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HiiiAMÉ^ilMHiM
■ vi^^^^:.
Miiis aucut) détail sur sou exploration de Loulouabourg jusqu'au Taiiga-
iiyika. Les Verhandlungeu de la Société de géographie de Berlin et la
Deutsche KolomalrZeiUing uous ont apporté les reiiscignenieiits qu'il a
donnés à Kerlin sur sou dernier voyage. Nous ne pouvons malheureuse-
ment en donner qu'un court résumé. Avant de quitter Louiouabonrg il
remit la station aux agents de l'État indépendant du Congo. L'on est
étoimé, en Usant l'énumération des bâtiments construits dans l'espace
de moins de deux ans par le personnel de cette station au centre de ce
continent si déciié. On y voit des maisons pour le chef de la station,
pour sou lieutenant, pour les étrangers, pour un interprète ; une caserne
contenant 21 chambres; une cuisine avec deux chambi-es pour domes-
tiques ; une maison d'arrêt ; des dépendances pour les marchandises
avec des chambres pour les armes et les provisions ; un pigeonnier et
un poulailler, une maison de bains, une buanderie ; une maison poui-
dix ouvi-iei-s, une autre pom* dix femmes ; des étahlos pour les bœufs, les
moutons, les cUèvi-es, les porcs ; une maisonnette pour les observations
route du Nyassa et du Ghiré. Nous aurons h reveuir sur l'exploratiou de
Wissmanu lorsqu'en aura paru la relation complète. Actuellement \f
voyageur doit passer l'hiver à Madère, le séjour de l'Europe à cette
Ksisou risquant d'être préjudiciable à sa sauté.
Sur le CoQ|;o, c'est vers le haut Arououimi que se portent tous lee
i-egards, dans l'attente d'une dépêche apportant la nouvelle de la ren-
contre de Siftnley et d'Émin pacha. Le dernier courrier arrivé à
Bruxelles n'avait rien du haut Congo au delà de la station des Ba-Ngala.
Cela ne veut pas dire qu'aucune dépêche ne fût airivée au camp de
Yambouya, mais simplemeut qu'il n'y avait aucun steamer sur l' Arou-
ouimi, pour apporter le couirier que le major Barttelot aurait pu avoir
non plus la propriété d'un père, comme chez les Ovimbouiidou ; mais
on fait un présent au père de la fiancée, qui continue à avoir autorité
sur sa fille ; celle-ci peut d'ailleui-s quitter son mari chaque fois qu'elle
en a envie. Les cas d'abandon peuvent être portés devant le chef, et si
la femme a tort, le pi'éseut doit être restitué ; si c'est le mari qui a mal-
traité sa femme, s'il l'a chassée de chez lui, il ne peut s'en prendre qu'k
lui-même. Dans les disputes qu'ont entre eux les Garenf^aiizé. Mosbidé
leur rend bonne justice : il est toujours disposé à écouter tous ceux qui
viennent à lui.
Le paya est pieireux et aride, quoique, le long des rivières, il soit fer-
tile. Le mais mûrit trois mois après avoir été planté ; pendant les pluies,
l'herbe et les plantes grimpantes croissent avec une telle rapidité que
les sentiers eu sont obstrués et qu'il faut un guide là où, eu d'autres
moments, il y a un sentier larçe et bien battu. Dans le voyage qu'Aniot
lit pour atteindre le Garenganzé, sa petite caravane employa trois
heures d'un dur travail pour se frayer un chemin à travers une pièce de
terre qui avait été autrefois cultivée, et que la végétation avait envahie.
Les bords des rivières sont richement parés de grandes fougères éven-
tails, d'orchidées et de toutes sortes de plantes tropicales. Le gibier
abonde ; les troupeaux d'animaux de toute espèce, de la gazelle à l'élé-
phant, offrent, dans les plaines, un coup d'œil admirable. Le temps peut
être extrêmement chaud sans être étouffant. L'atmosphère i-este tou-
jours transparente ; il n'y a pas des brouillards épais et sombres conmie
dans la vallée des Ba-Rotsé. La santé d'Arnot est dejneurée excellente,
et il était heureux de penser que tous ceux qui iront le rejoindre trou-
veront le pays très salubre. Nulle part dans le voisinage il n'y a de
marécages pestilentiels.
En comparant la population avec celle des Ba-Rotsé au milieu de
laquelle il a passé près de deux années, Amot trouve que les Gareu-
— 20 —
irv'és ; ils ue l'abordeut pas volontiers ;
l'homme blanc n'est point pour eux un
3nt du pays des blancs comme de l'enfer
able <fe la misère pour l'esclave et le cap-
les bi-oie pour les réduire en poudre. Chez
cour chaque jour, et entretenait des rela-
ireiigaiizé, le chef est le centre de tout;
rtout où il se trouve, et à toutes les heures
iiite. Il u'y a poiot d'ajiserablées régu-
'oit généralement autour de lui ne sont ni
ce sout des pages, ses femmes et quelques .
! pas que de simples auditeurs viennent
renvoie bien vite à leui*s affaires. D'autre
te chez les Ba-Rotsé, Arnot jouit d'une
lutet toujours, aller où bon lui semble,
; ce qu'il fait ni ce qu'il veut. Il en a pro-
ies et les districts d'un accès facile, quoi-
oir beaucoup de relations avec les habi-
icorc sufti-samment la langue.
9 d'une condition un peu élevée peuvent
it sait jusqu'à an certain point ; mais la
capitale est le seyek, qui i-essemble à
ibreux dialectes sont parlés dans les cam-
d' apprendre ces divers langages, Arnot
:e à la connaissance qu'il a des formes de
dues.
eunes gai-çons, dont l'un l'a suivi depuis
-Rotsé, les deux autres étaient naguère
après de lui, et avec eux il cultive du blé
nais il craint que la récolte ne soit beau-
es voleurs et les sangliers n'en aient la
aillcui-s s'avancent jusque tout près des
it dans une de ses lettres, « une femme
,r mi léopard ; c'était une des femmes du
! léopard s'enfuit, mais elle mouinit de ses
.nder du poison pour tuer le léopard s'il
trychnine. Au lieu de tuer une chèvre ou
ne appât, on préféra pi-endi-e le coi-ps de
I dit le chef, « nous n'y pouvons Heu. »
esclaves ; de leur côté les Arabes, qui arrivent déjà jusqu'à la Loufira,
finmèneut aussi à la côte orientale beaucoup d'esclaves achetés aux
Garenganzé.
Quaud une caravane est sur le point de se mettre en route, le chef,
et les prêti-es des fétiches qui ont préparé pendant un mois des charmes
pour les voyageui-s, cherchent à deviner quel sera le sort de ceux qui
partent, quels dangers les attendent; puis h se rendre propices les ancê-
tres au moyen de sacrifices, La noma, lance fétiche, doit être portée en
tête de la caravane, pourvue de channes qui doivent garantir sa sécu-
rité. Ou enroule autour de la lance les racines d'une herbe tendre, et
par dessus l'on place quelques éclats de bois tiexihies ; on y ajoute un
morceau de peau humaine, des griftes de lion, de léopard, des vivres, de
la bière et des racines médicinales. Tout cela doit assurer à la caravane
l'empii-e sur ses ennemis, la sécurité contre les animaux sauvages et la
sauté. Un manteau revêt le tout, puis le roi frappe dessus et le bénit.
Après ces céi-émonies tous les gens de la caravane se mettent en marche
le cœur léger.
Un Arabe, qu'Aruot a vu chez Moshidé, lui a dit être venu de Mozam-
bique, et avoir travei-sé le lac Nyassa, oii il avait vu deux steamers,
beaucoup d'Anglais et une dame anglaise. D'après lui, le Nyassa serait
à deux mois de marche de Moukourrou ; la raute serait sûre et les vivres
abondants.
Dans ses excursions Arnot a poussé, au nord, jusqu'à Kagoma, sur la
Loukourrouwé, affluent de gauche de la Loufira, et au S.-E. jusqu'à
Kaunga, sur la rive gauche de cette dernière rivièi-e. Kagoma est le vil-
lage d'un petit chef de ce nom qui était malade et avait fait appeler
l'homme blanc pour être soigné par lut. Pour y arriver, Arnot eut à
— 28 —
épond que ce travail, auquel l'auteur ne pouvait consa-
; que lui laissaientsesoccupationsprofessioanellesetles
Société normaDde, était déjà presque terminé en 1881.
t bien faire d'attendre le retour de Soleillet d'Obock
le voyageur corrigeât les erreurs qui auraient pu être
mauvaise interprétation de ses notes. Du reste, nous ne
pas trop du retard, car il a été utilisé pour rendre
aplète, plus exacte et lui permettre de paraître sous la
volume dédié au général L. Faidherbe — l'ancien gou-
gal, qui a tant fait pour le développement de cette colo-
'une photographie de Soleillet «t d'une carte indiquant
akar à Ségou.
[ue Piétri, Derrien, Gallieni et Borgnis-Desbordes ont
le Sénégal et le Niger, depuis 1879, n'ont rien fait per-
au récit de Soleillet. Sans doute, dos connaissances de
iccrues, la situation politique de ces régions a subi des
laia les descriptions si vivantes de Soleillet sont vraies
lent de son passage dans ces pays. D'autre part,
ue ce voyageur avait, sur la plupart des autres et sur-
ions militaires, un grand avantage. Ces dernières, inspi-
ou la colère, ne peuvent voir les indigèues tels qu'ils
manière générale, les voyageurs vivent trop peu au
^ènes, que quelquefois même ils affectent de mépriser.
Lit seul, sans armes, soignait les malades, pénétrait dans
rait ses carnets de renseignements sur les mœurs, les
ants des contrées qu'il traversait. A Ségou, oii il vécut
[8 mois, bien traité par le sultan Ahmadou, libre d'aller
la ville et ses environs, il put étudier de près l'organi-
f'aume africain et le deminrivilisation des peuples du
le temps, il recueillit sur el Hadji Omar, ce prophète
indit sa domination sur une grande partie du bassin du
t dont Ahmadou est le fils, des renseignements curieux
nt pennis d'en écrire une biographie intéressante.
ife nous poussent donc à i-ecommander ce livre, que la
le de géographie a pris sous sou patronage. Bien que
is été heureux dans toutes ses entreprises, il est le prê-
té Ségou, après Mage et Quintin, le premier qui ait fait
lu européen sur les eaux du Haut-Niger ; il peisonnifie
âges, et aussi l'amour pour ces populations noires dont
!S et naïves le captivaient, et qu'il défendait avec ardeur
— 32 —
ments à la discussion. On sent que la géographie de la Tunisie Tinté-
resse moins que Tétat social du pays. Il a décrit simplement, avec leur
couleur locale, le paysage et les habitants.
Eev. W. Holman Bentley. Life on the Congo. With an introduction
by the Rev. George Grenfell. London (The religions tract Society), 1887,
in-12*. 126 p., avec gravures et carte. — On ne trouvera pas dans cet
ouvrage, comme le titre pourrait le faire croire, une description de la
vie d'émigrant ou de missionnaire dans les stations des bords du Congo.
Il s'agit |)lutôt d'un tableau esquissant sobrement les conditions dans
lesquelles se présente à cette heure le bassin du grand fleuve africain.
L'histoire de la découverte du Congo, de Diego Cam (1484) à Stanley,
la configuration générale, le climat, la productivité de la contrée, sont
décrits daDS les premiers chapitres. Vient ensuite la partie ethnographi-
que et économique, dans laquelle Tauteur parle des peuples congolais,
de leurs conditions d'existence, de leurs idées religieuses et des progrès
de la mission au milieu d'eux. Ces deux derniers sujets constituent la
partie la plus intéressante de l'ouvrage ; M. Bentley étant missionnaire
lui-même, ces questions le touchent plus que toutes les autres. Parmi
les faits qu'il cite, relatifs à la vie religieuse et intellectuelle des indigè-
nes, il en est qui sont peu connus, tels que celui de l'existence, chez les
nègres du Congo, d'une sorte de franc-maçonnerie, avec ses épreuves
d'initiation, son langage mystérieux et ses pratiques.
D'autre part, l'auteur donne des renseignements assez détaillés sur
les principales sociétés missionnaires qui travaillent, non seulement sur
le Congo, mais aussi dans l'Afrique orientale, du Zambèze au lac Vic-
toria. D'après la carte, qui résume d'une manière assez claire la situa-
tion actuelle, on constate que ce champ immense, ouvert depuis si peu
d'années, est maintenant le théâtre d'activité de onze Sociétés, tant
anglaises qu'écossaises ou américaines. Toutes progressent d'année
en année. La mission baptiste, à laquelle appartient M. Bentley, ne
reste pas en arrière. Grâce à la générosité d'un riche philanthn^e,
M. Ârthington, elle s'avance de plus en plus dans l'intérieur en remon-
tant le Congo. Elle espère même arriver par la fondation de stations sur
le cours moyen et supérieur du fleuve, à relier les établissements mis-
sionnaires des deux côtes africaines.
Une intéressante préface écrite par M. Grenfell, l'explorateur bien
connu, traite du même sujet, en même temps que de l'avenir du com-
merce et de la civilisation dans l'Afrique centrale.
soire de BoDgle, en vue de la coloiiitjatioii de le Kabylie. Elle corn-
])rend lf< in-opriétés distinctes, réparties sur une étendue creiivirou
ITOU bectares, dout la moitié est en plein rapport. L'exploitation de
chacune, des pi-opriétés est oi');anisée de la manière suivante. Sur une
contenance totale; de HO k 100 hectares, ;-iO à 40 sont consacrés à la vignet
actuellenieiif, et «ne dizaine d'hectai-es à d'autres cultures : prairies,
avoines, olivici-s, oraugci-s, primeurs. La valeur des bâtiments cons-
tmits est d'euvii-on :-iO,000 francs. Le propriétaire, généralement un
Lyonnais habitant Lyon, fait exploiter directement son domaine par
deux familles de vignerons ré^çisscui-s, aux appointements de 120 francs
par mois, avec intérêt sur la vente des produits. Eu outre, de 15 & 20
indigènes, selon la saison, travaillent sous leur direction, au salaii-e de
fr. 1 ,50 par journée. Le débouche des produits est en France et princi-
palement à Lyon et à Paris. Le i-endement de la vigne atteint 100 hec-
tolitres (?) à l'hectare, vendus -sur place 45 francs l'hectolitre. Pour le
' Les matières comprises dans nos BuUetina meneuàt et dans les Nommes cont-
pUntmtaiTe» j sont classées suifant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la c&te orientale dn continent et
revenant par la cbte occidentale.
l'ipBIQCB. — NMVIÈHB ANMÉE — M" 2. 2
— 39 —
qui sera envoyée dans le Lfideritzland pour explorer les n^isiemeiitH
■iinieps sera confiée à un de nos compatriotes, M. Iselin, de Bâle,
ingénieur des mines, qui connaît très bien les gisements aurifères de la
Californie, de l'Australie et du Transvaal, et se trouve ainsi parfaite-
ment qualifié pour cette expédition. Le but de Tentreprise est d'arrivei-
à savoir si la constitution d'une société minière peut être recommandée.
Des explorations précédentes au point de vue des gisements de cuivre,
<|ui se trouvent aussi bien sur le territoire anglais au sud de l'Orange
{{ne dans le Lùderitzland, ont penuis de constater que ce métal, comme
tous les iiutres métaux qui y existent n'apparaît pas en gangue, mais
dans ce qu'on appelle des poches. 11 ne peut être question dès lors
d'une exploitation régulière. On trouve ces poches en faisant jouer la
raine ; mais la communication avec d'autres dépôts est inten'ompue, et
Ton doit chercher plus loin. Dans le langage des mineurs cette forma-
tion est désignée sous le nom d'infiltration. L'existence de Tor dans
cette région est bien constatée en divers endroits ; elle est incontestable,
mais on n'est pas encore sûr que l'or n'y apparaisse pas dans des
poches. Les sondages faits jusqu'ici n'ont pas découvert d'infilti'ation ;
il est vraisemblable que ce métal se rencontre là dans des conditions qui
permettent une exploitation régulière, le sol ressemblant, pour sa for-
mation extérieure et intérieure, à celui du Transvaal sous la même lati-
tude. Cependant une constatation par un expert est nécessaire avant
que l'on constitue une Société minière. L'exploitation de terrains dans
leijuel le métal se rencontre dans des poches peut d'ailleurs être rému-
nératrice, l'exemple de la société anglaise des mines de cuivre, au sud
de l'Orange, en est la preuve. Le rapport en est si fort que les droits h
acquitter à l'État suffisent à payer l'administration coloniale très coû-
teuse des mines. Le résultat de l'exploitation fût-il d'empêcher la con-
stitution d'une société minière, la Société coloniale de l'Afrique aus-
trale occidentale pouiTait encore retirer, d'une exploitation non collec-
tive de ces terrains, un revenu considérîible au moyen de concessions
comme au Transvaal. L'expédition à laquelle est attaché M. Lselin
sera accompagnée de trois officiers et de trois sous-officiers.
D'après la Revue française, l'ouveriure d'une section de 60 kilom. du
chemin de fer de ^aint-Panl de Loanda à Ambaca doit
avoir lieu au commencement de cette année. Ambaca est à environ 5(K)
kilomètres de la côte, et à 720 mètres au-dessus du niveau de la mer.
En partant de Saint-Paul la voie longe la côte et touche successive-
ment à Boavista et à Cocoaca. De là elle se dirige vers le nord-est.
inuKsvase le liquidt; dans df>s jaiTos de U-rtv cuite, qui sont elles-mêmes
placées dans les pirogueH. J'ai vu de ces canots, voyagpniit sur le fleuve,
tt-aiisporter de la sorte quatorze de ces énoiines cruches, ce qui repré-
sentait plus de 18()0 liti-es de liquide. C!ette boisson est foi-t bonne à
boii-e; elle a l'apparence très accentuée de l'eau d'orf^e, et donne au
palais qui n'y est pas accoutumé une impi-essiou particulii^i-e, dittîcile à
rendre, mais à laquelle on se fait rapidement. »
\,à Société de j^éograpbie de Paris a re(;u commiiriinition d'une lettre
de M, Chdllet sur le Congo français, à la(|uelle nous empruntons ce
qui suit : « J'ai pu descendre complètement eu pii-ogue de Loudima au
confluent du Niadi et de la Loudima, tout près de lalif^ue dcpartaf^edes
eaux du Kuilou et du (^ongo, jusqu'à la mer ; non sans peine, car j'ai eu
des journées entières de traînage, et, pendant quelque temps, de très
mauvais rapides, mais une seule chute, de deux mètix^s, pi-ès de Kaka-
muéka, point oîi i-emontent les vapeurs. Il y a deux lignes de rapides
fnciltrs à coiTiger au moyen de quelques digues sèches et en l'ai.sant sau-
ter un liane de roc ([ui obstinie le fleuve, et ne laisse plus qu'un chenal
de .SO mètres pour donner passage à, une rivière de .TOil m. Jusqu'il
^lacabaua, le fleuve a un a-spect grandiase; il est large de liiX) m. Mais
quand on arrive dans la région des monts Strauch, on est entre deux
montagnes, un véritable torrent sur un ht de cailloux, et bientftt on est
— 44 —
dougou, un traité plaçant ce pays sous le protectorat de la France ; il
s'occupera cette fois-ci des relations commerciales à y nouer. Comme ses.
recherches géographiques et scientifiques absorberont la plus grande par-
tie de son temps, il sera secondé, au point de vue conmiercial, par
M. Ronce, qui a déjà organisé des comptoirs sur le haut Congo pour la
mission Stanley, et qui est resté ensuite dans plusieui's factoreries do
la côte d'Aû'ique, oii il a acquis la pratique du conunerce africain.
Le Moniteur des Colonies publie les renseignements suivants fournis
de Kaye^,sur les travaux du chemin de fer du haut Sénég^al. Les
chantiers sont rouverts ; ou est actuellement au kiiom. 95, oii Ton va
jeter un pont de 75 m. do long et 14 m. de hauteur sur le Galongo. A ce
travail sont employés quatre cents manœuvres, que le^ chefs du pays ont
fournis gi*atuitement. D'autre part, on pose le chemin de fer Decauville
depuis ce point jusqu'à Bafoulabé, pour transporter la canonnière et les
approvisionnements des postes français. Dès que le chemin de fer aura
atteint Bafoulabé, le Decauville sera reporté en avant, de telle sorte qu'à
la fin de la campagne il y aura, à partir de Kayes, une ligne ferrée do
deux cents kilomètres environ, qui permettra d'oftectuer rapidement et
économiquement les transports. Elle sera prolongée par une route char-
retière sur laquelle circuleront facilement les petites voitui*es en tôle.
Nous espérions voir arriver, en janvier, à Genève, M. H. Ch&telain,
notre fidèle correspondant de Loanda et de Malangé. Une dépêche qu'il
nous a adressée de Lisbonne nous oblige à ajourner cet espoir. Do Lis-
bonne, M. Châtelain a dû se rendre à Londres pour y faire imprimer ses
manuels linguistiques. Après cela il ira voir so.s amis en Amérique, et ce
ne sera qu'après ce voyage qu'il viendra en Suisse se reposer et se pré-
parer aux fatigues d'une nouvelle campagne afi-icaino.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Les ingénieurs chargés par la Compagnie Bône-Guelma des études pour la cons-
truction de nouvelles lignes de chemins de fer dans la Tunisie ont commencé leurs
opérations sur le terrain. La première ligne attaquée est celle de Hammamlif-Soli-
man-Nebeul; puis viendra celle de Radès-Sousse-Kairouan, en passant soit par la
plaine de Moruag, soit par le littoral.
Le gouvernement italien a concédé à PEspagne, pour quinze ans, sauf à prolon-
ger indéfiniment à moins de dénonciation un an d'avance, un territoire dans la
baie d'Assab, pour l'établissement d'un dépôt de charbon dans la mer Rouge. Ce
territoire est compris entre le cap Garibal et le cap Marcara ; il y a une rade
- 47 -
(le l'influence arabe, du N.-E. du coutineut sur presque toute la partie
septentrionale, jusqu'à T Atlantique et au "golfe de Guinée, et de l'Est
vei-s la zone centrale équatoriale. Semblable à une marée qui monte,
monte toujours, elle menace de couvrir un joui- l'immense continent
tout entier. Des hommes de toutes les conditions : explorateui-s ou mis-
sionnaires, publicistes ou philanthi'opes , le reconnaissent également,
les uns pour relever les effets de cettô influence sur les indigènes, et
déprécier ceux de la civilisation européenne, les autres pour contester
absolument la valeur de la civilisation apportée par les représentants
de l'islamisme et des moyens par lesquels ils la propagent. Sans pré-
tendre nous immiscer dans le débat soulevé à ce propos dans les Revues
anglaises, françaises et allemandes, nous voudrions, en résumant les
données sur lesquelles toutes ces publications sont d'accord, et en y
joignant les i*enseignements fournis par quelques ouvrages spéciaux*,
marquer les étapes du développement de l'influence arabe en Afrique,
en tracer les limites actuelles et en indiquer les causes principales *,
Le développement de l'influence arabe en Afrique embrasse une
période de près de 1250 ans, pendant laquelle ses progrès ne se pour-
suivent pas d'une manière ininterrompue, mais oii l'on peut marquer
trois phases distinctes, sans pouvoir indiquer toujours des dates précises.
La première phase n'embrasse que 70 ans environ du VU™* siècle de
notre ère. En 640, en efl'et, Amrou Ibn al Aassi, lieutenant d'Omar,
envahit l'Egypte, avec 4000 hommes, et en 641, s'empara d'Alexandrie.
Pour établir solidement son autorité, Omar favorisa l'immigration en
Egypte d'un ceilain nombre de tribus arabes, dont la domination fut
relativement douce ; elles n'imposèrent aux indigènes que des tributs
modérés et n'exercèrent sur eux aucune contrainte religieuse. Néan-
moins des multitudes de natifs, rebutés par les querelles dogmatiques
des chrétiens entre eux, et désireux de s'affranchir de la capitation impo-
sée aux non-croyants, embrassèrent l'islamisme.
Bientôt Amrou entreprend la conquête du nord de l'Afrique ; après
* La confrérie musulmane de Sidi Mohammed Ben Ali Ës-Senousi et son
domaine géographique en l'année 1300 de l'hégire (1883 de notre ère). — Mara-
bouts et Khouan. Étude sur Pislam en Algérie. — La Tunisie. Le christianisme
et rislam dans l'Afrique septentrionale. — La Tripolitaine : Les routes du Soudan.
— Die religiôsen Verhâltnisse von Afrika, von D"" A. Oppel.
• Voir les cartes générales de l'Afrique que nous avons publiées, 1" amée,
p. 24 et 224.
— 49 —
qu'eu 1195, Omar Walasma, de la tribu des Koi'eïchites, établit sou
autorité sur une zone de territoire entre Zeïla et Harrar. Sa dynastie
dui*a jusqu'au XVP siècle. D'après les traditions des Somalis, les
Arabes se fixèrent aussi sur d'autres points de l'Afrique orientale ; ils
épousèrent des femmes du pays et refoulèrent vers le sud las Gallas
païens. Deux grandes émigrations eurent encore lieu au XUP et au XV*
siècle. Lors de leur premier voyage en Abyssinie, sous Christophe de
(xaïua, les Portugais trouvèrent, enti-e Tadjourah et le cap (xuardafui,
le puissant royaume des Adals, dont les princes musulmans se montrè-
rent les adversaires déclarés du christianisme.
Au XVI* et au XVU*^ siècle, c'est au Soudan surtout que se propage
l'influence arabe, en Nubie, au Kordofan, peut-être déjà au Darfour.
Quant au Wadaï, Barih croit que l'islam n'y a pris pied (ju'en 1G40,
et Nachtigal dit que la tribu qui se déclara la premièi-e pour l'islam fut
i-ecounue pour le véritable possesseur du sol ; ceux qui furent contrainte
de l'accepter par la force, ne furent jamais mis sur le même rang que
le*s autres, et enfin, ceux qui ne sont sortis du iiaganisme que récem-
ment sont, encore aujourd'hui, considéi-és beaucoup plus comme des
esclaves que comme des hommes liy)res. Le Baghlrmi reçut Tislamisme
du sultan Abdallah entre loOS et l(K)iS; le Katsma, au XVIP siècle ; les
habitants de Kano, un peu plus tard. Cependant, comme le dit Barth,
la grande majoiité de la population des j)ays Haoussas, surtout celle des
villes, demeura fidèle au paganisme, jusqu'à ce que le fanatisme des
Foulbés la contraignit à se déclarer publiqueiuent pour Tislam. Malgré
cela, il re^te encore beaucoup d'éléments de paganisme dans l'état de
Kauo, comme dans le Katsina. Nachtigal n'a pas pu déteiininer à quel
moment les gens du Tibesti y renoncèrent.
Quelque difficile qu'il soit de tracer la ligne de démarcation entre les
populations musulmanes et païennes au XVU" siècle, on peut a(bnettre.
d'une manière générale, que tout le Soudan au nord du neuvième degré
avait alors adopté l'islam.
La troisième époque s'étend du XYII*" siècle jusqu'à nos jours. Les
agents principaux de la propagation de Tinfluence arabe à cette épocjue
sont les Foulbés. Jusqu'alors ils s'étaient contentés de fonder, dans le
Soudan central, des colonies de pasteurs. Mais au commencement de
notre siècle ils fui-ent saisis d'un zèle ardent et d'un fanatisme qui mena-
cèrent de tout bouleverser. Ce fut un prêtre de la province de Gobir,
Otman dan Fodio, qui commença la guerre sainte cojitre les populations
païennes des tribus haoussas. Vainqueurs, les Foulbés se répandirent
— 50 —
jusqu'à l'océan à l'ouest, et pénétrèrent fort avant au sud et au sud-
ouest. Ils attaquèrent le Bornou, mais sans succès. Otman divisa aioi-s
kîs territoires conquis en deux parties, Tune à l'ouest, celle de Grando,
l'autre à l'est, celle de Sokoto, et les souverains de ces deux royaumes
eurent pour mission d'amener à l'islam les indigènes païens. Les souve-
rains de Sokoto étendirent leur puissance sur l'Adamaoua. Le père du
sultan actuel, Mallem Adama, fonda un nouveau royaume mahométan,
sur les ruines de plusieui-s États païens, dont le plus important était
celui de Kokomi. Après avoir détruit, les conquérants, devenus colons,
s'efforcèrent de reconstruire; après avoir ravagé d'immenses étendues
de pays, ils les mirent de nouveau en culture à leur manièrt*; pour fon-
der une unité politique, ils firent périr des multitudes d'indigènes, et,
le»s États séparés une fois réunis sous leur sceptre, ils les ouvrirent à un
commerce plus étendu. Aussi Ti^xplorateur Joseph Thomson a-t-il pu
écrire dans la Contemporary Revieiv, ([u'en comparant les populations
dégi'adées de la côte de (Juinée (»t des rives du bas Niger à celles du
Soudan central, les scènes dont il avait été 1(» témoin chez ces dernières
lui avaient révélé tout autre chose que ce qu'il s'attendait à y trouver.
Il étuit au cœur de l'Afrique, au milieu de populations nègres authen-
tiques, mais combien différentes de celles qu'il avait rencontrées dans ses
voyages ! Il y trouvait de grandes villes bien bâties, des gens bien vêtus
se conduisant avec une* dignité toujoui-s maîtresse d'elle-même ; d(5
toutes parts, des signes d'une communauté industrieuse, très avancée
dans la voie de In civilisation, exerçant différents métiers; les divers
métaux y étaient travaillés; on y tissait et teignait de>s étoffes; les mar-
chés y étaient remplis d'une foule nombreuse. Des tribus sauvages
avaient été transfonnées en nations demi-civilisées; le fétichisme avec
se^ rites dégradants avait disparu devant Tislam, qui avait hispiré à ces
noirs une vie nouvelle et vigour(»use. Thomson ajoute que T islam règne
aujourd'hui du Nil à l'Atlantique, (*t du Sahara jusqu'au sixième ou
même au quatrième degré au N. de Téquateur.
En effet, au dire de Barth, le Logone a été (Mivahi vers la tin du siècle
passé ; loi^s de son passage, beaucoup de jeunes gens des villes se souve-
naient que leurs pères avaient été païens de naissance, et qu'ils n'étaient
devenus musulmans que plus tard. Dans les campagnes, toutefois, la
majorité est encore attachée au paganisme.
Dans la région du Niger supérieur et du haut Sénégal, le fanatisme
arabe fut attisé par le marabout El Hadsch-Omar, qui, revenu en 1854
ou .1855 d'un pèlerinage à la Meccjue, se présenta comme prophète aux
— 51 —
populatioiis (lu Soudan occidental. 11 anna ses esclaves, rassembla ses
gens, puis, le Coran d'une main, l'épée de Tautre, il commença une
guerre de conquête accompagnée de dévastations effroyables. A la tête
de 20,000 aventuriei-s fanatisés et avides de butin, il se précipita d'abord
sur les Mandingues du Bambouk pour les convertir. Puis, il se porta
vers le haut Sénégal et contre Ségou, oîi les Bambaras étaient demeu-
rés païens. Repoussé, il se tourna vers le Kaarta dont les habitants, des
Bambaras sédentaires, furent tués ou convertis. En 1857, il voulut
chasser les Français du fort de Médine, mais il subit une grave défaite.
Sou incursion sur Timbouctou, en 1863, fut également malheureuse
pour lui. Plus tard il se fortifia dans Ségou et dans le Massina, où il
subjugua les Bambaras qu'il contraignit par la violence à embrassei-
rislam. Celui-ci a dès lors été porté jusqu'à la côte de Guinée, soit par
des expéditions militaires, soit par les caravanes de commerce des
Haoussas. Les musulmans abondent à Sierra-Leone ; dans TÉtat de
Libéria on en compte plus que de païens ; Lagos en a 10,000. Au témoi-
gnage du cardinal La\igerie, il y a aujourd'hui, du Soudan au Niger,
plus de soixante millions de musulmans. «Entre Sierra-Leone et
rÉgypte, » dit à son tour M. Blyden, « l'islamisme est la seule puis-
sance intelligente, morale et commerçante. Il a pris possession des tri-
bus les mieux douées ; il a imprimé sa marque à leur vie sociale et reli-
gieuse. Ses adhérents gouvernent la politique et le commerce de presque
toute l'Afrique au nord de l'équateur. Des importantes cités qu'ils ont
fondées sur le Niger et ses affluents, ils dirigent des caravanes sur tous
les points de l'horizon, en Abyssinie et en Egypte, à Alger comme au
Maroc, à Libéria conrnie dans la Gambie et jusque sur la côte du Cap. »
« L'active propagation et les triomphes de l'islamisme, » disait naguère
M. G. Valbert dans la Revue des Deux-Mondes, « ont excité les plaintes
de plus d'un voyageur, et de tous ceux qui voudraient répandre notre
civilisation sur l'Afrique. Consultez le général Borgnis-Desbordes, dont
l'intrépidité et la prudence ont assuré le succès de l'audacieuse expédi-
tion du Sénégal au Niger, il vous dira que les tribus inconvei*ties sont
seules pénétrables aux influences européennes, qu'elles se laissent façon-
ner par nous comme une cire molle, que les États musulmans nous sont
fermés et hostiles, qu'en Afrique le fétichisme est notre allié natui*el et
que le mahométisme sera notre éternel ennemi. Interrogez Savorgnan
de Brazza, il vous dira que le seul danger qu'il redoute pour l'avenir du
Congo français, c'est le missionnaire musulman, dont les premières
approches Tinquiètent et le troublent. »
— 52 —
Ce n'est pas seulement sur les frontières méridionales des pays sou-
mis à l'influence arabe que s'est déployé le fanatisme ; il s'est ranimé
<le nos jours, au sein des territoires musulmans du nord de l'Afrique,
par l'activité de la secte des Senoussi, dont les zaonia sont disséminées
dans toute l'Afrique septentrionale, des frontières de rÉg}T[)te jusqu'au
Maroc et fort avant dans l'intérieur. Après plusieurs essais infructueux
poui* s'établir en Kgj'pte, Mohamed es Senoussi, père du chef actuel de
la secte, le Cheikh-el-Mahdi, fonda ime zaouia centrale dans l'oasis de
Ojcrboub, dans l'intention de réformer l'islam et de restaurer l'ancienne
foi au Coran. L'ordi-e, qui entretient des missions intérieures et exté-
rieui-es, jouit d'une grande influence dans tous les territoires du nord
(le l'Afrique. Grâce à sa stricte discipline, aux sonmies considérables
d'argent dont il dispose, et à l'absence de tout scrupule dans l'emploi
(l(»s moyens auxquels il recx)urt, il est devenu l'ennemi le plus farouche
et le plus dangereux des Européens. « C'est à Djerboub, » dit M. Marc
r'ournel, « que le Cheikh-el-Mahdi reçoit des renseignements de tous les
j)()iiits du monde musulman et qu'il dirige le grand mouvement panisla-
iiii(|ue. Des courriers spéciaux montés sur des méharis, les admirables
(•hameaux du désert, avec lesquels on peut faire chaque jour plus de
cent kilomètres pendant une semaine sans les fatiguer, relient Djerboub
à l'Egypte, à la Tripolitaine, à Tintérieur de l'Afrique; du Wadal le
( heikh-el-Mahdi pourrait faire sortir en quelques semaines une armée
dix fois plus forte et plus ardente que celle qui a écrasé les Anglais et
les Éj^ptiens dans le Soudan, et l'on assui*e que ses zaouia renferment
assez d'annes à tir rapide pour en faire des troupes redoutables pour
\u\(' puissance européenne quelconque. » Chaque année le chef de l'ordre
forme, dans Djerboub, des centaines de missionnaires. Les premiers
«établissements religieux fondés par ceux-ci le furent àSokua, Mourzouk
<ihadamès et Rhat, puis ils occupèrent l'oasis de Koufara, colonisèrent
celU* de Wau, et s'établirent à Kawar. De Koufara ils s'avancèrent vers
Wanjanga et le Wadaï dont le roi devint leur adepte. Actuellement ils
cspci-ent gagner le territoire des Toubou, le Ridejat, les tribus non civi-
listes du Wadaï et les oasis de l'Egypte. Leurs adhérents leur font de
riches présents ; partout où ils fondent des stations, ils concluent avec
1( s indigènes des contrats pour se faii*e céder des plantations de dattiers.
Dans la région orientale, après que les Portugais eurent occupé la
côte, les indigènes appelèrent à leui' aide le sultan d'Oman, Ben Sef
Ben Malik, qui livra aux Européens plusieurs combats. Un de ses fils
s'empara de Mombas en 1698 ; dès loi-s les Portugais fui'ent forcés de
se retirer d'une partie delà côte orientale.
— 53 —
n n'en résulte cependant pas que Tinfluence arabe règne sans con-
teste sur toute l'Afrique orientale équatoriale. Même au nord de la ligne
qui s'étend du golfe de Guinée vei"8 le haut Nil, il reste des tribus qui
n'ont été qu'en partie contraintes d'embrasser l'islamisme; tels sont les
Mandingue* et les habitants du Fouta-Djallon ; certaines tribus wolofes
et bambaras sont encore beaucoup plus païennes que mahométanes. De
même dans le voisinage du Baghirmi, il existe encore toute une série de
tribus qui sont païennes.
Au centre, dans la région des sources du Nil, dans les États des lacs,
l'Ou-Ganda, l'Ou-Nyoro, jusqu'au Tanganyika, et même jusqu'aux
chutes de Stanley et en aval sur le Congo, plus au sud encore jusqu'aux
territoires à l'ouest du Nyassa, du Bangouéolo, dans le pays des Garan-
ganzé, l'influence arabe s'étend par les trafiquants et par les chasseui-s
d'esclaves. Mais il existe un grand nombre de tribus que les Arabes
ifont pu contraindre à embrasser l'islamisme ni subjuguer. Ainsi les
Denka, les Bari, les Bongo, les Madi, les Chouli, les Niams-Niams sont
encore païens. Les Nouba du Kordofan, les Chillouk, les Foundj ne sont
qu'en partie gagnés à l'islam, tandis que les Bagera et les Kababisch à
l'ouest du Nil blanc et au nord du Kordofan, ainsi que les habitants de
<ialabat et de Takela, sont tout à fait musulmans.
D'après Paulitschke, l'islam fait de grands progi-ès chez les Gallas.
La grande tribu des Day a embrassé l'islamisme, tandis que les Wala-
chi et les Garoura sont demeurés païens.
Quoiqu'il en soit, les Arabes se trouvent pari ont dans l'Afrique orien-
tale, soit conune colonies de quelques familles, soit comme voyageurs.
( >n en rencontre dans toutes les villes un peu importantes de l'Afrique
australe, jusque dans la colonie de Natal et à Capetown. Toutefois ils
n'exercent pas là une influence sensible sur la population.
C'est en Egypte que l'islamisme a pénétré le plus profondément et se
retrouve dans tous les actes de la vie sociale. Eu Algérie, les muftis ont
j)eu d'influence ; les marabouts en ont déjà davantage ; mais ce sont
surtout les Khouan qui dirigent le mouvement panislamique. La puis-
sanct* des ordres religieux repose sur une organisation stricte, une
obéissance absolue de tous les membres au chef, une discrétion parfaite,
une docilité servile de la masse du peuple. L'Algérie à elle seule a 355
couvents et 168,954 moines. Chez les Touaregs du Sahara, il n'y a pas
de mosquées, mais les marabouts y ont la surveillance de l'instruction
publique et l'exercice de la justice. Ils vont de tribu en tribu comme
missionnaires, apprennent à la jeunesse à lire le Coran, à écrire, éten-
— 54 —
dent le cei'cle des connaissances de ceux de leurs élèves qui se destinent
aux emplois ecclésiastiques et leur enseignent l'arithmétique, Tastrono-
mie, le droit et la théologie. Les Foulbés, les plus ardents propagateurs
de l'islam au Soudan, ont des écoles dans les plus petites communautés:
on y enseigne surtout l'arabe, quoiqu'il y ait aussi des grammaires
foula, mais en caractères arabes. Au Bornou, à l'époque du voyage de
Nachtigal, le secrétaire du roiMoallim Mohîunmed jouissait d'une répu-
tation de profonde érudition ; sa bibliothèque n'avait pas d'égale de
Timbouctou à Khartoum. Les leçons des maîtres de Kouka attiraient
des élèves de tout le Soudan. Au Logone, comme dans le Baghinni, la
connaissance de l'islam ne consiste guère qu'en quelques phrases incom-
prises récitées machinalement. Il n'en est pas de même au Wadaï où
les ulémas possèdent, outre le Coran, plusieui's traités lus de tout le
monde. En revanche, au Kordofan, d'après le témoignage de Wilsou et
de Felkin, le peuple possède à peine quelques notions religieuses, mais
d'autant pliLS de superstitions. Entre le cours supérieur du Rahad et
celui de l'Atbara, la république nègre de Galabat a 20,0(X) pèlerins du
Darfour et du Wadaï, qui. à leur i^etour de la Mecque, se sont fixés là,
et se recrutent chaque année de nouveaux arrivants. Ce sont des musul-
mans fanatiques, qui pratiquent consciencieusement leurs exercices reli-
gieux. Les Moumbouttous n'ont subi qu'extérieurement l'influence de
rislam. Parmi les Gallas les uns sont attachés à l'islam jusqu'au fana-
tisme, les autres sont encore païens. Krapf dit que l'islamisme a encore
corrompu la nature déjà altérée des Gallas, et que les Wollo, en parti-
culier, peuvent diflScilement être surpassés en déloyauté et en soif de
vengeance. Les Somalis sont prêts à admettre toutes les leçons de
l'islam, suivant l'intérêt du moment ; ils ne sont pas fanatiques, pas
plus que les Souahélis, les sentinelles avancées de l'islam dans l'Afrique
orientale, qui sont cependant de sincères musulmans.
Quant aux Wa-Cranda, Wilsou et Felkin pouvaient encore dire il y a
quelqu(»s années que les religions étrangères avaient jusque là peu
influé sur eux. Quoique les trafiquants arabes fussent daiLs le pays
depuis GO ans au moins, ils n'avaient pas fait beaucoup de propagande.
La conversion de Mtésa ne fut jamais qu'apparente; les Arabes eux-
mêmes ne s'y fiaient pas. Il ne voulut jamais se soumettre au rite de la
circoncision, que l'islamisme impose comme indispensable, et même il fit
brûler vifs une centaine de jeunes gens qui, croyant que l'islam devien-
drait la religion universelle, s'étaient soumis à ce rite. Mais si l'isla-
misme est peu répandu dans TOu-Ganda, k^ Arabes n'en exercent pas
î)0
moins aujourd'hui une influence considérable sur le roi Mouanga et sur
ses ministres. Ils savent très habilement entretenir dans l'esprit de ce^
grands personnages, toutes sortes de préventions contre \es mission-
naires chrétiens et contre les Européens en général, dans lesquels ils
voient des concurrents pour leur commerce, et surtout des adversaires
de l'esclavage et de la polygamie, usages tolérés par l'islam.
Notre article est déjà bien long ; cependant nous ne le terminerons
pas sans ajouter quelque.s mots sur deux ou trois faits, dont il est
impossible de ne pas tenir compte quand on cherche à comprendre ce
cjui fait la force de l'islam, et ce qui lui procure un accès relativement
facile chez les populations noires. La prescription du Coran ordoimant
à tout musulman de faire, une fois en sa vie, le pèlerinage de la Mecque,
fournit à des milliers de pèlerins l'occasion de recevoir les ordres du
chef même des croyants et de s'inspirer du zèle de propagande dont les
anciens Israélites allaient s'enflammer à Jérusalem. Ceux qui se sont
acquittés du voyage portent le titre de Hadji, pèlerin, et jouissent
d'une considération d'autant plus grande que leur pays se trouve plus
distant de la Mecque. Il règne entre tous les Hadji une confraternité
(lui établit des liens de confiance et de cohésion religieuse que rien ne
saurait rompre. Les missionnaires musulmans ne font pas acception de
pereonnes ; ils sont vraiment cosmopolites ; tout homme qui croit en
Mahomet est leur égal, eût-il les chevetix crépus, le nez é])até et l(»s
lèvres pendantes. Qu'ils arrivent de Kairouan, du Caire ou du Maroc,
ils n'ont pour tout bien que leui's livres et la natte sur laquelle ils s'ac-
croupissent pour dire leur prière ; leui's élèves les accompagnent, et, en
s'installant dans quelque bourg fétichiste, ils forment h» noyau d'une
école ou d'une congrégation. Le missionnaire arabe vit comme on vit
autour de lui, il s'accommode aux habitudes, aux usages, aux goûts des
indigènes ; il subsiste de la charité de ceux (lu'il instruit. Se sentant
partout chez lui, il n'éprouve aucune répugnance à se marier avec
quelque fille du continent noir ; les sangs se mêlent, les rac(*s se croi-
sent. L'arabe est la langue littéraire de l'Afrique centrale. Quoiqu'il y
ait des Arabes qui se rendent coupables irinfractions à la loi du Coran
interdisant l'usage des spiritueux, ou qui profitent du commerce de
Teau-de-vie pour s'enrichir, il faut reconnaître qu'en général les adhé-
mnts de l'islam n'ott'rent guère aux noirs que l'exemple de la sobriété,
ce qui inspire d'emblée à ces derniei-s un grand respect, en même temps
qu'une confiance instinctive, pour des hommes qu'ils voient toujours se
posséder eux-mêmes et conserver le sentiment de leur dignité.
— 59 —
aimonçous, témoignent de la large part qu'il prit à ces travaux. Ik sont
suivis d'un plan dressé par lui d'une expédition dans l'Afrique australe
occidentale, introduction au récit de son propre voyage, et qui fait amè-
rement regretter que la mort en ait empêché la réalisation complète.
Après avoir étudié consciencieusement les ouvrages des voyageurs les
plus récents dans cette région, et les Ciuies de Lanoy de Bissy, de
Merensky et d'Anderson, il se proposait de se rendre d'abord à Benguela,
pour explorer la partie méridionale des possessions portugaises, dont la
météorologie, la géologie, l'ethnologie et la zoologie n'ont encore jamais
été étudiées scientifiquement. Après cela, il espérait pouvoir pénétrer
dans la région qui s'étend entre le Cunéné et le Coubango, puis se por-
ter au sud vei*s le lac Ngami, parcourir la vaste étendue de pays que
bordent le Zambèze au nord et le Limpopo au sud , sans négliger les
territoires de l'ouest jusqu'à l'Orange, le Kalahari, l'Ovampo, le Dama-
raland et le Namaqualand. Les observations que renferment, sur les dis-
tricts de Mossamédès et de Benguela, les trois cents pages qui se rappor-
tent aux voyages à Humpata, Huilla, Quillenge, à travers la Serra de
Chella, peuvent nous donner une idée des services qu'aurait pu rendre h
la science le jeime voyageiu*, sans sa fin prématurée. Il était accompagné
de deux aides qui lui furent très utiles : MM. Godefroy et van der Kel-
len, attachés, l'un au Muséum ethnographique de Leyde, l'autre au
Muséum d'histoii'c naturelle de la même ville. Nous avons dit (VP aimée,
p. 148) les diflScultés rencontrées par l'expédition entre Mossamédès et
Humpata, et la salubrité du plateau sur lequel se trouve cette dernière
ville. Il est grand dommage que l'expérience de l'emploi de poneys do
Java tentée par M. D. Veth n'ait pu être poui'suivie plus longtemps,
puisque celui dont il se servait s'accommodait facilement au climat ; quels
services ne pouiTaient-ils pas rendre aux voyageurs dans ces régions où,
jusqu'ici, les chevaux d'Europe n'ont pas pu s'acclimater ! On comprend
la sympathie avec laquelle il décrit l'établissement de la petite colonie
(les Boers sur le temtoire portugais ; et on lui sait gré, d'avoir, quoique
protestant, su parler, avec les éloges qu'ils méritent, des travaux des
missionnaires portugais à Huilla.
Zeitschrift fur AFR1KANI8CHE Sprachen, hcrausgegebeu von C-tf.
Buttnerj Inspektor der ostafirikanischen Mission in Berlin. Berlin (A.
Asher et C*»), Octobre 1887. Jahrgang I. Heft I. in-8, 78 p. Mark. 3. —
L'étude des langues africaines, encore bien peu avancée il y a quelques
années, marche de pair avec les découvertes géographiques. Mieux on
— «1 —
tistique est indiquée d'après les Notices coloniales, publiées en 1885 à
l'occasion de l'exposition universelle d'Anvers. On y constate, en parti-
culier, ce fait que le nombre des Européens au Sénégal est toujours fort
restreint. A Saint-Louis, ils sont 1200 environ, et, en y ajoutant ceux
qui se trouvent répandus sur toute la surface de la colonie, on n'arrive-
rait pas à 2500. L'histoire des Français au Sénégal est conduite jusqu'en
1885, date de la cinquième campagne du colonel Borgnis-Desbordes.
Les derniers cbapiti*es se rapportent aux divisions politiques et adminis-
tratives, aux conditions d'exploitation, au climat du Sénégal. L'auteur
n'est pas un patriote aveugle. U ne se dissimule pas les dangers que
présente la colonie pour les Européens et les expose sans ambages, tout
en indiquant les moyens par lesquels l'administration lutte contre l'in-
fluence pernicieuse du climat. Peut-être arrivera-t-on à le rendre moins
insalubre. Toutefois M. Haurigot n'a pas l'air d'y croire fortement. Pour
longtemps encore, les fonctionnaires qui vivent sobrement et qui
observent toutes les prescriptions de l'hygiène ne pourront séjourner
plus de 4 ou 5 ans à Saint-Louis ou à Gorée. De tous les gouverneurs,
c'est le général Faidherbe qui y est resté le plus longtemps : une pre-
mière fois 7 ans et une seconde fois 2 ans. La plupart des autres n'ont
occupé cette haute fonction que quelques mois.
Louis Piesse. Algérie et Tunisie. Collection des Ghiides-Joanne.
Paris (Hachette et C^'), 1887, gr. in-12, 492 p. avec cartes et plans,
Fr. 12. — Comme la saison des voyages dans l'Afrique du Nord s'ouvri-
ra dans quelques semaines, il est temps de recommander aux touristes
le guide en Algérie et en Tunisie de M. Piesse. Il s'agit, du reste, d'une
réédition, rendue nécessaire par l'ouverture de plusieurs voies ferrées
nouvelles qui permettent d'aller d'Aïn-Temouchent, à l'ouest d'Oran,
jusqu'à Hammam-]if, à l'est de Tunis, ainsi que par la publication du
recensement quinquennal de la population algérienne et de plusieurs
autr^ documents statistiques. Au lieu de 52 routes que renfermaient
les anciennes éditions, l'itinéraire actuel en renferme 107 ; en outre, le
plan a été amélioré, les cartes revues et modifiées, surtout en ce qui
concerne les chemins de fer, le nombre des plans de villes, porté de dix
à seize, enfin l'index alphabétique remanié de manière à donner tous
les renseignements désirables au point de vue des moyens de communi-
cation, des hôtels et des auberges.
Le guide Piesse fait partie de la collection des Guides-Joanne, connue
et appréciée des touristes. Elle le cède peut-être aux Bœdecker au point
— H2 —
<le vue du nombre des renseignements, mais elle leur est supérieure
comme œuvre scientifique, car elle renferme en plus, particulièrement
dans le guide qui nous occupe, une bibliographie ainsi qu'un aperçu
géographique et historique qui fournit au voyageur une vue d'ensemble
du pays qu'il va parcourir.
L'itinéraire est divisé en quatre sections : Provinces d'Alger, d'Oraii,
de Constantine et Tunisie. Chacune d'elles comprend un certain nom-
bre de routes qui conduisent : dans la province d'Alger, jusqu'à Ouar-
gla et El Goléa ; dans celle d'Oran, au pays des Oulad-Sidi-Cheikh ;
dans celle de Constantine, à Touggourt ; en Tunisie, à Gabès et à Nefta.
Chacun comprendra que la rédaction d'un guide pour des pays dont
une faible partie seulement est colonisée, tandis que le reste est soumis
au régime militaire et habité par des tribus toujours prêtes à se révolter,
est beaucoup plus difficile que celle d'un itinéraire pour nos pays d'Eu-
rope. Pour la région côtière de l'Algérie où les chemins de fer et les dili-
gences circulent partout, le travail est relativement aisé, mais les Hauts-
Plateaux, le Sahara algérien et la plus grande partie de la Tunisie don-
nent lieu à des recherches nombreuses et à une étude particulière des
récits de voyage. M. Piesse a dû consulter de nombreux travaux, entre
autres ceux de MM. E. Reclus, le colonel Niox, les commandants Robin
et Rinn, Cagnat et Saladin. Il a eu, en outre, recours à la collaboration
de MM. A. Poulie, Poinssat, Canal et 0. Niel, et de quelques officiers de
l'armée française, que leur service a conduits dans ces lointains parages.
Toutes les fois que cela e^t possible, le guide indique les moyens de com-
munication pour chaque itinéraire, la durée et le coût du voyage, les
précautions à prendre, etc. Quand il s'agit d'une région souvent par-
courue, une carte spéciale, renfermant les lignes ferrées, les routes car-
rossables desservies ou non par les voitures publiques, les chemins à
mulets, permet au touriste de se rendre un compte exact du district
qu'il parcourt, grâce à un relief clairement dessiné et à des couleurs
bien distribuées. Mais il y a encore de vastes régions pour lesquelles les
indications sont insuffisantes. Pour aller à Laghouat, à Gardaïa, à Ouai'-
gla, Goléa, Touggourt, Géryville, et pour voyager dans la majeure par-
tie de la Tunisie, il ne suffit pas d'avoir une bonne santé et de l'argent,
il faut encore que les tribus soient tranquilles, la saison favorable, et que
le gouvernement accorde au touriste aide et protection, c'est-à-dire le
droit à la diffa et à Vhalfa : la diffa est l'hospitalité pour les gens, l'hal-
fa, l'hospitalité pour les bêtes. Le mieux est d'être chargé d'une mis-
sion par le gouvernement, ou d'accompagner un officier en expédition
— ()8 —
ou eu tournée administrative dans les tribus sahariennes. Dans les
autres cas, le voyage présente quelquefois de sérieuses difficultés.
Edouard Naville. Goshex axd the Shrine of Saft el Henneh. 1885.
Fourth memoir of the a Egypt Exploration Fund. » London (Trttbner
et O), 1887, in-4", 25 p. avec 11 planches. Fr. 32. — L'œuvre de notre
compatriote est assez connue, et vses talents ont été suffisamment mis en
relief par ses magniiiques découvertes, pour que nous puissions, sans
préambule, parler du mémoire qu'il vient de publier. Ce dernier se rap-
porte à une campagne effectuée au commencement de Tannée 1885,
campagne dont les résultats avaient déjà été, en substance, consignés
dans une lecture faite par M. Naville devant la « Royal Institution. »
Sans avoir Timportance de la découverte de Pithom, les fouilles entre-
prises en 1885 présentent un vif intérêt, aussi bien pour le.s érudits que
pour les gens du monde, et nul doute que le public ne fasse un accueil
très favorable à Touvrage du savant égyptologue. M. Naville, dont
l'anglais n>.st pas la langue maternelle, le manie pourtant avec une
grande facilité. Son style est simple et clair, sa méthode rigoureusement
scientiiique ; pour peu que Ton s'intéresse aux questions d'archéologie
historique, on prend plaisir à le suivre dans ses dissertations sur le sens
des inscriptions et la topographie des anciennes cités.
La pliLs grande partie de son mémoire est consacrée à l'interprétation
delà châsse de Saft el Henneh. Ce nom est celui d'un village situé h mi-
chemin à peu près entre Zagazig et Tel el Kébir. La région dont
l'auteur fait la description dans un premier chîipitre, renfermait beau-
coup de iniiiies, parmi lesquelles de véritables trésors. Elles ont été
pour la plupart dispersées ou détruites. La châsse de Saft el Henneh,
qui devait former un superbe monolithe, a été brisée pai* les fellahs
superstitieux, dans l'espoir d\v trouver de l'or à l'intérieur. Des mor-
ceaux en ont été recueillis çà et là, quelques-uns par M. Naville. Deux
ligures indiquent la restauration du monument. Toutefois la partie
supérieure manque ; les débris doivent avoir servi aux fondations du
pont de Saft el Henneh. L'épaisseur de la pierre était de 2 mètres et sa
hauteur de 2'", 20 environ. Sur les quatre faces, la partie inférieure est
occupée par trois lignes d'une inscription purement historique en larges
caractères. Sur la face frontale se trouvent des inscriptions verticales
de neuf lignes chacune, reproduisant des hymnes en l'honneur de Sept,
récitées par le pharaon Nectanebo II, auquel le monument e.st consacré.
Sur les «autres faces, figurent six registres horizontaux, portant aussi
des inscriptions et des représentations mythologiques. M. Naville donne
(les détails sur les différents fragments du monument et indique la tra-
des qualités thérapeutiques. L'absorption d'une bonne cuillerée à bouche
de mie! eucalypté dans un peu de lait devient un excellent mofiérateur
de la circulation. Après rélimination d'une partie des principes actifs
par les bronches et le larynx, la voix devient plus claire, plus éclatante,
les poumons sont plus élastiques, plus souples. Ou a fait essaimer des
abeilles domestiques, en Algérie, dans des plantations d'eucalyptus,
tuais pas en assez grandes quantités pour répondre aux besoins de la
thérapeutique. Aussi le Moniteur de V Algérie engage-t-il les colons
idgériens qui se trouvent dans le voisinage de plantations d'eucalyptus,
h. se livrer à l'élève des abeilles qui ne peut manquer de leur procurer
un réel profit.
Dans sa séance du 30 janvier, l'Académie des sciences a reçu commu-
nication d'une note de M. Philippe Thomas, attaché à l'expédition
scientifique de Tunisie, mmonçant la découverte, dans cette province,
de vastes cisements de phosphate de chmux, qui s'étendent très
loin sur la rive de la Medjerda, et se prolongent dans les départements
de Constantine et d'Alger, Le Journal officiel du 27 décembre 1887 en
avait signalé un il Médroraa, dans le nord-ouest du département d'Al-
ger. Jadis la Tunisie et l'Algérie étaient les greniers de Rome. Peut-
être la fertilité de leur sol était-elle due Jt sa richesse en phosphate. Les
grands gisements constatés permettrant vraisemblablement de rendre à
la terre arable son ancieiuie fertilité, et ces deux provinces pourront
redevenir un jour les greniers de la France.
S'il fauten croire les journaux anglais, Slatln be3',ancien gouverneur
du Darfour, occuperait aujourd'hui une haute position à Omdurman, et
jouirait d'une grande influence auprès du successeur du mahdi, Abdul-
' Les m&tières comprises dans nos Balletins mensuels et dans les Nouv^es corn-
pUmentairet j sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la cAte orientale du continent et
revenant par la tbte occidentale.
l'afkiqdi.
— 66 — ^
laï ; il espérerait même recueillir la succession d^ ce dernier, et aurait
renvoyé avec menaces, au Caire, un messager expédié par les Anglais
pour le délivrer, en déclarant que rien ne pourrait le décider à aban-
donner la position qu'il occupe actuellement. Lupton bey, ex-gouver-
neur de la province égyptienne du Bahr-el-Ghazal, est au contraire
l'objet d'une surveillance rigoureuse, sans doute parce que, comme
Émin pacha, il a refusé de prêter Toreille aux injonctions des mah-
distes.
Le marquis de Salisbury a informé le secrétaire de la Chambre de
commerce de Londres, que le consul général de S. M. britannique en
Egypte est en pourparlei*s avec le colonel Kitchner, à Soaakim, pour
abolir toutes les restrictions apportées au commerce avec le Soudan
oriental, autant du moins que les nécessités militaires de la situation le
permettront. Quant aux sujets anglais qui, à leurs risques et périls et
sous leur seule responsabilité, voudraient entrer en rapports d'affaires
avec ce pays, pour cultiver, par exemple, les terres du district de
Tokar ou d'autres districts convenables, aucunes restrictions ne leur
seront imposées.
La Société allemande de plantations pour l'Afrique
orientale a réussi à acquérir à Kibouéni, dans l'île de Zanzibar, un
terrain à six kilomètres de la ville et dans une situation des plas favora-
bles. Les communications avec Zanzibar peuvent se faire par eau au
moyen de barques, ou avec des voitures à bœuts par une route qui tra-
verse la propriété. La qualité du sol est excellente. Sur la plantation de
Léwa, à 6 kilom. du Pangani, s'élève une dizaine de bâtiments. Poui*
le moment, on s'y livre surtout à la culture du tabac qui paraît réus-
sir très bien. Une route à bœufs sera construite de Tchogoué, au bord
du Pangani, jusqu'à Léwa. Dans le voisinage inmiédiat de cette dernière
localité il y a peu de bétail, les forêts recouvi^ant la plus grande partie
du terrain ; mais, à quelque^^ kilomètres en amont, se trouvent de nom-
breux troupeaux de plus de cent têtes de bétail chacun. ïchogoué a
toutes les semaines un marché où se rassemblent 1500 pei^sonnes emi-
ron; on y échange de l'ivoire, du maïs, du riz, du blé cafre, des cannes
à suci'e, du tapioca et de petits poissons, contre des chèvres, des mou-
tous gras et des poules. Les produits européens^: cotonnades, perles,
miroii*s, couteaux, fil de fer, etc., sont achetés surtout par les carava-
nes qui traversent le Djagga et le pays des Masaï. La plantation de
Mbousiné, au nord du Wami, dans l'Ou-Sigoua, à environ 60 kilom. de
la côte, est, comme celle de Léwa, entourée par la forêt vierge. Mais le
— 67 —
sol déjà défriché a une profonde couche d'humus qui convient à la cul-
ture du tabac. On y a déjà fait des essais de culture d'indigo, de
coton et de café qui réussissent très bien.
A l'occasion de la mort du P. Picarda, directeur de la station de
Mandera, les Missions catholiques décrivent ainsi là ti'ansformation
opérée depuis l'établissement des missionnaires : a II y a quelques
années, l'endroit où s'élève la mission de Mandera, à quatre jours de
marche de la côte, et au milieu de trois tribus désolées par l'anthropo-
phagie, rinfanticide et les guerres perpétuelles, n'était qu'une colline
inculte, connue seulement des nombreux troupeaux d'antilopes qui y
passaient en courant, et des quelques indigènes qui leur donnaient la
chasse. Aujourd'hui, les antilopes n'ont point toutes disparu, les indigè-
nes n'ont point désappris les chemins qui les conduisaient là; mais le
voyageur qui anive, habitué à ne traverser depuis la côte que des pays
abandonnés aux broussailles et aux gi*andes herbes, s'arrête surpris de
se trouver tout à coup, sans transition, en présence d'une sorte d'oasis
d'où s'élancent la plupart des arbres fruitiers des tropiques, où un jar-
din traversé par un misse^u est couvert de légumes de toute espèce,
où de longues et larges allées donnent accès à un village chrétien, dis-
posé sur la pente de la colUne et grandissant à l'ombre de la croix qui
domine le toit de chaume de la maison des missionnaires. Une chapelle,
une maison d'école où les petits enfants des vieux chefs anthropophages
apprennent à aimer les hommes au lieu de les manger, des magasins,
complètent l'établissement. Tout autour, des fossés profonds, bordés
d'un talus, tapissés de plantes épineuses, et flanqués de quatre grandes
portes en pierre en forme de blockhaus, créent un système de fortifica-
tions simples, mais suflSsantes pour mettre le village à l'abri d'un coup
de main de la part des tribus pillardes du nord, et servir de refuge, en
cas d'alerte, aux indigènes des alentours. Les vallées où les léopards et
les lions avaient autrefois leurs repaires, ont été transformées en vastas
champs, où mûiisseut en ce moment le maLs, le riz et le sorgho, et où
Ton a commencé à planter du coton et du café. » — Dans un autre
numéro du même journal, nous trouvons ce renseignement intéressant
sur le changement qu'ont subi les élèves des missionnaires. « C'est en
ki-souahéli que nos chrétiens lisent et écrivent. A l'occasion, ils enti*e-
tieunent de lointaines correspondances. Ces joui*s-ci, j'ai vu arriver de
Malte une lettre envoyée par un enfant d'ici (Kipalapala), parti pour
l'Europe afin d'y étudier la médecine, et qui reviendra ensuite rendre à
ses compatriotes les services d'un art si utile. Il écrivait à un des mis-
— 68 —
. sionnaires en français, et répondait en ki-souahéli à un de ses camarades:
resté dans rOu-Nyanyembé. Loi-squ'ils étaient chez eux, il y a à peine-
quelques années, ces enfants que nous avons recueillis étaient, comme
les autres, voleurs, menteurs, et livrés à presque tous les vices. Ici, sous^
l'influence de l'éducation religieuse, ces vices ont à peu près complète-
ment disparu. Las vols sont devenus chose fort rare. Nos ballots^
d'étolfe restent jour et nuit dans la coui" ; les portes de nos chambres*
n'ont pas de serrures; il serait bien facile à ces enfants d'emporter
beaucoup do choses ; cependant je n'ai pas encore constaté le moindre
larcin. »
Dans un article publié par le Madagascar sur l'influence arabe et
mahométane à Madag^ascar, M. Marc Leclerc, après avoir expasé*
l'histoire du développement de cette influence jusqu'à nos joui*s, et de
celle que les Arabes émigrés à Madagascar, les Antalotsls en particu-
lier, exercent sui* les Malgaches, cite, à l'appui de sas aflSrmations, les:
lignes suivantes empruntées à un livi*e tout récent de M. J. Marfeld :
« Tout chef de village Antakar ou Sakalave a auprès de lui un Anta-
lotsi qui lui sert d'interprète, de confident et d'homme d'aft'aires. Rien
dans le village ne se décide que d'après le conseil de l'Antalotsi, de
sorte que c'est lui qui règne en réalité sous le nom du chef. Ces Anta-
lotsis entretiennent sans cesse des dissentiments, des jalousies ou das.
querelles, entre las chefs voisins. Ce sont eux qui ont le plus contribué
par leur perfidie à la désunion des Sakalaves après la mort du
redoutable Ramitra. Le gouvernement hova ne pouvait trouver de plus,
habiles auxiliaires. L'Antalotsi s'occupe aussi de convertir les indigènes-
à la religion de Mahomet, et à l'occasion il fait le trafic des esclaves. »
Dans une lettre au Conseil de la mission romande, M. Mingard, établi»
à la station d'Élim, au nord du Transvaal, écrit que la fièvre de l'or-
règne toujours dans le pays, inondé d'une multitude d'ouvriei'sdetoute^a
races. Le reflux s'en fait sentir jusqu'aux Spelonken : « Deux Allemands
ont planté leur tente au bord de notre rivière pour faire des essais de
lavage d'or d'alluvion. Ces gens là ne voient que leur or, et, malgré la
chaleur extrême, ils séjournent dans les bas-fonds et vont jusqu'au Lim-
popo pendant la saison des pluies. Si d'un côté l'or amène la prospérité
matérielle du pays, d'autre part que de maux ne cause-t-il pas? La
débauche et Tivrognerie sont la passion de ces chercheurs d'or, et les.
noirs n'en subissent que trop la mauvaise influence ; outre cela, il en
résulte pour les missionnaires que les approvisionnements coûtent tou-
jours plus cher, vu que le transport renchérit toujours plus et que la.
— vô-
tres. Us rae firent tous de belles promesses : plus d'épreuves à Teau
bouillante, plus de poison, plus de bûchers!... Mais nous ne nous y
trompons pas, ce n'est pas du premier coup de bélier qu'on fera crou-
ler, qu'on peut même ébranler les murs de la superstition. »
Le Cape Argus annonce que MM. Wood, Chapman et Francis, ont
obtenu de Lobengula, roi des Hf a-Tébélé, une concession pour quatre-
vingt-dix-neuf ans, avec droit exclusif d'exploiter les foi-éts et les mines»
de construire des routes et des bâtiments, etc. Mais il ajoute que cette
concession est rendue précaire par les prétentions de Khamé, roi des^
Ba-Mangwato, sur le territoire auquel elle s'applique. La limite entre
les royaumes de Khamé et de Lobengula n'a pas été tracée d'une
manière bien précise. Au mois de mars 1887, Lobengula a fait savoir à
Capetown qu'il n'était pas réellement en paix avec Khamé, parce que
celui-ci ne l'a jamais consulté sur la question des limites. La frontière a
été tracée par sir Charles Warren comme limite du protectorat britan-
nique. Lobengula a déclaré qu'il ne peut pas parler du territoire jusqu ''à
ce que Khamé lui ait fait connaître la ligne frontière qu'il a tracée,
parce que, si ce dernier lui a pris quelque parcelle de terrain, il lui eu
demandera raison. Si la concession portait sur le territoire de Tati, elle
ne serait guère moins précaire, Lobengula ayant reconnu à M. S. Ed-
wards seul, le droit d'en exploiter les gisements aurifères. Le haut com-
missaire pour le pays des Be-Chuana, placé sous le protectorat britan-
nique, a proposé à Lobengula de soumettre la question des frontières
au gouvernement de la reine. M. Moffat, aide-commissaire, devait se
rendre à Gouboulououayo, pour avoir une entrevue avec le roi des
Ma-Tébélé et lui oiïrir l'assistance du gouvernement anglais, en vue de
résoudre le différend existant au sujet des limites. Dans tous les cas»
conclut le Cape Argus, il sera nécessaire d'user d'une extrême sagesse
avec les chercheurs d'or qui heurtent à la porte des États de ces deux
souverains.
Le Cape Times a publié, sur le pays des Be-Chnana, une lettre d'un
Anglais qui y habite depuis dix ans, et qui en fait un tout autre tableau
([ue celui que présentent ordinairement les manuels de géographie*
« J'avais sur cette contrée, » dit le correspondant, « les idées de tout le
monde, je le croyais stérile et impropre à toute culture, mais depuis le
séjour que j'y ai fait, mon opinion s'est modifiée sur bien des points. La
plus grande partie du Be-Chuanaland se compose de prairies ; l'herbe
qui y pousse est substantielle et peut fort bien supporter la sécheresse.
Il y pousse en outre deux sortes d'arbustes totalement inconnus au Cap :
— 71 —
ce sont le vaalbosch et le razynkiebosch, tous deux donnant une excel-
lente nourriture pour le bétail, ce qui augmente considérablement la
valeur du pays comme pâturage. Le vaalbosch surtout est une véritable
richesse pour le pays, c'est un arbuste toujours vert qui constitue donc
une re>ssource précieuse, tant en hiver que dans les époques de séche-
resse. Le razynkiebosch se dépouille de ses feuilles en hiver, mais au
printemps et en été il fournit une nourriture abondante et saine pour les
bêtes à cornes, les brebis et les chèvres, qui s'en montrent très frian-
des: il porte de plus comme fruit des baies douces qui servent de nour-
riture aux indigènes, et dont les Boers font une sorte de sirop qui leur
sert de sucre. Mais le grand avantage que possède le Be-Chuanaland
sur la Colonie du Cap, c'est sa richesse en eaux souterraines. La raison de
ce fait tant contesté, mais actuellement établi, est simple : le Be-Chua-
naland est un haut plateau, sans cours d'eau, au terrain sablonneux;
par suite, toute l'eau provenant des pluies est absorbée et se réunit dans
des réseiToirs souterrains, au lieu de s'écouler vers la mer en entraî-
nant le sol végétal, comme c'est le cas dans la Colonie. Les pluies dilu-
riennes des mois d'été alimentent ces réservoirs, et on peut conclure que
tout le pays est sillonné sous terre de cours d'eau tràs nombreux ; il
suffira ordinairement de creuser un puits de 3"" à H™ de profon-
deur pour trouver de l'eau en abondance. Il n'existe que peu de
sources à la surface du sol; celles qui se montrent dans le Be-Chuana-
land, à de rares intervalles, s'écoulent et se perdent dans le sable.
L'existence des cours d'eau souterrains n'est pas une simple hypothèse.
A cinq heures de Vribourg, dans la fenne de M. Brezuidenhout, se
trouve un trou assez large pour permettre à un homme de s'y glisser; à
une profondeur de 4"*, on voit couler un fleuve d'eau claire. On a e^ayé
de sonder l'eau, mais on n'a pas pu atteindre le fond. On a même un
jour descendu un homme en le tenant par des cordes; il a rapporté que
l'intérieur du trou ressemble à une coupole, et qu'aussi loin que porte
la vue on ne voit qu'une même nappe d'eau. Cet endroit n'a été décou-
vert par les indigènes que par hasard, le sol s' étant défoncé un jour oii
une vache y passait, après quoi les noirs essayèrent en vain de boucher
l'orifice béant pour éviter les accidents. »
Le consul de France au Cap infonne le commerce français d'expor-
tation, qu'en dehors des articles de Paris, les principaux produits
demandés dans la colonie sont les cotonnades, les perles destinées aux
indigènes de l'intérieur, les vins et les eaux-de-vie de bonne qualité, les
couvertures de laine rayées pour les noirs, les armes de précision, les.
— 72 —
chaussures, la bijouterie, les vieux uniformes, les épiceries, les tissus
mélangés de laine et de caoutchouc, les rubans, les chapeaux et les
robes de fenune, 1^ coiffures à large bord pour les hommes, la verrerie,
la porcelaine commune, etc. Pour toutes celles de ces marchandises
dont la destination finale sera le centre de l'Afrique, de même que pour
les annes que les colonies anglaises ne reçoivent pas en transit, la voie
la plus courte est celle de Lorenzo-Marquez qui se recommande, en
outre, à cause de la diminution des droits d'entrée décrétée par le gou-
vernement portugais.
Une exposition sud-africaine, dite du jubilé, a été ouverte à Graha.ms-
toivn par sir Hercules Robinson. Dans un banquet donné en son hon-
neur, le gouverneur de la colonie a rappelé « les conventions pour les
postes, les télégraphes, les extraditions, etc., conclues avec les républi-
ques voisines, et exprimé Tespoir qu'une prochaine conférence aboutira
à un accord pour les questions de douanes et de chemins de fer qui réa-
liserait, sur un terrain pratique, une union entre tous les états de
l'Afrique australe. Sans doute il existe des difficultés, mais la vraie poli-
tique pour l'Afrique méridionale serait une union douanière entre lo^s
colonies et les États de cette partie du continent, basée sur un tarif uni-
foi-me à l'égard du monde extérieur, et sur une liberté absolue à Tinté-
rieur, à travers toute l'Afrique australe. Les chemins de fer suivraient
aloi*s les tracés les plus propres à développer les ressources de tout le
pays. » Dans une conférence tenue à l'occasion de l'exposition, il a été
résolu de créer une association des manufacturiers de l'Afrique aus-
trale.
La Gazette de Lorraine nous apprend qu'une division de la flotte
allemande se rendra prochainement dans le LOderitzland et y débar-
quera un certain nombre de soldats de marine, afin que la Compagnie
de r Afrique occidentale puisse, sans être inquiétée, procéder à la cul-
ture du sol et à l'exploitation des mines d'or. Le D' Gœring, commis-
saire de l'empire dans l'Afrique sud-ouest, retournera dans ce pays
après la publication de la loi impériale concernant les métaux précieux.
Il organisera en premier lieu le corps de troupes coloniales, afin de réta-
blir, de concert avec la flotte, l'ordre et la tranquillité dans les territoi-
res soumis au protectorat de T Allemagne. Le baron François de Stein-
aecker, qui avait été le chef de la première expédition de la Compagnie
allemande de l'Afrique occidentale, prendra le commandement des
troupes; il aura sous ses ordi'es deux sous-lieutenants, MM. Adolphe
de Steinaecker et de Quizow. Ce dernier partira avec le commissaire de
— 73 —
Tempire ; les autres se trouvent déjà en Afrique ; 8 sous-officiers de dif-
férentes armes se rendront également en Afrique. Le corps de troupes
comprendra 150 hommes, dont 50 cavaliers ; le reste se composera d'in-
fanterie et d'artillerie. M. Gœring emporte aussi les canons qui sei-viront
à pi-otéger sa résidence à Otjymbingué.
Le Missionary Herald de Boston publie un rapport de MM. Currie
et Sanders, missionnaires au Bihé, qui ont fait au nord et au nord-
est de Bihé une excursion en vue d'étudier le pays et le caractère des
populations, dans l'espoir de trouver un site favorable pour une nouvelle
station. Après deux jours de marche vers l'est, ils passèrent le Cuito et
arrivèrent à la résidence de Kapoko en traversant un nombre considé-
rable de \illages. Le territoire de Kapoko, partie du Bihé, est situé
entre le Cuito, au sud, la Quanza, à l'est, l'Ékoungi, à l'ouest et au
nord ; il renferme la moitié de la population du Bihé. Le chef Kapoko
descend de la famille royale du Bihé par les femmes. Dans sa jeunesse,
il fut chassé de la résidence et réunit autour de lui un grand nombre de
partisjins, à l'aide desquels il réussit à conquérir la première place dans
le royaume. Seul il a le droit de passer par la porte royale au son des
trompettes et des tambours, et il est le premier que l'on consulte pour
le choix d'un nouveau roi. A une journée de marche de cet endroit se
trouve Olimbinda, centime d'une \ingtaine de villages à proximité de
deux grandes routes menant à l'intérieur. De là, MM. Currie et Saiidei*s
se dirigèrent vei*s le N.-O., traversèrent l'Ékoungi et arrivèrent à la
résidence de Cisendi, qui voulut les retenir pour une partie de chasse ;
mais ils poursuivirent leur route au N.-E., et au bout de trois jours
atteignirent la Quanza à travei*s un pays peu peuplé. En approchant
de la rivière, ils aperçurent des centaines d'entraves de bois le long de
la route ou aux branches des arbres. C'étaient les liens qu'avaient portés
les esclaves amenés de Tintérieur; une fois le fleuve traversé, leurs
maîtres avaient jugé que ce moyen de les empêcher de s'échapper
n'était plus nécessaire et leur avaient permis de déposer ces entraves.
Sur les deux rives de la Quanza s'élèvent de nombreux villages de Gan-
guellas, dont les habitants paraissent intelligents. Leurs poteries et
leurs instruments en fer témoignent d'une grande habileté. Ils circulent
sur le fleuve, pour trafiquer en amont et en aval, dans des pirogues creu-
sées dans le tronc de figuiers sauvages. Les missionnaires suivirent la
rive méridionale de la Quanza jusqu'au point oîi elle reçoit la Koukéma ;
au confluent, les deux rivières ont un débit considérable, et la première
offrirait une voie navigable très avantageuse si son cours n'était pas
obstrué par des rapides. ^
rsnan de BrAzza est nnivé h Paris, après une année de
ins la colonie du Con^o ftrançala. Le Temps résume ajuai
tats obtenus en 1(^7 par le commisiiaire général au Congo : « A
ir les approvisionnements ;jont aesurés pour uir an ; l'ordre, un
rouble entre tribus indigènes, mais non pas entre indigènes et
, est partout rétabli. Deux chaloupes à vapeur démontables cir-
présent. Tune sur le Congo, l'autre sur l'Ogôcué. M. de Cha-
st parti en exploration, ainsi que ses deux auxiliaires, MM. Fé-
puant de vaisseau, qui n'est pas moil comme on l'avait dit (il u
])pris sji jnort par un journal venu de France) et Dotixie. Ce
i perdu, comme on t'a dit, cinq hommes dans une bagarre entre
j, mais aucun de ces cinq hommes n'appartenait au contingent
i. Une nouvelle voie commerciale a été ouverte, il y a trois mois,
go, l'un des ports les plus sûrs de la côte, et par le Xiari Quil-
ire commence à venir de ce côté, en coucurreiice avec la voie du
elge. En somme, la situation, dit M. de Bi'azza, est des plus
LHtes ; on a fait en 18B7 près de (iOO,000 francs de recettes de
et le chiffre d'affaires de l'Ogôoué a été de 1,700,000 francs
îilors qu'il n'avait été que de (îOO.OOO francs en lS8t». M. de
1 laissé lo gouvernement du (Jabon et du Congo fran<;aiK au
lis Sorela, lieutenant d'infanterie de marine espagnole, est
1 Espagne, à la tin de janvier, d'un voyage d'exploration à la
identftie d'Afrique et dans l'intérieur de l'Ile de Fernando-
•ès avoir visité la partie basse du Sénégal, les possessions
i et portugaises de la côte, la république de Libéria et Lagos, il
à FernaudcHPô pour explorei" spécialement le territoire des
<sté jusqu'ici k peu prés fermé aux Européens. On supposait
était couverte d'immenses forêts vierges. M. Sorela a pu co»-
le cette végétation exubérante disparaît complètement à une
de 1500'" au-dessus du niveau de la mer, où aux bois touffus
t de vastes vallées qui jouissent, sous ce climat, du privilège
accessibles aux lièvres. Il y croît à peine quelques arbustes iso-
es cultures européennes pourraient y prospérer. Quant aux
îux de l'intérieur offrent un contraste fi-appant avec ceux des
iresseux, adonnés à l'ivrognerie, dégi-adés physiquement et
eut. A l'intérieur, au contraire, ils sont actifs, intelligent»,
de haute taille ; leur gouvernement est bien équilibré et leui-s
ns sont remarquables. Depuis plusieurs années, ils ont pour roi j
- 75 —
Tu» d'eutre eux, qu'ils uoranient Moka. Ce souverain réside près de
Biapas (Conception). D'après le récit d'un voyageur, aucun blanc
n'avait jamais vu Moka, qui ne laissait pas les blancs approcher, ce qui
n'empêche pas qu'il n'ait une grande intelligence et qu'il n'ait accompli
d'importantes améliorations dans les mœurs de son peuple. M. Sorela
est pa^^^enu à détruire l'opinion d'après laquelle la moi-t du Moka était
inévitable s'il était vu par un blanc. L'explorateur a réussi à obtenir
plusieurs audiences du roi, à lui serrer la main, et à dissiper les erreurs
dans lesquelles il était à l'égard de l'Espagne. Moka lui a donné une
amulette en forme de bracelet, composée de divers fils dans lesquels
sont passées de petites coquilles ; en retour, M. Sorela lui a donné un
drapeau espagnol.
Le vice-amiral anglais sir Walter Hunt-Gmbb a réuni à Bonny les
trafiquants, les rois et les chefs des tribus de la région qui s'étend de la
rive droite du Bénin au Rio-del-Rey, pour leur notifier officiellement
l'établissement du protectorat britannique sur les rivières, et l'ouver-
ture pour tout le monde de tous le« marchés de l'intérieur. Il a engagé
les rois et les chefs à s'abstenir de toute vexation envers les Européens
qui voudraient se rendre à ces marchés, le consul anglais ayant l'ordre
de punir sévèrement toute infraction à cette recommandation. Le consul
Johnston a nommé des vice-consuls sur les diflférentes rivières de cette
région, et créé des conseils locaux composés de trafiquants européens et
de chefs indigènes pour maintenir l'ordre.
D'après une lettre de M. G.-A. Kranse à M. Henri Duveyrier, au
mois de mai de l'année dernière, une expédition envoyée par le gouverne-
ment de la colonie anglaise de la Côte d'Or, est amvée à Kpembi
iPami), résidence d'un roi près de Salaga. Elle était commandée par le
capitaine anglais Firminger et par un mulâtre nommé Easmon, docteur
en médecine ; son but était de recruter des hommes pour le corps appelé
les soldats haoussas de la côte. Ils n'ont pu réaliser leur dessein qu'im-
parfaitement, le roi de Kpembi leur ayant interdit le voyage à Yendi,
capitale du Dagamba, et à Sinsani-Mangou. A la date du 20 décembre,
M. Krause, écrivait d'Accra, Côte d'Or, que l'on donnait au capitaine
Firminger la mission d'aller à Salaga, probablement pour en placer le
territoire sous le protectorat britannique. M. Krause est arrivé àLiver-
pool le 23 janvier, et compte retourner prochainement en Afrique. Nous
aurons à revenir sur son exploration dont les résultats modifieront cer-
taines indications des cartes existantes.
La mort du marabout Mahmadou-Lamine a eu pour conséquence de
— 76 —
toute la vallée supérieurf; de la Chuabie sous le protectorat de-
lice; seK chefs. Jusqu'au Fontn-DjMllon, ont juré fidélité à la
i. Dés lors le commerce pourra coutinuer désormais tranquille-
ion œuvre et s'implanter daiis le Fouta-Djalloii par de nouvelles
iue le commandant supérieur, le colonel (ralliéui, cherche à ouvrir
s; côtés. Actuellement des missions d'ofSciers font le levé de ces
lexplorés et en étudient les ressources. Le sous-lieutenant d'infaii-
e marine Levasseur marche sur le Fouta-Djallon par la vallée de
imé, et essayera ensuite de revenir par les établissements fran<;ais.
[)asamauce. Un autre officier explore les bords supérieure de la
e et doit se rejeter sur le Bambouk. Le capitaine Oberdorf est eu
pour le Bouré, d'où il se rabattra sur le Fouta-Djallon et les
s du Sud. Après avoir organisé, au camp de Galougo, les chantiers
oie ferrée, et donné des instructions pour la pose du chemin de
irauville et pour le transport de la canonuiére jusqu'au Niger, le
I (ialliéui a pris en pereotine le commandement de la colonne qui
téger la construction du fort de Siguiri, au confluent du Niger et
kisso. La brigade chargée de construire la Ugne télégraphique
tquipes d'ouvriers avaient pris les devants. Comme il faut que le
it terminé avant les pluies, sa construction n'est pas une mince
; il faudra en effet l'éditîer avec les seules ressources du pajn :
, bois fourni par les arbres des forêts, chaux fabriquée avec les
es du Niger, etc. Ce fort construit, il ne restera plus qu'à fonder
[lier établissement dans le Fouta-Djallon et à donner la main aux
français des rivières du Sud. L'œuvre du Soudan sera alors ter-
et te commerce français pourra prendre possession de l'immense
latère fonné par Saint-Louis, Timbouctou, Siguiri et Benty. ^
iteaant-colonel Gallléui a télégraphié de Siguiri que la colonne
ivée sur ce point le 23 janvier, après des marches très pénible$,-à
: un pays accidenté. 11 a fallu jeter de nombreux ponte sur àe^
ux et dos rivières, pour ouvrir un passage à l'artillerie et aux
i de vivres et de matériel fonnés de deux cents voitures. Les abords
ige de Siguiri sont, paralt-il, couverts de trous profonds servant
■action de l'or. Le pavillon français a été hissé sui" l'emplacement
:e. à 1,800 mètres du Niger. Les travaux de construction du fort
nmencé le soir même de l'arrivée de la colonne. Les nouvelles
des différentes missions sont boimcs. La colonne du Bélédougou
é jusqu'à Niamina, sur le Niger, oii elle va essayer d'obtenir
■ nord les résultats obtenus par le capitaine Fortin dans le sud.
îion du Fouta-Djallon est parvenue à Dinguiray.
— é i —
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
C'est à Oran que se tiendra cette anuée, à la fin de mars, le Congrès de la
Société pour Pavancement des sciences.
La Compagnie minière de Mokta-el-Hadid a traité avec une société anglo-amé-
ricaine, pour une livraison de 120,000 tonnes de minerai de fer dont la plus grande
quantité est destinée à l'Angleterre. Plus de 70 vapeurs seront affrétés pour
«ffectuer ces transports.
Pour encourager la culture de la ramie en Algérie, le gouvernement français a
institué des primes annuelles de 300, 500 et 1000 francs pour les cultures les plus
soignées de cette plante, d'une étendue de deux bectares au moins, de cinq hec-
tares au plus ; et des prix de 200, 300 et 400 francs en faveur des cultivateurs de
ramie de dix ares au moins et de deux hectares au plus.
Le gouvernement égyptien a approuvé la concession, à sir C. Zervudaki, de la
construction d'un chemin de fer à voie étroite à travers les terrains limitrophes
du nouveau canal Nubarieh.
La Société française Decauville, qui a acquis une réputation universelle pour le
matériel portatif des chemins de fer, a expédié à Massaouah pour la voie ferrée
construite par les Italiens, 50 kilom. de voie de 0",60, cinq locomotives et un très
^and nombre de wagons, pour porter des canons, des blessés, des provisions de
toutes sortes et même des blocs de glace.
On mande du Caire au Daily Chronicle que le patriarche copte, en Egypte, a
^voyé une mission au négus d'Abyssinie pour le dissuader de se lancer dans une
guerre contre les Italiens, et qu'il a adressé une circulaire dans le même sens au
clergé abyssin.
Le sultan de Zanzibar a loué à la Société des missions évangéliques pour
l'Afrique orientale allemande un terrain d'environ vingt arpents, pour cent ans,
près de l'entrée du port de Dar-es-Salam. Une maison y sera construite sans délai
pour les missionnaires; pour cela le sultan a cédé gratuitement les pierres de
quelques palais en ruine laissés inachevés par son frère. Le comité de l'hôpital a
réussi à acquérir un terrain et un bâtiment convenables dans lequel ont pu être
installées les deux diaconesses envoyées à Zanzibar ; elles devaient commencer
leurs fonctions hospitalières dès le mois de février.
D'après VAfriean Times il serait question de construire un chemin de fer pour
pénétrer de la côte à l'intérieur du territoire réservé à l'influence anglaise au nord
de la ligne tracée par la convention anglo-allemande.
Un télégramme de Zanzibar a annoncé à la Société des missions de Londres que
le steamer Good News a été lancé sur le Tanganyika. Il s'est rendu pour sa pre-
mière course à Oudjidji et ensuite à l'extrémité sud du lac.
La Deutsche KcHonial Zeitung nous apporte la nouvelle que les stations mis-
sionnaires de l'Église libre d'Ecosse du lac Nyassa se trouvent dans une situation
critique. Les Arabes trafiquants d'esclaves se sont établis au nord du lac, et les
f •
— 78 —
indigènes ont dû se cacher dans les roseaux. Pour se venger, les Arabes ont mi&
le feu aux roseaux, et quantité d'hommes, de femmes et d'enfants ont péri dans,
les flammes. Les chasseurs d'esclaves continuent leurs razzias.
A la suite d'un traité conclu en^re le gouvernement de la Colonie du Cap et
les Pondos, les Anglais ont annexé le territoire connu sous le nom de Rodes. Les
indigènes ont renoncé à leurs prétentions sur le territoire du fleuve Saint-John et
du Xésibéland, moyennant une rente payée au chef des Pondos. En outre l'Angle-
terre a déclaré territoire britannique tout le Zoulouland, à l'exception des parties.
du centre et de l'ouest et du Swaziland occupés par les Bœrs venus du Transvaal
et qui y ont constitué la nouvelle République.
Il s'est formé à Baltimore, au capital de deux millions de dollars, une compa-
gnie de navigation à vapeur, dont les steamers transporteront des passagers, des.
émigrants, les malles-postes et du fret, de Baltimore et de Savannah aux îles Cana-
ries, à la côte occidentale d'Afrique, à la République de Libéria, à la Côte d'Or
et jusqu'à l'embouchure du Congo. Les importations consisteront en cuirs, poudre
d'or, pelleteries, caoutchouc, huile, ivoire, noix et huile de palme, café, cacao, riz
et autres produits de l'Afrique; les exportations comprendront des cotonnades^
des articles manufacturés, etc.
Sur la proposition des administrateurs généraux de l'État indépendant du Congo,,
il a été créé une dette publique au capital de 150 millions de francs, représenté»
par 1,500,000 obligations de 100 francs remboursables en quatre-vingt-dix-neuf
ans. La souscription publique sera ouverte à Bruxelles le 7 mars prochain.
Depuis le mois de février les départs des paquebots-poste de la ligne d'Anvera
au Congo ont lieu le 15 de chaque mois.
Une lettre du capitaine Cambier au Mouvement géographique de Bruxellea
annonce l'arrivée de l'expédition d'études du chemin de fer du Congo à la rivière
Loukounga, jusqu'où le levé a été conduit. Un massif de maçonnerie a été établi
au point où les travaux ont été momentanément abandonnés, par 5'',27',30* lat. S.
L'expédition hiverne à Loutété dans les bâtiments de la factorerie française, louéa
par l'État et mis gracieusement par celui-ci à la disposition de M. Cambier et de
ses compagnons de travaux. Une seconde expédition partira en mars ou en
avril pour aller renforcer la première et poursuivre avec elle les travaux jus-
qu'à Léopoldville; on compte qu'ils pourront être terminés avant le retour de la
mauvaise saison.
On a construit à Borna trois nouvelles maisons pour les agents et les différents
services de la station, indépendamment des annexes aux établissements do la force
publique et de quelques dépendances. La construction d'une grande maison desti-
née à la brigade topographique va commencer.
Une expédition commandée par le capitaine Yan de Yelde s'est mise en route
de Borna pour Léopoldville, où elle s'embarquera sur le Stanley, à destination de&
Falls, résidence de Tipo-Tipo. On espérait qu'elle arriverait en ce point vers la
mi-février.
M. Dupont, directeur du musée d'histoire naturelle de Bruxelles, est revenu du
— 79 —
Congo, où son exploration scientifique lui a permis de constater la présence d'une
grande quantité de malachite, et, sur certains points, les traces irrécusables d'une
culture préhistorique d*un haut intérêt.
M. de Chavannes, chef de la station de Brazzaville, a dû quitter Stanley-Pool à
la fin de novembre pour se rendre à l'Oubangi, à bord du vapeur VAlima, cédé à
rÉtat français par la maison Daumas, Béraud et C'*. M. Delcommune, agent de
cette maison à Brazzaville, devait prendre passage sur le steamer en vue de faire
des achats d'ivoire pour le compte de sa factorerie.
Le vapeur le Djoué construit à Diellé, poste français du haut Alima, est ter-
miné et descendra bientôt au Congo. Cela portera à neuf le nombre des steamers
naviguant actuellement sur le Congo moyen.
L'expédition scientifique du Cameroun dirigée par le lieutenant Kund a quitté
l'embouchure du Kibri le 7 novembre, et le 19 elle est arrivée à Bongolo, prin<;ipal
▼niage du Goumba. Le pays traversé est couvert d'épaisses forêts et la population
en est clairsemée. Bongolo est à 650™ d'altitude au-dessus du niveau de la mer,
dans une chaîne de montagnes boisées, dont les sommités rappelaient aux explo-
rateurs les formes des monts de la Forêt-Noire.
Les restes du D' Nachtigal ont été exhumés le 27 décembre du cap Palmas et
transportés au Cameroun, où sera érigé un phare qui portera son nom.
Le prince noir Alfred Bell, de Bellsdorf au Cameroun, qui était venu à Berlin
avec deux de ses camarades, pour y apprendre le métier de charpentier, s'est
rendu à Brème pour s'initier au métier de serrurier.
D'après les nouvelles de Victoria, le D' Zintgraff s'est embarqué le 14 décembre
dernier, avec 30 porteurs, sur le vapeur le N(xchtigaly pour le Rio del Rey, d'où il
se dirigera vers le lac des Éléphants, où il est chargé de fonder une station scien-
tifique. La seconde partie de l'expédition allemande, conduite par le lieutenant
Zetiner, remontera le Moungo en canot jusqu'à Moundamé, et cherchera à attein-
dre le lac susmentionné par le versant est du Cameroun.
Le D' Ludwig Wolif, ancien membre de l'expédition Wissmann et le premier
explorateur du Sankourou, a été chargé par le gouvernement allemand d'explora-
tions scientifiques dans les parages de la colonie allemande de Togo. Il est parti
de Lisbonne, le 6 février, à bord du steamer Berlin^ à destination de Madère. Une
seconde expédition ayant pour but l'exploration d'une autre partie de la même
région est placée sous la direction du lieutenant von François ; elle poursuivra ses
recherches d'une manière indépendante de la première.
Sir Henri Holland, secrétaire d'État pour les colonies anglaises, a informé la
Chambre de commerce de Londres qui demandait la nomination d'un résident bri-
tannique à Coumassie, que la paix dans l'Achanti n'était pas encore assez assurée
pour y installer un résident; le gouvernement se bornera pour le moment à nom-
mer un second commissaire itinérant pour continuer l'œuvre du capitaine Lons-
dale, lorsque celui-ci devra s'absenter pour venir en congé.
M. J.-C. Reichenbach, auquel on doit les premiers renseignements sur Pexis-
tence d'un âge de pierre au Gabon, a écrit d'Assinie, côte occidentale d'Afrique, à
-80-
la Société de géographie de Paris, qu'il a eu à parcourir le territoire d'Âssinie et
qu'il en a profité pour faire des corrections et des additions à la carte du dépôt
de la marine. Il ajoute qu'une exploration sérieuse jusqu'au Kong, par les routes
de TAkba ou de la rivière Bia, serait intéressante tant au point de vue géogra-
phique que commercial.
Le gouvernement français a fait prendre possession des îles Alcatras, et la
Compagnie française de la côte occidentale d'Afrique s'est adressée au département
de la marine et des colonies pour obtenir le droit d'exploiter les gisements de
guano dont ces îles sont recouvertes.
Les commissaires français et portugais pour la délimitation des possessions res-
pectives des deux États sur la côte de Guinée, se sont rendus à Boulam, capitale
de la Guinée portugaise, pour y commencer leurs travaux.
L^ production d'arachides en 1877, dans le Cayor, a dépassé de moitié celle de
Tannée précédente ; malheureusement le transport à la côte en est très difficile, le
ehcmin de fer ne pouvant en charger que quarante tonnes par jour, en mettant
tout son matériel en mouvement, tandis que les comptoirs de l'intérieur pourraient
en expédier plus de trois cents. On est forcé de refuser ce produit aux indigènes
et des stocks considérables sont perdus.
La Epoca publie une information de Funchal, île de Madère, annonçant qu'un
vapeur portugais y a débarqué 350 hommes pour aider à l'autorité à réprimer
des troubles sérieux qui ont éclaté sur plusieurs points de l'île, en suite de la
résistance opposée par la classe pauvre au paiement de la contribution imposée
par le gouvernement. Sur quelques points même des collisions se sont produites et
on a eu à constater des morts des deux côtés.
D'après une dépêche de Tanger, l'empereur du Maroc a accordé à une compa-
gnie belge la concession d'une ligne de chemin de fer de Fez à Mcquinez.
M. P. de la Martinière est chargé d'une mission au Maroc, en vue d'y pour-
suivre des études de géographie comparée et d'archéologie.
LE COMMERCE ET LA NAVIGATION ENTRE L'ALGÉRIE, LA TUNISIE
ET LA FRANCE
Nous attirons ratteiitiou de nos lecteui^s sur la carte jointe à ce.
numéro. Elle est empruntée au Guide p ur V Algérie et la Tunisie, par
L. Piesse. Au moyen de signes spéciaux différant pour chaque service,
elle indique les lignes de navigation qui unissent la France, Tltalie et
1 Espagne, d'une part, à la Tripolitaine, la Tunisie, l'Algérie et le
Alaroc, d'autre part. En y jetant un coup d'oeil, on peut se rendre
compte des relations multiples qui existent entre les ports du nord, en
))articulier Marseille, et ceux du midi, parmi le^squels Alger, Oran et Tunis
— 81 —
occupent le premier rang. Comme la plus grande partie du commerce
algérien et tunisien se fait par mer, la marine, et sur tout la marine à va-
peur, a dû bénéficier de l'accroissement du mouvement des échanges. Or
cet accroissement a été énorme ainsi qu'on peut le déduire des rensei-
gnements fournis par M. Leroy-Beaulieu dans l'ouvrage qu'il vient de
faire paraître sur V Algérie et la Tunisie. Le commerce entre l'Algérie
et l'Europe est actuellement huit fois plus considérable qu'en 1850 et a
doublé depuis 1870. Toutefois, comme c'est le cas pour les colonie^s
jeunes, dont les échanges dépendent des saisons et des fluctuations du
prix des matières premières, les chiffrer de l'importation aussi bien que
de l'exportation présentent, suivant les années, des écarts très grands
dont on peut juger par le tableau suivant :
Années.
Importation.
Exportation.
1872
197
millions de francs
165 millions de francs
1879
272
V
152
»
1880
303
))
1(>9
))
1881
342
»
144
h
1882
412
»>
150
)'
1883
320
)) •
144
);
1884,
290
»
I7(i
»
1885
238
»
195
)»
Il n'y a pas lieu de s'étonner de l'inégalité d'accroissement entre
r importation et l'exportation, ni de l'excédent des entrées sur les sor-
ties. Indépendamment du fait que, de 1880 à 1883, les récoltes ont été
en général médiocres et que le prix des minerais et de l'alfa a baissé,
ces indications de la statistique s'expliquent par une raison plus géné-
rale. Le commerce de l'Australie et des colonies relativement jeunes
accuse un phénomène semblable. En Algérie, en particulier, l'entretien
d'une année nombreuse, les frais nécessités par les grands travaux
publics, l'établissement d'usines et de vastes exploitations agricoles en
sont les principales raisons.
Quoi qu'en disent les détracteurs de la politique coloniale, la Franciî
ejitre pour une large part (79 7.) dans le commerce extérieur de l'Al-
gérie. Dans le mouvement commercial de l'Inde et des colonies austra-
liennes, l'Angleterre est moins bien représentée (41 Vo P^^^* l'Inde;
50 7o pour les colonies australiennes).
La navigation a pris un développement plus rapide encore que le com-
merce, air elle a triplé depuis 1870. En 1884, le mouvement maritime
— 83 —
Lif Tunisie ne manque pas de ports naturels, mais jusqu'à présent
rhomme n'a rien fait pour les rendre facilement accesvsibles. Les bas-
fonds qui les entourent obligent les navires à stationner au large, et à
débarquer voyageurs et marchandises dans des bateaux plats, calant
assez peu d'eau pour pouvoir franchir la ban*e. (Quelquefois le mauvais
temps empêche les steamei*s de s'arrêter et les voyageurs doivent aller
bon gi'é mal gré, jusqu'au port suivant. Même à la Goulette les paque-
bots ne peuvent accoster; en outre, il y a, de ce port à Tunis, environ
lô kilomètres que les voyageurs franchissent en chemin de fer, tandis
que les marchandises sont transportées par le lac de Tunis. La création
de bonnes rades est donc d'une urgence indiscutable. Toutefois,
M. Leroy-Beaulieu conseille de s'en tenir, pour le moment, à deux ports
principaux, l'un à Tunis ou à la (roulette, l'autre à Rizerte, et cela afin
de ne pas éparpiller les crédits. Hizerte peut devenir un port militaire
de pi-emier ordre, aussi important que La Valette ou Gibraltar. Quant
à Sousse, Monastir, Mehdia, Sfax, (rabès, on peut y procéder, en atten-
dant, à quelques travaux indispensables pour en améhorer l'accès. A
part les voiliers pratiquant la pêche et le petit cabotage, et montés pres-
que tous par des marins italiens, quatre compagnies desservent la
Régence ; ce sont : la Compagnie générale TraiLsatlantique, la Société
générale des transports maritimes à vapeur, la Compagnie générale de
navigation italienne et la Société anonyme Procida-lschia.
CORRESPONDANCE
Lettre de M. H. ChAtelaIn iinr la e6te oeeidenlale d'Afriqae
Londres, 15 février 1888.
Cher Monsieur,
Après un long intervalle, je reprends le fil de ma narration, où je Pavais laissé
tomber, à Dondo, le 8 octobre 1887. Mon séjour dans cette ville se prolongea
jusqu'au 17 parce que je devais assister, comme témoin, au mariage d'un de mes col-
lègues, qui eut lieu le 15 en présence du chef e et de quelques amis; c'était le premier
mariage célébré dans l'Angola selon le rite méthodiste épiscopal ; j'avais traduit
la liturgie en portugais pour cette occasion. Le 17 je naviguais de nouveau sur la
Quanza, et tâchais de reconnaître les points qui m'avaient intéressé lors de mon
voyage pour pénétrer à l'intérieur. La chose n'était pas très facile, car même les
bords de la rivière présentent un tableau bien différent pendant la moula et
durant le eacimbo. Celui-ci touchait à sa fin; la végétation ne montre plus la même
exubérance de vie et le paysage entier, privé des couleurs éclatantes de la moula,
— 84 —
Il un air plus grave, presque triste, nou sans un certain attrait particulier. Lorsque,
grossie par les pluies, la Quanza court à pleins bords, inondant au loin les parties
bas&es de ses rives, on n'a guère l'occasion d'observer les crocodiles; quand, au
contraire, les eaux basses laissent à découvert les bancs et les îlots de sable, on
«n rencontre presque à tous les contours du fleuve, tantôt endormis au bord des
hautes herbes, montrant leurs écailles verdâtres à fleur d'eau, tantôt étendus tout
de leur long (3-5°*) sur le sable brûlant. Ces grands mangeurs d'hommes dorment
si profondément que le bruit de la machine ne suffit pas pour les éveiller; ce
n'est que lorsque les vagues du vapeur les atteignent qu'ils s'enfuient, disparais-
sant sous l'eau comme par enchantement, ou roulant leur lourde masse vers la
rivière voisine avec un empressement et une gaucherie tout à fait comiques. Quant
41UX hippopotames, malgré leur grand nombre, il est toujours difficile d'en aper-
cevoir ; ils se cachent dans les profondeurs, ou loin du bruit, dans les herbes dea
lagunes. Cette fois je remarque un plus grand nombre de Quissama sur la rive
gauche. Les femmes portent leurs fardeaux suspendus au front par une bande de
toile ; elles sont actives et secouent vigoureusement leurs jupons faits de fibre de
baobab. Une troupe d'indigènes emporte en courant un cadavre à sa sépulture. Je
ne sais pourquoi ils sont toujours si pressés dans leurs processions funèbres. Sans
nous arrêter nous passons rapidement devant la vieille ville de Massangano, et à
<[ix heures et demie nous faisons halte à Muji Ngolome, afin de nous approvision-
ner de bois.
Je monte à la factorerie, dont je connais l'un des associés, et jouis d'une belle
vue^ sur l'immense nappe de la lagune qui donne son nom à la maison et qui sert
de refuge aux troupeaux d'hippopotames. £n face de Muxim a nous décrivons lente^
ment un cercle pour donner à un passager le temps de venir à bord. C'est le chefe
<lu concdhOy de haute stature, bien mis, au port grave et aux manières distinguées,
respectueux et respecté, quoiqu'il soit aussi noir que ses administrés. Comme aux
premiers jours de leur service, les vapenrs sont chaque fois salués k leur passage
par les cris sauvages des habitants des deux rives; mais jamais je n'avais vu une
scène égale à celle qui signala notre apparition à Bocca do Quanza. Environ 200
Mahungos, qui venaient d'y déposer leurs sacs de café, d'y faire leurs libations et
île s'y affubler des uniformes aux couleurs voyantes que les trafiquants leur pro-
diguent, accoururent sur le rivage et, par leurs cris, leurs hurlements, leurs sauts,
leurs coups de feu et leurs gestes de possédés, me donnèrent une idée de ce que
4loit être souvent la réception du premier vapeur sur les affluents inexplorés du
Congo.
A la nuit tombante nous atteignons sans encombre la factorerie de Cunga \ terme
de la course du Silva Americano, heureux d'en avoir été quittes pour quelques
secousses en touchant les bas-fonds, car c'était la course d'essai du vapeur pour
' Cunga, qui ne possède qu'une maison, est située au milieu d'une immense
plaine à droite et à gauche de la rivière, et forme le point extrême de la Quanza
oCi les nègres de l'intérieur apportent leurs produits.
