l'au-
teur sont cependant favorables à la colonie, en tant que centre de cabo-
tage pour les mers d'Orient, plutôt que comme factorerie. Il demande
instamment qu'on la soutienne et qu'on ne perde pas les fruits de tout
le labeur et de tous les sacrifices accomplis jusqu'ici.
Afmka. Der dunkle Erdtheil im Lichte unserer Zeit, von A. von
Schweiger-Lerchenfeld, Mit 300 lUustrationen hervorragender Kûnst-
' On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genèye et à B&le, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 352 —
1er, 18 kolorierten Karten. Wien (A. HarUeben), 1885, iii-8*, 30Liv., à
fr. 0,80. — Bien que l'Afrique ait vu se développer, dans sa partie nord-
orientale, une des plus anciennes et des plus brillantes civilisations, elle
mérite encore d'être appelée le continent noir, non pas à cause de la
couleur des hommes qui l'habitent, mais par suite du mystère qui
recouvre une grande partie des régions de l'intérieur. En outre, com-
bien l'Afrique n'est-elle pas encore ténébreuse pour une forte portion
du public ! Il n'est pas de continent sur lequel il règne des idées aussi
étranges et aussi absurdes. On peut affirmer que la somme de travail et
de peines auxquels son exploration a donné lieu, n'a pas eu pour consé-
quence une propagation proportionnelle des connaissances sur le conti-
nent africain. Cependant, aucune nouvelle découverte ne passe inaper-
çue pour les géographes. A la lumière de la science, l'Afrique s'éclaire :
elle prend vie sous notre regard ; les contrées peuplées augmentent de
jour en jour et seront bientôt toutes connues dans leurs grands traits.
Depuis quelques années, dans la plupart des langues européennes, la
littérature vulgarisatrice s'est emparée des sujets concernant le conti-
nent mystérieux, et a répandu, sous une forme populaire, les données
nouvelles fournies par les voyageurs. Ainsi que les catalogues des librai-
res en font foi, il existe déjà, en allemand, un riche trésor d'ouvrage.s
sur l'Afrique, les uns purement scientifiques, d'autres traitant la ques-
tion commerciale, enfin un grand nombre d'écrits sous la forme de récits
de voyage. Il manquait une œuvre qui, par l'utilisation de tous les docu-
ments publiés, soit en allemand, soit en d'autres langues, et par le clas-
sement de ces matériaux, épars dans une foule d'ouvrages, permît au
lecteur de s'orienter et d'être au courant du mouvement géographique
africain. Il fallait, en un mot, une sorte de résumé général, à la portée
de toutes les intelligences. C'est le travail qu'a entrepris M. Schweiger-
Lerchenfeld et qu'il a mené à bonne tin. On connaît par les nombreuses
publications de cette plume en même temps brillante et simple, ces
récits enjoués, riches en couleurs, en figures, en digressions de toute
nature, en anecdotes intéressantes et instructives. Dans cet ouvrage, où
l'écrivain a su mettre à profit toutes les qualités de composition et de
style, nous voyons se dérouler une sorte de tableau toujours nouveau
011 chaque pays, chaque race, chaque individualité ethnographique
occupe une place correspondante à son importance. C'est un compen-
dium complet dans lequel nous sommes sûrs de trouver le renseignement
cherché, chaque fois que notre mémoire est en défaut.
Un court historique des découvertes sur les côtes et dans l'intérieur
— 353 —
de l'Afrique jusqu'ea 1500, sert d'introduction ; puis viennent les huit
sections dans lesquelles est divisé l'ouvrage : 1. Afrique méridionale;
2. Afrique équatoriale (côte orientale, plateau central et Guinée méri-
dionale) ; 3. Soudan ; 4. Afrique du nord-est (Abyssinie, pays des Soma-
lis, Egypte et Nubie); 5. Sahara; 6; Afrique septentrionale (Tripolitaine,
Tunisie, Algérie, Maroc); 7. Iles ; 8. Généralités africaines. Cette der-
nière partie se rapporte à la climatologie, à la distribution des plantes
et des animaux, aux mœurs et à la religion des populations, etc. Les
trois cents illustrations, judicieusement choisies, et dont plusieurs repré-
sentent des voyageurs célèbres tels que Pogge, Wissmann, Schweinfurth,
Rohlfs, Soleiliet, etc., montrent avec quel soin les éditeurs ont préparé
cet ouvrage. Une cinquantaine de cartes l'accompagnent, dont 18 sur
papier fort et tirées en couleurs, «peuvent être réunies en un petit atlas
comprenant entre autres des cartes des pluies, de la distribution des
plantes, des populations, enfin une carte commerciale indiquant les pos-
sessions des diverses puissances, les lignes de chemins de fer, de paque-
bots, etc. Une notice statistique et un répertoire alphabétique terminent
ce bel ouvrage qui ne peut manquer d'être accueilli avec faveur par le
grand public.
The Mozambique and Nyassa slave trade, by lient. H.-E* O'NeilL
London (British and Foreign Antislavery Society), 1885, in-8°, 24 p. —
Après avoir rappelé la part prise à la traite par toutes les grandes
nations de l'Europe, et exposé en détail combien l'Angleterre contribua
au développement de cet odieux trafic, l'auteur passe en reyue les efforts
qui ont été faits pour le supprimer à la côte orientale d'Afrique, l'éten-
due actuelle de ce commerce, et les moyens qui lui paraissent les meil-
leurs pour arriver à le supprimer complètement. Tout en reconnaissant
que tous les moyens doivent être mis en œuvre, mesures coercitives,
blocus des côtes, action missionnaire, suppression des marchés, il n'at-
tribue pas à ces moyens une grande efiicace. A ses yeux on arrivera
beaucoup plus sûrement à faire disparaître ce mal, en encourageant un
commerce légitime à l'intérieur, en développant les ressources du pays
par une émigration bien dirigée vers les districts du plateau et de la
région salubre des lacs. Il voudrait voir des compagnies commerciales
s'établir sur les rives de ces derniers, et ceUe qui déjà y est installée, la
Compagnie des lacs africains, étendre ses opérations. Ce commerce hon-
nête et pacifique rayonnant dans toutes les directions ferait plus, à son
avis, pour l'extinction de la traite, que tous les autres moyens ensemble.
— 354 —
EuEOPAs KoiiOi^iEN, !*•' Baad. West-Afrika vom Sénégal zum Kame-
run. Nach den neuesten Quellen geschildert, von ]> Hermann Bos-
koschny. Leipzig (Grosner et Schramm), 1885, inHt*", 2** Aufl., 15 Liv., à
fr. 0,75. — Contrairement à ce qui se passe en France, la politique colo-
niale est maintenant tellement en faveur en Allemagne, où elle est pré-
conisée par tous les partis, que, de tous côtés, auteurs et éditeurs font
paraître des ouvrages se rapportant soit 'aux nouvelles possessions alle-
mandes, soit aux pays vers lesquels le courant d'émigration peut encore
se diriger avec quelque chance de succès. Sous ce titre, les Colonies
européennes, M. Roskoschny a entrepris la description des contrées
africaines et océaniennes au milieu desquelles TAllemagne a planté son
drapeau. Il le fait d'après les meilleures sources, c'est-à-dire d'après les
récits des voyageurs les plus récents et les plus dignes de foi. Quant à
la manière générale dont le livre est écrit, elle n'est ni trop simple ui
trop scientifique, en un mot, elle est à la portée de tout le monde. On
peut donc dire de cet ouvrage qu'il fournit des renseignements exacts et
se laisse lire facilement. C'est le vrai livre de vulgarisation.
L'œuvre entière comprendra plusieurs volumes : le premier, celui que
nous avons sous les yeux, est consacré à la Sénégambie et à la Guinée
septentrionale ; le second, au bassin du Congo et aux territoires du
Gabon, de Loango et d'Angola ; le troisième aux archipels océaniens
«ncore sans maître, vers lesquels se porte aujourd'hui l'attention ; enfin
les autres, en nombre encore indéterminé, s'occuperont de la Colonie du
Cap, de la côte orientale d'Afrique, de Madagascar, etc.
Il s'agit donc d'une publication assez considérable, qui embrassera
une vaste portion du globe et les livraisons déjà parues nous font bien
augurer de l'ensemble. Elles débutent par une étude historique et géo-
logique de la côte occidentale et des mers qui la baignent, dans laquelle
les travaux tout récents du Travailleur et du Talisman sont cités et
■accompagnés de planches graphiques, de profils, dont l'examen facilite
grandement'la compréhension du texte. Après cette introduction vien-
nent deux sections, dont la première est intitulée Sénégambie, et la
seconde, Guinée supérieure. La première décrit la colonie française et
met à contribution les voyages de Galliéni et de Borgnis-Desbordes au
Niger, et la seconde, les diverses côtes qui se succèdent jusqu'à la baie
de Biafra, y compris le territoire de Cameroon sur lequel l'auteur a su
réunir une foule de renseignements intéressants. Ce qui soutient l'inté-
rêt du lecteur, malgré les fortes dimensions du volume, ce sont non seu-
lement les digressions, les anecdotes et les curieuses peintures de mœurs,
— 355 —
mais surtout les gravui-es, le plus souvent reproduites d'après des ouyra-
ges originaux, et qui, fort bien faites et distribuées à profusion, don-
nent mieux que toute description l'idée vraie du pays et de ses habi-
tants. L'ouvrage ne renferme pas moins de 120 gravures et de 14 cartes
ou plans.
TaGEBUCH-BrIEFE EINE8 JITNGEN DeUTSOHEN ÂUS AnGRÀ PeQUENA, VOU
E.' Walt. Wegner. Mit Karten und 4 Ulustrationen, fr. 1 . 25. — Deutsch-
LAND IN DER SûDSEE, VOU J.'B. Hermaun. Mit 1 Karte und 3 Ulus-
trationen, fr. 1. 25. — AOKERBAU UND ViEHZUOHT IN SÛD WeST-AfRIKA,
von C.'O. Bi'ittrier. Mit 1 Karte und Ulustrationen, fr. 1. 25. — Kame-
RUN, Land, Volk und Handel, von Karl Hagen. Mit 1 Karte und
4 Dlustrationen, fr. 1. 25. Leipzig (Edwin Schloemp), 1885, in-8**. —
Pour faire mieux connaître les récentes acquisitions coloniales alle-
mandes, la librairie Schlœmp a entrepris la publication d'une série de
brochures sur toutes les questions qui s'y rapportent. Les quatre qui
ont déjà paru nous transportent sur la côte occidentale d'Afrique et en
Océanie ; d'autres suivront prochainement et traiteront de l'Afrique
orientale, du pays du Cap, etc.
Le fascicule N** 1 renferme une suite de lettres signées par un jeune
Allemand, M. Emest-Walter Wegner, établi depuis trois ans dans le
Liideritzland. N'étant point destinées à la publicité, elles sont écrites
sans prétention et se font lire avec plaisir. Déjà publiées par la Dan-
ziger Zeiixmg, elles décrivent sous son vrai jour, la vie du colon à
Aiigra-Pequena, et donnent, sur la topographie des lieux, sur les indi-
gènes, sur l'œuvre missionnaire, des détails pleins d'intérêt.
Le N** 2 est consacré aux régions de la Nouvelle-Guinée et de la Nou-
velle-Bretagne, récemment occupées par l'Allemagne. Il fait l'historique
de la prise de possession, décrit la flore, la faune et la race indigène,
enfin s'occupe de l'avenir de la colonie.
L'agriculture et l'élève du bétail dans la partie sud-ouest de l'Afri-
que, comprise entre le cap Frio et l'embouchure de l'Orange, font
l'objet de la troisième brochure, due à la plume de M. Btlttner, bien
connu par sa longue exploration de ces contrées et par son œuvre mis-
sionnaire dans le Damaraland. Bien que ce soit leur richesse minérale
qui ait été la cause dominante de leur occupation par l'Allemagne,
l'auteur montre qu'il y a aussi là une source de profits pour l'agriculteur.
Enfin le N° 4 est une monographie du Cameroon, dans laquelle il est
surtout question du sol, des indigènes et du commerce que l'avenir
— 356 — ^
réserve à la colonie. M. Cari Heger a cherché avant tout à être clairet
vrai ; aussi a-t-il basé sa description sur les documents les plus récents
et fournis par des ouvrages dignes de foi. Ce sont MM. ZôUer, Reiche-
now, le savant naturaliste, Buchholz, voyageur qui a longtemps résidé
au Cameroon, et Pauli, médecin de marine, qui lui ont fourni les prin-
cipaux éléments de son exposé.
Annales sénégalaises de 1854 a 1885, suivies des traités passés avec
les indigènes. Ouvrage publié avec Tautorisation du ministre de la
marine. Paris (Maisonneuve frères et Ch. Leclerc), 1885, in-8**, 484 p.
et une carte, fr. 3,50. — Cet ouvrage est spécialement destiné aux hom-
mes de guerre, car la partie politique et commerciale que comporterait
une histoire complète de la colonie française a été laissée de côté. Ce
sont des annales militaires, dans lesquelles on trouvera le récit de toutes
les expéditions, et même des coups de main et des moindres razzias, dont
le Sénégal a été le théâtre, pendant trente années de luttes intermit-
tentes. La narration, intéressante en elle-même, est encombrée d'une
foule de dates et de détails concernant les distances, les heures de
départ, les effectifs et la composition des colonnes, etc., détails peut-
être fastidieux pour le profane, mais qui pourront avoir une réelle uti-
lité pour les chefs des futures campagnes.
