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Full text of "L'Afrique explorée et civilisée ; journal mensuel"

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HiiiAMÉ^ilMHiM 


■  vi^^^^:. 


Miiis  aucut)  détail  sur  sou  exploration  de  Loulouabourg  jusqu'au  Taiiga- 
iiyika.  Les  Verhandlungeu  de  la  Société  de  géographie  de  Berlin  et  la 
Deutsche  KolomalrZeiUing  uous  ont  apporté  les  reiiscignenieiits  qu'il  a 
donnés  à  Kerlin  sur  sou  dernier  voyage.  Nous  ne  pouvons  malheureuse- 
ment en  donner  qu'un  court  résumé.  Avant  de  quitter  Louiouabonrg  il 
remit  la  station  aux  agents  de  l'État  indépendant  du  Congo.  L'on  est 
étoimé,  en  Usant  l'énumération  des  bâtiments  construits  dans  l'espace 
de  moins  de  deux  ans  par  le  personnel  de  cette  station  au  centre  de  ce 
continent  si  déciié.  On  y  voit  des  maisons  pour  le  chef  de  la  station, 
pour  sou  lieutenant,  pour  les  étrangers,  pour  un  interprète  ;  une  caserne 
contenant  21  chambres;  une  cuisine  avec  deux  chambi-es  pour  domes- 
tiques ;  une  maison  d'arrêt  ;  des  dépendances  pour  les  marchandises 
avec  des  chambres  pour  les  armes  et  les  provisions  ;  un  pigeonnier  et 
un  poulailler,  une  maison  de  bains,  une  buanderie  ;  une  maison  poui- 
dix  ouvi-iei-s,  une  autre  pom*  dix  femmes  ;  des  étahlos  pour  les  bœufs,  les 
moutons,  les  cUèvi-es,  les  porcs  ;  une  maisonnette  pour  les  observations 


route  du  Nyassa  et  du  Ghiré.  Nous  aurons  h  reveuir  sur  l'exploratiou  de 
Wissmanu  lorsqu'en  aura  paru  la  relation  complète.  Actuellement  \f 
voyageur  doit  passer  l'hiver  à  Madère,  le  séjour  de  l'Europe  à  cette 
Ksisou  risquant  d'être  préjudiciable  à  sa  sauté. 

Sur  le  CoQ|;o,  c'est  vers  le  haut  Arououimi  que  se  portent  tous  lee 
i-egards,  dans  l'attente  d'une  dépêche  apportant  la  nouvelle  de  la  ren- 
contre de  Siftnley  et  d'Émin  pacha.  Le  dernier  courrier  arrivé  à 
Bruxelles  n'avait  rien  du  haut  Congo  au  delà  de  la  station  des  Ba-Ngala. 
Cela  ne  veut  pas  dire  qu'aucune  dépêche  ne  fût  airivée  au  camp  de 
Yambouya,  mais  simplemeut  qu'il  n'y  avait  aucun  steamer  sur  l' Arou- 
ouimi, pour  apporter  le  couirier  que  le  major  Barttelot  aurait  pu  avoir 


non  plus  la  propriété  d'un  père,  comme  chez  les  Ovimbouiidou  ;  mais 
on  fait  un  présent  au  père  de  la  fiancée,  qui  continue  à  avoir  autorité 
sur  sa  fille  ;  celle-ci  peut  d'ailleui-s  quitter  son  mari  chaque  fois  qu'elle 
en  a  envie.  Les  cas  d'abandon  peuvent  être  portés  devant  le  chef,  et  si 
la  femme  a  tort,  le  pi'éseut  doit  être  restitué  ;  si  c'est  le  mari  qui  a  mal- 
traité sa  femme,  s'il  l'a  chassée  de  chez  lui,  il  ne  peut  s'en  prendre  qu'k 
lui-même.  Dans  les  disputes  qu'ont  entre  eux  les  Garenf^aiizé.  Mosbidé 
leur  rend  bonne  justice  :  il  est  toujours  disposé  à  écouter  tous  ceux  qui 
viennent  à  lui. 

Le  paya  est  pieireux  et  aride,  quoique,  le  long  des  rivières,  il  soit  fer- 
tile. Le  mais  mûrit  trois  mois  après  avoir  été  planté  ;  pendant  les  pluies, 
l'herbe  et  les  plantes  grimpantes  croissent  avec  une  telle  rapidité  que 
les  sentiers  eu  sont  obstrués  et  qu'il  faut  un  guide  là  où,  eu  d'autres 
moments,  il  y  a  un  sentier  larçe  et  bien  battu.  Dans  le  voyage  qu'Aniot 
lit  pour  atteindre  le  Garenganzé,  sa  petite  caravane  employa  trois 
heures  d'un  dur  travail  pour  se  frayer  un  chemin  à  travers  une  pièce  de 
terre  qui  avait  été  autrefois  cultivée,  et  que  la  végétation  avait  envahie. 
Les  bords  des  rivières  sont  richement  parés  de  grandes  fougères  éven- 
tails, d'orchidées  et  de  toutes  sortes  de  plantes  tropicales.  Le  gibier 
abonde  ;  les  troupeaux  d'animaux  de  toute  espèce,  de  la  gazelle  à  l'élé- 
phant, offrent,  dans  les  plaines,  un  coup  d'œil  admirable.  Le  temps  peut 
être  extrêmement  chaud  sans  être  étouffant.  L'atmosphère  i-este  tou- 
jours transparente  ;  il  n'y  a  pas  des  brouillards  épais  et  sombres  conmie 
dans  la  vallée  des  Ba-Rotsé.  La  santé  d'Arnot  est  dejneurée  excellente, 
et  il  était  heureux  de  penser  que  tous  ceux  qui  iront  le  rejoindre  trou- 
veront le  pays  très  salubre.  Nulle  part  dans  le  voisinage  il  n'y  a  de 
marécages  pestilentiels. 

En  comparant  la  population  avec  celle  des  Ba-Rotsé  au  milieu  de 
laquelle  il  a  passé  près  de  deux  années,  Amot  trouve  que  les  Gareu- 


—  20  — 

irv'és  ;  ils  ue  l'abordeut  pas  volontiers  ; 
l'homme  blanc  n'est  point  pour  eux  un 
3nt  du  pays  des  blancs  comme  de  l'enfer 
able  <fe  la  misère  pour  l'esclave  et  le  cap- 
les  bi-oie  pour  les  réduire  en  poudre.  Chez 
cour  chaque  jour,  et  entretenait  des  rela- 
ireiigaiizé,  le  chef  est  le  centre  de  tout; 
rtout  où  il  se  trouve,  et  à  toutes  les  heures 
iiite.  Il  u'y  a  poiot  d'ajiserablées  régu- 
'oit  généralement  autour  de  lui  ne  sont  ni 

ce  sout  des  pages,  ses  femmes  et  quelques . 
!  pas  que  de  simples  auditeurs  viennent 
renvoie  bien  vite  à  leui*s  affaires.  D'autre 
te  chez  les  Ba-Rotsé,  Arnot  jouit  d'une 
lutet  toujours,  aller  où  bon  lui  semble, 
;  ce  qu'il  fait  ni  ce  qu'il  veut.  Il  en  a  pro- 
ies et  les  districts  d'un  accès  facile,  quoi- 
oir  beaucoup  de  relations  avec  les  habi- 
icorc  sufti-samment  la  langue. 
9  d'une  condition  un  peu  élevée  peuvent 
it  sait  jusqu'à  an  certain  point  ;  mais  la 

capitale  est  le  seyek,  qui  i-essemble  à 
ibreux  dialectes  sont  parlés  dans  les  cam- 
d' apprendre  ces  divers  langages,  Arnot 
:e  à  la  connaissance  qu'il  a  des  formes  de 
dues. 

eunes  gai-çons,  dont  l'un  l'a  suivi  depuis 
-Rotsé,  les  deux  autres  étaient  naguère 
après  de  lui,  et  avec  eux  il  cultive  du  blé 
nais  il  craint  que  la  récolte  ne  soit  beau- 
es  voleurs  et  les  sangliers  n'en  aient  la 
aillcui-s  s'avancent  jusque  tout  près  des 
it  dans  une  de  ses  lettres,  «  une  femme 
,r  mi  léopard  ;  c'était  une  des  femmes  du 
!  léopard  s'enfuit,  mais  elle  mouinit  de  ses 
.nder  du  poison  pour  tuer  le  léopard  s'il 
trychnine.  Au  lieu  de  tuer  une  chèvre  ou 
ne  appât,  on  préféra  pi-endi-e  le  coi-ps  de 
I  dit  le  chef,  «  nous  n'y  pouvons  Heu.  » 


esclaves  ;  de  leur  côté  les  Arabes,  qui  arrivent  déjà  jusqu'à  la  Loufira, 
finmèneut  aussi  à  la  côte  orientale  beaucoup  d'esclaves  achetés  aux 
Garenganzé. 

Quaud  une  caravane  est  sur  le  point  de  se  mettre  en  route,  le  chef, 
et  les  prêti-es  des  fétiches  qui  ont  préparé  pendant  un  mois  des  charmes 
pour  les  voyageui-s,  cherchent  à  deviner  quel  sera  le  sort  de  ceux  qui 
partent,  quels  dangers  les  attendent;  puis  h  se  rendre  propices  les  ancê- 
tres au  moyen  de  sacrifices,  La  noma,  lance  fétiche,  doit  être  portée  en 
tête  de  la  caravane,  pourvue  de  channes  qui  doivent  garantir  sa  sécu- 
rité. Ou  enroule  autour  de  la  lance  les  racines  d'une  herbe  tendre,  et 
par  dessus  l'on  place  quelques  éclats  de  bois  tiexihies  ;  on  y  ajoute  un 
morceau  de  peau  humaine,  des  griftes  de  lion,  de  léopard,  des  vivres,  de 
la  bière  et  des  racines  médicinales.  Tout  cela  doit  assurer  à  la  caravane 
l'empii-e  sur  ses  ennemis,  la  sécurité  contre  les  animaux  sauvages  et  la 
sauté.  Un  manteau  revêt  le  tout,  puis  le  roi  frappe  dessus  et  le  bénit. 
Après  ces  céi-émonies  tous  les  gens  de  la  caravane  se  mettent  en  marche 
le  cœur  léger. 

Un  Arabe,  qu'Aruot  a  vu  chez  Moshidé,  lui  a  dit  être  venu  de  Mozam- 
bique, et  avoir  travei-sé  le  lac  Nyassa,  oii  il  avait  vu  deux  steamers, 
beaucoup  d'Anglais  et  une  dame  anglaise.  D'après  lui,  le  Nyassa  serait 
à  deux  mois  de  marche  de  Moukourrou  ;  la  raute  serait  sûre  et  les  vivres 
abondants. 

Dans  ses  excursions  Arnot  a  poussé,  au  nord,  jusqu'à  Kagoma,  sur  la 
Loukourrouwé,  affluent  de  gauche  de  la  Loufira,  et  au  S.-E.  jusqu'à 
Kaunga,  sur  la  rive  gauche  de  cette  dernière  rivièi-e.  Kagoma  est  le  vil- 
lage d'un  petit  chef  de  ce  nom  qui  était  malade  et  avait  fait  appeler 
l'homme  blanc  pour  être  soigné  par  lut.  Pour  y  arriver,  Arnot  eut  à 


—  28  — 
épond  que  ce  travail,  auquel  l'auteur  ne  pouvait  consa- 
;  que  lui  laissaientsesoccupationsprofessioanellesetles 
Société  normaDde,  était  déjà  presque  terminé  en  1881. 
t  bien  faire  d'attendre  le  retour  de  Soleillet  d'Obock 
le  voyageur  corrigeât  les  erreurs  qui  auraient  pu  être 
mauvaise  interprétation  de  ses  notes.  Du  reste,  nous  ne 

pas  trop  du  retard,  car  il  a  été  utilisé  pour  rendre 
aplète,  plus  exacte  et  lui  permettre  de  paraître  sous  la 

volume  dédié  au  général  L.  Faidherbe  —  l'ancien  gou- 
gal,  qui  a  tant  fait  pour  le  développement  de  cette  colo- 
'une  photographie  de  Soleillet  «t  d'une  carte  indiquant 
akar à  Ségou. 

[ue  Piétri,  Derrien,  Gallieni  et  Borgnis-Desbordes  ont 
le  Sénégal  et  le  Niger,  depuis  1879,  n'ont  rien  fait  per- 

au  récit  de  Soleillet.  Sans  doute,  dos  connaissances  de 
iccrues,  la  situation  politique  de  ces  régions  a  subi  des 
laia  les  descriptions  si  vivantes  de  Soleillet  sont  vraies 
lent  de  son  passage  dans  ces  pays.  D'autre  part, 
ue  ce  voyageur  avait,  sur  la  plupart  des  autres  et  sur- 
ions militaires,  un  grand  avantage.  Ces  dernières,  inspi- 

ou  la  colère,  ne  peuvent  voir  les  indigèues  tels  qu'ils 

manière  générale,  les  voyageurs  vivent  trop  peu  au 
^ènes,  que  quelquefois  même  ils  affectent  de  mépriser. 
Lit  seul,  sans  armes,  soignait  les  malades,  pénétrait  dans 
rait  ses  carnets  de  renseignements  sur  les  mœurs,  les 
ants  des  contrées  qu'il  traversait.  A  Ségou,  oii  il  vécut 
[8  mois,  bien  traité  par  le  sultan  Ahmadou,  libre  d'aller 

la  ville  et  ses  environs,  il  put  étudier  de  près  l'organi- 
f'aume  africain  et  le  deminrivilisation  des  peuples  du 
le  temps,  il  recueillit  sur  el  Hadji  Omar,  ce  prophète 
indit  sa  domination  sur  une  grande  partie  du  bassin  du 
t  dont  Ahmadou  est  le  fils,  des  renseignements  curieux 
nt  pennis  d'en  écrire  une  biographie  intéressante. 
ife  nous  poussent  donc  à  i-ecommander  ce  livre,  que  la 
le  de  géographie  a  pris  sous  sou  patronage.  Bien  que 
is  été  heureux  dans  toutes  ses  entreprises,  il  est  le  prê- 
té Ségou,  après  Mage  et  Quintin,  le  premier  qui  ait  fait 
lu  européen  sur  les  eaux  du  Haut-Niger  ;  il  peisonnifie 
âges,  et  aussi  l'amour  pour  ces  populations  noires  dont 
!S  et  naïves  le  captivaient,  et  qu'il  défendait  avec  ardeur 


—  32  — 

ments  à  la  discussion.  On  sent  que  la  géographie  de  la  Tunisie  Tinté- 
resse  moins  que  Tétat  social  du  pays.  Il  a  décrit  simplement,  avec  leur 
couleur  locale,  le  paysage  et  les  habitants. 

Eev.  W.  Holman  Bentley.  Life  on  the  Congo.  With  an  introduction 
by  the  Rev.  George  Grenfell.  London  (The  religions  tract  Society),  1887, 
in-12*.  126  p.,  avec  gravures  et  carte.  —  On  ne  trouvera  pas  dans  cet 
ouvrage,  comme  le  titre  pourrait  le  faire  croire,  une  description  de  la 
vie  d'émigrant  ou  de  missionnaire  dans  les  stations  des  bords  du  Congo. 
Il  s'agit  |)lutôt  d'un  tableau  esquissant  sobrement  les  conditions  dans 
lesquelles  se  présente  à  cette  heure  le  bassin  du  grand  fleuve  africain. 
L'histoire  de  la  découverte  du  Congo,  de  Diego  Cam  (1484)  à  Stanley, 
la  configuration  générale,  le  climat,  la  productivité  de  la  contrée,  sont 
décrits  daDS  les  premiers  chapitres.  Vient  ensuite  la  partie  ethnographi- 
que et  économique,  dans  laquelle  Tauteur  parle  des  peuples  congolais, 
de  leurs  conditions  d'existence,  de  leurs  idées  religieuses  et  des  progrès 
de  la  mission  au  milieu  d'eux.  Ces  deux  derniers  sujets  constituent  la 
partie  la  plus  intéressante  de  l'ouvrage  ;  M.  Bentley  étant  missionnaire 
lui-même,  ces  questions  le  touchent  plus  que  toutes  les  autres.  Parmi 
les  faits  qu'il  cite,  relatifs  à  la  vie  religieuse  et  intellectuelle  des  indigè- 
nes, il  en  est  qui  sont  peu  connus,  tels  que  celui  de  l'existence,  chez  les 
nègres  du  Congo,  d'une  sorte  de  franc-maçonnerie,  avec  ses  épreuves 
d'initiation,  son  langage  mystérieux  et  ses  pratiques. 

D'autre  part,  l'auteur  donne  des  renseignements  assez  détaillés  sur 
les  principales  sociétés  missionnaires  qui  travaillent,  non  seulement  sur 
le  Congo,  mais  aussi  dans  l'Afrique  orientale,  du  Zambèze  au  lac  Vic- 
toria. D'après  la  carte,  qui  résume  d'une  manière  assez  claire  la  situa- 
tion actuelle,  on  constate  que  ce  champ  immense,  ouvert  depuis  si  peu 
d'années,  est  maintenant  le  théâtre  d'activité  de  onze  Sociétés,  tant 
anglaises  qu'écossaises  ou  américaines.  Toutes  progressent  d'année 
en  année.  La  mission  baptiste,  à  laquelle  appartient  M.  Bentley,  ne 
reste  pas  en  arrière.  Grâce  à  la  générosité  d'un  riche  philanthn^e, 
M.  Ârthington,  elle  s'avance  de  plus  en  plus  dans  l'intérieur  en  remon- 
tant le  Congo.  Elle  espère  même  arriver  par  la  fondation  de  stations  sur 
le  cours  moyen  et  supérieur  du  fleuve,  à  relier  les  établissements  mis- 
sionnaires des  deux  côtes  africaines. 

Une  intéressante  préface  écrite  par  M.  Grenfell,  l'explorateur  bien 
connu,  traite  du  même  sujet,  en  même  temps  que  de  l'avenir  du  com- 
merce et  de  la  civilisation  dans  l'Afrique  centrale. 


soire  de  BoDgle,  en  vue  de  la  coloiiitjatioii  de  le  Kabylie.  Elle  corn- 
])rend  lf<  in-opriétés  distinctes,  réparties  sur  une  étendue  creiivirou 
ITOU  bectares,  dout  la  moitié  est  en  plein  rapport.  L'exploitation  de 
chacune,  des  pi-opriétés  est  oi');anisée  de  la  manière  suivante.  Sur  une 
contenance  totale;  de  HO  k  100  hectares,  ;-iO  à  40  sont  consacrés  à  la  vignet 
actuellenieiif,  et  «ne  dizaine  d'hectai-es  à  d'autres  cultures  :  prairies, 
avoines,  olivici-s,  oraugci-s,  primeurs.  La  valeur  des  bâtiments  cons- 
tmits  est  d'euvii-on  :-iO,000  francs.  Le  propriétaire,  généralement  un 
Lyonnais  habitant  Lyon,  fait  exploiter  directement  son  domaine  par 
deux  familles  de  vignerons  ré^çisscui-s,  aux  appointements  de  120  francs 
par  mois,  avec  intérêt  sur  la  vente  des  produits.  Eu  outre,  de  15  &  20 
indigènes,  selon  la  saison,  travaillent  sous  leur  direction,  au  salaii-e  de 
fr.  1 ,50  par  journée.  Le  débouche  des  produits  est  en  France  et  princi- 
palement à  Lyon  et  à  Paris.  Le  i-endement  de  la  vigne  atteint  100  hec- 
tolitres (?)  à  l'hectare,  vendus  -sur  place  45  francs  l'hectolitre.  Pour  le 

'  Les  matières  comprises  dans  nos  BuUetina  meneuàt  et  dans  les  Nommes  cont- 
pUntmtaiTe»  j  sont  classées  suifant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  c&te  orientale  dn  continent  et 
revenant  par  la  cbte  occidentale. 

l'ipBIQCB.  —  NMVIÈHB  ANMÉE    —  M"  2.  2 


—  39  — 

qui  sera  envoyée  dans  le  Lfideritzland  pour  explorer  les  n^isiemeiitH 

■iinieps  sera  confiée  à  un  de  nos  compatriotes,  M.  Iselin,  de  Bâle, 
ingénieur  des  mines,  qui  connaît  très  bien  les  gisements  aurifères  de  la 
Californie,  de  l'Australie  et  du  Transvaal,  et  se  trouve  ainsi  parfaite- 
ment qualifié  pour  cette  expédition.  Le  but  de  Tentreprise  est  d'arrivei- 
à  savoir  si  la  constitution  d'une  société  minière  peut  être  recommandée. 
Des  explorations  précédentes  au  point  de  vue  des  gisements  de  cuivre, 
<|ui  se  trouvent  aussi  bien  sur  le  territoire  anglais  au  sud  de  l'Orange 
{{ne  dans  le  Lùderitzland,  ont  penuis  de  constater  que  ce  métal,  comme 
tous  les  iiutres  métaux  qui  y  existent  n'apparaît  pas  en  gangue,  mais 
dans  ce  qu'on  appelle  des  poches.  11  ne  peut  être  question  dès  lors 
d'une  exploitation  régulière.  On  trouve  ces  poches  en  faisant  jouer  la 
raine  ;  mais  la  communication  avec  d'autres  dépôts  est  inten'ompue,  et 
Ton  doit  chercher  plus  loin.  Dans  le  langage  des  mineurs  cette  forma- 
tion est  désignée  sous  le  nom  d'infiltration.  L'existence  de  Tor  dans 
cette  région  est  bien  constatée  en  divers  endroits  ;  elle  est  incontestable, 
mais  on  n'est  pas  encore  sûr  que  l'or  n'y  apparaisse  pas  dans  des 
poches.  Les  sondages  faits  jusqu'ici  n'ont  pas  découvert  d'infilti'ation  ; 
il  est  vraisemblable  que  ce  métal  se  rencontre  là  dans  des  conditions  qui 
permettent  une  exploitation  régulière,  le  sol  ressemblant,  pour  sa  for- 
mation extérieure  et  intérieure,  à  celui  du  Transvaal  sous  la  même  lati- 
tude. Cependant  une  constatation  par  un  expert  est  nécessaire  avant 
que  l'on  constitue  une  Société  minière.  L'exploitation  de  terrains  dans 
leijuel  le  métal  se  rencontre  dans  des  poches  peut  d'ailleurs  être  rému- 
nératrice, l'exemple  de  la  société  anglaise  des  mines  de  cuivre,  au  sud 
de  l'Orange,  en  est  la  preuve.  Le  rapport  en  est  si  fort  que  les  droits  h 
acquitter  à  l'État  suffisent  à  payer  l'administration  coloniale  très  coû- 
teuse des  mines.  Le  résultat  de  l'exploitation  fût-il  d'empêcher  la  con- 
stitution d'une  société  minière,  la  Société  coloniale  de  l'Afrique  aus- 
trale occidentale  pouiTait  encore  retirer,  d'une  exploitation  non  collec- 
tive de  ces  terrains,  un  revenu  considérîible  au  moyen  de  concessions 
comme  au  Transvaal.  L'expédition  à  laquelle  est  attaché  M.  Lselin 
sera  accompagnée  de  trois  officiers  et  de  trois  sous-officiers. 

D'après  la  Revue  française,  l'ouveriure  d'une  section  de  60  kilom.  du 
chemin  de  fer  de  ^aint-Panl  de  Loanda  à  Ambaca  doit 
avoir  lieu  au  commencement  de  cette  année.  Ambaca  est  à  environ  5(K) 
kilomètres  de  la  côte,  et  à  720  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 
En  partant  de  Saint-Paul  la  voie  longe  la  côte  et  touche  successive- 
ment à  Boavista  et  à  Cocoaca.  De  là  elle  se  dirige  vers  le  nord-est. 


inuKsvase  le  liquidt;  dans  df>s  jaiTos  de  U-rtv  cuite,  qui  sont  elles-mêmes 
placées  dans  les  pirogueH.  J'ai  vu  de  ces  canots,  voyagpniit  sur  le  fleuve, 
tt-aiisporter  de  la  sorte  quatorze  de  ces  énoiines  cruches,  ce  qui  repré- 
sentait  plus  de  18()0  liti-es  de  liquide.  C!ette  boisson  est  foi-t  bonne  à 
boii-e;  elle  a  l'apparence  très  accentuée  de  l'eau  d'orf^e,  et  donne  au 
palais  qui  n'y  est  pas  accoutumé  une  impi-essiou  particulii^i-e,  dittîcile  à 
rendre,  mais  à  laquelle  on  se  fait  rapidement.  » 

\,à  Société  de  j^éograpbie  de  Paris  a  re(;u  commiiriinition  d'une  lettre 
de  M,  Chdllet  sur  le  Congo  français,  à  la(|uelle  nous  empruntons  ce 
qui  suit  :  «  J'ai  pu  descendre  complètement  eu  pii-ogue  de  Loudima  au 
confluent  du  Niadi  et  de  la  Loudima,  tout  près  de  lalif^ue  dcpartaf^edes 
eaux  du  Kuilou  et  du  (^ongo,  jusqu'à  la  mer  ;  non  sans  peine,  car  j'ai  eu 
des  journées  entières  de  traînage,  et,  pendant  quelque  temps,  de  très 
mauvais  rapides,  mais  une  seule  chute,  de  deux  mètix^s,  pi-ès  de  Kaka- 
muéka,  point  oîi  i-emontent  les  vapeurs.  Il  y  a  deux  lignes  de  rapides 
fnciltrs  à  coiTiger  au  moyen  de  quelques  digues  sèches  et  en  l'ai.sant  sau- 
ter un  liane  de  roc  ([ui  obstinie  le  fleuve,  et  ne  laisse  plus  qu'un  chenal 
de  .SO  mètres  pour  donner  passage  à,  une  rivière  de  .TOil  m.  Jusqu'il 
^lacabaua,  le  fleuve  a  un  a-spect  grandiase;  il  est  large  de  liiX)  m.  Mais 
quand  on  arrive  dans  la  région  des  monts  Strauch,  on  est  entre  deux 
montagnes,  un  véritable  torrent  sur  un  ht  de  cailloux,  et  bientftt  on  est 


—  44  — 

dougou,  un  traité  plaçant  ce  pays  sous  le  protectorat  de  la  France  ;  il 
s'occupera  cette  fois-ci  des  relations  commerciales  à  y  nouer.  Comme  ses. 
recherches  géographiques  et  scientifiques  absorberont  la  plus  grande  par- 
tie de  son  temps,  il  sera  secondé,  au  point  de  vue  conmiercial,  par 
M.  Ronce,  qui  a  déjà  organisé  des  comptoirs  sur  le  haut  Congo  pour  la 
mission  Stanley,  et  qui  est  resté  ensuite  dans  plusieui's  factoreries  do 
la  côte  d'Aû'ique,  oii  il  a  acquis  la  pratique  du  conunerce  africain. 

Le  Moniteur  des  Colonies  publie  les  renseignements  suivants  fournis 
de  Kaye^,sur  les  travaux  du  chemin  de  fer  du  haut  Sénég^al.  Les 
chantiers  sont  rouverts  ;  ou  est  actuellement  au  kiiom.  95,  oii  Ton  va 
jeter  un  pont  de  75  m.  do  long  et  14  m.  de  hauteur  sur  le  Galongo.  A  ce 
travail  sont  employés  quatre  cents  manœuvres,  que  le^  chefs  du  pays  ont 
fournis  gi*atuitement.  D'autre  part,  on  pose  le  chemin  de  fer  Decauville 
depuis  ce  point  jusqu'à  Bafoulabé,  pour  transporter  la  canonnière  et  les 
approvisionnements  des  postes  français.  Dès  que  le  chemin  de  fer  aura 
atteint  Bafoulabé,  le  Decauville  sera  reporté  en  avant,  de  telle  sorte  qu'à 
la  fin  de  la  campagne  il  y  aura,  à  partir  de  Kayes,  une  ligne  ferrée  do 
deux  cents  kilomètres  environ,  qui  permettra  d'oftectuer  rapidement  et 
économiquement  les  transports.  Elle  sera  prolongée  par  une  route  char- 
retière sur  laquelle  circuleront  facilement  les  petites  voitui*es  en  tôle. 

Nous  espérions  voir  arriver,  en  janvier,  à  Genève,  M.  H.  Ch&telain, 
notre  fidèle  correspondant  de  Loanda  et  de  Malangé.  Une  dépêche  qu'il 
nous  a  adressée  de  Lisbonne  nous  oblige  à  ajourner  cet  espoir.  Do  Lis- 
bonne, M.  Châtelain  a  dû  se  rendre  à  Londres  pour  y  faire  imprimer  ses 
manuels  linguistiques.  Après  cela  il  ira  voir  so.s  amis  en  Amérique,  et  ce 
ne  sera  qu'après  ce  voyage  qu'il  viendra  en  Suisse  se  reposer  et  se  pré- 
parer aux  fatigues  d'une  nouvelle  campagne  afi-icaino. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Les  ingénieurs  chargés  par  la  Compagnie  Bône-Guelma  des  études  pour  la  cons- 
truction de  nouvelles  lignes  de  chemins  de  fer  dans  la  Tunisie  ont  commencé  leurs 
opérations  sur  le  terrain.  La  première  ligne  attaquée  est  celle  de  Hammamlif-Soli- 
man-Nebeul;  puis  viendra  celle  de  Radès-Sousse-Kairouan,  en  passant  soit  par  la 
plaine  de  Moruag,  soit  par  le  littoral. 

Le  gouvernement  italien  a  concédé  à  PEspagne,  pour  quinze  ans,  sauf  à  prolon- 
ger indéfiniment  à  moins  de  dénonciation  un  an  d'avance,  un  territoire  dans  la 
baie  d'Assab,  pour  l'établissement  d'un  dépôt  de  charbon  dans  la  mer  Rouge.  Ce 
territoire  est  compris  entre  le  cap  Garibal  et  le  cap  Marcara  ;  il  y  a  une  rade 


-  47  - 

(le  l'influence  arabe,  du  N.-E.  du  coutineut  sur  presque  toute  la  partie 
septentrionale,  jusqu'à  T  Atlantique  et  au  "golfe  de  Guinée,  et  de  l'Est 
vei-s  la  zone  centrale  équatoriale.  Semblable  à  une  marée  qui  monte, 
monte  toujours,  elle  menace  de  couvrir  un  joui-  l'immense  continent 
tout  entier.  Des  hommes  de  toutes  les  conditions  :  explorateui-s  ou  mis- 
sionnaires, publicistes  ou  philanthi'opes ,  le  reconnaissent  également, 
les  uns  pour  relever  les  effets  de  cettô  influence  sur  les  indigènes,  et 
déprécier  ceux  de  la  civilisation  européenne,  les  autres  pour  contester 
absolument  la  valeur  de  la  civilisation  apportée  par  les  représentants 
de  l'islamisme  et  des  moyens  par  lesquels  ils  la  propagent.  Sans  pré- 
tendre nous  immiscer  dans  le  débat  soulevé  à  ce  propos  dans  les  Revues 
anglaises,  françaises  et  allemandes,  nous  voudrions,  en  résumant  les 
données  sur  lesquelles  toutes  ces  publications  sont  d'accord,  et  en  y 
joignant  les  i*enseignements  fournis  par  quelques  ouvrages  spéciaux*, 
marquer  les  étapes  du  développement  de  l'influence  arabe  en  Afrique, 
en  tracer  les  limites  actuelles  et  en  indiquer  les  causes  principales  *, 

Le  développement  de  l'influence  arabe  en  Afrique  embrasse  une 
période  de  près  de  1250  ans,  pendant  laquelle  ses  progrès  ne  se  pour- 
suivent pas  d'une  manière  ininterrompue,  mais  oii  l'on  peut  marquer 
trois  phases  distinctes,  sans  pouvoir  indiquer  toujours  des  dates  précises. 

La  première  phase  n'embrasse  que  70  ans  environ  du  VU™*  siècle  de 
notre  ère.  En  640,  en  efl'et,  Amrou  Ibn  al  Aassi,  lieutenant  d'Omar, 
envahit  l'Egypte,  avec  4000  hommes,  et  en  641,  s'empara  d'Alexandrie. 
Pour  établir  solidement  son  autorité,  Omar  favorisa  l'immigration  en 
Egypte  d'un  ceilain  nombre  de  tribus  arabes,  dont  la  domination  fut 
relativement  douce  ;  elles  n'imposèrent  aux  indigènes  que  des  tributs 
modérés  et  n'exercèrent  sur  eux  aucune  contrainte  religieuse.  Néan- 
moins des  multitudes  de  natifs,  rebutés  par  les  querelles  dogmatiques 
des  chrétiens  entre  eux,  et  désireux  de  s'affranchir  de  la  capitation  impo- 
sée aux  non-croyants,  embrassèrent  l'islamisme. 

Bientôt  Amrou  entreprend  la  conquête  du  nord  de  l'Afrique  ;  après 

*  La  confrérie  musulmane  de  Sidi  Mohammed  Ben  Ali  Ës-Senousi  et  son 
domaine  géographique  en  l'année  1300  de  l'hégire  (1883  de  notre  ère).  —  Mara- 
bouts et  Khouan.  Étude  sur  Pislam  en  Algérie.  —  La  Tunisie.  Le  christianisme 
et  rislam  dans  l'Afrique  septentrionale.  —  La  Tripolitaine  :  Les  routes  du  Soudan. 
—  Die  religiôsen  Verhâltnisse  von  Afrika,  von  D""  A.  Oppel. 

•  Voir  les  cartes  générales  de  l'Afrique  que  nous  avons  publiées,  1"  amée, 
p.  24  et  224. 


—  49  — 

qu'eu  1195,  Omar  Walasma,  de  la  tribu  des  Koi'eïchites,  établit  sou 
autorité  sur  une  zone  de  territoire  entre  Zeïla  et  Harrar.  Sa  dynastie 
dui*a  jusqu'au  XVP  siècle.  D'après  les  traditions  des  Somalis,  les 
Arabes  se  fixèrent  aussi  sur  d'autres  points  de  l'Afrique  orientale  ;  ils 
épousèrent  des  femmes  du  pays  et  refoulèrent  vers  le  sud  las  Gallas 
païens.  Deux  grandes  émigrations  eurent  encore  lieu  au  XUP  et  au  XV* 
siècle.  Lors  de  leur  premier  voyage  en  Abyssinie,  sous  Christophe  de 
(xaïua,  les  Portugais  trouvèrent,  enti-e  Tadjourah  et  le  cap  (xuardafui, 
le  puissant  royaume  des  Adals,  dont  les  princes  musulmans  se  montrè- 
rent les  adversaires  déclarés  du  christianisme. 

Au  XVI*  et  au  XVU*^  siècle,  c'est  au  Soudan  surtout  que  se  propage 
l'influence  arabe,  en  Nubie,  au  Kordofan,  peut-être  déjà  au  Darfour. 
Quant  au  Wadaï,  Barih  croit  que  l'islam  n'y  a  pris  pied  (ju'en  1G40, 
et  Nachtigal  dit  que  la  tribu  qui  se  déclara  la  premièi-e  pour  l'islam  fut 
i-ecounue  pour  le  véritable  possesseur  du  sol  ;  ceux  qui  furent  contrainte 
de  l'accepter  par  la  force,  ne  furent  jamais  mis  sur  le  même  rang  que 
le*s  autres,  et  enfin,  ceux  qui  ne  sont  sortis  du  iiaganisme  que  récem- 
ment sont,  encore  aujourd'hui,  considéi-és  beaucoup  plus  comme  des 
esclaves  que  comme  des  hommes  liy)res.  Le  Baghlrmi  reçut  Tislamisme 
du  sultan  Abdallah  entre  loOS  et  l(K)iS;  le  Katsma,  au  XVIP  siècle  ;  les 
habitants  de  Kano,  un  peu  plus  tard.  Cependant,  comme  le  dit  Barth, 
la  grande  majoiité  de  la  population  des  j)ays  Haoussas,  surtout  celle  des 
villes,  demeura  fidèle  au  paganisme,  jusqu'à  ce  que  le  fanatisme  des 
Foulbés  la  contraignit  à  se  déclarer  publiqueiuent  pour  Tislam.  Malgré 
cela,  il  re^te  encore  beaucoup  d'éléments  de  paganisme  dans  l'état  de 
Kauo,  comme  dans  le  Katsina.  Nachtigal  n'a  pas  pu  déteiininer  à  quel 
moment  les  gens  du  Tibesti  y  renoncèrent. 

Quelque  difficile  qu'il  soit  de  tracer  la  ligne  de  démarcation  entre  les 
populations  musulmanes  et  païennes  au  XVU"  siècle,  on  peut  a(bnettre. 
d'une  manière  générale,  que  tout  le  Soudan  au  nord  du  neuvième  degré 
avait  alors  adopté  l'islam. 

La  troisième  époque  s'étend  du  XYII*"  siècle  jusqu'à  nos  jours.  Les 
agents  principaux  de  la  propagation  de  Tinfluence  arabe  à  cette  épocjue 
sont  les  Foulbés.  Jusqu'alors  ils  s'étaient  contentés  de  fonder,  dans  le 
Soudan  central,  des  colonies  de  pasteurs.  Mais  au  commencement  de 
notre  siècle  ils  fui-ent  saisis  d'un  zèle  ardent  et  d'un  fanatisme  qui  mena- 
cèrent de  tout  bouleverser.  Ce  fut  un  prêtre  de  la  province  de  Gobir, 
Otman  dan  Fodio,  qui  commença  la  guerre  sainte  cojitre  les  populations 
païennes  des  tribus  haoussas.  Vainqueurs,  les  Foulbés  se  répandirent 


—  50  — 

jusqu'à  l'océan  à  l'ouest,  et  pénétrèrent  fort  avant  au  sud  et  au  sud- 
ouest.  Ils  attaquèrent  le  Bornou,  mais  sans  succès.  Otman  divisa  aioi-s 
kîs  territoires  conquis  en  deux  parties,  Tune  à  l'ouest,  celle  de  Grando, 
l'autre  à  l'est,  celle  de  Sokoto,  et  les  souverains  de  ces  deux  royaumes 
eurent  pour  mission  d'amener  à  l'islam  les  indigènes  païens.  Les  souve- 
rains de  Sokoto  étendirent  leur  puissance  sur  l'Adamaoua.  Le  père  du 
sultan  actuel,  Mallem  Adama,  fonda  un  nouveau  royaume  mahométan, 
sur  les  ruines  de  plusieui-s  États  païens,  dont  le  plus  important  était 
celui  de  Kokomi.  Après  avoir  détruit,  les  conquérants,  devenus  colons, 
s'efforcèrent  de  reconstruire;  après  avoir  ravagé  d'immenses  étendues 
de  pays,  ils  les  mirent  de  nouveau  en  culture  à  leur  manièrt*;  pour  fon- 
der une  unité  politique,  ils  firent  périr  des  multitudes  d'indigènes,  et, 
le»s  États  séparés  une  fois  réunis  sous  leur  sceptre,  ils  les  ouvrirent  à  un 
commerce  plus  étendu.  Aussi  Ti^xplorateur  Joseph  Thomson  a-t-il  pu 
écrire  dans  la  Contemporary  Revieiv,  ([u'en  comparant  les  populations 
dégi'adées  de  la  côte  de  (Juinée  (»t  des  rives  du  bas  Niger  à  celles  du 
Soudan  central,  les  scènes  dont  il  avait  été  1(»  témoin  chez  ces  dernières 
lui  avaient  révélé  tout  autre  chose  que  ce  qu'il  s'attendait  à  y  trouver. 
Il  étuit  au  cœur  de  l'Afrique,  au  milieu  de  populations  nègres  authen- 
tiques, mais  combien  différentes  de  celles  qu'il  avait  rencontrées  dans  ses 
voyages  !  Il  y  trouvait  de  grandes  villes  bien  bâties,  des  gens  bien  vêtus 
se  conduisant  avec  une*  dignité  toujoui-s  maîtresse  d'elle-même  ;  d(5 
toutes  parts,  des  signes  d'une  communauté  industrieuse,  très  avancée 
dans  la  voie  de  In  civilisation,  exerçant  différents  métiers;  les  divers 
métaux  y  étaient  travaillés;  on  y  tissait  et  teignait  de>s  étoffes;  les  mar- 
chés y  étaient  remplis  d'une  foule  nombreuse.  Des  tribus  sauvages 
avaient  été  transfonnées  en  nations  demi-civilisées;  le  fétichisme  avec 
se^  rites  dégradants  avait  disparu  devant  Tislam,  qui  avait  hispiré  à  ces 
noirs  une  vie  nouvelle  et  vigour(»use.  Thomson  ajoute  que  T  islam  règne 
aujourd'hui  du  Nil  à  l'Atlantique,  (*t  du  Sahara  jusqu'au  sixième  ou 
même  au  quatrième  degré  au  N.  de  Téquateur. 

En  effet,  au  dire  de  Barth,  le  Logone  a  été  (Mivahi  vers  la  tin  du  siècle 
passé  ;  loi^s  de  son  passage,  beaucoup  de  jeunes  gens  des  villes  se  souve- 
naient que  leurs  pères  avaient  été  païens  de  naissance,  et  qu'ils  n'étaient 
devenus  musulmans  que  plus  tard.  Dans  les  campagnes,  toutefois,  la 
majorité  est  encore  attachée  au  paganisme. 

Dans  la  région  du  Niger  supérieur  et  du  haut  Sénégal,  le  fanatisme 
arabe  fut  attisé  par  le  marabout  El  Hadsch-Omar,  qui,  revenu  en  1854 
ou  .1855  d'un  pèlerinage  à  la  Meccjue,  se  présenta  comme  prophète  aux 


—  51  — 

populatioiis  (lu  Soudan  occidental.  11  anna  ses  esclaves,  rassembla  ses 
gens,  puis,  le  Coran  d'une  main,  l'épée  de  Tautre,  il  commença  une 
guerre  de  conquête  accompagnée  de  dévastations  effroyables.  A  la  tête 
de  20,000  aventuriei-s  fanatisés  et  avides  de  butin,  il  se  précipita  d'abord 
sur  les  Mandingues  du  Bambouk  pour  les  convertir.  Puis,  il  se  porta 
vers  le  haut  Sénégal  et  contre  Ségou,  oîi  les  Bambaras  étaient  demeu- 
rés païens.  Repoussé,  il  se  tourna  vers  le  Kaarta  dont  les  habitants,  des 
Bambaras  sédentaires,  furent  tués  ou  convertis.  En  1857,  il  voulut 
chasser  les  Français  du  fort  de  Médine,  mais  il  subit  une  grave  défaite. 
Sou  incursion  sur  Timbouctou,  en  1863,  fut  également  malheureuse 
pour  lui.  Plus  tard  il  se  fortifia  dans  Ségou  et  dans  le  Massina,  où  il 
subjugua  les  Bambaras  qu'il  contraignit  par  la  violence  à  embrassei- 
rislam.  Celui-ci  a  dès  lors  été  porté  jusqu'à  la  côte  de  Guinée,  soit  par 
des  expéditions  militaires,  soit  par  les  caravanes  de  commerce  des 
Haoussas.  Les  musulmans  abondent  à  Sierra-Leone  ;  dans  TÉtat  de 
Libéria  on  en  compte  plus  que  de  païens  ;  Lagos  en  a  10,000.  Au  témoi- 
gnage du  cardinal  La\igerie,  il  y  a  aujourd'hui,  du  Soudan  au  Niger, 
plus  de  soixante  millions  de  musulmans.  «Entre  Sierra-Leone  et 
rÉgypte,  »  dit  à  son  tour  M.  Blyden,  «  l'islamisme  est  la  seule  puis- 
sance intelligente,  morale  et  commerçante.  Il  a  pris  possession  des  tri- 
bus les  mieux  douées  ;  il  a  imprimé  sa  marque  à  leur  vie  sociale  et  reli- 
gieuse. Ses  adhérents  gouvernent  la  politique  et  le  commerce  de  presque 
toute  l'Afrique  au  nord  de  l'équateur.  Des  importantes  cités  qu'ils  ont 
fondées  sur  le  Niger  et  ses  affluents,  ils  dirigent  des  caravanes  sur  tous 
les  points  de  l'horizon,  en  Abyssinie  et  en  Egypte,  à  Alger  comme  au 
Maroc,  à  Libéria  conrnie  dans  la  Gambie  et  jusque  sur  la  côte  du  Cap.  » 
«  L'active  propagation  et  les  triomphes  de  l'islamisme,  »  disait  naguère 
M.  G.  Valbert  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes,  «  ont  excité  les  plaintes 
de  plus  d'un  voyageur,  et  de  tous  ceux  qui  voudraient  répandre  notre 
civilisation  sur  l'Afrique.  Consultez  le  général  Borgnis-Desbordes,  dont 
l'intrépidité  et  la  prudence  ont  assuré  le  succès  de  l'audacieuse  expédi- 
tion du  Sénégal  au  Niger,  il  vous  dira  que  les  tribus  inconvei*ties  sont 
seules  pénétrables  aux  influences  européennes,  qu'elles  se  laissent  façon- 
ner par  nous  comme  une  cire  molle,  que  les  États  musulmans  nous  sont 
fermés  et  hostiles,  qu'en  Afrique  le  fétichisme  est  notre  allié  natui*el  et 
que  le  mahométisme  sera  notre  éternel  ennemi.  Interrogez  Savorgnan 
de  Brazza,  il  vous  dira  que  le  seul  danger  qu'il  redoute  pour  l'avenir  du 
Congo  français,  c'est  le  missionnaire  musulman,  dont  les  premières 
approches  Tinquiètent  et  le  troublent.  » 


—  52  — 

Ce  n'est  pas  seulement  sur  les  frontières  méridionales  des  pays  sou- 
mis à  l'influence  arabe  que  s'est  déployé  le  fanatisme  ;  il  s'est  ranimé 
<le  nos  jours,  au  sein  des  territoires  musulmans  du  nord  de  l'Afrique, 
par  l'activité  de  la  secte  des  Senoussi,  dont  les  zaonia  sont  disséminées 
dans  toute  l'Afrique  septentrionale,  des  frontières  de  rÉg}T[)te  jusqu'au 
Maroc  et  fort  avant  dans  l'intérieur.  Après  plusieurs  essais  infructueux 
poui*  s'établir  en  Kgj'pte,  Mohamed  es  Senoussi,  père  du  chef  actuel  de 
la  secte,  le  Cheikh-el-Mahdi,  fonda  ime  zaouia  centrale  dans  l'oasis  de 
Ojcrboub,  dans  l'intention  de  réformer  l'islam  et  de  restaurer  l'ancienne 
foi  au  Coran.  L'ordi-e,  qui  entretient  des  missions  intérieures  et  exté- 
rieui-es,  jouit  d'une  grande  influence  dans  tous  les  territoires  du  nord 
(le  l'Afrique.  Grâce  à  sa  stricte  discipline,  aux  sonmies  considérables 
d'argent  dont  il  dispose,  et  à  l'absence  de  tout  scrupule  dans  l'emploi 
(l(»s  moyens  auxquels  il  recx)urt,  il  est  devenu  l'ennemi  le  plus  farouche 
et  le  plus  dangereux  des  Européens.  «  C'est  à  Djerboub,  »  dit  M.  Marc 
r'ournel,  «  que  le  Cheikh-el-Mahdi  reçoit  des  renseignements  de  tous  les 
j)()iiits  du  monde  musulman  et  qu'il  dirige  le  grand  mouvement  panisla- 
iiii(|ue.  Des  courriers  spéciaux  montés  sur  des  méharis,  les  admirables 
(•hameaux  du  désert,  avec  lesquels  on  peut  faire  chaque  jour  plus  de 
cent  kilomètres  pendant  une  semaine  sans  les  fatiguer,  relient  Djerboub 
à  l'Egypte,  à  la  Tripolitaine,  à  Tintérieur  de  l'Afrique;  du  Wadal  le 
(  heikh-el-Mahdi  pourrait  faire  sortir  en  quelques  semaines  une  armée 
dix  fois  plus  forte  et  plus  ardente  que  celle  qui  a  écrasé  les  Anglais  et 
les  Éj^ptiens  dans  le  Soudan,  et  l'on  assui*e  que  ses  zaouia  renferment 
assez  d'annes  à  tir  rapide  pour  en  faire  des  troupes  redoutables  pour 
\u\('  puissance  européenne  quelconque.  »  Chaque  année  le  chef  de  l'ordre 
forme,  dans  Djerboub,  des  centaines  de  missionnaires.  Les  premiers 
«établissements  religieux  fondés  par  ceux-ci  le  furent  àSokua,  Mourzouk 
<ihadamès  et  Rhat,  puis  ils  occupèrent  l'oasis  de  Koufara,  colonisèrent 
celU*  de  Wau,  et  s'établirent  à  Kawar.  De  Koufara  ils  s'avancèrent  vers 
Wanjanga  et  le  Wadaï  dont  le  roi  devint  leur  adepte.  Actuellement  ils 
cspci-ent  gagner  le  territoire  des  Toubou,  le  Ridejat,  les  tribus  non  civi- 
listes  du  Wadaï  et  les  oasis  de  l'Egypte.  Leurs  adhérents  leur  font  de 
riches  présents  ;  partout  où  ils  fondent  des  stations,  ils  concluent  avec 
1(  s  indigènes  des  contrats  pour  se  faii*e  céder  des  plantations  de  dattiers. 

Dans  la  région  orientale,  après  que  les  Portugais  eurent  occupé  la 
côte,  les  indigènes  appelèrent  à  leui'  aide  le  sultan  d'Oman,  Ben  Sef 
Ben  Malik,  qui  livra  aux  Européens  plusieurs  combats.  Un  de  ses  fils 
s'empara  de  Mombas  en  1698  ;  dès  loi-s  les  Portugais  fui'ent  forcés  de 
se  retirer  d'une  partie  delà  côte  orientale. 


—  53  — 

n  n'en  résulte  cependant  pas  que  Tinfluence  arabe  règne  sans  con- 
teste sur  toute  l'Afrique  orientale  équatoriale.  Même  au  nord  de  la  ligne 
qui  s'étend  du  golfe  de  Guinée  vei"8  le  haut  Nil,  il  reste  des  tribus  qui 
n'ont  été  qu'en  partie  contraintes  d'embrasser  l'islamisme;  tels  sont  les 
Mandingue*  et  les  habitants  du  Fouta-Djallon  ;  certaines  tribus  wolofes 
et  bambaras  sont  encore  beaucoup  plus  païennes  que  mahométanes.  De 
même  dans  le  voisinage  du  Baghirmi,  il  existe  encore  toute  une  série  de 
tribus  qui  sont  païennes. 

Au  centre,  dans  la  région  des  sources  du  Nil,  dans  les  États  des  lacs, 
l'Ou-Ganda,  l'Ou-Nyoro,  jusqu'au  Tanganyika,  et  même  jusqu'aux 
chutes  de  Stanley  et  en  aval  sur  le  Congo,  plus  au  sud  encore  jusqu'aux 
territoires  à  l'ouest  du  Nyassa,  du  Bangouéolo,  dans  le  pays  des  Garan- 
ganzé,  l'influence  arabe  s'étend  par  les  trafiquants  et  par  les  chasseui-s 
d'esclaves.  Mais  il  existe  un  grand  nombre  de  tribus  que  les  Arabes 
ifont  pu  contraindre  à  embrasser  l'islamisme  ni  subjuguer.  Ainsi  les 
Denka,  les  Bari,  les  Bongo,  les  Madi,  les  Chouli,  les  Niams-Niams  sont 
encore  païens.  Les  Nouba  du  Kordofan,  les  Chillouk,  les  Foundj  ne  sont 
qu'en  partie  gagnés  à  l'islam,  tandis  que  les  Bagera  et  les  Kababisch  à 
l'ouest  du  Nil  blanc  et  au  nord  du  Kordofan,  ainsi  que  les  habitants  de 
<ialabat  et  de  Takela,  sont  tout  à  fait  musulmans. 

D'après  Paulitschke,  l'islam  fait  de  grands  progi-ès  chez  les  Gallas. 
La  grande  tribu  des  Day  a  embrassé  l'islamisme,  tandis  que  les  Wala- 
chi  et  les  Garoura  sont  demeurés  païens. 

Quoiqu'il  en  soit,  les  Arabes  se  trouvent  pari  ont  dans  l'Afrique  orien- 
tale, soit  conune  colonies  de  quelques  familles,  soit  comme  voyageurs. 
(  >n  en  rencontre  dans  toutes  les  villes  un  peu  importantes  de  l'Afrique 
australe,  jusque  dans  la  colonie  de  Natal  et  à  Capetown.  Toutefois  ils 
n'exercent  pas  là  une  influence  sensible  sur  la  population. 

C'est  en  Egypte  que  l'islamisme  a  pénétré  le  plus  profondément  et  se 
retrouve  dans  tous  les  actes  de  la  vie  sociale.  Eu  Algérie,  les  muftis  ont 
j)eu  d'influence  ;  les  marabouts  en  ont  déjà  davantage  ;  mais  ce  sont 
surtout  les  Khouan  qui  dirigent  le  mouvement  panislamique.  La  puis- 
sanct*  des  ordres  religieux  repose  sur  une  organisation  stricte,  une 
obéissance  absolue  de  tous  les  membres  au  chef,  une  discrétion  parfaite, 
une  docilité  servile  de  la  masse  du  peuple.  L'Algérie  à  elle  seule  a  355 
couvents  et  168,954  moines.  Chez  les  Touaregs  du  Sahara,  il  n'y  a  pas 
de  mosquées,  mais  les  marabouts  y  ont  la  surveillance  de  l'instruction 
publique  et  l'exercice  de  la  justice.  Ils  vont  de  tribu  en  tribu  comme 
missionnaires,  apprennent  à  la  jeunesse  à  lire  le  Coran,  à  écrire,  éten- 


—  54  — 

dent  le  cei'cle  des  connaissances  de  ceux  de  leurs  élèves  qui  se  destinent 
aux  emplois  ecclésiastiques  et  leur  enseignent  l'arithmétique,  Tastrono- 
mie,  le  droit  et  la  théologie.  Les  Foulbés,  les  plus  ardents  propagateurs 
de  l'islam  au  Soudan,  ont  des  écoles  dans  les  plus  petites  communautés: 
on  y  enseigne  surtout  l'arabe,  quoiqu'il  y  ait  aussi  des  grammaires 
foula,  mais  en  caractères  arabes.  Au  Bornou,  à  l'époque  du  voyage  de 
Nachtigal,  le  secrétaire  du  roiMoallim  Mohîunmed  jouissait  d'une  répu- 
tation de  profonde  érudition  ;  sa  bibliothèque  n'avait  pas  d'égale  de 
Timbouctou  à  Khartoum.  Les  leçons  des  maîtres  de  Kouka  attiraient 
des  élèves  de  tout  le  Soudan.  Au  Logone,  comme  dans  le  Baghinni,  la 
connaissance  de  l'islam  ne  consiste  guère  qu'en  quelques  phrases  incom- 
prises récitées  machinalement.  Il  n'en  est  pas  de  même  au  Wadaï  où 
les  ulémas  possèdent,  outre  le  Coran,  plusieui's  traités  lus  de  tout  le 
monde.  En  revanche,  au  Kordofan,  d'après  le  témoignage  de  Wilsou  et 
de  Felkin,  le  peuple  possède  à  peine  quelques  notions  religieuses,  mais 
d'autant  pliLS  de  superstitions.  Entre  le  cours  supérieur  du  Rahad  et 
celui  de  l'Atbara,  la  république  nègre  de  Galabat  a  20,0(X)  pèlerins  du 
Darfour  et  du  Wadaï,  qui.  à  leur  i^etour  de  la  Mecque,  se  sont  fixés  là, 
et  se  recrutent  chaque  année  de  nouveaux  arrivants.  Ce  sont  des  musul- 
mans fanatiques,  qui  pratiquent  consciencieusement  leurs  exercices  reli- 
gieux. Les  Moumbouttous  n'ont  subi  qu'extérieurement  l'influence  de 
rislam.  Parmi  les  Gallas  les  uns  sont  attachés  à  l'islam  jusqu'au  fana- 
tisme, les  autres  sont  encore  païens.  Krapf  dit  que  l'islamisme  a  encore 
corrompu  la  nature  déjà  altérée  des  Gallas,  et  que  les  Wollo,  en  parti- 
culier, peuvent  diflScilement  être  surpassés  en  déloyauté  et  en  soif  de 
vengeance.  Les  Somalis  sont  prêts  à  admettre  toutes  les  leçons  de 
l'islam,  suivant  l'intérêt  du  moment  ;  ils  ne  sont  pas  fanatiques,  pas 
plus  que  les  Souahélis,  les  sentinelles  avancées  de  l'islam  dans  l'Afrique 
orientale,  qui  sont  cependant  de  sincères  musulmans. 

Quant  aux  Wa-Cranda,  Wilsou  et  Felkin  pouvaient  encore  dire  il  y  a 
quelqu(»s  années  que  les  religions  étrangères  avaient  jusque  là  peu 
influé  sur  eux.  Quoique  les  trafiquants  arabes  fussent  daiLs  le  pays 
depuis  GO  ans  au  moins,  ils  n'avaient  pas  fait  beaucoup  de  propagande. 
La  conversion  de  Mtésa  ne  fut  jamais  qu'apparente;  les  Arabes  eux- 
mêmes  ne  s'y  fiaient  pas.  Il  ne  voulut  jamais  se  soumettre  au  rite  de  la 
circoncision,  que  l'islamisme  impose  comme  indispensable, et  même  il  fit 
brûler  vifs  une  centaine  de  jeunes  gens  qui,  croyant  que  l'islam  devien- 
drait la  religion  universelle,  s'étaient  soumis  à  ce  rite.  Mais  si  l'isla- 
misme est  peu  répandu  dans  TOu-Ganda,  k^  Arabes  n'en  exercent  pas 


î)0 


moins  aujourd'hui  une  influence  considérable  sur  le  roi  Mouanga  et  sur 
ses  ministres.  Ils  savent  très  habilement  entretenir  dans  l'esprit  de  ce^ 
grands  personnages,  toutes  sortes  de  préventions  contre  \es  mission- 
naires chrétiens  et  contre  les  Européens  en  général,  dans  lesquels  ils 
voient  des  concurrents  pour  leur  commerce,  et  surtout  des  adversaires 
de  l'esclavage  et  de  la  polygamie,  usages  tolérés  par  l'islam. 

Notre  article  est  déjà  bien  long  ;  cependant  nous  ne  le  terminerons 
pas  sans  ajouter  quelque.s  mots  sur  deux  ou  trois  faits,  dont  il  est 
impossible  de  ne  pas  tenir  compte  quand  on  cherche  à  comprendre  ce 
cjui  fait  la  force  de  l'islam,  et  ce  qui  lui  procure  un  accès  relativement 
facile  chez  les  populations  noires.  La  prescription  du  Coran  ordoimant 
à  tout  musulman  de  faire,  une  fois  en  sa  vie,  le  pèlerinage  de  la  Mecque, 
fournit  à  des  milliers  de  pèlerins  l'occasion  de  recevoir  les  ordres  du 
chef  même  des  croyants  et  de  s'inspirer  du  zèle  de  propagande  dont  les 
anciens  Israélites  allaient  s'enflammer  à  Jérusalem.  Ceux  qui  se  sont 
acquittés  du  voyage  portent  le  titre  de  Hadji,  pèlerin,  et  jouissent 
d'une  considération  d'autant  plus  grande  que  leur  pays  se  trouve  plus 
distant  de  la  Mecque.  Il  règne  entre  tous  les  Hadji  une  confraternité 
(lui  établit  des  liens  de  confiance  et  de  cohésion  religieuse  que  rien  ne 
saurait  rompre.  Les  missionnaires  musulmans  ne  font  pas  acception  de 
pereonnes  ;  ils  sont  vraiment  cosmopolites  ;  tout  homme  qui  croit  en 
Mahomet  est  leur  égal,  eût-il  les  chevetix  crépus,  le  nez  é])até  et  l(»s 
lèvres  pendantes.  Qu'ils  arrivent  de  Kairouan,  du  Caire  ou  du  Maroc, 
ils  n'ont  pour  tout  bien  que  leui's  livres  et  la  natte  sur  laquelle  ils  s'ac- 
croupissent pour  dire  leur  prière  ;  leui's  élèves  les  accompagnent,  et,  en 
s'installant  dans  quelque  bourg  fétichiste,  ils  forment  h»  noyau  d'une 
école  ou  d'une  congrégation.  Le  missionnaire  arabe  vit  comme  on  vit 
autour  de  lui,  il  s'accommode  aux  habitudes,  aux  usages,  aux  goûts  des 
indigènes  ;  il  subsiste  de  la  charité  de  ceux  (lu'il  instruit.  Se  sentant 
partout  chez  lui,  il  n'éprouve  aucune  répugnance  à  se  marier  avec 
quelque  fille  du  continent  noir  ;  les  sangs  se  mêlent,  les  rac(*s  se  croi- 
sent. L'arabe  est  la  langue  littéraire  de  l'Afrique  centrale.  Quoiqu'il  y 
ait  des  Arabes  qui  se  rendent  coupables  irinfractions  à  la  loi  du  Coran 
interdisant  l'usage  des  spiritueux,  ou  qui  profitent  du  commerce  de 
Teau-de-vie  pour  s'enrichir,  il  faut  reconnaître  qu'en  général  les  adhé- 
mnts  de  l'islam  n'ott'rent  guère  aux  noirs  que  l'exemple  de  la  sobriété, 
ce  qui  inspire  d'emblée  à  ces  derniei-s  un  grand  respect,  en  même  temps 
qu'une  confiance  instinctive,  pour  des  hommes  qu'ils  voient  toujours  se 
posséder  eux-mêmes  et  conserver  le  sentiment  de  leur  dignité. 


—  59  — 

aimonçous,  témoignent  de  la  large  part  qu'il  prit  à  ces  travaux.  Ik  sont 
suivis  d'un  plan  dressé  par  lui  d'une  expédition  dans  l'Afrique  australe 
occidentale,  introduction  au  récit  de  son  propre  voyage,  et  qui  fait  amè- 
rement regretter  que  la  mort  en  ait  empêché  la  réalisation  complète. 
Après  avoir  étudié  consciencieusement  les  ouvrages  des  voyageurs  les 
plus  récents  dans  cette  région,  et  les  Ciuies  de  Lanoy  de  Bissy,  de 
Merensky  et  d'Anderson,  il  se  proposait  de  se  rendre  d'abord  à  Benguela, 
pour  explorer  la  partie  méridionale  des  possessions  portugaises,  dont  la 
météorologie,  la  géologie,  l'ethnologie  et  la  zoologie  n'ont  encore  jamais 
été  étudiées  scientifiquement.  Après  cela,  il  espérait  pouvoir  pénétrer 
dans  la  région  qui  s'étend  entre  le  Cunéné  et  le  Coubango,  puis  se  por- 
ter au  sud  vei*s  le  lac  Ngami,  parcourir  la  vaste  étendue  de  pays  que 
bordent  le  Zambèze  au  nord  et  le  Limpopo  au  sud ,  sans  négliger  les 
territoires  de  l'ouest  jusqu'à  l'Orange,  le  Kalahari,  l'Ovampo,  le  Dama- 
raland  et  le  Namaqualand.  Les  observations  que  renferment,  sur  les  dis- 
tricts de  Mossamédès  et  de  Benguela,  les  trois  cents  pages  qui  se  rappor- 
tent aux  voyages  à  Humpata,  Huilla,  Quillenge,  à  travers  la  Serra  de 
Chella,  peuvent  nous  donner  une  idée  des  services  qu'aurait  pu  rendre  h 
la  science  le  jeime  voyageiu*,  sans  sa  fin  prématurée.  Il  était  accompagné 
de  deux  aides  qui  lui  furent  très  utiles  :  MM.  Godefroy  et  van  der  Kel- 
len,  attachés,  l'un  au  Muséum  ethnographique  de  Leyde,  l'autre  au 
Muséum  d'histoii'c  naturelle  de  la  même  ville.  Nous  avons  dit  (VP  aimée, 
p.  148)  les  diflScultés  rencontrées  par  l'expédition  entre  Mossamédès  et 
Humpata,  et  la  salubrité  du  plateau  sur  lequel  se  trouve  cette  dernière 
ville.  Il  est  grand  dommage  que  l'expérience  de  l'emploi  de  poneys  do 
Java  tentée  par  M.  D.  Veth  n'ait  pu  être  poui'suivie  plus  longtemps, 
puisque  celui  dont  il  se  servait  s'accommodait  facilement  au  climat  ;  quels 
services  ne  pouiTaient-ils  pas  rendre  aux  voyageurs  dans  ces  régions  où, 
jusqu'ici,  les  chevaux  d'Europe  n'ont  pas  pu  s'acclimater  !  On  comprend 
la  sympathie  avec  laquelle  il  décrit  l'établissement  de  la  petite  colonie 
(les  Boers  sur  le  temtoire  portugais  ;  et  on  lui  sait  gré,  d'avoir,  quoique 
protestant,  su  parler,  avec  les  éloges  qu'ils  méritent,  des  travaux  des 
missionnaires  portugais  à  Huilla. 

Zeitschrift  fur  AFR1KANI8CHE  Sprachen,  hcrausgegebeu  von  C-tf. 
Buttnerj  Inspektor  der  ostafirikanischen  Mission  in  Berlin.  Berlin  (A. 
Asher  et  C*»),  Octobre  1887.  Jahrgang  I.  Heft  I.  in-8,  78  p.  Mark.  3.  — 
L'étude  des  langues  africaines,  encore  bien  peu  avancée  il  y  a  quelques 
années,  marche  de  pair  avec  les  découvertes  géographiques.  Mieux  on 


—  «1  — 

tistique  est  indiquée  d'après  les  Notices  coloniales,  publiées  en  1885  à 
l'occasion  de  l'exposition  universelle  d'Anvers.  On  y  constate,  en  parti- 
culier, ce  fait  que  le  nombre  des  Européens  au  Sénégal  est  toujours  fort 
restreint.  A  Saint-Louis,  ils  sont  1200  environ,  et,  en  y  ajoutant  ceux 
qui  se  trouvent  répandus  sur  toute  la  surface  de  la  colonie,  on  n'arrive- 
rait pas  à  2500.  L'histoire  des  Français  au  Sénégal  est  conduite  jusqu'en 
1885,  date  de  la  cinquième  campagne  du  colonel  Borgnis-Desbordes. 
Les  derniers  cbapiti*es  se  rapportent  aux  divisions  politiques  et  adminis- 
tratives, aux  conditions  d'exploitation,  au  climat  du  Sénégal.  L'auteur 
n'est  pas  un  patriote  aveugle.  U  ne  se  dissimule  pas  les  dangers  que 
présente  la  colonie  pour  les  Européens  et  les  expose  sans  ambages,  tout 
en  indiquant  les  moyens  par  lesquels  l'administration  lutte  contre  l'in- 
fluence pernicieuse  du  climat.  Peut-être  arrivera-t-on  à  le  rendre  moins 
insalubre.  Toutefois  M.  Haurigot  n'a  pas  l'air  d'y  croire  fortement.  Pour 
longtemps  encore,  les  fonctionnaires  qui  vivent  sobrement  et  qui 
observent  toutes  les  prescriptions  de  l'hygiène  ne  pourront  séjourner 
plus  de  4  ou  5  ans  à  Saint-Louis  ou  à  Gorée.  De  tous  les  gouverneurs, 
c'est  le  général  Faidherbe  qui  y  est  resté  le  plus  longtemps  :  une  pre- 
mière fois  7  ans  et  une  seconde  fois  2  ans.  La  plupart  des  autres  n'ont 
occupé  cette  haute  fonction  que  quelques  mois. 

Louis  Piesse.  Algérie  et  Tunisie.  Collection  des  Ghiides-Joanne. 
Paris  (Hachette  et  C^'),  1887,  gr.  in-12,  492  p.  avec  cartes  et  plans, 
Fr.  12.  —  Comme  la  saison  des  voyages  dans  l'Afrique  du  Nord  s'ouvri- 
ra dans  quelques  semaines,  il  est  temps  de  recommander  aux  touristes 
le  guide  en  Algérie  et  en  Tunisie  de  M.  Piesse.  Il  s'agit,  du  reste,  d'une 
réédition,  rendue  nécessaire  par  l'ouverture  de  plusieurs  voies  ferrées 
nouvelles  qui  permettent  d'aller  d'Aïn-Temouchent,  à  l'ouest  d'Oran, 
jusqu'à  Hammam-]if,  à  l'est  de  Tunis,  ainsi  que  par  la  publication  du 
recensement  quinquennal  de  la  population  algérienne  et  de  plusieurs 
autr^  documents  statistiques.  Au  lieu  de  52  routes  que  renfermaient 
les  anciennes  éditions,  l'itinéraire  actuel  en  renferme  107  ;  en  outre,  le 
plan  a  été  amélioré,  les  cartes  revues  et  modifiées,  surtout  en  ce  qui 
concerne  les  chemins  de  fer,  le  nombre  des  plans  de  villes,  porté  de  dix 
à  seize,  enfin  l'index  alphabétique  remanié  de  manière  à  donner  tous 
les  renseignements  désirables  au  point  de  vue  des  moyens  de  communi- 
cation, des  hôtels  et  des  auberges. 

Le  guide  Piesse  fait  partie  de  la  collection  des  Guides-Joanne,  connue 
et  appréciée  des  touristes.  Elle  le  cède  peut-être  aux  Bœdecker  au  point 


—  H2  — 

<le  vue  du  nombre  des  renseignements,  mais  elle  leur  est  supérieure 
comme  œuvre  scientifique,  car  elle  renferme  en  plus,  particulièrement 
dans  le  guide  qui  nous  occupe,  une  bibliographie  ainsi  qu'un  aperçu 
géographique  et  historique  qui  fournit  au  voyageur  une  vue  d'ensemble 
du  pays  qu'il  va  parcourir. 

L'itinéraire  est  divisé  en  quatre  sections  :  Provinces  d'Alger,  d'Oraii, 
de  Constantine  et  Tunisie.  Chacune  d'elles  comprend  un  certain  nom- 
bre de  routes  qui  conduisent  :  dans  la  province  d'Alger,  jusqu'à  Ouar- 
gla  et  El  Goléa  ;  dans  celle  d'Oran,  au  pays  des  Oulad-Sidi-Cheikh  ; 
dans  celle  de  Constantine,  à  Touggourt  ;  en  Tunisie,  à  Gabès  et  à  Nefta. 

Chacun  comprendra  que  la  rédaction  d'un  guide  pour  des  pays  dont 
une  faible  partie  seulement  est  colonisée,  tandis  que  le  reste  est  soumis 
au  régime  militaire  et  habité  par  des  tribus  toujours  prêtes  à  se  révolter, 
est  beaucoup  plus  difficile  que  celle  d'un  itinéraire  pour  nos  pays  d'Eu- 
rope. Pour  la  région  côtière  de  l'Algérie  où  les  chemins  de  fer  et  les  dili- 
gences circulent  partout,  le  travail  est  relativement  aisé,  mais  les  Hauts- 
Plateaux,  le  Sahara  algérien  et  la  plus  grande  partie  de  la  Tunisie  don- 
nent lieu  à  des  recherches  nombreuses  et  à  une  étude  particulière  des 
récits  de  voyage.  M.  Piesse  a  dû  consulter  de  nombreux  travaux,  entre 
autres  ceux  de  MM.  E.  Reclus,  le  colonel  Niox,  les  commandants  Robin 
et  Rinn,  Cagnat  et  Saladin.  Il  a  eu,  en  outre,  recours  à  la  collaboration 
de  MM.  A.  Poulie,  Poinssat,  Canal  et  0.  Niel,  et  de  quelques  officiers  de 
l'armée  française,  que  leur  service  a  conduits  dans  ces  lointains  parages. 
Toutes  les  fois  que  cela  e^t  possible,  le  guide  indique  les  moyens  de  com- 
munication pour  chaque  itinéraire,  la  durée  et  le  coût  du  voyage,  les 
précautions  à  prendre,  etc.  Quand  il  s'agit  d'une  région  souvent  par- 
courue, une  carte  spéciale,  renfermant  les  lignes  ferrées,  les  routes  car- 
rossables desservies  ou  non  par  les  voitures  publiques,  les  chemins  à 
mulets,  permet  au  touriste  de  se  rendre  un  compte  exact  du  district 
qu'il  parcourt,  grâce  à  un  relief  clairement  dessiné  et  à  des  couleurs 
bien  distribuées.  Mais  il  y  a  encore  de  vastes  régions  pour  lesquelles  les 
indications  sont  insuffisantes.  Pour  aller  à  Laghouat,  à  Gardaïa,  à  Ouai'- 
gla,  Goléa,  Touggourt,  Géryville,  et  pour  voyager  dans  la  majeure  par- 
tie de  la  Tunisie,  il  ne  suffit  pas  d'avoir  une  bonne  santé  et  de  l'argent, 
il  faut  encore  que  les  tribus  soient  tranquilles,  la  saison  favorable,  et  que 
le  gouvernement  accorde  au  touriste  aide  et  protection,  c'est-à-dire  le 
droit  à  la  diffa  et  à  Vhalfa  :  la  diffa  est  l'hospitalité  pour  les  gens,  l'hal- 
fa,  l'hospitalité  pour  les  bêtes.  Le  mieux  est  d'être  chargé  d'une  mis- 
sion par  le  gouvernement,  ou  d'accompagner  un  officier  en  expédition 


—  ()8  — 

ou  eu  tournée  administrative  dans  les  tribus  sahariennes.  Dans  les 
autres  cas,  le  voyage  présente  quelquefois  de  sérieuses  difficultés. 

Edouard  Naville.  Goshex  axd  the  Shrine  of  Saft  el  Henneh.  1885. 
Fourth  memoir  of  the  a  Egypt  Exploration  Fund.  »  London  (Trttbner 
et  O),  1887,  in-4",  25  p.  avec  11  planches.  Fr.  32. —  L'œuvre  de  notre 
compatriote  est  assez  connue,  et  vses  talents  ont  été  suffisamment  mis  en 
relief  par  ses  magniiiques  découvertes,  pour  que  nous  puissions,  sans 
préambule,  parler  du  mémoire  qu'il  vient  de  publier.  Ce  dernier  se  rap- 
porte à  une  campagne  effectuée  au  commencement  de  Tannée  1885, 
campagne  dont  les  résultats  avaient  déjà  été,  en  substance,  consignés 
dans  une  lecture  faite  par  M.  Naville  devant  la  «  Royal  Institution.  » 
Sans  avoir  Timportance  de  la  découverte  de  Pithom,  les  fouilles  entre- 
prises en  1885  présentent  un  vif  intérêt,  aussi  bien  pour  le.s  érudits  que 
pour  les  gens  du  monde,  et  nul  doute  que  le  public  ne  fasse  un  accueil 
très  favorable  à  Touvrage  du  savant  égyptologue.  M.  Naville,  dont 
l'anglais  n>.st  pas  la  langue  maternelle,  le  manie  pourtant  avec  une 
grande  facilité.  Son  style  est  simple  et  clair,  sa  méthode  rigoureusement 
scientiiique  ;  pour  peu  que  Ton  s'intéresse  aux  questions  d'archéologie 
historique,  on  prend  plaisir  à  le  suivre  dans  ses  dissertations  sur  le  sens 
des  inscriptions  et  la  topographie  des  anciennes  cités. 

La  pliLs  grande  partie  de  son  mémoire  est  consacrée  à  l'interprétation 
delà  châsse  de  Saft  el  Henneh.  Ce  nom  est  celui  d'un  village  situé  h  mi- 
chemin  à  peu  près  entre  Zagazig  et  Tel  el  Kébir.  La  région  dont 
l'auteur  fait  la  description  dans  un  premier  chîipitre,  renfermait  beau- 
coup de  iniiiies,  parmi  lesquelles  de  véritables  trésors.  Elles  ont  été 
pour  la  plupart  dispersées  ou  détruites.  La  châsse  de  Saft  el  Henneh, 
qui  devait  former  un  superbe  monolithe,  a  été  brisée  pai*  les  fellahs 
superstitieux,  dans  l'espoir  d\v  trouver  de  l'or  à  l'intérieur.  Des  mor- 
ceaux en  ont  été  recueillis  çà  et  là,  quelques-uns  par  M.  Naville.  Deux 
ligures  indiquent  la  restauration  du  monument.  Toutefois  la  partie 
supérieure  manque  ;  les  débris  doivent  avoir  servi  aux  fondations  du 
pont  de  Saft  el  Henneh.  L'épaisseur  de  la  pierre  était  de  2  mètres  et  sa 
hauteur  de  2'",  20  environ.  Sur  les  quatre  faces,  la  partie  inférieure  est 
occupée  par  trois  lignes  d'une  inscription  purement  historique  en  larges 
caractères.  Sur  la  face  frontale  se  trouvent  des  inscriptions  verticales 
de  neuf  lignes  chacune,  reproduisant  des  hymnes  en  l'honneur  de  Sept, 
récitées  par  le  pharaon  Nectanebo  II,  auquel  le  monument  e.st  consacré. 
Sur  les  «autres  faces,  figurent  six  registres  horizontaux,  portant  aussi 
des  inscriptions  et  des  représentations  mythologiques.  M.  Naville  donne 
(les  détails  sur  les  différents  fragments  du  monument  et  indique  la  tra- 


des  qualités  thérapeutiques.  L'absorption  d'une  bonne  cuillerée  à  bouche 
de  mie!  eucalypté  dans  un  peu  de  lait  devient  un  excellent  mofiérateur 
de  la  circulation.  Après  rélimination  d'une  partie  des  principes  actifs 
par  les  bronches  et  le  larynx,  la  voix  devient  plus  claire,  plus  éclatante, 
les  poumons  sont  plus  élastiques,  plus  souples.  Ou  a  fait  essaimer  des 
abeilles  domestiques,  en  Algérie,  dans  des  plantations  d'eucalyptus, 
tuais  pas  en  assez  grandes  quantités  pour  répondre  aux  besoins  de  la 
thérapeutique.  Aussi  le  Moniteur  de  V Algérie  engage-t-il  les  colons 
idgériens  qui  se  trouvent  dans  le  voisinage  de  plantations  d'eucalyptus, 
h.  se  livrer  à  l'élève  des  abeilles  qui  ne  peut  manquer  de  leur  procurer 
un  réel  profit. 

Dans  sa  séance  du  30  janvier,  l'Académie  des  sciences  a  reçu  commu- 
nication d'une  note  de  M.  Philippe  Thomas,  attaché  à  l'expédition 
scientifique  de  Tunisie,  mmonçant  la  découverte,  dans  cette  province, 
de  vastes  cisements  de  phosphate  de  chmux,  qui  s'étendent  très 
loin  sur  la  rive  de  la  Medjerda,  et  se  prolongent  dans  les  départements 
de  Constantine  et  d'Alger,  Le  Journal  officiel  du  27  décembre  1887  en 
avait  signalé  un  il  Médroraa,  dans  le  nord-ouest  du  département  d'Al- 
ger. Jadis  la  Tunisie  et  l'Algérie  étaient  les  greniers  de  Rome.  Peut- 
être  la  fertilité  de  leur  sol  était-elle  due  Jt  sa  richesse  en  phosphate.  Les 
grands  gisements  constatés  permettrant  vraisemblablement  de  rendre  à 
la  terre  arable  son  ancieiuie  fertilité,  et  ces  deux  provinces  pourront 
redevenir  un  jour  les  greniers  de  la  France. 

S'il  fauten  croire  les  journaux  anglais,  Slatln  be3',ancien  gouverneur 
du  Darfour,  occuperait  aujourd'hui  une  haute  position  à  Omdurman,  et 
jouirait  d'une  grande  influence  auprès  du  successeur  du  mahdi,  Abdul- 

'  Les  m&tières  comprises  dans  nos  Balletins  mensuels  et  dans  les  Nouv^es  corn- 
pUmentairet  j  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  cAte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  tbte  occidentale. 
l'afkiqdi. 


—  66  —  ^ 

laï  ;  il  espérerait  même  recueillir  la  succession  d^  ce  dernier,  et  aurait 
renvoyé  avec  menaces,  au  Caire,  un  messager  expédié  par  les  Anglais 
pour  le  délivrer,  en  déclarant  que  rien  ne  pourrait  le  décider  à  aban- 
donner la  position  qu'il  occupe  actuellement.  Lupton  bey,  ex-gouver- 
neur de  la  province  égyptienne  du  Bahr-el-Ghazal,  est  au  contraire 
l'objet  d'une  surveillance  rigoureuse,  sans  doute  parce  que,  comme 
Émin  pacha,  il  a  refusé  de  prêter  Toreille  aux  injonctions  des  mah- 
distes. 

Le  marquis  de  Salisbury  a  informé  le  secrétaire  de  la  Chambre  de 
commerce  de  Londres,  que  le  consul  général  de  S.  M.  britannique  en 
Egypte  est  en  pourparlei*s  avec  le  colonel  Kitchner,  à  Soaakim,  pour 
abolir  toutes  les  restrictions  apportées  au  commerce  avec  le  Soudan 
oriental,  autant  du  moins  que  les  nécessités  militaires  de  la  situation  le 
permettront.  Quant  aux  sujets  anglais  qui,  à  leurs  risques  et  périls  et 
sous  leur  seule  responsabilité,  voudraient  entrer  en  rapports  d'affaires 
avec  ce  pays,  pour  cultiver,  par  exemple,  les  terres  du  district  de 
Tokar  ou  d'autres  districts  convenables,  aucunes  restrictions  ne  leur 
seront  imposées. 

La  Société  allemande  de  plantations  pour  l'Afrique 
orientale  a  réussi  à  acquérir  à  Kibouéni,  dans  l'île  de  Zanzibar,  un 
terrain  à  six  kilomètres  de  la  ville  et  dans  une  situation  des  plas  favora- 
bles. Les  communications  avec  Zanzibar  peuvent  se  faire  par  eau  au 
moyen  de  barques,  ou  avec  des  voitures  à  bœuts  par  une  route  qui  tra- 
verse la  propriété.  La  qualité  du  sol  est  excellente.  Sur  la  plantation  de 
Léwa,  à  6  kilom.  du  Pangani,  s'élève  une  dizaine  de  bâtiments.  Poui* 
le  moment,  on  s'y  livre  surtout  à  la  culture  du  tabac  qui  paraît  réus- 
sir très  bien.  Une  route  à  bœufs  sera  construite  de  Tchogoué,  au  bord 
du  Pangani,  jusqu'à  Léwa.  Dans  le  voisinage  inmiédiat  de  cette  dernière 
localité  il  y  a  peu  de  bétail,  les  forêts  recouvi^ant  la  plus  grande  partie 
du  terrain  ;  mais,  à  quelque^^  kilomètres  en  amont,  se  trouvent  de  nom- 
breux troupeaux  de  plus  de  cent  têtes  de  bétail  chacun.  ïchogoué  a 
toutes  les  semaines  un  marché  où  se  rassemblent  1500  pei^sonnes  emi- 
ron;  on  y  échange  de  l'ivoire,  du  maïs,  du  riz,  du  blé  cafre,  des  cannes 
à  suci'e,  du  tapioca  et  de  petits  poissons,  contre  des  chèvres,  des  mou- 
tous  gras  et  des  poules.  Les  produits  européens^:  cotonnades,  perles, 
miroii*s,  couteaux,  fil  de  fer,  etc.,  sont  achetés  surtout  par  les  carava- 
nes qui  traversent  le  Djagga  et  le  pays  des  Masaï.  La  plantation  de 
Mbousiné,  au  nord  du  Wami,  dans  l'Ou-Sigoua,  à  environ  60  kilom.  de 
la  côte,  est,  comme  celle  de  Léwa,  entourée  par  la  forêt  vierge.  Mais  le 


—  67  — 

sol  déjà  défriché  a  une  profonde  couche  d'humus  qui  convient  à  la  cul- 
ture du  tabac.  On  y  a  déjà  fait  des  essais  de  culture  d'indigo,  de 
coton  et  de  café  qui  réussissent  très  bien. 

A  l'occasion  de  la  mort  du  P.  Picarda,  directeur  de  la  station  de 
Mandera,  les  Missions  catholiques  décrivent  ainsi  là  ti'ansformation 
opérée  depuis  l'établissement  des  missionnaires  :  a  II  y  a  quelques 
années,  l'endroit  où  s'élève  la  mission  de  Mandera,  à  quatre  jours  de 
marche  de  la  côte,  et  au  milieu  de  trois  tribus  désolées  par  l'anthropo- 
phagie, rinfanticide  et  les  guerres  perpétuelles,  n'était  qu'une  colline 
inculte,  connue  seulement  des  nombreux  troupeaux  d'antilopes  qui  y 
passaient  en  courant,  et  des  quelques  indigènes  qui  leur  donnaient  la 
chasse.  Aujourd'hui,  les  antilopes  n'ont  point  toutes  disparu,  les  indigè- 
nes n'ont  point  désappris  les  chemins  qui  les  conduisaient  là;  mais  le 
voyageur  qui  anive,  habitué  à  ne  traverser  depuis  la  côte  que  des  pays 
abandonnés  aux  broussailles  et  aux  gi*andes  herbes,  s'arrête  surpris  de 
se  trouver  tout  à  coup,  sans  transition,  en  présence  d'une  sorte  d'oasis 
d'où  s'élancent  la  plupart  des  arbres  fruitiers  des  tropiques,  où  un  jar- 
din traversé  par  un  misse^u  est  couvert  de  légumes  de  toute  espèce, 
où  de  longues  et  larges  allées  donnent  accès  à  un  village  chrétien,  dis- 
posé sur  la  pente  de  la  colUne  et  grandissant  à  l'ombre  de  la  croix  qui 
domine  le  toit  de  chaume  de  la  maison  des  missionnaires.  Une  chapelle, 
une  maison  d'école  où  les  petits  enfants  des  vieux  chefs  anthropophages 
apprennent  à  aimer  les  hommes  au  lieu  de  les  manger,  des  magasins, 
complètent  l'établissement.  Tout  autour,  des  fossés  profonds,  bordés 
d'un  talus,  tapissés  de  plantes  épineuses,  et  flanqués  de  quatre  grandes 
portes  en  pierre  en  forme  de  blockhaus,  créent  un  système  de  fortifica- 
tions simples,  mais  suflSsantes  pour  mettre  le  village  à  l'abri  d'un  coup 
de  main  de  la  part  des  tribus  pillardes  du  nord,  et  servir  de  refuge,  en 
cas  d'alerte,  aux  indigènes  des  alentours.  Les  vallées  où  les  léopards  et 
les  lions  avaient  autrefois  leurs  repaires,  ont  été  transformées  en  vastas 
champs,  où  mûiisseut  en  ce  moment  le  maLs,  le  riz  et  le  sorgho,  et  où 
Ton  a  commencé  à  planter  du  coton  et  du  café.  »  —  Dans  un  autre 
numéro  du  même  journal,  nous  trouvons  ce  renseignement  intéressant 
sur  le  changement  qu'ont  subi  les  élèves  des  missionnaires.  «  C'est  en 
ki-souahéli  que  nos  chrétiens  lisent  et  écrivent.  A  l'occasion,  ils  enti*e- 
tieunent  de  lointaines  correspondances.  Ces  joui*s-ci,  j'ai  vu  arriver  de 
Malte  une  lettre  envoyée  par  un  enfant  d'ici  (Kipalapala),  parti  pour 
l'Europe  afin  d'y  étudier  la  médecine,  et  qui  reviendra  ensuite  rendre  à 
ses  compatriotes  les  services  d'un  art  si  utile.  Il  écrivait  à  un  des  mis- 


—  68  — 

.  sionnaires  en  français,  et  répondait  en  ki-souahéli  à  un  de  ses  camarades: 
resté  dans  rOu-Nyanyembé.  Loi-squ'ils  étaient  chez  eux,  il  y  a  à  peine- 
quelques  années,  ces  enfants  que  nous  avons  recueillis  étaient,  comme 
les  autres,  voleurs,  menteurs,  et  livrés  à  presque  tous  les  vices.  Ici,  sous^ 
l'influence  de  l'éducation  religieuse,  ces  vices  ont  à  peu  près  complète- 
ment disparu.  Las  vols  sont  devenus  chose  fort  rare.  Nos  ballots^ 
d'étolfe  restent  jour  et  nuit  dans  la  coui"  ;  les  portes  de  nos  chambres* 
n'ont  pas  de  serrures;  il  serait  bien  facile  à  ces  enfants  d'emporter 
beaucoup  do  choses  ;  cependant  je  n'ai  pas  encore  constaté  le  moindre 
larcin.  » 

Dans  un  article  publié  par  le  Madagascar  sur  l'influence  arabe  et 
mahométane  à  Madag^ascar,  M.  Marc  Leclerc,  après  avoir  expasé* 
l'histoire  du  développement  de  cette  influence  jusqu'à  nos  joui*s,  et  de 
celle  que  les  Arabes  émigrés  à  Madagascar,  les  Antalotsls  en  particu- 
lier, exercent  sui*  les  Malgaches,  cite,  à  l'appui  de  sas  aflSrmations,  les: 
lignes  suivantes  empruntées  à  un  livi*e  tout  récent  de  M.  J.  Marfeld  : 
«  Tout  chef  de  village  Antakar  ou  Sakalave  a  auprès  de  lui  un  Anta- 
lotsi  qui  lui  sert  d'interprète,  de  confident  et  d'homme  d'aft'aires.  Rien 
dans  le  village  ne  se  décide  que  d'après  le  conseil  de  l'Antalotsi,  de 
sorte  que  c'est  lui  qui  règne  en  réalité  sous  le  nom  du  chef.  Ces  Anta- 
lotsis  entretiennent  sans  cesse  des  dissentiments,  des  jalousies  ou  das. 
querelles,  entre  las  chefs  voisins.  Ce  sont  eux  qui  ont  le  plus  contribué 
par  leur  perfidie  à  la  désunion  des  Sakalaves  après  la  mort  du 
redoutable  Ramitra.  Le  gouvernement  hova  ne  pouvait  trouver  de  plus, 
habiles  auxiliaires.  L'Antalotsi  s'occupe  aussi  de  convertir  les  indigènes- 
à  la  religion  de  Mahomet,  et  à  l'occasion  il  fait  le  trafic  des  esclaves.  » 

Dans  une  lettre  au  Conseil  de  la  mission  romande,  M.  Mingard,  établi» 
à  la  station  d'Élim,  au  nord  du  Transvaal,  écrit  que  la  fièvre  de  l'or- 
règne  toujours  dans  le  pays,  inondé  d'une  multitude  d'ouvriei'sdetoute^a 
races.  Le  reflux  s'en  fait  sentir  jusqu'aux  Spelonken  :  «  Deux  Allemands 
ont  planté  leur  tente  au  bord  de  notre  rivière  pour  faire  des  essais  de 
lavage  d'or  d'alluvion.  Ces  gens  là  ne  voient  que  leur  or,  et,  malgré  la 
chaleur  extrême,  ils  séjournent  dans  les  bas-fonds  et  vont  jusqu'au  Lim- 
popo  pendant  la  saison  des  pluies.  Si  d'un  côté  l'or  amène  la  prospérité 
matérielle  du  pays,  d'autre  part  que  de  maux  ne  cause-t-il  pas?  La 
débauche  et  Tivrognerie  sont  la  passion  de  ces  chercheurs  d'or,  et  les. 
noirs  n'en  subissent  que  trop  la  mauvaise  influence  ;  outre  cela,  il  en 
résulte  pour  les  missionnaires  que  les  approvisionnements  coûtent  tou- 
jours plus  cher,  vu  que  le  transport  renchérit  toujours  plus  et  que  la. 


—  vô- 
tres. Us  rae  firent  tous  de  belles  promesses  :  plus  d'épreuves  à  Teau 
bouillante,  plus  de  poison,  plus  de  bûchers!...  Mais  nous  ne  nous  y 
trompons  pas,  ce  n'est  pas  du  premier  coup  de  bélier  qu'on  fera  crou- 
ler, qu'on  peut  même  ébranler  les  murs  de  la  superstition.  » 

Le  Cape  Argus  annonce  que  MM.  Wood,  Chapman  et  Francis,  ont 
obtenu  de  Lobengula,  roi  des  Hf  a-Tébélé,  une  concession  pour  quatre- 
vingt-dix-neuf  ans,  avec  droit  exclusif  d'exploiter  les  foi-éts  et  les  mines» 
de  construire  des  routes  et  des  bâtiments,  etc.  Mais  il  ajoute  que  cette 
concession  est  rendue  précaire  par  les  prétentions  de  Khamé,  roi  des^ 
Ba-Mangwato,  sur  le  territoire  auquel  elle  s'applique.  La  limite  entre 
les  royaumes  de  Khamé  et  de  Lobengula  n'a  pas  été  tracée  d'une 
manière  bien  précise.  Au  mois  de  mars  1887,  Lobengula  a  fait  savoir  à 
Capetown  qu'il  n'était  pas  réellement  en  paix  avec  Khamé,  parce  que 
celui-ci  ne  l'a  jamais  consulté  sur  la  question  des  limites.  La  frontière  a 
été  tracée  par  sir  Charles  Warren  comme  limite  du  protectorat  britan- 
nique. Lobengula  a  déclaré  qu'il  ne  peut  pas  parler  du  territoire  jusqu ''à 
ce  que  Khamé  lui  ait  fait  connaître  la  ligne  frontière  qu'il  a  tracée, 
parce  que,  si  ce  dernier  lui  a  pris  quelque  parcelle  de  terrain,  il  lui  eu 
demandera  raison.  Si  la  concession  portait  sur  le  territoire  de  Tati,  elle 
ne  serait  guère  moins  précaire,  Lobengula  ayant  reconnu  à  M.  S.  Ed- 
wards seul,  le  droit  d'en  exploiter  les  gisements  aurifères.  Le  haut  com- 
missaire pour  le  pays  des  Be-Chuana,  placé  sous  le  protectorat  britan- 
nique, a  proposé  à  Lobengula  de  soumettre  la  question  des  frontières 
au  gouvernement  de  la  reine.  M.  Moffat,  aide-commissaire,  devait  se 
rendre  à  Gouboulououayo,  pour  avoir  une  entrevue  avec  le  roi  des 
Ma-Tébélé  et  lui  oiïrir  l'assistance  du  gouvernement  anglais,  en  vue  de 
résoudre  le  différend  existant  au  sujet  des  limites.  Dans  tous  les  cas» 
conclut  le  Cape  Argus,  il  sera  nécessaire  d'user  d'une  extrême  sagesse 
avec  les  chercheurs  d'or  qui  heurtent  à  la  porte  des  États  de  ces  deux 
souverains. 

Le  Cape  Times  a  publié,  sur  le  pays  des  Be-Chnana,  une  lettre  d'un 
Anglais  qui  y  habite  depuis  dix  ans,  et  qui  en  fait  un  tout  autre  tableau 
([ue  celui  que  présentent  ordinairement  les  manuels  de  géographie* 
«  J'avais  sur  cette  contrée,  »  dit  le  correspondant,  «  les  idées  de  tout  le 
monde,  je  le  croyais  stérile  et  impropre  à  toute  culture,  mais  depuis  le 
séjour  que  j'y  ai  fait,  mon  opinion  s'est  modifiée  sur  bien  des  points.  La 
plus  grande  partie  du  Be-Chuanaland  se  compose  de  prairies  ;  l'herbe 
qui  y  pousse  est  substantielle  et  peut  fort  bien  supporter  la  sécheresse. 
Il  y  pousse  en  outre  deux  sortes  d'arbustes  totalement  inconnus  au  Cap  : 


—  71  — 

ce  sont  le  vaalbosch  et  le  razynkiebosch,  tous  deux  donnant  une  excel- 
lente nourriture  pour  le  bétail,  ce  qui  augmente  considérablement  la 
valeur  du  pays  comme  pâturage.  Le  vaalbosch  surtout  est  une  véritable 
richesse  pour  le  pays,  c'est  un  arbuste  toujours  vert  qui  constitue  donc 
une  re>ssource  précieuse,  tant  en  hiver  que  dans  les  époques  de  séche- 
resse. Le  razynkiebosch  se  dépouille  de  ses  feuilles  en  hiver,  mais  au 
printemps  et  en  été  il  fournit  une  nourriture  abondante  et  saine  pour  les 
bêtes  à  cornes,  les  brebis  et  les  chèvres,  qui  s'en  montrent  très  frian- 
des: il  porte  de  plus  comme  fruit  des  baies  douces  qui  servent  de  nour- 
riture aux  indigènes,  et  dont  les  Boers  font  une  sorte  de  sirop  qui  leur 
sert  de  sucre.  Mais  le  grand  avantage  que  possède  le  Be-Chuanaland 
sur  la  Colonie  du  Cap,  c'est  sa  richesse  en  eaux  souterraines.  La  raison  de 
ce  fait  tant  contesté,  mais  actuellement  établi,  est  simple  :  le  Be-Chua- 
naland est  un  haut  plateau,  sans  cours  d'eau,  au  terrain  sablonneux; 
par  suite,  toute  l'eau  provenant  des  pluies  est  absorbée  et  se  réunit  dans 
des  réseiToirs  souterrains,  au  lieu  de  s'écouler  vers  la  mer  en  entraî- 
nant le  sol  végétal,  comme  c'est  le  cas  dans  la  Colonie.  Les  pluies  dilu- 
riennes  des  mois  d'été  alimentent  ces  réservoirs,  et  on  peut  conclure  que 
tout  le  pays  est  sillonné  sous  terre  de  cours  d'eau  tràs  nombreux  ;  il 
suffira  ordinairement  de  creuser  un  puits  de  3""  à  H™  de  profon- 
deur pour  trouver  de  l'eau  en  abondance.  Il  n'existe  que  peu  de 
sources  à  la  surface  du  sol;  celles  qui  se  montrent  dans  le  Be-Chuana- 
land, à  de  rares  intervalles,  s'écoulent  et  se  perdent  dans  le  sable. 
L'existence  des  cours  d'eau  souterrains  n'est  pas  une  simple  hypothèse. 
A  cinq  heures  de  Vribourg,  dans  la  fenne  de  M.  Brezuidenhout,  se 
trouve  un  trou  assez  large  pour  permettre  à  un  homme  de  s'y  glisser;  à 
une  profondeur  de  4"*,  on  voit  couler  un  fleuve  d'eau  claire.  On  a  e^ayé 
de  sonder  l'eau,  mais  on  n'a  pas  pu  atteindre  le  fond.  On  a  même  un 
jour  descendu  un  homme  en  le  tenant  par  des  cordes;  il  a  rapporté  que 
l'intérieur  du  trou  ressemble  à  une  coupole,  et  qu'aussi  loin  que  porte 
la  vue  on  ne  voit  qu'une  même  nappe  d'eau.  Cet  endroit  n'a  été  décou- 
vert par  les  indigènes  que  par  hasard,  le  sol  s' étant  défoncé  un  jour  oii 
une  vache  y  passait,  après  quoi  les  noirs  essayèrent  en  vain  de  boucher 
l'orifice  béant  pour  éviter  les  accidents.  » 

Le  consul  de  France  au  Cap  infonne  le  commerce  français  d'expor- 
tation, qu'en  dehors  des  articles  de  Paris,  les  principaux  produits 
demandés  dans  la  colonie  sont  les  cotonnades,  les  perles  destinées  aux 
indigènes  de  l'intérieur,  les  vins  et  les  eaux-de-vie  de  bonne  qualité,  les 
couvertures  de  laine  rayées  pour  les  noirs,  les  armes  de  précision,  les. 


—  72  — 

chaussures,  la  bijouterie,  les  vieux  uniformes,  les  épiceries,  les  tissus 
mélangés  de  laine  et  de  caoutchouc,  les  rubans,  les  chapeaux  et  les 
robes  de  fenune,  1^  coiffures  à  large  bord  pour  les  hommes,  la  verrerie, 
la  porcelaine  commune,  etc.  Pour  toutes  celles  de  ces  marchandises 
dont  la  destination  finale  sera  le  centre  de  l'Afrique,  de  même  que  pour 
les  annes  que  les  colonies  anglaises  ne  reçoivent  pas  en  transit,  la  voie 
la  plus  courte  est  celle  de  Lorenzo-Marquez  qui  se  recommande,  en 
outre,  à  cause  de  la  diminution  des  droits  d'entrée  décrétée  par  le  gou- 
vernement portugais. 

Une  exposition  sud-africaine,  dite  du  jubilé,  a  été  ouverte  à  Graha.ms- 
toivn  par  sir  Hercules  Robinson.  Dans  un  banquet  donné  en  son  hon- 
neur, le  gouverneur  de  la  colonie  a  rappelé  «  les  conventions  pour  les 
postes,  les  télégraphes,  les  extraditions,  etc.,  conclues  avec  les  républi- 
ques voisines,  et  exprimé  Tespoir  qu'une  prochaine  conférence  aboutira 
à  un  accord  pour  les  questions  de  douanes  et  de  chemins  de  fer  qui  réa- 
liserait, sur  un  terrain  pratique,  une  union  entre  tous  les  états  de 
l'Afrique  australe.  Sans  doute  il  existe  des  difficultés,  mais  la  vraie  poli- 
tique pour  l'Afrique  méridionale  serait  une  union  douanière  entre  lo^s 
colonies  et  les  États  de  cette  partie  du  continent,  basée  sur  un  tarif  uni- 
foi-me  à  l'égard  du  monde  extérieur,  et  sur  une  liberté  absolue  à  Tinté- 
rieur,  à  travers  toute  l'Afrique  australe.  Les  chemins  de  fer  suivraient 
aloi*s  les  tracés  les  plus  propres  à  développer  les  ressources  de  tout  le 
pays.  »  Dans  une  conférence  tenue  à  l'occasion  de  l'exposition,  il  a  été 
résolu  de  créer  une  association  des  manufacturiers  de  l'Afrique  aus- 
trale. 

La  Gazette  de  Lorraine  nous  apprend  qu'une  division  de  la  flotte 
allemande  se  rendra  prochainement  dans  le  LOderitzland  et  y  débar- 
quera un  certain  nombre  de  soldats  de  marine,  afin  que  la  Compagnie 
de  r Afrique  occidentale  puisse,  sans  être  inquiétée,  procéder  à  la  cul- 
ture du  sol  et  à  l'exploitation  des  mines  d'or.  Le  D'  Gœring,  commis- 
saire de  l'empire  dans  l'Afrique  sud-ouest,  retournera  dans  ce  pays 
après  la  publication  de  la  loi  impériale  concernant  les  métaux  précieux. 
Il  organisera  en  premier  lieu  le  corps  de  troupes  coloniales,  afin  de  réta- 
blir, de  concert  avec  la  flotte,  l'ordre  et  la  tranquillité  dans  les  territoi- 
res soumis  au  protectorat  de  T  Allemagne.  Le  baron  François  de  Stein- 
aecker,  qui  avait  été  le  chef  de  la  première  expédition  de  la  Compagnie 
allemande  de  l'Afrique  occidentale,  prendra  le  commandement  des 
troupes;  il  aura  sous  ses  ordi'es  deux  sous-lieutenants,  MM.  Adolphe 
de  Steinaecker  et  de  Quizow.  Ce  dernier  partira  avec  le  commissaire  de 


—  73  — 

Tempire  ;  les  autres  se  trouvent  déjà  en  Afrique  ;  8  sous-officiers  de  dif- 
férentes armes  se  rendront  également  en  Afrique.  Le  corps  de  troupes 
comprendra  150  hommes,  dont  50  cavaliers  ;  le  reste  se  composera  d'in- 
fanterie et  d'artillerie.  M.  Gœring  emporte  aussi  les  canons  qui  sei-viront 
à  pi-otéger  sa  résidence  à  Otjymbingué. 

Le  Missionary  Herald  de  Boston  publie  un  rapport  de  MM.  Currie 
et  Sanders,  missionnaires  au  Bihé,  qui  ont  fait  au  nord  et  au  nord- 
est  de  Bihé  une  excursion  en  vue  d'étudier  le  pays  et  le  caractère  des 
populations,  dans  l'espoir  de  trouver  un  site  favorable  pour  une  nouvelle 
station.  Après  deux  jours  de  marche  vers  l'est,  ils  passèrent  le  Cuito  et 
arrivèrent  à  la  résidence  de  Kapoko  en  traversant  un  nombre  considé- 
rable de  \illages.  Le  territoire  de  Kapoko,  partie  du  Bihé,  est  situé 
entre  le  Cuito,  au  sud,  la  Quanza,  à  l'est,  l'Ékoungi,  à  l'ouest  et  au 
nord  ;  il  renferme  la  moitié  de  la  population  du  Bihé.  Le  chef  Kapoko 
descend  de  la  famille  royale  du  Bihé  par  les  femmes.  Dans  sa  jeunesse, 
il  fut  chassé  de  la  résidence  et  réunit  autour  de  lui  un  grand  nombre  de 
partisjins,  à  l'aide  desquels  il  réussit  à  conquérir  la  première  place  dans 
le  royaume.  Seul  il  a  le  droit  de  passer  par  la  porte  royale  au  son  des 
trompettes  et  des  tambours,  et  il  est  le  premier  que  l'on  consulte  pour 
le  choix  d'un  nouveau  roi.  A  une  journée  de  marche  de  cet  endroit  se 
trouve  Olimbinda,  centime  d'une  \ingtaine  de  villages  à  proximité  de 
deux  grandes  routes  menant  à  l'intérieur.  De  là,  MM.  Currie  et  Saiidei*s 
se  dirigèrent  vei*s  le  N.-O.,  traversèrent  l'Ékoungi  et  arrivèrent  à  la 
résidence  de  Cisendi,  qui  voulut  les  retenir  pour  une  partie  de  chasse  ; 
mais  ils  poursuivirent  leur  route  au  N.-E.,  et  au  bout  de  trois  jours 
atteignirent  la  Quanza  à  travei*s  un  pays  peu  peuplé.  En  approchant 
de  la  rivière,  ils  aperçurent  des  centaines  d'entraves  de  bois  le  long  de 
la  route  ou  aux  branches  des  arbres.  C'étaient  les  liens  qu'avaient  portés 
les  esclaves  amenés  de  Tintérieur;  une  fois  le  fleuve  traversé,  leurs 
maîtres  avaient  jugé  que  ce  moyen  de  les  empêcher  de  s'échapper 
n'était  plus  nécessaire  et  leur  avaient  permis  de  déposer  ces  entraves. 
Sur  les  deux  rives  de  la  Quanza  s'élèvent  de  nombreux  villages  de  Gan- 
guellas,  dont  les  habitants  paraissent  intelligents.  Leurs  poteries  et 
leurs  instruments  en  fer  témoignent  d'une  grande  habileté.  Ils  circulent 
sur  le  fleuve,  pour  trafiquer  en  amont  et  en  aval,  dans  des  pirogues  creu- 
sées dans  le  tronc  de  figuiers  sauvages.  Les  missionnaires  suivirent  la 
rive  méridionale  de  la  Quanza  jusqu'au  point  oîi  elle  reçoit  la  Koukéma  ; 
au  confluent,  les  deux  rivières  ont  un  débit  considérable,  et  la  première 
offrirait  une  voie  navigable  très  avantageuse  si  son  cours  n'était  pas 
obstrué  par  des  rapides.  ^ 


rsnan  de  BrAzza  est  nnivé  h  Paris,  après  une  année  de 
ins  la  colonie  du  Con^o  ftrançala.  Le  Temps  résume  ajuai 
tats  obtenus  en  1(^7  par  le  commisiiaire  général  au  Congo  :  «  A 
ir  les  approvisionnements  ;jont  aesurés  pour  uir  an  ;  l'ordre,  un 
rouble  entre  tribus  indigènes,  mais  non  pas  entre  indigènes  et 
,  est  partout  rétabli.  Deux  chaloupes  à  vapeur  démontables  cir- 
présent.  Tune  sur  le  Congo,  l'autre  sur  l'Ogôcué.  M.  de  Cha- 
st  parti  en  exploration,  ainsi  que  ses  deux  auxiliaires,  MM.  Fé- 
puant  de  vaisseau,  qui  n'est  pas  moil  comme  on  l'avait  dit  (il  u 
])pris  sji  jnort  par  un  journal  venu  de  France)  et  Dotixie.  Ce 
i  perdu,  comme  on  t'a  dit,  cinq  hommes  dans  une  bagarre  entre 
j,  mais  aucun  de  ces  cinq  hommes  n'appartenait  au  contingent 
i.  Une  nouvelle  voie  commerciale  a  été  ouverte,  il  y  a  trois  mois, 
go,  l'un  des  ports  les  plus  sûrs  de  la  côte,  et  par  le  Xiari  Quil- 
ire  commence  à  venir  de  ce  côté,  en  coucurreiice  avec  la  voie  du 
elge.  En  somme,  la  situation,  dit  M.  de  Bi'azza,  est  des  plus 
LHtes  ;  on  a  fait  en  18B7  près  de  (iOO,000  francs  de  recettes  de 
et  le  chiffre  d'affaires  de  l'Ogôoué  a  été  de  1,700,000  francs 
îilors  qu'il  n'avait  été  que  de  (îOO.OOO  francs  en  lS8t».  M.  de 
1  laissé  lo  gouvernement  du  (Jabon  et  du  Congo  fran<;aiK  au 

lis  Sorela,  lieutenant  d'infanterie  de  marine  espagnole,  est 
1  Espagne,  à  la  tin  de  janvier,  d'un  voyage  d'exploration  à  la 
identftie  d'Afrique  et  dans  l'intérieur  de  l'Ile  de  Fernando- 
•ès  avoir  visité  la  partie  basse  du  Sénégal,  les  possessions 
i  et  portugaises  de  la  côte,  la  république  de  Libéria  et  Lagos,  il 
à  FernaudcHPô  pour  explorei"  spécialement  le  territoire  des 
<sté  jusqu'ici  k  peu  prés  fermé  aux  Européens.  On  supposait 
était  couverte  d'immenses  forêts  vierges.  M.  Sorela  a  pu  co»- 
le  cette  végétation  exubérante  disparaît  complètement  à  une 
de  1500'"  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  où  aux  bois  touffus 
t  de  vastes  vallées  qui  jouissent,  sous  ce  climat,  du  privilège 
accessibles  aux  lièvres.  Il  y  croît  à  peine  quelques  arbustes  iso- 
es  cultures  européennes  pourraient  y  prospérer.  Quant  aux 
îux  de  l'intérieur  offrent  un  contraste  fi-appant  avec  ceux  des 
iresseux,  adonnés  à  l'ivrognerie,  dégi-adés  physiquement  et 
eut.  A  l'intérieur,  au  contraire,  ils  sont  actifs,  intelligent», 
de  haute  taille  ;  leur  gouvernement  est  bien  équilibré  et  leui-s 
ns  sont  remarquables.  Depuis  plusieurs  années,  ils  ont  pour  roi    j 


-  75  — 

Tu»  d'eutre  eux,  qu'ils  uoranient  Moka.  Ce  souverain  réside  près  de 
Biapas  (Conception).  D'après  le  récit  d'un  voyageur,  aucun  blanc 
n'avait  jamais  vu  Moka,  qui  ne  laissait  pas  les  blancs  approcher,  ce  qui 
n'empêche  pas  qu'il  n'ait  une  grande  intelligence  et  qu'il  n'ait  accompli 
d'importantes  améliorations  dans  les  mœurs  de  son  peuple.  M.  Sorela 
est  pa^^^enu  à  détruire  l'opinion  d'après  laquelle  la  moi-t  du  Moka  était 
inévitable  s'il  était  vu  par  un  blanc.  L'explorateur  a  réussi  à  obtenir 
plusieurs  audiences  du  roi,  à  lui  serrer  la  main,  et  à  dissiper  les  erreurs 
dans  lesquelles  il  était  à  l'égard  de  l'Espagne.  Moka  lui  a  donné  une 
amulette  en  forme  de  bracelet,  composée  de  divers  fils  dans  lesquels 
sont  passées  de  petites  coquilles  ;  en  retour,  M.  Sorela  lui  a  donné  un 
drapeau  espagnol. 

Le  vice-amiral  anglais  sir  Walter  Hunt-Gmbb  a  réuni  à  Bonny  les 
trafiquants,  les  rois  et  les  chefs  des  tribus  de  la  région  qui  s'étend  de  la 
rive  droite  du  Bénin  au  Rio-del-Rey,  pour  leur  notifier  officiellement 
l'établissement  du  protectorat  britannique  sur  les  rivières,  et  l'ouver- 
ture pour  tout  le  monde  de  tous  le«  marchés  de  l'intérieur.  Il  a  engagé 
les  rois  et  les  chefs  à  s'abstenir  de  toute  vexation  envers  les  Européens 
qui  voudraient  se  rendre  à  ces  marchés,  le  consul  anglais  ayant  l'ordre 
de  punir  sévèrement  toute  infraction  à  cette  recommandation.  Le  consul 
Johnston  a  nommé  des  vice-consuls  sur  les  diflférentes  rivières  de  cette 
région,  et  créé  des  conseils  locaux  composés  de  trafiquants  européens  et 
de  chefs  indigènes  pour  maintenir  l'ordre. 

D'après  une  lettre  de  M.  G.-A.  Kranse  à  M.  Henri  Duveyrier,  au 
mois  de  mai  de  l'année  dernière,  une  expédition  envoyée  par  le  gouverne- 
ment de  la  colonie  anglaise  de  la  Côte  d'Or,  est  amvée  à  Kpembi 
iPami),  résidence  d'un  roi  près  de  Salaga.  Elle  était  commandée  par  le 
capitaine  anglais  Firminger  et  par  un  mulâtre  nommé  Easmon,  docteur 
en  médecine  ;  son  but  était  de  recruter  des  hommes  pour  le  corps  appelé 
les  soldats  haoussas  de  la  côte.  Ils  n'ont  pu  réaliser  leur  dessein  qu'im- 
parfaitement, le  roi  de  Kpembi  leur  ayant  interdit  le  voyage  à  Yendi, 
capitale  du  Dagamba,  et  à  Sinsani-Mangou.  A  la  date  du  20  décembre, 
M.  Krause,  écrivait  d'Accra,  Côte  d'Or,  que  l'on  donnait  au  capitaine 
Firminger  la  mission  d'aller  à  Salaga,  probablement  pour  en  placer  le 
territoire  sous  le  protectorat  britannique.  M.  Krause  est  arrivé  àLiver- 
pool  le  23  janvier,  et  compte  retourner  prochainement  en  Afrique.  Nous 
aurons  à  revenir  sur  son  exploration  dont  les  résultats  modifieront  cer- 
taines indications  des  cartes  existantes. 

La  mort  du  marabout  Mahmadou-Lamine  a  eu  pour  conséquence  de 


—  76  — 
toute  la  vallée  supérieurf;  de  la  Chuabie  sous  le  protectorat  de- 
lice;  seK  chefs.  Jusqu'au  Fontn-DjMllon,  ont  juré  fidélité  à  la 
i.  Dés  lors  le  commerce  pourra  coutinuer  désormais  tranquille- 
ion  œuvre  et  s'implanter  daiis  le  Fouta-Djalloii  par  de  nouvelles 
iue  le  commandant  supérieur,  le  colonel  (ralliéui,  cherche  à  ouvrir 
s;  côtés.  Actuellement  des  missions  d'ofSciers  font  le  levé  de  ces 
lexplorés  et  en  étudient  les  ressources.  Le  sous-lieutenant  d'infaii- 
e  marine  Levasseur  marche  sur  le  Fouta-Djallon  par  la  vallée  de 
imé,  et  essayera  ensuite  de  revenir  par  les  établissements  fran<;ais. 
[)asamauce.  Un  autre  officier  explore  les  bords  supérieure  de  la 
e  et  doit  se  rejeter  sur  le  Bambouk.  Le  capitaine  Oberdorf  est  eu 
pour  le  Bouré,  d'où  il  se  rabattra  sur  le  Fouta-Djallon  et  les 
s  du  Sud.  Après  avoir  organisé,  au  camp  de  Galougo,  les  chantiers 
oie  ferrée,  et  donné  des  instructions  pour  la  pose  du  chemin  de 
irauville  et  pour  le  transport  de  la  canonuiére  jusqu'au  Niger,  le 
I  (ialliéui  a  pris  en  pereotine  le  commandement  de  la  colonne  qui 
téger  la  construction  du  fort  de  Siguiri,  au  confluent  du  Niger  et 
kisso.  La  brigade  chargée  de  construire  la  Ugne  télégraphique 
tquipes  d'ouvriers  avaient  pris  les  devants.  Comme  il  faut  que  le 
it  terminé  avant  les  pluies,  sa  construction  n'est  pas  une  mince 
;  il  faudra  en  effet  l'éditîer  avec  les  seules  ressources  du  pajn  : 
,  bois  fourni  par  les  arbres  des  forêts,  chaux  fabriquée  avec  les 
es  du  Niger,  etc.  Ce  fort  construit,  il  ne  restera  plus  qu'à  fonder 
[lier  établissement  dans  le  Fouta-Djallon  et  à  donner  la  main  aux 
français  des  rivières  du  Sud.  L'œuvre  du  Soudan  sera  alors  ter- 
et  te  commerce  français  pourra  prendre  possession  de  l'immense 
latère  fonné  par  Saint-Louis,  Timbouctou,  Siguiri  et  Benty.  ^ 
iteaant-colonel  Gallléui  a  télégraphié  de  Siguiri  que  la  colonne 
ivée  sur  ce  point  le  23  janvier,  après  des  marches  très  pénible$,-à 
:  un  pays  accidenté.  11  a  fallu  jeter  de  nombreux  ponte  sur  àe^ 
ux  et  dos  rivières,  pour  ouvrir  un  passage  à  l'artillerie  et  aux 
i  de  vivres  et  de  matériel  fonnés  de  deux  cents  voitures.  Les  abords 
ige  de  Siguiri  sont,  paralt-il,  couverts  de  trous  profonds  servant 
■action  de  l'or.  Le  pavillon  français  a  été  hissé  sui"  l'emplacement 
:e.  à  1,800  mètres  du  Niger.  Les  travaux  de  construction  du  fort 
nmencé  le  soir  même  de  l'arrivée  de  la  colonne.  Les  nouvelles 
des  différentes  missions  sont  boimcs.  La  colonne  du  Bélédougou 
é  jusqu'à  Niamina,  sur  le  Niger,  oii  elle  va  essayer  d'obtenir 
■  nord  les  résultats  obtenus  par  le  capitaine  Fortin  dans  le  sud. 
îion  du  Fouta-Djallon  est  parvenue  à  Dinguiray. 


—   é  i   — 

NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

C'est  à  Oran  que  se  tiendra  cette  anuée,  à  la  fin  de  mars,  le  Congrès  de  la 
Société  pour  Pavancement  des  sciences. 

La  Compagnie  minière  de  Mokta-el-Hadid  a  traité  avec  une  société  anglo-amé- 
ricaine, pour  une  livraison  de  120,000  tonnes  de  minerai  de  fer  dont  la  plus  grande 
quantité  est  destinée  à  l'Angleterre.  Plus  de  70  vapeurs  seront  affrétés  pour 
«ffectuer  ces  transports. 

Pour  encourager  la  culture  de  la  ramie  en  Algérie,  le  gouvernement  français  a 
institué  des  primes  annuelles  de  300,  500  et  1000  francs  pour  les  cultures  les  plus 
soignées  de  cette  plante,  d'une  étendue  de  deux  bectares  au  moins,  de  cinq  hec- 
tares au  plus  ;  et  des  prix  de  200,  300  et  400  francs  en  faveur  des  cultivateurs  de 
ramie  de  dix  ares  au  moins  et  de  deux  hectares  au  plus. 

Le  gouvernement  égyptien  a  approuvé  la  concession,  à  sir  C.  Zervudaki,  de  la 
construction  d'un  chemin  de  fer  à  voie  étroite  à  travers  les  terrains  limitrophes 
du  nouveau  canal  Nubarieh. 

La  Société  française  Decauville,  qui  a  acquis  une  réputation  universelle  pour  le 
matériel  portatif  des  chemins  de  fer,  a  expédié  à  Massaouah  pour  la  voie  ferrée 
construite  par  les  Italiens,  50  kilom.  de  voie  de  0",60,  cinq  locomotives  et  un  très 
^and  nombre  de  wagons,  pour  porter  des  canons,  des  blessés,  des  provisions  de 
toutes  sortes  et  même  des  blocs  de  glace. 

On  mande  du  Caire  au  Daily  Chronicle  que  le  patriarche  copte,  en  Egypte,  a 
^voyé  une  mission  au  négus  d'Abyssinie  pour  le  dissuader  de  se  lancer  dans  une 
guerre  contre  les  Italiens,  et  qu'il  a  adressé  une  circulaire  dans  le  même  sens  au 
clergé  abyssin. 

Le  sultan  de  Zanzibar  a  loué  à  la  Société  des  missions  évangéliques  pour 
l'Afrique  orientale  allemande  un  terrain  d'environ  vingt  arpents,  pour  cent  ans, 
près  de  l'entrée  du  port  de  Dar-es-Salam.  Une  maison  y  sera  construite  sans  délai 
pour  les  missionnaires;  pour  cela  le  sultan  a  cédé  gratuitement  les  pierres  de 
quelques  palais  en  ruine  laissés  inachevés  par  son  frère.  Le  comité  de  l'hôpital  a 
réussi  à  acquérir  un  terrain  et  un  bâtiment  convenables  dans  lequel  ont  pu  être 
installées  les  deux  diaconesses  envoyées  à  Zanzibar  ;  elles  devaient  commencer 
leurs  fonctions  hospitalières  dès  le  mois  de  février. 

D'après  VAfriean  Times  il  serait  question  de  construire  un  chemin  de  fer  pour 
pénétrer  de  la  côte  à  l'intérieur  du  territoire  réservé  à  l'influence  anglaise  au  nord 
de  la  ligne  tracée  par  la  convention  anglo-allemande. 

Un  télégramme  de  Zanzibar  a  annoncé  à  la  Société  des  missions  de  Londres  que 
le  steamer  Good  News  a  été  lancé  sur  le  Tanganyika.  Il  s'est  rendu  pour  sa  pre- 
mière course  à  Oudjidji  et  ensuite  à  l'extrémité  sud  du  lac. 

La  Deutsche  KcHonial  Zeitung  nous  apporte  la  nouvelle  que  les  stations  mis- 
sionnaires de  l'Église  libre  d'Ecosse  du  lac  Nyassa  se  trouvent  dans  une  situation 
critique.  Les  Arabes  trafiquants  d'esclaves  se  sont  établis  au  nord  du  lac,  et  les 


f   • 


—  78  — 

indigènes  ont  dû  se  cacher  dans  les  roseaux.  Pour  se  venger,  les  Arabes  ont  mi& 
le  feu  aux  roseaux,  et  quantité  d'hommes,  de  femmes  et  d'enfants  ont  péri  dans, 
les  flammes.  Les  chasseurs  d'esclaves  continuent  leurs  razzias. 

A  la  suite  d'un  traité  conclu  en^re  le  gouvernement  de  la  Colonie  du  Cap  et 
les  Pondos,  les  Anglais  ont  annexé  le  territoire  connu  sous  le  nom  de  Rodes.  Les 
indigènes  ont  renoncé  à  leurs  prétentions  sur  le  territoire  du  fleuve  Saint-John  et 
du  Xésibéland,  moyennant  une  rente  payée  au  chef  des  Pondos.  En  outre  l'Angle- 
terre a  déclaré  territoire  britannique  tout  le  Zoulouland,  à  l'exception  des  parties. 
du  centre  et  de  l'ouest  et  du  Swaziland  occupés  par  les  Bœrs  venus  du  Transvaal 
et  qui  y  ont  constitué  la  nouvelle  République. 

Il  s'est  formé  à  Baltimore,  au  capital  de  deux  millions  de  dollars,  une  compa- 
gnie de  navigation  à  vapeur,  dont  les  steamers  transporteront  des  passagers,  des. 
émigrants,  les  malles-postes  et  du  fret,  de  Baltimore  et  de  Savannah  aux  îles  Cana- 
ries, à  la  côte  occidentale  d'Afrique,  à  la  République  de  Libéria,  à  la  Côte  d'Or 
et  jusqu'à  l'embouchure  du  Congo.  Les  importations  consisteront  en  cuirs,  poudre 
d'or,  pelleteries,  caoutchouc,  huile,  ivoire,  noix  et  huile  de  palme,  café,  cacao,  riz 
et  autres  produits  de  l'Afrique;  les  exportations  comprendront  des  cotonnades^ 
des  articles  manufacturés,  etc. 

Sur  la  proposition  des  administrateurs  généraux  de  l'État  indépendant  du  Congo,, 
il  a  été  créé  une  dette  publique  au  capital  de  150  millions  de  francs,  représenté» 
par  1,500,000  obligations  de  100  francs  remboursables  en  quatre-vingt-dix-neuf 
ans.  La  souscription  publique  sera  ouverte  à  Bruxelles  le  7  mars  prochain. 

Depuis  le  mois  de  février  les  départs  des  paquebots-poste  de  la  ligne  d'Anvera 
au  Congo  ont  lieu  le  15  de  chaque  mois. 

Une  lettre  du  capitaine  Cambier  au  Mouvement  géographique  de  Bruxellea 
annonce  l'arrivée  de  l'expédition  d'études  du  chemin  de  fer  du  Congo  à  la  rivière 
Loukounga,  jusqu'où  le  levé  a  été  conduit.  Un  massif  de  maçonnerie  a  été  établi 
au  point  où  les  travaux  ont  été  momentanément  abandonnés,  par  5'',27',30*  lat.  S. 
L'expédition  hiverne  à  Loutété  dans  les  bâtiments  de  la  factorerie  française,  louéa 
par  l'État  et  mis  gracieusement  par  celui-ci  à  la  disposition  de  M.  Cambier  et  de 
ses  compagnons  de  travaux.  Une  seconde  expédition  partira  en  mars  ou  en 
avril  pour  aller  renforcer  la  première  et  poursuivre  avec  elle  les  travaux  jus- 
qu'à Léopoldville;  on  compte  qu'ils  pourront  être  terminés  avant  le  retour  de  la 
mauvaise  saison. 

On  a  construit  à  Borna  trois  nouvelles  maisons  pour  les  agents  et  les  différents 
services  de  la  station,  indépendamment  des  annexes  aux  établissements  do  la  force 
publique  et  de  quelques  dépendances.  La  construction  d'une  grande  maison  desti- 
née à  la  brigade  topographique  va  commencer. 

Une  expédition  commandée  par  le  capitaine  Yan  de  Yelde  s'est  mise  en  route 
de  Borna  pour  Léopoldville,  où  elle  s'embarquera  sur  le  Stanley,  à  destination  de& 
Falls,  résidence  de  Tipo-Tipo.  On  espérait  qu'elle  arriverait  en  ce  point  vers  la 
mi-février. 

M.  Dupont,  directeur  du  musée  d'histoire  naturelle  de  Bruxelles,  est  revenu  du 


—  79  — 

Congo,  où  son  exploration  scientifique  lui  a  permis  de  constater  la  présence  d'une 
grande  quantité  de  malachite,  et,  sur  certains  points,  les  traces  irrécusables  d'une 
culture  préhistorique  d*un  haut  intérêt. 

M.  de  Chavannes,  chef  de  la  station  de  Brazzaville,  a  dû  quitter  Stanley-Pool  à 
la  fin  de  novembre  pour  se  rendre  à  l'Oubangi,  à  bord  du  vapeur  VAlima,  cédé  à 
rÉtat  français  par  la  maison  Daumas,  Béraud  et  C'*.  M.  Delcommune,  agent  de 
cette  maison  à  Brazzaville,  devait  prendre  passage  sur  le  steamer  en  vue  de  faire 
des  achats  d'ivoire  pour  le  compte  de  sa  factorerie. 

Le  vapeur  le  Djoué  construit  à  Diellé,  poste  français  du  haut  Alima,  est  ter- 
miné et  descendra  bientôt  au  Congo.  Cela  portera  à  neuf  le  nombre  des  steamers 
naviguant  actuellement  sur  le  Congo  moyen. 

L'expédition  scientifique  du  Cameroun  dirigée  par  le  lieutenant  Kund  a  quitté 
l'embouchure  du  Kibri  le  7  novembre,  et  le  19  elle  est  arrivée  à  Bongolo,  prin<;ipal 
▼niage  du  Goumba.  Le  pays  traversé  est  couvert  d'épaisses  forêts  et  la  population 
en  est  clairsemée.  Bongolo  est  à  650™  d'altitude  au-dessus  du  niveau  de  la  mer, 
dans  une  chaîne  de  montagnes  boisées,  dont  les  sommités  rappelaient  aux  explo- 
rateurs les  formes  des  monts  de  la  Forêt-Noire. 

Les  restes  du  D'  Nachtigal  ont  été  exhumés  le  27  décembre  du  cap  Palmas  et 
transportés  au  Cameroun,  où  sera  érigé  un  phare  qui  portera  son  nom. 

Le  prince  noir  Alfred  Bell,  de  Bellsdorf  au  Cameroun,  qui  était  venu  à  Berlin 
avec  deux  de  ses  camarades,  pour  y  apprendre  le  métier  de  charpentier,  s'est 
rendu  à  Brème  pour  s'initier  au  métier  de  serrurier. 

D'après  les  nouvelles  de  Victoria,  le  D' Zintgraff  s'est  embarqué  le  14  décembre 
dernier,  avec  30  porteurs,  sur  le  vapeur  le  N(xchtigaly  pour  le  Rio  del  Rey,  d'où  il 
se  dirigera  vers  le  lac  des  Éléphants,  où  il  est  chargé  de  fonder  une  station  scien- 
tifique. La  seconde  partie  de  l'expédition  allemande,  conduite  par  le  lieutenant 
Zetiner,  remontera  le  Moungo  en  canot  jusqu'à  Moundamé,  et  cherchera  à  attein- 
dre le  lac  susmentionné  par  le  versant  est  du  Cameroun. 

Le  D'  Ludwig  Wolif,  ancien  membre  de  l'expédition  Wissmann  et  le  premier 
explorateur  du  Sankourou,  a  été  chargé  par  le  gouvernement  allemand  d'explora- 
tions scientifiques  dans  les  parages  de  la  colonie  allemande  de  Togo.  Il  est  parti 
de  Lisbonne,  le  6  février,  à  bord  du  steamer  Berlin^  à  destination  de  Madère.  Une 
seconde  expédition  ayant  pour  but  l'exploration  d'une  autre  partie  de  la  même 
région  est  placée  sous  la  direction  du  lieutenant  von  François  ;  elle  poursuivra  ses 
recherches  d'une  manière  indépendante  de  la  première. 

Sir  Henri  Holland,  secrétaire  d'État  pour  les  colonies  anglaises,  a  informé  la 
Chambre  de  commerce  de  Londres  qui  demandait  la  nomination  d'un  résident  bri- 
tannique à  Coumassie,  que  la  paix  dans  l'Achanti  n'était  pas  encore  assez  assurée 
pour  y  installer  un  résident;  le  gouvernement  se  bornera  pour  le  moment  à  nom- 
mer un  second  commissaire  itinérant  pour  continuer  l'œuvre  du  capitaine  Lons- 
dale,  lorsque  celui-ci  devra  s'absenter  pour  venir  en  congé. 

M.  J.-C.  Reichenbach,  auquel  on  doit  les  premiers  renseignements  sur  Pexis- 
tence  d'un  âge  de  pierre  au  Gabon,  a  écrit  d'Assinie,  côte  occidentale  d'Afrique,  à 


-80- 

la  Société  de  géographie  de  Paris,  qu'il  a  eu  à  parcourir  le  territoire  d'Âssinie  et 
qu'il  en  a  profité  pour  faire  des  corrections  et  des  additions  à  la  carte  du  dépôt 
de  la  marine.  Il  ajoute  qu'une  exploration  sérieuse  jusqu'au  Kong,  par  les  routes 
de  TAkba  ou  de  la  rivière  Bia,  serait  intéressante  tant  au  point  de  vue  géogra- 
phique que  commercial. 

Le  gouvernement  français  a  fait  prendre  possession  des  îles  Alcatras,  et  la 
Compagnie  française  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  s'est  adressée  au  département 
de  la  marine  et  des  colonies  pour  obtenir  le  droit  d'exploiter  les  gisements  de 
guano  dont  ces  îles  sont  recouvertes. 

Les  commissaires  français  et  portugais  pour  la  délimitation  des  possessions  res- 
pectives des  deux  États  sur  la  côte  de  Guinée,  se  sont  rendus  à  Boulam,  capitale 
de  la  Guinée  portugaise,  pour  y  commencer  leurs  travaux. 

L^  production  d'arachides  en  1877,  dans  le  Cayor,  a  dépassé  de  moitié  celle  de 
Tannée  précédente  ;  malheureusement  le  transport  à  la  côte  en  est  très  difficile,  le 
ehcmin  de  fer  ne  pouvant  en  charger  que  quarante  tonnes  par  jour,  en  mettant 
tout  son  matériel  en  mouvement,  tandis  que  les  comptoirs  de  l'intérieur  pourraient 
en  expédier  plus  de  trois  cents.  On  est  forcé  de  refuser  ce  produit  aux  indigènes 
et  des  stocks  considérables  sont  perdus. 

La  Epoca  publie  une  information  de  Funchal,  île  de  Madère,  annonçant  qu'un 
vapeur  portugais  y  a  débarqué  350  hommes  pour  aider  à  l'autorité  à  réprimer 
des  troubles  sérieux  qui  ont  éclaté  sur  plusieurs  points  de  l'île,  en  suite  de  la 
résistance  opposée  par  la  classe  pauvre  au  paiement  de  la  contribution  imposée 
par  le  gouvernement.  Sur  quelques  points  même  des  collisions  se  sont  produites  et 
on  a  eu  à  constater  des  morts  des  deux  côtés. 

D'après  une  dépêche  de  Tanger,  l'empereur  du  Maroc  a  accordé  à  une  compa- 
gnie belge  la  concession  d'une  ligne  de  chemin  de  fer  de  Fez  à  Mcquinez. 

M.  P.  de  la  Martinière  est  chargé  d'une  mission  au  Maroc,  en  vue  d'y  pour- 
suivre des  études  de  géographie  comparée  et  d'archéologie. 


LE  COMMERCE  ET  LA  NAVIGATION  ENTRE  L'ALGÉRIE,  LA   TUNISIE 

ET  LA  FRANCE 

Nous  attirons  ratteiitiou  de  nos  lecteui^s  sur  la  carte  jointe  à  ce. 
numéro.  Elle  est  empruntée  au  Guide  p  ur  V Algérie  et  la  Tunisie,  par 
L.  Piesse.  Au  moyen  de  signes  spéciaux  différant  pour  chaque  service, 
elle  indique  les  lignes  de  navigation  qui  unissent  la  France,  Tltalie  et 
1  Espagne,  d'une  part,  à  la  Tripolitaine,  la  Tunisie,  l'Algérie  et  le 
Alaroc,  d'autre  part.  En  y  jetant  un  coup  d'oeil,  on  peut  se  rendre 
compte  des  relations  multiples  qui  existent  entre  les  ports  du  nord,  en 
))articulier  Marseille,  et  ceux  du  midi,  parmi  le^squels  Alger,  Oran  et  Tunis 


—  81  — 

occupent  le  premier  rang.  Comme  la  plus  grande  partie  du  commerce 
algérien  et  tunisien  se  fait  par  mer,  la  marine,  et  sur  tout  la  marine  à  va- 
peur, a  dû  bénéficier  de  l'accroissement  du  mouvement  des  échanges.  Or 
cet  accroissement  a  été  énorme  ainsi  qu'on  peut  le  déduire  des  rensei- 
gnements fournis  par  M.  Leroy-Beaulieu  dans  l'ouvrage  qu'il  vient  de 
faire  paraître  sur  V Algérie  et  la  Tunisie.  Le  commerce  entre  l'Algérie 
et  l'Europe  est  actuellement  huit  fois  plus  considérable  qu'en  1850  et  a 
doublé  depuis  1870.  Toutefois,  comme  c'est  le  cas  pour  les  colonie^s 
jeunes,  dont  les  échanges  dépendent  des  saisons  et  des  fluctuations  du 
prix  des  matières  premières,  les  chiffrer  de  l'importation  aussi  bien  que 
de  l'exportation  présentent,  suivant  les  années,  des  écarts  très  grands 
dont  on  peut  juger  par  le  tableau  suivant  : 


Années. 

Importation. 

Exportation. 

1872 

197 

millions  de  francs 

165  millions  de  francs 

1879 

272 

V 

152 

» 

1880 

303 

)) 

1(>9 

)) 

1881 

342 

» 

144 

h 

1882 

412 

»> 

150 

)' 

1883 

320 

))  • 

144 

); 

1884, 

290 

» 

I7(i 

» 

1885 

238 

» 

195 

)» 

Il  n'y  a  pas  lieu  de  s'étonner  de  l'inégalité  d'accroissement  entre 
r  importation  et  l'exportation,  ni  de  l'excédent  des  entrées  sur  les  sor- 
ties. Indépendamment  du  fait  que,  de  1880  à  1883,  les  récoltes  ont  été 
en  général  médiocres  et  que  le  prix  des  minerais  et  de  l'alfa  a  baissé, 
ces  indications  de  la  statistique  s'expliquent  par  une  raison  plus  géné- 
rale. Le  commerce  de  l'Australie  et  des  colonies  relativement  jeunes 
accuse  un  phénomène  semblable.  En  Algérie,  en  particulier,  l'entretien 
d'une  année  nombreuse,  les  frais  nécessités  par  les  grands  travaux 
publics,  l'établissement  d'usines  et  de  vastes  exploitations  agricoles  en 
sont  les  principales  raisons. 

Quoi  qu'en  disent  les  détracteurs  de  la  politique  coloniale,  la  Franciî 
ejitre  pour  une  large  part  (79  7.)  dans  le  commerce  extérieur  de  l'Al- 
gérie. Dans  le  mouvement  commercial  de  l'Inde  et  des  colonies  austra- 
liennes, l'Angleterre  est  moins  bien  représentée  (41  Vo  P^^^*  l'Inde; 
50  7o  pour  les  colonies  australiennes). 

La  navigation  a  pris  un  développement  plus  rapide  encore  que  le  com- 
merce, air  elle  a  triplé  depuis  1870.  En  1884,  le  mouvement  maritime 


—  83  — 

Lif  Tunisie  ne  manque  pas  de  ports  naturels,  mais  jusqu'à  présent 
rhomme  n'a  rien  fait  pour  les  rendre  facilement  accesvsibles.  Les  bas- 
fonds  qui  les  entourent  obligent  les  navires  à  stationner  au  large,  et  à 
débarquer  voyageurs  et  marchandises  dans  des  bateaux  plats,  calant 
assez  peu  d'eau  pour  pouvoir  franchir  la  ban*e.  (Quelquefois  le  mauvais 
temps  empêche  les  steamei*s  de  s'arrêter  et  les  voyageurs  doivent  aller 
bon  gi'é  mal  gré,  jusqu'au  port  suivant.  Même  à  la  Goulette  les  paque- 
bots ne  peuvent  accoster;  en  outre,  il  y  a,  de  ce  port  à  Tunis,  environ 
lô  kilomètres  que  les  voyageurs  franchissent  en  chemin  de  fer,  tandis 
que  les  marchandises  sont  transportées  par  le  lac  de  Tunis.  La  création 
de  bonnes  rades  est  donc  d'une  urgence  indiscutable.  Toutefois, 
M.  Leroy-Beaulieu  conseille  de  s'en  tenir,  pour  le  moment,  à  deux  ports 
principaux,  l'un  à  Tunis  ou  à  la  (roulette,  l'autre  à  Rizerte,  et  cela  afin 
de  ne  pas  éparpiller  les  crédits.  Hizerte  peut  devenir  un  port  militaire 
de  pi-emier  ordre,  aussi  important  que  La  Valette  ou  Gibraltar.  Quant 
à  Sousse,  Monastir,  Mehdia,  Sfax,  (rabès,  on  peut  y  procéder,  en  atten- 
dant, à  quelques  travaux  indispensables  pour  en  améhorer  l'accès.  A 
part  les  voiliers  pratiquant  la  pêche  et  le  petit  cabotage,  et  montés  pres- 
que tous  par  des  marins  italiens,  quatre  compagnies  desservent  la 
Régence  ;  ce  sont  :  la  Compagnie  générale  TraiLsatlantique,  la  Société 
générale  des  transports  maritimes  à  vapeur,  la  Compagnie  générale  de 
navigation  italienne  et  la  Société  anonyme  Procida-lschia. 


CORRESPONDANCE 

Lettre  de  M.  H.  ChAtelaIn  iinr  la  e6te  oeeidenlale  d'Afriqae 

Londres,  15  février  1888. 
Cher  Monsieur, 

Après  un  long  intervalle,  je  reprends  le  fil  de  ma  narration,  où  je  Pavais  laissé 
tomber,  à  Dondo,  le  8  octobre  1887.  Mon  séjour  dans  cette  ville  se  prolongea 
jusqu'au  17  parce  que  je  devais  assister,  comme  témoin,  au  mariage  d'un  de  mes  col- 
lègues, qui  eut  lieu  le  15  en  présence  du  chef e et  de  quelques  amis;  c'était  le  premier 
mariage  célébré  dans  l'Angola  selon  le  rite  méthodiste  épiscopal  ;  j'avais  traduit 
la  liturgie  en  portugais  pour  cette  occasion.  Le  17  je  naviguais  de  nouveau  sur  la 
Quanza,  et  tâchais  de  reconnaître  les  points  qui  m'avaient  intéressé  lors  de  mon 
voyage  pour  pénétrer  à  l'intérieur.  La  chose  n'était  pas  très  facile,  car  même  les 
bords  de  la  rivière  présentent  un  tableau  bien  différent  pendant  la  moula  et 
durant  le  eacimbo.  Celui-ci  touchait  à  sa  fin;  la  végétation  ne  montre  plus  la  même 
exubérance  de  vie  et  le  paysage  entier,  privé  des  couleurs  éclatantes  de  la  moula, 


—  84  — 

Il  un  air  plus  grave,  presque  triste,  nou  sans  un  certain  attrait  particulier.  Lorsque, 
grossie  par  les  pluies,  la  Quanza  court  à  pleins  bords,  inondant  au  loin  les  parties 
bas&es  de  ses  rives,  on  n'a  guère  l'occasion  d'observer  les  crocodiles;  quand,  au 
contraire,  les  eaux  basses  laissent  à  découvert  les  bancs  et  les  îlots  de  sable,  on 
«n  rencontre  presque  à  tous  les  contours  du  fleuve,  tantôt  endormis  au  bord  des 
hautes  herbes,  montrant  leurs  écailles  verdâtres  à  fleur  d'eau,  tantôt  étendus  tout 
de  leur  long  (3-5°*)  sur  le  sable  brûlant.  Ces  grands  mangeurs  d'hommes  dorment 
si  profondément  que  le  bruit  de  la  machine  ne  suffit  pas  pour  les  éveiller;  ce 
n'est  que  lorsque  les  vagues  du  vapeur  les  atteignent  qu'ils  s'enfuient,  disparais- 
sant sous  l'eau  comme  par  enchantement,  ou  roulant  leur  lourde  masse  vers  la 
rivière  voisine  avec  un  empressement  et  une  gaucherie  tout  à  fait  comiques.  Quant 
41UX  hippopotames,  malgré  leur  grand  nombre,  il  est  toujours  difficile  d'en  aper- 
cevoir ;  ils  se  cachent  dans  les  profondeurs,  ou  loin  du  bruit,  dans  les  herbes  dea 
lagunes.  Cette  fois  je  remarque  un  plus  grand  nombre  de  Quissama  sur  la  rive 
gauche.  Les  femmes  portent  leurs  fardeaux  suspendus  au  front  par  une  bande  de 
toile  ;  elles  sont  actives  et  secouent  vigoureusement  leurs  jupons  faits  de  fibre  de 
baobab.  Une  troupe  d'indigènes  emporte  en  courant  un  cadavre  à  sa  sépulture.  Je 
ne  sais  pourquoi  ils  sont  toujours  si  pressés  dans  leurs  processions  funèbres.  Sans 
nous  arrêter  nous  passons  rapidement  devant  la  vieille  ville  de  Massangano,  et  à 
<[ix  heures  et  demie  nous  faisons  halte  à  Muji  Ngolome,  afin  de  nous  approvision- 
ner de  bois. 

Je  monte  à  la  factorerie,  dont  je  connais  l'un  des  associés,  et  jouis  d'une  belle 
vue^  sur  l'immense  nappe  de  la  lagune  qui  donne  son  nom  à  la  maison  et  qui  sert 
de  refuge  aux  troupeaux  d'hippopotames.  £n  face  de  Muxim a  nous  décrivons  lente^ 
ment  un  cercle  pour  donner  à  un  passager  le  temps  de  venir  à  bord.  C'est  le  chefe 
<lu  concdhOy  de  haute  stature,  bien  mis,  au  port  grave  et  aux  manières  distinguées, 
respectueux  et  respecté,  quoiqu'il  soit  aussi  noir  que  ses  administrés.  Comme  aux 
premiers  jours  de  leur  service,  les  vapenrs  sont  chaque  fois  salués  k  leur  passage 
par  les  cris  sauvages  des  habitants  des  deux  rives;  mais  jamais  je  n'avais  vu  une 
scène  égale  à  celle  qui  signala  notre  apparition  à  Bocca  do  Quanza.  Environ  200 
Mahungos,  qui  venaient  d'y  déposer  leurs  sacs  de  café,  d'y  faire  leurs  libations  et 
île  s'y  affubler  des  uniformes  aux  couleurs  voyantes  que  les  trafiquants  leur  pro- 
diguent, accoururent  sur  le  rivage  et,  par  leurs  cris,  leurs  hurlements,  leurs  sauts, 
leurs  coups  de  feu  et  leurs  gestes  de  possédés,  me  donnèrent  une  idée  de  ce  que 
4loit  être  souvent  la  réception  du  premier  vapeur  sur  les  affluents  inexplorés  du 
Congo. 

A  la  nuit  tombante  nous  atteignons  sans  encombre  la  factorerie  de  Cunga  \  terme 
de  la  course  du  Silva  Americano,  heureux  d'en  avoir  été  quittes  pour  quelques 
secousses  en  touchant  les  bas-fonds,  car  c'était  la  course  d'essai  du  vapeur  pour 

'  Cunga,  qui  ne  possède  qu'une  maison,  est  située  au  milieu  d'une  immense 
plaine  à  droite  et  à  gauche  de  la  rivière,  et  forme  le  point  extrême  de  la  Quanza 
oCi  les  nègres  de  l'intérieur  apportent  leurs  produits. 


—  85  -- 

cette  saison.  Le  capitaine  connaissant  mon  désir  d'être  auprès  de  mes  amis  de^ 
Bom-Jesos  m'y  envoya  très  aimablement  le  lendemain  en  chaloupe,  tandis  que  les 
antres  passagers  devaient  se  résigner  à  passer  encore  une  huitaine  dans  cette 
solitude.  Après  avoir  traversé  Pembouchure  du  Muji  ua  Kirimba  ou  canal  des 
Hollandais,  et  contourné  la  colline  de  Bruto,  je  me  retrouve  au  milieu  de  mes 
amis  et  pour  ainsi  dire  chez  moi.  Dans  l'attente  du  prochain  départ,  je  passai 
9  jours  à  Bom>Jesu8,  accompagnant  mes  amis  dans  la  revue  quotidienne  des  divers 
départements  de  leur  vaste,  établissement;  c'est  à  la  règle  qu'ils  observent  dans 
leur  activité  peu  ordinaire,  que  ces  planteurs  sont  sans  doute  redevables  de  la 
santé  qu'ils  conservent  si  longtemps  au  sein  des  influences  délétères  d'une  atmos- 
phère insalubre.  J'avais  espéré  pouvoir  aller  un  jour  à  la  chasse  de  l'hippopotame  ; 
mais  voyant  que  mes  amis  étaient  peu  enclins  à  risquer  leur  peau,  je  dus  y 
renoncer.  Ici  les  crocodiles  sont  parfois  d'une  hardiesse  incroyable.  La  veille  de 
mon  départ,  en  plein  midi  et  en  présence  de  deux  vapeurs,  de  plusieurs  barques 
et  de  toute  la  population  attentive,  l'un  d'eux  s'avança  en  ligne  droite,  la  tète  et 
la  nuque  hors  de  l'eau,  vers  l'un  des  vapeurs,  sans  s'inquiéter  ni  du  bruit  ni  di> 
mouvement,  jusqu'à  ce  que,  arrivé  à  8  ou  9"*  de  la  proue,  il  fut  arrêté  par  une 
balle.  Il  baissa  la  tête,  arrondit  le  dos  hors  de  l'eau,  en  fouetta  de  sa  queue  la 
surface  et  disparut.  S'il  fut  mortellement  blessé,  quelqu'un  aura  retrouvé  son  corps 
à  une  bonne  distance  en  aval. 

Le  28,  à  bord  du  Serpa-Pinto,  nous  franchissons  en  trois  heures  et  demie  la 
distance  qui  m'avait  pris  trois  jours  de  navigation  à  voile  à  la  montée;  nous  pas- 
sons devant  Calumbo,  endroit  historique,  puis  le  long  des  forêts  de  bois  de  con- 
struction de  Tombo,  et  bientôt  nous  jetons  l'ancre  à  la  Barra.  —  Un  de  mes  amis 
hollandais  s'y  trouve  justement,  et  je  vais  passer  la  soirée  et  la  nuit  chez  lui  à 
terre.  —  Le  lendemain  nous  traversons  la  barre  ;  je  lutte  victorieusement  contre 
le  mal  de  mer,  et  à  trois  heures  les  murs  blancs  de  Loanda  apparaissent  à  nos 
yeux.  Â  sept  heures  nous  sommes  dans  la  baie,  au  milieu  de  nombreux  vaisseaux. 
Le  capitaine  crie  îarga  o  ferro  et  nous  nous  jetons  dans  la  chaloupe  qui  nous 
transporte  à  la  factorerie  hollandaise.  J'admire  à  la  h&te  cette  nouvelle  con- 
struction, qu'on  dit  avoir  coûté  plus  de  150,000  fr.  Mais  je  cours  plutôt  que  je  ne 
marche  pour  me  rendre  à  une  autre  nouvelle  maison,  à  notre  station  missionnaire, 
dont  la  beauté  intérieure  et  extérieure  dépasse  mon  attente. 

Les  vingt  jours  que  je  passai  à  Loanda  s'écoulèrent  bien  vite.  Je  tâchai  de  me 
rendre  compte  des  changements  opérés  depuis  mon  départ  :  construction  de  mai- 
sons nouvelles,  établissement  d'une  buanderie  à  vapeur  et  extension  du  quai,  etc. 
La  présence  d'un  personnel  considérable  et  d'ouvriers  étrangers  pour  le  chemin 
de  fer  a  donné  plus  de  mouvement  à  la  place.  Les  travaux  de  la  voie  ferrée  se 
poursuivent  activement  et  avec  une  confiance  croissante  dans  la  réussite  finale.  A 
Loanda  même  on  achevait  le  nivellement  du  terrain  et  l'on  construisait  des  ponts 
de  pierre.  Les  grands  hangars  de  la  Compagnie  se  remplissaient  du  matériel  que 
les  vapeurs  anglais  amenaient  sans  relâche.  Une  reconnaissance  provisoire  du  pro- 
longement projeté  d'Ambaca  à  Malangé  venait  de  s'achever  avec  un  résultat  satis- 


—  8f;  — 

t'aisaut  ;  tout  en  somme  donne  lieu  de  croire  que  l'entreprise  est  viable,  et  fait 
espérer  que  la  première  section  pourra  être  ouverte  à  la  circulation  au  commen- 
cement de  1888.  L'entreprise  des  eaux  du  Bengo,  dont  l'utilité  immédiate  pour 
Loanda  est  bien  supérieure  à  celle  d'une  section  de  chemin  de  fer,  mfMrchait  au 
gré  de  la  population. 

Un  fait  curieux,  auquel  à  l'intérieur  j'avais  prêté  peu  de  foi,  mais  qu'on  me  con- 
firma à  Loanda,  c'est  qu'un  éléphant  a  été  tué  près  du  Bengo,  à  quelques  kilomè- 
tres de  Loanda.  Je  savais  depuis  longtemps  qu'un  éléphant  avut  été  abattu  non 
loin  de  Bom- Jésus,  il  y  a  plus  de  dix  ans,  mais  je  pensais  que  c'était  un  animal 
isolé  qui  était  venu  s'égarer  dans  ces  régions.  L'apparition  d'un  autre  éléphant 
semble  toutefois  indiquer  l'existence,  dans  les  forêts  et  les  lagunes  qui  s'étendent 
«ntre  le  Bengo  et  la  Quanza,  de  quelques  restes  d'un  ancien  troupeau. 

Une  autre  nouveauté  pour  moi  furent  les  difficultés  dont  la  loi  entoure  le 
départ  d'un  jeune  indigène.  Pour  emmener  un  de  mes  anciens  élèves,  je  dus  aller 
trouver  sa  mère,  lui  faire  déclarer  devant  le  notaire  qu'elle  consentait  au  départ 
de  son  fils,  faire  confirmer  cette  déclaration  par  deux  témoins  qui  connaissaient 
la  mère  et  naturellement  payer  le  tout  en  bel  et  bon  argent. 

Je  ne  voulus  pas  quitter  Loanda,  pour  longtemps  peut-être,  sans  faire  un  pèle- 
rinage à  la  tombe  de  Pogge.  Elle  est  maintenant  bien  soignée,  entourée  d'une 
grille  en  fer,  et  porte  le  nom  de  l'explorateur  avec  la  date  de  sa  mort.  Elle  se 
trouve  tout  près  du  petit  monument  d'Edmond  Gabriel,  l'ami  de  Livingstone. 

Grâce  à  l'amabilité  du  gouverneur  je  fus  reçu  comme  passager  à  bord  de 
VAfrica,  transport  de  guerre,  alors  en  partance  pour  Lisbonne.  Je  m'embarquai 
le  19  novembre,  quelques  heures  avant  le  départ  réel  du  vaisseau  et,  en  attendant 
qu'il  se  mit  en  marche,  je  fis  connaissance  avec  ma  nouvelle  demeure,  tout  en  jetant 
de  longs  regards  d'adieu  sur  la  ville.  Curieuse  coïncidence  !  le  gros  steamer 
anglais,  le  Gaboon,  stationné  à  une  centaine  de  mètres  de  nous  est  le  même  qui, 
trois  ans  auparavant,  nous  débarquait  ici,  le  D^  Summers  et  moi,  comme  pionniers 
de  l'expédition  William  Taylor.  —  Si  Tartillerie  manquait  à  notre  transport^  il 
n'en  avait  pas  moins  un  cachet  militaire.  Tout  l'avant  et  tout  le  centre  du  bâti- 
ment étaient  bondés  de  soldats,  à  peu  d'exception  près  tous  nègres.  C'était  le 
bataillon  de  Mossamédès  que  Ton  transférait  à  Cabinda.  Les  officiers,  tous  jeunes, 
sauf  le  commandant,  occupaient  tout  l'arrière  du  vaisseau.  Leurs  camarades  de 
Loanda  étaient  aussi  là  pour  leur  dire  adieu.  De  leur  côté,  les  officiers  du  bord 
échangeaient  de  bons  vœux  avec  leurs  confrères  des  autres  vaisseaux  présents. 
Les  dames  ne  manquent  pas,  plusieurs  des  officiers  du  bataillon  étant  mariés  ; 
il  y  a  aussi  quelques  enfants  que  leurs  parents  renvoient  dans  la  mère  patrie  tan- 
dis qu'il  en  est  temps.  Que  de  poignées  de  main  et  que  d'embrassades  à  la  portu- 
gaise !  Enfin  survient  le  gouverneur  de  Cabinda,  M.  Neves  Ferreira,  qui  retourne 
  son  poste,  et  sans  lequel  le  vaisseau  ne  pourrait  partir.  Au  dernier  moment 
l'évèque  d'Angola  et  Congo  fait  son  apparition,  et  tous  de  s'empresser  de  baiser 
l'anneau  qu'il  tend  de  bonne  grâce.  Il  a  quelques  paroles  bienveillantes  pour  cha- 
-cun  de  ceux  qui  l'approchent  et,  lorsqu'il  se  rembarque,  la  cloche  sonne,  tout  ce 


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qui  est  du  service  de  terre  le  suit,  et  la  masse  flottante  se  met  en  branle.  Je  jette 
un  dernier  coup  d^œil  au  toit  blanc  de  la  mission  qui  brille  au  milieu  de  la  ver- 
dure des  anacardiers  et  des  euphorbes  cassoneira^y  et  je  m'arme  de  courage  contre 
le  terrible  mal  de  mer  qui  ne  tarde  pas  à  se  faire  sentir. 

Juste  vingt-quatre  heures  plus  tard,  nous  mouillons  dans  la  rade  de  Cabinda.  Il 
m'est  difficile  de  reconnaître  le  Cabinda  d'il  y  a  trois  ans.  Alors  on  n'y  voyait  que 
le  pavillon  anglais  de  la  maison  Hatton  et  Cookson,  flottant  sur  les  ruines  du  for- 
tin portugais  de  1784,  et  il  fallait  de  la  bonne  volonté  pour  découvrir  quelques 
autres  factoreries  là-bas  de  l'autre  côté  de  la  rade.  Aujourd'hui  l'arrivée  du  gou- 
remeur  est  saluée  par  les  21  coups  de  canon  réglementaires,  le  pavillon  portu- 
gais se  déploie  sur  la  plus  centrale  et  la  plus  haute  des  jolies  collines  de  Cabinda, 
et  de  nombreuses  maisons  aux  couleurs  fraîches  animent  les  forêts  toujours  vertes 
de  ce  charmant  séjour.  Le  lendemain,  dès  l'aube,  commence  le  débarquement  des 
400  soldats.  J'assiste  pendant  quelque  temps  à  l'opération,  puis  profite  de  la  pre- 
mière occasion  pour  me  rendre  à  terre.  Mon  premier  soin  est  de  chercher  la  mis- 
sion. J'apprends  qu'elle  se  trouve  à  quelque  distance  au  fond  de  la  rade  dans  un 
endroit  appelé  Pernambuco.  Je  prends  le  sentier  qui  y  conduit,  à  travers  l'herbe 
scintillante  de  rosée  et  une  magnifique  végétation  forestière,  qui  boit  avec  délices 
les  chaudes  ondées  alternant  avec  les  flots  lumineux  du  soleil  des  tropiques,  et 
après  une  demi-heure  de  promenade  je  me  trouve  dans  la  cour  de  la  station. 
Quel  joli  coup  d'oeil  ces  cinq  maisonnettes  de  bambou  et  de  bois,  blotties  dans 
cette  paisible  clairière,  offrent  au  nouveau  venu  !  Malheureusement  l'impression 
poétique  s'évanouit  bientôt  en  présence  du  jeune  homme  qui  se  trouve  seul  à  la 
station,  et  dont  la  pâleur  et  l'air  abattu  annoncent,  avant  qu'il  ouvre  la  bouche, 
qu'il  vient  de  traverser  une  saison  de  fièvre.  Lui  cependant  ne  se  plaint  pas  et 
croit  que  Cabinda  est  très  salubre.  Le  surintendant  de  la  station  l'a  même  recom- 
mandé comme  sanitarium.  Anglais  et  Portugais  s'accordent  aussi  à  louer  la  salu- 
brité de  l'endroit  et,  comparativement  à  d'autres  points,  ils  ont  sans  doute  raison. 
Le  même  jour  je  fls  encore  une  promenade  dans  la  forêt  embaumée  du  parfum 
des  orangers  sauvages. 

Mon  compagnon  me  dit  que  dans  tout  l'intérieur  la  population  est  très  dense  et 
le  sol  fertile;  je  connais  déjà  la  race  qui  est  belle  et  intelligente;  mais  l'état 
Bocial  est  déplorable  et  oppose  des  obstacles  humainement  insurmontables  à  l'œu- 
vre missionnaire.  Le  jeune  homme  auquel  l'évêque  Taylor  avait  confié  cette  station 
a  bien  travaillé  puisqu'il  a  élevé  les  habitations  nécessaires  pour  une  ou  deux 
familles,  planté  des  arbres  qui  portent  déjà  des  fruits,  défriché  quelques  champs 
qui  rendent  bien,  et  appris  le  jiotej  de  manière  à  pouvoir  s'entretenir  avec  les 
indigènes  sans  difficulté.  Mais,  quant  à  l'école,  les  fruits  n'apparaissent  pas  encore. 
Ici,  comme  dans  l'Angola,  les  indigènes,  loin  d'entretenir  leur  maître,  s'attendent 
à  être  bien  payés  pour  la  faveur  qu'ils  lui  font  de  fréquenter  l'école.  Jusqu'ici  le 
missionnaire  a  pu  gagner  sa  vie  en  élevant  des  poules  qu'il  vend  aux  paquebots  et 
aux  baleiniers  américains  qui  touchent  au  port.  Il  reçoit  d'un  à  quatre  shillings 
par  poule.  La  maisonnette  et  le  terrain  qu'il  a  achetés  pour  le  compte  de  la  mis- 
sion ont  coûté  environ  G500  fr. 


—  88  — 

Le  22  je  vais  voir  la  nouvelle  colonie  portugaise  et  ne  puis  assez  admirer  la 
beauté  du  site,  du  plan  et  des  bâtiments.  A  part  moi  cependant,  je  me  demande 
si  ce  petit  district  vaut  bien  les  dépenses  énormes  que  doit  entraîner  non  seule- 
ment l'installation,  mais  l'entretien  subséquent  de  ce  luxe.  Les  casernes,  dont 
quatre  pavillons  (système  PoUet  perfectionné)  sont  terminées,  sont  décidément  trop 
belles  pour  la  troupe  noire^  et  que  dirai-je  des  ravissants  chalets  du  gouverneur, 
du  docteur,  de  l'ingénieur,  du  commandant,  etc.  ?  Et  tout  ce  qui  existe  n'est  que 
la  moitié  de  ce  qui  est  projeté  et  dont  le  matériel  se  trouve  déjà  entassé  dans  les 
hangars  du  rivage.  Un  troupeau  de  vaches  que  le  gouverneur  a  fait  venir  du  sud 
tâche  de  s'acclimater. 

Le  débarquement  des  troupes  et  du  bagage  s'étant  effectué  sant  incident^  nous 
reprenons  le  large  pour  ne  révoir  la  terre  que  le  25.  Pendant  ce  temps  je  fis  plus 
ample  connaissance  avec  le  navire.  Je  reçus  comme  compagnon  de  cabine  le  rési- 
dent de  Landana,  jeune  officier  de  bonne  famille;  les  autres  passagers,  &  l'excep- 
tion d'un  négociant  espagnol,  étaient  des  employés  publics  ou  des  officiers.  Vous 
rappelez-vous  le  dégoût  avec  lequel  Stanley  parle  des  ménageries  sur  les  paque- 
bots portugais?  Notre  vaisseau  emportait  un  énorme  léopard  encore  furieux  d'être 
prisonnier,  un  chimpanzé  à  l'air  étrangement  humain,  une  biche,  un  porc-épic^  un 
chat  sauvage,  outre  une  quantité  de  perroquets  criards  et  d'autres  oiseaux  au  joli 
plumage;  mais,  à  vrai  dire,  loin  de  nous  incommoder,  la  compagnie  de  ces  créa- 
tures contribua  pour  sa  bonne  part  à  raccourcir  les  heures  toujours  trop  longues 
de  la  traversée. 

A  S.  Thoroé,  grâce  à  notre  pavillon  jaune  dû  à  la  petite  vérole  qui  sévissait  à 
Loanda  à  notre  départ,  nous  ne  pûmes  aller  ni  à  terre  ni  à  bord  du  paquebot  qui 
se  trouvait  tout  près  et  où  la  plupart  d'entre  nous  avions  des  connaissances.  Du 
point  où  nous  étions,  je  ne  découvris  aucun  changement  dans  l'apparence  de  la 
ville  depuis  que  je  l'avais  visitée  trois  ans  auparavant.  Quant  à  l'île,  elle  était  à 
moitié  voilée  par  les  nuages  qui  descendaient  jusque  près  du  rivage.  Le  matin,  à 
l'aube,  j'eus  l'avantage  de  pouvoir  admirer  pendant  trente  minutes  les  pics  et  les 
collines  qu'une  atmosphère  transparente  comme  du  cristal  semblait  rapprocher 
de  nous;  au  lever  du  soleil  les  vapeurs  sortirent  des  vallées,  enveloppèrent  succes- 
sivement les  hauteurs  jusqu'au  pic  le  plus  élevé,  puis  montant  plus  haut  encore, 
couvrirent  la  moitié  du  ciel,  tandis  qu'au-dessus,  les  rayons  du  soleil  naissant  se 
réfléchissaient  sur  l'immense  miroir  de  l'océan.  La  quarantaine  n'empêcha  pas  les 
passagers  de  terre  de  venir  à  bord  accroître  notre  compagnie.  C'étaient  le  directeur 
de  la  douane,  un  avocat,  ancien  député,  un  employé  public  et  des  dames  qui 
retournaient  au  Portugal.  Dès  que  nous  virâmes  au  nord,  le  changement  de  tem- 
pérature nous  en  avertit,  et  le  froid  vint  se  joindre  au  mal  de  mer  dont  nous 
souffrions.  A  la  hauteur  de  Sierra-Leone  nous  longeâmes  une  zone  de  nuages 
noirs,  d'éclairs  éblouissants  et  de  froides  averses. 

La  prochaine  escale,  S.  Thiago,  me  permit  de  me  réconforter  un  peu  en  foulant 
de  nouveau  la  terre  ferme.  Avec  ses  monts  et  ses  pics  dénudés,  à  peine  couvert 
d'une  maigre  herbe  jaune,  l'Ile  présente,  malgré  ses  contours  pittoresques,  un 


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tableau  froid  et  austère  qui  ne  rappelle  nullement  l'Afrique.  La  ville  occupe  le 
liaut  d'une  pyramide  tronquée,  aux  flancs  escarpés.  La  population  n'est  pas  pure- 
ment africaine.  Postérité  de  pères  blancs  et  de  mères  négresses,  elle  parait  sous 
toutes  les  nuances  imaginables  du  café  au  lait,  et  parle  un  dialecte  qui,  ayant 
adapté  des  mots  portugais  à  la  construction  et  à  la  prononciation  africaines,  n'est 
m*  portugais  ni  africain.  Une  visite  à  la  ville,  dont  la  douane,  la  maison  de  ville, 
l'hôpital,  le  réservoir  des  eaux,  le  marché  et  la  caserne  sont  les  édifices  princi- 
paux, me  fait  comprendre  que  les  mulâtres  forment  presque  le  total  de  la  popu- 
lation, les  noirs  et  les  blancs  étant  en  infime  minorité.  Je  remarque  aussi  que  tous 
les  enfants  blancs  ont  un  air  chétif  et  rachitique,  qui  prouve  que  ce  climat,  pas 
plus  que  celui  de  la  côte,  n'est  fait  pour  notre  race.  Sur  ma  demande,  d'où  peu- 
vent provenir  les  fièvres  dans  une  ville  si  haut  placée,  et  dans  une  île  dépourvue 
de  végétation,  on  me  montre  deux  bouquets  de  palmiers,  occupant  la  vallée  des 
deux  côtés  de  la  ville,  et  l'on  me  dit  :  c'est  de  ces  marais  !  Certes,  me  dis-je,  dans 
l'Angola  nous  n'appellerions  pas  cela  des  marais,  et  la  réponse  ne  me  satisfit 
pas.  Ce  qui  frappe  surtout  le  voyageur,  c'est  la  quantité  d'ânes  qui  semblent 
rivaliser  en  nombre  avec  leurs  maîtres.  Le  second  jour,  désireux  de  voir  un  peu 
de  verdure,  je  fis  une  excursion  à  la  fazenda  de  S.  Jorge,  propriété  d'un  Italien, 
qui  est  en  même  temps  agent  consulaire  de  l'Angleterre  et  de  l'Allemagne.  A 
l'aller,  j'essayai  de  monter  un  de  ces  nombreux  bourriquets  que  les  campagnards 
appellent,  avec  une  certaine  tendresse,  leurs  companheiros,  et  avec  lesquels  ils 
conversent  le  long  du  chemin,  mais  au  retour  je  préférai  m'en  passer.  Jamais  je 
n'oublierai  les  propos  naïfs  et  les  idées  originales  de  mon  guide,  qui  venait  de 
l'intérieur  de  l'île.  En  revenant  au  vaisseauje  me  promis  de  relire  Don  Quichotte 
à  la  première  occasion,  sûr  d'y  trouver,  grâce  à  cette  course,  des  beautés  qui 
m'avaient  échappé  jusqu'ici.  Les  deux  fois  que  je  fus  à  terre  je  n'entendis  que  des 
plaintes  sur  le  manque  de  numéraire  et  le  déclin  des  affaires.  L'exportation  prin- 
cipale du  cap  Vert,  est  celle  de  la  pulghère  qui  prend  en  général  le  chemin  de  la 
France,  du  café,  des  eaux-de-vie,  du  sel  pour  le  Brésil,  et  des  peaux  de  chèvre 
pour  l'Amérique.  Les  États-Unis  sont  représentés  à  S.  Thiago  par  un  consul  géné- 
ral. La  population  de  chacune  des  dix  îles  a  son  cachet  particulier  et  ses  coutu- 
mes à  elle,  ce  qui  fait  qu'une  appréciation  générale  du  caractère  de  leurs  habi- 
tants court  bien  le  risque  de  n'être  pas  juste.  Une  curiosité  que  je  regrette  de 
n'avoir  pas  eu  le  temps  de  visiter,  c'est  l'ancienne  ville,  avec  une  cathédrale, 
abandonnée  depuis  longtemps,  j'ignore  pour  quelles  raisons. 

Saint- Vincent  fut  le  dernier  point  africain  de  notre  voyage,  et  sa  physionomie 
est  déjà  européenne.  Ses  rochers  gigantesques  n'offrent  aucune  trace  de  vie  ni 
végétale  ni  animale,  et  l'île  serait  totalement  inhabitée,  si  sa  belle  baie  et  sa  posi- 
tion entre  l'Europe  et  l'Amérique  du  Sud  n'y  appelait  les  paquebots  des  grandes 
lignes  anglaises,  allemandes,  italiennes  qui  relient  notre  vieux  monde  aux  jeunes 
États  de  l'Amérique  du  sud.  A  notre  arrivée  il  s'y  trouvait,  outre  une  forêt  de 
voiliers  et  de  moindres  vapeurs,  un  navire  italien,  une  frégate  française  et  plusieurs 
grands  vapeurs  chargés  d'émigrants.  Les  maisons  principales  de  la  ville  sont 


—  ÎK)  — 

anglaises  ainsi  que  la  houille  dont  elles  pourvoient  les  vaisseaux  ;  les  petits  maga- 
sins et  les  cafés  sont  entre  les  mains  d'Italiens  ou  d'indigènes,  et  la  classe  infé- 
rieure provient  des  autres  îles  de  l'archipel.  Dès  que  vous  mettez  pied  à  terre, 
des  nègres  viennent  vous  offrir  leurs  services  dans  toutes  les  langues  principales 
de  l'Europe.  Après  avoir  parcouru  les  rues  de  la  ville,  j'entre  dans  le  magasin  du 
consul  américain  et  y  cause  quelques  moments  avec  son  père,  le  nestor  de  la 
colonie.  Lorsqu'il  se  fixa  ici,  il  y  a  plus  de  trente  ans,  il  n'y  avait  que  quelques 
huttes;  aujourd'hui  la  population  peut  s'élever  à  près  de 4000  habitants.  Le  climat 
est  excellent  et  permet  aux  employés  anglais  du  câble  sous-marin  et  des  maisons 
commerciales  d'y  garder  leurs  familles.  Récemment  un  maître  est  venu  d'An- 
gleterre pour  l'instruction  de  la  jeunesse  étrangère.  Quel  contraste  entre  les  vives 
couleurs  des  blancs  qu'on  rencontre  ici  et  les  visages  pâles  ou  jaunes  auxquels 
j'étais  habitué  !  Comme  l'île  ne  produit  rien,  toutes  les  provisions  viennent  de  sa 
voisine  S.  Antaô,  qui  se  rapproche  de  Madère,  tant  par  ses  belles  montagnes  que 
par  sa  fertilité  et  son  bon  air.  Le  panorama  de  Saint-Vincent  et  de  sa  baie  est  un 
des  plus  imposants  que  j'aie  vus,  surtout  au  soleil  couchant  quand  les  ombres 
s'allongeant  sur  la  base  de  l'amphithéâtre,  la  silhouette  noire  des  roches  étranges 
se  dessine  nettement  sur  le  ciel  embrasé.  Les  marins  croient  reconnaître,  dans  les 
contours  d'une  des  crêtes,  le  profil  de  Nelson  couché  la  face  tournée  en  haut. 

Enfin  le  16  décembre  nous  franchissons  la  barre  du  Tage;  un  à  un  les  monu- 
ments historiques  et  artistiques  de  Lisbonne  passent  devant  nos  yeux  émerveillés 
et,  sur  le  soir,  je  foule  le  sol  de  la  Lusitanie  de  Camoens,  la  terre  classique  des 

«  descobridores.  » 

H.  Châtelain 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

Victor  Tissât.  L'Afrique  pittoresque.  Paris  (Ch.  Delagrave),  1888, 
gr.  iii-8,  407  p.,  111.  fr.  5.  —  Cet  ouvrage  est  un  recueil  de  morceaux 
choisis  sur  l'Afrique,  rédigé  surtout  en  vue  de  la  jeunesse,  et  analogue 
au  livre  du  même  auteur,  paru  il  y  a  quelques  années  et  intitulé  :  Les 
contrées  mystérieuses.  Rien  de  mieux  que  ces  ouvrages,  qui  complètent 
et  étendent  les  connaissances  acquises  dans  l'école;  ils  intéressent  l'en- 
fant à  la  géographie,  en  développant  les  points  principaux  sur  lesquels 
a  porté  l'enseignement  du  maître.  Le  jeune  homme  se  récrée  en  s'ins- 
truisant  et  se  fait  une  idée  du  côté  pittoresque  des  pays,  ordinairement 
négligé  dans  les  livres  de  classe.  Mais  la  chrestomathie  africaine  doit, 
comme  tout  ouvrage  de  ce  genre,  remplir  certaines  conditions  :  en  pre- 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bâle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  91  — 

mier  lieu,  présenter  une  division  méthodique  qui  permette  au  jeune  lec- 
teur de  se  retrouver  facilement  ;  d'autre  part,  ne  renfermer  que  des 
morceaux  de  valeur,  extraits  des  meilleurs  récits  de  voyage.  M.  Tissot 
Ta  bien  compris  :  il  passe  en  revue  les  pays  de  l'Afrique  les  uns  après 
les  autres,  en  suivant  l'ordre  géographique;  quant  à  ses  sources,  ce  sont 
en  général  les  écrits  de  voyageurs  connus  pour  l'importance  de  leurs 
découvertes  et  pour  l'exactitude  de  leurs  renseignements.  Citons  parmi 
les  principaux  :  Duveyrier,  Nachtigal,  Stanley,  Baker,  Schweinfurth, 
Caillé,  Barth,  Burtou,  Révoil,  Johuston.  Nous  avouons  cependant  avoir 
été  étonné  de  ne  pas  voir  figurer  à  côté  d'eux  plusieurs  explorateurs, 
tels  que  Livingstone,  Speke,  Lenz,  etc. 

Il  est  regrettable  que  M.  Victor  Tissot  ne  suive  pas  toujours  le  piiu- 
cipe  qui  l'a  dirigé  dans  la  rédaction  de  V Afrique  pittoresque.  En  effet, 
dans  chacun  de  ses  numéros,  son  journal  V Expansion  coloniale  emprunte 
à  V Afrique  explorée  et  civilisée,  des  pages  entières,  sans  que  la  source 
à  laquelle  M.  V.  Tissot  les  a  prises  soit  jamais  indiquée,  et  cela  malgré 
nos  avertissements  réitérés.  Nous  voulons  espérer  qu'il  finira  par  com- 
prendre ce  que  ce  procédé  a  de  repréhensible  au  point  de  vue  du  droit 
comme  à  celui  de  la  morale. 

L'Algérie  et  la  Tunisie  n'occupent  que  très  peu  de  place  dans  ce 
volume,  probablement  parce  qu'il  y  aurait  eu  trop  à  en  dire  ;  en  revanche, 
les  pays  neufs,  tels  que  le  Congo,  y  sont  largement  représentés  et  per- 
sonne ne  s'en  plaindra.  Pour  le  cas  où  M.  Tissot  publierait  une  seconde 
édition  de  son  ouvrage,  nous  nous  permettons  de  lui  conseiller  de  sup- 
primer les  morceaux  empruntés  à  des  voyageurs  déjà  un  peu  anciens, 
pour  les  remplacer  par  des  extraits  d'oeuvres  récentes.  Certaines 
descriptions  de  Barth,  de  Caillé,  de  Burton,  de  Baker,  exactes  à  l'épo- 
que à  laquelle  ces  voyageui-s  parcouraient  l'Afrique,  ne  le  sont  plus 
aujourd'hui  ;  elles  dépeignent  à  la  jeunesse  l'Afrique  d'il  y  a  30  ou  40 
ans  et  non  l'Afrique  d'aujourd'hui;  quoique  le  progrès  soit  lent  dans 
cette  partie  du  monde,  il  existe  néanmoins.  Pour  être  vrais,  les  ouvrages 
doivent  suivre  le  mouvement  de  la  civilisation  et  renfermer  les  descrip- 
tions les  plus  récentes.  C'est  ce  qu'a  bien  compris  M.  Lanier,  auteur 
des  Lectures  géographiques ,  et  ce  qui  donne  à  son  livre  une  réelle  valeur. 

KcJler  C  Reisebilder  aus  Ostai^rika  und  Madagascar.  Leipzig 
(C.-F.  Winter),  1887,  in-8^  X,  341  p.  ill.,  fr.  9,35.  —  Les  Suisses  voya- 
gent beaucoup,  mais  en  général  en  pays  connu.  Le  nombre  de  ceux  qui 
se  sont  hasardés  dans  des  contrées  non  visitées  ou  nouvellement  ouvertes 


—  92  — 

aux  explorateurs  est  fort  restreint,  ce  qui  du  reste  n'a  rien  d'anormal; 
étant  donné  que  notre  pays  n'a  ni  marine,  ni  colonies,  et  que  son  budget 
ne  pourrait  supporter  le  poids  de  grandes  expéditions.  Toutefois,  dans 
l'intérêt  de  notre  commerce  aussi  bien  que  de  la  science,  il  serait  à  dési- 
rer que  le  gouvernement  et  les  sociétés  privées  favorisassent  davantage 
les  voyages  d'étude,  qui  peuvent  être  d'une  grande  utilité  pour  notre 
industrie,  nos  musées  et  nos  écoles  ;  les  résultats  -des  voyages  de 
M.  Keller  en  ont  été  une  démonstration  suffisante,  et  nous  sommes  cer- 
tains que  le  Conseil  fédéral,  pas  plus  que  la  Société  de  géographie  de 
Saint-Gall  et  celle  des  Marchands  de  Zurich,  ne  s'est  repenti  de  lui  avoir 
accordé  une  subvention.  Les  deux  voyages  de  M.  Keller  ont  eu  lieu,  le 
premier  pendant  l'hiver  1881-82,  le  second  en  1886.  Plutôt  que  de  les 
raconter  chacun  à  part,  il  a  préféré  les  fondre  en  une  seule  description 
de  l'ensemble  de  la  région  visitée  par  lui,  c'est-à-dîre  du  canal  de  Suez, 
de  la  côte  orientale  de  la  mer  Rouge,  et  des  îles  de  la  Réunion  et  de 
Madagascar.  On  n'ira  pas  chercher  dans  cet  ouvrage  le  récit  d'aven- 
tures extraordinaires,  de  dangers  couiais  ou  évités  à  grand'peine.  L'au- 
teur déclare  lui-même  qu'il  n'a  eu  aucun  péril  à  redouter;  il  en  profite 
pour  dire  que  le  sauvage,  l'homme  primitif  est  d'un  commerce  beaucoup 
plus  facile  qu'on  ne  le  croit  ordinairement. 

A  côté  de  descriptions  de  côtes  déjà  connues,  de  villes  telles  que 
Souakim,  Saint-Denis,  Tamatave  sur  lesquelles  il  n'y  a  guère  de  choses 
nouvelle^s  à  dire,  l'ouvrage  contient,  sur  diflérents  problèmes  de  la  vie 
organique,  une  étude  d'une  incontestable  originalité.  Le  lecteur  s'inté- 
resse parce  qu'il  sent  qu'il  s'agit  d'une  œuvre  personnelle  fortement 
travaillée,  et  non  pas  de  ces  descriptions  qui  n'ont  rien  d'inédit,  comme 
en  renferment  tant  de  livres  de  voyagea.  Naturaliste  distingué,  M.  Keller 
est  passionné  pour  sa  partie,  et  présente  en  général  les  résultats  de  ses 
propres  observations,  en  les  entremêlant,  pour  ne  point  fatiguer  le 
lecteur,  de  considérations  d'une  nature  moins  scientifique. 

Certains  chapitres  ont  une  grande  valeur.  Tels  sont  ceux  qui  traitent 
de  la  distribution  des  espèces  animales  dans  le  canal  de  Suez,  de  la  vie 
animale  sur  les  rivages  des  mers  tropicales,  de  la  flore  de  Madagascar, 
de  sa  faune  et  des  races  qui  l'habitent.  L'auteur  n'a  pu  donner  un 
tableau  complet  des  populations  de  la  grande  île,  car  il  n'en  a  visité 
qu'une  partie  :  Tamatave,  la  région  avoisinante  et  Diégo-Suarez.  Tou- 
tefois, il  étudie  la  question  de  l'origine  des  peuples  de  Madagascar  et  de 
l(»ur  division.  En  outre,  il  fournit  de  nombreux  et  intéressants  détails 
sur  les  trois  tribus  avec  lesquelles  il  s'est  trouvé  en  contact  :  les  Hovas, 
les  Bet^imisaraka  et  les  Sakalaves. 


—  93  — 

La  description  est  émaillée  d'un  assez  grand  nombre  de  gravui-es, 
d'après  des  photographies  ou  des  croquis  pris  par  le  voyageur.  Quel- 
qufô-unes  reproduisent,  avec  beaucoup  de  netteté  et  de  relief,  des  types 
de  peuples,  d'animaux  ou  de  plantes  remarquables.  On  sent  que,  dessi- 
nées d'après  nature,  elles  sont  l'expression  de  la  vie  réelle  telle  qu'elle  se 
déroule  sous  les  tropiques.  Dans  sa  description,  comme  dans  les  gravures 
qui  l'illustrent,  M.  Keller  a  cherché  avant  tout  à  être  vrai,  et  à  présen- 
ter tels  qu'ils  sont  les  honunes  et  les  choses.  Il  le  dit  dans  sa  préface 
et  c'est  réellement  l'impression  que  laisse  la  lecture  de  son  livre. 

Paul  Leroy-Beaulieu,  L'Ai.gérie  et  la  Tunisie.  Paris  (Guillaumin 
et  0%  1887,  in-S**,  472  p.Fr.  8. —  Le  savant  économiste  français  dont  le 
nom  a  depuis  longtemps  dépassé  les  limites  de  son  pays,  est  un  travailleur 
adiarné  qui,  malgré  des  occupations  multiples  et  la  direction  absorbante 
d'un  journal,  trouve  moyen  de  publier,  à  des  intervalles  rapprochés, 
des  ouvrages  marqués  au  coin  du  bon  sens  en  même  temps  que  d'une 
science  profonde.  Lorsqu'il  a  traité  un  sujet,  on  ne  trouve  guère  de 
choses  à  dire  après  lui.  Sans  doute  on  pourra  ne  pas  approuver  ses  con- 
clusions, non  plus  que  la  tournure  dogmatique  et  parfois  un  peu  trop 
théorique  qu'il  donne  à  la  discussion,  mais  ses  adversaires  eux-mêmes 
seront  forcés  de  convenir  qu'il  étudie  à  tous  les  points  de  vue  la  question 
qu'il  traite,  ne  négligeant  aucune  donnée,  aucun  fait  dûment  constaté. 

Son  ouvrage  intitulé  :  De  la  colonisation  chez  les  'peuples  modernes, 
est  un  monument  de  science  économique,  dans  lequel  l'histoire  de  toutes 
les  colonies,  les  différents  systèmes  de  colonisation,  les  causes  et 
l'influence  de  l'émigration  sont  envisagés  avec  une  grande  hauteur  de 
vues  et  sans  parti  pris. 

L'Algérie  et  la  Tunisie  occupent  évidemment  une  grande  place  dans 
ce  volume.  Toutefois  comme  la  dernière  édition  de  ce  livre  date  déjà  de 
quelques  aimées  et  qu'il  y  avait  intérêt  pour  un  Français  à  étudier, 
d'une  manière  plus  spéciale,  ces  deux  contrées,  M.  Leroy-  Beaulieu  a 
tenu  à  les  traiter  à  part  dans  un  ouvrage  qu'il  vient  de  publier.  Ce 
volume  ne  contient  pas  une  description  de  ces  deux  colonies  ;  il  n'y  est 
parlé  de  la  géographie  physique  que  d'une  façon  sommaire;  c'est  une 
étude  économique  qu'a  voulu  faire  l'auteur.  H  a  cherché,  comme  il  le  dit 
dans  sa  préface  :  «  à  faire  un  tableau  aussi  impartial  et  aussi  exact  que 
possible  de  l'Algérie  et  de  la  Tunisie,  de  leurs  ressources  naturelles,  des 
résultats  déjà  acquis,  des  méthodes  suivies  ou  à  suivre,  de  la  population 
indigène,  du  traitement  qui  lui  convient,  des  perepectives  de  la  colonisa- 
tion et  de  l'avenir  de  la  France  dans  le  nord  de  l'Afrique.  » 


—  94  — 

Cet  exposé  complète  et  met  à  jour  l'étude  que  M.  Reclus  a  faite  de 
ces  deux  pays  dans  sa  Nouvelle  géographie  universelle.  Les  deux  écri- 
vains ont  suivi  la  méthode  rigoureusement  scientifique,  n'oubliant 
aucun  fait,  ne  négligeant  aucune  considération  de  nature  à  éclairer  le 
lecteur  sur  la  situation  actuelle  de  l'Afrique  française.  La  description 
de  M.  Reclus  est  avant  tout  géographique,  l'exposé  de  M.  Leroy^ 
Beaulieu  plutôt  économique.  Le  premier  développe  le  côté  pittoresque 
et  attrayant  de  son  sujet,  le  second  l'envisage  davantage  au  point  de  vue 
technique;  ce  dernier  est  plus  profond,  M.  Reclus  plus  facile  à  lire. 

Un  des  avantages  de  l'ouvrage  de  M.  Leroy-Beaulieu  sur  la  plupart 
des  livres  du  même  genre,  c'est  que  l'auteur  ne  se  contente  pas  de 
i^ignaler  les  défectuosités,  les  lacunes  de  l'œuvre  coloniale  de  la  France.  A 
côté  des  critiques,  il  indique  les  moyens  de  remédier  aux  inconvénients 
qu'il  signale;  il  donne  des  conseils  tirés  de  la  connaissance  qu'il  a  de 
l'histoire  de  la  colonisation,  et  de  la  comparaison  de  la  situation  des 
établissements  français  avec  les  colonies  anglaises  ou  autres.  Ainsi,  dans 
le  chapitre  consacré  aux  voies  de  comnmnication,  aux  ports,  etc. ,  il 
montre  comment  il  faut  procéder  dans  les  pays  tels  que  l'Algérie  et  la 
Tunisie.  Faire  vite,  plutôt  que  tout  à  fait  bien,  semble  être  à  ce  sujet  sa 
maxime.  Il  traite  d'absurde  le  régime  douanier  de  la  France  à  l'égard 
dos  produits  tunisiens,  démontrant,  chiffres  en  mains,  que  c'est  la  prin- 
cipale cause  de  l'énorme  différence  entre  les  exportations  de  la  Tunisie 
'  pour  l'Italie  et  pour  la  France,  celles-ci  ne  s'élevant  qu'au  tiers  des 
autres:  il  critique  l'administration  tunisienne  qui  semble  pousser  à 
transformer  le  pays  en  une  colonie  de  fonctionnaires.  S'élevant  plus 
haut,  il  reprend  sa  thèse  favorite  concernant  la  participation  des  indi- 
gènes algériens  à  l'administration  et  au  gouvernement  de  leur  pays, 
participation  qui  n'a  pas  besoin  d'être  forte,  mais  qui  doit  exister,  aussi 
l)ien  pour  apaiser  les  justes  susceptibilités  des  indigènes  que  dans  l'inté- 
rêt môme  des  colons.  Il  y  a  longtemps  que  l'Angleterre  a  admis  les 
Hindous  dans  les  conseils  de  l'Inde  et  les  Maoris  dans  le  parlement 
néo-zélandais.  La  métropole  retire  de  réels  avantages  de  cette  conces- 
sion, qui  lui  peimet  d'être  toujours  au  courant  des  besoins  et  des 
revtnidications  des  indigènes,  et  d'y  faire  droit  lorsqu'elle  les  croit 
utiles  ou  favorables  à  ses  intérêts.  La  France  doit  agir  de  même  et  aban- 
ilunner  cette  politique  coloniale,  souvent  étroite  et  tracassière,  qui  a 
fîut  dire,  et  bien  à  toi1,  qu'elle  ne  sait  pas  coloniser.  De  brillantes  per- 
»si)ectives  s'ouvrent  pour  l'Algérie  et  la  Tunisie.  A  la  métropole  de  pro- 
fiter (les  avantages  de  colonies  si  rapprochées  d'elle,  par  une  politique 
juste  et  prudente. 


—  95  — 

Rudolf  Hellgrewe.  Aus  deutsch-Ostafrika.  Wanderbilder.  Zwan- 
zig  Tafelii  uiid  eiii  Titelbild.  Berlin  (J.  Zenkers  Verlag),  1888,  album- 
folio,  fr.  25.  —  Jusqu'ici  les  peintres  européens  ne  se  sont  guère  hasar- 
dés en  Afrique  au  delà  d'une  zone  assez  étroite  de  la  partie  septentrionale 
du  continent,  en  Algérie  jusqu'au  Sahara,  en  Egypte  jusqu'aux  cata- 
ractes d'Assouan. 

Depuis  longtemps  M.  Hellgrewe  nourrissait  un  ardent  désir  de  voir 
de  ses  yeux  les  phénomènes  de  végétation  extraordinaire  dont  parlent 
les  explorateui'S  des  régions  tropicales,  ainsi  que  le^  fauves  en  liberté, 
lions,  éléphants,  etc.,  dont  les  ménageries  ne  nous  donnent  qu'une  idée 
fausse,  et  de  contempler  les  paysages  africains  dans  la  lumière  incom- 
parable dont  ils  sont  éclairés.  Une  demande  du  Comité  de  l'exposi- 
tion du  jubilé  des  Beaux-Arts  à  Berlin  en  1885,  lui  fournit  l'occa- 
sion de  réaliser  son  désir.  Il  s'agissait  de  se  rendre  de  Zanzibar 
à  l'intérieui*,  pour  étudier,  au  point  de  vue  de  la  peinture,  les  localités 
devenues  historiques  depuis  la  proclamation  du  protectorat  allemand 
sur  les  territoires  acquis  par  la  Société  allemande  de  l'Afrique  orien- 
tale. Malgré  les  difficultés  que  présentait  une  telle  entreprise,  le  peintre 
a  réussi  à  prendre  un  grand  nombre  de  croquis,  qui  lui  ont  permis  de 
donner  une  vingtaine  de  dessins  à  la  gouache,  paysages  ou  tableaux  de 
genre,  qui,  reproduits  par  la  phototypie  composent  le  bel  album  que 
nous  nous  faisons  un  plaisir  de  recommander  à  nos  lecteurs.  Ils  permet- 
tent de  se  rendre  compte  de  la  marche  de  l'expédition,  de  Zanzibar  jus- 
qu'àMa  station  des  missionnaires  français  de  Monda,  oii  M.  Hellgrewe, 
atteint  de  la  lièvre,  fut  transporté  et  où  il  reçut  des  soins  empressés. 

Équipée  par  les  représentants  de  la  Société  allemande  de  l'Afrique 
orientale  à  Zanzibar,  l'expédition  quitta  cette  île  le  28  novembre  1885, 
dans  une  bar(|ue  arabe  qui  la  transporta  à  Saadani  par  une  journée 
maîznitique,  au  terme  de  lac^uelle  le  peintre  put  faire  l'expérience  de  la 
soudaineté  des  variations  des  conditions  atmosphériques  tropicales.  En 
un  clin  d'œil  de  noii*s  nuages  chassés  par  un  vent  soufflant  en  tempête 
obscurcissent  l'éclat  de  la  lune  à  son  lever,  les  vagues  déferh^nt  sur  les 
bridants,  et  le  tableau  de  l'atterrissage,  au  moyen  d'une  pirogue  creusée 
dans  un  tronc  d'arbre,  diffère  du  tout  au  tout  de  celui  du  départ. 

Après  un  jour  de  repos,  on  part  pour  Xdoumi  et  l'on  quitte  bien  vite 
la  région  des  palmiei*s  de  la  côte  ;  on  ti-averse  une  zone  plantée  d'aca- 
cias, avec  de  vastes  étendues  de  prairies  ;  les  yeux  ne  découvrent  en  bas 
que  de  la  verdure,  en  haut  qu'un  ciel  sans  nuages;  à  midi  surtout 
une  clarté  éblouissante  enveloppe  tous  les  objets,  aucune  ombre  ne  four- 
nit aux  regards  un  point  sur  letjuel  ils  puissent  se  reposer. 


97  — 


BULLETIN  MENSUEL  (4^  avril  1888 '). 

La  dénonciation  du  traité  de  commerce  entre  la  France  et  l'Italie 
devant  faire  renchérir  la  vie  dans  le  département  des  Alpes-Maritimes, 
une  pétition  a  été  adressée  à  la  Chambre  de  commerce  de  Nice,  pour  lui 
demander  de  prendre  l'initiative  des  mesures  propres  à  assurer  la  créa- 
tion d'un  service  régulier  de  steamers  entre  IViee  et  les 
principaux  ports  de  TAlfl^érie.  Le  département  des  Alpes-Mariti- 
mes tirerait  de  la  colonie  française  les  produits  qu'il  empruntait  jus- 
qu'ici à  l'Italie  :  les  moutons,  les  bœufs,  les  vins,  \qs  fruits,  les  légimies, 
etc.  La  Compagnie  générale  transatlantique  devrait  établir  un  double 
service.  Une  première  ligne  mettrait  Nice  en  correspondance  avec  l'Al- 
gérie, soit  directement,  soit  avec  escale  facultative  à  Ajaccio.  Cette  der- 
nière combinaison  permettrait  de  combler  une  lacune  existant  dans  les 
services  méditerranéens  de  la  dite  Compagnie.  Jusqu'à  ce  jour,  en  effet, 
il  n'existe  aucune  communication  directe  entre  les  ports  ouest  de  l'Algé- 
rie (Oran  et  Alger)  et  la  Corse.  Une  seconde  ligne  devrait  être  créée 
entre  Nice,  Bône  et  Tunis,  avec  escale  facultative  à  Bastia.  S'il  est  fait 
droit  à  la  demande  des  pétitionnaires,  l'exportation  de  la  colonie  aug- 
mentera considérablement. 

Jusqu'à  présent  on  n'importait  guère  d'Algérie,  en  fait  de  pèche, 
que  des  thons,  mais  des  expériences  faites  récemment  ont  démon- 
tré que  toutes  les  autres  sortes  de  poissons  supportent,  sans  inconvé- 
nients pom*  la  vente,  ni  pour  la  consommation,  le  court  délai  dans 
lequel  les  paquebots  de  la  Compagnie  générale  transatlantique  effectuent 
la  travei'sèe  d'un  continent  à  l'autre.  Sans  préparation  aucune,  les 
pêcheries  abondantes  de  la  côte  algérienne  peuvent  expédier  leurs  pro- 
duits à  Marseille,  sans  avoir  à  redouter  la  détérioration  du  poisson  trans- 
porté simplement  dans  des  corbeilles.  Cela  pourra  se  faire  toute  Tannée, 
quitte  à  recourir  aux  blocs  de  glace  pendant  les  fortes  chaleurs.  A  ce 
propos,  il  est  utile  de  mentionner  la  loi  nouvelle  qui  a  interdit  aux 
bateaux  étrangers  la  pêche  dans  les  eaux  territoriales  de  la  France  et 
de  l'Algérie,  en  deçà  d'une  limite  tixée  à  trois  milles  marins  au  large  de 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  BulUtins  menstuls  et  dans  les  NuuceUes  corn- 
piémeniaires  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
^Algérie,  puiâ  allant  à  P£st,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

l'aFRK^UE.    —   NEUMÈME   ANNÉE.   —   N°   4.  4 


if     "  •  ^l".( 


—  98  — 

la  laisse  de  basse  mer.  Dans  chacun  des  aiTondissemeuts  maritimes  et 
pour  l'Algérie,  des  décrets  déterminent  la  ligne  à  partir  de  laquelle  cette 
limite  est  comptée. 

Le  Moniteur  de  V  Algérie  nous  apporte,  sur  les  mines  de  fer  et  de 
cuivre  découvertes  récemment  dans  la  province  d'Oran,  de  nouveaux 
renseignements  qui  en  font  mieux  connaître  la  situation  et  Fimportance. 
Les  Ghauras  ou  Ghamras,  où  se  trouvent  ces  gisements,  sont  de  vaste-s 
terrains  au  milieu  desquels  deux  ou  trois  petites  montagnes  se  dressent 
à  200*"  d'altitude  au-dessus  de  la  mer.  Ces  terrains  sont  adossés  h  la 
petite  chaîne  de  montagnes  qui  s'étend  entre  Oran  et  Aïn-Temoucheut  ; 
ils  descendent  en  pente  douce  jusqu'à  la  mer,  du  cap  Figalo  au  cap 
Falcon.  Ils  forment  un  large  rectangle  ayant  au  nord  la  Méditerranée, 
au  sud  le  village  arabe  de  Sidi-Bakti,  à  l'ouest  la  rivière  du  Madagre  et 
à  l'est  celle  du  Madjouz;  la  partie  de  beaucoup  la  plus  considérable  eu 
est  louée  à  la  Société  anonyme  des  mines  de  Ghauras.  Le  centre  de  l'ex- 
ploitation est  à  12  kilomètres  de  la  gare  de  Bou  Tlélis,  et  à  7  kilom.  de 
celle  de  Lourmel,  à  3500"  seulement  de  la  Méditerranée  et  de  l'embou- 
chure du  Madagi'e,  où  se  trouve  une  rade  des  mieux  abritées  et  des  plus 
faciles  pour  l'embarquement.  Les  vaisseaux  du  plus  fort  tonnage  peu- 
vent y  aborder  ;  à  7"*  ou  8"*  du  bord,  il  y  a  10"  d'eau  ;  à  20*"  ou  25",  il  y 
en  a  40".  Le  terrain  étant  en  pente  douce  jusqu'à  la  mer,  le  transport 
du  minerai  s'opère  à  peu  de  frais  et  très  facilement.  Le  minerai  très 
riche  se  trouve  en  masse  épaisse  et  profonde  ;  le  minerai  de  fer  donne 
63  V«  de  fer  et  Vao  Vo  de  manganèse  ;  le  minerai  de  cuivre  contient  23  % 
de  cuivre  allié  à  35  ^/o  de  fer  et  à  42  **/o  d'autres  matières.  Les  montagnes 
exploitées  ont  une  supei'ticie  de  plus  de  4  kilom.  can*és.  D'après  l'avis 
des  iugénieui's  les  plus  compétents,  la  masse  du  gisement  doit  descendre 
à  une  profondeur  de  plus  de  12(K)"  et  avoir  une  épaisseur  à  peu  près 
régulière  de  plus  de  8(X)".  Le  minerai  se  trouve  à  fleur  du  sol,  c'est-à- 
dire  que  l'on  exploite  à  ciel  ouvert  ;  il  n'y  a  pas  de  galeries  souterraines, 
pas  de  travaux  de  soutènement,  pas  de  frais  oiiéi-eux.  On  a  attaqué  la 
première  montagne  à  mi-côte  et  l'on  a  taillé  en  plein  flanc.  Ce^t  à 
peine  si,  à  de  certains  intervalles,  un  peu  de  roche  se  trouve  accolée 
au  minerai.  —  Sur  un  autre  point,  à  gauche  de  la  route  de  Tiaret  à 
Frendah,  à  9  kilom.  de  Tiaret,  on  a  découvert  un  gisement  de  charbon 
de  terre.  Un  échantillon  en  a  été  adressé  au  préfet  d'Oran  avec  une 
demande  d'autorisation  de  recherches,  laquelle  a  été  accordée.  D'après 
les  fouilles  déjà  faites,  le  gisement  houiller  s'étendrait  sur  une  superfi- 
cie de  37  à  40  kilom.  Dans  ce  même  périmètre  on  aurait  découvert  des 
minerais  de  fer,  de  cuivre,  de  plomb,  d'or  et  d'argent. 


—  100  — 

correspoiidauce  de  Gordon,  le  défenseur  de  Khartoura.  Nous  avons 
trop  vivement  regretté  les  lenteurs  du  gouvernement  britannique  à  por- 
ter secours  à  celui  qu'il  avait  envoyé  au  Soudan,  pour  ne  pas  nous  asso- 
cier aux  sentiments  exprimés  par  la  souveraine,  qui  écrivait  à  miss  Gor- 
don, la  sœur  du  héros,  le  15  févi'ier  1885  :  «  Comment  vous  dirai-je,. 
comment  chercherai-je  à  vous  exprimer  ce  que  j'éprouve?  Penser  que 
votre  cher,  noble  et  héroïque  frère,  qui  a  servi  son  pays  et  sa  reine  si 
fidèlement,  si  héroïquement,  avec  un  désintéressement  si  édifiant  pour 
tout  le  monde,  n'a  pas  été  secouru  !  Les  promesses  de  secours,  promes- 
ses que  j'ai  si  fréquemment,  si  constamment  rappelées  à  ceux  qui  lui  out 
(Jemandé  départir,  n'ont  pas  été  remplies,  et  cela  a  été  pour  moi  une  indi- 
cible douleur.  J'en  ai  été  malade.  Mon  cœur  saigne  pour  vous,  sa  sœur,, 
qui  avez  éprouvé  tant  d'anxiété  à  son  styet,  qui  l'aimiez  comme  il  méri- 
tait d'être  aimé.  J'espère  vous  revoir  quelque  jour  pour  vous  dire  tout 
ce  que  je  ne  puis  exprimer.  Ma  fille  Béatrice  me  prie  d'être  l'interprète 
de  sa  profonde  sympathie  pour  vous.  J'ai  reçu  également  de  nombreuses 
expressions  de  douloureuse  sympathie  de  l'étranger.  Celles  venant  de 
ma  fille  aînée,  la  princesse  impériale  d'Allemagne,  et  celles  de  mon  cou- 
sin, le  roi  des  Belges,  sont  des  plus  chaudes.  Veuillez  exprimer  à  vos 
autres  sœui*s  et  à  votre  frère  aîné  le  sentiment  de  profonde  douleur  que 
j'éprouve  à  la  pensée  de  la  tache  qu'imprime  à  l'Angleterre  le  sort  cruel 
mais  héroïque  de  votre  cher  frère.  »  Une  réponse  de  M.  Gladstone  et  de 
ses  amis  à  la  lettre  de  la  reine  est  aiuioncée. 

Comme  complément  à  ce  que  nous  disions  dans  notre  avant-dernier 
numéro  (p.  46-5G)  sur  l'extension  de  l'influence  arabe  en  Afrique, 
nous  croyons  devoir  reproduire  ce  que  dit  un  correspondant  de  Vlndé- 
pendance  belge  sur  la  fermentation  qui  règne  dans  le  monde  musulman 
au  bord  de  la  mer  Rouge  :  «  L'Egypte  officielle,  quoique  musulmane, 
n'est  pas  pour  les  nouveaux  rebelles  un  État  sur  lequel  on  puisse  comp- 
ter. Modifiée  par  la  civilisation,  l'Egypte,  dans  la  personne  de  ses  khédi- 
ves, ne  représente  plus,  aux  yeux  des  musuhnans  de  ces  parages,  qu'une 
émanation  de  la  puissance  chrétienne,  une  terre  d'apostats,  oîi  les  anti- 
(lues  traditions  de  l'Islam  subissent  une  décadence  et  une  dégradation 
complètes.  La  Turquie  est  trop  pauvre,  trop  faible,  trop  humiliée  aux 
yeux  de  l'Europe  pour  se  risquer  à  prendre  ouvertement  la  responsabi- 
lité d'un  soulèvement  du  monde  musulman  contre  le  monde  chrétien. 
Mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  l'âme  de  la  nouvelle  agitation,  partie 
de  la  terre  sainte  de  Djeddah,  est  la  Turquie  elle-même  qui,  bien  que 
malade,  cherche  quelque  moyen  de  se  régénérer,  ou  simplement  des  pré- 


—  101  — 

textes  pour  prolonger  son  existence.  Sur  les  bords  de  la  mer  Rouge, 
flotte  un  rêve  de  vengeance,  entretenu  par  la  parole  toute-puissante  des 
prêtres  de  la  Mecque  qui  prêchent  que  la  glorieuse  bannière  de  Mahomet 
ne  doit  pas  disparaître.  Avec  elle,  disent-ils,  on  pourra  reconquérir, 
sinon  le  monde,  comme  à  l'époque  des  califes,  au  moins  le  rétablisse- 
ment d^  anciennes  lois  du  Coran,  là  oU  le  Coran  représente  le^s  croyan- 
ces  et  les  traditions  du  peuple.  Ces  prédications  ne  sont  pas  sans  résultat. 
Assaortins,  Habâb,  Danakils,  Somalis,  croyants  de  Hodeïdah,  de  Sanâa, 
de  Mokha,  d'Aden,  tous  sont  liés  par  un  même  pacte  mystérieux  dont 
les  effets  se  manifestent  à  chaque  instant.  Quelques  faits  tout  récents 
illustreront  ces  affirmations  :  Il  y  a  quelques  joui-s,  à  Zeïlah,  un  soldat 
anglais  a  été  obligé  de  tuer  un  Somali  qui  voulait  l'assassiner.  Tout  der- 
nièrement, dans  la  même  région,  une  bande  d'Lssa-Somalis  attaquait  et 
pillait  une  caravane  de  cent  chameaux  se  rendant  à  la  côte,  et  massa- 
crait les  hommes  qui  en  formaient  Te^scorte.  La  semaine  dernière,  à 
Tadjourah  (protectorat  français),  une  foule  d'enfants  assaillait  à  coups 
de  pierres,  à  leur  débarquement,  M.  Lagarde,  gouverneur  d'Obock,  et 
d'autres  officiers.  A  Obock,  le  premier  de  l'an,  à  l'occasion  d'une  fête 
indigène,  le  même  M.  Lagarde  envoyait  en  cadeau  aux  Danakils  quel- 
ques sacs  de  monnaie  de  billon.  Les  Danakils  refusèrent  dédaigneuse- 
ment le  don,  crevèrent  les  sacs  et  en  jetèrent  le  contenu  à  la  mer  avec 
tous  les  signes  du  plus  profond  mépris.  A  Raheïta,  on  embarque  les 
esclaves  ouvertement  et  on  proclame  la  liberté  de  la  traite.  A  Lahadj, 
même  sous  les  yeux  du  gouverneur  anglais  d'Aden,  le  sultan  manifeste 
sou  mécontentement  dans  toutes  lés  occasions  possibles.  Il  impose  arbi- 
trairement des  droits  de  passage  aux  caravanes,  les  ari-ête  et  les  retient 
à  tout  propos.  A  chaque  instant,  il  réclame  au  trésor  anglais  des  aug- 
mentations de  subsides,  sollicite  des  armes  et  des  munitions,  exige  de 
nouveaux  privilèges  sous  peine  de  révolte  contre  l'autorité  britannique. 
Profondément  impressionné,  le  gouvernement  anglais  a,  depuis  quelques 
jours,  remplacé  par  ses  propres  soldats  les  soldats  indiens  qui  formaient 
jusqu'ici  la  garnison  d'Aden.  Mais  cela  ne  suffit  pas  encore  à  mettre  les 
intérêts  anglais  en  sûreté,  car,  du  moment  oii  il  serait  possible  au  seul 
sultan  de  Lahadj  d'arrêter  les  caravanes,  Aden  serait,  au  bout  de  quel- 
ques jours,  dans  l'impossibilité  de  se  ravitailler.  » 

On  annonce  de  Zanzibar  que  M.  Montagu-Kerr,  chef  de  l'expédi- 
tion chargée  de  porter  des  secours  à  Émin-pacha,  en  partant  de  la 
côte  orientale  d'Afrique,  en  proie  à  une  fièvre  violente,  a  dû  renvoyer  les 
hommes  qu'il  avait  déjà  engagés  pour  l'accompagner.  C'est  par  la  voie 


les  deruiers  rsnseignenieiits  sui- 
février,  M.  Georges  Mackenzie, 
î  k  Londres,  a  informé  les  jour- 
,  Zanzibar  a  reçu  d'ifimin-pacha 
l'à  cette  date  Stanley  n'était  pas 
)Q  le  suppose,  "  ajoutait  M.  Mac- 
Èmio-pacha  vers  le  15  septembre, 
lui  à  Zanzibar  '  dans  les  preraiei-s 
l'ait  préféré  envoyer  ses  lettre» 
IX  de  M.  le  missionnaire  Stokes, 
i  la  lin  du  mois  d'avril.  Dès  lors 
es  avis  reçus  par  la  voie  de  Zan- 
nombre  de  ses  hommes  au  camp 
es  troupes  de  réserve  laissées  à 
imaudement  du  major  Barttelot^ 
n  et  lui  prêter  appui  eu  cas  de 
ne  donne  aucune  information  itur 

Ht. 

derostafrikanischen  Mission,  «le 
arrivée  à  Zanzibar  des  renforts 
Greiner.  l'amii  les  nouveaux 
I  Gobau  Desta,  qui  a  déjà  été  col- 
llas.  Les  agents  de  la  Société,  à 
tnirdes  Indes,  pour  leurs  travaux. 
rs,  ceux  qui  existent  à  Zanzibar 
général  anglais  a  demandé  aux 
enclaves,  arrachés  des  mains  de 
iu  continent  dans  deux  barques 
t  les  diaconesses  de  l'hôpital  qui 
on  de  ces  enfants, 
lin  cori-esponda  nt  du  Laucasbire. 
des  renseignements  sur  les  pro- 
direction du  lac  Nyaasa.  La 
spondant  remontait  de  Blantyre, 
[yassa.  Là  elle  reçut  de  mauvaises 

.rlé  de  Stanley,  quoique  à  plusieurs 
it  répandues  en  Europe.  Celles-ci  nous 
1  avons  préféré  ne  pas  les  reproduire. 


—  103  — 

nouvelles  de  la  station  de  Karonga,  à  l'extrémité  nord-ouest  du  lac,  où 
commence  la  •  route  du  Nyassa  au  Tanganyika,  et  oîi  TAfrican  Lakes 
Company  a  un  établissement.  Les  Arabes  avaient  attaqué  les  indigènes, 
et  après  avoir  brûlé  plusieurs  de  leurs  villages,  avaient  menacé  la  station 
anglaise,  sans  qu'aucune  provocation  leur  eût  été  adressée.  Les  agents 
anglais  avaient  été  forcés  de  se  retrancher  derrière  une  forte  palissade 
en  attendant  des  renforts.  Une  expédition  de  secours  fut  immédiatement 
organisée;  elle  comptait  quatre  Européens  et  onze  natifs;  le  steamer 
VMala  la  transporta  à  Karonga  où  elle  arriva  le  4  novembre.  Il  était 
temps,  car  les  Arabes,  après  avoir  mis  le  feu  aux  roseaux  dans  lesquels 
s'étaient  réfugiés  quantité  d'indigènes,  hommes,  femmes  et  enfants,  et 
avoir  tué  ceux  qui  cherchaient  à  échapper  aux  Hammes,  s'efforçaient  de 
faire  soiiir  la  petite  garnison  de  ses  retranchements.  Si  les  renforts 
n'étaient  pas  arrivés,  il  est  probable  qu'ils  eussent  aussi  attaqué  la  sta- 
tion. Aux  dernières  nouvelles  MM.  les  consuls  O'Neill  et  Hawes,  avec 
M.  Fréd.  Moir,  de  la  Compagnie  des  Lacs,  avaient  réussi  à  débloquer  la 
station  de  Kai-onga,  mais  la  route  qui  mène  au  Tanganyika  était  fermée 
au  commerce.  D'après  le  Scottish  Oeographical  Magazine,  les  Arabes 
seraient  maîtres  du  pays  au  N.-O.  du  lac  Nyassa,  et  feraient  payer  un 
tribut  à  tous  ceux  qui  voudraient  y  rester,  aux  blancs  comme  aux  noirs. 

Le  Progrès  de  Vlmèrina  annonce  que  les  colons  français  qui  s'étaient 
établis  près  de  la  rivière  des  Caïmans,  au  fond  de  la  baie  de  Diéf^o- 
Saarez,  ont  été  obligés  d'abandonner  leurs  concessions  eu  raison  des. 
pluies  torrentielles  qui  ont  balayé  leurs  plantations.  D'autre  part,  le 
même  journal  reçoit  de  Vatoumandry  une  correspondance  d'après, 
laquelle  le  marasme  du  commerce  donne  à  l'agriculture  une  nouvelle 
ûnpulsion.  Chacun  semble  comprendre  que  là  est  l'avenir  du  pays,  ave- 
nir moins  rapide  mais  plus  sûr.  «  Sur  une  seule  propriété,  »  dit  le  cor- 
respondant, «  40,000  cacaoyers  ont  été  semés.  La  vanille  a  fait,  d'une 
façon  sérieuse,  son  apparition  sur  le  marché.  Mahanoro  en  a  produit 
et  exporté  1500  livres; de  nouvelles  plantations  ayant  été  créées,  on  peut 
compter,  pendant  une  période  de  quatre  ou  cinq  ans,  sur  un  doublement 
annuel  de  production.  Ce  produit  paraît  de  première  qualité.  Si  cette 
appréciation  personnelle  est  confirmée  par  les  acheteurs  européens, 
cette  culture  prendra  une  extension  considérable,  et  Madagascar  devien- 
dra bientôt  l'un  des  principaux  fournisseui-s  du  marché  eurppéen.  » 

Les  rapports  des  missionnaires  des  difi'érentes  confessions  chrétiennes 
trahissent  trop  souvent  l'hostilité  réciproque  de  celles-ci,  pour  que  nous 
ne  soyons  pas  heureux  de  rencontrer  dans  les  Annales  de  la  propaga- 


—  104  - 
Foi,  le  témoignage  rendu  par  le  R.  P.  Caussèque  k  M.  J. 
,  un  des  missionnaires  de  la  Société  de  Londi-es  k  Madagas- 
t  qu'il  existe  à  AmlHUtivontka  une  léproserie  dans 
missionnaires  romains  re^oivcat  plus  de  cent  malades  que  la 
de  la  société.  Lors  de  la  ■ruerre  entre  les  Malgaches  et  les 
s  missionnaii-es  romains  ayant  été  obligés  de  quitter  Aml»- 
[.  Richardson  se  dit  :  que  vont  devenir  les  pauvres  lépreux  ? 
i  répétait  sans  cesse  :  va  les  secourir.  Le  dimanche  suivant, 
il  la  léproserie,  donna  de  l'argent  aux  malades  et  promit  de 
iir  entretien  jusqu'au  retour  dee  Pères.  Ses  amis  d'Angle- 
t'oyèrent  de  l'argent  pour  cette  bonne  œuvre  et  il  put  tenir 

ppement  rapide  de  Lopenzo-Harque?,  a  éveillé  chez  un 
ibre  de  sujets  britanniques  le  désir  de  voir  TAngleteri-e 

territoires  appartenant  au  Portugal  dans  la  baie  de  Dela- 
ipreiid  que  les  Portugais  s'en  soient  émus,  et  que  la  Société 
lie  de  Lisbonne,  dans  une  de  ses  dernières  séances,  ait  cru 
iter  une  proposition  de  son  éminent  secrétaire  général, 
Oordeiro,  demandant  que  les  efforts  du  gouvernement  ten- 
)Iidei-,  k  développer  et  k  garantir  la  nationalisation  complète 
Marquez  comme  partie  intégi-aiitc  et  inaltérable  du  terri- 
;ai8.  De  son  côté  le  comte  d'Onslow,  sous-secrétaire  d'Ktat 
lonies,  a  fait  k  la  Chambre  des  lords  une  déclaration  de 
Imer  l'émotion  des  Portugais.  Tout  en  reconnaissant  que 
lu  gouvernement  britannique  avait  été  appelée  d'une  façon 
le  sur  le  chemin  de  fer  de  la  baie  de  Delagoa,  comme  route 
;iliter  le  commerce  entre  l'Angleteri-c  et  le  Transvaal,  ainsi 

Natal  et  de  la  Colonie  du  Cap,  le  comte  d'Onslow  a  repoussé 
Angleterre  devrait  acquérii-  les  territoires  appartenant  au 
jamais,  »  a-t-il  dit,  "  il  n'a  été  question  de  contraindre  cette 
faire  cette  cession,  et  d'autre  part,  comme  le  Portugal  est 
ilonle,  il  n'est  nullement  disposé  k  la  céder  volontairement. 
iroposition  a  été  mise  en  avant  ayant  pour  objet  d'acheter  le 
er.  Mais  cette  acquisition  aurait  été  sans  exemple,  puisque 
;raverse  aucun  tenitoire  anglais.  » 

ihile  .lousse,  ancien  missioimaire  au  L.e-Souto,  a  envoyé  au 
■  missions  évangéliqttes  de  Paris,  une  lettre  dans  laquelle  il 
nment,  malgré  l'abondance  des  dei-nicres  récoltes,  les  Ba- 
■ent  de  la  stagnation  des  affaires.  Nous  en  extrayons  ce  qui 


—  105  — 

suit  :  «  Ce  n'est  pas  l'abondance  qui  produit  cet  embarras,  mais  l'ab- 
sence  de  débouchés  pour  les  produits  du  pays  ;  or  il  n'y  a  pour  le  moment 
au  Le-Souto  aucune  espèce  de  débouchés,  tout  au  moins  y  en  a-t-il  si  peu 
que  l'équilibre  entre  la  production  et  la  demande  est  complètement 
rompu.  Un  sac  de  blé,  de  sorgho  ou  de  maïs  qui  se  vendait  autrefois  12, 
15  et  même  20  fr.  se  donne  aujourd'hui  pour  fr.  2.50  et  3  fr.  Le  bétail, 
lui  aussi,  a  subi  une  très  grande  dépréciation  de  valeur.  Autrefois,  avec 
un  bœuf  représentant  une  valeur  de  200  fr.,  un  indigène  pouvait  se  vêtir 
lui  et  toute  sa  famille  poiu*  une  année  au  moins,  malgré  les  prix  élevés 
des  objets  de  provenance  européenne;  aujourd'hui,  c'est  à  peine  si,  pour 
trois  bœuCs,  l'on  pourrait  acquérir  la  même  quantité  d'objets.  De  plus, 
en  Afrique,  de  même  que  chaque  indigène  pourvoit  sa  famille  du  blé 
nécessaire  à  son  entretien,  il  élève  son  propre  bétail,  il  est  occasionnel- 
lement son  propre  boucher  ;  or,  du  moment  oii  l'étranger  ne  lui  achète 
ni  le  produit  de  ses  champs  ni  celui  de  son  troupeau,  il  se  trouve  en  pré- 
sence d'une  surabondance  de  produits  qui  enfante  la  gêne.  La  cause  de 
cette  crise  est  connue  ;  pendant  que  les  Ba-Souto  se  battaient  pour  leur 
indépendance,  les  Américains  favorisés  par  les  chemins  de  fer,  ont  pris 
leur  place  sur  le  marché  des  mines  de  diamants  et  ont  inondé  le  pays  de 
leurs  farines.» 

Comme  nos  lecteurs  le  verront  par  les  lettres  de  M.  A.  Demaffey, 
ingénieur  des  mines,  la  spéculation  est  encore  très  active  au  Trans- 
vaal.  A  côté  des  sociétés  minières  dont  le  nombre  augmente  de  jour  en 
jour,  celles  qui  se  pi"oposent  l'acquisition  de  terrains  sur  une  grande 
échelle  pour  les  revendre  par  parcelles  ne  jouent  pas  le  moindre  rôle 
dans  l'activité  fiévreuse  dont  la  République  sud-africaine  est  actuelle- 
ment le  théâtre.  Nous  avons  sous  les  yeux  le  compte-rendu  de  la  seconde 
assemblée  générale  de  l'Oceana  Transvaal  Land  Company,  tenue  à 
Londres  le  29  décembre  dernier,  et  présidée  par  notre  compatriote 
M.  Henry  Pasteur.  Quelques-uns  des  chiffres  de  superficie  de  certains 
terrains  acquis  par  la  Société  peuvent  donner  une  idée  de  l'échelle  sur 
laquelle  opère  la  spéculation.  Dans  le  district  de  Lydenbourg,  la  Société 
possède  dix-neuf  propriétés,  dont  huit  seulement  comptent  de  40,000  à 
rj(),000  acres,  elles  sont  situées  près  de  la  frontière  portugaise,  sur  le 
versant  occidental  des  monts  Lebombo,  et  près  de  l'eudi'oit  où  la  Sabi 
franchit  cette  chaîne  pour  se  rendre  à  la  baie  de  Delagoa.  Trente  autres 
propriétés  se  trouvent  dans  le  district  agricole  de  Rustenbourg,  entre  le 
Marico,  le  Limpopo  et  la  rivière  des  Crocodiles.  Dix-neuf  autres  encore 
dans  le  district  des  Zoutpansberg,  outre  de  grandes  propriétés  d'un 


—  106  — 
seul  tenant,  Devonshire  par  exemple  de  219,000  acres,  et  New-Itelgium 
de  :W6,000  acres,  tout  pai-ticulièi-ement  propi-e  à  la  cultui-e  du  coton,  de 
la  canne  à  sucre  et  du  café. 

Les  Be-Chuanaland  Netrs  annoncent  que  M.  Henri  Clay  Moore, 
minéralogiste  de  Californie,  se  rend  dans  le  pays  des  Ma-ChoD»  et 
des  Ha-Tébélé,  avec  l'intention  de  trouver  si  possible  une  route  facile 
jusqu'au  Zambèze.  II  a  déjà  visité  cette  région,  et  y  a  quelques  amis  à 
peu  de  distance  du  fleuve  ;  mais  les  difficultés  que  créent  aux  explora- 
teui-s  les  porteurs  indigènes  et  les  guerres  de  tribu  à  tribu,  ainsi  que 
le  climat  insalubre  de  la  vallée  du  Zambèze,  l'ont  décidé  à  choisir  la 
i-oute  du  plateau  à  travei'S  le  pays  des  Be-Chuana  et  des  Ba-Mangwato. 
II  a  avec  lui  quelques  natifs  et  deux  wagons  pourvus  de  tout  ce  dout  uu 
chasseur  explorateur  a  besoin.  Le  nouveau  directeur  des  raines  d'or  de 
Tati,  M.  l'ingénieur  A.  Demaffey,  voyagera  avec  lui,  de  la  rivière  des 
Crocodiles  jusqu'à  Tati;  après  cela  M.  Moore  poui"Suivi'a  son  chemin 
seul.  M.  Moore  parle  de  Lo-Bengula,  roi  des  Ma-Tébélé,  d'une  manière 
très  favorable  et  ne  croit  pas  qu'il  ait  jamais  donné  sujet  de  so  plaindre 
de  mauvais  traitements  envers  les  blancs.  Mais  le  roi  exige  qu'on  l'aborde 
avec  tout  le  respect  dû  au  souverain  d'un  i>eupte  puissant  comme  l'est 
celui  des  Ma-Tébélé.  M.  Moore  n'ajoute  pas  foi  au  bruit  d'après  lequel 
Lo-Beugula  aurait  placé  son  pays  sous  le  protectorat  des  Boers.  Mani- 
festement favorable  aux  Anglais,  il  ne  pennet  pcis  aux  Boei*s  d'cnti-er 
dans  ses  États.  Plusieurs  blancs,  anciens  tratiqunnts,  sont  établis  au 
milieu  des  natifs,  et  le  roi  est  tenu  très  exactement  au  courant  des  évé- 
nements qui  se  passent  dans  l'Afrique  aiLstrale.  M.  Moore  croit  que  le 
pays  sera  prochainement  ouvert  aux  blancs,  mais  que  les  natifs  en  éprou- 
vèrent un  accès  de  jalousie.  Il  confirme  les  rapports  présentés  sur  la 
richesse  du  pays  en  or  d'alluvion.  Sou  attention  a  été  attirée  sur  ce  point 
par  le  commerce  d'or  que  font  les  l'oi-tugais  surleZambènequ'ihi  longé 
eu  se  rendant  de  Barberton  à  Quilimane. 

La  richesse  aurifère  de  cette  région  est  aussi  confirmée  par  un  rapport 
de  M.  F.-C.  SelouH,  dont  les  Procendiiigs  de  la  Société  de  géographie 
de  Londres  ont  publié  un  extrait.  Dans  une  exploration  qu'il  faisait  au 
pays  des  Ma-Cbona,  avec  ptusieui-s  de  ses  conipatriote^s,  ils  ont  découvert 
un  gisement  d'or  d'alluvion  d'une  étendue  considérable.  Mais  ee  qui  le,s 
a  le  plus  frappés,  c'est  une  excavation  remanpiable,  dans  une  roche 
solide,  qu'ils  croient  être  une  mine  d'ancienne  date,  A  Sinola,  dit 
M.  Selous,  près  de  la  rivière  Angoua,  affluent  de  la  Manyame,  se  trouve 
un  immense  creux  circulaire  de  plus  de  ?!()'"  de  profondeur,  de  2i)"'  de 


—  107  — 

iliamètre,  au  fond  duquel  est  une  pièce  d'eau  qui  s'étend  sui*  une  lon- 
gueur de  60"  dans  une  vaste  grotte.  L'eau  en  est  d'une  couleur  extraor- 
dinaire, un  bleu  de  cobalt  foncé  ;  elle  est  cependant  très  claire,  car  des 
cailloux  sont  visibles  à  une  grande  profondeur.  A  partir  d'un  point  situé 
à  100™  de  distance  de  l'arête  du  trou  se  trouve  une  galerie  oblique  ou 
tunnel  qui  court  là  en  formant  un  angle  de  45°  et  qui  atteint  le  fond 
juste  au  niveau  de  l'eau.  M.  Selous  croit  que  ces  excavations  sont  le 
résultat  d'anciennes  exploitations  aurifères,  qu'une  veine  de  quartz  a  été 
exploitée  et  qu'il  en  a  jailli  une  source  dont  l'eau  a  formé  le  lac  souter- 
rain. Si  tout  cela  est  l'œuvre  de  l'homme,  il  a  fallu  une  somme  extraor- 
dinaire de  tmvail  pour  la  produire.  Les  indigènes  ont  construit  une  ville 
palissadée  autour  de  l'ancienne  mine  d'or,  et  descendent  par  le  tunnel 
pour  puiser  de  l'eau.  Celle-ci  est  tout  à  fait  chaude.  Des  deux  côtés  du 
tunnel,  la  roche  est  couverte  de  marquées  innombrables  qui  semblent 
avoir  été  faites  avec  une  espèce  d'instrument  en  fer. 

Le  Cape  Argus  a  reçu  d'un  correspondant,  sur  le  pays  des  petits 
^ama,  au  sud  de  l'Orange,  des  renseignements  qui  le  montrent  sous 
un  joui'  tout  autre  que  celui  où  on  se  le  représente  d'ordinaire.  On  le 
croit  d'une  chaleur  intense  ;  l'on  s'imagine  qu'il  ne  peut  convenir  qu'aux 
Bushmeu,  et  que  tous  les  Européens  y  mènent  une  existence  misérable. 
Sans  doute,  dit  le  correspondant,  il  fait  chaud  dans  quelques  parties  du 
pays,  surtout  en  décembre  et  en  jan\ier,  mais  pas  plus  chaud  que  souvent 
k  l'ombre  de  la  montagne  de  la  Table.  En  février,  les  matins  et  les  soirs 
sont  d'une  fraîcheur  très  agréable,  la  température  est  beaucoup  plus 
douce  qu'en  septembre,  époque  oii,  dans  le  Hardveldt  et  le  Sandveldt, 
les  récoltes  sont  bi'ûlées.  Les  moissons  sont  gravement  compromises  cette 
année  par  suite  de  l'abondance  de  canaris  du  Cap,  qui  ont  ravagé  les 
champs  malgré  les  effoi-ts  des  fermiers  pour  écarter  cette  gent  ailée. 
L'exploitation  des  mines  de  cuivre  prospère,  le  prix  des  cuivres  ayant 
considérablement  monté.  La  Compagnie  a  l'intention  de  rouvrir  cer- 
tains centres  miniers  dont  quelques-uns,  celui  de  Copperberg  en  parti- 
culier, étaient  exploités  il  y  a  plus  de  deux  cents  ans.  La  réouverture 
de  ces  raines  accroîtra  la  demande  de  travailleui-s  indigènes  et  euro- 
péciLs.  La  Cape  Copper  miniug  Company  d'Ookiep  voit  le  nombre  de 
i>es  employés  augmenter  chaque  aiuiée  :  les  plantations  d'arbres  y  pren- 
nent aussi  toujoui*s  plus  d'extension. 

Le  gouverneur  général  du  Congo,  accompagné  du  directeur  des 
tinance^,  du  chef  du  service  topographique  et  du  contrôleur  des  droits 
de  sortie,  a  fait  à  la  fin  do  l'année  dernière  une  reeonnaij^iianee  du 


—  lOS  — 

Tcbiloani^o  et  de  la  Loukoula,  sou  affluent,  dont  le  Mouvenienf^ 
géographique  a  rendu  compte.  L'expédition  a  remonté  le  Tchiloango 
jusqu'à  Nzobé,  et  les  rivières  Loukoula  et  Loango  sur  une  longueur- 
d'environ  20  kilomètres.  Toutes  deux  sont  navigables  pour  des  canots  âi 
vapeur  tirant  un  mètre  d'eau  et  remorquant  des  chalands.  Malheureu- 
sement le  cours  de  la  Loukoula  est  encombré  d'arbi'es  tombés  dans  la 
rivière,  mais  qu'il  serait  facile  d'enlever  si  l'on  établissait  un  poste  sur^ 
ce  coui*s  d'eau.  C'est  par  la  Loukoula  que  la  grande  masse  des  produits 
arrive  à  la  côte.  Les  explorateurs  y  ont  rencontré  un  nombre  considé- 
rable de  pirogues  indigènes  chargées  des  produits  du  Mayoumba.  Aupa- 
ravant, les  chefs  indigènes  barraient  la  rivière  et  empêchaient  la  des- 
cente des  trafiquants  de  l'intérieui*  vers  les  factoreries  du  littoral.  Mais 
depuis  ces  derniers  temps,  cet  état  de  choses  a  pris  fin,  et  actuellement 
les  canots  chargés  de  caoutchouc,  de  noix,  d'huile  de  palme  et  d'autres 
articles,  descendent  librement  la  Loukoula,  De  la  côte,  les  négociants  des 
factoreries  ont  éprouvé  le  besoin  de  se  rapprocher  des  producteurs  et  ils 
viennent  à  l'envi  s'établir  sui*  la  Loukoula.  La  maison  hollandaise  venue- 
la  première  a  bientôt  été  suivie  pai*  les  maisons  anglaises,  françaises, 
portugaises,  demandant  toutes  des  concessions  de  terrain  sur  le  terri- 
toire de  l'État  indépendant  pour  exploiter  les  produits  du  Mayoumba* 
D'après  une  lettre  de  M.  Janssen,  les  rives  de  la  Loukoula  sont  d'une 
grande  fertilité,  les  paysages  en  sont  admirables,  la  végétation  luxu- 
riante ;  c'est  la  forêt  vierge  des  tropiques  dans  toute  sa  splendeur.  Le 
lieutenant  Mikic,  qui  l'a  aussi  explorée,  dit  que  c'est  une  des  contrées 
les  plus  peuplées  de  l'Afrique.  Les  villages  y  sont  les  uns  sur  les  autres* 
Certains  jours,  son  itinéraire  en  a  traversé  vingt  et  même  vingt-six.  A 
droite  et  à  gauche  de  sa  route,  il  en  apercevait  d'autres  au  milieu  d'im- 
menses plantations  de  bananiers,  de  palmiei'S  à  huile,  de  maïs,  de 
manioc,  d'arachides,  de  fèves  etc.  Tout  le  monde  travaillait,  les  femmes^ 
s'occupaient  des  travaux  des  champs  et  de  la  préparation  du  maiiioc  ; 
les  hommes  manipulaient  l'huile  de  palme,  chassaient,  péchaient,  al- 
laient en  caravanes  vendre  les  produits  aux  factoreries  de  Boma  ou  de 
Tchiloango.  Déjà  presque  tous  les  hommes  sont  vêtus  de  tissus  euro- 
péens. La  sécurité  est  complète,  et  quant  au  climat,  tous  s'accordent  à 
reconnaître  que  le  pays  est  très  habitable  pour  les  blancs  qui  veulent  se 
soumettre  au  régime  des  régions  africaines  équatoriales. 

C'est  aussi  l'avis  de  M.  Dupont,  directeur  du  Musée  d'histoire  natu- 
relle de  Bruxelles,  qui  a  séjourné  huit  mois  au  Congo,  dont  il  a 
exploré  le  bassin  au  point  de  vue  géologique,  de  la  côte  de  l'Atlan- 


—  lOîi  — 

3tîque  jusqu'au  confluent  du  Kassaï;  il  est  rentré  en  Belgique  le  8  février 
•dernier.  Nous  avons  sous  les  yeux  le  texte  de  la  Conférence  qu'il  a  faite 
h  la  Société  des  ingénieui's  et  des  industriels  belges  sur  les  résultats  de 
son  exploration  scientifique,  et  nous  voudrions  pouvoir  entrer  dans  le 
détail  des  vues  qu'il  y  expose  sur  le  régime  fluvial  du  continent  africain, 
-sur  les  montagnes  qui  limitent  à  l'ouest  le  bassin  du  Congo,  la  na- 
ture des  terrains  explorés  sur  une  longueur  de  6(X)  kilomètres,  les 
ressources  industrielles  et  agricoles  qu'ils  peuvent  fournir,  les  minerais 
<|u'il  y  a  découverts,  les  aptitudes  du  nègre  au  travail  et  le  climat. 
L'espace  dont  nous  disposons  ne  nous  le  permet  pas.  Bornons-nous 
à  ce  qu'il  dit  des  minerais.  «  Les  eaux  du  Congo,  contenant  des 
matières  ferrugineuses  en  assez  grande  quantité  pour  en  recevoir  une 
■colomtion  ocreuse,  doivent  nécessairement  déposer  des  sédiments  essen- 
tiellement ferrugineux.  D'autre  part,  ces  éléments  ferrugineux  devaient 
nécessairement  tendre  à  se  concentrer,  sous  l'influence  de^  eaux  d'in- 
liltration,  à  la  base  des  dépôts  d'alluvion.  C'est  bien  ce  qui  a  eu  lieu. 
Sous  l'épais  manteau  d'alluvion  des  plateaux,  dans  toute  l'étendue  que 
j'ai  explorée,  se  trouve  un  amas  de  minerai  de  fer  épais  de  cinquante  cen- 
timètres à  un  mètre  et  plus,  qui  présente  souvent  l'aspect  d'énoimes  mor- 
<îeaux  de  nids  de  teimites,  d'autrefois  il  est  compact.  En  un  grand  nombre 
de  points,  on  voit  des  blocs,  parfois  de  plusieurs  mètres  cubes,  sur  le 
vei'sant  des  ravins,  oîi  ils  se  sont  détachés  de  la  base  de  l'alluvion  mise 
il  nu.  On  peut  dire  qu'il  n'existe  guère  sur  le  globe  de  contrée  plus  riche 
-en  cette  sorte  de  minerai,  plus  riche  par  son  abondance  et  plus  favorisée 
par  sa  facilité  d'exploitation.  Si  les  autres  continents  venaient  à  épuiser 
leurs  gisements,  le  bassin  du  Congo  suffirait  à  lui  seul  pour  en  fournir 
indéfiniment  au  reste  du  globe.  Cette  richesse  ne  se  trouve  pas  seule- 
ment dans  la  région  que  j'ai  traversée  ;  c'est  surtout  plus  haut  que  la 
quantité  doit  en  être  prodigieuse,  attendu  qu'au  confluent  du  Kassaï, 
les  eaux  du  Congo  étaient  aussi  fortement  colorées,  pour  ne  pas  dire 
plus,  que  dans  les  régions  d'aval.  La  grande  source  des  minerais  de  fer 
doit  donc  se  trouver  fort  avant  dans  l'intérieur.  Mais  il  existe,  dans  les 
Monts  de  Cristal,  un  autre  minerai  encore  plus  important.  C'est  le  mi- 
nerai de  cuivTe  à  l'état  de  malachite.  Quoiqu'ils  soient  avides  de  ce 
métal  et  qu'ils  aiment  à  s'en  onier,  eux  et  leui's  femmes,  de  quantités 
parfois  considérables,  puisqu'on  cite  des  négresses  du  Congo  qui  por- 
tent des  anneaux  de  cuivi*e  de  plus  de  trente  kilogrammes,  les  nègres 
ne  l'exploitent  qu'à  un  seul  endroit,  à  M'Boko-Songho,  mot  qui,  en 
langue  fiote,  signifie  source  de  cuivre.  »  Quoique  cette  localité  soit  située 


—  110  — 

dans  la  province  du  Quilou,  cédée  à  la  France,  et  que  les  nègres  accu- 
mulent les  obstacles  pour  empêcher  l'étranger  d'en  approcher  pour 
s'assurer  le  monopole  de  l'exploitation  de  ces  mines,  M.  Dupont  réussit 
à  les  visiter.  Elles  consistent  en  des  trous  assez  grands,  d'où  les  indi- 
gènes extraient  la  malachite  et  du  minerai  de  plomb  ou  galène,  mélan- 
gés à  du  minerai  de  fer.  Sur  la  rive  opposée  du  Congo,  à  Bembé,  en  ter- 
ritoire portugais,  à  150  kilomètres  du  fleuve,  se  trouvent  d'autres  amas 
de  malachite  qu'une  société  anglaise  a  jadis  tenté  d'exploiter,  mais^ 
qu'elle  dut  abandonner  à  cause  de  la  difficulté  des  transports.  Entre  ces 
deux  points,  M'Boko-Songho  et  Bembé,  distants  de  plus  de  200  kilo- 
mètres, s'étend  la  vallée  du  Congo  qui  traverse  les  mêmes  terrains  que 
ceux  de  ces  deux  localités,  et  M.  Dupont  a  constaté  que  les  abords  du 
fleuve  sont  à  leur  tour  riches  en  malachite.  On  comprend  que  les  résul- 
tats de  l'exploration  de  M.  Dupont  soient  de  nature  à  réjouir  les  admi- 
nistrateurs de  l'État  indépendant  du  Congo. 

Celle  que  M.  le  capitaine  Van  Gèle  vient  de  faii-e  de  l'Oubanfi^i 
n'est  guère  moins  importante,  puisqu'elle  permet  de  dire  avec  certitude^ 
dès  aujourd'hui,  que  cette  rivière  est  le  cours  inférieur  de  l'Ouellé,  et 
d'espérer  qu'elle  deviendra  la  voie  de  pénétration  jusqu'à  la  limite  du 
bassin  du  Bahr-el-Ghazal.  Le  Mouvement  géographique  qui  a  publié  cette 
nouvelle,  airivée  à  Binixelles  le  15  mars,  par  une  dépêche  de  Saint-Paul- 
de-Loanda,  n'a  pu  donner  encore  beaucoup  de  détails.  Toutefois  il  nous 
apprend  qu'après  une  première  tentative  de  gagner,  par  l'Itimbiri,  la 
sériba  d'Ali-Kobo,  le  point  le  plus  occidental  de  l'Ouellé  exploré  par 
Junker,  M.  Van  Gèle  reçut  du  gouverneur  général  du  Congo  la  missiout 
de  faire  une  nouvelle  tentative  d'atteindre  ce  point  par  l'Oubangi.  Eu 
octobre  il  quitta  Léopoldville  avec  VEn  avant,  accompagné  des  lieute- 
nants Liénail  et  Dhanis  et  d'un  petit  détachement  de  soldats.  Il  réussit 
à  franchir  les  rapides  deZongo,  et  quoique  la  dépêche  soit  muette  sur  la 
navigabilité  de  la  rivière  en  amont  de  Zongo,  il  est  vraisemblable  que 
l'Oubangi  y  est  libre,  puisque  Van  Gèle  annonce  qu'il  est  parvenu  jus- 
qu'au 22°  de  long.  E.  Entre  ce  point  extrême  et  celui  atteint  par  Junker 
venant  de  l'est,  22°, 55'  long.  E.,  situés  tous  les  deux  à  peu  près  sous  la 
même  latitude,  il  ne  reste  qu'un  peu  moins  d'un  degré  du  cours  de  la 
rivière  à  reconnaître.  Van  Gèle  aura  exploré,  dans  ses  deux  voyages 
d'aller  et  de  retour,  l'embouchure  des  aflluents  de  l'Oubangi,  et  Ton 
pourra  apprécier  l'importance  plus  ou  moins  grande  de  l'expansion  du 
bassin  du  Congo  vers  le  nord. 

Un  correspondant  du  Moniteur  des  colonies  écrit  à  ce  journal  que 


—  m  — 

1  de  Brazza  ii'airètera  pas  les  progi-ès  de  Tœuvi-e 
Avant  son  départ,  il  a  chargé  d'une  nouvelle  mis- 
1  secrétaire  particulier  qui,  pendant  près  de  deux 
tes  ses  pérégrinations.  M.  Crampel  doit,  par  la 
endre  jusqu'à  Lastourville  pour  y  organiser  ses 
i  son  escorte  ;  de  là  il  franchira  la  ligne  de  par- 
ce ot  de  rOgôoué,  gagnera  Lékéti  sur  t'Âlima, 
)rdjusqu'auquairièmeparal]èIo  en  suivant  autant 
ae  ou  treizième  méridien  à  l'est  de  Paris.  C'est 
auc  n'a  eiicoi*  jamais  péuéti-é. 
teui-s  envoyés  ou  G«boii  par  le  Comité  des  mîs- 
?aris  sont  partis  de  Lisbonne  le  l>  février  par  le 
devaient  être  suivis  le  15  mait*  par  deux  aides 
à  Anvei-s.  Le  courrier  du  (iabon  a  apporté  au 
ti-e  du  D""  Hallay,  lieutenant  gouverneur  de  cette 
ces  envoyés  le  meilleur  accueil,  et  annonçant 
M)  francs  sera  faite  à  chacune  des  écoles  (le  la 
1  tête  de  lai^uelle  sei-a  placé  un  instituteur  fran- 
urs  envoyés  de  Paris,  l'un  sera  placé  k  Libreville, 
es  deux  auti-es  â  Kongoué,  station  située  .sur 
de  grandes  écoles  où  ils  trouveront  l'emploi  de 
1  missionnaire  sera  placé  également  à  Kongoué  et 
ins  de  M.  Good,  missionnaire  américain,  tout  ce 
ction  des  maisonti,  le  mode  de  voyager  dans  ces 
[>n  un  mot,  tout  ce  qui  le  i*endra  apte  k  assister 
ires  français  dès  leur  arrivée.  Les  bons  procédés 
le  vi-airaent  fi-aternelle  de  la  mission  américaine 
it  les  débuts  de  IVcuvi-e  fram^ise. 
int  d'infanterie  de  mai-ine,  qui  avait  coopéré  aux 
•te  du  Sénégal,  dressée  en  188(i  par  les  soins  de 
înies,  est  mort  au  cours  d'un  voyage  d'exploration 
IIS  le  Soudan  occidental.  Parti  de  Eamakou,  il  se 
oste  important  du  Niger  aux  élablissements  frau- 
[^  tei-ritoire  quMl  devait  traverser  n'avait  pas  été 
)uva  de  grandes  difficultés  pour  sortir  des  fitats 
iTuonta  que  grâce  à  son  énerçie  et  &  sa  connais- 
inœui-s  et  des  dialectes  des  régions  sénégalaises, 
qui  a  annoncé  son  décès,  ce  serait  dans  le  voisi- 
■  10°  lat.  nord  et  lO",»)'  long,  est,  qu'il  aurait 


—  112  —         « 

succombé,  à  peu  près  à  moitié  chemin  eutre  Bamakou  et  les  comptoii*s 
de  la  Côte  d'Or  \ 

Le  Bulletin  de  renseignements  coloniaux  a  reçu  d'un  de  ses  corres- 
pondants une  lettre  d'api*ès  laquelle  les  lliaro<3aiiis,  si  attachés  qu'ils 
soient  aux  vieilles  traditions,  semblent  peindre  le  goût  pour  les  longues 
courses  que  n'hésitaient  pas  à  entreprendre  leurs  ancêti-es.  Sur  500  à 
600  pèlerins  partis  du  E'harb  cette  année,  une  petite  minorité  ont  entre- 
pris le  voyage  par  terre,  encore  tous  ceux  qui  en  faisaient  partie 
venaient-ils  de  la  région  au  sud  de  l'Atlas,  et  n'auraient-ils  eu  que  peu 
d'avantages  à  s'embarquer  sur  l'Océan.  Tous  les  autres  ont  profité  des 
lignes  françaises  ou  anglaises  qui  desservent  la  côte. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Au  concours  général  agricole  de  Paris,  MM.  Fau,  Foureau  et  C'%  qui  ont  réussi 
à  planter  100  hectares  de  palmiers  dans  l'Oued-Ribr,  aux  portes  mêmes  du  désert, 
ont  obtenu  pour  leurs  dattes  la  plus  haute  récompense,  la  grande  médaille  d'or. 
Leur  exemple  a  entraîné  d'autres  explorateurs  :  MM.  Rolland  et  Treille,  qui  ont 
créé  également  des  oasis  entre  Biskra  et  l'Oued-Kihr. 

Les  relations  commerciales  entre  Biskra  et  Touggourt  acquérant  chaque  jour 
plus  d'importance,  il  est  question  de  créer  un  service  de  courriers  entre  ces  deux 
localités. 

M.  J.  Forest  aîné  qui  se  proposait  de  se  rendre  dans  le  Sahara,  pour  y  chercher 
des  emplacements  favorables  à  l'élève  des  autruches,  a  renoncé  à  son  projet,  mais 
il  a  offert  au  gouverneur  général  de  l'Algérie  une  centaine  d'autruches  à  remettre 
aux  Mzabites  dans  l'espoir  que  l'installation  de  parcs  à  autruches  pourra  prospé- 
rer dans  le  Mzab. 

M.  Massicault,  résident  général  à  Tunis,  a  visité  les  ruines  de  l'amphithéâtre 
d'Ed-Djem,  récemment  découvertes  à  70  kilom.  dans  le  désert  au  sud  de  Kairouan. 
Elles  ne  peuvent  guère  être  comparées  qu'à  celles  du  Colysée.  Le  plus  grand  axe 
a  148  m.  de  long;  les  trois  étages  encore  debout  mesurent  35  m.  de  hauteur  ; 
l'épaisseur  du  mur  d'enceinte  est  de  42  m.  Tout  l'édifice  est  construit  en  superbes 
pierres  de  taille,  décoré  extérieurement  de  soixante  arcades  espacées  de  colonnes 
d'ordre  composite  aux  premier  et  troisième  étages,  et  par  des  colonnes  d'ordre 
corinthien  au  deuxième.  Il  devait  pouvoir  contenir  environ  10,000  spectateurs. 

Les  ingénieurs  de  la  Compagnie  Bône-Guelma  hâtent  la  création  de  la  ligne 
Tunis-Kairouan,  pour  conserver  à  Tunis  le  commerce  du  sud  de  la  régence  qui 
pourrait  être  tenté  d'adopter  la  voie  de  Tebessa  à  Bône. 

'  A  la  dernière  heure,  un  télégramme  du  Niger,  transmis  par  Saint-Louis,  per- 
met de  douter  de  l'exactitude  de  celui  qui  annonçait  la  mort  du  lieutenant  Binger. 


-  118  — 

I>e  Df  Schliemann  s'est  renda  d'Athènes  en  Egypte,  pour  explorer  les  lieux 
occupés  par  l'ancienne  Alexandrie.  Après  cela,  il  entreprendra,  avec  le  professeur 
Virchow  un  voyage  d'exploration  de  trois  mois  le  long  du  Nil. 

L'Alliance  française  a  inauguré,  à  Assiout,  une  école  qui  compte  déjà  une 
centaine  d'élèves;  elle  a  quatre  professeurs  qui  enseignent  les  langues  française, 
arabe  et  anglaise  ;  la  géographie  et  l'histoire  ;  les  mathématiques,  la  physique,  la 
chimie,  la  comptabilité  ;  à  ces  travaux  d'études  s'ajoutent  encore  des  notions 
d'agriculture.  ' 

L'ingénieur  Robecchi-Bricchetti  est  parti  avec  M.  Giuseppe  Landriani  pour  le 
Harrar  et  le  Choa,  afin  d'étudier  la  nature  du  sol  an  point  de  vue  de  l'industrie 
agricole,  et  aussi  la  qualité  des  races  d'animaux,  spécialement  de  celle  des  chevaux. 
Le  voyage  qui  doit  durer  deux  ans  est  fait  avec  l'appui  de  la  Société  de  géographie 
•commerciale  de  Milan  ;  celle  de  géographie  de  Rome  a  fourni  aux  explorateurs 
des  instruments  pour  les  observations  scientifiques.  Ils  comptent  sur  la  protection 
du  roi  Ménélik. 

Les  stations  missionnaires  de  Msalala  au  sud  du  lac  Victoria-Nyanza  *et 
d'Ouyouy  ont  dû  être  abandonnées  par  suite  d'extorsions  de  la  part  des  chefs  indi- 
gènes. 

On  écrit  de  Lisbonne  au  Mouvement  géographique,  en  date  du  6  mars,  qu'un 
télégramme  arrivé  la  veille  a  confirmé  la  nouvelle  que  la  reine  des  Amatongas, 
du  pays  de  Mapouto,  a  reconnu  la  souveraineté  du  Portugal  sur  la  partie  de  son 
territoire  comprise  dans  les  limites  que  la  sentence  arbitrale  du  maréchal  de 
Mac-Mahon  assignait  à  ce  pays.  Par  le  fait  les  droits  du  Portugal  sont  admis 
dans  toute  la  baie  de  Lorenzo-Marquez. 

M.  F.-C.  Selous,  qui  connaît  bien  le  pays  des  Ma-Tébélé  et  qui  réside  d'ordinaire 
dans  cette  partie  de  l'Afrique,  dément,  dans  le  DUimond  Fields  Adt:ert%ser,  la 
nouvelle  du  massacre  commandé  par  le  roi  Lo-Bengula,  que  nous  avons  reproduite 
dans  notre  numéro  de  janvier. 

Une  ligne  télégraphique  a  été  établie  entre  le  Transvaal  et  la  nouvelle  Répu- 
blique des  Boers. 

Une  conférence  a  eu  lieu  à  Capetown  entre  les  délégués  de  la  colonie  du  Cap, 
de  Natal  et  de  l'État  libre  de  l'Orange,  pour  discuter  les  bases  d'une  union  doua- 
nière et  la  construction  de  diverses  lignes  de  chemin  de  fer.  Les  délégués  doivent 
communiquer  les  résolutions  de  la  conférence  à  leurs  gouvernements  respectifs  qui 
les  feront  connaître  au  public. 

I^e  ministère  des  affaires  étrangères  de  l'empire  allemand  a  décidé  la  création 
d'an  consulat  spécial  pour  la  République  sud-africaine,  et  a  chargé  de  ces  fonc- 
tions M.  Ritachl  jusqu'ici  consul  à  New-York.  Le  D*^  Bieber  demeure  consul  de 
l'Afrique  australe  anglaise  et  de  l'État  libre  de  l'Orange. 

Le  vapeur  le  Pemhroke  Castle,  parti  de  Dartmouth  pour  l'Afrique  australe  avait 
à  bord  une  centaine  d'émigrants  qui  comptaient  s'établir  dans  le  pays  des 
Be-Chuana,  entre  Vrybourg  et  la  rivière  Molopo. 

Il  s'est  formé  à  Berlin,  sous  le  nom  de  Syndicat  des  mines  d'or  de  l'Afrique 
australe  occidentale,  une  société  qui  a  pour  but  d'explorer  les  gisements  aurifères 


—  114  — 

dans  le  territoire  soumis  au  protectorat  de  l'Allemagne;  d'acquérir  des  concessions 
de  mines  d'or  et  de  pierres  précieuses;  d'en  organiser  l'exploitation,  et  de  fonder 
ensuite  une  société  à  laquelle  elle  vendrait  les  concessions  obtenues  et  exploitées. 
Le  comptoir  d'Escompte  de  Berlin,  la  banque  Bleichrœder  et  la  Banque  allemande 
font  partie  de  ce  syndicat. 

Sous  le  nom  de  Société  minière  africaine  allemande,  il  s'est  fondé  à  Berlin  une 
association  qui  se  propose  d'exploiter  les  gisements  aurifères  de  l'Afrique  australe 
occidentale.  M.  le  D^  Braumuller,  membre  du  comité  de  la  Société  polytechnique 
de  Berlin,  et  ingénieur  des  mines,  est  chargé  de  la  direction  d'une  expédition. 
Cette  entreprise  -est  indépendante  de  celle  que  dirige  le  syndicat  susmentionné. 

D'après  un  télégramme  de  Loanda  du  7  mars,  le  major  Henri  de  Carvalho  est 
arrivé  à  la  côte  ayant  ainsi  terminé  son  expédition  au  pays  du  Mouata-Yamvo. 

M.  G.  Wilmot  Brook  a  quitté  l'Angleterre  pour  se  rendre,  par  le  Congo,  chez 
les  tribus  du  Soudan  central,  où  il  compte  s'établir  comme  missionnaire.  11  écrivait 
le  2  octobre  de  Stanley-Pool,  «  sur  l'avis  des  personnes  les  plus  autorisées,  je 
rémonterai  l'Oubangi  jusqu'aux  rapides  de  Zongo,  puis,  par  canot,  jusqu'à  l'éta- 
blissement d'Ali-Kobo  sur  l'Ouellé  moyen.  » 

Jacques  de  Brazza  est  mort  des  suites  d'une  maladie  dont  il  avait  contracté  les 
premiers  germes  dans  ses  explorations  de  1883  à  1886,  entre  le  2°  lat.  nord  et  le 
2°  lat.  sud,  entre  le  Congo  et  l'Ogôoué.  Il  en  avait  rapporté  d'importantes  collec- 
tions exposées  aujourd'hui  au  Muséum  d^histoire  naturelle  et  au  Muséum  d'ethno- 
graphie du  Trocadéro. 

L'état  général  du  gros  bétail  à  Boma  est  toujours  excellent.  Les  moutons  arri- 
vés par  le  Vlaanâeren  sont  en  bonne  santé,  ainsi  que  les  ânes  de  Ténériffe  qui  ont 
beaucoup  gagné  depuis  leur  arrivée.  Au  31  janvier,  le  troupeau  comptait 
1 15  bœufs  et  49  moutons.  Celui  de  Mateba,  également  prospère,  comptait  40  veaux 
nés  dans  l'établissement. 

Un  deuxième  steamer  de  la  Sanford  Exploring  Expédition,  le  New-York,  est 
arrivé  à  Stanley-Pool  où  l'on  procède  à  son  remontage. 

Une  dépêche  de  Cameroon  a  annoncé  l'arrivée  dans  la  colonie  allemande  du  roi 
de  Samoa,  Maliétoa,  qui  y  restera  interné. 

Sir  James  Marshall  s'est  rendu  au  Niger  pour  y  organiser  l'administration 
judiciaire  dans  les  territoires  placés  sous  le  protectorat  britannique.  Il  a  emmené 
avec  lui  le  fils  de  Sir  Robert  Kane,  qu'il  compte  initier  aux  meilleurs  moyens  à 
employer  dans  les  rapports  avec  les  indigènes. 

On  mande  du  Sénégal  que  la  ligne  télégraphique  de  Niagassola  à  Séguiri,  le 
nouveau  poste  du  Niger  créé  par  le  colonel  Galliéni,  a  été  terminé  le  2  février. 

Une  vingtaine  d'ouvriers  parisiens  se  sont  embarqués  à  Bordeaux  pour  le 
Sénégal,  où  ils  vont  entreprendre  l'éclairage  de  la  ville  de  Saint-Louis  à  la 
lumière  électrique. 

Le  Moniteur  des  Colotiieft  annonce  qu'un  service  tri-hebdomadaire  de  courriers  à 
pied  a  été  inauguré  entre  Tanger  et  les  points  de  la  côte  du  Maroc  jusqu'à  Moga- 
dor  par  l'administration  espagnole  des  postes.  Ces  piétons  marchent  jour  et  nuit 
et  se  relèvent  de  ville  en  ville.  Ce  service,  qui  a  été  très  bien  accueilli  par  le  com- 


—  115  — 

merce,  fonctionne  en  combinaison  avec  celui  des  bateaux  à  vapeur  de  Cadix  à 
Tanger. 


LE  COMMERCE  OE  LA  GOMME  ARABIQUE 

Dans  notre  III"**  Année,  nous  avons  donné,  p.  73  à  77,  sur  le^  Amcias 
çoinmiers  en  Afrique,  un  article  dans  lequel  nous  avions  surtout  en  vue 
le  Sénégal  et  la  gomme  fournie  par  cette  colonie  française.  Nous  avions 
eu  garde,  cependant,  d'oublier  le  Soudan  oriental,  et  nous  avions  men- 
tionné entre  autres  l'installation  à  Khartoum  d'un  certain  nombre  de 
maisons  anglaises,  françaises,  italiennes,  pour  l'exploitation  de  la  gomme 
dite  arabique  dans  la  région  du  haut  Nil.  Les  succès  obtenus  au  début 
par  les  commerçants  européens  ont  naturellement  été  compromis  par  la 
révolte  du  Mahdi,  et  par  la  rupture  des  communications  avec  le  Caire  et 
Alexandrie  d'un  côté,  avec  Souakim  et  Massaoua  de  l'autre.  Il  en  est 
résulté,  pour  le  commerce  européen,  une  grande  perturbation  et  une 
augmentation  considérable  dans  les  prix  de  la  gomme.  Notre  attention 
ayant  été  attirée  sur  ce  fait  spécial,  nous  avons  tenu  à  nous  rendre  un 
compte  précis  des  changements  survenus  à  cet  égard,  et  nous  avons  été 
heureux  de  profiter  des  bons  offices  d'un  de  nos  compatriotes  pour  être 
mis  en  rapport  avec  la  maison  Gehe  et  C"  de  Dresde,  parfaitement  ren- 
seignée sur  ce  sujet,  afin  de  donner  à  nos  lecteui's  des  informatiouî^ 
exactes  sur  les  conditions  actuelles  du  commerce  de  la  gomme  du  Sou- 
dan. C'est  du  mémoire  que  cette  maison  a  bien  voulu  nous  adresser  que 
nous  extrayons  ce  qui  suit  : 

Il  y  a  sans  doute  en  Arabie  des  plantations  d'acacias  qui  fournissent 
de  la  gomme  ;  cependant  l'exportation  directe  de  produits  de  ce  pays 
est  fort  peu  de  chose.  C'est  à  la  gomme  africaine  que  l'on  donne  le  nom 
de  gmnme  arabique,  parce  qu'autrefois  et,  jusqu'à  un  certain  point, 
aujourd'hui  encore,  une  partie  de  la  gomme  fournie  par  la  côte  des  pays 
soraalis  et  parles  territoires  africains.de  la  mer  Rouge,  étîiit  d'abord 
envoyée  dans  les  ports  d'Arabie,  pour  être  de  là  réexpédiée  en  occident. 
La  gomme  dite  de  Djedda  doit  son  nom  au  port  d'Arabie  d'où  elle  est 
embarquée  pour  l'Europe.  Néanmoins,  c'est  bien  l'Afrique  qui  est,  à 
proprement  parler,  la  patrie  des  acacias  ou  mimosas  qui  sécrètent  la 
gomme.  Us  y  occupent  une  zone  qui  travei*se  le  continent  tout  entier,  du 
àSénégal  à  la  mer  Rouge,  par  le  Soudan,  la  Lybie,  la  Nubie  et  l'Egypte. 
On  trouve  aassi  des  forêts  de  mimosas  au  Sennaar,  sur  le  Nil  bleu,  en 
Abyssinie  et  dans  les  pays  somalis.  Toutefois  la  gomme  en  est  de  qualité 
inférieure.  La  meilleure  gomme,  la  blanche,  la  seule  qui  puisse  être 


—  116  — 

employée  en  médecine,  est  celle  qui  provient  de  V acacia  senegalensis  du 
Kordofan.  L'arbre  atteint  environ  six  mètres  ;  il  se  distingue  des  nom- 
breuses espèces  d'acacias  par  ses  fleurs  en  grappes  de  cinq  à  huit  centi- 
mètres de  long,  dépassant  de  beaucoup  las  feuilles,  ainsi  que  par  leur 
couleur  jaune  pâle,  presque  blanche.  La  \Taie  gomme  arabique  du  Kor- 
dofan forme  des  morceaux  oblongs  ou  sphériques,  ou  encore  vermiculai- 
res,  traversés  de  crevasses  nombreuses  et  se  cassant  facilement  comme 
du  verre.  Du  Kordofan,  elle  était  transportée  par  une  route  tendant  au 
nord  jusqu'à  Dalté,  port  sur  le  Nil,  ou  bien  par  Khartoum  au  Caire  et  à 
Alexandrie,  qui  étaient  les  deux  principaux  ports  d'exportation  pour  les 
meilleures  espèces  de  gomme  africaine. 

Les  qualités  inférieures  de  gomme  provenant  de  mimosas  du  sud  de 
l'Afrique  sont  transportées  à  la  côte  orientale,  d'où  elles  arrivent  en 
Europe,  en  partie  par  Bombay,  sous  la  désignation  de  gomme  des  Indes 
orientales. 

I/importance  de  la  récolte  de  la  gomme  subit  des  fluctuations  consi- 
dérables dues  surtout  aux  conditions  météorologiques  de  l'année.  En 
outre,  les  éléphants,  les  babouins,  les  antilopes  peuvent  exercer  de  grands 
ravages  en  arrachant  les  arbustes,  en  en  dévorant  les  feuilles  ou  en  en 
rongeant  Técorce. 

La  guerre  du  Soudan  et  Tanarchie  qui  en  est  résultée  ont  exercé  ces 
dernières  années  une  influence  pernicieuse  sur  la  production  et  sur  Tex- 
l)ortation  de  la  gomme  africaine.  La  quantité  exportée  a  diminué  d'année 
en  amiée;  aujourd'hui  on  n'en  exporte  plus.  Si,  malgré  cela,  la  gomme 
n'a  pas  fait  complètement  défaut  jusqu'ici,  cela  vient  de  ce  que  d'autres 
<*spèces  de  gomme,  de  Berbérie,  d'Australie,  des  Indes  orientales,  de 
Tunisie  et  d'Algérie,  ont  remplacé  dans  le  commerce  la  gomme  du  Kor- 
<lofan. 

La  statistique  des  deux  places  de  ïrieste  et  de  Londres,  les  centres 
])iincipaux  du  conmierce  de  la  gomme,  pennet  de  se  rendre  compte  de 
1.1  diminution  sui^venue  dans  la' production  de  la  gomme  africaine  et  de 
1  augmentation  de  celle  des  autres  pays  producteurs. 

Pour  Trieste,  l'importation  de  la  gomme  du  Kordofan  a  été 

en  18H0  de 20,r)37  surons '. 

18S1 1G,848 

1882 12,272 

188H 10,388 

1884 5,9^-} 

•  Colis  de  gomme  du  poids  de  80  à  90  kilog.  couverts  d'une  peau  de  bœuf  fraîche. 


—  117  — 

Tandis  que  la  gomme  importée  des  Indes  orientales  et  d'Arabie  à  Lon- 

dresaétéen  1880 de 9,530  surons. 

1881 9,267 

1882 12,807 

1883 14,985 

1884 18,677 

1885 31,110 

Ainsi,  pendant  que  l'exportation  de  la  gomme  africaine  pour  Trieste 
diminuait  d'année  en  année,  puis  cessait  tout  à  fait,  celle  de  Londres» 
non  seulement  n'a  point  diminué  ces  dernières  années,  mais  elle  a  aug- 
menté d'une  manière  notable,  ce  qui  s'explique  par  le  fait  qu'à  Londrea 
arrivent  essentiellement  les  gommes  des  Indes  orientales,  de  l'Australie, 
du  sud  de  l'Afrique,  qui  sont  entrées  dans  le  commerce  lorsque  le  man- 
que des  vraies  gommes  africaines  s'est  fait  sentir;  ce  sont  elles  qui,  de 
plus  en  plus,  sont  employées  aujourd'hui. 

Dans  ces  conditions-là,  et  à  mesure  que  l'importation  de.  la  gomme  du 
Soudan  a  diminué,  le  renchérissement  des  prix  s'en  est  suivi  naturelle- 
ment. Aujourd'hui,  la  vraie  gomme  naturelle  du  Kordofan  se  paie  jus- 
qu^à  340  shillings,  et  les  qualités  de  choix  jusqu'à  600  shillings  le  quintal, 
tandis  qu'en  1883  on  obtenait  les  mômes  qualités  pour  55  shillings  et 
100  shillings. 

11  est  probable  que  les  prix  des  gommes  se  maintiendront  longtempi^ 
encore  aux  taux  oii  ils  sont  cotés  aujourd'hui,  car  le  rétablissement  de 
Tordre  au  Soudan  ne  paraît  pas  prochain,  et  en  tout  cas  il  faudra  un 
certain  temps  avant  que  l'on  puisse  rassembler  les  récoltes  et  renouer 
I^  communications  commerciales  actuellement  interrompues. 


LA  RAMIE  EN  ALGÉRIE 

Nous  avoiis  parlé,  dans  notre  dernier  numéro,  p.  77,  des  encourage- 
ments accordés  par  le  gouvernement  français  à  la  culture  de  la  ramie 
dans  sa  colonie  algérienne.  Depuis  un  certain  nombre  d'années,  en  effet, 
des  essais  ont  été  faits  poiu*  y  introduire  cette  plante,  dont  les  propriétés 
textiles  peuvent  rivaliser  avec  celles  du  lin,  du  chanvre,  du  coton  et 
même  de  la  soie.  Des  rapports  ont  été  adressés  à  ce  sujet  au  ministère 
de  l'agriculture  ;  une  commission  dite  «  delà  ramie  »  a  été  nommée  pour 
s'occuper  de  la  question.  Le  moment  nous  paraît  venu  d'informer  nos 
lecteurs  de  ce  qui  a  été  fait  à  cet  égard,  en  disant  d'abord  quelques  mots. 


—  118  — 

de  la  plante  elle-même  et  des  usages  auxquels  elle  est  employée,  d'après 
les  reuseignemeuts  fournis  par  M.  Napoléon  Ney,  un  des  promoteurs  de 
cette  culture  en  Algérie,  dans  une  conférence  faite  le  28  décembre  de 
Tannée  dernière  au  Comité  de  l'Afrique  du  nord  de  la  Société  de  géo- 
graphie commerciale  de  Paris. 

La  ramie,  originaire  de  l'Asie  et  des  pays  équatoriaux,  est  une  plante 
de  la  grande  famille  si  variée  des  urticées.  C'est  une  oïlie  sans  dards, 
dont  on  compte  plusieurs  espèces  en  Chine,  au  Japon,  dans  l'Inde  et 
dans  l'Archipel  de  la  Sonde.  Elle  atteint  dans  ces  pays-là  de  1™  k  3""  de 
hauteur  ;  on  en  fait  jusqu'à  cinq  ou  six  coupes  par  an  et  elle  repousse 
comme  la  luzerne.  Elle  peut  s'acclimater  parfaitement  en  Algérie,  en 
Tunisie,  au  Sénégal,  à  la  Réunion.  Séparée  du  bois,  sa  fibre  constitue  un 
textile  précieux,  car  elle  est  plus  foi*te  que  le  meilleur  chanvre,  dit 
M.  Ney,  plus  fine  que  le  plus  beau  lin,  et  aussi  brillante  que  la  soie  aux 
reflets  les  plus  chatoyants. 

De  temps  immémorial  les  Chinois  ont  employé  la  ramie  aux  usages  les 
plus  divers  ;  ils  en  fabriquent  des  filets  de  pèche,  des  tissus,  des  vête- 
ments fort  beaux  imitant  la  soie  à  s'y  méprendre.  Elle  a  été  longtemps 
comme  sous  le  nom  d'ortie  de  Chine,  et  en  Angleterre  sous  celui  de  chi- 
nagrass.  Depuis  une  trentaine  d'années,  des  botanistes  et  des  industriels 
en  France  et  en  Angleterre  lui  ont  accordé  une  attention  particulière. 
A  chacune  des  expositions  internationales  qui  se  sont  succédé,  depuis 
celle  de  Londres  en  1851  jusqu'à  celle  d'Anvers  en  1885,  plusieurs 
industriels  qui  avaient  fait  venir  l'ortie  de  Chine,  où  la  fibre  textile  est 
séparée  du  bois  à  la  main  par  les  indigènes  aussitôt  après  la  coupe, 
avaient  fait  filer  et  tisser  cette  fibre  et  avaient  obtenu  des  résultats  ti-ès 
satisfaisants.  Mais  les  spécimens  exposés  provenaient  d'une  matière  tex- 
tile qui  arrivait  tout  apprêtée  de  l'extrême  Orient  et  dont  la  plante  n'était 
pas  acclimatée  en  Europe. 

Divers  jardins  botaniques  d'Europe  firent  dès  lors  des  expériences 
qui  prouvèrent  que  la  ramie  pouvait  prospérer  dans  les  climats  tempé- 
rés. En  France,  en  particulier,  de  nombreux  travaux  furent  publiés  sur 
l'origine  de  la  ramie,  sa  culture  et  ses  applications  industrielles.  En 
188H,  entre  autres,  M.  Harmand,  consul  général  de  France  à  Calcutta, 
adressa  au  ministre  des  affaires  étrangères  un  rappoii:  qui  fut  publié 
dans  le  numéro  de  mai  18<s7  du  Bulletin  du  ministère  de  l'agriculture,  et 
qui  traitait  de  la  ramie  au  point  de  vue  du  climat,  du  sol,  de  l'aménage- 
ment des  terres,  de  la  plantation  et  des  soins  au  point  de  vue  de  la 
récolte,  do  la  coupe  des  tiges,  du  rendement,  de  la  valeur  de  la  fibi-e 


—  119  — 

préparée,  de  la  préparation  mécanique  des  tiges,  des  divei*s  concoui's 
institués  par  l'Angleterre  en  faveur  des  meilleures  machines  à  décorti- 
quer et  qui  jusqu'alors  n'avaient  donné  que  des  résultats  incomplets,  etc. 

C'est  en  effet  de  la  décortication  que  dépend  l'avenir  industriel  de  la 
ramie  ;  c'est  l'insuflSsance  des  procédés  généralement  employés,  la  diffi- 
culté de  la  transformation  de  la  plante  en  fibre  textile,  qui  en  a  retardé 
l'apparition  sur  les  marchés  de  l'Europe  occidentale  comme  succédanée 
du  chanvre,  du  lin  et  de  la  soie,  et  qui  a  jusqu'à  présent  bYvété  l'exten- 
siou  de  cette  culture. 

Les  recherches  et  les  expériences  de  laboratoire  n'ont  cependant  pas 
manqué,  non  plus  que  les  inventions  de  machines  de  systèmes.divers  pour 
la  décortication.  M.  Ney  compte  que,  de  1883  à  la  date  du  1*'  octobre 
1887,  il  a  été  pris,  en  France  seulement,  517  brevets  ou  additions  de  bre- 
vets ayant  pour  objet  divers  systèmes  de  décortication  de  la  ramie. 

Deux  procédés  surtout  divisent  les  industriels  qui  s'occupent  de  cette 
question.  Les  uns,  estimant  qu'un  procédé  est  d'autant  plus  parfait  qu'il 
se  rapproche  davantage  du  procédé  naturel,  tiennent  pour  la  décortica- 
tion à  l'état  vert,  à  l'imitation  des  Chinois  ;  c'est-à-dire  que  les  machines 
quMls  proposent  traitent  la  plante  aussitôt  coupée,  alors  que  les  varia- 
tions de  température  et  la  tendance  à  fermenter  qu'elle  possède  au  plus 
haut  degré  n'ont  pas  encore  modifié  la  qualité  des  fibres,  au  point  de 
vue  de  la  ténacité  et  de  la  résistance  à  la  traction.  Poui*  les  autres  inven- 
teurs, l'impossibilité  de  décortiquer  assez  rapidement  à  l'état  vert  les 
quantités  considérables  de  tiges  qui  couvrent  un  champ  de  ramie,  leur  a 
fait  adopter  la  décortication  à  l'état  sec.  Dans  les  pays  chauds  et  secs, 
lei^  tiges  se  dessèchent  trop  vite  pour  être  bien  décortiquées  vertes;  dans 
les  pays  chauds  et  humides,  la  fennentation  hâtive  des  tiges  altérera 
leur  qualité  d'une  manière  irréparable.  D'où  résulte  la  nécessité  de 
décortiquer  en  un  temps  très  court,  ce  qui  exige  un  grand  nombre  de 
machiner  avec  une  main-d'œuvre  considérable,  travaillant  pendant  un 
temps  très  limité.  Le,s  machines  de  ces  derniers  inventeui-s  décortiquent 
donc  à  l'état  sec  les  tiges  de  ramies  amenées  de  loin  et  desséchées  dans 
des  magasins  ad  hoc. 

D'autres  machines  ont  été  inventées  pour  décortiquer  à  l'état  vert  et 
à  l'état  sec  à  la  fois.  Enfin  il  existe  un  procédé  original  qui  tient  des 
deux  systèmes;  c'est  celui  de  la  vapeur  chaude.  Les  tiges  desséchées 
^mt  placées  dans  des  caisses  de  bois  fermées  et  percées,  à  leur  partie 
inférieure,  de  trous  par  lesquels  arrive  la  vapeur  d'eau  qui  circule  à 
travei-s  les  tiges  séchées.  Quand  l'action  de  la  vapeur  a  duré  de  10  à  20 


—  120  — 

minutes,  on  ouvre  les  caisses,  et  la  décortication  à  l'état  humide  s'opère 
à  la  main,  selon  le  procédé  des  Chinois. 

L'expérience  acquise  par  M.  Ney  lui  fait  croire  seule  boime  la  décor- 
tication à  l'état  vert,  après  la  coupe  et  à  pied  d'œuvre,  à  la  condition 
d'avoir  une  machine  produisant  par  jour  une  forte  quantité  de  filasse. 

Entre  les  deux  parties  fibreuse  et  ligneuse  de  la  plante,  il  existe  une 
adhérence  produite  par  une  espèce  de  ciment  désigné  sous  le  nom  de 
pectose,  qui  est  un  gi*and  obstacle  à  la  décortication  et  qui  exige  un 
dégommage  complet  de  la  fibre  de  ramie.  C'e^t  sur  ce  point  que  la  com- 
mission de  la  ramie  a  porté  son  attention  en  dernier  lieu.  D'après  le 
Journal  officiel,  elle  a  entendu,  le  13  février  dernier,  une  communication 
de  M.  Frémy,  membre  de  l'Institut,  directeur  du  Muséum  d'histoire 
naturelle,  sur  les  résultats  auxquels  l'ont  conduit  ses  recherches  relati- 
vement aux  tissus  ligneux.  M.  Frémy  est  an-ivé,  pour  la  ramie,  à  sépa- 
rer l'épiderme  de  1  écorce,  c'est-à-dire  la  matière  jaune  de  la  matière 
fibreuse  dont  on  extrait  les  fils,  en  dissolvant,  par  certains  pi*océdés  chi- 
miques, les  substances  désignées  communément  sous  le  nom  de  gomrae 
et  qui  forment  l'espèce  de  ciment  susmentionnée.  Il  eu  ressort  que  si  le 
procédé  découvert  par  M.  Frémy  est  assez  pratique  et  économique  pour 
être  adopté  par  Tindustrie,  la  question  de  l'utilisation  de  la  ramie  en 
Occident  aura  fait  un  pas  en  avant. 

En  attendant,  quelles  ont  été  les  expériences  tentées  en  Algérie  au 
point  de  vue  de  la  culture  de  cette  plante  textile  V  D'après  le  Moniteur 
des  Colonies,  il  y  a  plus  de  trente  ans  que  le.^  premiei's  essais  ont  été 
faits,  et  cela  dans  la  province  d'Oran,  en  isôf).  Les  premières  graines  y 
ont  été  semées  par  des  Chinois  amenés  par  un  officier  attaché  à  l'ambas- 
sade de  Pékin.  Dès  lors  des  expériences  ont  été  faites  au  Jardin  d'essiii 
d'Alger,  dans  les  environs  de  Bouffarik  ;  elles  ont  été  concluantes,  et  éi 
la  culture  de  la  ramie  n'a  ptis  été  entreprise  en  grand  par  les  colons, 
cela  tient  uniquement  au  manque  d'une  machine  donnant  une  décorti- 
cation complète,  rapide  et  à  bon  marché.  En  1884,  le  ministre  du  com- 
merce d'alors,  M.  Hérisson,  donnaàM.  Ney,  qui  depuis  plusieui's  années 
s'occupait  de  la  question,  une  mission  officielle  à  ce  sujet.  M.  Ney  créa 
aloi's  dans  la  province  de  Constantine  une  plantation  pépinière  pour  étu- 
dier le  régime  de  la  plajite  en  Algérie,  dans  un  sol  propice  et  d'une  im- 
jïortance  suffisante  pour  lui  permettre  de  faire  des  expériences  de  décor- 
tication sur  une  grande  échelle  quand  le  moment  serait  venu.  Pendant 
les  trois  dernières  années,  M.  Ney,  avec  plusieurs  de  ses  amis,  étudia  de 
la  manière  la  plus  précise  tous  les  procédés  et  toutes  les  machines  nou- 


r 


Tellf*«  inventées  pour  k  décorticatioii  de  la  ramie,  notant  tous  1 
pris  realisé-s  successivement,  jusqu'au  jour  oii,  ayant  enfin  trou 
toHchinequi,  diaprés  lui,  ]-épondait  pleuienieut  aux  desiderata,  il  i 
à  (les  expériencej>  pratiques  qui  donnèrent  un  résultat  f!ivoral)le.  I 
dernière,  le  comice  agricole  lio  itoufl'arik  ouvrit  un  concours  j, 
machine  la  plus  parfaite.  Au  mais  de  juin  eurent  lieu,  près  de  (J 
»us  la  direction  de  M.  Ney  lui-même,  des  expériences  de  décoiM 
auxquelles  assistèrent  le  préfet  de  Constantine,  le  président  du 
{Ténéral,  plusieurs  conseillers  généraux  et  nombre  de  notabilités 
partemeut.  Au  point  de  vue  technique,  la  décortication  à  l'ét 
parait  un  résultat  acquis  ;  il  a  été  obtenu  au  moyen  d'une  niachi 
inmple,  très  résistante  et  d'un  prix  peu  élevé.  Le  gouverneur  géii 
l'Algérie,  frappé  des  résultats  obtenus,  manda  à  Alger  M.  Ne; 
offrit  son  bienveillant  appui.  A  la  demande  de  M.  Ney,  une  enqm 
cielle  fut  faite  sur  l'extension  prise  en  Algérie  par  !a  culture  de  la 
pt  cette  enquête  pennitde  constater  qu'il  existe,  à  l'état  de  pépi 
variant  entre  cinq  hectares  et  cinquante  centiare,  environ  seize  h 
plantés  en  ramie,  verte  ou  blanche,  ainsi  répartis  : 

Département  d'Oran 4  hectares. 

"  d'Alger fi        >• 

»  de  Constantine  ...   T        » 

Cela  peut  paralti-e  peu  de  chose  comme  plantation,  mais  il  y 
ces  seize  hectai-es  un  noml)re  considérables  de  plants  qui  pennet 
de  mettre  nipidement  en  valeur  une  vaste  superficie  de  terrain. 

Pour  le  développement  de  cette  cultui-e,  il  était  nécessaire  de 
si  |ji  vente  du  produit  en  serait  assurée  pour  les  planteui-s.  M.  Ne; 
amis  ont  vL^té  les  tilateurs  des  départements  du  Nord,  de  la  Non 
et  dePouest  de  la  Fi'ance,  et  ont  reçu  d'eiLX  des  offres  d'achat  p( 
ijUitntités  coiu^idéi-ables  à  des  prix  réniunérateui-s.  Les  déliouchi 
donc  ouverts  à  ceux  qui  voudront  se  livrer  à  cette  culture. 

Les  expériences  faîtes  montrent  que  la  plante,  en  Algérie, 
pieiue  valeur  au  bout  de  la  deuxième  année  et  (lu'elle  donne  de 
quatre  coupes.  En  prenant  des  niinima  pour  le  rendement  à  l'h 
et  tous  frais  déduits  pour  location,  cultui-e,  récolte,  décorticatioi 
M.  Ney  estime  que  le  bénéfice  net  dépasse  l,2i»U  francs  par  he( 

Kii  présence  de  la  dimitmtion  en  France  <les  cultures  du  li 
chanvre,  celle  de  la  ramie  dans  la  colonie  paraît  avoir  un  avenir 
Il  y  a  vingt-cinq  ans,  plusieurs  des  <lépartemcnts  français  prosp 
par  In  cultui-e  du  lin  et  du  chanvi-e  qui  uccupait  'AiO,tHM  hectan 


^H 


—  122  — 

jourd'hui,  85,000  hectares  à  peine  sont  employés  à  cet  usage.  La  France 
importe  annuellement  130  millions  de  kilogrammes  de  textiles  :  chanvre, 
lin,  jute,  etc.,  et  le  chiffre  en  augmente  chaque  année.  Les  filateurs 
français  se  sont  naturellement  préoccupés  de  cet  état  de  choses  et  oui 
exprimé  le  vœu  que  la  ramie  fût  cultivée  en  terre  française.  L'un  d'eux 
écrivait  de  Roubaix,  en  1887  :  «  Tout  le  monde  connaît  l'extrême  l>on 
marché  du  coton  de  qualité  courante,  mais  tout  le  monde  ne  sait  pas 
l'influence  qu'exercera  ce  textile  sur  les  industries  similaires  du  lin,  de 
la  laine  et  de  la  soie.  A  l'époque  oii  nous  vivons,  le  premier  pas  est  au 
bon  marché,  fût-ce  même  au  détriment  de  la  qualité,  et  les  nécessités 
de  la  concurrence  forcent  l'industriel  à  de^  combinaisons  de  matières 
qui  le  portent  de  plus  en  plus  vei*s  le  textile  du  prix  le  plus  bajs.  Malgi-é 
toutes  ces  concessions,  le  lin  ne  peut  plus  lutter  contre  le  coton  ;  en  un 
mot  cette  industrie,  si  impoilante  à  une  certaine  époque,  est  aujourd'hui 
menacée  de  crouler.  Le  remède  à  cette  situation  ne  peut  être  que  dans 
la  venue  d'une  nouvelle  matièi*e  textile  ;  c'est  ici  qu'apparaît  toute  Tini- 
portance  de  la  ramie  qui  est  certainement  une  plante  exceptionnelle.  » 

Le  pays  qui  entreprendra  le  premier,  sur  une  grande  échelle,  la  cul- 
ture de  ce  textile,  est  assuré  d'y  trouver  un  produit  très  rémunéra- 
teiu*.  Le  Moniteur  des  Colonies  a  annoncé,  il  y  a  quelque  temps  déjà, 
qu'une  puissante  compagnie  anglaise,  au  capital  de  880,000  liv.  str., 
soit  22  millions  de  francs,  s'est  constituée  en  Angleterre  pour  le  déve- 
loppement et  la  culture  de  la  ramie  dans  les  possessions  anglaises  de 
l'Inde.  De  son  côté,  le  Moniteur  de  VAlf/érie  reçoit  d'un  correspondant 
l'avis  que  M.  Numa  Bothier,  un  des  propagateui's  de  la  ramie  en  Algérie, 
a  reçu  d'Amérique  une  conunande  fenne  de  200,000  pieds  de  ramie,  et 
que,  si  ce  premier  envoi  réussit,  d'autres  demandes  suivront. 

Ces  circonstances  expliquent  les  raesui'es  adoptées  par  le  gouverne- 
ment français  pour  encourager  en  Algérie  les  plantations  de  ramie.  In- 
dépendamment des  primes  annuelles  de  800,  5<X),  et  KXX)  francs  pour  les 
cultures  les  plus  soignées,  dont  nous  parlions,  il  y  a  un  mois,  la  Com- 
mission de  la  ramie  a  proposé  au  gouvernement  d'affecter  chaque  année 
une  somme  de  60,0(X)  francs  à  des  expériences,  des  missions,  des  ré- 
compenses, et  d'instituer  un  prix  de  20,000  francs  pour  la  meilleure 
machine  à  décortiquer  présentée  dans  le  délai  d'un  an.  Les  épreuves 
pratiques  auraient  lieu  publiquement  au  ConseiTatoire  des  Arts  et  Mtv 
tiers  en  présence  d'un  jury  nommé  par  le  ministre  de  l'agriculture. 


—  123  — 
CORRESPONDANCE 

Xeltres  de  Pretoria,  de  Jf.  A.  Demafrej'y  Ingénienr  des  mloes^ 

Pretoria,  13  février  1888. 
Cher  Monsieur, 

J'ai  reçu  votre  très  aimable  lettre  du  30  décembre. 

A  mon  retour  du  Ma-Tébéléland,  j'avais  l'intention  de  vous  envoyer  mon  itiné- 
raire; mais,  comme  il  a  été  décidé  que  je  retournerai  au  pays  des  Ma-Tébélé  er^. 
qualité  de  Directeur  de  la  Tati  Concession,  pour  une  année  au  moins,  que  j'aurai 
par  conséquent  l'occasion  de  compléter  et  de  rectifier  mon  premier  itinéraire,  je- 
préfère  attendre  de  vous  envoyer  mes  notes,  qu'elles  soient  assez  complètes  pour 
que  vous  puissiez  en  tirer  parti  et  publier  dans  V Afrique  une  nouvelle  carte  du. 
Ma-Tébéléland.  D'autant  plus  que  cette  fois  j'emporte  avec  moi  tous  les  instruments- 
nécessaires  pour  faire  des  observations,  et  que  je  me  propose  dç  faire  la  triangu- 
lation de  la  Tati  Concession,  par  conséquent  de  relever  exactement  le  cours  de» 
rivières  Shashi,  Tati  et  Romakabane,  depuis  leur  jonction  jusqu'à  leurs  sources, 
n  y  a  un  point  que  je  veux  élucider  :  la  rivière  Makloutsie  se  jette-t-elle  dans  la 
Shashi,  ou  bien  directement  dans  le  Limpopo  ?  Presque  toutes  les  cartes  que  j'ai 
vues  montrent  la  Makloutsie  se  déversant  dans  la  Sashi,  mais  d'après  les  rensei- 
gnements que  j'ai  obtenus  de  chasseurs  qui  connaissent  bien  la  contrée,  la  Ma- 
kloutsie coulerait  directement  dans  le  Limpopo. 

Je  vais  me  mettre  en  route  pour  Gouboulououayo,  ou  plutôt  je  suis  déjà  ei» 
route,  car  ma  petite  caravane  est  campée  à  quelques  milles  d'ici,  sur  le  bord  d'un 
spruit  qu'elle  ne  peut  pas  franchir.  Nous  avons  eu  ces  jours-ci  des  pluies  torren- 
tielles et  les  plus  modestes  ruisseaux  sont  transformés  en  torrents. 

J'ai  reçu  le  numéro  de  V Afrique  dans  lequel  vous  avez  eu  l'obligeance  de- 
publier  les  quelques  renseignements  que  je  vous  avais  envoyés  sur  les  mines  dià 
Transvaal. 

Le  ScJitcindel  (vertige)  existe  toujours,  quoiqu'il  ne  soit  pas  aussi  vivace  qu'il  y- 
a  dix  ou  douze  mois.  Mais  on  flotte  des  compagnies  pour  des  sommes  insensées^ 
nullement  en  rapport  avec  la  richesse  des  mines.  Un  trop  gros  capital  peut  tuer 
la  meilleure  mine  du  monde  ;  d'autant  plus  que  la  presque  totalité  du  capital  va 
dans  la  poche  des  vendeurs. 

Les  mines  de  Moodies,  ou  pour  mieux  dire  les  cinq  mines  qui  se  trouvent  sur  le- 
Pioneer  Reef,  se  sont  fusionnées.  La  nouvelle  compagnie  s'appelle  la  United 
Pioneer  Gold  Mines  C**,  avec  un  capital  de  140,000  L.  dont  96,000  pour  les  ven- 
deurs. C'est  relativement  raisonnable  et  je  crois  que  cette  compagnie  a  des  chances> 
sérieuses  de  réussite. 

A  Johannesburg,  on  fait  plus  de  bruit  que  d'ouvrage.  11  y  a  là  quelques  très, 
bonnes  mines  qui  pourraient  donner  de  beaux  dividendes  si  elles  étaient  tra- 
vaillées convenablement.  Mais  très  peu  sont  réellement  préparées  pour  l'exploi- 
tation. 


—  1:34  — 

Od  a  découvert  ces  derniers  mois  de  couveauK  gisements  aurifères  aux  Zoutpaos- 
Iterg,  à  Malmun  et  dans  plusieurs  autres  endroits.  Je  ne  les  si  pas  visités,  mais 
<l'après  les  renseignements  que  j'ai  eus,  on  n'a  jusqu'à  présent  rien  trouvé  de 
■vraiment  sérieux. 

Les  nouvelles  qui  arrivent  du  Ma-Tébéléland  sont  sujettes  à  caution.  Je  n'imaginais 
pas  que  l'histoire  du  massacre  de  150  noirs  vous  fût  parvenue,  autrement  je  vous 
aurais  écrit  de  suite  pour  la  démentir.  Je  connais  Seloue,  je  l'ai  rencontré  derniè- 
rement à  Kiniberley  ;  il  était  très  vexé  et  a  écrit  une  lettre  fort  vive,  en  réponse  aux 
articles  parus  dans  le  Standnrd.  Cette  lettre  a  été  publiée  dans  te  Diamond  fieJda 
Advertiser  du  20  janvier.  Je  voua  enverrai,  de  Tati,  les  nouvelles  mue»  du  Ma-Té- 
béléland. Lo-Bengula  s'est  placé  sous  le  protectorat  du  Transvaal;  le  Président 
Krflger  me  l'a  affirmé. 

Jeppe  va  publier  une  nouvelle  carte  du  Transvaal  comprenant  la  partie  sud  du 
pays  des  Ma-Tébélé.  Vous  y  verrez  mon  itinéraire  de  retour  de  Tati. 

Pretoria,  U  février  1888. 

Dans  ma  lettre  d'hier  j'ai  oublié  de  vous  parler  du  chemin  de  fer  de  la  baie  de 
Delagoa.  Vous  me  demandez  pourquoi  le  gouvernement  du  Transvaal  ne  continue 
pas  la  ligne. 

Voici  ce  que  j'ai  enteudu  dire  à  ce  sujet  : 

Le  chemin  de  fer  appartient  à  une  compagnie  porlitgaise,  de  nom  seulement. 
£n  réaiiti^  elle  est  dans  les  mains  d'nn  Américain  —  M.  Mullan,  je  crois  —'et  le 
«apital  a  été  fourni  par  des  Anglais. 

Les  tarifs  de  douane  4  Delagoa-Bay  sont  beaucoup  moins  lourds  que  ceux  de 
Natal  et  de  la  Colonie  du  Cap.  Mais  les  tarifs  de  la  compagnie  sont  tellement 
élevés  que  la  différence  est  plus  que  compensée. 

Le  gouvernement  du  Transvaal  dit  :  Réduisez  vos  tarifs,  et  je  ferai  la  ligne 
jusqu'à  Pretoria.  Sinon,  exploitez  votre  ligne  comme  vous  pourrez,  mais  ne  passez 
pas  sur  le  territoire  du  Transvaal.  C'est,  comme  vous  voyez,  une  simple  question 
de  tarifs.  Je  pense  qu'il  s'écoulera  encore  un  long  temps  avant  que  Pretoria  voie 
une  locomotive.  Pour  le  moment  nous  sommes  bloqués  dans  Pretoria,  à  cause 
des  pluies.  Le  service  postal  est  interrompu  depuis  trois  jours.  Il  n'existe  pas  de 
ponts  au  Transvaal  et  les  routes  (?)  sont  dans  un  état  pitoyable. 

Je  pense  que  j'aurai  un  voyage  pénible  jusqu'à  Shosliong.  Si  j'y  arrive  dans 
trois  semaines,  je  serai  bien  content. 


A.  Denapfev. 


BIBLIOGRAPHIE  ■ 


Rér.  W.  Hulma»  Bentley.  Dk^ionary  and  Goammar  of  the  Kosimi 
i.AXfU'AiiE,  AS  si'OKKN  AT  San  Salvarok.  Loiidoi)  (_Baptist  miiiâioiiarY 

■  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H,  Gcorg,  à  Genève  et  à  Bile,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  l'Afrique  ej^orée  el  eiviiiiie. 


—  125  — 

Society),  188G,  itt-S**,  22  p.—  Cet  opuscule  n'est  (jue  la  préface  d'un 
ouvrage  qui  doit  être  assez  considérable  et  que  M.  Bentley  a  dédié  au 
roi  des  Belges.  M.  Cust  a  bien  voulu  faire  précéder  cette  préface  d'une 
courte  introduction.  L'ouvrage  a  été  préparé  pour  la  raission  baptiste 
au  Congo.  L'auteur,  qui  a  fait  partie  de  cette  raission,  est  re^té  cinq 
ans  dans  la  région  du  Congo  inférieur.  Revenu  en  Europe,  il  a  classé 
ses  matériaux  et  rédigé  son  livre.  La  langue  congolaise  qui  est  parlée  à 
San  Salvador,  ancienne  capitale  de  l'empire  du  Congo,  n'est  en  réalité 
qu'une  des  nombreuses  formes  du  langage  usité  dans  le  bassin  du  grand 
fleuve.  Cet  idiome  prend  place  à  côté  du  souahéli,  du  zoulou,  du  pon- 
goué,  comme  une  des  langues  typiques  de  la  grande  famille  bantôu. 
Tout  en  différant  les  uns  des  autres  par  plusieurs  particularités,  tous 
ces  idiomes  présentent  certaines  affinités  qui  indiquent  leur  commune 
origine.  Par  suite  de  son  long  séjour  dans  le  pays,  M.  Bentley  a 
pu  résoudre  divei-ses  questions  qui  éclaireront  d'un  jour  nouveau  cette 
étude  à  peine  commencée.  Dans  la  préface  il  raconte  la  découverte  du 
Congo,  l'histoire  des  missions  dans  ce  bassin,  et  établit  les  règles  qui 
ont  servi  de  base  à  son  ouvrage. 

ly  Karl  Wilfielm  Schmidt.  Zanzibar.  Ein  ostafrikanisches  Cultur- 
Bild.  Mit  15  Abbildungen  und  einemPlan.  Leipzig  (F.-A.  Brockhaus)» 
1888,  iu-8%  184  p.,  fr.  G.  —  Il  serait  difficile,  sinon  impossible,  de  trou- 
ver une  monographie  plus  complète  de  la  ville  de  Zanzibar.  L'auteur, 
qui  est  resté  pendant  dix-huit  mois  au  service  de  la  Société  allemande 
de  l'Afrique  orientale,  a  résidé  tantôt  à  Zanzibar  même,  tantôt  à  l'inté- 
rieur du  continent.  11  a  su  observer,  recueillir  des  matériaux,  des  statis- 
tiques, et,  de  retour  en  Europe,  il  publie  une  description  très  détaillée 
de  cette  ville  intéressante,  sur  laquelle  l'attention  de  l'Europe  s'est 
longtemps  portée  pendant  les  grands  voyages  de  Speke,  de  Livingstone^ 
de  Stanley,  etc.  Dans  cette  étude,  rien  de  ce  qui  intéresse  une  cité  n'a 
été  omis;  le  lecteur  voit  passer  devant  lui,  la  ville,  son  port,  ses  rues» 
ses  maisons  de  constructions  diverses,  le  palais  du  sultan,  les  principa- 
les places  de  la  ville  et  les  différents  types  composant  la  population 
bigarrée  qui  s'y  presse.  Sur  les  2(X),0(X)  habitants  que  compte  l'île 
entière  de  Zanzibar,  la  ville  à  elle  seule  en  renfenne  80,000,  ce  qui  est 
le  double  de  ce  qu'elle  comptait  il  y  a  25  ans.  Les  Arabes  et  les  Nègres 
forment  le  fond  de  ce  peuple.  Comme  étrangers,  l'on  trouve  environ 
5000  Hindous,  des  Beloutchis,  des  Persans,  et  seulement  80  Européens 
pour  la  plupart  Anglais  ;  tous  -obéissent  sans  difficulté  au  sultan  Saïd 


—  126  — 

JBargasch,  dont  l'ouvrage  donne  un  beau  portrait  ainsi  qu'un  auto- 
-graphe. 

Les  deux  derniers  chapitres  sont  consacrés  au  commerce  et  aux  cou- 
-ditions  climatériques  et  sanitaires  de  Zanzibar.  Tous  les  faits  qui  s'y 
rattachent  sont  exposés  en  détail  avec  chiffres  à  l'appui.  La  tempéra- 
ture moyenne  annuelle  de  Zanzibar  est  de  22'',5;  cette  chaleur,  jointe  à 
rhumidité,  cause  différentes  maladies  que  l'auteur  énumère  les  unes 
après  les  autres,  avec  leur  caractère  principal  et  le  traitement  à  suivre. 

Plusieiu^  gravures  bien  exécutées  illustrent  cet  ouvrage,  qui  se  tei^ 
mine  par  un  plan  de  Zanzibar  au  1  :  25,000. 

Hermann  Soyaux,  Deutsche  Arbeft  in  Afrika.  Erfahiningen  un«l 
Betrachtungen.  Leipzig  (F.-A.  Brockhaus),  1888,  in-8%  182  p.,  fr.  4,5(). 
—  Ce  livre  est  une  étude  forte  et  mûrie  de  l'état  actuel  de  la  colonisation 
allemande  en  Afrique  et  de  son  avenir.  Ayant  séjourné  près  d'une 
<iizaine  d'aimées  dans  l'Afrique  équatoriale,  et  ayant  eu  l'occasion  d'eu 
étudier  les  ressources  et  le  commerce,  l'auteur  se  croit  en  droit  de  don- 
ner à  ses  compatriotes  des  conseils  sur  la  manière  de  faii'e  valoir  leurs 
récentes  acquisitions.  Les  différents  sujets  qu'il  passe  successivement  eu 
revue  se  rapportent  principalement  à  l'état  actuel  de  nos  coimaissances  eu 
géographie  et  en  histoire  naturelle  sur  l'Afrique  allemande,  à  son  climat, 
à  sa  floi-e  et  aux  produits  qu'on  peut  en  exporter,  au  rôle  des  indigènes 
comme  travailleurs  dans  les  plantations,  enfin  à  la  méthode  à  suivre  pour 
-arriver  à  tirer  le  meilleur  parti  des  colonies.  Cet  ouvrage  renferme  un 
grand  nombre  de  renseignements  nouveaux  très  intéressants,  et  beau- 
coup d'indications  utiles  dictées  par  une  longue  expérience. 

M.  Soyaux, est  tout  à  fait  partisan  de  la  politique  coloniale,  mais  il  ne 
se  dissimule  pas  la  difficulté  de  l'œuvre  entreprise,  ni  les  sacrifices  im- 
menses que  la  nation  et  les  particuliers  devront  s'imposer  avant  de 
retirer  un  bénéfice  réel  de  l'exploitation  des  colonies.  Il  croit  qu'on 
se  fait,  en  Allemagne,  à  l'égard  des  possessions  africaines,  une  idée 
erronée,  par  suite  des  descriptions  souvent  fantaisistes  de  voyageui-s 
sans  expérience,  doués  d'un  optimisme  exagéré  ;  aussi  tient-il  à  dire  la 
vérité  et  rien  de  plus.  Le  grand  obstacle  à  la  colonisation  vient  du  cli- 
mat, en  général  malsain,  qui  empêchera  toujours  les  possessions  alle- 
mandes d'être  des  colonies  de  peuplement,  et  pourtant  ce  sont  des  colo- 
nies de  ce  genre  qui  conviendraient  le  mieux  à  l'Allemagne,  étant  donné 
le  nombre  considérable  d'émigrants  qu'elle  fournit.  Les  nègres  seront 
encore  longtemps  en  Afrique  les  seuls  travailleurs  sur  lesquels  on  puisse 


—  127  — 

corapter.  Par  quel  moyen  arriver  à  les  utiliser  ?  telle  est  la  question  qui 
se  pose  dans  tous  les  établissements  européens  de  la  région  équatoriale. 

P.  Clavenad.  Une  mission  dans  i.e  Sud-Oranais.  Paris  (librairie 
ancienne  et  moderne  de  S.  Pitrat),  1888,  in-8*,  125  p.  54  figures,  vues 
et  coupes  géologiques.  —  Chargé  de  l'étude  d'un  chemin  de  fer  de 
Tiaret  à  El-Maïa,  M.  Clavenad,  directeur  du  service  municipal  de  la 
voirie  de  Lyon,  expose  dans  cet  ouvrage,  tiré  à  200  exemplaires  seule- 
ment, sa  manière  de  procéder  et  les  i-ésultats  de  son  travail.  C'est  dire 
qu'il  s'agit  surtout  d'une  étude  topographique  et  géologique.  Les  procé- 
dés employés  pour  faire  la  triangulation  de  la  contrée,  la  marche  des 
opérations  géodésiques,  la  déteimination  des  terrains  que  traverserait 
la  ligne  projetée,  les  obstacles  à  surmonter  fonnent.  avec  la  description 
de  la  route  suivie  par  l'expédition,  le  sujet  principal  du  mémoire.  A  cela 
l'auteur  ajoute,  sur  les  dunes  du  Sahara,  des  considérations  qui,  par  le 
fait  surtout  qu'elles  ne  s'accordent  pas  complètement  avec  les  théories 
actuelles,  présentent  un  réel  intérêt.  Pour  lui,  les  dunes  ne  sont  pjis 
dues  au  transport  des  sables  par  le  vent,  mais  constituent  des  formations 
quaternaires  en  place,  désagi'égées  déjà,  ou  en  voie  de  désagrégation 
progressive.  C'est  à  l'action  do  l'eau  et  non  h  celle  du  vent  qu'il  faut 
l'ecouiir  pour  expliquer  la  formation  des  dunes.  Ce  sont  les  grands  cou- 
rants quaternaires  dont  les  torrents  actuels  ne  sont  que  les  représentants 
dégénérés  qui  seuls  ont  pu  jeter  à  la  surface  du  Sahara  de  pareils  dépôts. 
Du  reste,  le  phénomène  qui  les  a  produites  se  continue  de  nos  jours,  car 
certains  terrains  se  désagrègent  continuellement,  et  les  vents  et  les 
eaux  en  entraînent  les  débris.  Les  transports  de  sable  seront  donc  bien 
certainement  un  des  gi-ands  obstacles  des  futures  lignes  saharieinies  ; 
toutefois,  M.  Clavenad  croit  (^u'on  en  a  beaucoup  exagéré  l'importance. 
Les  renseignements  qu'il  donne  sur  le  mouvement  des  sables  des  dunes, 
«ur  la  possibilité  et  le  moyen  de  les  traverser  sont  plutôt  rassurants. 
Les  ouvrages  (le  défense,  nuls  lorsqu'il  s'agirait  seulement  de  dunes  peu 
élevées,  ne  prendraient  de  l'importance  que  dans  le  cas  de  hautes 
dunes,  dont  on  annulera  les  dangers  par  des  travaux  de  fixation  et  l'éta- 
blissement de  tunnels  et  de  parasables.  Ainsi,  la  constiniction  de  voies 
ferrées  dans  le  Sahara  présentera  probablement  moins  de  difficultés 
techniques  qu'on  ne  le  présumait  il  y  a  quelques  années.  Toutefois,  das 
considérations  d'ordre  politique  empêcheront  pour  longtemps  encore  d'y 
«onger  sérieasement.  En  attendant,  M.  Clavenad  appuie,  au  moyen  de 
nombreux  arguments,  l'établissement  de  voies  de  pénétration  à  travei^s 


> 


—  128  — 

le  Sahara  algérien,  ot  en  particulier  celle  de  Tiaret  à  El-Maïa,  qui  aurait 
d'excelleuts  effets  au  point  de  vue  militaire  et  économique.  • 

Louis  Delavaud.  La  politique  coloniale  de  l'Ali^magne.  Extrait 
des  Annales  de  l'École  libre  des  sciences  politiques.  Paris  (Félix  Alcan), 
1887,  in-8",  r>()  p.  —  Il  est  bien  tard  pour  signaler  ces  deux  articles 
parus  à  la  fin  de  l'année  1886.  Toutefois  étant  doimées  leur  réelle 
valeur  et  leur  actualité,  on  nous  permettra  d'en  dire  quelques  mots. 
Notre  journal  a  consacré  au  sujet  traité  par  M.  Delavaud  de  nombi-eux 
article^s  et  bien  de^  pages  de  son  Bulletin  mensuel  ;  aussi  n'avons-nous 
pjis  été  étonnés  de  le  voir  constanunent  cité  dans  les  articles  en  question. 
Mais  il  ne  nous  avait  pas  été  possible  d'exposer  d'une  façon  complète 
l'histoire  des  acquisitions  allemandes,  non  plus  que  le  côté  purement 
politique  de  la  question.  C'est  la  tâche  que  s'est  donnée  M.  Delavaud  et 
qu'il  est  parvenu  à  accomplir,  en  cherchant  à  oublier  autant  que  possi- 
ble sa  qualité  de  citoyen  français.  Sauf  quelques  rares  et  insignifiantes 
exceptions,  ses  articles  sont  écrits  sans  chauvinisme  et  à  un  point  de  vue 
plutôt  objectif  que  subjectif;  en  outre  son  exposé  est  clair,  méthodique, 
intéressant  et  facile  à  lire,  malgré  l'accumulation  des  faits  cités.  Après 
avoir  décrit  la  situation  de  l'Allemagne  comme  pays  d'émigi*ation,  d'in- 
dustrie et  de  commerce,  il  raconte  la  création  d'établissements  coloniaux 
en  Océanie,  et  la  lutte  d'influence  avec  l'Angleterre,  la  France,  les  États- 
Unis  et  l'Espagne,  à  laquelle  elle  a  donné  lieu.  L'histoire  de  la  fonda- 
tion des  colonies  allemandes  en  Afrique  vient  ensuite  avec  quantité  de 
détails  dont  beaucoup  sont  peu  coimus.  Il  e^t  surtout  intéressant  de  sui- 
vre le  développement  de  l'idée  d'expansion  coloniale  chez  le  peuple 
allemand  et  particulièrement  au  sein  du  Reichstag,  qui  d'abord  n'y 
pensait  pas,  puis  est  devenu  franchement  hostile,  et  s'est  ensuite  rallié 
presque  complètement  à  la  politique  du  chancelier.  Les  colonies  alle- 
mandes n'étant  pas  des  colonies  de  peuplement,  mais  seulement  des  éta- 
blissements de  commerce  ou  d'exploitation  au  moyen  des  indigènes,  on 
peut  se  demander  avec  M.  Delavaud  quels  seront  les  procédés  employés 
pour  en  tirer  parti  et  quel  rôle  elles  joueront  au  milieu  des  autres  éta- 
blissements européens  V  C'est  l'avenir  qui  se  chargera  de  répondre  à  cette 
double  question,  au  sujet  de  laquelle  il  serait  téméraire  de  hasarder 
aujourd'hui  des  appréciations  manquant  de  base  solide  et  de  précision. 


—  130  — 
nelle  du  pays  avec  la  religion  des  vainqueurs,  s'est  couverte  de 
elles  sculptures  daus  le  style  de^  vieilles  mosquées.  Dans  un  ordi-e 
s  plus  pratique,  l'ficole  de  droit  compte  deux  cents  élèves  —  le 
î  d'une  bonne  Faculté  française  —  qui  répandront  autour  d'eux  la 
issance  de  nos  lois.  Enfin,  le  professeur  de  zoologie,  M.  Viguier, 
ne,  sur  la  jetée  même  du  port,  riostallation  d'uu  laboratoire  mari- 
inerveilleusement  outillé  pour  les  études  les  plus  délicates,  fort 
esque  par-dessus  le  marché,  avec  ses  ci-éneaux  moresques,  et  qui, 
avoir  coûté  beaucoup  moins  cher  que  la  fameuse  statiou  zoologique 
iples,  n'en  rendra  pas  moins  autant  de  services  aux  savants.  J'y  ai 
è  déjà  installés  deux  jeunes  zoologis^  envoyés  par  le  Jluséum 
oire  naturelle  de  Paris.  « 

•es  la  clôture  du  Congrès,  vingt-trois  de  ses  membres  se  sont  reu- 
TonsKouFt,  pour  visiter  les  nouvelles  oasis  de  création  frau- 
de rOued-Ribr,  et  se  rendre  compte  de  visu  de  la  colonisation 
ienne.  M.  Itolland,  ingénieur,  administrateur  délégué  de  la  Société 
tna  et  du  sud-algérien,  avait  pris  l'initiative  de  cette  excursion.  La 
ane  devait  recevoir  l'hospitalité  dans  les  bor(\J8  do  la  susdite 
■A,  et  M.  Jus,  un  des  ingénieurs  qui,  par  ses  nombreux  forages  de 
artésiens  et  ses  plantations  de  palmiers,  ont  le  plus  fait  pour  le 
)ppement  de  la  région  des  oasis,  devait  lui  servir  de  guide.  Elle  a 
rendre  compte  du  changement  survenu  dans  l'Oued-RIbr  depuis 
époque  à  laquelle  fut  foré  le  premier  puits  artésien  du  Sahara,  à 
ma-Djeddida.  Alors  cette  région  dépéi-issait  et  était  presque  aban- 
le.  Aujourd'hui  les  plantations  de  palmiers  de  la  Compagnie  de 
i-Rihr  prospèrent  à  Chegga,  Mraler,  Mazer,  Chria-Sahia,  Tolaera- 
^i,  Uurlama,  Taraerlana,  Touggourt,  et  leurs  jardins  donnent  la 
■e  de  l'esprit  d'initiative  et  de  la  pcrsévéï-ance  des  pionniers  de 
œuvre  de  colonisation.  Trois  nouveaux  puits  venaient  d'être  forés, 
Aïn-Aoulrui,  dans  la  région  de  Touggourt,  donnant  1S',IU  litres  à 
mte,  un  autre  à  Aln-Aboubab,  avec  un  débit  de  1855  litres,  et  le 
!me  à  Taraerma-Djeddida,  fouriiissaut  un  débit  de  2500  litres.  De 
^ourt,  la  caravane  s'est  rendue  à  Ouargla,  siège  du  chef  puissant 
confrérie  des  Kbouaiis-Tatt'elis  dont  les  afiiUés  remplissent  le  Sahara 
Tunisie. 

is  regrettons  que  le  manque  de  place  ne  nous  permette  pas  de 
r  en  détails  les  résultats  remarquables  dm'  fouilles  nouvelles  que 
compatriote,  M,  ËdoDanl  Xaviltf,  poursuit  cette  année  sur 
lacement  de  Bahantls  qu'il  a  découverte  l'an  dernier.   Nous 


—  131  — 
1  les  résumer.  En  déblayant  la  troisième  salle  du 
:ux  statues  en  gi-anit  noir  du  type  hycsos,  la  njoitié 
e  assise  d'uii  roi  incooau,  aussi  de  travail  hycsos, 
ve  gravée  au  cartouche  d'Apepi,  le  plus  fameux 
ui  fournit  la  preuve  irréfragable  que  Bubastis  fut 
nt  établissement  de  Hycsos,  fait  dont  pei-sonne  ne 
I.  A  propos  de  la  statue  brisée  à  mi-corps,  Kl.  Na- 
mars,  au  comité  de  l'Egypt  Exploration  Fund  : 
er  matin  la  plus  remarquable,  jusqu'à  présent,  de 
'ais  remarqué  vendredi  le  coin  d'un  bloc  de  granit 
paru  appartenir  k  un  beau  monument,  aussi  l'ai-je 
se  trouve  être  la  partie  inférieure  d'une  statue  de 
i'un  travail  remarquable,  avec  deux  colonnes  de 
hiéroglyphes  très  nets,  gravés  de  chaque  côté  de  la  face  du  trône,  k 
droite  et  à  gauche  des  jambes  de  la  statue.  Ces  inscriptions  donnent  le 
noiu  et  las  titi-es  d'un  roi  absolument  inconnu  qui,  à  en  juger  par  le  tra- 
vail, doit  appartenir  à  la  période  hycsos,  ou  en  tout  cas,  à  l'une  des 
ol)iscures  dynasties  qui  ont  précédé  l'invasion  des  Hycsos.  lin  cartouche 
contient  un  signe  tout  nouveau  pour  moi  et  que  je  ne  puis  déchifl'rer. 
Sur  l'autre  se  lit  Jan-Ra  ou  Ra-Jan,  nom  qui  ne  ressemble  k  aucun  de 
ceux  que  je  connais.  Il  est  appelé,  ce  qui  est  fort  étrange,  un  adorateur 
de  son  Ka  (c'est-à-dire  de  son  spectre  ou  de  son  double).  Je  suis  allé  à 
Boulak  et  j'ai  montré  une  copie  de  ces  inscriptions  à  Ahmed  Kenial-ed- 
Deen  effendi,  le  commissaii'e  musulman  attaché  au  musée.  Il  en  a  été 
très  intéressé  et  m'a  dit  immédiatement  :  Celui-là  est  le  Pharaon  de 
Joseph.  Tous  nos  livres  arabes  l'appellent  Reiyan  his  de  El  Welid.  « 
M.  Naville  ne  parait  pas  disposé  à  attacher  une  grande  valeur  à  cette 
curieuse  colncidcuice.  Toutefois  l'auteur  de  l'article  du  l'imes  qui  a 
rendu  compte  des  découvertes  de  M.  Naville,  et  pour  lequel  les  chroni- 
queurs arabes  n'ont  pas  grande  valeur  au  point  de  vue  de  l'histoire  de 
l'Èg}-pte,  avoue  que  l'identité,  lettre  pour  lettrcdes  deux  noms  est  pour 
|p  moins  extraordinaire.  Pour  la  majorité  des  égyptologues,  l'hypothèse 
quct  Joseph  a  servi  sous  un  roi  hycsos  est  depuis  longtemps  admise 
comme  très  probable.  Une  autre  découverte  importante  est  celle  de  deux 
statues  de  grandeur  naturelle  d'un  scribe  de  la  dix-huitième  dynastie 
égjptienne.  Elles  représentent  un  personnage  accroupi,  tenant  sur  ses 
genoux  un  rouleau  de  papyrus  à  moitié  déroulé  sur  lequel  sont  inscrits 
sou  nom  et  ses  titres;  un  de  ceux-ci  le  qualifiait  de  «  chef  des  travaux 
de  son  roi  et  des  provinces  et  des  pays  marécageux  du  nord.  »  Sur  son 


—  132  — 
linniilfi  Hroite  est  gravé  le  cartouche  d'Aménophis  III  doiit  le  successeur 
n,  le  pharaon  adorateur  du  disque,  est  représenté  aussi  par  un 
de  sculpture  portant  l'ore  sacré  de  Aten-Ra,  la  divinité  du 

qui  prouve  que  le  culte  du  disque,  promulgué  par  Khuenatea. 
du  au  delta.  Jusqu'à  présent  on  n'en  avait  pas  retrouvé  de 

au  nord  que  Memphis.  Qui  peut  prévoir  quels  nouveaux  trésors 
j  au  jour?  A  l'exception  du  grand;teniple  de  San,  déblayé  par 
il  y  a  quelque  vingt-buit  ans,  aucune  ruine  égyptienne  plus 
aie  n'a  été  explorée  aussi  méthodiquement  et  n'a  donné  une 
ssi  considérable. 

ul  britannique  pour  la  région  du  Imc  Ny»ss«,  M.  Hawes,  à 
1  gouvernement  anglais  un  rapport, duquel  les  Proceed'mgs  de 

de  géographie  de  Londres  ont  extrait  les  données  eom- 
en  relatives  à  ce  district  pour  l'année  1886.  Nous  leur  emprun- 
li  suit  :  Les  importations  ne  s'élèvent  pas  au  chiffre  ordinaire 
d'une  Compagnie,  et  les  exportations  sont  comparativement 
itea.  L'exportation  de  l'ivoire  s'est  élevée  en  1886  à  22,000  , 
irou  ;  la  plus  grande  partie  a  été  portée  à  la  cdte  soit  par  les. 
nit  directement  par  les  chefs  eux-mêmes.  M.  Hawes  estime 
détourner  une  partie  de  ce  trafic  vers  les  marchés  européens, 

devront  fournir  aux  natifs  des  armes  à  feu  aussi  longtemps 
digénes  de  la  côte  le  feront  ;  toutefois  il  ajoute  qu'il  faut  ap- 
e  grande  prudence  dans  l'importation  des  munitions.  Ce  ne 
:rès  difficilement  que  le  commerce  pourra  être  dirigé  vers  les 
larchés,  les  Arabes  étant  très  vi|plants  en  ce  qui  concerne 
rets  particuliers  et  exerçant  un  grand  empire  sur  les  chefs  par 

des  spiritueux  et  l'achat  des  esclaves.  Dans  l'opinion  de 
^,  la  vente  des  spiritueux  est  la  vraie  cause  de  danger  pour 

dans  ces  territoires.  A  part  l'ivoire  et  les  graines  oléagineuses, 
ations  sont  faibles  et  peu  rémunératrices.  Les  graines  oléagi- 
oissent  à  l'état  sauvage  dans  les  parties  basses  du  pays  des 
^  :  avec  des  tarifs  de  transport  peu  élevés  et  des  communica- 
,  organisées  par  la  rivière,  l'exportation  pourrait  procurer  de 
léficcs.  Le  coton  ci-olt  surtout  dans  la  partie  inférieure  de  la 
Cliiré  ;  le  sol  des  hauts  plateaux  paratt  être  trop  arçileux  et 
igineux  pour  que  cette  culture  y  prospère.  Nulle  part  il  ne 
uantité  suffisante  pour  être  exporté,  et  l'on  ne  peut  rien  dire 
récis  sur  sa  qualité.  Parmi  les  produits  naturels  des  territoires 
1,  le  rapport  du  consul  mentionne  le  caoutchouc,  l'indigo,  le 


n 


•*--n.k  *    '.'--  -"■''■'.-  -V-'  .   '-'■  "".T^L  *  ïtr«'  t,7:!.'fiHri»- 


—  133  — 

strophantus  et  les  plantes  textiles  comme  pouvant  devenir  des  objets  de 
commerce.  Le  caoutchouc  n'existe  maintenant  qu'en  petite  quantité, 
par  suite  des  procédés  destructeurs  employés  par  les  natifs  pour  extraire 
le  suc  ;  mais  la  culture  de  la  plante  par  les  Européens  commence  à  atti- 
rer Tattention.  L'indigo  croît  à  l'état  sauvage  tout  le  long  des  flancs 
des  monts  Zomba  ;  il  est  annuel  et  forme  de  vastes  forêts.  Sa  végétation 
étant  luxuriante,  la  cultiu*e  pourrait  en  être  entreprise  avec  avantage. 
Le  strophanthus  est  une  plante  grimpante  de  la  graine  de  laquelle  on 
extrait  un  poison  violent.  En  1886,  on  en  a  exporté  de  ce  district  400 
livres  qui  se  sont  vendues  à  Londres  au  prix  de  9  shillings  la  livre. 
Quant  à  la  culture  du  café,  les  expériences  faites  pendant  deux  ans 
n'ont  pas  répondu  à  l'attente  des  planteiu^.  La  qualité  est  bonne  sans 
doute,  mais  il  faudra  une  expérience  plus  longue  avant  que  l'on  puisse 
être  assuré  de  la  réussite  de  cette  culture.  La  canne  à  sucre  crott  bien 
dans  le  district  de  Zomba;  elle  est  ric&e  en  principes  sucrés.  Quelques 
plantes  de  thé  ont  été  introduites  dans  le  pays  et  paraissent  réussir, 
mais  on  ne  peut  encore  rien  dire  de  positif  sur  l'avenir  des  plantations 
4e  thé.  On  a  aussi  introduit  le  quinquina,  qui  semble  devoir  réussir  ;  les 
plantes  de  trois  ans  ont  maintenant  six  pieds  de  hauteur. 