— 85 --
cette saison. Le capitaine connaissant mon désir d'être auprès de mes amis de^
Bom-Jesos m'y envoya très aimablement le lendemain en chaloupe, tandis que les
antres passagers devaient se résigner à passer encore une huitaine dans cette
solitude. Après avoir traversé Pembouchure du Muji ua Kirimba ou canal des
Hollandais, et contourné la colline de Bruto, je me retrouve au milieu de mes
amis et pour ainsi dire chez moi. Dans l'attente du prochain départ, je passai
9 jours à Bom>Jesu8, accompagnant mes amis dans la revue quotidienne des divers
départements de leur vaste, établissement; c'est à la règle qu'ils observent dans
leur activité peu ordinaire, que ces planteurs sont sans doute redevables de la
santé qu'ils conservent si longtemps au sein des influences délétères d'une atmos-
phère insalubre. J'avais espéré pouvoir aller un jour à la chasse de l'hippopotame ;
mais voyant que mes amis étaient peu enclins à risquer leur peau, je dus y
renoncer. Ici les crocodiles sont parfois d'une hardiesse incroyable. La veille de
mon départ, en plein midi et en présence de deux vapeurs, de plusieurs barques
et de toute la population attentive, l'un d'eux s'avança en ligne droite, la tète et
la nuque hors de l'eau, vers l'un des vapeurs, sans s'inquiéter ni du bruit ni di>
mouvement, jusqu'à ce que, arrivé à 8 ou 9"* de la proue, il fut arrêté par une
balle. Il baissa la tête, arrondit le dos hors de l'eau, en fouetta de sa queue la
surface et disparut. S'il fut mortellement blessé, quelqu'un aura retrouvé son corps
à une bonne distance en aval.
Le 28, à bord du Serpa-Pinto, nous franchissons en trois heures et demie la
distance qui m'avait pris trois jours de navigation à voile à la montée; nous pas-
sons devant Calumbo, endroit historique, puis le long des forêts de bois de con-
struction de Tombo, et bientôt nous jetons l'ancre à la Barra. — Un de mes amis
hollandais s'y trouve justement, et je vais passer la soirée et la nuit chez lui à
terre. — Le lendemain nous traversons la barre ; je lutte victorieusement contre
le mal de mer, et à trois heures les murs blancs de Loanda apparaissent à nos
yeux. Â sept heures nous sommes dans la baie, au milieu de nombreux vaisseaux.
Le capitaine crie îarga o ferro et nous nous jetons dans la chaloupe qui nous
transporte à la factorerie hollandaise. J'admire à la h&te cette nouvelle con-
struction, qu'on dit avoir coûté plus de 150,000 fr. Mais je cours plutôt que je ne
marche pour me rendre à une autre nouvelle maison, à notre station missionnaire,
dont la beauté intérieure et extérieure dépasse mon attente.
Les vingt jours que je passai à Loanda s'écoulèrent bien vite. Je tâchai de me
rendre compte des changements opérés depuis mon départ : construction de mai-
sons nouvelles, établissement d'une buanderie à vapeur et extension du quai, etc.
La présence d'un personnel considérable et d'ouvriers étrangers pour le chemin
de fer a donné plus de mouvement à la place. Les travaux de la voie ferrée se
poursuivent activement et avec une confiance croissante dans la réussite finale. A
Loanda même on achevait le nivellement du terrain et l'on construisait des ponts
de pierre. Les grands hangars de la Compagnie se remplissaient du matériel que
les vapeurs anglais amenaient sans relâche. Une reconnaissance provisoire du pro-
longement projeté d'Ambaca à Malangé venait de s'achever avec un résultat satis-
— 8f; —
t'aisaut ; tout en somme donne lieu de croire que l'entreprise est viable, et fait
espérer que la première section pourra être ouverte à la circulation au commen-
cement de 1888. L'entreprise des eaux du Bengo, dont l'utilité immédiate pour
Loanda est bien supérieure à celle d'une section de chemin de fer, mfMrchait au
gré de la population.
Un fait curieux, auquel à l'intérieur j'avais prêté peu de foi, mais qu'on me con-
firma à Loanda, c'est qu'un éléphant a été tué près du Bengo, à quelques kilomè-
tres de Loanda. Je savais depuis longtemps qu'un éléphant avut été abattu non
loin de Bom- Jésus, il y a plus de dix ans, mais je pensais que c'était un animal
isolé qui était venu s'égarer dans ces régions. L'apparition d'un autre éléphant
semble toutefois indiquer l'existence, dans les forêts et les lagunes qui s'étendent
«ntre le Bengo et la Quanza, de quelques restes d'un ancien troupeau.
Une autre nouveauté pour moi furent les difficultés dont la loi entoure le
départ d'un jeune indigène. Pour emmener un de mes anciens élèves, je dus aller
trouver sa mère, lui faire déclarer devant le notaire qu'elle consentait au départ
de son fils, faire confirmer cette déclaration par deux témoins qui connaissaient
la mère et naturellement payer le tout en bel et bon argent.
Je ne voulus pas quitter Loanda, pour longtemps peut-être, sans faire un pèle-
rinage à la tombe de Pogge. Elle est maintenant bien soignée, entourée d'une
grille en fer, et porte le nom de l'explorateur avec la date de sa mort. Elle se
trouve tout près du petit monument d'Edmond Gabriel, l'ami de Livingstone.
Grâce à l'amabilité du gouverneur je fus reçu comme passager à bord de
VAfrica, transport de guerre, alors en partance pour Lisbonne. Je m'embarquai
le 19 novembre, quelques heures avant le départ réel du vaisseau et, en attendant
qu'il se mit en marche, je fis connaissance avec ma nouvelle demeure, tout en jetant
de longs regards d'adieu sur la ville. Curieuse coïncidence ! le gros steamer
anglais, le Gaboon, stationné à une centaine de mètres de nous est le même qui,
trois ans auparavant, nous débarquait ici, le D^ Summers et moi, comme pionniers
de l'expédition William Taylor. — Si Tartillerie manquait à notre transport^ il
n'en avait pas moins un cachet militaire. Tout l'avant et tout le centre du bâti-
ment étaient bondés de soldats, à peu d'exception près tous nègres. C'était le
bataillon de Mossamédès que Ton transférait à Cabinda. Les officiers, tous jeunes,
sauf le commandant, occupaient tout l'arrière du vaisseau. Leurs camarades de
Loanda étaient aussi là pour leur dire adieu. De leur côté, les officiers du bord
échangeaient de bons vœux avec leurs confrères des autres vaisseaux présents.
Les dames ne manquent pas, plusieurs des officiers du bataillon étant mariés ;
il y a aussi quelques enfants que leurs parents renvoient dans la mère patrie tan-
dis qu'il en est temps. Que de poignées de main et que d'embrassades à la portu-
gaise ! Enfin survient le gouverneur de Cabinda, M. Neves Ferreira, qui retourne
 son poste, et sans lequel le vaisseau ne pourrait partir. Au dernier moment
l'évèque d'Angola et Congo fait son apparition, et tous de s'empresser de baiser
l'anneau qu'il tend de bonne grâce. Il a quelques paroles bienveillantes pour cha-
-cun de ceux qui l'approchent et, lorsqu'il se rembarque, la cloche sonne, tout ce
— 87 —
qui est du service de terre le suit, et la masse flottante se met en branle. Je jette
un dernier coup d^œil au toit blanc de la mission qui brille au milieu de la ver-
dure des anacardiers et des euphorbes cassoneira^y et je m'arme de courage contre
le terrible mal de mer qui ne tarde pas à se faire sentir.
Juste vingt-quatre heures plus tard, nous mouillons dans la rade de Cabinda. Il
m'est difficile de reconnaître le Cabinda d'il y a trois ans. Alors on n'y voyait que
le pavillon anglais de la maison Hatton et Cookson, flottant sur les ruines du for-
tin portugais de 1784, et il fallait de la bonne volonté pour découvrir quelques
autres factoreries là-bas de l'autre côté de la rade. Aujourd'hui l'arrivée du gou-
remeur est saluée par les 21 coups de canon réglementaires, le pavillon portu-
gais se déploie sur la plus centrale et la plus haute des jolies collines de Cabinda,
et de nombreuses maisons aux couleurs fraîches animent les forêts toujours vertes
de ce charmant séjour. Le lendemain, dès l'aube, commence le débarquement des
400 soldats. J'assiste pendant quelque temps à l'opération, puis profite de la pre-
mière occasion pour me rendre à terre. Mon premier soin est de chercher la mis-
sion. J'apprends qu'elle se trouve à quelque distance au fond de la rade dans un
endroit appelé Pernambuco. Je prends le sentier qui y conduit, à travers l'herbe
scintillante de rosée et une magnifique végétation forestière, qui boit avec délices
les chaudes ondées alternant avec les flots lumineux du soleil des tropiques, et
après une demi-heure de promenade je me trouve dans la cour de la station.
Quel joli coup d'oeil ces cinq maisonnettes de bambou et de bois, blotties dans
cette paisible clairière, offrent au nouveau venu ! Malheureusement l'impression
poétique s'évanouit bientôt en présence du jeune homme qui se trouve seul à la
station, et dont la pâleur et l'air abattu annoncent, avant qu'il ouvre la bouche,
qu'il vient de traverser une saison de fièvre. Lui cependant ne se plaint pas et
croit que Cabinda est très salubre. Le surintendant de la station l'a même recom-
mandé comme sanitarium. Anglais et Portugais s'accordent aussi à louer la salu-
brité de l'endroit et, comparativement à d'autres points, ils ont sans doute raison.
Le même jour je fls encore une promenade dans la forêt embaumée du parfum
des orangers sauvages.
Mon compagnon me dit que dans tout l'intérieur la population est très dense et
le sol fertile; je connais déjà la race qui est belle et intelligente; mais l'état
Bocial est déplorable et oppose des obstacles humainement insurmontables à l'œu-
vre missionnaire. Le jeune homme auquel l'évêque Taylor avait confié cette station
a bien travaillé puisqu'il a élevé les habitations nécessaires pour une ou deux
familles, planté des arbres qui portent déjà des fruits, défriché quelques champs
qui rendent bien, et appris le jiotej de manière à pouvoir s'entretenir avec les
indigènes sans difficulté. Mais, quant à l'école, les fruits n'apparaissent pas encore.
Ici, comme dans l'Angola, les indigènes, loin d'entretenir leur maître, s'attendent
à être bien payés pour la faveur qu'ils lui font de fréquenter l'école. Jusqu'ici le
missionnaire a pu gagner sa vie en élevant des poules qu'il vend aux paquebots et
aux baleiniers américains qui touchent au port. Il reçoit d'un à quatre shillings
par poule. La maisonnette et le terrain qu'il a achetés pour le compte de la mis-
sion ont coûté environ G500 fr.
— 88 —
Le 22 je vais voir la nouvelle colonie portugaise et ne puis assez admirer la
beauté du site, du plan et des bâtiments. A part moi cependant, je me demande
si ce petit district vaut bien les dépenses énormes que doit entraîner non seule-
ment l'installation, mais l'entretien subséquent de ce luxe. Les casernes, dont
quatre pavillons (système PoUet perfectionné) sont terminées, sont décidément trop
belles pour la troupe noire^ et que dirai-je des ravissants chalets du gouverneur,
du docteur, de l'ingénieur, du commandant, etc. ? Et tout ce qui existe n'est que
la moitié de ce qui est projeté et dont le matériel se trouve déjà entassé dans les
hangars du rivage. Un troupeau de vaches que le gouverneur a fait venir du sud
tâche de s'acclimater.
Le débarquement des troupes et du bagage s'étant effectué sant incident^ nous
reprenons le large pour ne révoir la terre que le 25. Pendant ce temps je fis plus
ample connaissance avec le navire. Je reçus comme compagnon de cabine le rési-
dent de Landana, jeune officier de bonne famille; les autres passagers, & l'excep-
tion d'un négociant espagnol, étaient des employés publics ou des officiers. Vous
rappelez-vous le dégoût avec lequel Stanley parle des ménageries sur les paque-
bots portugais? Notre vaisseau emportait un énorme léopard encore furieux d'être
prisonnier, un chimpanzé à l'air étrangement humain, une biche, un porc-épic^ un
chat sauvage, outre une quantité de perroquets criards et d'autres oiseaux au joli
plumage; mais, à vrai dire, loin de nous incommoder, la compagnie de ces créa-
tures contribua pour sa bonne part à raccourcir les heures toujours trop longues
de la traversée.
A S. Thoroé, grâce à notre pavillon jaune dû à la petite vérole qui sévissait à
Loanda à notre départ, nous ne pûmes aller ni à terre ni à bord du paquebot qui
se trouvait tout près et où la plupart d'entre nous avions des connaissances. Du
point où nous étions, je ne découvris aucun changement dans l'apparence de la
ville depuis que je l'avais visitée trois ans auparavant. Quant à l'île, elle était à
moitié voilée par les nuages qui descendaient jusque près du rivage. Le matin, à
l'aube, j'eus l'avantage de pouvoir admirer pendant trente minutes les pics et les
collines qu'une atmosphère transparente comme du cristal semblait rapprocher
de nous; au lever du soleil les vapeurs sortirent des vallées, enveloppèrent succes-
sivement les hauteurs jusqu'au pic le plus élevé, puis montant plus haut encore,
couvrirent la moitié du ciel, tandis qu'au-dessus, les rayons du soleil naissant se
réfléchissaient sur l'immense miroir de l'océan. La quarantaine n'empêcha pas les
passagers de terre de venir à bord accroître notre compagnie. C'étaient le directeur
de la douane, un avocat, ancien député, un employé public et des dames qui
retournaient au Portugal. Dès que nous virâmes au nord, le changement de tem-
pérature nous en avertit, et le froid vint se joindre au mal de mer dont nous
souffrions. A la hauteur de Sierra-Leone nous longeâmes une zone de nuages
noirs, d'éclairs éblouissants et de froides averses.
La prochaine escale, S. Thiago, me permit de me réconforter un peu en foulant
de nouveau la terre ferme. Avec ses monts et ses pics dénudés, à peine couvert
d'une maigre herbe jaune, l'Ile présente, malgré ses contours pittoresques, un
— 89 —
tableau froid et austère qui ne rappelle nullement l'Afrique. La ville occupe le
liaut d'une pyramide tronquée, aux flancs escarpés. La population n'est pas pure-
ment africaine. Postérité de pères blancs et de mères négresses, elle parait sous
toutes les nuances imaginables du café au lait, et parle un dialecte qui, ayant
adapté des mots portugais à la construction et à la prononciation africaines, n'est
m* portugais ni africain. Une visite à la ville, dont la douane, la maison de ville,
l'hôpital, le réservoir des eaux, le marché et la caserne sont les édifices princi-
paux, me fait comprendre que les mulâtres forment presque le total de la popu-
lation, les noirs et les blancs étant en infime minorité. Je remarque aussi que tous
les enfants blancs ont un air chétif et rachitique, qui prouve que ce climat, pas
plus que celui de la côte, n'est fait pour notre race. Sur ma demande, d'où peu-
vent provenir les fièvres dans une ville si haut placée, et dans une île dépourvue
de végétation, on me montre deux bouquets de palmiers, occupant la vallée des
deux côtés de la ville, et l'on me dit : c'est de ces marais ! Certes, me dis-je, dans
l'Angola nous n'appellerions pas cela des marais, et la réponse ne me satisfit
pas. Ce qui frappe surtout le voyageur, c'est la quantité d'ânes qui semblent
rivaliser en nombre avec leurs maîtres. Le second jour, désireux de voir un peu
de verdure, je fis une excursion à la fazenda de S. Jorge, propriété d'un Italien,
qui est en même temps agent consulaire de l'Angleterre et de l'Allemagne. A
l'aller, j'essayai de monter un de ces nombreux bourriquets que les campagnards
appellent, avec une certaine tendresse, leurs companheiros, et avec lesquels ils
conversent le long du chemin, mais au retour je préférai m'en passer. Jamais je
n'oublierai les propos naïfs et les idées originales de mon guide, qui venait de
l'intérieur de l'île. En revenant au vaisseauje me promis de relire Don Quichotte
à la première occasion, sûr d'y trouver, grâce à cette course, des beautés qui
m'avaient échappé jusqu'ici. Les deux fois que je fus à terre je n'entendis que des
plaintes sur le manque de numéraire et le déclin des affaires. L'exportation prin-
cipale du cap Vert, est celle de la pulghère qui prend en général le chemin de la
France, du café, des eaux-de-vie, du sel pour le Brésil, et des peaux de chèvre
pour l'Amérique. Les États-Unis sont représentés à S. Thiago par un consul géné-
ral. La population de chacune des dix îles a son cachet particulier et ses coutu-
mes à elle, ce qui fait qu'une appréciation générale du caractère de leurs habi-
tants court bien le risque de n'être pas juste. Une curiosité que je regrette de
n'avoir pas eu le temps de visiter, c'est l'ancienne ville, avec une cathédrale,
abandonnée depuis longtemps, j'ignore pour quelles raisons.
Saint- Vincent fut le dernier point africain de notre voyage, et sa physionomie
est déjà européenne. Ses rochers gigantesques n'offrent aucune trace de vie ni
végétale ni animale, et l'île serait totalement inhabitée, si sa belle baie et sa posi-
tion entre l'Europe et l'Amérique du Sud n'y appelait les paquebots des grandes
lignes anglaises, allemandes, italiennes qui relient notre vieux monde aux jeunes
États de l'Amérique du sud. A notre arrivée il s'y trouvait, outre une forêt de
voiliers et de moindres vapeurs, un navire italien, une frégate française et plusieurs
grands vapeurs chargés d'émigrants. Les maisons principales de la ville sont
— ÎK) —
anglaises ainsi que la houille dont elles pourvoient les vaisseaux ; les petits maga-
sins et les cafés sont entre les mains d'Italiens ou d'indigènes, et la classe infé-
rieure provient des autres îles de l'archipel. Dès que vous mettez pied à terre,
des nègres viennent vous offrir leurs services dans toutes les langues principales
de l'Europe. Après avoir parcouru les rues de la ville, j'entre dans le magasin du
consul américain et y cause quelques moments avec son père, le nestor de la
colonie. Lorsqu'il se fixa ici, il y a plus de trente ans, il n'y avait que quelques
huttes; aujourd'hui la population peut s'élever à près de 4000 habitants. Le climat
est excellent et permet aux employés anglais du câble sous-marin et des maisons
commerciales d'y garder leurs familles. Récemment un maître est venu d'An-
gleterre pour l'instruction de la jeunesse étrangère. Quel contraste entre les vives
couleurs des blancs qu'on rencontre ici et les visages pâles ou jaunes auxquels
j'étais habitué ! Comme l'île ne produit rien, toutes les provisions viennent de sa
voisine S. Antaô, qui se rapproche de Madère, tant par ses belles montagnes que
par sa fertilité et son bon air. Le panorama de Saint-Vincent et de sa baie est un
des plus imposants que j'aie vus, surtout au soleil couchant quand les ombres
s'allongeant sur la base de l'amphithéâtre, la silhouette noire des roches étranges
se dessine nettement sur le ciel embrasé. Les marins croient reconnaître, dans les
contours d'une des crêtes, le profil de Nelson couché la face tournée en haut.
Enfin le 16 décembre nous franchissons la barre du Tage; un à un les monu-
ments historiques et artistiques de Lisbonne passent devant nos yeux émerveillés
et, sur le soir, je foule le sol de la Lusitanie de Camoens, la terre classique des
« descobridores. »
H. Châtelain
BIBLIOGRAPHIE '
Victor Tissât. L'Afrique pittoresque. Paris (Ch. Delagrave), 1888,
gr. iii-8, 407 p., 111. fr. 5. — Cet ouvrage est un recueil de morceaux
choisis sur l'Afrique, rédigé surtout en vue de la jeunesse, et analogue
au livre du même auteur, paru il y a quelques années et intitulé : Les
contrées mystérieuses. Rien de mieux que ces ouvrages, qui complètent
et étendent les connaissances acquises dans l'école; ils intéressent l'en-
fant à la géographie, en développant les points principaux sur lesquels
a porté l'enseignement du maître. Le jeune homme se récrée en s'ins-
truisant et se fait une idée du côté pittoresque des pays, ordinairement
négligé dans les livres de classe. Mais la chrestomathie africaine doit,
comme tout ouvrage de ce genre, remplir certaines conditions : en pre-
' On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bâle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 91 —
mier lieu, présenter une division méthodique qui permette au jeune lec-
teur de se retrouver facilement ; d'autre part, ne renfermer que des
morceaux de valeur, extraits des meilleurs récits de voyage. M. Tissot
Ta bien compris : il passe en revue les pays de l'Afrique les uns après
les autres, en suivant l'ordre géographique; quant à ses sources, ce sont
en général les écrits de voyageurs connus pour l'importance de leurs
découvertes et pour l'exactitude de leurs renseignements. Citons parmi
les principaux : Duveyrier, Nachtigal, Stanley, Baker, Schweinfurth,
Caillé, Barth, Burtou, Révoil, Johuston. Nous avouons cependant avoir
été étonné de ne pas voir figurer à côté d'eux plusieurs explorateurs,
tels que Livingstone, Speke, Lenz, etc.
Il est regrettable que M. Victor Tissot ne suive pas toujours le piiu-
cipe qui l'a dirigé dans la rédaction de V Afrique pittoresque. En effet,
dans chacun de ses numéros, son journal V Expansion coloniale emprunte
à V Afrique explorée et civilisée, des pages entières, sans que la source
à laquelle M. V. Tissot les a prises soit jamais indiquée, et cela malgré
nos avertissements réitérés. Nous voulons espérer qu'il finira par com-
prendre ce que ce procédé a de repréhensible au point de vue du droit
comme à celui de la morale.
L'Algérie et la Tunisie n'occupent que très peu de place dans ce
volume, probablement parce qu'il y aurait eu trop à en dire ; en revanche,
les pays neufs, tels que le Congo, y sont largement représentés et per-
sonne ne s'en plaindra. Pour le cas où M. Tissot publierait une seconde
édition de son ouvrage, nous nous permettons de lui conseiller de sup-
primer les morceaux empruntés à des voyageurs déjà un peu anciens,
pour les remplacer par des extraits d'oeuvres récentes. Certaines
descriptions de Barth, de Caillé, de Burton, de Baker, exactes à l'épo-
que à laquelle ces voyageui-s parcouraient l'Afrique, ne le sont plus
aujourd'hui ; elles dépeignent à la jeunesse l'Afrique d'il y a 30 ou 40
ans et non l'Afrique d'aujourd'hui; quoique le progrès soit lent dans
cette partie du monde, il existe néanmoins. Pour être vrais, les ouvrages
doivent suivre le mouvement de la civilisation et renfermer les descrip-
tions les plus récentes. C'est ce qu'a bien compris M. Lanier, auteur
des Lectures géographiques , et ce qui donne à son livre une réelle valeur.
KcJler C Reisebilder aus Ostai^rika und Madagascar. Leipzig
(C.-F. Winter), 1887, in-8^ X, 341 p. ill., fr. 9,35. — Les Suisses voya-
gent beaucoup, mais en général en pays connu. Le nombre de ceux qui
se sont hasardés dans des contrées non visitées ou nouvellement ouvertes
— 92 —
aux explorateurs est fort restreint, ce qui du reste n'a rien d'anormal;
étant donné que notre pays n'a ni marine, ni colonies, et que son budget
ne pourrait supporter le poids de grandes expéditions. Toutefois, dans
l'intérêt de notre commerce aussi bien que de la science, il serait à dési-
rer que le gouvernement et les sociétés privées favorisassent davantage
les voyages d'étude, qui peuvent être d'une grande utilité pour notre
industrie, nos musées et nos écoles ; les résultats -des voyages de
M. Keller en ont été une démonstration suffisante, et nous sommes cer-
tains que le Conseil fédéral, pas plus que la Société de géographie de
Saint-Gall et celle des Marchands de Zurich, ne s'est repenti de lui avoir
accordé une subvention. Les deux voyages de M. Keller ont eu lieu, le
premier pendant l'hiver 1881-82, le second en 1886. Plutôt que de les
raconter chacun à part, il a préféré les fondre en une seule description
de l'ensemble de la région visitée par lui, c'est-à-dîre du canal de Suez,
de la côte orientale de la mer Rouge, et des îles de la Réunion et de
Madagascar. On n'ira pas chercher dans cet ouvrage le récit d'aven-
tures extraordinaires, de dangers couiais ou évités à grand'peine. L'au-
teur déclare lui-même qu'il n'a eu aucun péril à redouter; il en profite
pour dire que le sauvage, l'homme primitif est d'un commerce beaucoup
plus facile qu'on ne le croit ordinairement.
A côté de descriptions de côtes déjà connues, de villes telles que
Souakim, Saint-Denis, Tamatave sur lesquelles il n'y a guère de choses
nouvelle^s à dire, l'ouvrage contient, sur diflérents problèmes de la vie
organique, une étude d'une incontestable originalité. Le lecteur s'inté-
resse parce qu'il sent qu'il s'agit d'une œuvre personnelle fortement
travaillée, et non pas de ces descriptions qui n'ont rien d'inédit, comme
en renferment tant de livres de voyagea. Naturaliste distingué, M. Keller
est passionné pour sa partie, et présente en général les résultats de ses
propres observations, en les entremêlant, pour ne point fatiguer le
lecteur, de considérations d'une nature moins scientifique.
Certains chapitres ont une grande valeur. Tels sont ceux qui traitent
de la distribution des espèces animales dans le canal de Suez, de la vie
animale sur les rivages des mers tropicales, de la flore de Madagascar,
de sa faune et des races qui l'habitent. L'auteur n'a pu donner un
tableau complet des populations de la grande île, car il n'en a visité
qu'une partie : Tamatave, la région avoisinante et Diégo-Suarez. Tou-
tefois, il étudie la question de l'origine des peuples de Madagascar et de
l(»ur division. En outre, il fournit de nombreux et intéressants détails
sur les trois tribus avec lesquelles il s'est trouvé en contact : les Hovas,
les Bet^imisaraka et les Sakalaves.
— 93 —
La description est émaillée d'un assez grand nombre de gravui-es,
d'après des photographies ou des croquis pris par le voyageur. Quel-
qufô-unes reproduisent, avec beaucoup de netteté et de relief, des types
de peuples, d'animaux ou de plantes remarquables. On sent que, dessi-
nées d'après nature, elles sont l'expression de la vie réelle telle qu'elle se
déroule sous les tropiques. Dans sa description, comme dans les gravures
qui l'illustrent, M. Keller a cherché avant tout à être vrai, et à présen-
ter tels qu'ils sont les honunes et les choses. Il le dit dans sa préface
et c'est réellement l'impression que laisse la lecture de son livre.
Paul Leroy-Beaulieu, L'Ai.gérie et la Tunisie. Paris (Guillaumin
et 0% 1887, in-S**, 472 p.Fr. 8. — Le savant économiste français dont le
nom a depuis longtemps dépassé les limites de son pays, est un travailleur
adiarné qui, malgré des occupations multiples et la direction absorbante
d'un journal, trouve moyen de publier, à des intervalles rapprochés,
des ouvrages marqués au coin du bon sens en même temps que d'une
science profonde. Lorsqu'il a traité un sujet, on ne trouve guère de
choses à dire après lui. Sans doute on pourra ne pas approuver ses con-
clusions, non plus que la tournure dogmatique et parfois un peu trop
théorique qu'il donne à la discussion, mais ses adversaires eux-mêmes
seront forcés de convenir qu'il étudie à tous les points de vue la question
qu'il traite, ne négligeant aucune donnée, aucun fait dûment constaté.
Son ouvrage intitulé : De la colonisation chez les 'peuples modernes,
est un monument de science économique, dans lequel l'histoire de toutes
les colonies, les différents systèmes de colonisation, les causes et
l'influence de l'émigration sont envisagés avec une grande hauteur de
vues et sans parti pris.
L'Algérie et la Tunisie occupent évidemment une grande place dans
ce volume. Toutefois comme la dernière édition de ce livre date déjà de
quelques aimées et qu'il y avait intérêt pour un Français à étudier,
d'une manière plus spéciale, ces deux contrées, M. Leroy- Beaulieu a
tenu à les traiter à part dans un ouvrage qu'il vient de publier. Ce
volume ne contient pas une description de ces deux colonies ; il n'y est
parlé de la géographie physique que d'une façon sommaire; c'est une
étude économique qu'a voulu faire l'auteur. H a cherché, comme il le dit
dans sa préface : « à faire un tableau aussi impartial et aussi exact que
possible de l'Algérie et de la Tunisie, de leurs ressources naturelles, des
résultats déjà acquis, des méthodes suivies ou à suivre, de la population
indigène, du traitement qui lui convient, des perepectives de la colonisa-
tion et de l'avenir de la France dans le nord de l'Afrique. »
— 94 —
Cet exposé complète et met à jour l'étude que M. Reclus a faite de
ces deux pays dans sa Nouvelle géographie universelle. Les deux écri-
vains ont suivi la méthode rigoureusement scientifique, n'oubliant
aucun fait, ne négligeant aucune considération de nature à éclairer le
lecteur sur la situation actuelle de l'Afrique française. La description
de M. Reclus est avant tout géographique, l'exposé de M. Leroy^
Beaulieu plutôt économique. Le premier développe le côté pittoresque
et attrayant de son sujet, le second l'envisage davantage au point de vue
technique; ce dernier est plus profond, M. Reclus plus facile à lire.
Un des avantages de l'ouvrage de M. Leroy-Beaulieu sur la plupart
des livres du même genre, c'est que l'auteur ne se contente pas de
i^ignaler les défectuosités, les lacunes de l'œuvre coloniale de la France. A
côté des critiques, il indique les moyens de remédier aux inconvénients
qu'il signale; il donne des conseils tirés de la connaissance qu'il a de
l'histoire de la colonisation, et de la comparaison de la situation des
établissements français avec les colonies anglaises ou autres. Ainsi, dans
le chapitre consacré aux voies de comnmnication, aux ports, etc. , il
montre comment il faut procéder dans les pays tels que l'Algérie et la
Tunisie. Faire vite, plutôt que tout à fait bien, semble être à ce sujet sa
maxime. Il traite d'absurde le régime douanier de la France à l'égard
dos produits tunisiens, démontrant, chiffres en mains, que c'est la prin-
cipale cause de l'énorme différence entre les exportations de la Tunisie
' pour l'Italie et pour la France, celles-ci ne s'élevant qu'au tiers des
autres: il critique l'administration tunisienne qui semble pousser à
transformer le pays en une colonie de fonctionnaires. S'élevant plus
haut, il reprend sa thèse favorite concernant la participation des indi-
gènes algériens à l'administration et au gouvernement de leur pays,
participation qui n'a pas besoin d'être forte, mais qui doit exister, aussi
l)ien pour apaiser les justes susceptibilités des indigènes que dans l'inté-
rêt môme des colons. Il y a longtemps que l'Angleterre a admis les
Hindous dans les conseils de l'Inde et les Maoris dans le parlement
néo-zélandais. La métropole retire de réels avantages de cette conces-
sion, qui lui peimet d'être toujours au courant des besoins et des
revtnidications des indigènes, et d'y faire droit lorsqu'elle les croit
utiles ou favorables à ses intérêts. La France doit agir de même et aban-
ilunner cette politique coloniale, souvent étroite et tracassière, qui a
fîut dire, et bien à toi1, qu'elle ne sait pas coloniser. De brillantes per-
»si)ectives s'ouvrent pour l'Algérie et la Tunisie. A la métropole de pro-
fiter (les avantages de colonies si rapprochées d'elle, par une politique
juste et prudente.
— 95 —
Rudolf Hellgrewe. Aus deutsch-Ostafrika. Wanderbilder. Zwan-
zig Tafelii uiid eiii Titelbild. Berlin (J. Zenkers Verlag), 1888, album-
folio, fr. 25. — Jusqu'ici les peintres européens ne se sont guère hasar-
dés en Afrique au delà d'une zone assez étroite de la partie septentrionale
du continent, en Algérie jusqu'au Sahara, en Egypte jusqu'aux cata-
ractes d'Assouan.
Depuis longtemps M. Hellgrewe nourrissait un ardent désir de voir
de ses yeux les phénomènes de végétation extraordinaire dont parlent
les explorateui'S des régions tropicales, ainsi que le^ fauves en liberté,
lions, éléphants, etc., dont les ménageries ne nous donnent qu'une idée
fausse, et de contempler les paysages africains dans la lumière incom-
parable dont ils sont éclairés. Une demande du Comité de l'exposi-
tion du jubilé des Beaux-Arts à Berlin en 1885, lui fournit l'occa-
sion de réaliser son désir. Il s'agissait de se rendre de Zanzibar
à l'intérieui*, pour étudier, au point de vue de la peinture, les localités
devenues historiques depuis la proclamation du protectorat allemand
sur les territoires acquis par la Société allemande de l'Afrique orien-
tale. Malgré les difficultés que présentait une telle entreprise, le peintre
a réussi à prendre un grand nombre de croquis, qui lui ont permis de
donner une vingtaine de dessins à la gouache, paysages ou tableaux de
genre, qui, reproduits par la phototypie composent le bel album que
nous nous faisons un plaisir de recommander à nos lecteurs. Ils permet-
tent de se rendre compte de la marche de l'expédition, de Zanzibar jus-
qu'àMa station des missionnaires français de Monda, oii M. Hellgrewe,
atteint de la lièvre, fut transporté et où il reçut des soins empressés.
Équipée par les représentants de la Société allemande de l'Afrique
orientale à Zanzibar, l'expédition quitta cette île le 28 novembre 1885,
dans une bar(|ue arabe qui la transporta à Saadani par une journée
maîznitique, au terme de lac^uelle le peintre put faire l'expérience de la
soudaineté des variations des conditions atmosphériques tropicales. En
un clin d'œil de noii*s nuages chassés par un vent soufflant en tempête
obscurcissent l'éclat de la lune à son lever, les vagues déferh^nt sur les
bridants, et le tableau de l'atterrissage, au moyen d'une pirogue creusée
dans un tronc d'arbre, diffère du tout au tout de celui du départ.
Après un jour de repos, on part pour Xdoumi et l'on quitte bien vite
la région des palmiei*s de la côte ; on ti-averse une zone plantée d'aca-
cias, avec de vastes étendues de prairies ; les yeux ne découvrent en bas
que de la verdure, en haut qu'un ciel sans nuages; à midi surtout
une clarté éblouissante enveloppe tous les objets, aucune ombre ne four-
nit aux regards un point sur letjuel ils puissent se reposer.
97 —
BULLETIN MENSUEL (4^ avril 1888 ').
La dénonciation du traité de commerce entre la France et l'Italie
devant faire renchérir la vie dans le département des Alpes-Maritimes,
une pétition a été adressée à la Chambre de commerce de Nice, pour lui
demander de prendre l'initiative des mesures propres à assurer la créa-
tion d'un service régulier de steamers entre IViee et les
principaux ports de TAlfl^érie. Le département des Alpes-Mariti-
mes tirerait de la colonie française les produits qu'il empruntait jus-
qu'ici à l'Italie : les moutons, les bœufs, les vins, \qs fruits, les légimies,
etc. La Compagnie générale transatlantique devrait établir un double
service. Une première ligne mettrait Nice en correspondance avec l'Al-
gérie, soit directement, soit avec escale facultative à Ajaccio. Cette der-
nière combinaison permettrait de combler une lacune existant dans les
services méditerranéens de la dite Compagnie. Jusqu'à ce jour, en effet,
il n'existe aucune communication directe entre les ports ouest de l'Algé-
rie (Oran et Alger) et la Corse. Une seconde ligne devrait être créée
entre Nice, Bône et Tunis, avec escale facultative à Bastia. S'il est fait
droit à la demande des pétitionnaires, l'exportation de la colonie aug-
mentera considérablement.
Jusqu'à présent on n'importait guère d'Algérie, en fait de pèche,
que des thons, mais des expériences faites récemment ont démon-
tré que toutes les autres sortes de poissons supportent, sans inconvé-
nients pom* la vente, ni pour la consommation, le court délai dans
lequel les paquebots de la Compagnie générale transatlantique effectuent
la travei'sèe d'un continent à l'autre. Sans préparation aucune, les
pêcheries abondantes de la côte algérienne peuvent expédier leurs pro-
duits à Marseille, sans avoir à redouter la détérioration du poisson trans-
porté simplement dans des corbeilles. Cela pourra se faire toute Tannée,
quitte à recourir aux blocs de glace pendant les fortes chaleurs. A ce
propos, il est utile de mentionner la loi nouvelle qui a interdit aux
bateaux étrangers la pêche dans les eaux territoriales de la France et
de l'Algérie, en deçà d'une limite tixée à trois milles marins au large de
^ Les matières comprises dans nos BulUtins menstuls et dans les NuuceUes corn-
piémeniaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
^Algérie, puiâ allant à P£st, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
l'aFRK^UE. — NEUMÈME ANNÉE. — N° 4. 4
if " • ^l".(
— 98 —
la laisse de basse mer. Dans chacun des aiTondissemeuts maritimes et
pour l'Algérie, des décrets déterminent la ligne à partir de laquelle cette
limite est comptée.
Le Moniteur de V Algérie nous apporte, sur les mines de fer et de
cuivre découvertes récemment dans la province d'Oran, de nouveaux
renseignements qui en font mieux connaître la situation et Fimportance.
Les Ghauras ou Ghamras, où se trouvent ces gisements, sont de vaste-s
terrains au milieu desquels deux ou trois petites montagnes se dressent
à 200*" d'altitude au-dessus de la mer. Ces terrains sont adossés h la
petite chaîne de montagnes qui s'étend entre Oran et Aïn-Temoucheut ;
ils descendent en pente douce jusqu'à la mer, du cap Figalo au cap
Falcon. Ils forment un large rectangle ayant au nord la Méditerranée,
au sud le village arabe de Sidi-Bakti, à l'ouest la rivière du Madagre et
à l'est celle du Madjouz; la partie de beaucoup la plus considérable eu
est louée à la Société anonyme des mines de Ghauras. Le centre de l'ex-
ploitation est à 12 kilomètres de la gare de Bou Tlélis, et à 7 kilom. de
celle de Lourmel, à 3500" seulement de la Méditerranée et de l'embou-
chure du Madagi'e, où se trouve une rade des mieux abritées et des plus
faciles pour l'embarquement. Les vaisseaux du plus fort tonnage peu-
vent y aborder ; à 7"* ou 8"* du bord, il y a 10" d'eau ; à 20*" ou 25", il y
en a 40". Le terrain étant en pente douce jusqu'à la mer, le transport
du minerai s'opère à peu de frais et très facilement. Le minerai très
riche se trouve en masse épaisse et profonde ; le minerai de fer donne
63 V« de fer et Vao Vo de manganèse ; le minerai de cuivre contient 23 %
de cuivre allié à 35 ^/o de fer et à 42 **/o d'autres matières. Les montagnes
exploitées ont une supei'ticie de plus de 4 kilom. can*és. D'après l'avis
des iugénieui's les plus compétents, la masse du gisement doit descendre
à une profondeur de plus de 12(K)" et avoir une épaisseur à peu près
régulière de plus de 8(X)". Le minerai se trouve à fleur du sol, c'est-à-
dire que l'on exploite à ciel ouvert ; il n'y a pas de galeries souterraines,
pas de travaux de soutènement, pas de frais oiiéi-eux. On a attaqué la
première montagne à mi-côte et l'on a taillé en plein flanc. Ce^t à
peine si, à de certains intervalles, un peu de roche se trouve accolée
au minerai. — Sur un autre point, à gauche de la route de Tiaret à
Frendah, à 9 kilom. de Tiaret, on a découvert un gisement de charbon
de terre. Un échantillon en a été adressé au préfet d'Oran avec une
demande d'autorisation de recherches, laquelle a été accordée. D'après
les fouilles déjà faites, le gisement houiller s'étendrait sur une superfi-
cie de 37 à 40 kilom. Dans ce même périmètre on aurait découvert des
minerais de fer, de cuivre, de plomb, d'or et d'argent.
— 100 —
correspoiidauce de Gordon, le défenseur de Khartoura. Nous avons
trop vivement regretté les lenteurs du gouvernement britannique à por-
ter secours à celui qu'il avait envoyé au Soudan, pour ne pas nous asso-
cier aux sentiments exprimés par la souveraine, qui écrivait à miss Gor-
don, la sœur du héros, le 15 févi'ier 1885 : « Comment vous dirai-je,.
comment chercherai-je à vous exprimer ce que j'éprouve? Penser que
votre cher, noble et héroïque frère, qui a servi son pays et sa reine si
fidèlement, si héroïquement, avec un désintéressement si édifiant pour
tout le monde, n'a pas été secouru ! Les promesses de secours, promes-
ses que j'ai si fréquemment, si constamment rappelées à ceux qui lui out
(Jemandé départir, n'ont pas été remplies, et cela a été pour moi une indi-
cible douleur. J'en ai été malade. Mon cœur saigne pour vous, sa sœur,,
qui avez éprouvé tant d'anxiété à son styet, qui l'aimiez comme il méri-
tait d'être aimé. J'espère vous revoir quelque jour pour vous dire tout
ce que je ne puis exprimer. Ma fille Béatrice me prie d'être l'interprète
de sa profonde sympathie pour vous. J'ai reçu également de nombreuses
expressions de douloureuse sympathie de l'étranger. Celles venant de
ma fille aînée, la princesse impériale d'Allemagne, et celles de mon cou-
sin, le roi des Belges, sont des plus chaudes. Veuillez exprimer à vos
autres sœui*s et à votre frère aîné le sentiment de profonde douleur que
j'éprouve à la pensée de la tache qu'imprime à l'Angleterre le sort cruel
mais héroïque de votre cher frère. » Une réponse de M. Gladstone et de
ses amis à la lettre de la reine est aiuioncée.
Comme complément à ce que nous disions dans notre avant-dernier
numéro (p. 46-5G) sur l'extension de l'influence arabe en Afrique,
nous croyons devoir reproduire ce que dit un correspondant de Vlndé-
pendance belge sur la fermentation qui règne dans le monde musulman
au bord de la mer Rouge : « L'Egypte officielle, quoique musulmane,
n'est pas pour les nouveaux rebelles un État sur lequel on puisse comp-
ter. Modifiée par la civilisation, l'Egypte, dans la personne de ses khédi-
ves, ne représente plus, aux yeux des musuhnans de ces parages, qu'une
émanation de la puissance chrétienne, une terre d'apostats, oîi les anti-
(lues traditions de l'Islam subissent une décadence et une dégradation
complètes. La Turquie est trop pauvre, trop faible, trop humiliée aux
yeux de l'Europe pour se risquer à prendre ouvertement la responsabi-
lité d'un soulèvement du monde musulman contre le monde chrétien.
Mais il n'en est pas moins vrai que l'âme de la nouvelle agitation, partie
de la terre sainte de Djeddah, est la Turquie elle-même qui, bien que
malade, cherche quelque moyen de se régénérer, ou simplement des pré-
— 101 —
textes pour prolonger son existence. Sur les bords de la mer Rouge,
flotte un rêve de vengeance, entretenu par la parole toute-puissante des
prêtres de la Mecque qui prêchent que la glorieuse bannière de Mahomet
ne doit pas disparaître. Avec elle, disent-ils, on pourra reconquérir,
sinon le monde, comme à l'époque des califes, au moins le rétablisse-
ment d^ anciennes lois du Coran, là oU le Coran représente le^s croyan-
ces et les traditions du peuple. Ces prédications ne sont pas sans résultat.
Assaortins, Habâb, Danakils, Somalis, croyants de Hodeïdah, de Sanâa,
de Mokha, d'Aden, tous sont liés par un même pacte mystérieux dont
les effets se manifestent à chaque instant. Quelques faits tout récents
illustreront ces affirmations : Il y a quelques joui-s, à Zeïlah, un soldat
anglais a été obligé de tuer un Somali qui voulait l'assassiner. Tout der-
nièrement, dans la même région, une bande d'Lssa-Somalis attaquait et
pillait une caravane de cent chameaux se rendant à la côte, et massa-
crait les hommes qui en formaient Te^scorte. La semaine dernière, à
Tadjourah (protectorat français), une foule d'enfants assaillait à coups
de pierres, à leur débarquement, M. Lagarde, gouverneur d'Obock, et
d'autres officiers. A Obock, le premier de l'an, à l'occasion d'une fête
indigène, le même M. Lagarde envoyait en cadeau aux Danakils quel-
ques sacs de monnaie de billon. Les Danakils refusèrent dédaigneuse-
ment le don, crevèrent les sacs et en jetèrent le contenu à la mer avec
tous les signes du plus profond mépris. A Raheïta, on embarque les
esclaves ouvertement et on proclame la liberté de la traite. A Lahadj,
même sous les yeux du gouverneur anglais d'Aden, le sultan manifeste
sou mécontentement dans toutes lés occasions possibles. Il impose arbi-
trairement des droits de passage aux caravanes, les ari-ête et les retient
à tout propos. A chaque instant, il réclame au trésor anglais des aug-
mentations de subsides, sollicite des armes et des munitions, exige de
nouveaux privilèges sous peine de révolte contre l'autorité britannique.
Profondément impressionné, le gouvernement anglais a, depuis quelques
jours, remplacé par ses propres soldats les soldats indiens qui formaient
jusqu'ici la garnison d'Aden. Mais cela ne suffit pas encore à mettre les
intérêts anglais en sûreté, car, du moment oii il serait possible au seul
sultan de Lahadj d'arrêter les caravanes, Aden serait, au bout de quel-
ques jours, dans l'impossibilité de se ravitailler. »
On annonce de Zanzibar que M. Montagu-Kerr, chef de l'expédi-
tion chargée de porter des secours à Émin-pacha, en partant de la
côte orientale d'Afrique, en proie à une fièvre violente, a dû renvoyer les
hommes qu'il avait déjà engagés pour l'accompagner. C'est par la voie
les deruiers rsnseignenieiits sui-
février, M. Georges Mackenzie,
î k Londres, a informé les jour-
, Zanzibar a reçu d'ifimin-pacha
l'à cette date Stanley n'était pas
)Q le suppose, " ajoutait M. Mac-
Èmio-pacha vers le 15 septembre,
lui à Zanzibar ' dans les preraiei-s
l'ait préféré envoyer ses lettre»
IX de M. le missionnaire Stokes,
i la lin du mois d'avril. Dès lors
es avis reçus par la voie de Zan-
nombre de ses hommes au camp
es troupes de réserve laissées à
imaudement du major Barttelot^
n et lui prêter appui eu cas de
ne donne aucune information itur
Ht.
derostafrikanischen Mission, «le
arrivée à Zanzibar des renforts
Greiner. l'amii les nouveaux
I Gobau Desta, qui a déjà été col-
llas. Les agents de la Société, à
tnirdes Indes, pour leurs travaux.
rs, ceux qui existent à Zanzibar
général anglais a demandé aux
enclaves, arrachés des mains de
iu continent dans deux barques
t les diaconesses de l'hôpital qui
on de ces enfants,
lin cori-esponda nt du Laucasbire.
des renseignements sur les pro-
direction du lac Nyaasa. La
spondant remontait de Blantyre,
[yassa. Là elle reçut de mauvaises
.rlé de Stanley, quoique à plusieurs
it répandues en Europe. Celles-ci nous
1 avons préféré ne pas les reproduire.
— 103 —
nouvelles de la station de Karonga, à l'extrémité nord-ouest du lac, où
commence la • route du Nyassa au Tanganyika, et oîi TAfrican Lakes
Company a un établissement. Les Arabes avaient attaqué les indigènes,
et après avoir brûlé plusieurs de leurs villages, avaient menacé la station
anglaise, sans qu'aucune provocation leur eût été adressée. Les agents
anglais avaient été forcés de se retrancher derrière une forte palissade
en attendant des renforts. Une expédition de secours fut immédiatement
organisée; elle comptait quatre Européens et onze natifs; le steamer
VMala la transporta à Karonga où elle arriva le 4 novembre. Il était
temps, car les Arabes, après avoir mis le feu aux roseaux dans lesquels
s'étaient réfugiés quantité d'indigènes, hommes, femmes et enfants, et
avoir tué ceux qui cherchaient à échapper aux Hammes, s'efforçaient de
faire soiiir la petite garnison de ses retranchements. Si les renforts
n'étaient pas arrivés, il est probable qu'ils eussent aussi attaqué la sta-
tion. Aux dernières nouvelles MM. les consuls O'Neill et Hawes, avec
M. Fréd. Moir, de la Compagnie des Lacs, avaient réussi à débloquer la
station de Kai-onga, mais la route qui mène au Tanganyika était fermée
au commerce. D'après le Scottish Oeographical Magazine, les Arabes
seraient maîtres du pays au N.-O. du lac Nyassa, et feraient payer un
tribut à tous ceux qui voudraient y rester, aux blancs comme aux noirs.
Le Progrès de Vlmèrina annonce que les colons français qui s'étaient
établis près de la rivière des Caïmans, au fond de la baie de Diéf^o-
Saarez, ont été obligés d'abandonner leurs concessions eu raison des.
pluies torrentielles qui ont balayé leurs plantations. D'autre part, le
même journal reçoit de Vatoumandry une correspondance d'après,
laquelle le marasme du commerce donne à l'agriculture une nouvelle
ûnpulsion. Chacun semble comprendre que là est l'avenir du pays, ave-
nir moins rapide mais plus sûr. « Sur une seule propriété, » dit le cor-
respondant, « 40,000 cacaoyers ont été semés. La vanille a fait, d'une
façon sérieuse, son apparition sur le marché. Mahanoro en a produit
et exporté 1500 livres; de nouvelles plantations ayant été créées, on peut
compter, pendant une période de quatre ou cinq ans, sur un doublement
annuel de production. Ce produit paraît de première qualité. Si cette
appréciation personnelle est confirmée par les acheteurs européens,
cette culture prendra une extension considérable, et Madagascar devien-
dra bientôt l'un des principaux fournisseui-s du marché eurppéen. »
Les rapports des missionnaires des difi'érentes confessions chrétiennes
trahissent trop souvent l'hostilité réciproque de celles-ci, pour que nous
ne soyons pas heureux de rencontrer dans les Annales de la propaga-
— 104 -
Foi, le témoignage rendu par le R. P. Caussèque k M. J.
, un des missionnaires de la Société de Londi-es k Madagas-
t qu'il existe à AmlHUtivontka une léproserie dans
missionnaires romains re^oivcat plus de cent malades que la
de la société. Lors de la ■ruerre entre les Malgaches et les
s missionnaii-es romains ayant été obligés de quitter Aml»-
[. Richardson se dit : que vont devenir les pauvres lépreux ?
i répétait sans cesse : va les secourir. Le dimanche suivant,
il la léproserie, donna de l'argent aux malades et promit de
iir entretien jusqu'au retour dee Pères. Ses amis d'Angle-
t'oyèrent de l'argent pour cette bonne œuvre et il put tenir
ppement rapide de Lopenzo-Harque?, a éveillé chez un
ibre de sujets britanniques le désir de voir TAngleteri-e
territoires appartenant au Portugal dans la baie de Dela-
ipreiid que les Portugais s'en soient émus, et que la Société
lie de Lisbonne, dans une de ses dernières séances, ait cru
iter une proposition de son éminent secrétaire général,
Oordeiro, demandant que les efforts du gouvernement ten-
)Iidei-, k développer et k garantir la nationalisation complète
Marquez comme partie intégi-aiitc et inaltérable du terri-
;ai8. De son côté le comte d'Onslow, sous-secrétaire d'Ktat
lonies, a fait k la Chambre des lords une déclaration de
Imer l'émotion des Portugais. Tout en reconnaissant que
lu gouvernement britannique avait été appelée d'une façon
le sur le chemin de fer de la baie de Delagoa, comme route
;iliter le commerce entre l'Angleteri-c et le Transvaal, ainsi
Natal et de la Colonie du Cap, le comte d'Onslow a repoussé
Angleterre devrait acquérii- les territoires appartenant au
jamais, » a-t-il dit, " il n'a été question de contraindre cette
faire cette cession, et d'autre part, comme le Portugal est
ilonle, il n'est nullement disposé k la céder volontairement.
iroposition a été mise en avant ayant pour objet d'acheter le
er. Mais cette acquisition aurait été sans exemple, puisque
;raverse aucun tenitoire anglais. »
ihile .lousse, ancien missioimaire au L.e-Souto, a envoyé au
■ missions évangéliqttes de Paris, une lettre dans laquelle il
nment, malgré l'abondance des dei-nicres récoltes, les Ba-
■ent de la stagnation des affaires. Nous en extrayons ce qui
— 105 —
suit : « Ce n'est pas l'abondance qui produit cet embarras, mais l'ab-
sence de débouchés pour les produits du pays ; or il n'y a pour le moment
au Le-Souto aucune espèce de débouchés, tout au moins y en a-t-il si peu
que l'équilibre entre la production et la demande est complètement
rompu. Un sac de blé, de sorgho ou de maïs qui se vendait autrefois 12,
15 et même 20 fr. se donne aujourd'hui pour fr. 2.50 et 3 fr. Le bétail,
lui aussi, a subi une très grande dépréciation de valeur. Autrefois, avec
un bœuf représentant une valeur de 200 fr., un indigène pouvait se vêtir
lui et toute sa famille poiu* une année au moins, malgré les prix élevés
des objets de provenance européenne; aujourd'hui, c'est à peine si, pour
trois bœuCs, l'on pourrait acquérir la même quantité d'objets. De plus,
en Afrique, de même que chaque indigène pourvoit sa famille du blé
nécessaire à son entretien, il élève son propre bétail, il est occasionnel-
lement son propre boucher ; or, du moment oii l'étranger ne lui achète
ni le produit de ses champs ni celui de son troupeau, il se trouve en pré-
sence d'une surabondance de produits qui enfante la gêne. La cause de
cette crise est connue ; pendant que les Ba-Souto se battaient pour leur
indépendance, les Américains favorisés par les chemins de fer, ont pris
leur place sur le marché des mines de diamants et ont inondé le pays de
leurs farines.»
Comme nos lecteurs le verront par les lettres de M. A. Demaffey,
ingénieur des mines, la spéculation est encore très active au Trans-
vaal. A côté des sociétés minières dont le nombre augmente de jour en
jour, celles qui se pi"oposent l'acquisition de terrains sur une grande
échelle pour les revendre par parcelles ne jouent pas le moindre rôle
dans l'activité fiévreuse dont la République sud-africaine est actuelle-
ment le théâtre. Nous avons sous les yeux le compte-rendu de la seconde
assemblée générale de l'Oceana Transvaal Land Company, tenue à
Londres le 29 décembre dernier, et présidée par notre compatriote
M. Henry Pasteur. Quelques-uns des chiffres de superficie de certains
terrains acquis par la Société peuvent donner une idée de l'échelle sur
laquelle opère la spéculation. Dans le district de Lydenbourg, la Société
possède dix-neuf propriétés, dont huit seulement comptent de 40,000 à
rj(),000 acres, elles sont situées près de la frontière portugaise, sur le
versant occidental des monts Lebombo, et près de l'eudi'oit où la Sabi
franchit cette chaîne pour se rendre à la baie de Delagoa. Trente autres
propriétés se trouvent dans le district agricole de Rustenbourg, entre le
Marico, le Limpopo et la rivière des Crocodiles. Dix-neuf autres encore
dans le district des Zoutpansberg, outre de grandes propriétés d'un
— 106 —
seul tenant, Devonshire par exemple de 219,000 acres, et New-Itelgium
de :W6,000 acres, tout pai-ticulièi-ement propi-e à la cultui-e du coton, de
la canne à sucre et du café.
Les Be-Chuanaland Netrs annoncent que M. Henri Clay Moore,
minéralogiste de Californie, se rend dans le pays des Ma-ChoD» et
des Ha-Tébélé, avec l'intention de trouver si possible une route facile
jusqu'au Zambèze. II a déjà visité cette région, et y a quelques amis à
peu de distance du fleuve ; mais les difficultés que créent aux explora-
teui-s les porteurs indigènes et les guerres de tribu à tribu, ainsi que
le climat insalubre de la vallée du Zambèze, l'ont décidé à choisir la
i-oute du plateau à travei'S le pays des Be-Chuana et des Ba-Mangwato.
II a avec lui quelques natifs et deux wagons pourvus de tout ce dout uu
chasseur explorateur a besoin. Le nouveau directeur des raines d'or de
Tati, M. l'ingénieur A. Demaffey, voyagera avec lui, de la rivière des
Crocodiles jusqu'à Tati; après cela M. Moore poui"Suivi'a son chemin
seul. M. Moore parle de Lo-Bengula, roi des Ma-Tébélé, d'une manière
très favorable et ne croit pas qu'il ait jamais donné sujet de so plaindre
de mauvais traitements envers les blancs. Mais le roi exige qu'on l'aborde
avec tout le respect dû au souverain d'un i>eupte puissant comme l'est
celui des Ma-Tébélé. M. Moore n'ajoute pas foi au bruit d'après lequel
Lo-Beugula aurait placé son pays sous le protectorat des Boers. Mani-
festement favorable aux Anglais, il ne pennet pcis aux Boei*s d'cnti-er
dans ses États. Plusieurs blancs, anciens tratiqunnts, sont établis au
milieu des natifs, et le roi est tenu très exactement au courant des évé-
nements qui se passent dans l'Afrique aiLstrale. M. Moore croit que le
pays sera prochainement ouvert aux blancs, mais que les natifs en éprou-
vèrent un accès de jalousie. Il confirme les rapports présentés sur la
richesse du pays en or d'alluvion. Sou attention a été attirée sur ce point
par le commerce d'or que font les l'oi-tugais surleZambènequ'ihi longé
eu se rendant de Barberton à Quilimane.
La richesse aurifère de cette région est aussi confirmée par un rapport
de M. F.-C. SelouH, dont les Procendiiigs de la Société de géographie
de Londres ont publié un extrait. Dans une exploration qu'il faisait au
pays des Ma-Cbona, avec ptusieui-s de ses conipatriote^s, ils ont découvert
un gisement d'or d'alluvion d'une étendue considérable. Mais ee qui le,s
a le plus frappés, c'est une excavation remanpiable, dans une roche
solide, qu'ils croient être une mine d'ancienne date, A Sinola, dit
M. Selous, près de la rivière Angoua, affluent de la Manyame, se trouve
un immense creux circulaire de plus de ?!()'" de profondeur, de 2i)"' de
— 107 —
iliamètre, au fond duquel est une pièce d'eau qui s'étend sui* une lon-
gueur de 60" dans une vaste grotte. L'eau en est d'une couleur extraor-
dinaire, un bleu de cobalt foncé ; elle est cependant très claire, car des
cailloux sont visibles à une grande profondeur. A partir d'un point situé
à 100™ de distance de l'arête du trou se trouve une galerie oblique ou
tunnel qui court là en formant un angle de 45° et qui atteint le fond
juste au niveau de l'eau. M. Selous croit que ces excavations sont le
résultat d'anciennes exploitations aurifères, qu'une veine de quartz a été
exploitée et qu'il en a jailli une source dont l'eau a formé le lac souter-
rain. Si tout cela est l'œuvre de l'homme, il a fallu une somme extraor-
dinaire de tmvail pour la produire. Les indigènes ont construit une ville
palissadée autour de l'ancienne mine d'or, et descendent par le tunnel
pour puiser de l'eau. Celle-ci est tout à fait chaude. Des deux côtés du
tunnel, la roche est couverte de marquées innombrables qui semblent
avoir été faites avec une espèce d'instrument en fer.
Le Cape Argus a reçu d'un correspondant, sur le pays des petits
^ama, au sud de l'Orange, des renseignements qui le montrent sous
un joui' tout autre que celui où on se le représente d'ordinaire. On le
croit d'une chaleur intense ; l'on s'imagine qu'il ne peut convenir qu'aux
Bushmeu, et que tous les Européens y mènent une existence misérable.
Sans doute, dit le correspondant, il fait chaud dans quelques parties du
pays, surtout en décembre et en jan\ier, mais pas plus chaud que souvent
k l'ombre de la montagne de la Table. En février, les matins et les soirs
sont d'une fraîcheur très agréable, la température est beaucoup plus
douce qu'en septembre, époque oii, dans le Hardveldt et le Sandveldt,
les récoltes sont bi'ûlées. Les moissons sont gravement compromises cette
année par suite de l'abondance de canaris du Cap, qui ont ravagé les
champs malgré les effoi-ts des fermiers pour écarter cette gent ailée.
L'exploitation des mines de cuivre prospère, le prix des cuivres ayant
considérablement monté. La Compagnie a l'intention de rouvrir cer-
tains centres miniers dont quelques-uns, celui de Copperberg en parti-
culier, étaient exploités il y a plus de deux cents ans. La réouverture
de ces raines accroîtra la demande de travailleui-s indigènes et euro-
péciLs. La Cape Copper miniug Company d'Ookiep voit le nombre de
i>es employés augmenter chaque aiuiée : les plantations d'arbres y pren-
nent aussi toujoui*s plus d'extension.
Le gouverneur général du Congo, accompagné du directeur des
tinance^, du chef du service topographique et du contrôleur des droits
de sortie, a fait à la fin do l'année dernière une reeonnaij^iianee du
— lOS —
Tcbiloani^o et de la Loukoula, sou affluent, dont le Mouvenienf^
géographique a rendu compte. L'expédition a remonté le Tchiloango
jusqu'à Nzobé, et les rivières Loukoula et Loango sur une longueur-
d'environ 20 kilomètres. Toutes deux sont navigables pour des canots âi
vapeur tirant un mètre d'eau et remorquant des chalands. Malheureu-
sement le cours de la Loukoula est encombré d'arbi'es tombés dans la
rivière, mais qu'il serait facile d'enlever si l'on établissait un poste sur^
ce coui*s d'eau. C'est par la Loukoula que la grande masse des produits
arrive à la côte. Les explorateurs y ont rencontré un nombre considé-
rable de pirogues indigènes chargées des produits du Mayoumba. Aupa-
ravant, les chefs indigènes barraient la rivière et empêchaient la des-
cente des trafiquants de l'intérieui* vers les factoreries du littoral. Mais
depuis ces derniers temps, cet état de choses a pris fin, et actuellement
les canots chargés de caoutchouc, de noix, d'huile de palme et d'autres
articles, descendent librement la Loukoula, De la côte, les négociants des
factoreries ont éprouvé le besoin de se rapprocher des producteurs et ils
viennent à l'envi s'établir sui* la Loukoula. La maison hollandaise venue-
la première a bientôt été suivie pai* les maisons anglaises, françaises,
portugaises, demandant toutes des concessions de terrain sur le terri-
toire de l'État indépendant pour exploiter les produits du Mayoumba*
D'après une lettre de M. Janssen, les rives de la Loukoula sont d'une
grande fertilité, les paysages en sont admirables, la végétation luxu-
riante ; c'est la forêt vierge des tropiques dans toute sa splendeur. Le
lieutenant Mikic, qui l'a aussi explorée, dit que c'est une des contrées
les plus peuplées de l'Afrique. Les villages y sont les uns sur les autres*
Certains jours, son itinéraire en a traversé vingt et même vingt-six. A
droite et à gauche de sa route, il en apercevait d'autres au milieu d'im-
menses plantations de bananiers, de palmiei'S à huile, de maïs, de
manioc, d'arachides, de fèves etc. Tout le monde travaillait, les femmes^
s'occupaient des travaux des champs et de la préparation du maiiioc ;
les hommes manipulaient l'huile de palme, chassaient, péchaient, al-
laient en caravanes vendre les produits aux factoreries de Boma ou de
Tchiloango. Déjà presque tous les hommes sont vêtus de tissus euro-
péens. La sécurité est complète, et quant au climat, tous s'accordent à
reconnaître que le pays est très habitable pour les blancs qui veulent se
soumettre au régime des régions africaines équatoriales.
C'est aussi l'avis de M. Dupont, directeur du Musée d'histoire natu-
relle de Bruxelles, qui a séjourné huit mois au Congo, dont il a
exploré le bassin au point de vue géologique, de la côte de l'Atlan-
— lOîi —
3tîque jusqu'au confluent du Kassaï; il est rentré en Belgique le 8 février
•dernier. Nous avons sous les yeux le texte de la Conférence qu'il a faite
h la Société des ingénieui's et des industriels belges sur les résultats de
son exploration scientifique, et nous voudrions pouvoir entrer dans le
détail des vues qu'il y expose sur le régime fluvial du continent africain,
-sur les montagnes qui limitent à l'ouest le bassin du Congo, la na-
ture des terrains explorés sur une longueur de 6(X) kilomètres, les
ressources industrielles et agricoles qu'ils peuvent fournir, les minerais
<|u'il y a découverts, les aptitudes du nègre au travail et le climat.
L'espace dont nous disposons ne nous le permet pas. Bornons-nous
à ce qu'il dit des minerais. « Les eaux du Congo, contenant des
matières ferrugineuses en assez grande quantité pour en recevoir une
■colomtion ocreuse, doivent nécessairement déposer des sédiments essen-
tiellement ferrugineux. D'autre part, ces éléments ferrugineux devaient
nécessairement tendre à se concentrer, sous l'influence de^ eaux d'in-
liltration, à la base des dépôts d'alluvion. C'est bien ce qui a eu lieu.
Sous l'épais manteau d'alluvion des plateaux, dans toute l'étendue que
j'ai explorée, se trouve un amas de minerai de fer épais de cinquante cen-
timètres à un mètre et plus, qui présente souvent l'aspect d'énoimes mor-
<îeaux de nids de teimites, d'autrefois il est compact. En un grand nombre
de points, on voit des blocs, parfois de plusieurs mètres cubes, sur le
vei'sant des ravins, oîi ils se sont détachés de la base de l'alluvion mise
il nu. On peut dire qu'il n'existe guère sur le globe de contrée plus riche
-en cette sorte de minerai, plus riche par son abondance et plus favorisée
par sa facilité d'exploitation. Si les autres continents venaient à épuiser
leurs gisements, le bassin du Congo suffirait à lui seul pour en fournir
indéfiniment au reste du globe. Cette richesse ne se trouve pas seule-
ment dans la région que j'ai traversée ; c'est surtout plus haut que la
quantité doit en être prodigieuse, attendu qu'au confluent du Kassaï,
les eaux du Congo étaient aussi fortement colorées, pour ne pas dire
plus, que dans les régions d'aval. La grande source des minerais de fer
doit donc se trouver fort avant dans l'intérieur. Mais il existe, dans les
Monts de Cristal, un autre minerai encore plus important. C'est le mi-
nerai de cuivTe à l'état de malachite. Quoiqu'ils soient avides de ce
métal et qu'ils aiment à s'en onier, eux et leui's femmes, de quantités
parfois considérables, puisqu'on cite des négresses du Congo qui por-
tent des anneaux de cuivi*e de plus de trente kilogrammes, les nègres
ne l'exploitent qu'à un seul endroit, à M'Boko-Songho, mot qui, en
langue fiote, signifie source de cuivre. » Quoique cette localité soit située
— 110 —
dans la province du Quilou, cédée à la France, et que les nègres accu-
mulent les obstacles pour empêcher l'étranger d'en approcher pour
s'assurer le monopole de l'exploitation de ces mines, M. Dupont réussit
à les visiter. Elles consistent en des trous assez grands, d'où les indi-
gènes extraient la malachite et du minerai de plomb ou galène, mélan-
gés à du minerai de fer. Sur la rive opposée du Congo, à Bembé, en ter-
ritoire portugais, à 150 kilomètres du fleuve, se trouvent d'autres amas
de malachite qu'une société anglaise a jadis tenté d'exploiter, mais^
qu'elle dut abandonner à cause de la difficulté des transports. Entre ces
deux points, M'Boko-Songho et Bembé, distants de plus de 200 kilo-
mètres, s'étend la vallée du Congo qui traverse les mêmes terrains que
ceux de ces deux localités, et M. Dupont a constaté que les abords du
fleuve sont à leur tour riches en malachite. On comprend que les résul-
tats de l'exploration de M. Dupont soient de nature à réjouir les admi-
nistrateurs de l'État indépendant du Congo.
Celle que M. le capitaine Van Gèle vient de faii-e de l'Oubanfi^i
n'est guère moins importante, puisqu'elle permet de dire avec certitude^
dès aujourd'hui, que cette rivière est le cours inférieur de l'Ouellé, et
d'espérer qu'elle deviendra la voie de pénétration jusqu'à la limite du
bassin du Bahr-el-Ghazal. Le Mouvement géographique qui a publié cette
nouvelle, airivée à Binixelles le 15 mars, par une dépêche de Saint-Paul-
de-Loanda, n'a pu donner encore beaucoup de détails. Toutefois il nous
apprend qu'après une première tentative de gagner, par l'Itimbiri, la
sériba d'Ali-Kobo, le point le plus occidental de l'Ouellé exploré par
Junker, M. Van Gèle reçut du gouverneur général du Congo la missiout
de faire une nouvelle tentative d'atteindre ce point par l'Oubangi. Eu
octobre il quitta Léopoldville avec VEn avant, accompagné des lieute-
nants Liénail et Dhanis et d'un petit détachement de soldats. Il réussit
à franchir les rapides deZongo, et quoique la dépêche soit muette sur la
navigabilité de la rivière en amont de Zongo, il est vraisemblable que
l'Oubangi y est libre, puisque Van Gèle annonce qu'il est parvenu jus-
qu'au 22° de long. E. Entre ce point extrême et celui atteint par Junker
venant de l'est, 22°, 55' long. E., situés tous les deux à peu près sous la
même latitude, il ne reste qu'un peu moins d'un degré du cours de la
rivière à reconnaître. Van Gèle aura exploré, dans ses deux voyages
d'aller et de retour, l'embouchure des aflluents de l'Oubangi, et Ton
pourra apprécier l'importance plus ou moins grande de l'expansion du
bassin du Congo vers le nord.
Un correspondant du Moniteur des colonies écrit à ce journal que
— m —
1 de Brazza ii'airètera pas les progi-ès de Tœuvi-e
Avant son départ, il a chargé d'une nouvelle mis-
1 secrétaire particulier qui, pendant près de deux
tes ses pérégrinations. M. Crampel doit, par la
endre jusqu'à Lastourville pour y organiser ses
i son escorte ; de là il franchira la ligne de par-
ce ot de rOgôoué, gagnera Lékéti sur t'Âlima,
)rdjusqu'auquairièmeparal]èIo en suivant autant
ae ou treizième méridien à l'est de Paris. C'est
auc n'a eiicoi* jamais péuéti-é.
teui-s envoyés ou G«boii par le Comité des mîs-
?aris sont partis de Lisbonne le l> février par le
devaient être suivis le 15 mait* par deux aides
à Anvei-s. Le courrier du (iabon a apporté au
ti-e du D"" Hallay, lieutenant gouverneur de cette
ces envoyés le meilleur accueil, et annonçant
M) francs sera faite à chacune des écoles (le la
1 tête de lai^uelle sei-a placé un instituteur fran-
urs envoyés de Paris, l'un sera placé k Libreville,
es deux auti-es â Kongoué, station située .sur
de grandes écoles où ils trouveront l'emploi de
1 missionnaire sera placé également à Kongoué et
ins de M. Good, missionnaire américain, tout ce
ction des maisonti, le mode de voyager dans ces
[>n un mot, tout ce qui le i*endra apte k assister
ires français dès leur arrivée. Les bons procédés
le vi-airaent fi-aternelle de la mission américaine
it les débuts de IVcuvi-e fram^ise.
int d'infanterie de mai-ine, qui avait coopéré aux
•te du Sénégal, dressée en 188(i par les soins de
înies, est mort au cours d'un voyage d'exploration
IIS le Soudan occidental. Parti de Eamakou, il se
oste important du Niger aux élablissements frau-
[^ tei-ritoire quMl devait traverser n'avait pas été
)uva de grandes difficultés pour sortir des fitats
iTuonta que grâce à son énerçie et & sa connais-
inœui-s et des dialectes des régions sénégalaises,
qui a annoncé son décès, ce serait dans le voisi-
■ 10° lat. nord et lO",»)' long, est, qu'il aurait
— 112 — «
succombé, à peu près à moitié chemin eutre Bamakou et les comptoii*s
de la Côte d'Or \
Le Bulletin de renseignements coloniaux a reçu d'un de ses corres-
pondants une lettre d'api*ès laquelle les lliaro<3aiiis, si attachés qu'ils
soient aux vieilles traditions, semblent peindre le goût pour les longues
courses que n'hésitaient pas à entreprendre leurs ancêti-es. Sur 500 à
600 pèlerins partis du E'harb cette année, une petite minorité ont entre-
pris le voyage par terre, encore tous ceux qui en faisaient partie
venaient-ils de la région au sud de l'Atlas, et n'auraient-ils eu que peu
d'avantages à s'embarquer sur l'Océan. Tous les autres ont profité des
lignes françaises ou anglaises qui desservent la côte.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Au concours général agricole de Paris, MM. Fau, Foureau et C'% qui ont réussi
à planter 100 hectares de palmiers dans l'Oued-Ribr, aux portes mêmes du désert,
ont obtenu pour leurs dattes la plus haute récompense, la grande médaille d'or.
Leur exemple a entraîné d'autres explorateurs : MM. Rolland et Treille, qui ont
créé également des oasis entre Biskra et l'Oued-Kihr.
Les relations commerciales entre Biskra et Touggourt acquérant chaque jour
plus d'importance, il est question de créer un service de courriers entre ces deux
localités.
M. J. Forest aîné qui se proposait de se rendre dans le Sahara, pour y chercher
des emplacements favorables à l'élève des autruches, a renoncé à son projet, mais
il a offert au gouverneur général de l'Algérie une centaine d'autruches à remettre
aux Mzabites dans l'espoir que l'installation de parcs à autruches pourra prospé-
rer dans le Mzab.
M. Massicault, résident général à Tunis, a visité les ruines de l'amphithéâtre
d'Ed-Djem, récemment découvertes à 70 kilom. dans le désert au sud de Kairouan.
Elles ne peuvent guère être comparées qu'à celles du Colysée. Le plus grand axe
a 148 m. de long; les trois étages encore debout mesurent 35 m. de hauteur ;
l'épaisseur du mur d'enceinte est de 42 m. Tout l'édifice est construit en superbes
pierres de taille, décoré extérieurement de soixante arcades espacées de colonnes
d'ordre composite aux premier et troisième étages, et par des colonnes d'ordre
corinthien au deuxième. Il devait pouvoir contenir environ 10,000 spectateurs.
Les ingénieurs de la Compagnie Bône-Guelma hâtent la création de la ligne
Tunis-Kairouan, pour conserver à Tunis le commerce du sud de la régence qui
pourrait être tenté d'adopter la voie de Tebessa à Bône.
' A la dernière heure, un télégramme du Niger, transmis par Saint-Louis, per-
met de douter de l'exactitude de celui qui annonçait la mort du lieutenant Binger.
- 118 —
I>e Df Schliemann s'est renda d'Athènes en Egypte, pour explorer les lieux
occupés par l'ancienne Alexandrie. Après cela, il entreprendra, avec le professeur
Virchow un voyage d'exploration de trois mois le long du Nil.
L'Alliance française a inauguré, à Assiout, une école qui compte déjà une
centaine d'élèves; elle a quatre professeurs qui enseignent les langues française,
arabe et anglaise ; la géographie et l'histoire ; les mathématiques, la physique, la
chimie, la comptabilité ; à ces travaux d'études s'ajoutent encore des notions
d'agriculture. '
L'ingénieur Robecchi-Bricchetti est parti avec M. Giuseppe Landriani pour le
Harrar et le Choa, afin d'étudier la nature du sol an point de vue de l'industrie
agricole, et aussi la qualité des races d'animaux, spécialement de celle des chevaux.
Le voyage qui doit durer deux ans est fait avec l'appui de la Société de géographie
•commerciale de Milan ; celle de géographie de Rome a fourni aux explorateurs
des instruments pour les observations scientifiques. Ils comptent sur la protection
du roi Ménélik.
Les stations missionnaires de Msalala au sud du lac Victoria-Nyanza *et
d'Ouyouy ont dû être abandonnées par suite d'extorsions de la part des chefs indi-
gènes.
On écrit de Lisbonne au Mouvement géographique, en date du 6 mars, qu'un
télégramme arrivé la veille a confirmé la nouvelle que la reine des Amatongas,
du pays de Mapouto, a reconnu la souveraineté du Portugal sur la partie de son
territoire comprise dans les limites que la sentence arbitrale du maréchal de
Mac-Mahon assignait à ce pays. Par le fait les droits du Portugal sont admis
dans toute la baie de Lorenzo-Marquez.
M. F.-C. Selous, qui connaît bien le pays des Ma-Tébélé et qui réside d'ordinaire
dans cette partie de l'Afrique, dément, dans le DUimond Fields Adt:ert%ser, la
nouvelle du massacre commandé par le roi Lo-Bengula, que nous avons reproduite
dans notre numéro de janvier.
Une ligne télégraphique a été établie entre le Transvaal et la nouvelle Répu-
blique des Boers.
Une conférence a eu lieu à Capetown entre les délégués de la colonie du Cap,
de Natal et de l'État libre de l'Orange, pour discuter les bases d'une union doua-
nière et la construction de diverses lignes de chemin de fer. Les délégués doivent
communiquer les résolutions de la conférence à leurs gouvernements respectifs qui
les feront connaître au public.
I^e ministère des affaires étrangères de l'empire allemand a décidé la création
d'an consulat spécial pour la République sud-africaine, et a chargé de ces fonc-
tions M. Ritachl jusqu'ici consul à New-York. Le D*^ Bieber demeure consul de
l'Afrique australe anglaise et de l'État libre de l'Orange.
Le vapeur le Pemhroke Castle, parti de Dartmouth pour l'Afrique australe avait
à bord une centaine d'émigrants qui comptaient s'établir dans le pays des
Be-Chuana, entre Vrybourg et la rivière Molopo.
Il s'est formé à Berlin, sous le nom de Syndicat des mines d'or de l'Afrique
australe occidentale, une société qui a pour but d'explorer les gisements aurifères
— 114 —
dans le territoire soumis au protectorat de l'Allemagne; d'acquérir des concessions
de mines d'or et de pierres précieuses; d'en organiser l'exploitation, et de fonder
ensuite une société à laquelle elle vendrait les concessions obtenues et exploitées.
Le comptoir d'Escompte de Berlin, la banque Bleichrœder et la Banque allemande
font partie de ce syndicat.
Sous le nom de Société minière africaine allemande, il s'est fondé à Berlin une
association qui se propose d'exploiter les gisements aurifères de l'Afrique australe
occidentale. M. le D^ Braumuller, membre du comité de la Société polytechnique
de Berlin, et ingénieur des mines, est chargé de la direction d'une expédition.
Cette entreprise -est indépendante de celle que dirige le syndicat susmentionné.
D'après un télégramme de Loanda du 7 mars, le major Henri de Carvalho est
arrivé à la côte ayant ainsi terminé son expédition au pays du Mouata-Yamvo.
M. G. Wilmot Brook a quitté l'Angleterre pour se rendre, par le Congo, chez
les tribus du Soudan central, où il compte s'établir comme missionnaire. 11 écrivait
le 2 octobre de Stanley-Pool, « sur l'avis des personnes les plus autorisées, je
rémonterai l'Oubangi jusqu'aux rapides de Zongo, puis, par canot, jusqu'à l'éta-
blissement d'Ali-Kobo sur l'Ouellé moyen. »
Jacques de Brazza est mort des suites d'une maladie dont il avait contracté les
premiers germes dans ses explorations de 1883 à 1886, entre le 2° lat. nord et le
2° lat. sud, entre le Congo et l'Ogôoué. Il en avait rapporté d'importantes collec-
tions exposées aujourd'hui au Muséum d^histoire naturelle et au Muséum d'ethno-
graphie du Trocadéro.
L'état général du gros bétail à Boma est toujours excellent. Les moutons arri-
vés par le Vlaanâeren sont en bonne santé, ainsi que les ânes de Ténériffe qui ont
beaucoup gagné depuis leur arrivée. Au 31 janvier, le troupeau comptait
1 15 bœufs et 49 moutons. Celui de Mateba, également prospère, comptait 40 veaux
nés dans l'établissement.
Un deuxième steamer de la Sanford Exploring Expédition, le New-York, est
arrivé à Stanley-Pool où l'on procède à son remontage.
Une dépêche de Cameroon a annoncé l'arrivée dans la colonie allemande du roi
de Samoa, Maliétoa, qui y restera interné.
Sir James Marshall s'est rendu au Niger pour y organiser l'administration
judiciaire dans les territoires placés sous le protectorat britannique. Il a emmené
avec lui le fils de Sir Robert Kane, qu'il compte initier aux meilleurs moyens à
employer dans les rapports avec les indigènes.
On mande du Sénégal que la ligne télégraphique de Niagassola à Séguiri, le
nouveau poste du Niger créé par le colonel Galliéni, a été terminé le 2 février.
Une vingtaine d'ouvriers parisiens se sont embarqués à Bordeaux pour le
Sénégal, où ils vont entreprendre l'éclairage de la ville de Saint-Louis à la
lumière électrique.
Le Moniteur des Colotiieft annonce qu'un service tri-hebdomadaire de courriers à
pied a été inauguré entre Tanger et les points de la côte du Maroc jusqu'à Moga-
dor par l'administration espagnole des postes. Ces piétons marchent jour et nuit
et se relèvent de ville en ville. Ce service, qui a été très bien accueilli par le com-
— 115 —
merce, fonctionne en combinaison avec celui des bateaux à vapeur de Cadix à
Tanger.
LE COMMERCE OE LA GOMME ARABIQUE
Dans notre III"** Année, nous avons donné, p. 73 à 77, sur le^ Amcias
çoinmiers en Afrique, un article dans lequel nous avions surtout en vue
le Sénégal et la gomme fournie par cette colonie française. Nous avions
eu garde, cependant, d'oublier le Soudan oriental, et nous avions men-
tionné entre autres l'installation à Khartoum d'un certain nombre de
maisons anglaises, françaises, italiennes, pour l'exploitation de la gomme
dite arabique dans la région du haut Nil. Les succès obtenus au début
par les commerçants européens ont naturellement été compromis par la
révolte du Mahdi, et par la rupture des communications avec le Caire et
Alexandrie d'un côté, avec Souakim et Massaoua de l'autre. Il en est
résulté, pour le commerce européen, une grande perturbation et une
augmentation considérable dans les prix de la gomme. Notre attention
ayant été attirée sur ce fait spécial, nous avons tenu à nous rendre un
compte précis des changements survenus à cet égard, et nous avons été
heureux de profiter des bons offices d'un de nos compatriotes pour être
mis en rapport avec la maison Gehe et C" de Dresde, parfaitement ren-
seignée sur ce sujet, afin de donner à nos lecteui's des informatiouî^
exactes sur les conditions actuelles du commerce de la gomme du Sou-
dan. C'est du mémoire que cette maison a bien voulu nous adresser que
nous extrayons ce qui suit :
Il y a sans doute en Arabie des plantations d'acacias qui fournissent
de la gomme ; cependant l'exportation directe de produits de ce pays
est fort peu de chose. C'est à la gomme africaine que l'on donne le nom
de gmnme arabique, parce qu'autrefois et, jusqu'à un certain point,
aujourd'hui encore, une partie de la gomme fournie par la côte des pays
soraalis et parles territoires africains.de la mer Rouge, étîiit d'abord
envoyée dans les ports d'Arabie, pour être de là réexpédiée en occident.
La gomme dite de Djedda doit son nom au port d'Arabie d'où elle est
embarquée pour l'Europe. Néanmoins, c'est bien l'Afrique qui est, à
proprement parler, la patrie des acacias ou mimosas qui sécrètent la
gomme. Us y occupent une zone qui travei*se le continent tout entier, du
àSénégal à la mer Rouge, par le Soudan, la Lybie, la Nubie et l'Egypte.
On trouve aassi des forêts de mimosas au Sennaar, sur le Nil bleu, en
Abyssinie et dans les pays somalis. Toutefois la gomme en est de qualité
inférieure. La meilleure gomme, la blanche, la seule qui puisse être
— 116 —
employée en médecine, est celle qui provient de V acacia senegalensis du
Kordofan. L'arbre atteint environ six mètres ; il se distingue des nom-
breuses espèces d'acacias par ses fleurs en grappes de cinq à huit centi-
mètres de long, dépassant de beaucoup las feuilles, ainsi que par leur
couleur jaune pâle, presque blanche. La \Taie gomme arabique du Kor-
dofan forme des morceaux oblongs ou sphériques, ou encore vermiculai-
res, traversés de crevasses nombreuses et se cassant facilement comme
du verre. Du Kordofan, elle était transportée par une route tendant au
nord jusqu'à Dalté, port sur le Nil, ou bien par Khartoum au Caire et à
Alexandrie, qui étaient les deux principaux ports d'exportation pour les
meilleures espèces de gomme africaine.
Les qualités inférieures de gomme provenant de mimosas du sud de
l'Afrique sont transportées à la côte orientale, d'où elles arrivent en
Europe, en partie par Bombay, sous la désignation de gomme des Indes
orientales.
I/importance de la récolte de la gomme subit des fluctuations consi-
dérables dues surtout aux conditions météorologiques de l'année. En
outre, les éléphants, les babouins, les antilopes peuvent exercer de grands
ravages en arrachant les arbustes, en en dévorant les feuilles ou en en
rongeant Técorce.
La guerre du Soudan et Tanarchie qui en est résultée ont exercé ces
dernières années une influence pernicieuse sur la production et sur Tex-
l)ortation de la gomme africaine. La quantité exportée a diminué d'année
en amiée; aujourd'hui on n'en exporte plus. Si, malgré cela, la gomme
n'a pas fait complètement défaut jusqu'ici, cela vient de ce que d'autres
<*spèces de gomme, de Berbérie, d'Australie, des Indes orientales, de
Tunisie et d'Algérie, ont remplacé dans le commerce la gomme du Kor-
<lofan.
La statistique des deux places de ïrieste et de Londres, les centres
])iincipaux du conmierce de la gomme, pennet de se rendre compte de
1.1 diminution sui^venue dans la' production de la gomme africaine et de
1 augmentation de celle des autres pays producteurs.
Pour Trieste, l'importation de la gomme du Kordofan a été
en 18H0 de 20,r)37 surons '.
18S1 1G,848
1882 12,272
188H 10,388
1884 5,9^-}
• Colis de gomme du poids de 80 à 90 kilog. couverts d'une peau de bœuf fraîche.
— 117 —
Tandis que la gomme importée des Indes orientales et d'Arabie à Lon-
dresaétéen 1880 de 9,530 surons.
1881 9,267
1882 12,807
1883 14,985
1884 18,677
1885 31,110
Ainsi, pendant que l'exportation de la gomme africaine pour Trieste
diminuait d'année en année, puis cessait tout à fait, celle de Londres»
non seulement n'a point diminué ces dernières années, mais elle a aug-
menté d'une manière notable, ce qui s'explique par le fait qu'à Londrea
arrivent essentiellement les gommes des Indes orientales, de l'Australie,
du sud de l'Afrique, qui sont entrées dans le commerce lorsque le man-
que des vraies gommes africaines s'est fait sentir; ce sont elles qui, de
plus en plus, sont employées aujourd'hui.
Dans ces conditions-là, et à mesure que l'importation de. la gomme du
Soudan a diminué, le renchérissement des prix s'en est suivi naturelle-
ment. Aujourd'hui, la vraie gomme naturelle du Kordofan se paie jus-
qu^à 340 shillings, et les qualités de choix jusqu'à 600 shillings le quintal,
tandis qu'en 1883 on obtenait les mômes qualités pour 55 shillings et
100 shillings.
11 est probable que les prix des gommes se maintiendront longtempi^
encore aux taux oii ils sont cotés aujourd'hui, car le rétablissement de
Tordre au Soudan ne paraît pas prochain, et en tout cas il faudra un
certain temps avant que l'on puisse rassembler les récoltes et renouer
I^ communications commerciales actuellement interrompues.
LA RAMIE EN ALGÉRIE
Nous avoiis parlé, dans notre dernier numéro, p. 77, des encourage-
ments accordés par le gouvernement français à la culture de la ramie
dans sa colonie algérienne. Depuis un certain nombre d'années, en effet,
des essais ont été faits poiu* y introduire cette plante, dont les propriétés
textiles peuvent rivaliser avec celles du lin, du chanvre, du coton et
même de la soie. Des rapports ont été adressés à ce sujet au ministère
de l'agriculture ; une commission dite « delà ramie » a été nommée pour
s'occuper de la question. Le moment nous paraît venu d'informer nos
lecteurs de ce qui a été fait à cet égard, en disant d'abord quelques mots.
— 118 —
de la plante elle-même et des usages auxquels elle est employée, d'après
les reuseignemeuts fournis par M. Napoléon Ney, un des promoteurs de
cette culture en Algérie, dans une conférence faite le 28 décembre de
Tannée dernière au Comité de l'Afrique du nord de la Société de géo-
graphie commerciale de Paris.
La ramie, originaire de l'Asie et des pays équatoriaux, est une plante
de la grande famille si variée des urticées. C'est une oïlie sans dards,
dont on compte plusieurs espèces en Chine, au Japon, dans l'Inde et
dans l'Archipel de la Sonde. Elle atteint dans ces pays-là de 1™ k 3"" de
hauteur ; on en fait jusqu'à cinq ou six coupes par an et elle repousse
comme la luzerne. Elle peut s'acclimater parfaitement en Algérie, en
Tunisie, au Sénégal, à la Réunion. Séparée du bois, sa fibre constitue un
textile précieux, car elle est plus foi*te que le meilleur chanvre, dit
M. Ney, plus fine que le plus beau lin, et aussi brillante que la soie aux
reflets les plus chatoyants.
De temps immémorial les Chinois ont employé la ramie aux usages les
plus divers ; ils en fabriquent des filets de pèche, des tissus, des vête-
ments fort beaux imitant la soie à s'y méprendre. Elle a été longtemps
comme sous le nom d'ortie de Chine, et en Angleterre sous celui de chi-
nagrass. Depuis une trentaine d'années, des botanistes et des industriels
en France et en Angleterre lui ont accordé une attention particulière.
A chacune des expositions internationales qui se sont succédé, depuis
celle de Londres en 1851 jusqu'à celle d'Anvers en 1885, plusieurs
industriels qui avaient fait venir l'ortie de Chine, où la fibre textile est
séparée du bois à la main par les indigènes aussitôt après la coupe,
avaient fait filer et tisser cette fibre et avaient obtenu des résultats ti-ès
satisfaisants. Mais les spécimens exposés provenaient d'une matière tex-
tile qui arrivait tout apprêtée de l'extrême Orient et dont la plante n'était
pas acclimatée en Europe.
Divers jardins botaniques d'Europe firent dès lors des expériences
qui prouvèrent que la ramie pouvait prospérer dans les climats tempé-
rés. En France, en particulier, de nombreux travaux furent publiés sur
l'origine de la ramie, sa culture et ses applications industrielles. En
188H, entre autres, M. Harmand, consul général de France à Calcutta,
adressa au ministre des affaires étrangères un rappoii: qui fut publié
dans le numéro de mai 18<s7 du Bulletin du ministère de l'agriculture, et
qui traitait de la ramie au point de vue du climat, du sol, de l'aménage-
ment des terres, de la plantation et des soins au point de vue de la
récolte, do la coupe des tiges, du rendement, de la valeur de la fibi-e
— 119 —
préparée, de la préparation mécanique des tiges, des divei*s concoui's
institués par l'Angleterre en faveur des meilleures machines à décorti-
quer et qui jusqu'alors n'avaient donné que des résultats incomplets, etc.
C'est en effet de la décortication que dépend l'avenir industriel de la
ramie ; c'est l'insuflSsance des procédés généralement employés, la diffi-
culté de la transformation de la plante en fibre textile, qui en a retardé
l'apparition sur les marchés de l'Europe occidentale comme succédanée
du chanvre, du lin et de la soie, et qui a jusqu'à présent bYvété l'exten-
siou de cette culture.
Les recherches et les expériences de laboratoire n'ont cependant pas
manqué, non plus que les inventions de machines de systèmes.divers pour
la décortication. M. Ney compte que, de 1883 à la date du 1*' octobre
1887, il a été pris, en France seulement, 517 brevets ou additions de bre-
vets ayant pour objet divers systèmes de décortication de la ramie.
Deux procédés surtout divisent les industriels qui s'occupent de cette
question. Les uns, estimant qu'un procédé est d'autant plus parfait qu'il
se rapproche davantage du procédé naturel, tiennent pour la décortica-
tion à l'état vert, à l'imitation des Chinois ; c'est-à-dire que les machines
quMls proposent traitent la plante aussitôt coupée, alors que les varia-
tions de température et la tendance à fermenter qu'elle possède au plus
haut degré n'ont pas encore modifié la qualité des fibres, au point de
vue de la ténacité et de la résistance à la traction. Poui* les autres inven-
teurs, l'impossibilité de décortiquer assez rapidement à l'état vert les
quantités considérables de tiges qui couvrent un champ de ramie, leur a
fait adopter la décortication à l'état sec. Dans les pays chauds et secs,
lei^ tiges se dessèchent trop vite pour être bien décortiquées vertes; dans
les pays chauds et humides, la fennentation hâtive des tiges altérera
leur qualité d'une manière irréparable. D'où résulte la nécessité de
décortiquer en un temps très court, ce qui exige un grand nombre de
machiner avec une main-d'œuvre considérable, travaillant pendant un
temps très limité. Le,s machines de ces derniers inventeui-s décortiquent
donc à l'état sec les tiges de ramies amenées de loin et desséchées dans
des magasins ad hoc.
D'autres machines ont été inventées pour décortiquer à l'état vert et
à l'état sec à la fois. Enfin il existe un procédé original qui tient des
deux systèmes; c'est celui de la vapeur chaude. Les tiges desséchées
^mt placées dans des caisses de bois fermées et percées, à leur partie
inférieure, de trous par lesquels arrive la vapeur d'eau qui circule à
travei-s les tiges séchées. Quand l'action de la vapeur a duré de 10 à 20
— 120 —
minutes, on ouvre les caisses, et la décortication à l'état humide s'opère
à la main, selon le procédé des Chinois.
L'expérience acquise par M. Ney lui fait croire seule boime la décor-
tication à l'état vert, après la coupe et à pied d'œuvre, à la condition
d'avoir une machine produisant par jour une forte quantité de filasse.
Entre les deux parties fibreuse et ligneuse de la plante, il existe une
adhérence produite par une espèce de ciment désigné sous le nom de
pectose, qui est un gi*and obstacle à la décortication et qui exige un
dégommage complet de la fibre de ramie. C'e^t sur ce point que la com-
mission de la ramie a porté son attention en dernier lieu. D'après le
Journal officiel, elle a entendu, le 13 février dernier, une communication
de M. Frémy, membre de l'Institut, directeur du Muséum d'histoire
naturelle, sur les résultats auxquels l'ont conduit ses recherches relati-
vement aux tissus ligneux. M. Frémy est an-ivé, pour la ramie, à sépa-
rer l'épiderme de 1 écorce, c'est-à-dire la matière jaune de la matière
fibreuse dont on extrait les fils, en dissolvant, par certains pi*océdés chi-
miques, les substances désignées communément sous le nom de gomrae
et qui forment l'espèce de ciment susmentionnée. Il eu ressort que si le
procédé découvert par M. Frémy est assez pratique et économique pour
être adopté par Tindustrie, la question de l'utilisation de la ramie en
Occident aura fait un pas en avant.
En attendant, quelles ont été les expériences tentées en Algérie au
point de vue de la culture de cette plante textile V D'après le Moniteur
des Colonies, il y a plus de trente ans que le.^ premiei's essais ont été
faits, et cela dans la province d'Oran, en isôf). Les premières graines y
ont été semées par des Chinois amenés par un officier attaché à l'ambas-
sade de Pékin. Dès lors des expériences ont été faites au Jardin d'essiii
d'Alger, dans les environs de Bouffarik ; elles ont été concluantes, et éi
la culture de la ramie n'a ptis été entreprise en grand par les colons,
cela tient uniquement au manque d'une machine donnant une décorti-
cation complète, rapide et à bon marché. En 1884, le ministre du com-
merce d'alors, M. Hérisson, donnaàM. Ney, qui depuis plusieui's années
s'occupait de la question, une mission officielle à ce sujet. M. Ney créa
aloi's dans la province de Constantine une plantation pépinière pour étu-
dier le régime de la plajite en Algérie, dans un sol propice et d'une im-
jïortance suffisante pour lui permettre de faire des expériences de décor-
tication sur une grande échelle quand le moment serait venu. Pendant
les trois dernières années, M. Ney, avec plusieurs de ses amis, étudia de
la manière la plus précise tous les procédés et toutes les machines nou-
r
Tellf*« inventées pour k décorticatioii de la ramie, notant tous 1
pris realisé-s successivement, jusqu'au jour oii, ayant enfin trou
toHchinequi, diaprés lui, ]-épondait pleuienieut aux desiderata, il i
à (les expériencej> pratiques qui donnèrent un résultat f!ivoral)le. I
dernière, le comice agricole lio itoufl'arik ouvrit un concours j,
machine la plus parfaite. Au mais de juin eurent lieu, près de (J
»us la direction de M. Ney lui-même, des expériences de décoiM
auxquelles assistèrent le préfet de Constantine, le président du
{Ténéral, plusieurs conseillers généraux et nombre de notabilités
partemeut. Au point de vue technique, la décortication à l'ét
parait un résultat acquis ; il a été obtenu au moyen d'une niachi
inmple, très résistante et d'un prix peu élevé. Le gouverneur géii
l'Algérie, frappé des résultats obtenus, manda à Alger M. Ne;
offrit son bienveillant appui. A la demande de M. Ney, une enqm
cielle fut faite sur l'extension prise en Algérie par !a culture de la
pt cette enquête pennitde constater qu'il existe, à l'état de pépi
variant entre cinq hectares et cinquante centiare, environ seize h
plantés en ramie, verte ou blanche, ainsi répartis :
Département d'Oran 4 hectares.
" d'Alger fi >•
» de Constantine ... T »
Cela peut paralti-e peu de chose comme plantation, mais il y
ces seize hectai-es un noml)re considérables de plants qui pennet
de mettre nipidement en valeur une vaste superficie de terrain.
Pour le développement de cette cultui-e, il était nécessaire de
si |ji vente du produit en serait assurée pour les planteui-s. M. Ne;
amis ont vL^té les tilateurs des départements du Nord, de la Non
et dePouest de la Fi'ance, et ont reçu d'eiLX des offres d'achat p(
ijUitntités coiu^idéi-ables à des prix réniunérateui-s. Les déliouchi
donc ouverts à ceux qui voudront se livrer à cette culture.
Les expériences faîtes montrent que la plante, en Algérie,
pieiue valeur au bout de la deuxième année et (lu'elle donne de
quatre coupes. En prenant des niinima pour le rendement à l'h
et tous frais déduits pour location, cultui-e, récolte, décorticatioi
M. Ney estime que le bénéfice net dépasse l,2i»U francs par he(
Kii présence de la dimitmtion en France <les cultures du li
chanvre, celle de la ramie dans la colonie paraît avoir un avenir
Il y a vingt-cinq ans, plusieurs des <lépartemcnts français prosp
par In cultui-e du lin et du chanvi-e qui uccupait 'AiO,tHM hectan
^H
— 122 —
jourd'hui, 85,000 hectares à peine sont employés à cet usage. La France
importe annuellement 130 millions de kilogrammes de textiles : chanvre,
lin, jute, etc., et le chiffre en augmente chaque année. Les filateurs
français se sont naturellement préoccupés de cet état de choses et oui
exprimé le vœu que la ramie fût cultivée en terre française. L'un d'eux
écrivait de Roubaix, en 1887 : « Tout le monde connaît l'extrême l>on
marché du coton de qualité courante, mais tout le monde ne sait pas
l'influence qu'exercera ce textile sur les industries similaires du lin, de
la laine et de la soie. A l'époque oii nous vivons, le premier pas est au
bon marché, fût-ce même au détriment de la qualité, et les nécessités
de la concurrence forcent l'industriel à de^ combinaisons de matières
qui le portent de plus en plus vei*s le textile du prix le plus bajs. Malgi-é
toutes ces concessions, le lin ne peut plus lutter contre le coton ; en un
mot cette industrie, si impoilante à une certaine époque, est aujourd'hui
menacée de crouler. Le remède à cette situation ne peut être que dans
la venue d'une nouvelle matièi*e textile ; c'est ici qu'apparaît toute Tini-
portance de la ramie qui est certainement une plante exceptionnelle. »
Le pays qui entreprendra le premier, sur une grande échelle, la cul-
ture de ce textile, est assuré d'y trouver un produit très rémunéra-
teiu*. Le Moniteur des Colonies a annoncé, il y a quelque temps déjà,
qu'une puissante compagnie anglaise, au capital de 880,000 liv. str.,
soit 22 millions de francs, s'est constituée en Angleterre pour le déve-
loppement et la culture de la ramie dans les possessions anglaises de
l'Inde. De son côté, le Moniteur de VAlf/érie reçoit d'un correspondant
l'avis que M. Numa Bothier, un des propagateui's de la ramie en Algérie,
a reçu d'Amérique une conunande fenne de 200,000 pieds de ramie, et
que, si ce premier envoi réussit, d'autres demandes suivront.
Ces circonstances expliquent les raesui'es adoptées par le gouverne-
ment français pour encourager en Algérie les plantations de ramie. In-
dépendamment des primes annuelles de 800, 5<X), et KXX) francs pour les
cultures les plus soignées, dont nous parlions, il y a un mois, la Com-
mission de la ramie a proposé au gouvernement d'affecter chaque année
une somme de 60,0(X) francs à des expériences, des missions, des ré-
compenses, et d'instituer un prix de 20,000 francs pour la meilleure
machine à décortiquer présentée dans le délai d'un an. Les épreuves
pratiques auraient lieu publiquement au ConseiTatoire des Arts et Mtv
tiers en présence d'un jury nommé par le ministre de l'agriculture.
— 123 —
CORRESPONDANCE
Xeltres de Pretoria, de Jf. A. Demafrej'y Ingénienr des mloes^
Pretoria, 13 février 1888.
Cher Monsieur,
J'ai reçu votre très aimable lettre du 30 décembre.
A mon retour du Ma-Tébéléland, j'avais l'intention de vous envoyer mon itiné-
raire; mais, comme il a été décidé que je retournerai au pays des Ma-Tébélé er^.
qualité de Directeur de la Tati Concession, pour une année au moins, que j'aurai
par conséquent l'occasion de compléter et de rectifier mon premier itinéraire, je-
préfère attendre de vous envoyer mes notes, qu'elles soient assez complètes pour
que vous puissiez en tirer parti et publier dans V Afrique une nouvelle carte du.
Ma-Tébéléland. D'autant plus que cette fois j'emporte avec moi tous les instruments-
nécessaires pour faire des observations, et que je me propose dç faire la triangu-
lation de la Tati Concession, par conséquent de relever exactement le cours de»
rivières Shashi, Tati et Romakabane, depuis leur jonction jusqu'à leurs sources,
n y a un point que je veux élucider : la rivière Makloutsie se jette-t-elle dans la
Shashi, ou bien directement dans le Limpopo ? Presque toutes les cartes que j'ai
vues montrent la Makloutsie se déversant dans la Sashi, mais d'après les rensei-
gnements que j'ai obtenus de chasseurs qui connaissent bien la contrée, la Ma-
kloutsie coulerait directement dans le Limpopo.
Je vais me mettre en route pour Gouboulououayo, ou plutôt je suis déjà ei»
route, car ma petite caravane est campée à quelques milles d'ici, sur le bord d'un
spruit qu'elle ne peut pas franchir. Nous avons eu ces jours-ci des pluies torren-
tielles et les plus modestes ruisseaux sont transformés en torrents.
J'ai reçu le numéro de V Afrique dans lequel vous avez eu l'obligeance de-
publier les quelques renseignements que je vous avais envoyés sur les mines dià
Transvaal.
Le ScJitcindel (vertige) existe toujours, quoiqu'il ne soit pas aussi vivace qu'il y-
a dix ou douze mois. Mais on flotte des compagnies pour des sommes insensées^
nullement en rapport avec la richesse des mines. Un trop gros capital peut tuer
la meilleure mine du monde ; d'autant plus que la presque totalité du capital va
dans la poche des vendeurs.
Les mines de Moodies, ou pour mieux dire les cinq mines qui se trouvent sur le-
Pioneer Reef, se sont fusionnées. La nouvelle compagnie s'appelle la United
Pioneer Gold Mines C**, avec un capital de 140,000 L. dont 96,000 pour les ven-
deurs. C'est relativement raisonnable et je crois que cette compagnie a des chances>
sérieuses de réussite.
A Johannesburg, on fait plus de bruit que d'ouvrage. 11 y a là quelques très,
bonnes mines qui pourraient donner de beaux dividendes si elles étaient tra-
vaillées convenablement. Mais très peu sont réellement préparées pour l'exploi-
tation.
— 1:34 —
Od a découvert ces derniers mois de couveauK gisements aurifères aux Zoutpaos-
Iterg, à Malmun et dans plusieurs autres endroits. Je ne les si pas visités, mais
<l'après les renseignements que j'ai eus, on n'a jusqu'à présent rien trouvé de
■vraiment sérieux.
Les nouvelles qui arrivent du Ma-Tébéléland sont sujettes à caution. Je n'imaginais
pas que l'histoire du massacre de 150 noirs vous fût parvenue, autrement je vous
aurais écrit de suite pour la démentir. Je connais Seloue, je l'ai rencontré derniè-
rement à Kiniberley ; il était très vexé et a écrit une lettre fort vive, en réponse aux
articles parus dans le Standnrd. Cette lettre a été publiée dans te Diamond fieJda
Advertiser du 20 janvier. Je voua enverrai, de Tati, les nouvelles mue» du Ma-Té-
béléland. Lo-Bengula s'est placé sous le protectorat du Transvaal; le Président
Krflger me l'a affirmé.
Jeppe va publier une nouvelle carte du Transvaal comprenant la partie sud du
pays des Ma-Tébélé. Vous y verrez mon itinéraire de retour de Tati.
Pretoria, U février 1888.
Dans ma lettre d'hier j'ai oublié de vous parler du chemin de fer de la baie de
Delagoa. Vous me demandez pourquoi le gouvernement du Transvaal ne continue
pas la ligne.
Voici ce que j'ai enteudu dire à ce sujet :
Le chemin de fer appartient à une compagnie porlitgaise, de nom seulement.
£n réaiiti^ elle est dans les mains d'nn Américain — M. Mullan, je crois —'et le
«apital a été fourni par des Anglais.
Les tarifs de douane 4 Delagoa-Bay sont beaucoup moins lourds que ceux de
Natal et de la Colonie du Cap. Mais les tarifs de la compagnie sont tellement
élevés que la différence est plus que compensée.
Le gouvernement du Transvaal dit : Réduisez vos tarifs, et je ferai la ligne
jusqu'à Pretoria. Sinon, exploitez votre ligne comme vous pourrez, mais ne passez
pas sur le territoire du Transvaal. C'est, comme vous voyez, une simple question
de tarifs. Je pense qu'il s'écoulera encore un long temps avant que Pretoria voie
une locomotive. Pour le moment nous sommes bloqués dans Pretoria, à cause
des pluies. Le service postal est interrompu depuis trois jours. Il n'existe pas de
ponts au Transvaal et les routes (?) sont dans un état pitoyable.