Ces notices historiques, qui ne sont que le résumé des rapports offi-
ciels des gouverneurs de la colonie ou des chefe d'expéditions, permet-
tent d'apprécier les progrès rapides de la domination française depuis
1854, époque à laquelle la France payait encore une sorte de tribut ou
de loyer pour le terrain sur lequel est bâtie la ville de S*-Louis, tandis
qu'en 1885 elle possède, vers l'intérieur, entre S*-Louis et le Niger, et
le long de la côte, du cap Blanc à la Mellacorée, des territoires égaux à
l'Algérie en superficie totale. Maintenant que le Niger est atteint, il ne
s'agit plus que de consolider ces conquêtes et d'entrer dans une période
de paix féconde.
En tête du volume se trouve une liste des gouverneurs du Sénégal, de
1850 à 1885, et les cent dernières pages sont consacrées à la reproduc-
tion des traités de paix passés entre la France et les divers États indi-
gènes du Sénégal. Ce recueil de pièces officielles sera bien vu dans la
colonie, car elles intéressent aussi bien les négociants qui sauront quel
degré de sécurité présentent leurs opérations commerciales dans telle
ou telle région, que les fonctionnaires, puisque ces traités règlent leuis
relations avec les naturels.
ÉCHANGES
Soolétés d« géographie.
Amsterdam. Constantine. Halle.
Anvers. Douai. Hambourg.
Berlin. Edimbourg. léna.
Brome. Francfort «/M. Le Caire.
Bruxelles. Greifswald. Leipzig.
Lille.
Lisbonne.
Lyon.
Aladrid.
Manchester.
Mai*seîlle.
Montpellier.
Manoy.
New-York.
Oran.
Berlin.
Sooiétés de géographie oommeroiale.
Bordeaux. Paris. Porto. Saint-Gall.
MissionB.
Paris.
Rochefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Le Havre.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques an XIX™e siècle
(Neuchâtel).
Journal de TUnité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions-Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bâle).
Evnngelisohes Missions- Ma gazin (Mie).
Calwer Missions-Blatt (Galw).
Allgemeine Missions- Zeitschrift (Gliters-
loh).
Glaubensbote (Bâle).
Africa (Londres).
Ija Nigrizia (Vérone).
Divers.
Gazf'tte géographique et Exploration (Pa-
ris).
Moniteur des (Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du (Comice agricole (Médéa). .
Bulletin de T Académie d*Hippone (Boue).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris).
Bev u' géographique internationale (Paris).
Le Mouvement géographique (Bruxelles).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau fUr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schafl in Deutschland (Berlin).
Oosterreichische Monatsschrift fUr den
(h'ient (Vienne).
Zeit^hrift fOr wissenschaftliche Geogra-
(>hurch missionary Ihtelllgencer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionary (New-York).
Régions beyond (Londres).
Clironicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Church of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
(Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian (church (Edimbourg).
Outrai Africa (Londres).
Woman's foreign missionary Society ^
(Philadelphie).
Deutsche Kolonialzeilung (Francfort s/M) .
Chamber of (Commerce Journal (Londres).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Esploratore (Milan).
(Cosmos (Turin).
Bollettino délia Societa africana d'iL'Uia
(Naples).
Boll. délia sezione Fiorenlina (Florence).
Marina e Commercio. e Giornale délie co-
lonie (Rome).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Revista de Estudos Livres (Lisbonne).
Revue Coloniale internat. (Amsterdam).
Réveil du Maroc (Tanger).
phie (Vienne).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (('onstantino).
Moniteur de TAlgérie (Alger).
Dr A . Petermann s Mittheilunc
lungen (Gotha)
Procoedings of the royal geographical
Society and monthly Record of geogra
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus ((ilape-Town).
West African Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
_ ^ t - .
SOMMAIIJK
BlIMiETIN MENSUEL 325
Nouvelles complémentaires 337
Exploration du Kassaï par le lieutenant Wissmann 340
Le commerce de l'huile en Afrique 344
Correspondance : •
Lettre de M. Jeanmairet, du Zambèze 341)
Bibliographie :
Der Kongo und gein Gebiet, von I)»" A. Oppel 351
Assab e i Danachili, viaggio e studii di 6.-B. Licata 351
Afrika, von A. von ScLweiger-Lerchenfeld 351
The Mozambique and iN^yassa slave trade, by lient. H.-E. O'Neill . . . 353
Ëuropas Kolonien, !*•' Band, von D»" Hermann Roskoschny 354
Tagebuch-Briefe eines jungen Deutschen ans Angra-Pequena, von
E. Walt. Wegner. — • Ackerbau und Viehzucht in Sûd-West-
Afrika, von C.-G. Bûttner. — Kamerun, Land, Volk und Handel,
von Karl Heger 355
Annales sénégalaises de 1854 à 1885 356
OUVRAGES REÇUS :
Tagebuch-Briefe eines jungen Deutschen ans Angra-Pequena (1882-1884), von E.
Walt. Wegner, Angestellter in Lûderitzland. Leipzig (Edwin Schlœmp), 1885^
in-8**, 64 p. mit Karten und 4 Illustrationen, fr. 1. 25.
Deutschland in der Sûdsee. Kaiser- Wilhelmsland und Neubritannien, von J.-B.
Hermann. Leipzig (Edwin Schlœmp), 1885, in-8*», 58 p. mit 1 Karte und 3 Ulos-
trationen, fr. 1. 25.
Afrika. Der dunkle Erdtheil im Lichte unserei* Zeit, von A. y. Schweiger-Lercheu-
feld. Wien, Pest, Leipzig (A. Hartleben), in-8", Lief 25-30 mit Ulustr.
Geographische Universal-Bibliothek. Weimar (Geographisches Institut), in-32;
jede Nummer 20 pf. :
N® 5. Die Goldkûste und ihre Bewohncr, von D' Anton Reichenow, 40 p.
N°* 11/13. Deutschland und England in Sud- Afrika, 88 p. et carte.
N'»" 14/16. Sansibar und das deutsche Ost^ Afrika, von G. Westphal, \H p.
Genève. ^ Imprimerie Charles Schuchardt.
'V
GENÈVE
OEOKC;, l.lBdAIRE-ÉDITEUK
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
dixiqA par
H. Gastaye MOTNIEB
M4!iiibro (le la Soeiéié de géographie de Genève, de Vlnstitat do Droit {nternational ;
membre correapondant de rAeadàmio d*Illppone , et dea Sooiétéa do géographie de Iftaraeilk,
de Nancy, de Loanda et de Porto.
BÉDIQÉ PAS
M. Chi^rles PAUBE
S(;rrAuire-BibUothéeairo de la Société de géographie de Qenève , membre correapondant doa Sociétés
do géographie de Liabonne, de Lofinda. do Porto, de Saint-Qall et de Berne.
* -
L'Afrique paraît le premier hindi de chaque mois, par livraisons in-S» d*au
moins 20 pages chacune; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaire.
Le prix de l'abonnement annuel, payable d^mvmnee^ est de 10 francs,
port compris, pour tous les pays de TUnion postale (première zone); pour les
antres, 41 fr. 50. ^ .
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit A un compte renda*
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à SI. Gustave Moynler,
8, me de TAtliénée, A Genève (Snlsse)*
S'adresser pour les abonnements A l'éditeur^ m. H. Georg* à
Genève on h BAle.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse,
r.hez MM. (^h. Delagrave, libraire. 15, rue Soufflot, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la Cour, 45. rue do la Régenw\ «\ Bnixelles.
DuMOLAKD frères, libraires. Corso Vittorio Emmanuel e, 21. a Milan.
F,-A. lihocKHAUS, libraire, Querstr., 29, d Leipzig.
L. FuiKDKKUîHSEN pt O^ libraires, Admiralitatsslr, 3/4- à Hambourg
Wilhelnt Fbick, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Anlriche).
TRUHNBft et O, libraires, Ludgate llill. 57/59. îk l^ndres hl, C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
A VIS« — Nous wettam à la disposition de ii/)s nouveaux abonnas, au prir de
13 fr. ehaeun, un certain nfimbre d* exemplaires complets de la U^**', de la IV^*
et de In F"*' année. 1m /*■• et la IW'* sont épuisées.
— 357 —
BULLETIN MENSUEL (7 décembre 1885 0 .
Nous avons annoncé, dans notre dernier numéro (p. 325), Pexpédition
que M. le lieutenant Palat'se proposait de faire, de Géry ville, à travers
le Sahara, jusqu'à Timbouctou et au Niger. Le début de aon entreprise
n'a pas été heureux. Après avoir eu un doigt cassé par accident, il a été
pris d'un accès de fièvre à Salda, et des indigènes engagés par lui ont
déserté. Il a dû se rendre de Saïda à Géryville (voyez la carte, III"* an-
née, p. 84), pour y acheter des chameaux et louer des chameliers. Il
devait partir le 5 octobre pour Brezina, et se diriger ensuite sur Hassi-
ben-Zeïd, près de TOued-Seggueur. Là se trouve Si-Kaddour, qui devait
faciliter à M. Palat la première partie de son voyage. Si-Hamza a con-
senti à accompagner l'explorateur jusqu'à Aïn-Salah.
Le Journal de la Chambre du cominerce de Londres attire l'attention
sur l'augmentation constante de rimpoptatlon des bols de con-
struction dans les ports du nord de l'Afrique, de la mer Rouge, et
spécialement du Caire et de Port-Saïd. Il en a été importé l'année
dernière, au Caire seulement, pour deux millions de francs ; l' Autriche-
Hongrie en a fourni pour 1,400,000 francs ; le reste provenait de Suède,
d'Allemagne, de France et d'Angleterre. Quant à Port-Saïd, il en a reçu
21,700 tonnes, soit une quantité beaucoup plus foité qu'en 1883. Le
besoin en augmente considérablement, non seulement par suite de la
reconstruction du quartier arabe, détruit en grande partie par un incen-
die, mais aussi par le fait de l'extension que la ville prend chaque jour.
Les pierres sont tirées d'Alexandrie et de Damiette, mais les construc-
tions sont généralement légères et réclament beaucoup de bois. lien
faudra également beaucoup pour l'exécution de canaux projetés.
La Société de géographie de Paris a reçu des nouvelles'de M. Aubry
qui, pendant deux ans et demi, a exploré le Clioa et une partie du
pays des Gallas, des Danaltiis et des Sonialls. Il a déterminé
le cours de l'Haouasch et de ses affluents, le Mongueur, le Gonder et le
Goudjab, ainsi que les altitudes de nombreuses sommités du pays. Il
s'est aussi occupé de recherches géologiques, minéralogiques et paléon-
tologiques. Quoiqu'il n'eût pas à lutter contre la maladie, son retour à
^ Les matières comprises dans nos BuUetins mensuels et dans les Nouvelles com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
l'aFRIQUE. — SIXIÈME ANNÉE. — TH^ 12. 12
— 358 —
la côte n^a pas été sans périls ; il a dû se frayer un passage à coups de
fusil à travers les hordes somalis, et a réussi à sauver la plupart de ses
collections et de ses notes.
Les entreprises de la Société africaine allemande à la côte orientale
d'Afrique et les prix élevés payés par les explorateurs anglais ont fait
monter beaucoup le salaire des porteurs à Zanzibar. L'expédition
envoyée, sous la direction du D' Finchep, pour chercher à délivrer les
Européens, Emin-bey, D' Junker et Casati, bloqués par les partisans
du Mahdi dans la région du HautrNil, risque de s'en ressentir. Le
D' Fischer écrivait le 1^ août de Pangani, à la Société de géographie de
Hambourg : a Je suis ici depuis quelques jours. Demain je me mets en
route avec 221 honunes. Il n'est pas possible d'accomplir un voyage
comme le mien, avec quelque chance de succès, sans s'être équipé conmie
je l'ai fait ; encore le D* Kirk prétend-il que mon personnel et mes pro-
visions sont loin d'être suffisants. Mais les Anglais peuvent calculer
autrement. Mes 50,000 francs sont déjà employés : 20^000 en marchan-
dises, 5000 en armes et munitions, le reste en partie en salaires que j'ai
dû payer trois mois d'avance. Mais qu'aurais-je pu faire avec une cara-
vane petite et maigrement équipée? Les princes de l'Ou-Ganda et de
l'Ou-Nyoro veulent qu'on leur fasse des présents. Les étoffes recherchées
dans l'Ou-Ganda sont les plus chères du marché de Zanzibar. Si j'ap-
preuds dans l'Ou-Ganda que mon projet de pénétrer plus avant dans
l'intérieur est irréalisable, j'achèterai de l'ivoire pour recouvrer la plus
grande partie de l'argent. D'après les dernières nouvelles, la guerre
doit avoir éclaté entre l'Ou-Nyoro et Lado. Le consul Kirk a écrit une
lettre au souverain de l'Ou-Ganda, pour l'engager à envoyer une expé-
dition à Lado aux frais du gouvernement anglais. Je vous prie de faire
votre possible pour procurer à mon expédition de nouvelles ressources
financières. Je suis effrayé quand je compte combien de milliers de francs
me coûtera le seul salaire de mon personnel, si mon entreprise dure une
année. Cependant il n'est pas possible de faire autrement. A Zanzibar,
les Anglais supputaient les frais de l'expédition à 125,000 francs, j'estime
qu'ils s'élèveront certainement à 100,000 francs. Je prends une nouvelle
route par Kibaïa et Irangi ; elle est plus courte que celle qui passe par
Tabora. »
La mort de ^D^ambo et la guerre que se font son successeur, Mpanda
Tshalo, et le chef Kapéra, ont obligé les missionnaipe» romains à
se retirer du poste de Bou-Kouué à la station de ifipalapala» dans
le Bou-Koumbi. Les pluies de la masika ayant été particulièrement
— 369 —
abondantes cette année, leur marche a été rendue très difficile, même
périlleuse. Au milieu de mars, les herbes ont atteint leur plus grande
hauteur; imbibées d'eau comme des éponges pleines, elles gênaient tous
leurs mouvements et paralysaient leurs efforts. Tantôt elles formaient
comme une voftte épaisse et basse, d'où Teau coulait en abondance ;
tantôt elles opposaient une barrière infranchissable, mille tiges flexibles
s'entrelaçant aux jambes des voyageurs, qui, à chaque pas, s'y embarras-
saient davantage. Ou bien ils devaient cheminer sur un sol à demi liquéfié
qui semblait fondre sous leurs pieds, et dans lequel ils enfonçaient à
chaque pas. Pendant des heures entières ils dui-ent avancer péniblement
dans une eau boueuse qui leur montait jusqu'à la ceinture, ayant peine
à reconnaître leur chemin et glissant à chaque instant dans ce marécage.