Le  Natal  Mercury  a  reçu,  d'un  téûioin  oculaire  des  événements 
^u  lac  IVyassa.,  des  détails  qui  nous  permettent  de  compléter  ce  que 
nous  en  avons  dit  le  mois  passé  (p.  102-103).  La  délivrance  des  assiégés 
«nfermés  par  les  Arabes  dans  la  station  de  Kaponipa,  au  nord  du  lac, 
est  due  à  l'arrivée  de  2000  natifs,  tout  à  fait  favorables  aux  Anglais,  et 
à  l'approche  desquels  les  Arabes  jugèrent  prudents  de  lever  le  siège. 
Une  foisJa  station  délivrée,  les  libérateurs  marchèrent  contre  la  ville  la 
plus  rapprochée  occupée  par  les  Arabes,  et  la  trouvèrent  déserte,  mais 
rempUe  de  vivres  et  de  provisions  que,  dans  leur  fuite  précipitée,  les 
Arabes  y  avaient  laissés.  Us  la  brûlèrent  complètement  ;  après  quoi  ils 
marchèrent,  avec  les  Européens  venus  au  secours  de  Karonga,  contre 
M'Patta,  la  principale  ville  des  Arabes.  Ils  la  trouvèrent  bien  fortifiée, 
mais  la  palissade  en  fut  escaladée  ou  abattue,  et  après  un  combat  corps 
à  corps  avec  les  Arabes  qui  avaient  500  fusils,  ils  pénétrèrent  dans  la 
ville  ;  une  fois  qu'ils  y  furent  entrés,  rien  ne  put  les  décider  à  poursuivre 
l'ennemi  qui  l'avait  évacuée.  Ds  firent  un  butin  considérable  consis- 
tant en  ivoire,  en  bétail  et  en  tissus  pour  une  valeur  de  800  liv.  st.  ;  une 
douzaine  de  natifs  furent  tués.  M.  Monteith,  agent  de  la  Compagnie  des 
lacs,  reçut  une  balle  à  la  jambe  et  M.  Sharpe  ime  à  la  cheville  du  pied. 
Le  Natal  Mercury  dit  que,  lorsque  ces  Arabes  arrivent  dans  une 


—  134  — 

tribu  dont  le  chef  est  connu  pour  avoir  de  l'ivoire,  s'ils  ne  peuvent  pa& 
se  saisir  de  lui,  ils  lui  volent  ses  biens  et  emmènent  ses  gens  à  la  côte^ 
Us  ont  ouvert  une  nouvelle  route  de  la  tête  du  lac  Nyassa  au  port  de 
Quiloa  où  ils  conduisent  un  nombre  considérable  d'esclaves.  H  était 
question  à  Durban  du  départ  pour  Karonga  d'hommes  de  bonne  volonté 
disposés  à  prêter  leur  concours  à  la  Compagnie  dés  lacs.  Ils  se  propo- 
saient de  construire  un  fort  à  la  station,  puis  de  tenter  de  chasser  com- 
plètement les  Arabes  de  cette  partie  du  pays. 

D'après  le  rapport  des  délégués  de  l'État  libre  de  l'Orange,  de  Natal 
et  de  la  Colonie  du  Cap  sur  la  Conférence  tenue  à  Capetoinrn  sous 
la  présidence  de  sir  J.  Gordon  Sprigg,  premier  ministre  de  la  Colonie, 
les  délégués  sont  tombés  d'accord  sur  l'institution  d'une  union  doua- 
nière, dont  les  adhérents  s'appliqueraient  réciproquement  les  principes 
du  libre  échange  et  conviendraient  d'un  tarif  uniforme  sur  le^  produits 
extérieurs.  Deux  questions  fondamentales,  étroitement  liées,  ont  été 
débattues  et  résolues  en  principe  dans  la  conférence  :  celle  des  douanes 
et  celle  des  chemins  de  fer.  Les  délégués  de  l'État  libre  de  l'Orange 
refusaient  de  laisser  poser  un  rail  sur  leur  territoire,  s'ils  n'étaient 
admis  au  partage  des  droits  prélevés  sur  les  marchandises  à  destination 
de  leur  pays  qui  transitent  par  lô  territoire  anglais.  Cette  revendication 
avait,  maintes  fois  déjà,  été  formulée  par  le  gouvernement  de  la  Répu- 
blique de  l'Orange,  mais  s'était,  chaque  fois,  heurtée  à  une  fin  de  non- 
recevoir  absolue.  Les  Anglais  sont  les  premiers  à  reconnaître  que  les 
choses  ont  changé  et  que  les  Boers  sont  actuellement  à  même  de  poser 
leurs  conditions.  Le  chiffre  des  importations  au  Cap  s'est  élevé  de  37  % 
dans  l'année  dernière,  et  cet  accroissement  est  pi^esque  entièrement  dû 
au  transit  à  l'intérieiu*  du  continent.  Les  Boei-s  pourraient  reculer 
devant  l'application  de  droits  prohibitifs  qui  leur  seraient  désavanta- 
geux ;  mais  ils  connaissent  le  prix  que  les  colons  anglais  attachent  à  s'ou- 
vrir de  promptes  et  faciles  communications  avec  les  gisements  aurifères 
récemment  découverts.  Le  district  de  Kimberley  est  une  possession  bri- 
tannique ;  mais  il  est  séparé  de  la  Colonie  du  Cap  par  le  tteuve  Orange, 
dans  la  partie  de  son  cours  où  sa  largeur  est  très  grande,  et  on  n'y  peut 
arriver  commodément  que  par  terre,  en  empruntant  le  territoire  de  la 
Tlépublique,  dont  les  houillères,  en  outre,  fourniraient  du  combustible  à 
bon  marché.  Le  gouvernement  de  Blœmfontein  a  tiré  parti  de  ses  avan- 
tages, et  il  a  fallu  en  passer  par  ses  conditions.  Un  droit  ad  valorem  de 
12  7o  eu  moyenne  sera  prélevé  sur  les  produits  extérieurs  dans  les  ports 
du  Cap  et  de  Natal  ;  ils  entreront  en  franchise  dans  l'État  libre  de 


-  135  — 

l'Orange,  qui  touchera  les  trois  quarts  des  taxes  perçues  sur  les  mar- 
chandises à  sa  destination.  Tel  est  en  résumé  le  projet  de  convention  qui 
sera  soumis  aux  législatures  des  États  respectifs.  Fût-il  adopté,  ce  ne 
serait  pas,  même  sur  le  terrain  douanier,  Tunion  sud-africaine  rêvée  au 
Cap.  La  république  du  Transvaal  s'est  jusqu'à  présent  abstenue,  son  pré- 
âdent,  M.  Krttger,  attendant  la  réalisation  du  projet,  souvent  débattu, 
d'une  ligne  de  pénétration  partant  de  Lorenzo-Marquez,  dans  la  baie  de 
Delagoa.  C'est  pour  prévenir  une  concurrence  de  ce  côté  que  les  colons 
anglais  ont  une  grande  hâte  d'ouvrir  une  voie  reliant  leurs  ports  aux 
mines  de  l'intérieur.  La  convention  prévoit  d'ailleurs  des  adhésions  ulté- 
rieures à  l'union  projetée,  en  leur  réservant  le  bénéfice  des  avantages 
stipulés  pour  l'Orange.  Indépendamment  des  trois  contractants  et  du 
Transvaal,  l'Afrique  australe  comprend  encore  la  Nouvelle  Républi- 
que formée  d'une  partie  de  l'ancien  royaume  de  Cettiwayo  ;  en 
outre,  les  territoires  des  Be-Chuana,  des  Zoulous  et  des  Ba-Souto, 
sujets  britanniques,  celui  des  Pondo,  soumis  au  protectorat  de  l'Angle- 
terre, dont  le  rattachement  à  l'union  projetée  dépend  de  l'assentiment 
du  gouvernement  impérial.  On  compte  aussi  adresser  au  cal)inet  de  Lis- 
bonne une  invitation  à  y  adhérer  poui*  le  territoire  de  la  baie  de  Dela- 
goa; mais  son  acceptation  est  au  moins  douteuse,  en  raison  des  appré- 
hensions que  les  convoitises  anglaises  sur  cette  position  navale  ont 
soulevées  en  Portugal. 

Une  lettre  d'Emin-Paeha,  du  16  août  1887,  arrivée  à  Londres, 
annonce  qu'à  cette  date  l'expédition  de  Stanley  n'était  pas  encore 
arrivée  h  Wadelaï.  Néanmoins,  Emin-Pacha  comptait  sur  la  réussite  de 
l'expédition,  attendu  que  Stanley  avait  choisi  la  route  du  Congo  qui  ne 
présente  pas  de  diflScultés  insurmontables  comme  celle  de  l'Ou-Ganda. 
Emin-Pacha  ajoute  qu'il  espère  pouvoir  ouvrir  bientôt  une  route  directe 
entre  la  région  des  lacs  et  la  côte  orientale  d'Afrique  par  le  pays  des 
MasaT.  Il  répète  qu'il  pei-siste  dans  sa  résolution  de  rester  à  son  poste, 
alors  même  que  Stanley  lui  proposerait  de  le  ramener  en  Europe.  — 
D'autre  part,  la  Riforma  a  publié  une  lettre,  reçue  à  Rome,  du  capi- 
taine €a»ati,  qui  se  trouve  auprès  d'Emin-Pacha.  Elle  est  du  24  sep- 
tembre 1887  ;  Casati  dit  qu'à  cette  date  on  n'avait,  à  Wadelaï,  aucune 
nouvelle  de  Stanley. 

LeMoiivement  fféographique  a  publié,  sur  l'exploration  faite  au  Coni^o 
par  M.  le  capitaine  Thys,  administrateur  délégué  de  la  Compagnie  du 
Congo,  des  renseignements  détaillés  auxquels  nous  empruntons  ceux  qui 
se  rapportent  à  la  station  de  Bolobo,  qui  témoignent  des  progrès  faits 


^. 


—  136  — 

depuis  quelques  années  par  les  indigènes  de  cette  région.  C'est  un  peu  en 
amont  du  confluent  du  Kassal  que  commencent  les  vastes  aggloméra- 
tions de  population.  De  nombreux  villages ,  en  chaîne  presque  ininter- 
rompue,  montrent  leurs  toits  de  chaimie  à  travers  la  verdure  délicate 
des  bananiers,  au  sommet  et  sur  les  flancs  des  collines  et  jusqu'au  bord 
du  fleuve.  L'agglomération  des  villages  de  Bolobo  constitue,  sur  une  dis- 
tance de  20  kilom.  environ,  une  véritable  ville  dont  la  population  peut 
être  évaluée  de  25000  à  30000  âmes.  On  voit  de  loin,  en  arrivant,  des 
rues  parallèles,  aboutissant  à  de  véritables  places  publiques.  La  popula- 
tion est  bien  constituée  et  de  belle  taille.  Hommes,  femmes  et  enfants 
sont  tous  vêtus  d'étoffes  européennes.  Les  habitations  sont  propres  et 
ont  un  air  de  confort  très  curieux.  Il  y  a  des  chambres  à  coucher  avec 
lits,  matelas,  oreillers.  Le  blanc  y  reçoit  un  accueil  hoospitalier,  mais 
réservé.  On  sent  que  l'indigène  est  accoutumé  aux  allées  et  venues  des 
Européens,  et  qu'il  voit  qu'il  n'a  rien  à  craindre  d'eux;  mais  la  popula- 
tion n'y  a  pas  l'enthousiasme  que  montrent  celles  qui  sont  établies  en 
amont. 

M.  le  capitaine  Thys  a  rapporté  du  Congo  la  carte  complète  au  Visoo 
du  levé  entre  Matadi  et  Loukoungou,  exécutée  par  les  ingénieurs  de 
l'expédition  du  chemin  de  fer,  sous  la  direction  de  M.  le  capitaine 
Cambier.  Ce  document  donne  les  courbes  de  niveau  par  5  mètres  et  per- 
met, dès  aujourd'hui,  d'affirmer  que  la  construction  de  la  ligne  ferrée 
projetée  est  non  seulement  possible,  mais  qu'elle  sera  relativement 
facile.  Il  n'y  a  de  difficultés  réelles  que  dans  le  voisinage  de  Matadi  et 
autour  du  massif  de  Palaballa.  Le  tracé  étudié  mesure  180  kilomètres; 
il  en  reste  120  environ  pour  atteindi-e  le  Pool.  La  voie  projetée  traverse 
des  districts  voisins  de  la  frontière  portugaise  et  qui  n'avaient  pas  encore 
été  visités  par  les  blancs.  La  Loukouga,  sur  les  bords  de  laquelle  l'expé- 
dition d'études  a  maçonné  un  point  de  repère,  a  été  atteinte  à  80  kilo- 
mètres en  amont  et  à  l'E.-S.-E.  de  la  station  de  Loukoungou.  La  rivière 
était  encore  large  de  quelques  mètres  en  cet  endroit.  Les  ingénieurs  ont 
atteint  en  certains  points  de  leur  itinéraire  les  premiers  villages  du 
Makouta,  région  fertile  et  populeuse,  où  l'on  assure  que  le  bétail  est  nom- 
breux. Le  tracé  passe  à  quelques  kilomètres  à  l'ouest  de  la  ville  de  Kin- 
souka.  Les  populations,  qui  n'avaient  pas  encore  vu  de  blancs»  étaient 
défiantes.  Dans  le.  courant  du  mois  de  mars,  M.  le  capitaine  Cambier  et 
ses  ingénieurs  sont  allés  à  Saint-Paul  de  Loanda,  pour  se  rendre 
compte  de  l'avancement  du  chemin  de  fer  d'Ambaca.  Les  travaux  sur 
le  termin  entre  Loukoungou  et  le  Pool  seront  repris  dans  le  courant 


figuration  de  la  région  per- 
:hevée6  dans  les  délais  fixés. 
te  que  nous  extrayons  les 
Hnrinel,  de  la  station  de 
î  1887.  Après  avoir  accom- 
nann,  l'officier  belge  reprit, 
Ba-Cbilangé,  le  chemin  de 
)iâ.  De  Nyangoué  jusqu'au 
liée  de  la  Loufoubou  jusque 
cbi  à  l'eudroit  où  Wissmann 
luivit  d'abord  la  rive  gauche 
•e,  puis  prit  un  peu  plus  au 
B81. Chemin  faisant,  Le  Ma- 
iato,  dont  les  villages  nom- 
droite  de  la  petite  i-iviêre 
joubilacbe.  Toutes  les  popu- 
mais  celles  de  Moua-Kialo 
ïagerie.  M,  Le  Marinel  y 
oltant  cannibalisme.  Après 
confluent  du  Boubila,  l'ex- 
intiuent,  le  fameux  Zappo- 
e  lors  de  sa  découverte  du 
it,  le  chef  a  déplacé  sa  rési- 
le  de  la  rivière.  Au  delà  du 
e^t  montagneuse  et  presque 
irgps.  Durant  la  plus  grande 
ait  de  nombreuses  victimes 
Ba-Chilaugé  qui  accompa- 
environ  deux  cents  de  leurs 
tés  que  le  chef  blanc  a  dft 
ans  une  troupe  de  sauvages 
it  être  son  prestige  sur  ses 
e,  saiu  et  sauf,  le  but  de  son 
lia  avec  elle  l'épidémie  au 
lus  énergiques  furent  prises 
3t  de  grands  malheurs  ont 
tioits  de  la  Louloua  furent 
iii  elles  furent  placées  sous 
■melle  fut  faite  de  passer  la 


i 


—  138  — 

rivière,  et  la  caravane  tout  entière  demeura  en  quarantaine  sur  la  rive 
f^'f^x^:  droite,  où  les  malades  reçurent  tous  les  soins  nécessaires.  Malgré  ces 

mesures  radicales,  quelques  cas  se  déclarèrent  à  la  station  et  dans  les 

localités  voisines.  H  y  a  eu  des  décès  dans  les  villages  duchef  Kalamba  et 

cinq  malades  à  la  station.  De  plus,  perte  des  plus  sensibles,  le  bon  cbef 

^r-;  Tchikengé,  l'ami  des  blancs,  fut  atteint  par  le  fléau  et,  en  dépit  de  tous 

^:i^  les  soins  qui  lui  furent  prodigués,  il  succomba.  Mais  enfin,  grâce  aux 

|i;v  précautions  prises,  la  mortalité  n'a  pas  été  excessive  et  le  mal  a  pu  être 

conjuré.  En  cette  circonstance,  le  docteiu*  américain  Summers,  établi  à 
la  station  depuis  six  mois  environ,  a  rendu  les  plus  grands  services.  Les 
constructions  et  les  plantations  de  la  station  ont  été  développées.  Les 
récoltes  ont  donné  des  résultats  inespérés  et  tels  qu'ils  permirent,  dès 
le  mois  de  juin  1887,  d'approvisionner  en  m,  maïs,  sorgho  et  haricots, 
d'autres  stations  de  l'État.  Les  troupeaux  comptaient  en  juillet  20  tau- 
reaux, bœufs,  vaches  et  veaux,  150  moutons,  50  chèvi-es  et  20  porcs.  Ce 
gros  bétail,  admirable  de  santé  et  de  vigueur,  provient  de  l'Angola. 

Les  service*  marltimefl  au  Conipo  se  subdivisent  en  service 
général  de  navigation,  service  sanitaire  et  service  hydrographique.  Les 
commissariats  maritimes,  qui  ressortissent  au  premier  de  ces  services  et 
sont  établis  à  Banana  et  Boma,  ont  pour  attributions  générales  de  veil- 
ler sur  les  intérêts  de  la  navigation  et  de  donner  satisfaction  aux  récla- 
mations de  la  marine  marchande.  C'est  ainsi  qu'ils  surveillent  le  mouil- 
lage des  bâtiment^?,  l'établissement  des  pontons,  le  bon  entretien  des 
ports.  Ce  service  a  également  sous  sa  direction  des  améliorations  appor- 
tées à  la  navigation  du  fleuve,  telles  que  l'établissement  et  l'entretien 
des  bouées.  On  sait  que  des  bouées  ont  été  placées  à  l'entrée  de  la  rade 
de  Banana,  dont  elles  indiquent  la  passe  navigable.  L'on  est  occupé  à 
en  placer  d'autres  dans  le  fleuve  même  entre  Banana  et  Boma.  Le  ser- 
vice sanitaire  fonctionne  depuis  quelques  mois  et  prend  toutes  les  pré- 
cautions en  usage  dans  les  différents  ports,  pour  éviter  et  prévenir  toute 
contamination.  Il  est  établi  sur  des  bases  simples  et  évite  toute  forma- 
lité dispendieuse  ou  vexatofre.  Le  service  hydrographique  opère  des 
sondages  dans  tout  le  cours  inférieur  du  fleuve,  et  a  dressé  plusicure    ! 
cartes  d'une  haute  utilité  pour  les  capitaines  de  steamei-s.  Il  travaille  à 
la  confection  d'une  carte  hydrographique  générale  de  tout  le  bas  fleuve. 
Un  seiTice  de  pilotage  a  été  également  créé,  et  l'État  a  ses  pilotes  offi- 
ciels qui  remontent  les  bâtiments  jusqu'à  Boma.  On  e^t  également 
occupé  à  installer,  à  l'extrémité  de  la  pointe  de  Banana,  un  feu  diop- 
tiique  éclairant  la  rade  et  l'entrée  du  fleuve.  Le  feu  sera  élevé  de  dix 
mètres,  de  couleur  rouge,  et  visible  à  une  distance  de  sept  milles. 


—  140  — 

d'eau  et  à  la  jonction  de  toutes  les  routes  de  la  région,  est  très  bien 
situé  pour  devenir  un  centre  commercial  important.  Le  commandant 
supérieur  du  Soudan  fi-ançais,  par  un  télégramme  daté  de  Siguiri^ 
10  mars,  informe  qu'il  a  fait  commencer  l'embranchement  du  chemia 
de  fer  qui  doit  mettre  Médine  en  communication  avec  Kayes  et  Bafou- 
labé.  Le  travail  est  fait  par  des  manœuvres,  fournis  gratuitement  par 
les  pays  environnants.  D'autre  part,  le  commandant  supérieur  de  la  colo- 
nie écrit  à  la  Société  de  géographie  commerciale  de  Paris  :  «  Notre  comp- 
toir de  Kayes  augmente  de  plus  en  plus  d'importance  ;  nombre  de  com- 
merçants y  élèvent  des  maisons  neuves.  Les  foires  mensuelles  que  j'y  ai 
établies,  ainsi  que  dans  tous  nos  établissements  du  Soudan  français,  ras- 
semblent un  grand  concours  d'indigènes.  Notre  chemin  de  fer  va  attein- 
dre définitivement  Bafoulabé  et  une  escale  importante  va  s'y  créer, 
plus  de  60  concessionnaires  s'y  établissent.  Dès  le  début  de  cette  cam- 
pagne, j'ai  organisé  une  mission  qui  va  relier  notre  nouvel  établissement 
de  Siguiri  à  nos  factoreries  des  rivières  du  sud  par  le  Fouta-Djallon.  Le 
Soudan  français,  c'est-àrdire  le  quadrilatère  Saint-Louis,  Timbouctou,. 
Siguiri,  Benty  (Mellacorée),  représente  un  immense  domaine  commer- 
cial, dont  toas  les  produits  doivent  être  drainés  vers  les  escales  du 
Sénégal  et  des  rivières  du  sud.  C'est  à  ouvrir  ces  routes  qu'aidé  par 
les  braves  officiers  qui  me  secondent  je  veux  mettre  tous  mes  efforts,  ix 

Les  progrès  des  Français  vers  le  Fouta-Djallon  et  vers  le  sud  ne  leur 
ont  pas  fait  négliger  les  contrées  du  Soudan  situées  vers  le  nord.  Une 
colonne  volante,  placée  sous  les  ordre  du  commandant  Vallière  et  char- 
gée de  parcourir  toute  cette  région,  a  poussé  jusqu'aux  extrêmes  limites 
des  États  placés  sous  le  protectorat  français,  non  loin  de  Ségou  ;  les 
pays  situés  aux  confins  du  Sahara  ont  envoyé  des  députations  au  com- 
mandant de  la  colonne  française,  de  sorte  que  l'on  peut  dire  qu'aujour- 
d'hui, depuis  le  traité  avec  le  sultan  Ahmadou,  le  Soudan  rpançais 
a  le  Sahara  pour  limites  au  nord.  La  colonne  s'est  rabattue  ensuite  sur 
Bammakou  et  va  rejoindre,  en  longeant  la  rive  gauche  du  Niger,  l'éta- 
blissement de  Siguiri,  dont  en  ce  moment  le  commandant  supérieur  sur- 
veille lui-même  la  construction.  Les  bords  du  Niger  sont  couverts  de 
villages  populeux,  mais  les  habitants  ont  été  effrayés  par  les  dévastations 
de  Samory,  et  n'attendent  que  des  garanties  de  sécurité  pour  rentrer 
dans  leurs  villages  et  se  livrer  de  nouveau  à  leurs  cultures. 

Le  journal  le  Temps  sl  reçu  d'un  coirespondant  de  Bammakou  uïie 
lettre  du  20  février  d'oîi  nous  extrayons  ce  qui  se  rapporte  au  nouveau 
fort  de  Slifulri  au  confluent  du  Niger  et  du  Tankisso.  Le  colonel  Gai- 


_  142  — 
arbres  des  forêts,  reliait  Siguiri  à  Niagassola  sur  une  lon- 
10  I(ilomëtres,  de  telle  sorte  que  du  nouveau  poste  on  peut 
ectement  une  dépêche  à  Saint-Louis  et  de  là  en  France. 
établissement  est  situé  au  cœui-  du  Bouré,  le  vrai  pays  de 
;  partie  du  Soudan.  Les  abords  de  chaque  village  sont  cou- 
us  de  mines  d'oii  les  habitants  estrayent  le  précieux  métal. 
s  est-il  très  fréquenté  par  les  Diulas  ou  marchands  indigèiies, 
nt  l'or  contre  les  produits  de  Sierra-Leone  et  de  la  Gambie, 
me  entrevoir  que  Sif!:uiri  deviendra,  avant  peu,  une  escale 

artie  moyenne  du  bassin  du  Niger,  l'iatlneiice  française  s'est 
js  le  voyage  à  Timbouctou  de  la  canonnière  commandée  par 
t  Caron.  Aussi,  le  colonel  Galliéni  presse-t-il  le  transport  de 
-e  le  Mage,  destiuée,  elle  aussi,  à  naviguer  sur  le  Klger. 
it  pas  chose  facile  que  ce  transport  des  700  colis  qui  consti- 
tit  steamer.  Ces  colis  sont  chaînés  tantôt  à  dos  d'homme, 
es  petites  voitures  en  tôle  dites  sénégalaises,  qui  peuvent 
terrains  accidentés  et  se  transformer  en  embarcations  au 
:  marigots.  Dès  son  arrivée  à  Bammakou,  le  Mage  sera 
on  peut  espérer  que  les  deux  steamers  pourront,  à  la  crue 
prendre  la  route  de  Timbouctou,  cette  fois,  dans  de  meil- 
tions  qu'au  mois  de  juillet  dernier. 

lie  des  sciences  de  Paris  a  re(;u  communication  des  explora- 
illes  s'est  livi-é,  dans  les  Açore«,  M.  de  Guerne  attaché  au 
acht  VHiroiidelle  appartenant  au  prince  Albert  de  Monaco, 
apporter  des  éléments  nouveaux  pour  la  solution  du  pro- 
aphique,  zoologique  et  géologique  que  soulève  l'existence  de 
isolé  dans  les  profondeurs  de  l'Atlantique,—  car  on  ne  sait  s'il 
u  soulèvement  qui  a  fait  sur^r  ces  rochers  des  abtmes  de 
'il  représente  les  débris  d'une  grande  terre  pins  ou  moins 
continents  h  certaine  époque,  — M.  de  Guerne  a  porté  toute 
1  sur  la  flore  et  la  faune  des  Aç^res.  Il  a  surtout  étudié  les 
i  eaux  des  lacs  formés  dans  les  cratères  élevés.  Il  y  a  re- 
spèces  végétales  et  animales  en  majeure  partie  européennes. 
t  en  revue  les  moyens  de  dissémination  dont  la  nature  se 
insporter  les  germes  —  la  terre  chaînée  de  graines,  d'œufs 
petits  animaux,  que  les  ot.'^eaux  emportent  k  leurs  pattes,  les 
tes  oiseaux  aquatiques  gai-rtent  longtemps  sur  leur  plumage, 
w  graines  ailées,  les  germes  de  toutes  sortes  que  les  vents 


—  143  — 

emportent,  —  M.  de  Guerne  a  montré  que  les  espèces  végétales  et  ani- 
males des  Açores  pouvaient,  pour  la  plupart,  avoir  été  apportées  de 
contrées  lointaines. 

Le  Temps  apprécie  dans  les  termes  suivants  les  résultats  de  l'ambas- 
sade que  le  gouvernement  belge  a  envoyée  au  sultan  du  Maroc.  La  note 
dominante  de  cette  ambassade  a  été  sensiblement  différente  de  celle 
des  autres  nations.  Il  n'y  a  pas  eu  cet  énorme  apparat  militaire  des- 
tiné à  éblouir  le  souverain  et  à  le  faire  éventuellement  trembler,  point 
de  ces  parades  de  cavalerie  coname  celle  dont  la  cour  de  Fez  garde 
encore  le  souvenir,  mais  un  train  beaucoup  plus  modeste.  Envoyé  d'un 
pays  essentiellement  industriel  et  pacifique,  le  baron  de  Whettnall  s'est 
présenté  au  sultan  comme  un  ami  n'ayant  en  fait  d'arrière-pensées  de 
conquête  que  celles  concernant  le  négoce  international.  Placée  sous  un 
tel  jour,  la  mission  belge  ne  pouvait  qu'être  accueillie  d'une  façon  par- 
ticulièrement favorable,  par  un  souverain  aux  oreilles  duquel  on  ne  fai- 
sait vibrer  en  aucune  façon  la  note  intimidante  et  que  même  les  cadeaux 
offerts  rassuraient  sur  le  cours  des  idées  du  donateur.  Au  lieu  d'imiter 
les  nations  voisines  et  de  faire  présent  au  sultan  de  pièces  d'artillerie 
ou  autres  engins  de  guerre,  c'est  d'un  train  de  chemin  de  fer  à  dimen- 
sions réduites,  mais  absolument  complet,  que  la  Belgique  a  fait  hom- 
mage à  Muley-Hassan,  et  celui-ci  a  été  tellement  émerveillé  de  ce  mode 
de  locomotion  — qui  a  pu  en  quelques  jours  être  établi  dans  son  parc  — 
qu'il  a,  paraît-il,  concédé  de  suite  à  une  Compagnie  belge  une  ligne 
ferrée  allant  de  Fez  à  Méquinez.  Dans  un  pays  aussi  entêté  que  le  Maroc 
à  ue  vouloir  adopter  en  rien  les  usages  étrangers,  ce  fait  a  une  grande 
importance,  et  on  peut  féliciter  la  Belgique  d'être  parvenue,  par  la  per- 
suasion, à  un  résultat  que  bien  d'autres  recherchaient  depuis  longtemps. 
U  y  a  là  surtout  un  commencement  plein  de  promesses  pour  l'industrie 
belge  et  qui  justifie  bien  le  bruit  qu'on  en  a  fait. 


NOUVELLES  GOBIPLËMEKTAIRE8 

Le  ministre  de  Tinstruction  publique  a  chargé  M.  Alglave,  professeur  à  la 
Faculté  de  droit  de  Paris,  de  se  rendre  en  Algérie  pour  étudier  la  situation 
économique  de  cette  colonie,  particulièrement  au  point  de  vue  de  l'organisation 
de  la  propriété  foncière  et  de  la  comparaison  des  impôts  algériens  avec  ceux  de 
U  métropole. 

Les  travaux  de  la  ligne  du  chemin  de  fer  de  Blidah  à  Berrouaghïa  ont  com- 
«encé,  sur  la  section  qui  s'étend  des  gorges  de  la  Chiffa  au  Camp  des  Chênes. 


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—  144  — 

La  ligne  qui  doit  mettre  en  commonicatioii  Souk-Âhras  et  Tébessa  est  terminée  ; 
en  mars,  la  première  locomotive  est  entrée  dans  l'ancienne  cité  romaine,  à  la 
grande  satisfaction  des  producteurs  d'alfa  qui  n'attendaient  que  des  wagons  pour 
enlever  leur  récolte. 

D'après  les  recherches  de  M.  Rolland  dans  la  région  de  l'Oued-Rihr,  les  atter- 
rissements  du  Sahara  sont  plus  anciens  qu'on  ne  le  pensait  généralement;  ils 
datent  non  de  l'époque  quaternaire,  mais  de  l'époque  tertiaire. 

La  Société  de  géographie  commerciale  de  Paris  qui,  jusqu'ici,  comptait  quatre 
sections,  en  a  créé  une  cinquième,  chargée  de  tout  ce  qui  concerne  l'Afrique 
septentrionale.  M.  Rolland,  l'ingénieur  bien  connu  pour  ses  travaux  de  forage  de 
puits  artésiens  dans  l'Oued-Rhir,  a  fait  une  conférence  sur  les  chemins  de  fer  de 
pénétration  dans  le  Sahara,  préconisant  la  voie  de  Biskra-Touggourt-Ouargla.  Au 
point  de  vue  technique,  c'est  la  ligne  la  plus  facile  à  établir,  et  au  point  de- vue 
commercial,  la  plus  productive  en  ce  qu'elle  recueillera  les  produits  des  Zibaos, 
de  l'Oued-Rhir  et  d'Ouargla,  les  seules  contrées  agricoles  situées  dans  l'est  du 
Sahara  algérien. 

Un  groupe  de  colons  tunisiens  s'est  réuni  pour  discuter  divers  projets  d'un 
chemin  de  fer  de  Tunis  à  Kairouan.  Après  examen,  ils  ont  émis  un  vœu  qui  a 
été  présenté  au  Résident  général  à  Tunis. 

Lorsque  Nachtigal  fit  son  voyage  au  Bornou,  son  domestique,  6.  Yalpreda,  se 
sépara  de  lui  à  Kouka,  devint  musulman,  et  entra  au  service  du  sultan.  £n  1880, 
il  pria  Matteucci  et  Massari  de  chercher  à  lui  faciliter  son  retour  en  Italie.  Le 
gouvernement  italien  a  récemment  promis  une  forte  récompense  à  une  caravane 
se  rendant  de  Tripoli  au  Bornou,  si  elle  réussit  à  ramener  Yalpreda. 

MM.  Virchow  et  Schliemann,  qui  avaient  entrepris  ensemble  un  voyage  d'études 
en  Egypte,  sont  revenus  au  Caire  et  sont  sur  le  point  de  rentrer  en  Allemagne. 
M.  Virchow  rapporte  un  grand  nombre  d'esquisses  et  de  photographies  des 
anciens  temples  de  la  haute  Egypte.  Ces  photographies  lui  permettront  d'étudier 
les  caractères  principaux  des  types  d'anciens  Egyptiens  reproduits  sur  ces  con- 
structions, et  il  croit  pouvoir  tenter  une  classification  scientifique  de  ces  types. 

Une  dépêche  de  Moscou  annonce  le  prochain  départ  d'une  mission  scientifique 
russe  pour  l'Abyssinie. 

Le  comte  Nigra,  ambassadeur  d'Italie  à  Vienne,  a  demandé  au  célèbre  explo- 
rateur autrichien  Holub  un  mémoire  sur  la  fUçon  de  combattre  des  peuples  afri- 
cains, afin  que  le  gouvernement  italien  puisse  en  faire  son  profit  en  Abyssinie.  M. 
Holub  a  rédigé  un  rapport  très  volumineux  qui  a  été  envoyé  à  Rome. 

Un  ingénieur  et  des  employés  de  chemin  de  fer  ont  été  envoyés  de  Rome  à 
Massaouah  pour  diriger  le  service  de  la  ligne  Massaouah-Sahati,  et  remplir  les 
fonctions  de  chefs  de  gare.  Les  Sociétés  de  l'Adriatique  et  de  la  Méditerranée 
fournissent  le  personnel  technique,  ainsi  qu'une  centaine  d'autres  employés  :  con- 
ducteurs, mécaniciens,  aiguilleurs,  etc. 

Le  14  mars  a  été  inauguré  à  Assab  un  asile-école  pour  les  enfants  arabes  et 
danakils,  sous  les  auspices  de  la  Société  de  secours  pour  les  missionnaires  italiens. 


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—  146  — 

a  répondu  que  les  Ba-Kalahari  sont  dans  un  état  de  dépendance  et  de  servitude 
par  rapport  aux  6e- Chuana  proprement  dits.  Ils  peuvent  posséder;  leur  servi- 
tude prend  la  forme  d'un  travail  exécuté  pour  les  Be-Chuana  on  d'un  tribut 
qu'ils  leur  paient  en  nature.  Ils  occupent  par  rapport  aux  Bushmen  une  position 
analogue  à  celle  dans  laquelle  les  Be-Chuana  sont  par  rapport  à  eux. 

Le  lancement  du  vapeur  le  Roi  des  Belges  à  Stanley-Pool  a  eu  lieu  le  15  février, 
et  M.  Delcommune,  avec  les  membres  de  la  mission  commerciale  de  la  Compagnie 
du  Congo  pour  le  commerce  et  l'industrie,  a  dû  s'embarquer  vers  le  15  mars 
pour  le  Kassaï. 

Au  départ  du  dernier  courrier  de  Stanley-Pool,  M.  Grenfell  s'apprêtait  à 
s'embarquer  sur  son  vapeur  le  Peœe,  avec  lequel  il  comptait  entreprendre  une 
nouvelle  exploration  sur  le  haut  fleuve. 

£n  redescendant  du  haut  Oubangi,  VEn-Avant  a  rencontré  le  missionnaire 
anglais  Brooke  qui  remontait  la  rivière  en  pirogue.  Au  lieu  de  se  rendre  au  Sou- 
dan égyptien,  comme  il  en  avait  eu  l'intention,  M.  Brooke  comptait  se  diriger 
vers  le  bassin  du  Niger  dès  qu'il  aurait  atteint  les  rapides  de  Zongo. 

UAfrica^  qui  a  quitté  Anvers  le  15  avril,  a  emporté  150  tonnes  de  machines 
aratoires  de  fabrication  belge,  expédiées  dans  la  province  de  Benguela,  pour  le 
compte  d'une  Société  française  qui  va  créer  et  exploiter  dans  cette  colonie  de 
grandes  cultures  de  chanvre. 

Deux  postes  ont  été  établis  sur  la  rive  française  du  bas  Oubangi;  le  premier 
près  du  village  de  Bouassk-Ouassaka  par  1°  48'  lat.  nord;  le  second,  au  con- 
fluent de  la  rivière,  près  du  village  d'Iranga. 

Le  steamer  français  le  Ballay,  ayant  à  bord  M.  Dolizie,  a  fait  une  reconnais- 
sance de  l'Oubangi  en  aval  des  rapides  de  Zongo. 

Une  convention  provisoire,  réglant  les  différends  concernant  le  territoire  du  pro- 
tectorat français  de  Porto-Novo  et  la  colonie  anglaise  de  Lagos,  a  été  si^ée 
à  Lagos,  le  2  janvier  1888,  par  M.  Victor  Ballot,  directeur  des  affaires  poli- 

■ 

tiques  du  Sénégal,  chargé  du  commandement  des  établissements  français  du 
golfe  de  Bénin  et  du  protectorat  du  royaume  de  Porto-Novo,  et  M.  C.  Alfred 
Moloney,  gouverneur  pour  Sa  Majesté  britannique  et  commandant  en  chef  de  la 
colonie  et  protectorat  de  Lagos.  La  convention  stipule  que  les  postes  français 
d'Afotonou  et  de  Zumé,  et  les  postes  anglais  de  Zumé  nord  et  sud,  Aguégué- 
Kanji  et  des  Ouétah  seront  retirés. 

Le  GaëtanOf  navire  de  commerce  italien  affrété  par  la  maison  Régis  de  Mar- 
seille, a  coulé  sur  les  récifs  de  la  côte  de  Dahomey  ;  les  populations  sauvages  de 
ces  parages  ont  pillé  complètement  la  cargaison  du  navire  et  ont  emmené  en 
captivité  l'équipage,  qui  se  composait  de  douze  hommes  et  d'une  femme.  Le  rési- 
dent français  à  Porto-Novo  s'est  rendu  immédiatement  sur  les  lieux  pour  tâcher 
de  faire  rendre  ces  malheureux  naufragés  à  la  liberté. 

L'explorateur  Charles  Soller,  chargé  d'une  nouvelle  mission  au  Sahara  occi- 
dental, part  pour  le  Sénégal,  dont  il  se  propose  d'étudier  la  région  au  nord  de 
Saint-Louis  et  dans  le  voisinage  de  l'île  d'Arguin.  Il  cherchera  à  ouvrir  de  ce 


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—  148  — 

iiit  à  M.  Wauters  Poccasion  d'émettre  Thypothèse  de  la  connexion  de 
l'Oubangi  et  de  l'Ouellé. 

La  solution  du  problème  de  la  navigation  de  ce  cours  d'eau  et  de  ses 
sources  importait  trop  au  gouvernement  de  l'État  indépendant  du  Cîongo, 
pour  qu'il  ne  fit  pas  tout  ce  qui  était  en  son  pouvoir  pour  le  faire  explo- 
rer. MM.  Van  Gèle  et  Liénart  furent  chargés  de  cette  mission  et,  dans 
un  premier  voyage  en  octobre  1886,  ils  remontèrent,  BYecV  En- Avant, 
jusqu'aux  rapides  de  Zongo,  par  4*^,20'  de  lat.  N.,  le  point  oii  M.  Gren- 
fell  avait  été  arrêté.  Obligés  alors  de  revenir  à  la  station  de  l'Equateur, 
base  de  leurs  opérations,  ils  ne  tardèrent  pas  à  y  organiser,  en  automne 
de  l'année  dernière,  une  nouvelle  expédition,  dans  laquelle  Vlhi'Avant 
devait  leur  servir  de  moyen  de  transport  et  remorquer  une  grande  piro- 
gue des  Stanley-Falls,  conduite  par  16  pagayeurs  et  pouvant  contenir 
100  personnes.  Ils  prirent  avec  eux,  outre  le  capitaine  du  steamer  et  un 
ingénieur  mécanicien,  24  indigènes  de  l'Equateur  et  17  soldats  haoussa. 

L'expédition  se  mit  en  route  le  26  octobre,  et  déjà  le  21  novembre  elle 
atteignait  les  rapides  de  Zongo.  A  partir  de  ce  moment,  elle  rencontra 
de  sérieuses  difficultés.  En  effet,  jusqu'à  37  kilomètres  en  amont,  le  cours 
de  rOubangi  est  coupé  par  une  succession  de  six  rapides  qui  opposent 
un  obstacle  sérieux  à  la  navigation,  même  pour  un  petit  vapeur  comme 
VEn-Avant,  La  reconnaissance  de  cette  partie  de  la  rivière  exigea  20 
jours  d'un  travail  des  plus  pénibles. 

Au  premier  rapide,  celui  de  Zongo,  V En- Avant  dut  renoncer  à  fran- 
chir la  passe.  Il  fallut  frayer,  au  milieu  des  bois  et  à  travers  l'isthme 
d'un  petit  promontoire,  une  route  par  laquelle  on  pût  opérer  le  trans- 
port des  roues,  des  tambours  et  de  la  cargaison  du  bateau;  dès  lors, 
celui-ci,  allégé  et  tiré  à  l'aide  d'un  câble  le  long  de  la  rive,  put  passer 
assez  aisément  d'aval  en  amont  du  rapide. 

A  30  kilomètres  plus  loin,  une  ligne  de  rochers,  barrant  la  rivière 
d'un  bord  à  l'autre,  forme  le  rapide  de  Bonga,  qui,  aux  hautes  eaux,  offre, 
sur  la  rive  gauche,  un  passage  avec  1",50  d'eau  et  un  faible  courant  que 
V En- Avant  put  remonter;  la  pirogue,  qui  avait  été  détachée,  rejnonta  à 
la  pagaie. 

En  amont,  l'Oubangi  se  resserre  jusqu'à  400™  et,  au  rapide  de  Belly, 
a  une  profondeur  de  15*".  Malgré  cela,  le  courant  est  relativement  faible. 
Au  delà  de  la  passe,  aisément  franchie,  la  rivière  s'élargit  jusqu'à  plus 
de  2000*".  Ses  eaux  roulent  en  bouillonnant  au  milieu  d'îles  et'de  rochers 
qui  en  rendent  la  navigation  difficile.  Le  vapeur  dut  être  de  nouveau 
allégé  de  sa  cargaison,  qui  fut  transportée  par  terre  en  amont  du  rapide. 


-  149  — 

pointes  rocheuses  resserrent  le  cours  de 
int  s'élargit  de  nouveau  et  présente  un 
s  et  de  petites  chutes,  au  milieu  desquels 

Les  explorateurs  ont  donné  à  cette  par- 
le de  l'Eii-Avant. 

érable  se  rencontre  en  un  endroit  où  se 
i  entre  elles  et  aux  deux  bords  par  uue 
utes  et  deux  rapides  d'une  extrême  vio- 
içer  le  steamer,  puis  le  démonter,  après 
sus  de  la  chute  à  l'aide  d'un  fort  câble, 
éléphant  lui  donna  la  chasse  et  le  tua  ; 
le  rapide  de  l'ËIépbant. 
okouangal,  où  la  rivière  a  2000"'  de  lar- 
.  nombreuses,  mais  uue  reconnaissance  en 
;  rive  gauche,  une  passe  que  le  steamer 
té,  ni  déchargé, 
ingi  qui  s'étend  de  Belly  à  Bomokouangal, 

des  rapides,  paiatt  devoir  être  extrême- 

et  surtout  les  récifs  émergeant  de  toutes 

.'est  un  véritable  labyrinthe,  au  milieu 

ivancer  qu'après  avoir  fait  reconnaître 

e. 

le  capitaine  Van  Gèle,  n  elle  est  vraiment 

sont  bordées  de  montagnes  aux  pentes 

prairies,  les  champs  de  mais  et  les  plan- 
t  des  villages  ne  sont  pas  construits  à  ta 
s  collines.  De  loin,  leurs  huttes  font  Tef- 
oupeaux  de  gros  bétail  paissant  dans  les 
lète.  La  terre  paraît  être  d'une  très 
ces,  les  herbes  atteignent  sept  mètres  de 
out  palissades  en  front;  ony  voit  établis, 
re  à  coton),  un,  deux,  quelquefois  jusqu'à 
,  grossièrement  construits,  qui  ont  donné 
riens.  Je  n'ai  pas  vu  de  manioc  ni  de  pal- 
îvanche,  les  bananiemi,  la  canne  ù,  sucre 
t  offert  en  vente  sous  forme  de  farine. 
les  offrent  le  même  type  qu'en  aval  de 

nuque  ;  moustaches  en  brosse,  leur  dou- 
tas de  tatouage  à  la  face.  Ce  peuple  nous 


—  150  — 

a  parfaitement  reçus;  même  lorsque  j'étais  en  pirogue,  il  nous  a  oflFert 
et  nous  a  vendu  des  vivres  en  quantité.  Partout  il  nous  a  accueillis  avec 
des  cris  d'amitié  :  Nzen,  Nzen,  Nzen,  Nzenzé  !  Il  n'est  ni  bruyant,  ni 
gênant,  ni  voleur. 

«  Au-dessus  de  Belly  commence  une  nouvelle  tribu,  celle  des  Ba- 
Kombé,  qui  doit  s'étendre  sur  un  grand  espace  dans  l'intérieur,  entre 
rOubangi  et  le  Congo.  Pour  l'étranger,  ce  qui  distingue  tout  d'abord 
les  Ba-Kombé  de  leurs  voisins,  c'est  l'arrangement  des  chevelures. 
Bien  que  très  diverses,  elles  ont  toutes  une  tendance  à  s'étendre  vers 
l'arrière;  les  unes  se  terminent  en  chignons,  d'autres  ont  presque  la 
forme  que  l'on  remarque  chez  les  Monbouttou,  d'autres  encore  pendent 
sur  le  dos  en  longues  et  minces  tresses,  enroulées  le  plus  souvent  sur 
une  seule.  H  en  est  parfois  qui  ont  près  de  deux  mètres  de  longueur.  » 

C'est  la  première  fois  que  l'on  signale  dans  l'Afrique  centrale  le  fait 
de  chevelures  aussi  abondantes.  M.  le  lieutenant  Liénart  ajoute  que  par- 
fois les  tresses  sont  si  longues,  que  les  femmes  y  font  un  noBud  et  se  les 
passent  au  bras.  La  race  est  foil  belle. 

A  Bomokouangal  la  rivière  descend  du  nord-est.  La  vue  en  est  superbe  ; 
ses  eaux  sont  libres  d'obstacles.  Elle  a  une  largeur  de  800  à  900  mètres 
et  une  profondeur  moyenne  de  4  mètres.  Pendant  environ  50  kilomètres, 
elle  conserve  la  direction  générale  nord-est,  puis  elle  fait  un  coude 
arrondi  et  vient  enfin  franchement  de  l'est,  direction  qu'elle  conserve 
jusqu'au  point  extrême  atteint  par  VEn-Avani^  soit  sur  275  kilomètres 
environ.  Dans  toute  cette  partie  de  son  cours,  la  rivière  est  désignée  par 
les  indigènes  sous  le  nom  de  Doua  ;  elle  ne  reçoit  aucun  affluent  ni  à 
droite,  ni  à  gauche.  Les  villages  étant  situés  à  200  ou  300  pas  dans  l'in- 
térieur, le  pays  semble  inhabité  à  première  vue  ;  mais  il  suffit  d'entrer 
en  relations  avec  un  canot  pour  voir  les  indigènes  surgir  de  toutes  parts. 

«  Je  n'ai  vu  nulle  part,  »  dit  M.  Van  Gèle,  «  une  telle  affluence  de 
vivres,  et  cela  non  seulement  sur  un  point  isolé,  mais  pendant  toute  la 
dui*ée  de  mon  voyage  :  bananes,  farine  de  maïs,  sorgho,  arachides,  pata- 
tes douces,  ignames,  haricots,  cannes  à  sucre,  sésame,  tabac,  bananes 
mûres  confites  dans  du  miel,  vin  de  palme  infusé  de  noix  de  kola;  et 
comme  bétail,  des  moutons  et  des  chèvres  de  toute  beauté.  Mes  hommes 
ont  eu  chaque  jour  la  poule  au  pot,  et  à  plusieurs  reprises  je  leur  ai  fait 
distribuer  les  chèvres  que  l'on  m'envoyait  en  cadeau  et  qui  encom- 
braient le  pont  du  bateau,  tellement  l'abondance  était  grande  partout. 
11  n'a  pas  été  touché  à  un  seul  des  sacs  de  riz  que  j'avais  emportés  de 
l'Equateur  par  mesure  de  précaution.  En  somme,  c'est  un  des  pays  les 
plus  fertiles  et  les  plus  peuplés  que  j'aie  rencontrés  eu  Afrique.  » 


Les  indigènes  de  la  rive  droite  appartiennent  aux  tribus  dei 
et  des  Madourou;  ceux  de  la  rive  gauche  aux  tribus  des  Ba-] 
Mombati  et  des  Bani^y.En  général,  ces  indigènes  se  rasent  un< 
la  tête,  de  manière  k  former  le  dessin  d'un  triangle  dont  le  f 
base.  Les  lobes  des  oreilles  sont  démesurément  allongés,  et  p 
fils  de  cuivre  enroulés  cinq  ou  six  fois  en  guise  de  boucles  d'o 
bien  encore  de  grandes  rondelles  en  bois. 

Dans  cette  partie  de  son  cours,  l'Oubangi  atteint  dé  largi 
lions  et  est  parsemé  d'Ues  dont  la  plupart  sont  cultivé» 
téeâ.  Chez  les  Banzy,  l'architecture  des  huttes  se  modifie  ;  elle 
la  forme  d'un  véritable  cône,  reposant  sur  un  mur  circulain 
50  centimètres  et  construit  en  torchis.  On  dirait  de  vastes  i 
Les  huttes  sont  disposées  par  rangées  formant  de  larges  rues  p 
tenues,  ou  bien  elles  sont  placées  en  un  vaste  cercle,  au  cen 
s'élève  un  tertre  où  se  tiennent  les  réunions.  La  maison  elle 
très  propre,  elle  est  divisée  en  deux  compartiments,  le  deuxièi 
de  chambre  à  coucher. 

Le  fer  —  et  cette  remarque  est  générale  pour  tout  l'Oubi 
admirablement  travaillé  ;  les  indigènes  l'emploient  pour  fab 
lances,  des  couteaux,  des  fers  de  flèche,  des  harpons,  des  hi 
faoues,  des  bêches,  des  cuirasses,  des  boucliers,  des  bracelets,  dt 
tes,  des  perles,  des  tuyaux  de  pipe,  des  gongs,  des  sonnettes. 
En  revanche,  l'ivoire,  bien  qu'abondant,  est  peu  travaillé,  : 
chez  les  Banzy,  oii  l'on  rencontre  à  chaque  instant  des  bracel* 
inent  tournés,  des  épingles  longues  de  30  centimètres  et  deg 
ornées  ou  peUlê,  que  les  femmes,  à  l'instar  de  tant  d'autres 
l'Afrique  centrale,  s'introduisent  dans  la  lèvre  supérieure. 

Toute  cette  population  accueillit  très  bien  les  voyageui-s. 
instant,  des  flottilles  de  30  à  40  canots  entourèrent  YEn-Avc 
hommes  qui  les  montaient  offraient  en  vente  des  vivres  en  a 
Le  steamer  ne  les  efi'rayait  pas,  et  les  coups  de  feu  adressés  p 
de  l'équipage  aux  canards  et  aux  échassiers  qui  passaient  d 
l'autre  ne  semblaient  pas  les  étonner. 

Un  peu  en  amont  de  la  résidence  de  Bemay,  chef  souverain  t 
un  rapide  obstrue  la  rivière.  La  rive  droite  est  impraticabl 
long  de  la  rive  gauche,  en  hÂlant  fortement  avec  un  câble  l 
celui-ci  réussit  à  passer.  Les  indigènes  ban/y  piirent  un  gram 
cette  opération.  Ils  signalèrent  très  obligeamment  aux  voyage 
tence  de  roches  dangereuses  et  enlevèient  de  la  rivière  les 


—  152  — 

pêche  qui  pouvaient  gêner  la  manœuvre.  Fendant  ce  temps,  sur  la  rive, 
les  féticheurs  lançaient  des  invocations  favorables,  tandis  qu'un  certain 
nombre  de  natifs  aidaient  les  hommes  du  steamer  à  tirer  le  cftUe. 
Enfin,  lorsque  V En-Avant  eut  réussi  à  franchir  la  passe,  il  fut  salué  par 
les  cris  d'enthousiasme  des  indigènes,  qui  se  mirent  à  sauter,  à  danser,  et 
vinrent  serrer  les  mains  des  Européens  et  les  féliciter  de  leur  succès. 

A  deux  jours  en  amont,  l'expédition  rencontra  encore  un  petit  rapide, 
celui  de  Cétéma.  h' En-Avant^  déchargé  de  sa  cargaison  transportée  sur 
la  grande  pirogue,  et  tiré  par  le  câble,  franchit  heureusement  la  passe 
située  près  de  la  rive  gauche  et  large  seulement  d'une  quarantaine  de 
mètres. 

Jusque  sous  le  21"*, 30'  de  long.  E.,  les  explorateurs  ne  remarquèrent, 
soit  sur  la  rive  droite,  soit  sur  la  rive  gauche,  aucun  confluent  de  rivière. 
En  ce  point  débouche  le  Bangasso,  vraisemblablement  formé  par  la  réu- 
nion de  l'Engi  et  du  Foro,  traversés  dans  leur  cours  supérieur  par  Lup- 
ton-bey.  En  amont  du  confluent  du  Bangasso  se  rencontrent  les  villages 
des  Mombongo  et  des  Yakoma.  A  partir  de  ce  moment,  les  natifs  modi- 
fièrent leur  attitude.  Us  devinrent  provocants.  La  rive  nord,  que  suivait 
le  bateau,  se  couvrait  de  monde  en  armes  ;  les  canots  suivaient  le  stea- 
mer. Partout,  sur  le  passage  des  voyageurs,  éclataient  des  manifesta- 
tions hostiles. 

Le  1"  janvier  1888,  V En- Avant  suivait  la  rive  nord  du  fleuve,  lorsqu'il 
se  trouva  en  présence  d'une  nouvelle  ligne  rocheuse-qui  le  força  à  redes- 
cendre, afin  de  trouver  un  passage  le  long  de  la  rive  sud.  Un  peu 
en  aval  de  ce  point,  de  nombreux  bancs  de  sable  parsemant  la  rivière,  le 
steamer  dut  se  séparer  momentanément  de  la  grande  pirogue  qui  le  sui- 
vait. Aussitôt  de  nombreux  canots  indigènes  entourèrent  celle-ci,  et 
plusieurs  lances  furent  jetées  aux  hommes  qui  la  montaient.  Un  moment 
après,  V En-Avant,  qui  continuait  à  descendre  la  rivière,  donna  sui*  un 
roc  et  une  large  voie  d'eau  se  déclara  à  l'avant.  Le  bateau  fut  aussitôt 
allégé  de  sa  cargaison,  qui  pajssa  dans  la  pirogue,  et  que  M.  le  lieutenant 
Liénart  fut  chargé  de  transporter  à  la  rive  et  d'y  défendre  avec  une  par- 
tie des  soldats.  Pendant  ce  temps,  l'équipage  s'occupait  à  boucher  la 
voie  d'eau  et  à  remettre  le  bateau  en  état  de  gagner  l'île  voisine  pour  y 
être  réparé. 

A  terre,  M.  Liénart  fut  d'abord  reçu  très  pacifiquement;  il  fit  même 
l'échange  du  sang  avec  un  des  chefs  yakoma  ;  mais  ce  n'était  qu'une 
feinte,  car  bientôt  il  fut  vigoureusement  attaqué  par  les  natifs,  qui  lui 
tuèrent  deux  hommes  à  coups  de  lance.  L'un  des  deux  était  le  fils  d'un 


[  —  153  - 

des  principaux  chefs  des  environs  de  l'Equateur,  perte  fort  sensible,  car 

I      te  jeune  nègre  était  fort  aimé  de  tous.  Après  une  riposte  de  mousquete- 

I      rie,  qui  mit  les  assaillants  en  fuite,  les  bateaux  avec  les  équipages  et  la 

I      cargaison  réussirent,  sans  autre  lutte,  à  gagner  une  des  îles  de  la  rivière 

où,  pendant  trois  jours,  le  travail  de  réparation  du  steamer  put  être 

poursuivi. 

Malheureusement,  les  velléités  belliqueuses  des  indigènes  n'étaient 
pas  calmées,  et,  pendant  la  journée  du  5  janvier,  l'expédition  fut  encore 
vigoureusement  attaquée,  à  la  fois  par  terre  et  par  eau  ;  elle  eut  même 
à  repousser  l'agression  d'une  flottille  de  50  à  60  pirogues  de  guerre.  Les 
indigènes  prenaient  sans  doute  les  étrangers  pour  des  Soudanais,  dont 
les  avant-gardes  ont  pénétré,  paratt-il,  jusqu'à  ce  point  de  l'Ouellé.  Le 
combat  fut  sanglant  pour  les  indigènes,  qui  se  retirèrent  en  laissant  bon 
nombre  des  leurs  sur  le  terrain. 

L'état  du  steamer,  la  baisse  des  eaux,  la  densité  extraordinaire  de  la 
population  des  rives  et  des  îles  et  son  attitude  hostile  ne  permettant  pas 
de  s'aventurer  plus  avant  sans  courir  le  risque  de  compromettre  le 
retour  de  l'expédition,  M.  Van  Gèle  décida  de  ne  pas  pousser  plus  loin 
la  reconnaissance  de  l'Oubangi. 

L'accident  arrivé  au  steamer  ayant  eu  lieu  par  21°, 55',  et  le  point 
extrême  atteint  par  Junker  sur  l'Ouellé  se  trouvant  par  22°, 55',  il  en 
résulte  qu'entre  les  deux  points  reconnus  la  section  de  la  rivière  encore 
inexplorée  a  un  degré  de  longueur,  soit  111  kilomèti'es.  Quant  à  la  lati- 
tude, elle  est  exactement  la  même  :  4°, 20';  entre  les  points  extrêmes 
connus»  la  rivière  conseiTe  donc  sa  direction  générale  est-ouest.  Sa  lar- 
geur chez  les  Yakoma  est,  d'après  M.  Liénart,  d'envii-on  2,500  mètres. 
Elle  est  toute  parsemée  d'îles  ;  les  plus  grandes  sont  habitées  ;  sur  les 
rives,  la  population  est  compacte;  sur  la  rive  nord,  le  village  oîi  il  a 
abordé  mesurait  plus  de  5  kilomètres  de  développement  à  la  rive.  Le 
D' Junker  a  constaté  ces  mêmes  caractères  généraux  au  point  oîi  il  a  dû 
abandonner  l'exploration  de  l'Ouellé. 

C'est  dans  la  section  de  la  rivière  qui  reste  à  explorer  que  l'Oubangi 
doit  recevoir,  sur  la  rive  droite,  le  Mbomo,  son  principal  affluent  d'après 
Junker;  ce  confluent  devait  se  trouver  à  une  huitaine  de  jours  en  aval 
d'Ali-Kobo,  soit  à  peu  près  au  point  où  est  parvenue  l'expédition  Van 
Gèle.  Or,  précisément  à  une  assez  grande  distance  en  amont  de  ce  point, 
M.  Liénart  a  constaté  de  loin  sur  la  rive  droite,  dans  la  ligne  des  colli- 
nes, coname  l'ouverture  d'une  large  vallée.  C'est  probablement  celle  du 
Mbomo,  descendant  de  l'est-nord-est  et  rejoignant  l'Oubangi  par  envi- 
ron 22°  de  long.  Est. 


r 


105  - 


■mgnifiquea  forSts,  et  il  y  m  de  très  jolis  endroits,  HalheureuBemeDt  lea  Massarua 
ta  Bashmen  mettent  le  feu  aux  herbes  et  détruisent  de  grandes  étendues  de  forêts. 
Ils  le  font  pour  se  procurer  de  petites  bulbes  qui  leur  servent  de  nourriture;  ces 
Mbes  ne  sont  point  mauTaises.  Les  Bushmen  sont  bien  maigres  et  leurs  huttes 
li«n  mal  bftties;  on  sent  qu'ils  sont  faits  pour  le  désert.  Ils  traquent  le  gibier, 
pCcbent  et  Tirent  ainsi  misérablement  sans  chercher  une  existence  meilleure, 
lama  essaye  de  les  grouper  et  leur  a  donné  des  chèvres  pour  les  encourager. 
Ceax  qui  ne  demeurent  pas  loin  de  Mangwato  sont  appelés  pour  aider  aux  mois- 
wub;  ce  sont  les  esclaves  du  rang  le  plus  bas.  Les  Ba-Maogwato  ont  d'abord 
comme  esctaveg  les  Ma-Kataka,  puis  les  Bushmen.  Notre  traversée  dura  dens 
sois  pendant  lesquels  nous  perdîmes  beaucoup  de  bceufs.  La  rivière  Nata,  qui  se 
jMte  dans  le  Macaricari  sous  le  nom  de  Shoa,  est  une  jolie  rivière.  Là  où  la  route 
la  traverse,  l'eau  en  est  douce,  plus  bas  elle  est  salée.  Un  j  trouve  de  très  beaux 
poissons.  Panda-Mateoka  est  situé  sur  uoe  petite  éminence,  au-dessus  d'une  vaste 
plaine  où  coule  un  ruisseau.  Cette  plaine  n'est  qu'uo  raste  marais,  ce  qui  rend 
cet  endroit  insalubre.  Les  jardins  des  missionnaires  romains  sont  très  beaux,  mais 
leur  cimetière  fait  une  triste  impression. 

Nous  arriïoia  au  Zambèze,  k  Kazoungoula,  à  l'endroit  même  où  la  Linyanti  ou 
Chobé  s'unit  au  Zambèze.  Les  eaux  sont  très  calmes.  Le  Cbobé  est  un  peu  salé 
par  le  fait  qu'il  reçoit  l'eau  d'une  source  minérale  qui  n'est  pas  loin  de  Kazoun- 
goula. Les  indigènes  vont  y  chercher  leur  sel  qu'ils  font  cuire  et  auquel  ils  don- 
nent une  forme  de  pain.  Ce  sel  n'est  pas  pur,  comme  vous  pouvez  le  penser. 

Le  Zambèze  est  bordé  de  roseaux.  Quand  on  le  traverse  pour  la  première  fois, 
on  éprouve  une  impression  singulière.  En  cet  endroit  il  est  très  profond.  On  dit 
qu'il  y  a  des  crocodiles,  mais  nous  n'en  vîmes  aucun.  La  nuit,  nous  entendions 
qnelqaefois  le  ronflement  d'un  hippopotame.  Nous  prenions  nos  repas  sous  un 
grand  arbre,  le  kazoungoula;  il  avait  des  fruits  semblables  aux  baricots,  mais 
longs  d'un  pied  et  très  épais;  ils  devaient  peser  au  moins  deux  kilogrammes.  La 
traversée  de  nos  bœufs,  de  nos  wagons  et  de  nos  caisses  nous  prit  une  dizaine  de 
jours,  et  nous  dûmes  payer  aux  indigènes  une  fone  somme  de  360  yards  de  calicot, 
plus  des  couvertures.  M.  Jalla  fut  laissé  en  arrière  avec  les  bagages  et  les  wagons. 
MM.  Coiltard,  Jeanmairel,  Ooy  et  moi,  nous  partîmes  en  canot  pour  Seshéké,  En 
wagon  on  met  trois  jours  pour  franchir  cette  distance ,  en  canot  deux  jours  seu- 
lement. Le  Nguézi  et  le  Kasat,  les  deux  rivières  que  l'on  traverse  avant  d'arriver 
^  Sesbéké,  ne  sont  pas  grandes.  Les  plaines  qu'ils  parcourent  sont  littéralement 
remplies  de  buffles  et  autre  gibier.  —  Sesbélté  est  une  jolie  petite  station  mis- 
sonnaire  à  10  minutes  du  village.  Là  les  crocodiles  abondent  et  il  est  dangereux 
d'aller  au  bord  de  l'eau.  Nous  quittons  les  Jeanmairet  et  arrivons  bientôt  aux 
rapides  de  Katima  Molilo.  Les  chutes  de  N'Gonye,  en  amont,  sont  magnifiques; 
pour  les  voir,  on  va  sur  une  Ile  en  face  des  cataractes.  Une  masse  d'eau  considé- 
rable se  précipite  en  bouillonnant  dans  l'entonnoir  en  bas. 

Ce  qu'on  nomme  la  Vallée  est  une  vaste  plaine  sans  arbres  où  coule  le  Zambèze  ; 
c'est  ta  partie  la  plus  triste  du  fleure.  On  remonte  cette  plaine  pendant  trois  jours 


—  156  — 

«t  Ton  arriye  au  débarcadère  de  Séfoula.  Après  trois  heures  de  marche  environ, 
on  atteint  la  colline  sur  laquelle  est  bâtie  la  station.  Tout  autour,  le  terrain  ne 
présente  qu'un  sable  épais  dans  lequel  on  enfonce  et  qui  fourmille  de  petites 
puces;  celles-ci  pondant  leurs  œufs  sous  les  ongles  des  orteils,  y  causent  des  abcès 
douloureux.  Au  bas  de  la  colline  coule  un  tout  petit  ruisseau  que  M.  6oy  canalise 
pour  arroser  ses  champs. 

Depuis  le  26  septembre  j'ai  été  très  malade  par  suite  d'une  insolation  et  je  ne 
puis  encore  rien  faire,  mes  pieds  étant  enflés  et  mon  corps  très  faible.  Ma  conva- 
lescence  est  très  lente,  car  les  stimulants  dont  mon  cas  aurait  besoin  me  font 
défaut.  Dieu  a  été  très  bon  envers  moi,  car  j'ai  été  très  bas  et  il  m'a  relevé.  Je 
crois  que  le  climat  de  Seshéké  est  meilleur  que  celui  de  Séfoula. 

La  saison  des  pluies  approche  et  nous  avons  déjà  des  orages  magnifiques.  Les 

roulements  du  tonnerre  sont  presque  continus  et  le  bruit  en  est  beaucoup  plus 

fort  que  chez  nous. 

H.  Dardikr. 


lietlre  de  Sesbéké  (Zambème  mojen),  d«  H.  D.  JeABBSAlret. 

Seshéké,  28  décembre  1887. 

La  dernière  lettre  que  je  vous  ai  adressée  était  de  Eazoungoula,  au  mois  d'août. 
Dès  lors,  MM.  Coillard,  Dardier  et  Goy  se  sont  rendus  à  la  Vallée  par  le  fleuve 
et  ont  fait  un  bon  voyage.  Toutefois,  en  arrivant  à  Nalolo,  ces  deux  jeunes 
messieurs  furent  atteints  de  la  fièvre.  On  dut  mander  le  scotch  cart  pour  les  con- 
duire de  la  rivière  à  Séfoula.  M.  Dardier  qui  avait  eu  une  insolation  n'a  pas  cessé 
d'être  malade  depuis  cette  époque.  M.  Goy  a  quelques  violentes  attaques  qui 
finissent  au  bout  de  peu  de  temps  ;  il  a  déjà  commencé  à  canaliser  un  terrain 
convenable.  M.  Waddell  ne  va  pas  très  bien  non  plus,  sans  abandonner  ses  nombreux 
travaux;  quant  à  nos  parents,  ils  sont  bien  en  général  ou  relativement,  ainsi  que 
la  famille  d'Arone,  peut-être  à  l'exception  de  Ma  Ruthe,  sa  femme. 

Ici,  à  Seshéké,  nous  avons  tous  joui  d'une  excellente  santé  jusqu'au  mois  de 
novembre.  Alors  M.  Jalla  a  pris  la  fièvre  qui  l'a  fortement  éprouvé;  il  commence 
seulement  à  reprendre  un  peu  le  dessus  depuis  deux  jours.  Lui  et  M.  Dardier  ont 
ce  qu'on  appelle  en  anglais  the  low  fever,  la  forme  la  moins  violente  de  la  mala- 
die, mais  la  plus  tenace. 

Moi-même,  j'ai  eu  une  forte  attaque,  mais  qui  n'a  duré  que  trois  jours,  et  un  peu 
due  à  mon  imprudence.  Madame  Jalla  n'a  jamais  eu  la  fièvre  et  se  porte  très 
bien.  Ma  femme  aussi  se  sent  mieux  que  précédemment;  sans  avoir  été  vraiment 
malade  elle  était  un  peu  languissante.  Notre  chère  enfant  est  très  bien  et  se 
développe  rapidement.  Elle  s'essaye  à  marcher,  babille  beaucoup  et  fait  la  joie  de 
ses  parents.  Nous  jouissons  beaucoup  de  la  présence  de  M.  et  M""*  Jalla  à  Seshéké; 
cela  aussi  nous  rend  des  forces. 

Vendredi  soir,  23  décembre,  sont  arrivés  MM.  Dardier  et  Middleton  avec  nos 


—  158  — 

à  de  nouveaux  voyages.  J*espère  avoir  fini  en  novembre  ou  décembre  et  pouvoir 
repartir  au  commencement  de  Pannée  prochaine.  Quand  mes  plans  seront  bien 
établis,  je  vous  les  communiquerai. 

Permettez-moi  une  remarque  au  sujet  de  votre  journal.  Dans  le  numéro  de 
mars  (p.  72),  vous  parlez  des  troupes  que  le  gouvernement  allemand  fera  débarqaer 
dans  le  Lûderitzland  ;  ce  n'est  pas  au  Lûderitzland  qu'on  envoie  ces  soldats,  mais 
au  Hereroland.  L'or  qu'on  a  trouvé  l'année  passée,  se  trouve  à  Anawooa,  à  quel- 
ques lieues  au  sud  d'Otjimbingue,  c'est-à-dire  dans  le  Hereroland  proprement  dit. 

Quand  M.  Lûderitz  a  acheté  des  Naman  Angra-Pequena  et  la  région  côtière  au 
sud  et  au  nord  de  ce  pays,  la  Gazette  de  Cologne  et  plus  tard  la  KoloniàUeitung 
ont  proposé  d'appeler  cette  possession  Lûderitzland.  Le  Lûderitzland  s'étend 
donc  du  fleuve  Orange  jusqu'au  26»  lat.  s.  sur  une  largeur <  d'une  centaine  de 
kilomètres.  Il  forme  une  partie  du  Gross-Namaland,  et  non  du  Hereroland.  La 
Société  de  colonisation  pour  l'Afrique  australe  et  occidentale  a  introduit  ces  dési- 
gnations :  Deutsch-Gross-Namaland,  comprenant  les  territoires  de  Lûderitz,  de 
Bethanie,  de  Rehobot,  de  Jan  lonker,  etc.  ;  Deutsch-Hereroland,  pour  le  terri- 
toire de  Maharéro,  chef  des  Héréros,  et  Kaoko  pour  la  région  littorale  entre 
Wallfischbai  et  le  Cunéné  ;  mais  il  m'est  impossible  d'y  voir  un  avantage  quel- 
conque. Pourquoi  ne  pas  appeler  tout  le  pays  borné  par  l'Océan  Atlantique,  le 
Cunéné  jusqu'à  la  première  cataracte,  l'Okavango  et  les  limites  de  la  zone  des 
intérêts  anglais,  simplement  <  zone  des  intérêts  allemands,  »  et  ne  pas  conserver  les 
désignations  des  aborigènes  :  Gross-Namaland,  Hereroland,  Eaoko  et  Amboland 
(non  OiTamboland)  ?  Il  vaut  mieux  dire  Hereroland  que  Damaraland,  parce  que 
damara  est  un  mot  emprunté  à  la  langue  des  Naman,  tandis  que  Héréro  est  le 
mot  propre  des  Ovahéréro  ou  Héréros.  Dire  Ovamboland  est  incorrect,  car  ce 
mot  est  formé  de  Ova  ambo;  or  ova  est  le  préfixe  pour  le  pluriel,  de  même  qae 
Ova-héréro,  et  comme  personne  ne  dit  Ovahéréroland,  il  faut,  pour  la  même  raison, 
éviter  de  dire  Ovamboland.  Nama  est  la  racine;  au  singulier  masculin  on  dit  : 
namal  ;  au  singulier  féminin  namas,  et  au  pluriel  pour  les  deux  genres  naman  ; 
namai  est  un  singulier  pour  les  deux  genres.  On  l'emploie  quand  on  ne  sait  pas  si 
une  personne  qu'on  voit  venir,  par  exemple,  est  une  femme  ou  un  homme.  Donc  en 
français  il  convient  d'écrire  le  Héréro,  les  Héréros,  le  Nama,  les  Namas,  PAmbo, 
les  Ambos,  ou  mieux  encore,  mais  plus  difficile  à  comprendre  pour  le  lecteur,  le 
Orauhéréro,  les  Ovahéréro,  le  Namai,  les  Naman  ;  au  pluriel  masculin  :  Namagu, 
au  pluriel  féminin  Namati,  et  l'Omuambo,  les  Ovambo  (le  second  a  — Ovaambo — 
disparaît). 

Si  vous  avez  de  la  place  dans  un  de  vos  prochains  numéros,  je  vous  prierai 
d'insérer  cette  petite  note;  je  suis  sûr  qu'on  vous  en  sera  reconnaissant,  car  la 
plupart  des  journaux,  même  les  Mittheilungen  de  Petermann,  le  Globus,  etc.,  font 
encore  des  fautes  à  cet  égard. 

Hans  ScHiNz. 


—  160  — 

iiuptessions  sur  la  capitale  de  TAlgérie,  il  pail  pour  Blidah  qui  devi< 
le  centre  d'excursions  variées  au  Bois  sacré,  au  val  de  rOued-el-Keb| 
au  tombeau  de  la  Chrétienne,  aux  ruines  romaines  de  Tipaza,  à  CIm 
chel,  à  Milianah  et  à  la  vallée  du  Chélif,  aux  gorges  de  la  Chiffa  où 
voyageui*  a  eu  l'avantage  rare  de  voir  une  bande  de  singes  gambac 
dans  les  arbres.  Blidah  est  son  quartier  général,  d'où  la  plupart  de 
lettres  sont  datées,  il  en  donne  un  tableau  très  intéi-essant,  pj 
d'une  foule  de  détails  curieux.  Enthousiaste  de  la  nature  algérienne,^ 
cherche  à  laisser  une  impression  aussi  vraie  que  possible  du  panon 
qui  s'est  déroulé  sous  ses  yeux  et  à  faii-e  aimer  la  belle  et  puissante 
lonie.  Toutefois,  il  ne  se  gène  pas  pour  critiquer  la  vie  arabe  et  la  fâ< 
souvent  peu  hospitalière  dont  le  voyageur  est  ti-aité.  Pour  lui,  le  parfi 
de  l'Arabe  n'a  rien  de  commun  avec  les  parfums  de  l'Arabie  ;  raméi 
gement  des  hôtels  est  encore,  à  peu  d'exceptions  près,  à  Tétat  primiti 
le  climat,  même  dans  la  saison  hivernale,  n'est  pas  tel  qu'on  s'est 
à  le  représenter;  mais  son  patriotisme  l'empêche  d'insister  sur 
imperfections  qui  se  rencontrent  ailleurs  qu'en  Algérie. 

F.  Tissot  et  C.  Amero.  Au  pays  des  nègres.  Peuplades  et  pays 
d'Afrique.  Paris  (Firmin-Didot  et  C«),  1887,  in-8%  232  p.,  ilL,  fr.  1, 
—  Le  volume  de  géographie  descriptive  que  MM.  Tissot  et  Amero  vi 
lient  d'ajouter  à  leur  collection,  nous  semble  supérieur  aux  précéden 
principalement  parce  qu'il  forme  un  texte  suivi,  au  lieu  de  consister 
une  série  d'extraits  empruntés  aux  récits  de  voyages  et  mis  bout  à  b 
sans  aucune  explication.  Certaines  parties  sont  toutefois  à  critiquëie«S 
comme  n'ayant  pas  été  mises  à  jour  ;  le  chapitre  des  voyages  en  Afriqii  ^ 
doit  être  daté  de  plusieui-s  années  en  arrière  et  non  de  1887  ;  de  mè 
le  Congo  aurait  pu  être  l'objet  d'un  plus  grand  développement.  D'aut 
part,  le  plan  de  l'ouvrage  gagnerait  à  être  modifié  dans  le  sens  d' 
meilleure  succession  des  sujets.  Le^  chapitres  ne  se  suivent  pas  dans  u 
ordre  méthodique  ;  Tétude  sur  les  peuples  africains  est  placée  aprè 
l'esclavage,  et  après  une  description  sur  les  ditféren tes  contrées  africaines 
c'est  par  un  chapitre  sur  les  chausses  que  se  termine  le  volume.  Toutefois 
l'ensemble  est  intéressant,  et  tout  à  fait  à  la  portée  de  la  jeunesse,  he 
grands  traits  de  la  géographie  sont  exposés  avec  clarté  et  exactitude 
les  mœure  des  habitants  décrites  sans  exagération.  Ce  livre  ne  pe 
manquer  de  plaire  à  la  catégorie  des  lecteurs  à  laquelle  il  est  destiné. 


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BULLETIN  MENSUEL  {4  juin  1888  '). 

M.  Grant  Alleu,  littérateur  anglais,  qui  a  passé  Thiver  en  Al§^ple» 
a  communiqué  à  ses  compatriotes  ses  impressions  ^ur  cette  colonie  fran- 
çaise, dans  des  pages  où  il  s'eiforce  de  leur  faire  comprendre  l'impor- 
tance de  l'œuvre  accomplie  par  la  France,  pour  la  civilisation,  sur  l'an- 
cienne côte  de  Barbarie.  Ne  pouvant  les  reproduire  toutes,  nous  nous 
bornons  à  ce  qui  sUit  :  «  Tout  observateur  impartial,  »  dit-il,  «  des  mer- 
veilleux résultats  obtenus  par  un  demi-siècle  d'occupation  française  au 
nord  de  l'Afrique,  sera  obligé  de  convenii*  que  cette  occupation  est  le 
plus  grand  des  bienfaits  pour  le  continent  noir,  et  que  la  civilisation 
implantée  à  Alger  rayonne  déjà  et  s'infiltre  rapidement  même  au  delà 
du  désert.  Or,  il  importe  de  considérer  que  les  Français  ont  eu  ici  à 
lutter,  non  seulement  contre  les  difficultés  résultant  de  la  nature  du  sol, 
mais  contre  une  race  hostile,  contre  une  religion  farouche,  et  contre  une 
civilisation,  inférieure  sans  doute,  mais  qui  avait  poussé  de  profondes 
racines.  Et  pourtant,  en  dépit  de  ces  obstacles,  ils  ont  réussi  ;  si  bien 
réussi,  qu'à  Alger,  au  milieu  des  palmiers  et  des  aloès,  des  mosquées  et 
des  Arabes,  des  rues  maures  et  des  mendiants  orientaux,  le  voyageur  se 
prend  à  tout  instant  à  oublier  qu'il  n'^t  pas  en  France,  tant  la  vie  est 
douce  et  commode  ;  et  c'est  en  sursaut  qu'il  revient  à  la  réalité,  pour 
se  dii-e  qu'il  est  en  Afrique.  » 

En  vue  du  développement  de  la  culture  de  la  ramle  en  Algérie,  dont 
nous  parlions  dans  un  précédent  numéro  (p.  117-122),  le  ministre  de 
l'agriculture,  se  basant  sur  le  fait  que  ce  développement  est  intimement 
lié  avec  la  solution  du  problème  de  la  décortication  pratique  et  écono- 
mique de  cette  plante,  a  institué  un  concours  international  d'appareils 
et  de  procédés  industriels  propres  à  cette  décortication,  qui  aura  lieu  à 
Paris  le  15  août  1888.  Des  prix  seront  accordés  aux  meilleures  machines 
propres  à  décortiquer  la  raraie  en  vei*t  ou  à  l'état  sec,  mues  par  des 
moteurs  à  vapeur  ou  par  un  manège,  ainsi  qu'aux  procédés  les 
meilleurs  et  les  plus  économiques  pour  transformer  les  lanières  de  ramie 
en  filasse.  Les  expériences  pratiques  se  feront  à  la  ferme  de  l'Institut 

*  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
rAlgérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

l'IFRIQUE.   —   NEUVIÈME   ANNÉE.   —  K*   6.  6 


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agronomique  près  de  Paris,  où  des  tiges  de  rainie  seront  mises  à  la  dis- 
position du  jury.  Les  exposants  seront  tenus  de  faire  fonctionner  teurs 
machines  pendant  un  temps  déterminé  par  le  jury.  Immédiatement 
après  ses  opérations,  le  jury  adressera  au  ministre  de  Tagricnlture  un 
rapport  détaillé  sur  les  essais  effectués  et  sur  les  résultats  du  concours. 
Les  Missions  d'Afrique  nous  apportent,  sur  Biskrm»  des  informa- 
tions qui  font  prévoir  pour  cette  localité  un  développement  de  popula- 
tion beaucoup  plus  considérable  que  les  six  mille  habitants  qu'elle 
compte  aujourd'hui;  elle  le  devra  à  son  climat  et  à  ses  eaux.  «  Il  est 
impossible,  »  dit  le  journal  susmentionné,  a  de  se  faire  une  idée  exacte  du 
charme  qu'offre  pendant  l'hiver  le  climat  de  cette  oasis,  du  moins  dans 
le  jour.  La  moyenne  de  température  à  l'ombre,  vers  midi,  pendant  les 
mois  les  plus  froids  de  nos  contrées  d'Europe,  c'est-à-dire  en  janvier  et 
février,  varie  de  16  à  20  degrés.  La  nuit  c'est  autre  chose;  les  nuits 
sont  froides,  même  très  froides  quand  le  ciel  n'est  pas  couvert  ;  cela 
tient  à  l'intense  rayonnement  nocturne  causé  par  la  pureté  extrême  de 
l'air.  Les  Arabes  allument  du  feu,  la  nuit,  en  plein  air  ;  les  Européens 
font  du  feu  dans  leurs  maisons  dont  presque  toutes  les  chambres 
ont  des  cheminées.  Ce  qui  n'est  pas  moins  précieux  pour  Biskra 
ce  sont  ses  eaux  minérales.  Les  Romains  en  connaissaient  déjà  l'effica- 
cité. La  belle  piscine  construite  par  eux  se  voit  encore  au-dessous  de  la 
source  principale,  qui  sort  en  bouillonnant  à  une  température  de  48''  au 
milieu  du  bassin  principal.  Elle  coule  de  là  dans  quatre  bassins  inférieurs 
où  les  indigènes  n'ont  jamais  cessé  de  venir  se  baigner  en  grand  nombre, 
et,  fait  bon  à  noter,  ils  guérissent  leurs  rhumatismes  dans  des  conditions 
très  peu  favorables.  Il  n'y  a  en  effet  autour  de  la  piscine  aucune  habita- 
tion quelconque,  ni  d'autre  réduit  qu'un  café  maure.  Ceux  qui  viennent 
pour  des  cures  campent  en  plein  air,  ou,  tout  au  plus,  sous  des  tentes 
en  poil  de  chameau.  Mais  actuellement  on  prépare  un  établissement 
de  bains  à  l'européenne,  avec  hôtels  convenables  destinés  à  recevoir  les 
baigneurs.  Ce  sera  une  station  balnéaire  d'hiver  excellente,  sous  un 
soleil  et  un  ciel  incomparables,  dans  un  air  sec  et  fortifiant,  l'air  du 
désert,  qui  est  déjà  à  lui  seul,  en  certains  cas,  un  curatif  ;  enfin,  avec 
des  eaux  d'une  efficacité  certaine.  La  route  d'El-Kantara  à  Biskra  va 
être  remplacée  par  le  chemin  de  fer  qui,  au  mois  d'octobre  prochain, 
déposera  les  voyageurs  au  milieu  même  de  l'oasis.  Avec  le  train-éclair 
de  Paris  à  Marseille,  les  bateaux  rapides  de  la  Compagnie  transatlanti- 
que entre  Marseille  et  Philippeville,  le  chemin  de  fer  ininterrompu  entre 
Ph'lippeville  et  Biskra,  on  peut  calculer  qu'en  cinquante  heures  environ 


ï 


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OB  pourra  édianger  le  climat  de  Paris  contre  celui  du  Sahara,  les  brouil- 
lards de  la  Seine  contre  le  ciel  du  désert.  » 

Le  succès  du  Conc#aps  af^lcole  qui  vient  d'avoir  lieu  à  Tunis 
témoigne  des  grands  progrès  accomplis  dans  la  régence  depuis  la  pro- 
clamation du  protectorat  français.  U  a  attiré  une  grande  affluence  de 
visiteurs  venus  de  France,  d'Algérie  et  de  Tintérieur  de  la  Tunisie.  Il 
comprenait  de  grands  ruminants,  des  chevaux,  des  moutons,  des  char 
meaux,  des  animaux  de  basse-cour  ;  plus  de  700  instruments  et  machines 
agricoles;  ime  quantité  considérable  d'objets  et  produits  divers  de  l'in- 
dustrie indigène  se  rattachant  à  l'agriculture  et  au  commerce;  des 
huiles  de  toutes  qualités  de  provenance  tunisienne  ;  des  vins  d'Algérie  et 
de  Tunisie,  des  plans  de  caves  et  celliers  ;  des  mémoires  nombreux  sur 
la  culture  de  l'olivier,  et  sur  les  procédés  de  fabrication  de  l'huile,  sur 
l'aménagement  des  celliers  et  la  fabrication  du  vin.  —  Une  exposition 
scolaire  y  était  jointe,  résimiant  les  efforts  des  écoles  françaises  de  la 
régence  et  présentant  des  spécimens  des  écoles  algériennes.  U  y  avait 
aussi  une  exposition  des  beaux-arts  renfermant  environ  200  tableaux, 
aquarelles,  dessins  ou  sculptures  d'un  ensemble  remarquable.  Lors  de  la 
distribution  des  récompenses,  le  résident  français  a  annoncé  que  le  gou- 
vernement tunisien,  voulant  favoriser  l'agriculture  et  le  commerce,  avait 
décidé  de  supprimer  les  taxes  perçues  sur  les  huiles  étrangères  à  leur 
entrée  en  Tunisie,  ainsi  que  les  droits  sur  le  bétail  importé.  Cette  der- 
nière mesure  favorisera  surtout  le  développement  de  la  race  ovine  et  le 
commerce  des  laines. 

La  Deutsche  Rundschau  fiir  Géographie  und  Staiistik  a  publié  un 
extrait  d'une  lettre  du  professeur  Vlrcho^v,  datée  de  Louksor  du 
2b  mars.  Nous  la  reproduisons  ici  :  a  A  mon  amvée  à  Alexandrie,  le 
22  février,  M.  Schliemann  me  reçut  au  bateau  et  me  demanda,  vu  la 
maison  déjà  avancée,  de  remonter  le  Nil  sans  délai  pour  visiter  la  haute 
Egypte.  Après  un  très  court  séjour  au  Caire  nous  en  partîmes  avec 
la  malle  égyptienne  ;  déjà  le  28  nous  atteignions  Assouan,  et  le  lende- 
main nous  pouvions  nous  rembarquer  à  Challal,  en  amont  de  la  première 
cataracte.  Dès  lors  notre  voyage  eut  un  caractère  plus  ou  moins  belli- 
<iueux.  Les  Ababdé  du  sud,  sous  la  conduite  des  derviches,  avaient  pris 
<)uelques  bateaux  chargés  de  dourrha,  coupé  le  télégraphe^  emmené  un 
employé,  tué  sa  femme  et  pillé  plusieurs  villages.  Nous  navigâmes  sous 
forte  escorte  militaire,  et  avec  de  nombreux  transports  d'argent  et  de 
vivres  pour  les  troupes  de  Wadi-Halfa.  Le  surlendemain  nous  fûmes 
réellement  attaqués,  mais  le  tir  de  nos  soldats  noirs  fut  excellent  ;  ils 


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tuèrent  le  chef  des  rebelles  et  blessèrent  un  certain  nombre  de  ceax-cî. 
Enfin  une  canonnière  vint  à  notre  secoui-s  ;  elle  canonna  le  vieux  fort  en 
terre  dans  lequel  les  dervidies  s^étaient  étabHs.  Le  lendemain,  nous 
quittâmes  le  bateau  près  de  Ballany,  village  berbère,  près  du  grand 
temple  d'Abou-Simbel,  qui  nous  occupa  huit  jours.  Le  9  mars,  le  bateau- 
poste  nous  rejoignit  et  nous  transporta  à  Wadi-Halfa,  forteresse  à  la 
frontière  du  royaume  actuel  d'Egypte.  De  là  un  canot  nous  conduisit  à 
travers  les  secondes  cataractes  jusqu'au  pied  du  célèbre  rocher  d'Abou- 
Sir,  mais  l'apparition  de  derviches  sur  la  rive  orientale  nous  fit  rebrous^ 
ser  chemin  rapidement.  Après  cela  notre  voyage  s'etiectua  sans  nou- 
veaux obstacles.  Le  13  nous  revenions  à  Challal,  et  le  14  après  raidi^ 
nous  atteignions  de  nouveau  Assouan,  après  une  traversée  un  peu  folle 
des  premières  cataracte>s.  Nous  eûmes  encore  le  temps  de  voir  les 
fouilles  actuelles  dans  les  rochers  et  de  faire  une  collection  de  crânes. 
Depuis  le  15  nous  sommes  à  Louksor  dont  nous  avons  exploré  les  admi- 
rables monuments  dans  toutes  les  directions  malgré  la  chaleur  ardente. 
Nous  pensons  aller  demain  â  Denderah  et  à  Abydos,  et  vers  le  milieu  de 
la  semaine  prochaine,  rejoindre  Schweinfurth  au  Fayoum. 

Le  Bosphore  égyptien  a  reçu  communication  d'un  manifeste  adressé 
aux  peuples  du  Soudan  par  le  khalife  AtMlooUah,  successeur  du 
Mahdi.  En  voici  les  parties  les  plus  saillantes  :  Vous  savez  que  les  Turcs. 
(sultans,  khédives)  à  qui  échéait  le  khalifat  sur  la  terre  se  sont  écartéa 
des  droits  sentiers  et  ont  renié  leur  foi,  en  remettant  leur  puissance  aux 
infidèles,  et  livrant  les  biens  des  mahométans  à  ces  chiens,  qui  depuis^ 
gouvernent  tous  les  pays  musulmans  d'après  leurs  codés  et  règlements 
sataniques.  Le  Mahdi  Aleih-el-Salam  vous  avait  adressé  plusieurs  décrets 
et  mandements  portant  son  saint  cachet,  par  lesquels  il  vous  enga- 
geait à  rompre  toutes  relations  et  liaisons  avec  ces  infidèles,  turcs  ou 
autres.  Quoique  les  infidèles  aient  beaucoup  d'engins  perfectionnés  et 
des  légions  d'hommes,  cependant  Dieu  ne  leur  accordera  jamais  la  vic- 
toire, mais  à  nous  les  fidèles  du  Prophète  et  du  Mahdi...  Vendez  tout» 
préparez-vous  à  la  guerre  sainte,  car  le  saint  précepte  du  Coran  qui  dit  : 
plus  vous  mourrez,  plus  vous  serez  en  vie,  est  très  juste...  Alors  le  Pro- 
phète et  le  saint  Mahdi  viendront  à  la  porte  du  paradis  vous  recevoir 
les  bras  ouverts  en  vous  disant  :  Entrez  tous,  mes  enfants,  vous  qui 
avez  combattu  pour  ma  sainte  cause,  qui  avez  sacrifié  tout,  même 
votre  vie,  entrez  recevoir  votre  éternelle  récompense...  A  la  réception 
de  mon  mandement,  réunissez-vous  en  légion  pour  la  guerre  sainte  et 
obéissez  aveuglément  à  ceux  qui  vous  appellent  en  mon  nom.  N'oubliez. 


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pas  que  la  mort  n'arrive  que  sur  Tordre  de  Dieu,  que  vos  jours  sont- 
comptes.  Vous  mourrez  en  combattant  pour  ia  sainte  cause  de  la  religion 
-et  vous  serez  de  vrais  martyrs.  Fuyez  les  pays  des  infidèles  et  arrivez  en 
masse  parmi  vos  frères,  les  croyants,  car  il  est  temps...  Si  vous  vous 
iaissez  égarer  par  les  infidèles,  vous  serez  leurs  victimes  comme  Tout  été 
vos  frères  dans  les  dernières  campagnes  du  Soudan.  Ceux  qui  ont  écouté 
leurs  avis  et  ont  cru  à  la  force  de  leurs  armes  furent  sévèrement  punis  : 
Je  feu  décima  leur  corps  et  les  réduisit  en  cendres.  Que  ceci  vous  serve 
•d'exemple  pour  l'avenir. 

L'Ito2ie  a  publié,  d'après  les  documents  déposés  au  Parlement  italien, 
ie  texte  de  la  lettre  adressée  par  le  négus  d' Abyssinle  au  général  San 
Ifarzano.  Nous  devons  nous  borner  à  en  extraire  ce  qui  suit  :  «  Par  le 
passé,  j'écrivais  toiqours  des  lettres  d'amitié  au  roi  d'Italie  Hurabert, 
€t  lui  aussi  m'écrivait.  Nous  étions  tous  deux  amis.  Le  gouverneur 
Branchi  vint  à  Assab,  puis  il  passa  avec  moi  la  saison  des  pluies.  Nous 
avons  parlé  d'ouvrir  un  débouché  pour  Assab  aux  marchands  qui 
viennent  à  moi  et  à  ceux  qui  vont  au  Choah,  de  façon  que  lei^  marchands 
italiens  et  abyssins  fussent  libres  d'aller  et  de  venir  dans  ces  contrées  et 
<jue  ces  derniers  pussent  ainsi  aller  jusqu'en  Italie  faire  leur  commerce. 
Je  désirerais  que  moi  et  vous  autres  puissions  combattre  ensemble  les 
populations  barbares  que  nous  aurions  dominées  ensemble  comme  si 
nous  fussions  mi  seul  corps.  Moi  et  Branchi  avions  arrangé  toutes  choses 
dans  le  temps  des  pluies.  Le  jour  de  notre  séparation  j'ai  pensé  qu'il 
était  un  serviteur  de  mon  ami,  je  l'ai  décoré,  je  l'ai  bien  traité,  puis  je 
l'ai  congédié.  Après  lui,  est  venu  Blanchi;  nous  avons  aussi  parlé  de  ces 
choses,  et  je  lui  ai  i*emis  des  lettres  d'amitié,  ainsi  que  des  décorations 
pour  les  officiers  qui  sont  sous  le  respectable  roi  d'Italie.  Â  Blanchi  aussi 
j'ai  donné  des  lettres  pour  le  roi  et  je  l'ai  décoré.  Il  me  fit  demander  la 
permission  d'aller  par  le  chemin  de  Ahro  ;  je  consentis,  je  lui  donnai  un 
guide  poui'  l'accompagner  jusqu'à  Assab  ;  mais  il  prit  un  autre  chemin 
peu  sûr,  et  ainsi  il  fit  une  triste  tin.  Quelque  temps  après,  une  personne 
est  vmue  à  Ambasciaria  m'apporter  des  présents  du  roi.  Cette  personne 
aussi,  je  l'ai  décorée  et  je  lui  ai  remis  une  belle  lettre  pour  faire  amitié 
avec  vous  autres,  et  je  l'ai  fait  accompagner.  Pendant  que  nous  étions 
ainsi  en  bons  rapports,  vous  n'avez  pas  maintenu  le  traité  que  les 
Anglais  m'avaient  fait  faire  avec  les  Egyptiens. 

Par  ce  traité,  les  marchands  abyssins  qui  allaient  à  Massaouah,  ne 
devaient  pas  payer  de  douane,  et  les  pays  qui  ont  toujours  été  sous  le 
roi  d' Abyssinie,  et  que  les  Égyptiens  ont  occupés  ensuite,  devaient  m'étre 


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rendus.  Mais  vous  n'avez  pas  maintenu  ce  traité.  Maintenant,  restons 
dans  le  traité  que  les  Anglais  nous  ont  fait  faire  avec  les  Égyptiens. 
Cette  Ethiopie  qui  m'a  été  donnée  par  Dieu,  est  mon  royaume  ;  quittes^ 
donc  mon  pays  et  restez  dans  le  vôtre.  Si  Dieu  me  donne  la  force,  vous 
d'un  côté  et  moi  de  l'autre,  nous  pourrons  combattre  les  derviches  sau- 
vages et  nous  les  détruirons,  en  agrandissant  notre  pays.  Cela  serait 
préférable.  Je  suis  chrétien  comme  vous,  nous  sommes  frères,  notre 
discorde  sert  à  faire  rire  les  autres.  Ras  Alula  a  fait  ce  qaMl  a  fait  sans 
m'écrire  et  vous-mêmes  non  plus  vous  ne  m'avez  rien  dit.  Je  suis  roi  et 
Humbert  aussi  est  roi  et,  si  au-dessus  de  nous  il  y  avait  quelqu'un  qui 
nous  commandât,  je  serais  celui  qui  aurait  le  droit  de  faire  entendre  des 
plaintes.  Je  dis  cela  parce  que  vous  êtes  venus  combattre  dans  moft 
pays;  moi,  je  ne  suis  pas  allé  dans  le  vôtre.  Maintenant  je  ne  suis  pas 
venu  pour  combattre  avec  vous  autres  ;  je  suis  venu  parce  qu'on  m'a  dit 
que  mon  pays  a  été  envahi  ;  je  suis  venu  pour  garder  mes  frontières. 
Retournez  donc  dans  votre  pays,  restons  chacun  dans  le  nôtre;  que  le 
port  de  Massaouah  soit  ouvert  comme  avant,  que  les  pauvres  et  les  mar- 
chands qui  sont  auprès  de  nous  puissent  libr^nent  gagner  leur  pain. 

Écrit  au  camp  d'Aïlet,  le  26  mars  1888.  » 

La  question  de  l'emploi  dès  plf^eoiis  dans  les  opérations  de  guerre 
emprunte  une  actualité  toute  particulière  à  l'emploi  que  les  Italiens 
font  en  ce  moment  de  ces  volatiles  en  Abyssinle.  VEserdto  fournit  à 
ce  sujet  les  renseignements  suivants  :  Les  postes  de  Digdigha,  de  Calata» 
des  puits  de  Tata,  ainsi  que  les  détachements  qui  vont  en  reconnais- 
sance vers  Allet,  Assur,  etc.,  envoient  leurs  rapports  par  Fentreniise 
des  pigeons  du  colombier  installé  à  Massaouah,  d'oîi  on  les  réexpédie  au 
grand  quartier  général  à  Saati.  Les  jours  de  pluie,  et  quand  les  nou- 
velles sont  confidentielles,  les  dépèches  sont  introduites  dans  des  tubes 
de  plumes  d'oie,  scellés  à  la  cire.  Mais  comme  cette  opération,  surtout 
quand  les  troupes  sont  en  marche,  entraîne  ime  certaine  perte  de  temps^ 
chaque  fois  que  cela  est  possible,  les  patrouilles  se  contentent  d'écrire 
les  dépêches  sur  un  feuillet  détaché  du  carnet  dont  sont  pourvus  tous 
les  officiers  et  les  sous-officiers,  feuillet  qui  est  ensuite  attaché  à  une 
plume  de  la  queue  d'un  pigeon.  On  use  aussi  de  signes  conventionnds 
pour  le  cas  oii  les  patrouilles  seraient  surprises  par  l'ennemi  et  n'au- 
raient pas  le  temps  nécessaire  pour  rédiger  un  télégramme.  Par  exemple^ 
si  un  ou  plusieurs  pigeons  arrivaient  au  colombier  sans  dépêdie  ^ 
qu'il  leur  manquât  quelques  plumes  de  la  queue,  cela  signifierait  que  la 
patrouille  a  été  attaquée.  D'autres  fois,  ce  sont  des  marques  faites  en 


rr^ 


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couleur  qui  donnent  tel  ou  tel  renseignement.  Chaque  patrouille  emporte 
trois  ou  quatre  pigeons  dans  un  panier  léger  en  bambou  et  filet.  Les 
distances  étant  très  courtes,  l'envoi  de  chaque  dépêche  se  fait  à  l'aide 
d'un  seul  pigeon  ;  une  première  dépêche  est  envoyée  à  l'heure  fixée  à 
l'avance  par  le  commandement,  les  autres  le  sont  au  fur  et  à  mesure 
des  nouvelles  à  transmetti-e.  Le  panier  des  pigeons  est  poi-té  successive- 
ment par  un  soldat  qu'on  relève  d'heure  en  heure  ;  les  grains  et  le  petit 
abreuvoir  sont  confiés  à  un  caporal  qui  a  la  surveillance  des  pigeons. 
Quand  les  patrouilles  doivent  rester  absentes  plus  d'une  journée,  elles 
emportent  quatre  pigeons  avec  du  grain  et  un  abreuvoir  en  cuir,  de 
manière  à  pouvoir  les  faire  manger  et  boire  ;  si  elles  doivent  rentrer 
dans  la  journée  même,  elles  n'emportent  que  trois  pigeons  et  l'abreu- 
von*.  L'arrivée  incessante  à  Massaouah  de  ces  pigeons,  venant  de  toutes 
les  directions,  offre  un  aspect  fort  curieux.  Dès  qu'ils  arrivent,  ils  se 
prfeentent  à  la  fenêtre  du  colombier  où  les  attendent  leur  compagne  et 
leurs  petits.  Pour  entrer,  ils  doivent  passer  par  une  sorte  de  cage-trappe 
qui  ne  leur  permet  plus  de  ressortir  et  en  même  temps  les  isole  des 
autres  pigeons.  Le  seul  poids  du  nouveau  venu  détermine  aussitôt  une 
sonnerie  produite  par  l'électricité.  Ce  signal  dure  tout  le  temps  que 
l'oiseau  est  dans  la  trappe  et  avertit  le  sous-officier  de  garde,  qui  vient 
alors  enlever  au  voyageur  le  télégramme  apporté,  pour  le  transmettre 
au  quartier  général. 

Les  dernières  nouvelles  d'Êmin  paeha  sont  du  2  novembi*e,  de 
Kibiro  sur  la  rive  orientale  du  lac  Albert.  Il  avait  fait  une  reconnais- 
sance pour  découvrir  Stanley,  mais  n'avait  pu  recueillir  aucun  indice 
sur  l'expédition.  Il  disait  attendre  Stanley  vers  le  15  décembre.  Lui- 
même  continuait  à  se  trouver  dans  des  conditions  satisfaisantes,  et 
entretenait  de  bonnes  relations  avec  les  tribus  qui  l'entouraient.  La 
dépêche  ajoutait  qu'un  convoi  de  40  mulets  chargés  de  vivres  de  réserve 
destinés  à  Stanley  et  placés  sous  les  ordres  de  M.  le  missionnaire  Stockes, 
était  arrivé  à  Wousambiro,  près  de  Msalala,  mais  que  les  Arabes  mani- 
festaient une  très  grande  hostilité  contre  les  Européens.  —  Dans  une 
lettre  du  25  octobre  1887,  Émin-pacha  écrivait  :  «  Osé-je  vous  prier  de 
me  gratifier  de  quelques-unes  des  miettes  qui  tombent  de  votre  table  si 
abondamment  chargée  de  livres  !  Il  m'en  coûte  de  vous  ennuyer  de  cette 
demande,  mais  comme  la  chute  de  Khartoum  et  les  événements  subsé- 
quents m'ont  fait  perdre  presque  tout  mon  avoir  et  mes  livres  si  péni-- 
blement  acquis,  je  suis  forcé  de  vous  l'adresser.  Mais  je  tâcherai  de 
témoigner,  par  quelques  correspondances,  ma  gratitude  pour  les  envois 


—  168  — 

que  vous  pourriez  me  faire.  Représentez-vous  la  situation  d'un  homme 
séparé  du  monde  pendant  trois  ans  et  demi  sans  recevoir  ni  un  journal, 
ni  un  livre  nouveau.  Parmi  toutes  les  souffrances  des  années  qui  vien- 
nent de  s'écouler,  celle-ci  a  été  la  plus  douloureuse.  »  Pour  répondre  à 
cette  supplication  d'un  homme  qui  a  tant  souffert  pour  la  science  et  la 
civilisation,  le  Muséum  d'ethnographie  de  Leipzig  a  fait  un  appel  à  tous 
ceux  qui  pourraient  envoyer  à  Ëmin-pacha  des  ouvrages  d'histoire 
natui^elle,  d'anthropologie,  d'ethnologie,  de  géographie  et  d'histoire  ; 
on  peut  les  adresser  au  Muséum  ou  au  consulat  allemand  à  Zanzibar. 
Les  dons  seront  d'autant  plus  opportuns  qu'Émin-pacha  est  résolu  à 
continuer  dans  l'Afrique  centrale  l'œuvre  commencée  par  Gordon. 

Le  Record  annonce  la  mort  de  M.  Barker»  successeur  de  l'évêque 
Haunington,  et  de  son  chapelain,  M.  Blackbupn.  L'année  dernière,  ces 
deux  missionnaires  avaient  exploré,  sur  un  parcours  de  650  kilomètres, 
le  pays  entre  Mombas  et  Mamboïa,  et  fourni  des  renseignements  qui 
permettront  de  compléter  la  carte  de  cette  partie  de  l'Afrique  orientale, 
une  des  portions  les  plus  pittoresques,  les  plus  montagneuses  et  les  plus 
richement  boisées  du  continent.  Après  avoir  passé  à  Dalouni,  dansl'Ou- 
Sambara,  ils  avaient  dû  traverser  une  chaîne  de  montagnes  par  un  col 
situé  à  1500*"  d'altitude,  descendre  ensuite  dans  une  vallée  profonde, 
puis  i-emonter  par  une  pente  abrupte  à  1700"*.  Le  Ngourou,  dans 
lequel  ils  étaient  entrés  le  28  juillet,  n'était  plus  ce  que  M.  et  M"'  Last 
l'avaient  trouvé  six  ans  auparavant;  alors  la  paix  et  l'abondance  y 
régnaient  avec  la  sécurité  ;  depuis  cette  époque,  les  incursions  des  Masaï 
pillards  l'avaient  ravagé  et  dépeuplé;  les  sfentiers  étaient  recouverts  de 
ronces,  et  là  où  s'étaient  élevés  des  villages  régnait  seule  la  jungle.  Le 
5  août,  les  deux  voyageurs  atteignaient  Mamboïa,  après  avoir  encore 
traversé  un  pays  beau  et  salubre,  de  montagnes  parées  de  fleurs  ,variées 
et  couvertes  de  villages  dont  les  habitants  ne  leur  témoignèrent  que  des 
dispositions  pacifiques.  De  Mamboïa,  ils  avaient  passé  à  Uyui  et  atteint 
Wousambiro,  à  l'extrémité  sud-ouest  du  Victoria-Nyanza.  Un  empla- 
cement avait  été  cherché  pour  une  nouvelle  station,  et  choisi  à  Nasa, 
d'où  M.  Parker  était  retounié  à  Wousambiro  pour  conférer  avec  les 
missionnaires  sur  les  affaires  de  la  mission.  Il  se  proposait  encore  de 
faire  le  tour  du  lac  et  de  passer  par  le  Kavirondo,  pour  chercher  une 
route  plus  directe  entre  le  Victoria  et  la  côte.  La  mort  des  deux  mis- 
sionnaires, survenue  en  mars  dans  leur  voyage  de  retour,  doit  vraisem- 
blablement être  attribuée  à  une  fièvre  prise  dans  les  environs  du  golfe 
de  Speke. 


—  169  — 

Le  gouYômemeat  anglais  a  reçu  de  la  côte  orientale  d'Afrique  des 
informatHMis  sur  la  recrudescence  de  la  traite  des  noirs  dans  cette 
région.  Les  officiers  et  l'équipage  de  Faviso  Garnet,  de  la  marine  bri- 
tannique, ont  récemment  capturé  deux  voiliers  chargés  d'esclaves.  Lors?- 
que  la  chaloupe  à  vapeur  du  Oamet,  armée  d'un  canon  Gardener,  eut 
atteint  le  premier  de  ces  voiliers,  les  hommes  qui  le  montaient  se 
jetèrent  à  l'eau.  Mais  ils  furent  presque  tous  capturés.  On  trouva  au 
fond  du  bfttiment  une  quarantaine  d'esclaveâ,  dont  plusieurs  avaient  des 
blessures  provenant  d'armes  à  feu.  Tous  souffraient  de  la  soif  et  sup- 
pliaient qu'on  leur  donnât  à  boire.  Le  second  bâtiment  négrier  diavira 
pendant  la  chasse  que  lui  donnait  la  chaloupe  du  Oarnet;  presque 
tous  les  esclaves,  au  nombre  de  plus  de  cent,  et  l'équipage  composé 
d'une  vingtaine  d'Arabes,  se  noyèrent. 

U  ressort  des  discussions  qui  se  sont  élevées  récemment  dans  la 
Chambre  des  communes  d'Angleterre  et  dans  la  Chambre  des  députés 
de  Portugal,  au  siyet  des  limites  occidentales  de  la  colonie  de  Mom»Ba- 
bique»  et  des  droits  de  transit  pour  les  marchandises  qui  en  traversent 
le  territoire,  que  ces  limites  n'ont  jamais  été  axées,  et  que  le  gouverne- 
ment portugais  y  a  temporairement  suspendu  le  tarif  des  droits  de  tran- 
sit et  qu'il  a  refusé  d'accorder  des  facilités  pour  un  commerce  de 
transit.  Le  gouvernement  anglais  a  cherché  à  obtenir  du  Portugal  la 
liberté  de  navigation  sur  le  Zambèze,  et  le  cabinet  de  Lisbonne  s'est 
montré  disposé  à  fau*e  certaines  concessions,  qui  n'ont  pas  paru  pouvoir 
être  acceptées  par  le  gouvernement  britannique.  Des  deux  parts  on  en 
appelle  aux  principes  reconnus  par  la  Conférence  africaine  de  Berlin. 
«  Les  droits  des  puissances  européennes  sur  les  possessions  d'Afrique,  »  a 
dit  sir  J.  Fergusson,  soxis-secrétaire  d'État  au  Foreign  Office,  «  ne  peu- 
vent être  reconnus  que  si  la  colonisation  a  eu  lieu  et  si  les  puissances 
possèdent  les  moyens  de  maintenir  l'ordre  et  de  protéger  les  indigènes. 
Lorsqu'une  puissance  bien  établie  sur  la  côte  n'organisé  aucune  colonie 
daos  l'intérieur  et  ne  fait  aucun  arrangement  pour  remplir  ses  devoirs 
nationaux,  le  gouvernement  anglais  ne  peut  pas  admettre  que  cette  puis- 
sance ait  le  droit  de  refuser  à  l'Angleterre  une  voie  commerciale  libre 
dans  l'intérieur.  Le  gouvernement  ne  peut  donc  pas  reconnaître  au 
Portugal  le  droit  d'interdire  le  passage  libre  du  Zambèze.  Mais  le  Por- 
tugal a  le  droit  de  lever  des  taxes  sur  les  marchandises  importées  dans 
les  territoires  portugais.  »  D'autre  part,  M.  de  Barros  Gomès  a  déclaré 
dans  la  Chambre  des  députés  de  Lisbonne,  que  le  Portugal,  «  suivant  en 
cela  l'exemple  de  l'Angleterre,  de  l'Allemagne  et  de  l'État  libre  du 


—  170  — 

Congo,  maintient  le  principe  que,  pour  les  territoires  de  Tintérieur  de 
l'Afrique,  une  occupation  effective  ne  constitue  pas  une  condition  Hite 
-qua  non  de  possession.  Il  résulte,  a-t-il  ajouté,  des  décisions  prises  à  la 
Oonfërence  de  Berlin,  lesquelles  découlent  des  conventions  passées  avec 
la  France  et  l'Allemagne,  ainsi  que  des  traités  conclus  avec  l'Angle- 
terre en  1879  et  1884,  traités  qui  n'ont  pas  été  ratifiés,  que  le  Portugal 
entend  conserver  le  droit  de  régler  les  conditions  du  commerce  et  de  la 
navigation  du  Zarabèze,  Le  Portugal  consentirait  à  modifier  la  législa- 
tion actuelle  si  on  lui  offrait  des  garanties  que  ces  modifications  ne  por- 
teraient pas  atteinte  aux  intérêts  vitaux  du  domaine  portugais  en 
Afrique.  » 

La  station  fondée  en  1879,  à  Gkmboulouwayo,   au  pays  des  Mit- 
Tébélé»  par  le  P.  Depelchin,  est  entrée  dans  une  phase  nouvelle.  Le 
roi  Lo  Bengula  avait  eu  beaucoup  de  peine  à  se  décider  à  accorder  aux 
missionnaires   l'autorisation   d'ouvrir  une   école  et  d'enseigner  aux 
enfants  la  religion,  en  même  temps  que  les  arts  manuels  et  les  éléments 
des  connaissances  les  plus  nécessaires.  Toutefois,  craignant  de  voir  les 
missionnaires  se  retirer,  et  désireux  d'avoir  pour  son  armée  des  forge- 
rons ^t  des  charpentiers  que  lui  fournira  l'école,  il  donna  la  permission 
demandée.  En  outre,  nous  apprennent  les  Missions  catholiques,  il  ac- 
corda au  P.  Prestage  la  concession  d'un  terrain  situé  près  d'Oampan- 
dini,  sur  le  bord  méridional  de  la  rivière  Oumzaza,  vers  le  sud  et  non 
loin  de  la  résidence  royale  Oumsindisi  ;  l'induna  d'Oumpandini,  escorté 
d'un  groupe  de  vieillards,  vint  un  dimanche  matin  auprès  du  mission- 
naire, qui  lui  indiqua  le  terrain  qu'il  avait  choisi  et  l'endroit  où  il  se 
proposait  de  bâtir.  C'est  une  bande  de  terre  de  1200  m.  de  longueur  et 
de  250  m.  à  300  m.  de  largeur,  excellente  pour  diverses  cultures,  et  sur 
laquelle  se  trouvent  trois  sources  que  l'on  dit  ne  tarir  jamais.  Le  lende- 
main le  P.  Prestage  montra  aux  Cafres  d'Oumpandini  la  manière  de 
labourer.  Le  conducteur  des  wagons,  jeune  be-chuana,  prit  la  charrue, 
laboura  un  morce^au  de  terre  ;  puis  le  missionnaire  leur  expliqua  le  but 
de  son  installation  au  milieu  d'eux,  et  promit  de  leur  apprendre  à  labou- 
rer la  terre.  En  même  temps  il  les  engagea  à  demander  à  Lo  BengulX 
quelques  bœufs  pour  les  dresser  au  joug,  afin  qu'ils  pussent  non  seules 
ment  tirer  la  charrue,  mais  aussi  traîner  les  chars  du  roi.  Le  matériel'l 
de  la  station  de  Gouboulouwayo  a  été  transporté  à  Oumpandini,  où  les  • 
missionnaires  se  sont  hâtés  de  terminer  leurs  travaux  d'installation  afin  . 

t 

de  pouvoir  se  livrer  à  l'instruction  des  indigènes. 
Un  mouvement  très  marqué  s'est  produit,  au  Lie-Sonto,  dans  les 


-T-  171  -^ 

é<)ole»  de  la  station  de  Thaba-Bossiou.  M«  Edouard  Jacottet  en  rend 
compte  ainsi  dans  un  rapport  au  Comité  des  missions  évangéliques  de 
Paris. Tandis  que  les  années  précédentes  Técolede  la  station  ne  comptait 
que  80  à  90  enfants,  et  que  la  moyenne  des  présences  était  fort  décou- 
rageante, nous  avons  vu  en  1887  les  chiifres  monter  dans  une  propoi*tion 
tout  à  fait  inattendue,  et,  ce  qui  vaut  mieux  encore,  cette  augmentation 
s'est  maint^mue  pendant  les  deux  semestres  que  nous  venons  de  termi- 
Ber.  En  décembre,  Técole  comptait  plus  de  200  élèves,  dont  un  bon  tiers 
de  garçons,  avec  une  moyenne  de  présence  de  plus  de  130,  c'est-à-dire 
qu'elle  a  atteint  un  niveau  duquel  elle  n'avait  jamais  approché  Jusqu'ici, 
et  qui  en  fait,  si  je  ne  me  trompe,  la  plus  grande  école  du  Le-Souto. 
A  peu  près  à  la  même  époque,  mettant  à  exécution  un  projet  depuis 
longtemps  médité,  j'ouvrais  une  école  du  soir  pour  les  bergers  et  les 
jeunes  gens  que  leurs  occupations  retiennent  forcément  éloignés  de 
l'école  du  jour  et  qui  grandissent  dans  une  ignorance  absolue.  Cet  essai 
a  été  couronné  d'un  plein  succès  ;  au  lieu  de  30  ou  40  élèves  que  j'atten- 
dais, j'en  ai  eu  plus  de  130.  Malgré  les  inconvénients  qui  en  résultaient, 
j'ai  dû  tenir  moi-même  l'école  pendant  six  mois,  cinq  soirs  par  semaine, 
pour  lui  donner  l'impulsion  dont  elle  avait  besoin.  Dorénavant,  elle  sera 
«ous  la  direction  d'un  des  sous-maîtres  de  l'école  du  jour.  Je  ne  la  quitte 
pas  sans  regrets  ;  ces  soirées,  consacrées  à  un  travail  qui  peut  paraître 
ingrat,  m'ont  été  précieuses,  et  j'en  ai  rapporté  bien  des  expériences 
qui  m'ont  déjà  été  utiles  et  le  seront  sans  doute  davantage  encore.  C'est 
un  rouage  excellent,  indispensable  même  dans  toute  station  bien  consti- 
tuée ;  je  crois  que,  cette  fois,  l'école  est  instituée  de  telle  sorte  qu'elle 
pourra  durer  et  n'aura  pas  l'existence  éphémère  de  ses  devancières. 

Nous  extrayons  d'une  lettre  d'Arone,  l'évangéliste  qui  a  suivi  M.  Coil- 
lard  au  Zambèze,  les  renseignements  suivants  sur  la  pèche  ehese  les 
Ba-Rotsé  s  a  Le  poisson  occupe  une  grande  place  dans  leur  nourriture 
de  chaque  jour.  On  le  prend  au  moyen  de  filets  et  aussi  dans  des  parcs 
faits  de  forts  bambous,  qui  entourent  certains  endroits  du  fleuve  plus 
pi'ofonds  que  d'autres.  A  cette  paroi,  qu'on  déplace  à  volonté,  se  trouvent 
de  petites  entrées  qui  permettent  aux  poissons  de  pénétrer  dans  l'inté- 
rieur. A  un  moment  donné,  les  issues  sont  fermées,  les  pêcheurs  pénètrent 
dans  le  parc  et,  en  frappant  l'eau,  ils  dirigent  les  poissons  vers  un  même 
endroit.  Alors,  armés  d'un  court  javelot  propre  à  cet  usage,  ils  transper- 
cent les  poissons  qu'ils  déposent  ensuite  dans  des  corbeilles.  Il  n'est  pas 
rare  de  trouver  de  jeunes  crocodiles  mêlés  aux  poissons,  dont  ils  subis- 
sent le  sort  ;  eux  aussi  sont  mangés  par  les  indigènes.  Les  cours  d'eau 


f    rr 


—  172  — 

qui  se  jettent  dans  le  Zambèze  ont  aussi  des  parcs  semblables  à  tewt 
dont  je  viens  de  parler  ;  quand  les  eaux  sont  hautes,  les  poissons  remon^ 
tent  le  courant  et  pénètrent  dans  les  parcs,  oh  ils  se  multiplient  abon- 

•  

damment.  Les  poissons  du  Zambèze  sont  excellents;  les  Ba-Rptsé  ea 
sont  très  friands.  C'est  là  leur  grande  ressource  en  temps  de  disette.  Le» 
parcs  ont  leurs  propriétaires  attitrés  ;  c'est  un  héritage  précieux  que  le& 
parents  lèguent  à  leurs  enfants.  Le  roi  a  les  siens,  et  ce  sont  les  princes 
de  la  cour  qui  lui  pèchent  le  poisson  qui  se  mange  au  palais.  Le  roi  lui'^ 
môme  ne  dédaigne  pas  ce  genre  d'exercice.  » 

L'attention  de  la  Chambre  des  Communes  a  été  attirée  sur  le  mal 
que  les  spiritueux  importés  d'Europe  fout  aux  indigènes  habitant  les 
possessions  britanniques  ou  soumis  au  contrôle  du  gouvernement  anglais» 
M.  A.  Me  Arthur  a  proposé  entre  autres  que  le  gouvernement  en  sup- 
primât le  trafic  avec  les  natifs  dans  tous  les  territoires  indigènes  placés 
sous  l'influence  britannique.  Cette  proposition  a  fourni  au  représentant 
du  gouvernement  l'occasion  d'exposer  devant  la  Chambre  ce  qui  a  été 
fait  pour  prévenir  la  ruine  matérielle  et  morale  des  indigènes  africains. 
En  1886,  le  gouvernement  a  cherché  à  régulariser  l'importation  de  l'al- 
cool dans  l'Afrique  australe  au  moyen  d'un  impôt  très  fort  ;  en  1887, 
l'opinion  des  gouvernements  coloniaux  de  l'Afrique  méridionale  et  occi- 
dentale fut  consultée.  Les  vues  de  ceux  de  la  Coionie  du  Cap  et  de 
Natal  ne  furent  pas  favorables.  Les  ministres  du  Cap  étaient  d'avis 
que  le  trafic  devait  être  régi  par  un  règlement  intérieur  plutôt  que  par 
des  droits  d'importation  et  ils  refusèrent  de  prendre  part  à  l'arrange- 
ment international  proposé.  Le  gouvernement  de  Natal  déclara  que  si 
les  autorités  du  Cap  et  du  Portugal  renonçaient  aux  facilités  accordées 
aux  spiritueux  qui  passaient  leurs  frontières,  il  établirait  des  droits  de 
transit  plus  forts  et  élèverait  les  droits  d'importation  au  taux  que  les 
autres  États  auraient  fixé.  En  même  temps,  il  fit  ressortir  combien 
stricte  était  la  loi  de  Natal  qui  interdit  la  vente  des  spiritueux  aux  natifs/ 
et  s'efforça  de  faire  comprendre  que  l'adoption  d'une  loi  semblable 
serait  le  meilleur  moyen  de  résoudre  la  question.  Dans  les  territoire» 
placés  directement  sous  l'autorité  anglaise,  les  règlements  varient.  Dans 
le  Zoulonland,  une  amende  est  imposée  à  quiconque  vend,  échange, 
donne  ou  procure  à  quelque  natif  que  ce  soit  du  vin  ou  une  liqueur  forte, 
à  moins  que  ce  ne  soit  ensuite  d'une  prescription  médicale.  La  bière 
cafre  peut  être  vendue  par  le  natif  qui  l'a  produite,  mais  sans  mélange 
de  vin  ou  d'alcool.  La  même  règle  prévaut  dans  le  pays  des  Be-Chuana. 
Dans  le  Le-Souto,  la  loi  interdit  la  vente  des  vins,  bière,  spiritueux^ 


—  173  — 

0t  leur  importation  sans  Tautorisation  écrite  du  gouverneur,  agent  ou 
résident.  Le  rapport  qui  se  termine  au  30  juin  1887  porte  :  Le  trafic  des 
boissons  a  cessé  d'exister.  —  Ajoutons  encore  ici  ce  que  cet  exposé 
renferme  concernant  rAfru^ue  occidentale.  En  1887,  la  Compagnie 
royale  du  Niger  fit  sentir  au  gouvernement  l'importance  de  diminuer 
rimportation  et  suggéra  l'idée  d'un  arrangement  avec  la  France  et 
J'Allemagne  pour  l'établissement  d'une  taxe  uniforme.  Une  commu- 
nication de  S.  M.  le  roi  des  Belges  au  gouvernement  anglais  témoigne 
de  son  désir  de  coopérer  avec  l'Angleterre  dans  ce  sens.  Les  colonies  de 
l'Afrique  occidentale  ont  été  aussi  consultées;  jusqu'ici,  Lagosseul  a 
répondu.  A  ces  renseignements  fournis  à  la  Chambre  des  Communes, 
nous  pouvons  ajouter  que  le  dernier  numéro  du  Church  missionary 
InidUgencer  and  Record  nous  apporte  la  nouvelle  d'un  grand  meeting 
tenu  à  Sierra-Leone,  pom*  protester  contre  le  trafic  des  liqueurs  existant 
entre  l'Europe  et  l'Afrique;  un  comité  nombreux,  composé  d'ecclé- 
^âastiques,  de  jurisconsultes,  de  négociants,  de  fonctionnaires  du  gou- 
vernement, blancs  et  noirs,  a  été  chargé  de  chercher  les  moyens  de 
remédier  aux  maux  causés  par  ce  trafic. 

Le  journal  la  Post,  de  Berlin,  a  annoncé  le  départ  de  l'expédition  pré- 
parée par  le  syndicat  allemand  pour  les  mineM  d'or  de  l'Afrique 
sud-ouest.  Elle  s'est  rendue  à  Londres  et  a  dû  s'y  embarquer  pour 
Capetown.  Là  elle  sera  rejointe  par  M.  Gœring,  chargé  des  pleins  pou- 
voirs de  la  Compagnie  allemande  de  colonisation  dans  cette  partie  de 
l'Afrique,  et  par  les  ingénieurs  des  mines  et  les  officiers  appelés  à  com- 
mander les  troupes  coloniales  de  cette  compagnie.  Tout  ce  monde,  com- 
prenant une  vingtaine  de  personnes,  devait  continuer  son  voyage  à  bord 
d'un  grand  vapeur  chargé  d'un  matériel  considérable  pour  la  colonie. 
L'expédition  se  compose  du  sous-directeur  de  l'Institut  minéralogique 
de  Breslau,  qui  connaît  le  pays  et  ses  habitants,  d'un  ingénieur  des 
jnines,  chargé  de  la  direction  des  travaux  des  mines,  et  d'un  autre, 
chargé  des  analyses.  Trois  ouvriers  mineurs  de  Freiberg,  qui  avaient  fait 
partie  de  l'expédition  organisée  par  la  Compagnie  de  colonisation,  leur 
sont  adjoints.  L'expédition  a  pour  mission  de  visiter  les  mines  d'or  qui 
ont  été  découvertes,  de  rechercher  d'autres  minies  et  de  les  acquérir 
pour  le  compte  de  la  Compagnie. 

Si  les  dépêches  de  Zanzibar  sont  muettes  sur  l'expédition  de 
Stanley,  celles  qui  nous  arrivent  par  le  Congo  nous  laissent  dans  la 
plus  profonde  ignorance  du  point  oti  elle  peut  se  trouver  actuellement. 
La  plus  récente  est  arrivée  par  un  télégranmie  de  St-Paul  de  Loanda 


—  174  — 

du  l*'  mai.  Elle  portait  que  M.  Ward  qui,  après  avoir  fait  partie  du  per- 
sonnel de  l'Etat  indépendant,  avait  passé  à  la  «  Sanford  Explôring; 
Expédition,  »  puis  à  l'expédition  Stanley,  et  qui  avait  été  attaché  comme 
adjoint  au  major  Barttelot,  venait  d'arriver  à  Boma,  apportant  des  nou- 
velles du  camp  de  Yambouya,  de  la  station  des  Stanley-Falls  et  de  Tipo- 
Tipo.  La  dépêche  dont  il  était  porteur  était  ainsi  conçue  : 

Camp  de  Yambouya. 

«  Pas  de  nouvelles  de  Stanley  depuis  que  j'ai  écrit  fin  octobre.  Tipo- 
Tipo  est  parti  pour  Kasongo  le  16  novembre,  mais  en  mars  il  n'avait 
encore  procuré  que  250  porteurs;  d'autres  vont  arriver.  Jameson  est 
allé  à  Kasongo  pour  presser  l'envoi  des  350  porteurs  restant  à  fournir* 
Jameson  sera  de  retour  ici  le  14  mai.  Je  ne  pourrai  pas  partir  avant  le 
l**  juin.  Je  passerai  par  la  station  des  Stanley-Falls,  où  je  laisserai  u» 
oflScier  avec  tout  ce  qui  est  nécessaire.  Tout  est  bien. 

Barttelot.  » 

Comme  le  fait  remarquer  le  Mouvement  géographique  auquel  nou& 
avons  emprunté  cette  dépêche,  la  visite  de  M.  Jameson,  un  des  adjoints 
du  major  Barttelot,  à  la  résidence  de  Tipo-Tipo,  à  Kasongo  près  de 
Nyangoué,  par  la  station  des  Stanley-Falls,  indique  que  la  sécurité  est 
rétablie  dans  ces  parages  depuis  que  Tipo-Tipo  y  est  revenu.  Si  le  major" 
Barttelot  comptait  se  mettre  en  route  pour  Wadelaï  le  l*'  juin,  c'est 
pour  y  rejoindre  Stanley.  A  Boma,  M.  Ward  doit  recruter  quelques, 
porteurs  de  choix  avec  lesquels  il  remontera  jusqu'aux  Stanley-Falls^ 
oîi  il  enlèvera  les  dernières  charges  laissées  là  par  le  major  Barttelot  ; 
puis,  avec  celui  des  adjoints  de  celui-ci  laissé  à  l'arrière-garde,  il  pren- 
dra à  son  tour  la  route  de  Wadelaï.  L'État  du  Congo,  voulant  donner 
un  nouveau  témoignage  de  sympathie  à  l'entreprise  du  Comité  anglais» 
a  décidé  de  prendre  à  sa  charge  l'assistance  en  porteui*s  fournis  à. 
M.  Ward,  et' de  faire,  sans  retard,  transporter  celui-ci  et  ses  hommes, 
aux  Stanley-Falls  par  un  des  steamers  de  Léopoldville. 

Deux  nouvelles  sociétés  sont  en  formation  pour  répondre  aux  besoins 
créés  dans  la  région  du  bas  Congo  depuis  la  fondation  de  l'État  indé- 
pendant. La  première,  sous  le  titre  de  Mafl^aslns  n^néraax  da 
Con^o,  se  propose  de  fournir  aux  Européens  qui  se  rendent  au  Congo» 
commerçants,  missionnaires,  employés,  tout  ce  qui  leur  est  nécessaire 
pour  s'équiper,  se  nourrir,  se  ravitailler.  Elle  créera  à  Boma,  P  des 
magasins,  sorte  d'entrepôt  de  marchandises  européennes  d'un  usage  ou 
d'un  emploi  régulier  au  Congo;  2*»  un  hôtel-restaurant  fournissant  la 
nourriture  journalière  aux  agents  de  l'État,  aux  employés  des  factore- 


—  175  — 

r 

ries,  aux  voyageurs  de  passage  ;  3*"  un  tramway  de  deux  kilomèti'es  de 
longueur,  reliant  Thôtel  et  les  magasins  aux  établissements  de  Borna- 
rive  et  de  Boma-plateau.  La  seconde  a  pour  but  l'organisation,  entre  le 
bas  Congo  et  le  cours  moyen  du  fleuve,  d'un  service  de  transport 
par  boeof».  Une  route  suivrait  le  tracé  général  reconnu  pour  le  che- 
min de  fer;  les  rivières  seraient  passées  sur  des  bacs  pour  éviter  la  con- 
struction d'ouvrages  d'art  coûteux.  Cette  route  viendrait  en  aide  à  la 
construction  du  chemin  de  fer,  en  rendant  possible  dès  maintenant  la 
création  d'entreprises  commerciales  dans  le  haut  Congo.  Elle  rendrait 
possible,  dès  qu'ils  seraient  construits,  l'exploitation  des  premiers  tron- 
çons de  la  ligne  de  chemin  de  fer.  Sans  cette  route,  en  effet,  il  faudrait 
que  la  ligne  entière  fût  achevée  pour  être  exploitée.  Avec  la  combinai- 
son d'un  service  de  transport  par  bœufe,  cet  inconvénient  sera  considé- 
rablement atténué.  A  mesure  que  la  construction  de  la  ligne  avancera, 
les  équipages,  refoulés  vers  l'intérieur  et  accumulés  sur  une  route  plus 
courte,  augmenteront  beaucoup  la  capacité  des  transports,  et  l'exploita- 
tion commerciale  pourra  commencer  presque  dès  les  débuts,  partie  par 
la  voie  ferrée,  partie  par  les  chariots  à  bœufs. 

Le  capitaine  Braconnier  écrivait  le  15  février  de  L.oulouaboari;» 
qu'arrivé  le  29  décembre  à  Louébo,  il  avait  dû  y  rester  jusqu'au  19  jan- 
vier, par  suite  de  l'attitude  hostile  des  populations  voisines  de  la  station, 
qui  s'inquiètent  de  l'arrivée  des  blancs,  dans  lesquels  ils  voient  des  con- 
currents pour  le  commerce  de  l'ivoire,  très  animé  dans  cette  région.  Le 
18  janvier,  le  lieutenant  Le  Marinel  étant  arrivé  à  Louébo  avec  une 
caravane  de  cent  porteurs  et  trois  bœufs  de  monte,  les  deux  officiers  se 
mirent  en  route  le  lendemain  pour  Loulouabourg.  Leur  itinéraire  les 
conduisit  presque  toujours  sous  bois,  à  travers  un  pays  riche,  peuplé, 
où  les  vivres  sont  abondants  et  qui  est  habité  par  ^es  populations  paisi- 
bles qui  accueillent  les  voyageurs  avec  hospitalité.  Ils  arrivèrent  à  Lou- 
louabourg le  23  janvier,  et  quelques  jours  après,  la  station  reçut  la 
visite  des  chefs  des  environs  qui  venaient  voir  les  nouveaux  blancs. 
Parmi  eux  se  trouvait  le  fameux  chef  indigène  Zappo-Zap,  auquel 
le  lieutenant  Le  Marinel  avait  rendu  visite,  lors  de  son  voyage  de  re- 
tour de  Nyangoué,  et  qui  était  arrivé  quelques  jours  auparavant  de  sa 
résidence  des  bords  du  Sankourou. 

A  propos  des  expériences  de  correepondanee  par  pin^eons  faites 
récemment  au  Congo,  le  Martinet,  organe  colombophile  de  Bruxelles, 
fait  les  réflexions  suivantes  :  «  A  part  l'épervier,  l'aigle  et  le  vautour  ne 
sont  guère  à  craindre  pour  nos  pigeons  voyageurs,  et  pour  peu  que  ceux- 


—  176  — 

d  volent  en  grande  liberté,  ils  apprendront  vite  à  se  défier  des  pièges  de 
leurs  terribles  ennemis.  Pour  obvier  à  la  difficulté  du  transport  dans  la 
région  des  cataractes,  il  suffirait  de  faire  fabriquer  des  hottes  en  osier,  à 
daire^voie,  à  quatre  compartiments  superposés  et  munis  de  tout  le  néces^ 
saire  pour  ravitailler  leurs  habitants.  Ces  hottes  pourraient  c<^tenir  une 
trentaine  de  pigeons,  soit  sept  ou  huit  par  compartiment,  ce  qui  ferait 
une  chai*ge  raisonnable,  même  pour  un  nègre.  Avec  huit  hottes  remplies 
de  pigeons,  on  pourrait  peupler  les  huit  stations  du  haut  Congo  ;  quel- 
ques jours  après  Tinstallation  des  voyageurs  dans  leurs  colombiers  res- 
pectifs, on  leur  donnerait  la  liberté  ;  deux  mois  après,  on  commencerait 
les  entraînements,  et  trois  ou  quatre  mois  de  séjour  au  Congo  suffiraient 
à  la  race  des  pigeons  voyageurs  belges  pour  faire  fonctionner  le  service 
de  correspondance  aérienne.  Quant  à  la  difficulté  de  retrouver  son 
colombier  après  un  mois  d'absence,  ce  n'est  guère  sérieux;  le  plus 
novice  des  amateure  colombophiles  sait  que  phisi^irs  mois  d'absence 
n'empêcheront  pas  les  quatre  cinquièmes  de  nos  pigeons  de  regagner  le 
pigeonnier  natal.  Nous  ignorons  comment  ont  été  organisés  les  colom- 
biers installés  au  Congo,  et  sMls  sont  entretenus  par  des  hommes 
expérimentés,  ce  dont  nous  doutons  beaucoup.  C'est  cependant  un 
point  capital,  car  si  ces  messagère  sont  confiés  à  des  personnes  qui  ne 
connaissent  pas  les  premières  notions  de  la  colombophihe,  le  résultat  sera 
nul  et  même  désastreux,  et  ce  sera  une  grande  perte  au  point  de  vue 
des  correspondances  rapides  du  nouvel  État.  Cette  question  n'est  pas  à 
dédaigner  pour  un  pays  qui  a  plus  de  2000  kilomètres  d'étendue.  Si  le 
service  par  pigeons  voyageure  était  sérieusement  organisé,  on  pourrait 
recevoir  des  nouvelles  de  la  station  extrême  du  Congo,  c'est-à-dire  des 
Stanley-Falls,  à  Boma  ou  Banana,  en  huit  joure  au  maximum,  soit 
en  quinze  joure  environ  des  Stanley-Falls  à  Bruxelles,  en  supposant 
qu'il  faille  une  huitaine  de  joure  pour  faire  parvenir  une  dépêche  de 
l'embouchure  du  Congo  au  premier  câble  télégraphique  sous-marin.  Si 
aujourd'hui,  aux  Falls,  on  recevait  des  nouvelles  de  Stanley,  il  faudrait 
deux  ou  trois  mois  avant  que  cette  nouvelle  arrivât  en  Europe.  Or,  en 
admettant  que  le  service  de  correspondance  aérienne  fût  organisé,  la 
même  nouvelle  serait  transmise  en  dix  ou  quinze  joure,  presque  sans 
frais.  Il  ne  faudrait  pas  plus  d^une  année  pour  établir  ce  service  de 
correspondance  rapide  d'une  manière  satisfaisante,  et  deux  ans  au  plus 
pour  qu'il  eût  des  bases  sérieuses  et  définitives.  La  Bdgique  est  le  pays 
colombophile  par  excellence.  L'Etat  du  Congo  n'aurait  donc  guère  de 
difficulté  à  se  procurer  les  éléments  nécessaires  pour  faire  des  colom- 


—  177  — 

biens;  i)  suffirait  d'acheté  trois  à  quatre  cwts  jeuues  pigeons  de  bonne 
nce  à  quelques  bons  éleveurs  et  de  les  répartir  dans  les  colombiers  des 
afférentes  stations  du  Congo,  i» 

Il  y  a  quelques  mote,  le  bruit  avait  eouru  en  France,  que  le  commis* 
saire  général  du  C^ouko  f  rançata  avait  apporté  des  entraves  à  la 
navigation  de  rOgôoué,  et  gêné  ainsi  les' transactions  avec  les  indigènes 
de  Tintérieur.  C'est  vraisemblablement  à  ces  mesures  que  se  rapporte 
la  protestation  suivante  que  nous  reproduisons  d'après  le  Temps  : 
a  Nous,  négociants  du  Gabon, 

Protestons  énergiquement  contre  l'ensemble  des  mesures  prohibitives 
ou  détournées  que  M.  le  commissaire  général  a  prises  dans  l'Ogôoué,  à 
partir  de  N'Djolé,  pour  nous  en  empêcher  le  libre  accès,  à  nous,  à  nos 
employés  et  à  nos  traitants,  et  qui  ont,  à  l'heurç  actuelle,  amené  la  fer- 
meture eifective  et  complète  de  la  rivière  et  son  entière  évacuation  par 
le  commerce.  Nous  certifions  que  le  nouveau  régime  inauguré  dans  cette 
région  a  amené  une  réduction  de  moitié  dans  les  affaires  que  nous  y 
traitions,  et  nous  sommes  prêts  à  en  fournir  la  preuve.  Nous  prétendons 
que  les  moyens  de  transport  exigés  par  le  ravitaillement  et  les  approvi- 
sionnements des  postes  du  Haut-Fleuve  ne  sont  pas  incompatibles  avec 
les  moyens  nécessaires  au  commerce  ;  que  ces  deux  choses  peuvent, 
sans  inconvénient,  marcher  de  front.  La  preuve,  du  reste,  en  a  été 
faite,  et  avec  pleine  réussite,  durant  toute  l'année  1886.  En  conséquence, 
nous  émettons  le  vœu  unanime  que  l'Ogôoué  soit  rendu  à  la  libre  circu- 
lation et  au  commerce  par  un  acte  authentique  qui  mette  fin  à  une  série 
démesures  arbitraires  et  de  changements  perpétuels,  et  qui  soit  de 
nature  à  nous  assurer  enfin  la  stabilité  et  la  sécurité  nécessaires  à  nos 
opérations  commerciales.  t> 

A  cette  protestation,  SaTorn^nan  de  Brazza  a  répondu  par  l'or- 
gane du  journal  la  Gironde  : 

a  U  y  a  quelques  mois,  on  prétendait  que  mon  budget  était  eu  déficit, 
et  on  écrivait  qu'il  me  fallait  600,000  fr.  de  crédits  supplémentaires.  D 
m'a  été  facile  de  réfuter  ces  allégations  inexactes  et  de  démontrer, 
pièces  en  mains,  que  l'exercice  1887  se  clôturait  par  un  excédent  de 
170,000  fr.  Aiyourd'hui,  un  prétendu  conseil  d'agriculture  et  de  cwn- 
merce  du  Gabon  s'élève  contre  des  mesures  imaginaires  et  proteste 
contre  la  Cermeture  de  l'Ogôouéc^Que  veut  dire  la  demande  d'ouverture 
d^une  rivière  qui  n'est  pas  fermée  et  que  je  n'ai  jamais  fermée?  Ces 
protestataires  qui  demandent  la  suppression  de  mesui'es  prohibitives  qui 
n'existent  pas,  à  qui  s'adressent-ils?  Je  me  le  demande,  car  jusqu'ici 


•/^T 


—  178  — 

aucune  réclamation  commerciale  ne  m^a  été  faite.  L^existence  de  mesu- 
res entravant  le  commerce  est  absolument  imaginaire,  et  il  m'est  facile 
de  démontrer  que  toutes  les  mesures  que  j'ai  prises  sont  essentiellement 
protectrices  pour  le  commerce.  En  eflfet^  en  1886,  le  chiffre  des  produits 
exportés  par  la  rivière  TOgôoué  était  de  895,000  francs  ;  en  1887,  il  s'éle- 
vait à  1,625,000  francs,  ainsi  que  le  constate  la  statistique  de  la  douane 
de  Libreville;  donc,  toutes  les  mesures  que  j'ai  prises  ont  eu  pour  effet 
immédiat,  dans  une  année,  de  doubler  le  commerce  de  l'Ogôoué.  Et 
c'est  là  ce  qu'on  appelle  des  mesures  prohibitives  commerciales?  C'est 
là  ce  qu'on  appelle  une  rivière  fermée?  Le  but  que  je  poursuis  est  de 
donner  à  notre  colonie  naissante  la  plus  grande  extension  commerciale. 
Le  Congo  est  riche  en  produits  de  toutes  sortes  qui  jusqu'ici  n'avaient 
pas  ti-ouvé  de  débouchés.  J'ai  ouvert  des  routes,  j'ai  assuré  la  sécurité 
de  la  rivière,  et  le  commerce,  qui  autrefois  était  nul,  s'augmente  chaque 
jour,  et  tous  mes  efforts  tendront  toujours  à  l'augmenter.  » 

Le  territoire  du  Cameroan  est  exploré  avec  soin  par  plusieurs  expé- 
ditions. Celle  du  ï)'  Zintgraff  et  du  lieutenant  Zeuner  est  parvenue  jus- 
qu'au lac  des  Éléphants  et  a  fondé  la  première  station  dans  le  village  de 
Balombi  *.  Elle  se  proposait  de  faire,  pendant  la  saison  des  pluies,  de 
petites  excursions  aux  environs,  puis,  dès  le  commencement  de  la  saison 
sèche,  d'entreprendre  l'exploration  à  Tintérieur.  En  revanche  l'expédi- 
tion de^  lieutenants  Kund  et  Tappenbeck  qui,  partie  du  pays  des 
Batanga,  se  dirigeait  vers  l'Est,  s'est  heurtée  à  la  résistance  des  indi- 
gènes; les  deux  chefis  de  l'entreprise  ont  été  grièvement  blessés  et  ont  dû 
être  ramenés  à  la  côte -par  le  gouverneur  de  Cameroun  qui  se  trouvait 
justement  chez  les  Batanga.  De  leur  côté  les  deux  colons  suédois, 
MM.  G.  Valdau  et  K.  Knutson  ont  exploré,  le  premier,  le  versant  sep- 
tentrional du  Cameroun  habité  par  une  population  très  dense  apparte- 
nant à  la  tribu  des  Bomboko  ;  le  second,  le  cours  du  Memeh,  dont  il  a 
découvert  l'embouchure  et  qu'il  a  remonté  en  bateau  sur  un  parcours  de 
50  kilomètres  jusqu'à  la  cataracte  de  Dttben,  de  30  mètres  de  haut,  près 
d'Ekoumbi-ba-Ndene.  Jusqu'ici  l'embouchure  du  Memeh  était  inconnue; 
tantôt  on  le  faisait  se  verser  dans  le  Rio  del  Rey,  tantôt  dans  le 
Roumbi,  tandis  qu'il  se  jette  dans  la  mer  au  sud  de  ce  dernier. 

Le  ministre  de  Belgique  à  Tani^er  a  informé  son  gouvernement  de 
l'ouverture  dans  cette  ville  d'un  Mueiée  commeroial  Indastriel^ 
destiné  à  faciliter  les  relations  d'affaires  entre  le  Maroc  et  d'autres 

*  Voy.  la  carte,  VII"«  année,  p.  188. 


—  179  — 

pays.  Son  premier  but  sera  de  familiariser  le  commerce  marocain  avec 
les  matières  premières  et  avec  les  nombreux  articles  que  pi*oduit  l'in- 
dustrie étrangère,  afin  que  les  personnes  intéressées  puissent  les  voir  et 
les  examiner  avant  de  se  prononcer  sur  la  possibilité  de  les  employer 
dans  leurs  travaux.  Cette  collection  est  utile  au  point  de  vue  technique 
comme  au  point  de  vue  mercantile,  car  les  objets  qu'elle  renferme  sont 
accompagnés  de  renseignements  sur  leur  lieu  d'origine,  leur  prix,  les 
frais  de  transport,  etc.  Le  Maroc  étant  encore  très  peu  connu  de  la  plu- 
part des  explorateurs  européens,  l'administration  du  Musée  se  propose 
de  fournir  gratuitement  à  ceux  qui  le  désireront  des  renseignements 
commerciaux  sur  le  pays,  et  offre  de  se  charger  de  la  représentation 
des  exposants  qui  ne  seraient  pas  directement  représentés  à  Tanger. 

Le  Moniteur  de  l'Algérie  a  publié  sur  les  Khouans  de  l'ordre  de& 
Derkaona  Cheurfa  des  renseignements  qui  expliquent  l'agitation 
régnant  à  la  frontière  marocaine  méridionale.  Cet  ordre  est  particulier 
au  Tafilalet.  Une  des  prescriptions  de  l'ordre  impose  aux  membres 
de  la  confrérie  l'obligation  d'obéir  à  leur  chef  religieux  avant  d'obéir  au 
souverain  temporel.  Lorsque  le  sultan  a  été  malade  on  a  cru  que  le 
trône  allait  devenir  vacant,  et  une  grande  excitation  s'est  produite  dans 
la  Tafilalet  où  sont  dépoilés  les  membres  de  la  famille  impériale  qui» 
pouvant  avoir  des  prétentions  à  la  couronne,  portent  ombrage  à  l'empe- 
reur. Parmi  ces  prétendants  plus  ou  moins  avoués,  qui  tous  appartien- 
nent à  la  ligne  du  prophète  et  portent  le  titre  de  chérif,  il  s'en  est 
trouvé  un  que  l'ordre  des  Derkaoua  Cheurfa  a  acclamé  comme  futur 
empereur.  Le  sultan  paraît  très  inquiet  de  ces  menées  occultes,  qu'il  est 
d'ailleurs  impuissant  à  réprimer,  son  autorité  sur  le  Tafilalet  étant  plu- 
tôt nominale  qu'effective. 


NOUVELUSS  GOMPIiÊMENTAIREB 

M.  Playfair,  consul  général  anglais  à  Alger,  a  publié,  sous  le  titre  de  Bibliogra- 
phie  de  VAlgériey  un  volume  in-4<^  de  806  pages,  dans  lequel  sont  énumérés  le» 
nombreux  ouvrages  relatifs  à  l'Algérie,  parus  depuis  Charles-Quint  jusqu'en  1887. 
Le  damier  numéro  de  ces  livres  est  le  4745°**,  et  Touvrage  est  loin  d'être  complet. 

Le  gouvernement  français  a  déposé  devant  la  Chambre  des  députés  un  projet 
de  Igi  destiné  à  réserver  aux  vaisseaux  français  la  navigation  entre  la  France  et 
l'Algérie.  Si  cette  mesure  de  protection,  réclamée  depuis  longtemps,  n'a  pas  encore 
été  adoptée,  c'est  parce  que  les  traités  avec  les  puissances  étrangères  s'y  oppo> 
taient;  mais  la  dénonciation  du  traité  avec  l'Italie  a  rendu  à  la  république  une 
liberté  d'action  dont  elle  se  propose  de  profiter. 


—  180  — 

.  M.  EuDckel  d'Herculais,  président  de  la  Société  entomologique  de  France,  et 
aide  naturaliste  au  Mu&eom  d'histoire  naturelle  de  Paris,  a  visité  les  chantiers,  de 
destruction  des  criquets  qui  exercent  actuellement  leurs  ravages  sur  plusieurs 
points  de  l'Algérie.  Il  a  constaté  que  l'espèce  de  cette  année  n'est  pas  la  même 
que  celle  de  1866  et  de  1877  ;  elle  est  de  petite  taille,  beaucoup  plus  redoutable, 
car  elle  peut  se  propager  de  proche  en  proche,  s'étendre  sur  toute  ^Algérie  et  y 
rester  un  grand  nombre  d'années. 

An  Congrès  de  l'Association  française  pour  l'avancement  des  sciences  réuni  à 
Oran  au  mois  d'avril,  M.  Carrière  a  rapporté  avoir  découvert  aux  environs  de 
Mascara,  des  outils  mélangés  à  de  nombreux  ossements  de  rhinocéros,  d'hippopo- 
tames, d'éléphants,  etc.  Sur  de  nombreux  points  le  sol  était  jonché  de  silex  taillés; 
les  outils  en  pierre  polie  étaient  plus  rares  ;  en  revanche  ceux  de  bronze  abon* 
daient,  ce  qui  peut  s'expliquer  par  le  fait  que  les  colonies  phéniciennes  d'Afrique 
auraient  propagé  les  outils  de  métal  qu'elles  employaient  dès  leur  fondation. 

Le  16  av^il,  a  eu  lieu  à  Tunis,  une  adjudication  de  18  coupes  de  bois  dans  la 
Kroumirie,  comprenant  30,000  arbres  pour  400,000  francs.  Prochainement  aura 
lieu  une  adjudication  pour  le  démasclage  de  6  à  700,000  chénes-liège.  Avant 
l'occupation  française  ces  richesses  étaient  inexploitées. 

On  a  découvert  à  Sfax  une  nappe  d'eau  douce  au-dessus  de  laquelle  s'en  trouve 
une  d'eau  salée.  On  cherche  à  les  isoler  l'une  de  l'autre. 

Une  partie  des  colons  de  la  Dobroutscha  songent  à  émigrer  danslaTripolitaine. 
Ils  ont  envoyé  des  délégués  à  Tripoli  pour  étudier  les  conditions  agricoles  du  pays. 

Un  télégramme  du  Caire  au  Times  annonce  qu'une  lettre  de  Lupton-pacha, 
datée  d'Omdurman  le  29  novembre,  sans  enveloppe  ni  adresse,  est  arrivée  aux 
«Lvant-postes  à  Korosko.  Elle  porte  ce  qui  suit  :  «  Reçu  votre  dernière  lettre.  Il 
n'est  pas  possible  de  partir  d'ici  à  présent  ;  pas  de  route.  Ënvoyez-moi  de  l'argent, 
et  je  partirai  dès  qu'une  occasion  se  présentera.  En  voyez-moi  des  chemises  de  fla- 
nelle. Faites  savoir  à  ma  famille  que  je  me  porte  bien,  et  quej'espère  la  rejoindre 
l)ient6t  ;  mais  qu'elle  fasse  son  possible  pour  m'envoyer  de  l'argent,  car  sans  cela 
on  ne  peut  rien  faire.  »  Sir  £.  Baring  cherche  à  envoyer  l'argent  demandé. 

Un  télégramme  du  consul  général  anglais  à  Zanzibar  annonce  que  Mwanga, 
roi  de  l'Ou-Ganda,  a  été  très  irrité  des  arrangements  conclus  entre  l'Angleterre  et 
l'Allemagne  au  sujet  des  territoires  de  l'Afrique  orientale,  et  que  dès  lors  la  posi- 
tion  de  M.  le  missionnaire  Gordon,  qui  a  remplacé  M.  Mackay  dans  l'Ou-Ganda, 
est  devenue  extrêmement  périlleuse. 

Le  sultan  de  Zanzibar,  Saïd-Khalifa,  a  signé  le  traité  concédant  aux  Allenbands, 
pour  cinquante  ans,  toute  la  c6te  africaine  comprise  entre  Mombas,  frontière  du 
territoire  anglais,  et  Toungui,  frontière  du  territoire  portugais.  ) 

Le  D'  Hans  Meyer  auquel  nous  devons  les  renseignements  les  plus  récents  sur 
le  Kilimandjaro,  se  propose  d'y  retourner  pour  explorer  avec  soin  toute  la  contrée 
qui  l'entoure  ;  après  cela  il  poursuivra  ses  études  jusqu'au  Victoria  Nyanzia,  et 
plus  loin  encore  si  les  circonstances  le  favorisent.  M.  le  D**  Oskar  Baumaun,  le 
topographe  de  la  dernière  expédition  du  D'  Lenz,  l'accompagnera  pour  diriger 
spécialement  les  travaux  topographiques. 


—  181  — 

Pltisieon  jonrnaax  ayant  annoncé  la  mort  de  M.  Montagu  Kerr,  qui  s'était  pro- 
posé d'ouYrir  une  route  d^  Zanzibar  à  Wadelaï  par  l'extrémité  nord-est  du  lae 
l?lctoria,  nous  sommes  heureux  d'apprendre,  par  les  Proceedings  de  la  Société  dé 
géographie  de  Londres  que  cette  nouvelle  n'est  pas  confirmée.  M.  Montagu  Kerr 
fltt,  il  est  vrai,  malade  à  Hyères,  mais  il  n'est  point  mort. 

Par  décret,  en  date  du  4  mai,  l'tle  de  Nossi-Bé,  avec  ses  dépendances,  et  le^ 
territoire  de  Diégo-Suarez  formeront  désormais  un  seul  gouvernement  dont  le  siège 
eit  fixé  à  Diégo-Snarez.  L'établissement  de  Sainte-Marie  de  Madagascar  cesse 
d'être  une  dépendance  du  gouvernement  de  la  Réunion,  pour  être  rattaché  à 
celui  de  Diégo-Suarez. 

A  peine  de  retour  de  son  exploration  au  pays  des  Mashona,  M.  Selous  est 
reparti  pour  le  Zambèze  qu'il  compte  traverser  près  de  l'embouchure  du  Chobé. 
n  explorera  cette  fois-ci  le  pays  au  nord  du  Zambèze  moyen. 

Khamé,  roi  des  Ba-Mangwato,  a  fait  savoir  à  tous  ceux  que  cela  peut  intéresser, 
qne  le  pays  compris  entre  les  rivières  Shashi  et  Makloutsié  est  l'objet  de  préten- 
tions de  sa  part  et  de  celle  de  Lo  Bengula,  roi  des  Ma-Tébélé,  et  que  dès  lors  il  ne 
peut  être  responsable  des  pertes  que  pourraient  avoir  à  subir  ceux  qui  commence- 
raient prématurément  des  exploitations  minières. 

Le  steamer  le  Rai  des  Beiges,  de  la  Compagnie  du  Congo,  a  été  lancé  à  Stanley- 
Pool  au  commencement  de  mars.  Il  a  quitté  Léopoldville  le  27  du  même  mois, 
pour  remonter  le  Kassaï  jusqu'à  Louébo.  La  reconstruction  delà  Vitte  de  Bnucelle» 
afançait  rapidement  ;  on  comptait  qu'elle  serait  terminée  à  la  fin  de  mai. 

Les  Régions  Beyond  nous  ont  apporté  les  dernières  nouvelles  reçues  de  MM. 
Graham  Brook,  Banks  et  Murphy,  tous  les  trois  anciens  élèves  du  Ëast  London 
Institute  for  home  and  foreign  Missions  ;  ils  avaient  passé  à  la  station  de  l'Equateur,, 
d'où  ils  comptaient  remonter  l'Oubangi  le  plus  haut  possible,  pour  se  rapprocher 
de  la  station  d'Ali-Kobo,  où  ils  se  proposaient  de  s'établir. 

Le  territoire  de  Togo,  possession  de  l'empire  allemand,  est  entré  dans  l'Union 
postale  universelle. 

La  Compagnie  française  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  s'est  adressée  att 
département  de  la  marine  et  des  colonies  pour  obtenir  le  droit  d'exploiter  le& 
gisements  de  guano  qui  recouvrent  les  Iles  Alcatraz  dont  la  France  a  pris  posses- 
sion il  y  a  quelques  mois,  au  sud  de  l'archipel  portugais  des  Bissagos,  au  nord- 
oaest  de  l'embouchure  du  Rio-Nunez. 

On  procède  à  St-Louis  aux  travaux  d'installation  de  la  lumière  électrique. 

L'explorateur  Charles  SoUer  est  parti  pour  le  Sénégal  ;  il  se  propose  d'étudier  la 
région  située  au  nord  de  St-Louis  et  dans  le  voisinage  de  l'tle  d'Arguîn.  Il  cher- 
chera à  ouvrir  de  ce  cèté  un  débouché  aux  produits  du  Soudan  et  à  diriger  vers  la 
(Aie  les  caravanes  de  Timbouctou. 

Les  945  colis  qui  composent  la  canonnière  le  Mage  sont  en  grande  partie  arri- 
Tes  à  Bammakou  où  le  montage  commencera  incessamment.  On  espère  que  le 
ifo^e  pourra  naviguer  avec  le  Niger  dans  les  premiers  jours  de  juillet. 

La  voie  ferrée  du  haut  Sénégal  est  posée  jusqu'au  kilomètre  112  ;  on  espérait 
qu'elle  atteindrait  Bafoulabé  le  15  mai. 


—  182  — 

.  M.  Camille  Douls  a  demandé  à  la  ville  de  Paris  une  subvention  destinée  à  cou- 
vrir en  partie  les  frais  de  son  nouveau  voyage  dans  le  Sahara.  Sa  demande  a  été 
bien  accueillie  par  le  conseil  municipal. 

La  Société  de  géographie  de  Londres  a  chargé  M.  J.  Thompson  d'une  explora- 
tion de  l'Atlas  et  du  Maroc  méridional,  au  point  de  vue  géologique,  botanique  et 
zoologique.  M.  H.  Brown  qui  accompagnera  M.  Thompson  fera  des  levés  topogra- 
phiques. 

Un  contrat  a  été  signé  à  Londres  pour  la  construction  et  la  pose  d'un  câble 
télégraphique  sous-marin  de  Lisbonne  aux  Açores. 

Une  chambre  de  commerce  espagnole  a  été  instituée  à  Tanger,  avec  des  suc- 
cursales dans  les  principales  villes  de  la  côte  marocaine. 

Une  mission  italienne  a  quitté  Tanger  pour  Fez.  Elle  est  composée  de  deux 
officiers  et  d'un  ingénieur,  qui  vont,  dit-on,  exploiter  une  sucrerie,  propriété  du 
sultan  du  Maroc. 


EXPÉDITION  DE  MM.  CAPELLO  ET  IVENS  A  TRAVERS  L'AFRIQUE 

DE  1884  A  1885. 

(Avec  carte,  p.   192.) 

En  annonçant  (VI"*  année,  p.  333),  le  succès  de  Texpédition  portu- 
gaise confiée  à  la  direction  de  MM.  Capello  et  Ivens,  nous  nous  réser- 
vions d'y  revenir  avec  plus  de  détails,  lorsque  nous  aurions  sous  les  yeux 
l'ouvrage  qu'ils  se  proposaient  d'écrire  sur  leur  traversée  du  continent. 
L'importance  de  leur  voyage,  comparé  à  ceux  des  explorateurs  qui,  dajis 
ces  dernières  années,  ont  traversé  l'Afrique,  réclame  un  article  spécial. 
Nous  avons  reçu,  par  la  bienveillante  entremise  de  M.  le  Directeur  du 
journal  As  colonias  portugiiezas,  les  deux  volumes  '  des  voyageurs  por- 
tugais, qui  nous  fournissent  l'occasion  d'entrer  dans  les  détails  non  point 
de  toute  leur  exploration,  mais  au  moins  de  leur  voyage  à  travers  les 
parties  les  moins  connues  jusqu'ici  du  continent  africain. 

Nos  lecteurs  n'ont  pas  oublié  qu'en  1879-1880  MM.  Capello  et  Ivens 
avaient  exploré  avec  succès  les  bassins  de  la  Quauza  et  du  Quango.  (Voy . 
!!"•  année,  p.  35-39  et  la  carte.)  Ce  furent  les  services  qu'ils  avaient 
rendus  alors  et  les  talents  qu'ils  avaient  déployés,  qui  décidèrent  le  gou- 
vernement portugais  à  leur  confier  la  direction  d'une  nouvelle  expédi- 

'  De  Angola  a  Contra- Costa,  Descripçào  de  uma  viagem  atravez  do  continente 
africano,  porH.  Capello  R.  Ivens.  Lisboa  (Imprensa  nacionalj,  1886,  2  vol.  gr.-8«, 
448  et  490  p.  ill.  et  cartes. 


—  183  — 

tion,  dont  le  premier  but  devait  être  de  chercher  une  route  de  commerce 
entre  les  possessions  portugaises  de  la  côte  occidentale  et  celles  de  la 
côte  orientale.  Ils  devaient  en  outre  déterminer  les  limites  entre  les  deux 
bassins  du  Zambèze  et  du  Congo,  et  étudier  les  régions  inconnues 
situées  entre  les  provinces  d'Angola  et  de  Mozambique  surtout  au  point 
de  vue  de  l'importance  de  leurs  produits.  En  même  temps  ils  avaient  à 
faire  des  observations  scientifiques,  à  relever  avec  le  plus  grand  soin 
leur  itinéraire,  afin  de  combler  lés  lacunes  considérables  qui  existent 
encore  dans  les  cartes  pour  les  régions  à  l'ouest  et  à  l'est  de  la  vallée 
supérieure  du  Zambèze.  L'exactitude  du  tracé  devait  être  contrôlée  par 
des  déterminations  de  position  très  nombreuses  pour  lesquelles  les 
explorateurs  s'étaient  munis  d'excellents  instruments.^ Les  conditions 
du  pays,  des  habitants,  de  la  flore  et  de  la  faune  devaient  aussi  être 
étudiées  avec  soin  ;  pour  cela  les  voyageurs  avaient  à  faire  des  col- 
lections aussi  complètes  que  possible. 

Dans  l'espoir  de  retenir  plus  facilement  les  porteurs  recrutés  à  Loanda 
et  à  Novo  Kedondo,  Capello  et  Ivens  choisirent,  pour  leur  point  de 
départ,  la  baie  déserte  de  Porto  Pinda,  au  sud  de  Mossamédès,  dans  une 
région  à  peu  près  déserte,  où  quelques  familles  de  Ba-Ximbas  vivent  en 
nomades,  occupées  de  chasse  et  d'élevage  du  bétail.  Mais  peu  de  jours 
après  avoir  quitté  la  côte,  et  être  entrés  dans  la  vallée  du  Coroca  qui 
n'a  de  l'eau  que  dans  la  saison  des  pluies,  ils  furent  abandonnés  par  une 
grande  partie  de  leurs  porteurs,  et  se  virent  forcés  d'aller  chercher  du 
secours  à  Mossamédès  pour  y  faire  transporter  leurs  bagages.  Ils  en 
repartirent  le  24  avril  1884  pour  Huilla,  d'oii  ils  firent  une  excursion  de 
chasse  vers  l'est,  afin  d'étudier  la  partie  orientale  du  plateau  de  Huilla, 
qu'ils  trouvèrent  convenir  à  l'établissement  d'Eui-opéens  qui  se  livre- 
raient à  l'agriculture  et  à  l'élevage  du  bétail,  ce  que  font  avec  succès 
les  Boers  de  la  colonie  de  San  Januario,  dans  le  voisinage  de  Huilla.  De 
ce  point-ci  ils  explorèrent  la  vallée  du  Caculovar  jusqu'à  Humbé,  le  fort 
portugais  le  plus  méridional,  près  de  l'embouchure  de  cette  rivière  dans 
le  Cunéné.  Les  habitants  du  Damaraland  s'avancent  parfois  jusque-là. 

Remontant  ensuite  vers  le  nord  parallèlement  au  cours  du  Cunéné, 
ils  franchirent  ce  dernier  à  Quiteve,  sous  le  le"*  lat.  S.  et  se  dirigèrent 
vers  le  N.-E.  jusqu'au  Coubango.  A  Quiteve,  à  400  kilom.  des  sources, 
le  Cunéné  avait  en  juin,  pendant  la  saison  sèche,  une  largeur  de  150  m. 
et  une  profondeur  moyenne  de  deux  mètres  et  demi.  Durant  la  saison 
des  pluies,  il  se  transforme  en  un  puissant  coure  d'eau,  ce  qui  lui  a  valu 
son  nom  de  Cunéné  (grand  Fleuve).  Dépassant  ses  rives,  il  s'étend  à 


=-  184  ^ 

perte  de  vue  dans  la  plaine  ;  sur  un  espace  de  plusieurs  centaines  de 
kilomètres  carrés  s'étale  un  lac  dans  lequel  viennent  ^e  perdre,  comme 
en  un  vaste  bassin  d^évaporation,  les  eaux  grossies  du  Gonéné  supérieur. 
Après  les  crues,  de  petits  lacs,  dea  mares  restent  parsemés  dans  la  vallée. 

Quant  au  Coubango,,![^ntrairement  à  Taffirmàtion  de  Serpa  Pinto  qui 
fait  de  ce  cours  d'eau  un  a£Buent  du  lac  Ngami,  Capello  et  Ivens  y  voient 
un  tributsûre  du  Chobé,  qui  se  verse  dans  le  Zambèze,  tout  en  recon- 
naissant qu'à  l'époque  des  pluies  le  surplus  de  ses  eaux  se  rend  par  le 
Tiogé  au  lac  Ngïimi^  Les  renseignements  fournis  par  le  D' Auràle  Schulz, 
confirment  cette  donnée.  A  la  fin  de  1884,  cet  explorateur  se  rendit  du 
Couando  Inférieur  au  Coubango,  ce  qui  met  hors  de  doute  l'existence 
d'une  communication  entre  les  deux  rivières,  à  travers  de  vastes  maré- 
cages. I)ans  son  cours  inférieur  le  Coubango  reçoit  un  tributaire  consi- 
dérable le  Couito,  qui  est  navigable  depuis  le  point  oii  le  traversèrent  les 
voyageurs  portugais  jusqu'à  son  embouchure. 

Le  Coubango  et  ses  affluents  arrosent  un  plateau  qui  s'étend,  sans 
grands  accidents  de  terrain,  du  Cunéné  jusqu'au  Zambèze,  avec  le  carac- 
tère d'une  steppe  ;  mais,  entre  le  Couatir  et  le  Couito,  il  ressemble  à 
im  désert  de  sable.  Dans  la  saison  des  pluies  il  est  revêtu  d'une  herbe 
abondante,  et  devient  un  vrai  parc  pour  les  troupeaux  d'antilopes,  de 
gazelles,  d'éléphants,  etc.,  qui,  dans  la  saison  sèche,  se  retirent  sur  les 
bords  des  rivières.  Le  pays  n'offre  plus  alors  aucune  resisource  aux  voya- 
geurs. Les  habitants  de  ce  district,  très  clairsemés  d'ailleurs,  se  sont 
établis  sur  les  bords  marécageux  des  rivières  oti  ils  ont  construit  leurs 
habitations  sur  des.  pilotis. 

Après  avoir  traversé  le  Couando,  Capello  et  Ivens  descendirent  le  long 
de  la  Niuda  jusqu'au  Zambèze,  dont  la  vallée,  à  l'époque  des  pluies,  est 
inondée,  de  Libonta,  et  même  de  Lialui  jusqu'au  Loungé-Boungo  à  un 
degré  plus  au  nord  ;  aussi  les  huttes  des  indigènes  de  Libonta  ont-elles 
dû  être  construites  sur  des  collines.  Le  sol  est  peu  productif  ;  et  les  éma- 
nations des  marécages  ne  permettraient  guère  à  des  Européens  de  s'y 
établir.  Actuellement  les  trafiquants  j)ortugais  se  rendent  déjà  de  la  côte 
à  Libonta  et  à  Lialui  ;  mais  il  faudrait  sans  doute  que  ces  deux  localités 
prissent  un  grand  développement,  et  qu'il  s'y  fixât  un  certain  nombre 
de  blancs  pour  que  l'on  pût  songer  à  créer  des  communications  directes 
entre  la  vallée  du  haut  Zambèze  et  l'Europe  par  Mossamédès.  Pour  le 
moment,  c'est  par  Shoshong  et  Capetown  que  les  missionnaires  établis 
à  Séfoula  et  à  Seshéké  doivent  correspondre  avec  l'Europe. 

Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  à  partir  du  Zambèze  que  l'expédition  de 


—  185  — 

Capello  et  Ivens  devient  le  plus  intéressante.  Elle  comprend  d'abord 
l'exploration  du  Cabompo,  l'affluent  le  plus  considérable  du  Zamlbèze 
supérieur,  et  celle  de  la  ligne  de  partage  des  eaux  entre  le  Zambèze  et 
le  Congo,  en  particulier  celle  des  sources  du  Loualaba.  Les  voyageurs 
ont  constaté  que  l'autorité  du  Mouata-Yamvo,  le  souverain  du  Lounda, 
s'étend  jusqu'au  cours  inférieur  du  Cabompo,  par  conséquent  beaucoup 
plus  au  sud  qu'on  ne  l'admettait  auparavant.  Alors  même  qu'au  centre 
de  l'empire,  la  puissance  de  ce  roi  est  en  décadence,  l'autorité  qu'il 
exerce  à  une  très  grande  distance  de  sa  capitale,  Moussoumba,  n'est 
point  purement  nominale.  Ses  envoyés,  Kakouatas,  parcourent  souvent 
les  teiTitoires  isitués  aux  limites  de  ses  États,  pour  percevoir  des  tributs 
et  contrôler  la  fidélité  des  chefs. 

Quant  au  Cabompo,  dont  les  explorateui-s  portugais  étudièrent  le  cours 
jusque  près  de  ses  sources,  il  ne  mérite  point,  comme  Livingstone  incli- 
nait à  le  croire,  le  nom  de  Zambèze  supérieur.  Il  le  cède  à  celui-ci  au 
double  point  de  vue  de  l'abondance  d'eau  et  de  la  rapidité  du  courant. 
La  région  de  ses  sources,  voisine  de  celle  des  sources  du  Loualaba,  le 
principal  tributaire  du  Congo,  n'a  qu'une  population  très  claii-semée. 
Aussi  pendant  la  marche  à  travers  les  épaisses  forêts  dont  ses  rives  sont 
couvertes,  la  caravane  eut-elle  à  subir  de  cruelles  privations  auxquelles 
succombèrent  quantité  de  porteurs.  La  tsétsé,  qui  se  rencontre  en  abon- 
dance dans  cette  vallée,  exerça  également  de  grands  ravages  parmi  les 
bètes  de  somme  et  ralentit  considérablement  les  progrès  de  l'expédition. 
Ce  ne  fut  guère  qu'au  delà  des  monts  Kitoungoula,  entre  le  Cabompo  et 
le  Kafoué,  que  celle-ci  retrouva  un  pays  plus  peuplé  et  échappa  momenta- 
nément aux  souffrances  de  la  faim.  Le  Kafoué  ou  Loengué,  api*ès  avoir 
couru  dans  la  direction  du  S.-O.,  se  dirige  vers  le  S.-E.  et  v^  se  jeter 
dans  le  Zambèze  un  peu  en  amont  de  Boruma.  La  ligne  de  partage  des 
eaux  entre  les  bassins  du  Cabompo  et  du  Kafoué  sert  de  limite  au  pays 
des  Garenganzé  dont  nous  parlions  (p.  16),  où  le  roi  Msiri,  après  une 
série  de  combats  heureux  contre  les  Wa-Ruas,  a  fondé  un  État  nou- 
veau, qui  comprend  une  partie  de  l'ancien  royaume  du  Cazembé,  puis- 
sant encore  à  l'époque  où  Livingstone  le  visita  en  1867,  quoiqu'il  fût 
déjà  sm*  son  déclin.  Le  royaume  de  Msiri  embrasse  aujourd'hui  tout  le 
territoire  compris,  entre  le  Loualaba  et  le  Louapoula  ;  il  s'étend  au  N. 
jusqu'au  lac  Kassali  ou  Kikondja,  sous  le  8°  lat.  S.,  au  S.  presque  jus- 
qu'aux monts  Mouchinga,  qui  forment  la  ligne  de  partage  des  eaux  entre 
le  lac  Bangouéolo  et  le  Zambèze.  Cette  région,  haute  de  1260  m.  en 
moyenne,  et  dominée  par  des  monts  boisés  courant  du  N.-E.  au  S.-O., 


eet  un  pays  pittoresque  et  salubre,  qui  pourrait  devenir  uo  sanitariuro 
pour  les  Européens.  L'autorité  du  souverain  du  Cazembé  est  restreinte 
aujourd'hui  aux  pays  situés  à  l'est  du  Louapoula. 

Le  point  le  plus  septentrional  atteint  par  Capello  et  Ivene  est  Boun- 
keïH,  résidence  du  roi  Msiri,  située  par  10°  23'  12"  lat.  S.  et  27'  U'  Iff* 
long.  Ë.  C'est  un  grand  marché  d'ivoire,  sur  un  petit  affluent  occidental 
de  la  Loutira.  Le  voyageur  allemand  Reichard  en  était  parti  deux  mois 
avant  leur  arrivée,  pour  retourner  au  Tanganyika.  Comme  il  avait  dû 
se  frayer  un  chemin  les  armes  à  la  main,  Msiri  ne  permit  pas  aux  voya- 
geurs portugais  de  poursuivre  leur  route  dans  la  même  direction.  Ils 
durent  également  renoncer  à  une  excursion  qu'ils  se  proposaient  de 
faire  au  lac  Moèro,  uue  guerre  enti-e  Msiri  et  le  roi  de  Cazerabé  étant 
alors  sur  le  point  d'éclater. 

Msiri,  qui  habite  un  palais  entouré  de  crânes,  dispose  de  plus  de  2000 
soldats  armés  de  fusils,  qu'il  mené  en  guerre  contre  ses  ennemis,  sui^ 
tout  contre  les  Wa-Ruas,  nation  puissante  habitant  la  région  qui  s'étend 
au  nord  du  lac  Landji  jusqu'au  Tanganyika.  Plusieurs  de  ses  femmes 
sont  de  race  mêlée  et  portent  des  noms  portugais,  ce  qui  leur  donne  un 
haut  sentiment  de  leur  supériorité  ;  le  roi  lui-même  s'est  ait'ublé  du  titre 
de  Maria  Segunda.  Il  est  très  cruel  ;  moins  cependant  que  sou  ù^re,  le 
gouverneur  de  Kaponda,  dont  le  palais  est  indiqué  de  loin  par  des  mon- 
ticules de  tètes  humaines.  Les  trafiquants  de  l'Angola  arrivent  nombreux 
dans  les  États  de  Msiri. 

La  population  est  composée  d'éléments  très  divers.  Loin  d'être  escla- 
ves, comme  dans  la  plupart  des  tribus  africaines,  les  femmes  sont  d'or- 
dinaire les  maltresses  ;  elles  dirigent  le  ménage,  la  culture  du  sol,  même 
les  expéditions,  et  souvent  prennent  part  directement  aux  combats. 
Grands  chasseurs,  grâce  à  la  richesse  du  pays  en  gibier,  les  hommes 
sont  toujours  vêtus  de  peaux,  car  des  vêtements  d'étoffe  seraient  bien 
vite  déchirés  dans  les  broussailles  ;  ils  se  servent  d'armes  &  feu  achetées 
aux  trafiquants  de  l'Angola,  et  d'assagaies  dont  la  pointe,  finement  tra- 
vaillée, est  garnie  de  fils  de  cuivre.  Ce  métal,  très  commun  dans  le  pays, 
s'y  présente  en  général  sous  la  forme  de  malachite,  soit  en  filons,  soit 
en  blocs  isolés.  Les  principales  mines,  celles  de  Katauga,  qui  se  trou- 
vent à  trois  journées  de  marche  à  l'est  de  Bounkela,  et  d'autres  gise- 
ments situés  k  l'est  et  à  l'ouest  dans  les  montagnes,  sont  très  riches. 

Après  avoir  passé  deux  mois  à  Bounkela,  les  explorateurs  se  dirigè- 
rent vers  le  Katanga,  entre  la  Loutira  et  le  Louapoula,  célèbre  dans 
toute  l'Afrique  centrale  par  ses  mines  de  cuivre.  Us  auraient  voulu  pou- 


—  187  - 

voir  atteiadre  le  lac  Moêro  en  lougeant  le  Louapoula,  et  après  avoir 
traversé  celui-ci  gagner  directement  le  lac  Bangouéolo,  mais  Topposi- 
tioQ  des  indigènes  les  en  empêcha.  Ils  ne  purent  pas  même  parvenir 
jusqu'aux  cataractes  de  Mombottuta,  oii  Giraud  avait  été  lui-même 
arrêté  dans  sa  tentative  de  descendre  le  Louapoula. 

D'après  les  renseignements  que  Capello  et  Ivens  obtinrent  des  indi- 
gènes, l'extension  de  la  rive  sud  du  Bangouéolo  devrait  être  reportée 
plus  au  sud  que  ne  l'indique  Giraud  ;  il  devrait  en  être  de  même  de 
l'emplacement  de  Tchitambo,  oîi  mourut  Livingstone,  qui,  au  dire  des 
serviteurs  du  grand  explorateur  et  d'après  son  propre  journal,  aurait  été 
situé  tout  près  du  lac.  Capello  et  Ivens  le  placent  à  im  degré  plus  au  sud» 
Us  estiment  en  outre  que  le  nom  de  lac  Bangouéolo  ne  peut  s'appliquer 
qu'à  la  partie  septentrionale  qui  est  profonde,  tandis  que  la  partie  méri- 
dionale, qui  a  plutôt  le  caractère  d'un  marécage,  s'appelle  le  lac  Bemba. 

Du  Louapoula,  l'expédition  portugaise  se  porta  directement  vers  le 
sud  pour  atteindre  le  Zambèze.  La  zone  de  partage  des  eaux  entre  ce 
fleuve  et  le  Congo  est  couverte  de  forêts,  sans  habitants  ;  aussi  la  cara- 
vane fiit-elle  réduite  au  produit  de  la  chasse  pour  s'alimenter.  Au  sud 
du  lac  Bangouéolo,  la  ligne  de  faîte  formée  par  les  monts  Mouchinga 
s'étend  jusqu'au  Lousenfoa,  affluent  du  Loangoa.  £n  arrivant  au  Zam- 
bèze les  voyageurs  se  retrouvèrent  en  pays  connu  ;  à  Sumbo,  le  poste  des 
possessions  portugaises  le  plus  avancé  vers  l'ouest,  ils  purent  saluer  de 
nouveau  des  compatriotes  ;  puis  ils  reprirent  leur  route  vers  la  côte 
orientale  en  suivant  à  peu  près  l'itinéraire  de  Livingstone  en  1856.  I1& 
Arrivèrent  à  Quilimane,  le  26  juin  1885,  après  un  voyage  de  quinze  mois» 

Dans  le  cours  de  leur  expédition,  ils  avaient  relevé  leur  itinéraire  par 
69  déterminations  de  latitude  et  59  de  longitude  ;  leurs  observations^ 
magnétiques  avaient  porté  sur  25  points  différents.  Ils  avaient  en  outre 
recueilli  de  nombreuses  observations  météorologiques,  et  des  matériaux 
considérables  pour  servir  à  la  connaissance  des  conditions  climatologi- 
ques  de  l'Afrique  centrale.  Trois  fois  par  jour  régulièrement,  à  peu 
d'e&eeptions  près,  ils  avaient  pris  des  indications  barométriques,  iher- 
mométriques,  hygrométriques,  noté  la  direction  et  la  force  du  vent> 
tinsi  que  l'état  du  ciel.  Ces  observations  consciencieuses  ont  servi  de 
base  au  calcul  d'une  quantité  d'altitudes  qui  hâteront  le  progrès  de  nos 
connaissances  relatives  à  la  topographie  de  l'Afrique.  Ils  ont  étudié  avec 
soin  les  conditions  ethnographiques  des  habitants  pour  pouvoir  fixer 
d'une  manière  précise  les  territoires  occupés  par  les  différentes  tribus. 
Enfin  ils  ont  rapporté  de  riches  collections  de  la  géologie,  de  la  flore  et 


—  188  — 

de  la  faune  des  pays  quMls  ont  parcourus  ;  aussi  le  succès  de  leur  expé- 
dition cousiste-t-il  moins  dans  le  fait  d'avoir  traversé  le  continent  de 
Touest  à  Test,  que  dans  les  résultats  scientifiques  qu'ils  ont  obtenus. 

Tous  ces  résultats  sont  exposés  dans  des  tableaux  annexés  aux  deux 
volumes  que  nous  venons  de  résumer,  lesquels  sont  enrichis  de  plusieurs 
cartes  et  illustrés  de  nombreuses  gravure^. 


BIBLIOGRAPHIE  > 

Charles  Bussidon.  AsYseiNiE  et  Anqleterre  (Théodoros).  Perfidies 
et  intrigues  anglaises  dévoilées.  Souvenirs  et  preuves.  Paris  (Librairie 
africaine  et  coloniale  A.  Barbier),  1888,  in-12*,  322  p.,  fr.  3,50.  — 
Théodoros  et  la  guerre  entre  T Angleterre  et  TAbyssinie  sont  bien 
loin  derrière  nous.  De  nos  jours  le  temps  passe  si  vite,  les  événements 
se  succèdent  avec  une  telle  rapidité,  qu'un  retour  sur  cette  époque 
semble  être  d'un  médiocre  intérêt,  d'autant  plus  qu'il  a  été  déjà  écrit 
des  volumes  sur  les  faits  qui  s'y  rattachent.  M.  Charles  Bussidon,  qui 
déclare  avoir  visité  l'Abyssinie  de  1862  à  1872,  veut  néanmoins  donner 
sur  ces  événements  une  version  nouvelle,  fort  différente  de  celle  qu'in- 
diquent les  meilleurs  ouvrages  d'histoire.  Toutefois  cet  exposé  ne  remplit 
pas  le  volume  comme  le  titre  semblerait  l'annoncer.  Il  n'en  comprend  que 
la  dernière  partie.  Les  autres  sont  consacrées  à  la  description  de  l'Abys- 
sinie, aux  mœurs  de  ses  habitants,  ainsi  qu'au  règne  de  Théodorosr. 
L'histoire  des  guerres  civiles  qui  ensanglantèrent  cette  époque  occupe 
de  nombreuses  pages  ;  le  récit  en  est  si  mouvementé,  si  dramatique,  les 
épisodes  racontés  tout  au  long  comportent  de  si  fréquentes  conversations 
entre  les  héros,  l'amour  et  les  intrigues  féminines  jouent  un  rôle  telle- 
ment prépondérant  dans  tous  ces  événements,  qu'on  se  demande  si  l'on 
n'a  pas  devant  les  yeux  un  roman  plutôt  qu'un  ouvrage  d'histoire.  Cette 
impression  s'accentue  à  mesure  qu'on  avancé  dans  la  lecture,  et  on 
annve  à  se  dire  que  ce  pays,  dont  le  gouvernement  est  fortement  orga- 
nisé, dont  l'armée  ressemble  à  celles  de  l'Europe,  dont  le  roi  et  les 
princes  parlent  à  la  façon  des  anciens  Grecs  et  Romains,  dont  les  femmes 
sont  admirablement  belles  et  inspirent  un  violent  amour  à  tous  ceux 
qui  les  voient,  ce  pays,  disons-nous,  ne  ressemble  pas  à  l'Abyssinie  des 

*  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bàle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


n^s^m":'  '  •"-;.:-/. -^.'r 


—  189  — 

Lejean,de8  d'Abbàdie,  des  Munzinger,  et  n'existe  guère  que  dans  l'ima- 
gination de  l'auteur. 

Quant  à  la  cinquièrae  partie,  qui  relate  l'histoire  de  l'expédition 
aaglaise  de.  1867  et  1868,  elle  témoigne  d'un  parti  pris  si  évident,  elle 
renferme  des  critiques  d'une  telle  violence,  des  épîthètes  si  injurieuses 
à  l'égard  des  Anglais,  qu'on  ne  peut  prendre  au  sérieux  un  récit  écrit  à 
un  point  de  vue  exclusivement  français  et  catholique ,  qui  fait  des 
Abyssins  des  héros  de  bravoure  et  de  chevalerie,  et  des  Anglais  des 
lâches  et  des  monstres.  A  un  exposé  aussi  partial,  il  n'est  pas  sans  utilité 
d'opposer  le  jugement  d'un  autre  Français  qui  n'a  jamais  été  suspecté 
de  manquer  de  patriotisme,  de  M.  Elisée  Reclus,  le  savant  humain  et 
impartial  qui  n'a  jamais  craint  de  donner  son  opinion  libre  et  franche. 
Voici  ce  qu'il  dit  dans  le  volume  sur  le  Bassin  du  Nil  :  a  C'est  à  Zoulla 
que  débarqua  l'armée  britannique,  k  Zoulla  qu'elle  reprit  la  mer  après 
avoir  mené  à  bonne  fin  une  expédition  imique  dans  l'histoire  de  l'An- 
gleterre et  dans  les  temps  modernes,  à  la  fois  par  la  justice  de  la  cause, 
par  la  précision  mathématique  des  mouvements,  par  la  plénitude  du 
succès,  presque  sans  eifusion  de  sang,  par  le  désintéressement  dans  la 
victoire.  Cette  promenade  militaire  d'une  armée  européenne  sur  les 
plateaux  de  l'Ethiopie  se  tennina  sans  conquête,  et  les  traces  des  pas 
anglais  furent  bientôt  effacées  sur  le  sable  de  Zoulla.  » 

Ernst  Bottcher  :  Orographie  und  hydrographie  des  kongobeckens. 
Berlin  (Haude  und  Spener'sche  Buchandlung),  1887,  in-8%  100  p.  avec 
cartes  et  profils.  Fr.  3,75. — Est-il  possible,  dans  l'état  actuel  de  nos  con- 
naissances géographiques,  de  faire  une  étude  scientifique  suflBsamment 
exacte  et  complète  du  grand  bassin  du  Congo  ?  Celui  qui  a  lu  la  mono- 
graphie que  vient  de  publier  M.  Bottcher  ne  peut  manquer  de  répondre 
affirmativement  à  cette  question.  Ce  mémoire,  qui  roule  entièrement  sur 
Isigéographie  physique,  témoigne  chez  son  auteur,  non  seulement  d'une 
grande  connaissance  de  cette  branche,  mais  aussi  de  recherches  nom- 
breuses sur  le  sujet  spécial  qu'il  traite.  Combien  de  récits  de  voyages, 
de  rapports,  de  notices,  de  travaux  de  tout  genre  a-t-il  dû  consulter 
pour  arriver  à  faire  une  étude  d'ensemble  aussi  approfondie  ?  C'est  ce 
qu'il  serait  difficile  de  dire.  Déjà  en  progrès  sur  la  description  magistrale 
faite  par  M.  Reclus  dans  la  Nouvelle  géographie  universelle^  elle  consti- 
tue le  travail  le  plus  complet  qui  ait  paru  jusqu'à  ce  jour  sur  ce  sujet. 

Le  plan  suivi  est  clairet  méthodique.  Après  une  courte  introduction, 
l'auteur  fixe  les  limites  connues  du  bassin  du  Congo,  c'est-à-dire,  au 


-r/: 


—  190  — 

moyeu  de  toutes  les  cotes  quMl  a  pu  réunir,  la  ligne  de  partage  des  eaux 
qui  le  sépare  des  bassins  fluviaux  voisins.  Le  chapitre  suivant  renferme 
une  vue  d'ensemble  sur  cette  vaste  région  peu  accidentée,  de  forme  àpeu 
près  elliptique  qui  constitue  la  dépression  centrale  du  plate^iu  africain. 
Les  données  manquent  pour  en  fixer  la  structure  géologique  ;  toutefois 
Tauteur  cherche  à  en  établir  les  grands  traits  d'après  quelques  voya- 
geurs. Ensuite  vient  la  description  particulière  et  détaillée  de  chacune 
des  trois  parties  du  Congo  :  l*"  Le  cours  supérieur,  qui  va  de  la  source 
aux  Stanley-Falls  situées  sous  Téquateur  ;  un  chapitre  spécial  est  con- 
sacré au  bassin  du  lac  Tanganyika,  si  remai*quable  par  ses  dimensions,  sa 
forme  et  la  nature  de  la  dépression  dont  il  occupe  le  fond.  2""  Le  cours 
moyeu,  des  Stanley-Falis  au  Stanley-Pool  ;  ici  une  subdivision  est  néces- 
saire :  Tauteur  examine  successivement  le  coui-s  du  Congo  proprement 
dit,  les  affluents  de  droite,  parmi  lesquels  TOuellé-Oubangi,  et  ceux  de 
gauche;  ces  derniers  sont  divisés  en  deux  groupes  par  le  S^pai-allèle  sud: 
le  .groupe  du  nord  ou  groupe  du  Loulengo-Tschouapa,  enfermé  dans  la 
courbe  régulière  que  décrit  le  Congo,  et  le  groupe  du  sud  aussi  appelé 
groupe  du  Sankourou-Kassal,  qui  est  formé  par  une  grande  artère,  le 
Sankourou,  lequel  se  dirige  droit  de  Test  à  Touest  en  recevant  les  eaux 
d'un  vaste  plan  incliné  du  sud  au  nord;  8**  le  cours  inférieur,  du  Stanley- 
Pool  à  l'océan,  oîi  le  Congo  traverse  la  chatne  côtière  sans  recevoir 
d'affluents. 

Dans  un  dernier  paragraphe  intitulé  :  «Hydrographie  générale  du  bas- 
^n  du  Congo,»  l'auteur  entre  dans  quelques  détails  sur  le  régime  cltma- 
térique  de  cette  vaste  contrée,  sur  les  pluies,  sur  les  crues  des  cours 
<l'eau,donne  une  petite  statistique  générale  qui,  bien  qu'elle  résume  tout 
ce  que  l'on  sait,  est  loin  d'être  complète.  D'après  lui,  la  longueur  totale 
du  Congo  atteint  4,800  kilomètres,  ce  qui  place  ce  fleuve  après  le  Nil,  le 
Mississipi,  l'Amazone  et  le  Yang-tsé-Kiang  ;  la  superficie  du  bassin  est 
de  2,477,835  kil.  carrés,  soit  environ  le  quart  de  l'Europe,  le  débit  total 
du  fleuve  n'est  pas  encore  fixé  exactement  :  toutefois  on  connaît  celui 
de  quelques  affluents,  entre  autres  du  Saukourou-Kassai  qui  roule  à  lui 
seul  11,000  mètres  cubes  d'eau  à  la  seconde. 

L'ouvrage  se  teimine  par  plusieurs  planches  renfermant  de  nombreux 
profils  et  une  carte  générale  du  réseau  hydrographique  du  Congo.  Pour 
une  partie,  ces  figures  ont  été  dessinées  d'après  les  relevés  de  Pogge  et 
de  Wissmann  ;  pour  une  autre,  d'après  ceux  du  D' Kaiser,  de  Von  Fran- 
çois et  de  Chavanne.  Un  défaut  de  tous  ces  profils  consiste  dans  la  diflFé- 
reiice  qu'ils  présentent  entre  l'échelle  des  hauteurs  et  celle  dies  Ion- 


'Wx^^Y--^  ., 


—  191  — 

gueurs,  la  première  étant  souvent  dix,  cent  ou  mille  fois  plus  grande  que  \ 

l'autre  ;  la  pente  est  ainsi  considérablement  exagérée  et  le  lecteur,  qui  ' 

peut  difficilement  tenir  compte  de  la  différence  des  échelles,  se  fait  une 
idée  tout  ^i  fait  fausse  de  la  chute  des  cours  d'eau. 

Toutefois,  ce  défaut  de  construction  n'enlève  rien  aux  qualités  de  cet 
oavrage  qui,  par  sa  clarté,  son  plan  méthodique  et  le  nombre  de  faits 
qu'il  cite,  a  une  valeur  scientifique  incontestable. 

J>  F.  Kayser.  ^Egypten  eikst  und  jktzt.  Freiburg  in  Breisgau 
(Herdersche  Verlagsbuchhandlung),  1884,  in-8%  237  p.,  fr.  8,75.  —  U 
ne  s'agit  pas  ici  d'un  ouvrage  tout  à  fait  récent,  mais  d'une  étude 
parue  il  y  a  quelques  années.  C'est  en  même  temps  un  livre  d'archéolo- 
gie, d'histoire  et  de  géographie  égyptienne,  dû  à  la  plume  d'un  voya- 
geur en  Egypte.  L'œuvre  n'est  donc  pas  un  simple  résumé  de  nos  con- 
naissances actuelles  sur  le  pays  des  Pharaons  ;  elle  présente  en  outre  des 
vues  originales  sur  les  monuments  de  rÉgjT)te,  sur  l'état  social  de  ses 
habitants,  son  gouvernement,  etc. 

L'ouvrage  est  divisé  en  trois  parties  :  la  première  traite  du  Nil  et  des 
pays  qu'il  baigne.  C'est  une  étude  de  22  pages,  roulant  principalement 
sur  la  géographie  physique. 

La  deuxième  est  consacrée  au  peuple  égyptien  dans  l'antiquité.  C'est 
la  partie  la  plus  volumineuse;  elle  fonne  109  pages  qui  donnent  une 
idée  nette,  exacte  et  suffisamment  complète  de  l'Egypte  des  Pharaons  : 
religion,  gouvernement,  poésie,  art,  situation  du  peuple,  division  en 
classes,  travaux  agricoles,  commerce,  industrie,  vie  privée  des  Égyp- 
tiens. La  description  est  accompagnée  d'un  grand  nombre  de  gravures 
qui  en  rendent  la  lecture  plus  facile;  au  commencement  du  livre  se 
trouve  une  planche  en  couleurs  fort  bien  exécutée  représentant  les  pyra- 
mides et  le  grand  sphyux,  qui  étincellent  sous  un  soleil  de  feu. 

La  troisième  partie  décrit  la  situation  actuelle  du  peuple  égyptien. 
Elle  débute  par  une  courte  notice  historique  des  principaux  événements 
survenus  eu  Égype  depuis  la  chute  de  l'Empire  pharaonique;  avec  un 
exposé  succinct  de  l'histoire  d'Egypte  sous  les  Pharaons,  placé  dans  la 
deuxième  partie,  elle  forme  une  histoire  sommaire  de  la  vallée  infé- 
rieure du  Nil.  L'état  social  des  Égyptiens  actuels,  leur  religion,  leur 
gouvernement,  sont  décrits  avec  plus  ou  moins  de  détails,  et  le  livre  se 
termine  par  uu  aperçu  de  l'histoire  du  christianisme  en  Egypte.  Il  est 
fâcheux  que  l'auteur  n'ait  pas  douné  une  description  des  villes,  des 
ports  et  du  canal  de  Suez,  qui  aurait  fait  de  ce  livre  une  monographie 
complète  de  l'Egypte  ancienne  et  moderne.  Toutefois,  tel  qu'il  est. 


—  192  — 
rage  sera  lu  avec  plaisir  et  avec  fruit  par  ceux  qui  voudrout  se  i 
ompte  des  phases  par  lesquelles  a  passé  ce  pays  extraordioa 

Ernst  Henrici.  Das  deutschg  Togooebiet  umd  ueik£  I 
,  1887.  Leipzig  (Karl  Reissuer),  1888,  iaS".  —  L'auteur  de 
^e  est  uu  patriote  allemand  qui  a  fait,  au  mois  d'aoQt  et  de  t 
TQ  1887,  un  voyage  au  pays  de  Togo,  possession  allemande  dan 
^  septentrionale.  U  eut  la  bonne  fortune  de  trouver  k  Bagid 
sentant  du  commissaire  du  Togo,  M.  Grade,  qui  fit  avec  lu 
;e  dans  l'intérieur  du  pays. 

;  deux  explorateurs  visitèrent  le  Tové,  le  Kévé,  le  Lagotiiné 
Èrent  jusqu'au  fleuve  Dayi,  affluent  du  Volta.  Pour  l'atteindre, 
it  traverser  une  cbatne  de  montagnes  assez  considérable,  orieii 
d-ouest  au  nord-est;  elle  doit  former  l'une  des  premières  terrai 
rtant  le  plateau  du  Soudan. 

récit  de  ce  voyage,  écrit  avec  beaucoup  de  verve,  présente  un  ! 
it.  Comme  la  région  visitée  est  de  très  faible  étendue,  l'auteur  a 
■T  un  grand  nombre  de  détails  sur  la  configuration  du  pays, 

d'eau,  les  mœurs  de  ses  habitants  et  la  vie  végétale  et  anim: 
ègres  y  sont  dépeints  avec  leur  insouciance,  leur  goût  pour  les  p  " 
a  musique  et  la  danse. 

•es  la  narration  de  son  voyage,  M.  Henrici  donne  une  vue  d' 
e  du  pays  qu'il  a  visité,  de  ses  ressources  agricoles  et  de  ^^ 
tance  au  point  de  vue  commercial.  Il  estime  que  l'attention  *%. 
pas  suffisamment  portée  sur  le  pays  de  Togo.  Le  Cameroun 
ntotie,  la  côte  orientale  d'Afrique,  ont,  eu  Allemagne,  attiré  t 
Q:ards,  de  sorte  que  le  Togoland  est  demeuré  pi-csque  ignoré.  ■ 
st  pas  la  moins  bonne  des  colonies  allemandes.  Son  sol  riche  n 
lu'une  culture  intelligente;  mais  il  faut  avant  tout  défrichei 
ie  et  y  tracer  des  routes.  Une  carte  du  Togoland,  à  grande  éche 
it  l'itinéraire  du  voyageur  et  les  limites  plus  ou  moins  précises 
ion  placée  sous  le  protectorat  allemand,  accompagne  l'ouvrage 


SuppUment  aux  Nouvelles  complèmentairea. 

dernière  heure,  la  Omette  de  Cologne  nous  annonce  que  le  gomemem 
I  a  ratilié  nne  lettre -patente  constituant  la  Compagnie  britannique 
ne  orientale  avec  ilea  droits  analogues  à  ceux  de  l'ancienne  Compagnie 
les  Indes.  Nous  y  reyienilrons. 


■^ 


^ 


i; 


BULLETIN  MENSUEL  (êjuilî 

Après  avoir  vu  ses  récoltes  compromises  su 
cpiqnelfl  ea  18S6  et  1B87,  l'Alsérle  subit  d: 
d'une  nouvelle  invasion  plus  désastreuse  que 
pendant  de  Constantine  donne,  sur  la  région  d 
détails  très  abondants  sur  la  lutte  que  soutier 
le  Héau  dévastateur.  Il  reconnaît  que  si  tou 
l'œuvre  avec  l'ai'deui'  et  la  méthode  dont  a  fai 
voise  de  Sétif,  on  en  serait  débarrassé  à  Theui 
meut  soQ  exemple  a  été  tardivement  imité  dan 
lument  méconnu  dans  d'auti-es  conti-ées.  Poi 
dispose  des  bandes  de  toile  tendues  sur  des  p 
forme  d'un  angle  très  obtus.  La  partie  inférie 
doit  être  prise  en  terre  de  façon  que  les  criqu 
par-dessous.  La  partie  supérieure  recouverte 
tenue  propre  et  huilée  légèrement  tous  les  joi 
du  côté  d'où  viennent  les  criquets,  des  fosses  I 
gués  de  deux,  sont  creusées  pei-pemliculairemei 
un  des  côtés  de  la  fosse  doit  effleurer  l'appareil 
est  revêtu  d'une  bande  de  zinc  ou  de  fer-blanc, 
le  vide  et  dépassant  le  bord  de  la  fosse  d'une 
C'est  généralement  le  matin  à  l'aube  que  l'o 
l'on  creuse  les  fosses  en  avant  de  la  colonne  de 
mouvement  une  heure  ou  deux  après  le  lever  d 
che,  les  criquets  se  heurtent  à  cet  obstacle  ; 
uais  retombent  quand  ils  arrivent  à  la  partie  c 
le  long  de  l'appareil  et  rencontrent  les  fosse 
mêmes.  Quand  une  fosse  est  pleine,  on  y  écra 
vant  du  pied  ou  d'une  dame  en  bois.  Puis  oi 
l'extérieur.  Deux  jours  suffisent  généralement  [ 
quelle  qu'en  soit  la  force.  Il  suffit  de  quelques  h 
colonne  de  déborder  par  les  extrémités  des  app 

'  Les  matières  compriBes  dans  nos  BuOetina  tneiutM 
flimtittaires  j  tout  classées  sniTant  un  ordre  géogra 
l'AlgÉrie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  ai 
reretuuit  par  la  cAte  occidentale. 

L'intiqoi.  —  KEcviiME  iinitiE.  —  n'  7. 


—  194  — 

toiles  avec  des  badines  afin  de  précipiter  les  criquets  à  terre.  Des  appa- 
reils de  400"  à  500*"  de  long  peuvent  fonctionner  avec  une  dizaine 
d'hommes.  Mais  les  appareils  dont  on  peut  disposer  n'offrent  pas  un 
développement  assez  considérable;  on  n'en  avait  que 60 à 80 kilomètres, 
tandis  qu'il  en  aurait  fallu  quatre  ou  cinq  cents.  Il  sera  nécessaire  que 
l'assistance  de  l'État  soit  secondée  par  l'initiative  privée  pour  conjurer 
le  péril  qui  menace  les  habitants  des  régions  dévastées. 

Au  Congrès  des  Sociétés  savantes,  M.  le  D'  Rouire  a  lu  une  descrip- 
tion concernant  la  forme,  les  dimensions  et  l'aspect  de  la  lacune 
d'Herkla,  située  au  fond  du  golfe  d'Hammaraet,  et  assimilée  par  l'ex- 
plorateur à  l'ancien  lac  Triton.  Elle  comprend  deux  portions,  l'une  où 
l'eau  séjoiu'ne  d'une  manière  permanente,  l'autre  appartenant  aux 
nombreuses  dépressions  du  sol  auxquelles  les  Arabes  ont  donné  le  nom 
de  sebkhas,  couvertes  d'eau  après  les  pluies  et  desséchées,  en  grande 
partie,  au  printemps.  De  ces  deux  portions,  la  plus  considérable  est  celle 
qui  se  dessèche.  Sur  les  41  kilomètres  représentant  la  longueur  totale 
de  la  lagune,  le  noyau  liquide  pennanent  s'étend  sur  7  kilomètres  à 
peine;  il  était  plus  étendu  à  l'époque  punique  et  romaine.  M.  Rouire  en 
donnera  les  preuves  tirées  de  la  nature  des  travaux  d'art  exécutés  au- 
trefois pour  l'endiguement  des  eaux,  et  précisera  les  causes  géographi- 
ques locales  qui  ont  amené  la  transformation  lente  de  l'antique  lac  Tri- 
ton en  la  lagune  actuelle  d'Herkla.  Les  stations  des  Phéniciens  dans  la 
Méditerranée  portaient  le  nom  de  leur  Mclkarth  national,  transcrit  en 
grec  en  celui  de  Héraclès  ou  Herkla. 

Notre  compatriote,  M.  Henri  de  Saussure  a  envoyé,  de  Tunis, 
au  Journal  de  Genève,  des  détails  sur  l'inauguration  des  carrières  de 
Schemtou,  célèbres  dans  l'antiquité  comme  ayant  fourni  les  be^ux  mar- 
bres dont  étaient  plaqués  les  palais  des  Césai'S,  puis  entièrement  aban- 
données pendant  des  siècles.  Leur  exploitation  était  un  monopole  réga- 
lien, ce  que  semblent  prouver  les  marques  visibles  encore  sur  certains 
blocs  abandonnés  dans  les  chantiers  primitifs  et  portant  l'inscription  : 
Antoninus  imperator,  suivie  de  la  signature  de  l'ingénieur.  De  nos 
jours,  M.  Closon,  Belge  d'origine,  frappé  de  la  finesse  et  de  la  beauté 
de  ces  marbres,  a  fondé  une  société  pour  les  exploiter.  Une  étude  atten- 
tive de  la  montagne  de  Schemtou  a  conduit  à  des  conclusions  très 
encourageantes.  L'îlot  tout  entier  se  compose  de  marbres  offrant  de 
nombreuses  variétés  de  couleurs  et  de  structure.  On  a  retrouvé  là,  à 
n'en  pas  douter,  le  jaune  antique,  la  serpentine  romaine,  puis  des  mar- 
bres roses  presque  vitreux,  des  marbres  bmns,  verts,  blancs  mouchetés 


-  195  — 
et  grie.  Le  gisemeiit  est  iuépuiâable,  son  cubage  s'élève  à  plus  de  dix 
millions  de  mètres  cubes.  Les  anciens  l'avaient  exploré  sur  une  graade 
étendue,  en  l'attaquant  par  plusieurs  points.  lis  avaient  percé  dans  les 
cloisons  de  rochers  deus  petite  tunnels  carrossables,  afin  d'exploiter 
aussi  le  revers  de  la  colline.  Dans  certaines  carrières,  on  peut  encore 
surprendre  le  travail  inachevé  de  la  séparation  des  b}ocs  ;  plusieurs  ne 
tiennent  plus  au  rocher  que  par  leurs  angles.  On  retrouve  quelques  tra- 
ces d'installations  hydrauliques  qui  feraient  presque  supposer  que  les 
Romains  ont  connu  la  turbine.  Lorsqu'on  a  sous  les  yeux  les  travaux 
exécutés  par  les  anciens  avec  des  moyens  mécaniques  rudimentaires,  on 
reste  émerveillé  de  la  persévérance  et  de  la  force  d'application  dont  ils 
ont  fait  preuve  dans  les  résultats  auxquels  ils  sont  parvenus.  Aujour- 
d'hui, au  moyen  du  fil  hélicoïdal  inventé  par  feu  l'ingénieur  Gay  et  mû 
par  la  vapeur,  on  découpe,  pour  ainsi  dire  à  volonté,  la  montagne  sur 
un  parcours  de  100,  de  200  mètres,  avec  un  avancement  moyen  en  pro-  , 
fondeur  de  15  centimètres  par  jour;  puis,  on  divise  par  le  même  procédé 
les  tranches  en  blocs,  et  enfin  les  scies  mises  en  œuvre  par  le  même 
moteur  peuvent  découper  à  la  fois  jusqu'à  quati'e-vingts  plaques  de  mar- 
bre. Avant  peu  les  marbres  de  Schemtou  s'exporteront  dans  le  monde 
entier,  et  après  avoir  h  grands  frais  été  employés  à  former  la  décora- 
tion des  palais  des  Césars,  ils  iront  plaquer  les  vestibules  des  hôtels,  des 
cafés  des  boulevards  et  des  maisons  de  Chicago.  Les  Améiicains,  qui  ne 
perdent  jamais  une  occasion  de  profiter  de  toutes  les  nouveautés,  ont 
déjà  passé  à  Schemtou  des  marchés  considérables;  bientôt  peut^tre,  la 
mode  aidant,  ils  enlèveront  tous  les  marbres  qui  sortiront  des  carrières, 
et  n'en  laisseront  à  l'Europe  que  la  portion  cougiiie.  Ce  sont  eux  déjà 
qui  eDlè%'ent  la  plus  grande  partie  des  minerais  de  l'Algérie. 

C'est  encore  à  M.  H.  de  Saussure  que  nous  devons  les  informations 
les  plus  récentes  sur  la  TrlpolitAlue  au  point  de  vue  économique, 
ain;jiqu'à  celui  des  difficultés  qu'y  rencontre  l'explorateur.  «  Depuis  l'oc^ 
cupatioii  de  la  régence  de  Tunis  par  la  France,  u  écrivait-il  de  Tripoli,  le 
15  mai,  au  Journal  de  Ocuh-e,  h  il  semble  que  le  commerce  de  Tripoli 
aurait  dû  augmenter,  car  dès  ce  moment  les  caravanes  du  Soudan  qui 
aboutissaient  à  Rhadamès,  et  qui  de  là  prenaient  la  route  de  Tunis,  ont 
cessé  d'y  envoyer  leurs  marchandises  et  se  sont  dirigées  sur  Tripoli. 
Néanmoins  cette  ville  n'a  guère  profité  d'un  changement  en  apparence 
aussi  favorable  à  ses  intérêts.  En  effet,  le  commerce  du  Soudan  est  en 
voie  de  décroissance  et  les  caravanes  devieiment  de  plus  en  plus  rares, 
l'es  principales  marchandises  que  fournit  le  Soudan  sont  l'ivoire  et  les 


>  ^- 


—  196  — 

plumes  d'autruche.  Mais  les  plumes  ont  passé  de  mode  et  se  remplacent 
de  nos  jours  sur  les  chapeaux  des  dames  par  des  ailes  de  canards  ou  des^ 
têtes  de  pingouins,  plus  faciles  à  trouver,  mais  qui  ne  s'en  payent  pas. 
pour  cela  moins  cher.  Aussi  le  prix  des  plumes  d'autruche  est-il  tombé 
au  quart  de  ce  qu'il  était,  et  dès  lors  les  caravanes  ont  presque  cessé 
d'arriver,  ne  trouvant  plus  à  faire  leurs  frais,  qui  sont  en  effet  considé- 
rables. Le  voyage  n'est  pas  sans  dangers,  et  les  peuplades  que  traver- 
sent les  convois  ne  manquent  pas  de  lever  sur  les  marchands  des  tributs 
onéreux.  Tant  que  les  plumes  d'autruche  se  vendirent  à  haut  prix,  les 
caravanes  étaient  possibles,  vu  le  capital  considérable  que  représentait 
la  charge  d'un  chameau;  aujourd'hui  il  n'en  est  plus  de  même.  Reste 
l'ivoire,  mais  c'est  là  une  marchandise  lourde;  quatre  dents  d'éléphant 
font  une  charge,  et  quelque  soit  le  prix  auquel  monte  cet  article,  il  ne 
suflftt  pas  pour  faire  vivre  ceux  qui  en  font  le  commerce.  En  dehors  de 
ses  relations  avec  le  centre  de  l'Afrique,  la  Tripolitaine  pourrait  sans^ 
aucun  doute  trouver,  dans  son  propre  territoire,  plus  d'un  article  d'ex- 
portation, si  ce  pays  était  exploité  comme  il  mériterait  de  l'être.  C'est 
une  erreur  de  croire  qu'il  se  compose  d'un  désert  stérile.  Il  forme  sans 
doute  la  prolongation  du  Sahara  algérien,  mais,  conmie  le  Sahara,  il  est 
parsemé  d'oasis  de  palmiers,  dont  plusieurs  sont  fort  peuplées,  et  l'ou 
sait  que  de  toutes  les  cultures  celle  du  palmier-dattier  est  la  plus  pro- 
ductive. Au  sud  delà  côte  et  à  une  distance  qu'il  serait  difficile  de  pré- 
ciser, on  rencontre  des  plateaux  sur  lesquels  prospèrent  les  céréales, 
les  oliviers,  l'alfa,  et  en  général  toutes  les  plantes  utiles  du  nord  de 
l'Afrique.  Malheureusement  cette  contrée  est  restée  jusqu'à  ce  jour  à 
peu  près  complètement  inconnue.  II  ne  manque  ni  d'explorateurs,  ni  de 
commerçants  désireux  de  la  parcourir  ;  c'est  là  une  fantaisie  bien  natu- 
relle; mais  entre  le  désir  et  la  possibilité  de  l'exécution,  il  y  a  malheu- 
reusement un  abîme  infranchissable.  La  Tripolitaine  n'est  plus,  comme 
jadis,  une  régence  vassale  de  la  Porte.  C'est  tout  bonnement  une  pro- 
vince turque,  gouvernée  par  un  pacha,  comme  le  sont  les  autres  pro- 
vinces de  l'empire  ottoman.  Aujourd'hui  c'est  presque  l'état  de  siège 
qui  règne  à  Tripoli,  car  depuis  que  la  Tunisie  est  tombée  sous  la  suze- 
raineté française,  et  qu'à  tort  ou  à  raison  la  Tripolitaine  a  semblé  deve- 
nir l'objectif  de  l'Italie,  la  Porte  a  été  saisie  d'une  inquiétude  mortelle 
à  l'égard  de  cette  province,  et  elle  a  pris  les  mesures  les  plus  ostensibles 
contre  toute  tentative  d'occupation.  Deux  frégates  turques  sont  mouil- 
lées devant  les  murs  de  Tripoli,  et  s'y  rouillent  depuis  longtemps  dans- 
une  immobilité  parfaite.  Ce  qui  est  plus  sérieux,  c'est  une  armée  de. 


—  197  — 

<quinze  mille  hommes  qui  campe  autour  de  la  ville  et  qui  constitue  une 
force  réelle.  Ces  troupes  ne  diffèrent  en  rien  de  celles  qu'on  renconti-e 
5ur  d'autres  points  de  la  Turquie.  Elles  n'ont  aucune  apparence,  mais 
€lles  sont  bien  armées  et  sous  leurs  uniformes  rapiécés  elles  trahissent 
4es  qualités  sérieuses.  On  ne  peut  se  défendre  d'une  profonde  admira- 
tion pour  ces  pauvres  soldats  qui  ne  sont  ni  payés  ni  habillés,  qui  n'ont 
<iue  du  pain  noir  et  qui  néanmoins  ne  se  plaignent  ni  ne  s'insurgent. 
Dans  ces  circonstances  tout  Européen  qui  aborde  à  Tripoli  passe  pour 
suspect,  et  l'autorité  met  tous  ses  soins  à  dérober  le  pays  aux  investiga- 
tions indiscrètes  des  curieux.  Les  étrangers  ne  peuvent  circuler  que  dans 
la  \ille  ou  dans  ses  environs  immédiats;  une  promenade  en  voiture  dans 
les  palmiers  est  la  seule  excursion  permise.  Le  voyageur  qui  voudrait 
faire  un  croquis,  dessiner  un  chameau  ou  prendre  une  photographie  en 
campagne,  ne  manquerait  pas  d'ameuter  la  population  et  de  se  faire 
maltraiter  comme  espion.  Un  peintre  qui  s'était  réfugié  sur  un  toit  espé- 
rant y  travailler  à  l'aise,  s'est  fait  coucher  en  joue  par  un  zélé  redres- 
seur de  torts  agissant  de  sa  propre  autorité.  La  douane  déballe  jusqu'au 
fond  les  malles  des  voyageui*s  ;  elle  retient  les  livres  pour  les  examiner 
et  accorde  à  chaque  objet  un  soin  particulier.  Aussi  le  naïf  voyageur  qui 
débarque,  muni  de  tous  les  objets  nécessaires  pour  une  excursion  un 
peu  profonde  dans  l'intérieur,  est-il  vite  désillusionné  sur  les  projets 
fantastiques  qu'il  a  formés  à  la  légère.  Il  espère,  avec  des  protections, 
obtenir  grâce  devant  l'autorité,  après  avoir  exposé  l'innocuité  de  ses 
désirs  et  la  candeur  de  ses  intentions,  mais  tout  s'évanouit  devant  la 
rigueur  de  la  consigne.  Pour  voyager  dans  la  Tripolitaine,  il  faut  un 
firman  du  sidtan,  qui  s'obtient,  paraît-il,  sans  trop  de  peine.  Mais  il  ne 
faut  pas  étte  la  dupe  de  cette  espérance.  Le  firman  obtenu,  on  n'en 
voyagera  pas  plus  après  qu'avant,  car  le  pacha  a  mille  moyens  de  neu- 
traliser reflet  de  ce  passeport  indispensable.  Ce  n'est  plus  la  crainte 
d'être  blâmé  en  haut  lieu  qui  le  portera  à  s'opposer  à  votre  voyage, 
mais  bien  la  responsabilité  qu'il  encourrait  s'il  vous  arrivait  quelque 
désagrément  du  reste  presque  inévitable.  Incapable  d'assurer  la  protec- 
tion efficace  de  votre  personne  au  delà  du  cercle  à  sa  portée  immédiate, 
de  peur  qu'il  ne  vous  arrive  quelque  chose,  il  vous  fera  pour  plus  de 
sûreté,  au  bout  de  deux  jours,  ramener  à  Tripoli  par  un  caïd  quelcon- 
que. En  toute  justice  on  ne  saurait  lui  en  vouloir,  et  à  sa  place  j'en 
ferais  autant.  Ce  que  le  voyageur  a  de  mieux  à  faire,  c'est  de  se  rem- 
barquer, après  avoir  exécuté  en  voiture  la  promenade  réglementaire,  et 
de  bénir  le-  pacha  de  la  sollicitude  toute  paternelle  qu'il  met  à  assurer  la 
sécurité  du  touriste  et  à  le  mettre  à  l'abri  de  toute  fâcheuse  aventure.  » 


—  198  — 

Une  série  de  lettres  adressées  de  Souakim  au  îïme^  fournissent,  sur 
l'état  actuel  de  la  place  et  des  alentours,  quelques  indications  qui  ne 
manquent  pas  d'intérêt.  Au  début  de  l'insurrection  raahdiste,  les  défen- 
ses de  la  ville  se  réduisaient  à  deux  fortins  délabrés,  datant  de  la  domi- 
nation turque.  Sous  l'impulsion  des  gouverneurs  anglais,  spécialement 
celle  du  colonel  Kitchener,  ce^  ouvrages  rudimentaires  ont  fait  place  à 
une  chaîne  de  forte  détachés  et  de  redoutes  armés  de  canons  Krupp  et 
Gatling,  pourvus  d'appareils  à  lumière  électrique  à  grande  portée,  reliés 
par  une  voie  ferrée,  qui  permet  le  transport  rapide  de  forces  sur  les 
points  menacés,  sous  la  protection  d'une  enceinte  bastionnée  continue. 
Ces  ouvrages,  élevés  sous  la  direction  du  lieutenant  Grordon,  le  propre 
neveu  du  défenseiu*  de  Khartoum  sont,  dit  le  correspondant  du  journal 
anglais,  de  nature  et  d'apparence  à  rebuter  les  insurgés  de  toute  atta- 
que de  vive  force.  L'existence  à  Souakim  n'en  est  pas  moins  celle  d'une 
ville  assiégée,  car  il  faut  se  garer  contre  les  coups  demain,  surtout  noc- 
turnes, des  bandes  qui  s'aventurent  aux  abords  de  la  place,  sans  toute- 
fois lui  faire  courir  aucun  risque  sérieux.  Indépendamment  de  cette 
défense  passive,  le  journal  anglais  compte  sur  la  lassitude  du  blocus 
infligé,  à  doses  graduées,  aux  indigènes  par  le  commandant  de  la  place. 
Le  mouvement  annuel  du  port  de  Souakim  s'élevait,  en  1879,  à  près  de 
douze  millions  de  francs  ;  réduit  à  un  chiffre  insignifiant  par  l'insurrec- 
tion, il  n'est  pas  remonté,  depuis,  au  quart  de  l'ancien  chiffre.  Comme 
tous  les  peuples  à  peu  près  sauvages,  les  Soudaniens  souffrent  difficile- 
ment la  privation  des  produits  exotiques  dont  ils  ont  pris  l'habitude.  Les 
autorités  anglaises  lèvent,  par  intervalles,  la  prohibition  de  certains 
produits,  à  certaines  destinations,  pour  tenir  les  insurgés  en  haleine  et 
faire  miroiter  à  leurs  yeux  les  avantages  de  la  paix.  On  spécule  sur 
l'effet  de  ce  système  de  temporisation,  combiné  avec  l'impression  morale 
de  l'échec  assm'é  d'une  tentative  désespérée  qu'Osman-Digma  pourrait 
tenter  contre  les  retranchements  anglais,  pour  reconquérir  ses  adhé- 
rents; et,  par  cette  double  voie,  on  espère  réduire  l'insurrection  par 
la  lassitude  et  ramener  le  pays  à  une  situation  quasi  normale. 

D'autre  part,  une  députation  comprenant  plusieurs  membres  de  la 
Chambre  des  lords  et  de  celle  des  Communes  a  fait,  auprès  du  marquis 
de  Salisbury,  une  démarche  au  sujet  de  la  situation  au  Soudan,  et  a 
formulé  les  desiderata  suivants  :  1"*  Le  gouvernement  aiderait  les  négo- 
ciants anglais  dans  leui*s  efforts  pour  rétablir  le  commerce  du  Soudan. 
A  cet  effet,  il  de\Tait  y  avoir  au  nord  et  au  sud  de  Souakim  des  ports 
indigènes  dans  lesquels  seraient  perçus  des  droits  modérés  ;  2^  Une 


r 


^^.■* 


—  199  — 

force  navale  peu  considérable  resterait  dans  les  eaux  du  Soudan  pour 
empêcher  le  commerce  des  esclaves  et  protéger  les  marchands  eu- 
ropéens ;  S*"  On  évitera  aux  marchands  l'ingérence  des  autorités 
égyptiennes  dans  leurs  affaires,  pourvu  qu'ils  ne  fassent  qu'im  commerce 
licite,  n'introduisent  pas  dans  le  pays  de  la  contrebande  de  guerre,  et 
s'efforcent,  autant  qu'ils  le  pourront,  de  maintenir  la  paix  entre  les  tri- 
bus soudanaises  et  les  Égyptiens.  Le  marquis  de  Salisbury  a  promis 
d'examiner  soigneusement  la  requête  qui  lui  était  présentée  et  à  laquelle, 
assure-t-il,  ses  sympathies  sont  acquises.  Selon  lui,  il  n'y  a  que  deux 
solutions  à  la  question  soudanaise:  l'abandon  complet  de  Souakim,  et 
par  suite  le  retour  de  la  domination  d'Osman-Digma  et  une  grande 
impulsion  donnée  au  commerce  des  esclaves,  ou  le  maintien  de  l'occupa- 
tion égyptienne.  Le  gouvernement  égyptien  a  fait  et  fera  tout  son  possi- 
ble pour  pacifier  le  pays,  bien  qu'on  ne  puisse  empêcher  complètement 
les  incursions  des  tribus.  Le  principal  objet  que  les  autorités  se  propo- 
seront sera  de  faire  renaître  le  commerce  comme  seul  moyen  de  ramener 
une  ère  de  prospérité  et  de  paix  et  de  supprimer  le  trafic  des  esclaves. 

D'après  une  lettre  d'Aden  au  Bosphore  égyptien^  le  négus,  pour 
punir  les  habitants  du  plateau  d'Aïlet  d'avoir  bien  accueilli  les  trou- 
pes italiennes,  avait  donné  l'ordre  de  châtier  durement  la  population 
d'Assus,  de  Gamhot  et  d'Aïlet.  Ces  ordres  ont  été  exécutés  impitoyable- 
ment par  une  femme,  la  princesse  Mestaït,  qui  commande  à  plusieurs 
tribus  importantes  des  Galhis.  Une  délégation  de  ces  malheureuses 
populations  est  venue  implorer  la  clémence  du  négus,  disant  qu'elles 
avaient  cédé  à  la  force,  mais  qu'elles  n'avaient  donné  aux  ennemis  aucune 
espèce  de  secours.  Il  paraît  que  la  princesse  Mestaït  s'est  livrée  à  des 
actes  de  cruauté  extraordinaires.  La  plupart  des  hommes  valides  ont  été 
massacrés  et  les  jeunes  gens  ont  subi  d'atroces  mutilations.  Le  négus, 
au  grand  étonnement  de  ses  oflSciers,  a  bien  accueilli  la  députation  et 
lui  a  même  fait  accorder  des  secours  en  nature. 

Le  prédécesseur  du  sultan  actuel  de  Zanzibar  avait  conclu,  avec 
l'explorateur  Cecchi,  une  convention  aux  termes  de  laquelle  était  cédée 
à  ce  dernier  une  zone  de  temtoire  située  près  de  l'embouchure  du 
fleuve  Juba,  qui  descend  du  pays  des  Gallas,  passe  à  Berdera  et  se 
jette  dans  l'océan  Indien  à  peu  près  au  point  où  l'équateur  coupe  la 
ligne  du  littoral  africain.  Les  Italiens  espéraient  que  cette  concession 
leur  fournirait  une  base  d'opération  pour  des  expéditions  dirigées  de  la 
côte  de  l'océan  Indien  vers  le  Choa  et  TAbyssinie  méridionale,  car  on 
suppose  que  le  Juba  est  formé  par  la  réunion  de  ruisseaux  qui  prennent 


ik. 


♦i^'^ 


—  200  — 

leurs  sources  dans  les  montagnes  d'Abyssinie.  D'après  le  Times^  dans 
les  marais  formés  par  le  Juba,  se  trouve  la  source  du  Sheri,  dont  le 
cours  se  dirige  d'abord  au  sud-ouest,  puis  au  sud-est,  et  dont  l'embou- 
chure est  indiquée  sur  les  cartes  au  point  où  se  trouve  Port-Dumford. 
Mais  le  nouveau  sultan  de  Zanzibar  refuse  d'exécuter  la  convention  faite 
par  son  prédécesseur  ;  le  consul  italien  a  réclamé,  et  ses  revendications 
ont  été  appuyées  par  une  canonnière  italienne  envoyée  de  Massaouah  à 
Zanzibar.  Le  consul  a  dû  amener  son  pavillon  et  cesser  ses  relations 
avec  le  sultan.  En  réponse  à  une  interpellation  dç  M.  Pozzolini,  le  sous- 
secrétaire  d'État,  M.  Damiani,  a  expliqué  à  la  Chambre  des  députés 
que  feu  le  sultan  Saïd  Bargash  avait  cédé  le  teiritoire  susmentionné 
moyennant  certaines  conditions  dont  l'Italie  s'était  rései-vé  l'examen. 
Ultérieurement,  le  nouveau  sultan  n'a  pas  accueilli,  comme  il  l'aurait 
dû,  la  lettre  de  félicitations  que  le  roi  Humbert  lui  a  adressée  à  son 
avènement.  C'est  là-dessus  que  le  consul  d'Italie  a  cru  de  son  devoir 
d'amener  son  pavillon.  A  cette  occasion,  l'Italie  a  rappelé  au  sultan 
l'engagement  pris  par  son  prédécesseur,  en  déclarant  qu'elle  accepte- 
rait l'exécution  de  cet  engagement  comme  satisfaction  pour  l'oflFense 
faite  à  son  souverain.  «  Nous  approuvons  la  conduite  du  consul,  »  a  dit  le 
sous-secrétaire  d'État,  «  et  nous  distinguons  entre  la  cession  de  temtoire 
et  le  manque  de  politesse.  Quant  à  ce  dernier,  nous  ne  négligerons  rien 
pour  obtenir  satisfaction,  et  nous  espérons  qu'il  n'en  résultera  aucune 
complicfition.  »  Mais,  d'après  la  Kolonial  Zeitung,  l'Allemagne  a  des 
droits  sur  la  côte  des  Somalis  et  des  Benadir.  Les  territoires  situés 
entre  le  fleuve  Juba  et  la  Dana  ont  été  acquis  en  vertu  de  traités  passés 
par  le  D'  Jtthlke  avec  les  chefs  indigènes  ;  et  il  n'est  pas  probable  que 
l'Italie  veuille  contester  à  l'Allemagne  des  territoires  auxquels  est  atta- 
ché le  souvenir  de  la  mort  de  v.  der  Decken  et  du  D'  Jtthlke. 

Sous  le  titre  :  Un  nouvel  État  anglo-africain,  VAfrican  Times 
annonce  que  par  l'octroi  de  lettres  patentes  royales,  un  nouvel  État  a 
été  ajouté  au  nombre  de  ceux  qui  contrôlent  les  destinées  du  Continent 
mystérieux.  Il  sera  désormais  connu  sous  le  nom  de  BriUsh  £ast 
African  Company.  Les  limites  exactes  n'en  sont  pas  encore  fixées 
d'une  manière  précise,  mais  on  peut  dire  approximativement  qu'il 
s'étend  d'un  point  situé  au  nord  des  frontières  du  territoire  de  la 
Société  allemande  de  l'Afrique  orientale,  près  de  Zanzibar,  jusqu'au 
pays  des  Somalis,  et  à  l'ouest  jusqu'au  lac  Albert-Nyanza.  Dans  ces 
limites  se  trouvent  des  pays  qui  passent  pour  les  plus  beaux  de  l'Afri- 
que centrale  et  dont  la  population  est  très  dense  et  fort  industrieuse.  D 


—  201  — 

y  a  quelques  années,  le  sultan  de  Zanzibar  estimait  avoir  des  droits  sur 
les  côtes  de  l'Afrique  orientale  depuis  le  10°  lat.  sud  au  3"*  lat.  nord,  et 
jamais  il  n'a  pu  exercer  à  Tintérieur  une  autorité  de  fait,  sauf  sur  une 
zone  de  quelques  kilomètres  parallèle  à  la  côte.  L'Empire  allemand 
ayant  obtenu  du  sultan  de  Zanzibar  de  pouvoir  établir  son  protectorat 
sur  une  étendue  considérable  de  territoire  dans  l'Ou-Sagora  et  le  pays 
de  Witou,  a  délégué  à  la  Société  africaine  allemande  de  l'Afrique  orien- 
tale ses  pleins  pouvoirs  pour  y  exercer  le  gouvernement.  L'Angleterre 
n'a  pas  voulu  laissera  d'autres  nations  le  contrôle  des  routes  et  du 
commerce  entre  Zanzibar  et  les  lacs  de  l'Afrique  équatoriale.  M.  Mac 
Kinnon,  de  la  British  India  Company,  avec  un  certain  nombre  de  phi- 
lanthropes anglais,  a  conçu  l'idée  de  la  création  d'une  compagnie  bri- 
tannique de  l'Afrique  orientale,  qui  fût  plus  qu'une  simple  société 
commerciale.  Des  démarches  auprès  du  sultan  de  Zanzibar  ont  obtenu 
de  ce  dernier  à  la  susdite  Compagnie  la  concession  de  la  souveraineté 
sur  le  territoire  de  la  côte,  au  nord  de  celui  qui  a  été  concédé  à  la 
Société  allemande,  avec  des  privilèges  spéciaux  qui  en  font  un  véritable 
État  indépendant.  Plusieurs  des  petites  îles  situées  le  long  de  la  côte, 
entre  autres  celle  de  Pemba,  ont  été  remise>s  à  la  Compagnie  anglaise. 
Toutefois  il  importait  que  celle-ci  pût  être  reconnue  par  les  gouverne- 
ments des  États  civilisés;  à  cet  effet,  elle  a  demandé  à  l'autorité  britan- 
nique l'octroi  d'une  charte  qui  l'autorise  à  prendre  en  main  l'adminis- 
tration du  pays.  Cette  charte  lui  confère  les  fonctions  de  gouvernement 
1^  plus  étendues.  Elle  peut  construire  des  forts,  équiper  des  vaisseaux, 
lever  et  entretenir  une  force  armée  et  un  corps  de  police,  faire  des  lois 
civiles  et  criminelles,  prélever  des  impôts  et  des  taxes,  ouvrir  des  routes 
de  commerce,  et  d'une  manière  générale  exercer  toutes  les  fonctions  du 
gouvernement.  Les  affaires  du  nouvel  État  seront  gérées  par  des  délé- 
gués nommés  par  le  Comité  siégeant  à  Londres,  mais  les  décrets  d'exé- 
cution seront  soumis  au  contrôle  du  service  des  Colonies  et  du  Foreign 
OflSce.  La  Compagnie  a  pris  les  mesures  nécessaires  pour  fortifier  plu- 
sieurs îles  et  pour  y  placer  des  garnisons,  afin  de  contrôler  le  commerce 
et  de  s'opposer  à  la  traite.  Des  routes  seront  ouvertes  longeant  la  fron- 
tière nord  des  territoires  allemands,  de  manière  que  les  fonctionnaires 
des  deux  compagnies  puissent  se  prêter  un  mutuel  concours.  On  espère 
que  Stanley,  lorsqu'il  quittera  Émin-pacha,  reviendra  à  la  côte  orien- 

« 

taie  par  les  territoires  de  la  Compagnie  ;  des  messagers  ont  déjà  été 
envoyés  dans  la  direction  des  lacs  pour  avoir  de  ses  nouvelles.  En  fait, 
les  frais  de  l'expédition  organisée  pour  secourir  Émin-pacha  ont  été 


;r»^'^ 


r' 


—  202  — 

couverts  par  les  fonds  fournis  par  la  British  East  African  Company.  La 
marche  de  Stanley  servira  à  ouvrir  le  pays,  des  lacs  jusqu'à  la  côte,  et 
indiquera  au  nouvel  État  les  problèmes  qu'il  devra  chercher  à  résoudre 
pour  le  développement  de  la  civilisation  dans  cette  partie  de  l'Afrique. 

Avant  de  mourir,  le  sultan  de  Zanzibar,  SaVd  Barn^sh,  avait  passé 
avec  l'Allemagne  un  traité  secret,  par  lequel  tous  les  ports  compris 
entre  les  5°  lat.  sud  et  10°, 20'  lat.  sud  devenaient  la  propriété,  pendant 
cinquante  ans,  d'une  société  de  colonisation  allemande.  Son  successeur, 
Saïd  Kalifa,  a  dû  accepter  les  engagements  pris  antérieurement  et  a 
souscrit  au  traité  élaboré  par  M.  de  Bismarck.  La  Société  de  colonisa- 
tion enverra  dans  chaque  port  un  percepteur  de  douanes  qui  touchera, 
sous  le  contrôle  du  représentant  du  sultan,  les  droits  de  sortie  sur  les 
marchandises  apportées  de  l'intérieur  par  caravanes.  Le  roali  et  une 
commission  du  gouvernement  allemand  veilleront  à  la  sécurité  du  pays, 
et  au  respect  des  droits  conférés  aux  sujets  étrangers  par  les  traités  de 
commerce  existants. 

La  Deutsche  Kolonial  Zeitiing  nous  informe  que  d'après  des  lettres 
parvenues  en  Angleterre,  en  débarquant  du  steamer  appartenant  à  la 
mission,  le  Charles  Janson,  à  Makantila,  à  la  côte  orientale  du  lac 
IVyaHsa,  le  missionnaire  Johnson  et  le  consul  anglais  pour  cette  région, 
M.  Buchanan,  ont  été  faits  prisonniers  par  les  indigènes.  Leurs  biens 
ont  été  confisqués,  et  un  serviteur  du  consul  a  payé  de  sa  vie  la  tenta- 
tive de  rejoindre  le  navire.  MM.  Johnson  et  Buchanan  durent  payer  une 
rançon.  Les  indigènes  retinrent  le  steamer,  et  exercèrent  de  mauvais 
traitements  sur  les  deux  Anglais.  Le  consul  dut  ôter  ses  vêtements  ; 
ceux  de  M.  Johnson  lui  furent  arrachés  violemment.  Les  trafiquants 
d'esclaves  fréquentent  beaucoup  la  localité  oii  ces  faits  se  sont  passés, 
et  les  chefs  indigènes  trouvent  que  les  relations  qu'ils  entretiennent  avec 
eux  sont  très  avantageuses. 

Un  traité  de  paix  et  d'amitié  a  été  conclu  entre  l'Angleterre  et  Lio- 
ben^ula,  roi  des  Ma-Tébélé,  des  Ma-Chona  et  des  Ma-Kalaka.  Loben- 
gula  s'est  engagé  à  faire  tous  ses  efiorts  pour  empêcher  la  rupture  de 
ce  traité  et  pour  le  faire  observer  strictement.  L  devra  s'abstenir  d'entrer 
en  correspondance  ou  de  faire  aucun  traité  avec  un  État  ou  une  puis- 
sance étrangère,  pour  vendre,  aliéner  ou  céder,  ou  pennettre  aucune 
vente,  aliénation  ou  cession,  de  quelque  partie  que  ce  soit  du  pays  placé 
sous  sa  souveraineté,  ou  pour  tout  autre  objet  sans  en  avoir  auparavant 
donné  connaissance  au  Haut  Commissaire  britannique  pour  l'Afrique 
australe,  et  sans  avoir  obtenu  sa  sanction. 


—  204  — 

Les  missionnaires  américains  établis  au  Bihé  ont  fait  choix  d'OIim- 
binda.  comme  emplacement  d'une  nouvelle  station,  a  En  m'y  rendant,  > 
écrit  M.  Currie  au  Missionary  Herald  de  Boston,  a  nous  traversâmes 
environ60  villages,  — mes  gens  disent  plus  de  70, —  la  plupart  petits,  mais 
d'autres  d'une  bonne  grandeur.  Le  pays  est  arrosé  par  un  grand  nombre 
de  petits  ruisseaux  qui  se  versent  dans  le  Cuito,  la  Koukema  et  la 
Quanza  ;  ils  fournissent  aux  habitants  une  grande  abondance  d'eau.  Le 
sol  est  en  général  de  même  nature  que  celui  de  Baïloundo.  Les  endroits 
oh  le  sol  est  profond  et  sablonneux  sont  tout  particulièrement  fertiles. 
Les  pentes  des  montagnes  étaient  couvertes  d'un  tapis  de  verdure  semé 
d'une  grande  variété  de  fleurs  brillantes.  Dans  les  champs,  il  y  avait  de 
riches  collections  de  glaïeuls  ;  dans  les  étangs  et  dans  les  rivières,  des  lys 
d'une  rare  beauté.  Les  terrains  bien  boisés  augmentaient  à  mesure  que 
nous  approchions  d'Olimbinda.  Un  des  traits  frappants  de  la  localité^ 
c'est  la  quantité  de  huttes  neuves  et  de  huttes  en  construction.  Le  chef 
d'Olimbinda  me  reçut  avec  bienveillance.  Un  arbre  fut  coupé  avec  un 
grand  couteau  envoyé  par  Kapoko,  une  hutte  fut  construite  et  entourée 
de  palissades,  et  je  m'établis  au  milieu  des  indigènes,  afin  qu'ils  s'accoutu- 
massent à  l'idée  d'avoir  auprès  d'eux  un  blanc  comme  ami  toujours  prêt  à 
leur  aider.  »  M.  Sanders  a  envoyé  au  journal  susmentionné  une  lettre 
de  M.  Arnot,  établi  chez  les  Garenganzé  ;  celui-ci  fait  ressortir  l'impor- 
tance de  la  mission  du  Bihé  pour  tout  l'intérieur  de  cette  partie  de 
l'Afinque.  Les  gens  du  Bihé  vont  partout,  et  sont  hautement  considérés^ 
par  toutes  les  tribus  chez  lesquelles  ils  vont  faire  le  commerce. 

Nous  devons  à  l'obligeance  de  M.  Héli  Châtelain,  actuellement  à  la 
Ferrière  (canton  de  Berne),  dans  sa  famille  pour  raison  de  santé,  les 
renseignements  suivants  que  lui  a  fournis  le  D'  Sumnier».  Celui-ci  a 
eu  l'occasion  de  racheter  chez  Kasougo,  homme  cruel,  grand  chasseur 
et  marchand  d'esclaves,  un  cordonnier  de  Malangé,  que  Kasongo  rete- 
nait comme  esclave  et  qui  allait  être  décapité  pour  un  crime  imaginaire. 
Le  D'  Summers  lui  rendit  la  liberté.  Il  a  fait,  à  deux  journées  de  la  sta- 
tion de  Loalouabourgp,  la  connaissance  de  Muamba  Mpoutou,  roi 
Mu-Chilangué,  vieillard  aimable  qui  désire  ardemment  que  des  mission- 
naires viennent  s'établir  chez  lui.  Peu  après  cette  visite,  Mukengué 
Kalamba,  soutenu  par  l'agent  de  l'État  du  Congo,  lui  a  fait  deux  fois  la 
guerre,  pour  refus  de  payer  le  tribut,  mais  il  a  été  battu  les  deux  fois. 
Seul,  d'entre  les  blancs.  Saturnine  Machado  fut  blessé  par  l'ennemi  ;  il 
reçut  une  flèche  dans  la  poitrine,  mais  ayant  aussitôt  scarifié  la  plaie,  il 
s'en  remit  promptement.  Le  docteur  a  reçu  de  l'administrateur  du 


( 


—  205  — 

Congo  l'autorisation  d'ouvrir  une  école,  et  la  concession  de  quinze  hec- 
tares de  terrain,  moyennant  une  finance  de  25  shillings.  Le  fameux 
Zappo-Zappo  se  trouvait  alors  à  la  station  avec  une  suite  de  4000  hom- 
mes; sa  visite  avait  pour  objet  l'achat  de  fusils  à  percussion.  L'état  de 
santé  du  docteur  laissait  beaucoup  à  désii'er  ;  une  pleurésie  avec  péri- 
cardite  avait  développé  chez  lui  les  symptômes  de  la  phtisie,  et  une 
fièvTe  lente  le  consumait.  En  revanche  il  avait  été  très  heureux  dans  le 
traitement  des  chefs  de  k  station,  d'une  nièce  de  Mukengué  Kalamba, 
des  blessés  de  la  guerre,  et  de  Zappo-Zappo  qui  était  arrivé  à  la  station 
dans  un  état  fort  critique.  Il  a  porté  son  attention  spécialement  sur  les 
langues  et  a  envoyé  à  M.  Châtelain  des  notes  intéressantes  sur  celle  des 
Ba-Chilangué.  Il  avait  depuis  un  certain  temps,  comme  interprète,  un 
garçon  de  quatorze  ans,  originaire  du  pays  de  Lounda,  qui  avait  passé 
plusieurs  années  chez  les  Quiocos,  avait  visité  Malangé  et  Dondo  trois  ou 
quatre  fois,  et  Nyangoué  deux  fois.  Si  tout  va  bien,  M.  le  D'  Summers 
compte  revenir  Tannée  prochaine  en  pays  civilisé. 

Il  est  facile  de  comprendre  qu'à  mesure  que  les  mois  s'écoulent  sans 
apporter  de  nouvelles  de  l'expédition  de  Stanley,  les  esprits  s'in- 
quiètent, et  accueillent  sans  examen  les  nouvelles  mises  en  circulation 
par  des  imaginations  anxieuses  qui  se  représentent  Stanley  attaqué, 
blessé,  tué,  avec  les  hommes  de  sa  caravane,  et  les  familles  de  ses  poi- 
teurs  de  Zanzibar  menant  deuil  sur  ceux  qu'elles  désespèrent  de  revoir. 
Nos  lecteurs  se  rappellent  la  dépêche  du  major  Barttelot  reproduiti^ 
dans  notre  précédent  numéro,  d'après  laquelle  il  attendait  pour  le 
milieu  de  mai  les  350  porteurs  que  Tipo-Tipo  devait  encore  lui  fournir, 
et  exprimait  l'intention  de  quitter  Yambouya  au  commencement  de  juin 
et  de  passer  par  la  station  des  Stanley-Falls.  Dès  lors  le  Times  du  18 
mai  a  publié  la  dépêche  suivante  de  Zanzibar  :  «  Des  lettres  venues  du 
major  Barttelot  par  des  messagers  de  Tipo-Tipo  et  datées  de  Singetini 
sur  le  Congo,  le  25  octobre,  annoncent  que  des  déserteurs  de  l'expédi- 
tion de  Stanley,  après  vingt  jours  de  voyage  en  canot  jusqu'à  Singetini, 
rapportent  que  tout  allait  bien  au  camp  de  Stanley  qui  avait  des  vivres 
eu  abondance.  Le  détachement  du  major  Barttelot  était  aussi  en  très 
bon  état.  Quant  à  Tipo-Tipo,  sa  conduite  n'était  pas  très  satisfaisante.  • 
Plus  récemment,  le  13  juin,  on  recevait  à  Liverpool,  non  plus  de  Zanzi- 
bar cette  fois-ci,  mais  de  Saint-Paul  de  Loanda,  l'information  suivante  : 
«  Des  nouvelles  graves  sont  parvenues  ici  au  sujet  de  l'expédition  (1(^ 
Stanley.  Quoiqu'elles  n'aient  pas  un  caractère  absolu  d'authenticité,  on 
les  considère  cependant  comme  exactes  dans  leur  ensemble  et  elles  ont 


■»■  rr  rr*r^ 


—  206  — 

produit  une  vive  émotion.  Ces  nouvelles  disent  que  le  major  Barttelot,  qui 
commande  im  faible  détachement  stationné  sur  la  rive  de  l'Aronouimi^ 
a  envoyé  un  messager  à  la  côte  pour  expédier  en  Angleterre  une  dépé- 
che  demandant  de  nouvelles  instructions.  Le  détachement  en  question 
n'a  pas  de  nouvelles  de  Stanley  depuis  plusieurs  mois  ;  des  maladies  ont 
éclaté  parmi  les  soldats  indigènes  de  ce  détachement  ;  il  y  a  eu  plusieurs 
cas  de  mort  et  les  provisions  commencent  à  s'épuiser.  Toutefois,  à  Saint- 
Paul  de  Loanda  on  ne  croit  pas  à  l'exactitude  de  ces  dernières  asser- 
tions, car  il  existe,  non  loin  du  camp  du  major  Barttelot,  une  station  de 
l'État  du  Congo,  d'où  l'on  aurait  pu  demander  et  recevoir  des  provi- 
sions. On  dit  enfin  que  le  major  Barttelot  s'hiquiète  de  ne  pas  recevoir 
de  nouvelles  de  Stanley.  »  A  son  tour  V Indépendance  belge  publie  une 
dépêche  d'mi  de  ses  correspondants  de  Lisbonne,  conçue  en  ces  termes  : 
«  Un  Européen  qui  réside  depuis  longtemps  au  Congo  m'envoie  une 
lettre  datée  de  Kinchassa,  16  avril,  et  disant  que  Herbert  Ward,  qui 
faisait  partie  récemment  du  détachement  commandé  par  le  major  Bart- 
telot sur  l'Arououimi,  a  traversé  Kinchassa,  se  rendant  à  Sahit-Paul  de 
Loanda.  Il  a  déclaré  qu'à  l'époque  de  son  départ  on  n'avait  aucune 
nouvelle  directe  de  Stanley.  Toutefois,  les  Arabes  prétendent  que  Stan- 
ley et  le  capitaine  Melson  ont  été  blessés  et  que  la  plupart  des  hommes 
de  leur  escorte  ont  déserté.  Tipo-Tipo  n'a  pas  été  en  mesure  d'envoyer 
à  Stanley  les  secours  promis.  Herbert  Ward  croit  que  les  Arabes  savent» 
relativement  au  sort  de  Stanley,  beaucoup  plus  qu'ils  n'en  disent.  )> 
Enfin  c'est  un  correspondant  du  Temps  qui  écrit  de  Boma  : 
«  Le  27  avril,  un  agent  venant  du  camp  de  l'Arououimi  est  arrivé  à 
Matadi  (bas  Congo)  porteur  d'une  dépêche  adressée  au  gouverneur  de 
l'État  libre  par  le  major  Barttelot,  qui  commande  le  camp  de  l'Arou- 
ouimi. Bien  que  cet  agent  ait  été  très  discret,  le  bruit  s'est  bien  vite 
répandu  que  Stanley  avait  été  abandonné  par  une  partie  de  ses  hom- 
mes, qui  ont  déserté,  et  on  présumait  que,  si  le  vaillant  explorateur 
était  encore  vivant,  il  se  trouvait  dans  une  position  des  plus  critiques.  »> 
Or,  sans  parler  de  ce  qu'a  d'étrange  la  dépêche  de  Zanzibar  relative 
à  des  lettres  du  major  Barttelot  apportées  par  des  messagers  de  Tipo- 
Tipo,  et  portant  que  la  conduite  de  ce  même  Tipo-Tipo  n'était  pas  très 
satisfaisante,  nous  ferons  remarquer  que  ce  sont  là  des  nouvelles  bien 
vieilles,  en  comparaison  de  celles  qu'a  apportées  à  Boma  M.  Ward,  l'un 
des  adjoints  du  major  Barttelot,  qui  avait  quitté  le  camp  de  l'Arououimi 
vers  le  milieu  de  mars  dernier.  Quoi  qu'il  en  soit,  cette  dépêche  nous  a 
valu  une  explication  intéressante,  fournie  au  Mouvement  géographique 


—  207  — 

par  le  I^  Lenz  qui,  on  se  le  rappelle,  a  passé  aux  Stanley-Falls  l'aunée  der- 
nière, et  qui  écrit  à  ce  journal  :  «  Permettez-moi  de  vous  dire  que  Singetini 
est  un  mot  kisouahéli  que  l'on  peut  traduire  par  a  eau  bruyante.  »  En 
général  les  Arabes  donnent  à  l'ensemble  delà  région  des  Falls  :  stations, 
établissements  arabes,  villages  indigènes,  le  nom  de  Singetini,  ainsi  que 
la  remarque  en  a  déjà  été  faite  dans  les  Mittheilungen  de  la  Société  de 
géographie  de  Vienne.  Les  Zanzibarites  ne  connaissent  la  région  des 
Falls  que  sous  le  nom  de  Singetini.  »  —  Quant  aux  nouvelles  venues  de 
Borna,  de  Saint-Paul  de  Loanda  et  de  Lisbonne  on  comprend  qu'elles 
ont  toutes  pour  origine  le  passage  de  M.  Ward  dans  le  bas  Congo,  à 
l'occasion  duquel  les  faiseurs  de  nouvelles  se  sont  mis  en  frais  d'inven- 
tion ;  plus  M.  Ward  avait  été  discret,  plus  les  imaginations  ont  été 
fécondes  en  détails  propres  à  produire  de  vives  émotions.  Nous  ne  tar- 
derons pas  à  connaître  les  faits  précis  qui  se  rapportent  à  la  mission  de 
M.  Ward  à  Boma.  Le  courrier  qui  apporte  ces  renseignements  est  en 
route  et  ne  tardera  pas  h  arriver  à  Bruxelles.  Le  Mouvement  géogra- 
phique nous  les  fait  espérer  poui*  son  prochain  numéro.  En  attendant 
rappelons  que  la  dépêche  expédiée  de  Boma  par  M.  Ward,  et  de  Saint- 
Paul  de  Loanda,  le  !•'  mai,  au  Comité  de  l'expédition  Stanley,  se  termi- 
nait par  ces  mots  :  «  Tout  est  bien  :  Barttelot.  » 

Sans  doute  cette  longue  attente  nous  cause  bien  quelque  appréhension, 
quoique  les  hommes  qui  connaissent  le  mieux  les  régions  que  doit  tra- 
verser l'expédition  ne  jugent  pas  qu'il  y  ait  lieu  de  craindre.  Le 
D' Schweinfurth  écrivait  il  y  a  quelques  semaines  au  Mouvement  géo- 
graphique de  Bruxelles  :  «  A  mon  avis  Stanley  n'aura  pas  voulu  s'aven- 
turer plus  avant  vei-s  l'est  sans  son  arrière-garde  qui  devait,  avec  les 
pbrteura  promis  par  Tipo-Tipo,  lui  apporter  la  majeure  partie  de  ses 
provisions  laissées  au  camp  de  l'Arououimi  sous  la  garde  du  major  Bart- 
telot, et  sans  lesquelles  son  arrivée  chez  Érain-pacha  n'aurait  pas  de 
raison  d'être.  Je  suppose  donc  qu'il  a  dû  s'arrêter  à  mi-chemin  poui* 
donner  à  son  adjoint  le  temps  de  le  rejoindre.  11  n'y  a  pas  de  motif  pour 
s'inquiéter  sur  le  sort  de  Stanley.  »  De  son  côté,  le  D""  Junker  qui  a 
passé  récemment  deux  jours  à  Bruxelles  a  formellement  exprimé  l'opi- 
nion que,  dans  son  esprit,  l'expédition  de  secours  ne  court  aucun  risque 
de  la  part  des  indigènes.  «  Sous  le  rapport  de  la  nourriture,  Stanley, 
avant  d'arriver  au  lac  Albert,  traversera  des  pays  à  pâturages  où  il 
n'est  pas  rare  de  voir  des  troupeaux  comptant  plusieurs  milliers  de  têtes 
de  gros  bétail.  »  Une  présomption  favorable  peut  aussi  être  tirée  du  fait 
que  Stanley  a  l'habitude  de  garder  le  silence  sur  ses  faits  et  gestes. 


iié.. 


--  209  — 

venances  du  haut  Congo  sont  affranchies  de  tous  droits  ;  encore  a-t-il 
fallu,  pour  en  arriver  là,  que  l'État  indépendant,  en  vue  de  favoriser  sa 
route,  en  donnât  l'exemple  à  l'autorité  française. 

Savorgnan  de  Brazza  paraît  assez  bien  rétabli  pour  pouvoir  songer  à 
retourner  prochainement  au  Congo  ;  mais  il  voudrait  auparavant  que 
l'administration  se  prononçât  en  faveur  de  l'établissement  d'une  ligne 
de  navigation  entre  la  France  et  le  Congo.  Chaque  mois  partirait,  tan- 
tôt du  Havre,  et  alors  il  ferait  escale  à  Bordeaux,  tantôt  de  Marseille, 
un  vapeur  h  destination  du  Congpo  français».  Les  raisons  données  par 
le  commissaire  général  à  l'appui  de  ce  projet  paraissent  plausibles.  D'une 
part  les  progrès  réalisés  dans  la  colonie  ne  pourront  profiter  au  com- 
merce de  la  France  que  le  jour  oii  le  marché  français  sera  accessible 
aux  produits  de  la  région,  c'est-à-dire  lorsque,  sans  passer  par  l'inter- 
médiaire des  places  étrangères,  les  négociants  français  pourront  amener 
dans  un  des  grands  ports  de  France  les  objets  qu'ils  importent  du  Congo. 
D'autre  part,  l'obligation  de  faire  venir  leui-s  approvisioimements  par 
les  ports  étrangers  de  Liverpool,  Anvers  ou  Hambourg,  constitue  pour 
les  factoreries  et  pour  les  marchandises  françaises  un  autre  désavantage. 
Mais  M.  de  Brazza  ne  demande  pas  que  la  métropole  augmente 
les  dépenses  qu'elle  fait  actuellement  sur  la  côte  occidentale  d'Afrique. 
Il  voudrait  qu'on  prélevât  sur  le  budget  de  la  colonie  certaines  sommes, 
pour  subventionner  une  ligne  qui  desservirait  toutes  les  possessions  fran- 
çaises de  l'Afrique  occidentale,  depuis  le  Sénégal  jusqu'au  Gabon,  et 
qu'on  supprimât  le  service  fait  par  les  transports  de  l'État.  On  réalise- 
rait de  ce  chef  une  économie  de  plusieurs  centaines  de  mille  francs, 
qui  compenserait  en  partie  les  dépenses  ouvertes  par  la  subvention. 

Dans  notre  dernier  numéro,  nous  annoncions  l'insuccès  de  l'expédi- 
tion des  lieutenants  Kund  et  Tappenbeck,  dans  la  région  située  à 
Test  du  territoire  de  Cameronn.  Elle  a  néamnoins  servi  à  noas  faire 
connaître  un  pays  jusqu'ici  inexploré,  sur  lequel  la  Deutsche  Kolonial 
Zeitunff  a  fourni  les  renseignements  suivants,  d'après  une  lettre  du  lieu- 
tenant Kund.  L'expédition  fut  d'abord  arrêtée,  vers  le  milieu  de  décem- 
bre 1887,  au  passage  du  petit  Ndjong,  rivière  qui  traverse  le  pays  des 
longuana,  tribu  établie  à  200  kilom.  de  la  côte,  dont  les  hommes  sont 
armés  de  lances;  quelques-uns  cependant  ont  des  fusils.  Après  avoii' 
conclu  la  paix,  les  longuana  aidèrent  aux  membres  de  l'expédition  à 
construire  des  canots,  au  moyen  desquels  ceux-ci  suivirent  la  rivière 
aussi  loin  qu'elle  était  navigable  ;  après  quoi  ils  se  dirigèrent  vers  le 
grand  Ndjong.  Le  pays  est  habité  par  une  population  nombreuse  et 


•  r  '  '  -^"' 


—  210  — 

pacifique  qui  témoigna  partout  d'une  façon  très  vive  sa  surprise  et  sa 
joie  de  voir  arriver  des  blancs  dans  le  pays.  Les  indigènes  accompa- 
gnaient ceux-ci  par  centaines,  les  femmes  et  les  enfants  voulaient  tous 
toucher  leur  peau  blanche.  Les  plus  beaux  moutons  ou  les  chèvres  ne 
coûtaient  que  3  fr.  75  payés  en  étoffe  ;  une  poule,  6  centimes,  en  bou- 
tons. Le  grand  Ndjong  fut  atteint  le  11  janvier;  c'est  un  grand  fleuve 
qui,  contrairement  à  l'attente  des  explorateurs,  ne  coule  pas  vers  l'est, 
mais  débouche  près  de  Malimba,  dans  le  pays  de  Cameroun.  L'expédi- 
tion traversa  le  fleuve  et  se  trouva  tout  à  coup  parmi  des  tribus  complè- 
tement diflérentes  de  celles  que  MM.  Kund  et  Tappenbeck  avaient  ren- 
contrées jusque-là;  c'était  la  race  du  Soudan.  Ils  purent  constater  que 
les  nègres  du  Soudan  ont  déjà  pénétré  assez  avant  vers  le  sud  et  qu'ils 
se  trouvent  établis  à  150  kilom.  environ  de  la  côte,  dans  le  voisinage  du 
Cameroun.  Ces  tribus  cultivent  la  terre  et  élèvent  du  bétail  ;  mais  l'ef- 
froi que  leur  causa  l'arrivée  de  l'expédition,  qu'elles  prirent  probable- 
ment pour  des  chasseurs  d'esclaves,  les  rendit  hostiles  ;  elles  attaquè- 
rent les  explorateurs  qui,  malgré  la  prise  d'un  grand  village  palissade, 
vigoureusement  défendu  par  ses  habitants  armés  d'arcs,  de  flèches  et  de 
lances,  durent  rebrousser  chemin.  Ils  retraversèrent  le  grand  Ndjong, 
dont  ils  suivirent  la  rive  gauche  vers  l'ouest,  dans  la  direction  du  Came- 
roun. A  six  ou  sept  journées  de  marche  du  territoire  du  protectorat 
allemand,  ils  furent  attaqués  par  les  Ba-Koko,  dans  un  terrain  oli  ils  ne 
pouvaient  guère  se  défendre  à  cause  des  roseaux  d'une  hauteur  de  4" 
à  5"  au  travers  desquels  ne  circulait  qu'un  étroit  sentier.  La  fusillade 
dura  jusqu'à  la  nuit;  ils  eurent  4  morts,  26  blessés,  et  durent  abandon- 
ner de  nombreuses  charges.  Après  avoir  regagné  le  plateau  du  grand 
Batanga,  ils  coururent  le  danger  de  mourir  de  faim  en  traversant  une 
forêt  vierge  de  sept  journées  de  marche  oîi  ils  ne  trouvèrent  aucune 
espèce  de  nourriture.  Enfin  les  gens  de  la  côte  arrivèrent  à  leur  secours 
avec  des  vivres;  il  était  temps.  La  caravane  avait  déjà  une  longueur  de 
trois  lieues,  et  les  plus  faibles  ne  pouvaient  plus  la  suivre.  Les  deux 
fleuves  auxquels  les  indigènes  de  l'intérieur  donnent  les  noms  de  Petit 
Ndjong  et  de  Grand  Ndjong  sont  vraisemblablement  le  Moandja,  qui 
débouche  par  3°,  45'  à  la  côte  du  Petit  Batanga,  et  l'Édéa,  qui  se  jette 
dans  l'océan  au  sud  du  Cameroun,  en  formant  un  delta  à  trois  bran- 
ches :  )e  Quaqua,  le  Borno  et  le  Boréa.  Grenfell  avait  déjà  exploré  ce 
dernier  jusqu'à  des  chutes,  à  une  soixantaine  de  kilomètres  de  son 
embouchure.  Le  Moandja  a  également  une  cataracte  de  10°  de  hauteur 
à  40  kilom.  de  la  côte.  Les  deux  chefs  de  l'expédition  avaient  été  blés- 


—  211  — 

ses  :  M.  Kuiid,  au  bras  et  à  la  main  gauches,  percés  de  plusieurs  balles  ; 
M.  Tappenbeck,  d'un  coup  de  fusil  à  la  tête.  Us  sont  aujourd'hui  dans 
un  état  satisfaisant. 

Le  missionnaire  J.  Muller  a  adressé  à  la  Société  de  Bâle  un  rapport 
sur  les  progrès  faits  par  les  écoles  au  sein  des  tribus  nègres  qui  s'éten- 
dent le  long  du  Voila.  Nous  empruntons  au  journal  le  Missionnaire 
les  renseignements  suivants  :  «  H  y  a  quelque  vingt  ans,  rien  n'était 
plus  difficile  que  de  faire  comprendre  aux  nègres  de  ces  contrées  l'im- 
portance de  Hnstruction  et  par  conséquent  des  écoles,  sinon  pour  eux- 
mêmes  au  moins  pour  la  jeune  génération.  Ils  ne  consentaient  à  y 
envoyer  leurs  enfants  qu'à  la  condition  qu'on  leur  assurât  certains 
cadeaux,  des  vêtements  complets,  par  exemple.  «  Donne  quelque  chose 
à  nos  enfants  ;  paie-leur  à  manger,  »  c'était  la  réponse  incessante  des 
pères  et  des  mères  au  missionnaire  qui  leur  vantait  les  bienfaits  de 
l'écriture  et  de  la  lecture.  Aujourd'hui,  les  païens  commencent  à  recon- 
naître presque  partout  les  avantages  de  savoir  quelque  chose  ;  les  pre- 
miers sacrifices  qu'ils  sont  disposés  à  faire  ont  pour  objet  la  construc- 
tion d'une  maison  d'école  ;  la  première  demande  qu'ils  font  aux  mission- 
naires en  visite  chez  eux,  c'est  qu'on  leur  envoie  au  plus  tôt  un 
instituteur.  Or,  des  sacrifices  d'argent  leur  coûtent  toujoui^s  beaucoup. 
On  ti*ouvait  tout  naturel,  si  l'on  se  décidait  à  envoyer  son  enfant  chez 
le  maître,  de  ne  lui  fournir  ni  livi*e,  ni  ardoise,  ni  crayon,  rien  en  un 
mot  ;  le  maître  était  bon  pour  tout  payer.  Les  missionnaires  de  Bâle  se 
sont  énergiquement  refusés  à  cette  exigence.  Ils  ont  voulu  que  les  élè- 
ves arrivassent  munis  de  tout  leur  matériel  d'école.  Bien  plus,  ils  ont 
exigé  une  rétribution,  fort  minime,  il  est  vi'ai,  mais  enfin  un  paiement 
quelconque  qui  permît  d'assurer  à  l'instituteur  de  modestes  honorai- 
res. Avec  beaucoup  de  persévérance  ils  y  sont  parvenus.  Il  en  est  résulté 
tout  naturellement  que  les  leçons  ont  été  mieux  suivies,  que  les  devoirs 
ont  été  mieux  faits,  et  que  les  écoliers  ont  fini  par  apprendre  quelque 
chose.  «  Quelle  est,  »  disait  naguère  un  païen  au  missionnaire  Muller, 
«  quelle  est  la  ville  oU  Ton  ne  désire  posséder  un  instituteur?  Partout 
dans  notre  pays  on  est  disposé  à  en  recevoir.  » 

Nous  avons  trouvé  dans  un  récit  fourni  au  Bulletin  de  la  Société 
khédiviale  de  Géographie,  par  le  D*"  Lenz,  sur  son  voyage  à  travers 
l'Afrique,  de  l'embouchure  du  Congo  à  celle  du  Zambèze,  un  renseigne- 
ment intéressant  sur  h»^  jeunes  gens  de  l¥hy  qu'il  avait  engagés 
comme  porteurs.  «  Les  hommes  de  cette  tribu,  qui  a  fondé  une  colonie 
dans  le  voisinage  de  MonroYla,  sont  des  serviteurs  intrépides  et  hon- 


-  212  — 

nêtes,  et  j'espère  qu'ils  rendront  encore  souvent  beaucoup  de  services  à 
de  futures  expéditions  venant  de  l'Afrique  occidentale.  Ils  se  servent 
d'une  écriture  spéciale  et  inconnue  aux  autres  tribus  de  nègres.  Mes  ser- 
viteurs tenaient  toujours  un  journal  de  voyage,  et  ils  envoyèrent  même 
des  lettres  à  chaque  occasion  dans  leur  patrie.  Leur  dernière  coirespon- 
dance  fut  acheminée  par  moi,  de  Zanzibar,  via  Capetown  et  Madeira, 
au  consul  allemand  à  Monrovia,  en  le  priant  de  la  remettre  au  chef  des 
\Vhy,  le  roi  John.  A  mon  retour  à  Vienne,  je  trouvai  des  lettres  de  Mon- 
rovia, et  en  même  temps  des  réponses  des  parents  de  ces  nègres, 
enchantés  de  cette  communication  rapide.  De  telles  choses  contribuent 
à  augmenter  la  confiance  des  noirs  envers  les  Eui'opéens;  quelque  éloi- 
gnés qu'ils  soient  de  leur  pays,  ils  savent  que  les  leurs  conservent  pour 
eux  le  meilleur  souvenir,  et  le  maître  européen  peut  être  sûr  d'avoir  à 
son  service  des  gens  dévoués.  »  Le  D'  Lenz  avait  emmené  avec  lui  ces 
jemies  Why,  de  Zanzibar  en  Egypte,  d'où,  par  Trieste,  Vienne  et  Ham- 
bourg, ils  rentrèrent  en  bonne  santé  à  Libéria,  ainsi  qu'il  l'apprit  par 
les  lettres  susmentionnées. 

La  mission  envoyée  dans  le  Fouta-Djallon  par  le  colonel  Gallieni 
a  pleinement  réussi  ;  le  lieutenant  Plat  qui  la  dirigeait  .a  signé  avec  1^ 
almamys  de  ce  pays  un  traité  les  plaçant  sous  le  protectorat  exclusif  de 
la  France,  supprimant  toute  rente  et  ouvrant  le  pays  au  commerce  fran- 
çais sans  droits  aucuns.  M.  Plat  a  fait  le  lever  de  toute  la  région  depuis 
Siguiri,.  et  a  résolu  la  question  des  communications  entre  le  haut  Niger 
et  les  rivières  du  Sud.  De  Timbo,  il  a  pu  se  mettre  en  relation  par 
lettres,  avec  le  lieutenant  Levasseur  qui  avait  été  arrêté  pendant  un 
mois  à  Yumbéring  et  était  réduit  à  une  grande  misère.  Dès  lors  il  a  pu 
continuer  sa  route  vers  Sedhiou.  M.  le  capitaine  Le  Châtelier,  qui  avait 
été  chargé  par  le  ministre  de  la  guerre  d'étudier  sur  place  las  progrès 
de  l'islam  dans  l'Afrique  occidentale  et  en  particulier  au  Sénégal,  vient 
de  rentrer  en  France.  Il  a  d'abord  traversé  le  Ripp,  le  Saloum,  le  Bina 
et  le  Baol,  puis  s'est  rendu  dans  le  haut  Niger  par  Bammakou,  Siguiri 
et  le  Fouta-Djallon,  d'oU  il  est  revenu  à  Beuty.  Il  a  recueilli  de  la  bouche 
de  quelques  hommes  de  l'escorte  du  lieutenant  Binger  la  confirmation 
de  la  nouvelle  de  l'assassinat  de  cet  officier.  L'explorateur  Olivier, 
vicomte  de  Sanderval,  qui  depuis  quelques  années  employait  sa  fortune 
à  des  voyages  dans  la  Guinée,  a  aussi  été  assassiné  dans  le  Fouta- 
Djallon.  Il  avait  quitté  le  Rio-Nunez  au  mois  de  février  dernier,  et 
comptait  se  rendre  à  Timbouctou  par  le  Ouassoulou.  Ses  riches  mar- 
chandises auront  probablement  excité  la  convoitise  des  gens  du  Fouta- 


11"  '  : 


—  213  — 

Djallon  ;  peut-être  aussi  a-t-il  été  victime  du  fanatisme  musulman  qui 
devient  très  inquiétant  chez  tous  les  peuples  du  Sénégal.  D'après  le 
tracé  relevé  par  les  officiei*s  français,  la  route  de  Siguiri  à  Benty  n'est 
que  de  600  kilom.,  tandis  que  celle  de  Siguiri  à  St-Louis  en  a  1800.  Le 
commerce  aura  donc  tout  avantage  à  se  servir  de  la  route  nouvellement 
explorée. 

Une  invitation  oflBdelle  à  se  faire  représenter  à  une  conférence  à. 
Madrid,  sera  prochainement  adressée  par  le  cabinet  espagnol  à  tous 
les  États  signataires  de  la  convention  du  3  juillet  1880  relative  au 
Ha.roc.  D'une  part  le  souverain  marocain  a  exprimé  le  désir  de  voir 
modifier  les  clauses  de  la  convention  concernant  la  protection  des  con- 
suls sur  les  agents  indigènes  du  commerce  étranger,  en  invoquant  à 
l'appui  de  sa  demande  le  témoignage  des  représentants  des  puissances 
étrangères.  D'autre  part  plusieurs  de  ces  puissances  ont  à  demander  des 
concessions  sérieuses  et  nettement  définies  portant  sur  la  suppression 
des  entraves  qui  gênent  et  paralysent  presque  lé  commerce.  Le  pro- 
gramme et  la  date  de  la  conférence  seront  fixés  au  retour  à  Tanger  du 
ministre  chargé  des  relations  du  sultan  avec  les  puissances  étrangères. 


NOUVELLES  GOBIPLÉMENTAXRES 

D'importants  gisements  de  phosphate  de  chanx  ont  été  découverts  aux  environ» 
de  Souk-Ahras  ;  MM.  Pouyanne,  ingénieur  en  chef  des  mines  de  l'Algérie,  Pomel 
directeur  de  l'École  des  sciences  d'Alger,  Paul  Hely  d'Oissel,  directeur  des  fabri- 
ques d'engrais  chimiques  de  St-Gobain,  s'y  sont  rendus  pour  en  déterminer  la 
valeur. 

La  Tunisie  a  accédé  pour  le  1*'  juillet  à  la  convention  postale  universelle  et 
MX  autres  arrangements  internationaux  concernant  l'échange  des  lettres  avec 
valeur  déclarée,  des  mandats  postaux,  des  recouvrements,  des  mandats  télégra- 
phiques, etc. 

Un  musée  archéologique  a  été  installé  à  Tunis,  au  Bardo,  l'ancienne  résidence 
des  beys  ;  on  y  adjoindra  un  musée  des  beaux  arts,  un  musée  ethnographique  et  un 
musée  des  industries  tunisiennes.  • 

Le  Times  du  14  juin  annonce  que  l'on  a  reçu,  par  Eorosko,  des  lettres  de 
Lopton-bey  renfermant  son  reçu  autographe  de  300  livres. 

La  convention  internationale  concernant  le  canal  de  Suez  a  enfin  été  signée. 

Le  gouvernement  italien  a  établi,  à  Massaouah,  un  impôt  sur  les  particuliers, 
ainsi  que  sur  les  négociants  indigènes  et  européens. 

Une  dépêche  de  Massaouah  signale  l'arrivée  dans  cette  ville  d'un  envoyé  du 
négus,  qui  demande  à  renouer  les  négociations  en  vue  de  la  conclusion  d'un  traité 
de  paix  avec  l'ItaUe. 


rr-: 


—  214  — 

Le  gonrernement  turc  a  récemment  adressé  au  gouvernement  anglais  une 
note  par  laquelle  il  signifiait  son  intention  de  réoccuper  le  port  de  Zeïlah,  dans 
le  voisinage  d'Obock,  cédé  autrefois  à  PÉgypte  moyennant  une  augmentation  de 
tribut.  Le  Foreign  Office  a  répondu  que  Zeïlah  dépend  aujourd'hui  de  FÉgypte 
et  que  tout  en  conservant  sa  suzeraineté  sur  les  territoires  égyptiens,  la  Turquie 
n'a  pas  le  droit  de  les  occuper  militairement,  ni  même  de  les  administrer  pour  son 
propre  compte. 

Une  lettre  d' Aden  annonce  que  la  ville  de  Berbera,  sur  le  golfe  d'Aden,  en  pays 
Somali,  a  été  détruite  par  un  incendie  ;  le  quartier  du  gouvernement  occupé  par 
les  Anglais  a  échappé  aux  flammes. 

L'amélioration  dans  la  santé  de  M.  Montagu-Eerr,  que  nous  étions  heureux  de 
signaler  dans  notre  dernier  numéro,  ne  s'est  pas  maintenue.  La  fièvre  a  reparu 
après  son  arrivée  dans  le  midi  de  la  France,  et  il  y  a  succombé. 

MM.  Meyer  et  Baumann  sont  partis  pour  aller  explorer  la  région  du  Kilimand- 
jaro. 

Une  commission  composée  de  délégués  anglais  et  portugais,  ainsi  que  du  Trana- 
vaal  et  du  Swazieland  a  été  chargée  de  déterminer  les  limites  entre  ce  dernier 
pays  et  les  territoires  du  Portugal  et  de  la  république  Sud-africaine. 

Les  chefs  zoulous  Dinizoulou  et  Oundabouko,  après  avoir  réuni  des  tribus  à 
Keesa,  ont  fait  des  incursions  dans  l'Ou-Satus,  où  ils  ont  commis  des  déprédations 
considérables.  Les  troupes  anglaises  envoyées  contre  eux  ont  dû  reculer.  On  craint 
que  le  désordre  ne  s'étende  à  tout  le  Zoulouland. 

La  mission  suédoise  au  sud  de  l'Afrique  a  fondé  une  station  dans  le  Zoulouland. 
Jusqu'ici  les  troubles  du  pays  avaient  empêché  de  créer  un  établissement  ûxe  ; 
mais  maintenant  les  Directeurs  de  la  mission  ont  acheté  un  terrain  de  400  acres 
au  centre  de  la  partie  du  pays  annexée  par  l'Angleterre. 

La  Chambre  des  mines  du  Transvaal  a  chargé  un  ingénieur  d'étudier  un  tracé 
de  chemin  de  fer,  pour  mettre  Barberton  en  communication  avec  la  ligne  princi- 
pale de  Lorenzo-Marquez  à  Pretoria. 

Le  Yolksraad  de  l'État  libre  du  fleuve  Orange  a  pris  une  décision  favorable  à 
l'extension  du  réseau  des  chemins  de  fer  qui  a  fait  le  sujet  des  conférences  entre 
ses  délégués  et  ceux  des  colonies  du  Cap  et  de  Natal  ;  il  a  voté  l'envoi  d'une 
expédition  pour  lever  les  plans  des  lignes  projetées  dans  la  direction  de  ces  deux 
colonies. 

Il  est  question  de  prolonger  le  réseau  des  chemins  de  fer  de  l'Afrique  australe, 
de  Kimberley  à  Vrybourg  dans  la  partie  du  pays  des  Be-Chuana  placée  sous  le 
protectorat  britannique  ;  ce  serait  une  section  de  la  ligne  qui  sera  prolongée  un 
jour  vers  Shoshong  et  jusqu'à  la  capitale  de  Lobengula,  avec  lequel  l'Angleterre 
vient  de  conclure  un  traité  d'amitié. 

Le  gouvernement  de  l'empire  allemand  a  déclaré  adhérer  à  la  Convention  pos-  , 
taie  universelle,  pour  le  territoire  de  l'Afrique  du  sud-ouest,  dès  le  !•' juillet  1888. 
Un  correspondant  du  Cape  Argus  écrit  de  Walfishbay  à  ce  journal,  que  les 


—  215  — 

délégués  de  quatre  syndicats  allemands  yont  partir  pour  l'intérieur,  où  ils  sont 
chargés  d^explorer  des  gisements  aurifères. 

Les  travaux  d'étude  du  chemin  de  fer  de  Matadi  à  Léopoldville  vont  être 
repris.  Les  ingénieurs  pensent  les  terminer  en  octobre  et  rentrer  en  Europe  en 
novembre. 

M.  J.  Cholet  a  écrit  de  Libreville  à  la  Société  de  géographie  de  Paris  dont  il 
est  membre,  quMl  se  propose  d'explorer  pendant  la  saison  favorable  le  pays  situé 
entre  le  Niari  et  l'Ogôoué. 

Le  comité  de  la  Société  américaine  des  Foreign  Missions  a  donné  comme  instruc- 
tions aux  délégués  chargés  de  la  représenter  à  la  conférence  universelle  qui  a  eu 
lieu  à  Londres  du  9  au  19  juin,  d'insister  pour  qu'il  soit  pris  des  mesures  propres 
à  restreindre  l'importation  des  spiritueux  en  Afrique  et  à  arrêter  la  dégradation 
physique  et  morale  qui  en  résulte  pour  les  indigènes. 

La  Société  de  géographie  de  Marseille  a  fait  inscrire  au  programme  du  Congrès 
des  sociétés  françaises  de  géographie  qui  se  réunira  à  Bourg  au  mois  d'août  pro- 
chain, la  question  de  la  création  d'une  ligue  de  paquebots  à  vapeur  sous  pavillon 
français  desservant  la  côte  occidentale  d'Afrique  jusqu'au  Congo.  Les  points  de 
départ  en  seraient  le  Havre  et  Marseille,  et  les  escales  une  douzaine  de  points 
desservis  actuellement  par  des  vapeurs  anglais,  allemands,  belges  et  portugais, 
malgré  les  grands  intérêts  que  la  France  y  possède. 

L'évêque  du  Niger,  Samuel  Crowther,  actuellement  à  Londres,  a  exprimé  au 
comité  de  la  Church  Missionary  Society  le  vœu  que  l'importation  des  spiritueux 
en  Afrique  puisse  être  abolie  comme  l'a  été  l'exportation  des  esclaves.  Il  croit 
qu'elle  peut  l'être  si  l'on  procède  en  se  basant  sur  des  informations  exactes,  et 
que  l'on  n'adopte  que  des  mesures  propres  à  atteindre  le  but.  L'évêque  Crowther  a 
environ  80  ans  et  c'est  la  neuvième  fois  qu'il  vient  en  Europe. 

Les  dernières  nouvelles  du  haut  Sénégal  annoncent  que  le  chemin  de  fer  de 
Kayes  à  Bafoulabé  est  maintenant  en  exploitation  sur  toute  sa  longueur. 


L'OU-GANDA,  L'OU-NYORO  ET  L'EGYPTE  ÉQUATORIALE 

Nous  avons  annoncé,  dans  notre  dernier  numéro  (p.  167),  la  reconnais- 
sance faite  par  Émin-pacha  jusqu'à  Kibiro,  sur  la  rive  orientale  du  lac 
Albert,  sans  qu'il  ait  pu  recueillir  aucun  indice  sui*  l'expédition  de 
Stanley.  En  attendant  que  l'arrivée  de  celle-ci  à  sa  destination  nous 
fournisse  les  informations  qu'elle  ne  manquera  pas  de  nous  apporter  sur 
le  pays  qu'elle  aura  parcoui-u  entre  l'Arououirai  et  le  lac  Albeit,  il  est 
bon  de  savoir  dans  quelle  situation  se  trouvent  actuellement  les  teri-i- 
toires  situés  à  l'est  de  ce  lac.  Nous  voudrions  chercher  à  en  donner  une 
idée  à  nos  lecteurs,  d'après  les  dernières  lettres  d'Émin-pacha  et  de 


—  216  — 

Casati,  au  D' Juaker,  à  M..Ch.  Allen,  secrétaire  de  l'Antislavery  Society, 
au  D' Felkiu  d'Edimbourg,  et  au  capitaine  M.  Camperio. 

Rappelons  d'abord  qu'au  commencement  de  l'année  dernière,  l'Ou- 
Nyoro  * ,  gouverné  par  Kabréga,  fut  attaqué  une  première  fois  par  les 
troupes  de  Mwanga,  roi  de  l'Ou-Ganda.  C'est  de  cette  première  expédi- 
tion que  parle  le  P.  Lourdel,  dans  une  lettre  de  1887  aux  Missions  catho- 
liques ^  auxquelles  nous  empruntons  le  récit  suivant  :  «  Une  première  expé- 
dition n'a  eu  d'autres  résultats  que  la  mort  du  général  en  chef  des  Wa- 
Ganda,  tué  avec  un  grand  nombre  des  siens  en  tentant  la  prise  du  vil- 
lage fortifié  de  Kabréga.  Les  sorciers  déclarent  maintenant  qu'il  ne  faut 
pas  recommencer  la  guerre,  ou  bien  qu'elle  sera  désastreuse;  mais 
le  farouche  Kiambalango,  un  des  principaux  chefs,  couvert  de  blessures 
dans  la  dernière  expédition,  est  venu  trouver  le  roi,  pour  lui  raconter 
ses  exploits.  «En  te  quittant,»  lui  a-t-il  dit,  «j'allai  faire  mes  adieux  au 
Katikiro  \  Je  ne  sais  si  tu  me  reverras,  lui  dis-je,  car  maintenant  nous 
ne  sommes  plus  au  temps  des  luttes  corps  à  coi-ps,  oîi  le  brave  pouvait  se 
fier  à  la  force  de  son  bras,  à  sa  valeur  dans  les  combats,  à  son  habileté  à 
manier  le  bouclier  ;  nous  entrons  dans  un  nouveau  genre  de  bataille,  où  la 
main  d'un  lâche,  couché  dans  les  herbes,  peut  mettre  fin  aux  jours  du  plus 
courageux  soldat,  nous  allons  donc  nous  battre  au  fusil,  puisque  le  fusil  est 
démode.  «Je  partis  avec  mes  hommes  ;  arrivés  en  face  du  village  oU  Kabréga 
s'était  fortifié,  nous  résolûmes  de  l'attaquer  aussitôt  pour  ne  pas  le  laisser 
échapper.  Mal  informé  des  dispositions  du  général  en  chef  qui  avait 
remis  le  combat  au  lendemain,  j'allai  me  heurter  avec  ma  seule  divi- 
sion contre  toutes  les  forces  de  Kabréga.  Je  ne  puis  te  décrire  le  combat, 
c'était  un  roulement  de  tonnerre  interminable.  Une  balle  me  frappe  au 
genou  :  je  bande  la  plaie  et  je  continue  à  rallier  mes  troupes;  les 
Wa-Nyoro  tombaient  sous  nos  balles  et  mes  Wa-Ganda  tombaient 
sous  les  leurs.  Une  nouvelle  balle  à  la  cuisse  me  força  à  battre  ^i 
retraite.  J'appris  alors  la  prise  du  village  par  notre  aile  droite  et 
la  mort  du  général  en  chef.  Si  je  n'avais  été  blessé,  j'aurais  pris  le  com- 
mandement et  poursuivi  Kabréga  ;  mais  si  tu  le  veux,  il  n'y  a  rien  de 
perdu;  Kabréga  n'a  plus  d'hommes,  je  les  lui  ai  tous  tués;  retournons 
dans  l'Ou-Nyoro,  la  victoire  ne  saurait  être  douteuse.  Ce  sont  les  lâches 
qui  te  conseillent  la  paix.  J'ai  dit.  »  Là-dessus  le  roi  ne  voulut  plus 
écouter  les  avertissements  des  sorciers,  et  déclara  aux  députés  de 

•  Voy.  la  carte,  VIII"«  année,  p.  32. 
'  Premier  ministre. 


—  217  — 

Kabréga  qu'il  ne  pourrait  être  question  de  paix  que  quand  la  guerre 
aurait  décidé  entre  lui  et  leur  maître.  Tous  les  Wa-Ganda  sont  appelés 
sous  les  armes;  c'est  un  branle-bas  indescriptible  dans  tout  le  pays.  » 

D'autre  part  le  capitaine  Casati,  dans  une  lettre  à  M.  Camperio,  fait 
le  tableau  suivant  des  hordes  auxquelles  on  donne  le  nom  d'armées  dans 
rOu-Nyoro  et  TOu-Ganda.  Représentez-vous  un  essaim  de  5000  à  6000 
hommes,  depuis  des  jeunes  gens  de  15  ans  jusqu'à  des  vieillards  de 
€0  ans,  dans  les  costumes  et  les  équipements  les  plus  diflférents  ;  depuis 
la  garde  du  roi,  munie  de  gibernes,  proprement  vêtue  de  drap  rouge  ou 
de  peaux  de  léopard,  armée  de  fusils  à  percussion,  luisants,  solides,  jus- 
qu'au pauvre  montagnard  portant  un  bâton  noueux  et  les  reins  ceints 
d'un  pagne  crasseux  tissé  de  fibres  d'écorce.  Entre  ces  extrêmes  sont 
représentées  des  variétés  innombrables  d'hommes  pourvus  de  vieux  fusils 
et  de  lances  de  toutes  les  formes  imaginables  ;  l'un  est  vêtu  d'un  morceau 
de  toile  de  coton  vieux  et  sale  ;  un  autre,  du  manteau  national  de  peau  de 
bœuf  ou  d'un  autre  animal,  avec  ornement  de  perles  ou  d'amulettes  parmi 
lesquelles  prévalent  les  cornes  de  chèvres  remplies  d'une  poudre  magique. 
Cette  tourbe  est  divisée  en  bandes,  conduites  chacune  par  un  chef,  et 
reconnaissables  à  leur  équipement,  ou  aux  tambours  que  l'on  porte  après 
elles.  Telle  est  l'armée  du  roi  de  l'Ou-Ganda.  En  vertu  du  principe  : 
divisez-vous  pour  vous  nourrir,  ces  aimées  étendent  leurs  incursions  sur 
un  territoire  considérable  ;  aussi  est-il  rare  que  tous  les  combattants  se 
trouvent  à  une  bataille.  Le  but  que  poursuivent  ces  hordes  est  de  piller 
et  de  détruire  les  propriétés,  de  répandre  la  misère,  plutôt  que  d'acqué- 
rir de  la  gloire  militaire  dans  des  combats  réguliers.  Les  habitations  sont 
fouillées  jusque  dans  les  recoins  les  plus  secrets,  tout  ce  qui  peut  être 
transporté  est  pris,  et  le  reste  est  réduit  en  cendres  avec  les  huttes.  Les 
hommes  se  précipitent  dans  les  champs,  dérobent  ce  dont  ils  ont  beçoin 
pour  le  jour  même,  détruisent  le  reste,  foulent  et  anéantissent  tout.  La 
conséquence  en  est  la  famine,  qui  les  éloigne,  abrège  la  durée  de  l'inva- 
sion, et  empêche  l'exécution  d'aucun  plan  de  campagne  bien  conçu. 
Dans  le  combat  ils  tiennent  bon,  avec  férocité  et  opiniâtreté,  jusqu'à  ce 
qu'ils  soient  relevés  et  remplacés  par  les  hommes  des  derniers  rangs. 
Pendant  la  marche,  au  camp  ou  durant  le  combat,  le  bruit  des  tambours 
et  des  instiTiments  de  guerre  ne  cesse  pas  de  se  faire  entendre  pour 
exciter  le  courage  des  Wa-Ganda. 

Kabréga  possède  plus  de  1000  fusils  dont  il  a  armé  sa  garde.  Celle-ci 
forme  la  force  aimée,  qui,  pour  des  causes  inconnues  à<;Jasati,  n'est  pas 
soutenue  par  les  propriétaires  du  sol  armés  de  lances  et  de  boucliers. 


•  vt  •/ 


/ , 


—  218  — 

L'amaernent  de  la  garde  consiste  en  un  certain  nombre  de  carabines 
Remington,  quelques  fusils  Snider,  et  beaucoup  d'annes  à  percussion, 
provenant  en  partie  de  déserteurs  des  anciennes  garnisons  égyptiennes 
ou  des  gens  du  Lango  *,  qui,  plus  d'une  fois,  ont  infligé  des  défaites  aux 
Égyptiens  ;  les  autres  armes  sont  de  bons  fusils  se  chargeant  par  la 
culasse  ou  à  percussion  achetés  aux  marchands  de  Zanzibar.  Les  gens  de 
rOu-Nyoro  ont  pour  tactique  de  ne  point  s'engager  dans  des  batailles 
sérieuses,  de  ne  jamais  conmiencer  un  combat  en  rase  campagne,  mais 
d'égarer  l'ennemi  et  de  le  harceler  par  des  surprises  et  des  embuscades 
soigneusement  préparées.  Casati  croit  que  l'Ou-Nyoro  renfenne  les  élé- 
ments nécessaires  pour  former  le  noyau  d'une  armée  réelle  solide,  et 
capable  de  se  battre  bien  si  elle  était  bien  commandée.  Il  ne  pense  pas 
que  les  plans  ambitieux  de  Mwanga  puissent  réussir,  étant  donnée 
l'armée  dont  il  dispose  contre  Kabréga. 

La  seconde  expédition  envoyée  par  Mwanga  dans  l'Ou-Nyoro  a  livré 
son  premier  combat  le  27  juin  1887  ;  le  15  juillet,  les  Wa-Ganda  ren- 
traient dans  leur  pays  chargés  d'un  riche  butin.  Kabréga  s'était  enfui  à 
Mrouli.  Casati  était  resté  àDjuaia,sans  être  molesté  par  les  Wa-Ganda. 

Dans  une  lettre  d'Émin- pacha  au  D'  Junker,  le  gouverneur  de 
l'Egypte  équatoriale  explique  que  les  insuccès  de  Kabréga  sont  dus  à 
son  entourage.  Émin-pacha  avait  fait  son  possible  pour  l'engager  à 
adopter  une  conduite  raisonnable.  Il  lui  avait  offert  de  l'ivoire,  des 
cadeaux  et  son  intervention  personnelle  auprès  de  Mwanga,  avec  lequel 
il  est  actuellement  en  bons  rapports.  Mais  l'influence  de  l'entourage  de 
Kabréga  a  tout  gâté.  Casati  s'est  trouvé  dans  une  situation  des  plus  dif- 
ficiles, dont  il  n'a  pu  triompher  que  grâce  à  une  tenue  très  énergique  et 
à  une  démonstration  militaire  faite  du  côté  du  nord  par  Émin-pacha  lui- 
même.  Celui-ci  d'ailleurs  lui  doit  beaucoup,  car  c'est  lui  qui  jusqu'ici  a 
tenu  ouverte  la  route  de  Wadelaï  à  Roubaga.  Si  Casati  quittait  l'Ou- 
Nyoro  pour  se  retirer  à  Wadelaï  ou  pour  se  rendre  dans  l'Ou-Ganda,  les 
communications  de  l'Europe  avec  Émin-pacha  seraient  extrêmement 
compromises.  Elles  l'étaient  déjà,  malgré  la  présence  de  Casati,  par  le 
fait  des  Arabes  qui  sont  auprès  de  Kabréga,  surtout  de  l'un  d'entre  eux, 
Abd-er-Rahman,  trafiquant  de  Zanzibar,  établi  depuis  plusieurs  années 
dans  l'Ou-Nyoro,  «  qui,  »  dit  Émin-pacha,  «  a  ouvert  toutes  les  lettres  à 
moi  expédiées  de  l'Ou-Ganda  par  M.  Mackay  au  mois  de  mai  1887,  et  a 
gardé  quantité  de  lettres  et  de  journaux  sans  que  les  réclamations  adre&- 

*  Au  nord-est  du  Victoria-Nyanza. 


—  219  — 

sées  à  Kabréga  contre  ce  procédé  aient  eu  aucun  succès.  Qu'arriverait-il  si 
nos  lettres  étaient  livrées  sans  contrôle  au  bon  plaisir  de  Kabréga  et  de 
ses  gens  ?  L'arrivée  de  Stanley  est  encore  trop  éloignée,  pour  que  nous 
puissions  nous  reposer  pour  notre  route  postale  sur  un  simple  espoir. 
Casati  restera  donc  aussi  longtemps  qu'il  le  pourra  sans  courir  de  danger 
direct,  et  nous  ferons  tout  pour  assurer  des  communications,  si  ce  n'est 
régulières,  au  moins  occasionnelles  avec  l'Ou-Ganda.  » 

En  ce  qui  concerne  la  province  de  l'Egypte  équatoriale,  Émin-pacha 
avait  fait,  à  la  fin  de  juillet  1887,  un  séjour  d'une  semaine  à  la  station 
de  Msoa,  pour  y  chercher  les  marchandises  que  le  missionnaire  Mackay 
devait  lui  envoyer.  Il  en  avait  profité  pour  faire  des  recherches  botani- 
ques et  zoologique^,  il  y  avait  trouvé  des  plantes  présentant  une  analo- 
gie frappante  avec  la  flore  du  pays  des  Mombouttou,  et  des  oiseaux 
dont  plusieurs  espèces  étaient  nouvelles  pour  lui.  Il  se  proposait  d'y 
retourner  pour  en  explorer  les  environs.  Les  marchandises  envoyées  par 
M.  Mackay  avaient  été  apportées  par  Mohamed-Biri,  Tunisien  établi 
comme  trafiquant  dans  l'Ou-Ganda,  par  l'intermédiaire  duquel  le 
D' Junker  et  Émin-pacha  ont,  de  l'Ou-Nyoro,  noué  des  relations  avec  les 
missiomiaires  de  l'Ou-Ganda.  Parti  de  Roubâga  le  11  avril,  et  arrivé  le 
18  à  la  frontière  de  l'Ou-Nyoro,  Mohamed-Biri  dut  y  attendre  deux  longs 
mois  l'autorisation  de  Kabréga  d'entrer  sur  son  territoire.  Encore  cette 
permission  ne  lui  fut-elle  accordée  que  sur  les  instances  de  Casati,  et 
après  que  le  premier  ministre  Babedongo  et  son  acolyte  Abd-er-Rhaman 
eurent  ouvert  tous  les  colis  et  prélevé  un  fort  tribut  de  chacun  d'eux. 
Mohamed-Biri  dut  encore  séjourner  longtemps  chez  Kabréga  ;  lorsque  la 
résidence  de  celui-ci  eut  été  incendiée  par  les  Wa-Ganda,  il  se  retira  à 
Kibiro,  et  un  certain  nombre  de  colis  se  perdirent,  ftmin-pacha  profita 
d'une  course  qu'il  fit  à  Kibiro  en  vue  de  les  recouvrer,  pour  ravitailler 
Casati  et  lui  envoyer  du  blé,  du  bétail,  etc.  D'après  une  lettre  de  ce 
dernier,  Kabréga  a  nommé,  comme  chef  de  la  partie  occidentale  de  ses 
états,  Njakamitra,  homme  plus  raisonnable  que  Babedongo.  Le  roi  lui- 
même  reste  encore  dans  les  environs  de  Mrouli,  mais  il  a  donné  l'ordre  de 
lui  préparer  une  nouvelle  résidence  sur  les  hauteurs  de  Kavaraïtoki,  à  2 
kilom.  au  N.-E.  de  Djuaia  où  réside  Casati.  Émin-pacha  se  propose  d'aller 
le  voir,  persuadé  que  s'il  avait  pu  lui  faire  visite  précédemment,  il  eût 
prévenu  une  pariie  des  malheurs  qui  ont  fondu  sur  l'Ou-Nyoro. 

Quant  aux  projets  d'avenir  du  gouverneur  de  l'Egypte  équato- 
riale, après  avoir  exprimé  sa  profonde  reconnaissance  envers  tous 
ceux  qui  lui  ont  témoigné  de  la  sympathie  quoiqu'il  fût  un  étran- 


I^L. 


—  220  — 

ger  pour  eux,  Émin-pacha  rappelle  qu'aussi  loagtemps  que  Dieu 
lui  conservera  la  vie,  il  restera  à  son  poste  pour  y  poursuivre  l'œuvre 
qu'il  a  reçue  de  Gordon.  «  D  est  impossible,  »  écritril,  a  de  songer  à 
abandonner  le  terrain  que  nous  occupons  encore  ;  il  ne  peut  pas  en  être 
question.  Ce  n'a  été  que  sous  la  pression  exercée  par  les  événements  que 
j'ai  quitté  pour  un  temps  les  districts  de  Morabouttou,  de  Rohl  et  de 
Latouka  ';  mais,  dès  que  je  le  pourrai,  je  les  réoccuperai  très  certaine- 
ment. Les  stations  que  nous  occupons  maintenant  sont  Rejaf,  Beden, 
Kiri,  Muggi,  Labore,  Khor-Aju,  Dufilé,  Fatiko,  Wadelaï;  en  outre  j'ai 
réoccupé  Wandi,  dans  le  Makaraka,  et  Fadibek.  J'ai  aussi,  sur  le  lac 
Albert,  les  deux  stations  du  Petit  et  du  Grand  Mahagi.  J'ai  abandonné 
Lado,  soit  parce  que  les  nègres  avaient  quitté  ce  district,  soit  parce  qu'il 
était  trop  difficile  de  pourvoir  de  vivres  la  garnison.  Il  y  a  trois  jours 
j'ai  envoyé  une  petite  troupe  dans  la  direction  du  sud-ouest  à  la  recher- 
che de  Stanley  et  d'un  emplacement  convenable  à  l'établissement  d'une 
nouvelle  station  dans  le  district  d'A-Lendou.  J'ai  deux  routes  en  vue 
pour  les  ravitaillements  à  venir  :  l'une  le  long  de  la  rive  occidentale  du  lac 
Albert,d'oii  j'atteindrais,  à  travers  le  Mboga  et  le  district  de  Baltoua,  l'ex- 
trémité septentrionale  du  Tanganyika,  l'autre  par  l'Ouellé-Makoua.Mais, 
pour  me  décider,  je  dois  attendre  le  résultat  de  l'expédition  de  Stanley, 
Sans  doute  la  meilleure  route  pour  nous  serait  actuellement  celle  qui 
conduit  à  la  côte  orientale  par  le  pays  des  Masaï.  Stanley  trouvera  pro- 
bablement que  les  difficultés  de  la  route  du  Congo  sont  presque  insur- 
montables, pour  les  transports  surtout.  Je  connais,  par  expérience,  les 
marécages  presque  infranchissables,  les  rivières  nombreuses,  chargées 
d'une  végétation  flottante,  qui  doivent  entraver  la  marche  d'un  voya- 
geur venant  du  Congo.  D'autre  part,  je  ne  puis  croire  que  l'Angle- 
terre, qui  a  obtenu  de  pouvoir  exercer  son  influence  sur  tout  un  immense 
territoire,  de  Mombas  jusqu'ici,  puisse  songer  à  la  laisser  déchoir.  Elle 
tiendra  à  la  faire  valoir.  Il  sera  donc  nécessaire,  tôt  ou  tard,  de  créer 
des  stations  pour  permettre  aux  marchands  de  traverser  le  pays  en 
sécurité  et  pour  régulariser  les  transports.  La  présence  de  chameaux 
dans  les  districts  de  Lango  et  des  Masaï  offre  la  possibilité  de  réaliser 
ce  projet.  On  peut  donc  estimer  que  l'ouverture  d'une  route  n'est 
qu'une  question  de  temps,  et,  si  je  vis  jusqu'au  jour  oti  l'Angleterre 
commencera  à  l'ouvrir  depuis  la  côte,  je  pourrai  facilement  concentrer 
quelques  troupes,  fonder  quelques  stations,  tendre  la  main  à  ceux  qui 

*  Voyez  la  carte,  IV"«  année,  p.  116, 


—  221  — 

viendront  de  l'est  et  leur  aider.  Je  n'ai  reçu  d'Egypte  aucune  instinio 
tion  quant  à  l'administration  future  de  cette  province,  mais  il  m'est 
impossible  de  l'évacuer.  Nous  verrons  si  le  gouvernement  égyptien 
renonce  à  toutes  prét^tions  sur  ce  territoire,  ou  s'il  se  propose  de  le 
garder  avec  la  responsabilité  qu'entraînera  sa  conservation.  S'il  l'aban- 
donne et  que  de  son  côté,  le  gouvernement  anglais  ne  puisse  annexer 
ces  districts,  alors  se  posera  pour  moi  la  question  que  vous  avez  soulevée, 
de  prendre  une  position  indépendante,  comme  a  fait  le  rajah  de  Sara- 
wak  ;  la  chose  serait  parfaitement  possible.  Les  récoltes  de  cette  année 
sont  heureusement  abondantes.  Les  plantations  de  coton  sont  en  plein 
rapport.  Grâce  à  M.  Mackay,  nous  avons  reçu  de  l'Ou-Ganda  une  quan- 
tité considérable  d'étoffe  pour  chemises,  et  quoiqu'elle  ne  suflBse  pas 
à  répondre  à  tous  nos  désirs,  il  y  en  a  eu  cependant  assez  pour 
en  faire  un  petit  présent  à  chacun.  Le  damoiir,  ou  toile  de  coton  fabri- 
quée par  nous,  étant  plus  approprié  au  service  de  tous  les  jours,  nous 
gardons  les  tissus  de  l'Ou-Ganda  pour  les  jours  de  fête.  Quant  au  com- 
merce, nous  avons  en  abondance  à  l'est,  de  l'ivoire,  des  plumes  d'au- 
truche, des  peaux,  de  l'huile,  de  la  cire,  des  fruits  de  l'arbre  à  beurre; 
à  l'ouest,  de  l'ivoire,  du  caoutchouc,  de  l'huile  de  palme,  des  fourrures, 
etc.  ;  il  y  en  a  de  quoi  alimenter  le  trafic.  L'Angleterre  et  l'Allemagne 
ayant  délimité  leurs  sphères  d'intérêts  respectifs  dans  l'Afrique  orien- 
tale, doivent  maintenant  songer  aux  moyens  de  développer  ces  pays.  A 
mon  avis,  la  première  et  la  plus  importante  décision  à  prendre,  pour 
conserver  la  paix  et  garantir  la  prospérité  de  l'Afrique  centrale,  doit 
être  l'interdiction  absolue  de  l'introduction  de  fusils,  poudre  et  autres 
munitions  de  guerre.  Dans  tous  les  cas  j'ai  encore  devant  moi  beaucoup 
à  faire  ;  si  je  réussis,  avec  l'aide  de  Dieu,  à  en  accomplir  ne  fût-ce  qu'une 
partie,  je  serai  plus  que  récompensé  de  ce  que  j'ai  dû  endurer.  Les  pri- 
vations ne  m'effraient  pas  ;  douze  ans  de  séjour  dans  l'Afrique  centrale 
sont  une  bonne  école  de  renoncement.  » 

D  est  permis  d'espérer  que  la  création  d'établissements,  par  la  nou- 
velle British  East  African  Company,  deMombas  au  lac  Victoria-Nyanza, 
facilitera  la  réalisation  des  plans  d'Émin-pacha,  et  assurera  à  sa  pro- 
vince le  maintien  et  le  développement  de  la  civilisation  qu'il  y  a  portée. 
L'Ou-Ganda  et  l'Ou-Nyoro  eux-mêmes,  réfractaires  jusqu'ici,  ne  pour- 
ront se  soustraire  à  l'influence  qui  les  entourera  de  tous  côtés. 


BIBLIOGRAPHIE  > 

Bel  K(usem  ben  Sedira,  Cours  de  lanoue  kabyle.  Grammaire  et 
yersiona.  Alger  (Adolphe  Jourdan),  18S7,  in-8°,  430  p.  —  On  doit 
déjà  à  l'auteur  de  cet  ouvrage  plusieui-s  livres  sur  la  langue  arabe  ; 
grammaires,  dictionnaires,  cours  de  littérature.  Le  travail  qu'il  présente 
aujourd'hui  au  public  est  la  preuve  qu'il  a  eiiti-epris  d'écrire,  pour  la 
langue  kabyle,  la  même  série  de  manuels.  Bien  que  tils  de  l'Algérie,  il 
manie  la  langue  française  avec  assez  de  facilité  pour  être  bien  compris. 
Il  a,  du  reste,  fait  de  fortes  études  en  France,  h  l'École  normale  de 
Versailles,  et  occupe  aujourd'hui  à  Alger  une  haute  situation  comme 
assesseur  &  la  Cour  d'appel  et  professeur  à  l'École  des  lettres  et  k 
l'École  normale.  Chargé  récemment,  par  le  gouverneur  général  de  l'Al- 
gérie, d'une  mission  chez  les  tribus  du  Djurdjura  et  de  l'arrondissement 
de  Bougie,  il  a  réuni  les  éléments  propres  à  faciliter  l'étude  des  langues 
berbères,  qui  devient  de  plus  eu  plus  nécessaire  aux  fonctionnaires  et 
aux  colons.  C'est  en  parlant  la  langue  des  indigènes  qu'on  parvient  le 
mieux  à  gagner  leur  confiance  et  à  se  les  assimiler.  Le  gouvernement, 
qui  l'a  bien  compris,  a  institué  des  primes  et  des  dipUmes  de  langue 
kabyle;  depuis  six  ans  que  l'examen  de  prime  existe,  dix  candidats  l'ont 
subi  avec  succès  ;  chiflFre  faible  cependant  et  qui  montre  combien  de  pro- 
grès il  y  a  encore  à  faire  dans  la  colonisation  de  l'Algérie, 

Une  grammnire  de  la  langue  kabyle  n'est  pas  chose  facile  à  faire.  Le 
kabyle,  dit  l'auteur,  n'est  pas  une  langue  écrite,  il  n'a  point  d'alphabet, 
ou,  si  jamais  il  en  eut  un,  le  souvenir  s'en  perd  dans  la  nuit  des  temps. 
Depuis  la  conquête  musulmane,  les  nombreuses  populations  qui  parlent 
le  kabyle,  ont  constamment  eu  recours  à  l'idiome  et  à  l'alphabet  arabes 
pour  l'expression  graphique  de  leurs  pensées.  Lorsqu'il  s'agit  de  rédiger 
un  acte  quelconque,  les  gens  s'adre^ent  d'ordinaire  à  un  lettré  ou  au 
cadi.  Les  légendes,  les  poésies,  les  contes  sont  transmis  de  bouche  en 
bouche  et  confiés  à  la  mémoire  des  gens.  M.  Bel  Kassem  ben  Sedira  en 
a  recueilli  un  grand  noml>re,  principalement  chez  les  Beni-Iraten  et  les 
Beni-Fraoucen  du  Djurdjura.  Il  a  dft  les  retoucher  et  les  cla,sser  dans 
un  ordre  convenable  pour  pouvoir  les  communiquer  au  public. 

L'ouvrage  débute  par  uu  résumé  succinct  des  règles  de  la  grammaire. 
Puis  viennent  environ  deux  cents  morceaux  choisis,  de  source  berbère 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  BAle,  tous  les 
ouvrages  doot  il  est  rendu  compte  dans  VÂfrique  ta^lorie  et  ciMlùée. 


r*  * 


—  223  — 

ou  étrangère,  et  variant  comme  longueur  depuis  la  simple  anecdote  de 
quelques  lignes  jusqu'au  récit  de  plusieurs  pages.  Les  uns  sont  des  con- 
tes qui  ont  pour  héros  des  fées,  des  ogres,  des  derviches  et  des  voleurs. 
D'autres  ont  été  empruntés  à  la  littérature  arabe.  Quelques  fables  sont 
d'origine  française,  imitées  de  La  Fontaine  et  de  Florian  ;  elles  ont  été 
mti-oduites  chez  les  Kabyles,  probablement  par  des  jeunes  gens  soi'tant 
des  écoles  arabes-françaises.  Ce  fait  prouve  que  l'influence  de  la  France 
pénètre  progressivement  au  milieu  des  tribus  indigènes,  même  dans  les 
régions  les  moins  civilisées. 

'  A  la  suite  des  contes  se  trouvent  plusieurs  kanouns,  ou  règlements, 
conventions  d'ordinaii*e  confiées  à  la  mémoire  des  vieillards.  Ds  ont  été 
communiqués  à  l'auteur  par  des  hommes  coimaissant  la  législation  cou- 
tumière  et  concernent  surtout  le  mariage,  le  divorce,  l'exclusion  des 
femmes  de  toute  part  d'héritage,  les  prérogatives  auxquelles  ont  droit 
les  orphelins  mineurs. 

L'ouvrage  renferme  encore  une  centaine  de  devinettes  kabyles,  qui, 
sans  avoir  beaucoup  de  charme,  ni  beaucoup  de  finesse,  amusent  les 
indigènes  le  soir,  après  les  travaux  des  champs.  Ce  sont  de  naïfe  jeux 
d'esprit  qui  permettent  de  comprendre  les  idées  et  les  sentiments  de  ces 
populations,  plongées  depuis  des  siècles  dans  une  profonde  ignorance. 

Le  manuel  se  termine  par  quelques  poésies  débitées,  sous  forme  de 
chansons,  par  des  diseui*s  de  profession,  lors  des  fêtes  de  famille  : 
naissances,  circoncisions  et  mariages.  Plusieurs  ne  manquent  pas  d'in- 
térêt. 

Tous  ces  textes  ont  été  transcrits  au  moyen  de  l'alphabet  français  ;  il 
eût  été  peut-être  plus  logique  de  les  écrire  en  arabe,  mais  cela  aurait 
imposé  au  lecteur  la  connaissance  préalable  de  cette  dernière  langue. 
Avec  la  traduction  et  le  vocabulaire  qui  l'accompagnent,  ce  cours  ren- 
dra de  très  grands  services  à  tous  les  fonctionnaires,  soldats,  colons 
ou  négociants,  qui  ont  l'intention  de  se  fixer  au  milieu  de  ces  populations 
algériennes  auxquelles  on  s'intéresse  tant  et  que  l'on  connaît  si  peu. 

J.'M,  Leroux.  Essai  de  dictionnaire  Français-Haoussa  et  Haoussa- 
Français.  Alger  (A.  Jourdan),  1886,  in-4",  330  p.  et  carte.  —  Au  moment 
oii  la  France  cherche  à  pénétrer  dans  le  Soudan  par  le  Sénégal  et  le 
Niger,  le  livre  que  nous  annonçons  n'est  pas  sans  un  certain  intérêt  pra- 
tique, qui  s'ajoute  à  l'intérêt  scientifique  qu'inspire  une  œuvre  de  cette 
nature.  La  langue  haoussa  est  parlée  dans  le  Soudan  central,  surtout  à 
l'est  du  Niger  moyen,  c'est-à-dire  dans  la  région  dont  le  marché  princi- 


—  224  — 

pal  est  Kano,  que  Barth  et  les  voyageurs  venus  après  lui  décrivent 
comme  une  ville  populeuse  et  très  commerçante.  C'est  vers  ce  point  que 
se  dirigent  un  grand  nombre  de  caravanes  venant  des  différents  pays  du 
Soudan  et  de  la  région  méditerranéenne.  La  langue  haoussa  est  donc 
utile  à  connaître  non  seulement  au  point  de  vue  philologique,  mais  aussi 
à  cause  des  relations  que  la  France  voudrait  nouer  avec  ces  pays.  M. 
Leroux  n'a  jamais  vu  le  Haoussa;  il  occupe  les  fonctions  de  chef  du 
bureau  arabe  de  Bou-Saada,  fonctions  qui  lui  laissent  probablement 
des  loisirs,  puisqu'il  a  pu  composer  le  gros  volume  qu'il  offre  au  public. 
L'intérêt  de  ce  travail  réside  en  partie  dans  la  manière  dont  il  a  été 
rédigé.  L'auteur  s'est  servi  des  nègres  haoussa  qu'il  a  rencontrés  en 
Algérie.  Il  a  surtout  utilisé  les  renseignements  fournis  par  ime  Souda- 
nienne  mariée  à  un  nègre  algérien.  Originaire  de  Kano,  elle  fut,  à  l'âge 
de  vingt  ans,  emmenée  au  Bornou  par  des  ravisseurs,  puis  vendue  à  des 
Touaregs,  qui  la  cédèrent  à  des  Mzabites;  ceux-ci  la  conduisirent  à 
Alger  où  elle  recouvra  la  liberté.  Conmie  elle  parle  parfaitement  le 
haoussa,  elle  put  compléter  et  contrôler  les  indications  fournies  à  M. 
Leroux  par  les  nègres  qu'il  avait  précédemment  consultés. 

Après  quelques  pages  de  préface,  l'ouvi'age,  qui  est  autographié  et 
non  imprimé,  renferme  les  rudiments  de  la  grammaire  haoussa,  c'est- 
à-dire  les  règles  essentielles  sur  le  genre,  la  formation  du  pluriel, 
l'emploi  des  pronoms,  des  adverbes,  des  prépositions,  etc.  Ensuite  com- 
mence le  dictionnaire.  Comme  il  n'existe  pas  d'alphabet  haoussa,  atten- 
du que  les  nègres  du  Soudan  emploient  les  caractères  arabes,  l'auteur  a 
traduit  les  sons  de  la  langue  haoussa  en  lettres  arabes.  Toutefois  ces 
caractères  ne  sont  pas  suflBsants  pour  rendre  les  différentes  intonations 
de  la  langue  des  nègres  ;  aussi  M.  Leroux  a-t-il  employé  simultanément 
l'alphabet  français,  ce  qui  facilitera  singulièrement  l'intelligence  de  cet 
ouvrage  pour  le  public  auquel  il  est  spécialement  destiné.  Ainsi,  à  côté 
de  la  traduction  en  haoussa  de  chaque  mot  français,  se  trouve  la  manière 
de  prononcer  le  mot  haoussa  en  lettres  françaises  et  en  lettres  arabes. 
En  outre,  la  traduction  de  chaque  mot  est  accompagnée  d'une  phrase 
en  haoussa,  ce  qui  permet  au  lecteur  de  se  familiariser  avec  la  langue  en 
apprenant  quel  rôle  jouent  les  mots  dans  la  conversation. 

Nous  n*avons  pas  besoin  d'insister  davantage  sur  l'importance  de  cçt 
essai  de  dictionnaire,  qui  a  exigé  un  travail  considérable. 


—  225  — 

BULLETIN  MENSUEL  (  6  août  1888'). 

Des  fouilles  intéressaates  ont  été  exécutées  à  Cherchell,  sous  la 
direction  de  M.  Vaille,  professeur  à  l'école  des  lettres  d'Alger,  et  à 
Tinii^m,  sous  ceDe  de  M.  Duthoit.  Dans  cette  dernière  localité  a  été 
exhumée  une  cité  antique  qui  rappelle  les  merveilles  de  Pompéi,  tout  un 
quartier  avec  ses  rues,  son  dallage  creusé  d'ornières,  ses  boutiques,  son 
forum,  ses  arcs  de  triomphe.  A  Cherchell,  ce  sont  des  thermes  publics, 
une  copie  réduite,  cependant  importante  et  luxueuse,  des  monuments 
analogues  de  Rome.  Les  inscriptions  les  plus  nombreuses  sont  du  règne 
de  Caracalla.  Il  y  a  cependant  aussi  une  stèle  contemporaine  des  rois 
indigènes,  portant  une  inscription  néo-punique.  On  y  voit  une  scène  de 
sacrifice;  le  prêtre  fait  la  libation  préliminaire  sur  la  tête  d'un  bœuf, 
La  décoration  présente  un  mélange  d'art  grec  et  d'art  égyptien,  carac- 
tère que  l'on  rencontre  vers  la  même  époque  en  Syrie,  en  Cyrénaïque, 
en  Tunisie  et  en  Algérie. 