Je pense que j'aurai un voyage pénible jusqu'à Shosliong. Si j'y arrive dans
trois semaines, je serai bien content.
A. Denapfev.
BIBLIOGRAPHIE ■
Rér. W. Hulma» Bentley. Dk^ionary and Goammar of the Kosimi
i.AXfU'AiiE, AS si'OKKN AT San Salvarok. Loiidoi) (_Baptist miiiâioiiarY
■ On peut se procurer à la librairie H, Gcorg, à Genève et à Bile, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans l'Afrique ej^orée el eiviiiiie.
— 125 —
Society), 188G, itt-S**, 22 p.— Cet opuscule n'est (jue la préface d'un
ouvrage qui doit être assez considérable et que M. Bentley a dédié au
roi des Belges. M. Cust a bien voulu faire précéder cette préface d'une
courte introduction. L'ouvrage a été préparé pour la raission baptiste
au Congo. L'auteur, qui a fait partie de cette raission, est re^té cinq
ans dans la région du Congo inférieur. Revenu en Europe, il a classé
ses matériaux et rédigé son livre. La langue congolaise qui est parlée à
San Salvador, ancienne capitale de l'empire du Congo, n'est en réalité
qu'une des nombreuses formes du langage usité dans le bassin du grand
fleuve. Cet idiome prend place à côté du souahéli, du zoulou, du pon-
goué, comme une des langues typiques de la grande famille bantôu.
Tout en différant les uns des autres par plusieurs particularités, tous
ces idiomes présentent certaines affinités qui indiquent leur commune
origine. Par suite de son long séjour dans le pays, M. Bentley a
pu résoudre divei-ses questions qui éclaireront d'un jour nouveau cette
étude à peine commencée. Dans la préface il raconte la découverte du
Congo, l'histoire des missions dans ce bassin, et établit les règles qui
ont servi de base à son ouvrage.
ly Karl Wilfielm Schmidt. Zanzibar. Ein ostafrikanisches Cultur-
Bild. Mit 15 Abbildungen und einemPlan. Leipzig (F.-A. Brockhaus)»
1888, iu-8% 184 p., fr. G. — Il serait difficile, sinon impossible, de trou-
ver une monographie plus complète de la ville de Zanzibar. L'auteur,
qui est resté pendant dix-huit mois au service de la Société allemande
de l'Afrique orientale, a résidé tantôt à Zanzibar même, tantôt à l'inté-
rieur du continent. 11 a su observer, recueillir des matériaux, des statis-
tiques, et, de retour en Europe, il publie une description très détaillée
de cette ville intéressante, sur laquelle l'attention de l'Europe s'est
longtemps portée pendant les grands voyages de Speke, de Livingstone^
de Stanley, etc. Dans cette étude, rien de ce qui intéresse une cité n'a
été omis; le lecteur voit passer devant lui, la ville, son port, ses rues»
ses maisons de constructions diverses, le palais du sultan, les principa-
les places de la ville et les différents types composant la population
bigarrée qui s'y presse. Sur les 2(X),0(X) habitants que compte l'île
entière de Zanzibar, la ville à elle seule en renfenne 80,000, ce qui est
le double de ce qu'elle comptait il y a 25 ans. Les Arabes et les Nègres
forment le fond de ce peuple. Comme étrangers, l'on trouve environ
5000 Hindous, des Beloutchis, des Persans, et seulement 80 Européens
pour la plupart Anglais ; tous -obéissent sans difficulté au sultan Saïd
— 126 —
JBargasch, dont l'ouvrage donne un beau portrait ainsi qu'un auto-
-graphe.
Les deux derniers chapitres sont consacrés au commerce et aux cou-
-ditions climatériques et sanitaires de Zanzibar. Tous les faits qui s'y
rattachent sont exposés en détail avec chiffres à l'appui. La tempéra-
ture moyenne annuelle de Zanzibar est de 22'',5; cette chaleur, jointe à
rhumidité, cause différentes maladies que l'auteur énumère les unes
après les autres, avec leur caractère principal et le traitement à suivre.
Plusieiu^ gravures bien exécutées illustrent cet ouvrage, qui se tei^
mine par un plan de Zanzibar au 1 : 25,000.
Hermann Soyaux, Deutsche Arbeft in Afrika. Erfahiningen un«l
Betrachtungen. Leipzig (F.-A. Brockhaus), 1888, in-8% 182 p., fr. 4,5().
— Ce livre est une étude forte et mûrie de l'état actuel de la colonisation
allemande en Afrique et de son avenir. Ayant séjourné près d'une
<iizaine d'aimées dans l'Afrique équatoriale, et ayant eu l'occasion d'eu
étudier les ressources et le commerce, l'auteur se croit en droit de don-
ner à ses compatriotes des conseils sur la manière de faii'e valoir leurs
récentes acquisitions. Les différents sujets qu'il passe successivement eu
revue se rapportent principalement à l'état actuel de nos coimaissances eu
géographie et en histoire naturelle sur l'Afrique allemande, à son climat,
à sa floi-e et aux produits qu'on peut en exporter, au rôle des indigènes
comme travailleurs dans les plantations, enfin à la méthode à suivre pour
-arriver à tirer le meilleur parti des colonies. Cet ouvrage renferme un
grand nombre de renseignements nouveaux très intéressants, et beau-
coup d'indications utiles dictées par une longue expérience.
M. Soyaux, est tout à fait partisan de la politique coloniale, mais il ne
se dissimule pas la difficulté de l'œuvre entreprise, ni les sacrifices im-
menses que la nation et les particuliers devront s'imposer avant de
retirer un bénéfice réel de l'exploitation des colonies. Il croit qu'on
se fait, en Allemagne, à l'égard des possessions africaines, une idée
erronée, par suite des descriptions souvent fantaisistes de voyageui-s
sans expérience, doués d'un optimisme exagéré ; aussi tient-il à dire la
vérité et rien de plus. Le grand obstacle à la colonisation vient du cli-
mat, en général malsain, qui empêchera toujours les possessions alle-
mandes d'être des colonies de peuplement, et pourtant ce sont des colo-
nies de ce genre qui conviendraient le mieux à l'Allemagne, étant donné
le nombre considérable d'émigrants qu'elle fournit. Les nègres seront
encore longtemps en Afrique les seuls travailleurs sur lesquels on puisse
— 127 —
corapter. Par quel moyen arriver à les utiliser ? telle est la question qui
se pose dans tous les établissements européens de la région équatoriale.
P. Clavenad. Une mission dans i.e Sud-Oranais. Paris (librairie
ancienne et moderne de S. Pitrat), 1888, in-8*, 125 p. 54 figures, vues
et coupes géologiques. — Chargé de l'étude d'un chemin de fer de
Tiaret à El-Maïa, M. Clavenad, directeur du service municipal de la
voirie de Lyon, expose dans cet ouvrage, tiré à 200 exemplaires seule-
ment, sa manière de procéder et les i-ésultats de son travail. C'est dire
qu'il s'agit surtout d'une étude topographique et géologique. Les procé-
dés employés pour faire la triangulation de la contrée, la marche des
opérations géodésiques, la déteimination des terrains que traverserait
la ligne projetée, les obstacles à surmonter fonnent. avec la description
de la route suivie par l'expédition, le sujet principal du mémoire. A cela
l'auteur ajoute, sur les dunes du Sahara, des considérations qui, par le
fait surtout qu'elles ne s'accordent pas complètement avec les théories
actuelles, présentent un réel intérêt. Pour lui, les dunes ne sont pjis
dues au transport des sables par le vent, mais constituent des formations
quaternaires en place, désagi'égées déjà, ou en voie de désagrégation
progressive. C'est à l'action do l'eau et non h celle du vent qu'il faut
l'ecouiir pour expliquer la formation des dunes. Ce sont les grands cou-
rants quaternaires dont les torrents actuels ne sont que les représentants
dégénérés qui seuls ont pu jeter à la surface du Sahara de pareils dépôts.
Du reste, le phénomène qui les a produites se continue de nos jours, car
certains terrains se désagrègent continuellement, et les vents et les
eaux en entraînent les débris. Les transports de sable seront donc bien
certainement un des gi-ands obstacles des futures lignes saharieinies ;
toutefois, M. Clavenad croit (^u'on en a beaucoup exagéré l'importance.
Les renseignements qu'il donne sur le mouvement des sables des dunes,
«ur la possibilité et le moyen de les traverser sont plutôt rassurants.
Les ouvrages (le défense, nuls lorsqu'il s'agirait seulement de dunes peu
élevées, ne prendraient de l'importance que dans le cas de hautes
dunes, dont on annulera les dangers par des travaux de fixation et l'éta-
blissement de tunnels et de parasables. Ainsi, la constiniction de voies
ferrées dans le Sahara présentera probablement moins de difficultés
techniques qu'on ne le présumait il y a quelques années. Toutefois, das
considérations d'ordre politique empêcheront pour longtemps encore d'y
«onger sérieasement. En attendant, M. Clavenad appuie, au moyen de
nombreux arguments, l'établissement de voies de pénétration à travei^s
>
— 128 —
le Sahara algérien, ot en particulier celle de Tiaret à El-Maïa, qui aurait
d'excelleuts effets au point de vue militaire et économique. •
Louis Delavaud. La politique coloniale de l'Ali^magne. Extrait
des Annales de l'École libre des sciences politiques. Paris (Félix Alcan),
1887, in-8", r>() p. — Il est bien tard pour signaler ces deux articles
parus à la fin de l'année 1886. Toutefois étant doimées leur réelle
valeur et leur actualité, on nous permettra d'en dire quelques mots.
Notre journal a consacré au sujet traité par M. Delavaud de nombi-eux
article^s et bien de^ pages de son Bulletin mensuel ; aussi n'avons-nous
pjis été étonnés de le voir constanunent cité dans les articles en question.
Mais il ne nous avait pas été possible d'exposer d'une façon complète
l'histoire des acquisitions allemandes, non plus que le côté purement
politique de la question. C'est la tâche que s'est donnée M. Delavaud et
qu'il est parvenu à accomplir, en cherchant à oublier autant que possi-
ble sa qualité de citoyen français. Sauf quelques rares et insignifiantes
exceptions, ses articles sont écrits sans chauvinisme et à un point de vue
plutôt objectif que subjectif; en outre son exposé est clair, méthodique,
intéressant et facile à lire, malgré l'accumulation des faits cités. Après
avoir décrit la situation de l'Allemagne comme pays d'émigi*ation, d'in-
dustrie et de commerce, il raconte la création d'établissements coloniaux
en Océanie, et la lutte d'influence avec l'Angleterre, la France, les États-
Unis et l'Espagne, à laquelle elle a donné lieu. L'histoire de la fonda-
tion des colonies allemandes en Afrique vient ensuite avec quantité de
détails dont beaucoup sont peu coimus. Il e^t surtout intéressant de sui-
vre le développement de l'idée d'expansion coloniale chez le peuple
allemand et particulièrement au sein du Reichstag, qui d'abord n'y
pensait pas, puis est devenu franchement hostile, et s'est ensuite rallié
presque complètement à la politique du chancelier. Les colonies alle-
mandes n'étant pas des colonies de peuplement, mais seulement des éta-
blissements de commerce ou d'exploitation au moyen des indigènes, on
peut se demander avec M. Delavaud quels seront les procédés employés
pour en tirer parti et quel rôle elles joueront au milieu des autres éta-
blissements européens V C'est l'avenir qui se chargera de répondre à cette
double question, au sujet de laquelle il serait téméraire de hasarder
aujourd'hui des appréciations manquant de base solide et de précision.
— 130 —
nelle du pays avec la religion des vainqueurs, s'est couverte de
elles sculptures daus le style de^ vieilles mosquées. Dans un ordi-e
s plus pratique, l'ficole de droit compte deux cents élèves — le
î d'une bonne Faculté française — qui répandront autour d'eux la
issance de nos lois. Enfin, le professeur de zoologie, M. Viguier,
ne, sur la jetée même du port, riostallation d'uu laboratoire mari-
inerveilleusement outillé pour les études les plus délicates, fort
esque par-dessus le marché, avec ses ci-éneaux moresques, et qui,
avoir coûté beaucoup moins cher que la fameuse statiou zoologique
iples, n'en rendra pas moins autant de services aux savants. J'y ai
è déjà installés deux jeunes zoologis^ envoyés par le Jluséum
oire naturelle de Paris. «
•es la clôture du Congrès, vingt-trois de ses membres se sont reu-
TonsKouFt, pour visiter les nouvelles oasis de création frau-
de rOued-Ribr, et se rendre compte de visu de la colonisation
ienne. M. Itolland, ingénieur, administrateur délégué de la Société
tna et du sud-algérien, avait pris l'initiative de cette excursion. La
ane devait recevoir l'hospitalité dans les bor(\J8 do la susdite
■A, et M. Jus, un des ingénieurs qui, par ses nombreux forages de
artésiens et ses plantations de palmiers, ont le plus fait pour le
)ppement de la région des oasis, devait lui servir de guide. Elle a
rendre compte du changement survenu dans l'Oued-RIbr depuis
époque à laquelle fut foré le premier puits artésien du Sahara, à
ma-Djeddida. Alors cette région dépéi-issait et était presque aban-
le. Aujourd'hui les plantations de palmiers de la Compagnie de
i-Rihr prospèrent à Chegga, Mraler, Mazer, Chria-Sahia, Tolaera-
^i, Uurlama, Taraerlana, Touggourt, et leurs jardins donnent la
■e de l'esprit d'initiative et de la pcrsévéï-ance des pionniers de
œuvre de colonisation. Trois nouveaux puits venaient d'être forés,
Aïn-Aoulrui, dans la région de Touggourt, donnant 1S',IU litres à
mte, un autre à Aln-Aboubab, avec un débit de 1855 litres, et le
!me à Taraerma-Djeddida, fouriiissaut un débit de 2500 litres. De
^ourt, la caravane s'est rendue à Ouargla, siège du chef puissant
confrérie des Kbouaiis-Tatt'elis dont les afiiUés remplissent le Sahara
Tunisie.
is regrettons que le manque de place ne nous permette pas de
r en détails les résultats remarquables dm' fouilles nouvelles que
compatriote, M, ËdoDanl Xaviltf, poursuit cette année sur
lacement de Bahantls qu'il a découverte l'an dernier. Nous
— 131 —
1 les résumer. En déblayant la troisième salle du
:ux statues en gi-anit noir du type hycsos, la njoitié
e assise d'uii roi incooau, aussi de travail hycsos,
ve gravée au cartouche d'Apepi, le plus fameux
ui fournit la preuve irréfragable que Bubastis fut
nt établissement de Hycsos, fait dont pei-sonne ne
I. A propos de la statue brisée à mi-corps, Kl. Na-
mars, au comité de l'Egypt Exploration Fund :
er matin la plus remarquable, jusqu'à présent, de
'ais remarqué vendredi le coin d'un bloc de granit
paru appartenir k un beau monument, aussi l'ai-je
se trouve être la partie inférieure d'une statue de
i'un travail remarquable, avec deux colonnes de
hiéroglyphes très nets, gravés de chaque côté de la face du trône, k
droite et à gauche des jambes de la statue. Ces inscriptions donnent le
noiu et las titi-es d'un roi absolument inconnu qui, à en juger par le tra-
vail, doit appartenir à la période hycsos, ou en tout cas, à l'une des
ol)iscures dynasties qui ont précédé l'invasion des Hycsos. lin cartouche
contient un signe tout nouveau pour moi et que je ne puis déchifl'rer.
Sur l'autre se lit Jan-Ra ou Ra-Jan, nom qui ne ressemble k aucun de
ceux que je connais. Il est appelé, ce qui est fort étrange, un adorateur
de son Ka (c'est-à-dire de son spectre ou de son double). Je suis allé à
Boulak et j'ai montré une copie de ces inscriptions à Ahmed Kenial-ed-
Deen effendi, le commissaii'e musulman attaché au musée. Il en a été
très intéressé et m'a dit immédiatement : Celui-là est le Pharaon de
Joseph. Tous nos livres arabes l'appellent Reiyan his de El Welid. «
M. Naville ne parait pas disposé à attacher une grande valeur à cette
curieuse colncidcuice. Toutefois l'auteur de l'article du l'imes qui a
rendu compte des découvertes de M. Naville, et pour lequel les chroni-
queurs arabes n'ont pas grande valeur au point de vue de l'histoire de
l'Èg}-pte, avoue que l'identité, lettre pour lettrcdes deux noms est pour
|p moins extraordinaire. Pour la majorité des égyptologues, l'hypothèse
quct Joseph a servi sous un roi hycsos est depuis longtemps admise
comme très probable. Une autre découverte importante est celle de deux
statues de grandeur naturelle d'un scribe de la dix-huitième dynastie
égjptienne. Elles représentent un personnage accroupi, tenant sur ses
genoux un rouleau de papyrus à moitié déroulé sur lequel sont inscrits
sou nom et ses titres; un de ceux-ci le qualifiait de « chef des travaux
de son roi et des provinces et des pays marécageux du nord. » Sur son
— 132 —
linniilfi Hroite est gravé le cartouche d'Aménophis III doiit le successeur
n, le pharaon adorateur du disque, est représenté aussi par un
de sculpture portant l'ore sacré de Aten-Ra, la divinité du
qui prouve que le culte du disque, promulgué par Khuenatea.
du au delta. Jusqu'à présent on n'en avait pas retrouvé de
au nord que Memphis. Qui peut prévoir quels nouveaux trésors
j au jour? A l'exception du grand;teniple de San, déblayé par
il y a quelque vingt-buit ans, aucune ruine égyptienne plus
aie n'a été explorée aussi méthodiquement et n'a donné une
ssi considérable.
ul britannique pour la région du Imc Ny»ss«, M. Hawes, à
1 gouvernement anglais un rapport, duquel les Proceed'mgs de
de géographie de Londres ont extrait les données eom-
en relatives à ce district pour l'année 1886. Nous leur emprun-
li suit : Les importations ne s'élèvent pas au chiffre ordinaire
d'une Compagnie, et les exportations sont comparativement
itea. L'exportation de l'ivoire s'est élevée en 1886 à 22,000 ,
irou ; la plus grande partie a été portée à la cdte soit par les.
nit directement par les chefs eux-mêmes. M. Hawes estime
détourner une partie de ce trafic vers les marchés européens,
devront fournir aux natifs des armes à feu aussi longtemps
digénes de la côte le feront ; toutefois il ajoute qu'il faut ap-
e grande prudence dans l'importation des munitions. Ce ne
:rès difficilement que le commerce pourra être dirigé vers les
larchés, les Arabes étant très vi|plants en ce qui concerne
rets particuliers et exerçant un grand empire sur les chefs par
des spiritueux et l'achat des esclaves. Dans l'opinion de
^, la vente des spiritueux est la vraie cause de danger pour
dans ces territoires. A part l'ivoire et les graines oléagineuses,
ations sont faibles et peu rémunératrices. Les graines oléagi-
oissent à l'état sauvage dans les parties basses du pays des
^ : avec des tarifs de transport peu élevés et des communica-
, organisées par la rivière, l'exportation pourrait procurer de
léficcs. Le coton ci-olt surtout dans la partie inférieure de la
Cliiré ; le sol des hauts plateaux paratt être trop arçileux et
igineux pour que cette culture y prospère. Nulle part il ne
uantité suffisante pour être exporté, et l'on ne peut rien dire
récis sur sa qualité. Parmi les produits naturels des territoires
1, le rapport du consul mentionne le caoutchouc, l'indigo, le
n
•*--n.k * '.'-- -"■''■'.- -V-' . '-'■ "".T^L * ïtr«' t,7:!.'fiHri»-
— 133 —
strophantus et les plantes textiles comme pouvant devenir des objets de
commerce. Le caoutchouc n'existe maintenant qu'en petite quantité,
par suite des procédés destructeurs employés par les natifs pour extraire
le suc ; mais la culture de la plante par les Européens commence à atti-
rer Tattention. L'indigo croît à l'état sauvage tout le long des flancs
des monts Zomba ; il est annuel et forme de vastes forêts. Sa végétation
étant luxuriante, la cultiu*e pourrait en être entreprise avec avantage.
Le strophanthus est une plante grimpante de la graine de laquelle on
extrait un poison violent. En 1886, on en a exporté de ce district 400
livres qui se sont vendues à Londres au prix de 9 shillings la livre.
Quant à la culture du café, les expériences faites pendant deux ans
n'ont pas répondu à l'attente des planteiu^. La qualité est bonne sans
doute, mais il faudra une expérience plus longue avant que l'on puisse
être assuré de la réussite de cette culture. La canne à sucre crott bien
dans le district de Zomba; elle est ric&e en principes sucrés. Quelques
plantes de thé ont été introduites dans le pays et paraissent réussir,
mais on ne peut encore rien dire de positif sur l'avenir des plantations
4e thé. On a aussi introduit le quinquina, qui semble devoir réussir ; les
plantes de trois ans ont maintenant six pieds de hauteur.
Le Natal Mercury a reçu, d'un téûioin oculaire des événements
^u lac IVyassa., des détails qui nous permettent de compléter ce que
nous en avons dit le mois passé (p. 102-103). La délivrance des assiégés
«nfermés par les Arabes dans la station de Kaponipa, au nord du lac,
est due à l'arrivée de 2000 natifs, tout à fait favorables aux Anglais, et
à l'approche desquels les Arabes jugèrent prudents de lever le siège.
Une foisJa station délivrée, les libérateurs marchèrent contre la ville la
plus rapprochée occupée par les Arabes, et la trouvèrent déserte, mais
rempUe de vivres et de provisions que, dans leur fuite précipitée, les
Arabes y avaient laissés. Us la brûlèrent complètement ; après quoi ils
marchèrent, avec les Européens venus au secours de Karonga, contre
M'Patta, la principale ville des Arabes. Ils la trouvèrent bien fortifiée,
mais la palissade en fut escaladée ou abattue, et après un combat corps
à corps avec les Arabes qui avaient 500 fusils, ils pénétrèrent dans la
ville ; une fois qu'ils y furent entrés, rien ne put les décider à poursuivre
l'ennemi qui l'avait évacuée. Ds firent un butin considérable consis-
tant en ivoire, en bétail et en tissus pour une valeur de 800 liv. st. ; une
douzaine de natifs furent tués. M. Monteith, agent de la Compagnie des
lacs, reçut une balle à la jambe et M. Sharpe ime à la cheville du pied.
Le Natal Mercury dit que, lorsque ces Arabes arrivent dans une
— 134 —
tribu dont le chef est connu pour avoir de l'ivoire, s'ils ne peuvent pa&
se saisir de lui, ils lui volent ses biens et emmènent ses gens à la côte^
Us ont ouvert une nouvelle route de la tête du lac Nyassa au port de
Quiloa où ils conduisent un nombre considérable d'esclaves. H était
question à Durban du départ pour Karonga d'hommes de bonne volonté
disposés à prêter leur concours à la Compagnie dés lacs. Ils se propo-
saient de construire un fort à la station, puis de tenter de chasser com-
plètement les Arabes de cette partie du pays.
D'après le rapport des délégués de l'État libre de l'Orange, de Natal
et de la Colonie du Cap sur la Conférence tenue à Capetoinrn sous
la présidence de sir J. Gordon Sprigg, premier ministre de la Colonie,
les délégués sont tombés d'accord sur l'institution d'une union doua-
nière, dont les adhérents s'appliqueraient réciproquement les principes
du libre échange et conviendraient d'un tarif uniforme sur le^ produits
extérieurs. Deux questions fondamentales, étroitement liées, ont été
débattues et résolues en principe dans la conférence : celle des douanes
et celle des chemins de fer. Les délégués de l'État libre de l'Orange
refusaient de laisser poser un rail sur leur territoire, s'ils n'étaient
admis au partage des droits prélevés sur les marchandises à destination
de leur pays qui transitent par lô territoire anglais. Cette revendication
avait, maintes fois déjà, été formulée par le gouvernement de la Répu-
blique de l'Orange, mais s'était, chaque fois, heurtée à une fin de non-
recevoir absolue. Les Anglais sont les premiers à reconnaître que les
choses ont changé et que les Boers sont actuellement à même de poser
leurs conditions. Le chiffre des importations au Cap s'est élevé de 37 %
dans l'année dernière, et cet accroissement est pi^esque entièrement dû
au transit à l'intérieiu* du continent. Les Boei-s pourraient reculer
devant l'application de droits prohibitifs qui leur seraient désavanta-
geux ; mais ils connaissent le prix que les colons anglais attachent à s'ou-
vrir de promptes et faciles communications avec les gisements aurifères
récemment découverts. Le district de Kimberley est une possession bri-
tannique ; mais il est séparé de la Colonie du Cap par le tteuve Orange,
dans la partie de son cours où sa largeur est très grande, et on n'y peut
arriver commodément que par terre, en empruntant le territoire de la
Tlépublique, dont les houillères, en outre, fourniraient du combustible à
bon marché. Le gouvernement de Blœmfontein a tiré parti de ses avan-
tages, et il a fallu en passer par ses conditions. Un droit ad valorem de
12 7o eu moyenne sera prélevé sur les produits extérieurs dans les ports
du Cap et de Natal ; ils entreront en franchise dans l'État libre de
- 135 —
l'Orange, qui touchera les trois quarts des taxes perçues sur les mar-
chandises à sa destination. Tel est en résumé le projet de convention qui
sera soumis aux législatures des États respectifs. Fût-il adopté, ce ne
serait pas, même sur le terrain douanier, Tunion sud-africaine rêvée au
Cap. La république du Transvaal s'est jusqu'à présent abstenue, son pré-
âdent, M. Krttger, attendant la réalisation du projet, souvent débattu,
d'une ligne de pénétration partant de Lorenzo-Marquez, dans la baie de
Delagoa. C'est pour prévenir une concurrence de ce côté que les colons
anglais ont une grande hâte d'ouvrir une voie reliant leurs ports aux
mines de l'intérieur. La convention prévoit d'ailleurs des adhésions ulté-
rieures à l'union projetée, en leur réservant le bénéfice des avantages
stipulés pour l'Orange. Indépendamment des trois contractants et du
Transvaal, l'Afrique australe comprend encore la Nouvelle Républi-
que formée d'une partie de l'ancien royaume de Cettiwayo ; en
outre, les territoires des Be-Chuana, des Zoulous et des Ba-Souto,
sujets britanniques, celui des Pondo, soumis au protectorat de l'Angle-
terre, dont le rattachement à l'union projetée dépend de l'assentiment
du gouvernement impérial. On compte aussi adresser au cal)inet de Lis-
bonne une invitation à y adhérer poui* le territoire de la baie de Dela-
goa; mais son acceptation est au moins douteuse, en raison des appré-
hensions que les convoitises anglaises sur cette position navale ont
soulevées en Portugal.
Une lettre d'Emin-Paeha, du 16 août 1887, arrivée à Londres,
annonce qu'à cette date l'expédition de Stanley n'était pas encore
arrivée h Wadelaï. Néanmoins, Emin-Pacha comptait sur la réussite de
l'expédition, attendu que Stanley avait choisi la route du Congo qui ne
présente pas de diflScultés insurmontables comme celle de l'Ou-Ganda.
Emin-Pacha ajoute qu'il espère pouvoir ouvrir bientôt une route directe
entre la région des lacs et la côte orientale d'Afrique par le pays des
MasaT. Il répète qu'il pei-siste dans sa résolution de rester à son poste,
alors même que Stanley lui proposerait de le ramener en Europe. —
D'autre part, la Riforma a publié une lettre, reçue à Rome, du capi-
taine €a»ati, qui se trouve auprès d'Emin-Pacha. Elle est du 24 sep-
tembre 1887 ; Casati dit qu'à cette date on n'avait, à Wadelaï, aucune
nouvelle de Stanley.
LeMoiivement fféographique a publié, sur l'exploration faite au Coni^o
par M. le capitaine Thys, administrateur délégué de la Compagnie du
Congo, des renseignements détaillés auxquels nous empruntons ceux qui
se rapportent à la station de Bolobo, qui témoignent des progrès faits
^.
— 136 —
depuis quelques années par les indigènes de cette région. C'est un peu en
amont du confluent du Kassal que commencent les vastes aggloméra-
tions de population. De nombreux villages , en chaîne presque ininter-
rompue, montrent leurs toits de chaimie à travers la verdure délicate
des bananiers, au sommet et sur les flancs des collines et jusqu'au bord
du fleuve. L'agglomération des villages de Bolobo constitue, sur une dis-
tance de 20 kilom. environ, une véritable ville dont la population peut
être évaluée de 25000 à 30000 âmes. On voit de loin, en arrivant, des
rues parallèles, aboutissant à de véritables places publiques. La popula-
tion est bien constituée et de belle taille. Hommes, femmes et enfants
sont tous vêtus d'étoffes européennes. Les habitations sont propres et
ont un air de confort très curieux. Il y a des chambres à coucher avec
lits, matelas, oreillers. Le blanc y reçoit un accueil hoospitalier, mais
réservé. On sent que l'indigène est accoutumé aux allées et venues des
Européens, et qu'il voit qu'il n'a rien à craindre d'eux; mais la popula-
tion n'y a pas l'enthousiasme que montrent celles qui sont établies en
amont.
M. le capitaine Thys a rapporté du Congo la carte complète au Visoo
du levé entre Matadi et Loukoungou, exécutée par les ingénieurs de
l'expédition du chemin de fer, sous la direction de M. le capitaine
Cambier. Ce document donne les courbes de niveau par 5 mètres et per-
met, dès aujourd'hui, d'affirmer que la construction de la ligne ferrée
projetée est non seulement possible, mais qu'elle sera relativement
facile. Il n'y a de difficultés réelles que dans le voisinage de Matadi et
autour du massif de Palaballa. Le tracé étudié mesure 180 kilomètres;
il en reste 120 environ pour atteindi-e le Pool. La voie projetée traverse
des districts voisins de la frontière portugaise et qui n'avaient pas encore
été visités par les blancs. La Loukouga, sur les bords de laquelle l'expé-
dition d'études a maçonné un point de repère, a été atteinte à 80 kilo-
mètres en amont et à l'E.-S.-E. de la station de Loukoungou. La rivière
était encore large de quelques mètres en cet endroit. Les ingénieurs ont
atteint en certains points de leur itinéraire les premiers villages du
Makouta, région fertile et populeuse, où l'on assure que le bétail est nom-
breux. Le tracé passe à quelques kilomètres à l'ouest de la ville de Kin-
souka. Les populations, qui n'avaient pas encore vu de blancs» étaient
défiantes. Dans le. courant du mois de mars, M. le capitaine Cambier et
ses ingénieurs sont allés à Saint-Paul de Loanda, pour se rendre
compte de l'avancement du chemin de fer d'Ambaca. Les travaux sur
le termin entre Loukoungou et le Pool seront repris dans le courant
figuration de la région per-
:hevée6 dans les délais fixés.
te que nous extrayons les
Hnrinel, de la station de
î 1887. Après avoir accom-
nann, l'officier belge reprit,
Ba-Cbilangé, le chemin de
)iâ. De Nyangoué jusqu'au
liée de la Loufoubou jusque
cbi à l'eudroit où Wissmann
luivit d'abord la rive gauche
•e, puis prit un peu plus au
B81. Chemin faisant, Le Ma-
iato, dont les villages nom-
droite de la petite i-iviêre
joubilacbe. Toutes les popu-
mais celles de Moua-Kialo
ïagerie. M, Le Marinel y
oltant cannibalisme. Après
confluent du Boubila, l'ex-
intiuent, le fameux Zappo-
e lors de sa découverte du
it, le chef a déplacé sa rési-
le de la rivière. Au delà du
e^t montagneuse et presque
irgps. Durant la plus grande
ait de nombreuses victimes
Ba-Chilaugé qui accompa-
environ deux cents de leurs
tés que le chef blanc a dft
ans une troupe de sauvages
it être son prestige sur ses
e, saiu et sauf, le but de son
lia avec elle l'épidémie au
lus énergiques furent prises
3t de grands malheurs ont
tioits de la Louloua furent
iii elles furent placées sous
■melle fut faite de passer la
i
— 138 —
rivière, et la caravane tout entière demeura en quarantaine sur la rive
f^'f^x^: droite, où les malades reçurent tous les soins nécessaires. Malgré ces
mesures radicales, quelques cas se déclarèrent à la station et dans les
localités voisines. H y a eu des décès dans les villages duchef Kalamba et
cinq malades à la station. De plus, perte des plus sensibles, le bon cbef
^r-; Tchikengé, l'ami des blancs, fut atteint par le fléau et, en dépit de tous
^:i^ les soins qui lui furent prodigués, il succomba. Mais enfin, grâce aux
|i;v précautions prises, la mortalité n'a pas été excessive et le mal a pu être
conjuré. En cette circonstance, le docteiu* américain Summers, établi à
la station depuis six mois environ, a rendu les plus grands services. Les
constructions et les plantations de la station ont été développées. Les
récoltes ont donné des résultats inespérés et tels qu'ils permirent, dès
le mois de juin 1887, d'approvisionner en m, maïs, sorgho et haricots,
d'autres stations de l'État. Les troupeaux comptaient en juillet 20 tau-
reaux, bœufs, vaches et veaux, 150 moutons, 50 chèvi-es et 20 porcs. Ce
gros bétail, admirable de santé et de vigueur, provient de l'Angola.
Les service* marltimefl au Conipo se subdivisent en service
général de navigation, service sanitaire et service hydrographique. Les
commissariats maritimes, qui ressortissent au premier de ces services et
sont établis à Banana et Boma, ont pour attributions générales de veil-
ler sur les intérêts de la navigation et de donner satisfaction aux récla-
mations de la marine marchande. C'est ainsi qu'ils surveillent le mouil-
lage des bâtiment^?, l'établissement des pontons, le bon entretien des
ports. Ce service a également sous sa direction des améliorations appor-
tées à la navigation du fleuve, telles que l'établissement et l'entretien
des bouées. On sait que des bouées ont été placées à l'entrée de la rade
de Banana, dont elles indiquent la passe navigable. L'on est occupé à
en placer d'autres dans le fleuve même entre Banana et Boma. Le ser-
vice sanitaire fonctionne depuis quelques mois et prend toutes les pré-
cautions en usage dans les différents ports, pour éviter et prévenir toute
contamination. Il est établi sur des bases simples et évite toute forma-
lité dispendieuse ou vexatofre. Le service hydrographique opère des
sondages dans tout le cours inférieur du fleuve, et a dressé plusicure !
cartes d'une haute utilité pour les capitaines de steamei-s. Il travaille à
la confection d'une carte hydrographique générale de tout le bas fleuve.
Un seiTice de pilotage a été également créé, et l'État a ses pilotes offi-
ciels qui remontent les bâtiments jusqu'à Boma. On e^t également
occupé à installer, à l'extrémité de la pointe de Banana, un feu diop-
tiique éclairant la rade et l'entrée du fleuve. Le feu sera élevé de dix
mètres, de couleur rouge, et visible à une distance de sept milles.
— 140 —
d'eau et à la jonction de toutes les routes de la région, est très bien
situé pour devenir un centre commercial important. Le commandant
supérieur du Soudan fi-ançais, par un télégramme daté de Siguiri^
10 mars, informe qu'il a fait commencer l'embranchement du chemia
de fer qui doit mettre Médine en communication avec Kayes et Bafou-
labé. Le travail est fait par des manœuvres, fournis gratuitement par
les pays environnants. D'autre part, le commandant supérieur de la colo-
nie écrit à la Société de géographie commerciale de Paris : « Notre comp-
toir de Kayes augmente de plus en plus d'importance ; nombre de com-
merçants y élèvent des maisons neuves. Les foires mensuelles que j'y ai
établies, ainsi que dans tous nos établissements du Soudan français, ras-
semblent un grand concours d'indigènes. Notre chemin de fer va attein-
dre définitivement Bafoulabé et une escale importante va s'y créer,
plus de 60 concessionnaires s'y établissent. Dès le début de cette cam-
pagne, j'ai organisé une mission qui va relier notre nouvel établissement
de Siguiri à nos factoreries des rivières du sud par le Fouta-Djallon. Le
Soudan français, c'est-àrdire le quadrilatère Saint-Louis, Timbouctou,.
Siguiri, Benty (Mellacorée), représente un immense domaine commer-
cial, dont toas les produits doivent être drainés vers les escales du
Sénégal et des rivières du sud. C'est à ouvrir ces routes qu'aidé par
les braves officiers qui me secondent je veux mettre tous mes efforts, ix
Les progrès des Français vers le Fouta-Djallon et vers le sud ne leur
ont pas fait négliger les contrées du Soudan situées vers le nord. Une
colonne volante, placée sous les ordre du commandant Vallière et char-
gée de parcourir toute cette région, a poussé jusqu'aux extrêmes limites
des États placés sous le protectorat français, non loin de Ségou ; les
pays situés aux confins du Sahara ont envoyé des députations au com-
mandant de la colonne française, de sorte que l'on peut dire qu'aujour-
d'hui, depuis le traité avec le sultan Ahmadou, le Soudan rpançais
a le Sahara pour limites au nord. La colonne s'est rabattue ensuite sur
Bammakou et va rejoindre, en longeant la rive gauche du Niger, l'éta-
blissement de Siguiri, dont en ce moment le commandant supérieur sur-
veille lui-même la construction. Les bords du Niger sont couverts de
villages populeux, mais les habitants ont été effrayés par les dévastations
de Samory, et n'attendent que des garanties de sécurité pour rentrer
dans leurs villages et se livrer de nouveau à leurs cultures.
Le journal le Temps sl reçu d'un coirespondant de Bammakou uïie
lettre du 20 février d'oîi nous extrayons ce qui se rapporte au nouveau
fort de Slifulri au confluent du Niger et du Tankisso. Le colonel Gai-
_ 142 —
arbres des forêts, reliait Siguiri à Niagassola sur une lon-
10 I(ilomëtres, de telle sorte que du nouveau poste on peut
ectement une dépêche à Saint-Louis et de là en France.
établissement est situé au cœui- du Bouré, le vrai pays de
; partie du Soudan. Les abords de chaque village sont cou-
us de mines d'oii les habitants estrayent le précieux métal.
s est-il très fréquenté par les Diulas ou marchands indigèiies,
nt l'or contre les produits de Sierra-Leone et de la Gambie,
me entrevoir que Sif!:uiri deviendra, avant peu, une escale
artie moyenne du bassin du Niger, l'iatlneiice française s'est
js le voyage à Timbouctou de la canonnière commandée par
t Caron. Aussi, le colonel Galliéni presse-t-il le transport de
-e le Mage, destiuée, elle aussi, à naviguer sur le Klger.
it pas chose facile que ce transport des 700 colis qui consti-
tit steamer. Ces colis sont chaînés tantôt à dos d'homme,
es petites voitures en tôle dites sénégalaises, qui peuvent
terrains accidentés et se transformer en embarcations au
: marigots. Dès son arrivée à Bammakou, le Mage sera
on peut espérer que les deux steamers pourront, à la crue
prendre la route de Timbouctou, cette fois, dans de meil-
tions qu'au mois de juillet dernier.
lie des sciences de Paris a re(;u communication des explora-
illes s'est livi-é, dans les Açore«, M. de Guerne attaché au
acht VHiroiidelle appartenant au prince Albert de Monaco,
apporter des éléments nouveaux pour la solution du pro-
aphique, zoologique et géologique que soulève l'existence de
isolé dans les profondeurs de l'Atlantique,— car on ne sait s'il
u soulèvement qui a fait sur^r ces rochers des abtmes de
'il représente les débris d'une grande terre pins ou moins
continents h certaine époque, — M. de Guerne a porté toute
1 sur la flore et la faune des Aç^res. Il a surtout étudié les
i eaux des lacs formés dans les cratères élevés. Il y a re-
spèces végétales et animales en majeure partie européennes.
t en revue les moyens de dissémination dont la nature se
insporter les germes — la terre chaînée de graines, d'œufs
petits animaux, que les ot.'^eaux emportent k leurs pattes, les
tes oiseaux aquatiques gai-rtent longtemps sur leur plumage,
w graines ailées, les germes de toutes sortes que les vents
— 143 —
emportent, — M. de Guerne a montré que les espèces végétales et ani-
males des Açores pouvaient, pour la plupart, avoir été apportées de
contrées lointaines.
Le Temps apprécie dans les termes suivants les résultats de l'ambas-
sade que le gouvernement belge a envoyée au sultan du Maroc. La note
dominante de cette ambassade a été sensiblement différente de celle
des autres nations. Il n'y a pas eu cet énorme apparat militaire des-
tiné à éblouir le souverain et à le faire éventuellement trembler, point
de ces parades de cavalerie coname celle dont la cour de Fez garde
encore le souvenir, mais un train beaucoup plus modeste. Envoyé d'un
pays essentiellement industriel et pacifique, le baron de Whettnall s'est
présenté au sultan comme un ami n'ayant en fait d'arrière-pensées de
conquête que celles concernant le négoce international. Placée sous un
tel jour, la mission belge ne pouvait qu'être accueillie d'une façon par-
ticulièrement favorable, par un souverain aux oreilles duquel on ne fai-
sait vibrer en aucune façon la note intimidante et que même les cadeaux
offerts rassuraient sur le cours des idées du donateur. Au lieu d'imiter
les nations voisines et de faire présent au sultan de pièces d'artillerie
ou autres engins de guerre, c'est d'un train de chemin de fer à dimen-
sions réduites, mais absolument complet, que la Belgique a fait hom-
mage à Muley-Hassan, et celui-ci a été tellement émerveillé de ce mode
de locomotion — qui a pu en quelques jours être établi dans son parc —
qu'il a, paraît-il, concédé de suite à une Compagnie belge une ligne
ferrée allant de Fez à Méquinez. Dans un pays aussi entêté que le Maroc
à ue vouloir adopter en rien les usages étrangers, ce fait a une grande
importance, et on peut féliciter la Belgique d'être parvenue, par la per-
suasion, à un résultat que bien d'autres recherchaient depuis longtemps.
U y a là surtout un commencement plein de promesses pour l'industrie
belge et qui justifie bien le bruit qu'on en a fait.
NOUVELLES GOBIPLËMEKTAIRE8
Le ministre de Tinstruction publique a chargé M. Alglave, professeur à la
Faculté de droit de Paris, de se rendre en Algérie pour étudier la situation
économique de cette colonie, particulièrement au point de vue de l'organisation
de la propriété foncière et de la comparaison des impôts algériens avec ceux de
U métropole.
Les travaux de la ligne du chemin de fer de Blidah à Berrouaghïa ont com-
«encé, sur la section qui s'étend des gorges de la Chiffa au Camp des Chênes.
^f ;r '^
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— 144 —
La ligne qui doit mettre en commonicatioii Souk-Âhras et Tébessa est terminée ;
en mars, la première locomotive est entrée dans l'ancienne cité romaine, à la
grande satisfaction des producteurs d'alfa qui n'attendaient que des wagons pour
enlever leur récolte.
D'après les recherches de M. Rolland dans la région de l'Oued-Rihr, les atter-
rissements du Sahara sont plus anciens qu'on ne le pensait généralement; ils
datent non de l'époque quaternaire, mais de l'époque tertiaire.
La Société de géographie commerciale de Paris qui, jusqu'ici, comptait quatre
sections, en a créé une cinquième, chargée de tout ce qui concerne l'Afrique
septentrionale. M. Rolland, l'ingénieur bien connu pour ses travaux de forage de
puits artésiens dans l'Oued-Rhir, a fait une conférence sur les chemins de fer de
pénétration dans le Sahara, préconisant la voie de Biskra-Touggourt-Ouargla. Au
point de vue technique, c'est la ligne la plus facile à établir, et au point de- vue
commercial, la plus productive en ce qu'elle recueillera les produits des Zibaos,
de l'Oued-Rhir et d'Ouargla, les seules contrées agricoles situées dans l'est du
Sahara algérien.
Un groupe de colons tunisiens s'est réuni pour discuter divers projets d'un
chemin de fer de Tunis à Kairouan. Après examen, ils ont émis un vœu qui a
été présenté au Résident général à Tunis.
Lorsque Nachtigal fit son voyage au Bornou, son domestique, 6. Yalpreda, se
sépara de lui à Kouka, devint musulman, et entra au service du sultan. £n 1880,
il pria Matteucci et Massari de chercher à lui faciliter son retour en Italie. Le
gouvernement italien a récemment promis une forte récompense à une caravane
se rendant de Tripoli au Bornou, si elle réussit à ramener Yalpreda.
MM. Virchow et Schliemann, qui avaient entrepris ensemble un voyage d'études
en Egypte, sont revenus au Caire et sont sur le point de rentrer en Allemagne.
M. Virchow rapporte un grand nombre d'esquisses et de photographies des
anciens temples de la haute Egypte. Ces photographies lui permettront d'étudier
les caractères principaux des types d'anciens Egyptiens reproduits sur ces con-
structions, et il croit pouvoir tenter une classification scientifique de ces types.
Une dépêche de Moscou annonce le prochain départ d'une mission scientifique
russe pour l'Abyssinie.
Le comte Nigra, ambassadeur d'Italie à Vienne, a demandé au célèbre explo-
rateur autrichien Holub un mémoire sur la fUçon de combattre des peuples afri-
cains, afin que le gouvernement italien puisse en faire son profit en Abyssinie. M.
Holub a rédigé un rapport très volumineux qui a été envoyé à Rome.
Un ingénieur et des employés de chemin de fer ont été envoyés de Rome à
Massaouah pour diriger le service de la ligne Massaouah-Sahati, et remplir les
fonctions de chefs de gare. Les Sociétés de l'Adriatique et de la Méditerranée
fournissent le personnel technique, ainsi qu'une centaine d'autres employés : con-
ducteurs, mécaniciens, aiguilleurs, etc.
Le 14 mars a été inauguré à Assab un asile-école pour les enfants arabes et
danakils, sous les auspices de la Société de secours pour les missionnaires italiens.
i k '
— 146 —
a répondu que les Ba-Kalahari sont dans un état de dépendance et de servitude
par rapport aux 6e- Chuana proprement dits. Ils peuvent posséder; leur servi-
tude prend la forme d'un travail exécuté pour les Be-Chuana on d'un tribut
qu'ils leur paient en nature. Ils occupent par rapport aux Bushmen une position
analogue à celle dans laquelle les Be-Chuana sont par rapport à eux.
Le lancement du vapeur le Roi des Belges à Stanley-Pool a eu lieu le 15 février,
et M. Delcommune, avec les membres de la mission commerciale de la Compagnie
du Congo pour le commerce et l'industrie, a dû s'embarquer vers le 15 mars
pour le Kassaï.
Au départ du dernier courrier de Stanley-Pool, M. Grenfell s'apprêtait à
s'embarquer sur son vapeur le Peœe, avec lequel il comptait entreprendre une
nouvelle exploration sur le haut fleuve.
£n redescendant du haut Oubangi, VEn-Avant a rencontré le missionnaire
anglais Brooke qui remontait la rivière en pirogue. Au lieu de se rendre au Sou-
dan égyptien, comme il en avait eu l'intention, M. Brooke comptait se diriger
vers le bassin du Niger dès qu'il aurait atteint les rapides de Zongo.
UAfrica^ qui a quitté Anvers le 15 avril, a emporté 150 tonnes de machines
aratoires de fabrication belge, expédiées dans la province de Benguela, pour le
compte d'une Société française qui va créer et exploiter dans cette colonie de
grandes cultures de chanvre.
Deux postes ont été établis sur la rive française du bas Oubangi; le premier
près du village de Bouassk-Ouassaka par 1° 48' lat. nord; le second, au con-
fluent de la rivière, près du village d'Iranga.
Le steamer français le Ballay, ayant à bord M. Dolizie, a fait une reconnais-
sance de l'Oubangi en aval des rapides de Zongo.
Une convention provisoire, réglant les différends concernant le territoire du pro-
tectorat français de Porto-Novo et la colonie anglaise de Lagos, a été si^ée
à Lagos, le 2 janvier 1888, par M. Victor Ballot, directeur des affaires poli-
■
tiques du Sénégal, chargé du commandement des établissements français du
golfe de Bénin et du protectorat du royaume de Porto-Novo, et M. C. Alfred
Moloney, gouverneur pour Sa Majesté britannique et commandant en chef de la
colonie et protectorat de Lagos. La convention stipule que les postes français
d'Afotonou et de Zumé, et les postes anglais de Zumé nord et sud, Aguégué-
Kanji et des Ouétah seront retirés.
Le GaëtanOf navire de commerce italien affrété par la maison Régis de Mar-
seille, a coulé sur les récifs de la côte de Dahomey ; les populations sauvages de
ces parages ont pillé complètement la cargaison du navire et ont emmené en
captivité l'équipage, qui se composait de douze hommes et d'une femme. Le rési-
dent français à Porto-Novo s'est rendu immédiatement sur les lieux pour tâcher
de faire rendre ces malheureux naufragés à la liberté.
L'explorateur Charles Soller, chargé d'une nouvelle mission au Sahara occi-
dental, part pour le Sénégal, dont il se propose d'étudier la région au nord de
Saint-Louis et dans le voisinage de l'île d'Arguin. Il cherchera à ouvrir de ce
»
I
ë
— 148 —
iiit à M. Wauters Poccasion d'émettre Thypothèse de la connexion de
l'Oubangi et de l'Ouellé.
La solution du problème de la navigation de ce cours d'eau et de ses
sources importait trop au gouvernement de l'État indépendant du Cîongo,
pour qu'il ne fit pas tout ce qui était en son pouvoir pour le faire explo-
rer. MM. Van Gèle et Liénart furent chargés de cette mission et, dans
un premier voyage en octobre 1886, ils remontèrent, BYecV En- Avant,
jusqu'aux rapides de Zongo, par 4*^,20' de lat. N., le point oii M. Gren-
fell avait été arrêté. Obligés alors de revenir à la station de l'Equateur,
base de leurs opérations, ils ne tardèrent pas à y organiser, en automne
de l'année dernière, une nouvelle expédition, dans laquelle Vlhi'Avant
devait leur servir de moyen de transport et remorquer une grande piro-
gue des Stanley-Falls, conduite par 16 pagayeurs et pouvant contenir
100 personnes. Ils prirent avec eux, outre le capitaine du steamer et un
ingénieur mécanicien, 24 indigènes de l'Equateur et 17 soldats haoussa.
L'expédition se mit en route le 26 octobre, et déjà le 21 novembre elle
atteignait les rapides de Zongo. A partir de ce moment, elle rencontra
de sérieuses difficultés. En effet, jusqu'à 37 kilomètres en amont, le cours
de rOubangi est coupé par une succession de six rapides qui opposent
un obstacle sérieux à la navigation, même pour un petit vapeur comme
VEn-Avant, La reconnaissance de cette partie de la rivière exigea 20
jours d'un travail des plus pénibles.
Au premier rapide, celui de Zongo, V En- Avant dut renoncer à fran-
chir la passe. Il fallut frayer, au milieu des bois et à travers l'isthme
d'un petit promontoire, une route par laquelle on pût opérer le trans-
port des roues, des tambours et de la cargaison du bateau; dès lors,
celui-ci, allégé et tiré à l'aide d'un câble le long de la rive, put passer
assez aisément d'aval en amont du rapide.
A 30 kilomètres plus loin, une ligne de rochers, barrant la rivière
d'un bord à l'autre, forme le rapide de Bonga, qui, aux hautes eaux, offre,
sur la rive gauche, un passage avec 1",50 d'eau et un faible courant que
V En- Avant put remonter; la pirogue, qui avait été détachée, rejnonta à
la pagaie.
En amont, l'Oubangi se resserre jusqu'à 400™ et, au rapide de Belly,
a une profondeur de 15*". Malgré cela, le courant est relativement faible.
Au delà de la passe, aisément franchie, la rivière s'élargit jusqu'à plus
de 2000*". Ses eaux roulent en bouillonnant au milieu d'îles et'de rochers
qui en rendent la navigation difficile. Le vapeur dut être de nouveau
allégé de sa cargaison, qui fut transportée par terre en amont du rapide.
- 149 —
pointes rocheuses resserrent le cours de
int s'élargit de nouveau et présente un
s et de petites chutes, au milieu desquels
Les explorateurs ont donné à cette par-
le de l'Eii-Avant.
érable se rencontre en un endroit où se
i entre elles et aux deux bords par uue
utes et deux rapides d'une extrême vio-
içer le steamer, puis le démonter, après
sus de la chute à l'aide d'un fort câble,
éléphant lui donna la chasse et le tua ;
le rapide de l'ËIépbant.
okouangal, où la rivière a 2000"' de lar-
. nombreuses, mais uue reconnaissance en
; rive gauche, une passe que le steamer
té, ni déchargé,
ingi qui s'étend de Belly à Bomokouangal,
des rapides, paiatt devoir être extrême-
et surtout les récifs émergeant de toutes
.'est un véritable labyrinthe, au milieu
ivancer qu'après avoir fait reconnaître
e.
le capitaine Van Gèle, n elle est vraiment
sont bordées de montagnes aux pentes
prairies, les champs de mais et les plan-
t des villages ne sont pas construits à ta
s collines. De loin, leurs huttes font Tef-
oupeaux de gros bétail paissant dans les
lète. La terre paraît être d'une très
ces, les herbes atteignent sept mètres de
out palissades en front; ony voit établis,
re à coton), un, deux, quelquefois jusqu'à
, grossièrement construits, qui ont donné
riens. Je n'ai pas vu de manioc ni de pal-
îvanche, les bananiemi, la canne ù, sucre
t offert en vente sous forme de farine.
les offrent le même type qu'en aval de
nuque ; moustaches en brosse, leur dou-
tas de tatouage à la face. Ce peuple nous
— 150 —
a parfaitement reçus; même lorsque j'étais en pirogue, il nous a oflFert
et nous a vendu des vivres en quantité. Partout il nous a accueillis avec
des cris d'amitié : Nzen, Nzen, Nzen, Nzenzé ! Il n'est ni bruyant, ni
gênant, ni voleur.
« Au-dessus de Belly commence une nouvelle tribu, celle des Ba-
Kombé, qui doit s'étendre sur un grand espace dans l'intérieur, entre
rOubangi et le Congo. Pour l'étranger, ce qui distingue tout d'abord
les Ba-Kombé de leurs voisins, c'est l'arrangement des chevelures.
Bien que très diverses, elles ont toutes une tendance à s'étendre vers
l'arrière; les unes se terminent en chignons, d'autres ont presque la
forme que l'on remarque chez les Monbouttou, d'autres encore pendent
sur le dos en longues et minces tresses, enroulées le plus souvent sur
une seule. H en est parfois qui ont près de deux mètres de longueur. »
C'est la première fois que l'on signale dans l'Afrique centrale le fait
de chevelures aussi abondantes. M. le lieutenant Liénart ajoute que par-
fois les tresses sont si longues, que les femmes y font un noBud et se les
passent au bras. La race est foil belle.
A Bomokouangal la rivière descend du nord-est. La vue en est superbe ;
ses eaux sont libres d'obstacles. Elle a une largeur de 800 à 900 mètres
et une profondeur moyenne de 4 mètres. Pendant environ 50 kilomètres,
elle conserve la direction générale nord-est, puis elle fait un coude
arrondi et vient enfin franchement de l'est, direction qu'elle conserve
jusqu'au point extrême atteint par VEn-Avani^ soit sur 275 kilomètres
environ. Dans toute cette partie de son cours, la rivière est désignée par
les indigènes sous le nom de Doua ; elle ne reçoit aucun affluent ni à
droite, ni à gauche. Les villages étant situés à 200 ou 300 pas dans l'in-
térieur, le pays semble inhabité à première vue ; mais il suffit d'entrer
en relations avec un canot pour voir les indigènes surgir de toutes parts.
« Je n'ai vu nulle part, » dit M. Van Gèle, « une telle affluence de
vivres, et cela non seulement sur un point isolé, mais pendant toute la
dui*ée de mon voyage : bananes, farine de maïs, sorgho, arachides, pata-
tes douces, ignames, haricots, cannes à sucre, sésame, tabac, bananes
mûres confites dans du miel, vin de palme infusé de noix de kola; et
comme bétail, des moutons et des chèvres de toute beauté. Mes hommes
ont eu chaque jour la poule au pot, et à plusieurs reprises je leur ai fait
distribuer les chèvres que l'on m'envoyait en cadeau et qui encom-
braient le pont du bateau, tellement l'abondance était grande partout.
11 n'a pas été touché à un seul des sacs de riz que j'avais emportés de
l'Equateur par mesure de précaution. En somme, c'est un des pays les
plus fertiles et les plus peuplés que j'aie rencontrés eu Afrique. »
Les indigènes de la rive droite appartiennent aux tribus dei
et des Madourou; ceux de la rive gauche aux tribus des Ba-]
Mombati et des Bani^y.En général, ces indigènes se rasent un<
la tête, de manière k former le dessin d'un triangle dont le f
base. Les lobes des oreilles sont démesurément allongés, et p
fils de cuivre enroulés cinq ou six fois en guise de boucles d'o
bien encore de grandes rondelles en bois.
Dans cette partie de son cours, l'Oubangi atteint dé largi
lions et est parsemé d'Ues dont la plupart sont cultivé»
téeâ. Chez les Banzy, l'architecture des huttes se modifie ; elle
la forme d'un véritable cône, reposant sur un mur circulain
50 centimètres et construit en torchis. On dirait de vastes i
Les huttes sont disposées par rangées formant de larges rues p
tenues, ou bien elles sont placées en un vaste cercle, au cen
s'élève un tertre où se tiennent les réunions. La maison elle
très propre, elle est divisée en deux compartiments, le deuxièi
de chambre à coucher.
Le fer — et cette remarque est générale pour tout l'Oubi
admirablement travaillé ; les indigènes l'emploient pour fab
lances, des couteaux, des fers de flèche, des harpons, des hi
faoues, des bêches, des cuirasses, des boucliers, des bracelets, dt
tes, des perles, des tuyaux de pipe, des gongs, des sonnettes.
En revanche, l'ivoire, bien qu'abondant, est peu travaillé, :
chez les Banzy, oii l'on rencontre à chaque instant des bracel*
inent tournés, des épingles longues de 30 centimètres et deg
ornées ou peUlê, que les femmes, à l'instar de tant d'autres
l'Afrique centrale, s'introduisent dans la lèvre supérieure.
Toute cette population accueillit très bien les voyageui-s.
instant, des flottilles de 30 à 40 canots entourèrent YEn-Avc
hommes qui les montaient offraient en vente des vivres en a
Le steamer ne les efi'rayait pas, et les coups de feu adressés p
de l'équipage aux canards et aux échassiers qui passaient d
l'autre ne semblaient pas les étonner.
Un peu en amont de la résidence de Bemay, chef souverain t
un rapide obstrue la rivière. La rive droite est impraticabl
long de la rive gauche, en hÂlant fortement avec un câble l
celui-ci réussit à passer. Les indigènes ban/y piirent un gram
cette opération. Ils signalèrent très obligeamment aux voyage
tence de roches dangereuses et enlevèient de la rivière les
— 152 —
pêche qui pouvaient gêner la manœuvre. Fendant ce temps, sur la rive,
les féticheurs lançaient des invocations favorables, tandis qu'un certain
nombre de natifs aidaient les hommes du steamer à tirer le cftUe.
Enfin, lorsque V En-Avant eut réussi à franchir la passe, il fut salué par
les cris d'enthousiasme des indigènes, qui se mirent à sauter, à danser, et
vinrent serrer les mains des Européens et les féliciter de leur succès.
A deux jours en amont, l'expédition rencontra encore un petit rapide,
celui de Cétéma. h' En-Avant^ déchargé de sa cargaison transportée sur
la grande pirogue, et tiré par le câble, franchit heureusement la passe
située près de la rive gauche et large seulement d'une quarantaine de
mètres.
Jusque sous le 21"*, 30' de long. E., les explorateurs ne remarquèrent,
soit sur la rive droite, soit sur la rive gauche, aucun confluent de rivière.
En ce point débouche le Bangasso, vraisemblablement formé par la réu-
nion de l'Engi et du Foro, traversés dans leur cours supérieur par Lup-
ton-bey. En amont du confluent du Bangasso se rencontrent les villages
des Mombongo et des Yakoma. A partir de ce moment, les natifs modi-
fièrent leur attitude. Us devinrent provocants. La rive nord, que suivait
le bateau, se couvrait de monde en armes ; les canots suivaient le stea-
mer. Partout, sur le passage des voyageurs, éclataient des manifesta-
tions hostiles.
Le 1" janvier 1888, V En- Avant suivait la rive nord du fleuve, lorsqu'il
se trouva en présence d'une nouvelle ligne rocheuse-qui le força à redes-
cendre, afin de trouver un passage le long de la rive sud. Un peu
en aval de ce point, de nombreux bancs de sable parsemant la rivière, le
steamer dut se séparer momentanément de la grande pirogue qui le sui-
vait. Aussitôt de nombreux canots indigènes entourèrent celle-ci, et
plusieurs lances furent jetées aux hommes qui la montaient. Un moment
après, V En-Avant, qui continuait à descendre la rivière, donna sui* un
roc et une large voie d'eau se déclara à l'avant. Le bateau fut aussitôt
allégé de sa cargaison, qui pajssa dans la pirogue, et que M. le lieutenant
Liénart fut chargé de transporter à la rive et d'y défendre avec une par-
tie des soldats. Pendant ce temps, l'équipage s'occupait à boucher la
voie d'eau et à remettre le bateau en état de gagner l'île voisine pour y
être réparé.
A terre, M. Liénart fut d'abord reçu très pacifiquement; il fit même
l'échange du sang avec un des chefs yakoma ; mais ce n'était qu'une
feinte, car bientôt il fut vigoureusement attaqué par les natifs, qui lui
tuèrent deux hommes à coups de lance. L'un des deux était le fils d'un
[ — 153 -
des principaux chefs des environs de l'Equateur, perte fort sensible, car
I te jeune nègre était fort aimé de tous. Après une riposte de mousquete-
I rie, qui mit les assaillants en fuite, les bateaux avec les équipages et la
I cargaison réussirent, sans autre lutte, à gagner une des îles de la rivière
où, pendant trois jours, le travail de réparation du steamer put être
poursuivi.
Malheureusement, les velléités belliqueuses des indigènes n'étaient
pas calmées, et, pendant la journée du 5 janvier, l'expédition fut encore
vigoureusement attaquée, à la fois par terre et par eau ; elle eut même
à repousser l'agression d'une flottille de 50 à 60 pirogues de guerre. Les
indigènes prenaient sans doute les étrangers pour des Soudanais, dont
les avant-gardes ont pénétré, paratt-il, jusqu'à ce point de l'Ouellé. Le
combat fut sanglant pour les indigènes, qui se retirèrent en laissant bon
nombre des leurs sur le terrain.
L'état du steamer, la baisse des eaux, la densité extraordinaire de la
population des rives et des îles et son attitude hostile ne permettant pas
de s'aventurer plus avant sans courir le risque de compromettre le
retour de l'expédition, M. Van Gèle décida de ne pas pousser plus loin
la reconnaissance de l'Oubangi.
L'accident arrivé au steamer ayant eu lieu par 21°, 55', et le point
extrême atteint par Junker sur l'Ouellé se trouvant par 22°, 55', il en
résulte qu'entre les deux points reconnus la section de la rivière encore
inexplorée a un degré de longueur, soit 111 kilomèti'es. Quant à la lati-
tude, elle est exactement la même : 4°, 20'; entre les points extrêmes
connus» la rivière conseiTe donc sa direction générale est-ouest. Sa lar-
geur chez les Yakoma est, d'après M. Liénart, d'envii-on 2,500 mètres.
Elle est toute parsemée d'îles ; les plus grandes sont habitées ; sur les
rives, la population est compacte; sur la rive nord, le village oîi il a
abordé mesurait plus de 5 kilomètres de développement à la rive. Le
D' Junker a constaté ces mêmes caractères généraux au point oîi il a dû
abandonner l'exploration de l'Ouellé.
C'est dans la section de la rivière qui reste à explorer que l'Oubangi
doit recevoir, sur la rive droite, le Mbomo, son principal affluent d'après
Junker; ce confluent devait se trouver à une huitaine de jours en aval
d'Ali-Kobo, soit à peu près au point où est parvenue l'expédition Van
Gèle. Or, précisément à une assez grande distance en amont de ce point,
M. Liénart a constaté de loin sur la rive droite, dans la ligne des colli-
nes, coname l'ouverture d'une large vallée. C'est probablement celle du
Mbomo, descendant de l'est-nord-est et rejoignant l'Oubangi par envi-
ron 22° de long. Est.
r
105 -
■mgnifiquea forSts, et il y m de très jolis endroits, HalheureuBemeDt lea Massarua
ta Bashmen mettent le feu aux herbes et détruisent de grandes étendues de forêts.
Ils le font pour se procurer de petites bulbes qui leur servent de nourriture; ces
Mbes ne sont point mauTaises. Les Bushmen sont bien maigres et leurs huttes
li«n mal bftties; on sent qu'ils sont faits pour le désert. Ils traquent le gibier,
pCcbent et Tirent ainsi misérablement sans chercher une existence meilleure,
lama essaye de les grouper et leur a donné des chèvres pour les encourager.
Ceax qui ne demeurent pas loin de Mangwato sont appelés pour aider aux mois-
wub; ce sont les esclaves du rang le plus bas. Les Ba-Maogwato ont d'abord
comme esctaveg les Ma-Kataka, puis les Bushmen. Notre traversée dura dens
sois pendant lesquels nous perdîmes beaucoup de bceufs. La rivière Nata, qui se
jMte dans le Macaricari sous le nom de Shoa, est une jolie rivière. Là où la route
la traverse, l'eau en est douce, plus bas elle est salée. Un j trouve de très beaux
poissons. Panda-Mateoka est situé sur uoe petite éminence, au-dessus d'une vaste
plaine où coule un ruisseau. Cette plaine n'est qu'uo raste marais, ce qui rend
cet endroit insalubre. Les jardins des missionnaires romains sont très beaux, mais
leur cimetière fait une triste impression.
Nous arriïoia au Zambèze, k Kazoungoula, à l'endroit même où la Linyanti ou
Chobé s'unit au Zambèze. Les eaux sont très calmes. Le Cbobé est un peu salé
par le fait qu'il reçoit l'eau d'une source minérale qui n'est pas loin de Kazoun-
goula. Les indigènes vont y chercher leur sel qu'ils font cuire et auquel ils don-
nent une forme de pain. Ce sel n'est pas pur, comme vous pouvez le penser.
Le Zambèze est bordé de roseaux. Quand on le traverse pour la première fois,
on éprouve une impression singulière. En cet endroit il est très profond. On dit
qu'il y a des crocodiles, mais nous n'en vîmes aucun. La nuit, nous entendions
qnelqaefois le ronflement d'un hippopotame. Nous prenions nos repas sous un
grand arbre, le kazoungoula; il avait des fruits semblables aux baricots, mais
longs d'un pied et très épais; ils devaient peser au moins deux kilogrammes. La
traversée de nos bœufs, de nos wagons et de nos caisses nous prit une dizaine de
jours, et nous dûmes payer aux indigènes une fone somme de 360 yards de calicot,
plus des couvertures. M. Jalla fut laissé en arrière avec les bagages et les wagons.
MM. Coiltard, Jeanmairel, Ooy et moi, nous partîmes en canot pour Seshéké, En
wagon on met trois jours pour franchir cette distance , en canot deux jours seu-
lement. Le Nguézi et le Kasat, les deux rivières que l'on traverse avant d'arriver
^ Sesbéké, ne sont pas grandes. Les plaines qu'ils parcourent sont littéralement
remplies de buffles et autre gibier. — Sesbélté est une jolie petite station mis-
sonnaire à 10 minutes du village. Là les crocodiles abondent et il est dangereux
d'aller au bord de l'eau. Nous quittons les Jeanmairet et arrivons bientôt aux
rapides de Katima Molilo. Les chutes de N'Gonye, en amont, sont magnifiques;
pour les voir, on va sur une Ile en face des cataractes. Une masse d'eau considé-
rable se précipite en bouillonnant dans l'entonnoir en bas.
Ce qu'on nomme la Vallée est une vaste plaine sans arbres où coule le Zambèze ;
c'est ta partie la plus triste du fleure. On remonte cette plaine pendant trois jours
— 156 —
«t Ton arriye au débarcadère de Séfoula. Après trois heures de marche environ,
on atteint la colline sur laquelle est bâtie la station. Tout autour, le terrain ne
présente qu'un sable épais dans lequel on enfonce et qui fourmille de petites
puces; celles-ci pondant leurs œufs sous les ongles des orteils, y causent des abcès
douloureux. Au bas de la colline coule un tout petit ruisseau que M. 6oy canalise
pour arroser ses champs.
Depuis le 26 septembre j'ai été très malade par suite d'une insolation et je ne
puis encore rien faire, mes pieds étant enflés et mon corps très faible. Ma conva-
lescence est très lente, car les stimulants dont mon cas aurait besoin me font
défaut. Dieu a été très bon envers moi, car j'ai été très bas et il m'a relevé. Je
crois que le climat de Seshéké est meilleur que celui de Séfoula.
La saison des pluies approche et nous avons déjà des orages magnifiques. Les
roulements du tonnerre sont presque continus et le bruit en est beaucoup plus
fort que chez nous.
H. Dardikr.
lietlre de Sesbéké (Zambème mojen), d« H. D. JeABBSAlret.
Seshéké, 28 décembre 1887.
La dernière lettre que je vous ai adressée était de Eazoungoula, au mois d'août.
Dès lors, MM. Coillard, Dardier et Goy se sont rendus à la Vallée par le fleuve
et ont fait un bon voyage. Toutefois, en arrivant à Nalolo, ces deux jeunes
messieurs furent atteints de la fièvre. On dut mander le scotch cart pour les con-
duire de la rivière à Séfoula. M. Dardier qui avait eu une insolation n'a pas cessé
d'être malade depuis cette époque. M. Goy a quelques violentes attaques qui
finissent au bout de peu de temps ; il a déjà commencé à canaliser un terrain
convenable. M. Waddell ne va pas très bien non plus, sans abandonner ses nombreux
travaux; quant à nos parents, ils sont bien en général ou relativement, ainsi que
la famille d'Arone, peut-être à l'exception de Ma Ruthe, sa femme.
Ici, à Seshéké, nous avons tous joui d'une excellente santé jusqu'au mois de
novembre. Alors M. Jalla a pris la fièvre qui l'a fortement éprouvé; il commence
seulement à reprendre un peu le dessus depuis deux jours. Lui et M. Dardier ont
ce qu'on appelle en anglais the low fever, la forme la moins violente de la mala-
die, mais la plus tenace.
Moi-même, j'ai eu une forte attaque, mais qui n'a duré que trois jours, et un peu
due à mon imprudence. Madame Jalla n'a jamais eu la fièvre et se porte très
bien. Ma femme aussi se sent mieux que précédemment; sans avoir été vraiment
malade elle était un peu languissante. Notre chère enfant est très bien et se
développe rapidement. Elle s'essaye à marcher, babille beaucoup et fait la joie de
ses parents. Nous jouissons beaucoup de la présence de M. et M""* Jalla à Seshéké;
cela aussi nous rend des forces.
Vendredi soir, 23 décembre, sont arrivés MM. Dardier et Middleton avec nos
— 158 —
à de nouveaux voyages. J*espère avoir fini en novembre ou décembre et pouvoir
repartir au commencement de Pannée prochaine. Quand mes plans seront bien
établis, je vous les communiquerai.
Permettez-moi une remarque au sujet de votre journal. Dans le numéro de
mars (p. 72), vous parlez des troupes que le gouvernement allemand fera débarqaer
dans le Lûderitzland ; ce n'est pas au Lûderitzland qu'on envoie ces soldats, mais
au Hereroland. L'or qu'on a trouvé l'année passée, se trouve à Anawooa, à quel-
ques lieues au sud d'Otjimbingue, c'est-à-dire dans le Hereroland proprement dit.
Quand M. Lûderitz a acheté des Naman Angra-Pequena et la région côtière au
sud et au nord de ce pays, la Gazette de Cologne et plus tard la KoloniàUeitung
ont proposé d'appeler cette possession Lûderitzland. Le Lûderitzland s'étend
donc du fleuve Orange jusqu'au 26» lat. s. sur une largeur < d'une centaine de
kilomètres. Il forme une partie du Gross-Namaland, et non du Hereroland. La
Société de colonisation pour l'Afrique australe et occidentale a introduit ces dési-
gnations : Deutsch-Gross-Namaland, comprenant les territoires de Lûderitz, de
Bethanie, de Rehobot, de Jan lonker, etc. ; Deutsch-Hereroland, pour le terri-
toire de Maharéro, chef des Héréros, et Kaoko pour la région littorale entre
Wallfischbai et le Cunéné ; mais il m'est impossible d'y voir un avantage quel-
conque. Pourquoi ne pas appeler tout le pays borné par l'Océan Atlantique, le
Cunéné jusqu'à la première cataracte, l'Okavango et les limites de la zone des
intérêts anglais, simplement < zone des intérêts allemands, » et ne pas conserver les
désignations des aborigènes : Gross-Namaland, Hereroland, Eaoko et Amboland
(non OiTamboland) ? Il vaut mieux dire Hereroland que Damaraland, parce que
damara est un mot emprunté à la langue des Naman, tandis que Héréro est le
mot propre des Ovahéréro ou Héréros. Dire Ovamboland est incorrect, car ce
mot est formé de Ova ambo; or ova est le préfixe pour le pluriel, de même qae
Ova-héréro, et comme personne ne dit Ovahéréroland, il faut, pour la même raison,
éviter de dire Ovamboland. Nama est la racine; au singulier masculin on dit :
namal ; au singulier féminin namas, et au pluriel pour les deux genres naman ;
namai est un singulier pour les deux genres. On l'emploie quand on ne sait pas si
une personne qu'on voit venir, par exemple, est une femme ou un homme. Donc en
français il convient d'écrire le Héréro, les Héréros, le Nama, les Namas, PAmbo,
les Ambos, ou mieux encore, mais plus difficile à comprendre pour le lecteur, le
Orauhéréro, les Ovahéréro, le Namai, les Naman ; au pluriel masculin : Namagu,
au pluriel féminin Namati, et l'Omuambo, les Ovambo (le second a — Ovaambo —
disparaît).
Si vous avez de la place dans un de vos prochains numéros, je vous prierai
d'insérer cette petite note; je suis sûr qu'on vous en sera reconnaissant, car la
plupart des journaux, même les Mittheilungen de Petermann, le Globus, etc., font
encore des fautes à cet égard.
Hans ScHiNz.
— 160 —
iiuptessions sur la capitale de TAlgérie, il pail pour Blidah qui devi<
le centre d'excursions variées au Bois sacré, au val de rOued-el-Keb|
au tombeau de la Chrétienne, aux ruines romaines de Tipaza, à CIm
chel, à Milianah et à la vallée du Chélif, aux gorges de la Chiffa où
voyageui* a eu l'avantage rare de voir une bande de singes gambac
dans les arbres. Blidah est son quartier général, d'où la plupart de
lettres sont datées, il en donne un tableau très intéi-essant, pj
d'une foule de détails curieux. Enthousiaste de la nature algérienne,^
cherche à laisser une impression aussi vraie que possible du panon
qui s'est déroulé sous ses yeux et à faii-e aimer la belle et puissante
lonie. Toutefois, il ne se gène pas pour critiquer la vie arabe et la fâ<
souvent peu hospitalière dont le voyageur est ti-aité. Pour lui, le parfi
de l'Arabe n'a rien de commun avec les parfums de l'Arabie ; raméi
gement des hôtels est encore, à peu d'exceptions près, à Tétat primiti
le climat, même dans la saison hivernale, n'est pas tel qu'on s'est
à le représenter; mais son patriotisme l'empêche d'insister sur
imperfections qui se rencontrent ailleurs qu'en Algérie.
F. Tissot et C. Amero. Au pays des nègres. Peuplades et pays
d'Afrique. Paris (Firmin-Didot et C«), 1887, in-8% 232 p., ilL, fr. 1,
— Le volume de géographie descriptive que MM. Tissot et Amero vi
lient d'ajouter à leur collection, nous semble supérieur aux précéden
principalement parce qu'il forme un texte suivi, au lieu de consister
une série d'extraits empruntés aux récits de voyages et mis bout à b
sans aucune explication. Certaines parties sont toutefois à critiquëie«S
comme n'ayant pas été mises à jour ; le chapitre des voyages en Afriqii ^
doit être daté de plusieui-s années en arrière et non de 1887 ; de mè
le Congo aurait pu être l'objet d'un plus grand développement. D'aut
part, le plan de l'ouvrage gagnerait à être modifié dans le sens d'
meilleure succession des sujets. Le^ chapitres ne se suivent pas dans u
ordre méthodique ; Tétude sur les peuples africains est placée aprè
l'esclavage, et après une description sur les ditféren tes contrées africaines
c'est par un chapitre sur les chausses que se termine le volume. Toutefois
l'ensemble est intéressant, et tout à fait à la portée de la jeunesse, he
grands traits de la géographie sont exposés avec clarté et exactitude
les mœure des habitants décrites sans exagération. Ce livre ne pe
manquer de plaire à la catégorie des lecteurs à laquelle il est destiné.
L £3
"m
t^:
., ^
— 161 —
BULLETIN MENSUEL {4 juin 1888 ').
M. Grant Alleu, littérateur anglais, qui a passé Thiver en Al§^ple»
a communiqué à ses compatriotes ses impressions ^ur cette colonie fran-
çaise, dans des pages où il s'eiforce de leur faire comprendre l'impor-
tance de l'œuvre accomplie par la France, pour la civilisation, sur l'an-
cienne côte de Barbarie. Ne pouvant les reproduire toutes, nous nous
bornons à ce qui sUit : « Tout observateur impartial, » dit-il, « des mer-
veilleux résultats obtenus par un demi-siècle d'occupation française au
nord de l'Afrique, sera obligé de convenii* que cette occupation est le
plus grand des bienfaits pour le continent noir, et que la civilisation
implantée à Alger rayonne déjà et s'infiltre rapidement même au delà
du désert. Or, il importe de considérer que les Français ont eu ici à
lutter, non seulement contre les difficultés résultant de la nature du sol,
mais contre une race hostile, contre une religion farouche, et contre une
civilisation, inférieure sans doute, mais qui avait poussé de profondes
racines. Et pourtant, en dépit de ces obstacles, ils ont réussi ; si bien
réussi, qu'à Alger, au milieu des palmiers et des aloès, des mosquées et
des Arabes, des rues maures et des mendiants orientaux, le voyageur se
prend à tout instant à oublier qu'il n'^t pas en France, tant la vie est
douce et commode ; et c'est en sursaut qu'il revient à la réalité, pour
se dii-e qu'il est en Afrique. »
En vue du développement de la culture de la ramle en Algérie, dont
nous parlions dans un précédent numéro (p. 117-122), le ministre de
l'agriculture, se basant sur le fait que ce développement est intimement
lié avec la solution du problème de la décortication pratique et écono-
mique de cette plante, a institué un concours international d'appareils
et de procédés industriels propres à cette décortication, qui aura lieu à
Paris le 15 août 1888. Des prix seront accordés aux meilleures machines
propres à décortiquer la raraie en vei*t ou à l'état sec, mues par des
moteurs à vapeur ou par un manège, ainsi qu'aux procédés les
meilleurs et les plus économiques pour transformer les lanières de ramie
en filasse. Les expériences pratiques se feront à la ferme de l'Institut
* Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Nouvelles com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
rAlgérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
l'IFRIQUE. — NEUVIÈME ANNÉE. — K* 6. 6
— 162 —
agronomique près de Paris, où des tiges de rainie seront mises à la dis-
position du jury. Les exposants seront tenus de faire fonctionner teurs
machines pendant un temps déterminé par le jury. Immédiatement
après ses opérations, le jury adressera au ministre de Tagricnlture un
rapport détaillé sur les essais effectués et sur les résultats du concours.
Les Missions d'Afrique nous apportent, sur Biskrm» des informa-
tions qui font prévoir pour cette localité un développement de popula-
tion beaucoup plus considérable que les six mille habitants qu'elle
compte aujourd'hui; elle le devra à son climat et à ses eaux. « Il est
impossible, » dit le journal susmentionné, a de se faire une idée exacte du
charme qu'offre pendant l'hiver le climat de cette oasis, du moins dans
le jour. La moyenne de température à l'ombre, vers midi, pendant les
mois les plus froids de nos contrées d'Europe, c'est-à-dire en janvier et
février, varie de 16 à 20 degrés. La nuit c'est autre chose; les nuits
sont froides, même très froides quand le ciel n'est pas couvert ; cela
tient à l'intense rayonnement nocturne causé par la pureté extrême de
l'air. Les Arabes allument du feu, la nuit, en plein air ; les Européens
font du feu dans leurs maisons dont presque toutes les chambres
ont des cheminées. Ce qui n'est pas moins précieux pour Biskra
ce sont ses eaux minérales. Les Romains en connaissaient déjà l'effica-
cité. La belle piscine construite par eux se voit encore au-dessous de la
source principale, qui sort en bouillonnant à une température de 48'' au
milieu du bassin principal. Elle coule de là dans quatre bassins inférieurs
où les indigènes n'ont jamais cessé de venir se baigner en grand nombre,
et, fait bon à noter, ils guérissent leurs rhumatismes dans des conditions
très peu favorables. Il n'y a en effet autour de la piscine aucune habita-
tion quelconque, ni d'autre réduit qu'un café maure. Ceux qui viennent
pour des cures campent en plein air, ou, tout au plus, sous des tentes
en poil de chameau. Mais actuellement on prépare un établissement
de bains à l'européenne, avec hôtels convenables destinés à recevoir les
baigneurs. Ce sera une station balnéaire d'hiver excellente, sous un
soleil et un ciel incomparables, dans un air sec et fortifiant, l'air du
désert, qui est déjà à lui seul, en certains cas, un curatif ; enfin, avec
des eaux d'une efficacité certaine. La route d'El-Kantara à Biskra va
être remplacée par le chemin de fer qui, au mois d'octobre prochain,
déposera les voyageurs au milieu même de l'oasis. Avec le train-éclair
de Paris à Marseille, les bateaux rapides de la Compagnie transatlanti-
que entre Marseille et Philippeville, le chemin de fer ininterrompu entre
Ph'lippeville et Biskra, on peut calculer qu'en cinquante heures environ
ï
— 163 —
OB pourra édianger le climat de Paris contre celui du Sahara, les brouil-
lards de la Seine contre le ciel du désert. »
Le succès du Conc#aps af^lcole qui vient d'avoir lieu à Tunis
témoigne des grands progrès accomplis dans la régence depuis la pro-
clamation du protectorat français. U a attiré une grande affluence de
visiteurs venus de France, d'Algérie et de Tintérieur de la Tunisie. Il
comprenait de grands ruminants, des chevaux, des moutons, des char
meaux, des animaux de basse-cour ; plus de 700 instruments et machines
agricoles; ime quantité considérable d'objets et produits divers de l'in-
dustrie indigène se rattachant à l'agriculture et au commerce; des
huiles de toutes qualités de provenance tunisienne ; des vins d'Algérie et
de Tunisie, des plans de caves et celliers ; des mémoires nombreux sur
la culture de l'olivier, et sur les procédés de fabrication de l'huile, sur
l'aménagement des celliers et la fabrication du vin. — Une exposition
scolaire y était jointe, résimiant les efforts des écoles françaises de la
régence et présentant des spécimens des écoles algériennes. U y avait
aussi une exposition des beaux-arts renfermant environ 200 tableaux,
aquarelles, dessins ou sculptures d'un ensemble remarquable. Lors de la
distribution des récompenses, le résident français a annoncé que le gou-
vernement tunisien, voulant favoriser l'agriculture et le commerce, avait
décidé de supprimer les taxes perçues sur les huiles étrangères à leur
entrée en Tunisie, ainsi que les droits sur le bétail importé. Cette der-
nière mesure favorisera surtout le développement de la race ovine et le
commerce des laines.
La Deutsche Rundschau fiir Géographie und Staiistik a publié un
extrait d'une lettre du professeur Vlrcho^v, datée de Louksor du
2b mars. Nous la reproduisons ici : a A mon amvée à Alexandrie, le
22 février, M. Schliemann me reçut au bateau et me demanda, vu la
maison déjà avancée, de remonter le Nil sans délai pour visiter la haute
Egypte. Après un très court séjour au Caire nous en partîmes avec
la malle égyptienne ; déjà le 28 nous atteignions Assouan, et le lende-
main nous pouvions nous rembarquer à Challal, en amont de la première
cataracte. Dès lors notre voyage eut un caractère plus ou moins belli-
<iueux. Les Ababdé du sud, sous la conduite des derviches, avaient pris
<)uelques bateaux chargés de dourrha, coupé le télégraphe^ emmené un
employé, tué sa femme et pillé plusieurs villages. Nous navigâmes sous
forte escorte militaire, et avec de nombreux transports d'argent et de
vivres pour les troupes de Wadi-Halfa. Le surlendemain nous fûmes
réellement attaqués, mais le tir de nos soldats noirs fut excellent ; ils
— 164 —
tuèrent le chef des rebelles et blessèrent un certain nombre de ceax-cî.
Enfin une canonnière vint à notre secoui-s ; elle canonna le vieux fort en
terre dans lequel les dervidies s^étaient étabHs. Le lendemain, nous
quittâmes le bateau près de Ballany, village berbère, près du grand
temple d'Abou-Simbel, qui nous occupa huit jours. Le 9 mars, le bateau-
poste nous rejoignit et nous transporta à Wadi-Halfa, forteresse à la
frontière du royaume actuel d'Egypte. De là un canot nous conduisit à
travers les secondes cataractes jusqu'au pied du célèbre rocher d'Abou-
Sir, mais l'apparition de derviches sur la rive orientale nous fit rebrous^
ser chemin rapidement. Après cela notre voyage s'etiectua sans nou-
veaux obstacles. Le 13 nous revenions à Challal, et le 14 après raidi^
nous atteignions de nouveau Assouan, après une traversée un peu folle
des premières cataracte>s. Nous eûmes encore le temps de voir les
fouilles actuelles dans les rochers et de faire une collection de crânes.
Depuis le 15 nous sommes à Louksor dont nous avons exploré les admi-
rables monuments dans toutes les directions malgré la chaleur ardente.
Nous pensons aller demain â Denderah et à Abydos, et vers le milieu de
la semaine prochaine, rejoindre Schweinfurth au Fayoum.
Le Bosphore égyptien a reçu communication d'un manifeste adressé
aux peuples du Soudan par le khalife AtMlooUah, successeur du
Mahdi. En voici les parties les plus saillantes : Vous savez que les Turcs.
(sultans, khédives) à qui échéait le khalifat sur la terre se sont écartéa
des droits sentiers et ont renié leur foi, en remettant leur puissance aux
infidèles, et livrant les biens des mahométans à ces chiens, qui depuis^
gouvernent tous les pays musulmans d'après leurs codés et règlements
sataniques. Le Mahdi Aleih-el-Salam vous avait adressé plusieurs décrets
et mandements portant son saint cachet, par lesquels il vous enga-
geait à rompre toutes relations et liaisons avec ces infidèles, turcs ou
autres. Quoique les infidèles aient beaucoup d'engins perfectionnés et
des légions d'hommes, cependant Dieu ne leur accordera jamais la vic-
toire, mais à nous les fidèles du Prophète et du Mahdi... Vendez tout»
préparez-vous à la guerre sainte, car le saint précepte du Coran qui dit :
plus vous mourrez, plus vous serez en vie, est très juste... Alors le Pro-
phète et le saint Mahdi viendront à la porte du paradis vous recevoir
les bras ouverts en vous disant : Entrez tous, mes enfants, vous qui
avez combattu pour ma sainte cause, qui avez sacrifié tout, même
votre vie, entrez recevoir votre éternelle récompense... A la réception
de mon mandement, réunissez-vous en légion pour la guerre sainte et
obéissez aveuglément à ceux qui vous appellent en mon nom. N'oubliez.
— 165 —
pas que la mort n'arrive que sur Tordre de Dieu, que vos jours sont-
comptes. Vous mourrez en combattant pour ia sainte cause de la religion
-et vous serez de vrais martyrs. Fuyez les pays des infidèles et arrivez en
masse parmi vos frères, les croyants, car il est temps... Si vous vous
iaissez égarer par les infidèles, vous serez leurs victimes comme Tout été
vos frères dans les dernières campagnes du Soudan. Ceux qui ont écouté
leurs avis et ont cru à la force de leurs armes furent sévèrement punis :
Je feu décima leur corps et les réduisit en cendres. Que ceci vous serve
•d'exemple pour l'avenir.
L'Ito2ie a publié, d'après les documents déposés au Parlement italien,
ie texte de la lettre adressée par le négus d' Abyssinle au général San
Ifarzano. Nous devons nous borner à en extraire ce qui suit : « Par le
passé, j'écrivais toiqours des lettres d'amitié au roi d'Italie Hurabert,
€t lui aussi m'écrivait. Nous étions tous deux amis. Le gouverneur
Branchi vint à Assab, puis il passa avec moi la saison des pluies. Nous
avons parlé d'ouvrir un débouché pour Assab aux marchands qui
viennent à moi et à ceux qui vont au Choah, de façon que lei^ marchands
italiens et abyssins fussent libres d'aller et de venir dans ces contrées et
<jue ces derniers pussent ainsi aller jusqu'en Italie faire leur commerce.
Je désirerais que moi et vous autres puissions combattre ensemble les
populations barbares que nous aurions dominées ensemble comme si
nous fussions mi seul corps. Moi et Branchi avions arrangé toutes choses
dans le temps des pluies. Le jour de notre séparation j'ai pensé qu'il
était un serviteur de mon ami, je l'ai décoré, je l'ai bien traité, puis je
l'ai congédié. Après lui, est venu Blanchi; nous avons aussi parlé de ces
choses, et je lui ai i*emis des lettres d'amitié, ainsi que des décorations
pour les officiers qui sont sous le respectable roi d'Italie. Â Blanchi aussi
j'ai donné des lettres pour le roi et je l'ai décoré. Il me fit demander la
permission d'aller par le chemin de Ahro ; je consentis, je lui donnai un
guide poui' l'accompagner jusqu'à Assab ; mais il prit un autre chemin
peu sûr, et ainsi il fit une triste tin. Quelque temps après, une personne
est vmue à Ambasciaria m'apporter des présents du roi. Cette personne
aussi, je l'ai décorée et je lui ai remis une belle lettre pour faire amitié
avec vous autres, et je l'ai fait accompagner. Pendant que nous étions
ainsi en bons rapports, vous n'avez pas maintenu le traité que les
Anglais m'avaient fait faire avec les Egyptiens.
Par ce traité, les marchands abyssins qui allaient à Massaouah, ne
devaient pas payer de douane, et les pays qui ont toujours été sous le
roi d' Abyssinie, et que les Égyptiens ont occupés ensuite, devaient m'étre
— 166 —
rendus. Mais vous n'avez pas maintenu ce traité. Maintenant, restons
dans le traité que les Anglais nous ont fait faire avec les Égyptiens.
Cette Ethiopie qui m'a été donnée par Dieu, est mon royaume ; quittes^
donc mon pays et restez dans le vôtre. Si Dieu me donne la force, vous
d'un côté et moi de l'autre, nous pourrons combattre les derviches sau-
vages et nous les détruirons, en agrandissant notre pays. Cela serait
préférable. Je suis chrétien comme vous, nous sommes frères, notre
discorde sert à faire rire les autres. Ras Alula a fait ce qaMl a fait sans
m'écrire et vous-mêmes non plus vous ne m'avez rien dit. Je suis roi et
Humbert aussi est roi et, si au-dessus de nous il y avait quelqu'un qui
nous commandât, je serais celui qui aurait le droit de faire entendre des
plaintes. Je dis cela parce que vous êtes venus combattre dans moft
pays; moi, je ne suis pas allé dans le vôtre. Maintenant je ne suis pas
venu pour combattre avec vous autres ; je suis venu parce qu'on m'a dit
que mon pays a été envahi ; je suis venu pour garder mes frontières.
Retournez donc dans votre pays, restons chacun dans le nôtre; que le
port de Massaouah soit ouvert comme avant, que les pauvres et les mar-
chands qui sont auprès de nous puissent libr^nent gagner leur pain.
Écrit au camp d'Aïlet, le 26 mars 1888. »
La question de l'emploi dès plf^eoiis dans les opérations de guerre
emprunte une actualité toute particulière à l'emploi que les Italiens
font en ce moment de ces volatiles en Abyssinle. VEserdto fournit à
ce sujet les renseignements suivants : Les postes de Digdigha, de Calata»
des puits de Tata, ainsi que les détachements qui vont en reconnais-
sance vers Allet, Assur, etc., envoient leurs rapports par Fentreniise
des pigeons du colombier installé à Massaouah, d'oîi on les réexpédie au
grand quartier général à Saati. Les jours de pluie, et quand les nou-
velles sont confidentielles, les dépèches sont introduites dans des tubes
de plumes d'oie, scellés à la cire. Mais comme cette opération, surtout
quand les troupes sont en marche, entraîne ime certaine perte de temps^
chaque fois que cela est possible, les patrouilles se contentent d'écrire
les dépêches sur un feuillet détaché du carnet dont sont pourvus tous
les officiers et les sous-officiers, feuillet qui est ensuite attaché à une
plume de la queue d'un pigeon. On use aussi de signes conventionnds
pour le cas oii les patrouilles seraient surprises par l'ennemi et n'au-
raient pas le temps nécessaire pour rédiger un télégramme. Par exemple^
si un ou plusieurs pigeons arrivaient au colombier sans dépêdie ^
qu'il leur manquât quelques plumes de la queue, cela signifierait que la
patrouille a été attaquée. D'autres fois, ce sont des marques faites en
rr^
— 167 —
couleur qui donnent tel ou tel renseignement. Chaque patrouille emporte
trois ou quatre pigeons dans un panier léger en bambou et filet. Les
distances étant très courtes, l'envoi de chaque dépêche se fait à l'aide
d'un seul pigeon ; une première dépêche est envoyée à l'heure fixée à
l'avance par le commandement, les autres le sont au fur et à mesure
des nouvelles à transmetti-e. Le panier des pigeons est poi-té successive-
ment par un soldat qu'on relève d'heure en heure ; les grains et le petit
abreuvoir sont confiés à un caporal qui a la surveillance des pigeons.
Quand les patrouilles doivent rester absentes plus d'une journée, elles
emportent quatre pigeons avec du grain et un abreuvoir en cuir, de
manière à pouvoir les faire manger et boire ; si elles doivent rentrer
dans la journée même, elles n'emportent que trois pigeons et l'abreu-
von*. L'arrivée incessante à Massaouah de ces pigeons, venant de toutes
les directions, offre un aspect fort curieux. Dès qu'ils arrivent, ils se
prfeentent à la fenêtre du colombier où les attendent leur compagne et
leurs petits. Pour entrer, ils doivent passer par une sorte de cage-trappe
qui ne leur permet plus de ressortir et en même temps les isole des
autres pigeons. Le seul poids du nouveau venu détermine aussitôt une
sonnerie produite par l'électricité. Ce signal dure tout le temps que
l'oiseau est dans la trappe et avertit le sous-officier de garde, qui vient
alors enlever au voyageur le télégramme apporté, pour le transmettre
au quartier général.
Les dernières nouvelles d'Êmin paeha sont du 2 novembi*e, de
Kibiro sur la rive orientale du lac Albert. Il avait fait une reconnais-
sance pour découvrir Stanley, mais n'avait pu recueillir aucun indice
sur l'expédition. Il disait attendre Stanley vers le 15 décembre. Lui-
même continuait à se trouver dans des conditions satisfaisantes, et
entretenait de bonnes relations avec les tribus qui l'entouraient. La
dépêche ajoutait qu'un convoi de 40 mulets chargés de vivres de réserve
destinés à Stanley et placés sous les ordres de M. le missionnaire Stockes,
était arrivé à Wousambiro, près de Msalala, mais que les Arabes mani-
festaient une très grande hostilité contre les Européens. — Dans une
lettre du 25 octobre 1887, Émin-pacha écrivait : « Osé-je vous prier de
me gratifier de quelques-unes des miettes qui tombent de votre table si
abondamment chargée de livres ! Il m'en coûte de vous ennuyer de cette
demande, mais comme la chute de Khartoum et les événements subsé-
quents m'ont fait perdre presque tout mon avoir et mes livres si péni--
blement acquis, je suis forcé de vous l'adresser. Mais je tâcherai de
témoigner, par quelques correspondances, ma gratitude pour les envois
— 168 —
que vous pourriez me faire. Représentez-vous la situation d'un homme
séparé du monde pendant trois ans et demi sans recevoir ni un journal,
ni un livre nouveau. Parmi toutes les souffrances des années qui vien-
nent de s'écouler, celle-ci a été la plus douloureuse. » Pour répondre à
cette supplication d'un homme qui a tant souffert pour la science et la
civilisation, le Muséum d'ethnographie de Leipzig a fait un appel à tous
ceux qui pourraient envoyer à Ëmin-pacha des ouvrages d'histoire
natui^elle, d'anthropologie, d'ethnologie, de géographie et d'histoire ;
on peut les adresser au Muséum ou au consulat allemand à Zanzibar.
Les dons seront d'autant plus opportuns qu'Émin-pacha est résolu à
continuer dans l'Afrique centrale l'œuvre commencée par Gordon.
Le Record annonce la mort de M. Barker» successeur de l'évêque
Haunington, et de son chapelain, M. Blackbupn. L'année dernière, ces
deux missionnaires avaient exploré, sur un parcours de 650 kilomètres,
le pays entre Mombas et Mamboïa, et fourni des renseignements qui
permettront de compléter la carte de cette partie de l'Afrique orientale,
une des portions les plus pittoresques, les plus montagneuses et les plus
richement boisées du continent. Après avoir passé à Dalouni, dansl'Ou-
Sambara, ils avaient dû traverser une chaîne de montagnes par un col
situé à 1500*" d'altitude, descendre ensuite dans une vallée profonde,
puis i-emonter par une pente abrupte à 1700"*. Le Ngourou, dans
lequel ils étaient entrés le 28 juillet, n'était plus ce que M. et M"' Last
l'avaient trouvé six ans auparavant; alors la paix et l'abondance y
régnaient avec la sécurité ; depuis cette époque, les incursions des Masaï
pillards l'avaient ravagé et dépeuplé; les sfentiers étaient recouverts de
ronces, et là où s'étaient élevés des villages régnait seule la jungle. Le
5 août, les deux voyageurs atteignaient Mamboïa, après avoir encore
traversé un pays beau et salubre, de montagnes parées de fleurs ,variées
et couvertes de villages dont les habitants ne leur témoignèrent que des
dispositions pacifiques. De Mamboïa, ils avaient passé à Uyui et atteint
Wousambiro, à l'extrémité sud-ouest du Victoria-Nyanza. Un empla-
cement avait été cherché pour une nouvelle station, et choisi à Nasa,
d'où M. Parker était retounié à Wousambiro pour conférer avec les
missionnaires sur les affaires de la mission. Il se proposait encore de
faire le tour du lac et de passer par le Kavirondo, pour chercher une
route plus directe entre le Victoria et la côte. La mort des deux mis-
sionnaires, survenue en mars dans leur voyage de retour, doit vraisem-
blablement être attribuée à une fièvre prise dans les environs du golfe
de Speke.
— 169 —
Le gouYômemeat anglais a reçu de la côte orientale d'Afrique des
informatHMis sur la recrudescence de la traite des noirs dans cette
région. Les officiers et l'équipage de Faviso Garnet, de la marine bri-
tannique, ont récemment capturé deux voiliers chargés d'esclaves. Lors?-
que la chaloupe à vapeur du Oamet, armée d'un canon Gardener, eut
atteint le premier de ces voiliers, les hommes qui le montaient se
jetèrent à l'eau. Mais ils furent presque tous capturés. On trouva au
fond du bfttiment une quarantaine d'esclaveâ, dont plusieurs avaient des
blessures provenant d'armes à feu. Tous souffraient de la soif et sup-
pliaient qu'on leur donnât à boire. Le second bâtiment négrier diavira
pendant la chasse que lui donnait la chaloupe du Oarnet; presque
tous les esclaves, au nombre de plus de cent, et l'équipage composé
d'une vingtaine d'Arabes, se noyèrent.
U ressort des discussions qui se sont élevées récemment dans la
Chambre des communes d'Angleterre et dans la Chambre des députés
de Portugal, au siyet des limites occidentales de la colonie de Mom»Ba-
bique» et des droits de transit pour les marchandises qui en traversent
le territoire, que ces limites n'ont jamais été axées, et que le gouverne-
ment portugais y a temporairement suspendu le tarif des droits de tran-
sit et qu'il a refusé d'accorder des facilités pour un commerce de
transit. Le gouvernement anglais a cherché à obtenir du Portugal la
liberté de navigation sur le Zambèze, et le cabinet de Lisbonne s'est
montré disposé à fau*e certaines concessions, qui n'ont pas paru pouvoir
être acceptées par le gouvernement britannique. Des deux parts on en
appelle aux principes reconnus par la Conférence africaine de Berlin.
« Les droits des puissances européennes sur les possessions d'Afrique, » a
dit sir J. Fergusson, soxis-secrétaire d'État au Foreign Office, « ne peu-
vent être reconnus que si la colonisation a eu lieu et si les puissances
possèdent les moyens de maintenir l'ordre et de protéger les indigènes.
Lorsqu'une puissance bien établie sur la côte n'organisé aucune colonie
daos l'intérieur et ne fait aucun arrangement pour remplir ses devoirs
nationaux, le gouvernement anglais ne peut pas admettre que cette puis-
sance ait le droit de refuser à l'Angleterre une voie commerciale libre
dans l'intérieur. Le gouvernement ne peut donc pas reconnaître au
Portugal le droit d'interdire le passage libre du Zambèze. Mais le Por-
tugal a le droit de lever des taxes sur les marchandises importées dans
les territoires portugais. » D'autre part, M. de Barros Gomès a déclaré
dans la Chambre des députés de Lisbonne, que le Portugal, « suivant en
cela l'exemple de l'Angleterre, de l'Allemagne et de l'État libre du
— 170 —
Congo, maintient le principe que, pour les territoires de Tintérieur de
l'Afrique, une occupation effective ne constitue pas une condition Hite
-qua non de possession. Il résulte, a-t-il ajouté, des décisions prises à la
Oonfërence de Berlin, lesquelles découlent des conventions passées avec
la France et l'Allemagne, ainsi que des traités conclus avec l'Angle-
terre en 1879 et 1884, traités qui n'ont pas été ratifiés, que le Portugal
entend conserver le droit de régler les conditions du commerce et de la
navigation du Zarabèze, Le Portugal consentirait à modifier la législa-
tion actuelle si on lui offrait des garanties que ces modifications ne por-
teraient pas atteinte aux intérêts vitaux du domaine portugais en
Afrique. »
La station fondée en 1879, à Gkmboulouwayo, au pays des Mit-
Tébélé» par le P. Depelchin, est entrée dans une phase nouvelle. Le
roi Lo Bengula avait eu beaucoup de peine à se décider à accorder aux
missionnaires l'autorisation d'ouvrir une école et d'enseigner aux
enfants la religion, en même temps que les arts manuels et les éléments
des connaissances les plus nécessaires. Toutefois, craignant de voir les
missionnaires se retirer, et désireux d'avoir pour son armée des forge-
rons ^t des charpentiers que lui fournira l'école, il donna la permission
demandée. En outre, nous apprennent les Missions catholiques, il ac-
corda au P. Prestage la concession d'un terrain situé près d'Oampan-
dini, sur le bord méridional de la rivière Oumzaza, vers le sud et non
loin de la résidence royale Oumsindisi ; l'induna d'Oumpandini, escorté
d'un groupe de vieillards, vint un dimanche matin auprès du mission-
naire, qui lui indiqua le terrain qu'il avait choisi et l'endroit où il se
proposait de bâtir. C'est une bande de terre de 1200 m. de longueur et
de 250 m. à 300 m. de largeur, excellente pour diverses cultures, et sur
laquelle se trouvent trois sources que l'on dit ne tarir jamais. Le lende-
main le P. Prestage montra aux Cafres d'Oumpandini la manière de
labourer. Le conducteur des wagons, jeune be-chuana, prit la charrue,
laboura un morce^au de terre ; puis le missionnaire leur expliqua le but
de son installation au milieu d'eux, et promit de leur apprendre à labou-
rer la terre. En même temps il les engagea à demander à Lo BengulX
quelques bœufs pour les dresser au joug, afin qu'ils pussent non seules
ment tirer la charrue, mais aussi traîner les chars du roi. Le matériel'l
de la station de Gouboulouwayo a été transporté à Oumpandini, où les •
missionnaires se sont hâtés de terminer leurs travaux d'installation afin .
t
de pouvoir se livrer à l'instruction des indigènes.
Un mouvement très marqué s'est produit, au Lie-Sonto, dans les
-T- 171 -^
é<)ole» de la station de Thaba-Bossiou. M« Edouard Jacottet en rend
compte ainsi dans un rapport au Comité des missions évangéliques de
Paris. Tandis que les années précédentes Técolede la station ne comptait
que 80 à 90 enfants, et que la moyenne des présences était fort décou-
rageante, nous avons vu en 1887 les chiifres monter dans une propoi*tion
tout à fait inattendue, et, ce qui vaut mieux encore, cette augmentation
s'est maint^mue pendant les deux semestres que nous venons de termi-
Ber. En décembre, Técole comptait plus de 200 élèves, dont un bon tiers
de garçons, avec une moyenne de présence de plus de 130, c'est-à-dire
qu'elle a atteint un niveau duquel elle n'avait jamais approché Jusqu'ici,
et qui en fait, si je ne me trompe, la plus grande école du Le-Souto.
A peu près à la même époque, mettant à exécution un projet depuis
longtemps médité, j'ouvrais une école du soir pour les bergers et les
jeunes gens que leurs occupations retiennent forcément éloignés de
l'école du jour et qui grandissent dans une ignorance absolue. Cet essai
a été couronné d'un plein succès ; au lieu de 30 ou 40 élèves que j'atten-
dais, j'en ai eu plus de 130. Malgré les inconvénients qui en résultaient,
j'ai dû tenir moi-même l'école pendant six mois, cinq soirs par semaine,
pour lui donner l'impulsion dont elle avait besoin. Dorénavant, elle sera
«ous la direction d'un des sous-maîtres de l'école du jour. Je ne la quitte
pas sans regrets ; ces soirées, consacrées à un travail qui peut paraître
ingrat, m'ont été précieuses, et j'en ai rapporté bien des expériences
qui m'ont déjà été utiles et le seront sans doute davantage encore. C'est
un rouage excellent, indispensable même dans toute station bien consti-
tuée ; je crois que, cette fois, l'école est instituée de telle sorte qu'elle
pourra durer et n'aura pas l'existence éphémère de ses devancières.