L'Ou-Nyanyembé était transformé en lac. Un moment, l'âne qu'ils
emmenaient avec eux faillit disparaître dans la vase. Au reste, cette
partie du pays est tristement célèbre dans les souvenirs des Ou-Nyam-
ôuézi, car, dans les grandes masikas, il n'est pas rare que des hommes
disparaissent tout vivants dans ces fondrières. Les huttes des Ou-Nyam-
ouézi sont également exposées à être ruinées par ces pluies abondantes.
Petites, rondes et bien couvertes en paille, elles ne prennent pas l'eau par
la toiture ; mais comme elles sont d'ordinaire en contre-bas ou au-des-
sous du niveau du sol extérieur, elles se remplissent d'eau comme de
vrais réservoirs. Chaque matin, entre neuf et onze heures, les nègres,
leur pioche à la main, se mettent à creuser des fossés au-dessous de leurs
cases pour faire écouler l'eau qui les inonde. Pendant que les hommes
s'évertuent à drainer le sol, les femmes tentent d'allumer dehors un peu
de feu pour préparer le repas ; mais il est impossible d'écraser le grain
pour avoir de la farine ; les nègres sont alors obligés de se contenter de
quelques épis de maïs, à peine noircis par la fumée et la maigre flamme
que donne un bois saturé d'eau. Malgré leur légèreté, un grand nombre
de huttes sont tombées cette année, les piquets qui les soutenaient
s'étant enfoncés dans la terre. En revanche, la pluie promettait aux
indigènes une abondante récolte de patates, de bananes, de manioc et
de sorgho. Grâce au travail des missionnaires et de leurs élèves, la forêt
de Kipalapala s'est beaucoup éclaircie et peu à peu a fait place à de
belles et réjouissantes cultures.
Un télégramme de Zanzibar a annoncé le retour à la côte de
M. Stopms qui, après MM. Cambier, Ramaeckers et Becker, dirigeait
depuis trois ans les stations de l'Association internationale africaine sur
les rives du Tanganyika. C'est lui qui a fondé celle de Mpala, sur la
— 360 —
côte occidentale du lac. Grâce à son tact et à son énergie, il parvint h
gagner la confiance des indigènes, qui lui promirent leur concours pour
le cas oii la station serait menacée. C'est lui aussi qui a réussi à remon-
ter le bateau à vapeuv le Cambier^ le premier steamer qu'aient vu les
eaux du Tanganyika. Après la conférence de Berlin, il reçut Tordre de
remettre les stations de Karéma et de Mpala à la garde des missionnai-
res algériens, mais, avant d'avoir pu opérer cette remise, la station de
Mpala fut attaquée par quelques tribus turbulentes des environs, et les
bâtiments de la station furent brûlés. Avec Taide des Indigènes, il se
mit à les reconstruire et aura vraisemblablement tout remis dans un
état convenable avant de reprendre le chemin de la côte. Il ne tardera
pas à revenir à Bruxelles, d'oii nous apprendrons dans quelle situation
se trouvaient les stations à son dépai*t du Tanganyika.
M. Ch. Allen, évèque de la mission des Universités, fait actuelle-
ment un voyage, de Zanzibar au lac Nyasaa par le Chipé, pour choisir^
sur la côte orientale du lac, un emplacement convenable à rétablisse-
ment d-une station. Il écrivait le 7 août de Mandela, où il goûtait
l'hospitalité du directeur de l'African Lake's Company, qu'il espérait
que le vapeur, le Charles Jansorij serait prêt à être lancé un mois pte
tard. Quant au choix de l'endroit favorable pour une station, il écartait
Chitesî, oii M. Johnson avait séjourné quelque temps, ce lieu lui parais-
sant trop exposé aux incursions des Magwangwaras ; les emplacements
à la côte même ne lui semblaient pas assez salubres pour des Européens.
Il inclinait pour l'île de Dicomo, à 6 kilom. de la côte, dans le voisinage
de Chitesi. Les renseignements qu'il avait reçus lui attribuent un climat
salubre et un bon mouillage. Il se proposait de l'explorer ; puis, s'il la
trouvait convenable, de négocier avec Chitesi et d'y établir une école.
De là, avec le temps, des annexes pourraient être fondées sur la terre
ferme ; le vapeur servirait à transporter les missionnaires aux différentes
villes de la côte et à communiquer avec Bandaoué, station de l'Église
libre d'Ecosse, sur la côte occidentale du lac. On espère aussi que le
nouveau steamer pourra contribuer à diminuer le trafic d'esclaves qui
se fait encore sur une très grande échelle entre les deux rives du lac
Nyassa. M. Allen comptait revenir à Zanzibar par terre, en visitant les
stations de la Société qui sont dans la vallée de la Rovouma.
L'état de guerre qui a longtemps régné dans le district du Chiré, où
se trouve la station de Blantyre, de l'Église étaT}lie d'Ecosse, a cessé.
Il est vrai que les Angones ont menacé de redescendre de leur plateau
contre les Ajawa ; mais les gens de Matopé et de Pimbé ayant refusé do-
— 361 —
donner des canots pour passer le Chiré, ils sont restés chez eux. La
mort du chef Kapené n'a point été accompagnée dés coutumes cruelles
pratiquées autrefois dans un cas analogue. En apprenant son décès, les
missionnûres de Blantyre se hâtèrent de faire demander à son succès-
jseur ce qu'il comptait faire de Matopé, qui avait toujours été un bon
ami du défunt et un de ses principaux conseillers. Le nouveau chef
répondit qu'aucun honmie ne serait mis à mort, a Quelques personnes,»
■^jouta-t-il, a désiraient vivement suivre la vieille coutume ; mais la
majorité a déclaré qu'autrefois elle avait foi à cette coutume et qu'elle
la pratiquait, mais que, vivant depuis plusieurs années en contact avec
les blancs, elle avait appris d'eux qu'il n'était pas bien de faire mourir
des gens en pareille occasion. » U fit informer les missionnaires du jour
<le l'ensevelissement de Kapené ; deux d'entre eux s'y rendirent et furent
témoins de la sépulture honorable accordée au vieux chef; il n'y eut
aucune goutte de sang versé.
M. A.* Bain, attaché, à la station de Cherenji — de la mission de
l'Église libre d'Ecosse, — sur la route du Nyassa au Tanganyika, a fait,
à Chiwinda, une excursion dont il a transmis les détails dans une lettre
publiée par le ScoUiàh geographical Magazine, d'où nous extrayons ce
qui suit : « J'avais le bonheur d'avoir avec moi M. J.-A. Smith, de Ban-
daoué. Le pays le plus attrayant que nous ayons traversé se trouve au
nord-est de Chiwinda. Le chef de ce nom est un pauvre homme qui
passe ses jours dans la terreur des Ânemba qui, dit-il, ont pillé et détruit
^es jardins. Le village est bien défendu par une double palissade percée
d'ouvertures en plusieurs endroits. La rivière Songwi, qui ailleurs est
grande et belle, est ici paresseuse et boueuse ; elle entoure le village de
deux côtés. A une dizaine de kilomètres de là est le village du chef
Muiereka, vassal de Nyondo. Nous y trouvâmes les gens les plus heu-
reux que nous ayons rencontrés jusqu'ici. Le pays d'Ou-Pigou, entre
Awanda et Chiwinda, sous la domination de Mouini-Pigou, est extrême-
ment beau ; la Songwi arràse cette longue vallée qui fourmille de bes-
tiaux et dont les récoltes promettent une grande abondance. Le souve-
rain fut plus libéral dans ses présents que nous dans les nôtres. La sta-
tion de Cherenji se trouvant dans le territoire de Mouini-Pangala, les
missionnaires lui firent visite, mais pour arriver à sa résidence ils durent
traverser des terrains très spongieux, avec de l'eau au-dessus de la che-
ville ; ils durent passer la nuit en dehors du village du chef Makombé,
dépendant de Mouini-Pangala. Ce village, de 60 à. 70 huttes, est agi*éa-
blement situé sur la Kaso\vi, qui se verse dans l'Aroangwa, affluent du
— 362 -
^Zambèze, d'une protondêor considérable. Près de la maison du chef
s'élevait un grand cactus, au pied duquel se trouyait un tas de squelet-
tes de buffles et d'antilopes, offrande faite à Tesprit protecteur du vil-
lage, auquel était dû le succès. Plus loin se rencontre le village de Pan-
gala, sur TAroangwa qui, ainsi que la Songwi, coule vers le sud-ouest.
Les deux rivières se rencontrent à qudques centaines de mètres du vil-
lage, dont elles protègent deux des côtés et auquel eUes font une position
stratégique importante. Pangala ne compte pas moins de deux cents
habitations, peut-être davantage, gans compter les greniers qui ea
dépendent. Le chef se trouvait dans une partie élevée du village, assis
près d'une maison avec une petite dépendance dans laquelle ses femmes
et ses enfants étaient séparés du commun peuple. D fit bon accueil aux
voyageurs et leur apprit que lui et les Wa-Wanda étaient arrivés dans
le pays aune date relativement récente. Ils venaient de TOu-Mouwoun-
gou, dans le voisinage de TOu-Fipa, au nord-oUest du lac Hikoua. Leur
établissement dans le pays remonte probablement à une trentaine d'an-
nées.» Pour revenir à la station de Chire^ji, les missionnaires longèrent
le pied des monts Watenga, jusqu'au village de Mpembé,^ qui a pour
chef Mouini-Wisi. Puis ils gravirent les monts Mfangou et Kapyoro qui
s'élèvent de la plaine d'une façon assez abrupte. Le brouillard s'éten-
dait à l'ouest et au nord, mais à l'est et au sud, les hauteurs du pays
des Angones et les monts Livingstone, ainsi que le lac au loin, étaient
très visibles. Les montagnes ont une hauteur d'à peu près 2000 mètres
au-dessus de la mer. Après cela le terrain est relativement plat, traversé
par quelques cours d'eau tributaires de l'Aroangwa. Dans certains
endroits montueux se trouvaient des forêts où les voyageurs virent des
arbres, de proportions énormes, couverts, du pied jusqu'au sommet, de
mousses et de lianes. Les habitants de cette partie du pays ressemblent
pour leurs habitudes et leur langage aux Wa-Eondé.
M. Laurence Goodrich, faisant les fonctions de consul anglais
pour le district du lac Nyassa, a envoyé au Foreign Office un rapport sur
un voyage qu'il a fait récemment à l'ouest du lac, dans le territoire du
chef Monazi. Pendant son séjour à Kasounn^Oy résidence de ce
chef, celui-ci mourut et fut remplacé par son neveu Katamé. Le but
principal de M. Goodrich était d'engager les chefis indigènes à renoncei*
à encourager la traite. Le pays qu'il parcourut entre Bandaoué et
Kasoungo, à 200 kilom. S.-S.-O., était entièrement inhabité, quoiqu^U
abonde en gibier de toutes sortes. La ville est située au centre d'une
vaste plaine sans arbres, à 700*° au-dessus du lac Nyassa, c'est-à-dire à
— 363 —
1200" au-dessus de la mer ; les maisons sont construites autour d'une
montagne de forme conique, qui s^élève à 200" au-dessus du niveau de
la plaine. Les chefis se sont montrés désireux de voir les commerçants
anglais s'établir dans le pays ; ils ont beaucoup d'ivoire ; Eatamé offrit
à M. Goodrich de lui vendre une centaine de défenses. Le sol est bon,
propre à la culture du froment ; le bétail y prospère ; la tsétsé ne s'y
rencontre pas. L'altitude de la plaine au-dessus de l'océan lui procure
un climat qui conviendrait aux Européens ; les indigènes paraissent
simples et pacifiques.