Le  cardinal  Lavigerie  qui,  depuis  vingt  ans,  prépare  à  Alger  des 
missionnaires  pour  l'intérieur  de  l'Afrique,  a  reçu  de  Léon  Xin  l'ordre 
de  recommander  à  tous  les  missionnaires  qu'il  envoie  de  consacrer  tou- 
tes leurs  forces  à  faire  cesser  le  trafic  des  esclaves  et  l'esdavage.  Après 
avoir  prêché  à  Paris  sur  l'abolitton  de  l'esclavage  en  Afrique,  et 
rappelé  ce  que  la  France,  l'Angleterre  et  l'Italie  ont  déjà  fait  à  cet 
égard,  le  cardinal  a  recommandé  l'organisation  d'une  croisade  pacifique 
dont  il  se  fera  l'apôtre,  pour  émouvoir  l'opinion  publique  en  faveur  de  la 
cause  des  esclaves  qui  est  celle  de  l'humanité. 

La  navigation  de  nuit  dans  le  canal  de  Saez  s'est  beaucoup  accé- 
lérée depuis  l'application  de  l'éclairage  électrique  aux  navires  qui  le 
traversent.  Les  règlements  prescrivent  que  chaque  navire  doit  avoir  sur 
le  pont  des  feux  électriques.  Un  certain  nombre  de  paquebots  peuvent, 
au  moyen  de  leur  installation  même,  satisfaire  à  cette  prescription,  mais 
la  plupart  des  navires  ne  sont  pas  dans  ce  cas.  Pour  permettre  à  ces 
derniers  de  transiter  de  nuit,  des  appareils  électriques  portatifs  peuvent 
être  hissés  à  bord  à  Suez  et  à  Port-Saïd  en  un  quart  d'heure  à  peine. 

*  Les  matières  comprises  dans  nos  BtiUetins  mensuéla  et  dans  les  NowûéUes  com- 
pUmenUjdres  y  sont  classées  suirant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
rerenant  par  la  côte  occidentale. 

L'iFRIQUE.   —   KECVIÈME   ANNÉE.  —   N°   8.  8 


—  226  — 

L'économie  de  temps  qui  en  résulte  est  de  11  heures,  environ  la  moitié 
du  temps  employé  naguère.  Pour  que  ces  appareils  soient  mis  à  bord  à 
l'arrivée  des  steamers,  sans  perte  de  temps,  il  suffit  aux  capitaines  de 
télégraphier  à  Port-Saïd  ou  à  Suez  la  date  probable  de  leur  arrivée. 

La  Société  de  géographie  de  Paris  a  reçu,  par  Tentremise  de  M.  An- 
toine d'Abbadie,  une  lettre  de  H.  Jules  Bop^li  qui  explore  actud- 
lement  le  pays  au  S.-O.  du  Choa,  et  donne  quelques-uns  des  résultats 
géographiques  de  son  voyage  d'Antotto  àJiren,  situé  par  7%42'  lat. 
nord  et  34°, 35'  long.  Est.  Un  des  principaux  résultats  est  la  découverte 
des  sources  de  THaouasch,  au  pied  du  mont  Ifata  à  l'extrémité  de  la 
chaîne  des  monts  Meca,  et  non  près  du  mont  Dandi  comme  on  le  croyait 
jusqu'ici.  Au  sommet  de  ce  dernier  pic,  l'explorateur  a  trouvé  un  lac 
double  ayant  la  forme  d'un  S,  d'une  étendue  et  d'une  profondeur  consi^ 
dérables.  De  ce  lac  sort  un  affluent  du  Gudar  et  de  l'Abbay.  M.  Borelli 
a  aussi  découvert  un  lac  profond  dans  l'immense  cratère  du  mont  Harro  ; 
et  il  en  décrit  les  environs  conmie  étant  d'une  beauté  incomparable;  tes 
indigènes  l'appellent  le  lac  Wanci  ;  il  en  sort  une  rivière  qui  rejoint  la 
Walga  dont  la  source  se  trouve  au  sommet  du  mont  Harro.  A  l'époque 
où  écrivait  M.  Borelli  (janvier  1888),  il  était  sur  le  point  de  partir  de 
Jiren.  Son  intention  était  de  traverser  le  mont  May  Gudo,  au  S.-O.  de 
Jiren,  pour  se  rendre  dans  le  pays  de  Callalaka,  et  de  là  au  mont  Kaf- 
faria,  d'oii  il  comptait  faire  le  relevé  du  pays  de  KuUo.  Le  D'  Tr»verai 
explorateur  italien  a  fait  une  excursion  dans  la  région  montagneuse 
d'Urbaragh,  à  l'^t  de  la  contrée  étudiée  par  M.  Borelli. 

Le  journal  anglais  Nature  a  publié  dernièrement  une  lettre  d'fiiniii- 
pacha  relative  à  la  fréquence  des  accidents  causés  par  la  foudre  sous 
les  tropiques,  pour  rectifier  une  erreur  généralement  répandue  provenant 
du  fait  que  les  publications  relatives  à  l'Afrique  parlent  rarement  des  dé- 
gâts causés  par  la  foudre  et  de  l'emploi  des  paratonnerres  sous  les  tropi- 
ques. Grâce  à  une  résidence  inintenx)rapue  de  douze  ans  dans  les  provinces 
égyptiennes  équatoriales,  Ëmin-pacba  peut  donner  des  renseignements 
précis  à  cet  égard.  Il  fournit  une  liste  de  25  accidents  causés  par  la  fou- 
dre, de  1878  à  1886,  dans  les  différentes  stations  de  son  gouvernement  : 
personnes  tuées,  arbres  renversés,  maisons  incendiées,  etc.  a  Certes,  » 
ajoute-t-il,  «  la  liste  est  loin  d'être  complète,  car  ayant  été  presque 
constamment  en  voyage  pendant  les  années  1878-1880,  je  n'ai  pu  recueil- 
lir tous  les  renseignements  désirables.  Si  les  voyageurs  ne  font  que 
rarement^ mention  de  coups  de  foudre  destructeurs,  c'est  probablement 
à  cause  de  la  courte  durée  des  séjours  qu'ils  font  dans  les  lieux  où  ils 


r^ 


—  227  — 

s'arrèteat.  Dans  son  livre  :  Au  cœur  de  V Afrique^  Schweinfurth  rap- 
porte un  coup  de  foudre  qui  tua  six  femmes.  Je  dois  faire  remarquer 
que  dans  i'Ou-Nyoro  et  TOu-Gtenda,  région  dont  Taltitude  est  plus  forte 
que  celle  du  Soudan  égyptien,  les  coups  de  foudre  sont  aussi  plus  fré- 
quents. L'Ou-Ganda  est  la  seule  région  qui  possède  un  paratonnerre  ; 
il  a  été  {dacé  par  M.  Mackaj  sur  le  palais  du  roi  Mwanga.  Le  Mom- 
bouttou,  quoique  moins  élevé  que  l'Ou-Granda  et  TOu-Nyoro  est  cepen- 
dant connu  pour  la  fréquence  des  coups  de  foudre  destructeurs.  A  Fas- 
hoda,  Khartoum  et  Berber,  situés  plus  au  nord,  les  coups  de  foudre 
sont  très  rares;  dans  le  S^naar,  ils  le  sont  moins.  Les  Arabes  du  Sou- 
dan sont  convaincus  que  chaque  coup  de  foudre  est  accompagné  de  la 
chute  d'une  météorite  ferrugineuse.  Celui  qui  peut  s'approprier  un  mor^ 
eeau  de  fer  météorique  est  considéré  comme  un  heureux.  Les  couteaux 
et  les  glaives  faits  de  ce  fer  passent,  en  effet,  pour  rendre  invulnérables 
dans  les  combats  ceux  qui  les  portent,  et  ils  les  protègent  pour  l'avenir 
contre  les  atteintes  de  la  foudre.  Si  le  cheik  Nasr,  chef  des  Takkala,  a 
pu  résister  aux  Égyptiens,  c'est,  dit-on,  grâce  à  un  glaive  fait  de  fer 
météorique.  Les  Arabes  croient  aussi  que  le  feu  allumé  par  la  foudre  ne 
peut  être  éteint  que  si  l'on  y  jette  un  peu  de  lait.  » 

Tandis  que  tous 'les  regards  sont  fixés  sur  le  lac  Albert  et  Wadelaï, 
ou  sur  l'Arououimi  et  le  camp  de  Yambouya,  pour  chercher  à  quel 
point  de  son  itinéraire  peut  se  trouver  Stanley ,  c'est  de  Souakim 
qu'arrive  la  nouvelle,,  invraisemblable  au  premier  abord,  de  son  appari- 
tion dans  la  région  du  Bahr-el-Ghazal.  Quoiqu'elle  nous  fut  déjà  parve^ 
nue  lorsque  nous  rédigions  notre  précédent  numéro,  nous  n'avions  pas 
cru  devoir  nous  y  arrêter,  la  prenant  pour  un  de  ces  produits  d'imagi- 
nations impatientes  qui  ont  besoin  de  croire  à  des  fables  à  défaut  de 
nouvelles  certaines.  Sans  vouloir  anticiper  le  moment  où  la  certitude 
nous  sera  fournie  par  un  rapport  officiel,  nous  devons  dire  que  les  rela- 
tions venues  de  Londres  et  de  Bruxelles  font  paraître  aujourd'hui  la 
chose  comme  moins  invraisemblable.  Le  Times,  en  effet,  a  publié  une 
lettre  de  M.  Frédéric  Villiers  qui,  à  propos  du  «pacha  blanc»  dont  l'ar- 
rivée dans  le  Bahr-el-Ghazal  a  mis  tout  le  monde  en  émoi,  rappelle  un 
'entretien  qu'il  a  eu  avec  Stanley  lors  de  l'échec  de  l'expédition  qui  avait 
pour  but  de  délivrer  Khartoum.  «  Au  cours  de  cet  entretien,  »  dit  M.  Vil- 
liers, 0  Stanley  me  fit  observer  qu'une  force  armée  indigène,  sous  la 
direction  d'hommes  blancs,  pourrait  créer,  en  s'avançant  par  le  Congo, 
une  diversion  des  plus  sérieuses  sur  le  flanc  du  mahdi.  Les  Soudanais 
ne  s' attendant  pas  à  une  attaque  de  ce  côté,  rien  que  la  nouvelle  de  la 


«     •• 


—  228  — 

marche  en  avant  de  nouveaux  adversaires  produirait  un  grand  effet 
moral.  Ces  paroles  de  Stanley  prouvent  quMl  avait  déjà  h  cette  époque 
conçu  le  projet  de  marcher  sur  Khartoiun  par  la  voie  du  Congo,  mal- 
gré  les  grandes  difficultés  que  présentait  cette  route.  »  De  son  côté  sir 
Francis  de  Winton  a  exprimé,  dans  une  séance  de  la  Société  de  géogra- 
phie de  Londres,  l'opinion  que  le  pacha  blanc  ne  peut  être  que  Stanley 
et  que  Ton  peut  s'attendi*e  à  recevoir  sous  peu  des  nouvelles  directes  de 
lui.  Enfin  le  rapport  fait  h  Souakim  par  les  pèlerins  venus  du  Darfour  à 
la  Mecque,  mentionnant  la  présence  d'Européens  dans  le  bassin  du 
Bahr-el-Ghazal,  confirme  l'opinion  de  M.  Villiers  et  de  sir  Francis  de 
Winton.  Laissant  pour  le  moment  de  côté  la  question  de  la  mardie  sur 
Khartoum,  l'arrivée  de  Stanley,  non  sur  le  fleuve  Bahr-el-Ghazal,  mais 
dans  la  province  égyptienne  du  Bahr-el-Ghazal  dont  Lupton-bey  était 
gouverneur,  située  un  peu  au  N.-O.  de  la  province  équatoriale  d'Émin- 
pacha ,  est  moins  invraisemblable  qu'elle  ne  paraissait  au  premier  mo- 
ment. Les  esprits  s'étaient  accoutumés  à  l'idée  que,  du  camp  de  Yam-^ 
bouya,  Stanley  se  dirigeait  à  l'est  pour  gagner  en  ligne  droite  l'extré- 
mité du  lac  Albert  oîi  des  vapeurs  viendraient  prendre  les  hommes  de 
son  expédition.  Au  lieu  de  cela,  si  la  nouvelle  se  confirme,  U  aurait,  du 
camp  de  Yambouya,  après  avoir  suivi  un  certain  temps  l' Arououimi,  tiré 
au  N.-E.,  traversé  la  région  des  sources  de  la  Nepoko,  du  Bomokandi 
et  du  Kibali  \  et  serait  arrivé  dans  la  province  du  Bahr-el-Ghazal  d'oîi, 
en  inclinant  à  l'est,  il  pouvait  facilement  rejoindre  Émin-pacha  à  Wa- 
delaï.  Pour  ceux  qui  connaissent  Stanley  et  son  goût  pour  les  surprises,, 
celle-ci  n'aurait  rien  d'extraordinaire,  elle  rentrerait  même  entièrement 
dans  ses  habitudes.  Attendons  cependant  la  confirmation  de  la  rencontre 
des  deux  explorateurs,  avant  d'imaginer  des  plans  de  descente  vers  les 
régions  occupées  par  les  armées  du  mahdi. 

Les  missionnaires  allemands  établis  à  Ngao  sur  la  Tana,  dans  le  pays 
de  IVItoa,  ont  vu  leur  station  envahie  par  une  bande  de  Somalis.  Les 
Wapokomo  au  milieu  desquels  ils  se  sont  établis  ont  eu  le  temps  de  se 
réfugier  de  l'autre  côté  de  la  rivière.  Les  missionnaires  eux-mêmes  ont 
pu  monter  sur  de^  pirogues  avec  une  partie  de  leurs  effets  et  descendre  à  la 
station  de  Golbanti,  où  le  missionnaire  méthodiste  noir,  M.  During,  leur  a 
offert  l'hospitalité.  Après  avoir  pillé  ce  qui  restait  dans  la  station  de  Ngao» 
les  Somalis  y  mirent  le  feu  et  réduisirent  le  village  en  cendres,  puis  ils  se 
retirèrent.  Les  Wapokomo  sont  restés  attachés  aux  missionnaires,  avec 

'  Voyez  la  carte  des  explorations  du  D'  Junker  rur  le  haut  Quelle,  IV"«  année^ 
p.  116. 


T — 7î- 


—  229  — 

lesquels  ils  travaillent  à  la  reconstruction  de  la  station  et  du  village, 
pour  lesquels  sera  réclamée  la  protection  du  sultan  de  Witou. 

L'expédition  du  comte  hongrois  Teleki  a  atteint  en  novembre  de 
l'année  dernière,  le  lac  Baringo,  en  suivant  à  peu  près  les  itinéraires  de 
Thompson  en  1883,  et  de  Fischer  en  1886,  du  Kilimandjaro  à  travers  les 
territoires  de  Kikouïou  et  de  Leikipia.  Gomme  Fischer,  le  comte  Teleki 
a  rencontré  une  opposition  violente  de  la  part  des  habitants  de  Kikou- 
ïou, avec  lesquels  il  a  eu  à  soutenir  toute  une  série  de  combats  sérieux. 
De  Leikipia,  il  s'est  dirigé  vers  le  Kénia  dont  il  a  fait  l'ascension  jusqu'à 
une  hauteur  de  4500",  la  limite  des  neiges  permanentes  ;  il  estime  qu'il 
est  plus  élevé  que  le  Kilimandjaro.  Le  Kénia  est  un  cratère  couvert  de 
neige  d'un  diamètre  de  sept  kilomètres  et  demi.  De  son  arête  s'élèvent 
deux  pointes,  vues  déjà  par  Krapf ,  tandis  que  Thompson  met  leur  exis- 
tence en  doute.  Teleki  se  disposait  à  continuer  sa  marche  vers  le  lac 
Sambourou,  mais  il  avait  à  lutter  contre  de  grandes  difficultés  pour  se 
procurer  les  provisions  nécessaires. 

Les  colons  de  Natal  ne  trouvant  pas  chez  les  Cafres  ou  chez  les  Zou- 
loos  de  la  colonie  les  travailleurs  dont  leurs  plantations  ont  besoin,  ont 
fait  venir  des  Lides  des  coolies,  dont  l'établissement  dans  l'Afrique 
australe  n'est  vu  de  bon  œil  ni  dans  la  colonie  du  Cap,  ni  dans  l'État 
libre  de  l'Orange,  ni  au  Transvaal.  A  ce  propos,  M.  le  D'  John  Drum- 
mond,  qui  pendant  les  18  derniers  mois  a  surveillé  le  transport  de  1500 
Hindous,  a  fourni  au  Cape  Argus,  sur  les  conditions  d'engagement  de 
ces  coolies  hindous,  des  renseignements  d'oU  nous  extrayons  ce  qui 
sait  :  Les  planteurs  réclament  un  travail  bien  fait  et  à  bas  prix  ;  pour 
l'année  prochaine,  il  est  question  de  faire  venir  3000  immigrants  ;  une 
nouvelle  agence  a  été  établie  à  Calcutta  pour  faciliter  le  recrutement  et 
l'embarquement  de  ce  grand  nombre  de  travailleurs.  Les  coolies  s'en- 
gagent à  rester  dix  ans  dans  la  colonie.  Pendant  la  moitié  de  ce  temps, 
ils  sont  loués  à  un  maître  spécial,  puis  ils  peuvent  faire  leur  propre 
choix,  ou  bien  faii*e  de^  petites  affaires  pour  leur  propre  compte.  A  l'ex- 
piration de  leur  engagement,  on  leur  remet  un  billet  de  retour  poui* 
leur  pays  natal.  L'année  dernière,  le  nombre  des  départs  de  coolies 
pour  l'Inde  fut  plus  considérable  que  celui  des  arrivées,  vu  le  grand 
nombre  des  enfants  de  coolies  nés  dans  la  colonie  et  qui  repartirent 
avec  leurs  parents.  On  est  très  soigneux  dans  le  choix  des  travailleurs 
en  ce  qui  concerne  leur  santé,  leur  force,  leurs  habitudes  antérieures. 
Tous  subbsent  un  examen  médical  devant  une  commission  à  laquelle 
appaitiennent  les  médecins  des  navires  sur  lesquels  ils  seront  embar- 


—  230  — 

qués.  Leurs  intérêts  sont  confiée  à  un  fonctionnaire  du  gouverne- 
ment, leur  Protecteur,  auquel  chacun  d'eux  peut  faire  appel,  et  sani»  la 
sanction  duquel,  agents,  capitaines,  médecins,  ne  peuvent  rien  faire. 
C'est  lui  qui  examine  avec  soin  le  navire,  la  quantité  et  la  qualité  des 
provisions,  Peau,  tout  ce  dont  les  immigrants  ont  besoin  pendant  le 
voyage.  Après  l'embarquement,  le  médecin  en  chef  est  responsable  de 
leur  bon  traitement,  n  tient  registre  des  naissances  ou  des  décès  qui 
peuvent  survenir,  des  maladies  et  du  traitement  appliqué  à  chaque  cas 
particulier.  Un  duplicata  en  est  remis  au  Protecteur  aux  Indes  et  à 
celui  de  Natal.  Un  tiers  des  émigrants  sont  des  femmes  ;  les  hommea 
accoutumés  aux  travaux  des  champs,  des  routes,  etc.,  sont  vigoureux  et 
font  des  travailleurs  très  utiles.  Bs  se  contentent  d'ordinaire  de  peu  de 
chose,  leurs  besoins  ne  sont  pas  grands,  leurs  habitudes  de  simplicité 
leur  permettent  d'économiser  pour  le  moment  oii  ils  s'établiront  dans  la 
colonie  ;  dix  shellings  par  mois  en  sus  de  leur  nourriture  et  de  leur 
logement  leur  paraissent  une  fortune.  Après  35  ans  de  service,  ils  sont 
en  position  de  commencer  de  petites,  affaires  ou  de  cultiver  un  morceau 
de  terrain  pour  leur  propre  compte.  S'ils  retournent  aux  Indes,  ils 
emportent  leur  argent  avec  eux.  Avec  une  population  indigène  nom- 
breuse comme  ceUe  de  l'Afrique  australe,  il  semble  étrange  de  faire 
venir  des  travailleurs  hindous,  mais  jusqu'à  ce  que  les  Cafres  aient 
appris  à  travailler  régulièrement  au  mois  et  à  l'année,  les  planteurs 
devront  faire  appel  aux  bras  du  dehors  pour  la  culture  de  leurs  terres. 
Un  correspondant  du  Cape  Argots,  qui  a  résidé  dans  le  Be-Chuana- 
land,  lui  écrit  au  sujet  de  l'esclavage  qui  existe  encore  dans  le 
Kalahari,  qu'il  a  vu  en  plusieurs  endroits  des  esclaves  battus  jusqu'à 
en  mourir  ou  traités  avec  inhumanité  et  brutalité.  «  Les  Ba-Kalahari,  » 
dit-il,  «  tributaii'es  des  Ba-Ngwahetjé  et  des  Ba-Rolong,  étaient  pillés  et 
maltraités  par  eux.  Les  Ba-Lala  et  les  Kattia,  ou  Ka-Tiaka,  et  les 
Bushmen,  préfèrent  endurer  dans  le  désert  toutes  sortes  de  privations 
plutôt  que  de  s'exposer  aux  traitements  inhumains  de  leui*s  maîtres,  les 
Be-Chuana.  Ceux-ci  leur  donnent  ou  un  chien  pour  chasser  les  chacals, 
ou  un  vieux  mousquet  et  quelques  munitions  pour  poursuivre  l'autruche  ; 
puis  ils  leur  réclament  toutes  les  peaux  ou  toutes  lés  plumes  ;  si  les  pau- 
vres Ba-Lala  ou  Bushmen  ne  livrent  pas  immédiatement  tout,  ils  sont 
battus,  pillés,  parfois  même  tués  ;  leurs  femmes  et  leurs  enfants  subis- 
sent le  même  sort.  Sous  prétexte  de  chasse,  beaucoup  de  Nama  et  de 
Griqua  ne  font  pas  autre  chose  que  de  chercher  à  découvrir  les  kraals 
de  ces  pajuvres  gens  pour  les  dépouiller  et  les  massacrer.  Le  chef  Nama 


—  231  — 
Dirk  Vlander  nie  qu'il  ait  des  Bushmen,  et  que  ceux-ci  soient  traitée 
comme  des  esclaves  ;  il  affirme  que  les  Bushmen  eont  libres.  £t  cepen- 
dant BGs  &ls,  ses  neveux,  presque  toute  sa  ti-ibu,  tiennent  des  Bushmen 
d&n^  un  état  de  servitude,  et  lui  a  sa  part  de»  gains  faits  par  les  Busfa- 
meo  que  détiennent  ses  fils.  Il  a  donné  ses  Bushmen  à  ses  fils,  mais 
quaod  il  en  a  besoin,  on  les  lui  cède  volontiers.  11  ne  leur  est  pas  permis 
de  s'engager  pour  un  service  sans  le  consentement  de  leura  maîtres,  qui 
perçoivent  leurs  gains.  Ils  ne  revivent  ni  nourriture,  ni  vêtements.  S'ils 
attrapent  une  pièce  de  gibier^  la  peau  est  pour  leur  maître;  si  un 
étranger  les  emploie,  leur  maître  réclame  le  paiement  ;  s'ils  s'enfuient, 
ils  sont  poursuivis  et  ramenés.  Cependant  ceux  qui  les  traitent  ainsi 
habitent  un  pays  placé  sous  le  protectorat  britannique! 

M.  E.-W.  Paraoné,  membre  de  la  Société  de  géographie  de  Lon- 
dres, attaché  au  service  de  la  Compagnie  des  télégraphes  de  l'Afrique 
occidentale,  &  envoyé  aux  Proceedings\ni  rapport  d'oii  nous  extrayons  ce 
qui  suit  sur  Hoss&médda  et  Bengnél&.  A  rexceptiba  de  Loanda, 
dit-il,  Mossamédès  est  le  plus  beau  port  de  la  côte  occidentale  d'Afri- 
que :  celui  de  Mossamédès  est  même  plus  grand,  l'eau  en  est  aussi  plus 
profonde,  et  permet  aux  navires  de  s'approcher  davantage  de  la  ville.  Il 
est  même  question  de  créer  un  dock  à  sec.  et  d'en  faire  la  station  navale 
de  la  côte.  Dans  tous  les  cas,  cette  localité  peut  prendre  une  grande 
importance,  si  l'on  fait,  pour  ouvrir  le  sud  de  l'Angola  à  la  colonisation 
et  au  commerce,  quelque  chose  de  plus  i{ue  ce  qu'on  a  fait  jusqu'à  présent. 
Le  commerce  avec  l'intérieur  a  beaucoup  souffert  du  manque  de  routes 
et  de  porteurs.  L'exportation  consiste  eu  coton,  caoutchouc,  poisson 
séché,  bétail  et  un  peu  d'ivoire.  Le  développement  futur  de  ce  district 
dépend  surtout  des  colonies  de  l'intérieur,  dont  trois  sont  établies,  la 
première  à  Sa-da-Baudeira,  la  seconde  k  Huilla,  la  troisième  à  San-Ja- 
nuario,  k  une  altitude  de  500°  à  G00°,  et  à  une  distance  de  la  côte  de 
1£0  kilom.  à  225  kilom.  Les  colons  ne  demandent  qu'une  route  pour 
pouvoir  amener  à  la  côte  les  produits  abondants  du  soi  qu'ils  cultivent. 
Benguéla,  quoique  située  sur  la  côte,  n'est  pas  le  centre  commercial  du 
district.  Les  agents  des  différentes  maisons  de  commerce  y  ont  bien  leurs 
demeures  et  leurs  magasins,  mais  c'est  à  Catumbella,  à  30  kilom.  à 
l'intérieur,  que  se  font  presque  toutes  les  affaires,  et  c'est  là  que  les 
Dégociants  ont  leure  principaux  comptoirs.  Les  deux  localités  sont 
reliées  par  le  téléphone,  qui  est  d'un  usage  général  à  Benguéla.  Les 
importations  consistent  surtout  en  caoutchouc  de  première  qualité, 
en  ivoire,  en  peaux  et  en  café.  Les  territoires  situés  h  l'intérieur  et  au 


—  232  — 

sud  promettent  beaucoup  ;  il  est  question  de  les  relier  k  la  côte  par  des 
voies  ferrées  ;  les  tracés  en  ont  déjà  été  relevés.  D  s'agirait  d'abord  de 
relier  Benguéla  à  Caconda,  à  huit  jours  de  marche,  soit  200  kilom.  de 
la  côte  ;  de  là,  une  ligne  conduirait  au  Bihé,  à  400  kilom.  plus  loin,  et 
une  autre  à  Limbinguès,  à  200  kilom.  de  Caconda.  Ces  localités, 
situées  sur  le  plateau,  offrent  toutes  les  conditions  nécessaires  pour  la 
colonisation  ;  elles  sont  fertiles,  salubres,  propres  à  l'élève  du  bétail,  et 
renferment  de  grandes  richesses  minérales.  Pendant  les  derniers  mois, 
le  commerce  de  caoutchouc  a  pris  une  grande  extension  à  Benguéla, 
grâce  à  l'introduction  par  les  natifs  d'une  nouvelle  sorte  de  cette 
gomme,  qui  s'est  vendue  à  des  prix  élevés.  M.  Parsoné  Ta  examinée; 
elle  lui  a  paru  aussi  pure  que  possible.  Comme  d'autres  caoutchoucs 
d'Afrique,  il  y  en  a  de  deux  qualités,  l'une  extraite  de  la  plante,  l'autre 
de  la  racine.  Jusques  il  y  a  peu  de  temps,  celle-là  tenait  la  première 
place  sur  le  marché  ;  mais  grâce  à  certains  éléments  spéciaux  que  l'on  a 
découverts  dans  la  gomme  extraite  de  la  racine,  celle-ci  se  vend  actuel- 
lement à  des  prix  plus  élevés.  Autrefois  les  caravanes  employaient  de 
huit  à  neuf  mois  pour  rapporter  à  la  côte  leurs  charges,  qui  consistaient 
en  caoutchouc  ordinaire  extrait  des  arbres  des  forêts  ;  maintenant  elles 
sont  de  retour  au  bout  de  trois  mois,  rapportant  un  article  supérieur  en 
plus  grande  abondance.  Il  y  a  lieu  de  croire  que  les  natife  ne  l'extraient 
pas  des  arbres,  le  temps  leur  manquerait  pour  se  rendre  à  la  région  des 
forêts  et  en  revenir,  mais  qu'ils  ont  découvert  à  une  distance  moindre 
quelque  liane  ou  arbuste  qui  fournit  la  gomme.  On  espère  recevoir  pro- 
chainement des  spécimens  de  la  plante  elle-même  qui  pourra  devenir 
l'objet  d'une  exploitation  très  rémunératrice. 

M.  Héli  Ch&telain  a  eu  la  bonté  d'extraire  pour  notre  journal,  de 
son  courrier  d'Ang^ola,  ce  qui  peut  intéresser  nos  lecteurs.  Par  une 
singulière  coïncidence,  les  pluies  ont  été  aussi  abondantes  dans  l'Angola 
qu'en  Suisse  pendant  le  mois  dernier.  La  Quanza  s'est  élevée  aussi  haut 
qu'en  1875,  oU  elle  détiiiisit  la  jfameuse  plantation  de  Bom-Jesus.  Cette 
année-ci  la  digue  a  résisté.  En  revanche  les  crues  du  Dandé  et  du  Lojé 
ont  fait  d'assez  grands  dégâts.  Grâce  aux  pluies,  on  compte  sur  d'abon- 
dantes récoltes  soit  pour  la  canne  à  sucre,  soit  pour  le  café.  Les  machi- 
nes de  la  Compagnie  privilégiée  Bensandé,  pour  la  fabrication  d'alcool 
de  manioc  sur  une  grande  échelle,  sont  arrivées  à  destination,  et  cette 
nouvelle  exploitation  ne  tardera  pas  à  commencer.  L'entreprise  du  che- 
min de  fer  étend  ses  études  préliminaires  de  Malangé  à  Cassangé.  Le 
gouvernement  a  approuvé  une  variante  de  la  ligne  qui  lui  fera  toucher 


.  j 


—  233  — 

la  Quanza  à  Cunga,  près  de  Bom-Jesuâ.  Les  pluies  torrentielles  ont  fait 
prouver  à  la  Compagnie,  pour  la  section  de  Loanda  et  des  environs, 
d68  pertes  évaluées  à  fr.  750,000.  Son  personnel  aussi  lui  cause  de 
grandes  difficultés;  nombre  de  ses  gens  s'enfuient  au  bout  de  peu  de 
temps.  L'ingénieur  Joaehim  Machado,  revenu  de  Lorenzo-Marquez, 
8'est  rendu,  avec  le  personnel  nécessaire,  à  Mossamédès  pour  y  faire  les 
études  d'un  tracé  de  chemin  de  fer  destiné  à  relier  l'intérieur  à  la  côte. 
Le  gouvernement  de  l'État  indépendant  du  Con^o  a  publié  un 
décret  fixant  les  dispositions  légales  qui  devront  être  suivies  en  matière 
d'exploitation  minièpe.  L'aliénation,  par  l'État,  de  terres  lui 
appartenant,  ne  confère  aux  acquéreurs  aucun  droit  de  propriété 
ni  d'exploitation  sur  les  richesses  minérales  que  le  sol  peut  renfer- 
mer. Ces  richesses  minérales  demeurent  la  propriété  de  l'État.  Nul  ne 
peut  les  exploiter  si  ce  n'est  en  vertu  d'une  concession  spéciale  ou  en 
vertu  des  dispositions  générales  qui  seront  prises  ultérieurement  en 
matière  d'exploitation  minière.  Sont  considérés  comme  mines  tous  gise- 
ments de  métaux,  minerais  ou  matières  métalliques,  de  pierres  ou  autres 
substances  précieuses,  de  combustibles  minéraux  et  d'huiles  minérales, 
n  va  sans  dire  que  l'interdiction  susmentionnée  ne  s'applique  pas  aux 
exploitations  minières  que  les  indigènes  continueront  de  pratiquer  pour 
leur  compte  sur  les  terres  occupées  par  eux. 

La  Société  florale  d'Anvers  a  reçu  de  M.  le  capitaine  de  Macar,  com- 
mandant du  district  de  lioulouabouriP,  un  rapport  sur  le  pays  qu'il 
administre.  «  Le  sol,  »  dit-il,  «  est  généralement  fertile;  le  pays  est 
Uen  arrosé  par  de  nombreuses  rivières,  et  par  d'autres  cours  d'eau. 
Les  bois  et  les  forêts  ne  manquent  pas  et  contiennent  des  essences  diver- 
ses propres  aux  constructions  et  à  la  fabrication  des  canpts.  Le  caout- 
chouc, qui  est  la  principale  ressource  du  pays,  se  trouve  surtout  aux 
environs  de  Mansangoma,  où  il  abonde.  H  continue  jusqu'à  Lubi,  mais 
là  les  indigènes  ne  le  récoltent  pas.  Le  fer  se  trouve  en  plusieurs  endroits 
entre  le  Mansangoma  et  le  Lubudi  ;  le  sel  sur  les  deux  rives  du  Lukulla. 
Les  indigènes  extraient  encore  du  sol  une  espèce  d'argile  dont  ils  font 
des  poteries  qui,  séchées  d'abord  au  soleil,  résistent  ensuite  au  feu  le 
plus  intense.  Ils  trouvent  également  une  terre  blanche  nommée  pemba, 
dont  ils  se  servent  pour  blanchir  les  habitations.  Les  chefs  l'emploient 
pour  barioler  la  figure  et  le  corps  des  gens  de  leur  tribu  qui  vont  en 
guerre  ou  en  voyage,  afin  qu'ils  aient  du  bonheur.  L'altitude  du  pays 
Tarie  entre  500"  et  650".  Les  arbres  perdent  leurs  feuilles  au  commen- 
cement de  la  saison  sèche,  c'est-à-dire  fin  mai  ou  commencement  de 


—  234  — 
juin,  et  les  reprennent  déift  une  quioEune  de  jours  aprèe,  Ls  plantatiaa 
de  riz  que  j'ai  établie  m'a  permis  d'envoyer  à  LéopoldviUe,  pour  le» 
différentes  stations  de  l'État  et  les  missions,  douze  sacs  de  90  livrée. 
J'en  ai  conservé  suffisamment  pour  mon  personnel,  con^osé  de  yiua  de 
150  nègres,  négresses  et  négrillons.  Les  autres  cultures  très  vastes  de 
mats,  soi^bo,  millet,  arachides,  et«.,  produisent  en  abondance.  Quant 
au  manioc,  j'en  ai  des  hectares.  Tous  les  jours  j'agrandis  mes  planta- 
tions. Je  n'ai  pas  encwe  eu  le  temps  de  m'oocuper  de  la  culture  des 
plantes  industrielles,  mais  il  est  à  ma  connaissance  que  le  cotonnier 
fient  parfaitement.  Les  palmiera  existent  en  quantité.  » 

M.  Vaa  G£le  s'est  embarqué  le  26  avril  à  Léopoldville  sur  le  Stan- 
ley, pour  se  rendre  d'abord  dans  l'Arououimi  afin  de  porter  des  provi- 
sions au  major  Barttelot,  et  de  se  rendre  compte  de  la  situation  du  carap 
de  Yambouya.  De  là  il  redescendra  au  Congo  qu'il  remontera  ensuite 
jusqu'à.  Stanlej'-Falls,  oti  V AsgoctaHon  internationale  qfricaine  devait 
transporter  M.  Van  Kerckhoven,  commandant  de  lastation  des  Bangala, 
et  une  escorte,  atin  de  rassurer  Tipo-Tipo  sur  les  bonnes  dispositions  de 
l'Ëtat  du  Congo  &  son  égard,  et  lui  annoncer  la  prodiaine  arrivée  de 
quatre  Européens  et  d'un  détachement  de  soldats. 

Le  Sénat  américain  a  voté  une  somme  de  25,000  dollus  en  faveur 
d'une  miBHlond'explorAtlon  scientifique  daBslehmatConco. 
L'expédition  sera  composée  de  trois  membres  :  un  offider  de  l'armée 
territoriale  ou  navale,  un  géologue-minéralogiste  et  un  naturaliste.  Elle 
devra  visiter  le  bassin  du  haut  Congo,  et  faire  connaître  les  ressources 
commerciales  qu'il  présente,  faire  rapport  sur  ses  produits,  ses  richesses 
minérales  et  végétales,  indiquer  si  ce  pays  peut  offrir  des  débouchés  au 
commerce  américain  et  rassembler  tous  les  renseignements  qui  pour- 
raient présenter  quelque  intérêt  pour  les  États-Unis.  Le  président  de  la 
République  Axera  les  appointements  des  membres  de  l'expédition,  sans 
que  la  somme  puisse  être  supérieure  à  6000  dollars  pour  chaque  membre. 
Le  mandat  de  la  mission  expirera  le  30  juin  lâbd. 

M.  H.  Johnaton,  consul  anglais  au  Vtenx-C»I«lw.p,  a  fait,  sur  la 
Cross  River,  une  expédition  dont  il  a  envoyé  aux  Proceedings  de  la  Société 
de  géographie  de  Londres  un  compte  rendu  accompagné  d'une  carte. 
Son  but  était  de  conclure  avec  les  rois  et  les  chefs  des  territoires  situés 
le  long  de  la  rivière,  des  traités  qui  les  missent  sous  le  protectorat  de 
l'Angleterre,  ainsi  que  d'offrir  sa  médiation  pour  apaiser  des  querelles 
existantes  entre  les  tribus  du  Vieux-Calabar  et  celles  de  la  Cross  River. 
Le  commerce  de  la  rivière  en  avait  longtemps  souffert.  M.  Johnston  a 


[ip^ 


—  235  — 
réussi  à  rétablir  la  paix.  Il  a  égalemen 
chefs,  mais  s'est  abstenu  d'en  conclure  i 
en  amont  de  la  rivière  pour  ne  pas  augm 
sabilités  de  l'Angleteire  à  l'intérieur.  A 
bouchure,  les  indigènes  sont  cannibales. 
les  g^is  des  tribus  d'Atham  et  d'iko  Mm 
feu  sur  le  canot  de  M.  Johnston,  puis  chi 
ter.  Dans  leur  excitatioa,  peu  s'en  fall 
canot  ;  mais  ils  ne  dérobèrent  rien.  A  un 
fut  tiré  hors  du  bateau  par  une  troup 
épaules  du  plus  vigoureux,  et  porté  en  c 
dans  une  hutte  dont  la  porte  était  ou 
heure  en  butte  aux  taquineries  de  cents 
sa  tâte  était  su^ieadu  un  jambon  hui 
crftnee  éttùent  rangés  autour  de  la  parti 
Malgré  ce  voisinage  sinistre,  dès  que  &i 
entra  en  conversation  amicale  avec  ses 
excellents  termes  avec  eux.  Au  bout  d'u 
ment  gagnés,  et  à  la  fin  le  même  sauvag 
l'y  reporta  è.  la  grande  surprise  et  pour 
ses  Krooboyg  enrayés.  La  ville  lui  donnf 
moutons;  le  vieux  chef  lui  offrit  un  c 
humains  qu'il  ôta  de  son  cou.  Après  avi 
s'étaient  passés  ces  incidente,  M.  Johns 
dense  le  long  des  bords  de  la  rivière,  m 
Quoique  toutes  les  entrevues  dans  lesqi 
pris  et  relâchés  tous  les  200"  ou  300",  ! 
testations  d'amitié,  au  début,  chaque  foi 
pas  trop  savoir  s'ils  les  tueraient  et  les  n 
ston,  au  moins  ses  Krooboys.  Dans  ces  c 
ne  pas  pousser  l'exploration  plus  avar 
canot,  et  qu'il  repassa  devant  les  village: 
retraite  fournit  aux  indigènes  l'occasic 
centaines  de  sauvages  cherchèrent  k  trai 
du  bateau.  Même  de  petits  enfants  ar 
gestes  significatifs  indiquant  combien  ils 
les  indigènes  fussent  armés  de  fusils,  e 
ils  ne  tirèrent  jamais  sur  le  bateau  ;  p 
effrayer  ceux  qui  le  montaient  pour  les 


—  236  — 

pouvoir  le  piller.  M.  Johnston  a  fait  le  relevé  de  la  rivière  jusqu'au 
point  extrême  de  son  exploration,  ainsi  que  des  collections  d'histoire 
naturelle  pour  le  musée  de  Kew  et  pour  le  British  Muséum. 

Le  dernier  numéro  de  VAfrican  Timee  a  publié  les  lignes  suivsuites, 
à  Toccasion  d'une  demande  adressée  par  le  roi  Quanim  Fori;au  gouver* 
neur  de  la  Côte  d*Op,  sir  Brandford  Crriffîth,  demande  que  les  Anglais^ 
dit  ce  journal,  ne  peuvent  lire  sans  un  sentiment  de  honte.  <  Tout  ce  que 
réclame  Quanim  Fori,  c'est  que  le  représentant  de  Sa  Majesté  donne 
l'ordre  aux  marchands  d'Âddah  de  payer  l'huile  de  palme  en  argent  et 
non  en  eau-de-vIe.  Il  est  regrettable  que  sir  Brandford  se  soit  senti 
pressé  de  répondre  par  un  non  possumus,  et  d'cgouter  qu'il  ne  pouvait 
pas  intervenir  dans  les  relations  commerciales,  que  c'était  l'afifaire  de 
l'acheteur  et  du  vendeur,  et  qu'ils  avaient  le  remède  entre  leurs  mains* 
C'est  ce  qu'avaient  coutume  de  répondre  les  adversaires  des  Actes  de 
troc  qui  ont  cependant  pris  force  de  loi,  et  ont  rendu  de  grands  services 
à  ceux  qui  préfèrent  être  payés  en  argent  au  lieu  de  l'être  en  nature. 
L'habitude  qui  prévaut  chez  les  mardiands  soinlisant  chrétiens  de  cette 
région  de  payer  les  marchandises  du  vendeur  païen  en  spiritueux  de 
qualité  inférieure,  peut  bien  être  cause  que  les  rois  ont  tous  l'un  aprèa 
l'autre  demandé  au  gouverneur  deleur  donner  une  provision  de  menottes.» 

Les  négociants  de  liasos  ont  adressé  au  gouverneur  de  la  colonie 
la  pétition  suivante,  pour  tâcher  d'empêcher  que  le  gouvernement  an- 
glais n'octroie  à  une  Compagnie,  comme  il  l'a  fait  pour  celle  du  Niger, 
une  charte  qui  lui  assurerait  l'autorité  sur  les  territoires  s'étendant  de 
Lagos  au  Bio-del-Rey.  a  Par  l'octroi  d'une  charte  à  une  compagnie 
commerciale  privée,  le  commerce  du  Niger,  la  voie  fluviale  par  excel- 
lence pour  toute  l'Afrique  occidentale,  a  été  complètement  détruit;  et 
cependant  beaucoup  de  négociants  de  Lagos  s'y  livraient.  Un  monopole 
a  été  introduit  qui  menace  d'étendre  son  influence  destructive  sur  le& 
Rivières  de  l'huile  des  territoires  de  la  côte,  de  Forcados,  Bénin,  Brai^^ 
Nouveau-Calabar,  Bonny,  Opobo  et  Vieux-Calabar,  et  cela  sous  la  pro- 
tection du  gouvernement,  qui  se  propose  d'octroyer  une  nouvelle  charte.. 
Aussi  longtemps  qu'il  n'existait  aucune  charte,  il  y  avait  entre  Lagos  et 
les  pays  du  Niger  un  commerce  actif  et  rémunérateur.  Mais  dès  que  la 
charte  a  été  octroyée,  tous  les  négociants  indépendants  ont  été  chassés 
par  les  impôts  exorbitants  dont  la  Compagnie  a  frappé  tous  les  objets 
d'importation  et  d'exportation.  Outre  ces  impôts  elle  a  mis  des  droits 
énormes  sur  les  patentes  de  commerce,  le  passage,  etc.  Les  droits  d'im- 
portation ont  laissé  pour  Lagos,  tous  frais  déduits,  un  boni  de  57,235 1.  st. 


—  237  — 

pour  les  dix  dernières  aimées.  Les  soussignés  attirent  Fattention  de 
votre  Excellence  sur  le  fait  que  Lagos  est  le  centre  des  Rivières  de 
rhuile,  qu'une  communication  télégraphique  existe  entre  Lagos,  Brass 
et  Bonny.  La  Compagnie  royale  du  Niger  ayant  son  monopole,  nous 
demandons  que  le  commerce  des  Rivières  de  l'huile  soit  laissé  à  la  Colo- 
nie de  Lagos  et  ne  soit  livré  ni  à  la  susdite  Compagie  ni  à  aucune  autre 
du  même  genre,  ce  qui  causerait  le  plus  grand  tort  à  la  Colonie  dont  les 
Rivières  de  Thuile  sont  actuellement  le  seul  débouché,  circonstance  qui 
fait  désirer  que  ce  territoire  soit  annexé  à  la  Colonie.  Cette  annexion 
rendrait  le  plus  grand  service  aux  indigènes  de  ces  rivières.  Pendant  les 
vingt  dernières  années  le  gouvernement  a  protégé  le  petit  commerçant 
comme  le  meilleur  intermédiaire  de  la  civilisation  pour  ces  contrées  ;  et 
c'est  ainsi  que  se  sont  produits  les  grands  progrès  dans  la  civilisation  et  le 
développement  commercial  de  cette  région,  tandis  que  le  développement 
des  Rivières  de  l'huile  restait  stationnaire.  Aussi  les  soussignés  prient-ils 
V.  Ex.  d'insister  auprès  du  gouvernement  de  S.  M.  pour  que  les  terri- 
toires des  rivières  soient  rattachés  d'une  manière  durable  à  la  Colonie.  » 
La  nouvelle  de  la  mort  de  M.  le  capitaine  Binn^er»  en  mission  au 
Soudan,  démentie  puis  de  nouveau  affirmée,  paraît  décidément  controu- 
vée,  une  dépêche  de  Saint-Louis,  du  25  juin,  ayant  rapporté  que  le 
10  mars  M.  Singer  était  à  Konf^»  et  que  quatre  lettres  de  cet  officier  pour 
sa  mère  et  d'autres  personnes  ont  été  remises  au  commandant  du  poste 
de  Bamakou  sur  le  Niger.  Par  Kong,  il  faudrait  entendre  le  massif 
montagneux  de  Kong,  où  le  Djoliba,  un  des  bras  principaux  du  Niger 
prend  sa  source.  On  sait  que  l'explorateur  se  proposait  d'étudier  avec 
soin  ces  montagnes.  Avant  son  départ  de  Saint-Louis,  il  avait  été  con- 
venu que  dès  qu'il  signalerait  son  arrivée  à  Kong,  on  préparerait  à 
Grand-Bassam  (Côte  d'Or),  un  convoi  de  ravitaillement  qui  marcherait 
sur  Kong  par  la  rivière  Akba,  aussitôt  que  les  pluies  permettraient  de 
se  mettre  en  route.  M.  Treich-Laplène,  résident  français  à  Assinie, 
actuellement  en  France,  compte  partir  dans  les  premiers  jours  d'août 
pour  prendre  en  personne  la  direction  de  cette  expédition.  Dans  un  pré- 
cédent voyage  que  M.  Treich-Laplène  a  fait,  l'an  dernier,  dans  cette  ré- 
gion, il  a  atteint  les  premiers  massifs  des  monts  de  Kong  sans  rencontrer 
trop  de  difficultés.  Il  croit  qu'il  n'en  trouvera  pas  davantage  cette  année- 
ci.  Le  convoi  partira  de  Grand-Bassam  vers  la  fin  d'août,  et  atteindi'a, 
selon  toutes  probabilités,  la  région  de  Kong  vers  le  15  octobre.  Mais  ce 
ne  sera  qu'à  son  retour  à  la  côte,  qu'on  peut  espérer  avoir  des  nouvelles 
du  capitaine  Binger,  parce  qu'il  ne  faut  pas  compter  sur  les  messagers 


—  238  — 
isolés.Le  plus  souvent  les  chefs  nègres  des  régions  àtravereer  leur  créeot 
mille  difficultés  et  ne  leur  permettent  pas  de  continuer  leur  route.  De 
Grand-Bassam,  M.  Trdch-Laplène  remontera  la  rivière  Akba,  navigable 
en  pirogue  jusqu'à  400  kilom.  de  la  mer  ;  puis  il  ae  dirigera  sur  Koi^  ça 
suivant  la  route  de  terre. 

Les  factoreries  établies  au  Rio  de  Oro  par  les  Espagnols,  et  au  C&p 
Jnbr  par  les  Anglais,  pour  détourou-  vers  la  côte  de  l'Océan  Atlanti- 
que le  courant  commercial  du  Sahara  occidental,  ne  sont  pas  dans  une 
situation  prospère.  D  parait  que  ce  qui  arrête  le  développement  des  éta- 
blissements espagnols  entre  le  cap  Blanc  et  le  cap  Bojador,  c'est  la  rou- 
tine qui  pousse  les  chameliers  d'aujourd'hui  à  suivre,  fût-elle  moïDS 
commode  et  plus  longue  que  d'autres,  la  route  suivie  de  tout  temps  par 
leurs  ancêtres.  Quant  à  la  factorerie  fondée  par  M.  Mackensie  au  Cap 
Juby,  aujourd'hui  propriété  de  la  North  West  Alrican  Trading  Company, 
elle  a  été  attaquée  par  des  indigènes  qui  ont  assassiné  le  directeur, 
blessé  ses  compagnons  et  assiégé  pendant  plusieurs  heures  les  établisse- 
ments anglais.  D'après  les  témoignages  recueillis,  les  agresseurs  seraient 
tous  des  soldats  de  l'empereur  du  Maroc,  et  non  de  ces  pillards  qui 
infestent  le  sud  marocain  et  le  Sahara  occidental.  U  est  diffidle  de  ne 
pas  voir  dans  ce  fait  l'influence  politique  et  religieuse  du  sultan  qui 
voyait  de  mauvais  oeil  la  concurrence  commerciale  s'établir  &  sa  fron- 
tière, et  s'efl'orçait  eu  toutes  occasions  de  dissuader  ses  sujets  de  trafi- 
quer avec  le  chrétien.  Lorsque  la  Compagnie  réclama  la  protection  du 
sultan  en  échange  d'une  redevance  annuelle,  il  lui  fut  répondu  que  l'au- 
torité cbérifienne  ne  pouvait  assumer  une  responsabilité  quelconque  au 
s^jet  de  territoires  ne  lui  appartenant  pas.  Comment  le  sultan  pourra- 
t-il  aujourd'hui  justifier  l'agression  de  ses  propres  soldats  ? 


NODVEU.ES  COMPLÉMENTAIRES 

Le  Bulletin  de  renteignemente  coloniaux  umonce  que  U  création  de  chemins  de 
fer  à  »oie  étroite  est  décidée  pour  quatre  nouvelles  lignes  d'intérêt  local,  et  que 
le  Conseil  général  du  département  d'Oran  examinera  en  octobre  prochain  toos 
les  projets  qui  lui  seront  présentés. 

D'après  VÉeho  d'Oran,  Bou-Amema,  le  célèbre  agitateur  du  Sud-Oranais,  s'est 
joint  au  chérif  de  Medagha  dans  la  vallée  de  l'Oued  Guir,  pour  chercher  à  sonle- 
Ter  à  la  fois  les  populations  du  Snd-Oraoais  contre  l'antoritê  française,  et  les 
Béni  Guil,  les  Ouled  Djérir  et  les  Mehala  contre  le  snltan  du  Maroc. 

Les  missionoures  romains  comptent  prendre  l^ëlinde  comme  point  de  départ 


—  239  — 

font  pénétrer  dans  les  tastes  régions  qui  s'étendent  an  N.-Û.,  habitées  par  les 
Wa-Nyika,  les  Wa-Sanyé,  les  Wa-Kamba,  dans  la  vallée  de  la  Tana,-  jnsqu'aa 
mont  Kénia  ^  an  Uc  Bariof  o.  A  Mombas,  le  P.  LeRoy  a  fait  la  coxwaissance  d'un 
■oîr,  nommé  Sadi,  âgé  d'une  cinquantaine  d'années,  qui  a  beaucoup  voyagé  et  qui 
oonnalt  très  bien  les  peuplades  établies  entre  la  cète  de  l'océan  Indien  et  le  lac 
Yictoria^Nyanza.  Il  pourra  être  d'un  grand  secours  aux  missionnaires  et  aux 
explorateurs  du  Zanguebar  septentrional  Le  vicaire  apostolique  de  ce  district, 
Mgr  de  Conrmont,  se  propose  de  mettre  à  profit  sa  bonne  volonté  pour  fonder  une 
mission  dans  la  région  du  Kiliman^j^aro. 

Cest  le  16  août  prochain  que  la  Société  allemande  de  l'Afrique  orientale  pren- 
dra la  perception  des  impôts  de  Wanga  jusqu'à  la  Rovouma,  et  l'administration 
de  la  sone  côtîère  située  entre  l'Océan  et  les  territoires  qui  lui  appartiennent. 

D'après  une  communication  faite  à  la  Société  de  géographie  de  Paris,  par 
M.  Louis  Vincent,  résident  de  France  aux  Comores,  les  habitants  de  ces  îles  pra- 
tiquent encore  les. sacrifices  humains  pour  coi^urer  les  malheurs  qu'ils  redou- 
tent. Ainsi,  à  Anjoùan,  à  l'approche  des  navires  français,  le  sultan,  sur  l'ordre  du 
•order  officiel,  fit  égorger  4  jeunes  esclaves,  dont  le  sang,  mêlé  à  l'eau  de  la  mer, 
devait,  disait-il,  former  une  barrière  infranchissable  aux  vaisseaux  étrangers. 

Le  comte  Pfeil  et  le  lieutenant  Schlttter  ont  acquis,  pour  la  Société  allemande 
de  l'Afrique  orientale,  en  vertu  de  traités  avec  les  sultans  indigènes,  l'Ou-Bena, 
le  Wa-Mashonde,  le  Mahengé  et  le  Wenpindo,  et  par  là  annexé  aux  précédentes 
acquisitions  de  cette  Société  tous  les  territoires  compris  entre  le  Rufigi  et  la 
RoTOuma  d'une  part,  l'océan  Indien  et  la  tête  du  Nyassa  d'autre  part. 

Le  ministre  de  l'instruction  publique  de  France  a  chargé  M.  Gaston  Angelvy, 
ingénieur  civil,  d'une  mission  scientifique  à  l'effet  d'explorer  la  région  comprise 
entre  le  lac  Nyassa  et  la  cète  de  l'océan  Indien  et  d'étudier  particulièrement  le 
bassin  de  la  Rovouma. 

Le  gonvemeur  du  district  de  Lorenzo -Marquez,  M.  de  Vasconcellos,  s'est  rendu 
aux  monts  Lebombo  pour  procéder  à  la  délimitation  de  la  frontière  entre  la  colo- 
me  portugaise  et  la  République  Sud-africaine.  Les  délégués  du  Transvaal  et  de 
l'Angleterre  devaient  aussi  s'y  rencontrer. 

Le  Volksraad  de  l'État  libre  d'Orange  a  approuvé  le  projet  d'Union  douanière 
avte  les  Colonies  du  Cap  et  de  Natal,  ainsi  que  celui  de  l'extension  des  voies  fer- 
rées, n  fera  établir  le  tracé  des  lignes  du  fleuve  Orange  à  Blœmfontein  et  de 
Katal  à  Harrysmith,  dès  qu'il  aura  reçu  la  part  des  revenus  douaniers  que  lui 
aesure  le  projet  susmentionné. 

Les  résidents  des  villes  et  des  districts  de  Malmani,  Zeerust,  Lichtenbourg, 
Klerksdorf^  Potcbefstrom,  etc.,  réunis  en  assemblée  publique  à  Mafeking,  ont  voté 
ane  résolution  d'après  laquelle  il  est  désirable,  dans  l'intérêt  du  gouvernement 
britannique,  de  la  Colonie  du  Cap,  du  Be-Chuanaland  anglais  et  des  territoires 
environnants,  qu'un  chemin  de  fer  soit  construit  de  Kimberley  à  Mafeking.  Ce 
chemin  de  fer  favoriserait  le  commerce  des  villes  et  territoires  susmentionnés 
ainsi  que  celui  du  pays  des  Ma>Tébélé,  des  Ma-Chona,  etc. 


—  240  — 

M.  Krûger,  président  de  la  République  Sad-africaine,  ajant  demandé  au  gou* 
vernenr  de  la  Colonie  du  Cap  que  PAngleterre  déclar&t  n'avoir  aucune  intentioB 
d'acquérir  la  suprématie  sur  le  chemin  de  fer  de  Lorenzo-Marquez  au  TransTaal, 
le  gouvernement  du  Cap  y  a  consenti  à  la  condition  que  les  marchandises  anglai- 
ses seraient  importées  par  terre,  des  colonies  anglaises  an  même  tarif  que  celui  qui 
est  en  vigueur  dans  la  baie  de  Delagoa.  M.  Krûger  a  aquiescé  à  cette  demande. 

Le  développement  pris  par  l'exploitation  des  gisements  aurifères  de  l'Afrique 
australe  profite  à  la  colonie  de  Natal  dont  les  chemins  de  fer  permettent  de 
transporter  les  marchandises  jusqu'à  une  petite  distance  de  ses  frontières.  En 
1887  les  importations  ont  dépassé  d'un  tiers  celles  de  1886,  et  le  revenu  total  de 
la  colonie  s'est  augmenté  dans  la  même  proportion. 

Des  lettres  privées  de  Tàti  annoncent  que  Lo-Bengula  n'accordera  plus  de 
concessions  dans  le  pays  des  Ma-Tébélé. 

D'après  un  article  de  la  Bévue  scientifique  sur  les  Cohniee  aUemandes,  le  gou- 
vernement de  l'empire  allemand  serait  en  pourparlers  pour  l'annexion  de  la  partie 
septentrionale  de  l'Ovampo,  visitée  récemment  par  le  D'  Schinz.  Le  territoire  de 
la  colonie  du  fleuve  Orange  au  Cap  Frio  recevrait  une  extension  qui  lui  donnerait 
une  superficie  de  plus  de  200,000  kilom.  carrés. 

Lee  missionnaires  amét*icains  établis  au  Bihé  ont  fait  des  plantations  d'oran- 
gers, de  pommiers,  de  pêchers,  de  pruniers,  de  cerisiers,  d'abricotiers,  de  figuiers, 
demandés  à  Lisbonne,  ainsi  que  d'arbres  fruitiers  des  tropiques. 

M.  Luciano  Cordeiro,  secrétaire  perpétuel  de  la  Société  de  géographie  de 
Lisbonne,  a  bien  voulu  nous  communiquer  un  résumé  des  travaux  de  M.  le  migoi^ 
Henrique  de  Carvalho  dans  son  expédition  au  pays  du  Mouata-Yamvo.  Nous  en 
avons  déjà  donné  les  principaux  résultats  d'après  M.  Marcos  Zagury,  établi  à 
Malangé  (p.  22-26).  Le  résumé  de  M.  Cordeiro  renferme  de  plus  les  détermina- 
tions de  latitude,  longitude  et  altitude  pour  15  localités  principales,  de  Malangé  à 
Moussoumba,  le  point  de  départ  et  le  point  extrême  atteint  par  l'expédition. 

Le  gouverneur  du  Congo  portugais  s'est  vu  forcé  de  bloquer  Quissembo,  au 
nord  d'Ambriz,  sur  la  côte  occidentale  d'Afrique,  les  indigènes,  excités  par  des 
étrangers,  refusant  de  se  soumettre  aux  autorités  portugaises. 

L'expédition  des  ingénieurs  chargés  des  études  du  chemin  de  fer  du  Congo  a  été 
contrariée  par  les  pluies.  Le  capitaine  Cambier  écrivait,  le  8  mai,  de  Banza-Man- 
teka,  que  sa  marche  était  ralentie,  les  rivières  étant  très  fortes.  En  plusieurs  en- 
droits on  avait  de  l'eau  jusqu'aux  épaules.  Partout  la  végétation  était  exubérante 
et  il  ne  fallait  pas  songer  à  passer  là  où  il  n'y  avait  pas  de  sentier  tracé.  Malgré 
cela  la  santé  de  tous  était  excellente. 

La  section  française  de  l'Association  internationale  africaine  a  résolu  d'organi- 
ser une  expédition  destinée  à  aller  au  secours  de  Stanley  et  d'Émin-pacha.  Les 
fonds  nécessaires  ont  été  immédiatement  souscrits,  et  il  a  été  décidé  de  confier  le 
commandement  de  l'expédition  à  l'explorateur  Charles  Soller,  qui,  à  diverses 
reprises  a  été  chargé  d'importantes  missions  dans  l'Afrique  occidentale,  particu- 
lièrement au  Maroc,  au  Sous  et  au  Sahara. 


—  241  — 

I>eax  postes  ont  été  établis  sur  la  rire  française  du  bas  Oubangi  :  le  premier, 
pràs  du  yillage  de  Bouassa-Ouatsaka,  par  ViSf  lat  nord;  le  second,  au  confluent 
de  la  rÎTière  près  du  vUlage  d'Lranga.  M.  Dolizie  a  fait,  à  bord  du  BaUay,  une 
reconnaissance  de  POubangi  en  ayal  des  rapides  de  Zongo. 

Le  nouveau  journal  AfrikchPost,  organe  des  intérêts  allemands  en  Afrique,  an- 
nonce que  M.  l'ingénieur  Schran,  secrétaire  impérial  du  gouvernement  à  Came- 
roun, a  ramené  avec  lui  en  Westphalie  six  jeunes  Africains,  dont  quatre  doivent 
derenir  artisans,  un  cinquième  sera  placé  chez  un  forestier,  le  sixième,  fils  du  roi 
d'Aqua,  se  vouera  à  l'étude  de  la  langue  allemande.  Le  gouverneur  de  Cameroun 
espère  que  ce  dernier  pourra  plus  tard  lui  servir  d'interprète.  Le  séjour  de  ces 
jeunes  gens  en  Allemagne  sera  de  trois  ans. 

Sir  Samuel  Rowe,  gouverneur  de  Sierra  Leone,  s'est  rendu  à  Monrovia  pour 
travailler  à  la  fixation  des  frontières  entre  l'État  de  Libéria  et  la  colonie  anglaise. 


LES  SAUTERELLES  EN  ALGÉRIE 

Dans  notre  dernier  numéro  (p,  193),  nous  signalions  la  nouvelle  inva- 
sion de  sauterelles  dont  souffrait  la  province  de  Constantine,  en  même 
temps  que  nous  indiqi^ions  le  procédé  qui  paraissait  le  meilleur  pour  en 
atténuer  les  effets.  Dès  lors  le  fléau  a  pris  de  telles  proportions  que 
malgré  des  efforts  héroïques  de  la  part  des  indigènes  et  des  colons,  il  a 
ravagé  des  centaines  de  milliers  d'hectares  des  terrains  les  plus  fertiles, 
obUgé  les  propriétaires  de  troupeaux  à  se  défaire  coûte  que  coûte  de 
leurs  bestiaux,  causé  des  pei'tes  pour  plus  de  quarante  millions  de  francs, 
et  réduit  à  la  misère  des  multitudes  d'indigènes,  menacés  de  périr  de 
faim  si  TÉtat  et  les  particuliers  ne  leur  viennent  en  aide. 

Un  tel  désastre,  qui  peut  arrêter  pour  un  certain  temps  le  développe- 
ment de  la  colonie  dans  sa  partie  orientale,  nous  fait  un  devoir  d'entrer 
dans  quelques  détails  sur  Tinsecte  qui  peut  causer  de  semblables  rava- 
ges, sur  la  marche  du  fléau,  les  moyens  employés  pour  le  combattre,  et 
ceux  que  l'expérience  peut  suggérer  pour  en  prévenir  le  retour.  Indé- 
pendamment des  renseignements  que  nous  ont  fournis  V Indépendant  de 
Constantine  et  le  Moniteur  de  V Algérie,  nous  avons  fait  d'abondants 
emprunts  au  mémoire  adressé  à  M.  le  gouverneur  général  de  l'Algérie 
-par  M.  Hûnckel  d'Herculais,  président  de  la  Société  entomologique  de 
France,  sur  les  Acridiens  et  leurs  htvasions  en  Algérie,  ainsi  qu'à  un 
article  de  M.  Victor  Laporte,  sur  les  Criquets,  publié  dans  le  n'  du 
15  juillet  du  Monde  de  la  Science  et  de  V Industrie. 

Déjà  au  Congrès  de  l'Association  française  pour  l'avancement  des 


*7- 


—  242  — 

sciences  réuni  cette  année-ci  à  Oran,  M.  Httnckel  d'Herculais  ayait 
résumé,  dans  une  conférence,  Thistoire  naturelle  des  Acridiens  (saute- 
relles), principalement  celle  des  espèces  migratrices,  en  insistant  sur  la 
nature  et  l'importance  des  dégâts  qu'elles  commettent,  ainsi  que  sur  les 
moyens  d'arrêter  ou  de  combattre  leurs  invasions.  Dans  son  mémoire 
au  gouverneur  général  de  l'Algérie,  il  a  profité  des  découvertes  faites 
par  les  Américains,  les  Russes  et  les  Anglais  sur  les  foyers  permanents 
de  multiplication  des  sauterelles,  et  s'est  efforcé  de  bien  déterminer  l'es- 
pèce ou  les  espèces  dont  la  puUulation  effrayante  menace  de  ruine, 
depuis  1885,  la  province  de  Constantine.  U  a  réussi  à  établir  queTespèce 
ou  les  espèces  dévastatrices  des  invasions  de  1886,  1886,  1887  et  1888 
n'étai^t  nullement  VAcridium  peregrimim  comme  on  le  croyait  géné- 
ralement, mais  qu'une  tout  autre  espèce,  appartenant  à  un  genre  diffé- 
rent, le  Stauronotiis  maroccanus,  se  trouvait  dans  les  bandes  envahis- 
santes, et  que  le  Caloptenus  italiens  forme  aussi  des  colonnes  d'inva- 
sion. 

Ces  espèces  diffèrent  non  seulement  par  des  caractères  zoologiques 
bien  tranchés,  mais  encore  par  des  particularités  biolc^ques  qui,  à  elles 
seules,  suffiraient  à  les  distinguer.  UAcridiun}  peregrinnm  est  de 
grande  taille  —  46  à  55  millimètres  chez  les  mftles,  57  à  60  millimètres 
chez  les  femelles  ;  il  est  de  couleur  jaune  citron  ou  rose  mai^ué  de 
fauve.  Le  Stauronotiis  maroccanus  est  de  taille  moitié  moindre  —  17  à 
28  millimètres  chez  les  mftles,  20  à  33  chez  les  femelles  ;  il  est  de  couleur 
rousse  testacée,  relevée  de  taches  fauves.  Le  Cahptmxi^  italiens  est 
aussi  de  taille  moyenne  —  15  à  22  millimètres  chez  les  mâles,  23  à  34 
chez  les  femelles  ;  il  est  brunâtre  ou  gi-isâtre  ;  les  élytres  transparentes 
sont  couvertes  dans  toute  leur  étendue  de  taches  obscures  et  inégales; 
les  ailes  sont  transparentes  à  disque  rose  tendre. 

Les  vols  de  VA,  peregrimim  arrivent  dès  le  printemps  (avril  et  mai)  ; 
les  terrains  propices  trouvés,  chacun  n'a  qu'un  souci,  c'est  de  perpétuer 
sa  race;  les  femelles,  obéissant  à  leur  instinct  maternel,  enfoncent  leur 
abdomen  de  6  à  8  centimètres  dans  le  sol  et  y  cachent  leur  progéniture; 
leur  rôle  accompli,  pères  et  mères  meurent  de  ci  de  là,  misérablement. 
Les  jeunes  éclosent  le  mois  suivant,  vingt  jours  après  la  ponte. 

Les  vols  du  .9^.  maroccanus  et  du  C,  italiens  font  leur  apparition  pé- 
dant l'été,  généralement  en  juin  et  en  juillet.  Les  femelles  fouillent  le 
sol  de  leur  abdomen  jusqu'à  3  et  4  centimètres  et  effectuent  le  dépèt  de 
leurs  œufs.  Les  jeunes  n'apparaissent  qu'au  printemps  suivant,  c'est-à- 
dire  neuf  ou  dix  mois  après  la  ponte. 


i 


—  243  — 

Les  coques  ovigères  sont  de  volume  et  d'aspect  bien  différents  ;  celles 
de  VA,  peregrinum,  de  3  à  4  centimètres  de  longueur  renferment  en 
moyenne  80  à  90  œufs  ;  celles  du  8t,  maroccanus  et  du  C  italieus,  de 
\'lik2  c^timètres  de  longueur,  contiennent  de  30  à  40  œufis. 

Les  œufs  sont  pondus  par  coques  de  30  à  100  agglutinés  entre  eux  par 
une  sorte  d'écume  à  laquelle  se  colle  une  foule  de  grains  de  sable.  Ce 
revêtement  a  le  double  résultat  de  protéger  les  œufs  et  de  les  dissimu- 
ler à  l'œil.  Au  sortir  de  Tœuf,  les  acridiens  ne  sont  pas  des  marcheurs 
intr^ides  ;  ils  ne  font  guère  plus  de  150  mètres  par  jour,  et  même 
quand  ils  sont  âgés  de  quinze  jours,  ils  ne  dépassent  pas  un  kilomètre. 
Après  cela  ils  deviennent  des  sauteurs  émérites,  et  le  saut  aidant  à  leur 
marche,  on  les  voit  parcourir  une  dizaine  de  kilomètres  par  jour.  Ils 
sont  alors  arrivés  au  troisième  quart  de  \e\xr  existence  et  font  des  bonds 
de  60  centimètres  sur  32  de  hauteur.  Plus  ou  moins  attachés  au  sol  jus- 
que-là, ils  deviennent  ensuite  des  sauterelles  proprement  dites.  Leurs 
élytres  robustes  et  leurs  ailes  forment  une  double  paire  de  rames  d'une 
très  grande  sm-face,  merveilleusement  disposées  pour  fendre  l'air.  EU^ 
constituent  de  véritables  armées  se  dénombrant  par  milliards  d'indivi- 
dus, ne  volant  qu'aux  heures  les  plus  chaudes  de  la  journée,  et  s'abattant 
pour  passer  la  nuit  à  terre  dès  que  le  temps  fraîchit.  Elles  repartent  le 
lendemain,  et  toujours  ainsi  jusqu'à  ce  qu'elles  aient  trouvé  un  terrain 
favorable  à  l'accouplement  et  à  la  ponte.  Leurs  colonnes  s'étendent 
souvent  sur  50  kilomètres  et  peuvent  renfermer  plus  de  cinquante  mil- 
liards d'individus. 

Parti  pour  Touggourt  avec  une  caravane  formée  de  quelques  membres 
de  l'AssodatioD  pour  l'avancement  des  sciences,  M.  Httnckel  d'Hercu- 
lais  chercha  à  découvrir  des  Acridiens  migrateurs,  soit  pendant  la  tra- 
versée du  Sahara,  soit  dans  des  excursions  aux  oasis,  mais  nulle  part  il 
ne  put  en  capturer  ni  en  faire  capturer  un  seul.  Personne  n'en  avait  vu 
de  Biskra  à  Touggourt,  ni  en  1887  ni  dans  les  années  précédentes.  Il 
traversa  l'Aurès,  de  Biskra  à  Batna,  par  la  vallée  de  l'Oued-Abdi,  mais 
sans  pouvoir  y  rencontrer  des  colonnes  envahissantes.  A  son  arrivée 
dans  les  régions  envahies,  l'examen  des  terrains  ou  s'étaient  effectuées 
les  pontes,  lui  permit  de  constater  qu'ils  étaient  tous  placés  dans  des 
situations  identiques,  au  pied  du  sonunet  des  montagnes,  sur  des  points 
en  apparence  dénudés,  mais  en  réalité  revêtus  de  quelques  plantes  clair^ 
semées.  Sur  les  territoires  de  Batna,  de  Mlila,  de  Msila,  etc.,  il  vit  les 
jeunes  descendre  des  montagnes  en  colonnes  serrées.  Dans  les  plaines 
environnant  Sétif,  les  sauterelles  avaient  choisi  comme  lieu  de  ponte 
les  terrains  les  plus  secs,  émergeant  des  cultures  comme  des  îlots. 


—  244  — 

Une  fois  édos ,  leur  débordement  peut  causer  des  dérastatioiis 
ofl^yantes  ;  des  milliers  d'hectares  recouverts  de  blé  et  d'autres  céréa- 
les, peuvent  être  en  quelques  jours  transformés  en  de  véritables  déserts 
par  la  horde  envahissante  de  ces  insectes.  Les  criquets  Btmi  de  terribles 
rongeurs  ;  presque  aucune  substance  v^étale  ne  résiste  à  Tattaque  de 
leurs  puissantes  mâchoires  ;  ils  se  nourrissent  non  seulement  des  herbes 
tendres  qu'ils  dévorent  jusqu'à  la  racine,  mais  consommât  aussi  les 
feuilles  des  arbres  ;  on  les  a  vus  ravager  des  champs  de  luzerne  et  de 
colza,  des  potagers,  des  vergers,  des  vignobles,  des  plantations  de 
figuiers,  d'oliviers,  de  citronniers.  Us  n'^)argnent  point  les  graines 
sèches,  vont  ravir  dans  les  silos  les  provisions  qui  y  sont  conservées, 
pénètrent  dans  les  magasins  pour  y  dévaliser  des  sacs  de  grains,  et  se 
rabattent  même  à  l'occasion  sur  les  tissus  des  vêtements  qu'ils  trouvent 
à  l'intérieur  des  habitations. 

La  lettre  suivante  d'un  témoin  oculaire  peut  donner  une  idée  de  ce 
terrible  fléau.  «  Je  viens  de  faire  une  visite  aux  environs  de  Sétif.  Vous 
dire  ce  que  j'ai  vu  est  impossible.  Partout  la  dévastation  et  la  ruine. 
Pendant  quatre  heures,  au  trot  de  mon  cheval,  j'ai  foulé  des  couches 
épaisses  de  sauterelles  et  traversé  d'immenses  espaces  entièrement  rasés; 
rien  qu'im  sol  nu  et  crevassé.  Et  c'est  partout  comme  cela.  Dans  le  seul 
arrondissement  de  Sétif,  la  région  la  plus  éprouvée,  cent  mille  hectares 
de  belles  récoltes,  d'une  .valeur  de  plus  de  dix  millions  de  francs,  sont 
entièrement  détruits.  Il  ne  reste  pas  un  seul  grain  à  mettre  en  terre 
l'hiver  prochain.  Le  fléau  était  prévu,  des  mesures  énergiques  avaient 
été  prises  pour  le  combattre  :  cinquante  mille  hommes  mimis  d'appa- 
reils admirables  comme  engins  de  destruction  y  ont  travaillé  pendant 
deux  mois  ;  ils  ont  fait  un  épouvantable  massacre  de  sauterelles  ;  trois 
cent  mille  doubles  décalitres  d'insectes  jonchent  le  sol.  Vains  efi^orts; 
inutile  carnage  ;  devant  une  formidable  poussée  venue  du  sud,  on  a  dû 
céder,  s'avouer  débordé  et  vaincu.  Des  colonnes  de  cinquante  kilomètres 
de  profondeur  sur  huit  à  dix  kilomètres  de  front  s'avancent  à  raison  de 
dix  kilomètres  par  jour;  elles  rencontrent  les  appareils,  les  contournent 
ou  les  franchissent,  se  refoiment  une  fois  l'obstacle  passé,  et  se  pré- 
cipitent en  torrents  dans  les  riches  vallées  du  nord.  Là  oti  elles  passent, 
et  elles  ont  passé  partout,  il  ne  reste  rien  ;  malheureusement  la  saute- 
relle a  pris  ses  ailes;  elle  s'élève  parfois  dans  les  airs  comme  pour  pren- 
di*e  son  vol  ;  on  espère  qu'un  bon  vent  du  sud  la  poussera  jusqu'à  la 
mer  ;  vain  espoir  ;  elle  retombe  sur  le  sol  tant  qu'elle  y  voit  un  brin  de 
verdure.  » 


^ 


—  245  — 

En  effet  la  d^astation  a  été  complète,  depuis  Batna  jusqu^à  El-Guer* 
nh,  et  depuis  Sétif  jusqu'à  Bordj-bou-Areridj,  dans  la  région  de  Souk- 
Ahras  et  sur  plusieurs  autres  points,  toutes  les  cultures  ont  été  anéan- 
ties V  Le  bétail  ne  trouvant  plus  de  nourriture  a  dû  être  vendu 
eoûte  que  coûte.  Des  tribus  entières  souffrent  de  la  faim;  sur  la 
route  de  Sétif  à  Constantine,  on  voit  des  indigènes  fouiller  la  terre 
pour  y  trouver  quelques  racines.  Des  milliers  de  familles  arabes, 
habituées  à  vivre  au  jour  le  jour,  marchent  à  une  mort  certaine  si  le 
secours  ne  leur  est  porté.  Deux  mois,  trois  mois  encore,  ces  infortunés 
saccomberont  sous  la  tente,  dans  les  champs  ;  ils  viendront  mourir  dans 
les  villes  y  apportant  avec  eux,  comme  c'a  été  le  cas  en  1867,  le  typhus, 
compagnon  inséparable  des  longues  privations  et  des  dures  misères. 
Ceux  qui  se  souviennent  de  cette  année  terrible,  qui  dans  les  annales 
de  la  colonie  porte  le  nom  d'année  de  la  faim,  revoient  déjà  en  esprit 
les  invasions  d'honmies  hftves,  épuisés  par  la  longue  torture  de  la  faim, 
tombant  le  long  des  routes,  couchés  dans  les  rues  ou  sur  les  places 
pubhques. 

Des  appels  chaleureux  ont  été  adressés  à  tous  ceux  qui,  en  France  et 
à  l'étranger  peuvent  compatir  aux  souffrances  qu'entraîne  un  aussi  ter- 
rible fléau.  Les  autorités  provinciales  et  municipales  de  la  colonie  les 
premières,  celles  de  la  mère  patrie  ensuite  ont  voté  des  secours  pour 
répondre  aux  besoins  les  plus  pressants.  H  s'agit  de  faire  vivre  pendant 
des  mois  des  milliers  de  victimes  et  de  leur  fournir  les  semences  néces- 
saires pour  préparer  la  future  récolte. 

En  même  temps,  il  y  a  lieu  de  faire  tout  ce  qui  est  au  pouvoir  de 
l'homme  pour  empêcher  le  retour  d'un  pareil  désastre,  c'est-à-dire 
qu'il  faut  s'attaquer  aux  œufe  de  criquets,  car  ce  n'est  que  par  la  des- 
truction de  ceux-ci  que  les  invasions  pourront  être  conjurées.  Sans 
doute,  comme  le  fait  remarquer  M.  Hûnckel  d'Herculais,  la  recherche 
des  œu&  est  très  fatigante,  elle  exige  beaucoup  de  temps,  nécessite 
l'emploi  d'une  main  d'œuvre  considérable,  et  elle  entraîne  par  làrmême  . 
une  dépense  importante.  En  1886,  la  récolte  des  œufs  en  Algérie,  prati- 
quée du  25  mars  au  11  avril  sur  25,000  hectares,  a  permis  d'en  détruire 
6840  doubles  décalitres  ;  6506  hectares  ont  été  débarrassés  à  peu  près 
complètement,  mais  le  travail  a  exigé  156,380  journées  de  prestataires 
travaillant  par  exception  gratuitement.  U  y  a  lieu  d'engager  les  indigè- 

'  Aux  deroières  nouvelles,  le  désastre  menaçait  de  s'étendre  au  département 
d'Alger,  les  colonnes  de  sauterelles  étant  portées  par  le  vent  du  côté  de  l'Ouest. 


—  246  — 

nés  à  chercher  et  à  signaler  les  lieux  de  pontes.  Lorsque  des  pontes  ont 
été  déposées  dans  des  terrains  de  culture,  notamment  dans  ceux  qfà 
sont  laissés  en  jachère^  comme  M.  Htlnckel  d'Herculais  en  a  vu  dans  les 
environs  de  Sétif,  le  labourage  et  le  hersage  pratiqués  à  Tarrière^- 
son  sont  profitables  ;  ils  ramènent  les  coques  ovigères  à  la  surface  du  sol 
et  fadUtent  Tintervention  des  oiseaux,  qui  donnent  alors  libéralement 
le  plus  utile  concours.  D'après  M.  Byf,  directeur  de  la  Compagme 
genevoise  à  Sétif,  les  alouettes  et  les  étoumeaux,  réunis  en  bandes 
immenses,  parcouraient  les  champs  labourés  ou  hersés  ;  trouvant  facile 
pro vende,  ils  faisaient  une  énorme  consommation  d'œuCs;  il  estime  que 
les  oiseaux  ont  détiniit  la  moitié  des  coques  ovigères  pondues  dans  ces 
localités.  M.  H.  Duveyrier  conseille  d'acclimater  en  Algérie  un  certain 
nombre  d'oiseaux  échassiers  appartenant  à  l'espèce  appelée  loeust  hiri, 
qui  est  très  friande  de  sauterelles.  A  l'exemple  de  plusieurs  Etats  de 
l'Amérique  du  Nord  et  de  l'Europe,  des  arrêtés  empêchant  la  destruc- 
tion défi  oiseaux  insectivores  devraient  être  pris,  à  la  condition,  bien 
entendu,  qu'on  en  assure  l'application.  Quant  aux  procédés  de  destruc- 
tion des  insectes  eux-mêmes,  M.  Httnckel  d'Herculais  préconise  surtout 
ceux  que  les  Anglais  ont  employés  dans  l'tle  de  Chypre,  et  qui  leur  ont 
permis  de  débarrasser  l'tle  du  fléau  destructeur  qui  la  ravageait. 
En  1883,  195,000,000  d'acridiens  furent  détruits,  en  1884,  56,000,000, 
et  les  récoltes  des  Cypriotes  furent  sauvées  ;  aussi  renoncèrent-ils  à 
abandonner  leur  sol  natal  comme  ils  en  avaient  d'abord  eu  l'idée.  La 
première  année  de  l'occupation,  les  Anglais  avaient  eu  à  se  préoccuper 
des  acridiens  qui  menaçaient  de  dévaster  l'tle  entière,  et  ils  avaient  eu 
recours  au  ramassage  des  œufs  pratiqué  auparavant  par  l'administra- 
tion ottomane.  Mais  la  population  acridienne  s'accroissant,  malgré  cela, 
au  point  de  devenir  inquiétante,  ils  prirent  la  résolution  d'attaquer  le 
fléau  avec  plus  de  méthode  et  plus  de  vigueur.  Ils  chai*gèrent  un  ingé- 
nieur, M.  Brown,  d'organiser  le  service  de  défense  et  de  destruction.  Ce 
fut  lui  qui  fit  confectionner  et  répartir  sur  les  points  menacés  les  appa- 
reils employés  cette  année-ci  par  la  Compagnie  genevoise  de  Sétif,  et 
dont  nous  avons  donné  la  description  dans  notre  dernier  numéro  (p.  193- 
194).  A  un  moment  donné,  le  service  de  défense  dont  il  avait  la  direc- 
tion put  disposer  de  11,000  appareils  couvrant  de  toile  un  espace  de  75 
à  100  kilomètres.  Le  personnel  était  organisé  militairement  :  un  chef 
ouvrier  dirigeait  15  à  20  hommes  chargés  de  la  pose  et  de  la  manœuvre 
de  30  appareils;  un  surveillant  à  pied  avait  sous  ses  ordres  quatre 
e^scouades  ;  un  inspecteur  à  cheval  conduisait  les  opérations  d'un  certain 
nombre  d'escouades  ;  il  était  accompagné  d'un  agent  comptable  chargé 


—  247  — 

d'inscrire  le  nombre  des  hommes  présents  sur  les  chantiers  et  d*eilec- 
tuer  le  paiement  des  journées  à  époque  fixe  ;  un  directeur  était,  en 
outre,  chargé  du  contrôle  de  quatre  inspecteurs*  La  dépense  totale  qu'a 
exigé  remploi  des  appareils  pendaat  une  période  de  six  années,  de  1882 
à  1887,  s'est  élevée  à  1,411,651  francs,  mais  cette  somme  paraîtra  faible 
si  Ton  songe  qu'elle  a  sauvé  totalement,  depuis  1884,  les  récoltes  de 
nie  de  Chypre,  estimées  annuellement  à  plus  de  deux  millions  de 
francs  pour  les  seules  cultures  du  froment,  de  l'orge  et  du  coton. 

Aux  recommandations  sur  l'emploi  des  procédés  susmentionnés, 
M.  Hûnckel  d'Herculais  en  ajoute  d'autres  relatives  à  la  prévisipn  des 
invasions,  qui  nous  paraissent  devoir  être  également  utiles.  Pour  assu- 
rer la  bonne  répartition  des  appareils  de  destruction,  les  Anglais  avaient 
organisé  à  Chypre  un  service  d'émissaires,  chargés  de  reconnaître  les 
cantonnements  où  les  insectes  avaient  déposé  leurs  œufs.  H  est,  en  effet, 
d'une  importance  capitale  de  relever  avec  le  plus  grand  soin  les  points 
où  s'efiféctuent  et  où  se  sont  effectuées  les  pontes.  A  cet  effet,  M.  Hûno 
kel  d'Herculais  recommande  de  dresser  des  cartes  précises,  dites  de 
prévision.  U  ne  suffit  pas,  dit-il,  de  mentionner  grosso  modo  les  territoir 
res  sur  lesquels  on  a  signalé  l'apparition  de  bandes  d'acridiens  ailés  ou 
la  naissance  de  jeunes  criquets,  et  de  marquer  sur  des  cartes  les  com- 
munes contaminées.  D  est  indispensable  de  faire,  sur  des  cartes  orogra- 
phiques, où  les  reliefs  du  sol  soient  indiqués  par  des  courbes  de  niveau, 
le  pointage  de  tous  les  gisements  d'œufs,  de  tous  les  endroits  où  l'on 
aura  vu  des  groupes  de  femelles  en  déposer,  et  où  l'on  aura  reconnu  la 
présence  de  coques  ovigëres.  D'après  des  cartes  ainsi  dressées,  on  saura 
avec  certitude  quels  seront  les  points  de  départ  des  colonnes  envahis- 
santes et  on  aura  la  possibilité  de  localiser  sur  des  territoires  parfaite- 
ment délimités  les  engins  de  destruction.  Mais  pour  rendre  tous  les 
services  qu'on  peut  en  attendre,  les  relevés  orographiques  devront  être 
accompagnés  d'un  commentaire  indiquant,  avec  une  précision  géologi- 
que aussi  parfaite  que  possible,  la  nature  du  sol  dans  lequel  on  a  trouvé 
les  coques  ovigères,  et  donnant  approximativement  la  superficie  des  ter- 
rains de  ponte,  pour  que  l'on  puisse  évaluer  l'importance  que  pourront 
avoir  les  colonnes  lors  de  l'éclosion.  La  carte  de  prévision  donnera  au 
gouvernement  de  l'Algérie  le  moyen  de  connaître  par  avance  si  la  colo- 
nie est  oui  ou  non  sous  la  menace  d'une  invasion,  d'apprécier  l'impor- 
tance probable  de  l'invasion,  de  préparer  les  moyens  de  destruction  et 
de  prescrire  les  mesures  nécessaires  '. 

'  Le  gouvernement  vient  d'envoyer  en  Algérie  M.  Hùnckel  d'Herculais,  avec 


—  248  — 
pplication  des  moyena  préventifs  et  des  procédés  de  destruc- 
e  édielle  suffisamment  vast«,  i^tenir  h.  l'Algérie,  si  cruelle- 
rée  ces  dernières  années,  des  résultats  analogues  à  ceux  de 
[>re,  où  la  défense  est  aujourd'hui  réduite  il  une  simple  sur^ 
ur  empêcher  la  reproduction  des  sauterelles,  et  ne  réclame 
somme  annuelle  de  80,000  francs.  II  serait  difficile  de  trou- 
précieux  encouragement. 


LES  PRISONNIERS  DU  MAHDI 

illes  positives  de  la  situation  des  Européens  retenus  prison- 
rtoum  sont  enfin  parvenues  au  Caire  au  mois  de  mai  ;  le 
js  a  communiquées  aux  Mittheilnngen  de  Gotha  et  k  la 
ilonial  Zeitung.  Nous  leur  empruntons  les  détails  suivants, 
38-un8  ont  déjà  été  reproduits  par  la  presse  française, 
sagers  sont  arrivés  l'un  après  l'autre  de  Khartoum  au 
irs  de  petits  billets  de  Slatin-bey,  du  missionnaire  autri- 
ier,  et  de  la  veuve  d'un  ancien  fonctionnaire  égyptien,  ren- 
chèques  sur  le  gouvernement  égyptien  et  la  mission  catho- 
»  sommes  reçues  des  messagers  par  les  tireurs.  Le  paiement 
ir-le-champ,  les  lettres  d'Urwalder  et  de  Slatin-bey  étant 
lien  et  eu  allemand,  et  l'écriture  du  tireur  étant  c<»uiue.  Il 
eurs  de  la  lettre  d'Urwalder,  ainsi  que  des  rapports  ver- 
isagers,  que  le  sort  des  Européens  à  Khartoum  est  affreux, 
innaires  et  les  sœurs  sont  dans  tme  position  relativement 
ible,  car  ils  sont  libres  et  peuvent  gagner  leur  vie  en  tra- 
plupart  font  cuire  à  l'huile  des  fèves,  qu'ils  offrent  à  bas 
)ie  publique  dans  le  voisinage  de  la  maison  du  mahdi.  Oa 
i  pas  beaucoup  d'eux,  parce  qu'ils  sont  faibles  et  surtout 
Quant  &  Lupton-bey,  il  faut  qu'il  travaille  à  l'arsenal 
nple  Arabe,  et  qu'il  exécute  les  travaux  les  plus  vils  et  les 
,  qu'il  porte  des  fardeaux,  qu'il  lamine,  travaille  k  la  pelle, 
ariots,  balaye,  etc.,  et  tout  cela  sans  vêtements  ni  chaua- 
:  simple  caleçon  arabe  et  le  bonnet  de  feutre.  Depuis  quel- 

er  sar  les  lieux  mêmes  les  causes  oaturelles  des  invasioiia  et  les 
eilleura  pour  les  combattre.  Impossible,  nous  semble-t-il,  de  faire 


—  249  — 

que  temps  son  sort  s'est  un  peu  amélioré,  en  ce  sens  qu'il  a  été  employé 
à  la  monnaie.  L'argent  européen  et  égyptien  n'a  pas  cours  ;  le  mahdi 
fiait  battre  sa  propre  monnaie.  Slatin-bey  doit  servir  de  courrier  au 
mahdi,  Sald  Khalifa.  Il  lui  faut  courir  devant  le  cheval  du  mahdi  pour 
lui  tenir  l'étrier  lorsqu'il  monte  ou  qu'il  descend,  et  cela  nu-pieds,  ne 
portant  pour  tout  vêtement  qu'un  court  caleçon  et  un  morceau  d'étoffe 
verte  autour  des  épaules,  et  pour  arme  une  lance  et  un  petit  drapeau. 
£n  toute  occasion  il  a  à  supporter  des  insultes  de  la  part  du  mahdi,  qui 
pense  imposer  à  son  entourage  en  obligeant  un  chrétien,  un  ex-gouver- 
neur et  pacha  à  lui  tenir  l'étrier,  à  lui  mahdi  et  prophète.  Neufeld  est 
dans  les  fers  ;  deux  fois  déjà  on  l'a  conduit  enchaîné  à  la  potence,  on  lui 
a  passé  une  corde  autour  du  cou,  puis,  par  infamie  ou  pour  l'effrayer  et 
lui  extorquer  quelque  chose,  on  l'a  un  peu  soulevé  au-dessus  du  sol,  et 
on  l'a  laissé  suspendu  quelques  secondes  se  débattant  contre  la  mort. 
Après  quoi  on  le  redescendait  au  milieu  de  cris,  de  ricanements,  et 
en  le  menaçant  de  recommencer  souvent  ce  traitement,  on  le  recondui- 
sait enchaîné  en  prison.  L'ancien  sous-officier  prussien  Klotz,  domes- 
tique de  Seckendorf  mort  il  y  a  environ  une  année,  eut  à  souffrir  la 
même  torture.  Les  Grecs,  les  Syriens,  les  Coptes  et  les  Égyptiens  de- 
meurés à  Khartoum  sont  dans  des  conditions  extrêmement  tristes  et 
doivent  se  soumettre  aux  travaux  les  plus  intimes. 

La  misère  et  le  manque  d'argent,  d'habits  et  de  nourriture  régnent  à 
Khailoum;  en  outre  la  discorde  et  les  disputes  ont  éclaté  entre  les 
partisans  du  mahdi  et  les  adhérents  d'autres  grands  personnages.  Un 
chef  s'est  mis  en  révolte  ouverte,  puis  il  s'est  de  nouveau  soumis  après 
avoir  reconnu,  alors  que  les  deux  troupes  étaient  déjà  en  présence,  que 
l'armée  du  mahdi  était  beaucoup  plus  forte  et  mieux  armée  que  ses 
gens.  Après  de  courts  pourparlers,  la  paix  fut  conclue,  mais  au  bout  de 
peu  de  joiu^  le  chef  susmentionné  fut  surpris  pendant  la  nuit  et  pendu. 
Au  reste  la  pendaison  et  le  meurtre  sont  à  l'ordre  du  jour  à  Khai-toum. 
Tout  homme  qui  fume,  fait  du  commerce,  ne  livre  pas  son  argent,  serre 
ou  cache  du  blé,  est  condamné  à  être  pendu.  De  pareils  procédés  aug- 
mentent naturellement  le  mécontentement  général. 

L'un  des  messagei-s  disait  que  si  500  hommes  bien  armés,  de  troupes 
turques  ou  égyptiennes,  sans  Anglais,  s'avançaient  de  Wadi-Halfa  vers 
la  frontière  ennemie,  et  prouvaient  que  la  guerre  faite  au  mahdi  sera 
poursuivie  sérieusement,  ils  verraient  dès  le  premier  jour  se  grouper 
autour  d'eux  300  rebelles,  le  second  jour  1000,  au  bout  de  quelques 
jours  et  à  mesure  qu'ils  pénétreraient  en  Nubie  des  tribus  et  des  peu- 


•  n   '^ 


-  250  — 

plades  entières  ;  à  leur  arrivée  à  Khartoum  ils  auraient  avec  eux  une 
armée  de  10,000  hommes.  Dans  la  ville  même,  h  Texception  du  mahdi 
et  de  quelques  centaines  de  fanatiques,  tous  se  rendraient  à  eux  sans 
coup  férir.  U  y  a  une  année  déjà,  Abd-el-Kader  pacha,  gouverneur 
général  du  Soudan,  du  mois  de  mai  1882  au  mois  de  mars  1883,  a  offert 
d'entreprendre  de  reconquérir  le  Soudan  avec  5000  hommes  de  troupes 
égyptiennes  et  moyennant  20,000  liv.  sterl.,  en  promettant  de  faire  son 
entrée  à  Khartoum  au  bout  de  trois  mois  ;  poui*  des  raisons  politiques, 
son  offre  fut  déclinée  et  passée  sous  silence. 

On  ne  peut  rien  faire  au  Soudan  avec  de  l'argent,  c'est-à-dire  qu'on 
n'accepte  pas  de  rançon.  Quiconque  voudrait  se  rendre  à  Khartoum, 
avec  de  l'argent  ou  des  marchandises,  qu'il  fût  chrétien  ou  musulman, 
ami  ou  ennemi,  se  verrait  dépouillé  de  tout,  avant  même  d'y  être  arrivé, 
par  les  tribus  du  pays  intermédiaire,  appauvries  par  le  terrorisme  des 
mahdistes  et  dénuées  de  tout.  U  serait  de  même  absolument  inutile  de 
vouloir  seulement  nouer  des  négociations  pour  la  libération  des  prison- 
niers. Le  mahdi  y  donnât-il  son  consentement,  le  grand  conseil  qui 
l'entoure  refuserait  sa  ratification.  L'année  passée,  d'après  ce  qu'a  dit 
Slatin  au  messager,  le  mahdi  n'aurait  pas  été  loin  d'accepter,  la  propo- 
sition d'un  cheik  de  Berber  de  renouer  des  relations  commerciales  avec 
l'Egypte,  mais  le  grand  conseil  la  repoussa  avec  horreur. 

On  ne  peut  plus  aujourd'hui  douter  de  la  vérité  de  ces  communica- 
tions. Le  gouvernement  égyptien  et  le  chargé  d'affaires  anglais  ont  payé 
sans  délai  les  chèques  qui  leur  étaient  présentés.  Le  premier  messager, 
qui  a  passé  plusieurs  semaines  au  Caire,  a  pu  se  remettre  en  route  pour 
Berber  le  5  juin;  outre  une  récompense  personnelle  considérable,  il  a 
reçu  pour  les  prisonniers  de  fortes  sommes,  pour  le  montant  desquelles 
il  aura  acheté  à  Berber  des  marchandises  qu'il  devait  conduire  à  Khar- 
toum, déguisé  en  derviche,  et  dont  la  vente  lui  permettra  de  livi-er  la 
somme  reçue  au  Caire.  Il  est  en  outre  porteur  pour  Slatin,  Lupton  et 
les  missionnaires,  de  petits  billets  dont  chacun  n'est  pas  grand  comme 
quatre  timbres-poste  ;  il  les  a  cousus  dans  ses  vêtements. 

Les  tentatives  pour  procurer  la  délivrance  des  prisonniers  n'ont  pas 
manqué;  elles  provenaient  de  particuliers;  la  mission  catholique  surtout 
n'a  pas  cessé  de  s'y  employer.  Elle  a  même  fait  appel  à  l'intervention 
du  sultan  de  Constantinople  et  du  grand  chérif  de  la  Mecque,  toutefois 
sans  succès;  le  mahdi  se  tenant  pour  le  vi'ai  prophète  et  s'estimant  par 
conséquent  supérieur  au  sultan  et  au  chérif  ne  céderait  rien  aux  deman- 
des de  ces  derniers.  Leur  intervention  n'aurait  pour  effet  qu'une  aggra- 
vation dans  le  traitement  des  prisonniers. 


—  251  — 

Une  nouvelle  expédition  militaire  qui  ne  pourrait  rester  ignorée  des 
maîtres  actuels  de  Khartoum,  pourrait  avoir  des  conséquences  encore 
plus  graves  pour  les  captifs.  En  cas  de  succès,  c'est-à-dire  si  l'expédi- 
tion réussissait  à  atteindre  Khartoum,  ils  tomberaient  comme  victimes 
pour  la  reprise  du  Soudan.  Le  fanatisme  des  mahdistes  ne  consentirait 
pas  à  libérer  les  prisonniers,  même  pour  obtenir  un  adoucissement  aux 
conditions  des  vainqueurs.  Junker  estime  que  la  libération  des  captifs 
doit  en  tout  cas  précéder  toute  tentative  de  reconquérir  le  Soudan. 

Sans  doute  cette  libération  n'est  pas  facile  ;  il  y  a  à  surmonter  des 
difficultés  que  celui-là  seul  peut  comprendre  qui  connaît  à  fond  les  con- 
ditions du  Soudan.  Mais  on  n'a  pas  encore  épuisé  tous  les  moyens  d'ob- 
tenir cette  délivrance  par  des  voies  pacifiques.  On  ne  peut  pas  discuter 
publiquement  ces  moyens;  le  mahdi,  qui  par  ses  partisans  et  ses  espions 
au  Caire  est  informé  de  tout,  ne  manquerait  pas  d'en  profiter  pour  faire 
échouer  les  négociations.  Mais  si  le  gouvernement  égyptien,  ou  pour 
parler  plus  exactement  l'autorité  britannique  dont  les  ordres  font  loi  en 
Egypte,  veut  sérieusement  délivrer  de  leur  triste  situation,  Slatin, 
Lupton  et  les  autres  victimes  innocentes  de  la  politique  anglaise,  il  ne 
sera  pas  difficile  de  s'entendre  sur  les  voles  et  moyens  avec  ceux  qui 
connaissent  le  Soudan. 

Junker  estime  que  c'est  pour  toute  l'Europe,  et  en  premier  lieu,  pour 
l'Angleterre,  un  déshonneur  que  l'état  actuel  du  Soudan  soit  toléré  ; 
qu'un  pays  qui  depuis  trente  ans  était  ouvert  au  commerce  et  à  une  cer- 
taine civilisation,  soit  abandonné  sans  motif  et  livré  à  la  barbarie,  tandis 
qu'avec  de  la  bonne  volonté,  il  serait  facile  de  reconquérir  tout  le  pays 
et  de  délivrer  d'une  honteuse  captivité  une  quantité  d'Européens. 
Lupton  est  Anglais,  Neufeld  Allemand,  Slatin  Autrichien,  les  trois  mis- 
sionnaires et  les  quatre  sœurs  sont  Autrichiens  et  Italiens  ;  il  y  a  en 
outre  plusieurs  Grecs  à  Khartoum  ;  plusieurs  États  européens  civilisés 
sont  donc  représentés  parmi  les  prisonniers  du  mahdi,  et  cependant  pas 
un  doigt  ne  se  lève  pour  les  libérer.  D  y  a  vingt  ans,  l'Angleterre  a  envoyé 
une  expédition  sous  les  ordres  de  Napier  pour  délivrer  des  Européens 
captifs  du  roi  Théodoros  d'Abyssinie;  aujourd'hui  des  Européens  lan- 
guissent depuis  cinq  ou  six  ans  prisonniers  d'un  ennemi  fanatique,  et 
c'est  l'Angleterre  qui  a  sacrifié  Gordon,  imposé  à  l'Egypte  l'abandon 
du  Soudan  et  par  là  même  empêché  la  délivrance  des  prisonniers. 


—  252  — 

BIBLIOGRAPHIE  ' 

Camille  Coquïlhat.  Sue  le  Haut-Congo.  Paris  (J.  Lebègue  et  C'*), 
1888,  in-S**,  535  p.,  illust.  et  cartes,  fr.  7,50,  —  C'est  un  ouvrage  du  même 
genre  que  La  vie  en  Afrique  de  Gérome  Becker,  qu'a  écrit  M.  Coquïl- 
hat. M.  Becker  a  décrit  l'Afrique  orientale,  les  soucis  et  les  joies  du 
pionnier-colon  sur  les  bords  du  Tanganyika,  tandis  que  M,  Coquilhat 
nous  parle  de  l'Afrique  occidentale  et  de  la  fondation  des  stations  sur  le 
Congo.  Les  deux  ouvrages,  en  se  complétant,  permettent  de  se  rendre 
compte  de  la  situation  de  l'Européen  au  milieu  des  nègres  de  l'Afrique 
équatoriale,  en  même  temps  qu'ils  fournissent  des  éléments  de  compa- 
raison entre  les  deux  régions  est  et  ouest,  au  point  de  vue  de  leur  confi- 
guration, de  leurs  ressources  et  de  leur  population. 

Plusieurs  des  événements  que  cite  M.  Coquilhat  ont  déjà  été  décrits 
dans  le  livre  de  M.  Stanley  :  Cinq  années  au  Congo,  car  les  deux 
voyageurs  se  trouvaient  en  même  temps  sur  le  fleuve.  Toutefois  les  deux 
ouvrages  ne  font  pas  double  emploi,  car  ils  ne  sont  pas  écrits  au  même 
point  de  vue.  La  situation  des  auteurs  n'était  pas  la  même  ;  de  là  une 
certaine  diflérence  dans  leurs  impressions  et  leurs  jugements.  Stanley 
commandait  en  chef;  il  allait  et  venait  sur  le  fleuve,  s'occupant  peu  des 
stations  oU  tout  marchait  bien,  et  se  portant  sur  les  points  oîi  l'occupa- 
tion rencontrait  des  difficultés.  Aussi  a-t-il  eu  surtout  pour  but  de 
décrire  l'ensemble  de  l'œuvre  en  laissant  de  côté  les  détails.  M.  Coquil- 
hat ne  traite  que  dans  un  petit  nombre  de  pages  l'historique  de  la  fon- 
dation et  la  situation  de  l'État  Indépendant  du  Congo.  Son  objectif  est 
plutôt  de  montrer  comment  se  sont  fondées  et  élevées  les  stations  de 
l'État  sur  le  cours  moyen  et  supérieur  du  fleuve.  Il  raconte  par  le  menu 
les  tractations  avec  les  indigènes,  les  travaux  du  pionnier  africain,  ses 
ennuis  et  ses  joies  ;  en  outre,  il  décrit  l'état  actuel  des  nègres.  Ainsi 
son  œuvre  complète  celle  de  Stanley,  en  développant  un  côté  de 
l'important  sujet  traité  par  l'illustre  explorateur. 

Les  premiei's  chapitres  du  livre  de  M.  Coquilhat  renseignent  le  lec- 
teur sur  les  causes  qui  ont  amené  le  voyageur  en  Afrique  et  sur  ses  pre- 
mières pérégiinations  dans  la  région  située  immédiatement  au-dessus 
de  Stanley-Pool.  Ensuite  vient  la  partie  essentielle  de  la  relation;  elle 
rend  compte  des  impressions  personnelles  ressenties  lors  de  la  création 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  B&le,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  253  — 

des  stations  fondées  à  TÉquateur  et  chez  les  Ba-Ngala.  C'est  surtout  là 
qu'il  est  intéressant  de  suivre  l'auteur  dans  la  description  qu'il  fait 
du  pays  qu'il  a  visité  et  des  gens  qui  l'habitent.  Passé  maître  dans 
la  manière  de  nouer  des  relations  amicales  avec  les  indigènes,  tout  en 
gardant  le  prestige  dont  l'Européen  ne  doit  jamais  se  départir,  il  fait 
un  tableau  saisissant  de  ces  tribus  barbares,  anthropophages,  complète- 
ment démoralisées  par  de  longs  siècles  d'ignorance  et  de  misère,  et  qui, 
malgré  leur  instinct  guerrier,  accueillent  favorablement  l'hcmime  blanc 
qui  lem'  apporte  des  paroles  de  paix.  La  vie  de  ces  chefs  de  station, 
isolés  au  milieu  des  sauvages,  s^arés  des  établissements  voisins  par  des 
ceutaipes  de  lieueà,  dépasse  en  extraordinaire  tout  ce  qu'ont  pu  inventer 
les  Daniel  de  Foë,  les  Mayne-Reid  et  les  Jules  Verne.  Ce  n'est  pas  par 
la  force  qu'ils  dominent,  car  ils  n'ont  avec  eux  qu'un  petit  nombre  de 
Haoussa  ou  de  Zanzibarites,  et  pourraient  être  écrasés  si  les  noirs  les 
attaquaient  en  masse;  c'est  seulement  par  l'ascendant  moral  qu'ils 
exercent  autour  d'eux.  On  les  craint,  on  les  respecte.  Quand  M.  Coquil- 
hat  quitta  la  station  des  Ba-Ngala,  les  indigènes  vinrent  échanger  avec 
lui  une  amicale  poignée  de  mains  et  le  vieux  chef  Mata-Buiké  l'embrassa 
avec  larmes,  en  lui  disant  :  a  Revenez  bientôt,  car  je  suis  vieux  et  je 
veux  vous  revoir  avant  de  mourir.  » 

Mata-Buiké  revit  le  voyageur.  Après  s'être  reposé  en  Belgique  de  son 
séjour  de  trois  ans  sur  les  bords  du  grand  fleuve,  M.  Coquilhat  retourna 
au  Congo  mais  n'y  séjourna  pas  longtemps  ;  il  tomba  sérieusement 
malade  et  dut  bientôt  regagner  l'Europe.  C'est  pendant  ce  second 
voyage  que  se  passèrent  les  événements  dont  la  conséquence  fut  l'aban- 
don du  poste  des  Stanley-Falls  pai*  les  agents  de  l'État  Indépendant. 
L'auteur  a  été  mêlé  de  près  à  ces  événements  auxquels  il  consacre  la 
troisième  partie  de  son  ouvrage.  Les  renseignements  qu'il  donne,  pour 
la  plupart  encore  inédits,  éclairent  d'un  jour  nouveau  l'histoire  de  la 
fondation  de  l'État.  L'attaque  de  la  station  par  les  Arabes,  la  fuite  de 
M.  Deane  le  chef  du  poste,  la  mort  de  son  compagnon  Dubois,  la 
marche  de  l'expédition  de  secours  conduite  par  M.  Coquilhat,  forment 
autant  de  scènes  dramatiques,  que  l'auteur  décrit  avec  clarté,  et  en 
entremêlant  son  récit  de  détails  qui  le  rendent  vivant  et  instructif  à  la 
fois.  C'est  un  roman  véritable,  mais  un  roman  vécu. 

Dans  les  dernières  pages  intitulées  :  Conclusion,  l'auteur  expose  fran- 
chement son  opinion  sxir  l'avenir  de  l'œuvre  du  Congo.  Des  cartes  et 
des  gravures  enrichissent  cet  ouvrage  qui  se  recommande  au  public  au 
même  titre  que  les  meilleurs  récits  de  voyages. 


—  254  — 

Compte  rendu  sommaire  de  la  conférence  donnée  par  M.  Ed. 
Dupont  sur  les  résultats  de  ses  expu^ations  €iÉOLoai(^u£s  ad 
Congo.  Extrait  du  Bulletin  de  la  Société  bdge  de  géologie  et  de  paléon-^ 
tologie.  Bruxelles  (PoUeunis,  Ceuterick  et  Lefébure),  1888,  itt-8*,  28  p. 
—  M.  Dupont,  rémineut  sayant  belge,  a  fait  au  Congo  un  Yoyagequi  lui 
a  permis  d'étudier,  au  point  de  vue  géologique,  le  cours  inférieur  et  une 
partie  du  cours  moyen  du  fleuve,  en  particulier  la  région  comprise  entre 
le  Stanley-Pool  et  la  mer.  La  relation  de  son  voyage  et  l'exposé  des 
résultats  obtenus  n'ont  pas  encore  été  publiés,  mais  le  voyageur  a  donné 
le  4  mai*s  dernier,  à  la  Société  belge  de  géologie,  une  conférence  sur 
ses  travaux.  Bien  que  le  compte  rendu  que  nous  avons  sous  les  yeux  soit 
succinct,  on  peut  se  faire  ime  idée  de  l'importance  de  cette  exploration, 
la  première  qui  ait  été  faite,  à  ce  point  de  vue,  dans  le  bassin  du  Congo. 

M.  Dupont  a  montré  que,  dans  l'Afrique  équatoriale,  la  partie  cen- 
trale du  continent  forme  des  plaines  hautes  ou  plateaux  moins  élevés 
que  les  chaînes  côtières  qui  les  séparent  de  l'Océan.  Pour  arriver  à  la 
mer,  les  fleuves  doivent  franchir  la  bordure  montagneuse  des  côtes,  de 
sorte  que  dans  leur  cours  supérieur  et  moyen,  leur  pente  est  faible  et 
leur  régime  normal,  tandis  que  dans  le  cours  inférieur,  ils  ont  à  descen- 
dre les  terrasses  successives,  en  formant  une  chaîne  de  cataractes  et  de 
rapides.  De  l'examen  des  terrains  situés  autour  du  Stanley-Pool  et  entre 
ce  point  et  la  côte,  M.  Dupont  déduit  que  jusqu'en  des  temps  relative- 
ment peu  éloignés  de  l'époque  moderne,  vers  l'époque  quaterndre,  le 
grand  Congo  n'existait  pas.  A  sa  place,  un  petit  fleuve  de  montagne 
prenant  sa  source  dans  une  gorge  de  la  Sierra  de  Cristal  coulait  sur  le 
versant  occidental  seulement,  tandis  que,  sur  le  plateau  intérieur,  les 
eaux  s'écoulaient  vers  la  dépression  que  le  Stanley-Pool  figure  encore 
aujourd'hui  ;  là  elles  étaient  arrêtées  par  la  chaîne  côtière.  Peu  à  peu 
les  eaux  s'accumulèrent,  formant  un  lac  immense  qui  en  s'élevant 
escalada  les  uns  après  les  autres  les  contrefoi-ts  de  la  montagne 
jusqu'à  ce  que,  profitant  d'un  col,  elles  franchirent  la  crête  la  pins 
élevée  et  s'épanchèrent  sur  le  versant  occidental  de  la  chaîne  par  un 
torrent  impétueux.  La  force  même  du  courant  élargit  bientôt  le  pas- 
sage et  le  transforma  peu  à  peu  eu  une  vallée  à  parois  verticales, 
s'approfondissant  sans  cesse  sous  le  choc  des  cascades  furieuses.  Aujour- 
d'hui encore,  ce  travail  gigantesque  se  continue.  A  mesure  que  la  vallée 
se  creusait  plus  profonde,  le  niveau  du  lac  intérieur  baissait  ;  toutefois, 
il  n'a  pas  encore  disparu  complètement,  car  le  Stanley-Pool  en  est  un 
faible  reste  qui  doit  son  existence  au  fait  que  les  eaux  du  Congo  ne 
peuvent  encore  s'élancer  d'un  bond  dans  la  gorge  qu'il  a  creusée. 


—  255  — 

Sans  doute  la  barrière  de  la  Sierra  de  Cristal,  par  les  obstacles 
qu'elle  a  créés  h  la  libre  navigation,  constitue  un  élément  défavorable 
au  succès  de  Tœuvre  africaine;  toutefois  n'oublions  pas  que  sans  cette 
rangée  montagneuse,  le  Congo  n'existerait  pas  comme  fleuve  unique  du 
centi-e-ouest  africain.  Si  le  plateau  intérieur  s'abaissait  en  pente  régu- 
lière vers  l'Océan  Atlantique,  les  cours  d'eau  qui  se  jettent  aiqourd'hm 
dans  le  Congo  seraient  des  fleuves  isolés  qui  se  rendraient  chacun  sépa- 
rément à  la  mer,  comme  c'est  le  cas  des  fleuves  d*Espagne  et  de 
France.  Au  contraire,  arrêtées  par  la  chaîne  côtière,  les  rivières  du  pla- 
teau intérieur  doivent  s'unir  en  une  artère  unique  qui  traverse  la  chaîne 
sur  un  seul  point.  C'est  donc  à  cet  obstacle  que  l'on  doit  de  pouvoir 
utiliser  cet  immense  Congo  et  son  réseau  d'affluents  aux  mailles 
innombrables,  qui  constituent,  avec  l'Amazone  et  le  Mississipi,  le  plus 
beau  bassin  fluvial  qui  soit  au  monde. 

MrrxHEiLUNcœN  von  Fobschungsreisenden  und  GtELEHRTEK  aus  den 
DEUTsoHEK  ScHUTzoEBiETEN.  Mit  Bcuutzung  amtUcher  Quellen,  heraus- 
gegeben  von  D'  Freiherr  von  Danckelmann.  Berlin  (A.  Asher  et  G% 
1888^  I  Heft,  in-8'',  30  p.  Fr.  1,25.  —  Le  savant  secrétaire  général  de  la 
Société  de  géographie  de  Berlin,  D' von  Danckelmann,  qui  a  fait  il  y  a 
quelques  années  un  voyage  au  Congo,  commence  aujourd'hui  une  publia 
cation  dont  l'utilité  n'est  pas  contestable  et  qui  sera  certainement  goû- 
tée en  Allemagne  et  à  l'étranger.  Il  s'agit  d'un  bulletin  qui  renseignera 
le  public  sur  tous  les  faits  intéressants  relatifs  aux  territoires  placés 
sous  le  protectorat  de  l'Allemagne.  Cette  revue  ne  paraîtra  pas  à  inter- 
valles réguliers,  mais  chaque  fois  qu'un  ensemble  de  nouvelles  aura  été 
recueilli  et  pourra  être  porté  à  la  connaissance  du  public.  Chaque  livrai- 
son se  paiera  à  part,  à  un  prix  qui  variera  suivant  le  nombi*e  de  pages 
qu'elle  comptera  et  les  gravures,  cartes  ou  plans  qu'elle  renfermera. 
Toutes  les  questions  seront  traitées  dans  cette  publication;  elle  contien- 
dra des  mémoires  originaux,  des  récits  d'exploration,  des  études  sur 
des  sujets  touchant  à  la  géographie,  l'administration,  les  productions, 
le  commerce  et  l'industrie  des  colonies  allemandes,  des  nouvelles,  des 
communications  de  source  officielle,  etc.  ;  elle  donnera  tous  les  rensei- 
gnements propres  à  éclairer,  le  colon,  le  négociant  ou  Tadministrateur, 
en  n'utilisant  que  des  sources  dans  lesquelles  on  puisse  avoir  confiance. 
Le  nom  du  directeur  de  cette  revue  nous  donne  la  certitude  qu'il  s'agit 
d'une  œuvre  sérieuse,  marquée  au  coin  de  la  science  et  du  bon  sens. 

Le  premier  fascicule  nous  apporte  des  nouvelles  de  deux  expéditions 


—  256  — 

au  Togoland,  dirigées,  l'une  par  M.  von  François,  l'autre  par  le  D' Wolf, 
et  d'une  exploration  du  Cameroun  par  le  Jy  Zintgraff.  La  presque  tota- 
lité de  la  brochure  est  consacrée  à  l'expédition  de  M.  Kund  au  pays  de 
Batanga,  c'est-à-dire  à  l'est  du  Cameroun.  Cette  exploration  prend  une 
réelle  importance  par  l'étendue  du  territoire  visité  et  le  grand  nombre 
de  données  géographiques  et  ethnographiques  recueillies.  La  zone  tra- 
versée par  l'expédition,  du  mois  d'octobre  1887  à  la  fin  de  février  1888, 
s'étend  à  Test  jusqu'à  12**  30'  long,  est,  au  nord  jusqu'à  5**  lat.  nord,  et 
au  sud  jusqu'au  fleuve  Kampo.  Cette  région  a  été  jusqu'ici  laissée  com- 
plètement en  blanc  sur  les  cartes.  M.  Kund  et  ses  compagnons  ont  pu 
établir  le  régime  hydrographique  de  la  contrée  et  déterminer  approxi- 
mativement la  zone  de  partage  des  eaux,  entre  le  bassin  du  Cameroun 
d'une  part  et  les  bassins  du  Benoué  et  du  Congo  d'autre  part.  Le  pla- 
teau intérieur  a  une  hauteui*  moyenne  de  750  à  800"  ;  il  est  séparé  de  la 
côte  par  une  rangée  de  montagnes  d'une  altitude  de  1000  à  1400".  Eln 
traversant  cette  chaîne,  les  cours  d'eau  font  des  chutes,  puis  ont  un 
cours  à  pente  douce  et  font  encore  quelques  cataractes  avant  d'entrer 
dans  la  zone  côtière  proprement  dite.  L'expédition  a  rapporté  d'utiles 
indications  sur  la  nature  géologique  de  la  région,  sur  les  peuples  qui 
l'habitent,  sur  la  ligne  de  démarcation  entre  les  peuples  soudanîens  et 
les  Bantous,  sur  l'influence  arabe  dans  cette  partie  de  l'Afrique,  autant 
de  sujets  encore  peu  étudiés  qui  donnent  un  grand  intérêt  au  récit. 


Post-serlptam  ma  Bolletln  mensaely  p.  228. 

A  la  dernière  heure,  Pauteur  de  Au  ccsur  de  V Afrique,  M.  le  D'  Schweinfurth, 
en  ce  moment  à  CrenèTe,  après  un  rendez-vous  qu^il  a  eu  ici  avec  le  D^  Junker, 
nous  dit  admettre  la  possibilité  de  l'arrivée  de  Stanley  à  l'extrémité  sud  de 
Fancienne  province  du  Bahr-el-Ghazal.  Son  itinéraire,  à  partir  des  rapides  de 
l'Arououimi,à  100  kil.  en  amont  de  son  confluent  avec  le  Congo,  suivait  cette  rivière 
ou  l'un  de  ses  principaux  affluents  jusqu'à  Sanga,  endroit  visité  par  Junker,  pour 
gagner  de  là  Wadelaï  directement,  ou  le  sud  du  lac  Albert.  Toutefois,  comme 
l'accès  de  ce  côté  est  fermé  par  de  hautes  montagnes,  il  serait  possible  que  Stanley 
eût  préféré  prendre  une  route  plus  au  nord,  se  dirigeant  par  terre  sur  Wadelaï. 
La  nouvelle  de  l'arrivée  du  «  pacha  blanc  >  aurait  pour  origine  l'apparition  de 
Stanley  au  pays  des  Mabode,  d'où  des  routes  de  caravanes  conduisent  indirecte- 
ment au  Darfour  à  travers  les  pays  Niams-Niams.  Elle  aurait  été  transmise  par 
l'intermédiaire  des  chefs  indigènes  et  des  agents  arabes. 


r 


BULLETIN  MENSUEL  {3 septembre  1888'] 

La  commission  française  nommée  pour  rechercher  le 
des  sommée  votéee  pour  venir  en  aide  aux  victimes  d( 
Algérie*  a  fait  deux  parts  du  crédit  de  500.000  fr. 
Cîumibres,  et  du  fonds  de  5.000.000  de  francs  à  provenir 
bons  k  Iota,  opération  concertée  avec  le  Crédit  foncier. 
1.300.000  fr.  servira  à  payer  80.000  journées  aux  mil 
poQF  travailler  à  la  destruction  des  sauterelles,  et  2.309.' 
indigènes  qui  ont  concouru  à  la  niôme  œuvre.  Une  i 
1.200.000  fr.  sera  mise  en  réserve  pour  les  mesures  h 
de  la  campagne  prochaine  :  ramassage  des  œufs,  ad 
main-d'œuvre  indigène.  Sur  les  2.990.000  fr.  restai 
sera  affecté  à  l'achat  de  graines  pour  semences;  le 
swa  distribué  d'après  les  évaluations  du  service  d< 
êrectes.  Dès  la  première  quinzfdne  de  juillet,  les  eau 
commencé  k  déposer  leurs  œufe  en  terre,  et  la  ponte  { 
jusqu'à  ta  fin  du  mois.  On  n'a  pas  attendu  qu'elle  ffil 
reconnaître  et  délimiter  les  surfaces  oîi  elle  s'est  prodi 
les  œufs  et  les  détruire.  La  terre  étant  absolument  nue, 
de  les  découvrir  et  de  les  ramasser  qu'il  ne  le  sera  c 
lorsque  les  premières  pluies  d'automne  auront  fait  repot 
sans  doute,  on  ne  peut  espérer  détruire  toutes  les  pon 
d'ceufs  pondus  cette  année  étant  énorme,  mais  n'en  ran 
moitié,  ce  résultat  serait  déjà  satisfaisant  et  diminuer! 
édosions  de  1889  ;  les  appareils  feraient  le  reste. 

La  Oontemporary  Beview  a  publié,  sur  la  découvert* 
quantité  de  tablettes  cunéiformes,  à  Tel-el-Araarna,  d; 
fiff^pte,  un  article,  duquel  il  ressort  que  ces  tablettes 
ou  dépêches  adressées  à  Àménopbis  m  et  IV,  de  la  X' 
parles  rois  ou  gouverneurs  de  la  Palestine,  de  la  Syrie 
lamie  et  de  la  Babylonie.  Lorsque  Aménophis  IV  eut 
prêtres  de  cette  ville,  ces  documents  furent  transportés 

'  Les  matières  comprises  dans  nos  Bullttiiis  mamiéts  et  dans 
plmentaires  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  coi 
l'Algérie,  pois  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  cAte  orienta 
rCTcoant  par  la  côte  occidentale. 

L'iTRItJCE.  —  HKOVIÈMK  ASKÉE.  —  N°  9. 


—  258  — 

nouvelle  capitale  avec  le  reste  des  archives  royales.  Us  révèlent  des  rap- 
ports politiques  et  littéraires  entre  l'Egypte  et  la  Babylonie,  bien  avant 
la  date  assignée  par  les  égyptologues  à  l'exode  des  Israélites.  Sous  ce 
rapport,  cette  révélation  atteint  les  propoilions  d'une  véritable  révolu- 
tion historique  et  renverse  toutes  les  notions  actuellement  admises  sur 
l'ancien  Orient.  Les  scribes  qui  ont  écrit  en  caractèi-es  babyloniens  tra- 
hissent une  connaissance  approfondie  de  l'alphabet  cunéiforme.  É\i- 
demment  l'Asie  occidentale  possédait  des  écoles  excellentes  oii  la  litté- 
rature babylonienne  était  cultivée  avec  soin.  Ainsi  s'expliqueraient  le  fait 
qu'on  trouvât  dans  le  pays  de  Canaan  les  noms  de  divinités  assyriennes, 
et  les  curieuses  analogies  signalées  dans  les  cosmologies  de  la  Babylonie 
et  de  la  Phénicie.  Un  certain  nombi'e  de  documents  conservés  dans  le 
pays  de  Canaan  devaient  être  écrits  sur  l'argile  et  non  point  sur  papy- 
rus. On  peut  donc  espérer  que  le  jour  oîi  des  villes  comme  Tyr  et  Kir- 
jat-Sephêr,  la  Cité  des  livres,  seront  exhumées  des  profondeurs  du  sol, 
on  y  trouvera  des  bibjiothèques  analogues  à  celles  de  Ninive  et  de  Baby- 
lone.  Nous  sommes  assurés  maintenant  qu'avant  la  sortie  des  Israélites 
de  l'Egypte,  les  habitants  du  pays  de  Canaan  savaient  lire,  et  qu'ils 
écrivaient  sur  des  briques. 

L'état  de  gueiTe  qui  se  prolonge  entre  l'Italie  et  l' A^byssinie  ayant 
engagé  le  général  Napier  de  Magdala  à  demander,  dans  la  séance  du 
3  août  de  la  Chambre  des  Loi-ds,  si  une  médiation  entre  les  belligérants 
était  possible,  a  founii  au  marquis  de  Salisbury  l'occasion  de  communi- 
quer le  texte  du  premier  article  de  la  convention  conclue  en  1884  avec 
l'Abyssinie  par  les  soins  de  l'amiral  Hewett.  Cet  article  est  ainsi  conçu: 
«  Aussitôt  le  traité  signé  il  y  aura  libre  transit,  à  travers  Massaouah,  de 
toutes  les  marchandises,  y  compris  les  armes  et  les  munitions,  poui* 
l'aller  et  le  retour  en  Abyssinie,  sous  la  protection  anglaise.  »  Saïus 
doute  à  ce.moment  l'Angleterre  comptait  continuer  à  occuper  Massaouah 
pour  le  compte  de  l'Egypte.  En  laissant  l'Italie  installer  ses  troupes  à 
Massaouah,  elle  lui  fit  comprendre  que  les  engagements  pris  par  le  gou- 
vernement de  la  reine  devaient  être  remplis.  L'Italie  s'en  chargea,  mais 
n'en  tint  pas  compte.  Le  gouvernement  anglais  désire  prévenir  un  con- 
flit plus  sérieux,  mais  sa  médiation  ayant  échoué  une  première  fois,  il  ne 
peut  que  chercher  à  saisir  une  occasion  favorable  pour  faciliter  le  réta- 
blissement de  la  paix  entre  l'Italie  et  l'Abyssinie. 

M.  Jaraesson,  un  des  adjoints  de  Sta.nley,  laissé  à  Yambouya  avec 
le  major  Barttelot,  et  qui  s'était  rendu  à  Nyangoué  et  à  Kasongo  rési- 
dences de  Tipo-ïipo,  oii  s'organisait  la  caravane  destinée  au  transport 


—  259  — 

des  600  charges  laissées  par  Stanley  au  camp  de  rArououimi,  a,  d'après 
une  dépêche  de  Zanzibar  du  30  juillet,  écrit  de  Kasongo,  le  15  avril, 
que  le  major  Barttelot  et  lui-même  se  préparaient  à  quitter  le  camp  de 
Yambouya  avec  Tipo-Tipo  et  une  caravane  de  900  hommes.  Il  ressort 
de  cette  dépêche  que  la  situation  de  la  région  des  Stauley-Falls  a  dû 
s'amélioi-er  beaucoup  depuis  le  retour  de  Tipo-Tipo,  et  que  celui-ci 
reste  fidèle  aux  engagements  qu'il  a  contractés  envers  l'État  indépen- 
dant et  envere  Stanley.  C'est  par  Zanzibar  également  qu'est  arrivée  à 
M.  M.  Camperio,  une  lettre  de  Casati  écrite  de  Giuaïa,  résidence  de 
Kabréga,  roi  de  l'Ou-Nyoro,  du  5  décembre  1887.  «  Je  ne  crois  pas  que 
Stanley  arrive  prochainement,  »  disait-il .  a  Aucune  nouvelle,  même  vague, 
ne  nous  est  parvenue  de  l'ouest.  Je  suis  convaincu  qu'il  ne  peut  être  ici 
avant  le  mois  de  mars  prochain,  à  moins  que  la  fortune  n'ait  singulière- 
ment souri  à  sa  marche.  Caravane  nombreuse,  difficulté  de  ravitaille- 
ment, pénurie  de  grains,  maladies,  etc. ,  ce  sont  là  des  éléments  avec 
lesquels  il  faut  compter  sérieusement.  »  Stanley  n'était  donc  pas  encore 
annoncé  le  5  décembre,  cinq  mois  après  son  départ  du  camp  de  Yam- 
bouya. Casati  ne  l'attendait  pas  avant  le  mois  de  mars.  Ainsi,  il  n'y  a 
rien  de  bien  étonnant  que  nous  n'ayons  pas  encore  la  nouvelle  de  son 
arrivée  près  d'Émin  pacha,  les  coiTespondances  de  Wadelaï  ayant  mis 
jusqu'ici  six  mois  au  moins  pour  parvenir  à  la  côte.  D'après  la  dépêche 
de  Zanzibar,  l'arrière-garde,  avec  MM.  Barttelot  et  Jamesson,  ainsi  que 
Tipo-Tipo,  s'est  mise  en  marche  à  la  tin  d'avril  ou  au  commencement 
de  mai  pour  rejoindre  l'expédition  piincipale. 

La  Deutsche  Kolonial  Zeitung  annonce  la  formation  d'une  société 
qui  organisera  une  expédition  allemande  pour  porter  secoui's  à  Ëmin 
pacha.  Aloi-s  même  que  la  Société  coloniale  allemande  ne  peut  pas  s'en 
charger  directement,  elle  sympathise  pleinement  avec  tous  les  efforts 
qui  se  font  pour  prévenir  le  retour  d'une  catasti'ophe  semblable  à  celle 
de  Khartoum.  Ce  sera  donc,  avec  les  entreprises  anglaise  et  française, 
la  troisième  expédition  organisée  pour  secoui'ir  le  dernier  auxiliaire  de 
Gordon,  On  comprend  que  tous  les  regards  du  monde  civilisé  soient 
attachés  sur  les  événements  du  Haut  Nil  desquels  dépendent  le  salut  ou 
la  ruine  des  principaux  intérêts  de  l'Europe  dans  l'Afrique  centrale. 
D'après  le  Berlmer  Taghlatt,  si  l'expédition  réussit,  on  établira  une 
route  commerciale  allant  des  hauts  pays  des  lacs  vers  Te.st,  Ton  orga- 
nisera, le  long  de  la  route,  des  stations,  et  l'on  fondera  une  société  des 
lacs  allemande-est-africaiue.  Une  commission  provisoire  s'est  formée 
pour  poursuivre  la  réalisation  de  ce  plan.  L'explorateur  Wissmann  fait 
partie  du  comité  directeur. 


—  260  — 

Nous  avons  mentionné,  dans  notre  dernier  numéro  (p.  225),  la  croi- 
sade que  le  cai'dinal  I<aTi§;erie  se  proposait  d'organiser  pour  abolir 
resclava^e.  Une  coirespondance  de  Bruxelles  au  Temps  nous  indique 
les  moyens  que  Son  Éminence  compte  employer  pour  cherdier  à  réaliser 
son  dessein.  Autant  l'abolition  qu'il  a  en  vue  est  désirable,  autant  les 
moyens  qu'il  préconise  paraissent  chimériques.  D'après  le  corr^pon- 
dant  du  Temps,  il  s'agirait  de  l'ouverture  d'une  souscription  pour 
l'éqxiipement  d'une  milice  sainte  qui  serait  envoyée  sur  les  bords  du 
Tanganyika,  pour  mettre  obstacle  au  passage  des  caravanes  d'esclavea 
et  les  empêcher  de  pénétrer  sur  le  teiTitoire  de  l'État  du  Congo.  Le 
cardinal  ne  demande  que  cent  hommes  pour  mettre  un  terme  à  cet 
odieux  commerce.  Mais  que  feront  ces  cent  hommes  échelonnés  le  long 
des  rives  d'un  lac  qui  a  plus  de  500  kilom.  de  longueur?  Mgr.  Lavigerie 
rappelle  aux  puissances  les  articles  de  l'Acte  général  qu'elles  ont  signé  à 
Berlin  il  y  a  trois  ans,  par  lesquels  elles  se  sont  engagées  à  entraver  la 
traite  par  tous  les  moyens,  et  leur  demande  d'interdire  aux  musulmans, 
dans  les  régions  de  l'Afrique  placées  sous  des  protectorats  européens, 
le  port  et  l'usage  des  armes  dont  ils  frappent  les  .esclaves,  que  leur 
doctrine  assimile  à  l'animal  et  ravale  parfois  au-dessous  de  la  béte.  Il 
invite  même  les  puissances  européennes  à  refouler  les  mahométans  obs- 
tinés  d'Afrique  en  Turquie  ou  dans  les  Indes,  mais  en  même  temps  il  ne 
veut  pas  qu'elles  portent  la  guerre  à  l'intérieur  de  l'Afrique.  Il  ne  veut 
pas  que  l'on  fasse  couler  le  sang  des  chasseurs  d'esclaves  pour  les  empê- 
cher de  faire  couler  celui  des  malheureux  noirs  ;  cependant  sa  sainte 
milice  devra  être  année.  A  quoi  serviront  ces  armes,  si  ce  n'est  au 
moins  à  se  défendre  contre  les  attaques  des  Arabes,  dont  le  sang  ne 
manquera  pas  de  couler,  pour  peu  que  la  milice  du  cardinal  sache  s'ea 
servir  ? 

A  propos  de  la  réclamation  de  l'Italie  au  sultan  de  Zanzibar  au  sujet 
du  port  de  Kismayou,  la  Gazette  de  Cologyie  fait  remarquer  que  l'in- 
violabilité du  ten-itoire  de  Zanzibar  a  été  garantie  par  la  France,  l'An- 
gleterre et  l'Allemagne,  et  que  l'assentiment  de  ces  puissances  serait 
certainement  nécessaire  pour  la  cession  du  port  susmentionné,  à  l'em- 
bouchure du  fleuve  Juba.  L'Allemagne  ne  se  montrera  pas  très  empres- 
sée de  répondre  aux  exigences  de  l'Italie,  et  celle-ci  ne  voudra  pas  à 
cette  occasion  se  brouiller  avec  l'Allemagne.  On  ne  peut  d'ailleurs  s'at- 
tendre à  voir,  avant  un  certain  nombre  d'années,  une  puissance  euro- 
péenne prendre  pied  sur  la  côte  orientale  des  Somalis,  à  moins  qu'elle 
n'y  emploie  constamment  des  forces  militaires  considérables.  Il  y  a 


r 


«laati'e  aiis,  l'expédition  italienne  du  vaisseau  de  guerre  le  Barbarigo  à 
Kismayou  a  coniplètenieut  échoué  ;  les  Anglais  aussi  ont  fait  des  expé- 
riences désagréables  avec  les  Somalis.  De  toutes  les  nations  européeuties 
«sont  les  Allemands  qui  out  le  mieux  su  prendre  ce  peuple  belliqueuii. 
Les  membres  de  la  Société  de  l'Afrique  orientale,  qui  ont  conclu  des 
traités  avec  les  princes  somalis,  ont  passé  de  longs  mois,  sans  armes, 
au  milieu  de  ces  populations  redoutées,  qui  les  ont  traités  avec  respect 
etamitié.  Aucune  puissance  européeDne,  ne  pourrait  occuper  Kismayou 
plus  facilement  que  l'AIIemague.  Si,  malgré  les  traités  passés  avec  la 
Société  de  l'Afrique  orientale,  l'Allemagne  n'a  pas  essayé  d'acquérir  ce 
port,  c'est  parce  que  les  rapports  avec  les  indigènes,  qui  n'ont  presque 
pas  eu  de  coutact  avec  l'Europe,  sont  encore  trop  difficiles,  et  que  l'on 
veut  attendre  de  voir  quelle  sera  l'intluence  du  commerce  européen  sur 
le  caractère  des  belliqueuses  tribus  somalis. 

La  Société  de  géographie  commerciale  de  la  Suisse  orientale,'  k  Saint- 
(iell,  a  cherché  à  procurer,  à  Madagascar  et  au  Traiisvaal,  de  uouveaux 
débouchés  aux  produits  de  l'itidustrie  suisse.  Les  Qeographische  Nach- 
rkhteH  annoncent  que  les  tentatives  faites  sous  ses  auspices  sont  en 
bonne  voie,  et  donnent  d'utiles  reuseiguements  sur  les  conditions  du 
commerce  dans  la  République  Hnd-»rFicKlne.Les  maisons  de  com- 
merce, surtout  les  grandes,  sont  essentiellement  anglaises,  ce  sont  elles 
qui  out  entre  les  mains  presque  tout  le  commerce  d'importation,  et  elles 
favorisent  naturellement  les  produits  anglais.  Ceux-ci  leur  arrivent 
tittsentiellement  par  la  voie  de  Natal.  Dans  toutes  les  localités,  grandes 
wu  petites,  les  magasins  doivent  être  pourvus  de  tous  les  articles  imagi- 
nables, produisant  une  valeur  qui  va  de  100,000  francs  à  un  million  et 
au  delà.  Le  commerce  en  détail  domine;  comme  il  n'y  a  eu  jusqu'ici  que 
des  marchandises  anglaises  ou  américaines,  les  articles  importés  de 
Suisse,  présentant  un  caractère  de  nouveauté,  ont  trouvé  uu  écoulement 
facile;  l'augmeutation  rapide  de  la  population  européenne,  attirée  par 
le  développement  de  l'exploitation  des  gisements  aurifères,  leur  assu- 
rera un  débit  toujours  plus  grand.  Mais  les  agents  suisses  au  Transvaal 
recommandent  de  ne  pas  se  borner  à  expédier  des  marchandises  cou- 
rantes; les  articles  de  première  qualité  sont  très  demandés.  Le  monde 
féminin  des  \111es  veut  les  nouveautés  et  les  articles  de  fantaisie  du  plus 
grand  luxe,  et  s'inquiète  beaucoup  moins  du  prix  que  de  la  qualité  des 
objets.  Dès  lors,  ce  seront  tes  marchandises  les  plus  fines  qui  obtien- 
dront l'écoulement  le  plus  considérable.  Elles  doivent  arriver  à  Natal  eu 
août  ou  septembre  ;  jusqu'à  ce  momenl-là,  le  transport  par  wagons,  de  la 


-  263  — 

mais  pour  régler  les  questions  religieuses  ou  d'intérêt  commun.  Tout  se 
traite  dans  des  réunions  plénières  (palabres),  dans  lesquelles  on  bat  le 
fétiche,  c'est-à-dire  qu'on  le  consulte,  à  tout  propos,  que  If^  patrie  soit 
en  danger  ou  que  l'on  veuille  vendre  une  poule.  Chaque  confédération  a 
son  roi,  qui  pi'éside  aux  grandes  solennités,  et  qui  semble  être,  avec  le 
féticheur,  le  conservateur  des  traditions.  Aussi  la  personne  royale  est-elle 
entourée  d'une  vénération  superstitieuse.  Toutefois  sa  puissance  n'est 
que  nominale  sur  les  m'foumou,  qui  le  surveillent  et  s'entendent  parfai- 
tement pour  le  faire  disparaître  quand  il  est  trop  riche  ou  trop  entre- 
prenant. Un  roi  ne  peut,  sous  aucun  prétexte,  s'approcher  des  rives  du 
Congo,  dont  la  vue,  disent-ils,  le  ferait  mourir  sur-le-champ.  » 

Voici  quelques  détails  sur  le  voyage  que  M.  Dolizie  a  fait  sur  l'Ou- 
baii^i,  à  bord  de  VAlima,  jusqu'en  amont  des  chutes  de  Zongo.  Le 
bateau  quitta  le  Stanley-Pool  le  26  novembre  et  arriva  au  poste  français, 
établi  sur  la  rive  gauche  de  l'Oubangi,  le  6  novembre,  soit  en  onze 
joui*s.  M.  Dolizie  commença  la  reconnaissance  de  la  rivière  avec  l'inten- 
tion de  dépasser  les  rapides  et  de  pousser,  aussi  loin  qu'il  le  pourrait, 
l'exploration  du  cours  supérieur  en  amont  de  ceux-ci.  Le  19  décembre, 
VAlinm  arriva  au  nouveau  poste  français,  établi  sur  la  rive  droite  et 
destiné  à  remplacer  celui  de  la  rive  gauche,  cédé  à  l'État  indépendant  à 
la  suite  de  la  convention  passée  avec  la  France.  Ce  poste,  nommé  Bona- 
dza  Oudzaka,  est  établi  par  1°,50'  lat.  nord.  Après  six  jours  passés  en 
cet  endroit,  le  bateau  se  remit  en  route  et  arriva,  le  31  décembre,  au  pied 
(les  rapides  de  Zongo,  par  4°,18'30"  lat.  nord.  Le  2  janvier,  VAlitna 
franchit  le  premier  rapide  et  poursuivit  pendant  quelques  heures  sa 
navigation  en  amont.  Mais  déjà  les  eaux  baissaient  et  il  alla  donner,  à 
plusieurs  reprises,  sur  des  bancs  de  cailloux.  N'ayant  à  sa  disposition 
qu'un  bateau  d'un  trop  fort  tirant  d'eau,  M.  Dolizie  fut  forcé  de 
rebrousser  chemin  sans  avoir  pu  dépasser  le  point  atteint  trois  ans 
auparavant  par  M.  Grenfell. 

M.  Pierre  Kauffer,  membre  correspondant  de  la  Société  de  géographie 
commerciale  de  Bordeaux,  écrit  axi  Bulletin  de  cette  Société  que  l'écoule- 
ment facile  trouvé  sur  la  place  de  Hambourg  parles  tabacs  de  la  Société 
des  planteurs  de  Cameroan,  Wœiiuann,  Thormàhlen  &  C'%  a  eu 
pour  résultat  la  fondation  d'une  nouvelle  Compagnie,  appelée  :  Société  des 
plantations  de  tabac  du  pays  de  Cameroun,  Jantzen,  Thormàhlen  et 
Dollmann.  Il  a  été  reconnu  que  les  terrains  productifs  volcaniques  qui  se 
trouvent  au  pied  du  Cameroun,  ainsi  que  le  climat  à  la  fois  chaud  et 
humide,  donnent  un  tabac  qui,  avec  le  temps,  et  en  étant  convenable- 


—  264  — 

ment  travaillé,  peut  jouer  un  i-ôle  important  sur  le  marché  eui'opéen.  D 
y  a  plusieurs  années  déjà,  la  maison  Jantzen  et  Thormâhlen  a  acquis  de 
vastes  territoires  limités  par  la  mer,  entre  Ngomé,  près  Victoria,  et  le 
Rio  del  Rey,  sui'  le  versant  ouest  du  massif  du  Cameroun.  Ces  territoires 
seront  ajoutés  h  d'autres  terrains  et  deviendi*ont  la  propriété  de  la  nou- 
velle Société.  La  connaissance  approfondie  du  pays  que  possèdent 
MM.  Jantzen  et  Thormahlen,  directeurs  responsables  de  la  dite  Société, 
donne  lieu  de  croire  que  cette  entreprise  se  développera  rapidement  et 
fournira  de  bons  résultats. 

M.  Treich-Laplène,  dont  nous  parlions  dans  notre  précédent  numéro 
(p.  237),  est  parti  le  9  août  pour  Assinie  (côte  de  Guinée),  afin  de 
prendre  en  personne  la  direction  du  convoi  de  ravitaillement  qui  v«^  être 
dirigé  sur  Kong,  oîi  le  capitaine  Binger  se  trouvera,  on  l'espère  du 
moins,  le  1"  octobre.  Résident  adjoint  à  Grand-Bassam  et  Assinie,  il 
était  désigné  pour  cette  difficile  mission,  par  la  belle  exploration  qu'il  a 
faite  l'an  dernier  dans  la  région  de  Bontoukou.  Son  escorte  sera  choiae 
dans  la  milice  d'Assinie,  qui  est  composée  d'hommes  disciplinés  et 
dévoués.  On  estime  à  20,000  fr.  les  frais  de  toute,  nature  occasionnés  par 
cette  expédition  de  ravitaillement.  Mais  M.  Verdier,  résident  de  France 
à  Grand-Bassam  et  à  Assinie,  a  généreusement  offert  à  l'administration 
des  colonies  d'y  contribuer  pour  une  moitié,  et  conformément  aux  pro- 
positions de  cet  administrateur,  le  complément  de  la  somme  nécessaire 
pour  ce  convoi  a  été  mis  à*sa  disposition  par  le  sous-secrétaire  d'État. 
M.  Treich-Laplène  espère  aiTiver  à  Kong  vers  le  l"  octobre  et  rallier 
la  côte  avec  M.  Binger  avant  la  iin  de  l'année.  Le  voyage  qu'il  va  entre- 
prendre sera  intéressant  sous  tous  les  rapports. 

Le  Temps  a  reçu  de  9*-Louis  l'annonce  que  deux  messagei-s  de 
M.  BîDfl^er  sont  arrivés  le  21  juin  à  Bamakou,  avec  des  lettres  dont 
l'une,  datée  de  Kong  le  1"  mars,  était  adressée  au  colonel  Galliéni,  ou, 
en  son  absence,  au  commandant  du  Soudan.  En  voici  le  résumé  télégra- 
phique : 

Le  12  janvier,  le  lieutenant  Binger  est  presque  obligé  de  fuir  pour 
sortir  des  États  de  Samory.  Il  achète  fort  cher  le  droit  de  pénétrer  dans 
le  Foulouna.  AiTété  à  6  kilomètres  de  Niélé,  capitale  de  Pegué,  il  reçoit 
l'ordre  d'attendre  que  celui-ci  puisse  le  recevoir.  Il  tombe  malade. 
Pegué  ne  le  laisse  manquer  de  rien  et  fait  prendre  chaque  jour  des  nou- 
velles de  sa  santé  ;  mais  il  refuse  de  le  recevoir,  à  cause  de  son  passage 
chez  Samory,  et  de  l'influence  àes  sorciers  :  en  effet,  Tidjani  est  mort 
après  le  passage  des  canonnières  chez  lui,  et  le  chef  de  Fourou  est  mort 


—  265  — 

après  le  passage  de  Biag^r  danâ  ce  village.  U  proteste  cependant  de  son 
amitié  pour  les  Français.  Tiéba  ravage  périodiquement  ce  pays,  où  il  est 
détesté  pour  ses  actes  de  cruauté.  M.  Binger  part  pour  Kong,  le 
3  février,  en  contournant  Niélé,  avec  un  guide  que  Pegué  lui  a  donné. 
Il  y  arrive  le  20  du  même  mois,  après  avoir  traversé  deux  grosses 
rivières  qui  se  réunissent  en  aval  de  cette  ville,  pour  former  un  cours 
d'eau  qu'il  suppose  être  la  rivière  Aleka  ou  la  grande  branche  du  Volta. 
Kong,  dont  la  longitude  est  de  6"^  9'  45"  et  la  latitude  8'  54'  Ib"  est  à 
50  jours  de  marche  de  Bamakou.  Les  habitants  du  pays  à  traverser  pour 
y  arriver  sont  turbulents.  La  ville  a  10,000  habitants  et  est  bâtie  sur  un 
grand  plateau  de  650  à  700  mètres.  Les  almamys  Sitafa,  Sokhonokho, 
de  la  famille  des  Ouattara,  sont  les  chefs  du  pays.  La  population  de 
Kong,  toute  musulmane,  est  exclusivement  commerçante.  Elle  s'occupe 
de  tissage  et  de  teinture  &  Tindigo.  Il  y  a  près  de  cent  puits  à  teinture 
eo  activité.  Cette  population  est  encore  un  peu  hostile  aux  Français,  par 
suite  de  leurs  relations  avec  Samory  ;  mais  les  marabouts,  qui  sont  la 
classe  dirigeante,  sont  gagnés  à  la  cause  française.  Le  reste  du  pays  est 
très  pacifique  et  sympathique  aux  Français.  Kong  exporte,  sur  Djenné  et 
Silga,  des  étoffes,  des  dampés,  de  Tor  du  Lobi  et  du  Gk>ttogo,  et  des  kolas 
venant  de  TAshanti.  A  la  date  de  sa  lettre,  M.  Binger  devait  prendre, 
avec  un  sauf-conduit,  la  route  de  Djenné  jusqu'à  Bododioulasou  pour 
aller  à  Worodougou,  par  le  Ylinga  ou  la  Datina.  U  espérait  arriver  à 
Worodougou  à  la  fin  d'avril  et  revenir  à  Kong  par  le  Gottogo.  A  la  fin 
deThivernage^l  comptait  chercher  Bonutoukou,  endroit  encore  inconnu, 
signalé  par  l'anglais  Lonsdale,  et  revenir  par  là.  La  situation  de  Samory 
et  de  Tiéba  est  toiyours  la  même.  Les  Dioulas  de  Kong  vont  échanger 
de  la  poudre  et  des  armes  à  Sikhasso,  contre  des  captifs  ioffas  de  Samory. 
Sikhasso  est  approvisionné  pour  longtemps,  et  on  dit  que  Tiéba  résistera 
encore  plusieurs  années.  Tous  les  pays  que  le  lieutenant  Binger  a  tra- 
versés sont  hostiles  à  Samory. 

En  suivant  sur  la  carte  très  imparfaite  de  cette  partie  de  l'Afrique,  on 
voit  que  M.  Binger  a  fait  route  à  peu  prés  dans  la  direction  du  sud-sud- 
est,  du  Niger  jusqu'à  Kong.  De  là  l'explorateur  devait  se  diriger  au 
nord-ouest  pour  se  rendre  à  Worodougou,  qui  est  situé  sur  un  des  prin- 
cipaux affluents  du  Niger.  Enfin,  de  Worodougou  M.  Binger  avait 
l'intention  de  revenir  à  Kong;  c'est  là  qu'il  trouvera  le  convoi  de  ravi- 
taillement qu'on  prépare  à  Grand-Bassam. 

M.  Th.  Hubler,  de  S*-Louis,  a  transmis  au  Bulletin  de  la  Société  de 
géographie  commerciale  de  Bordeaux  les  renseignements  comparatifs 


^^ 


^t 


—  266  — 

stûvants  sur  la  produeMon  des  araoMdés  mu  Sénégal  dans  les 

trois  dernières  années  : 

1886     1887     1888 
Tonnes   Tonnes   Tonnes 

Cayor  et  Baol  (banlieues  de  S^^Louis  et  de 

Rufisque  comprises) 17,000  17,000  26,500 

Nianing,  Joal  et  petite  Côte 1,400  1,600  4,200 

Rivières  du  Sina  et  du  Sftloum 1 ,800  2,200  3,500 

De  de  Foundiougne  (Saloum)* 100  200  1,200 

Rivière  de  Gambie 10,000  4,000  9,000 

Rivière  de  Cazamance 100  100  1,600 

Tonnes 30,400    25,100    46,000 

C'est  donc  quarante-six  millions  de  kilogrammes  d'arachides  qui  ont 
été  exportés  dans  Tannée  conunerciale  de  novembre  1887  à  mai  1888  ; 
vingt-un  millions  de  plus  qu'en  1887  ;  1888  en  aurait  fourni  davantage 
encore,  sans  les  pluies  trop  abondantes  qui  ont  nui  aux  semis,  sans  la 
nécessité  pour  l'indigène  de  compléter  son  alimentation,  faute  de  mil  et 
de  haricots  en  quantité  suffisante,  par  la  graine  d'arachides,  et  sans  les 
réserves  pour  ensemencer  ses  terres.  L'association  des  efforts  de  l'Admi- 
nistration et  de  l'initiative  privée  a  été  féconde  en  bons  résultats  et 
démontre  qu'il  serait  facile  d'augmenter  encore  la  production  du  sol  si 
riche  du  Sénégal. 


NOUVEUJBS  COMPLÉMENTAIRES 

A  limitation  de  la  Société  anglaise  d'ethnographie  étabUe  à  Capelown,  il  s'est 
fondé,  à  Pms,  dans  le  sein  de  la  Société  d'ethnographie,  one  section  nouvelle 
sous  le  titre  de  Société  africaine.  Elle  recueillera  les  traditions  populaires  des 
indigènes  de  l'Afrique,  et  pourra  aussi  rendre  des  services  à  la  colonisation  et  au 
commerce. 

La  commission  spéciale  de  la  ramie  a  reconnu  que,  par  suite  du  retard  considé* 
rable  de  la  végétation,  il  serait  impossible  de  se  procurer  pour  le  15  août,  date 
fixée  primitivement  pour  le  concours  de  décortication,  des  tiges  de  ramie  d'une 
longueur  et  d'une  qualité  convenables.  Sur  son  préavis,  M.  le  ministre  de  l'agriculture 
a  décidé  que  l'ouverture  du  concours  international  d'appareils  et  de  procédés 
industriels  propres  à  décortiquer  la  ramie  aurait  lieu  le  25  septembre  prochain. 

Le  comte  Saminiatelli,  attaché  k  l'agence  diplomatique  italienne  au  Ciûre,  a 
quitté  cette  ville,  chargé  d'une  mission  inconnue.  Son  arrivée  à  Wadi-Halfa  ayant 
été  signalée,  on  pense  qu'il  se  propose  d'entrer  en  relations  avec  les  Soudanais, 
et  de  les  engager  à  diriger  leurs  produits  sur  Massaouah. 


.     —  267  — 

Sir  Francis  de  Winton,  aneien  gouvemeor  général  de  l'État  da  Congo  et  secré- 
taire de  VIimi$irFaèha  Bdief  ExpeâUûm,  a  été  nommé  an  poste  de  gOQ?emeur 
des  territoires  de  la  Britiàh  Ecut  Africain  AssociaUùn,  récemment  fondée  par 
M.  Mac  Kinnon  à  la  côte  orientale  d'Afrique. 

L'année  dernière,  le  sultan  de  Witon  avait  prélevé  un  imp6t,  d'abord  sur  les 
■acheteurs,  ensuite  sur  les  vendeurs,  soi-disant  pour  obtenir  les  ressources  néoes* 
«aires  k  l'achat  d'armes  et  de  munitions  et  à  l'entretien  d'une  forte  trompe  pour 
«e  garantir  des  incursions  des  Somalis.  Le  gouvernement  de  l'empire  allemand, 
«DUS  le  protectorat  duquel  se  trouve  maintenant  placé  le  pajs  de  Witou,  a  aboli 
«et  impôt  qui  avait  fait  renchérir  beaucoup  les  produits  du  pays. 

Le  Mouvement  géographique  annonce  que  M.  le  lieutenant  Franqui,  rentré  du 
Congo  à  firuxeUes  il  y  a  six  mois,  est  reparti  pour  la  côte  orientale  d'Afrique, 
«chargé  d'une  mission  spéciale. 

La  Société  de  géographie  commerciale  de  la  Suisse  orientale,  dont  le  siège  est 
4  Saint«6all,  a  envoyé  à  Nossi-Bé  MM.  Lutz  et  Anderes  pour  fonder  un  comptoir 
pour  l'écoulement  des  produits  de  l'industrie  du  tissage  des  étoffes  de  couleur. 

Dans  la  séance  du  28  jmllet  dernier  du  Yolksraad  de  la  République  Sud-afri- 
caine, a  été  ratifié  le  traité  d'union  condn  avec  la  Nouvelle  République.  Il  a  été 
en  outre  donné  lecture  de  la  convention  passée  avec  l'Angleterre,  convention 
d'après  laquelle  la  République  Sud-africaine  renonce  à  toute  prétention  sur  le 
2oulouland,  et  se  charge  de  toutes  les  obligations  contractées  par  la  Nouvelle 
République. 

Le  gouvernement  anglais  a  chargé  le  gouverneur  de  la  Colonie  du  Cap  de  noti- 
fia à  la  République  Sud-afiricaine  que  le  pays  des  Ma-Tébélé,  des  Ma^Chona  et 
des  Ma-Ealaka,  ainsi  que  la  partie  septentrionale  du  territoire  de  Ehama  jusqu'au 
Zambèze,  est  dans  la  sphère  exclusive  de  l'influence  anglaise. 

A  la  suite  d'une  invasion  récente  du  territoire  de  Khama  par  le  commandant 
bôer  Grobelaar,  le  gouverneur  de  la  Colonie  du  Cap  a  ordonné  à  l'administrateur 
Shippard  de  se  rendre  sur  les  lieux  pour  faire  une  enquête.  M.  KrOger,  président 
de  la  République  Sud-africaine,  en  a  été  informé  et  a  été  invité  par  le  gouver- 
neur à  envoyer  un  délégué  du  Transvaal  pour  prendre  part  à  l'enquête. 

M.  Joachim  Machado,  ingénieur,  s'est  rendu  à  Mossamédès,  pour  commencer  les 
études  nécessaires  à  l'établissement  d'un  chemin  de  fer,  de  ce  port  à  la  Serra  de 
Chella. 

M.  Brook,  missionnaire  anglais,  se  propose  de  pénétrer  du  bassin  du  Congo 
dans  celui  du  Niger.  Il  remontera  l'Oubangi  en  bateau  jusqu'aux  rapides  de 
Zongo  ;  de  là  il  se  dirigera  par  terre  vers  le  Bénoué. 

M.  Crampel,  fonctionnaire  dans  la  colonie  du  Congo  français,  partira  de  Leketi, 
sur  VAUmay  pour  chercher  à  atteindre  de  là  les  frontières  du  territoire  de  Came- 
roun placé  sous  le  protectorat  allemand. 

Le  roi  des  Belges  a  fait  un  séjour  en  Angleterre  ;  de  Bruxelles  on  a  mandé 
aux  journaux  français  que  ce  séjour  se  rattachait  à  la  question  africaine.  Le  sou- 
verain de  l'État  du  Congo  aurait  proposé  au  gouvernement  britannique  la  réunion 


—  268  — 

d'ime  nouToUe  conférence  africaine,  chargée  de  délimiter  définiti?ementla«|ikère, 
ou,  pour  mieux  dire,  les  limites  dans  lesquelles  chacune  des  puissances  int^coséeSy 
c'est-à-dire  la  France,  TAllemagne,  l'Italie,  l'Angleterre,  le  Portugal,  la  Hollande, 
la  Turquie  et  l'État  du  Congo,  pourront  librement  exercer  leur  influence. 

D'après  une  lettre  que  nous  a  adressée  M.  A.-J.  Wauters,  rédacteur  du  Motêve- 
ment  géographique,  le  chemin  de  fer  du  Congo  s'annonce  comme  devant  être  d'une 
construction  des  plus  simples.  Toutes  les  appréhensions  que  l'on  pourait  conceToir 
à  ce  sujet  s'évanouissent  les  unes  après  les  autres.  M.  Cambier,  chef  de  l'expédi- 
tion des  études  du  chemin  de  fer,  a  dû  rentrer  récemment  en  Belgique.  Nous  ne 
tarderons  pas  à  connaître  son  rapport  sur  cette  question. 

Un  vicariat  apostolique  du  Congo  indépendant  a  été  créé  par  un  bref  pontiflcal,. 
et  l'œuvre  en  sera  confiée  à  la  mission  belge  de  Scheutveld-lez*Bruxelles. 

Il  résulte  d'un  rapport  adressé  par.  M.  Liebrecht,  chef  de  Iiéopoldville,  que 
l'arbre  qui  produit  la  noix  de  kola  se  rencontre  en  abondance  le  long  des  deux 
rives  du  Kwa  (cours  inférieur  du  Kassal),  et  également  sur  la  rive  gauche  du  Congo,. 
entre  Kwamouth  et  Bolobo. 

La  Société  de  géographie  de  Marseille  a  fait  inscrire  au  programme  du  Congre» 
des  sociétés  françaises  de  -géographie,  réuni  à  Bourg,  du  20  au  26  août,  la  question 
de  la  création  d'une  ligne  de  paquebots  à  vapeur,  sous  pavillon  français,  desser- 
vant la  côte  occidentale  d'Afrique  jusqu'au  Congo.  Les  points  de  départ  en  seraient 
le  Havre  et  Marseille^  et  les  escales  une  douzaine  de  points  desservis  actueUe- 
ment  par  des  vapeurs  anglais,  allemands,  belges  et  portugais  seulement,  malgré 
les  grands  intérêts  que  la  France  y  possède. 

La  maison  Daumas,  Béraud  et  C*%  ayant  cédé  son  steamer  VMima  au  gouver* 
nement  du  Congo  français,  emroie,  pour  le  remplacer,  un  nouveau  bateau  à  vapeur 
la  France,  à  sa  factorerie  de  Brazzaville.  Avec  le  BaUay  et  VAJUmaj  ce  sera  le 
troisième  vapeur  français  qui  naviguera  sur  le  haut  Congo. 

M.  Olivier,  vicomte  de  Sanderval,  dont,  sur  des  rapports  d'indigènes  du  Fouta* 
Djallon,  on  avait  annoncé  la  mort  dans  cette  région,  est  arrivé  à  Marseille,  par 
la  Bourgogne,  en  parfaite  santé. 


DERNIERES  NOUVELLES  DE  KHARTOUM 

La  rédaction  des  Mittheilungen  de  Gotha  a  reçu,  par  Tentremise  du 
D*"  Juuker,  de  nouveaux  renseigneraeuts  sui*  Khartoum  et  sur  l'état  des 
choses  dans  Tancien  Soudan  ég}T)tien.  Nous  les  reproduisons  comme 
suite  aux  informations  que  nous  avons  données  dans  notre  dernier 
numéro  sur  les  prisonniei-s  du  mahdi. 

Le  5  juillet,  un  nouveau  messager  de  Khartoum  est  arrivé  au  Caii'e, 
apportant  de  petits  billets  de  Lupton  bey  au  consul  général  anglais,  et 
du  missionnaire  Urwalder  à  la  mission  catholique,  en  vue  de  paiement 


i 


—  269  — 

d'argent;  le  dernier  demande  en  outre  une  recette  pour  teindre  les 
cotonnades  grises  des  gens  de  Dongola,  afin  que  les  nonnes  et  les  mis- 
:>ionuaires  prisonniers  puissent  gagner  leur  vie  par  l'exercice  de  cet  art. 

Mais  les  nouvelles  détaillées  communiquées  verbalement  par  le  messa- 
ger sont  beaucoup  plus  importantes.  C'est  un  homme  de  Berber,  très 
connu  à  Omdurman,  résidence  actuelle  du  mabdi,  parent  de  quelques- 
unes  des  personnes  de  l'entourage  de  celui-ci,  et  qui  exprime  sans  pré- 
ventions son  opinion  sur  les  circonstances  du  Soudan  et  sur  les  traite- 
ments que  l'on  fait  subir  aux  prisonniers,  tandis  qu'en  général  les  Orien- 
taux parlent  à  chacun  selon  son  gré. 

Au  dire  du  messager,  la  position  des  prisonniers  est  encore  beaucoup 
plus  mauvaise  que  nous  ne  l'avons  publié.  Slatin  bey  n'est  point  un 
piqueur,  il  n'est  que  boab,  c'est-à-dire  qu'il  doit  stationner  tout  le  jour 
à  la  porte  du  mahdi,  oU  il  est  sans  cesse  exposé  aux  avanies  de  celui-ci, 
et  livré  aux  moqueries  et  au  mépris  de  la  population.  Les  mauvais  trai- 
tements corporels  ne  sont  point  exclus.  La  nuit  il  doil  sous  surveillance 
dans  une  dépendance.  Il  ne  lui  est  permis  ni  de  s'éloigner  du  voisinage 
du  mahdi,  ni  de  parler  aux  Européens,  ni  de  fréquenter  le  bazar. 
Lupton  bey  est  également  placé  sous  une  surveillance  constante,  tra- 
vaille et  dort  dans  l'arsenal,  et  ne  doit  point  avoir  de  relations  avec  les 
autres  Européens  '.  Neufeld  se  trouve  encore  en  prison,  et,  comme  espion, 
il  est  détesté  de  la  population.  Les  trafiquants  grecs,  ainsi  que  les  mis- 
sionnaires, sont  libres  et  peuvent  aller  et  venir  dans  la  ville,  mais  il  ne 
leur  est  pas  permis  de  sortir  des  portes;  ils  s'efforcent  de  gagner  leur 
entretien  par  le  commerce  des  aliments,  encore  cela  doit-il  se  passer 
clandestinement,  car  tout  commerce,  toute  espèce  de  moyen  de  gagner 
de  l'argent  est  interdit. 

n  n'est  pas  possible  d'obtenir,  pour  les  prisonniers  européens,  la  per- 
spective du  retour  dans  leur  patrie  au  moyen  d'un  échange  de  prison- 
niers ou  en  les  rachetant.  Le  fait  suivant  en  est  la  preuve.  On  avait 
proposé  à  Khartoum  d'échanger  les  Européens  contre  quelques  dervi- 
ches notables  captifs  des  Kababiches.  Lorsque  le  mahdi  entendit  parler 
de  cette  proposition,  il  fit  comparaître  devant  lui  tous  les  Européens  ;  der- 
rière chacun  d'eux  se  tenait  un  noir  armé  d'une  lance;  puis  le  mahdi 
demanda  :  qui  veut  être  échangé?  Dans  ces  conditions-là,  chacun  pré- 
féra naturellement  déclarer  qu'il  voulait  rester. 

Le  messager  a  confirmé  les  précédents  rapports  sur  l'oppression 

*  Une  dépêche  du  Caire  annonce  la  mort  de  Lupton  bey. 


srw-w- 


—  270  — 

<|U*exerce  le  mahdi  et  sur  l'irritation  croissante  contre  lui  et  ses  parti- 
sans. II  n'est  pas  respecté  du  peuple  comme  mahdi;  mais  il  est  craint 
comme  despote  et  tymn.  Dernièrement,  il  a  fait  mettre  à  mort  le  scheik 
Saleh,  chef  des  Arabes  Kababiches.  Au  Darfour,  un  membre  de  Tan- 
cienne  famille  souveraine  s'était  laissé  proclamer  sultan;  vaincu  par  le 
mahdi,  il  fut  massacré  lui,  ses  parents  et  ses  adhérents.  A  la  suite  de 
ces  meurtres,  et  sans  qu'aucun  mouvement  de  rébellion  se  fût  produit 
au  Kordofan,  le  mahdi  fit  préparer  un  vrai  carnage  des  prmcipaux 
hommes  du  pays,  et  tous  ceux  qui  auraient  pu  devenir  dangereux  pour 
lui  furent  assassinés.  La  peur  seule  empêche  la  population  de  secouer 
spontanément  le  joug  qui  pèse  sur  elle  beaucoup  plus  durement  que 
celui  de  la  domination  égyptienne,  qudque  injuste  qu'elle  fût.  Il  ne  fau- 
drait pas  une  armée  de  5000  hommes,  ni  même  de  1000  —  300  honmies. 
suffiraient  —  à  la  frontière,  pour  qu'ils  fussent  10000  en  arrivant  à. 
Khartoum,  et  pour  que  toute  la  puissance  du  mahdi  s'effondrât.  Con- 
trairement à  ce  que  disent  les  Anglais,  il  n'y  a,  enti*e  Wadi-Halfa  et 
Berber,  aucune  troupe  régulière  du  mahdi,  mats  seulement  des  bandea 
et  des  hordes  qui,  au  nom  du  mahdi,  oppriment  les  habitants  et,  vrais^ 
voleurs  de  grands  chemins,  dépouillent  les  trafiquants,  chrétiens  ou 
Arabes.  Le  seul  point  de  toute  la  route  jusqu'à  Khartoum,  où  Ton  pour^ 
rait  rencontrer  de  la  résistance,  serait  Berber,  qui  est  occupé  par  des. 
ti*oupes  du  mahdi  et  défendu  par  de  Tartillerie.  Mais  si  les  assaillants, 
avaient  à  enregistrer  la  moindre  victoire,  et  qu'ils  poussassent  sérieuse- 
ment jusqu'à  Khartoum,  la  garnison  de  Berber  passerait  dans  leurs- 
rangs.  La  population  ne  les  inquiéterait  jamais,  au  contraire  elle  les  sou- 
tiendrait de  toutes  manières,  car  tout  le  monde  soupire  après  la  déli- 
vrance, quel  que  soit  le  libérateur.  A  l'approche  d'une  armée  ennemie, 
le  mahdi  lui-même  n'oserait  pas  défendre  son  quartier  général  d'Omdur- 
man,  qui  n'est  pas  fortifié;  il  se  retirerait  vers  le  sud,  dans  l'intérieur 
du  Kordofan,  avec  ses  partisans  et  les  trésors  qu'il  a  amassés.  Le  fana- 
tisme qui  a  régné  jusqu'à  l'expulsion  des  Égyptiens  a  cessé;  l'ardeur 
belliqueuse  et  le  courage  militaire  se  sont  éteints.  Le  mahdi  traînerait 
après  lui  les  prisonniers  européens,  pour  les  garder  en  tout  cas 
comme  otages;  mais  à  l'arrivée  de  l'armée  ennemie,  et  au  milieu  du 
désordre  et  de  la  joie  tumultueuse  de  la  population,  ils  trouveraient  pro- 
bablement l'occasion  de  s'échapper  et  de  se  joindre  aux  libérateur. 

Le  messager,  parti  d'Omdurman  le  5  mai  pour  Berber,  avait  vu, 
depuis  le  milieu  de  mars,  le  mahdi  faire  des  préparatifs  pour  une  expé- 
dition vers  le  sud,  afin  d'attaquer  le  pacha  blanc  qui  occupe  encore  le 


—  271  — 

pays  et  s'emparer  de  celui-ci.  Cette  nouvelle  explique  peut-être  le  bruit 
qui  courait  à  Souakim,  de  l'arrivée,  daiis  le  Bahr-elrGhazal,  d'un  pacha 
blanc  que  beaucoup  ont  pris  pour  Stanley.  L'expédition  du  mahdi,  com- 
posée de  quatre  steamers,  avec  plusieui-s  barques  remorquées,  qui  por- 
taient environ  4000  bomme$,  est  vraisemblablement  dirigée  contre  Émiu 
pacha,  car  sa  persistance  à  occuper  la  province  de  l'Equateur  avec  une 
quantité  considérable  de  troupes  exercées  et  de  nombreux  auxiliaires 
levés  chez  les  tribus  indigènes,  devait  toujours  paraître  au  mahdi  comme 
un  danger  pour  le  maintien  de  son  empire. 

Il  n'est  sans  doute  pas  possible  de  contester  d'une  manière  absolue 
que  Stanley  soit  le  pacha  blanc.  Mais  il  faut  admettre  que  sa  marche 
en  avant  ait  été  soutenue  par  les  forces  d'Émin  pacha,  car  sa  troupe  à 
lui,  de  480  hommes,  avec  laquelle  il  a  quitté  l' Arououimi,  serait,  en  tout 
cas,  trop  faible  pour  entreprendre  une  campagne  contre  le  mahdi.  On 
pourra  bien  un  jour  apprendre  l'apparition  de  Stanley  dans  l'ancienne 
province  du  Bahr-el-Ghazal.  Mais  comme  la  nouvelle  ne  parle  que  d'un 
pacha  et  non  de  deux,  une  éminente  personnalité  du  Caire  estime  plus 
probable  qu'Émin  pacha  s'est  avancé^  vers  le  Bahr^l-Ghazal,  peut-être 
pour  ramener  les  troupes  vers  le  nord  par  le  chemin  qu'elles  connaissent, 
la  confiance  dans  l'expéditicm  de  secours  qu'elles  attendaient  les  ayant 
abandonnées  ensuite  des  délais  apportés  à  l'arrivée  de  Stanley.  Cette 
opinion  gagne  en  vraisemblance  si  l'on  considère  qu'à  Omdurman  le 
pacha  blanc  est  désigné  comme  mudir  (gouverneur),  titre  qui  appartient 
à  Émin  et  non  à  Stanley. 

Quoi  qu'il  en  soit,  qu'Émin  ou  Stanley  menace  du  sud  l'empire  du 
mahdi,  ou  que  les  mahdistes  dirigent  une  expédition  pour  s'emparer  de 
ht  province  de  l'Equateur,  placée  sous  l'autorité  d'Émin  pacha,  le 
moment  est  venu  où  il  est  urgent  d'envoyer  d'Egypte  une  armée,  soit 
pour  réoccuper  Dongola,  soit  pour  coopérer  avec  ce  pacha,  tout  au 
moins  pour  diminuer,  par  une  diversion,  le  danger  auquel  il  est  exposé 
de  la  part  des  troupes  ennemies.  Il  est  actuellement  possible  de  rétablir 
Tordre  au  Soudan,  de  délivrer  les  prisonniers  eui-opéens,  de  restreindre 
le  trafic  des  esclaves  plus  florissant  que  jamais,  et  de  rouvrir  un  vaste 
territoire  à  la  civilisation.  Si  l'on  ne  profite  pas  de  l'occasion,  il  est  à 
craindre  qu'Émin  et  Stanley  ne  partagent  le  sort  de  l'iiifortmié  Gordon, 
et  que  les  populations  du  Soudan  ne  continuent  à  s'entretuer  jusqu'à  ce 
qu'épuisées  elles  retombent,  sans  pouvoir  résister,  sous  la  domination 
égyptienne. 


—  272  — 

UN  EXEMPLE  OE  L'INFLUENCE  DES  ARABES  DANS 

L^AFRIQUE  CENTRALE. 

Les  progrès  de  rinvasion  arabe  dans  l'Afrique  centrale isoutsi  rapides, 
et  les  conséquences  en  sont  si  désastreuses,  que  si  les  Européens  ne  se 
hâtent  de  prendre  des  mesures  énergiques  pour  s'y  opposer,  l'œuvre 
civilisatrice  qu'ils  veulent  accomplir  en  faveur  des  indigènes  sera  sans 
objet,  car  ils  trouveront  les  régions  les  plus  fertiles  dépeuplées  et  les 
localités  les  plus  prospères  ruinées  par  les  envahisseurs.  Nous  n'en  vou- 
lons pour  preuve  que  l'exposé  fait  récemment  par  le  lieutenant  Wiss- 
mann  à  la  Société  de  géographie  de  Londres,  que  nous  apporte  le  der- 
nier numéro  des  Proceedings. 

La  région  mentionnée  par  l'explorateur  est  bornée  par  le  Sankourou 
et  le  Lomami,  deux  affluents  de  la  rive  gauche  du  Congo;  avant  1B81, 
elle  n'avait  encore  vu  ni  Arabes,  ni  Européens;  Pogge  et  Wissmanu 
furent  les  premiers  qui  la  traversèrent.  Elle  forme  une  savane,  coupée 
de  nom'breux  ruisseaux  qui  ont  creusé  leur  lit  à  une  profondeur  de  5() 
mètres,  dans  un  terrain  de  latérite  d'un  rouge  foncé,  dont  la  couleur 
contraste  agréablement  avec  les  teintes  sombres  des  herbes.  Au  fond  de 
ces  ravins  on  peut  voir  les  grès,  disposés  horizontalement  et  souvent 
teintés  de  rouge  par  des  parcelles  de  fer.  Une  zone  étroite  de  forêt 
vierge,  d'une  végétation  luxuriante,  encadre  les  cours  d'eau,  frais  et 
limpides  comme  du  cristal.  A  vol  d'oiseau,  le  pays  a  l'apparence  d'un 
marbre  richement  veiné,  les  forêts  qui  bordent  les  ruisseaux  représentant 
les  veines,  la  savane  ouverte  le  fond  même  de  la  roche.  La  vue  est  atti- 
rée par  des  bandes  foncées  qui  se  déroulent  comme  les  replis  d'un  ser- 
pent le  long  des  collines,  et  à  mesure  que  l'on  approche,  il  se  trouve  que 
ce  sont  des  plantations  de  palmiers,  à  l'ombre  desquels  sont  construits 
les  grands  villages  ou  plutôt  les  villes  des  Bena-Ki,  de  la  tribu  des  Ba- 
Songé.  Les  troncs  vigoureux  et  les  couronnes  superbes  de  ces  palmiers  à 
huile  et  à  vin,  prouvent  évidemment  que  des  villages  y  ont  subsisté  pen- 
dant de  longues  époques  de  paix  et  de  sécurité. 

Un  jour  du  mois  de  janvier  1882,  dit  le  lieutenant  Wissmann,  nous 
étions  campés  près  de  l'entrée  occidentale  d'une  des  plus  grandes  de  ces 
villes,  habitée  par  les  Bagna  Pesihi.  De  bonne  heure  le  matin  retentit 
dans  notre  camp  le  cri  Sangulemé  (prenons  nos  colis).  Le  D*^  Pogge,  moi  et 
notre  interprète  noir,  nous  enfourchons  nos  bœufe,  et  nous  avançons  le 
long  d'un  large  sentier,  évidemment  très  fréquenté.   Les  dix-neuf 


-  273  — 

hommes  venus  avec  nous  de  la  côte,  et  les  Ba-Louba  qui,  daus  leur  con- 
fiance naïve,  s'étaient  attadiés  aux  premiers  hommes  blancs  qu'ils 
avaient  vus,  serrèrent  immédiatement  leurs  rangs.  Notre  procession  qui 
comptait  200  personnes,  y  compris  les  60  femmes  des  Ba-Louba  et  envi- 
ron 40  homfties  armés  de  fusils,  disparut  bientôt  sous  l'ombre  fraîche 
des  palmiers.  Peu  à  peu  la  route  s'élargit  jusqu'à  ce  qu'elle  atteigne  20 
mètres  de  large.  De  chaque  côté,  des  clairières  laissent  apercevoir  dés 
habitations  dont  chacune  appartient  h  une  famille  et  se  compose  de 
quatre  ou  cinq  huttes  d'herbe  soigneusement  construites,  d'une  hauteur 
de  6  mètres,  et  entourant  une  espèce  de  cour  d'une  propreté  scrupu- 
leuse. Les  huttes  carrées,  de  6  mètres  de  chaque  côté,  sont  dressées  sur 
un  soubassement  d'argile,  bien  battue  pour  résister  à  l'humidité.  Les 
portes,  de  la  hauteur  d'un  homme,  sont  surmontées  d'un  porche. 

L'intérieur  est  divisé  en  deux  compartiments  dont  l'un  contient  deux 
lits,  proprement  faits  de  bois  de  palmier.  Les  meubles  de  la  chambre 
d'habitation  consistent  en  sièges  de  bois  sculpté;  le  plancher  et  les 
parois  sont  couverts  de  nattes  d'herbes,  et  le  long  des  murs  sont  rangés 
un  grand  bouclier,  des  arcs  et  des  flèches,  une  gourde  pour  le  vin 
de  palme^  et  un  grand  vase  d'argile  poui*  l'eau.  Une  large  planche 
suspendue  au  toit  est  couverte  de  noix,  de  libres  de  palme  employées 
pour  tisser,  de  peaux,  de  maïs  et  de  millet.  Dans  les  cours  sont  les 
mortiers  en  bois  pour  piler  le  grain,  ainsi  que  les  métiers  entre  deux 
arbres,  et  les  jouets  des  enfants,  car  la  cour  est  le  préau  de  la  jeune 
génération.  Des  jardins  occupent  l'espace  libre  entre  les  habitations;  les 
indigènes  y  cultivent  du  chanvre  sauvage,  du  tabac,  des  tomates,  du 
poivre  rouge,  des  courges,  des  ananas,  des  cannes  à  sucre,  du  ricin  et 
d'autres  plantes  médicinales.  Un  bouquet  de  bananiers  et  de  plantains 
s'élève  derrière  chaque  maison  ;  les  palmiers  fournissent  à  leurs  pro- 
priétaires des  noix,  de  l'huile,  du  vin,  des  fibres.  Chez  les  Ba-Songé,  ce 
sont  les  hommes  qui  cultivent  les  champs  de  pommes  de  terre  douces, 
d'arachides,  de  maïs,  de  manioc  et  de  millet  dont  on  se  sert  pour  faire 
de  la  bièi'e.  D'autre  part,  les  femmes  s'appliquent  aux  devoira  domes- 
tiques plus  faciles,  et  vont  chercher  du  bois  et  de  l'eau. 

Chaque  habitation,  avec  sa  ferme,  occupe  une  longue  bande  de  ter- 
rain qui  s'étend  de  la  inie  du  village  jusqu'au  ruisseau,  et  est  bornée 
par  des  sentiers  bien  tracés,  le  long  desquels  cheminent  des  porteurs 
d'eau.  Des  chèvres  laitières  à  courtes  jambes,  des  moutons  et  une  mul- 
titude de  poules  animent  la  propriété.  Personne  ne  paraît  craindre  les 
voleurs. 


—  274  — 

Le  joui*  de  notre  arrivée  fut  un  événement,  a  Deux  hommes  blanes,  à 
longue  chevelui"e  diH)ite,  dont  l'un  —  le  D' Pogge  —  à  la  barbe  flottante, 
sont  venus,»  disaient  les  natifs,  «  d'un  pays  inconnu,  du  côté  du  soleil  cou- 
chant. Ils  sont  montés  sur  d'étranges  animaux,  ressemblant  à  des  buffles 
—  le  gros  bétail  n'est  pas  connu  dans  cette  ré^on,  —  et  ils  font  obéir 
ces  énormes  créatures  comme  des  chiens.  »  Le  bruit  se  répandit  que 
c'étaient  les  fils  de  l'esprit  Bena-Kalunga  qui  étaient  sortis  de  l'eau. 

On  avait  déjà  rapporté  dans  le  pays  que  quoique  ces  étrangers  fussent 
pourvus  d'armes  à  feu  terribles,  comme  les  Ba-Kalanga  —  les  Arabes, — 
à  l'est,  c'étaient  néanmoins  de  bonnes  gens,  qui  n'aimaient  pas  la 
guerre,  payaient  tout  ce  qu'ils  demandaient,  au  lieu  de  se  servir  eux- 
mêmes  et  de  ravager  le  pays.  Les  indigènes,  dans  l'attente,  s'étaient 
rassemblés  devant  leurs  habitations  :  les  hommes,  grands  et  musculeux, 
quoique  un  peu  obèses,  complètement  armés,  mais  d'une  tenue  modeste  ; 
les  femmes,  également  grandes,  mais  plus  sveltes,  sans  ornements  bar- 
bares, légèrement  tatouées  sur  le  ventre  et  le  dos,  jetant  un  coup  d'oeil 
sur  leurs  protecteurs  naturels,  les  yeux  grands  ouverts,  la  main  devant 
la  bouche  béante  en  signe  de  profond  étonnement.  Des  enfants  bieji 
nourris  regardaient  les  étranges  hommes  blancs  du  fond  de  leurs  cachet- 
tes dans  les  buissons  ou  dans  d'étroites  ruelles.  On  voyait  clairement 
que  la  surprise  n'étdt  pas  complètement  exempte  d'appréhension.  En 
promenant  mes  regards  autour  de  moi,  je  me  disais  que  notre  petit  nom- 
bre pourrait  être  écrasé  par  ces  multitudes  de  gens  avant  que  nous 
eussions  pu  faire  usage  de  nos  armes. 

C'était  une  file  d'habitations  qui  n'en  finissait  pas.  D'une  voix 
douce,  je  dis  aux  natifs  le  long  de  la  route  uta  pash,  ka  vita  (à  bas  les 
armes,  pas  de  guerre),  et  bientôt  mes  efforts  furent  appuyés  par  plu- 
sieurs anciens  qui  m'accompagnaient  et  dissipèrent  les  dernières  traces 
d'appréhension.  De  six  heures  et  demie  du  matin  jusqu'à  onze  heures 
sans  interruption,  nous  suivîmes  cette  rue  de  la  ville,  et  quand  nous  la 
quittâmes  pour  prendre  une  route  vers  l'est,  elle  se  prolongeait  encore 
vers  le  sud-est  suivant  les  sinuosités  du  terrain.  En  comptant  que  nous 
marchions  à  raison  de  trois  kilomètres  à  l'heure,  la  ville  des  Bagua 
Pesihi  doit  avoir  environ  seize  kilomètres  de  longueur.  Nous  établîmes 
notre  campement  près  du  ruisseau,  et  bientôt  notre  camp  se  remplit 
d'un  si  grand  nombre  de  personnes  désireuses  de  trafiquer,  que  nos  rap- 
ports avec  nos  gens  à  nous  furent  complètement  empêchés.  Nous  eûmes 
la  visite  d'au  moins  4000  à  5000  habitants  de  la  ville.  Les  vivres  étant 
très  abondants,  nous  les  achetâmes  à  bas  prix  :  une  poule  pour  un  grand 


—  275  — 

caurie  et  une  chèvre  pour  un  mètre  de  calicot.  C'est  daiis  ces  villages  des 
Bena-Ki  que  j*ai  acquis  les  plus  beaux  spécimens  de  ma  collection 
d'armes  :  des  haches  de  guen-e  incrustées  de  cuivre,  des  lances,  etc. 

Le  lendemain,  nous  poursuivîmes  notre  marche  sans  qu'aucune  que- 
relle eût  troublé  nos  relations  avec  ces  aimables^  sauvages.  Joyeux, 
l'estomac  bien  ganii  —  condition  sine  qud  non  de  la  gatté  des  nègres  — 
et  chargés  de  provisions,  nous  emportions  un  agréable  souvenir  de  nos 
amis  les  Bagna  Pesihi. 

Quatre  ans  plus  tard,  je  me  retrouvai  au  centre  de  l'Afrique  ;  cette 
fois  à  la  tête  d'une  caravane  d'environ  mille  personnes,  accompagné  du 
lieutenant  belge  Le  Marinel  et  de  M.  Buslag.  Des  forêts  épaisses  et 
inhospitalières  habitées  par  les  sauvages  Bene-Mona  et  par  des  Ba-Toua 
dispersés,  les  Bushmen  de  cette  région,  nous  avaient  forcés  de  prendre 
une  dii'ection  plus  au  sud.  Enfin  nous  atteignîmes,  avec  une  grande 
satisfaction,  les  larges  savanes  des  Bena-Ki,  où  nous  espérions  restaurer 
nos  forces  dans  des  villes  prospères,  et  nous  dédommager  des  fatigues 
que  nous  avions  éprouvées. 

Nous  campâmes  de  nouveau  près  de  la  grande  ville  des  Bagna  Pesihi. 
De  bonne  heure  le  lendemain,  nous  nous  rendîmes  à  ses  plantations  de 
palmiers.  Les  chemins  n'en  sont  plus  propres  comme  c'était  le  cas 
naguère.  Une  herbe  épaisse  les  recouvre,  et  à  mesure  que  nous  appro- 
chons, nous  sommes  frappés  du  silence  qui  y  règne.  Nos  anciens  amis  ne 
sont  plus  là  pour  nous  sourire  et  nous  souhaiter  la  bienvenue.  Un  silence 
de  mort  règne  sous  les  hautes  couronnes  de  palmiers  légèrement  balan- 
cées par  le  vent.  Nous  entrons,  cherchons  vainement  à  droite  et  à  gauche 
les  habitations  autrefois  heureuses  et  les  anciennes  scènes  de  bonheur. 
De  hautes  herbes  recouvrent  tout;  çà  et  là  un  pieu  carbonisé  et  quelques 
bananiers  seuls  prouvent  que  ces  lieux  ont  été  habités  par  l'homme. 
Des  crânes  blanchis  le  long  de  la  route  et  des  mains  d'homme  attachées 
à  des  pieux  racontent  ce  qui  s'est  passé  depuis  notre  dernière  visite. 

Les  Ba-Kalanga,  nous  a-t-on  dit,  avec  leurs  longs  vêtements  blancs  et 
leurs  turbans,  ont  passé  par  là.  Les  hordes  d'un  chef  puissant,  qui  vit 
à  l'est  du  Lomami,  et  que  l'on  nomme  tantôt  Tupa-Tupa,  tantôt  Muchi- 
pula  ou  Tipo-Tipo,  sont  venues  ici  pour  trafiquer.  Quantité  de  femmes 
ont  été  emmenées,  tout  ce  qui  a  fait  résistance  a  été  tué,  champs,  jar- 
dins, plantations  de  bananiers,  tout  a  été  dévasté.  Les  palmiers  seuls 
ont  échappé  à  la  fureur  de  ces  visiteurs.  Deux  fois,  à  trois  mois  d'intor- 
valle,  ces  destructeurs  sont  revenus,  et  les  ravages  qu'ils  ont  causés  ont 
été  achevés  par  la  petite  vérole  qu'ils  ont  apportée  et  par  la  famine.  Les 


—  276  — 

Bagua  Pesihi,  et  même  toute  la  tribu  des  Bena-Ki  a  cessé  d'exister. 
Quelques  malheureux  dispersés,  nous  a-t-ou  dit,  ont  cherché  un  refuge 
chez  uu  chef  qui  habite  sur  le  Saukourou,  nommé  Zappu-Tapp,  qui  est 
lui-même  un  échappé  des  invasions  arabes. 

On  peut  facilement  s'imaginer  l'indignation  produite  chez  les  Euro- 
péens par  la  vue  des  ravages  causés  par  ces  destructeurs.  Tous  les  jours 
se  reproduisaient  les  mêmes  scènes  d'horreur,  jusqu'à  ce  qu'un  jour 
Wissmann  et  sa  caravane  arrivèrent  sur  les  bords  du  Lukasi,  où  se  trou- 
vait un  camp  de  ces  Arabes,  au  nombre  de  3000;  leur  chef  était  un 
nommé  Sayol,  un  des  lieutenants  de  Tipo-Tipo.  Wissmann  n'avait 
amené  jusque-là  son  personnel  qu'avec  grand'peine,  car  tous  ses  gens 
avaient  beaucoup  souft'ert  de  la  faim,  en  traversant  les  forêts  vierges  et 
les  districts  dépeuplés.  Ds  avaient  vécu  de  moelle  de  palmiers,  sans 
mépriser  même  des  fruits  réputés  vénéneux  ;  aussi  se  passait-il  à  peine 
un  jour  sans  qu'un  de  ses  fidèles  Ba-Louba  succombât  d'épuisement. 
Lui,  qui  avait  la  responsabilité  de  leur  vie,  souffrait  cruellement  pendant 
ces  sombres  journées.  Amaigiis  et  abattus,  ces  pauvres  gens  le  regar- 
daient d'un  air  suppliant  dans  l'espoir  qu'il  pourrait  améliorer  leur 
position. 

Après  une  courte  mais  orageuse  entrevue  avec  Sayol,  Wissmann  éta- 
blit son  camp  dans  le  voisinage.  Il  s'aperçut  que  la  conduite  des  gens  de 
Tipo-Tipo  était  tout  autre  qu'elle  ne  l'était  d'ordinaire,  et  qjb  ne  fut  que 
lorsqu'il  arriva  à  Nyangoué  qu'il  apprit  que  ce  changement  était  la  suite 
des  combats  livrés  par  les  Arabes  aux  Européens  aux  Stanley-Falls.  Il 
visita  le  camp  de  Sayol.  A  l'enti'ée,  un  échafaudage  de  poutres  étsài 
orné  d'une  cinquantaine  de  mains  droites  coupées.  Quelques-uns  des 
hommes  de  Wissmann  lui  dirent  que  les  victimes  de  ces  cruautés  avaient 
été  dépecées  pour  semr  à  une  fête  cannibale,  car  les  auxiliaires  de 
Tipo-Tipo,  sur  le  Lomami,  les  Bene  Kaleboué  et  les  Ba-Tetela  sont 
cannibales. 

Vivement  ému,  Wissmann  se  demanda  s'il  ne  lui  serait  pas  possible 
de  punir  cette  horde  de  meurtriers  ;  mais  les  conditions  dans  lesquelles 
se  trouvait  sa  caravane  lui  étaient  tout  espoir  de  succès.  Il  dépendait 
lui-même  de  la  bonne  volonté  du  chasseur  d'esclaves,  qui  pouvait  l'em- 
pêcher de  retourner  à  ces  districts  dépeuplés  qu'il  venait  de  parcourir 
avec  tant  de  difficulté  ;  et  quant  au  pays  qu'il  avait  devant  lui,  il  ne  pou- 
vait le  traverser  qu'à  l'aide  de  guides  que  lui  fournirait  Sayol. 

En  terminant  son  exposé,  Wissmann  s'est  demandé  comment  cette 
région  pourrait  être  mise  au  bénéfice  de  la  civilisation.  Les  missionnaires 


—  277  — 

ont  été  sans  doute  une  source  de  grande  bénédiction  pour  les  districts 
de  la  côte,  mais  il  est  évident  que  les  indigènes  qui  n'ont  pas  un  seul 
jour  de  sécurité,  ni  pour  leurs  vies,  ni  pour  leurs  biens,  ne  sont  pas  dans 
des  conditions  propres  à  ouvrir  leurs  cœurs  aux  idées  nobles  et  élevées 
de  la  religion.  La  mission  civilisatrice  la  plus  nécessaire  est  celle  qui 
délivrerait  ces  tribus  du  chancre  rongeur  qui  empoisonne  chez  eux  les 
sources  même.s  de  la  vie  et  qui  amènera  infailliblement  leur  extinction 
totale.  Cette  œuvre  réclame  de  grandes  ressources,  mais  c'est  une  des 
plus  nobles  qui  puissent  être  entreprises.  Seulement,  il  faut  la  commen- 
cer sans  tarder,  car  le  mal  s'étend  rapidement,  et  l'influence  des  Arabes 
grandit  de  jour  en  jour. 

EXTENSION  DU  PROTECTORAT  BRITANNIQUE  A  LA  COTE  D'OR 

Les  Nouvelks  de  nos  misnommires,  de  Neuchâtel,  renferment  une 
lettre  de  M.  Ramseyer,  d'Abétifi,  relative  à  la  proclamation  du  protec- 
torat anglais  sur  l'Okwaou  *,  au  nord  de  la  colonie  de  la  Côte  d'Or. 
Nous  en  extrayons  ce  qui  suit  : 

«  Le  5  mai  fera  époque  dans  les  annales  de  l'Okwaou  ;  ce  jour-là  notre 
province  a  été  annexée  à  la  Colonie  et  se  trouve  désormais  sous  là  juri- 
diction du  gouvernement  anglais  de  la  Côte  d'Or. 

Depuis  des  années  déjà  le  roi  et  ses  chefs,  qui  avaient  secoué  le  joug 
du  roi  de  Coumassie,  demandaient  à  être  reçus  dans  la  Colonie  ;  mais  la 
réponse  avait  toujours  été  :  «  C'est  impossible,  votre  pays  est  trop  éloi- 
gné de  la  Côte  ».  L'Okwaou  se  trouvait  donc  être  un  état  indépendant  ; 
mais  cette  position  devenait  anormale  pour  un  peuple  qui  avait  toujours 
eu  un  maître.  En  1876,  au  moment  de  l'arrivée  des  missionnaires,  les 
chefs  étaient  sur  le  point  d'accepter  la  proposition  du  roi  de  Coumassie, 
accompagnée  de  riches  présents,  de  se  soumettre  de  nouveau  à  leur 
ancien  maître.  La  venue  des  missionnaires  leur  apparut  comme  un  gage 
que  le  gouvernement  de  la  Côte  d'Or  finirait  par  accéder  à  leur  demande  ; 
ils  demeurèrent  indépendants,  mais  en  aflirmant  qu'ils  voulaient  être 
fidèles  à  la  bannière  anglaise.  Cette  position,  qui  leur  pennettait  de  se 
dire  sujets  anglais  sans  s'inquiéter  des  lois  de  la  colonie,  leur  paraissait 
fort  agi-éable.  Mais  elle  ouvrait  la  porte  à  quantité  de  vagabonds,  venus 
de  la  Côte,  educated  natives,  comme  ils  s'appellent  eux-mêmes,  coift'és 
d'un  bonnet  rouge,  prétendant  être  envoyés  par  le  gouverneur  pour 

,  *  Voy.  la  Carte  Vl«  année,  p.  324. 


—  278  — 

régler  certaines  affaires,  et  extorquant  d'assez  fortes  sommes  aux  indi- 
gènes. 

A  la  fin  d'avril  de  cette  année-ci,  arriva  une  lettre  du  D'  Smith,  com- 
missaire anglais,  résidant  à  Bégoro,  dans  TAkem,  qui  demandait  au  roi 
de  faire  tout  de  suite  arranger  la  route  d'Abétifi  à  la  frontière  de  T  Akem. 
Quelques  jours  plus  tard,  à  la  grande  surprise  de  tout  le  monde,  le  com- 
missaire lui^néme  arrivait  avec  26  soldats  haoussas.  C'est  un  mulâtre  de 
Sierra-Léone,  qui  a  fait  ses  études  en  Angleterre.  Il  descendit  chez 
M.  Ramseyer,  tandis  que  ses  soldats,  assez  sauvages,  furent  logés  dans 
les  dépendances  de  la  station  et  chez  les  chrétiens  d'Abétifi. 

A  une  heure,  le  5  mai,  tous  les  chefs  se  rassemblèrent,  ainsi  qu'une 
foule  de  plus  de  5000  personnes  rangée  en  demi-cercle,  en  face  du  roi 
Kofi-Boutin,  coilfé  d'un  bonnet  de  peau  de  léopard  ;  à  sa  droite,  le  chef 
d'Abétifi,  général  en  chef  des  troupes  de  l'Okwaou;  puis  à  droite  encore, 
les  chefs  d'Obo,  Obomeng,  etc.,  dont  les  troupes  forment  l'aile  droite  de 
l'armée,  et  à  gauche,  ceux  d'Adouamoua,  Nkwatia,  Mpraséo,  etc.,  for- 
mant l'aile  gauche.  Toutes  les  transactions  se  font  dans  le  même  ordre. 
Pour  l'entretien  des  routes,  par  exemple,  c'est  l'aile  droite  qui  se  charge 
du  côté  droit,  et  l'aile  gauche,  du  côté  gauche,  tandis  que  le  centre, 
Abétifi,  Pépiasse,  a  la  charge  d'enlever  les  troncs  d'arbres  tombés  eu 
travers  du  chemin. 

Tous  ces  chefs  étaient  abrités  par  leurs  grands  parasols  ou  dais  mul- 
ticolores, bleus,  rouges,  jaunes,  noirs,  verts,  etc.,  surmontés  d'insignes 
indiquant  leurs  dignités  respectives.  Plusieurs  portaient  de  magnifiques 
pagnes  achantis,  et  s'étaient  parés  de  leurs  objets  les  plus  précieux  : 
bracelets,  bagues,  plaques  en  or  et  en  argent.  Devant  chaque  chef 
étaient  assis,  les  uns  sur  de  petites  chaises,  d'autres,  simplement  sur  le 
sol,  les  hérauts,  avec  de  grandes  plaques  d'or  sur  la  poitrine,  les  porte- 
épée  avec  leur  sabre  à  poignée  plaquée  d'or,  les  huissiers  coiffés  de 
bonnets  de  peau  de  singe;  plus  loin,  de  jeunes  garçons  agitant  des 
queues  d'éléphants,  symbole  de  grandeur  et  de  puissance  ;  d'autres 
jeunes  gens  portaient  l'armure  du  chef,  entouré  de  sa  garde  personnelle, 
aiTuée  de  fusils  à  pierre.  Devant  le  chef  d'Abétifi,  le  chef  des  porte-épée, 
portant  sur  la  tête  une  coiffure  qui  ressemblait  à  un  casque  surmonté 
d'une  aigrette  de  plumes  d'aigle.  Chaque  chef  avait  à  ses  pieds,  plantt^ 
eu  terre  ou  dans  un  plat  de  cuivre,  son  soumang,  fétiche  protecteur. 
Dans  une  affaire  de  cette  importance,  il  s'agissait  d'être  sur  ses  gardes, 
et  de  se  placer  sous  la  protection  de  ces  fétiches.  C'étaient  des  plumes 
entourant  un  crâne  d'un  animal  quelconque,  le  tout  sale  et  dégouttant 


—  279  — 

du  sang  dont  on  Tavait  aspergé;  d'autres,  étaient  simplement  un  bâton 
fiché  en  terre  et  entouré  de  lianes,  de  chiffons,  et  couvert  du  sang  et 
des  œufe  qu'on  lui  avait  offerts.  Le  tout  avait  un  cachet  de  pompe  afri- 
caine qui  ne  manquait  pas  d'intérêt;  c'était  pittoresque,  mais  aussi 
sauvage,  surtout  quand  les  tambours,  les  cornets,  les  clairons  se  met- 
taient de  la  partiç. 

  une  heure  et  demie,  le  commissaire  prit  la  parole  pour  annoncer  à 
l'assemblée  qu'ensuite  des  demandes  réitérées  de  l'Okveaou,  le  gouver- 
neur avait  reçu  de  la  reine  d'Angleterre  l'autorisation  de  recevoir  leur 
province  au  nombre  des  États  de  la  Colonie  de  la  Côte  d'Or,  qu'il  était 
porteur  d'un  traité  dont  il  donnerait  lecture,  et  qu'il  présenterait  au 
roi  et  à  ses  chefs  pour  qu'ils  y  apposassent  leur  signature. 

Le  traité  fut  lu,  puis  traduit  par  l'interprète.  Les  articles  en  sont 
courts  et  peuvent  se  résumer  ainsi  : 

1**  Le  roi  et  ses  chefs  déclarent  n'être  liés  par  aucun  traité  avec  aucune 
puissance  européenne,  et  se  placer  sous  la  protection  de  la  Grande- 
Bretagne. 

2*  Le  gouverneur  de  la  Côte  d'Or  reçoit  l'Okwaou  au  nombre  des 
États  placés  sous  le  protectorat  de  l'Angleterre. 

3**  En  cas  de  différends,  le  roi  et  ses  chefs  promettent  de  recourir  au 
gouverneur  comme  arbitre  avant  de  s'engager  dans  des  hostilités. 

4**  Ils  s'engagent  à  ne  plus  autoriser  aucun  sacrifice  humain. 

5**  Ils  promettent  d'encourager  et  de  faciliter  le  commerce  par  tous 
les  moyens  possibles. 

6*  Ils  déclarent  qu'ils  ne  céderont  leur  pays  à  aucune  puissance  euro- 
péenne sans  en  avoir  auparavant  conféré  avec  le  gouvernement  de  S.  M. 
et  sans  avoir  reçu  l'autorisation  du  gouverneur  de  la  colonie. 

La  réponse  des  chefs  ne  fut  pas  très  spontanée  ;  quelques-uns  étaient 
indécis  et  auraient  désiré  avoir  quelques  jours  pour  se  consulter.  Ils 
auraient  surtout  voulu  savoir  quelque  chose  de  précis  quant  à  la  question 
de  l'esclavage.  Ils  se  retirèrent  à  l'écart,  et  délibérèrent  pendant  trois 
quarts  d'heure.  Au  bout  de  ce  temps,  ils  firent  appeler  les  deux  caté- 
chistes indigènes  qui  depuis  plusieurs  années  vivent  au  milieu  d'eux,  et 
leur  demandèrent  leur  avis.  Kwabi,  l'un  d'eux,  interpellé  sur  la  ques- 
tion de  l'abolition  de  l'esclavage,  leur  dit  franchement  qu'ils  ne  devaient 
pas  se  faire  illusion,  que  les  lois  de  la  Colonie  seraient  aussi  les  leurs, 
que,  par  conséquent,  l'esclavage  serait  aboli  dans  l'Okwaou;  à  eux  de 
prendre  soin  de  leurs  esclaves,  et  de  les  bien  traiter  pour  qu'ils  leur 
i*estent  attachés  en  qualité  de  domestiques. 


T   r^f 


—  280  — 

Ëniiu  la  décision  fut  prise,  et  tous  les  chefs  vinrent  Tun  après  Tautre, 
selon  leur  rang,  poser  l'index  sur  le  sceau  en  face  de  leur  nom.  Le  traité 
était  signé. 

Le  commissaire  lit  avancer  ses  haoussas  et  présenter  les  armes  ;  le 
clairon  sonna  et  toute  l'assemblée  poussa  un  hourra  trois  fois  répété  eu 
rhonneur  de  la  reine  d'Angleterre. 

Le  D'  Smith  a  profité  de  l'occasion  de  sa  visite  à  Abétiti  pour  distri- 
buei*,  de  la  part  du  gouverneur,  des  gi'aines  d'une  espèce  de  coton  égyp* 
lien  qui,  paraît-il,  a  plus  de  valeur  que  celui  qu'on  cultive  dans  le  pays. 
Il  demanda  aussi  aux  chefs  de  lui  donner  quelques  représentants 
pour  l'accompagner  auprès  du  gouverneur.  Après  quoi  il  se  remit  en 
route  poui*  Bégoro,  d'où  il  a  dû  se  rendre  à  la  Côte. 

Avant  son  départ  les  chefs  l'avaient  comblé  de  présents  de  toutes 
sortes  :  pisangs,  ignames,  liz,  œufs,  arachides,  noix  de  palme,  etc.,  plui> 
une  vingtaine  de  moutons  au  moins. 

M.  Ramseyer  ajoute  que  les  sacritices  humains  pour  les  funérailles 
d'une  pei'sonne  de  distinction,  ont  complètement  cessé  depuis  des  années  ; 
peut-être,  secrètement,  cette  horrible  coutume  est-elle  encore  pratiquée^ 
mais  très  rarement.  » 

CORRESPONDANCE 

JLettre  cl«  TmtU  de  Bf*  A.  Denittflrejr*  ' 

Tati,  12  juin  1888. 

Mon  voyage  de  Pretoria  à  Tati  a  été  rendu  pénible  par  les  pluies,  qui  ont  été, 
cet  été,  d'une  persistance  exceptionnelle.  II  ne  m'a  pas  fallu  moins  de  37  jours  de 
Pretoria  à  Shoshong,  en  passant  par  Rustenburg.  J'ai  été  arrêté  six  jours  par  la 
Crocodile  River  et  dix  par  le  Marico. 

En  passant  à  la  mission  de  Flien-fontein  (mission  catholique,  où  j'ai  reçu  le 
plus  cordial  accueil),  j'ai  été  charmé  de  voir  un  superbe  jardin  rempli  de  fleurs 
et  de  fruits  de  toute  espèce.  La  vigne  y  vient  très  bien.  Cela  montre  ce  que  l'on 
pourrait  faire  produire  à  ce  pays,  partout  où  il  y  a  de  l'eau,  avec  un  peu,  très  peu 
de  peine. 

A  Shoshong,  je  trouvai  F.  Selous  occupé  à  faire  ses  derniers  préparatifs  pour 
une  grande  expédition  de  chasse  au  nord  du  Zambèze.  Comme  vous  le  savez,  Selous 
n'est  pas  seulement  un  chasseur,  mais  aussi  un  explorateur  de  grand  mérite. 

*  La  première  partie  de  la  lettre  de  M.  Demaffey  se  rapporte  au  traité  de  paix 
et  d'amitié  conclu  avec  l'Angleterre  par  Lo-Bengula,  roi  des  Ma-Tébélé,  et  à  la 
nomination,  par  la  république  Sud-africaine,  d'un  consul  auprès  du  même  souve- 
rain. Nous  ne  la  publions  pas,  ayant  déjà  donné,  p.  202  et  203,  des  renseigne- 
ments détaillés  sur  ces  deux  faits. 


—  281  — 

A  Pretoria  et  à  Rustenburg,  j'avais  entendu  raconter  que  plusieurs  wagons 
appartenant  à  des  Boêrs  qui  voulaient  se  rendre  au  pays  des  Ma-Tébélé  avaient 
été  arrêtés  par  ordre  de  Ehama  et  contraints  de  rebrousser  chemin.  On  ajoutait 
même  qu'une  guerre  entre  Lo-Bengnla  et  Ehama  était  imminente,  et  que  ce  der- 
nier refusait  le  passage  à  travers  son  territoire  à  tous  les  wagons  chargés  pour  le 
Ma-Tébéléland.  Renseignements  pris,  tout  cela  était  faux.  Un  seul  wagon  avait  été 
arrêté  :  il  appartenait  à  un  Allemand  et  était  diargé  d'eaù-de-vie.  Or  Kbama  im»- 
dit  rigoureusement  la  vente  des  boissons  alcooliques  dans  tout  le  pays  des  Ba- 
Mangwato,  et  le  conducteur  du  char  en  question  avait  négligé  de  se  munir  de 
Pautorisation  nécessaire  pour  passer  en  transit. 

Les  journaux  du  Cap  avalent  fait  quelque  bruit  de  l'expulsion  de  deux  traitants 
de  Shoshong.  —  On  s'étonnait  d'une  mesure  qui  contrastait  avec  les  procédés 
habituels  de  Ehama  envers  les  blancs,  surtout  envers  les  siyets  anglais.  Ces  trai- 
tants avaient  obtenu  de  Lo-Bengula  l'autorisation  d'exploiter  les  gisements  auri- 
fères, ou  métallifères,  qu'ils  pourraient  découvrir  entre  les  rivières  Shashi  et  Maklout- 
sié,  c'est-à-dire  dans  une  contrée  qui  appartient  à  Ehama,  ou  du  moins  qu'il  réclame 
comme  faisant  partie  de  son  territoire.  De  là  une  querelle,  à  la  suite  de  laquelle 
MM.  Francis  et  Chapman  durent  quitter  Shoshong.  —  Ils  ont,  paraît-il,  continué 
de  faire  des  levers  entre  les  rivières  Shashi  et  Makloutsié,  et  aujourd'hui  même 
nous  est  arrivée,  de  Shoshong,  la  nouvelle  que  Ehama  avait  envoyé  une  troupe 
de  soldats  pour  les  arrêter.  Si  cela  est  vrai,  que  fera  Lo-Bengula?  fermera-t-il  les 
yeux  et  laissera-t-il  Ehama  envahir  un  territoire  que  lui  aussi  considère  comme 
sien,  ou  bien  enverra-t-il  un  corps  de  troupes  ?  Au  reste  je  doute  très  fort  de 
l'exactitude  de  cette  nouvelle. 

Je  suis  en  ce  moment  occupé  à  lever  le  plan  de  la  Concession  Tati,  c'est-à-dire 
de  toute  la  contrée  comprise  entre  les  rivières  Romakabâne  et  Shashi,  jusqu'aux 
sources  de  ces  rivières.  Cest  un  travail  long  et  pénible,  à  cause  de  la  nature  du 
terrain.  —  Il  ne  sera  pas  terminé  avant  la  fin  de  septembre.  —  Je  vous  l'enverrai 
arec  quelques  notes  sur  les  gisements  aurifères  du  Ma-Tébéléland. 

A.  Demâffey. 

14  juin. 

P.  S.  Dernières  nouvelles  de  Gouboulououayo.  —  Une  personne  de  ma  connais- 
sance qui  arrive  à  l'instant  de  Gouboulououayo  m'affirme  que  Lo-Bengula  a  mani- 
festé une  vive  surprise  et  un  sérieux  mécontentement  lorsqu'il  a  eu  connaissance 
de  la  proclamation  du  gouvernement  du  Transvaal.  —  Le  roi  n'aurait  jamais 
demandé  au  dit  Gouvernement  de  délivrer  des  passeports  aux  personnes  se  rendant  au 
Ma-Tébéléland  ',  encore  moins  aurait-il  réclamé  la  présence,  à  Gouboulououayo,  d'un 
représentant  du  Transvaal.  —  Il  attendrait  avec  impatience  l'arrivée  de  M.  Moffat, 
commissaire  anglais. 

Nous  complétons  cette  correspondance  par  la  description  suivante,  que  l'on  a 
bien  voulu  nous  communiquer,  extraite  d'une  lettre  de  M.  Demafi'ey  à  sa  famille  : 

>  Voy.  p.  203. 


—  282  — 

«  Mon  camp  a  un  air  d'ordre  qui  fait  plaisir  à  voir.  Les  tentes,  la  hutte  et  le 
wagon  forment  un  alignement  irréprochable  sur  un  plateau  qui  a  été  débarrassé, 
sur  un  large  espace,  des  arbres  et  des  broussailles  qui  le  couvraient.  De  tous  c^tés, 
à  perte  de  vue,  ondule  la  forêt,  le  busfa.  Vers  l'est,  et  vers  l'ouest,  deux  lignes 
foncées  indiquent  les  grands  arbres  qui  croissent  le  long  des  rives  de  la  Tati  et  de 
l'Insway  *.  Trois  mamelons,  dont  l'un  fort  élevé,  dominent  le  camp.  A  200  pas  des 
tentes,  les  nègres  ont  établi  leurs  huttes. 

Le  travail  finit  au  coucher  du  soleil.  Tout  le  monde  rentre  au  camp  ainsi  que 
les  animaux  qui,  pendant  la  journée,  ont  été  au  pâturage.  Les  chevaux  sont  mis 
au  piquet,  habillés  pour  la  nuit,  et  reçoivent  leur  souper  de  maïs.  Les 
bœufs,  les  ânes  et  les  moutons,  sont  kraàlés,  c'est-à-dire  enfermés  dans  une 
enceinte  faite  de  branches  épineuses.  Les  feux  sont  allumés.  On  fait  la  cuisine  en 
plein  vent.  Après  le  souper  les  deux  blancs  se  couchent,  les  nègres  bavardent  et 
rient  autour  des  feux;  puis  peu  à  peu  ils  font  silence, et  l'on  n'entend  plus  que  les 
cris  des  chacals  et  des  hyènes.  C'est  mon  heure  de  prédilection  ;  j'observe  les  étoi- 
les et  la  lune,  je  mets  en  ordre  le  travail  de  la  journée,  j'écris  des  lettres,  etc.  » 


Lettre  de  Berllo»  da  D'  Sebweinfurtlà* 

Berlin,  9  août  1888 

Le  capitaine  Camperio  a  reçu  de  Casati  une  lettre  datée  du  5  décembre  1887, 
dont  la  Kôlnische  Zeitung  vient  de  donner  une  traduction.  Casati  dit  qu'il  ne  peut 
pas  attendre  Stanley  avant  le  mois  de  mars. 

J'ai  vu  le  lieutenant  Wissmann,  hier,  avant  son  départ,  et  nous  avons  longuement 
causé  des  affaires  du  Soudan.  Il  se  rend  en  Egypte  par  la  voie  de  Brindisi,  avec 
une  mission  de  la  part  du  roi  des  Belges.  Il  garde  le  secret  sur  le  but  de  son 
voyage  ,  mais  je  suppose  qu'il  s'agit  d'une  expédition  de  secours  en  faveur  d'Émin 
pacha.  Toutefois,  avec  les  autorités  égyptiennes,  et  à  leur  tête  Riaz  pacha,  l'en- 
nemi de  Gordon  et  l'instrument  de  la  politique  anglaise  qui  ne  veut  pas  entendre 
parler  de  l'ouverture  du  Soudan,  je  crains  que  l'on  ne  fasse  rien. 

Une  démarche  collective  des  puissances  pour  ouvrir  le  Soudan,  y  supprimer  la 
traite,  etc,  ne  me  paraît  pas  avoir  chance  d'aboutir;  peut-être  les  usages  diploma- 
tiques ne  permettraient-ils  pas  d'adopter  des  mesures  coercitives. 

S'agirait-il  d'une  cession,  à  l'État  du  Congo,  de  tout  ou  partie  du  territoire 
conservé  par  Émin  pacha?  Peut-être  Zeber  pacha  consentirait-il  à  jouer  un  rôle 
semblable  à  celui  de  Tipo-Tipo  ;  son  avis,  en  tout  cas,  doit  avoir  un  certain  poids 
dans  les  affaires  du  Soudan. 

On  ne  peut  nier  que  l'intérêt  pour  ces  affaires  n'aille  partout  en  croissant;  mais 

*  Les  deux  rivières  entre  lesquelles  est  située  la  concession  dont  l'exploitation 
est  confiée  à  M.  Demaffey. 


—  283  — 

j*ai  peur  quMl  ne  soit  trop  tard.  II  aurait  fallu,  au  lieu  d'une  seule  expédition 
envoyée  an  secours  de  Stanley,  en  faire  partir  deux  à  la  fois. 
Agréez,  etc. 

G.  SCHWEINPURTH. 


Lettre  de  SesliélKé  (haot  ZambèBe),  de  H.  D*  Jeamnalret* 

Seshéké,  2  mars  1888. 

Je  vous  parlerai  d'abord  de  votre  compatriote  M.  Dardier.  Malheureusement  je 
n'ai  pas  de  bonnes  nouvelles  à  vous  donner  de  lui.  Dès  son  arrivée  à  Sefula,  ou  plu- 
tôt dès  son  passage  à  Nalolo,  il  a  été  atteint  par  la  fièvre  et  frappé  d'une  insola- 
tion. Dès  lors,  il  ne  s'est  jamais  remis.  La  forme  de  sa  maladie  était  toute  nouvelle 
pour  nous  et  tous  les  remèdes  ont  échoué.  Revenu  de  la  Vallée  avec  M.  Middleton 
pour  essayer  les  effets  d'un  changement  d'air  et  assister  M™*  Jalla  dans  ses  cou- 
ches, le  voyage  avait  paru  lui  faire  du  bien  ;  mais,  après  un  séjour  d'un  mois  au 
milieu  de  nous,  son  état  avsCit  encore  empiré.  Malgré  mes  appréhensions,  M.  Dar- 
dier désira  un  nouveau  changement  d'air,  et,  à  mon  grand  regret,  je  dus  le  con- 
duire à  Kazoungoula  chez  M.  G.  Westbeech,  qui  lui-même  était  encore  très  peu 
bien  après  avoir  été  à  deux  doigts  de  la  mort.  Deux  fois  déjà  M.  Westbeech 
m'a  donné  de  mauvaises  nouvelles.  U  me  demandait  même,  vu  sa  propre 
faiblesse,  d'aller  à  Kazoungoula  soigner  M.  Dardier.  Je  ne  pus,  pas  plus  que 
M.  Jalla,  m'y  rendre.  La  première  fois  M.  Jalla  n'était  pas  bien  et  sa  femme  rele- 
vait de  couches.  Moi-même  je  n'étais  pas  encore  rétabli  d'une  forte  attaque  de 
fièvre  pendant  laquelle  j'ai  passé  deux  jours  dans  le  délire  ;  ma  femme  aussi 
était  tombée  malade  à  la  suite  de  l'anxiété  et  de  la  fatigue  que  lui  avait  occasion- 
nées ma  maladie.  A  la  seconde  lettre  de  M.  Westbeech,  ma  femme  était  encore  inca- 
pable de  vaquer  à  son  ménage  et  de  donner  des  soins  à  son  enfant,  je  ne  pouvais 
donc  m'absenter.  Quant  à  M.  Jalla,  il  avait  fait  tous  ses  préparatifs  de  départ 
pour  Kazoungoula  ;  mais,  le  jour  même  fixé  pour  le  voyage  ou  l'avant-veille,  Se- 
shéké était  envahi  par  l'ancien  Morantsiane,  trois  chefs  tués  et  tout  le  monde  dis- 
persé. Il  nous  était  très  pénible  de  nous  trouver  ainsi  dans  l'impossibilité  d'assister 
M.  Dardier  .Je  craignais  pour  notre  malade  ce  séjour  à  Kazoungoula,  qui  n'ayant 
pas  produit  les  heureux  effets  que  M.  Dardier  en  attendait,  nous  a  placés,  ainsi 
que  notre  ami,  dans  une  plus  grande  difficulté,  et,  c'est  avec  une  grande  anxiété 
que  nous  pensons  à  lui.  Notre  désir  et  notre  prière  sont  que  les  forces  de  M.  Dar- 
dier se  soutiennent  jusqu'au  départ  du  wagon  de  M.  Westbeech  dans  un  mois  ; 
alors,  nous  pourrions  espérer  que  le  voyage  lui  ferait  du  bien,  ainsi  qu'un  séjour 
dans  la  Colonie.  Il  est  peu  probable  toutefois  que  notre  ami  revienne  au  Zam- 
bèze  et  je  ne  crois  pas  que  jamais  il  en  supporte  le  climat.  C^est  pour  nous  une 
triste  expérience  et  une  épreuve  ajoutée  à  celles  qui  viennent  de  fondre  sur  nous. 

Kabuku,  Morantsiane,  nous  a  quittés  à  la  fin  de  décembre  pour  faire  une  visite 
à  la  Vallée.  Depuis  son  départ,  nous  avons  été  encore  plus  seuls  qu'auparavant. 


—  284  — 

Tous  les  gens  se  tenaient  obstinément  dans  leurs  champa  et  beaucoup  d'entre  eux 
sur  l'autre  rive  du  fleure.  Ce  n'est  que  dernièrement  que  nous  avons  tu  quelques 
chefs  revenir  à  nous  et  cela  à  cause  d'une  première  alerte  causée  par  l'arrivée 
de  l'ancien  Morantsiane.  Ils  venaient  s'assurer  sur  les  lieux  de  la  réalité.  Lear 
enquête  sembla  leur  être  favorable,  car  ils  s'établirent  paisiblement  au  village 
pour  quelques  jours.  Ils  s'étaient  trompés  ;  le  samedi  matin  25  février,  le  village 
était  entouré  à  l'aube  du  jour  et  Tahalima  et  son  fils  Naliskua  tués.  Batau  avait 
réussi  à  prendre  la  fuite.  Tous  les  autres  chefs  qui  n'étaient  pas  au  village  eurent 
le  temps  de  s'enfuir  ou  se  trouvaient  déjà  sur  l'autre  rive. 

Il  y  eut  encore  un  fils  de  Mokhélé  tué  dans  la  même  journée  ainsi  que  plusieurs 
esclaves.  Je  n'ai  pas  besoin  de  vous  dire  notre  consternation  et  la  terreur  de  nos 
garçons.  Ces  derniers  se  précipitèrent  comme  des  fous  dans  notre  maison  et  se 
blottirent  dans  le  coin  le  plus  caché  en  poussant  des  gémissements. 

M'étant  informé  de  l'endroit  où  se  trouvaient  les  assaillants  Je  me  dirigeai  vers 
leur  chef  Oamorongoe,  un  des  anciens  chefs  de  Seshéké,  que  je  connaissais,  et  lui 
demandai  de  respecter  la  vie  de  nos  garçons  ;  sur  sa  réponse  affirmative,  je  vins 
reconforter  mes  fugitifs  qui  ne  sortirent  de  leur  retraite  que  longtemps  après. 

Peu  après  mon  entrevue  avec  Oamororigoe,  tous  ses  gens  envahirent  la  station 
et  je  trouvai  parmi  eux  l'ancien  Morantsiane,  Sikabenga  ou  Sethuala,  en  réalité 
l'àine  de  l'entreprise.  Sekapora,  Mokoro  et  Kalishua,  un  frère  du  Morantsiane, 
étaient  aussi  là  et  je  me  trouvai  au  milieu  de  visages  connus. 

J'aimais  beaucoup  l'ancien  Morantsiane,  un  brave  païen,  et  certes,  tous  ces  gens 
ont  été  très  polis  envers  nous.  Dans  d'autres  circonstances  j'aurais  eu  beaucoup 
de  plaisir  à  revoir  ce  pauvre  jeune  homme  dont  tous  les  enfants  avaient  été 
massacrés  de  sang-froid  et  qu'on  avait  traqué  comme  une  bête  fauve.  Ainsi  que 
les  autres  chefs,  il  était  venu  pour  se  venger;  mais,  quoique  le  plus  maltraité  par 
ses  ennemis,  il  répétait  à  ses  gens  de  ne  tuer  personne  si  ce  n'est  ses  ennemis 
personnels,  tandis  que  le  chef  de  l'expédition  paraissait  ivre  de  fureur  tout  aussi 
bien  que  ses  autres  subordonnés. 

Le  samedi  3oir  leur  triste  besogne  était  achevée.  Ils  avaient  pris  tout  le  bétail, 
ou  à  peu  près,  de  cette  rive,  et  beaucoup  de  femmes,  d'enfants  et  même  d'hommes. 
Le  dimanche  matin,  ils  vinrent  nous  dire  adieu  avant  de  s'en  retourner  dans  leurs 
villages  qui  sont,  je  crois,  aux  confins  des  Ba-Toka.  Leur  unique  but,  disaient-ils,  en 
venant  à  Seshéké  avait  été  de  se  venger  de  leurs  ennemis.  Ils  allaient  retourner 
chez  eux  pour  revenir  en  hiver  soutenir  une  lutte  contre  le  roi  lui-même. 
Morantsiane  ne  voulant  pas  de  la  royauté,  a  laissé  ici  Oamorongoe  comme  roi,  et 
le  soutient  de  ses  gens  et  de  son  influence  ;  il  a,  dit-il,  tous  les  Ba-Toka  et  d'autres 
tribus  à  sa  disposition,  voire  même  les  Ma-Tébélé.  Au  milieu  du  jour  toute  cette 
horde  avait  disparu  n'ayant  prélevé  sur  nous  que  quelques  présents. 

Les  chefs  de  l'autre  parti,  les  Ratau,  Letoulatébé,  Mokoro,  et  autres,  ayant 
appris  la  fuite  de  leurs  ennemis  traversèrent  le  fleuve  le  lundi  pour  se  mettre  à  leur 
poursuite.  Toutefois  ils  eurent  la  prudence  de  ne  partir  que  le  mercredi,  afin  de 
donner  à  leur  poursuite  la  valeur  d'une  parade  de  bonne  volonté  envers  le  roi. 


—  285  — 

D'autres  chefs,  comme  MotibideKatongo,  étaient  partis  pour  la  Vallée,  et,  comme 
Moknmba  de  Manboya,  étaient  allés  se  réfugier  chez  M.  Westbeech  sur  la  rive 
droite  du  fleuve.  Gens  sans  patriotisme,  grands  parleurs,  bons  pour  piller  où 
il  n'y  a  aucun  danger,  tels  se  sont  montrés  les  gens  de  Seshéké  ces  derniers  jours, 
du  reste  n'ayant  que  des  esclaves,  aucun  chef  n'est  sûr  de  ses  propres  gens. 

Naturellement,  les  poursuivants  n'ont  pas  trouvé  leurs  ennemis  et  sont  revenus 
l'aile  basse  à  Seshéké.  Ce  qui  avait  singulièrement  abattu  leur  ardeur,  c'était  de 
savoir  que  Kanyanga  ou  Eatukura  avait  passé  à  l'ennemi  et  que  les  anciens  escla- 
ves de  Morantsiane  s'étaient  aussi  joints  à  lui.  Maintenant,  la  plupart  des  gens  ont 
retrouvé  leurs  gîtes  sur  l'autre  rive,  à  part  Ratau  qui  m'a  demandé  de  s'installer 
sur  la  station  avec  Mokhélé  et  quelques  autres  personnages.  Ces  derniers  ont 
envoyé  des  messagers  au  roi  pour  lui  faire  connaître  les  événements  qui  viennent 
de  se  passer,  et  nous  attendons  chaque  jour  un  message  du  roi.  Ce  dernier  a 
quitté  la  Vallée  pour  se  rendre  chez  les  Ma-Choukouloumbé,  et  devait  se  rencontrer 
près  du  Njoko  avec  les  gens  d'ici.  Aura-t«il  la  force  de  résister  au  parti  de 
Morantsiane  ?-Se8  propres  gens  l'auront-ils  abandonné  ou  tué,  comme  ceux  du  parti 
révolutionnaire  affirment  qu'ils  le  feront  à  l'ouïe  de  leur  coup  de  main  ?  Us  ajou- 
tent même  avoir  des  intelligences  à  la  Vallée,  et  Oamorongoe  en  acceptant  la 
royauté  que  lui  donne  Morantsiane  ne  ferait  qu'accéder  aux  sollicitations  de  beau- 
coup des  principaux  chefs.  Je  suis  bien  anxieux  de  savoir  la  vérité  sur  toutes  ces 
rumeurs.  Pauvre  pays  1  Pour  mon  compte,  je  crois  que  Morantsiane  doit  m'avoir 
un  peu  trompé,  sans  cela  comment  expliquer  sa  témérité?  Il  y  a  longtemps  que  ' 
j'avais  entendu  quelque  chose  ;  je  vous  en  ai  dit  un  mot  précédemment. 

Toutes  ces  choses  nous  rendent  bien  tristes;  il  n'y  a  pas  de  paix  au  Zambèze 
et  tout  semble  devenir  plus  noir  à  mesure  que  nous  apprenons  à  mieux  connaître 
les  indigènes.  Quoique  ces  alertes  jettent  une  grande  perturbation  parmi  nos  gar- 
çons, nous  n'avons  pas  été  abandonnés  à  nous^-mèmes  pour  longtemps  et  avons  à 
bénir  Dieu  de  nous  avoir  gardé  nous  et  les  nôtres.  De  la  Vallée,  nous  avons  eu 
des  nouvelles  du  7  février.  Nos  parents  se  portaient  assez  bien.  MM.  Goy  et  Waddell 
avaient  de  fréquentes  attaques  de  fièvre  mais  pas  trop  graves.  Enfin  tout  le  monde 
ne  pensait  qu'aux  Ma-Choukouloumbé  ;  l'école  était  réduite  à  cinq  enfants,  les  fils  des 
chefs  allant  à  la  guerre,  au  pillage,  disons  le  mot  1  Nos  parents  ont  envoyé  une 
poste  en  Europe  par  un  marchand  portugais  qui  se  rend  à  Benguella.  De  Seshéké, 
j'ai  à  vous  annoncer  la  naissance  d'une  petite  Jalla,  le  18  janvier  dernier.  Ses 
parents  se  portent  généralement  bien;  M.  Jalla  s'est  bien  remis  de  sa  maladie  sans 
rechutes  sérieuses.  Nous  avons  été  les  plus  éprouvés  ;  ma  femme  est  encore  peu 
bien,  et,  quant  à  moi,  mes  deux  dernières  attaques  ont  été  les  plus  mauvaises 
depuis  mon  arrivée  au  Zambèze.  Notre  petite  a  aussi  la  fièvre  assez  souvent  ces 

temps-ci,  mais  sans  cela  elle  se  porte  très  bien. 

4  mars 

Aujourd'hui  j'ai  reçu  une  bien  triste  nouvelle  :  notre  ami  M.  Dardier  nous  a 

quittés!  Je  ne  connais  aucun  détail,  n'ayant  rien  reçu  de  M.  Westbeech  qui,  sacs 

doute,  vu  la  guerre,  n'a  pas  pu  trouver  de  messagers.  J'espère  lui  envoyer  demain 

un  message  par  l'homme  qui  m'a  appris  la  nouvelle  et  j'y  joindrai  cette  lettre. 


—  286  — 

Pauvres  parents,  que  Dieu  les  soutienne  et  les  console.  Dès  que  les  événements 

le  permettront,  M.  Jalla  se  rendra  à  Kazoungoula  pour  apprendre  des  détails  de 

la  bouche  de  M.  Westbeech. 

D.  Jeâxmairet. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

Colonel  H*  Frey,  Campagne  dans  le  haut  Sénégal  et  le  haut 
XiGER.  Paris  (E.  Pion,  Nourrit  et  C^,  1888,  in-8«  503  p.,  et  3  cartes. 
Fr.  7.50. —  Les  voyages  d'ordre  purement  scientifique  et  les  expéditions 
destinées  à  établir  des  postes  entre  le  Sénégal  et  le  Niger,  ont  presque 
achevé  la  reconnaissance  de  la  région  comprise  entre  les  deux  fleuves. 
On  en  connaît  le  relief,  l'hydrographie  et  la  population.  Le  gouverne- 
ment français  a  ordonné  la  fondation  de  postes  sur  le  haut  Niger,  avec 
l'intention  bien  arrêtée  de  s'avancer  dans  la  dii-ection  de  Timbouktou 
quand  les  circonstances  le  permettront.  Mais,  avant  de  marcher  en 
avant,  il  faut  être  sûr  que  le  pays  qu'on  laisse  derrière  soi  est  dûment 
soumis.  Il  ne  s'agit  pas  d'un  à  peu  près,  car,  si  la  colonne  qui  semit 
chargée  de  conquérir  Ségou  et  le  Massina  était  forcée  de  rétrograder,  sa 
retraite  pourrait  se  changer  en  désastre  le  jour  oîi  les  populations 
d'entre  Sénégal  et  Niger  se  soulèveraient.  On  l'a  compris  à  St-Louis  : 
aussi,  une  fois  l'exploration  du  pays  terminée,  des  colonnes  volantas 
ont-elles  été  envoyées  pour  achever  de  soumettre  le  pays  à  l'autorité 
française. 

L'ouvrage  que  nous  annonçons  renferme  la  relation  de  la  campagne 
effectuée  en  1885-1886  par  la  colonne  placée  sous  le  commandement  du 
lieutenant-colonel  Frey.  Cette  campagne  se  divise  en  deux  périodes  dis- 
tinctes :  la  première  comprend  les  opérations  dirigées  contre  les  bandes 
de  Samory  qui  furent  rejetées  sur  la  rive  droite  du  Niger,  ce  qui  amena 
leur  chef  à  conclure  un  traité  de  paix  avec  la  France  ;  la  seconde  eut 
pour  objet  la  pacification  des  provinces  du  haut  Sénégal  dont  les  habi- 
tants, dirigés  par  le  prophète  Mahmadou  Lamine,  s'étaient  soulevés 
pendant  que  la  colonne  guerroyait  contre  Samory  et  avaient  même  mis 
le  siège  devant  Bakel.  On  voit  que  la  tâche  des  troupes  commandées 
par  le  colonel  Frey  était  considérable,  car  la  distance  séparant  les  points 
extrêmes  de  ces  deux  théâtres  d'opération,  Bamakou  et  Dembakané, 

*  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bâle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  2S7  — 
est  d'euvirou  neuf  cents  kilomètres,  les  sentiers  sont  eu  mauvais  é 
le  pays  offi-e  peu  de  ressources  quand  il  n'est  pas  complètement  ■■" 
les  lièvres  s'acharnent,  avec  le  feu  des  indigènes,  à  décimer  ces  i 
troupes,  bref  la  route  est  semée  d'obstacles,  et  il  faut  que  le  mov 
»)ldals  soit  excellent,  leur  confiance  dans  leurs  chefs  illimitée 
qu'ils  puissent  faire  de  pareils  efforts. 

Le  récit  des  marches  et  contre-marehes,  des  escarmouche 
in-ands  combats  au  nombre  de  douze,  la  desciiption  de  l'oi^an 
d'uue  troupe  en  campagne,  remplissent  la  presque  totalité  du  v< 
C'est  dire  qu'il  s'adresse  surtout  à  ceux  qui  aiment  les  choses  mili 
Ils  y  apprendront  à  connaître  la  vie  du  soldat  au  Sénégal  et  rec 
iront  que,  pour  être  moins  connue,  elle  est  aussi  rude  que  cell 
mène  au  Tonkin  ou  à  Madagascar.  La  narration  écrite  d'un  styl 
et  con-ect  se  lit  avec  un  vif  intérêt  ;  les  scènes  se  succèdent  ai 
transitions  nécessaii-es  ;  des  détails  sérieux  ou  comiques  anin 
récit  que  des  cartes  à  grande  échelle  permettent  de  suivre  pas 

Pans  les  cinquante  dernières  pages  l'auteur  formule  son  opini 
les  ressources  du  Sénégal  et  sur  l'avenir  de  cette  colonie.  A  l'i 
des  affirmations  d'un  grand  nombre  d'écrivains,  elle  n'est  guère 
rageante.  M.  Frey  se  prononce  contre  le  chemin  de  fer  de  K 
Bafoulabé,  et  cherche  à  démontrer  que  le  commerce  du  Sénégal 
Soudan  sera  pour  longtemps  encore  très  restreint  \-u  le  petit  ii 
des  habitants,  l'état  misérable  dans  lequel  ils  vivent  et  l'insalubi 
climat.  Quant  à  la  colonisation  pmprement  dite  elle  est  imposs 
n'y  faut  pas  songer.  En  terminant,  le  colonel  Frey  envisage  la  i 
lité  de  la  retraite  des  troupes  françaises  du  Niger  vei-s  les  anc 
possessions  de  Bafoulabé  et  de  Médine  qui  redeviendraient  les  di 
postes  de  la  colonie  vers  l'est;  le  lecteur  a  l'impression  que  les 
rences  de  l'écrivain  sont  pour  cette  solution.  Quoi  qu'il  en  soit, 
que  cette  opinion  est  celle  d'un  soldat  nous  engage  à  être  circon 
car  de  tout  temps  les  militaires  ont  été  plus  ou  moins  le»  adversa 
la  colonisation,  ou  tout  au  moins  l'ont  mal  comprise.  L'Algéi 
réellement  fait  de  progrès  qu'à  partir  du  moment  oii  la  région 
a  été  soumise  au  régime  civd.  Bien  qu'officier  de  marine,  le  co 
dant  Fi-ey  pense  nioiiLS  aux  colonies  qu'à  la  mère  patrie,  et  moii 
combats  qui  se  livrent  dans  les  pays  d'outre-mer  qu'aux  futures  ^ 
européennes. 

Emile  Butiniuff,  i.e  paktahe  poi.iTnjrE  1)E  l'afiuqie,   d'ap 


transactions  internationales  les  plus  récentes  (1885-188S).  Bruxelles 
l,C.  Muquardt),  1888,  iu-S",  181  p.  et  carte,  fr.  4.  —  Lorsque  les  repré- 
sentants des  États  civilisés,  réuuis  à  Beriiu  eu  1865  pour  la  Conférence 
africaine,  insérèrent  dans  l'Acte  général  les  dispositions  déterminant  les 
formalités  requises  pour  faire  considérer  à  l'avenir  comme  effectives  les 
occupations  de  territoires  sur  les  côtes  d'Afrique,  afin  de  prévenir  les 
contestations  ou  les  malentendus  auxquels  pourraient  donner  lieu  des 
occupations  nouvelles,  il  était  facile  de  prévoir  que  ces  occupations  ne 
se  feraient  pas  attendre.  En  effet,  en  moins  de  trois  ans,  presque  tout 
ce  qui  restait  encore  non  occupé  du  pourtour  de  l'Afrique  est  devenu 
possession  ou  pays  de  protectorat  de  telles  ou  telles  puissances  euro- 
péennes ;  c'a  été  comme  une  course  au  clocher  ;  dans  certains  cas,  il  ne 
s'en  est  fallu  que  de  quelques  jours  qu'un  territoire  considérable  devint 
anglais  au  lieu  de  devenir  allemand.  La  marche  de  ce  partage  a  été  si 
rapide  qu'il  a  été  difficile  de  la  suivre  ;  aussi  ne  peut-on  qu'être  très 
reconnaissant  envers  M.  fianning  d'avoir  exposé,  d'après  les  actes  au- 
thentiques, la  succession  des  faits  et  des  négociations  qui  ont  abouti  aux 
délimitations  des  possessions  françaises,  allemandes,  anglaises,  portu- 
gaises et  italiennes,  dans  le  golfe  de  Guinée,  au  Congo,  à  Zanzibar  et 
dans  l'Afrique  orientaJe,  dans  l'Afrique  sud-ouest,  dans  la  mer  Rouge, 
dans  l'Afrique  australe  et  k  Madagascar.  Les  négociations  entre  l'An- 
gleterre et  le  Portugal,  ainsi  qu'entre  te  Portugal  et  l'Allemagne  se  con- 
tinuent encore  au  sujet  d.e  leurs  possessions  respectives  dans  l'Afrique 
cwientale.  Dès  qu'elles  seront  terminées  nous  en  ferons  conualtre  k  nos 
lecteurs  les  résultats  définitifs.  Eu  attendant  nous  ne  pouvons  que  leur 
recommander  le  volume  de  M.  Banning  qui  renferme,  en  outre,  tout  ce 
qui  se  rapporte  à  la  création  de  l'Ëtiit  indépendant  du  Congo,  avec  l'Acte 
général  comme  pièce  annexe,  et  une  carte  au  '/ioo„„ooii  dressée  par 
M.  J.-A.  Wauters,  rédacteur  en  chef  du  Mouvement  géographique.  Nul 
n'était  mieux  qualilié  que  M.  Banning  pour  exposer  avec  clarté  et  pré- 
cision cotte  face  de  l'œuvre  africaine  pendant  ces  trois  dernières  années. 
Ami  de  cette  œuvre  dès  la  première  heure,  secrétaire  de  la  Conférence 
de  Bruxelles  en  1876,  délégué  belge  à  celle  de  Berlin  en  1885,  il  a  assisté 
à  l'origine  du  mouvement  qui  a  abouti  au  partajïe  politique  actuel  des 
côtes  africaines,  il  l'a  suivi  de  près  et,  en  offrant  aujourd'hui  à  tous  ceux 
qu'intéresse  la  question  africaine  un  volume  de  documents  ofticiels  com- 
mentés, i!  leur  fournit  comme  ia  première  partie  du  code  diplomatique 
de  l'Afrique  moderne. 


BULLETIN  MENSUEL  (i«  octobre  188S-). 

Malgré  les  réserves  que  nous  avons  dû  faire  relativement  aux  moyens 
proposés  par  H^  LAvigeple  pour  la  «appresaion  de  l'eaela- 

vaiEe  en  Afrique,  nous  ne  pouvons  qu'applaudir  au  zèle  que  déploie  le 
fondateur  des  missions  d'Alger,  pour  disposer  l'opinion  publique,  dans 
les  divers  pays  de  l'Europe,  à  se  prononcer  énergiquement  en  faveur  de 
mesures  générales  k  prendre  contre  ce  iléau.  Après  avoir  parlé  à  Lon- 
dres de  manière  à  réveQler  le  Comité  de  VAntiilavery  Society,  qui  depuis 
quelque  temps  nous  paraît  un  peu  endormi  *,  il  s'est  rendu  en  Hollande, 
où  la  sympathie  pour  la  cause  qu'il  plaide  s'est  manifestée  par  le  don  de 
plusieurs  centaines  de  mille  florins  ;  puis  à  Bruxelles  oii  s'est  constituée 
une  société  anti-esclavagiste  belge,  h  la  tête  de  laquelle  a  été  placé  un 
conseil  directeur  chargé  d'organiser,  avec  l'aide  de  comités  locaux  et 
d'associations  de  dames  patrouneases,  une  souscription  publique.  A  l'oc- 
casion de  la  conférence  prononcée  à  Bruxelles  par  Mgr  Lavigerie,  le 
ministre  de  Tutquie,  Caratheorody-Effendi,  a  protesté  contre  la  partie 
du  discours  du  cardinal  dans  laquelle  celui-ci  imputait  les  horreurs  de 
l'esclavage  africaiu  non  pas  seulement  aux  mahométans,  mais  au  maho- 
métisme  même  ;  toute  ta  doctrine  de  Mahomet,  a-t-il  ajouté,  est  cont«- 
uue  dans  ces  mots  :  n  Le  pire  des  hommes  est  celui  qui  vend  des  hom- 
mes. B  Mais  Mgr  Lavigerie  qui,  depuis  plus  de  trente  années,  est  en 
rapports  constants  avec  d^  musulmans,  a  pu  lui  répondre  avec  l'auto- 
{  rite  de  sa  longue  expérience  : 

1°  Je  ne  connais  pas,  en  Afrique,  un  seul  État  musulman  indépendant, 
"and  ou  petit,  dont  le  souverain  ne  permette  et  le  plus  souvent  ne  pra- 
^e  lui-même,  sur  ses  propres  sujets,  dans  les  conditions  les  plus 
s  de  barbarie,  la  chasse  et  la  vente  des  esclaves. 
'  Il  n'y  a,  dans  toute  l'Afrique,  que  des  musulmans  qui  organisent  et 
nt  par  les  razzias  et  par  la  vente  des 

ys  oii  la  traite  n'est  pas  défendue  par 

iUtins  mensuela  et  dans  les  HouvtUes  com- 
ordre  géographique  constant,  partant  de 
t  ensuite  la  c6te  orientale  du  continent  et 

olongé  de  sa  publication  VAntislavtry 


—  290  — 
des  lois  sévères,  imposées  par  des  puissances  chrétienues,  un  seul  musul- 
man qui  ne  pratique,  eu  principe,  l'esclavagisme,  eu  se  déclarant  prêt  ù 
vendre  ou  à  acheter  des  esclaves  uoii-s. 

4"  Je  coiuiais  personnellement,  dans  la  Turquie  d'Asie  et  dans  les 
provinces  d'Afrique  qui  appartiennent  encore  à  l'empire  ottom^,  un 
bon  nombre  de  localités  oii  la  vente  des  esclaves  et  te  passage  de  leurs 
tristes  caravanes  ont  lieu  avec  la  complicité  des  autorités  turques. 

5°  Jamais,  à  ma  connaissance,  aucun  muphti,  uléma  ou  autre  lecteur 
ou  interprète  du  Coran,  n'a  protesté,  ni  en  Afrique,  ni  dans  les  autres 
régions  indiquées,  contre  cet  infâme  trafic  ;  au  contraire,  dans  leurs  c«a- 
versations,  ils  le  reconnaissent  tous  comme  autoi'isé  par  le  Coran,  pour 
les  vrais  croyants  à.  l'égard  des  iniidèles. 

<>°  Jamais  aucun  cadî  ou  juge  musulman  (qui  doit  juger  d'après  les 
seules  lois  du  Coran  et  des  commentaires  autorisés),  n'a,  dans  les  mêmes 
pays,  prononcé,  à  ma  connaissance,  un  jugement  qui  impliquât  la  cou- 
damnation  de  l'esclavage  ;  au  contraire,  ils  pi-ofesseut  à  cet  égard,  te^ 
mêmes  opinions  que  les  docteui's. 

En  France  s'est  aussi  constituée  une  société  anti-esclavagiste.  -rLe 
WestfîUische  Merkur  insiste  pour  qu'une  association  semblable  soit 
créée  eu  Allemagne.  Le  Courrier  de  Bruxelles  dit  que  l'empereur  d'Al- 
lemagne a  adhéré  à  l'idée  d'une  nouvelle  conférence  africaine  qui  se 
tiendrait  à  Bi-uitelles  et  dans  laquelle  serait  traitée  la  question  des 
moyens  d'entraver  la  traite  et  d'empêcher  l'importation  des  armes  de 
guerre  dans  le  continent  noir.  —  Enfin  VAfrivan  Times  annonce  qu'à  la 
pi-ochaine  session  du  Parlement,  en  novembre,  M.  Sidney  Buston  pro- 
posera qu'une  adresse  soit  présentée  à  la  reine,  pour  lui  demander  de 
prendre,  de  concert  avec  les  gouvernements  de  l'Europe,  les  mesures 
nécessaires  pour  mettre  un  terme  aux  horreurs  de  la  traite  en  Afrique. 

L'occupation  de  Hcrcn,  à  80  kilom.  au  N.-O.  de  Massaouah,  par 
Barrambaras  Kafel,  pour  le  compte  du  gouvernement  italien,  a  fourni  à 
un  membre  de  la  mission  en  Aby$(>4inie  de  l'amiral  Hewett,  l'occa^on 
de  rappelei-,  par  l'organe  du  Morniug  Post,  qu'en  vertu  du  ti'aité  couchi 
par  l'env 
Barrambf 
obligé  de 
verneur  d 
à  dévalise 
donna  à  t 
ordre  ne 


m^ 


—  291  — 

égyptien,  rejoignit  les  partisans  du  mahdi  et  combattit  contre  les  Anglais 
à  Tobruk.  Les  Italiens  s'exposent  beaucoup  en  se  servant  de  lui  pour 
préparer  la  prise  de  possession  de  Keren  ;  le  rôle  qu'ont  joué  à  Saganeïti 
les  proscrits  abyssins  alliés  à  la  bande  de  Debed  aurait  dû  leur  servir 
d'avertissement. 

Le  comte  Antonelll,  explorateur  du  Choa,  est  arrivé  à  Rome,  por- 
teur pour  le  roi  Humbert  de  lettres  de  Ménélik.  Il  a  fourni  au  Pungolo 
de  Naples  des  détails  intéressants  d'oîi  nous  extrayons  ce  qui  suit  :  Il 
croit  entre  autres  que  si  les  négociations  en  vue  de  la  paix  entre  l'Italie 
et  l'Abyssinie  avaient  été  confiées  au  roi  du  Choa  plutôt  qu'à  la  mission 
anglaise,  elles  auraient  certainement  eu  une  meilleure  issue.  Avant  la 
campagne  conduite  par  San-Marzano,  sur  le  conseil  de  M.  Antonelli, 
Ménélik  avait  adressé  des  lettres  au  roi  d'Italie,  pour  lui  proposer  son 
amitié  et  sa  coopération  dans  l'entreprise  italienne  sur  les  côtes  de  la 
mer  Rouge.  Mais  les  événements  douteux  et  parfois  contradictoires  qui 
prenaient  tantôt  l'apparence  de  la  guerre,  tantôt  celle  de  la  paix,  l'ont 
tenu  dans  la  plus  grande  incertitude.  Malgré  cela,  les  dispositions  de 
Ménélik  envere  les  Italiens  sont  toujours  favorables  ;  ceux  qui  sont  restés 
auprès  de  lui,  le  D'  Traversi,  le  D'  Alfieri  et  l'ingénieur  Capucci,  sont 
très  estimés  et  traités  avec  beaucoup  d'attentions  et  de  sympathie.  Le 
dernier  a  récemment  construit  pour  le  roi  un  moulin  et  une  poudrière, 
alimentés  tous  les  deux  par  un  même  moteur  à  eau.  L'armée  de  Méné- 
lik compte  130,000  hommes,  avec  50,000  fusils  dont  une  bonne  partie 
se  chargeant  par  la  culasse.  En  janvier,  Ménélik  est  allé  à  Debra-Tabor 
dans  le  Boghe-Meder  ;  de  là  à  Grondar  et  de  Grondar  à  Dembea  oîi  il 
croyait  avoir  à  livi'er  bataille  aux  partisans  du  mahdi  ;  mais  ceux-ci  se 
retirèrent  à  Metema.  Au  mois  de  juillet  Ménélik  est  revenu  dans  ses 
États  en  passant  par  le  Godjam.  Pendant  ce  voyage  fatigant,  l'armée 
n'a  pas  soutfert  ;  les  seules  pertes  ont  consisté  en  bêtes  de  somme  et 
bestiaux  atteints  de  maladie. 

D'après  un  coiTespondant  de  la  Gazette  de  Francfort,  le  cosaque 
Atehinoff  a  réussi  à  nouer  des  relations  entre  la  Russie  et  l'Abyssinie, 
et  même  à  fonder  une  colonie  mase  sar  les  bord*  de  la  mer 
Bioui^e.  Embarqué  à  Odessa  avec  150  de  ses  compatriotes,  pourvus  de 
fxiàïs  se  chargeant  par  la  culasse  et  de  mitrailleuses,  il  s'installa  dans 
un  port  naturel  de  la  mer  Rouge,  et  ne  tarda  pas  à  y  être  attaqué  par 
les  Danakils,  que  les  mitrailleuses  eurent  bientôt  mis  en  fuite.  Avec  un 
détachement  des  siens,  il  se  mit  en  route  pour  l'Abyssinie  oîi  le  négus 
le  reçut  cordialement  ;  le  roi  Jean  lui  fournit  même  une  forte  escorte 


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noyau  de  colons,  comprenant  500  à  600  Abvaains  et  Abya- 
à  s^installer  dans  la  nouvelle  colonie  qui  a  reçu  le  nom  de 
hloskwa.  Atchinotî  réussit  égalenieat  à  obtenir  du  négus 
êtes  du  jubilé  de  Kiew,  de  deux  ecclésiastiques  koptes, 
roposer  au  Synode  russe  que  TËglise  abyssine  fût  placée 
torat  de  la  Russie.  II  paraît  que  le  Saint-Synode  a  accepté; 
lisius,  chef  du  monastère  du  mont  Atbos,  a  été  nommé 

d'Abyssinie,  et  chef  du  monastère  qui  va  êti-e  construit 
ouveriieraent  russe  dans  la  colonie  de  Moskwa.  En  revan- 
n'a  pu  obtenir  du  gouvernement  l'envoi  en  Abyssinie  d'une 
ous-oflîciei-s  instructeurs  chargés  de  former  l'armée  du 

mettre  à  même  de  tenir  tête  à  une  armée  européenne, 
illemaud  chargé  d'organiser  l'expédition  destinée  à  porter 
In-paeha  poursuit  son  œuvre,  sans  se  laisser  arrêter  par 
is  de  ceux  qui  prétendent  que  cette  entreprise  n'est  desti- 
qu'à  étendre  le  protectorat  allemand  au  delà  des  limites 
onvention  conclue  enti-e  l'Angleterre  et  l'Allemagne.  Les. 
allemandes  arrivent  nombreuses  et  fortes.  M.  Krupp, 

chambre  du  commerce,  a  mis  62,500  fr.  à  la  disposition 
raiu-pacha  étant  Allemand,  l'Allemagne  tient  à  honneur 
pour  sa  part  à  secourir  son  compatriote.  Dans  l'Assemblée 
ï  Société  coloniale  allemande  réunie  à  Wiesbaden,  ie  1 1 
isieurs  discours  ont  été  pi-ononcés  en  faveur  du  projet  du 

les  frais  sont  estimés  à  "50,000  fr.  environ.  Il  s'agit  de 
îxpéditiou  à  travers  les  territoires  des  intérêts  allemands 

orientale.  Le  but  essentiel  n'en  est  nullement  politique, 
t  bumauitaire,  ce  qui  n'exclut  point  la  possibilité  d'avan- 
ques  et  scientifiques,  si  des  communications  sûres  peuvent 
litre  la  côte  et  l'intérieur.  Comme  telle  la  Société  côto- 
ie ne  peut  pas  s'y  intéresser  d'une  manière  directe,  ses 
ni  peiTnettent  pas  ;  mais  elle  appuiera  tout  ce  qui  se  f<era 
cet  eifet  l'Assemblée  a  voté  la  résolution  suivante  :  «  La 
lie  allemande  reconnaît  qu'il  est  désirable,  et  dans  Tinté- 
igne,  de  cherchet'  à  fonder  une  série  de  stations  alleman- 

les  territoires  de  la  sphère  d'influence  allemande  dans 
taie  dans  la  direction  des  lacs  Victoria  et  Albert  Nyanza 
le  communication  avec  Émin-pacba  à  Wadelal,  et  elle  est 
uyer  de  toutes  ses  forces  toute  société  qui  se  propwera  ce 
itenant  Wissmann  a  insisté  sur  la  nécessité  de  porter 


—  293  — 

secours  à  Émin-pacha  le  plus  proraptement  possible.  Plusieui-s  sections 
de  la  Société  se  sont  prononcées  dans  le  même  sens,  et  im  télégramme 
a  été  adressé  à  l'empereur  pour  le  remercier  des  encouragements  qu'il 
a  donnés  au  Comité  qui  prépare  l'expédition  de  secours. 

Le  15  août,  le  sultan  de  Zanzibar  a  remis  à  la  Société  alle- 
vande  de  F  Afrique  orientale  l'administration  complète  et  la  per- 
ception des  impôts  de  toute  la  côte,  de  Wanga  jusqu'à  l'embouchure  de 
la  Rovouma.  Le  drapeau  de  cette  Société  a  été  arboré  sur  quatorze 
places,  dont  sept  ont  de  bons  ports,  et  les  autres  offrent  de  bons  mouil- 
lages. Entre  ces  places  se  trouvent  d'autres  localités  moins  importantes, 
mais  dans  lesquelles  sont  aussi  perçues  des  taxes,  en  sorte  que  le  nombre 
des  lieux  de  perception  est  de  quarante-deux.  Quelques-uns  d'enti-e  eux 
ont  déjà  un  commerce  très  actif  ;  à  certains  moments  de  l'année,  par 
exemple,  Bagamoyo  compte  25,000  habitants.  Quiloa,  Kivindje,  Lindi, 
Mikindany  ont  des  relations  commerciales  déjà  développées.  Lindi  a  un 
port  magnifique  et  Mikindany  est  le  point  de  départ  d'une  route  de 
caravanes  qui  conduit  au  Nyassa.  Outre  la  perception  des  impôts,  la 
Société  est  investie  du  droit  de  juridiction  ;  le  domaine  public,  les  forêts, 
les  bâtiments  publics,  les  fortifications,  les  garnisons,  le  droit  d'exploiter 
les  mines,  sont  devenus  sa  propriété.  La  prise  de  possession  de  l'admi- 
nistration par  les  agents  de  la  Société  allemande  ne  s'est  pas  effectuée 
|)artout  sans  résistance  de  la  part  des  indigènes.  Mais  le  sultan  de  Zan- 
zibar a  envoyé  des  troupes  sur  les  lieux  oii  l'opposition  s'était  manifestée 
d'une  manière  violente,  et  la  tranquillité  a  été  rétablie. 

La  Compagnie  des  messageries  maritimes  a  créé  un  nouveau  service 
de  Marseille  à  la  Réunion  par  Zanzibar  et  Madagascar.  Sur  le  Pei-Ho, 
paquebot-poste  destiné  à  ce  ser\ice,  s'est  embarqué  M.  Gaston  An- 
felvy,  déjà  connu  par  deux  missioiLS  dont  il  fut  chargé  en  1884  par  le 
sultan  de  Zanzibar.  Il  possède  à  fond  la  langue  souahéli,  et  a  reçu  des 
ministres  de  l'instiiiction  publique  et  de  la  marine  l'ordre  d'étudier  le 
ba^n  de  la  Rovouma,  dont  il  connaît  déjà  le  cours  inférieur,  et  qui  se 
jette  dans  l'océan  entre  le  10"  et  le  11°  lat.  sud  et  par  38"  environ  de 
longitude  orientale.  Outre  la  question  hydrographique,  le  programme 
deM.  Angelvy  comporte  aussi  la  triangulation  du  pays,  ainsi  que  bon 
nombre  d'observations  scientifiques  qui  seront  relevées  et  coordonnées 
avec  une  rigoureuse  exactitude. 

MM.  D.-P.  Jones  et  R.  Stewart  Right,  de  la  Société  des  missions  de 
Londres,  ont  fondé  une  nouvelle  station  chez  le  chef  Fwambo,  à  l'extré- 
mité méridionale  du  lac  Tanganylka^.  Arrivés-là,  le  21  septembre  de 


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—  294  — 

raniiée  dernière,  disent  les  Missions  évangéliques  au  XIX"^*  siècle,  ils 
purent  déjà,  après  six  semaines  de  travail,  entrer  dans  une  maison  de 
trois  pièces  dont  la  construction  n'était  revenue  qu'à  250  fr.  Il  est  vra 
que  la  main-d'œuvre  ne  leur  coûtait  que  2  fr.  par  semaine  et  par  homme. 
Du  reste  on  n'est  pas  aussi  isolé  dans  ces  lointains  parages  qu'on  pour- 
rait le  croire.  Dans  l'espace  de  quelques  semaines,  ces  missionnaires 
reçurent  la  visite  de  plusieui-s  Européens,  soit  missionnaires,  soit  mem- 
bres de  la  Compagnie  des  lacs  africains.  Quelques-uns  d'entre  eux 
étaient  venus  par  le  bateau  à  vapeur  le  Oood  News,  avec  lequel  M"*  Jo- 
nes de  son  côté  fit  visite  à  la  station  de  Kavala. 

D'autre  part,  les  Missions  d^ Afrique  nous  apportent  sur  les  iecnip^ 
filions  des  ch&sseups  d'esclaves  à  l'ouest  du  Tanganyika  des 
détails  qui  expliquent  l'insistance  avec  laquelle  Mgr  Lavigerie  réclame 
des  mesures  propres  à  diminuer  les  ravages  de  la  traite.  Une  lettre  de 
Kibanga  renferme  les  détails  suivants  4  Vers  midi,  nous  commençons  h 
voir,  sur  les  collines  qui  entourent  notre  station,  des  nègres  fuyant  dan& 
la  direction  de  notre  tembé.  Les  premiers  arrivés  nous  apprennent  qu'un 
chef  métis  de  l'est  du  Tanganyika  vient  de  fondre  sur  la  contrée.  Vers 
trois  hexu-es  en  effet,  nous  voyons  défiler  au  loin  une  troupe  de  métis  et 
de  nègres  armés,  sur  les  hauteurs  qui  se  trouvent  en  deçà  de  la  rivièi'e 
Louvou,  limite  de  notre  station.  Ce  sont  les  soldats  de  Mohammed  qui 
viennent  faire  leur  razzia,  comme  ils  en  font  dans  tous  les  pays  qui  nous 
environnent.  Ds  passent,  drapeau  rouge  en  tête,  à  travers  les  villages, 
font  main  basse  sur  tout  ce  qu'ils  trouvent,  choses  et  gens,  et  poursui- 
vent quelques  fuyards  éperdus  dans  les  herbes  d'une  vallée.  Du  haut  de 
notre  butte,  nous  les  voyons  attraper  les  volailles,  arracher  les  cultures, 
voler  tout  ce  qu'ils  trouvent  dans  les  cases  et  que  les  pauvres  habitants 
n'ont  pu  emporter  dans  leur  fuite  précipitée.  Un  lieutenant  de  Moham- 
med introduit  auprès  des  missionnaires  leur  explique  que  le  sultan  de 
Zanzibar  a  donné  pour  instinictious  de  ne  pas  piller  chez  les  blancs,  et 
avoue  avoir  saccagé  le  Rouando  au  nord,  le  Manyéma,  l'Ou-Nyabemba, 
rOu  Boudjoué,  etc.  Puis,  le  soir,  on  voit  flamber  partout  les  villages,  les 
gens  se  sauvent  sur  le  lac,  et  les  brigands  repassent  avec  les  femmes  et 
les  entants  liés  en  longues  files.  Une  pauvre  vieille  emmenée  en  capti- 
vité, veut  s'attacher  au  vêtement  d'un  des  missionnaires,  et  le  supplie 
de  la  sauver,  mais  elle  est  entraînée  comme  une  bête  de  somme,  la  corde 
au  cou.  Une  autre,  ne  voulant  pas  se  laisser  entraîner,  reçoit  un  coup  de 
p'stolet  qui  la  blesse  mortellement.  Ces  expéditions  font  le  vide  autour 
des  stations,  et  là  où  hier  encore  les  missionnaires  allaient  porter  l'in- 
struction et  la  consolation,  règne  maintenant  le  silence  du  désert. 


—  295  — 

Le  Report  présenté  à  l'Assemblée  générale  de  l'Église  d'Ecosse,  que 
nous  venons  de  recevoir,  contient  plusieurs  pages  sur  les  progrès  faits 
par  les  Arabes  dans  leurs  attaques  contre  les  indigènes  des  environs  du 
lac  Nyassa,  contre  les  stations  missionnaires  et  contre  les  établisse- 
ments commerciaux  de  la  Société  des  La<5s.  Nous  n'en  extrayons  que  ce 
qui  concerne  la  démarche  faite  par  les  Comités  des  deux  Sociétés  mis- 
sioimaireis  écossaises  auprès  du  gouvernement  anglais,  pour  obtenir  son 
appui  contre  l'invasion  dont  est  menacée  cette  région.  Des  délégués  des 
Comités  susmentio*nnés  ont  eu  avec  des  membres  du  Parlement  une  con- 
férence, dans  laquelle  ils  ont  exposé  l'importance  qu'il  y  a  pour  l'Angle- 
terre à  conserver  son  influence  dans  cette  partie  de  l'Afrique.  «  Nous  ne 
demandons,  »  ont-ils  dit,  «  pour  nos  missionnaires  aucun  privilège  excep- 
tionnel ;  mais  nous  rappelons  que  les  stations  du  Nyassa  ont  été  établies 
ensuite  d'une  invitation  indirecte  du  gouvernement  anglais,  dans  une 
région  ouverte  par  le  D'  Livingstone,  consul  de  S.  M.,  et  qu'en  1858  le 
gouvernement  britannique  envoya  une  expédition,  dont  les  frais  s'élevè- 
rent à  750,000  fr.  sans  compter  le  lancement  du  Pioneer,  en  vue  du 
développement  des  districts  du  Zambëze  et  du  Nyassa.  »  Ils  rappelèrent 
les  dépêches  de  lord  Clarendon,  alors  secrétaire  des  affaires  étrangères 
sous  le  ministère  de  lord  Palmerston,  à  tous  les^chefs  du  lac  Nyassa, 
déclarant  que  l'Angleterre  voulait  leur  donner  une  preuve  de  son  désir 
de  développer  leur  prospérité  en  leur  aidant  à  ouvrir  leur  pays  à  un 
commerce  pacifique.  «  A  cet  effet,  »  disait  lord  Clarendon,  «  la  reine  envoie 
un  petit  vapeur  sur  le  Zambèze,  la  voie  la  meilleure  pour  l'importation, 
de  marchandises,  celle  qu'a  explorée  le  D*^  Livingstone.  Nous  sommes 
un  peuple  manufacturier,  et  nous  fabriquons  tous  les  articles  que  vous 
voyez  apportés  par  les  blancs.  Sachez  tous,  et  que  toutes  les  tribus  qui 
vous  entourent  sachent  que  les  Anglais  sont  les  amis  et  les  promoteui-s 
de  tout  commerce  légitime,  mais  qu'ils  sont  les  advei-saires  du  trafic  des 
esclaves  et  de  la  chasse  aux  esclaves.  »  Les  Comités  des  deux  Sociétés 
missionnaires  écossaises  demandèrent  aux  membres  du  Parlement  :  P 
que  le  gouvernement  assurât  le  libre  transit  ou  un  transit  favorable  aux 
marchandises  anglaises  transportées  par  des  navires  anglais  de  la  côte  à 
l'intérieur  ;  2**  que  l'on  insistât  auprès  du  gouvernement  sur  les  faits 
indiquant  une  augmentation  de  la  traite,  afin  qu'il  prtt  des  mesures 
pour  y  mettre  un  terme  ;  et  3^  que  les  districts  du  Nyassa  au  nord  du 
Ruo  fussent  déclarés  comme  appartenant  à  la  sphère  d'influence  anglaise. 
A  la  requête  de  plusieurs  membres  du  Parlement,  cette  dernière 
demande  fut  changée  en  une  autre  aux  termes  de  laquelle  le  gouverne- 


—  29G  — 

ment  est  iavit-é  à  prendre  les  mesures  les  meilleures  pour  assurer  la 
sécurité  des  sujets  et  des  intérêts  anglais  dans  la  région  du  Nyassa.  Lord 
Salisbury  a  fait  bon  accueil  à  la  députatiou  chargée  par  la  conférence 
de  lui  présenter  ces  demandes,  et  lui  a  promis  de  prendre  celles-ci  en 
sérieuse  considération. 

Le  Railivay  Times  annonce  que  le  gouvernement  de  la  colonie  de 
IVatal  a  décidé  rétablissement  d'un  chemin  de  fer  le  lon§f  de  la 
côte  du  Zoulouland.  Jusqu'ici  la  colonie  ne  possède  que  deux 
lignes  de  voies  ferrées  ;  l'une  partant  de  Durban  se  dirige  au  N.-E.  vers 
Lady-Smith,  à  la  frontière  de  l'État  libre  de  l'Orange  ;  l'autre  longe  la 
côte  sur  un  parcours  de  80  kilomètres  jusqu'à  Verulam.  La  première  se 
prolonge  vers  l'État  libre  et  le  Transvaal  en  vue  de  relier  entre  elles  les 
routes  qui  conduisent  à  Pretoria  et  aux  mines  d'or  ;  mais  les  difficultés 
matérielles  sont  considérables.  Quant  à  la  seconde,  sa  prolongation  ren- 
drait facile  la  soumission  du  Zoulouland  tout  entier;  une  section  de 
80  kilomètres  de  plus  conduirait  de  Verulam  à  la  Tugela,  rivière  qui 
forme  la  frontière  entre  la  colonie  de  Natal  et  le  Zoulouland  ;  puis  quel- 
ques centaines  de  kilomètres  à  ti:avers  ce  dernier  pays  permettraient 
d'atteindre  le  pays  des  Amatonga  ;  entin  trois  cents  autres  kilomètres 
transporteraient  la  locomotive  au  Swazieland,  et  au  district  aurifère  de 
Barberton  dans  le  Trausvaal.  Le  Railway  Thnes  reconnaît  que  la 
colonie  de  Natal  ne  peut  supporter  seule  les  frais  d'établissement  de  ce^ 
lignes,  et  qu'un  subside  delà  métropole  sera  indispensable.  Les  contri- 
buables anglais  voudront-ils  accepter  cette  charge  V 

Le  Barberton  Herald  annonce  le  départ  de  deux  expéditions  pour  le 
pays  d'OumzIla,  l'une  sous  le  commandement  de  M.  J.  Maritz, 
l'autre  dirigée  par  MM.  Williams,  auxquels  a  été  vendue  une  partie 
d'une  concession  obtenue  par  M.  Zietsman,  ancien  guide  de  Livingstoue 
et  de  l'explorateur  allemand,  C.  Mauch,  avec  lequel  il  avait  parcouru 
le  pays  d'Oumzila.  Longtemps  M.  Zietsman  préféra  de  beaucoup  la 
chasse  à  l'éléphant,  trouvant  qu'il  y  avait  là  infiniment  plus  de  chances 
de  protits  que  dans  l'exploitation  de  roches  comme  celles  des  gisements 
aurifères.  La  découverte  des  mines  de  Kaap  lui  fit  comprendre  de  quelle 
valeur  pouvaient  être  ces  quartz  qu'il  avait  méprisés  jusque-là  ;  il  se 
rappela  ce  qu'il  avait  vu  dans  ses  explorations  avec  Mauch,  se  rendit  au 
pays  d'Oumzila,  et  obtint  du  roi  actuel  une  concession  de  300  kilomètres 
de  long  sur  autant  de  large,  sur  la  rivière  Buzié,  tout  près  de  la  rési- 
dence du  roi.  Il  en  a  vendu  la  moitié  à  MM.  Williams.  Dans  chaque 
crique,  dit-il,  il  y  a  de  l'or  d'alluvion  ;  les  natifs  l'exploitent  avec  grand 


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—  298  — 

s'organiser  et  de  se  ravitailler.  Les  constructioiis  et  les  plantations  de  la 
section  font  l'éloge  de  ses  directeurs  actuels  MM.  Vankerckhove  et 
Dhanis.  Les  relations  avec  les  indigènes  continuent  à  être  excellentes. 
L'État  trouve  à  engager  à  la  station,  pour  un  terme  de  deux  ans  et  pour 
le  service  de  tous  ses  établissements  et  de  ses  bateaux,  autant  d'hommes 
qu'il  le  désire.  Partout  on  est  de  plus  en  plus  satisfait  des  services  mul- 
tiples rendus  par  les  6a-Ngalas  soit  comme  soldats,  soit  comme  mate- 
lots, soit  comme  ouvriers  d'ateliers.  La  Compagnie  du  chemin  de  fer 
trouvera  parmi  eux  les  bras  nécessaires  aux  prochains  travaux  de  déblais 
et  de  terrassements  de  la  voie. 

£n  arrivant  à  Basoko,  au  confluent  de  l'Arououimi  et  du  Congo,  le 
capitaine  Van  Gèle  trouva  un  petit  poste  établi  par  Tipo-Tipo  à  la 
limite  du  district  que  celui-ci  administre.  Il  y  reçut  un  excellent  accueil 
et  y  apprit  que  le  chef  arabe,  accompagnant  le  capitaine  Vankerckhove, 
à  bord  du  steamer  Association  internationale  africaine,  venait  de  passer 
et  remontait  la  rivière.  Le  Stanley  pénétra  à  son  tour  dans  l'Arououimi 
et  rejoignit  le  steamer  susmentionné  trois  heures  avant  d'arriver  au 
camp  de  Yambouya.  Il  y  avait  trois  ans  que  le  capitaine  Van  Gèle 
n'avait  vu  Tipo-Tipo,  qu'il  avait  trouvé  en  1885  installé  près  de  la  station 
des  Stanley-Falls.  Le  chef  arabe  lui  fit  un  très  bon  accueil,  le  mit  au 
courant  des  événements,  et  les  deux  steamers,  naviguant  de  concert,  se 
dirigèrent  vers  le  camp  de  Yambouya.  Établi  dans  une  assez  mauvaise 
situation,  au  pied  des  Rapides,  celui-ci  offrait  un  aspect  misérable. 
L'arrière-garde  de  l'expédition  de  Stanley,  qui  y  avait  passé  une  année 
de  privations,  avait  vécu  presque  exclusivement  des  produits  d'un  champ 
de  manioc.  La  mortalité  y  avait  été  excessive,  quoique  aucun  Eiu'opéen 
n'eût  succombé. 

Au  moment  où  M.  Van  Gèle  arriva  à  Yambouya,  le  4  juin,  le  major 
Barttelot  organisait  sa  caravane.  U  avait  encore  une  centaine  de  soldats 
de  l'expédition  de  Stanley  :  30  Soudanais  et  70  Zanzibarites,  et  avait 
reçu  de  Tipo-Tipo  400  porteurs  recrutés  par  lui  dans  le  Manyéma  et  que 
M.  Jameson,  remontant  le  Congo  au-dessus  des  Falls,  était  allé  diercher 
à  Nyangoué. 

M.  Wauters  estime  qu'il  était  un  peu  téméraire  de  s'aventurer  avec 
une  caravane  ainsi  composée,  dans  les  régions  inconnues  de  l'est  ;  non 
pas  que  les  porteurs  indigènes  du  Manyéma  insfûrassent  des  craintes 
quant  à  leur  fidélité;  mais  l'escorte  armée  était  insufiSsante  ;  d'autant 
plus  que  les  soldats  zauzibarites  amenés  par  Stanley  et  traités  souvent 
avec  rigueur  par  le  major  Barttelot  avaient  manifesté  maintes  fois  des 


—  299  — 

intentions  hostiles.  Le  major  n'avait  pas  réussi  davantage  à  établir  des 
relations  amicales  avec  les  postes  arabes  établis  dans  le  voisinage.  Tipo- 
Tipo  avait  même  dû  intervenir  pour  prévenir  un  regrettable  conflit. 

Pendant  les  cinq  jours  que  le  capitaine  Van  Gèle  passa  à  Yambouya, 
il  semble  avoir  eu  le  pressentiment  d'événements  fâcheux.  «  Ce  qui 
pourrait  arriver  de  plus  heureux  au  major,  »  écrivait-il  dans  son  journal, 
«ce  serait  de  revenir  avec  sa  caravane  à  Yambouya  après  quelques  jours 
de  marche».  Le  triste  événement  de  l'assassinat  du  major  Barttelot, 
dont  il  a  appris  la  nouvelle  par  les  jouraaux  en  passant  à  Paiis,  n'a  que 
trop  malheureusement  confirmé  ses  craintes  quant  à  l'issue  de  l'expédi- 
tion. 

«  On  ne  saura  pas  avant  deux  ou  trois  mois  »,  dit  M.  Wauters,  a  les 
faits  qui  ont  amené  la  mort  du  major  Bailtelot,  mais,  d'après  ce  qu'on 
sait,  on  peut  se  demander  si  l'oflScier  anglais  n'a  pas  été  assassiné  plutôt 
par  ses  soldats  zanzibarites  que  par  ses  porteurs  manyéma,  et  si  sa 
mort  n'est  pas  le  résultat  d'une  vengeance  personnelle  plutôt  que  de 
l'hostilité  contre  les  blancs.  La  main  de  Tipo-Tipo,  que  plusieurs  jour- 
naux ont  voulu  mêler  à  cette  affaire,  devrait  en  être  écartée.  » 

Le  12  juin,  la  caravane  se  mit  en  marche  de  Yambouya.  Le  major 
était  accompagné  de  deux  adjoints  :  M.  Jameson  '  et  le  D' Bonny. 

C'est  à  Yambouya  que  le  capitaine  Van  Gèle  a  recueilli  les  dernières 
nouvelles  de  Stanley,  qui,  parti  le  28  juin  1887,  n'a  plus  donné  une  seule 
fois  de  ses  nouvelles.  Deux  ou  trois  mois  après  son  départ  on  apprit  que 
deux  déserteurs  de  l'expédition  avaient  abandonné  la  caravane  à  vingt 
ou  trente  jours  de  marche  de  Yambouya.  Le  pays  traversé,  disaient-ils, 
était  difficile  ;  la  rivière,  à  chaque  instant  innavigable,  était  mauvaise,  et 
finalement  la  marche  du  bateau  avait  été  complètement  arrêtée  par  des 
<îhutes.  La  population  était  nombreuse,  et  les  vivre-s  abondants  ;  mais 
les  indigènes  étaient  hostiles  et  les  soldats  avaient  dûlivi'er  des  combats. 
Dès  lors  plus  rien  n'a  transpiré  sur  la  marche  de  Stanley. 

De  nombreux  journaux  l'ont  déjà  rangé  parmi  les  morts,  et  l'assas- 
sinat du  major  Barttelot  leur  a  fourni  l'occasion  de  railler  ceux  qui 
croient  encore  à  la  possibilité  de  retrouver  son  expédition  ^  Si  le  major 

*  Après  l'assassinat  du  major  Barttelot,  ce  fut  M.  Jameson  qui  reçut  la  mission 
4e  réorganiser  une  expédition  pour  aller  à  la  recherche  de  Stanley.  Malheureu- 
sèment  il  vient  d'être  emporté  par  la  fièvre  à  la  station  de  Ba-Ngala. 

*  L'Indépendance  belge  annonce  que  par  suite  de  la  mort  de  Jameson,  Pexpé- 
dition  de  secours  de  Stanley  ou  d'Ëmin-pacha  est  définitivement  abandonnée. 


—  300  — 

Barttelot  n'était  pas  anglais,  il  s'en  faudrait  peu  que  l'Angleterre  ne  se 
désintéressât  de  l'expédition  de  secours  conduite  à  Érain-pacha,  et  na 
laissât  celui-ci  sans  ressources  jusqu'au  jour  oîi  l'on  apprendra  de 
science  certaine  le  point  exact  oîi  se  trouve  Stanley,  parce  qu'Émin-pacha 
a  déclaré  qu'après  avoir  reçu  les  provisions  qu'il  attend  pour  ses  gens^ 
il  n'abandonnerait  pas  ceux^i  à  la  merci  des  partisans  du  mahdi, 
et  ne  laisserait  pas  retomber  ceux  qu'il  a  délivrés  sous  le  joug  des  chas- 
seurs d'esclaves.  Quoi  que  fassent  les  Anglais  au  sujet  de  la  mort  du 
major  Barttelot,  nous  voulons  encore,  avec  les  voyageurs  Junker» 
Schweinfurth,  Lenz,  Wissmann,  Van  Gèle  et  de  Winton  ',  malgré  toutes 
les  apparences  contraires,  croire  à  l'existence  de  Stanley.  Dans  tous  les 
cas,  nous  trouvons  le  moment  bien  mal  choisi  pour  recommander  l'aban- 
don d'Émin-pacha  à  son  malheureux  sort,  et  nous  sommes  heureux  de 
constater  qu'en  Allemagne  comme  en  France,  en  Autriche  comme  en 
Amérique,  il  y  a  encore  des  hommes  pour  lesquels  le  salut  du  dernier 
des  lieutenants  de  Gordon  l'emporte  sur  la  question  des  sommes  que 
peuvent  coûter  les  expéditions  à  organiser  pour  lui  porter  secours. 

A  propos  du  pacha  blanc  dont  la  nouvelle  était  parvenue  à  Yambouy a, 
le  capitaine  Van  Gèle  a  rapporté  qu'il  était  question  d'un  blanc 
s'avançant  à  la  tête  d'une  expédition  armée  et  combattant  pour  se  frayer 
passage.  Il  venait  de  l'ouest,  était  vêtu  à  l'européenne,  et  ses  honmies 
étaient  annés  de  fusils.  Chose  bizarre,  a  ajouté  le  capitaine,  on  disait 
qu'il  était  chaussé  de  grandes  bottes  semblables  â  celles  que  je  porte 
moi-même  lorsque  je  suis  en  expédition.  M.  Wauters  voit  dans  ce  détail 
l'explication  de  la  nouvelle  du  fameux  pacha  blanc,  qui,  suivant  lui,  ne 
serait  autre  que  le  capitaine  Van  Gèle  lui-même  remontant,  au  conmien- 
cernent  de  cette  année,  l'Oubangi-Ouellé,  livrant  des  combats  chez  les 

^  Sir  Francis  de  Winton  vient  de  communiquer  aux  journaux  anglais  le  dernier 
rapport  reçu  du  major  Barttelot  par  le  comité  organisateur  de  PexpéditioD 
Stanley.  Ce  rapport  est  daté  du  10  juillet  et  porte  pour  conclusion  que  Tipo-Tipo 
a  violé  ses  engagements,  qu'il  n'y  a  plus  d'appui  à  attendre  de  lui,  qu'il  faut  agir 
sans  son  aide  et  se  mettre  en  marche  sans  plus  de  retard,  car  ajourner  ou  contre- 
mander  l'expédition  serait  de  la  pusillanimité.  D'autre  part,  le  Standard  publie 
une  lettre  que  lui  adresse  un  haut  fonctionnaire  de  l'État  du  Congo  et  qui  conânne 
le  mécontentement  des  hommes  commandés  par  le  major  Barttelot.  Ce  méconten- 
tement, dit  la  lettre,  provenait  d'abord  des  mauvais  traitements  dont  ces  hommes 
étaient  l'objet  de  la  part  de  Barttelot,  et  ensuite  du  peu  de  soin  que  prenait  celui- 
ci  pour  assurer  l'approvisionnement  de  ses  hommes  et  les  empêcher  de  mourir  de 
faim. 


PWV 


\M 


—  301  — 

Yakomas,  près  du  confluent  de  la  rivièi*e  Mbomo  (voy.  p.  147-154  et  la 
carte  p.  160),  qui  a  sa  source  aux  confins  du  bassin  du  Balir-el-Ghazal. 
Transmise  de  bouche  en  bouche,  la  nouvelle  parvint  à  Khartoum  et  à 
Souakim,  d'où  elle  arriva  en  Europe. 

Le  9  juin  le  Sta>nley  et  V  Association  internationale  africaine  quit- 
tèrent le  camp  de  Yambouya  ayant  à  bord  le  capitaine  Van  Gèle  et  le 
lieutenant  Vankerckhove.  Tipo-Tipo  demeura  à  Yambouya  pour  assister 
au  départ  de  la  caravane  du  major  Barttelot.  Les  deux  steamers  arri- 
vèrent aux  Falls  le  15  juin.  L'ancienne  station  fut  réoccupée,  les  mem- 
bres  de  l'expédition  furent  installés  dans  une  maison  nouvelle  préparée 
par  Tipo-Tipo,  et  le  capitaine  Van  Gèle  et  ses  adjoints  furent  reçus  de 
la  façon  la  plus  hospitalière  par  le  frère  de  Tipo-Tipo,  Bouana-Nzigé. 

Enfin,  le  18  juin,  après  trois  jours  passés  aux  Falls,  le  capitaine  Van 
Gèle  reprenait  le  chemin  de  la  côte.  En  route  il  rencontra  Tipo-Tipo  à 
bord  du  Holland,  plus  bas,  à  bord  de  V En-Avant,  le  lieutenant  Haneuse. 
Le  2  juillet  il  arrivait  à  Léopoldville,  le  17  août  il  s'embarquait  à 
Banana,  et  le  15  septembre,  moins  de  trois  mois  après  son  départ  des 
Falls,  il  rentrait  à  Bruxelles. 

L'expédition  projetée  par  M.  le  capitaine  Trivler  que  nous  annon- 
cions il  y  a  quelques  mois  (p.  208),  est  en  cours  d'exécution.  Muni 
d'une  mission  du  ministre  de  l'instruction  publique  de  France,  M.  Tri- 
vier  s'est  embarqué  à  Bordeaux  le  20  août  sur  la  Nertfie  qui  devait  le 
transporter  à  Dakar,  ainsi  que  M.  Weissemburg,  de  Rochefort  comme 
lui.  Le  département  de  la  marine  lui  a  donné  tous  les  instruments  astro- 
nomiques nécessaires  à  ses  observations;  une  escorte  de  cinq  laptots 
sénégalais  sera  h  sa  disposition  dès  son  arrivée  à  Dakar.  De  ce  point  il 
se  rendra  à  Loango,  oîi  il  organisera  une  caravane  pour  se  rendre  à 
Brazzaville;  là  il  s'embarquera  sur  un  vapeur  jusqu'aux  Stanley-Falls  ; 
puis  reprendra  la  voie  déterre  jusqu'à  Nyangoué  et  jusqu'au  Loukouga. 
Ensuite  il  se  dirigera  vers  Mpala,  traversera  le  Tanganyika,  touchera  à 
Karéma  et  à  Oudjidji,  d'oii  à  travers  l'Ou-Nyamouezi  il  cherchera  à 
atteindre  Bagamoyo  et  Zanzibar. 

La  Revue  Française  nous  apporte  les  nouvelles  suivantes  de 
ML.  Joseph  Thomson  qui  explore  actuellement  le  Mapoc.  Il  se 
rendit  par  mer  de  Tanger  à  Casablanca  et  de  là  par  terre  à  Mogador. 
Ne  pouvant  compter  sur  son  escorte,  il  eut  recours  aux  bons  offices  d'un 
juif  de  Demnah  qui  lui  fut  d'un  grand  secoui-s.  De  Demnah  il  fit  deux 
excursions  intéi-essantes  au  point  de  vue  géologique  et  géographique, 
puis  franchit  l'axe  central  de  l'Atlas  jusqu'au  district  de  Tiluit  dans  le 


—  302  — 

bassin  du  Draa.  L'insurrection  des  tribus  du  versant  sud  le  força  à 
revenir  vers  le  nord  ;  il  traversa  la  chaîne  par  une  passe,  un  peu  au  sud 
du  Djebel  Tizah,  dont  l'ascension  a  été  faite  précédemment  par  Hooker^ 
et  atteignit  sans  encombre  Gindaby.  Ensuite  il  monta  jusqu'au  sommet 
le  plus  élevé  de  l'Atlas,  au  nord  de  Amsivitz,  à  une  altitude  de  plus  de 
4000  mètres,  environ  500  mètres  de  plus  que  tous  les  pics  atteints  jus- 
qu'ici. De  là  il  revint  à  Maroc,  pour  attendre  les  provisions  qui  lui 
étaient  envoyées  de  la  côte. 


NOUVEIiLES  COMPLÉMENTAIRES 

La  Compagnie  transatlantique  a  installé,  le  l*'  septembre,  trois  courriers 
directs  entre  Marseille  et  Tunis,  et  un  courrier  entre  Alger  et  Tunis,  avec  escales 
sur  les  côtes  de  l'Algérie  et  de  la  Tunisie. 

Le  Progrès  de  Sétif  annonce  que  le  ramassage  des  œufs  de  sauterelles  s'effectue- 
sur  une  grande  échelle.  A  chaque  marché,  des  quantités  énormes  sont  apportées 
à  la  mairie  par  les  indigènes  désireux  de  toucher  de  suite  une  petite  somme 
d'argent.  Les  œufs  sont  déposés  dans  de  vastes  fosses,  où  ils  sont  enfouis,  après 
avoir  été  disposés  par  couches  alternant  avec  des  lits  de  chaux. 

Au  congrès  de  l'Association  britannique  réuni  récemment  à  Bath,  sir  Robert 
Playfair,  consul  général  de  la  Grande-Bretagne  à  Tunis,  a  exposé  les  progrès 
réalisés  en  Tunisie  sous  le  protectorat  français.  Terre  à  peu  près  inconnue,  il  y  a 
peu  de  temps,  elle  promet,  aujourd'hui  qu'elle  est  ouverte  à  l'activité  européenne» 
de  devenir  bientôt  la  rivale  de  l'Algérie  pour  la  culture  de  la  vigne,  qui  devra 
toujours  être  la  principale  industrie  du  nord  de  l'Afrique. 

D'après  une  lettre  du  Caire  au  Standard,  un  grand  mécontentement  règne  chez 
les  partisans  du  mahdi  qui  pousse  à  l'extrême  la  sévérité  de  la  discipline  religieuse. 
Tout  homme  convaincu  d'avoir  fumé  ou  d'avoir  bu  du  café  a  la  main  droite  coupée. 

Des  négociations  sont  engagées  entre  les^  autorités  égyptiennes  et  italiennes 
pour  l'établissement  d'un  nouveau  service  hebdomadaire  entre  l'Egypte  et 
l'Europe,  par  la  voie  du  Pirée  et  de  Brindisi. 

Le  gouvernement  turc  ayant  notifié  au  ministère  anglais  son  intention  de 
réoccuper  le  port  de  Zeïlah,  cédé  autrefois  à  l'Égj'pte  moyennant  une  augmenta- 
tion de  tribut,  le  Foreign  Office  a  répondu  que  Zeïlah  dépend  aujourd'hui  de 
l'Egypte,  et  que  tout  en  conservant  sa  suzeraineté  sur  les  territoires  égyptiens,  la 
Turquie  n'a  pas  le  droit  de  les  occuper  militairement,  ni  même  de  les  administrer 
pour  son  propre  compte. 

La  British  £ast  African  Company,  à  laquelle  le  sultan  de  Zanzibar  a  concédé 
ses  pouvoirs  et  droits  d'administration  sur  le  territoire  de  M'Rima  et  tles  dépen- 
dantes, ainsi  que  ses  possessions  de  la  côte  orientale  d'Afrique,  de  Wanga  à 
Kipiui,  a  obtenu  du  gouvernement  anglais  une  charte  analogue  à  celle  de  la 


1 


_.. 


Compapiie  dn  Niger.  Elle  a  en  a 
diefs  indigènes  des  régions  a 

Lea  trafiquants  d'esclaves  ayant  p 
«dieux  commerce,  dans  lea  einx  de  t'. 
1  prescrit  à  ses  agents  à  Madagascar  i 

D'après  une  dépêche  d'Edimbourg, 
chasseurs  d'esclaves  et  une  expéditi 
blanc  et  plusieurs  indigènes  faisant  pt 
capitaine  Luggard  qui  la  commandait 

H.  Wulf,  chargé  par  la  Société  aller 
de  diriger  les  établissements  fondés  d: 
quittera  l'Allemagne  à  la  fin  d'octobn 
café,  de  Java,  et  les  planteurs  de  tabi 
leurs  et  inspecteurs  des  plantations  d 

A  l'Exposition  coloniale  de  Cologne 
one  médaille  d'or  pour  la  variété  des 
produits  de  ses  domaines. 

A  la  fin  de  l'année,  M.  le  D'  Latrill 
direction  de  l'infirmerie  allemande  qui 
i  exercer  la  surveillance  sur  les  missi 
populaire  souahéli. 

M.  de  Graveoreuth  a  réussi  à  acclii 
l'introduction  dans  l'Afrique  orientale 

Le  D'  Schweinfurth  signale,  dans 
d'an  jeune  négociant  allemand,  nomm 
au  service  d'une  maison  de  Marseille 
particulier  des  expéditions  commerda 
15  avril  1886,  sa  famille  n'a  plus  reç 
de  Tête,  pour  un  nouveau  voyage  h  V 

Un  service  postal  sera  prochainem 
nique  et  le  Ma-Tébêléland,  par  Sho! 
Des  stations  postales  seront  établies 
Gouboulououayo. 

Le  dernier  numéro  des  Miê»i<m»-Be 
richesse  de  la  langue  des  Ba-8onto,  le 
pour  désigner  le  blé  depuis  le  moment 
mûr  et  prêt  Jt  être  récolté  ;  vingt-deu] 
espèces  de  hté  cafre  ;  treize  noms  à  1 
distinguer  les  nuances  du  bétail. 

Dans  une  session  extraordinaire  con' 
de  l'État  libre  du  fleuve  Orange,  le  Vc 
président  de  la  Cour  suprême. 

D'après   une  dépèche  de  l'Agence 


-  305  — 

H.  le  capitaine  Cambier  a  rapporté  à  Bruxelles  les  plans  du  tracé  adopté  pour 
!f  chemin  de  fer  du  Congo,  qui  contourne  le  massif  de  Matadi  et  le  passage  de  la 
Mpoio  à  son  confluent,  ce  qui  rend  inutile  le  travail  d'art  que  l'on  redoutait  en 
(K  endroit.  11  a  laissé  le  commandement  de  l'expédition  des  ingénieurs  à 
ï.  Hector  Charmanne,  qui  achève  le  levé  tachéomé trique  de  la  direction  générale 
du  tracé  jusqu'à  Léopoldïille.  L'expédition  compte  avoir  terminé  ses  opérations 
n  novembre  ou  en  décembre  prochain. 

lossitAt  que  le  lieutenant  Tappenbeck  sera  arrivé  au  Cameroun,  l'expéditioii 
illemande  se  propose  d'entreprendre  une  nouvelle  exploration  du  pays  des 
Bn-Taoga,  oh  nue  station  scientifique  sera  fondée  sur  le  tteuve  Sannaga. 

L«  lieutenant  von  François  a  atteint  Salaga  le  4  mars  en  passant  par  Kpandii, 
foi,  après  un  repos  de  dix  jours,  il  s'est  dirigé  sur  Jandi.  11  y  est  arrivé  le  23 
un,  et  a  continué  sa  route  vers  Gambaga  qu'il  a  atteint  le  5  avril.  De  là  il  se 
froposait  de  se  diriger  vers  Waga  Dugu  et  Arre. 

Le  médecin  major  Wolf,  chargé  d'une  mission  d'exploration,  s'esi  rendu,  par  le 
lerritoire  de  Togo,  à  Addelar  au  N.-E.  de  Salaga,  où  il  a  établi  une  station  pour 
i-i  éludes  scientifiques. 


COUP  D'ŒIL  SUR  LES  PROGRÈS  ACCOMPLIS  DEPUIS  UN  SIÈCLE 
DANS  LA  CONNAESSANCE  DE  L'AFRIQUE 

Dans  la  sÎKième  livraison  des  Petermatins  Mitteilmiffe»,  le  rédacteur 
Il  chef,  le  D*  Supan,  a  publié  une  étude  des  plus  i-emarquables  intitu- 
lée :  Un  eiècle  d'exploratinn  africaine.  II  ne  s'agit  pas  d'une  noniencla- 
mre  des  voyages  accomplis  en  Afrique  depuis  uu  siècle,  mais  d'une  sorte 
de  classificAtion  des  explorations  et  d'un  historique  en  quelque  sorte 
philosophique  des  progrès  réalisés  dans  la  connaissance  du  continent. 
Cet  article  a  principalement  eu  vue  de  faire  ressortir  aussi  bien  l'im- 
meosité  des  progrès  réalisés  dans  un  espace  de  temps  relativement 
eourt,  que  les  phases  par  lesquelles  a  passé  l'exploration  africaine,  les 
^nds  problèmes  qtii  ont  successivement  éveillé  la  curiosité  des  voya- 
çears,  des  géographes  et  du  public,  enfin  le  programme  de  l'avenir. 
Ce  mémoire,  riche  en  renseignements,  écrit  avec  cette  concision  sub- 
suntielle  qui  permet  de  dire  beaucoup  de  choses  en  peu  de  mots,  est 
accompagné  d'une  série  de  petites  cartes  indiquant,  de  1790  à  1880,  les 
progrès  accomplis  de  dix  en  dix  ans  dans  l'exploration  de  l'Afrique,  et, 
™  outre,  d'une  carte  à  plus  grande  échelle  deetiuée  à  faire  connaître 
l'état  actuel  de  nos  connaissances  sur  l'Afrique  et  les  questions  qui  se 
posent  aujourd'hui. 

Kous  avons  pensé  qu'une  étude  succincte  du  sujet  traité  par  le  D'  Su- 


i 


k 


ite  d'après  son  savant  travail  et  quelques  autres  sources  pourrait 
îer  noe  lecteurs.  La  carte  qui  termiae  ce  numéro  reproduit  avec 
le  détails  celle  des  Mitteilunffen.  Nous  y  avons  eu  outre  fait  figu- 
limites  des  États  africains  et  des  possessious  européennes,  d'après 
«18  politique  de  l'Afrique  deWauters,  publié  par  M.  E.  Banning 
m  ouvrage  le  Partage  de  l'Afrique.  Cette  indication  des  fron- 
L  été  ajoutée  en  vue  d'un  article  que  doit  contenir  un  des  pro- 
numéros  de  notre  journal. 

ate  choisie  par  le  D'  Supan  pour  la  publication  de  son  travail  est 
ersaire  d'un  événement  dont  ou  a  bien  souvent  fait  ressortir  l'im- 
».  C'est  le  9  juin  1788,  en  effet,  que  fut  fondée,  à  Londres, 
on  Association,  société  dont  le  but  était  d'encourager  les  voyages 
)uvertes  dans  l'intérieur  de  l'Afrique.  Les  notabilités,  dont  quel- 
les étaient  considérables,  qui  présidaient  à  la  création  de  l'Asso- 
,  se  rendaient  compte  des  avantages  que  le  commerce  aussi  bien 
science  devait  retirer  de  l'exploration  de  l'Afrique.  A  cette  épo- 
ingleterre  qui  venait  de  perdre  une  grande  partie  de  ses  colonies 
•ique  sentait  le  besoin  d'ouvrir  des  débouchés  à  son  industrie. 
it  trouver  de  nouveaux  acheteurs,  et  on  les  trouva,  car  il  est  cer- 
e  l'ouverture  de  routes  nouvelles  dans  le  nord  de  l'Afrique  pro- 
conimerce  anglais.  Toutefois  ce  n'est  pas  à  ce  point  de  vue  que  la 
on  de  l'African  Association  ouvre  une  ère  mémorable.  Elle  mar- 
sn  davantage  dans  l'histoire  de  la  science  que  dans  l'histoire  du 
rce.  La  Société  donna  aux  explorations  un  caractère  beaucoup 
ientitique  que  par  le  passé.  Elle  sut  choisir  ses  voyageurs.  Sans 
îccuper  de  leur  nationalité  —  elle  prit  à  son  service  plus  d'Alle- 
que  d'Anglais, —  elle  chercha  surtout  à  mettre  à  la  tète  des  expédi- 
iti-eprises  sous  son  patronage,  des  hommes  sachant  voir  et  sachant 
mdre,  forts  en  sciences  naturelles  et  possédant  un  caractère  bieu 
:.  L'études  des  espèces  végétales  et  animales,  des  populations, 
gués,  des  civilisations,  la  détermination  astronomique  des  loca- 
irent  partie  du  programme  des  voyages  au  même  titre  que  la 
aissance  orograpfaique,  hydrographique  et  climatérique  des  con- 
L'African  Association  organisa  ses  expéditions  au  Sahara  et  au 
1  méthodiquement  et  suivant  un  plan  bien  conçu.  Les  informa- 
apportées  pai-  les  voyageurs  qu'elle  envoya  sont  encore  aujour- 
Bs  seules  que  l'on  possède  sur  certains  territoires,  ou  sont  consi- 
comme  des  plus  pi-écieuses  pour  d'auti-es  régions,  alors  même  ' 
lutres  explorateurs  les  ont  parcourues  plus  récemment. 


—  308  — 

la  portion  comprise  entre  le  cap  Negro  et  le  fleuve  Orange,  car  cette 
région  est  presque  complètement  ignorée,  mais  plutôt  de  l'Angola  et  du 
cours  inférieur  du  Congo,  oii  les  capucins  italiens  se  sont  établis  comme 
missionnaires  à  Concobella.  La  côte  orientale  est  fréquentée  par  les 
chercheurs  d'or  dont  Sofala  et  Tête  sont  le  but,  et  par  les  négriers, 
mais  peu  par  les  voyageurs.  Les  reconnaissances  se  bornent  à  la  côte 
et  à  la  partie  inférieure  du  Zambèze. 

Le  pays  du  Cap  est  beaucoup  mieux  connu.  La  colonie  que  les  Hol- 
landais y  ont  fondée  ne  ressemble  pas  aux  autres  établissements  euro- 
péens en  Afrique.  Son  but  n'est  pas  seulement  commercial  ;  il  est  aussi 
agricole.  C'est  avant  tout  une  colonie  de  peuplement.  A  mesure  que  le 
pays  se  couvre  de  fermes,  les  Boers  s'avancent  vers  l'intérieur,  comme 
ils  le  font  encore  aujourdhui.  La  carte  ne  porte  pas,  comme  dans  les  au- 
tres parties  de  l'Afrique,  quelques  itinéraires  isolés,  à  droite  et  à  gauche 
desquels  on  ne  sait  rien  ;  c'est  une  région  tout  entière  qui  est  explorée. 
Au  dix-huitième  siècle  plusieurs  explorations  augmentent  d'une  manière 
sensible  les  connaissances  antérieures  aussi  bien  sur  le  pays  lui-même 
que  sur  ses  habitants  aborigènes;  on  peut  citer  parmi  les  voyageurs  les 
plus  marquants  :  Kolbe  (1705  à  1713);  La  Caille  (1751  et  1752);  Sparr- 
mann  et  Thunberg  (1772-1 776)  ;Paterson  (1777);  Le  Vaillant  (1780  à 
1785).  Le  récit  de  ce  dernier  est  très  amusant  à  lire,  mais  il  offre,  par  le 
caractère  peu  scientifique  des  assertions  qu'il  renferme,  un  spécimen 
des  relations  de  voyages  de  cette  époque. 

Ainsi,  en  1788,  à  part  la  région  du  Nil  moyen  et  inférieur,  la  Séné- 
gambie  et  la  partie  méridionale  du  Pays  du  Cap,  l'Afrique  pi-esque  en- 
tière était  un  terrain  de  découvertes  pour  les  explorateurs.  La  tâche 
était  grande.  Il  eût  été  peu  logique  d'attaquer  le  continent  noir  sur  tous 
les  points  à  la  fois.  UAfrican  Association  limita  son  terrain  d'action  à 
la  région  du  Sahara  et  du  Soudan.  C'est  de  ce  côté  que  se  portèrent 
presque  tous  les  effoi^s.  A  la  vérité,  le  reste  de  l'Afrique  ne  fut  pas 
entièrement  négligé,  car  c'est  du  commencement  du  dix-neuvième  siècle 
que  datent  les  importants  voyages  de  Burckhardt  dans  la  Haute-Nubie 
(1812),  de  Caillaud  dans  les  déserts  de  l'est  et  de  l'ouest  de  l'Egypte  et 
aux  mines  de  l'antique  Meroê  (1815-1820),  de  Rtlppel  au  Dongola,  au 
Semiaar  et  au  Kordofan  (1823)  ;  c'est  aussi  à  cette  époque  que  Som- 
memlle,  Lichtenstein,  Cowans,  Burchell  et  Campbell  parcourent  les 
régions  de  l'Orange  et  du  Limpopo.  Toutefois  l'attention  publique  ne 
se  porte  pas  dans  ces  directions  ;  Timbouktou  et  le  Niger  attirent  tous 
les  regards.  Quel  est  le  coui*s  et  quel  est  le  régime  du  grand  fleuve 


—  309  — 

soudanien?  va-tril  se  mêler  au  Nil;  s'arréte^t-il  auparavant  dans  les 
lagunes  de  Ouangara  (lac  Tchad  actuel)  ;  conduit-il  ses  eaux  au  Congo 
ou  au  golfe  de  Bénin  ?  Autant  de  questions  qui  passionnent  les  esprits. 
Homemann  (1799)  et  Mungo-Park  (1795-1805),  entrés  les  premiers  ©q 
lice  sont  bientôt  suivis  par  une  pléiade  de  hardis  explorateurs.  Tuckey 
remonte  le  cours  inférieur  du  Congo  (1816),  Peddie  périt  en  voulant 
arriva  au  Soudan  par  l'ouest  (1816),  et  Lyon  est  forcé  de  s'arrêter  au 
sud  du  Fezzan  (1819),  Denham  et  Clapperton  (1822-1824)  traversent  le 
Sahara  et  le  Soudan,  font  la  reconnaissance  complète  du  lac  Tchad,  et 
reviennent  avec  l'information  donnée  par  le  sultan  de  Sokoto  que  le 
Niger  se  rend  au  golfe  de  Bénin.  L'honneur  de  véiifier  cette  assertion,  et, 
par  suite,  de  résoudre  la  question  du  Niger  était  réservé  aux  frères  Lau- 
der,  qui  fixèi'ent  définitivement  les  embouchures  du  grand  cours  d'eau. 
C'était  en  1830.  A  ce  moment,  l'exploration  africaine  entrait  dans  une 
Qouvelle  phase.  Ces  voyages  avaient  intéressé  le  grand  public  non  seu- 
lement en  Angleteri-e,  mais  sur  le  continent.  Des  sociétés  de  géographie 
s'étaient  fondées,  l'une  à  Paris,  en  1821  ;  une  autre  à  Berlin  en  1828; 
une  troisième  h  Londres  en  1830.  L'Africcm  Aesociation,  comme  société 
séparée,  n'avait  plus  sa  raison  d'être.  En  1831,  elle  se  fondit  avec  la 
Société  royale  de  Londres. 

De  1830  à  1850,  les  progrès  dans  la  connaissance  de  l'Afrique  furent 
plutôt  lents.  Ainsi  que  le  prouve  une  comparaison  de  deux  cartes.  Tune 
datant  du  commencement  de  cette  période,  l'auti'e  de  la  fin;  il  n'y  a 
de  réel  changement  à  constater  que  dans  la  Berbérie  ob  la  France 
s'était  établie,  le  bassin  du  Nil  et  l'Afrique  australe.  Quelle  différence 
entre  cette  époque  et  celle  qui  lui  succède  !  L'année  1850  est  une  date 
mémorable  dans  l'histoire  des  explorations  africaines.  Le  nombre  des 
voyageurs  s' accroît  depuis  ce  moment  avec  une  étonnante  rapidité.  Us 
se  précipitent  comme  une  avalanche  sur  tous  les  points,  sur  toutes  les 
côtes  de  cette  Afrique  si  longtemps  délaissée,  pour  en  faire  la  reconnais- 
sance et  ouvrir  la  route  aux  missionnaires,  aux  commerçants,  aux  colons, 
aux  consuls  qui  les  suivent  de  près.  Jusqu'alors  le  nord-ouest  de  l'Afri- 
que,  le  bassin  du  Nil  et  la  région  du  Gap  étaient  les  trois  régions  sur 
lesquelles  se  portait  l'attention  publique.  L'Afrique  équatoriale  était 
intacte  ;  les  géographes  ne  savaiait  rien  ou  presque  rien  de  toute  la 
partie  comprise  entre  le  tropique  du  Capricorne  et  une  ligne  allant  du 
golfe  d'Aden  h  la  baie  de  Biafra.  C'est  sur  ce  vaste  territoire  que  va 
surtout  se  concentrer  le  travail  d'exploration  depuis  1850.  Deux  événe- 
meate   dont  le  retentissement  fut  immense  peuvent  en  être  considérés 


—  310  — 
lies  avauWwureurs.  Nous  voulouâ  parler  de  la  découverte, 
ia  I84ij,  de  deux  pic8  couronnés  de  ueiges  étemelles,  sous 
)  KJlima-Njaro  et  le  Keuia,  parles  miâsiounaires  Rebmann 
lu  lac  Ngami  par  le  docteur  Liviogstone.  Depuis  lors  les 
evaient  se  succéder  saos  interruptiou. 
stinguer  trois  périodes  pnncipales  dans  le  grand  moure- 
ision  qui  se  produit  de  1850  à  nos  joui-s.  La  première 
1862  ;  c'est  l'époque  des  problèmes  se  rapportant  au  Nil  et 
t  de  la  continuation  de  l'exploration  du  Sahara  et  du  Sou- 
ide  commence  en  1862  et  finit  en  1877  ;  elle  comprend  les 
)»t  pour  but  de  résoudre  la  question  du  Congo  et  de  Caire 
deux  zones  côtières  orientale  et  occidentale  de  l'Afrique 
>uis  1877,  époque  à  laquelle  s'ouvre  la  troisième  période, 
lits  du  relief  et  de  l'hydrographie  de  l'Afrique  sont  fixés; 
■g  ont  surtout  en  vue  l'achèvement  de  la  reconnaissance 
continent  et  la  fondation  de  colonies  européennes  dans  la 
lie.  évidemment  ces  trois  périodes  n'ont  pas  un  caractère 
absolue;  cependant  elles  se  distinguent  assez  nettement 
utres  poui-  constituer  une  division  formelle  dans  l'histoire 
on  africaine. 

iremière  période,  la  question  des  sources  du  Nil  était  cer- 
lle  qui  excitait  l'intérêt  le  plus  vif.  Grâce  k  la  protection 
déhémet-Ali,  de  beaux  voyages  avaient  pu  s'accomplir, 
ceux  de  Caillaud,  de  RUppell,  de  Russegger  (1837-1838)  et 
•  de  d'Arnaud  (1840)  qui  fut  assez  heureux  pour  pouvoir 
'à  Gondokoro.  D'autres  itinéraires  partant  aussi  du  cours 
Qoyen  du  tleuve,  ceux  de  Tremaux,  Brun-Rollet,  de  Guill. 
y  Hartmann,  de  Heuglin,  de  Baker  recouvrirent  cette 
iut-Nil  d'un  réseau  dont  les  mailles  se  rétrécissaient  de 
Mais  ce  n'était  pas  par  ce  côté  que  la  solution  de  la  grande 
lit  être  trouvée.  Depuis  les  découvertes  de  Krapf  et  de 
côte  de  Zanzibar  attirait  les  regards.  Bui-ton  et  Speke  en 
'ers  l'ouest,  amvèrent  au  lac  Tanganyika  en  1858.  Deux 
.,  Speke  avec  un  nouveau  compagnon,  le  capitaine  Grant, 
la  même  côte  pour  faire  la  mémorable  exploration  qui  les 
lac  Victoria  et  au  Nil  qui  en  sort.  Baker  compléta  leur 
ir  celle  de  rAIheil-Nyauza.  A  la  même  époque,  de  Decken 
:iltma-Njaro. 
ie  la  découverte  du  Zambèze  qui  marcha  parallèlement 


—  311  — 

avec  la  recomiaissance  du  Haut-Nil  est  intimement  liée  au  nom  du  doc- 
teur Liviûgstone,  sanjs  contredit  le  plus  populaire  des  voyageurs  afri- 
cains. U  parcourut  le  bassin  de  ce  grand  fleuve  pendant  de  longues 
amiées,  dans  une  première  expédition  (1853  à  1856),  qui  lui  permit  de 
traverser,  lui  premier,  le  continent  africain  de  Test  à  l'ouest,  et  dans 
une  seconde  (1858-1861)  qui  avait  pour  but  l'exploration  du  Zambèze 
inférieur  et  de  son  affluent  le  Chiré. 

Dans  le  Sahara  et  le  Soudan,  la  période  de  1850  à  1861  est  marquée 
par  le  grand  voyage  que  Barth  (1850-1855)  avait  commencé  avec  Ri- 
chardson  et  Overweg  et  qu'il  termina  avec  Vogel.  Cette  expédition  le 
conduisit  au  Fezzan,  à  l'oasis  d'Asben,  au  Bornou,  à  l'Adamaoua  et  à 
Timbouktou.  Elle  est  un  des  épisodes  les  plus  importants  de  l'histoire 
des  voyages. 

Ainsi  au  commencement  de  la  cinquième  période,  des  progrès  consi- 
dérables ont  été  accomplis  ;  le  cours  de  trois  des  quatre  grands  fleuves 
de  l'Afrique,  le  Niger,  le  Nil  et  le  Zambèze  est  à  peu  près  déterminé. 
Quant  au  quatrième,  sans  contredit  le  plus  puissant,  on  ne  sait  rien  de 
son  cours,  rien  de  son  bassin.  On  ne  soupçonne  même  pas  son  impor- 
tance ;  quand  Livingstone,  dans  sa  troisième  expédition  (1865  à  1873), 
en  révèle  le  cours  supérieur  (Loualaba),  la  source,  et  fait  connaître  les 
deux  réservoirs,  le  Moëro  et  le  Bangouéolo,  quand  Cameron  (1873-1875) 
le  traverse  à  Nyangoué,  le  public  ne  pressent  pas  qu'il  s'agit  d'une 
question  plus  importante  encore  que  celle  du  Niger  et  du  Nil.  Aussi, 
lorsque  Stanley,  que  son  voyage  à  la  recherche  de  Livingstone  (1871)  a 
enthousiasmé  pour  les  choses  africaines,  revient  de  sa  grande  traversée 
du  continent  (1874-1877)  et  fait  connaître  au  monde  l'immense  Congo, 
sa  découverte  est  accueillie  comme  une  révélation  et  produit  im  reten- 
tissement considérable.  Pendant  que  ces  grandes  explorations  s'accom- 
plissaient, d'autres,  moins  retentissantes,  ajoutaient  k  nos  connaissances 
sur  le  reste  de  l'Afrique.  Sans  vouloir  citer  tous  les  noms,  nous  pouvons 
signaler,  pour  le  Sahara  et  le  Soudan,  les  voyages  de  Duveyiier,  Beur- 
mann,  Rohlfs,  Nachtigal  et  SoleiUet;  pour  l'Abyssinie,  ceux  de  Munzin- 
ger  et  Raffray,  sans  compter  l'expédition  anglaise  contre  Théodoros, 
qui  eut  des  conséquences  heureuses  aussi  bien  au  point  de  vue  géogrii- 
phique  qu'au  point  de  vue  politique;  pour  le  Haut-Nil,  l'exploration  si 
importante  de  Schweinfurth  dans  les  contrées  qui  sont  encore  aujour- 
d'hui le  centre  d'attraction  de  l'Afrique;  pour  la  région  australe,  les 
voyages  d'Erskine,  Elton,  Mauch,  Holub  et  Selous;  enfin,  pour  la  parti (^ 
méridionale  du  bassin  du  Congo,  ceux  de  Pogge  et  de  Lux.  Indépeii- 


—  312  — 
dammeiit  de  la  découverte  du  Congo,  un  grand  événement  marque  la 
fin  de  la  seconde  période;  c'est  la  fondation  de  l'Association  iDt«matio- 
nale  africaine,  dont  la  pensée  est  plus  vaste  que  celle  de  l'African  Aaso- 
ciatioD,  puisqu'au  début  elle  convie  tous  les  peuples  à  s'occuper  de 
l'Afrique  pour  y  faire  pénétrer  la  civilisation  européenne. 

Dès  lors,  l'exploration  de  l'Afrique  entre  dans  une  phase  nouvelle; 
les  expéditions  nombreuses  entreprises  sous  le  patronage  de  l'Associa- 
tion  et  d'autres  sociétés  scientifiqueg,  philanthropiques,  missionnaires 
ou  politiques  sont  encore  dans  toutes  les  mémoires.  Notre  journal  a 
permis  k  nos  lecteurs  de  suivre,  mois  par  mois,  ce  mouvement  considé- 
rable ;  il  faudrait  de  longues  pages  pour  le  résumer,  d'autant  plus  que  la 
question  de  la  colonisation  jusqu'alors  reléguée  à  l'arrière-plan,  s'y  lie 
d'une  manière  directe.  Un  grand  nombre  de  voyages  ont  un  but  inté- 
ressé; en  même  temps  qu'il  étudie  le  pays  scientifiquement,  l'eiqjlora- 
teur,  qui  est  souvent  l'agent  d'une  société  commerciale  ou  d'un  État, 
cherche  k  y  nouer  des  relations  avantageuses  qui  permettent  à  des 
comptoirs  de  s'y  établir  ou  à  des  nations  européennes  d'y  planter  leur 
pavillon.  L'Europe  prend  peu  h  peu  possession  de  l'Afrique  qui,  après 
avoir  été  explorée  au  nom  de  la  science,  devient  le  champ  clos  des  riva- 
lités de  races  et  d'intérêts.  Le  tableau  suivant  permet  de  se  rendre 
compte  des  principales  périodes  de  l'histoire  de  l'exploration  africaine 
depuis  un  siècle  : 

«988  i.  «860 

Question  du  Niger  (1788-1830). 

Période  de  progrès  lents  dans  le  bassin  du  Nil  et  le  sud  de  l'Afrique 
0830-1850). 

«SSO-1888 

Question  des  sources  du  Nil  ;  question  du  Zambèze  ;  exploration  du 
Sahara  et  du  Soudan  (1850-1862). 

Question  du  Congo  ;  exploration  des  régions  côtières  orientale  et  oca- 
dentale  de  l'Afrique  équatoriale  (1862-1877). 

Période  de  l'achèvement  de  l'exploration  du  continent  et  de  la  coloni- 
sation européenne  dans  la  région  tropicale  (depuis  1877). 

Après  avoir  constaté  ce  qui  a  été  fut  depuis  un  siècle,  jetons  un  coup 
d'œil  sur  notre  cart«  pour  nous  rendre  compte  de  ce  qui  reste  h  faire. 
Parmi  les  contrées  indiquées  comme  connues,  le  pays  du  Cap,  une  partie 
du  Traufivaal,  l'Algérie,  la  Tunisie,  la  Basse-Egypte  ont  seules  été  rde- 
vées  par  les  géomètres.  Les  autres,  la  Sénégambie,  la  Haute^uinée 


orientale,  le  Nil  Blanc,  l'Abyssiiiie,  la  Hotténtotie  et  ley  bassins  du 
Chiré  et  de  la  Rovouma  ont  été  explorées  à  plusieui"a  reprises  sans  tou- 
tefois que  toutes  les  parties  en  soient  comptèt^ment  connues. 

Le  reste  du  continent  comprend  en  premier  lieu  les  coiitfêes;  traversées 
par  un  plus  ou  moins  grand  nombre  d'itiuéraii-es  de  voyageui'b. 

Dans  quelques-unes  ces  routes  forment  un  réseau  suffisamment  serré 
pour  que  le  géographe  connaisse  avec  certitude  les  lignes  principales  de 
l'oi-ographie  et  de  l'hydrographie  du  pays.  C'est  le  cas  de  la  zone  côtiére 
du  Sahara  oceidentjil,  de  la  partie  septentrionale  du  grand  désert,  d'une 
large  bande  du  Soudan  comprise  entre  le  Niger  et  le  hic  Tchad,  de  la 
région  des  grauds  lacs,  du  Zambèze  moyen,  du  Kalahari,  et  du  cours 
supérieur  des  affluents  méridionaux  du  Congo.  Ailleui-s  les  itinéraires 
80ut  moins  nombreux  et  l'incertitude  règne  sur  bien  des  points.  Dans  le 
pays  des  Somali,  le  Ouadal,  le  Baghirmi,  le  Soudan  occideiitjil,  le  Sahara 
central  et  h  bassin  du  Congo,  les  routes  clairsemées  dissent  entre 
elles  des  espaces  immcnse-s  et  ressemblent  au  sillon  qu'aurait  tracé 
une  charrue  au  milieu  d'une  vaste  plaine. 