Nous extrayons d'une lettre d'Arone, l'évangéliste qui a suivi M. Coil-
lard au Zambèze, les renseignements suivants sur la pèche ehese les
Ba-Rotsé s a Le poisson occupe une grande place dans leur nourriture
de chaque jour. On le prend au moyen de filets et aussi dans des parcs
faits de forts bambous, qui entourent certains endroits du fleuve plus
pi'ofonds que d'autres. A cette paroi, qu'on déplace à volonté, se trouvent
de petites entrées qui permettent aux poissons de pénétrer dans l'inté-
rieur. A un moment donné, les issues sont fermées, les pêcheurs pénètrent
dans le parc et, en frappant l'eau, ils dirigent les poissons vers un même
endroit. Alors, armés d'un court javelot propre à cet usage, ils transper-
cent les poissons qu'ils déposent ensuite dans des corbeilles. Il n'est pas
rare de trouver de jeunes crocodiles mêlés aux poissons, dont ils subis-
sent le sort ; eux aussi sont mangés par les indigènes. Les cours d'eau
f rr
— 172 —
qui se jettent dans le Zambèze ont aussi des parcs semblables à tewt
dont je viens de parler ; quand les eaux sont hautes, les poissons remon^
tent le courant et pénètrent dans les parcs, oh ils se multiplient abon-
•
damment. Les poissons du Zambèze sont excellents; les Ba-Rptsé ea
sont très friands. C'est là leur grande ressource en temps de disette. Le»
parcs ont leurs propriétaires attitrés ; c'est un héritage précieux que le&
parents lèguent à leurs enfants. Le roi a les siens, et ce sont les princes
de la cour qui lui pèchent le poisson qui se mange au palais. Le roi lui'^
môme ne dédaigne pas ce genre d'exercice. »
L'attention de la Chambre des Communes a été attirée sur le mal
que les spiritueux importés d'Europe fout aux indigènes habitant les
possessions britanniques ou soumis au contrôle du gouvernement anglais»
M. A. Me Arthur a proposé entre autres que le gouvernement en sup-
primât le trafic avec les natifs dans tous les territoires indigènes placés
sous l'influence britannique. Cette proposition a fourni au représentant
du gouvernement l'occasion d'exposer devant la Chambre ce qui a été
fait pour prévenir la ruine matérielle et morale des indigènes africains.
En 1886, le gouvernement a cherché à régulariser l'importation de l'al-
cool dans l'Afrique australe au moyen d'un impôt très fort ; en 1887,
l'opinion des gouvernements coloniaux de l'Afrique méridionale et occi-
dentale fut consultée. Les vues de ceux de la Coionie du Cap et de
Natal ne furent pas favorables. Les ministres du Cap étaient d'avis
que le trafic devait être régi par un règlement intérieur plutôt que par
des droits d'importation et ils refusèrent de prendre part à l'arrange-
ment international proposé. Le gouvernement de Natal déclara que si
les autorités du Cap et du Portugal renonçaient aux facilités accordées
aux spiritueux qui passaient leurs frontières, il établirait des droits de
transit plus forts et élèverait les droits d'importation au taux que les
autres États auraient fixé. En même temps, il fit ressortir combien
stricte était la loi de Natal qui interdit la vente des spiritueux aux natifs/
et s'efforça de faire comprendre que l'adoption d'une loi semblable
serait le meilleur moyen de résoudre la question. Dans les territoire»
placés directement sous l'autorité anglaise, les règlements varient. Dans
le Zoulonland, une amende est imposée à quiconque vend, échange,
donne ou procure à quelque natif que ce soit du vin ou une liqueur forte,
à moins que ce ne soit ensuite d'une prescription médicale. La bière
cafre peut être vendue par le natif qui l'a produite, mais sans mélange
de vin ou d'alcool. La même règle prévaut dans le pays des Be-Chuana.
Dans le Le-Souto, la loi interdit la vente des vins, bière, spiritueux^
— 173 —
0t leur importation sans Tautorisation écrite du gouverneur, agent ou
résident. Le rapport qui se termine au 30 juin 1887 porte : Le trafic des
boissons a cessé d'exister. — Ajoutons encore ici ce que cet exposé
renferme concernant rAfru^ue occidentale. En 1887, la Compagnie
royale du Niger fit sentir au gouvernement l'importance de diminuer
rimportation et suggéra l'idée d'un arrangement avec la France et
J'Allemagne pour l'établissement d'une taxe uniforme. Une commu-
nication de S. M. le roi des Belges au gouvernement anglais témoigne
de son désir de coopérer avec l'Angleterre dans ce sens. Les colonies de
l'Afrique occidentale ont été aussi consultées; jusqu'ici, Lagosseul a
répondu. A ces renseignements fournis à la Chambre des Communes,
nous pouvons ajouter que le dernier numéro du Church missionary
InidUgencer and Record nous apporte la nouvelle d'un grand meeting
tenu à Sierra-Leone, pom* protester contre le trafic des liqueurs existant
entre l'Europe et l'Afrique; un comité nombreux, composé d'ecclé-
^âastiques, de jurisconsultes, de négociants, de fonctionnaires du gou-
vernement, blancs et noirs, a été chargé de chercher les moyens de
remédier aux maux causés par ce trafic.
Le journal la Post, de Berlin, a annoncé le départ de l'expédition pré-
parée par le syndicat allemand pour les mineM d'or de l'Afrique
sud-ouest. Elle s'est rendue à Londres et a dû s'y embarquer pour
Capetown. Là elle sera rejointe par M. Gœring, chargé des pleins pou-
voirs de la Compagnie allemande de colonisation dans cette partie de
l'Afrique, et par les ingénieurs des mines et les officiers appelés à com-
mander les troupes coloniales de cette compagnie. Tout ce monde, com-
prenant une vingtaine de personnes, devait continuer son voyage à bord
d'un grand vapeur chargé d'un matériel considérable pour la colonie.
L'expédition se compose du sous-directeur de l'Institut minéralogique
de Breslau, qui connaît le pays et ses habitants, d'un ingénieur des
jnines, chargé de la direction des travaux des mines, et d'un autre,
chargé des analyses. Trois ouvriers mineurs de Freiberg, qui avaient fait
partie de l'expédition organisée par la Compagnie de colonisation, leur
sont adjoints. L'expédition a pour mission de visiter les mines d'or qui
ont été découvertes, de rechercher d'autres minies et de les acquérir
pour le compte de la Compagnie.
Si les dépêches de Zanzibar sont muettes sur l'expédition de
Stanley, celles qui nous arrivent par le Congo nous laissent dans la
plus profonde ignorance du point oti elle peut se trouver actuellement.
La plus récente est arrivée par un télégranmie de St-Paul de Loanda
— 174 —
du l*' mai. Elle portait que M. Ward qui, après avoir fait partie du per-
sonnel de l'Etat indépendant, avait passé à la « Sanford Explôring;
Expédition, » puis à l'expédition Stanley, et qui avait été attaché comme
adjoint au major Barttelot, venait d'arriver à Boma, apportant des nou-
velles du camp de Yambouya, de la station des Stanley-Falls et de Tipo-
Tipo. La dépêche dont il était porteur était ainsi conçue :
Camp de Yambouya.
« Pas de nouvelles de Stanley depuis que j'ai écrit fin octobre. Tipo-
Tipo est parti pour Kasongo le 16 novembre, mais en mars il n'avait
encore procuré que 250 porteurs; d'autres vont arriver. Jameson est
allé à Kasongo pour presser l'envoi des 350 porteurs restant à fournir*
Jameson sera de retour ici le 14 mai. Je ne pourrai pas partir avant le
l** juin. Je passerai par la station des Stanley-Falls, où je laisserai u»
oflScier avec tout ce qui est nécessaire. Tout est bien.
Barttelot. »
Comme le fait remarquer le Mouvement géographique auquel nou&
avons emprunté cette dépêche, la visite de M. Jameson, un des adjoints
du major Barttelot, à la résidence de Tipo-Tipo, à Kasongo près de
Nyangoué, par la station des Stanley-Falls, indique que la sécurité est
rétablie dans ces parages depuis que Tipo-Tipo y est revenu. Si le major"
Barttelot comptait se mettre en route pour Wadelaï le l*' juin, c'est
pour y rejoindre Stanley. A Boma, M. Ward doit recruter quelques,
porteurs de choix avec lesquels il remontera jusqu'aux Stanley-Falls^
oîi il enlèvera les dernières charges laissées là par le major Barttelot ;
puis, avec celui des adjoints de celui-ci laissé à l'arrière-garde, il pren-
dra à son tour la route de Wadelaï. L'État du Congo, voulant donner
un nouveau témoignage de sympathie à l'entreprise du Comité anglais»
a décidé de prendre à sa charge l'assistance en porteui*s fournis à.
M. Ward, et' de faire, sans retard, transporter celui-ci et ses hommes,
aux Stanley-Falls par un des steamers de Léopoldville.
Deux nouvelles sociétés sont en formation pour répondre aux besoins
créés dans la région du bas Congo depuis la fondation de l'État indé-
pendant. La première, sous le titre de Mafl^aslns n^néraax da
Con^o, se propose de fournir aux Européens qui se rendent au Congo»
commerçants, missionnaires, employés, tout ce qui leur est nécessaire
pour s'équiper, se nourrir, se ravitailler. Elle créera à Boma, P des
magasins, sorte d'entrepôt de marchandises européennes d'un usage ou
d'un emploi régulier au Congo; 2*» un hôtel-restaurant fournissant la
nourriture journalière aux agents de l'État, aux employés des factore-
— 175 —
r
ries, aux voyageurs de passage ; 3*" un tramway de deux kilomèti'es de
longueur, reliant Thôtel et les magasins aux établissements de Borna-
rive et de Boma-plateau. La seconde a pour but l'organisation, entre le
bas Congo et le cours moyen du fleuve, d'un service de transport
par boeof». Une route suivrait le tracé général reconnu pour le che-
min de fer; les rivières seraient passées sur des bacs pour éviter la con-
struction d'ouvrages d'art coûteux. Cette route viendrait en aide à la
construction du chemin de fer, en rendant possible dès maintenant la
création d'entreprises commerciales dans le haut Congo. Elle rendrait
possible, dès qu'ils seraient construits, l'exploitation des premiers tron-
çons de la ligne de chemin de fer. Sans cette route, en effet, il faudrait
que la ligne entière fût achevée pour être exploitée. Avec la combinai-
son d'un service de transport par bœufe, cet inconvénient sera considé-
rablement atténué. A mesure que la construction de la ligne avancera,
les équipages, refoulés vers l'intérieur et accumulés sur une route plus
courte, augmenteront beaucoup la capacité des transports, et l'exploita-
tion commerciale pourra commencer presque dès les débuts, partie par
la voie ferrée, partie par les chariots à bœufs.
Le capitaine Braconnier écrivait le 15 février de L.oulouaboari;»
qu'arrivé le 29 décembre à Louébo, il avait dû y rester jusqu'au 19 jan-
vier, par suite de l'attitude hostile des populations voisines de la station,
qui s'inquiètent de l'arrivée des blancs, dans lesquels ils voient des con-
currents pour le commerce de l'ivoire, très animé dans cette région. Le
18 janvier, le lieutenant Le Marinel étant arrivé à Louébo avec une
caravane de cent porteurs et trois bœufs de monte, les deux officiers se
mirent en route le lendemain pour Loulouabourg. Leur itinéraire les
conduisit presque toujours sous bois, à travers un pays riche, peuplé,
où les vivres sont abondants et qui est habité par ^es populations paisi-
bles qui accueillent les voyageurs avec hospitalité. Ils arrivèrent à Lou-
louabourg le 23 janvier, et quelques jours après, la station reçut la
visite des chefs des environs qui venaient voir les nouveaux blancs.
Parmi eux se trouvait le fameux chef indigène Zappo-Zap, auquel
le lieutenant Le Marinel avait rendu visite, lors de son voyage de re-
tour de Nyangoué, et qui était arrivé quelques jours auparavant de sa
résidence des bords du Sankourou.
A propos des expériences de correepondanee par pin^eons faites
récemment au Congo, le Martinet, organe colombophile de Bruxelles,
fait les réflexions suivantes : « A part l'épervier, l'aigle et le vautour ne
sont guère à craindre pour nos pigeons voyageurs, et pour peu que ceux-
— 176 —
d volent en grande liberté, ils apprendront vite à se défier des pièges de
leurs terribles ennemis. Pour obvier à la difficulté du transport dans la
région des cataractes, il suffirait de faire fabriquer des hottes en osier, à
daire^voie, à quatre compartiments superposés et munis de tout le néces^
saire pour ravitailler leurs habitants. Ces hottes pourraient c<^tenir une
trentaine de pigeons, soit sept ou huit par compartiment, ce qui ferait
une chai*ge raisonnable, même pour un nègre. Avec huit hottes remplies
de pigeons, on pourrait peupler les huit stations du haut Congo ; quel-
ques jours après Tinstallation des voyageurs dans leurs colombiers res-
pectifs, on leur donnerait la liberté ; deux mois après, on commencerait
les entraînements, et trois ou quatre mois de séjour au Congo suffiraient
à la race des pigeons voyageurs belges pour faire fonctionner le service
de correspondance aérienne. Quant à la difficulté de retrouver son
colombier après un mois d'absence, ce n'est guère sérieux; le plus
novice des amateure colombophiles sait que phisi^irs mois d'absence
n'empêcheront pas les quatre cinquièmes de nos pigeons de regagner le
pigeonnier natal. Nous ignorons comment ont été organisés les colom-
biers installés au Congo, et sMls sont entretenus par des hommes
expérimentés, ce dont nous doutons beaucoup. C'est cependant un
point capital, car si ces messagère sont confiés à des personnes qui ne
connaissent pas les premières notions de la colombophihe, le résultat sera
nul et même désastreux, et ce sera une grande perte au point de vue
des correspondances rapides du nouvel État. Cette question n'est pas à
dédaigner pour un pays qui a plus de 2000 kilomètres d'étendue. Si le
service par pigeons voyageure était sérieusement organisé, on pourrait
recevoir des nouvelles de la station extrême du Congo, c'est-à-dire des
Stanley-Falls, à Boma ou Banana, en huit joure au maximum, soit
en quinze joure environ des Stanley-Falls à Bruxelles, en supposant
qu'il faille une huitaine de joure pour faire parvenir une dépêche de
l'embouchure du Congo au premier câble télégraphique sous-marin. Si
aujourd'hui, aux Falls, on recevait des nouvelles de Stanley, il faudrait
deux ou trois mois avant que cette nouvelle arrivât en Europe. Or, en
admettant que le service de correspondance aérienne fût organisé, la
même nouvelle serait transmise en dix ou quinze joure, presque sans
frais. Il ne faudrait pas plus d^une année pour établir ce service de
correspondance rapide d'une manière satisfaisante, et deux ans au plus
pour qu'il eût des bases sérieuses et définitives. La Bdgique est le pays
colombophile par excellence. L'Etat du Congo n'aurait donc guère de
difficulté à se procurer les éléments nécessaires pour faire des colom-
— 177 —
biens; i) suffirait d'acheté trois à quatre cwts jeuues pigeons de bonne
nce à quelques bons éleveurs et de les répartir dans les colombiers des
afférentes stations du Congo, i»
Il y a quelques mote, le bruit avait eouru en France, que le commis*
saire général du C^ouko f rançata avait apporté des entraves à la
navigation de rOgôoué, et gêné ainsi les' transactions avec les indigènes
de Tintérieur. C'est vraisemblablement à ces mesures que se rapporte
la protestation suivante que nous reproduisons d'après le Temps :
a Nous, négociants du Gabon,
Protestons énergiquement contre l'ensemble des mesures prohibitives
ou détournées que M. le commissaire général a prises dans l'Ogôoué, à
partir de N'Djolé, pour nous en empêcher le libre accès, à nous, à nos
employés et à nos traitants, et qui ont, à l'heurç actuelle, amené la fer-
meture eifective et complète de la rivière et son entière évacuation par
le commerce. Nous certifions que le nouveau régime inauguré dans cette
région a amené une réduction de moitié dans les affaires que nous y
traitions, et nous sommes prêts à en fournir la preuve. Nous prétendons
que les moyens de transport exigés par le ravitaillement et les approvi-
sionnements des postes du Haut-Fleuve ne sont pas incompatibles avec
les moyens nécessaires au commerce ; que ces deux choses peuvent,
sans inconvénient, marcher de front. La preuve, du reste, en a été
faite, et avec pleine réussite, durant toute l'année 1886. En conséquence,
nous émettons le vœu unanime que l'Ogôoué soit rendu à la libre circu-
lation et au commerce par un acte authentique qui mette fin à une série
démesures arbitraires et de changements perpétuels, et qui soit de
nature à nous assurer enfin la stabilité et la sécurité nécessaires à nos
opérations commerciales. t>
A cette protestation, SaTorn^nan de Brazza a répondu par l'or-
gane du journal la Gironde :
a U y a quelques mois, on prétendait que mon budget était eu déficit,
et on écrivait qu'il me fallait 600,000 fr. de crédits supplémentaires. D
m'a été facile de réfuter ces allégations inexactes et de démontrer,
pièces en mains, que l'exercice 1887 se clôturait par un excédent de
170,000 fr. Aiyourd'hui, un prétendu conseil d'agriculture et de cwn-
merce du Gabon s'élève contre des mesures imaginaires et proteste
contre la Cermeture de l'Ogôouéc^Que veut dire la demande d'ouverture
d^une rivière qui n'est pas fermée et que je n'ai jamais fermée? Ces
protestataires qui demandent la suppression de mesui'es prohibitives qui
n'existent pas, à qui s'adressent-ils? Je me le demande, car jusqu'ici
•/^T
— 178 —
aucune réclamation commerciale ne m^a été faite. L^existence de mesu-
res entravant le commerce est absolument imaginaire, et il m'est facile
de démontrer que toutes les mesures que j'ai prises sont essentiellement
protectrices pour le commerce. En eflfet^ en 1886, le chiffre des produits
exportés par la rivière TOgôoué était de 895,000 francs ; en 1887, il s'éle-
vait à 1,625,000 francs, ainsi que le constate la statistique de la douane
de Libreville; donc, toutes les mesures que j'ai prises ont eu pour effet
immédiat, dans une année, de doubler le commerce de l'Ogôoué. Et
c'est là ce qu'on appelle des mesures prohibitives commerciales? C'est
là ce qu'on appelle une rivière fermée? Le but que je poursuis est de
donner à notre colonie naissante la plus grande extension commerciale.
Le Congo est riche en produits de toutes sortes qui jusqu'ici n'avaient
pas ti-ouvé de débouchés. J'ai ouvert des routes, j'ai assuré la sécurité
de la rivière, et le commerce, qui autrefois était nul, s'augmente chaque
jour, et tous mes efforts tendront toujours à l'augmenter. »
Le territoire du Cameroan est exploré avec soin par plusieurs expé-
ditions. Celle du ï)' Zintgraff et du lieutenant Zeuner est parvenue jus-
qu'au lac des Éléphants et a fondé la première station dans le village de
Balombi *. Elle se proposait de faire, pendant la saison des pluies, de
petites excursions aux environs, puis, dès le commencement de la saison
sèche, d'entreprendre l'exploration à Tintérieur. En revanche l'expédi-
tion de^ lieutenants Kund et Tappenbeck qui, partie du pays des
Batanga, se dirigeait vers l'Est, s'est heurtée à la résistance des indi-
gènes; les deux chefis de l'entreprise ont été grièvement blessés et ont dû
être ramenés à la côte -par le gouverneur de Cameroun qui se trouvait
justement chez les Batanga. De leur côté les deux colons suédois,
MM. G. Valdau et K. Knutson ont exploré, le premier, le versant sep-
tentrional du Cameroun habité par une population très dense apparte-
nant à la tribu des Bomboko ; le second, le cours du Memeh, dont il a
découvert l'embouchure et qu'il a remonté en bateau sur un parcours de
50 kilomètres jusqu'à la cataracte de Dttben, de 30 mètres de haut, près
d'Ekoumbi-ba-Ndene. Jusqu'ici l'embouchure du Memeh était inconnue;
tantôt on le faisait se verser dans le Rio del Rey, tantôt dans le
Roumbi, tandis qu'il se jette dans la mer au sud de ce dernier.
Le ministre de Belgique à Tani^er a informé son gouvernement de
l'ouverture dans cette ville d'un Mueiée commeroial Indastriel^
destiné à faciliter les relations d'affaires entre le Maroc et d'autres
* Voy. la carte, VII"« année, p. 188.
— 179 —
pays. Son premier but sera de familiariser le commerce marocain avec
les matières premières et avec les nombreux articles que pi*oduit l'in-
dustrie étrangère, afin que les personnes intéressées puissent les voir et
les examiner avant de se prononcer sur la possibilité de les employer
dans leurs travaux. Cette collection est utile au point de vue technique
comme au point de vue mercantile, car les objets qu'elle renferme sont
accompagnés de renseignements sur leur lieu d'origine, leur prix, les
frais de transport, etc. Le Maroc étant encore très peu connu de la plu-
part des explorateurs européens, l'administration du Musée se propose
de fournir gratuitement à ceux qui le désireront des renseignements
commerciaux sur le pays, et offre de se charger de la représentation
des exposants qui ne seraient pas directement représentés à Tanger.
Le Moniteur de l'Algérie a publié sur les Khouans de l'ordre de&
Derkaona Cheurfa des renseignements qui expliquent l'agitation
régnant à la frontière marocaine méridionale. Cet ordre est particulier
au Tafilalet. Une des prescriptions de l'ordre impose aux membres
de la confrérie l'obligation d'obéir à leur chef religieux avant d'obéir au
souverain temporel. Lorsque le sultan a été malade on a cru que le
trône allait devenir vacant, et une grande excitation s'est produite dans
la Tafilalet où sont dépoilés les membres de la famille impériale qui»
pouvant avoir des prétentions à la couronne, portent ombrage à l'empe-
reur. Parmi ces prétendants plus ou moins avoués, qui tous appartien-
nent à la ligne du prophète et portent le titre de chérif, il s'en est
trouvé un que l'ordre des Derkaoua Cheurfa a acclamé comme futur
empereur. Le sultan paraît très inquiet de ces menées occultes, qu'il est
d'ailleurs impuissant à réprimer, son autorité sur le Tafilalet étant plu-
tôt nominale qu'effective.
NOUVELUSS GOMPIiÊMENTAIREB
M. Playfair, consul général anglais à Alger, a publié, sous le titre de Bibliogra-
phie de VAlgériey un volume in-4<^ de 806 pages, dans lequel sont énumérés le»
nombreux ouvrages relatifs à l'Algérie, parus depuis Charles-Quint jusqu'en 1887.
Le damier numéro de ces livres est le 4745°**, et Touvrage est loin d'être complet.
Le gouvernement français a déposé devant la Chambre des députés un projet
de Igi destiné à réserver aux vaisseaux français la navigation entre la France et
l'Algérie. Si cette mesure de protection, réclamée depuis longtemps, n'a pas encore
été adoptée, c'est parce que les traités avec les puissances étrangères s'y oppo>
taient; mais la dénonciation du traité avec l'Italie a rendu à la république une
liberté d'action dont elle se propose de profiter.
— 180 —
. M. EuDckel d'Herculais, président de la Société entomologique de France, et
aide naturaliste au Mu&eom d'histoire naturelle de Paris, a visité les chantiers, de
destruction des criquets qui exercent actuellement leurs ravages sur plusieurs
points de l'Algérie. Il a constaté que l'espèce de cette année n'est pas la même
que celle de 1866 et de 1877 ; elle est de petite taille, beaucoup plus redoutable,
car elle peut se propager de proche en proche, s'étendre sur toute ^Algérie et y
rester un grand nombre d'années.
An Congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences réuni à
Oran au mois d'avril, M. Carrière a rapporté avoir découvert aux environs de
Mascara, des outils mélangés à de nombreux ossements de rhinocéros, d'hippopo-
tames, d'éléphants, etc. Sur de nombreux points le sol était jonché de silex taillés;
les outils en pierre polie étaient plus rares ; en revanche ceux de bronze abon*
daient, ce qui peut s'expliquer par le fait que les colonies phéniciennes d'Afrique
auraient propagé les outils de métal qu'elles employaient dès leur fondation.
Le 16 av^il, a eu lieu à Tunis, une adjudication de 18 coupes de bois dans la
Kroumirie, comprenant 30,000 arbres pour 400,000 francs. Prochainement aura
lieu une adjudication pour le démasclage de 6 à 700,000 chénes-liège. Avant
l'occupation française ces richesses étaient inexploitées.
On a découvert à Sfax une nappe d'eau douce au-dessus de laquelle s'en trouve
une d'eau salée. On cherche à les isoler l'une de l'autre.
Une partie des colons de la Dobroutscha songent à émigrer danslaTripolitaine.
Ils ont envoyé des délégués à Tripoli pour étudier les conditions agricoles du pays.
Un télégramme du Caire au Times annonce qu'une lettre de Lupton-pacha,
datée d'Omdurman le 29 novembre, sans enveloppe ni adresse, est arrivée aux
«Lvant-postes à Korosko. Elle porte ce qui suit : « Reçu votre dernière lettre. Il
n'est pas possible de partir d'ici à présent ; pas de route. Ënvoyez-moi de l'argent,
et je partirai dès qu'une occasion se présentera. En voyez-moi des chemises de fla-
nelle. Faites savoir à ma famille que je me porte bien, et quej'espère la rejoindre
l)ient6t ; mais qu'elle fasse son possible pour m'envoyer de l'argent, car sans cela
on ne peut rien faire. » Sir £. Baring cherche à envoyer l'argent demandé.
Un télégramme du consul général anglais à Zanzibar annonce que Mwanga,
roi de l'Ou-Ganda, a été très irrité des arrangements conclus entre l'Angleterre et
l'Allemagne au sujet des territoires de l'Afrique orientale, et que dès lors la posi-
tion de M. le missionnaire Gordon, qui a remplacé M. Mackay dans l'Ou-Ganda,
est devenue extrêmement périlleuse.
Le sultan de Zanzibar, Saïd-Khalifa, a signé le traité concédant aux Allenbands,
pour cinquante ans, toute la c6te africaine comprise entre Mombas, frontière du
territoire anglais, et Toungui, frontière du territoire portugais. )
Le D' Hans Meyer auquel nous devons les renseignements les plus récents sur
le Kilimandjaro, se propose d'y retourner pour explorer avec soin toute la contrée
qui l'entoure ; après cela il poursuivra ses études jusqu'au Victoria Nyanzia, et
plus loin encore si les circonstances le favorisent. M. le D** Oskar Baumaun, le
topographe de la dernière expédition du D' Lenz, l'accompagnera pour diriger
spécialement les travaux topographiques.
— 181 —
Pltisieon jonrnaax ayant annoncé la mort de M. Montagu Kerr, qui s'était pro-
posé d'ouYrir une route d^ Zanzibar à Wadelaï par l'extrémité nord-est du lae
l?lctoria, nous sommes heureux d'apprendre, par les Proceedings de la Société dé
géographie de Londres que cette nouvelle n'est pas confirmée. M. Montagu Kerr
fltt, il est vrai, malade à Hyères, mais il n'est point mort.
Par décret, en date du 4 mai, l'tle de Nossi-Bé, avec ses dépendances, et le^
territoire de Diégo-Suarez formeront désormais un seul gouvernement dont le siège
eit fixé à Diégo-Snarez. L'établissement de Sainte-Marie de Madagascar cesse
d'être une dépendance du gouvernement de la Réunion, pour être rattaché à
celui de Diégo-Suarez.
A peine de retour de son exploration au pays des Mashona, M. Selous est
reparti pour le Zambèze qu'il compte traverser près de l'embouchure du Chobé.
n explorera cette fois-ci le pays au nord du Zambèze moyen.
Khamé, roi des Ba-Mangwato, a fait savoir à tous ceux que cela peut intéresser,
qne le pays compris entre les rivières Shashi et Makloutsié est l'objet de préten-
tions de sa part et de celle de Lo Bengula, roi des Ma-Tébélé, et que dès lors il ne
peut être responsable des pertes que pourraient avoir à subir ceux qui commence-
raient prématurément des exploitations minières.
Le steamer le Rai des Beiges, de la Compagnie du Congo, a été lancé à Stanley-
Pool au commencement de mars. Il a quitté Léopoldville le 27 du même mois,
pour remonter le Kassaï jusqu'à Louébo. La reconstruction delà Vitte de Bnucelle»
afançait rapidement ; on comptait qu'elle serait terminée à la fin de mai.
Les Régions Beyond nous ont apporté les dernières nouvelles reçues de MM.
Graham Brook, Banks et Murphy, tous les trois anciens élèves du Ëast London
Institute for home and foreign Missions ; ils avaient passé à la station de l'Equateur,,
d'où ils comptaient remonter l'Oubangi le plus haut possible, pour se rapprocher
de la station d'Ali-Kobo, où ils se proposaient de s'établir.
Le territoire de Togo, possession de l'empire allemand, est entré dans l'Union
postale universelle.
La Compagnie française de la côte occidentale d'Afrique s'est adressée att
département de la marine et des colonies pour obtenir le droit d'exploiter le&
gisements de guano qui recouvrent les Iles Alcatraz dont la France a pris posses-
sion il y a quelques mois, au sud de l'archipel portugais des Bissagos, au nord-
oaest de l'embouchure du Rio-Nunez.
On procède à St-Louis aux travaux d'installation de la lumière électrique.
L'explorateur Charles SoUer est parti pour le Sénégal ; il se propose d'étudier la
région située au nord de St-Louis et dans le voisinage de l'tle d'Arguîn. Il cher-
chera à ouvrir de ce cèté un débouché aux produits du Soudan et à diriger vers la
(Aie les caravanes de Timbouctou.
Les 945 colis qui composent la canonnière le Mage sont en grande partie arri-
Tes à Bammakou où le montage commencera incessamment. On espère que le
ifo^e pourra naviguer avec le Niger dans les premiers jours de juillet.
La voie ferrée du haut Sénégal est posée jusqu'au kilomètre 112 ; on espérait
qu'elle atteindrait Bafoulabé le 15 mai.
— 182 —
. M. Camille Douls a demandé à la ville de Paris une subvention destinée à cou-
vrir en partie les frais de son nouveau voyage dans le Sahara. Sa demande a été
bien accueillie par le conseil municipal.
La Société de géographie de Londres a chargé M. J. Thompson d'une explora-
tion de l'Atlas et du Maroc méridional, au point de vue géologique, botanique et
zoologique. M. H. Brown qui accompagnera M. Thompson fera des levés topogra-
phiques.
Un contrat a été signé à Londres pour la construction et la pose d'un câble
télégraphique sous-marin de Lisbonne aux Açores.
Une chambre de commerce espagnole a été instituée à Tanger, avec des suc-
cursales dans les principales villes de la côte marocaine.
Une mission italienne a quitté Tanger pour Fez. Elle est composée de deux
officiers et d'un ingénieur, qui vont, dit-on, exploiter une sucrerie, propriété du
sultan du Maroc.
EXPÉDITION DE MM. CAPELLO ET IVENS A TRAVERS L'AFRIQUE
DE 1884 A 1885.
(Avec carte, p. 192.)
En annonçant (VI"* année, p. 333), le succès de Texpédition portu-
gaise confiée à la direction de MM. Capello et Ivens, nous nous réser-
vions d'y revenir avec plus de détails, lorsque nous aurions sous les yeux
l'ouvrage qu'ils se proposaient d'écrire sur leur traversée du continent.
L'importance de leur voyage, comparé à ceux des explorateurs qui, dajis
ces dernières années, ont traversé l'Afrique, réclame un article spécial.
Nous avons reçu, par la bienveillante entremise de M. le Directeur du
journal As colonias portugiiezas, les deux volumes ' des voyageurs por-
tugais, qui nous fournissent l'occasion d'entrer dans les détails non point
de toute leur exploration, mais au moins de leur voyage à travers les
parties les moins connues jusqu'ici du continent africain.
Nos lecteurs n'ont pas oublié qu'en 1879-1880 MM. Capello et Ivens
avaient exploré avec succès les bassins de la Quauza et du Quango. (Voy .
!!"• année, p. 35-39 et la carte.) Ce furent les services qu'ils avaient
rendus alors et les talents qu'ils avaient déployés, qui décidèrent le gou-
vernement portugais à leur confier la direction d'une nouvelle expédi-
' De Angola a Contra- Costa, Descripçào de uma viagem atravez do continente
africano, porH. Capello R. Ivens. Lisboa (Imprensa nacionalj, 1886, 2 vol. gr.-8«,
448 et 490 p. ill. et cartes.
— 183 —
tion, dont le premier but devait être de chercher une route de commerce
entre les possessions portugaises de la côte occidentale et celles de la
côte orientale. Ils devaient en outre déterminer les limites entre les deux
bassins du Zambèze et du Congo, et étudier les régions inconnues
situées entre les provinces d'Angola et de Mozambique surtout au point
de vue de l'importance de leurs produits. En même temps ils avaient à
faire des observations scientifiques, à relever avec le plus grand soin
leur itinéraire, afin de combler lés lacunes considérables qui existent
encore dans les cartes pour les régions à l'ouest et à l'est de la vallée
supérieure du Zambèze. L'exactitude du tracé devait être contrôlée par
des déterminations de position très nombreuses pour lesquelles les
explorateurs s'étaient munis d'excellents instruments.^ Les conditions
du pays, des habitants, de la flore et de la faune devaient aussi être
étudiées avec soin ; pour cela les voyageurs avaient à faire des col-
lections aussi complètes que possible.
Dans l'espoir de retenir plus facilement les porteurs recrutés à Loanda
et à Novo Kedondo, Capello et Ivens choisirent, pour leur point de
départ, la baie déserte de Porto Pinda, au sud de Mossamédès, dans une
région à peu près déserte, où quelques familles de Ba-Ximbas vivent en
nomades, occupées de chasse et d'élevage du bétail. Mais peu de jours
après avoir quitté la côte, et être entrés dans la vallée du Coroca qui
n'a de l'eau que dans la saison des pluies, ils furent abandonnés par une
grande partie de leurs porteurs, et se virent forcés d'aller chercher du
secours à Mossamédès pour y faire transporter leurs bagages. Ils en
repartirent le 24 avril 1884 pour Huilla, d'oii ils firent une excursion de
chasse vers l'est, afin d'étudier la partie orientale du plateau de Huilla,
qu'ils trouvèrent convenir à l'établissement d'Eui-opéens qui se livre-
raient à l'agriculture et à l'élevage du bétail, ce que font avec succès
les Boers de la colonie de San Januario, dans le voisinage de Huilla. De
ce point-ci ils explorèrent la vallée du Caculovar jusqu'à Humbé, le fort
portugais le plus méridional, près de l'embouchure de cette rivière dans
le Cunéné. Les habitants du Damaraland s'avancent parfois jusque-là.
Remontant ensuite vers le nord parallèlement au cours du Cunéné,
ils franchirent ce dernier à Quiteve, sous le le"* lat. S. et se dirigèrent
vers le N.-E. jusqu'au Coubango. A Quiteve, à 400 kilom. des sources,
le Cunéné avait en juin, pendant la saison sèche, une largeur de 150 m.
et une profondeur moyenne de deux mètres et demi. Durant la saison
des pluies, il se transforme en un puissant coure d'eau, ce qui lui a valu
son nom de Cunéné (grand Fleuve). Dépassant ses rives, il s'étend à
=- 184 ^
perte de vue dans la plaine ; sur un espace de plusieurs centaines de
kilomètres carrés s'étale un lac dans lequel viennent ^e perdre, comme
en un vaste bassin d^évaporation, les eaux grossies du Gonéné supérieur.
Après les crues, de petits lacs, dea mares restent parsemés dans la vallée.
Quant au Coubango,,![^ntrairement à Taffirmàtion de Serpa Pinto qui
fait de ce cours d'eau un a£Buent du lac Ngami, Capello et Ivens y voient
un tributsûre du Chobé, qui se verse dans le Zambèze, tout en recon-
naissant qu'à l'époque des pluies le surplus de ses eaux se rend par le
Tiogé au lac Ngïimi^ Les renseignements fournis par le D' Auràle Schulz,
confirment cette donnée. A la fin de 1884, cet explorateur se rendit du
Couando Inférieur au Coubango, ce qui met hors de doute l'existence
d'une communication entre les deux rivières, à travers de vastes maré-
cages. I)ans son cours inférieur le Coubango reçoit un tributaire consi-
dérable le Couito, qui est navigable depuis le point oii le traversèrent les
voyageurs portugais jusqu'à son embouchure.
Le Coubango et ses affluents arrosent un plateau qui s'étend, sans
grands accidents de terrain, du Cunéné jusqu'au Zambèze, avec le carac-
tère d'une steppe ; mais, entre le Couatir et le Couito, il ressemble à
im désert de sable. Dans la saison des pluies il est revêtu d'une herbe
abondante, et devient un vrai parc pour les troupeaux d'antilopes, de
gazelles, d'éléphants, etc., qui, dans la saison sèche, se retirent sur les
bords des rivières. Le pays n'offre plus alors aucune resisource aux voya-
geurs. Les habitants de ce district, très clairsemés d'ailleurs, se sont
établis sur les bords marécageux des rivières oti ils ont construit leurs
habitations sur des. pilotis.
Après avoir traversé le Couando, Capello et Ivens descendirent le long
de la Niuda jusqu'au Zambèze, dont la vallée, à l'époque des pluies, est
inondée, de Libonta, et même de Lialui jusqu'au Loungé-Boungo à un
degré plus au nord ; aussi les huttes des indigènes de Libonta ont-elles
dû être construites sur des collines. Le sol est peu productif ; et les éma-
nations des marécages ne permettraient guère à des Européens de s'y
établir. Actuellement les trafiquants j)ortugais se rendent déjà de la côte
à Libonta et à Lialui ; mais il faudrait sans doute que ces deux localités
prissent un grand développement, et qu'il s'y fixât un certain nombre
de blancs pour que l'on pût songer à créer des communications directes
entre la vallée du haut Zambèze et l'Europe par Mossamédès. Pour le
moment, c'est par Shoshong et Capetown que les missionnaires établis
à Séfoula et à Seshéké doivent correspondre avec l'Europe.
Quoi qu'il en soit, c'est à partir du Zambèze que l'expédition de
— 185 —
Capello et Ivens devient le plus intéressante. Elle comprend d'abord
l'exploration du Cabompo, l'affluent le plus considérable du Zamlbèze
supérieur, et celle de la ligne de partage des eaux entre le Zambèze et
le Congo, en particulier celle des sources du Loualaba. Les voyageurs
ont constaté que l'autorité du Mouata-Yamvo, le souverain du Lounda,
s'étend jusqu'au cours inférieur du Cabompo, par conséquent beaucoup
plus au sud qu'on ne l'admettait auparavant. Alors même qu'au centre
de l'empire, la puissance de ce roi est en décadence, l'autorité qu'il
exerce à une très grande distance de sa capitale, Moussoumba, n'est
point purement nominale. Ses envoyés, Kakouatas, parcourent souvent
les teiTitoires isitués aux limites de ses États, pour percevoir des tributs
et contrôler la fidélité des chefs.
Quant au Cabompo, dont les explorateui-s portugais étudièrent le cours
jusque près de ses sources, il ne mérite point, comme Livingstone incli-
nait à le croire, le nom de Zambèze supérieur. Il le cède à celui-ci au
double point de vue de l'abondance d'eau et de la rapidité du courant.
La région de ses sources, voisine de celle des sources du Loualaba, le
principal tributaire du Congo, n'a qu'une population très claii-semée.
Aussi pendant la marche à travers les épaisses forêts dont ses rives sont
couvertes, la caravane eut-elle à subir de cruelles privations auxquelles
succombèrent quantité de porteurs. La tsétsé, qui se rencontre en abon-
dance dans cette vallée, exerça également de grands ravages parmi les
bètes de somme et ralentit considérablement les progrès de l'expédition.
Ce ne fut guère qu'au delà des monts Kitoungoula, entre le Cabompo et
le Kafoué, que celle-ci retrouva un pays plus peuplé et échappa momenta-
nément aux souffrances de la faim. Le Kafoué ou Loengué, api*ès avoir
couru dans la direction du S.-O., se dirige vers le S.-E. et v^ se jeter
dans le Zambèze un peu en amont de Boruma. La ligne de partage des
eaux entre les bassins du Cabompo et du Kafoué sert de limite au pays
des Garenganzé dont nous parlions (p. 16), où le roi Msiri, après une
série de combats heureux contre les Wa-Ruas, a fondé un État nou-
veau, qui comprend une partie de l'ancien royaume du Cazembé, puis-
sant encore à l'époque où Livingstone le visita en 1867, quoiqu'il fût
déjà sm* son déclin. Le royaume de Msiri embrasse aujourd'hui tout le
territoire compris, entre le Loualaba et le Louapoula ; il s'étend au N.
jusqu'au lac Kassali ou Kikondja, sous le 8° lat. S., au S. presque jus-
qu'aux monts Mouchinga, qui forment la ligne de partage des eaux entre
le lac Bangouéolo et le Zambèze. Cette région, haute de 1260 m. en
moyenne, et dominée par des monts boisés courant du N.-E. au S.-O.,
eet un pays pittoresque et salubre, qui pourrait devenir uo sanitariuro
pour les Européens. L'autorité du souverain du Cazembé est restreinte
aujourd'hui aux pays situés à l'est du Louapoula.
Le point le plus septentrional atteint par Capello et Ivene est Boun-
keïH, résidence du roi Msiri, située par 10° 23' 12" lat. S. et 27' U' Iff*
long. Ë. C'est un grand marché d'ivoire, sur un petit affluent occidental
de la Loutira. Le voyageur allemand Reichard en était parti deux mois
avant leur arrivée, pour retourner au Tanganyika. Comme il avait dû
se frayer un chemin les armes à la main, Msiri ne permit pas aux voya-
geurs portugais de poursuivre leur route dans la même direction. Ils
durent également renoncer à une excursion qu'ils se proposaient de
faire au lac Moèro, uue guerre enti-e Msiri et le roi de Cazerabé étant
alors sur le point d'éclater.
Msiri, qui habite un palais entouré de crânes, dispose de plus de 2000
soldats armés de fusils, qu'il mené en guerre contre ses ennemis, sui^
tout contre les Wa-Ruas, nation puissante habitant la région qui s'étend
au nord du lac Landji jusqu'au Tanganyika. Plusieurs de ses femmes
sont de race mêlée et portent des noms portugais, ce qui leur donne un
haut sentiment de leur supériorité ; le roi lui-même s'est ait'ublé du titre
de Maria Segunda. Il est très cruel ; moins cependant que sou ù^re, le
gouverneur de Kaponda, dont le palais est indiqué de loin par des mon-
ticules de tètes humaines. Les trafiquants de l'Angola arrivent nombreux
dans les États de Msiri.
La population est composée d'éléments très divers. Loin d'être escla-
ves, comme dans la plupart des tribus africaines, les femmes sont d'or-
dinaire les maltresses ; elles dirigent le ménage, la culture du sol, même
les expéditions, et souvent prennent part directement aux combats.
Grands chasseurs, grâce à la richesse du pays en gibier, les hommes
sont toujours vêtus de peaux, car des vêtements d'étoffe seraient bien
vite déchirés dans les broussailles ; ils se servent d'armes & feu achetées
aux trafiquants de l'Angola, et d'assagaies dont la pointe, finement tra-
vaillée, est garnie de fils de cuivre. Ce métal, très commun dans le pays,
s'y présente en général sous la forme de malachite, soit en filons, soit
en blocs isolés. Les principales mines, celles de Katauga, qui se trou-
vent à trois journées de marche à l'est de Bounkela, et d'autres gise-
ments situés k l'est et à l'ouest dans les montagnes, sont très riches.
Après avoir passé deux mois à Bounkela, les explorateurs se dirigè-
rent vers le Katanga, entre la Loutira et le Louapoula, célèbre dans
toute l'Afrique centrale par ses mines de cuivre. Us auraient voulu pou-
— 187 -
voir atteiadre le lac Moêro en lougeant le Louapoula, et après avoir
traversé celui-ci gagner directement le lac Bangouéolo, mais Topposi-
tioQ des indigènes les en empêcha. Ils ne purent pas même parvenir
jusqu'aux cataractes de Mombottuta, oii Giraud avait été lui-même
arrêté dans sa tentative de descendre le Louapoula.
D'après les renseignements que Capello et Ivens obtinrent des indi-
gènes, l'extension de la rive sud du Bangouéolo devrait être reportée
plus au sud que ne l'indique Giraud ; il devrait en être de même de
l'emplacement de Tchitambo, oîi mourut Livingstone, qui, au dire des
serviteurs du grand explorateur et d'après son propre journal, aurait été
situé tout près du lac. Capello et Ivens le placent à im degré plus au sud»
Us estiment en outre que le nom de lac Bangouéolo ne peut s'appliquer
qu'à la partie septentrionale qui est profonde, tandis que la partie méri-
dionale, qui a plutôt le caractère d'un marécage, s'appelle le lac Bemba.
Du Louapoula, l'expédition portugaise se porta directement vers le
sud pour atteindre le Zambèze. La zone de partage des eaux entre ce
fleuve et le Congo est couverte de forêts, sans habitants ; aussi la cara-
vane fiit-elle réduite au produit de la chasse pour s'alimenter. Au sud
du lac Bangouéolo, la ligne de faîte formée par les monts Mouchinga
s'étend jusqu'au Lousenfoa, affluent du Loangoa. £n arrivant au Zam-
bèze les voyageurs se retrouvèrent en pays connu ; à Sumbo, le poste des
possessions portugaises le plus avancé vers l'ouest, ils purent saluer de
nouveau des compatriotes ; puis ils reprirent leur route vers la côte
orientale en suivant à peu près l'itinéraire de Livingstone en 1856. I1&
Arrivèrent à Quilimane, le 26 juin 1885, après un voyage de quinze mois»
Dans le cours de leur expédition, ils avaient relevé leur itinéraire par
69 déterminations de latitude et 59 de longitude ; leurs observations^
magnétiques avaient porté sur 25 points différents. Ils avaient en outre
recueilli de nombreuses observations météorologiques, et des matériaux
considérables pour servir à la connaissance des conditions climatologi-
ques de l'Afrique centrale. Trois fois par jour régulièrement, à peu
d'e&eeptions près, ils avaient pris des indications barométriques, iher-
mométriques, hygrométriques, noté la direction et la force du vent>
tinsi que l'état du ciel. Ces observations consciencieuses ont servi de
base au calcul d'une quantité d'altitudes qui hâteront le progrès de nos
connaissances relatives à la topographie de l'Afrique. Ils ont étudié avec
soin les conditions ethnographiques des habitants pour pouvoir fixer
d'une manière précise les territoires occupés par les différentes tribus.
Enfin ils ont rapporté de riches collections de la géologie, de la flore et
— 188 —
de la faune des pays quMls ont parcourus ; aussi le succès de leur expé-
dition cousiste-t-il moins dans le fait d'avoir traversé le continent de
Touest à Test, que dans les résultats scientifiques qu'ils ont obtenus.
Tous ces résultats sont exposés dans des tableaux annexés aux deux
volumes que nous venons de résumer, lesquels sont enrichis de plusieurs
cartes et illustrés de nombreuses gravure^.
BIBLIOGRAPHIE >
Charles Bussidon. AsYseiNiE et Anqleterre (Théodoros). Perfidies
et intrigues anglaises dévoilées. Souvenirs et preuves. Paris (Librairie
africaine et coloniale A. Barbier), 1888, in-12*, 322 p., fr. 3,50. —
Théodoros et la guerre entre T Angleterre et TAbyssinie sont bien
loin derrière nous. De nos jours le temps passe si vite, les événements
se succèdent avec une telle rapidité, qu'un retour sur cette époque
semble être d'un médiocre intérêt, d'autant plus qu'il a été déjà écrit
des volumes sur les faits qui s'y rattachent. M. Charles Bussidon, qui
déclare avoir visité l'Abyssinie de 1862 à 1872, veut néanmoins donner
sur ces événements une version nouvelle, fort différente de celle qu'in-
diquent les meilleurs ouvrages d'histoire. Toutefois cet exposé ne remplit
pas le volume comme le titre semblerait l'annoncer. Il n'en comprend que
la dernière partie. Les autres sont consacrées à la description de l'Abys-
sinie, aux mœurs de ses habitants, ainsi qu'au règne de Théodorosr.
L'histoire des guerres civiles qui ensanglantèrent cette époque occupe
de nombreuses pages ; le récit en est si mouvementé, si dramatique, les
épisodes racontés tout au long comportent de si fréquentes conversations
entre les héros, l'amour et les intrigues féminines jouent un rôle telle-
ment prépondérant dans tous ces événements, qu'on se demande si l'on
n'a pas devant les yeux un roman plutôt qu'un ouvrage d'histoire. Cette
impression s'accentue à mesure qu'on avancé dans la lecture, et on
annve à se dire que ce pays, dont le gouvernement est fortement orga-
nisé, dont l'armée ressemble à celles de l'Europe, dont le roi et les
princes parlent à la façon des anciens Grecs et Romains, dont les femmes
sont admirablement belles et inspirent un violent amour à tous ceux
qui les voient, ce pays, disons-nous, ne ressemble pas à l'Abyssinie des
* On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bàle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
n^s^m":' ' •"-;.:-/. -^.'r
— 189 —
Lejean,de8 d'Abbàdie, des Munzinger, et n'existe guère que dans l'ima-
gination de l'auteur.
Quant à la cinquièrae partie, qui relate l'histoire de l'expédition
aaglaise de. 1867 et 1868, elle témoigne d'un parti pris si évident, elle
renferme des critiques d'une telle violence, des épîthètes si injurieuses
à l'égard des Anglais, qu'on ne peut prendre au sérieux un récit écrit à
un point de vue exclusivement français et catholique , qui fait des
Abyssins des héros de bravoure et de chevalerie, et des Anglais des
lâches et des monstres. A un exposé aussi partial, il n'est pas sans utilité
d'opposer le jugement d'un autre Français qui n'a jamais été suspecté
de manquer de patriotisme, de M. Elisée Reclus, le savant humain et
impartial qui n'a jamais craint de donner son opinion libre et franche.
Voici ce qu'il dit dans le volume sur le Bassin du Nil : a C'est à Zoulla
que débarqua l'armée britannique, k Zoulla qu'elle reprit la mer après
avoir mené à bonne fin une expédition imique dans l'histoire de l'An-
gleterre et dans les temps modernes, à la fois par la justice de la cause,
par la précision mathématique des mouvements, par la plénitude du
succès, presque sans eifusion de sang, par le désintéressement dans la
victoire. Cette promenade militaire d'une armée européenne sur les
plateaux de l'Ethiopie se tennina sans conquête, et les traces des pas
anglais furent bientôt effacées sur le sable de Zoulla. »
Ernst Bottcher : Orographie und hydrographie des kongobeckens.
Berlin (Haude und Spener'sche Buchandlung), 1887, in-8% 100 p. avec
cartes et profils. Fr. 3,75. — Est-il possible, dans l'état actuel de nos con-
naissances géographiques, de faire une étude scientifique suflBsamment
exacte et complète du grand bassin du Congo ? Celui qui a lu la mono-
graphie que vient de publier M. Bottcher ne peut manquer de répondre
affirmativement à cette question. Ce mémoire, qui roule entièrement sur
Isigéographie physique, témoigne chez son auteur, non seulement d'une
grande connaissance de cette branche, mais aussi de recherches nom-
breuses sur le sujet spécial qu'il traite. Combien de récits de voyages,
de rapports, de notices, de travaux de tout genre a-t-il dû consulter
pour arriver à faire une étude d'ensemble aussi approfondie ? C'est ce
qu'il serait difficile de dire. Déjà en progrès sur la description magistrale
faite par M. Reclus dans la Nouvelle géographie universelle^ elle consti-
tue le travail le plus complet qui ait paru jusqu'à ce jour sur ce sujet.
Le plan suivi est clairet méthodique. Après une courte introduction,
l'auteur fixe les limites connues du bassin du Congo, c'est-à-dire, au
-r/:
— 190 —
moyeu de toutes les cotes quMl a pu réunir, la ligne de partage des eaux
qui le sépare des bassins fluviaux voisins. Le chapitre suivant renferme
une vue d'ensemble sur cette vaste région peu accidentée, de forme àpeu
près elliptique qui constitue la dépression centrale du plate^iu africain.
Les données manquent pour en fixer la structure géologique ; toutefois
Tauteur cherche à en établir les grands traits d'après quelques voya-
geurs. Ensuite vient la description particulière et détaillée de chacune
des trois parties du Congo : l*" Le cours supérieur, qui va de la source
aux Stanley-Falls situées sous Téquateur ; un chapitre spécial est con-
sacré au bassin du lac Tanganyika, si remai*quable par ses dimensions, sa
forme et la nature de la dépression dont il occupe le fond. 2"" Le cours
moyeu, des Stanley-Falis au Stanley-Pool ; ici une subdivision est néces-
saire : Tauteur examine successivement le coui-s du Congo proprement
dit, les affluents de droite, parmi lesquels TOuellé-Oubangi, et ceux de
gauche; ces derniers sont divisés en deux groupes par le S^pai-allèle sud:
le .groupe du nord ou groupe du Loulengo-Tschouapa, enfermé dans la
courbe régulière que décrit le Congo, et le groupe du sud aussi appelé
groupe du Sankourou-Kassal, qui est formé par une grande artère, le
Sankourou, lequel se dirige droit de Test à Touest en recevant les eaux
d'un vaste plan incliné du sud au nord; 8** le cours inférieur, du Stanley-
Pool à l'océan, oîi le Congo traverse la chatne côtière sans recevoir
d'affluents.
Dans un dernier paragraphe intitulé : «Hydrographie générale du bas-
^n du Congo,» l'auteur entre dans quelques détails sur le régime cltma-
térique de cette vaste contrée, sur les pluies, sur les crues des cours
<l'eau,donne une petite statistique générale qui, bien qu'elle résume tout
ce que l'on sait, est loin d'être complète. D'après lui, la longueur totale
du Congo atteint 4,800 kilomètres, ce qui place ce fleuve après le Nil, le
Mississipi, l'Amazone et le Yang-tsé-Kiang ; la superficie du bassin est
de 2,477,835 kil. carrés, soit environ le quart de l'Europe, le débit total
du fleuve n'est pas encore fixé exactement : toutefois on connaît celui
de quelques affluents, entre autres du Saukourou-Kassai qui roule à lui
seul 11,000 mètres cubes d'eau à la seconde.
L'ouvrage se teimine par plusieurs planches renfermant de nombreux
profils et une carte générale du réseau hydrographique du Congo. Pour
une partie, ces figures ont été dessinées d'après les relevés de Pogge et
de Wissmann ; pour une autre, d'après ceux du D' Kaiser, de Von Fran-
çois et de Chavanne. Un défaut de tous ces profils consiste dans la diflFé-
reiice qu'ils présentent entre l'échelle des hauteurs et celle dies Ion-
'Wx^^Y--^ .,
— 191 —
gueurs, la première étant souvent dix, cent ou mille fois plus grande que \
l'autre ; la pente est ainsi considérablement exagérée et le lecteur, qui '
peut difficilement tenir compte de la différence des échelles, se fait une
idée tout ^i fait fausse de la chute des cours d'eau.
Toutefois, ce défaut de construction n'enlève rien aux qualités de cet
oavrage qui, par sa clarté, son plan méthodique et le nombre de faits
qu'il cite, a une valeur scientifique incontestable.
J> F. Kayser. ^Egypten eikst und jktzt. Freiburg in Breisgau
(Herdersche Verlagsbuchhandlung), 1884, in-8% 237 p., fr. 8,75. — U
ne s'agit pas ici d'un ouvrage tout à fait récent, mais d'une étude
parue il y a quelques années. C'est en même temps un livre d'archéolo-
gie, d'histoire et de géographie égyptienne, dû à la plume d'un voya-
geur en Egypte. L'œuvre n'est donc pas un simple résumé de nos con-
naissances actuelles sur le pays des Pharaons ; elle présente en outre des
vues originales sur les monuments de rÉgjT)te, sur l'état social de ses
habitants, son gouvernement, etc.
L'ouvrage est divisé en trois parties : la première traite du Nil et des
pays qu'il baigne. C'est une étude de 22 pages, roulant principalement
sur la géographie physique.
La deuxième est consacrée au peuple égyptien dans l'antiquité. C'est
la partie la plus volumineuse; elle fonne 109 pages qui donnent une
idée nette, exacte et suffisamment complète de l'Egypte des Pharaons :
religion, gouvernement, poésie, art, situation du peuple, division en
classes, travaux agricoles, commerce, industrie, vie privée des Égyp-
tiens. La description est accompagnée d'un grand nombre de gravures
qui en rendent la lecture plus facile; au commencement du livre se
trouve une planche en couleurs fort bien exécutée représentant les pyra-
mides et le grand sphyux, qui étincellent sous un soleil de feu.
La troisième partie décrit la situation actuelle du peuple égyptien.
Elle débute par une courte notice historique des principaux événements
survenus eu Égype depuis la chute de l'Empire pharaonique; avec un
exposé succinct de l'histoire d'Egypte sous les Pharaons, placé dans la
deuxième partie, elle forme une histoire sommaire de la vallée infé-
rieure du Nil. L'état social des Égyptiens actuels, leur religion, leur
gouvernement, sont décrits avec plus ou moins de détails, et le livre se
termine par uu aperçu de l'histoire du christianisme en Egypte. Il est
fâcheux que l'auteur n'ait pas douné une description des villes, des
ports et du canal de Suez, qui aurait fait de ce livre une monographie
complète de l'Egypte ancienne et moderne. Toutefois, tel qu'il est.
— 192 —
rage sera lu avec plaisir et avec fruit par ceux qui voudrout se i
ompte des phases par lesquelles a passé ce pays extraordioa
Ernst Henrici. Das deutschg Togooebiet umd ueik£ I
, 1887. Leipzig (Karl Reissuer), 1888, iaS". — L'auteur de
^e est uu patriote allemand qui a fait, au mois d'aoQt et de t
TQ 1887, un voyage au pays de Togo, possession allemande dan
^ septentrionale. U eut la bonne fortune de trouver k Bagid
sentant du commissaire du Togo, M. Grade, qui fit avec lu
;e dans l'intérieur du pays.
; deux explorateurs visitèrent le Tové, le Kévé, le Lagotiiné
Èrent jusqu'au fleuve Dayi, affluent du Volta. Pour l'atteindre,
it traverser une cbatne de montagnes assez considérable, orieii
d-ouest au nord-est; elle doit former l'une des premières terrai
rtant le plateau du Soudan.
récit de ce voyage, écrit avec beaucoup de verve, présente un !
it. Comme la région visitée est de très faible étendue, l'auteur a
■T un grand nombre de détails sur la configuration du pays,
d'eau, les mœurs de ses habitants et la vie végétale et anim:
ègres y sont dépeints avec leur insouciance, leur goût pour les p "
a musique et la danse.
•es la narration de son voyage, M. Henrici donne une vue d'
e du pays qu'il a visité, de ses ressources agricoles et de ^^
tance au point de vue commercial. Il estime que l'attention *%.
pas suffisamment portée sur le pays de Togo. Le Cameroun
ntotie, la côte orientale d'Afrique, ont, eu Allemagne, attiré t
Q:ards, de sorte que le Togoland est demeuré pi-csque ignoré. ■
st pas la moins bonne des colonies allemandes. Son sol riche n
lu'une culture intelligente; mais il faut avant tout défrichei
ie et y tracer des routes. Une carte du Togoland, à grande éche
it l'itinéraire du voyageur et les limites plus ou moins précises
ion placée sous le protectorat allemand, accompagne l'ouvrage
SuppUment aux Nouvelles complèmentairea.
dernière heure, la Omette de Cologne nous annonce que le gomemem
I a ratilié nne lettre -patente constituant la Compagnie britannique
ne orientale avec ilea droits analogues à ceux de l'ancienne Compagnie
les Indes. Nous y reyienilrons.
■^
^
i;
BULLETIN MENSUEL (êjuilî
Après avoir vu ses récoltes compromises su
cpiqnelfl ea 18S6 et 1B87, l'Alsérle subit d:
d'une nouvelle invasion plus désastreuse que
pendant de Constantine donne, sur la région d
détails très abondants sur la lutte que soutier
le Héau dévastateur. Il reconnaît que si tou
l'œuvre avec l'ai'deui' et la méthode dont a fai
voise de Sétif, on en serait débarrassé à Theui
meut soQ exemple a été tardivement imité dan
lument méconnu dans d'auti-es conti-ées. Poi
dispose des bandes de toile tendues sur des p
forme d'un angle très obtus. La partie inférie
doit être prise en terre de façon que les criqu
par-dessous. La partie supérieure recouverte
tenue propre et huilée légèrement tous les joi
du côté d'où viennent les criquets, des fosses I
gués de deux, sont creusées pei-pemliculairemei
un des côtés de la fosse doit effleurer l'appareil
est revêtu d'une bande de zinc ou de fer-blanc,
le vide et dépassant le bord de la fosse d'une
C'est généralement le matin à l'aube que l'o
l'on creuse les fosses en avant de la colonne de
mouvement une heure ou deux après le lever d
che, les criquets se heurtent à cet obstacle ;
uais retombent quand ils arrivent à la partie c
le long de l'appareil et rencontrent les fosse
mêmes. Quand une fosse est pleine, on y écra
vant du pied ou d'une dame en bois. Puis oi
l'extérieur. Deux jours suffisent généralement [
quelle qu'en soit la force. Il suffit de quelques h
colonne de déborder par les extrémités des app
' Les matières compriBes dans nos BuOetina tneiutM
flimtittaires j tout classées sniTant un ordre géogra
l'AlgÉrie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la ai
reretuuit par la cAte occidentale.
L'intiqoi. — KEcviiME iinitiE. — n' 7.
— 194 —
toiles avec des badines afin de précipiter les criquets à terre. Des appa-
reils de 400" à 500*" de long peuvent fonctionner avec une dizaine
d'hommes. Mais les appareils dont on peut disposer n'offrent pas un
développement assez considérable; on n'en avait que 60 à 80 kilomètres,
tandis qu'il en aurait fallu quatre ou cinq cents. Il sera nécessaire que
l'assistance de l'État soit secondée par l'initiative privée pour conjurer
le péril qui menace les habitants des régions dévastées.
Au Congrès des Sociétés savantes, M. le D' Rouire a lu une descrip-
tion concernant la forme, les dimensions et l'aspect de la lacune
d'Herkla, située au fond du golfe d'Hammaraet, et assimilée par l'ex-
plorateur à l'ancien lac Triton. Elle comprend deux portions, l'une où
l'eau séjoiu'ne d'une manière permanente, l'autre appartenant aux
nombreuses dépressions du sol auxquelles les Arabes ont donné le nom
de sebkhas, couvertes d'eau après les pluies et desséchées, en grande
partie, au printemps. De ces deux portions, la plus considérable est celle
qui se dessèche. Sur les 41 kilomètres représentant la longueur totale
de la lagune, le noyau liquide pennanent s'étend sur 7 kilomètres à
peine; il était plus étendu à l'époque punique et romaine. M. Rouire en
donnera les preuves tirées de la nature des travaux d'art exécutés au-
trefois pour l'endiguement des eaux, et précisera les causes géographi-
ques locales qui ont amené la transformation lente de l'antique lac Tri-
ton en la lagune actuelle d'Herkla. Les stations des Phéniciens dans la
Méditerranée portaient le nom de leur Mclkarth national, transcrit en
grec en celui de Héraclès ou Herkla.
Notre compatriote, M. Henri de Saussure a envoyé, de Tunis,
au Journal de Genève, des détails sur l'inauguration des carrières de
Schemtou, célèbres dans l'antiquité comme ayant fourni les be^ux mar-
bres dont étaient plaqués les palais des Césai'S, puis entièrement aban-
données pendant des siècles. Leur exploitation était un monopole réga-
lien, ce que semblent prouver les marques visibles encore sur certains
blocs abandonnés dans les chantiers primitifs et portant l'inscription :
Antoninus imperator, suivie de la signature de l'ingénieur. De nos
jours, M. Closon, Belge d'origine, frappé de la finesse et de la beauté
de ces marbres, a fondé une société pour les exploiter. Une étude atten-
tive de la montagne de Schemtou a conduit à des conclusions très
encourageantes. L'îlot tout entier se compose de marbres offrant de
nombreuses variétés de couleurs et de structure. On a retrouvé là, à
n'en pas douter, le jaune antique, la serpentine romaine, puis des mar-
bres roses presque vitreux, des marbres bmns, verts, blancs mouchetés
- 195 —
et grie. Le gisemeiit est iuépuiâable, son cubage s'élève à plus de dix
millions de mètres cubes. Les anciens l'avaient exploré sur une graade
étendue, en l'attaquant par plusieurs points. lis avaient percé dans les
cloisons de rochers deus petite tunnels carrossables, afin d'exploiter
aussi le revers de la colline. Dans certaines carrières, on peut encore
surprendre le travail inachevé de la séparation des b}ocs ; plusieurs ne
tiennent plus au rocher que par leurs angles. On retrouve quelques tra-
ces d'installations hydrauliques qui feraient presque supposer que les
Romains ont connu la turbine. Lorsqu'on a sous les yeux les travaux
exécutés par les anciens avec des moyens mécaniques rudimentaires, on
reste émerveillé de la persévérance et de la force d'application dont ils
ont fait preuve dans les résultats auxquels ils sont parvenus. Aujour-
d'hui, au moyen du fil hélicoïdal inventé par feu l'ingénieur Gay et mû
par la vapeur, on découpe, pour ainsi dire à volonté, la montagne sur
un parcours de 100, de 200 mètres, avec un avancement moyen en pro- ,
fondeur de 15 centimètres par jour; puis, on divise par le même procédé
les tranches en blocs, et enfin les scies mises en œuvre par le même
moteur peuvent découper à la fois jusqu'à quati'e-vingts plaques de mar-
bre. Avant peu les marbres de Schemtou s'exporteront dans le monde
entier, et après avoir h grands frais été employés à former la décora-
tion des palais des Césars, ils iront plaquer les vestibules des hôtels, des
cafés des boulevards et des maisons de Chicago. Les Améiicains, qui ne
perdent jamais une occasion de profiter de toutes les nouveautés, ont
déjà passé à Schemtou des marchés considérables; bientôt peut^tre, la
mode aidant, ils enlèveront tous les marbres qui sortiront des carrières,
et n'en laisseront à l'Europe que la portion cougiiie. Ce sont eux déjà
qui eDlè%'ent la plus grande partie des minerais de l'Algérie.
C'est encore à M. H. de Saussure que nous devons les informations
les plus récentes sur la TrlpolitAlue au point de vue économique,
ain;jiqu'à celui des difficultés qu'y rencontre l'explorateur. « Depuis l'oc^
cupatioii de la régence de Tunis par la France, u écrivait-il de Tripoli, le
15 mai, au Journal de Ocuh-e, h il semble que le commerce de Tripoli
aurait dû augmenter, car dès ce moment les caravanes du Soudan qui
aboutissaient à Rhadamès, et qui de là prenaient la route de Tunis, ont
cessé d'y envoyer leurs marchandises et se sont dirigées sur Tripoli.
Néanmoins cette ville n'a guère profité d'un changement en apparence
aussi favorable à ses intérêts. En effet, le commerce du Soudan est en
voie de décroissance et les caravanes devieiment de plus en plus rares,
l'es principales marchandises que fournit le Soudan sont l'ivoire et les
> ^-
— 196 —
plumes d'autruche. Mais les plumes ont passé de mode et se remplacent
de nos jours sur les chapeaux des dames par des ailes de canards ou des^
têtes de pingouins, plus faciles à trouver, mais qui ne s'en payent pas.
pour cela moins cher. Aussi le prix des plumes d'autruche est-il tombé
au quart de ce qu'il était, et dès lors les caravanes ont presque cessé
d'arriver, ne trouvant plus à faire leurs frais, qui sont en effet considé-
rables. Le voyage n'est pas sans dangers, et les peuplades que traver-
sent les convois ne manquent pas de lever sur les marchands des tributs
onéreux. Tant que les plumes d'autruche se vendirent à haut prix, les
caravanes étaient possibles, vu le capital considérable que représentait
la charge d'un chameau; aujourd'hui il n'en est plus de même. Reste
l'ivoire, mais c'est là une marchandise lourde; quatre dents d'éléphant
font une charge, et quelque soit le prix auquel monte cet article, il ne
suflftt pas pour faire vivre ceux qui en font le commerce. En dehors de
ses relations avec le centre de l'Afrique, la Tripolitaine pourrait sans^
aucun doute trouver, dans son propre territoire, plus d'un article d'ex-
portation, si ce pays était exploité comme il mériterait de l'être. C'est
une erreur de croire qu'il se compose d'un désert stérile. Il forme sans
doute la prolongation du Sahara algérien, mais, conmie le Sahara, il est
parsemé d'oasis de palmiers, dont plusieurs sont fort peuplées, et l'ou
sait que de toutes les cultures celle du palmier-dattier est la plus pro-
ductive. Au sud delà côte et à une distance qu'il serait difficile de pré-
ciser, on rencontre des plateaux sur lesquels prospèrent les céréales,
les oliviers, l'alfa, et en général toutes les plantes utiles du nord de
l'Afrique. Malheureusement cette contrée est restée jusqu'à ce jour à
peu près complètement inconnue. II ne manque ni d'explorateurs, ni de
commerçants désireux de la parcourir ; c'est là une fantaisie bien natu-
relle; mais entre le désir et la possibilité de l'exécution, il y a malheu-
reusement un abîme infranchissable. La Tripolitaine n'est plus, comme
jadis, une régence vassale de la Porte. C'est tout bonnement une pro-
vince turque, gouvernée par un pacha, comme le sont les autres pro-
vinces de l'empire ottoman. Aujourd'hui c'est presque l'état de siège
qui règne à Tripoli, car depuis que la Tunisie est tombée sous la suze-
raineté française, et qu'à tort ou à raison la Tripolitaine a semblé deve-
nir l'objectif de l'Italie, la Porte a été saisie d'une inquiétude mortelle
à l'égard de cette province, et elle a pris les mesures les plus ostensibles
contre toute tentative d'occupation. Deux frégates turques sont mouil-
lées devant les murs de Tripoli, et s'y rouillent depuis longtemps dans-
une immobilité parfaite. Ce qui est plus sérieux, c'est une armée de.
— 197 —
<quinze mille hommes qui campe autour de la ville et qui constitue une
force réelle. Ces troupes ne diffèrent en rien de celles qu'on renconti-e
5ur d'autres points de la Turquie. Elles n'ont aucune apparence, mais
€lles sont bien armées et sous leurs uniformes rapiécés elles trahissent
4es qualités sérieuses. On ne peut se défendre d'une profonde admira-
tion pour ces pauvres soldats qui ne sont ni payés ni habillés, qui n'ont
<iue du pain noir et qui néanmoins ne se plaignent ni ne s'insurgent.
Dans ces circonstances tout Européen qui aborde à Tripoli passe pour
suspect, et l'autorité met tous ses soins à dérober le pays aux investiga-
tions indiscrètes des curieux. Les étrangers ne peuvent circuler que dans
la \ille ou dans ses environs immédiats; une promenade en voiture dans
les palmiers est la seule excursion permise. Le voyageur qui voudrait
faire un croquis, dessiner un chameau ou prendre une photographie en
campagne, ne manquerait pas d'ameuter la population et de se faire
maltraiter comme espion. Un peintre qui s'était réfugié sur un toit espé-
rant y travailler à l'aise, s'est fait coucher en joue par un zélé redres-
seur de torts agissant de sa propre autorité. La douane déballe jusqu'au
fond les malles des voyageui*s ; elle retient les livres pour les examiner
et accorde à chaque objet un soin particulier. Aussi le naïf voyageur qui
débarque, muni de tous les objets nécessaires pour une excursion un
peu profonde dans l'intérieur, est-il vite désillusionné sur les projets
fantastiques qu'il a formés à la légère. Il espère, avec des protections,
obtenir grâce devant l'autorité, après avoir exposé l'innocuité de ses
désirs et la candeur de ses intentions, mais tout s'évanouit devant la
rigueur de la consigne. Pour voyager dans la Tripolitaine, il faut un
firman du sidtan, qui s'obtient, paraît-il, sans trop de peine. Mais il ne
faut pas étte la dupe de cette espérance. Le firman obtenu, on n'en
voyagera pas plus après qu'avant, car le pacha a mille moyens de neu-
traliser reflet de ce passeport indispensable. Ce n'est plus la crainte
d'être blâmé en haut lieu qui le portera à s'opposer à votre voyage,
mais bien la responsabilité qu'il encourrait s'il vous arrivait quelque
désagrément du reste presque inévitable. Incapable d'assurer la protec-
tion efficace de votre personne au delà du cercle à sa portée immédiate,
de peur qu'il ne vous arrive quelque chose, il vous fera pour plus de
sûreté, au bout de deux jours, ramener à Tripoli par un caïd quelcon-
que. En toute justice on ne saurait lui en vouloir, et à sa place j'en
ferais autant. Ce que le voyageur a de mieux à faire, c'est de se rem-
barquer, après avoir exécuté en voiture la promenade réglementaire, et
de bénir le- pacha de la sollicitude toute paternelle qu'il met à assurer la
sécurité du touriste et à le mettre à l'abri de toute fâcheuse aventure. »
— 198 —
Une série de lettres adressées de Souakim au îïme^ fournissent, sur
l'état actuel de la place et des alentours, quelques indications qui ne
manquent pas d'intérêt. Au début de l'insurrection raahdiste, les défen-
ses de la ville se réduisaient à deux fortins délabrés, datant de la domi-
nation turque. Sous l'impulsion des gouverneurs anglais, spécialement
celle du colonel Kitchener, ce^ ouvrages rudimentaires ont fait place à
une chaîne de forte détachés et de redoutes armés de canons Krupp et
Gatling, pourvus d'appareils à lumière électrique à grande portée, reliés
par une voie ferrée, qui permet le transport rapide de forces sur les
points menacés, sous la protection d'une enceinte bastionnée continue.
Ces ouvrages, élevés sous la direction du lieutenant Grordon, le propre
neveu du défenseiu* de Khartoum sont, dit le correspondant du journal
anglais, de nature et d'apparence à rebuter les insurgés de toute atta-
que de vive force. L'existence à Souakim n'en est pas moins celle d'une
ville assiégée, car il faut se garer contre les coups demain, surtout noc-
turnes, des bandes qui s'aventurent aux abords de la place, sans toute-
fois lui faire courir aucun risque sérieux. Indépendamment de cette
défense passive, le journal anglais compte sur la lassitude du blocus
infligé, à doses graduées, aux indigènes par le commandant de la place.
Le mouvement annuel du port de Souakim s'élevait, en 1879, à près de
douze millions de francs ; réduit à un chiffre insignifiant par l'insurrec-
tion, il n'est pas remonté, depuis, au quart de l'ancien chiffre. Comme
tous les peuples à peu près sauvages, les Soudaniens souffrent difficile-
ment la privation des produits exotiques dont ils ont pris l'habitude. Les
autorités anglaises lèvent, par intervalles, la prohibition de certains
produits, à certaines destinations, pour tenir les insurgés en haleine et
faire miroiter à leurs yeux les avantages de la paix. On spécule sur
l'effet de ce système de temporisation, combiné avec l'impression morale
de l'échec assm'é d'une tentative désespérée qu'Osman-Digma pourrait
tenter contre les retranchements anglais, pour reconquérir ses adhé-
rents; et, par cette double voie, on espère réduire l'insurrection par
la lassitude et ramener le pays à une situation quasi normale.
D'autre part, une députation comprenant plusieurs membres de la
Chambre des lords et de celle des Communes a fait, auprès du marquis
de Salisbury, une démarche au sujet de la situation au Soudan, et a
formulé les desiderata suivants : 1"* Le gouvernement aiderait les négo-
ciants anglais dans leui*s efforts pour rétablir le commerce du Soudan.
A cet effet, il de\Tait y avoir au nord et au sud de Souakim des ports
indigènes dans lesquels seraient perçus des droits modérés ; 2^ Une
r
^^.■*
— 199 —
force navale peu considérable resterait dans les eaux du Soudan pour
empêcher le commerce des esclaves et protéger les marchands eu-
ropéens ; S*" On évitera aux marchands l'ingérence des autorités
égyptiennes dans leurs affaires, pourvu qu'ils ne fassent qu'im commerce
licite, n'introduisent pas dans le pays de la contrebande de guerre, et
s'efforcent, autant qu'ils le pourront, de maintenir la paix entre les tri-
bus soudanaises et les Égyptiens. Le marquis de Salisbury a promis
d'examiner soigneusement la requête qui lui était présentée et à laquelle,
assure-t-il, ses sympathies sont acquises. Selon lui, il n'y a que deux
solutions à la question soudanaise: l'abandon complet de Souakim, et
par suite le retour de la domination d'Osman-Digma et une grande
impulsion donnée au commerce des esclaves, ou le maintien de l'occupa-
tion égyptienne. Le gouvernement égyptien a fait et fera tout son possi-
ble pour pacifier le pays, bien qu'on ne puisse empêcher complètement
les incursions des tribus. Le principal objet que les autorités se propo-
seront sera de faire renaître le commerce comme seul moyen de ramener
une ère de prospérité et de paix et de supprimer le trafic des esclaves.
D'après une lettre d'Aden au Bosphore égyptien^ le négus, pour
punir les habitants du plateau d'Aïlet d'avoir bien accueilli les trou-
pes italiennes, avait donné l'ordre de châtier durement la population
d'Assus, de Gamhot et d'Aïlet. Ces ordres ont été exécutés impitoyable-
ment par une femme, la princesse Mestaït, qui commande à plusieurs
tribus importantes des Galhis. Une délégation de ces malheureuses
populations est venue implorer la clémence du négus, disant qu'elles
avaient cédé à la force, mais qu'elles n'avaient donné aux ennemis aucune
espèce de secours. Il paraît que la princesse Mestaït s'est livrée à des
actes de cruauté extraordinaires. La plupart des hommes valides ont été
massacrés et les jeunes gens ont subi d'atroces mutilations. Le négus,
au grand étonnement de ses oflSciers, a bien accueilli la députation et
lui a même fait accorder des secours en nature.
Le prédécesseur du sultan actuel de Zanzibar avait conclu, avec
l'explorateur Cecchi, une convention aux termes de laquelle était cédée
à ce dernier une zone de temtoire située près de l'embouchure du
fleuve Juba, qui descend du pays des Gallas, passe à Berdera et se
jette dans l'océan Indien à peu près au point où l'équateur coupe la
ligne du littoral africain. Les Italiens espéraient que cette concession
leur fournirait une base d'opération pour des expéditions dirigées de la
côte de l'océan Indien vers le Choa et TAbyssinie méridionale, car on
suppose que le Juba est formé par la réunion de ruisseaux qui prennent
ik.
♦i^'^
— 200 —
leurs sources dans les montagnes d'Abyssinie. D'après le Times^ dans
les marais formés par le Juba, se trouve la source du Sheri, dont le
cours se dirige d'abord au sud-ouest, puis au sud-est, et dont l'embou-
chure est indiquée sur les cartes au point où se trouve Port-Dumford.
Mais le nouveau sultan de Zanzibar refuse d'exécuter la convention faite
par son prédécesseur ; le consul italien a réclamé, et ses revendications
ont été appuyées par une canonnière italienne envoyée de Massaouah à
Zanzibar. Le consul a dû amener son pavillon et cesser ses relations
avec le sultan. En réponse à une interpellation dç M. Pozzolini, le sous-
secrétaire d'État, M. Damiani, a expliqué à la Chambre des députés
que feu le sultan Saïd Bargash avait cédé le teiritoire susmentionné
moyennant certaines conditions dont l'Italie s'était rései-vé l'examen.
Ultérieurement, le nouveau sultan n'a pas accueilli, comme il l'aurait
dû, la lettre de félicitations que le roi Humbert lui a adressée à son
avènement. C'est là-dessus que le consul d'Italie a cru de son devoir
d'amener son pavillon. A cette occasion, l'Italie a rappelé au sultan
l'engagement pris par son prédécesseur, en déclarant qu'elle accepte-
rait l'exécution de cet engagement comme satisfaction pour l'oflFense
faite à son souverain. « Nous approuvons la conduite du consul, » a dit le
sous-secrétaire d'État, « et nous distinguons entre la cession de temtoire
et le manque de politesse. Quant à ce dernier, nous ne négligerons rien
pour obtenir satisfaction, et nous espérons qu'il n'en résultera aucune
complicfition. » Mais, d'après la Kolonial Zeitung, l'Allemagne a des
droits sur la côte des Somalis et des Benadir. Les territoires situés
entre le fleuve Juba et la Dana ont été acquis en vertu de traités passés
par le D' Jtthlke avec les chefs indigènes ; et il n'est pas probable que
l'Italie veuille contester à l'Allemagne des territoires auxquels est atta-
ché le souvenir de la mort de v. der Decken et du D' Jtthlke.
Sous le titre : Un nouvel État anglo-africain, VAfrican Times
annonce que par l'octroi de lettres patentes royales, un nouvel État a
été ajouté au nombre de ceux qui contrôlent les destinées du Continent
mystérieux. Il sera désormais connu sous le nom de BriUsh £ast
African Company. Les limites exactes n'en sont pas encore fixées
d'une manière précise, mais on peut dire approximativement qu'il
s'étend d'un point situé au nord des frontières du territoire de la
Société allemande de l'Afrique orientale, près de Zanzibar, jusqu'au
pays des Somalis, et à l'ouest jusqu'au lac Albert-Nyanza. Dans ces
limites se trouvent des pays qui passent pour les plus beaux de l'Afri-
que centrale et dont la population est très dense et fort industrieuse. D
— 201 —
y a quelques années, le sultan de Zanzibar estimait avoir des droits sur
les côtes de l'Afrique orientale depuis le 10° lat. sud au 3"* lat. nord, et
jamais il n'a pu exercer à Tintérieur une autorité de fait, sauf sur une
zone de quelques kilomètres parallèle à la côte. L'Empire allemand
ayant obtenu du sultan de Zanzibar de pouvoir établir son protectorat
sur une étendue considérable de territoire dans l'Ou-Sagora et le pays
de Witou, a délégué à la Société africaine allemande de l'Afrique orien-
tale ses pleins pouvoirs pour y exercer le gouvernement. L'Angleterre
n'a pas voulu laissera d'autres nations le contrôle des routes et du
commerce entre Zanzibar et les lacs de l'Afrique équatoriale. M. Mac
Kinnon, de la British India Company, avec un certain nombre de phi-
lanthropes anglais, a conçu l'idée de la création d'une compagnie bri-
tannique de l'Afrique orientale, qui fût plus qu'une simple société
commerciale. Des démarches auprès du sultan de Zanzibar ont obtenu
de ce dernier à la susdite Compagnie la concession de la souveraineté
sur le territoire de la côte, au nord de celui qui a été concédé à la
Société allemande, avec des privilèges spéciaux qui en font un véritable
État indépendant. Plusieurs des petites îles situées le long de la côte,
entre autres celle de Pemba, ont été remise>s à la Compagnie anglaise.
Toutefois il importait que celle-ci pût être reconnue par les gouverne-
ments des États civilisés; à cet effet, elle a demandé à l'autorité britan-
nique l'octroi d'une charte qui l'autorise à prendre en main l'adminis-
tration du pays. Cette charte lui confère les fonctions de gouvernement
1^ plus étendues. Elle peut construire des forts, équiper des vaisseaux,
lever et entretenir une force armée et un corps de police, faire des lois
civiles et criminelles, prélever des impôts et des taxes, ouvrir des routes
de commerce, et d'une manière générale exercer toutes les fonctions du
gouvernement. Les affaires du nouvel État seront gérées par des délé-
gués nommés par le Comité siégeant à Londres, mais les décrets d'exé-
cution seront soumis au contrôle du service des Colonies et du Foreign
OflSce. La Compagnie a pris les mesures nécessaires pour fortifier plu-
sieurs îles et pour y placer des garnisons, afin de contrôler le commerce
et de s'opposer à la traite. Des routes seront ouvertes longeant la fron-
tière nord des territoires allemands, de manière que les fonctionnaires
des deux compagnies puissent se prêter un mutuel concours. On espère
que Stanley, lorsqu'il quittera Émin-pacha, reviendra à la côte orien-
«
taie par les territoires de la Compagnie ; des messagers ont déjà été
envoyés dans la direction des lacs pour avoir de ses nouvelles. En fait,
les frais de l'expédition organisée pour secourir Émin-pacha ont été
;r»^'^
r'
— 202 —
couverts par les fonds fournis par la British East African Company. La
marche de Stanley servira à ouvrir le pays, des lacs jusqu'à la côte, et
indiquera au nouvel État les problèmes qu'il devra chercher à résoudre
pour le développement de la civilisation dans cette partie de l'Afrique.
Avant de mourir, le sultan de Zanzibar, SaVd Barn^sh, avait passé
avec l'Allemagne un traité secret, par lequel tous les ports compris
entre les 5° lat. sud et 10°, 20' lat. sud devenaient la propriété, pendant
cinquante ans, d'une société de colonisation allemande. Son successeur,
Saïd Kalifa, a dû accepter les engagements pris antérieurement et a
souscrit au traité élaboré par M. de Bismarck. La Société de colonisa-
tion enverra dans chaque port un percepteur de douanes qui touchera,
sous le contrôle du représentant du sultan, les droits de sortie sur les
marchandises apportées de l'intérieur par caravanes. Le roali et une
commission du gouvernement allemand veilleront à la sécurité du pays,
et au respect des droits conférés aux sujets étrangers par les traités de
commerce existants.
La Deutsche Kolonial Zeitiing nous informe que d'après des lettres
parvenues en Angleterre, en débarquant du steamer appartenant à la
mission, le Charles Janson, à Makantila, à la côte orientale du lac
IVyaHsa, le missionnaire Johnson et le consul anglais pour cette région,
M. Buchanan, ont été faits prisonniers par les indigènes. Leurs biens
ont été confisqués, et un serviteur du consul a payé de sa vie la tenta-
tive de rejoindre le navire. MM. Johnson et Buchanan durent payer une
rançon. Les indigènes retinrent le steamer, et exercèrent de mauvais
traitements sur les deux Anglais. Le consul dut ôter ses vêtements ;
ceux de M. Johnson lui furent arrachés violemment. Les trafiquants
d'esclaves fréquentent beaucoup la localité oii ces faits se sont passés,
et les chefs indigènes trouvent que les relations qu'ils entretiennent avec
eux sont très avantageuses.
Un traité de paix et d'amitié a été conclu entre l'Angleterre et Lio-
ben^ula, roi des Ma-Tébélé, des Ma-Chona et des Ma-Kalaka. Loben-
gula s'est engagé à faire tous ses efiorts pour empêcher la rupture de
ce traité et pour le faire observer strictement. L devra s'abstenir d'entrer
en correspondance ou de faire aucun traité avec un État ou une puis-
sance étrangère, pour vendre, aliéner ou céder, ou pennettre aucune
vente, aliénation ou cession, de quelque partie que ce soit du pays placé
sous sa souveraineté, ou pour tout autre objet sans en avoir auparavant
donné connaissance au Haut Commissaire britannique pour l'Afrique
australe, et sans avoir obtenu sa sanction.
— 204 —
Les missionnaires américains établis au Bihé ont fait choix d'OIim-
binda. comme emplacement d'une nouvelle station, a En m'y rendant, >
écrit M. Currie au Missionary Herald de Boston, a nous traversâmes
environ60 villages, — mes gens disent plus de 70, — la plupart petits, mais
d'autres d'une bonne grandeur. Le pays est arrosé par un grand nombre
de petits ruisseaux qui se versent dans le Cuito, la Koukema et la
Quanza ; ils fournissent aux habitants une grande abondance d'eau. Le
sol est en général de même nature que celui de Baïloundo. Les endroits
oh le sol est profond et sablonneux sont tout particulièrement fertiles.
Les pentes des montagnes étaient couvertes d'un tapis de verdure semé
d'une grande variété de fleurs brillantes. Dans les champs, il y avait de
riches collections de glaïeuls ; dans les étangs et dans les rivières, des lys
d'une rare beauté. Les terrains bien boisés augmentaient à mesure que
nous approchions d'Olimbinda. Un des traits frappants de la localité^
c'est la quantité de huttes neuves et de huttes en construction. Le chef
d'Olimbinda me reçut avec bienveillance. Un arbre fut coupé avec un
grand couteau envoyé par Kapoko, une hutte fut construite et entourée
de palissades, et je m'établis au milieu des indigènes, afin qu'ils s'accoutu-
massent à l'idée d'avoir auprès d'eux un blanc comme ami toujours prêt à
leur aider. » M. Sanders a envoyé au journal susmentionné une lettre
de M. Arnot, établi chez les Garenganzé ; celui-ci fait ressortir l'impor-
tance de la mission du Bihé pour tout l'intérieur de cette partie de
l'Afinque. Les gens du Bihé vont partout, et sont hautement considérés^
par toutes les tribus chez lesquelles ils vont faire le commerce.
Nous devons à l'obligeance de M. Héli Châtelain, actuellement à la
Ferrière (canton de Berne), dans sa famille pour raison de santé, les
renseignements suivants que lui a fournis le D' Sumnier». Celui-ci a
eu l'occasion de racheter chez Kasougo, homme cruel, grand chasseur
et marchand d'esclaves, un cordonnier de Malangé, que Kasongo rete-
nait comme esclave et qui allait être décapité pour un crime imaginaire.
Le D' Summers lui rendit la liberté. Il a fait, à deux journées de la sta-
tion de Loalouabourgp, la connaissance de Muamba Mpoutou, roi
Mu-Chilangué, vieillard aimable qui désire ardemment que des mission-
naires viennent s'établir chez lui. Peu après cette visite, Mukengué
Kalamba, soutenu par l'agent de l'État du Congo, lui a fait deux fois la
guerre, pour refus de payer le tribut, mais il a été battu les deux fois.
Seul, d'entre les blancs. Saturnine Machado fut blessé par l'ennemi ; il
reçut une flèche dans la poitrine, mais ayant aussitôt scarifié la plaie, il
s'en remit promptement. Le docteur a reçu de l'administrateur du
(
— 205 —
Congo l'autorisation d'ouvrir une école, et la concession de quinze hec-
tares de terrain, moyennant une finance de 25 shillings. Le fameux
Zappo-Zappo se trouvait alors à la station avec une suite de 4000 hom-
mes; sa visite avait pour objet l'achat de fusils à percussion. L'état de
santé du docteur laissait beaucoup à désii'er ; une pleurésie avec péri-
cardite avait développé chez lui les symptômes de la phtisie, et une
fièvTe lente le consumait. En revanche il avait été très heureux dans le
traitement des chefs de k station, d'une nièce de Mukengué Kalamba,
des blessés de la guerre, et de Zappo-Zappo qui était arrivé à la station
dans un état fort critique. Il a porté son attention spécialement sur les
langues et a envoyé à M. Châtelain des notes intéressantes sur celle des
Ba-Chilangué. Il avait depuis un certain temps, comme interprète, un
garçon de quatorze ans, originaire du pays de Lounda, qui avait passé
plusieurs années chez les Quiocos, avait visité Malangé et Dondo trois ou
quatre fois, et Nyangoué deux fois. Si tout va bien, M. le D' Summers
compte revenir Tannée prochaine en pays civilisé.
Il est facile de comprendre qu'à mesure que les mois s'écoulent sans
apporter de nouvelles de l'expédition de Stanley, les esprits s'in-
quiètent, et accueillent sans examen les nouvelles mises en circulation
par des imaginations anxieuses qui se représentent Stanley attaqué,
blessé, tué, avec les hommes de sa caravane, et les familles de ses poi-
teurs de Zanzibar menant deuil sur ceux qu'elles désespèrent de revoir.
Nos lecteurs se rappellent la dépêche du major Barttelot reproduiti^
dans notre précédent numéro, d'après laquelle il attendait pour le
milieu de mai les 350 porteurs que Tipo-Tipo devait encore lui fournir,
et exprimait l'intention de quitter Yambouya au commencement de juin
et de passer par la station des Stanley-Falls. Dès lors le Times du 18
mai a publié la dépêche suivante de Zanzibar : « Des lettres venues du
major Barttelot par des messagers de Tipo-Tipo et datées de Singetini
sur le Congo, le 25 octobre, annoncent que des déserteurs de l'expédi-
tion de Stanley, après vingt jours de voyage en canot jusqu'à Singetini,
rapportent que tout allait bien au camp de Stanley qui avait des vivres
eu abondance. Le détachement du major Barttelot était aussi en très
bon état. Quant à Tipo-Tipo, sa conduite n'était pas très satisfaisante. •
Plus récemment, le 13 juin, on recevait à Liverpool, non plus de Zanzi-
bar cette fois-ci, mais de Saint-Paul de Loanda, l'information suivante :
« Des nouvelles graves sont parvenues ici au sujet de l'expédition (1(^
Stanley. Quoiqu'elles n'aient pas un caractère absolu d'authenticité, on
les considère cependant comme exactes dans leur ensemble et elles ont
■»■ rr rr*r^
— 206 —
produit une vive émotion. Ces nouvelles disent que le major Barttelot, qui
commande im faible détachement stationné sur la rive de l'Aronouimi^
a envoyé un messager à la côte pour expédier en Angleterre une dépé-
che demandant de nouvelles instructions. Le détachement en question
n'a pas de nouvelles de Stanley depuis plusieurs mois ; des maladies ont
éclaté parmi les soldats indigènes de ce détachement ; il y a eu plusieurs
cas de mort et les provisions commencent à s'épuiser. Toutefois, à Saint-
Paul de Loanda on ne croit pas à l'exactitude de ces dernières asser-
tions, car il existe, non loin du camp du major Barttelot, une station de
l'État du Congo, d'où l'on aurait pu demander et recevoir des provi-
sions. On dit enfin que le major Barttelot s'hiquiète de ne pas recevoir
de nouvelles de Stanley. » A son tour V Indépendance belge publie une
dépêche d'mi de ses correspondants de Lisbonne, conçue en ces termes :
« Un Européen qui réside depuis longtemps au Congo m'envoie une
lettre datée de Kinchassa, 16 avril, et disant que Herbert Ward, qui
faisait partie récemment du détachement commandé par le major Bart-
telot sur l'Arououimi, a traversé Kinchassa, se rendant à Sahit-Paul de
Loanda. Il a déclaré qu'à l'époque de son départ on n'avait aucune
nouvelle directe de Stanley. Toutefois, les Arabes prétendent que Stan-
ley et le capitaine Melson ont été blessés et que la plupart des hommes
de leur escorte ont déserté. Tipo-Tipo n'a pas été en mesure d'envoyer
à Stanley les secours promis. Herbert Ward croit que les Arabes savent»
relativement au sort de Stanley, beaucoup plus qu'ils n'en disent. )>
Enfin c'est un correspondant du Temps qui écrit de Boma :
« Le 27 avril, un agent venant du camp de l'Arououimi est arrivé à
Matadi (bas Congo) porteur d'une dépêche adressée au gouverneur de
l'État libre par le major Barttelot, qui commande le camp de l'Arou-
ouimi. Bien que cet agent ait été très discret, le bruit s'est bien vite
répandu que Stanley avait été abandonné par une partie de ses hom-
mes, qui ont déserté, et on présumait que, si le vaillant explorateur
était encore vivant, il se trouvait dans une position des plus critiques. »>
Or, sans parler de ce qu'a d'étrange la dépêche de Zanzibar relative
à des lettres du major Barttelot apportées par des messagers de Tipo-
Tipo, et portant que la conduite de ce même Tipo-Tipo n'était pas très
satisfaisante, nous ferons remarquer que ce sont là des nouvelles bien
vieilles, en comparaison de celles qu'a apportées à Boma M. Ward, l'un
des adjoints du major Barttelot, qui avait quitté le camp de l'Arououimi
vers le milieu de mars dernier. Quoi qu'il en soit, cette dépêche nous a
valu une explication intéressante, fournie au Mouvement géographique
— 207 —
par le I^ Lenz qui, on se le rappelle, a passé aux Stanley-Falls l'aunée der-
nière, et qui écrit à ce journal : « Permettez-moi de vous dire que Singetini
est un mot kisouahéli que l'on peut traduire par a eau bruyante. » En
général les Arabes donnent à l'ensemble delà région des Falls : stations,
établissements arabes, villages indigènes, le nom de Singetini, ainsi que
la remarque en a déjà été faite dans les Mittheilungen de la Société de
géographie de Vienne. Les Zanzibarites ne connaissent la région des
Falls que sous le nom de Singetini. » — Quant aux nouvelles venues de
Borna, de Saint-Paul de Loanda et de Lisbonne on comprend qu'elles
ont toutes pour origine le passage de M. Ward dans le bas Congo, à
l'occasion duquel les faiseurs de nouvelles se sont mis en frais d'inven-
tion ; plus M. Ward avait été discret, plus les imaginations ont été
fécondes en détails propres à produire de vives émotions. Nous ne tar-
derons pas à connaître les faits précis qui se rapportent à la mission de
M. Ward à Boma. Le courrier qui apporte ces renseignements est en
route et ne tardera pas h arriver à Bruxelles. Le Mouvement géogra-
phique nous les fait espérer poui* son prochain numéro. En attendant
rappelons que la dépêche expédiée de Boma par M. Ward, et de Saint-
Paul de Loanda, le !•' mai, au Comité de l'expédition Stanley, se termi-
nait par ces mots : « Tout est bien : Barttelot. »
Sans doute cette longue attente nous cause bien quelque appréhension,
quoique les hommes qui connaissent le mieux les régions que doit tra-
verser l'expédition ne jugent pas qu'il y ait lieu de craindre. Le
D' Schweinfurth écrivait il y a quelques semaines au Mouvement géo-
graphique de Bruxelles : « A mon avis Stanley n'aura pas voulu s'aven-
turer plus avant vei-s l'est sans son arrière-garde qui devait, avec les
pbrteura promis par Tipo-Tipo, lui apporter la majeure partie de ses
provisions laissées au camp de l'Arououimi sous la garde du major Bart-
telot, et sans lesquelles son arrivée chez Érain-pacha n'aurait pas de
raison d'être. Je suppose donc qu'il a dû s'arrêter à mi-chemin poui*
donner à son adjoint le temps de le rejoindre. 11 n'y a pas de motif pour
s'inquiéter sur le sort de Stanley. » De son côté, le D"" Junker qui a
passé récemment deux jours à Bruxelles a formellement exprimé l'opi-
nion que, dans son esprit, l'expédition de secours ne court aucun risque
de la part des indigènes. « Sous le rapport de la nourriture, Stanley,
avant d'arriver au lac Albert, traversera des pays à pâturages où il
n'est pas rare de voir des troupeaux comptant plusieurs milliers de têtes
de gros bétail. » Une présomption favorable peut aussi être tirée du fait
que Stanley a l'habitude de garder le silence sur ses faits et gestes.
iié..
-- 209 —
venances du haut Congo sont affranchies de tous droits ; encore a-t-il
fallu, pour en arriver là, que l'État indépendant, en vue de favoriser sa
route, en donnât l'exemple à l'autorité française.
Savorgnan de Brazza paraît assez bien rétabli pour pouvoir songer à
retourner prochainement au Congo ; mais il voudrait auparavant que
l'administration se prononçât en faveur de l'établissement d'une ligne
de navigation entre la France et le Congo. Chaque mois partirait, tan-
tôt du Havre, et alors il ferait escale à Bordeaux, tantôt de Marseille,
un vapeur h destination du Congpo français». Les raisons données par
le commissaire général à l'appui de ce projet paraissent plausibles. D'une
part les progrès réalisés dans la colonie ne pourront profiter au com-
merce de la France que le jour oii le marché français sera accessible
aux produits de la région, c'est-à-dire lorsque, sans passer par l'inter-
médiaire des places étrangères, les négociants français pourront amener
dans un des grands ports de France les objets qu'ils importent du Congo.
D'autre part, l'obligation de faire venir leui-s approvisioimements par
les ports étrangers de Liverpool, Anvers ou Hambourg, constitue pour
les factoreries et pour les marchandises françaises un autre désavantage.
Mais M. de Brazza ne demande pas que la métropole augmente
les dépenses qu'elle fait actuellement sur la côte occidentale d'Afrique.
Il voudrait qu'on prélevât sur le budget de la colonie certaines sommes,
pour subventionner une ligne qui desservirait toutes les possessions fran-
çaises de l'Afrique occidentale, depuis le Sénégal jusqu'au Gabon, et
qu'on supprimât le service fait par les transports de l'État. On réalise-
rait de ce chef une économie de plusieurs centaines de mille francs,
qui compenserait en partie les dépenses ouvertes par la subvention.
Dans notre dernier numéro, nous annoncions l'insuccès de l'expédi-
tion des lieutenants Kund et Tappenbeck, dans la région située à
Test du territoire de Cameronn. Elle a néamnoins servi à noas faire
connaître un pays jusqu'ici inexploré, sur lequel la Deutsche Kolonial
Zeitunff a fourni les renseignements suivants, d'après une lettre du lieu-
tenant Kund. L'expédition fut d'abord arrêtée, vers le milieu de décem-
bre 1887, au passage du petit Ndjong, rivière qui traverse le pays des
longuana, tribu établie à 200 kilom. de la côte, dont les hommes sont
armés de lances; quelques-uns cependant ont des fusils. Après avoii'
conclu la paix, les longuana aidèrent aux membres de l'expédition à
construire des canots, au moyen desquels ceux-ci suivirent la rivière
aussi loin qu'elle était navigable ; après quoi ils se dirigèrent vers le
grand Ndjong. Le pays est habité par une population nombreuse et
• r ' ' -^"'
— 210 —
pacifique qui témoigna partout d'une façon très vive sa surprise et sa
joie de voir arriver des blancs dans le pays. Les indigènes accompa-
gnaient ceux-ci par centaines, les femmes et les enfants voulaient tous
toucher leur peau blanche. Les plus beaux moutons ou les chèvres ne
coûtaient que 3 fr. 75 payés en étoffe ; une poule, 6 centimes, en bou-
tons. Le grand Ndjong fut atteint le 11 janvier; c'est un grand fleuve
qui, contrairement à l'attente des explorateurs, ne coule pas vers l'est,
mais débouche près de Malimba, dans le pays de Cameroun. L'expédi-
tion traversa le fleuve et se trouva tout à coup parmi des tribus complè-
tement diflérentes de celles que MM. Kund et Tappenbeck avaient ren-
contrées jusque-là; c'était la race du Soudan. Ils purent constater que
les nègres du Soudan ont déjà pénétré assez avant vers le sud et qu'ils
se trouvent établis à 150 kilom. environ de la côte, dans le voisinage du
Cameroun. Ces tribus cultivent la terre et élèvent du bétail ; mais l'ef-
froi que leur causa l'arrivée de l'expédition, qu'elles prirent probable-
ment pour des chasseurs d'esclaves, les rendit hostiles ; elles attaquè-
rent les explorateurs qui, malgré la prise d'un grand village palissade,
vigoureusement défendu par ses habitants armés d'arcs, de flèches et de
lances, durent rebrousser chemin. Ils retraversèrent le grand Ndjong,
dont ils suivirent la rive gauche vers l'ouest, dans la direction du Came-
roun. A six ou sept journées de marche du territoire du protectorat
allemand, ils furent attaqués par les Ba-Koko, dans un terrain oli ils ne
pouvaient guère se défendre à cause des roseaux d'une hauteur de 4"
à 5" au travers desquels ne circulait qu'un étroit sentier. La fusillade
dura jusqu'à la nuit; ils eurent 4 morts, 26 blessés, et durent abandon-
ner de nombreuses charges. Après avoir regagné le plateau du grand
Batanga, ils coururent le danger de mourir de faim en traversant une
forêt vierge de sept journées de marche oîi ils ne trouvèrent aucune
espèce de nourriture. Enfin les gens de la côte arrivèrent à leur secours
avec des vivres; il était temps. La caravane avait déjà une longueur de
trois lieues, et les plus faibles ne pouvaient plus la suivre. Les deux
fleuves auxquels les indigènes de l'intérieur donnent les noms de Petit
Ndjong et de Grand Ndjong sont vraisemblablement le Moandja, qui
débouche par 3°, 45' à la côte du Petit Batanga, et l'Édéa, qui se jette
dans l'océan au sud du Cameroun, en formant un delta à trois bran-
ches : )e Quaqua, le Borno et le Boréa. Grenfell avait déjà exploré ce
dernier jusqu'à des chutes, à une soixantaine de kilomètres de son
embouchure. Le Moandja a également une cataracte de 10° de hauteur
à 40 kilom. de la côte. Les deux chefs de l'expédition avaient été blés-
— 211 —
ses : M. Kuiid, au bras et à la main gauches, percés de plusieurs balles ;
M. Tappenbeck, d'un coup de fusil à la tête. Us sont aujourd'hui dans
un état satisfaisant.
Le missionnaire J. Muller a adressé à la Société de Bâle un rapport
sur les progrès faits par les écoles au sein des tribus nègres qui s'éten-
dent le long du Voila. Nous empruntons au journal le Missionnaire
les renseignements suivants : « H y a quelque vingt ans, rien n'était
plus difficile que de faire comprendre aux nègres de ces contrées l'im-
portance de Hnstruction et par conséquent des écoles, sinon pour eux-
mêmes au moins pour la jeune génération. Ils ne consentaient à y
envoyer leurs enfants qu'à la condition qu'on leur assurât certains
cadeaux, des vêtements complets, par exemple. « Donne quelque chose
à nos enfants ; paie-leur à manger, » c'était la réponse incessante des
pères et des mères au missionnaire qui leur vantait les bienfaits de
l'écriture et de la lecture. Aujourd'hui, les païens commencent à recon-
naître presque partout les avantages de savoir quelque chose ; les pre-
miers sacrifices qu'ils sont disposés à faire ont pour objet la construc-
tion d'une maison d'école ; la première demande qu'ils font aux mission-
naires en visite chez eux, c'est qu'on leur envoie au plus tôt un
instituteur. Or, des sacrifices d'argent leur coûtent toujoui^s beaucoup.