Un correspondant du Natal Mercury lui écrit de Gorongoza, au
sud du Zambèze, que dans le trajet de Quilimane à Mopéa, et contrai-
rement au bruit répandu de l'insalubrité de cette région, il a toujours joui
d'une excellente santé. De Mopéa le voyage est fatigant jusqu'à Senna,
qui n'est qu'un village avec quinze maisons de briqueé et une nombreuse
population cafre. Â une journée au delà se trouve Chemba, le premier
grand village du territoire placé sous l'autorité du colonel Antonio de
Souza, territoire aussi vaste que celui de la colonie de Natal et du Zou-
louland réunis. Il le gouverne à Taide de nombreux chefs ou capitaines
qui obéissent à ses moindres désirs. De Chemba il fut conduit à Goron-
goza par le capitaine Païva d'Andrada, représentant de la compagnie
d'Ophir et l'initiateur des grands progrès accomplis dans cette partie
des possessions portugaises. Gorongoza est dans une belle situation et
très salubre, au pied d'une haute montagne et à quelques mètres d'une
rivière qui peut fournir les moyens d'une abondante irrigation. Pour le
moment, il n'y a guère qu'un jardin potager, qui suffit amplement à
l'alimentation des habitants. La maison du gouvernement est en com-
munication par téléphone avec le bureau de la poste ; il y a de plus une
vingtaine de maisons, une caserne, quelques soldats européens, un
médecin du gouvernements Tout le long de la route de Quilimane à
Gorongoza, le correspondant a vu de l'or apporté de Maui'ca par les
indigènes.
Le voyage projeté par les missionnaires suisses des Spelonken»
pour étudier le pays qui s'étend entre le nord du Transvaal et la baie
de I^elaf^oa, et visiter l'évangéliste Josepha, placé près de la résidence
du chef Magoud, s'est heureusement effectué. MM. Henri Berthoud et
Eugène Thomas, sont partis, le 28 mai, des Spelonkeu, avec huit chrétiens
ma-gouamba, un chariot attelé de huit bœufs pour transporter les pro-
visions et les bagages, et des ânes bâtés ou sellés, pour le cas oii les
bœufs auraient succombe aux piqûres de la tsétsé. H allaient au-devant
— 364 —
de rinconnu, car^ sur un parcours de plus de 500 kilomètres, ils avaient
à. se frayer Un chemin à travers des contrées en partie dés^tes. Dès le
premier jour de marche, ils n'eurent devant eux que des traces h peine
visibles de wagons de chasseiùs boers, allant du côté de Test, jusqu'à
Mpalaora, à deux journées et demie de rOlifantrRiver. Arrivés le 5 juin
au bord de la grande Tabi, ils durent attacher un arbre derrière le
chariot pour le retenir à la descente de la berge qui est très rapide;
puis ils perdirent leur chemin pendant trois jours en suivant des traces
de chasseurs ; le 11 juin ils passaient h Mpalaora chez un petit chef ba-
souto ; mais à partir de là, plus de traces de wagon, ils durent s'ouvrir
une route à travers les buissons et les arbres et chercher des gués pour
traverser les rivières. Le 16 juin ils franchissaient TOlifant-River, puis
se dirigeaient au sud-est, à travers de nombreux villages de Ma-Gk)uamba,
parlant exactement la môme langue que ceux des Spelonken, et arri-
vaient le 29 juin au village de Magoud, oii ils apprenaient que ce chef
était mort au commencement du même mois. Le secret devait en être
gardé jusqu'à ce qu'un remplaçant eût été désigné. MM. Berthoud et
Thomas se sont ensuite rendus par terre à Lorenzo-Marquez. Le passage
du Kkomati s'effectua sans difficulté, mais une zone de buissons d'une
quarantaine de kilomètres de large les arrêta pendant une dizaine de
jours. Quinze hommes furent occupés à les tailler pendant une semaine
entière. A Lorenzo-Marquez ils reçurent une hospitalité très cordiale
dans la maison suisse de MM. Widmer et C^®, du canton de Saint-OalL
Puis ils reprirent le chemin des Spelonken ; mais désirant compléter
leur étude dû meilleur itinéraire entre la côte et les stations de la mis-
sion romande, ils se séparèrent. M. Berthoud choisit une route plus
directe et un peu plus au sud que celle par laquelle ils étaient descendus
du haut plateau, et M. Thomas prit celle de Lydenbourg, pour gagner
ensuite les Spelonken par le pays de Secoçoeni et Marabastadt. Une
lettre du 27 août a annoncé leur heureuse arrivée à Elim et àValdézia;
les détails sur la contrée qu'ils ont parcourue viendront plus tard.
M. H. Berthoud espère qu'il lui sera possible de dresser une carte
complète de tout le pays compris entre le Transvaal, le Limpopo et la
baie de Delagoa.
M. Farini, Anglais d'origine, a fait cette année, à travers le désert
de Kalahapi, un voyage dont il a rendu compte dans la dernière
séance de la Société de géographie de Berlin. Parti de Kimberley , il s'est
dirigé, à travers le pays des Koranna, vers le lac Ngami, et à 3** plus
au nord, jusqu'au 18*" lat. S., et a pris, pour revenir, une direction plus
— 366 —
à Touest. Presque partout le sol était formé d'un grès rouge mêlé de
formations calcaires; il l'a trouvé souvent couvert d'une herbe très
haute fournissant un très bon fourrage pour les bœufe. Il a aussi ren-
contré de l'eau beaucoup plus fréquemment qu'il ne l'aurait cru,
d'après l'opinion répandue jusqu'ici. Le long de la rivière Oschombindé
croissent d'épaisses forêts d'une riche végétation, où le gibier ne man-
que pas; le bouquetin s'y rencontre auprès de l'éléphant. Parmi les pro-
duits du règne végétal, il mentionne spécialement les melons d'eau. Les
habitants des localités qu'il a traversées lui ont paru beaux et vigou-
reux, sans rien qui rappelle les Bushmen ; ceux-ci ont été rencontrés
par lui au N.-O. du lac Ngami. En somme il a trouvé que le plateau du
Kalahari, à lûOO" d'altitude, vaut mieux, sous le rapport de sa végéta-
tion, que la réputation qu'on lui a faite. Le climat en est salubre, pas
trop chaud, en sorte que certains endroits pourraient convenir à des
colons laborieux.
Le D' Wolir qui était parti de San-Salvador le 27 février pour le
pays de Damba, afin d'y recruter des porteurs, n'ayant pas réussi dans
son projet, s'est dirigé, avec cinq Loangos, vers 'le Quan^o, qu'il
a atteint près du confluent du Cuilou ; le 16 avril, il arriva à la résidence
de Quiamvou; mais là non plus il ne put engager aucun porteur, en sorte
qu'il dut reprendre une route plus méridionale, la route de conunerce
qui traverse les pays de Pombo, Poumbo, Zosso et Damba. La carte
provisoire dressée sur ses levés rectifie la topographie de cette région,
telle qu'elle a été fournie par Capello et Ivens dans leur premier
voyage ; les derniers restes du lac Aquilonda, que les explorateurs por-
tugais avaient relégué sous le 6'',30 lat. S. et lô'',SO long. £., disparais-
sent entièrement. Le D' Wolff, se basant sur le temps pendant lequel il
a marché, incline à reculer le Quango de 100 kilom. plus à l'est. La
publication des déterminations de positions du major von Mechow, dont
on n'a publié jusqu'ici que celle de Malangé, dissiperait les doutes à cet
égard.
Le D' Bûitner s'est avancé, avec 80 porteurs de la côte de Loango,
de San Salvador à Kioulou et aux cataractes Arthington, sur la rivière
Ambriz, puis de là il a atteint le Quango, près des chutes de Kama-
lombo, au point où le major von Mechow avait dû abandonner l'explora-
tion de la rivière. Il a ensuite longé le Quango jusqu'à Kwamouth,
complétant ainsi la reconnaissance de cet important affluent du Kassal.
Les lieutenants Kund et Tappenbeck qui se proposaient de pénétrer
jusqu'à Quiamvou en remontant le Quango, voyant qu'ils n'avaient pas
— S66 —
la possibilité de réaliser leur projet à partir du Congo, ont commencé à
construire une statioq à Stanley-Pool.
Les Annalee de la propagation de la foi ont publié une lettre du
P. Aiigpouard^ sur son nouveau voyante de Landana au Congo
moyMi» et sur la fondation de la station de Llntsolo, en amont de
Stanley-PooL Les détails de son récit sont bien propres à montrer
quel développ^n^t le passage des caravanes pour le haut fleuve a déjà
donné au commerce des riverains du Congo, et combien les relations
entre les indigènes et les blancs se sont améliorées. A propos du voyage
d'Isanghila à Manyanga, le P. Âugouard écrit : a Quelle différence avec
le voyage précédent! Aujourd'hui nous sommes connus partout, les
chefs viennent à notre rencontre, et les populations, au lieu de fuir ou
d'entrer en hostilité, nous apportent des vivres en grande quantité. Vu
la nombreuse caravane que je conduis (160 hommes), je ne peux donner
à chaque homme les vivres qui lui sont nécessaires. Je leur distribue
donc une certaine quantité d'étoffes, avec lesquelles ils achètent les
provisions du jour. Chaque soir, le camp se transforme ainsi en un vaste
marché, où se mêlent les poules, les chèvres, les porcs et les chiens.
Pour deux jours je donne à chaque homme un pli d'étoffe, soit envi-
ron 0",70; moyennant cela il trouve abondamment de quoi se nourrir.
Entre Isanghila et Manyanga, un chef voulut absolument nous faire
rester chez lui, nous invitant à prendre tout le terrain que nous vou-
drions. Pour nous prouver son amitié, il nous accompagna jusqu'à
Manyanga et nous rendit toutes sortes de bons offices pendant le
voyage. » Même empressement après l'arrivée des missionnaires à la
station de Linzolo. « Pendant les jours qui suivirent, ce fut une vérita-
ble avalanche de chefs et de sous-chefe qui apportaient des présents,
dans l'espoir, bien entendu, d'en recevoir davantage. Notre chef, le plus
voisin, fut le premier à venir me souhaiter la bienvenue; il m'offrit une
superbe vallée que nous désirions vivement pour pouvoir détourner le
chemin des caravanes d'ivoire qui passaient au milieu de notre pro-
priété. Quinze jours plus tard, les chefs vinrent avec une foule compacte
pour enterrer la guerre, et une fois la cérémonie terminée, la foule des
noirs se mit à danser autour du monument en jurant haine éternelle à
la guerre avec les blancs. Dès lors aucun noir ne peut plus paraître en
armes sur le terrain de la mission ; les chefs qui venaient autrefois avec
un attirail de fiisils, d'assagaies, de coutelas, etc., déposent aujou^
d'hui leurs armes avant d'entrer chez les missionnaires. Une maison
d'école a été construite ot pourra recevoir les nombreux enfants que
— 867 —
chefs et parents désirent faire instruire. Le P. Âugouard espère aussi
pouvoir faire bâtir un hôpital. En attendant, un des missionnaires soi-
gne à la porte de la mission tous les malades qui viennent chercher un
remède ou un soulagement à leurs maux ; il va aussi dans les villages
des alentours à la recherche des infirmes qui ne peuvent plus marcher.
Convaincus que l'Afrique ne se civilisera que par le travail, et en parti-
culier par Tagriculture, les missionnaires se sont efforcés de former des
travailleurs ; ils ont donné l'exemple des travaux agricoles, et quantité de
noirs sont venus apprendre d'eux les procédés de culture européens.
Aiyourd'hui déjà ce sont eux qui vont travailler chaque jour h la station
de Brazzaville. » Depuis l'envoi de cett« lettre, le P. Âugouard est
redescendu à Borna par un chemin nouveau. Au lieu de suivre la rive
droite du fleuve, nous apprend le Mmivement géographique, il a pris
une route plus au nord, traversant le plateau qui sert de ligne de faite
entre le Congo et le Quilou. Non seulement il a atteint Borna très
promptement, mais le chemin qu'il a suivi est facile, dit-il, et traverse
un excellent pays.
Lors des négociations qui ont eu lieu entre le cabinet de M. J. Ferry
et les représentants du roi des Belges, pour la délimitation des territoi-
res respectif de la France et de l'Association internationale du
Cong^, les délégués de cette dernière réclamaient d'abord des com-
pensations pécuniaires pour la vallée du IViari-QuIlou dont l'Asso-
ciation revendiquait la propriété. Le gouvernement français consentit
seulement à rembourser à l'Association la valeur matérielle de ses sta-
tions. Celle-ci se rabattit alors sur une démande de loterie qui devait
permettre d'obtenir du public les fonds nécessaires h l'organisation du
nouvel État du. Congo. Le gouvernement français ne crut pas devoir
opposer UQ refus aux fondateurs du nouvel État. L'autorisation a été
donnée à la condition qu'un comité français présiderait à l'émission de
la loterie, l'entreprise restant bien entendu aux risques et périls de
l'Association. L'émission sera de vingt millions.