Entiu  il  est  des  régions  entières  sur  lesquelles  le  mystère  plane  encore. 
Sans  parler  des  contrées  du  Sahara  centi-al  et  de  l'impénétrable  désert 
de  Libye  qui  offrent  moins  d'intérêt  à  catise  do  leur  peu  de  ressources; 
sans  insist«r  non  plus  sur  les  lacunes  nombreuses  qui  se  pi-ésentent  dans 
le  bassin  du  Zamlièze,  on  constate  que  d'importantji;  problèmes  se  jwsent 
au  géographe  touchant  des  régions  situées  dans  le  voisinage  des  établis- 
sements européens  et  dont  la  prise  de  possession  effective  i)ar  les  nations 
civilisées  aurait  de  grandes  conséquences  pour  le  développement  de  la 
colonisation.  Nous  voulons  parler  du  pays  des  Mandingues  au  nord  de 
Libéii%et  de  la  côte  des  Graines,  que  l'on  s'étonne  de  voir  inexploré  si 
près  de  colonies  européennes;  de  la  contrée  située  à  l'est  du  Nil  Blanc, 
oU  les  colons  trouveront  très  probablement  un  pays  riche  et  suffisam- 
ment salubre;  enfin  de  l'immense  bassin  du  Congo  qui  n'a  encore  été 
reconnu  que  dans  le  voisinage  des  cours  d'eau  et  dont  nous  n'avons  pas 
besoin  de  faire  ressortir  l'importance.  C'est  au  nord  dé  cette  région 
que  se  trouve  le  plus  grand  blanc  de  la  carte  d'Afrique  et  pourtant  cette 
contrée  est  l'une  des  plus  intéressantes  du  grand  continent,  puisque 
c'est  là  que  passe  la  ligne  de  partage  des  eaux  entre  les  quatre  bassins 
du  Congo,  du  Nil,  du  Chari  et  du  Niger. 

Ainsi,  malgré  la  grandeur  de  l'œuvre  d'exploration  accomplie  depuis 
un  siècle,  la  reconnai-ssance  de  l'Afrique  est  loin  d'être  terminée.  Les 
questions  qui  se  posent  sont  encore  nombreuses,  et  le  champ  de  travail 


-.'f 


-  314  — 

est  des  plus  vastes.  Toutefois  la  zone  inconnue  se  rétrécit  de  plus  en 
plus,  grâce  au  zèle  et  à  l'ardeur  des  pionniers  de  tous  les  pays,  et  Ton 
peut  dire  qu'il  est  probable  que  la  fin  du  siècle  ne  s'achèvera  pas  sans 
que  les  principales  lacunes  soient  comblées.  Ainsi  l'exploration  de  l'Afri- 
que est  Tœuvre  du  dix-neuvième  siècle.  N'eût-il  laissé  que  ce  pi-ogrès 
à  la  postérité,  il  aurait  bien  mérité  de  l'histoire. 


CORRESPONDANCE 

liettre  de  Tatl,  de  M.  A.  Demaflney,  ingénlear. 

Tati  (Ma-Tébéléland),  21  juiUet  1888. 
Cher  monsieur, 

Nous  venou^  d'apprendre  avec  plaisir  que  la  construction  d'une  voie  ferrée 
Kimberley-Mafeking  a  été  décidée. 

Le  gouvernement  anglais  va  organiser  un  service  postal  entre  Mafeking  et 
(iouboulououayo,  avec  un  bureau  à  Tati. 

L'attention  des  chercheurs  d'or  est  maintenant  tournée  vers  le  pays  des  Ma- 
Tébélé  et  des  Ma-Shona.  Lo-Bengula  est  accablé  de  demandes  de  concessions;  mais 
la  seule  concession  qu'il  ait  accordée  jusqu'à  présent  est  celle  de  Tati. —  Cependant 
il  désire,  paraît-il,  être  éclairé  sur  les  richesses  minérales  que  son  pays  renferme. 
Il  a  autorisé  un  ingénieur  américain,  M.  Moor,  à  explorer  le  nord  du  Ma-Tébéléland 
et  le  Ma-Shonaland  sous  la  condition  que  M.  Moor  le  renseignera  fidèlement  sur 
les  gisements  aurifères  qu'il  pourra  découvrir.— M.  Moor  est  à  Kiraberley,  occupé 
à  organiser  son  expédition. 

Quelques  blancs  sont  partis  dernièrement  de  Shoshong  pour  le  lac  Ngami.  Ils 
se  proposent  d'obtenir  du  chef  Mouani  une  concession  pour  la  recherche  des 
métaux  précieux.  t 

Il  s'est  formé  à  Londres  une  compagnie  au  capital  de  L.  150,000,  pour  l'explo- 
ration  d'une  concession  de  200  milles  carrés  accordée  par  Khama. 

31  juillet. 
La  situation  politique  au  Ma-Tébéléland  est  fort  troublée.  Nous  ne  savons  pas 
ce  qui  va  se  passer;  il  y  a  quelques  jours,  les  Ma-Tébélé  employés  à  Tati  ont  reçu 
l'ordre  de  regagner  leurs  villages.  —  Aujourd'hui,  une  lettre  qui  nous  arrive  de 
Shoshong  confirme  la  nouvelle  apportée  le  27  courant  par  des  Boers  d'une  escar- 
mouche entre  M.  Groblaar  et  des  soldats  de  Khama.  Cela  aurait  eu  lieu  dans  les 
limites  du  protectorat  et  il  y  aurait  eu  des  morts  de  part  et  d'autre.  Nous  sommes 
>ans  nouvelles  de  Gouboulououayo. 

A.  Demapfet. 


BIBLIOGRAPHIE  > 

Elisée  Reclus.  N'ol'vei-le  géographie  univ 

HOMMES,    tome   Xin.    L'AFRIQUE  MÉRIDIONAL] 

1888,  in-4'',  878  p.,  5  cartes  en  couleur,  190 
texte,  78  vues  ou  types  gravés  sur  bois  ;  30  fi 
nous  étendre  longuement  sur  cet  ouvrage  qu( 
ont  déjà  lu  ou  du  moins  consulté.  Aussi  bien, 
la  méthode  et  le  style  de  M.  Reclus  :  cette  m* 
reuse  par  laquelle  aucune  phrase,  aucun  mot 
style  gcaud  et  sonore  qui  ramène  à  une  formf 
les  plus  complexes.  Ce  volume  a  été  rédigé  i 
précédents.  M,  Reclus  a  eu  souci  d'être  aus 
impartial  ;  il  a  su  s'entourer  de  collaborateur 
grand  nombre  de  voyageurs  et  d'écrivains  co 
africaines.  M.  Metehnikov  lui  a  communiqué 
les  populations  de  l'Afrique  méridionale  et 
Thomson,  le  voyageur  au  pays  des  Masaï,  et 
par  ses  voyages  chez  les  Somal,  ont  fourni  à  I 
meiits.  M.  Ponel  qui  connaît  fort  bien  la  Gi 
nous  avons  récemment  analysé  le  beau  volum 
de  Mello  qui  s'est  livré  à  une  étude  complète 
épreuves  relatives  aux  pays  dont  ils  s'étaient 
et  aux  gravures  qui,  par  leur  nombre  et  leur 
grande  valeur  à  cet  ouvrage,  elles  sont  l'œuv 
lent  depuis  plusieurs  années  à  la  publication 
universelle  :  M.  Perron,  de  Genève,  pour  les 
Thiriat,  Vuillier,  Konjat  pour  les  dessins. 

Avec  ce  treizième  volume,  M.  Reclus  a  teiT 
cien  Monde.  Les  pays  que  l'auteur  a  réunis  s 
que  méridionale  diffèrent  sensiblement  les  uii 
l'hydrographie,  le  climat  et  les  habitants.  To 
forme  triangulaire  qui  s'étend  au  sud  d'une  1 
Cameroun  et  d'Aden  a  i-éellemcnt  une  grande 
semble  constitue  un  plateau  élevé  qui  s'apprc 
du  côté  de  laquelle  il  descend  par  des  teri 

'  On  peut  ee  procurer  à  la  librairie  H.  Georg, 
ouTragea  dont  il  est  rendu  compte  dans  l'Afrique  ea 


—  3ir>  — 

côtière  plus  ou  moins  large.  Trois  grands  Heuves,  le  Congo,  le  Zambèze 
et  rOraiige,  divisent  cette  vaste  contrée  en  trois  régions  naturelles  qui 
sont  elles-niêines  subdivisées  en  sous-régions.  Le  Cameroun,  la  (îabouie. 
l'immense  bassin  du  Congo,  l'Angola,  le  pays  des  Damara  et  des  Nama- 
Koua,  les  bassins  de  l'Orange  et  du  Limpopo,  le  territoire  de  Mozambi- 
que,  le  bassin  du  Zambèze,  les  pays  de  Zanzibar,  des  Masaï  et  des  Soinal 
forment  autant  de  contrées  distinctes. 

M.  Reclus  a  fait  précéder  la  description  de  tous  ces  pays  d'une  étude 
fort  intéressante  sur  l'Atlanticiue  austral  et  ses  Iles.  Nul  doute  que  ce 
volume  L'ait  été  l'une  des  parties  de  la  Nouvelle  géographie  aniiersdk 
les  plus  difiiciles  à  élaborer.  Les  travaux  d'ensemble  sur  l'Afrique  méri- 
dionale ne  sont  pas  nombreux  ;  eu  revanche  le  nombre  des  documents  de 
toute  espèce  et  en  toute  langue  qu'il  fallait  consulter  pour  être  sûr  de  ne 
rien  oublier  et  de  ne  rien  dire  d'inexact  est  considérable.  On  peut  donc 
se  faire  une  idée  du  travail  auquel  a  dû  se  livrer  M.  Reclus,  travail  aug- 
menté encore  du  fait  que,  dans  un  ouvrage  de  cooi-diuatioii  et  de  conden- 
sation comme  celui  qu'il  a  rédigé,  il  faut  éviter  de  se  perdre  dans  les  dé- 
tails, et  savoir  dégager  une  vue  générale  d'une  foule  de  descriptions  et 
de  récits.  De  l'enchevêtrement  des  races,  des  langues  et  des  frontières  au 
milieu  desquelles  il  est  si  difhcile  de  se  reconnaître,  résultait  aussi 
une  grosse  difficulté.  Grâce  à  sa  science  consommée,  M.  Reclus  est  par- 
veno  à  vaincre  tous  les  obstacles  et  à  terminer  cette  description  nmgls- 
trale  de  l'Afrique,  œuvre  qui  paraissait  insurmontable  à  bien  des  gens. 
Nous  l'en  remei-cions  au  nom  des  amis  de  la  science  géographique. 

D'  O.  Neiimager.  Anleitusg  zu  wissenschaitlicuen  Beobachtunuen 
AIT  Reibek.  ZweitevÔltig  umgcarbeitete  und  vermehrte  Auflage,  Berlin 
(Robert  Oppenheim),  1888,  Lieferung  I,  gr.  in-8%  48  p.,  avec  gravures. 
M.  1.60.  —  Cet  ouvrage  est  de  ceux  qui  se  passent  de  recommandation. 


w 


—  31-7  — 

ont  été  inventés,  d'autres  ont  été  simplifiés,  de  sorte  que  la  première 
édition  devait  être  entièrement  transformée. 

La  seconde  édition  paraît  dès  maintenant  par  livraisons  de  48  pages. 
Elle  est  publiée  sous  la  direction  de  M.  G.  Neumayer.  Ce  dernier,  tou- 
tefois, n'a  pas,  comme  M.  Kaltbrunner,  fait  une  compilation  des  métho- 
des de  recherches  dans  tous  les  domaines.  Il  s'est  contenté  de  réunir  les 
articles  dus  à  la  plume  d'un  gi-and  nombre  de  collaborateurs.  Chaque 
sujet  a  été  traité  par  un  spécialiste.  M.  Neumayer  en  particulier  s'est 
occupé  des  obsei-vations  hydrographiques  et  magnétiques  faites  à  bord  ; 
en  outre  il  a  surveillé  la  publication  de  toutes  ces  études.  L'ouvrage 
total  auquel  ont  collaboré  un  grand  nombre  de  savants  a  donc  une  valeur 
incontestable.  Il  comprendra  en  tout  21  livraisons,  divisées  en  deux 
volumes  qui  pourront  se  vendre  séparément. 

Nous  ne  pouvons  citer  les  auteurs  de  tous  les  articles.  Il  nous  suffira 
de  mentionner  ceux  dont  les  noms  sont  particulièrement  connus.  Dans  le 
premier  volume  figurent  des  articles  de  MM.  Richthofen  sur  la  géologie, 
Wild  sur  la  déteimination  des  éléments  du  magnétisme  terrestre,  Hann 
sur  la  météorologie,  Hoffmann  sur  les  mensurations  nautiques,  Krûmmei 
sur  quelques  problèmes  touchant  à  l'océanographie.  Dans  le  second  nous 
trouvons  des  études  de  MM.  Drude  sur  la  géographie  botanique,  Ascher- 
son  sur  la  distribution  géographique  des  herbes  marines,  Schweinfurth 
sur  les  plantes  d'ordre  supérieur,  Virchow  sur  les  recherches  anthropo- 
logiques et  préhistoriques,  R.  Hartmann  sur  les  mammifères,  Hartlaub 
sur  les  oiseaux,  Grttnther  sur  les  reptiles,  les  batraciens  et  les  poissons. 

On  voit  qu'il  s'agit  d'une  publication  des  plus  importantes  qui,  non 
seulement  sera  précieuse  par  les  services  qu'elle  rendra  aux  voyageurs, 
mais  en  outre  sera  d'une  grande  portée  au  point  de  vue  scientifique. 
Plus  volumineuse  et  plus  complète  que  l'ouvrage  de  M.  Kaltbrunner, 
elle  ne  fera  pas  double  emploi  avec  cehii  de  ce  dernier.  Aussi  nous 
permettons-nous  d'exprimer  le  vœu  qu'elle  soit  traduite  en  français. 

La  première  livraison  est  presque  entièrement  consacrée  à  un  exposé 
technique  très  complet  des  méthodes  employées  pour  la  détermination 
géographique  des  localités.  Il  est  dû  à  la  plume  de  M.  T.  Tietjen. 

C0MMI88AO  DE  Cârtographia.  Six  cartes  de  différentes  parties  du 
territoire  portugais  en  Afrique  et  des  Des  du  Cap  Vert.  —  Le  Bureau 
cartographique  portugais  ne  reste  pas  inactif.  Après  les  belles  cartes 
qu'il  publiait  il  y  a  quelque  temps  et  que  nous  signalions  à  l'attention 
du  public,  en  voici  d'autres  aussi  remarquables  et  construites  d'après  le 
même  plan.  Grâce  au  zèle  de  cartographes  éminents,  et  particulière- 


—  820  — 


iT 


parties  très  différentes  des  régions  qu'il  a  examinées.  Il  donne  d*aillei 
des  pages  entières  de  son  journal  où  se  reflète  la  première  impression 
l'explorateur,  généralement  d'accord  avec  ses  prédécesseurs,  Stanl( 
Vaicke,  Edouard  Dupont.  Il  rectifie  telle  donnée  précédente,  un 
précipitée  :  par  exemple,  sur  le  point  terminus  du  chemin  de  fer  vera| 
Haut-Congo,  qui,  suivant  lui,  ne  pourra  pas  être  Léopoldviile,  mais  dei 
être  fixé  entre  Kinchassa  et  Kimpoko. 

A  mesure  qu'il  remonte  le  Congo  vers  la  station  des  Ba-Ngala,  il  sigi 
les  pi-ogrès  accomplis  en  peu  de  temps.  «  Les  embarcations  devi< 
nent  de  plus  en  plus  nombreuses;  l'enthousiasme  est  à  son  comble, 
est  ému  malgi'é  soi  en  voyant  la  joie  exubérante  de  toute  cette  popol 
tion  et  l'on  pense  combien  rapide  ont  été  les  résultats  atteints 
l'État.  Dire  qu'il  n'y  a  que  dix  ans  que  Stanley,  descendant  le  Conj 
était  forcé  de  se  frayer  ici  un  passage  les  armes  à  la  main,  et  qu'il  n'; 
que  cinq  ans  que  les  capitaines  Hanssens  et  Coquilhat  fondaient  la 
tion  des  Ba-Ngala!  Qui  pourrait  douter  de  l'avenir  en  constatant 
de  pareils  progrès  ?» 

Parmi  les  gages  de  nouveaux  développements  que  signale  le  capitaii 
Thys,  nous  voudrions  pouvoir  citer  ce  qu'il  dit  des  aptitudes  comm( 
ciales  remarquables  qu'il  a  constatées  chez  les  nègres  du  Congo  et 
Kassaï,  et  des  diverses  unités  monétaires  qu'ils  ont  créées  entre  ei 
la  perle  bTeue  à  coupe  exagonale  de  Bohème,  aux  environs  de  Manyj 
au  delà  de  Loutété  et  jusque  chez  les  Ba-Ngala  ;  la  perle  bleue  de  Vei 
en  amont  de  Mouchié  sur  le  Kassaï;  le  cauris,  vers  Louebo  ;  la  croix 
St-André  en  cuivre  rouge  du  Katanga,  vers  Loulouabourg,  la  houe 
fer,  sur  le  haut  Sankourou,  etc. 

Tandis  que  le  capitaine  Thys  avançait  dans  son  exploration 
Kassaï,  et  de  son  affluent  la  Louboua,  il  en  levait  la  carte  de  Kwamou< 
jusqu'à  Louebo,  sur  une  longueur  de  750  kilomètres.  Sans  dout^ 
comme  il  le  dit*  lui-même,  ce  n'est  qu'un  croquis  topographique  à  vui 
qui  n'a  aucune  prétention  à  l'exactitude  géographique.  C'est  plutôt 
carte  de  détails  dressée  pour  servir  de  guide  aux  steamers  et  pour  cei 
qui  veulent  se  rendre  compte  des  ressources  du  Kassaï,  étudier  la  nab 
de  ses  rives,  la  répartition  de  sa  population  apparente,  et  les  difficull 
qu'en  certaines  places  présente  la  navigation.  Pai*  des  procédés  différeal 
de  ceux  qu'avaient  employés  les  membres  de  l'expédition  Wissn 
il  est  arrivé  à  des  résultats  analogues  quant  à  la  direction  générale 
cours  du  Kassaï  et  de  celui  de  la  Louloua. 


—  ai7  — 

BULLETIN  îàENSUEL  {5  n<n;embre  1888'). 

Sous  le  titre  :  le  commerce  en  Aigrie»  le  Moniteur  des  Colonies 
et  des  Pays  de  protectorat  publie  un  article  d'où  nous  extrayons  les 
renseignements  suivants,  qu'il  importe  de  signaler  parce  que  plusieurs 
des  opérations  commerciales  dont  il  s'agit  sont  nouvelles,  et  que  toutes, 
dans  leur  ensemble,  constituent  un  développement  de  la  production 
algérienne  et  de  son  exportation  poui^  la  France  et  pour  d'autres  pays. 
C'est  ainsi  que  l'Angleterre  tire  en  ce  moment  des  quantités  énormes 
de  foin  des  environs  de  Bône.  L'insuffisance  de  la  récolte  dans  les  pays 
d'outre-Manche,  a  obligé  les  Anglais  à  chercher,  en  dehors  de  l'Angle- 
terre, la  nourriture  .de  leurs  chevaux.  Après  maints  essais,  c'est  en 
Algérie  et  dans  le  département  de  Constantine,  à  Bône,  qu'ils  ont  trouvé 
à  s'approvisionner  dans  les  meilleures  conditions.  Ds  ont  envoyé  là-bas 
des  presses  qui  fonctionnent  à  merveille,  c'est-à-dire  qui  permettent  de 
transporter  le  fourrage  sous  un  volume  très  restreint,  et  à  une  densité 
élevée.  Les  paquebots  de  la  Compagnie  générale  transatlantique  appor- 
tent souvent  à  Marseille,  par  exemple,  des  balles  pressées  ne  pesant  pas 
moins  de  90  kilogrammes  sous  le  volume  de  300  décimètres  cubes.  Le 
fourrage  ainsi  pressé  se  conserve  à  merveille,  ne  fait  aucun  déchet, 
s'arrime  facilement  dans  les  cales  et  ne  revient  pas  très  cher  conune 
transport.  Les  céréales  donnent  aussi  lieu  à  un  mouvement  très  actif 
avec  Oran,  d'où  les  paquebots  apportent  à  chaque  voyage  des  chai'ge- 
ments  de  plusieurs  centaines  de  tonnes  et  jusqu'à  mille  tonnes  de  blé. 
L'importation  des  raisins  a  cessé,  mais  celle  des  vins  nouveaux  continue 
sur  une  grande  échelle  et  n'est  pas  près  de  finir,  la  récolte  ayant  été 
fort  belle  cette  année  en  Algérie.  11  convient  de  signaler  aussi  un  mou- 
vement très  important  de  la  côte  ouest  de  l'Algérie  à  celle  de  l'est,  où 
de  nombreux  envois  de  céréales  et  de  denrées  de  toutes  sortes  sont 
nécessités  par  les  ravages  causés  par  l'invasion  des  sauterelles.  De 
même,  on  exporte  toujours  et  d'une  façon  très  active,  de  Marseille  en 
Tunisie,  des  farines,  des  orges,  etc.,  par  suite  de  la  sécheresse  qui  a 
désolé  la  Régence  et  compromis  ses  récoltes  de  céréales.  Enfin,  un  nou- 
veau trafic  va  se  créer,  au  premier  jour,  d'Alger  à  Marseille.  C'est  le 

'  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  NouveUes  corn- 
plémetUaires  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
rerenant  par  la  côte  occidentale. 

L'AFRIQUE.   —  HEUVIÈBIE  ANNÉE.  —  N<*    11.  11 


—  âi8  — 

transport  de  poissons  frais,  péchés  sur  la  côte  algérienne,  à  Taide  de 
chaloupes  à  vapeur,  c'est-è^dire  avec  un  matériel  ^ès  complet  et  supé- 
rieur, et  apportés  à  Marseille  par  des  paquebots  rapides,  dans  des  gla- 
cières spéciales  disposées  à  bord  à  cet  effet.  Les  paquebots  FilIe-de- 
Madrid  et  Ville-de-Rome  sont  déjà  pourvus  de  ces  installations,  qui 
assureront  la  conservation  du  poisson  et  pourront  en  recevoir  jusqu'à 
im  volume  de  10  mètres  cubes.  Cette  combinaison  est  très  simple,  très 
pratique  et  d'un  succès  certain. 

D'autre  part,  il  résulte  des  travaux  faits  par  le  service  des  contribu- 
tions que  les  pertes  totales  subies  du  fait  des  sautereUes»  de  la  sédie- 
resse  et  des  épizooties,  dans  les  arrondissements  de  Constantiue,  Phi- 
lippeville  et  Sétif,  s'élèvent  à  la  somme  de  24,860,000  fr.  qui  se  répartit 
ainsi  entre  les  colons  et  les  indigènes  :  1547  Européens  ont  perdu 
3,644,883  fr.,  et  55,362  indigènes  21,215,117  fr.  Les  colons  seuls  ont 
perdu,  dans  l'arrondissement  de  Constantine,  1,390,399  fr.  ;  dans  celui 
de  Philippeville  43,693  fr.  ;  dans  celui  de  Sétif  221,091  fr.  Quant  aux 
secours  accordés,  un  ami  qui  vient  de  visiter  la  région  la  plus  éprouvée, 
nous  transmet  les  informations  suivantes  :  Comme  répartition  aux  indi- 
gents à  titre  de  dons,  la  seule  et  unique,  jusqu'à  ce  jour  (11  octobre),  a 
été  faite  le  15  septembre,  et  l'arrondissement  de  Sétif  a  reçu  12,000  fr,, 
sur  lesquels  la  commune  de  Sétif  a  obtenu  600  fr.  seulement,  en  prenant 
pour  base  le  chiffre  delà  population.  C'était  insignifiant.  En  ce  qui  con- 
cerne les  prêts,  ils  seront  faits  soit  en  grains,  soit  en  argent  suivant  les 
communes.  Dans  la  séance  du  10  octobre  du  Conseil  général  de  la  pro- 
vince de  Constantine,  un  rapport  a  été  présenté  par  M.  G.  Abadie,  au 
nom  de  la  commission  des  prêts  à  l'agriculture.  Les  conclusions  en  sont  : 

V  Que  le  préfet  soit  autorisé  à  signer  le  contrat  d'emprunt  de  4  mil- 
lions avec  la  banque  de  l'Algérie  et  aussi  les  contrats  de  répartitions 
avec  les  conmiunes. 

2*  Qu'il  soit  prélevé  500,000  fr.  sur  cet  emprunt  pour  payer  les 
grains  déjà  avancés  l'année  dernière;  50,000  fr.  à  mettre  en  réserve 
pour  avances  à  la  tribu  séquestrée  des  Hachem  ;  50,000  fr.  pour  avan- 
ces aux  populations  du  territoire  de  commandement,  et  50,000  fr.  pour 
droits  d'enregistrement. 

3**  Qu'il  soit  réparti  entre  les  communes  une  somme  de  3,350,000  fr. 

Pour  le  moment  actuel,  le  vrai  secours  mis  à  la  portée  de  tous  les  indi- 
gènes est  sans  contredit  le  ramassage  des  œufs,  au  prix  de  1  fr.  50  le 
double  décalitre.  Ce  travail  a  rapidement  pris  un  inmiense  développa 
ment.  De  tous  côtés  on  peut  voir  des  smalas  entières  fouiller  les  Ueox 


\ 


—  319  — 

de  ponte.  Une  somme  de  300,000  fi*,  a  été  aifectée  à  cet  usage,  mais 
notre  ami  ne  croit  pas  qu^elle  soit  suffisante,  car  en  quelques  semaines, 
la  seule  commune  de  Sétif  avait  déjà  payé  fr.  30,000.  A  la  date  du 
9  octobre  la  mairie  de  Sétif  avait  reçu  15,000  doubles  décalitres  d'œufs. 
Chaque  double  décalitre  contient  en  moyenne  23,300  coques,  dont  cha- 
cune compte  environ  30  œufs,  soit  une  somme  de  dix  milliards  quatre 
<5ent  quatre-vingt-cinq  millions  d'œufs  de  criquets.  En  même  temps  la 
ehasse  aux  alouettes  a  été  interdite,  ces  oiseaux  rendant  à  Tagriculturè, 
dans  les  circonstances  actuelles,  de  réels  services,  en  déterrant  et 
détruisant  les  œufis  de  sauterelles. 

Le  Bosphore  égyptien  publie  la  nouvelle  suivante  que  nous  ne  repro- 
duisons que  pour  être  complets,  et  sous  toute  réserve  :  «  Le  colonel 
Chainé-Lon^  bey,  actuellement  chef  de  la  légation  dès  États-Unis  en 
Corée,  nous  a  écrit  de  Séoul,  à  la  date  du  29  juillet,  pour  nous  informer 
qu'il  venait  de  recevoir  plusieurs  lettres  de  New- York,  dans  lesquelles 
^n  lui  demandait  de  se  mettre  à  la  tête  d'une  expédition  à  la  recherche 
de  Stanley.  Le  colonel  Chaillé-Long,  qui  a  donné  au  gouvernement 
égyptien  tant  de  preuves  de  son  infatigable  dévouement,  de  son  désin- 
téressement et  de  son  abnégation,  a  acquiescé  en  principe  à  cette 
demande.  Mais  au  moment  où  il  reçut  ces  lettres  d'Amérique,  il  était 
mr  le  point  de  quitter  Séoul,  pour  aller  explorer  une  tle  inconnue,  et  ne 
devait  être  de  retour  de  cette  expédition  qu'à  la  fin  d'octobre.  Si,  à  sou 
retour,  Stanley  n'a  pas  reparu  sur  la  scène  du  monde,  Chaillé-Long 
acceptera  le  mandat  qui  lui  est  confié  par  ses  compatriotes.  Voici  quel 
serait  son  plan.  Comme  c'est  en  partie  à  lui  que  l'Egypte  doit  de  voir 
ajoutées  aux  États  du  khédive  les  provinces  de  l'Equateur,  il  se  propo- 
serait de  solliciter  l'appui  du  gouvernement  du  vice-roi,  et  lui  deman- 
derait une  centaine  de  ses  soldats  noirs,  comme  ceux  qu'il  recruta 
autrefois  pour  parcourir  l'Afrique  centrale.  De  la  côte,  il  suivrait  le  che- 
min qui  lui  fut  tracé  par  Gordon,  jusque  dans  l'Ou-Ganda  oîi  il  espére- 
rait pouvoir  entrer  en  négociation  avec  Mwanga,  le  fils  de  son  ami 
Mtesa,  et  obtenir  son  appui  pour  l'aider  dans  sa  recherche  de  Stanley. 
Une  fois  celui-ci  retrouvé,  Chaillé-Long  se  porterait  au  secours  d'Émin 
pacha,  n 

D*autre  part,  une  dépêche  adressée  au  Daily  News  annonce  que  le 
roi  des  Belges  prépare  une  nouvelle  expédition  sous  les  ordres  de 
Baker  paeha  pour  aller  à  la  recherche  de  Stanley. 

On  écrit  encore  de  Londres  que  M.  Harrison  Smltliyqui  a  été,  il  y 
a  quelques  années,  chargé  auprès  du  roi  Jean  d'Abyssinie,  d'une  mission 


—  320  — 

dont  il  s'est  acquitté  avec  habileté,  va  être,  lui  aussi,  envoyé  à  la  recher- 
che de  Stanley.  M.  Hariison  Smith,  tout  jeune  encore,  appartient  à  la 
marine  anglaise.  Au  banquet  offert  à  Stanley  par  le  lord-maire  de  Loa- 
dres,  il  annonça  qu'il  irait  un  jour  secourir  celui  qu'on  ne  lui  permettait 
pas  d'accompagner.  Naturellement  il  propose  la  route  de  l'Abyssinie,  et 
comme  il  a  su,  dans  sa  mission,  conquérir  les  bonnes  grâces  du  roi  Jean, 
il  a  des  chauces  de  mener  à  bonne  fin,  aumoins  jusqu'en  Abyssinie,  une 
expédition  destinée  à  emprunter  ce  territoire.  Mais  au  delà  du  Choa  et 
du  Kaffa,  aujourd'hui  sous  l'autorité  de  Ménélik,  se  présenteront  des 
difficultés  dont  on  ne  peut  mesurer  l'étendue,  le  territoire  n'ayant  pas 
encore  été  exploré,  et  les  mœurs  des  populations  en  étant  inconnues 
aiyourd'hui. 

Ëniin  le  comité  de  secours  à  Èmin  pach»  a  reçu  de  ses  agents  à 
Souakim  la  communication  suivante,  datée  du  4  septembre  :  «  Dix  voya- 
geurs viennent  d'ai-river  à  Khartoum.  Un  seul  d'entre  eux  nous  appointe 
des  nouvelles.  Il  rapporte  qu'un  chrétien,  autrefois  mudir  d'un  prince 
égyptien,  est  solidement  établi  dans  le  delta  du  Bahr-el-Ghazal  et  dis- 
pose d'une  force  imposante  composée  de  noirs.  Beaucoup  de  ces  der- 
niers ne  sont  pas  vêtus,  mais  des  vêtements  sont  fabriqués  pour  eux 
sous  la  surveillance  d'un  chef  blanc.  Le  mahdi  aurait  envoyé  trois  expé- 
ditions contre  cette  force;  toutes  trois  sont  rentrées  à  Khailoum  après 
une  campagne  infructueuse;  il  en  est  résulté  une  certaine  alarme  dans 
la  ville.  Les  indigènes  croient  que  ce  chrétien  est  Émin  pacha.  Les 
agents  anglais  ajoutent  que  les  routes  de  Berber  et  de  Khartoum  sont 
assez  sûres  pour  les  voyageurs  et  que  des  nouvelles  importantes  peuvent 
arriver  d'un  moment  à  l'autre.  Le  colonel  Rimdle,  qui  avait  écrit  au 
mahdi  pour  lui  demander  des  renseignements  sur  le  chef  blanc  dont  il 
est  question,  a  reçu  une  réponse  insultante.  Le  mahdi  refuse  de  donner 
aucune  information.  » 

Malgré  les  démentis  officiels,  le  Secolo  affirme  qu'on  prépare  à  Rome 
une  nouvelle  expédition  africaine.  A  Trieste,  deux  vapeurs 
du  Lloyd  autrichien  ont  été  commissionnés  pour  Massaouab  par 
deux  maisons  de  commerce,  qui  les  ont  armés  pour  le  compte  du  com- 
mandant en  chef  de  la  station  italienne  de  la  mer  Rouge.  Le  but  de 
l'expédition  nouvelle  serait  l'occupation  de  Keren  et  de  tout  le  plateau 
des  Bogos.  Des  officiers  du  génie,  des  ingénieurs  et  des  topographes 
sont  déjà  en  campagne  pour  étudier  les  diflérentes  voies  donnant  ^ccès 
à  ce  plateau  et,  particulièrement,  la  route  par  la  vallée  du  Ledka,  qui 
est  recommandée  par  les  voyageurs.  Tous  les  vapeurs  qui  arrivent  d'Ita- 


—  321  — 

lie  débarquent  des  quantités  considérables  de  matéHel  de  guerre,  de 
munitions  et  d'objets  de  casernement.  Or,  comme  les  approvisionne- 
ments de  toutes  sortes  y  sont  déjà  considérables,  les  nouveaux  envois 
seraient  inutiles  si  Ton  n'avait  pas  IMntention  d'en  faire  usage  dans  un 
temps  prochain.  On  parle  également  d'un  nouvel  embranchement  de 
chemin  de  fer,  qu'on  se  propose  de' construire  au  delà  deMonkulla  près 
de  Dogali,  et  qui  serait  poussé  jusqu'à  Assus  ou  à  Am.  En  un  mot,  nous 
assistons  à  de  vastes  préparatifs  dont  la  récente  affaire  de  Saganeïti  et 
la  fameuse  expédition  de  Barambaras  Kaftel  à  Zoula  n'étaient  que  les 
symptômes  préliminaires. 

Le  THmes  a  reçu  le  20  octobre,  de  Zanzibar,  la  dépêche  suivante  : 
«  L'aviso  le  Oriffon  vient  d'arriver  de  l'île  de  Pemba.  Son  commandant 
rapporte  que  mercredi,  à  minuit,  la  chaloupe  à  vapeur  du  bord,  com- 
mandée par  le  lieutenant  Copper,  donna  la  chasse  à  un  nég^rier.  Après 
avoir  envoyé  une  décharge  de  mousquetorie  à  la  chaloupe,  l'équipage 
arabe  se  jeta  à  la  mer,  abandonnant  le  navire  et  les  85  esclaves  qu'il 
transportait.  Trois  de  ceux-ci  étaient  moi*ts,  trois  autres  blessés.  Le 
lieutenant  Copper  a  été  tué  dans  cette  affaire  et  deux  de  ses  matelots 
sont  blessés.  Des  avis  ultérieurs  portent  que  le  négrier  était  armé  d'un 
canon  qu'on  avait  chargé  jusqu'à  la  gueule  et  auquel  on  mit  le  feu,  mais 
qui  ne  partit  pas.  Les  obsèques  du  lieutenant  Copper  ont  eu  lieu  hier; 
les  amiraux  français  et  allemands  y  assistaient  avec  leui's  états-majors 
ainsi  que  tout  le  corps  consulaire  présent  à  Zanzibar.  Le  Oriffon  est 
reparti  pour  Pejnba,  emmenant  des  soldats  du  sultan  et  le  commissaire 
chargé  de  ramener,  morts  ou  vifs,  les  Arabes  impliqués  dans  cette  affaire. 
L'irritation  est  très  vive  parmi  les  équipages  anglais  qui  demandent 
vengeance.  D'après  les  nouvelles  arrivées  du  sud,  la  situation  sur  la 
côte  n'a  pas  changé;  les  rebelles,  très  nombreux,  y  sont  toujoure  maî- 
tres de  la  situation.  » 

Les  Missions  d'Afrique  publient  des  extraits  du  journal  du  P.  Lour- 
del,  qui  donnent  une  idée  exacte  de  l'influence  des  Arabes  dan» 
rOa-Ganda  et  de  la  situation  précaire  qui  en  résulte  pour  les  mission- 
naires. «Nous  avons  souvent  parlé  des  négriers  arabes,  qui  résident 
une  partie  de  l'année  à  la  cour  de  Mwanga,  pour  y  acheter  les  esclaves 
que  le  roi  fait  chasser  et  saisir  soit  dans  ses  propres  provinces,  soit  dans 
les  royaumes  voisins.  Il  met  souvent  sur  pied,  pour  ses  razzias,  des  ar- 
mées de  plusieui-s  milliei*s  d'hommes.  A  des  intervalles  malheureuse- 
ment trop  rapprochés,  nous  voyons  revenir  ces  armées  victorieuses  pous- 
sant devant  elles  de  vrais  troupeaux  d'esclaves,  souvent  trois  ou  quatre 


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—  322  — 


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mille  d'un  seul  coup.  Le  rpi  fait  $pu  çhpix,  se  réserve  ceux  qui  lui  piai- 
sent,  ou  les  distribue  à  ses  grands  chefs,  et  vend  tout  le  reste  aux  négriei^ 
musulmans  qui  entratuent  to^t  pour  le  revendre  soit  sur  le  littqral  aux 
pourvoyeurs  de  l'Arabie,  soit  sur  les  marchés  de  la  haute  Egypte.  C'est 
un  affreux,  mais  très  important  con^nerce,  qui  enrichit  les  négriers  par 
le  haut  prix  où  ils  revendent  leur .  marchandise,  et  qui  procure  à 
Mwanga  tout  ce  qa'il  emploie  à  augmenter  ses  États,  à.  affernùr  son 
pouvoir,  à  multiplier  ses  esclaves  et  ses  victimes,  des  armes  et  de  la 
poudre.  Au  milieu  d'une  population  qu'ils  exploitei^t  cruellement  par 
leurs  expéditions  sanguinaires,  mais  qui  les  craint  et  les  déteste,  les 
négriers  sont  comme  l'oiseau  sur  la  branche.  Ds  ne  cessent  de  mettre 
Mwanga  en  suspicion  contre  les  projets  des  Européens  et  des  mission- 
naires et  ils  ne  réussissent  que  trop,  par  leurs  calomnies,  à  exciter  les 
soupçons  du  prince.  Au  moment  où  arriva  M.  Grordon,  le  successeur  de 
M.  Mackay,  les  Arabes  venaient  de  traduire  au  roi  une  longue  lettre  en 
arabe  dans  laquelle  on  l'informait  de  la  résolution  que  venaient  de  pren- 
dre de  concert  les  puissances  de  l'Europe,  de  manger  tout  le  pays  de* 
noirs.  Les  Allemands  s'adjugeaient  la  région  comprise  entre  la  côte  de 
Zanguebar  et  l'Ou-Nyanyembé  inclusivement;  les  Anglais,  l'Ou-Ganda 
et  les  pays  voisins.  M.  Gordon  appoi'tait  au  roi  un  cadeau  de  la  part  de 
révoque  Parker  et  une  lettre  lui  annonçant  qu'il  ne  venait  pas  pour 
venger  le  massacre  de  Hannington  mais  pour  instruire  son  peuple.  Irrité, 
Mwanga  lui  déclara  qu'il  le  retenait  prisonnier.  «  Si  les  Anglais  m'atta- 
quent ou  arrêtent  les  marchandises  à  la  côte,  »  ajouta-t-il,  «  c'est  vous 
que  je  tuerai  le  premier.  »  Puis,  prenant  une  poignée  de  cendres  et  les 
jetant  dans  une  lettre  adressée  à  Parker,  pour  lui  demander  des  fusils 
et  de  la  poudre  comme  preuve  de  bonnes  dispositions  à  son  égard  : 
t  Voilà  ma  déclaration  de  guerre,  »  dit-il,  «  faites  porter  cette  réponse 
à  ceux  qui  vous  ont  envoyés*.  Pour  vous,  je  vous  le  répète,  vous  êtes  mon 
otage,  jusqu'à  ce  qu'un  autre  vienne  prendre  votre  place.  Je  vais,  en 
outre,  faire  tuer  les  gens  que  vous  instruisez  et  tenez  cachés  chez  vous.» 
Eùfin,  se  tournant  vers  les  gens  du  royaume,  il  s'écria  d'une  voix  trem- 
blante de  colère  :  «Voilà  un  blanc  qui  m'insulte  en  face!  Huez-le,  insul- 
tez-le. »  Et  toute  la  cour,  de  lancer  les  plus  grossières  injures  à  la  face 
du  pauvre  M.  Gordon.  » 
a  Les  intentions  que  le  roi  prête  aux  blancs  lui  font  croire  à  une  guerre 


'  D'après  l'usage  du  pays,  envoyer  des  cendres  à  un  ennemi,  c'est  lui  dire 
qu'on  accepte  les  hostilités. 


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—  323  — 

imminente.  «  Achetez  des  finals  et  de  la  pondre,  »  recommande-t-il  à  ses 
gens!  «  Achetez  des  fusils,  beaucoup  de  fusils!  »  Aussitôt  les  grands  se 
lèrent  pour  faire  les  protestations  d'usage.  Armés  de  longues  lances 
q«*ils  brandissent  comme  s'ils  étaient  en  face  de  Tennemi,  ils  s'écrient: 
0  roi,  tu  nous  vois  !  Le  patrimoine  de  Kamagna,  de  Mandé,  de  Eimera, 
de  KintoQ  —  les  noms  des  anciens  rois  fondateurs  de  TOu-Ganda  —  ne 
périra  pas!  nous  le  d^endrons!  Nous  nous  battroi^  pour  le  roi  jusqu'à 
l&mort.  Le  premier  ministre  aj<»tttè  :  <  Qne  les  blancs  viennent  du  levant, 
qu'ils  viennent  du  eoudiant,  qu'ils  viennent  du  nord  qu'ils  viennent  du 
sud,  qu'ik  descendent  du  ciel  ou  qu'ils  sortent  de  la  terre,  nous  trouve- 
rons moyen  de  les  arrêter »  Quoique  les  procédés  des  puissances 

rendent  la  situation  difficile,  ce  n'est  cependant  pas  de  là  que  vient  le 
grand  mal.  Le  grand  mal  vient  des  négriers  arabes.  En  ce  moment, 
accompaçiés  de  ce  qu'il  y  a  de  pire  parmi  les  musulmans  de  la  côte,  ils 
se  portent  en  nombre  vers  le  Victoria*Nyanza  et  surtout  vers  l'Ou- 
Ganda.  Onlnls  quelque  dessein  caché  de  conquête  ?  D  serait  permis 
de  le  croire.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  qu'ils  mettent  tout  en  œuvre 
pour  rendre  les  blancs  odieux  et  les  (aire  chasser  de  partout.  La  pre- 
mière chose  que.  devraient  faite  les  naticms  qui  veulent  coloniser  ces 
contrées  serait  d'en  bannir  l'élément  arabe  et  moungwana.  Pour  y  réus- 
sir, il  faudrait  leur  rendre  à  la  côte  le  commerce  impossible,  et  leur 
interdire,  sous  peine  sévère,  toute  importation  de  fusils  et  de  poudre. 
H  y  a  longtemps  qu'on  aurait  dû  prendre  cette  mesure.  Un  nombre  pro- 
digieux d'armes  à  feu  se  trouve  à  l'heure  qu'il  est  entre  les  mains  des 
nègres.  Dans  POu-Ganda  seul  on  en  trouve  plusieurs  milliers  de  tout 

système C'est  ce  qui  explique  la  fierté  de  Mwanga.  Encore  quelques 

années  de  ce  trafic  imprudent,  et  les  blancs  ne  pourront  plus  voyager 
dans  l'intérieur  de  l'Afrique,  s'ils  n'ont  pour  les  escorter  une  armée 
nombreuse  et  Inen  disciplinée.  C'est  ausm  ià  qu'est  la  source  des  maux 
duique  jour  croissants  de  l'esclavage.  Tous  ces  fusils  servent  à  armer 
les  brigands  qui  accompagnent  les  chasseurs  d'esclaves,  et  les  maux 
que  ceux-ci  font  dans  l'intérieur  de  l'Afrique,  bien  au  delà  du  lac  Albert 
Nyanza,  sont  incalculables.  —  Au  mois  d'avril  1888  nous  sommes  sans 
nouvelles  de  Stanley.  Est-il  mort,  estril  vivant?  C'est  un  problème  que 
nous  cherchcms  vainement  à  résoudre.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est 
qu'au  moment  de  son  départ  du  Congo,  nous  apprtmes  ici  sa  marche  et 
ses  projets.  Mwanga  en  prit  une  si  grande  peur  qu'il  crut  la  fin  de  son 
règne  arrivée.  Nous  eûmes  tous  la  crainte  d'être  massacrés  le  jour 
où  Stanley  mettrait  les  pieds  sur  le  territoire  de  l'Ou-Ganda.  Puis,  tout 


-  324  — 

à  coup,  et  cela  depuis  ua  au,  il  ne  fut  plus  questûm  de  riea  ;  et  dès 
lors  pas  UQ  seul  mot.  Des  gens  qui  sont  allés  à  Wadelal  et  sont  revins 
ensuite  dans  TOu-Ganda,  affirment  que  Stanley  ne  se  trouve  point  avec 
Emiu  pacha.  Il  me  paratt  cependant  tout  aussi  impossible  qu'une  troupe 
de  plusieurs  centaines  d'hommes  armés  ait  ainsi  disparu  sans  que  pe^ 
sonne  sache  oU  elle  est  allée,  qu'il  me  s^nble  impossible  que  Ton  puisse 
cacher  la  mort  de  Stanley  si  réellement  elle  est  arrivée.  » 

Des  désordres  ont  eu  lieu  à  liorenso^MarquesEf  le  ministre  de  la 
marine  du  Portugal  a  saisi  cette  occasion  pour  adresser  à  la  Société  de 
géographie  de  Lisbonne  une  communication,  dans  laquelle  il  donne  Ta»- 
surance  que  Tordre  et  la  sécurité  publique  seront  garantis  dans  cette  pa^ 
tie  de  la  colonie  portugaise,  et  que  les  auteurs  des  troubles  seront  chfttiés 
énerglquement  dès  que  les  responsabilités  seront  établies.  La  note 
ajoute  que  Lorenzo-Marquez  continue  h  être  portugais,  parce  que  la 
volonté  nationale  est  d'accord  sur  ce  point  avec  les  r^les  du  droit  inte^ 
national.  Elle  constate  ensuite  que  le  Zambèze  avec  ses  affluents  et  le 
lac  Nyassa  est  la  meilleui*e  voie  de  pénéti'ation  de  l'océan  Indien  dans 
l'Afrique  centrale  tropicale,  et  que  la  situation  de  Lorenzo-Marquez  hn- 
pose  au  Portugal  des  devoii'S  envers  toutes  les  nations  intéressées  à  la 
civilisation  de  l'Afrique.  Le  ministre  proteste  contre  ceux  qui  accusent 
le  Portugal  de  vouloir  opposer  des  barrières  au  commerce  du  monde.  Le 
pays  fera  tout  pour  faciliter  le  commerce  des  voisins  ;  mais^  pour  cela,  il 
y  a  des  conditions  indispensables  afin  que  les  .facilités  accordées  ne  der 
viennent  pas  un  moyw  de  combat  contre  la  domination  portugaise. 
L'acceptation  claire  et  franche  de  ces  conditions  et  l'indispensable  d^ 
mitation  des  limites  territoriales  sont  nécessaires  pour  assurer  à  l'admi- 
nistration de  Mozambique  le  caractère  essentiellement  libéral  que  le 
gouvernement  portugais  désire  lui  donner.  Le  ministre  termine  en  fai- 
sant allusion  k  la  campagne  ^ntiesclavagiste  du  cardinal  Lavigerie  et 
annonce  qu'il  fera  chercher  dans  les  archives  maritimes  les  documents 
qui  établissent  la  coopération  efficace  antérieure  du  Portugal  à  cette 
œuvre. 

Le  D'  Holub  a  transmis  aux  Proceedings  de  la  Société  de  géographie 
de  Londres  des  renseignements  sur  la  géographie  de  la  région  au  nord 
du  Zambèxe  explorée  dans  son  dernier  voyage.  Ils  modifient  un  peu  ce 
que  l'on  en  savait  d'après  les  informations  des  indigènes.  Après  avoir 
quitté  le  Zambèze,  il  ti'averaa  le  pays  des  Ba-Toka,  et  suivit  une  direc- 
tion nord  inclinant  légèrement  à  l'est  jusqu'à  une  distance  de  500  kilo- 
mètres du  fleuve,  en  relevant  régulièrement  son  itinéraire.  Le  territoire 


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des  BarToka  est  boîsévinais  les  forêts  ne  sont  composées  que  de  petits 
arbres  dans  lesquels  la  tsétsé  abonde.  Il  trouva  que  la  Louengoué  (la 
Loangoua  de  Livingstone),  tributaire  du  Zambèze,  vient  du  nord-ouest 
et  non  du  nord  comme  Livingstone  le  supposait  d'aiH*ës  ce  que  lui 
disaient  les  natifs.  La  vallée  du  Zambèze  moyen  n'est  pas  non  plus, 
c<mime  nos  cartes  la  représentent,  une  région  montagneuse  au  nord  et  au 
sud.  Le  D' Holub  a  trouvé  le  fleuve  bordé  au  nord  par  un  pays  bas  cou* 
vert  de  marécages,  oii  le  voyageur,  dms  la  saison  froide,  prend  la  fièvre 
intermittente.  Au  nord-nord-est  du  pays  des  Ba-Toka,  il  explora  la 
région  inconnue  jusqu'ici  des  Ma-Choukouloumbé,  nommés  dans  la  carte 
de  Livingstone  Ba-Ohoukouloumpo.  Leur  territoire,  arrosé  par  la 
Louengoué,  est  plus  élevé  que  celui  des  Ba-Toka.  lis  habitaient  autrefois 
plus  au  nord,  dans  la  région  des  lacs  ;  mais  depuis  deux  siècles  ils  se  sont 
établis  sur  les  affluents  septentrionaux  du  Zambèze.  Ce  sont  de  beaux 
hommes,  au  nez  aquilin  ;  ils  ne  portent  aucun  vêtement,  et  tressent  leur 
chevelure  en  chignons  ;  les  femmes  portent  des  pantalons  de  cuir  tanné, 
et  ont  la  tète  rasée.  Us  ont  la  singulière  habitude  de  se  casser  les 
dents  de  devant,  ce  qui  donne  à  leur  physionomie  quelque  diose  de 
bizarre.  Bs  sont  grands  éleveurs  de  bestiaux,  et  sont  probablement  plus 
riches  en  bétail  qu'aucune  autre  tribu  du  sud  de  l'Afrique.  Holub  estime 
qu'il  y  a  au  moins  100  bœufs  pour  une  hutte. 

L'abondance  du  bétail  chez  les  Ma-Choukouloumbé  est  pour  les  Ba^ 
Roteé  de  la  vallée  du  Zambèze  une  occasion  d'expéditions  qui  rendent 
l'œuvre  de  la  mission  de  M.  Coillard  très  difficile.  <  Les  Ba-Rotsé,  o 
écrit-il  sxL  Journal  des  missions  évangéliques  de  Paris,  a  ne  sont  nullem^it 
un  peuple  pasteur.  Jadis,  quand  ils  pouvaient  prendre  un  bœuf  chez  les 
Ma-Choukouloumbé,  ils  en  faisaient  un  festin  public,  le  grillaient  sur  les 
charbons,  chair  et  peau  tout  ensemble,  comme  ils  le  font  encore  du 
zèbre.  Pendant  les  derniers  troubles  on  a,  littéralement,  presque  exter- 
miné la  race  bovine  de  la  contrée.  Je  ne.  l'eusse  jamais  cru,  si  je  n'en 
avais  pas  les  preuves  sous  les  yeux.  Ce  fut,  surtout  dans  la  Vallée,  une 
boucherie  générale.  On  tuait  à  qui  mieux  mieux.  La  famine  est  surve- 
nue; alors  comme  toujours,  on  a  crié:.<i  Chez  les  Ma-Choukouloumbé! i> 
Le  roi  Lewanika  convoqua  tous  les  chefs  du  pays  à  Lialui.  La  ville 
regorgeait  d'hommes.  L'enceinte  du  Ztuindu  —  la  maison  privée  du  roi 
au  milieu  de  son  harem  —  était  comble.  Le  roi  crut  devoir  justifier  son 
expédition  aux  yeux  de  M.  Coillard  qui  était  présent,  a  Ds  ont  maltraité 
le  D'  Holub,  qui  venait  de  chez  moi;  c'est  mon  devoir  de  les  châtier. 
Du  reste  ce  ne  sont  pas  des  êtres  humains  ;  ils  sont  tout  nus.  Et  puis.^ 


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lyoutaitHl  en  hésitaat,  noufi  n'avons  plus  de  bétail,  et  il  ik)us  ea  faut 
absolument.  »  Le  lendemain,^  une  grande  animation  régnait  au  village.  De. 
tous  côtés  les  esclaves  et  les  femmes  allaient  et  venaient,  se  croisaieiit 
avec  des  messagers  affairés  ;  on  préparait  les  provisions  de  route;  par- 
tout on  entendait  la  cadence  des  pilons  ;  les  chefs  tenaient  leurs  petits 
conciliabules,  pendant  que  les  fous  de  cour s'agîtaienten  délire,  faisaient* 
de  la  musique  avec  des  calebasses,  criaient  et  beuglaient  sans  que  per- 
sonne y  fit  attention.  A  chaque  instant  arrivaient  de  nouvelles.esccmades 
d'hommes  armés.  Les  guerriers,  sous  leurs  cheiis  respectifs,  se  masse* 
rent  sur  la  place,  drapés  d'étoffes  aux  couleurs  flamboyantes,  chamarrés 
de  plumes,  de  haillons  européens,  de  peaux  d^  panthère,  et  de  toutes  sor- 
tes de  fauves,  grandes  et  petites,  qui  pouvaient  donner  à  Thomme  l'appa- 
rence d'un  animal  et  un  air  de  férocité.  Ils  feignaient,  par  petits  détsk- 
chements,  des  attaques  contre  un  ennemi  imaginaire,  faisaient  quelques 
évolutions  qui  arrachaient  aux  spectateurs  des  applaudiss^nents  fréné- 
tiques, se  remettaient  en  place,  et  toute  cette  masse  noire  bourdonnait 
lugubrement  un  chant  de  guerre  d'une  inspiration  sauvage.  Quelques- 
uns  des  conmiandants  s'avançai^t  ensuite,  haranguaient  le  roi  sur  le 
ton  de  la  colère,  puis,  au  pas  de  course,  venaient  s'agenouiller  et  planter 
leurs  fusils  et  leurs  boucliers  devant  les  ministres,  toujours  pérorant 
avec  aigreur  et  demandant  que  le  roi  lâchât  enfin  ces  bouledogues  enra- 
gés. La  quantité  d'armes  à  feu  que  possèdent  les  Ba-Botsé  est  considé- 
rable. H  y  en  a  de  tous  les  calibres  ;  les  fusils  à  pierre  cependant  y  sont 
en  majorité.  La  javeline  est  bien  encore  l'arme  de  la  tribu,  une  arme 
redoutable  ;  mais  les  boucliers  de  cuir  y  sont  en  petit  nombre  et  mal 
entretenus.  Avant  que  l'expédition  se  mît  en  route,  le  roi  fit  ses  dévo- 
tions. Des  offrandes  de  calicot,  de  verroterie,  d'eau,  de  lait  ou  de  miel 
furent  envoyées  à  toutes  les  tombes  royales  du  pays,  en  même  temps 
qu'un  faisceau  de  javelines  qui  y  restèrent  déposées  pendant  quarante- 
huit  heures  pour  donner  à  ces  dignitaires  de  l'autre  monde  le  temps  de 
les  bénir.  A  la  tête  de  l'armée  marche  la  prophétesse,  jeune  fille  sans 
laquelle  rien  ne  se  fait.  C'est  elle  qui  donne  le  signal  du  départ  et  de  la 
halte.  Elle  porte  la  corne  qui  contient  les  médecines  de  la  guerre  et  les 
charmes.  Elle  est  toujours  en  tête  de  l'avantrgarde,  et  il  n'est  permis  à 
personne,  même  au  repos,  de  passer  devant  elle.  Qu'elle  se  fatigue  ou 
tombe  malade,  c'est  aux  jeunes  gens  de  la  porter.  En  arrivant  devant 
l'ennemi,  c'est  elle  qui  tirera  le  premier  coup  de  fusil,  et  tout  le  temps 
que  durera  la  bataille,  il  ne  lui  est  permis  ni  de  dormir,  ni  de  s'asseoir, 
ni  de  manger  ou  de  boire.  A  un  moment  donné,  Litica,  fils  du  roi,  tous 


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les  garçons  et  tous  les  jeunes  gens  qui  allaient  à  la  guerre  pour  la  pre- 
mière fois,  coururent  h  toutes  jamfces,  se  précipitèrent  dans  le  marais, 
arrachèrent  des  roseaux,  qu'ils  vinreivt  déposer  aux  pieds  du  roi,  en 
s'écriant:  Kamarief  (jeune  fille);  c'est-à-dire,  vous  nous  croyez  des 
fillettes  impropres  à  la  guerre;  eh  bien!  vous  verrez  que  nous  sommes  Jir^ 

des  hommes  et  que  nous  méprisons  la  fatigue.  Léwanika  aura  12,000  V^i 

hommes  au  moinâ  sous  ses  ordres.  Que  deviendront  les  Ma-Choukou- 
loumbé  chez  lesquels  se  jettera  cette  multitude  d'hommes  affamés, 
voleurs,  pillards,  brigands  par  habitude,  sans  contrôle  et  sans  frein?  Ce 
n'est  pas  seulement  au  bétail  qu'ils  en  veulent,  mais  aux  femmes  et  aux 
enfants  qui  sont  réduits  au  plus  abject  esclavage.  Quant  aux  hommes  on  J^| 

les  jette  en  pâture  aux  bêtes  des  champs.  Les  Ma-Choukouloumbé  ne  /^** 

font  pas  plus  de  quartier  que  les  Ba-Rotsé,  et  ils  gardent,  pour  y  boire 
la  bière,  les  crânes  de  ceux  qui  sont  tombés  entre  leurs  mains.  » 

Dans  leur  voyage  à  travers  l'Afrique,  les  explorateurs  portugais  Ca- 
pello  et  ïvens  visitèrent  le  pays  des  Garenn^aiizé  au  mois  de  novembre 
1884.  Le  14  s^tembre  dernier,  le  major  Ivens  a  reçu  une  lettre  du  chef 
de  cette  région,  écrite  en  anglais,  et  apportée  par  le  missionnaire  Arnot 
auquel  Moshidé  l'avait  dictée.  Nous  la  reproduisons  d'après  les  Colonias 
Pcrtngtiezas. 

Unkeïa.  Garenganzé. 
A  l'illustre  major  Ivens. 
J'avais  l'intention  de  vous  envoyer  mon  fils  Moseka,  en  compagnie  de 
M.  Arnot,  pour  qu'il  pût  être  présenté  à  S.  M.  le  roi  de  Portugal.  Je 
comptais  assurer  de  cette  manière  S.  M.,  combien  m'avait  été  agréable 
l'honneiu*  qu'elle  m'avait  fait  en  envoyant  dans  mon  pays,  comme  ambas- 
sadeurs, MM.  Capello  et  Ivens.  Cependant,  j'ai  été  contraint  d'ajourner 
dans  ce  moment  la  réalisation  de  ce  projet,  en  face  de  l'opposition  que 
me  fait  le  chef  indigène  du  pays  de  Bihé,  appartenant  à  S.  M.,  et  de  la 
déclaration  de  ce  chef  qu'il  barrera  le  passage,  arrêtera  les  voyageurs 
qui  se  rendent  à  la  côte,  et  tâchera  de  détourner  le  commerce  direct  que 
font  mes  États  avec  les  marchands  portugais  de  Benguella.  Je  vous 
demande  encore  de  vouloir  bien  m'excuser  de  ne  vous  avoir  pas  fourni 
les  trente  porteurs  que  vous  m'avez  demandés,  mais  alors,  comme 
aujourd'hui,  et  toujours,  il  m'a  été  impossible  d'obtenir  de  mes  gens 
qu'ils  se  prêtent  à  accompagner  quelque  expédition  lointaine,  de  crainte 
d'hostilités  et  par  peur  des  traitants  arabes.  J'ai  dû  renoncer  à  la  con- 
trainte à  leur  égard,  car  je  reconnais  que  leurs  appréhensions  sont  fon- 
dées. J'écris  au  représentant  de  S.  M.,  le  gouverneur  de  Benguella,  le 


—  328  — 

priant  de  me  venir  en  aide,  et  de  me  donner  l'assurance  de  Tinterven- 

tion  du  gouvernement  de  S.  M.  contre  les  intrigua  du  chef  deBihé.  » 

MosHiDÉ,  chef  de  Garenganzé. 
Février  1888. 

La  St' James  Gazette  de  Londres  publie  une  lettre  adressée  de  Stuiley- 
Pool  au  colonel  Wilmot  Brooks  par  son  fils  Grabam  Wilmot  Brooks,  mis- 
sionnaire qui  a  cherché,  mais  en  vain,  à  pénétrer  au  Soudan  par  la  voie 
de  rOubangi.  Il  commence  par  rendre  compte  des  rapports  de  quatre 
blancs  et  d'un  interprète  arabe  venant  du  camp  de  Yambouya  sur 
r  Aroooiiiiiii,  puis  il  ajoute  : 

a  n  s'est  écoulé  près  d'une  année  depuis  la  réception  à  Stanley  Pool 
des  premières  nouvelles  de  l'expédition  de  Stanley  alors  campée  sur 
l'Arououimi.  Elles  nous  apprenaient  que  le  passage  delà  colonne  au  tra- 
vers des  forêts  vierges,  des  jungles  et  des  marécages,  avait  présenté  des 
difficultés  plus  grandes  que  l'on  ne  s'y  attendait.  Nous  sommes  ensuite 
restés  plusieurs  mois  sans  entendre  parler  de  l'expédition  jusqu'à  la 
réoccupation  des  Stanley-Falls  par  l'État  libre  du  Congo.  Les  communi- 
cations avec  le  haut  ileuve  devinrent  ^isuite  moins  difficiles,  ce  qui 
permit  d'avoir  des  nouvelles  de  cette  région  par  des  blancs,  des  Zanzi- 
barites  et  des  indigènes.  On  ne  reçut  pourtant  rien  de  l'expédition  elle- 
même.  Sur  neuf  déserteurs  du  camp  de  l'Arououimi,  sept  furent  pris  et 
mangés  par  les  indigènes  et  deux  réussirent  à  descendre  le  fleuve.  Il  va 
être  procédé  à  une  enquête  sur  les  événements  qui  se  passent  aux  Stan- 
ley-Falls, mais  on  sait  déjà  que  tous  ne  sont  pas  l'œuvre  des  Zanziba- 

• 

rites.  On  ne  peut  pas  comprendre  en  Angleterre  comment  ces  hommes 
peuvent  se  procurer  des  quantités  aussi  considérables  d'ivoire,  quand  le 
transport  de  30  kilogrammes  de  marchandises,  de  Zanzibar  aux  chutes, 
revient  à  275  francs.  Voici  l'explication  de  cette  énigme  :  Les  négociants 
de  Zanzibar  établis  aux  Stanley-Falls,  ont  à  leur  solde  de  nombreuses 
bandes  de  cannibales  Manyémas  d'une  férocité  telle  que  les  Zanzibarites 
eux-mêmes  ont  horreur  de  s'associer  à  eux  dans  leurs  incursions  meur- 
trières. Des  témoins  oculaires  anglais  et  arabes  affirment  avoir  vu  fré- 
quemment, dépassant  les  bords  des  maimites,  des  tètes  et  pieds  humains. 
Les  Arabes  fournissent  des  fusils  à  ces  sauvages  pour  leur  permettre  de 
faire  la  chasse  à  l'homme,  dont  la  rançon  sera  payée  en  ivoire.  Ce  pi*o- 
cédé  étant  beaucoup  plus  rapide  que  celui  de  l'échange  des  tissus  contre 
de  l'ivoire  a  été  adopté  pai*  Tipo-Tipo  et  ses  collègues.  Ces  cannibales 
Manyémas  fournis  à  Stanley  par  Tipo-Tipo  ont  accompagné  l'expédition 
jusqu'aux  territoires  encore  inexplorés  de  l'Arououimi  où  ils  ont  exercé 


—  329  — 

leurs  iûfâmes  déprédations  aux  alentours  du  camp.  Les  Anglais  les  ont 
vus  tirer  sur  les  hommes  et  les  femmes  qui  traversaient  le  fleuve  à.  la 
nage,  et  les  ont  entendus  s'en  vanter  auprès  du  feu  de  bivouac.  Après 
avoir  surpris  et  brftlé  un  village  dont  les  défenseurs  tués  par  surprise 
sont  aussitôt  cuits  et  mangés,  les  Manyémas  emmènent  au  camp  des 
Zanzibarites  les  femmes,  les  enfants  et  le  butin  consistant  en  chèvres, 
volailles,  bananes,  canots  et  mobilier  indigène  dont  la  valeur  dépasse  de 
beaucoup  le  coût  de  l'incursion.  Au  bout  de  quelques  jours  les  maris  et 
les  pères  des  prisonniers  viennent  au  camp.  Us  savent  ce  qui  leur  reste 
à  faille.  Avec  de  l'ivoire  ils  pourront  racheter.  leur  famille.  Le  prix 
arrêté,  ils  s'empi-essent  de  le  réunir.  Après  la  livraison  de  l'ivoire  on 
remet  en  liberté  les  prisonniers.  Ce  qui  reste  alors  d'une  tribu  jadis  floris- 
sante s'en  va  chercher  plus  loin  un  refuge.  Les  Zanzibarites  ont  un  but 
en  rendant  les  prisonniers  :  ceux-ci  pourront  servir  une  autre  fois.  En 
effet,  dès  que  la  tribu  s'est  installée  sur  un  territoire,  y  a  construit  quel- 
ques huttes  et  commencé  des  plantations,  les  Manyémas  accourent  pour 
recommencer  leur  opération.  Ceci  peut  être  attesté  par  tous  les  occu- 
pants du  camp  sur  l'Arououimi.  Si  les  Anglais  qui  désirent  voir  introduire 
aux  Stanley-Falls  les  bienfaits  du  commerce  veulent  savoir  ce  que  com- 
merce signifie  dans  ces  régions,  M.  Wilmot  Brooks  peut  le  leur  dire  :  D 
s'agit  pour  les  Zanzibarites  de  posséder  de  grandes  quantités  de  mar- 
chandises d'un  très  bas  prix  et  de  recevoir  de  fortes  commandes  d'ivoire  ; 
les  marchandises  leur  serviront  à  se  procurer  à  la  côte  Est  de  la  poudre 
et  des  fusils.  Alors  les  hommes  employés  jusqu'à  présent  à  transporter 
l'ivoire  à  la  côte  seront  employés  pour  l'opération  bien  plus  lucrative 
de  la  chasse  à  l'homme.  Les  400  Manyémas  qui  ont  consenti  à  partir 
avec  le  major  Barttelot  ont  expressément  stipulé  qu'il  ne  serait  pas  mis 
d'entraves  à  leurs  incursions,  en  sorte  que  les  contrées  que  devait  tra- 
verser là  colonne  étaient  vouées  au  pillage,  au  meurtre,  au  cannibalisme, 
et  devaient  être  dépeuplées  comme  l'ont  été  déjà  celles  qui  entouraient  le 
camp  sur  l'Arououimi.  La  colonne  devait  ouvrir  aux  Manyémas  d'autres 
contrées  encore  vierges  et  les  mettre  ainsi  à  même  d'approvisionner  de 
grandes  quantités  d'ivoire  la  factorerie  des  Stanley-Falls  ;  les  morts  ne 
racontent  rien  et  les  décharges  meurtrières,  les  cris  des  blessés  au  milieu 
de  la  nuit  ne  peuvent  se  faire  entendre  par  delà  les  forêts  qui  séparent 
ce»  scènes  de  carnage  des  steamers  naviguant  sur  le  Congo.  Quant  à 
Tipo-Tipo,  le  nouveau  gouverneur,  il  ne  s'opposera  pas  à  ces  actes 
de  sauvagerie  dont  les  Anglais  ont  pris  des  croquis  sur  leurs  albums, 
sans  formuler  aucune  protestation,  attendu  qu'ils  tiennent  par-dessus 


—  330  — 

tout  à  vivre  en  bons  termes  avec  les  Arabes.  Ces  faits  sont,  assure  le 
missionnaire  Grah^n  Wilmot  Brooks,  parfaitement  connus  de  tous  ceux 
qui  connaissent  le  haut  Congo.  » 

Le  Temps  a  reçu  de  son  correspondant  de  Banana  les  renseignements 
suivants  sur  la  mort  du  major  Barttelot  t  C'est  le  steamer  En  Avant 
qui  était  allé  aux  Falls  conduire  le  lieutenant  Haneuse,  résident  auprès 
de  Tipo-Tipo,  qui  a  apporté  aux  Ba-Ngala,  dans  la  première  quinzaine 
d'août,  la  nouvelle  de  l'assassinat  du  major  qui  commandait  l'arrière- 
garde  laissée  par  Stanley  sur  l'Arououimi.  M.  Barttelot  aurait  trouvé  la 
mort  dans  les  circonstances  suivantes  :  «  Il  se  trouvait  à  Urama  le  19 
juillet.  Pendant  la  nuit,  les  hommes  de  sa  caravane  se  livraient  à  leurs 
jeux  habituels  et  dansaient  avec  accompagnement  de  chants  et  de  cris 
assourdissants.  Vers  trois  heures  du  matin,  impatienté  sans  doute  du 
vacarme  qui  se  faisait  autour  de  sa  tente,  le  major  se  leva  et  voulut  im- 
poser le  silence  à  ses  hommes.  Ceux-ci  n'obéissant  pas,  il  aurait  frappé 
ime  des  plus  enragées  danseuses.  Le  mari  de  cette  négresse  se  serait 
alors  approché  de  l'officier  anglais  et  lui  aurait  tiré  un  coup  de  feu  à 
bout  portant.  On  était  alors  à  environ  dix  journées  de  marche  de  Yam- 
bouya.  Le  second  de  l'expédition,  M.  James  Jameson,  s'empara  immé- 
diatement de  l'assassin  et,  escorté  de  dix  hommes  sûrs,  il  le  ramena  aux 
Falls,  où  il  le  remit  entre  les  mains  de  Tipo-Tipo  qui  paraît  responsable, 
non  de  l'assassinat  du  major,  mais  de  l'échec  de  la  campagne  de  ravi- 
taillement. Vous  savez,  en  effet,  que  Stanley  avait  laissé  une  arrière- 
garde  à  Yarabouya  pour  attendre  les  porteurs  que  devait  lui  fournir  ce 
chef,  arabe.  Le  major  Barttelot  avait  l'ordre  de  se  mettre  en  route,  dès 
que  les  porteui's  seraient  arrivés  avec  les  charges  que  n'avait  pu  prendre 
Stanley.  L'arrière-garde  de  l'explorateur  était  donc,  en  réalité,  une  co- 
lonne de  ravitaillement.  Tipo-Tipo  avait  promis  de  compléter  le  convoi 
dans  le  courant  d'octobre  1887  ;  ce  n'est  qu'à  la  iin  de  mai  qu'il  envoya 
500  hommes  au  camp  de  l'Arououimi.  C'est  ainsi  que  le  major  a  été  forcé 
de  séjourner  près  d'un  an  dans  une  région  où  les  vivres  étaient  rares 
et  où  sa  troupe  a  été  très  éprouvée.  Sur  60  Soudaniens,  il  n'en  reste  au- 
jourd'hui que  18  ;  de  215  Zanzibarites,  80  seuls  survivent.  Enfin,  le  6 
juin,  le  major  pouvait  lever  le  camp  avec  une  caravane  déjà  très  affaiblie 
moralement  et  physiquement  :  un  mois  après  il  était  assassiné.  Toutefois, 
malgré  tout,  M.  James  Jameson  ne  voulait  pas  abandonner  la  partie. 
Le  5  août  il  repartait  des  Falls  dans  l'intention  de  reprendre  le  com- 
mandement de  l'expédition  de  secours.  Le  16  août  il  arrivait  au  Ba- 
Ngala  dans  un  état  désespéré,  et  le  17  à  huit  heures  du  soir,  il  rendait  le 


—  331  — 

derntor  soiq^ir.  La  colonne  de  ravitaillement  de  Stanley  reste  donc  avec 
un  Seul  blanc,  M.  Bonny,  et  il  est  impossible  qu'elle  se  mette  en  marche. 
On  dit  ici  que  des  ordres  de  Londres  prescrivent  à  M.  Bonny  de  se  re- 
plier sur  rArououimi  ;  on  renoncerait  alors  à  secourir  Stanley  par  les 
affluents  du  Congo,  et  le  grand  explorateur  resterait  livré  à  ses  propres 
ressources.  Aux  Falls,  m'écrit-on,  la  situation  est  bonne  ;  le  lieutenant 
Haneuse  y  est  arrivé  le  1"  août  et  a  été  reçu  par  Tipo-Tipo  et  les  autres 
chefîs  arabes,  avec  la  plus  grande  cordialité.  » 

Une  lettre  que  reçoit  V Indépendance  belge,  des  tles  Canaries,  et  qui 
porte  la  date  du  20  septembre,  apporte  des  renseignements  sur  la  mission 
li^hure,  du  corps  de  Tétat-major  belge,  chargée  d'acquérir  un  terri- 
toire et  d'établir  un  sanitarium  international  sur  la  côte  saharienne 
d'Afrique.  Le  débarquement  du  colonel  Lahure  et  de  ses  compagnons 
s'est  effectué  sur  une  plage  du  désert,  oîi  se  trouvaient  réunis  de  nom- 
breux groupes  d'indigènes  armés.  Ds  ont  réussi  cependant  à  prendre 
pied,  se  sont  enfoncés  dans  l'intérieur  et,  après  avoir  traversé  des 
régions  fertiles  et  peuplées  qui  n'ont  rien  de  l'aridité  du  centre  du  Sa- 
hara, sont  arrivés  vers  le  15  septembre  au  pays  des  Alt-el-Djamel.  Sui- 
vant les  bruits  apportés  aux  îles  Canaries,  diverses  tribus  de  ces  contrées 
seraient  dans  un  état  voisin  de  l'anarchie  et  n'obéiraient  à  aucune  auto- 
rité. Les  Arabes  et  les  Maures  sont  très  surexcités  les  uns  contre  les 
autres  et  se  font  ouvertement  la  guerre  dans  certains  parages.  Néan- 
moins, la  mission  paraissait  pleinement  réussir  ;  le  colonel  Lahure  et  le 
lieutenant  de  marine  belge  Fourcault  étaient  en  bonne  santé.  On  disait 
qu'ils  commenceraient,  à  la  mi-octobre,  leur  voyage  de  retour  vers 
la  côte  et  vers  l'Europe. 


NOUVEIiLES  GOMPIâÊlCBNTAIRES 

M.  Fernand  Fourreau  vient  de  faire  parattre  la  carte  au  Vioooooo  de  la  région 
du  Sahara  qui  s'étend  au  sud  de  Biskra  et  dont  il  a  été  un  des  premiers  pionniers. 

Le  Comité  de  la  Société  antiesclavagiste  de  France  fondée  par  le  cardinal 
LaTîgerie  a  reçu  des  sommes  importantes  pour  l'œuvre  de  la  suppression  de  la 
traite.  Léon  XIIl  a  donné  à  lui  seul  300,000  francs. 

Deux  millionnaires  de  Mahdia,  en  Tunisie,  viennent  d'être  arrêtés,  Pun  pour 
on  achat  récent  d'un  esclave  de  14  ans,  l'autre  comme  courtier.  L'esclave  a  été 
immédiatement  affranchi.  Il  provenait  d'un  lot  important  disséminé  entre  Sfax, 
Monastir  et  Tunis.  Ce  trafic  a  été  dévoilé  par  le  commissaire  de  police  de  Mahdia. 

Les  espérances  qu'avait  fait  concevoir,  il  y  a  quelques  années,  la  découverte 


—  332  — 

de  sources  de  naphie  pvès  de  Seit  et  de  Dsefaamseh,  aa  bord  de  la  mer  Eowgef 
ne  se  sont  pas  réalisées.  Les  travaux  d'essais  oat  dû  être  abandoaaés  après  av^ûr 
absorbé  trois  millions  de  marcs,  et  les  perforatrices  coûteuses  qu'on  y  employait 
gisent  inutiles  sur  le  sol  abandonné.  On  a  bien  trouvé  un  peu  de  naphte  dans  les 
puits  percés,  mais  en  quantité  si  faible  qu'il  a  été  impossible  de  songer  à  une 
exploitation  rémunératrice. 

Le  nouveau  journal  la  (Géographie  annonce  que  deux  officiers  italiens,  membres 
d'une  expédition  géographique  au  Harrar,  ont  été  emprisonnés  et  maltraités  par 
un  gouverneur  dépendant  du  roi  Ménélik.  Ils  sont  accusés  d'avoir  levé  des  plans 
en  vue  de  la  conquête  du  pays.  Le  consul  italien  à  Aden  et  le  comte  Antonelli, 
qui  représente  l'Italie  auprès  de  Ménélik,  s'efforcent  d'obtenir  leur  mise  ea 
liberté. 

La  caravane  du  D'  Meyer,  l'explorateur  du  Kilimandjaro,  a  été  dispersée  par 
les  indigènes  ;  ses  porteurs  ont  déserté,  et  lui-même  a  dû  revenir  à  la  c6te. 

Une  dépêche  du  Times  annonce  que  le  comte  Téléki,  explorateur  hongrois,  qai, 
depuis  deux  ans,  parcourait  l'est  de  l'Afrique  avec  le  lieutenant  de  marine  Hœnel, 
et  qu'on  avait  perdu  de  vue,  est  arrivé  à  Taveta,  en  route  pour  Zanzibar. 

Le  D'  Peters  et  le  lieutenant  Wissmann  se  sont  rendus  à  Londres  pour  y 
donner  l'assurance  que  les  organisateurs  de  l'expédition  allemande  de  secours  en 
faveur  d'Émin  pacha  ne  nourrissent  aucun  projet  d'ambition  égoïste.  Le  Times 
applaudit  à  l'expédition  de  secours.  «  L'espace,  dit-il,  est  assez  grand  entre 
l'Océan  et  les  lacs  pour  l'Angleterre  et  l'Allemagne,  dont  le  but  commun  doit 
être  la  suppression  de  la  traite  des  nègres,  qui  exige  un  effort  vigoureux  et 
persévérant  » 

Une  dépêche  de  Zanzibar  signale  l'arrivée  dans  cette  ville  de  M.  Mackenzie, 
l'agent  de  la  Société  anglaise  de  l'Afrique  centrale.  Il  a  été  accueilli  par  les  indi- 
gènes dans  le  Durbar  public  comme  représentant  de  la  Compagnie  britannique. 
Les  indigènes  lui  ont  exprimé  la  crainte  que  la  Compagnie  ne  veuille  mettre  des 
entraves  à  l'esclavage  domestique,  mais  M.  Mackenzie  les  a  rassurés  complète- 
ment à  ce  sujet  (?) 

Pour  sauvegarder  les  intérêts  du  commerce  de  la  France  à  Madagascar,  les 
négociants  français  établis  à  Tamatave  ont  fondé  une  «  chambre  consultative  du 
commerce  français  à  Madagascar;  »  ses  membres  se  mettent  à  la  disposition  des 
négociants  et  des  fabricants  de  France,  pour  faciliter  les  transactions  et  leur 
donner  tous  les  renseignements  qui  pourraient  les  intéresser.  Les  résidents  de 
France  à  Tananarive  et  à  Tamatave  ont  promis  leur  appui  à  la  nouvelle 
institution. 

L'Angleterre  ayant  demandé  aux  autorités  portugaises  l'autorisation  de  débar- 
quer à  Quilimane  des  armes  destinées  aux  agents  de  la  Compagnie  des  Lacs  afri- 
cains, le  gouvernement  portugais  a  répondu  qu'il  est  assez  fort  pour  défendre  les 
habitants  des  côtes  et  du  pays  qu'il  occupe  et  a  refusé  l'autorisation  demandée. 

Les  ingénieurs  Joaquim  Pires  de  Souza  Qomes  et  Affonso  de  Moraes  Sarmento 
ont  signé,  le  29  septembre,  au  ministère  de  la  marine  portugaise,  un  contrat  par 


—  334  — 

M.  Kœuigsberg,  négooisnt  uHemasd,  auquel  U  Royal  Niger  Company  ayalt 
interdit  la  navigation  du  Niger,  a  réclamé  contre  cette  interdiction  et  obtenu  de 
pouTok  rentrer  sur  le  territoire  dont  cette  Compagnie  Payait  expulsé. 

Une  expédition  britannique  envoyée  de  la  Côte  d^or  dans  le  Togoland,  en 
arrière  des  territoires  allemands,  a  eu  une  rencontre  arec  les  indigènes;  elle  a 
perdu  64  hommes  et  en  a  tué  600. 

L'expédition  dirigée  par  M.  Treich^Laplène  et  subventionnée  par  M:  Verdier, 
résident  de  France  à  Ghrand  Bassam  et  Assinie,  et  par  le  gouvernement  français, 
pour  conduire  un  convoi  de  ravitaillement  au  capitaine  Binger  dans  la  direction 
de  Kong,  a  quitté  Assinie  le  8  septembre  avec  une  escorte  de  45  hommes.  Le  9, 
elle  était  à  Einjabou,  capitale  du  royaume  d' Assinie;  le  10,  M.  Treich  a  écrit  de 
Aïn-Boisseau,  sur  la  rivière  Bia.  M.  Verdier  nous  promet  de  nous  tenir  au  courant 
des  nouvelles  qu'il  recevra  de  cette  intéressante  expédition. 

M.  Douls  est  reparti  pour-  une  nouvelle  expédition  dans  le  Sud  sénégalais. 
Actuellement  il  est  à  Tanger,  et  s'arrêtera  quelque  temps  à  Dakar. 


L'ANGLETERRE  ET  L'ALLEMAGNE  DANS  L'AFRIQUE  ORIENTALE' 

Pour  se  rendre  bien  compte  de  la  portée  des  événements  qui  attirent 
actuellement  l'attention  sur  l'Afrique  orientale,  il  est  nécessaire  de 
remonter  à  quelques  années  en  arrière,  au  moment  où  Terapire  allemand 
déclara  prendre  sous  son  protectorat  une  partie  des  territoires  situés  à 
l'ouest  de  Zanzibar.  Jusqu'alors  le  Portugal  seul  occupait,  en  vertu  de 
ses  droits  historiques,  une  partie  du  littoral  oriental  de  l'Afrique. 
C'étaient  les  côtes  de  Sofala  et  de  Mozambique  au  sud  et  au  nord  du 
Zambèze,  Au  delà  du  cap  Delgado,  près  de  l'embouchure  de  la  Rovou- 
ma,  par  environ  10°  lat.  S.,  la  côte  était,  plutôt  en  principe  que  de  fait, 
sous  la  puissance  du  sultan  de  Zanzibar.  L'influence  anglaise  il  est  vrai 
s'exerçait  sur  ce  dernier,  dont  l'indépendance  avait  cependant  été 
reconnue  par  une  déclaration  échangée  le  10  mars  1862,  entre  la  France 
et  l'Angleterre.  Et  depuis  que  sir  Bartle  Frère  avait  signé,  le  5  juin 
1873,  avec  Saïd  Bargasch,  le  traité  pour  la  répression  de  la  traite,  les 
efforts  et  les  sacrifices  considérables  fait  par  les  escadres  anglaises  pour 
en  assurer  l'exécution  avaient,  ainsi  que  l'extension  du  commerce  bri- 

*  Nous  disions  (p.  288)  que  M.  Banning,  dans  son  volume  :  Le  partage  politique 
de  r Afrique,  avait  donné  comme  la  première  partie  du  Code  diplomatique  pour 
l'Afrique.  Les  documents  officiels  commentés  par  lui  nous  ont  fourni  la  substance 
de  cet  article,  pour  lequel  les  lecteurs  peuvent  consulter  les  cartes  publiées,  YUP 
année,  p.  92  et  IX«  année,  p.  320. 


—  335  — 

tamûque  dans  ces  pio-ages,  donné  au  représentant  de  TAngleten'e  à 
Zanzibar  une  position  qui  faisait  de  Tageat  angiais  le  véritable  conseiller 
du  sultan. 

Mais  le  moment  était  venu  où  T  Allemagne  allait  rivaliser  de  zèle  avec 
r  Angleterre,  pour  exercer,  elle  aussi,  son  influence  civilisatrice  sur  cette 
région.  Pressé  par  les  besoins  de  son  industrie  et  de  sa  population 
ouvrière,  forcé  de  se  créer  au  dehors  des  champs  d'expansion,  l'empire 
allemand  voyait  se  fonder,  le  6  décembre  1882,  la  Société  coloniale  alle- 
mande, dont  les  entreprises  devaient  bientôt  réclamer  l'intervention  de 
l'État.  C'est  au  D'  Karl  Peters,  au  D'  Jtthlke  et  au  comte  Pfçil  que 
l'Allemagne  doit  de  balancer  aujourd'hui  l'influence  anglaise  dans 
l'Afrique  orientale.  En  eifet,  ces  trois  honmies  résolus,  arrivés. à  Zanzi- 
bar au  mois  de  septembre  1884,  organisèrent  une  expédition  qui  pénétra 
rapidement  à  l'intérieur  et  dont  le  résultat  fut  la  conclusion,  en  quel- 
ques mois,  de  traités  réguliers  passés  avec  les  chefs  de  l'Ou-Sigouha,  du 
Ngourou,  de  l'Ou-Sagara  et  de  l'Ou-Kami,  traités  en  vertu  desquels 
150,000  kilomètres  carrés  de  territoire  étaient  placés  sous  leur  dépen- 
dance. Muni  de  ces  titres,  le  D' Peters  revint  en  Europe,  et  le  27  février 
1885,  le  lendemain  du  jour  où  avait  été  signé  l'Acte  généi-al  de  la  confé- 
rence de  Berlin,  il  obtint  de  l'empereur  d'Allemagne. une  lettre  de  pro- 
tectorat, par  laquelle  la  souveraineté  allemande  était  étendue  à  tous  les 
territoires  acquis  ou  à  acquérir  par  la  Société  coloniale  à  laquelle 
appartenait  le  D' Peters.  Le  document  en  question  relevait  avec  soin  que 
les  territoires  acquis  à  l'ouest  des  États  du  sultan  de  Zanzibar  étaient 
situés  en  dehors  de  la  souveraineté  d'autres  puissances,  et  constatait 
qu'ils  avaient  été  cédés  au  D' Peters,  avec  les  droits  souvemins,  pour 
la  Société  coloniale  allemande.  L'empereur  déclarait  accepter  cette 
souveraineté,  mais  réservait  sa  décision  relativement  aux  acquisitions 
que  la  Société  ou  ses  ayants  droit  pourraient  faire  par  la  suite  dans  ces 
parages,  en  vertu  de  traités  qui  lui  seraient  soumis.  D  octroyait  à  la 
Société  susnommée,  à  la  condition  qu'elle  restât  une  société  allemande 
et  que  les  membres  de  la  direction  ou  les  personnes  auxquelles  pourrait 
être  confiée  la  direction  de  la  Société  fussent  sujets  de  l'empire  alle- 
mand, de  même  qu'à  ses  ayants  droit,  sous  la  même  condition,  le 
pouvoir  d'exercer  tous  les  droits  résultant  des  traités  conclus,  y  compris 
la  jui-idiction  sur  les  indigènes,  ainsi  que  sur  les  sujets  de  l'empire  ou 
d'autres  nations  qui  viendraient  s'établir  dans  ces  territoires  ou  y  séjour- 
ner pour  un  but  commercial  ou  autre.  L'exercice  de  ces  droits  devait 
avoir  lieu  sous  la  surveillance  du  gouvernement  de  l'empire. 


—  336  — 

Les  acquisitions  altemandes  s'accrurent  rapidement,  de  maDière  à 
embrasser  des  territoires  d'mie  superficie  supérieure  à  celle  de  TAIle- 
magne  entière  ;  noa  sans  obstacles,  il  est  vrai,  car  le  14  janvier  1885,  le 
gouvernement  anglais  avait  cru  devoir  leur  opposer  des  réserves.  Mais 
le  consul  général  BaWs  fut  envoyé  à  Zanzibar,  pour  chercher  i.  obtenir 
de  S&ld  Bargasch  son  adhésion  à  l'Acte  général  de  la  conférence  de  Ber- 
lin, eu  même  temps  que  le  gouvernement  allemand  notifiait  à  Londres  la 
charte  du  27  février,  qui  plaçait  sous  le  protectorat  allemand  les  quatre 
provinces  acquises  il  l'ouest  de  Zanzibar.  «Les  territoires  dont  il  s'agit,» 
écrivait  le  chancelier,  «  sont  compris  dans  la  zone  prolongée  du  ba^u 
conventionnel  du  Congo  que  vise  le  chapitre  I",  article  1",§  3,  del' Acte  gé- 
néral de,  la  conférence  de  Berlin ,  et  k  laquelle  les  puissances  signataires  se 
sont  ^gagées  à  faire  l'application  des  clauses  du  dit  acte.  Le  gouverne- 
ment impérial  en  assumant  l'obligation  de  garantir  l'exécution  des  dis- 
positions de  l'Acte  générai  dans  les  possessions  allemandes  sises  dans  la 
zone  susdite,  réclame  également  en  leur  faveur  les  avantages  assurés 
aux  territoires  compris  dans  les  limites  du  bassin  conventionnel  du 
Congo  par  le  chapitre  ni  de  l'Acte  général  relatif  à  la  neutralité.» 

L'Angleterre  ne  voulut  pas  soulever  un  conflit  ;  dès  le  30  mars  elle 
donna  acte  sans  réserves  de  la  susdite  notification,  et  prescrivit  à  son 
agent  b  Zanzibar,  àr  J.  Kirk,  de  marcher  d'accord  avec  son  collègue 
allemand  dans  toutes  les  matières  oii  les  vues  et  les  intérêts  des  deux 
pays  seraient  identiques.  Quelques  semaines  plus  tard  le  comte  Gran- 
ville  écrivait  à  l'ambassadeur  d'Angleterre  à  Berlin  :  «  Le  gouvernement 
britannique  envisage  avec  faveur  les  projets  de  l'Allemagne  ;  leur  réali- 
sation enrichira  la  civilisation  de  vastes  contrées  sur  lesquelles  aucune 
influence  européenne  n'a  été  jusqu'ici  exercée  ;  elle  assurera  la  coopéra- 
tion de  l'Allemagne  avec  la  Grande-Bretagne  dans  la  suppression  des 
caravanes  d'esclaves,  et  encouragera  les  ettorts  du  sultan  pour  l'extinc- 
tion de  la  traite  et  le  développement  commercial  de  ses  domaiues.» 
Mais,  par  la  môme  dépèche,  l'ambassadeur  anglais  était  chaîné  d'infor- 
mer le  chancelier  de  l'Empire  que  quelques  capitalistes  considérables 
avaient  formé  le  dessein  de  créer  un  établissement  britannique  dans  la 
région  située  entre  la  côte  et  les  lacs  qui  sont  la  source  du  Nil  blanc,  et 
de  la  rattacher  au  littoral  par  un  chemin  de  fer.  Afin  d'obtenir  des 
garanties  convenables  pour  leurs  avances  de  fonds,  ils  se  proposaient  de 
réclamer  du  sultan  des  concessions  étendues.  Le  gouvernement,  tout  en 
prenant  ce  projet  en  considération,  était  décidé  à  ne  l'appuyer  que  s'il 
avait  la  pleine  assurance  qu'il  n'en  résulterait  aucun  conflit  avec  les 


—  387  — 
iotérëts  du  territoire  placé  mas  le  protectorat  allein 
empiétement  sur  les  posseseiouB  du  sultan  comprises  eu 
région  dont  il  s'agissait.  Le  prince  de  Bismarck  devait  se 
cette  démarche  du  désir  de  l'Angleterre  de  prévenir  la 
malentendu. 

A  cette  ouverture,  le  cbancelier  répondit  en  déclinant 
de  contrainte  k  l'égard  du  sultan  de  Zanzibar.  Il  espéra 
ner  ce  dernier,  au  moyen  d'une  action  diplomatique 
l'Angleterre,  k  renoncer  à  ses  eminètements  au  delà  de  i 
se  trouver  ainsi  dégagé  de  la  nécessité  de  repousser  ses 
le  protectorat  allemand.  L'Angleterre  avait  d'ailleurs  un  : 
avec  l'Allemagne  à  empêcher  que  les  tribus  nègres  araii 
ue  tombassent  sous  l'inâueuce  du  fanatisme  arabe  qui  ai 
soulèvement  du  Mabdi,  et  que  leur  pays  ne  devint  1« 
propagande  musulmane  sanglante,  au  lieu  d'être  le  aièg 
tîou  graduellement  croissante.  Cet  intérêt  commuu  ne 
accru  par  le  projet  des  capitalistes  anglais  qui  voulais 
chemin  de  fer  de  la  cdte  de  l'Océan  indien  aux  lacs 
blanc.  Le  prince  de  Bismarck  affirmait  son  dessein  de  i 
préjudice  durable  k  l'indépéndauce  du  sult»i  de  Zanzib 
demander  la  cession  d'aucun  territoire  qui  lui  appartint 
K  Nous  voulons  seulement,»  disait-il,  «  que  le  sultan  resp 
protectorats  allemands,  et  nous  désirons  en  même  temi 
lui,  mais  sans  le  lui  imposer,  un  traité  de  commerce.  N' 
reux  si  la  coopération  de  l'Angleterre  nous  dispense 
force  contre  Zanzibar  et  sou  sultan,  mais  nous  subissons 
sortir  promptement  d'une  situation  que  l'empire  d'Alli 
rait  tolérer  plus  longtemps.» 

La  notification  remise  par  le  consul  général  Rohifs  au 
de  la  prise  de  possession  par  l'Allemagne  des  quatre 
mentionnés,  avait  été  suivie  d'une  protestation  de  Said 
rauniquée  à  la  France  et  aux  États-Unis.  Il  revendiquai! 
de  toute  la  région  du  continent  comprise  entre  la  côte  el 
nyika  et  Nyassa,  et  envoya  même  des  ti'oupes  pour  appu 
dication  à  laquelle  l'Allemagne  opposa  une  tin  de  non-re 
que.  Une  forte  escadre  parut  devant  Zanzibar,  et,  le 
Commodore  Taschen  exigea  le  rappel  des  troupes  de  Sait 
reconnaissance  du  protectorat  allemand.  Sur  les  cens 
terre  le  sultan  céda,  et  reconnut  la  souveraineté  de  1 


—  338  — 

les  territoires  du  protectorat  allemand  ainsi  que  sur  Celui  de  Witou.  Les 
agents  de  r Angleterre  avaient  contribué  pour  beaucoup  à  amener  cette 
solution  pacifique. 

D'autre  part  T Allemagne  parut  disposée  à  souscrire  à  la  déclaration 
anglo-française  de  1862  concernant  l'indépendance  de  Zanzibar,  et,  afin 
de  préciser  la  portée  de  cet  acte,  elle  proposa  de  réunir  une  commission 
de  délimitation  qui  fixerait  retendue  réelle  des  possessions  du  sultan. 
L'Angleterre  et  la  France  se  rallièrent  à  cette  proposition. 

Les  trois  puissances  difiéraient  dans  leurs  appréciations  des  vraies 
limites  de  la  souveraineté  du  sultan;  toutefois  elles  s'entendirent  pour 
prescrire  à  leurs  commissaires  Un  mode  identique  de  procédure,  et, 
après  de  minutieuses  enquêtes,  ceux-ci  statuèrent  le  9  juin  1886  sur  les 
points  sur  lesquels  ils  étaient  d'accord.  Leur  décision  attribuait  au 
sultan  les  îles  de  Zanzibar,  de  Pemba,  de  Mafia  et  de  Lamou,  ainsi  que 
les  principaux  ports  et  rades  de  la  côte  depuis  la  rivière  Miningani  jus- 
qu'à Makdischou,  mais  sans  continuité,  sauf  entre  Dar-es-Salam  et  la 
Wanga;  vers  l'intérieur,  les  commissaires  lui  reconnaissaient  une  zone 
de  territoire  variable  de  trois  à  dix  milles  géographiques  à  partir  du 
littoral  ' . 

Toutefois  il  subsistait  une  divergence  entre  les  trois  puissances.  En 
«flfet  tandis  que  la  France  et  l'Angleterre  admettaient  une  ligne  continue 
de  possessions  du  sultan  à  la  côte,  l'Allemagne  contestait  cette  conti- 
nuité. Un  moment  il  fut  question  de  convoquer  une  conférence  en 
Europe  pour  vider  le  litige,  mais  le  prince  de  Bismarck  préféra  une  né- 
gociation directe  avec  le  gouvernement  anglais  et  le  résultat  en  fut 
l'adoption  de  la  convention  anglo-allemande  du  1**  novembre  1886,  dont 
nous  avons  donné  le  texte  (VIII'  année,  p.  89,  avec  carte,  p.  92). 

L'Allemagne  avait  obtenu  la  reconnaissance  officielle  de  son  état  de 
possession  dans  l'Afrique  orientale,  et  accepté  le  projet  d'établissement 
d'un  protectorat  britannique  s'étendantde  la  côte  de  l'Océan  indien  jus- 
qu'à la  région  des  sources  du  Nil.  La  contrée  du  Kilimandjaro  était 
partagée,  le  pays  de  Dschagga  demeurant  à  l'Allemagne,  celui  de  Taveta 
passant  à  l'Angleterre.  L'empire  allemand  reconnaissait  l'indépendance 
du  sultan  de  Zanzibar  et  sa  souveraineté  sur  une  zone  non  interrompue 
de  territoires  le  long  du  littoral,  de  Toungui  jusqu'à  Kipini  et  sur  une 
profondeur  uniforme  de  dix  milles  marins  à  l'intérieur.  Mais  comme  les 
possessions  allemandes  auraient  été,  dans  ces  conditions,  coupées  de  la 

'  Cf;  la  carte  p.  320,  et,  pour  la  Wanga,  celle  de  la  Vin»  année,  p.  92. 


—  339  — 

mer,  rAngleterre  promit  ses  bons  offices  pour  procurer  à  l'Allemagne 
Taffermage  des  ports  de  Dsuves-Salam  et  de  Pangam^  ainsi  que  Tadhé** 
sion  du  sultan  à  T Acte. général  de  la  conférence  de  Berlin,  sous  réserve 
des  principes  de  la.  liberté  commerciale. 

Dès  le  4  décembre  le  sultan  renonçait  h  ses^  prétentions  sur  la  région  * 
du  Kilimandjaro  et  concédait  Tusage  des  deux»  ports  contre  une  rede- 
vance. Le  8  du  même  mois  U  adhéra  à  T  Acte  général  de  la  conférence  de 
Berlin,  sous  réserve  du  principe  de  la  liberté  commerciale,  et  le  àiéme 
jour  la  France  donna  son  assentiment  à  Pentente  anglo^allemande. 

Parallèlement  à.  ces  négociations,  des  pourparlers  avaient  eu  lieu  entre 
les  représentants  de  T  Allemagne  et  de  T Angleterre  à  Zanzibar  et  le 
sultan,  en  vue  de  la  conclusion  d'un  traité  de  commerce,  destiné  à  com- 
bler la  lacune  résultant  de  la  réserve  stipulée  par  Sald  Bargasch  dans 
son  adhésion  à  l'Acte  général  de  la  conférence  de  Berlin.  Sir  J.  Kirk  se 
mit  d'accord  avec  le  consul  général  allemand  sui*  une  formule  destinée 
à  tous  les  traités  de  commerce  à  conclure  ultérieurement  par  les  princi- 
pales puissances  maritimes  ;  car,  ainsi  qu'il  l'écrivait  à  son  gouverne- 
ment «  le  traité  n'est  pas  fait  pour  l'avantage  de  quelques  individus, 
mais  dans  l'intérêt  commun  du  pays  lui-même  et  des  négociants  euro- 
péens en  général.  Un  trait  important  du  nouvel  arrangement  consiste 
en  ce  que  le  sultan,  ayant  acquis  un  intérêt  permanentà  voir  s'accroître 
la  prospérité  des  contrées  de  l'intérieur,  indépendamment  de  ses  droits 
de  souveraineté,  encouragera  probablement  les  entreprises  étrangères 
comme  celles  que  l'Angleterre  et  l'Allemagne  ont  en  vue,  et  accueillera 
avec  faveur  tout  gouvernement  ou  association  qui  essayera  de  dévelop- 
per les  ressources  de  ses  domaines  ou  des  pays  de  l'intérieur*»    . 

Le  traité  conclu  avec  l'Allemagne  le  20  décembre  1885,  le  fut  avec 
l'Angleterre  le  30  avril  1886.  Il  laissait  au  sultan  les  mêmes  revenus 
qu'il  avait  auparavant;  il  l'autorisait  à  percevoir  une  taxe  de  5  Vo  od 
rnUorefn  sur  tous  les  produits  importés,  y  compris  ceux  en  transit,  sauf 
les  alcools  qui  devaient  payer  25  7o«  Un  tarif  fixait  les  droits  à  percevoir 
à  l'expoi-tation  sur  dix-neuf  produits  indigènes. sans  distinction  de  pro- 
venance. 

Pendant  que  se  poursuivaient  ces  négociations,  deux  assodations  se 
fondaient  en  Allemagne  et  en  Angleterre  pour  l'occupation  et  l'exploita- 
tion des  territoires  réservés  à  l'influence  respective  des  deux  pays.  En 
Allemagne,  à  la  Société  coloniale  fut  substituée,  pour  ses  droits  et  ses 
possessions,  la  Compagnie  allemande  de  l'Afrique  orientale,  tandis  qu'en 
Angleterre,  ce  fut  la  British  East  African  Association  qui  devint  l'émule 
de  la  Compagnie  allemande. 


i 


—  340  — 

Les  territoires  placés  sous  le  protectorat  allemand  ou  réservés  à  ses 
développ^nents  futurs  s'étendaient,  du  nord  au  sud,  entre  le  massif  du 
Kilimandjaro  et  la  Bovouma,  et  de  Test  à  l'ouest  entre  l'Océan  indien 
et  les  lacs  Tanganyika  et  Nyassa,  sauf  le  littoral  maritime.  Us  devaient 
être  administrés  par  un  directoire  de  cinq  membres  nommés  pour  quinze 
ans.  Avant  le  soulèvement  des  indigènes,  la  Compagnie  de  l'Afrique 
orientale  y  possédait  déjà  treize  stations,  où  étaient  établis  de  nombreux 
ouvriers  européens  qui  donnaient  aux  cultures  un  développement  rapide. 
De  puissantes  maisons  de  commerce  la  secondaient  à  Zanzibar  ;  chaque 
mois  voyait  s'accroître  le  nombre  des  sociétés  de  commerce  et  d'exploi- 
tation. Le  mouvement  commercial  du  port  de  Zanzibar  avec  l'Allemagne 
était  estimé  à  6,000  tonnes  pour  une  valeur  de  cinq  millions  de  francs. 

La  zone  réservée  h  l'influence  anglaise  a  deux  bons  ports,  Mombas 
et  Mélinde,.  et  à  l'intérieur  s'étend  une  contrée  alpestre  comprise  entre 
les  deux  énormes  massifs  montagneux  du  Kilimandjaro  et  du  Kénia. 
Au  delà  s'étend  le  haut  plateau,  avec  les  lacs  Victoria  et  Albert-Nyanza 
et  les  États  de  TOu-Ganda,  de  l'Ou-Nyoro  et  la  province  gouvernée  par 
Émin  pacha.  La  British  East  African  Association  prit  pour  base  un 
traité  de  cession  conclu,  le  27  septembre  1884,  par  M.  Johnstone,  avec 
des  chefs  de  la  région  du  Ealimandjaro  et  transféré  par  lui  au  président 
de  la  Chambre  de  commerce  de  Manchester.  Une  fois  la  convention 
anglo-allemande  conehte,  elle  chercha  à  obtenir  du  sultan  de  Zanzibar 
une  concession  importante  pour  s'assurer  le  libre  accès  à  l'Océan  indien. 
Sald  Bargasch  était  demeuré,  en  vertu  de  la  convention  susmentionnée, 
souverain  d'une  zone  littorale  de  18  kilomètres  de  profondeur,  depuis 
l'embouchure  de  la  Rovouma  jusqu'à  la  Tana.  Par  contrat  du  24  mai 
1887,  la  Compagnie  anglaise  obtint,  pour  un  terme  de  cinquante  années, 
de  se  charger,  au  nom  et  sous  le  pavillon  du  sultan,  de  l'entière  admi- 
nistration de  ses  domaines  entre  la  rivière  Wanga  et  Kipini,  du  4**  30'  au 
2*"  35'  lat.  sud.  En  vertu  du  susdit  contrat,  la  Société  peut  faire  des  lois 
et  règlements,  établir  des  impôts,  organiser  la  force  publique,  créer  des 
tribunaux,  régler  la  navigation.  Elle  nomme  ses  agents  comme  les 
juges,  et  traite  avec  les  chefs  indigènes  sous  réserve  de  l'approbation  du 
sultan.  Elle  dispose  des  terres,  des  forts  et  des  bâtiments  publics.  Elle  a 
l'administration  des  ports,  elle  fixe  les  tarifs  de  douane  comme  les 
autres  taxes,  sauf  les  droits  acquis  par  les  tierces  puissances,  et  en 
encaisse  le  produit,  à  condition  de  vei*ser  au  trésor  du  sultan  le  montant 
total  des  droits  d'entrée  actuels  et  50  Vo  du  produit  des  taxes  nouvelles. 
La  Compagnie  acquiert  des  privilèges  exclusifs  pour  la  vente  et  la  loca- 


—  341  — 

tioQ  des  terres,  la  redierche  et  l'exploftathm  des  mines  et  forêts,  la 
coDStructioB  de  routes,  canaux,  chemins  de  fer,  etc.  Elle  se  réserve  la 
faculté  de  prohiber  Timportatioff  de  certaines  mai'chandises  telles  que 
les  armes,  les  munitions  de  guerre,  les  liqueurs  enivrantes.  Â  l'expira- 
tion des  cinquante  années  de  la  concession,  le  sultan  ou  ses  héritiers 
pourront,  moyennant  expertise  par  dès  arbitres,  reprendre  les  établisse- 
ments de  la  Compagnie. 

Dès  lors  la  Compagnie  s'est  fortement  constituée,  avec  un  Comité  qui 
a  pour  président  M.  W.  Mackinnon,  le  promoteur  de  l'expédition 
anglaise  envoyée  au  secours  d'Émin  pacha  sous  les  ordres  de  Stanley,  et 
pour  vice-président  lord  Drassey,  l'ex-lord  civil  de  l'amirauté  dans  le 
dernier  ministère  Gladstone.  Le  Conseil  d'administration  compte  parmi 
ses  membres  le  général  Donald  Stewart,  TeaL-^^onsuI  général  anglais  h 
Zanzibar,  sir  John  Kirk,  l'ex-gouvemeur  du  Congo,  sir  Francis  de 
Winton.  Son  capital  nominal  est  d'un  million  délivres  sterling.  Elle  s'est 
fait  octroyer  par  la  reine  d'Angleterre  une  diarte,  aux  termes  de 
laquelle  elle  a  pour  objet  le  développement  du  commerce,  des  transac- 
tions et  d'un  bon  gouvernement  dans  les  régions  concédées.  Elle  aura 
toutes  les  prérogatives  des  gouvernements.  La  charte  oblige  la  Com- 
pagnie à  rester  anglaise,  à  avoir  son  administration  centrale  dans  la 
Grande-Bretagne,  et  ses  représentants  principaux  dans  l'Afrique  orien- 
tale. Tous  les  directeurs  et  administrateurs  devront  être  sujets  britan- 
niques. La  Société  devra  décourager  le  commerce  des  esclaves  et  l'escla- 
vage. Tous  les  différends  qui  pourront  s'élever  entre  la  Compagnie  d'une 
part,  et  le  sultan  de  Zanzibar,  les  chefs  ou  les  tribus  d'autre  part, 
devront  être  soumis  à  la  juridiction  du  secrétaire  d'État. 

A  peine  le  contrat  conclu  par  M.  Mackinnon  avec  le  sultan  de  Zanzibar 
était-il  connu  de  la  Compagnie  allemande  de  l'Afrique  orientale,  que 
celle-ci  s'efforça  d'obtenir  la  même  faveur  pour  la  zone  littorale  qui 
sépare  ses  possessions  de  l'Océan  indien,  entre  la  baie  de  Toungui  et  l'em- 
bouchure de  la  Wanga,  du  10''  40'  au  4°  30'  lat.  sud.  Le  sultan  Saïd 
Bargasch,  qui  avait  déjà  concédé  à  la  Compagnie  l'usage  des  ports  de 
Dar-es-Salam  et  de  Pangani,  ne  pouvait  guère  lui  refuser  ce  qu'il  avait 
accordé  à  la  British  East  Afincan  Company.  Le  D'  K.  Petei-s  obtint  en 
effet  im  contrat  de  la  même  nature  que  1^  précédent  ;  toutefois  la  direc- 
tion de  la  Compagnie  allemande  de  l'Afrique  orientale  en  trouvant  les 
conditions  trop  onéreuses  refusa  sa  ratification.  Sur  ces  entrefaites  Saïd 
Bargasch  mourut,  et  ce  fut  avec  son  successeur  Sald  Khalifa,  que  le 
consul  général  de  l'empire  allemand,  M.  Michahelles,  agissant  en  même 


—  342  — 

temps  GOBime  fondé  de  pouvoirs  de  la  Compagnie  allemfmde,  signa,  le 
28  avril  dernier,  une  convention  iavestissant  cette  Société  de  Tadminis- 
tration  de  la  zone  littorale  réservée  au*sultan  de  Zanzibar,  ainm  que  de 
Taffermage  des  droits  de  douane,  pour  une  durée  analogue  à  celle  du 
contrat  anglais,  c'estrà-dire  cinquante  années.  Les  stipulations  du  contrat 
sont  à  peu  près  les  mômes  que  celles  de  la  convention  conclue  avec  la 
British  East  African  Company.  Il  fut  convenu  que  la  Compagnie  alle- 
mande de  TAfrique  orientale  prendrait  charge  des  douanes  à  partir  du 
15  août  1888. 

A  cette  date,  en  effet,  des  agents  de  la  dite  Société  étaient  enroyés 
dans  chacun  des  ports  compris  dans  le  territoire  concédé  ;  la  nouvdle 
administration  des  douanes  était  organisée.  Peu  de  jours  après,  le  pavil- 
lon de  la  Société  all^nande  flottait  au-dessous  de  celui  du  sultan.  Les 
walis,  représentants  de  ce  dernier,  refusèrent  tout  d'abord  de  donner 
leur  assentiment  aux  agents  allemands.  Bagamoyo,  depuis  longtemps 
le  point  de  départ  le  plus  important  des  caravanes  pour  Tintérieur  et  le 
port  le  plus  fréquenté  par  les  Européens,  donna  le  signal  du  méconten- 
tement. Les  troubles  se  bornèrent  à  une  mutinerie;  quelques  matelots 
allemands  débarqués  suflirent  pour  calmer  les  esprits  mécontents. 
L'imagination  orientale  n'en  allait  pas  moins  bon  train.  Les  impôts  éta- 
blis, dit-on,  sur  chaque  pied  de  cocotier,  l'income-tax,  et  les  formalités 
auxquelles  fut  soumise  la  sortie  des  marchandises,  furent  le  point  de 
départ  de  troubles  à  Tanga,  Pangani,  Lindi  et  Quiloa. 

Bien  cependant  dans  ces  formalités  n'était  de  nature  à  surexciter  les 
indigènes  au  point  de  leur  faire  prendre  les  armes.  Les  clauses  de  la 
proclamation  de  M.  Ernest  Vohsen,  directeur  de  la  Compagnie  alle- 
mande de  l'Afrique  orientale  étaient  loin  d'être  comminatoires.  Le 
régime  nouveau  ne  se  distinguait  guère  de  l'ancien  qu'en  ce  qu'il  était 
établi  sur  des  bases  européennes,  déterminant  en  détail  les  soumissions 
à  faire  h  la  Société. 

En  voici  les  stipulations  : 

1.  Les  droits  sur  marchandises  de  toutes  sortes,  exportées  de  la  côte  entre  la 
rivière  Umba  et  la  rivière  Rovouma,  qui,  d'après  les  traités,  doivent  être  payés  à 
la  côte,  seront  payés  jusqu'à  nouvel  ordre  aux  ports  d'entrée  suivants  :  Tanga, 
Pangani,  Bagamoyo,  Dar-es-Salam,  Kilva-Eivinje,  Lindi,  Mikindani. 

2*  Quiconque  exportera  ou  importera  des  marchandises  de  ou  dans  ces  ports, 
est  tenu  de  les  faire  examiner  à  Pendroit  désigné  à  cet  effet  en  douane;  il  n'est  pas 
permifi  de  charge  ou  de  débarquer  dea  marchandises  à  d'autres  endroits  que  ceux 
qui  sont  désignés  pour  le  débarquement  et  pour  l'embarquement  dans  ces  poris. 


—  343  — 

3.  Après  que  les  maroHandlscs  auront  été  o^^tminées  et  pesées,  les  droits  -— 
siÙTaiit  les  traités  —  devront  ètite  payés  en  argent  ou  en  nature,  dans  k  boreaa 
du  percepteur.  La  valeur  de  cliaque  classe  de  niarchandises  sur  laquelle  les  droita 
doÎTent  ôtre  prélevés  sera  établie  par  une  liste  affichée  en  douane.  La  liste  sera 
apposée  mensuellement  et  sera  basée  sur  les  cours  de  la  douane  de  Zanzibar. 

4.  Après  payement  des  droits,  le  chargeur  recevra  un  laisses-passer,  qui  lui 
permettra  de  quitter  le  port.  A  Parrivée  à  Zanùbar,  ce  laisaes-passer  devra  être 
montré  et  délivré  aux  agents  douaniers  du  sultan,  comme  preuve  que  les  droita 
ont  été  payés. 

5.  Des  postes  douaniers  seront  établis  à  «Saadani,  Bweni,  Ei]ctti\ja,  Samanga,. 
Kilva-Kisiwani  et  SudL 

Les  marchandises  destinées  seulement  à  Zansibar  ou  à  l'un  des  ports  compri» 
entre  la  rivière  Umba  et  la  Rovouma  pourront  être  embarquées  dans  ces  postes. 
Le  chargeur  aura  à  apporter  les  marchandises  en  douane,  où  elles  seront  enre» 
gîstrées;  il  recevra  un  laissez-passer  l'autorisant  à  les  expédier. 

6.  Les  droits  sur  les  marchandises  seront  payés  après  Parrivée  du  bateau  à 
Zanzibar  aux  agents  de  la  douane,  qui  vérifieront  ces  marchandises,  et,  aprèa 
examen,  donneront  au  propriétaire  l'autorisation  de  retirer  la  marchandise  de  la 
douane.  —  Cette  autorisation  sera  toujours  donnée  de  concert  avec  les  agents  de  la 
Compagnie  allemande. 

7.  Sur  toutes  les  marchandises  embarquées  d'un  port  dans  un  autre,  compris 
entre  la  rivière  Umba  et  la  Rovouma,  les  droits  seront  payés  au  port  d'embar» 
quement.  —  Ces  droits  seront  cependant  remboursés,  sur  la  preuve  que  les  mar- 
chandises ont  été  consommées  par  le  port  d'importation  et  non  réexportées. 

8.  Toutes  les  marchandises  embarquées  àam  les  postes  douaniers  ci-dessus 
mentionnés  et  non  destinées  à  Zanzibar  ou  à  l'un  des  ports  compris  entre  lea 
limites  ci-dessus,  devront  être  apportées  dans  l'un  des  ports  où  sont  installées  des 
douanes  pour  le  payement  des  droits.  Si  le  chargeur  néglige  de  se  conformer  à 
ced,  il  tombe  sous  le  coup  de  l'art.  14  de  la  présente  ordonnance. 

9.  Aucune  marchandise  ne  peut  être  exportée  d'une  autre  place  de  la  côte  que 
celles  qui  sont  désignées  ci-dessus. 

10.  Les  marchandises  ne  venant  pas  de  Zanzibar,  mais  d'ailleurs,  qui  doivent 
être  importées  dans  les  douanes  comprises  dfuis  les  limites  ci-dessus  désignées, 
ne  peuvent  être  débarquées  que  dans  un  des  seçt  ports  d'entrée,  où  les  droits 
seront  payés. 

11.  Les  chargeurs  désireux  de  payer  les  droits  à  Zanzibar  doivent,  au  moment 
des  formalités  à  la  côte,  donner  une  déclaration  de  leur  intention  de  faire  ainsi, 
en  désignant  la  nature  et  la  valeur  de  leurs  marchandises.  Les  droits  devront  être 
payés  à  l'arrivée,  au  bureau  de  la  Compagnie  allemande. 

12.  Les  marchandises  dont  les  droits  auraient  d^'à  été  payés  à  Zanzibar 
doivent  être  accompagnées  d'un  permis  des  agents  de  la  douane  de  Zanzibar,  afin 
de  passer  libres  au  moment  de  leur  entrée  à  la  côte. 

Celui  qui  aura  l'intention  d'exporter  une  marchandise  de  Zanzibar  à  la  côte. 


—  344  — 

doit  en  iiiformer  le  dtrectear  des  douimes  de  Zanzibar  et  la'  Oompag^nie  allemande 
de  l'A^qve  orientale,  et  prendre  un  permis.  Cependant,  une  marchandise  dont 
les  droits  n'auront  pas  été  payés  à  Zanzibar,  est  tenue  d'en  payer  les  droits  à  la 
côte  de  la  même  façon  que  pour  les  marchandises  de  l'article  10  de  cette  ordon- 
nance. Le  permis  devra  être  délivré  à  l'agent  de  la  douane  du  port  de  la  côte 
où  les  marchandises  seront  importées. 

13.  Les  marchandises  ne  pourront  être  importées  sans  droits  à  la  côte,  que  sur 
la  production  de  ce  permis. 

Si  ce  permis  n'est  pas  présenté  à  la  douane  du  port  de  la  côte,  les  marchan- 
dises auront  à  payer  les  droits  mentionnés  dans  l'article  10  de  cette  ordon- 
nance, suivant  le  tarif,  et  tomberont  sous  les  règles  auxquelles  sont  soumises  les 
marchandises  importées  d'en  dehors  de  Zanzibar  à  la  côte. 

14.  Tout  chargeur  est  tenu  de  présenter  un  permis  ou  un  laissez-passer  aux 
agents  de  la  Compagnie  allemande  de  l'Afrique  orientale  à  la  côte,  si  on  le  lui 
demande. 

Tout  vaisseau  venant  de  Zanzibar  ou  de  la  partie  de  la  côte  comprise  dans 
les  limites  de  l'Association  sans  permis  ou  certificat,  en  contravention  avec  cette 
ordonnance,  est  considéré  comme  en  contrebande  et  peut  être  saisi  avec  son 
chargement. 

(Les  chargeurs  aussi  bien  que  les  propriétaires  et  les  capitaines  à  Zanzibar  et 
à  la  côte  sont  très  vivement  priés  de  prendre  connaissance  de  ces  règlements  et 
de  s'y  soumettre.) 

15.  Dans  tous  les  cas  de  différend  ou  de  dispute  ne  pouvant  être  réglés  au  sujet 
du  montant  des  droits  à  payer  d'après  les  traités,  le  fait  devra  être  soumis  aux 
autorités  de  Zanzibar,  qui  décideront;  jusqu'au  moment  de  cette  décision,  les 
marchandises  formant  l'objet  de  la  dispute  seront  détenues  en  douane,  à  l'endroit 
où  a  eu  lien  la  dispute,  ou  bien  le  chargeur,  s'il  désire  prendre  possession  de  sa 
marchandise,  déposera  entre  les  mains  du  directeur  de  la  douane,  sous  protêt,  le 
montant  des  droits  réclamés,  pour  lequel  un  reçu  lui  sera  délivré. 

Sans  doute  on  ne  pouvait  guère  espérer  passer  de  l'ancien  régime  au 
nouveau  sans  rencontrer  quelques  difficultés.  Mais  on  était  loin  de  s'at- 
tendre au  soulèvement  des  indigènes. 

Ce  furent  d'apord  les  Arabes  et  les  natifs  de  Pangani  et  de  Tanga  qui 
s'opposèrent  à  ce  que  le  pavillon  de  la  Compagnie  allemande  fût  hissé. 
En  présence  de  cette  opposition  des  sujets  du  sultan,  les  Allemands 
demandèrent  à  celui-ci  des  soldats  irréguliers  pour  faire  rentrer  dans 
l'ordre  les  insoumis  et  leur  faire  comprendre  que  Sald  Khalifa  était 
d'accord  avec  les  agents  allemands.  Le  vapeur  Braiva,  appartenant  au 
sultan,  ayant  à  son  bord  une  centaine  de  soldats  irréguliers,  se  vit  refu- 
ser l'entrée  de  Pangani.  Des  embarcations  portant  des  irréguliers, 
accompagnés  d'agents  de  la  Compagnie  allemande,  ne  purent  accoster 
la  terre  sans  s'exposer  à  être  mitraillés.  Les  officiers  du  sultan  insisté- 


—  345  — 

reot.  Biais  les  menaces  des  indigèiies  groupés  sur  la  plage  devinrent  si 
pressantes,  que  force  fut  de  retourner  h  bord.  Aux  sommations  qui  leur 
furent  faites,  les  indigènes  répondirent  qu'ils  ne  voulaient  voir  aucun 
Européen  s'installer  chez  eux,  et  qu'ils  ne  voulaient  plus  reconnaître 
l'autorité  du  sultan,  du  moment  que  celui-ci  remettait  l'administration 
de  leur  pays  à  des  étrangers. 

Pendant  ce  temps,  d'autres  événements  aussi  graves  se  passaient  à 
Tanga,  à  quelques  heures  au  nord  de;  Pangani.  Une  embarcation  du 
navire  de  guerre  allemand,  la  Moewe,  qui,  malgré  le  refus  des  indigènes, 
s'avançait  vei-s  le  rivage  pour  y  débarquer  quelques  soldats,  fut  reçue 
par  une  pluie  de  balles  ;  deux  matelots  furent  blessés  et  l'embarcation 
dut  regagner  le  navire.  La  Moewe,  alors,  bombarda  Tanga  pendant  toute 
la  nuit,  et  une  trentaine  d'Arabes,  dit-op,  y  périrent.  Dès  que  le  fait  fut 
connu  à  Zanzibar,  des  vaisseaux  de  guerre  anglais  furent  dépêchés  pom- 
porter  secours  aux  Hindous,  sujets  anglais,  étabhs  à  Tanga.  Des  navires 
de  guerre  allemands  se  rendirent  en  même  temps  sur  les  lieux  pour  voir 
dans  quelle  disposition  d'esprit  étaient  les  indigènes  après  ce  bombarde- 
ment. Quand  les  Anglais  voulurent  descendre  à  terre,  les  indigènes  leur 
déclarèrent,  comme  ils  l'avaient  fait  aux  Allemands,  qu'ils  ne  voulaient 
voir  chez  eux  aucun  Européen,  quel  qu'il  fût.  Tous  les  navires  de  guerre 
rentrèrent  à  Zanzibar  pour  y  attendre  des  instructions  de  leurs  gouver- 
nements respectifs. 

Malheureusement  les  faits  qui  se  passaient  à  Tanga  ne  devaient  pas 
rester  isolés.  Des  troubles  avaient  lieu  simultanément  à  Quiloa  et  à 
Lindi,  manifestant  une  effervescence  générale  dans  l'esprit  des  peuplades 
de  l'Afrique  orientale. 

Il  ne  paraît  pas  cependant  que  cette  agitation  se  soit  étendue  à  la 
partie  de  la  côte  située  au  nord  de  l'embouchure  de  la  Wanga,  jusqu'à 
Kipini,  non  plus  qu'à  la  possession  allemande  de  Witou  au  nord  de  cette 
dernière  localité.  En  plaçant  Witou  sous  son  protectorat,  l'Allemagne 
se  proposait  d'étendre  celui-ci  au  pays  des  Somalis  avec  les  chefs  des- 
quels des  agents  de  la  Société  coloniale  allemande  avaient  conclu  des 
traités;  peut-être  aussi  espérait-elle  obtenir  du  sultan  de  Zanàbar, 
demeuré  possesseur  de  Kismayou,  Barawa,  Merka,  Makdischou,  War- 
scheïck,  la  concession  de  l'administration  de  ces  villes  et  de  leur  terri- 
toire comme  elle  avait  obtenu  celle  delà  zone  du  littoral,  de  l'embouchure 
de  la  Wanga  à  celle  de  la  Rovouma.  Mais  l'Italie  a  élevé  des  prétentions 
sur  Kismayou,  au  débouché  du  fleuve  Juba  dans  l'océan  Indien  ;  et  pour 
le  moment  du  moins  ni  l'Allemagne,  ni  l'Angleterre  —  à  supposer  que 


'  ^- 


vil 


—  346  — 

celle-ci  désire  agrandir  le  territoire  de  son  protectorat  —  ne  t>euveût 
^songer  à  intervenir  en  faveur  du  sultan  contre  les  Italiens,  ou  en  faveur 
de  ceux-ci  contre  Saïd  Khalifa. 

JusquMei  il  serait  prématuré  de  vouloir  indiquer  d'une  manière  cer- 
taine la  cause  du  soulèvement  des  indigènes.  Les  bruits  les  plus  divers  à 
cet  égard  circulent  dans  les  journaux.  Les  Anglais  l'attribuent  au  man- 
que de  prudence  et  de  douceur  des  Allemands  dans  la  prise  de  possession 
de  Tadministration  des  ports  et  deâ  douanes.  De  leur  côté  les  Allemands 
reprochent  aux  Anglais  d'avoir  intrigué  contre  eux  par  ressentiment 
<i'avoir  vu  l'Allemagne  devancer  l'Angleterre  dans  la  déclaration  de 
protectorat,  sur  des  territoires  d'ime  région  que  celle-ci  considérait 
déjà  conmie  une  quasi-possession  britannique.  D'autres  estiment  que 
l'insurrection  a  pour  instigateurs  les  rois  et  les  chefs  nègres,  qui  redou- 
tent de  voir  apporter  des  entraves  à  la  traite  des  esclaves.  Les  musul- 
mans marchands  d'esclaves  pousseraient  activement  à  la  révolte  et 
conseilleraient  le  massacre  de  tous  les  blancs. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  la  cause  de  l'agitation,  tous  les  Allemands,  ainsi 
que  tous  les  agents  douaniers  allemands  établis  à  la  côte  ont  été  rappe- 
lés k  Zanzibar  ;  les  communications  avec  l'intérieur  sont  coupées,  et  il 
ne  peut  plus  être  question,  pour  le  moment  du  moins,  de  mettre  à  exé- 
cution le  projet  d'une  expédition  allemande  pour  porter  secours  à  Émin 
pacha  en  prenant  Zanzibai*  pour  point  de  départ.  D'après  l'Inrfépen- 
darice  hélge,  l'ordre  de  la  suspendre  est  parti  de  la  chancellerie  impé- 
riale de  Berlin.  Le  gouvernement  allemand  paraît  redouter  un  soulève- 
ment général  des  indigènes  de  l'Afrique  centrale  orientale,  ce  qui  le 
mettrait  dans  l'alternative  ou  d'abandonner  Wissmann  et  ses  compa- 
gnons à  leur  sort,  comme  l'Angleterre  l'a  fait  pour  Gordon,  ou  de  s'en- 
gager dans  une  entreprise  aventureuse  dont  l'issue  n'est  rien  moins  que 
certaine.  Si  le  soulèvement  des  indigènes  sur  la  côte  de  Zanzibar  n'est 
que  local,  le  gouvernement  estime  qu'il  vaut  mieux  attendre  qu'il  se  soit 
calmé  de  lui-même. 

Si  les  causes  de  l'insurrection  étaient  parfaitement  connues,  il  serait 
peut-être  possible  de  prévoir  jusqu'où  elle  s'étendra.  Mais  dans  le  doute, 
il  serait  téméraire  de  rien  dire  d'avance  à  cet  égard.  Il  faut  attendre 
les  résultats  de  l'enquête  que  ne  manqueront  pas  de  faire  sur  les  lieux 
les  représentants  des  deux  puissances  les  plus  intéressées  au  rétablisse- 
ment de  l'ordre  et  des  relations  pacifiques. 


—  347  — 


BIBLIOGRAPHIE' 

Eug.  EéveiUaud.  Uke  bxûuhsiok  au  Sâhâra  algérien  bt  TumsifiN. 
Paris  (Fischbacher),  1887,  in-12,  232  p.,  fr.  3.50.  —  Cédant  aux  sollici- 
tations de  quelques  amis,  M.  E.  Réveillaud  a  réuni  en  volume  les  lettres 
publiées  par  lui  dans  le  journal  le  Signal  dont  il  est  rédacteur.  Il  s'agit 
d'une  ^cursion  de  quatre  s^fnaines,  faite  au  printemps  de  1887,  dans 
la  région  du  nord-est  saharien.  Fatigué  par  Un  travail  considérable, 
c'est  sur  l'ordre  du  médecin  qu'il  s'est  rendu  dans  cette  région,  où, 
grâce  à  l'amabilité  du  commandant  du  cercle  supérieur  de  Khenchela, 
il  a  pu  faire  une  étude  très  intéressante  du  Sahara  algérien  et  tunisien 
et  de  ses  populations.  A  l'exception  de  la  vallée  des  Beni-Barbar,  la  con- 
trée parcourue  a  été  décrite  maintes  fois.  Les  ingénieurs  y  ont  déjà  passé 
avec  tous  leurs  instruments  d'arp^itage  ;  mais,  grâce  aux  conditions 
exceptionnelles  dans  lesquelles  il  faisait  ce  voyage,  M.  Réveillaud  a  pu 
voir  mieux  et  plus  complètement  que  d'autres  touristes.  En  outre,  il 
écrit  bien  ;  sa  relation  est  pleine  d'humour  et  se  lit  si  facilement  qu'on 
tourne  les  pages  les  unes  après  les  autres  sans  s'apercevoir  du  chemin 
parcouru.  H  est  vrai  qu'il  n'^t  pas  très  long  ce  chemin  :  Parti  de 
Khenchela,  après  avoir  visité  les  ruines  de  Baghala  situées  dans  le  voisi- 
nage, le  voyageur  passa  par  Khanga,  Sidi-Nadji,  Tamerza,  Tozer,  Nefta, 
puis  revint  â  Khanga  et  de  là  à  Khenchela  par  la  vallée  des  Beni-Barbar. 

La  descripti<m  de  cette  vallée,  l'une  des  moins  connues  de  l'Algérie 
est  peut-être  la  partie  la  plus  intéressante  du  récit.  L'Oued  Beni-Barbar 
est  situé  à  l'est  de  l'Oued  el  Arab  et  se  développe  parallèlement  à  celui- 
ci.  Il  descend  des  montagnes  désignées  dans  les  atlas  sous  le  nom  de 
chaîne  de  PAurès,  et  débouche  dans  le  Sahara,  après  avoir  porté  plu- 
sieurs noms  sur  son  parcours.  Cette  vallée  a  un  caractère  de  beauté 
sauvage  que  M.  Réveillaud  a  fort  bien  su  faire  ressortir.  La  description 
qu'il  donne  de  la  nature  physique  de  cette  vallée  et  d'autres  territoires 
parcourus  est  entremêlée  d'anecdotes,  de  traits  de  mœurs,  de  digres- 
sions historiques  qui  donnent  du  charme  au  rédt.  Le  lecteur  se  récrée 
en  s'instruisant. 

D'  Freiherr  von  Danckelmann.  Mittheilunoen  von  Fobschungs- 

^  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  G^org,  à  Genèye  et  à  Bàle,  tous  les 
ourrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  cmUeée. 


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—  348  — 

BEISEMDEN  UND  GeLEHBTEN  ÂUS  DEN  DBUTSOHEK  SCHITTZOEBIETEN.  Ber- 
lin (A.  Asher  et  0,%  1888,  m-8%  2**  Heft,  56  pages  ill.  et  cartes,  fr.  5. 
— Nous  avons  déjà  parlé  de  cette  publication  et  du  but  qu'elle  poursuit, 
en  analysant  la  pr^nière  livraison.  La  deuxième  est  principalement  con- 
sacrée à  l'Afrique  et  à  la  colonie  du  Cameroun.  Au  début,  elle  renfiMme, 
en  quelques  lignes,  des  nouvelles  de  l'expédition  de  M.  von  François 
dans  le  territoire  de  Togo.  Ensuite  viennent  plusieurs  articles  intéreg- 
sants  :  coup-d'œil  sur  les  voyages  accomplis  pendant  les  années  1885  et 
1886,  dans  la  colonie  du  Cameroun;  voyage  de  M.  de  Puttkajner  daos 
le  bassin  du  Bakwiri  ;  expédition  du  D' Zintgraff  ;  traces  d'apparitioDS 
volcaniques  dans  les  montagnes  du  Cameroun  ;  flore  du  Grrand  Bataaga. 
Une  belle  carte  au  1  :  770,000  de  la  colonie  du  Cameroun  accompagne 
ce  niunéro;  elle  renferme  les  itinéraires  des  expéditions  de  MM.  Kund, 
Tappenbeck  et  Weissenborn  à  Makoung  et  à  Guataré;  de  M.  Vanselow 
au  Petit  Batanga  et  à  Edea  ;  de  M.  Puttkamer  au  Wouri  ;  du  D'  Zint- 
graif  à  Bouti,  au  fleuve  Moungo  et  à  Bioko  ;  du  D''  Schwarz  au  Moungo; 
de  M.  Schuckmann  au  Rio  del  Key  ;  enfin  de  M.  Stubenrauch  au  fleuve 
Massake. 

D'  Welwitsch,  Quelques  notes  sur  la  géologie  d'ANooLA,  ooobdon- 
NiEs  ET  annotées  pajp  Paul  Clioffat.  19  p.  avec  planches.  —  Le 
D'  Welwitsch  est  un  naturaliste  allemand  qui,  en  1:853,  fut  chargé  par 
le  gouvernement  portugais  de  faire  l'exploration  scientifique  de  la  pro- 
vince d'Angola.  Il  y  séjourna  durant  sept  années  consécutives  et  revint 
en  Europe  pour  y  étudier  et  classer  ses  collections.  Mais  il  mourut  avant 
d'avoir  eu  le  temps  de  terminer  son  œuvre.  La  botanique  était  le  but 
principal  de  ses  études  ;  on  sait  qu'il  a  laissé  son  nom  à  l'un  des  spéci- 
mens les  plus  extraordinaires  de  la  flore  africaine,  le  Wehvitsohia  mm" 
bilis  de  la  famille  des  gnétacèee.  Toutefois  il  n'a  pas  négligé  les  ohset- 
vations  géologiques,  car  ses  notes  renferment  un  gi*and  nombre  de  des- 
sins, de  coupes  se  rapportant  à  la  géologie.  M.  Chofi'at  en  a  fait  le  dé- 
pouillement dont  il  donne  le  résumé  dans  la  brochure  que  nous  annon- 
çons. Plusieurs  planches,  construites  d'après  un  calque  des  de^ns  de 
Welwitsch,  ornent  ce  petit  mémoire  qui  sera  lu  avec  intérêt  par  les  amis 
de  la  géologie. 


—  349  — 

BULLETIN  MENSUEL  (5  décembre  1888  «). 

La  Contemporary  Review  a  publié,  sur  T Al§^érie  et  sur  le  rôle  que 
la  France  y  a  joué  depuis  un  demi-siècle,  un  article  dû  à  im  publiciste 
anglais  des  plus  autorisés,  M.  Grant  Allen,  auquel  nous  empruntons  ce 
qui  suit,  d'autant  plus  volontiers  que  l'auteur  étant  Anglais,  son  impar- 
tialité ne  peut  faire  l'objet  d'aucun  doute.  «  U  semble,  »  dit-il,  «  que  nous 
n'ayons  jamais  estimé  à  sa  juste  valeur  l'importance  de  l'effort  tenté 
par  la  France  pour  ramener  la  Berbérie  sous  l'influence  de  la  civilisation 
chrétienne.  Accoutumés  à  ne  considérer  l'Afrique  qu'au  point  de  vue  de 
nos  propres  relations  commerciales  par  les  voies  du  Congo,  du  Nil  et  du 
Zambèze,  nous  avons  perdu  de  vue  l'importance  réelle  de  l'entreprise 
française  en  Algérie,  dont  aucune  jalousie  mesquine  ne  viendra,  espérbns- 
le,  entraver  les  progrès.  Un  observateur  consciencieux  envisageant  les 
incroyables  résultats  que  la  France  est  paiTenue  à  obtenir  en  un  peu 
plus  d'un  demi-siècle,  ne  pourra  qu'admettre  que  cette  conquête  du 
nord  de  l'Afrique  a  été  un  véritable  bienfait  pour  le  monde  civilisé.  La 
France  s'est  emparée  d'un  véritable  repaire  de  bandits,  ennemis  de  la 
civilisation  et  du  commerce,  et  a  complètement  transformé  le  pays.  Elle 
a  droit  à  la  reconnaissance  de  toutes  les  nations,  qui  ont  pour  devoir  de 
lui  venir  en  aide  afin  d'achever  une  entreprise  aussi  noblement  commen- 
cée. L'Algérie  possède  un  réseau  de  chemins  de  fer  dont  l'importance 
augmente  chaque  année  et  sa  colonisation  est  une  œuvre  superbe  qui 
est  loin  d'être  terminée.  Sa  position  géographique  est  la  plus  favorable 
possible^  le  sol  est  extrêmement  feitile  et  le  climat  délicieux,  et  il  est  in- 
discutable que  des  capitaux  et  des  travailleurs  ne  négligeront  plus  long- 
temps un  pays  situé  à  vingt-huit  heures  de  Marseille  et  aussi  riche  que 
l'Amérique  occidentale.  »  L'auteur  examine  ensuite  quels  seront  les 
résultats  probables  de  la  civilisation  sur  les  différentes  races  habitant 
l'Algérie.  Il  croit  que  les  Kabyles,  accoutumés  au  travail  régulier,  adop- 
teront facilement  les  mœurs  européennes,  mais  il  est  persuadé  que 
l'Arabe  nomade  finira  par  disparaître.  Quant  à  l'effet  de  la  civilisation 
du  nord  de  l'Afrique  sur  le  reste  du  continent,  M.  Grant  Allen  croit  que 
l'infranchissable  Sahara  formera  une  barrière  perpétuelle.  Le  nord  de 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Nouvdles  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
PAlgérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

L'APRIQTJB.   —   NEUVIÈME  ANNÉE.   —   N^   12.  12 


VP-^^^ 


—  350  — 

l'Afrique  deviendra  européen,  le  continent  mystérieux  commencera  aux 
limites  extrêmes  du  désert.  Cependant,  la  France  aura,  directement  ou 
indirectement,  contribué  à  ouvrir  au  commerce  et  à  la  civilisation  tes 
immenses  régions  de  l'Afrique  centrale,  car  déjà  les  marchandises  fran- 
çaises pénètrent  dans  l'intérieur  et  les  chemins  de  fer  atteignent  les  li- 
mites du  désert.  Nul  doute  que  dans  l'avenir  ces  communications  ne 
s'étendent  jusqu'à  l'intérieur  de  ces  régions  barbares. 

Au  milieu  des  différentes  sectes  musulmanes  habitant  l'Algérie,  les 
MaEabites,  qui  ont  des  mœurs  et  des  pratiques  spéciales,  forment  en 
quelque  sorte  un  peuple  à  part.  Ils  ont  sur  le  Coran  des  interprétations 
qui  diffèrent  de  celles  des  autres  musulmans  et  qui  inspirent  une  certaine 
méfiance  à  leurs  coreligionnaires.  Aussi  le  sentiment  d'hostilité  latente 
et  héréditaire  qui  existe  entre  les  Mzabites  et  les  autres  sectes  crée, 
pour  les  premiers,  des  difficultés  et  des  complications  fréquentes  dans  le 
règlement  de  leurs  affaires  d'intérêt.  Pour  tous  leurs  actes  judiciaires, 
les  Arabes  sont  dans  l'obligation  de  recourir  à  la  juridiction  du  cadi.  Or, 
ce  fonctionnaire  a  toujours  été  pris  dans  la  classe  musulmane  propre- 
ment dite,  et  la  dissemblance  de  mœurs  et  de  religion,  la  différence 
d'interprétation  du  Coran,  dont  le  texte  forme  l'unique  loi  du  musul- 
man, mettent  les  Mzabites  dans  une  situation  difficile  qui  pourrait 
parfois  dégénérer  en  persécution.  Pour  leur  donner  satisfaction,  il  suffi- 
rait, ainsi  qu'ils  le  demandent,  de  nommer  trois  cadis  mzabites,  un  dans 
le  chef-lieu  de  chaque  département  de  l'Algérie.  A  cet  effet,  ils  ont 
adressé  une  requête  au  gouverneur  de  l'Algérie,  en  lui  exprimant  leur 
désir  de  pouvoir,  à  l'avenir,  soumettre  à  des  juges  appartenant  à  leur 
secte  toutes  les  questions  ayant  pour  but  de  liquider  les  successions 
des  Mzabites  décédés  en  Algérie.  Leui*s  cadis  auraient  aussi  pour  mission  : 
P  De  recevoir,  avec  minute,  tous  les  actes  de  prêts,  sur  immeubles  situés 
au  Mzab,  entre  Mzabites,  que  les  notaires  français  ne  peuvent  recevoir, 
faute  de  titres  de  propriété.  2**  De  recevoir  tous  les  actes  de  mariage  des 
Mzabites  se  mariant  en  Algérie  et  prononcer  les  divorces.  Les  Mzabites 
demandent  du  reste,  que  ces  trois  cadis  soient  institués  à  leurs  frais  et 
ne  reçoivent  aucun  traitement  de  l'État. 

Le  Petit  Provençal  annonce  que  M.  L.  A.  Brémond,  qui  a  déjà 
fait  plusieurs  voyages  en  Abyssinie  et  au  Choa,  organise  à  Marseille 
une  nouvelle  expédition.  Il  compte  se  diriger  sur  le  Choa  par  la  route 
du  Harrar,  dernière  conquête  de  Ménélik.  Il  rendra  à  ce  monarque, 
dont  l'amitié  lui  est  acquise,  une  nouvelle  visite,  afin  d'obtenir,  avec 
son  bienveillant  concours  et  celui  des  chefs  de  tribus,  le  Raz  Gobana  et 


—  351  — 

aatres,  les  facilités  d'aller  au  Kaffa  pour  pénétrer  de  là  dans  les  contrées 
mystérieuses  qu'aucun  européen  n'a  jamais  foulées,  et  venir  déboucher 
si  possible,  à  Zanzibar.  Au  coui's  de  ce  voyage,  l'expédition  espère  résou- 
dre plusieurs  problèmes  du  plus  haut  intérêt  et  déterminer  enfin,  d'une 
façon  certaine,  si  le  Wuby  (vulgairement  nommé  Oromo)  est  réellement 
le  grand  affluent  du  fleuve  Juba,  question  jusqu'ici  très  controversée  par 
les  savants.  M.  Brémond  entreprend  à  ses  lisques  et  périls  ce  long  et 
dangereux  voyage;  il  s'adjoint,  comme  compagnon  de  route,  un  capi- 
taine au  long  cours  dont  un  séjour  de  plusieurs  années  au  Choa  et  chez 
les  Gallas  est  presque  une  garantie  de  succès.  Feront  également  partie  de 
l'expédition  des  jeunes  gens  appartenant  à  deux  riches  familles  marseil- 
laises que  la  grandeur  d'un  semblable  voyage  a  séduits,  et  M.  E. 
Bidault,  photographe,  qui,  depuis  un  an,  parcourt  le  Harrar,  formant 
une  collection  de  vues  destinée  à  enrichir  un  grand  ouvrage  qui  sera 
publié  au  retour  de  l'expédition. 

Dans  notre  précédent  numéro,  nous  avons  donné  les  renseignements 
que  nous  possédions  le  mois  passé  sur  la  British  Bast  African 
C^ompany;  aujourd'hui,  nous  pouvons  les  compléter  par  ceux  que 
nous  apportent  les  Proceedings  dans  leur  compte  rendu  du  mémoire 
présenté  par  Sir  Francis  de  Winton  à  la  réunion  de  l'Association  britan- 
nique, à  Bath.  Les  territoires  auxquels  la  Compagnie  sus-mentionnée  va 
chercher  à  porter  le  commerce  et  la  civilisation  sont  encore  peu  comius, 
mais  d'après  J.  Thomson  qui  les  a  traversés,  on  peut  admettre  que 
jusqu'à  une  distance  de  130  kilomètres  de  la  côte  le  pays  est  sec  et 
aride,  et  peu  peuplé,  par  suite  des  incursions  des  Masaï.  Le  consul 
Holmwood  rapporte  que  partout  où  les  roches  sous-jacentes  sont  hori- 
zontales et  peu  brisées,  il  existe  des  réservoirs  naturels  sous  la  forme 
de  trous  ou  de  bassins  circulaires  taillés  dans  le  roc.  Les  indigènes  les 
ïippellent  Vlungula;  la  tribu  qui  habite  cette  région  est  celle  des 
Walungulu;  ils  trouvent  toute  l'année  de  l'eau  dans  ces  cuvettes  natu- 
relles. Après  avoir  dépassé  Mango  qui  fait  partie  des  monts  Boura  ou 
Ndara,  le  pays  s'élève,  l'on  entre  dans  le  district  de  Teïta,  et  bientôt 
dans  la  région  riche  et  fertile  qui  forme  le  pied  du  Kilimandjaro.  Puis 
viennent  les  plateaux  onduleux  des  Masaï,  à  une  altitude  qui  varie  de 
1,000  m.  à  2,000  m.;  ils  nourrissent  de  grands  troupeaux  de  bestiaux  et 
beaucoup  d'ânes,  ainsi  que  du  gibier  en  grande  quantité  et  de  toutes 
sortes  d'espèces.  Le  climat  est  salubre  et  convenable  pour  des  Euro- 
péens. A  700  kilom.  de  Mombas  on  rencontre   les  lacs  Naïvasha, 
Elmeteïta  et  Nakouro,  tous  situés  dans  le  territoire  des  Masaï. 


w 


—  353  — 
un  revenu  des  douanes  auquel  elle  espère  donner  uii  grand  dévelop- 
pement, 

M.  G.-S.  Mackeiizie,  un  des  membres  de  la  Cour  des  Directeurs,  qui  a 
<iéjk  une  longue  expérience  des  conditions  de  l'Orient,  ^ient  de  quitter 
l'Angleterre  avec  un  corps  choisi  d'auxiliaires  pour  Zanzibar.  A  son 
arrivée  k  Moiubas  il  prendra  les  ports  entre  la  rivière  Wauga  et  Kipini 
oii  sont  perçus  les  droits  de  douanes  ;  puis  il  expédiera  k  l'intérieur  une 
grande  caravane,  que  l'on  organise  actuellement.  Elle  se  dirigera  vers 
le  lac  Baringo,  oii  l'on  créera  une  station  bien  fortifiée,  et  d'oîi  des 
«xpéditions  commerciales  seront  envoyées  vers  le  nord,  l'est  et  l'ouest. 
La  Compagnie  s'efforcera  de  se  concilier  les  Masal,  en  vue  de  les 
amener  à  accepter  son  contrôle.  Elle  peut  s'attendre  à  éprouver  des 
difficultés  dans  ses  relations  avec  ces  populations  belliqueuses  et  vivant 
de  rapines,  qui  inspirent  la  terreur  aux  tribus  de  leur  voisinage.  Il  y  a 
cependant  une  population  qui  mène  la  vie  pastorale,  qui  possède  de 
grands  troupeaux  de  vaches  et  d'ftnes,  et  qui  est  par  conséquent  accessi- 
ble à  un  système  d'ot^anisation  qui  la  priverait  de  celle  de  ses  posses- 
sions qui  a  le  plus  de  valeur.  Quoique  de  même  origine,  ils  sont  divisés 
en  communautés,  choisissent  leurs  pi-opres  chefs,  —  car  ils  n'ont  pas  de 
chefs  permanents  —  sous  la  survëllance  desquels  ils  font  des  incursions 
dans  l&s  territoires  du  voisinage  pour  en  emmener  le  bétail.  La  pré- 
sence de  botes  k  cornes  dans  ce  pays  est  une  preuve  de  l'absence  de  la 
tsétsc,  l'un  des  plus  grands  obstacles  aux  pi-ogi-ès  de  la  région  méiidio- 
nale,  où  on  la  rencontre  fréquemment. 

Les  promoteurs  de  l'entreprise  ne  s'imaginent  pas  que  le  pays  va  se 
transformer  tout  de  suite  eu  un  État  bien  ordonné.  Ils  ont  soigneuse- 
ment examiné  les  difficultés  nombreuses  que  l'on  rencontrei-a  ;  ils  dési- 
rent seulement  marcher  paisiblement  et  lentement  dans  l'œuvi-e  si 
digne  d'envie  qu'ils  ont  entreprise.'  Ils  reconnaissseut  pleinement  les 
obligations  qu'ils  vont  assumer;  mais  ils  ont  la  confiance  qu'à  mesure 
que  l'entreprise  avancera,  que  la  loi  et  l'ordre  seront  établis,  le 
commerce  et  le  progrès  se  développeront;  que  de  nouveaux  champs 
plus  vastes  s'ouvriront  aux  opérations  salutaires  et  civilisatrices  des 
missionnaires;  que  l'institution  de  l'esclavage  sera  abolie,  et  que,  sous 
toutes  ces  influences,  les  ténèbres  et  l'obscurité  se  dissiperont  avec  le 
temps  devant  la  lumière  de  la  civilisation  chrétieiuie. 

Comme  l'on  pouvait  le  supposer,  ce  sont  bien  les  marchands  d'esclaves 
qui  ont  fomenté  les  troubles  de  l'Afrique  orientale  équatoriale. 
Aussi  n'est-il  pas  étonnant  que  la  question  de  la  snppreaslon  de  la. 


—  354  — 
ittâ  fégion  ait  passé  au'premier  plan,  et  que,  pai-mj  les 
h  pour  l'établir  l'ordre  dans  les  ports  dont  radministra- 
;par  convention  à  l'Angleterre  et  à  l'Âllemague,  ce  soient 
>ur  but  l'abolition  de  la  traite  qui  attirent  le  plus  l'atteo- 
B,ux  politiques  tiennent  les  lecteurs  au  courant  des  négo- 
ivies  entre  l'Angleterre  et  l'Allemagne  pour  la  fomaation 
côtes;  puis  avec  le  Portugal,  qui  tient  à  prendre  rang 
Qseurs  de  la  cause  des  noirs  ;  avec  la  France,  au  sujet 
sance  du  blocus  et  du  droit  de  visite  des  bâtiments  qui„ 
■ançais,  pourraient  servir  au  transport  d'esclaves.  Nous 
bstenir  de  détails  sur  ces  négociations  politiques.  En  re- 
evons  signaler  l'extension  prise  dans  les  divers  pays  de 
I  mouvement  destiné  k  gagner  partout  l'opinion  publique 
abolition  de  la  traite  sur  terre  et  de  l'interdiction  d'im- 
les  de  guerre  et  des  munitions.  Après  TAngleten-e,  la 
ande  et  la  Belgique,  oii  les  partisans  de  l'abolitionisme  ont 
Sociétés  anti-esclavagistes,  l'Allemagne  s'est  émue  iwur 
se  en  faveur  de  laquelle  une  grande  assemblée  s'est  tenue 
6  octobre,  dans  une  des  plus  vastes  salles  de  la  ville,  où  se 
bommes  de  tous  les  partis  politiques,  de  toutes  les  coû- 
tes les  conditions  :  supérieurs  ecclésiastiques,  présidents 
nts,  magistrats  de  l'ordre  judiciaire,  professeurs,  com- 
âtriels,  sans  parler  des  dames  qui,  elles  aussi,  avaient  tenu 
sympathie  pour  l'œuvre  excellente  à  laquelle  l'Allemagne 
on  concours. 

8  premiers  orateurs  eurent  résumé  à  grands  traits  les 
ites  que  la  traite  inflige  à  l'Afrique,  si  bien  nommée  par 
urth  «  la  maison  de  servitude,  »  le  premier  lieutenant 
,  deux  fois,  a  traversé  le  continent  noir  de  l'ouest  à  l'est, 
îtrasfe  saisissant  que  lui  avait  ofl^ert  le  même  pays  dans 
es,  eu  1882  et  188G  '.  Ensuite  le  D' Fabri  exposa  ce  qui  a 
ur  l'extinction  de  la  traite  par  mer,  et  montra  qu'il  s'agit 
ittaquer  le  mal  dans  sa  racine,  la  traite  sm-  terre  et  l'es- 
ne.  Les  obstacles  mis  à  l'exportation  d'esclaves  par  mer 
mé,  ni  adouci  le  fléau  de  la  traite  à  l'intérieur  de  l'Afti- 
lerniers  temps,  les  chasses  aux  esclaves  se  sont  dévelop- 
is  un  caractère  encore  plus  destructeur  que  précédera- 

!77  ;  Un  exemple  de  rir^uenet  des  Arabes  dan»  l'Afrique  eetUralt. 


—  355  — 

mcDt,  et  cela  sous  les  yeux  des  Eui'opéens,  explorateurs  ou  colons.  Le 
nombre  des  noirs  victimes  de  la  traite  s'élève  chaque  année  à  plus  d'un 
million.  Ce  ne  sont  pas  seulement  les  puissances  dont  le  protectorat 
s'exerce  sur  telle  ou  telle  partie  du  territoire  africain,  l'Angleterre,  l'Al- 
lemagne, le  Portugal,  qui  doivent  prendre  en  main  la  cause  de  ceux  que 
l'avidité  des  chasseurs  d'esclaves  arrache  à  leur  sol  et  à  leur  famille, 
après  avoir  pillé  leurs  habitations,  incendié  leurs  villages,  massacré  les 
hommes  d'âge  mûr  et  les  vieillards  et  réduit  le  pays  en  désert.  La  ques- 
tion est  intei-nationale  ;  toutes  les  puissances  signataires  de  l'Acte  géné- 
ral de  la  conférence  africaine  à  Berlin,  en  1885,  se  sont  engagées  à  faii-e 
ce  qui  est  en  leur  pouvoir  pour  faire  disparaître  ce  fléau.  La  question 
est  universelle  :  tout  homme,  à  quelque  nationalité,  à  quelque  confession 
qu'il  appartienne,  par  cela  seul  qu'il  est  homme,  a  le  devoir  de  s'inté- 
resser à  cette  cause,  qui  est  une  question  d'humanité,  et  rien  de  ce  qui 
est  humain  ne  doit  lui  demeurer  étranger;  celui-là  se  renierait  lui-même, 
comme  homme,  qui  pourrait  dire  :  cela  ne  me  regarde  pas.  Les  chrétiens 
surtout  doivent  s'en  préoccuper;  catholiques  et  protestants,  anglicans  et 
luthériens,  nationaux  et  indépendants,  tous  doivent  s'unir  pour  protester 
contre  le  crime  des  Arabes  chasseurs  d'esclaves.  Il  ne  s'agit  pas  d'une 
croisade  contre  l'islam,  comme  au  XI*"'  et  au  XII'"*  siècle,  mais  d'une 
guerre  contre  la  traite  sur  terre. 

Sur  la  proposition  du  comité  d'initiative,  l'assemblée  vota  les  résolu- 
tions suivantes  qui  furent  adressées  au  chancelier,  prince  de  Bismarck,  et 
au  Parlement  allemand  : 

1**  La  suppression  de  la  chasse  aux  esclaves  en  Afrique,  accompagnée 
de  crimes  qui  déshonorent  l'humanité,  e^t  un  devoir  universel,  une  obli- 
gation pour  tous  le^  États  chrétiens,  et  la  condition  préalable  absolue  de 
l'abolition  réelle  de  la  traite. 

2'  L'article  6  de  l'Acte  général  de  1885  obligeant  toutes  les  puissances 
à  concourir  à  l'abolition  de  l'esclavage  et  à  l'amélioration  du  sort  des 
indigènes,  c'est  à  l'État  du  Congo,  au  Portugal,  h  l'Angleterre  et  à  l'Al- 
lemagne, dont  les  territoires  sont  l'objet  des  incursions  des  Arabes  chas- 
seurs d'esclaves,  qu'incombe  avant  tout  le  devoir  de  lutter  contre  le 
fléau,  et  de  prendre  à  cet  efl^et  des  mesures  communes. 

3**  Nous  espérons  que,  en  présence  de  la  rébellion  provoquée  par  les 
Arabes  chasseurs  d'esclaves  dans  l'Afrique  orientale,  le  Parlement  main- 
tiendra d'une  manière  efficace  l'honneur  du  drapeau  et  les  intérêts  de 
l'empire  allemand. 

4^  Si  le  peuple  allemand  tout  entier,  sans  distinction  de  confessions 


—  356  — 

religieuses  iii  de  partis  politiques,  appuie  cette  mauière  de  voir,  nous 
avons  la  certitude  que  le  concoure  énergique  du  Parlement  ne  fera  pas 
défaut. 

Le  président  du  comité  anti-esclavagîste  qui  s'est  formé  récemment 
en  Allemagne  a  reçu  de  M.  de  Bismarck  une  lettre  qui  lui  annonce  que, 
de  concert  avec  l'Angleterre,  avec  l'Italie  et  avec  le  Portugal,  et  pro- 
bablement aussi  avec  toutes  les  puissances  signataires  de  la  Constitution 
de  l'État  du  Congo,  l'Allemagne  prendra  très  prochainement  des  me- 
sures contre  le  trafic  des  esclavois. 

Une  assemblée  de  plus  de  2,000  pei*sonnes  a  eu  lieu  le  9  novembre  à 
Berlin.  Les  assistants  ont  déclai'é  adhérer  aux  résolutions  votées  à  Co- 
logne ;  ils  y  ont  ajouté  des  remerciements  au  gouvernement  impérial 
pour  les  mesures  déjà*  prises  en  vue  de  l'exécution  des  articles  6  et  9  de 
l'Acte  général  du  Congo  et  une  cinquième  résolution  a  été  votée  ;  elle  est 
ainsi  conçue  :  Outre  les  mesures  énergiques  du  gouvernement  de  l'em- 
pire, nous  estimons  nécessaire  de  faire  appel  au  concours  voloutaii'e  de 
tous,  et  noui^  recommandons  à  cet  effet  en  première  ligue  l'appui  matériel 
à  donner  à  l'expédition  allemande  pour  secourir  Émin-pacha. 

Quelle  que  soit  la  réserve  avec  laquelle  doivent  être  accueillies  les 
nouvelles  apportées  de  Tintérieur  par  les  Arabes,  nous  ne  pouvons  pas- 
ser sous  silence  la  dépêche  de  Zanzibar  communiquée  aux  journaux  par 
l'agence  Reuter,  et  rehitive  à  l'Expédition  de  Sfanley.  En  voici  le 
texte  complet  : 

Des  courriers  arrivant  de  Tabora  apportent  des  nouvelles  directes  de 
l'expédition  de  Stanley,  dont  une  partie  a  été  rencontrée  à  la  tin  de 
novembre  de  l'année  dernière  par  des  caravanes  d'Arabes  faisant  le 
commerce  avec  l'intérieur  de  l'Afrique,  dans  la  région  comprise  entre 
les  lacs  Albert-Nyanza  et  Mouta-Nzigué  d'une  part,  et  Tabora  de  l'autre. 

Ces  Arabes,  qui  sont  arrivés  tout  récemment  à  Taboi*a,  à  environ 
320  kilom.  au  sud  du  lac  Victoria-Nyanza,  avaient  rencontré  l'arrière- 
garde  de  Stanley,  à  l'ouest  du  lac  Albert-Nyanza  et  au  sud-est  de 
Sanga,  au  moment  même  oîi  cette  partie  de  l'expédition  se  préparait 
à  traverser  une  série  de  marais  créés  par  les  cours  d'eau  qui  sillonnent 
cette  région.  Ces  Arabes  n'ont  pas  aperçu  Stanley  en  pei-sonne,  mais  le 
détachement  qu'ils  ont  renconti-é,  et  qui  comptait  une  trentaine  d'hom- 
mes, les  a  informés  que  Stanley  se  trouvait  à  deux  jour»  de  marche  en 
avant,  et  que  l'expédition  avait  enduré  de  grandes  souffrances  en  tra- 
vei'sant  d'épaisses  forêts  oîi  elle  ne  pouvait  pas  avancer  de  plus  d'un 
mille  et  quart  par  jour,  et  qu'en  général  elle  avait  eu  à  surmonter  dans 


^• 


—  357  — 

sa  marche  de  nombreuses  diflScultés  et  de  grandes  fatigues.  Beaucoup 
d'hommes  de  l'escorte  avaient  disparu  ou  étaient  morts.  Quarante  d'en- 
tre eux  avaient  été  emportés  en  traversant  une  grande  rivière  coulant 
de  l'est  à  l'ouest.  Un  des  blancs  qui  accompagnaient  la  troupe  comman- 
dée par  Stanley  lui-même  était  mort.  Quant  à  Stanley,  il  avait  été 
obligé  de  combattre  des  tribus  indigènes  qui  refusaient  de  lui  donner 
des  vivres. 

Le  rapport  des  Arabes  ajoute  que  l'expédition  avait  fait  de  fréquentes 
haltes  pour  attendre  des  renforts  qui  devaient  lui  aiTiver  du  Congo  et 
pour  refaire  ses  provisions  qui  lui  manquaient.  Au  moment  oU  les  Ara- 
bes ont  rencontré  l'arrière-garde,  l'expédition  s'était  remise  en  marche 
depuis  cinq  jours  seulement,  après  une  halte  de  trois  semaines,  rendue 
nécessaire  par  la  maladie  de  Stanley  et  d'une  grande  partie  de  ses 
hommes  qui  avaient  pris  la  fièvre.  Les  Arabes  évaluent  à  250  hommes 
la  force  de  l'expédition  après  les  pertes  subies. 

A  ce  moment,  la  santé  de  Stanley  était  bonne.  Les  hommes  de  l'ar^ 
rière-garde,  qui  étaient  des  Zanzibarites,  disaient  qu'il  avait  renoncé  à 
marcher  au  nord-est,  puis  directement  vers  le  nord  du  lac  Albert- 
Nyanza,  poiu*  se  diriger  tout  droit  au  nord,  dans  l'espoir  d'éviter  les 
marais  et  les  régions  malsaines  qui  s'étendent  surtout  du  côté  de  l'est. 
Son  intention  était,  après  avoir  marché  un  certain  temps  vers  le  nord, 
de  prendre  une  direction  oblique  vers  l'est  et  de  marcher  ensuite  di'oit 
sur  Wadelaï,  oii  il  espérait  arriver  40  ou  50  jours  plus  tard.  D'après  les 
Arabes,  l'expédition  était  encore  en  assez  bon  état  pour  atteindre  sa 
destination  à  la  date  indiquée. 

Comme  le  fait  remarquer  le  Temps,  Stanley  devait,  d'après  ce  télé- 
gramme, se  trouver  au  sud-est  de  Sanga,  situé  par  2**  5'  lat.  nord,  et 
dans  l'E.-N.-E.  de  l'Arououimi,  point  de  départ  de  l'expédition.  A  vol 
d'oiseau,  Sanga  est  à  environ  400  kilom.  de  l'Arououimi.  Pour  arriver 
dans  la  région  comprise  entre  les  lacs  Albert-Nyanza  et  Mouta-Nzigué, 
Stanley  s'est  dirigé  vers  le  sud-est,  probablement  à  cause  de  l'impossi- 
bilité de  suivre  la  ligne  droite  et  de  continuer  directement  sur  Wadelaï. 
Ce  point  est  situé  par  2^,45'  latit.  nord,  c'est-à-dire  à  peu  près  sur  le 
même  parallèle  que  Sanga.  Entre  les  deux  localités,  il  y  a  près  de  300 
kilom.  à  vol  d'oiseau. 

Une  dépêche  de  Loanda  annonce  que  l'inauguration  des  60  premiers 
kilomètres  du  chemio  de  fer  d'Ambaca  a  eu  lieu  le  30  octobre.  A 
ce  propos  le  Journal  do  commercio  ajoute  que,  d'après  le  rapport  du 
conseil  d'administration  de  la  Compagnie,  dans  toute  l'étendue  de  la 


'  -i. 


A»! 


—  358  — 

seconde  section,  les  travaux  de  terrassement  touchent  h  leur  fin.  Cette 
seconde  section  pourra  être  inaugurée  le  31  mars  prochain.  Quant  à  la 
troisième  section,  une  variante  est  à  Tétude,  qui  rapprocherait  de  la 
Coanza  le  tracé  de  la  ligne.  Aussitôt  que  la  décision  aura  été  prise  à  ce 
sujet  par  qui  de  droit,  la  construction  de  cette  section  sera  poussée  acti- 
vement, de  façon  que  celle-ci  puisse  être  ouverte  h  Texploitation  avant 
le  mois  de  juin  prochain.  Les  quatrième  et  cinquième  sections  seront 
achevées  en  juin  1890.  Enfin  la  Société  compte  ouvrir  les  trois  dernières 
sections  au  mois  de  mai  1891.  L'on  prévoit  que  la  voie  ferrée,  pour 
remplir  vraiment  le  but  que  Ton  s'est  proposé,  ne  devra  pas  se  bornera 
cette  extension-là,  et  il  est  probable  qu'avant  même  que  la  ligne  d'Am- 
baca  soit  construite  en  entier,  son  prolongement  aura  été  décidé  jusqu'à 
Malangé,  qui  est  le  point  de  réunion  des  grandes  caravanes  de  l'inté- 
rieur, le  véritable  entrepôt  des  produits  de  la  province,  dont  la  con- 
struction du  chemin  de  fer  à  la  côte  est  appelée  à  rendre  possible  l'ex- 
portation  vers  l'Europe. 

Après  avoir  publié  un  rapport  de  M.  Charmann,  directeur  des  études 
du  chemin  de  fer  du  Congpo»  le  Mouvement  géographique  résume 
la  question  en  ces  termes  :  «  Actuellement,  le  travail  de  reconnais- 
sance et  de  levé  de  la  direction  générale  est  sur  le  point  d'être  terminé. 
Encore  trois  ou  quatre  semaines,  et  les  ingénieurs  donneront,  sur  les 
bords  du  Pool,  leur  dernier  coup  de  lunette.  Cent  soixante-dix  kilomè- 
tres ont  été  levés  pendant  la  première  campagne  entre  Matadi  et  la 
Loukounga  ;  cent  cinquante  kilomètres  viennent  de  l'être  entre  la  Lou- 
kounga  et  l'Inkissi.  Il  reste  encore  l'étude  des  cent  kilomètres  envinm 
qui  séparent  l'Inkissi  du  Pool.  On  peut  déjà  se  faire  une  idée  du  travail 
qui  attend  les  constinicteurs  de  la  ligne.  Il  n'y  aura  que  les  25  ou  30 
premiers  kilomètres  qui  offriront  par  places,  quelques  remblais  et  déblais 
assez  importants  ainsi  qu'un  certain  nombre  de  travaux  d'art,  notam- 
ment un  pont  sur  la  Mpozo.  Mais  une  fois  arrivé  au  delà  de  cette  rivière, 
à  la  hauteur  de  Palaballa,  les  obstacles  disparaissent  rapidement  pour 
faire  bientôt  place  à  un  terrain  presque  plat  s'étendant  jusqu'à  l'Inkissi. 
Bref,  cette  entreprise  du  chemin  de  fer  des  chutes  du  Congo  qui  parais- 
sait au  début  irréalisable  sous  tous  les  rapports,  se  transforme  par 
l'étude  eu  un  chemin  de  fer  sans  difficultés  spéciales,  sans  tunnels,  sans 
plans  inclinés,  sans  ponts  gigantesques,  sans  remblais  géants,  sans 
déblais  excessifs,  en  un  simple  petit  chemin  de  fer,  franchissant  les  val-^ 
lées  en  lacet,  et  en  épousant  les  contours  du  terrain,  ce  qui  allongera 
un  peu  la  voie,  mais  ce  qui,  sous  le  rapport  du  prix,  permettra  de  rester 


H^ 


—  359  — 
dans  des  limites  très  ordinaires.  Ce  qui  faisa 
épaules,  il  y  a  à  peine  une  couple  d'années,  est 
certitude  :  il  ne  s'écoulera  plus  longtemps  avan 
au  delà  de  Matadi. 

La  Compagnie  des  masaslns  géaépan 
stituée,  le  20  octobre,  à  Bruxelles,  au  capital  de  i 
cerases  opérations  par  l'établissement,  à  mi-cb 
JBoma-plateau,  sur  un  vaste  terrain  qui  lui  a  éU 
grande  construction  en  fer,  avec  dépendances,  < 
de-chaussée,  des  magasins  ;  au  premier  étagi 
manger  et  des  saloas  ;  au  deuxième  étage,  des 
divers  établissements  de  Borna  étant  répartis, 
jusqu'au  plateau,  sur  une  distance  de  deux  kili 
uo  petit  tramway  h  vapeur  qui  les  mettra  en  co 
et  les  magasins,  et  amènera  rapidement  et  facile 
aux  beures  des  repas.  L'État  du  Congo  a,  dès 
ment  de  charger  la  Société  des  magastns  gêné 
ses  agents  habitant  Boma. 

Estimant  qu'il  se  passerait  bien  des  mois  av 
aient  réussi  h  s'entendre  sur  le  moyen  pratique 
tloB  du  eommeroe  des  armes  et  de 
que,  et  que  d'ici  là  les  chasseurs  d'esclaves  i 
s'approvisionner,  S.  M.  le  roi  souverain  de  Vt 
Congo  a  pris,  le  11  octobre  dernier,  une  résol' 
titre  de  plus  à  la  reconnaissance  des  indigènes 
le  décret  qu'il  a  porté  : 

Considérant  qu'il  unporte,  dans  l'intérêt  de 
du  maintien  de  l'ordre  et  de  la  sécurité  du  coi 
dire  provisoirement  le  transport  et  le  trafic  dt 
dres  et  matières  explosibles  quelconques,  dans 
l'État,  afin  de  prévenir  les  luttes  et  confiits  i 
trafiquants  établis  dans  le  pays; 

Considérant  qu'il  y  a  un  danger  public  à  pe 
troduction  et  le  trafic  des  armes  perfectioaaéi 

Nous  décrétons  ; 

Art.  1".  L'introduction  et  le  trafic  des  am 
désignées  par  le  gouverneur  général,  et  de  leu 
soirement  interdits  daos  tout  le  territoire  de  L'! 

Art.  2.  Le  transport  et  le  trafic  des  armes  à 


dres  et  matières  explosibles  quelconques,  sont  t«mporai- 
is  dans  les  parties  suivantes  du  territoire  de  l'État  : 
it  Congo  et  ses  affluents,  en  amont  du  confluent  de  l'Ou- 

issin  du  Kaâsal. 

as  de  contravention  constatée,  les  articles  prohibés  sont 

ï  la  disposition  de  l'autorité  judiciaire. 

mverneur  général  peut  accorder,  dans  des  cas  exception- 

tion  de  transporter  et  de  vendre  dans  l'État  et  les  con- 

désignées  les  armes  et  munitions  dont  l'introduction,  le 

trafic,  sont  prohibés  ;  cette  autorisation  doit  être  donnée 

chaque  cas  spécial. 

)nque  commettra  ou  laissera  commettre  par  ses  subor- 

'actions  au  présent  décret,  ainsi  qu'aux  arrêtés  d'exécu- 

de  100  k  1000  francs  d'amende  et  de  servitude  pénale 
trois  mois,  ou  de  l'une  de  ces  peines  seulement.  La  con- 
archandises  saisies  sera  ordonnée  conformément  à  l'arti- 

pénal,  etc. 
ï  à  Bruxelles  le  11  octobre  18S8. 

(S.)  LÉOPOLD. 

M.  le  missionnaire  Chfttelain,  nous  écrit  pour  nous 
luvelle  de  la  mort  du  D''  SnmmeFs,  à  Loulouabourg,  le 
lire  le  plus  avancé  dans  l'État  du  Congo.  Dans  une  avant- 
,  il  disait  qu'il  ne  pouvait  plus  espérer  vivi-e  beaucoup  de 
gnait  d'avoir  été  laissé  seul  sur  la  bi-ècbe;  dans  ta  der- 
appelant  aupr^  de  lui  son  ami,  M.  Châtelain,  il  recon- 
ui-ci  ne  pourrait  pas  arriver  à  temps.  Ce  qui  le  préoccu- 
rainte  que  ses  travaux  de  pionnier  :  concessions  de  terrai», 
étail,  collections,  etc.,  ne  fussent  perdus  en  l'absence  d'un 
It  possession.  M.  Châtelain  espère  (jue  le  lieutenant  Le 
itat  du  Congo,  fera  le  nécessaire  pour  que  tout  ce  qui 
1  mission  soit  remis  à  qui  de  droit.  L'opuscule  Karivulu 
our  les  indigènes  de  Malaugé  a  été  bien  accueilli  ;  un  des 
localité  lui  a  adressé  un  billet  eu  kimboimdou.  Deus  fils 
ço.  Don  Pedro  V,  ont  été  présentés  au  roi  Don  Luiz  de 
I.  Capello,  gouverneur  d'Angola. 
lé  à  la  Chambre  des  députés  un  projet  de  loi  concernant 
1  service  maritime  postal  entre  la  France  et 
lentale  d'Afrique.  Les  départs  auraient  lieu  alternat!- 


-361-  ■       ^^^* 

vement  chaque  mois  du  Havre  et  de  Marseille.  Le  Jom-nal  commercial 
«t  maritime  indique  les  dispositions  principales  du  cahier  des  charges  : 
l'itinéraire  obligé  pour  les  départs  du  Havre  serait  :  Lisbonne, 
Dakar,  Konacry,  cap  Palmas,  Grand  Bassam,  Kotonou,  Benito,  Libre- 
ville, Loango.  L'entrepreneur  pourrait,  à  la  condition  de  ne  rien  chan- 
ger aux  époques  réglementaires  de  départ,  faire  des  escales  intermé- 
diaires ou  prolonger  la  ligne,  soit  jusqu'au  cap  de  Bonne-Espérance,  't^î-}^ 
5oit  jusqu'à  certains  ports  di" Europe,  mais  sans  que  ces  parcours  supplé- 
mentaires pussent  donner  lieu  à  aucune  subvention.  La  subvention  serait 
calculée  sur  le  nombre  de  milles  parcourus  dans  l'itinéraii'e  obligé. 
L'entrepreneur  devrait  desservir  le  Gabon  par  ui\  service  annexe,  cor- 
respondant chaque  mois  à  l'île  du  Prince  avec  les  paquebots  portugais; 
il  devrait,  en  outre,  desservii*  par  les  services  annexes,  les  postes  et  les 
centres  commerciaux  établis  ou  à  établir  sur  les  côtes  du  Gabon  et  du 
Congo,  ainsi  que  sur  les  rivières  navigables  de  la  région.  Deux  navires 
seraient  affectés  à  ces  semces  connexes  dont  les  détails  seraient  réglés 
par  l'autorité  locale.  Le  cautionnement  serait  de  100,000  francs  en 
numéraire,  rentes  -ou  hypothèques  maritimes.  La  vitesse  minima 
devrait  être  de  10  nœuds,  soit  aux  essais  de  11  nœuds  et  demi  et  de  - 
^  nœuds  et  demi  pour  les  services  annexes.  Des  dispositions  sont  prises 
pour  empêcher  que  le  commerce  étranger  ne  soit  favorisé  au  détriment  ^il 
du  commerce  français.  Le  service  principal  devrait  commencer  le  l'*^  dé-  '  i? 
cembrel889.  r^l 
Une  correspondance  reçue  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  à  Liver-  7' 
pool  signale  de  graves  désordres  commis  à  Okrika,  tle  située  à  80  kilom.  ,  *  i^ 
^a  amont  de  la  rivière  Bonny,  et  comprise  dans  la  sphère  du  pro-  *':^- 
tectorat  britannique.  Au  mois  de  septembre  dernier  une  partie  de  la 
tribu  des  Ogonis,  peuplade  autrefois  puissante,  mais  aujourd'hui  dé- 
cimée par  les  factions,  fit  appel  à  l'intervention  du  roi  et  des  chefs 
d'Okrika,  dans  une  querelle  intérieure  qu'ils  avaient  entre  eux  à  propos 
^u  marché  des  huiles  que  les  Okrikans  ont  intérêt,  comme  intermé- 
diaires, à  maintenir  ouvert  et  libre.  Ils  répondirent  donc  à  l'appel  qui 
leur  était  fait,  en  avertissant  leurs  adversaires  qu'ils  viendraient  au 
secom-s  des  premiers  si  les  hostilités  éclataient.  Sans  tenir  compte  de 
l'avertissement,  les  Ogonis  hostiles  attaquèrent  les  alliés  des  Okrikans, 
au  moment  où  ils  revenaient  du  marché,  leur  tuèrent  un  chef,  leur  tirent 
de  nombreux  prisonniers  et  leur  enlevèrent  une  quantité  de  marchan- 
dises. Alors  les  Okrikans  combinèrent  avec  leurs  alliés  une  vengeance 
teiTible.  Sous  prétexte  d'une  conférence  amicale  pour  régler  le  diffè- 


re v'. 


«1' 


—  362  — 

rend,  on  prit  un  rendez-vous  où  tous  les  Ogonis  rebelles  qui  s'y  étaient 
rendus,  furent  traîtreusement  arrêtés  et  conduits  à  Okrika,  où  ils  furent 
massacrés  et  mangés.  On  fit  ensuite  une  razzia  dans  les  villages  demeu- 
rés sans  défense  et  d'horribles  atrocités  furent  commises.  Le  consul  bri- 
tannique se  rendit  de  suite  sur  les  lieux  et  somma  les  Okrikans  de  déli- 
vrer cinq  des  prisonniers  qui  avaient  échappé  au  carnage,  ce  qui  fut  re- 
fusé. Il  convoqua  à  bord  du  vapeur  qui  l'avait  amené  le  roi  et  les  chefs; 
ils  refusèrent  d'obéir,  en  offirant  de  se  rendre  à  une  entrevue  sur  terre, 
ce  que  le  consul  accepta.  On  lui  rendit  dix  de^  survivants  dans  un  état 
déplorable.  Enfin  une  amende  de  cent  barils  d'huile  de  palme  fut  exigée 
par  le  consul. 

Depuis  que  le  gouvernement  de  l'empire  allemand  a  porté  son  atten- 
tion, sur  les  territoires  qui  s'étendent  en  arrière  du  pays  de  Togo» 
l'exploration  de  cette  région  a  fait  d'importants  progrès.  Le  capitaine 
von  François  a  heureusement  terminé  son  excursion  dans  la  contrée 
comprise  dans  le  grand  coude  du  Niger.  Le  19  avril,  il  est  arrivé  à 
Sunna  dans  le  territoire  de  Mosi,  par  11*  28'  lat.  nord,  en  passant  par 
Kpandou,  Salaga,  Jendi  et  Gambaga,  et  en  traversant,  près  de  Boupéré, 
le  cours  supérieur  du  Volta  qui  n'est  plus  navigable,  mais  a  encore  80  m. 
de  large.  De  Grambaga,  prenant  une  direction  S.-O.,  il  s'est  rendu  par 
Nantong  au  Volta  et  à  Salaga,  et  a  regagné  la  côte  à  Aneho  (Petit- 
Popo),  en  passant  par  Adeli.  Là,  il  rejoignit  le  D'  L.  Wolf,  qui  a  fondé, 
au  commencement  de  mai,  sur  le  mont  Adado,  la  station  de  Bismarcks- 
bourg  ;  il  atteignit  ce  point  en  passant  par  la  partie  orientale  du  pays  de 
Togo,  à  Atakpamé,  qui,  depuis  sa  destruction  par  le  Dahomey  a  perdu 
son  importance  d'autrefois.  Le  D'  Wolf  a  heureusement  pu  transporter 
à  sa  station  un  baromètre  à  mercure,  en  sorte  que  ses  mensurations 
acquièrent  un  degré  d'exactitude  que  n'a  atteint  aucune  des  nombreuses 
mesures  prises  dans  l'Afrique  équatoriale.  Le  D' Henrici  a  beaucoiç 
exagéré  la  hauteur  du  mont  Agbmé.  Le  commissaire  impérial,  vonPutt- 
kammer  a  fait  en  mars  une  excursion  dans  le  territoire  français  limitro- 
phe jusqu'au  cours  inférieur  du  Mono,  et  plus  tard  il  a  exploré  le  pays 
d'Agotimé  à  l'ouest  jusqu'au  pied  de  la  montagne.  Les  trois  explora- 
teurs s'accordent  à  dire  que  le  pays  en  arrière  de  Togo  oôre  une  pers- 
pective favorable  aussi  bien  pour  la  culture  des  terres  que  pour  le 
commerce;  le  terrain  étant  montueux,  les  conditions  climatologiques  en 
sont  sensiblement  plus  salubres  qu'à  la  côte.  Le  rapport  du  capitaine 
von  François ,  surtout,  fera  connaître  un  vaste  pays  entièrement  inex- 
ploré. Il  y  a  deux  ans  Gottlieb  Ad.  Krause  l'a  traversé,  malheureuse- 


—  363  — 

ment  il  n'a  pas  pu  se  décider  à  rédiger  un  rapport  safSsant  d'après  les 

levés  qu'il  avait  faits. 

M.  Tretch-Ijaplèiie  qui,  comme  nous  l'avons  annoncé,  a  pris  la 

direction  de  l'expédition  de  secours  que  le  capitaine  Bin^er  attend 

à  Kong^,  se  trouvait  le  12  septembre  àDiangui,  grand  village  de  2,000 

habitants,  à  une  centaine  de  kilomètres  de  l'embouchure  de  la  rivière 

Bia.  D  écrit  de  là  les  lignes  suivantes,  publiées  dans  le  Moniteur  des 

Colomes  : 

«  Diangui,  le  12  septembre  1888. 

«  Cette  fois  je  suis  en  plein  sur  ma  route  pour  Kong  et,  si  tout  va 
bien,  il  y  a  chance  pour  que  je  sois  près  de  M.  Binger  vei-s  le  10  octobre. 
Mon  départ  a  été  assez  long  à  organiser;  cependant,  le  9,  j'ai  eu  mon 
personnel  au  complet  à  Kingaboo,  d'oîi  je  suis  reparti  le  10.  J'ai  déjà  eu 
bien  des  ennuis,  ces  braves  noirs  sont  très  exigeants;  ils  tâchent 
toujours  de  soutirer  le  plus  possible  au  blanc.  Bref,  sans  m'égarer  dans 
le  détail,  voici  l'organisation  de  mon  convoi,  qui  compte  :  2  interprètes; 
9  tirailleurs  assiniens  ;  4  de  mes  familiers  ;  59  porteurs,  en  tout  75  hom- 
mes. Notre  armement  se  compose  de  dix  revolvers  et  de  dix  fusils  ;  la  pa- 
cotille de  tissus  riches  :  soie,  velours  et  passementeries;  de  corail,  tabac, 
argent  monnayé  et  poudre;  de  tissus  ordinaires,  indiennes  et  guinées. 
Les  vivres  destinés  à  M.  Binger  consistent  en  biscuit,  riz,  lait,  bouillon, 
quelques  toniques  et  conserves  de  choix.  Le  bruit  est  venu,  il  y  a  déjà 
quelque  temps,  qu'un  blanc  se  trouvait  à  Kong  et  qu'un  de  ses  gens  était 
mort.  Je  n'aurai  guère  de  nouvelles  avant  d'être  au  Boudougou.  Là,  je 
devrai  laisser  mon  convoi  pour  me  porter  seul,  avec  trois  ou  quatre 
fidèles,  au-devant  de  M.  Binger;  car,  lorsque  j'ai  demandé  des  hommes 
à  Acasamadou  pour  aller  à  Kong,  il  m'a  répondu  que  ses  relations  ne 
s'étendaient  pas  au  delà  du  Boudougou  et  qu'il  ne  répondait  pas  de  ce  qui 
pourrait  arriver,  qu'il  ne  voulait  par  conséquent  pas  que  j'emmenasse 
ses  hommes  plus  loin.  Cela  a  même  apporté  des  retards  à  l'organisation 
de  ma  troupe.  Je  ne  sais  donc  encore  ce  qui  m'attend  là-haut.  Quoi  qu'il 
en  soit,  je  pars  bien  résolu  à  retrouver  et  à  ramener  le  capitaine  Bigger. 

«  P.-S.  —  Je  viens  d'avoir  un  palabre  avec  mes  porteurs,  qui  me 
menacent  de  in'abaudonner  si  je  ne  diminue  leurs  charges.  » 


NOUVELUESS  COMPLÉMENTAIRES 

Le  journal  la  Kabylie  annonce  qu'une  nouvelle  Compagnie  de  transports  mari- 
thnes  à  vapeur  a  installé  une  agence  à  Bougie.  Il  y  a  maintenant  quatre  Compa- 
gnies qai  fréquentent  ce  port. 


—  364  — 

La  Compagnie  du  chemin  de  fer  de  Bone-Guelma  vient  de  remettre  au  gouTe^ 
nement  tunisien,  pour  être  soumis  à  une  enquête  préalable  à  la  déclaration  d'uti- 
lité publique,  Pavant-projet  des  lignes  suivantes  : 

1°  Ligne  de  Tunis  à  Hammamet  et  Nebeul; 

2"*  Ligne  de  Tunis  à  Sousse  et  de  TudIs  à  Kairouan  par  la  presqu'île  du  Cap 
Bon; 

3°  Ligne  de  Tunis  à  Sousse  et  de  Tunis  à  Kairouan  par  Zaghouan. 

En  1880,  la  Compagnie  avait  déjà  remis  au  gouvernement  l'avant-projet  de  la 
ligne  destinée  à  relier  Bizerte  à  Tunis,  Djedeida  et  Mateur. 

Une  dépêche  de  Tunis  annonce  que,  dans  l'intérieur  de  la  Régence,  on  a  décou- 
vert de  vastes  cavernes  renfermant  des  gisements  de  guano  fort  riches  en  azote. 
Un  industriel  français  les  a  mis  en  ezplpitation  et  a  déjà  commencé  à  expédier 
à  Marseille.  Divers  particuliers  connaissent  d'autres  gisements  qui  sont  une  nou- 
velle source  de  richesse  pour  le  pays  et  un  aliment  de  trafic  avec  Marseille. 

Le  sultan  ayant  donné  son  adhésion  définitive  à  la  convention  de  Suez,  telle 
qu'elle  était  sortie  des  négociations,  sans  aucune  modification,  sans  adjonction 
d'aucun  protocole,  les  représentants  des  puissances  à  Constantinople  ont  signé  la 
convention  au  nom  de  leurs  gouvernements  respectifs.  Dès  maintenant  le  canal 
est  à  l'abri  de  tous  les  accidents  de  guerre,  pour  autant  du  moins  que  cela  peut 
dépendre  de  la  garantie  contenue  dans  un  traité  européen. 

D'après  des  nouvelles  reçues  de  Bengasi,  les  partisans  du  mahdi  ont  pénétré 
dans  le  Ouadal,  à  l'ouest  du  Darfour,  et  ont  attaqué  la  capitale  dont  ils  se  sont 
emparés.  Le  sultan  s'est  enfui  sur  le  mont  Ghiré. 

La  Gazette  diplomatique  annonce  que  le  comte  Antonelli  est  parti  pour  le  Choa, 
chargé  d'une  mission  auprès  du  roi  Ménélik.  A  en  croire  ce  journal,  l'Italie 
l'appuierait  pour  qu'il  obtint  la  succession  du  Négous  qui  n'a  pas  d'héritier  direct, 
et,  devenu  roi,  Ménélik  reconnaîtrait  le  protectorat  de  l'Italie  sur  l'Abyssinie. 

Le  lieutenant  Swaine,  chef  de  l'expédition  anglaise  de  secours  pour  Émin- 
pacha,  a  quitté  Zanzibar  le  18  octobre  pour  se  rendre  à  Mombas,  d'où  commen- 
cera sa  marche  vers  l'intérieur. 

Le  comte  Teleki  a  découvert,  au  nord  du  lac  Bariugo,  un  nouveau  grand  Uc, 
nommé  par  les  indigènes  le  Basson-Aros  ;  il  s'étend  du  2^  au  5°  latitude  nord;  deux 
rivières,  l'une  au  nord,  l'autre  au  sud,  lui  apportent  le  tribut  de  leurs  eaux. 

La  Société  des  missions  des  Universités,  dont  les  stations  sont  situées  dans 
l'Afrique  orientale  tropicale,  a  été  officiellement  informée  que,  par  suite  de  ^inte^ 
vention  prochaine  des  puissances  européennes  contre  les  trafiquants  d'esclaves,  il 
est  désirable  que  tous  les  Européens  reviennent  des  stations  de  l'intérieur. 

Le  consul  général  d'Angleterre  à  Zanzibar  a  interdit  à  ses  nationaux  de  passer 
des  contrats  avec  des  propriétaires  d'esclaves  pour  faire  travailler  ces  demien 
directement  ou  par  l'intermédiaire  de  leurs  maîtres. 

La  Turquie  ayant  demandé  de  participer  au  blocus  des  côtes  de  Zanzibar  pour 
combattre  la  traite,  l'Allemagne  et  l'Angleterre  ont  réservé  leur  réponse,  leurs 


—  365  — 

eoDTentions  portant  formellement  quMl  s'agit  d'une  action  des  puissances  chré- 
tiennes contre  l'esclavage. 

Le  cardinal  LaTigerie  s'est  rendu  à  Rome  pour  s'entretenir  avec  Léon  Xm  de 
l'opportunité  de  provoquer  une  conférence  internationale  pour  amener  les  gou- 
vernements européens  à  tenter,  par  une  action  commune,  d'abolir  l'esclavage  en 
Afrique.  La  somme  de  300000  francs  donnée  par  Léon  XIII  a  été  répartie  entre 
les  divers  comités  de  Paris,  Londres,  Cologne,  Madrid  et  Kome. 

M.  Horace  Waller  a  proposé  qu'une  canonnière  anglaise  fût  installée  sur  le  lac 
Njrassa  pour  s'opposer  au  passage  des  caravanes  d'esclaves  à  travers  le  lac. 

Une  troupe  de  Ma-Tébélé  a  pénétré  chez  les  Ma-Choukouloumbé,  au  nord  du 
Zambèze.  Elle  a  ramené  des  provisions,  des  bestiaux,  etc.,  y  compris  les  ftnes  que 
les  Ma-Ghoukouloumbé  avaient  dérobés  à  M.  Selous. 

En  1887  l'exportation  de  l'or  du  Transvaal  a  été  de  6,260,000  francs,  tandis 
que  pour  les  six  premiers  mois  de  cette  année-ci  seulement  elle  s'élève  à  12,500,000 
firancs. 

Outre  Cameroun,  chef-lieu  de  la  colonie  allemande,  la  ville  de  Victoria,  située 
également  dans  le  territoire  du  protectorat  allemand,  a  été  dotée  d'un  bureau  de 
poste  ouvert  à  l'échange  des  colis  postaux  jusqu'au  poids  de  5  kilogrammes. 

Le  D'  £.  Zintgraff  a  poussé  ses  reconnaissances  dans  les  environs  de  la  station 
de  Barombi,  jusqu'au  bord  du  fleuve  Calabar;  le  6  août,  il  se  trouvait  ^  Ntok- 
Difang,  dans  le  territoire  des  Banjang.  L'expédition  du  premier  lieutenant  Kund, 
qu'a  rejointe,  après  la  guérison  de  ses  blessures,  le  lieutenant  Tappenbeck,  était, 
à  la  fin  de  juillet,  sur  le  point  d'ériger  une  station  fortifiée  près  des  chutes  Edea, 
sur  le  Sannaga. 

En  réponse  à  une  interpellation  relative  à  la  Royal  Niger  Company,  sir  James 
Fergusson,  sous-secrétaire  d'État  au  Foreign  Office,  a  déclaré  que  cette  Compagnie 
n'impose  pas  de  droits  sur  les  marchandises  importées  par  mer  dans  la  Brass- 
River  ni  dans  aucun  affluent  du  Niger,  et  qu'elle  n'en  impose  pas  davantage  sur 
les  marchandises  exportées. 

L'empereur  du  Maroc  a  adressé  aux  représentants  des  puissances  étrangères 
une  circulaire  dans  laquelle  il  exprime  le  regret  que  la  conférence  qui  devait  se 
réunir  à  Madrid  n'ait  pas  eu  lieu.  Il  demande  que  les  membres  du  corps  diploma- 
tique à  Tanger  remettent  chaque  année  la  liste  de  leurs  nationaux  respectifs  au 
ministre  des  affaires  étrangères,  qui  la  communiquera  aux  gouverneurs  de  pro- 
vince. L'empereur  espère  que  beaucoup  de  difficultés  pourront  être  ainsi  évitées. 


LE  PROGRES  EN  TUNISIE 

Sir  R.  Lambert  Playfair,  consul  général  d'Angleterre  à  Tunis,  a 
rendu  compte  à  la  section  géographique  de  l'Association  britannique, 
réunie  à  Bath,  de  la  condition  de  la  Tunisie  depuis  que  la  France  l'a 


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—  366  — 

prise  sous  son  protectorat.  Ce  qu'il  en  a  dit  peut  donner  une  idée  des 
^^'  '  résultats  obtenus  dans  un  pays  où  le  secours  de  TÉtat  est  inconnu,  oii 

Û^-,    :  l'on  n'a  pas  créé  un  seul  village,  pas  importé  un  seul  immigrant,  oU  pas 

^v^c  un  acre  de  terre  arabe  n'a  été  confisqué,  et  oliles  charges  civiles  suppor- 

'^r^-'  tées  par  la  France  n'excèdent  pas  150,000  francs  par  an.  Le  système  du 

o^  '  gouvernement  est  le  plus  simple  ;  le  ministre-résident  est  à  la  fois  le 


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>^ï^^  représentant  de  la  France  et  le  ministre  des  affaires  étrangères  du  bey; 

'  il  n'a  qu'un  petit  état-major  de  fonctionnaires  français  ;  le  nombre  total 


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des  employés  français,  correspondant  à  ce  qu'on  pourrait  appeler  des 

'^i:  chefs  de  département,  ne  dépasse  pas  vingt. 

^h  D'après  M.  Playfair,  les  Tunisiens  désirent  vivement  le  maintien  de 

leur  indépendance,  au  moins  à  l'égard  de  l'Algérie.  L'annexion  entraî- 
nerait des  chai"ges  que  le  pays  serait  difficilement  capable  de  supporter; 

y^^l--'  mais  ce  sentiment  ne  dépasse  guère  les  limites  de  la  Régence.  En 

^^::      '  France  et  en  Algérie,  il  existe  un  parti  qui  demande  l'annexion  com- 

plète, jaloux  des  desseins  des  autres  États  et  désireux  de  faire  de  toute 
l'Afrique  septentrionale  la  continuation  de  la  mère  patrie. 

C'est  le  siècle  des  expositions  industrielles  ;  il  y  en  a  eu  une  à  Tunis, 
qui,  malgré  le  temps  très  court  accordé  pour  l'organiser,  peut  être  coa- 
sidérée  comme  un  vrai  succès.  On  a  fait  de  grands  efforts  pour  réunir 
les  produits  du  pays,  et  pour  rassembler,  en  vue  de  Tinstruction  des 
Tunisiens,  les  objets  les  plus  perfectionnés  de  l'agriculture  et  de  l'in- 
dustrie européenne. 

Comme  elle  le  devait,  la  civilisation  européenne  a  produit  en  quel- 
ques années  de  grands  changements.  Il  n'y  a  pas  longtemps,  dit  M.  Play- 
fair, je  fis  un  voyage  de  plusieurs  centaines  de  milles  dans  l'intérieur;  à 
peine  y  avait-il  quelque  part  un  Européen  ;  il  n'existait  pas  un  mille  de 
route  dans  tout  le  pays;  partout  la  vue  d'un  voyageur  était  une  chose 
inaccoutumée,  et  dans  quelques-uns  •  des  endroits  que  je  visitai,  c'était 
une  chose  sans  précédent.  Maintenant,  la  Tunisie  ressemble  à  une  colo- 
nie française  ;  ses  ports  de  mer  sont  florissants  ;  les  entreprises  euro- 
péennes l'ouvrent  dans  toutes  les  directions;  si  les  routes  n'y  sont  pas 
encore  nombreuses,  cet  état  de  choses  cessera  bientôt;  les  voyages 
n'y  laisseront  bientôt  plus  rien  à  désirer;  la  sécurité  régnera  partout. 

L'œuvre  la  plus  importante  qu'ait  accomplie  le  jury  de  l'exposition  a 
été  la  délivrance  des  prix  aux  meilleures  fermes  européennes.  Elles  sont 
nombreuses  et  grandes,  leurs  propriétaires  sont  en  général  des  Fran- 
çais, mais  il  y  en  a  deux  qui  appartiennent  à  des  sujets  anglais,  qui  eut 
eu  des  mentions  honorables;  l'une  d'elles  a  pour  propriétaire  M.  Pitter, 


—  367  — 

'bien  connu  comme  IMntroducteur  dans  l'Afrique  septentrionale  des 
machines  agricoles  des  meilleurs  modèles,  n  a  acquis  une  terre  de  plus 
de  8000  acres,  dont  le  dixième  a  été  affecté  à  une  culture  perfectionnée  ; 
ses  vignes,  en  particulier,  ont  attiré  l'attention  des  jurés,  et  ses  vins  ont 
obtenu  une  médaille  d'or. 

On  est  étonné  à  la  vue  de  tout  ce  qui  a  été  fait  pour  créer  d'impor- 
tants établissements  agricoles.  Il  y  a  trois  ans,  l'intérieur  n'était  qu'une 
terra  incognita;  le  sol  n'était  pas  défriché,  ou  bien  il  n'était  cultivé  que 
de  la  manière  la  plus  primitive  par  les  Arabes.  Maintenant,  il  promet  de 
rivaliser  bientôt  avec  l'Algérie  pour  la  production  des  vins  et  pour 
l'élève  du  bétail  et  des  chevaux. 

L'Afrique  septentrionale  ne  paraît  pas  à  M.  Playfair  avoir  un  grand 
avenir  pour  l'agriculture  ordinaire.  La  concurrence  croissante  des 
Indes  et  de  l'Amérique  est  si  forte,  que  les  céréales  ne  pourront  plus 
être  cultivées  par  les  Européens,  du  moins  avec  quelque  chance  de  suc- 
cès. Même  dans  les  années  favorables,  cette  culture  n'est  pas  rémuné- 
ratrice, et,  en  Tunisie,  les  années  favorables  sont  l'exception  plutôt  que 
la  règle.  Cette  année-ci  sera  une  année  de  famine  par  suite  de  la  séche- 
resse et  de  l'invasion  des  sauterelles.  Pour  donner  une  idée  de  l'insuffi- 
sance de  la  quantité  d'eau  tombée  dans  la  Régence,  M.  Playfair  a  cité  le 
fait  que  le  grand  acqueduc  qui,  autrefois,  conduisait  les  eaux  de  la  Zeu- 
gitane  à  Carthage,  et  qui  fournit  encore  la  ville  de  Tunis,  amenait,  il  y 
a  un  an,  chaque  jour  18,000  mètres  cubes  d'eau,  et  que  20,000  mètres 
cubes  étaient  détournés  à  la  source  principale;  tandis  que  l'hiver 
passé  la  source  ne  donnait  plus  que  7000  mètres  cubes.  Qu'en  restait-il 
à  l'époque  des  grandes  chaleurs  de  l'été  ? 

Mais  la  vigne  paraît  résister  à  la  plus  forte  chaleur  et  prospérer  sur 
toute  espèce  de  sol.  On  a  acheté,  de  5  à  25  shillings  l'acre,  des  terrains 
qui  lui  conviennent  ;  les  frais  de  défrichement  et  de  plantage  ont  été 
moindres  qu'en  Algérie,  variant  de  5  à  7  livr.  sterl.  l'acre.  Plusieurs 
plantations  très  vastes  ont  été  faites  ;  tel  colon  français  en  a  1000  acres, 
tel  autre  500;  le  domaine  de  l'Enfida  en  a  600.  Ces  chiffres  supposent 
un  capital  considérable,  placé  sur  la  propriété  territoriale  et  affecté  à  la 
construction  de  celliers  coûteux,  mais  les  bénéfices  qu'on  peut  en  atten- 
dre sont  considérables  ;  ils  dépasseront  certainement  10  pour  cent. 

Parfois  on  a  rencontré  des  difficultés  d'une  nature  très  sérieuse,  par 
exemple  l'envahissement  des  sables  chassés  par  les  vents  dominants  du 
bord  de  la  mer  ou  d'autres  zones  sablonneuses.  M.  Playfair  l'a  constaté 
dans  la  région  à  l'est  de  Tabarca,  pendant  un  voyage  en  1876.  Une 


—  368  — 

ligne  bien  tracée  de  démarcation  existait  entre  le  sable  et  le  pays 
au  delà,  couvert  de  forêts  ;  elle  se  terminait  par  un  banc  de  sable,  s'éle- 
vant  parfois  comme  une  falaise  à  lO""  de  hauteur,  parfois  envahissant 
une  vallée  comme  un  glacier,  mais  toujours  avançant  et  ensevelissant 
dans  sa  course  toute  végétation.  Il  a  fallu  beaucoup  d'énergie  et  d'in- 
telligence pour  s'opposer  avec  succès  à  cette  force  naturelle. 

Outre  les  vins,  les  produits  de  la  Tunisie,  pour  lesquels  on  constate 
un  progrès,  ou  pour  lesquels  on  peut  espérer  un  avenir  prospère,  sont 
les  olives,  les  dattes,  et  l'élève  du  bétail.  Sans  entrer  dans  de  longs 
détails  statistiques  à  cet  égard,  M.  Playfair  indique  les  chiffres  suivants, 
qu'il  pense  cependant  im  peu  exagérés  ; 

Chevaux 100,000. 

Anes 300,000. 

Bœufs  et  vaches 3,000,000. 

Moutons 20,000,000. 

Chèvi^ 5,000,000. 

Chameaux 200,000. 

L'agriculture  seule  témoigne  d'un  progrès  considérable.  Les  indu^ 
tries  indigènes  sont  peu  nombreuses  et  elles  sont  en  décadence.  On  fait 
k  Nabeul  de  la  belle  poterie  verte  et  jaune,  d'une  forme  élégante,  sans 
doute  suivant  la  tradition  de  l'art  romain  ;  à  Zaghouan,  des  bonnets 
rouges  très  estimés  dans  tous  les  pays  musulmans.  Les  excellentes 
tuiles  maures,  pour  lesquelles  Tunis  était  autrefois  si-  célèbre,  peuvent 
être  considérées  comme  un  art  perdu;  on  peut  en  dire  autant  des  mer- 
veilleuses arabesques  et  mosaïques,  beaucoup  plus  belles  que  tout  ce 
qu'on  peut  voir  à  l'Alhambra.  Les  tapis  de  Kairouan  et  les  haïks  de 
Djerba  sont  encore  célèbres  ;  à  Tunis,  presque  tous  les  hommes  portent 
un  ornement  ou  djoubba,  qui,  pour  la  beauté  du  tissu,  des  broderies  et 
de  l'harmonie  des  couleurs,  ne  peut  être  surpassé.  Jusqu'ici,  la  passion 
du  goudron  de  houille  n'a  pas  atteint  Tunis,  et  les  indigènes  n'ont  pas, 
comme  en  Algérie,  commencé  à  se  servir  de  couleurs  d'aniline  au  lieu  de 
leurs  propres  belles  teintures,  plus  coûteuses,  il  est  vrai. 

Quant  aux  progrès  du  commerce,  dont  M.  Playfair  n'a  pas  voulu  par- 
ler en  détail,  il  n'a  indiqué  que  les  chiifres  suivants  *.  Pendant  les  cinq 
années  qui  ont  précédé  la  proclamation  du  protectorat,  les  importations 
s'élevaient  à  54  millions  et  demi  de  francs,  et  les  exportations  à  58  mil- 
lions ;  dans  les  cinq  années  qui  ont  suivi  l'occupation,  les  premières  se 
sont  élevées  à  118  millions  et  les  secondes  à  86  millions  et  demi. 

En  terminant,  M.  Playfair  a  indiqué  une  des  causes  auxquelles  est  dû 


—  369  — 

le  succès  du  protectorat  fraaçais.  H  la  voit  dans  lo  fait  que  les  nations 
de  l'Europe  ont  franchement  accepté  la  situation  a-éée  à  Tunis,  et  que 
leurs  agents,  au  lieu  de  créer  des  obstacles  et  des  difficultés  h  l'adminis- 
tration, ont  cordialement  fait  leur  possible  pour  lui  faciliter  sa  lâche, 
dans  le  sentiment  que  les  intérêts  des  indigènes,  des  Français  et  des 
étrangers,  réclament  la  prospérité  et  le  développement  constants  du 
pays.  La  France,  dit-il,  s'est  montrée  une  protectrice  bienfaisante  de  la 
Régence;  les  Ëtats  de  l'Europe  lui  ont  montré  comment  doit  être  traitée 
une  grande  nation  qui  entreprend  la  tâche  difficile  de  régénérer  un  pays 
à  demi  barbare. 


CORRESPONDANCE 
Lettr»  dn  Z«B>bèie  de  H.  D.  Jeftamslret. 

SeBhéké,  20  juillet  1SB8. 

Noua  attendonB  prochaiDement  une  occasion  pour  la  poste  et  me  voici  à  ma 
table  à  écrire.  Tout  d'abord,  mes  plus  vifs  remerciements  pour  votre  lettre  de 
décembre  dernier  et  pour  l'Afrique  Explarée  et  Civtliaée.  Nous  sommes  bien  triâtes 
en  pensant  aux  nouvelles  qui  ont  dQ  vous  parvenir  tout  demiërement  et  surtout 
aas  pauvres  parents  qu'elles  ont  plongés  dans  le  deuil.  Aujourd'hui,  j'ai  encore  à 
TOtu  annoncer  la  mort  de  la  chère  petite  Marguerite  Jalla. 

Beaucoup  de  choses  se  sont  passées  depuis  ces  deux  événements,  mais,  bêlas  t 
le  temps  n'effacera  pas  la  douleur  dans  les  cœurs  affligés.  Four  le  moment,  nous 
sommes  gardes-malades,  ayant  le  capitaine  et  Mrs.  Thomas,  tous  deux  malades 
de  la  fièvre.  C'est  par  eux  que  nous  est  arrivée  notre  dernière  poste.  Leur 
compagnie  se  compose  de  M.  le  capitaine  Reid,  une  ancienne  connaissance,  le 
boute- en-train  de  cette  partie  de  plaisir,  et  de  trois  autres  messieurs.  A  part  nos 
invalides,  tous  nous  ont  quittés  pour  passer  un  mois  dans  le  Teit,  M.  et  M~* 
Thomas  les  rejoindront  plus  tard.  Malgré  les  ordres  du  roi,  les  chefs  de  Seshéké 
ont  été  difâciles  à  satisfaire  et  mon  intervention  a  été  néceisaire. 

Le  26  juin,  nos  guerriers  nous  sont  revenus  tout  désireux  de  nous  revoir  et 
d'apprendre.  Le  28  juin,  nous  avons  enfin  fondé  l'école  tant  désirée.  N'allez  pas 
croire  que  ce  soit  quelque  chose  de  grand;  non  ce  n'est  qu'un  petit  commence- 
ment. Toutefois,  je  crois  qu'il  y  a  un  vrai  réveil  de  l'intérêt  pour  l'instruction  chez 
qaelqnei-uns  et  c'est  an  progrès  que  je  signale  avec  beaucoup  de  plaisir.  Les 
vols  aussi  sont  moins  fréquents  et  sans  effraction;  la  justice  même  paraît  avoir  un 
peu  repris  ses  droits.  C'est  donc  une  note  encourageante  que  celle  d'aujourd'hui; 
ce  qui  n'empêche  pas  que  nous  n'ayons  été  vivement  peines  de  la  cupidité  mani- 
festée k  l'égard  de  nos  visiteurs.  Il  est  regrettahle  que  Kaboukou  ne  soit  pas  de 
bonne  composition;  il  est  pointilleux,  jaloux  et  peu  doué.  Il  nous  arrive  même  de 


—  370  — 

nous  demander  s'il  a  totgours  tout  son  bon  sens;  naturellement  notre  œurre 
souffire  de  cet  état  de  choses. 

Du  reste,  il  est  bien  difficile  de  comprendre  nos  natifs.  Les  découvertes  que 
nous  faisons  ne  sont  pas  réjouissantes;  il  faut  bien  le  reconnaître,  la  pre» 
mière  impression  que  l'on  reçoit  des  nègres  est  trop  favorable  ;  le  danger  det 
missionnaires  est  de  les  juger  trop  sévèrement.  Pour  être  juste  envers  eux,  il 
faudrait  d'abord  se  rendre  bien  compte  de  la  valeur  des  mots  qu'ils  emploient,  ri 
tant  est  qu'un  peuple  puisse  être  jugé  par  sa  langue.  En  effet,  les  Ba-Rotsé,  qui  font 
si  peu  de  cas  de  la  vie  de  leurs  semblables,  sont  très  polis  et  respectueux  dans 
leur  langage.  La  forme  tu  est  peu  usitée  chez  eux,  c'est  une  importation  des 
Ma-Kololo;  ils  ne  l'emploient  guère  qu'avec  nous  qui  l'avons  apprise  au  Le-Soato 
et  qui  en  faisons  usage. 

Un  enfant  dira  en  parlant  de  son  père  :  Bo  ntate  (mes  pères  ou  mes  parents); 
en  parlant  de  sa  mère  :  Bo  me  (mes  mères)  et  ainsi  de  suite.  Leur  politesse  est 
poussée  même  jusqu'au  ridicule  :  constamment  les  enfants  s'interpellent  en  se 
donnant  le  nom  de  père  et  de  mère.  Une  mère  appelle  son  enfant  (un  bout 
d'homme  pas  plus  haut  qu'une  botte),  son  père;  si  c'est  une  fillette,  sa  mère.  Je  ne 
vous  donne  que  les  exemples  les  plus  frappants  pour  vous  montrer  que  la  traduc- 
tion littérale  du  se-souto  en  français  vous  induit  en  erreur.  En  ce  qui  me  concerne, 
je  suis  persuadé  que  la  non-équivalence  des  mots  dans  les  deux  langues  est  pour 
beaucoup  dans  l'idée  erronée  qu'on  a  en  Europe  des  tribus  noires.  Rien  ne  paraft 
plus  touchant  que  d'entendre  appeler  les  missionnaires  :  mon  père,  ma  mère, 
expressions  qui  équivalent  à  peine  à  monsieur  et  madame,  sans  coup  de  chapeau. 

Maintenant,  je  reviens  aux  événements  qui  ont  suivi  nos  dernières  nouvelles. 

Après  le  départ  des  guerriers  de  Seshéké,  les  quelques  vieux  chefs  chargés  de 
garder  le  village  me  demandèrent  de  pouvoir  s'établir  sur  la  station  sous  des 
abris  temporaires.  Plus  tard,  ils  commencèrent  à  rebâtir  un  nouveau  village  qui 
ne  fait  presque  qu'un  avec  la  station,  non  selon  notre  désir,  mais  parce  que  les 
gens  trouvent  plus  de  sécurité  à  s'établir  à  côté  de  nous.  Aujourd'hui,  le  village 
s'augmente  chaque  jour  de  nouvelles  huttes  et  le  nombre  de  ses  habitants  est  d^à 
considérable.  Cette  affiuence  de  gens  a  valu  de  bonnes  assemblées  à  nos  deux 
cultes  du  dimanche  où  les  femmes  sont  en  minorité  mais  cependant  en  bon 
nombre  déjà.  Ces  dernières  ont  aussi  leur  part  d'instruction,  pendant  la  semaine, 
sous  les  soins  de  M°**  Jalla,  et  le  dimanche  sous  ceux  de  ma  femme.  Tous  ainsi, 
nous  prenons  part  à  l'école,  à  l'exception  de  notre  invalide  Ma-Bethuele.  Hélas! 
souvent  le  nombre  des  maîtres  dépasse  celui  des  élèves;  mais  que  deux  ou  trois 
y  prennent  un  vrai  intérêt,  ils  finiront  par  le  communiquer  aux  autres,  et  nous  ne 
méprisons  pas  notre  tâche,  quelque  humble  qu'elle  soit.  Quelles  écoles  auriez-vous 
en  Europe,  si  l'utilité  de  Tinstruction  ne  sautait  pas  aux  yeux  de  tous  et  qu'elle 
ne  fût  une  nécessité  sociale?  Ici  rien  de  semblable,  aussi  devons-nous  prendre 
patience  et  demander  à  Dieu  de  créer  dans  les  cœurs  le  besoin  d'apprendre,  tandis 
qu'en  Europe  il  est  imposé  par  la  force  des  choses.  Eaboukou  ira  bientôt  à  la 
Yallée,  avec  nos  vieux  chefs,  pour  procéder  à  Télection  aux  cinq  postes  vacants 


—  371  — 

à  Seshéké  :  de  Tahalima,  Nalishua,  Katukura,  OamoroDgoe  et  Koloa.  Le  roi  a 
donné  des  ordres  pour  que  plusieurs  chefs  rivant  habituellement  à  la  campagne 
eussent  leur  résidence  ici,  de  telle  manière  que  Seshéké  soit  capable  de  résbter  à 
un  coup  de  main.  Pour  le  moment,  les  partisans  de  Morantsiane  sont  dispersés; 
lui-même  s'est  séparé  de  Oamorongoe,  son  ancien  élu  ;  mais  il  n'a  pu  être  atteint 
par  les  gens  de  Seshéké  qui,  de  guerre  lasse,  ont  cessé  de  le  poursuivre.  Le  vrai 
danger  est  du  côté  des  Ma-Tébélé,  qui,  au  dire,  de  M.  Westbeech  préparent  une 
incursion  dans  ce  pays,  ou  du  côté  de  Moremi  (au  lac  Ngami). 

16  août  1888.  Hier  nous  est  arrivé  M.  F.  C.  Selous  qui  nous  a  quittés  aujourd'hui 
pour  la  Vallée.  Il  a  failli  périr  chez  les  Ma-Choukouloumbé,  et  voici  comment  : 
Arrivé,  fin  avril  ou  mai,  à  Panda-Matenka,  il  apprit  le  départ  de  Lewanika  pour  la 
guerre  et  se  dirigea  sur  Wankle,  en  aval  des  Chutes  Victoria.  Son  plan  était  de 
descendre  le  Zambèze  jusqu'à  son  confluent  avec  la  Kafoué,  puis  de  remonter 
cette  dernière  rivière  et  d'atteindre  ainsi  le  pays  des  Garenganzé  où  était 
M.  Amot  Les  tribus  des  bords  du  fleuve  s'étant  montrées  peu  hospitalières,  il 
dut  renoncer  à  son  projet  et  se  diriger  du  côté  des  Ba-Toka  et  des  Ma-Choukou- 
loumbé.  Arrivé  à  une  certaine  ville,  il  rencontra  des  gens  armés  de  Séthuala 
(Morantsiane),  qui  voulurent  lui  faire  rebrousser  chemin  et  exigèrent  tout  au  moins 
des  présents  pour  leur  chef,  en  prédisant  à  M.  Selous  un  désastre  de  la  part  des 
Ma-Choukouloumbé.  L'explorateur  poursuivit  son  chemin,  atteignit  et  passa  la 
Kafoué  au  bout  de  deux  jours  et  fut  bien  reçu  par  un  chef  Ma-Choukouloumbé, 
dont  la  ville  s'appelle  Maninga;  elle  se  trouve  sur  la  Kafoué  même.  Pressé  par  ses 
hôtes,  M.  Selous  passa  là  la  journée  du  lendemain  et  tua  trois  antilopes  qu'il 
donna  aux  maîtres  du  village;  puis  il  s'assura  d'un  guide,  en  la  personne  du  fils 
du  chef,  pour  poursuivre  son  voyage  le  lendemain.  Tout  allait  bien;  à  9  heures 
du  soir,  M.  Selous  était  sous  ses  couvertures,  quand  il  vit  s'approcher  de  son  camp, 
rampant  dans  l'herbe,  un  homme,  qui  venait  lui  annoncer  que  toutes  les  femmes 
avaient  quitté  le  village.  Suspectant  quelque  mauvaise  intention,  le  voyageur 
s'habilla,  fit  lever  ses  gens  et  éteindre  les  feux.  Pendant  qu'il  cherchait  quelques 
cartouches,  une  volée  de  coups  de  fusils  et  une  pluie  d'assagaies  faillirent  lui  faire 
perdre  la  vie.  Il  se  réfugia  dans  l'herbe  et  erra  ainsi  toute  la  nuit  cherchant  à 
retrouver  ceux  de  ses  gens  qui  avaient  survécu.  Ses  efforts  furent  infructueux  ;  il 
se  trouva  seul  avec  son  fusil  et  quatre  cartouches,  loin  de  tout  secours  humain, 
n  eut  d'abord  à  traverser  à  la  nage  la  Kafoué  et  à  passer  par  plusieurs  villages 
Ma-Choukouloumbé. 

Exténué  de  fatigue,  de  froid  et  de  soif,  il  s'arrêta  la  nuit  suivante  dans  un  petit 
rillage,  où,  pendant  qu'il  parlait  ou  essayait  de  parler  avec  les  indigènes,  son  fusil 
lui  fut  enlevé;  il  fut  mis  en  joue  et  dut  de  nouveau  chercher  son  salut  dans 
les  hautes  herbes.  Privé  ainsi  de  tout  moyen  de  tuer  du  gibier,  il  atteignit 
une  ville  où  il  avait  été  bien  reçu,  chez  les  Ba-Toka,  et  où  H  espérait  que  ses  gens 
le  rejoindraient.  Là,  il  fut  poliment  éconduit,  de  peur  de  représailles.  Se  rappelant 
à  peu  près  la  direction  de  la  retraite  de  Morantsiane  dans  les  montagnes,  il 
dirigea  ses  pas  de  ce  côté  et  atteignit  enfin  un  village  où  l'on  consentit  à  lui  mon- 


-  372  ~ 
liiez  Sethnala,  il  reçut  quelque  nourriture  et  demanda  i  ce 
r  son  fusil  volé  la  Teille.  Morsntsiane  j  consentit,  mais  m 
dans  leur  teotatire  et  rapportèrent  la  nouvelle  qae  lea 
loursuivaient  H.  Seloue.  Sethuala  s'eienaa  de  ne  pouToit 
sser  la  nuit  dans  son  village,  et  l'envoya  k  quelque  diitauce 
site  et  des  guides.  Voyant  qae  Sethuala  ne  tenait  pas  sa 
Etouma  vers  lui  et  lui  dit  que  si  son  dénr  était  de  le  tuer,  il 
village.  Sur  les  promesses  du  chef,  M.  Selous  retourna  k  son 
içut  ta  visite  et  les  porteurs  promis  qui  ne  raccompagnèrent 
rs,  jusqu'à  un  village  nommé  Sli6ma  où  il  put  se  procurer 
'anda-Matenka.  Ce  ne  fut  que  quatorze  jours  après  l'événe- 
»ux  de  ses  gens  qui  avaient  échappé  au  désastre;  ils  loi 
ullants  étaient  les  propres  gens  de  Sethoata,  aidés  des 
«r  les  premiers  seuls  ont  des  fusils  et  parlent  le  se-kololo 
ïur  ordonner  aux  assaillants  de  veiller  sur  le  butin, 
écit  complet  de  cette  histoire  dans  The  FWd  de  Londr». 
à  vous  raconter  ce  qui  précède.  D,  JuiwAiBn. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

tann,  Ludivig  Wolf,  Curt  von  français,  Hans 
Afhikas.  Die  Erforschung  des  Eassal  w&hread  der 
id  1885.  Leipzig  (F.-A.  Brockhaus),  1888,  gr.  iD-8°, 
igeii  und  3  Karten,  fr.  22.50.  —  L'importante  explo- 
remplit  ce  livre  a  déjà  été  décrite  dans  ses  grands 
■nal  à  mesure  qu'elle  s'accomplissait  ;  nous  ne  voo- 
pas  entrer  dans  de  longs  commentaires  à  propos  de 
exécuté  par  quatre  officiers  de  l'armée  allemande, 
ans  cette  circonstance,  au  service  du  roi  des  Belges. 
bre  des  Européens  de  l'expédition  était  de  huit: 
l^issmann,  le  médecin  major  Wolf,  le  capitaine  von 
ants  Hans  et  Franz  Millier,  les  armuriers  Meyer  et 
irpentier  de  marine  Bugslag.  MM.  Franz  Millier 
,  avant  le  commenecnient  de  l'exploration  du  K;issal. 
i  Loulouahourg  pour  diriger  la  station,  de  soi-te  que 
emcnt  terminèrent  le  voyage. 
:  le  continent  africain  à  Saint-Paul  de  Loanda  ;  de 

er  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  B&le,  tous  les 
idn  compte  dans  V Afrique  ex^hyrée  et  civilisée. 


—  373  — 

là,  remontant  là  vallée  de  la  Coaoza,  ils  étaient  arrivés  à  Malangé  ; 
puis,  continuant  leur  voyage  dans  la  direction  du  nord-est,  ils  avaient 
franchi  un  grand  nombre  d'affluents  du  Kassaï  et  le  Kassaï  lui-même  et 
atteint  Mukengué  près  duquel  ils  avaient  fondé  la  station  de  Louloua- 
bourg.  En  descendant  la  Louloua  et  le  Kassaï  ils  étaient  enfin  parvenus 
à  Kwamouth  au  confluent  de  ce  fleuve  avec  le  Congo.  En  dehors  de  ce 
grand  itinéraire,  le  lieutenant  Hans  MttUer  avait  visité  Mouata  Koum- 
bana;  le  docteur  Wolf  avait  exploré  le  pays  des  Ba-Kouba  ;  enfin  le  capi- 
taine von  François  avait  reconnu  le  pays  s*^tendant  de  Loulouabourg  à 
Mena  Fenda.  Une  fois  arrivés  sur  le  Congo,  Wissmann  et  Hans  MûUer 
prirent  le  chemin  de  l'Europe  oîi  ils  devaient  aller  rétablir  leur  santé  ; 
von  François  fit,  en  compagnie  du  missionnaire  Grenfell,  la  reconnais- 
sance du  Loulongo  et  du  Tchouapa  ;  enfin  le  docteur  Wolf  et  l'armurier 
Schneider  retournèrent  au  Kassaï  pour  rapatrier  les  serviteurs  et  por- 
teurs noirs  et  achever  la  tâche  imposée  à  l'expédition. 

L'ouvrage  qui  raconte  cette  longue  odyssée  peut  sans  contredit  se 
placer  à  côté  des  récits  des  plus  gi'ands  voyageurs  africains.  Indépen- 
damment de  l'attrait  qu'oiîre  la  narration  qui  fourmille  de  faits  curieux, 
d'anecdotes  et  de  piquantes  scènes  de  mœurs,  la  description  que  font 
les  voyageurs  allemands  est  d'un  intérêt  incontestable  au  point  de  vue 
scientifique.  Plusieurs  d'entre  eux  sont  des  hommes  de  science  :  le 
D' Wolf  s'occupe  d'anthropologie,  von  François  de  géographie  propre- 
ment dite,  Franz  Millier  de  météorologie  et  Hans  Mttller  de  géologie  et 
de  botanique  ;  aussi  l'ouvrage  que  nous  annonçons  est-il  une  source  pré- 
cieuse d'informations  de  toute  nature  sur  cette  vaste  région  du  Kassaï, 
qui  est  de  jour  en  jour  mieux  connue  et  qui  est  appelée  à  un  grand  ave- 
nir. De  nombreuses  gravures  ornent  cet  ouvrage  qui  renferme  en  outre 
trois  cartes  :  l'une,  qui  a  été  dressée  par  M.  von  François,  indique,  à  une 
grande  échelle,  l'itinéraire  suivi  par  les  voyageurs.  La  seconde  montre 
quel  était  l'état  des  connaissances  sur  la  région  située  au  sud  du  Congo 
avant  l'expédition  du  Kassaï.  Enfin  la  troisième  fournit  au  lecteur  l'état 
de  l'exploration  dans  l'Afrique  centrale  en  1887.  Nous  formons  le  vœu 
que  cet  important  ouvrage  soit  bientôt  traduit  en  français. 

Ciirt  t)on  François.  Die  Erporschung  des  Tsohuapa  ukd  Lulonoo. 
Reisen  in  Central- Afrik a.  Leipzig  (F.  A.  Brockhaus),  1888,  gr.  in-B**. 
220  p.  33  Abbildungen,  12  Kartenskizzen  und  1  Uebei'sichtskarte,  fr.  7,50. 
—  Cet  ouvrage  fait  suite  en  quelque  sorte  au  récit  publié  par  MM.  Wiss- 
mann, Wolf,  von  François  et  Muller  sous  le  titre  :  Im  Innern  Afrikas. 


—  374  — 

Die  Erforschung  des  Kassaï  wahrend  der  Jahre  1883, 1884  und  1885. 
C'est  en  effet  dans  les  mois  qui  suivirent  son  arrivée  au  Congo,  au  retour 
de  son  expédition  au  Kassaï  en  1885,  que  M.  von  François  eut  l'occasion 
d'explorer  le  Loulongo  et  le  Tchouapa.  Il  effectua  ce  voyage  sur  le  petit 
vapeur  le  Feace,  appartenant  à  la  mission  baptiste  et  en  compagnie  du 
missionnaire  Grenfell,  bien  connu  par  ses  explorations.  Le  voyage  ne 
fut  pas  long,  car  il  ne  dura  guère  que  deux  mois  et  demi,  du  conamence- 
ment  d'août  au  milieu  d'octobre  1885  ;  cependant  la  route  parcourue 
est  considérable,  grâce  à  la  bomie  marche  du  bateau  qui  se  comporta 
vaillamment;  les  résultats  acquis  sont  aussi  d'une  réelle  importance  au 
point  de  vue  géographique. 

Le  récit  commence  par  le  départ  de  Léopoldville  et  le  voyage  sur  le 
Congo  de  Léopoldville  à  Kwamouth,  station  bâtie  au  confluent  du  Kas- 
saï et  du  Congo.  De  là,  le  Feace  se  dirige  sur  la  station  de  l'Equateur 
et  ensuite  vers  l'embouchure  du  Loulongo,  où  se  trouvait  une  station  du 
même  nom  qui  a  été  abandonnée.  On  est  étonné  du  peu  de  temps  que 
mirent  les  voyageurs  à  remonter  le  Loulongo  sur  plusieurs  centaines  de 
kilomètres.  D'un  jour  à  l'autre  leur  bateau  franchissait  en  moyenne  50 
kilomètres,  distance  calculée  sui*  la  carte,  sans  tenir  compte  des  sinuosi- 
tés du  fleuve.  Partis  de  l'embouchure  du  Loulongo  le  22  août,  ils  étaient 
arrêtés  par  des  embarras  d'arbres  et  de  plantes,  le  4  septembre,  dans 
une  région  située  à  22"*  et  quelques  minutes  de  longitude  orientale  de 
Greenwich  et  à  quelques  minutes  au  nord  de  l'Equateur.  Ils  redescen- 
dirent ensuite  le  fleuve,  explorèrent  le  cours  tout  à  fait  inférieur  d'un  de 
ses  affluents  de  droite,  le  Lopouri,  et  se  retrouvèrent  le  11  septembre  à 
l'embouchure  du  Tchouapa  qu'ils  se  mirent  à  remonter.  Là,  la  marche 
fut  plus  lente.  Le  Tchouapa  et  son  affluent  la  Bussera,  dont  ils  explorè- 
rent aussi  le  cours  inférieur,  décrivent  de  nombreux  méandres.  Le  7 
octobre  les  voyageurs  s'arrêtaient  près  du  23°  de  longitude  est  de 
Greenwich.  Le  voyage  de  retour  fut  rapide,  car  le  20  du  même  mois 
ils  arrivaient  à  Léopoldville. 

Ainsi  ce  voyage  a  fixé  d'une  manière  positive  le  cours  moyen  et  infé- 
rieur de  deux  grands  affluents  du  Congo.  D'autres  termineront  l'œuvre 
commencée  en  explorant  le  cours  supérieur;  mais  il  n'y  aura  probable- 
ment pas  de  modification  à  apporter  au  tracé  de  la  partie  relevée  par  les 
deux  voyageurs,  car  M.  von  François  est  avant  tout  un  géographe  ayant 
l'habitude  de  faire  la  détermination  astronomique  des  localités  et  engagé 
comme  tel  dans  la  grande  expédition  du  Kassaï.  Son  livre  renferme  un 
grand  nombre  de  croquis  cartographiques  intercalés  dans  le  texte  et 


—  375  — 

fourniseant  à  une  gi-ande  échelle  le  détail  de  certaines  parties  de  l'iti- 
néraire parcouru.  En  outre,  il  se  termine  par  une  fort  belle  carie  au 
Vjoooooo  représentant  le  cours  du  Congo  près  de  l'Equateur,  les  coui-s  du 
Loutongo  et  du  Tchouapa,  enfin  celui  de  TOu^angi  dans  la  partie  infé- 
rieure.Les  deux  lacs  Mantoumba  et  Léopold  II  et  l'embouchure  du 
Kassal  y  figurent  aussi.  Cette  région  des  confluents  de  quatre  grands 
fleuves  est  certainement  une  des  plus  importantes  du  bassin  du  Congo. 
C'est  un  point  central  d'où  l'on  peut  se  transporter  rapidement  par  eau 
dans  toutes  les  directions.  Peut-être  sera-ce  plus  tard  le  lieu  d'établisse- 
ment d'une  grande  ville,  de  la  station  principale  de  l'État  du  Congo. 

La  narration  de  M.  von  François  n'est  pas  seulement  importante  par 
les  renseignements  précieux  qu'elle  fournit  au  point  de  vue  géographi- 
que; elle  l'est  aussi  par  les  indications  de  toute  nature  qu'elle  renferme, 
par  les  remarques  sur  la  météorologie,  l'hydrographie,  l'ethnographie, 
la  botanique  et  la  zoologie.  Une  des  parties  les  plus  intéressantes  est  la 
description  du  peuple  nain  des  Batoua,  que  les  voyageurs  i*encontrè- 
rent  sur  le  Tchouapa.  A  côté  des  renseignements  scientifiques  écrits 
dans  le  style  qui  convient  à  la  science,  M.  von  François  a  aussi  la  note 
gaie.  Bien  des  scènes  racontées  avec  humour  reposeront  le  lecteur  de 
la  partie  sérieuse  du  récit.  Le  volume  de  M.  von  François  est  un 
livre  qu'il  faut  lire  pour  être  au  courant  de  l'exploration  africaine 
dans  la  région  équatoriale.  Il  complète,  conmie  nous  l'avons  dit,  l'ouvrage 
de  MM.  Wissmann,  Wolf,  MtlUer  et  von  François  sur  l'expédition  du 
Kassal  et  montre  les  immenses  services  que  ces  voyageurs  ont  rendu  à 
la  science  en  détenninant  le  cours  de  ces  afiluents  méridionaux  du 
Congo,  si  importants  par  leur  volume  et  leur  navigabilité. 


P.  Trixner.  Album  de  la  mission  romande.  Lausanne  (Georges  Bri- 
del),  1888,  30  pi.  enphototypie  et  carte,  fr.  4.50. —  Nous  avons  reçu  les 
premières  planches  phototypiques  d'un  album  qui  off'rira  un  tableau 
pittoresque  de  la  mission  romande  aux  Spelonken  (Transvaal)  et  à  la 
baie  de  Delagoa.  Chaque  planche  sera  accompagnée  d'une  notice.  Il  y 
aura  une  série  de  portraits  de  tout  le  personnel  de  la  mission  depuis  les 
premières  années  jusqu'à  maintenant  ;  une  autre  série  de  vues  des  sta- 
tions ;  puis  des  scènes  de  voyage,  entre  autres  deux  traversées  de  rivières, 
l'une  celle  de  la  Tabie,  l'autre  celle  de  l'Olifant-River;  une  collection  d(^ 
curiosités  indigènes,  photographiée  et  reproduite  en  phototypie.  Un(^. 
bonne  carte  d'après  celle  de  M,  Henri  Berthoud  publiée  par  V Afrique 
explorée  et  civilisée.  Le  tableau  historique  de  la  mission  sera  aussi  corn- 


—  377  — 

Ritter  von  Beck,  L.  Ganglbauer  und  D'  Heiurich  Wichmann.  Leipzig 
(F.-A.  Brockhaus),  1888,  gr.  mS%  557  p.,  50  Abbildungen,  1  Tafel  uiid 
2  Karten,  fr.  18,75.  —  Parmi  les  iunombrables  voyages  dont  l'Afrique  a 
été  le  théâtre  durant  ce  siècle,  il  en  est  peu  qui  aient  revêtu  un  carac- 
tère exclusivement  scientifique.  On  comprend  que,  dans  une  contrée 
peu  connue,  les  explorateui's  s'attachent  surtout  à  reconnaître  le  pays, 
sa  forme  générale,  son  relief,  son  réseau  hydrographique  et  la  situation 
de  ses  localités.  Ce  n'est  que  plus  tard,  lorsque  la  sécuiité  règne,  que 
viennent  les  savants  pour  étudier  d'une  manière  approfondie  la  géolo- 
gie, la  flore,  la  faune  et  l'ethnographie  de  la  contrée.  L'Amérique  n'a 
été  reconnue  à  ce  point  de  vue  par  Humboldt  que  trois  siècles  après  sa 
découverte,  et  ce  n*est  qu'à  notre  époque  que  Richthofen  a  initié  le 
monde  savant  aux  conditions  physiques  et  naturelles  de  la  Chine. 

L'Afrique  n'a  pas  encore  eu  son  Humboldt  ou  son  Richthofen,  mais  il 
semble  qu'elle  n'attendra  pas  aussi  longtemps  que  le  Nouveau  Monde  et 
l'Asie  pour  être  étudiée  scientifiquement.  Duveyrier,  Nachtigal,  Holub, 
ont  indiqué  1^  voie  à  suivi-e,  et  à  mesure  que  la  topographie  du  sol  est 
mieux  connue,  les  explorateurs  pénètrent  de  plus  en  plus  les  mystères 
du  règne  minéral  et  du  monde  organique. 

L'ouvrage  que  nous  annonçons  en  est  une  preuve  frappante.  Cette 
monographie  de  Harrar  et  du  territoire  avoisinant  est  im  monument  de 
science,  où  les  géologues  et  les  naturalistes  trouveront  une  base  pour 
leurs  études.  Ce  n'est  pas  que  le  voyage  ait  été  bien  long.  Le  l*'  jan- 
vier 1885,  MM.  Paulitschke  et  Hardegger  s'embarquaient  à  Trieste  pour 
faire  voile  vers  Port-Saïd  et  Aden  ;  de  là  ils  traversaient  le  golfe  d' Aden 
et  abordaient  sur  la  côte  d'Afrique,  à  Zeïla,  le  24  janvier.  Le  29,  ils  en 
partaient  et  se  dirigeaient  sur  Harrar  par  la  route  la  plus  courte,  qui, 
pour  une  notable  partie  du  parcours,  difiérait  des  itinéraires  ordinaire- 
meut  suivis.  Passant  par  Dabab,  Heussa,  Bia  Kabôba,  Dchaldessa,  ils 
arrivaient  à  Harrar  le  15  février,  et  cette  ville  devenait,  pour  trois 
semaines  environ,  le  centre  de  leurs  études  et  de  leurs  excursions.  Le 
20  février,  ils  allaient  visiter  le  lac  Haramaja,  situé  à  l'ouest  de  Harrar, 
lac  salé  de  couleur  bleu  foncé,  très  profond,  mais  assez  peu  étendu. 
Du  27  février  au  2  mars,  ils  employaient  quelques  jours  à  faire  un 
voyage  vers  le  sud,  jusqu'à  Bia-Worâba,  à  la  limite  méridionale  du  ter- 
ritoire autrefois  soumis  aux  émirs  de  Harrar.  Le  9  mai*s,  ils  partaient 
de  Harrar  pour  revenir  à  Zeïla,  à  peu  près  par  la  même  route  ;  ils  y 
arrivaient  le  18,  faisaient  voile  sur  Berbera  et  quittaient  ce  dernier  port 
le  27  mars  pour  revenir  en  Europe  par  Aden  et  Suez. 


—  378  — 

Il  est  évident  que,  malgré  la  facilité  relative  avec  laquelle  les  deux 
voyageurs  accomplirent  leur  exploration,  grâce  à  la  haute  protection  du 
khédive  et  des  représentants  de  l'Angleterre  et  de  l'Allemagne, 
malgré  leur  savoir,  leur  talent  d'observation  et  leur  activité  infatigable, 
le  séjour  de  deux  mois  qu'ils  firent  sur  le  sol  africain  ne  leur  a  pas  per- 
mis de  trouver  toute  la  matière  de  ce  volume  compact  de  557  grandes 
pages.  Ils  avaient  dû  se  préparer  de  longue  date  à  cette  expédition  et 
recueillir  tous  les  documents  nécessaires  ;  leur  voyage  leur  a  donc  servi 
surtout  à  contrôler  ou  à  confirmer  leura  études  antérieures. 

M.  Paulitschke  a  divisé  son  ouvrage  en  deux  parties.  Dans  Tune, 
intitulée  partie  descriptive,  il  raconte  son  voyage,  en  donnant  au  cours 
du  récit  une  quantité  énorme  de  renseignements,  particulièrement  sur 
les  quatre  localités  d'Aden,  de  Zeïla,  de  Harrar  et  de  Berbera,  et,  en 
outre,  sur  le  pays  qu'il  a  parcouru,  sa  nature  géologique,  sa  flore,  sa 
faune  et  ses  habitants.  Dans  la  seconde  partie,  qui  a  pour  titre  :  partie 
scientifique,  les  résultats  de  l'expédition  sont  consignés  en  détail.  On  y 
trouve  en  particulier  l'indication  des  observations  astronomiques, 
magnétiques  et  météorologiques  faites  par  les  voyageurs,  une  étude  du 
pays  visité  au  point  de  vue  botanique  et  géologique,  une  nomenclature 
des  coléoptères  recueillis,  divers  documents  historiques  sur  Harrar, 
enfin  une  notice  touchant  la  linguistique. 

Des  gravures  en  grand  nombre  ornent  cet  ouvrage  ;  la  plupart  sont 
des  reproductions  de  photographies.  L'une  des  plus  intéressantes  est 
une  vue  à  vol  d'oiseau  de  la  ville  de  Harrar,  qui  donne  une  excellente 
idée  de  la  cité,  ainsi  qu'on  peut  s'en  convaincre  par  une  comparaison 
avec  le  plan  de  la  ville,  que  l'ouvrage  renferme  aussi.  Le  livre  se  ter- 
mine par  deux  cartes  qui  permettent  de  suivre  pas  à  pas  la  marche  de 
l'expédition.  Tout  autour  de  la  carte  se  trouvent  des  cartons,  dont  l'un 
est  un  profil  de  la  route  parcourue  ;  on  y  consta.te  que  Harrar  se  trouve 
à  l'altitude  de  1856  mètres.  A  partir  de  Zeïla,  le  terrain  s'élève  lente- 
ment, puis  assez  rapidement,  jusqu'à  un  seuil  ou  ligne  de  partage  des 
eaux,  que  l'expédition  a  franchi  à  Égô  (2263  mètres).  De  là,  le  terrain 
s'abaisse  dans  la  direction  de  Harrar,  et  la  pente  se  prolonge,  mais 
assez  faiblement,  vers  le  sud.  Bia-Worâba,  le  point  extrême  atteint  par 
M.  Paulitschke,  se  trouve  à  une  hauteur  de  1689  mètres. 


\ 
i 


—  380  — 


Pages 
of  the  EoDgo  langnage  as  spoken  ai 
San  Salvador 124 

B'ôiUhtr  {JBmti)  :  Orographie  xxnà  Hydro- 
graphie des  Kongobeckens 189 

£urdo(A.):Siudey,  sa  ?ie  et  ses  voyages     876 

£u9»idon  (Ch.)  :  Âbyssinie  et  Angleterre.     188 

MUner  (C.-G.)  :  Zeitschrift  fiir  afrika- 
niscbe  Spraoheû 59 

Campou  (lAidovic  dé)  :  La  Tonisie  fran- 
çaise        31 

Clavenad  (P.)  :  Une  mission  dans  le  sud 
Oranais 127 

Commmao  de  Cartographia  :  Cartes  (six) 
des  territoires  portugais 317 

CoquUhcU  (Camille)  :  Sur  le  haut  Congo .     252 

Danekdmann  {Freiher  vtm)  :  Mittbeilun- 
gen  von  Forscbnngsreisenden  and  Ge- 
lebrten  ans  den  deutschen  Sobutzgebie- 
ten 255,  347 

Delavand  (Louis)  :  La  politique  coloniale 
de  l'Allemagne 128 

Dupont  (Ed  )  :  Conférences  sur  mes  ex- 
plorations géologiques  an  Congo 254 

Du  Verge  :  Madagascar  et  peuplades  in- 
dépendantes abandonnées  par  la  France.       26 

Farini  (A.-G.)  :  Huit  mois  au  Kalabari.       29 

Foumel  (Marc)  :  La  Tripolitaine 30 

J?^ançoiê  {Curt  von)  :  Die  Erforschung 
des  Tschnapa  und  Luiongo 878 

Frey  (M.)  :  Campagne  dans  le  haut  Sé- 
négal et  le  baut  Niger 286 

Maurigot  (H.)  :  Le  Sénégal 60 

HeUgreve  (Rudolf)  :  Ans  deutsoh  Ost- 
Afrika 95 

Mtnnei  (Bmst  D')  :  Das  deutsche  Togo- 
gebiet  und  meine  Afrikareiso 192  i 


P*g» 
Imberi  (Suguet)  :  Quatre  mois  au  Sabel.  159 
Kayser  (F.  D*)  :  Aegypten  einst  und  jetak  191 
&lUr  (C.)  :  Reisebilder  ans  OstaMka 

und  Madagascar 91 

Leroux  (J.Œ.)  :  Essai  de  dictionnaire 

français-haoussa  et  baoassa-français. . .    22S 
Leroy- Beaulieu  (F.)  :  L'Algérie  et  la  Tu- 
nisie       9S 

NaviUe   (Édouen'd)  :    Gosben    and   the 

Shrine  of  Saft  el  Henneb. 6$ 

Newmayer  (D*)  :  Anieitung   zu  wissen- 
sdbaftlicben  Beobacbtungen  auf  Reisen.    316 

PûuliUehhe  (Fh.  D')  :  Harrar 876 

Fieue  (Louis)  :  Algérie  et  Tunisie 61 

Reclus  (Elisée)  :  Nouvelle  géograpbie  uni- 
verselle, t.  XIII.  L'Afrique  méridionale.    315 
RéveiUaud  (Eugène)  :  Une  excursion  au 

Sabara  algérien  et  tunisien 347 

Sehmidt  (K,-  W.  D')  :  Zanaibar 125 

SoleiUet  (Paul)  :  Voyage  à  Ségou 27 

Soyaux  (Hermann)  :  Deutsche  Arbeit  in 

Afrika 126 

Thys  (Albert)  :  Au  Congo  et  au  Kassaï. 
Le  Eassaï  et  la  Louloua,  de  Kwamouth 

i  Louebo 319 

Tissoi  (Victor):  L'Afrique  pittoresque. .      90 
Tiêsot  (  V.)  et  Amero  (C.)  :  Au  pays  des 

nègres 160 

Trivier  (F.)  :  Album  de  la  mission  ro- 
mande       875 

Veih  (Daniel)  :  Reisen  in  Angola 58 

Welwitseh  (D*)  :  Quelques  notes  sur  la 

géologie  d'Angola 34S 

Wissmann  (H.),  WàlJ  (L.),  von  François 
(C),  MûUer  (M.)  :  Im  Innem  Afrikas.     372 


CARTES 


Itinéraires  de  la  Méditerranée  occidentale.       96 
Le  Congo  moyen  et  l'Oubangi-Ooellé.  — 
Cours  de  l'Oubangi  entre  les  chutes  de 

Zongo  et  le  pays  des  Yakoma 160 

Itinéraire  de  MK.  Capello  et  Ivens 192 


Carte  d'Afrique  indiquant  les  régions  con- 
nues on  inconnues  de  ce  continmt  d'après 
celle  du  prof.  A.  Supan,  des  JliUthei- 
lungen  de  Gotha  et  le  croquis  politique 
de  l'Afrique  par  A.-J.  Wauters 3Î9- 


«i  n  *♦•  n  I» 


BULLETIN  MENSUEL  (7  janvier  1889  •  ). 

Uu  correspondant  du  Journal  de  Genève  ^  fourni  à  ce  journal,  sur  les 
moyens  employés  pour  obvier  au  désastre  causé  par  le  fléau  des  saute- 
relles et  en  prévenir  le  retour,  des  renseignements  qui  complètent  ceux 
que  nous  avons  donnés  {IX*' année,  p.  241  et  318);  nous  en  extrayons  ce  qui 
suit:  Dès  le  mois  d'août,  on  voyait  arriver  journellement  à  Sétif  des 
centaines  de  mulets  et  d'ânes  chargés  d'œufs  de  sauterelles  qui  étaient 
mesurés  et  payés  séance  tenante.  Poussés  par  la  nécessité,  les  Arabes, 
indolents  et  insouciants  de  leur  nature,  ont  entrepiîs  ce  travail  avec  une 
telle  activité  que,  sur  ceilains  points,  les  crédits  ouverts  étaient  dépassés 
au  bout  de  quelques  jours,  et  que  les  autorités  municipales  étaient  obligées 
de  télégraphier  à  la  préfecture  pour  avoir  de  nouveaux  fonds.  Aujourd'hui 
le  premier  crédit  de  300,000  fr.  affecté  au  ramassage  des  œufs  se  trouve 
près  d'être  dépassé.  La  somme  dépensée  correspond  à  quatre  taillions  de 
litres  d'œufe,  ou  plus  exactement  de  coques  ovigères,  chacune  de  ces 
coques  contenant  de  30  à  34  œufs.  Un  litre  de  ces  coques  ovigères  conte- 
nant, d'après  les  calculs  qui  ont  été  faits,  28,000  œufs,  ce  serait  donc  112 
milliards  de  criquets  qui  auraient  été  détruits,  grâce  au  développement 
pris  depuis  quelques  semaines  par  le  ramassage  des  œufs.  C'est  là  certai- 
nement un  résultat  appréciable  ;  mais  que  représentent  ces  chiffres  sur 
l'ensemble  d'une  invasion  comme  celle  de  l'année  dernière?  Sans  doute, 
le  travail  de  ramassage  continuera  à  s'opérer  pendant  une  grande  partie 
de  l'hiver,  car  il  constitue  pour  la  majorité  de  la  population  indigène  le 
seul  gagne-pain  possible  ;  mais  quand  les  résultats  obtenus  s'élèveraient, 
non  pas  à  112  milliards  d'œufs,  comme  c'est  le  cas  actuellement,  mais 
à  des  quantités  dix  ou  douze  fois  supérieures,  il  ne  serait  pas  moins  in- 
dispensable d'être  prêt  dès  le  printemps  prochain  à  faire  face  à  l'éclo- 
sion  considérable  qui  attend  non  seulement  la  province  de  Constantine, 
mais  une  partie  de  celle  d'Alger  et  les  confins  de  la  Tunisie.  Le  gouver- 
nement général  de  l'Algérie  a  fait  étudier  par  un  naturaliste,  M.  Httnkel 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  c6te  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 


—  4  — 
d'HerculalB,  les  moyens  de  destniction  employés  dans  d'autres  pays, 
sujets  comme  l'Algérie  à  des  éclosioos  périodiques  de  sauterelles.  Le  sud 
de  la  Russie,  l'Espagne,  l'Ajuérique  du  sud  et  l'Ile  de  Chypre  ont  été  & 
plusieurs  reprises  envahis  par  ces  insectes.  Le  gouvernement  s'est  décidé 
à  utiliser  l'appareil  employé  en  1881  par  les  Anglais  à  Chypre  pour  lut- 
ter contre  le  Héau.  Cet  appareil,  connu  sous  le  Dom  d'appareil  cypriote, 
consiste  en  longues  bandes  de  toile  tendues  verticalement  au  moyen  de 
piquets.  Qu'il  nous  suffise  de  citer  quelques  chiffres.  Les  appareils  em- 
ployés dans  rtle  de  Chypre  présentaient  un  développement  d'une  cen- 
taine de  kilomètres.  Le  personnel  préposé  annuellement  au  maaiemeut 
de  ces  toiles  s'élevait  à  deux  mille  hommes,  et  tout  ce  personnel  était 
organisé  militairement  sous  le  commandement  en  chef  de  l'ingénieur  de 
l'État,  La  lutte  a  duré  six  ans  et  elle  a  coûté  1,500,000  fr.,  mais  depuis 
cette  époque  tout  danger  sérieux  a  disparu.  Nous  ne  pouvons  que  souhai- 
ter que  les  mesures  que  prendra  le  gouvernement  de  l'Algérie  soient 
appliquées  avec  la  même  vigueur  et  couronnées  du  même  succès  que 
celles  prises  par  les  Anglais  dans  l'Ile  de  Chypre. 

L'exposition  internstlonKie  d'appareils  et  procédés  pour  la 
décortication  de  la  ramle  dont  nous  avons  parlé  (p.  117-122)  s'est 
ouverte  le  1"  octobre  dans  une  des  annexes  du  quai  d'Orsay  qui  seront 
affectées  à  l'agriculture  pendant  l'Exposition  de  1889.  Les  machines  et 
les  procédés  devaient  servir  à  décortiquer  et  à  dégommer  la  ramie  verte 
ou  sèche.  Sept  procédés  différents  étaient  en  présence  :  cinq  français, 
un  belge  et  un  américain.  Le  jury  de  l'Exposition  a  accordé,  à  titre 
d'encouragement,  une  somme  de  1400  francs  :  600  fr.  pour  une  machine 
belge  ;  400  fr.  pour  une  machine  française,  et  400  fr.  pour  une  machine 
américaine.  Pour  les  essais  sur  ramie  verte  : 

La  décortiqueuse  belge  a  fourni  5  kilog.  de  lanières  en  17  minutes. 

La  décortiqueuse  française  a  fourni  7  kilog.  5O0  gr.  de  lanières  en 
47  minutes. 

La  décortiqueuse  américaine  a  fourni  7  kilog.  de  lanières  en  18  minutes. 

Sur  ramie  moitié  verte  : 

La  décortiqueuse  belge  a  donné  U  kilog,  en  29  minutes. 

La  décortiqueuse  française  a  donné  15  kilog.  en  1  h.  15  minutes. 

Sur  ramie  sèche  : 

La  décortiqueuse  belge  a  donné  4  kilog.  en  1  heure, 

La  décortiqueuse  française  a  donné  3  kilog.  200  gr.  en  1  heure. 

La  décortiqueuse  américaine  ne  fonctionne  qu'avec  la  ramie  verte. 

A  l'occjision  de  cette  exposition,  le  journal  V ExiiorUttioii  fraiiçaiti- 


—  6  — 

fouilles  on  trouve  des  sarcophages  recouverts  de  dalles  brutes;  dans 
d'autres  ce  sont  des  cryptes  fermées  avec  des  dalles  en  tuf  ou  en  cal- 
caire sans  aucun  ornement,  dans  toutes  on  trouve  un  objet  funéraire  : 
la  lampe  à  la  tête  ;  aux  pieds,  des  olla,  des  urnes»  des  plats  divers.  Par- 
tant dfe  cette  croyance  que  les  mânes  conservaient  les  mêmes  goûts  que 
les  individus  avaient  eu  sur  la  terre,  on  leur  donnait  pour  compagnie 
dans  la  sépulture  les  objets  qu'ils  avaient  le  plus  aimés  :  on  y  disposait 
du  pain,  4u  vin^'-divers^ments-av^e  des  ustensiles,  de  tablent  iles  par- 
fums. On  peut  voir,  dans  les  cercueils  de  pierre  ou  dans  les  cryptes,  les 
cadavres  bien  conservés  :  la  tête  (ou  les  tètes  car  on  trouve  souvent  plu- 
sieurs cadavres  dans  le  même  cercueil),  repose  sur  un  coussinet  fait 
avec  de  la  poussière  de  tuf  ;  près  de  la  tête  on  trouve  souvent  des  pièces 
de  monnaie  et  presque  toujours  le  luminaire  en  terre  cuite  qui  avait  com- 
mencé à  veiller  le  mort  au  moment  oîi  il  quittait  la  vie  et  que  l'on  ense- 
velissait tout  allumé  avec  les  restes  sacrés.  Auprès  du  cadavre,  généra- 
lement aux  pieds,  quelquefois  sui*  les  côtés,  des  plats  ronds  de  grandeurs 
diverses,  des  bols  avec  un  petit  col  soutenu  par  deux  anses,  un  corps 
plein  et  un  pied  ;  des  aiguières,  des  coupes  en  verre  ;  de  petits  plateaux 
en  terre  ou  en  verre  pour  les  parfums  ;  des  objets  de  toilette  :  épingles 
à  cheveux  forme  chrysanthème,  pendants  d'oreilles,  bracelets  encore 
passés  dans  les  as  des  bras,  des  médaillons,  des  colliers  en  perles  ;  une 
lampe  porte  cette  inscription  :  Ex  of  irsem.  Comme  sujets,  elles  nous 
donnent  :  des  lions,  des  hippopotames,  des  génies,  des  couronnes,  divers 
animaux  fantastiques.  Parmi  les  bronzes,  on  remarque  :  des  Alexandres, 
des  Gordiens,  des  Constantius,  des  Julia  Marsa  et  autres.  Des  fouilles 
bien  conduites,  régulières,  non  abandonnées  à  la  pioche  arabe,  pour- 
raient amener  une  riche  collection  de  poteries  et  d'objets  précieux  ponr 
notre  histoire.  Il  est  probable  que  cette  aécropole,  qui  mesure,  pour  ce 
que  nous  en  voyons  maintenant,  plus  de  dix  hectares,  se  raccorde  avec 
celle  d'Aïn-Beïda  même  :  tout  à  côté,  se  trouve  l'emplacement  d'un 
grand  centra  romain,  aujourd'hui  complètement  désert  et  ruiné,  et  c'est 
sa  population  sans  doute  qui,  coriune  nous,  a  passé  sur  ce  sol,  qui  l'a 
jadis  peuplé  et  qui  s'y  repose.  On  fait  beaucoup  de  suppositions  sur  ce 
cimetière.  Les  uns  le  disent  récent  et  le  donnent  aux  Turcs  :  d'autres 
pencheraient  à  croire  que  l'oubli  des  formes  ordinaires  des  sépultures 
romaines  dénote  un  lieu  réservé  aux.  pauvres  ou  aux  esclaves.  J'aime 
mieux  penser  que  cette  nécropole  date  de  la  première  époque  du  chris- 
tianisme, alors  que  les  chrétiens  peu  favorisés  avaient  le  droit  de  se 
faire  enterrer,  mais  n'avaient  pas  celui  de  produire  publiquemi^t  les 


—  7  — 

signes  de  leur  religion  ;  or,  ne  voulant  pas  employer  les  formules  païen- 
nes, ils  enterraient  tout  simplement  les  corps  sans  ornements  extérieurs. 
Le  Moniteur  de  V  Algérie  cite  les  faits  suivants  corame  preuve  des 
progrès  qu'a  faits  la  Tanisie  depuis  que  la  France  y  exerce  le  protec- 
torat. Auparavant  les  terrains  valaient  à  peine  dix  francs  l'hectare  ;  ils 
se  paient  actuellement  de  lOQ  à  200  francs.  La  nuit,  la  ville  était  plongée 
dans  l'obscurité  ;  elle  est  éclairée  au  gaz.  Lestravaux publics  n'existaient 
pas;  un  yxonsacre^ourd'hui  plusieurs  millions.  Les  impôts  ne  ren- 
traient pas,  les  caisses  du  bey  étaient  toujours  à  sec  et  la  rente  oscillait 
entre  200  et  300  fr.  ;  les  impôts  rentrent,  il  y  a  de  gros  excédents  dispo- 
nibles et  la  rente  est  à  plus  de  500  fr.  au-dessus  du  pair  que  ne  peut 
atteindre  la  rente  italienne.  L'ordre  a  été  rétabli  dans  toutes  les  admi- 
nistrations et  leur  fonctionnement  s'améliore  sans  cesse.  Les  innovations 
introduites  pour  perfectionner  les  méthodes  de  culture,  favoriser  les 
échanges,  ne  se  comptent  plus,  et  les  progrès  au  point  de  vue  agricole 
n'ont  pas  été  moins  rapides  que  les  autres.  C'est  par  milliers  d'hectares 
que  se  comptent  les  plantations  créées  par  des  Français,  et  par  millions 
les  dépenses  faites.  Quelques  taxes  ont  été  abolies  et  tout  dernièrement 
encore  les  droits  de  sortie  sur  les  laines  supprimés,  abolition  qui  doit 
être  considérée  comme  le  commencement  de  la  disparition  graduelle 
des  impôts  de  sortie  si  préjudiciables  aux  échanges  de  la  Régence. 
Tunis  a  été  relié  à  l'Algérie  par  uù  chemin  de  fer,  et  deux  autres  em- 
branchements ont  été  constiniits;  les  études  d'autres  lignes  vivement 
réclamées  sont  prêtes  ;  le  tramway  de  Sousse  à  Kairouan  va  être  exploité 
régulièremeiit  et  à  la  Vapeur.  De  nombreux  travaux  de  construction  de 
routes  ont  été  mis  en  adjudication  ;  quelques-uns  sont  achevés.  Enfin,  les 
travaux  publics  ont"  Cbnimencé  l'amélioration  d'un  grand  nombre  de 
pistes,  et  avant  la  fin  de  l'année  1888,  plus  de  600  kilomètres  de  ces 
pistes  auront  été  mis  en  état  de  viabilité  et  rendus  praticables  en  tout 
temps.  Le  port  de  Tunis  est  commencé  ;  la  passe  de  Bizerte  a  été  amé- 
liorée, facilitant  l'accès  du  canal  aux  bâtiments  de  faible  tonnage  ;  des 
appontements,  des  brise-lames  ont  été  établis  à  Sousse,  à  Sfax,  à  Meh- 
dia.  Les  côtes  ont  été  balisées  et  pourvues  de  feux  et  de  phares  qui 
assurent  la  sécurité  de  la  navigation.  Plusieurs  villes,  notânameût  Kai- 
rouan, Porto  Farina,  Béjà,  Bizerte,  Teboursouk,  le  Kef,  etc.,  ont  été  ali- 
mentées d'eau  potable  par  des  travaux  spéciaux.  Des  abattoirs,  des 
marchés  ont  été  construits  &  Tunis,  Béjà,  Nebeul,  etc.  ;  des  puits  arté- 
siens sont  creusés.  De  nombreuses  voies  forestières  ont  été  ouvertes  dans 
la  Kroumirie  ;  les  dunes  de  sable  qui  menaçaient  l'oasis  de  Gabès  ont 


—  8  — 

été  fixées  ;  les  oasis  de  Nefta  et  de  Tozeur  vont  être  également  protégées. 
L'enseignement  public  a  pris  un  grand  développement,  et  7,300  élèves 
reçoivent  maintenant  Tinstruction  à  divers  degrés  dans  les  établisse- 
ments de  la  Régence.  Le  service  des  postes  et  télégraphes  a  été  pro- 
gressivement étendu  à  tous  les  principaux  centres  et  les  communications 
directes  à  grande  vitesse  avec  la  France  vont  être  triplées. 

A  ces  détails  nous  ajouterons,  d'après  le  journal  la  Tunisie,  que  la 
vltioultiire  y  prospère  au  delà  de  toutes  les  prévisions.  Cette  année-ci 
nombre  de  propriétaires  se  sont  trouvés  à  court  de  matériel.  La  manu- 
tention s'est  opérée  dans  les  meilleures  conditions  de  température,  elle 
a  généralement  bien  réussi.  Les  vins  sont  colorés,  ils  ont  de  10*'  à 
12''  d'alcool,  le  goût  en  est  agréable.  En  somme  c'est  un  grand  succès. 
Les  résultats  obtenus  prouvent  que  la  vigne  se  plaît  dans  le  sol  tunisien, 
qu'elle  y  pousse  avec  force,  qu'elle  y  donne  rapidement  de  belles  récol- 
tes et  qu'elle  n'a  pas,  pour  le  moment  du  moins,  à  redouter  le  mal  qui 
a  ruiné  le  vignoble  français. 

Le  siège  de  Souaklm  par  les  mahdistes  indique  chez  ceux-ci  un 
progrès  dans  la  manière  de  faire  la  guerre  que  n'avaient  point  encore 
révélé  leurs  opérations  à  Khartoum  et  au  Soudan.  L'échec  qu'ils  ont 
éprouvé  dans  leur  tentative  de  s'approcher  le  plus  près  possible  de  cette 
place  pour  s'en  emparer  ne  signifie  pas  que  les  Égyptiens  et  les  Anglais 
doivent  en  demeui'er  les  tranquilles  possesseurs.  L'ennemi  auquel  ceux- 
ci  ont  afiaire  a  prouvé  qu'il  est  aussi  rusé  qu'audacieux,  et  peu  s'en  est 
fallu  que  les  Anglais  n'admissent  la  capture  du  dernier  lieutenant  de 
Gordon  dans  l'Egypte  équatoriale  et  du  courageux  explorateur  envoyé 
pour  lui  porter  secours.  Nous  avons  tremblé,  nous  l'avouons,  à  la  pensée 
que  le  dernier  boulevard  maintenu  par  Émin-pachat  contre  les 
Ai-abes  partisans  de  la  chasse  à  l'homme,  avait  fini  par  tomber  entre 
leurs  mains,  et  que  les  populations  délivrées  par  lui  allaient  redevenir 
la  proie  des  successeurs  des  négriers  domptés  par  Gessi-pacha.  Nous 
nous  demandions  même  jusqu'où  s'étendrait  l'audace  que  ce  succès  ne 
nianquerait  pas  d'inspirer  aux  mahdistes,  si  Souaidm  ne  serait  pas  le 
prix  de  la  libération  du  défenseur  de  Wadelal,  et  si  les  lignes  de  Wadi- 
Halfa  tiendraient  longtemps  contre  un  ennemi  exalté  par  son  triomphe. 
La  ruse  d'Osman-Digma  paraissait  bien  ourdie.  Comment  douter  de  la 
captui'e  de  Stanley,  alors  qu'il  envoyait  à  Grenfell  la  copie  du  texte  de 
la  lettre  dont  ce  dernier  avait  lui-même  rédigé  la  minute  pour  que  le 
khédive  l'envoyât  à  Émin-pacha  par  le  chef  de  l'expédition  de  secours  ? 
Qui  eût  pu  supposer  qu'il  existât  soit  à  Souakim,  soit  au  Caire,  des 


—  9  — 

copies  de  cette  lettre,  et  qu'une  de  celles-ci  eût  été  livrée  à  l'ennemi  et 
portée  à  Khartoum,  pour  en  revenir  à  Osman-Digma,  afin  de  permettre 
à  ce  lieutenant  du  mahdi  de  chercher  à  obtenir  la  reddition  de  Souakim 
en  échange  de  la  libération  des  soi-disant  captifs  blancs  ?  L'année  1888 
paraissait  devoir  se  terminer  de  la  manière  la  plus  triste  pour  les  amis 
de  l'Afrique.  Grâce  à  Dieu,  leurs  appréhensions  ont  été  dissipées;  et, 
sans  comprendre  encore  la  situation  dans  laquelle  se  trouve  la  province 
équatoriale,  les  dépêches  arrivées,  presque  en  même  temps,  à  la  côte 
orientale,  à  Zanzibar,  et  à  la  côte  occidentale,  à  San-Thomé,  nous  per- 
mettent d'espérer  que,  de  même  que  la  copie  de  la  lettre  du  khédive  à 
Émin-pacha  n'était  qu'une  ruse  de  guerre,  de  même  l'autre  lettre 
apportée,  soi-disant  de  Lado,  n'a  existé  que  dans  l'imagination  du  'Il 

mahdi  ou  dans  celle  d'Osman-Digma. 

Tandis  que  dans  la  Chambre  des  Communes,  le  21  décembre,  le  gou- 
vernement était  interpellé  sur  les  affaires  de  Souakim,  M.  Goschen  a 
donné  lecture  d'une  dépêche  de  Zanzibar  communiquée  au  ministère 
anglais  par  VEastern  Telegraph  Company,  et  ainsi  conçue  : 

Zanzibar,  21  décembre. 

«  Viens  de  recevoir  confirmation  que  Stanley  arrive  avec  Émia 
sur  l'Arououimi.  La  nouvelle  est  authentique.  Les  détails  suivent.  » 

Quelques  moments  auparavant,  VAgefice  Eeuter  avait  également  reçu 
de  son  correspondant  à  Zanzibar  la  dépêche  suivante  qu'elle  s'empressa 
de  transmettre  au  gouvernement  anglais  : 


Zanzibar,  21  décembre. 

a  Des  lettres  datées  des  Stanley-Falls,  21  août  1888,  ont  été  appor- 
tées à  Zanzibar  ce  matin  par  des  porteurs  de  Tipo-Tipo.  Ces  lettres 
constatent  que  la  veille,  20  août,  on  avait  reçu  aux  Stanley-Falls  une 
lettre  de  Stanley  annonçant  qu'il  se  trouvait  à  Bonalya,  sur  l'Arououimi. 
n  avait  quitté  Émin-pacha  82  jours  auparavant,  en  parfaite  santé,  avec 
quantité  de  vivres.  D  était  revenu  sur  ses  pas,  pour  chercher  son  arrière- 
garde  et  les  chargements  de  marchandises  et  de  munitions  dont  celle-ci 
était  nantie.  Il  était  arrivé  à  Bonalya  le  17  août  et  comptait  repartir 
dix  jours  plus  tard,  vraisemblablement  pour  rejoindre  Émin-pacha. 
Tous  les  blancs  faisant  partie  de  l'expédition  Stanley  étaient  en  bonne 
santé.  Rien  ne  leur  manquait.  » 

Enfin  im  télégramme  de  San-Thomé,  adressé  au  souverain  de  l'État 
du  Congo,  à  Bruxelles,  a  confirmé  la  nouvelle  de  la  présence  de  Stanley 
en  août  sur  l'Arououimi. 


'^*;'^y^ 


*'* 


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^  *»■ 


—  10  — 

Les  joumaux  ADglais  ont  publié  uiie  lettre  de  sir  Francis  de  Wiu- 
ton,  ancien  gouverneur  du  Congo,  qui  explique  comme  suit  lee  divei^ 
gences  des  dépêches  venues  par  Zanzibar  et  par  le  Congo. 

a  Je  pense,  »  dit-il,  «  que  la  nouvelle  de  la  présence  simultanée  des 
deux  voyageurs  sur  l' Arououimi  ne  mérite  pas  créance,  qu'Ëmin  n'a  pas 
accompagné  Stanley  et  que,  dans  l'information  venue  de  la  côte  orien- 
tale, le  mot  ai;ec  {with)  a  été  simplement  par  erreur  mis  à  la  place  du 
mot  d'auprès  (from)  ;  ta  vraie  teneur  de  cette  nouvelle  sei-ait  donc  : 
«Stanley  est  arrivé,  venant  d'auprès  .d'I^min.  »  Quant  à  la  situation 
dans  laquelle  Stanley  se  trouve  à  l'heui-e  qu'il  est,  voici  quelques  indi- 
cations qui  peuvent  contribuer  à  l'éclaircir.  Boualya,  d'où  sont  datées 
les  lettres  de  Stanley  à  Tipo-Tipo,  paraît  être  à  distance  égale  des 
Stanley-Falls  et  de  Yambouya,  où  se  trouvait  la  base  d'opérations  de 
Stanley  au  début  de  l'expédition.  J'ai  reçu  une  communication  de 
M.  Rose  Troup,  qui,  comme  on  sait,  a  pris  part  k  l'expédition  du  major 
Barttelot.  M.  Troup  constate  qu'il  ne  connaît  pas  la  position  de  Boualya. 
Cette  localité  doit  se  trouverà240kilom.  à  peu  près  en  avant  [en  amont] 
sur  l'Arououimi.  Les  communications  de  Stanley  ont  dû  arriver  h  Tipo- 
Tipo  vers  le  27  août.  Le  28,  Tipo-Tipo  a  envoyé  six  hommes  qui  avaient 
l'ordi-e  de  se  rendre  avec  la  plus  grande  hâte  possible  à  Zanzibar  pour 
y  porter  la  nouvelle  que  l' expédition  était  en  sécurité.  Aux  Stanley- 
Falls,  l'État  libre  du  Congo  a  installé  une  station  commandée  par  le 
capitaine  Haneuse  et  deux  autres  officiers  belges,  dont  le  lieutenant 
Bart,  qui  était  agent  politique  et  secrétaire  de  Tipo-Tipo.  M.  Bart  était 
sur  le  point  de  descendre  le  cours  du  Congo  quand  la  nouvelle  de  Stan- 
ley arriva,  et  c'est  lui  qui  l'a  apportée  à  la  cflte  occidentale.  Voici  donc 
ce  qui  peut  paraître  bien  établi.  Les  informations  reçues  simultanément 
de  ia  côte  occidentale  et  de  la  côte  orientale  d'Afrique,  ont  eu  leur  point 
de  départ  au  même  lieu,  aux  Stanley-Falis,  et  elles  ont  été  expédiées 
vers  l'est  et  vers  l'ouest,  sous  la  surveillance  d'officiers  belges.  Leur 
exactitude  peut  donc  paraître  hors  de  doute.  » 

Quant  à  la  direction  que  Stanley  aura  prise  depuis  Yambouya,  il  est 
inutile  de  faire  des  hypothèses  qu'une  lettre  prochaine  de  lui  pourrait 
renverser.  Elle  nous  dii-a  s'il  est  i-eparti  pour  Wadelal,  ou  s'il  revient 
par  le  Congo,  ou  encore  si,  revenant  par  l'est,  il  ira  toucher  à  Msalala, 
au  sud  du  lac  Victoria,  où,  sur  sa  demande,  le  Comité  de  secours  avait 
organisé  un  dépôt  de  marchandises  et  de  munitions  pour  l'expédition  '. 

'  A  la  dernière  heure,  le  Times  nous  apporte  une  dépêche  de  Zanzibar  du  22 
décembre  renfermant,  Bur  Stanley  et  Émin-pacha,  les  détails  suivants  :  Un  des 


—  12  — 

2000  chameaux.  Les  bagages  sont  considérables  et  comprennent  de 
riches  cadeaux  pour  le  roi  Ménélik.  Ce  dernier  conserve  une  attitude 
réservée,  mais  soumise  envers  Je  négous.  Les  chefs  influents  affirmait 
que  Ménélik  ne  cédera  aux  sollicitations  dont  il  est  Tobjet,  pour  lever 
rétendard  de  la  révolte,  que  s'il  est  certain  d'être  puissamment  aidé  manu 
militari;  seul  contre  le  négous,  il  redouterait,  et  avec  raison,  d'être 
défait.  D'autre  part,  le  Popolo  romano  a  reçu  de  Massaouah  la  dépêche 
suivante  :  Des  nouvelles  de  l'intérieur  annoncent,  comme  chose  positive, 
que  Tekla-Aïmanot,  roi  du  GcHls^iam,  a  été  battu  par  les  troupes  du 
négous  et  de  Ras-Aloula  ;  le  pays  a  été  saccagé  par  ces  troupes  qui  n'ont 
respecté  que  les  églises  et  les  monastères.  Le  roi  se  serait  réfugié  sur 
les  montagnes  avec  ses  fidèles.  Ménélik  reste  tranquillement  à  Ankober. 

Dans  sa  séance  annuelle,  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres 
a  attribué  les  intérêts  de  la  fondation  Garnier  à  trois  missionnaire» 
résidant  dans  l'Afrique  centrale  s  le  P.  Livinhac,  vicaire  apostolique 
du  lac  Nyanza,  le  P.  Coulbois,  pro-vicaire  apostolique  de  la  mission  du 
haut  Congo  sur  la  rive  ouest  du  Tanganyika,  et  le  P.  Hautecœur,  supé- 
rieur  de  la  mission  de  l'Ounyanyembé,  à  Tabora.  U  leur  est  recommandé 
en  général  de  s'occuper  de  toutes  les  questions  de  géographie,  d'ethno- 
graphie, de  linguistique  qui  intéressent  la  science,  et  de  rechercher  s'il 
n'existerait  pas  dans  ces  contrées  des  voies  accessibles  aux  Européens. 

Le  Reichs  Anzeiger  de  Berlin  a  proclamé  le  blocus  des  côtes  orien- 
tales d'Afrique,  au  nom  du  sultan  de  Zanzibar,  sous  la  signature  de 
l'amiral  allemand  Deinhard  et  de  l'amiral  anglais  Freemautle.  U  s'étend 
sans  interruption  à  toute  la  ligne  des  côtes  du  sultanat,  aux  îles  de 
Mafia,  de  Lamou,  ainsi  qu'à  toutes  les  petites  îles  voisines  de  la  côte  et 
situées  entre  le  2%  10'  et  le  10"  ,28'  lat.  sud.  Il  est  stipulé  expressément 
dans  la  proclamation  que  le  blocus  qui  a  commencé  le  2  décembre,  n'est 
destiné  qu'à  prohiber  l'importation  des  armes  et  l'exportation  des 
esclaves.  Le  Portugal  a  joint  sa  coopération  à  l'action  de  l'Allemagne 
et  de  l'Angleterre  ;  l'Italie  l'appuie  également,  et  la  France,  tout  en 
reconnaissant  le  droit  de  visite  aux  vaisseaux  allemands  et  anglais  sur 
la  côte  orientale  d'Afrique,  surveille  cette  côte,  afin  d'empêcher  que 

çant  son  arrivée  sain  et  sauf  et  donnant  des  détails  sur  son  voyage.  Un  des  mes- 
sagers choisis  par  Pexplorateur  était  l'un  des  courriers  envoyés  à  Wadelal  par  les 
consuls  étrangers  de  Zanzibar  pour  annoncer  à  Émin-pacha  le  départ  de  l'expédi- 
tion de  secours,  et  qui  était  resté  depuis  lors  à  Wadelaï.  Cet  homme  avait  été 
envoyé  à  la  côte  orientale,  tandis  qu'un  autre  avait  pris  la  direction  de  l'Arouonimi. 


1 


•:Ty 


rea/ 


—  14  — 

en  même  temps  à  toutes  les  Sociétés  déjà  constituées  qui  voudront  lui 
fournir  des  renseignements  sur  leur  activité  particulière. 

Le  nouveau  sultan  de  Zanzibar  paratt  beaucoup  moins  gagné  à 
l'influence  de  la  civilisation  eiu-opéenne  que  son  prédécesseur.  D'après 
une  d^êche  du  Times  du  16  décembre,  il  aurait  déclaré  que  désormais 
il  n'agirait  que  d'après  les  principes  de  la  loi  mahométane.  Quoique 
depuis  vingtrcinq  ans  il  n'y  eût  pas  eu  d'exécutions  capitales  à  Zanzibar» 
il  a  conféré  à  tous  les  gouverneurs  du  sultanat  le  pouvoir  d'en  ordonner 
sans  appel.  Lui-même  a  subitement  ordonné  l'exécution  publique  de 
quatre  indigènes  détenus  en  prison  comme  prévenus  de  meurtre,  mais 
qui  n'avaient  pas  encore  été  jugés.  L'exécution  eut  lieu  en  pleine  rue 
avec  une  cruauté  horrible  ;  les  cadavres  des  suppliciés  restèrent  exposés 
jusqu'au  soir.  Le  même  spectacle  devait  se  renouveler  pendant  sept  jours, 
le  sultan  ayant  ordonné  l'exécution  de  vingt-quatre  hommes  et  d'une 
femme  condamnés  à  l'emprisonnement  à  vie  sous  le  règne  actuel.  Toute- 
fois, à  la  suite  des  représentations  du  consul  général  anglais,  le  sultan  a 
rapporté  son  décret  et  a  déclaré  en  même  temps  qu'il  prendrait  des  dis- 
positions pour  que  dorénavant  les  exécutions  des  condamnés  aient  lieu 
d'après  une  procédure  nouvelle  qui  ne  froisserait  pas  la  décence  publique. 

La  Bevtis  des  questions  sdeniifiques  donne,  d'après  une  lettre  du  P. 
V}iicke,  des  missions  d'Alger,  écrite  de  Kibanga  sur  le  Tang^nyikat 
quelques  détails  intéressants  sur  les  oonnaissanoefe»  astronomi- 
ques des  néf^res  de  la  rive  occidentale  du  lac.  Quoique  le  soleil  passe 
deux  fois  par  an  verticalement  au-dessus  de  leur  tête,  ils  ne  se  préoccu- 
pent pas  de  sa  marche  et  n'ont  aucune  idée  de  l'année  solaire  ;  en  r^ 
vanche  la  lune  joue  un  assez  grand  rôle  dans  leur  vie.  Ils  célèbrent  son 
renouvellement  en  battant  le  tambour,  tirant  des  coups  de  fusil  et  jetant 
des  cris  de  joie.  Dans  la  plupart  des  tribus  africaines,  la  nouvelle  lune  est 
fêtée  par  des  danses  générales  ;  pour  connaître  l'âge  de  la  lune,  on  garde 
une  botte  de  20  ou  30  petits  bâtonnets  et  on  en  enlève  un  chaque  jour. 
Pour  déterminer  les  saisons  et  connaître  l'époque  des  travaux  agricoles, 
de  la  pêche,  etc.,  on  consulte  les  étoiles;  ainsi  le  lever  des  Pléiades  in- 
dique l'époque  des  semailles  que  l'on  célèbre  par  des  danses  et  des  fêtes 
en  l'honneur  des  défunts.  Cette  constellation  s'appelle  kili,  c'est-à-dire 
semailles.  La  voie  lactée  s'appelle  Lotivouma  ne  nzamo  ne  botizoho, 
limite  de  la  sécheresse  et  de  la  pluie.  Ce  n'est  pas  sans  raison,  car  lors- 
qu'elle se  montre  à  l'orient,  au  moment  du  coucher  du  soleil,  la  saison 
des  pluies  commence.  Le  lever  de  la  ceinture  d'Orion,  Loxisivé,  indique 
l'époque  de  la  pêche  du  nonzi.  Une  autre  étoile,  nommée  kila  zenqha  : 


\\ 


—  15  — 

pflon  de  manioc,  est  pour  les  femmes,  lorsqu'elle  est  au  zénith,  un  signal 
indiquant  qu'elles  doivent  commencer  à  piler  le  manioc  pour  le  repas 
du  soir.  Aldébaran,  porte  le  nom  de  Brillant  du  Nord;  Sirius,  celui  de 
Brillant  du  Sud.  Le  Centaure,  avec  la  Croix  du  Sud  et  le  Navire,  qui 
comprend  la  belle  étoile  Canopus,  sont  nommés  par  les  nègres  Maziva 
et  MironzOj  c'est-à-dire  sentiers  et  dizaines,  parce  qu'ils  sont  composés 
d'un  grand  nombre  d'étoiles. 

Le  Missiœuxry  Record  de  l'Église  presbytérienne  unie  d'Ecosse  rap- 
poi*te  que  l'Ês^lise  réformée  hollandaise  da  sud  de  l'Afrique 
va  entreprendre  une  œuvre  missionnaire  en  dehors  de  l'Afrique  australe, 
dans  la  région  du  lac  Nyassa.  Le  Rev.  Murray,  de  Graaff-Reinet,  a  été 
choisi  pour  la  commencer;  il  s'est  rendu  à  Quilimane  pour  aller  de  là 
au  Nyassa.  Il  s'établira  d'abord  auprès  de  la  mission  de  Livingstonia, 
à  l'œuvre  de  laquelle  il  travaillera  un  certain  temps.  Plus  tard,  si  la 
chose  paraît  désirable,  l'Église  réformée  hollandaise  fondera  une  mis- 
sion distincte,  ou  bien  elle  continuera  à  travailler  conjointement  avec  la 
mission  écossaise.  Le  Rev.  Murray  a  fait  ses  études  à  Stellenbosch,  après 
quoi  il  a  passé  quelque  temps  en  Europe  pour  acquérir  les  connaissances 
médicales  qui  pourront  lui  être  utiles  dans  l'œuvre  missionnaire  à 
entreprendre.  Celle-ci  sera  soutenue  exclusivement  par  un  certain  nom- 
bre d'ecclésiastiques  de  l'Église  réformée  hollandaise  qui  y  consacrent 
une  partie  de  leur  traitement. 

La  Compagnie  concessionnaire  du  nouveau  service  postal  du 
Portug^al  avec  les  colonies  afkricaines  de  cet  État  doit  inaugu- 
rer son  service  au  mois  de  juin  prochain  sous  le  nom  de  Malle  rot/aie 
portugaise.  Elle  a  fait  construire  dans  les  chantiers  de  Greenoch  ses 
navires,  dans  des  conditions  qui  lui  permettront  de  fournir  un  service  de 
premier  ordre.  Les  steamers  devront  desservir  la  ligue  de  Lisbonne  à 
Lorenzo-Marquez,  eu  touchant  au  sud  de  l'Afrique  et  aux  principaux 
ports  de  l'Afrique  occidentale.  Grâce  à  ce  service,  le  Congo  se  trouvera 
à  moins  de  quinze  jours  de  voyage  de  l'Europe. 

Le  dernier  numéro  du  Bulletin  officiel  de  l'État  indépendant  du 
Cong^o  renferme  le  règ^lement  sur  le  traitement  des  noirs 
engagés  au  service  de  l'État.  Celui-ci  ne  les  admet  que  si  leur  engage- 
ment a  été  consenti  par  eux  volontairement,  à  un  salaire  arrêté  d'avance, 
et  en  pleine  connaissance  des  obligations  qu'ils  contractent.  Pendant  le 
temps  qu'ils  passent  au  service  de  l'État,  ils  reçoivent  gratuitement  les 
soins  médicaux,  des  vêtements  décents  et  une  nourriture  saine  et  suflS- 
sante,  qui  leur  est  distribuée  en  nature,  eu  dcut  :!s  re'^oivent  la  contre- 


—  16  — 

en  argent  ou  en  marchandises  d'échange.  Ils  sont  payés  soit  en 
aire,  soit  en  marchandises  d'échange,  aux  époques  stipulées  dans 
:te  d'engagement.  Des  théories  leur  sont  faites  périodiquement 
irs  droits  et  leurs  devoirs  et  sur  les  décrets,  ordonnances  et  r^le- 
qui  les  concernent.  L'autorité  des  fonctionnaires  de  l'État  doit 
'xr  &  la  fois  avec  la  fermeté  nécessaire  au  maintien  de  la  disa- 
it de  l'ordre,  et  avec  un  bienveillant  intérêt.  Ile  sont  responsables 
sécurité  des  hommes  confiés  à  leurs  soins  ;  ils  doivent  veiller  & 
-vation  des  principes  de  l'hygiène  en  réglant  les  travaux  et  les 
%s  avec  mesure  ;  ils  doivent  s'attacher  à  étudier  la  langue  et  l'es- 
es  mœurs  des  hommes  sous  leurs  ordres;  ils  doivent  s'efforcer 
ir  le  niveau  moral  et  intellectuel  de  leurs  employés  noirs  tout  en 
t  de  froisser  leurs  sentiments  et  leurs  préjugés  ;  enfin  ils  doivent 
er  &  stimuler  leur  zèle  en  appliquant  sagement  les  peines  et  les 
penses.  Bon  exemple  donné  k  tous  les  gouvernements  qui  ont  placé 
lur  protectorat  telles  ou  telles  parties  du  continent  noir  ! 

nouvelle  Société  pour  le  (^mmeFoe  du  ]Iaat*<kkngo 
onstituée  à  Bruxelles,  pour  faire  toutes  opérations  commerciales, 
rielles,  minières  ou  autres,  spécialement  dans  le  territoire  de  l'État 
Ddant  du  Congo.  Elle  reprend  la  suite  des  opérations  de  ta  San- 
Hx^loring  Expédition  qui  lui  cède  ses  établissements  à  Matadi, 
Lngasud,  Kinchassa,  Equateur  et  Bangala  sur  le  Congo,  etLouébo 
3  bassin  du  Kassal,  ainsi  que  tout  son  matériel  d'exploitation. 
le  service  de  ses  stations,  de  ses  transports  et  de  ses  ravitaille- 
,  elle  possède  une  flottille  de  cinq  steamers  :  le  Roi  des  Belges,  la 
ta,  \e  NeW'York,  le  Général  Sanford  elle  Baron  Weber.  Les 
)remiers  bateaux  sont  déjà  en  activité  sur  le  fleuve  moyen;  les 
lerniers  sont  en  route  de  Matadi  vers  le  Stanley-Pool,  La  flottille 
înforcée  par  d'autres  embarcations  à  vapeur  et  par  des  baleinières 
ar,  au  fur  et  h  mesure  des  besoins.  Les  produits  qui  seront  l'objet 
îremière  exploitation  sont  l'ivoire  et  le  caoutchouc,  puis  viendront 
sivement  les  gommes,  tes  bois  de  teinture,  le  tabac,  les  épices,  etc. 
p&ppopt  du  consal  général  sulsae  A  Bruxelles,  sur 
e  1887  à  1888,  renferme,  sur  l'État  indépendant  du  Congo,  cer- 

dounées  qui  nous  paraissent  être  de  nature  à  attirer  l'attention 
s  ceux  qui  s'intéressent  aux  progrès  de  la  colonisation  européenne, 
avoir  rappelé  les  progrés  réalisés,  du  1"  juillet  1887  au  1"  juillet 
en  matière  de  services  publics,  de  finances,  d'administration  en 
il,  le  rapport  cite  les  règles  qui  concernent  la  prise  de  possession 


'■*'*. 


—  17  — 

de  terres  nouvelles  :  «  Les  non-indigènes  qui  veulent  fonder  des  établis- 
sements dans  le  Haut-Congo  ont  le  droit  de  s'approprier,  sans  autorisa- 
tion préalable,  une  superficie  de  terre  non  encore  occupée  n'excédant 
pas  dix  hectares  et  n'ayant  pas  plus  de  200  m.  de  rive  le  long  du  Congo 
ou  d'un  autre  cours  d'eau  navigable;  les  occupants  sont  tenus  d'indi- 
quer d'aune  manière  apparente  les  limites  de  leurs  terres  ;  ils  doivent, 
dans  les  six  mois,  informer  le  gouverneur  général  de  leur  acte  de  pro- 
priété; ils  acquièrent  ainsi  un  droit  de  préférence  pour  l'acquisition 
définitive  de  ces  terres,  et  ce,  moyennant  un  prix  d'achat  de  10  fr.  par 
hectare,  plus  une  taxe  fixe  de  25  fr ,  ;  ce  droit  de  préférence  devra 
s'exercer  à  l'époque  oîi  le  gouvernement  procédera  à  l'enregistrement 
et  au  mesurage  des  propriétés  foncières  dans  les  régions  où  les  dites 
terres  sont  situées.  » 

En  ce  qm  concerne  les  finances,  la  principale  source  des  revenus  de 
l'État  consiste  dans  les  droits  de  sortie  qui  ont  atteint,  en  1887,  le 
chiffre  de  7,668,000  fr.,  savoir  : 

pour  arachides Fr.       16,136 

café 1,809,679 

caoutchouc 1,743,087 

copal 136,542 

huile  de  palme 801,393 

ivoire 1,841,120 

noix  de  palme 972,281 

sésame 13,598 

orseille 43,294 

peaux  brutes 29,293 

fibres 76,057 

cire 125,489 

divers 60,000 

Quelque  propice  que  le  Congo  puisse  paraître  aux  tentatives  de  colo- 
nisation, le  consul  général  suisse  ne  recommande  ce  pays  que  sous  toutes 
réserves.  Voici  du  reste  comment  il  termine  son  rapport  :  Le  moment 
approche-t-il  où  l'industrie  suisse  pourra  utilement  se  tourner  du  côté 
du  Congo  avec  des  chances  assurées  de  succès  ?  Le  steeple-chase  de  toute 
l'Europe  en  Afrique  s'accentue  visiblement;  nos  industriels  feront  bien 
d'avoir  l'œil  ouvert,  mais  je  ne  pense  pas  qu'il  y  ait  encore  pour  eux 
des  perspectives  de  résultat  immédiat  suffisamment  rémunérateur.  L'ar- 
rêté du  30  juin  1887  autorise  des  appropriations  de  possession  presque 
gratuites  de  terrains  situés  en  amont  de  Léopoldville.  Les  explorateurs 


u 


—  18  — 

européens  aflSrment,  en  grande  majorité,  la  salubrité  de  ces  régions, 
mais  l'expérience  pratique  n'a  pas  encore  eu  le  temps  de  se  faire  d'une 
manière  décisive.  De  plus,  celui  qui  voudrait  coloniser  dans  ces  condi- 
tions doit  savoir  qu'il  ne  trouvera,  dans  la  région  du  Haut-Congo, 
aucune  des  ressources  de  la  civilisation,  qu'il  devra  faire  transporter  à 
dos  d'hommes  (ou  de  bœufs  prochainement),  de  Boma  à  Léopoldville, 
tous  les  instruments  de  colonisation  nécessaires  et  les  objets  indispen- 
sables à  l'existence,  cela  du  moins  jusqu'à  la  construction  du  chemin 
de  fer. 
On  écrit  de  Ba^IVu^ala  au  Mouvement  géographiqtie  de  Bruxelles  : 
«  Il  vient  de  se  passer  ici  un  petit  événement  qui,  sans  que  cela 
paraisse,  a  bien  son  importance.  Vous  savez  que  dans  un  grand  pala- 
bre qui  a  eu  lieu  au  mois  de  juillet  dernier,  le  commissaire  du  district  a 
fait  savoir  à  tous  les  chefs  que,  moyennant  une  légère  taxe  à  payer,  il 
leur  serait  délivré  à  la  station  un  permis  de  navigation,  en  même  temps 
qu'un  drapeau  de  l'État  pour  chacune  de  leur  pirogue  de  commerce  qui 
voudrait  remonter  ou  descendre  le  fleuve.  Le  26  juin,  nous  reçûmes  la 
visite  du  chef  de  Mousembé,  village  situé  en  aval.  Il  venait  nous  annon- 
cer qu'une  flotille  équipée  par  des  chefs  de  Mahomila  et  de  Loulonga 
était  campée  en  aval  de  la  station  et  demandait  quand  les  peimis  de 
passage  et  les  drapeaux  pourraient  lui  être  délivrés.  Le  lendemain,  la 
flottille  arriva.  Elle  se  composait  de  18  pirogues  de  commerce,  chacune 
montée  par  un  équipage  de  30  à  45  hommes.  La  force  entière  de  l'expé- 
dition s'élevait  à  plus  de  600  honmies,  tous  armés  de  fusils  et  abondam- 
ment pourvus  de  vivres  et  de  munitions.  Ces  gens  passèrent  un  jour  chez 
nous,  payant  sans  récriminer  leur  tribut  et  recevant  en  échange  des 
drapeaux  et  des  permis.  Le  1"  juillet,  au  son  des  gongs  et  des  tambours, 
le  drapeau  de  l'État  flottant  à  l'avant  de  chaque  pirogue,  toute  la  flo- 
tille, en  bon  ordre,  défila  devant  la  station,  dans  la  direction  d'Oupoto. 
C'était  réellement  un  beau  spectacle,  le  premier  de  ce  genre  auquel  il 
nous  était  donné  d'assister.  Avant  peu,  le  fleuve  entier  sera  parcouru 
par  des  embarcations  abritées  sous  le  drapeau  bleu.  » 

Savorgnan  de  Brazza  a  reçu  un  rapport  de  M.  Jacob,  ingénieur, 
chargé  du  relevé  de  la  rivière  Kulllou-Niari.  L'instrument  dont  il 
s'est  servi,  le  tachéomètre,  lui  a  permis  de  faire  rapidement,  en  même 
temps  que  le  nivellement,  le  levé  de  plan  d'une  ligne  polygonale  entre 
les  sommets  de  laquelle  il  a  dessiné  les  contoui*s  du  fleuve.  Au  surplus, 
le  nivellement  lui-même  n'a  pas  été  exécuté  par  le^  procédés  approxima- 
tifs du  tachéomètre,  mais  horizontalement,  au  niveau  à  bulle  et  par  les 


—  19  — 
méthodes  rigoureuses.  Avaut  la  chute  de  Kossounda,  i)  y  a  une  série  de 
rapides.  Eutre  Bakamoéka  et  le  premier  rapide  (distance  ;  six  kilométrée), 
la  différence  de  niveau  est  de  2  mètres.  Le  lit  du  fleuve  eijt  à  demi  barré, 
de  distance  en  distance,  par  des  roches  apparentes  aux  basses  eaux.  Entre 
le  premier  rapide  et  la  chute,  la  différence  de  niveau  est  de  6  mètres 
pour  un  intervalle  de  6  kilomètre.  Puis,  la  pente  continue  à  augmenter. 
Le  rapport  se  termine  par  cette  conclusion  :  «  Autant  que  j'ai  pu  en 
juger,  D  dit  M.  Jacob,  «j'ai  tout  lieu  de  croire  que  la  plupart  ries  rapides 
que  j'ai  franchis,  sont  plutôt  formés  par  des  étranglements  du  Ht  de  la 
rivière  que  par  le  surbaussement  brusque  du  sol.  En  ce  cas,  la  suppi-es- 
sion  des  rapides  serait  d'une  exécution  relativement  facile.  Quoi  qu'il 
en  soit,  je  suis  absolument  convaincu  de  la  possibilité  de  rendre  naviga- 
ble le  régime  des  rapides.  Les  moyens  à  employer  se  réduiront  peut-être 
&  un  simple  déblai  de  rochers  dans  le  lit  du  Heuve.  » 

Un  courrier  arrivé  k  la  côte,  &  Asainle,  a  apporté  des  nouvelles  de 
M.  Trelch-LApléne,  qui  dirige  Ic  convoi  de  ravitaillement  envoyé  à 
M.  le  capitaine  Binger  h  Kong.  Il  se  trouvait,  le  2  octobi-e,  à  Dcmba. 
Depuis  Dianguj  d'oti  il  était  parti  le  13  septembre,  le  voyage  avait  été 
très  pénible,  par  des  pluies  presque  continuelles,  à  travers  des  sentiers 
boueux  et  détrempés.  Le  30  septembre,  le  convoi  arrivait  à  Assicasso, 
dépendance  du  Bontoukou,  où  M.  Treich-Laplène  fut  reçu  de  la  façon  la 
plus  cordiale  par  le  roi  Annibili,  qui  lui  donna  l'hospitalité  et  lui  procura 
les  guides  nécessaires  pour  se  rendre  à  Zaranou,  résidence  de  Adjimin,  roi 
du  Bontoukou.  Il  y  est  arrivé  le  15  octobre.  C'est  là  seulement  qu'il  espé- 
rait avoir  des  nouvelles  de  M,  Binger,  auquel,  d'après  le  bruit  qui  circu- 
lait, les  marabouts  de  Kong  et  du  Bontoukou  avaient  fait  interdire  le 
passage  dans  cette  région.  Il  a  eu  aussi  à  lutter  contre  la  difficulté  de 
se  procurer  des  vivres  dans  l'Indemé.  Là,  des  émissaires  anglais  avaient 
travaillé  les  noirs,  et  M.  Treich-Laplène  dut,  à  plusieurs  repris&s  agir 
avec  énerçie  pour  assurer  le  passage  de  sa  petite  caravane. 

Une  mission,  commandée  pai'  le  capitaine  Briquelot,  est  partie  de 
Dakar,  sur  l'aviso  la  Mésange,  à  destination  des  rivières  du  sud  et  du 
FoatR-Djallon.  Après  un  séjour  à  Timbo,  elle  se  rendra  au  poste  de 
Siguiri,  sur  le  Niger,  où  elle  doit  rejoindre  le  commandant  du  Haut- 
Sénégal.  D'autre  part  une  colonne  placée  sous  les  oi-dres  du  comman- 
dant Vatliëre  a  été  chargée  de  pareourir  le  Grand  et  le  Petit  Bélë- 
donicoa,  afin  de  poursuivre  les  résultats  déjà  obtenus  par  la  mission  du 
D'  Tautain  et  du  capitaine  Quiquandou.  Elle  doit  pousser  jusqu'aux 
limites  extrêmes  des  paya  placés  sous  le  pretectorat  français  et  se 


3t 

•h 


—  20  — 

renseigner  sur  ces  contrées  encore  si  peu  connues.  Le  commandant 
Vallière  a  visité  les  pays  qui  confinent  au  Sokoto,  au  Goumbou  et  au 
Sahara.  Il  a  ensuite  organisé  des  missions  d'exploration  :  M.  Audéoud 
a  reconnu  le  cours  du  Ba-Oulé  ;  M.  Foumier,  celui  du  Ba-Dingho  dans 
sa  partie  supérieure;  un  autre  officier  a  été  dirigé  vers  le  Bélédougou. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

La  construction  d'un  premier  réseau  de  chemins  de  fer  a  été  arrêtée  par  le  gou- 
vernement tunisien  :  De  Sousse  à  Kairouan,  avec  un  parcours  de  60  kilomètres 
(système  Decauville);  de  Tunis  à  Sousse  par  Menzel;  de  Hammamet  à  Ënfida, 
avec  un  parcours  de  154  kilomètres,  et  tronçon  de  Hammamet  à  Nebeul,  avec  un 
parcours  de  18  kilomètres.  Toutes  ces  lignes  seront  à  voie  d'un  mètre.  La  ligne  de 
Tunis  à  Bizerte  reste  à  l'étude. 

Un  courrier  arrivé  du  Wadaï  à  Bengazi  a  apporté  la  nouvelle  que  les  mahdistes 
ont  attaqué  le  sultan  du  Wadaï,  l'ont  battu  et  se  sont  emparés  de  sa  capitale. 

Les  ratifications  de  la  Convention  de  Suez  ont  été  échangées  le  22  décembre. 

Après  un  séjour  de  repos  en  Suisse,  M.  Ilg,  ingénieur,  qui,  depuis  plusieurs 
années,  est  au  service  de  Ménélik,  est  reparti  pour  le  Choa;  il  s'est  rendu  à  Ber- 
bera,  où  l'attendait  une  caravane. 

Le  journal  italien,  la  Capitale,  annonce,  d'après  des  lettres  de  Massaoua  et 
d'Assab,  que  les  Danakils  ont  pris  les  armes  contre  les  Abyssins. 

Le  chef  de  Zeboul,  qui  voulait  établir  un  impôt  sur  le  sel  exporté  des  salines 
de  Madicb,  a  été  battu  et  tué  dans  une  rencontre  avec  les  Danakils. 

D'après  un  télégramme  de  Rome,  le  pape  proposera  prochainement  la  réunion 
en  congrès  des  associations  anti-esclavagistes  qui  se  sont  créées  en  divers  pays. 

Un  télégramme  de  Zanzibar  annonce  que  M'wanga,  roi  de  l'Ou-danda,  a  été 
déposé  par  son  frère. 

Les  nouvelles  reçues  au  siget  d'Émin-pacha  ne  ralentissent  pas  le  zèle  du  comité 
de  secours  allemand.  Le  lieutenant  Wissmann  partira  à  la  tôte  d'une  première 
expédition,  qui  ne  tardera  pas  à  être  suivie  d'une  seconde  confiée  à  la  direction 
du  D'  Cari  Peters. 

Le  Times  publie  une  dépêche  de  Zanzibar  d'après  laquelle  la  tribu  des  Arushas 
a  massacré  les  vieillards,  les  femmes  et  les  enfants  de  la  tribu  des  Masaï,  a  mis 
le  feu  aux  villages  et  a  enlevé  quatorze  mille  têtes  de  bétail  pendant  l'absence 
des  hommes  de  la  tribu.  L'assemblée  de  la  tribu  des  Masaï  a  résolu  de  venger 
cette  insulte.  La  guerre  durera  probablement  longtemps  et  aura  pour  conséquence 
la  dévastation  du  pays  situé  à  l'ouest  du  Kilimandjaro. 

M.  Louis  Cattat,  ancien  enseigne  de  vaisseau,  docteur  en  médecine,  et  M.  Georges 
Foucart,  ingénieur  des  arts  et  manufactures,  sont  chargés  par  le  gouvernement 
français  d'une  mission  d'exploration  dans  l'île  de  Madagascar. 

Le  gouvernement  portugais  fait  construire  une  flottille  de  bateaux  propres  à 


-  21  — 

naTîgaer  sur  le  Zambèze,  et  lever  le  tracé  d'un  chemin  de  fer  de  Quilimane,  sur  le 
Zambèse,  à  Mazaro  et  au  Chiré.  * 

M.  Me  Murdo  a  offert  au  gouvernement  du  Transvaal  de  construire  le  chemin 
de  fer,  de  la  frontière  portugaise  à  Pretoria,  sans  subvention  de  la  part  de  l'État. 

M.  James  Nicolls,  représentant  d'un  syndicat  de  Mafeking,  dans  le  Be*Chuana- 
land,  a  obtenu  du  chef  Moremi,  dans  le  voisinage  du  lac  Ngami,  une  concession 
minière  d'un  territoire  de  400  milles  carrés. 

Une  protestation  des  négociants  de  Eokstad  a  été  adressée  an  gouvernement 
colonial  du  Cap  contre  l'autorisation  donnée  par  Oumzimkoulou,  chef  de  l'£ast- 
Griqualand,  à  un  Arabe  d'établir  un  commerce  dans  cette  ville,  les  négociants 
susmentionnés  craignant  une  invasion  des  trafiquants  arabes. 

Le  Comité  des  missions  évangéliques  de  Paris  a  décidé  l'envoi  au  Zambèze  de 
IL  Adolphe  Jalla,  dont  le  frère  est  déjà  à  l'œuvre  dans  la  station  de  Seshéké. 

Le  chef  indigène  Kamahéréro  a  conclu  avec  un  Anglais,  nommé  Lewis,  une 
convention  qui  annule  les  concessions  faites  à  la  Société  allemande  de  l'Afrique 
occidentale  méridionale.  Il  a  en  outre,  dit  une  dépêche  du  Cap,  fait  expulser  les 
missionnaires,  et  ne  veut  plus  entendre  parler  du  protectorat  allemand.  M.  Gœring^ 
commissaire  du  gouvernement  allemand,  s'est  retiré  à  Wallfisbbaj,  mais  a  donné 
l'ordre  aux  employés  de  la  Société  de  rester  provisoirement  à  leur  poste. 

La  Compagnie  Eastem  and  South  African  Tdegraph  a  déjà  commencé  à  poser 
on  c&ble  sous-marin  qui  devra  relier  Capetown  à  Loanda. 

Le  résident  que  le  gouvernement  portugais  a  envoyé  à  San  Salvador,  en  annon- 
çant  son  arrivée  aux  missionnaires  baptistes  anglais  qui  travaillent  dans  cette 
ville,  leur  a  rappelé  que,  conformément  aux  stipulations  de  l'acte  de  la  Confé- 
rence de  Berlin,  la  liberté  religieuse  leur  était  garantie. 

Le  nouveau  steamer  la  Ville  de  Bruxelles  a  fait  dans  la  deuxième  quinzaine 
d'octobre,  sur  le  Stanley-Pool,  des  essais  de  navigation  qui  ont  été  satisfaisants. 

Après  avoir  achevé  l'exploration  complète  du  Kassaï,  du  Sankourou  et  de  leurs 
afQuents,  le  steamer  le  Roi  des  Belges  a  entrepris  la  reconnaissance  commerciale 
du  Haut-Congo,  sous  la  direction  de  M.  Delcommune. 

Un  nouveau  bateau  à  vapeur,  La  France,  de  la  maison  Daumas,  Béraud  et  C**, 
est  arrivé  à  Brazzaville  où  l'on  procède  à  son  remontage. 

M.  le  missionnaire  H.  Châtelain  a  eu  la  bonté  de  nous  communiquer  une  lettre 
de  M.  le  Bishop  W.  Taylor,  en  ce  moment  à  Liverpool,  d'où  il  écrit  le  21  décem- 
bre :  Je  n'arriverai  probablement  à  Loanda  que  vers  la  fin  de  mai.  M.  Henley 
Wright  est  un  bon  éleveur  de  bestiaux.  Il  formera  un  troupeau  à  Libéria  pour 
fournir  toutes  nos  stations  de  la  c6te  occidentale.  Il  nousfaut  du  lait,  de  la  viande 
et  des  bœufs  de  travail.  Nous  avons  embarqué  deux  taureaux  et  quatre  génisses 
du  troupeau  de  lord  Egerton,  près  de  Manchester,  pur  sang,  à  courtes  cornes.  Nous 
aurons  en  outre  dix  ou  douze  génisses  de  Madère  ou  de  Grande  Canarie.  Nous  lea 
établirons  probablement  dans  le  voisinage  de  Sinoe.  On  ne  peut  pas  faire  grand'- 
chose  sans  charrue,  et  l'on  ne  peut  labourer  sans  bœufs  ou  chevaux. 

M.  Taylor,  missionnaire  noir  au  Sénégal,  est  retourné  à  son  poste  après  un 


—  22  — 

temps  de  repos  passé  en  Europe.  Le  Comité  des  missions  évangéliques  de  Paris  a 
décidé  d'enroyer  à  St-Louis  M.  Ëscande,  qui,  après  ses  études  de  théologie,  a 
suivi  des  cliniques  de  médecine  et  s'est  exercé  au  maniement  des  instruments  géo- 
désiques  à  l'observatoire  de  Montsouris. 

D'après  le  Réveil  du  Maroc,  l'Angleterre  réclame  80000  livres  sterling  pour 
l'incendie  de  la  factorerie  Mackenzie,  an  Cap  Juby. 

La  mission  technique  accréditée  auprès  du  sultan  du  Maroc,  a  commencé  à 
frapper  de  la  monnaie  d'or  et  d'argent  pour  le  compte  du  gouvernement  maro- 
cain. Cette  monnaie  est  du  système  de  l'union  monétaire  et  du  même  titre. 


LE  TRACÉ  DU  CHEMIN  DE  FER  DU  CONGO 

Dans  un  précédent  numéro  (voyez  IX""'  année,  p.  358),  nous  annou- 
cions,  d'après  le  Mouvement  géographique  de  Bruxelles,  que  le  travail 
de  reconnaissance  et  le  levé  de  la  direction  générale  du  chemin  de  fer 
du  Congo  étaient  sur  le  point  d'être  terminés.  L'entreprise  qui,  au 
début,  paraissait  à  beaucoup  d'esprits  irréalisable,  se  transformsHt  par 
l'étude  en  un  chemin  de  fer  sans  difficultés  spéciales,  et  qui,  sous  le 
rapport  du  prix,  permettrait  de  rester  dans  des  limites  très  ordinaires. 
Le  journal  susmentionné  vient  de  publier  une  carte  du  levé  général  de 
Matadi  à  Ntempa,  que  nous  croyons  devoir  reproduire  en  l'accom- 
pagnant de  quelques  détails,  propres  à  la  faire  bien  comprendre, 
extraits  du  rapport  de  M.  Cambier,  directeur  des  études. 

La  partie  la  plus  difficile  de  la  tâche  des  ingénieurs  s'est  présentée  à 
leur  départ  de  Matadi.  Il  s'agissait  là,  en  effet,  de  gravir,  à  travers  une 
région  rocheuse,  excessivement  tourmentée,  une  crête  de  plus  de  250~ 
d'élévation,  et  ensuite  de  redescendre  vers  la  Mpozo  le  versant  opposé, 
qui,  sur  une  distance  de  deux  kilomètres  et  demi,  présente  une  diffé- 
rence d'altitude  de  plus  de  200™,  le  point  du  passage  projeté  de  la 
Mpozo  se  trouvant  à  50™  au-dessus  du  niveau  du  Congo  à  Matadi. 
Outre  les  difficultés  inhérentes  à  la  nature  du  sol,  les  ingénieurs  eurent 
à  surmonter  celles  qu'opposèrent  à  leurs  travaux,  en  1887,  le^  pluies  et 
les  tornados.  Peu  nombreuses  pendant  le  mois  d'octobre,  les  pluies 
devinrent  beaucoup  plus  fréquentes  en  novembre  et  décembre.  En 
même  temps,  la  température  qui,  en  août,  ne  dépassait  pas  30'  centi- 
grades, atteignit  37 **  en  novembre.  La  végétation  se  développa  rapide- 
ment, surtout  au  fond  des  vallées,  et  devint  bientôt  un  obstacle  sérieux 
à  la  continuation  des  opérations.  La  rosée,  très  abondante,  ne  se  dissi- 
pait pas  avant  10  ou  11  heures  du  matin,  malgré  l'ardeur  dés  rayons 


nrr 


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solaires,  et  l'atmosphère  était  si  chargée  d'humidité,  que,  par  le  temps 
couvert  et  les  jours  de  pluie,  il  devenait  impossible  de  travailler  aux  plans. 

De  tous  les  cours  d'eau  de  la  rive  méridionale  du  Congo  rencontrés 
pendant  les  études,  il  n'y  en  a  que  trois  qui  puissent  être  considérés 
comme  importants.  Celui  qui  olfre  les  difficultés  les  plus  sérieuses  est  la 
Mpozo  ;  pour  les  surmonter,  plusieurs  tracés  se  présentaient,  dans  le 
détail  desquels  le  peu  de  place  dont  nous  disposons  ne  nous  permet  pas 
d'entrer.  Bornons-nous  à  celui  qui  paraît  offrir  le  plus  d'avantages.  H  a 
son  origine  au  débarcadère  de  Matadi,  descend  la  rive  gauche  du  Congo 
jusqu'à  la  factorerie  de  Fuka-Fuka,  puis  s'élève  sur  les  flancs  de  la 
colline  qui  sépare  cette  factorerie  de  celle  de  Kala-Kala ,  remonte  le 
ravin  de  ce  nom,  d'abord  sur  la  rive  droite,  puis  sur  la  rive  gauche, 
pour  repasser  k  2  kilom.  au  sud  de  la  station  de  Matadi,  dans  le  ravin 
Léopold,  par  un  col  à  155"  d'altitude  au-dessus  du  point  de  départ.  Il 
remonte  ensuite  le  ravin  susmentionné  jusqu'au  col  de  partage  qui 
sépare  celui-ci  du  bassin  de  la  Mpozo,  à  270"  d'élévation,  et  de  là  redes- 
cend vei*s  la  rivière,  pour  la  franchir  à  la  cote  de  90",  en  profitant  de 
toutes  les  sinuosités  du  terrain,  afin  d'acquérir  le  plus  de  développement 
possible.  Par  là,  on  évite  une  région  dans  laquelle  se  sont  produits 
des  éboulements  considérables,  et  le  pont  sur  la  Mpozo  sera  moins  élevé 
que  si  l'on  avait  choisi  le  passage  de  cette  rivière  à  la  cote  de  50". 

Après  la  Mpozo,  la  Loukounga  est  la  rivière  la  plus  importante;  la 
vallée  qu'elle  arrose  est  des  plus  fertiles  et  des  plus  peuplées.  Sa  lar- 
geur varie  entre  8  et  10  kilom.  Elle  est  limitée  à  l'est  par  le  ma»ssif 
rocheux  de  Bangou,  dont  les  flancs  escarpés  s'élèvent  à  plus  de  250" 
au-dessus  de  la  plaine.  Heureusement,  près  du  village  de  Kimpessé,  par 
5°,33',30",  latitude  sud,  la  vallée  s'infléchit  vers  l'est,  puis,  immédiate- 
ment après,  vers  le  N.-E.,  en  se  dirigeant,  sur  un  parcours  de  50 
kilom.,  dans  la  direction  générale  à  suivre  pour  arriver  au  Stanley-Pool. 

Dans  cette  région,  la  ligne  de  faîte  entre  la  Loukounga  et  le  Quillou 
est  très  basse.  A  partir  de  son  coude  vers  le  N.-E.,  la  vallée  perd  beau- 
coup de  son  importance  ;  ensuite  elle  se  rétrécit  et  n'a  plus  que  2  à 
3  kilom.  de  largeur;  les  rochers  qui  la  limitent  vers  l'ouest  sont,  en 
grande  partie,  de  nature  calcaire. 

A  partir  du  village  de  Mani,  les  ingénieurs  eussent  désiré  quitter  la 
vallée  de  la  Loukounga,  pour  se  diriger  vers  l'est;  mais  il  leui-  fut 
impossible  de  trouver  des  guides  pour  cette  direction,  à  cause  de  l'hos- 
tilité existant  entre  les  habitants  du  pays  où  ils  se  trouvaient  et  ceux 
de  la  contrée  où  ils  voulaient  se  rendre.  Us  s'étaient  fait  un  devoir,  pour 


« 


—  24  — 

faciliter  leurs  travaux  futurs,  de  s'efforcer  de  gagner  la  confiance  des 
populations  et  de  s'attirer  leur  sympathie.  Grrâce  au  tact  de  M.  Dann- 
felt,  qui  dirigeait  leur  caravane,  et  h  la  connaissance  quMl  possédait  des 
mœurs  et  du  langage  des  indigènes,  ils  y  ont  pleinement  réussi.  Pai-tout 
ils  ont  été  amicalement  accueillis  ;  les  seuls  ennuis  qui  aient  retardé 
leur  marche  ont  été  causés  par  les  réceptions,  parfois  trop  enthou- 
siastes et  toujours  généreuses,  des  indigènes  dont  ils  traversaient  les 
villages,  et  qui  voulaient  les  retenir  quelque  temps  au  milieu  d'eux. 

Aux  sources  de  la  Loukounga,  le  terrain  redevient  assez  accidenté, 
mais  on  ne  retrouve  plus  les  pentes  abruptes  rencontrées  dans  la  pre- 
mière partie  des  études  ;  les  montagnes  ont  une  allure  régulière,  qui 
permet  toujours  d'atteindre  le  point  oU  elles  devront  être  franchies,  en 
prenant  le  développement  nécessaire.  De  la  vallée  de  la  Loukounga,  le 
tracé  passe  dans  celle  du  Ngongo,  affluent  du  Quillou,  puis  dans  celle  de 
la  Lunsadi,  séparée  de  celle  de  Tlnkissi  par  un  fatte  peu  accentué. 

Pour  atteindre  l'Inkissi,  les  ingénieurs  eurent  à  traverser  un  pays  for- 
tement mamelonné.  Au  point  de  passage,  la  rivière  a  plus  de  100°  de 
large  et  court  dans  une  vallée  étroite  et  assez  encaissée.  Son  lit  est  géné- 
ralement peu  profond  et  parsemé  d'îlots  rocheux  qui  faciliteraient  la 
construction  d'un  pont. 

A  partir  de  la  rive  droite  de  l'Inkissi,  la  densité  de  la  population  dimi- 
nue beaucoup  ;  les  plateaux  y  sont  plus  élevés  ;  la  nature  du  sol  devient 
argUo-sablonneuse  ;  des  forêts  couronnent  les  hauteurs,  et  le  lit  des 
ravins  est  creusé  dans  un  sol  plus  friable;  Le  seul  affluent  considérable 
de  la  rive  droite  de  l'Inkissi  est  la  Loukoussou,  qui  a  40"  de  largeur  sur 
0",65  de  profondeur. 

A  25  kilom.  de  l'Likissi,  on  atteint  la  ligne  de  partage  des  eaux  entre 
cette  vallée  et  celles  des  rivières  tributaires  du  Stanley-Pool  ;  ce  faîte  est 
peu  accidenté,  mais  très  boisé.  Le  tracé  reprend  bientôt  une  direction 
nord.  En  approchant  du  Stanley-Pool,  la  caravane  eut  à  traverser  une 
chaîne  de  montagnes  qui  limite  au  sud  cette  vaste  expansion  du  Congo, 
à  90°  ou  100°  au-dessus  du  niveau  des  eaux  du  fleuve.  Dans  toute  cette 
région  montagneuse,  les  vallées  sont  étroites,  très  profondes,  et  leur 
passage  exigerait  un  développement  de  voie  ferrée  considérable. 

Entre  cette  chaîne  et  le  Pool,  sur  une  distance  de  12  à  15  kilom.  de 
largeur,  s'étend  une  plaine  unie,  couverte  d'un  sable  grossier  et  offrant 
une  grande  facilité  pour  la  construction  du  chemin  de  fer,  quel  que  soit 
le  point  choisi  par  les  ingénieurs  pour  l'emplacement  du  port  à  créer. 

De  ce  point  à  l'Inkissi,  la  vallée  du  Congo  est  limitée,  à  une  distance 


_  25  — 
yaiiable  de  3  à  lûidlom.,  par  une  chatae  de  montagnes  dont  les  < 
éperons  vont  en  s' épanouissant  jusqu'^uu  rives  du  tleuve.  Les  son 
de  ces  éperons  forment  des  plateaux  réguliers,  att^guajit  jusqi 
et  12  kilom.  de  longueur,  séparés  par  des  vallées  étroites,  par  lesq 
les  cours  d'eau,  de  peu  d'importance,  se  déversent  dans  le  Congo 
Depuis  la  publication  du  rapport  de  M.  Cambier,  des  lettres  de 
poldville  ont  apporté  des  détails  sur  la  marche  de  l'expédition 
Ntempa,  à  25  kilom.  environ  de  l'Iakissi,  et  Kinchassa,  et  sur  l'ai 
des  ingénieurs  au  Stanley-I'ool,  point  terminuE  de  leurs  travaux 
brigades,  précédées  d'une  escouade  de  bûcherons  et  de  sapeurs 
posée  de  25  Uaoussas  et  Zanzibantes,  ont  suivi  d'abord  la  val 
la  Loucaya  jusqu'au  village  de  Eimouiza,  d'oii  elles  se  sont  élevé 
le  faite  qui  sépare  le  bassin  de  cette  rivière  de  celui  des  cours  d'et 
se  rendent  directeoient  au  Stanley-Pool.  A  ce  niveau,  elles  se  sont 
vées  sur  un  magnifique  plateau,  d'oii  elles  sont  ensuite  de:<cei 
avec  la  plus  graade  facilité,  vers  la  plaine  de  Kinchassa.  M.  Charni 
avec  )'avan^garde  de  l'expédition,  arrivait  au  Pool  dans  la  deu 
quinzaine  d'octobre,  et  au  départ  du  courrier  (28  octobre),  les 
brigades  d'ingénieurs  campaient  dans  la  plaine,à  8  tcitom. de  Kincl 
M.  Channaone  pensait  avoir  complètement  terminé  tes  études  du 
le  û  novembre,  prendre  deux  jours  de  repos  à  Léopoldville,  puis 
cendre  avec  tout  son  monde  vers  Matadi,  où  il  espérait  an-lver  à 
pour  prendi-e  II  Banana  la  malle  du  17  décembre  qui  arrive  en  E 
au  commencement  de  janvier. 