On ti*ouvait tout naturel, si l'on se décidait à envoyer son enfant chez
le maître, de ne lui fournir ni livi*e, ni ardoise, ni crayon, rien en un
mot ; le maître était bon pour tout payer. Les missionnaires de Bâle se
sont énergiquement refusés à cette exigence. Ils ont voulu que les élè-
ves arrivassent munis de tout leur matériel d'école. Bien plus, ils ont
exigé une rétribution, fort minime, il est vi'ai, mais enfin un paiement
quelconque qui permît d'assurer à l'instituteur de modestes honorai-
res. Avec beaucoup de persévérance ils y sont parvenus. Il en est résulté
tout naturellement que les leçons ont été mieux suivies, que les devoirs
ont été mieux faits, et que les écoliers ont fini par apprendre quelque
chose. « Quelle est, » disait naguère un païen au missionnaire Muller,
« quelle est la ville oU Ton ne désire posséder un instituteur? Partout
dans notre pays on est disposé à en recevoir. »
Nous avons trouvé dans un récit fourni au Bulletin de la Société
khédiviale de Géographie, par le D*" Lenz, sur son voyage à travers
l'Afrique, de l'embouchure du Congo à celle du Zambèze, un renseigne-
ment intéressant sur h»^ jeunes gens de l¥hy qu'il avait engagés
comme porteurs. « Les hommes de cette tribu, qui a fondé une colonie
dans le voisinage de MonroYla, sont des serviteurs intrépides et hon-
- 212 —
nêtes, et j'espère qu'ils rendront encore souvent beaucoup de services à
de futures expéditions venant de l'Afrique occidentale. Ils se servent
d'une écriture spéciale et inconnue aux autres tribus de nègres. Mes ser-
viteurs tenaient toujours un journal de voyage, et ils envoyèrent même
des lettres à chaque occasion dans leur patrie. Leur dernière coirespon-
dance fut acheminée par moi, de Zanzibar, via Capetown et Madeira,
au consul allemand à Monrovia, en le priant de la remettre au chef des
\Vhy, le roi John. A mon retour à Vienne, je trouvai des lettres de Mon-
rovia, et en même temps des réponses des parents de ces nègres,
enchantés de cette communication rapide. De telles choses contribuent
à augmenter la confiance des noirs envers les Eui'opéens; quelque éloi-
gnés qu'ils soient de leur pays, ils savent que les leurs conservent pour
eux le meilleur souvenir, et le maître européen peut être sûr d'avoir à
son service des gens dévoués. » Le D' Lenz avait emmené avec lui ces
jemies Why, de Zanzibar en Egypte, d'où, par Trieste, Vienne et Ham-
bourg, ils rentrèrent en bonne santé à Libéria, ainsi qu'il l'apprit par
les lettres susmentionnées.
La mission envoyée dans le Fouta-Djallon par le colonel Gallieni
a pleinement réussi ; le lieutenant Plat qui la dirigeait .a signé avec 1^
almamys de ce pays un traité les plaçant sous le protectorat exclusif de
la France, supprimant toute rente et ouvrant le pays au commerce fran-
çais sans droits aucuns. M. Plat a fait le lever de toute la région depuis
Siguiri,. et a résolu la question des communications entre le haut Niger
et les rivières du Sud. De Timbo, il a pu se mettre en relation par
lettres, avec le lieutenant Levasseur qui avait été arrêté pendant un
mois à Yumbéring et était réduit à une grande misère. Dès lors il a pu
continuer sa route vers Sedhiou. M. le capitaine Le Châtelier, qui avait
été chargé par le ministre de la guerre d'étudier sur place las progrès
de l'islam dans l'Afrique occidentale et en particulier au Sénégal, vient
de rentrer en France. Il a d'abord traversé le Ripp, le Saloum, le Bina
et le Baol, puis s'est rendu dans le haut Niger par Bammakou, Siguiri
et le Fouta-Djallon, d'oU il est revenu à Beuty. Il a recueilli de la bouche
de quelques hommes de l'escorte du lieutenant Binger la confirmation
de la nouvelle de l'assassinat de cet officier. L'explorateur Olivier,
vicomte de Sanderval, qui depuis quelques années employait sa fortune
à des voyages dans la Guinée, a aussi été assassiné dans le Fouta-
Djallon. Il avait quitté le Rio-Nunez au mois de février dernier, et
comptait se rendre à Timbouctou par le Ouassoulou. Ses riches mar-
chandises auront probablement excité la convoitise des gens du Fouta-
11" ' :
— 213 —
Djallon ; peut-être aussi a-t-il été victime du fanatisme musulman qui
devient très inquiétant chez tous les peuples du Sénégal. D'après le
tracé relevé par les officiei*s français, la route de Siguiri à Benty n'est
que de 600 kilom., tandis que celle de Siguiri à St-Louis en a 1800. Le
commerce aura donc tout avantage à se servir de la route nouvellement
explorée.
Une invitation oflBdelle à se faire représenter à une conférence à.
Madrid, sera prochainement adressée par le cabinet espagnol à tous
les États signataires de la convention du 3 juillet 1880 relative au
Ha.roc. D'une part le souverain marocain a exprimé le désir de voir
modifier les clauses de la convention concernant la protection des con-
suls sur les agents indigènes du commerce étranger, en invoquant à
l'appui de sa demande le témoignage des représentants des puissances
étrangères. D'autre part plusieurs de ces puissances ont à demander des
concessions sérieuses et nettement définies portant sur la suppression
des entraves qui gênent et paralysent presque lé commerce. Le pro-
gramme et la date de la conférence seront fixés au retour à Tanger du
ministre chargé des relations du sultan avec les puissances étrangères.
NOUVELLES GOBIPLÉMENTAXRES
D'importants gisements de phosphate de chanx ont été découverts aux environ»
de Souk-Ahras ; MM. Pouyanne, ingénieur en chef des mines de l'Algérie, Pomel
directeur de l'École des sciences d'Alger, Paul Hely d'Oissel, directeur des fabri-
ques d'engrais chimiques de St-Gobain, s'y sont rendus pour en déterminer la
valeur.
La Tunisie a accédé pour le 1*' juillet à la convention postale universelle et
MX autres arrangements internationaux concernant l'échange des lettres avec
valeur déclarée, des mandats postaux, des recouvrements, des mandats télégra-
phiques, etc.
Un musée archéologique a été installé à Tunis, au Bardo, l'ancienne résidence
des beys ; on y adjoindra un musée des beaux arts, un musée ethnographique et un
musée des industries tunisiennes. •
Le Times du 14 juin annonce que l'on a reçu, par Eorosko, des lettres de
Lopton-bey renfermant son reçu autographe de 300 livres.
La convention internationale concernant le canal de Suez a enfin été signée.
Le gouvernement italien a établi, à Massaouah, un impôt sur les particuliers,
ainsi que sur les négociants indigènes et européens.
Une dépêche de Massaouah signale l'arrivée dans cette ville d'un envoyé du
négus, qui demande à renouer les négociations en vue de la conclusion d'un traité
de paix avec l'ItaUe.
rr-:
— 214 —
Le gonrernement turc a récemment adressé au gouvernement anglais une
note par laquelle il signifiait son intention de réoccuper le port de Zeïlah, dans
le voisinage d'Obock, cédé autrefois à PÉgypte moyennant une augmentation de
tribut. Le Foreign Office a répondu que Zeïlah dépend aujourd'hui de FÉgypte
et que tout en conservant sa suzeraineté sur les territoires égyptiens, la Turquie
n'a pas le droit de les occuper militairement, ni même de les administrer pour son
propre compte.
Une lettre d' Aden annonce que la ville de Berbera, sur le golfe d'Aden, en pays
Somali, a été détruite par un incendie ; le quartier du gouvernement occupé par
les Anglais a échappé aux flammes.
L'amélioration dans la santé de M. Montagu-Eerr, que nous étions heureux de
signaler dans notre dernier numéro, ne s'est pas maintenue. La fièvre a reparu
après son arrivée dans le midi de la France, et il y a succombé.
MM. Meyer et Baumann sont partis pour aller explorer la région du Kilimand-
jaro.
Une commission composée de délégués anglais et portugais, ainsi que du Trana-
vaal et du Swazieland a été chargée de déterminer les limites entre ce dernier
pays et les territoires du Portugal et de la république Sud-africaine.
Les chefs zoulous Dinizoulou et Oundabouko, après avoir réuni des tribus à
Keesa, ont fait des incursions dans l'Ou-Satus, où ils ont commis des déprédations
considérables. Les troupes anglaises envoyées contre eux ont dû reculer. On craint
que le désordre ne s'étende à tout le Zoulouland.
La mission suédoise au sud de l'Afrique a fondé une station dans le Zoulouland.
Jusqu'ici les troubles du pays avaient empêché de créer un établissement ûxe ;
mais maintenant les Directeurs de la mission ont acheté un terrain de 400 acres
au centre de la partie du pays annexée par l'Angleterre.
La Chambre des mines du Transvaal a chargé un ingénieur d'étudier un tracé
de chemin de fer, pour mettre Barberton en communication avec la ligne princi-
pale de Lorenzo-Marquez à Pretoria.
Le Yolksraad de l'État libre du fleuve Orange a pris une décision favorable à
l'extension du réseau des chemins de fer qui a fait le sujet des conférences entre
ses délégués et ceux des colonies du Cap et de Natal ; il a voté l'envoi d'une
expédition pour lever les plans des lignes projetées dans la direction de ces deux
colonies.
Il est question de prolonger le réseau des chemins de fer de l'Afrique australe,
de Kimberley à Vrybourg dans la partie du pays des Be-Chuana placée sous le
protectorat britannique ; ce serait une section de la ligne qui sera prolongée un
jour vers Shoshong et jusqu'à la capitale de Lobengula, avec lequel l'Angleterre
vient de conclure un traité d'amitié.
Le gouvernement de l'empire allemand a déclaré adhérer à la Convention pos- ,
taie universelle, pour le territoire de l'Afrique du sud-ouest, dès le !•' juillet 1888.
Un correspondant du Cape Argus écrit de Walfishbay à ce journal, que les
— 215 —
délégués de quatre syndicats allemands yont partir pour l'intérieur, où ils sont
chargés d^explorer des gisements aurifères.
Les travaux d'étude du chemin de fer de Matadi à Léopoldville vont être
repris. Les ingénieurs pensent les terminer en octobre et rentrer en Europe en
novembre.
M. J. Cholet a écrit de Libreville à la Société de géographie de Paris dont il
est membre, quMl se propose d'explorer pendant la saison favorable le pays situé
entre le Niari et l'Ogôoué.
Le comité de la Société américaine des Foreign Missions a donné comme instruc-
tions aux délégués chargés de la représenter à la conférence universelle qui a eu
lieu à Londres du 9 au 19 juin, d'insister pour qu'il soit pris des mesures propres
à restreindre l'importation des spiritueux en Afrique et à arrêter la dégradation
physique et morale qui en résulte pour les indigènes.
La Société de géographie de Marseille a fait inscrire au programme du Congrès
des sociétés françaises de géographie qui se réunira à Bourg au mois d'août pro-
chain, la question de la création d'une ligue de paquebots à vapeur sous pavillon
français desservant la côte occidentale d'Afrique jusqu'au Congo. Les points de
départ en seraient le Havre et Marseille, et les escales une douzaine de points
desservis actuellement par des vapeurs anglais, allemands, belges et portugais,
malgré les grands intérêts que la France y possède.
L'évêque du Niger, Samuel Crowther, actuellement à Londres, a exprimé au
comité de la Church Missionary Society le vœu que l'importation des spiritueux
en Afrique puisse être abolie comme l'a été l'exportation des esclaves. Il croit
qu'elle peut l'être si l'on procède en se basant sur des informations exactes, et
que l'on n'adopte que des mesures propres à atteindre le but. L'évêque Crowther a
environ 80 ans et c'est la neuvième fois qu'il vient en Europe.
Les dernières nouvelles du haut Sénégal annoncent que le chemin de fer de
Kayes à Bafoulabé est maintenant en exploitation sur toute sa longueur.
L'OU-GANDA, L'OU-NYORO ET L'EGYPTE ÉQUATORIALE
Nous avons annoncé, dans notre dernier numéro (p. 167), la reconnais-
sance faite par Émin-pacha jusqu'à Kibiro, sur la rive orientale du lac
Albert, sans qu'il ait pu recueillir aucun indice sui* l'expédition de
Stanley. En attendant que l'arrivée de celle-ci à sa destination nous
fournisse les informations qu'elle ne manquera pas de nous apporter sur
le pays qu'elle aura parcoui-u entre l'Arououirai et le lac Albeit, il est
bon de savoir dans quelle situation se trouvent actuellement les teri-i-
toires situés à l'est de ce lac. Nous voudrions chercher à en donner une
idée à nos lecteurs, d'après les dernières lettres d'Émin-pacha et de
— 216 —
Casati, au D' Juaker, à M..Ch. Allen, secrétaire de l'Antislavery Society,
au D' Felkiu d'Edimbourg, et au capitaine M. Camperio.
Rappelons d'abord qu'au commencement de l'année dernière, l'Ou-
Nyoro * , gouverné par Kabréga, fut attaqué une première fois par les
troupes de Mwanga, roi de l'Ou-Ganda. C'est de cette première expédi-
tion que parle le P. Lourdel, dans une lettre de 1887 aux Missions catho-
liques ^ auxquelles nous empruntons le récit suivant : « Une première expé-
dition n'a eu d'autres résultats que la mort du général en chef des Wa-
Ganda, tué avec un grand nombre des siens en tentant la prise du vil-
lage fortifié de Kabréga. Les sorciers déclarent maintenant qu'il ne faut
pas recommencer la guerre, ou bien qu'elle sera désastreuse; mais
le farouche Kiambalango, un des principaux chefs, couvert de blessures
dans la dernière expédition, est venu trouver le roi, pour lui raconter
ses exploits. «En te quittant,» lui a-t-il dit, «j'allai faire mes adieux au
Katikiro \ Je ne sais si tu me reverras, lui dis-je, car maintenant nous
ne sommes plus au temps des luttes corps à coi-ps, oîi le brave pouvait se
fier à la force de son bras, à sa valeur dans les combats, à son habileté à
manier le bouclier ; nous entrons dans un nouveau genre de bataille, où la
main d'un lâche, couché dans les herbes, peut mettre fin aux jours du plus
courageux soldat, nous allons donc nous battre au fusil, puisque le fusil est
démode. «Je partis avec mes hommes ; arrivés en face du village oU Kabréga
s'était fortifié, nous résolûmes de l'attaquer aussitôt pour ne pas le laisser
échapper. Mal informé des dispositions du général en chef qui avait
remis le combat au lendemain, j'allai me heurter avec ma seule divi-
sion contre toutes les forces de Kabréga. Je ne puis te décrire le combat,
c'était un roulement de tonnerre interminable. Une balle me frappe au
genou : je bande la plaie et je continue à rallier mes troupes; les
Wa-Nyoro tombaient sous nos balles et mes Wa-Ganda tombaient
sous les leurs. Une nouvelle balle à la cuisse me força à battre ^i
retraite. J'appris alors la prise du village par notre aile droite et
la mort du général en chef. Si je n'avais été blessé, j'aurais pris le com-
mandement et poursuivi Kabréga ; mais si tu le veux, il n'y a rien de
perdu; Kabréga n'a plus d'hommes, je les lui ai tous tués; retournons
dans l'Ou-Nyoro, la victoire ne saurait être douteuse. Ce sont les lâches
qui te conseillent la paix. J'ai dit. » Là-dessus le roi ne voulut plus
écouter les avertissements des sorciers, et déclara aux députés de
• Voy. la carte, VIII"« année, p. 32.
' Premier ministre.
— 217 —
Kabréga qu'il ne pourrait être question de paix que quand la guerre
aurait décidé entre lui et leur maître. Tous les Wa-Ganda sont appelés
sous les armes; c'est un branle-bas indescriptible dans tout le pays. »
D'autre part le capitaine Casati, dans une lettre à M. Camperio, fait
le tableau suivant des hordes auxquelles on donne le nom d'armées dans
rOu-Nyoro et TOu-Ganda. Représentez-vous un essaim de 5000 à 6000
hommes, depuis des jeunes gens de 15 ans jusqu'à des vieillards de
€0 ans, dans les costumes et les équipements les plus diflférents ; depuis
la garde du roi, munie de gibernes, proprement vêtue de drap rouge ou
de peaux de léopard, armée de fusils à percussion, luisants, solides, jus-
qu'au pauvre montagnard portant un bâton noueux et les reins ceints
d'un pagne crasseux tissé de fibres d'écorce. Entre ces extrêmes sont
représentées des variétés innombrables d'hommes pourvus de vieux fusils
et de lances de toutes les formes imaginables ; l'un est vêtu d'un morceau
de toile de coton vieux et sale ; un autre, du manteau national de peau de
bœuf ou d'un autre animal, avec ornement de perles ou d'amulettes parmi
lesquelles prévalent les cornes de chèvres remplies d'une poudre magique.
Cette tourbe est divisée en bandes, conduites chacune par un chef, et
reconnaissables à leur équipement, ou aux tambours que l'on porte après
elles. Telle est l'armée du roi de l'Ou-Ganda. En vertu du principe :
divisez-vous pour vous nourrir, ces aimées étendent leurs incursions sur
un territoire considérable ; aussi est-il rare que tous les combattants se
trouvent à une bataille. Le but que poursuivent ces hordes est de piller
et de détruire les propriétés, de répandre la misère, plutôt que d'acqué-
rir de la gloire militaire dans des combats réguliers. Les habitations sont
fouillées jusque dans les recoins les plus secrets, tout ce qui peut être
transporté est pris, et le reste est réduit en cendres avec les huttes. Les
hommes se précipitent dans les champs, dérobent ce dont ils ont beçoin
pour le jour même, détruisent le reste, foulent et anéantissent tout. La
conséquence en est la famine, qui les éloigne, abrège la durée de l'inva-
sion, et empêche l'exécution d'aucun plan de campagne bien conçu.
Dans le combat ils tiennent bon, avec férocité et opiniâtreté, jusqu'à ce
qu'ils soient relevés et remplacés par les hommes des derniers rangs.
Pendant la marche, au camp ou durant le combat, le bruit des tambours
et des instiTiments de guerre ne cesse pas de se faire entendre pour
exciter le courage des Wa-Ganda.
Kabréga possède plus de 1000 fusils dont il a armé sa garde. Celle-ci
forme la force aimée, qui, pour des causes inconnues à<;Jasati, n'est pas
soutenue par les propriétaires du sol armés de lances et de boucliers.
• vt •/
/ ,
— 218 —
L'amaernent de la garde consiste en un certain nombre de carabines
Remington, quelques fusils Snider, et beaucoup d'annes à percussion,
provenant en partie de déserteurs des anciennes garnisons égyptiennes
ou des gens du Lango *, qui, plus d'une fois, ont infligé des défaites aux
Égyptiens ; les autres armes sont de bons fusils se chargeant par la
culasse ou à percussion achetés aux marchands de Zanzibar. Les gens de
rOu-Nyoro ont pour tactique de ne point s'engager dans des batailles
sérieuses, de ne jamais conmiencer un combat en rase campagne, mais
d'égarer l'ennemi et de le harceler par des surprises et des embuscades
soigneusement préparées. Casati croit que l'Ou-Nyoro renfenne les élé-
ments nécessaires pour former le noyau d'une armée réelle solide, et
capable de se battre bien si elle était bien commandée. Il ne pense pas
que les plans ambitieux de Mwanga puissent réussir, étant donnée
l'armée dont il dispose contre Kabréga.
La seconde expédition envoyée par Mwanga dans l'Ou-Nyoro a livré
son premier combat le 27 juin 1887 ; le 15 juillet, les Wa-Ganda ren-
traient dans leur pays chargés d'un riche butin. Kabréga s'était enfui à
Mrouli. Casati était resté àDjuaia,sans être molesté par les Wa-Ganda.
Dans une lettre d'Émin- pacha au D' Junker, le gouverneur de
l'Egypte équatoriale explique que les insuccès de Kabréga sont dus à
son entourage. Émin-pacha avait fait son possible pour l'engager à
adopter une conduite raisonnable. Il lui avait offert de l'ivoire, des
cadeaux et son intervention personnelle auprès de Mwanga, avec lequel
il est actuellement en bons rapports. Mais l'influence de l'entourage de
Kabréga a tout gâté. Casati s'est trouvé dans une situation des plus dif-
ficiles, dont il n'a pu triompher que grâce à une tenue très énergique et
à une démonstration militaire faite du côté du nord par Émin-pacha lui-
même. Celui-ci d'ailleurs lui doit beaucoup, car c'est lui qui jusqu'ici a
tenu ouverte la route de Wadelaï à Roubaga. Si Casati quittait l'Ou-
Nyoro pour se retirer à Wadelaï ou pour se rendre dans l'Ou-Ganda, les
communications de l'Europe avec Émin-pacha seraient extrêmement
compromises. Elles l'étaient déjà, malgré la présence de Casati, par le
fait des Arabes qui sont auprès de Kabréga, surtout de l'un d'entre eux,
Abd-er-Rahman, trafiquant de Zanzibar, établi depuis plusieurs années
dans l'Ou-Nyoro, « qui, » dit Émin-pacha, « a ouvert toutes les lettres à
moi expédiées de l'Ou-Ganda par M. Mackay au mois de mai 1887, et a
gardé quantité de lettres et de journaux sans que les réclamations adre&-
* Au nord-est du Victoria-Nyanza.
— 219 —
sées à Kabréga contre ce procédé aient eu aucun succès. Qu'arriverait-il si
nos lettres étaient livrées sans contrôle au bon plaisir de Kabréga et de
ses gens ? L'arrivée de Stanley est encore trop éloignée, pour que nous
puissions nous reposer pour notre route postale sur un simple espoir.
Casati restera donc aussi longtemps qu'il le pourra sans courir de danger
direct, et nous ferons tout pour assurer des communications, si ce n'est
régulières, au moins occasionnelles avec l'Ou-Ganda. »
En ce qui concerne la province de l'Egypte équatoriale, Émin-pacha
avait fait, à la fin de juillet 1887, un séjour d'une semaine à la station
de Msoa, pour y chercher les marchandises que le missionnaire Mackay
devait lui envoyer. Il en avait profité pour faire des recherches botani-
ques et zoologique^, il y avait trouvé des plantes présentant une analo-
gie frappante avec la flore du pays des Mombouttou, et des oiseaux
dont plusieurs espèces étaient nouvelles pour lui. Il se proposait d'y
retourner pour en explorer les environs. Les marchandises envoyées par
M. Mackay avaient été apportées par Mohamed-Biri, Tunisien établi
comme trafiquant dans l'Ou-Ganda, par l'intermédiaire duquel le
D' Junker et Émin-pacha ont, de l'Ou-Nyoro, noué des relations avec les
missiomiaires de l'Ou-Ganda. Parti de Roubâga le 11 avril, et arrivé le
18 à la frontière de l'Ou-Nyoro, Mohamed-Biri dut y attendre deux longs
mois l'autorisation de Kabréga d'entrer sur son territoire. Encore cette
permission ne lui fut-elle accordée que sur les instances de Casati, et
après que le premier ministre Babedongo et son acolyte Abd-er-Rhaman
eurent ouvert tous les colis et prélevé un fort tribut de chacun d'eux.
Mohamed-Biri dut encore séjourner longtemps chez Kabréga ; lorsque la
résidence de celui-ci eut été incendiée par les Wa-Ganda, il se retira à
Kibiro, et un certain nombre de colis se perdirent, ftmin-pacha profita
d'une course qu'il fit à Kibiro en vue de les recouvrer, pour ravitailler
Casati et lui envoyer du blé, du bétail, etc. D'après une lettre de ce
dernier, Kabréga a nommé, comme chef de la partie occidentale de ses
états, Njakamitra, homme plus raisonnable que Babedongo. Le roi lui-
même reste encore dans les environs de Mrouli, mais il a donné l'ordre de
lui préparer une nouvelle résidence sur les hauteurs de Kavaraïtoki, à 2
kilom. au N.-E. de Djuaia où réside Casati. Émin-pacha se propose d'aller
le voir, persuadé que s'il avait pu lui faire visite précédemment, il eût
prévenu une pariie des malheurs qui ont fondu sur l'Ou-Nyoro.
Quant aux projets d'avenir du gouverneur de l'Egypte équato-
riale, après avoir exprimé sa profonde reconnaissance envers tous
ceux qui lui ont témoigné de la sympathie quoiqu'il fût un étran-
I^L.
— 220 —
ger pour eux, Émin-pacha rappelle qu'aussi loagtemps que Dieu
lui conservera la vie, il restera à son poste pour y poursuivre l'œuvre
qu'il a reçue de Gordon. « D est impossible, » écritril, a de songer à
abandonner le terrain que nous occupons encore ; il ne peut pas en être
question. Ce n'a été que sous la pression exercée par les événements que
j'ai quitté pour un temps les districts de Morabouttou, de Rohl et de
Latouka '; mais, dès que je le pourrai, je les réoccuperai très certaine-
ment. Les stations que nous occupons maintenant sont Rejaf, Beden,
Kiri, Muggi, Labore, Khor-Aju, Dufilé, Fatiko, Wadelaï; en outre j'ai
réoccupé Wandi, dans le Makaraka, et Fadibek. J'ai aussi, sur le lac
Albert, les deux stations du Petit et du Grand Mahagi. J'ai abandonné
Lado, soit parce que les nègres avaient quitté ce district, soit parce qu'il
était trop difficile de pourvoir de vivres la garnison. Il y a trois jours
j'ai envoyé une petite troupe dans la direction du sud-ouest à la recher-
che de Stanley et d'un emplacement convenable à l'établissement d'une
nouvelle station dans le district d'A-Lendou. J'ai deux routes en vue
pour les ravitaillements à venir : l'une le long de la rive occidentale du lac
Albert,d'oii j'atteindrais, à travers le Mboga et le district de Baltoua, l'ex-
trémité septentrionale du Tanganyika, l'autre par l'Ouellé-Makoua.Mais,
pour me décider, je dois attendre le résultat de l'expédition de Stanley,
Sans doute la meilleure route pour nous serait actuellement celle qui
conduit à la côte orientale par le pays des Masaï. Stanley trouvera pro-
bablement que les difficultés de la route du Congo sont presque insur-
montables, pour les transports surtout. Je connais, par expérience, les
marécages presque infranchissables, les rivières nombreuses, chargées
d'une végétation flottante, qui doivent entraver la marche d'un voya-
geur venant du Congo. D'autre part, je ne puis croire que l'Angle-
terre, qui a obtenu de pouvoir exercer son influence sur tout un immense
territoire, de Mombas jusqu'ici, puisse songer à la laisser déchoir. Elle
tiendra à la faire valoir. Il sera donc nécessaire, tôt ou tard, de créer
des stations pour permettre aux marchands de traverser le pays en
sécurité et pour régulariser les transports. La présence de chameaux
dans les districts de Lango et des Masaï offre la possibilité de réaliser
ce projet. On peut donc estimer que l'ouverture d'une route n'est
qu'une question de temps, et, si je vis jusqu'au jour oti l'Angleterre
commencera à l'ouvrir depuis la côte, je pourrai facilement concentrer
quelques troupes, fonder quelques stations, tendre la main à ceux qui
* Voyez la carte, IV"« année, p. 116,
— 221 —
viendront de l'est et leur aider. Je n'ai reçu d'Egypte aucune instinio
tion quant à l'administration future de cette province, mais il m'est
impossible de l'évacuer. Nous verrons si le gouvernement égyptien
renonce à toutes prét^tions sur ce territoire, ou s'il se propose de le
garder avec la responsabilité qu'entraînera sa conservation. S'il l'aban-
donne et que de son côté, le gouvernement anglais ne puisse annexer
ces districts, alors se posera pour moi la question que vous avez soulevée,
de prendre une position indépendante, comme a fait le rajah de Sara-
wak ; la chose serait parfaitement possible. Les récoltes de cette année
sont heureusement abondantes. Les plantations de coton sont en plein
rapport. Grâce à M. Mackay, nous avons reçu de l'Ou-Ganda une quan-
tité considérable d'étoffe pour chemises, et quoiqu'elle ne suflBse pas
à répondre à tous nos désirs, il y en a eu cependant assez pour
en faire un petit présent à chacun. Le damoiir, ou toile de coton fabri-
quée par nous, étant plus approprié au service de tous les jours, nous
gardons les tissus de l'Ou-Ganda pour les jours de fête. Quant au com-
merce, nous avons en abondance à l'est, de l'ivoire, des plumes d'au-
truche, des peaux, de l'huile, de la cire, des fruits de l'arbre à beurre;
à l'ouest, de l'ivoire, du caoutchouc, de l'huile de palme, des fourrures,
etc. ; il y en a de quoi alimenter le trafic. L'Angleterre et l'Allemagne
ayant délimité leurs sphères d'intérêts respectifs dans l'Afrique orien-
tale, doivent maintenant songer aux moyens de développer ces pays. A
mon avis, la première et la plus importante décision à prendre, pour
conserver la paix et garantir la prospérité de l'Afrique centrale, doit
être l'interdiction absolue de l'introduction de fusils, poudre et autres
munitions de guerre. Dans tous les cas j'ai encore devant moi beaucoup
à faire ; si je réussis, avec l'aide de Dieu, à en accomplir ne fût-ce qu'une
partie, je serai plus que récompensé de ce que j'ai dû endurer. Les pri-
vations ne m'effraient pas ; douze ans de séjour dans l'Afrique centrale
sont une bonne école de renoncement. »
D est permis d'espérer que la création d'établissements, par la nou-
velle British East African Company, deMombas au lac Victoria-Nyanza,
facilitera la réalisation des plans d'Émin-pacha, et assurera à sa pro-
vince le maintien et le développement de la civilisation qu'il y a portée.
L'Ou-Ganda et l'Ou-Nyoro eux-mêmes, réfractaires jusqu'ici, ne pour-
ront se soustraire à l'influence qui les entourera de tous côtés.
BIBLIOGRAPHIE >
Bel K(usem ben Sedira, Cours de lanoue kabyle. Grammaire et
yersiona. Alger (Adolphe Jourdan), 18S7, in-8°, 430 p. — On doit
déjà à l'auteur de cet ouvrage plusieui-s livres sur la langue arabe ;
grammaires, dictionnaires, cours de littérature. Le travail qu'il présente
aujourd'hui au public est la preuve qu'il a eiiti-epris d'écrire, pour la
langue kabyle, la même série de manuels. Bien que tils de l'Algérie, il
manie la langue française avec assez de facilité pour être bien compris.
Il a, du reste, fait de fortes études en France, h l'École normale de
Versailles, et occupe aujourd'hui à Alger une haute situation comme
assesseur & la Cour d'appel et professeur à l'École des lettres et k
l'École normale. Chargé récemment, par le gouverneur général de l'Al-
gérie, d'une mission chez les tribus du Djurdjura et de l'arrondissement
de Bougie, il a réuni les éléments propres à faciliter l'étude des langues
berbères, qui devient de plus eu plus nécessaire aux fonctionnaires et
aux colons. C'est en parlant la langue des indigènes qu'on parvient le
mieux à gagner leur confiance et à se les assimiler. Le gouvernement,
qui l'a bien compris, a institué des primes et des dipUmes de langue
kabyle; depuis six ans que l'examen de prime existe, dix candidats l'ont
subi avec succès ; chiflFre faible cependant et qui montre combien de pro-
grès il y a encore à faire dans la colonisation de l'Algérie,
Une grammnire de la langue kabyle n'est pas chose facile à faire. Le
kabyle, dit l'auteur, n'est pas une langue écrite, il n'a point d'alphabet,
ou, si jamais il en eut un, le souvenir s'en perd dans la nuit des temps.
Depuis la conquête musulmane, les nombreuses populations qui parlent
le kabyle, ont constamment eu recours à l'idiome et à l'alphabet arabes
pour l'expression graphique de leurs pensées. Lorsqu'il s'agit de rédiger
un acte quelconque, les gens s'adre^ent d'ordinaire à un lettré ou au
cadi. Les légendes, les poésies, les contes sont transmis de bouche en
bouche et confiés à la mémoire des gens. M. Bel Kassem ben Sedira en
a recueilli un grand noml>re, principalement chez les Beni-Iraten et les
Beni-Fraoucen du Djurdjura. Il a dft les retoucher et les cla,sser dans
un ordre convenable pour pouvoir les communiquer au public.
L'ouvrage débute par uu résumé succinct des règles de la grammaire.
Puis viennent environ deux cents morceaux choisis, de source berbère
' On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à BAle, tous les
ouvrages doot il est rendu compte dans VÂfrique ta^lorie et ciMlùée.
r* *
— 223 —
ou étrangère, et variant comme longueur depuis la simple anecdote de
quelques lignes jusqu'au récit de plusieurs pages. Les uns sont des con-
tes qui ont pour héros des fées, des ogres, des derviches et des voleurs.
D'autres ont été empruntés à la littérature arabe. Quelques fables sont
d'origine française, imitées de La Fontaine et de Florian ; elles ont été
mti-oduites chez les Kabyles, probablement par des jeunes gens soi'tant
des écoles arabes-françaises. Ce fait prouve que l'influence de la France
pénètre progressivement au milieu des tribus indigènes, même dans les
régions les moins civilisées.
' A la suite des contes se trouvent plusieurs kanouns, ou règlements,
conventions d'ordinaii*e confiées à la mémoire des vieillards. Ds ont été
communiqués à l'auteur par des hommes coimaissant la législation cou-
tumière et concernent surtout le mariage, le divorce, l'exclusion des
femmes de toute part d'héritage, les prérogatives auxquelles ont droit
les orphelins mineurs.
L'ouvrage renferme encore une centaine de devinettes kabyles, qui,
sans avoir beaucoup de charme, ni beaucoup de finesse, amusent les
indigènes le soir, après les travaux des champs. Ce sont de naïfe jeux
d'esprit qui permettent de comprendre les idées et les sentiments de ces
populations, plongées depuis des siècles dans une profonde ignorance.
Le manuel se termine par quelques poésies débitées, sous forme de
chansons, par des diseui*s de profession, lors des fêtes de famille :
naissances, circoncisions et mariages. Plusieurs ne manquent pas d'in-
térêt.
Tous ces textes ont été transcrits au moyen de l'alphabet français ; il
eût été peut-être plus logique de les écrire en arabe, mais cela aurait
imposé au lecteur la connaissance préalable de cette dernière langue.
Avec la traduction et le vocabulaire qui l'accompagnent, ce cours ren-
dra de très grands services à tous les fonctionnaires, soldats, colons
ou négociants, qui ont l'intention de se fixer au milieu de ces populations
algériennes auxquelles on s'intéresse tant et que l'on connaît si peu.
J.'M, Leroux. Essai de dictionnaire Français-Haoussa et Haoussa-
Français. Alger (A. Jourdan), 1886, in-4", 330 p. et carte. — Au moment
oii la France cherche à pénétrer dans le Soudan par le Sénégal et le
Niger, le livre que nous annonçons n'est pas sans un certain intérêt pra-
tique, qui s'ajoute à l'intérêt scientifique qu'inspire une œuvre de cette
nature. La langue haoussa est parlée dans le Soudan central, surtout à
l'est du Niger moyen, c'est-à-dire dans la région dont le marché princi-
— 224 —
pal est Kano, que Barth et les voyageurs venus après lui décrivent
comme une ville populeuse et très commerçante. C'est vers ce point que
se dirigent un grand nombre de caravanes venant des différents pays du
Soudan et de la région méditerranéenne. La langue haoussa est donc
utile à connaître non seulement au point de vue philologique, mais aussi
à cause des relations que la France voudrait nouer avec ces pays. M.
Leroux n'a jamais vu le Haoussa; il occupe les fonctions de chef du
bureau arabe de Bou-Saada, fonctions qui lui laissent probablement
des loisirs, puisqu'il a pu composer le gros volume qu'il offre au public.
L'intérêt de ce travail réside en partie dans la manière dont il a été
rédigé. L'auteur s'est servi des nègres haoussa qu'il a rencontrés en
Algérie. Il a surtout utilisé les renseignements fournis par ime Souda-
nienne mariée à un nègre algérien. Originaire de Kano, elle fut, à l'âge
de vingt ans, emmenée au Bornou par des ravisseurs, puis vendue à des
Touaregs, qui la cédèrent à des Mzabites; ceux-ci la conduisirent à
Alger où elle recouvra la liberté. Conmie elle parle parfaitement le
haoussa, elle put compléter et contrôler les indications fournies à M.
Leroux par les nègres qu'il avait précédemment consultés.
Après quelques pages de préface, l'ouvi'age, qui est autographié et
non imprimé, renferme les rudiments de la grammaire haoussa, c'est-
à-dire les règles essentielles sur le genre, la formation du pluriel,
l'emploi des pronoms, des adverbes, des prépositions, etc. Ensuite com-
mence le dictionnaire. Comme il n'existe pas d'alphabet haoussa, atten-
du que les nègres du Soudan emploient les caractères arabes, l'auteur a
traduit les sons de la langue haoussa en lettres arabes. Toutefois ces
caractères ne sont pas suflBsants pour rendre les différentes intonations
de la langue des nègres ; aussi M. Leroux a-t-il employé simultanément
l'alphabet français, ce qui facilitera singulièrement l'intelligence de cet
ouvrage pour le public auquel il est spécialement destiné. Ainsi, à côté
de la traduction en haoussa de chaque mot français, se trouve la manière
de prononcer le mot haoussa en lettres françaises et en lettres arabes.
En outre, la traduction de chaque mot est accompagnée d'une phrase
en haoussa, ce qui permet au lecteur de se familiariser avec la langue en
apprenant quel rôle jouent les mots dans la conversation.
Nous n*avons pas besoin d'insister davantage sur l'importance de cçt
essai de dictionnaire, qui a exigé un travail considérable.
— 225 —
BULLETIN MENSUEL ( 6 août 1888').
Des fouilles intéressaates ont été exécutées à Cherchell, sous la
direction de M. Vaille, professeur à l'école des lettres d'Alger, et à
Tinii^m, sous ceDe de M. Duthoit. Dans cette dernière localité a été
exhumée une cité antique qui rappelle les merveilles de Pompéi, tout un
quartier avec ses rues, son dallage creusé d'ornières, ses boutiques, son
forum, ses arcs de triomphe. A Cherchell, ce sont des thermes publics,
une copie réduite, cependant importante et luxueuse, des monuments
analogues de Rome. Les inscriptions les plus nombreuses sont du règne
de Caracalla. Il y a cependant aussi une stèle contemporaine des rois
indigènes, portant une inscription néo-punique. On y voit une scène de
sacrifice; le prêtre fait la libation préliminaire sur la tête d'un bœuf,
La décoration présente un mélange d'art grec et d'art égyptien, carac-
tère que l'on rencontre vers la même époque en Syrie, en Cyrénaïque,
en Tunisie et en Algérie.
Le cardinal Lavigerie qui, depuis vingt ans, prépare à Alger des
missionnaires pour l'intérieur de l'Afrique, a reçu de Léon Xin l'ordre
de recommander à tous les missionnaires qu'il envoie de consacrer tou-
tes leurs forces à faire cesser le trafic des esclaves et l'esdavage. Après
avoir prêché à Paris sur l'abolitton de l'esclavage en Afrique, et
rappelé ce que la France, l'Angleterre et l'Italie ont déjà fait à cet
égard, le cardinal a recommandé l'organisation d'une croisade pacifique
dont il se fera l'apôtre, pour émouvoir l'opinion publique en faveur de la
cause des esclaves qui est celle de l'humanité.
La navigation de nuit dans le canal de Saez s'est beaucoup accé-
lérée depuis l'application de l'éclairage électrique aux navires qui le
traversent. Les règlements prescrivent que chaque navire doit avoir sur
le pont des feux électriques. Un certain nombre de paquebots peuvent,
au moyen de leur installation même, satisfaire à cette prescription, mais
la plupart des navires ne sont pas dans ce cas. Pour permettre à ces
derniers de transiter de nuit, des appareils électriques portatifs peuvent
être hissés à bord à Suez et à Port-Saïd en un quart d'heure à peine.
* Les matières comprises dans nos BtiUetins mensuéla et dans les NowûéUes com-
pUmenUjdres y sont classées suirant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
rerenant par la côte occidentale.
L'iFRIQUE. — KECVIÈME ANNÉE. — N° 8. 8
— 226 —
L'économie de temps qui en résulte est de 11 heures, environ la moitié
du temps employé naguère. Pour que ces appareils soient mis à bord à
l'arrivée des steamers, sans perte de temps, il suffit aux capitaines de
télégraphier à Port-Saïd ou à Suez la date probable de leur arrivée.
La Société de géographie de Paris a reçu, par Tentremise de M. An-
toine d'Abbadie, une lettre de H. Jules Bop^li qui explore actud-
lement le pays au S.-O. du Choa, et donne quelques-uns des résultats
géographiques de son voyage d'Antotto àJiren, situé par 7%42' lat.
nord et 34°, 35' long. Est. Un des principaux résultats est la découverte
des sources de THaouasch, au pied du mont Ifata à l'extrémité de la
chaîne des monts Meca, et non près du mont Dandi comme on le croyait
jusqu'ici. Au sommet de ce dernier pic, l'explorateur a trouvé un lac
double ayant la forme d'un S, d'une étendue et d'une profondeur consi^
dérables. De ce lac sort un affluent du Gudar et de l'Abbay. M. Borelli
a aussi découvert un lac profond dans l'immense cratère du mont Harro ;
et il en décrit les environs conmie étant d'une beauté incomparable; tes
indigènes l'appellent le lac Wanci ; il en sort une rivière qui rejoint la
Walga dont la source se trouve au sommet du mont Harro. A l'époque
où écrivait M. Borelli (janvier 1888), il était sur le point de partir de
Jiren. Son intention était de traverser le mont May Gudo, au S.-O. de
Jiren, pour se rendre dans le pays de Callalaka, et de là au mont Kaf-
faria, d'oii il comptait faire le relevé du pays de KuUo. Le D' Tr»verai
explorateur italien a fait une excursion dans la région montagneuse
d'Urbaragh, à l'^t de la contrée étudiée par M. Borelli.
Le journal anglais Nature a publié dernièrement une lettre d'fiiniii-
pacha relative à la fréquence des accidents causés par la foudre sous
les tropiques, pour rectifier une erreur généralement répandue provenant
du fait que les publications relatives à l'Afrique parlent rarement des dé-
gâts causés par la foudre et de l'emploi des paratonnerres sous les tropi-
ques. Grâce à une résidence inintenx)rapue de douze ans dans les provinces
égyptiennes équatoriales, Ëmin-pacba peut donner des renseignements
précis à cet égard. Il fournit une liste de 25 accidents causés par la fou-
dre, de 1878 à 1886, dans les différentes stations de son gouvernement :
personnes tuées, arbres renversés, maisons incendiées, etc. a Certes, »
ajoute-t-il, « la liste est loin d'être complète, car ayant été presque
constamment en voyage pendant les années 1878-1880, je n'ai pu recueil-
lir tous les renseignements désirables. Si les voyageurs ne font que
rarement^ mention de coups de foudre destructeurs, c'est probablement
à cause de la courte durée des séjours qu'ils font dans les lieux où ils
r^
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s'arrèteat. Dans son livre : Au cœur de V Afrique^ Schweinfurth rap-
porte un coup de foudre qui tua six femmes. Je dois faire remarquer
que dans i'Ou-Nyoro et TOu-Gtenda, région dont Taltitude est plus forte
que celle du Soudan égyptien, les coups de foudre sont aussi plus fré-
quents. L'Ou-Ganda est la seule région qui possède un paratonnerre ;
il a été {dacé par M. Mackaj sur le palais du roi Mwanga. Le Mom-
bouttou, quoique moins élevé que l'Ou-Granda et TOu-Nyoro est cepen-
dant connu pour la fréquence des coups de foudre destructeurs. A Fas-
hoda, Khartoum et Berber, situés plus au nord, les coups de foudre
sont très rares; dans le S^naar, ils le sont moins. Les Arabes du Sou-
dan sont convaincus que chaque coup de foudre est accompagné de la
chute d'une météorite ferrugineuse. Celui qui peut s'approprier un mor^
eeau de fer météorique est considéré comme un heureux. Les couteaux
et les glaives faits de ce fer passent, en effet, pour rendre invulnérables
dans les combats ceux qui les portent, et ils les protègent pour l'avenir
contre les atteintes de la foudre. Si le cheik Nasr, chef des Takkala, a
pu résister aux Égyptiens, c'est, dit-on, grâce à un glaive fait de fer
météorique. Les Arabes croient aussi que le feu allumé par la foudre ne
peut être éteint que si l'on y jette un peu de lait. »
Tandis que tous 'les regards sont fixés sur le lac Albert et Wadelaï,
ou sur l'Arououimi et le camp de Yambouya, pour chercher à quel
point de son itinéraire peut se trouver Stanley , c'est de Souakim
qu'arrive la nouvelle,, invraisemblable au premier abord, de son appari-
tion dans la région du Bahr-el-Ghazal. Quoiqu'elle nous fut déjà parve^
nue lorsque nous rédigions notre précédent numéro, nous n'avions pas
cru devoir nous y arrêter, la prenant pour un de ces produits d'imagi-
nations impatientes qui ont besoin de croire à des fables à défaut de
nouvelles certaines. Sans vouloir anticiper le moment où la certitude
nous sera fournie par un rapport officiel, nous devons dire que les rela-
tions venues de Londres et de Bruxelles font paraître aujourd'hui la
chose comme moins invraisemblable. Le Times, en effet, a publié une
lettre de M. Frédéric Villiers qui, à propos du «pacha blanc» dont l'ar-
rivée dans le Bahr-el-Ghazal a mis tout le monde en émoi, rappelle un
'entretien qu'il a eu avec Stanley lors de l'échec de l'expédition qui avait
pour but de délivrer Khartoum. « Au cours de cet entretien, » dit M. Vil-
liers, 0 Stanley me fit observer qu'une force armée indigène, sous la
direction d'hommes blancs, pourrait créer, en s'avançant par le Congo,
une diversion des plus sérieuses sur le flanc du mahdi. Les Soudanais
ne s' attendant pas à une attaque de ce côté, rien que la nouvelle de la
« ••
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marche en avant de nouveaux adversaires produirait un grand effet
moral. Ces paroles de Stanley prouvent quMl avait déjà h cette époque
conçu le projet de marcher sur Khartoiun par la voie du Congo, mal-
gré les grandes difficultés que présentait cette route. » De son côté sir
Francis de Winton a exprimé, dans une séance de la Société de géogra-
phie de Londres, l'opinion que le pacha blanc ne peut être que Stanley
et que Ton peut s'attendi*e à recevoir sous peu des nouvelles directes de
lui. Enfin le rapport fait h Souakim par les pèlerins venus du Darfour à
la Mecque, mentionnant la présence d'Européens dans le bassin du
Bahr-el-Ghazal, confirme l'opinion de M. Villiers et de sir Francis de
Winton. Laissant pour le moment de côté la question de la mardie sur
Khartoum, l'arrivée de Stanley, non sur le fleuve Bahr-el-Ghazal, mais
dans la province égyptienne du Bahr-el-Ghazal dont Lupton-bey était
gouverneur, située un peu au N.-O. de la province équatoriale d'Émin-
pacha , est moins invraisemblable qu'elle ne paraissait au premier mo-
ment. Les esprits s'étaient accoutumés à l'idée que, du camp de Yam-^
bouya, Stanley se dirigeait à l'est pour gagner en ligne droite l'extré-
mité du lac Albert oîi des vapeurs viendraient prendre les hommes de
son expédition. Au lieu de cela, si la nouvelle se confirme, U aurait, du
camp de Yambouya, après avoir suivi un certain temps l' Arououimi, tiré
au N.-E., traversé la région des sources de la Nepoko, du Bomokandi
et du Kibali \ et serait arrivé dans la province du Bahr-el-Ghazal d'oîi,
en inclinant à l'est, il pouvait facilement rejoindre Émin-pacha à Wa-
delaï. Pour ceux qui connaissent Stanley et son goût pour les surprises,,
celle-ci n'aurait rien d'extraordinaire, elle rentrerait même entièrement
dans ses habitudes. Attendons cependant la confirmation de la rencontre
des deux explorateurs, avant d'imaginer des plans de descente vers les
régions occupées par les armées du mahdi.
Les missionnaires allemands établis à Ngao sur la Tana, dans le pays
de IVItoa, ont vu leur station envahie par une bande de Somalis. Les
Wapokomo au milieu desquels ils se sont établis ont eu le temps de se
réfugier de l'autre côté de la rivière. Les missionnaires eux-mêmes ont
pu monter sur de^ pirogues avec une partie de leurs effets et descendre à la
station de Golbanti, où le missionnaire méthodiste noir, M. During, leur a
offert l'hospitalité. Après avoir pillé ce qui restait dans la station de Ngao»
les Somalis y mirent le feu et réduisirent le village en cendres, puis ils se
retirèrent. Les Wapokomo sont restés attachés aux missionnaires, avec
' Voyez la carte des explorations du D' Junker rur le haut Quelle, IV"« année^
p. 116.
T — 7î-
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lesquels ils travaillent à la reconstruction de la station et du village,
pour lesquels sera réclamée la protection du sultan de Witou.
L'expédition du comte hongrois Teleki a atteint en novembre de
l'année dernière, le lac Baringo, en suivant à peu près les itinéraires de
Thompson en 1883, et de Fischer en 1886, du Kilimandjaro à travers les
territoires de Kikouïou et de Leikipia. Gomme Fischer, le comte Teleki
a rencontré une opposition violente de la part des habitants de Kikou-
ïou, avec lesquels il a eu à soutenir toute une série de combats sérieux.
De Leikipia, il s'est dirigé vers le Kénia dont il a fait l'ascension jusqu'à
une hauteur de 4500", la limite des neiges permanentes ; il estime qu'il
est plus élevé que le Kilimandjaro. Le Kénia est un cratère couvert de
neige d'un diamètre de sept kilomètres et demi. De son arête s'élèvent
deux pointes, vues déjà par Krapf , tandis que Thompson met leur exis-
tence en doute. Teleki se disposait à continuer sa marche vers le lac
Sambourou, mais il avait à lutter contre de grandes difficultés pour se
procurer les provisions nécessaires.
Les colons de Natal ne trouvant pas chez les Cafres ou chez les Zou-
loos de la colonie les travailleurs dont leurs plantations ont besoin, ont
fait venir des Lides des coolies, dont l'établissement dans l'Afrique
australe n'est vu de bon œil ni dans la colonie du Cap, ni dans l'État
libre de l'Orange, ni au Transvaal. A ce propos, M. le D' John Drum-
mond, qui pendant les 18 derniers mois a surveillé le transport de 1500
Hindous, a fourni au Cape Argus, sur les conditions d'engagement de
ces coolies hindous, des renseignements d'oU nous extrayons ce qui
sait : Les planteurs réclament un travail bien fait et à bas prix ; pour
l'année prochaine, il est question de faire venir 3000 immigrants ; une
nouvelle agence a été établie à Calcutta pour faciliter le recrutement et
l'embarquement de ce grand nombre de travailleurs. Les coolies s'en-
gagent à rester dix ans dans la colonie. Pendant la moitié de ce temps,
ils sont loués à un maître spécial, puis ils peuvent faire leur propre
choix, ou bien faii*e de^ petites affaires pour leur propre compte. A l'ex-
piration de leur engagement, on leur remet un billet de retour poui*
leur pays natal. L'année dernière, le nombre des départs de coolies
pour l'Inde fut plus considérable que celui des arrivées, vu le grand
nombre des enfants de coolies nés dans la colonie et qui repartirent
avec leurs parents. On est très soigneux dans le choix des travailleurs
en ce qui concerne leur santé, leur force, leurs habitudes antérieures.
Tous subbsent un examen médical devant une commission à laquelle
appaitiennent les médecins des navires sur lesquels ils seront embar-
— 230 —
qués. Leurs intérêts sont confiée à un fonctionnaire du gouverne-
ment, leur Protecteur, auquel chacun d'eux peut faire appel, et sani» la
sanction duquel, agents, capitaines, médecins, ne peuvent rien faire.
C'est lui qui examine avec soin le navire, la quantité et la qualité des
provisions, Peau, tout ce dont les immigrants ont besoin pendant le
voyage. Après l'embarquement, le médecin en chef est responsable de
leur bon traitement, n tient registre des naissances ou des décès qui
peuvent survenir, des maladies et du traitement appliqué à chaque cas
particulier. Un duplicata en est remis au Protecteur aux Indes et à
celui de Natal. Un tiers des émigrants sont des femmes ; les hommea
accoutumés aux travaux des champs, des routes, etc., sont vigoureux et
font des travailleurs très utiles. Bs se contentent d'ordinaire de peu de
chose, leurs besoins ne sont pas grands, leurs habitudes de simplicité
leur permettent d'économiser pour le moment oii ils s'établiront dans la
colonie ; dix shellings par mois en sus de leur nourriture et de leur
logement leur paraissent une fortune. Après 35 ans de service, ils sont
en position de commencer de petites, affaires ou de cultiver un morceau
de terrain pour leur propre compte. S'ils retournent aux Indes, ils
emportent leur argent avec eux. Avec une population indigène nom-
breuse comme ceUe de l'Afrique australe, il semble étrange de faire
venir des travailleurs hindous, mais jusqu'à ce que les Cafres aient
appris à travailler régulièrement au mois et à l'année, les planteurs
devront faire appel aux bras du dehors pour la culture de leurs terres.
Un correspondant du Cape Argots, qui a résidé dans le Be-Chuana-
land, lui écrit au sujet de l'esclavage qui existe encore dans le
Kalahari, qu'il a vu en plusieurs endroits des esclaves battus jusqu'à
en mourir ou traités avec inhumanité et brutalité. « Les Ba-Kalahari, »
dit-il, « tributaii'es des Ba-Ngwahetjé et des Ba-Rolong, étaient pillés et
maltraités par eux. Les Ba-Lala et les Kattia, ou Ka-Tiaka, et les
Bushmen, préfèrent endurer dans le désert toutes sortes de privations
plutôt que de s'exposer aux traitements inhumains de leui*s maîtres, les
Be-Chuana. Ceux-ci leur donnent ou un chien pour chasser les chacals,
ou un vieux mousquet et quelques munitions pour poursuivre l'autruche ;
puis ils leur réclament toutes les peaux ou toutes lés plumes ; si les pau-
vres Ba-Lala ou Bushmen ne livrent pas immédiatement tout, ils sont
battus, pillés, parfois même tués ; leurs femmes et leurs enfants subis-
sent le même sort. Sous prétexte de chasse, beaucoup de Nama et de
Griqua ne font pas autre chose que de chercher à découvrir les kraals
de ces pajuvres gens pour les dépouiller et les massacrer. Le chef Nama
— 231 —
Dirk Vlander nie qu'il ait des Bushmen, et que ceux-ci soient traitée
comme des esclaves ; il affirme que les Bushmen eont libres. £t cepen-
dant BGs &ls, ses neveux, presque toute sa ti-ibu, tiennent des Bushmen
d&n^ un état de servitude, et lui a sa part de» gains faits par les Busfa-
meo que détiennent ses fils. Il a donné ses Bushmen à ses fils, mais
quaod il en a besoin, on les lui cède volontiers. 11 ne leur est pas permis
de s'engager pour un service sans le consentement de leura maîtres, qui
perçoivent leurs gains. Ils ne revivent ni nourriture, ni vêtements. S'ils
attrapent une pièce de gibier^ la peau est pour leur maître; si un
étranger les emploie, leur maître réclame le paiement ; s'ils s'enfuient,
ils sont poursuivis et ramenés. Cependant ceux qui les traitent ainsi
habitent un pays placé sous le protectorat britannique!
M. E.-W. Paraoné, membre de la Société de géographie de Lon-
dres, attaché au service de la Compagnie des télégraphes de l'Afrique
occidentale, & envoyé aux Proceedings\ni rapport d'oii nous extrayons ce
qui suit sur Hoss&médda et Bengnél&. A rexceptiba de Loanda,
dit-il, Mossamédès est le plus beau port de la côte occidentale d'Afri-
que : celui de Mossamédès est même plus grand, l'eau en est aussi plus
profonde, et permet aux navires de s'approcher davantage de la ville. Il
est même question de créer un dock à sec. et d'en faire la station navale
de la côte. Dans tous les cas, cette localité peut prendre une grande
importance, si l'on fait, pour ouvrir le sud de l'Angola à la colonisation
et au commerce, quelque chose de plus i{ue ce qu'on a fait jusqu'à présent.
Le commerce avec l'intérieur a beaucoup souffert du manque de routes
et de porteurs. L'exportation consiste eu coton, caoutchouc, poisson
séché, bétail et un peu d'ivoire. Le développement futur de ce district
dépend surtout des colonies de l'intérieur, dont trois sont établies, la
première à Sa-da-Baudeira, la seconde k Huilla, la troisième à San-Ja-
nuario, k une altitude de 500° à G00°, et à une distance de la côte de
1£0 kilom. à 225 kilom. Les colons ne demandent qu'une route pour
pouvoir amener à la côte les produits abondants du soi qu'ils cultivent.
Benguéla, quoique située sur la côte, n'est pas le centre commercial du
district. Les agents des différentes maisons de commerce y ont bien leurs
demeures et leurs magasins, mais c'est à Catumbella, à 30 kilom. à
l'intérieur, que se font presque toutes les affaires, et c'est là que les
Dégociants ont leure principaux comptoirs. Les deux localités sont
reliées par le téléphone, qui est d'un usage général à Benguéla. Les
importations consistent surtout en caoutchouc de première qualité,
en ivoire, en peaux et en café. Les territoires situés h l'intérieur et au
— 232 —
sud promettent beaucoup ; il est question de les relier k la côte par des
voies ferrées ; les tracés en ont déjà été relevés. D s'agirait d'abord de
relier Benguéla à Caconda, à huit jours de marche, soit 200 kilom. de
la côte ; de là, une ligne conduirait au Bihé, à 400 kilom. plus loin, et
une autre à Limbinguès, à 200 kilom. de Caconda. Ces localités,
situées sur le plateau, offrent toutes les conditions nécessaires pour la
colonisation ; elles sont fertiles, salubres, propres à l'élève du bétail, et
renferment de grandes richesses minérales. Pendant les derniers mois,
le commerce de caoutchouc a pris une grande extension à Benguéla,
grâce à l'introduction par les natifs d'une nouvelle sorte de cette
gomme, qui s'est vendue à des prix élevés. M. Parsoné Ta examinée;
elle lui a paru aussi pure que possible. Comme d'autres caoutchoucs
d'Afrique, il y en a de deux qualités, l'une extraite de la plante, l'autre
de la racine. Jusques il y a peu de temps, celle-là tenait la première
place sur le marché ; mais grâce à certains éléments spéciaux que l'on a
découverts dans la gomme extraite de la racine, celle-ci se vend actuel-
lement à des prix plus élevés. Autrefois les caravanes employaient de
huit à neuf mois pour rapporter à la côte leurs charges, qui consistaient
en caoutchouc ordinaire extrait des arbres des forêts ; maintenant elles
sont de retour au bout de trois mois, rapportant un article supérieur en
plus grande abondance. Il y a lieu de croire que les natife ne l'extraient
pas des arbres, le temps leur manquerait pour se rendre à la région des
forêts et en revenir, mais qu'ils ont découvert à une distance moindre
quelque liane ou arbuste qui fournit la gomme. On espère recevoir pro-
chainement des spécimens de la plante elle-même qui pourra devenir
l'objet d'une exploitation très rémunératrice.
M. Héli Ch&telain a eu la bonté d'extraire pour notre journal, de
son courrier d'Ang^ola, ce qui peut intéresser nos lecteurs. Par une
singulière coïncidence, les pluies ont été aussi abondantes dans l'Angola
qu'en Suisse pendant le mois dernier. La Quanza s'est élevée aussi haut
qu'en 1875, oU elle détiiiisit la jfameuse plantation de Bom-Jesus. Cette
année-ci la digue a résisté. En revanche les crues du Dandé et du Lojé
ont fait d'assez grands dégâts. Grâce aux pluies, on compte sur d'abon-
dantes récoltes soit pour la canne à sucre, soit pour le café. Les machi-
nes de la Compagnie privilégiée Bensandé, pour la fabrication d'alcool
de manioc sur une grande échelle, sont arrivées à destination, et cette
nouvelle exploitation ne tardera pas à commencer. L'entreprise du che-
min de fer étend ses études préliminaires de Malangé à Cassangé. Le
gouvernement a approuvé une variante de la ligne qui lui fera toucher
. j
— 233 —
la Quanza à Cunga, près de Bom-Jesuâ. Les pluies torrentielles ont fait
prouver à la Compagnie, pour la section de Loanda et des environs,
d68 pertes évaluées à fr. 750,000. Son personnel aussi lui cause de
grandes difficultés; nombre de ses gens s'enfuient au bout de peu de
temps. L'ingénieur Joaehim Machado, revenu de Lorenzo-Marquez,
8'est rendu, avec le personnel nécessaire, à Mossamédès pour y faire les
études d'un tracé de chemin de fer destiné à relier l'intérieur à la côte.
Le gouvernement de l'État indépendant du Con^o a publié un
décret fixant les dispositions légales qui devront être suivies en matière
d'exploitation minièpe. L'aliénation, par l'État, de terres lui
appartenant, ne confère aux acquéreurs aucun droit de propriété
ni d'exploitation sur les richesses minérales que le sol peut renfer-
mer. Ces richesses minérales demeurent la propriété de l'État. Nul ne
peut les exploiter si ce n'est en vertu d'une concession spéciale ou en
vertu des dispositions générales qui seront prises ultérieurement en
matière d'exploitation minière. Sont considérés comme mines tous gise-
ments de métaux, minerais ou matières métalliques, de pierres ou autres
substances précieuses, de combustibles minéraux et d'huiles minérales,
n va sans dire que l'interdiction susmentionnée ne s'applique pas aux
exploitations minières que les indigènes continueront de pratiquer pour
leur compte sur les terres occupées par eux.
La Société florale d'Anvers a reçu de M. le capitaine de Macar, com-
mandant du district de lioulouabouriP, un rapport sur le pays qu'il
administre. « Le sol, » dit-il, « est généralement fertile; le pays est
Uen arrosé par de nombreuses rivières, et par d'autres cours d'eau.
Les bois et les forêts ne manquent pas et contiennent des essences diver-
ses propres aux constructions et à la fabrication des canpts. Le caout-
chouc, qui est la principale ressource du pays, se trouve surtout aux
environs de Mansangoma, où il abonde. H continue jusqu'à Lubi, mais
là les indigènes ne le récoltent pas. Le fer se trouve en plusieurs endroits
entre le Mansangoma et le Lubudi ; le sel sur les deux rives du Lukulla.
Les indigènes extraient encore du sol une espèce d'argile dont ils font
des poteries qui, séchées d'abord au soleil, résistent ensuite au feu le
plus intense. Ils trouvent également une terre blanche nommée pemba,
dont ils se servent pour blanchir les habitations. Les chefs l'emploient
pour barioler la figure et le corps des gens de leur tribu qui vont en
guerre ou en voyage, afin qu'ils aient du bonheur. L'altitude du pays
Tarie entre 500" et 650". Les arbres perdent leurs feuilles au commen-
cement de la saison sèche, c'est-à-dire fin mai ou commencement de
— 234 —
juin, et les reprennent déift une quioEune de jours aprèe, Ls plantatiaa
de riz que j'ai établie m'a permis d'envoyer à LéopoldviUe, pour le»
différentes stations de l'État et les missions, douze sacs de 90 livrée.
J'en ai conservé suffisamment pour mon personnel, con^osé de yiua de
150 nègres, négresses et négrillons. Les autres cultures très vastes de
mats, soi^bo, millet, arachides, et«., produisent en abondance. Quant
au manioc, j'en ai des hectares. Tous les jours j'agrandis mes planta-
tions. Je n'ai pas encwe eu le temps de m'oocuper de la culture des
plantes industrielles, mais il est à ma connaissance que le cotonnier
fient parfaitement. Les palmiera existent en quantité. »
M. Vaa G£le s'est embarqué le 26 avril à Léopoldville sur le Stan-
ley, pour se rendre d'abord dans l'Arououimi afin de porter des provi-
sions au major Barttelot, et de se rendre compte de la situation du carap
de Yambouya. De là il redescendra au Congo qu'il remontera ensuite
jusqu'à. Stanlej'-Falls, oti V AsgoctaHon internationale qfricaine devait
transporter M. Van Kerckhoven, commandant de lastation des Bangala,
et une escorte, atin de rassurer Tipo-Tipo sur les bonnes dispositions de
l'Ëtat du Congo & son égard, et lui annoncer la prodiaine arrivée de
quatre Européens et d'un détachement de soldats.
Le Sénat américain a voté une somme de 25,000 dollus en faveur
d'une miBHlond'explorAtlon scientifique daBslehmatConco.
L'expédition sera composée de trois membres : un offider de l'armée
territoriale ou navale, un géologue-minéralogiste et un naturaliste. Elle
devra visiter le bassin du haut Congo, et faire connaître les ressources
commerciales qu'il présente, faire rapport sur ses produits, ses richesses
minérales et végétales, indiquer si ce pays peut offrir des débouchés au
commerce américain et rassembler tous les renseignements qui pour-
raient présenter quelque intérêt pour les États-Unis. Le président de la
République Axera les appointements des membres de l'expédition, sans
que la somme puisse être supérieure à 6000 dollars pour chaque membre.
Le mandat de la mission expirera le 30 juin lâbd.
M. H. Johnaton, consul anglais au Vtenx-C»I«lw.p, a fait, sur la
Cross River, une expédition dont il a envoyé aux Proceedings de la Société
de géographie de Londres un compte rendu accompagné d'une carte.
Son but était de conclure avec les rois et les chefs des territoires situés
le long de la rivière, des traités qui les missent sous le protectorat de
l'Angleterre, ainsi que d'offrir sa médiation pour apaiser des querelles
existantes entre les tribus du Vieux-Calabar et celles de la Cross River.
Le commerce de la rivière en avait longtemps souffert. M. Johnston a
[ip^
— 235 —
réussi à rétablir la paix. Il a égalemen
chefs, mais s'est abstenu d'en conclure i
en amont de la rivière pour ne pas augm
sabilités de l'Angleteire à l'intérieur. A
bouchure, les indigènes sont cannibales.
les g^is des tribus d'Atham et d'iko Mm
feu sur le canot de M. Johnston, puis chi
ter. Dans leur excitatioa, peu s'en fall
canot ; mais ils ne dérobèrent rien. A un
fut tiré hors du bateau par une troup
épaules du plus vigoureux, et porté en c
dans une hutte dont la porte était ou
heure en butte aux taquineries de cents
sa tâte était su^ieadu un jambon hui
crftnee éttùent rangés autour de la parti
Malgré ce voisinage sinistre, dès que &i
entra en conversation amicale avec ses
excellents termes avec eux. Au bout d'u
ment gagnés, et à la fin le même sauvag
l'y reporta è. la grande surprise et pour
ses Krooboyg enrayés. La ville lui donnf
moutons; le vieux chef lui offrit un c
humains qu'il ôta de son cou. Après avi
s'étaient passés ces incidente, M. Johns
dense le long des bords de la rivière, m
Quoique toutes les entrevues dans lesqi
pris et relâchés tous les 200" ou 300", !
testations d'amitié, au début, chaque foi
pas trop savoir s'ils les tueraient et les n
ston, au moins ses Krooboys. Dans ces c
ne pas pousser l'exploration plus avar
canot, et qu'il repassa devant les village:
retraite fournit aux indigènes l'occasic
centaines de sauvages cherchèrent k trai
du bateau. Même de petits enfants ar
gestes significatifs indiquant combien ils
les indigènes fussent armés de fusils, e
ils ne tirèrent jamais sur le bateau ; p
effrayer ceux qui le montaient pour les
— 236 —
pouvoir le piller. M. Johnston a fait le relevé de la rivière jusqu'au
point extrême de son exploration, ainsi que des collections d'histoire
naturelle pour le musée de Kew et pour le British Muséum.
Le dernier numéro de VAfrican Timee a publié les lignes suivsuites,
à Toccasion d'une demande adressée par le roi Quanim Fori;au gouver*
neur de la Côte d*Op, sir Brandford Crriffîth, demande que les Anglais^
dit ce journal, ne peuvent lire sans un sentiment de honte. < Tout ce que
réclame Quanim Fori, c'est que le représentant de Sa Majesté donne
l'ordre aux marchands d'Âddah de payer l'huile de palme en argent et
non en eau-de-vIe. Il est regrettable que sir Brandford se soit senti
pressé de répondre par un non possumus, et d'cgouter qu'il ne pouvait
pas intervenir dans les relations commerciales, que c'était l'afifaire de
l'acheteur et du vendeur, et qu'ils avaient le remède entre leurs mains*
C'est ce qu'avaient coutume de répondre les adversaires des Actes de
troc qui ont cependant pris force de loi, et ont rendu de grands services
à ceux qui préfèrent être payés en argent au lieu de l'être en nature.
L'habitude qui prévaut chez les mardiands soinlisant chrétiens de cette
région de payer les marchandises du vendeur païen en spiritueux de
qualité inférieure, peut bien être cause que les rois ont tous l'un aprèa
l'autre demandé au gouverneur deleur donner une provision de menottes.»
Les négociants de liasos ont adressé au gouverneur de la colonie
la pétition suivante, pour tâcher d'empêcher que le gouvernement an-
glais n'octroie à une Compagnie, comme il l'a fait pour celle du Niger,
une charte qui lui assurerait l'autorité sur les territoires s'étendant de
Lagos au Bio-del-Rey. a Par l'octroi d'une charte à une compagnie
commerciale privée, le commerce du Niger, la voie fluviale par excel-
lence pour toute l'Afrique occidentale, a été complètement détruit; et
cependant beaucoup de négociants de Lagos s'y livraient. Un monopole
a été introduit qui menace d'étendre son influence destructive sur le&
Rivières de l'huile des territoires de la côte, de Forcados, Bénin, Brai^^
Nouveau-Calabar, Bonny, Opobo et Vieux-Calabar, et cela sous la pro-
tection du gouvernement, qui se propose d'octroyer une nouvelle charte..
Aussi longtemps qu'il n'existait aucune charte, il y avait entre Lagos et
les pays du Niger un commerce actif et rémunérateur. Mais dès que la
charte a été octroyée, tous les négociants indépendants ont été chassés
par les impôts exorbitants dont la Compagnie a frappé tous les objets
d'importation et d'exportation. Outre ces impôts elle a mis des droits
énormes sur les patentes de commerce, le passage, etc. Les droits d'im-
portation ont laissé pour Lagos, tous frais déduits, un boni de 57,235 1. st.
— 237 —
pour les dix dernières aimées. Les soussignés attirent Fattention de
votre Excellence sur le fait que Lagos est le centre des Rivières de
rhuile, qu'une communication télégraphique existe entre Lagos, Brass
et Bonny. La Compagnie royale du Niger ayant son monopole, nous
demandons que le commerce des Rivières de l'huile soit laissé à la Colo-
nie de Lagos et ne soit livré ni à la susdite Compagie ni à aucune autre
du même genre, ce qui causerait le plus grand tort à la Colonie dont les
Rivières de Thuile sont actuellement le seul débouché, circonstance qui
fait désirer que ce territoire soit annexé à la Colonie. Cette annexion
rendrait le plus grand service aux indigènes de ces rivières. Pendant les
vingt dernières années le gouvernement a protégé le petit commerçant
comme le meilleur intermédiaire de la civilisation pour ces contrées ; et
c'est ainsi que se sont produits les grands progrès dans la civilisation et le
développement commercial de cette région, tandis que le développement
des Rivières de l'huile restait stationnaire. Aussi les soussignés prient-ils
V. Ex. d'insister auprès du gouvernement de S. M. pour que les terri-
toires des rivières soient rattachés d'une manière durable à la Colonie. »
La nouvelle de la mort de M. le capitaine Binn^er» en mission au
Soudan, démentie puis de nouveau affirmée, paraît décidément controu-
vée, une dépêche de Saint-Louis, du 25 juin, ayant rapporté que le
10 mars M. Singer était à Konf^» et que quatre lettres de cet officier pour
sa mère et d'autres personnes ont été remises au commandant du poste
de Bamakou sur le Niger. Par Kong, il faudrait entendre le massif
montagneux de Kong, où le Djoliba, un des bras principaux du Niger
prend sa source. On sait que l'explorateur se proposait d'étudier avec
soin ces montagnes. Avant son départ de Saint-Louis, il avait été con-
venu que dès qu'il signalerait son arrivée à Kong, on préparerait à
Grand-Bassam (Côte d'Or), un convoi de ravitaillement qui marcherait
sur Kong par la rivière Akba, aussitôt que les pluies permettraient de
se mettre en route. M. Treich-Laplène, résident français à Assinie,
actuellement en France, compte partir dans les premiers jours d'août
pour prendre en personne la direction de cette expédition. Dans un pré-
cédent voyage que M. Treich-Laplène a fait, l'an dernier, dans cette ré-
gion, il a atteint les premiers massifs des monts de Kong sans rencontrer
trop de difficultés. Il croit qu'il n'en trouvera pas davantage cette année-
ci. Le convoi partira de Grand-Bassam vers la fin d'août, et atteindi'a,
selon toutes probabilités, la région de Kong vers le 15 octobre. Mais ce
ne sera qu'à son retour à la côte, qu'on peut espérer avoir des nouvelles
du capitaine Binger, parce qu'il ne faut pas compter sur les messagers
— 238 —
isolés.Le plus souvent les chefs nègres des régions àtravereer leur créeot
mille difficultés et ne leur permettent pas de continuer leur route. De
Grand-Bassam, M. Trdch-Laplène remontera la rivière Akba, navigable
en pirogue jusqu'à 400 kilom. de la mer ; puis il ae dirigera sur Koi^ ça
suivant la route de terre.
Les factoreries établies au Rio de Oro par les Espagnols, et au C&p
Jnbr par les Anglais, pour détourou- vers la côte de l'Océan Atlanti-
que le courant commercial du Sahara occidental, ne sont pas dans une
situation prospère. D parait que ce qui arrête le développement des éta-
blissements espagnols entre le cap Blanc et le cap Bojador, c'est la rou-
tine qui pousse les chameliers d'aujourd'hui à suivre, fût-elle moïDS
commode et plus longue que d'autres, la route suivie de tout temps par
leurs ancêtres. Quant à la factorerie fondée par M. Mackensie au Cap
Juby, aujourd'hui propriété de la North West Alrican Trading Company,
elle a été attaquée par des indigènes qui ont assassiné le directeur,
blessé ses compagnons et assiégé pendant plusieurs heures les établisse-
ments anglais. D'après les témoignages recueillis, les agresseurs seraient
tous des soldats de l'empereur du Maroc, et non de ces pillards qui
infestent le sud marocain et le Sahara occidental. U est diffidle de ne
pas voir dans ce fait l'influence politique et religieuse du sultan qui
voyait de mauvais oeil la concurrence commerciale s'établir & sa fron-
tière, et s'efl'orçait eu toutes occasions de dissuader ses sujets de trafi-
quer avec le chrétien. Lorsque la Compagnie réclama la protection du
sultan en échange d'une redevance annuelle, il lui fut répondu que l'au-
torité cbérifienne ne pouvait assumer une responsabilité quelconque au
s^jet de territoires ne lui appartenant pas. Comment le sultan pourra-
t-il aujourd'hui justifier l'agression de ses propres soldats ?
NODVEU.ES COMPLÉMENTAIRES
Le Bulletin de renteignemente coloniaux umonce que U création de chemins de
fer à »oie étroite est décidée pour quatre nouvelles lignes d'intérêt local, et que
le Conseil général du département d'Oran examinera en octobre prochain toos
les projets qui lui seront présentés.
D'après VÉeho d'Oran, Bou-Amema, le célèbre agitateur du Sud-Oranais, s'est
joint au chérif de Medagha dans la vallée de l'Oued Guir, pour chercher à sonle-
Ter à la fois les populations du Snd-Oraoais contre l'antoritê française, et les
Béni Guil, les Ouled Djérir et les Mehala contre le snltan du Maroc.
Les missionoures romains comptent prendre l^ëlinde comme point de départ
— 239 —
font pénétrer dans les tastes régions qui s'étendent an N.-Û., habitées par les
Wa-Nyika, les Wa-Sanyé, les Wa-Kamba, dans la vallée de la Tana,- jnsqu'aa
mont Kénia ^ an Uc Bariof o. A Mombas, le P. LeRoy a fait la coxwaissance d'un
■oîr, nommé Sadi, âgé d'une cinquantaine d'années, qui a beaucoup voyagé et qui
oonnalt très bien les peuplades établies entre la cète de l'océan Indien et le lac
Yictoria^Nyanza. Il pourra être d'un grand secours aux missionnaires et aux
explorateurs du Zanguebar septentrional Le vicaire apostolique de ce district,
Mgr de Conrmont, se propose de mettre à profit sa bonne volonté pour fonder une
mission dans la région du Kiliman^j^aro.
Cest le 16 août prochain que la Société allemande de l'Afrique orientale pren-
dra la perception des impôts de Wanga jusqu'à la Rovouma, et l'administration
de la sone côtîère située entre l'Océan et les territoires qui lui appartiennent.
D'après une communication faite à la Société de géographie de Paris, par
M. Louis Vincent, résident de France aux Comores, les habitants de ces îles pra-
tiquent encore les. sacrifices humains pour coi^urer les malheurs qu'ils redou-
tent. Ainsi, à Anjoùan, à l'approche des navires français, le sultan, sur l'ordre du
•order officiel, fit égorger 4 jeunes esclaves, dont le sang, mêlé à l'eau de la mer,
devait, disait-il, former une barrière infranchissable aux vaisseaux étrangers.
Le comte Pfeil et le lieutenant Schlttter ont acquis, pour la Société allemande
de l'Afrique orientale, en vertu de traités avec les sultans indigènes, l'Ou-Bena,
le Wa-Mashonde, le Mahengé et le Wenpindo, et par là annexé aux précédentes
acquisitions de cette Société tous les territoires compris entre le Rufigi et la
RoTOuma d'une part, l'océan Indien et la tête du Nyassa d'autre part.
Le ministre de l'instruction publique de France a chargé M. Gaston Angelvy,
ingénieur civil, d'une mission scientifique à l'effet d'explorer la région comprise
entre le lac Nyassa et la cète de l'océan Indien et d'étudier particulièrement le
bassin de la Rovouma.
Le gonvemeur du district de Lorenzo -Marquez, M. de Vasconcellos, s'est rendu
aux monts Lebombo pour procéder à la délimitation de la frontière entre la colo-
me portugaise et la République Sud-africaine. Les délégués du Transvaal et de
l'Angleterre devaient aussi s'y rencontrer.
Le Volksraad de l'État libre d'Orange a approuvé le projet d'Union douanière
avte les Colonies du Cap et de Natal, ainsi que celui de l'extension des voies fer-
rées, n fera établir le tracé des lignes du fleuve Orange à Blœmfontein et de
Katal à Harrysmith, dès qu'il aura reçu la part des revenus douaniers que lui
aesure le projet susmentionné.
Les résidents des villes et des districts de Malmani, Zeerust, Lichtenbourg,
Klerksdorf^ Potcbefstrom, etc., réunis en assemblée publique à Mafeking, ont voté
ane résolution d'après laquelle il est désirable, dans l'intérêt du gouvernement
britannique, de la Colonie du Cap, du Be-Chuanaland anglais et des territoires
environnants, qu'un chemin de fer soit construit de Kimberley à Mafeking. Ce
chemin de fer favoriserait le commerce des villes et territoires susmentionnés
ainsi que celui du pays des Ma>Tébélé, des Ma-Chona, etc.
— 240 —
M. Krûger, président de la République Sad-africaine, ajant demandé au gou*
vernenr de la Colonie du Cap que PAngleterre déclar&t n'avoir aucune intentioB
d'acquérir la suprématie sur le chemin de fer de Lorenzo-Marquez au TransTaal,
le gouvernement du Cap y a consenti à la condition que les marchandises anglai-
ses seraient importées par terre, des colonies anglaises an même tarif que celui qui
est en vigueur dans la baie de Delagoa. M. Krûger a aquiescé à cette demande.
Le développement pris par l'exploitation des gisements aurifères de l'Afrique
australe profite à la colonie de Natal dont les chemins de fer permettent de
transporter les marchandises jusqu'à une petite distance de ses frontières. En
1887 les importations ont dépassé d'un tiers celles de 1886, et le revenu total de
la colonie s'est augmenté dans la même proportion.
Des lettres privées de Tàti annoncent que Lo-Bengula n'accordera plus de
concessions dans le pays des Ma-Tébélé.
D'après un article de la Bévue scientifique sur les Cohniee aUemandes, le gou-
vernement de l'empire allemand serait en pourparlers pour l'annexion de la partie
septentrionale de l'Ovampo, visitée récemment par le D' Schinz. Le territoire de
la colonie du fleuve Orange au Cap Frio recevrait une extension qui lui donnerait
une superficie de plus de 200,000 kilom. carrés.
Lee missionnaires amét*icains établis au Bihé ont fait des plantations d'oran-
gers, de pommiers, de pêchers, de pruniers, de cerisiers, d'abricotiers, de figuiers,
demandés à Lisbonne, ainsi que d'arbres fruitiers des tropiques.
M. Luciano Cordeiro, secrétaire perpétuel de la Société de géographie de
Lisbonne, a bien voulu nous communiquer un résumé des travaux de M. le migoi^
Henrique de Carvalho dans son expédition au pays du Mouata-Yamvo. Nous en
avons déjà donné les principaux résultats d'après M. Marcos Zagury, établi à
Malangé (p. 22-26). Le résumé de M. Cordeiro renferme de plus les détermina-
tions de latitude, longitude et altitude pour 15 localités principales, de Malangé à
Moussoumba, le point de départ et le point extrême atteint par l'expédition.
Le gouverneur du Congo portugais s'est vu forcé de bloquer Quissembo, au
nord d'Ambriz, sur la côte occidentale d'Afrique, les indigènes, excités par des
étrangers, refusant de se soumettre aux autorités portugaises.
L'expédition des ingénieurs chargés des études du chemin de fer du Congo a été
contrariée par les pluies. Le capitaine Cambier écrivait, le 8 mai, de Banza-Man-
teka, que sa marche était ralentie, les rivières étant très fortes. En plusieurs en-
droits on avait de l'eau jusqu'aux épaules. Partout la végétation était exubérante
et il ne fallait pas songer à passer là où il n'y avait pas de sentier tracé. Malgré
cela la santé de tous était excellente.
La section française de l'Association internationale africaine a résolu d'organi-
ser une expédition destinée à aller au secours de Stanley et d'Émin-pacha. Les
fonds nécessaires ont été immédiatement souscrits, et il a été décidé de confier le
commandement de l'expédition à l'explorateur Charles Soller, qui, à diverses
reprises a été chargé d'importantes missions dans l'Afrique occidentale, particu-
lièrement au Maroc, au Sous et au Sahara.
— 241 —
I>eax postes ont été établis sur la rire française du bas Oubangi : le premier,
pràs du yillage de Bouassa-Ouatsaka, par ViSf lat nord; le second, au confluent
de la rÎTière près du vUlage d'Lranga. M. Dolizie a fait, à bord du BaUay, une
reconnaissance de POubangi en ayal des rapides de Zongo.
Le nouveau journal AfrikchPost, organe des intérêts allemands en Afrique, an-
nonce que M. l'ingénieur Schran, secrétaire impérial du gouvernement à Came-
roun, a ramené avec lui en Westphalie six jeunes Africains, dont quatre doivent
derenir artisans, un cinquième sera placé chez un forestier, le sixième, fils du roi
d'Aqua, se vouera à l'étude de la langue allemande. Le gouverneur de Cameroun
espère que ce dernier pourra plus tard lui servir d'interprète. Le séjour de ces
jeunes gens en Allemagne sera de trois ans.
Sir Samuel Rowe, gouverneur de Sierra Leone, s'est rendu à Monrovia pour
travailler à la fixation des frontières entre l'État de Libéria et la colonie anglaise.
LES SAUTERELLES EN ALGÉRIE
Dans notre dernier numéro (p, 193), nous signalions la nouvelle inva-
sion de sauterelles dont souffrait la province de Constantine, en même
temps que nous indiqi^ions le procédé qui paraissait le meilleur pour en
atténuer les effets. Dès lors le fléau a pris de telles proportions que
malgré des efforts héroïques de la part des indigènes et des colons, il a
ravagé des centaines de milliers d'hectares des terrains les plus fertiles,
obUgé les propriétaires de troupeaux à se défaire coûte que coûte de
leurs bestiaux, causé des pei'tes pour plus de quarante millions de francs,
et réduit à la misère des multitudes d'indigènes, menacés de périr de
faim si TÉtat et les particuliers ne leur viennent en aide.
Un tel désastre, qui peut arrêter pour un certain temps le développe-
ment de la colonie dans sa partie orientale, nous fait un devoir d'entrer
dans quelques détails sur Tinsecte qui peut causer de semblables rava-
ges, sur la marche du fléau, les moyens employés pour le combattre, et
ceux que l'expérience peut suggérer pour en prévenir le retour. Indé-
pendamment des renseignements que nous ont fournis V Indépendant de
Constantine et le Moniteur de V Algérie, nous avons fait d'abondants
emprunts au mémoire adressé à M. le gouverneur général de l'Algérie
-par M. Hûnckel d'Herculais, président de la Société entomologique de
France, sur les Acridiens et leurs htvasions en Algérie, ainsi qu'à un
article de M. Victor Laporte, sur les Criquets, publié dans le n' du
15 juillet du Monde de la Science et de V Industrie.
Déjà au Congrès de l'Association française pour l'avancement des
*7-
— 242 —
sciences réuni cette année-ci à Oran, M. Httnckel d'Herculais ayait
résumé, dans une conférence, Thistoire naturelle des Acridiens (saute-
relles), principalement celle des espèces migratrices, en insistant sur la
nature et l'importance des dégâts qu'elles commettent, ainsi que sur les
moyens d'arrêter ou de combattre leurs invasions. Dans son mémoire
au gouverneur général de l'Algérie, il a profité des découvertes faites
par les Américains, les Russes et les Anglais sur les foyers permanents
de multiplication des sauterelles, et s'est efforcé de bien déterminer l'es-
pèce ou les espèces dont la puUulation effrayante menace de ruine,
depuis 1885, la province de Constantine. U a réussi à établir queTespèce
ou les espèces dévastatrices des invasions de 1886, 1886, 1887 et 1888
n'étai^t nullement VAcridium peregrimim comme on le croyait géné-
ralement, mais qu'une tout autre espèce, appartenant à un genre diffé-
rent, le Stauronotiis maroccanus, se trouvait dans les bandes envahis-
santes, et que le Caloptenus italiens forme aussi des colonnes d'inva-
sion.
Ces espèces diffèrent non seulement par des caractères zoologiques
bien tranchés, mais encore par des particularités biolc^ques qui, à elles
seules, suffiraient à les distinguer. UAcridiun} peregrinnm est de
grande taille — 46 à 55 millimètres chez les mftles, 57 à 60 millimètres
chez les femelles ; il est de couleur jaune citron ou rose mai^ué de
fauve. Le Stauronotiis maroccanus est de taille moitié moindre — 17 à
28 millimètres chez les mftles, 20 à 33 chez les femelles ; il est de couleur
rousse testacée, relevée de taches fauves. Le Cahptmxi^ italiens est
aussi de taille moyenne — 15 à 22 millimètres chez les mâles, 23 à 34
chez les femelles ; il est brunâtre ou gi-isâtre ; les élytres transparentes
sont couvertes dans toute leur étendue de taches obscures et inégales;
les ailes sont transparentes à disque rose tendre.
Les vols de VA, peregrimim arrivent dès le printemps (avril et mai) ;
les terrains propices trouvés, chacun n'a qu'un souci, c'est de perpétuer
sa race; les femelles, obéissant à leur instinct maternel, enfoncent leur
abdomen de 6 à 8 centimètres dans le sol et y cachent leur progéniture;
leur rôle accompli, pères et mères meurent de ci de là, misérablement.
Les jeunes éclosent le mois suivant, vingt jours après la ponte.
Les vols du .9^. maroccanus et du C, italiens font leur apparition pé-
dant l'été, généralement en juin et en juillet. Les femelles fouillent le
sol de leur abdomen jusqu'à 3 et 4 centimètres et effectuent le dépèt de
leurs œufs. Les jeunes n'apparaissent qu'au printemps suivant, c'est-à-
dire neuf ou dix mois après la ponte.
i
— 243 —
Les coques ovigères sont de volume et d'aspect bien différents ; celles
de VA, peregrinum, de 3 à 4 centimètres de longueur renferment en
moyenne 80 à 90 œufs ; celles du 8t, maroccanus et du C italieus, de
\'lik2 c^timètres de longueur, contiennent de 30 à 40 œufis.
Les œufs sont pondus par coques de 30 à 100 agglutinés entre eux par
une sorte d'écume à laquelle se colle une foule de grains de sable. Ce
revêtement a le double résultat de protéger les œufs et de les dissimu-
ler à l'œil. Au sortir de Tœuf, les acridiens ne sont pas des marcheurs
intr^ides ; ils ne font guère plus de 150 mètres par jour, et même
quand ils sont âgés de quinze jours, ils ne dépassent pas un kilomètre.
Après cela ils deviennent des sauteurs émérites, et le saut aidant à leur
marche, on les voit parcourir une dizaine de kilomètres par jour. Ils
sont alors arrivés au troisième quart de \e\xr existence et font des bonds
de 60 centimètres sur 32 de hauteur. Plus ou moins attachés au sol jus-
que-là, ils deviennent ensuite des sauterelles proprement dites. Leurs
élytres robustes et leurs ailes forment une double paire de rames d'une
très grande sm-face, merveilleusement disposées pour fendre l'air. EU^
constituent de véritables armées se dénombrant par milliards d'indivi-
dus, ne volant qu'aux heures les plus chaudes de la journée, et s'abattant
pour passer la nuit à terre dès que le temps fraîchit. Elles repartent le
lendemain, et toujours ainsi jusqu'à ce qu'elles aient trouvé un terrain
favorable à l'accouplement et à la ponte. Leurs colonnes s'étendent
souvent sur 50 kilomètres et peuvent renfermer plus de cinquante mil-
liards d'individus.
Parti pour Touggourt avec une caravane formée de quelques membres
de l'AssodatioD pour l'avancement des sciences, M. Httnckel d'Hercu-
lais chercha à découvrir des Acridiens migrateurs, soit pendant la tra-
versée du Sahara, soit dans des excursions aux oasis, mais nulle part il
ne put en capturer ni en faire capturer un seul. Personne n'en avait vu
de Biskra à Touggourt, ni en 1887 ni dans les années précédentes. Il
traversa l'Aurès, de Biskra à Batna, par la vallée de l'Oued-Abdi, mais
sans pouvoir y rencontrer des colonnes envahissantes. A son arrivée
dans les régions envahies, l'examen des terrains ou s'étaient effectuées
les pontes, lui permit de constater qu'ils étaient tous placés dans des
situations identiques, au pied du sonunet des montagnes, sur des points
en apparence dénudés, mais en réalité revêtus de quelques plantes clair^
semées. Sur les territoires de Batna, de Mlila, de Msila, etc., il vit les
jeunes descendre des montagnes en colonnes serrées. Dans les plaines
environnant Sétif, les sauterelles avaient choisi comme lieu de ponte
les terrains les plus secs, émergeant des cultures comme des îlots.
— 244 —
Une fois édos , leur débordement peut causer des dérastatioiis
ofl^yantes ; des milliers d'hectares recouverts de blé et d'autres céréa-
les, peuvent être en quelques jours transformés en de véritables déserts
par la horde envahissante de ces insectes. Les criquets Btmi de terribles
rongeurs ; presque aucune substance v^étale ne résiste à Tattaque de
leurs puissantes mâchoires ; ils se nourrissent non seulement des herbes
tendres qu'ils dévorent jusqu'à la racine, mais consommât aussi les
feuilles des arbres ; on les a vus ravager des champs de luzerne et de
colza, des potagers, des vergers, des vignobles, des plantations de
figuiers, d'oliviers, de citronniers. Us n'^)argnent point les graines
sèches, vont ravir dans les silos les provisions qui y sont conservées,
pénètrent dans les magasins pour y dévaliser des sacs de grains, et se
rabattent même à l'occasion sur les tissus des vêtements qu'ils trouvent
à l'intérieur des habitations.
La lettre suivante d'un témoin oculaire peut donner une idée de ce
terrible fléau. « Je viens de faire une visite aux environs de Sétif. Vous
dire ce que j'ai vu est impossible. Partout la dévastation et la ruine.
Pendant quatre heures, au trot de mon cheval, j'ai foulé des couches
épaisses de sauterelles et traversé d'immenses espaces entièrement rasés;
rien qu'im sol nu et crevassé. Et c'est partout comme cela. Dans le seul
arrondissement de Sétif, la région la plus éprouvée, cent mille hectares
de belles récoltes, d'une .valeur de plus de dix millions de francs, sont
entièrement détruits. Il ne reste pas un seul grain à mettre en terre
l'hiver prochain. Le fléau était prévu, des mesures énergiques avaient
été prises pour le combattre : cinquante mille hommes mimis d'appa-
reils admirables comme engins de destruction y ont travaillé pendant
deux mois ; ils ont fait un épouvantable massacre de sauterelles ; trois
cent mille doubles décalitres d'insectes jonchent le sol. Vains efi^orts;
inutile carnage ; devant une formidable poussée venue du sud, on a dû
céder, s'avouer débordé et vaincu. Des colonnes de cinquante kilomètres
de profondeur sur huit à dix kilomètres de front s'avancent à raison de
dix kilomètres par jour; elles rencontrent les appareils, les contournent
ou les franchissent, se refoiment une fois l'obstacle passé, et se pré-
cipitent en torrents dans les riches vallées du nord. Là oti elles passent,
et elles ont passé partout, il ne reste rien ; malheureusement la saute-
relle a pris ses ailes; elle s'élève parfois dans les airs comme pour pren-
di*e son vol ; on espère qu'un bon vent du sud la poussera jusqu'à la
mer ; vain espoir ; elle retombe sur le sol tant qu'elle y voit un brin de
verdure. »
^
— 245 —
En effet la d^astation a été complète, depuis Batna jusqu^à El-Guer*
nh, et depuis Sétif jusqu'à Bordj-bou-Areridj, dans la région de Souk-
Ahras et sur plusieurs autres points, toutes les cultures ont été anéan-
ties V Le bétail ne trouvant plus de nourriture a dû être vendu
eoûte que coûte. Des tribus entières souffrent de la faim; sur la
route de Sétif à Constantine, on voit des indigènes fouiller la terre
pour y trouver quelques racines. Des milliers de familles arabes,
habituées à vivre au jour le jour, marchent à une mort certaine si le
secours ne leur est porté. Deux mois, trois mois encore, ces infortunés
saccomberont sous la tente, dans les champs ; ils viendront mourir dans
les villes y apportant avec eux, comme c'a été le cas en 1867, le typhus,
compagnon inséparable des longues privations et des dures misères.
Ceux qui se souviennent de cette année terrible, qui dans les annales
de la colonie porte le nom d'année de la faim, revoient déjà en esprit
les invasions d'honmies hftves, épuisés par la longue torture de la faim,
tombant le long des routes, couchés dans les rues ou sur les places
pubhques.
Des appels chaleureux ont été adressés à tous ceux qui, en France et
à l'étranger peuvent compatir aux souffrances qu'entraîne un aussi ter-
rible fléau. Les autorités provinciales et municipales de la colonie les
premières, celles de la mère patrie ensuite ont voté des secours pour
répondre aux besoins les plus pressants. H s'agit de faire vivre pendant
des mois des milliers de victimes et de leur fournir les semences néces-
saires pour préparer la future récolte.
En même temps, il y a lieu de faire tout ce qui est au pouvoir de
l'homme pour empêcher le retour d'un pareil désastre, c'est-à-dire
qu'il faut s'attaquer aux œufe de criquets, car ce n'est que par la des-
truction de ceux-ci que les invasions pourront être conjurées. Sans
doute, comme le fait remarquer M. Hûnckel d'Herculais, la recherche
des œu& est très fatigante, elle exige beaucoup de temps, nécessite
l'emploi d'une main d'œuvre considérable, et elle entraîne par làrmême .
une dépense importante. En 1886, la récolte des œufs en Algérie, prati-
quée du 25 mars au 11 avril sur 25,000 hectares, a permis d'en détruire
6840 doubles décalitres ; 6506 hectares ont été débarrassés à peu près
complètement, mais le travail a exigé 156,380 journées de prestataires
travaillant par exception gratuitement. U y a lieu d'engager les indigè-
' Aux deroières nouvelles, le désastre menaçait de s'étendre au département
d'Alger, les colonnes de sauterelles étant portées par le vent du côté de l'Ouest.
— 246 —
nés à chercher et à signaler les lieux de pontes. Lorsque des pontes ont
été déposées dans des terrains de culture, notamment dans ceux qfà
sont laissés en jachère^ comme M. Htlnckel d'Herculais en a vu dans les
environs de Sétif, le labourage et le hersage pratiqués à Tarrière^-
son sont profitables ; ils ramènent les coques ovigères à la surface du sol
et fadUtent Tintervention des oiseaux, qui donnent alors libéralement
le plus utile concours. D'après M. Byf, directeur de la Compagme
genevoise à Sétif, les alouettes et les étoumeaux, réunis en bandes
immenses, parcouraient les champs labourés ou hersés ; trouvant facile
pro vende, ils faisaient une énorme consommation d'œuCs; il estime que
les oiseaux ont détiniit la moitié des coques ovigères pondues dans ces
localités. M. H. Duveyrier conseille d'acclimater en Algérie un certain
nombre d'oiseaux échassiers appartenant à l'espèce appelée loeust hiri,
qui est très friande de sauterelles. A l'exemple de plusieurs Etats de
l'Amérique du Nord et de l'Europe, des arrêtés empêchant la destruc-
tion défi oiseaux insectivores devraient être pris, à la condition, bien
entendu, qu'on en assure l'application. Quant aux procédés de destruc-
tion des insectes eux-mêmes, M. Httnckel d'Herculais préconise surtout
ceux que les Anglais ont employés dans l'tle de Chypre, et qui leur ont
permis de débarrasser l'tle du fléau destructeur qui la ravageait.
En 1883, 195,000,000 d'acridiens furent détruits, en 1884, 56,000,000,
et les récoltes des Cypriotes furent sauvées ; aussi renoncèrent-ils à
abandonner leur sol natal comme ils en avaient d'abord eu l'idée. La
première année de l'occupation, les Anglais avaient eu à se préoccuper
des acridiens qui menaçaient de dévaster l'tle entière, et ils avaient eu
recours au ramassage des œufs pratiqué auparavant par l'administra-
tion ottomane. Mais la population acridienne s'accroissant, malgré cela,
au point de devenir inquiétante, ils prirent la résolution d'attaquer le
fléau avec plus de méthode et plus de vigueur. Ils chai*gèrent un ingé-
nieur, M. Brown, d'organiser le service de défense et de destruction. Ce
fut lui qui fit confectionner et répartir sur les points menacés les appa-
reils employés cette année-ci par la Compagnie genevoise de Sétif, et
dont nous avons donné la description dans notre dernier numéro (p. 193-
194). A un moment donné, le service de défense dont il avait la direc-
tion put disposer de 11,000 appareils couvrant de toile un espace de 75
à 100 kilomètres. Le personnel était organisé militairement : un chef
ouvrier dirigeait 15 à 20 hommes chargés de la pose et de la manœuvre
de 30 appareils; un surveillant à pied avait sous ses ordres quatre
e^scouades ; un inspecteur à cheval conduisait les opérations d'un certain
nombre d'escouades ; il était accompagné d'un agent comptable chargé
— 247 —
d'inscrire le nombre des hommes présents sur les chantiers et d*eilec-
tuer le paiement des journées à époque fixe ; un directeur était, en
outre, chargé du contrôle de quatre inspecteurs* La dépense totale qu'a
exigé remploi des appareils pendaat une période de six années, de 1882
à 1887, s'est élevée à 1,411,651 francs, mais cette somme paraîtra faible
si Ton songe qu'elle a sauvé totalement, depuis 1884, les récoltes de
nie de Chypre, estimées annuellement à plus de deux millions de
francs pour les seules cultures du froment, de l'orge et du coton.
Aux recommandations sur l'emploi des procédés susmentionnés,
M. Hûnckel d'Herculais en ajoute d'autres relatives à la prévisipn des
invasions, qui nous paraissent devoir être également utiles. Pour assu-
rer la bonne répartition des appareils de destruction, les Anglais avaient
organisé à Chypre un service d'émissaires, chargés de reconnaître les
cantonnements où les insectes avaient déposé leurs œufs. H est, en effet,
d'une importance capitale de relever avec le plus grand soin les points
où s'efiféctuent et où se sont effectuées les pontes. A cet effet, M. Hûno
kel d'Herculais recommande de dresser des cartes précises, dites de
prévision. U ne suffit pas, dit-il, de mentionner grosso modo les territoir
res sur lesquels on a signalé l'apparition de bandes d'acridiens ailés ou
la naissance de jeunes criquets, et de marquer sur des cartes les com-
munes contaminées. D est indispensable de faire, sur des cartes orogra-
phiques, où les reliefs du sol soient indiqués par des courbes de niveau,
le pointage de tous les gisements d'œufs, de tous les endroits où l'on
aura vu des groupes de femelles en déposer, et où l'on aura reconnu la
présence de coques ovigëres. D'après des cartes ainsi dressées, on saura
avec certitude quels seront les points de départ des colonnes envahis-
santes et on aura la possibilité de localiser sur des territoires parfaite-
ment délimités les engins de destruction. Mais pour rendre tous les
services qu'on peut en attendre, les relevés orographiques devront être
accompagnés d'un commentaire indiquant, avec une précision géologi-
que aussi parfaite que possible, la nature du sol dans lequel on a trouvé
les coques ovigères, et donnant approximativement la superficie des ter-
rains de ponte, pour que l'on puisse évaluer l'importance que pourront
avoir les colonnes lors de l'éclosion. La carte de prévision donnera au
gouvernement de l'Algérie le moyen de connaître par avance si la colo-
nie est oui ou non sous la menace d'une invasion, d'apprécier l'impor-
tance probable de l'invasion, de préparer les moyens de destruction et
de prescrire les mesures nécessaires '.
' Le gouvernement vient d'envoyer en Algérie M. Hùnckel d'Herculais, avec
— 248 —
pplication des moyena préventifs et des procédés de destruc-
e édielle suffisamment vast«, i^tenir h. l'Algérie, si cruelle-
rée ces dernières années, des résultats analogues à ceux de
[>re, où la défense est aujourd'hui réduite il une simple sur^
ur empêcher la reproduction des sauterelles, et ne réclame
somme annuelle de 80,000 francs. II serait difficile de trou-
précieux encouragement.
LES PRISONNIERS DU MAHDI
illes positives de la situation des Européens retenus prison-
rtoum sont enfin parvenues au Caire au mois de mai ; le
js a communiquées aux Mittheilnngen de Gotha et k la
ilonial Zeitung. Nous leur empruntons les détails suivants,
38-un8 ont déjà été reproduits par la presse française,
sagers sont arrivés l'un après l'autre de Khartoum au
irs de petits billets de Slatin-bey, du missionnaire autri-
ier, et de la veuve d'un ancien fonctionnaire égyptien, ren-
chèques sur le gouvernement égyptien et la mission catho-
» sommes reçues des messagers par les tireurs. Le paiement
ir-le-champ, les lettres d'Urwalder et de Slatin-bey étant
lien et eu allemand, et l'écriture du tireur étant c<»uiue. Il
eurs de la lettre d'Urwalder, ainsi que des rapports ver-
isagers, que le sort des Européens à Khartoum est affreux,
innaires et les sœurs sont dans tme position relativement
ible, car ils sont libres et peuvent gagner leur vie en tra-
plupart font cuire à l'huile des fèves, qu'ils offrent à bas
)ie publique dans le voisinage de la maison du mahdi. Oa
i pas beaucoup d'eux, parce qu'ils sont faibles et surtout
Quant & Lupton-bey, il faut qu'il travaille à l'arsenal
nple Arabe, et qu'il exécute les travaux les plus vils et les
, qu'il porte des fardeaux, qu'il lamine, travaille k la pelle,
ariots, balaye, etc., et tout cela sans vêtements ni chaua-
: simple caleçon arabe et le bonnet de feutre. Depuis quel-
er sar les lieux mêmes les causes oaturelles des invasioiia et les
eilleura pour les combattre. Impossible, nous semble-t-il, de faire
— 249 —
que temps son sort s'est un peu amélioré, en ce sens qu'il a été employé
à la monnaie. L'argent européen et égyptien n'a pas cours ; le mahdi
fiait battre sa propre monnaie. Slatin-bey doit servir de courrier au
mahdi, Sald Khalifa. Il lui faut courir devant le cheval du mahdi pour
lui tenir l'étrier lorsqu'il monte ou qu'il descend, et cela nu-pieds, ne
portant pour tout vêtement qu'un court caleçon et un morceau d'étoffe
verte autour des épaules, et pour arme une lance et un petit drapeau.
£n toute occasion il a à supporter des insultes de la part du mahdi, qui
pense imposer à son entourage en obligeant un chrétien, un ex-gouver-
neur et pacha à lui tenir l'étrier, à lui mahdi et prophète. Neufeld est
dans les fers ; deux fois déjà on l'a conduit enchaîné à la potence, on lui
a passé une corde autour du cou, puis, par infamie ou pour l'effrayer et
lui extorquer quelque chose, on l'a un peu soulevé au-dessus du sol, et
on l'a laissé suspendu quelques secondes se débattant contre la mort.
Après quoi on le redescendait au milieu de cris, de ricanements, et
en le menaçant de recommencer souvent ce traitement, on le recondui-
sait enchaîné en prison. L'ancien sous-officier prussien Klotz, domes-
tique de Seckendorf mort il y a environ une année, eut à souffrir la
même torture. Les Grecs, les Syriens, les Coptes et les Égyptiens de-
meurés à Khartoum sont dans des conditions extrêmement tristes et
doivent se soumettre aux travaux les plus intimes.
La misère et le manque d'argent, d'habits et de nourriture régnent à
Khailoum; en outre la discorde et les disputes ont éclaté entre les
partisans du mahdi et les adhérents d'autres grands personnages. Un
chef s'est mis en révolte ouverte, puis il s'est de nouveau soumis après
avoir reconnu, alors que les deux troupes étaient déjà en présence, que
l'armée du mahdi était beaucoup plus forte et mieux armée que ses
gens. Après de courts pourparlers, la paix fut conclue, mais au bout de
peu de joiu^ le chef susmentionné fut surpris pendant la nuit et pendu.
Au reste la pendaison et le meurtre sont à l'ordre du jour à Khai-toum.
Tout homme qui fume, fait du commerce, ne livre pas son argent, serre
ou cache du blé, est condamné à être pendu. De pareils procédés aug-
mentent naturellement le mécontentement général.
L'un des messagei-s disait que si 500 hommes bien armés, de troupes
turques ou égyptiennes, sans Anglais, s'avançaient de Wadi-Halfa vers
la frontière ennemie, et prouvaient que la guerre faite au mahdi sera
poursuivie sérieusement, ils verraient dès le premier jour se grouper
autour d'eux 300 rebelles, le second jour 1000, au bout de quelques
jours et à mesure qu'ils pénétreraient en Nubie des tribus et des peu-
• n '^
- 250 —
plades entières ; à leur arrivée à Khartoum ils auraient avec eux une
armée de 10,000 hommes. Dans la ville même, h Texception du mahdi
et de quelques centaines de fanatiques, tous se rendraient à eux sans
coup férir. U y a une année déjà, Abd-el-Kader pacha, gouverneur
général du Soudan, du mois de mai 1882 au mois de mars 1883, a offert
d'entreprendre de reconquérir le Soudan avec 5000 hommes de troupes
égyptiennes et moyennant 20,000 liv. sterl., en promettant de faire son
entrée à Khartoum au bout de trois mois ; poui* des raisons politiques,
son offre fut déclinée et passée sous silence.