La Société de géographie de Paris a reçu de M. R<ii§roziaski des ren-
seignements détaillés sur l'exploration qu'il a faite du mont Came-
roon, pendant son séjour à la côte de Guinée. Le nombre des villages
à une altitude de 0* à 1000", est d'environ soixante, inégalement distri-
bués ; ainsi la pente occidentale n'est habitée que sur la côte. Quoique
le climat soit très bon, relativement aux pays environnants, le manque
d'eau qui se fait sentir presque partout dans les villages est un grave
inconvénient. Les principales ressources commerciales sont l'huile de
— 368 —
palme, et le caoutchouc ; mais ces deux produits ne pourraient, vu leur
faible quantité, alimenter suffisamment le commerce dans la montagne.
L'avenir du pays est plutôt dans Tagriculture ; le sol, vierge presque
partout, est très riche. Les villages ne sont pas composés d'une agglo-
mération de cabanes placées les unes à la suite des autres. On n'en
trouve guère que trois ou quatre groupées ensemble; un certain nombre
de ces groupes forment une ville (nhouka). Chaque nbouka a son chef,
et les chefis constituent un gouvernement très patriarcal. La vendetta
y produit beaucoup de conflits et de petites guerres qui entravent et
arrêtent les communications. Tous les hommes sont chasseurs; depuis
quelque temps ils se livrent à la. récolte du caoutchouc, mais la qualité
du produit laisse encore beaucoup à désirer. La nourriture consiste en
bananes vertes, ignames, huile de palme, noix de palme, le tout forte-
ment pimenté, et sans aucun souci de la propreté. Cette nourriture
végétale, c'est la femme qui doit la procurer, la fenmie, ou bien les
femmes quand le sujet est riche. Les additions en viande sont assez
rares, le mari étant paresseux et parfois mauvais chasseur. Rare-
ment on apprend qu'ils aient tué un léopard, jamais un éléphant,
quoique ces animaux soient assez conmiuns. L'esclavage n'existe pas
chez les montagnards du Cameroon. Les travaux dans leurs petites
plantations sont à la charge des femmes et des enfants, surtout des pre-
mières. Une cabane de bambous, couverte de nattes, abrite toute la
famiUe, y compris les animaux domestiques : chèvres, moutons, porcs,
poules, canards, ce qui rend l'intérieur très malpropre.
Une ambassade marocaine s'est embarquée à Tanger pour
Malaga ; elle se rendra de là à Madrid, où elle est chargée de reprendre
les négociations sur la question de l'échange des territoires de Santa-
Cruz de Mar-Pequena, contre des terrains autour de Ceuta, que le
Maroc serait prêt à céder, et qui, suivant l'opinion des militaires espa-
gnols, seraient aussi plus avantageux pour la situation de l'Espagne sur
le détroit de Gibraltar. L'ambassade discutera aussi les modifications
que l'Espagne denvande à introduire dans le traité de commerce hispano-
marocain de 1860. Le Cabinet de Madrid a été poussé à demander ces
modifications, par les négociations qui se poursuivent entre l'Allemagne
et le Maroc, en vue de la conclusion d'un traité qui assure au commerce
allemand une situation exceptionnelle, tant sur les côtes que dans l'in-
térieur du Maroc, et qui donne à l'Allemagne le droit d'y établir des
comptoirs, ainsi que des dépôts de charbons et de vivres ; il lui accorde
même des concessions de mines, de voies ferrées et de travaux publics.
— 369 —
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
D'après le Courrier des Comptoirs^ un service de steamers d'Alger à Marseille et
à Tanger sera prochainement créé par le Comptoir central de Paris et Londres,
(}ui établira en même temps des factoreries & Tunis et à Sous.
M. Germon, explorateur de mines d'antimoine à Sauza, province de Constantine,
a été autorisé à disposer du produit de ses recherches jusqu'à concurrence de cent
tonnes.
A partir du 1*^' décembre la navigation du canal de Suez a été ouverte de huit,
entre Port-Saïd et le kilomètre 54, aux paquebots-poste et aux navires de guerre
munis d'appareils électriques. La durée du trajet de Port-Saïd à Suez et vice versa,
qui avait augmenté avec l'accroissement du tonnage, diminuera ; on espère par-
venir à faire transiter les navires en vingt-quatre heures d'une mer à l'autre.
Le D' Eagazzi, directeur de la station italienne de Let-Maréfia, au Choa, a en-
voyé à la Société de géographie de Rome un rapport sur les conditions sanitaires
du pays qu'il a traversé d'Assab en Abyssinie ; la malaria y prédomine.
Le D' Nerazzini, revenu pour quelque temps en Italie, se prépare à remplir une
nouvelle mission auprès du roi Jean d' Abyssinie.
Le capitaine Longbois, de retour de sa mission au Choa, a remis au président
de la République française une lettre du roi Ménélik.
Sous les auspices de la Société africaine d'Italie, une conférence coloniale réunie
à Naples, du 8 au 18 novembre, a décidé de charger les explorateurs italiens qui
se rendront du Choa au Kaffa, d'explorer la région des sources du Juba, pour en
suivre le cours jusqu'à la côte de l'océan Indien.
Les établissements de la Mission des Universités, à Magila, Mbouéni et Matopé,
ont éprouvé des pertes considérables, par suite d'incendies ; heureusement il n'y a
pas eu de victimes.
L'Angleterre, l'Allemagne et la France ont décidé de charger une commission
de délimiter les possessions continentales du sultan de Zanzibar.
Le capitaine Cecchi a quitté Zanzibar pour revenir en Italie.
M. P. Reichard, le seul survivant de l'expédition allemande aux lacs Hikoua
et Moëro, est arrivé à Wiesbaden, sa ville natale.
Il s'est fondé à Tamatave, une société dite « Société des colons français » pour
favoriser l'établissement des colons à Madagascar, aider à la création d'établisse-
ments agricoles, ouvrir au commerce un nouveau champ d'exploitation et soutenir
les anciens colons dans leurs efforts de colonisation.
M. Joaquim, José Machado ingénieur, a fait, à la Société de géographie de Lis-
bonne, une communication sur les études du chemin de fer de Lorenzo-Marquez
à Pretoria. Il a fait une description intéressante des contrées que traverse cette
ligne^ dans lesquelles on rencontre des villes déjà importantes, fondées par les
Boers, et dé nombreux éléments de civilisation.
Le gouverneur de la Colonie du Cap, sir Hercules Robinson, a fait proclamer
— 370 —
le protectorat britannique sur le pays des Be-Chuana, limité à l'est par la Répu-
blique sud-africaine, au sud par la Colonie du Cap, à l'ouest par la rivière Molopo,
et au nord par cette même rivière jusqu'à son confluent avec le Ramathlabana
Spruit, et à la frontière du Transvaal. Ce territoire portera le nom de Be-Chuana-
land britannique.
A l'occasion de ce qui a été dit de l'importation de l'eau-de-vie à Berseba.
M. Lûderitz a affirmé qu'aucun de ses gens n'en a introduit dans le pays; en re-
vanche il ne peut donner de garantie à l'égard de l'importation de spiritueux par
des étrangers, jusqu'à ce qu'intervienne l'empire allemand, sous le protectorat
duquel le Liideritzland a été placé.
D'après une lettre de Berlin à V Indépendance bélge^ M. Pohle, qui avait été en-
voyé à Angra Pequena, avec mission de rechercher quels minéraux le nouveau
territoire allemand pourrait fournir, a rapporté qu'on n'y trouve que du minerai
de plomb, et que les frais d'exploitation dépasseraient la valeur marchande du mi-
nerai sur les marchés de l'Europe.
Pour assurer aux missionnaires des stations baptistes les soins médicaux néces-
saires, le Comité anglais a décidé d'envoyer le plus tôt possible au Congo trois
médecins bien préparés et pourvus de tous les remèdes nécessaires pour prévenir
les conséquences funestes du climat.
M. Janssens, vice-gouverneur du Congo, est arrivé à Vivi, avec MM. de Cuvelier,
juge, et Destrain, secrétaire. Il a pris la direction des affaires, faisant les fonctions
de gouverneur général, en l'absence de M. le colonel de Winton, en tournée sur le
haut fleuve.
La station de Léopold ville possède aujourd'hui un troupeau de gros bétail. C'est
la première fois que, dans cette partie de l'Afrique, vaches et bœufs pénètrent aussi
loin. Grand a été l'étonnement de la population indigène qui n'avait pas encore
vu de semblables animaux.
Le Stanley, remonté, a quitté Léopoldville ayant à hord les indigènes ba-louba
de l'expédition Wissmann. C'est le D*" Wolff qui a été chargé de les rapatrier.
Le lieutenant Wissmann a dû venir à Madère se reposer de ses fatigues.
M. Massari a été chargé, avec les délégués français, de la délimitation des fron-
tières entre les territoires appartenant à la France et à l'État libre du Congo.
La conférence des délégués français et portugais pour la délimitation des fron-
tières respectives des deux pays, près de l'embouchure du Tchiloango, après avoir
tenu plusieurs séances à Paris, s'est séparée sans avoir réussi à se mettre d'accord.
M. Muller qui avait été chargé d'une exploration botanique de Pile de Saint-
Thomas, a rapporté à Lisboflne des collections intéressantes, non seulement pour
la botanique mais aussi pour l'étude géologique du pays. Il a fait l'ascension du
Pic de Saint-Thomas, et a constaté que son altitude est de 2142°". Il fera d'impor-
tantes corrections et additions à la carte de l'Ile dernièrement publiée.
Les délégués des sociétés allemandes de missions, réunis en conférence à Brème,
ont résolu d'adresser un manifeste au peuple allemand, et une série de proposi-
tions spéciales au ministère des affaires étrangères, pour obtenir que des restric-
— 371 —
4
lions soient apportées à la vente des spiritueux aux indigènes africains. La con-
férence a également étudié la question d'une mission au Cameroon.
Le traité conclu entre le roi de Dahomey et le Portugal ayant placé Kotonou
sous le protectorat portugais, le ministre des affaires étrangères de Lisbonne a
fait droit aux réclamations de la France, et a envoyé aux agents portugais Pordre
de rétablir les choses à Kotonou dans Pétat où elles étaient auparavant.
La maison Brauer et C*', de Bochum, a établi une station de charbon à Porto-
Grande, dans Pîle Saint- Vincent pour faire participer les houilles de Westphalie
aux avantages du trafic des vapeurs sur les grandes lignes transatlantiques.
Le steamer SUvertoton, de la India Rubber Company, chargé de poser, pour le ,
compte de la West African Telegraph Company, un câble destiné à relier au Séné-
gal les possessions françaises de la côte occidentale d'Afrique, a opéré avec succès
Patterrissement du câble à Dakac La canonnière française, le Niger, a fait une
reconnaissance du fleuve, en aval du Bammakou, sur un parcours de 350 kilo-
mètres.
Le mfnistère français de la marine et des colonies dresse le programme d'une
mission commerciale à la côte occidentale d'Afrique et d'une mission du même
geiire dans l'intérieur du Sénégal. Il développera l'institution des bourses de
voyage en faveur de jeunes gens ayant fait des études commerciales, afin qu'ils
puissent visiter les colonies françaises et se rendre compte des ressources qu'elles
présentent.
M. Henri Duveyrier a demandé à la Société de géographie de Paris de signaler,
à l'administration compétente, le décret espagnol qui proclame le protectorat de
l'Espagne sur la côte d'Afrique, du cap Bojador au nord, jusqu'au cap Blanc au
sud, décret qui enlèverait à la France 98 kilomètres d'une partie de côte reconnue
possession française par des traités antérieurs.
LES DERNIERS TRAVAUX DE SAV0R6NAN DE BRAZZA
L'arrivée de Savorgnan de Brazza en France nous a valu d'abondants
renseignements sur la mission française dans l'ouest africain, sur laquelle
nous étions sans nouvelles depuis de longs mois. Sans revenir sur les
faits qui ont suivi immédiatement le retour de l'explorateur à la côte
d'Afrique en 1883, nous indiquerons sommairement, d'après le Temps,
les résultats de son activité et de celle de ses agents, le long du Niari, de
l'Ogôoué et de l'Alima. M. Dolisie, remontant le Niari dans la direction
du Congo, a fondé les postes de Ngotou et du Bas-Quilou, la station de
Niari-Loudima et le poste de Niari-Babouembé, après avoir conclu avec
les indigènes des traités d'amitié et de protectorat. Aujourd'hui les
porteurs ba-bouembé et loangos font le seiTice dans la vallée du Niari,
— 372 —
comme les Âdoumas et les Okandas dans la vallée de rOgôoué. Sar ce^
dernier fleuve, une première station fut fondée au cap Lopez et devint
le point central d'approvisionnement de la mission. Puis, comme TOgôoué
est navigable sur une longueur de 380 kilom. environ, une seconde sta-
tion fut établie à Njolé, point oîi commencent les premiers rapides du
fleuve. D'autres postes furent créés à Okota, à Obombi et à Achouca
sur le cours moyen de TOgôoué; enfin sur le haut fleuve, on organise la
station de Madiville ou Nghémé et le poste de Doumé. Quant à la sta-
. tion de Franceville, les Européens y étant presque eii permanence depuis
cinq ans, elle est déjà un centre important. Dès que le matériel amené
d'Europe commença à y arriver sans trop d'encombre, Savorgnan de
Brazza rejoignit sur l'Âlima le D' BaUay, qui procédait à la reconstruc-
tion d'une chaloupe à vapeur pour l'exploration du Congo, et négociait
avec les Afourous un traité de paix pour pouvoir naviguer sur TAlima
et le Congo. Les Afourous s'engagèrent à faire les transports des explo-
rateurs français sur ces deux cours d'eau. Comme des porteurs font le
service par terre entre le haut Ogôoué et le haut Alima, la convention
avec les Afourous mettait l'Atlantique en communication ininterrompue
avec le Congo. Sans doute cette voie n'est pas une voie commerciale ; le
transit est long et pénible ; mais telle qu'elle est, elle constitue un che-
min de pénétration très sûr, et la mission l'a constamment utilisée poiu*
ses services de ravitaillement. « Elle a pu y transporter, » dit M. de
Brazza, « en une année, trois fois plus de matériel qu'il ne s'en est
déplacé par la route du bas Congo dans le môme temps. »
Sur l'Alima les établissements fondés sont la station de l'Alima-Djelé,
le poste de Ngampo, la station de l'Alima-Leketi, enfin le poste de
Mbossi, au confluent de l'Alima et du Congo. Ds sont tous reliés les uns
aux autres par un service régulier de transport.