LES  INTÉRÊTS  MISSIONNAIRES 
DANS  L'AFRIQUE  ORIENTALE  ÉQUATORIALE 

Pour  montrer  à  ses  lecteurs  l'importance  comparative  des  ir 
des  nationalités  '  européennes  menaoés  par  les  désordres  qui  tro 

■  n  j  a  lieu  de  faire  remarquer  que  le  mot  natlon&lité  a'&ppliqae  au  i 
utire  ou  à  l'auociatioi)  qui  l'enToie;  mais  que,  âans  l'Afrique  équatoriaU 
tmlc  comprise  entre  l'Océan  Indien,  le  Zambëie,  les  lact  Nyaisa,  Tang 
Victoria-Nyanza,  et  la  Tana,  le  territoire  ressortit,  au  point  de  vue  politiq 
sphères  d'influence  anglaise,  allemande  et  portogaise,  au  sultan  de  Zani 
des  États  indépendants  tels  que  l'Ou-Ganda,  on  n'appartient  à  aucune  t 
reconnue. 


î^u^- 


■%^--  ■'  -  26  - 


•-  ■  * 

et'-  ^■-; 


l'Afrique  orientale,  le  Tùnes  a  publié  le  tableau  suivant  des  missions 

^f  r  chrétiennes  dans  cette  partie  du  continent.      • 

(^'::  :,  Les  pays  intéressés  dans  ces  missions  sont  l'Angleterre,  l'Allemagne 

r\^v  _  et  la  France;  1^  missions  appartiennent  au  protestantisme  ou  au 

;i:  :    ^  catholidsme. 

Les  missions  anglaises  protestantes  sont  celles  de  l'Église  anglicane 
(épiscopales)  ;  celles  des  Universités  (épiscopales)  ;  de  l'Église  établie 
d'Ecosse  (presbyt^iennes)  ;  de  l'Église  libre  d'Ecosse  (presbytérien- 
nes) ;  des  missions  de  Londres  (congrégationalistes)  ;  des  Églises  libres 
méthodistes  unies.  Il  n'y  a  point  de  mission  catholique  romaine. 

Les  stations  de  la  mission  de  l'Église  anglicane  se  rattachent  à  deux 
branches,  dont  la  plus  ancienne  est  celle  de  Mombas,  au  bord  delà 
mer;  l'autre,  celle  du  Victoria-Nyanzà,  a  sa  base  d^opération  à  ZaJia- 
bar.  A  la  première  appartiennent  les  stations  de  Mombas,  Frere-Town, 
Rabaï,  Kamlikéni,  Kisouloudini  et  Schimba,  situées  dans  le  territoire 
du  sultan  de  Zanzibar;  celle  de  Teïta  est  dans  la  sphère  d'inthience 
anglaise,  et  celle  de  Chagga  reconnaît  le  protectorat  allemand.  La 
Société  possède  un  steamer  qui  relie  Mombas  et  Zanzibar.  Les  stations 
suivantes  appartiennent  à  la  seconde  branche  :  Mamboïa,  Mpouapoua, 
Kisokoué,  dans  l'Ou-Sagara;  celle  d'Uyùi  dans  l'Ou-Nyaniembé;  Mtin- 
gira,  dans  rOu-Soukouraa;Ousambiro,  Msalala  et  Nasa,  dans  l'angle 
sud-est  du  Victoria-Nyanza;  Roubaga,dHns  l'Ou-Ganda.  Ges  stations  ne 
sont  pas  toutes  occupées  actuellement;  la  difficulté  d'y  envoyer  des  ren- 
forts  s'y  oppose;  il  est  possible  d'ailleurs  que  quelques  occupations  ne 
soient  que  temporaires. 

La  mission  des  Universités  a  deux  branches  distinctes  dont  la  pre- 
mière, celle  de  Zanzibar,  a  u^  port  de  mer,  l'aptre  est  la  branche  du  lac 
Nyassa,  dont  la  b/içe  d'opération  est  Quilimane,  dans  la  colonie  portu- 
gaise, port  que  le  Zarabèze  et  le  Chiré  mettent  en  communication  avec 
les  stations  de  l'intérieur. 

A  la  première  branche  se  rattachent  la  station  de  Zanzibar;  celles  de 
Mkusi,  Amba,  Magila,  Misosoué,  dans  l'Ou-Sambara;  de  Masasi, 
Newala,  Chitangall  et  Mtoua  près  de  la  Rovouma,  et  beaucoup  d'autres 
plus  petites.  Elles  sont  toutes,  à  l'exception  de  celle  de  Zanzibar,  dans 
la  sphère  de  l'intluence  allemande.  A  la  seconde  brandie  appartienn^t 
les  stations  de  l'île  de  Lukoma,  sur  la  côte  orientale  du  lac  Nyassa,  de 
Chitési  et  de  Mayenda.  La  Société  possède  un  steamer  pour  la  naviga- 
tion sur  le  lac. 
L'Église  établie  d'Ecosse  a  la  station  principale  de  Blantyre,  sur  le 


^ 


—  27  — 

lac  Chiroua,  avec  des  annexes  en  communication  avec  Quilimane  par  le 
Chiré  et  le  Zambèze. 

L'Église  libre  d'Ecosse  a  pour  stations  Bandaoué  sur  la  côte  occiden- 
tale du  lac;  A-Ngonîland,  sur  le  plateau;  Karonga  à  l'extrémité N.-O.  du 
lac;  la  station  du  cap  Maclear,  au  sud  du  lac,  et  celle  de  Kikousi  sûr  le 
plateiiu.  Un  steamer  de  commerce  appartenant  à  une  compagnie  indépen- 
dante maintient  ouvertes  les  communications  entre  le  lac  et  Quilimane. 

lia  ^ciété  -des  «aissions  de  Londres  a  la  dation  d'Ourambo  dans 
l'Ou-Nyamouézi;  celles  de  l'île  Kavala  sur  la  côte  occidentale  du  Tan- 
ganyika,  et  de  Fambo  sur  la  rive  méridionale  du  lac  ;  ces  deux  derniè- 
res sont  en  communication  avec  Quilimane  par  la  route  Stevenson,  entre 
les  lacs,  le  Nyassa,  le  Chiré  et  le  Zambèze  ;  celle  d'Ourambo,  avec  Zan- 
zibar à  travers  un  territoire  situé  dans  la  spbère  d'influence  allemande. 

L'Église  libre  méthodiste  unie  a  les  stations  de  Ribé  et  de  Yomvou 
près  de  Mombas  ;  de  Golbanti  dans  le  pays  des  Gallas.  La  situation  en 
est  périlleuse.  L'année  passée  le  missionnaire  et  sa  femme  ont  été  mas- 
sacrés avec  beaucoup  de  chrétiens  indigènes. 

Les  missions  protestantes  allemanJdes  sont  celles  de  Neukirchen,  de 
Bavière,  de  Berlin.  Celle  de  Neukirchen  a  la  station  de  Ngao,  dans  le 
pays  des  Gallas,  sur  la  rive  septentrionale  de  la  Tana.  C'est  une  mis- 
sion toute  récente  qui  a  subi  de  terribles  épreuves;  la  base  d'x)pération 
en  est  Witou;  elle  travaille  chez  les  Wa-Pokomo. 

La  mission  bavaroise  a  les  stations  de  Mboungou  et  de  Jimba,  près 
de  Mombas.  Cette  mission  très  récente  se  propose  de  travailler  parmi 
les  Wa-Kamba. 

La  mission  berlinoise,  aussi  de  fraîche  date,  a  les  stations  de  Zanzibar 
et  de  Dar-esrSalam . 

La  mission  catholique  allemande,  fort  jeune  également,  s'est  installée 
à  Dar-es-Salam,  en  opposition  à  la  mission  romaine  de  langue  française 
établie  depuis  longtemps  à  Bagamoyo. 

Quant  aux  missions  françaises,  il  n'y  en  a  point  de  protestantes.  Les 
catholiques  romaines  sont  celles  de  Notre-Dame  d'Afiique,  du  St-Esprit 
et  du  Sacré  Cœur  de  Marie,  et  des  Jésuites. 

La  mission  de  Notre-Dame  d'Afrique  est  la  création  du  cardinal  Lavi- 
gerie,  évêque  de  Carthage.  Elle  a  deux  branches:  l'une,  celle  du  Vic- 
toria-Nyanza  a  pour  stations  Roubaga,  dans  l'Ou-Ganda  ;  Boukoumbi 
au  sud  du  lac,  et  Souérou  dans  l'Ou-Nyamouézi  ;  l'autre,  celle  du 
Tanganyika  avec  la  station  de  Rouwoua  sur  la  côte  occidentale  du  lac 
et  celle  de  Karéma  sur  laquelle  M»'  Lavigerie  compte  beaucoup  dans 
son  projet  de  croisade  contre  la  traite. 


oissionA  du  St-Eeprit  et  du  Sacré  Cœur  de  Marie,  foadâee  par  le 
oraer,  out  pour  stations  Bagamoyo  k  la  côte,  et  Mhonda  daoB  le 
i. 

résuites  oQt  une  station  h  Tété  sur  le  Zambèze;  et  peut-être  d'au- 
nord  de  ce  fleuve  sur  les  progrès  desquelles  on  n'a  pas  d'infor- 


a  donc  en  totalité  six  missions  anglaises,  quatre  allemandes  et 

ançaises. 

lodété  des  missions  anglicanes  y  travaille  depuis  trente  ans;  la 

I  française  de  Bagamoyo  est  venue  ensuite.  Toutes  deux  sont 

ures  aux  grandes  explorations  de  Livti^stone.  Les  antres  sont 

eures  ;  quelques-unes  sont  très  récentes. 

les  seront  les  conséquences  des  troubles  actuels  au  point  de  TOe 

jsioQs  '.'  Il  semble  que  l'œuvre  civilisatrice  pacifique  commencée 

missionnaires  doive  en  être  complètement  arrêtée. 


CORRESPONDANCE 
.tF«  de  T«ti(  d«  M.  A.  Demafftej't  Insénlenr  des  mlaei. 

TaU  {Ma-TébÉléluid|,  9  octobre  1888. 

Cher  Monsieur, 

s'est  rien  passé  de  bien  intéressant,  au  Ma-TêhélêlaDd,  ces  deux  dernien 
ipendaDt,  si  peu  importantes  que  soient  les  nouvelles,  je  tous  leaeuToie. 
elooB,  le  chasseur,  parti  de  Shoahong  il  y  a  quelques  mois  pour  aat 
ion  de  chasse  qui  devait  durer  deux  ans,  a  été  attaqué  traîtreusement  in 
1  Zambèxe  par  un  parti  de  Ma-Choulcouloombé.  —  Douze  de  ses  bomaes 
tués.  Il  a  dd  prendre  la  fuite,  abandonnant  wagons  et  animMu.  —  Vat 
rmée)  envoyée  au  Zambëee  par  Lo-Bengula  pour  faire  une  rauii  de 
ux  et  d'esclaves,  est  revenue,  il  y  a  quelques  jours,  avec  nn  bntiii 
rable  et  a  ramené  quelques-ims  des  animaux  de  Selous. 
engula  est  bien  ennuyé  en  ce  moment.  Les  Coneemim'ê  hunten  ne  lu 

pas  un  moment  de  tranquillité.  Il  doit  y  en  avoir  une  trentaine  autour  du 
:uellement.  Lo-Bengula  a  beau  déclarer  qu'il  ne  veut  accorder  «ucane 
ion,  que  s'il  y  a  de  l'or  dans  son  pays,  il  veut  l'exploiter  lui-mSme,  ils  ne 
ent  pas  décourager  et  reviennent  constamment  à  la  charge.  Comment  wli 
'il?je  n'en  sais  rien.  M.  Moffat  et  Sir  Shippard,  administratenr  do 
analand,  sont  en  ce  moment  auprès  du  roi. 

robelaar,  représenUint  du  Transvaal  au  Ma-Tébéléland,  est  mort  des  BitiKf 
lesanre  re^ue  dans  on  conflit  avec  des  soldats  de  Khamé.  Comme  vous  ^ 
lement  renseignés  sur  cette  «flaire  par  les  joamaux  du  Cap,  je  ne  m'éwsde 


—  29  — 

pu  sur  ce  snieu  Chacun  des  deux  partis  prétend,  natorellement,  que  l'autre  est 

Tigresseur.  Les  Boers  ont  essayé,  dit^on,  d'entraîner  Lo-Bengnla  dans  une 

querelle  avec  Khamé.  Mais  Lo-Bengula  aurait  déclaré  vouloir  rester  neutre.  Il  a 

refusé,  d'autre  part,  les  ouvertures  qui  lui  étaient  C&ites  par  M.  Moffat,  en  vue 

de  fixer  une  frontière  entre  ses  États  et  ceux  de  Khamé. 

A.  Dehaffey. 


BIBLIOGRAPHIE 


ly  WiLH.  Junkbr's  reken  in  afmka,  1875-1886.  Nach  seinen  Tage- 
bûchem  untep  der  Mitwirkung  von  Richard  Buchta.  In  drei  Bander 
oder  circa  50  Liefeningen  mit  circa  300  ktinstlerisch-volleudeten  Ori- 
ginal-Ulustrationen  und  zahlreichen  Original-Kartcn.  Wien  und  Olmûtz 
(Edouard  Hôlzel),  1889,  in-8«,  l^  Lieferung,  34  kr.  —  Nous  attendions 
avec  une  certaine  impatience  que  le  retour  en  Europe  du  D' Junker,  et 
le  rétablissement  de  ses  forces  épuisées  par  plus  de  douze  années  d'ex- 
plorations dans  l'Afrique  centrale,  lui  permissent  de  publier  les  nom- 
breux matériaux  amassés  pendant  ce  long  laps  de  temps.  L'impatience 
était  d^autant  plus  légitime  qu'il  s'agit,  nos  lecteurs  se  le  rappellent,  de 
la  r^on  sur  laquelle  l'attention  de  tous  les  amis  de  l'Afrique  est  fixée 
depuis  que  Stanley  a  quitté  les  bords  de  l' Arououîmi  pour  se  diriger  vers 
Wadelaï,  au  secours  d'Émin-pacha.  En  effet,  l'Arououimi  est  le  cours 
inférieur  de  la  Népoko  dont  le  D'  Junker,  le  premier,  a  exploré  le  cours 
supérieur.  Ce  sera  dans  cette  partie  de  l'Afrique,  comprise  entre  le 
bassin  du  Bahr-el-Ghazal  et  celui  de  la  Népoko,  au  pays  des  Mombout- 
tous  et  des  Niams-Niams  oti  il  a  passé  le  plus  grand  nombre  des  susdites 
années,  que  son  ouvrage  nous  transportera.  A  ce  que  le  D' Schweinfurth 
nous  a  fait  connaître  des  territoires  au  nord  de  l'Ouellé,  le  D' Junker 
ajoutera,  non  seulement  toutes  les  informations  qu'un  savant  observateur 
a  pu  recueillir  sur  l'orographie  et  l'hydrographie,  la  géologie,  la  flore, 
la  faune  et  l'ethnographie  de  la  région  au  sud  de  cette  rivière,  mais  encore 
tout  ce  que  sa  connaissance  de  la  langue  et  un  long  séjour  au  milieu  de 
populations  non  étudiées  jusqu'ici  lui  ont  permis  d'apprendre  de  leur 
histoire.  Il  nous  fera  assister  à  cette  extension  de  l'influence  arabe  et  de 
la  révolte  du  mahdi,  devant  laquelle  il  a  dû  se  replier  pour  rejoindre 
fanin-pacha  à  Wadelaï,  d'où,  plus  heureux  que  le  gouverneur  de  l'Egypte 
^uatoriale,  il  a  réussi  à  s'échapper  malgré  les  intrigues  des  rois  de 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bftle,  tous  les 
oBTrages  dont  U  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


m 


l'Ou-Oanda  et  de  l'Ou-Nyoro.  La  livraison  que  nous  avonts  reçue  est  \» 
première  de  l'ouvrage  qai  foi-mera  trois  forts  voluniea.  Elle  nous  montre    i 
l'explorateur  au  début  de  ses  voyages  en  Afrique,  eu  1875,  dans  te  désert 
lybique  ;  mais  dès  ce  début,  le  lecteur  comprend  qu'il  pourra  suivre  avec    i 
confiance  cet  observateur  consciencieux,  qui  ne  uéglige  aucune  des  dou- 
nées  utiles  h  constater  pour  celui  qui  veut  acquérir  la  couDaissance  réelle    | 
d'un  pays.  Même  les  moments  de  repos  sont  employés  à  consulter  \tf 
instruments,  thermomètre,    hygromètres  baromètre,   &  mesurer  àxif    i 
angles,  à  noter  des  observations  qui,  le  soir,  au  camjtemeot,  seront  Mi-    | 
gneuseuieiit  reportée*  avec  détails  dans  le  journal  de  voyage.  Nous  vou-    j 
driouij  relever  tous  les  faits  intéressants  consignés  dans  les  32  pages  de 
cette  1"  livraison  ;  nous  ne  le  pouvons,  faute  de  place.  Nous  sigûalerous   , 
cependant  encore  la  forme  agréable  que  Técnvainsait  donner  i  an 
récit  ;  le  pittoresque  de  la  description  permet  de  voir  le  pays  et  les  objets 
dont  il  parle,  d'autant  mieux  que  de  nombreuses  illustrations  très  «h- 
gnées  peignent  les  épisodes  du  voyage,  en  même  temps  que  le  style  dv 
l'auteur  en  présente  l'bnage  à  l'esprit. 

On  voit  que  Téditeur,  M.  Hdlzel,  auquel  la  géographie  est  déjà  rede-  | 
vable  des  beaux  tableaux  édités  par  lui  en  vue  du  perfectionnement  de 
l'eiiseiguement  de  cette  science,  ne  négligera  rien  pour  que  l'ouvrage  du 
D'  Junker  puisse  être  placé  à  cdté  des  volumes  les  plus  élégants  de  nos 
voyageurs  africains  contemporains. 

Uebebsichtskabte  dek  dbutschen  Kolonœn,  bearbeitet  von  J.-3 
Kettler  und  C  Biemer.  '/«momii  *"  Auflage.  Weimar  (Geographisches 
Institut),  1888.  —  Toutes  les  colonies  allemandes  en  Afrique  ei  en 
Océanie  sont  représentées  sur  cette  feuille.  Ce  sont  :  la  Nouvellt 
Guinée,  les  lies  Marschall,  l'Afrique  orientale  allemande,  les  territoires 
de  Cameroun  et  de  Togo  et  le  Luderitzland.  L'absence  de  relief  et 
l'emploi  de  couleurs  bien  distinctes  rendent  ces  cartes  assez  claires  pour 
être  mises  dans  toutes  les  mains.  Elles  ne  donnent  peut-être  pas  une 
image  complète  et  ti-ès  détaillée  des  tenitoires  soumis  à  l'Allemagne, 
mais  elles  suffisent  largement  à  ceux  qui  ne  cherchent  qu'à  s'en  faire 
une  idée  nette,  de  manière  à  pouvoir  suivre  facilement  les  descriptions 
fournies  par  les  journaux  quotidiens  et  les  ouvrages  de  vulgarisation. 

Henry  Drummond.  Tropical  afrioa.  London  (Hodder  and  StougU- 
ton),  1H88,  in-8%  228  p.,  ill.  et  cai-tes,  6  sh.  —  L'aut«ur  de  ce  volume 
ne  comptait  pas  publier  les  observations  qu'il  avait  faites  pendant  un 
voyage  de  Quilimane,  par  le  Zambèze,  le  Cbiré,  le  lac  Nyassa,  jusqu'à 
Mombcra  sur  la  route  Stevenson  entre  ce  dernier  lac  et  le  Tangannkn. 


—  sa- 
it une  route  pleine  de  tranchées  et 
honneur  h  un  ingénieur  de  chemin 
raTaiUaient  régulièrement  de  6  fa.  du  matin  à  5  h.  du 
epo8  à  midi,  solidement,  continuellement,  yolontiers'  et 
t  très  gaiement.  Et  cela  sous  les  tropiques,  presque  sous 
ob  l'énergie  de  l'homme  blanc  s'évanouit,  et  le  laisse  si 
ent  plus  même  donner  l'exemple  à  ses  gens.  Le  travail  se 
rainte  ;  les  ouvriers  arrivent  de  près  et  de  loin,  parfws 
I  loin  ;  ce  ne  sont  point  des  esclaves,  mais  des  volon- 
e  payés  tous  les  quiuze  jours,  beaucoup  restent  à  leur 
saison  ;  leur  seul  salaire  est  un  mètre  ou  deux  de  calicot 
tr  semaine.  Aussi,  me  semble-t-il,  un  des  plus  grands  pro- 
aveuir  de  l'Afrique  est  résolu.  Quant  k  la  capacité,  t'Afri- 
liller;  quant  aux  peucbants,  il  travaille  volontiers  et  ses 
ait  leurs  preuves.  «  Mais  pour  qu'il  puisse  travailler,  la 
li  être  assnrée.  Pour  cela  il  est  ui^nt  de  rappeler  à  l'Eu- 
DCours  de  tous  est  nécessaire  afin  d'arrêter  les  progrès 
'ahisseurs.  M.  Drummond  l'a  fait  dans  des  pages  émues, 
2e  d'un  témoin  oculaire  compatissant.  Espérons  que  see 
entendus  de  tous  ses  lecteurs. 

etison.  The  Ababs  im  ceiitbai.  Afhica  and  at  lake 
two  maps.  Glasgow  (James  Maclehose  and  Sons),  1888, 
L'extension  des  Arabes  dans  l'Afrique  centrale,  et  parti- 
l'extrémité  septentrionale  du  lac  Nyassa,  a  engagé  M.  Ste* 
Dter,  en  quelques  pages,  les  ravages  exercés  par  ces  des- 
la  civilisation  partout  oii  ils  la  rencontrent  dans  cette 
intant  ses  renseignements  à  Liviugstone  qui,  dès  1871, 
■  à  Nyangoué,  puis  à  Stanley,  au  D'  Wolff,  à  Wissmaon, 
Giraud,  à  Reicbard  et  surtout  à  M.  Moii'  de  la  Compagnie 
lins,  il  indique  l'immense  étendue  de  pays  déjà  ravagée, 
Snorrae  d'hommes  massacrés  pour  obtenir  quelques  mil- 
'S  et  d'enfants  esclaves.  Dans  les  dernières  pages,  l'auteur 
on  du  gouvernement  anglais  sur  l'inâneiicede^  Portugais 
le  Mozambique,  et  sur  l'importauee  de  la  route  entre  le 
'angaujika,  meaacée  par  le  pi-ogrès  des  Arabes  dans  ia 
-0.  Deux  cartes,  l'une  hypsométrique,  l'autre  destinée  à 
utes  suivies  par  les  caravanes  d'esclaves,  les  districts  les 
par  les  chasseurs  d'hommes  et  ceux  qui  déjà  aujourd'hui 
épeuplés,  donnent  à  cet  opuscule  un  intérêt  tPactualité. 


—  33  — 

BULLETIN  MENSUEL  (  4 yétrier  1889'), 

Le  commepce  entre  le  port  de  Marseille  et  ceux  de  l'Al- 
gérie et  de  la  Tunisie  présente  une  activité  dont  le  développement 
progressif  s'accentue  chaque  jour.  Aux  causes  générales  de  ce  progrès, 
sont  venues  se  joindre  les  exportations  des  primeui's  que  récoltent  les 
Algériens,  ainsi  celle  des  dattes  provenant  du  marché  de  Biskra  oii  les 
Mzabites  les  apportent  ;  les  figues  de  Bougie  dont  les  paquebots  de  la 
Compagnie  générale  transatlantique  transportent  jusqu'à  100  tonnes 
par  semaine  ;  les  oranges  de  Blidah  ;  les  dattes  de  Tunisie.  Les  vins 
aussi  donnent  lieu  à  un  mouvement  qui  ne  se  ralentit  pas  ;  les  paque- 
bots de  la  Compagnie  susmentionnée  n'en  ont  pas  transporté  moins  de 
4000  tonnes  pendant  le  mois  d'octobre,  et  du  1"  au  6  novembre,  ils 
avaient  chargé  2032  fûts.  D'autre  part  de  grandes  quantités  de  farine 
et  d'orge  sont  expédiées  en  Tunisie.  Dans  la  seconde  quinzaine  de 
novembre,  en  une  seule  semaine,  200,000  kilog.  d'orge  ont  été  chargés 
pour  la  seule  destination  de  Gabès. 

M.  Masqueray,  directeur  de  l'École  supérieure  des  lettres  d'Alger,  a 
profité  de  la  présence,  dans  cette  ville,  d'une  bande  de  Touaregs 
prisomiiei*s,  pour  apprendre  leur  langue,  en  faire  la  grammaire,  tra- 
duire leurs  récits,  et  se  renseigner  sur  leurs  mœurs  et  leurs  usages.  Il  a 
fini  d'ailleurs  par  les  aimer  pour  leur  bravoure,  leurs  sentiments  héroï- 
<iues,  leur  mépris  du  danger  et  de  la  mort.  Une  seule  chose  les  a 
effrayés  à  Alger  :  les  grands  navires  qui  marchent  sur  l'eau;  ils 
n'avaient  jamais  vu  la  mer.  Us  combattent  avec  des  lances  de  fer,  se 
mettent  en  selle  d'un  seul  bond  sur  le  dos  du  chameau,  dont  ils  ont 
abaissé  la  tête  pour  prendre  un  point  d'appui;  ils  le  dirigent  par  des 
pressions  sur  le  cou  avec  leurs  pieds  qu'ils  ont  fins  et  délicats,  car  ils  ne 
marchent  presque  jamais.  Le  gouverneur  général  a  renvoyé  deux  de  ces 
prisonniers  dans  leur  tribu,  afin  de  nouer  des  relations  avec  les  Toua- 
reg et  de  les  décider  à  venir  réclamer  ceux  qui  sont  encore  détenus. 

U  y  a  six  ans,  une  colonie  de  Lyonnais  se  transporta  un  peu  h  l'est  de 


1 


Bougie,  le  long  du  golfe  de  ce  nom,  sur  les  bords  de  rOued-Marsa,  | 

'  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  corn-  \ 

plémenttUres  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de  j 

l'Algérie,  puis  aUant  à  PEst,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
reyenant  par  la  côte  occidentale. 

l'APRIQUE.    —    DIXIÈME    ANNÉE.   —   N°    2.  2 


accidentée,  où,  trouvant  une  terre  pi-opice  à  la  vigne, 
lEsitôt  des  plautatioiiâ  qui,  s'étaut  poursuivies  progres- 
BQt  sur  uue  lougueur  de  40  kilom.  Eu  ce  moment,  dil 
Azérie,  les  vignobles  de  l'Oued-Marsa  sont  cornius  de 

ont  déjà  leur  réputation  faite.  La  meilleure  preuve  i 
[ue  maintenant  l'on  vient,  non  seulement  de  France  ou 
er  leurs  produits  sur  place,  mais  encore  d'Amérique. 
,  uue  bonne  partie  de  la  récolte  a  été  expédiée  au  Br^ 
s  vignobles  couvrent  les  coteaux  qui  servent  de  feutre' 
lies  de  la  Kabylie,  dont  les  pentes  douces  descende^ 
rranéc.  Le  sol  sur  lequel  ils  reposent  appartient  à  ie» 
es.  0»  y  rencontre,  seuls  ou  mêlés  aux  terres  d'allu- 
s  jurassiques,  les  schistes  et  les  gi'ès,  c'est-à-dire  It* 
rance,  produisent  les  crus  tes  plus  estimés,  tels  que  Iw 
i,  les  Hermitages,  les  grands  fioi-deaux  ;  et  ces  terraia* 
'  apporter  à  leurs  vignojs  les  qualités  qui  ont  fait  la 
les  frau(;ais. 
gen  de  la  Société  de  géographie  de  Vieinie  ont  i-eçu 

une  lettre  du  mahdi  aux  parentit  de  Slatid- 
verneur  du  Darfour,  devenu  prisonnier  du  Kalifa, 
iri  et  Rodolphe,  et  à  tous  lt«  frères  d'Abd-el-KâdrSla- 

soiis  savoir  que,  dès  que  votre  frère  eut  été  forcé  de  .* 
istcs  api-ès  la  conquête  du  Darfour,  il  adopta  l'islft- 
la  au  inabdi  qui  l'hiniora  de  sou  amitié.  Maintenant  il 
de  nnus,  comme  un  de  nos  couseilleiu  intimes,  consi- 
iit  content,  gai  et  heureux  au  plus  haut  point.  On  m 
li  douleur,  ni  chagrin  ;  au  contraire,  il  jouit  d'une  pa^ 
lerté  d'esprit  est  pleine  et  entière;  il  est  très  estinii'- 
ns  comme  notre  propi-e  tils,  c'est  un  des  mahdisteg  lc> 

i  leitrc  de  1886  à  votre  frère  est  parvenue  à  notre  lieu- 
le  Souakim,  Osman  Digma  nous  Ta  expédiée  :  nous  la 
immédiatement  ;  elle  lui  a  appris  que  sa  mère  étail 
s  vous  portiez  tous  bien. 

uI-Kâdr  Slatin  demeure  maintenaut  avec  nous,  qu'il*' 
icillcures  conditions  et  qu'il  jouit  de  toute  notre  consi- 
sirous  que  l'un  de  vous  vienne  ici  pour  le  voir,  uous  N 
;  sécurité  —  l'Aman^  au  nom  d'Allah,  de  son  pi-ophète. 


—  35  — 

de  son  mahdi,  et  en  notre  propre  nom,  pour  sa  personne  et  pour  ses 
biens  ;  la  plus  haute  distinction  lui  est  assurée  de  notre  part.  Si,  après 
avoir  vu  son  frère,  il  veut  retourner  dans  sa  patrie,  nous  le  laisserons 
repartir  en  paix  et  en  tranquillité.  Mais  s'il  désire  rester  auprès  de 
nous,  il  pourra  le  faire  en  tout  honneur.  Nous  disons  cela  non  seulement 
pour  vous,  frères  de  Slatin,  mais  encore  pour  lequel  que  ce  soit  de  ses 
parents,  ou  pour  tout  Autrichien  qui  viendmit  chez  nous  pour  être  reçu 
par  nous,  nous  lui  promettons  toute  sécurité,  nous  l'autoriserons  à  nous 
voir  pei*sonnellemeut,  en  considération  de  Slatin,  de  sa  piété  sincère, 
<ie  sa  foi  à  l'islam,  et  parce  qu'il  est  devenu  un  des  mahdistes  les  plus 
haut  placés  et  les  plus  considérés  parmi  nous. 

«  Nous  vous  faisons  savoir  ceci  pour  vous-mêmes,  et  vous  chargeons 
•d'en  informer  toutes  vos  relations. 

«  Une  lettre  de  votre  frère,  qui  vous  parviendra  en  même  temps  que 
<îelle-ci,  vous  informera  de  ce  qui  le  concerne.  »  L.  S. 

1306,  4  Muharrem  (11  septembre  1888). 

Le  Record  a  publié  des  nouvelles  d' Abyssinie,  transmises  par  M.  A. 
Swenson,  missionnaire  suédois,  de  M'kullo,  à  la  date  du  11  novembre. 
«  Hier  au  soir,  »  écrivait-il,  «  un  marchand  venu  d'Adoua  m'a  dit  avoir 
vu,  en  juillet,  M.  Argawi,  à  Dobarki,  dans  la  province  de  Wogera,  oîi  il 
s'était  enfui  de  devant  les  derviches,  partisans  du  mahdi,  qui  avaient 
détruit  Derabéa  et  brûlé  Gondar,  la  capitale.  Toute  l'Abyssinie  occiden- 
tale a  été  ravagée  pai*  eux.  Des  milliers  de  chrétiens  abyssins,  qui  refu- 
saient de  devenir  mahométans,  ont  été  massacrés  de  sang-froid;  per- 
sonne ne  connaît  le  nombre  de  ces  malheureuses  victimes.  Les  femmes 
et  les  enfants  ont  été  emmenés  et  vendus  comme  esclaves  ;  pai-mi  eux  se 
trouvait  la  fille  unique  du  roi  du  Godjam;  celui-ci,  ainsi  que  le  roi  du 
Choa,  était  en  état  de  révolte  contre  le  négous.  » 

Nous  avons  déjà  annoncé  le  retour  à  Mombas  de  l'expédition  du 
€omte  Teleki,  dans  la  région  du  Kilimandjaro  et  du  Kénia. 
Des  pluies  persistantes  ne  permirent  pas  de  faire  l'ascension  du  Kibo. 
L'explorateur  se  porta  alors  vers  le  Kénia,  dont  il  tenta  seul  d'attein- 
dre le  sommet,  les  autres  membres  de  l'expédition  étant  alors  tous 
malades.  Le  cratère  se  trouve  à  plus  de  5000™  d'altitude;  im  sommet  le 
domine  de  lOOO™.  Des  forêts,  formées  principalement  de  bambous,  le 
couvrent  jusqu'à  une  hauteur  de  3000°*  environ.  L'expédition  se  dirigea 
ensuite  vers  le  lac  Baringo,  qu'elle  atteignit  à  Njemps*,  sur  la  rive  sud. 

*  Voy.  la  carte,  VI"»«  année,  p.  64. 


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érait  pouvoir  s'y  reposer,  mais  il  lui  fut  impossible  de  se-  procu- 
a  nourriture  à  plus  de  100  kilom.  à.  la  roade.  Il  fallut  se  résou- 
[ivoyer  150  hommes  en  chercher  à  Rikouyou,  et,  jusqu'à  leur 
se  contenter  de  gibier,  heureusement  très  abondant.  Au  bout  de 
)is,  ces  hommes  reviurent  avec  une  centaine  de  charges,  mais 
!nt  l'expédition  affaiblie  par  les  privations  et  surtout  par  ie  froid 
dation  à  plus  de  2500~  d'altitude.  Les  indigènes  ne  donnèrent 

renseignements  vagues  et  contradictoires  sur  le  pays  au  non! 
Baringo  ;  toutefois,  il  ressortait  de  leurs  récits  que  le  pays  ne 
it  ni  d'eau,  ni  de  vivres.  Laissant  alors  en  arrière  les  malades  et 
chandises  inutiles,  le  comte  Teloki  se  remit  en  marche  le 
jr  1888,  et,  après  seize  étapes  dans  la  partie  nord  du  plateau  de 
,  d'une  hauteur  moyenne  de  2500"  à  3000".  il  atteignit  le  mont 
il  est  établie  la  tribu  nomade  des  Burkenedji,  qui  lui  fournit  de 
ides.  Il  nomma  lac  Rudolf  un  lac  nommé  par  les  indigènes 
arok  (mer  noire),  et  dont  il  atteignit  l'extrémité  nord  le  7  avril. 

partie  sud  se  trouvent  dos  pêchcui-s  qui  vivent  sur  de  petite* 
s  du  bord  du  la«,  et  se  nourrissent  de  crocodiles  et  d'hippopo- 
?lus  au  nord,  il  rencontra,  à  Reshiat,  des  Gallas,  qui  possèdent 
p  de  dourha  et  d'immenses  troupeaux  de  bœufs  et  d'ânes  ;  mais 
la  quantité  de  marchandises  que  portait  sa  caravane,  elle  ne  put 
en  échange  que  du  dourha  ;  car  le  fer,  le  cuivre,  les  cotonnades, 
s  valeur  pour  ces  indigènes,  qui  ne  désirent  qu'un  certain  genre 
s.  L'expédition,  n'en  ayant  pas,  ne  put  se  procurer  de  bestiaux, 
lirigea  ensuite,  h  l'est,  vers  un  autre  lac,  le  Basso-na-Ebor  (lac 
lue  l'on  ne  peut  atteindre  que  pendant  la  saison  des  pluies,  car 
inquc  sur  la  route;  celle  du  lac  est  salée.  Le  comte  Teleki  le 

lac  Stéphanie.  Pendant  la  saison  des  pluies,  tout  le  pays  au 

lac  est  inondé;  l'eau  a  parfois  près  de  2"  de  profondeur;  il  y 
1  outre  deux  grandes  rivières  impossibles  à  traverser.  Passant 

sud  du  lac,  près  d'un  volcan  eu  activité,  l'expédition  rencontra 
enses  ti-oupeaux  des  Turkanas,  tribu  nomade  qui  ne  voulut 
s  bœufs  et  ses  chameaux  que  contre  du  tabac.  La  caravane  n'en 
as  ne  put  obtenir  que  des  chèvres,  des  moutons  et  des  ânes. 
lie  marche  de  huit  joui's  dans  un  vrai  désert,  l'expédition  meua- 
uisement,  réussit  enfin  à  atteindre  Njeraps,  puis,  par  la  route  la 
rte,  elle  regagna  Naïwasha,  Kikouyou,  Taveta  et  Mouibas. 
miteur  dvs  Colonies  nous  apporte  les  i-enseignenieiits  suivant-s- 
>rogrès  accomplis  par  les  Portugais  â  la  baie  de  Uela^oa  t 


—  37  — 
Le  port  de  Loreozo  Marquez  qu'ile  ont  créé  sur  la  Tembi,  à  u 
taine  distance  de  rembouchure,  est  au  moins  aussi  bieu  iustallé  qi 
du  Cap  et  de  Natal  qui  appartiennent  k  l'Angleterre.  Il  a  été 
depuis  deitx  ans  des  améliorations  considérables.  On  y  bâtit  un 
pour  la  douane  qui  a  66  mètres  de  Ion»;  sur  i;f  ,5  de  large.  A  & 
trouvent  des  hangars  pour  machioes,  des  magasins  à  marchandis< 
station  du  ebemin  de  fer  de  la  baie  de  Delagoa  au  Trnnsvaal 
dernière  pourvue  d'un  bureau  télégraphique  et  de  loua  les  acce 
nécessaires.  Il  a  été  consacré  de  grandes  sommes  à  l'embelHssem 
reste  de  la  ville.  On  est  en  train  de  construire  un  vaste  square  ( 
de  la  résideuce  du  Gouverneur  ;  les  rues  ont  été  remises  en  éta 
casernes  sont  en  coui-s  de  construction,  des  routes  ont  été  tracé» 
ponts  ont  été  construits  pour  donner  accès  k  l'église,  k  l'hôpita 
nouveau  cimetière.  L'éclairage  est  satisfaisant.  Le  quartier  indi^ 
trouve,  comme  dans  les  colonies  hollandaises,  k  une  distance  d'au 
!)  kilomètres  de  celui  des  Européens.  On  n'a  pas  réussi  dans  un  p 
«ssai  k  arrêter  la  malaria  au  moyen  de  plantations  d'eucalyptus,  a 
■qu'un  grand  nombre  d'arbres  sont  morts.  L'organisation  sanitaii 
service  des  eaux  laissent  encore  beaucoup  à  désirer.  Il  n'y  a,  poi 
les  besoins,  qii'une  seule  fontaine  où,  toute  la  journée,  des  gens  de 
les  couleui-s  font  queue  pour  faire  leur  provision  d'eau.  Les  bal 
-entassées  tout  près  de  la  ville  forment  un  vrai  nid  k  fièvi-e.  Le  g 
nement  vient  de  voter  7,500,000  francs  pour  l'exécution  de  ti 
publics;  il  est  à  espérer  qu'on  consacrera  au  moins  une  partie  d 
somme  k  l'approvisionnement  d'eau  et  à  des  travaux  d'assainist 
de  la  ville.  La  garnison  et  la  police  ont  été  l'enforcées  de  100  For 
Un  juge  résident  a  été  nommé,  de  sorte  qu'il  ne  sera  plus  nécessi 
se  rendre  jusqu'à  Mozambique  pour  les  affaires  judiciaires.  La  lij 
chemin  de  fer  qui  va  jusqu'à  Komatie,  sur  un  parcours  de  80  kilon 
«st  susceptible  d'améliorations.  La  voie  est  posée  sur  une  levéi 
serait  utile  de  recouvrir  de  ballast  pour  que  les  pluies  ne  l'emport 
pas.  A  la  suite  d'un  orage  les  communications  ont  été  interceptée 
dant  six  semaines  ;  200  indigènes  et  10  blancs  travaillent  continuell 
à  l'entretien  de  la  voie.  Jusqu'ici  les  recettes  se  sont  élevées  à  22, 
par  mois.  Le  trafic  de  cette  ligne  augmentera  aussitôt  que  la  v( 
jusqu'à  Pretoria  et  possédera  un  embranchement  sur  Ijarbertoi 
terrains  avoisinants  appartieiment  par  moitié  à  la  Compagnie  et  a) 
vernement.  Une  concession  a  été  accordée  k  (14  kilomètres  de  la  b 
Delagoa,  oii,  dit-on,  ont  été  découverts  des  diamauts. 


v-v 


■•si 


—  38  — 

Le  Mmionarj/  Herald  de  Boston  publie  une  lettre  écrite  par 
M.  Bâtes,  des  bords  de  la  rivière  Buzy,  dans  les  ÊUtto  de  Croan- 
ifounyane,  le  successeur  d'Oumzila,  dont  le  royaume  est  censé 
s'étendre  du  Zambèze  au  Limpopo,  et  de  l'Océan  Indien  au  pays  des- 
Ma-Tébélé.  Les  missionnaires  américains  ont  trouvé  les  indigènes  pleins 
de  cordialité  et  désireux  de  s'instruire.  A  en  juger  par  ce  qu'ils  ont  vu 
le  long  de  la  Buzy,  la  population  doit  être  très  dense.  Le  voisinage  des 
rivières  ressemble  h  un  véritable  jardin,  avec  des  villages  à  chaque 
centaine  de  mètres.  Le  sol  peut  nourrir  un  grand  nombre  d'habitants. 
Quoique  les  missionnaires  aient  passé  six  semaines  dans  ce  qu'on  appelle- 
la  partie  insalubre  du  pays,  ils  ont  échappé  à  la  fièvre,  en  prenant  soin 
d'avoir  de  bonne  eau  à  boire  et  en  la  faisant  bouillir  lorsqu'ils  pouvaient 
avoir  des  doutes  sur  sa  qualité.  Us  ont  envoyé  un  message  à  Goungou- 
nyane  pour  lui  demander  l'autorisation  de  s'établir  dans  ses  États^ 
Mais  le  nombre  des  chercheurs  d'or  venus  pour  explorer  le  pays  avait 
été  si  considérable  qu'aucun  blanc  ne  pouvait  plus  obtenir  audience  de 
la  part  di^  roi,  et  qu'on  prédisait  le  même  insuccès  aux  envoyés  des. 
missionnaires.  Ce  ne  fut  qu'au  bout  de  six  semaines  d'attente  que 
Goungounyane  les  reçut  et  qu'il  leur  accorda  ce  qu'ils  demandaient.  D 
s'est  déclaré  heureux  de  les  voir  venir  chez  lui  et  a  envoyé  des  hommea 
pour  les  conduire  à  son  kraal.  Pendant  le  séjour  des  missionnaires  à  la 
côte,  ils  ont  déjà  pu  constater  que  la  grande  majorité  des  indigènes 
parlent  le  zoulou.  Il  y  a  en  outre  deux  langues  :  l'une,  le  Jsi  senji  parlé  de 
la  Sabi  à  la  Buzy,  et  l'autre,  le  Jsi  nhlwenga,  au  sud  de  la  Sabi;  ce 
dernier  d'ailleure  a  beaucoup  d'aflBnité  avec  le  zoulou. 

La  grande  affluence  des  chercheurs  d'or  dans  le  pays  des  Ma-Téb«é 
et  dans  celui  des  Ma-Shona  a  engagé  le  roi  Lo-Bengula  à  publier 
une  déclaration  portant  que  toutes  les  concessions  minières  dans  les 
pays  susmentionnés  et  dans  les  territoires  adjacents  à  celui  du  roi  dea 
Ma-Tébélé  ont  déjà  été  accordées.  En  conséquence,  il  a  prévenu 
tous  les  solliciteurs  de  concessions  et  tous  les  spéculateurs,  que  leur 
présence  dans  le  Ma-Tébéléland  est  désagréable  au  roi  et  au  peuple  et 
que  ceux  qui  persisteraient  à  vouloir  entrer  dans  son  pays,  le  feraient  à 
leurs  risques  et  périls.  Il  a  de  plus  sollicité  l'aide  de  tous  les  chefs  et  de 
tous  les  États  voisins  pour  expulser  ces  spéculateurs  de  son  territoire. 

En  opposition  à  cette  déclaration,  le  consul  de  Portugal  à  Cape-Towa 
a  fait  savoir,  qu'ensuite  d'instructions  spéciales,  son  gouvernement  ne 
reconnaît  pas  les  prétendus  droits  de  Lo-Bengula  sur  le  Ma-Shonaland 
et  sur  les  territoires  adjacents,  sur  lesquels  le  roi  du  Portugal  déclare^ 


—  39  — 

avoir  des  droits  de  souveraineté.  Aussi  a-t-il  proclamé  nulles  et  non 
avenues  toutes  les  concessions  de  terre  ou  de  mines  accordées  ou  à 
accorder  à  l'avenir  dans  le  Ma-Shonaland  et  dans  les  territoires  adja- 
cents, et  informé  les  intéressés  que  le  gouvernement  portugais  n'en 
reconnaîtra  aucune.  Le  Journal  de.  la  Chambre  du  Commerce  de  Londres 
fait  remarquer  à  ce  sujet  qiïe  la  protestation  du  consul  du  Portugal  à 
Cape-Towu  OvSt  en  opposition  avec  les  intérêts  et  même  avec  les  droits 
de  la  Grande-Bretagne.  Il  rappelle  que  Lo-BengulaaaccordéàM.  Rudd 
une  concession  de  mines  d'or  qui  s'étend  au  Ma-Shonaland,  en  échange 
1"  d'un  paiement  de  100  liv.  sterl.  par  mois;  2*»  d'une  forte  livraison 
d'armes  et  de  munitions;  3**  du  placement  d'une  canonnière  sur  le 
Zambèze  le  long  de  la  frontière  septentrionale  de  ses  États.  Les  rois  du 
Ma-Tébéléland,  ajoute-t-il,  sont  depuis  environ  cinquante  ans  souve- 
rains par  droit  de  conquête  du  pays  des  Ma-Shona,  fertile,  bien  arrosé, 
riche  en  métaux  précieux.  Enfin,  il  oppose  à  la  protestation  du  Portu- 
gal le  traité  d'alliance  que  Sir  Hercules  Robinson,  gouverneur  de  la 
Colonie  du  Cap,  a  conclu  il  y  a  quelques  mois  avec  Lo-Bengula,  et  par 
lequel  le  gouvernement  britannique  a  déclaré  que  désormais  il  considé- 
rait comme  faisant  partie  de  la  sphère  d'influence  anglaise  les  pays  des 
Ma-Tébélé  et  tout  le  territoire  situé  au  sud  du  Zambèze,  à  l'ouest  des 
possessions  portugaises. 

M.  F.-s.  Arnot  a  rapporté  à  la  Société  de  géogi'aphie  de  Londres 
que  la  partie  du  pays  de  Lounda  qu'il  travei*sa,  de  Benguéla  pour  se 
rendre  dans  les  États  de  Mslri,  était  réduite  en  désert.  De  tous  côtés 
se  faisaient  remarquer  de  vastes  clairières,  oîi,  à  une  date  récente,  s'éle- 
vaient encore  des  villages,  mais  oîi  maintenant  l'on  ne  voit  plus  personne. 
A  son  arrivée  dans  la  capitale  de  Msiri,  des  trafiquants  arabes,  demi-cas- 
te, firent  tout  ce  qu'ils  purent  pour  empêcher  le  roi  de  le  recevoir.  L'un 
d'eux  fit  un  grand  discours  pour  déterminer  Msiri  à  le  faire  mourir  ou  à  le 
renvoyer.  Le  roi  répondit  que  n'ayant  vu  jusque  là  aucun  Anglais,  il  ne 
pouvait  exprimer  aucune  opinion  sur  les  ^accusations  portées  contre 
M..  Arnot;  «  mais,  »  ajouta-til  :  «je  sais  une  chose,  je  vous  connais  vous 
Arabes,  »  et  il  suspendit  son  jugement.  L'étranger  fut  mis  en  quarantaine 
pendant  six  joui-s,  durant  lesquels  Msiri  convoqua  tous  les  docteurs  et 
les  devins  du  pays  pour  accomplir  certaines  cérémonies  destinées  à  faire 
découvrir  si  le  cœur  du  nouveau  venu  était  aussi  blanc  que  sa  peau.  Ils 
préparèrent  des  décoctions  de  médecines  dans  lesquelles  ils  mirent  de 
petits  morceaux  d'écorce  ou  de  bois;  le  lendemain,  si  ceux-ci  n'avaient 
subi  aucun  changement,  c'était  une  preuve  que  le  cœur  du  visiteur  était 


■  I 


—  40  — 

en  bon  état;  si,  au  contraire,  ils  étaient  altérés,  on  ne  (levait  plus 
avoir  confiance  en  lui.  Cette  épreuve  et  d'autres  encore  tournèrent  en 
sa  faveur.  Aussi  Msiri  ordonna-t-il  à  tout  son  peuple  de  faire  à 
M.  Amot  une  réception  cordiale.  Lors  de  la  présentation  au  roi,  le 
missionnaire  le  trouva  entouré  de  500  femmes,  qui  sont  en  réalité 
ses  ministres  d'État.  Son  empire  est  divisé  en  une  quantité  de 
provinces,  dont  chacune  est  gouvernée  par  un  petit  chef  qui  reçoit  de 
lui  une  coquille  (Omande)  comme  signe  de  son  oflBce;  chacun  d'eux  est 
représenté  à  la  cour  par  une  des  femmes  de  Msiri  ;  ce  sont  elles  qui 
perçoivent  tous  les  tributs  et  qui  fournissent  l'entretien  aux  visiteurs. 

Enfin  est  arrivée  à  Bruxelles  une  lettre  de  Stanley,  non  pas  une  lettre 
adressée  au  gouvernement  de  l'État  indépendant  du  Congo,  mais  celle 
que  Stanley  écrivait  à  Tipo-Tipo  pour  lui  annoncer  son  retour  sur 
l'Arououirai.  Elle  est  loin  de  répondre  au  besoin  que  nous  avons  de  con- 
naître les  détails  de  son  expédition  de  quatorze  mois;  mais  telle  qu'elle 
est,  nous  devons  pour  le  moment  être  satisfaits  de  la  certitude  qu'elle 
nous  fournit  du  succès  de  cette  expédition. 

Borna  de  Banalya  (Murenia),  17  août  1888. 

Au  cheik  Ahmed-ben-Mohamed,  de  son  bon  camarade 

Henri'M.  Stanley, 

Je  vous  envoie  bien  des  salutations.  J'espère  que  vous  êtes  en  bonne 
santé  comme  moi  et  que  vous  vous  êtes  bien  porté  depuis  mon  départ  du 
Congo.  J'ai  à  vous  raconter  bien  des  choses  et  j'espère  vous  voir  sous 
peu. 

Je  suis  arrivé  ce  matin  avec  130  Wang\^'ana,  3  soldats  et  66  indigènes 
appartenant  à  Émin.  11  y  a  aujourd'hui  82  jours  que  nous  avons  quitté 
Émin  sur  le  Nyanza  *,  et,  pendant  tout  le  trajet,  nous  n'avons  perdu  que 
3  hommes.  Deux  se  sont  noyés,  le  troisième  s'est  enfui. 

J'ai  trouvé  les  blancs  que  je  cherchais.  Émin-pacha  se  trouve  parfai- 
tement bien,  ainsi  que  Casati. 

Émin-pacha  possède  de  Tivoire  en  abondance,  des  milliers  de  têtes  de 
bétail,  des  chèvres,  de  la  volaille  et  des  approvisionnements  de  toute 
sorte.  Nous  avons  trouvé  en  lui  un  homme  bon  et  aimable.  Il  a  fait 
cadeau  de  nombreux  petits  objets  à  tous  nos  blancs  et  noirs.  Sa  géné- 
rosité n'aurait  pu  être  plus  grande  qu'elle  n'a  été.  Ses  soldats  ont  litté- 
ralement béni  nos  noirs  d'être  venus  de  si  loin  pour  indiquer  la  route,  et 

'  Vraisemblablement  PAlbert-Nyanza. 


XT 


—  41  — 

nombre  d'entre  eux  étaient  prêts  à  me  suivre  et  à  quitter  ce  pays,  mais 
je  les  ai  priés  d'attendre  quelques  mois,  jusqu'à  ce  que  je  revinsse  cher- 
cher les  hommes  et  les  marchandises  que  j'avais  laissées  à  Yambouya.  Ils 
ont  prié  Dieu  de  m'accorder  les  forces  nécessaires  pour  terminer  mon 
entreprise.  Dieu  veuille  que  leur  prière  soit  exaucée  ! 

Maintenant,  mon  ami,  dites-moi,  qu'allez-vous  faire  ? 

Nous  avons  fait  la  route  deux  fois  ;  nous  savons  où  elle  est  bonne  et  où 
elle  est  mauvaise.  Nous  savons  oii  il  y  a  des  vivres  en  abondance  et  où  il 
en  manque,  où  se  trouvent  les  camps,  en  un  mot,  où  l'on  peut  s'arrêter 
et  se  reposer. 

J'attends  avec  impatience  de  vos  nouvelles.  Si  vous  m'accompagnez, 
c'est  bien;  sinon,  c'est  encore  bien.  Je  m'en  remets  à  vous.  Je  resterai 
ici  une  dizaine  de  jours  ;  puis  je  m'en  irai  lentement.  Je  vais  me  diriger 
vers  une  grande  île  à  deux  heures  de  marche  d'ici.  Au  delà  de  cette  île, 
je  trouverai  un  gîte  et  des.  vivres  en  abondance  pour  mes  hommes. 
Cependant,  quoi  que  vous  ayez  à  me  dire,  je  vous  écouterai  comme  tou- 
jours avec  le  plus  grand  plaisir. 

Si  vous  venez,  venez  vite,  car  je  me  mettrai  en  route  dans  onze  jours, 
au  matin. 

Tous  mes  blancs  sont  en  boime  santé,  mais  je  les  ai  tous  laissés  derrière 

moi,  sauf  mon  domestique  William  qui  m'accompagne. 

Staxley. 

Quelque  discrète  que  soit  cette  lettre  sur  une  quantité  de  détails  que 
nous  aimerions  à  connaître,  elle  nous  permet  d'attendre  avec  certitude 
un  rapport  complet  sur  les  deux  voyages  de  Stanley  entre  l'Ai'ououmii 
et  Wadelal.  Le  vaste  espace  qui  demeure  encore  en  blanc  sur  la  belle 
carte  en  quatre  feuilles  que  publient,  en  ce  moment  même,  les  Mittheilun- 
gen  de  Gotha  dans  leurs  Suppléments  sera  en  partie  comblé  ;  le  mystère 
qui  recouvrait  jusqu'à  aujourd'hui  la  région  comprise  entre  le  lac  Albert 
et  les  sources  des  tributaires  de  droite  du  cours  moyen  du  Congo  sera 
en  partie  dévoilé.  Sir  Francis  de  Winton  a  communiqué  aux  journaux 
anglais  une  lettre  du  major  Parminter  de  Stanley-Pool,  confirmant  les 
renseignements  fournis  par  celle  de  Stanley.  Il  en  résulte  qu'au  camp  de 
Banalya,  sur  l'Arououimi,  Stanley  a  rencontré  les  débris  de  l'arrière- 
garde  commandée  naguère  pai*  feu  le  major  Barttelot  et  qui  étaient 
encore  réunis  là,  sous  les  ordres  de  M.  Bonny.  Dans  son  voyage  de 
retour  vers  Émin-pacha,  Stanley  aurait  été  accompagné  de  M.  Bonny  et 
de  ce  qui  restait  de  l'ancienne  arrière-garde.  L'explorateur  était  tout 
à  fait  décidé  à  ne  pas  rentrer  en  Europe  par  le  Congo,  D'après  les 


—  42  — 

calculs  de  sir  F.  de  Winton,  il  a  dû  rejoindre  Émin-pacha  vers  le 
17  novembre  1888;  puis  essayer  de  franchir  les  pays  troublés  de  l'Ou- 
Ganda  et  de  TOu-Nyoro,  pour  arriver  à  Msalala,  oîi  se  trouve  son  dépdt 
de  vivres,  et  gagner  de  là  la  côte.  Ce  voyage  occuperait  de  six  à  dix  mois, 
suivant  les  diflScultés  à  vaincre  dans  l'Ou-GrandaetrOu-Nyoro;  de  sorte 
que,  d'après  sir  Francis  de  Winton,  si  tout  allait  bien,  Stanley,  reparaî- 
trait à  Zanzibar  vers  la  mi-mai,  au  plus  tôt,  la  fin  de  septembre  au  plus 
tard. 

Le  Journal  officiel  a  publié  un  rapport  du  ministre  de  la  marine  au 
président  de  la  République,  relatif  à  Torganisation  du  Gabon  et  du 
Con^o  français.  Les  décrets  de  1886  réglant  les  relations  entre  le 
commissaire  général  de  la  République  au  Congo,  Savorgnan  de  Brazza, 
et  le  lieutenant-gouverneur  du  Gabon,  M.  le  D'  Ballay,  n'étaient  que 
provisoires.  Mais  les  diflBcultés  qui  avaient  empêché  d'appliquer  les 
mêmes  règles  à  une  ancienne  colonie  comme  le  Gabon  et  à  de  vastes 
territoires  encore  incomplètement  explorés  comme  ceux  du  Congo, 
n'existent  plus  aujourd'hui.  Le  moment  était  venu  de  réaliser  la  fusion 
administrative  du  Gabon  et  du  Congo  français,  d'étendre  l'action  du 
lieutenant-gouverneur  à  toute  la  colonie,  en  la  subordonnant  toutefois 
partout  au  commissaire  général.  D'après  le  décret  signé  par  le  président 
de  la  République,  l'unification  de  l'ouest  africain  français  est  un  fait 
accompli.  M.  de  Brazza  continuera  à  remplir  les  fonctions  de  commis- 
saire général,  et  M.  le  D'  Ballay  devient  le  lieutenant-gouverneur  pour 
toute  la  possession  française,  qui  sera  régie  selon  les  règles  qui  ont  pré- 
sidé à  sa  formation.  MM.  de  Brazza  et  Ballay,  conquérants  pacifiques, 
continueront  à  éviter  tout  conflit  avec  les  indigènes  et  à  développer  les 
ressources  économiques  de  la  colonie. 

Le  projet  de  loi  concernant  la  création  d'un  service  maritime 
postal  entre  la  France  et  la  c6te  occidentale  d' Afrique 
pour  donner  à  une  ligne  française  le  transport  des  produits  du  Congo 
français,  du  Gabon  et  de  la  colonie  de  la  côte  de  Guinée  a  été  présenté 
à  la  Chambre  des  députés.  L'huile  de  palme,  les  arachides,  le  café,  le 
caoutchouc  de  ces  pays,  n'arrivaient  sur  les  marchés  français  que  par  la 
voie  de  Liverpool  et  de  Hambourg,  grevés  de  frais  de  toutes  sortes,  au 
bénéfice  des  compagnies  portugaises,  anglaises  et  allemandes.  Le  projet 
de  loi  prévoit  la  création  de  deux  lignes  principales  avec  Marseille  et  le 
Havre  comme  points  d'attache.  Les  paquebots  de  Marseille  toucheraient 
à  Barcelone,  Oran,  Cadix,  Dakar,  Konakry,  CapPalmas,  Grand-Bassam, 
Cotonou,  Libreville  et  Loango.  Ceux  du  Havre  feraient  escale  à  Cher- 


—  43  — 

bourg,  Bordeaux,  Lisbonne  et  Dakar  (le  reste  comme  pour  la  ligne 
Marseiile-Loango).  L'entrepreneur  devra  s'engager  à  transporter  gra- 
tuitement par  voyage,  d'un  quelconque  des  ports  français  indiqués 
dans  l'itinéraire  à  l'un  quelconque  des  ports  du  Gabon  et  du  Congo 
indiqués,  cent  tonneaux  de  matériel  ou  d'approvisionnement. 

Nous  avons  mentionné  dans  un  de  nos  derniers  numéros  les  actes 
d'hostilité  et  de  cannibalisme  dont  se  sont  rendus  coupables  des  tribus 
voisines  de  la  rivière  de  l'iialle  (Oil  River).  Le  consul  d'Angleterre 
accompagné  du  commandant  de  la  division  navale  a  visité  les  lieux  où 
ces  faits  se  sont  passés.  Us  ont  pu  délivrer  quelques  prisonniers  et  ont 
imposé  une  amende  aux  coupables.  A  cette  occasion.  Sir  James  Fergus- 
son,  sous-secrétaire  d'État  au  Foreign  Office,  a  déclaré  à  la  Chambre 
des  Communes  que  le  gouvernement  étudie  en  ce  moment  la  question 
de  savoir  de  quelle  façon  seront  administrées  les  contrées  situées  entre 
les  colonies  de  Lagos  et  du  Cameroon,  qui  ne  font  pas  partie  des 
territoires  exploités  par  la  Société  royale  du  Niger.  Un  conmiissaire 
spécial  a  été  envoyé  dans  cette  région  avec  mission  de  faire  rapport  sur 
toutes  les  questions  qui  se  rattachent  au  Niger  et  aux  districts  avoisi- 
nants  placés  sous  le  protectorat  de  l'Angleterre 

On  mande  de  Saint-Louis,  du  Sénéipal,  que  des  envoyés  du  chef 
Thiéba  sont  venus  à  Bamakou  affirmer  les  victoires  de  leur  chef  sur 
Samory,  dont  le  fils  aîné  et  quatre  frères  ont  été  tués  ainsi  que  beaucoup 
de  chefs  sofas.  Ces  envoyés  annoncent  une  nouvelle  ambassade  et  deman- 
dent l'ouverture  au  CMnmerce  d'une  route  entre  Bamakou  et  le  Cana- 
dougou^  Quant  à  Samory,  il  est  toujours  à  Niako,  sur  la  route  de  Bissan- 
dougou.  Un  de  ses  fils  et  plusieurs  chefs  sofas  occupent  différents  points 
dans  les  environs  de  Fourou.  Samory  essaye  de  rallier  à  sa  cause  les 
chefe  du  Ouassoulou.  Karamoko  a  été  battu  entre  les  rivières  Fié  et 
Milo  par  Diémary,  chef  de  Koundiou  et  ancien  partisan  de  Samory.  Ce 
dernier  a  dû  interrompre  sa  marche  vers  sa  capitale  Bissandougou  pour 
tenir  tête  à  Thiéba,  qui  le  poursuit.  Il  se  fortifie  dans  Niako  et  élève  des 
tatas  et  des  sauiés. 

JHOITTEULBB  GOMPLttMEMTAIRES 

Par  la  convention  de  Suez,  le  canal  est  devenu,  depuis  le  l*'  janvier,  un  bras  de 
mer  mis  d'un  commun  accord  sous  un  régime  spécial  de  neutralité.  Il  sera  ouvert 
k  tous  les  pavillons,  en  temps  de  guerre  comme  en  temps  de  paix,  à  la  condition 

*  Voy.  la  carte,  1V*«  année,  p.  200. 


—  44  — 

que  les  belligérants  s'y  comporteront  entre  eux  comme  s^ils  étaient  en  état  de 
paix. 

D'après  une  dépêche  de  So^akim,  un  messager  indigène  envoyé  à  Khartonm  est 
revienu  à  la  côte  après  un  voyage  de  vingt-quatre  jours.  Il  était  porteur  d^une 
lettre  de  Slatin-bey,  encore  prisonnier.  Lupton-bey  était  mort  depuis  le  5  mai. 
A  Khartoum,  on  était  sans  nouvelles  authentiques  d'Émin-pacha. 

Des  pèlerins  de  Takrourie  (région  du  lac  Tchad),  partis  d'Addamer,  il  y  a  un 
mois,  ont  rapporté  à  Souakim  que  les  derviches  chassés  d'El-Fascher,  capitale  du 
Darfour,  par  les  forces  de  Moheidin,  envoyé  du  cheik  des  Senoussis  contre  les 
Mahdistes,  se  sont  enfuis  vers  El-Obeid,  ville  principale  du  Kordofan.  Ils  ont 
déclaré  en  outre  qu'il  y  a  cinq  mois  les  derviches  ont  été  complètement  battus  à 
Fashoda  sur  le  Nil  Blanc  par  des  troupes  régulières,  probablement  celles  d'Émin- 
pacha.  En  conséquence,  le  khalifa  a  suspendu  les  hostilités  dans  cette  région. 

La  mission  russe  qui  se  rend  en  Abyssinie  sous  la  direction  d*un  archevêque,  a 
cependant,  comme  chef  réel,  le  général  Nicolaïeff,  qui  a  déjà  fait  comme  explora- 
teur plusieurs  voyages  en  Abyssinie. 

En  réponse  à  une  dépêche  de  l'explorateur  Borazzini  à  la  Tribuna,  suivant 
laquelle  le  comte  Antonelli  serait  prisonnier  du  sultan  d'Aoussa,  l'agence  Havas 
a  publié  un  télégramme  de  Rome  annonçant  que  l'explorateur  a  écrit  d'Aoussa 
avoir  reçu  un  excellent  accueil  de  la  part  du  sultan,  avec  lequel  il  a  renouvelé  le 
traité  d'amitié  conclu  avec  l'Italie.  Il  se  trouvait,  le  27  décembre,  sur  la  frontière 
du  Choa,  où  l'attendait  une  escorte  d'honneur  envoyée  par  le  roi  Ménélik.  Une 
dernière  dépêche,  adressée  à  l'agence  Stefani,  annonce  l'arrivée  du  comte  Anto- 
nelli au  Choa  le  14  janvier. 

Ménélik  a  écrit  d'Entotto,  le  22  septembre,  une  lettre  adressée  au  président  de 
la  Société  italienne  de  géographie  à  Rome^  pour  lui  annoncer  la  mort  de  son  fils 
unique  Astaossen,  décédé  peu  de  jours  auparavant. 

Des  lettres  de  Harrar,  en  date  du  20  décembre,  rapportent  qu'ayant  acquis  la 
certitude  que  les  rois  du  Choa  et  du  Godjam  étaient  d'accord  pour  se  révolter 
contre  son  autorité,  le  négous  est  entré  immédiatement  en  campagne  et  a  infligé 
un  sanglant  échec  à  Tekla-Iîaïmanot,  roi  du  Godjam.  Le  roi  Jean  s'est  emparé  de 
cette  province  sans  difficulté  ;  Tekla-Haimanot  est  en  fuite.  Après  cela,  l'armée 
abyssinienne  a  passé  la  frontière  du  Choa  et  marché  Contre  Ménélik  qui  a  donné 
ordre  au  gouverneur  du  Harrar  de  lui  amener  toutes  les  troupes  de  ce  district. 

D'après  le  dernier  Livre  blanc  sur  les  affaires  de  l'Afrique  orientale,  l'Allema- 
gne a  établi  une  entente  avec  les  gouvernements  du  Portugal,  de  l'Italie,  de 
l'Autriche  et  des  Pays-Bas  relativement  aux  mesures  à  prendre  pour  empêcher 
l'importation  d'armes  dans  cette  partie  du  continent  africain. 

Il  résulte  d'un  rapport  de  MM.  les  ingénieurs  Rigault  et  Guignard  sur  les  raines 
de  charbon  de  Bavatobé,  à  la  côte  N.-O.  de  Madagascar,  que  le  gisement  est  beau- 
coup moins  étendu  qu'on  ne  le  croyait,  et  que  le  minerai  est  de  très  médiocre 
qualité;  en  sorte  que  l'exploitation  n'en  serait  pas  rémunératrice. 

Les  nouvelles  du  Damaraland  sont  fâcheuses  pour  la  Compagnie  de  l'Afrique 


—  45  — 

austri^e-occidentale.  Le  commissaire  allemand,  M.  Oœrîng,  a  dû  évacuer  le  terri- 
toire de  Kamahéréro,  et  les  chercheurs  d'or  envoyés  par  des  sociétés  de  spéculateurs 
berlinois  ont  dû  battre  en  retraite  devant  l'insuffisance  dès  résultats  obtenus.  Une 
concession  faite  à  M.  Lewis,  sujet  anglais,  antérieurement,  paratt-il,  à  celle  accor- 
dée à  M.  Lûderitz,  semble  devoir  rendre  précaires  les  traités  conclus  avec  les 
Allemands. 

M.  Giuseppo  Carona  a  été  nommé  représentant  et  agent  commercial  de  PItalie 
au  Congo,  avec  la  mission  d'y  étudier  de  nouveaux  débouchés  pour  les  produits 
italiens.  Le  ministre  de  la  guerre  lui  a  remis  quelques  fusils  de  précision  qu'il 
emporte  au  Congo. 

Voulant  étendre  au  continent  africain  le  bénéfice  des  mesures  humanitaires  for- 
mulées par  la  convention  internationale  de  Genève  du  22  août  1864,  l'État  indé- 
pendant du  Congo  a  notifié  son  accession  à  cette  convention  en  date  du  27  décem- 
bre, et  en  outre  il  a  créé  une  Association  africaine  de  la  Croix-Rouge.  Elle  aura 
pour  but  de  donner  des  secours  aux  blessés  et  aux  malades  en  temps  de  guerre, 
€t  de  prêter  aide  et  assistance  à  tous  ceux  qui,  s'étant  dévoués  aux  intérêts  de  la 
•civilisation  dans  toute  l'étendue  de  l'Afrique,  sont  atteints  de  blessures  ou  de 
maladies,  ainsi  qu'aux  indigènes  malades  ou  blessés. 

L'expédition  des  ingénieurs  chargés  des  études  du  chemin  de  fer  du  Congo  est 
rentrée  en  Belgique.  Tous  ses  membres  sont  en  bonne  santé  ;  ils  ont  heureusement 
pu  accomplir  leur  mission  jusqu'au  bout. 

M.  Hodister,  qui  dirige  la  factorerie  de  la  Société  belge  du  haut  Congo  à  Ban- 
^la,  a  fondé  un  nouvel  établissement  commercial  au  confluent  de  la  Mongalla, 
près  du  village  de  Mobéka. 

Par  décret  du  30  décembre  1888,  le  souverain  de  l'État  indépendant  du  Congo 
a  institué,  sous  le  nom  de  l'Étoile  africaine,  un  ordre  destiné  à  récompenser  les 
services  rendus  à  cet  État  et  en  général  à  la  cause  de  la  civilisation  africaine. 

Le  D"^  Oscar  Baumann  vient  de  faire  paraître  la  première  feuille  d'une  carte  au 
1,400,000  du  haut  Congo,  entre  le  Stanley-Pool  et  les  Stanley-Falls. 

Une  commission  est  chargée  de  la  délimitation  des  possessions  françaises  et 
espagnoles  dans  la  partie  du  littoral  située  au  nord  du  Gabon.  Ses  travaux  pouvant 
durer  assez  longtemps,  les  deux  gouvernements  ont  convenu  à  l'amiable  d'établir 
un  modtfs  vivendi  provisoire  jusqu'au  règlement  définitif  de  cette  affaire. 

Lie  ministre  des  colonies  espagnoles  a  été  autorisé  à  passer  un  traité  avec  la 
West  African  Telegraph  Company  pour  la  pose  des  câbles  télégraphiques  entre 
Pemando-Po,  le  continent  africain  et  l'île  du  Prince. 

L'administrateur  de  Cotonou  télégraphie  qu'il  a  reçu  une  lettre  du  capitaine 
Binger  annonçant  que  cet  officier  se  trouvait  le  11  novembre  à  Salaga,  par  8°  lat. 
nord  et  3**  longit.  0.  Il  comptait  arriver  à  la  Côte  d'Ivoire  au  mois  d'avril  pro- 
chain. Salaga  étant  à  300  kilom.  environ  à  l'est  de  Kong,  on  se  demande  si 

* 

M.  Treich-Laplèno,  qui  marche  au  nord  dans  la  direction  Assinie-Kong,  pourra 
accomplir  jusqu'au  bout  sa  mission,  qui  est  de  rejoindre  le  capitaine  Binger. 
Une  mission  a  été  confiée  au  capitaine  du  génie  Ancel,  aide  de  camp  du  gêné- 


—  46  — 

rai  Faidherbe,  et  au  capitaine  Brosselard,  officier  d'ordonnance  du  ministre  de  la 
gaerre,  pour  achever  des  études  politiques,  économiques  et  administratires  com- 
mencées par  l'administration  des  colonies  dans  la  région  des  rivières  du  sud  ûvl 
Sénégal. 


CHRONIQUE  DE  L'ESCLAVAGE 

La  question  de  l'esclavage  en  Afrique  acquérant  de  jour  en  jour  plus 
d'importance,  nous  donnerons  dans  chacun  de  nos  numéros  une  chro- 
nique des  faits  qui  s'y  rapportent,  venus  à  notre  connaissance  dans  le 
courant  du  mois. 

A  mesure  que  les  Arabes  de  l'Afrique  orientale  voient  s'avan- 
cer et  s'étendre  une  civilisation  qui  ne  tolère  ni  la  polygamie,  ni  l'escla- 
vage, ni  la  chasse  à  l'homme,  ils  redoublent  d'audace  et  de  cruauté 
pour  s'efforcer  d'eu  arrêter  les  progrès.  Les  faits  qui  se  sont  passés 
depuis  dix  ans  dans  toute  la  région  du  Victoria-Nyanza,  du  Tanganyika 
et  du  Nyassa,  en  sont  la  preuve.  Ceux  qui  sont  parvenus  à  notre  con- 
naissance pendant  le  mois  qui  vient  de  s'écouler,  le  montrent  avec  une 
évidence  plus  éclatante  encore.  Nos  lecteurs  se  rappellent  Stanley  ensei- 
gnant à  Mtésa,  en  opposition  aux  Arabes  esclavagistes  sous  l'influence 
desquels  était  le  potentat  de  l'On-Ganda,  que  l'Évangile  fait  un 
devoir  d'aimer  tous  les  hommes,  sans  en  excepter  aucun,  tandis  que 
Mahomet  apprend  à  ses  disciples,  que  tuer  les  païens  et  les  infidèles  est 
méritoire.  Dès  lors,  des  missionnaires,  demandés  par  Mtésa  lui-même, 
avaient  instruit  le  roi  et  une  partie  de  ses  sujets.  Les  Arabes  qui  étaient 
à  sa  cour  avaient  profité  des  divergences  existantes  entre  les  missions 
protestantes  et  les  missions  romaines  établies  dans  l'Ou-Ganda,  pour 
tâcher  de  ressaisir  le  roi  qui  leur  échappait.  Le  successeur  de  Mtésa, 
Mwanga,  persécutait  ceux  de  ses  sujets  qui  étaient  devenus  chrétiens. 
Les  nouvelles  de  Zanzibar,  pubhées  par  le  Times  le  11  janvier,  rappor- 
tent qu'au  mois  d'octobre  Mwanga  conçut  l'odieux  projet  de  faire  mou- 
rir de  faim  tous  ses  gardes  du  corps  en  les  abandonnant  dans  une  île  du 
lac.  Mais  les  gardes,  prévenus,  refusèrent  de  s'embarquer  dans  les 
canots  et  retournèrent  à  la  capitale,  où  ils  attaquèrent  immédiatement 
le  palais.  Mwanga  s'enfuit,  personne  ne  le  soutint,  et  son  frère  aîné, 
Kiwewa,  fut  mis  sur  le  trône.  Celui-ci  conféra  à  des  adhérents  du 
christianisme  les  principales  charges  de  la  cour.  Alors  les  Arabes  devin- 
rent furieux,  massacrèrent  un  grand  nombre  des  nouveaux  fonctionnai- 
res, et  les  remplacèrent  par  des  musulmans.  Après  cela,  ils  attaquèrent 


—  47  — 

les  missions  anglaises  et  françaises,  qu'ils  brûlèrent  ;  en  outre,  ils  tuè- 
rent une  quantité  de  néophytes.  Tous  les  missionnaires  réussirent  à 
s'échapper  et  arrivèrent  sains  et  saufs  à  Ousambiro.  Un  hippopotame  fit 
chavirer  la  barque  missionnaire,  VÊleanor,  et  cinq  néophytes  furent 
noyés.  Les  missionnaires  français  ne  se  départirent  pas  d'une  grande 
générosité  envers  leurs  frères  anglais.  Quantité  de  lettres  et  des  provi- 
sions pour  Stanley  et  Émin-pacha  furent  détruites.  Mwanga  se  trouvait 
prisonnier  des  Arabes  à  Magou  et  appelait  à  son  secours  les  mission- 
naires anglais.  Les  Arabes  ont  écrit  à  M.  Mackay,  à  Ousambiro,  une 
lettre  insultante,  dans  laquelle  ils  célèbrent  leur  triomphe  et  prédisent 
l'extermination  des  missionnaires  dans  l'Afrique  centrale,  comme  revan- 
che de  la  politique  anti-esclavagiste  anglaise.  Ils  déclarent  que  l'Ou- 
Ganda  est  devenu  un  royaume  musulman.  Que  deviendra  Émin-pacha 
entre  les  États  du  mahdi,  au  nord  de  sa  province,  et  ce  nouvel  empire, 
gouverné  par  des  mahométans  enivrés  de  leur  victoire? 

Nos  lecteurs  se  rappellent  qu'aux  termes  de  la  convention  anglo-alle- 
inande  du  1"  novembre  1886,  et  ensuite  d'un  traité  entre  le  sultan  de 
Zanzibar  et  la  British  East  African  Company,  le  territoire  compris 
entre  la  Wanga  et  la  Tana  '  est  réservé  à  l'inHuence  anglaise,  et  que  la 
société  susmentionnée  a  reçu  du  gouvernement  britannique  une  charte 
qui  lui  confère  sur  ce  territoire  des  droits  de  souveraineté  très  étendus. 
C'est  dans  ce  territoire  que  se  trouve  Momibas,  dans  le  voisinage  de 
laquelle  ont  été  créés  les  établissements  missionnaires  de  Frère  Towii, 
Kisouloudini,  Rabaï,  en  faveur  des  esclaves  libérés  par  les  croiseurs 
anglais  depuis  la  conclusion  du  traité  entre  l'Angleterre  et  le  sultan  de 
Zanzibar  en  1873,  et  remis  par  le  consul  général  de  S.  M.  britannique 
aux  missionnaires  chargés  de  leur  apprendre  un  travail  pour  subvenir 
à  leur  entretien.  Dans  un  article  spécial  (Voyez  II"*  aimée,  p.  202-207  : 
Frère  Town  et  la  question  de  l'esclavage  dans  le  Zanguebar  septentrio- 
nal), nous  avons  montré  la  situation  difficile  faite  aux  missionnaires  ])ar 
les  Arabes  de  Mombas,  propriétaires  d'esclaves  dont  un  grand  nombre 
s'échappaient  et  allaient  chercher  un  refuge  sur  les  terres  des  stations 
sui^nommées.  La  position  aurait,  paraît-il,  empiré  depuis  l'arrivée 
des  agents  de  l'East  African  Trading  Company  fondée  pour  exploiter  les 
territoires  auxquels  s'applique  la  charte  de  souveraineté  de  la  British 
East  African  Society.  S'il  faut  en  croire  un  correspondant  du  Manches- 
ter Qtuirdian,  voici  l'arrangement  conclu  entre  M.  Mackenzie  et  le 

*  Voyez  la  carte,  VIII"«  année,  p.  92. 


—  48  — 

général  Matthews  d'une  part,  comme  représentants  de  la  Compagnie 
anglaise,  et  Saïd-Haraed-ben-Suleiraan,  ministre  du  sultan  de  Zanzibar» 
et  Salem-ben-Kalfan,  gouverneur  de  Mombas,  d'autre  part  : 

«  V  Tous  les  Arabes  de  Mombas  sont  autorisés  à  vendre  et  à  ache- 
ter des  esclaves  et  à  s'en  procurer  autant  qu'ils  voudront  dans  l'inté- 
rieur; 

«  2*»  Les  Arabes  sont  autorisés,  en  outre,  à  mettre  les  esclaves  dans 
les  chaînes  ou  à  les  punir  de  toute  autre  façon  quand  ils  le  mériteront  ; 

«  3°  Eu  louant  des  esclaves,  pour  les  faire  travailler  ou  pour  des  ca- 
ravanes, il  faudra  s'entendre  sur  les  prix  avec  les  propriétaires  de  ces 
esclaves  ; 

«  4r  Les  gages  des  esclaves  ou  les  avances  d'argent  qu'on  leur  accor- 
derait devront  être  remis  à  leui-s  propriétaires  ; 

((  5"  Dans  le  cas  où  un  esclave  se  sauverait  pour  se  placer  sous  la  pro- 
tection des  missions  anglaises,  ces  missions  seront  obligées  de  le  remettre 
entre  les  mains  de  son  propriétaire  ; 

«  Les  Européens,  les  Indiens,  les  Arabes,  seront  placés  sous  la  juri- 
diction du  gouverneur  arabe  de  Mombas  ;  les  hommes  de  Vanika  et  de 
Kamba  restent,  comme  auparavant,  sous  la  domination  des  habitants  de 
Mombas. 

«  Après  cet  accord,  M.  Mackenzie,  le  général  Matthews  et  les  habi- 
tants de  Mombas  se  sont  rendus  à  la  station  des  missions  à  Rabal  pour 
y  prendre  les  esclaves  fugitifs  qui  y  étaient  cachés  et  les  ramener  à  leurs 
propriétaires.  N'ayant  pas  pu  y  parvenir,  les  représentants  de  la  Com- 
pagnie anglaise  ont  payé  25  piastres  pour  chacun  des  esclaves  qu'ils 
n'ont  pu  reconduire  à  leurs  maîtres. 

«  Là-dessus,  le  consul  général  britannique  à  Zanzibar,  le  colonel 
Evan  Smith,  a  lancé  une  proclamation  donnant  avis  qu'en  vertu  de  l'ar- 
ticle 370  du  Code  pénal  indien,  tout  sujet  anglais  qui  fait  un  contrat 
avec  le  propriétaire  d'un  esclave  pour  employer  ledit  esclave,  conmiet 
un  délit  passible  d'un  emprisonnement  de  sept  ans  et  d'une  amende.  Il 
n'y  a  aucune  loi  qui  défende  à  un  sujet  anglais  d'employer  un  esclave 
qui  consent  à  travailler,  pourvu  que  le  contrat  soit  fait  directement  entre 
les  deux  parties,  et  que  les  gage^  gagnés  par  l'esclave  lui  soient  directe- 
ment payés.  Avis  a  été  donné  que  toute  violation  delà  loi  à  ce  sujet  serait 
rigoureusement  poursuivie.  » 

D'après  le  correspondant  du  Manchester  Ouardian,  l'efifet  de  la  pro- 
clamation du  consul  britannique  aurait  été  d'arrêter  tout  le  conunefce 
fait  pai-  les  Anglais  et  les  Anglo-Indiens,  par  la  raison  que  le  débarque- 


—  49  — 
inent.et  l'embarquement  des  marchandises,  leur  empaquetage,  le 
port  du  charbon,  etc.,  ne  sont  faits  que  par  les  HamilUes  qui  so 
des  esclaves,  travaillant  pour  le  compte  de  leurs  propriétaires  K^ 
quels  tes  négociants  sont  liés  par  des  coutratg.  Aussi  les  sujets 
se  sont  réunis  pour  agir  en  commun  ;  ils  ont  demandé  et  obt< 
consul  général  k  Zanzibar  la  si^pensiou  des  mesures  édictées  ] 
jutiqu'à  ce  qu'ils  aient  i-eçu  une  réponse  à  une  pétition  envoyée 
nistère  des  affaii-es  étrangères.  L'opinion  anglaise  s'est  émue  de 
tude  prise  par  la  Société  de  l'Afrique  orientale.  Le  secrétaire  de 
a  nié,  il  est  vrai,  qu'aucun  arrangement  tel  que  celui  mentio! 
dessus  ait  été  conclu.  D'antre  part  il  a  dû  convenir,  et  ce  fait  e 
tirmé  par  des  journaux  missionnaires,  que  les  agents  de  la  East 
Tr-ading  Company  ont  été,  avec  les  Arabes  de  Mombas,  récian 
esclaves  fugitifs  à  Rabal.  M.  Price,  agent  principal  de  la  Cburc 
sionary  Society,  h  Frère  Town,  écrit:  «  J'ai  fait  tout  ce  que 
pour  écarter  des  troubles  de  Rabal,  peut-èti'e  estimerez-vous  que 
allé  trop  loin  dans  la  voie  des  concessions ,  mais  la  question  ne  p< 
être  facilement  résolue.  J'ai  rencontré  hier  tous  les  principaux 
de  Mombas  en  pleine  assemblée,  le  Wali,  Haïued-beii-Suieiiuan 
du  sultan,  M.  Mackenzie  et  le  général  Matthews  étaient  prése 
leur  ai  présenté  une  adresse  dont  je  vous  envoie  la  traduction  ;  elli 
les  satisfaire  et  il  fut  convenu  que  j'irais  à  Rabal  avec  Mackei 
géuéral  Matthews  et  tous  les  Arabes  qui  voudraient  nous  accom 
pour  reconnaître  leurs  esclaves  et  les  réclamer.  Beaucoup  de 
sont  là  depuis  plusieurs  années,  ils  ont  été  baptisés  et  admis  à  1 
muniou  par  l'évêque  Parker,  ils  mènent  une  vie  honnête,  indépei 
avec  leurs  maisons,  leurs  terres,  leurs  femmes  et  leui-s  enfants,  f 
supposions  pas  que  ce  fussent  des  esclaves  fugitifs.  Ils  sont  très  t 
désespérés  et  décidés  à  combattre  pour  leur  liberté  ;  beaucou 
claves  libérés  se  joindront  à  eux.  C'est  pour  eux  une  question  de 
de  mort.  «  Ils  ont  refusé  de  retourner  chez  leurs  anciens  mal 
M.  Mackenzie,  de  concert  avec  le  consul  général  anglais,  a  cou 
payer  87,500  francs  à  ceux  qui  prétendaient  en  avoir  été  les  p 
taires.  Nous  ne  rappellerons  pas  ce  que  nous  disions  (11°"  année, 
de  la  comipanition  à  Mombas  des  missionnaires,  MM.  Streeter  et 
devant  M.  le  juge  consulaire  anglais  accompagné  du  D'  Kirk  aie 
8ul  général  anglais  à  Zanzibar,  pour  y  répondre  aux  plaiiitei^ 
contre  eux  par  les  Arabes.  Le  juge  susmentionné  avait  déclaré 
missionnaires  dévouent  rendra  les  esclaves  fugitifs  de  Mombas,  < 


—  50  — 
Arabes  avaient  le  droit  de  les  reprendre,  même  quand  ils  s'étaient  réfu- 
giés dans  les  chambres  des  missionnaires.  Les  fugitifs  appartenant  aux 
Arabes  et  aus  Souahélis  durent  être  renvoyés  conformément  à  cetta  dé- 
cision; ils  s'enfuirent  dans  la  campagne  où  ils  furent  tratiués  comme 
des  bètes  fauves  par  cinq  ou  six  cents  Souahélis  armés.  Frère  Town  et 
le8  établissements  similaires  n'ont  été  fondés  qu'avec  rapprobation  du 
gouvernement  anglais,  les  esclaves  libérés  ont  été  remis  aux  mission- 
naires par  l'ordre  du  D'  Kirk,  et  néanmoins  celui-ci  bl&mait  les  mis- 
sionnaires d'être  allés,  dans  leui-  pitié  pour  les  esclaves  fugitifs,  plus  loin 
que  ne  le  leur  permettaient  les  lois  du  pays  ou  le  traité  de  la  Grande- 
Bretagne  établissant  les  droits  des  Anglais.  Le  Comité  de  la  Société  des 
missions  anglicanes  dut  même  donner  à  ses  agents,  comme  direction,  de 
n'en  plus  recevoir  à  l'avenir  que  dans  des  cas  extrêmes.  Le  gouverneur 
de  Mombas  dut  publier  que  les  établissements  de  Frère  Town  et  de 
Rabat  se  trouvant  dans  les  États  du  sultan  de  Zanzibar,  auçuQ  esclave 
qui  s'y  réfugierait  n'y  serait  gardé,  sauf  lors(iue  rfaumanité  l'exigei-ait, 
que  l'esclave  fugitif  serait  invité  à  retourner  chez  son  maître  ou  que  le 
gouverneur  serait  informé  de  sou  airivée  à  la  station. 

Ces  mesures  ne  ]iaraissent  pas  avoir  empêché  la  désertion  de  noiu- 
bi-eux  esclaves  de  Mombas.  En  effet,  le  secrétaire  de  la  Compagnie 
anglaise  de  l'Est  africain  a  reconnu  qu'eu  dépit  des  efforts  des  mission- 
naires, ces  esclaves  avaient  l'habitude  de  venir  se  réfugier  sui-  les 
stations.  Ils  viennent  par  petits  groupes  se  cacher  au  milieu  des  indigè- 
nes; dès  qu'un  missionnaire  peut  recunualti-e  l'un  d'entre  eux  comme 
appartenant  h  un  propriétaire  de  Mombas,  il  le  rend  il  son  malti-e. 
Malgré  cette  ^'igilancc,  M.  Mackeiizie,  agent  de  la  Société,  a  trouvé  que 
le  nombre  des  esclaves  réfugiés  à  la  station  de  Kabal  ue  s'élevait  pas  à 
moins  de  1,400;  leurs  maîtres  arabes,  indignés,  accusaient  ouvertement 
les  missionnaires  de  les  cacher.  Lorsque  les  mesures  rappelées  plus  haut 
furent  prises  par  le  D'  Kirk  et  le  juge  consulaire,  il  y  a  8  ans,  relative- 
ment aux  esclaves  fugitifs,  le  territoire  dont  il  s'agit  relevait  esclusive- 
nient  du  sultan  de  Zanzibar,  et  était  régi  par  la  loi  du  pays  ;  l'Angle- 
terre ni  aucune  société  anglaise  n'y  avaient  de  droits  reconnus.  Dès 
lors,  en  vertu  de  l'Acte  général  de  la  Conférence  africaine  de  Berlin, 
de  la  convention  anglo-allemande  qui  a  réservé  aux  intérêts  britanniques 
le  territoire  oti  se  trouvent  les  établissements  d'esclaves  libérés  sus- 
mentionnés, et  de  la  Charte  octroyée  à  la  British  East  Africari  Society, 
placée  sous  la  surveillance  du  gouvernement  britannique,  il  y  a  lieu 
d'espérer  que  la  question  des  esclaves  fugitifs  de  Mombas  sera  résolue 


—  51  — 

d'une  manière  plus  conforme  aux  droits  de  Thumanité.  Si  réellement  il 
y  a  eu  une  pétition  des  négociants  anglais  ou  anglo-indous  de  Mombas. 
au  ministère  britannique  des  affaires  étrangères,  la  question  ne  manquera 
pas  d'être  posée  devant  le  Parlement  qui  ne  permettra  certainement 
pas  que  les  intérêts  purement  commerciaux  d'une  Société  privée  préva- 
lent sur  les  intérêts  de  la  morale  et  de  la  justice.  Une  clause  comme 
celle  de  l'article  l"de  l'arrangement  cité  plus  haut  d'après  le  Manches- 
ter Ouardian,  autorisant  tous  les  Arabes  de  Mombas  à  vendre  et  à 
acheter  des  esclaves  et  à  s'en  procurer  autant  qu'ils  en  voudront  dans 
l'intérieur,  serait  en  contradiction  absolue  avec  la  disposition  de  l'Acte 
général  de  la  conférence  africaine  qui  porte  :  Conformément  aux  princi- 
pes du  droit  des  gens,  tels  qu'ils  sont  reconnus  par  les  puissances 
signataires  de  la  présente  déclaration,  la  traite  des  esclaves  étant  inter- 
dite et  les  opérations  qui,  sur  terre  ou  sur  mer  fournissent  des  esclaves 
à  la  traite  devant  être  également  considérées  comme  interdites,  celles 
de  ces  puissances  qui  exercent  ou  exerceront  des  droits  de  souveraineté 
ou  une  influence  dans  le  territoire  formant  le  bassin  conventionnel  du 
Cîongo,  déclai'ent  :  que  ces  territoires  ne  pourront  servir  ni  de  marché, 
ni  de  voie  de  transit  pour  la  traite  des  esclaves  de  quelque  race  que  ce 
soit.  Chacune  de  ces  puissances  s'engage  à  employer  tous  les  moyens 
en  son  pouvoir  pour  mettre  fin  à  ce  commerce  et  pour  punir  ceux  qui 
s'en  occupent. 

Dans  les  territoires  réservés  à  l'influence  allemande,  l'opposition  des 
Arabes  est  plus  violente.  Le  Leipzig,  un  des  navii*es  qui  font  la  croisière 
le  long  des  cotes,  ayant  saisi  un  bateau  négrier,  les  esclaves  qu'il  conte- 
nait furent  libérés  et  remis  par  ordre  du  consul  général  allemand  à  la 
station  missionnaire  de  Touipou,  à  24  kitom.  à  l'ouest  de  Dar-e!«- 
SaUun.  Le  13  janvier  les  Arabes  l'attaquèrent,  massacrèrent  les 
missionnaires,  hommes  et  femmes  qui  s'y  trouvaient  et  mutilèrent  leurs 
corps  d'une  façon  barbare,  puis  ils  emmenèrent  tous  les  esclaves  et  les 
serviteurs  de  la  mission.  D'après  une  dépêche  de  Zanzibar  au  Times, 
de  nombreux  Arabes  de  Mascate  ont  rejoint  ceux  de  la  côte  d'Afrique  ; 
les  missions  françaises,  spécialement  l'une  d'elles,  voisine  de  Tougou, 
courent  un  danger  imminent.  La  mission  de  Bagamoyo  offre  aux 
Arabes  une  proie  facile  dans  les  milliers  de  réfugiés  impuissants,  nourris 
quotidiennement  par  la  charité  des  missiomiaires,  et  que  les  agents 
allemands  à  Bagamoyo,  ainsi  que  la  flotte,  sont  absolument  incapables 
d'assister  et  de  protéger.  La  dépêche  ajoute  que  les  Arabes  qui 
s'unissent  aujourd'hui  pour  les  opérations  du  commerce  des  esclaves 


—  52  — 

viennent  à  ce  qu'on  croit  de  Quiloa  et  de  Lindi,  et  comme  ils  possèdent 
beaucoup  plus  de  richesses  et  d'influence  que  Bouchiri,  il  est  probable 
qu'ils  le  supplanteront  et  que  leur  activité  prendra  une  vigueur  nouvelle. 
Cela  e>st  plus  spécialement  dangereux  pour  la  mission  de  Bagamoyo  que 
jusqu'ici  Bouchiri  a  épargnée.  La  nouvelle  de  ces  massacres  d'Européens 
-a  produit  à  Zanzibar  une  impression  déplorable.  On  dit  que  Seïd  Abdol 
Aziz,  frère  du  sultan  de  Zanzibar,  a  quitté  le  golfe  Persiqueavecl'inteo- 
tion  de  s'emparer  de  l'île  de  Pemba  • . 

Le  Rev.  G.  W.  Knight-Binice,  évêque  de  Bloemfontein,  dans  l'État 
libre  du  fleuve  Orange,  a  fourni  aux  Be-Chuanaland  News  des  rensei- 
gnements sur  une  excursion  qu'il  a  faite  dans  les  territoires  compris 
récemment  dans  la  zone  d'influence  anglaise  qui  se  trouve  au  sud  du 
Zambèze.  Il  a  traversé  le  pays  de  Lo-Bengula,  de  Gouboulououayo 
jusque  près  du  territoire  de  Goungounyane,  puis  est  revenu  par  Inyati. 
Ce  qui  l'a  le  plus  frappé,  c'est  la  cruauté  des  procédés  des  Ma-Tébélé 
envers  les  Ma-Shona,  dont  le  pays  est  considéré  par  eux  comme  un 
vrai  parc  d'esclaves.  Dans  le  courant  de  l'année  de^nière  seulement, 
treize  impis  (corps  de  guerriers)  de  Ma-Tébélé  ont  fait  des  incursions  dans 
le  Ma-Shonaland  où  ils  ont  causé  d'épouvantables  dévastations.  Naguère 
encore  lorsqu'ils  avaient  attaqué  une  ville  et  l'avaient  livrée  au  pillage, 
ils  prenaient  les  femmes  âgées  qu'ils  n'estimaient  pas  devoir  gardw 
vivantes,  les  liaient  à  des  arlires  et  les  faisaient  mourir  par  le  feu.  Ils 
paraissent  y  avoir  renoncé  maintenant.  En  revanche,  aujourd'hui  encore, 
ils  ne  laissent  aucun  enfant  vivant  dans  les  villages  ma-shona  qu'ils 
traversent.  M.  Knight-Bruce  arriva  à  un  village  qu'un  autre  voyageur 
avait  visité  peu  de  temps  auparavant  et  dont  la  population  avait  été  ou 
enlevée  ou  dispersée.  Lors  du  passage  de  l'évêque,  les  pauvres  gens 
étaient  revenus,  avaient  relevé  leurs  huttes,  préparé  leurs  plantations 
de  riz;  mais  bientôt  les  Ma-Tébélé  fondaient  de  nouveau  sur  eux  et  n'en 
laissaient  échapper  aucun.  Le  traité  d'alliance  que  TAngletei^re  a 
<îonclu  avec  Lo-Bengula  sera-t-il  un  acheminement  à  l'abolition  de  cet 
état  de  choses?  L'impression  que  M.  Knight-Bruce  a  rapportée  du 
pays  des  Ma-Shona  est  favorable  aux  populations  qui  l'habitent;  ils 
sont,  dit-il,  aimables,  industrieux,  habiles.  Mais  il  est  navré  à  la  pensée 

*  Cette  île  située  au  nord  de  celle  de  Zanzibar  compte  environ  10,000  habi- 
tants répartis  dans  une  soixantaine  de  villages.  Elle  a  servi  jusqu^ici  de  centre 
d'exportation  des  esclaves  amenés  de  l'intérieur  et  soustraits  par  les  négriers 
arabes  à  la  vigilance  des  croiseurs. 


—  53  — 

que  tous,  hommes,  fwnmes,  eufauts  sont  voués  à  l'esclavage  ou  à  l'ex-^ 
termiaation  sans  aucune  chance  d'échapper,  ni  espoir  de  secours; 
massacrés  Tannée  dernière,  ils  le  seront  de  nouveau  cette  année-ci, 
tous  les  deusi  ou  trois  mois.  Dans  les  conditions  actuelles  des  rapports 
avec  le  pays  des  Ma-Tébélé,  les  Ma-Shona  sont  un  peuple  voué  à  la 
tuerie  ou  à  l'esclavage. 

En  présence  de  cette  recrudescence  de  la  traite  dans  l'Afrique  orien- 
tale, les  puissances  qui  ont  pris  des  territoires  sous  lem*  protectorat  ne 
restent  pas  inactives.  L'Allemagne  en  particulier  se  prépare  à  joindre  h 
l'activité  qu'elle  déploie  dans  le  blocu»  des  côto«  une  sorte  de 
blocus  sur  terre,  pour  empêcher  les  caravanes  d'esclaves  d'arriver  de 
l'intérieur  aux  criques  de  la  cote,  où  le&  croiseurs  ne  peuvent  pénétrer  à 
cause  de  la  barrière  coralligène  parallèle  à  la  rive,  et  d'où  les  barques 
des  Arabes,  trompant  souvent  la  vigilance  des  steamers  anglais,  alle- 
mands, portugais  et  français,  les  emmènent  vers  les  points  de  la  Perse 
et  de  l'Arabie.  La  direction  de  cette  expédition  serait  confiée  au 
capitaine  IVisoiiiM^nii.  Un  projet  de  loi  a  été  présenté  par  le  prince  de 
Bismarck  au  Conseil  fédéral  allemand  demandant  un  crédit  de  deux 
millions  de  marcs  pour  l'exécution  de  mesures  concernant  l'abolition  de 
l'esclavage  et  la  protection  des  intérêts  allemands  dans  l'Afrique  orien- 
tale. L'exécution  des  mesures  jugées  nécessaires  sera  confiée  à  un  com- 
missaire impérial,  lequel,  conformément  aux  instructions  spéciales  qu'il 
recevra,  exercera  la  surveillance  sur  les  actes  de  la  Compagnie  allemande 
de  l'Est  africain,  ainsi  que  sur  ceux  des  employés  de  cçtte  Compagnie, 
surveillance  dévolue  statutairement  au  chancelier  de  l'empire.  La 
mission  dont  le  capitaine  Wissmann  devait  être  chargé  par  le  comité  d(^ 
secours  allemand  en  faveur  d'Émin-pacha  ne  sera  pas  abandonnée;  elle 
sera  confiée  au  D*^  Peters. 

A  côté  de  l'action  des  gouvernements,  celle  des  sociétés  privées  se 
développe  rapidement.  Son  Éminence  le  cardinal  Lavli^erie  a 
achevé  de  parcourir  les  principaux  États  de  l'Europe  pour  y  émouvoir 
l'opinion  publique  en  faveur  des  victimes  de  la  traite.  Le  mois  passé,  il 
a  fait  des  conférences  à  Naples,  Rome,  Milan,  Gênes,  Marseille,  provo- 
quant partout  la  plus  vive  sympathie  pour  ceux  dont  il  s'est  constitué 
l'éloquent  défenseur.  Dans  une  lettre  écrite  de  Marseille  au  Président 
du  Conseil  d'administration  de  l'œuvre  anti-esclavagiste  française  et 
publiée  dans  le  Bulletin  de  cette  Société,  il  annonce  qu'il  retounu* 
prendre  dans  son  diocèse  quelques  semaines  d'un  repos  nécessaire  après 
les  fatigues  de  huit  mois  et  demi  de  voyages  et  de  conférences,  sans 


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—  54  — 

<iompter  les  longues  années  et  les  travaux  de  sa  vie.  Mais  déjà  il  se  pro- 
pose de  reprendre  la  seconde  partie  de  la  tâche  qu'il  s'est  imposée  : 
l'action  pratique  et  efficace,  l'organisation,  l'union  de  toutes  les  forces 
pour  pai*venir  à  l'abolition  de  la  traite  et  de  l'esclavage.  A  cet  efFet,  il 
recommande  la  réunion  d'un  Congrès  international  de  délégués  des 
comités  anti-esclavagistes  actuellement  existants  en  Europe,  disposés  à 
mettre  en  commun  leurs  lumières,  leurs  sentiments,  leur  action  s'il  le 
faut.  Il  y  a  des  questions  à  éclaircir,  à  traiter  en  commun  et  à  résoudre, 
ill'espère,  avec  le  concours  des  hommes  d'intelligence  et  de  cœur,  des 
explorateurs,  des  philosophes,  des  économistes  et  de  tous  ceux  qui  s'oc- 
<îupent  aujourd'hui  de  la  question  de  l'esclavage. 

La  Société  belfl^  se  propose  de  transporter  sur  le  Tang^nylka 
des  bateaux  à  vapeur  pour  y  faire  des  croisières,  destinées  h  empêcher  le 
passage  des  cai*avanas  d'esclaves  amenés  du  bassin  du  Congo  à  Oudjidji 
«t  au  sud  du  lac.  De  son  côté,  le  commandant  C^ameron  préconise 
l'installation  de  steamers  sur  le  Nyassa,  pour  un  service  analogue. 

Même  dans  les  États  européens  qui  n'ont  ni  colonies  en  Afrique,  ni 
intérêts  directs  engagés  dans  les  territoires  protégés  par  les  autres  puis- 
sances, la  cause  des  malheureux  exposés  aux  horreurs  de  la  chasse  à 
l'homme  provoque  de  chaudes  manifestations  en  leur  faveur.  Le  1"  jan- 
vier, a  eu  lieu  à  Vienne  une  grande  assemblée,  analogue  à  celle  de 
Cologne,  du  26  octobre,  c'est-à-dire  que  tous  les  rangs  de  la  société  et 
toutes  les  professions  y  étaient  représentés,  sans  distinction  de  confes- 
sion, de  nationalité  ou  de  parti.  M.  Neuss,  D'  en  médecine,  M.  le 
D' Hannak,  directeur  du  PaBdagogium  de  la  ville,  le  prince  de  Wrede, 
le  P.  Angeli,  commissaire  général  de  la  Terre  sainte,  et  le  D'  V.  Zim- 
mermann,  pasteur  évangélique,  y  ont  successivement  pris  la  parole,  et 
l'assemblée  a  voté  les  résolutions  suivantes  : 

V  L'abolition  de  la  chasse  à  l'homme  et  de  ses  horreurs  est  le 
devoir  commun  de  tous  les  États  civilisés  et  la  condition  indispensable 
de  l'abolition  réelle  du  trafic  des  esclaves. 

2«  Quoique  la  monarchie  austro-hongroise,  comme  telle,  n'ait  aucune 
obligation  politique  envers  l'Afrique,  le  peuple  autrichien  ne  veut  pas  se 
tenir  à  l'écart,  alors  qu'il  s'agit  de  défendre  les  droits  sacrés  de  l'hu- 
manité, et  s'intéressera,  au  moins  pécuniairement  et  moralement,  à  la 
lutte  pour  le  maintien  de  ces  droits. 

3**  L'œuvre  de  son  Éminence  le  cardinal  Lavigerie,  basée  sur  le  senti- 
ment de  la  pure  humanité,  peut  compter  sur  l'appui  unanime  du  peuple 
autrichien,  sans  distinction  de  religion,  de  nationalité  ou  de  parti  poli- 
tique. 


^  Vi 


-  55  — 

Un  bureau  provisoire  demeure  chargé  de  la  constitution  d'une 
Société  anti-esclavagiste  autrichienne. 

La  Snisse  non  plus  ne  reste  pas  en  arrière  dans  le  mouvement  anti- 
esclavagiste  qui  s'étend  à  presque  tous  les  États  européens.  Comme  la 
Société  austro-hongroise,  celle  qui  se  crée  en  Suisse  se  compose  de  per- 
sonnes appartenant  à  toutes  les  confessions  religieuses  et  à  tous  les  par- 
tis politiques.  Le  manifeste  qu'elle  a  publié  le  2  janvier  1889  a  été 
envoyé  avec  notre  précédent  numéro  à  tous  nos  abonnés. 


LE  COMMERCE  DE  LA  SUISSE  AVEC  L'AFRIQUE 

L'ordonnance  rendue  par  le  Conseil  fédéral,  en  1884,  au  siget  de  la 
statistique  du  commerce  de  la  Suisse  avec  l'étranger,  a  permis  au 
bureau  fédéral  de  statistique  de  publier,  à  partir  de  1885,  un  tableau 
annuel  du  commerce  extérieur  de  la  Suisse.  Tandis  qu'auparavant  les 
publications  du  bureau  se  bornaient  en  grande  partie  à  récapituler  les 
résultats  des  sorties  par  les  bureaux  de  péage,  groupées  d'après  les 
lignes  de  frontières  des  États  limitrophes,  les  tableaux  actuels  fournissent 
une  image  complète  du  mouvement  d'échange  de  la  Suisse  avec  les 
divers  États,  en  tenant  compte  de  la  valeur  des  marchandises.  Si 
l'absence  d'un  contrôle  rigoureux  des  déclarations  des  expéditeurs 
«mpâche  de  tenir  les  tableaux  d'exportation  pour  absolument  exacts, 
du  moins  est-il  permis.de  considérer  leurs  indications  comme  très 
approximatives.  L'exactitude  des  résultats  augmente,  du  reste,  d'année 
en  année,  par  le  fait  de  l'expérience  croissante  des  fonctionnaires  et  de 
la  confiance  plus  grande  des  déclarants,  surtout  des  négociants,  qui 
reconnaissent  de  plus  en  plus  les  services  que  peut  leur  rendre  une 
statistique  bien  faite.  Quant  aux  articles  d'importation,  ils  sont  taxés 
annuellement  par  des  experts;  ce  moyen,  le  seul  qui  puisse  être 
employé,  donne  en  Suisse  de  meilleurs  résultats  que  dans  les  États 
voisins,  aussi  bien  à  cause  de  l'étendue  restreinte  de  notre  marché  que 
parce  que  notre  importation  comprend  essentiellement  des  matières 
premières,  des  denrées  et  quelques  autres  articles  de  commerce  en  gros, 
faciles  à  évaluer.  Nous  voudrions  dans  les  pages  qui  vont  suivre  nous 
servir  des  trois  tableaux  publiés  jusqu'à  ce  jour  (1885, 1886, 1887),  pour 
donner  une  idée  d'ensemble  du  commerce  de  la  Suisse  avec  l'Afrique. 

Si  nous  consultons  V  Atlas  représentant  le  développement  de  Vindustrie 
et  du  commerce  de  la  Suisse  de  1770  à  1870,  par  le  D' H.  Wartmann, 


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—  56  — 

nous  constatons  qu'en  1770,  le  trafic  de  la  Suisse  avec  TAfrique  était 
à  peu  près,  sinon  absolument  nul.  Peut-être  quelques  articles  suisses 
pénétraient-ils  alors  en  Egypte  ou  dans  les  colonies  européennes  de  la 
région  méridionale,  mais  c'était  par  T  intermédiaire  du  Portugal,  des 
Pays-Bas  ou  des  ports  italiens.  Le  commerce  direct  n'existait  pas.  £n 
1820,  quelques  échanges  se  faisaient  avec  TÉgypte,  la  Tripolitaine,  la 
Tunisie,  F  Algérie  et  le  Maroc  auxquels  la  Suisse  vendait  des  cotonnades 
et  des  mousselines. 

En  1870,  le  commerce  suisse -africain  s'est  sensiblement  accru. 
Tout  le  littoral  septentrional  ainsi  que  la  région  côtière  qui  s'étend,  à 
l'ouest,  de  Saint-Louis,  au  Cap,  et  au  sud  et  à  l'est,  de  cette  ville  à 
Makdischu,  peuvent  être  considérés  comme  faisant  partie  du  marché 
d'exportation  de  la  Suisse.  Les  ports  princtpiaux  par  lesquels  les 
marchandises  suisses  pénètrent  dans  l'intérieur  du  continent  sont: 
au  nord  :  Alexandrie,  Benghazi,  Tripoli,  Tunis,  Bône,  Alger  et  Tanger; 
à  l'ouest:  Rabat,  Mogador,  Saint-Louis,  Bathurst,  Freetown,  Accra, 
Whydah,  Bénin,  Libreville,  Landana,  Saint-Paul-de-Loanda,  Saint- 
Philippe-de-Benguela,  Mossamédès,  Port-NoUoth,  le  Cap;  au  sud  et  à 
l'est,  Port-Élisabeth,  D'Urban,  luhambané,  Sofala,  Mozambique, 
Quiloa,  Mombas,  Zanzibar,  Melinde  et  Makdischu.  jbinfin,  un  faible 
commerce  existe  avec  l'île  de  Nossi-Bé  près  de  la  côte  de  Madagascar. 
Les  cotonnades,  les  mousselines  et  les  broderies  forment  toujours  la 
presque  totalité  das  exportations;  toutefois  les  produits  de  l'horlogerie 
et  de  la  bijouterie  donnent  lieu  à  un  certain,  commerce  avec  l'Egypte, 
l'Algérie  et  le  pays  du  Cap  ;  il  en  est  de  même  des  soieries. 

Depuis  cette  époque  le  mouvement  des  échanges  entre  la  Suisse  et  les 
pays  africains  n'a  fait  qu'augmenter.  En  1887,  il  s'est  élevé  au  chiffre 
total  de  17,500,000  francs,  importation  et  exportation  réunies;  sans 
doute,  par  rapport  au  commerce  total  de  la  Suisse  avec  l'étranger,  qui 
dépasse  un  milliard  et  demi,  les  échanges  avec  l'Afrique  sont  peu  de 
chose  (1,47  pour  cent  environ),  mais  n'oublions  pas  que  la  Suisse, 
n'ayant  pas  de  colonies,  n'a  pas  bénéficié  des  changements  survenus 
dans  la  situation  de  l'Afrique,  au  même  titre  que  d'autres  puissances 
dont  les  possessions  se  sont  accrues;  en  outre,  les  17,500,000  francs 
cités  plus  haut  représentent  un  commerce  réel,  et  non,  môme  pour  la 
plus  faible  partie,  ce  mouvement  commercial  artificiel  créé  par  les 
relations  officielles  d'un  État  avec  ses  colonies  :  ravitaillement  des 
troupes,  envois  aux  fonctionnaires,  etc. 

Le  chiffre  de  17,500,000  francs,  en  nombre  rond,  se  répartit  de  la 


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rante  pour  l'expoitation  et  l'importation,  enb%  les  diverses 
Afrique  : 

ImporUtioa.  ExportalioD. 

18ST  (Fruci.)  (fnncs.) 

13.098.800  1.376,000 

ruDisie,  Algérie  et  Maroc 601.500  2.267.000 

tie  et  Paye  da  Cap 16.000  86.000 

:  et  Madagascar 6.000  189.000 

!  relativement  considérable  à  laquelle  s'élèvent  les  iraporta- 
>te  en  Suisse  ne  doit  pas  nous  étonner  ;  c'est  d'Egypte,  en 
}  cantons  de  Saint-Gall,  de  Thurgovie,  d'Ai^ovie,  de  Zurich 

tirent  une  partie  du  coton  brut  qui  est  converti  en  divers 
eurs  fabriques.  Au  milieu  de  ce  siècle,  la  Suisse  s'approvi- 

ce  produit  presque  exclusivement  aux  États-Unis,  mais 
leiTe  de  séce^ion  ou  de  l'esclavage,  pendant  laquelle  les 
•s  européennes  durent  cesser  de  travailler  faute  d'aliment, 

anglais  ont  favorisé  l'introduction  de  la  culture  du  coton 

en  Pei-se,  en  Turquie  d'Asie  et  en  Egypte  oii  il  a  trouvé  un 
mat  favorables.  Le  coton  égyptien  arrive  en  Suisse  par  les 
ieste  et  de  Marseille.  Les  exportations  de  Suisse  pour  la 

eigneiit  un  total  assez  élevé  qui  s'explique  par  l'établisse- 
jérie  et  en  Tunisie  de  colons  suisses  qui  continuent  les  rela- 
1  mère  patrie  et  y  achètent  les  choses  qui  leur  manquent. 
]ue  se  sont  créés  pour  l'Angleterre  et  l'Allemagne  des  débou- 
ints  dans  toutes  les  parties  du  monde  ;  si  l'émigration  est, 
rtaine  mesure,  pi-éjudieiable  à  la  mère  patrie  en  lui  enlevant 
nombre  de  bras,  elle  profite  grandement  à  son  commerce 

es  si  faibles  du  commei-ce  de  la  Suisse  avec  les  côtes  occi- 
rientale  de  l'Afrique  causent  une  certaine  surprise;  pour  qui 
bileté  et  l'énergie  des  négociants  suisses,  ces  sommes  pa- 
iessous  de  la  vérité;  mais  l'explication  de  ce  fait  se  trouve 
:ude  qu'ont  les  commerçants  des  pays  qui  nous  entourent 
comme  marchandises  françaises,  allemandes,  anglaises  ou 
produits  fabriqués  en  Suisse.  Toutefois  il  est  indéniable  que 
L  pas  su  profiter  autant  que  les  autres  pays  de  l'ouverture 
l'Afrique  centrale  au  commerce  étranger.  Pour  le  moment 

de  Manchester,  les  grandes  maisons  allemandes,  françaises, 
)llaitdaises  rendent  la  concun'once  bien  difficile.  Les  indus- 

u'étant  pas  nées  du  sol  et  manquant  des  aliments  nécessai- 
le  et  le  fer,  qu'il  faut  faire  venir  de  l'étranger,  sont  dans  de 
auditions  pour  soutenir  la  lutte  commerciale,  d'autant  plus 


—  sa- 
que leui*»  produits  n'out  pas  d'issue  directe  vers  la  mer  et  doivent  tran- 
siter &  travers  les  pays  voisins,  ce  qui  augmente  encore  le  prix  de 
revient. 

Il  y  a  lieu  de  remarquer  que  si  le  commerce  de  la  Suisse  avec  l'Afri- 
que, en  1887,  (17,500,000)  est  en  avance  sensible  sur  1886  114,500,000), 
il  se  trouve  au-dessous  du  chiffre  atteint  en  1885  (18,500,000).  La  diffé- 
rence porte  surtout  sur  l'exportation,  comme  ou  peut  s'en  convaincre 
par  le  tableau  suivant  : 

ImpurLatton.  ËiporUtîOD. 

I8B5                                                     (Fnnei.)  (rnnn.) 

Egypte 12.217.000  2.188.000 

TripoliUine,  Tunisie,  Algérie  et  Maroc 506.600  2.719  OOO 

Côte  occidentale  et  Pays  du  Cap 13.000  207.000 

CAte  orientale  et  Madi^ascar 6.500  137.000 

Ainsi,  tandis  qu'en  1887  les  importations  sont  sensiblement  égales  à 
ce  qu'elles  étaient  en  1885,  les  expoi-tatioiis  sont  en  recul  pour  tous  les 
pays  sauf  pour  la  côte  orientale;  tandis  que  de  1885  à  1887  le  trafic 
extérieur  de  la  Suisse  a  augmenté  de  G  "/•  environ,  le  commerce  avec 
l'Afi'ique  a  diminué  dans  la  même  proportion.  Il  y  a  là  un  fait  anormal 
et  dont  il  serait  intéressant  de  rechercher  les  causes.  Résident-elles 
dans  l'augmentation  des  droits  de  douane,  dans  les  difficultés  de  ce 
commerce  lointain,  qui  ont  été  de  nature  à  rebuter  ceux  qui  avaient 
cherché  à  ouvrir  à  leurs  mai-chaudisos  de  nouveaux  débouchés,  ou  peut- 
être  dans  la  prise  de  possession  de  beaucoup  de  territoires  africains  par 
les  grandes  puissances  européennes,  acte  qui  aurait  ouvert  les  marchés 
&  ces  puissances  et  les  aurait  fermés  aux  I^tats  dépourvus  de  coloiiie.s  et 
de  marine?  Il  serait  difficile  de  le  dire. 

Voici  maintenant  comment  se  répartissent  les  sommes  citées  plus 
haut  pour  l'importation  et  l'exportation  en  1887,  entre  les  principaux 
articles  de  commei-ce  : 

Commerce  de  la  Suisse  avec  l'Egypte. 

ImporUtion  Eiporlktion 

(en  StiiiM).  [bon  ds  Stûwe) 

(F™»,)  (Fr«c.) 

Gomme H. 800  ~ 

Produits  chimiques —  6,817 

Boia —  5 .378 

Chaussures —  346.668 

Antres  ouvrages  en  cuir —  7.055 

Livres,  gravures,  instrumenta  de  musique,  etc.. .  —  15.460 

Horloges  et  montres —  216.569 

Outils  et  ouvrages  en  fer ~  12.859 

Chaudronnerie,  ouvrages  en  cuivre —  900 

Orfèvrerie  d'or  et  d'argent,  bijouterie  vraie —  27.325 


—  59  — 

Importation  Exportution 
(en  Suisse).            (hors  de  SuisseV 

(Francs.)  (Francs  ) 

Tabac,  cigares,  cigarettes 58.600  76.796 

Denrées  alimentaires 7.038  34.922 

Papier  et  carton —  18.51f> 

Coton  brut 13.010.832  — 

Tissus  coton,  laine  et  soie,  broderies 3.360  602.70fi 

Peaux  tannées,  feutres,  tapis —  1 .  294 

Quincaillerie,  mercerie,  jouets 2 .  725  1 .47^ 

Commerce  de  la  Suisse  avec  VAlaérie,  lu  Tunisie,  la  Tripolitaine 

et  le  Maroc. 

Gomme 23.600  — 

Produits  chimiques 200  4. 13& 

Bois 210  2.711 

Chaussures —  3 .  122 

Livrée,  gravures,  instruments  de  musique,  etc.. .  1.265  7.611 

Horloges  et  montres —  40.864 

Machines —  37.915 

Outils  et  ouvrages  en  fer 200  4. 142 

Orfèvrerie,  bijouterie —  1 .  520 

Tabac,  cigares,  cigarettes 107.690  194.262 

Denrées  alimentaires 13.905  555. 18ft 

Vin  et  alcool 75.474  22. 52^ 

Huiles  d'olives 17.250  — 

Huiles  grasses  de  tout  genre 35 .  600  — 

Papier  et  carton —  1 .  770 

Tissus  coton,  laine,  soie,  broderies —  1 . 388. 729 

Laine  brute 36.080  — 

Paille  brute 198.475  — 

Chapeaux —  1 .  150 

Matières  animales 1 .  500  — 

Quincaillerie,  mercerie,  jouets —  651 

Commerce  de  la  Suisse  avec  la  côte  occidentale  et  le  Pays  du  Cap^ 

Gomme 2.400  — 

Livres,  gravures,  etc —  2.361 

Horloges  et  montres —  4.095' 

Armes —  72^ 

Café —  1 .295 

Denrées  alimentaires —  1 .  899 

Tissus  coton,  laine,  soie,  broderies —  74.990 

Laine  brute 14.520  — 

Commerce  de  la  Suisse  avec  la  côte  orientale  et  Madagascar. 

Horloges  et  montres —  200 

Ouvrages  en  fer — -  2. 125 

Café 3.300  — 

Denrées  alimentaires —  2 .  948 

Feutres —  6.350 

Mercerie 850  — 

Tissus  coton,  laine,  soie,  broderies —  177.231 

Ces  tableaux  prouvent  que  le  coton  brut  et  les  tissus  divers  forment 


—  60  — 

la  majeure  partie  des  transactions  entre  la  Suisse  et  l'Afrique,  d'où  il 
ressort  que  c'est  la  Suisse  orientale  qui  bénéticie  le  plus  de  ce  com- 
merce. La  Suisse  occidentale  n'y  contribue  encore  que  pour  une  faible 
part  j-eprésentée  surtout  par  les  articles  d'horlogerie  et  de  bijouterie. 
Quant  au  mouvement  commercial  auquel  donne  lieu  la  vente  ou  l'achat 
de  la  gomme,  des  ouvrages  en  fer,  du  tabac,  des  denrées  alimentaires, 
du  papier,  des  huiles,  de  la  paille,  du  café,  il  intéresse  la  Suisse  dans 
son  entier. 

Il  ressort  clairement  des  indications  statistiques  qui  précèdent  que  la 
Suisse  n'a  pas  bénéficié  des  progrès  sui'venus  depuis  un  siècle  dans  la 
«oimaissance  de  l'Afrique  autant  que  sa  puissance  industrielle  et  com- 
merciale semblait  permettre  de  le  prévoir.  Alors  que  toutes  les  nations 
«onmierçantes  développent  leurs  relations  de  ce  côté,  que  de  nouvelles 
lignes  de  paquebots  se  créent,  que  de  nouvelles  colonies  et  de  nouveaux 
États  se  fondent,  la  Suisse  semble  rester  plus  ou  moins  à  l'écart  de  ce 
mouvement.  Sans  doute,  sa  situation  spéciale  explique  dans  une  cer- 
taine mesure  le  peu  d'importance  du  commerce  suisse -africain.  Mais 
nous  ne  voulons  pas  croire  qu'il  en  soit  encore  longtemps  ainsi.  La 
Suisse  a  besoin  de  tous  les  produits  que  fournit  l'Afrique;  elle  est  à 
même  de  vendre  aux  indigènes,  aux  colons,  aux  missionnaires,  les  coton- 
nades, les  tissus  de  laine  et  de  soie,  les  objets  en  paille,  les  machines,  la 
bimbeloterie  et  tout  ce  qui  leur  est  nécessaire.  Il  y  a  donc  possibilité  pour 
les  négociants  et  les  industriels  d'augmenter  leurs  relations  avec  ces 
régions  qu'ils  ont  trop  délaissées  jusqu'à  ce  jour.  Les  autorités  canto- 
nales et  fédérales  doivent  les  seconder  dans  cette  œuvi*e  ;  il  est  de  leur 
devoir  de  faire  connaître  au  monde  des  affaires,  par  la  création  de  musées 
commerciaux,  ce  qu'il  peut  impoiler  d'Afrique,  et  en  outre  de  l'infor- 
mer de  ce  qu'il  peut  y  vendre,  en  établissant  des  consulats  dans  la  plu- 
part des  ports  et  des  marchés  de  l'intérieur,  et  en  multipliant  les  rap- 
ports entre  la  mère  patrie  et  ses  représentants  dans  ces  pays  lointains. 


CORRESPONDANCE 
li^itre  de  Tail,  de  M*  A*  Demaflrej»  ingénieur  des  noiines. 

Tati  (Ma-Tébéléland),  15  novembre  1888. 
Cher  monsieur, 
Les  Goncession's  hunters  ont  afflué  au  Ma-Tébéléland  cette  année,  en  si  grand 
nombre,  que  le  peuple  et  le  roi  ont  pris  peur,  s'imaginant  que  les  blancs  allaient 


~  61  — 

t  déjà  fort  teDdue,  lorsque,  à  Ik  fin  d 
mr  du  Be-Chu&D&luid,  qui  étut  al 
tui  sujet  de  l'alfure  Orobbelaar,  eut  i 
Lo-Beng>u]a.  Il  avait  une  escorte  de 
urnes  Be  traDaformèrent,  dans  l'imagii 
aSB  tfitea  s'échauffèrent,  les  régîmeni 
.  la  permission  de  tuer  les  blancs,  p 
pas.  Mais,  pendant  quelques  jours,  I 
Ites,  et  une  petite  étincelle  edt  suffi  ] 
IminiatTateur  put  toit  le  roi';  tout  s' 
,  quitté  le  Ma-Tébéléland  et  la  tranq 

a  a  bien  un  traité  avec  le  Transvaal; 
>i  prétend  que  le  contenu  du  traité 
est  pas  du  tout  ce  qu'il  a  cru  signer.  — 
ille  il  désavoue  ce  traité. 
it  arrivée  que  les  Portugais  se  diiii 
ée  était  àéjk  en  marche,  disait-on.  — 
nais  un  tmpi  (armée)  de  Ma-Tébélé 

onge  cette  année  beaucoup  plus  qui 
nourriture  et  commencent  à  mourir 

irnier  et  au  commencement  de  celui-' 
■quant  plusieurs  fois  HO*  F.,  43°,33 


LIOGRAPHIE  ■ 

Lfbika  ;  2"  Licforuiig  Wioii  uiid 
>  Kr.  —  La  deuxième  livraison 
r  contient  la  tin  de  son  voyagt 
i  vallée  de  Natroii,  aprte  quoi  co 
jusqu'à  Kassala.  C't^st  dire  que 
l'il  .<e  rapproche  dos  régions  du  1 
i  le  bassin  du  Balir-el-Gliazal,  d' 
Douttous,  au  milieu  desquels  le 

lirie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bftle 
Uns  l'Afrique  es^Utrie  et  civditét. 


—  62  — 

pourra  vi\Te  avec  lui  pendant  sept  ans.  D'après  les  cartes  das  voyage 
<lu  D''  Junker  que  publie  actuellement  l'Institut  de  'Justus  Perthès  à 
<jotha,  dans  les  suppléments  des  Mittheihingen,  et  dont  profitera  cer- 
tainement la  belle  publication  de  M.  Hôlzel,  il  sera  facile  de  suivre  le 
voyageur  pas  à  pas  dans  ses  explorations,  qui  nous  feront  connaître 
toute  la  région  au  nord-est  de  celle  dont  Stanley  nous  fournira  un  jour 
la  carte.  Nous  saurons  alors  la  géographie  du  bassin  du  Bahr-el-Ghazal, 
de  rOuellé-Oubangi,  et  de  laNépoko-Arououimi  à  laquelle  demeuj'eront 
attachés  les  noms  de  ses  deux  explorateurs,  Junker  et  Stanley. 

E.'G.  Ravenstein.  A  map  of  the  country  betweek  lakes  Nvassa 
AND  Tanganyika,  largely  based  upon  unpublished  Materials  furnished 
by  James  Stevenson.  London  (George  Philip  and  Son),  1888,  Viooooo-  — 
Le  savant  cartographe  de  la  Société  royale  de  géographie  de  Londres 
ne  cesse  de  perfectionner  les  cartes  de  l'Afrique  orientale  dressées  par 
lui.  S'aidant  de  travaux  inédits  faits  depuis  quelques  années  dans  la 
région  comprise  entre  les  lacs  Nyassa  et  Tanganyika,  il  vient  de  publier, 
à  une  très  grande  échelle,  une  carte  qui  sera  te  très  bien  venue  de  tous 
ceux  qui  ont  suivi  en  détail  les  explorations  de  Giraud,  et  les  travaux 
de  Stewart  dans  cette  région,  ainsi  que  les  tentatives  des  Arabes  pour 
s'établir  à  la  tête  du  lac  Nyassa  et  intercepter  les  communications  déjà 
régulièrement  établies  entre  les  deux  lacs  par  la  route  dite  de  Stevenson. 
Les  principaux  documents  dont  M.  Ravenstein  s'est  servi  pour  établh* 
sa  carte  sont  :  P  les  notes  d'un  voyage  de  M.  Donald  Munro,  en  1884,  le 
long  de  la  côte,  de  Bandaoué  à  Karonga  ;  2**  une  carte-esquisse  du  pays 
«ntre  Karonga  et  Mwini-Wanda,  par  M.  W.  0.  M'Evan,  1884;  3"  un 
croquis  de  la  route  du  Tanganyika  au  Nyassa,  par  E.-C.  Hore,'en  1884; 
4**  une  carte  d'un  voyage  de  Bandaoué  à  Kambomba  fet  de  là  à  Chirengi, 
par  MM.  M'Evan  et  Donald  Munro,  en  1885;  5"  un  croquis  de  la  route 
entre  les  deux  lacs,  par  le  lieutenant  Wissmann,  en  1887  ;  G"  des  notes 
de  la  susdite  route,  par  M.  F.  Moir,  et  7**  les  journaux  de  M.  M'Evan 
contenant  de  nombreuses  observations  de  longitude  et  de  latitude.  C'est 
un  document  précieux  à  ajouter  à  tous  ceux  que  la  science  géographique 
doit  déjà  à  M.  Ravenstein,  en  particulier  à  la  carte  en  25  feuilles,  du  10" 
lat.  N,  au  20 "^  lat.  S.  et  à  l'est  du  25"  de  longitude,  publiée  par  lui  sous 
les  auspices  de  la  Société  royale  de  géographie  de  Londres,  qui,  comme 
nos  lecteurs  le  savent,  l'a  chargé  de  faire  un  travail  semblable  pour  la 
partie  occidentale  de  l'Afrique  comprise  entre  les  mêmes  parallèles. 

Karte  von  Emin  Pascha's  Gebiet  und  den  Nachbael;endeen,  redigirt 
vonJ.'J.  Keitler:  Emin  Pascha's  Gebiet  Vsoooooo;  die  Oberen  Nillàndem 


—  63  — 

Vsoooooo-  Weimar  (geographisches  Institut),  1888.  —  Au  moment  où  la 
question  d'Émin-pacha  est  plus  que  jamais  à  l'ordre  du  jour,  bien  des 
personnes  prendront  plaisir  à  consulta  les  deux  nouvelles  cartes, 
réunies  sur  une  seule  feuille,  que  vient  de  publier  l'Institut  géographi- 
que de  Weimar.  La  première  représente,  à  une  grande  échelle  et  avec 
beaucoup  de  détails,  le  territoire  d'Érain-pacha  ;  la  deuxième  fournit 
une  esquisse  des  régions  du  Nil  supérieur  et  moyen,  ainsi  que  des  pays 
voisins  sur  lesquels  dominent  l'Angleterre,  l'Allemagne,  l'Italie  et 
l'État  indépendant  du  Congo.  Cette  dernière  carte  s'étend  au  nord 
jusqu'à  Massaoùah,  au  sud  jusqu'à  Zanzibai*;  dans  chaque  carte,  un 
carton  indique  la  grandeur  du  royaume  de  Saxe  dessiné  à  la  même 
échelle.  Nous  ne  pouvons  que  recommander  vivement  ces  deux  cartes 
qui  se  distinguent  par  leur  clarté  en  même  temps  que  par  l'abondance 
des  détails. 

M,  J,  Quel,  Les  origines  de  l'île  bourbon  et  de  la  colonisation 
FRANÇAISE  A  MADAGASCAR.  Paris  (Ch.  Baylc),  1888,  in-8**,  303  p.,  illust., 
fr.  6.  —  Ce  livre  qui  rentre  dans  la  catégorie  des  ouvrages  de  géographie 
historique  et  d'histoire  coloniale  qu'a  fait  éclore  le  traité  récent  entre  la 
France  et  les  Hovas,  est  l'un  des  plus  détaillés  et  des  plus  complets  qui 
aient  paru  sur  les  commencements  de  la  colonisation  française  à  Bourbon 
et  à  Madagascar.  L'introduction,  dans  laquelle  l'auteur  traite  des  rela- 
tions des  Phéniciens  et  des  Carthaginois  avec  les  deux  îles  africaines,  a 
çà  et  là  une  allure  un  peu  fantaisiste,  mais  le  récit  historique  commence 
avec  la  première  paitie.  L'auteur  ne  s'étend  pas,  probablement  faute 
de  documents,  sur  la  période  des  découvertes  et  des  premiers  voyages 
dans  l'océan  Indien.  En  revanche,  le  dix-septième  siècle  et  le  commen- 
cement du  dix-huitième  sont  traités  avec  une  abondance  de  renseigne- 
ments qui  font  de  cet  ouvrage  une  mine  précieuse,  où  les  géographes  et 
les  chroniqueurs  pourront  puiser  à  pleines  mains.  L'histoire  de  la  domi- 
nation française  dans  l'île  Bourbon  sous  Louis  XIV  ne  remplit  pas 
moins  de  200  pages  ;  tout  ce  que  l'on  sait  des  différents  gouvernements 
qui  se  succédèrent  dans  l'île,  ainsi  que  des  tentatives  de  la  Compagnie 
française  des  Indes  orientales  pour  coloniser  Madagascar,  est  décrit  tout 
au  long.  La  relation  ainsi  détaillée  prend  la  tournure  d'un  roman,  ce  qui 
donne  un  grand  intérêt  à  la  lecture.  En  outre,  l'auteur  a  inséré  à  leur  place 
les  documents  originaux,qui  sont  impiimés  en  petit  texte  pour  les  faire  res- 
sortir davantage.  Il  a  pensé  qu'il  y  avait  avantage  à  faire  connaître  les 
sources  qu'il  avait  consultées,  afin  d'aider  dans  leurs  recherches  les  géo- 
graphes et  les  historiens.  Du  reste,  peu  d'écrivains  étaient  dans  une  meil- 


—  64  — 
leure  situatioQ  que  lui  pour  prendre  connaissance  des  pièces  officielles. 
Comme  arcbiviste-bibliothécairederadmintstration  centrale  des  colonies, 
il  a  pu  se  servir  de  documents  encore  inédits,  tirés  des  Arehives  du  mini»- 
tèrede  la  marioe  et  des  colonies.  C'est  cette  richesse  de  citations  originales 
qui  distinguent  ce  livre  des  autres  ouvrages  écrits  sur  le  même  sujet.  A  ce 
point  de  vue,  on  ne  peut  que  regretter  que  la  relation  s'arrête  en  1742, 
la  date  de  la  nomination  de  Dupleix  comme  gouverneur  des  Iodes. 

Commiestto  de  cartographia.  Carta  da  ilua  da  Boa-Vjsta  (Cabo 
Verdc),  1888,  Vinooeo-  —  Costa  occidental  d'Africa,  proviiicia  d'Angola: 
piano  hydrographico  da  etiseada  do  Quicembo,  1888,  Vioeo-  —  Les  deux 
nouvelles  publications  de  la  Commission  cartographique  portugaise  se 
distinguent,  comme  les  pi-écédentes,  par  leur  âui  et  leur  clarté.  La 
première  est  la  carte  de  Boa-Yista,  la  plus  orientale  des  Iles  du  Cap 
Vert.  Sa  grande  échelle  permet  d'y  faire  figurer  les  moindres  formes  du 
relief,  les  plus  petites  localités  et,  en  mer,  les  bancs  de  sable  et  les 
écueils.  Du  reste,  malgré  tous  ces  détails,  la  carte  est  bien  peu  chargée. 
car  Boa-Vista,  qui  ne  mérite  guère  son  nom,  ne  compte  qu'un  petit 
nombre  d'habitants.  Elle  est  peu  élevée,  pauvre  en  arbres,  très  sèche 
et  d'un  abord  difficile.  A  l'ouest  s'élève  Sal-Rei,  port  excellent  mais  peu 
fréquenté,  au  sud  duquel  s'étend  une  plaine  parsemée  de  dunes  de  sable. 
Près  de  Sal-Rei,  sur  la  côte  orientale,  se  trouvent  des  salines  qui  sont 
moins  exploitées  depuis  que  les  navires  américains  ne  viennent  plus  en 
acheter  le  produit. 

La  seconde  carte  représente  une  très  petite  portion  de  la  côte  occiden- 
tale de  l'Afrique.  Il  s'agit  de  la  rade  de  Quicembo,  située  à  une  faiblo 
distance  au  nord  d'Ambriz  et  de  la  côte  qui  s'étend  au  nord  de  cette 
rade.  C'est  une  carte  marine,  à  l'échelle  de  Vioooi  si"'  laquelle  les 
profondeurs  sont  marquées  en  brasses,  au  moyen  de  courbes  de  niveau 
.sous-marines.  Tandis  que  Quicembo  est  situé  sur  un  promontoire 
rocheux,  qui  se  dresse  en  falaises  au^essus  do  la  nier,  la  côte,  au  nord 
de  ce  port,  est  basse  et  sablonneuse.  Bien  qu'Anibriz  fût  occupé  par  les 
Portugais  depuis  lSôr>,  la  rade  de  Quicembo  et  la  côte  voisine  étaient, 
d'après  M.  Reclus,  abandonnées  aux  indigènes  de  sorte  que  les  négo- 
eiants  pouvaient  y  introduire  leui*s  marchandises  sans  payer  de  droit*;. 
C'est  peut-être  en  vue  de  la  cn-ation  de  postes  douaniers  destinés  k 
faire  cesser  cet  état  de  clmse.s,  que  le  gouvernement  portugais  a  levé  la 
carte  de  la  côte. 


r 


BULLETIN  MENSUEL  (  4  mars  1889  '  ). 

Daiis  ui)  article  assez  étendu  sur  les  dégâts  occasionués  par  tes 
aanterellea  en  Algérie,  la  République  française  préconise  un  nou- 
veau genre  de  destruction  de  ces  acridiens,  qui  paraît  pouvoir  être 
appliqué  aux  territoires  les  plus  menacés  d'une  prochaine  invasion. 
M.  Charles  Bronguiart  a  fait  récemment  h  l'Académie  des  sciences  une 
communication,  dans  laquelle  il  a  insisté  sur  le  fait  que  les  entomopbto- 
rées,  champignons  microscopiques,  sont  très  répandus  dans  la  nature, 
et  qu'ils  amènent  la  destruction  normale,  rapide  et  certaine  d'un  grand 
nombre  d'insectes  nuisibles  dont  ou  cherche  vainement  à  se  débarras- 
ser par  des  moyens  coûteux  et  souvent  peu  pratiques.  L'année  dernière, 
depuis  la  tin  d'août  jusqu'au  mois  d'octobre,  M.  Brougniart  a  constaté 
qu'un  entomophtora  particulier  {entomophtora  gryliï)  a  attaqué  et 
détruit  des  quantités  considérables  d'acridiens  d'espèces  variées.  Tous 
les  criquets  sont  attaqués  rapidement  par  ces  champignons.  Us  devien- 
nent lourds  d'abord,  puis  grimpent  péniblement  le  long  des  brïns 
d'herbe  et,  s'y  cramponnant  fortement,  meurent  au  bout  de  24  heures 
environ.  On  retrouve  des  entomophtora,  sous  deux  formes,  à  l'intérieur 
du  cbrps  des  insectes  morts.  On  peut  les  récolter  en  été  et  eu  automne, 
les  conserver  pendant  l'hiver  et  les  semer.au  printemps  suivant.  De  là 
l'idée  de  semer  ces  champignons  sur  des  insectes  communs,  qu'ils 
déti-uisent  et  qu'on  peut  se  procurer  eu  quantités  considérables,  sans 
aucun  frais,  sur  les  larves  de  mouches,  par  exemple.  Celles-ci,  tuées  par 
le  cryptogame,  seraient  séchées,  pulvérisées,  et  serviraient  à  couvrir  les 
champs  aussi  facilement  qu'où  les  recouvre  d'engrais  chimiques.  Les 
champignons  parasites  seront  pent-êti-e  le  moyen  le  plus  efficace  de  pré- 
venir, eu  Algérie,  de  nouveaux  désastres,  comme  celui  dont  soutire 
encore  actuellement  la  province  de  Constantine. 

Messedaglia-bey,  gouverneur  égyptien  de  Wady-Halfa,  a  reçu  des 
nouvelles  du  Soudan  oHental  par  un  sous-officier  de  l'armée  du  khé- 
dive, nommé  Mahomet  Shelabi,  arrivé  récemment  dn  Darfour  où  il 
étHÎt  resté  depuis  la  tin  de  1884.  Il  faisait  aloi-s  partie  de  la  garnison  de 
El-Fasher,  capitale  du  Darfour,  qui  était  assiégée  depuis  le  commence- 

'  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulhtins  mensuela  et  dans  leB  NouvéRta  tom- 
pléntentairei  j  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constast,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allaut  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  cAte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  c6te  occidentale. 

L'intiqUE.  —   DIXIÈME  INMiE.  —  H°  3.  8 


—  6B  — 
'  ment  d'octobre  1884  par  les  troupes  du  inahdi  reuforcées  de  la  garnison 
égyptienne  de  Bara  qui  avait  passé  à  l'ennemi.  A  la  fin  de  décembre 
18S4,  les  mahdistes  à'empavèfent  des  sources,  ce  qui  amena  au  bout  de 
huit  jours  la  reddition  de  la  place.  Quand  le  mahdi  eut  quitté  le  Darfour, 
un  petit-fils  du  vieux  sultan  en  chassa  les  derviches  qu'il  y  avait  laissés 
et  gouverna  la  province  pondant  un  an  ;  mais  il  fut  tué  dans  «ne  ba- 
taille et  le  Darfour  retomba  aux  mains  des  mahdistes.  Le  sultan  du 
Wadaï  groupa  autour  de  lui  les  forces  des  petits  fttats  voisins  et,  vei-s  la 
fiû  de  1887,  il  attaqua  le  mahdi  un  peu  à  Pou&st  de  El-Fasher,  diHniisit 
son  armée  et  fut  maître  du  Darfour.  Shelabi,  parti  du  Darfour  ft  la 
fin  de  1887,  arriva  en  février  1888  h  Omdurman,  quartier  général  du 
mahdi,  oii  il  resta  jusqu'au  23  novembre.  Voici  les  renseignements  qu'il 
y  a  recueillis  sur  la  .litualiou  du  Soudan.  Dans  le  Kordofa»,  le-s  villes  de 
El-Obeïd  (!t  de  Bara  sont  solidcmciit  acquises  au  mahdi  qui  est  onginaire 
de  cette  coutrée,  mais  les  tribus  voisines  ne  partagent  pas  ces  disposi- 
tions. Los  tribus  nubiennes  du  nord  du  Kordofan,  qui  avaient  pris  HïOO 
carabines  Remington  à  l'armée  de  Hicks-pacha,  s'en  sont  servies  pour  re- 
pousser les  troupes  que  le  niabdi  avait  envoyées  contre  elles  afin  de  se 
faire  livrer  ces  armes.  A  re.st,  les  Hadcndowas  sont  entrés  eu  négocia- 
tions avec  le  gouvernement  égyptien.  Plus  au  sud  et  vers  l'intérieur,  les 
tribus  de  l'Atbai-a  ot  celles  qui  le.s  entourent  sont  en  révolte  contre  le 
mahdi.  Sur  la  frontière  d'Abyssinie,  il  a  épreuve  un  sérieux  échec  à  la 
suite  des  actes  de  cruauté  pai*  lesquels  a  été  signalée  la  prise  de  (iondar. 
À  la  date  du  23  novembre  on  était,  à  Omdunnan,  stins  nouvelles  de  sept 
détachements  envoyés  veis  Fashoda  poui-  percevoir  l'impôt  des  Shil- 
loucks  et  des  Dinka-s.  Le  steamer  Bordo'm,  arrivé  du  Bahr-el-Ohaital, 
avait  ajiporté  au  mabdi  une  demande  de  renforts  motivée  par  des  revei-s  . 
éprouvés  dans  la  région  du  haut  Nil. 

Un  correspondant  du  journal  le  Temps  fait  un  triste  tableau  de  l'état 
dans  lequel  se  trouve  la  région  située  entre  la  côte  de  In  mer  Rouge  et 
les  plateaux  d'Abyssinie,  depuis  le  commencement  de  la  guerre  entre 
les  Italiens  établis  à  Massaouah  et  le  négous.  Les  populations  musulma- 
nes, Sholios  et  Assaortins,  qui  l'habitent,  ne  coiinnissent  guère  d'autre 
moyen  de  vivre  que  de  piller  il  droite  et  à  gauche  tout  ce  qui  pa.sse;  il 
n'existe  aucune  sécurité  pour  les  voyageurs  et  les  caravanes  qui  vont  de 
la  côte  dans  l'intérieur  ou  qui  en  reviennent.  En  général  la  caravane  est 
arrêtée,  et  suivant  (ju'ou  suppose  qu'elle  est  riclie  ou  pauvre,  ou  lui  de- 
mande un  droit  de  passage  plus  ou  moins  élevé,  droit  qui  n'est  autre 
chose  qu'une  ran(;ou  ;  la  discussion  s'engage  entre  les  Assaortins  et  les 


—  67  — 
irs  demandant  beaucoup,  les  seconds  tAcbant  de 
péen  veut  brusquer  les  chose»,  il  risque  de  tout 
après  uuc  demi-journée,  même  une  journée  de 
tut  un  ou  deux  talaris  '  par  pereoniie,  souvent  tout 
jie  se  remet  eu  marche. 

imencent  à  reprendre  le  chemin  de  Ma&saouab. 
tembre  les  autorités  italiennes  ont  permis  et  même 
K  avec  l'intérieur,  afin  do  porter  un  peu  remède  à 
i-ègue  dans  le  Tigré.  Ce  pays  a  eu  longtemps  h 
ai-mée  du  négous  et,  en  Abyssinie,  Tarmée  est  une 
les  soldats  passent  dans  un  village,  ils  ne  laissent 
;rrici"e  eux  ;  de  phis  une  épizootie  a  fait  périr  tous 
richesse  des  habitants;  aussi,  ai^ourd'hui,  les  po- 
es  littéralement  de  faim  :  il  n'est  pas  rare  de  i-en- 
ue  leurs  parents  ont  abandonnés,  ne  pouvant  les 
'opéen,  qui  habite  Adoua  depuis  de  longues  années, 
s  nouvelles  exactes  de  la  situation  de  l'Abyssinie. 
ila  sont  toujours  à  guerroyer  dans  le  (iodjam  ;  dans 
que  les  deux  mille  soldats  de  Debeb,  et  à  Keren  se 
>1  allié  des  Italiens. 

i  a  adressé  à  M.  Antoine  d'Abaddie,  de  l'Institut, 
lée  d'une  carte  donnant  inie  idée  approximative 
siter  au  sud  du  Choa,  jusqu'au  G",20'  lat.  nord,  un 
?nt  de  la  petite  rivière  Bouka  avec  TOmo,  et 
iploratcurs  italiens  Cecchi  et  Chiarini.  N'ayant  pu 
ns  l'intérieur,  il  s'est  procuré  quantité  «le  rensei- 
■cs  districts  qu'il  n'a  pas  explorés  lui-même.  Il  a  fait 
es,  de  presque  tous  les  royaumes  du  sud  oii  il  n'a 
1  qui  avaient  voyagé,  et  c'est  sur  leurs  récits,  con- 
lues  exceptions  près,  qu'il  a  tracé  la  carte  susmen- 
on  croyait,  —  et  M.  Elisée  Reclus  était  encore  de 
I  se  dirigeait  vers  l'est  et  qu'il  fonnait  la  Juha,  tan- 
i  l'ouest,  puis  au  sud,  et  par  2°  environ,  forme  le 
.  Au  delà  de  ce  lac,  les  renseignements  deviennent 
xs  nombreux  disent  qu'une  rivièie  en  sort  allant 

■on  4  francs, 

les  Comptes  rendus  de  U  Société  de  géographie  de  Paris, 

ulletin  de  la  Socic-té  italienae  de  géographie,  1S39,  p.  84. 


.    -  68  - 

vers  le  S.-O.  ;  quelques-uns  prétendent  que  le  lac  n*^  point  d'écoulement 
visible,  que  le  soleil  et  la  ten*e  absorbent  l'eau  ;  d'autres  enfin  hésitent, 
mais  ils  n'ont  pas  fait  le  tour  du  lac.  A  ce  sujet,  M.  d'Abbadie  a  adressé 
à  la  Société  de  géographie  de  Paris  une  note  dans  laquelle  il  rappelle 
que  M.  Th.  Gilbert,  professeur  de  mécanique  rationnelle  à  l'Université  de 
Louvain,  supposait,  il  y  a  une  dizaine  d'années,  que  l'Orao  coulait  au 
sud  et  formait  un  des  tributaires  du  Victoria-Nyanza.  Il  est  vrai  que 
Stanley  qui  a  fait  le  tour  de  ce  dernier  lac  n'avait  signalé  aucun  grand 
affluent  à  l'est  de  son  émissaire,  le  Nil.  Toutefois  le  silence  de  Stanley 
ne  prouve  pas  que  l'hypothèse  de  M.  Gilbert  ne  soit  pas  fondée  *.  On  peut 
admettre  que  la  rivière  avant  de  se  verser  dans  le  lac  se  divise  en  plu- 
sieurs bras  dont  les  embouchures  ont  pu  être  masquées  par  des  rideaux 
de  végétation.  La  vitesse  des  courants  peut  être  nulle  dans  le  lac,  et, 
dans  sa  rapide  exploration,  Stanley  n'a  pas  eu  le  temps  d'ajouter  des 
renseignements  sur  les  contrées  voisines. 

Le  sultan  de  Wîtou  qui  avait  accepté  le  protectorat  allemand,  à  la 
suite  de  la  convention  que  les  frères  Denhart  avaient  conclue  avec  lui, 
est  mort  de  l'éléphantiasis  qui  le  condamnait  depuis  un  ceitain  temps  à 
gai*der  la  chambre.  Quoique  son  territoire  fût  petit,  son  influence  per- 
sonnelle s'étendait  fort  loin,  jusque  dans  la  région  des  grands  lacs  et 
dans  les  pays  gallas.  Son  neveu,  Fumo  Bakari,  qui  depuis  plusieurs  an- 
nées participait  aux  aifaires,  lui  a  succédé.  Depuis  que  les  Allemands  ont 
établi  leur  protectorat  sur  ce  pays,  ils  ont  aussi  piis  en  mains  le  commerce 
du  caoutchouc,  dont  la  préparation  est  une  des  branches  les  plus  im- 
portantes de  l'industrie  de  cette  région.  Le^  autres  objets  d'exportation 
sont  l'ivoire,  les  plumes  d'autruche,  les  peaux  et  la  corne.  Les  moutons  et 
les  chèvres  abondent,  les  ânes  servent  de  bêtes  de  somme  et  les  cha- 
meaux sont  employés  à  faire  mouvoir  les  moulins  à  huile  ;  tout  récem- 
ment on  a  importé  des  chevaux.  Les  bêtes  fauves  sont  nombreuses, 
ainsi  que  les  buffles,  les  rhinocéros,  les  hippopotames,  les  antilopes,  les 
sangliers  etc.  Les  steamers  de  la  ligne  British  India  font  escale  toutes 
les  quatre  semaines  à  l'île  de  Lamou. 

Le  D^  Meyer  a  communiqué  à  la  Société  de  géographie  de  Berlin  une 
lettre  de  M.  O.  Ehlers  qui,  après  lui,  a  tenté  de  faire  l'ascension  du 
Kilimandjaro.  Primitivement  ces  explorateurs  devaient  faire  cette, 
ascension  ensemble.  Mais  la  Société  de  l'Afrique  orientale  chargea 

'  Les  informations  rapportées  par  le  comte  Teleki,  de  sod  expédition  au  lac 
Basso  Narok  (voy.  p.  36),  ne  permettent  guère  d^admettre  Thypothèse  de  M.  Gilbert. 


k  la  station  de  Moshi,  au  pied  méri( 
amplacer  le  directeur  qui  était  tombé 
de  Mombas  à  Mosbi,  il  trouva  un  m 
qui  y  est  établi  déjà  depuis  uq  certai 
anisa  son  expédition.  Jusqu'ici,  lésa 
'eleki  et  du  D''  Meyer  s'étaient  faites  d 
Abbott  résolurent  de  faire  la  leur  du 
rviendraient  plus  facilement  au  soinn 
irnière  partie  de  l'ascension,  n  Le  18  i 
les  notre  dernier  campement  sur  le  haut 
)uensi  '.  Le  ciel  était  sans  nuages,  les  d 
ige,  mais  parfaitement  visibles.  Après  l 
it  nord,  nous  tournâmes  au  sud  vert 
■d  pendant  quelque  temps  des  blocs  d 
sept  heures,  k  uue  altitude  de  5200 
inoncer  à  aller  plu;i  loin.  La  neige  an 
clie  très  difficile.  Vers  dix  heures  j'at 
xinnaissez  bien,  et  qui  entoure  le  somn 
cension,  car,  en  beaucoup  d'endroits,  e 
n  cei'laiu  temps  le  long  du  pied  de  c 
)uver  du  côté  occidental  un  passage  pi 
nte  devenant  trop  abnipte,  je  dus  « 
lescendu  un  moment,  je  recommençai 
avec  beaucoup  de  peine  le  côté  N.-O. 
îd'un  cratère.  Je  n'avais  ni  oppressic 
joignis  M.  Abbott,  le  visage  et  les  mai 
oleil,  les  lèvres  fendues,  et  rendu  presû 
I  je  serai  tout  à  fait  l'établi,  je  me  diiig 
s  une  communication  insérée  dans  la 
.  Ehlere  a  trouvé  à  plus  de  5000  mètre! 
phant  ainsi  que  celles  de  buffle^  et  d'à 
lope  inconnue  jusqu'ici  et  beaucoup  d 
nnes.  Il  a  fait  une  collection  assez  com 
es  des  diverses  régions  de  la  montagne 
ous  a  apporté  aucune  explication  sur  le 
urch  Missioiiary  lulellu/encer  and  Re 
nos  renseignements  sur  les  projets  de 

!iliiiiaii4jaro. 


^■^ 


—  70  — 

tish  East  Afriean  Company,  eu  vue  de  l'exploitation  des  territoi- 
res situés  dans  la  zone  d'influence  anglaise  entre  la  Wanga  et  la  Tana. 
D'après  une  lettre  de  M.  Price,  missionnaire  à  Rabaï,  M.  Mackenzie  et 
ses  agents  ont  déjà  levé  le  tracé  d'une  route  de  commerce  pour  voitures 
et  chameaux  de  Rabaï  à  travers  l'Ou-Kambani.  Elle  mettra  les  stations 
de  la  côte  en  communication  avec  celles  de  l'intérieur,  tout  d'abord 
avec  celle  de  Goulou-Goulou,  à  trente  kilom.  de  Rabaï.  La  Compagnie 
compte  la  prolonger  jusqu'au  lac  Baringo,  d'où  un  embranchement  con- 
duira au  Kavirondo,  et  un  autre  à  Wadelaï.  La  Compagnie  emploie  un 
grand  nombre  des  chrétiens  indigènes  de  Rabaï  comme  porteurs  ou 
autrement.  Elle  a  établi  à  Goulou-Goulou  une  grande  station  et  un 
dépôt  de  marchandises.  AuN.-O.  s'étend  le  plateau  de  Mbouugou,  à  une 
altitude  de  160'"  à  20O"  .A  quelque  distance  sont  trois  villages  Wa- 
Kamba  dont  les  habitants  ont  beaucoup  de  bestiaux  et  sont  très  con- 
tents d'avoir  au  milieu  d'eux  des  Européens  comme  protecteili-s  conti*e 
leurs  redoutables  ennemis  les  Masaï.  La  Compagnie  engage  instamment 
la  Société  des  missions  anglicanes  à  créer  des  stations  le  long  de  la 
route  qu'elle  commence  à  ouvrir.  La  Mission  des  Univei-sités  et  la  Mis- 
sion romaine  française  désiraient  aussi  s'installer  dans  ce  champ  de  tra- 
vail, mais  M.  Mackenzie  a  répondu  que  M.  Price  y  avait  déjà  commencé 
une  œuvre,  et  qu'il  était  préférable  que  toutes  les  stations  qui  seront 
créées  le  long  de  cette  route  appartinssent  à  une  seule  société. 

Les  Missions  catJioliques  publient  une  lettre  du  R.  P.  Guillemé,  de  la 
miission  de  Kibang^  sur  le  Tanganyika,  dans  le  voisinage  de  la 
tribu  des  Wa-Bembé,  peuplade  encore  anthropophage,  quoique  déjà 
un  peu  familiarisée  avec  les  blancs  auxquels  ils  font  de  fréquentes  visitea 
pour  troquer  leurs  produits  :  maïs,  millet,  manioc,  haricots  et  arachidea 
contre  du  sel,  des  chèvres,  des  perles  ou  des  pioches.  Ils  cultivent  un 
tabac  qui  est  très  apprécié,  non  seulement  des  indigènes,  mais  encore 
des  Européens  ;  il  est  déjà  devenu  un  article  de  commerce  très  recher- 
ché. C'est  une  des  rares  tribus  de  l'Afrique  équatoriale  qui  n'aient  pas: 
encore  laissé  les  musulmans  pénétrer  chez  elle.  Protégés  par  les  hautes 
montagnes  qu'ils  habitent  et  où  les  esclavagistes  n'osent  se  hasarder, 
ils  assistent  de  loin  aux  déprédations  commises  sur  les  indigènes  rive- 
rains du  lac,  et  ceux-ci  sans  cesse  pillés  par  les  chasseurs  d'hommes 
sont  allés  en  grand  nombre  chercher  la  sécurité  dans  ces  montagnes. 
D'ailleurs,  les  Wa-Bembé  eux-mêmes  ont  été  souvent  victimes  de  ces. 
pillards,  lorsque  venant  vendre  leurs  produits  aux  habitants  de  la  plaine 
ils  ont  été  surpris  par  les  esclavagistes  et  obligés  de  jeter  leur  fardeau^ 


—  71  — 

pour  échapper  par  la  fuite  à  la  dure  servitude  qui  les  atteudait  s'ils 
avaient  eu  le  malheur  de  toraber  entre  les  mains  de  leurs  ennemis.  Ils 
sont  bons  travailleurs.  Lorsqu'ils  recourent  à  l'intennédiaire  des  mis- 
sionnaires, c'est  toujours  pour  demander  la  paix.  «  Dites  au  chef  de  la 
presqu'île  d'Ubwari,  »  ont-ils  souvent  répété,  «  de  nous  laisser  tranquil- 
lement cultiver  nos  champs,  et  faire  notre  petit  trafic  de  vivres  ;  nous 
serons  heureux  :  l'abondance  viendra  dans  le  pays,  et  nous  vous  fourni- 
Tons  la  nourriture  nécessaire  h  vos  nombreux  enfants.  Maintenant,  sans 
cesse  tmcassé  par  nos  voisins,  nous  ne  pouvons  travailler  qu'en  tenant 
la  pioche  d'une  main  et  la  lance  de  l'autre.  » 

Le  Comité  des  Sociétés  unies  pour  la  protection  des-  indigènes 
contre  l'importation  des  spiritueux  a  chargé  une  députation  de 
présenter  à  lord  Salisbury  un  mémoire  demandant  que  le  gouverne- 
ment britannique  fît  des  démarches  auprès  du  gouvernement  allemand, 
pour  que  l'Allemagne  et  l'Angleterre  s'unissent  en  vue  de  garantir  les 
natifs  des  territoires  africains  placés  sous  leur  protectorat,  contre  les 
maux  causés  par  l'importatiofi  des  spiritueux  d' Europe.  Tout  en  recon- 
naissant les  efforts  que  sir  Ed.  Malet  avait  faits  en  ce  sens  à  la  Confé- 
rence de  Berlin,  le  duc  de  Westminster,  au  nom  de  la  députation,  tit 
observer  que  le  principe  de  la  prohibition  devait  être  préféré  à  l'adoption 
de  droits  de  patente  très  élevés.  A  cela  lord  Salisbury  répliqua  que 
quoique  le  gouvernement  anglais  sympathisât  entièrement  avec  le  but 
que  se  propose  le  Comité,  la  protection  des  indigènes,  et  qu'il  voulût  tout 
tenter  pour  restreindre  le  mal  causé  aux  natifs  par  les  spiritueux,  il  ne 
pouvait  pas  espérer  voir  se  produire  une  entente  générale  des  gouver- 
nements sur  le  principe  de  la  prohibition.  Les  État3-Unis  en  particulier 
ont  répondu  que  leur  Constitution  ne  leur  permettait  pas  dç  conclure 
avec  les  autres  puissances  un  arrangement  dans  ce  sens.  En  outre  la 
concurrence  du  commerce  des  diverses  nations  européennes  s'y  oppose. 
La  production  y  est  poussée  avec  vigueur  et  leur  procure  des  bénétices 
considérables;  aussi  les  intérêts  engagés  dans  la  question  ne  permet- 
traient-ils pas  d'espérer  obtenir  une  prohibition  générale.  U  y  a  lieu 
de  tenir  compte  des  opinions  des  autres  nations,  let  de  se  borner  à 
profiter  de  toutes  les  occasions  pour  insister  auprès  de  leurs  gouverne- 
ments respectifs  afin  qu'ils  consentent  à  imposer  des  droits  élevés  à 
l'importation. 

M.  Louis  Catat,  ancien  officier  de  marine  et  docteur  en  médecine,  et 
M.Georges  Foucart,  ingénieur  des  arts  et  manufactures,  chargés  d'une 
mission  d'exploration  à  MadA^ascar  sont  partis  de  Marseille  avec 


—  72  -- 

M.  C.  Maistre  que  leur  a  adjoint  le  Ministère  de  Pinstruction  publique. 
Ils  doivent  pendant  deux  ans  parcourir  le  nord,  l'ouest  et  le  sud  de 
nie.  Dans  la  partie  méridionale,  au-dessous  du  22"  lat.  sud,  ils  auront  h 
étudier,  au  point  de  vue  géographique,  une  contrée  qui  est  encore  pres- 
que inconnue,  à  en  déterminer  le  système  orographique,  le  cours  des 
principaux  fleuves,  et  à  recueillir  des  collections  scientifiques.  Cette 
partie  du  voyage  ne  sera  pas  la  plus  facile,  car  jusqu'à  présent  les  peu- 
plades qui  habitent  le  sud  se  sont  opposée-s  à  l'entrée  des  étrangers.  Du 
côté  de  l'ouest,  la  grande  étendue  de  pays  comprise  entre  le  massif  cen- 
tral et  la  côte  au-dessous  du  cap  Saint-André,  offrira  aux  voyageurs  un 
vaste  champ  d'études.  Enfin  dans  le  nord  les  explorateurs  s'attacheroùt 
à  déterminer  la  ligne  de  faîte  et  la  topographie  générale  du  pays  depuis 
l'Antsianaka  jusqu'au  cap  d'' Ambre. 

Le  Bine  Book  sur  les  affaires  du  Be-€haa>nalafid  placé  sous  le 
protectorat  britannii]ue  renferme  une  longue  communication  de  Khama, 
roi  des  Ba-Mangwato,  de  laquelle  nous  extrayons  ce  qui  suit  sur  las 
intentions  des  Ma-Tébélé.  Les  Ba-Toka,  d'au  delà  du  Zambèze,  ont 
engagé  les  Ma-Tébélé  à  passer  le  fleuve  et  à  leur  aider  dans  leui^s  eiitre- 
prises  contre  les  Ba-Rotsé;  ils  ont  préparé  des  canots  pour  leur  faciliter 
le  passage.  Lewanika,  roi  des  Ba-Rotsé,  en  est  informé  et,  dit  Khama, 
il  vient  de  m'écrire  :  «  Je  sais  que  vous  êtes  sous  la  protection  de  la 
reine  d'Angleterre,  mais  j'ignore  ce  que  cela  signifie.  On  dit  qu'il  y  a 
des  soldats  établis  chez  vous,  et  des  chefs  .envoyés  par  la  reine  pour 
prendre  soin  de  vous  et  vous  protéger  contre  les  Ma-Tébélé.  Dites-moi 
tout  en  ami.  Êtes-vous  heureux  et  pleinement  satisfait  V  Les  procédés  et 
les  lois  des  blancs  ne  vous  sont-ils  point  à  charge?  Dites-moi  tout,  car 
j'ai  un  grand  désir  d'être  placé  comme  vous  sous  le  protectorat  d'un 
grand  souverain  comme  la  reine  d'Angleterre.  » —  La  réponse  de  Khama 
n'est  pas  indiquée.  En  revanche  le  Blue  Book  publie  les  réclamations 
de  Khama  cont?*e  tels  et  tels  concessionnaires  d'exploitations  minières 
qui  menaceraient  de  compromettre  ses  États  par  l'importation  de  spiri- 
tueux. «  Je  crains  moins  Lo-Bengulaquel'eau-de-vie,  »  dit-il;  «j'ai  com- 
battu contre  lui  lorsqu'il  avait  \q^  guerriers  de  son  père  amenés  de 
Natal,  et  l'ai  repoiLssé.  Mais  lutter  contre  la  boisson,  c'est  combattre 
contre  les  démons  et  non  contre  des  hommes.  Je  crains  plus  les  liqueurs 
des  blancs  que  les  assagaies  des  Ma-Tébélé,  qui  tuent  les  corps  des 
hommes,  tandis  que  les  liqueurs  les  détruisent,  âmes  et  corps,  et  pour 
toujours.  Ne  me  demandez  pas  de  jamais  ouvrir  la  porte  aux  spiritueux.» 

Le  lieutenant  Baert  est  rentré  à  Bruxelles  venant  des  Stanley- 


—  74  — 

date  trop  récente  pour  pouvoir  supporter  à  ce  moment  le  risque  d'une 
absence  prolongée.  Voilà  à  quel  ordre  d'idées  le  vali  a  fini  par  obéir,  en 
s'abstenant  de  rejoindre  Stanley.  A  sa  place,  il  a  dépéché  auprès  de 
l'explorateur  une  forte  caravane  de  renforts,  composée  de  plusieurs 
centaines  d'hommes,  et  commandée  par  un  de  ses  propres  parents, 

r  Selim-ben-Mahomed,  riche  trafiquant  de  Zanzibar,  connaissant  à  fond 

les  contrées  de  l'Arououimi  et  ayant  tout  ce  qu'il  faut  pour  seconder 
puissamment  l'expédition  Émin.  Cette  caravane  doit  avoir  opéré  sa 
jonction  avec  l'expédition  à  l'heure  qu'il  est.  Bref,  le  roi  Léopold  et 
Stanley  auraient  en  Tipo-Tipo  non  pas  un  secret  ennemi,  mais  un  auxi- 
liaire des  plus  précieux,  destiné  à  devenir  un  important  intermédiaire 
entre  la  civilisation  blanche  et  la  barbarie  noire.  » 

Pendant  que  les  ingénieurs  belges  préparent  la  construction  du  che- 
min de  fer  destiné  à  relier  le  bas  Congo  au  Stanley-Pool,  les  Français 

f^  travaillent  à  faciliter  les  communications  entre  l'Atlantique  et  Brazza- 

ville parle  Qaillou-]¥iari.  M.  Jacob,  ingénieur,  qui,  déjà  en  novembre 
1887,  avait  envoyé  un  rapport  sur  le  tracé  général  d'un  chemin  de  fer  à 
partir  du  bas  Quillou,  est  rentré  récemment  en  France  après  avoir  fait 
une  étude  sérieuse  et  un  nivellement  de  la  région  des  rapides  du  Quillou 
en  vue  d'utiliser  ce  fleuve  comme  voie  navigable.  Pour  établir  sa  naviga- 
bilité, il  suffira  d'établir  un  barrage  en  amont  de  N'gotou.  Le  niveau 
des  eaux  sera  ainsi  élevé  d'une  manière  suffisante  jusqu'à  un  point  dis- 
tant de  Brazzaville  de  moins  de  cent  kilomètres.  Sur  cet  intervalle  il 
restera  à  organiser  les  transports  par  les  moyens  que  l'on  voudra  choi- 
sir et  qui  pourront  être  améliorés  suivant  les  nécessités  et  le  développe- 
ment du  trafic.  Un  an-êté  ministériel  a  été  publié  portant  ce  qui  suit  : 

Art.  1.  —  Sont  autorisées  la  mise  à  l'étude  et  l'exécution,  au  moyen 
des  ressources  locales,  de  travaux  ayant  pour  but  d'améliorer  la  naviga- 
tion du  Quillou-Niari  et  de  créer  éventuellement  une  voie  de  communi- 
cation entre  le  Quillou  et  Brazzaville. 

Art.  2.  —  Il  sera  statué  par  le  conseil  d'administration  du  Gabon  et 
.  du  Congo  français  sur  les  plans  et  devis  de  ces  travaux  et  leur  mode 
d'exécution,  ainsi  que  sur  les  voies  et  moyens  qui  pourraient  leur  être 
aflfectés. 

Art.  3.  —  En  cas  d'exécution  des  travaux  par  une  compagnie  conces- 
sionnaire, un  décret  fixera  les  tarifs  à  percevoir,  ainsi  que  le  montant 
de  la  garantie  d'intérêt  payable  sur  le  budget  local,  s'il  en  est  accordé 
ime. 
Art.  4.  —  Aucune  dépense  résultant  de  l'exécution  des  travaux  pi-é- 


—  75  — 

vus  aux  articles  qui  précèdent  ne  pourra  être  mise  à  la  charge  de  l'État 
autrement  que  par  une  loi. 

Nous  avons  eu  le  plaisir  de  voir,  à  leur  passage  à  Genève,  deux  jeunes 
missionnaires,  MM.  Allégret  et  Tesseirès,  que  le  Comité  de  la  Société 
des  missions  protestantes  de  Paris  envoie  au  Con§^o  français.  On  se 
rappelle  que  déjà  en  1840  la  France  et  l'Angleterre  s'unirent  pour  com- 
battre la  traite  dans  cette  région,  et  l'un  des  fruits  de  leur  activité  fut 
la  fondation,  au  Gabon,  de  Libreville,  qui  devait  servir  de  lieu  de 
retraite  aux  esclaves  fugitifs.  Savorgnan  de  Brazza  dans  ses  explora- 
tions de  rOgôoué  et  du  pays  compris  entre  ce  fleuve  et  le  Congo,  a 
réussi  à  gagner  la  confiance  et  l'affection  des  indigènes  qui  l'appellent 
le  père  des  esclaves.  Il  a  fondé  Brazzaville  ;  il  a  interdit  l'importation 
de  l'eau-de-vie  dans  les  contrées  oîi  s'exerce  son  influence.  Mais,  com- 
prenant qu'il  faut  une  puissance  spirituelle  pour  civiliser  et  relever  les 
nègres,  il  a  demandé  à  la  maison  des  Missions  de  Paris  d'envoyer  des 
missionnaires  au  Congo.  MM.  Allégret  et  Tesseirès  s'embarqueront 
prochainement  pour  le  Gabon,  où  se  trouvent  déjà  des  instituteurs  fran- 
çais, pour  se  familiariser  avec  le  peuple  et  la  langue  du  pays.  Après 
cela,  ils  se  rendront  dans  le  bassin  du  Congo  pour  faire  un  voyage  d'ex- 
ploration et  étudier  les  conditions  de  la  fondation  d'une  station  mission- 
naire. 

Après  avoir  en  vain  essayé  d'atteindre  la  région  du  Soudan  central 
par  le  Congo  et  l'Oubangi,  M.  Graham  IVilmot  Brook  est  venu  à 
Lagos,  d'oïl  il  a  visité  le  delta  du  Niger.  Entré  en  rapport  avec  les  mis- 
sionnaires de  la  Church  Missionary  Society,  il  a  acquis  la  conviction  que 
c'est  par  le  Niger  et  le  Bénoué  que  L'accès  au  Soudan  central  est  le 
plus  facile.  L'évêque  Crowther  partage  cette  idée.  Plusieurs  fois  il  s'est 
rendu  à  Bida,  capitale  de  l'émir  du  Nupé;  depuis  longtemps  il  se  pro- 
posait de  se  rendre  à  Sokoto,  mais  jusqu'ici  il  en  a  été  empêché.  M.  Wil- 
mot  Brook  a  demandé  à  la  Société  des  missions  anglicanes  de  lui  per- 
mettre de  s'associer  à  son  œuvre  du  Niger  comme  missionnaire  pionnier 
indépendant,  et  sa  proposition  a  été  agréée.  Il  désire  s'établir  tout 
d'abord  à  la  station  la  plus  avancée,  Kipo-Hill,  pour  étudier  la  langue 
haoussa,  et  entrer  en  relations  amicales  avec  l'émir  de  Nupé  et  d'autres 
chefs  mahométans.  Après  cela  il  se  dirigera  vers  le  Soudan,  où  il  tra- 
vaillera de  concert  avec  la  mission  du  Niger;  mais  tandis  que  les  mis- 
sionnaires natifs  se  consacrent  aux  populations  païennes,  lui  se  vouera 
à  révangélisation  des  mahométans. 

Il  résulte  du  rapport  officiel  de  M.  Alvan  Milsom,  commissaire  du 


—  76  — 
mt  britannique  à  Lagos,  que  la  population  de  Badagry  aug- 
leineQtpar  suite  de  rimmigratioD  continue  de  réfugiés  popos, 
baoussas.  Les  missionnaires  romains  établis  daos  cette  ville 
)nt  réussi  à  faire  cultiver  aux  indigènes  de  vastes  étendues 
lUi  produisent  de  magnifiques  récoltes,  L'offieler  anglais  qui 
tonou  a  également  fait  mettre  en  culture  plus  de  six  kilomè- 

Le  principal  obstacle  k  la  civilisation  est  Timportation  des 
illemands  de  qualité  détestable.  Un  quart  des  habitations  de 
.t  été  transformées  en  cabarets  qui  sont  des  centres  de  démo- 
tdes  repaii'es  de  criminels.  Porto-Novo  est  l'entrepôt  d'oU 
sont  dirigés  sur  les  autres  points  du  littoral.  Le  mal  a  pris 
ions  telles  que  les  habitants  ont  eux-mêmes  pétitionné  auprès 
eur  pour  que  la  vente  des  liqueurs  fût  prohibée.  M.  Milsom 

cette  mesure  serait  des  plus  avantageuses  poiu*  toute  la 

îignements  intéressants  sont  arrivés  en  France  sur  le  voyage 
)n  de  M.  le  capitaine  Blager  dans  le  Soudan  occidental, 
ong  eu  mars  1888,  il  se  proposait  de  prendre  la  route  de 
é  en  1882  par  le  capitaine  anglais  Lonsdale,  et  en  mal  de 
rnière  par  M.  von  François),  jusqu'à  Robodioulassou,  pour 
i  par  le  Ylinga.  Il  espérait  y  arriver  à  la  tin  d'avril  et  reve- 
par  le  Gottago.  M.  d'Albéca,  administrateur  colonial  fran- 
,nd-Popo  et  Agoué,  apprit  que  M.  von  François  avait  entendu 
s  noirs,  à  Salaga  et  à  Gambaga,  qu'un  blanc  était  arrivé  h 
quelques  porteurs.  Il  i-ésolut  de  se  mettre  en  communication 
iger  et  pour  cela  expédia  à  Salaga,  avec  une  lettre,  le  nommé 
des  nombreux  musulmans  qui  viennent  dans  les  comptoirs 
Agoué  et  de  Grknd-Popo  acheter  du  sel,  de  la  poudre  et  des 
i  d'Agoué  le  2(i  septembre,  le  messager  suivit  la  route  ordi- 
iravanes  à  travers  les  pays  de  Togo,  d'Ewé,  d'Adélé;  jusqu'au 
:n.  Le  22  décembre  il  rentrait  à  Agoué  porteur  d'une  répon- 
nger  d'oii  nous  extrayons  ce  qui  suit  :  »  Je  suis  de  retour  du 
i  fort  peu  de  temps,  et  quitte  Salaga  demain  12  novembre, 
retour  sur  nos  établissements  de  la  côte  des  Graines  et 
ssinie  et  Graud-Bassam),  où  je  compte  arriver  fin  mars  ou 
Lvril  1889,  en  repassant  par  Kong.  Comme  bien  vous  pensez, 
hauts  et  des  bas  dans  mes  tribulations  à  travers  ces  pays 
lu'à  ce  jour.  Je  suis  cependant  en  aussi  bonne  santé  que  l'on 
iver  après  deux  ans  de  privations  de  tout  genre,  et,  si  Dieu 


«intinue  à  me  conserver  des  forces,  je  ne  tarderai  pas  il  rega 
chère  France.  Je  voudrais  pouvoir  vous  donner  quelques  dét 
que  j'ai  fait  et  sur  ce  qui  me  reste  à  faire,  mais  je  ue  coosidèr 
voie  comme  suffisamment  sûre  pour  entrer  dans  des  explici 
amples.  Si  l'occasion  se  présente,  je  ferai  parvenir  de  mes  i 
Assioie  ou  Grand-Bassam  dès  mon  aiTivée  à  Bitougou  (Bouni 
la  carte  de  Laonoy),  appelé  aussi  Gottogo  par  les  Maudi.  C( 
paraît  jusqu'à  présent  être  assez  exactement  placé  sur  la  cart 
U  est  séparé  du  Kong  par  la  rivière  Coumouy  (Comoé),  à  un 
de  vingt  jours  de  marche  (environ  350  à  400  kilomètres),  di 
nord-ouest.  Les  communications  de  la  région  que  j'ai  visitée 
bouctou  sont  très  rares...  » 


NOUVEI^ES  GOHPL'ËMENTAIRES 

MH.  Fol  et  Barrois  ont  été  chargés  d'explorer,  au  point  de  vue  zc 
littoral  de  la  Tunisie. 

M.  Léon  Moncelon,  ex-dëléguë  de  la  Nouvel  le- Ce  tëdoaie  au  Conse 
àea  Colonies,  va  partir  pour  la  Tunisie,  qu'il  se  propose  d'étudier  au  ; 
colonial.  Il  l'explorera  dans  ses  principales  parties,  jusqu'aux  fron 
Tripolitaine. 

On  mande  du  Caire  au  Daily  Chrimide  que  le  mahdi  avait  adressé  i 
d'Autriche  un  message  l'invitant  à  envoyer  un  prêtre  qui  donnerait  lei 
U  religion  k  Slatin-bey  et  aux  autres  prisonniers  autrichiens  rete 
camp  des  derviches.  Le  consul  d'Autriche  vient  de  répondre  par 
déclarant  que  l'empereur  est  très  touché  de  l'invitation  da  mahdi  et 
humaine  dont  sont  traités  les  prisonniers  autrichiens,  et  annonçant  qu' 
4e  l'église  catholique  sera  dirigé  sur  Omdurman,  s'il  est  muni  d'un  a 
Celte  lettre  a  été  envoyée  i.  Khartoum  par  la  voie  de  Souakim. 

Une  dépêche  de  Zanzibar  annonce  que  la  British  East  African  ( 
permettra  l'accès  des  paya  compris  dans  la  zone  d'influence  angli 
Européen,  s'il  n'est  muni  d'un  passeport  délivré  par  le  consul  gi 
Cntnde-Bretagne. 

Le  Reichstag  de  l'empire  allemand  sera  saisi  d'un  projet  de  loi 
ligne  de  vapeurs  subventionnée  de  Hambourg  &  Zanzibar. 

.4prés  avoir  recrute  son  état-major  d'officiers  et  de  fonctionnaii 
d'une  soixantaine  de  personnes,  M.  Wissmann,  commissaire  du  g( 
impérial,  a  quitté  Berlin.  Il  s'embarquera  à  Brindisi,  et  trouvera  ei 
millier  de  Soudanais  qu'il  a  fait  recruter. 

D'après  un  télégramme  de  Zanzibar,  des  messagers  de  Tipo-Tipo, 
lettres  pour  Stanley,  ont  été  attaqués  et  maltraités  par  les  Arabes 
rebrousser  chemin  et  prendre  une  autre  route  pour  se  rendre  à  leur 


—  78  — 

La  Compagnie  des  Messageries  maritimes  a  fait  construire  un  nouveau  steamer, 
le  Mpar^acka,  pour  faire  le  service  côtier  de  Madagascar,  comme  annexe  des 
lignes  postales  qui  relient  cette  tle  à  la  France. 

Ensuite  d'une  convention  signée  avec  le  gouvernement  hova,  M.  Iribe  a  installé 
à  Tananarive  une  fabrique  de  céramique  et  une  filature  de  soie. 

Le  TransvacU  Observer  annonce  qu'un  accord  est  enfin  intervenu  entre  la  Com- 
pagnie du  chemin  de  fer  de  la  baie  de  Delagoa,  les  concessionnaires  hollandais  et 
le  gouvernement  du  Transvaal.  Les  travaux  de  la  ligne  de  la  frontière  portugaise 
à  Pretoria  commenceront  prochainement.  La  voie  passera  par  Barberton. 

A  une  soixantaine  de  kilomètres  de  Johannesburg,  sur  la  route  de  Pretoria  à 
Heidelberg,  a  été  découvert  un  riche  gisement  de  plomb  argentifère,  dans  le  voi- 
sinage duquel  des  mines  de  houille  sont  déjà  exploitées.  La  ligne  de  la  baie  de 
Delagoa  à  Pretoria  assurera  à  ce  gisement  une  exploitation  très  rémunératrice. 

Le  Volksraad  de  l'État  libre  du  fleuve  Orange  a  décidé  la  construction  d'une 
ligne  de  chemin  de  fer  de  l'Orange  au  Vaal,  passant  par  Blœmfontein. 

Lo-Bengula,  roi  des  Ma-Tébélé,  a  chargé  deux  de  ses  indunas  d'une  mission 
auprès  de  la  reine  d'Angleterre.  Ils  sont  accompagnés  par  M.  E.-A.  Maund,  lieu- 
tenant attaché  à  l'état-major  de  sir  Ch.  Warren  lors  de  l'expédition  de  ce  dernier 
au  pays  des  Ma-Tébélé  en  1885. 

La  Compagnie  italienne,  la  Veloce,  s'est  mise  d'accord  avec  les  compagnies 
anglaises  de  navigation,  l'African  Steam-Ship  Company  et  la  Castle  Line,  pour  les 
services  entre  l'Italie  et  l'Afrique  occidentale  et  méridionale.  La  Veloce,  qui  a 
cinq  départs  par  mois  de  Gènes  pour  la  Plata,  touchera  à  chaque  voyage  à  Las 
Palmas  (Canaries),  où  se  feront  les  transbordements  pour  les  escales  de  la  côte 
d'Afrique  de  Monrovia  jusqu'à  Natal. 

Les  sondages  pour  la  pose  du  c&ble  télégraphique  sous-marin  entre  Loanda  et 
Cape-Town  sont  terminés.  La  fabrication  du  câble  en  Angleterre  avance,  et  tout 
permet  d'espérer  que  les  navires  chargés  de  l'immerger  partiront  prochainement 
pour  la  côte  occidentale  d'Afrique.  Il  est  donc  probable  qu'avant  la  fin  de  mars 
l'Afrique  sera  complètement  entourée  d'un  câble  sous-marin. 

Le  consul  belge  de  Gorée  a  communiqué  à  son  gouvernement  que  l'industrie  du 
caoutchouc  a  remplacé  la  culture  des  arachides  qui,  vu  leur  qualité  inférieure, 
ne  pouvaient  pas  soutenir  la  concurrence  avec  celles  de  l'Inde.  Les  premiers 
essais  de  récolter  le  caoutchouc  dans  le  bassin  de  la  Cazamance  datent  de  1883; 
dès  lors  l'exportation  de  ce  produit  n'a  cessé  de  progresser.  La  même  qualité 
fournie  par  la  Guinée  portugaise  ne  se  paie  que  fr.  2,75  à  fr.  3  le  kilogramme, 
tandis  que  le  caoutchouc  de  la  Gambie  se  paie  de  fr.  6  à  fr.  6,50  le  kilogramme. 

Jusqu'ici  la  circulation  des  céréales  était  interdite  au  Maroc.  Un  décret  impé- 
rial vient  d'accorder,  pour  une  durée  de  cinq  mois,  le  libre  cabotage  du  blé  et  de 
l'orge  d'un  port  à  l'autre  de  l'empire  marocain. 

Le  sultan  du  Maroc  a  envoyé  à  Berlin  une  ambassade  pour  féliciter  le  nouvel 
empereur  et  négocier  un  traité  de  commerce  entre  l'Allemagne  et  le  Maroc. 


•rt.-^-vi.  V 


—  79  — 

CHRONIQUE  DE  L'ESCLAVAGE 

Sous  le  titre:  Les  marchés  d'esclaves,  un  correspondant  du  Temps 
envoie  à  ce  journal,  de  H€>déida9  sur  la  mer  Rouge,  des  renseignements 
qui  montrent  que  malgré  la  présence  des  vaisseaux  anglais,  italiens  et 
français  dans  les  eiiux  de  Souakim,  Massaouah  et  Obock,  ce  que  VAnti- 
slavery  Reporter  a  dit  précédemment  de  la  recrudescence  de  la  traite 
dans  ces  parages  est  parfaitement  vrai.  Ne  pouvant  citer  l'article  entier, 
nous  en  extrayons  ce  qui  suit  :  Malgré  les  croisières  de  l'Océan  Indien 
et  de  la  mèr  Rouge,  la  marchandise  noire  continue  à  affluer  sur  la  côte 
d'Arabie  ;  le  gouvernement  turc  ferme  les  yeux  et,  grâce  à  cette  com- 
plicité tacite,  on  vend  toujours  des  esclaves  un  peu  partout,  principale- 
ment à  Djedda  et  à  Hodéida.  Les  capitaines  de  négriei'S  s'entendent 
merveilleusement  à  cacher  leur  marchandise  ;  aussitôt  qu'un  navire  de 
guerre  s'approche,  les  esclaves  sont  jetés  à  fond  de  cale  ;  on  entasse  sur 
eux  des  barils,  des  ballots,  des  objets  de  toutes  sortes,  tant  pis  si  l'es- 
clave étouffe  ;  il  s'agit  avant  tout  de  faire  passer  le  négrier  pour  un 
honnête  bâtiment  de  commerce.  Dans  la  mer  Rouge,  les  patrons  de  né- 
griers emploient  un  autre  moyen.  Ce  sont  en  général  des  enfants  qu'ils 
transportent  ;  lorsqu'ils  sont  poursuivis,  comme  ils  ne  peuvent  cacher 
leur  marchandise  h  bord,  ils  la  débarquent  dans  quelque  îlot,  et  jettent 
les  enfants  dans  des  grottes,  cavernes  etc.,  dont  ils  masquent  l'entrée  de 
leur  mieux.  Dans  ces  conditions,  on  comprend  la  difficulté  de  saisir  les 
négriers  en  flagrant  délit...  Les  négriers  débarquent  ensuite  leur  mar- 
chandise sui"  un  point  désert  de  la  côte^  puis  on  l'amène  à  Hodéida  par 
terre  :  tout  le  monde  connaît  l'arrivage,  le  gouverneur  en  est  informé  le 
premier,  mais  les  apparences  sont  sauvées  et  le  marchand  est  certain  de 
n'être  pas  inquiété.  Les  esclaves  sont  alors  placés  chez  des  courtiers, 
dont  il  y  a  une  vingtaine  à  Hodéida,  et  vendus  par  leurs  soins,  soit  dans 
la  ville  même,  soit  dans  l'intérieur  du  pays.  Les  prix  varient  selon  la 
qualité  de  l'esclave  ;  ils  ont  beaucoup  haussé  depuis  quelques  années, 
les  marchands  étant  obligés  de  donner  de  plus  gros  backchich  aux  auto- 
rités turques.  Néanmoins  on  peut  se  procurer  un  esclave  pour  60  ou  80 
talaris.  Le  prix  est  aussi  plus  ou  moins  élevé  suivant  la  provenance  et 
le  sexe.  Les  nègres  venant  de  Zanzibar  ou  du  Soudan  sont  en  général 
employés  comme  domestiques.  Les  femmes  gallas  et  les  Abyssines  sont 
fort  recherchées  ;  elles  sont  en  général  très  jolies  ;  elles  ont  le  teint  assez 
clair  et  le  type  européen  :  ce  sont  elles  qui  remplissent  les  harems  d'Ara- 


—  80  — 

bie  ;  une  jolie  galla  d'une  douzaine  d'années  se  vend  couramment  120, 
150  et  même  200  talaris.  Si,  dansiine  ville  comme  Hodéida,  oii  il  y  a  deux 
consuls  européens,  le  commerce  des  esclaves  se  fait  clandestinement,  en 
revanche  il  se  fait  presque  ouvertement  dans  les  endroits  éloignés.  A 
Lohéya,  au  nord  de  Hodéida,  dii  crie  encore  quelquefois  le  prix  d'un 
esclave  aux  enchères  ;  le  sous-gouverneur  reçoit  deux  talaris  par  tète  d'es- 
clave vendu  ;  de  plus  il  en  choisit  un  ou  deux  à  chaque  nouvel  arrivage.  Le 
cadi  fait  le  trafic  des  Gallas  et  des  Soudaniens  comme  une  chose  fort 
naturelle. 

Au  mois  de  septembre  dernier,  nous  apprend  le  Mwsionary  Herald 
de  Boston,  une  canonnière  anglaise  captura  trois  barques  chargées  d'es- 
claves dans  le  voisinage  d'Aden.  Dans  le  combat,  les  capitaines  des 
liégriei-s  furent  tués.  Les  barques  contenaient  117  garçons  et  filles  de 
10  à  20  ans,  et  essentiellement  Abyssiniens.  Ils  avaient  été  pris  à  l'extré- 
mité méridionale  de  l'Abyssinie  par  des  Gallas  musulmans  qui  les  ame- 
naient en  Arabie  pour  les  vendre.  Les  officiers  anglais  les  placèrent  sous 
la  protection  de  la  mission  de  TÉglise  libre  d'Ecosse  qui  leur  fait  donner 
une  bonne  instruction. 

D'après  une  dépèche  de  Zanzibar  à  la  Société  allemande  de  l'Afrique 
orientale,  les  missionnaires  bénédictins  de  la  mission  bavaroise  faits  pri- 
sonniers par  Bouchiri  ont  pu  être  rachetés,  moyennant  une  rançon  de 
7000  roupies  et  la  libération  de  trois  trafiquants  d'esclaves  saisis  par  les 
Allemands. 

Les  Missions  d'Afrique  s'expriment  comme  suit  sur  les  tribus  diver- 
ses auxquelles  appartient  la  population  des  environs  de  Mpala  sur  la 
côte  S.-O.  du  Tanganyika.  Les  Wa-Marungu,  manquant  de  cou- 
rage, sont  regardés  par  les  autres  tribus  comme  une  race  vile  née  pour 
la  servitude.  Aussi  sont-ils  le  point  de  mire  de  la  plupart  des  expéditions 
qui  ont  pour  but  la  chasse  à  l'esclave,  et  il  est  extrêmement  rare  que 
ces  expéditions  ne  rapportent  à  ceux  qui  les  entreprennent,  si  peu  nom- 
breux qu'ils  soient  d'ailleurs,  de  gros  bénéfices.  Les  Wa-Bembé  four- 
nissent aux  traitants  les  esclaves  les  plus  estimés  après  les  Wa-Mamngu. 
Les  Wa-Sumbwa,  toujoui*s  en  quête  de  nouvelles  aventures,  se  font  à 
l'occasion  esclavagistes  et  brigands.  Avec  des  habitudes  moins  nomades, 
les  Wa-Rua  ne  le  cèdent  guère  en  barbarie  aux  précédents.  Ce  sont  eux 
qui  organisent  ces  expéditions  qui  vont  périodiquement  rançonner  les 
Wa-Marungu  et  les  Wa-Bembé.  On  veut  des  esclaves  à  tout  prix  et  qui- 
conque apporte  des  entraves  à  la  chasse  à  l'homme  est  tenu  pour  un 
ennemi. 


--  81  — 

Le  Rev.  Robert  Clelaud  écrit  de  Chirazula  au  Missionary  Record  de 
l'Église  établie  d'Ecosse,  qu'il  a  rentoutré  sur  la  route  du  lac  Chiroua 
à  sa  station,  près  d'un  groupe  d'indigènes,  une  femme  succombant  sous 
le  poids  d'un  joug  d'esclave.  Pendant  qu'il  parlait  aux  natifs,  le  mot 
«  Ngondo  »  se  fait  entendre  à  plusieure  reprisés,  et  bientôt  les  hommes  se 
lèvent  en  sursaut.  Des  jeunes  garçons  ont  été  capturés  au  bord  du  Chiroua 
pendant  qu'ils  péchaient  avec  leurs  pères.  On  entend  ceux-ci  dire:  «  On 
les  conduira  chez  les  Ma-Tapouiri,  grand  centre  arabe,  d'où  ils  seront 
menés  à  la  côte,  vendus  et  embarqués.  »  Il  y  avait  là  une  centaine  de 
personnes,  mais  point  d'enfants.  Les  mères  eifrayées  les  gardaient  à  la 
maison.  Un  des  assistants  était  un  esclave  dont  l'avenir  est  très  incer- 
tain ;  personne  ne  songeait  à  le  décharger  du  joug  qui  pesait  sur  son 
cou.  Combien  de  milliei^s  sont  conduits  à  la  côte!  J'étais  sur  une  grande 
route  d'esclaves  et  je  vis  une  caravane  portant  soi-disant  de  l'ivoire.  Oui, 
me  dit  un  de  mes  jeunes  gens,  mais  de  l'ivoire  noir.  Le  pauvre  esclave 
susmentionné  me  demandait  de  l'acheter  :  «  Je  peux  être  bientôt  vendit 
pour  être  mené  à  la  côte  ;  achetez-moi  et  je  ferai  votre  ouvrage.  »  Un 
autre  jour  une  pauvre  femme  se  précipite  dans  ma  station  en  criant  : 
«  Ils  me  prennent  pour  m'emraener  vendre  à  la  côte,  oh  !  sauvez-moi,  ils 
m'ont  volée  chez  moi,  au  delà  de  la  rivière  !  »  Je  ne  sais  où  elle  est 
maintenant,  peut-être  chemine-t-elle  à  l'heure  qu'il  est,  vers  la  côte,  le 
cœur  brisé  ;  et  combien  de  ses  semblables  sont  dans  le  même  cas  ! 

A  l'occasion  du  retour  de  Lewanika,  roi  des  Ba-Rot»é,  de  son  expédi- 
tion contre  les  Ma-Choukouloumbé,  M.  Coillard  a  écrit  à  la  Société  des 
missions  évangéliques  de  Paris  :  Ce  qui  navre  le  cœur,  ce  sont  les  jeunes 
femmes  et  les  enfants  qui  font  partie  du  butin.  On  m'en  cache  le 
nombre,  on  m'assure  même  que  le  roi  avait  donné  des  ordres  pour  qu'on 
ne  s'attaquât  qu'à  la  gent  bovine.  Mais  la  vérité  perce  quand  même. 
Des  hommes,  on  n'en  a  pjis  amené  un  seul.  En  me  promenant  dans  le 
village,  je  remarquai  çà  et  là  des  faisceaux  de  javelines,  dont  la  plupail 
recourbées,  signe  indubitable  qu'elles  ont  répandu  le  sang  humain.  Il 
fallait  donc  les  purifier.  Gambala  et  d'autres  de  ma  connaissance  me 
montraient  avec  ostentation  leurs  haches  d'armes.  «  Elles  sont  pures,»  me 
disaient-ils,  «  nous  nous  sommes  souvenus  de  tes  injonctions.  »  Mon  ami 
Mahaha  m'envoie  même  par  Seshéké  un  message  analogue.  Quelle  que 
soit  la  valeur  de  ces  assertions,  c'est  déjà  quelque  chose  d'entendre  un 
Zambézien  se  vanter  de  s'être  privé  du  plaisir  d'éventrer  un  pauvre 
Ma-Cboukouloumbé.  Le  roi  n'en  est  pas  là,  lui,  car  en  me  voyant  entrer 
chez  lui,  il  me  disait  en  essayant  de  ricaner  :  «  Ne  va  pas  me  gronder  si 


—  82  — 

Ton  te  dit  que  j'ai  tué  un  homme  de  ma  propre  main.  »  Hélas  !  il  paraît 
qu'il  en  a  tué  plus  d'un.  Là  oîi  les  Ma-Choukouloumbé  faisaient  mine  de 
résister,  c'est  lui  qui  dirigeait  l'attaque  ;  puis,  accompagné  de  quelques 
cavaliers,  il  s'élançait  à  la  poursuite  des  malheureux  épouvantés  par  les 
armes  à  feu  et  par  la  vue  de  ce  monstre  sans  nom  :  un  quadrupède  sur- 
monté d'une  forme  humaine.  Dans  cette  razzia,  Lewanika  a  aussi  fait 
preuve  de  magnanimité.  Il  a  rendu  non  seulement  la  liberté  à  plusieurs 
femmes  captives  d'un  certain  âge,  mais  aussi  le  bétail,  les  femmes  et  les 
enfants  à  ceux  qui  eurent  le  courage  de  faire  acte  de  soumission.  Il  n'osa 
pas  attaquer  une  cli^esse  du  nom  de  Nachintu,  que  les  Ma-Kololo 
avaient  jadis  faite  prisonnière  et  libérée  ensuite.  Us  n'avaient  gardé 
que  son  fils,  son  unique  qui  est  devenu  un  des  principaux  manœuvres 
de  Lewanika  et  le  nôtre  à  l'occasion.  Ce  Samoïnda,  comme  tous  les 
esclaves  Ma-Choukouloumbé,  s'est  distingué  par  sa  cruauté  envers  ses 
compatriotes. 

Après  la  communication  faite  à  la  Société  de  géographie  de  Londres 
par  M.  Arnot,  sur  son  séjour  chez  les  Gareng^iànzé,  Sir  Francis  de 
Winton  a  fait  remarquer  qu'un  des  meilleurs  moyens  d'attaquer  la 
traite  des  nègres  au  cœur  du  pays  était  de  se  concilier  l'amitié  de  chefs 
comme  leur  roi  Msiri.  Quoique  la  traite  règne  dans  ses  États,  a  dit 
M.  Arnot,  le  chef  lui-même  ne  vend  pas  d'esclaves.  C'est  chose  convenue 
en  Afrique  que  les  dépouilles  appartiennent  au  fort,  et  que  ceux  qui  ont 
livré  les  batailles  du  roi  gardent  tout  ce  qu'ils  ont  pu  prendre.  C'est 
aux  guerriei-s  de  Msiri  que  les  trafiquants  arabes  achètent  les  esclaves; 
le  roi  lui-même  est  décidément  opposé  à  ce  commerce.  Quant  au  trafic 
de  la  côte  occidentale  il  est  essentiellement  fait  par  les  indigènes  du 
Bihé.  Les  Portugais  eux-mêmes  eu  font  très  peu.  Ils  envoient  les  natifs 
du  Bihé  avec  des  étoftes,  des  fusils  et  d'autres  choses,  en  échange  de 
quoi  ils  reçoivent  de  l'ivoire,  des  esclaves,  du  caoutchouc.  Beaucoup  de 
marchands  vont  dans  le  Lounda,  oii  il  n'y  a  pas  d'ivoire;  les  indigènes 
qui  désirent  des  étoffes  vendent  des  esclaves  qui  sont  conduits  vers  le 
Kassaï  inférieur,  et  échangés  contre  de  l'ivoire.  Mais  la  souveraineté 
du  Portugal  sur  les  gens  du  Bihé  n'est  guère  que  nominale  ;  les  Portu- 
gais n'y  ont  presque  pas  d'autorité  administrative;  quelques-uns  par 
avarice  ont  pratiqué  la  traite.Mais  nul  ne  peut  dire  que  le  gouverne- 
ment portugais  l'ait  encouragée.  La  première  année  où  M.  Arnot 
était  chez  les  Garenganzé,  il  a  vu  partir  une  caravane  de  300  esclaves, 
presque  tous  adultes,  hommes  et  femmes.  Les  enfants,  incapables  de 
supporter  les  fatigues  du  voyage  vei*s  la  côte,  étaient  considérés  comme 
de  peu  de  valeur. 


—  83  — 

M.  Treich-Laplène,  chargé  de  conduire  au  capitaine  Binger  une  expé- 
dition de  ravitaillement,  a  fourni  sur  la  ville  de  Bondoukou  (bassin 
du  Niger),  oti  il  a  passé  quinze  jours,  les  renseignements  suivants  : 
Bondoukou  est  un  grand  village  de  quatre  à  cinq  mille  habitants.  Le 
traiic  le  plus  important  est  celui  des  esclaves.  Presque  toute  la  popula- 
tion est  musulmane  ;  une  partie  des  habitants  cependant,  originaire  de 
TAbron,  est  fétichiste  et  se  livre  à  toutes  les  pratiques  de  cette  croyance; 
durant  mon  séjour,  on  a  sacrifié  des  esclaves  en  l'honneur  des  funérailles 
du  chef  défunt.  Le  principal  jour  de  la  fête,  on  en  a  égorgé  huit  sur  la 
place  publique;  j'ai  même  été  invité  à  cette  abominable  cérémonie  dont 
rien  ne  peut  dépeindre  l'horreur. 

lÀ'African  Times  rapporte  que  le  gouverneur  de  Sierra  Leone» 
M.  Hay,  a  eu  à  réprimer  des  troubles  dans  le  district  de  Sulymah  exposé 
aux  incursions  des  Mendies  du  voisinage.  Il  a  chassé  ceux-ci  des  villes 
de  Jahourah  et  de  Bahama  qu'ils  avaient  occupées,  et  dont  ils  avaient 
réduit  toute  la  population  en  esclavage.  Il  a  ainsi  délivré  plus  de  500 
esclaves,  fenmies  et  enfants.  A  Faminah,  une  des  villes  du  chef  Mac- 
kiah,  il  en  a  également  libéré  668.  Enfin  Largo,  forteresse  du  même 
chef,  a  été  prise,  et  700  esclaves  y  ont  été  remis  en  liberté. 

Après  les  fatigues  de  la  mission  que  le  cardinal  Lavi^^erie  a 
accomplie  en  Europe,  il  a  dû,  par  ordre  des  médecins,  se  rendre  à  Bis- 
kra  pour  y  restaurer  sa  santé.  Auparavant  il  a  écrit  au  comité  anti- 
esclavagiste de  Milan  qu'il  ne  compte  pas  centraliser  les  sommes  offertes 
pour  l'abolition  de  la  traite.  Il  désire  que  chaque  pays  organise  un 
comité,  centralise  les  offrandes  nationales  et  en  dispose  au  mieux  de  la 
cause  dans  les  contrées  occupées  par  la  nation. 

En  Angleterre,  un  important  meeting  anti-esclavagiste  a  eu  lieu 
dans  le  Mémorial  Hall  de  Manchester,  sous  le  patronage  de  la  Société 
de  géographie  de  cette  ville. 

A  Pari»,  M.  Jules  Simon,  président  du  Conseil  central  de  la  Société 
anti-esclavagiste  de  France  a  fait  à  la  Sorbonne  une  conférence  dans 
laquelle  il  a  fait  appel  à  la  pitié  de  tous  en  faveur  des  victimes  de  la 
traite. 

En  Bels;ique,  il  s'est  formé  des  Comités  dans  toutes  les  provinces; 
leurs  présidents  ont  eu  le  13  janvier,  à  Bruxelles,  une  réunion  dans 
laquelle  ils  ont  donné  des  renseignements  sur  l'activité  spéciale  de  cha- 
que comité  et  sur  les  résultats  obtenus.  En  quinze  jours  Liège  a  donné 
plus  de  30,000  francs.  A  Tournai  des  collectes  à  domicile  sont  faites 
par  les  dames.  M.  le  général  Jacraart,  président  de  la  Société  anti- 


—  84  — 

esclavagiste  belge  a  fait  au  local  de  la  Société  scientifique  de  Bruxelles, 
une  conféfencô  dont  le  sujet  peut  être  résumé  par  ces  mots  :  Faisons 
avant  tout  notre  devoir  sur  le  lac  Tanganyika,  et  notre  exemple  entraî- 
nera les  gouvernements  à  remplir  le  leur  dans  toute  son  étendue. 

En  Hollande,  à  Amsterdam  et  à  Bovenkerk,  s'est  fondée  une  Société 
composée  en  grande  partie  d'ouvriers  ;  tous  les  membres  se  sont  enga- 
gés à  abandonner  à  l'œuvre  anti-esclavagiste  le  gain  d'une  journée  de 
travail. 

En  AUemag^ne,  la  Société  coloniale  a  lancé  un  appel  adressé  à  toute 
la  nation  allemande  en  vue  de  mettre  un  terme  aux  horreurs  que  les 
trafiquants  d'esclaves  commettent  en  Afrique. 

En  Alsace,  deux  grandes  réunions  ont  eu  lieu  à  Strasbourg,  à  la 
suite  desquelles  des  listes  d'adhérents  se  sont  couvertes  de  souscriptions 
importantes. 

En  Sîelle,  a  eu  lieu,  à  Palerme,  une  conférence  sous  la  présidence 
du  cardinal  Alésia,  qui  s^occupe delà  fondation  d'une  Société  anti-escla- 
vagiste de  Sicile. 

En  Suisse,  les  évêques  ont  publié  un  appel  aux  fidèles  de  leurs  dio- 
cèses pour  les  engager  à  contribuer  à  l'œuvre  de  l'abolition  de  la  traite. 
Après  une  conférence  donnée  à  l'Aula  de  rUnivei*sité  de  Genève,  par 
M.  le  prof.  RuflFet,  sous  les  auspices  de  la  Société  anti-esclavagiste  suisse, 
des  adhésions  nombreuses  sont  parvenues  au  Comité.  Le  mouvement  va 
s'étendre  à  la  Suisse  romande  par  des  conférences  à  Fribourg,  à  Neu- 
châtel,  la  Chaux-de-Fonds  et  le  Locle.  La  Société  publiera,  à  intervalles 
irréguliers,  un  Bulletin  pour  tenir  les  adhérents  au  courant  du  mouve- 
ment anti-esclavagiste. 


LA  RÉVOLUTION  DANS  L'OU-GANDA 

La  Société  des  missions  anglicanes  a  reçu  du  Rev.  E.-C.  Gordon  une 
lettre  du  7  novembre  1888,  datée  d'Ousambiro,  où  venaient  d'arriver 
les  missionnaires  expulsés  de  l'Ou-Ganda  par  les  Arabes.  Nous  en 
extrayons  ce  qui  nous  paraît  le  plus  import^int  pour  expliquer  la  chute 
de  Mwanga  et  le  triomphe  de  ^influen<^e  des  Arabes  dans  ses  États. 

La  cause  de  la  révolution  doit,  d'après  M.  Gordon,  être  attribuée  à  la 
mauvaise  administration  de  Mwanga,  qui  s'était  rendu  très  impopulaire 
auprès  d'un  grand  nombre  de  ses  sujets,  et  ne  faisait  rien  pour  gagner 
l'affection  d'une  fraction  de  Ba-Ganda  qui,  de  jour  en  jour,  avait  acquis 


—  85  — 

plus  d'influence  et  d'autorité.  Le  nom  qui  \q\xv  convient  le  mieu^  est 
celui  de  lecteurs  ou  de  réformateurs.  La  jeunesse  et  la  force  du  pays  se 
rattachaient  à  eux.  Ils  formaient  deux  groupes,  l'un  celui  des  lecteurs 
chrétiens,  composé  des  élèves  des  missionnaires  romains  et  protestants  ; 
l'autre  celui  des  lecteurs  mahométans.  Les  deux  partis  comptaient  à 
peu  près  le  même  nombre  d'adhérents. 

Par  sa  conduite,  Mwanga  s'était  rendu. odieux  à  ces  deux  groupes. 
Depuis  un  certain  temps  il  montrait  une  hostilité  croissante  envers  tous 
ceux  qui  voulaient  le  progrès  et  qui  se  séparaient  de  l'ancien  culte 
païen.  En  même  temps,  la  population  tout  entière  manifestait  son  aver- 
sion pour  la  tyrannie  de  Mwanga  et  pour  ses  actes  réitérés  de  rapine  et 
de  violence.  Presque  chaque  mois  il  faisait  des  voyages  en  tous  sens  dans 
ses  États  pour  piller  ses  sujets.  Les  Ba-Ganda  étaient  fatigués  de  ces 
incursions  dans  lesquelles,  pour  procurer  des  nvres  et  des  provisions  à 
ses  gardes  du  corps,  les  chèvres,  les  bœufs  et  les  fruits  de  la  terre  étaient 
extorqués  pailout  où  il  passait.  En  outre,  lorsqu'il  lui  arrivait  de  ren- 
contrer des  femmes  dont  la  beauté  le  chaimait,  il  ne  se  faisait  aucun 
scrupule  de  les  enlever  pour  les  faire  entrer  dans  son  harem.  Aussi  les 
habitants  des  campagnes  élevaient-ils  de  nombreux  sujets  de  plaintes 
contre  lui. 

Depuis  que  Mwanga  était  monté  sur  le  trône,  tous  ceux  qui  lisaient 
avaient  dû  le  faire  en  secret  ;  jamais  il  n'avait  professé  ni  encouragé  la 
vérité  chrétienne,  non  plus  que  la  foi  musulmane.  Les  adhérents  des 
cultes  chrétiens  et  mahométans  n'avaient  pu  les  célébrer  qu'en  cachette. 
Quoiqu'il  fût  essentiellement  indifférent  en  matière  religieuse,  il  se  mon- 
trait de  plus  en  plus  hostile  à  la  foi  chrétienne  aussi  bien  qu'à  l'isla- 
misme. 

On  se  rappelle  l'ordre  que  lui  et  ses  chefs  donnèrent,  en  1886,  de  mas- 
sacrer les  lecteurs  chrétiens,  sous  prétexte  qu'ils  s'uniraient  aux  blancs 
qui  les  instruisaient  et  provoqueraient  une  rébellion.  Plus  tard  il  se 
plaignit  également  des  adhérents  de  l'islam  qui,  disait-il,  «  manquaient 
de  respect  et  d'égards  envers  le  roi,  et  ne  voulaient  pas  manger  des 
mets  du  roi,  parce  que  le  bétail  étant  abattu  par  des  incirconcis,  la  viande 
en  était  souillée.  »  Quant  aux  lecteurs  chrétiens,  Mwanga  leur  reprochait 
d'être  des  serviteurs  désobéissants  et  rebelles  parce  qu'ils  ne  voulaient 
pas,  le  dimanche,  exécuter  les  travaux  du  roi.  Depuis  un  certain  temps 
le  bruit  circulait  qu'il  se  déferait  d'eux  tous  d'un  seul  coup  ;  mais  le 
moment  n'était  pas  encore  favorable  à  l'exécution  de  ce  projet. 

Mwanga  lui-même  facilita  son  renversement  en  armant  les  chefs  des 


—  86  - 

deux  compagnies  de  ses  gardes  du  corps.  Ces  gardes,  hommes  jeunes  et 
favoris  du  roi,  étaient  devenus  des  lecteurs.  Remplissant  les  fonctions 
de  pages,  ils  se  tenaient  constamment  auprès  du  souverain,  mais  ils 
avaient  pour  chef  un  officier  qui  n'appartenait  pas  au  groupe  des  lec- 
teurs. Outre  ces  gardes  du  corps,  deux  autres  compagnies  nombreuses 
devaient  accompagner  le  roi  chaque  fois  qu'il  quittait  la  capitale.  Leurs 
chefs  étaient  des  lecteurs  adhérents  du  christianisme  :  l'un,  élève  des 
missionnaires  romains,  jouissait  d'une  influence  considérable;  l'autre  se 
rattachait  à  la  mission  protestante  anglaise.  Les  partisans  de  ces  deux 
chefs  étaient  très  nombreux  et  appartenaient  également  aux  lecteurs. 
Un  grand  nombre  de  chrétiens  étaient  donc  appelés  à  suivre  le  roi  ;  mais 
ils  ne  le  faisaient  qu'avec  une  sorte  de  crainte,  se  souvenant  des  menaces 
que  Mwanga  avait  proférées  contre  eux. 

Voici  le  projet  que  le  roi  avait  tramé  à  leur  égard.  Avec  ses  gardes  du 
corps  qui  n'appartenaient  pas  aux  lecteurs,  il  voulait  faire  monter  dans 
des  canots  les  chefs  des  autres  compagnies  de  sa  garde  et  leurs  adhé- 
rents, et  les  envoyer  dans  quelque  île  sous  prétexte  de  la  piller.  Le  chef 
des  gardes  non  lecteurs,  qui  devait  les  y  conduire,  avait  ordre  de  les  y 
laisser,  ainsi  que  l'amiral,  lecteur  chrétien,  et  s'il  réussissait  à  les 
tromper,  il  devait  emmener  leurs  canots.  Abandonnés  dans  l'île,  ils  se- 
raient morts  de  faim.  l<e  Pokino,  chef  très  puissant,  complice  du  roi,  fut 
laissé  dans  la  capitale  pour  prêter  aide  et  secours  à  Mwanga. 

Un  autre  groupe  considérable  de  lecteurs  appartenait  aux  mahomé- 
tans.  Ils  avaient  pour  chef  le  puissant  Mujassi  qui,  dans  cette  occasion, 
devait  accompagner  le  roi,  mais  il  refusa  feignant  d'être  malade.  Avant 
de  quitter  la  capitale,  les  lecteurs  étaient  persuadés  d'une  trahison.  On 
leur  dit  que  le  roi  avait  l'intention  de  les  noyer  tous  dans  le  lac.  En  con- 
séquence ils  se  préparèrent  à  faire  résistance.  Il  paraissait  évident  que 
si  Mwanga  réussissait  dans  ce  complot  dirigé  surtout  contre  les  lecteurs 
chrétiens,  il  se  tournerait  immédiatement  après  contre  les  lecteurs  raa- 
hométans  pour  les  détruire  aussi. 

Ces  derniers  étaient  prêts  à  agir  contre  Mwanga  et  à  le  détrôner  sans 
l'aide  des  chefs  chrétiens  qui  ne  désiraient  pas  aller  aussi  loin  et  son- 
geaient seulement  à  s'échapper  vers  l'Ou-Nyoro.  A  la  fin  cependant,  les 
chefs  des  deux  fractions  religieuses  unirent  leurs  efforts  pour  tenter 
d'expulser  Mwanga.  Leur  grief  le  plus  fort  était  que  le  roi  avait  décidé 
de  les  faire  tous  mourir,  les  uns  en  les  noyant,  les  autres  par  d'autres 
moyens  violents.  Un  groupe  de  mahométans  alla  informer  le  prince  de 
leur  choix,  Kiwewa,  frère  de  Mwanga,  de  l'intention  des  lecteurs.  Au 


—  87  — 

point  du  jour  les  assaillants  s'approchèrent  de  la  capitale  par  deux  rou- 
tes différentes  ;  Mujassi  et  ses  soldats  avaient  avec  eux  le  prince  que 
tous  voulaient  faire  monter  sur  le  trône.  Les  chefs  chrétiens,  l'amiral  et 
beaucoup  de  sous-chefs  gagnèrent  la  ville  par  un  autre  chemin.  Mwanga 
fit  h  peine  résistance  ;  il  sortit  de  Rubaga,  tira  quelques  coups  de  fusil, 
puis  s'enfuit  vers  le  lac  avec  quelques  partisans.  Les  lecteurs  entrèrent 
dans  la  ville  et  mirent  le  nouveau  prince  sur  le  trône  vacant. 

Le  même  jour,  les  principaux  emplois  furent  distribués  entre  les  chefs 
des  lecteurs  qui  avaient  fait  monter  sur  le  trône  Kiwewa.  Le  chef  catho- 
lique romain  fut  nommé  juge  suprême  ;  le  poste  de  premier  ministre  — 
katikifl)  —  fut  confié  au  chef  chrétien  qui  se  rattachait  à  la  mission  an- 
glaise. Les  deux  autres  charges  les  plus  importantes  furent  données  à 
Mujassi  et  à  un  autre  lecteur  arabe.  L'ancien  katikiro  se  retira  très  sa- 
gement :  il  partit  et  alla  s'établir  près  du  tombeau  de  Mtésa.  Le  Pokino, 
qui  avait  pris  une  part  active  aux  crimes  de  Mwanga,  fut  chassé,  ou 
plutôt  il  prit  la  fuite,  sa  maison  fut  pillée  et  brûlée. 

Le  lendemain,  les  missionnaires  furent  tous  convoqués  pour  voir  le 
nouveau  roi;  beaucoup  d'Arabes  y  furent  aussi  invités.  Un  messager 
vint  les  chercher  pour  les  amener  tous  ensemble  au  palais.  A  peine  pou- 
vait-on croire  qu'il  se  fût  passé  quelque  chose  d'extraordinaire.  Il  n'y 
avait  ni  bruit  ni  agitation;  cependant,  hors  de  la  capitale,  oii  la  foule 
était  rassemblée,  régnait  une  grande  excitation.  A  la  cour,  où  les  mis- 
sionnaires précédèrent  les  Arabes,  l'émotion  était  grande  ;  toutefois  il 
n'y  avait  ni  querelle  ni  désordre.  Le  roi  prodiguait  les  paroles  et  les 
promesses  les  plus  généreuses.  Il  se  tourna  vers  les  Arabes  et  proclama 
la  paix  avec  l'Ou-Nyoro  et  la  liberté  commerciale;  l'importation  et 
l'exportation  des  marchandises  ne  devaient  point  être  grevées  de  droits 
onéreux.  Il  accorda  aux  Arabes  la  liberté  d'enseigner  leur  religion  et 
annonça  qu'on  construirait  une  mosquée.  Puis,  s'adressant  aux  mission- 
naires européens,  il  leur  dit  qu'ils  seraient  libres  d'enseigner  et  que  les 
Ba-Ganda  pourraient  être  instruits  sans  restriction  ni  empêchement. 

Ce  fut  ainsi  que  se  passa  le  premier  jour  de  règne  de  Kiwewa.  Tous  se 
félicitèrent  de  ce  que  ce  grand  changement  se  fût  produit  d'une  ma- 
nière si  paisible.  Il  est  étonnant  en  efi'et  que  la  déposition  de  Mwanga 
se  soit  accomplie  sans  la  moindre  effusion  de  sang.  On  promit  à  Mwanga 
d'épargner  sa  vie.  Le  Pokino  fut  fait  prisonnier,  puis  on  lui  pardonna, 
mais  il  tomba  en  disgrâce.  Beaucoup  d'autres  chefs  importants  furent 
déposés  et  dégradés.  La  paix  et  la  tranquillité  régnaient  dans  tout  le 
pays. 


—  88  — 

Quantité  de  chrétiens  sortirent  aloi'S  des  retraites  où  ils  s'étaient 
tenus  cachés,  ils  accoururent  à  la  cour  du  roi,  et  entrèrent  au  service 
de  celui-ci  comme  pages  et  messagers.  Ds  commencèrent  à  se  rendre  ea 
foule  à  la  station  des  missionnaires,  le  dimanche  et  les  autres  jours  de  la 
semaine.  Beaucoup  demandaient  des  syllabaires-,  d'autres  des  portions 
imprimées  de  la  Bible.  Dès  l'aube  et  jusqu'au  crépuscule,  ils  assiégeaient 
la  station  et  pénétraient  dans  les  chambres  des  missionnaires.  Quantité 
de  chefs  demandaient  des  syllabaires  afin  de  pouvoir  apprendre  à  lire  & 
leurs  gens  et  à  leurs  esclaves.  D'autres  désiraient  des  remèdes  médi- 
caux. Les  dimanches  surtout,  le  changement  était  remarquable;  le  nom- 
bre des  assistants  au  culte  avait  doublé  et,  pour  le  service  de  l'après- 
midi,  l'auditoire  était  toujours  plus  nombreux  qu'à  l'ordinaire;  de 
dimanche  en  dimanche  il  augmentait,  et  s'éleva  bien  vite  à  300  per- 
sonnes ;  beaucoup  de  gens  durent  se  tenir  dehors.  Un  dimanche,  la  plu- 
part des  chefs  chrétiens  influents  y  assistaient,  y  compris  celui  de» 
gardes  du  corps,  élève  des  missionnaires,  qui  avait  été  nommé  premier 
ministre.  Tout  paraissait  calme  et  tranquille. 

Mais  les  Arabes  avaient  assisté  à  tous  ces  changements  avec  une 
grande  anxiété.  Ils  étaient  vexés  de  voir  les  fonctions  de  juge  et  de  pre- 
mier ministre  données  à  des  lecteurs  chrétiens.  Le  dernier  katikiro 
s'était  toujours  montré  leur  ami,  et  était  souvent  intervenu  auprès  de 
Mwanga  pour  détourner  d'eux  sa  colère.  Ils  sentaient  vivement  sa  perte, 
surtout  parce  qu'ils  craignaient  que  leure  intérêts  pécuniaires  n'en  fus- 
sent sérieusement  atteints.  A  leurs  yeiix,  le  nouveau  katikiro  n'était 
qu'un  païen  et  un  infidèle  qui  ne  pourrait  devenir  ni  leur  ami  ni  leur 
aide.  Le  roi  leur  avait  fait  quantité  de  promesses,  mais  ne  les  avait  pas 
tenues.  Beaucoup  d'entre  eux  se  plaignaient  de  la  manière  dont  Kiwewa 
les  traitait.  Mwanga  leur  devait  une  grande  quantité  d'ivoire;  le  nouveau 
roi  avait  promis  de  faire  tous  ses  elîorts  pour  acquitter  les  dettes  de  son 
prédécesseiu*  ;  et  en  eft'et  il  avait  commencé  à  payer  les  Arabes  autant 
que  ses  moyens  le  lui  permettaient:  mais  il  n'avait  pas  l'ivoire  nécesr- 
saire  et  il  ne  savait  où  le  trouver.  Dès  lors  il  était  gêné,  et  les  Arabes 
étaient  mécontents  de  leur  condition.  Ls  commencèrent  à  chercher  un 
moyen  de  l'améliorer.  Us  se  concertèrent  avec  d'antres  mécontents,  le 
fameux  Mujassi,  presque  tous  les  chefs  ses  adhérents  et  les  lecteurs 
mahométans. 

Puis  ils  entourèrent  le  roi,  s'eflForçant  d'envenimer  son  esprit  et  de 
l'exciter  contre  le  katikiro  et  les  lecteurs  chrétiens.  Us  lui  persuadèrent 
que  sa  vie  était  en  danger,  que  les  lecteurs  chrétiens  feraient  une  tenta- 


Tt  '■ 


—  89  '  • 

tive  pour  le  renverser  et  pour  mettre  à  sa  place  une  princesse  qu'ils 
avaient  i-ésolu  de  faire  monter  sur  le  trône. 

De  cette  manière  Kiwewa  fut  amené  à  considérer  les  Arabes  comme 
ses  amis  et  ses  protecteurs,  et  les  chrétiens  comme  ses  adversaires.  Très 
habilement,  les  Arabes  profitèrent  d'une  occasion  qui  leur  permit  de 
faire  passer  les  chrétiens  pour  des  fauteurs  de  trouble  et  de  rébellion. 

Une  troupe  de  Ba-Ganda  qui  avaient  été  envoyés  à  l'ouest  du  lac 
Victoria  par  Mwanga  pour  percevoir  ses  taxes  sur  les  tribus  placées  sous 
son  autorité,  rentra  dans  TOu-Ganda  le  jour  où  éclata  le  conflit.  Elle 
était  composée  essentiellement  de  chrétiens.  Leur  chef  qui,  sous  Mwanga, 
avait  occupé  un  poste  important,  fut  présenté  comme  revenant  très  agité 
de  ce  qu'aucun  commandement  ne  lui  eût  été  réservé.  On  l'accusa,  lui 
et  les  autres  chrétiens,  d'amener  la  princesse  qu'ils  avaient  l'intention 
de  faire  monter  sur  le  trône;  histoire  inventée  pour  faire  croire  que  les 
chrétiens  tenaient  à  être  gouvernés  par  une  femme  comme  en  Angle- 
terre. La  cour  se  réunit,  et  le  katikiro  fut  interrogé  sur  sa  fidélité  au 
roi.  Il  quitta  brusquement  le  palais,  et  à  peine  avait-il  regagné  sa  de- 
meure qu'il  fut  sommé  de  revenir  vers  la  résidence  royale.  Un  combat 
avait  commencé. 

Pris  à  l'improviste,  les  chefs  chrétiens  et  leui's  adhérents  eurent  à 
défendre  leur  vie  dans  une  situation  tout  à  fait  désavantageuse.  Les  ma- 
hométans  étaient  résolus  à  faire  tomber  le  katikiro.  Pendant  quelque 
temps  les  chances  du  combat  furent  incertaines,  mais  les  chrétiens 
n'avaient  pas  pu  se  réunir  à  temps  en  assez  grand  nombre.  On  avait 
entendu  dire  que  jamais  le  katikiro  ne  combattrait  ;  il  dut  livrer  bataille 
et  fut  défait.  Deux  des  chefs  chrétiens  furent  tués,  le  jeune  amiral  et  un 
autre  chef.  Le  gros  des  chrétiens  s'enfuit  avec  le  katikiro. 

Le  combat  terminé,  il  s'agissait  d'établir  le  nouvel  ordre  de  choses. 
On  choisit  de  nouveaux  fonctionnaires  ;  les  sous-chefs  et  leurs  subordon- 
née fui'ent  nommés.  Des  messagers  furent  envoyés  aux  stations  des  nïis- 
sionnaires  protestants  et  catholiques.  Les  protestants  étaient  aloi*s  oc- 
cupés à  soigner  des  blessés  et  leur  maison  était  pleine  de  fugitifs  ;  ceux-ci 
reçurent  l'ordre  de  s'en  aller,  et  les  missionnaires  durent  suivre  les 
messagers.  La  nuit  tombait  lorsqu'ils  arrivèrent  près  de  la  résidence 
royale,  oii  ils  rencontrèrent  les  missionnaires  catholiques  qui  y  avaient 
été  aussi  amenés.  On  les  conduisit  à  une  maison  oîi  ils  furent  traités 
comme  des  prisonniers.  Les  missioiuiaires  français  avaient  pu  prendre 
avec  eux  des  couvertures  et  quelques  provisions  ;  ils  les  partagèrent  li- 
béralement avec  les  Anglais.  Le  chef  chargé  de  les  garder  leur  apprit 


^- 


—  90  — 

que  le  roi  n'avait  pas  rinteiition  de  les  faire  mourir  ;  qu'il  ferait  l'in- 
ventaire  de  tout  ce  qu'ils  avaient,  que  lui  et  ses  ministres  réclameraient 
de  beaux  présents,  après  quoi  on  les  laisserait  quitter  le  pays  en  paix. 

Le  lendemain  MM.  Gordon  et  Walker  furent  en  eflet  conduits  à  leur 
station,  pour  faire  les  cadeaux  susmentionnés,  puis  ils  furent  ramenés 
en  prison.  Il  en  fut  de  même  pour  les  missionnaires  romains.  Après  cela 
les  stations  des  missions  furent  livrées  au  pillage.  Le  huitième  jour  tous 
furent  menés  au  bord  du  lac  et  embarqués  dans  VEleanor,  le  bateau  de 
la  Société  des  missions  anglicanes. 

Quantité  de  gens  suivaient  les  bagages  portés  à  bord,  et  ouvrirent  les 
caisses  pour  en  voler  le  contenu.  L'officier  qui  conduisait  les  mission- 
naires leur  demanda  encore  des  c^adeaux  et  M.  Walker  dut  se  dépouiller 
d'une  partie  de  ses  vêtements.  La  dernière  parole  qui  leur  fut  adre.ssée 
fut  celle-ci  :  «  Qu'aucun  blanc  ne  vienne  dans  l'Ou-Ganda  avant  deux 
ans.  Que  le  bateau  de  Mackay  ne  paraisse  pas  de  longtemps  dans  nos 
eaux.  Qu'aucun  instituteur  blanc  ne  rentre  dans  l'Ou-Ganda  avant  que 
nous  l'ayons  tout  entier  converti  au  mahométisme.  » 

Le  départ  des  missionnaii^es  eut  lieu  à  midi  ;  à  quatre  heures  ils  dé- 
barquèrent dans  une  île  pour  faire  cuire  quelques  provisions.  Les  seuls 
\ivres  que  portât  YEleanor  avaient  été  fournis  par  les  missionnaires 
fran(;ais  ;  seuls  aussi  ils  avaient  reçu  l'autorisation  de  garder  des  étoffes 
et  des  cauries,  objets  nécessaires  pour  s'approvisionner  de  vivi'es  en 
voyage.  Il  y  avait  à  bord  un  peu  de  riz  et  d'orge  ;  oh  espérait  pouvoir 
acheter  quelques  aliments  au  premier  port  où  toucherait  le  bateau. 
Celui-ci  appartenait  aux  Anglais  ;  les  Français  avaient  les  objets 
d'échange  pour  se  procurer  de  quoi  manger.  Tous  mirent  généreusement 
ce  qu'ils  avaient  au  service  de  leurs  compagnons  d'infortune.  Lorsqu'ils 
remontèrent  sur  le  bateau,  un  couple  d'hippopotames  montraient  leurs 
têtes  hors  de  l'eau.  L'un  d'eux  frappa  l'embarcation  avec  une  telle  vio- 
lence qu'il  y  fit  deux  trous  assez  grands  pour  que  l'eau  y  entrât  abon- 
damment Le  bateau  s'emplit  rapidement  ;  heureusement  la  terre  étsài 
proche;  les  bateliers  savaient  nager  ainsi  que  les  missionnaires;  ils  at- 
teignirent l'île;  mais  cinq  des  jeunes  gens  qui  accompagnaient  les  mis- 
sionnaires français  furent  noyés.  La  femme  du  propriétaire  de  l'île  se 
montra  très  hospitalièi*e  envei*s  les  naufragés  ;  elle  mit  sa  maison  à  leur 
disposition  et  leur  fournit  ce  dont  ils  avaient  besoin. 

Le  lendemain  leur  hôte  fit  battre  le  tambour  pour  appeler  de  la  terre 
ferme  les  Ba-Ganda  afin  qu'ils  vinssent  aider  à  remettre  à  flot  VËleanor. 
Les  étoffes  furent  perdues,  mais  on  sauva  le.s  cauries.  Le  bateau  fut 


—  91  — 

répai*é  ;  après  cela  la  na\igatiou  fut  très  lente,  néanmoins  les  mission- 
naires  arrivèrent  le  3  novembre  à  Oukourabi,  Tune  des  stations  romaines 
où  les  Anglais  reçurent  une  bienveillante  hospitalité,  et  où  ils  se  sépa- 
rèrent de  leurs  compagnons  ;  le  4  novembre  ils  atteignaient  eux-mêmes 
la  station  d'Ousambiro,  où  M.  Mackay  leur  souhaitait  la  bienvenue. 


CORRESPONDANCE 

Lettre  de  Lorenso- Marquez  de  M.  le  missionnaire  P.  Berthoud» 

Lorenzo-Marquez,  Delagoa  Bay,  13  décembre  1888. 

Il  y  a  plusieurs  mois  déjà,  j'avais  commencé  une  lettre  et  écrit  quelques  pages 
pour  vous;  mais  la  maladie,  la  fièvre,  qui  nous  a  fait  beaucoup  souffrir,  m'a 
empêché  d'achever.  Dès  lors,  les  événements  ont  marché,  et  ce  que  je  vous  raconte 
n'a  plus  d'actualité  aujourd'hui.  Toutefois,  il  y  a  encore  quelque  chose  à  répondre 
à  votre  bonne  lettre,  dont  je  vous  remercie  beaucoup. 

Le  mahométisme  a  en  effet  quelques  représentants  au  sud  de  l'Afrique,  dans 
les  principaux  ports  et  dans  les  villes  importantes.  Cependant  il  n'exerce  aucune 
influence  comme  tel,  à  Lorenzo-Marquez  pas  plus  qu'ailleurs;  et  je  ne  crois  pas 
qu'aucune  des  missions  chrétiennes  de  l'Afrique  australe  ait  eu  à  lutter  contre 
lui,  on  le  considère  comme  un  ennemi  sérieux.  Il  fait  pourtant  du  mal  ici;  seule- 
ment, pas  dans  le  sens  où  vous  le  pensez:  son  péché,  c'est  de  soutenir  l'immoralité 
et  de  l'accroître.  Ce  mal  existait  à  Lorenzo-Marquez  longtemps  avant  l'arrivée  des 
mahométans;  mais  ils  en  ont  profité  à  leur  manière  pour  satisfaire  leurs  passions; 
et  ainsi,  bien  loin  de  réagir,  ils  ont  contribué  à  démoraliser  la  population  indi- 
gène. Du  reste,  la  même  remarque  doit  être  appliquée  aux  bouddhistes  et  aux 
banyans  que  l'Inde  nous  a  envoyés.  Il  faut  l'appliquer  encore,  dans  une  certaine 
mesure,  aux  représentants  des  diverses  nations  européennes.  Car,  hélas!  l'immo- 
ralité, l'irrégularité  des  mœurs,  est  le  caractère  le  plus  frappant,  le  plus  général, 
de  cette  ville  :  jamais  on  n'y  célèbre  un  mariage. 

L'abus  des  liqueurs  fortes  est  un  autre  de  ses  principaux  traits;  car  vous  savez 
déjà  que  les  dames-jeannes  d'alcool  de  Brème  et  de  Hambourg  constituent  le  princi- 
pal article  de  commerce  de  cette  province.  Les  commerçants  européens  qui  affron- 
tent ce  climat  dangereux,  comptent  se  récupérer  par  les  profits  de  la  vente  de 
l'eau-de-vie  en  faisant  rapidement  leur  fortune.  Ils  prétendent  qu'il  ne  vaudrait 
pas  la  peine  de  venir  faire  du  commerce  ici,  quand  on  ne  pourrait  plus  vendre  ces 
énormes  quantités  d'alcool.  A  notre  point  de  vue,  c'est  là,  comme  vous  le  dites, 
<  l'ennemi  le  plus  redoutable  du  progrès  dans  le  champ  de  la  mission,  et  l'adver- 
saire d'une  civilisation  vraiment  saine  et  durable.  »  Tous  les  jours,  surtout  dans 
les  sentiers,  on  rencontre  des  porteurs  chargés  d'une  ou  deux  de  ces  dames-jeannes; 
et  tout  le  pays  est  rempli  de  misérables  débits  d'eau-de-vie.   La  vente  au  détail 


•  ■■ 


—  92  — 

«si  entre  les  mains  des  Portugais,  des  métis,  et  surtout  des  banyans  qui  sont 
répandus  partout.  Les  nègres  eux-mêmes  aiment  à  faire  ce  trafic  rémunérateur, 
«t,  bien  que  ce  soit  interdit,  ils  ouvrent  au  milieu  des  villages  de  nombreux  débits 
clandestins.  Les  gens  ivres  abondent  chaque  jour,  cela  va  sans  dire,  et  ce  spectacle 
-écœurant  ne  nous  est  point  épargné  dans  notre  retraite  de  Rikatla.  Parfois,  on 
voit  même  des  enfants  qui  sont  pris  d'eau-de-vie  et  ne  savent  plus  ce  qu'ils  font. 

Vous  aimeriez  à  apprendre  que  «  les  autorités  prennent  des  mesures  suffisamment 
efficaces  pour  restreindre  cet  abus  ;  »  mais,  hélas  !  je  suis  obligé  de  dire  qu'on  ne 
fait  rien  dans  ce  sens.  Les  Portugais  n'ont  pas  encore  compris,  semble-t-il,  que 
l'abus  des  liqueurs  fortes  est  un  mal.  Les  employés  du  gouvernement  font  des 
cadeaux  officiels  d'eau-de-vie  aux  chefs  indigènes;  et  quand  une  troupe  de  sau- 
vages se  présente  aux  bureaux,  on  leur  sert  des  rasades  pour  cimenter  l'amitié  * 
Parfois  aussi  on  fait  danser  la  troupe  pour  se  donner  un  petit  spectacle.  Je  le 
répète,  en'  tout  cela  les  Portugais  ne  voient  aucun  mal,  faute  sans  doute  d'avoir 
été  éclairés  sur  la  question. 

Vous  me  demandez  encore  si  la  différence  entre  les  Arabes  abstinents  et  les 
Européens  buveurs  ne  cause  pas  de  difficultés  à  notre  œuvre  d'évangélisation 
parmi  les  noirs.  Mais  cette  différence  n'apparaît  pas  et  n'exerce  aucune  influence. 
En  effet,  les  Arabes  sont  ici  en  fort  petit  nombre.  Puis,  on  m'a  dit  qu'ils  n'étaient 
pas  toujours  d'une  stricte  abstinence,  preuve  peut-être  que  l'intempérance  est  assez 
générale  pour  entraîner  les  plus  forts.  De  plus,  les  noirs  ont  très  peu  de  considé- 
ration pour  les  Asiatiques  et  ils  ne  subissent  leur  influence  que  dans  le  sens  du 
mal. 

Sous  le  rapport  de  l'édilité  publique,  il  faut  reconnaître  que  Lorenzo-Marquez 
s  fait  de  grands  progrès  depuis  un  an.  On  a  ouvert  plusieurs  larges  avenues,  la 
ville  est  éclairée  au  pétrole,  on  travaille  à  combler  le  marais,  on  construit  plu- 
sieurs bâtiments  pour  servir  à  l'administration.  Cependant,  il  y  aurait  certains 
progrès  à  réaliser  ;  il  y  en  a  même  de  très  urgents,  avant  lesquels  on  en  a  fait 
passer  souvent  d'insignifiants  ;  le  marais  étant  vingt  fois  plus  étendu  que  la  ville 
il  ne  sera  pas  comblé,  si  l'on  n'y  va  pas  plus  vite,  avant  cinquante  ans  d'ici  ;  car 
c'est  un  travail  énorme. 

Une  chose  qui  ne  progresse  pas,  c'est  le  chemin  de  fer.  Il  y  a  juste  un  an  qu'on 
inaugurait  le  tronçon  actuel,  et  dès  lors  on  n'y  a  pas  ajouté  un  kilomètre  de  voie 
ferrée.  Tous  savez  qu'il  appartient  à  une  Compagnie  anglaise,  et  qu'une  Compa- 
gnie hollandaise  s'est  chargée  de  construire  le  prolongement,  la  grande  ligne  de 
Pretoria.  Mais  il  parait  que  la  première  a  émis  des  prétentions  qui  ont  complète- 
ment entravé  les  opérations  de  la  seconde.  Celle-ci  n'a  donc  rien  pu  faire  jusqu'ici. 
Elle  prépare  pourtant  ce  qu'elle  peut  en  vue  d'une  prochaine  entrée  en  activité. 
C'est  ainsi  que  nous  avons  vu  passer  plusieurs  escouades  d'ingénieurs  hollandais 
qui  allaient  étudier  et  fixer  le  tracé;  ils  ont  aussi,  dit-on,  bâti  des  hangars,  des 
dépôts,  des  abris,  le  long  de  la  future  voie.  Malheureusement  plusieurs  de  ces 
messieurs  sont  morts  de  la  fièvre. 

Pour  abattre   les  prétentions  de  M.   Mac  Murdo,  le  chef  de  la  Compagnie 


i 


—  i)3  — 
nnglaitie,  le  Tranevaal  a  eotravé  autant  que  possible  )e  trafic  de  la  ligne  actuelle  ; 
on  l'a  entoiu'ée  d'un  blocuB,  afin  de  •^  la  réduire  par  la  famine,  >  —  ezpreBsion  qui 
a  été  prononcée.  L'effet  commence  à  s'en  faire  sentir,  semble-t-il,  car  le  chemin  de 
fer  vient  d'abaisser  de  60  "lo  ses  tarife  exorbitants;  ils  étaient  Traiment  ridicules, 
il  faut  le  dire.  Maintenant  nous  reconinien;on3  à  espérer  que  la  ligne  si 
En  attendant,  Lorenzo- Marquez  est  en  souffrance;  comptant  sur  un 
progressif,  les  commerçants  avaient  fait  d'énormes  importations,  et  les  capitalistes 
araient  fondé  direrses  maisons  nourelles  d'industrie  et  de  commerce.  Mais  autàlit 
la  place  était  animée  il  y  a  un  an  et  dix-buit  mois,  autant  les  affaires  sont  sta- 
gnantes aujourd'hui;  et  naturellement  chacun  s'en  plaint.  La  ville  de  Barberton 
partage  ce  malheureux  sort  dans  une  certaine  mesure.  Qui  en  prolite?C'est  Natal, 
qui  accapare  tout  le  transit  pour  les  mines  d'or,  et  dont,  par  suite,  le  commerce  a 
triplé  cette  année. 

Les  Anglais  cherchent  toigours  il  entamer  le  territoire  portugais.  Vous  savez  la 
dispute  qu'ont  eue  les  deux  partis  à  propos  du  pays  dit  <  des  Amatonga,  >  dont 
la  reine  veut  bien  entretenir  des  relations  amicales  avec  les  deux  nations  rivales, 
mais  désire  éviter  une  ingérence  trop  grande  soit  de  l'une  soit  de  l'autre.  A  cause 
de  cela,  elle  a  fait  massacrer  un  de  ses  •  ministres  >  et  quelques  notables  qui  ser- 
vaient trop  bien  les  Anglais.  On  a,  parait-il,  réussi  à  établir  i  la  ligne  d'inâuencei 
{pour  employer  l'expressioc  à  la  mode  dans  le  monde  politique)  des  deux  nations 
européennes,  ligne  qui  coupe  le  paya  convoité  et  que  les  natifs  ne  comprennent 
pas.  Les  autorités  portugaises  ont  placé  un  résident  auprès  de  la  reine,  afin  de 
maintenir  leur  droit  contre  les  envahissements  des  Anglo-Saxons. 

Tous  aviez  annoncé,  en  son  temps,  le  projet  qu'avait  le  l'ortugal  d'établir  un 
service  postal  avec  des  steamers  portugais  qui  devaient  unir  la  métropole  à 
l'Afrique  occidentale  et  à  l'Afrique  orientale  portugaises.  Dès  lors,  on  n'a  plus 
entendu  parler  de  ce  projet  :  il  doit  Être  tombé  dans  l'eau.  Ce  n'est  pas  étonnant, 
car  notre  province,  pour  ne  parler  que  d'elle,  y  aurait  plus  perdu  que  gagné. 
Nous  avons  maintenant  un  service  excellent,  par  lequel  nos  lettres  de  Suisse  nous 
arrivent  en  un  mois,  parfois  29  jours,  soit  via  Londres,  soit  via  LisboriM,  —  quand 
les  bureaux  de  Paris  ne  nous  jouent  pas  le  tour  de  les  faire  passer  par  Aden; 
ce  fut  le  cas  de  la  vAtre,  qui  a  mis  £12  jours  à  venir.  Notre  service  est  fait  par  les 
paquebots  anglais  hebdomadaires  du  Cap  :  sur  quatre  d'entre  eux,  un  seul  ne 
vient  pas  jusqu'ici;  les  trois  autres  touchent  à  Lisbonne  le  lundi  et  nous  viennent 
en  moins  de  quatre  semaines.  En  retournant  ils  touchent  aussi  à  Lisbonne.  Cepen- 
dant, il  7  a  encore  une  petite  irrégularité  dans  la  marche  de  nos  lettres  qui  vont 
en  KuTope,  et  je  n'ai  pas  encore  réussi  à  en  trouver  l'explication  ;  elles  ont  sou- 
vent un  retard  d'une  semaine.. 

J'ai  bien  reçu  les  trois  cahiers  du  Globt,  merci.  Je  viens  aussi  de  recevoir, 
octobre  compris,  les  numéros  qui  me  manquaient  de  V Afrique,  je  vous  en  remercie. 
J'«epÈre  ne  pas  tarder  à  vous  écrire  de  nouveau.  —  M.  Widmer  est  en  visite  ici  ; 
il  est  le  propriétaire  de  la  maison,  et  M.  Leuzinger  est  son  représentant  associé. 
M.  Ziegler  était  le  commis;  il  est  retourné  en  Suisse  et  a  été  remplacé  par  M.  Keller. 


'^  — .  f    f. 


—  94  — 

On  attend  prochainement  de  Lisbonne  un  nouveau  gouverneur  pour  Lorenzo- 
Marquez,  Pautre  ayant  été  rappelé  par  le  ministère.  J^apprends  que  les  natifs  de 
rembouchure  du  Zambèze  sont  en  révolte.  Ici  tout  est  très  paisible. 

N'ayant  pas  encore  de  maison  à  Lorenzo-Marquez,  nous  demeurons  à  Rikatla, 
avec  nos  amis  et  collègues,  M.  et  M*"'  Grandjean.  Ces  jours-ci,  venus  pour  affaires 
diverses,  nous  sommes  à  Phôtel,  car  la  «  maison  suisse  »  est  pleine. 

Paul  Berthocp. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

Rev.  W.  Holman  Bentley,  Dictionary  and  urammar  of  the  kongo 
LANGUAGE,  Rs  spokeiî  Et  San  Salvador.  Loiidon  (Baptist  MissiouaiT  Society 
and  Trûbuer  and  C**),  1887,  iu-8%  718  p.— Comme  le  rappelle  M.  Robert 
Cust,  l'auteur  de  Langnages  of  Africa,  la  langue  dite  du  Congo  n'est 
qu'une  des  nombreuses  langues  parlées  dans  le  bassin  du  Congo.  Mis- 
sionnaire de  la  Société  baptiste  anglaise,  M.  Bentley  l'a  d'abord  apprise 
pendant  un  séjour  de  cinq  années  au  milieu  des  populations  qui  la  par- 
lent, et  après  être  venu  en  Angleterre,  il  l'a  étudiée  à  fond  et  a  chissé 
ses  matériaux.  Quoiqu'il  eût  temporairement  perdu  la  vue,  et  que  sa 
santé  fût  sérieus(*ment  atteinte,  il  a  pu,  grâce  au  concoui'S  de  sa  femme, 
continuer  l'œuvre  qu'il  avait  commencée,  la  rédaction  du  dictionnaire 
et  de  la  grammaire  de  cette  langue.  L'importance  de  cette  œuvre  res- 
sort déjà  du  fait  que  la  langue  du  Congo  prend  place  à  côté  du  souahéli, 
du  zoulou,  du  pongoué,  comme  l'une  des  langues  types  de  la  famiUe  ban- 
toue.  Quoiqu'elle  en  diffère  à  plusieurs  égards,  elle  a  cependant  avec  les 
autres  des  affinités  ineffaçables  qui  indiquent  une  origine  commune. 
M.  Bentley  a  pu  aller  au  fond  des  choses  et  résoudre  beaucoup  de  ques- 
tions douteuses,  ensorte  que  son  travail  jettera  du  jour  sur  des  traits, 
inexpliqués  jusqu'ici,  des  langues  sœurs  dont  l'étude  commence  seule- 
ment. 

Dans  une  préface  développée,  M.  Bentley  détermine  la  limite  du  vaste 
territoire  dans  lequel  est  parlée  la  langue  du  Congo,  du  T)"  lat.  N.  au 
12"  lat.  S.  et  du  HO  '  long.  E.  jusqu'à  150  kilom.  environ  de  l'Océan 
atlantique.  Il  rappelle  les  commencements  de  la  mission  baptiste  anglaise, 
après  la  découverte  du  grand  tieuve  par  Stanley,  les  difficultés  considé- 
.rableiî  rencontrées  pour  l'étude  des  mots,  des  formes  du  langage,  de  la 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bâle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  itr»  — 

classitîcation,  elc.  Lorsque  la  maladie  l'ohligea  à  r.;veiiip  eu  Eurt 
eut  la  chance  de  pouvoir  amener  avec  lui  un  Jeune  élève  de  l'éci 
San  Salvadoi-,  qui  avait  beaucoup  voyagé,  mais  sans  résider  jamais 
longtemps  dans  un  endroit  pour  subii*  l'iuHuence  du  patois  qui  } 
parlé,  en  sorte  qu'il  avait  conservé  intacte  la  prononciation  de  la  1 
maternelle.  Jusqu'il  sa  venue  en  Angleterre,  il  ne  savait  à  peu  pr 
tm  mot  d'anglais  et,  quoiqu'il  Tait  appiis  facilement.  M,  Bentley 
parlait  que  la  langue  du  Congo.  Il  savait  très  bien  faire  la  âiSé 
entre  les  mots  qui  appartiennent  réellement  k  la  langue  du  Coi 
ceux  qui  ont  été  importés  à  San  Salvador  par  des  esclaves  du 
nage. 

M.  Bentley  s'est  beaucoup  aidé,  pour  la  rédaction  de  la  grami 
des  travaux  antérieurs  sur  d'autres  langues  de  la  famille  bantoui 
exemple  du  Handhook  of  Swahili  de  l'évéque  Steerc,  dont  les  v 
ques  et  les  règles  lui  ont  fourni  la  clef  des  règles  pour  la  format! 
prétérit.  On  ne  peut  pas  douter  que  sou  travail,  utile  avant  toi 
Européens,  missionnaires,  rammerçants,  voyageurs,  dans  le  bass 
Congo,  ne  rende  de  grands  services  aux  autrtw  missionnaires  dans 
très  parties  de  l'Afrique,  dont  les  langues  n'ont  encore  ni  diclionna 
grammaires.  Il  le  sera  aussi  aux  hommes  d'étude  qui  peuvent  cuiti 
philologie  comparée  dans  des  climats  plus  tempérés  et  dans  des  i 
tiens  beaucoup  plus  favorables  aux  reclierches  linguistiques.  Lî»  I. 
parlée  à  San  Salvador  a,  sur  beaucoup  d'autres,  l'avantage  de  n 
subi  l'intluence  d'aucune  autre  grande  famille.  Le  nègre  propn 
dit,  le  sémite  ou  le  Hottentot  sont  trop  éloignée*  piiur  que  leur 
gués  respective.^  aient  pu  déteindre  sur  celle  du  Congo.  L'êlémen 
tugais  se  fait  sentir  à  la  côte,  mais  à  San  Salvador,  l'intluenee  i 
exti-émeraent  faible, 

M.  Bentley,  arrivé  à  la  fin  de  son  long  travail,  a  acquis  la  conv 
que  ces  peuples  que  nous  nous  pluicnns  à  appeler  «  sauvages  w  o 
avoir  un  passé  gloiicux.  Leur  langue  est  inhniment  supérieure  è 
tels  que  nous  les  trouvons  aujourd'hui,  illettrés,  possédant  néau 
un  système  granmiatical  régulier  d'une  exactitude  telle  que  1' 
journalier  eu  est  déjà,  h  lui  seul,  toute  une  éducation. 

.4.  Béguin  et  B.  Peiijneanx.  Es  ziiizac  dv  Maroc  a  Mai.te  a  tr 

I.'AuiÉRIE,   I.A    TuXIfllE    KT    i.KI*    ÉtaT»    ItARIIARESlK'I':».    LVOII    (,All 

Goste),  ISsS,  i»-l«",  '1.^0  p.  illust.  fr.  ô.  —  Les  deux  voyageui-s,  ai 
de  ce  livre,  mi-ssionnaires  de  la  Maison  des  Chartreux  de  Lyon, 


—  96  — 
Buvre  de  science;  leur  but  a  été,  avant  tout,  ite 
s  la  Gâte  septeotrioiiale  de  l'Afrique,  et  de  visiltr 
ligieux,  cathédrales,  couvents,  eéniinaires,  écoles 

de  villages  qui  se  trouvaient  sur  leur  route,  Partis 
B85,  ils  commencèrent  leur  excui'Sion  par  le  Maroc 
er  lieu  le  port  de  Tanger;  de  là  ils  se  dirigèrent 
e  sur  Oran,  d'où  ils  pénétrèrent  dans  l'inl^near 

à  Mascara.  Ensuite,  revenant  vers  le  uord,  ils 
on  côtière  algérienne  et  tunisienne  eu  faisait 
ians  l'intérieur  :  Alger,  Fort  National,  Bougie, 
itine,  Philippeville,  Boue,  Souk-Arrbas,  Tunis,  La 
Drmeut  les  étapes  principales  de  cette  partie  de 
ir  mission  n'était  pas  terminée;  de  Tunis,  ils  se 

Tripoli,  eu  longeant  le  littoral  tunisien,  et  se 

Malte  d'où  ils  regagnèrent  la  France. 
tas  demander  à  ce  volume  des  recherches  particn- 

de  vue  géographique,  historique  ou  politique. 
■es  qui  livi-eiit  au  public  leurs  notes  de  voyage 

de  connaissances  spéciales.  Leur  œuvre  tient  ud 
s  savantes  études  et  les  récits  badins  ;  elle  est 
lioit  le  penser,  se  distingue  par  son  cachet  religietu; 
•esse  surtout  au  public  catholique.  L'action  de 
aquelle  Mgr  Lavigerie  a  donné  une  si  vive  imput- 
iez missionnaires,  le  système  d'éducation  actuelle- 
.  les  écoles  cougréganistes,  la  situation  religieuse 

Tunisie,  .<4ont  décrits  avec  un  soin  particulier  et 
ihreux  commentaires.  A  côté  de  cela,  les  auteurs, 
de  hou  sens  et  dotés  d'une  instruction  générale, 
an  qu'ont  produite  sur  eux  la  nature  et  les  hommes 
r  insensibles  au  spectacle  de.s  grandes  scènes  de  la 
:it  est  écrit  sans  prétention  et  a\ec  une  grande 
ie  fait  une  idée  exacte  de  la  région  parcourue.  Il 
-s  racontent  ce  qu'ils  ont  vu  et  disent  ce  qu'ils 
partager  toutes  leurs  idées,  il  prend  plaisir  k  lire 
011  se  plait  k  écouter  des  hommes  sincères. 


BULLETIN  MENSUEL  (1"  avril  1889'). 

Nous  extrayous  du  Rapport  du  Conseil  d'administration  à 
ijaie  genevoise  des  colonies  suisses  de  Sétif,  les  reuseigneme 
sur  ce  qui  a  été  fait  pour  conjurer  le  danger  d'une  procha 
de  Bflkuterelles  dont  était  menacée  l'Algérie.  Une 
i:iOO,000  fr.  a  été  conBacrée  au  ramassage  des  œufs;  elle  co 
chiffre  colossal  de  371  milliards  d'œufs.  Tout  en  fournisHa 
gènes  peu  aisés  un  travail  rémunérateur,  ou  est  parvenu  ; 
uuer  le  péril,  dans  une  certaine  mesure.  Quelque  cousid^ 
chiffre  iudiqué  ci-dessus  puisse  paraître,  il  ne  représente  q 
fraction  des  œufs  déposés  dans  la  seule  région  de  Sétif.  Aussi, 
impoi-tautes  ont-elles  été  affectées  aux  travaux  de  défense 
commencer  dès  les  premières  éclosions,  c'est-à-dire  au  moi 
au  mois  de  mai.  Une  carte  exacte  des  lieux  de  ponte  a  été 
les  soins  de  l'ailministration  qui  a  rais  à  la  tête  du  service  ! 
la  destruction  des  criquets  un  homme  de  grand  mérite, 
d'HercuIaïs.  Des  appareils  semblables  à  ceux  qui  ont  été  en 
succès  dans  l'Ile  de  Chypre  ont  été  commandés  en  uomt 
pour  pouvoir  faire  face  à  toutes  les  éventualités,  et  I'oit^b 
travaux,  auxquels  l'armée  prendra  probablement  part,  ser 
la  sollicitude  du  gouvernement.  Il  importe,  en  effet,  d' 
l'avance,  quelques  jours  perdus  pouvant  avoir  une  influem 
le  résultat  de  la  campagne  en  permettant  aux  jeunes  cr 
développer.  Depuis  quelques  années,  les  hauts  plateaux  del 
versent  une  période  critique.  Atteints  successivement  par  h 
les  épizooties,  l'avilissement  du  pi-ix  des  céréales  et  du  b 
souvent  par  les  invasions  de  criquets,  les  cultivateurs  ont  m( 
l'adversité  beaucoup  de  courage  et  de  confiance  dans  l'avi 
tence  de  beaucoup  d'entre  eux  dépend  de  l'issue  de  la  reçoit 
aussi  est-il  de  toute  nécessité  pour  le  pays  que  tout  ce  qu'i! 
iiement  possible  de  faire  soit  fait  pour  lutter  contre  les  a 
débarrasser  la  contrée. 


'  Lea  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  j 
dUmtntairet  j  sont  classées  saivant  un  ordre  géographique  cousta 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  eneuite  la  cûte  orientale  d 
it  par  la  càte  occidentale. 

L'aFRIDIJE.    —    DIXIÈME    ANNÉE.   —    11°    4. 


-  98  — 

A  l'occasion  de  la  raeuace  de  riuvasioii  de^  criquet?,  le  BtUktin  du 
Comice  agricole  de  Médéa  cite  les  expériences  faites  du  soufrage  des 
vignes  et  recommande  aux  viticulteurs  algériens  d'en  prendre  note. 
Les  vignes  fortement  soufrées,  dit  le  correspondant,  ne  sont  pas  tou- 
chées par  les  sauterelles.  Dans  la  région  du  Kroubs,  les  blés  et  les  orges 
ont  été  mang(^s  jusqu'à  ras  de  terre,  tandis  que  les  vignes  soufrées  n'ont 
subi  aucun  dégât.  Un  propriétaire  des  environs  d'Aïn  Smai*a  voyant  des 
nuées  de  sauterelles  envahir  son  vignoble,  eut  l'idée  de  soufrer  immé- 
diatement la  partie  non  encore  atteinte  par  les  acridiens.  Les  ceps  non 
soufrés  furent  mangés  jusqu'à  l'écorce,  tandis  que  ceux  qui  avaient 
reçu  une  légère  couche  de  soufre  furent  absolument  préservés. 

M.  Ed.  Blanc  a  fait  récemment  à  la  Société  de  géographie  de  Paris 
une  communication  sur  les  oasis  du  sud  de  la  Tanisie  qu'il  a 
étudiées  pendant  quatre  ans,  dans  des  circonstances  exceptionnellement 
favorables.  Il  y  fut  envoyé  en  1885,  en  qualité  de  chef  de  service  pour 
la  fixation  des  dunes  de  sable  qui  menaçaient  ces  oasis,  en  leur  appli- 
quant les  procédés  analogues  à  ceux  qui  ont  été  employés  en  France 
pour  fixer  les  dunes  littorales  du  golfe  de  Gascogne.  Mais  en  Afrique  se 
présentent  des  difficultés  spéciales  résultant,  d'une  part,  de  la  grande 
masse  des  sables,  de  leur  sécheresse,  de  leur  mobilité  et  de  la  violence 
des  vents  ;  d'autre  paît,  du  manque  de  matériaux  poui*  les  ouvrages, 
ainsi  que  du  manque  d'eau.  Le  manque  d'eau  s'oppose  à  la  végétation 
et,  par  suite,  à  la  consolidation  de^  ouvrages  par  des  plantations.  A  ces 
difficultés  s'en  ajoutent  d'autres  provenant  de  l'action  du  sirocco,  du 
fait  des  populations  ou  des  animaux  qui  détériorent  les  ouvrages.  Néan- 
moins les  travaux  dirigés  par  M.  Blanc  ont  réussi  dans  celles  des  oai<is 
où  ils  sont  teiminés  ;  dans  d'autres,  ils  sont  encore  en  coui-s  et  se  pour- 
suivent activement  ;  pour  toutes  les  oasis  tunisiennes,  le  tracé  des  tra- 
vaux est  définitivement  arrêté.  Grâce  aux  relations  que  M.  Blanc  s'est 
créées  avec  les  populations  et  avec  les  chefs  du  pays,  il  a  pu  parcourir 
cette  région  en  parfaite  sécurité  et  pousser  des  reconnaissances  bien  au 
delà  des  limites  atteintes  par  les  postes  militaires  les  plus  avancés  du 
sud  tunisien.  Le  contraste  qui  existe  aujourd'hui  entre  la  richesse  des 
oasis  et  la  stérilité  du  désert  qui  les  environne  n'existait  pas  à  l'époque 
romaine,  preuve  en  soit  la  constatation  de  ruines  très  nombreuses  dans, 
le  désert  actuel.  Le  dessèchement  tient  à  la  disparition  des  source>s  et 
des  eaux  superficielles,  disparition  qui,  suivant  M.  Blanc,  doit  être 
attribuée  à  des  causes  géographiques  générales  d'oii  est  résultée  une  ^ 
insuffisance  d'humidité  dans  les  courants  d'air  habituellement  régnant    1 


sur  cette  partie  de  l'Afrique.  L'équilibre  uue  fois  rompu  entre  I 
des  pluies  et  l'évaporatiou,  il  s'en  est  suivi  uii  dessèchement  prc 
de  plus  en  plus  marqué,  et  irrémédiable  daus  l'état  actuel  des 
doDt  l'homme  dispose  aujourd'hui.  L'ensablement,  cooséqueuc 
relie  de  l'effritenieût  du  sol  desséché  sous  l'action  des  vents, 
être  supprimé,  mais  on  peut  employer  divers  moyens  pour  eu 
les  effets  moius  directement  imisibles.  Au  sud  des  oasis  de  Nefz 
de  Djérid,  M.  Btauc  a  travei-sé  le  désert  de  l'Krg,  de  l'est  à  l'oi 
suivant  un  itinéraire  qui  n'avait  pas  encoi-e  été  pai'Couni.  Ses  ( 
tious  dans  la  paHie  méridionale  du  Chott-et-Djénd  l'ont  amené  è 
qac  les  anciens  golfes  qu'il  formait  au  sud-est  et  au  sud-ouesl 
boi-ds  actuels  devaient  marquer  les  limites  de  l'occupation  n 
<juant  à  l'avenir  de  la  région  des  oa^is,  M.  I31aiic  ne  croit  pas  q 
possible  de  transformer  le  pays  et  de  le  couvrir  de  végétation 
moyen  de  puits  artésiens.  Les  nappes  d'eau  sous-jaceutcs  du 
fiout  insuffisantes  pour  l'irrigation  de  la  surface  du  sol,  même  en 
tant  que  toutes  les  eaux  du  désert  viennent  se  concentrer  en 
souterraines  dans  la  région  du  palmiei'-dattier.  Ou  peut  toutefois 
que  les  progrès  de  la  science  pcmiettrout  d'assui-er  l'irrigation 
procédés  autres  que  l(^s  forages  artésiens.  En  attendant,  il  i 
d'utiliser  ces  foi-agcs  pour  (les  explorations  locales;  en  jaloni 
puits  les  routes,  et  eu  ci-éant  des  oasis  artificielles  le  long  di 
saharieunes,  les  travaux  des  ingénieui*»  rendent  d'incontestables  s 

D'apràs  le  rapport  du  consul  général  belge  au  Caire,  il  s'ej 
l'année  dernière,  dans  cette  ville,  une  société  pour  le  développe! 
Téldvedes  MutFuoheai.  Le  consul  dit  avoir  visité  le  parc  de: 
ches  qui  comptait  000  têtes,  dont  100  k  150  en  plein  rapport;  lei 
étaient  des  autruchons  de  six  mois,  trois  mois,  et  plus  jeunes 
dont  les  plumes  n'avaient  encore  aucune  valeur  commercia 
autruches  sont  panjuées  en  plein  air,  par  groupe  de  dix,  qu 
vingt-cinq.  Le  sol  des  enclos  est  tout  simplement  le  sable  du 
Leur  nourriture  consiste  en  maïs,  fèves,  grains,  luzerne  et  \ 
Uoe  autruche  adulte  rapjloi-te  par  au  7.50  francs.  Le  kilograi 
plumes  pour  Londres,  l'aris  ou  Vienne  se  paie  de  3(X)  à  400  fr 
de  première  qualité  atteignent  le  prix  de  800  fr.  et  même  de  lot 
kilogramme.  Cet  établissement  fournit  en  partie  au  comniei-ce  o 
Soudan  importait  au  Caire  avant  la  révolte  du  mahdi. 

Dans  une  lettre  écrite  récemment  d'Kgjpte  à  un  ami  à  Budt 
M.  Feodor  Zubovitch  dit  qu'il  désespère  d'apprendre  la  mise  en 


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—  100  — 

des  cinq  sujets  autriehieus  et  hongrois  qui  sont  encore  prisonnier» 
du  mahdi.  Le  P.  Oswalder,  Slatin-bey,  Neufeld  et  deux  autres  mis- 
sionnaires sont,  si  toutefois  il  est  permis  d'ajouter  foi  aux  assertions  du 
mahdi,  libres  de  recevoir  des  visites  de  leurs  amis  ou  parents  d'Europe, 
le  mahdi  ayant  donné  sa  parole  d'honneur  qu'on  ne  fera  aucun  mal  aux 
visiteurs  et  qu'ils  seront  libres  de  quitter  ses  États  sans  être  molestés. 
D'autre  part,  M.  Rosty,  l'agent  diplomatique  autrichien  au  Caire, 
n'ajoute  pas  foi  aux  déclarations  du  mahdi,  et  a  demandé  qu'une  garan- 
tie lui  fût  fournie  de  la  bonne  foi  de  ce  dernier.  Dans  le  cas  où  il  serait 
fait  droit  à  cette  demande,  le  missionnaire  Levy  Hanris,  qui  connaît  le 
pays,  essayera  de  pénétrer  jusqu'au  quartier  général  du  mahdi,  afin  de 
pouvoir  rapporter  au  Caire  des  nouvelles  des  prisonniers. 

Un  bateau  de  Wady-Halfa  a  amené  à  Assiouan  un  Grec  nommé 
Nicolas  Marianis,  qui  avait  été  longtemps  prisonnier  des  mahdistes  et 
avait  réussi  à  s'échapper  de  Berber.  Il  avait  gagné  Korosko  en  dix  jours, 
avec  son  enfant,  un  petit  Soudanais  de  dix  ans,  et  avait  pris  un  bateau 
pour  Wady-Halfa,  oii  il  s'était  mis  à  la  disposition  de  l'autorité  mili- 
taire. Le  colonel  Messedaglia-bey,  commandant  de  la  police  dans  le 
district  de  Wady-Halfa,  monta  avec  lui  sur  le  bateau  pour  Assouan.  Le 
Grec  avait  abjuré  le  christianisme  et  portait  le  costume  des  derviches  : 
une  longue  tunique  couverte  de  pièces  de  drap  disparates,  une  écharpe 
se  croisant  sur  la  poitrine,  le  turban,  et  il  avait  pour  arme  une  longue 
lance  de  bambou.  Son  enfant  portait  le  môme  costume  et  avait  égale- 
ment une  longue  lance.  D'après  lui,  la  misère  la  plus  gi'ande  règne  au 
Soudan;  les  derviches  sont  las  et  aflFaiblis  :  un  ardeb  de  dourah  —  120 
kilog.  —  coûte  15  thalaris  —  75  fr.  —  Huit  jours  avant  sa  fuite  de  Ber- 
ber, 6000  hommes  avaient  été  levés  ;  2000  par  Mohammed-Kher,  émir 
de  Berber,  et  4000  par  deux  émirs  de  la  région  voisin^.  Ils  avaient  été 
concentrés  sur  Berber,  puis  expédiés  en  deux  contingents  sur  Dougola, 
où  se  trouvaient  des  forces  considérables  prêtes  à  marcher  sur  Wady- 
Halfa. 

Le  capitaine  \¥îs8mann  e«t  parti  du  Caire  pour  Zanzibar  avec  1300 
hommes  recinités  en  Egypte.  Aux  termes  des  instructions  qu'il  a  reçues 
du  prince  de  Bismarck,  il  devra,  dans  ses  rapports  avec  les  agents  do  la 
Société  allemande  de  l'Afrique  orientale,  partir  du  fait  que  les  droits 
conférés  à  cette  Société  par  le  traité  conclu  avec  le  sultan  le  23  avril  1888 
restent  en  vigueur  sans  modification  aucune.  L'administration  demeure 
confiée  aux  agents  de  la  Société  dans  les  territoires  placés  sous  le  pro- 
tectorat de  celle-ci,  en  tant  que  des  considérations  militaires  n'exigent 


—  101  — 
pas  la  restrictiou  ou  même  la  suspension  temporaii'e  des  pouvoii'S  de  la 
Société.  Dans  ce  cas,  les  di-oits  civils  de  la  Société  passent  aux  autorités 
niilitaii-es  dès  qu'est  pi-oclaraée  la  loi  juartiale.  La  Société  administrera 
sous  la  surveillance  du  comiuissaii'e  impérial,  qui  devra  éviter  de  s'iiu- 
iiiiscer  daiis  le  détail  des  affaires  de  la  Société  et  en  particulier  dans 
l'administration  douanière.  Eu  vertu  du  mandat  de  surveillance  à  exer- 
cer sur  l'adrainistratiou  de  ta  Société,  le  commissaire  impéiial  est  auto- 
usé  à  demander  des  modifications  aux  mesui-es  prises  par  la  Société,  si 
ces  mesures  lui  paraissent  de  nature  à  inquiéter  la  population  indigène 
ou  èti-e  eu  opposition  avec  les  droits  d'autres  nations  européennes,  droits 
garantis  par  des  traités.  S'il  n'était  pas  donné  suite  aux  demandes  du 
commissaire  impérial,  il  serait  autorisé  à  suspendre  temporairement  les 
ctl'ets  des  dispositions  critiquées  par  lui,  et,  daus  les  cas  urgents,  à  exiger 
l'éloignement  d'agents  de  la  Société  dont  la  présence  lui  paraîtrait 
incompatible  avec  le  maintien  de  la  sécurité  et  des  bonnes  rolatione 
avec  la  population  indigène. 

Nous  complétons  les  i-enseignements  que  nous  avons  donnés  daiui 
notre  dernier  numéro,  sur  la  révolution  de  l'Ou-Cnnila,  par  les  détails 
suivants  empruntés  à  une  lettre  de  Mgr  Livinhac,  vicaire  apostolique  du 
Victoria-Nyanza,  au  cardinal  Lavigerie  : 

«  Par  les  lettres  de  mes  confrères,  Votre  Kminence  compi'endra  que  ce 
sont  les  musulmans  venus  de  Zanzibar  et  leurs  adeptes  qui  sont  l'unique 
cause  de  notre  expulsion.  Nos  néophytes  ont  été  attaqués  et  nous  avons 
été  pillés,  mis  en  prison  et  chassés  eu  haine  de  la  religion  chrétienne. 
»  Vous  saurez,  »  nous  a  dit  le  Mou-Ganda  musuhnan,  au  moment  de 
rembarquement,  «  et  vous  ferez  savoir  aux  Bazouiigou  (Européen.*!), 
<|Ue  nous  ne  voulons  plus  de  leur  i-eligion  dans  l'Ou-Ganda.  Nous  vou- 
lons l'islamisme,  rien  que  l'islamisme.  Si  un  Européen  remet  le  pied  sur 
noti-e  sol,  nous  le  dépouillerons  de  tout  ce  qu'il  possédera,  nous  le  niet- 
tron.s  dans  les  fers  et  nous  le  chasserons  au  bout  de  quatre  ans  de 
prison.  B 

t  Si  les  puissances  européennes  ne  pi-ennent  pas  de.s  mesures  énergiques 
contre  les  trafiquants  arabes,  ceux-ci  feront  dans  tout  l'intérieur  ce 
qu'ils  viennent  de  faire  dans  l'Ou-Ganda,  et  tous  les  blancs  devront 
reprendre  le  chemin  de  Zanzibar.  La  grande  plaie  de  l'Afrique  équato- 
riale  ce  sont  les  Arabes.  Puisse-t-on  le  comprendre  dans  les  cabinets 
eui-opéens  oii  l'on  s'occupe  de  la  civilisation  de  ce  pauvre  continent. 
Aa«si  longtemps  qu'on  laissent  les  trafiquants  de  Zanzibar  circuier 
librement  et  porter  poudre  et  fusils,  on  travaillera  en  vain  ii  détruire  la 
traite  et  à  civiliser  l'Afrique 


,'■  i^. 


—  102  — 

«  S'il  faut  en  croire  les  bruits  qui  courent,  plusieurs  centaines  de  chré- 
tiens de  rOu-Ganda  veulent  venir  chercher  un  refuge  auprès  de  nous..^ 
Que  deviendront  les  deux  ou  trois  mille  néophytes  ou  catéchumènes  qui 
ne  pourront  quitter  leur  pays  ?  Les  musulmans  leur  feront  probablement 
entendre  leur  inexorable  crois  ou  meurs  !  et  ils  n'auront  plus  auprès 
d'eux  les  missionnaires  pour  les  encourager  à  mourir  pour  leur  foi. 
Heureusement,  tout  espoir  de  retourner  dans  l'Ou-Ganda  n'est  pa& 
perdu.  Les  Ba-Ganda  païens  détestent  les  musulmans,  et  ils  forment  la 
masse  de  la  population.  Il  est  probable  qu'ils  ne  tarderont  pas  à  se 
révolter  contre  leurs  oppresseurs,  et  à  placer  sur  le  trône  un  roi  de  leur 
choix  qui  lèvera  l'arrêt  de  bannissement  porté  contre  nous.  » 

La  lettre  à  laquelle  sont  empruntés  ces  détails  était  datée  du  6  no- 
vembre. Jusqu'au  13  décembre,  les  missionnaires  ne  purent  trouver  des 
hommes  pour  porter  leur  courrier.  Ce  l'etard  forcé  leur  a  permis  de 
recevoir  d'autres  nouvelles  de  l'Ou-Ganda,  apportées  par  des  chrétiens^ 
venus  au  nombre  de  quarante-huit,  sur  une  grande  barque,  chercher  un 
asile  dans  la  station  de  Kamoga  dans  le  Boukoumbi. 

Il  en  ressort  qu'après  l'expulsion  des  missionnaires,  les  Arabes  voulu- 
rent forcer  Kiwewa  à  se  faire  circoncire.  Le  roi,  craignant  de  mourir 
de  cette  opération,  résolut  de  se  défaire  des  Ba-Ganda  mahométans  lea 
plus  influents.  Il  manda  chez-lui,  comme  pour  une  affaire  importante, 
le  premier  ministre  et  deux  autres  grands  seigneurs.  Il  les  lit  lier,  se 
précipita  sur  eux  avec  sa  longue  lance,  et  en  tua  deux.  Il  allait  percer 
le  ministre,  quand  le  chef  des  pages  musulmans  tira  sur  lui.  p]ffrayé,  le 
roi  prit  la  fuite.  Alors  le  ministre  proclama  un  des  iils  de  Mtésa,  Karéma, 
après  l'avoir  fait  circoncire.  Kiwewa  réussit  à  se  sauver  avec  un  certain 
nombre  de  ses  partisans  à  Singo,  sur  les  frontières  de  l'Ou-Nyoro. 
Néanmoins  il  prétend  être  roi;  toutefois  il  est  à  craindre  que  les  Arabes 
ne  finissent  par  avoir  le  dessus. 

Une  lettre  du  missionnaire  Mackay,  publiée  par  le  Church  Intelligent 
cer  and  Record,  annonce  que  Mwanga,  après  s'être  enfui  de  Roubaga 
avec  six  de  ses  femmes  et  une  quarantaine  de  jeunes  gens,  est  arrivé  à 
Magou,  au  sud  du  Victoria-Nyanza.  M.  Mackay  l'ayant  appris,  envoya 
à  l'ancien  pereécuteur  deux  messagers  pour  lui  offrir  de  lui  venir  eu 
aide  dans  la  situation  difficile  oii  il  se  trouvait.  Mwanga  lui  a  fait 
répondre  qu'il  désire  se  rendre  à  la  côte,  et  l'a  prié  de  venir  le  voir  à 
Magou.  Il  serait  même  disposé  à  aller  en  Angleterre,  parce  qu'il  a 
entendu  dire  que  l'empereur  des  Français,  après  avoir  été  vaincu  par 
les  Allemands,  a  trouvé  un  asile  dans  la  Grande-Bretagne. 


—  103  — 

Les  ambassadeui*s  du  roi  des  Ma-Tébélé  ont  remis  à  la  reine  d'An- 
gleterre la  lettre  de  Lo-Bengula,  et  retourneront  prochainement  à  Cape- 
town.  Ils  ont  visité  l'arsenal  de  Woolwich  et  assisté  à  des  manœuvi-es 
à  Aldershot.  On  devait  les  conduire  à  Portsmouth  pour  y  entendre  les 
détonations  des  énormes  pièces  des  vaisseaux  cuirassés,  et  à  Birmin- 
gham pour  y  voir  les  manufactures  d'annes  plus  petites.  A  la  demande 
de  la  reine  :  S'ils  sentaient  le  froid?  Ils  ont  répondu  :  Comment  pour- 
rions-nous sentir  le  froid  ou  le  chaud  en  présence  de  la  grande  reine 
blanche?  Ils  ont  hâte  de  recevoir  la  réponse  à  la  lettre  de  Lo-Bengula, 
pour  pouvoir  retourner  dire  à  leur  souverain  tout  ce  qu'ils  ont  vu  de  la 
puissance  de  l'Angleterre  et  de  l'amitié  du  peuple  anglais. 

Le  steamer  le  Orantully-Castle  a  commencé  à  importer  en  Angle- 
terre des  raisins  de  Capetoiivii.  Poui*  cela,  il  a  été  créé  une  pièce 
spécialement  destinée  à  recevoir  les  grappes  de  raisin.  Elle  est  située 
dans  l'enti-epont,  est  construite  en  bois  et  mesure  5"  de  long,  3*°  de 
large  et  2"*  de  hauteur.  Les  parois  sont  doubles  ;  l'intervalle  de  0™,50 
qui  le^  sépare  est  rempli  de  poudre  de  houille,  le  meilleur  moyen, 
dit-ou,  d'absorber  l'humidité  et  d'empêcher  la  radiation.  Les  raisins 
sont  placés  dans  des  tonneaux  remplis  de  fine  poussière  de  liège.  La 
pièce  peut  recevoir  vingt  et  un  tonneaux  ;  elle  est  hermétiquement  close 
par  une  porte  qui,  une  fois  fermée,  ne  se  rouvre  qu'au  terme  du  voyage. 
Un  tuyau  part  du  générateur  de  froid  et  conduit  dans  la  pièce  un  cou- 
rant d'air  qui  peut  être  maintenu  à  une  température  constante  de  7"^ 
centigrades.  L'air  apporté  de  la  chambre  réfrigérante  amène  une  cer- 
taine quantité  d'humidité,  qui  se  dépose  en  neige  en  arrivant  dans  la 
pièce  où  sont  les  raisins;  mais  cette  neige  fond  bien  vite,  et  l'eau  qui  en 
résulte  est  emmenée  par  un  tuyau  spécial.  Dans  le  cas  où  le  steamer 
n'aurait  pas  de  raisin  à  transporter,  cette  pièce  peut  se  démonter,  et 
l'espace  qu'elle  occupe  être  rempli  de  laine  ou  d'autres  marchandises. 

Six  familles  protestantes,  descendant  d'anciens  esclaves  hbérés,  ori- 
ginaires  du  Congo,  mais  établis  à  Libéria  depuis  quelques  années,  eu 
ont  été  ramenées  par  M.  Lehrmann,  agent  de  l'État  indépendant,  et  ont 
été  installées  dans  le  voisinage  de  Banana.  On  a  choisi  pour  elles  le 
plateau  de  Nemlaô,  qui  s'étend  depuis  la  mission  Taylor  jusqu'au 
village  du  chef  Ne'Tombé,  actuellement  le  plus  important  des  princes 
de  Banana.  Les  nouveaux  colons  ont  trouvé  les  terrains  de  ce  plateau 
éminemment  propres  à  la  culture  du  café,  du  tabac  et  du  cacao.  Les 
vallées  aux  environs  du  village  de  Ne'Tombé  sont  très  belles;  les  plan- 
tations indigènes  de  maïs,  de  sorgho,  de  patates  douces,  etc.,  y  sont  très 


—  104  — 
pi-ospères.  Ne'Tombé  se  déclare  très  content  de  l'arrivée  des  nouveaux 
éraigi-anta.  La  mission  protestante  établie  par  l'évéque  Taylor  se 
trouvant  à  proximité  du  terrain  concédé,  les  petits  enfants,  qui  savent 
pi-esque  tous  lire  et  écrire,  pourront  y  continuer  leur  iustructioD. 

Le  steamer  de  la  Compagnie  du  Congo  pour  le  commerce  et  l'indus- 
trie, le  Roi  des  Belles,  a  fait.  Tannée  dernière,  l'exploratioB  iIh 
Kasaaî  et  de  nés  arfluenUi,  au  point  de  vue  commercial,  sous  le 
commandement  de  M.  A.  Delcommune.  Le  Mouvement  géographique  de 
Bruxelles  a  obtenu  de  la  susdite  Compagnie  des  renseignements  géo- 
graphiques auxquels  nous  empruntons  les  détails  suivants  :  Le  Soi  du 
Belges  a  remonté  successivement  le  Kwa  et  le  Mfini-Loukényé,  fait  h 
circumnavigation  du  lac  Léopold  II,  remonté  le  Kassal  et  la  Louloua 
ju.squ'à  Louébo,  exploré  le  Sankourou  et  le  Lomami,  le  Quango  et  W 
.  Djouma.  Après  15!i  jours  de  navigation,  il  rentrait  à  Léopotdville,  ayant 
accompli  un  trajet  de  plus  de  3000  kilomètres.  Dans  l'exploration  du 
inani.  M,  Delcommune  constata  que  les  riverains  se  livrent,  sur  uue 
assez  grande  échelle,  à  l'industrie  du  sel  et  â,  la  fabrication  d'une 
teinture  rouge.  La  population  est  clairsemée,  éparpillée  dans  de  petits 
villages.  Un  peu  en  aval  de  l'entrée  dans  le  lac  Léopold  11,  le  tieuvf 
a  une  largeur  de  WX)"';  la  i-ive  droite  est  i-ocbeuse  et  assez  élevée;  ww 
suite  de  charmants  villages  se  montrent  au  milieu  de  superbes  palmiers 
elaïs  et  de  plantations  de  bananiei-s.  Au  passage  du  bateau,  une 
population  nombroiise  et  hospitalière  se  groupa  sur  la  rive.  Rarement 
M,  Delcommune  avait  rencontré  des  indigènes  d'un  caractère  plus 
doux.  A  l'endroit  oii  le  Mfiiii  sort  du  lac,  celui-ci  a  3  kilom.  de  laideur. 
A  l'extrémité  septentrionale,  il  forme  deux  immenses  baies  mesurant 
plus  de  50  kilom.  de  longueur  sur  11  de  largeur.  Sur  la  rive  orientale 
de  la  baie  d'ouest,  se  trouve  la  ville  de  llMnbou*oii  l'expédition  ro(;ut 
le  meilleur  accueil,  n  Vei-s  quatre  heures,  "  dit  M.  Delcommune  dans  sou 
rapport,  «  je  nie  rendis  au  village,  .le  longeais  une  grande  rue  entre  dre 
huttes  trè-s  bien  faites  et  d'une  grande  propreté.  Ces  habitations  ont  le 
toit  plus  élevé  et  h  uu  angle  plus  aigu  que  celles  que  j'ai  vues  jusqu'ici. 
Les  pai-ois  sont  faites  de  bambous  fendus  ou  deux  et  espacés  d'un  centi- 
mètre. Elles  n'ont  pas  de  portes  :  trois  côtés  sont  fermés,  le  quatrième, 
entièrement  ouvert,  sert  d'entrée.  La  nuit,  on  ferme  ce  dernier  an 
moyen  d'une  natte.  A  l'intérieur,  une  couche  d'un  pied  d'argile  battue 
.sert  de  plancher,  puis  quelques  lits  bas  eu  bambous,  puis,  au  centre,  un 
autre  lit  en  bambous,  celui-là  placé  très  haut,  forment  tout  l'ameuble- 
ment de  ces  ilenienres  primitives.  Après  une  marche  de  25  minutes  sur 


—  105  — 

cette  large  route,  toute  bordée  de  huttes,  de  bananiers,  ;de  palmiers 
elals,  de  palmiers  bambous,  de  safou,  etc.,  nous  arrivons  devant  une 
clôture  faite  de  feuilles  de  palmier  et  dont  F  état  délabré  indique  la 
vétusté.  Nous  entrons  dans  cette  enceinte,  où  se  dressent  six  grandes 
huttes,  et  je  me  trouve  bientôt  devant  le  chef.  On  m'ofire  un  escabeau 
de  bois  sur  lequel  je  m'assieds  ;  les  interprètes  s'accroupissent  à  me^ 
côtés.  Je  me  vois  bientôt  entouré,  à  une  certaine  distance,  d'une  bande 
d'indigènes;  Le  chef  Totay  reste  dans  le  fond  d'un  hangar  où  je  l'avais 
vu,  en  entrant,  entouré  de  ses  familiers...  Le  lendemain,  à  huit  heureg 
du  matin,  il  arrive  au  bateau  avec  une  suite  nombreuse,  vêtu  comme  la 
veille  :  un  long  pagne  d'herbes  noué  autour  des  reins,  le  toi*se  nu,  sur  la 
tête  un  léger  filet  ti-essé  de  minces  cordelettes,  qui  lui  tombe  jusque  sur 
l'épaule.  Sur  le  sommet  de  la  tète  et  nouées  au  filet,  des  plumes  de  coq, 
de  perdrix,  de  pintade,  de  perroquet,  dressent  leurs  arêtes  panachées; 
sur  le  front,  et  également  attachée  au  filet,  une  large  plaque  ronde  de 
cuivre  jaune  repoussé  représentant  le  soleil  qui  est  ici  le  symbole  de  la 
royauté.  Il  tient  à  la  main  un  long  et  large  couteau,  de  forme  ovale, 
dont  les  bords  luisants  brillent  au  soleil.  Je  l'invite  à  monter  à  bord, 
mais  il  n'ose  s'aventurer  sur  mon  bateau  qui  lui  fait  peur.  A  dix  heures, 
nous  nous  mettons  en  marche,  accompagnés  des  acclamations  sympa- 
thiques de  tout  le  peuple.  A  500™  de  la  rive,  nous  avisons  im  endroit 
sablonneux  abordable,  oîi  nous  distinguons  une  foule  d'indigènes  nous 
faisant  des  signes  et  poussant  des  hurlements  vraiment  sauvages.  Nous 
abordons  et  nous  nous  voyons  entourés  par  plus  de  500  indigènes  d'hu- 
meur très  commerçante.  Leurs  huttes  s'alignent  le  long  de  la  rue  et 
dans  l'intérieur  des  terres,  enfouies  au  milieu  d'une  végétation  luxu- 
riante. Nous  faisons  une  ample  provision  de  poules,  de  chèvres,  d'œufs 
et  de  bananes,  qui  coûtent  ici  une  bagatelle.  Les  coiffures  des  indigènes 
sont  très  variées  et  toutes  très  artistement  faites.  Les  unes  aii'ectent  la 
fonne  de  pâtés  à  côtes;  d'autres  celle  d'un  chapeau  chinois  tout  à  fait 
uni  ;  celles-ci,  d'un  diadème  ;  celles-là,  ramassées  en  boule,  donnent  un 
aspect  grotesque  à  ces  figures  de  bronze.  » 

L'expédition  du  D'  Zint^ralT  dans  la  région  des  sources  du  Cala- 
bar  nous  a  apporté  des  renseignements  utiles  sur  les  tenitoires  situés 
au  nord  de  ceux  qu'avait  explorés  le  D*^  Schwarz  (v.  VII  année,  p.  172- 
181  et  la  Carte,  p.  188).  Parti  de  la  station  de  Balombi,  près  du  lac 
des  Éléphants,  avec  35  hommes  seulement,  il  gagna  d'abord  Bakoun- 
dou,  puis  le  pays  des  Banyang,  situé  au  N.-E.  Une  quantité  de  petits 
cours  d'eau  se  déversant  dans  le  Calabar  entretiennent  la  fraîcheur  du 


i;V'  *■.'■'■ 

* 


—  lOÔ  — 


R ;  *  sol  forestier.  Les  indigènes  sont  vigoureux  et  d'un  noir  foncé;  ils  se 

^^  V  nourrissent  de  mate,  de  bananes,  dMgnames,  de  cocos,  de  fèves,  et  de 

^PvA^'  toutes  sortes  de  fruits  savoureux,  dont  beaucoup  sont  inconnus  à  Tex- 

>J' V.  plorateur;  la  noix  de  gouro  abonde  dans  la  région.  Les  Banyang  se 

disent  originaires  d'un  pays  situé  plus  à  Test,  peut-être  le  Bayong  de  la 
carte  de  Perthes.  Us  disent  que  dans  leur  pays  coulent  deux  grands 
fleuves,  Tun  occidental,  le  Difumm,  et  le  plus  grand,  l'oriental,  le 
Liba.  Us  étaient  en  guerre  avec  les  Bali,  de  TAdamaoua,  qui  font  le 
commerce  d'esclaves.  Ces  Bali,  disent-ils,  habitent  à  plusieurs  journées 
de  distance  dans  une  région  de  pâturages  ;  ils  se  nourrissent  de  riz  et 
montent  à  cheval.  Les  Banyang  sont  du  l'esté  astucieux  et  rapaces. 
Difang,  le  premier  chef  du  pays,  eut  d'abord  rintention  d'attaquer  le 
docteur  et  de  le  dépouiller,  comme  il  avait  déjà  volé  et  tué  huit  mar- 
chands qui  s'étaient  confiés  à  son  hospitalité.  Cependant,  après  la 
remise  d'un  cadeau  de  prix,  l'explorateur  fut  bien  accueilli  de  lui.  En 
revanche,  un  chef  voisin,  Fotabe,  le  retint  de  force  et  le  pressura.  Il 
désirait  beaucoup  pouvoir  atteindre  le  pays  des  pâturages  au  delà  de  la 
première  chaîne  des  monts  qui  forme  la  vallée  dans  laquelle  coule  le  haut 
Calabar,  et  résolut  de  laisser  ses  coflfres  vides  à  Difang,  et  de  ne  charger 
ses  porteurs  que  des  provisions  et  marchandises  nécessaires  pour  une 
absence  de  deux  mois.  Mais  un  envoyé  d'un  des  chefs  vassaux  de  Difang 
vint  planter  un  épieu  en  terre  devant  le  docteur,  eu  déclai'aut  que  sou 
maître  refusait  le  passage  à  un  blanc,  et  que  si  la  caravane  poussait  en 
avant  ce  serait  la  guerre.  Force  fut  donc  au  voyageur  de  repasser  le 
Calabar  et  de  reprendre  le  chemin  de  la  côte  sans  avoir  pu  gagner 
l'Adamaoua,  comme  il  l'avait  espéré. 

Un  télégramme  a  annoncé  la  rencontre  à  Koni^  du  capitaine  Bin- 
ger  et  de  M.  Treich-Laplène,  chargé  de  lui  conduire  un  convoi  de 
ravitaUlement.  Parti,  en  mars  1887,  des  possessions  françaises  du  Séné- 
gal, M.  Binger,  se  dirigeant  vers  le  sud-est,  atteignait  Kong  eu 
mars  1888,  en  explorait  toute  la  région,  puis,  se  portant  vers  Test, 
arrivait  le  11  novembre  à  Salaga,  d'oîi  il  revenait  bientôt  à  Kong.  Sou 
voyage  à  travers  des  territoires  où  n'avait  pénétré  aucun  Euro- 
péen nous  procurera  d'utiles  renseignements  géographiques.  Celui  de 
M.  Treich-Laplène,  d'Assinie  à  Kong,  a  été  accompli  dans  des  circon- 
stances tout  particulièrement  difficiles.  Il  a  dû  lutter  de  finesse  avec  les 
chefs  noirs,  traiter  avec  eux,  les  couvrir  de  cadeaux  pour  obtenir  le 
passage;  et  ce  n'est  qu'à  force  d'énergie  qu'il  a  réussi  à  vaincre  toutes 
les  difficultés. 


—  107  — 

A  la  dernière  heure,  le  Temps  nous  apporte  une  lettre  de  M.  Treich- 
Laplène,  écrite  de  Kong,  le  15  janvier,  rendant  compte  de  sa  rencontre 
avec  M.  Binger.  Nous  en  extrayons  ce  qui  suit  :  Tandis  que  je  me 
dirigeais  sur  Kong,  le  capitaine  Binger  pénétrait  dans  le  Bondoukou, 
venant  d'explorer  les  pays  des  Mosi  et  des  Grousi,  dans  lesquels  il  a 
couru  les  plus  grands  dangei's,  ensuite  de  l'émotion  causée  par  l'arri- 
vée d'une  expédition  venue  du  bas  Niger.  Obligé  de  fuir,  M.  Binger  fit 
route,  pendant  plusieurs  semaines,  sans  guides,  manquant  de  vivres, 
continuellement  en  péril,  jusqu'à  Oual-Oualé,  puis  il  descendit  à  Salaga, 
où  il  dut  séjourner  quelque  temps.  Lui  et  ses  gens  étaient  épuisés  par  la 
fatigue  et  la  maladie.  De  Salaga,  marchant  vers  l'ouest,  M.  Bmger  se 
rendit  par  Kintampo  à  Bondoukou,  qu'il  atteignit  huit  joui-s  après  mon 
départ.  Si  le  roi  Adjimin  m'avait  fait  prévenir  alors  de  l'arrivée  de 
notre  compatriote  dans  ses  États,  je  n'aurais  pas  eu  besoin  d'aller 
jusqu'à  Kong.  A  Bondoukou,  M.  Binger  eut  un  accès  de  fièvre  bilieuse 
hématurique;  à  peine  remis,  il  suivit  mes  traces  vers  Kong,  à  pied,  tous 
ses  animaux  porteurs  étant  morts.  Enfin,  le  5  janvier,  nous  étions 
réunis.  M.  Binger  a  signé  avec  le  souverain  de  Kong,  Karamotho-Oulé- 
Ouattura,  un  traité  qui  place  la  ville  et  le  territoire  de  Kong  sous  le 
protectorat  de  la  France.  Aujourd'hui,  nous  allons  reprendre  ensemble 
la  route  de  la  côte,  en  suivant  la  rive  droite  du  fleuve  Akba,  qui  forme 
la  frontière  entre  le  pays  de  Kong  et  le  Bondoukou.  Nous  espéi*ons 
descendre  en  pirogue  jusqu'à  Bettié,  d'où  nous  gagnerons  Graud- 
Bassam^ 

On  écrit  de  Saint-Louis  au  Moniteur  des  colonies,  que  M.  Noirot, 
administj-ateur  délégué  du  Sénéi^al,  déploie  la  plus  grande  activité 
pour  que  l'Exposition  universelle  possède  une  collection  ethnogi*aphique 
des  peuples  de  la  colonie  fi*ançaise.  De  nombreuses  photographies,  des 
tableaux  et  des  dessins,  dus  à  M.  Noirot,  compléteront  les  renseigne- 
jiients  fournis  par  les  objets  en  usage  chez  les  différentes  tribus.  Des 
forgerons,  des  menuisiers,  des  cordonniers  indigènes,  montreront  par 
leurs  travaux  les  progrès  industriels  de  leurs  peuplades.  En  outre, 
M.  Noirot  a  décidé  les  principaux  chefs  à  participer  directement  en  qua- 
lité d'exposants  à  cette  manifestation  internationale.  Certains  chefs  ont 
demandé  et  obtenu  de  pouvoir  visiter  l'exposition,  accompagnés  de  leurs 
familles.  Grâce  au  concours  de  M.  Aumont,  président  de  la  Chambre  de 

'  Un  télégramme,  arrivé  à  Paris  le  22  mars,  a  annoncé  qae  MM.  Binger  et 
Treich-Laplène  sont  parvenus  en  bonne  santé  à  Grand-Bassam. 


—  108  — 

commerce  de  Saint-Louis,  une  collection  complète  des  produits  d'im- 
portation et  d'exportation  figurera  à  la  section  sénégalaise. 


NOUVELLES  GOBIPLËMENTAIRE8 

Dans  on  article  sur  Pimportation  des  légumes  d'Algérie,  le  Sémaphore  de  Mar- 
seille donne  les  chiffres  suivants,  qui  montrent  le  développement  progressif  de  U 
culture  maraîchère  dans  la  colonie  française.  En  1860,  l'Algérie  n'exportait  pour 
Marseille  que  170000  kilogrammes  de  légumes  frais  et  de  primeurs.  En  1872,  ce 
chiffre  s'élevait  à  1200000  kilog.  En  1888,  MarseUle  en  recevait  6572433  kilog., 
dont  la  plus  forte  partie  provenait  de  l'Algérie. 

D'après  le  journal  italien,  la  Biforma,  le  négus  d'Abyssinie  a  déclaré  la  guerre 
à  Ménélik,  roi  du  Choa.  Celui-ci  a  adressé  à  son  peuple  une  proclamation  pour 
appeler  tous  ceux  qui  ont  en  main  une  lance  à  se  réunir  pour  la  défense  du  pays, 
des  femmes,  des  enfants  et  des  vieillards; 

A  la  suite  d'une  demande  faite  par  le  sultan  de  Hobbia,  le  consul  d'Italie  à  Zan- 
zibar a  été  autorisé  à  lui  accorder  le  protectorat  italien.  Conformément  à  l'article 
34  de  l'Acte  général  de  la  Conférence  africaine  de  Berlin,  notification  en  a  été 
faite  aux  puissances  signataires  dudit  acte. 

D'après  la  Vossische  Zeitung  de  Berlin,  M""*  Ruete,  sœur  de  l'ancien  sultan 
de  Zanzibar,  Saïd-Bargasch,  s^étant  rendue  à  Zanzibar  pour  demander  au  sultan 
actuel,  Seyd-Khalifa,  sa  part  d'héritage,  n'a  rien  pu  obtenir  de  lui.  L'intervention 
du  gouvernement  allemand  n'a  pas  pu  décider  le  sultan  à  se  réconcilier  avec  sa 
sœur;  celle-ci  est  revenue  dans  une  des  villes  de  la  côte  de  la  Palestine  où  elle 
compte  passer  le  reste  de  ses  jours. 

Le  Berliner  Taghîatt  annonce  qu'après  avoir  été  obligé  de  s'éloigner  de  Baga- 
moyo,  Bonchiri  s'est  retiré  dans  l'intérieur  et  que  les  indigènes  se  montrent 
disposés  à  entamer  des  négociations  pour  la  paix. 

Le  D'  Pet  ers,  chargé  de  la  conduite  de  l'expédition  de  secours  pour  Émin 
pac}ia,  a  quitté  Alexandrie,  se  rendant  à  Zanzibar.  Les  porteurs  engagés  pour 
lui  dans  l'Afrique  orientale  n'ont  pas  été  autorisés  à  débarquer  à  Zanzibar  ;  le 
sultan  les  a  fait  transporter  à  Dar-es-Salam. 

Douze  des  esclaves  libérés  par  le  steamer  allemand  le  Leipzig,  ont  été  rendus 
aux  Arabes  pour  obtenir  le  rachat  de  sept  missionnaires  allemands  capturés  par 
ceux-ci,  qui  ont  exigé  en  outre  un  paiement  de  12000  roupies  (plus  de  20000  fr.). 

Les  conséquences  du  blocus  de  la  côte  orientale  d'Afrique  se  font  sentir  à 
Madagascar,  aux  Comores  et  à  Nossi-Bé.  Des  Hindous  établis  depuis  longtemps 
sur  le  littoral  africain  ont  émigré  dans  ces  lies,  et  comme  ils  vivent  de  peu  et  se 
contentent  de  très  petits  bénéfices^  les  Européens  et  le  petit  commerce  fait  par  les 
créoles  ont  beaucoup  de  peine  à  soutenir  la  concurrence  avec  eux. 

UAdvertiser  de. Pretoria  annonce  que  la  construction  d'un  chemin  de  fer  de  la 
capitale  du  Transvaal  à  Johannesbourg  est  décidée. 


/ 


—  109  — 

Les  présidents  des  deux  républiques  du  Transvaal  et  de  l'État  libre  de  POrange, 
MM.  Krûger  et  Reitz,  ont  dû  se  rencontrer  le  4  mars  à  Potchefstrom  pour  discu- 
ter un  projet  d'union  fédérative  et  des  sujets  d'intérêts  communs  aux  deux  États. 
D'autre  part,  les  gouvernements  de  Natal  et  de  la  Colonie  du  Cap  ont  accepté 
tine  invitation  du  président  de  l'État  libre  de  l'Orange,  à  envoyer  des  délégués  à 
une  conférence  qui  devait  avoir  lieu  le  20  mars  à  Blœmfontein,  pour  s'occuper 
des  douanes  et  des  chemins  de  fer. 

Sir  Francis  de  Winton  a  communiqué  à  la  Société  de  géographie  de  Lioudres 
que  le  comité  organisateur  de  l'expédition  Stanley  a  été  avisé  de  l'arrivée  aux 
Stanley-Falls  de  quatre  lettres  de  Stanley.  Expédiées  à  Londres,  elles  y  sont 
attendues  prochainement. 

M.  Amot  ayant  rapporté  à  la  Société  de  géographie  de  Londres  que  le  chef 
Chitamba,  dans  le  territoire  duquel  mourut  Livingstone,  était  mécontent  de  n'avoir 
pas  reçu  de  récompense  pour  l'autorisation  qu'il  avait  donnée  d'emporter  le  corps 
du  grand  explorateur,  le  Conseil  de  la  Société  a  mis  50  livres  à  la  disposition  de 
M.  Amot  pour  l'acquisition  d'un  présent  à  offrir  à  Chitamba.  M.  Amot  a  accepté 
cette  mission  et  s'en  acquittera  dès  son  retour  dans  l'Afrique  centrale  où  il  se 
prépare  à  retourner. 

L'État  indépendant  du  Congo  fait  établir  sur  l'Arououimi  une  station  militaire 
dont  la  direction  sera  confiée  à  M.  le  lieutenant  Roget,  ancien  commandant  de 
la  force  publique  à  Borna. 

Le  steamer  HoUand,  de  la  Société  Jiollandaise,  a  quitté  Stanley-Pool,  se  rendant 
dans  le  haut  fleuve  pour  y  fonder  un  nouvel  établissement  en  amont  de  fiangala. 
Le  Génèraî'Sanfardf  vapeur  de  la  Société  belge  du  haut  Congo,  a  dû  être  mis 
à  flot  sur  le  Stanley-Pool  au  commencement  de  février. 

M.  Crampel,  ancien  secrétaire  de  Savorgnan  de  Brazza,  qui  avait  reçu  de  celui-ci 
cme  mission  à  l'intérieur  ^u  Congo  français,  parait  avoir  complètement  réussi.  Le 
Moniteur  des  Colonies  annonce  son  retour  au  poste  de  Bâta,  venant  de  l'Ogôoué 
par  ^  nord.  Les  détails  manquent  encore. 

A  l'occasion  de  l'expédition  Kund  sur  le  Sannaga,  la  maison  Wœrmann  de 
Hambourg  a  prescrit  à  son  représentant  au  Cameroun  d'établir  ime  station  sur  le 
l)a8  Sannaga,  et  de  pousser  activement,  en  amont,  la  fondation  de  postes  commer- 
•danx  sur  le  Niong.  Depuis  l'expédition  susnommée,  le  trafic  de  caoutchouc  sur  la 
«6te  de  Batanga  et  les  relations  avec  l'intérieur  ont  pris  un  grand  essor. 

A  la  suite  des  incursions  continuelles  auxquelles  se  livraient  les  indigènes  de 
Biboundi  et  de  deux  autres  villages  contre  des  tribus  amies  des  Allemands  établis 
au  Cameroun,  une  troupe  allemande  a  été  débarquée  près  de  Biboundi,  qui  a  été 
brûlée  ainsi  que  les  villages  susmentionnés. 

Les  maisons  de  commerce  anglaises  et  allemandes  établies  sur  la  côte  des 
Huiles  et  qui  ont  des  relations  avec  le  Niger,  ayant  réclamé  auprès  du  gouverne- 
ment britannique  contre  certains  procédés  de  la  Compagnie  royale  du  Niger,  le 
gouvernement  a  envoyé  le  major  Claud  MacDonald  en  qualité  de  commissaire 
extraordinaire,  avec  mission  de  faire  une  enquête  sur  les  faits  qui  ont  donné  lieu 
à  ces  réclamations. 


—  110  — 

Le  capitaine  Lethbrige  ayant  rapporté  à  Accra  le  traité  conclu  au  nom  de  là 
France  avec  le  roi  du  Gy&man  et  le  paTÎllon  français  donné  à  ce  roi,  le  major 
Ewart,  le  D'  Freetnan  et  le  détachement  de  HaouBBas  qui  formaient  l'expédition 
anglaise  envoyée  au  Gyamsn,  ont  été  rappelés  à  Accra. 

Le  chemin  de  fer  du  haut  Sénégal,  abandonné,  puis  repris  avec  de  faibles  res- 
sources, va  maintenant  jusqu'au  fort  de  Bafoulabé  ;  Bon  parcours  est  de  128  kilo- 
mètres. Les  villes  de  Kayes,  Médine  et  Bafoulabé,  qui  sont  sur  la  ligne,  se 
développent  rapidement.  En  1866,  la  première  comptait  200  habitants;  elle  en  a 
7000  aujourd'hui. 

D'après  une  dépêche  de  Tanger,  une  factorerie  anglaise  du  cap  Juby  serait 
menacée  par  les  indigènes  du  Draa  ;  un  Anglais  a  été  tué,  deux  autres  ont  été 
bleasés.  En  outre  le  c&ble  aous-marin  ayant  besoin  d'être  réparé,  le  sultan  profite 
de  cette  occasion  pour  chercher  à  retirer  la  concession  qu'il  avait  accordée  pour 
le  poser.  L'aviso  anglais  le  Curleie  est  parti  pour  protéger  ses  n 


COMMUNICATIONS  ENTRE  U  COTE  ORIENTALE  D'AFRIQUE 
ET  L'INTÉRIEUR 

Dans  la  lettre  de  sir  Francis  de  Wintoii  que  nous  avons  citée  (p.  10), 
se  trauve  mentionnée  la  localité  de  Msalala,  au  sud  du  lac  Victoria,  où, 
sur  )a  demande  de  Stanley,  le  Comité  de  secours  avait  oi^anisé  uik 
dépôt  de  marchandises  et  de  munitions  pour  l'expédition.  A  cette  occa-- 
sien,  un  membre  du  Parlement  anglais  demanda  par  quelle  voie  ces 
provisions  avaient  été  transportées  à  Msalala,  qui,  pour  le  dire  en  pas- 
sant, est  une  station  dos  missions  de  l'Église  anglicane.  Le  Times  a 
répondu  dans  un  article  dont  nous  allons  donner  la  substance  ;  les  ren- 
seignements suivants  compléteront  ce  que  nous  avons  dit  (p.  2r>-28)  des 
iiitéi*êtâ  missionnaires  dans  l'Afrique  orientale  équatoriale. 

Ce  sont,  en  effet,  les  agents  dejs  Sociétés  missionnaires  qui,  installè.s 
dans  cette  région,  compi-enant  les  indigènes  et  bienvenus  de  ceux-ci,  ont 
établi  les  communications  régulières  existantes  entre  la  côte  et  l'inté- 
rieur. 

En  commençant  par  le  nord,  la  mission  allemande  de  Ngao,  sur  la 
Tana,  a  de.*!  communications  plus  ou  moins  précaires  avec  Witou,  dans 
la  zone  d'influence  allemande. 

La  bi'anche  de  Plombas  de  la  Société  des  missions  anglicanes  a  des 
communications  régulièi-es,  de  Frere-Town,  sur  la  côte,  avec  le  terii- 
tflire  de  Teïta,  et  de  Mechi  (.Cliagga),  à  l'intérieur,  dans  la  zone  d'iu- 
fluence  anglaise.  La  Société  se  propose  d'ouvrir  une  route  directe,  de 


—  111  — 

Chagga  au  golfe  de  Speke,  à  l'angle  sud-est  du  Victoria-Nyaiiza,  pour 
être  complètement  indépendante  de  Zanzibar.  Mais,  jusqu'ici,  le  pays 
n'a  encore  été  traversé  par  aucun  Européen,  ni  par  une  caravane 
arabe  ;  aussi  le  projet  susmentionné  est-il  en  suspens.  Joseph  Thomson 
a  ouvert  une  autre  routQ  de  Chagga  au  Kavirondo,  à  l'est  du  lac  Victo- 
ria ;  elle  traverse  le  pays  des  Masaï,  et  a  été  suivie  par  l' évoque  Han- 
nÎDgton;  mais  celle-ci  ne  répond  pas  aux  besoins  des  stations  missionaires 
qui  sont  au  sud  du  lac  et  qui  doivent  être  maintenues.  Du  port  de 
Mombas,  la  mission  anglaise  des  méthodistes  unis  et  celle  de  Bavière 
ont  des  communications  faciles  avec  leurs  stations  respectives  dans  le 
pays  des  Wa-Kamba  et  dans  celui  des  Gallas  méridionaux,  à  Golbanti. 

La  mission  des  Universités  a,  de  Zanzibar,  comme  base  permanente 
d'opérations,  un  accès  assuré  par  steamer  avec  Pangani,  sur  le  conti- 
nent, et  de  là,  avec  ses  nombreuses  stations  dans  l'Ou-Sambara.  Ses 
communications  avec  ses  établissements  sur  la  Rovouma  se  font  par 
vapeur  jusqu'à  Lindi,  puis  par  terre  jusqu'à  Newala.  Pour  atteindre  ses 
stations  du  lac  Nyassa,  on  peut  prendre  une  route  qui  passe  au  sud-ouest 
de  Lindi,  puis  à  Chitesi,  d'où  l'on  gagne  le  Nyassa,  ou  bien  se  rendre  en 
steamer  à  Quilimane,  d'où  l'on  remonte  le  Zambèze  et  le  Chiré.  C'est 
plus  long,  mais  jusqu'ici  la  sécurité  de  la  route  est  entière. 

La  Société  des  missions  anglicanes  maintient  des  communications 
ininterrompues  avec  le  Victoria-Nyanza,  et  avec  ses  stations  intermé- 
diaires, au  moyen  de  caravanes  expédiées  périodiquement  de  la  côte. 
Elles  traversent  l'Ou-Sagara,  l'Ou-Gogo,  l'Ou-Nyamouézi  et  l'Ou- 
Zinga,  pom-  parvenir  aux  stations  qui  sont  au  sud-est  du  lac  Victoria. 
C'est  sans  doute  par  une  de  ces  caravanes,  sous  la  direction  d'un 
Anglais  expérimenté,  M.  Stokes,  que  les  provisions  de  Stanley  ont  été 
transportées  à  Msalala.  De  ce  point  Ton  se  rend  à  Roubaga,  capitale  de 
rOu-Ganda,  au  moyen  des  embarcations  des  indigènes.  Il  est  question  de 
lancer  sur  le  lac  un  bateau  européen,  construit  spécialement  pour  faire 
ce  trajet.  La  Société  des  missions  de  Londres  se  sert  de  la  même  route, 
de  Zanzibar  à  Tabora,  dans  l'Ou-Nyamouézi,  mais  de  ce  point  les  com- 
munications avec  ses  stations  du  Tanganyika  se  font  par  la  voie  d'Oud- 
jidji,  qui  est  également  employée  parles  missions  catholiques  pour  leurs 
établissements  sur  la  côte  ouest  du  Tanganyika.  C'est  encore  par  cette 
route  que  Tipo-Tipo  a  expédié  à  Zanzibar  les  lettres  qui  ont  apporté  les 
nouvelles  de  Stanley. 

Les  missions  écossaises  du  lac  Nyassa  communiquent  avec  la  côte  par 
le  Zambèze  et  le  Chiré. 


—  112  — 

Pendant  les  dix  dernières  années,  on  s'est  ^orcé,  à  grand'peine  de 
tenir  ou:vertes  ces  voies  d'un  commerce  pacifique.  D  n'y  a  pajs  longtemps, 
lorsqu'un  voyageur  avait  quitté  la  côte  pour  s'enfoncer  dans  l'intérieur, 
on  ne  recevait  aucune  nouvelle  de  lui  durant  des  mois.  Mais,  depuis 
quelques  années,  un  service  spécial  a  été  établi,  et,  de  cette  manière,  les 
nouvelles  d'Émin-pacha  ont  pu  parvenir  à  la  côte  ;  les  diverses  missions 
ont  envoyé  leurs  rapports  aux  comités  de  leurs  Sociétés  respectives. 
Malheureusement,  on  fait  peu  usage  d'argent  monnayé  dans  l'Afrique 
équatoriale  ;  il  faut  envoyer  périodiquement  aux  missionnaires  des  mar- 
chandises pour  leurs  besoins  ou  pour  réchange  contre  les  produits  du 
pays;  ce  n'est  qu'ainsi  qu'ils  peuvent  soutenir  leur  existence.  Mais,  peu 
à  peu,  les  natifs  ont  apprécié  la  valeur  des  relations  pacifiques  avec  les 
Européens,  qui  n'ont  d'autre  but  que  de  leur  faire  du  bien.  L'œuvre  de 
la  civilisation  était  en  progrès  jusqu'à  ces  derniers  temps. 

Les  communications  de  Zanzibar  avec  l'intérieur  étant  coupées,  les 
établissements  missionnaires  auxquels  conduit  cette  route  sont  dans  une 
situation  précaire.  La  mort  et  la  maladie  rendent  nécessaire  l'envoi  de 
nouveaux  agents  aux  stations,  qui  ont  besoin  également  de  provisions 
de  vivi'es,  d'étoffes,  de  médecines.  Comment  pourra-t-on  les  en  pour- 
voir? 

Les  agents  de  la  British  East  African  Company  avaient  commencé  à 
ouvrir  une  voie  nouvelle  de  communication  entre  la  côte  et  le  pays  au 
nord  du  Victoria-Nyanza,  loi'squ'est  survenue  dans  l'Ou-Ganda  la  révo- 
lution dont  nous  avons  parlé  p.  84-91. 

Il  n'est  guère  permis  d'espérer  que  la  route  directe  de  Wadelaï  .^i  la 
côte  orientale  se  rouvi*e  prochainement.  Après  avoir  conduit  à  Émin- 
pacha  les  provisions  et  munitions  restées  au  camp  de  Yambouya, 
Stanley  pourra-t-il,  comme  il  eu  a  été  question,  revenir  à  la  côte  orien- 
tale en  traversant  les  teiritoires  sur  lesquels  doit  s'exercer  l'influence 
anglaise?  C'est  ce  que  nul  ne  peut  dire  aujourd'hui. 


CHRONIQUE  DE  L'ESCLAVAGE 

Mgr  Crouzet,  vicaire  apostolique  de  l'Abyssinie,  écrit  de  Massaoam 
aux  Missions  catholiques,  à  la  date  du  20  janvier  dernier,  une  lettre 
d'où  nous  extrayons  ce  qui  se  rapporte  à  la  traite  : 

J'arrive  à  Massaoua,  et  les  premiers  souiires  qui  m'accueillent  sont 
ceux  de  garçons  et  de  filles  arrachés  aux  esclavagistes  par  les  navires 


•à 


—  118  — 

italiens  et  confiés  à  notre  mission.  Quelles  histoires  ils  peuvent  nous 
raconter,  sur  les  jours  sombres  et  amei's  qu'ils  ont  passés  dans  la  mau- 
vaise cale  d'un  sambook  ou  liés  dans  un  sac  de  doura!  Un  de  leurs 
camarades  est  mort  ;  il  était  resté  trois  jours  ainsi  jeté  au  milieu  d'un 
chargement  de  farine.  Le  commandant  du  Oaribaldi  me  parle  des 
pauvres  esclaves;  il  m*en  présente  deux  délivrés  de  la  veille  par  un 
petit  bateau  de  guerre  italien,  et  dont  la  délivrance  a  donné  lieu  à  une 
lutte  terrible  entre  ses  matelots  et  les  esclavagistes.  Un  autre  bateau 
est  en  chasse,  un  troisième  doit  partir  demain. 

Voici  un  fait  auquel,  dès  mon  arrivée,  j'ai  été  mêlé.  M.  Coulbeaux 
m'écrit  :  «  Les  Thauras  ont  pillé  nos  familles  de  Halaï;  ils  leur  ont 
enlevé  leurs  troupeaux  et  neuf  enfants...  Ils  menacent  de  vendre  ceux-ci 
AUX  marchands  d'esclaves  si  une  forte  rançon  n'est  payée.  Soyez  assez 
bon  pour  vous  intéresser  à  eux.  »  J'écris  aussitôt  au  général  Baldissera, 
qui  me  répond  par  une  lettre  pleine  de  promesses  :  «  Dès  que  j'aurai 
des  nouvelles  à  vous  donner  de  ces  enfants,  auxquels  moi-même  je 
m'intéresse,  je  le  ferai  avec  le  plus  grand  plaisir.  »  Ces  enfants  sont 
aigourd'hui  chez  nous,  à  Massaoua.  Us  nous  ont  été  ramenés  par  la 
police  sur  l'ordre  du  général.  Pour  éviter  des  actes  de  vengeance  qui 
pourraient  se  produire  plus  tard,  je  serai  obligé  très  probablement  de 
payer  de  deux  à  trois  cents  francs.  Ces  pauvres  enfants  me  sont  arrivés 
presque  nus,  j'ai  dû  les  habiller  et  je  dois  les  nourrir  jusqu'à  ce  qu'il  me 
soit  possible  de  les  rendre  à  leur  famille.  Je  leur  ai  fait  raconter  leur 
histoire.  La  voici  dans  toute  sa  simplicité  : 

«  Nous  gardions  des  troupeaux,  tous  ensemble,  assez  loin  de  notre 
village.  Un  jour,  beaucoup  d'hommes  armés  fondent  sur  nous;  nous  les 
avons  comptés  ;  ils  étaient  cinquante-quatre.  En  un  clin  d'oeil  nous 
avons  été  terrassés,  enchaînés  et  emportés.  Nous  avons  compris  qu'on 
voulait  nous  vendre  et  faire  de  nous  des  esclaves;  nous  avons  pleuré. 
Nos  ravisseurs  sont  allés  dans  une  vallée  isolée,  et  là  ils  nous  ont  frappés 
pendant  longtemps  sur  les  bras  et  sur  les  jambes.  Pour  que  personne  ne 
pût  nous  voir,  ils  nous  ont  laissé  nos  liens;  nous  ne  pouvions  pas 
remuer,  et  ils  nous  ont  cachés  dans  des  broussailles.  Chacun  de  nous 
était  sous  la  surveillance  d'un  gardien.  Nous  sommes  restés  deux  mois 
dans  cet  état,  ne  recevant  pour  toute  nourriture  qu'une  poignée  de 
grain  par  jour  ou  un  tout  petit  morceau  de  pain.  Il  a  été  question  de 
nous  vendre.  Thaharé  Agos  devait  partir  le  premier;  on  l'échangeait 
contre  un  fusil  ;  le  papier  était  écrit  et  signé.  On  n'a  pas  osé  parce 
qu'on  se  sentait  surveillé  par  les  Italiens  qui  l'auraient  su.  Enfin  il  est 


■  ■  s 


—  114  — 

aiTivé  un  homme  qui  portait  une  lettre,  et  on  nous  a  conduits  au  chef 
des  soldats,  à  Arkiko,  et  tout  de  suite  le  chef  nous  a  fait  partir  pour 
Massaoua.  » 

Pas  un  mot  de  plainte  ni  de  récrimination.  Deux  mois  ils  ont  souffert 
des  chaînes,  de  l'immobilité  forcée,  de  la  faim,  de  la  crainte  d'être 
vendus,  et  ils  ne  trouvent  pas  un  mot  de  blâme  pour  leurs  ravisseurs. 
Un  jour  de  paix,  de  tranquillité,  de  bien-être,  leur  a  fait  tout  oublier. 