On ne peut rien faire au Soudan avec de l'argent, c'est-à-dire qu'on
n'accepte pas de rançon. Quiconque voudrait se rendre à Khartoum,
avec de l'argent ou des marchandises, qu'il fût chrétien ou musulman,
ami ou ennemi, se verrait dépouillé de tout, avant même d'y être arrivé,
par les tribus du pays intermédiaire, appauvries par le terrorisme des
mahdistes et dénuées de tout. U serait de même absolument inutile de
vouloir seulement nouer des négociations pour la libération des prison-
niers. Le mahdi y donnât-il son consentement, le grand conseil qui
l'entoure refuserait sa ratification. L'année passée, d'après ce qu'a dit
Slatin au messager, le mahdi n'aurait pas été loin d'accepter, la propo-
sition d'un cheik de Berber de renouer des relations commerciales avec
l'Egypte, mais le grand conseil la repoussa avec horreur.
On ne peut plus aujourd'hui douter de la vérité de ces communica-
tions. Le gouvernement égyptien et le chargé d'affaires anglais ont payé
sans délai les chèques qui leur étaient présentés. Le premier messager,
qui a passé plusieurs semaines au Caire, a pu se remettre en route pour
Berber le 5 juin; outre une récompense personnelle considérable, il a
reçu pour les prisonniers de fortes sommes, pour le montant desquelles
il aura acheté à Berber des marchandises qu'il devait conduire à Khar-
toum, déguisé en derviche, et dont la vente lui permettra de livi-er la
somme reçue au Caire. Il est en outre porteur pour Slatin, Lupton et
les missionnaires, de petits billets dont chacun n'est pas grand comme
quatre timbres-poste ; il les a cousus dans ses vêtements.
Les tentatives pour procurer la délivrance des prisonniers n'ont pas
manqué; elles provenaient de particuliers; la mission catholique surtout
n'a pas cessé de s'y employer. Elle a même fait appel à l'intervention
du sultan de Constantinople et du grand chérif de la Mecque, toutefois
sans succès; le mahdi se tenant pour le vi'ai prophète et s'estimant par
conséquent supérieur au sultan et au chérif ne céderait rien aux deman-
des de ces derniers. Leur intervention n'aurait pour effet qu'une aggra-
vation dans le traitement des prisonniers.
— 251 —
Une nouvelle expédition militaire qui ne pourrait rester ignorée des
maîtres actuels de Khartoum, pourrait avoir des conséquences encore
plus graves pour les captifs. En cas de succès, c'est-à-dire si l'expédi-
tion réussissait à atteindre Khartoum, ils tomberaient comme victimes
pour la reprise du Soudan. Le fanatisme des mahdistes ne consentirait
pas à libérer les prisonniers, même pour obtenir un adoucissement aux
conditions des vainqueurs. Junker estime que la libération des captifs
doit en tout cas précéder toute tentative de reconquérir le Soudan.
Sans doute cette libération n'est pas facile ; il y a à surmonter des
difficultés que celui-là seul peut comprendre qui connaît à fond les con-
ditions du Soudan. Mais on n'a pas encore épuisé tous les moyens d'ob-
tenir cette délivrance par des voies pacifiques. On ne peut pas discuter
publiquement ces moyens; le mahdi, qui par ses partisans et ses espions
au Caire est informé de tout, ne manquerait pas d'en profiter pour faire
échouer les négociations. Mais si le gouvernement égyptien, ou pour
parler plus exactement l'autorité britannique dont les ordres font loi en
Egypte, veut sérieusement délivrer de leur triste situation, Slatin,
Lupton et les autres victimes innocentes de la politique anglaise, il ne
sera pas difficile de s'entendre sur les voles et moyens avec ceux qui
connaissent le Soudan.
Junker estime que c'est pour toute l'Europe, et en premier lieu, pour
l'Angleterre, un déshonneur que l'état actuel du Soudan soit toléré ;
qu'un pays qui depuis trente ans était ouvert au commerce et à une cer-
taine civilisation, soit abandonné sans motif et livré à la barbarie, tandis
qu'avec de la bonne volonté, il serait facile de reconquérir tout le pays
et de délivrer d'une honteuse captivité une quantité d'Européens.
Lupton est Anglais, Neufeld Allemand, Slatin Autrichien, les trois mis-
sionnaires et les quatre sœurs sont Autrichiens et Italiens ; il y a en
outre plusieurs Grecs à Khartoum ; plusieurs États européens civilisés
sont donc représentés parmi les prisonniers du mahdi, et cependant pas
un doigt ne se lève pour les libérer. D y a vingt ans, l'Angleterre a envoyé
une expédition sous les ordres de Napier pour délivrer des Européens
captifs du roi Théodoros d'Abyssinie; aujourd'hui des Européens lan-
guissent depuis cinq ou six ans prisonniers d'un ennemi fanatique, et
c'est l'Angleterre qui a sacrifié Gordon, imposé à l'Egypte l'abandon
du Soudan et par là même empêché la délivrance des prisonniers.
— 252 —
BIBLIOGRAPHIE '
Camille Coquïlhat. Sue le Haut-Congo. Paris (J. Lebègue et C'*),
1888, in-S**, 535 p., illust. et cartes, fr. 7,50, — C'est un ouvrage du même
genre que La vie en Afrique de Gérome Becker, qu'a écrit M. Coquïl-
hat. M. Becker a décrit l'Afrique orientale, les soucis et les joies du
pionnier-colon sur les bords du Tanganyika, tandis que M, Coquilhat
nous parle de l'Afrique occidentale et de la fondation des stations sur le
Congo. Les deux ouvrages, en se complétant, permettent de se rendre
compte de la situation de l'Européen au milieu des nègres de l'Afrique
équatoriale, en même temps qu'ils fournissent des éléments de compa-
raison entre les deux régions est et ouest, au point de vue de leur confi-
guration, de leurs ressources et de leur population.
Plusieurs des événements que cite M. Coquilhat ont déjà été décrits
dans le livre de M. Stanley : Cinq années au Congo, car les deux
voyageurs se trouvaient en même temps sur le fleuve. Toutefois les deux
ouvrages ne font pas double emploi, car ils ne sont pas écrits au même
point de vue. La situation des auteurs n'était pas la même ; de là une
certaine diflérence dans leurs impressions et leurs jugements. Stanley
commandait en chef; il allait et venait sur le fleuve, s'occupant peu des
stations oU tout marchait bien, et se portant sur les points oîi l'occupa-
tion rencontrait des difficultés. Aussi a-t-il eu surtout pour but de
décrire l'ensemble de l'œuvre en laissant de côté les détails. M. Coquil-
hat ne traite que dans un petit nombre de pages l'historique de la fon-
dation et la situation de l'État Indépendant du Congo. Son objectif est
plutôt de montrer comment se sont fondées et élevées les stations de
l'État sur le cours moyen et supérieur du fleuve. Il raconte par le menu
les tractations avec les indigènes, les travaux du pionnier africain, ses
ennuis et ses joies ; en outre, il décrit l'état actuel des nègres. Ainsi
son œuvre complète celle de Stanley, en développant un côté de
l'important sujet traité par l'illustre explorateur.
Les premiei's chapitres du livre de M. Coquilhat renseignent le lec-
teur sur les causes qui ont amené le voyageur en Afrique et sur ses pre-
mières pérégiinations dans la région située immédiatement au-dessus
de Stanley-Pool. Ensuite vient la partie essentielle de la relation; elle
rend compte des impressions personnelles ressenties lors de la création
' On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à B&le, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 253 —
des stations fondées à TÉquateur et chez les Ba-Ngala. C'est surtout là
qu'il est intéressant de suivre l'auteur dans la description qu'il fait
du pays qu'il a visité et des gens qui l'habitent. Passé maître dans
la manière de nouer des relations amicales avec les indigènes, tout en
gardant le prestige dont l'Européen ne doit jamais se départir, il fait
un tableau saisissant de ces tribus barbares, anthropophages, complète-
ment démoralisées par de longs siècles d'ignorance et de misère, et qui,
malgré leur instinct guerrier, accueillent favorablement l'hcmime blanc
qui lem' apporte des paroles de paix. La vie de ces chefs de station,
isolés au milieu des sauvages, s^arés des établissements voisins par des
ceutaipes de lieueà, dépasse en extraordinaire tout ce qu'ont pu inventer
les Daniel de Foë, les Mayne-Reid et les Jules Verne. Ce n'est pas par
la force qu'ils dominent, car ils n'ont avec eux qu'un petit nombre de
Haoussa ou de Zanzibarites, et pourraient être écrasés si les noirs les
attaquaient en masse; c'est seulement par l'ascendant moral qu'ils
exercent autour d'eux. On les craint, on les respecte. Quand M. Coquil-
hat quitta la station des Ba-Ngala, les indigènes vinrent échanger avec
lui une amicale poignée de mains et le vieux chef Mata-Buiké l'embrassa
avec larmes, en lui disant : a Revenez bientôt, car je suis vieux et je
veux vous revoir avant de mourir. »
Mata-Buiké revit le voyageur. Après s'être reposé en Belgique de son
séjour de trois ans sur les bords du grand fleuve, M. Coquilhat retourna
au Congo mais n'y séjourna pas longtemps ; il tomba sérieusement
malade et dut bientôt regagner l'Europe. C'est pendant ce second
voyage que se passèrent les événements dont la conséquence fut l'aban-
don du poste des Stanley-Falls pai* les agents de l'État Indépendant.
L'auteur a été mêlé de près à ces événements auxquels il consacre la
troisième partie de son ouvrage. Les renseignements qu'il donne, pour
la plupart encore inédits, éclairent d'un jour nouveau l'histoire de la
fondation de l'État. L'attaque de la station par les Arabes, la fuite de
M. Deane le chef du poste, la mort de son compagnon Dubois, la
marche de l'expédition de secours conduite par M. Coquilhat, forment
autant de scènes dramatiques, que l'auteur décrit avec clarté, et en
entremêlant son récit de détails qui le rendent vivant et instructif à la
fois. C'est un roman véritable, mais un roman vécu.
Dans les dernières pages intitulées : Conclusion, l'auteur expose fran-
chement son opinion sxir l'avenir de l'œuvre du Congo. Des cartes et
des gravures enrichissent cet ouvrage qui se recommande au public au
même titre que les meilleurs récits de voyages.
— 254 —
Compte rendu sommaire de la conférence donnée par M. Ed.
Dupont sur les résultats de ses expu^ations €iÉOLoai(^u£s ad
Congo. Extrait du Bulletin de la Société bdge de géologie et de paléon-^
tologie. Bruxelles (PoUeunis, Ceuterick et Lefébure), 1888, itt-8*, 28 p.
— M. Dupont, rémineut sayant belge, a fait au Congo un Yoyagequi lui
a permis d'étudier, au point de vue géologique, le cours inférieur et une
partie du cours moyen du fleuve, en particulier la région comprise entre
le Stanley-Pool et la mer. La relation de son voyage et l'exposé des
résultats obtenus n'ont pas encore été publiés, mais le voyageur a donné
le 4 mai*s dernier, à la Société belge de géologie, une conférence sur
ses travaux. Bien que le compte rendu que nous avons sous les yeux soit
succinct, on peut se faire ime idée de l'importance de cette exploration,
la première qui ait été faite, à ce point de vue, dans le bassin du Congo.
M. Dupont a montré que, dans l'Afrique équatoriale, la partie cen-
trale du continent forme des plaines hautes ou plateaux moins élevés
que les chaînes côtières qui les séparent de l'Océan. Pour arriver à la
mer, les fleuves doivent franchir la bordure montagneuse des côtes, de
sorte que dans leur cours supérieur et moyen, leur pente est faible et
leur régime normal, tandis que dans le cours inférieur, ils ont à descen-
dre les terrasses successives, en formant une chaîne de cataractes et de
rapides. De l'examen des terrains situés autour du Stanley-Pool et entre
ce point et la côte, M. Dupont déduit que jusqu'en des temps relative-
ment peu éloignés de l'époque moderne, vers l'époque quaterndre, le
grand Congo n'existait pas. A sa place, un petit fleuve de montagne
prenant sa source dans une gorge de la Sierra de Cristal coulait sur le
versant occidental seulement, tandis que, sur le plateau intérieur, les
eaux s'écoulaient vers la dépression que le Stanley-Pool figure encore
aujourd'hui ; là elles étaient arrêtées par la chaîne côtière. Peu à peu
les eaux s'accumulèrent, formant un lac immense qui en s'élevant
escalada les uns après les autres les contrefoi-ts de la montagne
jusqu'à ce que, profitant d'un col, elles franchirent la crête la pins
élevée et s'épanchèrent sur le versant occidental de la chaîne par un
torrent impétueux. La force même du courant élargit bientôt le pas-
sage et le transforma peu à peu eu une vallée à parois verticales,
s'approfondissant sans cesse sous le choc des cascades furieuses. Aujour-
d'hui encore, ce travail gigantesque se continue. A mesure que la vallée
se creusait plus profonde, le niveau du lac intérieur baissait ; toutefois,
il n'a pas encore disparu complètement, car le Stanley-Pool en est un
faible reste qui doit son existence au fait que les eaux du Congo ne
peuvent encore s'élancer d'un bond dans la gorge qu'il a creusée.
— 255 —
Sans doute la barrière de la Sierra de Cristal, par les obstacles
qu'elle a créés h la libre navigation, constitue un élément défavorable
au succès de Tœuvre africaine; toutefois n'oublions pas que sans cette
rangée montagneuse, le Congo n'existerait pas comme fleuve unique du
centi-e-ouest africain. Si le plateau intérieur s'abaissait en pente régu-
lière vers l'Océan Atlantique, les cours d'eau qui se jettent aiqourd'hm
dans le Congo seraient des fleuves isolés qui se rendraient chacun sépa-
rément à la mer, comme c'est le cas des fleuves d*Espagne et de
France. Au contraire, arrêtées par la chaîne côtière, les rivières du pla-
teau intérieur doivent s'unir en une artère unique qui traverse la chaîne
sur un seul point. C'est donc à cet obstacle que l'on doit de pouvoir
utiliser cet immense Congo et son réseau d'affluents aux mailles
innombrables, qui constituent, avec l'Amazone et le Mississipi, le plus
beau bassin fluvial qui soit au monde.
MrrxHEiLUNcœN von Fobschungsreisenden und GtELEHRTEK aus den
DEUTsoHEK ScHUTzoEBiETEN. Mit Bcuutzung amtUcher Quellen, heraus-
gegeben von D' Freiherr von Danckelmann. Berlin (A. Asher et G%
1888^ I Heft, in-8'', 30 p. Fr. 1,25. — Le savant secrétaire général de la
Société de géographie de Berlin, D' von Danckelmann, qui a fait il y a
quelques années un voyage au Congo, commence aujourd'hui une publia
cation dont l'utilité n'est pas contestable et qui sera certainement goû-
tée en Allemagne et à l'étranger. Il s'agit d'un bulletin qui renseignera
le public sur tous les faits intéressants relatifs aux territoires placés
sous le protectorat de l'Allemagne. Cette revue ne paraîtra pas à inter-
valles réguliers, mais chaque fois qu'un ensemble de nouvelles aura été
recueilli et pourra être porté à la connaissance du public. Chaque livrai-
son se paiera à part, à un prix qui variera suivant le nombi*e de pages
qu'elle comptera et les gravures, cartes ou plans qu'elle renfermera.
Toutes les questions seront traitées dans cette publication; elle contien-
dra des mémoires originaux, des récits d'exploration, des études sur
des sujets touchant à la géographie, l'administration, les productions,
le commerce et l'industrie des colonies allemandes, des nouvelles, des
communications de source officielle, etc. ; elle donnera tous les rensei-
gnements propres à éclairer, le colon, le négociant ou Tadministrateur,
en n'utilisant que des sources dans lesquelles on puisse avoir confiance.
Le nom du directeur de cette revue nous donne la certitude qu'il s'agit
d'une œuvre sérieuse, marquée au coin de la science et du bon sens.
Le premier fascicule nous apporte des nouvelles de deux expéditions
— 256 —
au Togoland, dirigées, l'une par M. von François, l'autre par le D' Wolf,
et d'une exploration du Cameroun par le Jy Zintgraff. La presque tota-
lité de la brochure est consacrée à l'expédition de M. Kund au pays de
Batanga, c'est-à-dire à l'est du Cameroun. Cette exploration prend une
réelle importance par l'étendue du territoire visité et le grand nombre
de données géographiques et ethnographiques recueillies. La zone tra-
versée par l'expédition, du mois d'octobre 1887 à la fin de février 1888,
s'étend à Test jusqu'à 12** 30' long, est, au nord jusqu'à 5** lat. nord, et
au sud jusqu'au fleuve Kampo. Cette région a été jusqu'ici laissée com-
plètement en blanc sur les cartes. M. Kund et ses compagnons ont pu
établir le régime hydrographique de la contrée et déterminer approxi-
mativement la zone de partage des eaux, entre le bassin du Cameroun
d'une part et les bassins du Benoué et du Congo d'autre part. Le pla-
teau intérieur a une hauteui* moyenne de 750 à 800" ; il est séparé de la
côte par une rangée de montagnes d'une altitude de 1000 à 1400". Eln
traversant cette chaîne, les cours d'eau font des chutes, puis ont un
cours à pente douce et font encore quelques cataractes avant d'entrer
dans la zone côtière proprement dite. L'expédition a rapporté d'utiles
indications sur la nature géologique de la région, sur les peuples qui
l'habitent, sur la ligne de démarcation entre les peuples soudanîens et
les Bantous, sur l'influence arabe dans cette partie de l'Afrique, autant
de sujets encore peu étudiés qui donnent un grand intérêt au récit.
Post-serlptam ma Bolletln mensaely p. 228.
A la dernière heure, Pauteur de Au ccsur de V Afrique, M. le D' Schweinfurth,
en ce moment à CrenèTe, après un rendez-vous qu^il a eu ici avec le D^ Junker,
nous dit admettre la possibilité de l'arrivée de Stanley à l'extrémité sud de
Fancienne province du Bahr-el-Ghazal. Son itinéraire, à partir des rapides de
l'Arououimi,à 100 kil. en amont de son confluent avec le Congo, suivait cette rivière
ou l'un de ses principaux affluents jusqu'à Sanga, endroit visité par Junker, pour
gagner de là Wadelaï directement, ou le sud du lac Albert. Toutefois, comme
l'accès de ce côté est fermé par de hautes montagnes, il serait possible que Stanley
eût préféré prendre une route plus au nord, se dirigeant par terre sur Wadelaï.
La nouvelle de l'arrivée du « pacha blanc > aurait pour origine l'apparition de
Stanley au pays des Mabode, d'où des routes de caravanes conduisent indirecte-
ment au Darfour à travers les pays Niams-Niams. Elle aurait été transmise par
l'intermédiaire des chefs indigènes et des agents arabes.
r
BULLETIN MENSUEL {3 septembre 1888']
La commission française nommée pour rechercher le
des sommée votéee pour venir en aide aux victimes d(
Algérie* a fait deux parts du crédit de 500.000 fr.
Cîumibres, et du fonds de 5.000.000 de francs à provenir
bons k Iota, opération concertée avec le Crédit foncier.
1.300.000 fr. servira à payer 80.000 journées aux mil
poQF travailler à la destruction des sauterelles, et 2.309.'
indigènes qui ont concouru à la niôme œuvre. Une i
1.200.000 fr. sera mise en réserve pour les mesures h
de la campagne prochaine : ramassage des œufs, ad
main-d'œuvre indigène. Sur les 2.990.000 fr. restai
sera affecté à l'achat de graines pour semences; le
swa distribué d'après les évaluations du service d<
êrectes. Dès la première quinzfdne de juillet, les eau
commencé k déposer leurs œufe en terre, et la ponte {
jusqu'à ta fin du mois. On n'a pas attendu qu'elle ffil
reconnaître et délimiter les surfaces oîi elle s'est prodi
les œufs et les détruire. La terre étant absolument nue,
de les découvrir et de les ramasser qu'il ne le sera c
lorsque les premières pluies d'automne auront fait repot
sans doute, on ne peut espérer détruire toutes les pon
d'ceufs pondus cette année étant énorme, mais n'en ran
moitié, ce résultat serait déjà satisfaisant et diminuer!
édosions de 1889 ; les appareils feraient le reste.
La Oontemporary Beview a publié, sur la découvert*
quantité de tablettes cunéiformes, à Tel-el-Araarna, d;
fiff^pte, un article, duquel il ressort que ces tablettes
ou dépêches adressées à Àménopbis m et IV, de la X'
parles rois ou gouverneurs de la Palestine, de la Syrie
lamie et de la Babylonie. Lorsque Aménophis IV eut
prêtres de cette ville, ces documents furent transportés
' Les matières comprises dans nos Bullttiiis mamiéts et dans
plmentaires y sont classées suivant un ordre géographique coi
l'Algérie, pois allant à l'Est, longeant ensuite la cAte orienta
rCTcoant par la côte occidentale.
L'iTRItJCE. — HKOVIÈMK ASKÉE. — N° 9.
— 258 —
nouvelle capitale avec le reste des archives royales. Us révèlent des rap-
ports politiques et littéraires entre l'Egypte et la Babylonie, bien avant
la date assignée par les égyptologues à l'exode des Israélites. Sous ce
rapport, cette révélation atteint les propoilions d'une véritable révolu-
tion historique et renverse toutes les notions actuellement admises sur
l'ancien Orient. Les scribes qui ont écrit en caractèi-es babyloniens tra-
hissent une connaissance approfondie de l'alphabet cunéiforme. É\i-
demment l'Asie occidentale possédait des écoles excellentes oii la litté-
rature babylonienne était cultivée avec soin. Ainsi s'expliqueraient le fait
qu'on trouvât dans le pays de Canaan les noms de divinités assyriennes,
et les curieuses analogies signalées dans les cosmologies de la Babylonie
et de la Phénicie. Un certain nombi'e de documents conservés dans le
pays de Canaan devaient être écrits sur l'argile et non point sur papy-
rus. On peut donc espérer que le jour oîi des villes comme Tyr et Kir-
jat-Sephêr, la Cité des livres, seront exhumées des profondeurs du sol,
on y trouvera des bibjiothèques analogues à celles de Ninive et de Baby-
lone. Nous sommes assurés maintenant qu'avant la sortie des Israélites
de l'Egypte, les habitants du pays de Canaan savaient lire, et qu'ils
écrivaient sur des briques.
L'état de gueiTe qui se prolonge entre l'Italie et l' A^byssinie ayant
engagé le général Napier de Magdala à demander, dans la séance du
3 août de la Chambre des Loi-ds, si une médiation entre les belligérants
était possible, a founii au marquis de Salisbury l'occasion de communi-
quer le texte du premier article de la convention conclue en 1884 avec
l'Abyssinie par les soins de l'amiral Hewett. Cet article est ainsi conçu:
« Aussitôt le traité signé il y aura libre transit, à travers Massaouah, de
toutes les marchandises, y compris les armes et les munitions, poui*
l'aller et le retour en Abyssinie, sous la protection anglaise. » Saïus
doute à ce.moment l'Angleterre comptait continuer à occuper Massaouah
pour le compte de l'Egypte. En laissant l'Italie installer ses troupes à
Massaouah, elle lui fit comprendre que les engagements pris par le gou-
vernement de la reine devaient être remplis. L'Italie s'en chargea, mais
n'en tint pas compte. Le gouvernement anglais désire prévenir un con-
flit plus sérieux, mais sa médiation ayant échoué une première fois, il ne
peut que chercher à saisir une occasion favorable pour faciliter le réta-
blissement de la paix entre l'Italie et l'Abyssinie.
M. Jaraesson, un des adjoints de Sta.nley, laissé à Yambouya avec
le major Barttelot, et qui s'était rendu à Nyangoué et à Kasongo rési-
dences de Tipo-ïipo, oii s'organisait la caravane destinée au transport
— 259 —
des 600 charges laissées par Stanley au camp de rArououimi, a, d'après
une dépêche de Zanzibar du 30 juillet, écrit de Kasongo, le 15 avril,
que le major Barttelot et lui-même se préparaient à quitter le camp de
Yambouya avec Tipo-Tipo et une caravane de 900 hommes. Il ressort
de cette dépêche que la situation de la région des Stauley-Falls a dû
s'amélioi-er beaucoup depuis le retour de Tipo-Tipo, et que celui-ci
reste fidèle aux engagements qu'il a contractés envers l'État indépen-
dant et envere Stanley. C'est par Zanzibar également qu'est arrivée à
M. M. Camperio, une lettre de Casati écrite de Giuaïa, résidence de
Kabréga, roi de l'Ou-Nyoro, du 5 décembre 1887. « Je ne crois pas que
Stanley arrive prochainement, » disait-il . a Aucune nouvelle, même vague,
ne nous est parvenue de l'ouest. Je suis convaincu qu'il ne peut être ici
avant le mois de mars prochain, à moins que la fortune n'ait singulière-
ment souri à sa marche. Caravane nombreuse, difficulté de ravitaille-
ment, pénurie de grains, maladies, etc. , ce sont là des éléments avec
lesquels il faut compter sérieusement. » Stanley n'était donc pas encore
annoncé le 5 décembre, cinq mois après son départ du camp de Yam-
bouya. Casati ne l'attendait pas avant le mois de mars. Ainsi, il n'y a
rien de bien étonnant que nous n'ayons pas encore la nouvelle de son
arrivée près d'Émin pacha, les coiTespondances de Wadelaï ayant mis
jusqu'ici six mois au moins pour parvenir à la côte. D'après la dépêche
de Zanzibar, l'arrière-garde, avec MM. Barttelot et Jamesson, ainsi que
Tipo-Tipo, s'est mise en marche à la tin d'avril ou au commencement
de mai pour rejoindre l'expédition piincipale.
La Deutsche Kolonial Zeitung annonce la formation d'une société
qui organisera une expédition allemande pour porter secoui's à Ëmin
pacha. Aloi-s même que la Société coloniale allemande ne peut pas s'en
charger directement, elle sympathise pleinement avec tous les efforts
qui se font pour prévenir le retour d'une catasti'ophe semblable à celle
de Khartoum. Ce sera donc, avec les entreprises anglaise et française,
la troisième expédition organisée pour secoui'ir le dernier auxiliaire de
Gordon, On comprend que tous les regards du monde civilisé soient
attachés sur les événements du Haut Nil desquels dépendent le salut ou
la ruine des principaux intérêts de l'Europe dans l'Afrique centrale.
D'après le Berlmer Taghlatt, si l'expédition réussit, on établira une
route commerciale allant des hauts pays des lacs vers Te.st, Ton orga-
nisera, le long de la route, des stations, et l'on fondera une société des
lacs allemande-est-africaiue. Une commission provisoire s'est formée
pour poursuivre la réalisation de ce plan. L'explorateur Wissmann fait
partie du comité directeur.
— 260 —
Nous avons mentionné, dans notre dernier numéro (p. 225), la croi-
sade que le cai'dinal I<aTi§;erie se proposait d'organiser pour abolir
resclava^e. Une coirespondance de Bruxelles au Temps nous indique
les moyens que Son Éminence compte employer pour cherdier à réaliser
son dessein. Autant l'abolition qu'il a en vue est désirable, autant les
moyens qu'il préconise paraissent chimériques. D'après le corr^pon-
dant du Temps, il s'agirait de l'ouverture d'une souscription pour
l'éqxiipement d'une milice sainte qui serait envoyée sur les bords du
Tanganyika, pour mettre obstacle au passage des caravanes d'esclavea
et les empêcher de pénétrer sur le teiTitoire de l'État du Congo. Le
cardinal ne demande que cent hommes pour mettre un terme à cet
odieux commerce. Mais que feront ces cent hommes échelonnés le long
des rives d'un lac qui a plus de 500 kilom. de longueur? Mgr. Lavigerie
rappelle aux puissances les articles de l'Acte général qu'elles ont signé à
Berlin il y a trois ans, par lesquels elles se sont engagées à entraver la
traite par tous les moyens, et leur demande d'interdire aux musulmans,
dans les régions de l'Afrique placées sous des protectorats européens,
le port et l'usage des armes dont ils frappent les .esclaves, que leur
doctrine assimile à l'animal et ravale parfois au-dessous de la béte. Il
invite même les puissances européennes à refouler les mahométans obs-
tinés d'Afrique en Turquie ou dans les Indes, mais en même temps il ne
veut pas qu'elles portent la guerre à l'intérieur de l'Afrique. Il ne veut
pas que l'on fasse couler le sang des chasseurs d'esclaves pour les empê-
cher de faire couler celui des malheureux noirs ; cependant sa sainte
milice devra être année. A quoi serviront ces armes, si ce n'est au
moins à se défendre contre les attaques des Arabes, dont le sang ne
manquera pas de couler, pour peu que la milice du cardinal sache s'ea
servir ?
A propos de la réclamation de l'Italie au sultan de Zanzibar au sujet
du port de Kismayou, la Gazette de Cologyie fait remarquer que l'in-
violabilité du ten-itoire de Zanzibar a été garantie par la France, l'An-
gleterre et l'Allemagne, et que l'assentiment de ces puissances serait
certainement nécessaire pour la cession du port susmentionné, à l'em-
bouchure du fleuve Juba. L'Allemagne ne se montrera pas très empres-
sée de répondre aux exigences de l'Italie, et celle-ci ne voudra pas à
cette occasion se brouiller avec l'Allemagne. On ne peut d'ailleurs s'at-
tendre à voir, avant un certain nombre d'années, une puissance euro-
péenne prendre pied sur la côte orientale des Somalis, à moins qu'elle
n'y emploie constamment des forces militaires considérables. Il y a
r
«laati'e aiis, l'expédition italienne du vaisseau de guerre le Barbarigo à
Kismayou a coniplètenieut échoué ; les Anglais aussi ont fait des expé-
riences désagréables avec les Somalis. De toutes les nations européeuties
«sont les Allemands qui out le mieux su prendre ce peuple belliqueuii.
Les membres de la Société de l'Afrique orientale, qui ont conclu des
traités avec les princes somalis, ont passé de longs mois, sans armes,
au milieu de ces populations redoutées, qui les ont traités avec respect
etamitié. Aucune puissance européeDne, ne pourrait occuper Kismayou
plus facilement que l'AIIemague. Si, malgré les traités passés avec la
Société de l'Afrique orientale, l'Allemagne n'a pas essayé d'acquérir ce
port, c'est parce que les rapports avec les indigènes, qui n'ont presque
pas eu de coutact avec l'Europe, sont encore trop difficiles, et que l'on
veut attendre de voir quelle sera l'intluence du commerce européen sur
le caractère des belliqueuses tribus somalis.
La Société de géographie commerciale de la Suisse orientale,' k Saint-
(iell, a cherché à procurer, à Madagascar et au Traiisvaal, de uouveaux
débouchés aux produits de l'itidustrie suisse. Les Qeographische Nach-
rkhteH annoncent que les tentatives faites sous ses auspices sont en
bonne voie, et donnent d'utiles reuseiguements sur les conditions du
commerce dans la République Hnd-»rFicKlne.Les maisons de com-
merce, surtout les grandes, sont essentiellement anglaises, ce sont elles
qui out entre les mains presque tout le commerce d'importation, et elles
favorisent naturellement les produits anglais. Ceux-ci leur arrivent
tittsentiellement par la voie de Natal. Dans toutes les localités, grandes
wu petites, les magasins doivent être pourvus de tous les articles imagi-
nables, produisant une valeur qui va de 100,000 francs à un million et
au delà. Le commerce en détail domine; comme il n'y a eu jusqu'ici que
des marchandises anglaises ou américaines, les articles importés de
Suisse, présentant un caractère de nouveauté, ont trouvé uu écoulement
facile; l'augmeutation rapide de la population européenne, attirée par
le développement de l'exploitation des gisements aurifères, leur assu-
rera un débit toujours plus grand. Mais les agents suisses au Transvaal
recommandent de ne pas se borner à expédier des marchandises cou-
rantes; les articles de première qualité sont très demandés. Le monde
féminin des \111es veut les nouveautés et les articles de fantaisie du plus
grand luxe, et s'inquiète beaucoup moins du prix que de la qualité des
objets. Dès lors, ce seront tes marchandises les plus fines qui obtien-
dront l'écoulement le plus considérable. Elles doivent arriver à Natal eu
août ou septembre ; jusqu'à ce momenl-là, le transport par wagons, de la
- 263 —
mais pour régler les questions religieuses ou d'intérêt commun. Tout se
traite dans des réunions plénières (palabres), dans lesquelles on bat le
fétiche, c'est-à-dire qu'on le consulte, à tout propos, que If^ patrie soit
en danger ou que l'on veuille vendre une poule. Chaque confédération a
son roi, qui pi'éside aux grandes solennités, et qui semble être, avec le
féticheur, le conservateur des traditions. Aussi la personne royale est-elle
entourée d'une vénération superstitieuse. Toutefois sa puissance n'est
que nominale sur les m'foumou, qui le surveillent et s'entendent parfai-
tement pour le faire disparaître quand il est trop riche ou trop entre-
prenant. Un roi ne peut, sous aucun prétexte, s'approcher des rives du
Congo, dont la vue, disent-ils, le ferait mourir sur-le-champ. »
Voici quelques détails sur le voyage que M. Dolizie a fait sur l'Ou-
baii^i, à bord de VAlima, jusqu'en amont des chutes de Zongo. Le
bateau quitta le Stanley-Pool le 26 novembre et arriva au poste français,
établi sur la rive gauche de l'Oubangi, le 6 novembre, soit en onze
joui*s. M. Dolizie commença la reconnaissance de la rivière avec l'inten-
tion de dépasser les rapides et de pousser, aussi loin qu'il le pourrait,
l'exploration du cours supérieur en amont de ceux-ci. Le 19 décembre,
VAlinm arriva au nouveau poste français, établi sur la rive droite et
destiné à remplacer celui de la rive gauche, cédé à l'État indépendant à
la suite de la convention passée avec la France. Ce poste, nommé Bona-
dza Oudzaka, est établi par 1°,50' lat. nord. Après six jours passés en
cet endroit, le bateau se remit en route et arriva, le 31 décembre, au pied
(les rapides de Zongo, par 4°,18'30" lat. nord. Le 2 janvier, VAlitna
franchit le premier rapide et poursuivit pendant quelques heures sa
navigation en amont. Mais déjà les eaux baissaient et il alla donner, à
plusieurs reprises, sur des bancs de cailloux. N'ayant à sa disposition
qu'un bateau d'un trop fort tirant d'eau, M. Dolizie fut forcé de
rebrousser chemin sans avoir pu dépasser le point atteint trois ans
auparavant par M. Grenfell.
M. Pierre Kauffer, membre correspondant de la Société de géographie
commerciale de Bordeaux, écrit axi Bulletin de cette Société que l'écoule-
ment facile trouvé sur la place de Hambourg parles tabacs de la Société
des planteurs de Cameroan, Wœiiuann, Thormàhlen & C'% a eu
pour résultat la fondation d'une nouvelle Compagnie, appelée : Société des
plantations de tabac du pays de Cameroun, Jantzen, Thormàhlen et
Dollmann. Il a été reconnu que les terrains productifs volcaniques qui se
trouvent au pied du Cameroun, ainsi que le climat à la fois chaud et
humide, donnent un tabac qui, avec le temps, et en étant convenable-
— 264 —
ment travaillé, peut jouer un i-ôle important sur le marché eui'opéen. D
y a plusieurs années déjà, la maison Jantzen et Thormâhlen a acquis de
vastes territoires limités par la mer, entre Ngomé, près Victoria, et le
Rio del Rey, sui' le versant ouest du massif du Cameroun. Ces territoires
seront ajoutés h d'autres terrains et deviendi*ont la propriété de la nou-
velle Société. La connaissance approfondie du pays que possèdent
MM. Jantzen et Thormahlen, directeurs responsables de la dite Société,
donne lieu de croire que cette entreprise se développera rapidement et
fournira de bons résultats.
M. Treich-Laplène, dont nous parlions dans notre précédent numéro
(p. 237), est parti le 9 août pour Assinie (côte de Guinée), afin de
prendre en personne la direction du convoi de ravitaillement qui v«^ être
dirigé sur Kong, oîi le capitaine Binger se trouvera, on l'espère du
moins, le 1" octobre. Résident adjoint à Grand-Bassam et Assinie, il
était désigné pour cette difficile mission, par la belle exploration qu'il a
faite l'an dernier dans la région de Bontoukou. Son escorte sera choiae
dans la milice d'Assinie, qui est composée d'hommes disciplinés et
dévoués. On estime à 20,000 fr. les frais de toute, nature occasionnés par
cette expédition de ravitaillement. Mais M. Verdier, résident de France
à Grand-Bassam et à Assinie, a généreusement offert à l'administration
des colonies d'y contribuer pour une moitié, et conformément aux pro-
positions de cet administrateur, le complément de la somme nécessaire
pour ce convoi a été mis à*sa disposition par le sous-secrétaire d'État.
M. Treich-Laplène espère aiTiver à Kong vers le l" octobre et rallier
la côte avec M. Binger avant la iin de l'année. Le voyage qu'il va entre-
prendre sera intéressant sous tous les rapports.
Le Temps a reçu de 9*-Louis l'annonce que deux messagei-s de
M. BîDfl^er sont arrivés le 21 juin à Bamakou, avec des lettres dont
l'une, datée de Kong le 1" mars, était adressée au colonel Galliéni, ou,
en son absence, au commandant du Soudan. En voici le résumé télégra-
phique :
Le 12 janvier, le lieutenant Binger est presque obligé de fuir pour
sortir des États de Samory. Il achète fort cher le droit de pénétrer dans
le Foulouna. AiTété à 6 kilomètres de Niélé, capitale de Pegué, il reçoit
l'ordre d'attendre que celui-ci puisse le recevoir. Il tombe malade.
Pegué ne le laisse manquer de rien et fait prendre chaque jour des nou-
velles de sa santé ; mais il refuse de le recevoir, à cause de son passage
chez Samory, et de l'influence àes sorciers : en effet, Tidjani est mort
après le passage des canonnières chez lui, et le chef de Fourou est mort
— 265 —
après le passage de Biag^r danâ ce village. U proteste cependant de son
amitié pour les Français. Tiéba ravage périodiquement ce pays, où il est
détesté pour ses actes de cruauté. M. Binger part pour Kong, le
3 février, en contournant Niélé, avec un guide que Pegué lui a donné.
Il y arrive le 20 du même mois, après avoir traversé deux grosses
rivières qui se réunissent en aval de cette ville, pour former un cours
d'eau qu'il suppose être la rivière Aleka ou la grande branche du Volta.
Kong, dont la longitude est de 6"^ 9' 45" et la latitude 8' 54' Ib" est à
50 jours de marche de Bamakou. Les habitants du pays à traverser pour
y arriver sont turbulents. La ville a 10,000 habitants et est bâtie sur un
grand plateau de 650 à 700 mètres. Les almamys Sitafa, Sokhonokho,
de la famille des Ouattara, sont les chefs du pays. La population de
Kong, toute musulmane, est exclusivement commerçante. Elle s'occupe
de tissage et de teinture & Tindigo. Il y a près de cent puits à teinture
eo activité. Cette population est encore un peu hostile aux Français, par
suite de leurs relations avec Samory ; mais les marabouts, qui sont la
classe dirigeante, sont gagnés à la cause française. Le reste du pays est
très pacifique et sympathique aux Français. Kong exporte, sur Djenné et
Silga, des étoffes, des dampés, de Tor du Lobi et du Gk>ttogo, et des kolas
venant de TAshanti. A la date de sa lettre, M. Binger devait prendre,
avec un sauf-conduit, la route de Djenné jusqu'à Bododioulasou pour
aller à Worodougou, par le Ylinga ou la Datina. U espérait arriver à
Worodougou à la fin d'avril et revenir à Kong par le Gottogo. A la fin
deThivernage^l comptait chercher Bonutoukou, endroit encore inconnu,
signalé par l'anglais Lonsdale, et revenir par là. La situation de Samory
et de Tiéba est toiyours la même. Les Dioulas de Kong vont échanger
de la poudre et des armes à Sikhasso, contre des captifs ioffas de Samory.
Sikhasso est approvisionné pour longtemps, et on dit que Tiéba résistera
encore plusieurs années. Tous les pays que le lieutenant Binger a tra-
versés sont hostiles à Samory.
En suivant sur la carte très imparfaite de cette partie de l'Afrique, on
voit que M. Binger a fait route à peu prés dans la direction du sud-sud-
est, du Niger jusqu'à Kong. De là l'explorateur devait se diriger au
nord-ouest pour se rendre à Worodougou, qui est situé sur un des prin-
cipaux affluents du Niger. Enfin, de Worodougou M. Binger avait
l'intention de revenir à Kong; c'est là qu'il trouvera le convoi de ravi-
taillement qu'on prépare à Grand-Bassam.
M. Th. Hubler, de S*-Louis, a transmis au Bulletin de la Société de
géographie commerciale de Bordeaux les renseignements comparatifs
^^
^t
— 266 —
stûvants sur la produeMon des araoMdés mu Sénégal dans les
trois dernières années :
1886 1887 1888
Tonnes Tonnes Tonnes
Cayor et Baol (banlieues de S^^Louis et de
Rufisque comprises) 17,000 17,000 26,500
Nianing, Joal et petite Côte 1,400 1,600 4,200
Rivières du Sina et du Sftloum 1 ,800 2,200 3,500
De de Foundiougne (Saloum)* 100 200 1,200
Rivière de Gambie 10,000 4,000 9,000
Rivière de Cazamance 100 100 1,600
Tonnes 30,400 25,100 46,000
C'est donc quarante-six millions de kilogrammes d'arachides qui ont
été exportés dans Tannée conunerciale de novembre 1887 à mai 1888 ;
vingt-un millions de plus qu'en 1887 ; 1888 en aurait fourni davantage
encore, sans les pluies trop abondantes qui ont nui aux semis, sans la
nécessité pour l'indigène de compléter son alimentation, faute de mil et
de haricots en quantité suffisante, par la graine d'arachides, et sans les
réserves pour ensemencer ses terres. L'association des efforts de l'Admi-
nistration et de l'initiative privée a été féconde en bons résultats et
démontre qu'il serait facile d'augmenter encore la production du sol si
riche du Sénégal.
NOUVEUJBS COMPLÉMENTAIRES
A limitation de la Société anglaise d'ethnographie étabUe à Capelown, il s'est
fondé, à Pms, dans le sein de la Société d'ethnographie, one section nouvelle
sous le titre de Société africaine. Elle recueillera les traditions populaires des
indigènes de l'Afrique, et pourra aussi rendre des services à la colonisation et au
commerce.
La commission spéciale de la ramie a reconnu que, par suite du retard considé*
rable de la végétation, il serait impossible de se procurer pour le 15 août, date
fixée primitivement pour le concours de décortication, des tiges de ramie d'une
longueur et d'une qualité convenables. Sur son préavis, M. le ministre de l'agriculture
a décidé que l'ouverture du concours international d'appareils et de procédés
industriels propres à décortiquer la ramie aurait lieu le 25 septembre prochain.
Le comte Saminiatelli, attaché k l'agence diplomatique italienne au Ciûre, a
quitté cette ville, chargé d'une mission inconnue. Son arrivée à Wadi-Halfa ayant
été signalée, on pense qu'il se propose d'entrer en relations avec les Soudanais,
et de les engager à diriger leurs produits sur Massaouah.
. — 267 —
Sir Francis de Winton, aneien gouvemeor général de l'État da Congo et secré-
taire de VIimi$irFaèha Bdief ExpeâUûm, a été nommé an poste de gOQ?emeur
des territoires de la Britiàh Ecut Africain AssociaUùn, récemment fondée par
M. Mac Kinnon à la côte orientale d'Afrique.
L'année dernière, le sultan de Witon avait prélevé un imp6t, d'abord sur les
■acheteurs, ensuite sur les vendeurs, soi-disant pour obtenir les ressources néoes*
«aires k l'achat d'armes et de munitions et à l'entretien d'une forte trompe pour
«e garantir des incursions des Somalis. Le gouvernement de l'empire allemand,
«DUS le protectorat duquel se trouve maintenant placé le pajs de Witou, a aboli
«et impôt qui avait fait renchérir beaucoup les produits du pays.
Le Mouvement géographique annonce que M. le lieutenant Franqui, rentré du
Congo à firuxeUes il y a six mois, est reparti pour la côte orientale d'Afrique,
«chargé d'une mission spéciale.
La Société de géographie commerciale de la Suisse orientale, dont le siège est
4 Saint«6all, a envoyé à Nossi-Bé MM. Lutz et Anderes pour fonder un comptoir
pour l'écoulement des produits de l'industrie du tissage des étoffes de couleur.
Dans la séance du 28 jmllet dernier du Yolksraad de la République Sud-afri-
caine, a été ratifié le traité d'union condn avec la Nouvelle République. Il a été
en outre donné lecture de la convention passée avec l'Angleterre, convention
d'après laquelle la République Sud-africaine renonce à toute prétention sur le
2oulouland, et se charge de toutes les obligations contractées par la Nouvelle
République.
Le gouvernement anglais a chargé le gouverneur de la Colonie du Cap de noti-
fia à la République Sud-afiricaine que le pays des Ma-Tébélé, des Ma^Chona et
des Ma-Ealaka, ainsi que la partie septentrionale du territoire de Ehama jusqu'au
Zambèze, est dans la sphère exclusive de l'influence anglaise.
A la suite d'une invasion récente du territoire de Khama par le commandant
bôer Grobelaar, le gouverneur de la Colonie du Cap a ordonné à l'administrateur
Shippard de se rendre sur les lieux pour faire une enquête. M. KrOger, président
de la République Sud-africaine, en a été informé et a été invité par le gouver-
neur à envoyer un délégué du Transvaal pour prendre part à l'enquête.
M. Joachim Machado, ingénieur, s'est rendu à Mossamédès, pour commencer les
études nécessaires à l'établissement d'un chemin de fer, de ce port à la Serra de
Chella.
M. Brook, missionnaire anglais, se propose de pénétrer du bassin du Congo
dans celui du Niger. Il remontera l'Oubangi en bateau jusqu'aux rapides de
Zongo ; de là il se dirigera par terre vers le Bénoué.
M. Crampel, fonctionnaire dans la colonie du Congo français, partira de Leketi,
sur VAUmay pour chercher à atteindre de là les frontières du territoire de Came-
roun placé sous le protectorat allemand.
Le roi des Belges a fait un séjour en Angleterre ; de Bruxelles on a mandé
aux journaux français que ce séjour se rattachait à la question africaine. Le sou-
verain de l'État du Congo aurait proposé au gouvernement britannique la réunion
— 268 —
d'ime nouToUe conférence africaine, chargée de délimiter définiti?ementla«|ikère,
ou, pour mieux dire, les limites dans lesquelles chacune des puissances int^coséeSy
c'est-à-dire la France, TAllemagne, l'Italie, l'Angleterre, le Portugal, la Hollande,
la Turquie et l'État du Congo, pourront librement exercer leur influence.
D'après une lettre que nous a adressée M. A.-J. Wauters, rédacteur du Motêve-
ment géographique, le chemin de fer du Congo s'annonce comme devant être d'une
construction des plus simples. Toutes les appréhensions que l'on pourait conceToir
à ce sujet s'évanouissent les unes après les autres. M. Cambier, chef de l'expédi-
tion des études du chemin de fer, a dû rentrer récemment en Belgique. Nous ne
tarderons pas à connaître son rapport sur cette question.
Un vicariat apostolique du Congo indépendant a été créé par un bref pontiflcal,.
et l'œuvre en sera confiée à la mission belge de Scheutveld-lez*Bruxelles.
Il résulte d'un rapport adressé par. M. Liebrecht, chef de Iiéopoldville, que
l'arbre qui produit la noix de kola se rencontre en abondance le long des deux
rives du Kwa (cours inférieur du Kassal), et également sur la rive gauche du Congo,.
entre Kwamouth et Bolobo.
La Société de géographie de Marseille a fait inscrire au programme du Congre»
des sociétés françaises de -géographie, réuni à Bourg, du 20 au 26 août, la question
de la création d'une ligne de paquebots à vapeur, sous pavillon français, desser-
vant la côte occidentale d'Afrique jusqu'au Congo. Les points de départ en seraient
le Havre et Marseille^ et les escales une douzaine de points desservis actueUe-
ment par des vapeurs anglais, allemands, belges et portugais seulement, malgré
les grands intérêts que la France y possède.
La maison Daumas, Béraud et C*% ayant cédé son steamer VMima au gouver*
nement du Congo français, emroie, pour le remplacer, un nouveau bateau à vapeur
la France, à sa factorerie de Brazzaville. Avec le BaUay et VAJUmaj ce sera le
troisième vapeur français qui naviguera sur le haut Congo.
M. Olivier, vicomte de Sanderval, dont, sur des rapports d'indigènes du Fouta*
Djallon, on avait annoncé la mort dans cette région, est arrivé à Marseille, par
la Bourgogne, en parfaite santé.
DERNIERES NOUVELLES DE KHARTOUM
La rédaction des Mittheilungen de Gotha a reçu, par Tentremise du
D*" Juuker, de nouveaux renseigneraeuts sui* Khartoum et sur l'état des
choses dans Tancien Soudan ég}T)tien. Nous les reproduisons comme
suite aux informations que nous avons données dans notre dernier
numéro sur les prisonniei-s du mahdi.
Le 5 juillet, un nouveau messager de Khartoum est arrivé au Caii'e,
apportant de petits billets de Lupton bey au consul général anglais, et
du missionnaire Urwalder à la mission catholique, en vue de paiement
i
— 269 —
d'argent; le dernier demande en outre une recette pour teindre les
cotonnades grises des gens de Dongola, afin que les nonnes et les mis-
:>ionuaires prisonniers puissent gagner leur vie par l'exercice de cet art.
Mais les nouvelles détaillées communiquées verbalement par le messa-
ger sont beaucoup plus importantes. C'est un homme de Berber, très
connu à Omdurman, résidence actuelle du mabdi, parent de quelques-
unes des personnes de l'entourage de celui-ci, et qui exprime sans pré-
ventions son opinion sur les circonstances du Soudan et sur les traite-
ments que l'on fait subir aux prisonniers, tandis qu'en général les Orien-
taux parlent à chacun selon son gré.
Au dire du messager, la position des prisonniers est encore beaucoup
plus mauvaise que nous ne l'avons publié. Slatin bey n'est point un
piqueur, il n'est que boab, c'est-à-dire qu'il doit stationner tout le jour
à la porte du mahdi, oU il est sans cesse exposé aux avanies de celui-ci,
et livré aux moqueries et au mépris de la population. Les mauvais trai-
tements corporels ne sont point exclus. La nuit il doil sous surveillance
dans une dépendance. Il ne lui est permis ni de s'éloigner du voisinage
du mahdi, ni de parler aux Européens, ni de fréquenter le bazar.
Lupton bey est également placé sous une surveillance constante, tra-
vaille et dort dans l'arsenal, et ne doit point avoir de relations avec les
autres Européens '. Neufeld se trouve encore en prison, et, comme espion,
il est détesté de la population. Les trafiquants grecs, ainsi que les mis-
sionnaires, sont libres et peuvent aller et venir dans la ville, mais il ne
leur est pas permis de sortir des portes; ils s'efforcent de gagner leur
entretien par le commerce des aliments, encore cela doit-il se passer
clandestinement, car tout commerce, toute espèce de moyen de gagner
de l'argent est interdit.
n n'est pas possible d'obtenir, pour les prisonniers européens, la per-
spective du retour dans leur patrie au moyen d'un échange de prison-
niers ou en les rachetant. Le fait suivant en est la preuve. On avait
proposé à Khartoum d'échanger les Européens contre quelques dervi-
ches notables captifs des Kababiches. Lorsque le mahdi entendit parler
de cette proposition, il fit comparaître devant lui tous les Européens ; der-
rière chacun d'eux se tenait un noir armé d'une lance; puis le mahdi
demanda : qui veut être échangé? Dans ces conditions-là, chacun pré-
féra naturellement déclarer qu'il voulait rester.
Le messager a confirmé les précédents rapports sur l'oppression
* Une dépêche du Caire annonce la mort de Lupton bey.
srw-w-
— 270 —
<|U*exerce le mahdi et sur l'irritation croissante contre lui et ses parti-
sans. II n'est pas respecté du peuple comme mahdi; mais il est craint
comme despote et tymn. Dernièrement, il a fait mettre à mort le scheik
Saleh, chef des Arabes Kababiches. Au Darfour, un membre de Tan-
cienne famille souveraine s'était laissé proclamer sultan; vaincu par le
mahdi, il fut massacré lui, ses parents et ses adhérents. A la suite de
ces meurtres, et sans qu'aucun mouvement de rébellion se fût produit
au Kordofan, le mahdi fit préparer un vrai carnage des prmcipaux
hommes du pays, et tous ceux qui auraient pu devenir dangereux pour
lui furent assassinés. La peur seule empêche la population de secouer
spontanément le joug qui pèse sur elle beaucoup plus durement que
celui de la domination égyptienne, qudque injuste qu'elle fût. Il ne fau-
drait pas une armée de 5000 hommes, ni même de 1000 — 300 honmies.
suffiraient — à la frontière, pour qu'ils fussent 10000 en arrivant à.
Khartoum, et pour que toute la puissance du mahdi s'effondrât. Con-
trairement à ce que disent les Anglais, il n'y a, enti*e Wadi-Halfa et
Berber, aucune troupe régulière du mahdi, mats seulement des bandea
et des hordes qui, au nom du mahdi, oppriment les habitants et, vrais^
voleurs de grands chemins, dépouillent les trafiquants, chrétiens ou
Arabes. Le seul point de toute la route jusqu'à Khartoum, où Ton pour^
rait rencontrer de la résistance, serait Berber, qui est occupé par des.
ti*oupes du mahdi et défendu par de Tartillerie. Mais si les assaillants,
avaient à enregistrer la moindre victoire, et qu'ils poussassent sérieuse-
ment jusqu'à Khartoum, la garnison de Berber passerait dans leurs-
rangs. La population ne les inquiéterait jamais, au contraire elle les sou-
tiendrait de toutes manières, car tout le monde soupire après la déli-
vrance, quel que soit le libérateur. A l'approche d'une armée ennemie,
le mahdi lui-même n'oserait pas défendre son quartier général d'Omdur-
man, qui n'est pas fortifié; il se retirerait vers le sud, dans l'intérieur
du Kordofan, avec ses partisans et les trésors qu'il a amassés. Le fana-
tisme qui a régné jusqu'à l'expulsion des Égyptiens a cessé; l'ardeur
belliqueuse et le courage militaire se sont éteints. Le mahdi traînerait
après lui les prisonniers européens, pour les garder en tout cas
comme otages; mais à l'arrivée de l'armée ennemie, et au milieu du
désordre et de la joie tumultueuse de la population, ils trouveraient pro-
bablement l'occasion de s'échapper et de se joindre aux libérateur.
Le messager, parti d'Omdurman le 5 mai pour Berber, avait vu,
depuis le milieu de mars, le mahdi faire des préparatifs pour une expé-
dition vers le sud, afin d'attaquer le pacha blanc qui occupe encore le
— 271 —
pays et s'emparer de celui-ci. Cette nouvelle explique peut-être le bruit
qui courait à Souakim, de l'arrivée, daiis le Bahr-elrGhazal, d'un pacha
blanc que beaucoup ont pris pour Stanley. L'expédition du mahdi, com-
posée de quatre steamers, avec plusieui-s barques remorquées, qui por-
taient environ 4000 bomme$, est vraisemblablement dirigée contre Émiu
pacha, car sa persistance à occuper la province de l'Equateur avec une
quantité considérable de troupes exercées et de nombreux auxiliaires
levés chez les tribus indigènes, devait toujours paraître au mahdi comme
un danger pour le maintien de son empire.
Il n'est sans doute pas possible de contester d'une manière absolue
que Stanley soit le pacha blanc. Mais il faut admettre que sa marche
en avant ait été soutenue par les forces d'Émin pacha, car sa troupe à
lui, de 480 hommes, avec laquelle il a quitté l' Arououimi, serait, en tout
cas, trop faible pour entreprendre une campagne contre le mahdi. On
pourra bien un jour apprendre l'apparition de Stanley dans l'ancienne
province du Bahr-el-Ghazal. Mais comme la nouvelle ne parle que d'un
pacha et non de deux, une éminente personnalité du Caire estime plus
probable qu'Émin pacha s'est avancé^ vers le Bahr^l-Ghazal, peut-être
pour ramener les troupes vers le nord par le chemin qu'elles connaissent,
la confiance dans l'expéditicm de secours qu'elles attendaient les ayant
abandonnées ensuite des délais apportés à l'arrivée de Stanley. Cette
opinion gagne en vraisemblance si l'on considère qu'à Omdurman le
pacha blanc est désigné comme mudir (gouverneur), titre qui appartient
à Émin et non à Stanley.
Quoi qu'il en soit, qu'Émin ou Stanley menace du sud l'empire du
mahdi, ou que les mahdistes dirigent une expédition pour s'emparer de
ht province de l'Equateur, placée sous l'autorité d'Émin pacha, le
moment est venu où il est urgent d'envoyer d'Egypte une armée, soit
pour réoccuper Dongola, soit pour coopérer avec ce pacha, tout au
moins pour diminuer, par une diversion, le danger auquel il est exposé
de la part des troupes ennemies. Il est actuellement possible de rétablir
Tordre au Soudan, de délivrer les prisonniers eui-opéens, de restreindre
le trafic des esclaves plus florissant que jamais, et de rouvrir un vaste
territoire à la civilisation. Si l'on ne profite pas de l'occasion, il est à
craindre qu'Émin et Stanley ne partagent le sort de l'iiifortmié Gordon,
et que les populations du Soudan ne continuent à s'entretuer jusqu'à ce
qu'épuisées elles retombent, sans pouvoir résister, sous la domination
égyptienne.
— 272 —
UN EXEMPLE OE L'INFLUENCE DES ARABES DANS
L^AFRIQUE CENTRALE.
Les progrès de rinvasion arabe dans l'Afrique centrale isoutsi rapides,
et les conséquences en sont si désastreuses, que si les Européens ne se
hâtent de prendre des mesures énergiques pour s'y opposer, l'œuvre
civilisatrice qu'ils veulent accomplir en faveur des indigènes sera sans
objet, car ils trouveront les régions les plus fertiles dépeuplées et les
localités les plus prospères ruinées par les envahisseurs. Nous n'en vou-
lons pour preuve que l'exposé fait récemment par le lieutenant Wiss-
mann à la Société de géographie de Londres, que nous apporte le der-
nier numéro des Proceedings.
La région mentionnée par l'explorateur est bornée par le Sankourou
et le Lomami, deux affluents de la rive gauche du Congo; avant 1B81,
elle n'avait encore vu ni Arabes, ni Européens; Pogge et Wissmanu
furent les premiers qui la traversèrent. Elle forme une savane, coupée
de nom'breux ruisseaux qui ont creusé leur lit à une profondeur de 5()
mètres, dans un terrain de latérite d'un rouge foncé, dont la couleur
contraste agréablement avec les teintes sombres des herbes. Au fond de
ces ravins on peut voir les grès, disposés horizontalement et souvent
teintés de rouge par des parcelles de fer. Une zone étroite de forêt
vierge, d'une végétation luxuriante, encadre les cours d'eau, frais et
limpides comme du cristal. A vol d'oiseau, le pays a l'apparence d'un
marbre richement veiné, les forêts qui bordent les ruisseaux représentant
les veines, la savane ouverte le fond même de la roche. La vue est atti-
rée par des bandes foncées qui se déroulent comme les replis d'un ser-
pent le long des collines, et à mesure que l'on approche, il se trouve que
ce sont des plantations de palmiers, à l'ombre desquels sont construits
les grands villages ou plutôt les villes des Bena-Ki, de la tribu des Ba-
Songé. Les troncs vigoureux et les couronnes superbes de ces palmiers à
huile et à vin, prouvent évidemment que des villages y ont subsisté pen-
dant de longues époques de paix et de sécurité.
Un jour du mois de janvier 1882, dit le lieutenant Wissmann, nous
étions campés près de l'entrée occidentale d'une des plus grandes de ces
villes, habitée par les Bagna Pesihi. De bonne heure le matin retentit
dans notre camp le cri Sangulemé (prenons nos colis). Le D*^ Pogge, moi et
notre interprète noir, nous enfourchons nos bœufe, et nous avançons le
long d'un large sentier, évidemment très fréquenté. Les dix-neuf
- 273 —
hommes venus avec nous de la côte, et les Ba-Louba qui, daus leur con-
fiance naïve, s'étaient attadiés aux premiers hommes blancs qu'ils
avaient vus, serrèrent immédiatement leurs rangs. Notre procession qui
comptait 200 personnes, y compris les 60 femmes des Ba-Louba et envi-
ron 40 homfties armés de fusils, disparut bientôt sous l'ombre fraîche
des palmiers. Peu à peu la route s'élargit jusqu'à ce qu'elle atteigne 20
mètres de large. De chaque côté, des clairières laissent apercevoir dés
habitations dont chacune appartient h une famille et se compose de
quatre ou cinq huttes d'herbe soigneusement construites, d'une hauteur
de 6 mètres, et entourant une espèce de cour d'une propreté scrupu-
leuse. Les huttes carrées, de 6 mètres de chaque côté, sont dressées sur
un soubassement d'argile, bien battue pour résister à l'humidité. Les
portes, de la hauteur d'un homme, sont surmontées d'un porche.
L'intérieur est divisé en deux compartiments dont l'un contient deux
lits, proprement faits de bois de palmier. Les meubles de la chambre
d'habitation consistent en sièges de bois sculpté; le plancher et les
parois sont couverts de nattes d'herbes, et le long des murs sont rangés
un grand bouclier, des arcs et des flèches, une gourde pour le vin
de palme^ et un grand vase d'argile poui* l'eau. Une large planche
suspendue au toit est couverte de noix, de libres de palme employées
pour tisser, de peaux, de maïs et de millet. Dans les cours sont les
mortiers en bois pour piler le grain, ainsi que les métiers entre deux
arbres, et les jouets des enfants, car la cour est le préau de la jeune
génération. Des jardins occupent l'espace libre entre les habitations; les
indigènes y cultivent du chanvre sauvage, du tabac, des tomates, du
poivre rouge, des courges, des ananas, des cannes à sucre, du ricin et
d'autres plantes médicinales. Un bouquet de bananiers et de plantains
s'élève derrière chaque maison ; les palmiers fournissent à leurs pro-
priétaires des noix, de l'huile, du vin, des fibres. Chez les Ba-Songé, ce
sont les hommes qui cultivent les champs de pommes de terre douces,
d'arachides, de maïs, de manioc et de millet dont on se sert pour faire
de la bièi'e. D'autre part, les femmes s'appliquent aux devoira domes-
tiques plus faciles, et vont chercher du bois et de l'eau.
Chaque habitation, avec sa ferme, occupe une longue bande de ter-
rain qui s'étend de la inie du village jusqu'au ruisseau, et est bornée
par des sentiers bien tracés, le long desquels cheminent des porteurs
d'eau. Des chèvres laitières à courtes jambes, des moutons et une mul-
titude de poules animent la propriété. Personne ne paraît craindre les
voleurs.
— 274 —
Le joui* de notre arrivée fut un événement, a Deux hommes blanes, à
longue chevelui"e diH)ite, dont l'un — le D' Pogge — à la barbe flottante,
sont venus,» disaient les natifs, « d'un pays inconnu, du côté du soleil cou-
chant. Ils sont montés sur d'étranges animaux, ressemblant à des buffles
— le gros bétail n'est pas connu dans cette ré^on, — et ils font obéir
ces énormes créatures comme des chiens. » Le bruit se répandit que
c'étaient les fils de l'esprit Bena-Kalunga qui étaient sortis de l'eau.
On avait déjà rapporté dans le pays que quoique ces étrangers fussent
pourvus d'armes à feu terribles, comme les Ba-Kalanga — les Arabes, —
à l'est, c'étaient néanmoins de bonnes gens, qui n'aimaient pas la
guerre, payaient tout ce qu'ils demandaient, au lieu de se servir eux-
mêmes et de ravager le pays. Les indigènes, dans l'attente, s'étaient
rassemblés devant leurs habitations : les hommes, grands et musculeux,
quoique un peu obèses, complètement armés, mais d'une tenue modeste ;
les femmes, également grandes, mais plus sveltes, sans ornements bar-
bares, légèrement tatouées sur le ventre et le dos, jetant un coup d'oeil
sur leurs protecteurs naturels, les yeux grands ouverts, la main devant
la bouche béante en signe de profond étonnement. Des enfants bieji
nourris regardaient les étranges hommes blancs du fond de leurs cachet-
tes dans les buissons ou dans d'étroites ruelles. On voyait clairement
que la surprise n'étdt pas complètement exempte d'appréhension. En
promenant mes regards autour de moi, je me disais que notre petit nom-
bre pourrait être écrasé par ces multitudes de gens avant que nous
eussions pu faire usage de nos armes.
C'était une file d'habitations qui n'en finissait pas. D'une voix
douce, je dis aux natifs le long de la route uta pash, ka vita (à bas les
armes, pas de guerre), et bientôt mes efforts furent appuyés par plu-
sieurs anciens qui m'accompagnaient et dissipèrent les dernières traces
d'appréhension. De six heures et demie du matin jusqu'à onze heures
sans interruption, nous suivîmes cette rue de la ville, et quand nous la
quittâmes pour prendre une route vers l'est, elle se prolongeait encore
vers le sud-est suivant les sinuosités du terrain. En comptant que nous
marchions à raison de trois kilomètres à l'heure, la ville des Bagua
Pesihi doit avoir environ seize kilomètres de longueur. Nous établîmes
notre campement près du ruisseau, et bientôt notre camp se remplit
d'un si grand nombre de personnes désireuses de trafiquer, que nos rap-
ports avec nos gens à nous furent complètement empêchés. Nous eûmes
la visite d'au moins 4000 à 5000 habitants de la ville. Les vivres étant
très abondants, nous les achetâmes à bas prix : une poule pour un grand
— 275 —
caurie et une chèvre pour un mètre de calicot. C'est daiis ces villages des
Bena-Ki que j*ai acquis les plus beaux spécimens de ma collection
d'armes : des haches de guen-e incrustées de cuivre, des lances, etc.
Le lendemain, nous poursuivîmes notre marche sans qu'aucune que-
relle eût troublé nos relations avec ces aimables^ sauvages. Joyeux,
l'estomac bien ganii — condition sine qud non de la gatté des nègres —
et chargés de provisions, nous emportions un agréable souvenir de nos
amis les Bagna Pesihi.
Quatre ans plus tard, je me retrouvai au centre de l'Afrique ; cette
fois à la tête d'une caravane d'environ mille personnes, accompagné du
lieutenant belge Le Marinel et de M. Buslag. Des forêts épaisses et
inhospitalières habitées par les sauvages Bene-Mona et par des Ba-Toua
dispersés, les Bushmen de cette région, nous avaient forcés de prendre
une dii'ection plus au sud. Enfin nous atteignîmes, avec une grande
satisfaction, les larges savanes des Bena-Ki, où nous espérions restaurer
nos forces dans des villes prospères, et nous dédommager des fatigues
que nous avions éprouvées.
Nous campâmes de nouveau près de la grande ville des Bagna Pesihi.
De bonne heure le lendemain, nous nous rendîmes à ses plantations de
palmiers. Les chemins n'en sont plus propres comme c'était le cas
naguère. Une herbe épaisse les recouvre, et à mesure que nous appro-
chons, nous sommes frappés du silence qui y règne. Nos anciens amis ne
sont plus là pour nous sourire et nous souhaiter la bienvenue. Un silence
de mort règne sous les hautes couronnes de palmiers légèrement balan-
cées par le vent. Nous entrons, cherchons vainement à droite et à gauche
les habitations autrefois heureuses et les anciennes scènes de bonheur.
De hautes herbes recouvrent tout; çà et là un pieu carbonisé et quelques
bananiers seuls prouvent que ces lieux ont été habités par l'homme.
Des crânes blanchis le long de la route et des mains d'homme attachées
à des pieux racontent ce qui s'est passé depuis notre dernière visite.
Les Ba-Kalanga, nous a-t-on dit, avec leurs longs vêtements blancs et
leurs turbans, ont passé par là. Les hordes d'un chef puissant, qui vit
à l'est du Lomami, et que l'on nomme tantôt Tupa-Tupa, tantôt Muchi-
pula ou Tipo-Tipo, sont venues ici pour trafiquer. Quantité de femmes
ont été emmenées, tout ce qui a fait résistance a été tué, champs, jar-
dins, plantations de bananiers, tout a été dévasté. Les palmiers seuls
ont échappé à la fureur de ces visiteurs. Deux fois, à trois mois d'intor-
valle, ces destructeurs sont revenus, et les ravages qu'ils ont causés ont
été achevés par la petite vérole qu'ils ont apportée et par la famine. Les
— 276 —
Bagua Pesihi, et même toute la tribu des Bena-Ki a cessé d'exister.
Quelques malheureux dispersés, nous a-t-ou dit, ont cherché un refuge
chez uu chef qui habite sur le Saukourou, nommé Zappu-Tapp, qui est
lui-même un échappé des invasions arabes.
On peut facilement s'imaginer l'indignation produite chez les Euro-
péens par la vue des ravages causés par ces destructeurs. Tous les jours
se reproduisaient les mêmes scènes d'horreur, jusqu'à ce qu'un jour
Wissmann et sa caravane arrivèrent sur les bords du Lukasi, où se trou-
vait un camp de ces Arabes, au nombre de 3000; leur chef était un
nommé Sayol, un des lieutenants de Tipo-Tipo. Wissmann n'avait
amené jusque-là son personnel qu'avec grand'peine, car tous ses gens
avaient beaucoup souft'ert de la faim, en traversant les forêts vierges et
les districts dépeuplés. Ds avaient vécu de moelle de palmiers, sans
mépriser même des fruits réputés vénéneux ; aussi se passait-il à peine
un jour sans qu'un de ses fidèles Ba-Louba succombât d'épuisement.
Lui, qui avait la responsabilité de leur vie, souffrait cruellement pendant
ces sombres journées. Amaigiis et abattus, ces pauvres gens le regar-
daient d'un air suppliant dans l'espoir qu'il pourrait améliorer leur
position.
Après une courte mais orageuse entrevue avec Sayol, Wissmann éta-
blit son camp dans le voisinage. Il s'aperçut que la conduite des gens de
Tipo-Tipo était tout autre qu'elle ne l'était d'ordinaire, et qjb ne fut que
lorsqu'il arriva à Nyangoué qu'il apprit que ce changement était la suite
des combats livrés par les Arabes aux Européens aux Stanley-Falls. Il
visita le camp de Sayol. A l'enti'ée, un échafaudage de poutres étsài
orné d'une cinquantaine de mains droites coupées. Quelques-uns des
hommes de Wissmann lui dirent que les victimes de ces cruautés avaient
été dépecées pour semr à une fête cannibale, car les auxiliaires de
Tipo-Tipo, sur le Lomami, les Bene Kaleboué et les Ba-Tetela sont
cannibales.
Vivement ému, Wissmann se demanda s'il ne lui serait pas possible
de punir cette horde de meurtriers ; mais les conditions dans lesquelles
se trouvait sa caravane lui étaient tout espoir de succès. Il dépendait
lui-même de la bonne volonté du chasseur d'esclaves, qui pouvait l'em-
pêcher de retourner à ces districts dépeuplés qu'il venait de parcourir
avec tant de difficulté ; et quant au pays qu'il avait devant lui, il ne pou-
vait le traverser qu'à l'aide de guides que lui fournirait Sayol.
En terminant son exposé, Wissmann s'est demandé comment cette
région pourrait être mise au bénéfice de la civilisation. Les missionnaires
— 277 —
ont été sans doute une source de grande bénédiction pour les districts
de la côte, mais il est évident que les indigènes qui n'ont pas un seul
jour de sécurité, ni pour leurs vies, ni pour leurs biens, ne sont pas dans
des conditions propres à ouvrir leurs cœurs aux idées nobles et élevées
de la religion. La mission civilisatrice la plus nécessaire est celle qui
délivrerait ces tribus du chancre rongeur qui empoisonne chez eux les
sources même.s de la vie et qui amènera infailliblement leur extinction
totale. Cette œuvre réclame de grandes ressources, mais c'est une des
plus nobles qui puissent être entreprises. Seulement, il faut la commen-
cer sans tarder, car le mal s'étend rapidement, et l'influence des Arabes
grandit de jour en jour.
EXTENSION DU PROTECTORAT BRITANNIQUE A LA COTE D'OR
Les Nouvelks de nos misnommires, de Neuchâtel, renferment une
lettre de M. Ramseyer, d'Abétifi, relative à la proclamation du protec-
torat anglais sur l'Okwaou *, au nord de la colonie de la Côte d'Or.
Nous en extrayons ce qui suit :
« Le 5 mai fera époque dans les annales de l'Okwaou ; ce jour-là notre
province a été annexée à la Colonie et se trouve désormais sous là juri-
diction du gouvernement anglais de la Côte d'Or.
Depuis des années déjà le roi et ses chefs, qui avaient secoué le joug
du roi de Coumassie, demandaient à être reçus dans la Colonie ; mais la
réponse avait toujours été : « C'est impossible, votre pays est trop éloi-
gné de la Côte ». L'Okwaou se trouvait donc être un état indépendant ;
mais cette position devenait anormale pour un peuple qui avait toujours
eu un maître. En 1876, au moment de l'arrivée des missionnaires, les
chefs étaient sur le point d'accepter la proposition du roi de Coumassie,
accompagnée de riches présents, de se soumettre de nouveau à leur
ancien maître. La venue des missionnaires leur apparut comme un gage
que le gouvernement de la Côte d'Or finirait par accéder à leur demande ;
ils demeurèrent indépendants, mais en aflirmant qu'ils voulaient être
fidèles à la bannière anglaise. Cette position, qui leur pennettait de se
dire sujets anglais sans s'inquiéter des lois de la colonie, leur paraissait
fort agi-éable. Mais elle ouvrait la porte à quantité de vagabonds, venus
de la Côte, educated natives, comme ils s'appellent eux-mêmes, coift'és
d'un bonnet rouge, prétendant être envoyés par le gouverneur pour
, * Voy. la Carte Vl« année, p. 324.
— 278 —
régler certaines affaires, et extorquant d'assez fortes sommes aux indi-
gènes.
A la fin d'avril de cette année-ci, arriva une lettre du D' Smith, com-
missaire anglais, résidant à Bégoro, dans TAkem, qui demandait au roi
de faire tout de suite arranger la route d'Abétifi à la frontière de T Akem.
Quelques jours plus tard, à la grande surprise de tout le monde, le com-
missaire lui^néme arrivait avec 26 soldats haoussas. C'est un mulâtre de
Sierra-Léone, qui a fait ses études en Angleterre. Il descendit chez
M. Ramseyer, tandis que ses soldats, assez sauvages, furent logés dans
les dépendances de la station et chez les chrétiens d'Abétifi.
A une heure, le 5 mai, tous les chefs se rassemblèrent, ainsi qu'une
foule de plus de 5000 personnes rangée en demi-cercle, en face du roi
Kofi-Boutin, coilfé d'un bonnet de peau de léopard ; à sa droite, le chef
d'Abétifi, général en chef des troupes de l'Okwaou; puis à droite encore,
les chefs d'Obo, Obomeng, etc., dont les troupes forment l'aile droite de
l'armée, et à gauche, ceux d'Adouamoua, Nkwatia, Mpraséo, etc., for-
mant l'aile gauche. Toutes les transactions se font dans le même ordre.
Pour l'entretien des routes, par exemple, c'est l'aile droite qui se charge
du côté droit, et l'aile gauche, du côté gauche, tandis que le centre,
Abétifi, Pépiasse, a la charge d'enlever les troncs d'arbres tombés eu
travers du chemin.
Tous ces chefs étaient abrités par leurs grands parasols ou dais mul-
ticolores, bleus, rouges, jaunes, noirs, verts, etc., surmontés d'insignes
indiquant leurs dignités respectives. Plusieurs portaient de magnifiques
pagnes achantis, et s'étaient parés de leurs objets les plus précieux :
bracelets, bagues, plaques en or et en argent. Devant chaque chef
étaient assis, les uns sur de petites chaises, d'autres, simplement sur le
sol, les hérauts, avec de grandes plaques d'or sur la poitrine, les porte-
épée avec leur sabre à poignée plaquée d'or, les huissiers coiffés de
bonnets de peau de singe; plus loin, de jeunes garçons agitant des
queues d'éléphants, symbole de grandeur et de puissance ; d'autres
jeunes gens portaient l'armure du chef, entouré de sa garde personnelle,
aiTuée de fusils à pierre. Devant le chef d'Abétifi, le chef des porte-épée,
portant sur la tête une coiffure qui ressemblait à un casque surmonté
d'une aigrette de plumes d'aigle. Chaque chef avait à ses pieds, plantt^
eu terre ou dans un plat de cuivre, son soumang, fétiche protecteur.
Dans une affaire de cette importance, il s'agissait d'être sur ses gardes,
et de se placer sous la protection de ces fétiches. C'étaient des plumes
entourant un crâne d'un animal quelconque, le tout sale et dégouttant
— 279 —
du sang dont on Tavait aspergé; d'autres, étaient simplement un bâton
fiché en terre et entouré de lianes, de chiffons, et couvert du sang et
des œufe qu'on lui avait offerts. Le tout avait un cachet de pompe afri-
caine qui ne manquait pas d'intérêt; c'était pittoresque, mais aussi
sauvage, surtout quand les tambours, les cornets, les clairons se met-
taient de la partiç.
 une heure et demie, le commissaire prit la parole pour annoncer à
l'assemblée qu'ensuite des demandes réitérées de l'Okveaou, le gouver-
neur avait reçu de la reine d'Angleterre l'autorisation de recevoir leur
province au nombre des États de la Colonie de la Côte d'Or, qu'il était
porteur d'un traité dont il donnerait lecture, et qu'il présenterait au
roi et à ses chefs pour qu'ils y apposassent leur signature.
Le traité fut lu, puis traduit par l'interprète. Les articles en sont
courts et peuvent se résumer ainsi :
1** Le roi et ses chefs déclarent n'être liés par aucun traité avec aucune
puissance européenne, et se placer sous la protection de la Grande-
Bretagne.
2* Le gouverneur de la Côte d'Or reçoit l'Okwaou au nombre des
États placés sous le protectorat de l'Angleterre.
3** En cas de différends, le roi et ses chefs promettent de recourir au
gouverneur comme arbitre avant de s'engager dans des hostilités.
4** Ils s'engagent à ne plus autoriser aucun sacrifice humain.
5** Ils promettent d'encourager et de faciliter le commerce par tous
les moyens possibles.
6* Ils déclarent qu'ils ne céderont leur pays à aucune puissance euro-
péenne sans en avoir auparavant conféré avec le gouvernement de S. M.
et sans avoir reçu l'autorisation du gouverneur de la colonie.
La réponse des chefs ne fut pas très spontanée ; quelques-uns étaient
indécis et auraient désiré avoir quelques jours pour se consulter. Ils
auraient surtout voulu savoir quelque chose de précis quant à la question
de l'esclavage. Ils se retirèrent à l'écart, et délibérèrent pendant trois
quarts d'heure. Au bout de ce temps, ils firent appeler les deux caté-
chistes indigènes qui depuis plusieurs années vivent au milieu d'eux, et
leur demandèrent leur avis. Kwabi, l'un d'eux, interpellé sur la ques-
tion de l'abolition de l'esclavage, leur dit franchement qu'ils ne devaient
pas se faire illusion, que les lois de la Colonie seraient aussi les leurs,
que, par conséquent, l'esclavage serait aboli dans l'Okwaou; à eux de
prendre soin de leurs esclaves, et de les bien traiter pour qu'ils leur
i*estent attachés en qualité de domestiques.
T r^f
— 280 —
Ëniiu la décision fut prise, et tous les chefs vinrent Tun après Tautre,
selon leur rang, poser l'index sur le sceau en face de leur nom. Le traité
était signé.
Le commissaire lit avancer ses haoussas et présenter les armes ; le
clairon sonna et toute l'assemblée poussa un hourra trois fois répété eu
rhonneur de la reine d'Angleterre.
Le D' Smith a profité de l'occasion de sa visite à Abétiti pour distri-
buei*, de la part du gouverneur, des gi'aines d'une espèce de coton égyp*
lien qui, paraît-il, a plus de valeur que celui qu'on cultive dans le pays.
Il demanda aussi aux chefs de lui donner quelques représentants
pour l'accompagner auprès du gouverneur. Après quoi il se remit en
route poui* Bégoro, d'où il a dû se rendre à la Côte.
Avant son départ les chefs l'avaient comblé de présents de toutes
sortes : pisangs, ignames, liz, œufs, arachides, noix de palme, etc., plui>
une vingtaine de moutons au moins.
M. Ramseyer ajoute que les sacritices humains pour les funérailles
d'une pei'sonne de distinction, ont complètement cessé depuis des années ;
peut-être, secrètement, cette horrible coutume est-elle encore pratiquée^
mais très rarement. »
CORRESPONDANCE
JLettre cl« TmtU de Bf* A. Denittflrejr* '
Tati, 12 juin 1888.
Mon voyage de Pretoria à Tati a été rendu pénible par les pluies, qui ont été,
cet été, d'une persistance exceptionnelle. II ne m'a pas fallu moins de 37 jours de
Pretoria à Shoshong, en passant par Rustenburg. J'ai été arrêté six jours par la
Crocodile River et dix par le Marico.
En passant à la mission de Flien-fontein (mission catholique, où j'ai reçu le
plus cordial accueil), j'ai été charmé de voir un superbe jardin rempli de fleurs
et de fruits de toute espèce. La vigne y vient très bien. Cela montre ce que l'on
pourrait faire produire à ce pays, partout où il y a de l'eau, avec un peu, très peu
de peine.
A Shoshong, je trouvai F. Selous occupé à faire ses derniers préparatifs pour
une grande expédition de chasse au nord du Zambèze. Comme vous le savez, Selous
n'est pas seulement un chasseur, mais aussi un explorateur de grand mérite.
* La première partie de la lettre de M. Demaffey se rapporte au traité de paix
et d'amitié conclu avec l'Angleterre par Lo-Bengula, roi des Ma-Tébélé, et à la
nomination, par la république Sud-africaine, d'un consul auprès du même souve-
rain. Nous ne la publions pas, ayant déjà donné, p. 202 et 203, des renseigne-
ments détaillés sur ces deux faits.
— 281 —
A Pretoria et à Rustenburg, j'avais entendu raconter que plusieurs wagons
appartenant à des Boêrs qui voulaient se rendre au pays des Ma-Tébélé avaient
été arrêtés par ordre de Ehama et contraints de rebrousser chemin. On ajoutait
même qu'une guerre entre Lo-Bengnla et Ehama était imminente, et que ce der-
nier refusait le passage à travers son territoire à tous les wagons chargés pour le
Ma-Tébéléland. Renseignements pris, tout cela était faux. Un seul wagon avait été
arrêté : il appartenait à un Allemand et était diargé d'eaù-de-vie. Or Kbama im»-
dit rigoureusement la vente des boissons alcooliques dans tout le pays des Ba-
Mangwato, et le conducteur du char en question avait négligé de se munir de
Pautorisation nécessaire pour passer en transit.
Les journaux du Cap avalent fait quelque bruit de l'expulsion de deux traitants
de Shoshong. — On s'étonnait d'une mesure qui contrastait avec les procédés
habituels de Ehama envers les blancs, surtout envers les siyets anglais. Ces trai-
tants avaient obtenu de Lo-Bengula l'autorisation d'exploiter les gisements auri-
fères, ou métallifères, qu'ils pourraient découvrir entre les rivières Shashi et Maklout-
sié, c'est-à-dire dans une contrée qui appartient à Ehama, ou du moins qu'il réclame
comme faisant partie de son territoire. De là une querelle, à la suite de laquelle
MM. Francis et Chapman durent quitter Shoshong. — Ils ont, paraît-il, continué
de faire des levers entre les rivières Shashi et Makloutsié, et aujourd'hui même
nous est arrivée, de Shoshong, la nouvelle que Ehama avait envoyé une troupe
de soldats pour les arrêter. Si cela est vrai, que fera Lo-Bengula? fermera-t-il les
yeux et laissera-t-il Ehama envahir un territoire que lui aussi considère comme
sien, ou bien enverra-t-il un corps de troupes ? Au reste je doute très fort de
l'exactitude de cette nouvelle.
Je suis en ce moment occupé à lever le plan de la Concession Tati, c'est-à-dire
de toute la contrée comprise entre les rivières Romakabâne et Shashi, jusqu'aux
sources de ces rivières. Cest un travail long et pénible, à cause de la nature du
terrain. — Il ne sera pas terminé avant la fin de septembre. — Je vous l'enverrai
arec quelques notes sur les gisements aurifères du Ma-Tébéléland.
A. Demâffey.
14 juin.
P. S. Dernières nouvelles de Gouboulououayo. — Une personne de ma connais-
sance qui arrive à l'instant de Gouboulououayo m'affirme que Lo-Bengula a mani-
festé une vive surprise et un sérieux mécontentement lorsqu'il a eu connaissance
de la proclamation du gouvernement du Transvaal. — Le roi n'aurait jamais
demandé au dit Gouvernement de délivrer des passeports aux personnes se rendant au
Ma-Tébéléland ', encore moins aurait-il réclamé la présence, à Gouboulououayo, d'un
représentant du Transvaal. — Il attendrait avec impatience l'arrivée de M. Moffat,
commissaire anglais.
Nous complétons cette correspondance par la description suivante, que l'on a
bien voulu nous communiquer, extraite d'une lettre de M. Demafi'ey à sa famille :
> Voy. p. 203.
— 282 —
« Mon camp a un air d'ordre qui fait plaisir à voir. Les tentes, la hutte et le
wagon forment un alignement irréprochable sur un plateau qui a été débarrassé,
sur un large espace, des arbres et des broussailles qui le couvraient. De tous c^tés,
à perte de vue, ondule la forêt, le busfa. Vers l'est, et vers l'ouest, deux lignes
foncées indiquent les grands arbres qui croissent le long des rives de la Tati et de
l'Insway *. Trois mamelons, dont l'un fort élevé, dominent le camp. A 200 pas des
tentes, les nègres ont établi leurs huttes.
Le travail finit au coucher du soleil. Tout le monde rentre au camp ainsi que
les animaux qui, pendant la journée, ont été au pâturage. Les chevaux sont mis
au piquet, habillés pour la nuit, et reçoivent leur souper de maïs. Les
bœufs, les ânes et les moutons, sont kraàlés, c'est-à-dire enfermés dans une
enceinte faite de branches épineuses. Les feux sont allumés. On fait la cuisine en
plein vent. Après le souper les deux blancs se couchent, les nègres bavardent et
rient autour des feux; puis peu à peu ils font silence, et l'on n'entend plus que les
cris des chacals et des hyènes. C'est mon heure de prédilection ; j'observe les étoi-
les et la lune, je mets en ordre le travail de la journée, j'écris des lettres, etc. »
Lettre de Berllo» da D' Sebweinfurtlà*
Berlin, 9 août 1888
Le capitaine Camperio a reçu de Casati une lettre datée du 5 décembre 1887,
dont la Kôlnische Zeitung vient de donner une traduction. Casati dit qu'il ne peut
pas attendre Stanley avant le mois de mars.
J'ai vu le lieutenant Wissmann, hier, avant son départ, et nous avons longuement
causé des affaires du Soudan. Il se rend en Egypte par la voie de Brindisi, avec
une mission de la part du roi des Belges. Il garde le secret sur le but de son
voyage , mais je suppose qu'il s'agit d'une expédition de secours en faveur d'Émin
pacha. Toutefois, avec les autorités égyptiennes, et à leur tête Riaz pacha, l'en-
nemi de Gordon et l'instrument de la politique anglaise qui ne veut pas entendre
parler de l'ouverture du Soudan, je crains que l'on ne fasse rien.
Une démarche collective des puissances pour ouvrir le Soudan, y supprimer la
traite, etc, ne me paraît pas avoir chance d'aboutir; peut-être les usages diploma-
tiques ne permettraient-ils pas d'adopter des mesures coercitives.
S'agirait-il d'une cession, à l'État du Congo, de tout ou partie du territoire
conservé par Émin pacha? Peut-être Zeber pacha consentirait-il à jouer un rôle
semblable à celui de Tipo-Tipo ; son avis, en tout cas, doit avoir un certain poids
dans les affaires du Soudan.
On ne peut nier que l'intérêt pour ces affaires n'aille partout en croissant; mais
* Les deux rivières entre lesquelles est située la concession dont l'exploitation
est confiée à M. Demaffey.
— 283 —
j*ai peur quMl ne soit trop tard. II aurait fallu, au lieu d'une seule expédition
envoyée an secours de Stanley, en faire partir deux à la fois.
Agréez, etc.
G. SCHWEINPURTH.
Lettre de SesliélKé (haot ZambèBe), de H. D* Jeamnalret*
Seshéké, 2 mars 1888.
Je vous parlerai d'abord de votre compatriote M. Dardier. Malheureusement je
n'ai pas de bonnes nouvelles à vous donner de lui. Dès son arrivée à Sefula, ou plu-
tôt dès son passage à Nalolo, il a été atteint par la fièvre et frappé d'une insola-
tion. Dès lors, il ne s'est jamais remis. La forme de sa maladie était toute nouvelle
pour nous et tous les remèdes ont échoué. Revenu de la Vallée avec M. Middleton
pour essayer les effets d'un changement d'air et assister M™* Jalla dans ses cou-
ches, le voyage avait paru lui faire du bien ; mais, après un séjour d'un mois au
milieu de nous, son état avsCit encore empiré. Malgré mes appréhensions, M. Dar-
dier désira un nouveau changement d'air, et, à mon grand regret, je dus le con-
duire à Kazoungoula chez M. G. Westbeech, qui lui-même était encore très peu
bien après avoir été à deux doigts de la mort. Deux fois déjà M. Westbeech
m'a donné de mauvaises nouvelles. U me demandait même, vu sa propre
faiblesse, d'aller à Kazoungoula soigner M. Dardier. Je ne pus, pas plus que
M. Jalla, m'y rendre. La première fois M. Jalla n'était pas bien et sa femme rele-
vait de couches. Moi-même je n'étais pas encore rétabli d'une forte attaque de
fièvre pendant laquelle j'ai passé deux jours dans le délire ; ma femme aussi
était tombée malade à la suite de l'anxiété et de la fatigue que lui avait occasion-
nées ma maladie. A la seconde lettre de M. Westbeech, ma femme était encore inca-
pable de vaquer à son ménage et de donner des soins à son enfant, je ne pouvais
donc m'absenter. Quant à M. Jalla, il avait fait tous ses préparatifs de départ
pour Kazoungoula ; mais, le jour même fixé pour le voyage ou l'avant-veille, Se-
shéké était envahi par l'ancien Morantsiane, trois chefs tués et tout le monde dis-
persé. Il nous était très pénible de nous trouver ainsi dans l'impossibilité d'assister
M. Dardier .Je craignais pour notre malade ce séjour à Kazoungoula, qui n'ayant
pas produit les heureux effets que M. Dardier en attendait, nous a placés, ainsi
que notre ami, dans une plus grande difficulté, et, c'est avec une grande anxiété
que nous pensons à lui. Notre désir et notre prière sont que les forces de M. Dar-
dier se soutiennent jusqu'au départ du wagon de M. Westbeech dans un mois ;
alors, nous pourrions espérer que le voyage lui ferait du bien, ainsi qu'un séjour
dans la Colonie. Il est peu probable toutefois que notre ami revienne au Zam-
bèze et je ne crois pas que jamais il en supporte le climat. C^est pour nous une
triste expérience et une épreuve ajoutée à celles qui viennent de fondre sur nous.
Kabuku, Morantsiane, nous a quittés à la fin de décembre pour faire une visite
à la Vallée. Depuis son départ, nous avons été encore plus seuls qu'auparavant.
— 284 —
Tous les gens se tenaient obstinément dans leurs champa et beaucoup d'entre eux
sur l'autre rive du fleure. Ce n'est que dernièrement que nous avons tu quelques
chefs revenir à nous et cela à cause d'une première alerte causée par l'arrivée
de l'ancien Morantsiane. Ils venaient s'assurer sur les lieux de la réalité. Lear
enquête sembla leur être favorable, car ils s'établirent paisiblement au village
pour quelques jours. Ils s'étaient trompés ; le samedi matin 25 février, le village
était entouré à l'aube du jour et Tahalima et son fils Naliskua tués. Batau avait
réussi à prendre la fuite. Tous les autres chefs qui n'étaient pas au village eurent
le temps de s'enfuir ou se trouvaient déjà sur l'autre rive.
Il y eut encore un fils de Mokhélé tué dans la même journée ainsi que plusieurs
esclaves. Je n'ai pas besoin de vous dire notre consternation et la terreur de nos
garçons. Ces derniers se précipitèrent comme des fous dans notre maison et se
blottirent dans le coin le plus caché en poussant des gémissements.
M'étant informé de l'endroit où se trouvaient les assaillants Je me dirigeai vers
leur chef Oamorongoe, un des anciens chefs de Seshéké, que je connaissais, et lui
demandai de respecter la vie de nos garçons ; sur sa réponse affirmative, je vins
reconforter mes fugitifs qui ne sortirent de leur retraite que longtemps après.
Peu après mon entrevue avec Oamororigoe, tous ses gens envahirent la station
et je trouvai parmi eux l'ancien Morantsiane, Sikabenga ou Sethuala, en réalité
l'àine de l'entreprise. Sekapora, Mokoro et Kalishua, un frère du Morantsiane,
étaient aussi là et je me trouvai au milieu de visages connus.
J'aimais beaucoup l'ancien Morantsiane, un brave païen, et certes, tous ces gens
ont été très polis envers nous. Dans d'autres circonstances j'aurais eu beaucoup
de plaisir à revoir ce pauvre jeune homme dont tous les enfants avaient été
massacrés de sang-froid et qu'on avait traqué comme une bête fauve. Ainsi que
les autres chefs, il était venu pour se venger; mais, quoique le plus maltraité par
ses ennemis, il répétait à ses gens de ne tuer personne si ce n'est ses ennemis
personnels, tandis que le chef de l'expédition paraissait ivre de fureur tout aussi
bien que ses autres subordonnés.
Le samedi 3oir leur triste besogne était achevée. Ils avaient pris tout le bétail,
ou à peu près, de cette rive, et beaucoup de femmes, d'enfants et même d'hommes.
Le dimanche matin, ils vinrent nous dire adieu avant de s'en retourner dans leurs
villages qui sont, je crois, aux confins des Ba-Toka. Leur unique but, disaient-ils, en
venant à Seshéké avait été de se venger de leurs ennemis. Ils allaient retourner
chez eux pour revenir en hiver soutenir une lutte contre le roi lui-même.
Morantsiane ne voulant pas de la royauté, a laissé ici Oamorongoe comme roi, et
le soutient de ses gens et de son influence ; il a, dit-il, tous les Ba-Toka et d'autres
tribus à sa disposition, voire même les Ma-Tébélé. Au milieu du jour toute cette
horde avait disparu n'ayant prélevé sur nous que quelques présents.
Les chefs de l'autre parti, les Ratau, Letoulatébé, Mokoro, et autres, ayant
appris la fuite de leurs ennemis traversèrent le fleuve le lundi pour se mettre à leur
poursuite. Toutefois ils eurent la prudence de ne partir que le mercredi, afin de
donner à leur poursuite la valeur d'une parade de bonne volonté envers le roi.
— 285 —
D'autres chefs, comme MotibideKatongo, étaient partis pour la Vallée, et, comme
Moknmba de Manboya, étaient allés se réfugier chez M. Westbeech sur la rive
droite du fleuve. Gens sans patriotisme, grands parleurs, bons pour piller où
il n'y a aucun danger, tels se sont montrés les gens de Seshéké ces derniers jours,
du reste n'ayant que des esclaves, aucun chef n'est sûr de ses propres gens.
Naturellement, les poursuivants n'ont pas trouvé leurs ennemis et sont revenus
l'aile basse à Seshéké. Ce qui avait singulièrement abattu leur ardeur, c'était de
savoir que Kanyanga ou Eatukura avait passé à l'ennemi et que les anciens escla-
ves de Morantsiane s'étaient aussi joints à lui. Maintenant, la plupart des gens ont
retrouvé leurs gîtes sur l'autre rive, à part Ratau qui m'a demandé de s'installer
sur la station avec Mokhélé et quelques autres personnages. Ces derniers ont
envoyé des messagers au roi pour lui faire connaître les événements qui viennent
de se passer, et nous attendons chaque jour un message du roi. Ce dernier a
quitté la Vallée pour se rendre chez les Ma-Choukouloumbé, et devait se rencontrer
près du Njoko avec les gens d'ici. Aura-t«il la force de résister au parti de
Morantsiane ?-Se8 propres gens l'auront-ils abandonné ou tué, comme ceux du parti
révolutionnaire affirment qu'ils le feront à l'ouïe de leur coup de main ? Us ajou-
tent même avoir des intelligences à la Vallée, et Oamorongoe en acceptant la
royauté que lui donne Morantsiane ne ferait qu'accéder aux sollicitations de beau-
coup des principaux chefs. Je suis bien anxieux de savoir la vérité sur toutes ces
rumeurs. Pauvre pays 1 Pour mon compte, je crois que Morantsiane doit m'avoir
un peu trompé, sans cela comment expliquer sa témérité? Il y a longtemps que '
j'avais entendu quelque chose ; je vous en ai dit un mot précédemment.
Toutes ces choses nous rendent bien tristes; il n'y a pas de paix au Zambèze
et tout semble devenir plus noir à mesure que nous apprenons à mieux connaître
les indigènes. Quoique ces alertes jettent une grande perturbation parmi nos gar-
çons, nous n'avons pas été abandonnés à nous^-mèmes pour longtemps et avons à
bénir Dieu de nous avoir gardé nous et les nôtres. De la Vallée, nous avons eu
des nouvelles du 7 février. Nos parents se portaient assez bien. MM. Goy et Waddell
avaient de fréquentes attaques de fièvre mais pas trop graves. Enfin tout le monde
ne pensait qu'aux Ma-Choukouloumbé ; l'école était réduite à cinq enfants, les fils des
chefs allant à la guerre, au pillage, disons le mot 1 Nos parents ont envoyé une
poste en Europe par un marchand portugais qui se rend à Benguella. De Seshéké,
j'ai à vous annoncer la naissance d'une petite Jalla, le 18 janvier dernier. Ses
parents se portent généralement bien; M. Jalla s'est bien remis de sa maladie sans
rechutes sérieuses. Nous avons été les plus éprouvés ; ma femme est encore peu
bien, et, quant à moi, mes deux dernières attaques ont été les plus mauvaises
depuis mon arrivée au Zambèze. Notre petite a aussi la fièvre assez souvent ces
temps-ci, mais sans cela elle se porte très bien.
4 mars
Aujourd'hui j'ai reçu une bien triste nouvelle : notre ami M. Dardier nous a
quittés! Je ne connais aucun détail, n'ayant rien reçu de M. Westbeech qui, sacs
doute, vu la guerre, n'a pas pu trouver de messagers. J'espère lui envoyer demain
un message par l'homme qui m'a appris la nouvelle et j'y joindrai cette lettre.
— 286 —
Pauvres parents, que Dieu les soutienne et les console. Dès que les événements
le permettront, M. Jalla se rendra à Kazoungoula pour apprendre des détails de
la bouche de M. Westbeech.
D. Jeâxmairet.
BIBLIOGRAPHIE '
Colonel H* Frey, Campagne dans le haut Sénégal et le haut
XiGER. Paris (E. Pion, Nourrit et C^, 1888, in-8« 503 p., et 3 cartes.
Fr. 7.50. — Les voyages d'ordre purement scientifique et les expéditions
destinées à établir des postes entre le Sénégal et le Niger, ont presque
achevé la reconnaissance de la région comprise entre les deux fleuves.
On en connaît le relief, l'hydrographie et la population. Le gouverne-
ment français a ordonné la fondation de postes sur le haut Niger, avec
l'intention bien arrêtée de s'avancer dans la dii-ection de Timbouktou
quand les circonstances le permettront. Mais, avant de marcher en
avant, il faut être sûr que le pays qu'on laisse derrière soi est dûment
soumis. Il ne s'agit pas d'un à peu près, car, si la colonne qui semit
chargée de conquérir Ségou et le Massina était forcée de rétrograder, sa
retraite pourrait se changer en désastre le jour oîi les populations
d'entre Sénégal et Niger se soulèveraient. On l'a compris à St-Louis :
aussi, une fois l'exploration du pays terminée, des colonnes volantas
ont-elles été envoyées pour achever de soumettre le pays à l'autorité
française.
L'ouvrage que nous annonçons renferme la relation de la campagne
effectuée en 1885-1886 par la colonne placée sous le commandement du
lieutenant-colonel Frey. Cette campagne se divise en deux périodes dis-
tinctes : la première comprend les opérations dirigées contre les bandes
de Samory qui furent rejetées sur la rive droite du Niger, ce qui amena
leur chef à conclure un traité de paix avec la France ; la seconde eut
pour objet la pacification des provinces du haut Sénégal dont les habi-
tants, dirigés par le prophète Mahmadou Lamine, s'étaient soulevés
pendant que la colonne guerroyait contre Samory et avaient même mis
le siège devant Bakel. On voit que la tâche des troupes commandées
par le colonel Frey était considérable, car la distance séparant les points
extrêmes de ces deux théâtres d'opération, Bamakou et Dembakané,
* On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bâle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 2S7 —
est d'euvirou neuf cents kilomètres, les sentiers sont eu mauvais é
le pays offi-e peu de ressources quand il n'est pas complètement ■■"
les lièvres s'acharnent, avec le feu des indigènes, à décimer ces i
troupes, bref la route est semée d'obstacles, et il faut que le mov
»)ldals soit excellent, leur confiance dans leurs chefs illimitée
qu'ils puissent faire de pareils efforts.
Le récit des marches et contre-marehes, des escarmouche
in-ands combats au nombre de douze, la desciiption de l'oi^an
d'uue troupe en campagne, remplissent la presque totalité du v<
C'est dire qu'il s'adresse surtout à ceux qui aiment les choses mili
Ils y apprendront à connaître la vie du soldat au Sénégal et rec
iront que, pour être moins connue, elle est aussi rude que cell
mène au Tonkin ou à Madagascar. La narration écrite d'un styl
et con-ect se lit avec un vif intérêt ; les scènes se succèdent ai
transitions nécessaii-es ; des détails sérieux ou comiques anin
récit que des cartes à grande échelle permettent de suivre pas
Pans les cinquante dernières pages l'auteur formule son opini
les ressources du Sénégal et sur l'avenir de cette colonie. A l'i
des affirmations d'un grand nombre d'écrivains, elle n'est guère
rageante. M. Frey se prononce contre le chemin de fer de K
Bafoulabé, et cherche à démontrer que le commerce du Sénégal
Soudan sera pour longtemps encore très restreint \-u le petit ii
des habitants, l'état misérable dans lequel ils vivent et l'insalubi
climat. Quant à la colonisation pmprement dite elle est imposs
n'y faut pas songer. En terminant, le colonel Frey envisage la i
lité de la retraite des troupes françaises du Niger vei-s les anc
possessions de Bafoulabé et de Médine qui redeviendraient les di
postes de la colonie vers l'est; le lecteur a l'impression que les
rences de l'écrivain sont pour cette solution. Quoi qu'il en soit,
que cette opinion est celle d'un soldat nous engage à être circon
car de tout temps les militaires ont été plus ou moins le» adversa
la colonisation, ou tout au moins l'ont mal comprise. L'Algéi
réellement fait de progrès qu'à partir du moment oii la région
a été soumise au régime civd. Bien qu'officier de marine, le co
dant Fi-ey pense nioiiLS aux colonies qu'à la mère patrie, et moii
combats qui se livrent dans les pays d'outre-mer qu'aux futures ^
européennes.
Emile Butiniuff, i.e paktahe poi.iTnjrE 1)E l'afiuqie, d'ap
transactions internationales les plus récentes (1885-188S). Bruxelles
l,C. Muquardt), 1888, iu-S", 181 p. et carte, fr. 4. — Lorsque les repré-
sentants des États civilisés, réuuis à Beriiu eu 1865 pour la Conférence
africaine, insérèrent dans l'Acte général les dispositions déterminant les
formalités requises pour faire considérer à l'avenir comme effectives les
occupations de territoires sur les côtes d'Afrique, afin de prévenir les
contestations ou les malentendus auxquels pourraient donner lieu des
occupations nouvelles, il était facile de prévoir que ces occupations ne
se feraient pas attendre. En effet, en moins de trois ans, presque tout
ce qui restait encore non occupé du pourtour de l'Afrique est devenu
possession ou pays de protectorat de telles ou telles puissances euro-
péennes ; c'a été comme une course au clocher ; dans certains cas, il ne
s'en est fallu que de quelques jours qu'un territoire considérable devint
anglais au lieu de devenir allemand. La marche de ce partage a été si
rapide qu'il a été difficile de la suivre ; aussi ne peut-on qu'être très
reconnaissant envers M. fianning d'avoir exposé, d'après les actes au-
thentiques, la succession des faits et des négociations qui ont abouti aux
délimitations des possessions françaises, allemandes, anglaises, portu-
gaises et italiennes, dans le golfe de Guinée, au Congo, à Zanzibar et
dans l'Afrique orientaJe, dans l'Afrique sud-ouest, dans la mer Rouge,
dans l'Afrique australe et k Madagascar. Les négociations entre l'An-
gleterre et le Portugal, ainsi qu'entre te Portugal et l'Allemagne se con-
tinuent encore au sujet d.e leurs possessions respectives dans l'Afrique
cwientale. Dès qu'elles seront terminées nous en ferons conualtre k nos
lecteurs les résultats définitifs. Eu attendant nous ne pouvons que leur
recommander le volume de M. Banning qui renferme, en outre, tout ce
qui se rapporte à la création de l'Ëtiit indépendant du Congo, avec l'Acte
général comme pièce annexe, et une carte au '/ioo„„ooii dressée par
M. J.-A. Wauters, rédacteur en chef du Mouvement géographique. Nul
n'était mieux qualilié que M. Banning pour exposer avec clarté et pré-
cision cotte face de l'œuvre africaine pendant ces trois dernières années.
Ami de cette œuvre dès la première heure, secrétaire de la Conférence
de Bruxelles en 1876, délégué belge à celle de Berlin en 1885, il a assisté
à l'origine du mouvement qui a abouti au partajïe politique actuel des
côtes africaines, il l'a suivi de près et, en offrant aujourd'hui à tous ceux
qu'intéresse la question africaine un volume de documents ofticiels com-
mentés, i! leur fournit comme ia première partie du code diplomatique
de l'Afrique moderne.
BULLETIN MENSUEL (i« octobre 188S-).