Quant au Congo, les points occupés aujourd'hui par la mission fiim-
çaise sont, au sud, la station de Brazzaville ; puis, en remontant vers le
nord, les postes de Nganchoumo et de Mbé (résidence de Makoko), le^
poste de Bongha et la station d'Oubangi, au confluent de la rivière
Liboko-Oubangi avec le Congo.
Dans chaque station ou poste, résident des agents blancs ou noirs de
la mission. Les noirs défrichent les alentours des stations et cultivent
les légumes du pays ou les légumes européens. Les blancs étudient la
géographie de la contrée, recrutent les porteurs et les pagayeurs, re-
cueillent des collections sur la flore et la faune du pays, des échantillons
de minéraux et font des recherches sur l'ethnologie et l'état social des
tribus de l'ouest africain.
— 373 —
Au point de vue géographique, la mission a déjà rapporté 4000 kilom.
de levés, comprenant le cours de rOgôoué, de la côte à Franceville ; Titi-
néraire de Franceville à Mayombé, du lieutenant Mizon ; deux levés du
cours de l'Alima ; le cours du Congo entre Brazzaville et Le poste de
rOubangi ; Titinéraire de M. Dolisie, de Brazzaville à Loango par le
Niari ; enfin, la reconnaissance partielle du vaste delta qui s'étend, sur
le Congo, de rembouchure de TAlima à celle du Liboko-Oubangi.
Sous le rapport commercial, M. de Brazza reconnaît que les voies qui
doivent mettre TAfirique centrale en communication avec Tocéan Atlan-
tique sont encore à établir. Le bas Congo, le Niari, l'Ogôoué, ne sont
que des voies de pénétration dans T Afrique équatoriale. Un chemin de
fer seul pourra répondre aux besoins du transit, qui ne manquera pas de
s'établir entre la côte et l'intérieur, lorsque les populations riveraines du
Congo auront été amenées à un état plus avancé de civilisation.
Aigourd'hui on doit considérer comme un maximum le transport an-
nuel de 800 tonnes de marchandises par la voie de l'Ogôoué qui, de
l'Atlantique au Congo, n'a pas moins de 1500 kilom. ; malgré cela, le
transport d'une tonne de marchandises à Brazzaville coûte beaucoup
moins cher par l'Ogôoué que par le bas Congo.
Pour arriver à organiser le service de ravitaillement de la mission,
M. de Brazza s'est efforcé non seulement d'entretenir de bonnes rela-
tions avec les indigènes, mais encore de concilier leurs intérêts avec ceux
de la mission. Au début, les Pahouins, cannibales, venant du nord-est,
envahissaient peu à peu le bassin de l'Ogôoué, repoussant vers la côte
les Gabonais et les Bakalais, interceptant les communications des peu-
plades riveraines du fleuve, Adoumas, Okandas, etc. Sa première tâche
fut de parlementer avec les Pahouins, afin d'obtenir pour ses gens la
faculté de naviguer sur l'Ogôoué. Il mit en œuvre pour cela, la persua-
sion, la douceur, l'intimidation, la menace ; enfin de petits présents
lui permirent de racheter complètement les droits de circulation sur la
rivière. Pour utiliser cette voie, il s'adressa aux Okandas et aux Adou-
mas, les seuls piroguiers de l'Ogôoué ; peu à peu le service des transports
s'organisa, et les communications devinrent régulières.
L'interdiction du commerce sur le haiit fleuve, qui a donné lieu à
beaucoup de critiques, a été expliquée par M. de Brazza par les raisons
suivantes : Les moyens de transport sur le haut Ogôoué étant limités,
et la mission ayant besoin de toutes les pirogues, elle aurait couru au-
devant d'un échec, si les traitants du Gabon, dont la majorité sont des
étrangers, avaient pu diminuer ses moyens d'action sur le fleuve. En
— «74 —
outre, il était urgent de ne pas laisser les traitants établir leurs procé-
dés conunerciaux parmi les tribus du haut fleuve. Les factoreries don-
nent aux indigènes du sel ou des produits européens, à charge par eux
de rapporter des produits de l'intérieur, principalement défi boules de
caoutchouc. Pour une certaine valeur de marchandises d'Europe, l'indi-
gène doit rapporter, en produits du pays, une valeur quarante ou cin-
quante fois supérieure. Si, sur cinquante indigènes h qui on fait ces
avances, il y en a quatre ou cinq seulement qui apportent à la factore-
rie les marchandises demandées, le traitant y gagne assez pour conlïe-
balancer les pertes qu'il subit. C'est ainsi que commencent les relations
commerciales avec les indigènes. Plus tai'd, les factoreries traitent avec
les che£3. Ceux-ci promettent d'échanger une grande quantité de caout-
chouc, d'ivoire, d'huile de palme contre quelques objets de provenance
européenne,' et laissent en otage leur fils ou un membre quelconque de
leur famille. Si le marché n'est pas exécuté, souvent à cause de la dis-
proportion des conditions du marché, le traitant garde les otages. Les
chefs de tribus, furieux, s'en prennent aux autres traitants et pillent
indistinctement toutes les pirogues qui passent sur le fleuve. Il
faut sévir contre eux et le pays est troublé. Aussi, M. de Brazza
ne permet aux traitants que de pratiquer le commerce au comptant,
et le pays est très tranquille. Sur le bas Ogôoué, il n'a pas eu besoin
de recourir à une semblable mesure. En échange de la sécurité qu'il
garantissait aux Adoumas et aux Okandas contre les attaques des
Pahouins, il a demandé à chaque homme valide deux mois de service
par an poui^la mission. Comme ils redescendent le fleuve à vide, il leur
a accordé le droit de placer dans leurs pirogues des produits du pays.
A la côte, ils les échangent contre des cotonnades, des couteaux, etc. ;
à la remonte, chaque homme a droit au transport de trois kilogrammes
de marchandises et ils peuvent ainsi rapporter dans leur pays la valeur
du caoutchouc et de l'ivoire qu'ils y ont pris. En outre, ils touchent
une solde pour leur service. D'opprimés qu'ils étaient naguère par les
Pahouins, ils sont devenus un peuple de libres travailleurs.
Quand les Pahouins virent les Adoumas s'enrichir, ils s'en plaignirent
sans pouvoir offrir des services qui leur auraient valu une rémunération.
M. de Brazza leur proposa de placer deux jeunes Pahouins dans chaque
pirogue de la mission afin qu'ils fissent une sorte d'apprentissage. Us
acceptèrent, et aujourd'hui les Pahouins, comme les Adoumas et les
Okandas, sont employés au service des transports par le fleuve.
Après avoir assuré la navigation de l'Ogôoué, M. de Brazza se préoe-
— 375 —
cupa de retendre sur les affluents du Congo. H emmena avec lui des
Pahouins et des Adoumas sur le Congo, et n'eut qu'à se louer de leur
fidéHté à garder les établissements français. Constamment en rapport
avec les tribus protégées, il est à même de les maintenir fidèles par les
serviteurs dévoués sur lesquels il a conservé toute son autorité morale.
Grâce à la courtoisie de sir Francis de Winton, les rapports des agents
de l'Association internationale et d^ collaborateurs de Savorgnan de
Brazza sont des plus cordiaux.
Il résulte de lettres reçues par la Société de géographie de Paris, de
M. Fourneau, chargé de la direction des stations de Bôoué, Madiville et
Franceville, que les travaux pour l'établissement d'une station nouvelle
sont commencés. M. Fourneau a envoyé un levé de la chute et des rapi-
des de Bôoué, ainsi qu'un projet de canal ne comportant que des tra-
vaux faciles et simples, et qui permettrait de supprimer l'immobilisa-
tion des convois à Bôoué, souvent pendant des journées entières, et de
prévenir des pertes de matériel. Il a fait une excursion chez les Cimbas
dont le pays, arrosé de nombreux ruisseaux, offre un coup d'œil féerique.
Les Okandas ayant monopolisé le commerce, et la crainte des Okandas
paralysant les tribus qui ne demandaient pag mieux que d'entrer en
relation directe avec les blancs, M. Fourneau a réussi à concilier les
intérêts des deux parties. Il demande la création de deux postes dans la
région comprise entre l'Ogôoué et Okona, le premier serait à Moningué,
le second dans le haut Ogôoué, à Okoua.
RENSEIGNEMENTS COLONIAUX ET COMMERCIAUX Sm L'AFRIQUE
Depuis quelques années, la situation économique de l'Afrique a subi
d'importants changements. Des puissances européennes qui ne s'étaient,
jusqu^à notre époque, que fort peu occupées de la question coloniale, ont
planté leur drapeau sur plusieurs territoires ; d'autres ont augmenté leurs
possessions ou étendu leur influence ; de nouvelles voies commerciales ont
été créées et, d'autre part, si la civilisation a triomphé de la barbarie sur
beaucoup de points, il en est où, au contraire, elle a reculé. Notre jour-
nal a renseigné ses lecteurs à ce sujet au fur et à mesure que les événe-
ments se déroulaient; mais il est bon, de temps à autre, de grouper les
faits accomplis et de montrer l'ensemble des progrès survenus pendant
une certaine période. Or, le règlement de la question du Congo, les nou-
velles acquisitions de l'Allemagne, les événements du Soudan, l'occupation
— 376 —
par ritalie d^une partie dç la côte de la mer Rouge, et d'autres évéoe-
ments moins importants, ont assez modifié la carte coloniale de TÂfriqtte
pour qu'il nous ait paru nécessaire d'en publier une'. Nous y avons joint,
d'après une carte parue dans le bel ouvrage de Schweiger-Lerchenfeld,
Afrika, et d'après d'autres documents, les grandes voies suivies par le
commerce, tant à l'iatérieur qu'à l'extérieur du continent africain.
C'est ainsi que nous y avons fait figurer les lignes des paquebots, des
chemins de fer et des télégraphes, terrestres et sous-marins, et les routes
des caravanes.
Voici, pour augmenter l'utilité d'une carte de ce genre et pour en
faciliter la lecture, quelques observations explicatives ou complémen-
taires.
Le tableau suivant indique approximativement l'étendue ^et la popu-
lation absolue et relative des possessions européennes en Afrique et des
états indépendants :
PopaUtioB
Étendue en PopaUtion par nlonMre
kilomètrei carrée. abeoloe. otrré.
Possessions turques y compris l'Egypte. 2,056,000 7,800,000 3,8
Possessions portugaises 1,805,580 2,484,100 1,4
» françaises 1,486,880 9,661,000 6,5
» anglaises 721,350 2,575,100 3,5
» espagnoles 2,200 31,100 33
> allemandes ? ?
* italiennes 632 1,300 2
Maroc 812,332 6,140,000 8
Libéria 37,200 1,050,000 28
Étot du Congo 2,074,110 24,000,000 12
République du fleuye Orange 107,439 133,518 1,2
République du Transvaal 291,890 829,000 3
Ile de Zanzibar 1,591 160,000 10
Madagascar 591,964 3,500,000 6
Abyssinie 333,279 3,000,000 9
Quoique ces chiffres soient très approximatifs, en particulier ceux qui
indiquent le nombre d'habitants de l'État du Congo, de Madagascar et
des possessions italiennes et portugaises, ils permettent cependant de se
rendre compte, en gros, de l'importance relative des divers pays et de la
densité de la population, faible partout, mais différant assez sensible-
ment suivant les régions.
» Voy. p. 384.
— 3T7 —
Le commerce intérieur de l'Afrique est loin d'être facilité par les
voies de communication autant qu'il l'est ^ans les autres parties du
monde. Quelques fleuves, tels que le Congo, le Nil, le Niger, le Zambèze,
le Sénégal, le Limpopo, constituent, il est vrai, de grandes artères
commerciales. Malheureusement, ils sont tous plus ou moins obstrués
par des rapides, et d'ailleurs ils ne sont guère utilisés comme ils pour-
ment l'être et comme ils le seront dans l'avenir. Quant aux routes, elles
sont rares; les caravanes du Sahara et de la côte orientale suivent
quelques itinéraires, en bien petit nombre par rapport à l'énorme super-
ficie de ces régions.