On  mande  de  Venise  que  dans  l'arsenal  de  cette  ville  on  pousse 
activement  les  derniers  travaux  à  bord  du  croiseur  Ori stof or o- Colombo, 
qui  doit  partir  pour  la  mer  Rouge  chargé  de  concourir  avec  les  autres 
navires  stationnaires  italiens  à  la  répression  de  la  traite  des  noirs. 

Le  Mouvement  anin-esdavagiste  de  Bruxelles  a  publié  une  lettre  du 
R.  P.  Moinet,  supérieur  de  la  mission  de  Mpala,  à  l'ouest  du  Tang^- 
nyika,  adressée  au  capitaine  Storms,  fondateur  de  cette  station, 
remise  aux  missionnaires  lorsque  l'Association  internationale  africaine 
renonça  à  ses  établissements  dans  l'Afrique  centrale-orientale.  Nous  en 
extrayons  les  détails  suivants  : 

Il  y  a  eu  guerre  dans  le  Maroungou,  à  quatre  ou  cinq  jours  de  dis- 
tance de  Mpala.  Les  Rouga-Rouga  ont  été  battus  par  vingt-cinq  jeune>s 
noii*s  libérés  élevés  à  la  station,  qui  y  ont  amené  les  dépouilles  des  vain- 
cus. Le  capitaine  Joubert,  un  des  zouaves  chargés  de  protéger  la  station, 
dit  n'avoir  jamais  vu  de  vrais  soldats  se  comporter  plus  vaillamment. 
Deux  chefs  de  tribus,  Routoukou  et  Chata,  se  sont  avancés  jusqu'à 
Mpala,  mais  ils  ont  été  battus  et  ont  dû  rentrer  chez  eux  sans  emmener 
un  seul  esclave,  et  en  disant  à  tous  les  Rouga-Rouga  qu'il  n'y  a  rien  à 
faire  dans  le  Maroungou,  que  la  chasse  à  l'homme  y  est  gardée.  Dès 
loi-s  les  missionnaires  et  leurs  gens  ont  pu  se  livi'er  à  la  culture  des 
ten*es.  La  plaine  entière  est  cultivée,  écrit  le  P.  Moinet  ;  nous  avons  à 
la  station  plus  de  cent  ménages.  Les  arbres  que  vous  avez  plantés  vont 
bientôt  donner  de  l'ombre  :  nous  mangerons  de  leurs  fruits  ;  nous  avons 
aussi  deux  magnifiques  ananas  venus  de  Kibanga,  au  fond  du  golfe  de 
Burton  qui  en  e^t  rempli.  Nous  nous  défendons  bien  centime  les  Arabes  et 
ils  ont  peur  de  nous.  Il  y  a  défense,  sous  peine  de  3  dotis  d'amende, 
c'est-à-dire  18  coudées  d'étoffe,  de  vendre  un  esclave  pour  être  trans- 
porté hors  du  territoire.  Mais,  dans  le  Maroungou,  les  Arabes  font  eu 
grand  la  chasse  aux  esclaves,  et  ils  y  fourragent  annuellement.  Nous 
savons  que  dans  la  presqu'île  d'Oubwari  de  grandes  razzias  ont  été  fai- 


—  115  — 

tes  eu  coutournant  le  poste  missionnaire  de  Kibanga.  Les  hommes  du 
poste  ont  fait  une  sortie,  mai«  ils  ont  dû  i-eculer  devant  les  forces  supé- 
rieures des  Arabes  qui  ne  les  ont  pas  attaqués  chez  eux. 

Le  sultan  de  Zanzibar  a  envoyé  un  de  ses  fonctionnaires,  Ali  Bin 
Suhilu,  au  lac  I^yaseun,  pour  essayer  de  mettre  un  tenue  aux  combats 
engagés  entre  les  Arabes  et  les  Européens  au  N.-O.  du  lac.  Il  l'a  accré- 
dité auprès  des  chefs  indigènes  Makanjila,  Mataka,  auprès  de  tous  les 
résidents  anglais  et  des  Arabes  à  l'extrémité  nord  du  lac.  Makanjila,  qui 
avait  fait  maltraiter  le  consul  britannique  et  le  missionnaire  Johnson, 
a  demandé  quelle  compensation  il  devait  payer  et  a  promis  de  bien  trai- 
ter à  l'avenir  tous  les  Anglais.  Il  a  ensuite  envoyé  le  messager  du  sul~ 
tau  au  Nyassa,  qu'il  a  voulu  lui  faire  travei'ser  dans  son  propre  bateau. 
Ali  Bin  Suhilu  s'est  arrêté  à  la  station  de  Lukoma,  de  la  mission  des 
Universités,  où  il  devait  rester  jusqu'à  l'arrivée  de  Vllala^  sur  lequel 
il  voulait  prendre  passage  pour  se  rendre  à  Bandaoué,  sur  la  côte  occi- 
dentale, puis  au  nord  du  lac,  oli  les  Arabes  étaient  retranchés  derrière 
leurs  palissades,  et  où  le  capitaine  anglais  Lugard  tenait  bon  avec  quel- 
ques honmies  armés. 

Le  Central  Afrka,  journal  de  la  mission  des  Universités,  rappelle  la 
parole  du  marquis  de  Salisbury  dans  la  chambre  des  Lords,  le  6  juillet 
dernier,  au  sujet  de  l'attaque  des  Arabes  contre  la  Compagnie  africaine 
des  lacs  à  Karonga.  «  L'afi'aire  doit  être  réglée  par  l'action  individuelle 
des  Anglais  qui  l'ont  entreprise  ;  toutefois  le  gouvernement  fera  tout  ce 
qu'il  pourra  dans  la  sphère  légitime  de  ses  attributions  politiques.  »  Il 
annonce  qu'un  certain  nombre  de  personnes,  parmi  lesquelles  il  cite  les 
noms  du  duc  de  Poriland,  du  comte  d'Aberdeen,  de  lord  Aberdare,  ont 
décidé  de  créer,  par  souscription  publique,  un  petit  corps  d'hommes  expé- 
rimentés et  bien  équipés,  pour  entreprendre  la  tâche  de  repousser  les 
assaillants  arabes  et  les  empêcher  de  s'établir  dans  la  région  septen- 
trionale du  Nytissa  et  d'y  installer  un  centre  permanent  pour  le  com- 
merce des  esclaves.  La  Compagnie  commerciale  des  lacs  ne  peut  se 
charger  de  cette  tâche.  Les  Sociétés  missionnaires  ne  le  peuvent  pas 
davantage,  et  elles  reconnaissent  que  leur  œuvre  deviendra  impossible  si 
l'on  n'oppose  pas  une  digue  à  l'invasion  des  chasseui*s  d'hommes.  Lors- 
que l'évêque  Steere  rencontra  les  squelettes  des  esclaves  jalonnant  la 
route  d'une  caravane  de  traite,  il  ne  put  s'empêcher  de  dire  :  «  Certes, 
s'il  pouvait  y  avoir  une  guerre  sainte,  ce  serait  bien  celle  que  l'on  décla- 
rerait au  trafic  qui  produit  de  tels  crimes.  » 

D'après  une  dépêche  de  Zanzibar  publiée  par  le  Thnes,  les  Arabes 


-  116  — 

campés  sur  la  rive  nord  du  lac  Nyassa  ont  repris  les  hostilités.  Ceux 
d'Oudjidi  sur  le  Tauganyika  s'agitent  également.  Les  tles  de  Zanzibar 
et  de  Pemba  sont  strictement  surveillées  par  les  vaisseaux  de  guerre 
allemands  et  anglais.  Malgré  tous  les  obstacles,  les  traitants  arabes 
sont  décidés  à  tenter  d'importants  embarquements  d'esclaves. 

En  Ani^Ieterre»  l'explorateur  Cameron  déploie  une  grande  activité 
pour  éveiller  la  sympathie  de  toutes  les  classes  de  la  popjdation  en 
faveui*  des  victimes  de  la  traite.  Le  19  février,  dans  une  séance  de  la 
Société  des  arts,  il  a  montré  comment  le  commerce  de  l'Angleterre 
Avait  bénéficié  de  l'abolition  du  trafic  des  esclaves  à  la  Côte  d'Or, 
devenue  colonie  britannique  en  1861.  Jusqu'alors  Lagos  n'avait  pas  eu 
d'autre  commerce  que  celui  des  esclaves.  L'année  dernière,  les  importa- 
tions pour  Lagos  se  sont  élevées  à  liv.  sterl.  357,831,  et  les  exportations 
à  liv.  sterl.  538,980.  Le  gouvernement  anglais  y  a  légalement  aboli 
l'esclavage,  qui  cependant  y  existe  encore,  grâce  aux  coutumes  indigè- 
nes. Même  après  l'abolition  de  l'exportation  des  esclaves,  la  traite  h 
l'intérieur  s'opère  sur  une  grande  échelle.  Autrefois,  le  trafic  des 
•esclaves  accompagnait  le  commerce  de  l'ivoire;  quand  le  besoin  de 
porteurs  pour  ce  dernier  ne  se  fit  plus  sentir,  la  traite  continua  ;  seule- 
ment les  hommes  furent  massacrés,  les  femmes  et  les  enfants  emmenés 
su  loin.  On  a  dit  qu'il  fallait  toléi-er  l'esclavage  domestique,  que  c'était 
une  question  très  difficile  à  résoudre.  Cameron  estime  que  l'Angleterre 
devrait  abolir  le  status  légal  de  l'esclavage,  sans  supprimer  toutefois  les 
ménages  dans  lesquels  aucune  plainte  ne  se  ferait  entendre.  Mais,  aussi 
longtemps  que  l'esclavage  domestique  existera,  il  y  aura  des  marchés 
d'esclaves.  Si  la  traite  était  abolie,  toutes  les  branches  du  commerce 

seraient  florissantes. 

« 

Dans  un  gi'and  meeting  tenu  à  Toynbee  Hall,  à  Londres,  le  23  février, 
le  même  explorateur  a  affirmé  qu'aujourd'hui  les  chasseiu^  d'esclaves 
vendent  leurs  victimes  à  des  cannibales  pour  obtenir  d'eux  de  l'ivoire. 
Il  estime  à  6000  par  jour  le  sacrifice  de  vies  humaines  que  coûte  la 
traite.  La  dégradation  et  l'endurcissement  des  trafiquants  qui  perpè- 
trent les  crimes  de  la  chasse  à  l'homme  impressionnent  aussi  pénible- 
ment que  les  souffrances  des  malheureux  qu'ils  tounnentent  et  font 
mourir.  Il  préconise  l'établissement  d'une  grande  route  centrale,  cou- 
rant du  nord  au  sud,  et  divisant  l'Afrique  en  deux  parties,  l'une  orien- 
tale, l'autre  occidentale.  Ce  serait  une  barrière  mise  au  transport  des 
esclaves  de  l'ouest  vers  l'est.  Les  puissances  de  l'Europe  réunies 


—  117  — 

auraient  la  force  nécessaire  pour  s'y  opposer,  mais  il  faudrait  qu'elles 
renonçassent  à  leurs  jalousies  mutuellei?,  à  leurs  armements  exagérés, 
et  qu'elles  s'efforçassent  d'élever  les  races  inférieures  de  l'humanité. 

Le  26  février,  dans  une  grande  assemblée  réunie  à  Exeter  Hall,  pré- 
sidée par  l'archevêque  de  Cantorbéry,  et  à  laquelle  assistait  le  capitaine 
Hore,  revenu  de  la  côte  occidentale  du  Tanganyika,  Cameron  a  exprimé 
l'espoir  que  la  nation  anglaise  n'envisagerait  pas  la  question  de  l'escla- 
vage en  Afrique  comme  la  lecture  d'un  roman  que  l'on  perd  de  vue  unfe 
fois  le  volume  achevé.  Il  espère  que  les  consciences  individuelles 
comprendront  que  c'est  im  devoir  pour  le  peuple  de  l'Angleterre  de 
considérer  en  face  la  honte  que  la  traite  inflige  à  la  civilisation.  L'aboli- 
tion de  l'esclavage  aux  Indes  occidentales  a  fait  croire  que  la  traite  avait 
disparu  pour  toujoui-s.  Loin  de  là  ;  Cameron  connaît  des  territoires  dans 
l'Afrique  centrale  qui,  il  y  a  treize  ans,  étaient  très  peuplés,  et  qui, 
aujourd'hui,  sont  réduits  en  désert,  les  populations  en  ayant  été  emme- 
nées dans  des  conditions  trop  horribles  pour  être  racontées.  Il  a 
montré  des  fourches  à  esclaves,  lourds  jougs  de  bois,  rivés  au  cou  des 
femmes  et  des  enfants  par  ceux  qui  les  conduisent  de  l'intérieur  à  la 
côte.  On  ne  peut  exercer  de  pression  sur  les  autres  nations  que  par  la 
force  morale,  mais  cette  force  morale  doit  s'exercer  auprès  des  nations 
dont  les  territoires  sont  le  théâtre  des  crimes  qu'entraîne  la  traite. 
Cameron  croit  qu'avec  une  certaine  force  armée  pour  maintenir  l'ordre, 
on  pouiTait  obtenir  l'abolition  de  l'esclavage  sans  tirer  un  coup  de  fusil. 

L^évêque  de  Londres  a  proposé  une  résolution,  aux  termes  de  laquelle 
l'assemblée  a  déclaré  déplorer  la  recrudescence  de  la  traite  dans  l'Afri- 
que centrale,  les  atrocités  qui  en  sont  la  conséquence  et  la  dépopulation 
des  territoires  oii  elle  sévit,  et  insister  pour  que  le  gouvernement  britan- 
nique, soit  seul,  soit  d'accord  avec  d'autres  puissances,  cherchât  les 
moyens  de  diminuer  ou  de  supprimer  le  fléau. 

Le  doyen  de  Westminster,  en  sa  qualité  de  gardien  des  tombeaux  de 
Wilberforce  et  de  Livingstone,  a  appuyé  la  motion,  qui  a  été  votée  au 
milieu  des  applaudissements  de  l'assemblée. 

En  France,  ce  n'est  pas  à  Paris  seulement  que  se  développe  le 
mouvement  anti-esclavagiste.  Deux  comités  importants  se  sont  formés, 
l'un  à  Marseille,  l'autre  à  Lyon.  Des  conférences  ont  été  faites  à  Ver- 
sailles et  à  Saint-Dizier,  dans  la  Haute-Marne. 

En  Belgique,  le  général  Jacmart,  président  de  la  Société  belge,  a 
exposé,  dans  le  local  de  la  Société  scientifique,  les  motifs  qui  ont  guidé 
la  Ligue  anti-esclavagiste  dans  l'œuvre  qu'elle  a  commencée.  M.  le 


—  118  — 

prof.  Gilbert  a  insisté  pour  que  l'opinion  publique  fît  sentir  aux  gouver- 
nements leur  devoir  d'intervemr  auprès  des  états  musulmane  M.  Des- 
camps-David a  rappelé  que  c'est  k  rÉtat  indépeiMUuit  du  Congo  de 
remplir  son  devoir  sur  le  Tangai^yika;  l'exemple  qu'il  donnera  forcera 
les  autres  gouvernements  à  remplir  le  leur  dans  toute  son  étendue. 
Une  réunion  des  présidents  des  comités  locaux  s'est  également  tenue 
à  Bruxelles,  pour  faire  connaître  l'état  général  de  la  Société  anti-escla- 
vagiste dans  toute  la  Belgique. 

Dès  101*8  des  comités  se  sont  constitués  à  Namur,  Alost,  Malines, 
Mous,  Charleroi,  Soigniers,  Marche,  Ypres.  A  la  demande  du  Comité  de 
Biiixelles,  une  série  de  représentations  de  «  La  case  de  l'oncle  Tom  » 
a  eu  lieu  dans  un  des  principaux  théâtres  de  la  capitale.  Un  groupe  de 
conférenciei-s  s'est  formé  pour  faire  des  séances  dans  les  faubourgs  et 
la  banlieue. 

En  outre,  le  Comité  directeur  de  la  Société  anti-esclavagiste  de  Bel- 
gique, dont  l'œuvre  vise  tout  spécialement  la  suppression  de  la  traite 
dans  l'État  indépendant  du  Congo,  a  décidé  de  diriger  tout  d'abord  ses 
opérations  vers  la  frontière  de  l'jfitat  que  franchit  le  plus  grand  nombre 
de  caravanes,  c'est-à-dire  la  frontière  est.  Le  Tanganyika,  qui  forme 
cette  frontière,  favorisera  considérablement  les  travaux  de  la  Société 
par  la  croisière  qui  y  sera  entreprise.  Elle  sera  soutenue  par  quelques 
postes  fortifiés  établis  sur  les  rives  du  lac.  D'après  le  Mouvement  anti- 
esclavagiste,  le  Comité  belge  renoncerait,  pour  gagner  le  Tanganyika, 
aux  routes  de  la  côte  orientale,  à  celle  de  Tabora,  rendue  impraticable 
par  le  soulèvement  des  Arabes  contre  les  Allemands,  et  à  celles  du  Zam- 
bèze  et  du  Nyassa,  à  cause  de  l'impossibilité  de  conduire  une  caravane 
du  Nyassa  au  Tanganyika,  par  suite  de  la  guerre  que  les  Arabes  font  à 
la  Compagnie  des  lacs  africains  sur  la  route  entre  les  deux  lacs.  Le 
Comité  porterait  ses  vues  vers  la  côte  occidentale,  d'où  la  première 
expédition  remonterait  jusqu'aux  Stanley-Falls  ;  de  là  elle  atteindrait  le 
Tanganyika  par  terre  ;  elle  compterait  10  blancs  et  75  nègi'es.  Anivée 
au  lac,  cette  caravane  se  diviserait  eu  deux  groupes  qui  y  créeraient 
chacun  un  poste  fortifié.  Quelque  faible  qu'elle  soit  en  apparence,  elle 
aura  besoin  d'un  millier  de  porteui-s. 

En  Autriche,  une  Société  s'est  constituée  à  Vienne  sous  la  prési- 
dence du  D'  Nhus.  a  Salzbourg,  a  été  créé  un  comité  de  dames,  à  la 
tête  duquel  se  trouve  la  princesse  Marie  de  Rohan. 

En  Alsace,  ont  eu  lieu  à  Strasbourg,  à  la  fin  de  janvier,  deux  réu- 
nions, à  la  suite  desquelles  un  grand  nombre  d'adhésions  ont  été 
données  à  l'œuvre  de  l'abolition  de  la  traite  et  de  l'esclavage. 


—  119  — 

En  Allemasae,  la  Société  coloniale  a  lancé  uii  appel  à  la  nation 
altKmande,  en  vue  de  mettre  un  tenue  aux  hon-eurâ  que  les  trafiquants 
d'esclaves  commettent  en  Afrique.  Une  i-evue  mensuelle  |auti-esclava- 
giste,  intitulée  Gott  will  es!  vient  de  se  fonder;  elle  est  dirigée  avec 
talent  par  M.  W.  Helmes  qui  depuis  longtemps  s'occupe  de  la  question 
de  l'abolition  de  l'esclavage. 

En  Hollande,  une  Société  s'est  fondée  à  Amsterdam  et  à  Boven- 
kerk,  dont  les  membres  qui  sont  des  ouvriers,  s'engagent  à  abandonner 
à  l'œuvre  anti-esclavagiste  le  gain  d'une  journée  de  travail. 

Eu  Espacée,  M.  Luis  Sorela,  ofiicier  de  marine  et  explorateur 
africain,  va  faire  paraître  une  revue  anti-esclavagiste. 

Le  Comité  Sicilien  a  un  organe  de  publicité  spécial  intitulé  : 
BoïleUino  del  Comitato  cetitrale  antischiaviêfa  di  Palermo  per  la 
Siciîïa. 

En  Snisse,  api'ès  la  conférence  donnée  à  Genève,  à  l'Aula  de 
l'Université,  par  M.  le  prof.  Ruflet,  nos  confédérés  du  Locle,  de  la 
Chaux-de-Fouds,  de  Nenchâtel,  de  Berne  et  de  Bieone  ont  désiré  l'en- 
tendre, et  des  groupes  d'adhérents  et  de  membres  se  sont  formés  dans 
toutes  ces  localités.  Dans  chacune  d'elles,  un  anxiliaii-e  recueille  les 
adhésions,  communique  au  Comité  les  vœux  du  groupe  local,  et  lui 
indique  les  mesures  les  plus  utiles  au  développement  de  la  Société. 

A  Bâle,  M.  le  D'  Hotz  Linder  a  bien  voulu  se  chaîner  d'attirer 
l'attention  de  nos  compatriotes  bAlois  sur  le  douloureux  sujet  de  la 
traite.  A  Zurich  et  à  Saint-Gall,  des  préoccupations  de  diverse  oatnre  ne 
nous  permettent  pas  encore  de  voir  quel  sera  le  moment  le  plus  favora- 
ble pour  adresser  h  nos  concitoyens  de  la  Suisse  orientale  l'appel  à 
s'associer  à  l'œuvre  de  pitié  et  de  miséricorde  entreprise  en  faveur  des 
victimes  de  la  traite.  M,  l'abbé  Carry  est  allé  le  faire  entendre  à  Fri- 
bourg,  oii,  nous  n'en  doutons  pas,  la  Société  recrutera  de  nombreux 
adhérents.  Les  évêques  de  la  Suisse  ont  publié  un  appel  aux  fidèles 
de  leurs  diocèses,  pour  les  engager  à  contribuer  à  Tceuvi-e  abolitionniste. 

Le  Bulletin  de  la  Société  anti-esclavagiste  suisse  qui  va  paraître 
publiera  une  lettre  du  Caire  de  M.  Edouard  Naville,  président  de  la 
Société,  renfei-mant  des  i-eiiseignements  précis  sur  l'esclavage  en 
Kgjpte,  le  slaveshome  du  Caire,  et  l'esclavage  en  Afrique. 

Avant  de  se  rendre  à  Biskra,  oii  les  médecins  l'ont  envoyé  pour  y 
restaurer  sa  santé,  Mgr  Lavlserle  a  éci'it  au  Comité  anti-esclavagiste 
de  Milan  qu'il  ne  compte  pas  centraliser  les  sommes  olîertes  pour  la  sup- 


—  120  — 

pression  de  la  traite.  Il  désire  que  chaque  pays  organise  un  Comité, 
centralise  les  offi*andes  nationales  et  en  dispose  au  mieux  de  la  cause 
dans  les  contrées  occupées  par  la  nation. 


CORRESPONDANCE 

Ijettre  d^  TAtl»  de  M.  A*  M^etmmtttyf  isgénlevr  des  mines* 

Tati  (Ma-Tébéléland),  16  janvier  1888. 
Cher  monsieur, 

Lo-Bengula  a,  paraît-il,  accordé  à  un  puissant  syndicat  de  Eimberley,  à  la  tête 
duquel  sont  MM.  Rhodes  et  Budd,  une  concession  minière  embrassant  tous  les  ter- 
ritoires qui  lui  sont  soumis  ou  sur  lesquels  il  prétend  avoir  des  droits  (à  l'excep- 
tion de  la  concession  Tati).  En  retour,  ledit  syndicat  prend  rengagement  de  lui 
donner  miile  fusils  Martini  Henry  et  un  miUion  de  cartouches,  de  lui  payer  une 
rente  mensuelle  de  cent  livres  sterling  et  de  placer  une  chaloupe  canonnière  sur 
le  Zambèze,  à  sa  disposition. 

De  quel  œil  le  gouvernement  du  Transvaal  verra-t-il  cette  clause  des  fusils  et 
cartouches  ?  —  et  que  diront  les  Portugais  de  la  chaloupe  canonnière  ? 

Les  Ma-Tébélé  sont  tranquilles  —  pour  le  moment;  —  le  roi  et  les  plus  vieux 
des  izinduna  verraient  peut-être  sans  trop  de  déplaisir  leur  pays  ouvert  aux 
blancs;  mais  les  jeunes  guerriers  disent  hautement  :  Les  blancs  convoitent  notre 
pays  ;  mais,  pour  l'avoir,  il  leur  faudra  combattre. 

Gomme  vous  le  savez,  lorsque  Pattention  des  chercheurs  d'or  est  tournée  vers 
une  contrée,  il  n'est  guère  possible  de  les  en  tenir  longtemps  éloignés;  aussi  peut- 
on  s'attendre  à  voir  se  produire,  à  une  époque  assez  prochaine,  un  rush  vers  le 
Ma-Tébéléland  et  le  Ma-Shonaland. 

Je  pars  demain  pour  Eimberley. 

A  Tati,  les  travaux,  interrompus  pendant  quelque  temps  à  cause  de  Pagitation 
qui  régnait  dans  le  pays,  ont  été  repris  le  1*'^  janvier. 

A.   DlMAFFET. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

D'  Fretherr  von  Danckelmann,  Mittheilungen  von  Forschungs- 

UEI8ENDEN     UND     GeLEHRTEN     AU8     DEN     DEUT8CHEN     SCHUTZGEBIETEN. 

Berlin  (A.  Asher  et  C^),  1888,  in-8%  III*"  Heft,  2  m.  —  La  troisième 
livraison  de  la. Revue  coloniale  publiée  par  M.  von  Danckelmann  ne 

*  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  h  Genève  et  à  Bâle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  121  — 

concerne  que  les  tenitoires  de  Togo  et  de  Cameroun.  Elle  renferme 
plusieurs  articles  fort  intéressants,  accompagnés  de  deux  cartes,  dont 
Tune  est  un  croquis  de  l'itinéraire  du  commissaire  impérial  von  Putt- 
kammer  dans  la  région  formant  la  frontière  franco-allemande  entre 
le  Togoland  et  le  Grand  Popo.  L'autre  est  une  esquisse  de  l'intérieur 
du  Togoland,  la  plus  complète  et  la  plus  exacte  qui  ait  encore  paru  ; 
elle  a  été  dressée  par  M.  von  François  et  renferme  les  itinéraires  qu'il  a 
>suivis,  ainsi  que  ceux  de  M.  Wolf.  Ces  cartes  facilitent  la  lecture  des 
i-écits  de  ces  trois  explorateur.  La  livraison  renferme  encore  sur  la 
même  région  un  rapport  médical  du  D""  Wicke,  touchant  la  situation 
sanitaire  du  Togoland,  un  tableau  des  mesures  d'altitude  effectuées 
par  l'expédition  du  I)''  Wolf,  et  les  résultats  des  observations  météoro- 
logiques faites  k  la  station  d'Adadô,  dans  l'intérieui*  de  la  Guinée  sep- 
tentrionale. 

Dans  la  partie  qui  se  i-apporte  au  Cameroun,  le  lecteur  trouvera  des 
nouvelles  du  D*"  Zintgraif,  du  lieutenant  Tappenbeck,  du  D*^  Weissen- 
born,  du  botaniste  J.  Braun,  et  la  suite  de  la  relation  de  l'expédition  de 
M.  Kund  à  Batanga.  Deux  articles  rendent  compte  l'un  de  la  culture 
des  légumes  européens  au  Cameroun,  l'autre,  dû  à  la  plume  du  D' Weis- 
senborn,  des  résultats  de  l'expédition  Kund  au  point  de  vue  zoologique. 
Pour  ce  qui  concerne  la  première  question,  d'une  importance  si  grande 
pour  les  colons  et  les  fonctionnaires,  le  gouverneur,  M.  von  Soden, 
déclare  qu'au  Cameroun  même  la  culture  maraîchère,  telle  qu'elle  se 
pratique  en  Europe,  ne  donnerait  pas  de  résultats  rémunérateurs,  tandis 
qu'à  Victoria,  à  Bimbia  et  dans  plusieui-s  autres  lieux,  le  sol  serait  pro- 
pice à  ce  travail  et  produirait  de  quoi  récompenser  l'agriculteur. 

Publications  de  l'Etat  indépendant  du  CoNtio.  N°  1.  D'  Même, 
Rapport  sur  l'état  sanitaire  de  Léopoldville,  de  novembre  lb85  à  mars 
1H87.  Bruxelles  (Imp.  A.  Lerigue),  in-8%  44  p.  —  Nous  ne  pouvons 
qu'applaudir  au  projet  de  l'État  Indépendant  du  Congo  de  publier  les 
rapports  de  ses  agents  ou  tout  au  moins  les  parties  de  ces  documents 
qui  ont  une  pointée  générale  et  une  certaine  utilité.  Il  y  a  lieu  aussi  do 
louer  la  résolution  prise  par  le  gouvernement  de  laisser  aux  fonction- 
naires, dont  elle  publie  les  rapports,  la  liberté,  mais  aussi  la  responsa- 
bilité de  leurs  opinions.  Ainsi  ces  pièces  ne  seront  pas  uniquement  des 
documents  oflSciels  contrôlés  par  le  gouvernement,  mais  des  œuvres  per- 
.sonnelles  et  sincères. 

La  brochure  du  D'  Meuse  ouvre  avec  beaucoup  de  bonheur  et  d'ac- 


—  122  — 

tualité  cette  série  de  publications.  II  est,  en  effet,  peu  de  questions  plus 
importantes,  que  celle  de  l'état  sanitaire  des  stations  de  l'Afrique  cen- 
trale. Combien  de  discussions  n'a-t-elle  pas  provoquées  !  Les  uns  sou- 
tienneirt  que  le  climat  du  plateau  est  favorable  aux  Européens  si  ceux-ci 
suivent  les  règles  de  l'hygiène,  les  autres,  qu'il  est  impossible  de  se 
soumettre  à  ces  prescriptions  et  que  le  climat  est  nuisible  dans  tous  les 
cas.  Le  D"^  Mense  nous  semble  avoir  trouvé  le  juste  milie4i  entre  l'opti- 
misme exagéré  et  le  pessimisme  à  outrance.  En  homme  de  science,  il  ne 
s'arrête  pas  aux  on-dit,  et  aux  mille  récits  dénués  de  fondement;  il  cite 
ses  observations  personnelles  faites  dans  la  station  de  Léopoldville,  oii 
dix  à  trente  Européens  et  cent  cinquante  à  quatre  cents  travailleurs  et 
soldats  noirs  étaient  confiés  à  ses  soins,  et  il  part  de  là  pour  donner  des 
indications  précieuses  sur  l'hygiène  générale  à  suivre  et  le  traitement  à 
prescrire  dans  les  différents  cas  de  maladie.  La  brochure  est  divisée  en 
deux  parties  :  A)  État  sanitaire  de^  Européens  ;  B)  État  sanitaire  des 
nègres. 

La  première  partie  est  naturellement  beaucoup  plus  étendue  que  l'au- 
tre. Elle  traite  principalement  de  la  malaria,  de  ses  causes,  de  son  trai- 
tement et  de  ses  différentes  formes,  et  aussi  de  la  dysenterie,  des 
maladies  du  foie  et  de  la  peau,  des  furoncles  et  ulcères,  des  empoison- 
nements. La  seconde,  des  maladies  observées  chez-  les  nègres  :  malaria, 
dysenterie,  maladies  pulmonaires,  parasites,  béri-béri,  ver  de  Guinée, 
taenia  échinococcus,  pulex  penetrans,  lèpre  et  ntansi. 

Nous  croyons  que  ce  rapport  n'est  pas  seulement  un  document  inté- 
ressant pour  les  géographes  et  les  hommes  s'occupant  de  la  science 
médicale,  mais  qu'il  aura  une  utilité  réelle  pour  tous  ceux  qui  ont  l'in- 
tention de  s'établir  dans  le  bassin  du  Congo  ou  qui  y  sont  déjà  tixés. 

F.'L.  James.  M,  A,,  F.  R,  G.  S.  The  unknown  Horn  of  Afrika,  ax 
EXPLORATION  FROM  Berbera  to  THE  Leopard  KivER.  Loudou  (George 
Philipp  and  Son),  1888,  in-8°,  ill.  et  cartes,  344  p.,  28  sh.—  L'année  1888 
a  vu  paraître  deux  ouvrages  de  premier  ordre  sur  la  région  de  l'Afrique 
qui  confine  au  golfe  d'Aden  :  l'un  du  D' Philipp  Paulitschke,  raconte  son 
expédition  à  Harrar  ;  l'autre  de  M.  F.-L.  James,  auteur  des  Wild  TribesoJ 
tlie  Soudan,  se  rapporte  au  voyage  qu'il  a  accompli  de  Berbera  à  Barri  sur 
le  Webbe  Shebelyi.  Le  pays  des  Somalis  ou  la  Somalie,  comme  l'appelle 
M.  E.  Reclus,  est  cette  grande  i^égion  qui  s'avance  sous  forme  de  coin 
dans  l'océan  Indien.  Bien  que  sa  situation  soit  connue  depuis  l'époque 
de  l'ancienne  Egypte,  l'intérieur  est  presque  complètement  ignoré  des 


—  123  — 

géograplie^s,  car  les  voyageurs  n'y  ont  pénétré  qu'en  petit  nombre  et 
leurs  itinéraires  ne  se  rejoignent  pas  avec  ceux  des  explorateurs  de 
TAbyssinie  ou  de  la  côte  orientale  au  nord  du  Zanguebar.  De  tous  les 
itinéraires  celui  qui,  partant  du  golfe  d'Aden,  pénètre  le  plus  loin  dans 
la  direction  du  sud  a  été  parcouru  par  l'expédition  de  MM.  James  frères, 
E.  Lort-Philipps,  Aylmer  et  Trupp  dont  le  récit  se  trouve  dans  F  ou- 
vrage que  nous  annonçons. 

Peut-être  trouvera-t-on  l'apparition  de  ce  livre  un  peu  tardive,  car  le 
voyage  dont  il  s'agit  a  été  accompli  en  1885  ;  l'auteur  s'excuse  de  ce 
retard  dans  la  préface,  espérant  que  malgré  cela  cette  publication  n'est 
pas  une  superfluité.  Nous  sommes  certains  que,  loin  de  la  considérer 
comme  telle,  les  lecteurs  seront  reconnaissants  à  l'auteur  de  leur  avoir 
fait  connaître  d'une  manière  complète  cette  importante  exploration,  et  se 
considéi'eront  comme  amplement  dédommagés  du  retard  par  le  fini  de 
cet  ouvrage  qui,  au  point  de  vue  de  la  carte  à  grande  échelle  de  la  région 
parcourue,  de  la  typographie  et  des  planches,  ne  laisse  rien  à  désirer. 
C'est  M.  F.-L.  James  qui  a  écrit  le  récit  auquel  M.  Trupp  a  aussi  colla- 
boré. M.  W.-D.  James  et  Aylmer  ont  dressé  la  carte.  Les  illustrations 
sont  dues  à  M.  Rose  Hake  ;  celles  qui  concernent  la  faune  ont  été  dessi- 
nées par  M.  Keuleman  d'après  les  spécimens  recueillis  principalement 
par  M.  E.  Lort-Philipps. 

Le  but  que  se  proposaient  les  voyageurs  était  de  travei-ser  la  Somalie 
entre  le  golfe  d'Aden  et  la  côte  de  l'océan  Indien  au  nord  de  Zanzibar. 
Après  une  première  visite  à  Berbera,  à  Zeïla,  et  à  Assab,  un  séjour  à 
Aden  où  elle  reçut  l'hospitalité  du  Résident,  le  général  Blair,  auquel  le 
livre  est  dédié,  l'expédition  s'organisa  définitivement  à  Berbera  et  s'en- 
fonça dans  l'intérieur  en  se  dirigeant,  d'une  manière  générale,  vers  le 
sud.  La  première  partie  du  voyage  se  fit  dans  un  pays  assez  accidenté 
habité  par  les  tribus  des  Eesa  Moussa  et  des  Habr  Gerhajis.  L'eau  if  y 
manque  pas,  car  la  carte  porte  un  réseau  de  rivières,  dont  la  principale, 
qui  occupe  le  fond  de  la  vallée  suivie  par  l'expédition,  se  nomme  Tug 
Dayr  et  se  dirige  vers  le  sud-est.  Mais  à  partir  de  Burao  le  pays  piend 
l'aspect  d'une  plaine  sèche  et  sablonneuse  parsemée  de  buissons  de 
mimosa  et  de  ruines.  La  limite  septentrionale  de  l'Ogadayn  traverse 
cette  lande  inhospitalière,  oîi  l'eau  manque  à  tel  point  que  les  voyagtnus 
ne  purent  abreuver  leurs  chameaux  et  que  ceux-ci  restèrent  13  jours,  de 
Burao  à  Gerloguby,  sans  boire  une  goutte  d'eau.  Au  sud  de  Gerloguby, 
le  terrain  est  beaucoup  plus  mouvementé  ;  l'eau  s'y  rencontre  et  le  sol 
est  fertile,  mais  l'existence  d'un  grand  nombre  de  tribus,  l'état  d  lios- 


—  124  — 

tilité  permanente  dans  lequel  elles  vivent  et  leur  défiance  envers  les 
étrangers  rendirent  la  traversée  du  pays  difficile  et  dangereuse.  Les 
voyageurs  durent  même  lutter  de  vive  force,  et  finalement,  à  Barri  sur  le 
Webbe  Shebelyi,  ils  reconnurent  qu'ils  ne  pouvaient  aller  plus  loin. 
Revenant  précipitamment  en  arrière,  ils  suivirent  une  route  à  peu  près 
parallèle  à  leur  premier  itinéraire  et  regagnèrent  Berbera  par  Hahi  et 
DoiTer. 

Malgré  son  insuccès  relatif,  l'expédition  James  a  contribué  dans  une 
large  mesure  au  progrès  de  la  science.  Non  seulement  elle  a  eu  des 
résultats  importants  au  point  de  vue  géographique,  mais  grâce  aux  cou- 
naissances  de  ses  membres  en  histoire  naturelle,  elle  a  fouinii  des  ren- 
seignements précieux  sur  la  flore  et  la  faune  de  la  Somalie,  sur  ses  habi- 
tants et  ses  conditions  climatériques.  L'auteur  a  consacré  à  cette  partie 
purement  scientifique  les  cent  dernières  pages  de  son  ouvrage.  De  nom- 
breuses figures  et  des  planches  en  couleur  en  facilitent  la  lecture. 

Charles  Buet,  Les  premiers  explorateurs  français  au  Soudan 
ÉQUATORiAL.  Alexandre  Vaudey,  Ambroise  et  Jules  Poucet.  Paris 
(Letougey  et  Ané),  1888,  iu-18**,  389  p.,  fr.  3.  —  Les  trois  voyageurs  dont 
il  s'agit,  Savoyards  d'origine,  n'occupent  peut-être  pas,  dans  l'histoire 
des  découvertes  géographiques,  la  place  à  laquelle  ils  ont  droit.  Vaudey 
était  l'oncle  des  deux  frères  Poncet.  Vers  1852,  il  alla  avec  eux 
s'établir  à  Khartoum  et  fit  plusieui-s  expéditions  vei*s  le  sud,  jusqu'à 
Oondokoro.  C'était,  dit  le  voyageur  (ruillaume  Lejean,  une  nature 
intelligente  et  curieuse.  Il  avait  formé  de  grands  projets  et  voulait,  en 
particulier,  remonter  le  Nil  pour  en  découvrir  les  sources  et  pénétrer 
dans  le  Darfour,  mais  il  périt  chez  les  Baris.  Ses  n{»veux,  les  frères 
Poncet,  bien  que  très  jeunes  encore,  —  l'aîné  avait  à  peine  dix-sept  ans 
à  l'époque  de  la  mort  de  son  oncle  —  continuèrent  ses  travaux.  Établis 
à  Khartoum,  ils  s'occupèrent  surtout  du  commerce  des  gommes  et  de 
l'ivoire;  pour  les  besoins  de  leur  négoce,  ils  pénétrèrent  chez  les  Mom- 
bouttous,  les  Niams-Niams,  les  Akkas,  et  fondèrent,  sur  le  fleuve  Blanc 
et  le  fleuve  Bleu,  neuf  ^mV^a^  qu'ils  vendirent  ensuite  au  gouvernement 
égyptien.  Leurs  explorations  ont  été  d'une  certaine  utilité  pour  la 
science;  toutefois,  elles  auraient  servi  davantage  s'ils  avaient  été  plus 
instruits. 

Le  livre  écrit  par  M.  Ch.  Buet,  parent  des  frères  Poncet,  n'a,  à 
tout  prendre,  qu'un  médiocre  intérêt.  Il  manque  d'unité;  les  mêmes 
faits  y  sont  relatés  plusieurs  fois  sous  une  forme  différente,  de  sorte  qu'on 


—  125  — 

manque  de  lil  conducteur  pour  se  faire  une  idée  d'ensemble  de  l'œuvre 
des  trois  voyageurs.  Aucune  carte  ne  vient  éclaii'er  le  lecteur  ;  l'ouvrage 
ne  renferme  pas  même  une  table  des  matières.  Les  rapports  de  Vaudey 
et  des  frères  Poncet  aux  sociétés  de  géographie  et  au  khédive  n'ont 
aucune  importance,  car  la  plupart  des  hypothèses  qui  y  sont  énoncées 
ont  été  reconnues  fausses.  Bref,  on  a,  en  parcourant  ce  volume, 
l'impression  que  l'auteur  l'a  écrit  par  devoir  de  parenté,  mais  qu'il  n'est 
pas  très  au  courant  de  la  géographie  du  bassin  du  Haut-Nil,  ni  de  l'his- 
toire contemporaine  de  l'exploration  dans  cette  région. 

D"  Karl  Dove,  Das  Klima  des  aussertroptschen  Sûdafrikas  mtt 
Berûcksichtigung  der  geographischen  unb  wirthschaïtlichen  Bezie- 

HUNGEN   NACH  KUMATISOHEN  PrOVINZEN  DARGE8TELLT.    GôttlugeU  (VaU- 

derhœck  und  Ruprecht's  Verlag),  1888,  in-8*»,  160  p.  et  cartes,  fr.  5,90. 
L'auteur  de  ce  livre  est  le  petit-lils  du  célèbre  physicien  et  météorolo- 
giste H.-W.  Dove,  à  la  mémoire  duquel  l'ouvrage  est  dédié.  Son  étude  - 
repose  sur  un  nombre  considérable  d'observations  faites  par  les  voya- 
geurs aussi  bien  que  par  les  colons  et  les  missionnaires;  l'exposé  est 
clair,  méthodique,  rempli  de  faits  et  de  chiffres  et  constitue  un  docu- 
ment des  plus  précieux  pour  la  climatologie  africaine.  On  sait  que  le 
climat  de  l'Afrique  australe  se  distingue  par  sa  sécheresse  relative;  à 
part  quelques  points  de  la  côte,  l'air  y  est  moins  humide  que  dans  l'Eu- 
rope occidentale.  La  carte  des  pluies  qui  accompagne  le  travail  de 
M.  Dove  montre  que,  d'une  manière  générale,  la  quantité  d'eau  tombée 
annuellement  diminue  de  l'est  à  l'ouest  et  du  sud  au  nord.  Tandis  que 
cette  chute  annuelle  est  de  90  centimètres  dans  la  partie  côtière  de 
Natal  et  même  d'un  mètre  à  Knysna  Hafen,  elle  n'atteint  plus  que  0^,60 
eu  moyenne  dans  la  République  de  l'Orange,  0^,20  à  0",30  dans  le  West- 
Griqua-Land  et  moins  de  0°*,10  dans  le  Namaqua-Land. 

L'étude  de  M.  Dove  renferme  une  carte  des  isothermes  de  l'Afrique 
australe  ;  on  constate  que  ces  lignes  d'égale  température,  au  lieu  d'être 
parallèles  aux  degrés  de  latitude,  décrivent  de  grandes  courbes  se  creu- 
sant vers  le  sud.  C'est  Port-Durban  qui  a  la  plus  forte  moyenne  annuelle 
(20*^,6).  Grâce  aux  vents  réguliers  et  alternants  qui  soufflent  sur  l'Afri- 
que australe,  les  variations  de  température  sont  moins  sensibles  dans  le 
Pays  du  Cap  que  dans  les  régions  à  climat  correspondant  de  l'hémis- 
phère nord. 

M.  Dove  a  divisé  son  travail  en  trois  parties  :  I.  Une  partie  générale 
dans  laquelle  il  examine  le  sens  du  terme  «  Afrique  australe  »  et  la  valeur 


—  12(>  — 

dey  matériaux  qui  lui  out  servi  h  rédiger  sou  luéraGii-e;  puis  il  étudie  les 
éléments  déterminants  de  la  climatologie  de  la  contrée,  la  pression 
atmosphérique,  les  vents  et  la  distribution  de  la  température. 

IL  Division  de  l'Afrique  australe  en  douze  provinces  climatériques  qui 
sont  gi'oupées  de  la  manière  suivante  :  A.  Domaine  des  pluies  â/hiter  : 

I.  Province  du  sud-ouest;  2.  Kaix)u  occidental  et  Petit  Namaqua-Land. 
B.  Dwnaine  des  pluies  dominantes  de  printemps  et  d'automne  :  3.  Côte 
méridionale;  4.  Karou  méridional;  5.  Karou  septentrional;  6.  Région 
montagneuse  du  sud-est.  C.  Domaine  des  pluies  d'été  :  7.  Région  orien- 
tale; 8.  Région  du  Haut-Orange  ;  Transvaal  septentrional  ;  10.  Kalahari 

II.  Grand  Namaqua-Land  et  Damara-Land.  D.  12.  Côte  occidentale. 
III.  Rapport  des  conditions  climatériques  avec  la  situation  économi- 
que et  le  développement  de  l'Afiique  australe.  Cette  troisième  partie 
est  en  quelque  sorte  une  conclusion,  dans  laquelle  l'auteur  examine  les 
effets  de  la  situation  climatologique,  telle  qu'il  Ta  exposée,  sur  le  travail 
agricole  et,  par  suite,  sur  les  conditions  économiques  de  l'Afrique  aus- 
trale, question  importante  qui  est  traitée  d'une  manière  scientifique  et 
de  façon  à  procurer  des  renseignements  de  la  plus  grande  utilité  aux 
colons  de  ces  pays. 

H.  Bissuel.  Les  Touarecj  de  l'ouest.  Alger  (A.  Jourdan),  1888, 
in-8%  210  p.  et  deux  grandes  cartes  hors  texte,  fr.  G.  —  Les  Touareg 
et  les  Châanbâii,  deux  populations  du  Sahara  central,  vivent  d'ordinaire 
sur  le  pied  de  guerre.  Toutefois,  depuis  1885,  en  vertu  d'une  trêve  con- 
clue entre  eux,  la  paix  régnait  dans  la  contrée.  Mais  en  1887,  les  Toua- 
reg de  l'Ar'rerf  (confédération)  Ahnet  rompirent  la  trève  eu  attaquant 
les  Châanbâa  el  Mouadhi,  qui  résident  autour  d'El  Goléa.  Mal  leur  en 
prit,  car  ces  derniers  prévenus,  fondirent  sur  leurs  ennemis  h  deux 
reprises  et  les  mirent  en  fuite  le  9  août  1887.  Des  quinze  prisonniers 
qu'ils  firent,  ils  en  fusilièrent  huit  et  remirent  les  sept  autres  aux  auto- 
rités françaises.  Après  avoir  été  retenus  pendant  quelque  temps  à 
Ghardaïa,  ces  prisonniers  furent  conduits  à  Alger  où  le  capitaine 
H.  Bissuel,  chef  de  bureau  arabe,  reçut  mission  de  les  interroger, 
afin  d'obtenir  d'eux  le  plus  possible  de  renseignements  sur  leur  pays. 
Sous  le  titre  de  «  les  Touai*eg  de  l'ouest,  w  il  publie  aujourd'hui  le  ré- 
sultat des  conversations  nombreuses  qu'il  a  tenues  avec  les  Touareg; 
c'est  en  réalité  une  étude  des  plus  curieuses  et  des  plus  intére^ssantes 
sur  cette  fraction  du  grand  peuple  des  Touareg  ;  elle  ne  peut  manquer 
d'être  utilisée  par  les  géographes,  car  elle  comblera  une  lacune  sensible 
■dans  nos  connaissances  sur  l'Afrique, 


—  127  — 

Aux  quatre  grandes  confédérations  de  Touareg,  les  Azdjer,  les  Ahag- 
gâr,  les  Aïr  et  les  Aouelenimiden  signalées  par  M.  Duveyrier,  l'auteur 
de  ce  livre  propose  d'en  ajouter  une  cinquième  :  l'Ar'rerf  Ahnet.  Comme, 
d'après  M.  Duveyrier,  les  Azdjer  et  les  Ahaggâr  constituent  les  Toua- 
reg du  nord,  les  Aïr  et  le^  Aouelenimiden  ceux  du  sud,  M.  Bissuel  dési- 
gne les  tribus  de  l'Ar'rerf  Ahnet  sous  le  nom  de  Touareg  de  l'ouest. 
Ces  derniers  forment  une  confédération  complètement  indépendante, 
qui  porte  le  nom  d'une  montagne  de  forme  bizarre,  l'Adrar  Ahnet, 
située  à  l'ouest  du  Hoggar  et  au  sud  du  Tidikelt. 

M.  Bissuel  a  cherché  à  constituer,  à  l'aide  des  renseignements  four- 
nis par  les  prisonniei'S,  un  croquis  de  la  contrée,  mais  la  chose  était  des 
plus  difficiles,  à  cause  de  l'absence  de  tout  rapport  outre  les  cartes  d'une 
part,  et  les  affirmations  des  prisonnière  de  l'autre,  Enfin,  un  des  Toua- 
reg demanda  à  son  interlocuteur  de  lui  faire  apporter  quelques  sacs  de 
sable  humide,  se  faisant  fort,  avec  l'aide  de  ses  compagnons,  d'exécuter 
un  plan  en  relief  de  toute  la  région  d'Adrar  Ahnet.  C'est  au  moyen  de 
ce  travail,  qui  fut  terminé  assez  rapidement,  que  M.  Bissuel  put  dre,^- 
ser  la  carte  au  Vso-.oo..  qwi  accompagne  son  ouvrage. 

Une  autre  carte  au  */,î5o,oo  comprend  non  seulement  l'Adrai*  Ahnet. 
mais  toute  la  conti'ée  comprise  entre  El  Goléa  et  Timbouktou,  avec  les 
routes  des  caravanes  et  celles  que  suivent  d'ordinaire  les  Touareg  de 
l'ouest.  Le  texte  de  l'ouvrage  fournit  des  indications  précieuses  sur  la 
confédération  des  Ahnet,  leur  organisation  politique,  leur  histoire,  leurs 
mœurs,  etc.,  ainsi  que  sur  la  géographie,  la  flore,  la  faune,  les  minéraux 
et  le  climat  de  leur  pays.  Un  appendice  est  consacré  au  récit  détaillé  de 
la  razzia  tentée  par  les  Touareg  et  des  combats  auxquels  elle  a  donné 
lieu.  Il  est  évident  que  le  crédit  accordé  à  ces  données  repose  unique- 
ment sur  la  bonne  foi  des  prisonniers.  Le  pays  des  Touareg  de  l'ouest 
n'a  jamais  été  exploré.  Seule,  une  reconnaissance  scientitique  de  la  con- 
trée permettra  de  dire  si  les  renseignements  donnés  par  les  Touareg 
sont  exacts.  Comme  le  dit  M.  Bissuel,  ((  les  notes  qu'il  publie  ne  sont 
que  la  reproduction  fidèle  des  récits  des  prisonniers.  Elles  ne  sont  et  ne 
peuvent  être  que  des  documents  embryonnaires,  des  jalons  plantés  sur 
une  route  encore  à  faire,  et  dont  les  études  plus  approfondies  pourront 
seules  déterminer  le  tracé  définitif.  »  L'auteur,  néanmoins,  a  droit  aux 
remercîments  des  voyageurs  et  des  géographes,  car  le  résultat  de  son 
travail  pourra  servir  de  base  aux  études  futures  sur  cette  région  inté- 
ressante du  Sahara. 


^ 


—  128  — 

Hëli  Châtelain.  Grammatica  elehentar  doKimbundu  ou  Lihgca  de 
Angola.  Genebra  (Ch.  Schuchardt),  1889,  iu-8",  175  et  xxiv  p.,  6  shil- 
lings). —  Après  avoir  publié  un  petit  manuel  pour  l'enseignement  élé- 
mentaire de  la  langue  kimbundu  avec  la  traduction  portugaise,  puis  la 
traduction  en  kimbundu  de  l'Évangile  selon  saint  Jean,  et  donné  à  la 
Zeitschrift  fur  afrikaniscJie  Sprachen  de  Berlin  des  vocabulaii'es  des 
langues  mbamba  et  umbangala,  dialectes  de  la  même  famille  que  la 
langue  kimbundu,  M.  Châtelain  nous  fournit  aujourd'hui  une  gram- 
maire de  cette  langue. 

A  réitérées  fois  déjà,  nous  avons  fait  ressortir  ce  que  la  philologie  des 
langues  africaines  doit  aux  missionnaires.  Le  long  séjour  que  M.  Châte- 
lain a  fait  dans  la  province  d'Angola,  ses  aptitudes  spéciales  pour 
l'étude  des  langues,  et  le  soin  qu'il  a  pris  d'amener  avec  lui  en  Europe 
un  jeune  homme  connaissant  très  bien  celle  de  l'Angola,  le  mettaient  à 
même  de  rédiger  ce  volume,  qui  sera  très  utile  à  tous  ceux  que  l'auteur 
a  eu  en  vue  en  le  composant.  Les  fonctionnaires  et  les  négociants  portu- 
gais, en  apprenant  à  mieux  connaître  la  langue  du  pays  qu'ils  habitent, 
comprendront  mieux  leurs  devoirs  et  leurs  intérêts.  Les  missionnaires,  à 
quelque  Église  et  à  quelque  Société  qu'ils  appartiennent,  y  trouveront 
un  aide  précieux  pour  se  former  à  parler  à  ceux  qu'ils  s'efforcent  de 
relever  de  l'abaissement  dans  lequel  ils  sont  plongés.  Les  africanistes 
seront  heureux  des  facilités  que  M.  Châtelain  leur  offre  pour  l'étude 
d'une  nouvelle  langue.  Et  les  indigènes,  pour  lesquels  les  écoles  se  mul- 
tiplient dans  cette  partie  des  possessions  africaines  du  Portugal,  auront 
là  un  instrument  excellent  pour  apprendre  à  estimer  et  à  apprécier 
mieux  la  belle  langue  de  leur  pays. 

Quoique  l'ouvrage  soit  rédigé  en  portugais,  il  n'est  pas  absolument 
nécessaire  de  savoir  le  portugais  pour  étudier  le  kimbundu  sous  la 
direction  de  M.  Châtelain,  car  il  a  eu  la  bonne  pensée  de  mettre  son 
volume  à  la  portée  des  pei-sonnes  qui  lisent  l'anglais.  En  effet,  on  peut 
l'appeler  grammaire  kimbundu-anglo-portugaise,  puisque  dans  les 
tableaux  des  noms,  des  adjectifs,  des  verbes,  etc.,  à  côté  des  formes 
kimbundu  et  portugaises,  se  trouvent  toujours  les  formes  anglaises. 

Pour  ceux  que  risquerait  de  rebuter  une  étude  purement  gramma- 
ticale, outre  les  exercices  nombreux  que  renferme  chaque  chapitre, 
l'auteur  a  donné,  à  la  fin  du  volume,  des  proverbes,  des  énigmes,  des 
contes  et  apologues,  etc.  Une  table  générale  des  exercices  facilite  beau- 
coup la  consultation  de  l'ouvrage. 


^w:  1  .   -  .   f-     -   -  .v  -■^:    "■  -    f^.\^         '■    '-'.'i'-.'  T**>:       '•    '  '.^-  .^f.^ 


^^^v  -»>,  -.''.^•■,^r^-'^^Xj 


—  129  — 

BULLETIN  MENSUEL  (6  mai  1889  '  ). 

La  température  de  TAIi^éple  s'étant  élevée  ces  derniers  jours, 
on  s'attend  à  une  éclosion  générale  de  criquets  dans  toutes  les 
régions  contaminées.  On  signale  déjà  des  éclosions  partielles  sur 
quelques  points,  et  avant  peu  il  faudra  certainement  faire  tête  au  fléau 
de  tous  les  côtés.  Le  gouverneur  général  de  l'Algérie  s'est  rendu  dans 
la  province  de  Constantine  pour  visiter  les  chantiers  de  destruction  ;  il 
a  pu  constater  que  les  mesures  prescrites  ont  été  ponctuellement  obser- 
vées. De  véritables  plans  de  mobilisation,  tant  pour  les  hommes  que 
pour  les  bêtes  de  somme  destinées  au  transport  du  matériel,  avec  des 
cadres  de  chefs  français  et  indigènes,  ont  été  partout  établis.  Des  cartes 
des  gisements  de  pontes,  des  registres  contenant  la  nomenclature  métho- 
dique des  contingents  de  travailleurs,  de  leur  répartition,  des  appareils 
et  approvisiomiements,  soigneusement  dressés,  se  trouvent  dans  toutes 
les  communes  ou  sections,  de  sorte  qu'on  est  autorisé  à  compter  sur  le 
succès  de  la  campagne. 

M.  de  Lesseps  a  donné  à  l'Académie  des  sciences  des  renseignements 
sur  les  améliorations  réalisées  récemment  dans  le  canal  de  Snese. 
Entre  les  lacs  Amers  et  Port-Saïd,  la  largeur  du  canal  a  été  portée  de 
22  à  65  mètres  et  même  à  75  mètres  au  sonmiet  des  grandes  courbes. 
Les  vapeurs  pourront  désormais  se  croiser  sur  ce  parcours  sans  diffi- 
culté. L'approfondissement  a  été  en  même  temps  augmenté  jusqu'à  9 
mètres.  Au  lieu  de  trente-cinq  à  quarante  heures ,  les  bateaux  n'em- 
ploient plus  que  vingt  heures  pour  traverser  l'isthme.  L'usage  de  la 
lumière  électrique  est  devenu  plus  fréquent  :  en  janvier  1888,  85  navires 
y  avaient  eu  recours;  en  décembre  de  la  même  année,  176  navires  s'en 
sont  servis.  Si  le  nombre  des  bâtiments  qui  ont  franchi  le  canal  en  1888 
a  été  très  légèrement  inférieur  à  celui  de  l'année  précédente,  le  transit 
a  augmenté  au  point  de  vue  du  tonnage,  ce  qui  indique  une  tendance 
chez  les  constructeurs  à  donner  aux  navires  de  plus  fortes  dimensions. 
L'Angleterre  tient  le  premier  rang  dans  le  transit  :  son  pavillon  y  est 
représenté  par  2,625  navires.  Viennent  ensuite  :  la  France,  l'Allemagne, 
l'Autriche-Hongi-ie,  la  Hollande,  etc. 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  PEst,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

l'aFRIQUE.   —   DIXIÈME   ANNÉE.   —  N"   5.  5 


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—  130  — 

Une  lettre  adressée  au  ministère  égyptien  au  Caire  par  Mohamed  el 
Bernavi,  chef  d'escadron,  qui  avait  accompagné  Gordon  à  Khartoum, 
donne  de  curieux  détails  sur  les  faits  qui  se  sont  passés  depuis  la  prise 
de  cette  ville.  Au  début,  la  population  du  Daifour,  terrifiée  par  les  der- 
viches, se  soumit  à  eux,  mais  plus  tard,  quand  Wad  Senoussi  vint  à  son 
secoun?,  tous  se  joignirent  à  lui  et  les  derviches  furent  expulsés  après 
plusieurs  batailles  sanglantes.  Ds  se  réfugièrent  dans  le  Kordofan  et 
prièrent  le  mahdi  de  leur  envoyer  des  renforts,  ce  qui  eut  lieu  ;  mais  ils 
furent  battus  de  nouveau  et  les  hommes  de  Senoussi  occupent  actuelle- 
ment le  Kordofan  et  sa  capitale.  Les  Arabes  des  pays  voisins  sont  tous 
avec  Wad  Senoussi  et  ont  abandonné  les  derviches.  Il  y  a  huit  mois 
environ,  le  mahdi  expédia  trois  vapeurs,  deux  transports  et  deux  bar- 
ques avec  environ  6000  hommes  vers  l'Equateur  pour  attaquer  Émin- 
pacha.  Mohamed  el  Bernavi  faisait  partie  de  cette  expédition  et,  loi*s- 
qu'elle  fut  parvenue  à  l'endroit  nommé  «  le  premier  Sad,  »  près  de  Bor, 
il  se  trouva  que  le  fleuve  n'était  plus  navigable.  Les  hommes  se  mirent 
à  couper  les  herbes  qui  obstruaient  le  passage.  Pendant  cette  opération, 
ils  furent  attaqués  par  Ebd-el-Bayen  agha  et  Saïd  Shellahi,  gens  d'Émin 
qui  occupent  la  station  de  Rumbek.  Les  derviches  furent  complètement 
défaits,  la  plupart  tués,  un  grand  nombre  se  noyèrent.  Mohamed  el 
Bernavi  put  seul  s'échapper  avec  une  centaine  d'hommes,  et  regagna 
Omdurman.  Les  gens  d'Émin  s'emparèrent  des  vapeurs  et  des  autres 
bateaux  avec  les  honmies  et  les  munitions  qui  étaient  à  bord.  On  dit 
qu'Émin  est  en  bonne  santé  et  que  toute  la  population  du  Bahr-el-Gha- 
zal  est  pour  lui.  U  a  eu  la  visite  de  plusieurs  voyageurs  européens.  — 
Slatin-bey  est  logé  dans  la  maison  du  mahdi.  Il  y  a  à  Khartoum  quatre 
vapeurs  en  bon  état,  dont  on  se  sei-t  pour  remorquer  les  transports  por- 
tant des  hommes  et  des  provisions  d'une  station  à  l'autre.  Les  soldats 
et  les  esclaves  seuls  ont  des  armes  à  feu  ;  les  Arabes  en  sont  dépoui-vus. 
A  Omduiman,  il  y  a  quatorze  pièces  de  montagne  et  quatre  canons 
Krupp.  Ces  derniers  ne  sont  pas  en  état  de  servir.  Toutes  les  tribus 
arabes  sont  contre  les  derviches,  excepté  les  Baggaras  et  les  Dongolais. 
Les  vivres  sont  rares  et  chers,  et  la  population  est  plongée  dans  une 
profonde  misère. 

Le  docteur  Traversi,  qui  a  passé  plusieurs  années  près  du  roi  Ménélik 
au  Choa  vient  d'arriver  à  Rome.  U  a  donné  d'intéressants  détails  sur 
tout  ce  qui  s'est  passé,  ces  derniers  temps,  en  Abyssinie.  Après  la 
mort  de  son  fils,  le  négous,  profondément  troublé,  manifesta  l'intention 
d'abdiquer.  Son  entourage  l'en  dissuada,  mais  son  armée  était  en  pleine 


—  ISl  — 
dissolution.  Eu  même  temps,  se  déclarait  eu  Abyssinie  une  teiTÎble  épi- 
zootie  qui  décima  le  bétail.  Le^  corps  putréfiés  des  aDiiuaux  morts  cau- 
sèreut  aussi  parmi  les  babituuts  de  graves  maladies.  Néaumoius  le 
uégous  essaya  de  i-eformer  sou  armée  pour  attaquer  Mt'iiélik  ;  mais  le 
fleuve  qu'il  devait  traverser  s'ctaiit  extraordioairemeut  gonflé,  il  se 
replia,  pour  péuétrer  dans  le  Cboa  par  un  autre  côté.  A  cet  eôet,  il  ma- 
nœuvra autour  du  lac  Tzaiia,  eu  commettant  dit  véritables  atrocitéi^. 
Massacrant  les  populations,  saccagoaut  le  pays,  il  dépouilla  de  ricbes 
couveuts,  égorgea  les  moines  qui  s'y  trouvaient,  et  s'attira  ainsi  la 
haine  du  clergé  de  ses  propres  États.  S'avançant  d'abord  dans  le  God- 
jani,  il  le  dévasta  en  marcbaut  contre  Ménélik,  puis,  sans  l'avoir 
atteint,  il  se  letira.  Ceci  se  passait  il  y  a  environ  un  mois  et  demi,  aloi-s 
que  le  docteui-  quittait  Ménélik.  A  ce  moment  Ras  Âlula  et  Agoz  étaient 
paitis  à  la  rencontre  des  Soudanais,  et  c'est  sans  doute  en  se  portant 
vers  Gondar  pour  les  soutenir,  que  le  négous  aura  rencontré  les  dervi- 
ches par  lesquels  il  fut,  dit-on,  vaincu  et  tué. 

D'api-ês  le  Times,  les  relations  entre  les  agents  de  la  Britlsh  Enst 
.\rrioam  Comp»ny  et  ceux  de  la  Sooiété  Klleinaade  de  l'Afri- 
que orientale  laissent  beaucoup  à  désirer.  Les  premiers,  après  avoir 
payé  une  forte  somme  aux  Arabes  de  Mombas  pour  faire  cesser  leurs 
réclamations  sur  les  esclaves  réfugiés  à  Frere-Town  et  à  Rabal,  ont 
commencé  la  eoustructiou  d'une  route  dans  la  direction  du  Victoria- 
Nyauza.  Ils  ont  de  plus  envoyé,  sous  la  direction  de  M.  Jackson,  une 
expédition  qui  poussera,  si  elle  le  peut,  jusqu'à  Wadelal  ;  elle  avait  pu 
atteindre  le  lac  Bariugo,  à  G50  kilom.  de  la  côte,  sans  avoir  été  inquiétée 
en  aucune  façon.  Mais  à  la  limite  septentrionale  de  ses  opérations,  du 
côté  de  Witou,  la  Compagnie  se  trouve  en  contact  avec  les  agents  allo- 
mands.  Quoiqu'il  ait  été  convenu  que  les  deux  Sociétés  s'abstiendraient 
scrupuleusement  d'empiéter  sur  leurs  champs  d'action  respectifs,  k 
Comjjaguie  allemande  s'est  établie  à  l'embouchure  de  la  Tana  et  y  fait 
concuiTence  aux  intérêts  anglais.  En  même  temps,  elle  cherche  à  se  faire 
concéder  par  le  sultan  de  Zanzibar  l'tle  de  Lamou,  qui,  par  les  conven- 
tions, a  été  reconnue  au  sultan,  mais  que  les  Anglais  prétendent  avoir 
été  colonisée  et  exploitée  exclusivement  par  des  sujets  britanniques.  Le 
Timeg  va  jusqu'à  engager  la  Compf^nie  anglaise  à  lutter,  au  besoin,  par 
les  annes,  contre  la  Compagnie  allemande  pom-  la  défense  de  ses  inté- 
rêts, et  donne  à  entendre  que  si  le  gouvernement  allemand  intervenait 
au  profit  de  ses  nationaux,  l'Angleterre  entrerait  à  son  tour  en  scène 
pour  défendre  et  soutenir  les  siens.  Aux  dernières  nouvelles,  l'Angle- 


—  132  — 

terre  et  l'Allemagne  ont  choisi  le  bai*on  de  Lambermont,  diplomate 
belge,  comme  arbitre  de  leur  différend  concernant  l'île  de  Lamou. 

Le  Church  Missionary  Intelliyencer  and  Record  publie  une  lettre  de 
M,  Mackay,  naguère  missionnaire  dans  l'Ou-Ganda,  qui  s'exprime  ainsi 
au  sujet  du  soulèvement  des  Arabe»  dans  l'Afrique  orientale  :  a  Ces 
événements,  »  dit-il,  «  joints  à  ceux  qui  se  passent  sur  le  lac  Nyassa,  sur 
le  haut  Congo  et  sur  le  Nil,  font  que  Ton  se  pose  la  question  :  Sera-ce 
l'influence  arabe  ou  celle  de  l'Europe  qui  prévaudra  dans  l'Afrique  cen- 
trale? C'est  à  l'Europe  chrétienne  qu'il  appartient  de  répoudre.  Dieu 
nous  garde  de  voir  la  politique  de  Vabandon^  aboutissant  au  suicide, 
appliquée  à  l'Afrique  orientale  comme  elle  l'a  été  au  Soudan.  Si,  dans 
cette  crise,  l'Europe  n'affirme  pas  sa  ^périorité,  il  nous  faudra,  après 
tout  ce  qui  a  été  fait  jusqu'ici,  inscrire  l'épitaphe  du  continent  noir 
«  Perdu  pour  toujours  !  »  Si  notre  Société  estime  que  cela  ne  doit  pas 
être,  il  faut  qu'elle  agisse  et  laisse  à  plus  tard  les  discours  et  les  espé- 
rances vaines.  L'union  fait  la  force.  Nos  frères  d'Ecosse  et  la  Mission 
des  universités  se  sont  hâtés  d'attirer  l'attention  publique  sur  les  trou- 
bles dont  ils  avaient  à  souflVir.  La  Société  des  missions  anglicanes  se 
tiendra-t-elle  à  l'écart,  et  refusera-t-elle  de  joindre  ses  efforts  à  ceux 
d'autres  ouvriers  chrétiens  travaillant  dans  le  même  champ  ?  Commet- 
trons-nous le  crime  monstrueux  de  rester  les  bras  croisés  à  regarder 
toute  cette  région,  abandonnée  par  les  nations  chrétiennes  de  l'Europe 
et  livrée  à  la  dévastation  des  disciples  de  l'islamisme?  La  Société  des 
missions  anglicanes  doit  diriger  l'opinion  publique  et  élever  la  voix  de 
telle  sorte,  que  ni  l'Allemagne,  ni  l'Angleterre,  ni  même  le  Portugal,  ne 
puissent  s'y  méprendre.  Placé  sous  contrôle,  le  fanatisme  arabe  peut 
être  assez  inoflensif  ;  mais  qu'on  lui  laisse  prendre  l'ascendant,  adieu 
toutes  les  espérances  pour  la  régénération  de  l'Afrique  ;  toute  occasion 
d'y  travailler  nous  sera  refusée.  Il  n'y  aurait  que  l'impuissance  ou  une 
aveugle  démence  qui  pussent  permettre  une  telle  faute.  Mais  telle  est 
l'infatuation  qui  s'empare  aujourd'hui  de  beaucoup  d'honnêtes  gens,  que 
je  ne  serais  nullement  surpris  de  voir  la  philanthropie  céder  au  fana- 
tisme, et  la  liberté  et  la  pitié  reculer  lâchement  devant  l'audace  de 
l'esclavagiste  circoncis.  » 

La  question  des  rapports  enti-e  le  Portugal  et  l'Angleterre  dans  la 
région  du  lac  Nyassa  ayant  été  soulevée  dans  la  Chambre  des  Com- 
munes, lord  Salisbury  a  répondu  que  la  Société  des  Lacs  africains  ne 
rencontre  d'hostilité  qu'auprès  des  Arabes,  qui  craignent  que  le  succès 
de  cette  Compagnie  n'interrompe  la  traite  des  esclaves.  Aucun  des  ob- 


—  133  — 

stades  rencoutrés  par  la  Société  ne  provient  des  agents  portugais.  Le 
gouvernement  anglais  favorisera  de  son  mieux  les  entreprises  de  ses 
nationaux,  mais  le  territoire  n'appartenant  pas  à  l'Angleterre  et  n'étant 
pas  non  plus  placé  sous  le  protectorat  anglais,  l'action  du  gouvernement 
se  trouve  limitée.  Comme  la  politique  des  autres  puissances,  celle  du 
Portugal  doit  consister  pour  le  moment  à  empêcher  l'introduction  d'ar- 
mes et  de  munitions  dans  l'intérieur  de  l'Afrique.  Le  gouvernement 
anglais  a  prié  le  Portugal  de  se  départir  des  règlements  stricts  interdi- 
sant l'importation  des  armes  et  des  mmiitions,  en  faveur  de  la  Compa- 
gnie des  Lacs  africains. 

Le  journal  anglais  The  Field,  dans  un  article  de  M.  F.-C.  Selous, 
contient,  sur  la  OAlsslon  française  au  Zambèze,  quelques  appré- 
ciations que  nous  nous  faisons  im  devoir  de  reproduire.  «  En  arrivant  à 
Seshéké,  je  fus  fort  aimablement  reçu  par  les  familles  Jeanmairet  et 
Jalla.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  juger  l'œuvre  des  missions.  Je  dirai 
seulement  que  les  missionnaires  de  Seshéké  sont  aux  prises  avec  bien 
plus  de  difficultés  que  ne  se  l'imaginent  sans  doute  ceux  qui  les  soutien- 
ueut  en  Europe.  Et  d'abord,  ils  sont  exposés  à  un  climat  qui  ne  convien- 
dra jamais  à  un  Eui'opéen,  quoi  qu'on  en  dise.  Puis  les  indigènes  regar- 
dent un  peu  le  blanc  comme  «  une  vache  à  lait,  »  pour  employer  leur 
expression  ;  ils  trouvent  que  les  missionnaires  sont  de  «  mauvaises  lai- 
tières »  et  les  aiment  en  conséquence.  La  situation  des  missionnaires  de 
Seshéké  est  donc  fort  peu  agréable,  et  rien  ne  prouve  que  cela  doive 
jamais  changer.  En  outre,  ces  familles  sont  privées  de  toutes  communi- 
cations régulières  avec  le  monde  civilisé  ;  pour  la  poste,  ils  dépendent 
entièrement  des  voyageurs  ou  marchands  que  le  hasard  conduit  au 
Zambèze.  M.  Jeanmaii'et  m'a  raconté  que  les  crocodiles  sont  une  vraie 
plaie  ;  ces  bêtes  lui  ont  dévoré  tous  ses  porcs,  tous  ses  chiens  et  presque 
toutes  ses  chèvres.  »  De  Seshéké,  M.  Selous  se  rendit  à  Léaluyi,  par  ce 
qu'il  nomme  «  la  route  de  M.  Coillai'd.  »  Le  2  septembre  1888,  il  arriva 
à  Séfoula.  «  Là,  »  dit-il,  a  je  fus  très  bien  reçu  par  M.  et  M"'  Coillard. 
Ils  vivent  là,  en  compagnie  d'un  jeune  ouvrier  écossais,  M.  Waddell, 
seuls  au  centre  de  l'Afrique,  loin  des  bruits  du  monde  civilisé.  Je  com- 
prends ce  que  M.  Coillard  m'a  dit  :  «  Le  sentiment  du  devoir  seul  peut 
engager  un  Européen  à  venir  dans  un  pareil  pays,  hors  du  monde  et 
privé  de  toute  relation...  »  M.  Coillard  exerce  une  grande  influence  sur 
le  chef  Léwanika  ;  il  semble  aussi  avoir  gagné  la  confiance  de  tous  ceux 
avec  lesquels  il  est  en  relation.  Léwanika  s'habille  à  l'européenne  ;  il  a 
renoncé  aux  spiritueux  et  boit  du  thé  et  du  café.  L'amabilité  de  M.  Coil- 


—  134  — 
qu'il  gagnera  certainement  le  cœur  de  tous  ces  gens.  Cela 
«s  la  vallée  des  Ba-Rotsé  d'être  un  pays  déplorable.  » 
crit  ensuite  les  inondations  périodiques  du  Zambèze  et  les 
èvres  qui  en  résultent. 

y  B.  Taunt  a  été  nommé  consul  des  États-Unis  auprès 
idépendant  du  Conco.  Ses  instructions  lui  prescrivent 
•apport  sur  les  i-essources  commerciales  du  bassin  du  bas 
cours  supérieur  du  fleuve,  ses  richesses  agricoles  et  miné- 
uvertures  »  pour  l'industrie  et  le  commerce  américains,  et 
sur  ce  sujet  toutes  les  informations  utiles  aux  intérêts  des 
i]n  outre,  l'institution  Smithsonienne  et  le  Musée  national 
^  dans  l'expédition  de  M.  Taunt,  auquel  ils  ont  fourni  des 
M.  Taunt  a  dqà  passé  vingt  mois  au  Congo,  d'abord  en 
lorateur  officiel  des  États-Unis,  et  plus  tard  à  la  tête  de 
irganisée  par  M.  Sanford.  Cette  fois-ci  il  y  passera  au  moins 

ligule  des  uiuyustna  généraux  du  Congo  se  pro- 
r  et  d'exploiter  à  Borna  un  tpan-way  A  vapear,  dont  la 
nron  deux  kilomètres  de  longueur;  elle  partira  de  la  rive 
iivira  le  plateau  en  faisant  une  courbe  et  aboutira  au  sani- 
reliera  ainsi  les  établissements  de  Boma-rive  à  ceux  de 
i.  Le  matériel  fixe  :  rails,  traverses  et  accessoires,  a  été  em- 
Akansa,  parti  d'Anvers  le  10  avril  ;  les  locomotives  et  les 
lit  chargées  sur  le  steamer  qui  partira  le  10  mai,  sur  lequel 
lage  le  p<'i-sonnel  technique  chargé  de  l'installation  de  la 
tntage  du  matériel  roulant. 

Compagnie  prépare  une  constructiou  démontable  en  fer 
m  hdt«l  et  des  magaalna  qu'elle  fera  édifier  à  Borna. 
it  en  tôles  d'acier  à  double  paroi,  embouties  et  galvani- 
iires  en  tôles  ondulées  et  galvanisées.  L'immeuble  aura  un 
lée  surmonté  de  deux  étages.  Avec  ses  corps  de  bAtiment,  il 
irofondeur  sur  52"  de  largeur  et  environ  12"  dans  sa  plus 
lion.  Au  rez-de-chaussée  seront  les  magasins;  au  premier 

et  le  i-cstauraut  avec  leurs  dépendances  :  bureaux,  office, 
mgerie,  lingerie,  etc.  ;  au  deuxième  étage,  les  chambres  h 

voyageurs,  au  nombre  de  douze.  Au  premier  et  au  second 
i,  tout  autour  du  bâtiment,  un  balcon  de  2"  de  large  abrite 
inda.  Tous  les  matéiiaus  serout  chargés  sur  le  bateau  qui 
!rs  le  10  mai  et  qui  se  i-endra  à  Borna  oii  l'hôtel,  démonté, 
•  et  transporté  à  l'aide  du  tramway. 


—  135  — 

M.  Delcommune,  chef  de  la  reconnaissance  du  haut  Congo,  ordonnée 
par  la  Compagnie  du  Congo  pour  le  commerce  et  Tindustrie,  a  remonté 
pendant  dix-sept  jours,  à  bord  du  Boi  des  Belges,  le  cours  du  Liomami, 
sur  une  distance  de  930  kilomètres.  La  rivière  traverse  un  pays  magni- 
fique; la  navigation  y  est  extrêmement  facile  ;  au  point  où  il  s'est  arrêté 
dans  son  exploration,  il  ne  se  trouvait  qu'à  trois  jours  de  marche  de 
Nyangoué,  et  en  amont  la  rivière  continuait  à  être  ouverte  et  libre. 
Voici,  d'après  le  Mouvement  géographique,  un  extrait  de  sa  lettre  aux 
administrateurs  de  sa  Compagnie. 

Bangala,  1"  février  1889. 

«  A  mon  arrivée  aux  Stanley-Falls,  j'y  trouvai  les  Européens  en 
excellente  santé  et  en  parfait  accord  avec  les  Arabes.  Je  commençai  la 
reconnaissance  des  affluents  du  haut  Congo  par  le  Lomami.  M.  Haneuse, 
résident  de  l'État  aux  Falls,  m'accompagnait.  Nous  fûmes  tout  étonnés 
de  constater  l'importance  de  cette  rivière,  d'une  largeur  moyenne  de 
250",  d'une  profondeur  de  3"*,50  à  5",50,  d'un  coui'ant  de  2  'A  à  3  milles 
à  l'heure.  Son  cours  est  très  sinueux,  ses  rives  sont  couvertes  d'épaisses 
forêts  vierges.  Du  25  décembre  au  5  janvier,  nous  avons  rencontré  un 
pays  superbe,  mais  entièrement  désert  ;  aucune  population  sur  le^  rives. 
Des  restes  d'anciennes  cultures,  des  huttes  abandonnées  nous  révélaient 
le  passage  de  bandes  arabes.  Le  6  janvier,  nous  avons  entin  trouvé  un 
village  sur  la  rive  gauche,  dont  les  naturels,  entièrement  sous  la  domi- 
nation des  Arabes,  nous  apprirent  que  nous  étions  à  trois  jours  de  Nyan- 
goué. L'état  de  santé  de  M.  Haneuse  ne  me  permit  pas  de  continuer,  et 
la  descente  de  la  rivière  commença  le  7  janvier.  Je  reconduisis  M.  Ha- 
neuse aux  Falls.  De  là,  je  me  dirigeai  vers  l'Arououimi  que  je  remontai 
jusqu'au  camp  de  Yambouya,  où  je  trouvai  les  derniei*s  vestiges  du 
camp  de  Stanley.  Je  remontai  ensuite  l'Itimbiri  pendant  deux  jours  et 
j'arrivai  à  Bangala  le  30  janvier.  J'en  repars  aujourd'hui,  et  vais  me 
diriger  vers  le  Loulongo,  puis  vei*s  le  Tchouapa  et  l'Irebou.  J'espère 
avoir  fini  la  reconnaissance  de  ces  cours  d'eau  à  la  fin  de  ce  mois  et 
être  à  Léopoldville  dans  la  première  quinzaine  de  mai*s.  » 

Il  en  résulte  qu'à  l'ouest  du  Congo  coule,  parallèlement  à  ce  tteuve,  et 
sur  un  parcours  de  1100  kilom.  à  vol  d'oiseau,  à  une  distance  moyenne 
de  75  kilom.,  un  énorme  affluent,  le  Lomami,  dont  Cameron  a  vu  la 
source  en  1874,  par  9°  lat.  S.,  et  dont  Stanley  a  découvert  le  confluent, 
dix  ans  après,  par  1  °  lat.  N.  Pendant  tout  ce  parcours,  le  Congo  ne 
reçoit  d'affluents  importants  que  sur  sa  rive  droite  :  la  Loufira,  le  Loua- 
poula,  le  Loukouga,  la  Lohoua,  la  Mboura,  etc.  ;  le  Lomami  n'est  sérieu- 


—  136  — 

sèment  alimenté  que  par  sa  rive  gauche  :  le  Loukassi,  le  Lourimbi,  etc. 
M.  Delcommune  a  mené  son  exploration  jusque  par  4""  lat.  S.  envi- 
ron, à  la  hauteur  de  Nyangoué.  Mais  on  sait  par  MM.  Wissmami  et 
LeMarinel  qu'à  150  kilom.  en  amont,  point  où  ces  voyageurs  l'ont  tra- 
versé, le  Lomami  est  encore  un  beau  cours  d'eau,  d'une  centaine  de 
mètres  de  largeur,  et  d'une  pfofondeur  de  3",50  au  moins.  Cameroji, 
qui  a  suivi  la  rive  gauche  jusqu'à  200  kilom.  plus  en  amont  encore, 
assure  que  le  Lomami  est  toujours  navigable.  Il  constituerait  donc  un 
coui*s  d'eau  d'au  moins  1600  kilom.  de  longueur  et  prendrait  le  troi- 
sième rang  parmi  les  affluents  du  Congo,  immédiatement  après  le  Kas- 
saï  et  rOubangi.  Au  point  de  vue  économique  cette  reconnaissance  a 
une  très  grande  valeur,  puisque  les  steamers  pourront  ainsi  tourner 
l'obstacle  que  présentent  les  Stanley-Falls  à  la  navigation,  et  transpor- 
ter les  voyageurs  et  les  marchandises  jusqu'à  trois  jours  de  Nyangoué, 
qu'il  sera  facile  de  relier  au  Lomami  par  un  chemin  de  fer  DecauviUe. 
Par  là ,  le  Manyéma,  l'Ouroua  et  le  Katanga  se  trouveront  reliés  à 
Stanley-Pool. 

La  loi  concernant  la  création  du  service  maritime  postal  entre 
la  Franche  et  la  côte  ocMsidentale  d'Afrique  a  été  promulguée. 
L'article  1"  dispose  que  le  service  à  exécuter  comprend  six  voyages  par 
an  entre  la  France  et  la  côte  occidentale  d'Afrique,  avec  l'itinéraire 
suivant  : 

De  Marseille  à  Oran 534  milles. 

D'Oran  à  Dakar 1772  » 

De  Dakar  à  Konakry 425  » 

De  Konakry  à  Sierra-Leone 67  » 

De  Sierra-Leone  au  Cap  Palmas 461  » 

De  Cap  Palmas  au  Grand  Bassam 248  >» 

De  Grand  Bassam  à  Kotonou 390  » 

De  Kotonou  à  Benito 513  » 

De  Benito  à  Libreville 85  » 

De  Libreville  à  Loango 405  » 

Parcours  total  (par  traversée) 4900  milles. 

Les  départs  des  points  extrêmes  ont  lieu  tous  les  deux  mois  à  date 
fixe. 

L'article  2  dispose  que,  en  dehors  des  escales  réglementaires,  l'entre- 
preneur pourra  desservir  facultativement  certains  points  inténnédiaires 
soit  à  l'aller,  soit  au  retour,  à  la  condition  qu'il  n'en  résulte  aucune 


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—  137  — 

augmentation  de  la  durée  des  traversées,  ni  aucun  changement  dans  la 
périodicité  des  départs  des  points  extrêmes.  Sous  la  même  réserve,  il 
sera  autorisé  à  prolonger  le  parcours  jusqu'au  Cap  de  Bonne-Espérance 
à  l'aller,  et  à  faire  relever  les  paquebots,  après  leur  retour  au  port 
d'attache  en  France,  sur  d'autres  ports  français  ou  étrangers.  Les  par- 
cours facultatifs  ne  donneront  lieu  à  aucune  augmentation  de  subven- 
tion. 

NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

A  la  suite  du  concours  de  décortication  de  la  ramie  qui  a  eu  lieu  Pannée 
dernière,  un  rapport  a  été  adressé  au  ministre  de  l'agriculture,  au  nom  du  jury 
chargé  de  l'examen  des  appareils;  le  Directeur  de  l'agriculture  a  soumis  à  la 
Commission  de  la  ramie  le  programme  d'un  nouveau  concours,  qui  aura  lieu  dans 
le  courant  du  mois  d'août  prochain,  comme  partie  intégrante  de  l'Exposition 
universelle  (groupe  VIII,  Agriculture). 

M.  Delâtre,  prêtre  missionnaire  d'Alger,  a  été  délégué  par  le  cardinal  Lavi- 
gerie,  pour  porter  des  secours  aux  indigènes  des  oasis  de  la  vaste  plaine  saharienne 
des  Zibans,  qui,  ayant  souffert  -l'année  dernière  de  l'invasion  des  criquets,  étaient 
plongés  dans  une  misère  qui  menaçait  d'avoir  chez  eux  les  conséquences  de  la 
fiamine  de  1867. 

Miss  Whately,  la  fondatrice,  au  Caire,  de  nombreuses  écoles,  qu'elle  n'a  cessé 
de  diriger  pendant  vingt  ans  avec  le  plus  entier  dévouement,  vient  de  mourir. 
Ces  écoles,  qui  comptent  plus  de  600  élèves,  et,  dans  le  nombre,  des  filles  de 
pachas  et  des  principales  notabilités  du  pays,  seront  désormais  dirigées  par  sa 
sœur. 

Le  gouvernement  italien  s'occupe  de  réaliser  la  concession  du  territoire  de 
Kismaïou  faite  à  l'Italie  par  le  précédent  sultan  de  Zanzibar.  Il  y  favorisera  la 
formation  de  sociétés  commerciales  et  industrielles,  comme  le  font  l'Angleterre  et 
l'Allemagne  dans  les  territoires  placés  sous  leur  protectorat. 

M.  A.  Charpentier,  chimiste,  est  chargé  d'une  mission  scientifique  à  Madagascar, 
où  il  va  étudier  les  applications  industrielles  de  certaines  gommes  indigènes. 

Le  P.  Camboué,  missionnaire  à  Madagascar,  a  envoyé  à  l'Académie  des  sciences 
une  note  sur  la  coïncidence  qui  a  existé  ces  trois  dernières  années  entre  les 
tremblements  de  terre  dans  la  province  d'Imérina  et  la  chute  de  pluies  exception- 
nelles. 

M.  Brunet,  président  du  Conseil  général  de  la  Réunion,  a  été  chargé  de  faire 
une  étude  approfondie  des  ressources  que  présente  la  colonie  de  Diego-Suarez, 
des  conditions  de  son  développement  ultérieur  et  de  l'administration  à  lui  appli- 
quer. Il  y  a  Heu  surtout  de  chercher  les  moyens  de  surmonter  les  difficultés 
qu'opposent  à  la  colonisation  le  climat  et  la  rareté  des  eaux  potables. 

Le  major  Serpa  Pinto  est  parti  pour  la  baie  de  Delagoa,  investi  d'une  mission 


.\ 


—  138  — 

officielle  en  vue  de  l'exploration  des  territoires  situés  dans  la  région  non  explorée 
par  le  lieutenant  Antonio  Cardoso.  Un  vapeur  le  transportera  ensuite  à  Inhambané, 
d^où  il  se  dirigera  sur  Quilimane^  pour  continuer  ensuite  sa  marche  jusqu'au  lac 
Nyassa. 

Après  avoir  constaté  qu'il  existe  à  l'embouchure  du  Limpopo  un  excellent  port, 
et  que  le  fleuve  peut  être  remonté  en  steamer  sur  un  parcours  de  plus  de  100  kilom^ 
le  capitaine  Chaddock  cherche  à  décider  la  British  East  African  Company  à 
établir  un  comptoir  dans  cette  région  favorablement  située  pour  exploiter  les 
richesses  naturelles  du  Transvaal  et  du  pays  des  Ma-Tébélé.  Si  la  Compagnie 
susmentionnée  ne  se  laisse  pas  persuader,  le  capitaine  Chaddock  essayera  de 
créer  une  compagnie  anglaise  spéciale. 

En  réponse  à  la  demande  de  Lobengula,  roi  des  Ma-Tébélé,  le  gouvernement 
anglais  est  disposé  à  lui  envoyer  un  officier,  fin  revanche,  il  désapprouve  la  clause 
de  la  concession  minière  faite  au  syndicat  de  MM.  Rhodes  et  Rudd,  moyennant 
laquelle  les  concessionnaires  donneraient  mille  fusils  Martini-Henry  et  un  million 
de  cartouches;  il  demandera  à  Lobengula  de  la  changer.  (Voy.  p.  120  :  Lettre  de 
M.  Demaffey.) 

Ahmed  Bey  Effendi,  représentant  de  l'empire  ottoman  à  Eimberley,  s'est  rendu 
à  Johannesbourg  pour  y  faire  une  enquête  sur  les  mines  d'or,  en  faveur  d'un 
syndicat  turc  qui  s'est  fondé  à  Constantinople  sous  la  présidence  d'Ismaïl  Hakié 
Pacha.  Il  aura  des  succursales  à  Capetown,  Kimberley  et  Johannesbourg. 

Les  chefs  de  Morerai,  doût  le  territoire,  d'environ  22,000  kilom.  carrés,  se 
trouve  situé  entre  20°  —  22®  lat.  S.  et  20°  —  28®  long.  E.,  se  sont  placés  sous  le 
protectorat  britannique.  Les  limites  en  sont  :  au  nord  le  Zambèze,  au  sud  le  désert 
du  Kalahari,  à  l'est  le  Be-Chuanaland  et  à  l'ouest  le  Damaraland.  C'est  un  pays 
fertile,  riche  en  forêts  et  en  gisements  miniers. 

Le  Daily  Telegraph  et  le  Cape  Argus  ayant  annoncé  que  l'Allemagne  serait 
disposée  à  céder  à  l'Angleterre  le  territoire  qui  s'étend  entre  Wallfishbay  et  le 
Be-Chuanaland,  la  Gazette  de  Cologne  se  fait  un  devoir  de  déclarer  que  le  gou- 
vernement allemand  n'a  cédé  cette  région  à  aucune  puissance.  Les  richesses 
minérales  du  Damaraland  sont  considérables,  et,  jusqu'à  présent^  ce  pays  n'a 
occasionné  presque  aucune  dépense  à  l'État. 

M.  Caron,  lieutenant  du  génie,  a  été  chargé  de  faciliter  le  parcours  de  la  route 
des  caravanes  entre  Matadi  et  Léopoldville,  par  l'exécution  de  quelques  travaux 
d'art  et  diverses  installations  pour  le  passage  facile  et  rapide  des  rivières.  Son 
premier  travail  a  été  l'établissement  d'un  bac  sur  la  Mpozo,  en  amont  de  Matadi. 
Il  peut  passer,  à  chaque  traversée,  de  40  à  50  hommes,  avec  pleines  charges.  Il 
suffit  de  dix  minutes  pour  l'embarquement,  le  passage  et  le  débarquement  d'une 
caravane.  —  M.  Caron  a  aussi  jeté,  sur  la  Loufou,  un  pont  suspendu  en  fer  de  34° 
de  longueur. 

La  Livingstone  Inland  Mission  a  entrepris  une  nouvelle  mission  au  Congo,  au 
milieu  des  Ba-Lolo,  dont  le  nombre  est  estimé  à  plusieurs  millions.  Huit  mission- 
naires sont  partis  pour  ce  nouveau  champ  de  travail. 


.M" 


—  139  — 

La  maison  Daumas,  Béraud  et  C*  a  mis  à  flot,  sur  les  eaux  du  Stanley-Pool, 
nn  nouveau  steamer,  la  France,  qui  a  transporté,  au  confluent  de  POubangi  et  du 
Congo,  le  personnel  et  les  approTÎsionnements  destinés  à  une  factorerie  qui  doit 
être  fondée  dans  ces  parages. 

Les  Hollandais  déploient  une  grande  activité  dans  Pexploration  commerciale 
du  Congo  et  de  ses  affluents;  ils  ne  cessent  d'augmenter  le  nombre  de  leurs  établis- 
sements et  d'en  renforcer  le  personnel.  Ils  ont  déjà  5  stations  sur  le  cours  moyen 
du  flenve  :  2  à  Stanley-Pool  ;  1  à  Loulonga;  1  à  Ngombon  et  1  aux  Stanley-Falls. 

Les  colons  noirs  venus  de  Libéria  ont  été  installés  sur  les  terrains  de  Ntombé, 
près  de  Banana,  qui  leur  ont  été  donnés.  Ils  sont  quarante,  divisés  en  buit 
familles.  Le  plus  âgé  d'entre  eux  a  été  nommé  chef  du  nouveau  village.  Ils  se 
montrent  très  satisfaits  de  leur  installation,  et  espèrent  avoir  un  grand  succès 
avec  les  plantations  de  café  qu'ils  vont  entreprendre.  Ils  sont  heureux  d'être 
réinstallés  dans  leur  pays  natal,  d'où  ils  avaient  été  enlevés  par  les  négriers  il  y  a 
vingt-huit  ans. 

M.  Ward,  un  des  membres  de  l'expédition  de  Stanley,  a  quitté  le  Pool,  à  bord 
du  steamer  le  StanUy,  pour  le  haut  Congo.  Il  espérait  obtenir  de  Tipo-Tipo  une 
escorte  de  200  Manyéma,  et  se  proposait  de  se' diriger  ensuite  à  marches  forcées 
vers  le  lac  Albert  pour  rejoindre  Stanley. 

M.  Trivier,  qui  se  propose  d'explorer  la  région  du  lac  Landji  et  de  résoudre 
définitivement  la  question  du  Loukouga,  a  passé  à  Stanley-Pool  où  il  s'est 
embarqué  pour  les  Falls,  à  bord  du  Hoîland^  le  steamer  de  la  Société  hollandaise 
de  Kinchassa. 

M.  de  Rogozinski,  qui  a  déjà  exploré  la  région  du  Cameroun,  s'est  de  nouveau 
rendu  au  golfe  de  Guinée,  emmenant  avec  lui,  cette  fois-ci,  sa  jeune  femme.  Il  se 
propose  d'aller  à  la  recherche  du  fameux  lac  Liba,  signalé  naguère  encore  sur 
les  cartes,  mais  dont  l'existence  est  mise  en  doute  par  les  géographes  allemands 
de  Qotha,  qui  l'ont  supprimé  dans  la  2'"*  édition  de  la  carte  de  Habenicht. 

Notre  compatriote,  M.  Zweifel,  qui  a  découvert  les  sources  du  Niger,  avait  été 
chargé  par  la  Compagnie  du  Niger  de  reconnaître  les  territoires  exploités  par 
cette  Société.  Avec  100  indigènes,  il  a  entrepris  cette  reconnaissance;  mais, 
attaqué  par  les  naturels,  il  a  dû  avoir  recours  aux  armes  à  feu  et  a  réussi  à 
réprimer  le  soulèvement  des  natifs. 

M.  Etienne,  sons-secrétaire  d'État  aux  colonies,  a  chargé  une  commission  de 
chercher  s'il  ne  serait  pas  possible  de  donner  aux  dépendances  de  la  colonie  du 
Sénégal  nommées  «  Rivières  du  Sud,  »  une  autonomie  qui  permit  d'assurer  le  déve* 
loppement  de  leur  prospérité  commerciale.  Actuellement  c'est  la  partie  de  la 
colonie  française  la  plus  riche  ;  elle  n'a  aucun  intérêt  commun  avec  le  Sénégal 
proprement  dit,  auquel  cependant  elle  ressortit  au  point  de  vue  politique  et 
administratif. 

Le  courrier  des  Açores  a  apporté  à  Lisbonne  la  nouvelle  que  de  fréquentes 
secousses  de  tremblements  de  terre  ont  été  ressenties  dans  presque  tout  l'archipel. 
On  craignait  des  éruptions  volcaniques  ;  la  population  était  en  proie  à  la  plus 
▼ive  panique. 


—  140  — 

M.  de  la  Martinière  qai,  déjà  l'année  dernière,  a  exploré  le  Maroc,  an  point  de 
vue  archéologique,  se  dispose  à  y  retourner  pour  étudier  surtout  l'emplacement 
de  Lixus,  ville  florissante  à  l'époque  où  les  Phéniciens  étaient  les  maîtres  du 
commerce.  On  y  découvrira  probablement  des  inscriptions  puniques. 


CHRONIQUE  DE  L'ESCLAVAGE 

Le^  agents  anglais  eu  Tripolitaine  signalent  la  complicité  des  em* 
ployés  turcs  dans  le  trafic  des  esclaves.  Le  consul  d'AngleteiTe  à  Ben- 
ghazi, par  exemple,  écrit  à  son  collègue  de  la  Canée  (Crète)  :  «  Il  vient 
d'arriver  à  ma  connaissance  que  huit  esclaves  ont  été  embarqués  à  bord 
d'mi  steamer  ottoman  qui  part  d'ici  pour  la  Crète;  quelques-uns  d'entre 
eux  sont  munis  de  faux  papiers  de  libération.  »  Et  un  peu  plus  tard  : 
«  Je  suis  encore  obligé  de  vous  importuner  par  rapport  aux  esclaves. 
Ayant  été  informé,  au  dernier  moment,  que  six  femmes  esclaves  ont  été 
trouvées  à  bord  du  steamer  ottoman  Kiamïl-Pacha,  je  vous  demande 
vos  bons  oflftces  pour  qu'elles  soient  interrogées  à  leur  arrivée  dans  votre 
région.  De  ces  femmes  infortunées,  deux  sont  destinées  à  notre  Vali  ; 
une  a  été  embarquée  pour  notre  Defterdar,  mais  elle  a  été  payée  pour 
le  compte  de  Hussein  Effendi,  l'un  des  employés  du  bateau,  deux  autres 
ont  été  vendues  pour  l'exportation  par  un  certain  Hady  Ghalem  et  une 
par  le  Mulazim  de  Koraka.  Elles  sont  toutes  en  possession  de  papiers 
de  libération  dont  la  vraie  raison  s'explique  par  l'intermédiaire  du  Def- 
terdar. La  conduite  du  Vali  et  de  ses  principaux  officiers  dans  cette 
matière  prouve  l'inutilité  de  toute  démarche  de  ma  part  ici.  » 

Dans  son  numéro  du  9  mars,  le  Mémorial  diplomatique  a  cru  pouvoir 
rappeler  que  les  instructions  données  aux  fonctionnaires  ottomans  leur 
enjoignent  de  sévir  contre  tous  ceux  qui  se  livreraient  au  commerce  inhu- 
main de  la  traite.  Néanmoins,  le  texte  des  conventions  relatives  à  la  vente 
des  esclaves  est  méconnu,  pour  un  motif  ou  pour  un  autre,  dans  tout 
l'empire  turc,  à  commencer  par  Constantinople  où  le  sultan  et  ses  minis- 
tres sont  les  premiers  à  le  violer  pour  leurs  harems.  Dès  lors,  les  gou- 
verneurs ou  agents  inférieurs  se  croient  autorisés  à  fermer  les  yeux. 
D'après  le  Bine  Book  du  mois  de  juin  1888,  les  agents  anglais  déclarent 
que  sur  le  point  le  plus  fréquenté  et  le  plus  connu  de  la  mer  Roofl^, 
à  Djeddah,  par  où  l'on  passe  pour  aller  à  La  Mecque,  le  commerce  des 
esclaves  est  plus  actif  qu'il  ne  l'a  jamais  été,  et  cela  avec  la  complicité 
évidente  et  publique  des  agents  et  gouverneurs  turcs.  «  Tant  que  les 


—  141  — 
hoetilités  out  régné  daus  le  Soudan,  très  peu  d'esclaves  noirs  ont  été 
importée  ici,  »  dit  le  consul  anglais  de  cette  ville,  a  et  il  y  a  eu  uue 
grande  hausse  de  prix,  tant  sur  les  Abysaiwens  que  sur  les  Grilas,  et 
plus  particulièrement  sur  les  noirs  ;  mais  depuis  la  fin  de  la  guerre  du 
Soudan,  l'e&tensiou  de  ce  trafic  a  été  de  temps  eu  temps  sigualée  au 
Foreigu  Oifice.  Les  autorités  des  deux  eôtés  de  la  mer  Rouge  semblent 
être  sans  force  suffisante,  l'une  pour  prévenir  le  départ,  l'autre  pour 
s'opposer  au  débarquement  desgroupes d'esclavessur  leui-s  côtes  respec- 
tives. Ce  que  le  gouvei-nement  égyptien  aidé  par  des  soldats  anglais 
trouve  impossible,  les  autorités  de  l'Iledjaz,  avec  une  police  et  des 
forces  régulières  rrsimeut  insuffisantes  pour  tenir  le  pays,  sur  une  aussi 
grande  étendue  de  côtes,  le  trouvent  encore  plus  difficile.  » 

D'autre  part,  le  journal  le  Temps  annonce,  d'après  des  informations 
reçues  de  Constantinople,  que  les  autorités  turques  concourent  à  la 
répression  de  la  traite.  Une  corvette  turque,  VAttarid,  a  capturé  daus 
la  mer  Rouge,  une  barque  arabe  qui  avait  à  bord  17  esclaves.  Ceux-ci 
(tut  été  conduits  aux  autorités  ottomanes  d'Hodéida  qui  les  ont  fait 
remettre  eu  liberté.  Un  autre  indice  des  dispositions  de  la  Porte  à 
l'égard  de  la  traite  est  la  révocation  du  gouverneur  général  de  Benghazi 
qui  n'aurait  pas  appliqué  avec  assez  de  rigueur  les  mesures  ordonnées 
pour  la  suppi-ession  de  ce  trafic. 

La  Newcagtle  Gtronicîe  publie  les  reuseigueraente  suivants  fournis 
par  M.  Robsou  de  la  mission  de  l'Ëglise  anglicane  à  Frere-Town  et 
Hombaa.  «  Si  le  blocus  empêche  le  trcmsport  des. esclaves  dans  les 
boutres,  il  n'arrête  pas  la  trait«.  Les  crimes  commis  par  les  Arabes 
i  l'ijitérieur  sont  pires  que  jamais.  Ne  pouvant  exporter  les  nègres  par 
mer,  ils  les  chassent  devant  eux  par  terre,  et,  sur  dix  esclaves,  à  peine 
un  arrive  à  destination.  Il  y  a  quelques  semaines  un  boutre  k  esclaves 
fut  capturé  ;  les  ofSciers  anglais  trouvèrent  la  moitié  des  esclaves  mort», 
et  les  autres  dans  un  état  pitoyable.  Vingt  des  enfants  me  furent  envoyés; 
je  n'essayerai  pas  de  décrire  leur  triste  condition  :  squelettes  vivants, 
sans  un  fil  de  vêtement,  couverts  d'ordures  et  de  vermine,  depuis  quatre 
jours  ils  n'avaient  pas  reçu  une  goutte  d'eau,  et  tous  avaient  la  dysen- 
terie. C'étaient  tous  des  enfants  de  6  à  8  ans  ;  les  plus  âgés  n'avaient 
pas  survécu  aux  mauvais  traitements  qui  leur  avaient  été  infligés. 
B^uis  qu'ils  m'ont  été  remis,  l'un  d'eux  est  mort  !  deux  autres,  je  le 
crains,  ne  survivront  pas.  Us  ont  été  amenés  du  pays  des  Ma-Koua  it 
l'ouest  de  Mozambique. 

1  Dans  les  Ktats  du  sultan  de  Zanzibar,  nous  missionnaires  nous 


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û-  . 


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J    \ 


—  142  — 

sommes  sous  un  régime  qui  ne  nous  permet  pas  d'intervenir  dans  les 
questions  se  rapportant  à  la  traite,  mais  je  m'en  inquiète  fort  peu,  je 
ferai  tout  ce  qui  sera  en  mon  pouvoir  pour  venir  en  aide  aux  esclaves 
qui  s'enfuiront  de  chez  leur  maître.  L'autre  nuit,  assis  dans  ma  hutte, 
pensant  aux  esclaves  libérés  avec  lesquels  j'avais  passé  la  journée,  j'en- 
tendis le  rugissement  d'un  léopard.  Il  était  tombé  sur  une  femme  ;  la 
voix  d'un  homme  se  fit  entendre  ;  c'était  le  mari,  qui,  bravement,  chas- 
sait le  fauve.  Le  noir  n'était  pas  d'abord  assuré  que  je  fusse  un  blanc, 
peu  à  peu  il  prit  confiance  et  m'avoua  qu'ils  étaient  des  esclaves 
fugitifs.  Us  cherchaient  à  atteindre  le  territoire  d'un  chef  qui  reçoit  ces 
dernière.  Je  leur  donnai  les  directions  nécessaires  ;  mais,  tout  à  coup, 
j'entendis  une  lutte  s'engager;  c'était  le  propriétaire  d'esclaves,  un 
coquin  d'Arabe,  avec  ses  amis,  qui  était  à  l'affût.  Le  cri  de  la  pauvre 
femme  l'avait  trahie,  elle  et  son  mari  ;  ils  furent  ressaisis  et  emmenés 
pour  être  attachés  au  poteau  de  fustigation.  » 

Mgr  Bridoux,  vicaire  apostolique  du  Tanganyika,  écrit  de  Kipala- 
pala  à  S.  E.  le  cardinal  Lavigerie,  que,  dans  la  marche  de  Mpoua- 
poaa  au  Tang^anyika  il  a  rencontré  plusieurs  caravanes  d'esclaves, 
dont  la  plupart  n'étaient  que  des  squelettes  ambulants,  et,  malgré  leur 
misérable  état,  les  hommes  avaient  la  fourche  au  cou,  tandis  que  les 
femmes  étaient  attachées  par  de  longues  et  lourdes  chaînes  qui  les 
meurtrissaient.  Beaucoup  de  ces  malheureuses,  dont  les  seins  étaient 
complètement  desséchés  pointaient  sur  le  dos  de  pauvres  petits  enfants 
condamnés  à  une  mort  inévitable.  D'autres  un  peu  plus  grands,  allaient 
î^  pied  portant  des  fardeaux  proportionnés  à  leur  âge.  Un  grand  nombre 
de  ces  esclaves  étaient  couverts  de  petite  vérole.  «  Souvent,  »  dit  le 
missionnaire,  «  il  nous  est  arrivé  d'en  rencontrer  qui  avaient  été  aban- 
donnés sur  la  route  ;  ils  s'étaient  traînés  péniblement  dans  les  brous- 
sailles ou  dans  les  ravins,  et  là,  ils  attendaient  la  mort  que  les  bêtes 
féroces  venaient  parfois  hâter.  Nous  ne  pouvions  que  les  faire  boire  à 
nos  gourdes,  et  leur  laisser  un  peu  de  nourriture,  qu'ils  n'avaient  plus 
même  la  force  de  prendre.  Quand  nous  passions  auprès  de  ces  caravanes 
et  que  nous  entendions  les  Arabes,  leurs  conducteurs,  nous  dire  :  «  Bon- 
jour grand  maître,  »  nous  détournions  instinctivement  la  tête  de  ces 
monstres  de  cruauté.  » 

Dans  une  conférence  donnée  à  Londres,  le  missionnaire  F.-S.  Amot, 
(|ui  a  passé  3  ans  chez  les  Garenn^nasé,  à  l'ouest  du  lac  Bangouéolo, 
a  décrit,  comme  témoin  oculaire,  les  scènes  navrantes  qui  accompagnent 
inévitablement  la  traite,  entre  autres  le  massacre  des  petits  enfants  que 


—  143  — 
les  traiiquanu  ne  veulent  pas  laisser  emporter  par  leurs  mères  et  qu'ils 
assomment  sans  le  moindre  scrupule,  personne  ne  se  présentant  pour  les 
leur  acheter.  «  Quoique  Moshidé,  roi  des  Garenganzé,  protège  les  escla- 
ves fugitifs  et  défende  ses  propres  sujets  contre  l'esclavage,  néanmoins 
ses  gens  vont  chez  les  tribus  voisines  acheter  des  esclaves  pour  les  ven- 
dre aui  trafiquants  de  l'Est  et  de  l'Ouest.  Les  petits  enfants  n'ayant 
aucune  valeur  sur  le  marché,  les  esclavagistes  ne  permettent  pas  aux 
mères  de  les  emporter  et  les  tuent  sans  merci.  Un  jour,  on  amena  à 
ma  porte  un  enfant,  plus  soigné  que  ne  le  sont  d'ordinaire  ceux  de  son 
âge,  probablement  un  enfant  volé,  et  l'on  me  demanda  de  l'acheter.  Je 
refusai,  disant  que  je  ne  voulais  pas  me  mêler  d'un  semblable  tratic.  Il 
fut  traîné  à  travers  le  village,  et,  comme  persoime  ne  voulait  l'acheter, 
celui  qui  l'offrait  à  vendre  le  perça  d'une  lance  et  jeta  son  corps  dans 
les  broussailles.  Une  autre  fois,  un  trafiquant  d'esclaves  vint,  en  mon 
absence,  et  acheta  une  femme  et  son  enfant  auquel  je  m'intéressais  vive- 
ment ;  un  autre  marchand  voulut  lui  racheter  ta  mère  sans  rien  donner 
pour  l'enfant,  estimant  que  celui-ci  allait  par-dessus  le  marché.  Il  y  eut 
contestation  et,  en  fin  de  compte,  le  propriétaire  prit  le  petit  garçon, 
l'assomma  contre  un  tronc  d'arbre,  puis  jeta  sou  cadavre  dans  le  tleuve.  » 
Les  faits  dont  M.  Arnot  a  été  le  témoin  l'ont  engagé  à  prendre ,  à 
l'avenir,  ces  petits  enfants  sous  sa  protection. 

Dans  son  expédition  de  ravitaillement  k  la  rencontre  du  capitaine 
Binger,  M.  Treich-Laplène,  arrivé  à  Bondoukoo»  grand  village  de 
4000  à  &000  habitants,  signale  le  tratic  des  esclaves  comme  le  plus 
important  de  la  localité.  «  Tous  les  jours,  il  y  a  marché;  presque  toute 
la  population  est  musulmane  et  originaire  de  Kong.  Une  partie  des 
habitants  sont  originaires  de  l'Abron,  fétichistes,  et  se  livrent  à  toutes 
les  pratiques  de  cette  croyance  ;  durant  mon  séjour,  on  a  sacriiié  des 
esclaves  en  l'hoimeur  des  funérailles  du  chef  défunt.  Le  principal  jour 
(ie  fête,  on  en  a  égorgé  huit  sur  la  place  publique  ;  j'ai  même  été  invité 
içracieusement  à  cette  abominable  cérémonie.  » 

Sur  les  instances  de  M.  le  D'Ormières.  résident  de  France  à  Aiyouan, 
une  des  Comores,  le  sultan  Abdallah  a  proclartié  le  29  janvier  dernier 
l'abolition  de  l'esclavage  dans  ses  États. 

Voici  les  principales  dispositions  du  décret  publié  à  cette  occasion. 

Les  articles  1  et  2  posent  le  principe  que  l'esclavage  est  aboli,  que  la 
vente  et  l'achat  des  esclaves  sont  interdits,  que  toute  persoime  venant  à 
Anjouan  est  et  demeure  libre. 


h  ■■  ■ 


1. .  '  ■ 


—  144  — 

L'esclave  libéré  est  obligé  de  servir  pendant  cinq  années,  à  titre  de 
travailleur  libre  et  salarié,  son  ancien  propriétaire,  à  moins  qu'il  ne 
préfère  se  libérer  en  payant  une  somme  de  150  francs. 

Les  articles  5,  6  et  7  règlent  les  conditions  de  travail  dans  Ttle  sur 
des  bases  analogues  à  celles  qui  régissent,  à  la  Réunion  et  aux  Antilles, 
les  relations  entre  les  immigrants  et  ceux  qui  les  emploient. 

Par  l'article  8,  le  sultan  Abdallah  oblige  son  successeur,  ses  héritiers, 
ses  ministres,  à  accepter  sans  réserve  sa  décision.  L'article  9  déclare  que 
seront  considérés  comme  rebelles  ceux  qui  refuseraient  de  reconnaître  la 
validité  de  cet  acte. 

D'après  M.  Elisée  Reclus,  la  moitié  de  la  population  des  Comores, 
évaluée  à  47,000  Ames,  était  composée  de  noirs  asservis  appartenant  à 
toutes  les  peuplades  de  la  côte  orientale  d'Afrique. 

Sur  la  demande  de  M.  Le  Myre  de  Vilers,  le  premier  ministre  à 
Madai^soar  a  publié  une  loi  aux  termes  de  laquelle  tous  les  esclaves 
qm  débarquent  dans  l'île  sont  affranchis  de  droit.  £n  voici  le  texte  : 
Moi,  Banavalo-Mpanjaka  III,  par  la  grâce  de  Dieu  et  la  volonté 

du  peuple,  reine  de  Madagascar  et  protectrice  des  lois  de  mon 

royaume,  etc. 

Voici  ce  que  je  vous  dis,  peuple  :  le  20  juin  1877,  Ranavalo-Mpan- 
jaka  n  vous  a  dit  :  a  Tous  les  Mozambiques  qui  sont  venus  dans  mon 
royaume  sont  atlranchis  et  deviennent  mes  sujets  libres.  » 

Je  ne  change  rien  à  cela  et  je  lui  donne  même  une  plus  grande  portée. 

Ainsi,  si  des  Mozambiques,  venant  d'au  delà  de  la  mer,  sont  introduits 

à  Madagascar,  sur  n'importe  quel  point,  pour  être  esclaves,  ils  ne  sei'ont 

pas  esclaves,  mais  sujets  libres. 

Dit  :  Ranavalo-Mpanjaka, 

Reine  de  Madagascar  et  protectrice,  etc. 

Écrit  en  mon  palais  de  Masoandro,  le  8  mars  de  l'an  du  Seigneur 
1889. 

Ce  sont  les  véritables  paroles  de  Ranavalo-Mpanjaka,  reine  de  Mada- 
gascar. 

Dit  :  Rainilaiarivony, 

Premier  ministre  et  commandant  en  chef  de  Madagascar,  etc. 

Que  Dieu  bénisse  la  reine. 

Partout  en  Europe  s'accentue  le  mouvement  anti-esclavagiste  : 
Dans  la  Chambre  des  Communes,  M.  S.  Buxton  a  présenté  une 
motion  conçue  en  ces  termes  :  «  En  vue  des  ravages  croissants  causés 
en  Afrique  par  le  développement  de  la  traite  et  des  grandes  responsabi- 


j 


—  145  — 

lités  assumées  envers  ce  continent  par  les  nations  européennes,  le 
moment  est  venu  de  donner  un  plein  effet  aux  déclarations  des  Congrès 
de  Vienne  en  1815,  et  de  Vérone  en  1822,  contre  le  commerce  des 
esclaves.  En  conséquence,  une  adresse  sera  présentée  à  S.  M.  la  reine, 
pour  la  prier  de  faire  les  démarches  nécessaires  afin  qu'une  Conférence 
des  Puissances  soit  convoquée  à  Londres,  pour  prendre  les  mesures 
que  réclame  la  répression  de  ce  trafic.  »  Sir  J.  Fergusson  a  répondu  que 
la  traite  était  tellement  enracinée  dans  les  mœurs  des  populations  de 
l'intérieur  de  l'Afrique,  qu'elle  ne  pouvait  pas  être  extirpée  d'un  seul 
coup  ;  qu'il  fallait  la  saper  et  la  miner  de  tous  les  côtés.  Il  a  annoncé 
que  le  gouvernement  avait  déjà  fait  des  démarches  en  vue  d'obtenir  la 
réunion  d'une  Conférence  des  Puissances  pour  s'occuper  de  cet  objet.  La 
Chambre  a  voté  un  amendement  à  la  motion  de  M.  Buxton,  en  ce  sens 
que  «  le  gouvernement  de  S.  M.  consultera  les  Puissances  pour  savoir  si 
elles  seraient  disposées  à  se  réunir  en  Conférence,  afin  de  discuter  les 
mesures  à  prendre  en  vue  de  la  suppression  de  la  traite.  » 

Le  Comité  antl-esdavag^iste  belgpe  a  publié  une  circulaire  rela- 
tive à  ses  premières  opérations  pour  arrêter  la  traite  des  noirs  en  Afrique. 
Son  premier  but  est  d'enrayer  les  razzias  et  les  transpoils  d'esclaves. 

Le  Comité  de  Paria  examine  un  projet  destiné  à  supprimer  la  traite 
sur  les  territoires  neutres  ou  placés  sous  l'influence  de  la  France;  ce  sont 
ceux  qui  avoisinent  l'Algérie  et  le  Sénégal,  dans  le  Sahara  et  dans  le 
Soudan  occidental.  —  Outre  les  Comités  de  Lyon  et  de  Mai^seille,  la 
France  en  a  vu  d'autres  se  constituer  à  Bourges,  à  Bordeaux,  à  Kancy. 

En  Portagpal,  une  société  anti-esclavagiste  a  été  définitivement  con- 
stituée ;  sur  la  proposition  de  la  Société  de  géographie  de  Lisbonne,  le 
roi  de  Portugal  en  a  été  nommé  président  honoraire. 

Le  Comité  suisse  a  fait  paraître  le  premier  numéro  de  son  Bulletin 
pour  tenir  les  membres  de  la  Société  au  courant  des  faits  de  la  traite  et 
du  mouvement  anti-esclavagiste.  — On  annonce  qu'un  Congrès  interna- 
tional des  Sociétés  anti-escfavagistes  se  tiendra  à  Lucerne  au  mois  d'août. 

Même  à  Haïti»  un  mouvement  de  sympatliie  se  produit  en  faveur  de 
l'abolition  de  l'esclavage  africain.  Le  journal  V  Union,  qui  parait  à  Port- 
au-Prince,  écrit  a  que  malgré  la  crise  aiguë  que  traverse  le  pays,  tous  les 
Haïtiens  auront  à  cœur  de  donner  leur  pite  pour  cette  œuvre.  Il  y  a  là, 
un  devoir  humanitaire,  qui,  en  ce  qui  nous  concerne,  a  toute  la  rigueur 
d'une  obligation  de  conscience.  Quand,  dans  les  pays  européens,  les 
cœurs  compatissent  aux  souflrances  des  pauvres  noire  de  l'Afrique, 
comprendrait-on  que  nous  Haïtiens,  fils  d'esclaves,  qui  ne  rougissons  pas 


•7* 


—  146  — 

de  notre  origine,  nous  pussions  rester  indifférents  et  inactifs?  Toutes  les 
forces  vives  de  la  nation  doivent  être  utilisées  pour  rendre  la  recette 
aussi  abondante  que  possible.  La  magistrature,  le  clergé,  les  pouvoirs 
constitués,  le  commerce  seront  conviés  à  y  apporter  leurs  concours.  La 
France  a  donné  ;  l'Angleterre,  la  Belgique  sont  gagnées;  tous  les  peuples 
civilisés  suivront  le  mouvement  :  Haïti  ne  doit  pas,  ne  peut  pas  rester 
en  arrière.  » 

EXPÉDITION  DE  STANLEY  DE  YAMBOUYA  A  L'ALBERT-NYANZA 

Après  avoir  été  pendant  plus  de  dix-huit  mois  privés  de  nouvelles  du 
chef  de  l'expédition  anglaise  envoyée  au  secoui's  d'Émin-pacha,  nous 
avens  été  pourvus,  par  le  rapport  adressé  à  son  Comité  et  par  des 
lettres  à  la  Société  de  géographie  de  Londres,  et  à  M.  A.  L.  Bruce,  son 
ami,  à  Edimbourg,  d'une  abondance  de  renseignements  sur  sa  marche, 
sur  le  pays  traversé,  les  obstacles  rencontrés,  etc.  La  plupart  des 
journaux  quotidiens  en  ont  déjà  publié  des  extraits.  Nous  ne  pouvons 
pas  ne  pas  résumer,  pour  nos  lecteurs,  cette  exploration  qui  nous  a  fait 
connaître  luie  région  qu'aucun  Européen  n'avait  encore  traversée; 
mais,  désirant,  autant  que  possible,  ne  pas  nous  borner  à  répéter  ce 
qu'ils  peuvent  avoir  déjà  lu  dans  leur  journal,  nous  nous  servirons 
surtout  des  détails  domiés  par  Stanley  à  la  Société  de  géographie  de 
Londres,  dans  la  lettre  dont  M.  Scott  Keltie,  bibliothécaire  de  cette 
Société,  a  bien  voulu  nous  communiquer  le  texte  in  extenso.  Nous  nous 
aiderons  également  du  rapport  publié  par  le  Times  et  des  cartes  du 
Mouvement  géographique,  de  Bruxelles,  de  MM.  W.  et  A.-K.  Johns- 
ton  et  de  M.  Stanford,  à  Londres,  qui  nous  ont  permis  d'accompagner 
notre  article  d'un  croquis  sur  lequel  nos  abomiés  pourront  suivre 
l'explorateur,  du  camp  de  Yambouya,  sur  l'Arououimi,  jusqu'à  Kavalli, 
au  bord  du  lac  Albert. 

Son  départ  de  Yambouya  avait  eu  lieu  le  28  juin  1887  ;  son  rapport 
au  président  du  Comité  de  l'expédition  de  secoui-s  est  daté  de  Tîle  de 
Boimgangeta,  le  28  août  1888,  sa  lettre  à  la  Société  de  Londres  des 
Rapides  de  Mariri,  le  1*"  septembre,  et  celle  à  M.  Bruce,  de  S.  Mupé, 
le  4  septembre  ;  ce  sont  donc  les  travaux  de  plus  de  quatorze  mois  que 
ces  documents  mettent  sous  nos  yeux;  en  outre,  il  y  a  des  lettres  écrites 
par  Stanley  au  commandant  de  l' arrière-garde,  le  major  Barttelot, 
resté  au  camp  de  Yambouya,  pour  indiquer  à  celui-ci  la  route  à  pren- 
dre, lui  signaler  les  dangers  à  éviter,  les  endroits  où  il  serait  sûr  de 


1 

/ 


—  147  — 

trouver  des  provisions  pour  ses  geus,  etc.  Malheureusement,  les  por- 
teurs de  ces  lettres  ne  purent  les  faire  parvenir  à  destination,  arrê- 
tés qu'ils  furent  par  les  Arabes,  le  fléau  de  cette  partie  de  l'Afrique 
comme  de  bien  d'auti*es.  C'est  à  eux,  comme  le  fait  remarquer  avec 
raison  sir  Francis  de  Winton,  président  du  Comité  de  l'expédition  de 
secours,  que  doit  être  attribué  le  silence  qui  a  mis  en  angoisse  pendant 
si  longtemps  les  amis  de  Stanley  et  qui  a  été  la  cause  de  l'assassinat  du 
major  Barttelot. 

C'était  pour  éviter  les  Arabes  que  Stanley  avait  renoncé  à  la  route 
ordinaire  de  Zanzibar  à  l'Albert-Nyauza,  par  Tabora,  l'Ou-Ganda  et 
l'Ou-Nyoro,  et  pris  la  voie  du  Congo  et  de  l'Arououimi.  Et,  pour  son 
malheur  et  celui  d'un  grand  nombre  de  ses  hommes,  il  les  retrouva  bien 
vite  sur  son  chemin,  et  sous  les  mêmes  traits  sous  lesquels  ils  sont  con- 
nus dans  l'Afrique  orientale  :  destructeurs  des  populations  au  milieu 
desquelles  ils  pratiquent  la  chasse  à  l'homme,  et  ennemis  des  caravanes 
organisées  par  des  Européens. 

Avant  de  se  mettre  en  marche,  Stanley  avait  établi  à  Yambouya, 
immédiatement  au-dessous  des  premiei-s  rapides  de  l'Arououimi,  un 
camp  retranché  entouré  de  palissades,  et  nommé  commandant  le  plus 
âgé  des  officiers  qui  l'accompagnaient,  le  major  Barttelot.  Celui-ci 
devait  rester  à  Yambouya  jusqu'à  l'arrivée  des  steamers  de  Stanley- 
Pool,  ayant  à  bord  les  officiers,  les  hommes  et  les  marchandises  de 
l'arrièi'e-garde.  Quand  les  porteui*s  promis  par  Tipo-Tipo  seraient  arri- 
vés, il  devait  s'avancer,  avec  ses  hommes,  sur  les  traces  de  Stanley,  qui 
aurait  soin  de  marquer  son  passage  par  des  arbres  incendiés,  par  ses 
campements  et  ses  zéribas. 

Ce  fut,  nous  l'avons  dit,  le  28  juin  1887,  que  la  colonne  d'avant-garde 
quitta  ce  camp  retranché.  La  situation  en  est  indiquée  par  VIT  lat.  N. 
et  25°8'  long.  E.  Le  point  que  Stanley  se  proposait  d'atteindre  sur  le 
lac  Albert  est  Kavalli,  situé  par  r22'  lat.  N.  et  30°30'  long.  E.  La  dis- 
tance, en  ligne  directe,  entre  les  deux  points,  est  de  515  kilom.  Il 
n'avait  pas  été  possible  de  se  procurer  des  renseignements  sur  l'inté- 
rieur du  pays  à  parcourir,  les  natifs  étant  trop  sauvages  et  trop  timides 
envers  les  étrangers.  La  caravane  comptait  389  hommes  ;  elle  empor- 
tait avec  elle  un  bateau  eu  acier  de  9"  de  long  sur  2"  de  large,  environ 
trois  tomies  de  munitions  et  plusieurs  toimes  de  conserves,  de  provi- 
sions, etc.  Outre  les  porteurs  de  ces  marchandises  et  des  bagages,  il  y 
avait  une  réserve  de  180  surnuméraires,  dont  la  moitié  portaient,  en  sus 
de  leurs  fusils  Winchester,  des  haches  pour  se  frayer  un  passage  dans 
la  forêt. 


—  148  — 

En  quittant  Yambouya,  le  chemin  était  encore  passable,  mais  bientôt 
commencèrent  les  difficultés  créées  par  la  végétation  de  lianes  variant 
de  1  à  35  centimètres  d'épaisseur,  s'enlaçant  en  arceaux  à  travers  le 
sentier,  formant  parfois  une  soite  de  forêt  basse  et  épaisse  sur  les 
emplacements  d'anciennes  clairières,  où  il  fallait  s'ouvrir  un  chemin  la 
hache  à  la  main.  La  forêt  vierge  offrait  moins  d'obstacles,  mais  l'at- 
mosphère en  était  lourde,  insalubre,  il  y  régnait  une  obscurité  profonde, 
augmentée  chaque  jour  par  les  épais  nuages  chargés  de  pluie  qui  carac- 
térisent cette  région  forestière. 

Le  lendemain  du  départ,  la  colonne  campa  à  Yankondé,  viUage 
populeux,  vis-à-vis  des  rapides.  La  rivière  venant  d'une  direction  trop 
septentrionale,  Stanley  prit  un  sentier  à  travers  des  champs  de  manioc 
et  atteignit  bientôt  un  chemin  conduisant  d'un  village  à  un  autre.  Mais 
alors  il  eut  à  faire  l'expérience  de  toutes  les  ruses  des  natifs  dans  l€*irs 
combats  contre  les  étrangers.  Très  souvent  le  sentier  était  semé  de 
cavités  peu  profondes,  remplies  de  pointes  aiguës,  recouvertes  de  larges 
feuilles.  Pour  ceux  qui  marchaient  nu-pieds,  la  souffrance  était  terrible. 
Souvent  la  pointe  transperçait  le  pied  de  part  en  part  ;  parfois  la  tête 
en  restait  dans  le  pied,  et  il  en  résultait  des  plaies  gangreneuses.  Dix 
des  hommes  de  Stanley  en  furent  estropiés  au  point  d'être  mis  hoi'S  de 
service.  A  l'approche  de  chaque  village  se  trouvait  une  route  toute 
droite,  d'une  centaine  de  mètres  de  long  et  de  quatre  mètres  de  large, 
sans  broussailles,  mais  hérissée  de  ces  pointes,  soigneusement  et  habile- 
ment dissimulées.  Le  vrai  sentier  faisait  un  long  détour,  tandis  que  la 
route  se  présentait  sous  l'aspect  le  plus  séduisant  ;  elle  était  si  di'oite,  si 
courte!  A  l'entrée  du  village  se  tenait  une  sentinelle,  prête  à  battre  le 
tambour  et  à  donner  l'alarme  pour  que  chaque  indigène  prît  ses  armes 
et  vînt  se  placer  à  l'endroit  qui  lui  avait  été  assigné  pour  décocher  ses 
traits  à  la  première  occasion.  Les  natifs  ntettaient  même  le  feu  à  leurs 
villages  et,  sous  un  nuage  de  fumée,  attaquaient  les  édaireurs.  Toute- 
fois, malgi'é  leur  attitude  hostile,  aucun  des  hommes  de  Stanley  ne  fut 
tué;  néanmoins,  le  nombre  des  blessés  fut  considérable. 

Le  5  juillet,  la  colonne  rejoignit  la  rivièi'e,  et  comme  celle-ci  sembljdt 
n'avoir  point  de  rapides  en  cet  endroit,  Stanley  fit  mettre  à  l'eau  le 
bateau  avec  40  charges.  Cette  embarcation  lui  rendit  des  semces  inap- 
préciables, en  lui  permettant  de  transporter  non  seulement  les  boiteux 
et  les  malades,  mais  encore  environ  deux  tonnes  de  marchandises,  aussi, 
dans  sa  première  letti*e  au  major  Barttelot,  écrivait-il  :  «  Si  je  devais 
recommencer,  je  rassemblerais  des  canots  aussi  grands  que  possible,  je 


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les  munirais  de  rameui*s  en  nombre  suffisant  et  les  chargemis  des  mala- 
des et  des  marchandises.  Entre  Yambouya  et  Mougouyé,  les  canots  sont 
nombreux  et  assez  grands.  Malheureusement  les  Zanzibai'ites  sont  de 
pauvres  rameurs.  Dans  ma  troupe,  il  n'y  a  guère  que  50  hommes  qui 
sachent  pagayer.  Sur  trois  jours,  on  peut  en  faire  deux  par  eau  et  un 
par  terre.  » 

Jusqu'au  milieu  d'octobre,  la  colonne  serra  de  près  TArououimi; 
les  souffrances  de  l'expédition,  la  continuité  de  la  forêt,  les  nombreux 
méandi'es,  la  vase,  l'atmosphère  insalubre,  les  pluies  incessantes,  l'hu- 
midité perpétuelle,  ne  permettaient'  pas  de  s'éloigner  de  la  rivière  ;  au 
moins  était-on  certain  de  trouver  des  vivres;  ou  ne  pouvait  manquer  de 
rencontrer  sur  ses  bords  des  établissements  où  il  serait  possible  de  se 
procurer  des  provisions.  Dans  cette  partie  de  son  cours,  l'Arououimi  a 
encore  une  largeur  de  500™  à  900".  Çà  et  là  apparaissent  une  île  ou  un 
groupe  d'îlots,  rendez-vous  de  pêcheurs  de  coquillages.  Les  monceaux 
d'écaillés  y  abondent  ;  sur  une  île,  Stanley  en  a  mesuré  un  de  30"  de 
long,  de  4"  de  large  à  la  base  et  de  1",50  de  haut.  Les  mouches,  les 
insecte,  les  papillons,  sont  innombrables.  Aux  rapides  de  Mariri,  d'oîi 
il  écrivait  le  l*'  septembre  sa  lettre  à  la  Société  de  Londres,  les  papil- 
lons l'enveloppaient  en  battant  des  ailes  comme  pour  approuver  ce  qu'il 
en  disait.  Des  nuées  de  ces  lépidoptères  traversaient  chaque  jour  la 
rivière  pendant  des  heures  entières. 

A  chaque  contour  du  fleuve  s'élevait  un  groupe  de  huttes  coniques  ; 
parfois  les  villages  s'étendaient  à  la  file,  comptant  des  milliers  d'indigè- 
nes ;  ainsi,  par  exemple,  ceux  des  tribus  des  Ba-Nalya,  des  Ba-Koubana, 
des  Bou-Ngangeta.  L'abondance  y  régnait  lorsque  Stanley  y  passa  pour 
la  première  fois.  Mais  plus  tard,  les  Arabes  s'avancèrent  jusque-là, 
détruisirent  les  villages  et  les  plantations,  et  ce  qu'ils  avaient  épargné 
fut  détiniit  par  des  troupes  d'éléphants.  Le  9  juillet,  la  colonne  attei- 
gnait les  rapides  de  Gwengweré,  district  populeux,  où  Stanley  vit  une 
couche  d'écaillés  de  coquillages  recouverte  d'un  terrain  d'alluvion  de 
un  mètre  d'épaisseur.  Combien  de  siècles  se  sont  écoulés  depuis  que  les 
anciens  indigènes  se  nourrissaient  de  ces  bivalves?  Quels  noms  por- 
taient-ils et  où  chercher  leurs  descendants?  Des  tribus  ont  passé  comme 
une  vague  sur  cette  région  ainsi  que  sur  d'autres.  Ces  villages,  si  rap- 
prochés les  uns  des  autres,  abritent  néanmoins  quantité  de  petites 
tribus.  Aux  rapides  de  Gwengweré,  par  exemple,  se  rencontrent  des 
Ba-^Koka,  des  Ba-Gwengweré  ;  un  peu  en  amont,  des  Ba-Poupa,  des 
Ba-Ndangi  et  des  Ba-Nali  ;  dans  une  île,  des  Ba-Mbaloulou  et  des 


N 


—  150  — 

Ba-Bourou;  ceux-ci,  crailleui*s,  sont  répandus  sur  un  territoire  considé- 
rable; ils  donnent  à  TAronouiini  le  nom  de  Loubali. 

Généralement  les  matins  étaient  âpres  et  sombres  ;  le  ciel,  couvert  de 
nuages  lourds  et  menaçants  ;  ou  bien,  un  épais  bi*ouillard  enveloppait 
tout,  pour  ne  se  lever  qu'à  9  heures,  parfois  même  à  11  heures  seule- 
ment. Alors,  rien  ne  bougeait  ;  les  insectes  donnaient  ;  un  silence  de 
mort  régnait  dans  la  forêt;  la  rivière;  assombrie  par  des  murailles 
impénétrables  de  végétation,  était  muette  comme  le  tombeau.  Quand  la 
pluie  ne  succédait  pas  à  cette  obscurité  et  que  le  soleil  perçait  les  mas- 
ses de  vapeurs,  alors  la  vie  s'éveillait  partout  :  les  papillons  folâtraient 
dans  les  airs,  un  ibis  solitaire  donnait  un  signal  d'alarme,  un  oiseau 
plongeur  traversait  la  rivière,  la  forêt  se  remplissait  d'un  murmure 
étrange,  et  le  tamboui*  se  faisait  entendre,  les  indigènes  à  la  vue  per- 
çante avaient  aperçu  l'expédition,  ils  vociféraient  des  provocations,  les 
lances  étincelaient,  les  passions  hostiles  s'enflammaient. 

Le  17  juillet,  Stanley  campait  aux  rapides  de  Mariri,  oîi  il  s'arrêtait 
de  nouveau  treize  mois  et  demi  plus  tard  ;  au  delà  se  trouve  en  grand 
nombre  les  Moupé,  établis  sur  les  deux  rives  du  fleuve.  Jusqu'ici,  la 
rivière  n'a  pas  de  cataracte  proprement  dite  ;  les  rapides  sont  causés 
par  des  écueils  de  rochers  au  travers  desquels  l'eau  s'est  frayé  un  pas- 
sage. Néanmoins,  il  est  nécessaire  de  suspendre  la  navigation,  de 
décharger  les  bateaux  pour  les  transporter,  ainsi  que  les  munitions  et 
les  bagages,  par  terre,  en  amont  des  rapides.  Viennent  ensuite  ceux  de 
Bandeya,  que  Ton  atteint  le  25  juillet,  après  avoir  traversé  les 
territoires  des  Ba-Loulou,  des  Ba-Tounda,  des  Bou-Mbwa  et  des  Bou- 
Ambouri.  Au  nord,  à  l'intérieur,  sont  les  Ba-Toua;  à  l'est,  les  Mabode; 
au  sud,  les  Bou-Ndiba,  les  Bi-Nyali  et  les  Ba-Kongo. 

En  signe  de  paix,  les  natifs  jettent  de  l'eau  en  l'air  avec  la  main  ou 
avec  une  pagaie  et  la  laissent  retomber  sur  leur  tête.  A  les  en  croire,  ils 
soutti'aient  tous  de  la  famine;  il  n'y  avait  chez  eux  ni  blé,  ni  bananes, ni 
cannes  à  sucre,  ni  volailles,  ni  chèvres,  ni  rien  de  semblable.  Le  fil  de 
laiton,  les  cauries,  la  verroterie,  paraissaient  n'avoir  aucun  attrait  pour 
eux,  parce  que,  disaient-ils,  n'ayant  point  de  vivres,  ils  ne  pouvaient 
pas  acheter  ces  objets.  Si  Stanley  eût  ajouté  foi  à  leurs  paroles,  tous  ses 
gens  seraient  morts  de  faim  ;  trois  épis  de  blé  leur  eussent  coûté  une 
poignée  de  fils  de  laiton;  un  poulet,  cinq  fois  la  même  quantité.  A 
Mougouyé,  en  amont  des  rapides  de  Bandeya,  se  trouvait  un  groupe  de 
sept  villages  entourés  de  plantations  de  bananiers,  de  champs  de 
manioc,  de  plusieurs  kilomètres  carrés.  L'expédition  perdit  un  jour 


—  151   — 

eutier  à  supplier,  à  marchander  des  vivres  à  des  prix  très  élevés,  et  un 
tiei-s  des  hommes  de  la  caravaue  n'obtinrent,  pour  leurs  cauries  et  leurs 
tils  de  laiton,  que  trois  épis  de  blé  chacun.  En  amont  de  Mougouyé  sont 
les  chutes  de  Panga,  de  !()"  de  hauteur,  puis  viennent  les  rapides  de 
Negambi,  au  delà  desquels  la  colonne  atteint  le  village  d'Aveycheba, 
non  loin  de  la  cataracte  que  la  Népoko,  de  300"  de  large,  forme  à  .son 
confluent  avec  l'Arououimi.  Stanley  s'efforce  d'obtenir  des  rensei- 
gnements des  natifs,  mais  d'abord  ceux-ci  se  montrent  très  soupçon- 
neux et  enclins  à  mentir;  cependant,  une  fois  les  relations  établies,  ils 
recouvrent  leur  bonne  humeur  et  semblent  donner  les  informations  qui 
leur  sont  demandées.  L'un  d'eux  rapporte  qu'il  existe  à  l'E.-N.-E.  un 
grand  lac,  nommé  le  Nouma  ou  Ouma,  à  l'endroit  oii  la  Népoko  et  la 
Mwellé  se  réunissent.  «  Les  indigènes,  »  dit-il,  «  emploient  deux  jours 
pour  le  traverser.  Au  milieu  se  trouve  une  île  remplie  de  serpents.  » 
Stanley  aurait  beaucoup  aimé  à  voir  ce  lac,  dans  la  pensée  que  la  navi- 
gation en  serait  plus  facile  que  la  marche  à  travei-s  la  forêt  vierge. 
Mais  au  bout  de  deux  jours  il  découvrit  que  ce  n'était  qu'une  fable: 
jamais  il  n'entendit  plus  parler  du  Nouma  ni  d'aucun  autre  lac  dans 
la  région  des  forêts. 

Les  rapides  de  Negambi  marquent  la  limite  entre  deux  sortes  d* ar- 
chitecture. En  aval,  les  huttes  sont  coniques;  en  amont,  les  villages 
sont  composés  de  huttes  carrées,  entourées  de  gros  troncs  de  rubia- 
cées,  qui  forment  des  coui*s  séparées  et  servent  de  fortification;  défendu 
par  des  gens  armés  de  carabines,  un  de  ces  villages  ne  pourrait  être 
enlevé  que  par  une  troupe  très  forte. 

Les  natifs  ont  été  obligés  de  prendre  beaucoup  de  précautions  contre 
les  flèches  empoisonnées  en  usage  dans  cette  région.  Ils  attaquèrent  le 
camp  de  Stanley,  pensant  que  leurs  prévisions  de  traits  empoisonnés 
leur  procurerait  l'avantage.  Lorsque  le  poison  est  frais,  il  est  en  eliet 
mortel.  Le  lieutenant  Stairs  et  cinq  hommes  furent  blessés.  La  blessure 
du  premier  fut  faite  par  une  flèche  dont  vraisemblablement  le  poi- 
son était  sec.  Au  bout  de  trois  semaines  environ,  il  entra  en  convales- 
cence, quoique  la  plaie  ne  fût  pas  encore  cicatrisée.  Un  autre  homme 
reçut  une  légère  piqûre  au  poignet,  cinq  jours  après  il  mourut  du  téta- 
nos; un  autre  fut  blessé  aux  muscles  du  bras  près  de  l'épaule,  il  expira 
quelques  jours  après  le  précédent;  un  quatrième  fut  blessé  légèrement 
à  la^orge,  il  expira  le  septième  jour,  aussi  du  tétanos.  Stanley  chercha 
d'oii  pouvait  provenir  ce  poison  si  mortel.  Lorsqu'il  revint  à  Aveyche])a 
pour  rejoindre  la  colonne  d'arrière-garde,  il  trouva  dans  des  hutt(  s 


—  152  — 

plusieurs  paquets  de  fourmis  rouges  desséchées.  Il  apprit  alors  que  les 
corps  de  ces  fourrais,  séchés  et  réduits  en  poudre,  cuits  dans  Thuile 
de  palme  et  frottés  sur  les  pointes  des  flèches,  fournissent  le  poison 
mortel  qui  lui  avait  fait  perdre  tant  de  braves  gens  dans  de  si  cruelles 
souflrances.  On  peut  faire  quantité  de  poisons  avec  les  insectes  de  cette 
région,  par  exemple  avec  la  gi-ande  fourmi  noire,  dont  la  moi-sure  cause 
de  grosses  ampoules  ;  la  poudre  de  petites  chenilles  grises  mêlée  avec 
le  sang  causerait  une  torture  mortelle  ;  certaines  araignées  d'un  pouce 
de  long,  couvertes  d'aiguillons  douloureux  au  toucher,  produiraient  des 
blessures  dont  la  seule  pensée  donne  le  frisson.  Les  indigènes  préparent 
ces  poisons  dans  les  bois  ;  il  leur  est  interdit  de  les  faire  cuire  près  d'un 
village,  ils  allument  leurs  feux  dans  la  profondeur  des  forêts,  et  y  fabri- 
quent le  fatal  venin  auquel  l'énorme  éléphant  lui-même  ne  résiste  pas. 
Les  natifs  en  enduisent  leui"s  flèches  dans  la  forêt,  et  lorsqu'ils  en  ont 
recouvert  les  pointes  de  feuilles  fraîches,  ils  sont  prêts  pour  la  guerre. 

Les  espèces  d'abeilles  sont  tellement  diverses  dans  cette  contrée 
qu'elles  fourniraient  la  matière  d'un  volume;  il  en  faudrait  plusieurs 
pour  décrire  la  multitude  d'insectes  curieux  qu'on  y  rencontre.  D'autre 
part  les  tiques,  les  cousins  de  toutes  sortes  mirent  au  supplice  les  mem- 
bres de  l'expédition  ;  ils  s'attendaient  à  rencontrer  les  cannibales  les 
plus  féroces,  mais  n'étaient  nullement  préparés  aux  horreurs  que  rece- 
lait la  forêt  de  l'Afrique  centrale. 

Les  bords  des  rivières,  couverts  de  bois  depuis  le  Congo  jusqu'à  la 
Népoko,  sont  uniformément  bas  ;  çà  et  là  ils  s'élèvent  à  une  hauteur 
d'une  douzaine  de  mètres  ;  mais  en  amont  de  la  Népoko,  les  monta- 
gnea  deviennent  plus  fréquentes,  les  palmiers  sont  plus  nombreux,  les 
forêts  présentent  les  grands  arbres  au  tronc  blanc  qui  caractérisent  les 
pentes  du  bas  Congo.  Les  indigènes  ont  un  singulier  procédé  pour 
les  éclaircir  :  ils  font  une  plateforme  à  5  ou  6"  du  sol,  puis  ils  coupent, 
par  centaines,  les  arbres  à  cette  hauteur,  A  première  vue  on  pourrait 
s'imaginer  que  l'on  a  devant  soi  une  cité  de  temples  en  ruine. 

En  amont  de  la  Népoko,  la  navigation  devient  plus  diflScile,  les  rapides 
plus  fréquents,  on  rencontre  en  outre  deux  chutes  considérables.  Le 
terrain  monte  constamment  jusqu'à  650  kilom.  au  delà  de  Yambouya; 
là,  la  rivière  resserrée  par  les  parois  verticales  d'un  camion  n'a  plus 
que  100"  de  large.  Dans  toute  la  région  forestière,  quelles  que  soient 
les  diversités  du  relief  du  sol,  la  forêt  revêt  tout  :  pics,  montagnes,  val- 
lées, plaines  ;  nulle  part  elle  ne  s'interrompt  si  ce  n'est  dans  les  clai- 
rières faites  par  la  main  de  l'homme. 


ift  .-^-^ 


—  153  — 

• 

Pendant  quelques  jours  encore  l'expédition  s'efforça  de  remonter  l'Arou- 
ouimi,  raais  enfin  il  ne  fut  plus  possible  de  lutter  contre  le  courant. 
On  déchargea  les  canots  et  le  bateau  ;  la  carayane  fut  passée  en  revue  ; 
mais  les  hommes  en  étaient  tellement  affaiblis  physiquement  qu'ils  ne 
pouvaient  plus  porter  les  charges.  Des  ulcères,  la  famine,  la  dysenterie 
avaient  miné  les  forces  du  plus  grand  nombre.  Tout  le  mois  d'octobre 
fut  employé  pour  atteindre  le  campement  de  Kilinga-Longa,  d'oîi  des 
secoure  furent  envoyés  à  ceux  qui  avaient  dû  être  laissés  en  arrière.  Si 
l'expédition  avait  eu  lieu  une  année  plutôt,  en  1886  au  lieu  de  1887, 
elle  aurait  trouvé  abondance  de  vivres  jusqu'à  l'Albert-Nyanza.  Mais 
les  Arabes,  ou  plutôt  deux  Arabes  et  leurs  partisans  avaient  dévasté 
une  immense  région.  Le  premier  est  Ougarroua,  ancien  domestiqu^ 
attaché  au  service  des  tentes  de  l'explorateur  Speke,  ayant  à  ses  ordres 
un  détachement  de  Manyémas,  le  second  Kilinga-Longa,  esclave  zanzi- 
barite  appartenant  à  Abed-ben-Salim,  vieux  chef  arabe,  dont  Stanley  a 
raconté  les  exploits  sanguinaires  dans  Cinq  années  au  Congo.  De  389 
personnes  que  l'expédition  comptait  en  quittant  Yambouya,  elle  en 
avait  perdu  66  par  la  désertion  ou  la  mort  ayant  d'arriver  à  Ougarroua 
où  elle  dût  laisser  56  malades.  Les  267  restants  continuèrent  leur  mar- 
che jusqu'à  Kilinga-Longa,  ne  se  nourrissant  que  de  fruits  sauvages, 
de  champignons  et  d'une  sorte  de  noix  ayant  l'apparence  d'une  fève. 
Les  esclaves  d'Abed-ben-Salim  firent  tout  ce  qu'ils  purent  pour  ruiner 
l'expédition,  achetant  aux  hommes  de  Stanley  leurs  fusils,  leurs  muni- 
tions, leui's  vêtements,  en  sorte  qu'au  moment  de  quitter  cette  station, 
ils  étaient  dans  le  dénuement  le  plus  absolu. 

De  Kilinga-Longa,  situé  par  V  6'  lat.  nord,  l'expédition  se  dirigea, 
à  travers  un  pays  dévasté  où  les  Arabes  n'avaient  pas  laissé  debout  une 
seule  hutte  indigène,  en  ligne  presque  directe  vers  Ibouiri,  par  1**  20' 
lat.  N.,  à  1200"  au-dessus  de  la  mer,  puis  vers  le  mont  Pisga  par  1°  21' 
lat.  N.  d'où  elle  aperçut  pour  la  première  fois  la  région  des  prairies  ; 
les  indigènes  appartiennent  à  la  tribu  des  Ba-Kounou,  qui  habitent 
jusqu'aux  Stanley-Falls.  Les  villages  consistent  en  une  seule  rue  de  10 
à  20"  de  large,  fianquée  de  huttes  attenant  les  unes  aux  autres,  de  même 
forme  et  de  même  hauteur.  C'est  comme  une  seule  hutte  de  200  à  300" 
et  même  400"  de  long,  identique  d'un  bout  à  l'autre. 

Une  fois  sortie  de  la  région  envahie  par  les  Arabes  et  leurs  partisans, 
l'expédition  trouva  des  vivres  en  abondance,  ses  hommes  recouvrèrent 
leurs  forces  perdues;  mais  il  n'en  restait  plus  que  173  de  valides.  Après 
160  jours  passés  dans  l'ombre  des  forêts,  ils  entrèrent,  le  5  décembre, 


—  154  — 

dans  la  plaine  herbeuse.  Le  6  ils  traveraèrent  un  bras  de  Tltouri  — 
nom  donné  à  rAi'Ououimi  à  partir  du  confluent  de  la  Népoko  —  et  le  9, 
l'Itouri  lui-même  qui  a  ici  125"*  de  large;  enfin,  après  avoir  eu  à  re- 
pousser les  attaques  des  indigènes,  ils  aperçurent,  le  13,  d'une  hauteui* 
de  1500«,  par  1'  20'  lat.  N.,  l'Albert-Nyanza  à  880"  au-dessous  d'eux. 
Kavalli,  l'objectif  de  l'expédition  apparaissait  à  9  kilom.  à  vol  d'oiseau 
dans  le  lointain.  L'extrémité  du  lac  était  à  environ  10  kilom.  plus  au 
sud.  Toutes  les  découpures  de  la  côte  basse  de  la  partie  orientale  du  lac 
étaient  parfaitement  visibles.  Le  Laniliki,  tributaire  venant  du  sud, 
sillonnait  la  vallée  comme  un  filet  d'argent.  Dans  son  cours  supérieur, 
l'Itouri  semble  courir  parallèlement  au  lac  Albert.  Stanley  estime  que 
fees  sources  doivent  se  trouver  près  du  groupe  de  montagnes  auxquelles 
mit  été  donnés  les  noms  de  Schweinfurth,  de  Junker  et  de  Speke.  Sa 
longueur  totale  serait  de  1300  kilom. 

Le  14  décembre,  à  9  h.  du  matin,  l'expédition  atteignait  l'angle  S.-O. 
du  lac,  dans  le  voisinage  de  Kakonga,  dont  les  indigènes,  prévenus  con- 
tre toutes  les  tribus  du  S.-O.,  cherchèrent  à  éloigner  les  nouveaux  venus. 
Aucun  arbre  ne  se  présentait  qui  permît  de  construire  une  embarcatiou 
pour  gagner  l'extrémité  nord  du  lac.  Stanley  dut  revenir  sur  l'Arouonimi 
jusqu'à  Ibouiri,  où  fut  construit  le  fort  Bodo,  et  d'oîi  le  lieutenant 
Stairs,  avec  luie  centaine  d'hommes,  se  rendit  à  Kilinga-Longa,  afin 
d'en  ramener  le  bateau  et  les  marchandises  qui  y  avaient  été  laissés. 
Puis,  lorsque  Stairs  les  eut  amenés,  Stanley  l'envoya  encore  à  Ougar- 
roua  pour  y  prendre  les  convalescents.  Le  2  avril  la  marche  fut  reprise 
dans  la  direction  du  lac  Albert;  aucune  diflBculté  ne  se  présenta  plus; 
les  chefs  firent  avec  Stanley  l'échange  du  sang  ;  le  bétail,  les  chèvres, 
les  moutons  et  les  poules,  lui  furent  fournis  si  abondamment  que  ses 
gens  vécurent  comme  des  princes. 

A  une  journée  de  marche  du  lac,  des  indigènes  venant  de  Kavalli  rap- 
portèrent qu'un  honune  blanc  avait  envoyé  chez  leur  chef  une  lettre 
qu'ils  étaient  chargés  de  remettre  à  Stanley;  elle  était  signée  du 
I)"^  Émin,  et  priait  Stanley  de  l'attendre  à  l'endroit  oîi  il  était.  Le  bateau 
fut  mis  à  flot  le  23  avril,  M.  Jephson  s'y  embarqua  avec  une  escouade 
d'hommes  et  arriva  le  26  à  la  station  de  Msoua,  le  plus  méridional  des 
postes  égyptiens  d'Émin-pacha  ;  il  y  fut  reçu  par  la  garnison  avec  la  plus 
grande  cordialité.  Il  en  ramena  Émin-pacha  et  Casati  le  29  avril.  Un 
campement  fut  établi  à  trois  kilomètres  au-dessus  de  Nyam-Sassié  et 
Stanley  y  demeura  jusqu'au  25  mai. 

Pendant  ce  séjour,  il  apprit  que  le  pacha  a  sous  ses  ordres  deux 


—  155  — 
bataillons  de  réguliers  ;  le  premier  composé  de  750  carabiuiei-s  qui 
pput  :  Dufilé,  Hoiiyu,  Laboré,  Muggi,  Kirri,  Beddeii,  Rejaf;  le  « 
de  640  hommes  stationnés  à  Wadelal,  Fatiko,  Mabagi,  Msoua,  i 
constitue  une  ligne  de  communications  d'une  longueur  d'enviro 
kilora.  le  long  du  lac  Albert  et  du  Nil.  Dans  l'intérieur,  à  l'ouest  ( 
il  y  a  trois  ou  quatre  petits  postes  ;  soit  en  tout  14  stations.  En  ou 
commande  à  une  force  assez  respectable  d'irr^liers  :  matelots 
sans,  commis,  domestiques;  en  sorte  que  s'il  s'était  décidé  à  qui1 
province  de  l'Equateur,  il  aurait  eu  à  emmener  avec  lui  enviroi 
personnes,  y  compris  des  femmes  et  des  enfants.  Stanley  s'eflot 
lever  les  objections  au  départ  relativement  aux  difficultés  du  v 
pour  ces  derniers,  et  aussi  au  risque  de  manquer  de  provisions  pou 
de  monde.  Un  moment  Émin-pacha  parut  ébranlé.  Mais  la  erali 
voir  la  province  dans  laquelle  il  a  maintenu  l'ordre  jusqu'à  maint 
tomber  dans  l'anarchie  lui  lit  renvoyer  toute  décision  jusqu'au  mi 
où  Stanley  reviendrait  de  Yambouya,  oii  il  voulait  aller  cherchi 
munitions  et  les  provisions  qui  y  étaient  restées. 

Avant  de  redescendre  avec  lui  vers  l'Arououimi,  mentionnons  cf 
dit  d'une  haute  montagne  qu'il  aperçut  le  26  mai  1888,  au  momt 
les  soldats  d'Émin-pacba,  rangés  en  ligne,  allaient  saluer  son  dépi 
l'Albert-Nyanza.  Un  de  ses  porteurs  s'écria  :  «  Voyez  quelle  g 
montagne,  elle  est  couverte  de  sel!  b  Ce  doit  être,  peiise-t-il  le  Ru 
zori,  que  les  indigènes  disaient  avoir  quelque  chose  de  blanc  comi 
métal  de  sa  lampe.  Il  en  estime  la  distance,  du  jMint  oii  il  était,  à  S 
ut  la  hauteur  à  ôOOO"  ou  5500".  Il  ne  serait  pas  impossible  que  ce 
Gordon-Bennet.  dans  le  Gambaragara;  toutefois,  il  y  a  deux  raisoi 
lui  inspirent  des  doutes  à  cet  égard.  H'abord,  il  trouve  cette  mon 
située  un  peu  trop  k  l'ouest  par  rapport  à  la  position  du  (Jordon-B 
telle  qu'il  l'a  indiquée  en  1876;  en  second  lieu,  il  n'a  pas  vu,  alor 
neige  sur  ce  dernier.  En  outi-e  le  Gordon-Bennet  avait  l'appareucf 
cône  parfait,  tandis  que  le  Ruewenzori  est  une  montagne  oblongue 
le  sommet  a  l'apparence  d'un  plateau,  avec  deux  contrefoi-ts  s'étei 
l'un  au  N.-E.  l'autre  au  S.-O. 

Revenons  à  la  marche  de  Stanley  vers  l'Arououimi.  Émin-pac 
avait  donné  trois  de  ses  irréguliers  et  102  indigènes  de  la  tribu  des 
comme  porteurs.  La  route  étant  connue,  il  ne  mit  que  14  jours 
franchir  l'intervalle  entre  le  camp  de  Nyam-Sassié  et  le  fort  Bodo, 
trouva  MM.  Nelson  et  Stairs,  ce  dernier  arrivé  d'Ougarroua,  le  2 
ramenant  avec  lui  seulement  16  hommes  des  ô6  malades  qui  y  a^ 


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—  15(î  — 

été  laissés.  Les  40  autres  étaient  morts.  Les  courriers  que  Stanley  avait 
envoyés  avec  des  lettres  poui*  le  major  Barttelot  avaient  quitté  Ougar- 
ix)ua  le  16  mars  poui*  Yambouya. 

Quant  au  fort  Bodo,  il  était  dans  un  état  prospère  ;  une  étendue  de 
dix  acres  environ  avait  été  mise  en  culture;  le  maïs  était  récolté  et  Ton 
recommençait  à  planter.  Stanley  laissa  au  fort  une  garnison  de  59  hom- 
mes, sous  le  commandement  du  lieutenant  Stairs,  avec  Nelson  pour 
second  et  Parke  comme  médecin.  Le  24  juin  il  arrivait  à  Kilinga-Longa 
et  le  19  juillet  à  OugaiTOua,  station  devenue  déserte  par  le  départ  de 
son  chef  qui,  après  avoir  amassé  tout  l'ivoire  possible,  avait  descendu 
la  rivière  trois  mois  auparavant.  Il  l'atteignit  le  10  août,  à  la  tête  d'une 
flottille  de  57  canots,  avec  lesquels  se  trouvaient  les  courriers  envoyés 
au  major  Barttelot  ;  ils  avaient  été  attaqués,  portaient  sur  leurs  corps 
des  traces  de  blessures  de  flèches;  plusieurs  avaient  été  tués. 

Une  semaine  plus  taini  Stanley  atteignait  Bonalya  ou  il  rencontra  la 
colonne  d'arrière-garde  commandée  par  M.  Bonny,  qui  lui  apprit  le 
désastre  de  Yambouya  et  la  mort  de  Barttelot.  Du  lac  Albeii:  à  Bona- 
Jya,  il  n'avait  perdu  que  trois  hommes  dont  l'un  par  désertion. 

En  résumé  la  région  forestière  traversée  par  l'expédition  s'étend,  de 
l'ouest  à  l'est,  de  l'embouchiu'ede  l'Arououimi  dans  le  Congo  par  24"  40' 
jusqu'au  30"  environ  de  longitude  E.,  et  du  sud  au  nord,  de  Nyangoué 
jusqu'à  la  frontière  méridionale  du  pays  des  Mombouttou.  Stanley 
estime  que  la  superficie  du  territoire  complètement  couvert  par  la  forêt 
est  d'environ  640.000  kilom.  carrés. 

Le  pays  descend  en  pentes  douces  depuis  le  plateau  qui  domine  l'Al- 
bert-Nyanza,  à  1650",  jusqu'au  Congo  à  420*". 

Quant  au  lac  Albert,  Stanley  croit  qu'il  y  a  un  siècle  ou  peut-être 
davantage,  il  devait  avoir  une  vingtaine  de  milles  de  plus  de  longueui*, 
et  que,  vis-à-vis  de  Mbakovia,  il  était  beaucoup  plus  large  que  mainte- 
nant. Après  l'enlèvement  des  barrages  qui  obstruaient  le  Nil  en  aval  de 
VVadelaï,  il  s'est  rapidement  retiré  et  il  se  retire  encore,  au  grand  éton- 
nement  d'Émin-pacha  qui  a  vu  le  lac  tel  qu'il  était  il  y  a  7  ou  8  ans. 
Des  îles,  dit-il,  qui  étaient  situées  près  de  la  côte  occidentale  sont  main- 
tenant réunies  à  la  terre  ferme,  et  sont  occupés  par  des  villages  indi- 
gènes. 

De  Nyam-Sassié  à  Mbakovia,  la  couleur  des  eaux  indique  une  faible 
profondeur:  elle  est  brune,  limoneuse,  comme  celle  d'une  rivière  cou- 
lant à  travers  un  teiTain  d'alluvion. 

Jusqu'à  présent  Stanley  ne  sait  pas  si  le  lac  découvert  par  lui  en  1876 


—  157  — 
appartient  au  Nil  ou  au  Congo  ;  il  incline  pour  le  deniiei*.  Eu  i-nvanche, 
ce  dont  11  est  sûr,  c'est  que  ce  lac  n'a  pas  de  rapport  avec  l'Albert- 
Nj-anza.  Les  pentes  du  Ruewenzori  fournissent  une  partie  des  eaiu  du 
Laniliki,  le  reste  doit  venir  du  plateau  au  S.-O.  et  à  l'ouest. 

Les  tribus  qui  habitent  la  forêt  et  la  vallée  de  Tltouri  sont  indubita- 
blement cannibales.  Entre  la  Népoko  et  la  région  des  pi-airies  les  popu- 
lations naiues  sont  très  nombreuses.  On  les  appelle  les  Wamboutti,  Les 
eeus  d'Élnin-pacba  les  assimilent  aux  Tîktci-Tikki  qui  habitent  plus  au 
nord.  On  en  trouve  peu  au  sud  de  l'Itouri.  Stanley  croit  avoir  vu  envi- 
ron 150  villages  ou  campements  de  ces  nains  :  ils  sont  voleui-s.  très 
habiles  h  tirer  de  Parc  :  l'expédition  en  a  acquis  la  certitude  à  ses 
dépens. 

En  terminant  nous  ne  faisons  que  mentionner  la  dépêche  datée  de 
San  Thonié,  3  avril,  adressée  par  le  gouverneur  général  à  Borna  au 
gouvernement  de  l'ï^tat  du  Congo  à  Bruxelles,  portant  que  :  «  D'après 
des  rumeurs  arabes  circulant  aux  Stanley-Falls  et  transmises  de  là,  le 
21  février,  Stanley  et  Émin  sont  signalés  en  marche  vers  Zanzibar  avec 
plusieurs  milliers  d'hommes,  femmes  et  enfants  et  6000  défenses 
d'ivoire.  »  Après  les  déclarations  d'Émin-pacha  à  Stanley,  et  l'état  d'ef- 
fervescence où  se  trouve  l'Afrique  orientale,  de  l'Ou-Ganda  à  Zanzibar, 
ces  rumeui-s  nous  paraissent  tellement  étranges  que,  jusqu'à  plus  ample 
informé,  nous  les  considérons  comme  fort  invraisemblables. 

Quoi  qu'il  en  soit  les  résultats  de  l'expédition  de  Stanley,  au  point  de 
vue  de  l'exploration  de  l'AIVique,  enrichiront  la  science  géographique 
<ie  connaissances  absolument  nouvelles.  Il  sera  désormais  possible  de  se 
représenter  avec  assez  de  précision  la  configuration  de  l'immense  région 
qui  s'étend  du  coude  nord  du  Gougo  jusqu'à  la  partie  septentrionale  du 
plateau  qui  sépare  te  bassin  de  ce  tteuve  d'avec  celui  du  Nil. 


BIBLIOGRAPHIE  < 

Théophile  Jousie.  La  uissiom  françaibe  évakgéuque  au  sud  db 
l'Afrique.  Paris  (Fischbacher),  1889,  in-8»,  2  vol.  4.S2  et  402  p.,  fr.  15. 
— 11  est  peu  de  noms  africains  qui  soient  plus  connus  que  celui  du 
peuple  des  Ba-Souto.  Le  pays  qu'il  occupe  est  à  peine  plus  grand  que 
la  moitié  de  la  Suisse  et  le  nombre  des  habitants  n'est  que  de  180,000; 

'  On  peut  se  procurer  k  la  librAirie  H.  Qeorg,  à  QenÈTe  et  à  Bàle,  tous  le» 
ouvrages  dont  il  eat  rendu  compte  dans  V Afrique  tx^plorit  et  civilisée. 


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—  158  — 

cependant  le  norn  des  Ba-Souto  est  bien  plus  eu  vue  que  celui  de  puis- 
g  '   ,  sauts  empires  du  gi*and  continent  noir.  C'est  que  ce  peuple  est  certai- 

nement l'un  des  plus  intéressants  de  l'Afrique,  et  en  tous  cas  l'un  des 
mieux  étudiés.  Presque  désert  il  y  a  un  demi-siècle,  le  pays  est  actuelle- 
ment l'un  des  plus  populeux  de  l'Afrique  australe.  La  venue  des  blancs, 
loin  d'y  avoir  causé  l'appauvrissement  et  la  déchéance  de  la  nation, 
a  été,  au  contraire,  le  signal  d'un  relèvement  intellectuel  et  moral  de 
fS^v ',  cette  branche  importante  de  la  grande  famille  be-chuana.  «  Chez  les 

^%  /  Ba-Souto,  »  dit  M.  Reclus,  dont  personne  ne  suspectera  l'impartialité,  a  la 

civilisation  n'est  pas  seulement  extérieure  et  ne  consiste  pas  uniquement 
à  remplacer  les  kaross  de  peau  par  des  vêtements  de  laine  et  de  coton 
importés  d'Angleterre,  et  à  bâtir  des  maisonnettes  de  brique  ou  de 
pierre  au  lieu  de  huttes  de  branchages.  Grâce  aux  écoles,  dont  l'entre- 
tien est  la  principale  dépense  de  la  nation,  ils  jouissent  déjà  d'une  in- 
stiiiction  moyenne  supérieure  à  celle  de  maintes  populations  européennes, 
et  lors  des  examens,  nombre  de  Ba-Souto  réussissent  beaucoup  mieux 
que  les  élèves  de  race  blanche.  Les  diverses  tribus  ont  cessé  de  batailler 
les  unes  contre  les  autres;  la  guerre  n'est  plus  en  permanence;  les 
pâtres,  privés  de  leui*s  bestiaux,  n'en  sont  plus  réduits  au  cannibalisme, 
qui  jadis  était  partout,  et  les  noirs  regardent  avec  la  même  horreur 
que  les  blancs  les  cavernes  des  mangeurs  d'hommes  désormais  aban- 
données. » 

A  quelle  influence  doit-on  principalement  attribuer  un  si  grand  pro- 
grès? Sans  aucun  doute,  à  l'œuvre  excellente  poursuivie,  dans  cette 
partie  de  l'Afrique,  par  la  Société  des  missions  évangéliques  de  Paris, 
fondée  en  1822  et  qui  envoya,  dès  1829,  trois  des  meilleurs  élèves  de 
son  école  chez  les  noirs  de  l'Afrique  australe.  C'est  le  28  juin  1833  que 
les  missionnaires  Casalis,  Arbousset  et  Gosselin,  conduits  par  un  chas- 
seur du  nom  d'Adam  Krots,  arrivèrent  pour  la  première  fois  chez  Mo- 
shesh,  roi  des  Ba-Souto,  dont  la  capitale  se  nommait  Thaba-Bossiou 
(actuellement  Thaba-Bosigo).  A  ce  moment,  le  pays  des  Ba-Souto  ne 
figurait  sur  aucun  atlas  et  dans  aucune  des  géographies  les  plus  au  cou- 
rant des  découvertes.  Il  n'était  connu  que  de  quelques  chasseurs  et  de 
Kora-na  maraudeurs.  Les  missionnaires  s'y  établirent,  à  la  grande  joie 
de  Moshesh,  qui  comptait  sur  eux  pour  ramener  la  paix  chez  son  peuple 
durement  éprouvé  par  les  guerres.  Depuis  cette  époque  la  mission  ne  fit 
que  grandir  et  s'étendre,  dans  ce  champ  magnifique  qui  venait  de  s'ou-. 
vrir  devant  elle. 

C'est  l'histoire   de  cette  œuvre   admirable   que  vient  de  décrire 
M,  Jousse,  un  ancien  missionnaire  au  Le-Souto,  en  deux  beaux  et  forts 


volumes,  pleins  de  faits  et  de  nobles  pensées.  Sou  ouvrage  est  le  i 
tat  d'une  étude  approfondie  sur  l'origine  et  le  développement  des 
^ious  évaiigéliques  dans  l'Afrique  australe.  Il  l'a  écrit,  aussi  bien 
ceux  qui  ont  suivi  depuis  longtemps  la  marche  de  cette  œuvre,  que 
leui^  frères  plus  jeunes  qui,  tout  eus'iutéressaut  aux  missions  en  igni 
la  noble  origine  et  les  preniiei-s  triomphes.  Ceux-ci  tireront  de  la  lei 
de  ce  livre  un  enseignement  nouveau  et  des  counaissauces  utiles;  i 
là  y  trouvei-oiit  de  quoi  ravivei-  leui-s  souvenirs.  Les  historiens  i 
}[éograpbes  pourront  aussi  y  glaner  des  renseignements  d'ordre  ] 
ment  scientifique,  car  l'ouvrage  de  M.  Joussc  est  un  document  préc 
qui  seiTira  à  reconstruire  l'histoire  du  peuple  des  Ba-Souto,  si  int 
sant  comme  exemple  de  la  transfoimatiou  que  peut  subti-  une  a: 
africaine,  grâce  aux  eftorts  des  pionniei-s  du  christianisme  et  de  la 
ILsation. 

Chacun  trouvera  son  pi-otit  à  la  lectui-e  de  cet  ouvrage  et  chacun 
captivé,  cai'  le  i-écit  est  présenté  d'une  façon  claire  et  intéressant 
qualité  foudanieutale  de  ce  livre  est  une  netteté  de  style  et  d'expos 
«lue  l'on  trouve  seulement  chez  les  écrivains  qui  connaissent  à  fon 
choses  dont  ils  parlent,  et  qui  prennent  plaisir  à  les  décrire.  Ton 
événements  sont  racontés  en  détail,  de  sorte  que  le  lecteur  se  ti 
forme  eu  spectateur  et  voit  passer  devant  ses  yeux  ces  scènes  de  d( 
de  France,  de  traversée,  d'arrivée  au  pays  des  Ba-Souto,  ainsi  qu 
mille  faits  qui  remplissent  la  vie  d'un  niissionuaire,  et  les  luttes  e 
gueri-es  qui  trop  souvent  ont  ensanglanté  le  pays.  En  même  te 
une  autre  idée  remplit  son  esprit  :  pensée  d'admiration  à  l'é 
<le  ces  ouvriers  qui,  méprisant  les  plaisirs  et  lee  jouissauces  de  notr 
civilisée,  ont  vécu  isolés,  chacun  dirigeant  sa  station  ou  son  écol 
milieu  de  ces  Alpes  africaines.  C'est  une  grande  page  dans  les  ani 
du  protestantisme  fran^is  que  l'histoire  de  la  mission  chez  les  Ba-S< 
Cette  œuvre  qui  a  produit  les  Casalis,  les  Arbousset,  les  Jousse 
Coillard,  qui  a  régénéré  un  peuple,  est  certainement,  de  toutes  c 
accomplies  par  les  hommes,  une  des  plus  belles  et  des  plus  intéressai 
M.  Jousse  a  fait  un  travail  utile  et  digne  d'éloges  en  nous  la  faisant 
iiattre  dans  ses  détails  et  en  nous  en  révélant  les  magnifiques  i-ésul 

D.  Descamps'Datid.  La  pabt  de  la  Belgique  uams  le  mouve» 
AFRICAIN.  Bruxelles  (C.  Muquardt,  Th.  Falk),  1889,  iu-8°,-  24  p.  - 
Belgique  et  l'Ëtat  indépendant  du  Coi^o  vivent,  on  le  sait,  soi 
régime  de  l'union  personnelle,  les  deux  couronnes  étant  distim 
mais  réunies  sur  la  tête  du  même  souverain,  Léopold  II,  un  des  i 


'iv.v 


—  160  — 

cipaux  initiateurs  du  mouvemeat  africain  actuel.  Cette  situation  a  bien 
éveillé  les  craintes  et  les  critiques  de  quelques  publicistes,  mais  la  pres- 
<iue  unanimité  des  représentants  de  la  nation  et  la  très  grande  majorité 
du  peuple  ont  donné,  d'une  manière  non  équivoque,  leur  approbation  à 
l'œuvre  grandiose  entreprise  par  le  roi.  M.  Descamps-David  va  plus 
loin  :  il  voudmt  que  la  Belgique  prêtât  son  concours  à  la  grande  entre- 
prise, sans  toutefois  porter  la  moindre  atteinte  au  principe  de  l'union 
personnelle.  C'est  cette  idée  qu'il  développe  et  appuie  de  uombrexix 
arguments  dans  la  brochure  que  nous  annonçons. 

Il  demande  tout  d'abord  le  concoui's  des  initiatives  privées,  dont  l'ac- 
tion est  si  grande,  aussi  bien  au  point  de  vue  missionnaire  et  civilisateur 
que  dans  l'oindre  commercial  et  économique.  Mais  cela  n'est  pas  suffi- 
sant. L'auteur  voudrait  que  les  pouvoirs  publics  coopérassent  aussi  à 
l'œuvre  du  Congo  en  considérant  l'État  indépendant  comme  un  pays 
ami,  avec  lequel  on  entretient  d'intimes  relations.  Ainsi,  le  gouverne- 
ment belge  pourrait  se  montrer  favorable  aux  fonctionnaires  qui  désire- 
raient aller  pour  quelques  années  en  Afrique,  encourager  les  explorations 
d'ordre  scientifique,  créer  en  Belgique  un  musée  congolais  dont  le  carac- 
tère serait  à  la  fois  ethnographique,  économique  et  commercial,  metti-e 
à  l'étude,  dans  le  sein  du  conseil  supérieur  d'hygiène  et  de  l'Académie 
royale  de  médecine,  la  question  de  l'hygiène  des  régions  tropicales,  in- 
stituer des  consulats  au  Congo  et  en  particulier  à  Boma,  dont  le  consulat 
belge  le  plus  rapproché  réside  aux  Canaries,  subventionner  des  lignes 
de  navigation  pour  le  Congo,  enfin  prêter  son  concours  à  la  construction 
du  chemin  de  fer.  L'auteur  insiste,  d'une  manière  spéciale,  sur  ce  der- 
nier point,  en  montrant  les  avantages  directs  que  la  Belgique  retirerait 
de  l'établissement  de  cette  ligne.  Cet  opuscule  écrit  d'un  style  remar- 
quable de  netteté  et  de  distinction  présente  im  réel  intérêt. 

Nous  en  extrayons  un  renseignement  utile  siu*  les  maisons  de  com- 
merce établies  actuellement  au  Congo.  Dans  une  note  l'auteui*  en  cite 
dix.  Ce  sont  :  L  De  Nieuwe  Afrikaansche  Handelsvennootschap.  Capi- 
tal ;  4,189,500  francs.  —  II.  Compagnie  du  Congo  poiu*  le  commerce  et 
l'industrie.  Capital  :  1,000,000  francs.  —  m.  Valle  et  Azevedo.  —  IV. 
Compagnie  portugaise  du  Zaïre.  Capital  :  1,998,000  francs.— V.  Société 
Daumas  Béraud.  Capital  :  2,000,000  francs.  —  VI.  Sanford  Exploring 
Expédition.  Capital  :  300,000  francs.  — VII.  Hatton  et  Cookson.— VIII. 
The  British  Congo  Company,  Limited.  Capital  :  12,500,000  francs.  — 
IX.  Magasins  généraux.  Capital  :  600,000  francs.  —  X.  Compagnie 
belge  du  commerce  au  Congo.  Capital  :  1,200,000  francs. 


compagnies  et  des  fransitaires  coalisés. 

Les  éclosions  de  criquets  sont  considérables  dans  la 
Constanllne,  et  sur  tous  les  points  d'écloeioii  la 
ouverte  contre  eux.  L'engin  qui  réussit  le  mieux  est  la  m 
bande  de  t«ile  de  5  mètres  de  long  sur  2  mètres  de  lai^^e.  ( 
de  la  manière  suivante  :  la  moitié  de  cette  toile  est  maii 

'  Les  matières  comprises  dans  nos  BuUetùu  meiuueli  et  dans 
plémentairee  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géograpMque  coi 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'ËBt,  longeant  ensuite  la  cAte  orienta 
menant  par  la  cAte  occidentale. 

l'aTRIQUE.    —    DIIltME    AHNËE.    —    H°   6. 


î>'' 


ut-  ■ 


ff  » 


—  162  — 

Faide  de  pierres,  1  autre  moitié  soutenue  perpendicuiairemeiit  à  la  direc- 
tion du  sol  par  les  travailleui*8.  Uji  certain  nombre  d'Arabe.s,  placés 
coude  à  coude  et  formant  un  demi-cercle,  rabattent  les  criquets  sui*  la 
toile  en  agitant  leui-s  burnous.  A  mesure  qu'ils  approchent  de  la  raelha- 
fah,  les  criijuets  se  précipitent  sur  elle,  formant  de  petits  nuages  noii*s. 
Loi*squ'ils  ont  tous  été  poussés  sur  la  toile,  on  rabat  les  côtés  de  la 
melhafah  et  la  partie  qui  forme  rempart  contre  le.s  cri(iuets  sui*  la  partie 
placée  à  terre,  puis  on  bat  la  toile  à  coups  de  bâton.  Les  criqueti^  se 
tassent  ;  on  les  jette  alors  dans  un  trou  préparé  et  placé  à  côté  de  raj)- 
pareil,  après  quoi,  on  les  couvi'e  de  terre.  Quand  on  a  assez  de  melhafahs 
et  d'hommes  pour  opérer,  on  en  juxtapose  plusieurs  ;  ou  bien  Ton  en  ins- 
talle plusieurs  les  unes  derrière  les  autres.  Les  superficies  ainsi  bat- 
tues sont  assez  grandes  et  le  travail  marche  collectivement  et  vite.  La 
pluie  et  les  orages  ont  heureusement  coopéré  à  l'œuvre  de  l'homme 
et  des  masses  considéi'ables  de  criquets  ont  été  noyées.  11  est  à  souhaiter 
que  la  campagne  de  destruction  réussisse,  car  l'aspect  des  récoltes  est 
des  plus  encourageants  sur  le  littoral  (*t  les  hauts  plateaux. 

On  a  piis  également  en  Tunisie  des  mesures  très  énergiques  pour 
combattre  le  développement  des  sauterelle».  Des  troupes  ont  été 
mises  à  la  disposition  des  contrôleurs  civils  :  des  pelotons  de  cavalerie 
ont  été  dirigés  sur  les  lieux  suspects  pour  surveiller  et  signaler  l'éclosiou 
des  crit^uets.  Dans  T arrondissement  de  Kef,  i)articulièrement  nuMiacé, 
des  milliei*s  de  quintaux  d'alfa  ont  été  pi-éparés  pour  les  brûler  ;  des 
appareils  cypriotes,  des  pelles,  pioches,  etc.  ont  été  (Mivoyés  aux  con- 
trôleurs. Les  résultats  déjà  ac^iuis  font  espérer  (jue  les  dégâts  seront 
insignifiants. 

Pendant  que  les  nouvelles  du  Caire  annonçaient  la  prise  de  Khartoura 
par  les  Senoûsî,  les  derviches  livraient  au  roi  d' Abyssinie,  à  Metem- 
meh,  une  bataille  qui  coûtait  la  vie  au  négous  et  plongeait  momentané- 
ment ses  États  dans  l'anarchie.  D'après  le  rapport  du  comte  Antonelli 
au  gouvernement  italien,  le  roi  Jean  aurait  attaijué  les  positioiLs  for- 
tifiées des  mahdistes  qui  le  repoussèrent,  et  il  reçut  une  première 
blessure.  Transporté  mourant  à  son  camp,  il  expira  le  11  mars.  Dans  la 
nuit  suivante,  les  derviches  attaquèrent  le  camp  abyssin  et  le  détruisi- 
rent complètement.  Aussitôt  Ménélick,  roi  du  Choa,  ^ippuyé  par  une 
ai-mée  de  180,000  hommes,  fit  occuper  le  pays  des  Vologidlas,  puis  il  se 
proclama  roi  des  i-ois,  et  songera  à  se  faii*e  couronner  dans  une  ville  abys- 
sine. Mais  il  a  comme  compétiteui's  Ras-Manguscia,  nev(»u  ou  même 
fils  du  roi  ,)(nin,  qui  d'ailleurs  mamiue  de  forces  pour  fain^  valoir  ses 


* 


—  164  — 

Gallas.  Il  emporte  de  riches  présents  pour  Ménélick,  et  des  vêtements 
de  soie  brodés  d'or  pour  sa  cour. 

Le  D'  Cai'l  Petei*s,  chargé  de  la  direction  de  l'expédition  alle- 
mande de  secours  en  faveur  d'Émln-pacha,  n'ayant  pu  débar- 
quer sur  la  côte  des  Somalis,  s'est  rendu  à  Liamon,  chez  le  sultan  du 
Witou.  Nos  lecteurs  se  rappellent  que  l'Angleterre  et  l'Allemagne  pré- 
tendent toutes  deux  avoir,  sur  le  territoire  de  ce  sultan,  des  droits  de 
protectorat,  et  que  le  litige  a  été  soumis  à  l'arbitrage  du  baron  Lamber- 
mont.  Pour  empêcher  le  D'  Peters  de  quitter  Lamou,  M.  Mackinnon,. 
agent  de  la  British  East  African  Company,  et  en  même  temps,  direc- 
teur de  la  Compagnie  des  bateaux  à  vapeur  qui  touchent  d'ordinaire 
à  Lamou,  a  ordonné  de  cesser  d'y  faire  escale  pendant  quelque  temps. 
Cela  n'a  pas  empêché  le  D'  Peters  d'arriver  à  Zanzibar  et  de  chercher  à 
organiser  son  expédition.  Mais  obtiendra-t-il  les  porteurs  dont  il  aurait 
besoin  et  l'autorisation  du  capitaine  Wissmann  de  travei*ser  les  terri- 
toires qui  séparent  Bagamoyo  du  Victoria-Nyanza  V 

La  Gazette  de  Madagascar  a  publié  dans  l'un  de  ses  derniers 
numéros  l'avis  suivant  :  «  Le  gouvernement  fait  connaître  à  tous  les 
«  habitants  de  l'Imérina  que  des  ordres  ont  été  donnés  aux  troupes 
«  chargées  de  la  garde  des  provinces  où  se  trouve  de  l'or,  afin  qu'on 
«  tire  sur  quiconque,  étant  pris  en  flagrant  délit  de  vol  d'or,  cherche- 
«  rait  à  s'échapper  du  ferait  résistance.  »  A  la  suite,  se  trouve  l'énumé- 
ration  des  concessions  accordées  par  le  gouvernement  malgache  en  ce 
qui  concerne  les  exploitations  minières  ou  forestières  et  l'avis  que,  pro-^ 
visoirement,  afin  d'attendre  les  résultats  des  concessions  déjà  accordées 
le  gouvernement  n'en  donnera  plus.  Puis  sont  reproduits  les  textes  des 
lois  malgaches  qui  ont  trait  aux  exploitations  minières  et  forestières^ 
aux  tenues  desquelles  : 

«  Quiconque  fouillerait  des  mines  d'or,  d'argent  ou  de  diamants  ou 
«  frapperait  de  la  monnaie  subirait  une  condamnation  de  20  ans  de  fers. 

«  Les  fouilles  de  mines  d'or,  d'argent,  de  cuivre,  de  fer,  de  plomb» 
«  de  pierres  précieuses,  de  diamants,  de  charbon  de  terre,  etc.,  sont 
«  interdites  tant  sur  les  terres  prises  à  bail  que  sur  celles  qui  ne  le  sont 
«  pas.  Ceux  qui  contreviendraient  à  ces  lois  seraient  condamnés  à  20 
«  ans  de  fers. 

0  Les  grandes  forêts  et  les  terres  non  occupées  appartiennent  au  gou^ 
«  vemement  et  personne  ne  peut  les  donner  à  bail  ou  les  vendre  sans  la 
«  permission  du  gouvernement.  Les  contrevenants  sont  passibles  de  20 
«  ans  de  fers.  » 


—  166  — 

lac  Nyassa  fussent  autorisés  à  porter  des  armes,  ce  que  les  Portugais  leur 
iiiterdisent  actuellement.  Loi*d  Salisbury  a  répondu  quMI  ne  pourrait 
faire  que  des  représentations  diplomatiques;  mais  qu'il  ne  croit  pas 
qu'actuellement  elles  obtiennent  le  moindre  succès. 

Le  Times  annonce  que  M.  Daniel  J.  Raukin,  qui  a  passé  huit  mois  à 
explorer  le  delta  do  Zambèase,  a  découvert  une  nouvelle  embouchure 
navigable,  à  45  railles  au  sud  du  fleuve  Quaqua  ;  c'est  le  bras  qui  porte 
le  nom  de  fleuve  Chindé  $  sur  la  barre  même,  on  a  trouvé,  à  marée 
basse,  4",484""  d'eau;  le  chenal  a  6o6^  environ  de  largeur  et  oflre  un 
bon  ancrage  abrité  par  les  terres.  Jusqu'ici>  toutes  les  marchandisej^ 
pour  les  districts  du  Zambèze  ont  été  amenées  à  Quilimane,  oii  elles  sout 
rechargées  sur  des  allèges  ou  sur  des  canots  qui  remontent  le  Quaqua 
jusqu'à  Mopéa.  Là  elles  sont  déchargées  pom*  être  transportées  à  dos 
d'homme  pendant  une  douzaine  de  kilomètres  à  travers  de«  marécages 
vei-s  le  Zambèze,  ôîi,  derechef,  on  emploie  poui-  leur  transport  des  canots 
allant  à  Senna  ou  à  Tété.  Ces  transbordements  répétés  entraînent  une 
grande  perte  de  temps,  de  fortes  dépenses,  et  'souvent  des  avaines  qui 
font  perdre  aux  marchandises  le  60  pour  cent  de  leur  valeur.  L'impor- 
tante découverte  de  la  nouvelle  embouchure  susmentionnée  facilitera 
considérablement  le  développement  du  commerce  dans  cette  partie 
de  l'Afrique.  Les  vallées  du  Zambèze  inférieur  et  du  Chii'é  sont  très 
riches,  fertiles,  susceptibles  d'une  culture  étendue;  mais  leurs  princi- 
paux produits,  par  exemple,  les  graines  oléagineuses,  ne  peuvent  sup- 
porter les  énormes  frais  actuels  de  transport.  Par  le  fleuve  Chindé,  les 
bâtiments  d'un  déplacement  de  400  à  500  tonnes  pourront  passer  direc- 
tement de  l'Océan  au  Zambèze  et  au  Chiré  sans  transbordement  et  sans 
que  la  marée  y  mette  obstacle.  Le  gouverneur  général  de  la  prorince  de 
Mozambique  a  demandé  à  Lisbonne  l'autorisation  de  transporter  le 
siège  du  gouverneur  de  Quilimane  à  l'embouchm^e  du  fleuve  Chindé,  et 
prié  le  gouvernement  d'oi-donner  que  les  steamers  y  touchassent  à 
l'avenir. 

Le  Natal  Merairy  a  publié,  sur  le  pays  d'Oumzilay  les  renseigne- 
ments suivants  que  lui  a  fournis  un  explorateur  récemment  an-ivé  de 
cette  partie  des  possessions  portugaises  de  la  côte  orientale  d'Afrique. 
Il  s'embarqua  à  Lorenzo-Marquez,  sur  un  vapeur  de  la  ligne  Donald- 
Currie,  qui  y  touche  tous  les  mois,  et  en  descendit  à  Chiloane,  île 
dépendant  de  la  province  de  Mozambique,  d'oii  il  gagna  le  continent, 
pour  se  rendre,  avec  d'autres  voyageurs,  au  grand  kraal  d'Oumzila,  à 
300  kilom.  de  la  côte,  par  20°  lat.  sud.  Les  guides  et  le*?  porteurs  indi- 


*^-  -■/. 


—  167  — 

gènes  sont  faciles  à  se  procurer  au  prix  d'un  shilling  par  jour.  Le  pays 
que  Ton  traverse  en  quittant  la  côte  est  plat,  boisé,  bien  arrosé,  abon- 
dant en  gibier  :  lions,  panthères,  rhinocéros,  buffles,  zèbres,  et  toute 
Cvspèce  d'antilopes.  Sui*  toutes  les  rivières  nagent,  en  grand  nombre,  les 
oies  et  les  canards.  A  mesure  que  l'on  atteint  la  région  plus  élevée,  le 
gibier  disparaît  et  les  voyageui's  doivent  emporter  leurs  provisions  avec 
eux.  Le  climat  de  la  région  basse  est  rendu  très  insalubre  par  les  nom- 
breux marais  dont  elle  est  semée  ;  mais  lorsqu'on  approche  des  monta- 
gnes du  pays  d'Oumzila,  il  devient  meilleur.  Le  kraal  du  roi  est  situé  au 
delà  de  la  première  chaîne  de  montagnes;  quand  oii  y  arrive,  on 
voit  flotter  le  pavillon  du  Portugal  sur  la  maison  du  résident  portugais.  • 
La  population  blanche  ou  européenne  est  composée  du  résident,  d'un 
maître  d'école  et  de  deux  dames  qui  enseignent  dans  l'école  indigène. 
Gungunyane,  le  roi  actuel,  est  plus  favorable  aux  Portugais  qu'aux 
autres  Européens.  A  des  intenalles  réguliers,  il  reçoit  des  autorités 
portugaises  des  tributs  sous  fonne  de  présents,  consistant  essentielle- 
ment en  vins  et  spiritueux.  Néanmoins  il  reçoit  les  étrangei'S  d'une 
manière  très  hospitalière  ;  mais  ils  sont  censés  annoncer  leui*  arrivée  au 
résident  qui  obtient  pour  eux  une  entrevue  avec  Gungunyane.  Les 
kraals  sont  habités  par  les  tribus  shangaan,  indigènes  de  haute  taille, 
de  la  race  des  Zoulous,  qui  dominent  sur  les  autres  tiibus  côtière^s  du  voi- 
sinage. La  plupart  de  ces  dernières,  surtout  celles  des  montagnes,  doi- 
vent payer  au  roi  un  tribut  consistant  principalement  en  bestiaux  ;  le  bas 
pays,  infesté  par  la  tsétsé,  n'a  pas  de  bétail.  Le  roi  a  une  nombreuse 
armée  permanente,  divisée  en  deux  régiments,  disciplinée  et  équipée  à 
la  manière  des  Ma-Tébélé.  Quant  aux  explorateurs  et  aux  exploitations 
aurifères  dans  le  pays  d'Oumzila,  tous  ceux  qui  viennent  demander  au 
roi  des  concessions  sont  renvoyés  invariablement  au  représentant  du 
gouvernement  portugais.  Les  districts  qui  passent  pour  renfei-mer  le 
plus  de  gisements  aurifères  sont  situés  à  quelque  distance  au  nord  du 
gi'and  kraal.  Quoique  la  région  basse,  où  abonde  le  gibier,  soit  considé-  . 
rée  comme  très  insalubre,  les  chasseui-s  s'y  pressent  toute  l'année,  et, 
pourvu  qu'ils  demandent  l'autorisation  du  roi,  celle-ci  ne  leur  est  pas 
refusée.  Le  gi-and  nombre  d'hippopotames  et  de  crocodiles  rend  les 
rivières  dangereuses  à  traverser;  quelques-unes  d'entre  elles  sont  navi- 
gables sur  un  long  parcours  avec  des  bateaux  plats,  ce  qui  facilite  les 
relations  commerciales. 

Le  Dcdly  Independent  de  Kimberley  a  publié,  sur  le  pays  des  Ma- 
Tébélé,  une  lettre  qui  renferme  des  informations  très  utiles,  dans  ce 


^i^,# 


questiou  des  gisemeutâ  miniers  est  à  l'ordre  du  jour.  En 
»  pays  par  le  S.-O.,  on  rencontre  la  concession  Tati,  qui 
région  des  sources  de  la  Bomaquabane  et  de  la  rivière 
l'endroit  où  elles  rejoignent  la  rivière  des  Crocodiles.  Le 
fère  est  considérable  ;  le  filon  a  7"  de  lai^e,  et  s'il  est  aussi 
partie  inférieure  qu'à  la  surface,  ce  sera  le  filon  le  plus 
s  riche  qui  ait  été  découvert  en  Afrique.  D'après  le  uora- 
jies  exploitations  dans  le  voisinage,  on  doit  croire  que  cette 
ans  le  passé,  le  théâtre  d'une  activité  minière  prodigieuse, 
mines  de  cuivre  et  de  fer,  toutefois  c'étaient  les  exploita- 
.  qui  l'emportaient.  On  suppose  qu'elles  étaient  entre  les 
-Shoiia,  d'après  le  nom  qu'elles  portent  cncoi-e,  «  anciens 
lona.  »  Les  Ma-Sbona  sont  assez  industrieux  pour  avoir 
•eils  ti-avaux.  Ceux-ci  peuvent  aussi  avoir  été  entrepris  par 
ou  des  Ambes,  car,  à  quelque  distance  de  Tati,  sur  les 
)ayne,  se  trouvent  les  restes  d'un  foit  construit  exactement 
i  anciens  forts  mauresques  de  l'Afrique  septentrionale  ;  un 
)le,  se  voit  près  des  sources  de  la  même  rivière.  C'étaient 
des  places  formant  un  cordon  pour  la  protection  des  tra- 
L  qu'il  en  soit,  il  est  intéressant  de  voir  que  ce  pays  qui  est 
séjour  des  loups  et  des  chacals  a  t;u  autrefois  une  popula- 
déveJoppée.  II  y  a  une  grande  ressemblance  entre  les 
t,  sédimentaires  ou  de  roches  ctistallines  du  pays  des  Ma- 
is de  Barberton,  On  a  toute  chance  de  trouver  de  l'or 
is  les  montagnes  du  Ma-Shonaland.  Là  où  la  Shasbaiii 
formation  granitique,  l'or  apparaît  dans  toutes  les  cuvettes 
rivière.  Il  en  est  de  même  de  la  rivière  Ligouési,  et  près 
i  la  Tasbangani  à  l'est  d'Inyati.  Quand  le  pays  pourra 
bremenl  sans  iisquer  d'être  molesté,  on  sera  étonné  de  la 
re  qu'il  renferme.  Il  fournira  également  à  l'agriculture  un 
'exploitation.  Le  sol  en  est  extrêmement  riche,  et  propre 
ittui'es.  Il  convient  paifaitenient  au  tabac,  au  ri/,  au  café, 
toutes  les  céréales.  Les  natifs  cultivent  un  excellent  tabac, 
s  pi-océdés  impaKaits  de  culture  et  l'ignorance  des  indi- 
ie  préparation,  est  aussi  bon  que  le  tabac  de  Virginie,  et 
irticulier  dfl  au  sol  dans  lequel  il  croît.  Convenablement 
ouverait  quantité  d'amateui-s  dans  les  colonies  et  sur  le 
iidres.  Le  riz  cultivé  daus  le  pays  est  préféré  par  heau- 
mes il  celui  de  l'Inde.  Le  coton  croît  à  l'état  sauvage  et 


~' 


—  ifiy  — 

le  bté  cafre  produit  avec  abondance.  Les  Ma-Tébélé  gouvcruent 
Kataka,  leurs  esclaves,  avec  un  sceptre  de  fer  ;  ils  les  pillent  et  1 
selon  leur  bon  plaisir  ;  quand  les  Ma-Shona  apportent  leur  t 
bêches  au  roi,  si  celui-ci  ne  juge  pas  la  quantité  suffisante,  il 
massacrer.  Il  n'est  pas  permis  aux  Ma-Kalaka  d'avoir  des  beeti 
s'en  vont  par  centaines  chercher  de  l'ouvrage  à  Kimberley,  ma 
retour,  ils  deviennent  la  proie  des  Ma-Tébélé,  eux  et  les  biei 
peuvent  avoir  acquis  par  leur  industrie. 

Le  journal  B^iom  het/ond  a  reçu  d'un  correspondant  de  Bos 
formation  suivante  ;  «  Une  distillerie  de  Boston  s'est  engagée 
trat  à  fabriquer  3000  gallons  de  pham  par  jour,  pendant  sept  a 
une  maison  de  commerce  anglaise  qui  l'envoie  au  Congo.  »  Â  ; 
de  travail  par  an,  ajoute  le  joui-nal,  cela  fait  annuellement, 
gallons  de  rhum,  soit  en  tout  6,300,000  dont  chacun  suffit  pou 
pendant  un  certain  temps  une  douzaine  d'hommes  !  L'imaginati 
stupéfaite  en  pi-ésence  des  maux  que  ce  seul  contrat  causera  à  1' 

Les  ingénieurs  chargés  de  l'étude  du  projet  de  chemin  d 
construire  au  Congo,  ont  terminé  le  travail  des  devis,  et  ils 
connaître  les  résultats  de  leur  travail  dans  une  séance  extrao 
de  la  Société  de  géogi'aphie  d'Anvers.  Ils  estiment  que  le  coût 
treprise  sera  de  25  millions  de  francs,  suffisant  pour  construire 
acheter  le  matériel  roulant,  couvrir  les  frais  généraux  et  les  fn 
ploitation  des  premiers  mois  et  servir  aux  actionnaires  les  int 
leurs  titres  pendant  la  période  de  construction.  Celle-ci  est  éva 
eux  h  quatre  années.  La  longueur  totale  de  la  ligue  sera  de  '. 
mètres  à  partir  de  Matadi,  point  tei-rainus  de  la  navigation  à 
jusqu'au  village  de  Ndalo,  un  peu  en  amont  de  Kinchassa,  sur 
ley-Pool.  La  voie  sera  à  écartement  de  0",75  avec  un  maxii 
pente  de  47  "/^  seulement  dans  la  première  partie  ;  partout 
les  pentes  n'atteignent  jamais  plus  de  35  '°i\^  ;  les  courbes 
rayons  qui  ne  descendront  jamais  au-dessous  de  50  mètres. 

La  force  publique  de  l'ÊtnC  Indépendauit  du  Cong 
par  décret  du  roi  souverain,  se  compose  de  la  force  publique  ri 
de  la  milice  indigène  et  de  la  troupe  auxiliaire.  A  la  première  ap 
nent  huit  compagnies  actives  ayant  chacune  leur  quartier  gêné 
et  ayant  pour  mission  principale  le  maintien  de  l'ordre  et  l'oci 
effective  de  leur  district. 

La  première  a  pour  quai-tier  principal,  Boma; 

La  deuxième,  Loukoungou  ; 


V-^WUflf-  I 


—  170  — 

La  traisième,  Léopoldville  ; 

La  quatrième  et  la  cinquième,  sur  le  haut  Saukourou  ; 

La  sixième,  Baûgala  ; 

La  septième  et  la  huitième,  au  coufiueiit  de  l'ÂrouQUimi  et  au  poste 
des  Stanley-Falls. 

Outre  ces  compagnies,  il  sera  ci"éé,  dans  cei-taina  districts,  des  corps 
permanents  de  milices  indigènes,  dont  l'organisation  sera  laissée  à  l'ini- 
tiative des  commandants  de  la  force  publique  qui  devront  tenir  compte 
des  usages  des  tribus  indigènes.  Lorsque  la  sécurité  publique  l'exigera, 
tout  le  personnel  de  l'État,  tant  fonctionnaii-es  que  travailleurs,  pourra 
être  i-equis  de  prendre  les  armes,  comme  troupe  auxiliaire  soumise  aux 
lois  et  règlements  militairet^  pendant  toute  ta  durée  de  la  réquisition. 

Le  gouvernement  de  l'État  indépendant  du  Congo  a  décidé  la  créa- 
tion de  deux  camps  fortiflén  dans  la  partie  onentale  de  son  terri- 
toire. Ils  sont  destinés  à  servir  de  ba^e  à  l'établissement  de  stations 
secondaires  permettant  d'étendre  graduellement  l'influence  de  l'État, 
de  garantir  la  sécurité  des  voyageurs  scientitiques,  des  missionnaims  et 
des  agents  des  maisons  de  commerce,  et  aussi  de  faciliter  l'occupation 
elîective,  de  plus  en  plus  complète,  de  ces  districts  lointains,  voisins  des 
frontières  de  l'est.  Le  premier  sera  établi  sur  l'ArauuNlmi.  Le  lieu- 
tenant Vankerkhoven,  chargé  de  l'installer,  a  organisé  une  expédition 
d'avant-garde  qu'il  a  conduite  jusqu'à  Oupoto,  oU.  par  des  palabre»  avec 
les  chefs  indigènes,  il  a  afl'ermi  l'iatluence  de  l'État.  L'effectif  du  camp 
sera  d'environ  600  hommes,  divisés  en  deux  compagnies,  et  d'une  sec- 
tion d'artillerie.  Le  camp  sera,  en  outre,  pourvu  d'un  steamer  armé. 
Par  là,  la  sécurité  du  fleuve  sera  apurée,  et  les  indigènes  paisibles  seront 
mis  à  l'abri  des  vexations.  Le  second  camp  sera  établi  sur  le  Sankov- 
roo,  et  jouera,  plus  au  sud,  le  môme  l'Ole  que  celui  de  l'Ârououimi.  Il 
fera  face  à  la  région  du  haut  Lomami  et  à  celle  du  Katanga.  Sa  ganii- 
son  sera  de  même  force  que  celle  du  camp  de  l'Aronouimi  ;  il  aura  éga- 
lement à  sa  disposition  un  steamer  armé  qui  lui  permettra  de  surveiller 
les  rives  du  Sankourou  et  de  see  tributaires. 

Avant  de  quitter  le  Congo  françala,  l'année  dernière,  M.  Savor- 
gnan  de  Brazza  avait  chargé  M.  Cr&mpel  de  reprendre  le  projet  d'ex- 
ploration que  son  frère,  Jacques  do  Bra^tza,  n'avait  pu  exécuter  complète- 
ment, savoij'  de  remonter  de  Madiville,  sur  l'Ogôoué,  vers  le  nord,  k 
travers  le  pays  inconnu  des  M'Fangs,  puis  de  regagner  la  côte  occi- 
dentale entre  les  rivières  Benito  et  Campo.  M.  Crampe!  partit  In 
12  août  1888,  avec  une  ti-eiitaine  de  Loangos  et  d'Adouiuas,  portant  dix 


—  171  — 
charges  de  inarchaudiiies  :  étoffes,  perles,  set,  poudi-e,  couteaux.  Aucutt 
blanc  ue  l'accompagnait  ;  deux  iudigèues  sénégalais  seuleoieiit  et  lui 
étaieut  ai-méa  de  fusils,  l'exploration  devaut  avoir  un  caractère  tout 
pacifique.  Dès  qu'on  a  traversé  la  ligne  de  villages  qui  borde  l'Ogôoué, 
le  pays  devient  désert  et  ue  recommencekèt  repeuplé  qu'à  uiie  centaine 
de  kilomètres  de  la  rïvière.  Chacun  des  chefs  indigènes  tint  à  honneur 
de  l'ecevoii-  le  premier  blanc  qui  traversait  sou  teriitoire.  A  120  kilom. 
de  Bôoué,  M.  Craœpel  rencontra,  le  1"  octobre,  la  rivière  Ivindo, 
énorme  affluent  de  l'Ogôoué  ;  il  visita  les  villages  des  deux  rives,  réunit 
les  chefs  batoka  de  la  rive  gauche,  puis  les  Ossyéba  de  la  rive  droite,  et 
conclut  avec  eux  des  traités  au  nom  du  Commissaire  général  français. 
Remontant  ensuite  l'Ivindo,  qui  vient  du  nord,  il  poussa  des  reconnais- 
sances &  l'est  et  à  l'ouest  et  découvrit  la  rivière  N'Tem,  dont  le  nom  était 
connu  k  la  côte,  sans  qu'aucun  Ëui'opéeu  l'eût  jamais  vue.  Il  arriva 
ensuite  chez  les  M'Faugs,  nommés  Pahouius  par  les  gens  de  la  côte,  et 
traita  avec  les  principaux  chefs,  qui  lui  demaudèi-ent  mstammeut  qu'un 
poste  français  fût  établi  dans  leur  région,  pour  garantir  la  sécurité  des 
transactions.  La  marche  de  la  caravane  devint  très  difficile  ;  elle  avau- 
^it  péniblement  dans  l'aii'  surchauffé  des  forêts,  presque  sans  jamais 
apercevoir  le  ciel;  à  chaque  instant  elle  devait  traverser  des  marais  ;  la 
nourriture  devenait  rare;  les  M'Faugs  sont,  en  effet,  beaucoup  plus 
misérables  que  les  Batoka;  les  poiteurs  ne  pouvaient  plus  se  faire  com- 
prendre des  natifs.  Bientôt  les  Loangos,  opposant  la  forée  d'inertie  aux 
sollicitations  de  l'explorateur,  i-efusèreiit  de  marcher,  se  couchèrent  et 
demandèrent  à  redescendre  l'Ivindo.  De  guerre  lasse,  M.  Crampel  dut 
se  résoudre  iv  tes  laisser  camper  avec  les  bagages  sous  la  garde  des  Séné- 
galais et  il  pai-tit  avec  douze  Adoumas,  se  dirigeant  vei's  l'est  oh,  disaient 
les  indigènes,  devait  être  un  gi-and  lac.  Il  rencouti-a  d'aboi-d  la  tribu  des 
Sagaya,  peuplade  naine,  puis,  un  peu  après,  une  rivière,  la  Djah,  dont 
les  eaux  occupent  un  lit  immense  et  n'ont  pi'esque  pas  de  courant.  Il 
était  à  la  limite  des  M'Fangs,  près  des  N'Jimas,  qui  doivent  se  trouver 
«n  contact  avec  les  premières  peuplades  musulmanes.  Il  désirait  beau- 
coup ramener  un  indigène,  et  demanda  aux  chefs  une  de  leurs  filles, 
comme  gage  de  leurs  dispositions  amicales.  Après  trois  mois  de  pourpar- 
lers, tous  les  chefs  se  réunirent  dans  un  grand  palabre  et  M.  Ci-ampel 
fut  invité  à  choisir  pour  femme  une  de  leurs  filles.  Il  en  prit  une  qm 
paraissait  Âgée  de  neuf  ans,  fille  du  chef  le  plus  puissant,  Eyegueh;  elle 
le  suivit  sans  difficulté  lorsqu'il  partit  pour  rejoindre  les  Loangos  et  les 
Sénégalais  laissés  au  campement.  Cette  fois,  il  réussit  à  décider  ses  hom- 


—  172  — 

mes  à  reprendre  la  marche  vers  l'ouest,  en  ligne  directe  vers  la  côte. 
Mais  bientôt  la  marche  dans  la  forêt  et  dans  les  marais  épuisa  ses  por- 
teurs, qui  refusèrent  de  nouveau  d'avancer.  Alors  il  fit  construire  huit 
radeaux  pour  descendre  la  rivière  Komm  jusqu'à  son  confluent  avec  la 
N'Tem.  Les  M'Fangs,  qui  connaissaient  les  attaques  des  Allemands  du 
Cameroun  contre  leurs  tribus  du  nord,  criu^ent  que  M-  Crampel  était  un 
ennemi  qui  venait  les  prendre  à  revers.  Ds  lui  tendirent  des  embuscade*, 
tirèrent  sur  les  radeaux  qui  descendaient  la  rivière,  tuèrent  un  Loango 
et  un  Sénégalais  ;  le  1"  février  dernier  M.  Crampel  se  vit  abandonné 
par  ses  porteurs  ;  lui-même  fut  atteint  par  deux  coups  de  feu.  D  réussit 
à  persuader  les  hommes  qui  lui  restaient  de  quitter  la  rivière,  et  parvint 
ainsi  à  rompre  le  cercle  des  ennemis  qui  l'entouraient  ;  mais  alors  ceux- 
ci  se  lancèrent  à  sa  poui*suite  ;  il  dut  se  sauver  à  travers  un  pays  com- 
plètement inconnu,  marchant  en  pleine  forêt,  traversant  les  rivières  à 
l'aide  de  lianes,  les  marais  au  moyen  de  ponts  improvisés  ou  en  se  mouil- 
lant jusqu'au  cou.  A  mesure  qu'il  s'avançait  vers  la  côte,  il  rencontra 
des  populations  moins  hostiles.  Le  3  mars  il  arrivait  à  Bâta,  par  2**  latit. 
nord,  à  peu  près  à  égale  distance  des  embouchures  du  Campo  et  du 
San-Benito  ;  là,  il  prit  passage  sur  un  bateau  anglais  qui  le  ramena  en 
Kurope,  avec  la  petite  Pahouine  qii'il  avait  sauvée  des  mains  des 
M'Fangs.  Elle  a  un  type  très  curieux  et  porte  des  ornements  en  poil  de 
queue  d'éléphant  passés  dans  le  cartilage  du  nez,  qui  forment  comme 
une  double  moustache  ;  la  partie  supérieure  du  visage  est  tatouée. 


NOUVELIiES  COMPLÉMENTAIRES 

L'Algérie  envoie  en  ce  moment  des  quantités  considérables  démontons  à  Marseille. 
Un  seul  jour,  dit  le  Sémaphore,  quatre  vapeurs,  porteurs  de  1400  moutons  environ, 
chargés  à  Oran  et  Arzew,  ont  été  débarqués  sur  lés  quais,  pour  être  dirigés  en 
grande  partie  sur  Paris. 

L'exportation  des  vins  d'Algérie  s'est  élevée  en  1888,  à  1,328,000  hectolitres; 
celle  de  1887  n'avait  atteint  que  784,000  hectolitres.  C'est  donc  une  augmentation 
annuelle  de  plus  de  500,000  hectolitres. 

n  est  question  de  constituer  une  société  en  vue  de  cultiver  en  grand  le  ricin  en 
Algérie.  Cette  plante  est  d'une  venue  facile,  mais  il  y  aurait  à  créer  des  usines  i 
huile  de  ricin. 

En  reconnaissance  des  services  rendus  par  notre  concitoyen,  M.  Edouard  Naville, 
à  VEgypt  expîoratian  Fund,  cette  Société  a  fait  don  à  la  ville  de  Genève  d'une 
statue  en  granit  noir  de  Rhamsès  U,  choisie  parmi  les  objets  de  sculpture  tn* 
cienne  découverts  par  M.  Naville  dans  les  ruines  du  grand  temple  de  Bnbastis. 


—  173  — 

Le  gouTernement  égyptien  se  propose  de  co 
téaeau  de  Toiee  ferrëea,  plusieurs  lignes,  d'une  1( 
eoTiron,  et  un  pont  sur  le  Nil,  au  Caire,  de  600 
travée  tournante  pour  la  navigation. 

Le  sultan  Mandara,  de  Moschi,  dans  la  région 
ambaBsadeaugDUTernementdereinpirealleniand 
dernière,  aTait  atteint  le  Kilimandjaro,  a  couduit 
embarquée  pour  l'Allemagne.  Elle  est  arrivée  i 
entre  autres  présents,  une  défense  d'éléphant  pe 

D'après  la  Staaten  Correspondem  de  Berlin,  1 
le  camp  retranché  de  Bouchiri  près  de  Bagamo; 
avec  celui-ci  an  traité  de  paix  définitif. 

Les  Européens  que  Bouchiri  retenait  prisouni 
Kilimandjaro,  plusieurs  miaaionnairescatholiqneE 
naire  anglais,  ont  été  relâchés  moyennant  une  ra 

Le  ministre  du  commerce  français  a  informi 
France  et  d'Algérie  d'un  projet  d'exposition  à  Ti 
français,  et  sollicité  dos  manufacturiers  un  cata 
exposer. 

Deux  Compaguies  minières  se  sont  formées  t 
«oncessionfi  dans  la  région  du  Zambèze,  en  terri 
(Sofala)  Concessions  Company  (Limited),  l'auti 
Company  (Limited)  ;  le  capital  de  fondation  de  c 
sterling. 

Le  journal  Districto  dt  Louretuo-Marques  ai 
Autrefois  établi  aux  Açores,  actuellement  à  Moz 
-créer  des  plantations  de  tabac  dans  les  distri 
Marquez.  Le  tabac  qui  croit  dans  le  Mozambiqui 

Après  avoir  conclu,  au  nom  du  Portugal,  des 
«t  rois  des  rives  orientales  du  lac  Naysaa  entre  I 
Cardozo  est  revenu  à  la  cAte.  Quelques-uns  de  < 
pour  signer  les  actes  d'obéissance  au  gouver 
d'Angleterre  a  signé  comme  témoin  les  actes  dt 
indigènes  du  Nyasaa. 

D'après  une  déclaration  de  M.  Bairos  Gomi 
Lisbonne,  le  lieutenant  Léal  construira  nne  ré 
Nyaasa,  mr  les  terres  du  chef  indigène  Uigorde 

La  province  de  Mozambique  aura  bientôt  à  s< 
vapeur  :  un  remorqueur  pour  Lorenzo-Marquez,i 
le  fleuve  Mapnto,  un  troisième  pour  le  Chiréetle! 
bèze.  Ces  derniers  seront  montés  à  Quilimane.  D 
par  les  paquebots  de  la  Castle  Mail,  le  trois 
KÎnsi  que  celui  qui  est  destiné  au  Maputo. 


*  . 


—  174  — 

Les  deux  républiques  du  sud  de  l'Afrique  ont  conclu  un  traité  d'alliance  aux 
termes  duquel,  en  cas  de  guerre,  les  deux  États  se  prêteront  un  mutuel  appui.  En 
outre,  ils  s'engagent  h,  abolir  les  droits  d'entrée  à  leurs  frontières  respectires. 
Enfin  le  Transvaal  n'accordera  aucune  concession  de  chemin  de  fer  sans  aToir 
obtenu  le  consentement  de  son  allié. 

VAgrieultural  Journal  annonce  que,  pour  prévenir  l'extinction  de  certainea 
espèces  d'antilopes,  la  De  Beer's  Consolidated  Mines  Company  a  fait  acheter  la. 
ferme  de  Kenilworth,  dans  le  Griqualand  West,  où  elle  en  gardera  pour  les  élever 
et  les  faire  servir  h  la  reproduction. 

On  vient  d'essayer  à  Durban  la  première  locomotive  construite  de  toutes  pièces 
dans  la  colonie  de  Natal.  Elle  sort  des  ateliers  des  chemins  de  fer  du  gouverne- 
ment. Ce  n'est  que  le  début  d'une  série  de  constructions  de  machines  semblables. 

M.  Vital  de  Canto,  propriétaire  à  Mossamédès,  a  fait  des  essais  de  culture 
d'olivier  ;  ses  arbres  ont  donné  l'année  dernière  d'excellents  fruits,  dont  il  a  fait 
une  bonne  huile. 

Un  chemin  de  fer  de  25  kilomètres  va  être  construit  entre  Benguela  et  Catum- 
bella.  Le  gouvernement  portugais  a  voté  à  cet  effet  un  subside  de  4  millions  de 
piastres. 

Les  nouveaux  services  maritimes  entre  la  France  et  la  c6te  occidentale  d'Afrique 
ont  été  adjugés,  l'un,  la  ligne  de  Marseille  au  Congo,  à  la  Compagnie  Fraissinet,  le 
second,  la  ligne  du  Havre  au  Congo,  à  la  Compagnie  des  Chargeurs-Réunis.  Le 
steamer  de  cette  ligne  qui  inaugurera  le  service  du  Havre  au  Congo  aura  parmi 
ses  passagers  M.  Savorgnan  de  Brazza  qui  doit  retourner  à  son  poste. 

Nous  donnons  sous  toutes  réserves  la  nouvelle  suivante,  publiée  par  les  journaux 
anglais,  mais  dont  nous  n'avons  pu  jusqu'ici  vérifier  l'exactitude:  A  la  suite  de 
démêlés  entre  les  indigènes  de  Porto-Novo  et  ceux  du  Dahomey,  le  souverain  de 
ce  dernier  État  a  envoyé  une  députation  au  gouverneur  anglais  de  Lagos  pour 
demander  que  le  Dahomey  fût  placé  sous  le  protectorat  de  la  Grande-Bretagne. 

M.  le  capitaine  Binger  est  rentré  en  France,  après  avoir  passé  quelques  jour& 
à  Grand-Bassam,  pour  se  remettre  des  fatigues  de  son  exploration  du  Niger  à  la 
côte  de  Guinée.  Il  revient  riche  de  documents  sur  une  contrée  marquée  encore  en 
blanc  sur  nos  cartes.  Il  a  signé  de  nombreux  traités  avec  les  rois  des  pays  qu'il 
a  parcourus,  ce  qui  permettra  de  relier  plus  tard  les  possessions  de  la  France  sur 
le  haut  Sénégal  et  le  haut  Niger  avec  les  comptoirs  français  de  Grand-Bassam  et 
d'Assinie. 

Depuis  l'annexion  du  territoire  de  Sulymah  à  la  colonie  anglaise  de  Sierra- 
Leone,  les  habitants  de  Mendeh  se  faisaient  remarquer  par  leurs  habitudes  de 
déprédations  sur  les  territoires  voisins.  Une  expédition  a  été  dirigée  contre  eux;, 
les  troupes  anglaises  ont  rasé  la  ville  et  délivré  8000  prisonniers  provenant  de& 
territoires  de  Boom,  de  Eittim  et  de  Gallina. 


CHRONIQUE  DE  L'ESCLAVAGE 

Une  lettre  de  Sir  Evelyu  Bariiig  à  i'Antislavery  Society,  sur  Tofluvre 
du  HoMie  pour  les  femnieB  eaclKves  libérées  au  Caire,  con- 
tinue pleinement  les  renseigaeroeuts  que  M.  Ed.  Naville,  président  du 
Comité  auti-esclavagiste  suisse,  a  adressés  à  ce  dernier,  et  qui  ont  été 
publiés  dans  le  premier  numéro  du  Bulletin  de  la  Société.  Nous  lui 
empruntons  ce  qui  suit  :  «  Il  ne  peut  rien  y  avoir  de  plus  efficace  pour 
faire  disparaître  l'esclavage  domej^tique  en  Égiiite  que  de  fournir  aux 
familles  égyptiennes  respectables  la  possibilité  de  se  procurer  des  ser- 
vimtea  libres.  C'est  ce  que  fait  le  Home.  Mrs  Shakoor,  secrétaire  de 
l'institution,  a  constaté  que  les  demandes  de  servantes  dépas.sent  le  nom- 
bre que  te  Home  peut  fournir.  Non  seulement  l'institution  est  populaira 
parmi  les  esclaves  libérées  qui  en  ont  profité,  mais  elle  a  toujours  eu 
l'appui  eoiflial  du  khédive,  et  loin  d'exciter  aucune  hostilité  parmi  la 
population  musulmane  du  Caire,  elle  est  souvent  considérée  comme  très 
utile  en  tant  que  l'on  peut,  par  son  intermédiaire,  se  procurer  d'hon- 
nêtes servantes.  11  est  important  pour  le  succès  de  l'œuvi-e  qu'elle  con- 
tinue à  jouir  de  cette  bonne  réputation,  ce  qui  ne  manquera  pas  d'anî- 
ver  aussi  longtemps  qu'elle  sera  diiigée  dans  le  même  esprit.  Les 
dépenses  de  Tannée  dernière  se  sont  élevées  à  405  liv.  sterl.,  dont  le 
gouvernement  égyptien  a  donné  22T  liv.  sterl;  50  liv.  stei-i.  ont  été 
remises  à  la  mission  américaine  qui  a  généreusement  consenti  à  se  char- 
ger de  quelques  jeunes  filles  chrétiennes  d'Abyssinie  qui  avaient  cherché 
un  refuge  dans  le  Home. 

La  Deutxche  Kolonialzeiinwf  écrit  que  quoique  les  Senoflsi  ne 
condamnent  pas  l'institution  de  l'esclavage,  ils  déclarent  néanmoins  le 
tratic  des  noirs  contraire  au  Coran  et  délivrent  ceux-ci  des  mains  des 
trafiquants  d'esclaves  lorsqu'ils  en  renconti-ent.  Derniéi-ement  le  eheik 
des  Senoûst  aurait  libéré  plusieui-s  grandes  mravanes  d'esclaves. 

Comme  Zanzibar,  l'Ile  de  Pemba  est  en  grande  partie  plantée  de 
girofliers,  dont  l'entretien  ne  demande  que  peu  de  culture,  mais  la 
cueillette  des  girofles  réclame  beaucoup  de  bras,  n  D'après  un  calcul 
fait  avec  des  Arabes,  »  dit  le  Bulletin  de  la  Société  auti-esclavu^iste  de 
France,  «  il  faut'  en  moyenne  une  personne  par  vingt  girofliers ,  une 
propriété  de  Pemba  peut  donc  occuper  de  :>(X*  à  600  esclaves.  Plusieurs 
propriétaires  de  l'tle  en  ont  ce  nombre.  Les  Arabes,  qui  ont  bien  soin  de 
dire  que  les  esclaves  succombent  vite  sous  le  climat  de  Zanzibar  et  sur- 


—  176  — 
iba,  so  croiraient  ruinés  s'ils  étaient  obligés  de  payer  des 
idaiit  les  trois  ou  quatre  mois  que  dure  la  récolte  des  gii-o- 
Fèrent  les  esclaves  ;  plus  ils  en  ont,  plus  ils  sont  considérée. 
■s  ports  de  la  côte  reçoivent  des  esclaves  ;  ce  commerce  y  est 
nt  autorisé,  au  point  qu'un  marchand  peut  avoir  recoui-s  à 
our  faire  rechercher  un  esclave  fugitif.  Les  négriers  ou  les 
esclaves  font  leui-s  achats  panni  les  caravanes  qui  arrivent 
ir.  Un  nègi-e  de  8  à  14  ans  se  vend  environ  80  fr.  ;  de  15  â 
ron  150  fr.  Les  jeunes  négresses  sont  plus  recherchées  et 
lus  .élevé. 

Itaine  du  boutre  sait  le  nombre  de  têtes  qu'il  faut  pour  sou 
;  Il  embarque  son  troupeau  au  moment  où  la  marée  basse  a 
itre  il  sec,  ce  qui  lui  permet  de  travailler  plus  à  son  aise  à  Sii 
-es  récalcitrants  sont  amarrés  solidement  à  une  travei-se  de 
on,  les  mains  attachées  derrière  le  dos.  Ces  pauvres  gens 
îcroupir  au  fond  du  boutre,  oii  l'odeur  de  l'eau  corrompue  est 
oi-table,  quand  on  prend  les  soins  de  propreté.  La  marée 
letle  bateau  à  flot  ;  alors  tous  ces  esclaves  sont  secoués  les 
les  autres  ;  ils  sont  ti-op  serrés  pour  pouvoir  non  seulement 
mais  même  s'asseoir  et  changer  de  place  ;  dans  cette  posi- 
!,  le  mal  de  mer  ne  tarde  pas  Ji  les  abattre,  et  il  faut  renon- 
■e  le  spectacle  de  ce  fumier  vivant.  Les  horreurs  du  voyage 
k'ées  daus  la  mémoire  de  ces  nègres  pendant  toute  leur  vie  ; 
jst  hanté  d'épouvantables  cauchemars,  et  ils  croient  toujours 
bruit  sourd  que  pniduit  !a  chute  du  cadavre  d'un  esclave 
,  car  la  mort  fait,  là  aussi,  sa  razzia.  A  l'arrière  dii  boutre  se 
lanchei-  de  6'"  à  T"  cari-és  oii  se  tiennent  le  capitaine  et  les 
'est  là  que  se  prépare  la  maigre  pitance  des  esclaves  pour  les 
e  mourir  de  faim  <)nBi)(l  i^  voyage  se  prolonge  ;  elle  consiste 
■y  de  sorgho,  de  maïs  et  de  haricots  indigènes  qu'un  matelot 
i-es  esclaves  qui  ont  la  force  de  manger. 
e  les  boutres  sont  poursuivis  par  un  croiseur,  si  les  négriers 
l  que  quati-e  ou  cinq  esclaves,  ils  les  ligottent,  leur  attachent 
lux  pieds,  et  les  jettent  à  la  mer,  oii  ils  tombent  vivants  dans 
'.s  requins  habitués  à  suivre  la  trace  de  ces  sinistres  convois, 
ent  faire  sa  visite,  et  ne  trouve  que  des  matelots  sous  les 
Arabe,  tous  l'air  innocent  et  tranquille.  «  Dei<  esclaves  !  » 
nous  n'avons  jamais  l'habitude  d'en  transporter;  ah!  nous 
que  c'est  défendu  de  porter  des  esclaves  !  w  Le  tour  est  joué; 


L 


—  177  — 
quant  à  la  pei-te,  ils  la  i-éparerout  un  autre  jour.  Ou  bien,  quand  le 
bouti-e  est  chaîné  de  cent  k  cent  cinquante  esclaves,  il  peut  arrivei-  que 
le  capitaine  se  rende  sans  résistance;  dans  ce  cas,  il  est  mis  en  prison, 
les  esclaves  sont  libéi-és,  et  le  boutre  mis  eu  pièces  sui-  le  rivage.  Si,  au 
contraire,  les  négriers  se  décident  à. résister,  ils  arment  leui-s  matelots, 
font  semblant  de  vouloir  se  rendre  ;  puis,  quand  le  croiseur  est  proche,  il 
reçoit  toute  une  bordée  et  alors  s'engage  un  combat  souvent  terrible. 
Pendant  l'abordage,  les  pauvres  esclaves  ue  sont  pas  sans  en  recevoir 
.  les  éclaboussures  ;  il  arrive  quelquefois  que,  soit  pour  éviter  les  coups. 
soit  par  peur  des  Européens,  on  leur  fait  croii-e  que  Ic-i  Eui-opéens  cher- 
chent les  esclaves  pour  les  égorger,  ils  s'entassent  tous  du  même  côté  et 
font  chavirer  le  boutre.  Un  jour,  après  uu  aceideut  pareil,  les  marins 
anglais  firent  une  pêche  de  nègres;  plus  de  50  de  ceux-ci  se  noyèrent 
malgré  le  sauvetage,  u 

A  Z»Dzibar,  beaucoup  de  Wangouanas  qui  ont  été  esclaves,  oiit 
(les  esclaves  ii  leur  tour.  Le  Mngouana  —  mot  qui  signifie  libre  et  civi- 
lisé —  est  une  des  plaies  de  la  ville  et  de  rintérieur.  Fier  de  sa  liberté, 
sans  pitié  pour  les  esclaves,  il  emploie  tous  les  moyens  pour  s'en  pi-oeu- 
rer;  c'est  par  eux  qu'il  se  fait  entretenir  pendant  qu'il  s'adonne  au  jeu, 
à  la  boisson  des  liqueurs  fortes  et  à  la  débauche.  Non  seulement  les 
coups  ne  sont  pas  épargnés  à  l'esclave,  mais  encore  son  maîtres  emploie 
des  entraves  de  fer  que  l'esclave  doit  soutenir  avec  uue  corde,  s'il  veut 
faire  quelques  pas  sans  s'écorcber  les  chevilles  avec  les  anneiiux  en  fer  : 
on  rencontre  même  des  jeunes  négresses  qui  ont  des  entraves.  Les 
enfants  sont  quelquefois  condamnée  ti  traîner  pendant  des  mois  et  des 
années  un  gros  morceau  de  bois  i*ivé  à  la  jambe  pai"  une  chaîne.  Poui* 
marcher,  l'esclave  doit  porter  devant  lui  le  morceau  de  bois,  car  la 
chaîne,  trop  courte,  ne  lui  permet  pas  de  le  porter  sur  l'épaule.  C'est 
surtout  lorsqu'il  prend  la  fuite  que  le  châtiment  est  terrible.  A  la 
recherche  du  fugitif,  h?  Mngouana  s'elîorce  de  garder  sa  dignité,  en 
public;  mais  une  fois  qu'il  l'a  arrêté,  il  fait  pleuvoir  sur  lui  les 
coups  de  ta  badine  qui  l'ait  partie  de  son  costiune.  Puis,  dans  la  case, 
ta  correction  recommence  de  plus  belle,  sans  que  les  cris  du  malheureux 
puissent  attendrit-  son  bouiTeau,  qui  le  condamne  ensuite  aux  entravées 
pendant  un  an  ou  deux.  Il  est  de  bon  ton  chez  les  Wangouanas  de  pos- 
séder des  négresses  esclaves  comme  concubines,  ce  qui  augmente  encore 
la  corruption  de  Zanzibar. 

Chez  les  Arabes,  dans  une  pièce  obscure  de  leui-s  belles  maisons  en 
pierre,  se  trouve  l'instrument  du  supplice  appelé  mkatalé,  dans  lequel 


—  178  — 

les  pieds  de  trois,  quatre  ou  ciuq  esclaves  sont  emprisonnés  pendant  des 
mois  entiers.  Ce  sont  les  ceps  de  l'ancien  temps.  Au  dehors,  l'Arabe  est 
presque  toujours  accompagné  d'un  certain  nombre  d'esclaves  qui  ouvrent 
la  marche. 

Le  capitaine  F.-D.  Lugard  auquel  M.  Moir,  de  la  Compagnie  des  lacs 
africains,  avait  remis  ses  pouvoirs  en  quittant  le  Nyassa  pour  venir  en 
Angleterre,  a  adressé  au  Times,  de  Karonga,  au  N.-O.  dujlac  My»»«a, 
une  lettre  dont  nous  extrayons  ce  qui  suit  : 

La  bande  d'Arabes  qui  nous  a  attaqués  était  composée  d'hommes  éta- 
blis dans  le  pays  des  Ba-Senga,  à  l'ouest  du  lacNyassa  ;  mais  cette  tribu 
désavoue  tout  rapport  avec  ceux  qui  nous  ont  assaillis.  Les  esclavagistes 
de  la  côte  est  et  ceux  du  sud  se  déclarent  aussi  étrangers  à  ces  affaire*. 
Leur  neutralité  nous  paraît  provenir  de  la  crainte  de  représailles  de  la 
part  des  Anglais  ;  aussi  avons-nous  tous  pensé  qu'il  fallait  profiter  de 
l'abstention  de  ces  derniers  esclavagistes  pour  expulser  les  autres  et 
préserver  ainsi  cette  région  d'une  plus  grande  dévastation.  Si  la  situa- 
tion actuelle  se  prolonge,  le  prestige  des  Anglais  pourrait  être  compro- 
mis et  les  esclavagistes  ne  craindraient  plus  de  se  coaliser. 

L'expédition  fut  formée  en  mai  et  j'en  pris  le  commandement  ;  mais 
nos  adversaires  étaient  à  l'abri  derrière  des  retranchements  beaucoup 
plus  forts  que  nous  ne  pensions  et  nous  subîmes  un  échec.  La  maladie 
sévissait  parmi  nous  au  point  que  nous  ne  pouvions  rien  entreprendre  de 
nouveau  et  j'étais  moi-même  hors  de  combat  par  suite  de  mes  blessures. 
En  attendant  la  pièce  de  canon  qui  nous  était  promise,  nous  guerro)ions 
tant  bien  que  mal.  Le  canon  vient  enfin  d'arriver,  mais  ma  troupe  n'est 
actuellement  composée  que  de  huit  Anglais  dont  aucun  ne  peut  suppor- 
ter la  fatigue.  Chacun,  à  tour  de  rôle,  e^t  victime  de  la  fièvre  et  de  la 
«lysenterie.  Pour  servir  le  canon  et  le  défendi^e,  il  faudrait  au  moins  la 
moitié  de  nos  blancs,  et  nos  300  indigènes  sont  inutiles  s'ils  ne  sont  pas 
conduits  par  des  blancs.  Il  y  a  assez  d'indigènes  ;  300  sont  armés  de  Sni- 
dors,  et  de  revolvers  ou  de  carabines  ;  nous  aurions  au  premier  signal 
GOOO  hommes  armés  de  lances,  mais  aucun  n'irait  jusqu'aux  retranche- 
ments des  Arabes  s'il  n'est  conduit  par  un  blanc  et,  en  cas  d'assaut» 
nous  ne  serions  suivis  que  par  un  très  petit  nombi'e.  Voici  la  saison  des 
pluies  torrentielles  qui  fait  soutt'rir  nos  malades.  L'herbe  a  poussé  si 
épaisse  et  si  haute  que  cela  rend  difficile  l'emploi  de  notre  canon.  Depuis 
peu,  un  Arabe  de  la  côte  est  a  déclaré  son  intention  de  se  joindre  à  nos 
ennemis  et  leur  a  envoyé  un  grand  boutre  chargé  de  combattants  et, 
dit-on,  même  un  petit  canon. 


—  179  — 

J'étais  justement  à  l'eudmt  qu'il  avait  choisi  pour  débarquer  ;  mon 
attaque  nocturne  a  tué  ou  blessé  mortellement  la  moitié  de  ses  hommes 
et  leur  chef;  le  boutre  a  été  coulé.  Les  Arabes  Senga  ont  probablement 
aidé  secrètement  à  ceux  qui  nous  combattaient.  A  rai'rivée  de  l'envoyé  du 
sultan  de  Zanzibar,  qui  était  venu  leur  ordonner  de  cesser  la  guerre  et 
de  quitter  le  pays,  on  a  remarqué  l'absence  des  Arabes  Senga  et  nous 
craignons  qu'ils  ne  se  déclarent  maintenant  ouvertement  contre  nous. 

Devant  de  telles  difficultés,  il  semble  ridicule  que  quelques  hommes 
malades  s'obstinent  à  lutter,  mais  l'issue  est  des  plus  importantes,  car 
il  s'agit  de  maintenir  la  sécui'ité  des  Anglais  et  des  missions  dans  ce 
pays  et  aussi  d'empêcher  l'extension  du  commerce  des  esclaves.  .  *i%^ 

Le  but  des  esclavagistes  est  de  former  sur  toute  la  côte  ouest  du  lac 
une  coalition  encore  plus  foimidable  que  celle  qu'ils  ont  réussi  à  fonner 
à  l'est.  L'esclavagiste  le  plus  célèbre  ici,  Jurabé,  à  Kota-Kota,  occupe 
une  position  isolée  sur  la  côte  ouest  par  environ  13°  lat.  sud.  A  mi- 
chemin  entre  lui  et  notre  station  de  Karonga,  il  y  a  un  bac  à  Deep-Bay  ; 
ce  fut  là  que  j'attaquai  le  boutre  susmentionné.  Depuis  longtemps, 
Jumbé  veut  établir  un  fort  près  de  Bandaoué,  station  missionnaire  par 
12'  lat.  sud.  Les  hommes  contre  lesquels  nous  nous  battons  veulent 
élever  des  retranchements  à  Deep-Bay  (route  des  esclaves),  et  aussi  à 
Karonga.  Ainsi,  toute  la  côte  ouest  serait  entre  leurs  mains.  Les  Anglais  ,     :  >  .;* 

ont  des  stations  de  missions  tout  le  long  de  cette  côte  :  une  dans  le  pays 
de  Chikousé  ;  une  autre  était  au  cap  Maclear;  malgré  l'abandon  de  cette 
station,  l'influence  des  missionnaires  y  subsiste  encor  e  ;  les  écoles  res- 
tent ouvertes  et  il  y  existe  un  dépôt  foioné  par  la  Compagnie  commer- 
ciale. Notons  encore  Bandaoué,  station  principale  de  la  mission  de  l'Église 
libre,  et  aussi  une  station  dans  l'intérieur  du  pays  des  Augoui,  enfin  Ka- 
ronga qui  appartient  à  la  Compagnie  des  lacs.  Il  y  a  un  mouvement  con* 
tinuel  d'allées  et  de  venues  de  chasseurs  et  de  voyageurs  qui  fait  con- 
ualtre  les  Anglais  le  long  de  la  côte.  Les  escales,  où  le  petit  steamer 
Ualu,  de  la  Compagnie  des  lacs,  fait  sa  provision  de  bois,  sont  autant  de 
points  de  contact  entre  les  indigènes  et  les  Anglais.  Depuis  quelque 
temps,  j'ai  placé  une  garnison  dans  une  île  pour  occuper  le  bac  de  Deep- 
Bay.  Nos  efforts  ne  sont  donc  pas  aussi  insensés  qu'on  pourrait  le  croire, 
car  nous  avons  un  but  précis  à  atteindre,  c'est  de  chasser  les  esclava- 
gistes de  leui*s  retranchements  et,  si  nous  n'y  parvenons  pas,  de  les  em- 
pêcher du  moins  de  s'avancer  davantage  en  les  attaquant  fréquemment. 
Par  là  aussi,  nous  détournerons  les  neutres  de  toute  idée  de  coalition  et 
arrêterons  l'extension  de  la  domination  des  esclavagistes  sur  toute  la 
côte  ouest  du  lac. 


0 


—  180  — 

* 

Il  paraîtrait  que  le  commandant  Camerou  se  propose  de  conduire  une 
expédition  vers  le  lac  Nyassa,  La  Compagnie  des  la(îs  africains  a  consti- 
tué le  Nyassa  Defence  Fund,  pour  organiser  une  force  armée  destinée  à 
refouler  les  Arabes.  Si  nous  pouvons  tenir  bon  jusqu'à  l'arrivée  d'un 
secoui*s  quelconque,  nos  efforts  n'aui'ont  pas  été  inutiles.  Si  nous  n'y 
réussissons  pas,  la  situation  qui  sera  faite  aux  expéditions  dans  l'avenir 
îjera  beaucoup  plus  difficile.  Il  faut  donc  entreprendre  une  action  immé- 
diate, si  l'on  veut  faire  tôt  ou  tard  quelque  chose. 

Lord  Salisbury  a  fait  un  grand  éloge  des  efforts  des  Anglais  au  lac 
Nyassa  et  a  ajouté  que  tout  ce  que  le  gouvernement  pourrait  faire  diplo- 
inatiquemont  serait  tenté  sur  le  lac.  Dans  une  réponse  précédente  faite 
au  Parlement,  il  avait  été  dit  que  le  consul  avait  re^'U  des  instructions 
pour  nous. donner  toute  la  protection  dont  il  disposait.  Mais,  en  avril 
dernier,  le  consul,  venu  à  Karonga  pour  résoudre  pacifiquement  le  confiit, 
a,  paraît^il,  déclaré  formellement  aux  Arabes  que  le  gouvernement  an- 
glais n'avait  rien  à  voir  dans  nos  affaires  et  que  la  petite  troupe  qui  est 
ici  ne  recevrait  aucun  secours  du  gouvernement.  J'aurais  préféré  que 
les  forces  arab(»s  fussent  doublées;  car  cette  déclaration  du  consul,  faite 
justement  avant  mon  arrivée,  a  donné  confiance  aux  Arabes  qui  ont 
augmenté  leurs  retranchements  et  continué  la  lutte  dans  la  cei'titude  oii 
ils  étaient  que  nous  ne  serions  pas  soutenus.  Quand  le  sultan  de  Zanzi- 
bar envoya,  à  la  demande  du  consul  général  britannique,  un  délégué 
pour  traiter  avec  les  Arabes,  ceux-ci  lui  répondirent  qu'ils  avaient  re(;u 
du  consul  anglais  l'assurance  que  ces  questions  ne  concernaient  en  rien 
l'Angleterre.  Peut-on  appeler  cela  :  ConmiJar  protedion  et  diplonuific 
effort  f 

J  aurais  voulu,  étant  obligé  de  partir  à  cause  de  l'expiration  de  mon 
congé,  écrire  au  commandant  Cameron  pour  l'éclairer  sur  bien  des 
points.  J'ai  déjà  envoyé  en  Angleterre  un  projet  détaillé  bien  avant  que 
celui  de  la  croisade  du  cardinal  La\igerie  ait  été  connu  ici.  Tous  les  dé- 
tails du  programme  que  j'ai  tracé  sont  dus  aux  hommes  les  plus  expéri- 
mentés dans  cette  région.  J'ai  soumis  ces  plans  au  Rev.  Horace  Waller 
qui,  par  l'intérêt  qu'il  porte  à  la  question  du  lac  Nyassa  et  à  la  suppres- 
sion de  l'esclavage,  est  à  même  de  les  utiliser  au  mieux  de  la  cause  que 
nous  défendons. 

La  Deutsche  Kolonial  Zeituiig  annonce  que  Cameron  profitem  de  la 
«lécouverte  du  Chindé  comme  voie  navigable,  pour  l'expédition  en  faveur 
tle  laquelle  des  ressources  lui  ont  été  promises. 

Comme  le  dit  M.  Piton,  rédacteur  de  la  Revue  des  missiom  con- 


—  181  — 

iemporaine»,  ou  aura  là  uue  eutreprise  absolument  identique  à  celle 
que  le  cardinal  Lavigerie  s'efforce  actuellement  d'organiser.  Elle  se 
poursuivra  là  où,  de  l'avis  de  toutes  les  personnes  compétentes,  se 
trouve  la  meilleure  voie  d'accès  dans  la  région  des  lacs,  savoir  par  le 
Zambèze,  le  Chiré,  le  Nyassa  et  le  Tanganyika,  ces  deux  lacs  étant  reliés 
par  une  bonne  route  construite  par  les  soins  de  la  Compagnie  des  Lacs 
africains.  «  Son  caractère  est,  du  reste,  purement  défensif,  puisqu'il  ne 
s'agit  que  de  se  débarrasser  d'une  bande  d'Arabes  qui  interceptent  les 
communications  de  la  Compagnie  des  lacs  avec  le  Tanganjika.  Si  celle- 
ci  réussit  à  déloger  les  négriers  de  leur  position,  elle  aura  en  même  temps 
porté  un  coup  mortel  à  la  traite  dans  ces  parages.  » 

M.  Ed.  Froment,  chef  de  station  au  Coiii^o  français,  dans  une 
communication  faite  à  la  Société  de  géographie  de  Lille,  sur  un  voyage 
dans  l'Ouban^,  s'exprime  ainsi  :  «  La  grande  affaire  du  moment,  ce 
sont  les  expéditions  vers  le  haut  Oubangi.  Au  moment  des  crues,  des^ 
flottilles  de  dix,  vingt,  et  même  trente  grandes  pirogues  remontent,  char- 
gées d'esclaves  et  de  marchandises,  jusqu'au  pied  des  rapides,  en  quête 
d'ivoire.  Ce  sont  surtout  les  esclaves  qui  constituent  l'article  le  plus 
demandé  ;  il  y  a  ainsi,  dans  la  rivière,  d'aval  en  amont,  un  mouvement 
considérable  de  chair  humaine  qui  va  alimenter  le  cannibalisme  d'eu 
haut....'.  »  Et  plus  loin,  arrivé  à  Impfondo  :  «  Je  ne  sais  si  c'est  là  l'effet 
d'une  idée  préconçue,  mais  il  m'a  semblé  voir  la  convoitise  s'allumer 
dans  les  yeux  des  natifs,  quand  ils  regardaient  les  plus  replets  de  mes  Os- 
syébas.  Nous  sommes  en  pays  cannibale,  et  ces  gens,  en  apparence  si 
pacifiques,  sont  les  mangeurs  d'hommes  les  plus  invétérés  qui  se  soient 
jamais  vus.  Dans  un  village  tel  qu'Impfondo,  il  ne  se  passe  guère  de 
semaine  qui  ne  soit  marquée  par  une  exécution  ;  l'ivoire  n'est  vendu 
aux  Baloïs  que  contre  des  esclaves  destinés  à  alimenter  les  abattoirs. 
Devant  les  demeures  des  chefs  et  des  principaux  habitants,  s'élèvent  de 
hautes  et  fortes  perches,  comme  de  sinistres  potences,  oh  pend  encore 
quelque  bout  de  liane,  vestige  de  la  dernière  tuerie.  Si  vous  demandez 
à  quoi  servent  ces  engins,  au  premier  enfant  venu,  il  vous  répondra  sans 
hésiter,  en  portant  la  main  à  son  cou  dans  un  geste  expressif,  accompa- 
gné des  mots  :  akèta  motoii  (couper  la  tête). 

Cette  épouvantable  habitude  est  pratiquée  avec  des  détails  qui  mon- 
trent bien  quel  dédain  ou  quelle  indifférence  elle  a  développés  chez  les 
indigènes  à  l'égard  des  instincts  les  plus  naturels  de  sensibilité.  L'es- 
clave qu'on  veut  «  abattre  »  est  solidement  amarré,  assis  sur  un  bloc 
de  bois,  au  pied  de  la  perche  ;  du  sommet  de  celle-ci,  courbée  avec  force,. 


—  182  — 
une  liane  ou  uue  corde  qui  lui  passe  sous  le  meutou  et  la  uuque, 
it  ainsi  à  tendre  le  cou.  Le  bourreau  peut  alors  faire  coramodé- 
[)  office,  et  il  faut  qu'il  soit  bien  maladroit  pour  ne  pas  eu  finir 
il  coup  de  couteau.  La  victime  est  .souvent  exposée  quelque  temps 
s  dans  cette  position,  dont  il  est  facile  de  s'iraaf^nor  toute  la  gène 
i.  Pendant  que  te  boucher  aiguise  soigneusement  son  couteau 
pieri-e  voisine,  le  malbeureux  assiste  par  anticipation  au  dédii- 
de  son  corps,  en  entendant  les  assistants  se  disputer  bruyam- 
i  meilleui's  morceaux.  Cette  sorte  de  vivisection  ne  prend  tin 
loment  oii  le  féticheur-bourreau,  satislait  de  l'affilement  de  sa 
)mmence  ii  décrire  devant  ses  yeus  une  série  de  mouvements 
;  puis  d'un  coup  terrible,  il  tranche  la  tète  qui  rebondit  et  danse 
space,  sous  la  secousse  de  la  perche  violemment  redressée.  Alors 
la  diatiibution  de  la  viande,  accompagnée  de  scènes  répugnantes 
LIS  abjecte  voracité. 

ptembre  dernier,  le  gouvernement  belge  avait  accepté  de  sonder 
verueraents  au  sujet  de  la  convocation  d'une  Conférence 
•olnvagiate.  Les  troubles  de  l'Afrique  orientale  avaient  fait 
r  cette  question.  Récemment  l'Angleterre  l'a  rappelée  au  cabi- 
ïruxelles;  des  pourparlers  ont  été  entamés  avec  TAllemagne,  la 

le  Portugal,  et  les  négociatioas  sont  as^z  avancées  pour  que 
isse  prévoir  que  le  Congrès  se  réunira  au  commencement  de 
ne  prochain.  D'après  la  Deutsdie  KoloniaÀzeitmuf,  outre  la 
1  de  la  traite,  cetle,s  de  l'importation  des  spiritueux,  des  ai-mes 
muidtions,  de  la  détermination  des  frontières,  seront  mises  à 
du  joui'  du  Congrès. 

é  de  l'activité  déployée  parles  puissances  pour  arriver  à  sup- 
la  traite  par  les  voies  diplomatique^^,  les  Coanitte  des  St>cf6- 
Lii-e8clav«gtHtea  sont  jnvité.s  par  le  cai-dinal  Laxigerie   à 

des  délégués  à  un  Conerda  qui  se  réunira  il  linceme  du  3 
Dût.  Comme  le  porte  la  circulaiie  de  Son  Émiuence,  ce  Congrès 
I  de  commun  avec  celui  des  puissances,  o  C'est  une  réunion  libre 
ens  libres  des  diverses  nations  de  l'Europe,  qui  n'a  aucun  carac- 
itique  ni  officiel  <>t  qui  se  propose  simplement  d'étudier  à  fond 
ilènie  que  l'esclavage  africain  pose  au  XIX™  siècle  et  l'oblige 
iidie  sous  peine  de  se  déshonoi-er  dans  l'histoire.  Chacun  sera 
y  exprimer  Sii  pensée,  de  la  soutenir,  de  la  faire  triompher,  si  ses 
sont  bonnes  et  se«  propositions  sensées. 


'  ■  "  .  ■  ''.II,, 


—  183  — 

a  Mais  sMI  agit  en  debout  du  Gougrès  iuteruational  des  puissances, 
son  but  est  de  donner  à  celui-ci  un  appui  dans  l'opinion  et  de  faciliter 
sa  tâche.  En  effet,  les  gouvernements  ne  peuvent  réaliser  que  ce  qui  a 
été  à  Pavance  accepté  ou  demandé  par  l'esprit  public  et  les  plus  belles 
réformes  ont  besoin  de  trouver  un  écho  dans  la  volonté  de  tous.  C'est 
ainsi  que  les  Comités  anti-escliivagistes  seconderont  l'action  si  désirable 
des  États.  » 

Le  Grand  Conseil  de  Lucerne  a  donné  son  agrément  à  la  réunion  du 
Congrès,  et  a  mis  à  la  disposition  de  celui-ci  la  grande  salle  oîi  se  réu- 
nissent les  Assemblées  législatives  du  canton.  Aux  tenues  de  la  cii'cu- 
laire  du  cardinal  Lavigerie,  les  membres  de  l'assemblée  nommeront 
eux-mêmes,  à  la  majorité  des  voix,  le  président  du  Congi'ès,  et  ceux  das 
commissions  que  nécessiteront  les  travaux  inscrits  au  pi'ogramme.  Ils 
voteront  l'ordre  de  ces  travaux  sur  la  proposition  qui  leur  en  sera  faite 
par  une  coimnission  préparatoire  d'organisation.  Tous  les  Comités 
anti-esclavagistes  sont  invités  à  se  faire  représeiiter  par  un  et  encore 
mieux  par  plusieurs  de  leurs  membres  au  Congi'ès  de  Lucerne.  Le  car- 
dinal y  invite  également  toius  ceux  que  des  titres  pai'ticuliei's  :  la  science, 
les  découvertes  géographiques,  les  sentiments  d'humanité,  écrivains, 
orateura,  économistes,  missionnaires,  rattachent  natiu*ellement  à  l'œu- 
vre anti-esclavagiste.  Ils  pourront  prendre  part  à  toutes  les  réunions 
publiques  qui  seront  ouvertes  à  tous,  mais  ne  participeront  pas  aux 
délibérations  intérieures. 

Sir  John  H.  Kennaway,  M.  P.,  a  posé,  devant  la  Houi*e  of  LtXky- 
men  de  l'Êi^lise  ani^Ueane,  la  question  du  devoir  de  l'Église  en  ce 
qui  concerne  l'esclavage.  Il  a  montré  qu'un  des  plus  grands  bienfaits 
apportés  à  l'humanité  par  le  christianisme  avait  été  l'abolition  de  l'es- 
clavage par  la  proclamation  de  l'égalité  de  tous  les  hommes  devant 
Dieu.  L'Angleterre  avait  contracté  envers  l'Afrique  une  énorme  dette, 
qu'elle  s'est  efforcée  de  payer  en  travaillant  à  faire  disparaître  la  traite 
de  l'Afrique  occidentale  oii  elle  l'avait  si  longtemps  pratiquée.  Les 
régions  découvertes  par  Livingstone,  Stanley,  Cameron,  ont  ouvert  de 
vastes  territoires  au  commerce  et  à  l'extension  du  christianisme.  Mais, 
depuis  l'époque  de  Livingstone,  le  peuple  anglais  a  peu  à  peu  appris  à 
mieux  connaître  les  résultats  effrayants,  les  souffrances  affreuses  et  les 
cruautés  horribles  de  la  traite.  Pendant  les  cinq  dernières  années  suin- 
tent, les  ravages  des  chasseurs  d'esclaves  se  sont  étendus  foil  avant 
dans  riiitérieur.  Une  intervention  armée  du  gouvernement  anglais  à 


serait  une  chose  très  grave.  Lord  Salisbiiry  a  promis  de  faire 
pouiTait  être  fait  dans  ta  sphère  légitime  de  la  politique.  Les 
esclaves  ont  été  aboli»  en  Kgypte  et  à  Zanzibar,  et  l'on  tra- 
e  disparaître  l'institution  de  l'esclavage  dans  l'Ile  de  Pemba. 
ement  consulte  les  autres  puissances  par  l'intermédiaire  delà 
tin  de  chercher  à  obtenir  une  réunion  de  leurs  représentante 
ndre  en  vue  d'une  action  commune  dans  la  question  de  l'es- 
de  la  traite.  Le  «  Nyassa  Antislavery  and  Defence  Fund  »  a 
DOO  liv.  sterl.  pour  organiser  une  force  armée  capable  de 
t  attaques  contre  les  établissements  écossais  du  Nyassa. 
spère  obtenir  du  gouvernement  ou  d'un  Congrès  internatio- 
sation  de  faire  une  croisière  sur  les  grandes  voies  fluviales  et 
l'Afrique  centrale,  pour  couper  les  communications  aux  tra- 
'selaves.  Tout  ce  que  peut  faire  l'ÉgliBe  anglicane,  c'est  de 
u  peuple  anglais,  par  la  voie  de  la  discussion  et  de  la  presse, 
•  du  mal,  d'exercer  son  influence  sur  le  gouvernement  quand 
'en  pi-ésente,  d'engager  le  Foreign  Office  à  persévérer  dans 
lis  biitanniques  et  à  agir  par  tous  les  moyens  en  son  pou- 

e  discussion,  dans  laquelle  le  comte  Nelson,  le  duc  de  Rut- 
lutres  prirent  la  parole,  l'assemblée  a  voté  des  i-ésolutions 
substance  que  la  traite,  telle  que  la  pratiquent  les  Arabes 
que  équatoriale,  détruisant  une  multitude  de  créatures 
't  étant  un  des  plus  grands  obstacles  à  l'expansion  du  chris- 

de  la  civilisation  à  l'intérieur  de  ce  continent,  l'Église  a  le 
aire  entendre  sa  voix  sur  ce  sujet,  qu'elle  doit  appuyer  le 
Mit  dans  les  mesures  à  prendre  pour  supprimer  la  traite  à  la 
aie,  comme  il  a  contribué  à  la  faire  disparaître  de  la  côte 
,  Quoique  la  traite  dans  l'Afrique  centrale  se  pratique  en 

limites  des  territoires  oii  l'intervention  du  gouvernement 
ixercer,  il  est  urçent  de  faire  tout  ce  qui  peut  être  fait  pour 
fiais  en  comprennent  les  horreurs,  et  l'Église  doit  encoura- 
les  entreprises  pacifiques,  commerciales  ou  religieuses,  qui 
en  amener  la  diminution.  L'Église  et  d'autres  communautés 

seront  invitées  à  prier  spécialement  pour  ce  sujet,  et  ces 
seront  communiquées  au  gouvernement  par  le  primat  d'An- 


un  grand  meeting  anti-esclavagiste  a  eu  lieu  à  Green^vich 


—  im  — 

DE  LA  RÉGION  COMPRISE  ENTRE  LE  HAUT-NIL 
ET  LA  COTE  DE  LA  SOMALIE. 

(Avec  carte). 

a  (Montrée,  dont  la  carte  accompagne  ce.  numéro,  est  habitée 
pl^  différents  et  n'a  pa»  de  nom  généiique,  iioii»  t>omme8  obli- 
i  désigner,  d'indiquer  ses  limites  extrêmes  à  l'ouest  et  à  l'est, 
elle  ne  forme  pas  un  tout  homogène,  une  l'égion  naturelle 
les  cours  d'eau  qui  l'ari-oseiit,  les  uns  descendent  à  l'ouest, 

les  autres  à  Test  ou  au  sud-est,  vers  l'Océan- Indien.  C'est 
ers  le  pays  représenté  par  noti-e  carte  que  pa.sse  la  ligne  de 
s  eaux  entre  la  Méditerranée  et  la  Mer  des  Indes.  Mais 
sép-ariition  des  bassins  est  loi»  d'avoii-  été  reconnu  sur  toute 
}  ;  on  peut  même  dire  que,  pour  la  plus  grande  partie,  on  en 
•aie  direction.  Les  îtinéraii'es  du  Haut  Nil  et  de  rAby.ssinie 
?  ne  i-ejoignent  pas  ceux  qui  ont  été  tracés  en  partant  de  la 
fe  d'Aden  ou  de  l'Océan  Indien.  Entre  les  points  extrêmes 
■  Brcinier  dans  la  région  de  la  Juba,  par  James  sur  l'Ouébi, 
■■  dans  le  voisinage  de  Han-ar,  d'Abbadie  et  Cecchi  au  sud  de 

et  le  comte  Téléki  vei-s  le  Ba.sso-Nai-ok,  s'étend  une  vaste 
nnue,  oii  les  cartographes  placent  des  localités  supposées  et 
nent  de  cours  d'eau  et  de  routes  de  caravanes,  d'après  les 
'nis  par  les  voyageurs  et  les  marchands.  De  fait,  l'hostilité 
les  divisées  en  petits  clans  distincts  et  le  climat  ont  jas- 
ché  tous  les  voyageui-s,  s;iuf  Janiejs,  de  pousser  un  peu  loin 
aires  à  l'intérieur  de  la  Somalie,  et  il  est  à  craindre  que 
;erre  dans  le^iuel  se  ti'ouve  le  Soudan  égyptien,  le  mauvais 
Arabes  et  la  défiance  des  indigènes,  qui  craignent  de  subir  le 
imbreux  peuples  soumis  aux  Européens,  ne  contribuent  à 
reconnaissance  de  la  contrée. 

auquel  M.  Reclus  propose  de  donner  le  nom  de  Somalie 
large  presqu'île  de  disposition  triangulaire,  limitée  à  l'ouest 
ntagnes  qui  continuent  au  sud  le  massif  d'Abyssinie  et  ail- 
Dcéau  Indien.  D'après  les  dires  des  naturels,  le  pays  s'abaisse 
ir  de  longs  gradins  dispasés  parallèlement  à  la  côte  de  la  mer 
On  ne  connaît  pas  la  hauteur  de  ces  chaînes  c&tièrvs,  que 
la  Juba,  le  Ouébi,  la  Doura  et  l'Ouadi  Nogal;  mais,  au 

bassins,  les  montagnes  vues  par  Paulitschke,  James,  Speke  et 


—  187  -- 
Révoil,  «lit  de  1500"  à  2000""  tl'altitude  ;  d'api-ès  Paiditschke,  le  soiumot 
le  pliis  haut  du  groupe  du  Harrar  atteindrait  même  3000".  A  propre- 
ment parler,  les  montagnes  ([ui  bordent  le  golfe  d'Aden  ne  fonueirt  pas 
une  cbatne  continue,- mais  une  Kéi-ie  de  inoutR  iiTéguliers  qui  se  prolon- 
gent jusqu'à  l'imposante  pi-esqu'Ile,  tenninée  i)ar  le  cap  Gardafui,  oîi  se 
trouve  le  Djebel  Karoma  ou  mont  des  Aromates,  dont  la  hauteur  est 
1220".  Le  cap  lui-même  se  di-esse  au-dessus  de  l'océan  en  une  falaise  de 
275"  de  hauteur.  Plus  au  sud,  un  autre  promontoire,  le  Uaa  Hafoun,  se 
compose  d'une  Ile  rocheuse,  jointe  au  continent  par  une  tlèche  de  sable. 

Cette  suite  de  massifs  n'envoie  au  golfe  d'Aden  que  de  courts  tor- 
rents, le  plus  souvent  à  sec.  Bien  qu'il  soit  plus  vaste  et  moins  aride,  le 
versant  tourné  vers  l'Océan  Indien  proprement  dit  ne  compte  pas  beau- 
coup de  cours  d'eau,  et  queli^ues-uns  d'entre  eux  n'arrivent  même  pas 
jusqu'à  ia  mer.  Les  uns,  comme  le  Daror,  le  Nogal,  le  Dehr,  le  Faf, 
sont  des  tmig,  c'est-à-dire  des  twtadi remplis  d'eau  seulement  à  l'époque 
lies  pluies;  les  autres  des  oiiébi  ou  «  Heuves,  »  dont  l'un  n'a  pas  d'autre 
nom  que  ce  mot  d'un  sens  général.  Celui-ci,  qui  entraîne  probablement 
les  eaux  du  Harrar  et  de  l'Ogadeii,  et  que  James  a  touché  à  Bari  dans 
sou  coui-s  moyen,  ne  peut  percer  le  cordon  de  dunes  qui  s'étend  le  long 
de  la  côte  de  l'Océan  ;  après  avoir  coulé  longtemps  parallèlement  au  lit- 
toral, il  se  perd  dans  un  lac  maî-écageux.  Plus  à  l'est,  la  Juba  est  le  plus 
grand  ouébi  de  la  Somalie;  les  explorations  de  Brenner,  deChaillé-Long 
et  de  von  der  Decken,  eu  ont  fait  connaître  le  cours  inférieur,  mais  ou 
est  loin  d'être  fixé  sur  l'étendue  et  l'inipoitance  de  son  bassin  supérieur 
et  moyen. 

Grâce  aux  voyages  de  d'Abbadie,  de  Cecchi,  de  Chiarini,  d'Antonelli, 
d'Aubry,  etc.  la  région  de  l'Ethiopie  méridionale  est  beaucoup  mieux 
founue  que  la  Somalie;  la  direction  générale  des  chaînée  et  celle  des 
cours  d'eau  peuvent  être  tracées  sm*  les  cartes  avec  une  assez  ^i-ande 
approximation  ;  même  Cecchi  et  Chiarini,  en  1879,  après  avoir  travei-sé 
les  montagnes  limitant  au  sud  les  bassins  de  l'Aouach  et  du  Nil,  aper- 
çurent de  loin  les  lacs  Hori-aet Zououai qu'ils supposèrentappartenir  au 
bassin  de  l'Ouébi,  et  qui  dès  toi-s  ont  tiguré  comme  tels  sur  les  cartes. 
Néanmoins  bien  des  incertitudes  existent  encore  ;  les  parties  connues  des 
coui"s  de  l'Aouach  et  du  Nil  présentent  entre  elles  des  solutions  de  con- 
tinuité, et  les  frontières  des  Etats  monarchiques  des  Galla,  bien  <iue  tra- 
cées avec  une  précision  apparente  sur  la  carte  de  Cecchi,  sont  loin  d'être 
complètement  fixées.  Toutefois  le  plus  important  des  problèmes  géofïi-a- 
phiques  qui  se  posent  dans  cette  région  est  celui  se  rapportant  à  l'Omo 


ru  r 


—  188  — 

ou  Ourao,  fleuve  dont  le  coui-s  se  développe  à  l'est  du  Kafla.  Pour 
d'Abbadie,  un  des  voyageui^s  qui  se  sont  avancés  le  plus  loin  au  sud 
de  TAbyssinie,  POmo  serait  un  affluent  du  Nil  Blanc;  mais  d'autres 
explorateurs,  en  particulier  Cecchi,  s'appuyant  sur  les  informations  des 
indigènes  font  de  cette  rivière  le  cours  supérieur  de  la  Juba.  M.  Reclus 
accepte  cette  hypothèse,  qui  est  aussi  reproduite  par  Habenicht  dans  sa 
grande  carte  «  Afrika.  » 

Cependant  la  découverte  toute  récente,  etl'ectuée  par  le  comte  Téléki, 
du  Basso-Narok,  grand  lac  situé  au  sud  du  Kaffa,  apporte  un  nouvel 
élément  à  la  discussion.  Personne  n'a  va  le  point  oîi  TOmo,  après  s'être 
dirigé  vei's  le  sud-ouest  tournerait  vei*s  le  sud,  puis  vei^s  le  sud-est  pour 
former  le  cours  supérieur  du  Juba,  tandis  que  M.  Borelli,  qui  a  voyagé 
dans  les  royaumes  méridionaux  de  TÉthiopie,  après  avoir  interrogé  un 
grand  nombre  d'indigènes,  croit, sans  pourtant  Tavoii*  reconnu  lui-même, 
que  rOmo  se  dirige  vei'S  l'ouest,  là  où  on  lui  croyait  une  direction  est, 
et  qu'il  va  ensuite  vers  le  sud  pour  se  dévei-ser  dans  un  grand  lac  que 
le  voyageur  appelle  Schambara.  Le  Schambara  serait-il  le  Basso-Narok 
de  Téléki,  et  l'Omo,  le  Nianam  que  Téléki  a  vu  se  jeter  sur  la  rive  se})- 
tentrionale  du  Basso-Narok?  Ces  deux  questions  présentent  une  gi*ande 
importance  au  point  de  vue  géographique.  Il  est  un  autre  point,  lié  au 
précédent,  qui  demanderait  à  être  élucidé.  Dans  quel  fleuve  se  dévei-so 
le  Basso-Narok?  Va-t-il  au  Nil  ou  à  la  Juba?  Si  TOmo  se  jette  dans  le 
Basso-Narok  et  que  celui-ci  se  rende  au  Nil,  voilà  certes  une  nouvelle 
source  du  Nil,  peut-être  aussi  importante  que  le  Nil  Bleu  de  Bruce  ou 
le  Nil  Blanc  de  Speke.  Poui-  M.  Wautei's,  l'Omo  est  un  affluent  du  Basso- 
Narok,  et  rémissaire  de  ce  lac  n'est  autre  que  le  Sobat,  fleuve  puissant 
d'après  les  voyageui*s,  plus  volumineux  môme  que  le  Nil  à  leur  confluent. 
Le  Sobat  devient  un  gi*and  cours  d'eau,  la  branche  maîtresse  du  fleuve 
d'Égj'pte.  Hâtons-nous  de  dire  qu'il  ne  s'agit  ici  que  de  pures  hypo- 
thèses. Le  Basso-Narok  n'a  été  reconnu  que  sur  sa  rive  orientale  et  les 
contrées  qui  le  séparent  soit  du  lac  Victoria  et  du  Nil  Blanc,  soit  de*s 
parties  connues  du  Sobat  et  de  la  Juba  sont  trop  vastes  pour  que  la  solu- 
tion proposée  ait  un  degré  suffisant  de  probabilité.  Aucun  voyageui*  n'a 
encore  travei-sé  ces  immenses  étendues  oii  peuvent  se  trouver  des  chaînes 
ou  des  massifs  montagneux,  obligeant  las  enux  à  se  diriger  dans  une 
direction  tout  à  fait  dift'érente  de  celle  que  semblerait  indiquer  la  carte 
actuelle,  encore  si  incomplète.  Poui*  le  moment,  le  seul  fait  acquis,  c'est 
qu'un  nouveau  lac  plus  long  que  TAlbert  a  été  découvert  dans  l'Afrique 
orientale.  C'est  à  de  nouveaux  voyageurs  qu'incombe  la  tâche  de  fixer 


'"f  u'ipï 


—  190  — 
pour  UD  fusil  (1()  mois)  ;  pour  des  verroteries  (les  Ma-EaUkt)  ;  pour  du  Umbo, 
cotonoade  bleue  :Bushinen),  etc.  En  outre,  ils  reçoifent  une  ration  de  3  livres 
de  maïs  et  de  temps  à  autre  un  peu  de  viande.  Ils  coûtent  à  la  Compagnie  de 
1  livre  i  1  livre  et  4  shillingB  par  mois.  Ils  n'ont  pas  un  travail  pénible,  sont  bien 
e  assez  douce. 


h£tis  et  hcl*tres  (demi-sang). 
Sont  employas  comme  drivers,  cuisiniers,  interprètes,  etc.  Ils  reçoivent  un  salaire 
f\i-  3  livres  et  15  shillings  par  mois,  plus  une  ration  de  viande,  farine  de  maïs,  sel, 
café  et  sucre.  Ils  sont  tous  ivrognes. 

Al.  Dbmaffrï. 


BIBU06RAPHIE  ' 

Frederick  Stanley  Ariiot.  (iakemianke  or  beven  vemis'  Piokrek 
MnwiON  WoEK  IN  Centrai,  Africa.  Londoii  (.laines-E.  Hawkiiisl,  188!t. 
111-8",  •2'i(i  p.,  2u  illust.  et  uue  cartf,  fr.  4.40.  ^  Le  Gartnigaii/é  l'st  un 
Fltat  de  l'Afrique  cfiiti-aie  situé  vers  le  10""  degré  de  lat.  sud  et  entre  le 
■J7""  et  le  26'"'  degi-é  de  long,  est,  c'est-à-dire  au  noni-oue^st  du  lac 
Baiigouéolo.  Il  est  arrosé  par  la  Lûufira,  qui  est  elle-niênie  tributaire  du 
cours  supérieur  liu  Congo,  dans  lu  région  oii  il  porte  le  noiu  de  Loua- 
poula.  Les  voyages  de  Reinhaidt  en  1884  et  de  Capello  et  Iveiu*  eu 
188.')  ont  peniiis  de  inarquer  cette  contrée  sur  les  cartes,  toutefois  c'est 
M.  Arnot  (jui  nous  l'a  fait  connaître  dans  ses  détails.  Notre  journal  a 
déjà  parlé  plusieurs  fois  de  ce  missionnaire  qui.  comme  Livingstone,  est 
en  même  temps  un  voyageur  tle  mérite.  De  i-etour  en  Eui-ope  pour  quel- 
ques mois  seulement,  le  temps  lui  a  manqué  pour  écrire  un  récit  com- 
plet et  détaillé  de  .<i's  explonitions.  Sa  cori'e.<poiidancc,  les  discoui-s 
qu'il  a  drt  prononcer  dans  différentes  localités,  les  démarches  faites  en 
vue  de  rextciisioii  de  sou  feuvi-e  mit  absorbé  la  plus  grande  partie  de 
son  temps.  Aussi,  l'ouvrage  qu'il  présente  aujourd'hui  au  public  n'est 
pas  ime  narration  étendue  de  ses  voyages  ni  une  description  complète 
des  pays  qu'il  a  parcoui-us.  C'est  simplement  la  reproduction  de  notes 
prisfsi  au  jour  le  jour,  notes  qu'il  a  développées  en  s'aidant  des  lettres 
qu'il  envoyait  il  Sii  famille  et  de  ses  s<iuvenii's  pei-sonuels.  Tel  qu'il  est. 
l'ouvrage  ne  peut  que  plaii-e  aux  amis  des  mis,<i(nis  et  des  seiences  géo- 
graphiques qui  attendaient  avec  impatience  le  récit  de  M.  Ai'Uot,  Ce 
liviT  écrit  d'un  style  simple  et  original,  avec  toute  la  fraîcheur  d'une 

'  On  peut  se  procurer  k  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bâie,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  VAfriqut  explorée  et  civUisie. 


w 


œuvre  faite  au  jour  le  joui-,  k  mesi; 
"  rtïèt  la  forme  du  journal  ;  presq 
ikte.  Eu  outre,  les  cbapiti'cs  sont  i 
paragraphes,  précédés  cliacuu  d'un 
clarté  règne  dans  U'  coure  ilu  récit 
Elle  est  longue  cette  odyssée  de 
rjpur  de  l'Afriiiuc;.  Cette  grande  tr 
celle  de  Mviiigstone,  et  si  les  vt 
rek'ntissemeiit  que  ceuic  du  ^rand 
lie  peiue,  ni  exigé  moins  de  courap 
b  colonie  de  Natal,  eu  juillet  18K 
la  région  du  /ainbêze  moyen,  api 
Sbuslioug.  De  1882  îi  1884,  il  resta 
ma-Tenka,  Soshéké  et  Lcaluyi,  d' 
iKiis,  seiihoi-  Porto.  Là,  il  fut  rais 
Msidi,  ou  Msiri,  roi  dutiarengau/ 
bouillies  blancs  de  venir  le  visiter, 
tance  considérable  de  la  côte  occiil 
sméed'obstjicles  et  di.-  dangers. 
réHéciii,  le  juissioniiain;  se  décida 
Ce  voyage  lui  prit  plusieui-s  mois, 
ari-ivée,  les  trafiquants  arabes  tir 
Usidi  de  le  i-ecevoir,  mais  celui- 
s'instruire,  ue  les  écoula  pas.  Peu 
résolut  de  se  tixei-  auprès  de  lui  et 
àou.  Après  uu  séjour  de  deux  an 
revenir  pour  quelque  temps  eu  An 
4in  ii-uvre  dont  il  confia  la  directii 
àonnaires,  MM.  Hwnu  et  Faulkno 
voyage  de  retour  s"etleclua  par  Iv 
gufla.  De  là  il  ^agua  l'AngleteiTe 
m  est  reparti  ît  la  tiu  de  mare  de  i 
Le  livrt;  qui  raconte  ces  longues 
ferme  un  chapitre  sur  le  (iareiig; 
iiiti'irêt.  U  est  oi-né  de  plusieurs  gr 
empruntée  aux  Prvceedinr/s  di:  la 
tioii  de  la  i-oute  de  M.  Arnot  de  I 
tiite  au  VioMotoi  c'est-à-dire  à  li 
Afrika  publiée  par  Justus  Perthès 


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—  192  — 


i>  Einil  Holub.  Von  der  Capstadt  ins  land  dkr  Maschukuli 
Wien  (A.  Hôlder),  1888  et  1889,  in-8°.  L'ouvrage  paraît  à  raison  de  2 
vraisons  par  mois.  D  renfermera  environ  180  gravures  originales  sur  bo| 
et  deux  cartes.  Prix  de  chaque  livraison,  30  kr.  —  Le  D'  Holub,  dont 

'';  i  belle  description  du  peuple  et  du  pays  des  Ba-Rotsé  est  bien  connue, 

V  ;;  accompli  de  1883  à  1887  un  second  voyage  au  Zambèze  par  le  Cap,  Ci 

lesberg,  le  Transvaal  occidental,  le  Limpopo  et  les  lacs  salés  du  Mal 
Karri.  Du  Zambèze,  il  s'est  avancé  vers  le  nord  et  a  atteint  le  pays  d< 
Ma-Choukouloumbé,  inconnu  auparavant,  mais  marqué  sur  la  carte  d{ 

^>^  Livingstone  sous  le  nom  de  Ba-Choukouloumpo.  Cette  contrée  arroî 

par  la  Louengoué  est  riche  en  pâturages  et  en  bétail.  Venus  du  noH 

V .  depuis  deux  siècles  environ,  les  Ma-Choukouloumbé  sont  en  lutte  coi 

stante  avec  les  Ba-Rotsé  qui  leur  volent  leui*  bétail  et  réduisent  en  es( 
vage  leurs  femmes  et  leurs  enfants. 

C'est  le  récit  de  ce  voyage  ainsi  que  la  description  de  la  région  a^ 
nord  du  Zambèze  moyen,  dont  M.  Holub  vient  de  commencer  la  publia 
tion  par  livraisons.  Il  a  surtout  eu  en  vue  d'écrire  un  ouvrage  de  vulgj 
risation  qui  puisse  être  mis  entre  toutes  les  mains.  La  narration  est  coj 
duite  avec  verve  ;  on  croit  voir  le  voyageur,  sa  fenmie  et  les  blancs  q\ 
les  accompagnent  avancer  à  travers  la  contrée,  tantôt  fertile,  tani 
déserte,  conduisant  leurs  chariots  attelés  de  longues  files  de  bœuCs  si 
perbes.  Des  gravures  nombreuses  et  fort  bien  exécutées  font  compi 
dre  les  épisodes  du  voyage  et  permettent  de  se  représenter  les  types  di 
végétaux  et  d'animaux  dont  la  description  se  trouve  dans  le  texte.  Op 
sait  que  le  D' Holub  est  un  naturaliste  de  grand  mérite,  de  sorte  que 
son  ouvrage,  en  même  temps  qu'il  distrait,  inculque  dans  l'esprit  du 
lecteur  des  connaissances  solides  sur  la  flore  et  la  faune  généralement 
peu  connues  de  cette  partie  de  l'Afrique  australe.  A  ce  titre,  l'ouvrage 
plaira  non  seulement  aux  gens  du  monde,  mais  aussi  aux  géographes  et 
aux  amateurs  d'histoire  naturelle.  La  15"*'  livraison  est  accompagnée 
d'une  carte  dressée  par  l'explorateur  d'après  ses  propres  détermina- 
tions, avec  plus  de  cent  cotes  d'altitude  le  long  de  son  itinéraire,  de 
Colesberg  à  Kazoungoula  et  aux  chutes  Victoria,  à  travers  l'Etat  libre 
de  l'Orange,  le  Transvaal,  les  territoires  du  protectorat  britannique  du 
Be-Chuanaland  et  du  pays  des  Ma-Tébélé.  Il  est  donc  possible  de  se 
rendre  exactement  compte  du  relief  du  terrain  sur  cette  ligne,  du  31*  au 
18°  lat.  sud. 

Nous  reviendrons  sur  cette  importante  publication  lorsqu'elle  sera 
terminée 


^ 


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i 


—  193  — 

BULLETIN  MENSUEL  (  1  juillet  1889^). 

A  l'occasion  des  progrès  faits  par  les  Senoussis  dans  le  Soudan 
oriental,  le  Bulletin  de  la  Société  africaine  d'Italie  a  donné  les  rensei- 
gnements suivants  sur  cette  secte  avec  laquelle  les  représentants  de  la 
civilisation  européenne  dans  TAfirique  septeatrioaale  doivent 
compter.  Le  Khalifa,  ou  lieutenant  de  Dieu,  a  sous  ses  ordres  toute  une 
hiérarchie  de  Khoumas  (frères  ou  compagnons),  de  Mokaddems  (pré- 
fets), d'Aghas  (doyens)  et  d'Oukils  (procurateurs),  qui  tous  ne  sont  que 
des  esclaves  du  chef  suprême.  Des  courriers  spéciaux  sont  toujours  à  la 
disposition  du  khalifa,  et,  avec  la  rapidité  de  l'éclair,  communiquent  aux 
autres  fonctionnaires  de  la  communauté  les  ordres  de  la  zaouïa  centrale  ; 
les  nouvelles  graves  sont  confiées  à  des  messagers  particuliers  qui  les 
portent  de  vive  voix  avec  une  célérité  incroyable.  Chaque  année,  à  une 
époque  fixe,  le  khalifa  convoque  les  Mokaddems  dans  un  synode  à  Djer- 
bib,  dans  lequel  sont  examinées  la  situation  morale  et  la  position  finan- 
cière du  senoussisme,  et  étudié  le  programme  des  actes  à  accomplir 
l'année  suivante.  La  secte  s'est  imposée  aux  divers  gouvernements  mu- 
sulmans, égyptien,  tunisien,  turc,  qui  l'ont  comblée  de  faveurs  et  lui 
ont  accordé  des  immunités  fiscales  et  de  vastes  concessions  de  territoire. 
Elle  compte  15  stations  au  Maroc,  25  en  Algérie,  10  en  Tunisie,  66  en 
Tripolitaine,  17  en  Egypte.  Elle  a  complètement  envahi  le  Wadaï,  dont 
le  sultan  est  un  de  ses  plus  fervents  sectateurs.  La  propagande  ne  se 
borne  pas  à  la  race  blanche  ;  la  race  noire  a  été  gagnée  par  les  nom- 
breuses écoles  fondées  dans  le  Soudan,  qui  ont  étendu  l'influence  de 
la  secte  de  la  Sénégariibie  à  Timbouctou,  à  Cano,  au  lac  Tchad,  au  Bahr- 
el-Ghazal,  jusqu'au  pays  des  Danakils,  des  Gallas  et  des  Somalis. 

Grâce  aux  efforts  déployés  dans  la  lutte  contre  les  criquets  dans  la 
proviace  de  Coastaatine,  il  est  permis  d'espérer  que  les  récoltes 
seront  présentées.  L'éclosion  a  été  beaucoup  plus  considérable  qu'on  ne 
pouvait  le  craindi*e;  mais  les  administrations  provinciales  et  commu- 
nales ont  su  organiser  la  défense  sur  tous  les  points  menacés,  avec 
énergie,  et  la  soutenir  avec  persévérance.  Des  milliers  d'indigènes  ont 
été  réquisitionnés,  des  soldats  ont  été  mis  par  l'autorité  militaire  à  la 

*  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  PEst,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

L'iFRIQrE.    —   DIXIÈME   ANNÉE.   —   N**    7.  7 


—  195  — 
siècle.  Or  c'est  au  dixième  siècle  que  la  dynastie  si 
Haute-Ethiopie  fut  renversée  par  l'usui-pation  d'uoe  p: 
gion  juive,  dont  la  dynastie  régna  pendant  un  siècle 
nord  de  l'Abyesinie  et  y  persécuta  le  christianisme.  Du 
pation,  la  dynastie  précédente  se  retira  dans  le  Choa.  U 
des  familles  chrétiennes  de  l'Abyssinie  septentrionale, 
la  tyrannie  de  l'usurpatrice,  aient  émigré  vers  le  sud 
des  colonies  chrétiennes.  Kintu,  le  fondateur  du  ro; 
Ganda  aurait  fait  partie  d'une  semblable  émigration. 

D'après  une  lettre  de  l'Oy-Rouri,  &  l'est  du  Vict 
2  décembre,  arrivée  à  Zanzibar,  Stenley  a  de  nouvet 
chir  la  distance  de  Bonalya,  sur  rArououimi,  au  lac  Albe 
Ërain-pacha.  Sans  doute  il  lui  a  remis  les  provisions  < 
qu'il  était  allé  chercher  au  camp  de  Yambouya.  Aux  tei 
il  semble  qu'Émin-pacha  serait  i-esté  dans  l'Ou-Nyon 
Albert,  pendant  que  Stanley,  pour  lequel  un  dépôt  de 
été  étabh  à  MsaJala,  au  S.-£.  du  Victoria-Nyanza,  sérail 
Bouri.  Sa  caravane  avait  perdu  un  assez  grand  nombr 
la  maladie,  d'autres  étaient  blessés,  ce  qui  Indique 
Accomplir  sa  tftche  sans  avoir  eu  de  nouveau  à  comh 
paraissait  épuisé  de  fatigues  et  de  privations.  Une  d< 
Londres  porte  qu'après  s'être  ravitaillé,  Stanley  i 
rejoindre  Ëmiu-pacha  dans  l'Ou-Nyoro  ;  il  ne  faudrai 
tendre  à  le  voir  prochainement  revenir  par  la  côte  or 
part,  d'après  une  coœmumcatiou  du  D'  Hans  Meyei 
géographie  de  Berlin,  M.  Stokes,  conducteur  des  caravi 
anglaises  du  lac  Victoria,  a  conduit  dans  le  Kavirondo  p 
ges  de  provisions  pour  Stanley.  La  secoude  expédition  ai 
pour  Ëmiu-pacha,  qui  est  partie  de  Mombas  en  nove 
dernière,  et  qui  devait  ti-averser  le  territoire  de  la  sj 
anglaise  eu  profitant  du  lever  de  la  carte  du  comte  1 
pénétré  assez  avant  dans  l'intérieur  pour  tendre  la 
Mais  voici  qu'un  télégramme  de  Zanzibar,  du  16  juin,  i 
de  lettres  d'Oudjidji  sur  la  côte  orientale  du  Tanganyil 
mars,  d'après  lesquelles  Stanley  aui-ait  opéré  sa  jonctio 
et  renvoyé  au  Congo  ses  malades.  Les  lettres  portaie 
se  disposait  à  gagner  la  côte  orientale  avec  Kmin-pai 
Tipo  comptait  être  rendu  à  Zanzibar  dans  quat 
de  chercher  à  concilier  ces  diverses  nouvelles,  nous  n( 


1" 


—  196  ^ 

sous  silence  celles  qui  sont  arrivées  par  la  voie  du  Congo.  Tout  d'abord^ 
d'après  le  Mouvement  g^raphique,  l'expédition  Becker  partie  de  Léo- 
poldville,  le  23  janvier,  pour  les  Stanley-Falls,  était  arrivée  à  destination 
le  16  février,  n'ayant  mis  que  25  jours  pour  remonter  le  tleuve.  Tipo- 
Tipo  aurait  manifesté  une  grande  satisfaction  de  revoir  l'oflScier  belge 
avec  lequel  il  avait  entretenu  jadis,  à  Tabora,  d'excellentes  relations. 
Mais,  s'il  faut  en  croire  le  Temps  du  2  juin,  de  graves  nouvelles  sont 
arrivées  des  Stanley-FaJls  par  l'intermédiaire  du  major  Parminter. 
Tipo-Tipo  ayant  appris  la  prohibition  de  l'importation  des  armes  et  des 
munitions  par  le  gouvernement  allemand  à  la  côte  orientale,  aurait  fait 
savoir  à  l'État  indépendant  du  Congo  que  si,  dans  un  délai  de  six  mois, 
il  n'obtenait  pas  200  fusils  avec  des  cartouches,  il  cesserait  de  se  consi- 
dérer comme  étant  à  son  service.  Il  aurait  vu  avec  chagrin  l'État  du 
Congo  établir  le  camp  retranché  sur  l'Arououimi,  et  aurait  préféré  res- 
ter seul  maître  de  la  clef  du  haut  Congo.  Le  Mouvemetd  géographique 
qui  mentiomie  la  présence  de  Tipo-Tipo  aux  Stanley-Falls  le  16  février, 
ne  dit  point  que  le  chef  ai'abe  fût  informé  de  la  venue  de  Stanley  à 
Oudjidji,  ni  qu'il  se  disposât  à  quitter  son  poste  poui*  se  rendre  au  Tan- 
ganyika  ou  à  la  côte  orientale,  ni  qu'il  eût  envoyé  ou  qu'il  se  préparât  à 
envoyer  dans  cette  direction  une  caravane  de  renfort  ou  un  convoi  de 
ravitaillement  à  Stanley.  Il  ne  nous  paraît  pas  que  nous  ayons  des  don- 
nées suffisantes  pour  résoudre  le  problème  posé  par  les  dépêches  reçues 
de  deux  côtés  opposés. 

M.  le  missionnaire  Price,  qui  vient  de  passer  une  année  à  Mombas 
et  dans  les  stations  avoisinantes,  a  pu  annoncer  à  l'Assemblée  générale 
de  la  Société  des  missions  anglicanes  que,  malgré  les  difficultés  surve- 
nues dans  l'Afrique  orientale,  l'œuvre  de  Mombas  a  fait  des  progrès; 
une  école  a  été  ouverte  pour  préparer  des  évangélistes  et  des  prédica- 
teui's  indigènes  ;  une  mission  médicale  a  été  fondée  dans  la  même  ville  ; 
les  femmes  ont  aussi  été  admises  à  prêter  leur  concours  à  l'œuvre  mis- 
sionnaire auprès  des  femmes  et  des  jeunes  filles.  La  British  East  African 
Company  a  engagé  les  missionnaires  à  suivre  ses  agents  xsur  la  route 
qu'elle  ouvre  pour  faciliter  les  communications  de  Mombas  avec  l'inté- 
rieur. Quelque  sombre  que  paraisse  le  présent,  il  n'y  a  pas  lieu,  pour  les 
missionnaires,  de  perdre  courage.  Au  milieu  des  obscurités  qui  les  entou- 
rent, il  y  a  des  points  lumineux  qui  relèvent  leurs  espérances.  —  Après 
M.  Price,  le  colonel  Evan  Smith,  consul  général  britannique  à  Zanzibar, 
a  insisté  siu*  les  difficultés  qui  se  présentent  à  ceux  qui  voudraient  faire 
entrer  le  continent  africain  dans  le  concert  des  nations  civilisées.  La 


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—  197  — 

< 

régéuératiou  de  ces  multitudes  de  noirs  est  une  œuvi'e  twp  vaste  pour 
qu'elle  puisse  être  entreprise  par  aucune  puissance  étrangère.  Ce  sont 
les  indigènes  qui  doivent  s'y  employer,  mais  la  préparation  de  ceux-ci 
est  entre  les  mains  des  missionnaires.  Les  pionniers  de  la  civilisation, 
géographes,  explorateurs  ont  été  soutenus;  l'influence  des  missionnaires 
commence  à  se  taire  sentir  même  à  l'intérieur;  mais  ils  ont  besoin  d'être 
appuyés.  La  situation  est  rendue  diflScile  dans  l'Afrique  orientale  par 
l'esclavage  et  par  la  traite,  deux  choses  distinctes  qu'il  ne  faut  pas  con- 
fondre. L'institution  de  l'esclavage  doit  être  éventuellement  abolie  par 
les  Africains  eux-mêmes  (V).  La  tâche  est  trop  gigantesque  pour  qu'au- 
cun gouvernement  l'entreprenne  ;  pour  amener  l'abolition  de  l'escla- 
vage, il  faut  faire  comprendre  aux  natifs  que  c'est  un  fléau  et  une 
dégradation.  Voilà  une  des  diflScultés  que  la  Société  a  devant  elle  ;  il 
faut  instruire  les  tils  de  l'Afrique  à  aller  eux-mêmes  répandi-e  le  chris- 
tianisme chez  leure  frères  dans  tout  le  continent. 

La  Société  allemande  de  l'Afrique  orientale  possède  une 
station  à  Mponapoua,  à  300  kilom.  de  la  côte,  sur  la  route  de  Baga- 
moyo  à  Tabora  et  au  Tanganyika.  Au  mois  de  février,  le  fondé  de  pou- 
voirs de  la  Société  à  Zanzibar  envoya  à  MM.  Giese  et  Nielsen,  ses  agents 
à  Mpouapoua,  trois  messagers  porteui's  de  petites  lettres  pour  les  engager  >V;^ 

-à  revenir  à  la  côte.  Les  lettres  furent  cachées  dans  les  petites  poches  à  >A'i 

amulettes  que  les  noirs  portent  toujours  sur  eux.  Bouchiri  fit  arrêter  /.^ 

et  fouiller  les  messagers,  mais  sur  leur  déclaration  que  ces  poches 
contenaient  des  remèdes  magiques,  un  Arabe  s'opposa  à  ce  qu'elles  fus- 
sent ouvertes.  Pour  le  retour,  le  lieutenant  Giese  cacha  des  lettres  dans 
le  magasin  de  la  crosse  des  fusils  de.s  porteurs  ;  mais  ceux-ci,  prévoyant 
que  leurs  armes  leur  seraient  enlevées,  les  cachèrent  de  nouveau  dans 
les  susdites  poches.  Ce  qu'ils  avaient  prévu  arriva  ;  Bouchiri  s'empara 
<ie  leurs  armes,  mais  les  lettres  parvinrent  à  Zanzibar.  Le  lieutenant 
Oiese  écrit  que  tout  est  tranquille  dans  l'Ou-Sagara,  et  que,  comme  la 
route  de  Zanzibar  est  fermée,  il  essaiera,  avec  M.  Nielsen,  de  parvenir 
à  Mombâs  par  Moschi  et  Taveta.  Il  ressort  de  nouvelles  ultérieures  que 
ce  projet  a  dû  être  abandonné.  MM.  Giese  et  Nielsen  se  sont  décidés 
à  rester  à  Mpouapoua  qui  est  fortifié  ;  mais  la  Société  africaine  alle- 
mande leur  a  fait  dire  que,  dans  l'état  actuel  des  choses,  il  importe  à 
leur  sûreté  qu'ils  quittent  la  station. 

A  la  suite  des  démarches  faites  auprès  du  gouvernement  anglais  par 
ies  délégués  de  la  Société  des  lacs  africains  et  des  Sociétés  missionnaires 
4\\x\  ont  des  stations  dans  la  région  du  lac  Nyassa,  il  s'est  produit  eu 


.i 


faveur  d'un  plan  d'exteosion  de  l'intlueuce 
'Afrique,  publié  dans  un  article  du  lïmeg 
iutt  : 

ilques  sociétés  ont  essayé  de  faire,  au  sud 
é  des  lacs  africaios  a  fait  au  nord  de  ce 
ne  pas  son  activité  au  lac  NyasM»,  elle 
t  lacs  Hoflpo  et  Bansonéolo,  aux  tei^ 
;es  et  la  mort  de  Livingstone,  et  au  cours 
3Stion  de  transformer  la  Société  des  lacs 
plus  vaste  qui  prendrait  l'admiiiistratioa 
1  sud  du  Zambèze,  oii  prédomine  actuelle- 
li  n'ont  pas  de  gouvernemeut  solide.  Son 
émité  sud  du  TaoganyikB,  à  la  côte  occi- 
s  méiidiooales  de  l'Ëtat  indépeadant  du 
orientales  et  occidentales  des  possessioos 
lites  du  protectorat  britannique  sur  le 
pays  les  plus  riches  do  l'Afrique  centrale; 
:  anglaise,  une  communication  se  trouve- 
t  Nil.  Les  chefs  indigènes  sont  partout 
sur  la  plupart,  conclu  des  traités  avec  la 
■es  associations  disposées  à  prendre  part  à 
icours  amical  de  la  East  British  Africau 
icîers  d'Angleterre  et  du  Cap  appuient  ce 
■opique  ne  manque  pas  dans  le  Conseil 
ité  soumis  au  Bureau  do^  colonies  et  au 
Ui  favorablement.  On  ne  doute  pas  que  le 
'entreprise,  par  une  charte  royale,  les 
es  à  ta  East  British  African  Company.  Ce 
(  l'Afrique  australe  anglaii^e  pourra  pren- 
ile,  et  que  les  missions  et  les  entreprises 
ourront  obtenir  l'appui  du  gouvernement 
iccordé, 

nu  sud  (lu  Zambèze  sont  la  Lord  Gifford's 
Company.  La  première,  appelée  aussi  la 
tauy,  étend  ses  prétentions  sur  tout  le 
1  Zambèze,  au  nord,  et  au  lac  Ngarai,  A 
avec  Morémi.  L'autre  Société,  qui  prend 
ish  African  Company,  prétend  avoir  des 
;  le  Ma-Shonaland,  quoique  Lo  Bengula  ait 
m  Rhodes.  Au  uord  du  Zambèze,  la  non- 


—  ni- 
velle Société  travaillerait  à  faire  déclare 
tout  le  pays  h  l'ouest  du  35°  long.  Est, 
Moêro  et  Bangouéolo,  que  les  Allemands 
comme  situés  dans  ta  sphère  d'intlueuce  a 

Il  est  possible  que  le  plan  susmentionni 
tains  esprits  en  Angleterre,  mais  nous  do 
gne  et  le  Portugal  en  permettent  la  r 
Deutsche  Kolomai  Zeitung  a  d^à  appeli 
département  des  affaires  étrangères  de  l'e: 
projet  publié  par  le  IHmes  était-il  connu,  ( 
représentés  dans  la  Chambre  des  pairs  du 
ration  ainsi  conçue  :  «  La  Chambre,  affinr 
du  Portugal  dans  l'Afrique  orientale  et 
découverte,  la  conquête,  l'occupation  effec 
ciale  permanente,  espère  que  le  gouvernen 
ces  droits  qui,  dernièrement  encore,  ont  é 
constatés  par  les  convention.^  passées  ave 
qu'il  s'efforcera  de  faire  respecter  les  lé 
portugaise  dans  ces  régions.  »  Cette  moti( 
par  les  deux  Chambres. 

Des  inondations  ont  désolé  la  province  de 
liqueg  publient  à  ce  sujet  une  lettre  de  1 
empnmtons  les  détails  suivants.  Dans  h 
pluies  ont  été  tout  à  fait  extraordinaires 
une  crue  de  3"  et  atteignait  la  hauteur 
étaient  à  craindre;  il  fallait  sui-tout  pi-ot^ 
de  la  ville.  Elles  sont  réputées  saci-ées  pai 
sont  l'œuvre  du  fondateur  de  la  dyna 
le  signal  d'alarme  était  donné  et  touti 
pour  aller  renforcer  ta  chaussée.  Le  prt 
à  la  hâte,  accompagné  de  ses  aides 
royaume,  pour  diriger  et  encourager  I 
général  de  France  et  Mgr  Cazet  s'y  rendi 
quelques  ingénieurs  français  dont  l'expér 
Le  danger  fut  momentanément  conjuré, 
tioD,  on  ouvrit  la  digue  de  la  rive  gauche 
rejoindre  celle  qui  de.scendait  par  la  plain 
plissait  déjà  la  vallée  du  Sisaouy.  L'Ikoi 

'  Voy.  la  carte  V""  année,  p.  164. 


—  200  — 

digues  euti^  Ambohipéuo  et  Mahitsy;  aussitôt  l'immense  et  riche 
plaine  de  la  rive  gauche  fut  inondée,  et  le  lac  d'Ambohipo  monta  de 
deux  mètres,  couvrant  les  propriétés  voisines.  La  digue  du  côté  gauche 
s' étant  rompue,  le  lac  baissa  de  1°*,40  et  la  plaine  de  Jalasora  reçut  tout 
le  torrent  dévastateur.  Tous  les  joui*s  on  travailla  aux  chaussées  ;  outre 
les  grands  dignitaires,  les  princesses  de  la  course  sont  fait  plusieui's fois 
transporter  sur  divers  points  en  chaises  à  porteurs.  Les  digues,  détrem- 
pées à  la  longue,  menaçaient  ruine.  Pour  dégorger  la  rivière,  le  premier 
ministre  fit  pratiquer  deux  saignées  à  gauche,  en  face  d'Amboniala.  Les 
rizières,  d'abord  assez  épargnées  jusqu'à  Ambohidrapeto,  sont  égale- 
ment dévastées.  Une  partie  de  la  récolte  était  faite,  mais  dans  la  plaine 
de  Jalasora  la  totalité  était  encore  sur  pied.  Les  rizières  sont  endomma- 
gées pour  longtemps.  C'est  donc  une  grande  perte.  Sans  doute,  le  Mal- 
gache vit  de  peu  ;  néanmoins  il  y  a  là  mie  souixe  de  misères  de  tous 
genres. 

VAJrican  Tinter  annonce  que  la  première  expédition  envoyée  par  la 
Société  allemande  de  commerce  et  de  colonii^atioii  est 
heureusement  ai'rivée  au  sud  de  l'Afrique.  Elle  s'est  rendue  sur  la 
rivière  Saint-John,  dans  le  Pondoland,  par  32**  lat.  sud,  pour  y  étaWir 
une  factorerie  centrale  et  pour  faire  les  préparatifs  nécessairas  à  l'éta- 
blissement d'une  plantation.  Les  principales  cultures  qu'elle  a  en  vue 
sont  le  tabac  et  le  maïs.  Une  seconde  expédition,  composée,  d'agricul- 
teui'S  et  de  mineurs,  suivra  prochainement;  une  troisième,  éntin,  sera 
transportée  par  un  steamer  appartenant  à  la  Société;  elle  comptera 
des  fermiers  et  des  mécaniciens,  et  jettera  les  bases  d'une  ville  alle- 
mande sur  la  rivière  Saint-John.  Le  steamer  fera  des  courses  régulières 
entre  Walltish-Bay  et  Delagoa-Bay,  en  touchant  à  Aiigra-Pequena, 
Capetown,  Port-filisabeth,  East-London,  Saint-John  et  Durban. 

A  propos  de  l'objection  faite  à  la  construction  du  chemia  de  fer 
du  Cong^o,  par  les  personnes  qui  prétendent  que  l'on  ne  pouri'a  pas 
trouver  en  Afrique  les  bras  nécessaires  pour  ce  travail,  le  Mouvement 
fféoffraphique  de  Bruxelles  répond  par  les  expériences  faite^^  dans  ces 
dernières  années.  Le  Portugal  a  construit  le  chemin  de  fer  de  Saint- 
Paul  de  Loanda  à  Ambaca,  en  n'utilisant  que  des  noirs  comme  terras- 
siers. L'É.tat  indépendant  du  Congo  a  recruté  facilement  pour  ses  tra- 
vaux, en  dehoi's  de  son  territoire,  des  Krooboys  de  la  côte  de  Monrovia 
au  cap  Palmas,  des  Why  de  Libéria,  des  Haoussas  de  la  côte  des 
Esclaves,  des  Loangos  et  des  Cabindas,  des  Zanzibarites  et  des  Cafres  ; 
et  sur  son  territoire,  des  Ba-Ngala  qui,  jusqu'ici,  se  sont  montrés  bons 


—  201  — 

terrassiers,  travaillant  avec  entrain  et  émulation,  ainsi  que  des  indigènes 
de  la  région  des  cataractes.  A  Manyanga,  à  Loukoungou  et  à  Lutété, 
ont  été  i-ecrutés  des  milliers  dMndigènes  pour  le  transport  du  Stanley, 
de  la  Ville  de  Bnioceiles,  du  Roi  des  Belges;  on  prétendait  que  les  nègres 
des  deux  rives  du  Congo  ne  traîneraient  pas  les  chariots  ;  il  n'en  fut 
rien  ;  un  assez  grand  nombre  d'entre  eux  furent  même  employés  aux 
réparations  de  la  route,  et  ce  travail  ne  les  rebuta  pas  plus  que  l'autre. 
Quant  aux  maçons,  aux  charpentiers,  aux  forgerons  et  aux  chauffeurs, 
t  les  possessions  anglaises  de  la  Côte  d'Or  en  fournissent  en  grand  nombre. 

On  trouve  également  des  charpentiers  et  des  maçons  parmi  les  Cabindas 
et  dans  la  pT'Ovince  d'Angola. 

Le  Mouvement  géographique  publie  les  renseignements  apportés  à 
Bruxelles  par  le  lieutenant  Liebrechts,  ancien  commandant  du  district 
de  Slmnley-PfKil.  En  deux  années,  la  s-tation  de  Léopoldville  a  été 
transformée.  Très  fréquentée  d'abord,  mais  affamée  par  une  nombreuse 
population,  en  partie  flottante,  en  partie  stable  et  commerçante,  mais 
nullement  agiicole,  il  en  a  fait  le  centre  de  vastes  cultiu'es,  dont  les 
champs  suffisent  à  la  nourriture  de  la  garnison.  L'exemple  a  été  imité, 
et  les  tribus  yatéké  se  sont  décidées  à  travailler  la  terre  au  lieu  de 
s'adonner  exclusivement  au  trafic  de  l'ivoire  et  du  caoutchouc.  L'auto- 

■ 

rite  de  l'État  indépendant  s'est  étendue  du  district  de  Stanley-Pool 
jusqu'à  la  rivière  Inkissi  ;  la  coutume  de  l'épreuve  par  le  poison  a  beau- 
coup diminué  ;  les  guerres  locales  ont  pour  ainsi  dire  cessé,  les  diffé- 
rends étant  soumis  à  l'arbitrage  du  chef  blanc.  Par  suite  des  entreprises 
commerciales  des  maisons  européennes  dans  le  haut  Congo,  les  Ba-Téké 
ont  perdu  le  monopole  de  l'ivoii-e.  Ds  ont  eu  récemment  la  naïveté  de 
proposer  à  M.  Liebrechts  de  le  rétablir  à  leur  profit  ;  il  leur  a  été 
répondu  :  «  Le  commerce  est  libre  pour  tous;  pour  vous,  le  moment  est 
venu  de  cultiver  et  de  pêcher.  »  Le  port  de  Léopoldville  a  été  amélioré 
par  l'établissement  d'un  plan  incliné  pour  la  réparation  des  bateaux, 
aussi  ceux-ci  ne  doivent-ils  plus  subir  de  longs  chômages  comme  aupa- 
ravant. C'ast  M.  l'ingénieur  Vandenbogaerde  qui  a  pris  le  commande- 
ment du  district. 

La  Florida,  vapeur  de  la  Société  belge  du  haut  Congo,  a  rapporté  de 
bonnes  nouvelles  des  établissements  créés  sur  le  Kassaï,  et  notamment 
de  la  station  de  lioiiloualioiirg^,  oti  conmiandent  MM.  Braconnier  et 
Légat.  Une  lettre  de  ce  dernier  donne  les  détails  suivants  :  «  Loulouabourg 
ne  ressemble  en  rien  aux  autres  stations  de  l'État.  C'est  le  pays  des 
plantations,  du  bétail,  des  grandes  collines  ondulées  couvertes  d'une 


—  202  — 
oartc.  C'est  plutôt  la  vie  des  Boëi*s  que  celle  du  Cougo  que  nous 

ici.  Nous  dressoQH  des  taui-eaux  à  la  monte  et  ils  valent  bien 
aux.  Us  sont  parfois  assez  méchants,  mais  l'on  s'y  habitue.  Au 
,  jamais  un  cheval  ne  saurait  faire  ce  que  fait  un  taureau, 
!r  les  rivières  à  la  liage,  grimper  les  côtes  les  plus  abruptes, 
ire  les  pentes  les  plus  fortes  avec  une  sûreté  de  pied  admirable 
ligueur  san»  pareille.  J'ai  dressé  pour  mon  service  un  énoime 
1  alezan  ;  il  marche  très  bien  et  vous  seriez  étonnés  de  me  voir 
.e  bète  franchir  les  obstacles  au  galop,  aussi  aisément  que  sur  le 
r  cheval  de  course.  Le  troupeau  de  la  station  est  déjà  assez  nom- 
30  têtes).  Tous  les  jours  nous  avons  du  beurre  frais  et  du  fro- 
juant  aux  indigènes  de  la  région,  ce  sont  les  meilleurs  nègres 
:onnais»e.  Bref,  je  me  plais  extrêmement  ici  et  je  ne  suis  jamais 
.  »  C'est  beaucoup  dire,  car  M.  Légat  est  parti  pour  le  Congo  eu 
t  ne  l'a  pas  quitté  pendant  ces  huit  années. 

ilssion  amëpicaine  dn  Gabon,  qui  va  remettra  è.  des  mis- 
res  français  ses  stations  situées  dans  cette  colonie,  eu  a  d'autres 
l  du  Gabon,  à  Corisco  et  Benito,  sur  territoire  espagnol,  à  Bato, 
3  neuti-e,  et  à  Batanga,  sur  territoire  allemand  dépendant  de 
>un.  A  défaut  de  missionnaires,  ces  stations  sont  remises  à  des 
les.  Suivant  une  résolution  prise  dans  une  conférence  h  Kangoué, 
éricains  doivent  choisir  un  emplacement  sur  territoire  allemand, 
k  construite  la  station  centrale  d'un  nouveau  champ  de  travail 
itte  région.  Une  lettre  du  commandant  de  Camerouu  stipule  que 
ion  américaine  sera  reçue  sur  ce  territoire  à  la  condition  de  se 
seulement  de  la  langue  indigène  dans  ses  rapports  avec  les  natifs, 

dans  le  cas  où  une  langue  étrangère  serait  enseignée,  ce  devrait 
lUemand.  Il  demande  en  outre  un  missionnaire  sachant  suffisam- 
allemand  pour  représenter  cette  mission  auprès  du  gouvei-uement. 
Compagnie  fi-ançaise  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  a  obtenu  le 
'exploitation  du  guano  des  lies  Alcatraz.  Celles-ci  sont  recou- 
d'un  épais  dépôt  de  cet  ejigrais  ;  les  couches  supérieures,  dit-on, 
t  à  désirer  ;  mais  les  inférieures,  moins  lavées  par  l'écume  de  la 
:  moins  balayées  par  le  vent  qui  souffle  continuellement  sur  ces 
s  déserts,  compenseront  certainement  les  etforts  faits  par  la  Coni- 

pour  la  mise  en  valeur  de  ces  dépôts  vieilles.  L'agriculture  fran- 
Lura  là  un  aliment  qui  l'attinnchii-a  du  tribut  qu'elle  a  jusqu'ici 

l'étranger,  et  la  colonie  du  Sénégal  trouvera  dans  la  taxe  d'ex- 
ion  une  source  importante  de  revenus. 


HOUVEU.es  COMPLfiHENTAIRES 

D'après  le  rapport  du  consul  belge  à  Alexandrie,  le  commerce  en 
et  l'Egypte  prend  an  essor  considérable.  En  1885  l'importatioi 
égyptiens  en  Belgique  ne  s'élevait  qu'à  la  somme  de  346  ^,  eu  1 
de  60,158  ^.  Dans  le  ni6me  laps  de  temps,  l'exportation  est  mont< 
i  136,477  ^. 

n  ne  parait  pas  que  les  négociations  entamées  entre  le  capitaii 
Bonchiri  aient  aboati,  puisque,  d'après  les  dépêches  de  Zanzibar, 
être  déclarée  aux  Arabes  de  la  c6te  de  Tanga  ft  Lindi,  que  Saadi 
ont  été  bombardés  par  l'escadre  allemande,  et  que  le  camp  de 
attaqué,  pris  d'assaut  et  brûlé  par  les  marins  des  vaisseaux  allem 
Les  Somalis  engagés  par  le  D<'  Cari  Peters  pour  l'expéditioi 
«ecours  en  fa-reur  d'Emin-pacba  sont  tombés  malades;  ils  ont  < 
Aden  snr  le  narire  allemand  'Elitah^'K  avec  sa  cargaison  d'armes 
dont  le  représentant  britannique  n'a  pas  voulu  autoriser  le  débart 
Sur  la  proposition  de  M.  Stœcker,  le  Parlement  de  l'empire  ail 
de  demander  ani  États  alliés  d'examiner  si  et  comment  le  comi 
de-vie  en  Afrique  pourrait  être  restreint. 

La  mort  snbite  du  colonel  MacMurdo,  le  promoteur  du  cbem: 
baie  de  Delagoa,  risque  de  compromettre  la  continuation  de  cetti 
plus  que,  dans  quelques  mois,  sera  échu  le  terme  auquel  elle  devi 
Le  D' Hans  Meyer  se  prépare  à  retourner  pour  la  troisième  fois  a 
Nons  espérons  que  les  troubles  de  l'Afrique  orientale  ne  nuiront  ] 
Telle  expédition  comme  c'a  été  le  cas  pour  la  seconde. 

Depuis  quelque  temps  on  était  inquiet  snr  le  sort  du  lieaten 
Antonio  Cardoso,  que  le  gouvernement  portugais  avait  envoyé 
ciale  sur  les  bords  du  lac  Nyasaa.  Des  nouvelles  satisfaisantes  sont 
ces  inquiétudes.  L'envoyé  portugais  a  pu  déterminer  neuf  rois  d( 
accepter  l'autorité  du  gouvernement  de  Lisbonne.  —  D'autre  par 
gais  qui  défend  la  baie  de  Tunga  a  été  attaqué  à  l'improviste 
qui,  d'après  une  dépêche  de  source  anglaise,  s'en  seraient  emparés, 
partie  de  l'escadre  portugaise  qui  devait  prendre  part  au  blot 
s'est  rendue  à  la  baie  de  Tunga. 

Le  Volksraad  de  l'État  libre  du  fleuve  Orange  a  ratifié  le  trait 
commerce,  ainsi  que  la  convention  pour  les  chemins  de  fer  ave 
Sud- Africaine.  11  a  en  outre  nommé  un  commissaire  pour  faire 
question  d'une  union  fédérative  avec  le  TransvaaI. 

Une  Compagnie  anglaise  a  été  autorisée  à  installer  l'éclair. 
Johannesbourg. 

Le  préaident  de  l'État  libre  du  fleuve  Orange  a  accordé  au  g 
la  colonie  du  Cap  la  concession  d'un  chemin  de  fer  de  l'Orange 
«t  jusqu'au  Vaal. 


—  204  — 
'tation  de  l'or  des  colonies  du  Cap  et  de  Natal  ne  s'éuit 
137,080  <^,  elle  a  monté,  en  ie88,à  991,093^,  et  dans  le» 
de  cette  année-d,  elle  a  déjà  atteint  )e  chiffre  de  423,089  ^, 
|ue  Lo-Bengula  arait  en*oyéB  en  Ânglet^re.  pour  obtenir 
trt  de  la  Graude-BretagDo  an  s^jet  du  pays  des  Ma-TébélÉ, 
erley.  Tout  heureux  d'échapper  &  la  vie  des  riltes  pour 
ixemptc  des  restrictions  qu'imposent  les  conventions  de  la. 
i  sont  bien  rite  repartis  pour  Qonbouloaouajo. 
amené  la  crf^ation  à  CapetowD  d'une  Société  pour  l'ezploita- 
riféres  du  Damaraland  :  Omaruru  Gold  Mining  and  Expiai- 

un  capiul  de  60,000  ^.  À  la  tète  du  comité  fondateur  w 
tenzie;  plusieurs  Allemands  en  font  aussi  partie.  La  Société- 
it  compte  étendre  son  exploitation  dans  toutes  les  directions. 
lis,  commandant  de  l'avant-garde  de  l'expédition  destinée  au 

a  da  commencer  par  rétablir  la  paix  dans  plusieurs  con- 
duits des  troubles.  Les  chefs  de  tribus  ont  mis  fin  à  leurs 


Grenfell  a  quitté  son  ancienne  résidence  de  Kinchassa,  pour 
sa  famille  à  la  nouvelle  station  créée  à  fiolobo  par  les 

léricaJQS  out  fondé  une  nouvelle  station  à  Tchonmbiri. 

e  Daumas,  Béraud  et  C*  a  créé  un  nouvel  établissement  sur 

eamers  du  Congo  français,  a  quitté  Stanlef-Pool  pour  s» 
luve,  ayant  i  bord  M.  Dolizie,  le  résident  de  Brazzaville, 
'organiser    des  expéditions   qui,  du   camp  retranché  sur 
int  des  recoonaissances  dans  le  pays  parcouru  par  Stanley 

et  tAcberoDt  de  résoudre  les  problèmes  orographtqnes  et 
s'y  rattachent. 

de  Dahomey  d'Être  placé  sous  le  protectorat  de  la  Grande- 
cordée. 

glaises  de  la  Gambie  et  de  Sierra  Leone  qui,  jusqu'ici,  étaient 
e  administration,  ont  été  séparées  et  forment  maintenant 

da  Sénégal  publie  deux  décrets  ratifiant  les  traités  qui  pla- 
l'Abron  et  le  Bondoukou  sous  le  protectorat  de  la  France. 


CHRONIQUE  DE  L'ESCLAVAGE 

i  générale  de  la  Société  des  missions  anglicanes  du 
,  un  des  fondateurs  des  établissements  de  Frere- 
les  esclaves  libérés,  a  déclaré  qu'une  des  plus  fortes 


r 


-TT^j-. 


—  205  — 

baiTières  qui  s'opposent  à  toute  espèce  de  progrès  dans  l'Afrique  orien- 
tale c'est  la  terrible  institution  de  la  traite.  Elle  n'est  pas  seulement 
<iémoralisante  pour  ceux  qui  font  le  trafic  des  esclaves,  mais  encore  pour 
«eux  qui  s'efforcent  d'accomplir  l'œuvre  de  la  philanUiropie  chi'étienne. 
Le  blocus  établi  pour  empêcher  l'exportation  des  esclaves  par  mer  gêne 
la  liberté  du  trafic;  qu'arrivera-t-il  lorsque  le  blocus  sera  levé?  il  n'est 
pas  nécessaire  d'avoir  beaucoup  de  perspicacité  pour  prédire  qu'il  y 
aura  une  réaction.  Il  est  urgent  de  chercher  d'autres  moyens  pour  arri- 
ver à  la  suppression  du  fléau.  M.  Price  croit  que  prochainement  de 
vigoureux  efforts  y  seront  employés.  Il  a  exposé  au  comité  de  la  Société 
les  embari'as  dans  lesquels  se  trouvent  les  missionnaires  de  Rabaï  par  le 
fait  du  grand  nombre  d'esclaves  fugitifs  accourus  sur  le  territoire  de  la 
station  et  les  difficultés  pratiques  qui  naissent  de  l'obligation  de  ren- 
voyer ceux  qui  s'y  réfugient. 

Nos  lecteurs  se  rappellent  qu'ensuite  d'une  comparution  devant  un 
juge  consulaire  anglais,  en  1880,  à  Mombas,  MM.  Streeter  et  Binns, 
missionnaires,  avaient  dû  renvoyer  les  fugitifs  que  les  Arabes  et  les 
Souahélis  disaient  leur  avoir  appartenu,  sur  quoi  ces  malheureux 
s'étant  enfuis  dans  la  campagne  y  avaient. été  traqués  comme  des  bêtes 
fauves  par  cinq  ou  six  cents  Souahélis  armés .  Le  consul  général  anglais 
avait  même  blâmé  les  missionnaires  d'être  allé  trop  loin  dans  leur  pitié 
pour  les  esclaves  fugitifs,  et  le  comité  de  la  Société  des  missions  angli- 
canes leur  avait  donné  comme  direction  de  n'en  plus  recevoir  à  l'avenir 
et  d'inviter  à  retourner  chez  leurs  maîtres  ceux  qui  se  présenteraient  à 
la  station. 

Le  colonel  Ewan  Smith,  consul  général  anglais  à  Zanzibiar,  a  insisté 
auprès  de  la  Société  des  missions  anglicanes  pour  que,  aussi  longtemps 
que  l'esclavage  domestique  est  reconnu  par  la  loi  du  pays,  elle  donne  à 
ses  agents,  comme  direction,  de  subir  les  conséquences  de  la  loi  et  de  se 
concilier  l'opinion  publique  à  ce  sujet,  mais  en  même  temps  qu'elle 
porte  toute  son  attention  sui*  le  devoir  de  procurer  par  tous  les  moyens 
possibles  l'abolition  de  l'institution  légale  de  l'esclavage. 