Malgré les réserves que nous avons dû faire relativement aux moyens
proposés par H^ LAvigeple pour la «appresaion de l'eaela-
vaiEe en Afrique, nous ne pouvons qu'applaudir au zèle que déploie le
fondateur des missions d'Alger, pour disposer l'opinion publique, dans
les divers pays de l'Europe, à se prononcer énergiquement en faveur de
mesures générales k prendre contre ce iléau. Après avoir parlé à Lon-
dres de manière à réveQler le Comité de VAntiilavery Society, qui depuis
quelque temps nous paraît un peu endormi *, il s'est rendu en Hollande,
où la sympathie pour la cause qu'il plaide s'est manifestée par le don de
plusieurs centaines de mille florins ; puis à Bruxelles oii s'est constituée
une société anti-esclavagiste belge, h la tête de laquelle a été placé un
conseil directeur chargé d'organiser, avec l'aide de comités locaux et
d'associations de dames patrouneases, une souscription publique. A l'oc-
casion de la conférence prononcée à Bruxelles par Mgr Lavigerie, le
ministre de Tutquie, Caratheorody-Effendi, a protesté contre la partie
du discours du cardinal dans laquelle celui-ci imputait les horreurs de
l'esclavage africaiu non pas seulement aux mahométans, mais au maho-
métisme même ; toute ta doctrine de Mahomet, a-t-il ajouté, est cont«-
uue dans ces mots : n Le pire des hommes est celui qui vend des hom-
mes. B Mais Mgr Lavigerie qui, depuis plus de trente années, est en
rapports constants avec d^ musulmans, a pu lui répondre avec l'auto-
{ rite de sa longue expérience :
1° Je ne connais pas, en Afrique, un seul État musulman indépendant,
"and ou petit, dont le souverain ne permette et le plus souvent ne pra-
^e lui-même, sur ses propres sujets, dans les conditions les plus
s de barbarie, la chasse et la vente des esclaves.
' Il n'y a, dans toute l'Afrique, que des musulmans qui organisent et
nt par les razzias et par la vente des
ys oii la traite n'est pas défendue par
iUtins mensuela et dans les HouvtUes com-
ordre géographique constant, partant de
t ensuite la c6te orientale du continent et
olongé de sa publication VAntislavtry
— 290 —
des lois sévères, imposées par des puissances chrétienues, un seul musul-
man qui ne pratique, eu principe, l'esclavagisme, eu se déclarant prêt ù
vendre ou à acheter des esclaves uoii-s.
4" Je coiuiais personnellement, dans la Turquie d'Asie et dans les
provinces d'Afrique qui appartiennent encore à l'empire ottom^, un
bon nombre de localités oii la vente des esclaves et te passage de leurs
tristes caravanes ont lieu avec la complicité des autorités turques.
5° Jamais, à ma connaissance, aucun muphti, uléma ou autre lecteur
ou interprète du Coran, n'a protesté, ni en Afrique, ni dans les autres
régions indiquées, contre cet infâme trafic ; au contraire, dans leurs c«a-
versations, ils le reconnaissent tous comme autoi'isé par le Coran, pour
les vrais croyants à. l'égard des iniidèles.
<>° Jamais aucun cadî ou juge musulman (qui doit juger d'après les
seules lois du Coran et des commentaires autorisés), n'a, dans les mêmes
pays, prononcé, à ma connaissance, un jugement qui impliquât la cou-
damnation de l'esclavage ; au contraire, ils pi-ofesseut à cet égard, te^
mêmes opinions que les docteui's.
En France s'est aussi constituée une société anti-esclavagiste. -rLe
WestfîUische Merkur insiste pour qu'une association semblable soit
créée eu Allemagne. Le Courrier de Bruxelles dit que l'empereur d'Al-
lemagne a adhéré à l'idée d'une nouvelle conférence africaine qui se
tiendrait à Bi-uitelles et dans laquelle serait traitée la question des
moyens d'entraver la traite et d'empêcher l'importation des armes de
guerre dans le continent noir. — Enfin VAfrivan Times annonce qu'à la
pi-ochaine session du Parlement, en novembre, M. Sidney Buston pro-
posera qu'une adresse soit présentée à la reine, pour lui demander de
prendre, de concert avec les gouvernements de l'Europe, les mesures
nécessaires pour mettre un terme aux horreurs de la traite en Afrique.
L'occupation de Hcrcn, à 80 kilom. au N.-O. de Massaouah, par
Barrambaras Kafel, pour le compte du gouvernement italien, a fourni à
un membre de la mission en Aby$(>4inie de l'amiral Hewett, l'occa^on
de rappelei-, par l'organe du Morniug Post, qu'en vertu du ti'aité couchi
par l'env
Barrambf
obligé de
verneur d
à dévalise
donna à t
ordre ne
m^
— 291 —
égyptien, rejoignit les partisans du mahdi et combattit contre les Anglais
à Tobruk. Les Italiens s'exposent beaucoup en se servant de lui pour
préparer la prise de possession de Keren ; le rôle qu'ont joué à Saganeïti
les proscrits abyssins alliés à la bande de Debed aurait dû leur servir
d'avertissement.
Le comte Antonelll, explorateur du Choa, est arrivé à Rome, por-
teur pour le roi Humbert de lettres de Ménélik. Il a fourni au Pungolo
de Naples des détails intéressants d'oîi nous extrayons ce qui suit : Il
croit entre autres que si les négociations en vue de la paix entre l'Italie
et l'Abyssinie avaient été confiées au roi du Choa plutôt qu'à la mission
anglaise, elles auraient certainement eu une meilleure issue. Avant la
campagne conduite par San-Marzano, sur le conseil de M. Antonelli,
Ménélik avait adressé des lettres au roi d'Italie, pour lui proposer son
amitié et sa coopération dans l'entreprise italienne sur les côtes de la
mer Rouge. Mais les événements douteux et parfois contradictoires qui
prenaient tantôt l'apparence de la guerre, tantôt celle de la paix, l'ont
tenu dans la plus grande incertitude. Malgré cela, les dispositions de
Ménélik envere les Italiens sont toujours favorables ; ceux qui sont restés
auprès de lui, le D' Traversi, le D' Alfieri et l'ingénieur Capucci, sont
très estimés et traités avec beaucoup d'attentions et de sympathie. Le
dernier a récemment construit pour le roi un moulin et une poudrière,
alimentés tous les deux par un même moteur à eau. L'armée de Méné-
lik compte 130,000 hommes, avec 50,000 fusils dont une bonne partie
se chargeant par la culasse. En janvier, Ménélik est allé à Debra-Tabor
dans le Boghe-Meder ; de là à Grondar et de Grondar à Dembea oîi il
croyait avoir à livi'er bataille aux partisans du mahdi ; mais ceux-ci se
retirèrent à Metema. Au mois de juillet Ménélik est revenu dans ses
États en passant par le Godjam. Pendant ce voyage fatigant, l'armée
n'a pas soutfert ; les seules pertes ont consisté en bêtes de somme et
bestiaux atteints de maladie.
D'après un coiTespondant de la Gazette de Francfort, le cosaque
Atehinoff a réussi à nouer des relations entre la Russie et l'Abyssinie,
et même à fonder une colonie mase sar les bord* de la mer
Bioui^e. Embarqué à Odessa avec 150 de ses compatriotes, pourvus de
fxiàïs se chargeant par la culasse et de mitrailleuses, il s'installa dans
un port naturel de la mer Rouge, et ne tarda pas à y être attaqué par
les Danakils, que les mitrailleuses eurent bientôt mis en fuite. Avec un
détachement des siens, il se mit en route pour l'Abyssinie oîi le négus
le reçut cordialement ; le roi Jean lui fournit même une forte escorte
■^'mp^
— m —
noyau de colons, comprenant 500 à 600 Abvaains et Abya-
à s^installer dans la nouvelle colonie qui a reçu le nom de
hloskwa. Atchinotî réussit égalenieat à obtenir du négus
êtes du jubilé de Kiew, de deux ecclésiastiques koptes,
roposer au Synode russe que TËglise abyssine fût placée
torat de la Russie. II paraît que le Saint-Synode a accepté;
lisius, chef du monastère du mont Atbos, a été nommé
d'Abyssinie, et chef du monastère qui va êti-e construit
ouveriieraent russe dans la colonie de Moskwa. En revan-
n'a pu obtenir du gouvernement l'envoi en Abyssinie d'une
ous-oflîciei-s instructeurs chargés de former l'armée du
mettre à même de tenir tête à une armée européenne,
illemaud chargé d'organiser l'expédition destinée à porter
In-paeha poursuit son œuvre, sans se laisser arrêter par
is de ceux qui prétendent que cette entreprise n'est desti-
qu'à étendre le protectorat allemand au delà des limites
onvention conclue enti-e l'Angleterre et l'Allemagne. Les.
allemandes arrivent nombreuses et fortes. M. Krupp,
chambre du commerce, a mis 62,500 fr. à la disposition
raiu-pacha étant Allemand, l'Allemagne tient à honneur
pour sa part à secourir son compatriote. Dans l'Assemblée
ï Société coloniale allemande réunie à Wiesbaden, ie 1 1
isieurs discours ont été pi-ononcés en faveur du projet du
les frais sont estimés à "50,000 fr. environ. Il s'agit de
îxpéditiou à travers les territoires des intérêts allemands
orientale. Le but essentiel n'en est nullement politique,
t bumauitaire, ce qui n'exclut point la possibilité d'avan-
ques et scientifiques, si des communications sûres peuvent
litre la côte et l'intérieur. Comme telle la Société côto-
ie ne peut pas s'y intéresser d'une manière directe, ses
ni peiTnettent pas ; mais elle appuiera tout ce qui se f<era
cet eifet l'Assemblée a voté la résolution suivante : « La
lie allemande reconnaît qu'il est désirable, et dans Tinté-
igne, de cherchet' à fonder une série de stations alleman-
les territoires de la sphère d'influence allemande dans
taie dans la direction des lacs Victoria et Albert Nyanza
le communication avec Émin-pacba à Wadelal, et elle est
uyer de toutes ses forces toute société qui se propwera ce
itenant Wissmann a insisté sur la nécessité de porter
— 293 —
secours à Émin-pacha le plus proraptement possible. Plusieui-s sections
de la Société se sont prononcées dans le même sens, et im télégramme
a été adressé à l'empereur pour le remercier des encouragements qu'il
a donnés au Comité qui prépare l'expédition de secours.
Le 15 août, le sultan de Zanzibar a remis à la Société alle-
vande de F Afrique orientale l'administration complète et la per-
ception des impôts de toute la côte, de Wanga jusqu'à l'embouchure de
la Rovouma. Le drapeau de cette Société a été arboré sur quatorze
places, dont sept ont de bons ports, et les autres offrent de bons mouil-
lages. Entre ces places se trouvent d'autres localités moins importantes,
mais dans lesquelles sont aussi perçues des taxes, en sorte que le nombre
des lieux de perception est de quarante-deux. Quelques-uns d'enti-e eux
ont déjà un commerce très actif ; à certains moments de l'année, par
exemple, Bagamoyo compte 25,000 habitants. Quiloa, Kivindje, Lindi,
Mikindany ont des relations commerciales déjà développées. Lindi a un
port magnifique et Mikindany est le point de départ d'une route de
caravanes qui conduit au Nyassa. Outre la perception des impôts, la
Société est investie du droit de juridiction ; le domaine public, les forêts,
les bâtiments publics, les fortifications, les garnisons, le droit d'exploiter
les mines, sont devenus sa propriété. La prise de possession de l'admi-
nistration par les agents de la Société allemande ne s'est pas effectuée
|)artout sans résistance de la part des indigènes. Mais le sultan de Zan-
zibar a envoyé des troupes sur les lieux oii l'opposition s'était manifestée
d'une manière violente, et la tranquillité a été rétablie.
La Compagnie des messageries maritimes a créé un nouveau service
de Marseille à la Réunion par Zanzibar et Madagascar. Sur le Pei-Ho,
paquebot-poste destiné à ce ser\ice, s'est embarqué M. Gaston An-
felvy, déjà connu par deux missioiLS dont il fut chargé en 1884 par le
sultan de Zanzibar. Il possède à fond la langue souahéli, et a reçu des
ministres de l'instiiiction publique et de la marine l'ordre d'étudier le
ba^n de la Rovouma, dont il connaît déjà le cours inférieur, et qui se
jette dans l'océan entre le 10" et le 11° lat. sud et par 38" environ de
longitude orientale. Outre la question hydrographique, le programme
deM. Angelvy comporte aussi la triangulation du pays, ainsi que bon
nombre d'observations scientifiques qui seront relevées et coordonnées
avec une rigoureuse exactitude.
MM. D.-P. Jones et R. Stewart Right, de la Société des missions de
Londres, ont fondé une nouvelle station chez le chef Fwambo, à l'extré-
mité méridionale du lac Tanganylka^. Arrivés-là, le 21 septembre de
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— 294 —
raniiée dernière, disent les Missions évangéliques au XIX"^* siècle, ils
purent déjà, après six semaines de travail, entrer dans une maison de
trois pièces dont la construction n'était revenue qu'à 250 fr. Il est vra
que la main-d'œuvre ne leur coûtait que 2 fr. par semaine et par homme.
Du reste on n'est pas aussi isolé dans ces lointains parages qu'on pour-
rait le croire. Dans l'espace de quelques semaines, ces missionnaires
reçurent la visite de plusieui-s Européens, soit missionnaires, soit mem-
bres de la Compagnie des lacs africains. Quelques-uns d'entre eux
étaient venus par le bateau à vapeur le Oood News, avec lequel M"* Jo-
nes de son côté fit visite à la station de Kavala.
D'autre part, les Missions d^ Afrique nous apportent sur les iecnip^
filions des ch&sseups d'esclaves à l'ouest du Tanganyika des
détails qui expliquent l'insistance avec laquelle Mgr Lavigerie réclame
des mesures propres à diminuer les ravages de la traite. Une lettre de
Kibanga renferme les détails suivants 4 Vers midi, nous commençons h
voir, sur les collines qui entourent notre station, des nègres fuyant dan&
la direction de notre tembé. Les premiers arrivés nous apprennent qu'un
chef métis de l'est du Tanganyika vient de fondre sur la contrée. Vers
trois hexu-es en effet, nous voyons défiler au loin une troupe de métis et
de nègres armés, sur les hauteurs qui se trouvent en deçà de la rivièi'e
Louvou, limite de notre station. Ce sont les soldats de Mohammed qui
viennent faire leur razzia, comme ils en font dans tous les pays qui nous
environnent. Ds passent, drapeau rouge en tête, à travers les villages,
font main basse sur tout ce qu'ils trouvent, choses et gens, et poursui-
vent quelques fuyards éperdus dans les herbes d'une vallée. Du haut de
notre butte, nous les voyons attraper les volailles, arracher les cultures,
voler tout ce qu'ils trouvent dans les cases et que les pauvres habitants
n'ont pu emporter dans leur fuite précipitée. Un lieutenant de Moham-
med introduit auprès des missionnaires leur explique que le sultan de
Zanzibar a donné pour instinictious de ne pas piller chez les blancs, et
avoue avoir saccagé le Rouando au nord, le Manyéma, l'Ou-Nyabemba,
rOu Boudjoué, etc. Puis, le soir, on voit flamber partout les villages, les
gens se sauvent sur le lac, et les brigands repassent avec les femmes et
les entants liés en longues files. Une pauvre vieille emmenée en capti-
vité, veut s'attacher au vêtement d'un des missionnaires, et le supplie
de la sauver, mais elle est entraînée comme une bête de somme, la corde
au cou. Une autre, ne voulant pas se laisser entraîner, reçoit un coup de
p'stolet qui la blesse mortellement. Ces expéditions font le vide autour
des stations, et là où hier encore les missionnaires allaient porter l'in-
struction et la consolation, règne maintenant le silence du désert.
— 295 —
Le Report présenté à l'Assemblée générale de l'Église d'Ecosse, que
nous venons de recevoir, contient plusieurs pages sur les progrès faits
par les Arabes dans leurs attaques contre les indigènes des environs du
lac Nyassa, contre les stations missionnaires et contre les établisse-
ments commerciaux de la Société des La<5s. Nous n'en extrayons que ce
qui concerne la démarche faite par les Comités des deux Sociétés mis-
sioimaireis écossaises auprès du gouvernement anglais, pour obtenir son
appui contre l'invasion dont est menacée cette région. Des délégués des
Comités susmentio*nnés ont eu avec des membres du Parlement une con-
férence, dans laquelle ils ont exposé l'importance qu'il y a pour l'Angle-
terre à conserver son influence dans cette partie de l'Afrique. « Nous ne
demandons, » ont-ils dit, « pour nos missionnaires aucun privilège excep-
tionnel ; mais nous rappelons que les stations du Nyassa ont été établies
ensuite d'une invitation indirecte du gouvernement anglais, dans une
région ouverte par le D' Livingstone, consul de S. M., et qu'en 1858 le
gouvernement britannique envoya une expédition, dont les frais s'élevè-
rent à 750,000 fr. sans compter le lancement du Pioneer, en vue du
développement des districts du Zambëze et du Nyassa. » Ils rappelèrent
les dépêches de lord Clarendon, alors secrétaire des affaires étrangères
sous le ministère de lord Palmerston, à tous les^chefs du lac Nyassa,
déclarant que l'Angleterre voulait leur donner une preuve de son désir
de développer leur prospérité en leur aidant à ouvrir leur pays à un
commerce pacifique. « A cet effet, » disait lord Clarendon, « la reine envoie
un petit vapeur sur le Zambèze, la voie la meilleure pour l'importation,
de marchandises, celle qu'a explorée le D*^ Livingstone. Nous sommes
un peuple manufacturier, et nous fabriquons tous les articles que vous
voyez apportés par les blancs. Sachez tous, et que toutes les tribus qui
vous entourent sachent que les Anglais sont les amis et les promoteui-s
de tout commerce légitime, mais qu'ils sont les advei-saires du trafic des
esclaves et de la chasse aux esclaves. » Les Comités des deux Sociétés
missionnaires écossaises demandèrent aux membres du Parlement : P
que le gouvernement assurât le libre transit ou un transit favorable aux
marchandises anglaises transportées par des navires anglais de la côte à
l'intérieur ; 2** que l'on insistât auprès du gouvernement sur les faits
indiquant une augmentation de la traite, afin qu'il prtt des mesures
pour y mettre un terme ; et 3^ que les districts du Nyassa au nord du
Ruo fussent déclarés comme appartenant à la sphère d'influence anglaise.
A la requête de plusieurs membres du Parlement, cette dernière
demande fut changée en une autre aux termes de laquelle le gouverne-
— 29G —
ment est iavit-é à prendre les mesures les meilleures pour assurer la
sécurité des sujets et des intérêts anglais dans la région du Nyassa. Lord
Salisbury a fait bon accueil à la députatiou chargée par la conférence
de lui présenter ces demandes, et lui a promis de prendre celles-ci en
sérieuse considération.
Le Railivay Times annonce que le gouvernement de la colonie de
IVatal a décidé rétablissement d'un chemin de fer le lon§f de la
côte du Zoulouland. Jusqu'ici la colonie ne possède que deux
lignes de voies ferrées ; l'une partant de Durban se dirige au N.-E. vers
Lady-Smith, à la frontière de l'État libre de l'Orange ; l'autre longe la
côte sur un parcours de 80 kilomètres jusqu'à Verulam. La première se
prolonge vers l'État libre et le Transvaal en vue de relier entre elles les
routes qui conduisent à Pretoria et aux mines d'or ; mais les difficultés
matérielles sont considérables. Quant à la seconde, sa prolongation ren-
drait facile la soumission du Zoulouland tout entier; une section de
80 kilomètres de plus conduirait de Verulam à la Tugela, rivière qui
forme la frontière entre la colonie de Natal et le Zoulouland ; puis quel-
ques centaines de kilomètres à ti:avers ce dernier pays permettraient
d'atteindre le pays des Amatonga ; entin trois cents autres kilomètres
transporteraient la locomotive au Swazieland, et au district aurifère de
Barberton dans le Trausvaal. Le Railway Thnes reconnaît que la
colonie de Natal ne peut supporter seule les frais d'établissement de ce^
lignes, et qu'un subside delà métropole sera indispensable. Les contri-
buables anglais voudront-ils accepter cette charge V
Le Barberton Herald annonce le départ de deux expéditions pour le
pays d'OumzIla, l'une sous le commandement de M. J. Maritz,
l'autre dirigée par MM. Williams, auxquels a été vendue une partie
d'une concession obtenue par M. Zietsman, ancien guide de Livingstoue
et de l'explorateur allemand, C. Mauch, avec lequel il avait parcouru
le pays d'Oumzila. Longtemps M. Zietsman préféra de beaucoup la
chasse à l'éléphant, trouvant qu'il y avait là infiniment plus de chances
de protits que dans l'exploitation de roches comme celles des gisements
aurifères. La découverte des mines de Kaap lui fit comprendre de quelle
valeur pouvaient être ces quartz qu'il avait méprisés jusque-là ; il se
rappela ce qu'il avait vu dans ses explorations avec Mauch, se rendit au
pays d'Oumzila, et obtint du roi actuel une concession de 300 kilomètres
de long sur autant de large, sur la rivière Buzié, tout près de la rési-
dence du roi. Il en a vendu la moitié à MM. Williams. Dans chaque
crique, dit-il, il y a de l'or d'alluvion ; les natifs l'exploitent avec grand
- r I
» ,-
— 298 —
s'organiser et de se ravitailler. Les constructioiis et les plantations de la
section font l'éloge de ses directeurs actuels MM. Vankerckhove et
Dhanis. Les relations avec les indigènes continuent à être excellentes.
L'État trouve à engager à la station, pour un terme de deux ans et pour
le service de tous ses établissements et de ses bateaux, autant d'hommes
qu'il le désire. Partout on est de plus en plus satisfait des services mul-
tiples rendus par les 6a-Ngalas soit comme soldats, soit comme mate-
lots, soit comme ouvriers d'ateliers. La Compagnie du chemin de fer
trouvera parmi eux les bras nécessaires aux prochains travaux de déblais
et de terrassements de la voie.
£n arrivant à Basoko, au confluent de l'Arououimi et du Congo, le
capitaine Van Gèle trouva un petit poste établi par Tipo-Tipo à la
limite du district que celui-ci administre. Il y reçut un excellent accueil
et y apprit que le chef arabe, accompagnant le capitaine Vankerckhove,
à bord du steamer Association internationale africaine, venait de passer
et remontait la rivière. Le Stanley pénétra à son tour dans l'Arououimi
et rejoignit le steamer susmentionné trois heures avant d'arriver au
camp de Yambouya. Il y avait trois ans que le capitaine Van Gèle
n'avait vu Tipo-Tipo, qu'il avait trouvé en 1885 installé près de la station
des Stanley-Falls. Le chef arabe lui fit un très bon accueil, le mit au
courant des événements, et les deux steamers, naviguant de concert, se
dirigèrent vers le camp de Yambouya. Établi dans une assez mauvaise
situation, au pied des Rapides, celui-ci offrait un aspect misérable.
L'arrière-garde de l'expédition de Stanley, qui y avait passé une année
de privations, avait vécu presque exclusivement des produits d'un champ
de manioc. La mortalité y avait été excessive, quoique aucun Eiu'opéen
n'eût succombé.
Au moment où M. Van Gèle arriva à Yambouya, le 4 juin, le major
Barttelot organisait sa caravane. U avait encore une centaine de soldats
de l'expédition de Stanley : 30 Soudanais et 70 Zanzibarites, et avait
reçu de Tipo-Tipo 400 porteurs recrutés par lui dans le Manyéma et que
M. Jameson, remontant le Congo au-dessus des Falls, était allé diercher
à Nyangoué.
M. Wauters estime qu'il était un peu téméraire de s'aventurer avec
une caravane ainsi composée, dans les régions inconnues de l'est ; non
pas que les porteurs indigènes du Manyéma insfûrassent des craintes
quant à leur fidélité; mais l'escorte armée était insufiSsante ; d'autant
plus que les soldats zauzibarites amenés par Stanley et traités souvent
avec rigueur par le major Barttelot avaient manifesté maintes fois des
— 299 —
intentions hostiles. Le major n'avait pas réussi davantage à établir des
relations amicales avec les postes arabes établis dans le voisinage. Tipo-
Tipo avait même dû intervenir pour prévenir un regrettable conflit.
Pendant les cinq jours que le capitaine Van Gèle passa à Yambouya,
il semble avoir eu le pressentiment d'événements fâcheux. « Ce qui
pourrait arriver de plus heureux au major, » écrivait-il dans son journal,
«ce serait de revenir avec sa caravane à Yambouya après quelques jours
de marche». Le triste événement de l'assassinat du major Barttelot,
dont il a appris la nouvelle par les jouraaux en passant à Paiis, n'a que
trop malheureusement confirmé ses craintes quant à l'issue de l'expédi-
tion.
« On ne saura pas avant deux ou trois mois », dit M. Wauters, a les
faits qui ont amené la mort du major Bailtelot, mais, d'après ce qu'on
sait, on peut se demander si l'oflScier anglais n'a pas été assassiné plutôt
par ses soldats zanzibarites que par ses porteurs manyéma, et si sa
mort n'est pas le résultat d'une vengeance personnelle plutôt que de
l'hostilité contre les blancs. La main de Tipo-Tipo, que plusieurs jour-
naux ont voulu mêler à cette affaire, devrait en être écartée. »
Le 12 juin, la caravane se mit en marche de Yambouya. Le major
était accompagné de deux adjoints : M. Jameson ' et le D' Bonny.
C'est à Yambouya que le capitaine Van Gèle a recueilli les dernières
nouvelles de Stanley, qui, parti le 28 juin 1887, n'a plus donné une seule
fois de ses nouvelles. Deux ou trois mois après son départ on apprit que
deux déserteurs de l'expédition avaient abandonné la caravane à vingt
ou trente jours de marche de Yambouya. Le pays traversé, disaient-ils,
était difficile ; la rivière, à chaque instant innavigable, était mauvaise, et
finalement la marche du bateau avait été complètement arrêtée par des
<îhutes. La population était nombreuse, et les vivre-s abondants ; mais
les indigènes étaient hostiles et les soldats avaient dûlivi'er des combats.
Dès lors plus rien n'a transpiré sur la marche de Stanley.
De nombreux journaux l'ont déjà rangé parmi les morts, et l'assas-
sinat du major Barttelot leur a fourni l'occasion de railler ceux qui
croient encore à la possibilité de retrouver son expédition ^ Si le major
* Après l'assassinat du major Barttelot, ce fut M. Jameson qui reçut la mission
4e réorganiser une expédition pour aller à la recherche de Stanley. Malheureu-
sèment il vient d'être emporté par la fièvre à la station de Ba-Ngala.
* L'Indépendance belge annonce que par suite de la mort de Jameson, Pexpé-
dition de secours de Stanley ou d'Ëmin-pacha est définitivement abandonnée.
— 300 —
Barttelot n'était pas anglais, il s'en faudrait peu que l'Angleterre ne se
désintéressât de l'expédition de secours conduite à Érain-pacha, et na
laissât celui-ci sans ressources jusqu'au jour oîi l'on apprendra de
science certaine le point exact oîi se trouve Stanley, parce qu'Émin-pacha
a déclaré qu'après avoir reçu les provisions qu'il attend pour ses gens^
il n'abandonnerait pas ceux^i à la merci des partisans du mahdi,
et ne laisserait pas retomber ceux qu'il a délivrés sous le joug des chas-
seurs d'esclaves. Quoi que fassent les Anglais au sujet de la mort du
major Barttelot, nous voulons encore, avec les voyageurs Junker»
Schweinfurth, Lenz, Wissmann, Van Gèle et de Winton ', malgré toutes
les apparences contraires, croire à l'existence de Stanley. Dans tous les
cas, nous trouvons le moment bien mal choisi pour recommander l'aban-
don d'Émin-pacha à son malheureux sort, et nous sommes heureux de
constater qu'en Allemagne comme en France, en Autriche comme en
Amérique, il y a encore des hommes pour lesquels le salut du dernier
des lieutenants de Gordon l'emporte sur la question des sommes que
peuvent coûter les expéditions à organiser pour lui porter secours.
A propos du pacha blanc dont la nouvelle était parvenue à Yambouy a,
le capitaine Van Gèle a rapporté qu'il était question d'un blanc
s'avançant à la tête d'une expédition armée et combattant pour se frayer
passage. Il venait de l'ouest, était vêtu à l'européenne, et ses honmies
étaient annés de fusils. Chose bizarre, a ajouté le capitaine, on disait
qu'il était chaussé de grandes bottes semblables â celles que je porte
moi-même lorsque je suis en expédition. M. Wauters voit dans ce détail
l'explication de la nouvelle du fameux pacha blanc, qui, suivant lui, ne
serait autre que le capitaine Van Gèle lui-même remontant, au conmien-
cernent de cette année, l'Oubangi-Ouellé, livrant des combats chez les
^ Sir Francis de Winton vient de communiquer aux journaux anglais le dernier
rapport reçu du major Barttelot par le comité organisateur de PexpéditioD
Stanley. Ce rapport est daté du 10 juillet et porte pour conclusion que Tipo-Tipo
a violé ses engagements, qu'il n'y a plus d'appui à attendre de lui, qu'il faut agir
sans son aide et se mettre en marche sans plus de retard, car ajourner ou contre-
mander l'expédition serait de la pusillanimité. D'autre part, le Standard publie
une lettre que lui adresse un haut fonctionnaire de l'État du Congo et qui conânne
le mécontentement des hommes commandés par le major Barttelot. Ce méconten-
tement, dit la lettre, provenait d'abord des mauvais traitements dont ces hommes
étaient l'objet de la part de Barttelot, et ensuite du peu de soin que prenait celui-
ci pour assurer l'approvisionnement de ses hommes et les empêcher de mourir de
faim.
PWV
\M
— 301 —
Yakomas, près du confluent de la rivièi*e Mbomo (voy. p. 147-154 et la
carte p. 160), qui a sa source aux confins du bassin du Balir-el-Ghazal.
Transmise de bouche en bouche, la nouvelle parvint à Khartoum et à
Souakim, d'où elle arriva en Europe.
Le 9 juin le Sta>nley et V Association internationale africaine quit-
tèrent le camp de Yambouya ayant à bord le capitaine Van Gèle et le
lieutenant Vankerckhove. Tipo-Tipo demeura à Yambouya pour assister
au départ de la caravane du major Barttelot. Les deux steamers arri-
vèrent aux Falls le 15 juin. L'ancienne station fut réoccupée, les mem-
bres de l'expédition furent installés dans une maison nouvelle préparée
par Tipo-Tipo, et le capitaine Van Gèle et ses adjoints furent reçus de
la façon la plus hospitalière par le frère de Tipo-Tipo, Bouana-Nzigé.
Enfin, le 18 juin, après trois jours passés aux Falls, le capitaine Van
Gèle reprenait le chemin de la côte. En route il rencontra Tipo-Tipo à
bord du Holland, plus bas, à bord de V En-Avant, le lieutenant Haneuse.
Le 2 juillet il arrivait à Léopoldville, le 17 août il s'embarquait à
Banana, et le 15 septembre, moins de trois mois après son départ des
Falls, il rentrait à Bruxelles.
L'expédition projetée par M. le capitaine Trivler que nous annon-
cions il y a quelques mois (p. 208), est en cours d'exécution. Muni
d'une mission du ministre de l'instruction publique de France, M. Tri-
vier s'est embarqué à Bordeaux le 20 août sur la Nertfie qui devait le
transporter à Dakar, ainsi que M. Weissemburg, de Rochefort comme
lui. Le département de la marine lui a donné tous les instruments astro-
nomiques nécessaires à ses observations; une escorte de cinq laptots
sénégalais sera h sa disposition dès son arrivée à Dakar. De ce point il
se rendra à Loango, oîi il organisera une caravane pour se rendre à
Brazzaville; là il s'embarquera sur un vapeur jusqu'aux Stanley-Falls ;
puis reprendra la voie déterre jusqu'à Nyangoué et jusqu'au Loukouga.
Ensuite il se dirigera vers Mpala, traversera le Tanganyika, touchera à
Karéma et à Oudjidji, d'oii à travers l'Ou-Nyamouezi il cherchera à
atteindre Bagamoyo et Zanzibar.
La Revue Française nous apporte les nouvelles suivantes de
ML. Joseph Thomson qui explore actuellement le Mapoc. Il se
rendit par mer de Tanger à Casablanca et de là par terre à Mogador.
Ne pouvant compter sur son escorte, il eut recours aux bons offices d'un
juif de Demnah qui lui fut d'un grand secoui-s. De Demnah il fit deux
excursions intéi-essantes au point de vue géologique et géographique,
puis franchit l'axe central de l'Atlas jusqu'au district de Tiluit dans le
— 302 —
bassin du Draa. L'insurrection des tribus du versant sud le força à
revenir vers le nord ; il traversa la chaîne par une passe, un peu au sud
du Djebel Tizah, dont l'ascension a été faite précédemment par Hooker^
et atteignit sans encombre Gindaby. Ensuite il monta jusqu'au sommet
le plus élevé de l'Atlas, au nord de Amsivitz, à une altitude de plus de
4000 mètres, environ 500 mètres de plus que tous les pics atteints jus-
qu'ici. De là il revint à Maroc, pour attendre les provisions qui lui
étaient envoyées de la côte.
NOUVEIiLES COMPLÉMENTAIRES
La Compagnie transatlantique a installé, le l*' septembre, trois courriers
directs entre Marseille et Tunis, et un courrier entre Alger et Tunis, avec escales
sur les côtes de l'Algérie et de la Tunisie.
Le Progrès de Sétif annonce que le ramassage des œufs de sauterelles s'effectue-
sur une grande échelle. A chaque marché, des quantités énormes sont apportées
à la mairie par les indigènes désireux de toucher de suite une petite somme
d'argent. Les œufs sont déposés dans de vastes fosses, où ils sont enfouis, après
avoir été disposés par couches alternant avec des lits de chaux.
Au congrès de l'Association britannique réuni récemment à Bath, sir Robert
Playfair, consul général de la Grande-Bretagne à Tunis, a exposé les progrès
réalisés en Tunisie sous le protectorat français. Terre à peu près inconnue, il y a
peu de temps, elle promet, aujourd'hui qu'elle est ouverte à l'activité européenne»
de devenir bientôt la rivale de l'Algérie pour la culture de la vigne, qui devra
toujours être la principale industrie du nord de l'Afrique.
D'après une lettre du Caire au Standard, un grand mécontentement règne chez
les partisans du mahdi qui pousse à l'extrême la sévérité de la discipline religieuse.
Tout homme convaincu d'avoir fumé ou d'avoir bu du café a la main droite coupée.
Des négociations sont engagées entre les^ autorités égyptiennes et italiennes
pour l'établissement d'un nouveau service hebdomadaire entre l'Egypte et
l'Europe, par la voie du Pirée et de Brindisi.
Le gouvernement turc ayant notifié au ministère anglais son intention de
réoccuper le port de Zeïlah, cédé autrefois à l'Égj'pte moyennant une augmenta-
tion de tribut, le Foreign Office a répondu que Zeïlah dépend aujourd'hui de
l'Egypte, et que tout en conservant sa suzeraineté sur les territoires égyptiens, la
Turquie n'a pas le droit de les occuper militairement, ni même de les administrer
pour son propre compte.
La British £ast African Company, à laquelle le sultan de Zanzibar a concédé
ses pouvoirs et droits d'administration sur le territoire de M'Rima et tles dépen-
dantes, ainsi que ses possessions de la côte orientale d'Afrique, de Wanga à
Kipiui, a obtenu du gouvernement anglais une charte analogue à celle de la
1
_..
Compapiie dn Niger. Elle a en a
diefs indigènes des régions a
Lea trafiquants d'esclaves ayant p
«dieux commerce, dans lea einx de t'.
1 prescrit à ses agents à Madagascar i
D'après une dépêche d'Edimbourg,
chasseurs d'esclaves et une expéditi
blanc et plusieurs indigènes faisant pt
capitaine Luggard qui la commandait
H. Wulf, chargé par la Société aller
de diriger les établissements fondés d:
quittera l'Allemagne à la fin d'octobn
café, de Java, et les planteurs de tabi
leurs et inspecteurs des plantations d
A l'Exposition coloniale de Cologne
one médaille d'or pour la variété des
produits de ses domaines.
A la fin de l'année, M. le D' Latrill
direction de l'infirmerie allemande qui
i exercer la surveillance sur les missi
populaire souahéli.
M. de Graveoreuth a réussi à acclii
l'introduction dans l'Afrique orientale
Le D' Schweinfurth signale, dans
d'an jeune négociant allemand, nomm
au service d'une maison de Marseille
particulier des expéditions commerda
15 avril 1886, sa famille n'a plus reç
de Tête, pour un nouveau voyage h V
Un service postal sera prochainem
nique et le Ma-Tébêléland, par Sho!
Des stations postales seront établies
Gouboulououayo.
Le dernier numéro des Miê»i<m»-Be
richesse de la langue des Ba-8onto, le
pour désigner le blé depuis le moment
mûr et prêt Jt être récolté ; vingt-deu]
espèces de hté cafre ; treize noms à 1
distinguer les nuances du bétail.
Dans une session extraordinaire con'
de l'État libre du fleuve Orange, le Vc
président de la Cour suprême.
D'après une dépèche de l'Agence
- 305 —
H. le capitaine Cambier a rapporté à Bruxelles les plans du tracé adopté pour
!f chemin de fer du Congo, qui contourne le massif de Matadi et le passage de la
Mpoio à son confluent, ce qui rend inutile le travail d'art que l'on redoutait en
(K endroit. 11 a laissé le commandement de l'expédition des ingénieurs à
ï. Hector Charmanne, qui achève le levé tachéomé trique de la direction générale
du tracé jusqu'à Léopoldïille. L'expédition compte avoir terminé ses opérations
n novembre ou en décembre prochain.
lossitAt que le lieutenant Tappenbeck sera arrivé au Cameroun, l'expéditioii
illemande se propose d'entreprendre une nouvelle exploration du pays des
Bn-Taoga, oh nue station scientifique sera fondée sur le tteuve Sannaga.
L« lieutenant von François a atteint Salaga le 4 mars en passant par Kpandii,
foi, après un repos de dix jours, il s'est dirigé sur Jandi. 11 y est arrivé le 23
un, et a continué sa route vers Gambaga qu'il a atteint le 5 avril. De là il se
froposait de se diriger vers Waga Dugu et Arre.
Le médecin major Wolf, chargé d'une mission d'exploration, s'esi rendu, par le
lerritoire de Togo, à Addelar au N.-E. de Salaga, où il a établi une station pour
i-i éludes scientifiques.
COUP D'ŒIL SUR LES PROGRÈS ACCOMPLIS DEPUIS UN SIÈCLE
DANS LA CONNAESSANCE DE L'AFRIQUE
Dans la sÎKième livraison des Petermatins Mitteilmiffe», le rédacteur
Il chef, le D* Supan, a publié une étude des plus i-emarquables intitu-
lée : Un eiècle d'exploratinn africaine. II ne s'agit pas d'une noniencla-
mre des voyages accomplis en Afrique depuis uu siècle, mais d'une sorte
de classificAtion des explorations et d'un historique en quelque sorte
philosophique des progrès réalisés dans la connaissance du continent.
Cet article a principalement eu vue de faire ressortir aussi bien l'im-
meosité des progrès réalisés dans un espace de temps relativement
eourt, que les phases par lesquelles a passé l'exploration africaine, les
^nds problèmes qtii ont successivement éveillé la curiosité des voya-
çears, des géographes et du public, enfin le programme de l'avenir.
Ce mémoire, riche en renseignements, écrit avec cette concision sub-
suntielle qui permet de dire beaucoup de choses en peu de mots, est
accompagné d'une série de petites cartes indiquant, de 1790 à 1880, les
progrès accomplis de dix en dix ans dans l'exploration de l'Afrique, et,
™ outre, d'une carte à plus grande échelle deetiuée à faire connaître
l'état actuel de nos connaissances sur l'Afrique et les questions qui se
posent aujourd'hui.
Kous avons pensé qu'une étude succincte du sujet traité par le D' Su-
i
k
ite d'après son savant travail et quelques autres sources pourrait
îer noe lecteurs. La carte qui termiae ce numéro reproduit avec
le détails celle des Mitteilunffen. Nous y avons eu outre fait figu-
limites des États africains et des possessious européennes, d'après
«18 politique de l'Afrique deWauters, publié par M. E. Banning
m ouvrage le Partage de l'Afrique. Cette indication des fron-
L été ajoutée en vue d'un article que doit contenir un des pro-
numéros de notre journal.
ate choisie par le D' Supan pour la publication de son travail est
ersaire d'un événement dont ou a bien souvent fait ressortir l'im-
». C'est le 9 juin 1788, en effet, que fut fondée, à Londres,
on Association, société dont le but était d'encourager les voyages
)uvertes dans l'intérieur de l'Afrique. Les notabilités, dont quel-
les étaient considérables, qui présidaient à la création de l'Asso-
, se rendaient compte des avantages que le commerce aussi bien
science devait retirer de l'exploration de l'Afrique. A cette épo-
ingleterre qui venait de perdre une grande partie de ses colonies
•ique sentait le besoin d'ouvrir des débouchés à son industrie.
it trouver de nouveaux acheteurs, et on les trouva, car il est cer-
e l'ouverture de routes nouvelles dans le nord de l'Afrique pro-
conimerce anglais. Toutefois ce n'est pas à ce point de vue que la
on de l'African Association ouvre une ère mémorable. Elle mar-
sn davantage dans l'histoire de la science que dans l'histoire du
rce. La Société donna aux explorations un caractère beaucoup
ientitique que par le passé. Elle sut choisir ses voyageurs. Sans
îccuper de leur nationalité — elle prit à son service plus d'Alle-
que d'Anglais, — elle chercha surtout à mettre à la tète des expédi-
iti-eprises sous son patronage, des hommes sachant voir et sachant
mdre, forts en sciences naturelles et possédant un caractère bieu
:. L'études des espèces végétales et animales, des populations,
gués, des civilisations, la détermination astronomique des loca-
irent partie du programme des voyages au même titre que la
aissance orograpfaique, hydrographique et climatérique des con-
L'African Association organisa ses expéditions au Sahara et au
1 méthodiquement et suivant un plan bien conçu. Les informa-
apportées pai- les voyageurs qu'elle envoya sont encore aujour-
Bs seules que l'on possède sur certains territoires, ou sont consi-
comme des plus pi-écieuses pour d'auti-es régions, alors même '
lutres explorateurs les ont parcourues plus récemment.
— 308 —
la portion comprise entre le cap Negro et le fleuve Orange, car cette
région est presque complètement ignorée, mais plutôt de l'Angola et du
cours inférieur du Congo, oii les capucins italiens se sont établis comme
missionnaires à Concobella. La côte orientale est fréquentée par les
chercheurs d'or dont Sofala et Tête sont le but, et par les négriers,
mais peu par les voyageurs. Les reconnaissances se bornent à la côte
et à la partie inférieure du Zambèze.
Le pays du Cap est beaucoup mieux connu. La colonie que les Hol-
landais y ont fondée ne ressemble pas aux autres établissements euro-
péens en Afrique. Son but n'est pas seulement commercial ; il est aussi
agricole. C'est avant tout une colonie de peuplement. A mesure que le
pays se couvre de fermes, les Boers s'avancent vers l'intérieur, comme
ils le font encore aujourdhui. La carte ne porte pas, comme dans les au-
tres parties de l'Afrique, quelques itinéraires isolés, à droite et à gauche
desquels on ne sait rien ; c'est une région tout entière qui est explorée.
Au dix-huitième siècle plusieurs explorations augmentent d'une manière
sensible les connaissances antérieures aussi bien sur le pays lui-même
que sur ses habitants aborigènes; on peut citer parmi les voyageurs les
plus marquants : Kolbe (1705 à 1713); La Caille (1751 et 1752); Sparr-
mann et Thunberg (1772-1 776) ;Paterson (1777); Le Vaillant (1780 à
1785). Le récit de ce dernier est très amusant à lire, mais il offre, par le
caractère peu scientifique des assertions qu'il renferme, un spécimen
des relations de voyages de cette époque.
Ainsi, en 1788, à part la région du Nil moyen et inférieur, la Séné-
gambie et la partie méridionale du Pays du Cap, l'Afrique pi-esque en-
tière était un terrain de découvertes pour les explorateurs. La tâche
était grande. Il eût été peu logique d'attaquer le continent noir sur tous
les points à la fois. UAfrican Association limita son terrain d'action à
la région du Sahara et du Soudan. C'est de ce côté que se portèrent
presque tous les effoi^s. A la vérité, le reste de l'Afrique ne fut pas
entièrement négligé, car c'est du commencement du dix-neuvième siècle
que datent les importants voyages de Burckhardt dans la Haute-Nubie
(1812), de Caillaud dans les déserts de l'est et de l'ouest de l'Egypte et
aux mines de l'antique Meroê (1815-1820), de Rtlppel au Dongola, au
Semiaar et au Kordofan (1823) ; c'est aussi à cette époque que Som-
memlle, Lichtenstein, Cowans, Burchell et Campbell parcourent les
régions de l'Orange et du Limpopo. Toutefois l'attention publique ne
se porte pas dans ces directions ; Timbouktou et le Niger attirent tous
les regards. Quel est le coui*s et quel est le régime du grand fleuve
— 309 —
soudanien? va-tril se mêler au Nil; s'arréte^t-il auparavant dans les
lagunes de Ouangara (lac Tchad actuel) ; conduit-il ses eaux au Congo
ou au golfe de Bénin ? Autant de questions qui passionnent les esprits.
Homemann (1799) et Mungo-Park (1795-1805), entrés les premiers ©q
lice sont bientôt suivis par une pléiade de hardis explorateurs. Tuckey
remonte le cours inférieur du Congo (1816), Peddie périt en voulant
arriva au Soudan par l'ouest (1816), et Lyon est forcé de s'arrêter au
sud du Fezzan (1819), Denham et Clapperton (1822-1824) traversent le
Sahara et le Soudan, font la reconnaissance complète du lac Tchad, et
reviennent avec l'information donnée par le sultan de Sokoto que le
Niger se rend au golfe de Bénin. L'honneur de véiifier cette assertion, et,
par suite, de résoudre la question du Niger était réservé aux frères Lau-
der, qui fixèi'ent définitivement les embouchures du grand cours d'eau.
C'était en 1830. A ce moment, l'exploration africaine entrait dans une
Qouvelle phase. Ces voyages avaient intéressé le grand public non seu-
lement en Angleteri-e, mais sur le continent. Des sociétés de géographie
s'étaient fondées, l'une à Paris, en 1821 ; une autre à Berlin en 1828;
une troisième h Londres en 1830. L'Africcm Aesociation, comme société
séparée, n'avait plus sa raison d'être. En 1831, elle se fondit avec la
Société royale de Londres.
De 1830 à 1850, les progrès dans la connaissance de l'Afrique furent
plutôt lents. Ainsi que le prouve une comparaison de deux cartes. Tune
datant du commencement de cette période, l'auti'e de la fin; il n'y a
de réel changement à constater que dans la Berbérie ob la France
s'était établie, le bassin du Nil et l'Afrique australe. Quelle différence
entre cette époque et celle qui lui succède ! L'année 1850 est une date
mémorable dans l'histoire des explorations africaines. Le nombre des
voyageurs s' accroît depuis ce moment avec une étonnante rapidité. Us
se précipitent comme une avalanche sur tous les points, sur toutes les
côtes de cette Afrique si longtemps délaissée, pour en faire la reconnais-
sance et ouvrir la route aux missionnaires, aux commerçants, aux colons,
aux consuls qui les suivent de près. Jusqu'alors le nord-ouest de l'Afri-
que, le bassin du Nil et la région du Gap étaient les trois régions sur
lesquelles se portait l'attention publique. L'Afrique équatoriale était
intacte ; les géographes ne savaiait rien ou presque rien de toute la
partie comprise entre le tropique du Capricorne et une ligne allant du
golfe d'Aden h la baie de Biafra. C'est sur ce vaste territoire que va
surtout se concentrer le travail d'exploration depuis 1850. Deux événe-
meate dont le retentissement fut immense peuvent en être considérés
— 310 —
lies avauWwureurs. Nous voulouâ parler de la découverte,
ia I84ij, de deux pic8 couronnés de ueiges étemelles, sous
) KJlima-Njaro et le Keuia, parles miâsiounaires Rebmann
lu lac Ngami par le docteur Liviogstone. Depuis lors les
evaient se succéder saos interruptiou.
stinguer trois périodes pnncipales dans le grand moure-
ision qui se produit de 1850 à nos joui-s. La première
1862 ; c'est l'époque des problèmes se rapportant au Nil et
t de la continuation de l'exploration du Sahara et du Sou-
ide commence en 1862 et finit en 1877 ; elle comprend les
)»t pour but de résoudre la question du Congo et de Caire
deux zones côtières orientale et occidentale de l'Afrique
>uis 1877, époque à laquelle s'ouvre la troisième période,
lits du relief et de l'hydrographie de l'Afrique sont fixés;
■g ont surtout en vue l'achèvement de la reconnaissance
continent et la fondation de colonies européennes dans la
lie. évidemment ces trois périodes n'ont pas un caractère
absolue; cependant elles se distinguent assez nettement
utres poui- constituer une division formelle dans l'histoire
on africaine.
iremière période, la question des sources du Nil était cer-
lle qui excitait l'intérêt le plus vif. Grâce k la protection
déhémet-Ali, de beaux voyages avaient pu s'accomplir,
ceux de Caillaud, de RUppell, de Russegger (1837-1838) et
• de d'Arnaud (1840) qui fut assez heureux pour pouvoir
'à Gondokoro. D'autres itinéraires partant aussi du cours
Qoyen du tleuve, ceux de Tremaux, Brun-Rollet, de Guill.
y Hartmann, de Heuglin, de Baker recouvrirent cette
iut-Nil d'un réseau dont les mailles se rétrécissaient de
Mais ce n'était pas par ce côté que la solution de la grande
lit être trouvée. Depuis les découvertes de Krapf et de
côte de Zanzibar attirait les regards. Bui-ton et Speke en
'ers l'ouest, amvèrent au lac Tanganyika en 1858. Deux
., Speke avec un nouveau compagnon, le capitaine Grant,
la même côte pour faire la mémorable exploration qui les
lac Victoria et au Nil qui en sort. Baker compléta leur
ir celle de rAIheil-Nyauza. A la même époque, de Decken
:iltma-Njaro.
ie la découverte du Zambèze qui marcha parallèlement
— 311 —
avec la recomiaissance du Haut-Nil est intimement liée au nom du doc-
teur Liviûgstone, sanjs contredit le plus populaire des voyageurs afri-
cains. U parcourut le bassin de ce grand fleuve pendant de longues
amiées, dans une première expédition (1853 à 1856), qui lui permit de
traverser, lui premier, le continent africain de Test à l'ouest, et dans
une seconde (1858-1861) qui avait pour but l'exploration du Zambèze
inférieur et de son affluent le Chiré.
Dans le Sahara et le Soudan, la période de 1850 à 1861 est marquée
par le grand voyage que Barth (1850-1855) avait commencé avec Ri-
chardson et Overweg et qu'il termina avec Vogel. Cette expédition le
conduisit au Fezzan, à l'oasis d'Asben, au Bornou, à l'Adamaoua et à
Timbouktou. Elle est un des épisodes les plus importants de l'histoire
des voyages.
Ainsi au commencement de la cinquième période, des progrès consi-
dérables ont été accomplis ; le cours de trois des quatre grands fleuves
de l'Afrique, le Niger, le Nil et le Zambèze est à peu près déterminé.
Quant au quatrième, sans contredit le plus puissant, on ne sait rien de
son cours, rien de son bassin. On ne soupçonne même pas son impor-
tance ; quand Livingstone, dans sa troisième expédition (1865 à 1873),
en révèle le cours supérieur (Loualaba), la source, et fait connaître les
deux réservoirs, le Moëro et le Bangouéolo, quand Cameron (1873-1875)
le traverse à Nyangoué, le public ne pressent pas qu'il s'agit d'une
question plus importante encore que celle du Niger et du Nil. Aussi,
lorsque Stanley, que son voyage à la recherche de Livingstone (1871) a
enthousiasmé pour les choses africaines, revient de sa grande traversée
du continent (1874-1877) et fait connaître au monde l'immense Congo,
sa découverte est accueillie comme une révélation et produit im reten-
tissement considérable. Pendant que ces grandes explorations s'accom-
plissaient, d'autres, moins retentissantes, ajoutaient k nos connaissances
sur le reste de l'Afrique. Sans vouloir citer tous les noms, nous pouvons
signaler, pour le Sahara et le Soudan, les voyages de Duveyiier, Beur-
mann, Rohlfs, Nachtigal et SoleiUet; pour l'Abyssinie, ceux de Munzin-
ger et Raffray, sans compter l'expédition anglaise contre Théodoros,
qui eut des conséquences heureuses aussi bien au point de vue géogrii-
phique qu'au point de vue politique; pour le Haut-Nil, l'exploration si
importante de Schweinfurth dans les contrées qui sont encore aujour-
d'hui le centre d'attraction de l'Afrique; pour la région australe, les
voyages d'Erskine, Elton, Mauch, Holub et Selous; enfin, pour la parti (^
méridionale du bassin du Congo, ceux de Pogge et de Lux. Indépeii-
— 312 —
dammeiit de la découverte du Congo, un grand événement marque la
fin de la seconde période; c'est la fondation de l'Association iDt«matio-
nale africaine, dont la pensée est plus vaste que celle de l'African Aaso-
ciatioD, puisqu'au début elle convie tous les peuples à s'occuper de
l'Afrique pour y faire pénétrer la civilisation européenne.
Dès lors, l'exploration de l'Afrique entre dans une phase nouvelle;
les expéditions nombreuses entreprises sous le patronage de l'Associa-
tion et d'autres sociétés scientifiqueg, philanthropiques, missionnaires
ou politiques sont encore dans toutes les mémoires. Notre journal a
permis k nos lecteurs de suivre, mois par mois, ce mouvement considé-
rable ; il faudrait de longues pages pour le résumer, d'autant plus que la
question de la colonisation jusqu'alors reléguée à l'arrière-plan, s'y lie
d'une manière directe. Un grand nombre de voyages ont un but inté-
ressé; en même temps qu'il étudie le pays scientifiquement, l'eiqjlora-
teur, qui est souvent l'agent d'une société commerciale ou d'un État,
cherche k y nouer des relations avantageuses qui permettent à des
comptoirs de s'y établir ou à des nations européennes d'y planter leur
pavillon. L'Europe prend peu h peu possession de l'Afrique qui, après
avoir été explorée au nom de la science, devient le champ clos des riva-
lités de races et d'intérêts. Le tableau suivant permet de se rendre
compte des principales périodes de l'histoire de l'exploration africaine
depuis un siècle :
«988 i. «860
Question du Niger (1788-1830).
Période de progrès lents dans le bassin du Nil et le sud de l'Afrique
0830-1850).
«SSO-1888
Question des sources du Nil ; question du Zambèze ; exploration du
Sahara et du Soudan (1850-1862).
Question du Congo ; exploration des régions côtières orientale et oca-
dentale de l'Afrique équatoriale (1862-1877).
Période de l'achèvement de l'exploration du continent et de la coloni-
sation européenne dans la région tropicale (depuis 1877).
Après avoir constaté ce qui a été fut depuis un siècle, jetons un coup
d'œil sur notre cart« pour nous rendre compte de ce qui reste h faire.
Parmi les contrées indiquées comme connues, le pays du Cap, une partie
du Traufivaal, l'Algérie, la Tunisie, la Basse-Egypte ont seules été rde-
vées par les géomètres. Les autres, la Sénégambie, la Haute^uinée
orientale, le Nil Blanc, l'Abyssiiiie, la Hotténtotie et ley bassins du
Chiré et de la Rovouma ont été explorées à plusieui"a reprises sans tou-
tefois que toutes les parties en soient comptèt^ment connues.
Le reste du continent comprend en premier lieu les coiitfêes; traversées
par un plus ou moins grand nombre d'itiuéraii-es de voyageui'b.
Dans quelques-unes ces routes forment un réseau suffisamment serré
pour que le géographe connaisse avec certitude les lignes principales de
l'oi-ographie et de l'hydrographie du pays. C'est le cas de la zone côtiére
du Sahara oceidentjil, de la partie septentrionale du grand désert, d'une
large bande du Soudan comprise entre le Niger et le hic Tchad, de la
région des grauds lacs, du Zambèze moyen, du Kalahari, et du cours
supérieur des affluents méridionaux du Congo. Ailleui-s les itinéraires
80ut moins nombreux et l'incertitude règne sur bien des points. Dans le
pays des Somali, le Ouadal, le Baghirmi, le Soudan occideiitjil, le Sahara
central et h bassin du Congo, les routes clairsemées dissent entre
elles des espaces immcnse-s et ressemblent au sillon qu'aurait tracé
une charrue au milieu d'une vaste plaine.
Entiu il est des régions entières sur lesquelles le mystère plane encore.
Sans parler des contrées du Sahara centi-al et de l'impénétrable désert
de Libye qui offrent moins d'intérêt à catise do leur peu de ressources;
sans insist«r non plus sur les lacunes nombreuses qui se pi-ésentent dans
le bassin du Zamlièze, on constate que d'importantji; problèmes se jwsent
au géographe touchant des régions situées dans le voisinage des établis-
sements européens et dont la prise de possession effective i)ar les nations
civilisées aurait de grandes conséquences pour le développement de la
colonisation. Nous voulons parler du pays des Mandingues au nord de
Libéii%et de la côte des Graines, que l'on s'étonne de voir inexploré si
près de colonies européennes; de la contrée située à l'est du Nil Blanc,
oU les colons trouveront très probablement un pays riche et suffisam-
ment salubre; enfin de l'immense bassin du Congo qui n'a encore été
reconnu que dans le voisinage des cours d'eau et dont nous n'avons pas
besoin de faire ressortir l'importance. C'est au nord dé cette région
que se trouve le plus grand blanc de la carte d'Afrique et pourtant cette
contrée est l'une des plus intéressantes du grand continent, puisque
c'est là que passe la ligne de partage des eaux entre les quatre bassins
du Congo, du Nil, du Chari et du Niger.
Ainsi, malgré la grandeur de l'œuvre d'exploration accomplie depuis
un siècle, la reconnai-ssance de l'Afrique est loin d'être terminée. Les
questions qui se posent sont encore nombreuses, et le champ de travail
-.'f
- 314 —
est des plus vastes. Toutefois la zone inconnue se rétrécit de plus en
plus, grâce au zèle et à l'ardeur des pionniers de tous les pays, et Ton
peut dire qu'il est probable que la fin du siècle ne s'achèvera pas sans
que les principales lacunes soient comblées. Ainsi l'exploration de l'Afri-
que est Tœuvre du dix-neuvième siècle. N'eût-il laissé que ce pi-ogrès
à la postérité, il aurait bien mérité de l'histoire.
CORRESPONDANCE
liettre de Tatl, de M. A. Demaflney, ingénlear.
Tati (Ma-Tébéléland), 21 juiUet 1888.
Cher monsieur,
Nous venou^ d'apprendre avec plaisir que la construction d'une voie ferrée
Kimberley-Mafeking a été décidée.
Le gouvernement anglais va organiser un service postal entre Mafeking et
(iouboulououayo, avec un bureau à Tati.
L'attention des chercheurs d'or est maintenant tournée vers le pays des Ma-
Tébélé et des Ma-Shona. Lo-Bengula est accablé de demandes de concessions; mais
la seule concession qu'il ait accordée jusqu'à présent est celle de Tati. — Cependant
il désire, paraît-il, être éclairé sur les richesses minérales que son pays renferme.
Il a autorisé un ingénieur américain, M. Moor, à explorer le nord du Ma-Tébéléland
et le Ma-Shonaland sous la condition que M. Moor le renseignera fidèlement sur
les gisements aurifères qu'il pourra découvrir.— M. Moor est à Kiraberley, occupé
à organiser son expédition.
Quelques blancs sont partis dernièrement de Shoshong pour le lac Ngami. Ils
se proposent d'obtenir du chef Mouani une concession pour la recherche des
métaux précieux. t
Il s'est formé à Londres une compagnie au capital de L. 150,000, pour l'explo-
ration d'une concession de 200 milles carrés accordée par Khama.
31 juillet.
La situation politique au Ma-Tébéléland est fort troublée. Nous ne savons pas
ce qui va se passer; il y a quelques jours, les Ma-Tébélé employés à Tati ont reçu
l'ordre de regagner leurs villages. — Aujourd'hui, une lettre qui nous arrive de
Shoshong confirme la nouvelle apportée le 27 courant par des Boers d'une escar-
mouche entre M. Groblaar et des soldats de Khama. Cela aurait eu lieu dans les
limites du protectorat et il y aurait eu des morts de part et d'autre. Nous sommes
>ans nouvelles de Gouboulououayo.
A. Demapfet.
BIBLIOGRAPHIE >
Elisée Reclus. N'ol'vei-le géographie univ
HOMMES, tome Xin. L'AFRIQUE MÉRIDIONAL]
1888, in-4'', 878 p., 5 cartes en couleur, 190
texte, 78 vues ou types gravés sur bois ; 30 fi
nous étendre longuement sur cet ouvrage qu(
ont déjà lu ou du moins consulté. Aussi bien,
la méthode et le style de M. Reclus : cette m*
reuse par laquelle aucune phrase, aucun mot
style gcaud et sonore qui ramène à une formf
les plus complexes. Ce volume a été rédigé i
précédents. M, Reclus a eu souci d'être aus
impartial ; il a su s'entourer de collaborateur
grand nombre de voyageurs et d'écrivains co
africaines. M. Metehnikov lui a communiqué
les populations de l'Afrique méridionale et
Thomson, le voyageur au pays des Masaï, et
par ses voyages chez les Somal, ont fourni à I
meiits. M. Ponel qui connaît fort bien la Gi
nous avons récemment analysé le beau volum
de Mello qui s'est livré à une étude complète
épreuves relatives aux pays dont ils s'étaient
et aux gravures qui, par leur nombre et leur
grande valeur à cet ouvrage, elles sont l'œuv
lent depuis plusieurs années à la publication
universelle : M. Perron, de Genève, pour les
Thiriat, Vuillier, Konjat pour les dessins.
Avec ce treizième volume, M. Reclus a teiT
cien Monde. Les pays que l'auteur a réunis s
que méridionale diffèrent sensiblement les uii
l'hydrographie, le climat et les habitants. To
forme triangulaire qui s'étend au sud d'une 1
Cameroun et d'Aden a i-éellemcnt une grande
semble constitue un plateau élevé qui s'apprc
du côté de laquelle il descend par des teri
' On peut ee procurer à la librairie H. Georg,
ouTragea dont il est rendu compte dans l'Afrique ea
— 3ir> —
côtière plus ou moins large. Trois grands Heuves, le Congo, le Zambèze
et rOraiige, divisent cette vaste contrée en trois régions naturelles qui
sont elles-niêines subdivisées en sous-régions. Le Cameroun, la (îabouie.
l'immense bassin du Congo, l'Angola, le pays des Damara et des Nama-
Koua, les bassins de l'Orange et du Limpopo, le territoire de Mozambi-
que, le bassin du Zambèze, les pays de Zanzibar, des Masaï et des Soinal
forment autant de contrées distinctes.
M. Reclus a fait précéder la description de tous ces pays d'une étude
fort intéressante sur l'Atlanticiue austral et ses Iles. Nul doute que ce
volume L'ait été l'une des parties de la Nouvelle géographie aniiersdk
les plus difiiciles à élaborer. Les travaux d'ensemble sur l'Afrique méri-
dionale ne sont pas nombreux ; eu revanche le nombre des documents de
toute espèce et en toute langue qu'il fallait consulter pour être sûr de ne
rien oublier et de ne rien dire d'inexact est considérable. On peut donc
se faire une idée du travail auquel a dû se livrer M. Reclus, travail aug-
menté encore du fait que, dans un ouvrage de cooi-diuatioii et de conden-
sation comme celui qu'il a rédigé, il faut éviter de se perdre dans les dé-
tails, et savoir dégager une vue générale d'une foule de descriptions et
de récits. De l'enchevêtrement des races, des langues et des frontières au
milieu desquelles il est si difhcile de se reconnaître, résultait aussi
une grosse difficulté. Grâce à sa science consommée, M. Reclus est par-
veno à vaincre tous les obstacles et à terminer cette description nmgls-
trale de l'Afrique, œuvre qui paraissait insurmontable à bien des gens.
Nous l'en remei-cions au nom des amis de la science géographique.
D' O. Neiimager. Anleitusg zu wissenschaitlicuen Beobachtunuen
AIT Reibek. ZweitevÔltig umgcarbeitete und vermehrte Auflage, Berlin
(Robert Oppenheim), 1888, Lieferung I, gr. in-8% 48 p., avec gravures.
M. 1.60. — Cet ouvrage est de ceux qui se passent de recommandation.
w
— 31-7 —
ont été inventés, d'autres ont été simplifiés, de sorte que la première
édition devait être entièrement transformée.
La seconde édition paraît dès maintenant par livraisons de 48 pages.
Elle est publiée sous la direction de M. G. Neumayer. Ce dernier, tou-
tefois, n'a pas, comme M. Kaltbrunner, fait une compilation des métho-
des de recherches dans tous les domaines. Il s'est contenté de réunir les
articles dus à la plume d'un gi-and nombre de collaborateurs. Chaque
sujet a été traité par un spécialiste. M. Neumayer en particulier s'est
occupé des obsei-vations hydrographiques et magnétiques faites à bord ;
en outre il a surveillé la publication de toutes ces études. L'ouvrage
total auquel ont collaboré un grand nombre de savants a donc une valeur
incontestable. Il comprendra en tout 21 livraisons, divisées en deux
volumes qui pourront se vendre séparément.
Nous ne pouvons citer les auteurs de tous les articles. Il nous suffira
de mentionner ceux dont les noms sont particulièrement connus. Dans le
premier volume figurent des articles de MM. Richthofen sur la géologie,
Wild sur la déteimination des éléments du magnétisme terrestre, Hann
sur la météorologie, Hoffmann sur les mensurations nautiques, Krûmmei
sur quelques problèmes touchant à l'océanographie. Dans le second nous
trouvons des études de MM. Drude sur la géographie botanique, Ascher-
son sur la distribution géographique des herbes marines, Schweinfurth
sur les plantes d'ordre supérieur, Virchow sur les recherches anthropo-
logiques et préhistoriques, R. Hartmann sur les mammifères, Hartlaub
sur les oiseaux, Grttnther sur les reptiles, les batraciens et les poissons.
On voit qu'il s'agit d'une publication des plus importantes qui, non
seulement sera précieuse par les services qu'elle rendra aux voyageurs,
mais en outre sera d'une grande portée au point de vue scientifique.
Plus volumineuse et plus complète que l'ouvrage de M. Kaltbrunner,
elle ne fera pas double emploi avec cehii de ce dernier. Aussi nous
permettons-nous d'exprimer le vœu qu'elle soit traduite en français.
La première livraison est presque entièrement consacrée à un exposé
technique très complet des méthodes employées pour la détermination
géographique des localités. Il est dû à la plume de M. T. Tietjen.
C0MMI88AO DE Cârtographia. Six cartes de différentes parties du
territoire portugais en Afrique et des Des du Cap Vert. — Le Bureau
cartographique portugais ne reste pas inactif. Après les belles cartes
qu'il publiait il y a quelque temps et que nous signalions à l'attention
du public, en voici d'autres aussi remarquables et construites d'après le
même plan. Grâce au zèle de cartographes éminents, et particulière-
— 820 —
iT
parties très différentes des régions qu'il a examinées. Il donne d*aillei
des pages entières de son journal où se reflète la première impression
l'explorateur, généralement d'accord avec ses prédécesseurs, Stanl(
Vaicke, Edouard Dupont. Il rectifie telle donnée précédente, un
précipitée : par exemple, sur le point terminus du chemin de fer vera|
Haut-Congo, qui, suivant lui, ne pourra pas être Léopoldviile, mais dei
être fixé entre Kinchassa et Kimpoko.
A mesure qu'il remonte le Congo vers la station des Ba-Ngala, il sigi
les pi-ogrès accomplis en peu de temps. « Les embarcations devi<
nent de plus en plus nombreuses; l'enthousiasme est à son comble,
est ému malgi'é soi en voyant la joie exubérante de toute cette popol
tion et l'on pense combien rapide ont été les résultats atteints
l'État. Dire qu'il n'y a que dix ans que Stanley, descendant le Conj
était forcé de se frayer ici un passage les armes à la main, et qu'il n';
que cinq ans que les capitaines Hanssens et Coquilhat fondaient la
tion des Ba-Ngala! Qui pourrait douter de l'avenir en constatant
de pareils progrès ?»
Parmi les gages de nouveaux développements que signale le capitaii
Thys, nous voudrions pouvoir citer ce qu'il dit des aptitudes comm(
ciales remarquables qu'il a constatées chez les nègres du Congo et
Kassaï, et des diverses unités monétaires qu'ils ont créées entre ei
la perle bTeue à coupe exagonale de Bohème, aux environs de Manyj
au delà de Loutété et jusque chez les Ba-Ngala ; la perle bleue de Vei
en amont de Mouchié sur le Kassaï; le cauris, vers Louebo ; la croix
St-André en cuivre rouge du Katanga, vers Loulouabourg, la houe
fer, sur le haut Sankourou, etc.
Tandis que le capitaine Thys avançait dans son exploration
Kassaï, et de son affluent la Louboua, il en levait la carte de Kwamou<
jusqu'à Louebo, sur une longueur de 750 kilomètres. Sans dout^
comme il le dit* lui-même, ce n'est qu'un croquis topographique à vui
qui n'a aucune prétention à l'exactitude géographique. C'est plutôt
carte de détails dressée pour servir de guide aux steamers et pour cei
qui veulent se rendre compte des ressources du Kassaï, étudier la nab
de ses rives, la répartition de sa population apparente, et les difficull
qu'en certaines places présente la navigation. Pai* des procédés différeal
de ceux qu'avaient employés les membres de l'expédition Wissn
il est arrivé à des résultats analogues quant à la direction générale
cours du Kassaï et de celui de la Louloua.
— ai7 —
BULLETIN îàENSUEL {5 n<n;embre 1888').
Sous le titre : le commerce en Aigrie» le Moniteur des Colonies
et des Pays de protectorat publie un article d'où nous extrayons les
renseignements suivants, qu'il importe de signaler parce que plusieurs
des opérations commerciales dont il s'agit sont nouvelles, et que toutes,
dans leur ensemble, constituent un développement de la production
algérienne et de son exportation poui^ la France et pour d'autres pays.
C'est ainsi que l'Angleterre tire en ce moment des quantités énormes
de foin des environs de Bône. L'insuffisance de la récolte dans les pays
d'outre-Manche, a obligé les Anglais à chercher, en dehors de l'Angle-
terre, la nourriture .de leurs chevaux. Après maints essais, c'est en
Algérie et dans le département de Constantine, à Bône, qu'ils ont trouvé
à s'approvisionner dans les meilleures conditions. Ds ont envoyé là-bas
des presses qui fonctionnent à merveille, c'est-à-dire qui permettent de
transporter le fourrage sous un volume très restreint, et à une densité
élevée. Les paquebots de la Compagnie générale transatlantique appor-
tent souvent à Marseille, par exemple, des balles pressées ne pesant pas
moins de 90 kilogrammes sous le volume de 300 décimètres cubes. Le
fourrage ainsi pressé se conserve à merveille, ne fait aucun déchet,
s'arrime facilement dans les cales et ne revient pas très cher conune
transport. Les céréales donnent aussi lieu à un mouvement très actif
avec Oran, d'où les paquebots apportent à chaque voyage des chai'ge-
ments de plusieurs centaines de tonnes et jusqu'à mille tonnes de blé.
L'importation des raisins a cessé, mais celle des vins nouveaux continue
sur une grande échelle et n'est pas près de finir, la récolte ayant été
fort belle cette année en Algérie. 11 convient de signaler aussi un mou-
vement très important de la côte ouest de l'Algérie à celle de l'est, où
de nombreux envois de céréales et de denrées de toutes sortes sont
nécessités par les ravages causés par l'invasion des sauterelles. De
même, on exporte toujours et d'une façon très active, de Marseille en
Tunisie, des farines, des orges, etc., par suite de la sécheresse qui a
désolé la Régence et compromis ses récoltes de céréales. Enfin, un nou-
veau trafic va se créer, au premier jour, d'Alger à Marseille. C'est le
' Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les NouveUes corn-
plémetUaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
rerenant par la côte occidentale.
L'AFRIQUE. — HEUVIÈBIE ANNÉE. — N<* 11. 11
— âi8 —
transport de poissons frais, péchés sur la côte algérienne, à Taide de
chaloupes à vapeur, c'est-è^dire avec un matériel ^ès complet et supé-
rieur, et apportés à Marseille par des paquebots rapides, dans des gla-
cières spéciales disposées à bord à cet effet. Les paquebots FilIe-de-
Madrid et Ville-de-Rome sont déjà pourvus de ces installations, qui
assureront la conservation du poisson et pourront en recevoir jusqu'à
im volume de 10 mètres cubes. Cette combinaison est très simple, très
pratique et d'un succès certain.
D'autre part, il résulte des travaux faits par le service des contribu-
tions que les pertes totales subies du fait des sautereUes» de la sédie-
resse et des épizooties, dans les arrondissements de Constantiue, Phi-
lippeville et Sétif, s'élèvent à la somme de 24,860,000 fr. qui se répartit
ainsi entre les colons et les indigènes : 1547 Européens ont perdu
3,644,883 fr., et 55,362 indigènes 21,215,117 fr. Les colons seuls ont
perdu, dans l'arrondissement de Constantine, 1,390,399 fr. ; dans celui
de Philippeville 43,693 fr. ; dans celui de Sétif 221,091 fr. Quant aux
secours accordés, un ami qui vient de visiter la région la plus éprouvée,
nous transmet les informations suivantes : Comme répartition aux indi-
gents à titre de dons, la seule et unique, jusqu'à ce jour (11 octobre), a
été faite le 15 septembre, et l'arrondissement de Sétif a reçu 12,000 fr,,
sur lesquels la commune de Sétif a obtenu 600 fr. seulement, en prenant
pour base le chiffre delà population. C'était insignifiant. En ce qui con-
cerne les prêts, ils seront faits soit en grains, soit en argent suivant les
communes. Dans la séance du 10 octobre du Conseil général de la pro-
vince de Constantine, un rapport a été présenté par M. G. Abadie, au
nom de la commission des prêts à l'agriculture. Les conclusions en sont :
V Que le préfet soit autorisé à signer le contrat d'emprunt de 4 mil-
lions avec la banque de l'Algérie et aussi les contrats de répartitions
avec les conmiunes.
2* Qu'il soit prélevé 500,000 fr. sur cet emprunt pour payer les
grains déjà avancés l'année dernière; 50,000 fr. à mettre en réserve
pour avances à la tribu séquestrée des Hachem ; 50,000 fr. pour avan-
ces aux populations du territoire de commandement, et 50,000 fr. pour
droits d'enregistrement.
3** Qu'il soit réparti entre les communes une somme de 3,350,000 fr.
Pour le moment actuel, le vrai secours mis à la portée de tous les indi-
gènes est sans contredit le ramassage des œufs, au prix de 1 fr. 50 le
double décalitre. Ce travail a rapidement pris un inmiense développa
ment. De tous côtés on peut voir des smalas entières fouiller les Ueox
\
— 319 —
de ponte. Une somme de 300,000 fi*, a été aifectée à cet usage, mais
notre ami ne croit pas qu^elle soit suffisante, car en quelques semaines,
la seule commune de Sétif avait déjà payé fr. 30,000. A la date du
9 octobre la mairie de Sétif avait reçu 15,000 doubles décalitres d'œufs.
Chaque double décalitre contient en moyenne 23,300 coques, dont cha-
cune compte environ 30 œufs, soit une somme de dix milliards quatre
<5ent quatre-vingt-cinq millions d'œufs de criquets. En même temps la
ehasse aux alouettes a été interdite, ces oiseaux rendant à Tagriculturè,
dans les circonstances actuelles, de réels services, en déterrant et
détruisant les œufis de sauterelles.
Le Bosphore égyptien publie la nouvelle suivante que nous ne repro-
duisons que pour être complets, et sous toute réserve : « Le colonel
Chainé-Lon^ bey, actuellement chef de la légation dès États-Unis en
Corée, nous a écrit de Séoul, à la date du 29 juillet, pour nous informer
qu'il venait de recevoir plusieurs lettres de New- York, dans lesquelles
^n lui demandait de se mettre à la tête d'une expédition à la recherche
de Stanley. Le colonel Chaillé-Long, qui a donné au gouvernement
égyptien tant de preuves de son infatigable dévouement, de son désin-
téressement et de son abnégation, a acquiescé en principe à cette
demande. Mais au moment où il reçut ces lettres d'Amérique, il était
mr le point de quitter Séoul, pour aller explorer une tle inconnue, et ne
devait être de retour de cette expédition qu'à la fin d'octobre. Si, à sou
retour, Stanley n'a pas reparu sur la scène du monde, Chaillé-Long
acceptera le mandat qui lui est confié par ses compatriotes. Voici quel
serait son plan. Comme c'est en partie à lui que l'Egypte doit de voir
ajoutées aux États du khédive les provinces de l'Equateur, il se propo-
serait de solliciter l'appui du gouvernement du vice-roi, et lui deman-
derait une centaine de ses soldats noirs, comme ceux qu'il recruta
autrefois pour parcourir l'Afrique centrale. De la côte, il suivrait le che-
min qui lui fut tracé par Gordon, jusque dans l'Ou-Ganda oîi il espére-
rait pouvoir entrer en négociation avec Mwanga, le fils de son ami
Mtesa, et obtenir son appui pour l'aider dans sa recherche de Stanley.
Une fois celui-ci retrouvé, Chaillé-Long se porterait au secours d'Émin
pacha, n
D*autre part, une dépêche adressée au Daily News annonce que le
roi des Belges prépare une nouvelle expédition sous les ordres de
Baker paeha pour aller à la recherche de Stanley.
On écrit encore de Londres que M. Harrison Smltliyqui a été, il y
a quelques années, chargé auprès du roi Jean d'Abyssinie, d'une mission
— 320 —
dont il s'est acquitté avec habileté, va être, lui aussi, envoyé à la recher-
che de Stanley. M. Hariison Smith, tout jeune encore, appartient à la
marine anglaise. Au banquet offert à Stanley par le lord-maire de Loa-
dres, il annonça qu'il irait un jour secourir celui qu'on ne lui permettait
pas d'accompagner. Naturellement il propose la route de l'Abyssinie, et
comme il a su, dans sa mission, conquérir les bonnes grâces du roi Jean,
il a des chauces de mener à bonne fin, aumoins jusqu'en Abyssinie, une
expédition destinée à emprunter ce territoire. Mais au delà du Choa et
du Kaffa, aujourd'hui sous l'autorité de Ménélik, se présenteront des
difficultés dont on ne peut mesurer l'étendue, le territoire n'ayant pas
encore été exploré, et les mœurs des populations en étant inconnues
aiyourd'hui.
Ëniin le comité de secours à Èmin pach» a reçu de ses agents à
Souakim la communication suivante, datée du 4 septembre : « Dix voya-
geurs viennent d'ai-river à Khartoum. Un seul d'entre eux nous appointe
des nouvelles. Il rapporte qu'un chrétien, autrefois mudir d'un prince
égyptien, est solidement établi dans le delta du Bahr-el-Ghazal et dis-
pose d'une force imposante composée de noirs. Beaucoup de ces der-
niers ne sont pas vêtus, mais des vêtements sont fabriqués pour eux
sous la surveillance d'un chef blanc. Le mahdi aurait envoyé trois expé-
ditions contre cette force; toutes trois sont rentrées à Khailoum après
une campagne infructueuse; il en est résulté une certaine alarme dans
la ville. Les indigènes croient que ce chrétien est Émin pacha. Les
agents anglais ajoutent que les routes de Berber et de Khartoum sont
assez sûres pour les voyageurs et que des nouvelles importantes peuvent
arriver d'un moment à l'autre. Le colonel Rimdle, qui avait écrit au
mahdi pour lui demander des renseignements sur le chef blanc dont il
est question, a reçu une réponse insultante. Le mahdi refuse de donner
aucune information. »
Malgré les démentis officiels, le Secolo affirme qu'on prépare à Rome
une nouvelle expédition africaine. A Trieste, deux vapeurs
du Lloyd autrichien ont été commissionnés pour Massaouab par
deux maisons de commerce, qui les ont armés pour le compte du com-
mandant en chef de la station italienne de la mer Rouge. Le but de
l'expédition nouvelle serait l'occupation de Keren et de tout le plateau
des Bogos. Des officiers du génie, des ingénieurs et des topographes
sont déjà en campagne pour étudier les diflérentes voies donnant ^ccès
à ce plateau et, particulièrement, la route par la vallée du Ledka, qui
est recommandée par les voyageurs. Tous les vapeurs qui arrivent d'Ita-
— 321 —
lie débarquent des quantités considérables de matéHel de guerre, de
munitions et d'objets de casernement. Or, comme les approvisionne-
ments de toutes sortes y sont déjà considérables, les nouveaux envois
seraient inutiles si Ton n'avait pas IMntention d'en faire usage dans un
temps prochain. On parle également d'un nouvel embranchement de
chemin de fer, qu'on se propose de' construire au delà deMonkulla près
de Dogali, et qui serait poussé jusqu'à Assus ou à Am. En un mot, nous
assistons à de vastes préparatifs dont la récente affaire de Saganeïti et
la fameuse expédition de Barambaras Kaftel à Zoula n'étaient que les
symptômes préliminaires.
Le THmes a reçu le 20 octobre, de Zanzibar, la dépêche suivante :
« L'aviso le Oriffon vient d'arriver de l'île de Pemba. Son commandant
rapporte que mercredi, à minuit, la chaloupe à vapeur du bord, com-
mandée par le lieutenant Copper, donna la chasse à un nég^rier. Après
avoir envoyé une décharge de mousquetorie à la chaloupe, l'équipage
arabe se jeta à la mer, abandonnant le navire et les 85 esclaves qu'il
transportait. Trois de ceux-ci étaient moi*ts, trois autres blessés. Le
lieutenant Copper a été tué dans cette affaire et deux de ses matelots
sont blessés. Des avis ultérieurs portent que le négrier était armé d'un
canon qu'on avait chargé jusqu'à la gueule et auquel on mit le feu, mais
qui ne partit pas. Les obsèques du lieutenant Copper ont eu lieu hier;
les amiraux français et allemands y assistaient avec leui's états-majors
ainsi que tout le corps consulaire présent à Zanzibar. Le Oriffon est
reparti pour Pejnba, emmenant des soldats du sultan et le commissaire
chargé de ramener, morts ou vifs, les Arabes impliqués dans cette affaire.
L'irritation est très vive parmi les équipages anglais qui demandent
vengeance. D'après les nouvelles arrivées du sud, la situation sur la
côte n'a pas changé; les rebelles, très nombreux, y sont toujoure maî-
tres de la situation. »
Les Missions d'Afrique publient des extraits du journal du P. Lour-
del, qui donnent une idée exacte de l'influence des Arabes dan»
rOa-Ganda et de la situation précaire qui en résulte pour les mission-
naires. «Nous avons souvent parlé des négriers arabes, qui résident
une partie de l'année à la cour de Mwanga, pour y acheter les esclaves
que le roi fait chasser et saisir soit dans ses propres provinces, soit dans
les royaumes voisins. Il met souvent sur pied, pour ses razzias, des ar-
mées de plusieui-s milliei*s d'hommes. A des intervalles malheureuse-
ment trop rapprochés, nous voyons revenir ces armées victorieuses pous-
sant devant elles de vrais troupeaux d'esclaves, souvent trois ou quatre
K^'y
— 322 —
r^S:<,
f.
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:*?^
v*-':
^' . ^
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mille d'un seul coup. Le rpi fait $pu çhpix, se réserve ceux qui lui piai-
sent, ou les distribue à ses grands chefs, et vend tout le reste aux négriei^
musulmans qui entratuent to^t pour le revendre soit sur le littqral aux
pourvoyeurs de l'Arabie, soit sur les marchés de la haute Egypte. C'est
un affreux, mais très important con^nerce, qui enrichit les négriers par
le haut prix où ils revendent leur . marchandise, et qui procure à
Mwanga tout ce qa'il emploie à augmenter ses États, à. affernùr son
pouvoir, à multiplier ses esclaves et ses victimes, des armes et de la
poudre. Au milieu d'une population qu'ils exploitei^t cruellement par
leurs expéditions sanguinaires, mais qui les craint et les déteste, les
négriers sont comme l'oiseau sur la branche. Ds ne cessent de mettre
Mwanga en suspicion contre les projets des Européens et des mission-
naires et ils ne réussissent que trop, par leurs calomnies, à exciter les
soupçons du prince. Au moment où arriva M. Grordon, le successeur de
M. Mackay, les Arabes venaient de traduire au roi une longue lettre en
arabe dans laquelle on l'informait de la résolution que venaient de pren-
dre de concert les puissances de l'Europe, de manger tout le pays de*
noirs. Les Allemands s'adjugeaient la région comprise entre la côte de
Zanguebar et l'Ou-Nyanyembé inclusivement; les Anglais, l'Ou-Ganda
et les pays voisins. M. Gordon appoi'tait au roi un cadeau de la part de
révoque Parker et une lettre lui annonçant qu'il ne venait pas pour
venger le massacre de Hannington mais pour instruire son peuple. Irrité,
Mwanga lui déclara qu'il le retenait prisonnier. « Si les Anglais m'atta-
quent ou arrêtent les marchandises à la côte, » ajouta-t-il, « c'est vous
que je tuerai le premier. » Puis, prenant une poignée de cendres et les
jetant dans une lettre adressée à Parker, pour lui demander des fusils
et de la poudre comme preuve de bonnes dispositions à son égard :
t Voilà ma déclaration de guerre, » dit-il, « faites porter cette réponse
à ceux qui vous ont envoyés*. Pour vous, je vous le répète, vous êtes mon
otage, jusqu'à ce qu'un autre vienne prendre votre place. Je vais, en
outre, faire tuer les gens que vous instruisez et tenez cachés chez vous.»
Eùfin, se tournant vers les gens du royaume, il s'écria d'une voix trem-
blante de colère : «Voilà un blanc qui m'insulte en face! Huez-le, insul-
tez-le. » Et toute la cour, de lancer les plus grossières injures à la face
du pauvre M. Gordon. »
a Les intentions que le roi prête aux blancs lui font croire à une guerre
' D'après l'usage du pays, envoyer des cendres à un ennemi, c'est lui dire
qu'on accepte les hostilités.
i-'^r
— 323 —
imminente. « Achetez des finals et de la pondre, » recommande-t-il à ses
gens! « Achetez des fusils, beaucoup de fusils! » Aussitôt les grands se
lèrent pour faire les protestations d'usage. Armés de longues lances
q«*ils brandissent comme s'ils étaient en face de Tennemi, ils s'écrient:
0 roi, tu nous vois ! Le patrimoine de Kamagna, de Mandé, de Eimera,
de KintoQ — les noms des anciens rois fondateurs de TOu-Ganda — ne
périra pas! nous le d^endrons! Nous nous battroi^ pour le roi jusqu'à
l&mort. Le premier ministre aj<»tttè : < Qne les blancs viennent du levant,
qu'ils viennent du eoudiant, qu'ils viennent du nord qu'ils viennent du
sud, qu'ik descendent du ciel ou qu'ils sortent de la terre, nous trouve-
rons moyen de les arrêter » Quoique les procédés des puissances
rendent la situation difficile, ce n'est cependant pas de là que vient le
grand mal. Le grand mal vient des négriers arabes. En ce moment,
accompaçiés de ce qu'il y a de pire parmi les musulmans de la côte, ils
se portent en nombre vers le Victoria*Nyanza et surtout vers l'Ou-
Ganda. Onlnls quelque dessein caché de conquête ? D serait permis
de le croire. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'ils mettent tout en œuvre
pour rendre les blancs odieux et les (aire chasser de partout. La pre-
mière chose que. devraient faite les naticms qui veulent coloniser ces
contrées serait d'en bannir l'élément arabe et moungwana. Pour y réus-
sir, il faudrait leur rendre à la côte le commerce impossible, et leur
interdire, sous peine sévère, toute importation de fusils et de poudre.
H y a longtemps qu'on aurait dû prendre cette mesure. Un nombre pro-
digieux d'armes à feu se trouve à l'heure qu'il est entre les mains des
nègres. Dans POu-Ganda seul on en trouve plusieurs milliers de tout
système C'est ce qui explique la fierté de Mwanga. Encore quelques
années de ce trafic imprudent, et les blancs ne pourront plus voyager
dans l'intérieur de l'Afrique, s'ils n'ont pour les escorter une armée
nombreuse et Inen disciplinée. C'est ausm ià qu'est la source des maux
duique jour croissants de l'esclavage. Tous ces fusils servent à armer
les brigands qui accompagnent les chasseurs d'esclaves, et les maux
que ceux-ci font dans l'intérieur de l'Afrique, bien au delà du lac Albert
Nyanza, sont incalculables. — Au mois d'avril 1888 nous sommes sans
nouvelles de Stanley. Est-il mort, estril vivant? C'est un problème que
nous cherchcms vainement à résoudre. Ce qu'il y a de certain, c'est
qu'au moment de son départ du Congo, nous apprtmes ici sa marche et
ses projets. Mwanga en prit une si grande peur qu'il crut la fin de son
règne arrivée. Nous eûmes tous la crainte d'être massacrés le jour
où Stanley mettrait les pieds sur le territoire de l'Ou-Ganda. Puis, tout
- 324 —
à coup, et cela depuis ua au, il ne fut plus questûm de riea ; et dès
lors pas UQ seul mot. Des gens qui sont allés à Wadelal et sont revins
ensuite dans TOu-Ganda, affirment que Stanley ne se trouve point avec
Emiu pacha. Il me paratt cependant tout aussi impossible qu'une troupe
de plusieurs centaines d'hommes armés ait ainsi disparu sans que pe^
sonne sache oU elle est allée, qu'il me s^nble impossible que Ton puisse
cacher la mort de Stanley si réellement elle est arrivée. »
Des désordres ont eu lieu à liorenso^MarquesEf le ministre de la
marine du Portugal a saisi cette occasion pour adresser à la Société de
géographie de Lisbonne une communication, dans laquelle il donne Ta»-
surance que Tordre et la sécurité publique seront garantis dans cette pa^
tie de la colonie portugaise, et que les auteurs des troubles seront chfttiés
énerglquement dès que les responsabilités seront établies. La note
ajoute que Lorenzo-Marquez continue h être portugais, parce que la
volonté nationale est d'accord sur ce point avec les r^les du droit inte^
national. Elle constate ensuite que le Zambèze avec ses affluents et le
lac Nyassa est la meilleui*e voie de pénéti'ation de l'océan Indien dans
l'Afrique centrale tropicale, et que la situation de Lorenzo-Marquez hn-
pose au Portugal des devoii'S envers toutes les nations intéressées à la
civilisation de l'Afrique. Le ministre proteste contre ceux qui accusent
le Portugal de vouloir opposer des barrières au commerce du monde. Le
pays fera tout pour faciliter le commerce des voisins ; mais^ pour cela, il
y a des conditions indispensables afin que les .facilités accordées ne der
viennent pas un moyw de combat contre la domination portugaise.
L'acceptation claire et franche de ces conditions et l'indispensable d^
mitation des limites territoriales sont nécessaires pour assurer à l'admi-
nistration de Mozambique le caractère essentiellement libéral que le
gouvernement portugais désire lui donner. Le ministre termine en fai-
sant allusion k la campagne ^ntiesclavagiste du cardinal Lavigerie et
annonce qu'il fera chercher dans les archives maritimes les documents
qui établissent la coopération efficace antérieure du Portugal à cette
œuvre.
Le D' Holub a transmis aux Proceedings de la Société de géographie
de Londres des renseignements sur la géographie de la région au nord
du Zambèxe explorée dans son dernier voyage. Ils modifient un peu ce
que l'on en savait d'après les informations des indigènes. Après avoir
quitté le Zambèze, il ti'averaa le pays des Ba-Toka, et suivit une direc-
tion nord inclinant légèrement à l'est jusqu'à une distance de 500 kilo-
mètres du fleuve, en relevant régulièrement son itinéraire. Le territoire
tftl
— 325 —
des BarToka est boîsévinais les forêts ne sont composées que de petits
arbres dans lesquels la tsétsé abonde. Il trouva que la Louengoué (la
Loangoua de Livingstone), tributaire du Zambèze, vient du nord-ouest
et non du nord comme Livingstone le supposait d'aiH*ës ce que lui
disaient les natifs. La vallée du Zambèze moyen n'est pas non plus,
c<mime nos cartes la représentent, une région montagneuse au nord et au
sud. Le D' Holub a trouvé le fleuve bordé au nord par un pays bas cou*
vert de marécages, oii le voyageur, dms la saison froide, prend la fièvre
intermittente. Au nord-nord-est du pays des Ba-Toka, il explora la
région inconnue jusqu'ici des Ma-Choukouloumbé, nommés dans la carte
de Livingstone Ba-Ohoukouloumpo. Leur territoire, arrosé par la
Louengoué, est plus élevé que celui des Ba-Toka. lis habitaient autrefois
plus au nord, dans la région des lacs ; mais depuis deux siècles ils se sont
établis sur les affluents septentrionaux du Zambèze. Ce sont de beaux
hommes, au nez aquilin ; ils ne portent aucun vêtement, et tressent leur
chevelure en chignons ; les femmes portent des pantalons de cuir tanné,
et ont la tète rasée. Us ont la singulière habitude de se casser les
dents de devant, ce qui donne à leur physionomie quelque diose de
bizarre. Bs sont grands éleveurs de bestiaux, et sont probablement plus
riches en bétail qu'aucune autre tribu du sud de l'Afrique. Holub estime
qu'il y a au moins 100 bœufs pour une hutte.
L'abondance du bétail chez les Ma-Choukouloumbé est pour les Ba^
Roteé de la vallée du Zambèze une occasion d'expéditions qui rendent
l'œuvre de la mission de M. Coillard très difficile. < Les Ba-Rotsé, o
écrit-il sxL Journal des missions évangéliques de Paris, a ne sont nullem^it
un peuple pasteur. Jadis, quand ils pouvaient prendre un bœuf chez les
Ma-Choukouloumbé, ils en faisaient un festin public, le grillaient sur les
charbons, chair et peau tout ensemble, comme ils le font encore du
zèbre. Pendant les derniers troubles on a, littéralement, presque exter-
miné la race bovine de la contrée. Je ne. l'eusse jamais cru, si je n'en
avais pas les preuves sous les yeux. Ce fut, surtout dans la Vallée, une
boucherie générale. On tuait à qui mieux mieux. La famine est surve-
nue; alors comme toujours, on a crié:.<i Chez les Ma-Choukouloumbé! i>
Le roi Lewanika convoqua tous les chefs du pays à Lialui. La ville
regorgeait d'hommes. L'enceinte du Ztuindu — la maison privée du roi
au milieu de son harem — était comble. Le roi crut devoir justifier son
expédition aux yeux de M. Coillard qui était présent, a Ds ont maltraité
le D' Holub, qui venait de chez moi; c'est mon devoir de les châtier.
Du reste ce ne sont pas des êtres humains ; ils sont tout nus. Et puis.^
. js •
ma
-.■^
— 326 —
lyoutaitHl en hésitaat, noufi n'avons plus de bétail, et il ik)us ea faut
absolument. » Le lendemain,^ une grande animation régnait au village. De.
tous côtés les esclaves et les femmes allaient et venaient, se croisaieiit
avec des messagers affairés ; on préparait les provisions de route; par-
tout on entendait la cadence des pilons ; les chefs tenaient leurs petits
conciliabules, pendant que les fous de cour s'agîtaienten délire, faisaient*
de la musique avec des calebasses, criaient et beuglaient sans que per-
sonne y fit attention. A chaque instant arrivaient de nouvelles.esccmades
d'hommes armés. Les guerriers, sous leurs cheiis respectifs, se masse*
rent sur la place, drapés d'étoffes aux couleurs flamboyantes, chamarrés
de plumes, de haillons européens, de peaux d^ panthère, et de toutes sor-
tes de fauves, grandes et petites, qui pouvaient donner à Thomme l'appa-
rence d'un animal et un air de férocité. Ils feignaient, par petits détsk-
chements, des attaques contre un ennemi imaginaire, faisaient quelques
évolutions qui arrachaient aux spectateurs des applaudiss^nents fréné-
tiques, se remettaient en place, et toute cette masse noire bourdonnait
lugubrement un chant de guerre d'une inspiration sauvage. Quelques-
uns des conmiandants s'avançai^t ensuite, haranguaient le roi sur le
ton de la colère, puis, au pas de course, venaient s'agenouiller et planter
leurs fusils et leurs boucliers devant les ministres, toujours pérorant
avec aigreur et demandant que le roi lâchât enfin ces bouledogues enra-
gés. La quantité d'armes à feu que possèdent les Ba-Botsé est considé-
rable. H y en a de tous les calibres ; les fusils à pierre cependant y sont
en majorité. La javeline est bien encore l'arme de la tribu, une arme
redoutable ; mais les boucliers de cuir y sont en petit nombre et mal
entretenus. Avant que l'expédition se mît en route, le roi fit ses dévo-
tions. Des offrandes de calicot, de verroterie, d'eau, de lait ou de miel
furent envoyées à toutes les tombes royales du pays, en même temps
qu'un faisceau de javelines qui y restèrent déposées pendant quarante-
huit heures pour donner à ces dignitaires de l'autre monde le temps de
les bénir. A la tête de l'armée marche la prophétesse, jeune fille sans
laquelle rien ne se fait. C'est elle qui donne le signal du départ et de la
halte. Elle porte la corne qui contient les médecines de la guerre et les
charmes. Elle est toujours en tête de l'avantrgarde, et il n'est permis à
personne, même au repos, de passer devant elle. Qu'elle se fatigue ou
tombe malade, c'est aux jeunes gens de la porter. En arrivant devant
l'ennemi, c'est elle qui tirera le premier coup de fusil, et tout le temps
que durera la bataille, il ne lui est permis ni de dormir, ni de s'asseoir,
ni de manger ou de boire. A un moment donné, Litica, fils du roi, tous
■>-~y'.
l^i^
< t*i
— 327 —
les garçons et tous les jeunes gens qui allaient à la guerre pour la pre-
mière fois, coururent h toutes jamfces, se précipitèrent dans le marais,
arrachèrent des roseaux, qu'ils vinreivt déposer aux pieds du roi, en
s'écriant: Kamarief (jeune fille); c'est-à-dire, vous nous croyez des
fillettes impropres à la guerre; eh bien! vous verrez que nous sommes Jir^
des hommes et que nous méprisons la fatigue. Léwanika aura 12,000 V^i
hommes au moinâ sous ses ordres. Que deviendront les Ma-Choukou-
loumbé chez lesquels se jettera cette multitude d'hommes affamés,
voleurs, pillards, brigands par habitude, sans contrôle et sans frein? Ce
n'est pas seulement au bétail qu'ils en veulent, mais aux femmes et aux
enfants qui sont réduits au plus abject esclavage. Quant aux hommes on J^|
les jette en pâture aux bêtes des champs. Les Ma-Choukouloumbé ne /^**
font pas plus de quartier que les Ba-Rotsé, et ils gardent, pour y boire
la bière, les crânes de ceux qui sont tombés entre leurs mains. »
Dans leur voyage à travers l'Afrique, les explorateurs portugais Ca-
pello et ïvens visitèrent le pays des Garenn^aiizé au mois de novembre
1884. Le 14 s^tembre dernier, le major Ivens a reçu une lettre du chef
de cette région, écrite en anglais, et apportée par le missionnaire Arnot
auquel Moshidé l'avait dictée. Nous la reproduisons d'après les Colonias
Pcrtngtiezas.
Unkeïa. Garenganzé.
A l'illustre major Ivens.
J'avais l'intention de vous envoyer mon fils Moseka, en compagnie de
M. Arnot, pour qu'il pût être présenté à S. M. le roi de Portugal. Je
comptais assurer de cette manière S. M., combien m'avait été agréable
l'honneiu* qu'elle m'avait fait en envoyant dans mon pays, comme ambas-
sadeurs, MM. Capello et Ivens. Cependant, j'ai été contraint d'ajourner
dans ce moment la réalisation de ce projet, en face de l'opposition que
me fait le chef indigène du pays de Bihé, appartenant à S. M., et de la
déclaration de ce chef qu'il barrera le passage, arrêtera les voyageurs
qui se rendent à la côte, et tâchera de détourner le commerce direct que
font mes États avec les marchands portugais de Benguella. Je vous
demande encore de vouloir bien m'excuser de ne vous avoir pas fourni
les trente porteurs que vous m'avez demandés, mais alors, comme
aujourd'hui, et toujours, il m'a été impossible d'obtenir de mes gens
qu'ils se prêtent à accompagner quelque expédition lointaine, de crainte
d'hostilités et par peur des traitants arabes. J'ai dû renoncer à la con-
trainte à leur égard, car je reconnais que leurs appréhensions sont fon-
dées. J'écris au représentant de S. M., le gouverneur de Benguella, le
— 328 —
priant de me venir en aide, et de me donner l'assurance de Tinterven-
tion du gouvernement de S. M. contre les intrigua du chef deBihé. »
MosHiDÉ, chef de Garenganzé.
Février 1888.
La St' James Gazette de Londres publie une lettre adressée de Stuiley-
Pool au colonel Wilmot Brooks par son fils Grabam Wilmot Brooks, mis-
sionnaire qui a cherché, mais en vain, à pénétrer au Soudan par la voie
de rOubangi. Il commence par rendre compte des rapports de quatre
blancs et d'un interprète arabe venant du camp de Yambouya sur
r Aroooiiiiiii, puis il ajoute :
a n s'est écoulé près d'une année depuis la réception à Stanley Pool
des premières nouvelles de l'expédition de Stanley alors campée sur
l'Arououimi. Elles nous apprenaient que le passage delà colonne au tra-
vers des forêts vierges, des jungles et des marécages, avait présenté des
difficultés plus grandes que l'on ne s'y attendait. Nous sommes ensuite
restés plusieurs mois sans entendre parler de l'expédition jusqu'à la
réoccupation des Stanley-Falls par l'État libre du Congo. Les communi-
cations avec le haut ileuve devinrent ^isuite moins difficiles, ce qui
permit d'avoir des nouvelles de cette région par des blancs, des Zanzi-
barites et des indigènes. On ne reçut pourtant rien de l'expédition elle-
même. Sur neuf déserteurs du camp de l'Arououimi, sept furent pris et
mangés par les indigènes et deux réussirent à descendre le fleuve. Il va
être procédé à une enquête sur les événements qui se passent aux Stan-
ley-Falls, mais on sait déjà que tous ne sont pas l'œuvre des Zanziba-
•
rites. On ne peut pas comprendre en Angleterre comment ces hommes
peuvent se procurer des quantités aussi considérables d'ivoire, quand le
transport de 30 kilogrammes de marchandises, de Zanzibar aux chutes,
revient à 275 francs. Voici l'explication de cette énigme : Les négociants
de Zanzibar établis aux Stanley-Falls, ont à leur solde de nombreuses
bandes de cannibales Manyémas d'une férocité telle que les Zanzibarites
eux-mêmes ont horreur de s'associer à eux dans leurs incursions meur-
trières. Des témoins oculaires anglais et arabes affirment avoir vu fré-
quemment, dépassant les bords des maimites, des tètes et pieds humains.
Les Arabes fournissent des fusils à ces sauvages pour leur permettre de
faire la chasse à l'homme, dont la rançon sera payée en ivoire. Ce pi*o-
cédé étant beaucoup plus rapide que celui de l'échange des tissus contre
de l'ivoire a été adopté pai* Tipo-Tipo et ses collègues. Ces cannibales
Manyémas fournis à Stanley par Tipo-Tipo ont accompagné l'expédition
jusqu'aux territoires encore inexplorés de l'Arououimi où ils ont exercé
— 329 —
leurs iûfâmes déprédations aux alentours du camp. Les Anglais les ont
vus tirer sur les hommes et les femmes qui traversaient le fleuve à. la
nage, et les ont entendus s'en vanter auprès du feu de bivouac. Après
avoir surpris et brftlé un village dont les défenseurs tués par surprise
sont aussitôt cuits et mangés, les Manyémas emmènent au camp des
Zanzibarites les femmes, les enfants et le butin consistant en chèvres,
volailles, bananes, canots et mobilier indigène dont la valeur dépasse de
beaucoup le coût de l'incursion. Au bout de quelques jours les maris et
les pères des prisonniers viennent au camp. Us savent ce qui leur reste
à faille. Avec de l'ivoire ils pourront racheter. leur famille. Le prix
arrêté, ils s'empi-essent de le réunir. Après la livraison de l'ivoire on
remet en liberté les prisonniers. Ce qui reste alors d'une tribu jadis floris-
sante s'en va chercher plus loin un refuge. Les Zanzibarites ont un but
en rendant les prisonniers : ceux-ci pourront servir une autre fois. En
effet, dès que la tribu s'est installée sur un territoire, y a construit quel-
ques huttes et commencé des plantations, les Manyémas accourent pour
recommencer leur opération. Ceci peut être attesté par tous les occu-
pants du camp sur l'Arououimi. Si les Anglais qui désirent voir introduire
aux Stanley-Falls les bienfaits du commerce veulent savoir ce que com-
merce signifie dans ces régions, M. Wilmot Brooks peut le leur dire : D
s'agit pour les Zanzibarites de posséder de grandes quantités de mar-
chandises d'un très bas prix et de recevoir de fortes commandes d'ivoire ;
les marchandises leur serviront à se procurer à la côte Est de la poudre
et des fusils. Alors les hommes employés jusqu'à présent à transporter
l'ivoire à la côte seront employés pour l'opération bien plus lucrative
de la chasse à l'homme. Les 400 Manyémas qui ont consenti à partir
avec le major Barttelot ont expressément stipulé qu'il ne serait pas mis
d'entraves à leurs incursions, en sorte que les contrées que devait tra-
verser là colonne étaient vouées au pillage, au meurtre, au cannibalisme,
et devaient être dépeuplées comme l'ont été déjà celles qui entouraient le
camp sur l'Arououimi. La colonne devait ouvrir aux Manyémas d'autres
contrées encore vierges et les mettre ainsi à même d'approvisionner de
grandes quantités d'ivoire la factorerie des Stanley-Falls ; les morts ne
racontent rien et les décharges meurtrières, les cris des blessés au milieu
de la nuit ne peuvent se faire entendre par delà les forêts qui séparent
ce» scènes de carnage des steamers naviguant sur le Congo. Quant à
Tipo-Tipo, le nouveau gouverneur, il ne s'opposera pas à ces actes
de sauvagerie dont les Anglais ont pris des croquis sur leurs albums,
sans formuler aucune protestation, attendu qu'ils tiennent par-dessus
— 330 —
tout à vivre en bons termes avec les Arabes. Ces faits sont, assure le
missionnaire Grah^n Wilmot Brooks, parfaitement connus de tous ceux
qui connaissent le haut Congo. »
Le Temps a reçu de son correspondant de Banana les renseignements
suivants sur la mort du major Barttelot t C'est le steamer En Avant
qui était allé aux Falls conduire le lieutenant Haneuse, résident auprès
de Tipo-Tipo, qui a apporté aux Ba-Ngala, dans la première quinzaine
d'août, la nouvelle de l'assassinat du major qui commandait l'arrière-
garde laissée par Stanley sur l'Arououimi. M. Barttelot aurait trouvé la
mort dans les circonstances suivantes : « Il se trouvait à Urama le 19
juillet. Pendant la nuit, les hommes de sa caravane se livraient à leurs
jeux habituels et dansaient avec accompagnement de chants et de cris
assourdissants. Vers trois heures du matin, impatienté sans doute du
vacarme qui se faisait autour de sa tente, le major se leva et voulut im-
poser le silence à ses hommes. Ceux-ci n'obéissant pas, il aurait frappé
ime des plus enragées danseuses. Le mari de cette négresse se serait
alors approché de l'officier anglais et lui aurait tiré un coup de feu à
bout portant. On était alors à environ dix journées de marche de Yam-
bouya. Le second de l'expédition, M. James Jameson, s'empara immé-
diatement de l'assassin et, escorté de dix hommes sûrs, il le ramena aux
Falls, où il le remit entre les mains de Tipo-Tipo qui paraît responsable,
non de l'assassinat du major, mais de l'échec de la campagne de ravi-
taillement. Vous savez, en effet, que Stanley avait laissé une arrière-
garde à Yarabouya pour attendre les porteurs que devait lui fournir ce
chef, arabe. Le major Barttelot avait l'ordre de se mettre en route, dès
que les porteui's seraient arrivés avec les charges que n'avait pu prendre
Stanley. L'arrière-garde de l'explorateur était donc, en réalité, une co-
lonne de ravitaillement. Tipo-Tipo avait promis de compléter le convoi
dans le courant d'octobre 1887 ; ce n'est qu'à la iin de mai qu'il envoya
500 hommes au camp de l'Arououimi. C'est ainsi que le major a été forcé
de séjourner près d'un an dans une région où les vivres étaient rares
et où sa troupe a été très éprouvée. Sur 60 Soudaniens, il n'en reste au-
jourd'hui que 18 ; de 215 Zanzibarites, 80 seuls survivent. Enfin, le 6
juin, le major pouvait lever le camp avec une caravane déjà très affaiblie
moralement et physiquement : un mois après il était assassiné. Toutefois,
malgré tout, M. James Jameson ne voulait pas abandonner la partie.