Voici les principaux :
En Egypte, tête de ligne de plusieurs grandes routes de caravanes,,
et trait d'union entre l'Afrique et l'Asie, viennent aboutir : r l'impor-
tante voie qui longe la lisière septentrionale du Sahara, parallèlement à
la Méditerranée, du Maroc au Caire, par Aln-Salah, Ghadamès et Tripoli.
Elle est suivie par les pèlerins d'Afrique qui vont à la Mecque à l'occa-
sion du Ramadan ; 2"* la route du Ouadal, qui s'arrête à Syout, ou au
Caire ; 3* celles du Darfour et du Kordofan qui, naguère encore, gagnaient
le Nil à Khartoum ou à Dongola, et suivaient ensuite le fleuve.
On distingue en outre les itinéraires suivants : 4° de Kouka, sur le
lac Tchad, à Mourzouk et à Tripoli; 5*" de Kouka à Kano et à Sokoto,
dans le Soudan, et de là à Tripoli par les oasis d' Aïr et de Ghat ; 6° de
Timbouctou à Am-Salah, à Ghadamès et à Tripoli; T" de Timbouctou
à Aïn-Salah et de là en Algérie ou en Tunisie ; 8*^ de Timbouctou à
Maroc, Fez et Tanger.
La principale voie commerciale de la côte orientale va de Zanzibar à
Oudjidji, sur le lac Tanganyika, par Tabora.
Enfin les routes du Cap au Zambèze, par Kimberley et Shoshong, et
de Benguela à Moussoumba et à Cazembé, par Bihé, sont aussi utilisées.
Les chemins de fer sont encore bien peu développés en Afrique. La
longueur totale du réseau ne dépasse pas 6100 kilomètres. La Belgique
et la Hollande ensemble en ont davantage.
Ils se répartissent comme suit :
Pays du Cap et Natal . . 2968
Algérie et Tunisie 2003
Egypte 1528
Sénégambie 300
La Réunion 160
Maurice 106
— 378 —
Des lignes soDt projetées de Lorenzo-Marquez,sur la baie de Delagoa,
à Pretoria, capitale du Transvaal, et de l'océan Atlantique à Stanley-
Pool, le long du Congo inférieur. En revanche on a abandonné Tidée
de construire le Trans-Saharien et la ligne de Souakim à Berber; enfin
les travaux sont suspendus -sur celle du Sénégal au Niger.
n est impossible d'indiquer la longueur, même approximative, du réseau
télégraphique terrestre de l'Afrique, car d'anciennes lignes, telles que
celles du Soudan égyptien ont été détruites, tandis que d'autres ont été
établies récemment et soût prolongées en ce moment même dans la
Sénégambie, l'État du Congo, lé pays du Cap. On jugera des progrès
accomplis en ce domaine pendant les dernières années, par le fait
qu'en 1881, le géographe allemand, Richard Andrée, donnait comme
montant total des dépêches expédiées par les lignes télégraphiques
africaines le chiffre de 1,200,000, qui est dépassé actuellement par
l'Algérie et la Tunisie seules. On compte dans ces deux pays 9800 kilo-
mètres de lignes, qui reçoivent par an 1,500,000 dépêches, en Egypte,
8660 kilomètres et 700,000 dépêches, dans le Pays du Cap, 6500 kilomè-
tres et 650,000 dépêches.
Outre les possessions européennes, Libéria, l'État du Congo, Zànù'
bar et le Transvaal font partie de l'Union postale universelle. On évalue
le mouvement total des lettres à 30 millions par an, ce qui ne fait qu'une
lettre pour 6 habitants, tandis que le nombre moyen des correspondan-
ces dans le monde entier est de 3 par tête.
L'Afrique est maintenant reliée aux autres parties du monde par plu-
sieurs cftbles télégraphiques sous-marins. Dès 1853, on fit des tentati-
ves pour en établir dans la Méditerranée, mais elles échouèrent ; ce
n'est qu'en 1870 qu'elles furent reprises et qu'on réussit à poser une
ligne entre Marseille et BOne ; dans les années suivantes on en établit
une seconde entre Marseille et Alger. Depuis, le nombre des cftbles
méditerranéens s'est beaucoup accru. L'un d'eux, mouiUé sur toute la
longueur de la Méditeiranée, unit Gibraltar à Alexandrie, par Malte et
Candie; d'autres vont de Bizerte en Sicile, de Malte à Tripoli, de Malte
à Bizerte. Quant à celui qui reliait Tripoli à Benghazi et à Alexandrie,
il s'est rompu et a été abandonné par la Compagnie, àt^ause de l'énorme
dépense que nécessitait son entretien, du revenu însufiEisant et du refus
du gouvernement turc de participer à la dépense.
La mer Rouge est parcourue par le cftble de Suez à Aden et par celui
que les Italiens ont dû poser de Massaoua à Assab. D'Aden, la ligne
télégraphique sous-marine continue, depuis 1879, jusqu'à Port Natalt
en touchant Zanzibar, Mozambique et Lorenzo-Marquez. De Zanzibar
— 379 —
s^en détache une autre, établie par les soins du gouvernement français,
pour desservir Mayotte, Nossi-Bé et Tamatave; elle a dft être terminée
en juin dernier. La Compagnie adjudicataire comptait la prolonger jus-
qu'à la Réunion et Maurice.
La côte occidentale d'Afrique est moins favorisée que la côte orien-
tale, au point de vue des communications rapides ; mais il est probable
qu'elle aura aussi, avant longtemps, sa ligne télégraphique océanique.
Depuis 1874, du reste, elle a pu utiliser le câble qui va de Lisbonne au
Brésil, en touchant à Madère, aux Canaries et aux îles du Cap Vert. En
outre, au mois de janvier 1885, l'établissement de la ligne de Cadix à
Ténériffe et à Dakar (Sénégambie) a été terminé et a rendu d'inappré-
ciables services à toute la côte de Guinée. Enfin l'on parle plus que
jamais de la prolonger jusqu'au Cap, pour desservir le Congo et Angola.
Un contrat dans ce sens a d^à été adopté par les Chambres portugaises.
Cette entreprise serait sans doute vivement appuyée |en Angleterre
et au Cap, où les interruptions fréquentes des communications télégra-
phiques avec l'Afrique australe, causées par la rupture du câble entre
Mozambique et Zanzibar, ont récemment provoqué la réunion de mee-
tings en faveur d'une ligne par la côte occidentale entre la métropole
et la Colonie.
Ainsi qu'on peut le voir sur notre carte, les lignes de navigation
entourent déjà l'Afrique d'un réseau serré, surtout dans la Méditerra-
née, franchie non seulement par les nombreux paquebots qui mettent la
France et l'Italie en relations avec l'Algérie et la Tunisie, mais encore
par les steamers à destination des Indes orientales, qui desservent
l'Egypte en passant. Comme, à partir de Suez, ils ne touchent plus aucun
port africain, notre carte n'indique pas leurs itinéraires à travers la mer
Rouge et le golfe d'Aden, mais les arrête à Port-Saïd.
La fondation de nouvelles colonies et de nouveaux États amène le
développement des services maritimes, et il n'est pas d'année où l'on
ne signale la création de plusieurs lignes de paquebots. Actuellement
elles sont si nombreuses qu'il n'est pas possible de mentionner avec
détails tous les ports qu'elles desservent, les conditions de transport, la
durée des trajets. Nous voulons seulement signaler les principaux servi-
ces maritimes, pour donner une idée du mouvement de navigation afri-
cain. .
Voici les noms des compagnies et des grands ports touchés, classés
suivant les trois routes de la Méditerranée, de l'océan Atlantique et de
l'océan Indien.
— 380 —
I. Boute d« la Méditerranée et de la e^te septentrionale d'Afrt%ne.
Messageries maritimes (françaises) :
Marseille, Alger, Alexandrie, Port-Saïd, Saez.
Nouvelle Compagnie marseillaise de navigation à vapeur :
Marseille, Alexandrie, Port-Saïd.
Société générale de transports maritimes à vapeur (française) :
Marseille, Alger, PhilippeYÎlle, Bône, Bougie.
Compagnie générale transatlantique (française) :
Marseille, Alger, B6ne, Mostaganem, Arzeu, Oran, Nemours, Tanger.
Compagnie de navigation mixte (française) :
Marseille, Cette, Alger, Bougie, Djidjelli, Oran, Bône, PhilippeTille, Mosta-
ganem, Arzeu, Nemours, Tanger.
Compagnie Valéry (française) :
Marseille, Alger, Dellys, Bougie, Djidjelli, Collo, Oran, Stora, Tunis.
Compagnie havraise péninsulaire :
Le Havre, Nantes, Saint-Nazaire, Bordeaux, Oran, Bougie.
Compagnie Rubattino, Florio (italienne) :
Gènes, Marseille, Tunis, Sfax, Tripoli, Alexandrie.
Compagnie du Lloyd (austro-hongroise) :
Trieste, Gonstantinople, Alexandrie, Port-Saïd, Suez.
Compagnie péninsulaire et orientale (anglaise) :
Southampton, Venise, Alexandrie.
Compagnie russe de navigation à vapeur :
Odessa, Gonstantinople, Smyrne, Alexandrie.
Ligne ottomane :
Gonstantinople, Port-Saïd, Suez.
Ligne hollandaise :
Amsterdam, Port-Saïd, Suez.
Ligne allemande :
Hambourg, Port-Saïd.
Ligne grecque :
Le Pirée, Port-Saïd.
Compagnie du Khédi\ié (égyptienne) :
Gonstantinople, Smyrne, Alexandrie.
II. Bonté de la e^te oeeldentale d^Afrlqne par l'Atlantique.
C. Woermann, Hambourg :
Hambourg, Madère, Corée, Monrovia, Lagos, Gameron, Gabon, Landana,
Gabinda, Ambriz.
— 381 —
Kosmos (allemande) :
Hambourg, Saint-Yincent, Amérique du Sud.
Hamburger Sûdamerikanische Dampfschiffahrtsgesellschaft
Hambourg, Saint- Vincent, Buenos-Ayres.
Mersey Steamship Company :
Londres, Tanger, Rabat, Casablanca, Mogador.
African Steam ship Company :
Liverpool, Le Cap.
British and African Steam Navigation Company :
Liyerpool, Hambourg, Madère, Ténériffe, Freetovn, Monrovia, Accra, Lago^^
Gabon, Congo, Ambriz, Loanda.
Union Steam Ship Company :
Plymouth, Madère, Le Cap, Port Elisabeth, East-London, Natal.
Colonial Mail Line :
Dartmouth, Madère, Ascension, Sainte-Hélène, Le Cap, Natal.
Orient and Pacific Steam Navigation Company :
Plymouth, Saint-Vincent, Le Cap.
Royal Mail Steam Packet Company :
Southampton, Saint-Vincent, Buenos- Ayres.
Messageries maritimes (françaises) :
Bordeaux, Lisbonne, Dakar, Buenos- Ayres.
Compagnie de navigation marocaine (française) :
Marseille, Tanger, Mogador, Canaries.
Société générale des transports maritimes (française) :
Marseille, Saint- Vincent, Buenos- Ayres.
Ligne portugaise :
Lisbonne, Madère, Açores.
Ligne italienne :
Gênes, Saint- Vincent, Buenos-Ayres.
Ligne espagnole :
Cadix, Canaries, Cuba.
III. Route de la eôte orientale d'Afrique par la Mer Bouire et roeéai»
Indien.
British India Steam Navigation Company :
Aden, Zanzibar, Mozambique, Quilimane, Inhambané, Lorenzo-Marquez
Mayotte, Xossibé, Majunga (Madagascar).
Union Steam Ship Company :
Aden, Zanzibar, Natal, Le Cap.
Messageries maritimes :
Marseille, Port-Saïd, Suez, Aden, Mahé (Seychelles), Saint-Denis (La Réunion),
Port-Louis (Maurice).
— 882 —
Compagnie du Khédivié (égyptienne) :
Suez, Souakim, Massaoua.
Voici, pour terminer, quelques indications relatives à la durée des
trajets, de :
Marseille à Cran, 52 heures. Hambourg à Alexandrie, 15 jours.
MarseUle à Alger, 88 heures. Liverpool à Madère, 7 jours.
Marseille à Philippeville, 48 heures. Hambourg à Madère, 9 jours.
Marseille à Alexandrie, par Malte, 6 j. Lisbonne à Madère, 2 Vt jours.
Marseille à Alexandrie, par Naples, 7 j . Cadix à Ténériffe, 3 *!% jours.
Marseille à Tunis, 3 jours. TénérifTe à Dakar, 4 jours.
Carthagène à Oran, 12 heures. Plymouth à St-Yincent (Cap Vert), 9 j.
Gênes à Alexandrie, 8 jours. Plymouth au Cap, 20 jours.
Trieste à Alexandrie, 5 jours. Lisbonne au Cap, l7Vi jours.
Oonstantinople à Alexandrie, 7 jours. L'Ascension au Cap, 13 jours.