Les  Missions  d'Afrique  publient  une  lettre  du  P.  Ijourdel  qui  ren- 
ferme, sur  la  vente  des  enfanta  dans  l'Ou-Ganda,  les  détails  sui- 
vants :  «  La  centaine  d'enfants  que  nous  avons  pu  racheter  n'apparaît 
guère  que  comme  des  Mari  nantes  in  gxirgiie  vasfo  en  comparaison  des 
milliers  de  pauvres  êtres  qui  croupissent  au  milieu  des  horreurs  de  la 
servitude.  Faute  de  ressources,  nous  devons  nous  résigner  à  en  laisser 
vendre  le  plus  grand  nombre  aux  négriers  musulmans.  Vous  dirai-je 


—  206  — 
serrement  de  cœur  lorsque  nous  voyous  ces  infortunés  enfants 
tristement  sur  la  route  qui  longe  notre  baDaneraie,  pour  être 
ts  sur  les  misérables  pirogues  qui  doivent  les  éloigner  pour  lou- 
e  leur  pays,  et  où  ils  seront  eotassés  comme  des  moutons,  les  uns 
autres,  pour  succomber  enfin,  en  partie,  sous  les  ooups  de  la 
de  la  petite  vérole  et  de  la  peste  V 

arrive  plus  d'une  fois  qu'un  pauvre  Ma-Ganda  est  obligé  de  voir 
son  enfant,  son  frère  ou  sa  sœur,  faute  du  prix  de  rachat,  qui 
:  exorbitant  quand  le  possesseur  s'aperçoit  qu'il  a  affaire  aux 
i  de  son  esclave.  Les  Ba-Ganda  ne  vendent  pas  seulement  les 
I  qu'ils  prennent  dans  les  guerres  à  l'extérieur,  mais  aussi  des 
1  pays  qu'ils  ont  obtenu  par  procès  ou  par  ruse,  ou  dans  les  diffé- 
illages  ordonnés  par  le  roi  et  les  grands.  Des  chefs  vendent  par- 
^i,  pour  la  plus  petite  faute,  ou  simplement  poui'  se  procurer  un 
itoffe,  des  enfants  et  des  jeunes  filles  qui  leur  ont  été  confiés  par 
s  des  campagnes.  Encore  croient-ils  faire  acte  de  clémence,  lors- 
a  eu  quelque  faute  de  la  part  de  l'enfant,  en  ne  commençant  pas 
couper  les  oreilles  et  le  nez.  Aussi,  parfois  l'on  entend  dire  :  tel 
a  beaucoup  de  clémence;  il  ne  tue  pas  ses  esclaves  et  ne  leur 
ni  les  yeux,  ni  les  oreilles  quand  ils  font  quelque  fredaine,  il  se 
te  de  les  battre  et  de  les  vendre  aux  Arabes, 
1  jour,  à  Mougnougnou,  en  audience  royale,  j'entendis  prononcer 
e  de  mort  contre  deux  enfants  de  quatorze  à  quinze  ans.  Étonné 
peine  si  sévère  contre  des  enfants  aussi  jeunes,  j'appris  qu'ils 
:  vendu  aux  Arabes  un  jeune  page  du  ministre.  Ils  l'avaient  ren- 
se  promenant  dans  les  rues  et,  voulant  se  procurer  le  luxe  de 
es  brasses  d'étotfe  blanche,  ils  n'avaient  pas  hésité  à  aller  vendre 
itit  camarade,  sachant  bien  cependant  que,  s'ils  étaient  pris,  ils 
ent  de  leur  propre  vie  cet  acte  de  méchante  cupidité.  La  sentence 
t  fut  exécutée  le  même  jour.  Mais  ces  peines  si  sévères  sont  loin 
■  arrêté  ce  détestable  abus.  Témoins  de  la  sentence  de  mort,  les 
;e  sont  probablement  dit  en  eux-mêmes  :  Ce  sont  des  maladroits, 
it  pas  su  s'y  prendre.  S'ils  avaient  pris  quelque  esclave  de  paysan, 
d'aller  vendre  un  page  du  ministre,  personne  n'y  aurait  rien  vu! 
e  qui  se  fait  journellement.» 

\.  P.  Coulbnla,  de  la  mission  du  Tfuisftnylka,  écrit  aux 
•m  d'Afiique  :  «  Dans  l'espace  de  cinq  ans,  j'ai  vu  dépeupler  le 
izé,  la  presqu'île  d'Ubuari,  longue  de  quinze  lieues  et  large  de 
L  cette  heure,  les  Arabes  s'attaquent  au  pays  d'Ugoma  qui  s'étend 


—  207  — 
sar  mie  longueur  de  quarante  lieues,  d'ici  à.  la  station  anglaise.  Il 
déjà  trois  postes.  De  l'Urondi,  ils  n'ont  entamé  que  la  côte  sur  ui 
fondeur  d'une  lieue  à  une  lieue  et  demie.  Il  est  encore  temps  de 
ce  pays  magnifique,  riche  et  relativement  peuplé. 

«  Les  membres  de  l'expédition  belge,  munis  de  bateaux  à  v 
pourraient  confisquer  les  barques  arabes  et  couper  en  deux  leur 
le  Taiiganyika  étant  alors  la  batrière  infranchissable  qui  arrêterai 
bandes.  Les  Anglais  de  Kavala  ont  un  vapeur  sur  le  Taiiga 
d'autres  peuvent  donc  en  apporter  aussi.  » 

Le  journal  Oott  mil  es  publie  leâ  renseignements  suivants  emf 
à  une  lettre  du  10  février,  de  Klpalapala  prè»  de  Tiibo pat  I 
ropéens  de  l'intérieur  sont  complètement  coupés  de  toutes  eomn 
tions  avec  la  côt«.  Les  tribus  ne  laissent  plus  passer  ni  caravi 
courriers.  Une  caravane  de  Mpendschalo,  successeur  de  Miramb< 
aiTôtée  près  de  Bagamoyo  ;  son  conducteur  rais  aux  fers,  l'ivoir 
la  plupart  des  personnes  réduites  eu  esclavage,  vendues  à  T 
quelques-unes  seulement  se  sont  échappées.  Le  courrier  angli 
aurait  dû  arriver  en  octobre  à  Zanzibar  a  été  arrêté  à  Saadaui,  les 
ont  été  confisquées  ;  seul  un  homme  a  pu  s'échapper  avec  sou 
dépèches  ;  le  courrier  de  décembre  a  été  également  pillé  et  les  lett 
truites  ;  celui  qui  est  parti  de  Zanzibar  en  décembre  a  été  ari-éti 
sept  hommes  qui  le  portaient  ont  été  tués  ;  celui  de  janvier  a  été 
ment  perdu.  Si  l'Allemagne  veut  rétablir  l'ordre  et  ne  pas  laisser 
le  commerce  dans  les  territoires  de  son  protectorat,  l'action  de  s< 
seurs  ne  sufiit  pas.  Il  faut  qu'elle  envoie  de  petites  expéditions  fi 
rieur.  En  dehors  de  la  portée  de  ses  canoimièrcs  on  se  moque  d 
faudrait  aussi  créer- çà  et  \k  quelques  postes  fortifiés,  avec  40  ou 
dats  indigènes  pour  maintenir  la  paix  dans  le  pays,  comme  on  ent 
encore  aujourd'hui  le  sultan  de  Zanzibar,  ce  qui  fait  que  son  in 
est  encore  considérable.  Uixe^  lettre  munie  du  sceau  du  sultan  sut] 
ouvrir  la  route  à  un  courrier.  Aussi  les  Arabes  peuvent-ils  échaiv 
lettres  avec  leurs  coiTespondants  à  l'intérieur  ;  il  n'en  est  pas  de 
des  Européens.  Peut-être  surtirait-il  d'exercer  sur  le  sultan  une  c 
pression  pour  obtenir  de  nouveau  la  tranquillité  ;  cependant  il  n 
drait  pas  trop  compter  ;  il  ne  serait  pas  impossible  que  ses  agen 
tassent  les  indigènes  à  la  résistance.  Si  les  conditions  actuelles  i 
longent,  les  Européens  qui  vivent  à  l'intérieur  passeront  une  mi 
année,  car  ils  ne  pourrontpas  s'approvisionner  d'une  manière  suf 

Dès  lors  la  situation  s'est  aggravée,  et,  aux  dernièi-es  nouve 


—  208  — 

Zanzibar,  le  supérieur  de  la  station  de  Kipalapala  éci'ivait  que  les  Arabes 
exaspérés  des  nouvelles  de  la  côte  se  proposaient  de  se  v^ger  sur  les 
Européens  à  l'intérieur.  «  Les  Arabes  très  surexcités,  »  dit-il,  «  ont  de- 
mandé au  sultan  Siké  de  nous  tuer  ;  Siké  a  refusé.  Les  Arabes  disent 
tout  haut  que  si  les  Français  participent  à  la  guerre,  ils  nous  tueront  de 
suite  jusqu'au  dernier  ;  nous  sommes  en  grand  danger.  » 

Au  Tanganyika,  quelques  Arabes  d'Oudjidji  ont  proposé  de  massa- 
crer aussi  les  missionnaires,  mais  ceux-ci  ont  été  protégés  par  Mohamed- 
ben-Kelfan,  cousin  de  Tipo-Tipo,  occupé  en  ce  moment  à  ravager  les 
bords  du  Tanganyika  et  à  réduire  en  esclavage  ce  qui  reste  de  la  popu- 
lation. Mais  ils  se  sont  abstenus,  pensant  que  c'était  jouer  un  trop  gros 
jeu  de  massacrer  les  Français  et  les  Belges  autour  du  lac. 

Il  ressort  d'une  déclaration  de  sir  J.  Fergusson,  sous-secrétaire 
d'État  au  Foreign  Office  que,  d'après  un  rapport  de  l'amiral  Free- 
mantle,  du  mois  de  mars,  il  n'a  été  capturé  par  les  vaisseaux  anglais, 
depuis  le  blocus  de  Zanzibar,  qu'un  seul  bateau  chargé  d'esclaves. 
Depuis  le  mois  de  mars,  plus  de  1300  bateaux  ont  été  visités,  mais  aucun 
ne  portait  d'esclaves.  Aucune  puissance  étrangère  n'a  refusé  de  recon- 
naître le  blocus  ou  l'exercice  de  la  visite  dans  les  eaux  territoriales  du 
sultan  ;  un  pavillon  étranger  ne  serait  pas  une  protection  pour  les 
bateaux  qui  porteraient  des  esclaves  dans  ces  eaux. 

En  Suède  il  s'est  formé  une  Société  anti-esciavaiplste.  Le 
président,  M.  Zachrisson  s'est  rendu  à  Bruxelles  pour  préparer  une 
expédition  contre  les  Arabes  chasseui'S  d'esclaves.  Il  n'a  que  trente  ans; 
après  avoir  terminé  ses  études  universitaires,  il  a  voyagé  en  Australie, 
en  Arabie,  en  Palestine,  en  Afrique  et  dans  les  Indes  occidentales.  Au 
moyen  de  grands  sacrifices  pécuniaires  il  a  réussi  à  enrôler  cent  volon- 
taires qui  se  sont  engagés  à  servir  trois  ans  en  Afrique  sous  son  com- 
mandement et  à  entreprendre  une  campagne  contre  les  chasseui's  d'es- 
claves. 


EXPÉDITION  DE  M.  SELOUS  AU  NORD  DU  ZAMBÈZE 

Tandis  que,  pai-  la  voie  du  Congo,  l'Afrique  centrale  équatoriale  s'ouvtc 
largement  à  la  civilisation,  et  que,  malgré  les  efforts  des  Arabes  de 
Test,  celle-ci  pénètre  peu  à  peu  par  le  Shiré  jusqu'à  la  région  des  lacs, 
il  semble  que  les  pays  traversés  par  le  Zambèze  moyen  se  montrent  plus 
réfractaires  à  Tinlluencc  européenne.  La  création  de  stations  mission- 
naires à  Seshéké  et  à  Lealuy  est  sans  doute  un  fait  important,  et  les 


—  209  — 
petits  comnieucemeats  ne  sont  point  à  mépriser.  Mais,  en  aval  dss 
tes  Victoma,  malgré  la  déclaration  de  protectorat  annoncée  par  l'A 
terre  sur  Je  pays  des  Ma-Tébélé  et  des  Ma-Shona,  au  sud  du  Zam 
il  est  à  craindre  que  de  longtemps  les  indigènes  n'acceptent 
empressement  de  voir  les  blancs  s'établir  au  milieu  d'eux.  De  1' 
côté  du  tieuve,  l'insuccès  rencontré  par  le  D'  Holub  et  par  M, 
Selous  dans  leui-s  tentatives  d'explorer  ou  de  traverser  le  pays  de: 
Ghoukouloumbé  pour  se  rendre  plus  au  noi-tl,  peut  faire  craindre, 
part  de  ces  indigènes,  une  opposition  dont  la  civilisation  ne  p 
triompher  que  bien  lentement.  C'est  à  la  suite  de  M.  Selous,  dont 
pédition  fut  postérieure  de  deux  années  à  celle  du  D'  Holub,  que 
voudrions  introduii-e  nos  abonnés  dans  cette  région  peu  connue,  l. 
le  passage  de  Livingstone,  il  s'est  produit  dans  les  dispositions  de^ 
gènes  des  changements  considérables,  dont  les  explorateurs  à 
devront  tenir  compte  s'ils  ne  veulent  pas  s'exposer,  eux  aussi, 
échecs  certains. 

Ce  fut  le  9  avril  de  l'année  dernière  que  M.  F.-C.  Selous,  auq 
géographie  était  déjà  redevable  de  précieux  i-cnseignenients  sur 
graphie  et  l'hydrographie  des  teiTitoii'es  au  sud  du  Zambèze,  se  i 
route,  de  Shashong,  pour  explorer  ceux  du  nord,  à  commencer  | 
vallée  des  Ba-Rotsé,  oh  il  comptait  passer  une  année  à  faire  des  ( 
tious  d'histoire  naturelle,  à  chasser  l'éléphant,  en  même  temps 
faii-e  un  peu  de  comniei-ce.  Il  emmenait  avec  lui  deux  wagons,  cin 
vaux  de  selle,  seize  ân&s,  etc.;  mais,  à  Panda-Ma-Tenka,  il  app 
troubles  qui  régnaient  au  delà  du  Zambèze  '  et  l'expédition  de  Lev 
chez  les  Ma-Choukouloumbé.  M.  Westbeech  lui  montra  une  letl 
jeune  missionnaire  Arnot  lui  disant  :  «  Si  vous  rencontrez  nutt 
commun,  M.  Selous,  dites-lui  combien  je  serais  réjoui  de  recevo 
visite  de  lui.  J'habite  un  beau  pays,  gouverné  par  lui  chef  puissai 
dans  lequel  les  éléphants  sont  extrêmement  nombreux.  »  Ne  pc 
se  rendre  chez  les  Ba-Rotsé,  M.  Selous  se  décida  à  tenter  de  pa 
chez  les  (lai-enganzé  pour  y  passer,  k  chasser  et  à  faire  des  collei 
l'époque  de  la  saison  des  pluies  et  revenir  l'hiver  suivant  à  Pand 
Tenka.  Il  ht  ses  préparatifs,  se  procura  des  provisions,  des  muii 
des  marchandises  poui-  une  année  environ  et  les  répartit  en  coli; 

'  Voy.  IX"  année,  p,  283-285. 

'  Moshidi  (ou  Moshiri),  roi  des  Garenganzé,  dont  la  résidence  est  siiiiéi 
dizaine  de  journées  de  marche  à  l'ouest  du  lac  Bangouéolo  ;  voy.  Afrique  e; 
IX~'  année,  p.  16-22. 


—  210  — 

sauts  pour  en  charger  ses  seize  ânes  et  une  quinzaine  de  porteurs.  Il 
comptait  traverser  le  Zambèze  vis-à-vis  de  la  ville  de  Wankie  ',  à  un 
degré  environ  à  l'est  des  chutes  Victoria,  suivre  le  fleuve  jusqu'à  son 
confluent  avec  la  Kafoukoué,  pour  y  retrouver  sa  route  d'il  y  a  douze 
ans,  et,  après  avoir  passé  cette  rivière,  pousser  droit  au  nord. 

Le  5  juin,  il  quitta  Panda-Ma-Tenka,  emmenant  avec  lui  trois  hom- 
mes parlant  le  hollandais  :  Daniel,  un  Hottentot,  qui  avait  conduit  un 
des  wagons  depuis  Shoshong,  Paul,  Zoulou  de  Natal,  qui  s'était  marié 
et  avait  vécu  avec  des  gens  de  Wankie  pendant  quelque  temps,  et  Char- 
ley,  jeune  garçon  qui  avait  été  élevé  par  un  des  chasseurs  de  M.  W^t- 
beech,  était  bon  tireur  et  excellent  interprète.  Il  avait  en  outre  avec  lui 
deux  honmies  de  Khama  armés,  comme  lui  et  les  précédents,  de  très 
bons  fusils  anglais,  et  quatre  Ma-Shona  attachés  à  son  service. 

A  l'endroit  où  la  caravane  devait  traverser  le  Zambèze,  le  fleuve  a 
400"  de  large  et  le  courant  en  est  très  fort.  Il  fallut  faire  passer  les  ânes 
l'un  après  l'autre,  attachés  à  la  poupe  d'un  grand  canot.  L'opération 
prit  une  journée  entière.  Le  soir,  au  coucher  du  soleil,  on  campait  sous 
un  immense  baobab,  près  de  la  ville  de  Wankie.  Celui-ci  vint  au  camp 
le  lendemain  matin  de  bonne  heure  percevoir  le  prix  du  passage,  plus 
coûteux  qu'il  ne  l'avait  été  il  y  a  douze  ans.  Là,  M.  Selous  dut  laisser 
Daniel,  le  Hottentot,  qui  avait  un  fort  accès  de  fièvre  dont  il  mouinit  au 
bout  de  quelques  joui's.  La  maladie,  estime-t-il,  est  dangereuse  pour 
tous  ceux  qui  ne  sont  pas  acclimatés,  qu'ils  soient  blancs,  noirs  pu  jau- 
nes ;  ces  derniers  lui  paraissent  y  résister  le  moins  ;  les  noirs  sont  ceux 
qui  la  supportent  le  mieux. 

Dès  le  lendemain  du  départ  de  Wankie,  les  diflicultés  commencèrent 
avec  les  porteurs;  quoique  quinze  jours  auparavant  ils  eussent  solennelle- 
ment promis  à  l'explorateuf"  de  lui  rester  attachés  coûte  que  coûte  et  de 
revenir  avec  lui  à  Panda-Ma-Tenka,  la  plupart  désertèrent.  M.  SeloiLS 
dut  ajouter  leui*s  charges  à  celles  que  portaient  déjà  les  ânes  et  poursui- 
vre son  chemin.  Aussi  écrit-il  :  «  Le  proverbe  fait  de  l'âne  le  pauvre  ami 
de  l'homme,  mais  nulle  part  la  chose  n'est  plus  vraie  que  dans  l'intérieur 
de  l'Afrique.  Robuste  et  endurant,  il  peut  porter  sans  se  plaindre  autant 
que  cinq  Cafres  ordinaires.  Dans  les  régions  où  abonde  la  tsétsé,  quel- 
que vigoureux  qu'il  soit,  il  ne  vit  pas  longtemps;  cependant  il  résiste  au 
poison  de  la  piqûre  de  la  mouche  beaucoup  mieux  que  tout  autre  animal 

*  Nos  lecteurs  se  rappellent  qu'en  Afrique,  très  souvent,  le  nom  d'un  chef 
devient  celui  de  la  ville  qui  lui  sert  de  résidence. 


—  2i: 

domestique  ;  il  peut  traverser  des  zo 
coup,  sa  coiistitutiou  étant  assez  fort 
du  poison,  s'il  ne  reste  pas  trop  Ion 
tiennes,  tandis  qu'un  bœuf  ou  un  che 
succombent.  »  M.  Selous  a  vu  cepend 
après  avoir  été  piqués,  mais  ces  cas 
jeune,  cheval,  bœuf  ou  âne,  mieux  il 
Deux  joui-a  de  marche  à  travei's  ui 
tristes  forêts  dépouiTuas  de  feuillage 
rent  Texpéditiou  sur  les  bords  du  Z 
pondo,  chef  ba-tonga.  En  chemin,  M. 
nés  porteurs,  ce  qui  lui  permit  de 
Champondo  était  menacé  par  une  b 
traverser  le  fleuve  ;  une  forte  troupe 
en  empêcher.  Heureusement  pour  euj 
septentrionale  et,  sans  embarcations 
einban-assés  pour  opérer  le  passage 
envoyé  les  femmes,  les  enfants  et  les 
au  campement  et  reçut  de  M.  Selon 
satisfaire,  mais  le  lendemain  matin  il 
annés  de  lances  barbelées,  pi-étends 
reçu  la  veille,  et  disant  qu'il  lui  falla 
même  temps,  ses  gens  prenaient  uni 
gesticulaient  violemment  ;  les  deux  '. 
la  tournure  que  prenait  l'affaire,  saisi 
geaient,  tandis  que  les  Ba-Tonga,  un< 
demi-douzaine  dans  la  gauche,  proféi 
menaçants.  La  situation  devenait  ci 
ifaot  au  milieu  d'eux  saus  armes,  le 
intentions  en  brandissant  leurs  assai 
abaissèrent  leui-s  armes  et  s'assirent. 
et  se  rendit  avec  lui  auprès  du  vieu 
présent  d'une  pièce  de  calicot  noir,  u 
de  fil  de  laiton,  se  déclara  satisfait  et 
Les  ânes  venaient  d'éti-e  chargés  k 
sortit  du  village  ;  c'était  la  troujie  d' 
ses  foyers,  les  Ma-Tébélé  ayant  renoi 
en  pleine  retraite.  Le  chef  des  Ita-T 
sous  prétexte  que  c'était  lui  et  ses  p 


—  212  — 
,  et  que,  s'il  ne  l'avait  pas  fait  et  que  les  Mfl-Tél>élé  eusseut  passé  le 
ve,  ils  auraient  pillé  la  caravane  et  tué  M.  Selous  et  tous  ses  gens, 
'explorateur  dut  s'exécuter;  une  fois  libre,  il  suivit  la  rive  gaucho 
fleuve  jusque  chez  Chamedza,  autre  chef  ba-tonj^a.  Les  iiidigéucs 
aient  en  grand  nombre  de  leurs  villages;  les  femmes  en  partieuher 
ninaient  les  ânes  avec  un  grand  intérêt.  Les  prétentions  de  tout  ce 
ide  à  i-ecevoir  des  présents  engagèrent  M.  Selous  à  renoncer  à  suivre 
euvo  pour  n'être  pas  ruiné  avant  d'avoir  atteint  la  Kafoukoué.  Grâce 

I  bon  présont  fait  à  Chamedza,  il  obtint  des  guides  qui  devaient  le 
luire  à  travers  les  montagnes  s'étendant  entre  le  haut  plateau  et  la 
ée  du  Zambèze. 

l'une  manière  générale,  M.  Selous  fait  remarquer  que  les  lîa-Tonga 
singulièrement  changé  de  caractère  depuis  1877,  où  il  traversa  leur 
s  pour  la  première  fois.  Aloi-s,  ils  le  recevaient  très  bien,  lui  dou- 
ant, dans  chaque  village,  des  chèvres  et  des  vhTes;  nulle  part  on 
îsnyait  de  lui  rien  extoi*quer.  Aucun  blanc  n'avait  passé  chez  eux 
uis  que  David  et  Charles  Liviugstonc  et  le  D' Kirk  avaient  traversé  le 
iibèze  pour  se  rendre  à  Linyanti;  ils  éprouvaient  une  crainte  supci^ 
ieuse  à  la  vue  des  blancs  qui,  avec  leurs  carabines  se  chargeant  par 
:ulasse,  tuaient  le  gibier  à  de  grandes  distances,  et  passaient  chez  eiu 
B  craindi-e  d'être  molestés.  Dès  lors,  quantité  de  Ba-Toiiga  ont  été 
mines  de  diamants  et  ont  vu  que  les  blancs  sont  mortels  aussi  bien 
eux.  Beaucoup  aussi  ont  été  au  pays  des  Ma-Tébélé,  y  eut  travaillé 
c  des  blancs,  et  ont  vu  le  pctu  d'égards  avec  lequel  Lo-Bengula  et  ses 
s  traitent  les  Européens  :  missionnaires,  commerçants,  envoyés  des 
ivernements.  En  un  mot,  ils  ont  compris  qu'un  blanc  n'est  pas  uu 

II  qu'il  faille  adorer  de  loin,  mais  plutôt,  que  lorsqu'on  le  rencontre 
1,  c'est  une  brebis  qu'une  bande  de  loups  peut  très  facilement 
louiller.  En  1880,  à  l'instigation  de  M.  Selous,  des  missionnaires 
lains  se  rendirent  chez  Mwemba,  un  peu  en  aval  de  Chamedza,  avec 
tention  d'y  fonder  uno  station.  Paul,  le  Zoulou,  étîiit  avec  eux.  Ils 
versèrent  le  Zambèze,  entre  Champondo  et  Chamedza,  après  avoir 
A  d'énormes  extorsions  de  la  part  des  indigènes,  qui  les  déposèrent 
bord,  eux  et  leurs  marchandises,  dans  une  Ile,  et  ne  consentirent  h 
r  faire  achever  la  traversée  qu'après  avoir  reçu  un  secoml  paiement, 
■ivés  chez  Mwemba,  tous  tombèrent  malades  de  la  fiè\Te;  l'un  d'eux 
unit  au  bout  de  peu  dejoui-s,  Mwemba  réclama  un  paiement  considé- 
ile  parce  que  ce  blanc  était  mort,  dans  son  pays;  les  autres  étant  trop 
lades  pour  rien  faire,  il  s'empara  de  toutes  leurs  marchandises,  et  les 


—  213  — 
fit  repartir  pour  Paiida-Ma-Teiika.  Ces  pi 
suivis  par  les  Ba-Toaga.  Il  y  a  trois  ans,  "S 
des  premiers  missionnaires  au  pays  des  M 
dans  une  tle  du  Zambèze  près  de  l'embouc 
se  proposait  de  chasser  et  de  trafiquer  au  n 
cré  peudaut  la  nuit,  et  tous  ses  biens  saisis  p. 
avant  l'arrivée  do  M.  Selous,  un  trafiquant  ; 
avec  une  partie  de  ses  gens.  Aussi  noti-e  t 
que  s'il  eût  eoutinué  à  suivre  le  Zambèze  ■ 
Kafoulioué,  ils  n'eussent  été,  tôt  ou  tard,  lu 
sacrés  par  les  Ba-Tonga. 

D'autre  part,  M.  Selous  savait  que  les  M 
long  do  la  Kafoukoué  avaient,  deux  aus  ai 
du  D'  Holub.  Néanmoins  il  préféra  s'écarte 
guides,  dont  l'un  était  le  propre  tils  de  Ch: 
menant  vers  le  nord.  Sur  la  Mouga,  afflueni 
rencontra  plusieurs  villages  ba-tonga,  dont 
jamais  vu  de  blancs  étaient  effrayés.  La  i 
buffles,  en  antilopes,  eo  zèbres,  et  aussi  en  t 

Plusieurs  fia-Toi^a  ayant  suivi  M.  Selous 
service,  il  les  engagea,  et  n'eut  qu'à  se  lout 
montrèrent  toujours  empressés  et  afCectuouj 
le  quittèrent  pour  retourner  chez  eux.  Au  i 
devient  tout  à  fait  montagneux.  Il  offre  l'as 
dro,  de  montagnes  coniques  do  200°  à  2300 
stériles,  arides  et  desséchées.  L'eau  y  est  ex 
également.  Les  guides  coimaissaient  bien  le 
qui,  par  places,  avait  complètement  dispan 
ment  fatigante  pour  les  Anes  qui,  malgré 
daient  d'un  pied  parfaitement  sûr  de  vrais  i 
le  nord  le  pays  change  de  caractère  ;  les  n 
couvrent  de  forêts  d'un  feuillage  abondant  i 
herbe  succulente.  La  végétation  et  les  papill 
du  versant  septentrional  du  pays  des  Ma-Ci 
une  altitude  de  1000"  à  1300".  En  route  >I. 
guide  qui  devait  le  conduire  h  Monzé,  résid 
même  nom,  chez  lequel  Livingstone  avait  p 
des  Ma-Kololo  au  Zambèze  inférieui-.  Ce  noi 
n'y  avait  plus  qu'une  chaîne  de  montagne» 


—  214  — 

plat<3au  où  le  gibier  abonde,  et  où  la  marche  ast  beaucoup  plus  facile 
pour  les  ânes.  En  effet,  dès  le  lendemain  l'expédition,  arrivée  au  sommet 
de  la  chaîne,  trouvait  un  pays  ondulé,  boisé,  bien  arrosé  et  couvert  de 
pentes  herbeuses.  Le  climat  en  était  délicieux,  les  journées  fratcbes 
même  au  soleil,  les  nuits  très  froides.  Nous  ne  dirons  pas  les  joies  du 
cha-sseur  au  milieu  des  antilopes,  des  buffles,  des  zèbres  qui  de  toutes 
parts  s'offraient  à  sas  coups. 

Enfin  l'expédition  arriva  chez  Monzé.  A  l'époque  de  la  visite  de 
Livingstone,  il  vivait  tout  près  de  la  colline  d'Ou-Kesa-Kesa,  mais  main- 
tenant il  habite  à  une  douzaine  de  kilomètres  plus  au  N.-E.  M.  Seloas 
le  trouva  très  infirme,  mais  fort  causeur  et  amical.  Il  se  souvient  très 
bien  de  la  visite  de  Livingstone,  et  en  parlait  comme  d'une  chose  récente; 
pour  ces  indigènes  qui  n'ont  pas  l'idée  du  temps,  cinq  ans  ou  un  demi- 
siècle  c'est  à  peu  près  la  même  chose.  Trente-cinq  ans  se  sont  écoulés 
depuis  que  Livingstone  a  passé  chez  Monzé;  dès  lors  aucun  blanc  n'était 
venu  chez  lui.  Le  pauvre  homme  se  lamentait  sur  la  perte  de  ses  bes- 
tiaux, qui  avaient  tous  été  enlevés  deux  mois  auparavant  par  les  troupes 
de  Lewanika  poursuivant  Morantsiané,  ancien  prétendant  à  la  domina- 
tion sur  les  Ba-Rotsé.  Ce  dernier  était,  il  y  a  im  an,  établi  à  une  ving- 
taine de  kilomètres  au  sud-est  de  Monzé,  dans  las  monts  Nyandabanyi. 
Lewanika  n'avait  pas  osé  le  suivre  jusque-là;  il  s'en  était  retourné  en 
volant  sur  son  passage  tous  les  bestiaux  d^  petits  villages  ba-tonga  qui 
n'avaient  pu  lui  opposer  de  résistance. 

Les  indigènas  ne  purent  donner  à  M.  Selous  aucune  infoimation  pré- 
cise sur  le  pays  plus  au  nord.  Au  delà  de  Monzé,  le  plateau  est  dépourvu 
d'arbres,  mais  couvert  d'une  herbe  qui  atteint  deux  mètres  et  même 
trois  mètres.  Les  habitants  appartiennent  déjà  à  la  tribu  des  Ma-Chou- 
kouloumbé.  M.  Selous  ne  put  obtenir  des  gens  d'un  de  leurs  villages  ni 
fagots  pour  dresser  un  camp,  ni  combustible.  Il  dut  se  contenter  de 
tiges  de  blé  plantées  en  terre  et  acheter  du  bois.  Le  soir  on  annonça  la 
venue  d'un  certain  nombre  d'hommes  de  Morantsiané,  qui  se  prfeen- 
tèrent  le  lendemain  matin  au  camp  ;  ils  étaient  au  nombre  de  quinze, 
tous  Ba-Rotsé,  portant  des  fusils  et  accompagnés  non  seulement  des  Ma- 
Choukouloumbé  du  village  le  plus  proche,  mais  encore  d'autres  qu'ils 
avaient  réunis  pendant  la  nuit.  Chaque  Ma-Choukouloumbé  portait  un 
faisceau  de  javelots  bien  eflSlés,  de  deux  mètres  de  long.  Tous,  néan- 
moins, paraissaient  animés  de  bons  sentiments.  Ils  dirent  à  M.  Selous, 
qu'ayant  appris  son  passage  à  Monzé,  ils  l'avaient  suivi  avec  deux 
défenses  d'ivoire  pour  acheter  des  munitions.  L'explorateur  n'en  avait 
point  à  vendre  ;  ayant  encore  un  long  voyage  à  faire,  il  avait  besoin  de 


■ 


à 


—  21&  — 
toute  sa  provision  pour  sou  pi-opre  usage.  Enfiu  M.  Selous  leur  donna 
un  tapis  pour  Morantsiané  et  quelques  mètres  de  calicot  pour  eux- 
luénies  et  continua  sa  route  jusqu'au  bord  de  la  Magol  qui  prend  sa 
soui-ce  un  peu  au  sud  de  Ou-Kesa-Kesa  et  se  jette  dans  la  Kafoukoué. 
Là,  l'explorateur  s'arrêta  indécis  sur  ia  question  de  savoir  s'il  continue- 
rait à  marcher  vers  le  noi-d  pour  ti'averser  le  territoire  des  Ma-Chou- 
kouloumbé,  ou  s'il  tournerait  vers  l'est  pour  les  éviter  et  passer  la 
Kafoukoué  à  Semalemboué,  oii  Livingstoiie  l'avait  franchie  quelque  trente 
ans  auparavant.  l'aul  et  Charlcy  pai-tageaient  ce  dernier  avis,  mais 
nialheureusenient  leurs  guidas  ignorants  les  en  détournèrent,  en  disant 
qu'ils  ne  connaissaient  pas  le  pays  à  l'est,  non  plus  que  les  endroits  oii 
se  trouvait  de  l'eau.  En  outre,  ajoutaieut-il,  on  ne  rencontre  sur  la 
route  du  nord  que  de  petits  villageE:  ma-choukoulouinbé,  isolés  et  dont 
les  indigènes  sont  bien  disposés.  * 

Le  lendemain  l'expédition  traveraa  un  pays  oii  pulullaient  les  élans. 
les  zèbres  et  toute  espèce  de  gibier,  ainsi  que  la  tsétsé,  et  Tapi-ès-midi 
elle  atteignit  la  rivière  Oungouézi,  au  bord  de  laquelle  M.  Selous  établit 
son  camp.  D'abord  les  indigènes  se  montrèrent  réservés,  observant  de 
loin  les  étrangers  ;  leurs  guerriers  toutefois  tenaient  à  la  main  leurs 
faisceaux  de  javelines  barbelées.  Le  chef  parut  bientôt  avec  quelques- 
uns  des  hommes  de  sa  suite  et  lorsqu'il  se  fut  assuré  que  les  nouveaux 
arrivés  n'avaient  aucune  mauvaise  intention  ni  à  sou  égard  ni  envers  ses 
gens,  il  se  montra  très  amical,  désigna  un  bon  emplacement  pour  y  ins- 
taller le  camp  et  indiqua  où  l'on  pouvait  ramasser  du  bois,  couper  de 
t'herbe  pour  les  ânes,  etc.  Sa  physionomie  d'ailleurs  était  bienveillante. 
M.  Selous  lui  tit  un  petit  présent  qui  parut  le  réjouir  beaucoup  et  auquel 
il  répondit  en  lui  rapportant  une  corbeille  de  fai-ine.  Il  était  cette  fois 
accompagné  d'une  trentaine  d'hommes  portant  chacun  sur  l'épaule  gau- 
che un  faisceau  de  lances,  tandis  qu'ils  en  tenaient  une  ou  deux  à  la 
main  droite.  Le  chef  apprit  à  M.  Selous  que  la  i-ivière  Oungouézi  est  la 
même  que  Livingstone  travei-sa  pi-ès  de  sa  source  entre  Slonzé  et  Sema- 
lemboué. Elle  se  jette  dans  la  Magol  et  non  dans  la  Kafoukoué  comme 
l'indiquent  plusieurs  cartes.  (A  tittivre.) 

CORRESPONDANCE 
Lattre  de  IjOrenso- Marques >  de  U.  le  iuin«lonii»lre  P.  Bertlioad. 

Lorenzo-Marquez,  5  avril  1689. 
Le  numéro  de  férrier  de  l'Afrique  m'est  parvenu  récemment.  J'y  ai  remarqué, 
&  la  page  3Î,  sur  notre  ville,  un  article  que  vous  avez  entrait  du  •  Moniteur  des 


rr.* 


tV- 


X 


S  '. 


—  •216  — 

Colonies.  »  Je  puis  en  somme  corroborer  les  détails  quMl  contient.  Pourquoi  faut-il 
que  sur  certains  points  importants  il  fasse  erreur?  La  première  phrase  donne  une 
fausse  nouvelle.  Je  ne  puis  comprendre  que  Pauteur  ait  dit:  «Le  port  de  Lorenxo 
Marquez  est  au  moins  aussi  bien  installé  que  ceux  du  Cap  et  de  Natal.»  Si  la 
chose  était  yraie,  je  serais  le  premier  à  m^en  réjouir;  mais  l'auteur  a  pris  un  beau 
'^  rêve  pour  la  réalité.  Peut-être  n'a-t-il  pas  vu  le  port  de  la  Ville  du  Cap?... 

Au  Cap,  les  plus  grands  navires  peuvent  entrer  dans  les  docks;  car  il  y  a  des 

'f'  docks,  et  ils  sont  spacieux.  Un  long  canal,  protégé  par  deux  magnifiques  jetées, 

y  conduit  «  de  plain  pied,  »  Une  passerelle  suffit  pour  descendre  du  navire  sur  la 

terre  ferme,  et  le  mauvais  temps  ne  saurait  empêcher  la  circulation  et  le  trafic 

de  Pun  à  l'autre. 

Il  n'en  est  pas  ainsi  à  Lorenzo-Marquez:  le  chenal  naturel,  ou  bras  de  mo*, 
où  les  vaisseaux  jettent  l'ancre,  est  sans  doute  un  port  par  lui-même,  et  les  navi- 
res s'y  trouvent  aussi  en  sécurité  que  dans  des  docks.  Mais  ces  derniers  n'existent 
pas  ici,  —  sauf  en  projet.  Il  faut  aller  au  navire  avec  des  barques  pour  prendre 
la  cargaison  et  l'amener  sur  la  plage.  Si  le  vent  du  sud  souffle  avec  violence,  et 
ce  n'est  pas  rare,  il  devient  impossible  aux  petites  embarcations  de  quitter  la  plage 
pour  aller  au  navire.  En  fait  de  jetée,  il  n'y  a  qu'un  petit  pont  de  bois  d'environ 
trente  mètres  de  longueur  ;  à  la  marée  basse,  il  se  trouve  très  loin  du  bord  de 
l'eau.  Les  sables  de  la  plage  découvrent  jusqu'à  une  distance  de  plus  de  cent 
mètres.  Les  barques  chargées  approchent  du  bord  autant  que  la  hauteur  des  eaux 
le  leur  permet.  C'est  là  que  les  indigènes  vont  prendre  la  cargaison,  qu'ils  chargent 
sur  leurs  épaules  ou  sur  leur  tête,  et  qu'ils  vont  déposer  devant  les  bâtiments  de 
la  douane.  Les  navires  ne  pouvant  amarrer  nulle  part  sont  obligés  de  jeter  une 
ancre,  ce  qui  leur  suffit  toujours. 

A  part  un  petit  voilier  qui  vient  de  Natal ,  le  commerce  de  la  place  est  mené 
par  les  deux  grandes  compagnies  anglaises  de  paquebots,  qui  transportent  la  malle 
du  Cap.  Cette  semaine  on  attend  VAfriean,  steamer  d'environ  1400  tonneaux,  qui 
appartient  à  la  Union  O.  de  Southampton.  Il  apporte  la  cargaison  et  le  courrier 
qu'avait  pris  à  Lisbonne,  en  passant,  un  navire  plus  grand  de  la  même  Compagnie. 
La  semaine  prochaine  ce  sera  le  tour  du  steamer  de  l'autre  Compagnie,  Donald 
Currie  é  O.,  de  Londres.  La  semaine  suivante  viendra  VAnglian,  steamer  de  plus 
de  2200  tonneaux,  faisant  le  même  service  que  VAfriean,  de  la  même  Compagnie. 
Après  cela  il  s'écoulera  quinze  jours,  et  VAfriean  recommencera  le  tour.  Nous 
sommes  donc  une  semaine  sur  quatre  sans  voir  de  steamer  ni  de  paquebot.  Cette 
semaine-là,  le  steamer  de  la  Compagnie  Donald  Currie  &  O*,  fait  le  service  entre 
Natal  et  l'ile  Maurice,  au  lieu  de  venir  ici. 

Je  dois  dire  que  le  gouvernement  vient  de  commencer  la  construction  d'un  quai- 
jetée,  d'environ  dix  mètres  de  largeur.  Ce  travail  est  poursuivi  avec  activité;  et  si 
la  jetée  est  poussée  assez  loin,  elle  ne  manquera  pas  de  faciliter  à  un  haut  degré 
les  débarquements. 

D'après  un  avis  officiel  publié  la  semaine  dernière,  les  autorités  ont  mis  au  con* 
cours  l'éclairage  de  la  ville  soit  au  gaz,  soit  à  l'électricité.  Cependant  l'éclairage 


—  217  — 
actuel,  avec  des  Umpes  à  pélrole,  est  satisfaisant,  comme  le  dit  l'article  du  Moni- 
teur des  Colonies. 

Ce  journal  dit  aussi  qu'A  la  suite  d'un  orage  les  commun!  cation  s  par  la  ligne  dn 
chemin  de  fer  ont  été  interceptées  pendant  six  semaines.  C'est  parfaitement  vrai, 
et  c'était  il  y  a  un  an,  en  mars  188B.  Leg  réparations  ont  coûté  plus  de  250,000  frs. 

Mais  il  y  a  deux  mois,  à  la  suite  de  deux  ou  trois  Jours  de  pluies  diluviennes, 
la  ligne  a  été  plus  abîmée  encore.  Elle  a  seulement  74  kilomètres  de  longueur. 
C'est  surtout  entre  les  kilomètres  60  et  64  que  le  mal  s'est  produit.  Des  talus  ont 
été  emportés,  des  ponts  en  fer  ont  été  tordus,  etc.  I!  faudra  trois  mois  pour  y  faire 
les  réparations  les  plus  urgentes,  et  cela  coûtera  plus  de  500,000  frs. 

Par  malheur  le  chemin  de  fer  ne  gagne  rien,  car  le  traSc  est  nul.  Tel  ne  serait 
pas  le  cas,  si  la  voie  allait  jusqu'à  Pretoria,  ou  seulement  h  Barberton.  Mais 
quand  sera-ce  ?  Les  travaux  devraient  être  repris  à  présent,  parce  que  nous  entrons 
dans  la  saison  favorable  ;  et  rien  ne  se  fait.  La  Compagnie,  représentée  par  M.  Mac 
Hnrdo  à  Londres,  continue  à  se  quereller  avec  le  gouvernement  du  Transvaal,  et 
le  temps  s'écoule  ainsi  sans  que  la  voie  ferrée  avance  d'un  mètre. 

C'est  un  état  de  choses  misérable.  Voyant  que  le  chemin  de  fer  allait  se  con- 
stmire,  bien  des  maisons  de  commerce  étaient  venues  s'établir  à  cAté  des  anciennes, 
qui  étaient  en  petit  nombre,  et  les  comptoirs  s'étaient  multipliés.  Fendant  un  an 
à  peine,  le  trafic  suivit  un  mouvement  ascensionnel;  puis,  les  travaux  du  chemin 
de  fer  étant  interrompus,  le  trafic  a  de  nouveau  diminué .  peu  à  peu  depuis  un  an. 
Il  continue  encore  à  baisser;  il  est  aussi  faible,  plus  faible  peut-être,  qu'avant  le 
commencement  du  chemin  de  fer;  et  comme  le  nombre  des  maisons  de  commerce 
s'est  fort  accru,  elles  sont  d'autant  plus  en  souffrance.  11  y  a  trois  ou  quatre  mois 
Je  vous  écrivais:  «les  affaires  sont  stagnantes.  >  Eli  bien,  aujourd'hui  c'est  pire. 
Un  négociant  me  disait  qu'elles  sont  <  dans  un  marasme  complet.  >  Comme  il  n'y 
a  pour  ainsi  dire  plus  de  communications  avec  tes  mines  d'or  de  Barberton,  on  a 
été  obligé  de  réexpédier  de  notre  port  plusieurs  milliers  de  caisses  de  marchan- 
dises, et  de  les  faire  passer  par  Natal.  On  les  avait  envoyées  en  transit  pour  Bar- 
berton. Après  cela  on  ne  peut  s'étonner  si  l'importation  cesse  peu  à  peu.  L'expor- 
tation est  insignitianie,  et  t'a  toujours  été. 

Certains  marchands  ont  encore  souffert  d'un  malheur  particulier.  Ils  avaient 
fourni  des  matériaux  de  construction,  et  même  des  espèces  sonnantes,  à  l'entre- 
preneur qui  a  fait  la  ligne  ferrée.  Celui-ci  les  a  payés  en  traites  qui  ont  été  protestées 
deux  Jours  après  qu'il  eut  quitté  la  contrée.  Ces  valeurs  s'élèvent  à  quatre  ou 
cinq  cent  mille  francs.  11  y  a  plus  d'un  an  que  cela  se  passait,  et  les  démarches 
faites  par  les  créanciers  n'ont  eu  jusqu'ici  aucun  succès. 

Pour  comble  de  malheur  la  disette  est  dans  le  pays.  L'année  dernière  il  y  avait 
eu  relativement  peu  de  pluie,  et  la  récolte  avait  été  très  petite.  Cette  année  la 
sécheresse  a  sévi  plus  fort,  en  sorte  qu'il  n'y  aura  pas  même  le  quart  d'une  récolte 
moyenne.  'Les  natifs  cultivent  surtout  le  mais  ;  il  fait  la  base  de  leur  alimentation. 
On  a  déjà  commencé  à  importer  de  Natal  de  grandes  quantités  de  mais,  en  grain 
€1  en  farine.  On  le  paie  ici  cinq  fois  plus  que  le  grain  du  pays  en  temps  ordinaire. 


—  219  — 
outre,  les  documenta  sur  ce  si^et  ne  manqi 
simplemeut,  mats  avec  beaucoup  de  verve, 
mille  incidents  d'un  voyage  dans  le  désert, 
sérieux,  et  donne  en  m6me  temps  un  tab 
Sahara  central,  l'une  des  plus  arides  du  gl< 
Les  derniers  chapitres  du  livre  sont  consi 
tats  de  la  seconde  miseion,  à  des  notices  1 
Flatters  et  ses  compagnons  morts  victime 
exposé  de  son  opinion  sur  les  divers  pointï 
pénétration  dans  l'intérieur  de  l'Afriiiue  et 
occupation  de  ces  vastes  contrées  ;  tracé  i 
relier  l'Algérie  au  Sénégal,  etc.  L'ouvrag 
nombreux  croquis,  rapides  mais  bien  exécui 
à  l'échelle  de  Vimsiiiidi  les  deux  itinéraire 
Biskra  au  centre  du  Sahara. 

J.-J.  Kettler.  Hamdkabte  dbb  dbutsci 
AVRiEA.  Weimar  (Geographisches  Institut), 
ments  dont  l'Afrique  orientale  est  actuelle 
l'actualité  à  la  nouvelle  publication  de 
Weimar  dont  nous  avons  à  plusieurs  reprif 
La  carte  manuelle  des  territoires  de  protec 
orientale  ne  le  cède  eu  rien  aux  publicatiou 
de  la  netteté  et  du  dessin.  Les  couleurs  ' 
ches  et  bien  tranchées  ;  grâce  à  sa  grandi 
que  les  montagnes  y  sont  marquées  en  bru 
sans  le  secours  de  la  loupe,  bien  qu'elle 
noms.  Elle  mesure  46  centimètres  du  nord 
Toutefois  elle  ne  renferme  pas  tout  le  territ 
car  elle  s'arrête  au  sud  un  peu  au-dessous 
et  au  nord  à  Mombas.  La  limite  à  l'oues^ 
l'océan  dans  lequel  l'auteur  a  marqué  ave( 
dessin  des  côtes  et  dans  les  noms,  les  tles  t 
carton  donne  le  pays  de  Witou  et  un  aut 
duché  allemand  de  Hesse  qui,  étant  reproc 
grande  carte,  permet  de  se  faire,  par  comp 
deur  des  territoires  de  protectorat.  Ainsi,  1 
d'indiquer  l'ensemble  des  possessions  allen 
et  en  particulier  la  région  s'étendant  entre 


—  220  — 
ma.  Cette  contrée  étaut  à  peu  près  inconnue  et  l'Allemagne 
it  pas  eflectivemeut  pris  possession,  J'auteur  l'a  laissée  de  côté. 
>t  cherché  à  donner,  avec  beaucoup  de  détails,  is  région  côtiére 
ïiTt  au  sultau  de  Zanzibar,  et  les  pays  d'Ousaramo,  d'Oukouéré, 
i,  d'Ousigoua,  de  Ngourou  et  d'Ousagara,  qui  vont  être  en 
champ  d'action  de  la  petite  armée  réunie  par  le  commandant 
D  et  sur  lesquels  se  porte  dès  maintenant  l'attention  publique. 

BoseL  Deb  Feldzuh  oeqen  die  Skla\'erei  in  Afrika.  Tiier 
i-Druckerei),  1889,  in-12,  31  p.,  50  Pfg.  —  II.  Dm  afhika- 
iîLA\-EREi.  Reden  von  Bischof  !>  Korum  uud  Pi-ofeasor  D'  Mos- 
-  (Paulinus-DmckereO,  1889,  in-12,  38  p.,  30  Pfg.  —  Ces  deux 
s  se  rattachent  au  mouvement  anti-esclavagiste  qui  se  produit 
lations  de  l'Europe  occidentale  et  en  particulier  en  Allemagne, 
ère  est  une  i^tude  fort  bien  con(;ue  sur  la  question  de  l'escla- 
général.  L'auteur  prend  le  sujet  h  l'origine  de  l'esclavage  et 
les  causes  de  cotte  institution  ;  puis  il  la  décrit  telle  qu'elle 
11  Amérique  et  comineut  elle  a  été  abolie.  Après  cette  sorte  de 
le,  il  parle  de  l'esclavage  africain,  de  la  manière  de  former  une 
d'esclaves,  des  marchés  et  du  commerce  de  chair  humaine, 
saniine  la  question  de  la  lutte  contre  l'esclavage  et  propose  en 
soile  un  plan  de  campagne.  Cette  bi-ochure  est  le  fruit  des 
i  d'un  espiit  plein  de  sagacité  et  d'un  vrai  philanthrope. 
;onde  renferme  trois  discours  pi-ononcés  devant  des  sociétés 
ivagistes,  l'un  par  le  professeur  D'  Mosler  devant  celle  de  Trè- 
lUtres  par  l'évéque  Korum  devant  celles  de  Liège  et  de  Trêves. 
i  allocutions  qui  révèlent  une  grande  hauteur  de  pensées,  les 
ont  montré  un  grand  enthousiasme  pour  la  cause  anti-esclava- 
est  eu  même  temps  celle  de  l'humanité  et  de  la  civilisation,  et 
rononcés  en  coimaissance  de  cause  et  avec  une  grande  énergie 
iitte  contre  cette  détestable  institution,  cette  «  plaie  honteuse  » 
appelait  Li^ingstone. 

^erdec-Cliéiiy.  Gl'ide  du  vovageur  au  Maroc  et  guide  du  toc- 
iris  (Challamel  et  C"),  1889,  in-18,  205  p.  et  carte,  fr.  4,25.  — 
de  ce  livre,  rédacteur  du  Et'veiJ  du  Maroc,  journal  paraissant 
-,  a  voulu  fournir  aux  touristes  et  aux  voyageurs  au  Maroc,  un 
ti  leur  permit  d'accomplir  leur  itinéraire  d'une  manière  sûre 
lépenses  inutiles.  Les  noms  des  principaux  guides-interprètes 


—  221  — 
que  l'on  peut  se  procurer  à  Tanger,  l'indication  des  divers  i' 
les  renseignements  multiples  conceroant  les  tarifs,  les  moii 
poids,  les  raesui-es,  le  tableau  du  personnel  des  légations,  co 
agences  coneulaires  des  puissances  étrangères  représentées  : 
la  descriptiou  des  villes  et  autres  localités  susceptibles  d'ètr 
tout  cela  se  trouve  dans  cet  ouvrage.  Il  va  sans  dire  que  ce 
n'a  pas  la  prétention  d'être  aussi  complet  qu'un  Baedecker  su 
pi-évoir  tous  les  cas  dans  lesquels  un  voyageur  pourra  se  t 
Maroc.  Tout  voyage  dans  ces  contrées  présente  une  large 
connu;  mais  les  voyageurs  seront  néanmoins  fort  i-econnaissa 
l'auteur  de  ce  livre  qui  leur  permettra  de  diminuer  autant  qi 
les  chances  d'insuccès  et  leur  épargnera  la  peine  d'aller  constE 
renseigner  auprès  des  consuls,  des  autorités  locales  ou  des  ind 

Avec  le  développement  du  goût  des  voyages,  si  puissant  à  i 
que,  et  l'extension  que  prend  le  commerce  international,  les  < 
dans  i'iutérieur  du  Mai-oc  sont  deveiiues  de  plus  en  plus  no 
bien  qu'elles  soient  très  coûteuses.  Ces  voyages,  lorsqu'ils  se  b( 
endroits  connus,  ne  présentent  pas  de  danger.  On  peut  mém< 
sans  être  accompagné,  mais  alors  on  perd  tout  droit  à  réclami 
cas  où  l'on  aurait  été  victime  d'un  vol  ou  d'une  attaque.  Le 
de  prendre  avec  soi,  outre  un  guide-interprète,  un  moghrazn 
du  ^laghrzenj  donné  par  la  légation  ou  le  consulat  de  la  n; 
on  est  citoyen.  Ce  soldat,  que  l'on  paie  à  raison  de  5  francs 
couvre  le  voyageur  de  la  responsabilité  du  gouvernement  nian 
cure  les  vivres,  l'orge,  etc. 

Dans  l'ouvrage  qu'il  a  écrit,  M.  de  Kei-dec-Chény  a  vonl 
outre  les  renseignements  destiués  aux  voyageurs,  un  exposi 
l'état  actuel  du  Maroc.  C'est  pourquoi  la  première  partie  est 
■à  une  description  physique,  politique  et  économique  du  Mai 
et^quisse  historique  et  à  un  exposé  de  la  «  question  d'Occidei 
monographie,  écrite  au  point  de  vue  français  surtout,  se  lit  s 
coup  d'intérêt.  Elle  fait  ressortir  de  la  manière  la  plus  éviden 
traste  qui  existe  entre  la  productivité  du  Maroc  et  le  peu  de 
le  gouvernement  et  les  indigènes  ont  su  tirer  de  ce  pays.  L'. 
est  depuis  longtemps  sur  les  lieux  a  pu  donner  une  foule  de 
meiits  peu  connu<«  et  fort  intéressants  sur  ce  vaste  empire 
qui  deviendrait  un  si  beau  pny^  dans  les  mains  d'une  pepulatio 

L'ouvrage  est  accompagné  d'une  carte  dont  M.  de  Kenlec 
se  déclare  pas  entièrement  satisfait,  mais  qui  est  l'une  des 
cartes  d'ensemble  existant  actuellement. 


—  222  — 

Remique  Augiisto  Dias  de  Carvalho.  Methodo  pratioo  para  fallab 
A  LiNGUA  DA  LuNDA,  LisboE  (Impreusa  Nacional),  1889,  in-S**,  64  p.  — 
Depuis  que  la  Conférence  de  Berlin  a  reporté  le  long  du  Quango  la 
frontière  orientale  de  leur  colonie  d'Angola,  les  Portugais  se  sont  mis  à 
étudier  le  territoire  ajouté  à  leurs  possessions  et  ont  poussé  leurs  explo- 
rations au  delà  du  Quango,  dans  le  pays  de  Lounda,  dont  le  souverain, 
le  Mouata  Yamwo,  est  le  plus  puissant  des  rois  nègres.  Une  grande 
expédition,  commandée  par  le  major  d'infanterie  Dias  de  Carvalho,  a 
récemment  travei'sé  le  grand  empire  et  atteint  les  rives  du  Kallanji  (en 
portugais  Calanhi).  Il  a  été  publié  sui'  cette  exploration  une  série  de 
mémoires  qui  en  exposent  les  résultats  à  tous  les  points  de  vue  :  géo- 
graphique, ethnographique,  linguistique,  etc.  L'un  des  plus  intéres- 
sants est  celui  que  nous  avons  sous  les  yeux  :  dû  à  la  plume  du  chef  même 
de  l'expédition,  il  fournit  une  méthode  pratique  pour  apprendre  la 
langue  du  Loimda.  Nous  ne  pouvons  dire  quelle  étendue  aura  cet 
ouvrage,  car  nous  n'en  avons  reçu  encore  que  le  premier  fascicule  com- 
posé de  64  pages,  mais  il  nous  suffit  pour  reconnaître  que  la  méthode 
dont  il  s'agit,  exposée  avec  clarté,  est  réellement  simple  et  pourra  être 
employée  avec  succès  par  les  voyageurs  et  par  les  colons  du  Lounda. 

Les  dix-sept  premièi^es  pages  sont  consacrées  à  la  phonologie,  c'est-à- 
dire  à  l'étude  des  sons,  des  lettres  et  de  leur  permutation,  chapitre  dif- 
ficile, sans  aucun  doute,  car  on  sait  à  quels  obstacles  se  heurte  la  tran- 
scription des  sons  d'une  langue  africaine  dans  une  langue  européenne. 
Ensuite  vient  le  traité  de  la  forme  des  mots  et  de  leurs  transformations, 
en  d'autres  termes,  la  moi^phologie.  Les  règles  relatives  à  l'article,  au 
substantif,  à  l'adjectif,  au  pronom,  à  la  formation  du  pluriel,  etc.,  sont 
successivement  passées  en  revue  ;  plusieui's  paragraphes  sont  consacrés 
à  des  exercices  rédigés  sous  forme  de  conversation,  dans  lesquels  les 
principales  règles  de  la  grammaire  trouvent  leur  application.  Il  s'agit  là 
d'une  œuvre  originale  et  sérieusement  faite,  de  nature  à  intéresser  les 
philologues  aussi  bien  que  les  voyageurs  dans  le  centre  de  l'Afrique. 

Edmond  PUmchtd.  L'Égyptb  et  l'occupation  anglaise.  Paris 
(E.  Pion,  Nourrit  et  C'O,  1889,  in-18,  259  p.,  3  fr.  50.  —  Cet  ouvrage 
n'est  pas  une  description  physique  et  politique  de  l'Egypte,  mais  plutôt 
un  exposé  de  son  histoire  contemporaine  et  de  sa  situation  financière, 
administrative  et  politique.  L'auteur,  qui  a  visité  trois  fois  la  vallée  in- 
térieure du  Nil,  en  particulier  à  Tépoque,  encore  peu  éloignée,  oii  Ton 
traversait  d'Alexandrie  à  Suez  en  bateau  et  eu  voiture  de  poste,  connaît 
les  principaux  personnages  politiques  égyptiens  et  a  été  reçu  par  le  khé- 


—  223  — 
dive.  Il  nous  fait  part  du  ies  entrevues 
l'un  ou  de  l'autre  en  discutant  les  bons  e 
tioû  actuelle  de  l'Rgypte.  Ce  sont  pr^ 
autre  époque  et  ces  impressions  persoui 
tels  que  Tewfick,  Chérif,  Rjaz,  Nubar,  A 
tiendra  les  ooins,  qui  donnent  de  l'attrail 
le  règne  fastueux  d'Ismail,  sa  chute  et  s 
la  révolte  d'Arabi,  le  bombardement  d' 
Kébir,  la  perte  du  Soudan  égyptien  on 
mainte  fois.  Le  livre  renferme  sur  le  bu 
des  domaines,  le  commercp,  l'administra 
téressants  et  peu  connus.  Un  chapitre  esi 
i^ue  à  laquelle,  nous  dit  l'auteur,  le  khé< 
sollicitude  éclairée  et  constante.  L'ignor 
multitude  des  fellahs  et  des  Arabes,  mai 
struction  se  répand  et  qu'on  peut  déjà  en 
■que  viendra  la  régénération  de  l'Egypte 
leusement  fécond,  dont  les  indigènes  qui 
pour  le  profit  de  maîtres  étrangers,  vivei 
L'ouvi'age  de  M,  Plauchut  est  rédig 
parti  pris  un  peu  trop  évident.  Nul  mieu 
que  la  France  a  fait  en  Egypte  au  point  de 
ce  n'est  pas  une  raison  pour  considérer  t 
la  France  et  pour  mauvais  tout  ce  qui  vie 
de  la  France  a  diminué  en  Égyptr,  ces 
peu  par  sa  faute,  car  lors  de  l'interventi 
à  l'Angleterre  la  place  qu'elle  occupe  ac 
nement  anglais  entendait  agir  de  concert 
qui,  pour  des  motifs  de  haute  politique, 
en  ÈgjTte.  Que  les  patriotes  fraiiçai 
l'Egypte  par  l'année  auglai.se,  qui  a  et 
cabinet  biitannique,  rien  de  mieux  ;  ma 
([ue  l'Angieteii-e  a  ramené  la  tranquillité 
réfonnes,  entre  auti-c.'*  la  suppression  di 
bastonnade,  cela  montre  qu'un  patriotts 
à  des  erreui-s  de  jugement. 

B"  Fncdrkh  Fabri.  FUxf  jahre  deui 
(Friedrich-Andreas  l'erthes),  ISbt),  in- 
quelques mois,  la  politique  coloniale  ail 


—  224  — 
lougeaut,  pourrait  deveuir  grave.  Sur  plusieurs  poiats,  le  mau- 
)ir  des  iudigènes  ou  Tactiou  diplomatique  des  puissances  civili- 
sée des  difficultés  plus  ou  moins  grandes  et  porté  atteinte  au  dé- 
eut  progressif  de  l'influence  allemaiide.  Dans  l'Afrique  orien- 
dictionnaires  de  la  Compagnie  aHemande  ODt  dû  quitter  presque 
places  qu'ils  occupaient,  quelques-ims  d'entre  eux  sont  morts, 
sseineuts  coloniaux  ont  été  détruits  et  l'accès  de  l'intérieur 
ir  longtemps.  Bien  que  l'état'  de  guerre  ouverte  n'existe  pas 
rique  allemande  du  sud-ouest,  la  situation  n'y  est  pas  meilleure. 
es  Mabarero,  excité  par  un  marcbaiid  anglais,  a  annulé  tous  les 
.'il  avait  passés  avec  l'Allemagne  et  toutes  las  concessions  ac- 

des  Allemands,  sur  quoi  le  commissaire  impérial  et  tous  les 
s  établis,  à  l'exception  des  missionnaires,  ont  quitté  le  pays, 
ncun  connaît  le  contlit  des  Samoa,  dans  lequel  l'Allemagne  a 
:  de  la  résistance  de  la  part  de  l'Angleterre  et  des  États-Unis, 
des  prises  de  possession  et  de  l'enthousiasme  que  créait  en  Ai- 
l'idée  que  le  drapeau  de  la  patrie  Uottait  sur  de  nouveaux  ter- 
!St  passé  ;  il  faut  maintenant  défendre  les  établissements  fondés 
'à- une  conception  plus  sérieuse  de  la  politique  coloniale, 
u  livre  écrit  avec  la  précision  et  la  méthode  qui  lui  sont  propres, 
ri  examine  d'une  manière  complète  la  question  coloniale  telle 

pose  aujourd'hui.  Il  étudie  les  différentes  faces  du  problème, 
les  solutions  et  combat  l'opposition  ou  l'iudifl'éreuce  manifestées 
lues  personnes  à  l'égard  de  la  politique  coloniale.  Le  D'  Fabri 
riote  sérieux  et  convaincu  qui  croit  fermement  que  le  développe- 
■itime  et  colonial  est  profitable  et  même  nécessaire  pour  le  jeune 
lemand  ;  mais  il  ne  se  dissimule  pas  le^  difficultés  de  l'enti-e- 
stime  que,  loi-sque  l'honneur  est  engagé,  il  faut  aller  jusqu'au 
l'Allemagne  en  fondant  des  colonies  n'a  pas  créé  le*  service.^ 
'S  pour  en  assurer  l'entretien  et  le  développement.  L'auteur 
es  commencements  et  le  programme  de  la  politique  coloniale 
i,  et  démontre  que  ce  qui  a  manqué  k  l'empire  ce  sont  des  forces 
réparées  pour  la  lutte  dans  les  pays  tropicaux  et  un  service  for- 
-ganisé.  Aussi  propose-t-il  la  création  d'une  petite  armée  colo- 
'un  service  spécial  pour  les  colonies,  nécessaires  selon  lui  pour 
le  but  que  l'on  s'est  proposé. 

e,  dont  l'actualité  e.st  évidente,  offre  un  i-éel  intérêt  par  le 
mbre  de  renseignements  peu  conims  qu'il  renfei-me,  la  clarlé 
sitioii  et  le  souffle  viril  qui  l'anime  d'un  bout  ii  l'autre. 


—  225  — 

BULLETIN  MENSUEL  (o  aom  1889*  h 

A  la  suite  d'un  rapport  présenté,  le  26  février  dernier,  à  l'Académie  de 
inédeciiie  de  Paris,  par  M.  Le  Roy  de  Méricourt,  sur  la  nécessité  de  créer 
des  Sociétés  latines  de  médeelns  mlsBloniialpes  eu  Afrique  et  dans 
l'extrême  Orient,  rapport  dont  les  conclusions  furent  votées  à  l'unani- 
mité» il  s'est  constitué  une  Société  dont  le  but  sera  d'établir  des  hôîpitaux- 
écoles  et  des  dispensaires,  pour  répandre,  parmi  les  peuples  de  l' Afrique 
et  de  l'Asie,  les  bienfaits  dé  la  médecine,  de  la  chirurgie  et  de  l'instruc- 
tion médicale.  Le  rapport  faisait,  à  bon  droit,  ressortir  la  supériorité  mar- 
quée qu'un  explorateur  médecin  et  chirurgien,  peut  avoir  sur  tous  les 
autres.  Grâce  aux  soins  qu'il  prodiguera  sur  sa  route,  il  parviendra  à 
surmonter,  dans  les  plus  périlleux  voyages,  les  difficultés  auxquelles 
se  heurtent  ceux  qui  n'ont  pas  à  leur  disposition  ce  moyen  d'action. 
Plusieurs  jeunes  médecins  ont  déjà  offert  leurs  services  au  comité  orga- 
nisateur. Celui-ci  fait  appel  au  dévouement  des  médecins,  des  pharma- 
ciens et  de  toutes  autres  personnes  habitant  dans  les  départements, 
aux  colonies  ou  à  l'étranger,  pour  y  représenter  V  Œuvre  médicale  mis- 
sionnaire. Il  soUicite  aussi  des  dons  pour  l'établissement  des  hôpitaux- 
écoles  et  des  dispensaires. 

Un  des  épisodes  les  plus  curieux  de  la  lutte  contre  les  criquets,  dans 
la  province  de  Constantiney  est  certainement  celui  de  la  défense  du 
cheif-lieu  contre  l'invasion  des  acridiens.  Nous  en  empruntons  le  récit  à 
une  correspondance  du  Temps  :  te  Constantiiie  ressemblait  à  une  place 
assiégée.  Une  ligne  de  circpnvallation  —  de  contrevallation,  devrait-on 
dire,  si  les  criquets  faisaient,  comme  Vauban,  des  tranchées  et  travaux 
d'approche  —  la  couvrait,  ligne  de  toile,  faite  d'appareils  cypriotes,  sur 
18,000"  de  long.  On  sait  que  Constantine  est  perchée  sur  un  gros  rocher 
qu'entourent,  d'une  paît,  une  plaine,  et  de  tous  les  autres  côtés,  un 
ravin,  coupure  nette,  à  pic,  profonde  de  plusieurs  centaines  de  mètres, 
au  fond  duquel  coule  le  Rummel.  Elle  ne  tient  au  reste  du  pays  que  par 
le  pont  qui  a  été  construit  sur  les  restes  du  pont  romain,  et  par  l'isthme 
serré,  ou  plutôt  le  remblai,  qui  forme  la  place  de  la  Brèche.  C'est  à 
Tattaque  d€  cette  position  que,  de  tous  les  points  de  l'horizon,  se  ruaient 

'  Les  matières  comprises  dans  nos  BiUletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  corn- 
plémtntaires  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  PEst,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

L* AFRIQUE.   —   DIXIÈME   ANNI^E.   —   N*   8.  8 


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les  criquets.  Tous  les  jardius  fuirent  mangés.  Le  grand  faubourg  Saint- 
Jean,  qui  s'étend  hors  de  la  place  de  la  Brèche,  au  pied  et  sur  les 
pentes  de  Koudiat  At>%  fut  envabi  ;  rien  ne  put  le  défendre.  Saint- 
Antoine,  les  prisons,  le  Bardo,  la  gare,  Mansourah  et  l'hôpital  furent 
occupés  ou  entamés  ou  assaillis  par  les  envahisseurs.  On  eut  à  peine  le 
temps  de  préserver  ceux  de  ces  points  qui  devinrent  le  pivot  de  la 
défense,  les  attaches  de  la  ligne  des  toiles.  On  put  tout  juste  refouler  les 
bandes  qui  entraient  par  la  place  de  la  Brèche  ou  essayaient  de  franchir 
le  pont.  Cependant  elles  furent  toutes,  ou  écrasées  sur  place,  ou  balayées 
dans  le  Rummel.  En  ville,  c'était  le  branle-bas,  mais  avec  entrain,  bonne 
humeur,  bon  exemple  surtout  donné  par  les  classes  supérieures.  Cette 
chose  inouïe,  la  réquisition  univei'selle  par  quartiers,  renvoi  sur  les  chan- 
tiers, pour  la  défense  des  jardins  et  des  cultures,  de  l'ouvrier,  du  journa- 
lier, du  marchand  dont  la  journée  était  perdue  sans  aucune  compensa- 
tion alors  que  l'invasion  des  criquets  dans  la  ville  n'eût  été  pour  lui 
qu'un  ennui,  tout  fut  accepté  parfaitement.  On  vit  partir  l'avocat,  le 
fonctionnaire,  le  notaire  ou  le  commerçant;  le  bon  juif  lui-môme  n'a  pas 
fait  trop  de  grimaces  pour  quitter  son  comptoir  ;  le  musulman  le  plus 
fanati(|ue  s'c^st  embrigadé  de  bonne  grâce.  On  a  fait  de  la  bonne  beso- 
gne puisque  les  criquets  sont  vaincus.  C'est  le  premier  siège  que  subit  la 
ville  depuis  qu'elle  est  devenue  française;  elle  s'en  est  tirée  à  sa  gloire.  » 
Les  affaires  d'Egypte  ont  donné  lieu,  à  la  Chambre  fies  Communes,  à 
im, débat  dans  lequel  ont  été  dénoncées  des  «trooliés  oommises 
dAns  la  i^aerre  contre  les  troapes  du  malidl*  Sir  Wilfried 
Lawsou  a  mentionné  entre  autres,  d'après  les  informations  fournies  aux 
joui*naux  par  le  gouvernement  lui-même,  le  fait  que  les  Égyptiens  sont 
entrés  dans  un  camp  ennemi,  l'ont  trouvé  abandonné  et  n'y  ont  plus 
rencontré  qu'un  certain  nombre  d'hommes,  de  femmes  et  d'enfants  qui 
se  mouraient  d'épuisement.  Ces  malheureux  étaient  dans  cet  état  parce 
que  les  Égyptiens  empêchent  les  indigènes  de  s'approcher  du  Nil  pour  y 
puiser  de  l'eau,  et  leur  font  ainsi  subir  toutes  les  tortures  de  l'agonie. 
Les  forces  ég}^tiennes  —  qui,  dans  les  circonstances  actuelles,  comme 
l'a  fait  remarquer  sir  Wilfried  Lawson,  doivent  être  considérées  comme 
des  forces  de  l'Angleterre  —  vont  jusqu'à  ravager  les  champs  cultivés  et 
à  détruire  les  fruits  de  la  terre.  Même  les  hordes  des  Soudanais  n'agi- 
raient pas  ainsi  ;  jamais  elles  ne  fouleraient  aux  pieds  la  nourriture  des 
populations.  Si  ce  mode  de  faire  la  guerre  continue,  on  verra  se  repro- 
duire au  Soudan  toutes  les  horreui's  que  l'Angleterre  a  toujours  consi- 
dérées comme  une  honte.  Le  miuistre  de  la  guerre,  M.  Stanhope,  n'a 


—  227  — 

rien  trouvé  à  répondre.  Sir  James  Fergusson,  sous-secrétaire  parlemen- 
taire n'a  pas  nié  les  atrocités  commises,  et,  avec  une  simplicité  qui  touche 
au  cynisme,  il  a  dit  qu'après  tout  les  Soudanais  n'avaient  que  ce  qu'ils 
méritaient,  qu'ils  n'avaient  qu'à  retounier  d'où  ils  étaient  venus.  En 
somme,  pour  repousser  des  troupes  qualifiées  de  barbares,  sir  James 
Fergusson  trouve  tout  naturel  que  des  soldats  au  service  d'une  puissance 
eiuropéenne  se  servent  de  procédés  auxquels  les. barbares  eux-mêmes 
hésiteraient  à  avoir  recours.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  surprenant,  c'est  que 
cette  déclaration  n'ait  pas  soulevé  un  mouvement  d'indignation,  dans 
cette  Chambre  naguère  si  facilement  émue  par  le  récit  des  atrocités 
bulgares.  Faut-il  croii'e  que  lorsque  les  intérêts  britanniques  sont  en 
jeu^  la  Chambre  anglaise  n'a  plus  d'entrailles?  tJn  membre,  M.  J.  Ellis, 
ayant  exprimé  son  étonnement,  sir  James  Fergusson  a  cherché  à  expli- 
4juer  qu'en  parlant  du  droit  des  troupes  égyptiennes  de  repousser  l'inva- 
sion soudanaise  par  tous  les  moyens  en  leur  pouvoir,  il  n'avait  voulu 
parler  que  des  moyens  qui  sont  reconnus  comme  pouvant  être  employés 
par  des  nations  civilisées.  Le  sous-secrétaire  parlementaire  trouve-t-il 
que  les  procédés  signalés  appartiennent  &  cette  catégorie  ? 

En  voyant  les  troupes  italiennes  s'emparer  de  Keren,  du  pays  des 
Bbi^B  et  de  r  Asmara,  on  se  demande  si  le  chef  des  forces  britanni- 
ques qui  a  installé  les  Italiens  à  MassaoUa,  les  avait  instruits  des  obli- 
gations contractées  par  l'Angleten-e  envers  le  négous  pour  obtenir  son 
secours  contre  les  partisans  du  mahdi?  Au  moins  doivent-ils  les  connaî- 
tre actuellement,  car,  déjà  en  1887,  le  journal  italien  Marina  e  Corn- 
inercio  a  publié  le  texte  du  traité  conclu  entre  l'Angleterre  et  l'Abyssi- 
nie,  le  3  juin  1884,  dont  l'article  2  est  ainsi  conçu  :  «  A  partir  du 
!•'  septembre  1884,  le  pays  connu  sous  le  nom  de  territoire  des  Bogos 
sera  restitué  au  négous,  et  quand  les  troupes  du  khédive  auront  aban- 
donné Kassala,  Amideb  et  Sennaheit,  les  forts  du  pays  des  Bogos,  qui 
appartiennent  actuellement  au  khédive,  seront  remis  avec  tous  les 
approvisionnements  de  guerre  qu'ils  contiennent  au  négous,  dont  ils 
deviendi'ont  la  propriété.  »  En  se  substituant  aux  Anglais,  ou  plutôt  aux 
Égyptiens,  à  Massaoua,  les  Italiens  n'ont-ils  pas  accepté  pour  eux- 
mêmes  les  engagements  pris  naguère  par  l'Angleterre  et  T Egypte? 

M.  Bonola,  secrétaire  général  de  la  Société  khédiviale  de  géographie 
du  Caire,  a  bien  voulu  nous  communiquer  une  note  de  M.  Jules 
Borelliy  qui  devait  paraître  dans  le  Bulletin  de  cette  Société,  accom- 
pagnée d'une  carte  dressée  par  l'explorateur  lui-même.  Nous  reprodui- 
sons cette  note  comme  complément  des  renseignements  publiés  dans 


—  228  — 

notre  numéro  de  juin,  dans  l'article  intitulé  :  De  la  région  comprise 
entre  le  hatU  Nil  et  la  côte  des  Sonudis, 

«  J'ai  eu  Thonneur  de  voir,  au  retour  de  leur  important  voyage, 
MM.  le  comte  Teleki  et  le  lieutenant  de  Hôhnel.  J'ai  travaillé  avec  ces 
messieurs  au  raccordement  de  nos  routes.  Ils  ont  aperçu  les  monts  Arro, 
ou  Aro,  qui  leur  ont  été  désignés  sous  le  même  nom  qu'à  moi.  Plusieurs 
autres  renseignements  communs  désignent  le  lac  Basso-Narok,  qu'ils- 
ont  appelé  Rudolf,  comme  étant  le  lac  Sciambara  ou  Sambourou,  noms 
sous  lesquels  il  est  ordinairement  désigné.  D'après  les  observations  de 
ces  messieui-s,  ce  lac  est  à  600"  environ  d'altitude.  De  plus,  j'ai  retrouvé 
une  observation  que  j'avais  égarée,  faite  au  continent  de  l'Omo  et  du 
Godjeb.  Elle  fixe  à  1100"  euvii-on  l'altitude  de  ce  point,  L'Omo  ne  peut 
donc  se  rendre  au  Victoria-Nyanza,  qui  est  à  une  altitujie  de  plus  de 
1 100".  C'est  assurément  le  fleuve  que  les  voyageurs  austro-hongrois  ont 
vu  se  jeter  dans  le  Basso  Narok.  » 

Ajoutons  que  M.  Borelli  est  arrivé  à  la  fin  de  juin  à  Marseille,  oii  la. 
Société  de  géographie  de  cette  ville  lui  avait  préparé  une  cordiale 
réception,  dans  laquelle  il  a  été  félicité  de  ses  travaux  de  quatre  années- 
au  sud  de  l'Abjssinie.  Il  en  a  ramené  deux  Gallas  et  une  collection  de 
photogi'aphies  et  d'objets  ethnographiques. 

D'autre  part,  M.  de  Hœhnel  écrit  au  Mouvement  géographique  de 
Bruxelles  :  «  Je  m'empresse  de  vous  faire  savoir  qu'en  me  basant  sur 
les  observations  faites  pendant  le  voyage,  ainsi  que  sur  les  renseigne- 
ments recueillis  dans  des  entretiens  que  j'ai  eus  à  Aden  avec  M.  Cecchi,. 
et  au  Caire  avec  M.  Borelli,  j'ai  acquis  la  conviction  absolue  que  les  lacs 
Rodolphe  (Sciambara)  et  Stéphanie  (Sambourou)  constituent  des  bas- 
sins absolument  indépendants,  aussi  bien  de  l'Océan  que  du  Nil.  Le  lac 
Rodolphe  n'est  que  le  dernier  membre  d'une  série  de  lacs  qui  s'étend 
dans  une  direction  générale  sud-nord,  du  4°  lat.  S.  au  5**  lat.  N.,  au 
fond  d'une  fente  volcanique  énorme. 

D'après  le  Times,  les  meilleurs  rapports  existent  entre  les  fonction- 
naires de  rimperlal  British  JBast  Af rlcan  Company,  d'une  part,, 
et  le  sultan  de  Zanzibar,  les  chefs  et  les  habitants  du  territoire  de  la 
zone  d'influence  anglaise,  de  l'autre.  Des  renseignements  ont  été  recueillis 
sur  la  valeur  des  ports  situés  le  long  de  la  côte.  Les  plans  de  Mombas  et 
de  Kilifi  montrent  que  ces  ports  sont  excellents,  et  la  Compagnie  espère 
que  Mombas  prendra  la  place  de  Zanzibar  comme  entrepôt  des  mar- 
chandises pour  l'intérieur.  Mombas  est  salubre  pour  les  Européens  et 
peut  le  devenir  davantage  encore  par  des  mesures  sanitaires.  Des  jeté^. 


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sont  envoie  de  construction;  une  ligne  télégraphique  est  projetée  le  i^i 

long  de  la  côte  pour  permettre  aux  fonctionnaires  de  la  Compagnie  de 
'Communiquer  dii*ectement  avec  le  quartier  général  à  Mombas.  Les 
sujets  hindous  anglais  dont  les  habitations  ont  été  ruinées  par  la  guerre, 
se  sont  réfugiés  sur  le  territoire  britannique  ;  les  caravanes  commercia- 
les envoyées  dans  Tintérieur  ont  fait  de  bonnes  affaires.  Un  essai  de 
monnaie  de  cuivre  portant  le  nom  de  la  Compagnie  a  si  bien  réussi, 
•qu'un  contrat  a  été  fait  pour  une  nouvelle  livraison  de  dix  mille  kilo- 
grammes de  cette  monnaie;  la  question  de  l'utilité  d'en  frapper  une  en 
argent  est  à  l'examen.  Une  des  plus  importantes  caravanes  expédiées 
vers  les  lacs  Naïvasha  et  Baringo  était  commandée  par  M.  F.-J.  Jack- 
son. Quoiqu'elle  n'ait  pas  accompli  tout  ce  qu'on  en  attendait,  elle  a 
acquis  une  connaissance  suffisante  du  pays  pour  pouvoir  choisir  une 
demi-douzaine  d'endroits  propres  à  l'établissement  de  stations,  que 
M.  Jackson  fondera  dans  un  voyage  ultérieur.  De  là,  des  expéditions 
seront  envoyées  pour  nouer  des  relations  dans  les  districts  au  nord  et  à 
l'ouest  du  Victoria-Nyanza.  La  Compagnie  espère  que  ses  agents  ren- 
<îontreront  Stanley,  eu  route  de  l'intérieur  vers  la  côte.  Elle  tient  à  ne 
pas  perdre  de  temps  pour  s'assurer  la  région  située  au  nord  et  à  l'ouest 
du  lac  Victoria.  Chaque  jour,  dit  le  Tirnes,  a  son  importance,  en  présence 
d'une  horde  d'aventuriers,  sans  scrupules,  en  campagne  et  décidés  à 
contrecarrer  les  grandes  visées  pour  lesquelles   cette  Compagnie  a 
obtenu  son  privilège.  On  espère  que  les  caravanes  de  M.  Jackson  et 
d'autres  inspireront  assez  de  confiance  aux  indigènes  pour  tenir  tête 
AUX  marchands  d'esclaves,  aux  maraudeurs,  assurées  qu'elles  seront  du 
ferme  appui  de  la  Compagnie.  Une  autre  caravane,  commandée  pai- 
M.  J.-R.-W.  Pigott,  a  été  expédiée  dans  la  direction  de  la  Tana,  pour 
nouer  des  rapports  avec  les  chefs  de  cette  partie  du  pays,  et  de  là  con- 
tounier  le  mont  Kénia,  jusqu'à  ce  qu'elle  rejoigne  M.  Jackson  au  lac 
Baringo.  Aux  dernières  nouvelles  (25  avril),  M.  Pigott  était  tout  près  du 
Kénia.  Ces  deux  caravanes  ont  à  leur  service  un  millier  d'indigènes.  La 
Compîignie  fait  construire  deux  routes,  l'une  de  Mombas  à  Mboungo, 
l'autre  de  Mombas  à  Mélinde.   Le  Times  ajoute  en  tenninant  :  «  La 
Compagnie  reconnaît  évidemment  que  les  intérêts  de  l'empire  lui  sont 
confiés.  En  favorisant  ces  intérêts,  elle  peut  être  assurée  de  l'appui  du 
pays  et  du  gouveniement;  on  attend  d'elle,  maintenant,  qu'elle  prenne 
l'initiative  de  faire  progresser  ces  intérêts  dans  tous  les  sens.  Elle  ne 
devra  pas  perdre  de  temps,  pour  établir  la  ligne  anglaise  de  communi- 
cation proposée  du  Cap  au  Nil.  » 


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—  230  — 

Dans  la  première  assemblée  générale  de  l'impérial  British  East  Afri- 
can  Company,  le  président,  M.  Mackinnon,  a  donné  un  aperçu  de  la 
ligne  de  conduite  que  la  Compagnie  se  propose  de  suivre.  Les  stations  à 
créer  seront  peimanentes  et  reliées  entre  elles  par  un  fil  télégraphique^ 
Le  centre  des  opérations  sera  Mombas.  A  partii*  du  mois  d'août,  et 
conformément  aux  termes  du  contrat  passé  avec  le  sultan  de  Zanzibar, 
la  Compagnie  prendi'a  la  dii-ection  de  T administration  des  droits  de  sor- 
tie. Elle  croit  le  moment  venu  d'inviter  le  public  à  participer  h  l'entre- 
prise, et,  à  cet  effet,  elle  ouvrira  une  souscription  pour  réunir  le  .capital 
nécessaire.  M.  Mackenzie,  directeur  de  la  Compagnie  en  Afrique,  a 
exprimé  l'espoir  que  les  résultats  financiers  de  l'entreprise  seront  fort 
beaux,  et  la  conviction  que  l'importance  de  l'œuvre  lui  vaudra  la  pro- 
tection et  l'appui  du  gouvernement  anglais.  La  population  indigène  des 
Indes  anglaises,  a-t-il  ajouté,  augmente  dans  de  telles  proportions,  que 
les  ressources  du  pays  ne  subviendront  bientôt  plus  aux  besoins  de  ses 
habitants  ;  ceux-ci  pourront  émigrer  vers  la  côt^  orientale  d'Afrique, 
dont  le  climat  leur  conviendra  mieux  que  celui  de  n'importe  quelle 
autre  possession  anglaise.  Tout  le  commerce  de  cette  partie  de  l'Afrique 
pi^end  aujourd'hui  le  chemin  de  Zanzibar,  mais  M.  Mackenzie  est  per- 
suadé que  Mombas  est  appelé  à  devenir,  dans  un  avenir  peu  éloigné,  le 
grand  centre  du  commerce  à  la  côte  orientale.  Sir  John  Kirk,  ancien 
consul  général  d'Angleterre  à  Zanzibar,  a  confirmé  les  assertions  de 
M.  Mackenzie  au  sujet  de  Mombas.  Les  Arabes,  a-t-il  dit,  sont  tout  dis- 
posés à  travailler  de  concert  avec  les  Européens. 

Au  milieu  des  troubles  de  l'Afrique  tropicale  orientale,  les  mission- 
naires de  la  Société  des  missions  ani^lioanes  ne  se  sont  pas  laissé 
ébranler  dans  l'accomplissement  de  leurs  devoirs.  Le  représentant  du 
gouvernement  britannique  à  Zanzibar  a  mis  à  leur  service  toute  l'iu- 
fiuence  qu'il  possédait  pour  leur  faciliter  la  retraite  vers  la  côte  s'ils 
jugeaient  préférable  de  ne  pas  exposer  leur  vie  à  l'irritation  des  Arabes, 
toutefois  ils  ont  pi'éféré  rester  à  leur  poste.  Sans  doute  ceux  de  l'Ou- 
(rauda  ont  été  chassés  de  Roubaga,  mais  ils  attendent  à  Ousambiro,  au 
sud  du  lac  Victoina,  que  la  porte  se  rouvre,  pour  retourner  dans  leur 
premier  champ  de  travail,  car  ce  ne  sont  pas  les  indigènes  ba-gauda  qui 
les  ont  forcés  de  pailir,  ce  sont  les  Arabes,  étrangers  au  pays,  maîti'es 
du  pouvoir  actuellement  dans  la  personne  de  Kaléma,  qu'ils  ont  fait 
monter  sur  le  trône  et  qu'une  révolution  des  natifs  pourrait  fort  bien  en 
faire  descendre.  Le  consul  général  anglais  à  Zanzibar  a  pu,  grâce  à 
l'intermédiaire  de  l'amiral  allemand  commandant  de  l'escadre  employée 


—  231  — 

au  blocus  le  long  de  la  ligne  de  côtes  placée  sous  le  protectorat  allemand 
et  des  missionnaires  romains  de  Bagamoyo,  entrer  en  raj^rt  avec  Bou- 
chiri,  le  chef  des  indigènes  révoltés  contre  les  Allemands,  et  a  obtenu 
de  lui  de  faire  arriver  à  la  côte,  sains  et  saufs,  M.  et  M*^  Roscoe,  dont  la 
santé  avait  souffert,  et  qui  ont  quitté  temporairement  leur  champ  de 
travail  pour  se  rendre  à  Frere-Town,  et  M.  Hooper,  de  la  mission  du 
Victoria-Nyanza,  qui  est  venu  en  Europe  pour  solliciter  des  renforts. 
Mais  les  missiomiaires  de  Mpouapoua  et  de  Mambola,  auxquels  M.  Smith 
avait  écrit  de  bien  examiner  si  des  intérêts  supérieui*s  leur  faisaient  un 
devoir  de  rester  exposés  aux  dangere  qu'il  leur  avait  indiqués,  sont  res- 
tés à  leurs  postes  respectifs. 

Une  lettre  d'un  des  missionnaires  d'Alger,  de  la  station  de  Kibanga,^ 
au  fond  du  golfe  de  fiurton  sur  la  côte  occidentale. du  Tani^anylka, 
permet  déjuger  des  progrès  qu'ils  font  faii-e  à  l'agriculture  et  à  l'arbo- 
riculture par  l'introduction  des  espèces  d'Europe,  h  Le  P.  Coulbois 
s'entend  fort  bien  en  arboriculture,  et  bientôt  la  mission  possédera  des 
milliers  d'arbres  fruitiers  variés,  dont  beaucoup  donnent  depuis  deux 
ans.  Nous  avons  des  centaines  d'ananas,  des  mangues,  etc.,  plusieurî^ 
centaines  de  pieds  de  café  poussant  dans  notice  jardin.  Le  potager  est 
magnifique.  Nous  avons  autant  et  même  plus  de  légumes  que  nous  no 
pouvons  en  manger,  et  de  toute  espèce.  Les  pommes  de  terre  semblent 
ne  pas  mal  réussir.  L'année  dernière,  nous  en  avons  récolté  pluâeurs 
double  décalitres,  de  manière  à  pouvoir  en  manger  presque  tous  les 
dimanches.  Cette  année,  nous  eu  avons  planté  un  demi-hectare.  Nous 
avons  une  petite  provision  de  blé,  mais  il  n'est  pas  beau.  Continuez  à 
nous  envoyer  des  graines  d'eucalyptus.  Les  seuls  ennemis  que  nous 
ayons  à  redouter  sont  les  Wa-Ngouana,  qui  nous  causent  beaucoup 
d'ennuis.  Ce  sont  des  brigands  qui  ne  cherchent  qu'à  piller  et  à  faire 
des  esclaves.  » 

Après  avoir  fait  des  sondages  dans  le  canal  de  Mozambique,  où  il  a 
trouvé  une  moyenne  de  fond  de  2000",  le  Gréai  Northern,  de  l'Eastern 
and  South  Cables  Company,  eu  a  fait  dans  la  rade  de  Mi^uiif^,  à 
Madagascar,  en  vue  de  réunir  par  un  câble  cette  ville  à  MosBambi- 
que.  De  Majunga,  une  ligne  par  terre  serait  établie  jusqu'à  Tamatave, 
en  passant  par  Antananarive,  puis,  de  nouveau,  la  communication  avec 
la  Réunion  et  Maurice  se  ferait  par  câble  sous-marin.  La  ligne  porterait 
le  nom  de  Mozambiqtie-Maurititui-Cable.  Les  administrateurs  de  la 
Compagnie  anglaise  ont  traité  avec  le  gouvernement  français  pour  la 
section  de  Madagascar. 


—  232  — 
otioii  provoquée  en  Angleteri-e  pat-  la  résiliatiou  du  contrat 
;  gouvernement  portugais  et  la  Comptante  du  chemin  de  fer  de 
so-Har^nes  commence  à  se  calmer.  On  comprend  que  \en 
nirex  et  les  obligataires  anglais  qui  ont  mis  de  l'argent  dans  cette 
ise  se  sentent  lésés  dans  leurs  intéréte.  Mais  Pautorité  portu- 
i  peut  être  rendue  responsable  des  lenteurs  que  la  Compagnie  a 

remplir  les  obligations  stipulées  dans  le  contrat.  Aux  termes  de 
,  le  chemin  de  fer  aurait  dû  être  achevé  le  30  octobre  1686;  par 
our  la  Compagnie,  le  gouvernement  a  accordé  des  délais  à  plu- 
■epi-isea  ;  en  dernier  lieu  il  avait  été  convenu  que  la  ligne  serait 
io  le  24  juin.  Cette  fois-ci,  la  Compagnie  n'ayant  pas  rempli  ses 
uents,  le  contrat  a  été  résilié.  Dans  l'irritation  éprouvée  par  ie^ 
lés  anglais,  coux-ci  ont  oublié  que  la  Compagnie  est  portugaise 
Ht  qu'aux  lois  portugaises,  et  que  le  gouvernement  dans  ses  rap- 
.ec  la  Compagnie  ne  peut  se  régler  que  d'après  les  termes  du 

et  des  lois  i>ortugaises.  Le  gouvernement  a  usé  de  son  droit;  si 
innaires  et  les  porteurs  d'obligations  estiment  que  leurs  intéi-êts 
es,  ils  ont,  dans  le  contrat  et  dans  les  lois  portugaise  auxquelles 
Is  peuvent  recourir,  les  moyens  de  se  défendre  et  de  faire  valoir 
'oits, 

empruntons  les  renseignements  suivants  sur  l'activité  qui  règne 
gne  du  chemin  de  fer  de  Natal  *  Ladysailth,  à  une  lettre 
le  missionnaire  Grandjean,  que  sa  santé  avait  obligé  à  quitter 
airement  la  baie  de  Delagoa  pour  se  rendre  à  Howick,  dans  la 

de  Natal.  Ijes  journaux  sont  remplis  de  comptes  rendus  sur  le 
ent  dos  diverses  mines,  Johannesbourg  et  Barberton  deviennent 
kIs  centres.  Les  gens  de  métier  y  font  défaut,  et  certains  jour- 
iiglais  ont  répandu  le  bruit,  un  peu  exagéré,  que  des  milliers  de 

et  de  charpentiers  y  trouveraient  de  l'ouvrage  à  20  et  30  shil- 
tr  jour.  De  Ladysmith,  point  terminus  du  chemin  de  fer,  partent 
lement  une  quantité  de  wagons;  on  parle  de  plusieurs  centaines, 
nin  de  fer  est  encombre  de  marchandises  ;  son  revenu  du  mois  de 
s'est  élevé  à  la  somme  incroyable  de  45,000  liv.  stcri.  Outre  cela 
nntité  de  wagons  à  bœufs  circulent,  même  là  où  le  chemin  de  fer 
Nous  en  vovoils  passer  chaque  jour  un  grand  nombre  chargés  de 

construction.  Ce  n'est  pas  seulement  ici  que  les  voies  de  commn- 
:i  sont  encombrées;  les  deux  Compagnies  de  navigation  entre 
s  et  Natal  n'arrivent  pas  à  tout  transporter,  et  vont  envoyer 
t  deux  mois  un  steamer  par  semaine,  au  lieu  de  un  tous  les 


—  233  — 

quinze  jours,  comme  précédemment.  Le  télégraphe  même  est  encombré, 
et  l'on  se  plaint  que  souvent  un  tél^gi-amme  arrive  en  même  temps 
qu'une  lettre  qui  l'explique  ou  même  plus  tard. 

Un  débat  a  eu  lieu  à  la  Chambre  des  lords  au  siget  du  trafic  des 
spifitaeux  en  Afrique,  plusieurs  des  membres  de  la  Chambre  deman- 
daient que  le  gouvernement  établît  des  règles  propres  à  restreindre  la 
vente  des  boissons  dans  ses  colonies,  et  qu'il  insistât  auprès  des  autorirtés 
coloniales  pour  que  les  lois  existante^  fussent  strictement  observées. 
Lord  KijLUtsford,  secrétaire  d'État  pour  les  colonies,  déclara  que  k 
chose  urgente  était  d'appliquer  la  législation.  Dans  le  Ba-Soutoland  et 
dans  le  Zoulouland,  la  population  étant  composée  d'indigènes,  il  est  plus 
facOe  d'appliquer  la  loi  qui  interdit  la  vente  des  spiritueux.  Dans  le 
Be-Chuanaland,  qui  a  une  population  mixte,  il  n'a  pas  été  possible  de 
défendre  l'importation  des  liqueurs.  Quant  au  gouvernement  de  Natal, 
si  la  loi  n'a  pas  été  suffisamment  appliquée,  cela  vient  du  fait  que  la 
police  n'était  pas  numériquement  assez  forte.  D  a  été  fait  des  proposi- 
tions d'instituer  des  surveillants  qui,  entre  autres  devoirs,  auraient  celui 
de  s'enquérir  de  la  manière  dont  sont  perçus  les  droits  de  douane.  Ces 
inspecteurs  ont  été  nommés,  et  M.  Knutsford  a  insisté  auprès  d'eux  sur 
la  nécessité  de  veiller  à  ce  que  la  loi  fût  exécutée  et  à  ce  que  le  trafic 
des  spiritueux  aux.  natifs  fût  limité.  Dans  le  Zoulouland  et  dans  la  Nata- 
lie  la  loi  .a  été  appliquée  et  personne  ne  s'est  plaint  de  la  manière  dont 
elle  l'a  été.  Dans  le  Ba-Soutoland,  le  trafic  des  spiritueux  a  été  sup- 
primé. Quant  au  Be-Chuanaland,  lord  Knutsford  a  fait  renforcer  la  loi  ; 
quiconque  vend  des  liqueurs  aux  natifs  est  en  contravention.  Des  rec(»n- 
mandations  ont  été  faites  pour  que  l'on  n'accorde  plus  de  patentes 
qu'avec  beaucoup  de  précautions,  et  que  ceux  auxquels  elles  seront 
accordées  soient  placés  sous  la  juridiction  de  magistrats  qui  puissent 
exercer  sur  eux  un  contrôle  plus  vigilant. 

M.  Machado,  ingénieur  portugais,  a  présenté  au  ministre  de  la  marine 
les  études  du  cliemin  de  fer  de  Moasamédès  au  Bihé»  dans  sa 
première  partie,  c'est-à-dire  de  Mossamédès  au  haut  de  la  Chella.  Mais 
Benj^uela  réclame  pour  que  son  port  serve  de  tète  de  ligne  à  la  voie 
du  Bihé.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  facilités  que  créeront  l'une  ou  l'autre 
ligne  entre  la  côte  et  le  plateau  ne  pourront  qu'être  avantageuses  à  la 
colonie  portugaise.  Cette  partie  de  l'intérieur  offre  à  l'émigration  l'at- 
trait que  présente  aujourd'hui  le  Brésil  ou  telle  autre  partie  de  l'Amé- 
rique méridionale.  Une  fois  la  ligne  construite,  le  gouvernement  pourra 
offrir  aux  émigrants  des  emplacements  qui  leur  assureront  des  condi- 


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—  234  — 

tiens  climatologiques  favorables,  et  des  terrains  d'une  grande  fertibté, 
en  même  temps  qu'ils  auront  la  possibilité  d'écouler  l'excès  des  pro- 
ductions agricoles.  Aujourd'hui  les  colonies  déjà  fondées  sur  le  plateau 
ont  certes  un  bon  climat  et  un  sol  fertile,  mais  elles  ne  peuvent  que  dif- 
ficilement faire  parvenir  les  produits  de  leur  sol  sur  les  marchés  de  la 
côte,  parce  que  les  frais  de  transport  sont  beaucoup  trop  élevés. 

Les  Colonias  poriugtiezas  donnent  les  renseignements  suivants  sur  le 
mouvement  des  douanes  d'Ambriz,  Loanda,  Benguela  et  Mossamédès, 
montrant  la  marche  progi-essive  du  commerce  dans  l'Angola  t 

En  1866 1.670.000  piastres. 

1871 3.736.000      » 

1877 4.267.000      » 

1883 4.249.000      » 

1887 4.786.000      » 

1888 5.514.000      » 

On  voit  que  le  mouvement  commercial  s'accroît  rapidement,  puisque 
en  une  vingtaine  d'années  il  a  plus  que  triplé,  et  tout  porte  à  croire 
qu'à  mesure  que  le  chemin  de  fer  d' Ambaca,  et  la  ligne  projetée  de  Ben- 
guela ou  Mossamédès  au  Bihé  se  développeront  vers  l'intérieur,  ce  pi'o- 
grès  deviendra  plus  considérable. 

La  Chambre  des  représentants  de  BruxfeUes  a  autorisé  le  gouverae- 
ment  à  participer  à  la  constitution  de  la  Compagnie  du  chemin  de 
fer  du  Coim^  par  une  souscription  de  dix  millions  de  francs,  repré- 
sentée par  20,000  actions  de  capital  de  500  francs  chacune,  productive 
d'un  intérêt  de  3  Vî  7o  amortissables  au  pair  eu  99  ans.  D'après  le  rap- 
port fait  à  la  Chambre,  la  construction  coûtera  25  millions  de  francs  ; 
l'exploitation  1,200,000  fr.  et  les  recettes  seront  suffisantes  pour  rému- 
nérer le  capital.  Les  quinze  premiers  millions  ont  été  entièrement  sous- 
crits par  un  syndicat  de  capitalistes  anglais,  allemands,  américains, 
français  et  belges,  ces  derniers  y  participant  poui*  une  somme  de  plus 
de  sept  millions.  Jusqu'à  concurrence  do  92  ^o  le  matériel  fixe  et  roulant 
du  chemin  de  fer,  ainsi  que  les  marchandises  d'échange  destinées  au 
paiement  des  salaires  des  ouvriers,  seront  de  fabrication  belge.  La 
Compagnie  du  Congo  pour  le  commerce  et  l'industrie,  possédant,  par  le 
fait  de  la  convention  qu'elle  a  passée  avec  l'État  Indépendant,  en  1887, 
le  droit  d'option  pour  la  concession  de  la  construction  de  la  ligne  et  de 
son  exploitation,  a  déjà  pris  toutes  les  mesures  pour  pousser  active- 
ment l'entreprise.  Les  travaux  sur  le  terrain  pourraient  être  commencés 
avant  la  fin  de  cette  année-ci.  Le  rapport  estime  qu'ils  pourront  être 
achevés  en  quatre  ans. 


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—  235  — 

n  <<  Jusqu^à  présent,  »  dit  un  rapport  du  Conseil  d'administration  de  la 

s  [1  Compagnie  du  Congo,  «  les  steamers  transatlantiques  ne  dépassaient 
kl  pas  Borna,  oii  sont  situés  les  principaux  établissements  commerciaux  du 
ba4»  €oii|^.  Les  succursales,  situées  sur  les  bords  du  fleuve  en  amont 
jusqu'à  Matadi,  étaient  desserties  par  les  petits  steamers  de  l'État  indé- 
pendant et  par  ceux  des  factoreries  de  Banana  et  de  Borna  :  le  Héron 
de  120  tonnes,  VItumba  de  155  tonnes,  le  Cari  Niemann  de  250  tonnes, 
le  Prim  Heinrich  de  72  tonnes,  le  Lmo  de  88  tonnes,  etc.  Dans  cette  sec- 
tion du  fleuve,  le  courant  est  très  rapide,  mais  partout  les  profondeurs 
sont  grandes.  Le  capitaine  de  steamer  Boyé,  chef  du  pilotage  de  l'État, 
a  fait  des  sondages  dans  toute  cette  section  du  fleuve,  à  l'époque  des  bas- 
ses  eaux.  En  aucun  point,  il  n'a  trouvé  une  profondeur  inférieure  à  20 
mètres.  Ces  sondages  prouvent  que  tous  les  vapeurs  de  mer,  marchant 
avec  une  vitesse  supérieure  à  9  nœuds,  pourront  sans  difliculté  remonter 
le  Congo  jusqu'à  Matadi.  C'est  l'avis  de  tous  les  capitaines  de  navire 
qui  font  les  fonctions  de  pilotes  dans  le  bas  Congo.  »  En  effet,  le  Lita- 
loba,  de  l'African  Steamship  Company,  deLiverpool,  l'un  des  plus  forts 
steamers  de  cette  Société,  jaugeant  1860  tonnes  et  pouvant  en  charger 
2500,  arrivé  à  Boma  le  18  juin  dernier,  a  continué  à  remonter  le  Congo 
I  et  a  jeté  l'ancre  dans  le  port  de  Matadi.  Au  point  de  vue  économi- 
'  que,  le  fait  a  une  portée  considérable,  puisqu'il  résout  le  problème  de  la 
navigabilité  du  bas  Congo,  de  Banana  à  Matadi,  et  que  les  bateaux  de 
haute  mer  pouiTont,  sans  rompre  charge,  déposer  leur  cargaison  à  la  sta- 
tion tête  de  ligne  de  chemin  du  fer. 

Mgr  Carrie,  vicaire  apostolique  du  Congo  français,  a  profité  des  cir- 
constances favorables  pour  fonder  une  première  station  sur  l'Ouban^i. 
A  cette  occasion  il  donne  aux  Missions  catholiques  les  renseignements 
suivants  :  Deux  maisons  de  commerce,  l'une  française,  la  maison  Dau- 
mas  de  Paris,  l'autre  hollandaise,  la  grande  Compagnie  du  Congo,  ont 
essayé  d'acheter  de  l'ivoire,  qui  y  abonde;  toutes  les  deux  ont  dû  y 
renoncer,  les  propriétaires  de  l'ivoire  ne  voulant,  pour  toute  marchan- 
dise d'échange,  que  des  esclaves  à  manger.  La  station  missionnaire  a  été 
établie  à  la  poînte  Iranga,  à  l'entrée  de  l'Oubangi.  Jusqu'à  ce  jour  les 
populations  qui  habitent  en  amont,  dans  le  voisinage  du  poste  finançais 
de  Modzaka,  par  2°  lat.  nord,  ont  résisté  à  l'influence  civilisatrice  euro- 
péenne ;  elles  refusaient  de  vendre  des  vivres  aux  soldats  du  poste,  qui 
ne  pouvaient  soitir  qu'en  armes.  A  l'entrée  de  l'Oubangi,  les  mission- 
naires espèi*ent  être  en  sûreté  et  pouvoir  racheter  les  malheureux  escla- 
ves que  l'on  mène  à  la  boucherie  et  qui  toucheront  à  la  pointe  Iranga 


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—  236  — 

située  au  conflueut  de  TOubaugi  et  du  Cougo,  elle  peut  Cacilement  exer- 
cer la  surveillance  sur  les  deux  cours  d'eau.  Une  station  nouvelle  sera 
créée  aux  rapides  de  Zongo,  lorsque  le  Heuve  sera  plus  connu. 

M.  Donald  Mackensle  a  envoyé  à  VAMisîavery  Bq^orter  un  inté- 
ressant rapport  sur  son  récent  voyage  au  cap  ilaby,  où  il  arriva  le 
28  mars.  Le  30  il  eut  une  entrevue  avec  treize  chefs  de  Ait,  qui  discutè- 
rent avec  lui  la  situation  générale»  et  exprimèrent  le  désir  de  conserver 
cette  station  comme  port.  Habeeb  Woold  En  Najim  ouvrit  la  conférence 
et,  au  nom  des  chefs  présents,  fit  remarquer  qu'aucun  pays  ne  peut 
prospérer  sans  gouvernement,  ni  un  gouvernement  exister  sans  un  chef. 
Le  cap  Juby  a  été  longtemps  sans  gouvernement,  aussi  n'a-t-il  pu  pros- 
pérer. Il  y  a  donc  lieu  de  faire  cesser  cet  état  de  choses  et  d'établir  un 
gouvernement  sous  un  chef.  Les  Baïrooks  ont  régné  sur  ce  pays  depuis 
très  longtemps,  et  il  n'y  a  que  l'un  d'eux  qui  puisse  assumer  la  respon- 
sabilité du  gouvernement  du  cap  Juby  et  du  pays  environnant.  Le  dé«ir 
fut  exprimé  qu'un  des  fils  du  dernier  cheik  Mohammed  Balrook  fût 
désigné  comme  chef  au  cap  Juby.  Tout  le  monde  fut  d'accord.  M.  Mac- 
kenzie  partageait  ce  désir.  Habeeb  déclara  que  tous  les  maraudeurs 
seraient  chassés  et  que  les  marchands  arrivant  au  cap  Juby  ou  en  par- 
tant seraient  protégés  ;  si  le  sultan  du  Maroc  envoie  une  armée  pour 
détruire  la  place,  ils  la  défendront  de  tout  leur  pouvoir. 

Depuis  son  retour  en  Angleterre,  M.  Donald  Mackenzie  a  appris  que 
le  sultan  du  Maroc  fait  toujours  tout  ce  qu'il  peut  pour  empêcher  les 
natifs  de  trafiquer  avec  le  cap  Juby.  Il  a  envoyé  une  armée  pour  punir 
les  tribus  amies  des  Anglais,  mais  celles-ci  ont  battu  l'armée  du  sultan. 

D'autre  part,  des  avis  de  Mogador  annoncent  qu'un  chef  indigène  du 
territoire  du  cap  Juby,  à  la  tête  de  600  soldats  impériaux,  a  attaqué  une 
tribu  kabyle  avec  laquelle  les  Anglais  entretiennent  des  relations  com- 
merciales ;  plus  de  600  tètes  de  bétail,  gardées  dans  une  sorte  de  maga- 
sin appartenant  à  un  Anglais,  auraient  été  enlevées.  Les  Anglais,  crai- 
gnant une  surprise,  ont  pris  des  mesures  de  précaution. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

M.  de  Lesseps  a  annoncé  à  l'Académie  des  Sciences  que  le  Conseil  d'adminis- 
tration du  canal  de  Suez  a  décidé  de  porter  la  largeur  du  canal  de  22*"  à  65"^ 
dans  les  parties  rectilignes  ;  à  75°*  au  sommet  des  courbes  à  grand  rayon,  et  à  80^ 
dans  les  courbes  à  petit  rayon. 


—  237  — 

Parmi  les  prisAimiers  faits  sur  les  troupes  du  mahdi,  ae  trouve 
nommée  Mariette  Caracolo,  née  eu  Italie;  elle  a  été  amenée  dn 
Dongola.  Elle  a  rapporté  que  cinq  religieuses  et  deux  frères  missio 
toQJottra  captifs  jk  Ehartoum. 

La  cbalear  est  excessive  à  Sonaldm.  Dans  les  maisons  les  pins  frali 
momëtre  marque  59";  la  machine  à  faire  la  glace  appartenant  au  g 
ne  peut  pas  finctionner, 

La  mission  du  Choa,  ayant  &  sa  tête  nn  cpasin  de  Ménélik,  est  arriv 
elle  sera  à  Rmne  le  mois  prochain.  Hénéliï  a  été  reconnu  négous  s 
Abonna  abyssins.  Il  marchait  sans  encombre  vers  Gondar  et  de  là  il 
rendre  dans  le  Tigré. 

L'état  de  désordre  dans  lequel  se  trouve  actuellement  l'Afrique  cri 
toriale  a  engagé  les  missionnaires  d'Alger  à  fonder  une  station  pli 
Mponda,  au  sud  dn  lac  Nyassa,  sur  le  Chiré. 

M,  Ehlers  est  reparti  pour  le  Kilimandjaro,  chargé  de  remettre,  i 
Onillaume  It,  des  cadeaux  an  roi  nègre  qui  lui  a  envoyé  des  ambass 

D'après  une  déclaration  de  M.  Barras  Gomeï  aux  Cortés  portugai: 
nant  Leal  serait  chargé  de  construire  une  station  it  l'extrémité  and'dt 
sur  les  terres  dn  chef  indigène  Migorde.  Ce  serait  le  premier  acte  d'o 
Portugal  sar  le  Nyassa. 

Les  Cdonias  Portuguetas  annoncent  que  les  études  du  chemin 
Zatabéeie  sont  terminées.  A  partir  de  Quillmane  jusqu'à  Mopela,  la 
189  kilom.  Les  études  ponr  la  section  du  haut  Chiré  vont  commence 

Une  commission  composée  de  délégués  du  Portugal,  de  l'Angleteri 
vaal  et  du  petit  État  de  Musauate,  a  déterminé  les  frontières  entre  1 
portugaise  de  Lorenzo-Marquez  et  le  Swazieland  ou  Mussuate.  Ce 
part  de  la  rivière  Usuto  au  sud,  traverse  les  monts  Lebombo  sans 
ligne  de  faite;  elle  s'incline  an  N.-N.E.  et  se  termine  au  point  où  la 
Transraal  et  le  territoire  du  Swaaieland  rencontrent  la  frontière  porti 

Une  divergence  existant  entre  sir  Hercules  Robinson,  gouverneur  < 
dn  Cap,  et  le  ministre  anglais  des  Colonies,  sur  la  façon  de  gouverni 
sions  de  l'Afrique  australe,  sir  Robinson  a  donné  sa  démisstou.  Le  mil 
veut  gouverner  de  Londres  tons  les  territoires  annexés,  tandis  que  I 
vemeur  estime  que  le  seul  moyen  de  prévenir  les  complications  grai 
rattacher  les  nouvelles  acquisitions  territoriales  aux  colonies  déjà  exi 
les  ériger  en  colonies  nouvelles.  Il  a  été  remplacé  par  sir  Henri  '. 
fonctionnaire  colonial. 

Un  décret  du  souverain  de  l'État  Indépendant  du  Congo  a  institué 
à  décerner  aux  chefs  indigènes  congolais  qui  auront  fait  preuve  de  ] 
dévonement  et  qui  auront  rendu  des  services  à  l'État.  Elle  sera 
argent  ou  bronie,  et  portera  d'un  cûté  l'efBgie  du  souverain,  de  Vaut 
de  l'État  dn  Congo  surmontées  des  mots  :  •  Loyauté  et  dévouement,  < 

La  Sandford  Ëxploring  Expédition  a  envoyé  à  Anvers  16.000  kil< 
représentant  une  valeur  de  pins  de  950,000  francs. 


—  238  — 

Une  station  missionnaire  belge  va  être  créée  à  Loulouabourg }  les  frais  d'instal- 
lation seront  couverts  par  une  initiative  privée. 

M.  Koget,  chargé  du  commandement  du  camp  de  l'Arououimi,  a  quitté  Borna 
avec  un  détachement  de  270  hommes;  la  force  du  camp  sera  de  600  hommes. 

Le  gouverneur  général  de  PÉtat  du  Congo  à  Borna  a  envoyé  du  vaccin  aox 
missions  de  Palabala  et  de  Bauza-Manteka,  qui  lui  en  avaient  demandé.  Les  ino- 
culations dans  ces  contrées,  toujours  infestées  par  la  petite  vérole,  sont  nombreu- 
ses et  se  font  avec  succès.  Les  indigènes  eux-mêmes  commencent  à  les  pratiquer. 

M.  Alexandre  Delcommune,  chef  de  l'exploration  commerciale  du  haut  Congo 
pour  la  Compagnie  du  Congo  pour  le  commerce  et  l'industrie,  est  rentré  en  Bel- 
gique, après  avoir  exploré  la  plus  grande  partie  du  bassin  du  Congo.  Il  a  rapporté 
une  riche  collection  de  produits  africains,  ainsi  qu'une  collection  photographique 
comprenant  plus  de  200  vues  du  liaut  fleuve  et  de  ses  affluents. 

M.  le  capitaine  Cambier,  nommé  inspecteur  d'État  pour  le  Congo,  est  parti  le 
1"  juillet  à  bord  de  VAfrica,  avec  M.  le  lieutenant  Le  Marinel,  ancien  adjoint  à 
la  station  de  Loulouabourg,  qui  retourne  au  Congo,  chargé  de  la  fondation  et  du 
commandement  du  camp  retranché  que  l'État  Indépendant  se  propose  de  créer  sur 
le  haut  Sankourou,  dans  les  parages  du  confluent  du  Lomami. 

Un  télégramme  de  Zanzibar,  du  16  juin  dernier,  avait  annoncé  l'arrivée  en  cette 
ville  de  lettres  d'Oudjidji,  sur  le  Tanganyika,  datées  du  10  mars,  d'après  lesquelles 
Stanley  aurait  opéré  sa  jonction  avec  Tipo-Tipo  et  renvoyé  ses  malades  au  Congo. 
Ces  lettres  portaient,  en  outre,  qu'il  se  disposait  à  gagner  la  côte  orientale  avec 
Émin-pacha  et  que  Tipo-Tipo  comptait,  de  son  côté,  arriver  à  Zanzibar  en  juillet. 
Le  Mouvement  géographique  fait  remarquer  que  les  auteurs  de  ces  lettres  ont  dû 
être  mal  informés,  le  gouvernement  de  l'État  Indépendant  du  Congo  ayant  reçu 
à  Bruxelles  une  dépêche  d'après  laquelle,  à  la  date  du  27  avril  dernier,  Tipo-Tipo 
était  toujours  à  sa  résidence  des  Stanley-Falls. 

En  novembre  1888,  M.  Treich  Laplène,  chargé  de  conduire  au  capitaine  Binger 
un  convoi  de  ravitaillement,  avait  signé  avec  le  roi  du  Bontoukou  un  traité  qui 
plaçait  cet  État  sous  le  protectorat  de  la  France.  Peu  de  temps  après,  un  agent 
anglais,  le  capitaine  Leithbridge,  arriva  à  son  tour  dans  le  Bontoukou  et  s'efforça 
(le  réduire  à  néant  la  convention  conclue  avec  la  France.  Il  enleva  le  drapeau 
français  et  signa  une  conventipn  avec  le  roi  susnommé.  Le  gouvernement  anglais 
aurait  dénoncé  les  empiétements  des  agents  français  sur  la  côte  occidentale 
(l'Afrique.  Il  ignorait  sans  doute  le  procédé  de  l'agent  britannique. 

Le  chemin  de  fer  du  haut  Sénégal,  abandonné  pen4ant  quelque  temps ,  puis 
repris  avec  de  faibles  ressources,  va  maintenant  jusqu'au  fort  de  Bafpulabé;  la 
longueur  en  est  de  128  kilomètres.  Les  villes  de  Khayes,  Médine,  Bafoulabé,  qui 
sont  sur  la  ligne,  se  développent  rapidement,. 

Une  nouvelle  conférence  africaine,  à  laquelle  prendront  part  les  puissances  qui 
ont  été  représentées  à  la  conférence  de  Berlin  en  1884-1885,  se  réunira  l'autonm^ 
prochain.  Sur  la  proposition  du  gouvernement  anglais,  d'accord  avec  le  gouverne- 
ment allemand,  la  conférence  aura  lieu  à  Bruxelles,  Outre  l'Angleterre  et  l'Aile- 


—  239  — 

m^goe,  les  puissances  qui  y  ont  d^à  adhéré  sont  la  Belgique,  r|)tat  Indépendant 
du.  Congo,  la  France  et  l'Italie.  L'objet  principal  de  la  réunion  sera  la  question 
de  la  traite  des  nègres  et  la  recherche  des  moyens  à  employer  pour  £aire  pénétrer 
de  plus  en  plus  Pinfluence  civilisatrice  de  l'Europe  au  centre  du  continent. 


CHRONIQUE  DE  L'ESCLAVAGE 

La  Gazette  officielle  de  la  Tripolîtaine  publie  un  décret  du  gouver- 
neur général  abolissant  la  traite  des  esclaves  et  instituant  des  peines 
sévères  pour  toute  infraction  à  ce  décret, 

M.  Ch.  Allen,  secrétaire  de  la  British  and  Foreign  Antislavery 
Society,  a  publié  dans  le  Tirnes  la  lettre  suivante  de  M.  Flad,  mission- 
naii'e.  Elle  confirme  les  craintes  que  la  défaite  des  Abyssins  parles  Der- 
viches pouvait  faire  naître,  de  voir  T  Abys^înie  chrétieiuie  augmenter 
la  liste  des  territoires  désolés  par  les  chasseurs  d'esclaves. 

Permettez-moi,  dit  M.  .Flad,  de  vous  adresser  la  lettre  suivante  que 
j'ai  reçue  hier.  Peut-être  pouiTez-vous  faii*e  quelque  chose  dans  cette 
affaire,  je  l'ai  traduite  de  l'amhaiùc,  dans  lequel  elle  a  été  écrite  h 
Aden  le  22  avril;  elle  est  signée  par  sept  Abyssins  y  résidant. 

«  Puisse  cette  lettre  parvenir  à  M.  Flad.  Notre  patrie,  TAbyssinie, 
souffre  de  par  la  volonté  de  Dieu.  Les  Derviches  (^mahdistes)  ont  réduit 
en  désert  l' Abyssinie  occidentale.  Les  Abyssips  ont  combattu  bravement, 
mais  ils  ont  été  défaits  plusieurs  fois  ;  des  milliers  de  chrétiejis  ont  été 
vendus  comme  esclaves,  sans  compter  les  jnilliers  de  ceux  qi^i  ont  été 
froidement  massacrés.  Parmi  ceux  qui  ont  été  vendus  comme  esclaves  et 
envoyés  à  la  Mecque,  beaucoup  appartiennent  à  notre  noblesse.  Ils  se 
sont  adressés  à  nous  pour  que  nous  leur  aidions  à  recouvrer  leur  liberté, 
et  nous  sommes  dans  une  grande  angoisse  au  su^et  de  nos  frères  et  de 
nos  sœurs  qui  ont  été  réduits  en  esclavage  et  conduits  en  pays  musul- 
mans. Nous  voudrions  lem*  venir  en  aide,  mais  nous  ne  savons  comment 
faire.  Nous  savons  que  vous  êtes  un  grand  ami  de  notre  nation,  et  c'est 
pourquoi  nous  nous  adressons  à  vous.  Au  nom  de  Christ,  portez  à  la 
connaissance  des  clu'étiens  d'Europie,  qui  craignent  Dieu  et  aimejit  les 
frères,  le  triste  sort  de  nos  £rèi*es  et  de  nos  sœurs.  Se  peut-il  qu'au  dix- 
neuvième  siècle  des  chrétiens  deviennent  les  esclaves  de  mahométansV 
Pourquoi  est-il  permis  à  des  musulmans  brutaux  et  fanatiques  de  réduire 
en  déseit  un  pays  chrétien  comme  l'Abyssinie,  et  d'en  extirpei*  le  chris- 
ti^inisme.  Oh!  que  cet  appel  trouve  le  chemin  de  votre  cœur.  » 


—  24Ô  — 

Une  autre  lettre,  dit  encore  M.  Flad,  reçue  d'un  missionnaire  qui  a 
été  élevé  en  Allemagne,  décrit  ainsi  les  incursions  des  Derviches  : 
«  En  1885,  les  Derviches  envahirent  la  province  d*Asmara,  en  brûlèrent 
toutes  les  églises  et  les  maisons,  emmenant  les  habitants  en  captivité. 
En  1886,  ils  firent  de  même  dans  la  province  de  Tshelga,  et  vendirent 
la  population  comme  esclave.  Ils  brûlèrent  aussi  le  célèbre  monastère 
de  Mahabera  et  en  massacrèrent  froidement  lee  moines.  En  1887,  le 
roi  Jean  les  défit;  mais,  en  1888,  ils  envahirent  de  nouveau  le  pays, 
chassèrent  le  roi  du  Godjam,  emmenant  avec  eux  des  milliers  de  chré- 
tiens qui  furent  vendus  comme  esclaves.  »  Je  souftre  profondément 
pour  ces  malheureux,  comiaissant  le  caractère  brutal  de  ces  fanati- 
ques musulmans. 

Dans  son  ouvrage  :  De  1883  à  1887  au  Soudan,  M.  A.-B.  Wylde, 
vice-consul  anglais  à  Jeddah,  donne  sur  la  pêche  des  perles  dans  la 
mer  Ronge,  par  des  esclaves,  les  renseignements  suivants  :  «  La 
pêche  des  perles  est  le  travail  le  plus  cruel;  chaque  bateau  a  deux  ou 
trois  petits  esclaves  auxquels  on  apprend  ce  métier.  Après  quelques 
jours  de  recherches,  lorsque  les  bateaux  travaillent  au-dessus  d'un 
banc  d'huîtres  à  perles  couvert  de  trois  ou  quatre  brasses  d'eau  seule- 
ment, on  montre  aux  petits  esclaves  les  coquilles  qu'il  faut  rapporter; 
quoique  peut-être  ils  ne  sachent  pas  nager,  on  les  fait  descendre  dans 
l'eau,  une  pierre  attachée  aux  pieds,  une  bride  sous  les  bras,  une  cor- 
beille liée  à  leur  gilet.  D'abord,  on  ne  les  tient  sous  l'eau  qu'une 
demi-minute  environ,  puis  on  les  fait  remonter.  S'ils  ne  rapportent  pas 
une  coquille  ou  deux,  on  leur  fait  sentir  le  bout  de  corde  ou  le  bâton.  Je 
ne  connais  rien  de  plus  cruel,  pour  un  petit  garçon  qui  vient  d'être 
amené  au  bord  de  la  mer,  que  d'être  descendu  sous  l'eau  pour 
pécher  des  huîtres.  Il  lui  est  impossible  d'échapper,  la  lourde  pierre  le 
fait  descendre,  et  je  me  suis  souvent  demandé  ce  qu'ils  doivent  éprou- 
ver la  première  fois  qu'on  les  descend  dans  les  profondeurs  de  la  mer. 
Beaucoup  meurent  du  choc  qu'en  reçoit  leur  organisme  et  de  peur. 
Lorsque  l'enfant,  qui  était  descendu  vivant  dans  l'eau,  en  est  remonté 
par  son  propriétaire,  celui-ci  ne  retire  souvent  que  l'enveloppe  de  son 
esclave.  La  vie  que  mènent  ces  pauvres  petits  avant  d'êti-e  accoutumés 
à  ce  métier  est  très  dure  ;  celle  des  esclaves  employés  à  garder  les  trou- 
peaux ou  dans  des  plantations  de  palmiers  l'est  moins.  » 

Dans  la  conférence  donnée  au  Caire  par  M.  J.  Borelli  sur  son  explo- 
ration des  pays  Gallas,  au  sud  du  Choa,  le  voyageur  a  rapporté  que 
les  esclaves  forment  un  des  articles  les  plus  importants  du  marché  de 


—  241  — 
DJiiMfti  ob  tous  les  jeudis  se  pressent  quinze  ou  vingt  mille  p 
On  y  en  voit  toujours  quatre  ou  cinq  cents,  alignés,  assis  sut 
pes,  leurs  propriétaires  derrière  eux.  Le  prix  d'un  esclave  ee 
remeut  de  sept  k  douze  talaris,  il  n'excède  jamaig  vingt  talarii 
source  de  la  richesse  du  roi  de  Djîma,  qui  s'en  sert  pour  payi 
but  k  Ménélik.  Dans  son  propre  pays  et  dans  son  voisinage  imi 
dernier  interdit  bien  officiellement  le  commerce  des  esclaves, 
même  et  tous  ses  officiers,  après  chaque  expédition,  ramëneDl 
des  milliers  de  prisonniers  esclaves.  Lorsque  le  roi  de  Dj 
apporter  sou  tribut  à  Ménélik,  il  lui  offre  des  esclaves,  qui  son 
avec  empressement,  Ménélik  t<e  gardant  de  lui  faire  la  pluslég 
vation  contre  un  commerce  qui  se  pratique  dans  son  intérêt. 

h' ATiHslavery  Report  donne  des  .renseignements  sur  la 
assemblée  générale  de  l'imperl»!  Britiah  Eaat  Afrio 
P«»y»  présidée  par  M.  Mackinnon,  et  k  laquelle  assistaient 
kenzîe,  agent  de  la  Compagnie  à  Monibas,  et  sir  John  Kirk,  a 
sul  général  anglais  à  Zanzibar.  M.  Mackinnon  a  affirmé  que  I 
la  Société  est  d'accroître  le  bien-être  des  natifs  dans  cette 
l'Afrique.  Il  fallait  tout  d'abord  organiser  un  peu  le  paj'S  et  pr 
indigènes  que  le  désir  de  leur  être  utile,  manifesté  par  la  Ci 
n'était  pas  un  vain  mot.  Il  estime  que  M.  Mackenzic  a  agi 
ment  en  prenant  à  la  solde  de  la  Compagnie,  pour  faire  la  pol 
principaux  chefs  de  Mombai,  dont  il  s'est  fait  un  ami  en  lui  p 
petite  subvention.  Le  premier  grand  travail  à  entreprendre  st 
stmction  d'une  ligne  de  chemin  de  fer  partant  de  la  c6tc  et  £ 
graduellement  dans  l'intérieur,  pour  relier  les  stations  avec  1'* 
Compagnie  a  adopté  pour  devise,  sur  son  drapeau  :  Lumière 

On  a  beaucoup  parlé  d'abus  de  la  part  des  Arabes,  que  I'od 
ces  comme  prenant  plaisir  à  répandre  te  sang  innocent,  a  dt 
kensie.  Mais  ces  jugements  sont  en  opposition  avec  l'expériei 
de  l'Arabe  ;  il  parle  d'hommes  avec  lesquels  il  a  vécu  en  re 
times  pendant  plus  de  quinze  ans,  au  golfe  Persique  et  réce 
Afrique.  D  est  lier  de  mettre  au  rang  de  ses  plus  fidèles  ami 
de  Zanzibar,  Sayid  Bin  Hamid,  M'Barouk,  leurs  fils  et  lei 
Aussi  s'élève-t-il  contre  l'ignorance  et  même  contre  la  cruauté 
versité  de  ceux  qui  prêchent  une  croisade  contre  les  Arabes  d» 
centrale'.  Cette  idée  est  aussi  dangereuse  à  son  avis  qu'elle  ei 

'  fil.  Mackeniie  aatimile-t-il  l'Arabe  de  la  cûte  à  celai  de  l'Afriqn 


—  2i2  — 

cable  ;  ce  n'est  pas  le  moyen  de  gagner  la  sympathie,  la  confiance  et.  la 
coopération  de  l'Arabe  qui  est  un  fin  marchand. 

La  Compagnie  doit  travailler  avec  lui  et  par  lui  dans  les  opérations 
commerciales,  et  le  faire  profiter  de  la  présence  de  ses  agents.  Le  1"^  jan- 
\ier,  M.  Mackenzie  a  obtenu  la  libération  de  1400  esclaves,  qui  ont  main- 
tenant leurs  papiers  d'afiranchissement  et  que  les  An^bes  ne  désirent 
nullement  inquiéter.  Quelques-uns  d'entre  eux  étaient  retournés  dans  la 
maison  de  leurs  anciens  maîtres  et  étaient  traités  avec  la  plus  grande 
bonté.  M.  Mackenzie  pense  qu'on  l'eût  jugé  sévèrement  s'il  eût  agi  avec 
les  Ai'abes  en  se  plaçant  simplement  au  point  de  vue  anti-esclavagiste  et 
s'il  n'eût  pris  en  considération  les  droits  de  propriété  reconnus  par  les 
lois,  les  coutumes  et  les  traités  du  pays.  Avant  son  départ  de  Momba^, 
le  désir  a  été  exprimé  que  l'on  obtînt  le  rachat,  aux  mçmes  conditions,  de 
3000  esclaves  fugitifs  qui  se  sont  établis  à  80  kilomètres  de  cette  ville. 
11  a  payé  125  francs  par  tête  pour  les  esclaves  qu'il  a  rachetés.  L'Arabe 
(*st  un  marchand  très  tin.  Il  ne.  comprend  la  question  de  l'esclavage 
qu'au  point  de  vue  commercial.  M.  Mackenzie  a  discuté  ce  sujet  avec 
les  ti-atiquants  arabes  de  Mombas,  et  leur  a  dit  que  la  Compagnie  four- 
nira toutes  les  marchandises  et  tout  ce  qui  sera  nécessaire  pour  les  opé- 
rations commerciales  à  Tintérieur,  qu'elle  organisera  chaque  caravane 
en  Compagnie  à  l'e^ponsabilité  limitée  et  en  prendra  toutes  les  actioui^ 
([ui  ne  seront  pas  souscrites  par  les  Arabes.  Ceux-ci  dii*ent.  qu'ils 
n'avaient  pas  d'argent  ;  à  quoi  il  répondit  que  la  Compagnie  était  prête, 
non  seulement  à  les  adjoindre  comme  associés  à  ses  opérations  com- 
merciales, mais  à  leur  avancer  de  l'argent  sur  leur  propriété,  à  un  taux 
raisonnable.  Il  a  fait  à  plusieurs  des  avances  d'argent  sur  leui*s  planta- 
tions de  cocotiers  ;  une  des  clauses  du  contrat  est  qu'ils  iront  à  l'inté- 
rieur trati(juer,  mais  sans  y  faii'e  des  esclaves.  On  foi'mera  des  dép(5ts 
pour  protéger  les  caravanes  ;  la  Compagnie  y  enverra  des  convois  de 
marchandises.  Lorsque  les  Arabes  achèteront  l'ivoire,  objet  de  leur  tra- 
fic, ils  l'apporteront  aux  stations  de  la  Compagnie,  dont  les  agents  leur 
(  n  donneront  un  récépissé.  Les  Arabes  ont  compris  l'avantage  de  l'offre 
([iii  leur  était  faite  et  l'ont  acceptée.  Quant  à  leur  respect  pow  ces  con- 
ditions, M.  Mackenzie  a  rappelé  que  toutes  leurs  propriétés  à  Mombas 
sont  entre  les  mains  de  la  Compagnie. 

Le  sultan  de  Zanzibar  lui  a  dit  qu'il  émancipera  les  esclaves  si  la  Qom- 

ou  distingue-t-il  le  commerçant  sédentaire  du  chasseur  d'esclaves  ?  Ses  Arabes  de 
Mombas  sont-ils  ceux  dont  il  a  été  question  à  propos  de  Frère- Town  ? 


■  ■         ^ 


—  243  — 

pagnie  lui  montre  commeut  la  chose  peut  être  faite  sans  ruiiier  les  Ara- 
bes. M.  Mackenzie  estime  qu'une  déclaration  publique  de  la  volonté  du 
sultan  suffirait,  et  qu'il  n'en  résulterait  aucun  trouble. 

Le  Tinies  du  8  mai  a  publié  une  lettre  de  M.  Maokay,  d'Ousambiro, 
du  mois  de  janvier,  de  laquelle  nous  extrayons  ce  qui  suit  : 

«  J'ai  lu  avec  une  grande  satisfaction  la  proposition  du  comman- 
dant Cameron  de  créer  une  Société  anglaise  qui  établirait  un  cordon 
anti-esclavagiste  le  long  de  la  ligne  des  grands  lacs  de  l'Afrique  cen- 
trale. L'intérêt  qu'éveille  partout  en  Europe  le  récit  des  atrocités 
commises  chaque  jour  dans  l'intérieur  de  ce  continent  permet  à  ceux  qui 
s'y  intéressent  d'espérer  que  des  démarches  efficaces  seront  enfin  faites 
pour  mettre  un  terme  à  ces  horreurs.  Il  est  très  difficile  de  parler  de  ce 
mal  épouvantable  sans  être  accusé  d'exagération,  quoiqu'il  soit  impos- 
sible d'exagérer  à  cet  égard.  Livingstone  écrivait  en  1871  :  «  Les  maux 
infligés  par  les  Arabes  sont  énormes,  mais  probablement  ne  sont-ils  pas 
plus  grands  que  ceux  que  se  font  les  indigènes  les  uns  aux  autres.  » 
Ceci  est  tout  spécialement  vrai  de  l'Ou-Ganda  et  de  l'Ou-Nyoro.  Ces 
pays  ont  généralement  en  campagne,  dans  une  direction  ou  dans  l'autre, 
de  grandes  années  qui  dépeuplent  de  leui's  habitants  de  vastes  régions. 
D'ordinaire  les  Arabes  ne  se  joignent  pas  à  ces  expéditions,  organisées 
en  vue  du  meurtre  ;  ils  fournissent  les  fusils  et  la  poudre  et  reçoivent  en 
paiement  des  femmes,  des  enfants  et  de  T  ivoire  enlevé  dans  les  razzias. 
Chaque  année,  environ  deux  mille  esclaves  sont  achetés  et  conduits  par 
eau  de  l'Ou-Ganda  dans  l'Ou-Soukouma,  où  commence  la  marche  vers 
la  côte.  Il  ne  sera  pas  facile  d'arrêter  ce  trafic  par  eau,  mais,  en 
admettant  qu'on  puisse  le  faire,  quels  moyens  faudra-t-il  employer  poui* 
empêcher  l'assei^vissement  de  dizaines  de  milliei*sde  noirs  dans  les  pays 
exploités  par  les  Ba*Ganda  ?  Les  Arabes  sont  assez  lâches  eu  présence 
de  forces  plus  grandes  que  les  leurs;  mais  dans  l'intérieur  de  l'Afiique, 
ils.  ont  trouvé  qu'en  agissant  comme  ils  le  font  ils  pouvaient  défendre 
leurs  intérêts  illégitimes  conti-e  les  Européens.  M-  Mackay  montre  com- 
ment ils  ont  agi  sur  le  Nil,  sur  le  haut  Congo,  sur  le  Nyassa  et  dans 
l'Afrique  oiientale.  Ils  n'eussent  rien  osé  tenter  s'ils  n'avaient  pas  vu  la 
faiblesse  des  troupes  qu'on  leui*  opposait  partout  et  la  promptitude  avec 
laquelle  les  chrétiens  lâchent  pied  au  premier  revers.  Même  dans  les 
eaux  de  Zanzibar,  le  trafic  des  esclaves  se  poursuit  presque  impuné- 
ment, parce  que  les  croiseurs  anglais  sont  petits,  lents  et  d'un  type 
suranné.  Les  Arabes  ne  peuvent  pratiquer  leurs  massacres  et  leurs 
razzias  d'esclaves  que  parce  qu'une  politique  trois  fois  aveugle  permet 


—  244  — 
ir  fournir  ad  libttum  de  la  poudre  et  des  fusils.  C'est  l'Europe,  et 
léaite  pas  k  le  dire,  l'Angleterre,  qui  procure  annuellement  h  ces 
■B  d'hommes  les  moyens  d'accomplir  leur  œuvre  meurtrière.  Les 
aes  civilisés  parlent  de  liberté  coraraereiale,  mais  il  ne  peut  et  il  ne 
)as  y  avoir  de  libre  trafic  d'instruments  de  rapine  et  de  meurtre. 

avons  \k  le  phénomène  étonnant  d'un  continent  saignant  par  tous 
»re8,  et  d'efforts  faibles,  inefficaces,  faits  à  la  côte  pour  empêcher 
Drtation  d'esclaves,  tandis  qu'en  même  temps  quelques  petits  mar- 
is européens  â.  Zanzibar  envoient  b.  l'intérieur,  sans  obstacles, 
rmes  et  des  munitions,  sans  lesquelles  les  Arabes  et  les  Ba-Ganda 
DUrralent  pas  faire  une  seule  razzia.  On  pousse  les  tribus  &  se 
lire  les  unes  les  autres,  et  les  Arabes  sont  encouragés  à  les  exploi- 
Dutes,  simplement  par  le  fait  qu'il' leur  est  permis  d'avoir  autant 
truments  de  meurtre  qu'ils  en  désirent.  Pendant  des  années  nous 
i  répandu  ces  semences  amères,  et  maintenant  nous  commençons 
récolter  le  ftiiit  en  assassinats  et  en  détiauce.  Les  vaisseaux  anglais 
ransportent  des  missîonnaii'es  et  des  Bibles  en  Afrique  transportent 
,  et  en  beaucoup  plus  grand  nombre,  des  fusils  Enticld  et  des  cara- 

se  chargeant  par  la  culasse,  qui  font  de  ce  continent  un  véritable 
.  La  Société  des  missions  anglicanes,  qui  a  déjà  dépensé  plus  de 
00  liv.  sterl.  pour  introduire  le  christianisme  dans  l'Afrique  équa- 
le  orientale,  voit  ses  efforts  annulés  par  des  guerres  continuelles  et 
itrigues,  grâce  aux  fusils  et  à  la  poudre  fournis  par  des  marchands 
iens  trop  lâches  pour  s'aventurer  eux-mêmes  dans  l'intérieur,  car 

marehandises  les  feraient  probablement  assassiner.  Les  Ba-Ganda 
t  avoué  k  réitérées  fois  que  ce  sont  les  fusils  qui  leur  permettent  de 

leurs  massacres  dans  les  pays  voisins. 

)n  pourra  dépenser  des  milliers  de  livres  sterling  pour  amener  des 
nniéres  sur  le  Nyassa,  le  Tanganyika  et  les  deux  Nyanza,  mais  si 
larchands  de  pondre  et  de  fusils  continuent  à  être  libres  de  fournir 

armes  meurtrières,  nul  cordon  de  troupes,  quelque  braves  qu'elles 
t,  ne  pourra  mettre  un  terme  à  la  chasse  aux  esclaves  dans  l'Afri- 
:«nti-ale.  Camereu  a  raison  de  ne  pas  recommander  que  le  gouver- 
mt  prenne  en  main  la  tâche  d'empêcher  par  la  force  les  razzias 
;lave8  à  l'intérieur.  Même  dans  ces  jours  de  socialisme  d'État,  je 

qu'une  association  indépendante,  d'hommes  déterminés,  fera 
coup  mieux  cette  œuvre-là.  Mais  que  la  Société  soit  internationale 
iciusivement  anglaise,  il  faut  avant  tout  qu'elle  obtienne  la  sym- 
ie   et  l'appui  des  principaux    gouvernements    intéressés,  l'An- 


—  245  — 
gleteire  et  l'Allemagae,  la  France,  le  Portugal,  l'État  du  Congo,  aux- 
quels il  est  nécessaire  de  demander  d'iaterdire  formellement  l'importa- 
tion des  armes  et  des  munitions.  Un  cordon  de  force  sufiisante,  comme 
le  propose  le  commandant  Cameron,  fera  le  reste,  mais  sans  cette 
garantie,  aucun  cordon  ne  fera  rien  de  boa.  L'œuvre  à  faire  est  donc 
triple  :  1°  empêchei- l'importation  d'armeset  de  munitions;  2°  fortifier  la 
^rveillance  à  -la  côte  par  des  croiseurs  plus  nombreux  et  meilleurs; 
3°  établir  le  cordon  de  police  sur  le  cours  supérieur  des  fleuves. 

K  Aussi  longtemps  que  l'Arabe  restera  en  Afrique,  il  fera  le  trafic  des 
esclaves  et,  malgré  cela,  il  sera  considéré  par  les  natifs  comme  un  ami, 
simplement  parce  qu'il  vend  d'autres  marchandises  qui  sont  demandées. 
Pour  délivrer  l'Afrique  de  sa  présence,  il  faut  enlever  de  ses  mains  le 
commerce.  Si  les  Européens  réussissent  à  fournir  aux  natife  le  calicot  et 
d'autres  marchandises  d'un  trafic  légitime,  ils  supplanteront  entière- 
ment les  Arabes  qui  se  retireront  dans  leur  pays.  Mais,  pour  cela,  il  faut 
abandonner  le  système  barbare  et  inhumain  d'employer  des  bommee 
comme  porteurs.  Aucun  marchand  européen  ne  .peut  s'en  servir,  ni 
espérer  vendre  avec  proât  k  meilleur  marché  qu'un  négociant  arabe. 
S'il  transporte  ses  marchandises  en  se  servant  de  bêtes  de  somme  :  éié- 
phants  ou  buffles,  ou  mieux  encore  de  wagons  traînés  par  ceux-ci,  il 
réussira,  sans  aucun  doute,  à  s'assurer  tout  le  commerce  de  l'ivoire, 
parce  qu'il  pourra  donner  plus  de  calicot  pour  une  défense  d'ivoire. 
Toutefois,  U  faut  se  rappeler  que  des  millions  d'indigènes  demandent 
du  calicot,  mais  n'ont  pas  d'ivoire  à  donner  en  échai^.  L'Arabe 
accote  un  esclave  d'un  homme  pauvre  pour  le  peu  de  calicot,  dont 
celui-ci  a  besoin,  mais  que  peut  accoter  l'Européen  eu  échange?  Les 
produits  du  sol  ne  paieront  pas  les  frais  du  transport  à  la  côte,  même 
par  des  wagons  traînés  par  des  éléphants.  En  beaucoup  d'endroits  on 
ofirii-a  à  vendre  des  peaux,  du  tabac,  du  coton,  du  café,  mais  cela  ne 
vaudra  pas  le  transport  à  des  centaines  de  kilomètres.  Le  seul  moyeu 
de  succès  sera  la  construction  de  tramways  pour  conduire  aux  grands 
lacs  ou  à  d'autres  centres  de  population.  De  cette  manière  l'on  pourra 
introduire  l'échange  du  calicot  contre  les  produits  du  pays,  les  natifs 
feront  produire  k  la  terre  beaucoup  plus  qu'aujourd'hui,  et  la  traite 
disparaîtra  avec  les  Arabes  qui,  n'ayant  plus  la  facilité  de  se  procurer 
des  fusils  et  des  munitions,  ne  pourront  plus  faire  la  chasse  à  l'homme. 

«  11' Association  britannique  fera  une  œuvre  de  police  efficace  contre 
la  contrebande  de  la  poudre  et  des  esclaves  si  elle  est  dès  le  début  assez 
forte  pour  défier  toute  tentative  de  la  braver.  Les  Arabes  agissent 


—  246  — 

aiyoui-d'hui  en  désespérés  ;  les  mesures  à  leur  opposer  ne  doivent  pas 
être  entachées  de  faiblesse.  Il  ne  faut  pas  continuer  à  offrir  le  spectacle 
actuel  de  deux  partis  dont  l'un  cherche  à  punir  les  chasseurs  d'esclaves, 
tandis  que  l'autre  leur  permet  de  se  procurer  en  quantité  illimitée  les 
instruments  de  leur  trafic  meurtrier.  Dans  ime  des  dernières  lettres  que 
M.  Mackay  a  reçues  d'Émin-pacha,  datée  de  Wadelal  du  25  août  1887, 
le  gouverneur  de  la  province  équatoriale  écrivait  :  «  Là  condition  mtë 
qiia  non  de  la  paix  et  de  la  prospérité  de  ce  pays,  c'est  la  défense  d'im- 
porter des  armes  à  feu,  des  munitions  et  de  la  poudre.  Les  gouverne- 
ments anglais  et  allemand  devraient  s'entendre  à  cet  égard  et  punir 
sans  pitié  quiconque  transgresserait  leur  défense.  Mwanga  et  Kabréga 
entreraient  bien  vite  en  arrangement  lorsqu'ils  verraient  leurs  provisions 
de  poudre  épuisées.  » 

Le  Daily  News  reçoit  d'un  de  ses  correspondants  de  Zanzibar  la 
lettre  suivante  :  Pour  vous  donner  une  idée  de  l'importance  de  la  ques- 
tion de  l'esclavage  ici,  il  suffira  de  dire  que  les  sept-huitièmes  de  la 
population  sont  des  esclaves.  Certains  Arabes  en  ont  un  millier;  le  nom- 
bre de  ceux  qui  les  comptent  par  centaines  n'est  pas  petit.  Les  résidents 
les  moins  riches  trouvent  que  l'emploi  le  meilleur  possible  de  leur  capi- 
tal est  l'achat  d'esclaves,  dont  ils  louent  les  services  aux  Européens  à 
un  prix  élevé.  Un  petit  nègi*e,  dont  le  prix  moyen  est  de  100  francs, 
peut  gagner  jusqu'à  vingt  pesas  par  jour.  Souvent  les  Européens  au 
service  desquels  vsont  ces  nègres  ne  se  doutent  pas  que  la  plus  forte  part 
de  leur  salaire  s'en  va  à  leurs  maîtres  arabes.  Le  blocus  n'a  pas  réussi  à 
empêcher  la  traite  à  laquelle  tout  le  monde,  ou  au  moins  chaque  Arabe 
prend  pail  sur  la  côte.  Quoique,  depuis  1873,  la  vente  d'esclaves  sur  le 
marché  ouvert  ne  soit  pas  permise,  elle  a  toujours  lieu  dans  des  locaux 
fermés,  dont  les  Européens  sont  exclus;  elle  est  parfaitement  légale.  D 
paraît  étrange  que  des  travailleurs  nègres  ne  puissent  être  transportés 
par  mer,  ce  qui  est  permis  pour  des  esclaves  femmes  domestiques.  Mal- 
gré l'augmentation  constante  du  prix  des  esclaves  dans  l'Afrique  orien- 
tale, les  ânes  sont  toujours  plus  chei*s  que  les  hommes.  Un  fort  ouvrier 
ou  porteur  coûte  en  moyenne  500  ou  GOO  francs.  Les  mrias  pour  le 
harem  sont  naturellement  la  marchandise  humaine  la  plus  coûteuse; 
tout  Arabe  comme  il  faut  en  a  trois,  quatre,  cinq  et  même  six.  Le 
demande  est  toujours  très  forte;  pour  de  jeunes  négresses,  elle  atteint 
de  750  à  850  fr.,  tandis  que  les  Abyssiniennes  vont  jusqu'à  1000  et 
même  à  2500  francs. 


; 


—  247  — 
EXPÉDITION  DE  M.  SELOUS  AU  NORD  DU  ZAMBÈZE 

(Suite  et  fin). 

Le  lendetnain,  le  chef  donna  à  M.  Selous  un  de  ses  hommes  pour  le 
conduire  jusque  chez  Minenga,  dont  la  résidence  est  à  une  dizaine  de 
kilomètres  pliiis  au  ikord  et  non  loin  de  la  KafôUkoué.  Minenga  possédant 
des  canots  pouvait  lui  faire  traverser  la  rivière  avec  ses  ânes  et  ses  mar- 
chandises. Bientôt  Texpédition  se  trouva  dans  im  territoire  très  peuplé, 
parsemé  de  nombreux  petits  villages  ma-choukouloumbé,  autour  des- 
quels paissaient  des  troupeaux  de  vaches  d'une  petite  race.  En  un  ins- 
tant la  caravane  se  vit  entourée  d'une  foule  d'hommes  armés  de  jave- 
lines. Toutefois,  leur  phj'sionomie  était  bienveillante;  ils  paraissaient 
jouir  beaucoup  de  la  vue  des  ânes,  riaient,  poussaient  des  acclamations 
et  gesticulaient  violemment. 

Le  village  de  Minenga,  très  petit,  comme  les  autres,  était  situé  tout 
près  de  la  Magoï,  au  milieu  d'un  espace  débarrassé  des  longues  herbes 
dont  la  campagne  était  couverte.  Le  chef  lui-même  est  un  sauvage 
gi-and,  maigre,  dont  Fexprêysion  n'est  ni  bien  bonne  ni  bien  mauvaise. 
11  indiqua,  comme  emplacemeiït  du  camp,  le  voisinage  de  son  village,  les 
voyageurs  ne  pouvant  passer  la  nuit  en  sécurité  dans  le  bois.  M.  Selous 
dut  faire  faire  une  palissade  avec  des  tiges  de  blé  et  planter  des  pieux 
pour  y  attacher  les  ânes.  Le  camp  fut  dressé  à  quelque^  mètres  de  là 
hutte  dtt'  chef,  près  du  kraâl  au  bétail,  à  deuît  cents  mètres  ènvîroii  de 
la  rivière.  Minenga  lui  envoya  un  pot  de  bière,  à  quoi  le  voyageur  répon- 
dit par  le  don  d'une  couverture  et  d'une  pièce  de  talicot  de  couleur  de 
fantaisie,  en  le  priant  de  lui  faire  traverser  la  Kafoukoué  le  lendemain. 
Le  chef  répliqua  que  la  route  était  ouverte,  et  que  ses  propres  fils  le 
transporteraient  au  delà  de  la  rivière  dans  son  canot.  Toutefois  i! 
exprima  le  désir  que  M.  Selous  passât  auprès  de  lui  la  journée  du  lende- 
main, ou  qu'il  chassât  pour  lui  les  élans,  les  zèbres,  abondant  danî^  son 
voisinage.  Son  grand  canot  était  à  quelque  distance,  mais  il  le  ferait 
amener  nu  passage  le  plus  rapproché.  Cette  proposition  engagea 
M.  Selous  à  rester  pour  thrisser; 

Au  crépuscule  toute  la  population  du  village  vint  au  camp;  le«  femmes 
et  les  jeunes  tilles  s'assii^ent  autour  du  feu,  mangeant  de  la  Viande  de 
gibier  avec  les  porteurs  et  leur  donnant  en  retour  des  arachides  et  des 
pOmnifes'  de  te>iTe  douces*  Les  jeunes  gens'  ayant  déposé  leurs  lances, 
entrèrent  dauî^  le  camp  pour  danser  avec  les  Ba-Tonga,  au  son  d'un  ins- 


—  248  — 

trument  foniié  de  minces  morceaux  de  bois  dur  posés  sur  Touveiture  de 
grandes  calebasses,  qui,  fnuppés  avec  un  bâton,  produiraient  un  grand 
bruit  fort  peu  musical  et  si  assourdissant  que  M.  Selous  dut  demander 
grâce  en  donnant  une  petite  jpièce  de  calicot.  Au  moins  croyait-il 
avoir  gagné  la  bienveillance  des  indigènes  qui  lui  paraissaient  devoir 
être  d'un  commerce  facile  pour  peu  qu'on  les  traitât  convenablement. 

A  neuf  hem-es  du  soii',  Minenga  envoya  son  fils  pour  inviter  M.  Selous 
à  venir  avec  Paul  et  Charley  boire  de  la  bière  chez  lui.  Mais  cette  heure 
était  trop  taidive.  Paul,  passionné  de  bière,  comme  la  plupart  des  Zou- 
lous,  alla  seul.  A  son  retour,  il  rapporta  que  Minenga  l'avait  interrogé 
minutieusement  sur  le  but  du  voyage  de  M.  Selous,  sur  l'emploi  qu'il  se 
proposait  de  faire  des  marchandises,  et  lui  avait  dit  qu'il  était  dange- 
reux de  traverser  le  terntoire  des  indigènes  de  l'autre  rive  de  la  Kafou- 
koué;  toutefois,  il  était  décidé  à  donner  un  de  ses  fils  au  voyageur  pour 
le  conduire  à  travera  le  district  peu  sûr. 

Lorsque  les  danses  eurent  cessé,  M.  Selous  se  coucha,  se  flattant 
d'être  en  excellents  termes  avec  les  gens  de  Minenga.  Le  lendemain 
cependant,  il  trouva  ce  dernier  un  peu  diflérent  de  la  veille;  toutefois  la 
journée  se  passa  à  chasser  assez  heureusement.  Deux  belles  pièces  de 
gibier  furent  données  aux  gens  de  Minenga,  qui  en  exprima  sa  vive 
reconnaissance  à  M.  Selous.  Le  reste  du  jour  celui-ci  fut  entouré  par 
des  foules  de  Ma-Choukouloumbé  accourant  de  tous  côtés  pour  voir 
l'homme  blanc.  La  coiffure  de  quelques  uns  des  honmies  était  façonnée 
en  forme  de  cône  de  75  cent,  de  long.  La  base  en  était  toujours  fixée 
sur  le  derrière  de  la  tête,  mais  elle  était  recourbée  au-dessus  et  en  avant, 
en  sorte  que  le  sommet  du  cône  était  juste  sur  le  sommet  de  la  tête;  une 
longue  épingle  de  corne  d'antilope  la  fixait,  semblable  à  un  morceau  de 
baleine  qui,  quoique  assez  fort  pour  se  tenir  droit,  ondulait  à  chaque 
mouvement  de  la  tête.  M.  Selous  estime  que  les  hommes  qui  portent 
ces  coiff'ures  doivent  vivre  dans  un  pays  très  ouvert,  car  elles  ne  leur 
permettraient  jamais  de  traverser  des  forêts.  C'est  d'aUleurs  une  race 
belle  et  vigoureuse  ;  ils  ont  généralement  le  nez  aquilin,  et  leur  teint  est 
plus  clair  que  celui  de  leurs  voisins.  Peut-être  y  a-t-il  un  mélange  assez 
fort  d'un  sang  autre  que  celui  du  nègre,  du  sang  arabe,  par  exemple, 
ou  de  quelque  autre  race  du  nord  de  l'Afrique. 

Le  soir  encore,  M.  Selous  rendit  visite  à  Minenga  et  convint  avec  lui 
de  l'heure  du  départ  pour  le  lendemain.  Sa  femme  demanda  un  rouleau 
de  cuivre  que  M.  Selous  lui  donna.  Tout  paraissait  des  plus  favorable. 

D  pouvait  être  neuf  heures  du  soir,  lorsqu'un  des  guides  de  Monzé 


—  249  — 

vint  auprès  de  Paul  et  Charley  les  engager  à  l'éveiller  leur  maître. 
Celui-ci  ne  dormait  pas;  il  apprit  que  toutes  les  femmes  avaient  quitté 
le  village  et  qu'il  se  préparait  cei-tainement  quelque  chose  de  fâcheux. 
M.  Selous  fut  debout  en  un  instant,  habillé  et  armé  de  sa  cartouchière 
dans  laquelle  malheureusement  ne  se  trouvaient  que  quatre  cartouches  ; 
il  proposa  à  Paul  et  à  Charley  de  faire  une  reconnaissance  autour  du 
village  et  d'écouter  ce  dont  s'entretenaient  les  habitants.  Mais  avant 
qu'il  eût  eu  le  temps  de  les  avertir  d'être  sur  leurs  gardes,  trois  coups  do 
fusil  partaient  à  bout  portant  et  d'autres  sur  d'autres  points  de  la  palis- 
sade. Les  assaillants  s'étaient  approchés  et  avaient  tiré  par  les  inter- 
stices des  tiges  de  blé.  Les  tit)is  coups  étaient  destinés  à  M.  Selou^, 
Paul  et  Charley;  heureusement  aucun  d'eux  ne  fut  atteint. 

«  Dans  les  herbes,  «  cria  M.  Selous  à  Paul  et  Charley;  et,  au  mémo 
moment,  une  grêle  de  javelines  tomba  sur  eux;  en  même  temps  un  grand 
nombre  de  Ma-Choukouloumbé  se  précipitaient  dans  le  camp.  M.  Selous 
s'élança  à  travers  l'espace  débarrassé  d'herbcxs.  Il  eût  voulu  lâcher  un 
coup  de  fusil  sur  les  assaillants,  mais,  dans  l'obscurité,  il  aurait  craint  do 
blesser  ou  de  tuer  un  do  sas  gens  et  il  s'abstint.  Plusieurs  Ma-Choukou- 
loumbé cherchèrent  à  lui  barrer  le  passage;  toutefois  il  réussit  à  attein- 
dre les  grandes  herbes  oii,  temporairement,  il  était  on  sûreté.  Sa  position 
n'en  était  pas  moins  critique  :  seul  Anglais,  au  contre  do  l'Afrique,  au 
milieu  d'une  population  hostile,  sans  couvei"ture,  avec  un  fusil  et  quatre 
cartouches  !  Encore  s'il  eût  pu  trouver  Paul  ou  Charley,  ou  même  un 
seul  de  ses  noirs,  la  chance  de  pouvoir  regagner  Panda-Ma-Tonka  eût 
été  plus  grande  ;  au  moins  aurait-il  eu  un  interprète  ;  lui-même  ignorait 
absolument  les  langues  parlées  au  nord  du  Zambèze.  Il  commença  à 
écarter  prudemment  les  herbes,  sifflant  doucement  pour  voir  si  quel- 
qu'un des  siens  l'entendrait;  mais  en  vain,  il  en  conclut  que  ceux  qui 
auraient  pu  échapper  à  la  mort  avaient  profité  do  l'obscurité  pour 
s'éloigner  le  plus  possible  do  Minenga  avant  l'aube  et  que  c'était  ce  qu'il 
pouvait  faire  de  mieux,  lui  aussi.  Il  pensa  que  ses  gens,  probablement 
formés  en  petits  groupes  de  deux  ou  trois,  se  frayeraient  un  passage  à 
travers  les  herbes  vers  le  sud,  n'osant  pas  suivre  les  sentiers  battus  des 
indigènes  ni  s'approcher  des  villages.  Le  premier  do  ceux-ci  oii  ils  pour- 
raient se  montrer  était  celui  do  Monzé,  dont  les  habitants  n'étaient  pas 
des  Ma-Choukouloumbé,  et  s'étaient  montrés  très  bienveillants  pour  les 
étrangers.  Ce  fut  aussi  vers  Monzé  qu'il  tâcha  de  se  diriger.  Amvé  au 
passage  de  la  Magoï,  il  le  trouva  gardé  par  un  certain  nombre  do  Ma- 
Choukouloumbé,  et  dut  s'éloigner  do  quelques  centaines  de  mètres  pour 


—  250  — 
tenter  le  p&ssage.  Laissant  ses  vêtements  sur  la  rive  gaucbe,  il  prit  de 
la  main  giuiche  s&  carabine  et  sa  cartouchière,  et,  les  tenant  élevées  an> 
dessus  de  l'eau,  traversa  la  rivièpe  en  nageant  de  ta  main  droite;  après 
quoi  il  retourna  chercher  ses  vêtements,  puis  prenant  pour  guide  la  Crois 
du  Sud,  il  comiuent^  son  voyage  solitaire.  La  marche  dans  .les  longues 
herbes  était  très  fatigante;  il  dut  allumer  du  feu  pour  se  réchauâer,  et 
attendit  la  venue  du  jour.  Aucun  lion  ne  se  fit  entendre  quoiqu'ils  aboa~ 
dent  dans  le  pays;  en  revanche  les  hyènes  ne  cessèrent  de  rugir  toute  la 
nuit.  Le  lendemain  il  marcha  tout  le  jour  jusqu'au  coucher  du  soleil;  à 
la  tin,  exténué  de  fatigue  par  les  efforts  à  faire  pour  ac  frayer  un  ebeiuin 
au  travers  des  grandes  herbes,  il  résolut  de  reprendre  un  sentier  de 
natifs  qui  l'amena  au  dernier  village  ma-choukouloumbé.  Il  était  plus 
de  minuit  et  les  habitants  étaient  tous  endormis,  ^'approchant  d'une 
hutte,  il  vit  un  feu  allumé  auprès  duquel  quelqu'un  était  couché.  Le 
village  ne  comptant  qu'une  douzaine  de  buttes,  et  se  trouvant  loin  de 
Mineuga  et  près  de  Monzé,  M.  Selous  supposait  que  les  habitants  pour- 
raient se  montrer  hospitiitiei-s.  A  tout  hasard  il  entra  dans  hi  hutte, 
s'asait  auprès  du  feu  et  s'y  réchauffa.  Il  éveilla  le  gar^n  qui  était  couché 
de  l'autre  côté  et  lui  demanda  de  l'eau;  mais  celui-ci  lui  répondit  qu'il 
n'y  en  avait  point.  Leur  conversation  attira  un  indigène  d'une  autre 
hutte,  auquel  il  parla  en  se-iébélé,  et  qui  lui  procura  de  l'eau.  Le  bruit 
d'un  coup  de  feu  qui  se  fit  entendre  aurait  dû  lui  inspirer  quelque  crainte; 
mais  il  se  trouvait  si  bien  auprès  du  feu  qu'il  comptait  y  passer  une  heure 
ou  deux  avant  de  se  remettre  en  route  pour  gf^^ner  Monzé.  Il  s'assoupit 
en  tenant  sa  carabine,  et  k  son  réveil  trouva  doux  hommes  auprès  du 
feu;  toutefois,  voyaut  qu'ils  n'avaient  point  d'annes,  il  posa  la  sienne 
auprès  de  lui.  Ces  hommes  le  questionnèrent  sur  la  catastrophe  do  Mi- 
neuga; il  t&cha  de  se  faire  comprendre  d'eux,  mais  sans  y  réussir  beau- 
coup. Pendant  qu'il  parlait,  il  entendit  quelqu'un  accourir  derrière  lui, 
<tt  se  l'etournant,  il  s'aperçut  que  son  fusil  avait  été  enlevé.  Au  même 
moment  un  des  hommes  qui  s'étaient  entretenus  avec  lui  jetait  un  paquet 
d'herbe  sur  le  feu  ponr  l'éteindre;  celui  qui  s'était  enfui  avec  son  fiisil 
le  coucha  en  joue;  il  n'eût  que  le  temps  de  s'élancer  hors  de  ta  hutte 
dans  les  ténèbres,  et  prit  la  direction  de  Monzé,  dans  l'espoir  que  tes 
habitants  se  montreraient  plus  hospitaliers  et  qu'il  y  rejoindrait  Paul  et 
Charley,  Il  y  arriva  un  peu  avimt  l'aube,  et  lorsque  les  gens  de  Moaaé 
soi-tirent  de  leurs  huttes  et  qu'il  leur  eut  exposé  ses  aventures,  ils  sp 
montrèrent  très  sympathiques.  Toutefois,  le  vieux  chef  alarmé,  en  appre- 
nant que  sa  carabine  avait  été  volée  et  qu'on  avait  attenté  k  aes  jours. 


—  251  —  . 

rengagea  à  poursuivre  scm  chemin  pour  ue  pas  s'exposer  à  être  atteint 
par  les  Ma-Choukouloumbé  ;  ii  le  fit  partir  avec  trois  hommes,  dont  Tun^ 
qui  parlait  le  se-tébélé,  lui  recommanda  de  ne  pas  se  fier  aux  Ba^Tonga, 
de  se  cacher  de  jour  et  de  voyager  de  nuit,  en  cherchant  à  atteindre  le 
Zambèze  le  plus  promptement  possible.  Au  bout  d'un  mille  ou  deux,  ils 
le  quittèrent,  et  lui,  lorsqu'il  fut  seul,  eut  l'idée  de  chercher  à  gagner  la 
résidence  de  Morantsiané,  qui  connaissait  M.  Wesbeech,  était  l'ami  des 
blancs,  et  savait  qu'il  serait  bien  rétribué  s'il  lui  fournissait  les  moyens 
de  regagner  Panda-Ma-Tenka. 

Après  avoir  surmonté  beaucoup  de  difficultés,  il  réussit  à  trouver  le 
village  dé  Morantsiané,  qui  ne  le  traita  pas  très  bien,  ne  lui  donna  pas 
beaucoup  à  manger,  et  le  fit  dormir  avec  ses  serviteurs  sans  couverture. 
Conmie  il  parlait  le  se-tébélé,  M.  Selous  put  s'entretenir  avec  lui,  et  au 
bout  de  deux  jours  repartir  pour  Panda-Ma-Tenka  avec  deux  hommes 
que  Moriantsiané  lui  donna  pour  l'accompagner.  Toutefois  ceux-ci  ne 
voulurent  pas  faire  avec  lui  plus  de  deux  jours  de  marche.  Heureusement 
il  rencontra  dans  un  village  ba-tonga,  un  vieux  forgeron  qui  avait  été  à 
Panda-Ma-Tenka,  et  qui  parlait  un  peu  le  se-tébélé.  Celui-ci  lui  donna 
quatre  de  ses  gens  à  la  condition  qu'ils  recevraient  certains  articles  en 
arrivant  à  Panda-Ma-Tenka.  Là,  M.  Selous  apprit  aussi  de^  nouvelles 
de  quelques-uns  de  sas  hommes;  un  indigène  lui  dit  que  dix  d'entre  eux 
avait  passé  la  nuit  précédente  dans  un  village  voisin,  qu'ils  en  étaient 
repartis  le  lendemain  matin  pour  se  rendre  chez  Chankopi,  chef  ba-tonga, 
résidant  dans  las  montagnes  à  une  cinquantaine  de  kilomèti'es  de  Wan- 
kie.  Le  vieux  forgeron  l'y  fit  conduire,  et  au  bout  de  cinq  joui-s,  M.  Selous 
y  rejoignait  le  reste  des  hommes  de  son  expédition.  Ceux-ci  l'ayant  cru 
mort,  lui  témoignèrent  de  la  manière  la  plus  expansive,  leur  joie  de  le 
revoir,  lui  donnant  des  tapes  sur  la  poitrine,  lui  baisant  les  mains,  etc. 
Ds  le  renseignèrent  sur  las  pertes  de  la  nuit  où  le  camp  avait  été  atta- 
qué ;  des  25  hommes  que  comptait  sa  caravane,  douze  avaient  été  tués, 
et  six  autres  blessés.  Paul,  le  Zoulou,  avait  pu  échapper  sain  et  sauf  aux 
assaillants,  mais  avait  failli  se  noyer  en  travei'sant  la  rivière;  Charloy  était 
aussi  tombé  dans  l'eau  avec  deux  autre^s,  mais,  grâce  à  ceux-ci,  il  avait 
pu  s'en  tirer  et  sauver  son  fusil,  ses  cartouches  et  ses  vêtements.  Aucun 
d'eux  n'avait  passé  près  de  Monzé  ni  d'aucun  autre  village  par  crainte 
des  habitants.  Chankopi  lui  donna  un  mouton  qui  devait  lui  être  rem- 
boursé à  Panda-Ma-Tenka;  le  lendemain,  ils  atteignirent  le  village  oii 
vivait  la  femme  de  Paul,  et  le  surlendemain,  celui  de  Wankie,  oii  ils 
retraversèrent  le  Zambèze.  Trois  jours  plus  tard  ils  arrivaient  à  Panda- 


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—  252  — 

Ma-Teuka  ;  trois  semaines  s'étaient  écoulées  depuis  la  catastrophe  de 
Minenga.  M.  Selous  avait  souffert  de  la  fatigue,  de  la  faim,  du  froid,  et 
cependant,  dit-il,  il  se  portait  très  bien. 

Quant  à  son  opinion  sur  les  Ma-Choukouloumbé,  il  la  formule  ainsi  : 
«  Ces  sauvages  sont  arinvés  à  la  conclusion  que  leur  pays  étant  en  d«»- 
hors  des  routes  du  commerce,  et  les  visitas  des  blancs,  avec  les  marchan- 
dises européennes  dont  ils  ont  un  ardent  désir,  étant  rares,  il  est  de 
bonne  politique  de  leur  part  de  tuer  tout  étranger  assez  hardi  pour 
s'aventurer  jusque  chez  eux.  Il  est  fâcheux  qu'il  en  soit  ainsi,  car  leur 
pays  offre  un  beau  champ  aux  entreprises  missionnaires  ;  mais,  pour  h* 
moment,  la  maxime  qui  paraît  y  régner  est  celle-ci  :  «  Que  celui  qui  en 
a  la  force  dérobe,  et  que  celui  qui  le  peut,  garde  ce  qu'il  a  pris.  » 


BIBLIOGRAPHIE 


O.  MoUien,  Découverte  des  sources  du  Sénégal  et  de  la  Gambie. 
Paris  (Ch.  Delagrave),  1889,  in-12,  317  p.,  3  fr.  50.  —  Comme  laBiblio- 
tlièque  â! aventures  et  de  voyagea,  la  Nouvelle  Bibliothèque  historique  et 
littéraire  s'est  mise  à  publier  des  œuvres  déjà  parues,  oubliées  ou  non, 
et  en  pailiculier  à  remettre  en  lumière  des  récits  de  voyages  accomplis, 
il  y  a  un  plus  ou  moins  grand  nombre  d'années.  Nous  avons  déjà  exprimé, 
dans  ce  journal,  notre  opinion  relativement  à  ce^  entreprises  de  librairie, 
et  nous  ne  voulons  pas  insister  de  nouveau  sur  ce  sujet.  Les  ouvrages 
datant  d'un  certain  nombre  d'années  en  arrière,  et  surtout  les  explora- 
tions africaines  qui  vieillissent  si  vite,  sont  bons  à  étudier  pour  les  écri- 
vains et  les  savants  parce  qu'ils  constituent  les  documents  servant  à  éta- 
blir l'histoire  de  la  géographie  ;  quant  à  les  rééditer  pour  le  grand 
public,  c'est  inutile  et  même  nuisible  dans  une  certaine  mesure,  puis- 
iju'ils  servent  à  propager  des  connaissances,  à  fixer  dans  Tesprit  des  des- 
criptions que  d'autres  voyageurs  oïit  reconnues  en  partie  inexactes  et 
([u'ils  ont  rectifiées.  Le  géographe  peut  comparer  les  données  fournies  par 
les  anciens  voyageurs  à  la  carte  actuelle,  tandis  que  le  public,  auquel  ces 
petits  volumes  à  un  franc  sont  destinés,  ne  possède  pas  liis  éléments  né- 
cessaires pour  faire  ce  travail  de  comparaison. 

Ces  réflexions  s'appliquent  à  l'ouvrage  qui  nous  est  actuellement 


*  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bàle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  com|)te  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


^■'Ty 


—  253  — 

soumis.  Le  voyage  de  Mollieu  dans  la  régû^  des  soui*ce$  du  Sénégal  et 
de  la  Gambie  est  fort  intéressant  en  lui-même,  comme  exemple  de  har- 
diesse et  de  courage,  comme  preuve  de  l'énergie  que  Thomme  peut  dé- 
ployer dans  des  circonstances  difficiles,  mais  il  date  de  1818.  Les  rensei- 
gnements fournis  par  l'explorateur,  nouveaux  pour  son  époque,  sont  au- 
jourd'hui vieillis;  même  peu  d'année  après  son  expédition,  on  s'aperçut 
des  défectuosités  de  son  itinéraire  et  des  erreurs  qu'il  avait  commises. 
Était-il  bien  utile  de  présenter  de  nouveau  aux  lecteurs  le  récit  de  cette 
exploration.  Nous  ne  le  pei^sons  pas.  La  notice  sur  l'auteur,  placée  en 
tête  de  l'ouvrage,  et  la  note  sur  les  découvertes  faites  en  Afrique  anté- 
rieurement à  celle  de  Mollien,  permettent  au  public  de  se  rendre  compte 
de  la  place  qu'occupe  M.  Mollien  dans  l'histoire  des  voyages  et  atté- 
nuent, dans  une  certaine  mesure,  la  critique  formulée  plus  haut,  sans 
i-emédier  complètement  au  défaut  qu'elle  signale. 

Èàmm  Péroz,  Au  Soudan  français.  Souvenirs  de  guerre  et  de  mis- 
sion. Paris  (Calmann-Lévy),  1889,  in-8,  467  p.  avec  cartes,  fr.  7,50  — 
Le  développement  de  l'œuvre  entreprise  pai*  la  France  depuis  1879  sur 
le  haut  Sénégal  et  le  Niger,  œuvre  qui  a  abouti  à  la  fondation  du  Sou- 
dan français,  a  fait  surgir  un  certain  nombre  d'ouvrages  sur  les  expédi- 
tions et  les  guerres  inhérentes  à  toute  entreprise  de  ce  genre.  Il  y  a  quel- 
ques mois,  nous  avons  parlé,  ici  même,  du  livre  de  M.  le  colonel  Frey 
sur  ses  campagnes  contre  le  fameux  chef  Samory«  De  la  lecture  de  cet 
ouvrage  se  dégageait  l'impression  que,  pour  l'auteur,  la  France  faisait, 
dans  ces  contrées  lointaines,  d'énormes  sacrifices  pour  un  mince  profit,  et 
({ue  le  Soudan  français  ne  récompenserait  jamais  les  efforts  accomplis 
pour  le  conquérir.  L'ouvrage  que  nous  analysons  aujourd'hui  a  de  tout 
autres  tendances;  ce  n'est  plus  la  description  d'une  guerre  sanglante, 
mais  le  récit  d'une  mission  pacifique  et  l'exposé  de  ses  résultats;  la  con- 
clusion, loin  d'être  décourageante,  montre  les  progrès  accomplis  et  fait 
pressentir  l'avenir  brillant  du  Soudan  français.  On  se  sent  réconforté 
par  la  lecture  de  ce  livre,  car,  lorsqu'on  l'a  terminée,  on  a  le  sentiment 
que  les  guerres  meurtrières  et  coûteuses  qui  ont  marqué  le  début  de 
l'entreprise,  loin  d'avoir  été  faites  en  pure  perte,  auront  pour  résultat 
d'étendre  l'action  européenne  sur  un  territoire  vaste,  riche  et  fertile. 

L'auteur,  M.  le  capitaine  Péroz,  avait  déjà  fait  partie,  en  1885,  du 
corps  d'occupation  du  haut  Sénégal;  le  pays  et  ses  habitants,  leurs 
mœurs  et  leurs  ruses  lui  étaient  donc  connus.  Il  fut  chargé,  en  1887, 
d'une  importante  mission  auprès  de  Samory,  afin  de  l'amener  à  conclure 


—  254  — 

un  traité  définitif  avec  la  France.  Après  avoir,  pendant  une  quinzaine 
de  jours,  couru  les  principaux  magasins  de  Paris  et  réuni  les  armes, 
étoffes,  selles,  glaces  et  meubles  divers  qui  devaient  constituer  le  présent 
à  remettre  au  puissant  chef  soudanais,  il  quitta  la  France,  et,  huit  jours 
plus  tard,  il  débarquait  à  Dakar.  De  là,  il  gagnait  Saint-Louis,  puis 
Khayes,  d'oii  le  chemin  de  fer  conduisit  la  mission  à  Diamou.  De  ce  point 
au  Niger,  l'expédition  suivit  d'abord  le.Bakhoy,  en  passant  par  Bafou- 
labé  et  Bâdoumbé,  puis  elle  quitta  le  fleuve,  toucha  aux  deux  postes  de 
Kita  et  et  de  Niagassola,  et  enfin  arriva  au  Niger,  Le  récit  de  cette  mar- 
che est  vivement  mené  et  plein  d'intérêt  ;  Fauteur,  qui  est  un  homme 
d'esprit,  sait  obseiTer  et  faire  part  au  lecteur  de  ce  qu'il  a  vu  et 
entendu.  Le  style  est  simple  et  clair;  c'est  le  style  d'un  soldat  qui  con- 
naît les  avantages  de  la  brièveté  et  de  la  précision.  De  temps  à  autre,  le 
narrateur  raconte,  en  manière  de  digression,  des  épisodes  de  la  campa- 
gne de  1885,  à  laquelle  il  a  assisté  et  qui  a  été  remplie  de  faits  d'armes 
brillants,  extraordinaires  même,  mais  dont  il  nous  garantit  la  complète 
exactitude.  Ces  combats  n'ont  rien  à  faire  avec  la  mission  pacifique  à 
laquelle  est  consacré  l'ouvrage,  mais  l'auteur  ne  peut  résister  au  plaisir 
do  les  décrire.  On  sent  en  lui  l'officier  qui  accomplit  parordre  un  voyage 
d'études  et  une  mission  politique,  mais  dont  l'esprit  se  reporte  sans 
cesse  à  la  campagne  plus  mouvementée,  plus  pénible  mais  plus  intéres- 
sante, dont  ces  pays  étaient  le  théâtre  quelques  aimées  auparavant. 

La  résidence  de  Samory  était  à  Bîssandougou,  dans  le  pays  s' éten- 
dant à  droite  du  Niger.  M,  Péroz  s^y  rend,  et  après  un  mois  de  négocia- 
tions, Samorj'  consent  à  signer,  le  25  mars  1887,  en  présence  de  toute 
sa  cour  et  des  gouverneurs  de  ses  provinces,  un  traité  par  lequel  les 
limites  du  Soudan  français  sont  reportées  au  Niger,  et  tous  les  États  de 
Samoiy  placés  sous  le  protectorat  français,  ce  qui  étend  l'influence  fran- 
çaise jusqu'à  Tengrèla  et  aux  portes  de  Sierra-Léone.  Le  résultat  poli- 
tique de  la  mission  était  donc  pleinement  atteint  ;  en  outre,  l'expédition 
eut  pour  conséquences  une  extension  de  nos  connaissances  sur  le  pays 
visité,  car  le  capitaine  Péroz  put,  grâce  à  la  langue  mandingue  qu'il 
parlait,  obtenir  des  données  positives  sur  la  géographie,  l'histoire  et 
l'organisation  des  États  de  Samory,  pendant  que  deux  de  ses  compa- 
gnons faisaient  des  observations  météorologiques,  des  mensurations 
anthropologiques,  et  un  levé  de  la  carte  entre  Niagassola  et  Bissandou- 
gou.  En  outre,  au  retour,  une  route  différente  de  celle  de  l'aller  fut 
explorée,  et  le  capitaine  Péroz  découvrit  les  sources  du  Bakhoy,  dans 
une  plaine  marécageuse  entourée  d'un  cercle  de  collines  abruptes. 


—  255  — 

A  l'heure  actuelle,  te  Soudan  français  est  calme,  et  de  gi*ands  progrès 
ont  été  accomplis  depuis  le  i-ëglement  des  difficultés  avec  Samory.  De 
Bakel  au  Niger,  Tespace  soumis  à  la  France  a  une  superficie  de  920,000 
kilomètres  carrés,  c'est-à-dire  près  du  Vi»  de  l'Europe.  Le  télégraphe 
va  de  Saint-Louis,  la  capitale  du  Sénégal,  jusqu'au  Niger.  Le  chemin  de 
fer  est  construit  et  fonctionne  de  Kbayes  à  Bafoulabé,  point  au  delà 
duquel  il  se  prolonge  par  une  voie  Decauville  d'abord,  puis  par  une 
i-oute  carrossable,  jusqu'à  Bamakou.  La  mortalité  chez  les  Européens 
est  tombée  à  8  Vo,  de  28  à  30  7o  qu'elle  était  au  début  des  opérations. 
Le  commerce  du  haut  Sénégal  augmente  et  atteint  actuellement  un 
mouvement  annuel  de  5000  tonnes.  Dans  les  postes  et  les  chefs-lieux 
administratifs,  des  écoles  françaises  ont  été  créées  et  sont  suivies  avec 
empressement  parles  noirs. Khayes a  maintenant 6000 habitants;  Bafou- 
labé,  qui  n'existait  pas  il  y  a  huit  ans,  en  compte  4000.  Bref,  il  y  a  là 
les  indices  d'un  développement  de  l'action  européenne  dans  des  parages 
que  l'on  regardait  comme  improductifs  et  absolument  insalubres. 

Le  livre  de  M.  Péroz,  qui  nous  fait  part  de  tous  ces  résultats,  est 
donc  d'une  lecture  intéressante  et  réconfortante.  Il  est  bon  d'opposer, 
aux  allégations  de  ceux  qui  prêchent  l'abandon  et  la  retraite,  les  témoi- 
gnages positifs  d'hommes  de  confiance,  qui  ont  constaté  de  leurs  yeux 
les  progrès  accomplis  et  s'en  servent  pour  en  déduire,  en  connaissance 
de  cause,  les  coi^équences  de  l'occupation  française  sur  le  haut  Sénégal 
et  le  Niger.  Sans  doute,  il  faut  se  garder  d'un  optimisme  exagéré,  mais  il 
convient  aussi  de  ne  pas  ti*op  s'arrêter  aux  critiques  et  aux  fâcheuses 
prédictions  de  ceux  qui  se  rebutent  aux  premières  difficultés.  Faidherbe, 
Brière  de  l'Isle,  Galliéni,  Péroz  sont  de  ceux  qui  ont  eu  foi  dans  les 
avantages  pour  la  France  d'une  extension  du  Sénégal  du  côté  du  Niger. 
Après  un  petit  nombre  d'années,  l'expérience  leur  donne  raison. 

Emest  Meixier,  La  Fkance  dans  le  Sahara  et  au  Soudan.  Paris 
(Ernest  Leroux),  1889,  in-8,  63  p.  —  Dans  cette  brochure,  M.  Mercier, 
ancien  maire  de  Constautiue,  expose  son  opinion  sur  la  question  tant  de 
fois  traitée  de  la  pénétration  dâlaFraice  dans  le- Sahara  d'ab«rd,  dans  le 
Soudan  ensuite,  par  l'Algérie.  Elle  nous  paraît  refléter  d'une  manière 
fidèle  le  point  de  vue  de  la  grande  majorité  des  colons  algériens  tou- 
chant l'avenir  de  l'Algérie  et  l'action  française  dans  l'Afrique  du  nord. 
Après  avoir  parlé  de  l'histoire  des  relations  entre  la  Berbérie  d'une 
part,  le  Sahara  et  le  Soudan  de  l'autre,  l'auteur  consacre  la  plus  grande 
partie  de  son  travail  à  une  description  du  Sahara  central  et  de  ses  habi- 


—  256  — 

tauts,  de  leurs  moeurs  et  de  leui*s  expéditions  de  pillage.  Pour  lui,  il  \\\ 
a  aucune  pitié  à  avoir  pour  ces  brigands  sahariens,  et  lorsqu'on  en  sai- 
sit quelques-uns  prenant  part  à  une  razzia,  le  mieux  est  de  les  fusiller 
dans  un  coin  de  la  steppe.  Aussi  s'élève-t-il  avec  force  contre  la  mansaé- 
tude  de  l'infortuné  colonel  Flatters,  qui  avait  rais  en  liberté  quelqu€&- 
uns  de  ces  pillards  alors  qu'il  était  commandant  supérieur  de  Laghouat. 
Cette  magnanimité  par  laquelle  on  espère  les  frapper  ne  sert  qu'à  com- 
promettre le  pi-estige  de  la  France.  D'après  M.  Mercier,  il  faut  établir 
aux  points  extrêmes  du  territoire  algérien  des  postes  destinés  à  établir 
une  police  sévère  dans  cette  région,  pousser  la  ligne  ferrée  de  Biskra  à 
Ouargla,  ensuite  s'emparer  d'In-Sabah,  la  clef  du  Sahara  central,  et  pous- 
ser de  là  le  chemin  de  fer  vers  le  Soudan.  Mais  ce  qui  presse  le  plus,  c'est 
de  venger  le  massacre  de  la  misssion  Flatters  el  de  frapper  un  grand 
coup  dans  le  Sahara. 

Le  gouvernement  français  prendra  ce  qu'il  voudra  de  tous  ces  pro- 
jeta; sa  politique  en  Algérie  est  depuis  plusieurs  amiées  empreinte  d*uue 
trop  grande  prudence  pour  donner  à  croire  qu'il  va  se  lancer  à  la  légère 
dans  une  expédition  armée,  au  sein  d'un  pays  peu  connu  et  semé  d'obs- 
tacles. C'est  un  peu  l'idée  des  colons  algériens,  que  le  noi*d  de  l'Afriqui; 
est  devenu  leur  chose  et  que  tous  les  Kabyles,  les  Touaregs,  les  Arabes, 
qui  réclament  contre  la  prise  de  possession  de  leur  sol  par  une  puis- 
sance étrangère,  n'ont  aucun  droit  à  le  faire  et  doivent  être  parement 
et  simplement  supprimés.  Personne,  mieux  que  nous,  ne  reconnaît  la 
grandeur  et  les  immenses  avantages  au  point  de  vue  de  l'ordre  et  de  la 
civilisation,  de  la  mission  que  la  France  remplit  dans  le  nord  de  l'Airi- 
(lue;  mais  ce  n'est  pas  une  raison  pour  admettre  que  toutes  les  résis- 
tances doivent  être  supprimées  par  le  glaive.  Nous  sommes  d'avis  qu'ea 
agissant  avec  douceur  et  humanité,  en  cherchant  à  convaincre  plutôt 
qu'à  vaincre,  on  aura  plus  facilement  raison  d'une  opposition  à  laquelle 
du  reste  on  devait  s'attendre. 


Post-SerlptioB  4  ta  Cluromiqiie  4e  l*eBelaT«ce« 


A  la  dernière  heure,  nous  arrive  de  Luceme  un  télégramme  annonçant  qn^' 
8.  £m.  le  cardinal  Lavigerie  proroge  à  une  époque  ultérieure  le  Congrès  anti- 
esclavagiste  primitivement  convoqué  pour  le  4  août. 


—  257  — 

BULLETIN  MENSUEL  (2  septembre  1889% 

Dans  une  assemblée  réunie  au  Victoria-Institute,  notre  savant  compa- 
triote, Mk  Edouard  NaviUe»  a  fait  un  exposé  des  fouilles  quUl  a  exé- 
cutées en  1888  et  1889  dans  les  ruines  de  l'ancienne  Bubastis.  Après 
avoir  retrouvé  l'emplacem^t  du  temple,  il  s'agissait  de  le  déblayer 
autant  que  possible,  et  d'examiner  un  à  un  tous  les  fragments  pour 
reconstituer  l'ensemble  de  la  construction  et  recueillir  les  restes  qui 
présentaient  un  intérêt  artistique  ou  historique.  M,  Naville  a  pu  recon- 
stituer le  plan  du  temple,  qui  comprenait  quatre  salles  de  dates  diffé- 
rentes. Pour  entrer  dans  celle  de  l'est,  peut-être  la  plus  ancienne,  on 
passait  entre  deux  énormes  colonnes,  avec  des  chapiteaux  à  palmes.  En 
dehors  de  la  porte  se  trouvaient  deux  grandes  statues  de  Hyksos  dont 
l'une  est  actuellement  au  British  Muséum.  Au  delà  se  trouvait  une 
seconde  salle  d'un  caractère  également  archaïque  ;  depuis  Osorkon  H, 
on  la  nommait  la  salle  de  fête,  en  mémoire  d'une  grande  fête  sacrée. 
Plus  à  l'ouest  encore  se  trouvait  la  partie  la  plus  richement  ornée  du 
temple  ;  c'était  une  salle  étayée  par  des  colonnes  aux  chapiteaux  en  forme 
de  feuilles  de  lotus  ou  de  palmier,  et  par  des  colonnes  surmontées  d'une 
tête  de  Hathor  finement  ciselée  ;  le  meilleur  spécimen  en  est  au  Muséum 
de  Boston.  Le  temple  se  terminait  par  une  très  grande  salle,  la  plus 
vaste  des  quatre  ;  elle  n'a  jamais  été  achevée.  A  l'extrémité  se  trouvait 
la  shrine  de  Pasht,  dont  les  fragments  se  voient  au  British  Muséum.  A 
l'exception  de  Zoan,  ville  très  semblable  à  Bubastis,  aucune  de  celles  du 
delta  n'a  donné  autant  de  monuments  s'étendant  sur  une  si  longue  série 
de  siècles  et  sur  des  époques  si  variées,  de  la  grande  quatrième  dynastie 
jusqu'aux  Ptolémées.  M.  Naville  a  examiné  très  soigneusement  les  colos- 
sales architraves  sur  lesquelles  le  nom  de  Ramsès  n  a  été  gravé,  en  même 
temps  que  les  noms  des  propriétaires  légitimes  ont  été  effacés  si  com- 
plètement qu'il  n'y  a  souvent  aucun  espoir  de  pouvoir  rendre  à  ceux-ci  la 
propriété  qui  leur  a  été  volée.  M.  Naville  n'a  épargné  aucune  peine 
pour  le  faire  toutes  les  fois  que  cela  était  possible.  D  a  réussi  de  cette 
façon  à  remplir  non  seulement  des  lacunes  des  monuments,  mais  aussi 
plus  d'une  lacune  laissée  par  les  sources  littéraires  grecques  et  autres 

*  Les  matières  comprises  dans  nos  BuUetins  mensiuis  et  dans  les  NowodUa  corn- 
pUmentairea  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

L'AFRIQUE.   —   DIXIÈME  ANNÉE.  —  N®   9.  9 


"V 


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que  BOUS  possédons.  On  peut  dire  que  les  résultats  obtenus  à  cet  égard 
par  les  fouilles  de  BubastJs  sont  merveilleux.  M.  Naville  l'a  montré  en 
passant  en  revue  les  trente  dynasties  de  Manetbon,  à  partir  de  la  seconde, 
y  conipris  le  pharaon  Setbenes,  dont  le  cartouche  monumental  est  con- 
servé au  Muséum  d'Oxford,  jusqu'à  la  treizième  et  même  jusqu'aux 
Ptolémées,  et  après  ceux-ci  jusqu'à  Auguste,  sous  le  règne  duquel  com- 
mence l'ère  chrétienne. 

Des  dépêches,  adressées  de  Londres  à  r/nd^pem^oncefre^e,  annoncent 
que  la  victoire  remportée  à  Toski  sur  les  Sondanala  par  les  troupes 
égyptiennes,  que  commandait  le  général  Grenfell,  a  eu  pour  épilogue  la 
découverte  d'une  foule  de  documents  attestant  l'existence  d'une  vérita- 
ble conspiration  entre  le  successeur  du  mahdi,  à  Khartoum,  et  un  grand 
nombre  de  personnages  officiels  attachés  à  l'adrainistratioD  du  khédive. 
Kos  lecteurs  se  rappellent  que  Gordon,  envoyé  à  Kbartoum,  demanda 
qu'on  lui  adjoignît  Zebehr-pacha,  pour  lui  aider  à  pacifier  les  Soudanais 
révoltés  contre  l'Égjpte.  Soupçonnant  Zebehr-pacha  d'être  en  conni- 
vence avec  le  mahdi,  l'Angleterre  refusa.  Bientôt  après,  Zebehr  fut 
arrêté  et  conduit  à  Gibraltar,  tes  soupçons  du  gouvememeut  anglais 
ayant  été  contirroés.  La  conspiration  n'en  continua  pas  moins  à  étendre 
sea  ramiticatious  en  Egypte;  le  but  en  était  d'aider  les  Soudanais  à 
envahir  l'Egypte,  à  en  chasser  les  Anglais  et  à  y  établir  une  adminis- 
tration favorable  à  l'entreprise  de  l'immeuee  trafic  d'eaclaves  dont  le 
Soudan  a  été  si  longtemps  le  centre.  Les  documents  trouvés  sur  les 
cadavres  des  cheiks  tombés  dans  la  bataille  de  Toski  en  fournissent  la 
preuve. 

Les  Italieus  ont  profité  des  divisions  qui  régnent  entre  les  chefs  abys- 
sins, anciens  officiers  du  roi  Jean,  pour  s'emparer  du  plateau  d'A»- 
mara»  beaucoup  moins  chaud  et  plus  salubre  que  Massaoua.  La  tem- 
pérature moyenne  n'y  dépasse  pas  15°  ;  la  verdure,  l'eau  fraîche,  les 
légumes,  le  gibier,  y  abondent.  HéDélik  paraissant  devoir  l'emporter 
sur  les  autres  prétendants  à  la  succession  du  négous,  il  n'est  pas  proba- 
ble qu'il  réclame  contre  cette  occupation,  par  les  Italiens,  d'un  terri- 
toire qui,  naguère,  faisait  partie  de  TAbyssinie.  Retenu  par  les  pluies,  il 
a  été  obligé  de  s'aiTêter  dans  sa  marche  vei-s  Adoua,  la  capitale  sacrée, 
oii  il  compte  se  faire  coui'onner  par  les  dignitaires  de  l'Egypte  éthio- 
pienne. Toutefois  la  situation  pourrait  se  modifier  à  son  préjudice.  Ras- 
Àloula  lui  garde  une  haine  mortelle  et  le  harcèlera  tant  qu'il  pouiTa, 
pour  favoriser  les  chances  de  Mangascia  à  qui  il  s'est  dévoué  corps  et 
âme.  Le  Tigré,  oii  il  se  trouve  avec  ce  dernier,  est  une  région  monta- 


—  259  — 

gneuse,  excellente  pour  servir  de  base  d'opération  à  un  prétendant 
secondé  par  un  soldat  tel  que  Ras-Aloula,  qui  connaît  toutes  les  ressour- 
ces du  pays  qu'il  a  parcouru  en  tous  sens,  et  qui  a  toujours  sous  la  main 
les  débris  de  l'armée  du  négous,  aguerris  et  capables  de  former  le 
noyau  d'une  armée  nouvelle,  pourvu  que  les  circonstances  s'y  prêtent. 
En  attendant,  la  mission  envoyée  par  Ménélik  est  arrivée  à  Naples  avec 
l'explorateur  Antonelli. 

Nous  avons  eu  le  plaisir  de  rencontrer,  au  Congrès  international  des 
sciences  géographiques,  M.  Borelli»  qui  a  fait  une  conférence  sur  son 
exploration  au  sud  du  Ghoa  et  dans  les  pays  Gallas.  Les  collections 
qu'il  en  a  rapportées  ornaient  le  salon  de  la  Société  de  géographie  de 
Paris.  Un  des  jeunes  Gallas  qu'il  a  ramenés  en  Europe  assistait  à  la 
séance.  La  race  des  pays  qu'il  a  explorés  n'est  ni  positivement  noire,  ni 
blanche  ;  comme  teint,  elle  se  rapprocherait  plutôt  du  type  mulâtre.  Les 
hommes  sont  grands,  bien  faits  ;  les  femmes  ont  les  formes  sveltes  et 
élégantes,  mais  les  mœurs  de  ces  indigènes  sont  encore  barbares.  Le 
chef  ou  roi  est  souverain  absolu,  il  a  droit  de  vie  et  de  mort  sur  ses 
sujets,  qui  lui  obéissent  passivement,  sans  velléité  de  révolte,  ni  d'indé- 
pendance. Les  idiomes  varient  de  peuplade  à -peuplade;  les  religions  de 
même,  toutefois  elles  admettent  toutes,  sous  des  formes  diverses,  un 
Être  suprême,  dont  le  culte  est  accompagné  de  pratiques  particulières. 
Tout  bon  pratiquant,  en  passant  devant  une  rivière,  doit  y  jeter  un 
anneau  de  fer  ou  d'argent  ;  d'autres  posent  une  touffe  d'herbe  sur  cer- 
tains arbres.  Plusieurs  tribus  ne  s'en  tiennent  pas  à  ces  pratiques  inof- 
fensives, mais  procèdent  périodiquement  à  des  sacrifices  humains.  Ce 
sont  des  familles  désignées  à  cet  effet  depuis  des  temps  très  reculés  qui 
supportent  cet  impôt  sanglant,  et,  chose  curieuse,  elles  y  semblent  rési- 
gnées, au  moins  n'y  a-t-il  pas  d'exemples  qu'une  victime  choisie  ait 
tenté  de  se  soustraire  à  l'horrible  sort  qui  l'attend.  Ces  sacrifices  ont 
lieu  à  chaque  renouvellement  de  la  lune.  D'autre  part,  jamais  un  chef 
n'entreprend  im  voyage  sans  consulter  les  entrailles  d'une  victime.  Eu 
général,  qui  dit  «  voyage  »  dit  guerres,  combats,  batailles.  Loi*sque,  à 
la  suite  d'une  rencontre,  il  y  a  des  prisonniers,  ceux-ci  doivent  renoncer 
à  tout  espoir  d'avoir  la  vie  sauve;  d'ordinaire,  on  les  fait  mourir  en  leur 
faisant  avaler  de  l'eau  bouillante  ou  en  les  piquant  avec  des  aiguilles  de 
près  d'un  mètre  de  long.  L'adultère  est  très  sévèrement  puni  ;  toute 
femme  reconnue  coupable  de  ce  crime  a  le  nez  coupé  ;  son  complice  est 
l'objet  d'un  supplice  encore  plus  épouvantable.  Toutefois  si  le  mari 
outragé  accepte  un  arrangement  pour  une  somme  déterminée,  cette 
réparation  est  jugée  sufiBsante. 


^'4 


■^:i 


.X 


—  260  — 

Les  objets  rapportés  par  M.  Borelli  dénotent  de  la  part  des  indigèn&<% 
qui  les  ont  fabriqués  certaines  aptitudes  industrielles.  Comme  dans  tout 
rOrient,  leurs  armes  sont  l'objet  d'un  luxe  particulier;  admirablement 
trempées,  elles  sont  décorées  de  guillochages  fort  curieux.  Le  sel  sert 
de  monnaie  courante  et  s'échange  contre  le  cuivre  et  l'argent  ;  quant  à 
l'or,  les  chefs  seuls  ont  le  droit  d'en  posséder  ;  tout  individu  trouvé  en 
possession  du  précieux  métal  a  la  main  droite  coupée  immédiatement. 
Les  étoffes  de  coton  sont  tissées  très  fin,  et  sont  en  général  couvertes  de 
dessins  en  carrés  ou  en  triangles  d'un  très  joli  effet.  L'usage  du  verre 
est  totalement  inconnu  dans  ces  pays  ;  les  vases  et  objets  divers  qui  en 
tiennent  lieu  sont  façonnés  avec  de  la  corne  de  buffle  remarquablement 
ouvrée.  La  région  explorée  par  M.  Borelli  est  riche  en  ivoire  ;  le  fer  y 
abonde  également;  les  indigènes  cultivent  le  coton,  la  vigne,  les  asper-^ 
ges,  les  fraises,  etc.  Les  collections  rapportées  par  M.  Borelli,  qui  avait 
une  mission  du  Ministère  de  l'Instruction  publique,  seront  déposées  au 
Musée  ethnographique  du  Trocadéro. 

Le  dernier  paquebot  de  MoaBambiqae  a  aj>porté  des  nouvelles  ras- 
surantes des  nombreux  explorateurs  portugais  actuellement  en  expédi- 
tion dans  l'Afrique  orientale.  Païva  d'Andrada  était  le  5  mai  à  Mos- 
songa,  près  du  confluent  du  Caureze  avec  le  Zambèze,  à  l'ouest  de  Tété,, 
où  il  attendait  ses  porteurs  pour  continuer  sa  marche  vers  l'intérieur. 
Cardozo  était  à  Quilimane,  où  les  petits  rois  de  la  région  à  l'est  du  Nyassa 
étaient  venus  confirmer  la  promesse  de  reconnaître  le  protectorat  por- 
tugais. D  attendait  l'arrivée  des  missionnaires  que  le  cardinal  Lavi- 
gerie  envoie  au  lac  Nyassa,  oii  le  gouvernement  portugais  leur  donnera 
un  emplacement  pour  leur  station,  pour  leurs  établissements  agricoles,  et 
leur  garantira  la  sécurité  que  réclame  leur  mission  civilisatrice.  —  Serpa 
Pinto  était  aussi  à  Quilimane,  d'où  il  comptait  partir  pour  explorer  le 
pays  à  l'ouest  du  Nyassa,  et  reconnaître  le  cours  de  TAruangua  septen- 
trional, encore  peu  connu.  —  Cazalleiro  Rodrigues  était  à  Sofala,  d'oii  il 
se  proposait  de  i^etoumer  à  Moussourisse  reprendre  sa  place  de  résident 
auprès  de  Goungounyane.  —  L'expédition  des  études  du  chemin  de  fer 
du  Chiré  était  prête  à  partir.  Les  études  de  la  ligne  du  Zambèze  étaient 
presque  terminées;  l'ingénieur  qui  les  a  dirigées,  M.  Moraes  Sarmento» 
est  déjà  arrivé  eu  Europe. 

Le  président  de  la  Société  de  géographie  de  Lisbonne  nous  a  prié 
d'insérer  dans  notre  publication  une  réclamation  au  siyet  des  Umites 
assignées  par  M.  Jeppe,  de  Pretoria,  aux  dlatricto  portuf^als  d*lii- 
hamlmné  et  de  8ofala,  dans  sa  nouvelle  édition  de  la  carte  du 


P'^*ï  ■ 


—  261  — 

Transvaal.  M.  Jeppe  fait  passer  la  limite  occidentale  de  ces  deux  dis- 
tricts j)ar  le  confluent  du  Pafurié  avec  le  Limpopo  et  le  31*',26',15'' 
long.  E.  La  Société  de  Lisbonne  considère  cette  détermination  comme 
attentatoire  aux  droits  du  Portugal  dans  cette  partie  de  l'Afrique  orien- 
tale, où  la  juridiction  des  deux  districts  susmentionnés  s'étend  jusqu'au 
Soubichané  et  au  Boubyé,  affluents  du  Limpopo,  par  conséquent  beau- 
coup plus  à  l'ouest  que  la  ligne  imaginée  par  M.  Jeppe,  comme  on  peut 
le  voir  dans  les  cartes  portugaises  publiées  par  le  marquis  de  Sa  da 
Bandeira  et  dans  d'autres  encore  plus  modernes. 

Nous  avons  également  reçu  de  M.  Charles  Hancock,  avocat  à  Lon- 
dres, membre  du  Comité  exécutif  de  l'Aborigines  Protection  Society,  la 
demande  de  publier  une  communication  relative  aux  troubles  survenus 
dans  le  Zoalouland,  au  sujet  de  la  condamnation  à  de  longues  années 
d'emprisonnement  prononcée  par  le  tribunal  d'Etshowé  contre  Dinizulu, 
fils  de  Cettiwayo,  Undabuko  et  autres  chefs. 

Ces  malheureux,  qui  s'étaient  rendus  coupables  de  pillage  à  main 
année,  ont  été  accusés  par  les  employés  du  gouvernement  anglais  du 
<5iime  capital  de  haute  trahison  et  de  rébellion,  et  se  sont  conduits  avec 
beaucoup  de  noblesse  pendant  le  procès.  Comme  le  Président  du  tribu- 
nal demandait  à  Undabuko  (oncle  et  conseiller  du  fils  de  Cettiwayo)  s'il 
avait  une  déclaration  à  faire  à  la  Cour,  celui-ci  s'exprima  en  ces  termes  : 
«  J'ai  été  harcelé  pendant  des  années  entières,  mes  parents  et  mes  amis 
sont  décimés  ;  j'ai  toujours  été  blâmé  sans  cause  et  sans  enquête.  Je  ne 
craindrais  pas  les  accusations  si  je  pouvais  seulement  répondre  et  racon- 
ter mon  histoire  devant  un  Conseil  d'enquête  ;  mais  je  ne  puis  me  faire 
•écouter  de  ces  fonctionnaires  qui  ne  me  tuent  qu'afin  que  leur  favori 
Usibepu  puisse  vivre.  Oh  !  si  seulement  on  voulait  entendre  ma  cause,  je 
ne  serais  pas  inquiet  du  résultat.  »  Quoi  qu'il  en  soit,  on  trouve  généra- 
lement que  la  résistance  faite  par  ces  chefs  aux  autorités  anglaises  ne 
méritait  pas  une  punition  aussi  sévère.  Plusieurs  amis  des  Zoulous  et 
entre  autres  miss  Colenso,  qui  a  vécu  plusieurs  années  à  Natal  et  qui 
«'est  toujours  dévouée  à  la  cause  des  indigènes,  se  sont  efforcés,  dans 
ces  derniers  temps,  de  faire  rendre  justice  à  des  malheureux  sous  le  coup 
d'accusations  si  terribles,  a  Venant  de  recevoir  de  miss  Colenso  une  com- 
munication contenant  un  récit  intéressant  de  ces  procès  sur  lesquels 
nous  avons  jusqu'à  présent  peu  de  détails  dans  les  journaux  anglais,  je 
prends  la  liberté,  »  dit  M.  Hancock,  «  comme  membre  du  bureau  de  l'Abo- 
rigines Protection  Society,  de  citer  quelques  extraits  qui  méritent  d'at- 
tirer l'attention  publique.  J'ai  écrit  plusieura  lettres  dans  les  journaux 


—  262  — 

anglais,  in'etforçant  d'exposer  devant  le  pays  les  maux  terribles  iullîgé» 
aux  chefs  zoulous  et  à  la  population  indigène  par  la  mauvaise  adminis- 
tration  des  fonctionnaires  anglais.  Je  ne  veux  donc  pas  entrer  daiis  plus 
de  détails.  La  conduite  de  nos  représentants  dans  ce  pays  a  été  condam- 
née dans  les  termes  les  plus  énergiques  par  les  journaux  de  Natal,  quelle 
que  soit  leur  opinion  politique;  je  ne  citerai  aujourd'hui  que  deux  fait& 
qui  montrent  la  nécessité  d'une  enquête  impartiale  conduite  par  les 
autorités  anglaises  sur  les  accusations  portées  contre  les  dits  fonction- 
naires. 

Quelque  incroyable  que  cela  paraisse,  il  a  été  aflSrmé,  dans  les  der- 
niers procès,  par  un  témoin,  que  300  femmes  et  enfants,  capturés  par 
un  détachement  sous  les  ordres  du  major  M'  Kean,  ont  été  livrés  à  Uzi- 
bepu  (le  favori  du  gouverneur.  Sir  Arthur  Havelock)  et  à  ses  soldats,  et 
n'ont  été  relâchés  que  grâce  à  l'intervention  de  miss  Colenso  et  de  se* 
amis.  Des  actes  aussi  monstrueux  de  barbarie  et  de  cruauté,  qui  désho- 
noreraient le  pays  le  moins  civilisé,  devraient-ils  être  commis  au  nom 
d'une  nation  qui  se  trouve  au  premier  rang  de  la  civilisation  ? 

De  plus,  un  correspondant  du  Naial  Witness,  dans  un  numéro  que 
nous  venons  de  recevoir,  parlant  d'un  cas  de  flagellation  auquel  miss 
Colenso  fait  aussi  allusion,  nous  donne  une  description  du  martinet  em- 
ployé (chat  à  neuf  queues),  lequel,  d'après  la  déposition  d'un  des  témoins, 
serait  garni  de  morceaux  de  fer.  C'est,  du  reste,  la  contirmation  de  ce 
qui  a  été  dit  à  la  Chambre  des  Communes  par  M.  Bradlaugh.  Est-ce  un 
mode  de  châtiment  en  rapport  avec  les  idées  anglaises  ?  Et  il  ne  s'agit 
pas  d'une  colonie  possédant  un  «  gouvernement  responsable.  » 

L'impossibilité  complète  de  s'en  rapporter  à  ceux  qui  dirigent 
actuellement  les  affaires  coloniales,  en  ce  qui  concerne  le  Zoulou- 
land,  se  trouve  aussi  parfaitement  démontrée  par  le  fait  suivant.  D  y 
a  quelques  jours,  le  sous-secrétaire  des  colonies  (le  baron  de  Worms) 
assura  à  M.  Ellis  qu'aucun  renseignement  n'avait  été  reçu  à  propos  de 
réjouissances,  officielles  ou  non,  qui  auraient  eu  lieu,  lorsque  les  senten- 
ces furent  prononcées,  ni  sur  la  mise  en  liberté  de  Usibepu.  Je  rap- 
pellerai simplement  la  description  que  fait  miss  Colenso  de  ce  qui  s'est 
réellement  passé  ;  a  on  a  envoyé,  dit-elle,  des  tambours  et  des  titres  de 
l'armée  «  en  l'honneur  de  l'événement;  »  et  Usibepu,  suivi  de  plusieurs 
de  ses  compagnons,  à  cheval,  a  accompagné  les  prisonniers  allant  à  pied 
de  la  prison  à  la  Cour  de  justice. 

Je  suis  convaincu  que  si  tous  les  faits  se  rattachant  à  la  conduite  des 
employés  du  gouvernement  anglais  au  pays  des  Zoulous  étaient  connus 


'W 


—  263  — 

de  tous,  Topinion  publique  insisterait  pour  que  justice  fût  rendue  aux 
indigènes  et  pour  que  des  actes  qui  ternissent  notre  réputation  nationale 
ne  fussent  plus  tacitement  autorisés  par  ceux  qui  ont  la  responsabilité 
des  affaires  coloniales  à  Downing  Sti*eet.  » 

Le  poste  d'Isanf^hila  sur  la  rive  nord  du  Congo,  qui  avait  été  aban- 
donné temporairement,  a  été  réoccupé  pour  la  réorganisation  du  service 
des  transpoils.  Celui-ci  est  dirigé  de  Vivi  par  M.  Danfelt,  lieutenant  de 
Tannée  suédoise,  qui  est  depuis  cinq  ans  en  Afrique,  et  connatt  parfai- 
tement le  pays,  les  habitants  et  la  langue,  qu'il  parle  couramment.  Les 
bâtiments  du  poste  d'Isanghila  ont  été  reconstruits  sur  un  petit  plateau 
au  bord  du  fleuve,  juste  en  face  de  la  cataracte.  Un  peu  en  amont,  le 
fleuve  forme  une  crique,  aux  eaux  calmes,  lieu  d'amarrage  et  de  charge- 
ment des  baleinières.  La  plupart  des  porteurs  sont  recrutés  à  Isanghila 
et  dans  les  environs.  Ils  se  rendent  à  Vivi  pour  y  prendre  les  charges  et 
les  transporter  à  Isanghila;  d'ordinaire  ils  parcourent  cette  route  en 
trois  jours.  D'Isanghila  à  Manyanga,  le  transport  s'opère  à  l'aide  de 
trois  grandes  baleinières  en  fer,  dont  les  équipages  sont  placés  sous  les 
ordres  du  chef  du  poste  d'Isanghila.  Ces  équipages  se  composent,  pour 
chaque  baleinière,  d'un  capita  et  de  douze  rameurs  indigènes  de 
Manyanga  et  environs,  plus  un  patron  zanzibarite.  La  durée  du  voyage 
est  de  six  à  huit  jours,  chargement  compris  pour  la  montée,  et  de  deux 
pour  la  descente.  Chaque  baleinière  peut  emporter  de  80  à  100  charges, 
d'un  poids  moyen  de  30  kilog.  Ce  qui  fait  un  transport  de  7200  à  9000 
kilog.  par  voyage. 

Nos  lecteurs  savent  que  l'Exposition  installée  à  l'Esplanade  des  Inva- 
lides possède  im  village  congolais  avec  des  indigènes  du  Gabon  et  du 
Conf^o  f rançal»  %  plusieurs  de  ceux-ci  ont  accompli  des  actes  de  cou- 
rage et  de  dévouement  pour  lesquels  le  sous-secrétaire  d'État  aux  Colo- 
nies, sur  la  proposition  de  M.  de  Brazza,  leur  a  décerné  des  médailles  en 
or  de  première  et  de  seconde  classe.  Les  titulaires  des  médailles  de  pre- 
mière classe  sont  :  Mamouaka,  chef  de  pirogue,  et  Njouké,  qui  ont  pris 
une  part  active  au  sauvetage  de  M.  Dolisie,  blessé  devant  un  village 
ennemi  dans  le  haut  Congo.  Ceux  des  médailles  de  seconde  classe  sont  : 
Bengo,  chef  de  pirogue,  qui  s'est  très  bien  comporté  dans  l'escorte  de 
M.  de  Brazza,  et  Agoulamba,  qui  a  sauvé  autrefois  le  D'  Ballay,  dont 
la  pirogue  avait  chaviré  dans  les  rapides  de  l'Ogôoué. 

D'après  le  Journal  officiel  une  nouvelle  organisation  a  été  domiée  aux 
Etablissements  français  du  Golfe  de  Bénin,  de  la  Côte  d'Or  et  des 
Rivières  du  Sud.  Les  premiers  avaient  été  rattachés  tantôt  au 


?. 


—  264  — 

Gabon,  tantôt  au  Sénégal;  ils  sont  aussi  éloignés  d'une  colonie  que  de 
Fautre  et  n'ont  aucun  rapport  avec  elles.  Le  nouveau  décret  leur  donne 
une  organisation  autonome,  plus  en  rapport  avec  leur  situation  géogra- 
phique. Leurs  résidents  correspondront  directement  avec  le  sous^ecre- 
taire  d'État  aux  colonies.  Quant  aux  Rivières  du  Sud  ou  dépendances 
du  Sénégal  au  sud  de  la  Guinée  portugaise,  elles  faisaient  jusqu'ici,  au 
point  de  vue  administratif,  partie  intégrante  du  Sénégal,  qui  est  éloi- 
gné, qui  a  peu  de  rapports  avec  elles,  et  dont  les  intérêts  sont  souvent 
opposés.  Pour  faire  cesser  cette  anomalie,  le  décret  les  érige  en  divi^^m 
administrative  autonome  placée  sous  l'autorité  du  lieutenant-gouverneur 
du  Sénégal,  qui  correspondra  directement  avec  le  sous-secrétaire  d'État 
aux  colonies.  Le  personnel  relèvera  uniquement  de  lui  ;  il  résidera  à 
Konakry,  dans  la  rivière  Dubreka,  et  devra  visiter  les  différents  postes 
des  Rivières  du  Sud  au  moins  deux  fois  par  an.  Elles  auront  un  budget 
spécial  distinct  de  celui  du  Sénégal. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

M.  Camille  Douls,  chargé  d'une  mission  en  Afrique  par  le  ministère  de  rinstruc* 
tion  publique,  a  été,  d'après  les  journaux,  assassiné  dans  le  Sahara  entre  le  sud 
Oranais  et  Timbouctou. 

Le  consul  général  de  la  Grande  Bretagne  au  Caire  a  adressé  à  TOffice  du  com- 
merce à  Londres  un  rapport  sur  les  travaux  qui  doivent  être  mis  en  adjudica- 
tion en  Egypte  :  ce  sont  les  chemins  de  fer  d'Assiout  à  Girgeh,  environ  125  kilo- 
mètres; de  Chibin-el-Kour  à  Menouf,  13  kilomètres;  de  Damanhour  à  Rahmt- 
nieh,  20  kilomètres  ;  de  Nadineh-el-Farjoum  à  Senouris,  II  V*  kilomètres.  Un 
pont  de  550  mètres  sera  jeté  sur  le  Nil  entre  Boulaq  et  Embareh.  L'acquisition 
des  terrains  pour  tous  ces  travaux  reste  à  la  charge  du  gouvernement  égyptien. 
Les  soumissions  seront  reçues  jusqu'au  2  décembre  prochain. 

Le  cardinal  Massaïa,  vicaire  apostolique  des  Gallas.  qui  a  passé  plus  de  trente 
ans  en  Étiopie  comme  missionnaire,  est  mort  à  Naples  à  l'âge  de  80  ans. 

Le  vapeur  ChUdren,  porteur  du  cÂble  qui  doit  relier  Obok  et  Périm,  mouillé  es 
rade  de  Périm,  commencera  la  pose  du  cÂble  aussitôt  que  le  Sénat  français  aura 
ratifié  le  vote  de  la  Chambre  autorisant  l'établissement  de  cette  ligne. 

Le  bey  de  Jibouti,  petit  État  limitrophe  de  la  colonie  d'Obock,  au  sud  de  U 
baie  de  Tadjoura,  est  venu  à  Paris,  pour  voir  l'Exposition.  Il  est  accompagné  par 
M.  Lagarde,  gouverneur  d'Obock. 

La  création  d'une  section  spéciale  pour  les  colonies  au  ministère  des  affaires 
étrangères  de  l'empire  allemand,  montre  que  malgré  les  difficultés  de  la  politique 
coloniale  allemande,  principalement  dans  l'Afrique  orientale,  le  gouvernement 
voue  à  celle-ci  un  intérêt  croissant. 


—  265  — 

Le  bruit  qnî  axait  couru  de  la  Tenue  d'Émin-pacba  avec  Stenley 
orientale  ne  l'est  paa  con<nné.  Pour  qu'il  eAt  pa  rencontrer  quelque  c 
aurait  fallu  que  le  patuge  des  deux  f  oyageur*  eût  £të  signalé  en  on  po 
sur  la  route  des  laça  k  la  cAte. 

One  canonnière  anglaise,  le  Pigeon,  a  soiai,  dans  les  eaux  de  Zanzibar 
Pemba  qui  était  chargé  d'eaclavee. 

Le  Journal  offiad  de  Lisboiue  publie  un  décret  royal  établissant  à 
au  sud-est  du  lac  Njassa,  une  mission  catholique  ayant  pour  but  de  fi 
écoles  et  des  églises  en  me  de  la  colonisation  agricole  et  de  ta  suppresi 
traite  des  esclaves. 

Le  Cape  Argta  annonce  que  d'après  un  télégramme  de  Lorenzo-Ma 
consul  portugais  à  Pretoria,  la  voie  ferrée  de  la  baie  de  Delagoa  à  la 
du  TranBTaal  sera  terminée  à  la  fin  de  septembre. 

Le  Volksraad  dn  Transvaal  a  décidé  la  création  d'une  ututersité  à  Pr 
TOté  à  cet  effet  un  crédit  de  50,000  fr. 

Des  diamants  de  première  <}ual]té  ont  été  déeouTerts  dans  le  baai 
rivière  des  Crocodiles. 

La  construction  du  chemin  de  fer  dn  Congo  est  assurée  par  le  snccèi 
prunt  émis  ft  Bruxelles,  à  Londres  et  à  Berlin.  Outre  la  souscription  di 
lions  du  gouvernement  belge,  il  y  a  lieu  de  citer  celle  de  cinq  milKo 
William  Mackinnon  et  consorts  k  I^ondres,  celle  d'un  million  de  la  Corn] 
Congo  pour  le  commerce  et  l'industrie  à  Bruxelles,  etc.  L'Indiptndo 
annonce  que  les  travaux  vont  commencer  immédiatement. 

M.  Hanenae,  résident  des  StanleyFalls,  actuellement  en  route  pour 
a  annoncé  qu'à  son  départ  du  Haut-Congo,  la  situation  était  des  plus  f 
et  que  tout  était  calme.  Tipo-Tipo  l'a  prié  d'être  son  interprète  auprès  d 
nement  de  l'État  indépendant  pour  l'assurer  de  tout  son  concours.  <  ! 
dit-il,  <  tout  son  possible  pour  rallier  les  chefs  arabes  de  Nyangoué  e 
Hyéma,  afin  d'obtenir  leur  concours,  pour  l'aider  à  neutraliser  les  et 
traite  des  noirs  dans  ces  parages.  > 

Le  Comité  de  l'Association  congolaise  et  africaine  de  la  Croix-Rouge 
la  publication  d'un  BttUetin  trimestriel,  d.oat  la  rédaction  a  été  confiée  à 
Wauters,  rédacteur  du  Mouvement  giographi^ue.  Le  Bulletin  publiera  ' 
cune  de  ses  livraisons  une  Chronique  du  Congo,  qui  résumera  les  demi 
velles  de  l'État  indépendant  et  les  progrès  réalisés  en  Afrique  par  le 

Une  Compagnie  portugaise  ayant  son  siège  k  Lisbonne  a  été  constitué 
construction  d'un  chemin  de  fer  de  Benguela  fc  Catoumbella. 

Le  D'  Z&itgraff  qui  avait  quitté,  le  18  décembre  1SB8,  la  station  allen 
le  lac  des  Éléphants  dans  le  territoire  de  Cameroun,  est  arrivé  sain  et  t 
sur  le  Benouè,  ayant  ainsi  traversé  les  parties  Jnsqo'icî  complètement  i 
qui  s'étendent  jusqu'à  l'Adamaoua. 

Le  Comité  central  de  la  Société  de  géographie  commerciale  de  Berlin 
une  expédition  au  Maroc,  aussi  bien  en  vue  de  la  science  que  dans  i 


—  266  — 

écoQomii^ue.  L'obserTatoire  de  Hambourg  g'Ii^téresge  aussi  à  cette  expédition;  il  a 
rii\tention  de  créer  et  d'entretenir  au  BCaroc  deux  stations  météorologiques. 

Une  Société  s'est  constituée  à  Barcelone  pour  créer  des  relations  commerciales 
entre  l'Espagne  et  le  Maroc;  elle  établira  une  ligne  de  vapeurs  pour  donner  au 
commerce  espagnol  avec  cette  partie  de  l'Afrique  toute  l'extension  possible. 


CHRONIQUE  DE  L'ESCLAVAGE 

L'évèque  Smythies,  de  la  mission  des  Universités,  a  demandé,  dans 
une  lettre  au  Times,  l'abolition  du  status  légal  de  Tesclavage  à  Zanzi- 
bar et  à  Peinba. 

Doutant  du  résultat  de  la  démonstration  anglo-aUeanande  contre  Tes- 
clavage  par  le  blocus,  il  demande  qu'il  soit  fait  quelque  chose  pour  que 
TAfrique  ne  s'imagine  pas  que  l'effort  déployé  par  ces  deux  grandes 
puissances  a  échoué,  et  que  la  traite  peut  se  faire  mieux  encore  qu'au- 
paravant. Mais  comment  empêcher  une  recrudescence  de  la  traite?  Il 
faut  se  tenir  dans  les  limites  de  ce  qui  est  possible.  Le  coup  le  plus  fort 
qu'on  puisse  porter  à  la  traite,  et  le  seul  efficace,  est  Pabolition  du  sta- 
tus de  l'esclavage.  Nous  ne  pouvons  pas,  pour  le  moment,  l'abolir  sur  le 
continent,  mais,  avec  un  peu  de  fermeté,  nous  le  pouvons  dans  les  tles 
de  Zanzibar  et  de  Pemba;  et  ceci  aura  un  grand  effet  moral  sur  les 
pays  adjacents. 

Les  conditions  de  l'esclavage  à  Pemba  sont  telles  que  les  troupes 
d'esclaves  doivent  constamment  y  être  complétées.  Un  exemple  suffira 
pour  montrer  jusqu'où  s'étend  la  notoriété  de  P^uba  comme  marché 
d'esclaves.  Quelques  petites  filles,  récemment  libérées  et  amenées  aux 
missionnaires,  leur  dirent  qu'elles  venaient  d'un  village  sur  les  bords  du 
Nyassa;  qu'elles  avaient  vu  le  vapeur  de  la  mission;  les  agents  de 
celle-ci  étant  un  jour  venus  dans  leur  village,  elles  avaient  couru  se 
cacher  en  se  disant  :  «  Voici  les  hommes  blancs  qui  viennent  pour  nous 
emmener  à  Pemba  !  »  Cette  île  est  séparée  du  Nyassa  par  des  centaines 
de  kilomètres. 

Quant  à  l'influence  que  l'abolition  du  status  de  l'esclavage  aurait 
sur  les  pays  voisins,  M.  Smythies  dit  que  presque  tous  ceux  qui  sont  ven- 
dus par  leurs  familles,  chez  les  Bondeïs,  les  Wadigo  et  dans  les  tribus 
qu'il  connaît,  sont  envoyés  à  Pemba  ou  à  Zanzibar;  dès  lors,  l'abolition 
du  status  de  l'esclavage  y  ferait  cesser  nécessairement  le  rapt  des  per* 
sonnes  et  beaucoup  d'injustices. 


—  267  — 

Eu  réponse  à  Tobjeetioii  eommune  que  la  vie  de  resclate  dans  ce 
pays  est,  en  somme,  très  facile,  que  les  Africains  ne  trayaiileraieAt  pas 
«'il  n'y  étaient  pas  contraints  comme  esclaves,  et  qu'il  est  fort  douteux 
que  Tabolition  du  status  de  Tesclavage  fût  un  bien  réel  pour  les  indigè- 
nes, M.  Smytiiies  peut  dire,  non  en  théorie,  mais  d'après  ce  qu'il  a  vu  de 
^es  yeux,  qu'un  tel  argument  est  complètement  faux.  Sans  doute,  dans 
une  société  où  la  plus  grande  partie  du  travail  est  faite  par  des  esclaves, 
^  où  les  maîtres,  d'une  race  différente,  regardent  le  travail  avec 
mépris,  il  y  a  pour  tous  ceux  qui  peuvent  devenir  libres  une  très  forte 
tentation  à  travailler  le  moins  possible.  Le  seul  moyen  de  changer  l'opi- 
nion publique  et  de  rendre  au  travail  l'honneur  qui  lui  est  dû,  c'est 
4' abolir  le  status  de  l'esclavage.  De  ce  que  ceux  qui  sont  libres  aujour- 
d'hui sont  encouragés  à  ne  pas  travailler,  on  ne  peut  pas  conclure  qu'on 
ne  travaillera  plus  quand  tous  seront  libres.  C'est  un  fait  positif  que 
beaucoup  d'esclaves  libérés  travaillent  sérieusement  et  gagnent  beau- 
coup. Les  missionnaires  ont  trouvé,  parmi  les  populations  libres  du  con- 
tinent, beaucoup  d'indigènes  très  disposés  à  travailler,  lorsque  celui  qui 
avait  besoin  de  travail  avait  gagné  leur  confiance  ;  on  s'étonnerait  en 
Angleterre  des  lourdes  charges  qu'ils  portent,  pour  un  prix  minime,  de 
la  côte  aux  stations  missionnaires.  Celles-ci  ont  un  service  régulier  de 
porteurs,  qui  descendent  seuls  à  la  côte  et  rapportent  les  marchandises, 
d'une  distance  de  100  à  150  kilomètres,  sans  rien  perdre,  ni  rien  gâter. 
Les  marchands  allemands  qui  ont  établi  des  plantations  sur  la  Louvou 
affirment  que,  quoiqu'ils  aient  eu  besoin  de  beiaucoup  d'indigènes 
pour  faire  leurs  travaux,  il  n'ont  jamais  manqué  d'hommes  qui  s'ofllris- 
5ent  pour  les  faire  ;  c'étaient  des  noirs,  qui  appartenaient  à  la  popula- 
tion libre  des  villages  environnants. 

Mais  on  allègue  que  l'Arabe  est  un  maître  facile  et  que  le  status  de 
l'esclavage,  après  tout,  fait  très  peu  de  mal.  M.  Smythies  ne  revient  pas 
sur  les  cruautés  de  la  chasse  à  l'homme,  va  sur  les  horreurs  des  carava- 
nes d'esclaves,  dont  le  status  de  l'esclavage  dans  les  îles  de  Pemba  et 
de  Zanzibar  est  grandement  responsable  ;  à  côté  de  cela,  le  status  de 
l'esclavage  est  ime  plaie  hideuse  qui  pénètre  profondément  dans  la  vie 
des  indigènes.  Le  cas  le  plus  fréquent,  parmi  les  natifs  au  milieu  des- 
quels vivent  les  missionnaires,  est  que,  pour  de  petites  dettes,  un  homme, 
ou  sa  femme,  ou  ses  enfants  sont  vendus  comme  esclaves,  quoique  la  dette 
provienne  d'un  dommage  accidentel  causé  à  la  propriété  d'un  voisin, 
par  lui  ou  par  quelqu'un  de  sa  famille;  s'il  ne  peut  obtenir  de  l'argent, 
ou  qu'il  ajourne  par  négligence  de  faire  un  effort  pour  en  avoir,  la  dette 


—  268  — 

court  et,  ea  courant,  s'accumule,  jusqu'à  ce  qu'un  beau  jour  son  enfant 
soit  saisi  et  vendu  pour  payer  la  dette.  Très  souvent  il  met  en  gage  son 
enfant,  qui  devient  Pesclave  de  son  ami,  de  son  voisin  et  qui  finalement 
est  vendu.  Souvent,  pour  une  dette  plus  forte,  une  femme  est  prise  et 
vendue  pour  devenir  la  concubine  de  son  maître.  M.  SmytJiies  cite  le  cas 
d'une  fename  qui,  pour  une  dette  de  son  père  à  elle,  fut  prise  de  force  à 
un  homme  qu'elle  avait  épousé  depuis  peu  et  contrainte  de  servir  de 
concubine  à  un  autre  ;  la  chose  était  envisagée  comme  parfaitement 
légale  ;  c'est  le  fruit  du  status  de  l'esclavage.  Souvent  des  réclamations 
sont  adressées  à  des  familles,  squs  prétexte  que  bien  des  années  aupa- 
ravant quelqu'un  des  leurs  a  été  yendu  comme  esclave  et  s'est 
échappé.  M.  Smythies  a  connu  un  jeune  homme  chrétien,  qui  fut  pris 
par  un  Arabe  et  détenu  jusqu'à  ce  qu'il  eût  satisfait  à  une  réclamation 
de  ce  genre.  Deux  ans  auparavant  son  oncle  était  mort.  L'Arabe  préten- 
dit que  cet  oncle  avait  été  son  esclave  vingt  ans  auparavant  et  qu'il 
s'était  échappé.  Les  deux  individus  avaient  vécu  dès  lors  sur  le  pied  de 
l'intimité,  et  aucune  réclamation  n'avait  été  formulée  du  vivant  de  l'on- 
cle. Celui-ci  mort,  l'Arabe  réclama  tout  ce  qu'avait  possédé  le  défunt,  et 
saisit  le  jeune  homme  comme  otage.  U  ne  pouvait  fournir  aucune  preuve^ 
mais,  comme  c'était  un  Arabe,  les  chefs  indigènes  et  leurs  gens  furent  si 
eftVayés  qu'ils  lui  livrèrent  tout,  et  que  tous  les  effets  de  l'homme  furent 
emmenés,  ainsi  que  lui-même  et  deux  petites  filles  et  encore  une  troi- 
sième personne,  pour  être  vendues  comme  esclaves.  M.  Smythies  porta 
l'affaire  devant  le  tribunal  du  sultan  de  Zanzibar  oti  l'Arabe  n'osa  pas 
paraître. 

Une  autre  iniquité  résultant  du  status  de  l'esclavage  provient  de  ce 
que  des  hommes  sont  souvent  vendus  traîtreusement  par  leurs  compa- 
gnons, et  que  cette  vente  est  déclarée  valable  de  par  la  loi,  sans  que  le 
vendeur  soit  jamais  puni.  C'est  un  fait  ordinaire  que,  de  deux  hommes 
arrivés  comme  amis  à  Zanzibar  ou  à  quelqu'une  des  villes  de  la  côte^ 
pour  y  faire  du  commerce  ou  y  travailler,  l'un  vendra  l'autre  s'il  eu 
trouve  l'occasion.  Jamais  M.  Smythies  n'a  entendu  l'opinion  publique 
blâmer  un  fait  de  ce  genre,  ni  vu  punir  celui  qui  ayait  vendu  son  compa- 
gnon. La  seule  victime  est  le  malheureux  qui,  par  trahison,  est  devenu 
légalement  esclave  à  vie.  Cette  trahison,  avec  tous  les  soupçons  qu'elle 
engendre,  est  le  résultat  du  status  de  l'esclavage. 

M.  Smythies  raconte  encore  le  fait  d'un  homme  qui  avait  travaillé 
pour  les  missionnaires  ;  ceux-ci  le  trouvaient  sincère,  industrieux,  hon- 
nête sous  tous  les  rapports  et  bien  élevé.  Par  son  travail  il  avait  racheté 


—  269  — 

SB.  femme  et  sa  mère,  mais  lui-même  était  esclave,  et  sa  propriétaire, 
femme  âgée,  refusait  de  lui  permettre  de  se  racheter  lui-même.  Par  son 
industrie,  il  prospérait;  il  se  construisit  une  maison  et  cultivait  un  ter- 
rain. Sa  maîtresse  devint  jalouse  de  sa  prospérité  et  résolut  de  le  vendre 
à  Pemba.  Craignant  d'être  enlevé  de  force  à  sa  femme  et  à  ses  enfants 
par  la  famille  de  cette  maîtresse  et  par  les  trafiquants  d'esclaves,  il 
s'éloigna,  et  il  fallut  que  les  missionnaires  intervinssent  auprès  du  sul- 
tan pour  qu'il  devînt  libre,  le  sultan  ayant  déclaré  qu'il  le  rachèterait 
lui-même.  Des  complications  de  cette  sorte  se  produisent  sans  cesse  ; 
toutes  les  mauvaises  passions  des  hommes  s'y  donnent  carrière.  Sans 
doute,  sous  un  bon  chef  ayant  une  autorité  réelle  sur  ses  gens,  les  maux 
peuvent  être  beaucoup  diminués,  mais  l'opinion  publique  est  tellement 
pervertie,  que  M.  Smythies  a  connu  un  chef,  d'ailleurs  de  beaucoup 
supérieur  à  la  plupart  des  autres,  qui  proposa  de  sang-froid,  sous  l'em- 
pire de  certaines  diflScultés,  de  vendre  le  père  et  la  mère  d'une  jeune 
iille  fiancée  à  son  fils. 

Les  moyens  de  communication  entre  le  continent  et  les  îles  sont  faci- 
les ;  celles-ci  deviendront  des  ports  de  refuge  pour  tous  les  esclaves  de  la 
côte  qui  désireront  être  libres  et  qui  voudront  travailler.  L'abolition  du 
status  de  l'esclavage  dans  les  îles  sera  un  grand  pas  vers  son  abolition 
sur  le  continent. 

Nous  extrayons  ce  qui  suit  d'une  lettre  d'un  missionnaire  de  Mada- 
i^sear  à  M.  Keller,  président  de  la  Société  anti-esclavagiste  de 
France  :  a  Les  esclaves  sont  en  assez  grand  nombre  dans  notre  île  : 
esclaves  de  terrain  ou  de  famille,  se  perpétuant  de  père  en  fils,  comme 
propriété  de  tel  ou  tel  maître,  depuis  que  l'introduction  des  Mozambi- 
ques,  par  la  côte  ouest  a  été  interdite.  Dans  la  capitale,  le  marché  se 
tient  une  fois  par  semaine,  le  vendredi,  au  grand  bazar,  dans  un  quar- 
tier destiné  à  cela,  à  côté  du  quartier  aux  légumes,  du  quartier  aux 

bœufs C'est  chose  lamentable  que  de  traverser  ceforatl,  et  de  voir 

la  morne  attitude  de  ces  pauvres  gens,  qui  ont  à  craindre,  outre  les 
mauvais  traitements  d'un  acquéreur  sans  entrailles,  une  séparation 
bien  plus  funeste  encore  au  point  de  vue  de  la  moralité.  Car,  s'il  est 
vrai  que,  depuis  quelques  années,  les  petits  enfants  ne  peuvent  plus  être 
séparés  de  leurs  mères,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  la  femme  peut  être 
séparée  de  son  mari.  Chose  pitoyable  !  les  femmes  se  vendent  plus  cher 
que  les  hommes,  parce  qu'elles  rapportent.  Et  les  maîtres,  sans  aucun 
égard  pour  un  mariage  antérieur  ne  se  font  pas  faute  de  donner  aux 
femmes  esclaves  soit  catholiques,  soit  protestantes,  plusieurs  maris  pour 


—  270  — 

âssut*er  ou  augmenter  la  production.  La  mission  a  pu  racheter  et  affran- 
chir quelques  jeunes  gens  qui  avaient  étudié  dans  ses  écoles,  et  offraient 
les  qualités  nécessaires  pour  devenir  d'excellents  auxiliaires,  ainsi  que 
quelques  jeunes  filles,  donnant  également  les  garanties  suffisantes,  et 
dont  Tabandon  ou  la  vente  auraient  compromis  la  persévérance  et  en- 
traîné très  probablement  la  perversion.  Toutes  les  fois  que  cela  est  pos- 
sible, la  mission  en  prend  h  son  service  comme  domestiques,  ou  dans  ses^ 
ateliers  comme  ouvriers,  afin  de  leur  faire  gagner  la  somme  nécessaire 
à  leur  rachat.  Us  ont  un  compte  de  dépôt  ouvert  à  la  procure  et  versent 
là  des  économies  qui  ne  reviennent  pas  à  leurs  maîtres. 

M.  Holman  Bentley  écrit  de  la  station  de  Wathen  sur  le  Congo 
au  Mmionary  Herald  de  Londres,  à  propos  d'un  jeune  noir  attaché  à 
sa  personne.  «  Kayembé  est  originaire  d'un  pays  situé  très  loin  en  amont 
des  Stanley  FaUs,  à  un  jour  de  marche  de  Kasongo,  l'ancien  quartier 
général  de  Tipo-Tipo.  Les  Arabes  s'établirent  d'abord  à  Kasongo,  puis 
ils  fondèrent  un  autre  poste  sur  le  Congo,  à  Matéléka,  près  de  la  ville 
où  était  né  Kayembé.  En  1884  une  grande  caravane  arriva  de  Nyan- 
goué,  composée  d'un  mélange  d'Arabes,  de  Zanzibarites  et  de  gens  de 
Nyangoué  et  du  pays  d'alentour.  Dans  ce  pandémonium  n'existe  aucun 
sentiment  national,  et  il  est  impossible  d'unir  les  tribus  contre  un 
ennemi  commun.  L'homme  qui  a  été  capturé  il  y  a  un  mois  est  prêt  à 
se  joindre  à  celui  qui  l'a  réduit  en  esclavage,  à  l'imiter  et  à  faire  pis 
encore.  Quantité  d'individus  se  louent  au  mois  pour  cette  œuvre  abomi- 
nable, tout  spécialement  les  Ma-Nyéma  dont  le  cannibalisme  féroce 
ajoute  aux  horreurs  de  la  traite.  Loi-sque  ces  chasseurs  d'esclaves  arri- 
vèrent près  du  district  oii  vivait  Kayembé,  les  chefs  leur  offrirent  des 
chèvres  et  des  vivres  espérant  qu'ils  passeraient  tranquillement.  Ils 
acceptèrent  les  présents  sans  rien  donner  en  retour.  Deux  ou  trois  jours 
après,  les  gens  de  Kayembé  virent  la  fumée  de  maisons  incendiées,  et 
ci-urent  que  les  Ai'abes  en  partant  avaient  mis  le  feu  à  leur  camp.  Mais 
bientôt  ils  apprirent  que  c'était  Bena-Katoundoù  qui  était  saccagée.  Ife 
s'enfuirent  alors  vers  une  autre  ville,  distante  d'une  journée  de  marche. 
Les  Arabes  les  suivirent,  et  attaquèrent  la  ville  voisine  de  celle  où  ils 
s'étaient  réfugiés.  Trois  jours  plus  tard,  beaucoup  de  gens  de  Kayembé 
retournèrent  près  de  leur  ville,  vivant  dans  la  jungle  le  jour,  et  dor- 
mant la  nuit  dans  les  ruines  de  la  ville.  Ils  menèrent  cette  vie  misérable 
pendant  deux  mois  environ,  et  lorsqu'ils  en  furent  fatigués  ils  se  rendi- 
rent à  une  autre  ville  à  quelques  kilomètres  de  distance.  Les  habitants 
y  vivaient  dans  une  crainte  continuelle  d'une  attaque  nocturne  ;  aussi 


■> 


—  271  — 

retournèrent-ils  le  lendemain  à  Bena-Katoundou,  la  ville  incendiée.  Le 
jour  smyant  les  chasseurs  d'esclaves  j  arrivèrent  avec  des  tambours^  et 
en  dmntant.  Lorsqu'ils  approchèrent  du  père  de  Eayembé,  il  prit  sa 
lance  et  en  blessa  à  Tépaule  un  des  chasseurs  d'esclaves  ;  ceux-ci  le 
ftisillèrent  sur  le  champ,  et  lui  coupèrent  la  main  comme  trophée. 
Kayembé  s'élança  dans  la  jungle  suivi  de  plusieurs  esclavagistes  ;  un 
homme  de  Nyangoué  s'empara  de  lui  ;  il  fut  emmené  et  suivit  cette 
horde  qui  prit  d'autres  villes  dont  elle  tua  les  hommes  et  captura  im 
grand  nombre  de  femmes  ;  les  petits  enfants  de  celles-ci  leur  furent 
arrachés  et  jetés  dans  les  broussailles  pour  y  périr  misérablement.  Quel- 
ques-uns eurent  la  chance  d'être  assommés  d'un  coup  de  bâton.  De 
jeunes  enfants  que  les  Arabes  n'estimaient  pas  valoir  la  peine  d'être 
emportés  furent  chassés,  et  lorsqu'ils  essayaient  de  suivre  leurs  mèr«3 
on  les  repoussait  à  coups  de  verges.  On  ne  pouvait  point  avoir  d'ivoire  ; 
mais  les  cotonnades  d'Europe,  des  pioches,  des  chèvres,  des  moutons, 
des  poulets,  des  tambours,  des  fusils,  etc.,  formaient  le  reste  du  butin. 

«  Au  bout  de  dix  jours,  ils  emmenèrent  leurs  captifs  et  leur  butin  à 
Nyangoué.  Là  ils  montrèrent  leurs  dépouilles  à  leurs  maîtres,  qui  choi- 
sirent leur  part.  Pendant  quinze  jours,  Kayembé  et  son  ravisseur  res- 
tèrent &  Nyangoué,  puis  il  en  partit  avec  deux  cents  autres  pour  Bena- 
Kioundou.  Là  un^  Zanzibarite  et  sa  femme  chez  lesquels  logeait  son 
ravisseur,  le  prirent  en  pitié,  et  voulurent  l'acheter,  mais  Kilangalanga 
ne  voulut  pas  le  vendre,  et  bientôt  après  il  le  conduisit  aux  Stanley 
Faite,  oU  il  fut  vendu  à  un  Zanzibarite.  Atteint  de  la  dysenterie,  son 
propriétaire  se  hâta  de  se  défaire  de  lui  en  le  revendant  à  un  soldat 
haoussa,  qui  l'emmena  plus  tard  à  Léopoldville,  oti  sir  Francis  de  Win- 
ton  l'affranchit  et  le  donna  à  la  mission.  Il  apprit  la  langue  du  Congo, 
fit  quelques  progrès  dans  la  lecture,  sintéressa  aux  récits  de  l'Évangile, 
et  devint  chrétien.  Mais  sa  capture  et  la  mort  de  son  père  restent  gra- 
vés dans  sa  mémoire  ;  et  il  s'efforce  de  faire  part  à  ceux  de  sa  race  de 
la  vérité  qu'il  a  trouvée.  » 

Enréponse  à  une  question  posée  dans  la  Chambre  des  Communes, 
Sir  James  Fergusson,  sous-secrétaire  d'État  au  Foreign  Office,  a  annoncé 
que  le  Confias  de  Bruxelles  se  réunira  le  15  octobre.  Toutes  les 
puissances  qui  ont  pris  part  à  la  Conférence  africaine  de  Berlin  en  1885 
y  seront  représentées.  Le  but  de  la  réunion  sera  de  rechercher  les  moyens 
les  plus  efficaces  de  mettre  fin  à  la  traite  des  esclaves,  et  aussi  de  régle- 
menter l'importation  des  spiritueux  qui  ne  font  pas  moins  de  victimes 
que  les  chasseurs  d'hommes. 


—  272  — 

  côté  de  r  activité  des  gouv^nemeats,  les  sociétés  privées  anti-escla- 
vagistes auront  Toccasioa  d'étudier  les  mesures  qu'elles  auront  à  pren- 
dre pour  seconder  Tœuvre  diplomatique  des  puissances.  L'ajourne- 
ment du  Coni^pôs  4e  Ijoeerae»  auquel  le  Comité  suisse  avait 
délégué  M.  Ed.  Naville,  président,  et  MM.  £.  Dufresne  et  Q.  Moynier, 
vice-présidents,  n'a  point  découragé  le  cardinal  Lavigerie.  D'après 
les  journaux,  le  Cong^  aura  lieu  prochainement,  mais  dans  d'autj-es 
conditions  que  celles  qui  avaient  été  annoncées  primitivement.  L'en- 
droit et  la  date  en  seraient  fixés  à  la  majorité  des  voix  par  les  anti-esda- 
VHgfi^;e6  dont  le  nombre  aura  une  quotité  proportionnelle  à  l'importance 
de  leur  État.  Mgr.  Lavigerie  demandera  que  chacune  des  nations  euro- 
péennes qui  occupent  une  partie  de  l'Afrique  s'engage  à  la  répression 
de  l'esclavage  sur  son  propre  territoire.  Cette  répression  serait  faite 
d'abord  par  l'armée  de  chaque  État,  ensuite  par  des  auxiliaires  em- 
ployés par  les  différente  Étate.  La  première  opération  serait  de  couper 
aux  troupes  de  marchands  d'esclaves  le  passage  du  Tanganyika. 

Malgré  son  optimisme  le  cardinal  Lavigerie  ne  se  dissimule  pas  que 
son  œuvi'e  soulève  des  diflBcultés  sérieuses,  surtout  d'ordre  politique.  Les 
gouvernemente  dont  les  intérête  sont  opposés  lutteront  les  uns  contre  les 
autres.  Leurs  rivalités  risquent  de  compromettre  l'unité  de  l'entreprise  ; 
toutefois,  il  ne  doute  pas  du  succès  définitif  de  l'œuvre  anti-esclava- 
giste. En  réponse  aux  reproches  que  lui  ont  adressés  quantité  dé  jour- 
naux politiques  et  religieux,  plus  ou  moins  indifférente  au  sort  des  escla- 
ves, le  cardinal  Lavigerie  a  tenu  à  affirmer  que  le^  papisme  n'a  rien  à 
faire  dans  cette  entreprise.  «  Tous  nos  frères  peuvent  se  joindre  à  nous,  » 
a-t-il  dit,  «  nous  n'aurons  d'autre  bannière  que  celle  de  la  pitié,  et  c'est 
la  liberté  que  nous  voulons  donner  à  ces  millions  de  malheureux.  » 


L'AFRIQUE  A  PARIS  EN  1889 

Dans  une  de  ses  charmantes  Lettres  à  la  Suisse  libérale  sur  l'Exposi- 
tion de  1889,  notre  compatriote  et  ami,  M.  Henri  Jacottet,  écrivait:  «  On 
apprend  dix  fois,  cent  fois  plus,  en  voyant  de  ses  yeux  qu'en  lisant  dans 
les  livres...  Pour  instruire,  il  faut  multiplier  les  moyens  de  voir,  et  de 
voir  beaucoup.  Or,  comme  il  est  difficile  et  coûteux  de  faire  le  tour  du 
monde,  bienvenue  est  une  exposition  qui  nous  montre  le  monde  en  rac- 
courci. » 

Ne  pouvant  nous  rendre  en  Afrique,  ni  étudier  les  Africains  chez  eux. 


—  273  — 

ndm  avons  tenu,  pour  notre  instruction  et  en  vue  de  nos  abonnés,  à  voir 
rAfrique  à  Paris  e^n  1889  :  ses  produits  et  ses  populations  représentées 
par  de  nombreux  types  de  tribus  différentes,  et  à  entendre  les  explora- 
teurs revenus  récemment  du  continent  mystérieux  et  annoncés  pour 
parl(»*  au  Congrès  colonial  et  au  Congrès  des  sciences  géographiques.  U 
ne  noas  ^t  pas  possible  de  dire  ici  tout  ce  que  nous  avons  vu  et  entendu 
d'instructif,  nous  voudrions  seulement,  dans  un  ou  deux  articles,  con- 
denser en  quelques  pages  ce  qui  nous  a  frappé,  afin  d'engager  au  moins 
quelques-uns  de  nos  lecteurs  à  aller  voir  pendant  que  Toccasion  leur  eu 
est  encore  offerte,  persuadé  que  le  savoir  fourni  par  les  livres  est  tou- 
jours pauvre  à  côté  de  celui  que  donne  la  réalité. 

C'est  surtout  dans  la  partie  de  l'Exposition  groupée  à  l'Esplanade  des 
Invalides  que  nous  rencontrons  l'Afrique  et  les  Africains  ;  non  pas  qu'on 
ne  les  trouve  que  là.  Au  Champ  de  Mars,  nous  le  verrons,  se  dressent, 
dès  l'entrée,  à  droite,  le  pavillon  du  Canal  de  Suez,  et  à  l'extrémité  du 
Palais  de  l'Industrie,  également  à  droite,  le  bazar  marocain  et  la  rue  du 
Caire,  une  des  parties  de  l'Exposition  dont  la  couleur  locale  est  la  plus 
parfaite. 

Il  va  sans  dire  que,  ni  dans  l'une  ni  dans  l'autre  des  deux  parties  de 
l'Exposition,  au  Champ  de  Mars  pas  plus  qu'à  l'Esplanade  des  Invalides, 
ne  se  trouvent  représentés  le  continent  entier  ni  toutes  les  populations 
africaihes  ;  ce  que  l'on  y  rencontre,  ce  sont  surtout  les  produits  de  terri- 
toires coloniaux  ou  d'États  plus  ou  moins  voisins,  le  Maroc,  l'Egypte  ; 
toutefois. d'autres  États  éloignés,  la  république  Sud-africaine,  par  exem- 
ple, y  tiennent  une  bonne  place.  On  peut  dire,  d'une  manière  générale, 
que  les  colonies  africaines  de  l'Angleterre,  de  l'Allemagne,  du  Portugal 
et  de  l'Espagne  brillent  par  leur  absence,  ce  qui  peut  étonner,  non  pour 
l'Allemagne  qui  s'est  tenue  à  l'écart  même  du  Congrès  des  sciences 
géographiques,  mais  pour  le  Portugal  et  l'Espagne,  très  bien  représen- 
tés à  ce  dernier  comme  au  Congrès  colonial  international.  Bref,  à  part 
les  États  africains  susmentionnés,  il  n'y  a  guère  que  des  territoires  de 
colonies  françaises  qui  aient  exposé  ;  mais  comme  ceux-ci  se  trouvent  au 
nord,  à  l'ouest  et  à  l'est  du  continent,  leurs  produits  et  les  indigènes 
venus  à  Paris  sont  assez  nombreux  pour  fournir  une  instruction  utile  et 
intéressante. 

Dès  l'entrée  à  l'Esplanade  des  Invalides,  d'ailleurs,  on  embrasse  les 
deux  extrémités  du  continent,  le  premier  pavillon  que  l'œil  rencontre 
étant  celui  du  Transvaal,  et  le  second  celui  de  l'Algérie. 

La  république  Sud-africaine  qui  participe  officiellement  à  l'Exposition 


—  274  — 

a  réuni  dans  son  pavillon  les  phia  «araeténstiqneB  de  ses  produit»  :  des 
minerais  et  des  pépites  d'or  d'un  poids  considérable,  des  eéréales^  des 
herbes  médicinales  employées  contre  la  dys^terie,  des  fruits  secs, 
entre  autres  des  abricots,  des  graines  de  baobab,  des  tabacs  ;  une  collec- 
tion complète  de  sa  faune  ornithologique,  des  peaux,  des  fourrures,  des 
plumes  d'autruche,  des  laines,  des  défenses  d'éléphants  ;  une  intéressante 
collection  ethn<^rapbique  cafre  ;  mais  surtout  une  vitrine  dans  laquelle 
tous  les  mds  sont  d^sés  des  lingots  d'or  représentant  l'extraction  faite 
le  mois  précédent  dans  les  mines  du  Transvaal.  Lors  de  notre  dernière 
visite  à  ce  pavillon  la  valeur  des  lingots  exposés  était  de  trois  millions  et 
demi.  On  comprend  qu'un  service  spécial  de  garde  fût  organisé  pour 
veiller  sur  cette  exposition. 

Tout  auprès  s'élève  le  pavillon  de  l'Algérie,  joli  palais,  avec  des  cou- 
poles, des  ogives,  des  fal^ices  polychromes,  tous  les  motifs  ^armants 
de  l'art  mauresque,  et  un  minaret  copié  sur  celui  de  la  mosquée  de  Sidi 
Abd-er-Rhaman,  à  Alger,  puis  une  profusion  de  colonnades,  parmi  les^ 
quelles  on  est  assez  étonné  de  trouver  des  colonnes  à  chapiteaux  gréco- 
romains.  U  paraît  que  les  architectes  algériens  en  faisaient  venir  de 
toutes  taillées  d'Italie.  Les  palmiers  et  les  bananiers  qui  entourent  le 
palais  ajoutent  encore  à  la  couleur  locale  de  cette  partie  de  l'Exposition, 
à  laquelle  appartieenent  paiement  le  palais  et  le  souk  tunisien,  derrière 
lequel  sont  dressées  quelques  tentes  de  guerriers^  une  écurie  de  petits 
chevaux  arabes  servant  à  donner  le  spectacle  A^xmejantcisia,  et  aussi  des 
maisons  kabyles  juxtaposées  qui,  avec  leurs  murs  faits  de  torchis  et  leurs 
toits  recouverts  de  tuiles  ressemblent  beaucoup  aux  masures  de  nos  vil- 
lages, à  cette  différence  près  que  celles-ci  sont  proprement  tenues,  tandis 
que,  selon  le  proverbe  du  pays,  «  le  Kabyle  ne  songe  point  à  nettoyer  sa 
demeure  tant  que  le  champ  de  légumes  n'a  pas  besoin  d'être  fumé.  » 
Lorsque  nous  y  sommes  entré,  elles  commençaient  à  atteindre  le  degré 
de  saleté  nécessaire  pour  être  tout  à  fait  authentiques.  Dans  un  angle 
de  la  pièce  obscure  dont  l'entrée  était  permise  aux  visiteurs,  on  aperce- 
vait une  jeune  fille  —  probablement  une  sœur  aînée  —  berçant  un  bébé, 
tandis  qu'une  femme,  empaquetée  dans  son  vêtement  de  toile  blanche, 
mais  le  visage  non  voilé  —  contrairement  à  l'usage  des  Mauresques  — 
était  occupée  à  tisser  de  la  laine,  et  que  d'autres  enfants  plus  jeunes  cou- 
raient, pieds  nus,  autour  des  visiteurs,  ne  se  gênant  pas  pour  leur  tendre 
la  main.  Les  affections  de  famille  paraissent  vives  et  profondes  chez  les 
Kabyles.  L'un  d'eux,  avec  lequel  nous  nous  entretenions,  et  qui  nous 
paraissait  un  peu  mélancolique,  nous  fit  comprendre  d'où  lui  venait  son 


air  de  trifitesse.  Paru  et  rSxposition  lui  seonblaient  bien  beaux  sans 
doute,  mais  il  avait  laissé  en  Kabylie  <  uae  mère  âgée  et  deux  enfants 
qu'il  lui  tardait  beftucoup  de  revoir.  » 

Dans  le  vestibule  du  palais  de  rAlgéi*ie«  ric^em^t  décoré  à  la  mau- 
resque, une  vaste  carte  de  la  colonie  française  montre  les  parties  du  ta-- 
ritoire  dont  l'immigration  européenne  a  Aéik  pris  possession  ;  dles  sont 
teintées  en  rouge,  ea  sorte  que  d'un  regard  on  embrasse  Tétat  aotuel  de 
la  colonisation.  Puisque  nous  parlons  de  cartes,  disons  qu^un  des  méri- 
tes de  cette  exposition  algérienne,  et  aussi  des  autres,  nous  paraît  être 
de  présenter  toujoui*^  au  moins  une  carte  du  pays  d'où  proviennent  les 
objets  exposée,  en  sorte  que  les  visiteurs  peuvent  se  rendre  compte  de  la 
situation  et  de  la  configuration  du  terrain  de  ces  contrées.  Le  palais  de 
l'Algérie  est  privilégié  sçus  ce  rapport;  les  cartes  et  les  reliefs  y  abon- 
dent :  cartos  spéciales  pour  chacune  des  provinces  d'Alger,  d'Oran  et 
de  Constantine,  carte  physique,  carte  agricole,  carte  vinicole,  carte 
minière,  carte  administrative,  etc.  Pour  en  revenir  à  la  première,  sans 
doute  le  territoire  colonisé  est  encore  bien  restreint,  eu  égard  à  l'éten- 
due des  terres,  car,  sur  les  quinze  millions  d'hectares  du  Tell,  la  cul- 
ture europémne  n'en  féconde  annuellement  guëi*e  plus  d'un  million  ; 
néanmoins  le  résultat  de  la  colonisation  est  satisfaisant,  —  étant  donné 
le  temps  relativement  court  écoulé  depuis  l'achèvement  de  la  conquête 
(1857),  —  puisque,  d'après  le  dernier  recensement,  486,000  Français  ou 
Européens  sont  établis  sur  le  sol  algérien. 

En  face  de  la  carte,  sous  de  gracieuses  arcades,  sont  rangés  des 
échantillons  des  minéraux  et  des  bois  de  l'Algérie.  La  province  d'Oran 
expose  des  blocs  de  marbre-onyx,  dont  le  poli  parfait,  la  translucidité, 
les  tons  veloutés  et  puissants  sont  une  fête  pour  l'œU.  Parmi  les  riches- 
ses forestières,  le  liège  est  la  seule  dont  les  colons  aient  tiré  parti  jus- 
qu'ici. Un  habitant  de  la  province  d'Alger  a  cependant  exposé  des  olgets 
tournés  dans  des  nœuds  de  thuya  dont  les  veinures  admirables  attirent 
beaucoup  les  curieux.  Mais  jusqu'ici  ni  les  bois  de  charronnage,  ni  les 
bois  d'ébénisterie,  dont  la  collection  est  fort  intéressante,  n'ont  donné 
lieu  à  un  commerce  notable. 

Sur  le  vestibule  ouvrent  trois  portes,  dont  chacune  donne  entrée  à 
une  galerie  consacrée  à  l'exposition  particulière  de  l'un  des  trms  dépar- 
tements de  l'Algérie.  Les  murs  sont  décorés  de  peaux  de  lions  et  de  pan- 
thères, de  harnachements  arabes  brodés  d'argent,  de  tapis  indigènes. 
Mais  ce  n'^  pas  là  ce  qui  est  le  plus  intéressant.  Beaucoup  plus  impor- 
tants sont  les  spécimens  d'alfa,  de  céréales,  d'huile  d'olive,  de  tous  ces 


—  276  — 
produits  agricoles  qui,  en  in  ans,  ont  fait  monter  l'exportâtioa  algé- 
rienne de  131  millions  k  plus  de  200  millioa'^. 

Au  bout  de  chacune  des  trois  galeries,  chaque  province  a  ouvert  une' 
salle  que  tapissent  dee  rayons  chargés  de  bouteilles;  1639  exposants  y 
ont  réuni  leura  envois  ;  il  en  ressort  ce  fait  que,  depuis  dix  ans,  l'Algé- 
rie a  pris  place  parmi  les  pays  qui  produisent  le  vin  en  grand.  En  1878, 
le  vignoble  algérien  en  était  k  ses  débuts  ;  avec  ses  18,000  hectares,  il 
était  loin  de  subvenir  k  la  consommation  locale.  Aujourd'hui,  90,000  hec- 
tares de  vignes  algériennes  ont  donné,  l'année  dernière,  trois  millions 
d'hectolitres,  en  sorte  que  l'on  peut  dire  que  l'Algérie  arrivera  à  pro- 
duire en  quantité  suftisante  pour  combler  tous  les  déficits  que  le  phyl- 
loxéra fait  subir  au  continent  eui-opéen. 

N'oublions  pas  de  mentionner,  il  propos  du  palais  de  l'Algérie,  ce  que 
l'on  peut  appeler  Fexposition  saharienoe.  En  ettet,  derrière  le  palais, 
vous  remai-quez  un  appareil  à  faire  les  puits  artésiens,  dont  la  haute 
chèvre  attire  de  loin  les  regards.  Cette  charpente  en  fer  est  faite  de 
morceaux  taillés  de  façon  à  ne  pas  excéder  la  charge  d'un  chameau. 
Accolé  au  palais,  se  trouve  un  petit  pavillon  dans  lequel  la  Compagnie 
de  rOued-Kirh  a  dressé  un  tableau  pittoresque  de  ses  explorations,  et, 
dans  la  section  de  la  province  de  Constantine,  la  Société  de  Batna  et  du 
Sud  algérien  en  a  fait  autant  pour  les  siennes.  En  regardant  attentive- 
ment, vous  croiriez  passer  par  le  Tell  et  les  hauts  plateaux  de  l'Algérie 
k  travei-s  tes  sables  jusqu'à  Touggourt.  Des  photographies  vous  mon- 
trent les  terres  calcinées  et  nues  sur  lesquelles  les  palmiers  se  découpent 
comme  des  plantes  de  métal.  Le  noir  des  ombres,  pareilles  à  des  plaques 
d'encre,  vous  donne  l'idée  d'un  soleil  qui  aveugle.  Des  coupes  géologi- 
ques représentées  au  naturel  par  des  échantillons  des  terrains  vous  font 
connaître  le  sol  à  travers  lequel  les  sondages  vont  chercher  l'eau  sou- 
terraine; vous  voyez  des  échantillons  des  poissons  qui  vivent  dans  ces 
eaux,  des  échantillons  de  toutes  les  récoltes  que  ces  mêmes  eaux  font 
pousser  quand  elles  arrosent  le  sol,  des  échantillons  de  toutes  les  espè- 
ces de  dattes  et  de  toutes  les  parties  utilisables  du  palmier;  des  cartes 
et  même  un  plan  en  relief  oii  M.  Bolland,  le  jeune  ingénieur  des  mines 
qui,  par  ses  publications  et  ses  conférences,  a  particulièrement  contribué 
à  attirer  l'attention  sur  ces  curieuses  entreprises,  vous  montre  com- 
ment on  crée  une  oasis  de  toutes  pièces  sur  un  emplacement  oii  aupara- 
vant il  ne  poussait  pas  un  brin  d'herbe. 

Nous  avons  vivement  regretté  de  ne  plus  rencontrer  k  Paris  les  deux 
Touaregs  qu'y  avait  amenés  M.  E.  Masqueray,  directeur  de  l'École  des 


—  277  — 

lettres  d'Alger,  que  nous  avons  eu  grand  plaisir  à  entendre  dans  les 
deux  congrès  susmentionnés.  Nos  lecteurs  savent  ce  que  les  explorateurs 
français  au  Sahara  ont  eu  à  souffrir  de  la  part  des  Touaregs.  Après  leur 
visite  à  Paris,  les  deux  membres  de  la  Confédération  des  Taltog,  qui 
vont  en  course  pour  le  commerce  ou  la  guerre  d'Insalah  au  nord,  à 
Ghat  à  Test  et  à  Timbouctou  au  sud,  émerveillés  de  tout  ce  qu'ils  ont 
vu,  et  ravis  du  charme  par  lequel  les  Français  attirent  à  eux  les  peuples 
les  plus  lointains^  sont  retournés  à  Alger;  «  mais,  »  écrit  M.  Masqueray, 
«  ceux-là  ne  couperont  pas  la  gorge  au  premier  Européen  qu'ils  rencon- 
treront dans  le  Sahara  ;  je  puis  dire  qu'ils  nous  trouvent  autant  aima- 
bles que  sui-prenants,  si  bien  qu'ils  projettent  de  recommencer  ce  mer- 
veilleux voyage  quand  ils  auront  dit  à  leurs  familles  qu'on  peut  aller 
dans  le  pays  des  «  ogres  »  et  en  rev^r.  » 

Le  palais  tunisien,  imité  en  partie  des  édifices  de  Kairouan,  exerce 
sur  l'œil  im  charme  tout  particulier  par  ses  lignes  et  ses  couleurs,  et 
cependant  l'aspect  du  souk  ou  marché  tunisien  l'emporte.  La  grande 
galerie  voûtée,  crépie  à  la  chaux,  des  deux  côtés  de  laquelle  s'étendent 
des  loges  oU  les  marchands  tunisiens,  maures  ou  juifs,  vendent  leurs 
différents  articles  ou  travaillent  de  leurs  petits  métiers,  est  un  des  colas 
les  plus  curieux  de  l'Exposition.  Vous  trouvez  là  des  fabricants  de 
tchechiaa  à  glands  bleus  ou  noirs,  de  babouches  rouges  et  jaunes,  des 
marchands  de  parfums,  d'étoffes,  de  boites  laquées,  de  maroquinerie, 
de  toute  la  bimbeloterie  orientale.  Accroupis,  coiffés  les  uns  du  turbau, 
les  autres  simplement  de  la  tchechia,  ils  travaillent  avec  le  flegme  et  la 
tranquillité  qui  distinguent  les  races  musulmanes.  On  respire  dans  ce 
quartier  ime  étrange  odeur  composite,  faite  d'encens,  d'essence  de  roses, 
de  mille  autres  ingrédients  qu'on  ne  peut  définir,  et  qui  appartient  à 
l'Orient.  Les  nombreux  indigènes  qu'on  y  rencontre  doivent  trouver 
étrange  le  contraste  entre  le  silence  qui  caractéiise  la  vie  arabe,  même 
dans  des  villes  comme  Alger  et  Tunis,  et  la  cohue  d'Européens  bruy^te 
et  rieuse  qui  défile  sans  cesse  dans  le  bazar.  La  gravité  arabe  elle-même 
se  détend  à  ce  contact;  les  marchands  sourient  d'un  air  nonchalant,  et 
les  jeunes  Tunisiens,  en  petites  vestes  bleues  galonnées  d'or,  en  larges 
pantalons  bouffants,  courent  des  ims  aux  autres,  offrant  leurs  services, 
et  criant  leurs  boniments  dans  un  français  qui  ne  manque  pas  d'une 
certaine  correction. 

Si  l'on  veut  se  faire  une  idée  du  monde  barbaresque  sans  passer  la 
Méditerranée,  on  n'a  qu'à  se  rendre  au  souk  tunisien  dans  les  premières 
heures  de  la  matinée,  alors  que  les  visiteurs  sont  encore  peu  nombreux. 


--  278  — 

Le  bniit  de  la  foule  et  le  costume  cosmopolite  européen  u'ont  pas  encore 
éteint  la  couleur  locale  que  donnent  à  ce  quartier  soit  les  constructions, 
soit  ceux  qui  les  habitent. 

Le  café-concert  tunisien  s'ouvre  près  de  là.  C'est  une  cour  quadrangu- 
laire  à  cieL  ouvert,  entourée  d'un  petit  portique,  aux  tapisseries  et  aux 
eétomifittes  de  couleurs  criardes.  Sur  trois  Cdtés  sont  les  spectateurs 
auxquels  de  petits  Tunisiens  servent  le  café  maure.  Le  quatrième  côté 
est  occupé  par  une  estrade,  sur  laquelle  sont  assises  cinq  chanteuses 
toutes  chamarrées  d'or  et  de  paillettes,  Jouant  sur  le  tambour  de  basque 
et  la  darboukd  des  airs  d'une  extrême  monotonie.  L'une  d^entre  elles 
esquisse  une  de  ces  danses  mauresques  qui  ne  consistent  guère  qu'en  un 
lent  balancement  des  hanches,  puis  elle  tourne  et  pirouettte  avec  une 
certaine  grâce,  en  faisant  flotter  derrière  elle  deux  mouchoirs  qu'elle 
tient  alternativement  à  la  main  ou  dans  la  bouche. 

Pendant  notre  visite  à  l'Exposition,  le  bruit  se  répandit  que  des 
industriels  fabriquaient  &  Paris  toutes  sortes  d'objets  qu'ils  vendaient 
indûment  sur  place  comme  produits  de  l'Orient.  De  l'enquête  qui  fut 
faite  à  cette  occasion,  ressortit  le  fait  que  c'est  bien  à  Tunis  et  rien  qu'à 
Tunis  qu'on  fabrique  les  couvertures,  les  tapis,  les  étoffes  de  laine  ou  de 
soie,  les  broderies,  les  cuirs  travaillés,  les  poteries  en  vente  au  souk  de 
l'Esplanade  des  Invalides.  Les  objets  fabriqués  sous  les  yeux  du  public 
par  des  ouviiers  indigènes  ne  sont  pas  davantage  des  produits  de  Tin- 
dustrie  française*. 

Nous  y  avons  vu  arriver  une  délégation  scolaire  tumsi^me,  composée 
de  neuf  élèves  du  collège  Sadiki  et  de  quatre  élèves-maîtres  de  l'école 
normale  Aloui.  Elle  était  conduite  par  Si-Tahar-Ben-Salab,  directeur 
du  collège  Sadiki,  et  par  M.  Duffo,  professeur  de  français. 

*  Depuis  l'établissement  du  protectorat  de  la  France  sur  la  Tunisie,  le  Service 
forestier  a  roué  à  la  question  des  forêts  une  attention  persérérante.  La  collection 
qu'il  a  exposée  dans  un  pavillon  en  bois  de  palmier-dattier  a  pour  objet  de  mon- 
trer les  divers  produits  que  les  masstfîB  forestiers  de  ce  pays  peuvent  fournir, 
l'usage  qu'en  font  les  indigènes  tunisiens,  et  les  différents  emplois  auxquels  l'in- 
dustrie européenne  pourra  les  affecter.  £lle  comprend,  pour  chaque  essence,  des 
échantillons  destinés  À  faire  connaître  les  qualités  de  son  bois  et  des  produits 
ouvrés,  des  spécimens  de  l'industrie  indigène,  des  lièges,  des  écorces  à  tan,  des 
charbons,  des  goudrons,  des  cannes,  et  les  produits  du  palmier  et  de  l'alfa.  Des 
cartes  indiquent  la  répartition  des  forêts  sur  territoire  tunisien.  Des  notices  ren- 
dent compte  des  principaux  procédés  employés  pour  l'exploitation  des  forêts 
ainsi  que  des  prix  de  vente  et  de  revient. 


r 


—  279  — 

Avant  de  poursuivre  notre  eourse  vers  les  autres  pavillons  coloniaux, 
arr6tons-nous  un  inement  en  présence  d'une  exposition  spéciale  que  les 
indigènes  algériens  et  tunisiens  ont  tous  les  jours  sous  le»  yeux,  et  qui 
nous  paraît  devoir  être  une  de  celles  qui  parleront  le  plus  fortement  à 
leur  esprit  pour  leur  faire  comprendre  la  supériorité  de  notre  civilisation. 

En  face  des  palais  de  l'Algérie  et  de  la  Tunisie  s'élève  celui  du  Minis- 
tère de  la  guerre,  où  sont  exposés  tous  les  engins  de  destruction  qu'a 
inventés  jusqu'ici  le  génie  militaire.  Mais,  enti*e  ce  palais  et  l'avenue 
dans  laquelle  se  promènent  chaque  jour  les  indigènes  africains,  ont  été 
dressés  par  les  sociétés  françaises  de  secours  aux  blessés  sur  les  champs 
de  bataille,  les  modèles  de  tentes  et  d'ambulances,  les  plus  perfection- 
nés qu'aient  imaginés  de  son  côté  le  génie  de  la  charité.  Tout  dans  cel- 
les-ci :  aération,  linge,  mobilier,  objets  de  teilette,  cuisine,  appareils  de 
chauffage,  etc.,  a  été  préparé  et  disposé  avec  un  soin  qui  montre  com- 
bien le  dévouement  est  ingénieux  poxu*  procurer  aux  victimes  de  la 
guerre  tous  les  adoucissements  que  peuvent  réclamer  leure  souffrances. 
En  présence  de  ces  manifestations  de  la  charité,  il  nous  semble  que  les 
adhérents  de  l'islam,  qui  fait  un  devoir  à  ses  sectateurs  de  maudire  les 
chrétiens  et,  s'ils  le  peuvent,  de  les  exterminer,  doivent  se  dire  :  «  ceux 
que  nous  méprisons  comme  des  chiens,  nous  sont  de  beaucoup  supé- 
rieurs. Nous  achevons  notre  ennemi  quand  il  est  tombé  sous  nos  coups  ; 
eux,  non  seulement  ne  nous  fouleraient  pas  lorsque  nous  serions  couchés 
sur  le  champ  de  bataille,  mais  encore  ils  nous  relèveraient,  panseraient 
nos  blessures,  et  nous  soigneraient  comme  leurs  frères.  » 

U  est  permis,  croyons-nous,  d'espérer  que  si  les  Africains  venus  à 
Paris  peuvent  nous  instruire,  à  son  tour  l'Exposition  dans  son  ensemble, 
ou  telle  partie  de  celle-ci,  contribuera  fortement  à  faire  tomber  les  pré- 
jugés de  ceux  qui  jusqu'ici  se  sont  montrés  le  plus  réfractaires  à  la  civi- 
lisation européenne.  Quelle  que  soit  la  différence  qui  existe  entre  l'en- 
seignement traditionnel  qu'ils  ont  reçu,  et  celui  que  l'on  donne  à  nos 
populations,  ils  peuvent,  par  le  cœur,  saisir  ce  qu'il  serait  peut-être  très 
difficile  de  faire  entrer  dans  leur  esprit.  Ce  qu'ils  voient  de  leurs  yeux 
tous  les  jours  les  instiniira  mieux  que  beaucoup  de  leçons  ou  de  discours. 


CORRESPONDANCE 

Lettre  de  Seshéké  {MmnUZmnkhémé),  de  H*  D«  Je»niii»lret. 

Seshéké,  Zambèze,  le  28  décembre  1888. 
Itai  message  n'est  pas  un  bon  yœu  de  nouTelle  année,  mais  une  bien  triste 
nouTelle  :  notre  chère  petite  Marguerite  nous  a  été  enlevée  la  veille  de  Noèl,  ées 


—  280  — 

suites  d€  la  dentition.  Vous  sympathiserez  aTec  nous,  et  prendrez  part  à  notre 
douleur.  La  chère  enfant  avait  2  ans  3  mois  et  2  jours  et  avait  toi^ours  joui  d'une 
bonne  santé,  mais  toigours  aussi  beaucoup  souffert  de  la  dentition.  C'est  au 
moment  où  elle  paraissait  avoir  passé  cette  pénible  période  qu'elle  a  été  enlevée  à 
notre  affection.  Nous  n'avons  aucun  droit  de  murmurer,  car  ce  trésor  nous  avait 
été  seulement  prêté,  mais  nos  cœurs  sont  bien  tristes  et  notre  maison  bien  vide. 
Le  petit  bébé  nouveau  venu  n'a  encore  que  trois  mois.  Dieu  veuille  nous  le  con- 
server et  nous  venir  en  aide  !  J'ai  une  autre  mort  à  vous  annoncer  ;  M.  Georges 
Westbeech,  qui  a  recueilli  le  dernier  soupir  de  M.  Dardier  et  lui  a  témoigné  tant 
de  bonté,  est  mort  au  Transvaal  dans  un  voyage  entrepris  pour  raffermir  sa  s«mté 
très  compromise.  Nous  ne  savons  s'il  aura  un  successeur. 

Après  avoir  échappé  à  la  mort  chez  les  Ma-Choukouloumbé  et  vu  son  bateau 
sombrer  à  son  retour  de  la  Vallée,  M.  F.-C.  Seloos  a  encore  eu  le  malheur  de 
perdre  ses  bœufs  de  la  tsétsé  qui  a  beaucoup  augmenté  entre  Kazoungoula  et 
Leshoma.  Après  les  morts  successives  de  Bloëkley,  d'Africa  et  de  M.  Westbeech, 
la  rive  droite  du  Zambèze  est  devenue  presque  déserte;  le  gibier  reparait  et  avec 
lui  la  tsétsé.  Le  fait  est  d'autant  plus  grave  pour  nous  que  la  mouche  peut 
dépasser  Leshoma  du  côté  de  Panda*ma-Tenka. 

M.  Selous  a  dû  rétrograder  à  trois  jours  de  Panda-ma-Tenka  et  laisser  là  tout 
son  ivoire.  Il  devait  essayer  de  gagner  Mangwato  (Shoshong)  avec  le.  cart  West- 
beech et  huit  bœufs. 

Ici,  à  Seshéké,  nous  avons  enfin  fondé  une  école  qui  est  bien  établie  et  compte 
une  vingtaine  d'élèves.  Il  y  a  de  la  bonne  volonté,  surtout  chez  Eaboukou,  auquel 
son  dernier  voyage  à  la  Vallée  a  fait  grand  bien.  Ce  sont  des  temps  nouveaux 
pour  nous,  un  grand  progrès  réalisé.  Les  chefs  paraissent  bien  disposés  à  notre 
égard  et  plus  désireux  que  par  le  passé  de  nous  rendre  justice.  Le  vrai  meneur 
est  Kouloukoa,  sa  présence  change  bien  l'aspect  du  village,  sans  lui  toute  la 
vieille  routine  du  laisser-aller  reprendrait  le  dessus.  Mes  services  sont  ûréquentés 
tout  aussi  bien  l'après-midi  que  le  matin,  et  le  chef  interdit  tout  voyage  le  diman- 
che. A  la  campagne,  nous  allons  aussi  évangéliser  le  dimanche  à  tour  de  rôle; 
pendant  la  semaine,  l'école  absorbe  presque  tout  notre  temps,  le  matin  et  l'après- 
midi,  à  part  le  samedi. 

Dans  des  circonstances  aussi  encourageantes,  il  est  pénible  de  voir  nos  évan- 
gélistes  nous  quitter  tout  à  fait. 

30  décembre.  Je  clos  ma  lettre  aujourd'hui,  car  mes  amis  pensent  partir  demain. 
M.  Goy  et  les  Arone  sont  arrivés  hier  au  soirj  le  premier  a  l'air  peu  bien.  Il  se 
propose  d'aller  chercher  sa  fiancée  au  Le-Souto.  Nous  sentirons  vivement  l'absence 
de  nos  évangélistes  et  pour  l'œuvre  et  pour  nous-mêmes.  Agréez  nos  meilleurs 
vœux  pour  la  nouvelle  année  et  nos  bien  affectueuses  salutations. 

D.  Jeanmairkt. 

1"  avril  1889. 
Nos  lettres  n'ont  pu  partir  en  décembre  dernier,  la  plaine  d'ici  à  Mambova 
étant  submergée. 


—  281  — 

Je  TOUS  envoie  encore  âeox  mots  aujourd'liui  poor  compléter  ooa  n 

Tous  b  Seahéké  noua  allOQB  bieo,  à  part  ms  femme  qui  a  été  t 
depuis  notre  gr&nde  épreure. 

  Im  Vallée,  M.  Coillard  a  fait  une  très  grave  maladie  en  janvier  d 
les  dernières  oonvellea  arrivées  hier  étaient  beaucoup  meilleures. 
Refoula  prend  un  accroissement  réjouissant;  elle  compte  96  élèves  it 
de  SesliËkÉ  n'a  encore  que  30  élèves  mais  se  maintient.  Quant  à  la  fi 
des  caltes  d'ici,  jamais  elle  u'a  été  aussi  satisfaisante,  l'œuvre  d'évan 
poursuit  chaque  dimanche. 

Dès  qu'il  le  pourra,  H.  Qoj  prendra  le  chemin  de  Mangwato  avei 
LeG  suivra  par  le  retour  des  wagons  que  nous  attendons  pour  nos  bs 

Nous  resterons  ainsi  trois  familles  seulement  et  it  nous  tarde  '- 
savoir  si  nous  aurons  du  renfort.  Dans  ce  dernier  cas,  M.  Jalla  ou  mo 
sans  doute  fonder  une  nouvelle  station  ft  la  Vallée,  pas  trop  distant* 
Le  nouvel  arrivé  resterait  ici.  Nous  devrions  au  moins  avoir  trois  no^ 
pagnons  de  travail  pour  suffire  ans  besoins  les  plus  urgents  ;  car  une 
pose  aussi  i  nous  à  Mambova.  Les  dispositions  des  indigènes  sont  plu 
que  par  le  passé. 

Un  grand  ennui  pour  moi  est  que  j'aurai  à  reconstruire  ma  static 
de  nos  constructions  ayant  été  rongée  par  les  termites  et  d'autres  ini 

Nos  amis  Jalla  et  Go;  se  mettent  à  l'heure  même  en  route  poQ 
Victoria  et  prennent  nos  lettres.  Notre  bébé  prospère,  grftce  h  Dieu, 
de  guerre  à  l'intérieur  ni  à  l'extérieur.  D.  Jummaii 


Leltpe  de  LoFcnao-IlArqiio,  de  M.  P.  BertlioB 

Lorenzo -M arquez,  II  ju 
Voilà  des  aemunes  que  nous  avons  quitté  la  maison  (Rikatla),  et 
ne  possédons  pas  encore  de  demeure  fixe  à  Lorenzo-Marquez,  nos  eS 
tés  en  arrière.  Orftce  au  constant  va-et-vient  que  m'a  imposé  ma  vc 
devons  fréquemment  vivre  au  bivouac,  et  les  aises  ou  ie  bonheur  de 
taire  ne  sont  pas  notre  partage.  Cet  état  de  choses  m'a  empêché  de 
vaux  de  linguistique  ou  autres  que  j'avais  pngetés;  tout  ce  que  j'ai 
Afrique,  c'est  de  recueillir  des  matériaux. 

Nous  sommes  dans  la  saison  la  moins  malsaine,  aussi  les  roulîers  sot 
dus  des  plateaux  des  mines  d'or,  avec  leurs  chariots  à  bœufs,  et  le 
commercial  a  un  peu  repris.  De  plus,  on  a  commencé  les  travaux  de 
du  chemin  de  fer,  pour  achever  les  7  kilomètres  qui  restaient  à 
territoire  portugais.  C'est  la  Compagnie  anglaise  qui  s'est  mise  à  ce 
elle  s'j  est  prise  trop  tard,  car  le  dernier  délai  que  lui  avait  accord 
nement  expirait  &  la  fin  de  juin.  En  conséquence,  le  gouvernement  a  i 
parce  que,  d'après  le  contrat,  la  Compagnie  n'a  pas  tenu  ses  enga 


—  282  — 

samedi  29  juin,  une  compagnie  de  soldats  de  la  garnison  a  occupé  la  gare.  Les 
employés  de  l'administration  ont  cru  deroir  résister,  en  sorte  que  l'un  d'eux  a  été 
menacé  du  retolyer  par  le  capitaine,  et  qu'un  autre  a  été  mis  en  prison.  Le 
directeur  anglais  ne  s'est  pas  montré,  mais  il  a  couru  au  télégraphe,  et  comme  il 
remplissait  les  fonctions  de  consul  britannique,  il  a  demandé  deux  ou  trois  rais- 
seaux  de  guerre,  qui  sont  arriyés  du  Cap  cinq  jours  après.  C'était  une  absurdité, 
qui  a  tout  de  suite  amené  sa  destitution  et  qui  le  courre  de  ridicule.  Deux  navires 
de  guerre  portugais  sont  aussi  Tenus  stationner  dans  le  port  Le  service  de  la 
ligne  a  été  interrompu  trois  ou  quatre  jours.  Dès  lors  on  a  amené  une  troupe 
d'employés  portugais;  tandis  que  la  plupart  des  employés  anglais  s'embarqueront 
pour  Natal  par  le  prochain  bateau.  Après  un  peu  d'agitation  tout  est  rentré  dans 
le  calme,  et  dans  six  mois  la  ligne  devra  être  vendue  juridiquement  aux  enchères. 

On  m'a  dit  que  Goungonnyane  pense  à  changer  de  résidence  et  à  venir  s'établir 
sur  les  bords  du  Limpopo  inférieur.  —  J'apprends  aussi  qu'une  forte  compagnie 
minière  a  commencé  à  ouvrir  une  route  qui,  joignant  notre  voie  ferrée  à  l'ouest 
du  Lébombo,  suivra  dans  la  direction  du  nord  le  pied  du  Drakensberg,  passera 
l'Olifant,  et  ira  desservir  les  mines  d'or  de  Murtkison  Bange,  au  N.-E.  du  Trans- 
vaal,  c'est-à-dire  tout  près  de  nos  stations  missionnaires.  Cette  Compagnie  y  trou- 
vera certainement  son  bénéfice,  car  cette  route  directe  lui  permettra  de  ftâre  une 
économie  de  50  ou  60  %  sur  les  lourds  transports. 

Nous  venons  de  recevoir  un  précieux  renfort  pour  notre  mission  :  nous  voici 
maintenant  au  nombre  de  sept  dans  ce  district,  depuis  l'arrivée  de  M.  et  M"**  Junod 
et  de  M""  C.  Jacot,  de  Neuchfttel  ;  tous  les  sept,  nous  sommes  de  la  Suisse  romande. 

P.  Berthoud. 


BIBLIOGRAPHIE 


Jules  Eouquette.  Colonisation  a  travers  les  principaux  peuples 
ANCIENS  ET  MODERNES.  Paris  (Charles  Bayle),  1889,  in-18,  321  p., 
fr.  3,50.  —  Cette  étude  n'a  pas  l'ampleur  du  grand  ouvrage  de  Leroy- 
Beaulieu  :  «  De  la  colonisation  chez  les  peuples  modernes,  »  ni  de  plu- 
sieurs publications  analogues.  D'autre  part,  elle  dénote  chez  l'auteur  un 
parti-pris  trop  exclusif  contre  tout  ce  qui  ne  vient  pas  de  la  France,  et, 
en  particulier,  contre  ce  qui  est  anglais  ou  allemand.  Beaucoup  de  sigets 
sont  traités  dans  ce  livre,  mais  ils  ne  se  suivent  peut-être  pas  dans  un 
ordre  méthodique  et,  parmi  les  notes  qui  terminent  le  volume,  il  en  est 
une  sur  «  l'utilité  et  la  nécessité  de  divers  partis  politiques  dans  l'évo- 
lution de  la  République,  »  qui  aurait  bien  pu  être  exclue  d'un  ouvrage 
sur  la  Colonisation. 

*  On  peut  se  procurer  à  la  lihrairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  Bàle,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  283  — 

La  question  de  la  colonisation  eu  général,  de  8on  utiUté  et  de  ses 
conséquences,  est  traitée  dans  plusieurs  chapitres,  mais  sans  qu'il  soit 
émis  sur  ces  sujets,  déjà  si  souvent  étudiés,  une  théorie  ou  un  point  de 
vue  absolument  nouveau.  Les  pages  consacrées  à  Tacclimatement,  aux 
maladies  résultant  de  Timpaludisme  et  aux  préceptes  d'hygiène  que 
doit  suivre  le  colon  des  pays  tropicaux,  présentent  beaucoup  plus  d'in- 
térêt; ces  questions  sont  sérieusement  et  assez  longuement  étudiées, 
l'auteur  étant  lui-même  médecin.  Mais  la  place  principale  est,  comme 
on  doit  le  penser,  accordée  à  la  France  et  à  ses  colonies;  il  est  entre 
autres  beaucoup  parlé  de  l'Algérie,  que  l'auteur  habite  depuis  plusieurs 
années  et  dont  il  est  enthousiaste,  sans  toutefois  être  de  l'avis  que  tout 
y  va  pour  le  mieux.  Il  croit  qu'il  y  aurait  des  réformes  à  opérer,  parti- 
culièrement dans  l'administration,  qui  devrait  tendre  à  la  simplification 
par  la  suppression  du  Conseil  supérieur  et  du  gouverneur,  et  par  l'éta- 
blissement d'une  large  décentralisation.  Le  rattachement  plus  étroit  à 
la  métropole,  Tassimilation  à  la  France,  tel  est  selon  lui,  un  des  buts  à 
atteindre.  Quant  à  la  naturalisation  des  indigènes,  il  est  d'avis  d'en 
exclure  les  Arabes  et  les  Berbères  trop  arabisés,  mais  de  l'admettre 
pour  les  Kabyles  qui  la  demanderont,  à  condition  qu'ils  sachent  lire  et 
écrire  le  français.  A  ceux  qui  le  trouvent  trop  sévère  pour  les  Arabes,  il 
répond  en  invoquant  la  raison  d'État.  L'État  doit  pouvQir  se  défendre; 
il  n'est  pas  nécessaire  qu'il  soit  généreux  et  charitable,  il  suflBt  qu'il  soit 
juste.  D'après  cette  théorie,  l'État  est  évidemment  juge  de  sa  propre 
justice.  En  cela  M.  Rouquette  traduit  l'opinion  des  résidents  européens 
en  Algérie,  qui  ont  une  tendance  trop  marquée  à  considérer  ce  pays 
comme  une  propriété  à  exploiter.  En  somme,  le  livre  de  M.  Rouquette 
est  intéressant  à  lire,  bien  qu'il  renferme  une  forte  dose  de  compilation, 
et  que  l'esprit  qui  l'anime  incline  trop  vers  un  chauvinisme  outré. 

William  Lawscn-Kingon.  The  Gebmaks  in  Damaraland.  Cape-Town 
(Townshend  and  Son),  1889,  in-8%  31  p.  —  On  sait  que  le  Damaraland 
est  depuis  plusieurs  mois  le  théâtre  d'une  lutte  d'iniluence  entre  l'Alle- 
magne et  un  groupe  d'Anglais  représentés  par  M.  Lewis.  Le  chancelier 
allemand  ayant  déclaré  en  séance  du  Reichstag  qu'il  avait  l'espérance 
que  le  gouvernement  anglais  soutiendrait  les  Allemands  contre  la  rapa- 
cité de  M.  Le^is,  et  qu'en  tout  cas,  l'Allemagne  maintenait  ses  droits, 
les  intéressés  anglais  répondent  par  la  brochure  dont  le  titre  se  trouve 
ci-dessus.  Elle  renferme  la  copie  des  principales  pièces  du  dossier  de 
l'affaire,  c'est-à-dire  le  texte  des  concessions  des  mines,  des  résolutions 


—  284  — 

arrêtées  dans  les  assemblées  d'indigènes,  des  traités  passés  avec  le  chef 
du  pays.  A  ne  lire  que  cet  ensemble  de  documents,  U  semblerait  que  les 
droits  de  M.  Lewis  reposent  sur  des  faits  indiscutables;  toutefois,  il  est 
clair  que  l'Allemagne  ne  manque  pas  de  raisons  pour  soutenir  ses  pré- 
tentions. Pour  pouvoir  se  décider  en  connaissance  de  cause,  il  faudrait 
avoir  sous  les  yeux  les  arguments  invoqués  par  les  deux  parties.  Atidia- 
iur  et  aUera  pars, 

H.  Droogmam,  Notice  sur  l'État  indépendant  du  Congo.  Bruxelles 
(van  Campenhout  frères  et  sœur),  1889,  in-8^,  40  p.  et  carte.  —  Il  y  a 
des  ouvrages  volumineux  qui  sont  incomplets  parce  qu'ils  négligent  cer- 
tains côtés  d'une  question  et  s'étendent  trop  sur  d'autres,  tandis  que  de 
simples  brochures  sur  le  même  sujet  peuvent  être  regardées  comme 
complètes  lorsqu'elles  disent  tout  l'essentiel,  La  monographie  de 
M.  Droogmans  sur  l'État  indépendant  du  Congo  rentre  dans  cette  der- 
nière catégorie.  Aucune  question  importante  se  rattachant  au  nouvel 
État  n'est  laissée  de  côté.  L'auteur  traite  successivement  le  côté  histo- 
rique, c'est-àrdire  la  formation  de  l'État  indépendant  et  l'importante 
phase  diplomatique  marquée  par  la  Conférence  de  Berlin  ;  puis  la  géo- 
graphie physique  du  pays,  sou  commerce,  son  organisation  politique, 
judiciaire  et  administi-ative,  le  système  monétaire  et  la  dette  publique. 
Le  style  est  concis  et  clair  ;  l'auteur  se  borne  à  un  exposé  objectif,  à  une 
description  de  ce  qui  existe  sans  l'accompagner  de  commentaires.  Le 
lecteur  qui  ne  veut  pas  faire  de  l'État  du  Congo  une  étude  approfondie 
mais  désire  simplement  être  au  courant,  trouvera  là  en  quelques  pages 
tous  les  renseignements  essentiels  qu'il  peut  désirer  et  une  bonne  carte 
de  l'État,  faite  par  M.  Wauters  et  datée  de  février  1889. 

Hermann  Wissmann.  Unter  deutscheb  Flagge  quer  durch  Afrika 
VON  West  nach  Ost.  Berlin  (Walther  und  Apolant),  1889,  gr.  iu-8% 
444  p.,  ill.  et  cartes,  m.  12.  —  Le  commissaire  impérial  allemand,  Her- 
mann Wissmann,  qui  guerroie  en  ce  moment-ci  sur  la  côte  de  Zanzi- 
bar, a  rédigé,  avant  de  partir  pour  cette  expédition,  le  récit  de  sa  pre- 
mière traversée  de  l'Afrique  de  l'ouest  à  l'est,  la  première  qui  ait  été 
faite  par  un  voyageur  allemand;  la  premièi*e  aussi  qui  ait  été  accomplie 
dans  ce  sens  sous  les  latitudes  équatoriales. 

On  sait  que  cette  exploration  qui  fut  exécutée  de  1880  à  1883,  a  été 
commencée  en  compagnie  d'un  explorateur  émérite  le  D'  Pogge.  Partis 
de  Saint-Paul  de  Loanda,  les  voyageurs  cheminèrent  d'abord  vers  l'est 


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—  285—  [''-ÎM^ 


vu 


par  Malangé  jusqu'à  Kimboundou.  De  là,  ils  se  dirigèrent  vers  le  nord  î  f,^ 

parallèlement  au  Tçhikapa.  A  partir  de  Kilcassa  sur  le  Cassaï,  ils  repri-  ï^^É 

rent  la  direction  de  l'est,  s'arrêtèrent  à  LfOuboukou,  traversèrent  le       ;       'vn^ 
Loubilache  et  le  Lomami  et  arrivèrent  à  Nyangoué  sur  le  Loualaba.  En  j?v,>!f 

ce  point,  ils  se  séparèrent  ;  Pogge  revint  vers  l'ouest,  tandis  que  Wiss-  f  0 

mann  ^îontinuait  sa  route  vers  l'est,  traversait  le  Tanganyika,  passait  à  -^^f^ 

Oucyiji,  à  Tabora,  à  Mpouapoua  et  arrivait  à  la  côte  orientale.  .    ^^ 

Comme  l'ouvrage  rend,  compte  de  l'ensemble  de  l'expédition,  il  se  Vi 

divise  naturellement  en  deux  parties  :  dans  la  première  est  relatée  la 
traversée  complète  de  l'Afrique,  de  Saint-Paul  de  Loanda  à  Saadaui  ;  -^ 

elle  comprend  donc  le  voyage  de  Wissmann  et  Pogge  de  Loanda  à  Nyan-  *      -^ 

goué,  et  celui  de  Wissmann  seul  de  Nyangoué  à  Saadani.  La  seconde  est  '^^ 

consacrée  au  récit  du  retour  de  Pogge,  de  Nyangoué  à  Louboukou,  à 
son  séjour  dans  cette  dernière  localité  et  à  son  voyage  de  Louboukou  à 
Loanda.  C'est  là  que  le  voyageur  allemand  s'éteignit  le  17  mars  1884. 
Cette  seconde  partie  a  été  rédigée  d'après  son  rapport  à  la  Société  afri-  Y -^ 

caine  allemande  et  d'après  ses  notes. 

Bien  que  se  rapportant  à  un  voyage  accompli  depuis  plusieurs  années. 


y^ 


l.  ^    ~ 


■  ■■.-■Pi 


ce  double  récit  vaut  certainement  la  peine  d'être  lu.  Les  descriptions  ^i 

qu'il  renferme  sont  encore  vraies  aujourd'hui,  et  plusieurs  parties  de  la 
région  parcourue  n'ont  pas  été  traversées  depuis  1883.  D'ailleurs  l'ou- 
vrage plaît  par  les  nombreuses  anecdotes  qu'il  contient  et  par  l'allure 
vive  et  enjouée  du  récit,  ce  qui  n'enlève  rien  à  son  cachet  scientifique. 
Il  renferme  d'excellentes  illustrations  de  la  main  du  peintre  Hellgrewe, 
et  deux  cartes  de  Richard  Kiepert.  Dans  un  appendice  se  trouvent  le 
résumé  des  observations  météorologiques  et  astronomiques  et  des  direc- 
tions pratiques  sur  les  voyages  et  le  séjour  dans  l'Afrique  équatoriale. 

GuiNÉ  PORTUGUEZA.  ÉchoUe  Vsoo  000-  Commissaô  de  Cartogratia.  1889. 
—  La  publication  des  cartes  des  possessions  portugaises  en  Afrique  se 
continue  par  les  soins  de  la  commission  de  cartographie.  Celle  que  nous 
avons  sous  les  yeux  représente,  à  une  échelle  fort  grande  pour  l'Afrique» 
ce  qu'on  est  convenu  d'appeler  la  Guinée  portugaise.  Le  territoire  dont 
il  s'agit,  situé  au  sud  de  la  Sénégambie,  se  compose  du  bassin  du  Rio 
Grande  et  des  cours  d'eau  voisins  ainsi  que  des  îles  Bissagos.  Cette 
colonie  n'a,  à  la  vérité,  qu'une  très  faible  importance,  car  les  statisti- 
ques les  plus  récentes  ne  lui  attribuent  pas  6000  habitants  ;  toutefois  les 
Portugais  ont  tenu  à  conserver  ce  pied-à-terre  sur  le  continent  africain, 
au  milieu  des  Anglais  et  des  Français  rivaux.  La  carte  est  claire  et  facile 


:i 


—  286  — 

à  lire;  les  montagnes  y  sont  marquées  en  brun.  Pour  plusieurs  parties,  il 
y  aura  lieu  de  procéder  à  de  nouvelles  études,  car  il  existe  bien  des  cours 
de  rivières  et  des  lignes  de  côtes,  particulièrement  dans  les  îles  Bissagos, 
qui  ne  sont  indiquées  qu'en  pointillé. 

Edouard  Dalles.  Algeb,  Bou-Farik,  Blidah  et  leurs  SKvmoNS. 
Guide  géographique,  historique  et  pittoresque.  Alger  (Adolphe  Jourdan), 
1888,  in-8*»,  2'^  édition,  248  p.,  carte  et  plan.  —  Ce  petit  volume  d'un 
format  commode  en  est  à  sa  seconde  édition  qui  a  été  complétée  par 
l'auteur  lui-même.  Il  convient  aux  touristes  qui  ne  veulent  pas  seule- 
ment se  rendre  compte  de  l'état  actuel  de  la  contrée,  mais  désirent 
l'étudier  d'une  manière  complète  et  en  connaître  le  passé.  Sans  négliger 
aucun  trait  caractéristique  de  l'Alger  d'aigourd'hui,  M.  Dalles  a  cher- 
ché à  faire  revivre  l'Alger  d'autrefois  et  à  initier  le  lecteur  à  l'histoire 
des  Berbères,  des  Arabes  et  des  Turcs,  à  leurs  mœurs  et  à  leur  état 
social.  Pour  cela,  il  a  utilisé  les  résultats  de  ses  promenades  et  de  ses 
recherches  personnelles,  et,  en  outre,  a  emprunté  des  citations  à  de 
nombreux  écrivains  de  toutes  les  époques,  surtout  à  ceux  qui  ont  vu  de 
leurs  yeux  les  choses  dont  ils  parlent.  Les  environs  d'Alger  jusqu'à  Sidi 
Ferruch,  Bou-Farik,  Blidah  et  les  gorges  de  la  Chiffa  sont  décrits  sous 
forme  de  promenades  que  le  touriste  pourra  modifier  à  son  gré.  Une 
carte  et  un  plan  en  noir  accompagnent  l'ouvrage. 

Mario  Vivarez.  L'Alpa,  étude  industrielle  et  botanique.  Paris 
(A.  Barbier),  1886,  in-4**,  135  p.  et  pi.  —  Ce  mémoire  a  été  rédigé  en 
vue  du  concours  institué  en  vertu  d'un  arrêté  du  gouverneur  général  de 
l'Algérie  et  ayant  pour  objet  l'exploitation  de  l'alfa.  Son  auteur, 
M.  Mario  Vivarez,  en  sa  qualité  d'ingénieur  civil  aux  études  des  chemins 
de  fer  d'Alger  à  Laghouat,  a  eu  l'occasion  d'explorer  les  hauts  plateaux 
algériens  et  d'étudier  sur  place  les  conditions  d'existence  et  d'exploita- 
tion de  l'alfa.  La  monographie  qu'il  publie,  substantielle  et  d'un  grand 
intérêt  pratique,  traite  tous  les  sujets  se  rattachant  à  l'exploitation  de 
cette  plante  industrielle  :  végétation,  terrain  favorable,  modes  d'exploi- 
tation, manipulation  et  emploi  dans  l'industrie,  procédés  pour  empêcher 
le  dépérissement  des  champs  d'alfa  et  pour  reconstituer  des  terrains 
épuisés,  enfin  réglementation  administrative.  Des  statistique  claires  et 
poui*suivies  jusqu'à  une  époque  récente  indiquent  la  production  de  l'alfa 
dans  les  différents  pays,  le  rendement  des  exploitations,  l'exportation 
des  divers  ports.  Les  procédés  employés  pour  transformer  l'alfa  eu 


—  287  — 
produits  iudustriels  sont  espliqaés  toat  au  long  avec  dé 
chines  et  planches  k  l'appui.  Actuellement,  les  pays  pn 
sont  :  la  Cyréualque,  la  Tripolitaine,  la  Tunise,  l'Algéi 
De  tous  c'est  l'Algérie  qui  donne  le  plus  ;  eu  1884,  l'e 
dernier  paya  en  aUa  a  atteint  100,000  tonnes  environ  \ 
Uons  de  francs.  La  plus  grande  partie  de  cet  alfa  va  ei 
se  trouvent  les  usines  qui  le  convertissent  ea  pâte  à  ] 
demande  que  dea  u«nes  s'établissent  en  Algérie  et  que  i 
cette  plaate  si  précieuse  soit  traitée  sur  place,  ce  qui  doi 
rie  une  vigoureuse  impulsion  industrielle. 

Léon  Oitiral.  ha  Cosao  fbuiçais.  Du  Gabon  à  Brazi 
Pion,  Nourrit  et  C'*),  1889,  io-18,  322  p.,  ill.  et  carte,  fi 
de  ce  livre  est  une  des  trop  nombreuses  victimes  du  cli: 
équatoriale.  Animé  d'une  véritable  passion  pour  l'hist 
fit  partie,  de  1880  à  1883,  d'une  expédition  chaînée  i 
postes  que  M.  de  Brazza  avait  établis  dans  le  bassin  di 
revint  terrassé  par  la  tièvre.  Toutefois  l'air  du  pays  nai 
plètement  ;  en  1884,  il  retourna  au  GabOK  et  il  explora 
Benito.  Mais  il  avait  trop  compté  sur  ses  forces.  La  te 
reprit  et  cette  fois  il  fut  vaincu.  Il  mourut  en  1885  sui 
caiue  à  laquelle,  comme  tant  d'autres,  il  aurait  voulu  ar 
uns  de  ses  secrets. 

C'est  au  récit  de  son  premier  voyage  qu'est  consac 
nous  annonçons.  U  a  été  écrit  d'après  les  notes  de  l'e; 
correspondances  par  des  amis  respectueux  de  sa  mém< 
d'Herculals  y  a  particulièrement  collaboré.  On  ne  trou 
livre  le  récit  de  découvertes  importantes,  car  la  régie 
M.  Guiral  est  une  des  plus  explorées  puisque  c'est  cellt 
les  postes  français.  Toutefois  s'il  en  est  de  moins  co 
peu  de  plus  intéressantes  ;  chacun  prendra  plaisir  à  lii 
de  ce  beau  pays  de  l'Ogôoué,  si  riche  mais  encore  si  peu 
connaissance  avec  les  indigènes,  en  particulier  avec  les 
M.  Guiral  nous  décrit  tout  au  long  les  mœurs  et  les  cou 
est  simple  ;  on  sent  que  la  roaiu  qui  a  écrit  ce  journal  de' 
d'un  jeune  homme.  Toutefois  cette  simplicité  plaît,  cai 
narration  un  cachet  de  vérité,  que  n'ont  pas,  malheurei 
récits  de  voyagei  récents. 


—  288  — 

Le  général  Faidherbe.  Le  SéKâoAi..  La  France  dans  l^â^rk^ue  ooci- 
DENTALB.  Paris  (Hachette  et  C**),  1889,  grand  iii-8*,  501  p.,  ill.  et  cartes, 
fr.  10.  Nos  lecteurs  savent  que  c*est  le  général  Faidherbe  qui  a  fait  du 
Sén^al  une  des  grandes  colonies  françaises.  Dès  lors  il  n'a  pas  cessé  de 
suivre  d'un  œil  attentif  la  marche  et  les  progrès  de  l'œuvre  à  laquelle 
il  avait  donné  l'impulsion,  et  qu'il  s'est  efforcé  de  faire  connaître  et  aimer 
par  de  nombreux  mémoires,  publiés  dans  les  revues  des  sociétés  de  géo- 
graphie ou  autres.  U  n'avait  qu'à  les  fondre  ensemble,  à  les  relier  dans 
un  récit  suivi  et  à  les  mettre  au  point  pour  produire  le  grand  ouvrage 
que  nous  avons  sous  les  yeux. 

Dans  une  première  partie,  consacrée  à  la  période  des  origines,  jusqu'à 
l'abolition  de  l'esclavage  en  1848,  le  général  Faidherbe  a  reproduit  de 
nombreux  épisodes  empruntés  aux  publications  du  père  Labat,  du  cheva- 
lier de  Boufflers,  de  l'abbé  Boilat,  de  Raffenel,  etc.  La  seconde  partie, 
la  plus  développée,  renferme  le  récit  continu  des  événements  qui  se  sont 
accomplis  au  Sénégal  et  au  Soudan  français  de  1848  à  1889,  et  sur- 
tout des  opérations  de  guerre,  des  accroissements  territoriaux  et  des 
travaux  publics  qui  les  ont  secondés. 

Dans  un  moment  où  le  Sénégal  et  ses  dépendances  soudaniennes  sont 
l'objet,  de  la  part  d'un  certain  parti,  de  crjtiques  vives,  presque  acerbes, 
qui  trouvent  de  l'écho,  l'ouvrage  du  général  Faidherbe  arrive  fort  à 
propos  pour  rappeler  que,  dans  aucune  des  colonies,  les  soldats  de  la 
France  n'ont  déployé  des  qualités  plus  solides  :  énergie,  dévouement, 
initiative,  science,  et  qu'avec  d'aussi  faibles  moyens,  on  n'a  obtenu  nulle 
part  d'aussi  grands  résultats.  Il  permet  de  constater  que  l'expression  de 
Soudan  français,  appliquée  depuis  quelques  années  au  prolongement  des 
territoires  français  du  Sénégal  vers  l'est,  n'est  pas  une  formule  ambi- 
tieuse, mais  la  simple  expression  d'un  fait  réel.  U  a  donc  sa  place  mar- 
quée dans  l'ensemble  des  nombreuses  publications  qui  s'appliquent  à 
faire  la  lumière  sur  le  Sénégal  et  ses  dépendances,  et  qui  permettent 
soit  d'y  suivre  jour  après  jour  le  progrès  de  l'action  française,  soit  de  la 
comparer  avec  l'œuvre  accomplie  dans  les  autres  colonies,  à  la  Guyane 
ou  en  Océanie,  à  la  Réunion  ou  à  la  Guadeloupe,  enfin  au  Gabon  ou  au 
Congo  français. 


BULLETIN  MENSUEL  (7  oc(i>bre  1889'}. 
Dans  un  rapport  sur  le  commerce  d'Alexandrie  en  1688,  M 
inore,*vice-con9ul  anglais,  anuonce  que  la  dépression  commercial 
pesé  sur  l'Egypte  paraît  $tre  arrivée  h  son  terme.  La  sécurité  ret 
se  manifeste  par  le  fait  que  les  capitalistes  sont  plus  disposés  h 
leur  aident  pour  des  travaux  d'utilité  publique.  De  nouvelles  ( 
gnies  se  sont  formées;  il  est  question  de  pourvoir  la  ville  de  l'écl 
électrique,  d'établir  des  lignes  de  tramways,  d'améliorer  la  navi 
du  Nil,  de  manière  à  faciliter  le  transport  des  produits  des  terr 
sines  du  fleuve.  Le  projet  le  plus  important  est  relatif  à  l'entrée  d 
d'Alexandrie;  elle  serait  élat^e  suffisamment  pour  permettre  au: 
res  de  le  traverser  sans  danger  pendant  la  nuit  ;  de  jour,  par  un 
favorable,  deux  vaisseaux  pourraient  y  passer  sans  que  l'un  eût  à 
dre  que  son  tour  fût  venu.  Les  travaux  du  département  d'irrigatic 
en  progrès  ;  la  superficie  rendue  cultivable  a  été  augmentée  auta 
les  fonds  l'ont  permis.  Dans  les  endroits  oU  le  fleuve  ne  mont 
assez  -pour  an-oser  les  terres  adjacentes,  le  sol  demeurait  sans  ci 
sauf  sur  quelques  points  où,  en  élevant  l'eau  par  des  moyens  arti 
on  pouvait  cultiver  un  peu  de  mais.  On  a  commencé  de  grands  ti 
pour  l'amélioration  des  canaux,  et  l'on  espère,  avec  le  temps,  p 
obvier  aux  maux  résultant  du  manque  d'eau  d'arrosage.  Les  eaux 
du  Nil  en  1888,  en  diminuant  l'exportation  du  coton,  ont  fait  bai 
chifl^re  d'exportation  de  l'Egypte  pour  l'Angleterre. 

Quoique  l'on  ignore  les  intentions  de  Mangaschah,  négous  déaig 
le  roi  Jean  en  mourant,  et  celles  de  son  généralissime  Ras-Alou 
occupe  encore  l'Amhara  et  le  Tigré,  moins  Asniara,  il  semble,  i 
moment,  que  l'établissement  des  Italiens  à  Keren  et  à  Asmara 
être  durable.  Le  chef  de  l'amlHtssade  cho&ne,  Makonnen, 
avoir  apporté  au  roi  Hurabert,  outre  des  présents  d'une  valeur  a 
rable,  un  projet  de  traité  élaboré  par  l'explorateur  Autonelli,  par 
Ménélik  garantirait  k  l'Italie  la  possession  des  territoires  qu'elle  t 
actuellement  à  Keren  et  à  Asmara  ;  il  invoquerait  même  dans  ui 
taine  mesure  le  protectorat  italien.  Les  dernières  dépêches  reçu 

'  Lea  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensutls  et  d&m  les  Nouv^ 
plimmtaiTes  y  sont  classées  suitant  un  ordre  géographique  constant,  par 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  cûte  orientale  <lu  conti 
revenant  par  la  c6te  occidentale. 

L'irBIlJllï.    —    DtXIÈHE    ANMËE.    —    N"    9.  10 


—  290  — 

Makonnen  annonçaient  que  le  pays  de  Harrar  était  complètement  tran- 
quille, et  que  Ménélik  était  toujours  à  Antotto  attendant  la  bonne  saison 
pour  occuper  le  Tigré. 

Le  Moniteur  des  intérêts  matériels  a  annoncé  la  transformation  en 
Société  anonyme  de  rimperlal  Brltlah  East  Afrloan  Ck^mpany, 
qui  a  fait  appel  à  la  petite  épargne  par  rémission  d'une  souscription  de 
2,000,000  L.  sterl.  en  actions  de  20  L.  sterl.  chacune.  La  première 
émission  porte  sur  50,000  actions,  dont  12,000,  souscrites  par  les  fonda- 
teurs en  1888,  leur  sont  allouées  en  toute  propriété.  Le  prospectus  de  la 
souscription  porte  que  :  a  outre  la  ligne  côtière  acquise  par  la  Bristish 
East  African  Company,  il  lui  a  été  concédé  à  Tintérieur  100,000  milles 
carrés  de  territoire  s'étendant  d'un  côté  jusqu'aux  fleuves  Tana  et 
Juba,  de  l'autre,  jusqu'au  lac  Victoria-Nyanza  et  à  la  province  de 
Wadelaï,  gouvernée  par  Émin-pacha.  Au  point  de  vue  politique  et  com- 
mercial, ces  territoires  embrassent  une  région  exceptionnellement 
importante,  des  traités  et  conventions  sont  en  voie  d'être  conclus  au 
nom  de  la  Compagnie,  traités  en  vertu  desquels  une  grande  partie  des 
dits  territoires  lui  serait  concédée  à  perpétuité  avec  droits  souverams.  • 
Les  banques   d'émission   ont  reconmiandé  l'entreprise  comme   une 
a  affaire  d'intérêt  national.  » 

Au  mois  d'octobre  1886,  un  Allemand,  le  D' Jtthlke,  obtenait,  par  des 
traités  conclus  avec  les  indigènes,  la  côte  de  Benadir,  de  Witou  à  Mak- 
dischou.  D'autre  part,  dans  la  convention  conclue  entre  l'Angleterre  et 
le  sultan  de  Zanzibar,  l'Angleterre  reconnut  à  ce  dernier  les  ports  de  la 
côte  de  Benadir,  à  savoir  :  Kismayou,  Barawa,  Merka,  Makdischou, 
avec  un  rayon  de  dix  milles  marins,  et  Warscheik  avec  im  rayon  de  cinq 
milles  marins.  Ce  fut  conformément  à  cette  convention  que  l'Allemagne, 
l'Angleterre  et  la  France,  garantirent  les  possessions  du  sultan  de  Zan- 
zibar. Mais  la  Société  allemande  de  l'Afrique  orientale  et  la  British  East 
African  Company  ont  pris  à  ferme,  pour  cinquante  ans,  l'administratioD 
des  territoires  appartenant  au  sultan,  et  chacune  d'elles  a  agi  dans  les 
limites  de  sa  sphère  respective  d'intérêts.  En  ce  qui  concerne  Tile  de 
Eiamouy  qui  ferme  le  port  de  Witou,  les  deux  Sociétés  prétendaient 
avoir  pris  à  ferme  l'administration  de  cette  île.  Le  baron  de  Lamber- 
mont,  choisi  comme  arbitre,  s'est  prononcé  dans  un  sens  favorable  à  la 
Compagnie  anglaise,  qui  en  a  immédiatement  profité  pour  se  faire  cède* 
par  le  sultan  de  Zanzibar,  avec  tous  droits  de  souveraineté.  Une  nouvelk 
ligne  côtière  de  plus  de  mille  kilomètres,  s'étendant  depuis  l'embou- 
chure de  la  Tana  jusqu'au  delà  du  port  de  Warscheik,  et  comprenant 


%  * 


—  291  — 

outre  rtle  de  Lamou,  les  porte  et  les  teiritoii-es  de  Kismayou,  Bara 
Merka  et  Makdischou.  Elle  déploiera  donc  son  activité  sur  un  territ 
dont  la  côte  mesure  environ  1400  kilomètres,  de  l'Oumba  jusqu'à  Y 
scheik,  et  qui  ^olvaise,  à  l'intérienr,  las  baaàna  de  la  Juba  et  d 
Tana,  les  pays  dee  Masal  et  dee  GaUas,  jusqu'aon.  laça  Sctamban 
Victoria-Nyanza.  Nous  n'avons  trouvé  dans  aucune  publication  le  ti 
de  la  sentence  arbitrale  du  baron  de  Lambermont.  Il  faut  croire  qu( 
traités  conclus  par  le  D'  JUhlke  avec  les  cheis  gallas  et  somalis  n 
pas  été  reconnus  valables.  La  colonie  allemande  de  Witou,  entre  la  I 
et  l'Ile  de  Lamou,  se  trouve  maintenant  coupée  des  régions  de  l'i 
rieur.  Les  rapports  entre  les  Allemands  et  les  Anglais  dans  cette  rég 
déjà  difficiles  par  suite  des  procédés  de  l'amiral  Freemantle  enven 
membres  de  l'expédition  du  D^  Peters  au  secours  d'Ëmiu-pacha,  i 
seront  pas  rendus  plus  faciles.  Quoi  qu'il  en  soit,  deux  graads  persoi 
ges  de  Zanzibar,  Mohamed  Saleiman  Mondrie  et  Samot-ben-Hai 
sont  arrivés  à  Berlin,  chargés  par  le  sultan  de  féliciter  l'empereur  C 
laume  II  à  l'occasioa  de  son  avènement  au  trône;  peut-être  aussi  ] 
obtenir  des  explications  au  si^et  des  intentions  des  Allemands  su 
côte  africaine. 

Sir  Francis  de  Winton,  président  du  Comité  de  l'expédition  ang! 
de  secours  en  faveur  d'Ëmin-pacha,  a  annoncé  t  la  section  de  géo 
phie  de  l'Association  britannique  pour  l'avancement  des  science 
Newcastle  sur  la  Tyne,  que  l'on  peut  s'attendre  d'un  moment  à  l'a 
il  voir  apparaître  Sutnley  sur  un  point  du  littoral  oriental  de  l'Afri 
D'autre  part  des  nouvelles  arrivées  à  Bruxelles  le  présentent  coi 
ayant  essayé  de  prendre  la  route  du  sud  en  passant  par  l'ouest  du 
toria-Nyanza  ;  repoussé  de  ce  côté,  il  aurait  dû  remonter  vers  le  nor 
ce  serait  sur  la  côte  orientale  du  lac  qu'avec  Émiu-pacha  il  ai 
attendu  l'arrivée  des  approvisionnements  qu'il  avait  fait  déposer  à  i 
lala.  De  là,  il  se  dirigerait  vers  Mombas,  mais  sans  Ëmin-pAcha 
serait  resté  à  l'intérieur.  Nos  lecteurs  se  rappellent  que  lors  de  sa 
mière  rencontre  avec  Stanley,  Ëmin  avait  résisté  aux  sollicitation 
eelui-ci  de  quitter  sa  province  de  l'Equateur,  dans  la  crainte  de 
l'anarchie  tomber  dans  le  paya  où  il  avait  réussi  à  maintenir  Tord 
longtemps  (voy.  p.  155).  D^à  précédemment,  dans  ime  lettn 
17  avril  1887  au  D'  Felkin,  d'Édimboui^,  il  écrivait  :  a  On  se  tn 
grandement  en  Angleterre  si  l'on  croit  qu'aussitôt  Stanley  arriv 
m'en  retournerai  avec  lui.  J'ai  passé  ici  douze  années  de  ma  vie;  c 
moi  s'il  serait  digne  de  ma  part  de  déserter  mon  poste  à  la  prei 


—  292  — 

occasion  qui  se  présenterait.  Je  resterai  près  de  mes  gens  aussi  long- 
temps que  je  ne  verrai  pas  clairement  que  leur  sécurité,  en  môme  tonps 
que  l'avenir  de  ce  pays,  est  assurée.  Je  m'efforcerai  de  conduire  à  bonne 
fin  l'oeuvre  que  Gordon  a  payée  de  son  sang  ;  je  le  ferai,  sinon  avec  son 
énergie  et  son  génie,  du  moins  conformément  à  ses  intentions  et  à  ses 
idées.  Quand  mon  chef  regretté  me  confia  le  gouvernement  de  ce  pays, 
il  m'écrivit  :  «  Je  vous  nomme  pour  la  cause  de  la  civilisation  et  du  pro- 
grès. »  J'ai  fait  de  mon  mieux  jusqu'ici  pour  justifier  la  confiance  qui 
m'a  été  témoignée.  Si  l'Angleterre  veut  réellement  nous  aider,  il  faut 
qu'elle  essaie,  en  premier  lieu,  de  conclure  un  traité  avec  l'Ou-Ganda  et 
rOu-Nyoro,  afin  d'améliorer  moralement  et  politiquement  la  condition 
de  ces  deux  puissants  royaumes.  Une  route  sûre  vers  la  côte  doit  être 
ouverte,  qui  ne  soit  pas  à  la  merci  des  caprices  de  roitelets  ou  d'Arabes. 
C'est  tout  ce  que  nous  demandons;  c'est  la  seule  chose  nécessaire  au 
développement  continu  du  pays.  Le  jour  où  nous  posséderons  cette 
route,  nous  envisagei'ons  l'avenir  avec  espoir.  Vous  pouvez  vous  repré- 
senter avec  quelle  anxiété  j'aspire  au  dénouement.  »  Il  faut  attendre 
l'arrivée  de  Stanley  et  les  rapports  qu'il  fera  à  son  Comité  pour  connaî- 
tre les  motifs  réels  du  refus  d'Émin-pacha  de  revenir  actuellement  à  la 
côte  orientale.  Toutefois  il  est  permis  de  supposer  que  Stanley,  agent 
du  Comité  à  la  tête  duquel  se  trouve  sir  Francis  de  Winton,  un  des 
membres  les  plus  influents  de  la  British  East  African  Company,  lui  aura 
fait  entrevoir,  dans  les  travaux  de  cette  Société,  dans  la  route  qu'elle 
crée,  dans  ses  projets  d'étendre  son  activité  jusqu'au  bassin  du  Nil» 
l'aurore  de  ce  jour  qui  devait  lui  permettre  d'envisager  l'avenir  avec 
espoir.  Nous  n'irons  pas  jusqu'à  dire,  avec  M.  Wauters,  qu'il  n^est  pas 
douteux  qu'Émin-pacha  qui,  pendant  onze  ans,  a  été  au  service  du  gou- 
vernement égyptien,  n'ait  passé  au  service  de  la  Royal  British  East 
African  Company;  d'où  le  rédacteur  du  Mouvement  géographique  de 
Bruxelles  est  amené  à  écrire  :  «  Il  est  probable  que  la  province  d'Émin- 
pacha,  en  tout  ou  en  partie,  compte  aujourd'hui,  au  moins  nominale- 
ment, au  nombre  des  territoires  de  cette  nouvelle  colonie  anglaise.  »  Il 
est  posi^ible  que  l'ambition  des  directeurs  de  la  Royal  British  East  Afri- 
can Company  qui  vient  d'étendre  sa  ligne  de  côte  jusqu'à  Warscheik, 
vise  l'annexion  de  l'ancienne  province  égyptienne  de  l'Equateur  aux 
territoires  qui  lui  ont  été  concédés.  La  position  que  l'Angleterre  occupe 
en  Egypte  lui  faciliterait  la  réalisation  d'un  semblable  dessein.  Le  gou- 
vernement britannique  ne  lui  marchanderait  pas  l'extension  des  droits 
que  lui  confère  déjà  la  charte  dont  elle  jouit,  à  l'immense  territoire  qui 
s'étend  jusqu'à  Wadelaï. 


—  293  — 

Une  lettre  du  mi^jor  P^rmlnter,  des  Stanley-Falls,  du  22  février^ 
publiée  par  le  DaHy-News,  nous  apporte  des  renseignements  complé- 
mentaires sur  Stanley  et  Émin-pacha.  Quand  Tipo-Tipo  fut  informé 
du  retour  de  Stanley  à  l'embouchure  de  T  Arououimi,  il  donna  immédia- 
tement à  Sélim-ben-Mohamed  Tordre  de  le  rejoindre  sur  la  route  vers 
i'intérieur,  et  voici  ce  qu'apprit  ce  messager  :  Stanley  et  Émin  étaient 
convenus  de  se  rencontrer  six  mois  après  leur  séparation,  dans  un  endroit 
indiqué  sur  les  rives  de  l'Albert-Nyanza,  pour  entreprendre,  avec  leurs 
forces,  le  voyage  vers  la  côte  orientale.  Émin  fut  obligé  de  prendre  cette 
décision  par  l'attitude  menaçante  de  ses  troupes  qui  désiraient  partir, 
puisqu'une  route  avait  été  trouvée.  Tout  ce  qui  était  transportable 
devait  être  emporté,  et  le  reste,  y  compris  les  vapeurs  d'Émin,  devait 
être  brûlé,  après  qu'on  s'en  serait  servi.  Vu  le  grand  nombre  de  femmes 
et  d'enfants  et  la  quantité  des  bagages,  la  voie  navigable  devait  être 
choisie  de  préférence  à  celle  de  terre.  On  devait  faire  usage  du  fleuve 
jusqu'au  Victoria-Nyanza,  traverser  le  lac  en  canots,  aborder  à  la  côte 
méridionale,  et  marcher  ensuite  vers  Tabora  par  une  des  routes  con- 
nues des  caravanes.  On  s'attendait  à  quelques  diflScultés  pendant  la 
traversée  de  l'Ou-Ganda,  mais  Stanley  ne  doutait  pas  de  triompher  de 
tous  les  obstacles.  La  caravane,  disait  Sélim,  compterait  6000  fusils  et 
six  canons.  Même  en  ajoutant  une  perte  considérable  de  temps  aux 
délais  causés  par  les  difficultés  du  voyage,  Stanley  comptait  être  à 
Tabora  au  mois  de  juin  ;  la  nouvelle  de  son  arrivée  aurait  pu  parvenir 
en  Angleterre  au  mois  d'août. 

Le  duc  de  Fife,  le  duc  d'Abercorn,  le  comte  d'Aberdeen  et  d'autres 
personnages  anglais  importants  ont  constitué  une  Compaipiiie  pour 
l'exploitation  des  mines  des  territoires  au  nord  dn  Be- 
Chuanaland  et  de  la  répnbliqne  Sad-afrioaine,  et  ont  de- 
mandé, en  faveur  de  leur  Société,  une  charte  royale,  comme  celle  que  le 
gouvernement  britannique  a  accordée  à  la  Compagnie  du  Niger  et  à  la 
British  Ëast  african  Company.  Dans  la  Chambre  des  communes,  le 
baron  H.  de  Worms  a  aflSrmé  que  des  articles  spéciaux  y  seraient  insé- 
rés, pour  assurer  la  surveillance  impériale  sur  les  rapports  de  la  Compa- 
gnie avec  les  tribus  indigènes  et  avec  les  puissances  étrangères  voisines. 
<  Le  gouvernement  anglais  est  content,  »  a-t-il  ajouté,  «  que  la  forma- 
tion d'une  puissante  compagnie  oflre  l'espoir  de  voir  ces  territoires 
s'ouvrir  pacifiquement  à  la  civilisation,  à  l'influence  et  au  commerce 
anglais.  La  charte  ne  permettra  à  la  Compagnie  d'acquérir  aucun  terri- 
toire sans  la  sanction  expresse  du  gouvernement  ;  elle  ne  remplacera 


—  294  — 

point  non  plus  le  protectorat  de  S.  M.  dans  le  pays  de  Ehama;  elle 
n'affectera  point  la  position  du  Be-Chuanaland  en  tant  que  colonie  de  la 
couronne  ;  elle  ne  donnera  à  la  Compagnie  aucun  pouvoir  de  gouverne- 
ment ou  de  contrôle,  et  ne  lui  permettra  d'en  acquérir  aucun  dans 
quelque  district  que  ce  soit  sans  en  avoir  obtenu  l'autorisation.  La  Com- 
pagnie n'aura  aucun  droit  de  s'étendre  indéfiniment,  ni  aucun  monopole 
qui  annulerait  des  concessions  antérieures  valables. 

Le  roi-souverain  de  l'Ëtat  Indépendant  dn  C^onf^o  a  créé  im 
Conseil  supérieur,  qui  est  à  la  fois  une  cour  supérieure  de  justice  et 
une  sorte  de  conseil  d'État.  Le  siège  en  est  à  Bruxelles.  Au  point  de  vue 
judiciaire,  il  remplit  l'office  de  cour  de  cassation,  et  connaît  des  pom^ 
vois  dirigés  contre  tous  jugements  rendus  en  dernier  ressort  en  matière 
civile  et  commerciale  par  les  tribunaux  de  l'État  indépendant;  il  est 
appelé,  en  outre,  à  connaître  de  l'appel  des  jugements  rendus  sur  pre- 
mier appel  par  le  tribunal  de  Borna,  lorsque  la  valeur  du  litige  excède 
25,000  francs.  Dans  la  sphère  de  ses  secondes  attributions,  le  Conseil 
supérieur  délibère  et  donne  son  avis  sui*  les  questions  dont  il  est  saisi  par 
le  roinsouverain. 

Par  décret  du  roi-souverain  de  l'État  indépendant  du  Congo,  la 
chasse  À  l'éléphant  est  interdite  dans  toute  l'étendue  du  territoire 
de  l'État,  à  moins  de  permission  spéciale.  Le  gouverneur  général  d^er- 
mine  les  conditions  de  cette  permission  et  les  taxes  à  percevoir  de  ce 
chef.  Quiconque  sera  trouvé  chassant  l'éléphant  sera  puni  d'une  amende 
de  25  à  500  francs  et  d'une  servitude  pénale  d'un  mois  à  dix  ans,  ou 
d'une  de  ces  peines  seulement.  Quiconque  se  sera  approprié  un  éléphant 
capturé  ou  tué  à  la  chasse,  ou  ses  dépouilles,  sera  puni  des  peines  édic- 
tées par  l'article  11  du  Code  pénal.  Les  éléphants  ainsi  capturés  ou  tués 
seront  remis  à  l'État  ou  confisqués  à  son  profit. 

Le  DaUy  News  a  publié  une  lettre  du  major  Parminter  de  Stanley- 
Falls»  écrite  au  mois  de  février,  de  laquelle  nous  extrayons  ce  qui  suit  : 
«  Les  sentiments  hostiles  des  Arabes  contre  les  blancs  se  sont  propa- 
gés de  la  côte  orientale,  fermée  par  le  blocus,  jusque  très  avant  dans 
l'intérieur  et  semblent  s'être  emparés  de  Tipo-Tipo  et  de  ses  partisans. 
La  prohibition  de  la  vente  des  munitions  et  des  armes  au  delà  de  TOu- 
bangi  menace  ses  relations  avec  l'État  du  Congo.  Un  convoi  portant  au 
chef  un  certain  nombre  de  fusils  fut  saisi  en  route.  La  nouvelle  en  arriva 
à  Tipo-Tipo  dans  un  mauvais  moment.  L'annonce  du  blocus  s'était  déjà 
répandue,  et  une  troupe  arabe  commandée  par  Selim-Ben-Mohamed 
avait  déjà  été  délogée  de  ses  quartiers,  au  confluent  del'Arououimi,  par 


une  troape  de  l'État  du  Congo.  La  situation  était  si  tendue  qu'i 
tait  ouvertement  la  possibilité  d'une  rupture  avec  les  blancjj.  K< 
ce  n'était  pas  la  crainte  de  se  trouver  sans  armes  qui  provoqi 
irritation,  car  les  Arabes  avaieut,  disaient-ils,  prévu  la  siti 
s'étaient  abondamment  pourvus  pour  six  ans.  Ces  événements  o 
Tipo-Tipo  très  méfiant  envers  les  officiers  de  l'État  du  Cong 
envers  le  lieutenant  Becker  qui,  quoique  demeurant  sous  le  n 
que  lui,  ne  lui  inspirait  cependaat  pas  confiance,  en  sorte  q 
envoyer  une  lettre  au  souverain  de  l'État  indépendant,  |le  cb 
sollicita  les  bons  offices  de  deux  Anglais. 

Mais  un  événement  bien  autrement  sérieux  eut  lieu  le  22  fé 
jour-là,  Tlpo-TIpo  se  présenta  à  la  demeure  du  résident  et  i 
formellement  deux  cents  fusils  et  des  munitions.  Dans  la  soirée, 
en  compagnie  du  major  Parminter,  de  M.  Ward  et  de  plusieurs 
n  commença  par  expliquer  pourquoi  il  avait  fait  venii'  les  deux 
Il  voulait  que  le  monde  entier  apprit  ce  que  lui,  Tipo-Tipo,  avai 
Puis  il  assura  le  résident  de  sa  fidélité  envers  le  rot,  et  demanda 
veau  des  armes  pour  maintenir  l'ordre  dans  ses  domaines.  Il  coi 
la  prohibition  comme  une  preuve  que  l'État  n'appréciait  pas  £ 
ces,  et  il  termina  en  déclarant  que  si,  dans  six  mois,  il  ne  rect 
les  armes  en  question,  il  s'envisagerait  comme  libre  de  tout  eng 
envers  le  roi.  C'est  une  manière  comme  une  autre  d'arborer  le 
de  la  rébellion,  car,  du  moment  que  Tipo-Tipo  ne  sera  plus  le  : 
du  roi,  il  deviendra  son  rival.  Si  tel  est  vraiment  l'état  d'esprit 
sant  chef  arabe,  le  gouvernement  de  l'État  du  Congo  risque  de 
ver  dans  une  situation  fort  embarrassante;  il  devra  ou  bien  s 
dre  à  laisser  les  razzias  se  eontiuuer  sur  son  territoire, 
affronter  le.péril  d'un  soulèvement  arabe,  qui  mettrait  ses  fore 
rude  épreuve.  » 

Heui-eusement  le  deraiep  coarrier  du  Congo  arrivé  i 
nistration  centrale  de  l'État  indépendant  à  Bruxelles  apporte 
leures  nouvelles  du  haut  fleuve  :  «  Le  commandant  du  terri 
Ba-Ngala  avait  reçu,  vers  la  mi-mai,  un  rapport  alarmant  du 
intérimaire  des  Stanley-Falls.  Déplus,  des  bruits  assez  graves,  ( 
par  les  indigènes,  représentaient  la  situation  comme  troublée  e 
de  l'Arououimi.  Dans  ces  conditions  et  en  vue  d'éviter  aux  tr 
de  commerce  des  risques  importants,  M.  Vankerckhove  suspend 
soirement  le  droit  de  circulation  pour  les  bateaux  européens  a 
du  camp  de  l'Arououimi.  En  même  temps,  il  se  rendit  à  tout< 


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—  296  — 

aux  Stanley-Falls,  y  trouva  tout  dans  le  meilleur  état,  et  Tipo-Tipo  plus 
soumis  que  jamais.  Immédiatement  il  leva  rioterdiction  de  la  navigation. 
Tipo-Tipo  était  resté  dans  ses  dispositions  antérieures  de  respect  pour 
Tautorité  de  TËtat;  mais,  cette  fois,  il  en  fit  une  démonstration  particu- 
lièrement ostensible,  en  interdisant  à  Sélim-ben-Mohamed  de  voyager 
dans  certains  parages,  et  en  réprimant  certains  abus  d'un  petit  poste 
placé  près  d'un  marché  intérieur.  D'ailleurs,  il  n'avait  pas  été  difficile 
aux  Arabes  de  se  rendre  compte  de  la  consolidation  de  l'autorité  légale 
dans  cette  province.  Non  seulement  ils  avaient  vu  les  renforts  arrivés 
au  camp  de  l'Arououimi,  mais  ils  avaient  constaté  que  la  puissante 
tribu  des  Ba-Soko  avait  ouvertement  rangé  ses  milliers  de  guerriers  sous 
le  drapeau  bleu  étoile.  En  outre,  ils  avaient  compris  que  les  mesures 
militaires  prises  par  l'État  indépendant  ne  cachaient  aucune  intention 
de  rompre  le  pacte  conclu  avec  Tipo-Tipo,  tant  que  ce  pacte  serait  res- 
pecté par  eux.  En  résumé,  à  un  moment  de  malaise  et  de  méfiance 
réciproque  a  succédé  une  franche  cordialité.  Dès  lors,  le  camp  de 
l'Arououimi  a  reçu  un  nouveau  renfort  de  300  soldats.  Tipo-Tipo  avait 
ajourné  son  voyage  à  Zanzibar  pour  attendre  la  visite  du  gouverneur 
général,  M.  Jansen,  qui  doit  être  arrivé  aux  Stanley-Falls  vers  le 
15  septembre.  Là,  les  conditions  étaient  si  bonnes  que  M.  Becker  n'avait 
pas  craint  de  s'en  éloigner  pendant  plusieurs  mois  pour  venir  refaire 
son  équipement  daus  le  bas  Congo.  » 

Les  paquebots  du  Havre  et  de  Marseille  ont  commencé  à  faire  régu- 
lièrement le  service  de*  la  ciVte  occidentAle  d'Afrique  jusqu'au 
Congo.  Le  Pélion,  parti  de  Marseille,  a  emporté  une  chaloupe  offerte  à 
Dinah-Salifou,  roi  des  Nalous,  pai*  la  Société  de  la  côte  occidentale 
d'Afrique.  Il  avait  aussi  de  nombreux  fûts  démontés,  devant  servir  à 
rapporter  des  huiles  de  palme  et  à  débarquer  les  marchandises  sur 
x^ertains  points  de  la  façon  suivante  :  Faute  de  ports  et  de  rades  où  la 
circulation  des  mahonnes  soit  possible,  à  cause  des  barres  qui  s'oppo- 
sent à  l'entrée  dans  les  rivières,  les  marchandises  à  destination  de  la 
côte  sont  placées  dans  des  barriques  appelées  penchons,  que  l'on  jette 
par-dessus  bord,  une  fois  bien  fermées.  A  la  mer,  les  lascars  les  atta- 
chent les  unes  aux  autres  et  en  forment  ce  qu'on  appelle  des  chapelets 
qu'ils  remorquent,  avec  leurs  pirogues,  jusqu'à  terre.  A  partir  du  cap 
Palmas  jusqu'à  la  dernière  escale  du  Congo,  les  lascars  indigènes  devront 
être  substitués  aux  équipages  français  ;  les  matelots  et  les  chauffeurs 
auraient  trop  à  souffrir  de  la  température  s'ils  vaquaient  à  leurs  occu- 
pations ordinaires  dans  ces  parages. 


rrs~ 


—  287  — 

NOUVELIâBS  COMPLÉ1UBNTAXRE8 

Le  yapear  le  Brésil,  de  la  Compagnie  des  Messageries  maritimes,  a  fait  récem- 
ment le  trajet  de  Marseille  à  Bougie  en  vingt-quatre  heures.  C'est  la  trarersée  la 
plus  rapide  qui,  jusqu'à  ce  jour,  ait  été  faite  entre  ces  deux  ports. 

Le  ministre  de  l'Instruction  publique  a  voulu  faire  connaître  la  France  aux 
instituteurs  indigènes  de  l'Algérie,  et  ït  a  profité  de  l^zposition  pour  en  faire 
venir  à  Paris  un  certain  nombre.  Une  quinzaine  d'instituteurs  arabes  et  kabyles 
sont  arrivés  en  France  sous  la  conduite  de  M.  Scheer,  inspecteur  des  écoles  indi- 
gènes de  l'Algérie* 

Un  rapport  du  gouverneur  général  de  l'Algérie,  relatif  à  la  destruction  des 
criquets  pendant  l'année  1889,  émet  des  craintes  sérieuses  sur  l'impossibilité  dans 
laquelle  on  se  trouvera  l'année  prochaine  de  combattre  ce  fléau.  On  a  constaté, 
en  effet,  surtout  dans  la  partie  orientale  de  l'Algérie,  que  les  éclosions  se  pro- 
duisent maintenant  dans  l'intérieur,  au  delà  de  la  limite  des  postes  français.  En 
Tripolitaine,  notamment,  on  en  signale  un  nombre  considérable,  et  l'on  craint 
que  l'année  prochaine  la  Tunisie  ne  soit  plus  particulièrement  ravagée. 

Le  bey  de  Timis  a  accédé  à  la  convention  internationale  pour  la  protection  des 
câbles  sous-marins. 

D'après  un  correspondant  du  Daily  News,  M.  Fricke,  explorateur  africain,  est 
revenu  en  Allemagne,  après  quatorze  ans  de  séjour  en  Afrique.  11  se  trouvait  à 
Khartoum  au  moment  de  la  mort  de  Gordon,  qui  ne  se  serait  pas  rendu  compte 
de  sa  position.  Au  dire  de  M.  Fricke,  les  messages  de  Gordon  aux  autorités  mili- 
taires anglaises  auraient  induit  celles-ci  en  erreur.  Deux  jours  avant  sa  mort, 
Gordon  aurait  pu  se  sauver  ;  il  ne  le  fit  pas,  comptant  toujours  sur  l'influence 
qu'il  exerçait.  11  aurait  été  tué  par  quelques-uns  de  ses  soldats,  alors  que,  sans 
armes,  il  faisait  son  inspection  du  matin. 

Par  traité  du  7  avril  1889,  le  sultan  des  Me^jourtines  a  cédé  à  lltalie  ses 
droits  souverains  sur  le  territoire  qui  s'étend  du  Ras  Auad  au  Ras  Beduin,  et  qui 
fait  suite  au  sultanat  d'Opia,  précédemment  placé  sous  le  protectorat  italien. 

Le  sultan  de  Zanzibar  a  envoyé  un  certain  nombre  de  ses  fonctionnaires  visiter 
l'Exposition  de  Paris. 

Le  fils  de  Tipo-Tipo,  Sefu-ben-Mohamed,  actuellement  à  Zanzibar,  affirme  que 
son  père  lui  a  recommandé  de  ne  rien  négliger  pour  se  rendre  utile  aux  Euro- 
péens. D'après  lui,  la  tranquillité  régnait  partout  aux  abords  du  Tanganyika,  et 
les  rapports  entre  les  Arabes  et  les  Européens  étaient  bons  sur  le  haut  Congo. 

M.  Erskine,  qui  a  exploré,  il  y  a  un  certain  nombre  d'années,  la  côte  orientale 
d'Afrique,  est  actuellement  à  Lisbonne,  où  il  a  proposé  au  gouvernement  portu- 
gais la  colonisation  d'un  vaste  territoire  à  l'ouest  de  Manica,  avec  des  familles 
portu|;ai8es  et  boers,  moyennant  la  concession  de  terrains  et  de  privilèges  qui 
rapprocheraient  la  Compagnie  qu'il  projette  de  créer  de  celles  qu'ont  vu  naître 
l'Allemagne  et  l'Angleterre  pour  l'exploitation  commerciale  de  l'Afrique  orien- 
tale. 


Dftux  de  Lisbonne  ftononcent  ]a  sigiutnre  d'une  convention  de  tarifs 
linûtratioD  portagaise  du  chemin  de  fer  de  la  bsie  de  Delâgoft  et  la 
du  chemin  de  fer  du  Tranivutl.  La  conTcntion  a  été  ufoée  k  Liibooae 
itre  des  colonleB  et  le  consul  du  Tnui>T«ftl.  Le*  traranz  de  construction 
de  la  frontière  à  Pretoria,  commenceront  prochainemenL 
ation  des  mines  d'or  de  Zoutpaoïberg  prend  ckague  jonr  an  pina 
loppement.  11  est  question  d'f  créer  deux  nouTelles  xilles,  qui  auront 
>nt  nu  acoroissement  anssi  rapide  que  celui  de  Barbertou  et  de  Johan- 

t,  ministre  de  l'Instruction  publique  de  la  république  sud-africaine, 
aellement  en  Belgique  et  en  Hollande,  où  il  ticbe  de  recmter  les  pro- 
cessairei  pour  l'université  hollandaise  projetée  fc  Pretoria, 
couvert,  sur  la  propriété  du  Oriqualand  Weat  Copper  and  Hineral 
un  gisement  puissant  d'osbeste.  Les  nombreui  usages  auxquels  l'incom* 
de  cette  fibre  minérale  permet  de  l'employer  permettent  de  roir  dans 
iverte  nne  nouvelle  source  de  prospérité  pour  l'industrie  de  l'Afrique 
es  arrangements  ont  déjà  été  pris  pour  en  développer  l'exploitation, 
ibre  dn  commerce  de  Capetown  a  réclamé  contre  le  tarif  élevé  de  ta 

des  télégraphes  pour  les  dépêches  entre  la  colonie  et  l'Angleterre.  La 
,  ayant  fait  des  frais  considérables  pour  la  pose  du  câble  occidental, 
i,  jusqu'ici,  faire  droit  À  ces  réclamations;  toutefois  elle  espère,  an 
e  année,  pouvoir  abaisser  le  tarif  d'une  manière  notable, 
lagnie  coloniale  allemande  du  Sud-ouest  africain  ayant  réclamé  l'appui 
lement  impérial  pour  ses  entreprises  dans  le  Damaraland,  le  chancelier 
êpondre  que  le  gouvernement  de  l'empire  n'a  pas  pour  mission  et  que 
î  coloniale  allemande  n'a  pas  inscrit  dans  son  programme  de  travwller  k 
lent  d'institutions  politiques  chez  des  peuplades  non  civilisées,  ni  d'em- 
orce  armée  pour  combattre  la  résistance  que  des  chefs  indigènee  peuvent 

entreprises  non  encore  fondées  par  des  ressortissants  allemande  dans 
msocéaniques. 

pagnie  du  chemin  de  fer  du  Congo  fera  partir,  le  10  octobre,  k  bord 
'  Loualaba,  sa  première  expédition,  composée  de  cinq  ingénieurs,  qui 
it  partie  de  l'expédition  d'étude.  Il  leur  sera  adjoint  un  médecin,  deux 
a  de  travaux  et  quelques  artisans.  Ils  sont  chargés  d'arrêter  le  tracé 

la  première  section  entre  Matadi  et  Palaballa.  Une  seconde  expédition 
va  dans  le  courant  de  novembre. 
lier  marché  de  l'ivoire  du  Congo,  à  Anvers,  16,000  kilogr.  étaient  en 

maisons  françaises,  anglaises,  allemandes  et  hollandaises  se  sont  pré- 
nme  acquéreurs.  Il  est  question  d'en  tenir  un  régulièrement  tous  les 

Le  Kivwmga,  de  la  maison  Hutton  et  Cockson,  a  chargé  au  Congo 
r.  d'ivoire  pour  le  prochain  marché. 

ilissements  européens  échelonnés  le  long  du  Congo,  de  Stanley-Poo]  aox 
,11s,  se  multiplient  avec  une  rapidité  extraordinaire.  Actuellement  on 


—  299  — 
en  compte  28  :  7  de  l'Eut  Indépendant,  3  fruiçus,  3  des  miasions  catholiqoei, 
6  des  miuions  protesUnteB,  4  fuloreriet  belgea,  4  factoreries  tmllatidaiaes  et  3 
factoreries  fraotaisea. 

Dans  son  exploration  du  réseau  flavial  do  bant  Congo,  H.  Belcommone  a 
trouié  partout  l'arbre  qui  fournit  la  noix  de  kola  :  sur  les  deux  rives  du  Congo, 
dsna  ritimbiri,  sur  le  Lomami,  le  lac  Matoomba,  la  Loalonga,  le  Bouki,  etc. 

Jusqu'à  présent,  aucun  explorateur  n'aTait  encore  signalé  l'existence  d'un 
afBuent  de  droite  dans  le  cours  inférieur  de  l'Arououimi  ;  M.  Delcommuoe  en  a 
trouvé  un,  aux  eaux  noires,  i  eoTiron  une  beure  de  l'embouchure  de  la  rinère 
dans  le  Congo,  en  amont  dn  TJlIage  des  Barâoko. 

Nos  lecteurs  se  rappellent  que  le  sultan  da  Maroc  a  autorisé  une  Compagnie 
iutienne  ft  établir  à  Fez  une  fabrique  d'armes;  liOO  colis  sont  déjà  arrivés  au 
port  de  Idrache.  11  faudra  hait  cents  chameaux  et  cinquante  chariots  pour  trans- 
porter toutes  ces  pièces  à  Fes.  Le  major  italien  Ferrara,  qui  doit  diriger  l'expé- 
dition, attend  à  Larache  les  moyens  de  transport. 

La  Société  Cockerill  d'Anvers  a  ouvert,  k  titre  d'essai,  une  ligne  de  navigatioD 
entre  ce  port  et  le  Maroc. 


CHRONIQUE  DE  L'ESCLAVAGE 

Le  peu  de  cas  que  Ton  fait  des  esclaves  à  Zanzibar  les  expose  au 
sort  le  plus  cruel  dans  les  incendies  qui  y  soat  fréquente.  En  quelques 
heures,  écrit  un  correspondant  au  BulMin  de  la  Société  anti-esclava- 
giste de  France,  le  feu  dévore  une  centaine  de  cases,  si  le  vent  le  favorise, 
car  les  nègres  ne  savent  pas  combattre  ce  fléau.  Il  y  a  quelques  jours, 
UD  pâté  de  cases  de  nègres  disparut  dans  les  flammes  et  la  fumée.  Il 
y  eut  beaucoup  de  cris,  d'imprécations,  d'agitation  ;  mais  il  y  eut  une 
chose  plus  horrible  que  toutes  les  autres  :  deux  femmes  esclaves  gisaient 
au  fond  d'une  paillette,  les  pieds  rivés  dans  une  énorme  poutre,  en  puni- 
tion de  je  ne  sais  quelle  bagatelle.  Les  flammes  s'abattirent  sur  le  toit 
de  feuilles  sèches.  La  case  fut  dévorée  en  quelques  minutes,  et  personne 
ne  prit  la  peine  de  penser  aux  deux  malheureuses  qui  moururent  dans 
d'atroc«s  souflrances.  Quand  tout  fut  fini,  on  ne  retrouva  plus  au  milieu 
des  débris  que  quelques  ossements  calcinés,  restes  dédaignés  des  deux 
esclaves.  Le  fait  parut  de  si  peu  d'importance  aux  yeux  de  la  masse 
qu'on  n'en  parla  presque  pas  à  Zanzibar. 

Les  boutres  arabes  ne  peuvent  plus  facilement  transporter  les  esclaves, 
du  confluent  à  Zanzibar,  à  cause  des  croiseurs  qui  sillonnent  le  canal. 
Mais  les  canots  indigènes  —  mitamln  —  les  ont  remplacés  pour  la  péril- 
leuse besogne.  On  gan-otte  deux  esclaves  et  on  les  couche  en  long  au 


—  300—  , 

fond  du  canot,  en  ayant  bien  soin  de  leur  attacher  auparavant  de 
grosses  pierres  aux  pieds.  Si  c'est  le  jour,  on  hisse  la  petite  voile  et  l'on 
part,  sans  crainte  d'attirer  les  soupçons  du  croiseur.  La  nuit,  on  pagaie, 
pour  ne  pas  être  découvert  par  les  puissantes  jumelles  qui  fouillent  les 
ténèbres.  Si,  malgré  tout,  quelque  chaloupe  anglaise  ou  allemande 
semble  vouloir  s'approcher  de  ce  tronc  d'arbre  qui  glisse  silencieux  sur 
les  vagues,  vite,  les  deux  evsclaves  sont  soulevés,  jetés  sans  bruit  par- 
dessus bord,  et  ils  disparaissent  dans  le  gouffre  sans  avoir  même  pu 
pousser  un  cri.  Quand  le  croiseur  arrive,  il  constate  qu'il  n'a  affaire 
qu'à  de  simples  pêcheurs  ;  il  passe  et  disparaît  dans  la  nuit. 

Non  content  d'avoir  fondé  la  mission  de  Saint-Louis  de  l'Oubang^iy 
près  du  confluent  de  cette  rivière  avec  le  Congo,  le  P.  Augouard  songe 
à  aller  prochainement  installer  une  nouvelle  station  près  des  rapides  de 
Zongo,  à  600  ou  700  kilomètres  en  amont.  Cette  création  lui  paraît  d'au- 
tant plus  nécessaire  que  les  tribus  de  l'Oubangi  pratiquent  encore  géné- 
ralement le  cannibalisme.  «  La  plupart  des  villages,  »  écrit-il  aux  Mis- 
sions catholiques,  a  immolent  chaque  jour  au  moins  un  esclave,  et  sa 
chair  palpitante  est  dévorée  toute  fumante.  Les  indigènes  vont  jusqu'à 
mêler  de  la  graisse  humaine  avec  l'huile  de  palme,  et  comme  les  Euro- 
péens se  servent  souvent  de  cette  huile  pour  leur  cuisine,  ils  dcHvent 
veiller  attentivement  pour  ne  pas  devenir  anthropophages  sans  lesavoii*. 
Les  natifs  font  aussi  fumer  des  membres  humains,  comme  on  le  fait 
pour  la  viande  d'hippopotame  et  de  buffle  ;  ils  viennent,  avec  la  plus 
grande  désinvolture,  vous  proposer  d'en  acheter,  ne  comprenant  rien 
aux  reproches  qu'on  leur  fait  à  ce  sujet.  » 

Nous  extrayons  ce  qui  suit  d'une  lettre  du  P.  Lourdel,  vicaire  apos- 
tolique du  Victoria-Nyanza,  sur  l'orphelinat  du  Bou-Koambl.  Notre 
contrée  est  un  des  pays  les  plus  renommés  pour  le  trafic  des  petits  en- 
fants ;  chaque  année,  les  victimes  peuvent  se  compter  par  milliers.  Les 
missionnaires  se  sont  efforcés  de  rendre  à  la  liberté  le  plus  grand  nom- 
bre possible  de  ces  infortunés,  en  payant  leur  prix  de  rachat  et  en 
se  faisant  leurs  pères  adoptifs.  Sans  parler  de  plus  de  quarante  enfants 
qui  sont  à  l'orphelinat  du  Bou-Koumbi,  nous  avons  actuellement  avec 
nous  environ  quatre-vingts  rachetés. 

Au  milieu  de  la  petite  forêt  de  bananiers  où  se  trouve  notre  résidence, 
nous  leur  avons  bâti  une  grande  case  en  roseaux,  recouverte  d'herbe. 
Une  simple  peau  de  chèvre,  quelques  coudées  d'une  étoffe  grossière 
fabriquée  avec  l'écorce  d'un  arbre  du  pays,  voilà  leur  lit;  quelques 
patates  ou  bananes  leur  suffisent  pour  nourriture.  Leur  vêtement  se 


—  301  — 

t)ompo6e  d'une  petite  culotte  de  cotonnade  venue  de  Zanzibar.  Leur 
occupation  habituelle  est  le  travail  manuel  :  faire  des  briques  séchéeô  au 
soleil,  scier  des  planches,  cultiver,  etc.  Les  missionnaires  étant  absorbés 
par  l'instruction  des  catéchumènes,  un  enfant,  des  plus  sérieux,  est 
•chargé  de  la  surveillance  de  ses  compagnons.  Les  punitions  les  plus 
employées  sont  les  amendes,  et  souvent  la  privation  du  morceau  de 
viande,  de  canne  à  sucre,  ou  de  la  pincée  de  sel  qu'on  leur  donne  le 
dimanche. 

Les  jeunes  filles  esclaves  abondent  aussi  ici.  Pendant  plusieurs  années, 
nous  n'avons  pu  en  racheter,  n'ayant  pei-sonne  à  qui  les  confier.  Mais 
une  des  victimes  de  l'Ou-Ganda  ayant  réussi,  deux  mois  avant  sa  mort, 
à  convertir  sa  mère  et  sa  sœur,  celle-ci  lorsqu'elle  apprit  que  son  frère 
avait  été  mis  à  mort,  vint  trouver  ses  meurtriers  et  leur  dit  :  «  Vous 
avez  tué  mon  frère  parce  qu'il  était  chrétien,  moi  aussi  je  suis  chrétienne, 
tuez-moi.  »  Elle  fut  prise,  mais  son  maître  la  vendit  aux  missionnaires 
pour  un  fusil.  Pieuse  et  dévouée,  elle  fut  chargée  de  la  direction  d'un 
orphelinat  pour  les  jeunes  tilles  esclaves  rachetées.  Une  maison  a  aussi 
été  construite  pour  celles-ci  dans  une  bananeraie  près  de  la  mission.  Le 
principal  travail  des  femmes  dans  ce  pays  est  la  culture  du  sol.  Nos 
négrillonnes  ont  déjà  transformé  le  terrain  couvert  de  broussailles  qui 
environnait  l'habitation  en  belles  bananeraies,  en  magnifiques  champs 
de  patates,  de  pois,  de  maïs,  de  manioc,  de  cannes  à  sucre  et  de  caféiers. 

De  son  côté,  le  P.  Wyncke,  écrit  de  Kibaogpa,  sur  la  rive  occidentale 
du  Tanganyika  :  «  Nos  orphelins  sont  la  partie  de  notre  troupeau  qui  nous 
donne  le  plus  d'espérance  pour  l'avenir.  Quand  les  plus  grands  sont  en 
âge  d'être  mariés,  nous  les  mettons  en  ménage,  en  leur  donnant,  outre 
la  case  et  la  femme,  la  dot  habituelle  qui  consiste  en  une  natte.  Un  pot 
à  cuire,  une  cruche  pour  puiser  l'eau  et  une  pioche  pour  cultiver.  Avec 
les  orphelins,  nous  avons  composé  un  équipage  complet,  rameurs  et 
pilotes,  qui  manœuvrent  comme  de  véritables  marins.  Les  orphelins 
forment,  avec  les  esclaves  rachetés,  une  population  de  trois  cents  âmes 
environ.  Ces  derniers  sont  également  l'objet  de  notre  sollicitude  parti- 
culière. Nous  les  aimons  d'autant  plus  que  nous  les  trouvons  plus  mal- 
heureux. Tantôt  c'est  la  famine  qui  contraint  les  parents  eux-mêmes  à 
vendre  leurs  enfants,  tantôt  ce  sont  les  Arabes  ou  les  Ma-Ngouana  qui 
se  débarrassent  du  butin  qu'ils  ont  fait.  Avec  les  jeunes  filles  que  nous 
avons  rachetées,  nous  avons  établi,  dans  un  des  villages  dépendant  de 
la  mission,  un  commencement  d'oi-phelinat  de  filles.  Elles  se  trouvent 
placées  sous  la  direction  d'une  matrone  chrétienne,  en  attendant  que  les 
sœurs  de  la  mission  puissent  venir  établir  ici  des  écoles  régulières.  » 


—  302  — 

D'après  VAnHsUwerp  Reporter,  le  colooel  SchœSér,  qui  est  au  Cmire 
à  la  tête  du  Département  de  la  traite,  visite  toutes  les  parties  de 
rÉgypte,  surveille  personnellement  avec  soin  les  diverses  branches  de 
son  département,  exerce  une  vigilance  stricte  sur  les  navires  qui  passent 
de  la  mer  Rouge  par  le  canal  de  Suez,  ensorte  qu'il  y  a  une  garantie 
assurée  que  très  peu  d'esclaves  peuvent  entrer  en  Egypte  par  contre- 
bande. Une  peine  sévère  est  prononcée  contre  les  possesseurs  d'esclaves 
qui  violent  la  loi  conti-e  la  vente  de  leurs  esclaves  à  d'autres  personnes. 
Les  esclaves  qui  ont  obtenu  leur  émancipation  trouvent  facilement  du 
travail  libre  rétribué  ;  un  grand  nombre  d'entre  eux  sont  employés  aux 
travaux  d'irrigation. 

Lord  Salisbury  et  M.  Catalani  ont  signé  une  convention  nnn^lo- 
italienne  contre  la  tmite  des  eaolaveo.  Cette  convention  déclare 
que  la  traite  est  un  acte  de  piraterie  et  que  les  navires  qui  la  font  per- 
dent tout  droit  à  la  protection  de  leur  drapeau.  La  Méditerranée  est 
exclue  de  la  convention  dont  la  ratification  est  prochainement  attendue. 
Nous  ne  comprenons  pas  si  les  navires  anglais  et  italiens  toléreront  la 
traite  dans  la  Méditerranée  ;  commise  par  des  bateaux  de  Benghazi  ou 
de  Tripoli,  par  exemple,  serait-elle  moins  un  acte  de  piraterie,  que  si 
elle  l'était  par  des  dkows  arabes,  entre  Pemba  et  les  Comores  V 

M.  Horace  Waller,  qui  avait  été  délégué  au  Congrès  de  Lucerne  par 
la  British  and  Foreign  antislavery  Society,  avait  préparé,  sur  l'Extinc- 
tion immédiate  du  status  lé^al  de  l'esclavage  dans  les 
États  du  sultan  de  Zanzibar,  un  mémoire  auquel  nous  emprun- 
tons ce  qui  suit,  pour  compléter  ce  que  disait,  sur  ce  sujet,  Tévêque 
Smythies  dans  sa  lettre  au  Times  (voir  p.  266-269). 

M.  Waller  comptait  proposer  que  les  puissances  européennes  inté* 
ressées  au  progrès  de  TAfrique  orientale  invitassent  le  sultan  à  abolir 
le  status  de  l'esclavage  autorisé  par  la  loi,  avec  l'avertissement  que  s'il 
ne  l'a  pas  aboli  volontairement  dans  l'espace  de  six  mois,  les  puissances 
recourront  à  la  force  pour  l'y  obliger.  Il  distingue  l'abolition  du  stahis^ 
légal  de  l'esclavage,  de  l'émancipation  de  tous  les  esclaves  ;  la  première 
sera  sans  doute  le  précurseur  de  la  seconde,  mais  elle  adoucirait  le  choc 
que  produirait  une  opération  plus  complète,  et  permettrait  à  la  transi- 
tion de  se  faire  plus  graduellement. 

Si  l'abolition  du  status  légal  de  l'esclavage  ^it  proclamée,  les  tribu- 
naux seraient  fermés  à  tout  propriétaire  qui  viendrait  réclamer  d'un 
juge  un  châtiment  pour  la  mauvaise  conduite  d'un  esclave.  Un  esclave 
fugitif  ne  pourrait  être  arrêté,  car  la  loi  ne  connaîtrait  pas  son  état 


—  303  — 

d^esclave,  et  le  ji^e  répondrait  au  plaidant  que  la  loi  n'admet  pas 
qu'aucun  homme  puisse  être  la  propriété  d'un  autre.  En  outre,  il  ne 
pourrait  y  avoir  aucune  vente  d*e8daves,  car,  en  cas  de  dispute  ou  de 
non-paiement,  le  vendeur  ne  pourrait  recourir  à  aucun  tribunal. 

Les  propriétaires,  Arabes  venus  de  Mascate  à  une  époque  récente, 
prétendront  que  leurs  intérêts  sont  lésés;  mais  ils  ne  sont  qu'une  infime 
minorité  en  comparaison  des  millions  d'indigènes  dont  ils  ne  respectent 
ni  les  intérêts  ni  la  vie. 

M.  Waller  croit  que  sa  proposition  diminuerait  les  appréhensions  qui 
régnent  parmi  les  tribus  de  la  région  des  lacs  par  suite  des  exigences 
des  Arabes,  et  ferait  disparaître  l'oppression  décrite  sous  des  couleurs 
si  tristes  par  Livingstone,  Cameron,  Wissmann  et  Stanley. 

Les  gens  de  Zanzibar  sont  déjà  préparés  à  une  mesure  comme  celle 
que  propose  M.  Waller;  depuis  longtemps  on  l'a  fait  entrevoir  au  sultan 
et  à  ses  sujets.  Gordon  avait  dans  son  programme  le  projet  de  faire  une 
descente  sur  la  côte  orientale  d'Afrique  avec  une  escadre  de  vaisseaux 
égyptiens,  puis  de  se  frayer  avec  des  troupes  un  passage  jusqu'au  lac 
Victoria-Nyanza,  et  d'ouvrir  une  route  commerciale  qui  permît  de  se 
passer  du  Nil.  Sir  John  Kirk  était  alors  le  conseiller  du  sultan  à  Zanzi- 
bar. Pour  des  raisons  politiques,  il  crut  devoir  contrecarrer  cette  expé- 
dition ;  mais  le  sultan  prit  une  mesure  qui  allait  au  delà  de  ce  qu'on 
osait  espérer,  en  abolissant  l'esclavage  dans  tous  les  ports  de  la  partie 
septentrionale  de  ses  États  comprise  dans  les  limites  de  cette  démons- 
tration navale.  Cette  mesure  a  une  grande  importance  comme  précédent, 
puisqu'elle  a  été  une  concession  à  l'opinion  publique.  Pendant  les  lon- 
gues années  que  sir  John  Kirk  passa  à  Zanzibar,  il  ne  cessa  de  deman- 
der l'abolition  du  status  légal  de  l'esclavage  et  de  le  recommander  au 
gouvernement  anglais. 

En  1873,  la  demande  d'esclaves  était  si  forte  de  la  part  des  planteurs 
de  girofliers  à  Zanzibar  et  à  Pemba,  que  la  i-égion  du  Nyassa,  d'où 
viennent  surtout  les  captifs,  était  désolée  par  les  razzias  et  les  meurtres. 
Sir  John  Kirk  insista  auprès  du  sultan  pour  que  lui  et  ses  sujets  cessas- 
sent de  se  rendre  complices  de  ces  horreurs.  Sald-Bargash  céda  à  ces 
sollicitations  et,  le  18  avril  1876,  fit  publier  la  proclamation  suivante  : 

«  Nous  faisons  savoir  à  tous  ceux  qui,  contrairement  à  nos  ordres  et 
aux  traités  conclus  avec  la  Grande-Bretagne,  amènent  à  la  côte  des 
esclaves  des  pays  du  Nyassa,  du  Yao  ou  d'ailleurs,  pour  les  vendre  à  des 
trafiquants  qui  les  emmènent  à  Pemba,  que  nous  interdisons  l'arrivée 
de  caravanes  d'esclaves,  et  que  nous  avons  donné  à  nos  gouverneurs 


—  304  — 

das  ordres  en  conséquence  ;  tous  les  esdaves  ameBés  à  la  côte  seront 
confisqués.  » 

Ce  do(mment  devrait  encore  aujourd'hui  avoir  force  de  loi,  mais  il  est 
éludé.  Le  seul  usage  qu'on  puisse  en  faire  maintenant,  c'est  pour  prou- 
ver qu'il  y  a  treize  ans  les  deux  tles  susmentionnées  étaient  la  cause 
principale  de  la  destruction  opérée  dans  les  districts  environnant  le  lac 
Nyassa. 

M.  Waller  a  recueilli  de  la  bouche  de  négociants  revenus  récemment 
en  Europe,  le  témoignage  que,  dans  la  masse  d'esclaves  qui  fourmille  à 
Zanzibar  et  à  Mombas,  il  est  difficile  d'en  trouver  un  qui  n'ait  été  amené 
récemment  de  la  région  du  Nyassa  ou  du  pays  des  Yao.  B  en  est  de 
même  loi-squ'on  visite  les  établissements  des  esclaves  libérés  par  les 
croiseurs.  Les  officiers  anglais  en  fonctions  dans  ces  parages  affir- 
ment que  6000  esclaves  au  moins  sont  enlevés  annuellement  à  ces 
mômes  régions  et  amenés  illégalement  aux  tles  de  Zanzibar  et  de  Pemba. 
Il  est  notoire  que  des  Arabes  en  relations  avec  Zanzibar  et  auxquels,  à 
l'occasion,  le  sultan  adresse  ses  envoyés,  dévastent  actuell^nent  les 
environs  du  lac  Nyassa  et  assiègent  des  sujets  anglais  dont  les  occupa- 
tions sont  contraires  aux  leurs.  Pour  les  6000  esclaves  amenés  à  Zanzi- 
bar et  à  Pemba,  60000  êtres  humains  sont  immolés  à  la  cupidité  d'une 
poignée  d'Arabes  qui  exercent  leur  tyrannie  sur  l'Afrique  centrale. 
Dans  ces  îles,  la  vie  d'un  esclave  employé  aux  plantations  ne  dépasse 
pas  dix  ans  au  maximum  ;  la  grande  majorité  meurt  avant  sept  ans.  De 
là  la  nécessité  de  repeupler  incessamment  les  plantations. 

Ces  Arabes  savent  que  le  jour  oii  ils  devront  rendre  compte  est  très 
proche.  On  leur  a  parlé  de  compensation,  mais  il  n'est  point  nécessaire 
de  leur  en  accorder.  S'il  faut  leur  en  payer  une,  que  les  propriétaires  se 
présentent  avec  leurs  esclaves  et  qu'ils  plaident  leur  cause.  Zanzibar  a 
déjà  reçu  comme  compensation  des  lignes  de  steamei*s  qui  facilitent  lar- 
gement son  commerce,  un  câble  sous-marin  qui  lui  assure  les  mêmes 
avantages  qu'à  Calcutta  ou  à  Capetown.  Peu  d'États,  dans  ce  siècle,  se 
sont  développés  avec  autant  de  rapidité  que  Zanzibar  ;  mais  à  aucune 
époque  de  l'histoire  de  l'Afrique,  il  n'a  été  sacritié  à  l'intérieur  autant 
de  vies  humaines  ;  et  c'est  l'État  de  Zanzibar  qui  en  est  surtout  respon- 
sable. 

Si  une  compensation  est  due,  c'est  au  pauvre  esclave,  qui  apprend 
maintenant  que  si  Zanzibar  avait  tenu  ses  engagements,  jamais  il 
n'aurait  été  enlevé  à  son  pays,  jamais  il  n'aurait  été  témoin  de  la  mort 
de  ses  compagnons  tués  d'un  coup  de  fusil  pour  n'avoir  pu  supporter 


^-1 


—  305  — 

la  marche  fatigante  du  Nyassa  à  la  côte.  Si  une  compensation  était  due, 
ce  serait  l'Arabe  qui  devrait  être  mis  aux  fers  dans  la  plantation  de 
girofliers,  jusqu'à  ce  qu'il  pût  payer  tout  ce  qu'il  doit  à  la  victime  qu'il 
a  dépouillée  de  tout. 

Mais  nous  serons  contents  si  nous  voyons  la  fraude  prendre  fin.  Il  y 
aura  lieu  de  déployer  une  grande  sagesse  quand  le  status  de  l'esclavage 
sera  aboli,  si  Ton  peut  obtenir  qu'il  le  soit.  U  faudra  dresser  un  registre 
et  y  inscrire  le  nom  de  chacun  des  esclaves  des  deux  îles  susmentionnées, 
puis  leur  fournir  du  travail  rétribué  en  échange  du  travail  servile. 

Si  l'on  peut  un  jour  annoncer  jusqu'aux  lacs  de  l'intérieur  que 
l'esclave  libéré  à  Zanzibar  ne  peut  plus  être  reconnu  comme  esclave 
par  la  loi,  les  planteurs  de  girofle  emploieront  le  travail  libre,  ils  paie- 
ront un  salaire  plutôt  que  de  risquer  des  dollars  poui*  des  captife  sur 
lesquels  ils  n'auront  aucun  droit  légal. 

Un  télégramme  de  Zanzibar  du  21  septembre  annonce  a  qu'un 
décret  du  sultan  accorde  à  l'Angleterre  et  à  l'Allemagne  le  droit  de 
visiter  les  bateaux  appartenant  à  ses  sujets,  et  déclare  en  outre  que  tous 
les  individus  entrant  sur  le  territoire  du  sultan  après  le  P'  novembre 
seront  libres.  »  Nous  pensons  que  par  «  le  territoire  du  sultan  »  il  faut  '-iï 

entendre  toutes  les  terres  et  les  îles  qui  lui  ont  été  reconnues  par  les  '    ?.5f^j 

conventions  que  l'Allemagne  et  l'Angleterre  ont  conclues  avec  lui  depuis 
1886,  et  nous  espérons  que  si  l'arrivée  sur  le  territoire  du  sultan  con- 
fère la  liberté  à  ceux  qui  y  seront  amenés  après  le  l*'  novembre,  ceux 
qui,  actuellement,  sont  encore  esclaves  des  Arabes  à  Pemba,  à  Zanzi- 
bar, à  Mombas  et  ailleurs,  ne  le  demeureront  plus  bien  longtemps. 

Le  Bulletin  de  la  Société  anti-esclavagiste  de  France  nous  apprend 
que  les  noirs  d'Amérique,  invités  par  S.  E.  le  cardinal  Lavigerie  à  se 
faire  représenter  au  Coogrè»  do  Lucerne,  y  avaient  délégué 
MM.  Daniel  Rudd  et  Robert  RuflSn,  qui,  informés  de  la  prorogation  en 
débarquant  en  France,  ont  cependant  poursuivi  leur  route  jusqu'à  ;j 

Lucerne,  où  ils  ont  été  présentés  à  Son  Éminence.  D'après  l'entretien 
que  l'organisateur  du  Congrès  a  eu  avec  eux,  ce  sont  les  compétitions 
européemies  en  Afrique,  l'absence  d'un  grand  nombre  de  Français,  la 
représentation  insuflisante  d'autres  nations,  la  crainte  des  divisions  que 
pouvait  amener  un  congrès  oîi  les  compétitions  se  seraient  fait  jour,  qui 
ont  empêché  de  le  tenir  sous  la  forme  qui  avait  été  d'abord  prévue.  Dès 
lors,  il  devra  êti'e  préparé  sur  d'autres  bases. 

Dans  une  letire  adressée  à  tous  les  Comités  anti-esclavagistes,  le  car- 
dinal Lavigerie  leur  demande  de  lui  faire  connaître  le  lieu  et  la  date  qui 


<; 


> 


—  306  — 

leur  parattraieot  convenir  le  mieux  pour  la  réunioa  du  Congrès.  Les 
questions  inscrites  au  programme,  et  que  les  Comités  sont  invités  à  étu- 
dier préalablement,  sont  celles  que  tous  les  journaux  ont  publiées  au 
mois  de  juillet  dernier.  Chaque  Comité  national  nommera  pour  le  repré- 
senter trois  de  ses  membres,  qui  seuls  seront  admis  à  délibérer  et  à 
voter.  Les  réunions  trop  nombreuses  qui,  dans  les  circonstances  actuel- 
les, pourraient  nuire  à  la  cause  de  l'abolition  de  la  traite  seront  évitées. 

En  Belgique,  M.  Louis  Delmer,  secrétaire  de  la  Société  anti-escla- 
vagiste de  Bruxelles,  a  donné,  à  Spa  et  à  Heyst,  deux  conférences  sur  la 
traite  des  noirs,  devant  de  très  nombreux  auditoires,  qui  ont  témoigné 
leur  sympathie  pour  l'œuvre  anti-esclavagiste  par  de  généreux  dons. 
Deux  comités  de  propagande  ont  été  fondés  à  Spa  et  à  Ostende. 

En  Autrlehe,  la  Société  pour  T  affranchissement  des  esclaves  en 
Afrique  fait  paraître,  depuis  le  15  septembre,  VAntiscUiverei  Monai^^ 
Revue,  «  destinée  à  faire  connaître,  dans  la  monarchie  austro-hongroise, 
dans  Tempire  russe,  dans  les  pays  du  Bas-Danube  et  des  Balkans,  eu 
Orèce  et  en  Orient,  l'état  delà  question,  ainsi  que  les  problèmes  dont  on 
cherche  la  solution  pour  cette  grande  œuvre  humanitaire  et  civilisatrice, 
qui  intéresse  le  monde  entier;  elle  tiendra  tous  les  gens  de  cœur  au 
courant  des  mesures  prises  en  vue  du  but  à  atteindre,  ainsi  que  des  tra- 
vaux les  plus  remarquables  et  les  plus  autorisés  publiés  par  des  écrivams 
d'une  compétence  incontestée.  »  UAfrica  Verein  ouvre  ses  portes,  dit 
la  Revue,  à  tous  ceux  qui,  sous  une  forme  ou  sous  une  autre,  voudront 
contribuer  à  l'œuvre  humanitaire.  Pour  mieux  en  faire  saisir  la  pensée 
inspiratrice,  elle  emprunte  le  passage  suivant  à  la  Lettre  pastorale 
adressée  par  le  cardinal  Lavigerie  au  clergé  et  aux  fidèles  de  l'arche- 
vêché de  Carthage,  le  10  mars  1889.  «  Certes  la  religion  consacre  ime 
telle  œuvre  de  miséricorde.  Mais  cette  œuvre  n'est  pas  seulement  une 
œuvre  religieuse.  Il  ne  s'agit  point  ici,  directement,  comme  dans  les 
missions,  de  la  foi  et  de  la  convei-sion  des  peuples.  C'est  la  cause  de 
r humanité  dans  laquelle  tous  les  peuples  sont  solidaires  ;  la  cause  de  la 
Justice  et  de  la  liberté,  qui  sont,  pour  tous,  les  premiers  des  bi^os, 
parce  qu'ils  sont  la  source  de  tous  les  autres;  la  cause  de  la  perte  ou  du 
salut  de  notre  continent  africain,  la  cause  par  conséquent  de  la  civilisa- 
tion elle-même;  à  une  telle  cause  tous  sont  également  intéressés.  » 

Il  existe  des  Sociétés  anti-esclavagistes  à  Nicolsbourg,  à  Cracovie,  à 
Salzbourg,  et  à  Innsbruck. 

Le  Bulletin  de  la  Société  anti-esclavagiste  de  Palerme  annonce  que, 
dans  la  Société  de  Naples»  ont  été  traitées  les  questions  sui- 
vantes : 


—  307  — 

1°  Pourvoir  h  la  fondation,  à  Assab,  d'un  asile  pour  les  enfao' 

de  l'esclavage  dans  les  possessions  italieaaes  de  la  mer  Roi^e. 

2"  En  faire  autant  pour  la  station  italienne  fondée  h  Otourob 

3'  Reprendre  Tceuvre  du  P.  Ludovico  da  Casoria,  en  recev. 

les  asiles  les  sujets  les  plus  capables  pour  leur  faire  suivre 

d'études  professionnelles,  selon  leurs  aptitudes  naturelles;  ei 

nant  en  Afrique,  iU  travailleraient  k  la  civilisation  du  contin 

formément  au  vœu  du  P.  Ludovico  :  civiliser  l'Afrique  par  l'Afi 


L'AFRIQUE  A  PARIS  EN  1889 

(Suite  et  fin,  V.  p.  272-279.) 

L'Algérie  et  la  Tunisie  ne  sont  pas  les  seuls  pays  de  TAfriqut 
trionale  qui  soient  représenta  k  l'Exposition  ;  l'Egypte  et  le 
sont  aussi,-mais  non  point  à  l'Esplanade  des  Invalides  oîi  ne  se 
que  les  pavillons  des  colonies  ;  il  faut  aller  les  cbercher  au  C 
Mars,  oii,  dès  l'entrée,  l'on  rencontre,  dans  la  partie  consacré 
toire  de  l'habitatioD,  un  spécimen  de  maison  égyptienne,  tai 
l'extrémité  de  l'allée  dite  du  Soleil,  entre  l'avenue  de  Suffi-ea  et 
de  l'Industrie,  se  trouvent  les  galeries  du  Maroc  et  de  l'Égypt 
me  du  Caire,  un  des  endroits  les  plus  exquis  de  l'Exposition.  Mi 
de  nous  y  rendre,  arrêtons-nous  au  pavillon  de  Suez  qui,  s'il  a] 
à  l'Egypte  par  son  style  et  par  ses  peintures  décoratives,  fourn 
sibilité  de  se  rendre  parfaitement  compte  d'une  des  œuvres 
considérables  en  même  temps  que  les  plus  utiles  des  temps  m 
le  percement  de  l'istbme  qui  unissait  l'Afrique  et  l'Asie.  Dai 
ment,  où  les  difficultés  que  rencontre  l'œuvre  du  Panama  ris 
faire  oublier  les  services  rendus  k  l'hunianité  par  M.  de  Lesaep: 
bon  que  cette  exposition  les  rappelât  à  tous,  même  à  ceux  qui 
en  profitant  largement,  n'ont  guère  que  des  paroles  amëres  p 
auquel  ils  doivent  les  facilités  du  passage  entre  les  deux  mers. 

Dans  la  première  pièce  est  exposé  un  relief  du  canal  k  trè 
échelle  qui  permet  de  suivre  la  marche  des  navires,  de  jou 
moment  oti  ils  quittent  la  Méditerranée  pour  entrer  dans  le  ba 
struit  k  Port-Saïd,  jusqu'à  celui  où  ils  atteignent  Suez  et  la  me 
après  avoir  traversé  les  diverses  sections  du  canal  et  les  nombi 
dont  l'ing^ieur  a  proAté  pour  mettre  en  relation  l'Atlantique  e 
Indien.  Dans  une  seconde  pièce  obscure,  les  visiteurs  peuvent  s 


—  308  — 

compte  de  la  navigation  de  nuit,  grâce  aux  feux  de  différentes  couleurs 
qui  marquent  la  direction  du  canal,  et  aux  lampes  dont  la  lumière  élec- 
trique  permet  actuellement  aux  navires  de  passer  directement  de  la 
Méditerranée  dans  la  mer  Rouge,  et  vice  versa,  sans  s'arrêter  ni  à  Port- 
Saïd  ni  à  Suez.  Par  cette  œuvre-là,  certes  l'Egypte  est  entrée  dans  le 
courant  de  la  civilisation.  Elle  était  également  représentée  au  Congrès 
des  scien  ces  géographiques  par  plusieurs  des  membres  les  plus  éminents 
de  la  Société  khédiviale  du  Caire,  qui  nous  fournissent  la  pr^ive  que 
les  Orientaux  ne  sont  point,  comme  tels  savants  le  prétendent,  réfrac- 
taires  à  nos  idées  européennes.  Il  est  bon  d'avoir  eu  ces  faits  à  mention- 
ner, avant  de  nous  rendre  à  l'exposition  égyptienne  et  à  la  rue  du 
Caire.  Ici,  tout  a  été  imaginé  pour  donner,  en  plein  Paris,  l'illusion 
d'une  des  voies  de  la  vieille  ville  égyptienne.  Les  murs  ont  l'aspect  brut 
des  crépissages  du  Caire  ;  toutes  les  boiseries  sont  authentiques  et  pro- 
viennent d'anciennes  maisons  des  siècles  passés.  Les  moucharabiés,  ces 
ingénieux  grillages  en  bois  qui  s'avancent  en  balcon  sur  la  rue  permet- 
tant aux  femmes  de  voir  sans  être  vues,  ont  été  collectionnés  dans  les 
quaitiers  démolis.  Les  portes  datent  de  deux  et  même  de  trois  siècles. 
Cette  rue  a  conservé  tout  son  caractère  oriental.  La  monotonie  des  mai- 
sons est  rompue  par  des  motifs  d'architecture  ;  deux  mosquées,  une 
école,  un  minaret  d'où  le  muezzin  appelle  à  la  prière»  trois  portes  et 
tous  les  ornements  plaqués  sur  les  murailles,  les  crocodiles,  les  sphynx, 
les  enseignes  ont  été  apportés  d'Egypte,  de  même  que  les  faïences 
anciennes.  L'illusion  est  rendue  complète  par  la  présence  de  cent  soi- 
xante Arabes  qui  habitent  cette  rue  si  curieuse  :  orfèvres,  tisserands, 
potiers,  tourneurs,  incrusteurs,  ciseleurs,  confiseurs,  marchands  de 
bibelots,  de  soieries,  de  vieilles  broderies,  débitants  de  pâtisserie,  de 
nougat,  de  coutiture,  etc.,  et  plus  encore  par  ime  soixantaine  d'âniers 
dont  l'aîné  n'a  pas  vingt  ans,  et  dont  le  plus  jeune  en  compte  à  peine 
dix  ;  avec  leurs  longues  blouses  bleues,  leurs  keffyeh  roulés  autour  de  la 
tête,  leur  type  grave,  ils  complètent  admirablement  ce  tableau  attrayant, 
surtout  quand  ils  courent  pieds  nus  à  côté  des  bourricots  qu'ils  parvien- 
nent à  faire  galoper  à  force  de  coups  de  bâton;  ou  bien,  lorsqu'ils  ne 
sont  pas  en  coui'se,  ils  restent  étendus  sur  la  paille,  fumant  force  ciga- 
rettes, se  battent,  en  jouant,  avec  des  bâtons  et  des  fourches,  se  dispu- 
tent en  poussant  des  cris  gutturaux,  dansent  et  sautent  comme  de  jeu- 
nes chiens. 

Nous  avions  déjà  quitté  Paris  quand  y  sont  arrivés,  avec  une  suite 
nombreuse,  les  deux  princes  Abbas-Bey  et  Mohamed-Bey,  âgés  le  pr&- 


—  309  — 
mier  de  dix-sept  ans,  le  second  de  quinze  ans,  envoyés 


ition.  L'un  et  l'antre  font  depuis  pluâ  de  deux  ai 
Vienne,  au  Theresituieuni,  collège  renommé  où  plus 
l'Orient  et  de  l'Occident  ont  fait  leur  éducation  littéraii 
Dans  la  pensée  du  khédive,  la  visite  des  jeunes  prince 
avec  leur  gouverneur  et  plusieurs  professeurs,  sera,  n 
voyage  d'agrément,  mais  encore  un  moyen  de  complé 

Si  la  partie  de  l'Exposition  relative  à  l'Egypte  reufe 
d'éléments  arabes  et  européens,  çn  n'en  peut  pas  dire 
qui  est  consacrée  au  Maroc,  dans  le  voisinage  de  la  ru< 
position  marocaine  u'a  rien  qui  rappelle  la  civilisation 
sent  que  l'empire  du  Maroc  est  fermé  h  l'iaâuence  des 
nord;  dans  les  quatre  constructions  à  l'usage  du  Ma 
bazar  à.  arcades,  tente  servant  aux  danses  nègres,  palai 
pôle  blanche,  tout  est  oriental.  Au  ba/ar,  tous  lesétalaj 
gés  de  babouches,  de  soieries,  de  voiles  brochés  d'or 
éclatantes  que  peu  commodes  avec  leurs  fourneaux  rai 
tuyaux  couverts  d'or  et  de  velours,  d'étuis  k  cigarettes 
soieries  à  arabesques,  de  pastilles  du  sérail,  etc.,  tandi 
sont  suspendus  des  lanternes,  des  lustres,  des  brûle^ 
ciselé,  repoussé  ou  ajouré.  Les  amateurs  de  confiserie  m 
vent  des  nougats  roses  ou  blancs  dont  la  coupe  lataee  vo 
d'amandes  ou  de  pistaches;  puis  des  fruits  confits,  le 
produit  d'origine  turque,  blaoch&tre  et  flasque,  au  d 
le  triomphe  de  la  sucrerie  fondante,  onctueuse,  parfum 
de  café  maure,  une  vraie  friandise  de  sultan.  Coiffés  de 
deurs  marocains  n'ont  pas  la  même  vivacité  d'allures  qi 
il  leur  manque  la  galté  éveillée  et  spirituelle  de  ces  i 
grand  déploiement  de  couleurs  vives,  sous  ces  arcade 
glantes  au  soleil,  est  d'un  effet  bien  oriental.  Mèm( 
forain,  l'Orient  exerce  sa  séduction  sur  tout  le  monde. 

Pour  rencontrer  l'Afrique  occidentale  nous  devons 
planade  des  Invalides,  aux  villages  sénégalais,  gabouai 
Le  contraste  est  grand  entre  le  souk  tunisien  et  la  se( 
vent  la  place  de  Dakar,  la  tour  de  Saldé,  les  rues  de  Ba 
od  sout  disséminés  les  Sénégalais,  hommes  et  femme 
enfants.  Leur  village  est  entouré  en  partie  d'un  rempa 
une  tour,  modèle  du  fortin  de  Saldé  qu'éleva  sur  le  S 
Faidherbe.  Il  y  a  là  des  spécimens  des  habitations  de  I 


—  310  — 

des  de  la  colonie  française,  Ouolofe,  Mandingues,  Bambaras.  £Ues  diffé- 
rent peu  :  quelques-unes  ont  Taspeet  bien  connu  des  constructions  de 
TÂfrique  centrale  ;  elles  sont  en  torchis,  en  forme  de  cylindre,  et  sur- 
montée d'une  toiture  conique  en  paille.  M.  Tamiral  Vallon,  anden  gou- 
verneur du  Sénégal,  a  fourni  au  Moniteur  des  Colanies  d'intéressants 
détails  sur  la  tour  de  Saldé,  dont  les  constructeurs  quittèrent  plus  d'une 
fois  la  truelle  pour  le  fusil,  afin  de  repousser  les  attaques  des  indigènes 
du  Fouta  Central,  qui  voyaient  avec  peine  la  France  prendre  pied  au 
cœur  de  leur  pays.  Défendue  par  une  vingtaine  de  soldats  indigènes 
appuyés  de  quatre  ou  cinq  Européens,  dont  un  artilleur,  la  tour  a  tou- 
jours dès  lors  résisté  k  leurs  efforts.  Aujourd'hui,  du  reste,  cette  région 
reconnaît  le  protectorat  de  la  France.  La  réduction  aux  deux  tiers  de 
cette  tour  à  l'Esplanade  des  Invalides  n'a  qu'un  étage  divisé  en  quatre 
compartiments  égaux,  dans  lesquels  sont  représentés  les  produits  de 
l'industrie  indigène. 

Dans  la  pièce  d'entrée,  un  guerrier  du  Cayor  vêtu  de  sa  tunique  de 
guerre,  la  lance  à  la  main,  le  fusil  en  bandoulière,  le  sabre  à  l'épaule, 
couvert  des  amulettes  dites  gri-gris,  qui  doivent  le  rendre  invulnéra- 
ble, semble  garder  l'étalage  des  instruments  primitifs  d'agriculture  et  de 
pèche  en  usage  dans  son  pays  ;  à  ses  pieds  sont  disposés  les  bois  indigè- 
nes utilisables  dans  les  constructions  ou  pour  l'ameublement  ;  accrochés 
aux  murs  on  voit  divers  produits  agricoles  et  jusqu'à  des  nids  d'oiseaux  ; 
suspendues  en  guirlandes  au-dessus  de  sa  tête,  pendent  des  grappes  de 
ricin  dont  la  culture  au  Sénégal  donnera  prochainement  k  cette  graine 
oléagineuse  une  importante  valeur  d'exportation. 

Des  étoffes  tissées  et  teintes  dans  le  pays  forment  portières  pour  pas- 
ser sur  la  gauche  dans  la  seconde  salle  au  centre  de  laquelle  une  table 
à  gradins  porte  des  échantillons  d'arachides  de  diverees  régions  sénéga- 
laises, les  huiles  comestibles  et  les  résidus  qu'on  en  retire.  Le  Comité 
central  de  Saint-Louis  expose  dans  cette  pièce  une  foule  de  plantes  et 
d'écorces  desséchées  qui  toutes  ont,  chez  les  indigènes,  une  grande 
valeur  thérapeutique. 

Une  carte  de  la  région  de  Porto-Novo,  dans  le  golfe  de  Bénin,  dressée 
et  exposée  par  M.  Ballot,  administrateur,  indique  le  cours  de  la  rivière 
Ouémé  qui  borde  la  frontière  orientale  du  Dahomey,  comme  navigable 
jusqu'au  village  d'Agony,  ce  qui  permettrait  de  faire  dériver  sur  le 
comptoir  français  le  commerce  du  riche  royaume  de  Dahomey.  Autour 
de  cette  carte  on  remarque  divei-s  gri-gris  qui  ont  été  arrosés  du  sang 
humain  des  sacrifices  encore  pratiqués  dans  cette  région  et  qui  en  con- 
servent la  trace. 


—  311  — 

On  pénètre  dans  la  troisième  salle  en  soulevant  des  draperies  fabri- 
quées par  les  femmes  maureffl)ues  de  la  rive  droite  du  Sénégal;  cette 
pièce  est  entièrement  occupée  par  les  articles  européens  qui  ont  cours 
sur  les  marchés  sénégalais.  Parmi  les  oiseaux  exposés  dans  les  vitrines 
de  cette  salle,  les  foUotocoles  se  font  remarquer  par  leurs  reflets  d'éme- 
raude. 

La  quatrième  salle  est  consacrée  aux  produits  agricoles  de  la  colonie  : 
arachides,  gommes,  indigo,  mil,  maïs,  riz,  huile  de  palme,  coton,  dre, 
café>  gingembre,  caoutchouc,  graines  oléagineuses.  Plusieurs  chefs  ont 
exposé  là  des  produits  du  sol,  des  tissus,  des  vêtements  de  guerre,  des 
armes,  des  outils  et  divers  objets  fabriqués  dans  leurs  territoires.  Dans 
un  angle  sont  réunis  des  meubles  et  autres  articles  garnis  de  la  peau  du 
caïman  qui  abonde  dans  les  eaux  du  Sénégal,  et  dont  on  exporte  de 
grandes  quantités. 

A  tous  les  murs  et  aux  cloisons  de  la  tour  sont  suspendus  symétrique- 
ment des  spécimens  variés  de  Tindustrie  indigène  :  maroquinerie,  selle- 
rie, armes,  sabres,  poignards,  sacs  de  voyage,  portefeuilles,  donnent 
une  idée  exacte  de  l'habileté  des  Sénégalais  à  travailler,  à  teindre  et  à 
orner  le  cuir.  Dans  les  coins  sont  déposés  des  ustensiles  de  ménage  : 
pilons  à  mil,  blocs  à  repasser  le  linge  à  coups  de  maillets,  cuillers  et 
serrures  en  bois,  tam-tams  de  guerre  ou  de  danse,  instruments  de  musi- 
que, etc.  Des  plans  de  Dakar  et  de  Gorée,  de  Rufisque  et  de  Bouëtville, 
aiosi  que  de  Saint-Louis,  donnent  une  idée  exacte  de  ces  villes  et  de  leurs 
principaux  monuments. 

De  la  tour  de  Saldé  on  entre  dans  le  village  sénégalais,  où  l'on  ren- 
contre la  case  toucouleur,  semblable  à  celles  qui  composent  le  village 
de  Dagana,  avec  murailles  et  mobilier  en  terre  sèche  et  couverture  en 
paille  ;  la  case  ordinaire  des  Ouolofs,  pareille  à  celles  de  Guet-N'Dar, 
village  des  pêcheurs  de  Saint-Louis;  la  case  du  Fouta-Djallon,  construite 
en  terre  sèche  avec  véranda  circulaire  ;  la  case  du  Cayor,  identique  à 
celles  que  les  voyageurs  peuvent  voir  en  se  rendant  en  chemin  de  fer  de 
Dakar  à  Saint-Louis  ;  la  case  bambara,  semblable  à  celles  du  haut  Niger; 
la  grande  case  dite  Coumpan,  garnie  de  meubles  à  T  européenne  fabri- 
qués par  les  noirs.  A  ces  divers  modèles  d'habitation,  disséminés  sur  le 
terrain  consacré  au  campement  sénégalais,  se  mêlent  d'autres  installa- 
tions volantes,  telles  que  :  une  tente  habitée  par  les  gens  de  qualité  chez 
lesjMaurea  Trarza  qui  vivent  sur  la  rive  droite  du  Sénégal,  dans  le 
Sahara  méridional  ;  une  tente  servant  aux  captifs  des  Maures,  fabriquée 
avec  de  vieux  vêtements  en  cotonnade  bleue  dite  guinée  ;  à  côté  s'élève 


—  312  — 

la  mosquée,  ou  oratoire  privé,  que  Ton  rencontre  dans  toutes  les  cours 
des  musulmans  aisés,  construite  soit  en  teire  sèche,  soit  en  paille.  Aux 
contins  du  campement  sont  ie  parc  à  bestiaux,  le  gourbi  des  penhls 
(pasteurs),  le  poulailler,  la  fontaine-lavoir,  puis^un  champ  de  mais  où  un 
gardien  du  lottgau  (champ  de  culture),  abrité  dans  son  poste  perché  sur 
quatre  piquets,  a  sous  la  main  et  agite  de  temps  à  autre  le  tourlmd,  épou- 
vantail  à  oiseaux  d'une  grande  simplicité. 

Quant  aux  habitants,  au  nombre  d'une  trentaine  au  moins,  ils  sont 
du  plus  beau  noir  et  d'un  type  très  pur;  plusieurs  d'entre  eux  parlent 
correctement  le  français.  Leur  chef  est  un  vrai  colosse,  à  la  physionomie 
extrêmement  douce  ;  il  exerce  à  Saint-Louis  la  profession  de  bijoutier  ; 
un  forgeron  sarakolé  travaille  avec  un  aide  sous  la  maison  conunune  du 
village  ;  tout  auprès  est  établi  un  tisserand  lébou  avec  Kon  métier  ;  plus 
loin,  un  bijoutier  sambalaobé,  dont  l'atelier  a  été  reconstitué  à  l'Espla- 
nade ;  puis  un  second  bijoutier,  du  Soudan  français  ;  un  cordonnier  ouo- 
lof  ;  un  peuhl  pasteur,  dont  le  gourbi  est  entouré  de  cases  bambanu 

Le  costume  de  tous  ces  Sénégalais  est  très  simple,  mais  d'une  pro- 
preté remarquable.  Il  se  compose  presque  uniformément  pour  toutes  les 
tribus  de  la  culotte  ample  descendant  jusqu'au  genou  et  ànboubou,  sorte 
de  houppelande  d'une  coupe  primitive,  sans  manches  et  ouverte  sur  la 
poitrine.  Des  sandales,  retenues  au  cou-de-pied  par  une  étroite  courroie, 
complètent  ce  costume.  Des  broderies  au  boubou  établissent  une  dis- 
tinction entre  le  riche  et  le  pauvre.  La  couleur  est  également  un  signe 
caractéristique.  Le  bleu  est  celle  de  prédilection  des  Sénégalais. 

Les  artisans  susmentionnés  ne  sont  pas  les  seuls  Sénégalais  qui  soient 
venus  à  Paris.  Plusieurs  princes  du  Cayor,  le  plus  grand  État  ouolof, 
dont  la  royauté  n'a  pas  été  abolie  par  les  Français,  ont  tenu  à  visiter 
l'Exposition,  entre  autres  le  jeune  prince  Macodon  ra'Bothe,  fils  du  roi 
du  Saloum  Guedel,  qui  n'a  que  treize  ans  et  parle  très  correctement  le 
français  ;  il  n'avait  jamais  quitté  le  Sénégal,  aussi  a-t-il  exprimé  la  plus 
vive  admiration  pour  Paris.  L'alraamy  du  Boundou,  Ousman-Jassi,  dont 
le  colonel  Galliéni  a  utilisé  les  services  lors  de  l'insurrection  de  Mahraa- 
dou-Lamine,  quittait  aussi  la  terre  africaine  pour  la  première  fois,  et  se 
faisait  fête  de  visiter  les  merveilles  de  la  capitale;  en  comparant  aux 
cases  soudaniennes  les  hautes  maisons  k  balcons  européennes,  il  ne 
tarissait  pas  d'admiration.  Mais  celui  de^  princes  du  Sénégal  qui  a 
excité  le  plus  d'intérêt  est  le  roi  des  Nalous,  Dinah-Salifou,  bel  homme 
de  grande  taille,  ayant  la  peau  d'un  beau  noir,  le  visage  réguUer  et 
intelligent.  Il  portait  un  grand  manteau  en  drap  noir  brodé  d'or,  aîna 


|gi 


—  313  — 

que  la  calotte  noire  dont  il  était  coifie,  autour  de  laquelle  8'enroulait  un 
turban  de  soie  blanche  également  brodée  d'or.  Un  pantalon  bleu  clair 
et  des  bottines  vernies  complétaient  son  costume.  La  reine  était  coiffée 
d'un  madras  éclatant  bleu  et  rouge  et  portait  une  ample  jupe  d'indienne 
imprimée.  Les  femmes  qui  raccompagnaient  étaient  vêtues  de  la  tuni- 
que blanche  (boubou). 

Dinah-Salifou  ne  s'est  pas  borné  à  venir  visiter  l'Exposition;  il  a 
envoyé  une  collection  complète  des  produits  agricoles  et  industriels  du 
territoire  des  Nalous  :  graines  de  toutes  sortes,  plantes  médicinales, 
piment,  haricots,  amandes  de  palmes,  pépins  d'oranges,  patates  séchées, 
semences  de  goyaves,  etc.,  tous  produits  qui  indiquent  un  sol  riche  et 
fécond.  Outre  cela,  quantité  d'autres  objets  :  armes  défensives  et  off^- 
sives  ;  peaux,  ustensiles  en  osier,  en  bois  ou  en  poterie;  tissus,  etc.,  le 
tout  arrivé  du  Rio-Nunez  dans  dix-sept  grandes  caisses.  Qui  eût  dit,  il  y 
a  douze  ans,  qu'un  roi  africain  figurerait  jamais  parmi  les  exposants  de 
nos  grands  concours  internationaux  ! 

Avant  le  départ  de  Dinah-Salifou  et  de  sa  suite,  a  eu  lieu,  au  Palais 
central  des  colonies,  une  cérémonie  qui  laissera  sans  doute  une  impres- 
sion durable  dans  le  cœur  de  ces  hommes  simples  et  droits.  Les  fils  des 
chefs  sénégalais  avaient  été  réunis  dans  le  cabinet  de  M.  Henrique, 
commissaire  général  de  l'Exposition  coloniale.  M.  Noirot,  commandant, 
leur  adressa  une  courte  allocution,  qu'ils  écoutèrent  avec  une  profonde 
attention.  En  souvenir  de  leur  voyage  en  France,  le  gouvernement  leur 
fit  remettre  quelques  cadeaux,  et  M.  Henrique  annonça  à  Ibrahim  Sali- 
fou,  fils  du  roi  Dinah,  que,  sur  la  demande  de  son  père,  il  était  admis 
au  lycée  d'Alger.  Au  Pavillon  de  la  presse  coloniale,  qui  reçut  leur  der- 
nière visite,  ils  trouvèrent  encore  quelques  ouvrages  que  leur  offrait  la 
maison  Hachette,  et  qu'ils  acceptèrent  avec  le  plus  grand  plaisir. 

Dinah-Salifou  n'est  pas  d'ailleurs  le  seul  chef  indigène  du  Sénégal  qui 
ait  exposé  au  Palais  des  colonies  ;  si  nous  ne  craignions  de  rebuter  nos 
lecteurs,  nous  leur  donnerions  une  liste  de  quinze  noms  au  moins  d'ex- 
posants indigènes  sénégalais,  dont  les  collections  ne  font  point  mauvaise 
figure  auprès  de  celles  des  colons  européens.  Grâce  h  quelques-uns  de 
ceux-ci,  la  flore  et  la  faune  du  Sénégal  sont  représentées  par  de  nom- 
breux spécimens  ;  l'exposition  du  D'  Colin  renferme  des  fibres  de  laine 
végétale,  de  soie  également  végétale,  avec  des  échantillons  de  tissus  de 
ces  produits  ;  des  caftans  de  drap  noir  brodé  ;  des  bijoux  en  or  et  en 
argent,  bagues,  bracelets  ciselés  et  pouvantfournir  à  nos  joailliers-bijou- 
tiers de  nouveaux  motifs  pour  décoration.  La  faune  ailée  vivante  du 


—  314  — 

Sénégal  était  représentée  par  des  centaines  d^oiseaux  enfermés  dansime 
grande  volière,  oiseaux  au  plumage  brillant,  chaudement  coloré  par  le 
soleil  des  tropiques,  mais  nullement  chanteurs  ;  ils  semblent  n'avoir  à 
leur  disposition  que  deux  ou  trois  notes  et  ne  pouvoir  s'en  servir  que 
pour  produire  des  cris  qui,  poussés  par  des  centaines  de  voix,  finissent 
par  former  un  bruit  assourdissant. 

Une  des  parties  de  TËxposition  du  Palais  des  colonies  qui  nous  a  le 
plus  intéressé,  est  celle  qui  renferme  les  travaux  des  élèves  des  écoles 
dans  les  colonies.  Toutes  ces  écoles  sont  représentées  et,  dans  le  nom- 
bre, celles  de  la  Réunion,  de  Mayotte,  de  Nossi-Bé,  de^  Sainte-Marie  de 
Madagascar,  des  Comores  occupent  une  très  bonne  place  et  témoignent 
du  soin  que  Tadministration  scolaire  apporte  h  la  bonne  organisation  de 
l'instruction  dans  ses  possessions  lointaines.  Pour  le  Sénégal,  il  existe 
de.s  Comités  d'instruction  publique  à  Saint-Louis  et  à  Dakar  ;  pour  favo- 
riser le  recrutement  du  personnel  enseignant,  un  jury  d'examen  des 
candidats  aux  brevets  de  capacité  élémentaire  et  supérieur  pour  l'ensei- 
gnement primaire  tient  deux  sessions  annuelles.  Des  cours  du  soir  pour 
adultes  existent  à  Saint-Louis  et  à  Gorée.  L'Alliance  française  a  fondé 
des  écoles  à  Bammakou,  Koundou,  Kita,  Bafoulabé,  Médine,  Bakel, 
Godor,  etc.  ;  ces  écoles  sont  dirigées,  sous  la  surveillance  des  comman- 
dants de  poste,  par  des  sous-oflSciers  et  des  interprètes.  Nous  avons  été 
très  heureux  de  voir  l'empressement  avec  lequel  le  conunandant  Gal- 
liéni  a  créé  à  Siguiri,  poste  établi  seulement  l'année  dernière  dans  le 
haut  Niger,  une  école  dans  laquelle  l'enseignement  est  donné  aux  élèves 
par  le  sous-officier  du  poste  nouvellement  installé. 

Le  Palais  des  colonies  renferme  d'ailleurs  de  riches  collections  de 
beaucoup  de  territoires  coloniaux  africains  :  des  arachides,  du  caout- 
chouc, de  l'huile  de  la  Gambie  et  de  la  Cazamance  ;  de  l'alfa  et  de  la 
ramie  d'Algérie,  cette  dernière  sous  toutes  les  formes  :  plante  verte, 
tiges  séchées,  ramie  décortiquée,  tissus  divers  unis,  rayés,  velours  et 
peluche,  hamac,  tout  autant  de  produits  de  l'industrie  nouvelle  de  la 
ramie  ;  des  cafés,  des  graines  de  palme  d'Assinie,  de  l'huile  de  palme 
de  Grand-Bassam  ;  des  collections  spéciales  de  tissus  et  de  vêtements 
rapportés  par  le  capitaine  Binger  de  sa  mission  au  pays  de  Kong  ;  des 
caoutchoucs  de  Madagascar  et  de  la  Réunion  ;  d'Obock,  des  armes,  des 
bracelets,  des  corbeilles,  des  ustensiles  dankalis,  etc. 

Il  était  naturel  qu'une  large  place  fût  faite  à  la  nouvelle  colonie  du 
Congo  français  et  à  celle  plus  ancienne  du  Gabon,  sur  lesquelles  l'atten- 
tion est  tout  particulièrement  attirée  maintenant  et  dont  les  indigènes 


—  315  — 
sont  représentés  par  des  Pahouins  et  des  Gabonais,  comme  ( 
Sénégal  le  sont  par  les  nombreux  Sénégalais  dont  nous  avons  pa 
Parmi  les  produits  dîf  Gabon,  nous  avons  surtout  remarqué  it 
tion  des  bois  d'ébénisterie,  et  constaté  que  l'acajou  de  cette  coloi 
fouruir  de  très  beaux  meubles;  un  piano  nous  a  particulièrement 
Dans  les  vitrines  du  Congo,  les  sculptures  sur  ivoire  faites  par  1 
gènes  nous  ont  prouvé  que,  quelque  retardés  que  puissent  être  L 
tes  congolais  comparativement  à  ceux  qui  exposent  au  Palais  des 
Arts,  ils  ne  sont  dépourvus  ni  d'idées  originales,  ni  de  talent  ] 
exprimer  ou  pour  reproduire  les  scènes  que  la  nature  ou  la  vie 
les  jours  mettent  sous  leurs  yeux  ;  il  y  a  1&  des  défenses  en  ivoi» 
tes  dimensions,  petites,  moyennes,  grandes,  couvertes  de  tigures 
mes  et  d'animaux,  présentant  tous  les  épisodes  que  la  vie  de  ( 
plades  peut  offrir,  scènes  de  pêche,  de  vie  domestique,  procès: 
guerriers,  de  porteurs,  file  de  captifs  enchaînés,  vie  religieuse,  i 
fait  défaut  ;  on  y  voit  même  quelques  Européens  reconnaissablef 
chapeaux  et  à  leurs  pantalons;  le  dessin  en  est  enfantin,  mais  p 
mouvement  règne  d'un  bout  à  l'autre,  le  tout  est  vivant;  les  é 
de  l'art  sont  là;  on  peut  dire  déjà,  aujourd'hui  que  lorsque  les 
du  Congo  auront  eu  k  leur  portée  les  ressources  dont  disposent  i 
pays  civilisés,  ils  ne  resteront  pas  au  dernier  rang. 

Encore  à  signaler,  dans  l'Exposition  du  Gabon-Congo,  ce  qui 
porte  au  matériel  nécessaire  pour  les  expéditions  et  aussi  i 
importations  dans  cette  colonie  :  les  caisses  en  zinc,  étanches 
transports  à  l'intérieur,  les  échantillons  de  tissus  écrus,  loi 
nuances  variées,  avec  dessins  appropriés  au  goût  des  indigènes, 
par  les  fabriques  françaises  de  Bolbec,  de  Rouen,  de  l'Est; 
modèles  de  ballots  pour  la  commodité  du  transport.  U  y  a  au! 
minces  pirogues  indigènes  destinées  k  la  descente  des  raj 
l'Ogôoué,  et  qui  peuvent  porter  deux  ou  trois  hommes  au  pi 
grandes  pirogues  ne  figurent  naturellement  pas  ici,  leur  volun 
trop  considérable,  on  n'en  a  exposé  que  des  réductions. 

Derrière  le  Palais  des  colonies,  s'étend  un  vaste  espace  plan 
bres  en  quinconces,  où  l'on  a  construit  des  cases  de  bambous  r 
tes  de  chaume,  formant  le  village  pahouin,  habité  par  des  Ad 
des  Okanda.  Ce  village  forme  une  enceinte  continue  ;  il  devait  l 
métiquement  clos  par  une  palissade  de  bambous,  mais,  en  vue 
position,  il  a  fallu  ménager  sur  un  des  côtés  des  ouvertures  desl 
public.  En  réalité,  la  seule  eutrée  serait  un  long  couloir  couver 


—  316  — 

à  angles  droits,  où  TassaiUant  serait  pris  comme  dans  une  souricière  et 
criblé  de  coups  de  fusil  par  de  petits  trous  pratiqués  en  guise  de  meur- 
trières. Les  huttes,  rangées  des  deux  côtés  de  Tenceinte,  sont  fort 
basses  ;  la  terre  sert  de  plancher  ;  il  y  règne  une  affreuse  odeur  de 
hi*ûlé,  car  les  indigènes  y  font  leur  cuisine  et  ne  se  préoccupent  nulle- 
ment de  laisser  échapper  la  fumée.  Elle  sort  comme  elle  peut  par  les 
interstices  des  bambous  et  noircit  les  parois  et  le  plafond.  Dans  l^une 
des  cases,  un  indigène  tisse  de  la  fibre  de  bambou  avec  un  petit  métier 
assez  ingénieux  ;  c'est  de  cette  fibre  que  sont  faits  les  pagnes.  Pour  satis- 
faire aux  exigences  de  la  bonne  tenue  et  du  climat,  les  noirs  portent 
l'uniforme  de  marins,  vareuse  en  gros  drap  bleu,  chemise  de  flanelle, 
pantalon,  et  sont  coiffés  d'un  béret  à  rubans  pendant  par  derrière. 

Au  milieu  de  l'enceinte  est  une  sorte  de  hangar  couvert,  un  toit  en 
bambous  supporté  par  quelques  pieux  ;  c'est  la  place  centrale  de  tout 
village,  le  lieu  de  rassemblement  oîi  les  indigènes  viennent  causer,  tra- 
vailler quelquefois,  tuer  le  temps  le  plus  souvent.  Des  chiens  du  pays, 
aux  longues  oreilles,  deux  ou  trois  singes,  quelques  perroquets  gris  en 
cage  y  représentent  la  faune  du  Gabon-Congo. 

Les  Okanda  et  les  Adouma  diffèrent  d'aspect,  beaucoup  plus  qu'on  ne 
le  croirait  en  les  voyant  sommairement.  Les  premiers  sont  de  plus 
grande  taille,  ils  ont  le  nez  moins  écrasé  à  la  racine,  la  figure  en  somme, 
plus  agréable  à  nos  yeux;  quelques-uns  ont  une  barbe  légère.  Bs  parais- 
sent intelligents  et  gais.  Le  chef  du  village,  un  bel  homme,  vêtu  d'une 
chemise  rouge,  appartient  à  cette  tribu.  Les  Adoiuna  sont  petits,  quel- 
ques-uns semblent  être  de  véritables  nains;  il  y  en  a  de  trente  et  quel- 
ques années  qui  ont  l'air  vieillot.  L'un  d'eux  est  occupé  à  sculpter  une 
défense  d'éléphant  ;  de  la  pointe  émoussée  d'un  vieux  couteau  il  taille 
le  dur  ivoire,  improvisant  un  motif  d'ornementation  assez  compliqué, 
comme  on  en  voit  dans  la  vitrine  du  Palais  des  Colonies,  une  procession 
de  personnages  et  d'animaux  montant  en  spirale.  Sans  doute  les  atti- 
tudes des  figures  sont  raides  et  gauches  ;  malgré  cela  ce  sculpteur  pahouin 
peut  nous  donner  une  idée  de  l'artiste  primitif;  il  travaille  avec  un 
visible  plaisir.  Parfois  un  doute  le  prend,  il  réfléchit  profondément  et 
plonge  sa  main  noire  dans  sa  chevelure  crépue.  Puis  il  se  remet  à  l'ou- 
vrage avec  une  hâte  fébrile,  il  place  son  œuvre  à  distance  et  l'examine 
en  inclinant  la  tête,  il  la  tourne  et  la  retourne  en  tous  sens  exactemeot 
comme  pourmt  le  faire  un  artiste  européen. 

Mais  nous  parlons  au  présent  comme  si  les  Okanda  et  les  Adouma 
étaient  encore  à  l'esplanade  des  Invalides,  tandis  qu'ils  ont  dû  en  partir, 


—  317  — 
chasséB  par  l'abaissemeat  de  la  température,  et  se  rendre  ai 
s'y  embarquer.  Auparavant  toutefois,  îIb  ont  visité  k  Ro 
grandes  manufactures  où  la  rapidité  des  procédés  de  fabi 
quantité  de  tissus  de  toutes  sortes  remplissant  les  magi 
grandement  étonnés.  La  tour  Eiffel  les  a  émerveillés  au 
faire  dire  à  Savorgnan  de  Brazza  :  «  Comment  les  blancs, 
vés  à  faire  tant  de  choses,  meurent-ils  encore?  » 

Nous  voudrions  pouvoir  rapporter  en  détails  les  exercice 
sont  livrés  sur  la  Seine  les  piroguiers  sén^alajs  et  pahoui 
ptanade  des  Invalides  les  nombreux  représentants  des  trib 
l'après-midi  du  deuxième  jour  du  Congrès  des  Colonies,  mi 
cle  est  |déjà  bien  long,  et  nous  ne  pouvons  pas  quitter  l'Ai 
en  1889,  sans  avoir  au  moins  mentionné  encore  le  pavillon 
le  syndicat  des  Mines  de  diamants  du  Cap  fait  procéder, 
d'une  foule  énorme  de  visiteurs,  à  toute  la  série  des  oj 
lesquelles  doit  passer  le  diamant,  depuis  le  moment  où  1 
contient  est  extraite  de  la  mine,  jusqu'à  celui  oii,  taillé,  il  e 
ench&ssé  dans  un  bijou  par  le  joaillier. 

Il  y  a,  le  long  de  l'avenue  de  La  Bourdonnais,  non  loin 
des  machines,  une  mine  de  diamants  installée  dans  un  [ 
des  machines  à  laver  les  terres  diamantifères,  de  vraies  ter 
fères  et  de  vrais  diamants  qu'on  extrait  des  graviers  souj 
public. 

Dans  le  pavillon  est  exposé  un  grand  plan  en  relief  de 
l'une  des  principales  mines  du  Griqualand-West.  Mais  san 
là,  au  Champ  de  Mars,  l'on  peut  suivre  au  naturel  toutes 
tions  par  lesquelles  passe  un  diamant  depuis  son  extracttoi 
la  terre  bleue  dans  laquelle  sont  enfouis  des  diamants  bru 
à  des  lames  de  verre  grossier;  voici  les  floors  sur  lesquel 
s'étend,  car  elle  est  trop  dure  pour  qu'on  puisse  y  trier  le 
préparation.  On  Tétend,  on  l'arrose  fréquemment  et,  sous  la 
du  soleil  et  de  l'évaporatîon,  elle  se  délite.  Voici  la  machint 
ensuite.  Des  râteaux  circulaires  tournent  dans  une  gram 
laissant  tomber  au  fond  que  le  gravier.  Ce  gravier  est  mis 
et  trié  à  la  main.  Quand  l'un  des  trieurs  trouve  un  diama 
tre  triomphalement  aux  curieux  sur  sa  planchette  de  bois, 
établie  dans  le  pavillon  même  s'en  empare;  les  ouvriers  qui 
séparés  des  indiscrets  par  une  barrière  de  vitres,  le  laven 
le  polissent;  puis  il  va  rejoindre,  dans  la  solide  cage  de  fer 


—  318  — 

au  milieu  du  pavillon,  le  gros  diamant  jaune  qui  y  brille  parmi  une 
grande  quantité  d'autres  de  toutes  grandeurs. 

A  notre  grand  regret,  nous  avons  dû  passer  sous  silence  plusieurs 
des  expositions  de  colonies  françaises  :  celles  d'Obock,  de  Mayotte,  de 
]^ossi-Bé,  de  Ste-Marie  de  Madagascar,  celle  de  la  Réunion  qui  occupe 
cependant  au  Palais  des  Colonies  une  place  large  et  honorable.  Même 
dans  celles  dont  nous  avons  parlé,  nous  avons  dû  omettre  quantité  de 
détails  intéressants.  Mais  ce  que  nous  avons  dit  suffit,  nous  n'en  dou- 
tons pas,  pour  faire  comprendre  la  parfaite  vérité  du  mot  du  comte 
Melchior  de  Vogué,  dans  ses  articles  de  la  Bevw  des  Deux  Mondes  : 
/«  l'Afrique  attire.  »  Naguère  c'était  l'inconnu  qui  attirait  en  elle  ;  aujour- 
d'hui ce  sont  ses  produits  de  toutes  sortes,  non  seulement  son  or  et  ses 
diamants,  mais  surtout  ses  produits  agricoles  et  industriels;  et  plus 
encore  ses  habitants  qui,  malgré  les  préjugés  de  savants  écrivains,  sont 
parfaitement  susceptibles  d'entrer  dans  le  courant  de  la  civilisation.  Les 
merveiUes  de  l'Exposition  les  éblouissent  sans  doute,  mais  l'intérêt  et  la 
sympathie  qui  leur  sont  témoignés  les  disposeront  mieux  que  tout  le 
reste  à  accepter  l'influence  que  les  nations  plus  avancées  dans  la  voie 
de  la  civilisation  doivent  s'elforcer  d'exercer  sur  elles. 


BIBLIOGRAPHIE 


Agostînho  Sisenando  Marques.  Expediçao  portugdeza  ao  Muata- 
Ianvo.  Os  clihas  e  as  pboducçoes  das  terras  de  Malange  a  Lunda. 
Lisboja  (Imprensa  nacional),  1889,  inS'*,  ilL,  1*'  fasc,  128  p.  — 
M.  Agostinho  Sisenando  Marques  commandait  en  second  l'expédition 
portugaise  de  1884-1888  au  pays  de  Lounda,  dans  le  bassin  du  Kassal 
et  de  ses  affluents ,  entre  leur  cours  supérieur  et  le  Quango.  Il  était  en 
outre  chargé  de  faire  des  collections  d'histoire  natui'elle.  L'ouvrage  que 
nous  annonçons  fait  partie  d'une  série  de  dix  volumes,  dont  un  a  déjà 
été  publié  par  le  chef  de  l'expédition,  M.  Henrique  de  Carvalho,  qui  a 
fourni  dans  Meilwdo  pratico  para  f alla?'  a  Lingua  da  Lunda,  une  mé- 
thode pratique  pour  apprendre  la  langue  du  Lounda.  Nous  avons  donné 
un  compte  rendu  du  premier  fascicule  il  y  a  quelques  mois  (voy.  p.  222). 

M.  Sisenando  Marques  avait  été,  de  1872  à  1881,  directeur  de  la 

*  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  B&le,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  dvUisée. 


—  319  — 

4Statioii  météorologique  de  l'Ile  de  San  Thomé.  Les  collections  bota- 
niques et  zoologiques  faites  pendant  son  voyage  ont  été  envoyées  aux 
musées  de  TÉcole  polytechnique  de  Lisbonne  et  de  l'Université  de 
€oïmbre. 

L'ouvrage  que  M.  Marques  nous  a  envoyé  se  divise  en  quatre  parties  : 
!•  une  description  des  lieux  visités  ;  2**  un  exposé  de  faits  météorolo- 
giques et  des  climats  ;  3*  les  maladies  obsei*vées  et  leur  rapport  avec  le 
<5limat  et  les  produits  végétaux  alimentaires  ;  4**  des  tableaux  d'observa- 
tions et  des  listes  des  spécimens  obtenus.  Le  premier  fascicule  contient 
la  première  section  de  la  première  partie,  avec  une  description  de 
Malange,  dans  la  vallée  de  la  Quanza.  Nos  lecteurs  connaissent  déjà 
<5ette  région  par  les  lettres  de  notre  correspondant,  M.  HéU  Châtelain. 
L'expédition  portugaise,  dans  son  voyage  au  Kassaï,  rencontra  le  lieu- 
tenant Wissmann,  le  D'  Wolflf,  M.  von  François  et  les  frères  Muller. 
D'après  M.  Marques,  un  des  principaux  buts  de  l'expédition  Wissmann 
était  de  détourner,  du  district  de  Louboukou  vers  le  Congo,  le  com- 
merce, surtout  celui  de  caoutchouc,  que  les  gens  d'Ambaca  et  de  Ba- 
Ngala  font  avec  Malange,  Pungo-Andongo  et  Dondo. 

Les  environs  de  Malange  sont  couverts  de  forêts  ;  M.  Marques  en 
énimière  les  principales  plantes  avec  beaucoup  de  détails,  ainsi  que  les 
produits  utiles  qu'on  en  tire  :  bois ,  résines ,  gommes ,  substances  médi- 
cinales et  oléagineuses,  fruits  comestibles,  etc.  La  rivière  Malange 
forme  de  grands  marécages,  mais  comme  ils  sont  situés  en  dehors  de  la 
ligne  des  vents  dominants,  la  salubrité  des  villages  n'en  est  pas  trop 
affectée.  M.  Marques  énumère  les  animaux  domestiques  de  Malange  et 
en  indique  la  valeur  en  monnaie  portugaise  ;  les  bœufs  sont  très  abon- 
dants. D  décrit  un  certain  nombre  de  fermes  portugaises;  dans  l'une 
d'entre  elles  se  trouve  un  véritable  jardin  botanique,  oU  l'on  fait  de 
sérieux  essais  d'acclimatation;  on  y  voit  le  châtaignier  d'Europe,  l'acajou 
d'Amérique,  l'eucalyptus  d'Austi-alie.  L'orge  y  rapporte  5000  Vu,  par- 
fois même  10,000  Vo-  On  la  sème  à  la  fin  de  février  et  on  la  récolte  au 
milieu  d'août.  Le  manioc  est  la  base  de  la  nourriture;  la  canne  à  sucre 
est  la  principale  récolte  des  Portugais  qui  ont  des  distilleries  pour  la 
fabrication  des  spiritueux.  Quelques-unes  des  fennes  sont  remarquables  ; 
il  y  a  de  bonnes  routes.  M.  Marques  donne  des  listes  des  produits  des 
industries  locales  :  du  fer,  du  cuivre,  de  l'argile,  du  bois,  des  fibres.  Il 
mentionne  aussi  l'accueil  fait  partout  à  l'expédition  de  Wissmann  et 
l'appui  que  lui  ont  toujours  donné  les  autorités  portugaises. 


—  320  — 

Alexis  M.  G,  La  traite  des  nègres  et  la  croisade  africaine.  Paris 
(Ch.  Poussielgue),  1889,  in-8%  240  p.,  ill.,  2'°*  édition.  —  Alexis  M.  0. 
La  barbarie  africaine  et  l'action  civilisatrice  des  missions  catho- 
liques AU  Congo  et  dans  l'Afrique  équatoriale.  Paris  (Ch.  Pous- 
sieigue),  1889,  in-8%  240  p.,  ill.  et  carte,  2"*  édition.  —  Ces  deux  ou- 
vrages du  même  auteur,  parus  eu  même  temps,  se  rapportent  au 
mouvement  anti-esclavagiste  actuel.  Le  premier  est  spécialement  con- 
sacré à  la  question  de  l'esclavage  africain,  aux  récits  des  horreurs  dont 
il  est  la  cause  et  aux  moyens  d'y  porter  remède.  Le  volume,  dédié  au 
cardinal  Lavigerie,  s'ouvre  par  l'encyclique  In  plurimis  adressée,  en 
1888,  par  le  pape  Léon  XIU  aux  évêques  du  Brésil  et  que  l'auteur  con- 
sidère comme  le  point  de  départ  de  la  croisade  africaine.  U  renferme  un 
chapitre  consacré  à  la  géographie  physique  et  politique  de  l'Afrique  cen- 
trale, divers  extraits  des  ouvrages  de  Livingstone,  de  Cameron  et  de 
Stanley  concernant  la  traite  des  nègres,  des  discours  du  cai'dinal  Lavi- 
gerie, enfin  un  résumé  du  mouvement  anti-esclavagiste  en  Europe. 

Le  second  ouvrage  a  un  caractère  plus  religieux,  car  il  est  spéciale- 
ment destiné  à  mettre  en  relief  l'action  civilisatrice  et  anti-esclavagiste 
des  missions  catholiques  au  Zanguebar,  au  lac  Victoria,  dans  le  bas  et 
le  haut  Congo,  au  lac  Tanganyika,  au  Gabon  et  au  Congo  français. 
L'idée  dominante  de  cet  ouvrage  peut  se  résumer  ainsi  :  le  mahométisme 
est  la  cause  principale  de  la  traite  des  nègres  et  c'est  par  la  christiani- 
sation  que  l'Afrique  sortira  de  la  barbarie. 

On  sent  que  l'auteur  de  ces  deux  ouvrages  est  un  anti-esclavagiste 
convaincu,  qui  est  entré  avec  enthousiasme  dans  la  croisade  entreprise 
par  le  cardinal  Lavigerie.  Peut-être  s'est-il  placé  à  un  point  de  vue  trop 
exclusivement  catholique  et  a-t-il  parfois  oublié  que  la  cause  de  l'aboli- 
tion de  l'esclavage  a  des  partisans  dévoués  dans  toutes  les  Églises  et 
dans  tous  les  partis.  Toutefois  cette  tendance  est  excusable  chez  un 
membre  du  clergé,  d'autant  plus  que  l'ouvrage  signale,  chemin  faisant, 
les  efforts  des  missionnaires  protestants  et  la  création  à  Genève,  sous 
les  auspices  de  notre  journal,  de  l'Association  anti-esclavagiste  suisse. 
En  somme,  ces  deux  ouvrages,  écrits  dans  un  style  simple  et  clair, 
seront  lus  avec  intérêt  par  le  grand  public  non  familiarisé  avec  les 
choses  africaines. 


—  321  — 

BULLETIN  MENSUEL  (4  novembre  1889 'j. 

Le  Moniieur  des  cdomes  a  pubKé  dUnténessants  détails  sur  les  cara-* 
•vanes  qui,  parties  du  Sud  oraitais,  sont  allées  trafiquer  dans  le 
©onrikra,  entre  les  oasis  de  Figuig  et  AïH-Salah.  Ils  montrent  com- 
bien il  serait  à  désirer  que  les  voies  ferrées  ne  tardassent  pas  à  pénétrer 
jusqu'aux  nombreuses  oasis  de  cette  région,  les  expériences  des  pion- 
niers de  rOued-Rirh  prouvant  que  ces  oasis  peuvent  être  créées  à 
Tinfinî.  Pendant  la  campagne  de  1888-1889,  six  caravanes  du  Sud  ora- 
nais  ont  gagné  le  Gourara.  La  première,  partie  du  cercle  de  Salda,  le 
8  décenibre,  comptait  309  hommes  et  1412  tbameaux.  Elle  emportait 
des  moutons,  de  la  laine,  du  beurre,  du  fromage,  du  blé  et  des  fèves,  et 
cent  charges  de  viande  sèche,  pour  une  valeur  totale  de  35,000  francs 
environ.  Elle  a  rapporté  des  dattes,  des  htéks,  des  chameaux,  etc., 
valant  environ  95,000  francs;  le  gain  a  donc  été  de  166  pour  cent  du 
capital  engagé.  L'abondance  des  dattes  au  Gourara  avait  permis  aux 
habitants  de  les  céder  à  im  prix  très  modique.  La  seconde  cai'avane, 
formée  par  les  Trafi  du  cercle  de  G^ryville,  était  forte  de  934  hommes  et 
4131  chameaux.  Elle  avait  des  marchandises  pour  une  valeur  de 
131,000  francs,  visita  des  ksours  importants  tjomptant  jusqu'à  12,000 
habitants  et  200,000  palmiers,  et  rapporta  pour  plus  de  300,000  francs 
de  marchandises,  ayant  donc  réalisé  un  bénéfice  de  123  pour  cent.  Les 
autres  caravane  ont  fait  des  opérations  à  peu  près  aussi  fructueuses; 
leur  voyage  s'est  effectué  dans  des  conditions  parfaites  de  sécimté. 
Tout  semble  appeler  la  construction  des  lignes  de  pénétration,  au  moins 
jusqu'aux  oasis  du  Grourara. 

Le  HandeCs  Muséum  rapporte  que  l'amiée  1888,  comme  les  années 
précédentes  depuis  1882,  a  amené  en  Egypte  une  vraie  calamité.  En 
1887,  la  grande  crue  du  Nil  avait,  en  maints  endroits,  détruit 
^es  récoltes  et  les  habitations  de  milliers  d'indigènes.  En  1888, 
d'autre  part.  Peau  a  été  si  basse  que  plus  de  300,000  feddans  de 
terre  arable  sont  demeurés  incultes  et,  dans  la  haute  Egypte  en  parti- 
culier, la  culture  a  rencontré  de  grandes  difficultés.  Le  déficit  provenant 
de  la  diminution  des  revenus  de  l'impôt  foncier  s'est  élevé  à  300,000  liv. 

*  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Noui9dles  eom- 
plémentaires  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
TAlgérie,  pois  allant  à  PEst,  longeant  ensuite  la  côte  oiieotale  do  continent  et 
reTeaant  par  la  côte  occidentale. 

L'AFRIQUE.   —   DIXli^ME   ANNÉE.   —  N^   11.  11 


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—  322  — 

sterl.  La  population  devient  de  jour  eu  jour  plus  pauvre,  même  dans  les 
grandes  villes  où  il  est  très  difficile  de  rien  gagner,  aussi  la  misère  est- 
elle  grande  parmi  les  artisans  et  les  ouvriers  européens  qui  arrivent 
toujours  plus  nombreux.  Jamais  on  a'a  ressenti  comme  cette  année-ci 
la  perte  du  grand  district  commercial  du  Soudan.  L'appauvrissement 
de  la  classe  agricole,  par  suite  de  la  réduction  des  prix  de  tous  les  pro- 
duits du  sol  et  des  impôts  exhorbitants,  lui  a  ôté  toute  possibilité  de 
rien  acheter,  d'où  est  résultée  une  forte  réduction  sur  l'importation  des 
cotonnades  et  des  matières  à  tisser;  même  la  classe  aisée  a  dû  réduire 
considérablement  ses  dépenses.  La  valeur  totale  de  l'importation  a  été 
de  7,687,834  liv.  sterl.  pour  8,093,295  liv.  sterl.  en  1887,  et  celle  des 
exportations  de  10,408,923  liv.  sterl.  pour  10,866,751  liv.  sterl.  en  1887. 

Le  terpltoipe  ooloniAl  italien  s'étend  soit  dans  le  bassin  de  la 
mer  Rouge,  soit  dans  celui  de  l'océan  Indi^.  Déjà  avant  l'occupation 
de  Keren  et  d'Asmara  par  les  troupes  italiennes ,  les  possessions  de 
ritaUe  s'étaient  accrues  à  l'intérieur  et  au  nord  ;  Ëmbesemi,  au  nord  de 
Massaouah,  n'en  forme  plus  la  limite  septentrionale  qui  s'étend  jusqu'à 
Ras-Kasar,  par  18**  2'  lat.  N.,  tandis  que  la  frontière  méridionale  de 
Raheïta,  vers  Obock,  forme  la  limite  sud.  A  l'est  et  au  nord-ouest  de 
Massaouah,  les  tribus  des  Habab  et  des  Beni-Amer  ont  reconnu  le  pro- 
tectorat italien,  qui  s'étend  par  conséquent  jusqu'au  cours  supérieur 
du  Baraka,  et  jusqu'à  l' Auseba  moyen.  On  en  évalue  la  population  à 
220,000  âmes.  Sur  la  côte  des  Somalis,  les  possessions  italiennes  se  sont 
considérablement  accrues.  La  limite  méridionale  se  trouve  être  actuel- 
lement formée  par  le  territoire  de  Warscheik  sous  le  2°  30'  lat.  N.,  tandis 
que  vers  le  nord  la  frontière  s'étend  jusqu'aux  Ouadi-  Nogal  par  8"*  3' 
lat.  N.  Le  bruit  court  que  le  sultan  des  Medjourtines,  dont  le  territoire 
s'étend  au  nord  jusqu'à  Ras-Afoun,  a  pris  l'engagement  de  ne  placer  la 
partie  septentrionale  de  ses  États  sous  aucun  autre  protectorat  que  celui 
de  l'Italie. 

Aux  termes  du  traité  conclu  entre  l'Italie  et  l'Abysainie»  les 
droits  souverains  de  la  première  ont  été  reconnus  sur  Massaouah,  le 
pays  des  Bogos  et  l'Asmara.  En  outre,  l'Italie  a  obtenu  le  privilège  du 
protectorat  sur  les  tribus  qui  habitent  les  territoires  limitrophes  et 
sur  celles  qui  se  trouvent  au  delà  de  Keren  sur  la  route  de  Kassala.  Le 
gouvernement  du  roi  Humbert  s'est  engagé  à  veiller  à  la  sécurité  de  la 
frontière  de  l'Abyssinie  du  côté  de  la  mer,  en  échange  de  quoi  Ménélik 
a  accepté  de  ne  communiquer  avec  les  autres  puissances  que  par  l'inter- 
médiaire du  cabinet  de  Rome.  C'est,  pensons-nous,  le  sens  à  donner  à  la 


—  323  — 

notificatiou  faite  aux  puissances  par  le  gouvernemeat  italien,  conformé- 
ment à  TActe  de  la  conférence  de  Berlin,  que  par  Tarticle  17  du  traité 
italo-éthiopien,  le  négous  consent  à  se  servir  du  gouvernement  italien 
pour  traiter  toutes  ses  affaires  avec  les  autres  États.  Lltalie  a  pris  aussi 
des  engagements  importants  en  ce  qui  concerne  la  fourniture  des  armes 
dont  Ménélik  aura  besoin  pour  organiser  définitivement  son  arméei 
Moyennant  des  prix  à  convenir,  les  magasins  militaires  italiens  seront 
pour  r  Abyssinie  les  sources  normales  d'approvisionnement.  Ce  sont  des 
officiers  italiens  qui  pourront  être  chargés  à  un  moment  donné  de  présider 
à  l'organisation  de  Tannée  abyssine  sur  le  pied  européen,  tandis  qu'il 
eât  interdit  à  Ménélik  de  charger  de  cette  mission  des  officiers  appar- 
tenant à  une  autre  nation  non  africaine.  Par  un  protocole  consacré  aux 
stipulations  commerciales,  l'Italie  s'est  assuré  le  monopole  du  trafic  entre 
TAbyssinie  et  la  mer  Rouge,  ainsi  que  de  celui  qui,  après  la  pacification, 
pourra  se  diriger  du  Soudan  vers  le  golfe  Arabique,  en  aboutissant  de 
préférence  aux  possessions  italiennes.  Le  système  monétaire  abyssin 
subira  aussi  de  profondes  modifications.  Jusqu'ici  la  seule  monnaie  en 
usage  en  Abyssinie  a  été  le  thaler  de  Marie-Thérèse  dont  le  cours  est 
très  variable.  L'Italie  frappera  un  écu  à  l'effigie  du  roi  Humbert,  par- 
ticulièrement destiné  aux  colonies,  et  que  Ménélik  s'est  engagé  à  recevoir 
dans  ses  États  au  même  titre  et  à  l'exclusion  des  thalers  de  Marie-Thé- 
rèse, qui  seront  éliminés  de  la  circulation.  Un  emprunt  abyssin,  garanti 
par  le  gouvernement  italien  et  amortissable  en  vingt  ans,  a  été  conclu 
avec  la  banque  nationale  de  Florence. 

M.  Poydenot,  qui  a  fait  au  printemps,  sous  les  auspices  du  ministre  de 
la  marine  et  des  colonies,  un  voyage  d'études  à  Obock»  a  adressé,  à 
son  retoiu»,  au  sous-secrétaire  d'État  pour  les  colonies  un  rapport 
dont  voici  le  résumé  :  Considérant  Obock,  au  point  de  vue  de  la  station 
de  charbon  et  comme  escale  nécessaire  des  navires  français  sur  la  route 
de  l'extrême  Orient,  M.  Poydenot  s'est  attaché  à  l'étude  des  voies  et 
moyens  les  plus  propres  à  mettre  cette  station  en  état  de  rendre  les 
services  importants  qu'on  peut  en  attendre.  Comparant  les  installations 
d'Aden  à  celles  d'Obock,  il  arrive  à  cette  conclusion  que  si  l'on  faisait 
pour  Obock  les  sacrifices  nécessaires,  ce  point  serait  à  tous  égards  préfé- 
rable poui*  la  flotte  française  de  gueiTe  et  de  commerce  à  celui  d'Aden. 
Il  suffirait  d'aménager  convenablement  le  port  que  la  nature  a  creusé  à 
Obock  ;  quelques  travaux  peu  coûteux  le  mettraient  en  état  d'abriter  les 
navires  qui  viendraient  s'y  approvisionner  de  charbon,  de  glace  et  de 
vivres  frais  abondants  dans  cette  région.  La  statistique  prouve  que  le 


—  324  — 

nombre  de  ces  navires  serait  suffisant  pour  justifier  les  frais  d'aménagé* 
ment  du  port,  dont  les  avantages  industriels  et  commerciaux  seraient 
incontestables. 

A  peine  le  conflit  entre  la  Société  eolonlAle  ntlletaitad^  et  la 
East  bpitisli  Afpicaii  Company,  au  siget  de  l'tle  de  Lamou,  était-il 
tranché  par  la  sentence  arbitrale  de  M.  Lambermont,  il  s'en  est  produit 
un  nouveau  au  sujet  de  Wanga  que  les  Anglais  avaient  occupé,  puis 
évacué  ;  une  commission  a  été  nommée  pour  déterminer  à  qui  appar- 
tient Wanga.  Au  reste,  quant  à  Lamou,  il  ne  s'agissait  pas  de  la  posses- 
sion du  pays,  comme  l'ont  annoncé  à  tort  les  télégrammes  adrei^és  aux 
journaux,  mais  simplement  de  l'administration,  surtout  de  celle  des 
douanes.  Les  détails  de  l'arbitrage  ne  sont  d'ailleurs  pas  encore  bien 
connus.  Il  -paraît  s'appuyer  sur  le  fait  que  les  Allemands  qui  faisaient 
valoir  des  titres  de  propriété  acquis  avant  la  convention  anglo-aDe- 
mande  de  novembre  1886,  n'avaient  pas,  à  temps,  fait  constater  leur  sou- 
veraineté par  des  actes  suffisants  pour  établir  leurs  titres.  Ils  invoquaient 
des  arrangements  verbaux  avec  le  sultan  défunt,  tandis  que  les  Anglais 
en  avaient  signé  avec  le  sultan  actuel.  C'est  ce  qui  fit  pencher  la  ba- 
lance en  faveur  des  Anglais.  Il  paraît  cependant  que  certains  points  ont 
été  renvoyés  à  un  règlement  ultérieur  entre  l'Angleterre  et  l'Allema- 
gne. D'après  les  dernières  nouvelles,  les  Anglais  veulent  bien  reconnaître 
les  droits  privés  allemands  proprement  dits,  mais  non  les  traités  conclus 
avec  les  chefs  indigènes.  Quant  à  la  Société  allemande  de  Vîtou,  le  fer- 
mage des  douanes  à  Lamou  ayant  passé  aux  Anglais  à  la  suite  de  l'arbi- 
trage de  M.  Lambermont,  le  gouvernement  allemand  a  rendu  les  droits 
de  douane  au  sultan  de  Vitou.  Les  stations  de  Manda  et  Patta  sont 
libres  et  les  Allemands  pourront  y  faii-e  valoir  leurs  droits  *. 

D'autre  part,  l'Italie  a  reconnu  les  droits  privés  de  la  Société  alle- 
mande de  l'Afrique  orientale  dans  le  territoire  du  'protectorat  italien  à 
Obbia,  sur  la  côte  des  Somalis.  Le  gouvernement  italien  a  déclaré 
qu'en  tant  que  ces  droits  privés  acquis  du  sultan  d'Obbia  par  la  Société 
étaient  d'accord  avec  le  protectorat  italien,  celui-ci  leur  offrirait  des 
garanties  supérieures  que  ntalie  respecterait  pleinement. 

*  A  la  dernière  heure,  le  Reicha  Anzeiger  annonce  que  le  territoire  situé  ao 
nord  de  la  frontière  de  Vitou,  et  au  sud  de  la  limite  du  territoire  de  Kismayou 
appartenant  au  sultan  de  Vitou,  a  été  placé  sous  le  protectorat  de  l'ÂUemagne,  en 
vertu  d'une  convention  passée  avec  les  chefs  indigènes,  et  sous  réserre  des  droits 
loyalement  acquis  par  des  tiers. 


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—  325  — 

Les  dernières  nouvelles  reçue  par  le  comité  de  rexpé^itian  aile-  ?^  *|^^ 

kfide  au  «ecouP9  ^'Entn-pi^cha  *  nous  apprennent  que  le  29  juil- 
let le  D"^  Peters  qui  la  dirige  était  arrivé  à  Ngao  sur  la  Tana,  et  s'était 
avancé  vera  Engatana,  où  il  avait  dû  séjourner  plus  longtemps  qu'il  ne 
l'avait  compté,  sa  marche  ayant  été  arrêtée  par  la  saison  des  pluies  qui 
avait  compromis  la  récolte  du  mate.  Il  avait  dû  envoyer  à  Kau  et  à  Ki- 
pini,  à  la  c6te,  des  agents  pour  acheter  du  blé.  Mais  l'influence  anglo- 
arabe  s'était  opposée  à  la  livraison  et  au  transpoil  du  blé  acheté,  les 
indigènes  refusant  les  bateaux  nécessaires.  Le  lieutenant  von  Tiede- 
mann,  envoyé  en  avant  pour  acheter  des  embarcations,  avait  dû  défendre, 
le  revolver  à  la  main,  sa  vie  menacée  dans  ime  attaque  nocturne  d'une 
vingtaine  d'Arabes.  Toutefois  il  avait  réuKsi  à  se  procurer  quatre  ba- 
teaux. Une  seconde  colonne  expéditionnaire  s'était  mise  en  marche  de 
Vitou,  le  25  août,  pour  rejoindre  celle  du  D'  Peters,  qui,  aux  dernières 
nouvelles,  avait  atteint  Koro-Koro  sur  la  Tana. 

Quatre  ligues  de  paquebots  mettent  Tamatave  en  communication 
avec  l'Europe  : 

P  Les  Messageries  maritimes  :  A.  ligne  directe  de  la  côte  d'Afrique 
et  de  Madagascar,  desservant  Port-Saïd,  Suez,  Obock,  Aden,  Zanzibar, 
Mayotte,  Nossi-bé,  Diego-Suarez,  Sainte-Marie;  B.  ligne  d'Australie 
avec  transbordement  à  Mabé. 

Dans  les  deux  cas  le  point  de  départ  est  Marseille  et  la  durée  du 
voyage  vingt-six  jours. 

2*"  La  Gastle  Mail  Steam  Company,  qui,  allant  directement  d'Angle- 
terre au  Cap  et  à  Port-Louis  (île  Maurice),  touche  à  Tamatave  toutes 
les  six  semaines. 

3"*  La  Compagnie  havraise,  dont  les  bateaux  font  escale  tous  les  qua- 
rante-cinq jours. 

4*"  Indépendamment  de  ces  services  réguliei's,  quelques  vapeurs  ou 
grands  voiliers  appartenant  à  des  maisons  de  commerce,  telles  que 
Mante  frères  et  Borelli,  de  Marseille,  etc. 

Le  trajet  de  Tamatave  à  Tananarive,  par  la  voie  usuelle,  peut,  avec 
de  bons  porteurs,  s'effectuer  en  cinq  ou  six  jours. 

Depuis  longtemps,  une  Compai^iile  sud-afpicalae  travaillait  à 

*  A  la  dernière  heure,  un  télégramme  de  Zanzibar  annonce  que  le  capitaine 
Wisamann  a  reçu  des  nouTelles  dignes  de  confiance  d'après  lesquelles  Émin- 
pacha,  Stanley  et  Casati,  accompagnés  de  six  Anglais,  étaient  attendus  pour  la 
fin  de  novembre  à  Mpouapoua,  dans  la  sphère  des  intérêts  allemands. 


^ 


-^.  J  ;  —  326  — 

se  constituer  au  nord  des  possessions  anglaises  du  Cap,. et  projetait 
d'étendre  ses  opérations  au  delà  du  Be-Chuanaland  britannique,  jusqu'au 
Zambèze.  Elle  s'est  délinitiveraent  constituée  sous  la  direction  du  duc 
d'Abercorn,  du  duc  de  Fife,  gendre  du  prince  de  Galles,  et  de  M.  Albert 
Grey.  Le  capital  en  est  fixé  à  vingt-cinq  millions  de  francs  et  peut  être 
augmenté  à  volonté  par  des  obligations  ou  autrement.  La  British  African 
South  Company,  c'est  son  nom,  a  obtenu  du  gouvernement  anglais  une 
charte  d'après  laquelle  sa  sphère  d'action  est  assez  vaguement  délimitée 
à  l'ouest  et  à  l'est.  Il  s'agit  de  la  région  située  immédiatement  au  nord 
du  Be-Chuanaland  britannique,  au  nord  et  à  l'ouest  de  la  république 
Sud-africaine,  et  à  l'ouest  des  possessions  portugaises.  Il  est  probable 
que  le  territoire  exploité  par  la  Compagnie  ne  dépassera  pas  à  l'ouest  le 
20°,  limite  reconnue  du  protectorat  allemand.  Quant  à  la  frontière  des 
possessions  portugaises,  il  y  aura  lieu  de  les  déterminer  d'une  manière 
plus  précise  qu'elle  ne  l'est  aiyourd'hui,  les  Portugais  prétendant 
avoir  des  droits  sur  une  partie  au  moins  du  Ma-Shonaland.  Au  nord,  la 
limite  tixée  est  le  Zambèze.  Il  n'est  nuUem^t  fait  mention  des  territoires 
situés  au  nord  de  ce  Heuve,  ni  de  la  région  du  Nyassa  oii  travaille 
l'Africau  Lakes  Company. 

D'après  le  Times,  la  Compagnie  est  autorisée  à  acquérir  tous  les 
droits,  intérêts  et  pouvoirs  nécessaires  pour  gouverner,  maintenir  la 
sécurité  publique  et  protéger  les  territoires  compris  dans  sa  charte,  au 
nom  des  intérêts  de  l'Angleterre.  Aussi  est-il  stipulé  que  la  Compagnie 
doit  rester  anglaise  en  ce  qui  concerne  sa  composition,  sa  direction,  son 
domicile,  et  qu'aucun  directeur  ne  pourra  être  nommé  sans  l'approbation 
du  secrétaire  d'État.  Aucune  mesure  importante  ne  pourra  être  prise 
sans  l'assentiment  de  ce  dernier.  La  Compagnie  est  autorisée  à  suppri- 
mer peu  à  peu  tout  système  d'esclavage  ou  de  servitude  domestique  dans 
les  territoires  mentionnés  plus  haut  et  à  régler  la  vente  des  spiritueux 
de  façon  à  empêcher  que  ceux-ci  ne  soient  vendus  aux  indigènes.  Une 
clause  de  la  charte  invite  la  Compagnie  à  respecter,  dans  la  mesure  du 
possible,  les  mœurs  et  coutumes  des  indigènes.  La  Compagnie  est  invitée 
h  se  conformer  aux  avis  ou  propositions  du  commissaire  de  S.  M.  dans 
l'Afrique  méridionale.  Elle  pourra  avoir  son  drapeau,  mais  celui-ci  devra 
conserver  le  caractère  anglais.  Elle  devra  établir  des  cours  pour  l'admi- 
nistration de  la  justice.  Quant  aux  moyens  qui  seront  mis  en  œuvre  pour 
développer  ce  pays,  en  première  ligne  viendra  l'extension  vers  le  Zam- 
bèze du  chemin  de  fer  et  du  télégraphe  du  Cap.  Une  somme  de 
7(X),()00  liv.  st.  a  déjà  été  souscrite  pour  la  construction  de  la  pre- 


—  327  — 

nûère  section  du  chemin  de  fer  et  Textension  du  réseau  télégraphi- 
que de  Mafeking  à  Shoshong.  De  Kimberley,  la  section  susdite  aura 
650  kilom. 

Le  but  de  la  Compagnie  n'est  pas  seulement  un  but  commercial.  £lle 
compte  exercer  une  véritable  souveraineté  sur  ce  territoire  de  400,000 
milles  carrés,  qui  comprend  le  protectorat  du  Be-Chuanaland,  le  pays 
de  Khama,  celui  de  Lobengula,  roi  des  Ma-Tébélé,  et  le  Ma-Shonaland, 
c'est-àrdire  trois  fois  l'étendue  du  Royaume-Uni.  Cet  immense  espace 
renferme  des  mines  d'or,  le  sol  paraît  fertile,  les  routes  de  l'Afrique 
transzambézienne  y  passeront  un  jour.  Il  est  vraisemblable  que  la  Com- 
pagnie s'efforcera  d'y  attirer  une  foule  de  colons  anglais.  Ils  affluent 
aux  mines  d'or  du  Transvaal,  et  déjà  le  lïmes  donne  à  entendre 
qu'avant  qu'il  soit  longtemps,  leur  nombre  leur  constituera  le  droit 
d'intervenir  dans  les  affaires  des  républiques  du  sud  de  l'Afrique. 
Ce  serait  un  moyen  détourné  de  reconquérir  l'influence  que  l'Angle- 
terre a  perdue  au  Transvaal  par  l'affranchissement  des  Boers.  Nous 
doutons  cependant  que  l'élément  hollandais,  si  puissant  dâjis  l'Afri- 
que australe,  dans  l'Etat  libre  de  l'Orange  et  dans  la  république  Sud- 
africaiiie,  accepte  de  nouveau  d'être  dépossédé  comme  il  l'a  été  à  plu- 
sieurs reprises. 

Néanmoins,  les  observations  du  Times  sur  la  rapidité  de  l'accroisse- 
ment des  stations  minières  au  Tpansvaaâ  est  parfaitement  exact.  Il 
peut  être  mis  en  parallèle  avec  le  remarquable  mouvement  qui  eut  lieu 
en  Australie  et  en  Amérique  il  y  a  une  quarantaine  d'années.  La  ville 
de  Johannesbourg,  capitale  du  fameux  district  de  Witwatersraud,  avec 
20,000  habitants,  n'existe  que  depuis  deux  ans.  Ce  flux  de  population 
paraît  moins  flottant  et  mieux  organisé  que  lors  de  l'immigration  aux 
mines  d*or  de  la  Californie.  La  production  de  l'or  a  cessé  d'êti-e  une  de 
ces  spéculations  fiévreuses,  ballottées  par  les  hasards  journaliers  du  plus 
ou  moins  d'or  aperçu  dans  les  couches  superficielles  ;  elle  devient  gra- 
duellement une  industrie  systématique  qui  nécessite  des  fonds  pour 
l'érection  de  machines  très  coûteuses  et  procure  une  occupation  assurée 
aux  ouvriers  sérieux  et  adroits.  Et  quoique  la  production  de  l'or  dans 
l'Afrique  australe  ait  déjà  atteint  une  grande  importance  et  attiré  au 
Transvaal  une  population  considérable  de  colons,  l'immense  richesse 
minérale  que  les  experts  disent  exister  dans  cette  partie  du  continent 
est  encore  à  peine  entamée.  D'autre  part,  nous  supposons  que  le  Titnes 
se  trompe,  lorsqu'il  dit  que  «  le  gouvernement  anglais  n'a  d'autres  inté- 
r^s  dans  l'Afrique  du  sud  que  ceux  de  la  race  britannique  et  de  son 


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s--  —  328  — 

aecroissement.  b  Nous  aimons  à  croh*e  que  le  gouvernement  partage  les 
idées  que  nous  entendions  émettre  récemment  au  Congrôe  colonial  par 
les  délégués  portugais,  espagnols,  belges  et  français,  qu^aigourd'hui,  les 
gouvernements  ne  doivent  plus  traiter  les  territoires  coloniaux  comme 
des  domaines  d'exploitation  au  profit  exch»if  de  leurs  compatriotes, 
mais  qu'ils  doivent  donner  aux  indigènes  et  à  tous  les  habitants  d'une 
colonie  ce  dont  ta  mère  patrie  jouit  elle-même.  Quel  que  soit,  d'ailleurs, 
le  nombre  des  colons  qui  affluent  sur  le  territoire  de  la  République  Sud- 
africaine,  et  profitent  de  l'hospitalité  du  gouvernement  ^des  Boers  pour 
s'enrichir,  nous  comprendrions  difficilement  qu'ils  prétendissent  au  droit 
d'intervenir  dans  les  aifaires  de  la  République,  tout  en  demeurant  sujets 
de  S.  M.  la  reine  d'Angleterre.  Aussi  ne  pensons-nous  pas  que  le  gou- 
vernement britannique,  ni  le  peuple  anglais,  encouragent  en  aucune 
manière  l'émigration  au  Transvaal  avec  l'idée  d'y  créer  une  majorité  de 
sujets  anglais  pour  refaire  tout  naturellement,  de  la  République  Sud- 
afticaine,  comme  le  pense  le  Times,  une  colonie  anglaise.  Ce  serait  un 
moyen  habile  peutrêtre,  mais  dans  tous  les  cas  peu  loyal  et  peu  honora- 
ble de  faire  oublier  le  désastre  de  Majouba-Hill. 

Le  rapport  de  Sir  Oordon  Sprigg,  premier  ministre  de  la  Coiaaie 
du  Cap»  sur  le  mouvement  commercial  de  l'année  1888,  montre  que  le 
grand  développement  de  l'exploitation  des  mines  d'or  a  donné  une  forte 
impulsion  à  l'importation  des  articles  des  manufactures  europé^nes. 
Nous  en  extrayons  ce  qui  suit  :  Le  chiffre  des  exportations  est  le  plus 
élevé  qui  ait  jamais  été  atteint;  de  7,859,000  liv.  sterl.  qu'il  était  en 
1887,  il  est  monté  à  8,877,000  liv.  sterl.  en  1888,  quoiqu'il  y  ait  eu  une 
diminution  de  220,000  liv.  sterl.  sur  l'exportation  des  diamants.  De 
21,600,000  livres  en  1887,  l'exportation  des  laines  grasses  est  montée  à 
40,800,000  livres,  et  leur  valeur,  qui  était  de  500,000  liv.  stwl.  en 
1887,  s'est  élevée  à  978,000  liv.  sterl.  en  1888.  L'augmentation  poui*  les 
laines  lavées  et  dégraissées  a  dépassé  un  demi-million  de  livres  sterling. 
Quant  à  l'importation,  qui  était  de  5,036,000  liv.  steri.  en  1887,  elle  est 
montée  à  5,678,000  liv.  sterl.  en  1888.  Il  y  a  eu  sur  le  blé  une  forte  dimi- 
nution; de  19,500,000  livres  en  1887,  elle  est  descendue  à  8,000,000  de 
livres  en  1888,  ce  qui  prouve  que  la  situation  de  l'agricultuie  a  été  beau- 
coup meilleure.  Le  nombre  des  charrues  a  augmenté  de  4000,  celui  des 
herses  de  700,  celui  des  moissonneuses  de  160  ;  il  y  a  857  autres  ma- 
chines de  plus  qu'en  1887.  Le  nombre  des  chevaux  s'est  accru  de 
29,300  ;  celui  des  mulets  de  5000  ;  celui  des  bœufs  de  trait  de  80,000  ; 
celui  des  vaches  de  134,000;  celui  des  moutons  de  1,146,000;  celui  des 


/ 


cbërres  angora  de  643,000  ;  celui  de&  autres  chèvres  de  257,001 
d«  porcs  de  24,000.  Qimnt  à  la  valeur  du  bétail  :  chevaux,  bœa 
tons,  chèvres,  elle  a  augmenté  de  1,799,653  liv.  sterl. 

Le  Mouvement  géographique  de  Bruxelles  annonce  le  départ 
Conc»,  du  steamer  le  LoucUaba,  ayant  h  bord  la  première  briga 
génieurs  destinée  à  la  construction  du  ^emln  de  for.  Elle 
dix  membres,  dont  àx  ont  fait  partie  des  brigades  d'études  et  ret 
au  Congo  après  avoir  collaboré  aux  plans  et  à  rétablissement  à 
à  BruxelkB.  L'expéditioD,  placée  sous  la  direction  de  M.  Vauthie 
Dieur,  chef  de  service,  est  chargée  des  études  et  des  travaux  su 
Âtude  d'une  variante  au  tracé  du  chemin  de  fer  partant  de  M 
travaux  de  terrassement  à  Matadi  ;  report  de  l'axe  du  chemin  de 
le  terrain,  balisage  et  piquetage  de  la  voie  ;  sondage  dans  le 
Matadi,  continuatiou  des  travaux  du  débarcadère  entrepris  dans 
devant  l'établissement  de  la  Société  anonyme  belge  pour  le  co: 
du  hant  Congo.  Ces  travaux  ont  pour  but  de  rattacher  par  des  t 
pierre  le  terrain  laissé  h  découvert  par  les  eaux  à  la  saison 
Une  jetée  en  fer  partira  de  ce  massif  de  maçonnerie,  et  p^ 
suffisamment  dans  la  rivière  pour  permettre  aux  navires  de  hai 
ayant  un  tirant  d'eau  de  8~,  d'accoster  et  de  débarquer  les  m 
dises. 

Outre  la  brigade  d'ingénieurs  mentionnée  ci-deesus,  le  L 
emportait  dans  son  chargement  :  une  maison  démontée  pour  Fe 
Pô;  6400  colis  de  poudre  pour  Ambriz;  pour  Saint-Paul  de  Loan 
quantité  considérable  de  matériel  destiné  il  la  construction  du  chi 
fer  d'Ambaca  :  entre  autres  20  ponts  en  fer,  20  wagons  démontés, 
nés  de  traverses,  10  tonnes  d'engins  et  outils,  250  brouettes;  po 
guela,  un  matériel  complet  pour  le  chemin  de  fer  de  Catoumbelli 
locomotives  de  7000  kilog.  chacune,  deux  voitures  de  première 
une  de  seconde,  deux  voitures  ouvertes,  deux  fourgons  k  baga 
wagous  à  marchandises,  500  tonnes  de  rails  et  accessoires.  Enl 
Banaua,  Boma  et  Matadi,  800  tonnes  de  marchandises  diverses, 
barils  de  poudre. 

Les  dernières  nouvelles  du  Congo  sont  généralement  favi 
M.  Jansen,  le  gouverneur  général,  arrivé  à  Lôopoldvllle  le  9 
trouvé  dans  la  région  des  cataractes  l'autorité  de  l'État  indé] 
reconnue  par  tous  les  chefs  indigèoes.  Pendant  son  séjour  à  Louk 

'  Voj.  Ift  Cane,  p.  32, 


—  330  — 

et  à  Manyanga,  il  a  reçu  la  visite  de  quatre-vingts  d'entre  eux  qui  sont 
venus  lui  rendre  hommage.  U  a  renouvelé  à  tous  les  chefs  Topposition 
formelle  de  TÉtat  aux  sacritices  humains  et  aux  épreuves  par  le  poison 
en  déclarant  que  les  coupables  seraient  activement  recherchés.  H  a  cher- 
ché à  leur  persuader  que  le  moment  était  venu  pour  eux  de  s'efforcer 
de  procurer  à  TÉtat  des  contingents  pour  la  force  publique,  afin  que  la 
police  ne  fût  plus  faite,  conune  c'a  été  le  cas  jusqu'ici,  par  des  soldats 
étrangers,  qui  connaissent  moins  bien  les  mœurs  des  Congolais.  Tous  les 
chefs  présents  se  sont  engagés  à  fournir  chacun  un  petit  contingent  dont 
le  cbifire  sera  calculé  sur  la  population  du  village.  Pour  renforcer  l'au- 
torité de  l'État,  M.  Jansen  a  ordonné  l'établissement  de  nombreux 
postes,  de  manière  k  assurer  l'influence  de  l'Ëtat  tout  le  long  du  tracé 
du  chemin  de  fer  et  dans  la  zone  comprise  entre  la  voie  ferrée  et  la  route 
ordinaire  des  caravanes.  Le  service  des  transports  fonctionne  d'une 
manière  satisfaisante,  toutefois  M.  Jansen  a  proposé  quelques  mesures 
pour  l'améliorer  encore.  —  Le  20  août,  le  gouverneur  général  a  reçu,  à 
Léopoldville,  la  visite  de  M.  Dolisie,  résident  français  à  Brazzaville, 
auquel  il  a  rendu  sa  visite  le  24  du  même  mois.  Le  déjeuner  qui  a  suivi 
cette  entrevue  a  été  marqué  par  des  démonstrations  mutuelle  de  vive 
sympathie.  Depuis  longtemps  d'ailleurs  les  relations  de  Léopoldville  et 
de  Brazzaville  sont  extrêmement  cordiales.  —  Les  seules  nouvelles  du 
haut  Congo  viennent  de  la  station  des  Ba-Ngala  où  tout  était  calme  ainsi 
qu'en  amont.  —  Le  vapeur  de  la  Baptist  Missionary  Society,  le  Feace, 
était  rentré  à  Stanley-Pool  le  28  juin.  Malgré  quelques  petites  difficultés 
avec  un  chef  indigène,  la  station  de  Loulouabourg  n'avait  été  le  théâtre 
d'aucim  événement  marquant.  —  Les  médecins  de  TËtat  indépendant 
ont  visité  dans  le  bas  Congo  im  grand  nombre  de  villages,  et  ont  réussi 
à  décider  de  nombreux  indigènes  à  se  laisser  vacciner.  —  L'état  sani- 
taii*e  du  personnel  européen,  qui  avait  laissé  beaucoup  à  désirer  dans  le 
bas  Congo  lors  de  la  transition  entre  la  saison  des  pluies  et  la  période 
sèche,  était  très  satisfaisant  en  septembre. 

Les  sacrifices  humains,  n'ont  pas  encore  pris  fin  à  la  côte  occidentale 
d'Afrique.  Le  Christianisme  au  XIX^  siècle  rapporte,  d'après  une  cor- 
respondance du  Nouveau  Calabar»  que,  lors  de  la  mort  récente  du 
roi  d'Eboé,  les  trafiquants  se  rendirent  selon  l'usage  auprès  de  son  suc- 
cesseur pour  lui  présenter  leurs  hommages  et  leurs  cadeaux.  Us  savaient 
bien  que  des  cérémonies  sanglantes  inauguraient  d'ordinaire  un  règne 
nouveau,  mais  ils  croyaient  qu'elles  auraient  déjà  eu  lieu,  et  leur  effiroi 
comme  leur  dégoût  fut  grand  en  assistant,  malgré  eux,  à  des  fêtes  de 


T1, 


—  331  — 

cannibales.  Quarante  malheureux  avaient  été  mis  h  mort  auparavant, 
mais  les  funérailles  étaient  à  peine  commencées.  Le  monarque  défunt 
était  couché  dans  ime  fosse  large  et  profonde.  Tout  autour  de  lui  étaient 
étendus  les  corps  des  plus  jeunes  épouses  du  roi  décédé,  qui  avaient  péri 
dans  d'atroces  souffrances.  On  leur  avait  rompu  les  os  des  bras  et  des 
jambes,  puis  on  les  avait  jetées  dans  la  fosse  pour  y  mourir  de  faim. 
Quelques-unes  des  plus  robustes  avaient  mis  cinq  jours  à  mourir.  Autour 
de  la  fosse  étaient  placés  quatre  hommes  armés  de  massues  pour  en 
frapper  toute  femme  qui,  malgré  ses  membres  fracturés,  aurait  pu  se 
traîner  hors  de  la  fosse.  —  Dans  d'autres  quartiers  de  la  ville,  des  sup- 
plices analogues  avaient  lieu  pour  apaiser  la  colère  des  Ycu-You,  dieux 
funéraires.  Un  certain  nombre  de  captifs  avaient  été  attachés  à  des 
arbres,  la  tête  en  bas,  au  moyen  de  cordes  passées  dans  les  muscles  des 
pieds,  et  abandonnés  de  la  sorte  à  une  asphyxie  plus  ou  moins  lente.  Un 
autre  fut  attaché  entre  deux  troncs  d'arbres,  puis  le  bourreau  vint  lui 
abattre  la  tête  d'un  coup  de  hache.  Le  corps  du  supplicié  fut  livré  à  la 
population,  qui  le  dévora  de  bon  appétit;  la  tête  fut  déposée  dans  la 
fosse  royale.  Les  blancs  n'osant  intervenir  pour  empêcher  la  continua- 
tion de  ces  massacres,  quittèrent  Eboê  pour  ne  pas  en  être  témoins  plus 
longtemps.  Il  devait  y  avoir  encore,  pendant  sept  mois,  dix  captifs  mis  à 
mort  à  intervalles  réguliers  de  quatre  semaines  en  quatre  semaines 
pour  apaiser  les  mânes  du  roi  défunt. 

M.  Dupuis,  consul  anglais  à  TénérilTe,  écrit  que,  quoique  Ténériffe 
fût  connu  depuis  longtemps  coname  une  station  de  charbon  pour  les 
navires  se  rendant  de  l'Europe  dans  l'Amérique  du  Sud,  ce  n'est  que 
depuis  quelques  années  que  les  Canaries  ont  vu  augmenter  le  nombre 
des  vaisseaux  s'arrêtant  pour  y  faire  leur  provision.  Dès  que  les  travaux 
des  ports  en  cours  d'exécution  à  Ténériffe  et  à  Grande-Canarie  seront 
terminés,  il  ne  doute  pas  qu'elles  ne  deviennent  une  des  principales 
stations  de  charbon  pour  les  vapeurs  de  l'Amérique  du  Sud,  de  l'Afrique 
occidentale,  du  Cap  de  Bonne-Espérance,  de  la  Nouvelle-Zélande  et  de 
l'Australie.  L'année  dernière  déjà,  la  demande  de  combustible  a  dépassé 
la  quantité  que  les  vendeurs  pouvaient  fournir,  plusieurs  navires  ont  dû 
repartir  sans  avoir  pu  renouveler  leur  provision.  A  l'avenir  les  fournis- 
seurs tiendront  leurs  dépôts  mieux  pourvus;  ils  auront  soin  de  créer 
une  réserve  pour  suffire  à  tous  les  besoins  de  la  navigation.  Aujourd'hui 
déjà  des  cargaisons  de  charbon  arrivent  continuellement  d'Angleterre. 


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—  332  — 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 


V0A'^'^  ^^  Cr"^<l  pnx  a  été  déoerné  à  r£j^>08itiOQ  à  la  Société  de  Batna  et  da  Sud 

Algérien,  Pentreprise  de  M.  Rolland,  ingénieur  des  mines,  pour  créer  au  Sahara 
de  nouveaux  centres  de  culture  et  de  population,  pour  conquérir  sur  le  désert 
des  régions  stériles  jusqu'ici,  les  fertiliser  par  Pirrigation  et  les  transformer  en 
^a  oasis  productives.  Cette  haute  distinction  vise  surtout  la  création  de  trois  grandes 

oasis  nouvelles  avec  plantation  de  60,000  palmiers  dattiers  dans  la  vallée  de 
POued-Rirh,  au  sud  de  Biskra.  En  outre,  deux  médailles  d*or,  une  médaille  d'argent 
et  cinq  médailles  de  bronse  ont  été  attribuées  à  la  même  Société  pour  ses  divers 
'  produits  et  pour  les  autres  parties  de  sa  remarquable  exposition. 

Après  un  sétjour  en  Suisse,  ua  de  nos  compatriotes,  M.  Alfred  Ilg,  de  Frauen* 
feld,  ingénieur,  ami  et  conseiller  de  MénéUk,  est  relounié  en  Abyssinie,  où  il  a 
transporté  un  grand  nombre  de  madones  et  autres  olgets  utiles  an  nouveau 
négous. 

Le  D'  Hans  Meyer,  de  Leipzig,  a  commencé  une  nouvelle  expédition  dans 
laquelle  il  tftchera  de  faire  Pascension  complète  du  KilimancUaro,  qu'il  n'avait  pu 
gravir  que  jusqu'à  la  coupole  de  glace.  II  a  pris  avec  lui  un  alpiniste  éprouvé, 
M.  le  D*"  Purtscheller.  Les  levers  de  l'Ou-Sambara,  qui  lui  avaient  été  dérobés, 
lors  de  sa  capture,  dans  son  précédent  voyage  avec  le  D'  Baumann,  ont  pu  être 
rachetés  à  un  prix  modique,  grâce  aux  démarches  du  consul  général  anglais,  et 
sont  entre  les  mains  de  Pautear,le  D^  Baumann.  Les  MtHheQungen  de  Gotha  pour- 
ront donner  prochainement,  d'après  ces  levers,  une  nouvelle  carte  de  POu-Sam* 
bara. 

■ 

Le  capitaine  Lugard,  qui  a  passé  récemment  on  certain  temps  dans  la  région 
du  lac  Nyassa,  est  parti  pour  Mombas  avec  M.  Mackensie.  H  fera  à  l'intérieur  nn 
voyage  de  trois  ou  quatre  mois,  après  quoi  il  entrera  probablement  au  service  de 
la  British  Ëast  African  Ck)mpany,  pour  laquelle  il  abandonnerait  sa  position  dans 
l'armée. 

Par  décret  des  amiraux  anglais  et  allemand  et  du  commandant  du  vaisseau  de 
guerre  italien  la  Siafetta^  le  blocus  de  la  côte  orientale  africaine  a  été  levé  le 
!•'  octobre. 

Un  antre  décret  du  commandant  en  chef  de  l'escadre  allemande  a  interdit  l'im- 
portation de  toutes  armes  et  matériel  de  guerre  par  la  côte  allemande.  Le  sultan 
de  Zanzibar  a  protesté  contre  cette  interdiction. 

Le  gouvernement  allemand  soumettra  prochainement  au  Reichstag  un  projet 
relatif  à  l'établissement  d'une  ligne  de  vapeurs  subventionnée  pour  la  côte  orien- 
tale d'Aûique. 

Le  consul  allemand  à  Zanzibar  a  adressé  à  tous  les  consulats  une  note  les 
informant  que  le  capitaine  Wissmann  réclame  le  droit  de  prendre  possession,  s'il 
le  juge  nécessaire  pour  ses  opérations  militaires,  de  toutes  les  maisons,  fermes^ 
etc,  situées  dans  la  zone  d'influence  allemande,  que  ces  immeubles  appartiennent 
à  des  indigènes  ou  à  des  étrangers. 


—  333  — 

Mistress  Leavitt,  représentante  de  la  Société  de  tempérance  des  femmes  chrétien- 
nes, a  fait  récemment  an  rapport  au  Comité  anglais  de  la  Société  pour  la  protec- 
tion des  indigènes.  Ayant  visité  Madagascar  personnellement,  elle  décrit  ainsi  les 
résultats  de  la  Tente  des  spiritueux  sous  le  régime  des  traités  anglais  et  français. 
Un  grand  tonneau  de  rhum  était  mis  en  perce  dans  les  deux  tiers  des  maisons  ; 
hommes,  femmes  et  enfants  allaient  y  puiser  comme  nous  allons  puiser  à  un  ton- 
neau d'eau.  Aussi  pendant  la  dernière  partie  du  jour  et  pendant  la  nuit,  les  vil- 
lages devenaient  de  vrais  pandemoniums,  avec  le  bruit,  les  coups  et  la  confusion 
qui  en  résultent.  Elle  demande  que  la  Société  fasse  tous  ses  efforts  pour  sauver 
les  indigènes  de  la  destruction. 

Le  Journal  la  Géographie  annonce  qu'une  Société  a  été  créée  en  vue  de  l'exploi- 
tation minière,  forestière,  agricole,  etc.  de  la  Grande  Comore.  M.  Humblot,  qui 
en  est  le  directeur,  très  compétent  en  agriculture,  en  horticulture  et  en  viticul- 
ture et  qui  a  fait  l'exploration  de  l'île,  y  créera  des  pépinières  des  meilleures 
espèces  de  poiriers,  de  pommiers,  de  pêchers  d'Europe.  On  pense  aussi  que  la 
vigne  donnera  là  de  bons  résultats. 

M.  R.  Cleland,  missionnaire  écossais  de  la  station  de  Chiradzoula,  après  avoir 
traversé  la  plaine  de  Touchira,  autrefois  recouverte  par  les  eaux  du  lac  Kiloua, 
a  fait,  jusqu'à  une  hauteur  de  2300",  l'ascension  du  mont  Milaigi  dont  il  évalue 
l'altitude  à  2800».  Un  affluent  du  Ruo,  sépare  nettement  le  mont  Milanji  du  mont 
Chamba  à  l'est  ;  jusqu'ici  les  deux  montagnes  étaient  considérées  comme  formant 
un  groupe  unique. 

Le  roi  Gungunhane  a  obtenu  des  autorités  portugaises  l'autorisation  de  changer 
sa  résidence  contre  celle  de  Bilene  près  de  Lorenzo-Marquez.  Il  a  traversé  avec 
ses  20,000  guerriers  le  territoire  portugais  d'Inhambané.  Quelques  explorateurs 
anglais  l'assiégeaient  de  demandes  de  concessions  de  terrains  miniers;  il  les  a  ren- 
voyés à  s'adresser  au  gouvernement  portugais  dont  il  se  considère  comme  le 
vassaL 

D'après  le  Cape  Argus,  le  gouvernement  portugais  a  accordé  treize  concessions 
pour  des  mines  de  diamants  entre  Lorenzo-Marquez  et  les  monts  Lebombo.  Elles 
sont  toutes  la  propriété  d'un  syndicat  formé  par  des  capitalistes  de  Cape-Town. 

D'après  la  convention  passée  entre  le  gouvernement  du  Transvaal  et  la  compa- 
gnie hollandaise  du  chemin  de  fer,  les  travaux  de  la  ligne  de  Pretoria  à  la  fron- 
tière portugaise  devront  commencer  sur  plusieurs  points  simultanément  ;  ils  seront 
répartis  entre  plusieurs  constructeurs,  afin  que  les  sections  puissent  être  poussées 
rapidement  et  que  pas  un  mois  ne  soit  perdu.  Pendant  la  mauvaise  saison,  on 
renoncera  aux  travaux  dans  les  parties  insalubres  du  pays,  mais  le  travail  conti- 
nuera dans  les  districts  salubres.  On  espère  que  les  mines  d'or  de  Eaap  seront  en 
communication  avec  la  mer  avant  la  fin  de  l'année  prochaine. 

On  a  découvert,  à  30  kilomètres  de  Johannesbourg,  du  mercure  que  l'on  dit 
être  de  très  bonne  qualité. 

M.  Anderson,  expert  américain  très  habile,  a  confirmé  l'opinion  générale  de 
l'existence,  dans  le  district  de  Potschefstrom,  d'un  vaste  bassin  de  pétrole.  En  fai- 


—  334  — 

sant  des  sondages,  dit-il,  on  trouvera  l'huile  à  une  faible  profondeur.  Des  mesu- 
res ont  été  prises  en  Tue  de  l'exploitation. 

M.  F.  C.  Selous  a  entrepris  une  nouvelle  exploration  du  Ma-Shonaland  au  point 
de  vue  de  l'exploitation  aurifère.  Mais  il  compte  aussi  reprendre  son  projet^ 
éclioué  l'année  dernière,  de  se  rendre  du  2^ambèze  au  pays  des  Garenganzé  et  de 
se  diriger  de  là  sur  Nyangoué.  Quant  au  Ma-Shonaland,  il  voudrait  que  des  agri- 
culteurs anglais  s'y  établissent  pour  protéger  les  Ma-Shona  pacifiques  contre  les 
attaques  des  belliqueux  Ma-Tébélé.  Il  reconnaît  que  la  malaria  y  règne,  mais  il 
est  d'avis  qu'elle  disparaîtrait  si  l'agriculture  y  était  soigneusement  développée. 

Le  nouveau  service  de  la  Mala  Real  Portugueza  a  commencé  le  15  septembre. 
Le  premier  steamer  de  cette  Compagnie,  Boi  de  Portugal,  s'est  rendu  à  Banana, 
Saint-Paul  de  Loanda,  Benguela,  Mossamédès,  et  de  là  par  le  Cap  à  Lorenzo- 
Marquez.  C'est  un  beau  bateau  éclairé  à  la  lumière  électrique  et  qui  peut  recevoir 
220  passagers. 

Par  le  steamer  du  6  octobre,  douze  missionnaires  ont  quitté  Lisbonne,  pour  se 
rendre  dans  l'Angola  où  les  établissements  de  la  mission  portugaise  ont  pris  un 
développement  considérable.  Le  P.  Campana,  supérieur  des  missions  de  Landana 
et  du  bas  Congo,  prêtera  d'abord  son  concours  à  l'évèque  de  Loanda,  mais  en- 
suite il  ira  fonder  une  station  dans  la  partie  sud  des  États  du  Muata-Tamvo, 
d'après  les  indications  du  major  Carvalho.  Le  P.  Lecomte  et  ses  auxiliaires  tra- 
vailleront spécialement  dans  le  district  de  Benguela,  puis  établiront  une  mission  à 
Caconda,  une  autre  au  Bibé,  d'où  ils  comptent  aller  reprendre  l'œuvre  commen- 
cée au  Coubango. 

Une  expédition  américaine  chargée  de  faire  des  observations  sur  l'éclipsé  de 
soleil  qui  doit  avoir  lieu  en  décembre,  est  partie  le  12  octobre  pour  l'Afrique 
équatoriale  occidentale.  Notre  compatriote,  M.  Héli  Châtelain,  y  a  été  attaché 
comme  interprète.  Il  nous  a  écrit  de  New- York  quelques  jours  avant  le  départ  : 
«  Nous  comptons  toucher  à  Saint-Vincent,  Sant  Jago  et  peut-être  sur  le  continent 
vis-à-vis  pour  acheter  des  bêtes  de  somme.  Plusieurs  naturalistes,  des  photogra- 
phes, etc.  sont  attachés  à  l'expédition.  M.  Alexandre  Agassiz  l'accompagne  pour 
faire  des  études  de  biologie  sous-marine  le  long  de  la  côte  pendant  que  le  gros 
de  l'expédition  sera  occupé  sur  terre.  > 

M*"*  Bentley,  femme  du  missionnaire  de  Loutété,  prépare  des  apprentis  télé- 
graphistes pour  le  chemin  de  fer.  Lors  de  son  dernier  voyage  en  Angleterre,  elle 
a  appris  la  télégraphie  ;  à  son  retour  au  Congo,  elle  a  apporté  des  appareils 
Morse,  fait  établir  à  Loutété  une  petite  ligne  télégraphique,  et  elle  donne  actuel- 
lement aux  jeunes  noirs  des  leçons  pratiques. 

Par  décret  du  16  septembre  1889,  la  personnalité  civile  a  été  accordée,  dans  les 
limites  légales,  à  la  Congo  Bolobo  Mission,  dont  le  siège  est  à  Molongo,  sur  la 
Lalanga,  et  à  la  Bishop  Taylors  self  supporting  Mission,  dont  le  siège  est  à  Vivi. 

Une  Société  ayant  pour  but  l'étude  de  la  géographie  et  des  explorations  de 
TAfrique,  vient  de  se  fonder  à  l'Institut  Martha  à  Hobocken  (États-Unis).  Dési- 
reuse de  rendre  hommage  à  Stanley,  elle  a  pris  le  nom  de  Société  Stanley.  Elle 


—  335  — 
ae  propose  d'intéresser  le  public  à  l'avenir  du  eontinent  noir,  en  réuniBEant  tes 
volumes  et  les  publications  qui  ont  d^à  paru  b  ce  sujet  et  en  discutant  tontes  les 
,  questions  qui  s'y  rkpportent- 

M.  Léon  Fabert  qui  trait  'été  chargé  d'une  mission  d'études  chez  les  Maures 
du  Sénégal,  est  rentré  en  France.  11  a  léjourné  deux  mois  chez  les  Braknas  et  a 
voyagé  dans  le  pays  de  Cbamama  avec  le  camp  du  roi  Sidi-Ely.  11  a  rapporté  de 
cette  contrée  un  travail  lopographique  et  des  notes  intéresssntes  sur  les  mœurs 
de  ce  peuple  fort  peu  connu  juiqu'ici  et  dont  il  a  refu  un  très  cordial  accueil. 

Le  lieutenant  de  vaisseau  Tîaud,  qui,  sous  le  paeudonj^e  de  Pierre  Loti,  a  écrit 
des  pages  si  colorées  sur  la  vie  des  pécheurs  d'Islande,  a  accompagné  au  Maroc 
M.  Patenôtre,  le  nouveau  ministre  plénipotentiaire  de  France.  Il  sera  curieux  de 
comparer  ses  impreseions  avec  celles  de  De  Amlcis  qui,  lui  aussi,  avait  fait  partie 
d'uoe  ambassade  envoyée  au  sultan  du  Maroc. 

Une  école  espagnole  de  médecine  a  été  créée  à  Tanger.  Le  médecin  en  cbef 
ayant  foit  visite  au  sultan  du  Maroc,  celni-ci  loi  a  exprimé  sa  vive  reçonnaisiance 
envers  la  régente  qui  a  autorisé'la  créatioa  d'un  établissement  aussi  humanitaire. 

Le  gouvernement  espagnol  a  décidé  la  pose  d'un  câble  sons-marin  entre  Algé- 
siras,  Tanger,  Ceuta  et  Meliltaj  te  sultan  a  accordé  l'autorisation  de  faire  atterrir 
ce  câble  au  Maroc. 


CHRONIQUE  DE  L'ESCLAVAGE' 

Le  Bulletin  de  la  Société  anti-esclavagiste  de  Fraace  a  reçu  d'ua  cur- 
reepoudaat  de  SmnzIbMP  des  renseignements  qui  montrent  combien 
facilement  les  intérêts  l'emportant  sur  les  principes,  m6nie  chez  ceux 
que  l'on  croirait  le  plus  opposés  k  la  traite. 

Ayant  aperçu,  au  milieu  d'une  escouade  d'esclaves,  des  physionomies 
qui  lui  inspiraient  des  doutes,  le  correspondant  voulut  savoir  si,  malgré 
le  blocus,  la  traite  se  faisait  encore.  U  alla  aux  informations  et  apprit 
qu'une  grande  caravane  arrivée  dernièrement  à  Saadani  s'était  mise  en 
devoir  de  traverser  le  bras  de  mer  et  de  débarquer  à  Zanzibar.  Les 
boutres  s'étaient  lancés  vaillamment  dans  le  canal,  chaînés  de  denrées, 
d'ivoire  et  d'esclaves.  Les  croiseurs  anglais  s'en  étaient  emparés;  mais, 
ayant  appris  que  cette  caravane  avait  été  amenée  par  le  tils  d'un  Arabe 
puissant  de  l'intérieur,  ils  s'étaient  empressés  de  rendre  l'ivoire  et  les 
esclaves,  d'écrire  et  de  signer  un  laisser-paaser,  et  même  d'en  faii-e 
écrire  et  signer  un  par  le  consulat  d'une  autre  nation  alliée. 

'  Comme  supplément  ii  cette  chronique,  voir  ci-après,  p. 347,  la  lettre  de  M.  D. 
Jeanniairet  sur  l'eeclavage  au  Zambèce. 


—  336  — 

Un  nègre  souahéli  amena  au  même  correspondant  deux  enfants  arabes, 
fils  de  Romaliza,  esclavagiste  qui,  à  la  tête  d'une  armée,  exerce  de 
grands  ravages  autour  du  Tan^^nyika.  Les  trois  personnages  étaient 
arrivés  à  Zanzibar  avec  la  caravane  susmentionnée.  Le  noir,  qui  est  un 
des  chefs  de  Tannée  de  Romaliza,  raconta  avec  enthousiasme  les  tristes 
exploits  de  son  mattre,  dont  le  vrai  nom  est  Mohammed  ben  Khelfan. 
a  Savez-vous,  »  dit-il  en  riant,  «  ce  que  signifie  le  mot  Romaliza?  Dans 
la  langue  des  sauvages  de  là-bas,  ce  mot  veut  dire  cruaxdé.  Ils  disent 
que  lorsque  le  grand  chef  arabe  tombe  sur  im  pays,  ce  pays  est  mort.  » 
Pendant  que  ce  noir  s'exprimait  ain^i,  il  y  avait  sur  les  lèvres  des  deux 
jeunes  Arabes  un  sourire  d'orgueil  qui  semblait  dire  :  «  Les  fils  de  Ro- 
maliza, le  cmd,  c'est  nous!  »  A  une  demande  du  correspondant  : 
<t  Combien  ton  mattre  a-tril  capturé  d'esclaves,  danssadernièrechasse?» 
Le  noir  répondit  avec  orgueil  :  «  sept  cent  cinquante  d'un  seul  coup  !  » 

Nous  empruntons  aux  Lettres  sar  le  Ceni^e  de  M.  Edouard 
Dupont,  les  détails  suivants  sur  la  traite  dans  le  bassin  du  grand  fleuve. 
Les  esclaves  provenaient  principalement  de  razzias  pratiquées  de  dis- 
trict à  district.  Les  haines  que  provoquaient  ces  rapts  ne  sont  pas  encore 
éteintes,  notamment  entre  les  districts  de  Vivi  et  d'Isanghila.  Même 
après  1880,  lorsque  les  premiers  transports  de  steamers  eurent  lieu  au 
Stanley-Pool,  leurs  habitants  ne  pouvaient  encore  pénétrer  sur  le  terri- 
toire des  uns  et  d^  autres  sans  être  inunédiatement  saisis  et  vendus 
comme  esclaves  sur  les  marchés  de  Tiatérieui;.  .Amenés  de  loin,  les 
esclaves  périssaient  dans  une  propoction  énorme  avant  d'arriver  aux 
factoreries,  oU  ils  étaient  entassés  dans  les  baracons,  en  butte  à  d'odieux 
traitements  et  mis  hors  d'état  de  fuir. 

M.  Destrain,  directeur  des  finances  de  l'État  indépendant,  retournant 
récemment  au  Congo,  fit  escale  à  Monrovia;  il  découvrit,  dans  la  répu- 
blique de  Libéria,  un  village  habité  par  des  nègres  du  Congo  qui,  for- 
mant, avant  l'abolition  de  la  traite  par  mer,  la  cargaison  d'un  négrier, 
furent  précipitamment  débarqués  ^ur  cette  côte  pour  échapper  aux 
poursuites  d'un  croiseur  et  s'y  établirent*  Ils  ont  vivement  sollicité  leur 
rapatriement. 

Pareil  fait  s'est  reproduit  presque  simultanément  aux  Ues  Bahama.  A 
l'époque  oii  les  croisières  traquaient  sans  merci  les  négriers,  l'équipage 
d'un  navire  chargé  d'esclaves  du  Congo  et  se  rendant  aux  États«Unis, 
dut  se  jeter  à  la  côte  pour  éviter  d'être  saisi  et  traité  en  pirate  comme 
le  portait  la  loi.  Les  noirs  restèrent  dans  ces  tles;  i^is  ayant  appris  que 
leur  pays  natal  est  aux  mains  d'un  gouvernement  civilisé,  ils  viennent 
également  de  solliciter  l'autorisation  d'y  rentrer. 


—  337  — 

C'est  dai^  Testuaire  du  Congo,  à  Borna  et  à  Ponta  da  Leuba,  dans  le 
voisinage  des  criques,  que  le  trafic  de  chair  bumaiue  dura  le  plus  long- 
temps. Ce  point  fut  jusqu'à  ces  dernières  années»  le  repaii*e  le  plus  sûr 
des  négriers  et  réellement  leur  domaine  propre,  car  malgré  la  belle  rade 
qu'il  donne  à  cette  c&te  si  dénuée  de  ports,  il  était  resté  sans  mattre. 
C'était  une  terre  vacante,  et  elle  le  fut  jusqu'à  la  Conférence. de  Berlin 
en  1885. 

Âpres  la  guerre  de  sécession,  la  traite  ouverte  fut  remplacée  par  la 
traite  clandestine;  mais  la  v^ilance  des  croiseurs  rendant  celle-ci  fort 
dangereuse,  les  négriers  aux  abois  imaginèrent  une  combinaison  qui  les 
mettait  en  apparence  d'accord  avec  les  lois  internationales.  Voici  à  ce 
svyet  les  détails  curieux  fournis  à  M.  Dupont  par  M.  Janseu,  adminis- 
trateur de  l'Ëtat  du  Congo.  Les  esclaves  étaient  transportés  sous  le  nom 
ài!engagé8  volontaires.  Lorsque  les  officiers  des  croiseurs  se  présentaient 
au  point  d  embarquement^  ils  interrogeaient  les  malheureux  nègres  avec 
lesquels  les  agents  des  factoreries  avaient  passé  un  soi-disant  contrat  de 
travail.  Comme  ces  officiers  ne  connaissaient  pas  la  langue  indigène,  ils 
étaient  pbligés  de  se  servir  des  interprètes  de  la  factoi*erie.  Eji  gens  avi- 
sés et  bien  dressés,  ces  intermédiaires,  d'après  un  témoin  oculaire,  au 
lieu  de  transmettre  aux  nègres  les  questions  sur  leur  départ  par  libre 
consentement!  leur  demandaient  :  Veux-tu  des  coups  de  bâton  V  Veux-tu 
un  cadeau V  Les  réponses  par  oui  et  par  non,  accompagnées  d'une  mi- 
mique convaincue,  n'étaient  naturellement  pas  douteuses,  et  l'on  disait 
aux  officiers  :  Vous  voyez,  le  contrat  passé  avec  ces  nègr^  est  réel  ;  ils 
déclarent  «  qu'on  ne  les  a  pas  forcési^  partir  et  qu'ils  consentent  à  être 
embarqués.  »  Les  croiseurs  étaient  obligés  de  se  contenter  dé  ces  décla- 
rations. Arrivés  au  Brésil  ou  dans  d'autres  colonies,  les  soi-disant  enga- 
gés volontaû*es  étaient  vendus  comme  esclaves. 

•  ■  «  • 

Après  avoir  passé  en  revue  les  faits  relatifs  à  la  traite  et  à  l'escla^ 
vage,  indiquons  ce  qui  se  rapporte  à  la  question  de  l'abolition. 

Le  Çani^rôs  itnU^solavaf^l^te  des  puissances  se  réunira  à 
Braxelles  au  mois  de  novembre.  La  première  séance  en  est  fixée 
au  18.  La  circulaire  remise  par  le  gouvernement  belge  aux  puissances 
signataires  de  la  déclaration  de  la  Conférence  de  Berlin,  invite  celles-ci 
à  s'assembler  pour  arriver  à  une  entente  commune  sur  les  mesures  à 
prendre  afin  d'empêcher  la  traite  à  l'intérieur  de  l'Afrique.  Contraire- 
ment à  ce  qui  s'est  passé  pour  la  Conférence  de  Beriin,  il  n'y  a  eu  ni 
accord,  jûd  n^ciatltns  préalables,  entre  les  puissances  sur  les  détails, 


—  838  — 

ni  sur  Tordre  des  travaux.  On  s'est  simplement  mis  d'accord  sur  le  point 
préjudiciel  quMl  faut  en  finir  une  fois  pour  toutes  avec  la  traite  des 
noirs.  Au  Congrès,  chaque  puissance  pouira  présenter  toutes  les  pro- 
positions qu'il  lui  paraîtra  bon  de  faire,  sans  être  limitée  par  aucun 
engagement  antérieur.  On  suppose  ijue  le  Congrès  durera  un  mois 
entier.  Les  représentants  diplomatiques  à  Bruxelles  des  puissances  y 
prendront  part  de  plein  droit.  Quelques-unes,  notamment  les  États- 
Unis  et  l'Allemagne,  borneront  là  leur  participation  au  Congrès;  d'au- 
tres adjoindront  à  leur  représentant  régulier  un  plénipotentiaire  et  un 
délégué.  Sir  John  Kirk,  ancien  consul  général  de  la  Grande  Bretagne, 
à  Zanzibar,  représentera  le  gouvernement  anglais.  Le  Portugal  vient  de 
nommer  ministre  à  Bruxelles  le  conseiller  Henrique  de  Macedo,  qui 
connaît  très  particulièrement  les  sujets  sur  lesquels  le  Congrès  aura  à 
délibérer.  La  France  sera  représentée  par  M.  Bourée,  ministre  à  Bruxel- 
les, M.  Cordogan,  sous-directeur  aux  affaires  étrangères,  le  D' BsJlay 
et  M.  Deloncle,  sous-chef  de  cabinet  du  secrétaire  d'État  des  colonies. 

D'après  le  Qalignani  Messenger,  le  roi  des  Belges  a  invité  le  sultan 
de  Zanzibar  à  prendre  part  au  Congrès  ;  Saïd  Khalifa  a  promis  qu'un 
envoyé  extraordinaire  y  assistera. 

D'après  les  réponses  des  Comités  anti-esolATai^lstea  parvenues 
à  Mgr  Lavigerie,  le  Congrès  des  Sociétés  privées  a  été  remis  au  prin- 
temps de  l'année  prochaine.  Le  Congrès  des  puissances  devant  se  réunir 
le  18  courant,  il  sera  plus  facile  aux  sociétés  de  conformer  leur  action 
aux  décisions  qui  auront  été  prises  par  les  représentants  des  différents 
États.  £n  attendant,  les  membres  des  comités  sont  priés  de  ne  pas  per- 
dre de  vue  les  questions  inscrites  au  programme.  Il  importe  que  ces  ques- 
tions soient  mûrement  étudiées  pour  pouvoir  être  utilement  résolues. 

Le  capitaine  Storm»  s'est  rendu  eu  Allemagne  de  la  part  de  la 
Société  anti-esclavagiste  de  Belgique,  pour  s'entendre  avec  la  Société 
allemande,  en  vue  d'une  action  commune  en  Afrique;  il  a  proposé,  pour 
base  d'opérations,  le  lac  Tanganyika,  un  steamer  armé  devant  croiser 
sur  le  lac,  et  des  postes  fortifiés  devant  être  établis  sur  les  rives  occi- 
dentale et  orientale  du  lac  par  les  Belges  et  les  Allemands  respective- 
ment. 

Le  sultan  de  Zanzibar  a  chargé  M.  Gérald  Portai,  agent  anglais,  de 
nommer  des  délégués  pour  faire  une  enquête  et  donner  leur  avis  sur  des 
cas  de  possession  soi-disant  illégale  d'esclaves  k  Pemba.  M.  Smith, 


—  339  — 

consul  britannique,  s'y  rendra  à  cet  effet.  En  outre,  le  sultan  a  donné 
par  écrit  à  M.  Portai  la  promesse  que  tous  les  enfants  d'esclaves  qui 
naîtront  dans  le  Zaaipaebap  après  le  1^  janvier  prochain  seront 
libres. 

On  écrit  de  Tanauarive  au  Journal  des  Débais  : 

«  Les  autorités  consulaires  anglaises  ayant  accusé  le  gouvernement  de 
Madai^attcar  de  favoriser  la  traite  des  noirs,  le  premier  nûnistre  a 
promulgué  un^  loi,  aux  termes  de  laquelle  les  esclaves  importés  sont 
affranchis  par  le  fait  seul  de  toucher  le  sol  malgache.  i> 

Nos  lecteurs  se  rappellent  qu'un  télégramme  de  Zanslbar,  du 
21  septembre  dernier,  a  annoncé,  qu'en  vertu  d'un  décret  du  sultan, 
«  tous  les  individus  amenés  sur  le  territoire  de  ce  souverain,  après  le 
l*'  novembre,  seront  libres.  » 

Si  ce  décret  est  mieux  exécuté  que  celui  de  Saïd  Bai-gasch,  du 
18  avril  1876,  il  y  aura  prochainement  dans  les  États  du  sultan  un  cer- 
tain nombre  d'esclaves  libérés,  au  sort  et  à  l'éducation  desquels  il  y 
aura  lieu  de  pourvoir.  Il  ne  sera  guère  possible  de  les  renvoyer  dans  leur 
pays  d'origine,  oîi  ils  seraient  exposés  à  retomber  sous  les  coups  des 
Arabes  qui  pratiquent  la  chasse  à  l'homme  à  l'intérieur.  Ils  auront 
besoin  d'être  formés  à  un  travail  libre  et  rémunérateur  pour  pouvoir  se 
suflBre  à  eux-mêmes.  Seront-ils  remis  aux  établissements  de  Bagamoyo 
ou  de  Frere-Town?  ceux-ci  seraient-ils  suffisants  pour  les  recevoir?  ou 
en  créera-t-on  de  nouveau?  Sans  doute,  il  a  été  pris  des  mesures  spé- 
ciales en  prévision  de  cette  éventualité.  Mais  jusqu'ici,  nous  n'avons 
reçu  aucune  information  à  ce  sujet. 


LE  TAN6ANYIKA  ' 

Diaprés  le  Capitaine  Edwakd  €.  Hori. 


De  tous  les  grands  lacs  de  l'Afrique  tropicale  orientale,  le  Tauganyika 
a  été  le  premier  découvert;  c'est  peut-être  celui  dont  l'importance  est 
la  plus  grande  par  le  fait  de  sa  situation  plus  centrale  que  celle  du 
Nyassa  et  du  Victoria-Nyanza,  et  sur  la  route  directe  de  Zanzibar  à 
l'embouchure  du  Congo.  C'est  là  que  se  rencontrent  les  limites  de  l'État 


'  Voy.  la  Carte,  !!"•  année,  p.  248. 


—  340  — 

Indépendant  du  Congo  et  du  territoire  réservé  à  Tiniluence  allemande 
dans  rÂfrtque  orientale.  D  peut  devenir  le  centre  des  croisières  inté- 
rieures pour  amener  Tabolition  de  la  'traité  a«  eœur  du  continent.  A 
tous  les  points  de  vue  la  connaissance  de  ce  bassin  importe  beaucoup 
auiL  amis  de  TAfrique. 

Sans  doute  le  capitaine  F.  Richard  Burton,  et  après  hà  Cameron  et 
Stanley  ont  fait  beaucoup  pour  acquérir  une  connaissance  exacte  de  cette 
immense  nappe  d'eau,  de  son  régime,  de  ses  affluents  et  de  son  émis- 
saire. Mais  le  temps  qu'ils  ont  pu  y  consacrer  a  été  relativement  court  ; 
leur  travail  a  été  un  travail  de  pionniers,  dont  ont  profité  ceux  qui  sont 
venus  après  eux.  Parmi  ceux-ci  le  capitaine  Hore  est  certainement  celui 
qui  s'est  trouvé  dans  les  copditions  les  meilleures  pour  étudier  ce  bassin 
sous  toutes  ses  faces,  et  le  mémoire  qu'il  vient  de  lire  à  la  Section  géo- 
graphique de  l'Association  britannique  à  Newcastle  nous  paraît  trop 
important  pour  que  nous  n'en  extrayons  pas  ce  qui  nous  semble  devoir 
être  le  plus  utile  et  le  plus  intéressant  pour  nos  abonnés. 

Les  montagnes  qui  entourent  le  bassin  au  fond  duquel  se  trouve  le 
Tanganyika  forment  un  ovale  irrégulier  de  1000  kilomètres  dans  sa  plus 
grande  longueur,  à  partir  de  la  ligne  de  partage  des  eaux  du  Kitangoulé 
et  de  la  Lousizi  au  nord,  jusqu'à  celle  qui  sépare  la  Lofou  du  Chambézi; 
la  largeur  n'eu  est  que  de  500  kilomètres,  de  la  ligne  de  faîte  de  la 
Gombé  dans  l'Ou-Nyamouézi  aux  affluents  orientaux  du  Loualaba  dans 
l'Ou-Gouha.  Ce  bassin  forme  une  dépression  profonde,  dont  le  lac 
occupe  environ  les  trois  quarts  du  plus  long  diamètre,  à  1000  mètres 
environ  au-dessous  du  niveau  des  montagnes  les  plus  élevées. 

Une  section  faite  le  long  de  son  moindre  diamètre  ressemblerait  exac- 
tement aux  détails  d'une  fortification.  En  venant  de  l'est,  le  rempart 
s'élève  par  degrés  ;  en  entrant  dans  l'Ou-Nyamouézi,  on  franchit  la  crête 
du  parapet,  qui  descend  en  pente  douce  jusqu'à  l'escarpe  par  laquelle 
on  atteint  la  tranchée  au  fond  de  laquelle  est  le  lac;  de  l'autre  côté  une 
contre-escarpe  presque  abrupte  de  600  mètres  fait  remonter  au  glacis 
qui  forme  la  limite  occidentale  de  la  dépression  et  d'oU  les  eaux  descen- 
dent vers  l'Atlantique. 

Le  lac  lui-même  a  650  kilomètres  de  longueur,  une  largeur  moyenne 
d'une  trentaine  de  kilomètres  et  une  profondeur  de  200  à  300  mètres  le 
long  de  sa  ligne  médiane.  L'apparence  de  la  dépression  au  fond  de 
laquelle  s'étend  le  lac  fait  déjà  supposer  qu'elle  est  due  à  une  action  vol- 
canique et  à  des  commotions  sismologiques.  M.  Hore  a  été  confirmé 
dans  cette  pensée  par  l'expérience  d'un  séjour  de  dix  années  dans  cette 


région,  pendant  lesquelles  les  tren^emeats  de  terre  ont  été  fréquents, 
quelquefois  si  fortâ  que  des  fiasurtt  se  sont  produites  iaxts  le  sol,  des 
sources  d'eau  chaude  ont  jailli,  ainsi  que  des  jets  de  vapeur  et  de  pétrole; 
plus  fréquemment  encore  de  sourds  groadeanents^ur^desaoufi  de  la  sur- 
face indiquent  que  les  foyers  souterrains  sont  toujours  en  activité. 

Depuis  plusieurs  années  on  a  constaté  que  la  direction  des  osdllaUons 
de  ces  tremblements  de  terre  «et  K.-N.-0.  ou  N.-0.  En  aoât  ISSa,  une 
secousse  d'une  violence  inaccoutumée  ouvrit  une  fissure  de  phisieuis 
kilomètres  de  longueur  et  des  lésardes  daas  les  muraiHes  d'Oudjidji,  et 
en  octobre  1887,  une  série  de  secousseB  d'une  durée  de  ^us  de  vingt 
jours  fut  ressentie  dans  l'tle  de  Kavida  et  à  Oudjidji,  paraissant  se  pro- 
duire directement  Boua  les  pieds  des  habitants  sanç  qu'il  y  eût  d'oscilla- 
tions horizontales.  Sir  Richard  Burton,  le  premier  Européen  qui  ait 
visité  le  Tangauyika,  crut  y  voir  une  d^tresraou  volcanique;  M.  Cooley 
montra  qu'il  est  situé  parallèlement  k  la  ligne  de  volcans  qui  passe  par 
la  Réunion,  Madagascar  et  les  Comores.  M.  Hore  voudrait  que  Ton  éten- 
dit le  champ  de  cette  étude;  il  pense  qse  le  bassin  du  Tauganytka 
s'étend  le  long  d'un  grand  cercle  qui  passe  par  les  pôles  magnétiques 
de  chaque  cdté  desquels  sont  rangés  les  principaux  volcans  et  les  régions 
des  ^énom^es  volcaniques  et  anoologiques  de  l'hémisphère  oriental. 

Pendant  longtemps  ce  lac  a  été  le  réserroir  des  eaux  de  toute  la 
dépresEàoQ  du  centre  de  l'AMque,  sans  autre  émissaire  qoe  l'évapora- 
tion.  Longtemps  aussi  il  y  a  eu  équilibre  entre  la  chute  de  pluie  et 
l'évaporation  ;  puis  la  quantité  d'eau  tombée  dépassa  l'évaporation;  le 
lac  monta  jusqu'au  niveaa  de  deux  brèches  existant  duis  la  chaîne  des 
nxmtagues  qui  fonueat  le  bassin,  fuoe  près  de  Karéma  à  l'est,  l'autre 
dans  l'Ou-^ouha  à  l'ouest  A  l'époque  de  Cameron,  le  lac  avait  atteint 
le  niveau  de  ces  deux  brèches.  Mus  M.  Hore  ne  croit  pas  que  ce  phé- 
nomène ait  pu  se  produire  plus  t6t,  car  il  existe,  tout  autour,  des  arbres 
de  haute  futaie,  en  partie  submergés  alors,  dont  la  croissance  sur  un 
terrain  sec  avait  exigé  des  sièdes,  et  des  villages  et  des  coltures  aussi 
Bubmei^lées  par  l'exhaussement  du  niveau  du  lac. 

Du  côté  de  l'est,  les  eaux  s'écoulèrent  dans  la  dépression  de  Rikoua, 
appelée  tantôt  un  ileuve,  tuitôt  une  lagune  ou  encore,  comme  aujour- 
d'hui, un  lac.  A  l'ouest,  la  niaure  du  sol  de  la  barrière  opposa  une  résis^ 
tance  jusqu'à  ce  que  la  force  énorme  de  l'eau  emportât  la  digue  et 
creusât  toujours  plus  profondément  le  chenal  dans  lequel  coule  la  Lou- 
kouga.  Lorsque  M.  Hore  arriva  au  Tanganyika,  eo  1878,  le  lit  de  la 
Loukouga,  avait  déjà  été  creusé  sur  un  long  parcours;  la  rivière  était 


—  S42  — 
1  torrent  rapide.  Le  niveau  du  lac  était  au  moins  &  un  mètre  plus 
à  l'époque  de  la  visite  de  Cameron.  Pendant  lea  dis  années  sui- 
il  a  baissé  encore  de  S  mètres  ;  il  s'écoule  toujours  par  la  Lou- 
mais  beaucoup  plus  lentement.  Tont  autour  du  lac  s'élève  une 
«  de  3  mètres  de  baut  «itre  le  niveau  de  l'eau  et  les  arbres  dont 
isance  sur  terrain  sec  «  dû  exiger  de  longues  années.  A  l'époque 
Bichard  Burton,  le  niveau  du  lac  ne  dépassait  pas  les  cultures 
1  trace  se  remarque  entre  la  zone  de  ces  arbres  et  la  surface 
e  de  l'eau.  Un  exhaussement  dee  eanx  pendant  cinq  ou  six  ans  a 
nir  détruire  de  grands  arbres  dont  les  tracée  auraient  disparu 
issent  été  submergés  pendant  dix  ou  douze  ans.  Durant  les  quatre 
[^  dernières  aimées  l'abaissement  a  été  en  moyenne  de  0°',30  à 

*  les  natifs  de  cette  région,  le  Tanganyika  est  la  grande  eau,  soit 
•s  produits  qu'ils  en  tirent,  soit  à  cause  des  facilités  de  transport  et 
imunication  qu'il  olïre  aux  dix  tribus  différentes  établies  sur  ses 
«  1600  kilomètres  de  développement. 

36^i  présentent  toutes  les  beautés  .des  lacs  suisses  sur  une  beau- 
lus  grande  édielle;  la  végétation  des  tropiques  y  i^oute  encore, 
lurés  d'arbustes  qui  entourent  lee  criques  servent  de  retraite  aux 
:,  aux  zèbres,  aux  éléphants  et  h  tous  les  grands  fauves.  Des  em- 
iree  de  rivières,  obstruées  de  roseaux  |et  de  papyrus,  pullulent 
opotames  et  de  crocodiles  et  o&ent  un  asile  aux  canards,  aux 
lux  ibis ,  aux  martins-pécbeurs,  aux  belles  grues  cendrées  et  % 
té  d'autres  oiseaux  aquatiques  ;  la  tortue  nagé  entre  deux  eaux; 
sinistre  de  l'aigle  pêcheur  répercuté  d'une  rive  à  l'autre  fait 
tir  le  silence  soleonel  de  ces  lieux,  tandis  que  sur  les  hauteurs,  la 
lergeaux  arbres  gigantesques,  sert  d'abri  k  de  grandes  fougères 
■landées  de  lianes,  à  de  brillants  papillous  et  à  des  singes 
^t  de  branche  en  branche. 

is  les  parties  du  rivage  où  l'homme  s'est  établi,  se  présentent  des 
!  de  deux  sortes.  Dans  les  régions  les  moins  habitées,  où  une  longue 
beuse  expérience  a  rendu  tous  les  étrangei's  suspects,  on  aperçoit 
liages  indigènes  entourés  de  palissades,  perchés  sur  des  promon- 
ou  dans  des  positions  faciles  à  défendre,  leurs  provisions  de  pain  ou 
isson  séché  entassées  sur  des  tiots  pierreux  et  leurs  canots  retirés 
ortée  de  la  main.  Dans  les  contrées  plus  heureuses,  se  voient  quan- 
B  villages  disséminés  au  milieu  de  plantations  de  bananiers  qui 
icent  la  paix  et  l'abondance,  tandis  que  des  champs  de  blé  et  de 


—  343  — 

cassave  couvrent  au  loin  toute  la  campagne.  Çà  et  là  un  espace  ouvert 
est  réservé  pour  le  marché  auquel  les  indigènes  de  tout  sexe  et  de  tout 
âge  arrivent,  par  terre  ou  par  eau,  pour  vendre  leur  produits  :  huile, 
poisson,  sel,  chèvres,  miel  et  toutes  sortes  de  denrées  ;  le  long  de  la  baie 
sont  rangés  des  canots  de  toutes  grandeurs  taillés  dans  un  tronc  solide, 
bref,  sous  son  aspect  le  plus  atUrayant  et  le  plus  pacifique,  tout  Tattirail 
des  scènes  africaines. 

Sur  la  surface  de  Teau  se  dessinent  la  voile  trismgulaire  de  la  barque 
arabe  ou  le  long  canot  plat  de  Pindigène  aventureux  qui  côtoient  la  rive 
autant  que  possible,  ne  traversant  le  lac  qu'après  avoir  soigneusement 
examiné  Tétat  de  Tatmosphère,  Lorsque  TArabe  est  surpris  par  un  gros 
temps,  il  se  trouve  parfois  entièrement  à  la  merci  des  vents  et  des  tlots, 
mais  les  embarcations  étant  excellentes  se  perdent  rarement.  Les  indi- 
gènes avec  l^urs  canots,  en  général  pesamment  chargés,  n'ont  qu'un 
moyen  de  se  tirer  d'une  tempête  ;  le  plus  robuste,  ou  tous  si  cela  est 
nécessaire,  passent  par-dessus  bord  ;  se  tenant  au  bateau,  ils  se  soutien- 
nent sur  l'eau  et  servent  à  briser  la  force  des  vagues  ;  si  le  danger  aug- 
mente, ils  jettent  à  l'eau  la  cargaison  en  comiinençant  par  les  objets  de 
moindre  valeur.  Le  lac  présente  des  aspects  très  difiërents.  Par  le  beau 
temps,  la  navigation  en  est  très  agréable,  les  écueils^  et  les  bas-fonds 
étant  très  peu  nombreux.  Mais  les  scènes  les  plus  belles  sont  celles  qu'of- 
frent les  nuits  claires,  ob  la  fraîcheur  succède  aux  ardeurs  du  soleil.  Ou 
bien  le  vent  de  tempête  en  soulève  les  tlots,  amassant  autour  des  mon- 
tagnes des  masses  de  nuages  qui  déversent  des  pluies  torrentielles  sur 
les  pentes  tout  autour  du  lac. 

Il  n'est  pas  rare  de  voir  se  former  de  vraies  trombes  parfaitement 
semblables  à  celle  de  l'Océan.  Les  changements  de  saison  sont  les 
époques  de  l'année  oii  les  vents  et  l'eau  deviennent  le  plus  dangereux. 
Des  tourbillons  de  vent,  accompagnés  de  pluie  et  de  grêle,  peuvent 
rendre,  de  nuit  surtout,  la  navigation  extrêmement  périlleuse.  M.  Hore 
a  observé  pendant  quatre  heures  de  suite  le  phénomène  électrique  du  feu 
Saint-Elme  à  l'extrémité  du  mftt. 

Les  saisons  suivent  l'ordre  général  que  l'on  remarque  dans  l'Afrique 
tropicale  ;  les  plus  grandes  perturbations  météorologiques  ont  lieu  à 
l'époque  où  la  saison  pluvieuse  succède  à  la  saison  sèche,  et  vice  vei*sa. 
D'après  les  observations  de  M.  Hore,  il  tombe  à  peu  près  deux  fois  plus 
de  pluie  à  l'île  Kavala,  à  l'ouest  du  lac,  qu'à  Oudjicyi,  sur  la  rive  orien- 
tale. Le  temps  le  plus  chaud  de  l'année  est  en  novembre  et  en  février  ; 
le  plus  froid  en  juillet. 


—  344  — 
Qat  u'est,  eu  général,  nullement  insalubre  :  il  est  beaucoup  p\ns 
celui  des  régions  de  la  c4te  sous  la  mdrae  latitude;  les  malhea- 
:périenoes  Mtea  jusqu'ici  par  des  voyageurs  et  des  nussioD* 
it  été  dues  plutdt  aux  conditions  difficiles  de  la  vie  et  du  travail 
salubrité  dH  climat.  Quantité  de  ceux  qui  ont  visité  cette  région 
ffaiblifi  par  de  longs  voyages,  beaucoup  de  vicissitades  et  d'an- 
[.  Hore  ne  doute  pas  qu'à  mesure  que  la  civilisation  s'étendra, 
lys  et  les conditious  de  la  vie  seront  mieux  compris,  on  n'ait 
piundre  du  climat. 

oute  de  grandes  éteudues  de  pays  snubloit  desséchées,  mak 
trouvera  presque  partout  où  l'on  creusera  des  ptots,  et  il  ne  faut 
eau  pour  faire  produire  en  abondance  tout  ce  que  fournissent 
tropicaux. 

nbreuees  observations  ont  permis  de  tixer  l'altitude  du  lac  à 
iron.  L'eau  est  fraîche  et  propre  K  tous  les  usages, 
aux  habitants,  la  région  du  Tanganyika  offre  un  mélange  d'une 
e  tribus,  représentant  toutes  les  différentes  familles  de  l'Afri- 
^,  négroïde,  soulou,  sémite,  pygmée  et  aussi  le  groupe  des 
ms  belliqueuses  de  l'ouest  du  Vlctoria-Nyanea,  dont  la  classifi- 
i  pa£  encore  été  faite  d'une  manière  complète.  Tous  ces  éléments 
argé  vers  le  Tanganyika,  non,  comme  on  pourrait  le  supposer, 
itrer  en  conflit,  mais  pour  s'établir  pacifiquement  le  long  de 
1,  où,  devenus  enfants  du  sol,  ils  conservent  encore  assez  de  leurs 
^siques  pour  que  l'on  puisse  les  reconnaître, 
bus  guerrières  du  N.-O.  sont  représentées  dans  l'Ou-Sigoué, 
tpposent  aux  étrangers  la  plus  grande  difficulté  pour  pénétrer 
*  pays;  toutefois  la  base  sûre  d'opéraUons  qu'oA«  le  lac,  fut 
îigoué  le  meilleur  point  de  départ  pour  des  tentatives  de  le  relier 
^rritoire  d'Ëmin-pacha. 

nites  africains  du  N.-K.  venus  d' Abyssinie  et  du  pays  des  Gallas, 
,  pasteurs,  sont  établis  sur  te  Tanganyika,  sous  le  nom  de  Oua- 
t  de  Oua-Djidji  septentrionaux.  Conservant  leur  bétail,  ils  sont 
essentiellement  agrioulteurs,  et  malgré  leurs  préjugés  contre 
ont  pris  des  habitudes  de  marins;  ce  sont  les  bateliers  et  les 
les  meilleurs.  Ils  ont  gardé  le  physique  superbe  et  les  traits 
•s  de  leurs  ancêtres,  ainsi  que  l'habileté  à  travailler  le  fer  et  le 
h  tisser  les  étoffes. 

irs  explorateurs  ont  signalé  une  série  de  tribus  pygmées  et  can- 
lartant  de  la  côte  occidentale  et  atteignant  le  Tanganyika,  dans 


—  345  — 

rOu-Bemba;  elles  n'y  soat  que  faiblenaeut  repr^^iwt^,  peut-être  est-ce 
le  mauvais  accueil  qui  leur  a  été  fait  par  les  populations  des  bords  dç 
lac  qui  les  a  empêchées  de  se  fondre  avec  les  autres  indigènes. 

Le  type  nègre  provient  de  l'ouest  et  se  trouve  représenté  dans  Ijb 
Ma-Roungo,  et  peutrétre  dans  l'Ou-Gouba  etrOu-Goma. 

La  famille  négroïde  est  venue  de  la  côte  orientale  sur  deux  ou  plu- 
sieurs lignes. 

Les  Zoulous  ou  Mazitous,  ont  été  refoulés  du  Sud  vers  le Tangaojika, 
et  les  Oua-Touta  et  autres  rejetons,  portant  sur  la  têt^  l'anneau  distinc- 
tif  des  Zoulous,  après  un  court  établissement  à  l'angle  0.  du  lac,  se  sont 
mêlés  aux  Ou-Nyamouézi. 

Toutes  ces  familles,  sauf  les  Zoulous,  ont  acquis  une  grande  habileté 
dans  la  navigation,  dans  la  mesure  oii  l'existence  d'arbres  convenables 
pour  des  canots,  Jes  côtes,  les  ports,  et  les  nécessités  d'échanges  out  pu 
les  favoriser. 

Quoique  presque  toutes  les  familles  africaines  soient  représentées 
dans  la  région  du  Tanganyika,  cep^dant  ce  sont  les  Ou-Nyaniouézi 
qui  occupent  la  pins  grande  partie  de  ce  bassin.  Ils  ont  envoyé  des  colo- 
nies jusque  dans  le  Katanga,  le  Garangauzé  d'aiûour4')mi< 

La  proximité  de  tous  ces  éléments  divers  a  servi  à  développer  et  à 
encourager  l'art  et  l'industrie  indigènes,  ainsi  que  l'échange  des  produits. 
I/e  progrès  aurait  été  constant  sans  l'esclavage  et  la  traite  pratiquée 
par  les  Arabes.  Sans  doute  la  condition  primitive  de  l'esclavage  est  celle 
que  l'on  rencontre  partout  dans  l'histoire  andenne,  mais  la  forme 
actuelle,  introduite  dans  l'Afrique  centrale,  par  des  étrapgers,  provient 
de  contrées  ou  l'organisation  sociale  développe  les  passions  les  plus 
basses  de  la  nature  humaine. 

Malgré  les  conditions  désavant;ageuses  dans  lesquelles  se  sont  trouvées 
les  popuUtions  de  l'Afrique  centrale,  les  arts  utiles  s'y  «iout  développés. 
Les  métaux  servent  ^  fabriquer  des  ustensiles  et  4es  annes;  l'argile 
fournit  des  vases  de  toutes  formes.  Le^  indices  filent  toutes  sortes  de 
libres  végétales,  en  font  des  tissus,  des  nattes,  des  corbeilles;  ils  font  du 
sel  et  de  l'huile;  prennent  du  poisson,  le  conservent  et  le  distribuent; 
partout  oîi  la  paix  le  permet,  sont  établis  des  marchés  pour  les  échanges. 
La  seule  condition  qui  manque  pour  de  rapides  progrès  à  tous  les  points 
de  vue,  c'est  la  paix  et  un  gouvernement  assuré. 

Xjes  indigènes  cultivent,  outre  le  riz  et  diverses  céréales,  le  palmier  à 
huilef  les  arachides ,  le  sésame,  le  tabac,  le  coton,  beaucoup  de  iibres 
végétales,  le  caoutchouc,  etc.  ;  ils  exploitant  le  fer,  lo  cuivre,  les  peaux, 
l'ivoire,  etc. 


—  346  — 

Les  voies  de  communication  convergent  vers  le  Tanganyika.  Dans 
l'Afrique  tropicale  orientale,  elles  se  dirigent  actuellement  de  Test  à 
l'ouest,  maie  plus  tard  il  sera  facile  d'en  ouvrir  du  Nil  au  Zambëze.  La 
voie  la  plus  fréquentée  jusqu'ici  est  celle  qui,  partant  de  Zanzibar,  tra- 
vei"se  le  Tanganyika,  pour  gagner  le  Congo  et  la  c6te,  occidentale*.  Le 
temps  ordinaire  employé  par  les  caravanes  annuelles  de  la  Société  des 
missions  de  Londres,  chargées  de  marchandises,  est  de  trois  mois  pour 
aller  de  Zanzibar  à  Oudjidji^  M.  Hore,  a  fait,  dans  les  mêmes  conditions, 
le  trajet  en  90  jours  ;  une  autre  fois,  avec  plusieurs  Européens,  de  pesan- 
tes charges  et  un  bateau  sur  six  chariots,  en  104  jours.  Sans  charges,  il 
Ta  fait  en  62  jours,  et  Tannée  dernière,  avec  sa  femme  et  son  enfant, 
en  72  jours.  Au  point  de  vue  des  frais  de  transport,  la  route  du  Nyassa 
peut  être  préférée;  mais  l'expérience  acquise  par  les  porteurs,  la  dis- 
cipline et  la  connaissance  de  tous  les  détails  de  l'ancienne  route  plai- 
dent en  faveur  de  celle-ci. 

C'est  en  1878  que  la  première  expédition  de  la  Société  des  missions 
de  Londres,  a  atteint  le  Tanganyika  ;  malgré  de  grandes  difficultés  et  de 
nombreux  décès,  l'œuvre  a  été  poursuivie  avec  persévérance.  Les  mis- 
sionnaires ont  appris  à  connaître  toutes  les  tribus  des  bords  du  lac  ;  deux 
stations  ont  été  fondées;  quantité  d'indigènes  ont  été  formés  comme 
pilotes,  constructeurs,  ouvriers,  domestiques;  même  les  Arabes,  trafi- 
quants ou  colons,  ont  déposé  leurs  préventions  et  ont  aidé  aux  progrès 
de  la  mission  par  leur  conduite  hospitalière  et  amicale. 

La  Société  possède  un  bateau  de  sauvetage  en  acier,  et  un  bâtiment 
à  voile  de  18  mètres  de  long,  pourvu  d'une  machine  à  vapeur.  Le  lever 
du  lac  a  été  fait,  les  ressources  du  pays  et  le  caractère  des  indigènes 
ont  été  étudiés.  Au  point  de  vue  de  la  suppression  de  la  traite ,  la  situa- 
tion du  Tanganyika  est  excellente  et  le  pays  riche  par  lui-môme  peut 
devenir  le  centre  d'un  commerce  légitime  important.  Quant  au  dévelop- 
pement de  l'art  et  de  l'industrie  des  natifis,  M.  Hore  regrette  que  l'on 
ait  inondé  certaines  régions  africaines  de  marchandises  européennes  à 


'  Du  point  où  la  Loukouga  sort  du  Tanganyika  jusqu'à  Nyangoué,  sur  le 
Congo,  la  distance,  à  vol  d'oiseau,  est  de  500  kilomètres  environ. 

^  Outre  Oudjidji,  établissement  essentiellement  arabe,  on  compte,  sur  les  bords 
du  Tanganyika,  les  stations  de  Karéma  et  de  Mpala,  fondées  par  l'Association 
internationale  africaine  et  remises  aux  missionnaires  romains  après  la  fondation 
de  l'État  du  Congo  ;  celle  de  Kibanga,  des  missions  d'Alger  ;  celles  de  Kawala  et 
de  Pambeté,  de  la  Société  des  missions  de  Londres. 


—  347  — 
bon  marché,  qui  oat  étouffé  de  précieuses  Uidustries  iod 
aurait  fallu  encourager  arec  soin.  Il  serait  déplorable  que  1 
commerciales  des  Européens  n'eussent  pour  but  que  le  lue 
Africains,  privés  de  leurs  travaux  utiles  et  laissés  dans  le 
primitive,  tombassent  dans  un  état  de  sujétion  pire  que  1( 
présente.  Leur  magnifique  pays  ne  réclame  qu'un  peu  d'à 
les  ressources  en  soient  utilisées;  eux-mêmes  s'élèveront  s' 
nus,  mais  aucime  entreprise  politique,  commerciale  ou  si 
sera  possible  si  elle  ne  se  propose  avant  tout  la  suppreesioi 
la  traite  des  esclaves. 


CORRESPONDANCE 

Lettre  <■  ZMoMse,  d«  M.  I>.  Mtmmmuir* 

Séshéké,  Zambëze,  21 
Je  vais  essayer  de  répondre  à  vns  principales  questions.  L'esc 
Ba-Rotsé  s'étend  à  toute  la  population.  Ainsi,  le  roi  a  le  droit  de 
service  n'importe  quel  fils  lie  chef,  dont  il  fait  un  eeconAoa,  c'est- 
iles  gens  de  sa  maison  ou  un  surintendant  pour  la  chasse,  la  péc 
d'autres  travaux.  D'autres  fils  de  chefs  sont  appelés  par  lui  à  de 
village  ou  de  tribn.  En  un  mot,  c'est  le  roi  qui,  avec  l'aide  de  ses  c 
fère  toutes  les  charges  dans  le  royaume.  Le  roi  a  encore  le  droit 
tribut  humain  sur  chaque  chef,  duquel  11  prend  les  sujets  mâles  o 
il  a  besoin.  £n  outre,  chaque  année,  le  roi  envoie  des  licomboa,  oi 
dea  enfants,  surtout  chez  les  Ma-Totela,  les  Ba-Toka  et  les  Ma-S 
ditions  ne  sont  pas  toujours  très  productives,  cor  dés  qu'on  appi 
dea  envoyés  du  rot,  les  parents  cachent  leurs  enfants.  Les  petits  i 
se  prêtent  volontiers  à  ce  stratagème  et  répondent  aux  envoyés  di 
gens  sont  dispersés  et  introuvables.  Alors,  si  une  battue  des  bois 
échoue,  tes  gens  du  lekheto  (des  péages),  s'en  retournent  à  vide  à 
encourir  la  colère  du  roi  qui  est  habitué  à  ce  mode  de  faire.  D'autre 
dition  semblable  n'échoue  jamais  complètement;  tout  le  butin  hu 
au  roi  qui,  après  avoir  fait  son  choix,  distribue  le  reste  aux  autre 
ambassadeurs  tout  d'abord,  en  rétribution  de  leurs  peines. 

Ces  expéditions  sont  le  fléau  du  pays,  non  seulement  à  caust 
gens  qu'elles  exécutent,  mais  aussi  parce  que  les  messagers  pillei 
battent  les  gens,  font  bonne  chère  aux  dépens  des  victimes.  C'est 
son  que  les  gens  se  dispersent  le  plus  possible,  qu'ils  cachent 
loin  des  villages  dans  des  trous  soigneusement  recouverts.  En  revai 
que  les  pauvres  envoyés  du  roi  mourraient  de  faim  s'ils  n'usaient  t 


—  348  — 

se  procurer  des  vivres.  Le^  ordres  du  roi  de  pourvoir  aux  besoins  de  ses  messa- 
gers, ne  servent  à  rien,  et  quelquefois  nous  avons  vu  sous  nos  yeux  ces  derniers  se 
servir  eux-mêmes  sans  que,  dans  nos  cœurs,  nous  pussions  les  blâmer,  bien  que 
nous  ayons  toujours  réprouvé  devant  eux  tout  acte  semblable  de  violence  et 
engagé  les  gens  à  leur  donner  de  plein  gré.  Les  Ba-Rotsé  disent  :  rea  tsualda  morena 
(nous  enfantons  pour  le  roi)  ;  les  esclaves  corrigent  ce  dicton  en  disant  :  rea  tsua- 
lelaBa-Rotsé  (nous  enfantons  pour  les  Ba-Rotsé).  Voilà  pour  ce  qui  concerne  l'escla- 
vage en  temps  ordinaire.  Dans  les  expéditions  guerrières,  le  butin  humain  appar- 
tient à  celui  qui  le  capture,  après  que  le  roi  et  le  chef  du  guerrier  ont  pris  leur 
bonne  part.  En  d'autres  termes,  il  faut  que  les  esclaves  aient  la  main  heureuse 
pour  qu'il  leur  reste  quelque  chose;  les  plus  fortunés  auront  surtout  en  partage 
une  femme,  ou  une  jeune  fille  ou  un  enfant.  Il  en  est  de  même  pour  l'antre  espèce 
de  butin,  le  bétail  par  exemple,  beaucoup  d'esclaves  en  possèdent  quelques  têtes. 
Même  en  dehors  du  butin  de  la  j^erre,  les  bergers  des  Ba-Rotsé  ont  tous  une  ou 
deux  vaches  qui  leur  appartiennent  en  propre  ;  en  outre,  ils  ont  le  droit  de  traire 
certaines  vachfii»  pour  leur  entret^  iovrjialier*  Chaque  chef  agit  avec  ses  gens 
comme  le  roi  le  fait  avec  lui.  Il  donnera  à  celui-ci  une  femme,  à  celui-là  une 
vache,  à  un  troisième  un  esclave.  II  y  a  donc  peu  d'esclaves  qui  ne  soient  maîtres 
à  leur  tour,  même  les  esclaves  des  esclaves  ont  aussi  des  esclaves.  Ce  qui  est 
particulier  à  ce  pays,  c'est  que  les  chefs  prennent  pour  femmes  leurs  esclaves  et 
donnent  leurs  filles  en  mariage  à  leurs  esclaves.  Il  en  résulte  que  les  chefs  sont 
en  relation  de  famille  avec  bon  nombre  de  leurs  gens;  c'est  sans  doute  par  ce 
moyen  qu'ils  conservent  quelque  ascendant  sur  ceux-ci.  A  proprement  parler,  il 
n'y  a  pas  de  chefs  dans  ce  pays  où  tout  le  monde  est  chef.  Au  premier  abord,  les 
Ba-Rotsé  sont  avec  leurs  esclaves  dans  les  rapports  très  familiers,  presque  pater- 
nels. Ils  les  battent  bien  quelquefois,  les  tuent  même;  mais,  somme  toute,  les 
esclaves  ont  beaucoup  de  liberté,  ils  peuvent,  presque  impunément,  refuser  de 
faire  certains  travaux.  Rien  ne  démontre  mieux  le  peu  d'autorité  dont  jouissent 
les  chefs,  que  la  dernière  expédition  de  chasse  aux  Matsui.  Il  leur  a  fallu  plu- 
sieurs semaines  pour  rassembler,  au  nom  du  roi,  une  partie  seulement  de  leurs 
gens  et  non  moins  de  peine  pour  les  empêcher  de  se  sauver  tous  sur  le  théâtre 
d'action.  Lors  de  la  dernière  guerre,  Ratau,  le  général  en  chef  de  Seshéké,  par- 
tait seul  avec  ses  enfants  et  deux  ou  trois  esclaves,  après  avoir  vainement  attendu 
ses  gens.  «  Oh  !  non  »  répondit-il,  «  ils  me  suivront  dès  qu'ils  me  sauront  en  route.  » 
Il  ne  s'agissait  ici  que  d'aller  piller  les  Ma-Choukouloumbé.  Lors  du  sac  de 
Seshéké  par  Lethsuala  (Morantsiane),  les  chefs  se  sauvaient  tous  seuls,  abandon- 
nés de  leurs  esclaves.  En  cas  de  difficultés  «^ntre  un  chef  et  un  esclave,  celui-ci 
se  réfugie  chez  le  roi.  et  même  lorsqu'il  reçoit  une  punition  corporelle,  il  devient 
sujet  du  roi  plus  souvent  qu'il  n'est  renvoyé  à  son  chef.  J'ai  entendu  dire,  mais 
ceci  demande  confirmation,  que  le  roi  a  décidé  de  donner  une  défense  à  quiconque 
tuera  un  éléphant;  le  chasseur  aurait  le  droit  d'acheter  ce  qu'il  voudrait  avec  sa 
défense  et  de  partager  le  butin  avec  son  chef.  Toutefois,  cette  mesure  ne  parait 
pas  être  en  faveur,  à  cause  des  querelles  que  le  partage  du  butin  peut  faire  sur- 
gir entre  les  intéressés  (maîtres  et  esclaves). 


—  349  — 

VoDs  me  demandez  encore  :  b'H  ftrrire  qa'ime  mère  eaclave  soit  séparé 
enfànu;  hélas  I  c'est  le  cas  généralement,  non  seulement  pour  les  tîcI 
la  guerre,  mais  aussi  pour  celles  da  tribut.  Les  captifs  sont  les  derniers  < 
mail  au  boat  de  quelques  looées,  ils  sont  sur  le  même  pied  que  les 
ils  font  d'emblée  partie  de  la  nation.  Constamment,  an  principal  esc 
élevé  an  rang  de  petit  chef;  le  nombre  de  ceux-ci  est  incalculable. 
de  Bo-Rotsè  ne  s'applique  pas  seulement  à  des  Ba-Rotsé  d'origine,  ti 
but,  c'est  bien  plutôt  le  nom  général  donioé  am  chefs,  de  quelque  tril 
descendent.  Si  ces  derniers  conserTent  le  pouvoir,  c'est  qu'il  ;  a  entre 
espnt  de  solidarité  mntuelle,  des  relations  de  famille,  et  que  les  tribus  f 
n'ont  pas  l'eeprit  de  corps,  pas  d'unité,  pas  de  chefs.  Je  ne  pense  pi 
qu'un  homme  de  talent  et  de  courage  parmi  les  esclaves  pût  les  libérer;  i 
aie  des  antres  annuterait  tous  ses  efforts,  il  n'y  a  pas  de  patriotisme  cl 
Ce  que  je  viens  de  dire  répond  à  deux  entres  de  tos  questions,  c'est-i-c 
les  enfants  de  l'esclare  appartiennent  k  son  chef  on  an  roi  et  qu'il  n'y  a, 
d'affraocliisBement,  qn'uoe  amélioration  de  l'esclavage  pour  les  pins  babil 
sont  esclaves  et  sans  doute  le  roi  aussi  ;  la  nation  tout  entière  est  liée  fc  ! 
chaîne.  Entre  eux,  les  chefs  font  des  marchés  de  bétail,  de  bateaux, 
eeclaves  sont  la  monnaie;  ou  bien  ils  eu  fout  de*  échanges.  La  vente  des  ( 
la  traite  au  dehors,  est  maintenant  interdite  par  le  roi.  Du  cété  du  snd, 
impossible  à  caose  de  Ehama  et  du  cOté  de  l'ouest,  les  Mambare  ont  ac 
achètent  encore  des  esclaves  des  chefï,  mais  je  crois  qu'ils  ne  le  font  plu 
tement  et  que  le  nombre  en  est  peu  considérable. 

Toici  maintenant  un  autre  sujet  intéressant.  Il  ;  a  deux  mois,  notre  post 
été  apportée  par  nn  de  nos  chasseurs  de  l'an  dernier.  Il  est  venu,  au  nom  d'uni 
de  Kimberley,  essayer  de  passer  avec  le  roi  et  les  principaux,  nn  contrat, 
lequel  11  recevrait  le  droit  exclusif  de  la  recherche  de  l'or  dans  tout  le  j 
Ba-Rotsé.  Il  demande  l'autorisation  de  construire,  d'établir  des  routes  à 
mSme  des  raiiways,  de  rendre  la  route  du  fleuve  navigable  pour  nn  petit 
etc.,  et  désire  n'introduire  que  de  braves  gens  dans  le  pays,  une  vingts 
l'année  prochaine,  et  pas  de  spiritueux.  En  retour  de  la  concession  accordi 
société  offrirait  au  roi  une  rente  annuelle  de  300  liv.  sterl.  et  un  fort  beau 
de  fusils  et  de  munitions  dès  aiyourd'hui.  En  outre,  ce  Monsieur  est  cba 
un  représentant  de  la  Be-Chuaaaland  Exploration  Companf  Limited,  i 
signer,  au  nom  de  cette  dernière,  un  contrat  demandant  le  monopole  exe 
commerce  de  tout  ce  pays  ;  le  contrat  stipnle  qu'aucun  spiritueux  ne  sei 
duit  dans  le  pays;  cette  seconde  Société  désire  établir  des  magasins  sur  ce 
ainsi  qu'un  service  de  poste  régulier.  £lle  offrirait  an  roi  une  rente  ann 
100  tÎT.  sterl.  Le  négociateur  eet  &  la  Vallée  et  nous  attendons  impati 
l'issue  de  ses  négociations.  Les  Ba-Rotsé  ont  tout  intérêt  à  accepter,  d'ant 
que  les  Ma-Tébélé  sont  pour  eux  une  menace  constante.  En  ce  moment 
sent  le  fleuve  en-Uessous  de  Wank;  et  les  espions  du  roi  ne  savent  pat 
s'ils  se  rendent  ici  on  chez  les  Ma-Choukonloombë.  Le  danger  sera  enco 


—  350  — 
lel  si  les  Bœrs  arrîTeat  fc  dépoHéder  LobenguU  de  son  paya  et  à  le  refoa- 
'  cette  rire.  Ed  répODse  à  une  lettre  adressée  l'an  dernier,  par  noua,  i 
j:u1a,  M,  HoliQ  de  la  Société  des  missiotu  de  Londres,  noos  répond  au  nom 
que,  même  en  cas  d'ioTsaion,  nous  n'aurions  rien  à  souffrir  des  Ma-Tébélé; 
te  que  nous  devons  plus  compter  sur  l'intérêt  de  LobenguU  à  se  conserrer 
vouloir  des  blanrs  que  sur  sa  parole  dounée.  De  tous  cAtét,  le  moment  pré- 
it  critique  pont  ce  pays. 

notre  œuvre,  il  y  a  peu  de  chose  à  dire  :  la  reprise  de  l'école  après  la 
aux  Matsui,  nous  a  amené  peo  d'éltres.  Le  Jeune  chef  est  i  ses  champs 
iue  tous  les  autres,  à  peu  près.  La  première  ardeur  pour  l'étude  semble 
)mbée  chez  la  plupart  d'entre  eux  et  nos  priadpatu  auditoires  sont  ceux 
campagne.  Mon  cheval  nous  pennet,  à  tour  de  rûle,  de  voir  plusîeare  villa- 
«que  dimanche  et  il  mérite  bien  l'intérêt  de  nos  amis.  Ha  maison  est  sons 
aie  non  couverte,  et  il  y  a  encore  du  travail  poiu-  placeurs  mois  afin  de  la 
•.  habitable.  Aarone  m'a  été  d'un  précieux  secours  dans  cette  bitiue.  De  la 
!,  les  dernières  nouvelles  étaient  peu  bonnes;  la  maladie  sévit  dans  l'école 
■oula,  et  M"  Coiltard  est  toujonn  pen  bien.  Nous  attendons  l'arrivée  de 
lia  pour  porter  du  renfort  à  notre  doyen  dont  la  t&che  dépasse  les  forces  à 
heure.  Nous  n'avons  pas  eu  de  journaux  cette  année  et  ne  savons  les  non- 
que  par  nos  lettres  ;  il  nous  tarde  fort  de  lea  recevoir, 
juin;  nous  avons  en  cette  nuit  un  degré  centigrade  au-dessus  de  zéro,  le  ni- 
1  de  cette  année.  Lemaiimum&rombre  est  45°  à46°  dans  la  saison  chaude. 

Eazangula,  81  juillet  1889. 
auis  ici  depuis  8  jours  pour  nos  bagages  et  M.  Coillard  m'a  rejoint  hier.  Le 
iateur  dont  je  tous  ai  parlé  a  réussi  à  passer  un  contrat  pour  l'or.  Il  a 
n  en  concession  le  pays  compris  entre  la  Msshele,  la  route  de  guerre  pour 
chez  les  Ma-Chonkouloumbé,  la  Eafoué  et  le  Zambèze.  Il  payera  au  roi  une 
annuelle  de  200  liv.  sterl.  et  le  4  %  du  produit  des  mines. 
revanche  la  demande  de  la  Be-Chuanaland  Company  touchant  le  monopole 
lercial  a  échoué;  mais  le  roi  l'a  invitée  à  faire  un  libre  commerce  dans  ce 

uraî  sans  doute  à  attendre  encore  nue  semaine  avant  de  pouvoir  penser  k 
mer  au  logis. 

D.  JaumiiRCT. 


BIBLIOGRAPHIE' 

rederik  Jeppe.  Map  of  the  Transvaal  ob  S.  A.  Rspubuc  akd  sua- 
a)tNa  TBRRITOBIE8.  Pretoria,  1889, 1  :  1,000,000.  —  Grâce  à  leurs 
is  d'or,  le  Transvaal  et  les  contrées  voisines  attirent,  en  ce  moment- 

On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genève  et  à  BUe,  tous  lea 
iiges  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civiUaée. 


—  351  — 

ci,  l'attention  publique  d'une  manière  toute  particulière;  aussi  la  publi- 
cation de  la  carte  de  M.  Jeppe  est^Ue  pour  les  colons,  les  mineui*s  et 
les  actionnaires  des  compagnies  aurifères,  une  aussi  bonn^  foi-tune  que 
pour  les  géographes.  Son  échelle  (1 :  1,000,000)  est  très  grande  pour  un 
pays  africain,  surtout  pour  des  régions  peu  peuplées  sur  d'assez  vastes 
étendues  ;  en  outre  elle  est  fort  commode  pour  permettre  de  se  rendre 
compte  des  distances,  car  un  millimètre  sur  la  carte  représentant  un 
kilomètre  sur  le  terrain,  on  peut,  avec  im  double  décimètre,  calculer 
facilement  les  longueurs  itinéraires. 

Le  Transvaal  occupe  à  peu  près  la  partie  centrale  de  la  carte,  qui 
déborde  tout  autour,  au  nord,  jusqu'à  Gouboulououayo  et  aux  monts  Ma- 
toppo  ;  au  sud,  jusqu'au  pays  des  Ba-Souto,  inclusivement  ;  k  l'ouest, 
jusqu'à  la  frontière  occidentale  du  Griqualand  West  ;  enfin,  à  l'est,  jus- 
qu'à l'embouchure  du  Limpopo.  On  voit  que  la  carte  de  M.  Jeppe  repré- 
sente une  des  régions  les  plus  intéressantes  de  l'Afrique  australe  ;  des 
couleurs  bien  tranchées  y  séparent  les  différents  pays.  Les  lignes  ferrées 
en  exploitation,  les  voies  en  projet,  les  routes  postales,  les  chemins  ordi- 
naires, les  lignes  télégraphiques  sont  indiqués  par  des  signes  distincts. 
L'auteur  a  mis  un  grand  soin  à  marquer  d'une  manière  spéciale  les  ré- 
gions d'exploitation  aurifère,  ainsi  que  les  districts  où  l'or  a  été  décou- 
vert. Des  cartons  donnent  au  1  :  500,000,  c'est-à-dire  à  une  échelle 
double  de  celle  de  la  carte  principale,  les  territoires  aurifères  les  plus 
importants,  entre  autres  celui  de  Kaap,  où  se  trouve  Barberton. 

D'après, la  longue  liste,  indiquée  dans  le  titre,  des  documents  dont 
l'auteur  s'est  servi  pour  dresser  sa  carte,  on  constate  qu'il  n'a  négligé 
aucune  source  importante.  Toutefois  la  Société  de  géographie  de  Lis- 
bonne a  cru  devoir  réclamer  au  sujet  de  la  limite  occidentale  des  colo- 
nies portugaises,  fixée  par  M.  Jeppe,  au  nord  du  Transvaal.  Entre  la 
frontière  indiquée  par  ce  dernier  et  celle  à  laquelle  les  Portugais  décla- 
rent avoir  droit,  il  y  a  une  distance  d'environ  V»  à  V4  de  degré  en  longi- 
tude, ce  qui  représente  un  assez  vaste  territoire.  L'auteur  de  la  carte 
donnant  la  limite  qu'il  indique  conmie  purement  approximative,  il  est 
probable  que  si  les  droits  du  Portugal  sont  fondés,  il  reconnaîtra  son 
erreur.  En  tout  cas,  nous  ne  pouvons  que  le  féliciter  pour  son  beau  trar 
vail  qui  fait  connaître  en  détail  une  importante  région  de  l'Afrique. 

Eugène  Béchet.  Cinq  ans  de  séjour  au  Soudan  français.  Paris 
(E.  Pion,  Nourrit  et  C»*),  1B89,  in-18,  270  p.  et  carte,  fr.  4.  —  L'auteur 
de  ce  livi'e  a  fait  partie  de  l'administration  du  Haut-Sénégal  où  il  est 


—  352  — 

resté  cinq  ans.  Il  n'a  pas  pris  patl  aox  grandes  explorations  et  aux  cam- 
pagnes qui  ont  eu  pour  théâtre  cette  région  et  le  bassin  supérieur  dn 
Niger.  Sou  emploi  le  fixait  à  un  poste,  d'abord  Longtou,  puis  Kita,  d^oti 
il  voyait  partir  des  expéditions  auxquelles  il  aurait  vivement  désiré  se 
joindre.  C'esrt  donc  Texisteuce  qu'il  a  menée  au  milieu  des  populations 
d'une  portion  assez  restreinte  du  Sénégal  supérieur  qu'il  décrit  dans  ce 
volume.  Vivant  en  contact  journalier  arec  les  indigènes  dont  il  possédait 
la  langue,  très  souvent  consulté  par  eux  dans  les  dîiférends  qui  les  sépa- 
raient, il  a  pu  réunir  un  certain  nombre  d'observations  sur  le  genre  de 
vie,  les  mœui-s  et  le  caractère  des  nègres  du  Haut-Sénégal.  A  vrai  dire, 
ce  petit  livre  n'apprend  rien  de  bien  nouveau  à  celui  qui  a  lu  les  ou- 
vrages de  Faidherbe,  de  GalHéni,  etc.  ;  toutefois,  il  n'est  pas  dépourvu 
d'intérêt  et,  du  reste,  il  se  lit  rapidement. 

H.  Vdde.  DtB  Tbansvaal  Goldfelder  Sûd-Afbika's.  Ihr  Werth  an 
sich,  fur  die  Transvaal  Republik  und  fur  die  Interessen  des  deutschen 
Handels  und  der  deutschen  Industrie.  Berlin  (Nord-deutsche  Buchdruc- 
kerei),  1889,  in-B*,  40  p.  —  Cette  brochure  est  consacrée  à  la  description 
des  régions  aurifères  de  l'Afrique  australe,  et  particulièrement  de 
Lydenbourg,  de  Kaap,  de  Komati,  de  Witwatersrand,  de  Malmani,  du 
Zoutpansberg,  de  Tati,  d'Oumzila,  ete.  L'auteur  n'envisage  pas  setile- 
ment  le  côté  financier  de  l'exploitation,  mais  il  s'occupe  ausâ,  dans  une 
large  mesure,  de  la  géologie  des  contrées  aurifères.  Les  études  faites 
jusqu'ici  lui  permettent  de  donner  des  détails  assez  complets  sur  la 
nature  des  terrains,  qu'il  est  essentiel  de  bien  connaître  pour  pouvoir 
établir  une  exploitation  rationnelle  et  rémunératrice.  Dans  les  dernières 
pages  de  l'opuscule,  il  parie  de  l'importance  des  mines  pour  le  Trans- 
vaal, ainsi  qu'au  point  de  vue  de  l'industrie  et  du  commerce  de  l'Alle- 
magne. Il  voudrait  que,  dans  sa  patrie,  on  s'occupât  davantage  de  cette 
Californie  africaine  à  laquelle  est  réservé  un  brillant  avenir.  Pour  lutter 
contre  l'influence  anglaise,  il  propose  plusieurs  moyens,  entre  autres 
l'établissement  de  représentants  officiels  de  l'Allemagne  au  Transvaal  et 
à  la  baie  de  Deiagoa,  l'immigration  plus  active  des  capitaux  allemands 
'et  des  Allemands  eux-mêmes  dans  le  Transvaal,  la  création  dans  ce 
pays  d'un  journal  en  allemand  ou  en  allemand  et  en  hollandais,  ete. 

Les  émigrants  et  les  capitalistes  trouveront  dans  cette  brochure  des 
indications  utiles  fournies  par  un  homme  compétent. 


r^ 


—  353  — 

AUX   ABONNÉS 

Après  avoir  dirigé  pendant  dix  ans  YAfriqm  explorée  et  cmli- 
sée,  que  j'avais  fondée  en  1879,  j'ai  l'honneur  d'informer  ses  abon- 
nés et  ses  lecteurs  que  je  laisserai  désormais  le  soin  de  sa  publi- 
cation à  son  zélé  rédacteur,  M.  Charles  Faure,  qui  veut  bien  s'en 
charger. 

Au  moment  où  des  considérations  personnelles  me  portent  à 
renoncer  à  la  direction  effective  de  ce  journal,  je  suis  heureux  de 
penser  que  j'aurai  en  mon  principal  collaborateur,  dont  chacun  a 
pu  apprécier  la  compétence,  un  successeur  d'un  talent  éprouvé, 
pour  le  continuer  dans  le  même  esprit  d'impartialité  que  je  me 
suis  efforcé  de  lui  imprimer  et  que  je  tiens  pour  l'un  de  ses  titres 
essentiels  à  la  confiance  du  public. 

Le  changement  que  j'annonce  ne  consistera  d'ailleurs  qu'en  un 

simple  déplacement  de  responsabilité,  et  je  ne  cesserai  pas,  en 

particulier,  de  prêter  mon  concours  à  M.  Faure.  J'espère  que, 

dans  ces  conditions,  V Afrique  eocplorée  et  civilisée  ne  verra  pas 

s'affaiblir  la  sympathie  qu'elle  a  rencontrée  jusqu'ici  parmi  les 

africanistes  et  dont,  pour  ma  part,  je  leur  suis  très  reconnaissant. 

Genève,  le  2  décembre  1889. 

Gustave  Moynier. 


BULLETIN  MENSUEL  (2  décembre  1889), 

Le  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  Marseille  nous  apporte 
une  mdication  sommaire  sur  l'exploration  dont  a  été  chargé,  par  le 
gouvernement  français,  M.  Ed.  Blanc,  en  vue  d'étudier  les  moyens  de 
fixer  les  dunes  de  sable  qui  menacent  les  oasis  du  sud  de  la  Tunisie. 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  BuUetms  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  cont' 
plémentaires  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'Est,  longeant  ensuite  la  cdte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  c6te  occidentale. 

l' AFRIQUE.  —  HlXlkKR  ANN^.  —  N°   12.  12 


—  354  — 

Il  était  question  de  leur  appliquer  des  procédés  analogues  à  ceux  qui  ont 
été  employés  en  France  pour  fixer  les  dunes  littorales  du  golfe  de  Gas- 
cogne ;  mais,  en  Afrique,  il  faut  compter  avec  le  manque  d'eau;  aussi 
les  ditîicultés  sont-elles  beaucoup  plus  grandes.  M.  Blanc  a  constaté  que 
le  sud  de  la  Tunisie  se  dessèche  progressivement.  Le  contraste  qui  existe 
aujourd'hui  entre  la  richesse  des  oasis  et  la  stérilité  du  désert  qui  les 
environne  n'existait  pas  à  l'époque  romaine  ;  on  en  a  la  preuve  en 
voyant  les  ruines  très  nombreuses  qui  sont  dans  le  désert  actuel.  Au  sud 
des  oasis  de  Nefzaoua  et  de  Djérid,  M.  Blanc  a  traversé  le  désert  de 
l'Erg  de  l'est  à  l'ouest,  en  suivant  un  itinéraire  qui  n'avait  pas  encore 
été  parcouru.  Ses  explorations  dans  la  partie  méridionale  du  Chottrel- 
Djérid  l'ont  amené  à  penser  que  les  anciens  golfes  qu'il  formait  au  sud- 
est  et  au  sud-ouest  de  ses  bords  actuels  devaient  marquer  les  limites  de 
l'occupation  romaine.  Quant  à  l'avenir  de  la  région  des  oasis,  M.  Blanc 
ne  croit  pas  qu'il  soit  possible  de  transformer  le  pays  et  de  le  couvrir  de 
végétation  par  le  moyen  de  puits  artésiens.  Ds  ne  peuvent  être  utilisés 
que  pour  des  exploitations  locales. 

La  situation  de  lHénélik  paraît  s'affermir.  Le  ras  Mangascia  et  le 
dejac  Sejun,  neveu  du  roi  Jean  défunt,  ont  fait  leur  soumission.  Ménélik 
a  donné  au  dernier  le  coumiandement  de  son  avant-garde.  De  son  côté, 
Ras-Aloula  a  offert  de  se  soumettre  à  la  condition  de  recevoir  ime  posi- 
tion en  rapport  avec  son  grade.  D'autre  part  les  chefs  de  KaasAla  ont 
fait  demander  au  général  italien  de  faire  occuper  leur  ville  par  des  trou- 
pes, pour  mettre  fin  à  l'anarchie  qui  y  règne.  Les  riches  négociants  du 
pays  et  les  chefs  des  tribus  voisines  se  sont  engagés  à  prendre  à  leur 
charge  les  frais  de  construction  d'un  chemin  de  fer  de  Massaoua  à 
Keren,  et  plus  tard  de  celui  de  Keren  à  Kassala,  quand  le  pays  sera 
tranquille.  En  attendant,  les^popuMîônMêrHamazen  ont  déjà  retiré  un 
grand  avantage  de  l'occupation  des  plateaux  par  des  troupes  italiennes. 
Avec  les  razzias  et  les  guerres  continuelles,  les  campagnes  produisaient 
peu  ou  rien.  Aujourd'hui,  les  habitants  vont  à  Massaoua  acheter  des 
grains  qu'ils  transportent  par  chemin  de  fer  jusqu'à  Sahati  et  de  là  chez 
eux  à  dos  de  mulet.  Le  commerce  d'échange  est  aussi  en  bonne  voie.  Le 
blocus  peut  être  considéré  comme  levé. 

Les  Mittheilungen  de  Gotha  nous  apprennent  que  M.  J.  Nielsen-Lund, 
missionnaire  norwégien,  a  fait,  dans  le  sud  de  Mada^asc^ar,  une 
exploration  qui  lui  a  permis  de  constater  que,  contrairement  à  l'opinion 
courante  d'après  laquelle  cette  paitie  de  Ttle  serait  une  vaste  plaine 
parsemée  de  montagnes  isolées,  c'est  une  contrée  montagneuse  avec  des 


sommités  de  plus  de  130(t".  Trï 
kaly  qui  forme  le  cours  supéric 
la  proviDce  de  Tanoty  qu'il  p 
Tournant  ensuite  au  sud,  il  ex[ 
d^ob  il  atteigutt  des  districts  dt 
arriva  à  Fort-Dauphin  d'oU  il  p 
Le  désir  de  visiter  plusieurs 
engagé  MM.  Henri  Berthoud  et 
Bidlelin  de  la  Mission  romande 
un  peu  différent  de  celui  que  su 
1885  '  ;  mais  les  localités  iiouv 
toutes  indiquées  dans  sa  carte, 
voyageiu^  passèrent  d'abord  à 
rent  le  Salaté  jusqu'à  l'endroit 
rendirent  à  Phamahomo,  travei 
Ndzyo  et,  se  dir^eant  toujour 
maué  et  Makaringé  sur  la  rive  gi 
popo,  ils  visitèrent  le  vieux  chef 
chure  du  fleuve  -sur  l'Océan  indi 
tèrent  les  tribus  du  bord  de  la 
le  Nkomati  et  arrivèrent  à  Rikj 
y  était  réunie.  Les  missionnaîr 
geurs  eurent,  il  est  vrai,  à  s 
purent  reprendre,  dès  le  16  ao 
L'exploitation  des  ylsemen 
que  australe  en  géiit^ral,  prend  ( 
sidérable.  Pendant  la  période  d 
de  peu  d'importance  :  1 ,300,000 
dernière,  elle  a  fait  de  très  grai 
traitent  le  quartz,  surtout  dai 
Kaap.  Le  premier  de  ces  distrii 
tation  d'or  du  Cap.  Les  min 
environs  immédiats  de  Johannt 
combustible  d'assez  bonne  qua 
des  frais  d'exploitation  et  activ 
triets,  comme  dans  ceux  du  7.a 
raland,  qui  commencent  à  at 
quartz  paraissent  de  formation 

'  Voy.  U  Carte,  VU"*  année,  p. 


—  356  — 

ne  se  trouve  donc  pas  en  présence  de  circonstances  accidentelles,  mais 
on  a  affaire  à  une  production  qui  suivra  une  marche  progressive.  L'an 
dernier,  les  mines  africaines  ont  déjà  jeté  sur  le  marché  financier  une 
trentaine  de  millions  de  francs  ;  il  est  fort  probable  que  cette  année-ci 
l'exportation  atteindra  47  ou  48  millions,  dont  38  provenant  des  gise- 
ments du  district  de  Witwatersrand.  On  compte  pour  Tannée  prochaine 
sur  une  production  quotidienne  de  3,000  onces,  soit  900,000  onces  par 
an  ou  environ  80  millions  de  francs.  L'Afrique  australe  est  donc  appelée 
à  exercer  une  influence  considérable  sur  le  marché  de  l'or. 

M.  Frank  Mandy  écrit  de  Kimberley  au  Diatnond  Fields  Advertiser, 
pour  mettre  en  garde  les  chercheurs  d'or  du  Transvaal  qui  seraient 
tentés  de  se  rendre  dans  le  Ma^Shonaland,  contre  les  dangers  aux(^els 
les  exposerait  une  carte  intitulée  :  The  Prospector's  Sketch  map  of 
Ma-Tebeleland  and  Ma-Shonaland.  L'auteur,  M.  Bowler,  indique  comme 
<i  route  sûre  et  salubre  »  un  itinéraire  allant  de  Pretoria  par  Maraba- 
stadt,  le  Limpopo  traversé  au  nord  de  Derdeberg,  la  Nouanetzi  et  la 
Loundi,  de  Zimbade  l'on  atteint  la  Gounamapoutsi,  cela  fait  en  tout 
1145  kilom.,  par  une  route  bonne  pour  les  chevaux  et  les  bœufs.  Or, 
d'après  M.  Mandy,  il  n'y  a  point  de  route  dans  la  plus  grande  partie  du 
territoire  indiqué.  Le  climat  y  est  mortel,  les  rivières  d'un  passage 
presque  impossible.  Du  côté  de  l'est,  le  Ma-Shonaland  est  inaccessible 
pour  les  wagons.  Il  y  a  quelques  années,  le  P.  Law  chercha  à  se  rendre 
du  Ma-Shonaland  au  pays  d'Oumzila,  mais  il  rencontra  de  telles  diffi- 
cultés qu'il  fut  forcé  d'abandonner  son  wagon  et  qu'il  mourut  de  fatigue 
et  de  fièvre.  Un  chasseur  qui,  avec  quelques  Boers,  n'avait  pu  obtenir 
de  Lo-bengula  l'autorisation  de  chasser,  résolut  de  se  rendre  dans  le 
Ma-Shonaland  par  la  route  du  sud,  qu'indique  M.  Bowler;  toute  l'expé- 
dition eut  à  souffrir  de  la  fièvre  ;  sur  dix-sept  personnes,  huit  moururent 
en  route  ;  le  pays  est  très  accidenté,  les  wagons  sont  plus  encombrants 
qu'utiles.  Des  mineui-s  qui  prendraient  cette  route  s'exposeraient  à  un 
désastre  à  peu  près  certain. 

Khama,  roi  des  Ba-Mangouato,  a  dû  émigrer  avec  tous  ses  gens  et 
leurs  biens,  de  fiîhoshouii^,  au  district  de  Couapong;  les  cartes  portent 
aussi  Matsopong.  Depuis  longtemps,  le  manque  d'eau  à  Shoshong  était, 
pour  les  habitants,  une  cause  de  grandes  difficultés.  La  situation  de  la 
nouvelle  ville  se  trouve  par  22%45'  lat.  S.  et  28°,40'  long.  E.  Elle  est 
beaucoup  plus  rapprochée  que  Shoshong  de  la  rivière  des  Crocodiles, 
dont  100  kilom.  la  séparent;  elle  a  de  l'eau  en  abondance,  et  convient 
très  bien  à  la  culture  des  végétaux  d'Europe.  Le  journal,  The  Oironicle, 


—  357  — 
de  la  Société  des  missions  de  Londres,  ajoute  cependant  qu'i 
menace  le  nouvel  étabbssemeDt,  c'est  un  poste  de  police  créé  p: 
vernement  du  protectorat  britannique  à  environ  35  ou  40 
Couapong.  Khama  ne  permet  pas  que  les  spiritueux  soient  ; 
chez  !es  Ba-Maiigouato,  et  ses  gens  sont  tout  à  fait  tempérants 
tique  anglaise  aeceptera-t-e!le  cette  prohibition  ?  Après  le  d 
gens  de  Khama,  les  blancs  sont  restés  seuls  à  Shosbong. 

M.  Arnat  écrit  du  pays  de  Kivoula,  dans  la  province 
lEuela,  le  2  juillet,  aux  Proceedings  de  la  Société  de  géog 
Londrtw:  nLe  système  des  porteurs  «presque  complètement  C€ 
qui  étaient  employés  comme  tels  s'étaut  adonnés  à  la  recl 
caoutchouc  depuis  If^  découverte  de  certaines  racines  qui  en  foi 
Les  trafiquants  portugais  eux-mêmes  ont  été  forcés,  faute 
d'abandonner  leur  commerce  avec  l'intérieur;  le  prêtre  de  Bs 
quitté  son  poste,  les  provisions  lui  manquant.  J'ai  télégraphié  i 
pour  avoir  des  mulets.  Après  plusieurs  messages  par  le  câbl( 
guela  nouvellement  posé,  j'espère  recevoir  par  le  steamer  du  m 
douze  mulets  de  transport.  I!  suffira  qu'ils  transportent  mes  b 
mes  marchandises  jusqu'à  Kivoula  ou  à  Bihé;  au  delà  de  ces  ( 
lités,  ou  peut  se  procurer  des  porteurs.  En  attendant,  avec 
j'examine  la  route;  le  sentier  s'élève  jusqu'à  ISOCrsur  un  pa 
lOOkilom.;  il  est  très  raboteux,  mais  n'est  pas  inipraticabU 
bêtes  de  somme.  Nous  avons  un  cheval,  un  âne  et  un  mulet;  i 
l'emporte  sur  les  deux  autres,  quoique  l'Ane  provienne  d'Es 
que  le  cheval  ait  servi  sur  les  routes  ditBciles  des  ties  du  Cap  '^ 
j'espère  obtenir  mes  mulets.  A  l'intérieur  tout  est  tranquilh 
monde  paraît  occupé  par  le  commerce.  » 

Le  lieutenant  Tappenbeck  est  mort  subitement  de  la  fièvre  a 
pount  c'est  une  grande  perte  pour  l'exploration  allemande 
Après  le  départ  du  capitaine  Kuiid  de  la  station  de  Epsumt 
Njouug  supérieur  et  le  Sannaga,  Tappenbeck  avait  pu  faire  i 
naissance  au  N.-O.,  franchir  le  Sannaga,  pt  atteindre  le  pay 
Ngiren  dont  la  résidence  est  située  par  4  ,42' lat.  N.  et  12  ,2; 
Il  avait  constaté  là  l'existence  de  relations  commerciales  ave( 
musulmans  haoussa,  relations  qui  amènent  la  traite,  la  dévasti 
dépopulation  du  pays.  En  appi-euaiit  la  mort  de  son  compagiio 
ration,  le  capitaine  Kund  a  immédiatement  quitté  l'Europe  po 
ner  au  Cameroun.  Il  s'établira  probablement  à  la  station  d 
Celle  de  Kribi  dans  le  Orand-Batanga  a  acquis  une  importance 


—  858  — 

ciale  et  politique  assez  grande  pour  qu'un  fonctionnaii'e  impérial  y  soit 
attaché. 

Le  Jouurnal  des  Débats  a  reçu  une  correspondance  intéressante  rela- 
tive aux  études  faites  à  Saint-Louis  par  M.  le  D'  Castaing,  pharmacien 
principal  de  la  marine  française,  sur  la  culture  du  ricin  au  Sénésml. 
M.  Castaing  avait  jeté  les  yeux  pour  cette  culturç  sui*  les  vastes  terrains 
sablonneux  du  Cayor  et  de  la  banlieue  de  Saint-Louis  ;  en  1888  il  distri- 
bua 20,000  graines  de  l'espèce  la  plus  productive.  Malgré  la  sécheresse 
du  dernier  hivernage,  qui  a  compromis  la  culture  des  arachides  et  du  mil 
dans  le  bas  tleuve,  il  a  pu  être  récolté  dos  graines  mûres  dans  les  pre- 
miers, joui's  de  décembre,  sans  préjudice  de  la  récolte  das  arachides,  du 
mil,  des  haricots.  Ces  graines  sont  belles,  bien  nourries,  grasses,  pesant 
environ  40  à  50  grammes  le  cent,  suivant  le  degré  de  dessiccation.  Le 
ricin  indigène,  plongeant  ses  racines  profondément  dans  le  sol,  s'accom- 
mode de  peu  d'humidité  ;  il  ne  nuit  pas  à  la  culture  des  arachides  et  du 
mil  qui  se  nourrissent  à  la  surface.  M.  Castaing  s'est  aussi  préoccupé  de 
savoir  si  un  écoulement  du  ricin  était  possible  sur  les  marchés  d'Europe. 
M.  Heckel,  professeur  de  sciences  naturelles  à  Marseille,  lui  a  répondu 
que  les  ricins  sont  très  recherchés  et  valent,  l'huile  de  54  à  57  fr.,  et  les 
graines  de  25  à  27  fr.  les  100  kilog.  A  Marseille  aussi  le  placement  est 
facile,  même  pour  de  grandes  quantités.  En  1877  les  arrivages  de  ridn 
à  Marseille  n'étaient  que  de  3190  quintaux  métriques,  en  1879  ils  s'éle- 
vaient à  67,980  quintaux  et  en  1888  ils  ont  atteint  181,040  quintaux. 
Il  y  a  quelques  années  l'huile  extraite  du  ricin  n'était  guère  employée 
que  dans  la  pharmacie.  Aujourd'hui,  c'est  la  plus  faible  partie  qui  est 
alfectée  aux  usages  pharmaceutîtiues,  tandis  que  presque  toute  la  pro- 
duction est  utilisée  soit  dans  la  teinturerie,  oU  elle  sert  de  mordant  pour 
fixer  le  rouge  sur  les  étoffes,  soit  pour  la  savonnerie  et  le  graissage  des 
machines. 

M.  Donald  Mackensie,  directeur  de  l'établissement  commercial  anglais 
du  cap  tiaby,  a  adressé  en  Angleterre  un  rapport  sur  la  marche  des 
factoreries,  et  sur  l'opposition  faite  par  les  Maures,  opposition  à  laquelle 
il  espère  avoir  mis  un  terme.  Le  commerce  augmente,  et  la  paix  règne 
parmi  les  tribus  diverses  du  voisinage.  Lors  de  sa  précédente  visite,  il 
avait  vu  les  principaux  chefs  du  pays,  et,  sur  les  instances  des  natifs,  il 
les  avait  groupés  en  confédération  sous  un  chef  suprême  pour  la  protec- 
tion du  commerce  du  cap  Juby,  et  aussi  pour  la  défense  du  pays  contre 
les  maraudeurs.  Lorsque  le  gouverneur  de  l'Oued-Noun,  pour  le  sultan 
du  Maroc,  apprit  cette  organisation,  il  s'empressa  de  prendre  des  me- 


—  359  — 

sures  pour  s'efforcer  de  la  rompis.  Il  essaya  d'abord  de  séparer  les  chefs 
amis,  mais  ce  projet  échoua;  alors  il  résolut  de  recourir  k  la  force. 
Après  avoir  soigneusement  dressé  son  plan,  il  sortit  de  l'Oued-Noun 
avec  un  corps  de  150  soldats  du  sultan,  y  compris  50  cavaliers,  sous  le 
commandement  du  caïd  Hadyda,  beau-frère  du  sultan;  tous  ses  hommes 
étaient  armés  de  carabines  Winchester.  Cette  troupe  marcha  sur  Dou- 
rah,  à  50  kilom.  du  cap  Juby,  et  y  prit  possession  d'un  château  indi- 
gène. Dès  que  les  chefs  arabes  de  la  fédération  apprirent  cette  invasion, 
ils  rassemblèrent  leurs  gens  et  marchèrent  sur  Dourah,  au  nombre  de 
200,  y  compris  20  cavaliers;  ils  cernèrent  le  château.  Le  gouverneur 
susmentionné  sortit  pour  livrer  bataille;  après  un  engagement  sérieux, 
il  fut  défait  et  obligé  de  se  retirer  dans  le  château  ;  les  Maures,  serrant 
de  près  les  fugitifs,  tuèrent  le  caïd  Hadyda  ;  le  gouverneur  n'échappa 
qu'avec  peine  à  la  mort,  et  comprit  qu'il  devait  ou  se  rendre  ou  faire  la 
paix.  Il  envoya  aux  Anglais  établis  au  cap  Juby  plusieurs  messagers 
pour  demander  qu'il  ne  fût  donné  aux  indigènes  ni  canons  ni  assistance, 
et  pour  faire  savoir  qu'il  n'avait  point  de  desseins  hostiles  à  l'égard  de 
l'établissement.  Enfin  il  dut  payer  aux  chefs  natifs  une  forte  somme 
pour  pouvoir  retourner  avec  sa  troupe  à  l'Oued-Noun.  Cette  victoire  a 
eu  un  très  bon  effet  moral  sur  les  Maures.  Leur  confiance  en  leur  force 
s'est  accrue;  ils  sentent  qu'ils  peuvent  braver  l'intervention  du  sultan. 
En  même  temps  ils  désirent  rester  sous  la  protection  des  Anglais  au  cap 
Juby  et  se  montrent  favorables  à  ceux-ci.  L'un  d'eux  se  propose  de 
faire  une  visite  en  Angleteri*e  avec  M.  Mackenzie.  Ce  sera  la  première 
fois  qu'un  chef  de  cette  partie  de  l'Afrique  entreprendra  un  voyage  en 
Angleteri*e. 


NOUVELLES  GOMPLtSMENTAIHES 

L'administration  de  PAIgérie  a  terminé  le  trayail  relatif  à  la  dernière  ponte  des 
sauterelles.  Elle  n'a  relevé,  cette  année-ci,  dans  l%rrondis8ement  de  Sétif,  que  99 
gisements  d'œufÎB,  comprenant  8285  hectares  contaminés.  jPlus  de  1000  indigènes 
environnant  ces  gisements,  sont  préposés  à  la  saryeiilance  des  éclosions.  L'année 
dernière,  plus  de  36,000  hectares  étaient  contaminés.  Le  succès  de  la  lutte  contre 
les  criquets  encouragera  certainement  les  surveillants  à  ne  pas  se  relâcher  dans 
la  vigilance  à  exercer  à  l'égard  des  gisements  d'œufs. 

La  Société  de  géographie  de  Paris  a  reçu,  de  source  sûre,  des  informations  qui 
ne  permettent  plus  de  douter  de  la  mort  de  l'explorateur  Camille  Douls.  U  a  été 
assassiné  au  Tonat,  non  loin  d'Insalah,  dans  la  région  où  eut  lieu,  il  y  a  quelques 
années,  l'assassinat  du  lieutenant  Palat. 


—  360  — 

En  constatant,  dans  un  de  ses  discours,  les  progrès  réalisés  en  Egypte,  lord 
Salisbury  a  reconnu  que  le  moment  est  Tenu  de  songer  à  alléger  les  charges 
des  fellahs.  Espérons  que  la  classe  agricole,  dont  nous  avons  signalé  l'appauvris- 
sement (p.  822),  sera  un  peu  déchargée  des  lourds  impôts  qui  pèsent  sur  elle. 

La  monnaie  coloniale  au  type  de  5  francs  que  le  gouvernement  italien  fait 
frapper  pour  l'Abyssinie,  aura  cours  en  Italie  et  dans  les  colonies  italiennes,  mais 
non  dans  les  pays  de  TUnion  latine. 

Le  gouvernement  italien  a  notifié  aux  puissances  signataires  de  la  Conférence 
de  Berlin  qu'il  a,  le  15  novembre,  pris  sous  son  protectorat  la  partie  du  littoral 
oriental  de  l'Afrique  qui  s'étend  du  sultanat  d'Obiat  jusqu'à  Eismayou. 

D'après  une  note  du  Beichs-Anzeiger  de  Berlin,  la  région  située  entre  la  colonie 
allemande  de  Vitou  et  Eismayou,  est  placée  sons  le  protectorat  de  l'empire 
d'Allemagne,  en  vertu  de  traités  conclus  avec  les  sultans  et  les  chefs  de  cette 
région,  et  sous  réserve  des  droits  des  tiers. 

Le  drapeau  de  l'empire  allemand  a  été  hissé  sur  Port  Durnford,  dans  le 
groupe  des  îles  Dandy,  près  de  la  côte  orientale  d'Afrique,  au  nord  de  la  colonie 
de  Vitou. 

Le  Conseil  fédéral  de  l'empire  allemand  a  été  saisi  d'un  projet  de  loi  concer- 
nant une  subvention  pour  l'établissement  d'un  service  de  bateaux  entre  l'Alle- 
magne et  l'Afrique  orientale.  Il  devra  y  avoir  au  moins  un  voyage  toutes  les 
quatre  semaines.  Le  chancelier  de  l'empire  désignera  les  escales  et  le  port  de 
destination.  Le  service  devra  commencer  un  an  au  plus  tard  après  la  conclusion 
du  traité. 

Le  gouverhement  anglais  a  créé  une  nouvelle  ligne  de  steamers  entre  Londres 
et  Zanzibar.  UAratoatta,  le  premier  steamer  de  cette  nouvelle  ligne,  est  parti  le 
2  novembre  de  Londres  ;  il  a  touché  à  Naples,  sera  le  25  à  Lamou,  le  26  à  Mombas 
et  le  27  à  Zanzibar. 

Une  sécheresse  prolongée  régnant  au  Transvaal,  le  gouvernement  a  offert  une 
prime  de  20  liv.  sterl.  à  chacun  des  250  premiers  wagons  qui  arriveront  à  Johan- 
nesbourg  avec  des  vivres.  Le  gouvernement  de  Natal  offre  la  même  prime  aux  50 
premiers  wagons  envoyés  de  la  colonie. 

M.  Gordon-Sprigg,  premier  ministre  de  la  Colonie  du  Cap,  a  annoncé  que  le 
gouvernement  a  fait  un  arrangement  avec  M.  Rhodes,  un  des  principaux  agents 
de  la  South  African  Company,  en  vue  de  l'exécution  du  chemin  de  fer  de  Kimberley 
à  Yrybourg.  Les  travaux  commenceront  prochainement.  Le  gouvernement  croit 
que  la  ligne  sera  ouverte  à  la  circulation  l'année  j[)rochaine  ;  il  a  la  faculté  de 
racheter  la  ligne  quand  il  le  voudra. 

La  seconde  vente  publique  trimestrielle  d'ivoire  du  Congo  a  eu  lieu  le  30  octo- 
bre à  Anvers.  Elle  comptait  2444  défenses  d'éléphants,  pesant  environ  81,500 
kilogrammes  ;  elle  a  produit  un  million  de  francs.  Les  acheteurs  anglais,  français, 
allemands,  hollandais  et  belges  affluaient.  La  prochaine  vente  aura  lieu  à  la  fin 
de  janvier.  Déjà  plusieurs  envois  d'ivoire  sont  annoncés  du  Congo. 

Un  traité  de  commerce  et  d'amitié  a  été  conclu  entre  la  Suisse  et  l'État  Indé- 
pendant du  Congo. 


—  361  — 

D^^rèi  une  iMUv  da  HL  OvenfélI,  d«  U  station  de  Bolobo,  les 
quoique  Ti<rait  en  «xcelleata  tet^ai  &me  Im  mniicmiiaira,  ne  voiad  ) 
b«B  ttâi  les  pnttntttioiii  éc  ooixrci  eontn  Isi  HuuiâeeahDmaini.  Jl  y  et 
duqoa  aeiiNne,  à  I'occmîqb  de  fnnérûUes  on  par  iniu  de  U  eandamo 
indigàse  teaaté  de  SMcellerie.  Toutefois,  beaucooii  de  ces  pauvres  ge 
pas  fAcUs  de  voir  les  miuioniuîres  protester  contre  Une  coutume  qc 
nn  jour  lenr  coûter  la  rie. 

Sut  la  proposition  de  la  commission  du  prix  Gamier,  l'Académie  a  s 
prix  de  6600  francs  au  F.  Augonard,  qni  devra  examiner  les  différentes 
de  géographie,  d'ethnographie  et  de  linguistique  que  peut  soulever  1' 
popalafiona  établies  sur  les  rites  de  I*Oubangi  et  de  l'Ogttooé. 

H.  Alfred  Foumean  est  chargé  d'une  explomtioii  dn  pajv  com] 
l'OgAoné  et  la  eftte  an  nord-onest  du  Qriion.  H.  Paal  Dolisle  lui  e 
cOBine  second.  La  nisaion  te  propose  A*  rrasontcr  l'Ogftoné  jasqM 
Ofeanda,  de  détermînsr  U  ligne  de  faite. qui  lônte  les  basEJas  dn  (tobo 
lànèra  tSnaj,  d«  relevsr  avec  trâ  la  aoote  saivle  et  de  naoeiUir  des 
Bsanta  exacts  sur  les  pioduotiou  da  p^s,  las  mœon  et  Isa  traditions  des 

Une  Compagnie,  dont  le  si^e  est  à  Sambourg,  a  ét6  fondée  pour  l'a 
l'exploitation  et  la  vente  de  terrains  dans  la  colonie  du  Cameroun.  Elle  i 
d'abmd  de  l'établissement  et  de  la  cnltore  de  plantations.  Sa  durée  est 

La  canonnière  le  Mage,  ions  la  conduite  da  lieutenant  de  vaisseau  Ja: 
une  nouvelle  exploration  dn  Niger,  entre  Banunakou  et  TinibouctOD.  '. 
plète  celle  que  le  lieutenant  de  vaisseau  Caron  a  faite  en  IB87,  arec  la  t 
le  ^1^.  Les  trlbns  indigènes  ont  hit  le  mefltenr  accaell  à  Fezpéifition 

D'après  VIndipeitdanee  Mge,  la  Grande-Bretftgne  proposera  an  0 
Bnuellee  qne  les  fitats  enropéens  q«i  «nt  des  poassssioai  en  AiUqne  m 
riaée  à  ftstpper  de  droita  de  douane  lu  ^irttnaox,  «t  d>7  ajouter  un  i 
mt  le  produit  des  b<risBDna,  da  bfsu  à  rasUeiadre  le  pins  peasibte  le 
liqvews  ftwtea.' 


CHROMOUE  BE  L'BSCLAVAtE 

A  roccaàoa  du  décret  '  du  sultan  de  Z^nalbstr  proclamant 
les  iodividus  ameoés  sur  le  territoire  de  ce  souTerain  après  le  1' 
bre  seront  libres,  le  Timee  a  publié  une  lettre  du  Rév.  Horace 
de  laquelle  nous  extrayons  ce  qui  suit  :  a  II  a  été  promis  au  repr 

'  Par  le  même  décret,  le  sultan  a  donné  k  la  (grande-Bretagne  et  k 
gne  le  droit  perpétuel  de  visiter  toutes  les  embarcations  appartenant  à  i 
Le  Xemâetr,  navire  anglais,  a  capturé  une  barqne  de  négriers  sortie  < 
Pemba,  ayant  à  bord  131  esclaves. 


britannique  que  tous  les  enfants  nés  après  le  1"  janvier  proch&iu  seront 
libres,  mais  demeureront  sujets  du  sultfui  si  leurs  pareotslesoatÂZao- 
zibar  et  à  Pemba,  il  y  a  actuellement  des  dizaines  de  milliers  d'esclaves, 
qui,  si  l'Angleterre  insistait,  pourraMUt  être  mis  en  liberté  atgourd'hui 
môme,  parce  quMls  ont  été  importés  contrairement  à  des  déclarations 
formeUea,  des  esclaves  qui  ont  coûté  des  sommes  énormes  à  la  Grande- 
Bretagne.  Maintenant,  qui  décidera  s'ils  sont  si^jets  du  sultan  on  non  ! 
Sera-t-il  permis  h  ces  malheureux  de  s'inscrire  comme  sujets  du  sultan 
pour  que  les  enfants  qui  leur  nattront  après  le  1"  janvier  soient  libres  ? 
Qu'on  leur  conseille  plutdt  d'en  appeler  aux  traités  avec  l'Ai^let^rre  et 
de  déclarer  que  leur  captivité  est  illégale.  M.  Portai  s'est  déddé  à  se 
rendre  à  Pemba  ;  là,  il  pourra,  pour  la  première  fois,  annoncer  aux  multi- 
tudes d'esclaves  qu'après  des  années  d'eedavage  illégal  des  parents, 
la  liberté  doit  avoir  plus  de  valeur  pour  eux  que  pour  l'enfant  probléma- 
tique  qui  n'est  pas  encore  Dé.  Car  on  en  arrive  &  ceci  :  que  les  parents 
sont  dupés  en  se  déclarant  sujets  du  sultan  dans  l'espoir  de  ta  liberté 
pour  leurs  enfants  &  naître,  et  le  sultan  est  blancbi  ;  ils  sont  see  sujets  et 
ne  sont  plus  des  esclaves  illégalement  importés,  ni  improprement  détenus. 
Non,  il  faut  désirer  sérieusement  qu'un  enregistrement  de  tous  les  babi- 
tants  de  l'tle  de  Pemba  soit  exécuté  ;  alors  l'on  aura  le  temps  d'établir 
l'identité  de  chacun.  La  première  proclamation,  aux  tenues  de  laquelle 
tous  les  esclaves  importés  après  le  1*  novembre  seront  libres,  suivie 
de  celle  qui  annonce  que  tous  les  euf&nts  nés  après  le  1'  janvier  1890 
seront  libres  ég^ement,  donne  lieu  h  une  confusion  menaçante.  Mille 
neufcentsjeunes  noirs  grinceront  des  dents  &  la  vue  du  pauvre  père  dans 
les  fers,  tandis  que  le  noir  âgé  maudira  le  jour  oii  il  se  sera  déclaré  sujet 
du  sultan  pour  que  son  enfant  pût  être  libre.  Qu'il  aille  plutôt  trouver 
M.  Portai  pour  lui  raconter  comment  il  a  été  pris,  à  travers  les  paperas- 
ses des  traités  et  des  vingtaines  de  croiseurs,  et  que  les  Anglais,  qui  eo  (wt 
fait  les  frais,  aient  leur  mot  à  dire  à  ce  sujet.  > 

Le  BuB^n  offîdd  de  l'État  indépendant  dn  Conco  publie  deux 
rapports  au  roi  souverain,  l'un  sur  la  législation  de  l'État  au  point  de 
vue  de  la  suppression  de  l'esclavage  et  de  la  protection  des  noirs  ;  l'autre, 
sur  les  mesures  politiques  et  militaires  prises  et  &  prendre  pour  amener 
la  répression  de  la  traite  des  esclaves  dans  les  territoires  de  l'État 
indépendant.  A  la  base  de  la  législation  se  trouve  le  principe  posé  par 
l'article  6  de  l'Acte  générdl  de  la  Conférence  de  Berlin,  aux  termes 
duquel  o  toutes  les  puissances  qui  exercent  des  droits  de  souveraineté 
ou  une  influence  dans  les  territoires  formant  le  bassin  conventionnel  du 


Gang 
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dcrc 


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Tout 
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—  Mi  — 
KféM  au  mous  dau  le  vainnagit  inmédiat  <iu  Coogs.  Des 
gèoes  oat  été  fomtea  &  la  diadyKne  militaire;  9000  hœar 
se  composeiU  la  forée  i>uUi<tite  duN  le  pays  des  Ba-Ngjda, 
I  ks  eovirMLS  de  l'AtwiouiBi  et  des  St«aler-]''alls.  Prochai- 
milke  4e  3000  kommes  protégera  ie  haut  Kassal  et  le  haut 
aéra  installé  un  camp  fortifié  eomma  il  en  a  élé  «téé  un  su 
l'Aromuinii.  LeB  chefs  de  oes  eainps  ont  pour  iastrudioa 
médiatemeot  de  gi'aadee  plaBtatisua  autour  de  leun  p0«- 
lyonner  dou  le  pays,  de  maniàre  à  grouper  «oua  lew  pro- 
^ulatioiu  iodig^tes  et  k  les  rafiaenfeler  eo  noyaux  compacta, 
tivUé  agricole  et  de  réflétaMW  Militaire  aax  mBrchauds 
■a  tnite  se  pratiquant  entra  le  Louloago  et  rOubaogi,  le 
de  l'État  daiiB  ce  diabiot  a  réussi,  grAca  A  mu  bateau 
apturer  plusieurs  fois  das  pirogues  de  ségniers,  et  il  a<  reoda 
jvite  iMaucoup  plus  raiiee  ea  édietaat  une  série  4e  atsuna 

«npa,  l'Ëtat  a  adopl<é  h  l'égard  4qb  métis  aimbas  une  p«it- 
inte.  U  a  v«ulu  s'aisurer  s'il  ne  aérait  pae  paesihle  d'éviter 
ottrance  avec  des  hWDjMs  aiNi  dépourvue  de  certaïueB 
éa  aux  ntdinentfi  de  la  oiFihsatian  et  eapabke  dadeveair 
se  utiles  s'ils  eousantaîMit  k  nenoaoer  k  l'inalituCion  da 
t  aux  pratiques  de  la  traite.  C'est  dans  oet  «epnt  qu'il  a 
lenrice  Tipo-Tipo,  le  Vaii  dce  Stouley-Faile.  Oaw  une 
are,  les  terreurs  da  la  ohaasa  k  l'iMBune  oat  été  lûnitéeK. 
yiiA  k  onenter  dans  une  voie  nouveUe  ieB  «^ratiauB  oeiD- 
)  Arabes,  dans  l'e^oir  de  lea  amaoer  à  demander  k  des 
léfptiues  l'équiYalaat  des  béoéficea  que  leur  pmcure  la 
iBia,  il  aérait  liautemeat  4ésinblB  de  tenter  daseSarts  plus 
Le  ceux  qui  oot  été  dépUtyéa  jusqu'à  atuouFd'hii.  Il  serait 
sirable,  <^  le  rapport,  de  pouvoir  se  raettn  eo  travem  4ea 
itB  de  la  traite  iatérieune  ea«i^[attiBaat  des  onsièpeasur 
X,  en  «ocupant  lea  voies  phaoipales  qui  màaeitt,  aût  au 
rientaL,  soit  aux  aourcas  4u  Googo,  ott  se  tmuvant  las 
ion  des  Arabes  agissant  entre  les  lacs  ra^ganjoka  et 

ËltAt  du  Congo,  plus  direotameat  en  contaot  avao  le  iMau 
'Cffiitnd,  que  porte  le  poids  taûctpal  de  la  lutte  à  soutaur 
rion  iatéiieure.  C'est  k  lui  qoa  las  charges  de  cette  YiMe 
beat  aujourd'hui  au  premier  chef.  Son  sncsèa  {voâtem  à 


—  3«6  — 

l'ImiDftBité  tout  entière,  eonme  à  tous  les  États  qui  ont  dee  possessions 
africaines. 

Le  Congrpè»  «atci-eselm^vaistote  des  puissanees  est  réuni  en  ce 
moment  à  Brwxi^eft.  La  première  séance  a  eu  lieu  le  18.  Les  puis- 
sances ont  choisi  comitte  ptémpotentirâw  leurs  représentants  diploma- 
tiqikes  à  Bruxelles.  Quelques-unes,  notamment  TAutridie-Hongrie,  les 
États-Unis,  ont  borné  là  leur  participation  au  Congrès  ;  d'autres  ont 
adjoint  à  leur  représentant  régulier  un  plénipotentiaire  et  un  ou  plu- 
sieurs délégués.  La  Belgique  est  représentée  par  M.  le  baron  Lambert 
mont,  ministre  d'État,  qui,  en  1885,  remplit  les  fonctions  de  secrétaire 
général  de  la  Conférence  africaine  à  Berlin,  et  par  M.  E.  Banning,  direc- 
teur général  au  ministère  des  affaires  étrangères,  bien  connu  par  ses 
ouvrages  sur  le  continent  afHcain. 

L'État  indépendant  du  Congo  a  pour  plénipotentiaires  :  M.  Pirmez, 
président  du  conseil  supérieur,  et  M.  Van  Eetvelde,  administrateur  géné- 
ral du  département  des  affaires  étrangères  de  l'État  indépendant. 

La  France  est  représentée  par  S.  E.  M.  Bour6e,  ambassadeur  ; 
M.  Cogordan,  sous-directeur  au  ministère  des  affaires  étrangères  à 
Paris;  auxquels  sont  adjoints  comme  délégués  :  M.  Ballay,  ancien  lieu- 
tenant-gouTemeur  du  Gabon  et  du  Congo  français  ;  M.  Deloncle,  sous- 
chef  de  cabinet  du  sous-seerétaire  d'État  au  ministère  des  colonies  à 
Paris;  M.  Lacan,  consul  deFranee  k  Zanzibar. 

Les  plénipotentiaires  de  la  Grande-Bretagne  sont  :  S.  E«  lord  Vivian, 
minmtre  d'Angleterre;  sir  Jobn  Kirk,  ancien  consul  général  britannique 
à  Zanzibar;  sir  Artbur  Haveloek,  ancien  gouverneur  de  Natal;  M.  Eve- 
rard  WyMe  du  Foreign  Office. 

Le  Portugal  a  pour  réinventants  :  S.  Ë.  M.  Henrique  de  Macedo, 
ministre  à  Bruxelles,  qm  connaît  très  particulièreiDeiit  les  sujets  sur 
lesquels  le  Congrès  aura  k  délibérer;  et  comme  délégués  :  M.  Herroeno- 
grldo  Auguste  Capelto,  le  compagnon  d'Ivens  dans  la  traversée  du  cou- 
tinent  africain;  M.  Augusto>de  CastiHio,  ancien  gouverneur  général  de 
McnamMqiie,  et  M.  Jajme  Batalha  Reis,  consul  général  de  Portugal  à 
Newcastle. 

La  Turquie  a  pour  pMnîpotentiAire,  S.  £w  M.  Carathéodory  Bffendi, 
ministre  à  Bruxelles. 

Le  rot  des  Belges  a  invité  te  svlta»  de  Zanibar  à  se  lûre  représenter 
au  Cimgrès,  et  SeSà  Kbalitb  a  ptMiia  qu'un  envoyé  extraordànaii^  y 
aMÉstea.  Le  shak  à^  Perse  em  veprlseaté  pair  &  E.  Nazare  Aga,  minis- 
tre de  Perse  k  BruaeHea, 


—  366  — 

Le  baron  Lambermont  a  été  élu  à  la  présidence  du  Congrès.  Quelques 
membres  ont,  dès  la  première  séance,  exposé  les  vues  générales  de  leur 
gouvernement  ou  ont  déposé  des  documents  se  rapportant  aux  travaux  ' 
de  la  conférence.  Une  commission  composée  des  plénipotentiaires  d'Al- 
leniagne,  de  Belgique,  d'Espagne,  de  T État  indépendant  du  Congo,  de 
France,  de  Grande-Bretagne,  d'Italie  et  de  Portugal,  a  été  chargée  de 
rechercher  quelles  sont  les  mesures  à  prendre  aux  lieux  mêmes  ou 
s'opère  la  capture  des  esclaves.  Plusieurs  membres  ont  soumis  à  rassem- 
blée des  éléments  d'étude  et  de  solution.  La  discussion  à  ce  siget  aura 
lieu  le  27  novembre  ;  MM.  Baonin^  et  Cogordan  ont  été  nommés  rap- 
porteurs. 

La  British  and  Foreign  Autislavery  Society  a  décidé  d'envoyer  à 
Bruxelles  cinq  délégués,  pour  le  cas  où  le  Congrès  voudrait  profita  des 
renseignements  recueillis  par  cette  Association.  Deux  de  ces  délégués, 
M.  Ch.  H.  Alleu,  secrétaire  de  la  Société,  et  M.  W.  H.  Wylde,  ex-attaché 
au  Foreign  Office,  sont  déjà  arrivés  à  Bruxelles,  où  ils  seront  rejoints 
par  le  Rév.  Horace  Waller  et  M,  J.  E.  Teall,  secrétaire-adjoint,  etp^it- 
être  par  sir  Fowell  Buxton.  MM.  Allen  et  Wylde.  représentent  l'anti- 
esclavagisme  dau^  tout  ce  qu'il  a  de  plu»  pur  et  de  plus  désintéressé.  Us 
ont.  dressé  une  carte  de  la  traite  i-ectifiée  ^t  mise  à  jour  par  Téminent 
explorateur  allemand  Schweinfurtb,  et  qui  sera  mise  à  la  disposition  du 
Congrès  déjà  saisi  d'un  travail  du  même  genre  fait  par  M.  Banning. 

Il  .paraît  que  la  Porte  basera  son  attitude  sur  les  principes  exposés  dans 
un  mémoire  qui  aboutit  à  une  solution  absolument  négative  de  la  question 
de  I4  traite.  Il  insiste  sur  le  fait  que  «  les  nègres  enlevés  à  l'Afrique  et  con- 
duits comme  esclaves  en  pays  mahométans,  où  ils  sont  traijtés  avec  doupeur 
et  où  rien  ne  leur  manque,  3ont  beaucoup  plus  heureux  que  s'ils  restaient 
sur  leur  terre  natale  au  milieu  de  guerres  sanglantes  et  continuelles, 
entre  peupladçs  barbares.  »  Mais  nous  demanderons  qui  fomente  le  plus 
souvent  ces  guerres  sanglantes,,  si  ce  ne  sont  pas  les  pourvoyeurs  d'es- 
claves V  Et  d'où  vient  que  ces  esclaves,  traités  avec  tant  de  douceur, 
auxquels  il  ne  manque  rien,  par  exemple  chez  les  pachas  du  C^re, 
s'échappent  de  chez  leurs  maîtres  pour  aller  demander  au  bureau  de  la 
traite  leur  lettre  de  libération  V  Le  rédacteur  du  mémoire  turc  n'a-t-il 
jamais  éprouvé  le  mal  du  pays,  pour  supposer  qu'il  ne  coûte  rien  aux 
nègres  de  l'Afrique  d'être  enieyés  à  leur  pays  et  à  leur  famille  ?  Nous 
ne  disons  rien  des  procédés  d'enlèvement <  des  tourments  de  la  marche^ 
de  la. traversée,,  de  la  vente  sur  les  marchés,  ni  de  la  honte  infligée  aux 
femmes  et  aux  enfants  dans  les  harems  de  la  Turquie  ou  dîailleurs. 


Au  moment  où  se  réunit  te  Coug 
consul  de  France  h  Mogador  signale 
vane  de  Timbouctou,  divisée  en  trois 
de  158  chameaux  chargés  de  diverseï 
ves,  dont  350  jeunee  fitles  de  dix  à  se 
le  plus  clair  bénéfice  de  l'entreprise  dt 
de  150  à  300  francs  ;  les  femmes  de  20i 
pour  les  plus  jeunes. 

STANLEY  ET 

Nous  ne  pensions  guère,  lorsque  a 
de  mai  (p.  146-157),  la  rencontre  de 
la  tin  de  l'année  nous  aurions  à  en 
les  mahdist^  et  la  fuite  du  gouvemt 
tonale.  Sans  doute  les  dépêches  an 
aux  journaux  anglais  par  M.  W.  ti 
secours  pour  Ëmin-pacha,  sout  trop 
se  rendre  un  compte  exact  de  la  m 
'  passés  depuis  le  moment  oii  Stanley  i 
Yambouya  preud^-e  le  reste  des  proi 
laissées  sous  la  garde  du  major  Ba 
lorsque  Émin-pacha  sera  arrivé  à  li 
vous  guère  former  que  des  conjecti 
Wadelal.  Toutefois  ces  suppositions 
qu'on  se  rappelle  les  détails  de  l't 
gouverneur  de  l'figypte  équatoriale. 

Le  pacha  avait  sous  son  commandt 
le  premier,  fort  d'environ  750  he 
Laboré,  Muggi,  Kirri,  Beden,  Rejaf 
mes,  gardait  les  stations  de  Fatiko, 
cation  d'environ  330kilom.,  le  long  d 
&  l'ouest  du  Nil,  il  conservait  trois  ov 
en  avait  quatorze.  Outre  les  deux  ba 
une  force  très  respectable  en  iri-égi 


Tout  compté,  dit-il  à  Stanley,  s 
environ  8000  hommes  avec  moi. 


'  Voy.  U  Carte,  VUl"  année,  p.  38. 


—  868  —  1 

—  Si  j'étais  à  votre  place,  répliqua  Stanley,  je  n'hésiterais  paa  un 
instant  sur  ce  que  j'aurais  à  faire.  . 

—  Ce  que  voua  dites  est  bien  vrm,  mais  noua  avons  un  si  grand  nom- 
bre de  femmes  et  d'enfants,  dix  mille  ftmee  probablement!  Comment 
enmieaer  d'ici  tout  ce  monde?  Nous  aurions  besoin  d'une  quantité  bien 
grande  de  véhicules. 

—  Des  véhicules?  mais  pourquoi  faire? 

—  Pour  les  femmes  et  les  enfants.  Vous  ne  voudriez  certainement 
pas  qu'on  les  laissât  ici,  et  ils  sont  incapables  de  faire  le  voyage  k  pied. 

—  Les  femmes  doivent  marcher,  cela  leur  fera  plutftt  du  bien  que  du 
mal.  Quant  aux  petits  enfants,  chargez-les  sur  des  fines;  j'ai  entendu 
dire  que  vous  en  avez  deux  cents  environ.  Tout  votre  monde  n'ira  pas 
bien  vite  le  premier  mois,  mats  peu  à  peu  il  s'habituera.  M(»  femmes 
zaozibariennes  ont  traversé  l'Arque  lors  de  ma  deuxiàme  expédititm. 
Pourquoi  vos  femmes  noires  ne  le  pourraient-elles  pas?  N'ayez  pas  de 
crainte,  elles  se  comporteront  mieux  que  les  hommes. 

—  Il  faudra  avoir  une  grande  quantité  de  provisions  de  route. 

—  C'est  vrai,  mais  vous  avez  des  milliers  de  têtes  de  bétail,  je  oois. 
Ce  bétail  fournira  la  viande.  Les  contrées  que  vous  aurez  à  traverser 
TOUS  fourniront  des  grains  et  dee  légumes. 

—  Bi^,  bien,  dit  Ëmin-pacha,  nous  en  reparlerons  demain. 

Le  l"  mai,  à  Nsabé,  nous  apprend  Stanley,  l'entretien  fut  r^tris. 
Ëmin-pacha  paraissait  avoir  été  ébranlé  dans  sa  résolution  de  rester  à 
Wadehil. 

—  Ce  que  vous  m'avez  dit  hier  m'a  amené  k  croire  qu'il  swait  aùaa. 
pour  nous  de  nous  en  aller  d'ici.  Les  Égyptiens  partiraient  volontiers.  Il 
y  en  a  une  centaine,  sans  compter  leurs  femmes  et  leurs  enfants.  A  leur 
égard,  je  n'ai  pas  de  doutes  et,  même  si  je  restais  id,  je  serais  content 
de  m'en  débarrasser,  attendu  qu'ils  minent  mon  autorité  et  ne  font  que 
contrecarrer  tous  mes  plans  de  refaite.  Lorsque  je  leur  annonçai  que 
Khartoum  était  tombé  et  Gordon  mort,  ils  dirent  aux  Nubiens  que 
c'était  une  histoire  inventée,  et  qu'un  jour  nous  verrions  des  vapeurs 
remonter  la  rivière  pour  venir  k  notre  secours.  Je  doute  beaucoup  des 
troupes  r^ulières  qui  forment  le  premier  et  le  deuxième  bataillons.  Ces 
hommes  ont  ici  une  vie  si  libre  et  si  heureuse,  qu'ils  hésiteront  à  quitter 
an  pays  ob  ils  ont  joui  d'un  bien-être  qu'ils  ne  sauraient  espérer  avoir 
«n  Egypte.  Les  soldats  sont  mariés,  et  quelques-tmB  d'entre  eux  ont 
même  des  harems.  Beaucoup  d'irréguliers  seront  prêts  à  s'en  aller  et  à 
me  suivre.  Maintenant,  supposons  que  les  réguliers  refusent  de  partir. 


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—  370  — 
pour  comprendre  ce  qui  s'est  passé  après  la  séparetion  du  gouverneur 
d'avec  le  chef  de  l'eipédition  de  secours.  Nous  avions  cru  celui-ci  chaîné 
avant  tout  de  ravitailler  Émin-pacba,  en  vivres  et  en  munitions,  pour 
lui  permettra  de  continuer  &  conserver  à,  la  civilisation  la  province 
égyptienne  équatoriale,  et  non  pas  de  l'engager  à  en  abandonner  la 
population  h  la  barbarie  des  mabdistes  et  aux  horreurs  de  la  guerre 
civile. 

Laissons  pour  le  moment  Emin-pacha  redescendre  le  Nil  vers  Wade- 
lal,  tandis  que  Stanley  revient  vers  Yambouya,  où  il  avait  laissé  les  pro- 
visions et  les  munitions  qu'il  n'avait  pu  prendre  avec  lui  dans  son  pre- 
mier voyage  au  lac  Albert.  D'après  la  dépêche  reçue  le  2  novembre  1889, 
par  Sir  W.  Mackinnon,  président  du  Comité  de  secours  pourÉmin- 
pacha,  Stanley,  parti  le  25  mai  1888,  rencontra  le  17  août,  à  Banalye, 
k  16  jours  de  Yambouya,  les  débris  de  la  colonne  laissée  sous  le  com- 
mandement du  major  Barttelot.  Il  en  repartit  le  1"  septembre  et,  après 
140  jours  de  marche,  31  jours  de  moins  que  la  première  fois,  il  atteignit 
de  nouveau  le  lac  Albert,  le  18  janvier  1889.  i  Là,  j'appris  »  dit-il, 
«  qu'f^min-pacba  et  Jephson  étaient  prisonniers  depuis  te  18  aoQt  de 
l'année  dernière,  c'est-à-dire  depuis  le  jour  où  je  constatais  que  la  co- 
lonne du  major  Barttelot  avait  été  anéantie.  Les  troupes  de  la  province 
équatoriale  s'étaient  révoltées  contre  Émin,  lui  refusant  toute  ob^a- 
sance.  Peu  après,  les  mahdistes  avaient  envahi  la  province  avec  des 
forces  nombreuses.  Après  la  première  bataille,  plusieurs  des  stations 
avaient  capitulé;  les  indigènes,  frappés  de  panique,  se  joignirent  aux 
envahisseurs,  et  leur  aidèrent  h  dévaster  la  province.  Les  fuyards  ont 
été  massacrés  ;  grande  perte  de  munitions.  Les  envahisseurs  essuyèrait 
un  écbec  à  l'attaque  de  Dufilé,  et  envoyèrent  un  steamer  à  Khartoum 
pour  des  renforts, 

«.  C'est  sur  ces  entrefaites  qu'arrivant  près  de  l'Altwrt-Nyanza,  je 
treuvai  une  lettre  qui  m'attendait,  expt^ant  la  situation  dangereuse  des 
survivants  et  me  signalant  l'impérieuse  nécessité  pour  moi  d'arriver 
avant  la  tin  de  décembre,  autrement  il  serait  trop  tard.  J'arrivai  le 
18  janvier.  Du  14-  février  au  18  mai  j'ai  attendu  les  fugitifs;  puis  j'ai 
({uitté  l'Albert-Nyanza  pour  me  rendre  à  la  côte.  » 

Arrêtons-nous  un  moment  pour  chercher  k  comprendre,  d'après  cette 
partie  de  la  dépêche  de  Stanley,  ce  qui  s'est  passé  dans  la  province 
égyptienne  au  retour  du  gouverneur,  chargé,  comme  nous  l'a  appris 
Stanley,  de  lire  aux  troupes  un  message  rédigé  par  le  chef  de  l'expédi- 
tion de  secours.  Nous  n'en  avons  pas  le  texte,  mais,  d'après  l'entretien 


—  371  — 

de  Stanley  avec  le  gouverneur,  nous  pouvons  nous  représenter  assez 
exactement  ce  qu'U  devait  ôtrei 

D'après  une  lettre  du  18  octobre,  qu'Omar-Saleh,  le  chef  arabe  qui 
attaqua  Émin,  écrivait  au  mahdi,  le  gouverneur  de  TÉgypte  équatoriale 
se  serait  porté,  après  sa  séparation  d'avec  Stanley,  jusqu'à  Lado,  le  plus 
septentrional  des  postes  égyptiens. 

a  Nous  nous  sommes  avancés  avec  les  steamers  et  avons  atteint 
Lado,  oii  se  trouvait  Émin,  le  mudir  de  l'Equateur.  Avant  notre  arri- 
vée, les  officiers  et  les  soldats  s'étaient  déjà  emparés  d'Êmin  et  d'un 
voyageur  qui  se  trouvait  auprès  de  lui  • .  Ils  les  avaient  mis  tous  deux 
aux  fers.  » 

U  est  donc  vraisemblable  que  le  gouverneur,  engagé  à  lire  aux  troupes 
le  message  de  Stanley,  qui  plaidait  en  faveur  de  la  retraite,  et  arrivé  à 
cet  effet  à  Lado,  n'obtint  pas  l'assentiment  des  officiers  et  des  soldats  aux 
propositions  contenues  dans  ce  document',  il  les  vit  au  contraire  se  révol- 
ter contre  lui,  et  s'emparer,  le  18  août  1888,  de  sa  personne  ainsi  que  de 
celle  de  son  compagnon,  M.  Jephson.  Émin-pacha  prisonnier,  l'anarchie 
régna  à  Lado  et  les  mahdistes,  qui  n'attendaient  qu'une  occasion  favo- 
rable pour  reprendre  l'offensive  contre  la  pi^ovince  de  l'Equateur,  profi- 
tèrent du  désordre  qui  suivit  l'emprisonnement  du  gouverneur,  pour 
envahir  la  ville  avec  des  forces  nombreuses.  Ils  ne  purent  pas  cependant 
s'en  rendre  maîtres  sans  coup  férir;  les  autres  postes  échelonnés  en 
amont  du  Nil  résistaient  encore  ;  ce  ne  fut  qu'après  une  bataille  livrée 
par  les  soldats  et  officiers  de  leurs  garnisons,  que  plusieurs  des  stations 
capitulèrent.  Alors  la  panique  s'empara  des  indigènes  qui,  voyant  leurs 
protecteurs  renoncer  à  les  garantir  contre  les  envahisseurs,  se  joigni- 
rent à  ceux-ci  pour  dévaster  la  province,  aidant  aux  troupes  du  mahdi  à 
massacrer  tous  ceux  qui  cherchaient  à  échapper  par  la  fuite  à  la  ven- 
geance des  assaillants.  Dans  le  désordre  produit  par  la  capitulation  des 
garnisons  égyptiennes,  les  munitions  tombèrent  naturellement  au  pou- 
voir des  vainqueurs.  Un  seul  poste  paraît  leur  avoir  opposé  une  résis- 
tance sérieuse,  et  même  leur  avoir  infligé  une  défaite,  celui  de  Dufilé, 
dont  la  défense  semble  avoir  été  assez  bien  conduite  pour  obliger  les 
mahdistes  à  dépêcher  un  steamer  à  Khartoum  afin  d'en  ramener  des 
renforts. 

*  M.  Jephsob,  que  Stanley  avait  laissé  auprès  d'Émin.  Ces  renseignement» 
concordent  avec  eenx  que  le  général  Grenfell  re^ut  à  Sôuakiiii  de  la  part 
d^Osman-Digma,  lieutenant  du  mahdi.  Voy.  X""*  année,  p.  8-9. 


—  372  — 

Est-ce  à  ce  auceès  de  ta  garnisoii  de  Duôlé,  que  serait  due  révasieii 
d'Éroin-pacha  et  de  Jephsoa?  Nous  l'ignoroiis.  Mais,  d'après  des  dépê- 
ches ultédmires,  on  sait  qu'ils  ne  sont  |^  captifs  et  se  sont  mis  en  marche 
avec  Stanley  vers  la  côte.  Ce  dernier  était  arrivé  au  lac  Albert,  le  18  jan- 
vier, avec  M.  Bonny,  de  Farrière^^arde  du  major  Barttelot,  et  avec 
MM.  Nelson,  Stairs  et  Parke,  qu'il  avait  pris  en  passant  au  fort  Bade. 
Émin-^>acha  n'y  était  pas  venu,  la  révolte  de  Lado  l'en  avait  empêché. 
Quoiqu'il  signalât  à  Stanley,  dans  la  lettre  su8*meDtionnée,  la  situation 
dangereuse  de  ceux  qui  n'avaient  pas  été  massacrés  et  l'impérieuse  néces- 
sité d'arriver  à  leur  secours  avant  lafln  de  décembre^  Stanley  ne  parait  pas 
s'être  beaucoup  avancé  vers  le  nord  du  lac  Albert-Nyanza,  pas  même  jus- 
qu'à Msoué,  le  poste  le  plus  méridional  de  la  province  d'Émin.  Il  semble 
ne  pas  avoir  d^assé  Kabréga,  chef-lieu  de  l'Ou-Nyoro.  Qu'a-tnl  fait  du 
18  janvier  au  14  février?  La  dépêcbe  ne  le  fait  pas  pressentir,  et  il  y  a  là 
un  mystère.  Tout  ce  qu'elle  nous  dit,  e^est  que  du  14février  jusqu'au dmai, 
il  a  attendu  les  fugitifs^  vraisemblablement  ceux  d'entre  les  soldats  et  les 
officiers  qui  avaient  réussi  à  échapper  à  la  rage  des  madhistes  et  de  leurs 
alliés  indigènes  enivrés  de  carnage.  Mais  le  8  mai,  il  ne  semble  pas  qu'il 
eût  encore  été  rej(Hnt  ni  par  Emin,  ni  par  J^>hson,  ni  par  Casati.  Néan- 
moins,  il  ne  voulut  pas  prolonger  cette  attente  plus  longtMips  et  quitta 
l'Albert-Nyanza  pour  revenir  vers  la  côte,  obligé  de  constater  l'impuis- 
sance de  l'expédition  dont  il  avait  été  chargé,  pour  conserver  à  la  civili- 
sation le  seul  territoire  demeuré  libre  de  l'inttueace  des  Ara)»es. 

Si  l'on  se  reporte  à  deux  ans  en  arrière,  au  moment  où  tant  d'expédi- 
tions de  secours  étaient  préparées,  non  seulement  en  Angleterre»  mais 
encore  en  All^nagne,  en  Autiidie,  en  Italie,  en  France  et  en  Belgique, 
on  ne  peut  que  déplorer  amèrement  que  de  tous  œs  prcgets,  la  plupart 
aient  été  abandonnés,  qu'en  particidier  l'expédition  confiée  au  ly  Leni 
n'ait  pu  remonter  du  Tanganyika  vers  le  nord,  et  quenelle  que  les  AUe* 
mands  avaient  équipée  ait  rencontré  des  obstacles  insurmontables  dans 
l'opposition  de  la  East  British  African  Company.  Ils  auraient  veahi 
emprunter  le  territoire  par  lequel  Thomson  lui-même  offrait  de  conduire 
une  caravane  de  400  porteurs,  avec  50  ou  70  chameaux  et  ftoes  le  long 
de  la  route  qu'il  avait  suivie  en  1683,  pour  aller  de  k  mer  à  l'extrémité 
nord-est  du  Victoria-Nyanza  *  ;  le  passage  leur  a  été  refusé. 

Comme  le  dit  M.  Wauters  dans  le  Mouvement  géographique,  «  la  civili- 
sation vient  de  faire  un  recul  d'au  moins  un  quart  de  siècle  dajus  b  vallée 
du  Nil.  La  chatne  des  centres  civilisés  qui  reliaient  les  sourees  du  Nil 

'  Voy.  la  Carte,  VI""  année,  p.  64. 


—  373  — 

Caire^  à  SoimkîaQ  et  à  Zanzibar  est  rompue.  Maintenant,  de  ce  c6té,  les 
avant-gardes  de  la  civilisation  sont  rejetées  à  Wady-Halfa,  à  Massaoua, 
à  Mombas  et  à.  l'Arouoimii.  Entre  ces  points,  séparés  les  uns  des  autres 
par  des  aillieni  de  kilomètres,  une  région  imnense  est  retombée  dans 
robscurité,  le  fanatisme  et  la  barbarie  d'il  y  a  un  siècle.  » 

n  y  a  deux  ans  déjà,  M.  J.  T.  Wilis,  écrivait  dans  la  FoHmgihily 
Beview,  k  Toocasion  d'one  expédition  à  envoyer  par  le  Ckmgo  au  secours 
d'Émin-padut  :  «  Toute  issue  pour  échapper  a  été  fermée  à  Gordon, 
an  moment  od  il  en  avait  l'intention,  par  un  ordre  du  gouv^nement 
britannique  loi  interdisant  de  remonter  le  NU  avec  ses  steamers  pour 
rejoindre  et  reufi»i)er  Émin-padia.  Et  cela,  parce  qu'il  avait  télégraphié 
qu'il  avait  Panitorisation  du  roi  des  Bdges  de  s'emparer  de  ces  provinces 
piNir  ee  dernier,  qui  les  gouvernerait  et  les  pM)itégerait  depuis  le  Congo, 
et  qu'il  avait  ajouté  :  cela  mettra  fin  à  la  traite.  Le  gouvernement 
anglais  fut  jabitx  de  voir  que  la  Belgique  aurait  ainsi  l'honneur  de  com- 
^éler  une  grande  œuvre  que  l'An^eterre  avait  ecmuneocée,  à  laquelle 
eHe  avait  péniblement  travaillé,  et  4)a^eile'avaitprifrrhabitude  de  regar- 
der comme  nationale*  Il  n'y  a  pas  d'autre  nôson  ^u  d'excuse  pour  cet 
ordre  fatal  et  péremptoire  que  celle-ci  :  c'est  que,  si  l'csuvre  anti-escla- 
vagiste que  aens  avions  si  longtemps  pourtoivie  sur  le  haut  NH  devait 
é^  sauvée  et  csodinuée,  l'An^elerre  voulait  avoir  la  gloire  de  l'adie- 
vior  eU&«aènia.  Nous  ne  poavoos  pas  dire  que  nous  avons  écarté  comme 
une  uinpie  ^nlantliropiqiie  une  entreprise  pour  laquelle  noua  avons 
sacrifié,  4e  prefws  déUbéré,  la  vie  d'un  homme  comme  Gordon.  U  n'y  a 
pas  de  doute  que  s'il  fftt  allé,  avec  cinq  steamers  chargés  de  provisîsns, 
an  secours  d'Émin  et  de  Lupion,  en  1B64,  les  deux  provinces  de  l'Êqua- 
tcnr  et  dii>Bahr-el'-6faazal,  n'eussent  été  sawées  et  placées  sous  lajnrH 
diction  du  roi  Léopold.  » 

Si  c'était  pour  amir  seals  l'honneur  de  secourir  Émin*paeha  que  les 
Anglius  ont  fait  opposition  à  l'expédition  allemande,  ils  n'ont  pas  à  se 
féliciter  daréaultat  de  leur  exclusivisme.  Sans  doute  on  fera  valoir  le  nour 
veau  progrès  qne  la  scâeuoe  géographique  devra  à  l'expédition  de  Stan- 
ley, mais  ce  progrès  ne  consolera  pas  les  amis  de  l'oravre  africaine  de  la 
dévastation  d'une  jn-ovince  comme  celle  d'Émin-*pacha,  ni  de  l'invasion 
(kl  mahdisme  et  de  l'esclavagisme  dans  la  région  des  lacs,  d'oti  l'enivre- 
ment du  succès  la  fera  peut-être  déborder  jusque  dans  les  territoires  ré- 
servés à  l'influence  anglaise,  à  l'influence  allemande,  qui  sait,  peut^tre 
même  jusqu'au  coeur  de  l'État  indépendant  du  Congo. 

Voyons  encore  en  terminant  ce  que  nous  apprend  la  d^che  de 


lui  EmiD-pacba,  Casati,  Marco,  marchand  grec,  Usman,  Effendi-Hassan, 
pharmacien  tunisien,  Stairs,  Nelson,  Jephaon,  Parke,  Bonny.  Huit  cents 
hommes  l'accompagnaient  dans  la  direction  de  Mpouapoua,  ob,  d'après 

'  L'Albert-XjMizs  étant  4  700"  an-deasiu  dn  niTsao  de  k  mer,  l'AIbert- 
Édouard-Nyftoza  doit  avoir  une  altitude  de  9T&<°,  226°  de  moiut  qae  le  lac  Vic- 
toria., et  175~  de  plus  que  le  TaDganyilu. 


■mnfiitiF*^^^  ■  "^ 


it  ' 


—  876  — 

qui,  lui  aussi,  ayait  contribué  à  ravitailler  le  gouTemeur  de  la  proTinee 
deTÉquateur. 

«  D  a  fait  dans  TOu-Oanda  une  œuvre  magnifique,  mais,  dernière- 
ment, ses  travaux  ont  été  traversés  par  les  intrigues  des  Arabes  qui  cher- 
chent à  le  faire  expulser.  Sa  position  est  devenue  difficile  ;  j'espère  toute- 
fois qu'il  pourra  la  maintenir.  Dans  l'intérêt  de  la  mission  de  l'Ou- 
Oanda,  je  suis  bien  aise  que  Stanley  ait  choisi  pour  son  expédition  la 
route  du  Congo.  U  y  rencontrera  des  difficultés  innombrables,  que  hii 
opposeront  les  régions  à  traverser,  oq[>endant  il  en  triomphera.  Tandis 
qu'en  venant  par  l'Ou-Ganda,  il  n'eût  jamais  obtenu  l'autorisation  de 
venir  jusqu'id;  il  etlt  dû  l'arracher  de  vive  fcmse,  au  péril  de  ses  jours  et 
au  risque  de  compromettre  l'œuvre  des  missionnaires.  » 

Mieux  que  personne,  Émin-pacha  connaissait  les  besoins  de  l'Ou-Nyoro 
et  de  rOu-Ganda.  U  insistait  pour  que  la  Church  Missionary  Sodety 
fondât  ime  série  de  stations  dans  sa  province  et  offrait  libéralement  d'en 
faire  les  frais  pendant  trois  ans.  S'il  n'avait  pas  été  menacé  du  côté  du 
nord  par  les  mahdistes,  il  est  probable  que  la  destruction  des  stations 
missionnaires  de  l'Ou-Ganda  aurait  été  prévenue.  Il  regardait  à  l'Eu- 
rope pour  la  délivrance  de  l'Afrique.  «  Je  voudrais  avoir,  »  disait4l, 
t  avant  ma  mort,  en  faveur  de  l'œuvre  que  j'ai  faite,  une  garantie  meil- 
leure que  celle  de  la  perspective  de  voir  mis  à  ma  place  un  bey  reqiee* 
table,  qui  ne  comprendrait  ni  n'aimerait  le  pays  et  ses  habitants.  Quant 
à  moi,  si  j'ai  jamais  eu  besoin  d'un  encouragement  pour  poursuiin^  ma 
tftcbe,  la  vue  de  ce  que,  avec  la  permission  de  Dieu,  0  m'a  été  accordé 
de  faire,  sera  pour  moi  un  aiguillon  qui  me  pressera  de  continuer  à  foire 
mon  devoir  avec  joie.  J'ai,  conmie  vous  le  voyez,  une  belle  tâche  devant 
moi  ;  si,  avec  l'aide  de  Dieu,  je  réussis  à  en  accomplir  seulemrat  une  par- 
tie, je  me  sentirai  plus  que  récompensé  de  ce  que  j'ai  fait.  Je  demeure 
ici  le  dernier  et  unique  représentant  de  l'état-major  de  Gordon.  H  est 
donc  de  mon  devoir  de  suivre  la  route  qu'il  nous  a  tracée.  Tôt  ou  tard 
un  brillant  avenir  luira  pour  ces  contrées  ;  tôt  ou  tard  ces  peuples  entre- 
ront dans  le  courant  de  la  civilisation.  Pendant  douze  ans  j'ai  été  i  la 
peine,  répandant  les  semences  de  la  moisson  à  venir,  posant  les  fonde- 
ments de  l'édifice  futur.  » 

Que  doit-il  éprouver  en  contemplant  la  dévastation  de  sa  province,  et 
les  esclavagistes  régnant  en  mattres  là  oii  il  avait  réussi  à  maintenir  un 
régime  de  liberté  ?  En  attendant  que  nous  l'entendions  lui-môme  dans 
les  rapports  qu'il  ne  manquera  pas  d'adresser  au  gouvernement  égyp- 
tien, nous  ne  pouvons  que  sympathiser  de  tout  notre  cœur  avec  le  géné^ 


y- 


—  378  — 

BIBLI06RAPHIE  ' 

Edouard  Dupont,  Locttres  sur  le  Congo.  Récit  d'un  voyage  scienti- 
fique entre  l'embouchure  du  fleuve  et  le  confluent  du  Kassal.  Paris 
(C.  Reinwald),  1889,  in-8%  724  p.,  Il  cartes  et  planches,  12  gi-avures 
sur  bois,  15  fr.  —  Jusqu'ici,  les  ouvrages  écrits  sur  Pe  bassin  du  Congo 
ont  été  avant  tout  des  récits  d'exploration.  Comment  s'en  étonnerait-on, 
puisqu'il  s'agit  d'un  pays  dont  la  plus  grande  partie  a  été  découverte,  il 
y  a  douze  ans  seulement?  La  première  chose  à  faire  dans  une  contrée 
dont  la  traversée  est  de  date  si  récente,  c'est  de  se  rendre  compte  de 
son  orographie,  de  son  régime  fluvial  et  de  ses  populations.  Les  voya- 
geurs la  sillonnent  de  leui*s  itinéraires;  chemin  faisant,  ils  en  reconnais- 
sent, d'une  manière  générale,  la  faune  et  la  flore.  Quant  à  faire  une 
étude  systématique  de  son  histoire  naturelle,  ils  ne  peuvent  y  songer; 
leur  but  principal  est  l'exploration. 

Mais  les  choses  marchent  vite  dans  l'Afrique  centrale.  Connu  d'hier, 
le  bassin  du  Congo  est  déjà  organisé  en  État  avec  ses  prindpaux  servi- 
ces, ses  postes  militaires,  ses  vapeuns  naviguant  régulièrement,  ses  com- 
munications assurées  sur  une  grande  étendue.  Sur  le  cours  inférieur  du 
fleuve,  il  y  a  maintenant  place  pour  les  savants;  la  reconnaissance 
scientifique  du  pays  peut  être  commencée. 

M.  Edouard  Dupont,  l'éminent  naturaliste  belge,  a  voulu  attacher 
son  nom  à  l'un  des  premiers  voyages  purement  scientifiques  au  Congo. 
Cette  expédition,  entreprise  à  titre  privé  et  à  ses  frais,  a  duré  six  mois 

POu-Ganda.  Mais  M.  Mackay  m'a  montré  les  dernières  cartes  dressées  par  la 
Church  Missionary  Society,  et  j'ai  tu  qu'elle  ne  soupçonnait  pas  même  le  fiait  en 
question. 

Pendant  mon  trajet,  j'ai  ébauché  un  relevé,  et  j^ai  trouvé  que  la  superficie  du 
lac  atteint  le  chiffre  de  26,900  milles  carrés,  soit  1900  milles  carrés  en  sus  des 
estimations  du  capitaine  Speke.  Si  vous  jetez  les  yeux  sur  une  carte  du  lac,  vous 
verrez  qu'une  ligne  de  la  c6ie  se  dirige  de  l'O.-N.-O.  vers  l'Ë.-S.-E.,  mais  cette 
ligne  ainsi  tracée  est,  en  réalité,  une  série  de  grandes  Ues  montagneuses,  dont 
quelques-unes  sont  bien  peuplées,  et  qui  se  masquent  l'une  l'autre.  C'est  au  sud 
de  ces  îles  que  se  trouve  la  grande  étendue  d'eau  récemment  découverte.  De 
même,  le  lac  Ouriji,  que  le  capitaine  Speke  a  négligé,  paraît  être  un  lao  considé- 
rable avec  des  Ues  peuplées. 

*  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Oeorg,  à  Genève  et  à  Bàle,  tous  loi 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  cimUsée. 


—  379  — 

et  a  été  employée  à  visiter  la  contrée  qui  s'étend  de  Tembouchure  du 
Congo  au  confluent  du  Kassaï.  La  distance  en  ligne  droite  qui  sépare  ces 
deux  points  est  d'environ  600  kilom.,  mais,  par  suite  des  sinuosités  de 
l'itinéraire  parcouru,  le  trajet  total  peut  être  estimé  à  2500  kilomètres. 
Il  est  évident  que  pour  être  profitable,  un  tel  voyage  devait  être  accom- 
pli avec  le  concours  de  l'État  indépendant  :  soldats  noirs,  porteurs 
d'élite,  steamers,  ont  été  mis,  autant  que  les  exigences  du  service  le 
permettaient,  à  la  disposition  de  M.  Dupont,  qui  put  faire,  grâce  à  ce 
précieux  concours,  une  riche  moisson  de  faits. 

Les  deux  premiei's  tiers  du  livre  sont  consacrés  au  récit  anecdotique 
de  l'expédition.  A  mesure  qu'il  avance  l'auteur  fait  pai't  de  ses  observa- 
tions et  de  ses  impressions.  Écrite  sous  forme  de  lettres,  la  narration 
qui  relate  les  mille  incidents  du  voyage  et  se  complète  par  la  descrip- 
tion des  difl'érents  aspects  de  la  nature,  ainsi  que  par  l'exposé  des  phé- 
nomènes multiples  auxquels  l'homme  assiste  dans  les  régions  tropicales, 
présente  un  intérêt  qui  va  croissant.  Le  style  est  simple,  limpide,  c'est 
le  style  du  savant  qui  décrit  ce  qu'il  voit  sans  rien  omettre  et  sans  rien 
exagérer.  A  quoi  servirait  de  chercher  dans  son  imagination  des  choses 
à  raconter,  quand  la  nature  elle-même  fournit  une  si  grande  variété  de 
faits  intéressants? 

Toutefois  l'auteui*  s'est  rendu  compte  qu'au  poiut  de  vue  scientifique 
un  exposé  de  ce  genre  était,  par  le  fait,  décousu.  Pour  arriver  à  des  ré- 
sultats positifs,  il  était  nécessaire  de  grouper  les  faits  observés,  non 
d'après  l'ordre  chronologique,  mais  méthodiquement.  Un  travail  d'en- 
semble dans  lequel  les  principales  questions  devraient  être  reprises  s'im- 
posait donc  à  l'auteur.  C'est  à  ce  tableau  et  aux  conclusions  à  en  tirer 
qu'ont  été  réservés  les  trois  derniers  chapitres,  d'ailleurs  très  étendus. 
L'un  traite  des  questions  d'ordi*e  géologique  ;  le  suivant,  des  faits  relatifs 
à  la  flore  et  principalement  de  la  distribution  des  palmiers  ;  le  dernier, 
des  questions  ethnographiques. 

D  ne  peut  entrer  dans  le  cadre  de  ce  compte  rendu  d'indiquer,  d'une 
manière  détaillée,  les  résultats  de  l'exploration  du  savant  naturaliste. 
Disons  seulement  qu'elle  fournit  des  données  précieuses  sur  l'évolution 
géologique  du  plateau  formant  le  bassin  du  Congo  et  de  la  chaîne  cô- 
tièrequi  le  borde.  M.  Dupont  a  recherché  comment  et  à  quelle  époque 
la  montagne  côtière,  en  se  formant,  a  isolé  le  centre  du  continent, 
quelles  furent  les  conséquences  de  cet  isolement,  ainsi  que  les  moyens 
par  lesquelles  les  eaux  accumulées  en  arrière  de  la  chaîne  parvinrent  à 
vaincre  l'obstacle  qui  les  emprisonnait  et  à  se  dévei*ser  dans  l'océan. 


C'est  la  geuèse  de  la  percée  du  Cougo  à  travers  les  monts  de  Cristal 
qui  est  décrite,  avec  pi-euves  à  l'appui. 

De  même,  au  point  de  vue  ethnographique,  les  questions  étudiées  par 
l'auteur  sont  des  plus  intéressantes.  Quel  a  été  le  genre  primitif  d'eus- 
tence  des  nègres  ;  comment  se  sont-ils  transformés  gradaellemem 
jusqu'à  leur  état  actuel;  quelle  fut  la  part  d'influence  des  civilisations 
orientales  et  de  la  découverte  de  l'Amérique  sur  le  développement  des 
indigènes  du  Congo  V  Voilà  certes  des  sujets  d'une  haute  portée  et  sur 
lesquels  il  a  encore  été  éciit  peu  de  chose.  Les  hypothèses  émises  par 
M.  Dupont  sout  basées  sur  des  observations  sérieuses  et  éclairent  d'uu 
jour  nouveau  l'histoire  de  l'Afrique  intérieure. 

En  un  mot,  le  beau  volume  du  savant  belge,  illustré  de  plusieurs 
cartes  géographiques  et  géologiques  et  de  vues  panoramiques,  prend 
place  parmi  les  ouvrages  les  plus  originaux  et  les  plus  importants  qui 
aient  été  publiés  sur  l'Afrique. 


SDppl«ni«nt  à  l'artlele  lutltalé  Btanler  «t  EmiM-pmvk»,  p.  S«7. 

Au  dernier  moment  il  noua  arrive  communication  de  deux  lettres,  l'une  de 
Stanle;  au  capitaine  Wissmann,  l'autre  d'Êmin  au  D'  Schweinfurth;  la  première 
montre  que,  quoique  chef  d'une  expédition  anglaise,  Stanley  n'a  pas,  pour  le  com- 
miseaire  impérial  allemand,  l'antipathie  que  lui  ont  vouée  le»  agents  de  la  E^aat 
britiah  african  Companj. 

Mon  cher  capitaine, 
Je  me  permeta  de  toiia  prier  d'avoir  la  bonté  de  faire  parvenir  mes  deux  lettres 
à  Zanzibar  au«eit6t  que  tous  le  pourrei.  J'ai  aouvent  éprouvé  le  désir  de  tous 
voir.  Le  aort  voua  amène  à  quelques  journées  de  distance  de  moi.  J'espère  qu'il 
continuera  à  m'étre  favorable,  et  qu'il  vous  retiendra  là  où  vous  êtes  jusqu'à  ce 
que  j'aie  l'occasion  de  faire  la  connaissance  d'un  coltë'gue  qui  a  travaillé  avec 
auBsi  peu  d'ostentation  et  d'une  façon  si  méritoire  sur  le  même  terrain  que  moi  et 
aous  le  même  patronage  royal.  En  attendant  notre  rencontre,  je  reste 
Yours  moat  faithfulij, 

Henri-M.  Sian.». 

Dans  sa  dernière  phrase,  Stanley  fait  allusion  à  l'exploration  que  Wisamann  a 
faite  du  Kassal  avec  l'appui  du  roi  des  Belges,  que  Stanley  servait  alora  au  Congo. 

Un  télégramme  de  Zanzibar  annonce  qu'une  dea  expéditions  chargées  de  ravi- 
tailler Stanley  eat  partie  pour  Bagamoyo. 

La  lettre  d'Ëmin-pacha  au  D'  Schweinfarth  est  datée  de  l'On-Sambiro,  le 
28  août;  Émin  écrit  qu'il  eat  atteint  d'une  grave  affection  dea  yeux;  il  lyonte 
qu'il  est  presque  aveugle,  ce  qui  l'empêche  d'écrire  longuement. 


TABLE  DES  MATIERES 

DE  LA  DIXIÈME  AJSNÉE 


BOLLETIH  MENSUEL  «t  NOUVELLEB  COHPLËHEHTAIRE8 

P*gfll  S,  3S.  66.  97,  139,  161,  193,  226,  257.  389,  321,  353. 

CHBONIQUE  DE  L'ESCLAVAGE 

P*gBs  46,  79,  112,  140.  175,  201,  23T,  266,  266,  399,  335.  361. 


CORRESPONDANCE 


LMita  àe  Tati,  ds  U. 


PkgM 

..  DamaSej..     28,  60, 


Laltr»  da  Opalowi.  de  M.  À.  DtmiStj. 
Lattr»  de  Larauo-Uuqaai,  d«  M.   P. 


P»g« 

Bertboad 91,  215,  281 

LMtrw  d«  Saabtka  (Zambtie),  da  M.  D. 
Jeumùcat 279.  311 


ARTICLES  DIVERS 


La  tnd  dn  ohamm  de  1er  do  Congo  . . . 
Lm  ioMritj  miuioiiiialras  dans  l'AfriqD* 

arienUle  tqo&torikle 

Le  commaroa  d«  U  Sais»  STeo  l'AfriqD*. 

Lk  T^TolDlion  d*iii  l'Oa-flud* 

CommnDiutioDS  aulre  lu  «Aie  oriantide 

Eip«dition  da  SUnlaj,  de  Yunbonja   t 
l'AlbartrNjmn» 


Da  U  ri^oD  oomprin  eDlra  le  haut  Nil 
at  U  cOta  du  Somolii ISi 

EipAdition  de  M.  Saloai  ta  nord  da  Zim- 
biw 208.  245 

L'Afrique  i  Paris  ao  1889 273,  30> 

Le  TangMij'ika 33! 

Slaitlaj  at  Emin-puha. 365 


BIBLIOaRAPHIE 


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la  croiaade  africaine.  —  La  barbarie 
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l'Afriqoe  «qnatoriale 320 

Armât  (A.  i8(.)  .'  Qarenganaa  or  aeven 
yaui  Pioneer  UïuioB  Work  în  Can- 
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SMU  (Buftiu)  .-  Cinq  au  de  aaioar  aa 
Sondaa  fnuigsi* 3S1 


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SchntigebieM  in  OaUfrikk. S19 

ZamoH-fnipoii  (IF.)  ;  Tbe  Gubuds  in 

DimuaUud SSS 

Marqua  (il.  BumoHio)  :  l  ipedifw)  por- 

togneza  u  Uiikta-IUTD 3IS 

Metut  (J).)  .-  Ri^port  inr  YélU,  ucitûra 

de  liMpoIdTÎlU m 

MtrtuT  (SrMtt)  :  La  Fnmee  dnu  It  Sa- 

bu*  et  >a  Soodui 155 

Jfolltm  ((7.)  .-  D««oararta  dss  KmrcM  da 

fiénégd  «t  ds  U  a^mbie 3SS 

i^oi  (âtmiu)  .-  Aq  Scndui  frao^ ...      ÏS3 
ilaiicAiif  (£il*a)id}  ;  L'Egypte  et  l'oooa- 

patioa  luglaiu 223 

favilutaM  (£-0.)  ;  A  map  af  (he  Coaa. 

try  betveen  iHkn  Nyasu  lod  Tinga- 

nrik». 62 

Rm<I  (O.)  :  Dat  Feldmg  gegen  dû  Skla- 

verei  in  Afrika S£0 

iicwfiuMe  (Jiibj) .'  ColoniMtioD  â  tnren 

le«  prindpani  psnples  uiinens  et  mo- 

deme» ait 

SUieiuoH   (J.)  :  Ttie  Artbt  in   Cnlnl 

Africa  and  al  Iake  Ntm» 32 

ViUt  (H.)  :  Die  TransTatl  Ooldfelder 

SOd-Afrika'i SSa 

n>ani   (Uarxo)  .-   L'Alfi,  «tnda  icdm- 

trietle  t\  botanique 286 

Jouiie  {n^oplale)  .-  Le  loiuiciii  [rHOfaise  I  mumati*  (B)  :  DntBr  deuticbei  Flaggc 

Évangêliqne  nu  eiid  Je  l'Afrique 167  |      quer  dnreli  Afrioa  ïon  Weit  nach  Oet.     381 


r«giDo  des  chutes  du  Congo  entre  Ma.  Ilinciaire  rie  Sunley,   de   Tambouj a  au 

adi  et  le  Slanley-Pool.   avec  le  tracé  lac  Albert 160 

lii  ohemïti  de  fet  projet* ■"    RéBion  comprise  enlre  le  haut  Nil  et  La 

.  .H-  Af  la aooalie 19)