Odessa à Alexandrie, 10 Vt jours. Marseille à la Kéunion, 21 jours.
Malte à Alexandrie, 3 jours. Aden à Zanzibar, 10 jours.
Gibraltar à Alexandrie, 8 jours. Zanzibar à Mozambique, 5 jours.
Southampton à Alexandrie, 13 jours. Zanzibar à Mayotte, 2V> jours.
Liverpool à Alexandrie, 14 jours.
BIBLIOGRAPHIE
Ch. Le Brun-Renaud. Les possessions françaises de l^âfbique
OCCIDENTALE. Poris (L. Baudoiu et C**), 1886, in-S**, 340 p. et 2 cartes,
fr. 3,50. — Dans cet ouvrage de vulgarisation géographique, un des
meilleurs que nous connaissions, sur la situation coloniale de la France,
l'auteur s'est proposé de faire un résumé historique de la conquête du
Sénégal, de l'établissement de l'autorité française à la côte de Guinée,
au Gabon, sur l'Ogôoué et au Congo. En même temps il étudie la géo-
graphie physique et administrative de ces possessions françaises, esquisse
les mœurs de leurs habitants, leur organisation politique, sociale, reli-
gieuse ; il en décrit la faune, la flore et les richesses économiques. Un
coup d'oeil d'ensemble sur les missions et les explorations que le gou-
vernement français a ordonnées au Sénégal depuis 1879 jusqu'à l'heure
actuelle, et trois chapitres sur l'Association internationale africaine, la
Conférence de Berlin et le Congo, avec un appendice sur les colonies de
l'empire allemand, donnent un caractère d'actualité à ce volume qui
est écrit dans un style clair, toujours élégamment correct, sans lon-
gueurs ni digressions inutiles, impartial dans ses aperçus, tel qu'il con-
vient à un historiographe sérieux, de quelques-unes des conquêtes les
plus importantes de la France.
' On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bâle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civiliaée.
DE LA SIXIÉMB ANNÉE
BULLETIN MENSUEL et NOUVELLES GOXFLËMENTAZRBS
Pag08 3, 41, 65i 105, 141, 169, 193, 226, 267, 289, 326, 867.
CORRESPONDANCE
Lettre de M. E. Creca (lies spiritaeuz an
TrftasTaal) : . . .
— de M. de Ponrtalds, de Vivi
— delC. leD'O.PaMavantideCameroon.
Psfes
36
60
91
Pages
Lettres de M. D. Jeanmairet, da Zambèae.
98, 248, 849
— de M. P. Beribond, da TzaasTaal ... 98
— de M. Hôli ChateUb, de Loanda ... 819
— do Bas-Oongo 820
ARTICLES DIVERS
La Oonlérence africaine 16, 76, 120
Exploration dn Itassin da Haat->Orange et
de ses aliflaents, par M. E. Jaoottet . . 24
Expédition de M. J. Tbomion, de Mombas
au Viotoria-Nyansa, par le pays des
Masaï : 54, 88
Cartographie dn Congo. 138
Les gisements aoriféres da Trantvaal. . . 156
Exploration dn Limpopo, par le capitaine
Cbaddook 183
De l'emploi des ouvriers européens dans
r Afrique tropicale, d'après le D' Fischer 206
Le commerce de l'ivoire africain 241
Exploration des afflatnts .du Congo, par
le Rev. Grenfell 278
La Côte d'Or entre le Prah et le Volta. . 307
Exploration dn Eassid par le lieotenant
Wissmann 340
Le commeroe de Thoile en Afrique 844
Les derniers travaux de Savorgnan de
Brazsa 871
Renseignements coloniaux et commer-
ciaux de l'Afrique 375
BIBLIOGRAPHIE
Annales sénégalaises de 1854 & 1885 . . 356
Arène (Faut) : Vingt jours en Tonisie . . 321
Barthélémy {A.) : Guide du voyageur dans
la Sénégambie française 103
Bibliothèque d'aventures et de voyages.. 40
Brochures relatives À la Conférence afri-
caine de Berlin : Banning (E.) : La
Conférence africaine de Berlin et l'Asso-
ciation internationale du Congo. —
Jooriê (/.) ; L'acte général de la Con-
férence de Berlin. — Du Fie/ (J.) : La
question du Congo. — Travers Tunts
(^air) : Le Congrès de Vienne et la Con-
férence de Berlin. — Paisig (C-À.) : Die
Afrikanische Conferenz nnd der Congo-
staat 322
JBurekhardt et Orundemann : Les missions
ôvangéliques 160
165
Burdo : Les Arabes dans l'Afrique centrale.
Butiner (C-O.) : Eolonial Folitik und
Christenthum 253
Camperio (M.) : Carta del Sudan orientale. 222
Castonnet des Fosses (S.) : Madagascar. 38
Charmetani {le F.) : Études et souvenirs
d'Afrique. 38
Conring (Adolph von) : Marroco, das Land
imd die Leute 286
DutreuU de BMns (J.-L,) : Le Congo
français . . . ; . 104
Dutrieux (P.) : Souvenir d'une exploration
médicale dans l'Afrique intertropicale. 285
FaUtenstein (!>' J.) : Die Zukunft der
Kongo- und Guineagebiete 63
Falkenstein (D^ G.) : Afrikas WestktUte.
Vom Ogowe bis sum bamara-Land. . . 191
Fischer (D*) : Mehr Licht im dunklen
■ f
— 384 —
'FagM
> Welttbeil. B«traebtimgen ûbêr die Ko-
loniBation des tropisoben Afriks. .... 218
FUgel (Ed.'Rob^l) .• Drai Briefe an die
Fremide deotsober ÂfnhA-Forsebuig . 218
iVoNtiiM (AibreekC) : DentMblaixds Kolo-
nien 39
^nederieham (Z.) .- Cartes diverMi .... 317
Friiath (/>' (?twtev) : SAdafrika bis som
Zambêri 192
OaUiéni (le eowmandtuU) : Mission d'ex-
ploration du Hant-Niger 100
G uineannd Eongo-Eûsten-Eolonial Earif .
NO 2 63
JSamel (Louis) : Les cbemins de fer algé-
riens 222
Heinersdorff(irart) : Reinbold Boohbolz'
Reisen in West-Afrika 89
Jsamberi (D' £}miU) : Itinéraire descriptif,
historique et archéologique de l'Orient. 223
Zagarde (Charles) : Une promenade dans
le Sahara 28S
Le J9nm-i2en3tu2 (CA.) ': Les possessions
françaises de l'Afrique occidentale. . . . è82
Zteata ((7.-J9.) .* Assab e i Danachili, ^
viaggio e stndii. ... 1 ... ^ 351
A map of tbe Gold-Coast and Inland oonn- i
tries, between and bejond tbe Fra and
Volta, bj the Basel Missionaries 191
JfeJoN (FavS) : L'alliance française et l'en- |
seignement français en Tunisie et en ^
Tripoliteine 165 |
Mdirn (Ta\CC) : De Falerme d Tunis, par
Malte, Tripoli et la cdte 219
Noirot : A travers le Fouta-Diallon et le
Bambouc 162
Oppel (D' A ) : Der Congo und sein Gebiet. 351
Paulitsehke (2)' PhUipp) : Die Sudanlàn-
d«r nach dem gegenwartigen Stande
der KennlnSs 189
Pieue (Louis) : Itinéraire de l'Algérie,
de la Tunisie et de Tanger.* . . . . i . . . 254
PUtri : Les Français an Niger 168
Potagos (D*) .* Dix années de Toyages dans
l'Asie eentmle et l'Afrique éqnatoriale. 190
Bedus (Elisée) : Nouvelle géographie nni-
▼erselle % 255
Riiehènow (jy) : Die Deutsche Kolonie
Eamerun 164
Be%tss : David Livingstone 188
Rinn. (Louis) : Marabouts et Êhouan. . . 220
Bivoyre (Denis de) : Aux pays dn Soudan. 284
Roiilasnd (Q.) : La mer Saharienne 102
Roekosefmy (jy Mermann) : Europas Ko-
Ionien, V^ Band 354
SaSUne (E,) : Nos droits sur Madagascar
et nos griefs contre les Hovas 287
Sekweiger-Lerehenfeld (A. v.) ; Afrika.
Der dunkle Ërdtheil im Licbte nnserer
Zeit 64, 351
Sorela ': Les pôisessioDS espagnoles du
golfe de Guinée, leur présent et leur
avenir '. 167
Wegner (R WaU.) : Tagebuch - Briefe
eines jungen Deutschen aus Angra-
Pequena. — BiUiner (C.-O.) : Ackerban
und Viefasueht in Stid-West- Afrika. —
Jleyer (Karï) : Eamerun, Land, Volk
und Handel , 355
Wauters (A.-J.) : Le Congo au point de
vue économique 284
Wauwermans (colonel) ; Libéria 256
WilliafM (/>') ; Life in tbe Soudan.
Adventures among tl^ tribes, and tra-
vels in Egypt 163
GARTEÔ
Itinéraire de J. Thomson, de Mombas su ' La Côte d'Or entre le Prah et le Volta
Victoria-Nyanza, par le pays desMasaï. 64 , Carte commerciale de l'Afrique.
Afrique éqnatoriale 140
324
384
w
ÊGHÂNGËâ
Sooiétés de géographie,
Amsterdam. Gonstantine. Halle.
Anvers. Douai. Hambourg.
Berlin. Edimbourg. léna.
Brome. Francfort '/M. Le Caire.
Bnxelles. Greifswald. Leipzig.
Lille.
Lisbonne.
Lyon.
Madrid.
Manchester.
Marseille. Paris.
Montpellier. Rochefort.
rSancy. Rome.
New-York. Rouen.
Oran. Vienne.
Berlin.
Sodétto de géographie ooxnnieroiale.
Bordeaux. Paris. Porto. Saint-Gall.
Mieaioiis.
Le Havre.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XlXne siècle
(Neuchâtel).
Journal de 1 Unité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions-Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bâle).
Ëvangelisches Missions -Magazin (Bâle).
(^alwer Missions -Blatt (Calw).
Allgemeine Missions-Zeitschrift (GUters-
loh).
Glaubensbote (Bàle).
Africa (Londres).
La Nigrizia (Vérone).
Church missionary Intelligencer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionarv (New- York).
Régions beyond (Londres).
Chronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Church of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
(Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian Church (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Woman's foreign missionary Societv
(Philadelphie).
Divem.
Gnzette géographique et Exploration (Pa-
ris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algi^
rienne (Alger).
Bulletin du (^mice agricole (Médéa).
Bulletin de T Académie d*Hippone (Bone).
Bulletin de renseig. coloniaux (Paris).
Revue géographique internationale (Paris).
Le Mouvement géographique (Bruxelles).
Handels-Zeitung (Saint-Gail).
Deutsche Rundschau far Gréographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-,
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fttr den;
Orient (Vienne). ;
Zeils4*hrift fUr wissenscbafllicho Geogra-:
phie (Vienne).
Deutsche Kolonialzeitung (Francfort s/M).
Chamber of Commerce Journal (Londres).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Bollettino délia Societa africana dltalia
(Naples).
Boll. délia sezione Fiorentina (Florence).
Marina e.Commercio,eGiornaIe délie co-
lonie (Rome).
Africa oriental (Mozambique).
0 Afrioano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portugnezas (Lisbonne).
Revista de Ëstudos Livres (Lisbonne).
Revue Oiloiiiale internat. (Amsterdam).
Réveil du Maroc (Tanger).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
]\e\\\e de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
Dr A. Petermann s Mittheilungen (Gotha)
Proceediiigs of the roval geographical
Society and monthly Reconl of geogra
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus (Cape-Town).
West African Reporter (Sierra Leone) •
Etc., etc.
SOMMAIRE
BlJMJSTIN MENStJEr. 357
Nouvelles complémentaires 369
Les derniers travaux de Savorgnan de Brazza 371
Renseignements coloniaux et commerciaux sur l'Afrique ... 375
Bibliographie :
Les possessions françaises de PAfrique, par Ch. Le Brim^Renaud. . 382
Table des matières de la sixième année 383
Carte commerciale de l'Afrique 384
OUVRAGES REÇUS :
Les possessions françaises de l'Afrique occidentale, par Ch. Le Brun-Kenaiid. —
Paris (L. Baudoin et C>«), 1886, in-16, 332 p. et 2 cartes, fr. 3; 50.
Les' explorateurs français en Afrique, par Eugène Parés. — Limoges (Eug. Ardaut
et C'«j, gr. in-8% 304 p.
Das internationale System zur Unterdrûckung der Afrikaniscben Sklavenhandels
in seinem heutigen Bestande, F. von Martitz. — Freiburg in B. (J.-C.-B. Mohr),
1885, in-8% 107 p.
Le Maroc. Voyage d'une mission française à la cour du sultan, par le D^ A. Marcct.
— Paris (E. Pion, Nourrit et C''«), 1885, in-16, 298 p. avfiC gravures «t carte.
Cinq années au Congo, par Henri M. Stanley. — Bruxelles (Institut uational de
géographie), 1885, gr. in-8". 716 p. avec 120 illust. et 4 cartes, fr. 20.
Genève. — Imprimerie Charles Schucbardt.