Le 5 août il repartait des Falls dans l'intention de reprendre le com-
mandement de l'expédition de secours. Le 16 août il arrivait au Ba-
Ngala dans un état désespéré, et le 17 à huit heures du soir, il rendait le
— 331 —
derntor soiq^ir. La colonne de ravitaillement de Stanley reste donc avec
un Seul blanc, M. Bonny, et il est impossible qu'elle se mette en marche.
On dit ici que des ordres de Londres prescrivent à M. Bonny de se re-
plier sur rArououimi ; on renoncerait alors à secourir Stanley par les
affluents du Congo, et le grand explorateur resterait livré à ses propres
ressources. Aux Falls, m'écrit-on, la situation est bonne ; le lieutenant
Haneuse y est arrivé le 1" août et a été reçu par Tipo-Tipo et les autres
chefîs arabes, avec la plus grande cordialité. »
Une lettre que reçoit V Indépendance belge, des tles Canaries, et qui
porte la date du 20 septembre, apporte des renseignements sur la mission
li^hure, du corps de Tétat-major belge, chargée d'acquérir un terri-
toire et d'établir un sanitarium international sur la côte saharienne
d'Afrique. Le débarquement du colonel Lahure et de ses compagnons
s'est effectué sur une plage du désert, oîi se trouvaient réunis de nom-
breux groupes d'indigènes armés. Ds ont réussi cependant à prendre
pied, se sont enfoncés dans l'intérieur et, après avoir traversé des
régions fertiles et peuplées qui n'ont rien de l'aridité du centre du Sa-
hara, sont arrivés vers le 15 septembre au pays des Alt-el-Djamel. Sui-
vant les bruits apportés aux îles Canaries, diverses tribus de ces contrées
seraient dans un état voisin de l'anarchie et n'obéiraient à aucune auto-
rité. Les Arabes et les Maures sont très surexcités les uns contre les
autres et se font ouvertement la guerre dans certains parages. Néan-
moins, la mission paraissait pleinement réussir ; le colonel Lahure et le
lieutenant de marine belge Fourcault étaient en bonne santé. On disait
qu'ils commenceraient, à la mi-octobre, leur voyage de retour vers
la côte et vers l'Europe.
NOUVEIiLES GOMPIâÊlCBNTAIRES
M. Fernand Fourreau vient de faire parattre la carte au Vioooooo de la région
du Sahara qui s'étend au sud de Biskra et dont il a été un des premiers pionniers.
Le Comité de la Société antiesclavagiste de France fondée par le cardinal
LaTîgerie a reçu des sommes importantes pour l'œuvre de la suppression de la
traite. Léon XIIl a donné à lui seul 300,000 francs.
Deux millionnaires de Mahdia, en Tunisie, viennent d'être arrêtés, Pun pour
on achat récent d'un esclave de 14 ans, l'autre comme courtier. L'esclave a été
immédiatement affranchi. Il provenait d'un lot important disséminé entre Sfax,
Monastir et Tunis. Ce trafic a été dévoilé par le commissaire de police de Mahdia.
Les espérances qu'avait fait concevoir, il y a quelques années, la découverte
— 332 —
de sources de naphie pvès de Seit et de Dsefaamseh, aa bord de la mer Eowgef
ne se sont pas réalisées. Les travaux d'essais oat dû être abandoaaés après av^ûr
absorbé trois millions de marcs, et les perforatrices coûteuses qu'on y employait
gisent inutiles sur le sol abandonné. On a bien trouvé un peu de naphte dans les
puits percés, mais en quantité si faible qu'il a été impossible de songer à une
exploitation rémunératrice.
Le nouveau journal la (Géographie annonce que deux officiers italiens, membres
d'une expédition géographique au Harrar, ont été emprisonnés et maltraités par
un gouverneur dépendant du roi Ménélik. Ils sont accusés d'avoir levé des plans
en vue de la conquête du pays. Le consul italien à Aden et le comte Antonelli,
qui représente l'Italie auprès de Ménélik, s'efforcent d'obtenir leur mise ea
liberté.
La caravane du D' Meyer, l'explorateur du Kilimandjaro, a été dispersée par
les indigènes ; ses porteurs ont déserté, et lui-même a dû revenir à la c6te.
Une dépêche du Times annonce que le comte Téléki, explorateur hongrois, qai,
depuis deux ans, parcourait l'est de l'Afrique avec le lieutenant de marine Hœnel,
et qu'on avait perdu de vue, est arrivé à Taveta, en route pour Zanzibar.
Le D' Peters et le lieutenant Wissmann se sont rendus à Londres pour y
donner l'assurance que les organisateurs de l'expédition allemande de secours en
faveur d'Émin pacha ne nourrissent aucun projet d'ambition égoïste. Le Times
applaudit à l'expédition de secours. « L'espace, dit-il, est assez grand entre
l'Océan et les lacs pour l'Angleterre et l'Allemagne, dont le but commun doit
être la suppression de la traite des nègres, qui exige un effort vigoureux et
persévérant »
Une dépêche de Zanzibar signale l'arrivée dans cette ville de M. Mackenzie,
l'agent de la Société anglaise de l'Afrique centrale. Il a été accueilli par les indi-
gènes dans le Durbar public comme représentant de la Compagnie britannique.
Les indigènes lui ont exprimé la crainte que la Compagnie ne veuille mettre des
entraves à l'esclavage domestique, mais M. Mackenzie les a rassurés complète-
ment à ce sujet (?)
Pour sauvegarder les intérêts du commerce de la France à Madagascar, les
négociants français établis à Tamatave ont fondé une « chambre consultative du
commerce français à Madagascar; » ses membres se mettent à la disposition des
négociants et des fabricants de France, pour faciliter les transactions et leur
donner tous les renseignements qui pourraient les intéresser. Les résidents de
France à Tananarive et à Tamatave ont promis leur appui à la nouvelle
institution.
L'Angleterre ayant demandé aux autorités portugaises l'autorisation de débar-
quer à Quilimane des armes destinées aux agents de la Compagnie des Lacs afri-
cains, le gouvernement portugais a répondu qu'il est assez fort pour défendre les
habitants des côtes et du pays qu'il occupe et a refusé l'autorisation demandée.
Les ingénieurs Joaquim Pires de Souza Qomes et Affonso de Moraes Sarmento
ont signé, le 29 septembre, au ministère de la marine portugaise, un contrat par
— 334 —
M. Kœuigsberg, négooisnt uHemasd, auquel U Royal Niger Company ayalt
interdit la navigation du Niger, a réclamé contre cette interdiction et obtenu de
pouTok rentrer sur le territoire dont cette Compagnie Payait expulsé.
Une expédition britannique envoyée de la Côte d^or dans le Togoland, en
arrière des territoires allemands, a eu une rencontre arec les indigènes; elle a
perdu 64 hommes et en a tué 600.
L'expédition dirigée par M. Treich^Laplène et subventionnée par M: Verdier,
résident de France à Ghrand Bassam et Assinie, et par le gouvernement français,
pour conduire un convoi de ravitaillement au capitaine Binger dans la direction
de Kong, a quitté Assinie le 8 septembre avec une escorte de 45 hommes. Le 9,
elle était à Einjabou, capitale du royaume d' Assinie; le 10, M. Treich a écrit de
Aïn-Boisseau, sur la rivière Bia. M. Verdier nous promet de nous tenir au courant
des nouvelles qu'il recevra de cette intéressante expédition.
M. Douls est reparti pour- une nouvelle expédition dans le Sud sénégalais.
Actuellement il est à Tanger, et s'arrêtera quelque temps à Dakar.
L'ANGLETERRE ET L'ALLEMAGNE DANS L'AFRIQUE ORIENTALE'
Pour se rendre bien compte de la portée des événements qui attirent
actuellement l'attention sur l'Afrique orientale, il est nécessaire de
remonter à quelques années en arrière, au moment où Terapire allemand
déclara prendre sous son protectorat une partie des territoires situés à
l'ouest de Zanzibar. Jusqu'alors le Portugal seul occupait, en vertu de
ses droits historiques, une partie du littoral oriental de l'Afrique.
C'étaient les côtes de Sofala et de Mozambique au sud et au nord du
Zambèze, Au delà du cap Delgado, près de l'embouchure de la Rovou-
ma, par environ 10° lat. S., la côte était, plutôt en principe que de fait,
sous la puissance du sultan de Zanzibar. L'influence anglaise il est vrai
s'exerçait sur ce dernier, dont l'indépendance avait cependant été
reconnue par une déclaration échangée le 10 mars 1862, entre la France
et l'Angleterre. Et depuis que sir Bartle Frère avait signé, le 5 juin
1873, avec Saïd Bargasch, le traité pour la répression de la traite, les
efforts et les sacrifices considérables fait par les escadres anglaises pour
en assurer l'exécution avaient, ainsi que l'extension du commerce bri-
* Nous disions (p. 288) que M. Banning, dans son volume : Le partage politique
de r Afrique, avait donné comme la première partie du Code diplomatique pour
l'Afrique. Les documents officiels commentés par lui nous ont fourni la substance
de cet article, pour lequel les lecteurs peuvent consulter les cartes publiées, YUP
année, p. 92 et IX« année, p. 320.
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tamûque dans ces pio-ages, donné au représentant de TAngleten'e à
Zanzibar une position qui faisait de Tageat angiais le véritable conseiller
du sultan.
Mais le moment était venu où T Allemagne allait rivaliser de zèle avec
r Angleterre, pour exercer, elle aussi, son influence civilisatrice sur cette
région. Pressé par les besoins de son industrie et de sa population
ouvrière, forcé de se créer au dehors des champs d'expansion, l'empire
allemand voyait se fonder, le 6 décembre 1882, la Société coloniale alle-
mande, dont les entreprises devaient bientôt réclamer l'intervention de
l'État. C'est au D' Karl Peters, au D' Jtthlke et au comte Pfçil que
l'Allemagne doit de balancer aujourd'hui l'influence anglaise dans
l'Afrique orientale. En eifet, ces trois honmies résolus, arrivés. à Zanzi-
bar au mois de septembre 1884, organisèrent une expédition qui pénétra
rapidement à l'intérieur et dont le résultat fut la conclusion, en quel-
ques mois, de traités réguliers passés avec les chefs de l'Ou-Sigouha, du
Ngourou, de l'Ou-Sagara et de l'Ou-Kami, traités en vertu desquels
150,000 kilomètres carrés de territoire étaient placés sous leur dépen-
dance. Muni de ces titres, le D' Peters revint en Europe, et le 27 février
1885, le lendemain du jour où avait été signé l'Acte généi-al de la confé-
rence de Berlin, il obtint de l'empereur d'Allemagne. une lettre de pro-
tectorat, par laquelle la souveraineté allemande était étendue à tous les
territoires acquis ou à acquérir par la Société coloniale à laquelle
appartenait le D' Peters. Le document en question relevait avec soin que
les territoires acquis à l'ouest des États du sultan de Zanzibar étaient
situés en dehors de la souveraineté d'autres puissances, et constatait
qu'ils avaient été cédés au D' Peters, avec les droits souvemins, pour
la Société coloniale allemande. L'empereur déclarait accepter cette
souveraineté, mais réservait sa décision relativement aux acquisitions
que la Société ou ses ayants droit pourraient faire par la suite dans ces
parages, en vertu de traités qui lui seraient soumis. D octroyait à la
Société susnommée, à la condition qu'elle restât une société allemande
et que les membres de la direction ou les personnes auxquelles pourrait
être confiée la direction de la Société fussent sujets de l'empire alle-
mand, de même qu'à ses ayants droit, sous la même condition, le
pouvoir d'exercer tous les droits résultant des traités conclus, y compris
la jui-idiction sur les indigènes, ainsi que sur les sujets de l'empire ou
d'autres nations qui viendraient s'établir dans ces territoires ou y séjour-
ner pour un but commercial ou autre. L'exercice de ces droits devait
avoir lieu sous la surveillance du gouvernement de l'empire.
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Les acquisitions altemandes s'accrurent rapidement, de maDière à
embrasser des territoires d'mie superficie supérieure à celle de TAIle-
magne entière ; noa sans obstacles, il est vrai, car le 14 janvier 1885, le
gouvernement anglais avait cru devoir leur opposer des réserves. Mais
le consul général BaWs fut envoyé à Zanzibar, pour chercher i. obtenir
de S&ld Bargasch son adhésion à l'Acte général de la conférence de Ber-
lin, eu même temps que le gouvernement allemand notifiait à Londres la
charte du 27 février, qui plaçait sous le protectorat allemand les quatre
provinces acquises il l'ouest de Zanzibar. «Les territoires dont il s'agit,»
écrivait le chancelier, « sont compris dans la zone prolongée du ba^u
conventionnel du Congo que vise le chapitre I", article 1",§ 3, del' Acte gé-
néral de, la conférence de Berlin , et k laquelle les puissances signataires se
sont ^gagées à faire l'application des clauses du dit acte. Le gouverne-
ment impérial en assumant l'obligation de garantir l'exécution des dis-
positions de l'Acte générai dans les possessions allemandes sises dans la
zone susdite, réclame également en leur faveur les avantages assurés
aux territoires compris dans les limites du bassin conventionnel du
Congo par le chapitre ni de l'Acte général relatif à la neutralité.»
L'Angleterre ne voulut pas soulever un conflit ; dès le 30 mars elle
donna acte sans réserves de la susdite notification, et prescrivit à son
agent b Zanzibar, àr J. Kirk, de marcher d'accord avec son collègue
allemand dans toutes les matières oii les vues et les intérêts des deux
pays seraient identiques. Quelques semaines plus tard le comte Gran-
ville écrivait à l'ambassadeur d'Angleterre à Berlin : « Le gouvernement
britannique envisage avec faveur les projets de l'Allemagne ; leur réali-
sation enrichira la civilisation de vastes contrées sur lesquelles aucune
influence européenne n'a été jusqu'ici exercée ; elle assurera la coopéra-
tion de l'Allemagne avec la Grande-Bretagne dans la suppression des
caravanes d'esclaves, et encouragera les ettorts du sultan pour l'extinc-
tion de la traite et le développement commercial de ses domaiues.»
Mais, par la môme dépèche, l'ambassadeur anglais était chaîné d'infor-
mer le chancelier de l'Empire que quelques capitalistes considérables
avaient formé le dessein de créer un établissement britannique dans la
région située entre la côte et les lacs qui sont la source du Nil blanc, et
de la rattacher au littoral par un chemin de fer. Afin d'obtenir des
garanties convenables pour leurs avances de fonds, ils se proposaient de
réclamer du sultan des concessions étendues. Le gouvernement, tout en
prenant ce projet en considération, était décidé à ne l'appuyer que s'il
avait la pleine assurance qu'il n'en résulterait aucun conflit avec les
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iotérëts du territoire placé mas le protectorat allein
empiétement sur les posseseiouB du sultan comprises eu
région dont il s'agissait. Le prince de Bismarck devait se
cette démarche du désir de l'Angleterre de prévenir la
malentendu.
A cette ouverture, le cbancelier répondit en déclinant
de contrainte k l'égard du sultan de Zanzibar. Il espéra
ner ce dernier, au moyen d'une action diplomatique
l'Angleterre, k renoncer à ses eminètements au delà de i
se trouver ainsi dégagé de la nécessité de repousser ses
le protectorat allemand. L'Angleterre avait d'ailleurs un :
avec l'Allemagne à empêcher que les tribus nègres araii
ue tombassent sous l'inâueuce du fanatisme arabe qui ai
soulèvement du Mabdi, et que leur pays ne devint 1«
propagande musulmane sanglante, au lieu d'être le aièg
tîou graduellement croissante. Cet intérêt commuu ne
accru par le projet des capitalistes anglais qui voulais
chemin de fer de la cdte de l'Océan indien aux lacs
blanc. Le prince de Bismarck affirmait son dessein de i
préjudice durable k l'indépéndauce du sult»i de Zanzib
demander la cession d'aucun territoire qui lui appartint
K Nous voulons seulement,» disait-il, « que le sultan resp
protectorats allemands, et nous désirons en même temi
lui, mais sans le lui imposer, un traité de commerce. N'
reux si la coopération de l'Angleterre nous dispense
force contre Zanzibar et sou sultan, mais nous subissons
sortir promptement d'une situation que l'empire d'Alli
rait tolérer plus longtemps.»
La notification remise par le consul général Rohifs au
de la prise de possession par l'Allemagne des quatre
mentionnés, avait été suivie d'une protestation de Said
rauniquée à la France et aux États-Unis. Il revendiquai!
de toute la région du continent comprise entre la côte el
nyika et Nyassa, et envoya même des ti'oupes pour appu
dication à laquelle l'Allemagne opposa une tin de non-re
que. Une forte escadre parut devant Zanzibar, et, le
Commodore Taschen exigea le rappel des troupes de Sait
reconnaissance du protectorat allemand. Sur les cens
terre le sultan céda, et reconnut la souveraineté de 1
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les territoires du protectorat allemand ainsi que sur Celui de Witou. Les
agents de r Angleterre avaient contribué pour beaucoup à amener cette
solution pacifique.
D'autre part T Allemagne parut disposée à souscrire à la déclaration
anglo-française de 1862 concernant l'indépendance de Zanzibar, et, afin
de préciser la portée de cet acte, elle proposa de réunir une commission
de délimitation qui fixerait retendue réelle des possessions du sultan.
L'Angleterre et la France se rallièrent à cette proposition.
Les trois puissances difiéraient dans leurs appréciations des vraies
limites de la souveraineté du sultan; toutefois elles s'entendirent pour
prescrire à leurs commissaires Un mode identique de procédure, et,
après de minutieuses enquêtes, ceux-ci statuèrent le 9 juin 1886 sur les
points sur lesquels ils étaient d'accord. Leur décision attribuait au
sultan les îles de Zanzibar, de Pemba, de Mafia et de Lamou, ainsi que
les principaux ports et rades de la côte depuis la rivière Miningani jus-
qu'à Makdischou, mais sans continuité, sauf entre Dar-es-Salam et la
Wanga; vers l'intérieur, les commissaires lui reconnaissaient une zone
de territoire variable de trois à dix milles géographiques à partir du
littoral ' .
Toutefois il subsistait une divergence entre les trois puissances. En
«flfet tandis que la France et l'Angleterre admettaient une ligne continue
de possessions du sultan à la côte, l'Allemagne contestait cette conti-
nuité. Un moment il fut question de convoquer une conférence en
Europe pour vider le litige, mais le prince de Bismarck préféra une né-
gociation directe avec le gouvernement anglais et le résultat en fut
l'adoption de la convention anglo-allemande du 1** novembre 1886, dont
nous avons donné le texte (VIII' année, p. 89, avec carte, p. 92).
L'Allemagne avait obtenu la reconnaissance officielle de son état de
possession dans l'Afrique orientale, et accepté le projet d'établissement
d'un protectorat britannique s'étendantde la côte de l'Océan indien jus-
qu'à la région des sources du Nil. La contrée du Kilimandjaro était
partagée, le pays de Dschagga demeurant à l'Allemagne, celui de Taveta
passant à l'Angleterre. L'empire allemand reconnaissait l'indépendance
du sultan de Zanzibar et sa souveraineté sur une zone non interrompue
de territoires le long du littoral, de Toungui jusqu'à Kipini et sur une
profondeur uniforme de dix milles marins à l'intérieur. Mais comme les
possessions allemandes auraient été, dans ces conditions, coupées de la
' Cf; la carte p. 320, et, pour la Wanga, celle de la Vin» année, p. 92.
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mer, rAngleterre promit ses bons offices pour procurer à l'Allemagne
Taffermage des ports de Dsuves-Salam et de Pangam^ ainsi que Tadhé**
sion du sultan à T Acte. général de la conférence de Berlin, sous réserve
des principes de la. liberté commerciale.
Dès le 4 décembre le sultan renonçait h ses^ prétentions sur la région *
du Kilimandjaro et concédait Tusage des deux» ports contre une rede-
vance. Le 8 du même mois U adhéra à T Acte général de la conférence de
Berlin, sous réserve du principe de la liberté commerciale, et le àiéme
jour la France donna son assentiment à Pentente anglo^allemande.
Parallèlement à. ces négociations, des pourparlers avaient eu lieu entre
les représentants de T Allemagne et de T Angleterre à Zanzibar et le
sultan, en vue de la conclusion d'un traité de commerce, destiné à com-
bler la lacune résultant de la réserve stipulée par Sald Bargasch dans
son adhésion à l'Acte général de la conférence de Berlin. Sir J. Kirk se
mit d'accord avec le consul général allemand sui* une formule destinée
à tous les traités de commerce à conclure ultérieurement par les princi-
pales puissances maritimes ; car, ainsi qu'il l'écrivait à son gouverne-
ment « le traité n'est pas fait pour l'avantage de quelques individus,
mais dans l'intérêt commun du pays lui-même et des négociants euro-
péens en général. Un trait important du nouvel arrangement consiste
en ce que le sultan, ayant acquis un intérêt permanentà voir s'accroître
la prospérité des contrées de l'intérieur, indépendamment de ses droits
de souveraineté, encouragera probablement les entreprises étrangères
comme celles que l'Angleterre et l'Allemagne ont en vue, et accueillera
avec faveur tout gouvernement ou association qui essayera de dévelop-
per les ressources de ses domaines ou des pays de l'intérieur*» .
Le traité conclu avec l'Allemagne le 20 décembre 1885, le fut avec
l'Angleterre le 30 avril 1886. Il laissait au sultan les mêmes revenus
qu'il avait auparavant; il l'autorisait à percevoir une taxe de 5 Vo od
rnUorefn sur tous les produits importés, y compris ceux en transit, sauf
les alcools qui devaient payer 25 7o« Un tarif fixait les droits à percevoir
à l'expoi-tation sur dix-neuf produits indigènes. sans distinction de pro-
venance.
Pendant que se poursuivaient ces négociations, deux assodations se
fondaient en Allemagne et en Angleterre pour l'occupation et l'exploita-
tion des territoires réservés à l'influence respective des deux pays. En
Allemagne, à la Société coloniale fut substituée, pour ses droits et ses
possessions, la Compagnie allemande de l'Afrique orientale, tandis qu'en
Angleterre, ce fut la British East African Association qui devint l'émule
de la Compagnie allemande.
i
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Les territoires placés sous le protectorat allemand ou réservés à ses
développ^nents futurs s'étendaient, du nord au sud, entre le massif du
Kilimandjaro et la Bovouma, et de Test à l'ouest entre l'Océan indien
et les lacs Tanganyika et Nyassa, sauf le littoral maritime. Us devaient
être administrés par un directoire de cinq membres nommés pour quinze
ans. Avant le soulèvement des indigènes, la Compagnie de l'Afrique
orientale y possédait déjà treize stations, où étaient établis de nombreux
ouvriers européens qui donnaient aux cultures un développement rapide.
De puissantes maisons de commerce la secondaient à Zanzibar ; chaque
mois voyait s'accroître le nombre des sociétés de commerce et d'exploi-
tation. Le mouvement commercial du port de Zanzibar avec l'Allemagne
était estimé à 6,000 tonnes pour une valeur de cinq millions de francs.
La zone réservée h l'influence anglaise a deux bons ports, Mombas
et Mélinde,. et à l'intérieur s'étend une contrée alpestre comprise entre
les deux énormes massifs montagneux du Kilimandjaro et du Kénia.
Au delà s'étend le haut plateau, avec les lacs Victoria et Albert-Nyanza
et les États de TOu-Ganda, de l'Ou-Nyoro et la province gouvernée par
Émin pacha. La British East African Association prit pour base un
traité de cession conclu, le 27 septembre 1884, par M. Johnstone, avec
des chefs de la région du Ealimandjaro et transféré par lui au président
de la Chambre de commerce de Manchester. Une fois la convention
anglo-allemande conehte, elle chercha à obtenir du sultan de Zanzibar
une concession importante pour s'assurer le libre accès à l'Océan indien.
Sald Bargasch était demeuré, en vertu de la convention susmentionnée,
souverain d'une zone littorale de 18 kilomètres de profondeur, depuis
l'embouchure de la Rovouma jusqu'à la Tana. Par contrat du 24 mai
1887, la Compagnie anglaise obtint, pour un terme de cinquante années,
de se charger, au nom et sous le pavillon du sultan, de l'entière admi-
nistration de ses domaines entre la rivière Wanga et Kipini, du 4** 30' au
2*" 35' lat. sud. En vertu du susdit contrat, la Société peut faire des lois
et règlements, établir des impôts, organiser la force publique, créer des
tribunaux, régler la navigation. Elle nomme ses agents comme les
juges, et traite avec les chefs indigènes sous réserve de l'approbation du
sultan. Elle dispose des terres, des forts et des bâtiments publics. Elle a
l'administration des ports, elle fixe les tarifs de douane comme les
autres taxes, sauf les droits acquis par les tierces puissances, et en
encaisse le produit, à condition de vei*ser au trésor du sultan le montant
total des droits d'entrée actuels et 50 Vo du produit des taxes nouvelles.
La Compagnie acquiert des privilèges exclusifs pour la vente et la loca-
— 341 —
tioQ des terres, la redierche et l'exploftathm des mines et forêts, la
coDStructioB de routes, canaux, chemins de fer, etc. Elle se réserve la
faculté de prohiber Timportatioff de certaines mai'chandises telles que
les armes, les munitions de guerre, les liqueurs enivrantes. Â l'expira-
tion des cinquante années de la concession, le sultan ou ses héritiers
pourront, moyennant expertise par dès arbitres, reprendre les établisse-
ments de la Compagnie.
Dès lors la Compagnie s'est fortement constituée, avec un Comité qui
a pour président M. W. Mackinnon, le promoteur de l'expédition
anglaise envoyée au secours d'Émin pacha sous les ordres de Stanley, et
pour vice-président lord Drassey, l'ex-lord civil de l'amirauté dans le
dernier ministère Gladstone. Le Conseil d'administration compte parmi
ses membres le général Donald Stewart, TeaL-^^onsuI général anglais h
Zanzibar, sir John Kirk, l'ex-gouvemeur du Congo, sir Francis de
Winton. Son capital nominal est d'un million délivres sterling. Elle s'est
fait octroyer par la reine d'Angleterre une diarte, aux termes de
laquelle elle a pour objet le développement du commerce, des transac-
tions et d'un bon gouvernement dans les régions concédées. Elle aura
toutes les prérogatives des gouvernements. La charte oblige la Com-
pagnie à rester anglaise, à avoir son administration centrale dans la
Grande-Bretagne, et ses représentants principaux dans l'Afrique orien-
tale. Tous les directeurs et administrateurs devront être sujets britan-
niques. La Société devra décourager le commerce des esclaves et l'escla-
vage. Tous les différends qui pourront s'élever entre la Compagnie d'une
part, et le sultan de Zanzibar, les chefs ou les tribus d'autre part,
devront être soumis à la juridiction du secrétaire d'État.
A peine le contrat conclu par M. Mackinnon avec le sultan de Zanzibar
était-il connu de la Compagnie allemande de l'Afrique orientale, que
celle-ci s'efforça d'obtenir la même faveur pour la zone littorale qui
sépare ses possessions de l'Océan indien, entre la baie de Toungui et l'em-
bouchure de la Wanga, du 10'' 40' au 4° 30' lat. sud. Le sultan Saïd
Bargasch, qui avait déjà concédé à la Compagnie l'usage des ports de
Dar-es-Salam et de Pangani, ne pouvait guère lui refuser ce qu'il avait
accordé à la British East Afincan Company. Le D' K. Petei-s obtint en
effet im contrat de la même nature que 1^ précédent ; toutefois la direc-
tion de la Compagnie allemande de l'Afrique orientale en trouvant les
conditions trop onéreuses refusa sa ratification. Sur ces entrefaites Saïd
Bargasch mourut, et ce fut avec son successeur Sald Khalifa, que le
consul général de l'empire allemand, M. Michahelles, agissant en même
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temps GOBime fondé de pouvoirs de la Compagnie allemfmde, signa, le
28 avril dernier, une convention iavestissant cette Société de Tadminis-
tration de la zone littorale réservée au*sultan de Zanzibar, ainm que de
Taffermage des droits de douane, pour une durée analogue à celle du
contrat anglais, c'estrà-dire cinquante années. Les stipulations du contrat
sont à peu près les mômes que celles de la convention conclue avec la
British East African Company. Il fut convenu que la Compagnie alle-
mande de TAfrique orientale prendrait charge des douanes à partir du
15 août 1888.
A cette date, en effet, des agents de la dite Société étaient enroyés
dans chacun des ports compris dans le territoire concédé ; la nouvdle
administration des douanes était organisée. Peu de jours après, le pavil-
lon de la Société all^nande flottait au-dessous de celui du sultan. Les
walis, représentants de ce dernier, refusèrent tout d'abord de donner
leur assentiment aux agents allemands. Bagamoyo, depuis longtemps
le point de départ le plus important des caravanes pour Tintérieur et le
port le plus fréquenté par les Européens, donna le signal du méconten-
tement. Les troubles se bornèrent à une mutinerie; quelques matelots
allemands débarqués suflirent pour calmer les esprits mécontents.
L'imagination orientale n'en allait pas moins bon train. Les impôts éta-
blis, dit-on, sur chaque pied de cocotier, l'income-tax, et les formalités
auxquelles fut soumise la sortie des marchandises, furent le point de
départ de troubles à Tanga, Pangani, Lindi et Quiloa.
Bien cependant dans ces formalités n'était de nature à surexciter les
indigènes au point de leur faire prendre les armes. Les clauses de la
proclamation de M. Ernest Vohsen, directeur de la Compagnie alle-
mande de l'Afrique orientale étaient loin d'être comminatoires. Le
régime nouveau ne se distinguait guère de l'ancien qu'en ce qu'il était
établi sur des bases européennes, déterminant en détail les soumissions
à faire h la Société.
En voici les stipulations :
1. Les droits sur marchandises de toutes sortes, exportées de la côte entre la
rivière Umba et la rivière Rovouma, qui, d'après les traités, doivent être payés à
la côte, seront payés jusqu'à nouvel ordre aux ports d'entrée suivants : Tanga,
Pangani, Bagamoyo, Dar-es-Salam, Kilva-Eivinje, Lindi, Mikindani.
2* Quiconque exportera ou importera des marchandises de ou dans ces ports,
est tenu de les faire examiner à Pendroit désigné à cet effet en douane; il n'est pas
permifi de charge ou de débarquer dea marchandises à d'autres endroits que ceux
qui sont désignés pour le débarquement et pour l'embarquement dans ces poris.
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3. Après que les maroHandlscs auront été o^^tminées et pesées, les droits -—
siÙTaiit les traités — devront ètite payés en argent ou en nature, dans k boreaa
du percepteur. La valeur de cliaque classe de niarchandises sur laquelle les droita
doÎTent ôtre prélevés sera établie par une liste affichée en douane. La liste sera
apposée mensuellement et sera basée sur les cours de la douane de Zanzibar.
4. Après payement des droits, le chargeur recevra un laisses-passer, qui lui
permettra de quitter le port. A Parrivée à Zanùbar, ce laisaes-passer devra être
montré et délivré aux agents douaniers du sultan, comme preuve que les droita
ont été payés.
5. Des postes douaniers seront établis à «Saadani, Bweni, Ei]ctti\ja, Samanga,.
Kilva-Kisiwani et SudL
Les marchandises destinées seulement à Zansibar ou à l'un des ports compri»
entre la rivière Umba et la Rovouma pourront être embarquées dans ces postes.
Le chargeur aura à apporter les marchandises en douane, où elles seront enre»
gîstrées; il recevra un laissez-passer l'autorisant à les expédier.
6. Les droits sur les marchandises seront payés après Parrivée du bateau à
Zanzibar aux agents de la douane, qui vérifieront ces marchandises, et, aprèa
examen, donneront au propriétaire l'autorisation de retirer la marchandise de la
douane. — Cette autorisation sera toujours donnée de concert avec les agents de la
Compagnie allemande.
7. Sur toutes les marchandises embarquées d'un port dans un autre, compris
entre la rivière Umba et la Rovouma, les droits seront payés au port d'embar»
quement. — Ces droits seront cependant remboursés, sur la preuve que les mar-
chandises ont été consommées par le port d'importation et non réexportées.
8. Toutes les marchandises embarquées àam les postes douaniers ci-dessus
mentionnés et non destinées à Zanzibar ou à l'un des ports compris entre lea
limites ci-dessus, devront être apportées dans l'un des ports où sont installées des
douanes pour le payement des droits. Si le chargeur néglige de se conformer à
ced, il tombe sous le coup de l'art. 14 de la présente ordonnance.
9. Aucune marchandise ne peut être exportée d'une autre place de la côte que
celles qui sont désignées ci-dessus.
10. Les marchandises ne venant pas de Zanzibar, mais d'ailleurs, qui doivent
être importées dans les douanes comprises dfuis les limites ci-dessus désignées,
ne peuvent être débarquées que dans un des seçt ports d'entrée, où les droits
seront payés.
11. Les chargeurs désireux de payer les droits à Zanzibar doivent, au moment
des formalités à la côte, donner une déclaration de leur intention de faire ainsi,
en désignant la nature et la valeur de leurs marchandises. Les droits devront être
payés à l'arrivée, au bureau de la Compagnie allemande.
12. Les marchandises dont les droits auraient d^'à été payés à Zanzibar
doivent être accompagnées d'un permis des agents de la douane de Zanzibar, afin
de passer libres au moment de leur entrée à la côte.
Celui qui aura l'intention d'exporter une marchandise de Zanzibar à la côte.
— 344 —
doit en iiiformer le dtrectear des douimes de Zanzibar et la' Oompag^nie allemande
de l'A^qve orientale, et prendre un permis. Cependant, une marchandise dont
les droits n'auront pas été payés à Zanzibar, est tenue d'en payer les droits à la
côte de la même façon que pour les marchandises de l'article 10 de cette ordon-
nance. Le permis devra être délivré à l'agent de la douane du port de la côte
où les marchandises seront importées.
13. Les marchandises ne pourront être importées sans droits à la côte, que sur
la production de ce permis.
Si ce permis n'est pas présenté à la douane du port de la côte, les marchan-
dises auront à payer les droits mentionnés dans l'article 10 de cette ordon-
nance, suivant le tarif, et tomberont sous les règles auxquelles sont soumises les
marchandises importées d'en dehors de Zanzibar à la côte.
14. Tout chargeur est tenu de présenter un permis ou un laissez-passer aux
agents de la Compagnie allemande de l'Afrique orientale à la côte, si on le lui
demande.
Tout vaisseau venant de Zanzibar ou de la partie de la côte comprise dans
les limites de l'Association sans permis ou certificat, en contravention avec cette
ordonnance, est considéré comme en contrebande et peut être saisi avec son
chargement.
(Les chargeurs aussi bien que les propriétaires et les capitaines à Zanzibar et
à la côte sont très vivement priés de prendre connaissance de ces règlements et
de s'y soumettre.)
15. Dans tous les cas de différend ou de dispute ne pouvant être réglés au sujet
du montant des droits à payer d'après les traités, le fait devra être soumis aux
autorités de Zanzibar, qui décideront; jusqu'au moment de cette décision, les
marchandises formant l'objet de la dispute seront détenues en douane, à l'endroit
où a eu lien la dispute, ou bien le chargeur, s'il désire prendre possession de sa
marchandise, déposera entre les mains du directeur de la douane, sous protêt, le
montant des droits réclamés, pour lequel un reçu lui sera délivré.
Sans doute on ne pouvait guère espérer passer de l'ancien régime au
nouveau sans rencontrer quelques difficultés. Mais on était loin de s'at-
tendre au soulèvement des indigènes.
Ce furent d'apord les Arabes et les natifs de Pangani et de Tanga qui
s'opposèrent à ce que le pavillon de la Compagnie allemande fût hissé.
En présence de cette opposition des sujets du sultan, les Allemands
demandèrent à celui-ci des soldats irréguliers pour faire rentrer dans
l'ordre les insoumis et leur faire comprendre que Sald Khalifa était
d'accord avec les agents allemands. Le vapeur Braiva, appartenant au
sultan, ayant à son bord une centaine de soldats irréguliers, se vit refu-
ser l'entrée de Pangani. Des embarcations portant des irréguliers,
accompagnés d'agents de la Compagnie allemande, ne purent accoster
la terre sans s'exposer à être mitraillés. Les officiers du sultan insisté-
— 345 —
reot. Biais les menaces des indigèiies groupés sur la plage devinrent si
pressantes, que force fut de retourner h bord. Aux sommations qui leur
furent faites, les indigènes répondirent qu'ils ne voulaient voir aucun
Européen s'installer chez eux, et qu'ils ne voulaient plus reconnaître
l'autorité du sultan, du moment que celui-ci remettait l'administration
de leur pays à des étrangers.
Pendant ce temps, d'autres événements aussi graves se passaient à
Tanga, à quelques heures au nord de; Pangani. Une embarcation du
navire de guerre allemand, la Moewe, qui, malgré le refus des indigènes,
s'avançait vei-s le rivage pour y débarquer quelques soldats, fut reçue
par une pluie de balles ; deux matelots furent blessés et l'embarcation
dut regagner le navire. La Moewe, alors, bombarda Tanga pendant toute
la nuit, et une trentaine d'Arabes, dit-op, y périrent. Dès que le fait fut
connu à Zanzibar, des vaisseaux de guerre anglais furent dépêchés pom-
porter secours aux Hindous, sujets anglais, étabhs à Tanga. Des navires
de guerre allemands se rendirent en même temps sur les lieux pour voir
dans quelle disposition d'esprit étaient les indigènes après ce bombarde-
ment. Quand les Anglais voulurent descendre à terre, les indigènes leur
déclarèrent, comme ils l'avaient fait aux Allemands, qu'ils ne voulaient
voir chez eux aucun Européen, quel qu'il fût. Tous les navires de guerre
rentrèrent à Zanzibar pour y attendre des instructions de leurs gouver-
nements respectifs.
Malheureusement les faits qui se passaient à Tanga ne devaient pas
rester isolés. Des troubles avaient lieu simultanément à Quiloa et à
Lindi, manifestant une effervescence générale dans l'esprit des peuplades
de l'Afrique orientale.
Il ne paraît pas cependant que cette agitation se soit étendue à la
partie de la côte située au nord de l'embouchure de la Wanga, jusqu'à
Kipini, non plus qu'à la possession allemande de Witou au nord de cette
dernière localité. En plaçant Witou sous son protectorat, l'Allemagne
se proposait d'étendre celui-ci au pays des Somalis avec les chefs des-
quels des agents de la Société coloniale allemande avaient conclu des
traités; peut-être aussi espérait-elle obtenir du sultan de Zanàbar,
demeuré possesseur de Kismayou, Barawa, Merka, Makdischou, War-
scheïck, la concession de l'administration de ces villes et de leur terri-
toire comme elle avait obtenu celle delà zone du littoral, de l'embouchure
de la Wanga à celle de la Rovouma. Mais l'Italie a élevé des prétentions
sur Kismayou, au débouché du fleuve Juba dans l'océan Indien ; et pour
le moment du moins ni l'Allemagne, ni l'Angleterre — à supposer que
' ^-
vil
— 346 —
celle-ci désire agrandir le territoire de son protectorat — ne t>euveût
^songer à intervenir en faveur du sultan contre les Italiens, ou en faveur
de ceux-ci contre Saïd Khalifa.
JusquMei il serait prématuré de vouloir indiquer d'une manière cer-
taine la cause du soulèvement des indigènes. Les bruits les plus divers à
cet égard circulent dans les journaux. Les Anglais l'attribuent au man-
que de prudence et de douceur des Allemands dans la prise de possession
de Tadministration des ports et deâ douanes. De leur côté les Allemands
reprochent aux Anglais d'avoir intrigué contre eux par ressentiment
<i'avoir vu l'Allemagne devancer l'Angleterre dans la déclaration de
protectorat, sur des territoires d'ime région que celle-ci considérait
déjà conmie une quasi-possession britannique. D'autres estiment que
l'insurrection a pour instigateurs les rois et les chefs nègres, qui redou-
tent de voir apporter des entraves à la traite des esclaves. Les musul-
mans marchands d'esclaves pousseraient activement à la révolte et
conseilleraient le massacre de tous les blancs.
Quoi qu'il en soit de la cause de l'agitation, tous les Allemands, ainsi
que tous les agents douaniers allemands établis à la côte ont été rappe-
lés k Zanzibar ; les communications avec l'intérieur sont coupées, et il
ne peut plus être question, pour le moment du moins, de mettre à exé-
cution le projet d'une expédition allemande pour porter secours à Émin
pacha en prenant Zanzibai* pour point de départ. D'après l'Inrfépen-
darice hélge, l'ordre de la suspendre est parti de la chancellerie impé-
riale de Berlin. Le gouvernement allemand paraît redouter un soulève-
ment général des indigènes de l'Afrique centrale orientale, ce qui le
mettrait dans l'alternative ou d'abandonner Wissmann et ses compa-
gnons à leur sort, comme l'Angleterre l'a fait pour Gordon, ou de s'en-
gager dans une entreprise aventureuse dont l'issue n'est rien moins que
certaine. Si le soulèvement des indigènes sur la côte de Zanzibar n'est
que local, le gouvernement estime qu'il vaut mieux attendre qu'il se soit
calmé de lui-même.
Si les causes de l'insurrection étaient parfaitement connues, il serait
peut-être possible de prévoir jusqu'où elle s'étendra. Mais dans le doute,
il serait téméraire de rien dire d'avance à cet égard. Il faut attendre
les résultats de l'enquête que ne manqueront pas de faire sur les lieux
les représentants des deux puissances les plus intéressées au rétablisse-
ment de l'ordre et des relations pacifiques.
— 347 —
BIBLIOGRAPHIE'
Eug. EéveiUaud. Uke bxûuhsiok au Sâhâra algérien bt TumsifiN.
Paris (Fischbacher), 1887, in-12, 232 p., fr. 3.50. — Cédant aux sollici-
tations de quelques amis, M. E. Réveillaud a réuni en volume les lettres
publiées par lui dans le journal le Signal dont il est rédacteur. Il s'agit
d'une ^cursion de quatre s^fnaines, faite au printemps de 1887, dans
la région du nord-est saharien. Fatigué par Un travail considérable,
c'est sur l'ordre du médecin qu'il s'est rendu dans cette région, où,
grâce à l'amabilité du commandant du cercle supérieur de Khenchela,
il a pu faire une étude très intéressante du Sahara algérien et tunisien
et de ses populations. A l'exception de la vallée des Beni-Barbar, la con-
trée parcourue a été décrite maintes fois. Les ingénieurs y ont déjà passé
avec tous leurs instruments d'arp^itage ; mais, grâce aux conditions
exceptionnelles dans lesquelles il faisait ce voyage, M. Réveillaud a pu
voir mieux et plus complètement que d'autres touristes. En outre, il
écrit bien ; sa relation est pleine d'humour et se lit si facilement qu'on
tourne les pages les unes après les autres sans s'apercevoir du chemin
parcouru. H est vrai qu'il n'^t pas très long ce chemin : Parti de
Khenchela, après avoir visité les ruines de Baghala situées dans le voisi-
nage, le voyageur passa par Khanga, Sidi-Nadji, Tamerza, Tozer, Nefta,
puis revint â Khanga et de là à Khenchela par la vallée des Beni-Barbar.
La descripti<m de cette vallée, l'une des moins connues de l'Algérie
est peut-être la partie la plus intéressante du récit. L'Oued Beni-Barbar
est situé à l'est de l'Oued el Arab et se développe parallèlement à celui-
ci. Il descend des montagnes désignées dans les atlas sous le nom de
chaîne de PAurès, et débouche dans le Sahara, après avoir porté plu-
sieurs noms sur son parcours. Cette vallée a un caractère de beauté
sauvage que M. Réveillaud a fort bien su faire ressortir. La description
qu'il donne de la nature physique de cette vallée et d'autres territoires
parcourus est entremêlée d'anecdotes, de traits de mœurs, de digres-
sions historiques qui donnent du charme au rédt. Le lecteur se récrée
en s'instruisant.
D' Freiherr von Danckelmann. Mittheilunoen von Fobschungs-
^ On peut se procurer à la librairie H. G^org, à Genèye et à Bàle, tous les
ourrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et cmUeée.
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— 348 —
BEISEMDEN UND GeLEHBTEN ÂUS DEN DBUTSOHEK SCHITTZOEBIETEN. Ber-
lin (A. Asher et 0,% 1888, m-8% 2** Heft, 56 pages ill. et cartes, fr. 5.
— Nous avons déjà parlé de cette publication et du but qu'elle poursuit,
en analysant la pr^nière livraison. La deuxième est principalement con-
sacrée à l'Afrique et à la colonie du Cameroun. Au début, elle renfiMme,
en quelques lignes, des nouvelles de l'expédition de M. von François
dans le territoire de Togo. Ensuite viennent plusieurs articles intéreg-
sants : coup-d'œil sur les voyages accomplis pendant les années 1885 et
1886, dans la colonie du Cameroun; voyage de M. de Puttkajner daos
le bassin du Bakwiri ; expédition du D' Zintgraff ; traces d'apparitioDS
volcaniques dans les montagnes du Cameroun ; flore du Grrand Bataaga.
Une belle carte au 1 : 770,000 de la colonie du Cameroun accompagne
ce niunéro; elle renferme les itinéraires des expéditions de MM. Kund,
Tappenbeck et Weissenborn à Makoung et à Guataré; de M. Vanselow
au Petit Batanga et à Edea ; de M. Puttkamer au Wouri ; du D' Zint-
graif à Bouti, au fleuve Moungo et à Bioko ; du D'' Schwarz au Moungo;
de M. Schuckmann au Rio del Key ; enfin de M. Stubenrauch au fleuve
Massake.
D' Welwitsch, Quelques notes sur la géologie d'ANooLA, ooobdon-
NiEs ET annotées pajp Paul Clioffat. 19 p. avec planches. — Le
D' Welwitsch est un naturaliste allemand qui, en 1:853, fut chargé par
le gouvernement portugais de faire l'exploration scientifique de la pro-
vince d'Angola. Il y séjourna durant sept années consécutives et revint
en Europe pour y étudier et classer ses collections. Mais il mourut avant
d'avoir eu le temps de terminer son œuvre. La botanique était le but
principal de ses études ; on sait qu'il a laissé son nom à l'un des spéci-
mens les plus extraordinaires de la flore africaine, le Wehvitsohia mm"
bilis de la famille des gnétacèee. Toutefois il n'a pas négligé les ohset-
vations géologiques, car ses notes renferment un gi*and nombre de des-
sins, de coupes se rapportant à la géologie. M. Chofi'at en a fait le dé-
pouillement dont il donne le résumé dans la brochure que nous annon-
çons. Plusieurs planches, construites d'après un calque des de^ns de
Welwitsch, ornent ce petit mémoire qui sera lu avec intérêt par les amis
de la géologie.
— 349 —
BULLETIN MENSUEL (5 décembre 1888 «).
La Contemporary Review a publié, sur T Al§^érie et sur le rôle que
la France y a joué depuis un demi-siècle, un article dû à im publiciste
anglais des plus autorisés, M. Grant Allen, auquel nous empruntons ce
qui suit, d'autant plus volontiers que l'auteur étant Anglais, son impar-
tialité ne peut faire l'objet d'aucun doute. « U semble, » dit-il, « que nous
n'ayons jamais estimé à sa juste valeur l'importance de l'effort tenté
par la France pour ramener la Berbérie sous l'influence de la civilisation
chrétienne. Accoutumés à ne considérer l'Afrique qu'au point de vue de
nos propres relations commerciales par les voies du Congo, du Nil et du
Zambèze, nous avons perdu de vue l'importance réelle de l'entreprise
française en Algérie, dont aucune jalousie mesquine ne viendra, espérbns-
le, entraver les progrès. Un observateur consciencieux envisageant les
incroyables résultats que la France est paiTenue à obtenir en un peu
plus d'un demi-siècle, ne pourra qu'admettre que cette conquête du
nord de l'Afrique a été un véritable bienfait pour le monde civilisé. La
France s'est emparée d'un véritable repaire de bandits, ennemis de la
civilisation et du commerce, et a complètement transformé le pays. Elle
a droit à la reconnaissance de toutes les nations, qui ont pour devoir de
lui venir en aide afin d'achever une entreprise aussi noblement commen-
cée. L'Algérie possède un réseau de chemins de fer dont l'importance
augmente chaque année et sa colonisation est une œuvre superbe qui
est loin d'être terminée. Sa position géographique est la plus favorable
possible^ le sol est extrêmement feitile et le climat délicieux, et il est in-
discutable que des capitaux et des travailleurs ne négligeront plus long-
temps un pays situé à vingt-huit heures de Marseille et aussi riche que
l'Amérique occidentale. » L'auteur examine ensuite quels seront les
résultats probables de la civilisation sur les différentes races habitant
l'Algérie. Il croit que les Kabyles, accoutumés au travail régulier, adop-
teront facilement les mœurs européennes, mais il est persuadé que
l'Arabe nomade finira par disparaître. Quant à l'effet de la civilisation
du nord de l'Afrique sur le reste du continent, M. Grant Allen croit que
l'infranchissable Sahara formera une barrière perpétuelle. Le nord de
^ Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Nouvdles com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
PAlgérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
L'APRIQTJB. — NEUVIÈME ANNÉE. — N^ 12. 12
VP-^^^
— 350 —
l'Afrique deviendra européen, le continent mystérieux commencera aux
limites extrêmes du désert. Cependant, la France aura, directement ou
indirectement, contribué à ouvrir au commerce et à la civilisation tes
immenses régions de l'Afrique centrale, car déjà les marchandises fran-
çaises pénètrent dans l'intérieur et les chemins de fer atteignent les li-
mites du désert. Nul doute que dans l'avenir ces communications ne
s'étendent jusqu'à l'intérieur de ces régions barbares.
Au milieu des différentes sectes musulmanes habitant l'Algérie, les
MaEabites, qui ont des mœurs et des pratiques spéciales, forment en
quelque sorte un peuple à part. Ils ont sur le Coran des interprétations
qui diffèrent de celles des autres musulmans et qui inspirent une certaine
méfiance à leurs coreligionnaires. Aussi le sentiment d'hostilité latente
et héréditaire qui existe entre les Mzabites et les autres sectes crée,
pour les premiers, des difficultés et des complications fréquentes dans le
règlement de leurs affaires d'intérêt. Pour tous leurs actes judiciaires,
les Arabes sont dans l'obligation de recourir à la juridiction du cadi. Or,
ce fonctionnaire a toujours été pris dans la classe musulmane propre-
ment dite, et la dissemblance de mœurs et de religion, la différence
d'interprétation du Coran, dont le texte forme l'unique loi du musul-
man, mettent les Mzabites dans une situation difficile qui pourrait
parfois dégénérer en persécution. Pour leur donner satisfaction, il suffi-
rait, ainsi qu'ils le demandent, de nommer trois cadis mzabites, un dans
le chef-lieu de chaque département de l'Algérie. A cet effet, ils ont
adressé une requête au gouverneur de l'Algérie, en lui exprimant leur
désir de pouvoir, à l'avenir, soumettre à des juges appartenant à leur
secte toutes les questions ayant pour but de liquider les successions
des Mzabites décédés en Algérie. Leui*s cadis auraient aussi pour mission :
P De recevoir, avec minute, tous les actes de prêts, sur immeubles situés
au Mzab, entre Mzabites, que les notaires français ne peuvent recevoir,
faute de titres de propriété. 2** De recevoir tous les actes de mariage des
Mzabites se mariant en Algérie et prononcer les divorces. Les Mzabites
demandent du reste, que ces trois cadis soient institués à leurs frais et
ne reçoivent aucun traitement de l'État.
Le Petit Provençal annonce que M. L. A. Brémond, qui a déjà
fait plusieurs voyages en Abyssinie et au Choa, organise à Marseille
une nouvelle expédition. Il compte se diriger sur le Choa par la route
du Harrar, dernière conquête de Ménélik. Il rendra à ce monarque,
dont l'amitié lui est acquise, une nouvelle visite, afin d'obtenir, avec
son bienveillant concours et celui des chefs de tribus, le Raz Gobana et
— 351 —
aatres, les facilités d'aller au Kaffa pour pénétrer de là dans les contrées
mystérieuses qu'aucun européen n'a jamais foulées, et venir déboucher
si possible, à Zanzibar. Au coui's de ce voyage, l'expédition espère résou-
dre plusieurs problèmes du plus haut intérêt et déterminer enfin, d'une
façon certaine, si le Wuby (vulgairement nommé Oromo) est réellement
le grand affluent du fleuve Juba, question jusqu'ici très controversée par
les savants. M. Brémond entreprend à ses lisques et périls ce long et
dangereux voyage; il s'adjoint, comme compagnon de route, un capi-
taine au long cours dont un séjour de plusieurs années au Choa et chez
les Gallas est presque une garantie de succès. Feront également partie de
l'expédition des jeunes gens appartenant à deux riches familles marseil-
laises que la grandeur d'un semblable voyage a séduits, et M. E.
Bidault, photographe, qui, depuis un an, parcourt le Harrar, formant
une collection de vues destinée à enrichir un grand ouvrage qui sera
publié au retour de l'expédition.
Dans notre précédent numéro, nous avons donné les renseignements
que nous possédions le mois passé sur la British Bast African
C^ompany; aujourd'hui, nous pouvons les compléter par ceux que
nous apportent les Proceedings dans leur compte rendu du mémoire
présenté par Sir Francis de Winton à la réunion de l'Association britan-
nique, à Bath. Les territoires auxquels la Compagnie sus-mentionnée va
chercher à porter le commerce et la civilisation sont encore peu comius,
mais d'après J. Thomson qui les a traversés, on peut admettre que
jusqu'à une distance de 130 kilomètres de la côte le pays est sec et
aride, et peu peuplé, par suite des incursions des Masaï. Le consul
Holmwood rapporte que partout où les roches sous-jacentes sont hori-
zontales et peu brisées, il existe des réservoirs naturels sous la forme
de trous ou de bassins circulaires taillés dans le roc. Les indigènes les
ïippellent Vlungula; la tribu qui habite cette région est celle des
Walungulu; ils trouvent toute l'année de l'eau dans ces cuvettes natu-
relles. Après avoir dépassé Mango qui fait partie des monts Boura ou
Ndara, le pays s'élève, l'on entre dans le district de Teïta, et bientôt
dans la région riche et fertile qui forme le pied du Kilimandjaro. Puis
viennent les plateaux onduleux des Masaï, à une altitude qui varie de
1,000 m. à 2,000 m.; ils nourrissent de grands troupeaux de bestiaux et
beaucoup d'ânes, ainsi que du gibier en grande quantité et de toutes
sortes d'espèces. Le climat est salubre et convenable pour des Euro-
péens. A 700 kilom. de Mombas on rencontre les lacs Naïvasha,
Elmeteïta et Nakouro, tous situés dans le territoire des Masaï.
w
— 353 —
un revenu des douanes auquel elle espère donner uii grand dévelop-
pement,
M. G.-S. Mackeiizie, un des membres de la Cour des Directeurs, qui a
<iéjk une longue expérience des conditions de l'Orient, ^ient de quitter
l'Angleterre avec un corps choisi d'auxiliaires pour Zanzibar. A son
arrivée k Moiubas il prendra les ports entre la rivière Wauga et Kipini
oii sont perçus les droits de douanes ; puis il expédiera k l'intérieur une
grande caravane, que l'on organise actuellement. Elle se dirigera vers
le lac Baringo, oii l'on créera une station bien fortifiée, et d'oîi des
«xpéditions commerciales seront envoyées vers le nord, l'est et l'ouest.
La Compagnie s'efforcera de se concilier les Masal, en vue de les
amener à accepter son contrôle. Elle peut s'attendre à éprouver des
difficultés dans ses relations avec ces populations belliqueuses et vivant
de rapines, qui inspirent la terreur aux tribus de leur voisinage. Il y a
cependant une population qui mène la vie pastorale, qui possède de
grands troupeaux de vaches et d'ftnes, et qui est par conséquent accessi-
ble à un système d'ot^anisation qui la priverait de celle de ses posses-
sions qui a le plus de valeur. Quoique de même origine, ils sont divisés
en communautés, choisissent leurs pi-opres chefs, — car ils n'ont pas de
chefs permanents — sous la survëllance desquels ils font des incursions
dans l&s territoires du voisinage pour en emmener le bétail. La pré-
sence de botes k cornes dans ce pays est une preuve de l'absence de la
tsétsc, l'un des plus grands obstacles aux pi-ogi-ès de la région méiidio-
nale, où on la rencontre fréquemment.
Les promoteurs de l'entreprise ne s'imaginent pas que le pays va se
transformer tout de suite eu un État bien ordonné. Ils ont soigneuse-
ment examiné les difficultés nombreuses que l'on rencontrei-a ; ils dési-
rent seulement marcher paisiblement et lentement dans l'œuvi-e si
digne d'envie qu'ils ont entreprise.' Ils reconnaissseut pleinement les
obligations qu'ils vont assumer; mais ils ont la confiance qu'à mesure
que l'entreprise avancera, que la loi et l'ordre seront établis, le
commerce et le progrès se développeront; que de nouveaux champs
plus vastes s'ouvriront aux opérations salutaires et civilisatrices des
missionnaires; que l'institution de l'esclavage sera abolie, et que, sous
toutes ces influences, les ténèbres et l'obscurité se dissiperont avec le
temps devant la lumière de la civilisation chrétieiuie.
Comme l'on pouvait le supposer, ce sont bien les marchands d'esclaves
qui ont fomenté les troubles de l'Afrique orientale équatoriale.
Aussi n'est-il pas étonnant que la question de la snppreaslon de la.
— 354 —
ittâ fégion ait passé au'premier plan, et que, pai-mj les
h pour l'établir l'ordre dans les ports dont radministra-
;par convention à l'Angleterre et à l'Âllemague, ce soient
>ur but l'abolition de la traite qui attirent le plus l'atteo-
B,ux politiques tiennent les lecteurs au courant des négo-
ivies entre l'Angleterre et l'Allemagne pour la fomaation
côtes; puis avec le Portugal, qui tient à prendre rang
Qseurs de la cause des noirs ; avec la France, au sujet
sance du blocus et du droit de visite des bâtiments qui„
■ançais, pourraient servir au transport d'esclaves. Nous
bstenir de détails sur ces négociations politiques. En re-
evons signaler l'extension prise dans les divers pays de
I mouvement destiné k gagner partout l'opinion publique
abolition de la traite sur terre et de l'interdiction d'im-
les de guerre et des munitions. Après TAngleten-e, la
ande et la Belgique, oii les partisans de l'abolitionisme ont
Sociétés anti-esclavagistes, l'Allemagne s'est émue iwur
se en faveur de laquelle une grande assemblée s'est tenue
6 octobre, dans une des plus vastes salles de la ville, où se
bommes de tous les partis politiques, de toutes les coû-
tes les conditions : supérieurs ecclésiastiques, présidents
nts, magistrats de l'ordre judiciaire, professeurs, com-
âtriels, sans parler des dames qui, elles aussi, avaient tenu
sympathie pour l'œuvre excellente à laquelle l'Allemagne
on concours.
8 premiers orateurs eurent résumé à grands traits les
ites que la traite inflige à l'Afrique, si bien nommée par
urth « la maison de servitude, » le premier lieutenant
, deux fois, a traversé le continent noir de l'ouest à l'est,
îtrasfe saisissant que lui avait ofl^ert le même pays dans
es, eu 1882 et 188G '. Ensuite le D' Fabri exposa ce qui a
ur l'extinction de la traite par mer, et montra qu'il s'agit
ittaquer le mal dans sa racine, la traite sm- terre et l'es-
ne. Les obstacles mis à l'exportation d'esclaves par mer
mé, ni adouci le fléau de la traite à l'intérieur de l'Afti-
lerniers temps, les chasses aux esclaves se sont dévelop-
is un caractère encore plus destructeur que précédera-
!77 ; Un exemple de rir^uenet des Arabes dan» l'Afrique eetUralt.
— 355 —
mcDt, et cela sous les yeux des Eui'opéens, explorateurs ou colons. Le
nombre des noirs victimes de la traite s'élève chaque année à plus d'un
million. Ce ne sont pas seulement les puissances dont le protectorat
s'exerce sur telle ou telle partie du territoire africain, l'Angleterre, l'Al-
lemagne, le Portugal, qui doivent prendre en main la cause de ceux que
l'avidité des chasseurs d'esclaves arrache à leur sol et à leur famille,
après avoir pillé leurs habitations, incendié leurs villages, massacré les
hommes d'âge mûr et les vieillards et réduit le pays en désert. La ques-
tion est intei-nationale ; toutes les puissances signataires de l'Acte géné-
ral de la conférence africaine à Berlin, en 1885, se sont engagées à faii-e
ce qui est en leur pouvoir pour faire disparaître ce fléau. La question
est universelle : tout homme, à quelque nationalité, à quelque confession
qu'il appartienne, par cela seul qu'il est homme, a le devoir de s'inté-
resser à cette cause, qui est une question d'humanité, et rien de ce qui
est humain ne doit lui demeurer étranger; celui-là se renierait lui-même,
comme homme, qui pourrait dire : cela ne me regarde pas. Les chrétiens
surtout doivent s'en préoccuper; catholiques et protestants, anglicans et
luthériens, nationaux et indépendants, tous doivent s'unir pour protester
contre le crime des Arabes chasseurs d'esclaves. Il ne s'agit pas d'une
croisade contre l'islam, comme au XI*"' et au XII'"* siècle, mais d'une
guerre contre la traite sur terre.
Sur la proposition du comité d'initiative, l'assemblée vota les résolu-
tions suivantes qui furent adressées au chancelier, prince de Bismarck, et
au Parlement allemand :
1** La suppression de la chasse aux esclaves en Afrique, accompagnée
de crimes qui déshonorent l'humanité, e^t un devoir universel, une obli-
gation pour tous le^ États chrétiens, et la condition préalable absolue de
l'abolition réelle de la traite.
2' L'article 6 de l'Acte général de 1885 obligeant toutes les puissances
à concourir à l'abolition de l'esclavage et à l'amélioration du sort des
indigènes, c'est à l'État du Congo, au Portugal, h l'Angleterre et à l'Al-
lemagne, dont les territoires sont l'objet des incursions des Arabes chas-
seurs d'esclaves, qu'incombe avant tout le devoir de lutter contre le
fléau, et de prendre à cet efl^et des mesures communes.
3** Nous espérons que, en présence de la rébellion provoquée par les
Arabes chasseurs d'esclaves dans l'Afrique orientale, le Parlement main-
tiendra d'une manière efficace l'honneur du drapeau et les intérêts de
l'empire allemand.
4^ Si le peuple allemand tout entier, sans distinction de confessions
— 356 —
religieuses iii de partis politiques, appuie cette mauière de voir, nous
avons la certitude que le concoure énergique du Parlement ne fera pas
défaut.
Le président du comité anti-esclavagîste qui s'est formé récemment
en Allemagne a reçu de M. de Bismarck une lettre qui lui annonce que,
de concert avec l'Angleterre, avec l'Italie et avec le Portugal, et pro-
bablement aussi avec toutes les puissances signataires de la Constitution
de l'État du Congo, l'Allemagne prendra très prochainement des me-
sures contre le trafic des esclavois.
Une assemblée de plus de 2,000 pei*sonnes a eu lieu le 9 novembre à
Berlin. Les assistants ont déclai'é adhérer aux résolutions votées à Co-
logne ; ils y ont ajouté des remerciements au gouvernement impérial
pour les mesures déjà* prises en vue de l'exécution des articles 6 et 9 de
l'Acte général du Congo et une cinquième résolution a été votée ; elle est
ainsi conçue : Outre les mesures énergiques du gouvernement de l'em-
pire, nous estimons nécessaire de faire appel au concours voloutaii'e de
tous, et noui^ recommandons à cet effet en première ligue l'appui matériel
à donner à l'expédition allemande pour secourir Émin-pacha.
Quelle que soit la réserve avec laquelle doivent être accueillies les
nouvelles apportées de Tintérieur par les Arabes, nous ne pouvons pas-
ser sous silence la dépêche de Zanzibar communiquée aux journaux par
l'agence Reuter, et rehitive à l'Expédition de Sfanley. En voici le
texte complet :
Des courriers arrivant de Tabora apportent des nouvelles directes de
l'expédition de Stanley, dont une partie a été rencontrée à la tin de
novembre de l'année dernière par des caravanes d'Arabes faisant le
commerce avec l'intérieur de l'Afrique, dans la région comprise entre
les lacs Albert-Nyanza et Mouta-Nzigué d'une part, et Tabora de l'autre.
Ces Arabes, qui sont arrivés tout récemment à Taboi*a, à environ
320 kilom. au sud du lac Victoria-Nyanza, avaient rencontré l'arrière-
garde de Stanley, à l'ouest du lac Albert-Nyanza et au sud-est de
Sanga, au moment même oîi cette partie de l'expédition se préparait
à traverser une série de marais créés par les cours d'eau qui sillonnent
cette région. Ces Arabes n'ont pas aperçu Stanley en pei-sonne, mais le
détachement qu'ils ont renconti-é, et qui comptait une trentaine d'hom-
mes, les a informés que Stanley se trouvait à deux jour» de marche en
avant, et que l'expédition avait enduré de grandes souffrances en tra-
vei'sant d'épaisses forêts oîi elle ne pouvait pas avancer de plus d'un
mille et quart par jour, et qu'en général elle avait eu à surmonter dans
^•
— 357 —
sa marche de nombreuses diflScultés et de grandes fatigues. Beaucoup
d'hommes de l'escorte avaient disparu ou étaient morts. Quarante d'en-
tre eux avaient été emportés en traversant une grande rivière coulant
de l'est à l'ouest. Un des blancs qui accompagnaient la troupe comman-
dée par Stanley lui-même était mort. Quant à Stanley, il avait été
obligé de combattre des tribus indigènes qui refusaient de lui donner
des vivres.
Le rapport des Arabes ajoute que l'expédition avait fait de fréquentes
haltes pour attendre des renforts qui devaient lui aiTiver du Congo et
pour refaire ses provisions qui lui manquaient. Au moment oU les Ara-
bes ont rencontré l'arrière-garde, l'expédition s'était remise en marche
depuis cinq jours seulement, après une halte de trois semaines, rendue
nécessaire par la maladie de Stanley et d'une grande partie de ses
hommes qui avaient pris la fièvre. Les Arabes évaluent à 250 hommes
la force de l'expédition après les pertes subies.
A ce moment, la santé de Stanley était bonne. Les hommes de l'ar^
rière-garde, qui étaient des Zanzibarites, disaient qu'il avait renoncé à
marcher au nord-est, puis directement vers le nord du lac Albert-
Nyanza, poiu* se diriger tout droit au nord, dans l'espoir d'éviter les
marais et les régions malsaines qui s'étendent surtout du côté de l'est.
Son intention était, après avoir marché un certain temps vers le nord,
de prendre une direction oblique vers l'est et de marcher ensuite di'oit
sur Wadelaï, oii il espérait arriver 40 ou 50 jours plus tard. D'après les
Arabes, l'expédition était encore en assez bon état pour atteindre sa
destination à la date indiquée.
Comme le fait remarquer le Temps, Stanley devait, d'après ce télé-
gramme, se trouver au sud-est de Sanga, situé par 2** 5' lat. nord, et
dans l'E.-N.-E. de l'Arououimi, point de départ de l'expédition. A vol
d'oiseau, Sanga est à environ 400 kilom. de l'Arououimi. Pour arriver
dans la région comprise entre les lacs Albert-Nyanza et Mouta-Nzigué,
Stanley s'est dirigé vers le sud-est, probablement à cause de l'impossi-
bilité de suivre la ligne droite et de continuer directement sur Wadelaï.
Ce point est situé par 2^,45' latit. nord, c'est-à-dire à peu près sur le
même parallèle que Sanga. Entre les deux localités, il y a près de 300
kilom. à vol d'oiseau.
Une dépêche de Loanda annonce que l'inauguration des 60 premiers
kilomètres du chemio de fer d'Ambaca a eu lieu le 30 octobre. A
ce propos le Journal do commercio ajoute que, d'après le rapport du
conseil d'administration de la Compagnie, dans toute l'étendue de la
' -i.
A»!
— 358 —
seconde section, les travaux de terrassement touchent h leur fin. Cette
seconde section pourra être inaugurée le 31 mars prochain. Quant à la
troisième section, une variante est à Tétude, qui rapprocherait de la
Coanza le tracé de la ligne. Aussitôt que la décision aura été prise à ce
sujet par qui de droit, la construction de cette section sera poussée acti-
vement, de façon que celle-ci puisse être ouverte h Texploitation avant
le mois de juin prochain. Les quatrième et cinquième sections seront
achevées en juin 1890. Enfin la Société compte ouvrir les trois dernières
sections au mois de mai 1891. L'on prévoit que la voie ferrée, pour
remplir vraiment le but que Ton s'est proposé, ne devra pas se bornera
cette extension-là, et il est probable qu'avant même que la ligne d'Am-
baca soit construite en entier, son prolongement aura été décidé jusqu'à
Malangé, qui est le point de réunion des grandes caravanes de l'inté-
rieur, le véritable entrepôt des produits de la province, dont la con-
struction du chemin de fer à la côte est appelée à rendre possible l'ex-
portation vers l'Europe.
Après avoir publié un rapport de M. Charmann, directeur des études
du chemin de fer du Congpo» le Mouvement géographique résume
la question en ces termes : « Actuellement, le travail de reconnais-
sance et de levé de la direction générale est sur le point d'être terminé.
Encore trois ou quatre semaines, et les ingénieurs donneront, sur les
bords du Pool, leur dernier coup de lunette. Cent soixante-dix kilomè-
tres ont été levés pendant la première campagne entre Matadi et la
Loukounga ; cent cinquante kilomètres viennent de l'être entre la Lou-
kounga et l'Inkissi. Il reste encore l'étude des cent kilomètres envinm
qui séparent l'Inkissi du Pool. On peut déjà se faire une idée du travail
qui attend les constinicteurs de la ligne. Il n'y aura que les 25 ou 30
premiers kilomètres qui offriront par places, quelques remblais et déblais
assez importants ainsi qu'un certain nombre de travaux d'art, notam-
ment un pont sur la Mpozo. Mais une fois arrivé au delà de cette rivière,
à la hauteur de Palaballa, les obstacles disparaissent rapidement pour
faire bientôt place à un terrain presque plat s'étendant jusqu'à l'Inkissi.
Bref, cette entreprise du chemin de fer des chutes du Congo qui parais-
sait au début irréalisable sous tous les rapports, se transforme par
l'étude eu un chemin de fer sans difficultés spéciales, sans tunnels, sans
plans inclinés, sans ponts gigantesques, sans remblais géants, sans
déblais excessifs, en un simple petit chemin de fer, franchissant les val-^
lées en lacet, et en épousant les contours du terrain, ce qui allongera
un peu la voie, mais ce qui, sous le rapport du prix, permettra de rester
H^
— 359 —
dans des limites très ordinaires. Ce qui faisa
épaules, il y a à peine une couple d'années, est
certitude : il ne s'écoulera plus longtemps avan
au delà de Matadi.
La Compagnie des masaslns géaépan
stituée, le 20 octobre, à Bruxelles, au capital de i
cerases opérations par l'établissement, à mi-cb
JBoma-plateau, sur un vaste terrain qui lui a éU
grande construction en fer, avec dépendances, <
de-chaussée, des magasins ; au premier étagi
manger et des saloas ; au deuxième étage, des
divers établissements de Borna étant répartis,
jusqu'au plateau, sur une distance de deux kili
uo petit tramway h vapeur qui les mettra en co
et les magasins, et amènera rapidement et facile
aux beures des repas. L'État du Congo a, dès
ment de charger la Société des magastns gêné
ses agents habitant Boma.
Estimant qu'il se passerait bien des mois av
aient réussi h s'entendre sur le moyen pratique
tloB du eommeroe des armes et de
que, et que d'ici là les chasseurs d'esclaves i
s'approvisionner, S. M. le roi souverain de Vt
Congo a pris, le 11 octobre dernier, une résol'
titre de plus à la reconnaissance des indigènes
le décret qu'il a porté :
Considérant qu'il unporte, dans l'intérêt de
du maintien de l'ordre et de la sécurité du coi
dire provisoirement le transport et le trafic dt
dres et matières explosibles quelconques, dans
l'État, afin de prévenir les luttes et confiits i
trafiquants établis dans le pays;
Considérant qu'il y a un danger public à pe
troduction et le trafic des armes perfectioaaéi
Nous décrétons ;
Art. 1". L'introduction et le trafic des am
désignées par le gouverneur général, et de leu
soirement interdits daos tout le territoire de L'!
Art. 2. Le transport et le trafic des armes à
dres et matières explosibles quelconques, sont t«mporai-
is dans les parties suivantes du territoire de l'État :
it Congo et ses affluents, en amont du confluent de l'Ou-
issin du Kaâsal.
as de contravention constatée, les articles prohibés sont
ï la disposition de l'autorité judiciaire.
mverneur général peut accorder, dans des cas exception-
tion de transporter et de vendre dans l'État et les con-
désignées les armes et munitions dont l'introduction, le
trafic, sont prohibés ; cette autorisation doit être donnée
chaque cas spécial.
)nque commettra ou laissera commettre par ses subor-
'actions au présent décret, ainsi qu'aux arrêtés d'exécu-
de 100 k 1000 francs d'amende et de servitude pénale
trois mois, ou de l'une de ces peines seulement. La con-
archandises saisies sera ordonnée conformément à l'arti-
pénal, etc.
ï à Bruxelles le 11 octobre 18S8.
(S.) LÉOPOLD.
M. le missionnaire Chfttelain, nous écrit pour nous
luvelle de la mort du D'' SnmmeFs, à Loulouabourg, le
lire le plus avancé dans l'État du Congo. Dans une avant-
, il disait qu'il ne pouvait plus espérer vivi-e beaucoup de
gnait d'avoir été laissé seul sur la bi-ècbe; dans ta der-
appelant aupr^ de lui son ami, M. Châtelain, il recon-
ui-ci ne pourrait pas arriver à temps. Ce qui le préoccu-
rainte que ses travaux de pionnier : concessions de terrai»,
étail, collections, etc., ne fussent perdus en l'absence d'un
It possession. M. Châtelain espère (jue le lieutenant Le
itat du Congo, fera le nécessaire pour que tout ce qui
1 mission soit remis à qui de droit. L'opuscule Karivulu
our les indigènes de Malaugé a été bien accueilli ; un des
localité lui a adressé un billet eu kimboimdou. Deus fils
ço. Don Pedro V, ont été présentés au roi Don Luiz de
I. Capello, gouverneur d'Angola.
lé à la Chambre des députés un projet de loi concernant
1 service maritime postal entre la France et
lentale d'Afrique. Les départs auraient lieu alternat!-
-361- ■ ^^^*
vement chaque mois du Havre et de Marseille. Le Jom-nal commercial
«t maritime indique les dispositions principales du cahier des charges :
l'itinéraire obligé pour les départs du Havre serait : Lisbonne,
Dakar, Konacry, cap Palmas, Grand Bassam, Kotonou, Benito, Libre-
ville, Loango. L'entrepreneur pourrait, à la condition de ne rien chan-
ger aux époques réglementaires de départ, faire des escales intermé-
diaires ou prolonger la ligne, soit jusqu'au cap de Bonne-Espérance, 't^î-}^
5oit jusqu'à certains ports di" Europe, mais sans que ces parcours supplé-
mentaires pussent donner lieu à aucune subvention. La subvention serait
calculée sur le nombre de milles parcourus dans l'itinéraii'e obligé.
L'entrepreneur devrait desservir le Gabon par ui\ service annexe, cor-
respondant chaque mois à l'île du Prince avec les paquebots portugais;
il devrait, en outre, desservii* par les services annexes, les postes et les
centres commerciaux établis ou à établir sur les côtes du Gabon et du
Congo, ainsi que sur les rivières navigables de la région. Deux navires
seraient affectés à ces semces connexes dont les détails seraient réglés
par l'autorité locale. Le cautionnement serait de 100,000 francs en
numéraire, rentes -ou hypothèques maritimes. La vitesse minima
devrait être de 10 nœuds, soit aux essais de 11 nœuds et demi et de -
^ nœuds et demi pour les services annexes. Des dispositions sont prises
pour empêcher que le commerce étranger ne soit favorisé au détriment ^il
du commerce français. Le service principal devrait commencer le l'*^ dé- ' i?
cembrel889. r^l
Une correspondance reçue de la côte occidentale d'Afrique à Liver- 7'
pool signale de graves désordres commis à Okrika, tle située à 80 kilom. , * i^
^a amont de la rivière Bonny, et comprise dans la sphère du pro- *':^-
tectorat britannique. Au mois de septembre dernier une partie de la
tribu des Ogonis, peuplade autrefois puissante, mais aujourd'hui dé-
cimée par les factions, fit appel à l'intervention du roi et des chefs
d'Okrika, dans une querelle intérieure qu'ils avaient entre eux à propos
^u marché des huiles que les Okrikans ont intérêt, comme intermé-
diaires, à maintenir ouvert et libre. Ils répondirent donc à l'appel qui
leur était fait, en avertissant leurs adversaires qu'ils viendraient au
secom-s des premiers si les hostilités éclataient. Sans tenir compte de
l'avertissement, les Ogonis hostiles attaquèrent les alliés des Okrikans,
au moment où ils revenaient du marché, leur tuèrent un chef, leur tirent
de nombreux prisonniers et leur enlevèrent une quantité de marchan-
dises. Alors les Okrikans combinèrent avec leurs alliés une vengeance
teiTible. Sous prétexte d'une conférence amicale pour régler le diffè-
re v'.
«1'
— 362 —
rend, on prit un rendez-vous où tous les Ogonis rebelles qui s'y étaient
rendus, furent traîtreusement arrêtés et conduits à Okrika, où ils furent
massacrés et mangés. On fit ensuite une razzia dans les villages demeu-
rés sans défense et d'horribles atrocités furent commises. Le consul bri-
tannique se rendit de suite sur les lieux et somma les Okrikans de déli-
vrer cinq des prisonniers qui avaient échappé au carnage, ce qui fut re-
fusé. Il convoqua à bord du vapeur qui l'avait amené le roi et les chefs;
ils refusèrent d'obéir, en offirant de se rendre à une entrevue sur terre,
ce que le consul accepta. On lui rendit dix de^ survivants dans un état
déplorable. Enfin une amende de cent barils d'huile de palme fut exigée
par le consul.
Depuis que le gouvernement de l'empire allemand a porté son atten-
tion, sur les territoires qui s'étendent en arrière du pays de Togo»
l'exploration de cette région a fait d'importants progrès. Le capitaine
von François a heureusement terminé son excursion dans la contrée
comprise dans le grand coude du Niger. Le 19 avril, il est arrivé à
Sunna dans le territoire de Mosi, par 11* 28' lat. nord, en passant par
Kpandou, Salaga, Jendi et Gambaga, et en traversant, près de Boupéré,
le cours supérieur du Volta qui n'est plus navigable, mais a encore 80 m.
de large. De Grambaga, prenant une direction S.-O., il s'est rendu par
Nantong au Volta et à Salaga, et a regagné la côte à Aneho (Petit-
Popo), en passant par Adeli. Là, il rejoignit le D' L. Wolf, qui a fondé,
au commencement de mai, sur le mont Adado, la station de Bismarcks-
bourg ; il atteignit ce point en passant par la partie orientale du pays de
Togo, à Atakpamé, qui, depuis sa destruction par le Dahomey a perdu
son importance d'autrefois. Le D' Wolf a heureusement pu transporter
à sa station un baromètre à mercure, en sorte que ses mensurations
acquièrent un degré d'exactitude que n'a atteint aucune des nombreuses
mesures prises dans l'Afrique équatoriale. Le D' Henrici a beaucoiç
exagéré la hauteur du mont Agbmé. Le commissaire impérial, vonPutt-
kammer a fait en mars une excursion dans le territoire français limitro-
phe jusqu'au cours inférieur du Mono, et plus tard il a exploré le pays
d'Agotimé à l'ouest jusqu'au pied de la montagne. Les trois explora-
teurs s'accordent à dire que le pays en arrière de Togo oôre une pers-
pective favorable aussi bien pour la culture des terres que pour le
commerce; le terrain étant montueux, les conditions climatologiques en
sont sensiblement plus salubres qu'à la côte. Le rapport du capitaine
von François , surtout, fera connaître un vaste pays entièrement inex-
ploré. Il y a deux ans Gottlieb Ad. Krause l'a traversé, malheureuse-
— 363 —
ment il n'a pas pu se décider à rédiger un rapport safSsant d'après les
levés qu'il avait faits.
M. Tretch-Ijaplèiie qui, comme nous l'avons annoncé, a pris la
direction de l'expédition de secours que le capitaine Bin^er attend
à Kong^, se trouvait le 12 septembre àDiangui, grand village de 2,000
habitants, à une centaine de kilomètres de l'embouchure de la rivière
Bia. D écrit de là les lignes suivantes, publiées dans le Moniteur des
Colomes :
« Diangui, le 12 septembre 1888.
« Cette fois je suis en plein sur ma route pour Kong et, si tout va
bien, il y a chance pour que je sois près de M. Binger vei-s le 10 octobre.
Mon départ a été assez long à organiser; cependant, le 9, j'ai eu mon
personnel au complet à Kingaboo, d'oîi je suis reparti le 10. J'ai déjà eu
bien des ennuis, ces braves noirs sont très exigeants; ils tâchent
toujours de soutirer le plus possible au blanc. Bref, sans m'égarer dans
le détail, voici l'organisation de mon convoi, qui compte : 2 interprètes;
9 tirailleurs assiniens ; 4 de mes familiers ; 59 porteurs, en tout 75 hom-
mes. Notre armement se compose de dix revolvers et de dix fusils ; la pa-
cotille de tissus riches : soie, velours et passementeries; de corail, tabac,
argent monnayé et poudre; de tissus ordinaires, indiennes et guinées.
Les vivres destinés à M. Binger consistent en biscuit, riz, lait, bouillon,
quelques toniques et conserves de choix. Le bruit est venu, il y a déjà
quelque temps, qu'un blanc se trouvait à Kong et qu'un de ses gens était
mort. Je n'aurai guère de nouvelles avant d'être au Boudougou. Là, je
devrai laisser mon convoi pour me porter seul, avec trois ou quatre
fidèles, au-devant de M. Binger; car, lorsque j'ai demandé des hommes
à Acasamadou pour aller à Kong, il m'a répondu que ses relations ne
s'étendaient pas au delà du Boudougou et qu'il ne répondait pas de ce qui
pourrait arriver, qu'il ne voulait par conséquent pas que j'emmenasse
ses hommes plus loin. Cela a même apporté des retards à l'organisation
de ma troupe. Je ne sais donc encore ce qui m'attend là-haut. Quoi qu'il
en soit, je pars bien résolu à retrouver et à ramener le capitaine Bigger.
« P.-S. — Je viens d'avoir un palabre avec mes porteurs, qui me
menacent de in'abaudonner si je ne diminue leurs charges. »
NOUVELUESS COMPLÉMENTAIRES
Le journal la Kabylie annonce qu'une nouvelle Compagnie de transports mari-
thnes à vapeur a installé une agence à Bougie. Il y a maintenant quatre Compa-
gnies qai fréquentent ce port.
— 364 —
La Compagnie du chemin de fer de Bone-Guelma vient de remettre au gouTe^
nement tunisien, pour être soumis à une enquête préalable à la déclaration d'uti-
lité publique, Pavant-projet des lignes suivantes :
1° Ligne de Tunis à Hammamet et Nebeul;
2"* Ligne de Tunis à Sousse et de TudIs à Kairouan par la presqu'île du Cap
Bon;
3° Ligne de Tunis à Sousse et de Tunis à Kairouan par Zaghouan.
En 1880, la Compagnie avait déjà remis au gouvernement l'avant-projet de la
ligne destinée à relier Bizerte à Tunis, Djedeida et Mateur.
Une dépêche de Tunis annonce que, dans l'intérieur de la Régence, on a décou-
vert de vastes cavernes renfermant des gisements de guano fort riches en azote.
Un industriel français les a mis en ezplpitation et a déjà commencé à expédier
à Marseille. Divers particuliers connaissent d'autres gisements qui sont une nou-
velle source de richesse pour le pays et un aliment de trafic avec Marseille.
Le sultan ayant donné son adhésion définitive à la convention de Suez, telle
qu'elle était sortie des négociations, sans aucune modification, sans adjonction
d'aucun protocole, les représentants des puissances à Constantinople ont signé la
convention au nom de leurs gouvernements respectifs. Dès maintenant le canal
est à l'abri de tous les accidents de guerre, pour autant du moins que cela peut
dépendre de la garantie contenue dans un traité européen.
D'après des nouvelles reçues de Bengasi, les partisans du mahdi ont pénétré
dans le Ouadal, à l'ouest du Darfour, et ont attaqué la capitale dont ils se sont
emparés. Le sultan s'est enfui sur le mont Ghiré.
La Gazette diplomatique annonce que le comte Antonelli est parti pour le Choa,
chargé d'une mission auprès du roi Ménélik. A en croire ce journal, l'Italie
l'appuierait pour qu'il obtint la succession du Négous qui n'a pas d'héritier direct,
et, devenu roi, Ménélik reconnaîtrait le protectorat de l'Italie sur l'Abyssinie.
Le lieutenant Swaine, chef de l'expédition anglaise de secours pour Émin-
pacha, a quitté Zanzibar le 18 octobre pour se rendre à Mombas, d'où commen-
cera sa marche vers l'intérieur.
Le comte Teleki a découvert, au nord du lac Bariugo, un nouveau grand Uc,
nommé par les indigènes le Basson-Aros ; il s'étend du 2^ au 5° latitude nord; deux
rivières, l'une au nord, l'autre au sud, lui apportent le tribut de leurs eaux.
La Société des missions des Universités, dont les stations sont situées dans
l'Afrique orientale tropicale, a été officiellement informée que, par suite de ^inte^
vention prochaine des puissances européennes contre les trafiquants d'esclaves, il
est désirable que tous les Européens reviennent des stations de l'intérieur.
Le consul général d'Angleterre à Zanzibar a interdit à ses nationaux de passer
des contrats avec des propriétaires d'esclaves pour faire travailler ces demien
directement ou par l'intermédiaire de leurs maîtres.
La Turquie ayant demandé de participer au blocus des côtes de Zanzibar pour
combattre la traite, l'Allemagne et l'Angleterre ont réservé leur réponse, leurs
— 365 —
eoDTentions portant formellement quMl s'agit d'une action des puissances chré-
tiennes contre l'esclavage.
Le cardinal LaTigerie s'est rendu à Rome pour s'entretenir avec Léon Xm de
l'opportunité de provoquer une conférence internationale pour amener les gou-
vernements européens à tenter, par une action commune, d'abolir l'esclavage en
Afrique. La somme de 300000 francs donnée par Léon XIII a été répartie entre
les divers comités de Paris, Londres, Cologne, Madrid et Kome.
M. Horace Waller a proposé qu'une canonnière anglaise fût installée sur le lac
Njrassa pour s'opposer au passage des caravanes d'esclaves à travers le lac.
Une troupe de Ma-Tébélé a pénétré chez les Ma-Choukouloumbé, au nord du
Zambèze. Elle a ramené des provisions, des bestiaux, etc., y compris les ftnes que
les Ma-Ghoukouloumbé avaient dérobés à M. Selous.
En 1887 l'exportation de l'or du Transvaal a été de 6,260,000 francs, tandis
que pour les six premiers mois de cette année-ci seulement elle s'élève à 12,500,000
firancs.
Outre Cameroun, chef-lieu de la colonie allemande, la ville de Victoria, située
également dans le territoire du protectorat allemand, a été dotée d'un bureau de
poste ouvert à l'échange des colis postaux jusqu'au poids de 5 kilogrammes.
Le D' £. Zintgraff a poussé ses reconnaissances dans les environs de la station
de Barombi, jusqu'au bord du fleuve Calabar; le 6 août, il se trouvait ^ Ntok-
Difang, dans le territoire des Banjang. L'expédition du premier lieutenant Kund,
qu'a rejointe, après la guérison de ses blessures, le lieutenant Tappenbeck, était,
à la fin de juillet, sur le point d'ériger une station fortifiée près des chutes Edea,
sur le Sannaga.
En réponse à une interpellation relative à la Royal Niger Company, sir James
Fergusson, sous-secrétaire d'État au Foreign Office, a déclaré que cette Compagnie
n'impose pas de droits sur les marchandises importées par mer dans la Brass-
River ni dans aucun affluent du Niger, et qu'elle n'en impose pas davantage sur
les marchandises exportées.
L'empereur du Maroc a adressé aux représentants des puissances étrangères
une circulaire dans laquelle il exprime le regret que la conférence qui devait se
réunir à Madrid n'ait pas eu lieu. Il demande que les membres du corps diploma-
tique à Tanger remettent chaque année la liste de leurs nationaux respectifs au
ministre des affaires étrangères, qui la communiquera aux gouverneurs de pro-
vince. L'empereur espère que beaucoup de difficultés pourront être ainsi évitées.
LE PROGRES EN TUNISIE
Sir R. Lambert Playfair, consul général d'Angleterre à Tunis, a
rendu compte à la section géographique de l'Association britannique,
réunie à Bath, de la condition de la Tunisie depuis que la France l'a
'l.<r.
.^-■.^;
f^.J,.
— 366 —
prise sous son protectorat. Ce qu'il en a dit peut donner une idée des
^^' ' résultats obtenus dans un pays où le secours de TÉtat est inconnu, oii
Û^-, : l'on n'a pas créé un seul village, pas importé un seul immigrant, oU pas
^v^c un acre de terre arabe n'a été confisqué, et oliles charges civiles suppor-
'^r^-' tées par la France n'excèdent pas 150,000 francs par an. Le système du
o^ ' gouvernement est le plus simple ; le ministre-résident est à la fois le
'?.îi
Vf.
>^ï^^ représentant de la France et le ministre des affaires étrangères du bey;
' il n'a qu'un petit état-major de fonctionnaires français ; le nombre total
ï? .«• ■
'À^"-.
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-;.^:.
"X-'i^
des employés français, correspondant à ce qu'on pourrait appeler des
'^i: chefs de département, ne dépasse pas vingt.
^h D'après M. Playfair, les Tunisiens désirent vivement le maintien de
leur indépendance, au moins à l'égard de l'Algérie. L'annexion entraî-
nerait des chai"ges que le pays serait difficilement capable de supporter;
y^^l--' mais ce sentiment ne dépasse guère les limites de la Régence. En
^^:: ' France et en Algérie, il existe un parti qui demande l'annexion com-
plète, jaloux des desseins des autres États et désireux de faire de toute
l'Afrique septentrionale la continuation de la mère patrie.
C'est le siècle des expositions industrielles ; il y en a eu une à Tunis,
qui, malgré le temps très court accordé pour l'organiser, peut être coa-
sidérée comme un vrai succès. On a fait de grands efforts pour réunir
les produits du pays, et pour rassembler, en vue de Tinstruction des
Tunisiens, les objets les plus perfectionnés de l'agriculture et de l'in-
dustrie européenne.
Comme elle le devait, la civilisation européenne a produit en quel-
ques années de grands changements. Il n'y a pas longtemps, dit M. Play-
fair, je fis un voyage de plusieurs centaines de milles dans l'intérieur; à
peine y avait-il quelque part un Européen ; il n'existait pas un mille de
route dans tout le pays; partout la vue d'un voyageur était une chose
inaccoutumée, et dans quelques-uns • des endroits que je visitai, c'était
une chose sans précédent. Maintenant, la Tunisie ressemble à une colo-
nie française ; ses ports de mer sont florissants ; les entreprises euro-
péennes l'ouvrent dans toutes les directions; si les routes n'y sont pas
encore nombreuses, cet état de choses cessera bientôt; les voyages
n'y laisseront bientôt plus rien à désirer; la sécurité régnera partout.
L'œuvre la plus importante qu'ait accomplie le jury de l'exposition a
été la délivrance des prix aux meilleures fermes européennes. Elles sont
nombreuses et grandes, leurs propriétaires sont en général des Fran-
çais, mais il y en a deux qui appartiennent à des sujets anglais, qui eut
eu des mentions honorables; l'une d'elles a pour propriétaire M. Pitter,
— 367 —
'bien connu comme IMntroducteur dans l'Afrique septentrionale des
machines agricoles des meilleurs modèles, n a acquis une terre de plus
de 8000 acres, dont le dixième a été affecté à une culture perfectionnée ;
ses vignes, en particulier, ont attiré l'attention des jurés, et ses vins ont
obtenu une médaille d'or.
On est étonné à la vue de tout ce qui a été fait pour créer d'impor-
tants établissements agricoles. Il y a trois ans, l'intérieur n'était qu'une
terra incognita; le sol n'était pas défriché, ou bien il n'était cultivé que
de la manière la plus primitive par les Arabes. Maintenant, il promet de
rivaliser bientôt avec l'Algérie pour la production des vins et pour
l'élève du bétail et des chevaux.
L'Afrique septentrionale ne paraît pas à M. Playfair avoir un grand
avenir pour l'agriculture ordinaire. La concurrence croissante des
Indes et de l'Amérique est si forte, que les céréales ne pourront plus
être cultivées par les Européens, du moins avec quelque chance de suc-
cès. Même dans les années favorables, cette culture n'est pas rémuné-
ratrice, et, en Tunisie, les années favorables sont l'exception plutôt que
la règle. Cette année-ci sera une année de famine par suite de la séche-
resse et de l'invasion des sauterelles. Pour donner une idée de l'insuffi-
sance de la quantité d'eau tombée dans la Régence, M. Playfair a cité le
fait que le grand acqueduc qui, autrefois, conduisait les eaux de la Zeu-
gitane à Carthage, et qui fournit encore la ville de Tunis, amenait, il y
a un an, chaque jour 18,000 mètres cubes d'eau, et que 20,000 mètres
cubes étaient détournés à la source principale; tandis que l'hiver
passé la source ne donnait plus que 7000 mètres cubes. Qu'en restait-il
à l'époque des grandes chaleurs de l'été ?
Mais la vigne paraît résister à la plus forte chaleur et prospérer sur
toute espèce de sol. On a acheté, de 5 à 25 shillings l'acre, des terrains
qui lui conviennent ; les frais de défrichement et de plantage ont été
moindres qu'en Algérie, variant de 5 à 7 livr. sterl. l'acre. Plusieurs
plantations très vastes ont été faites ; tel colon français en a 1000 acres,
tel autre 500; le domaine de l'Enfida en a 600. Ces chiffres supposent
un capital considérable, placé sur la propriété territoriale et affecté à la
construction de celliers coûteux, mais les bénéfices qu'on peut en atten-
dre sont considérables ; ils dépasseront certainement 10 pour cent.
Parfois on a rencontré des difficultés d'une nature très sérieuse, par
exemple l'envahissement des sables chassés par les vents dominants du
bord de la mer ou d'autres zones sablonneuses. M. Playfair l'a constaté
dans la région à l'est de Tabarca, pendant un voyage en 1876. Une
— 368 —
ligne bien tracée de démarcation existait entre le sable et le pays
au delà, couvert de forêts ; elle se terminait par un banc de sable, s'éle-
vant parfois comme une falaise à lO"" de hauteur, parfois envahissant
une vallée comme un glacier, mais toujours avançant et ensevelissant
dans sa course toute végétation. Il a fallu beaucoup d'énergie et d'in-
telligence pour s'opposer avec succès à cette force naturelle.
Outre les vins, les produits de la Tunisie, pour lesquels on constate
un progrès, ou pour lesquels on peut espérer un avenir prospère, sont
les olives, les dattes, et l'élève du bétail. Sans entrer dans de longs
détails statistiques à cet égard, M. Playfair indique les chiffres suivants,
qu'il pense cependant im peu exagérés ;
Chevaux 100,000.
Anes 300,000.
Bœufs et vaches 3,000,000.
Moutons 20,000,000.
Chèvi^ 5,000,000.
Chameaux 200,000.
L'agriculture seule témoigne d'un progrès considérable. Les indu^
tries indigènes sont peu nombreuses et elles sont en décadence. On fait
k Nabeul de la belle poterie verte et jaune, d'une forme élégante, sans
doute suivant la tradition de l'art romain ; à Zaghouan, des bonnets
rouges très estimés dans tous les pays musulmans. Les excellentes
tuiles maures, pour lesquelles Tunis était autrefois si- célèbre, peuvent
être considérées comme un art perdu; on peut en dire autant des mer-
veilleuses arabesques et mosaïques, beaucoup plus belles que tout ce
qu'on peut voir à l'Alhambra. Les tapis de Kairouan et les haïks de
Djerba sont encore célèbres ; à Tunis, presque tous les hommes portent
un ornement ou djoubba, qui, pour la beauté du tissu, des broderies et
de l'harmonie des couleurs, ne peut être surpassé. Jusqu'ici, la passion
du goudron de houille n'a pas atteint Tunis, et les indigènes n'ont pas,
comme en Algérie, commencé à se servir de couleurs d'aniline au lieu de
leurs propres belles teintures, plus coûteuses, il est vrai.
Quant aux progrès du commerce, dont M. Playfair n'a pas voulu par-
ler en détail, il n'a indiqué que les chiifres suivants *. Pendant les cinq
années qui ont précédé la proclamation du protectorat, les importations
s'élevaient à 54 millions et demi de francs, et les exportations à 58 mil-
lions ; dans les cinq années qui ont suivi l'occupation, les premières se
sont élevées à 118 millions et les secondes à 86 millions et demi.
En terminant, M. Playfair a indiqué une des causes auxquelles est dû
— 369 —
le succès du protectorat fraaçais. H la voit dans lo fait que les nations
de l'Europe ont franchement accepté la situation a-éée à Tunis, et que
leurs agents, au lieu de créer des obstacles et des difficultés h l'adminis-
tration, ont cordialement fait leur possible pour lui faciliter sa lâche,
dans le sentiment que les intérêts des indigènes, des Français et des
étrangers, réclament la prospérité et le développement constants du
pays. La France, dit-il, s'est montrée une protectrice bienfaisante de la
Régence; les Ëtats de l'Europe lui ont montré comment doit être traitée
une grande nation qui entreprend la tâche difficile de régénérer un pays
à demi barbare.
CORRESPONDANCE
Lettr» dn Z«B>bèie de H. D. Jeftamslret.
SeBhéké, 20 juillet 1SB8.
Noua attendonB prochaiDement une occasion pour la poste et me voici à ma
table à écrire. Tout d'abord, mes plus vifs remerciements pour votre lettre de
décembre dernier et pour l'Afrique Explarée et Civtliaée. Nous sommes bien triâtes
en pensant aux nouvelles qui ont dQ vous parvenir tout demiërement et surtout
aas pauvres parents qu'elles ont plongés dans le deuil. Aujourd'hui, j'ai encore à
TOtu annoncer la mort de la chère petite Marguerite Jalla.
Beaucoup de choses se sont passées depuis ces deux événements, mais, bêlas t
le temps n'effacera pas la douleur dans les cœurs affligés. Four le moment, nous
sommes gardes-malades, ayant le capitaine et Mrs. Thomas, tous deux malades
de la fièvre. C'est par eux que nous est arrivée notre dernière poste. Leur
compagnie se compose de M. le capitaine Reid, une ancienne connaissance, le
boute- en-train de cette partie de plaisir, et de trois autres messieurs. A part nos
invalides, tous nous ont quittés pour passer un mois dans le Teit, M. et M~*
Thomas les rejoindront plus tard. Malgré les ordres du roi, les chefs de Seshéké
ont été difâciles à satisfaire et mon intervention a été néceisaire.
Le 26 juin, nos guerriers nous sont revenus tout désireux de nous revoir et
d'apprendre. Le 28 juin, nous avons enfin fondé l'école tant désirée. N'allez pas
croire que ce soit quelque chose de grand; non ce n'est qu'un petit commence-
ment. Toutefois, je crois qu'il y a un vrai réveil de l'intérêt pour l'instruction chez
qaelqnei-uns et c'est an progrès que je signale avec beaucoup de plaisir. Les
vols aussi sont moins fréquents et sans effraction; la justice même paraît avoir un
peu repris ses droits. C'est donc une note encourageante que celle d'aujourd'hui;
ce qui n'empêche pas que nous n'ayons été vivement peines de la cupidité mani-
festée k l'égard de nos visiteurs. Il est regrettahle que Kaboukou ne soit pas de
bonne composition; il est pointilleux, jaloux et peu doué. Il nous arrive même de
— 370 —
nous demander s'il a totgours tout son bon sens; naturellement notre œurre
souffire de cet état de choses.
Du reste, il est bien difficile de comprendre nos natifs. Les découvertes que
nous faisons ne sont pas réjouissantes; il faut bien le reconnaître, la pre»
mière impression que l'on reçoit des nègres est trop favorable ; le danger det
missionnaires est de les juger trop sévèrement. Pour être juste envers eux, il
faudrait d'abord se rendre bien compte de la valeur des mots qu'ils emploient, ri
tant est qu'un peuple puisse être jugé par sa langue. En effet, les Ba-Rotsé, qui font
si peu de cas de la vie de leurs semblables, sont très polis et respectueux dans
leur langage. La forme tu est peu usitée chez eux, c'est une importation des
Ma-Kololo; ils ne l'emploient guère qu'avec nous qui l'avons apprise au Le-Soato
et qui en faisons usage.
Un enfant dira en parlant de son père : Bo ntate (mes pères ou mes parents);
en parlant de sa mère : Bo me (mes mères) et ainsi de suite. Leur politesse est
poussée même jusqu'au ridicule : constamment les enfants s'interpellent en se
donnant le nom de père et de mère. Une mère appelle son enfant (un bout
d'homme pas plus haut qu'une botte), son père; si c'est une fillette, sa mère. Je ne
vous donne que les exemples les plus frappants pour vous montrer que la traduc-
tion littérale du se-souto en français vous induit en erreur. En ce qui me concerne,
je suis persuadé que la non-équivalence des mots dans les deux langues est pour
beaucoup dans l'idée erronée qu'on a en Europe des tribus noires. Rien ne paraft
plus touchant que d'entendre appeler les missionnaires : mon père, ma mère,
expressions qui équivalent à peine à monsieur et madame, sans coup de chapeau.
Maintenant, je reviens aux événements qui ont suivi nos dernières nouvelles.
Après le départ des guerriers de Seshéké, les quelques vieux chefs chargés de
garder le village me demandèrent de pouvoir s'établir sur la station sous des
abris temporaires. Plus tard, ils commencèrent à rebâtir un nouveau village qui
ne fait presque qu'un avec la station, non selon notre désir, mais parce que les
gens trouvent plus de sécurité à s'établir à côté de nous. Aujourd'hui, le village
s'augmente chaque jour de nouvelles huttes et le nombre de ses habitants est d^à
considérable. Cette affiuence de gens a valu de bonnes assemblées à nos deux
cultes du dimanche où les femmes sont en minorité mais cependant en bon
nombre déjà. Ces dernières ont aussi leur part d'instruction, pendant la semaine,
sous les soins de M°** Jalla, et le dimanche sous ceux de ma femme. Tous ainsi,
nous prenons part à l'école, à l'exception de notre invalide Ma-Bethuele. Hélas!
souvent le nombre des maîtres dépasse celui des élèves; mais que deux ou trois
y prennent un vrai intérêt, ils finiront par le communiquer aux autres, et nous ne
méprisons pas notre tâche, quelque humble qu'elle soit. Quelles écoles auriez-vous
en Europe, si l'utilité de Tinstruction ne sautait pas aux yeux de tous et qu'elle
ne fût une nécessité sociale? Ici rien de semblable, aussi devons-nous prendre
patience et demander à Dieu de créer dans les cœurs le besoin d'apprendre, tandis
qu'en Europe il est imposé par la force des choses. Eaboukou ira bientôt à la
Yallée, avec nos vieux chefs, pour procéder à Télection aux cinq postes vacants
— 371 —
à Seshéké : de Tahalima, Nalishua, Katukura, OamoroDgoe et Koloa. Le roi a
donné des ordres pour que plusieurs chefs rivant habituellement à la campagne
eussent leur résidence ici, de telle manière que Seshéké soit capable de résbter à
un coup de main. Pour le moment, les partisans de Morantsiane sont dispersés;
lui-même s'est séparé de Oamorongoe, son ancien élu ; mais il n'a pu être atteint
par les gens de Seshéké qui, de guerre lasse, ont cessé de le poursuivre. Le vrai
danger est du côté des Ma-Tébélé, qui, au dire, de M. Westbeech préparent une
incursion dans ce pays, ou du côté de Moremi (au lac Ngami).
16 août 1888. Hier nous est arrivé M. F. C. Selous qui nous a quittés aujourd'hui
pour la Vallée. Il a failli périr chez les Ma-Choukouloumbé, et voici comment :
Arrivé, fin avril ou mai, à Panda-Matenka, il apprit le départ de Lewanika pour la
guerre et se dirigea sur Wankle, en aval des Chutes Victoria. Son plan était de
descendre le Zambèze jusqu'à son confluent avec la Kafoué, puis de remonter
cette dernière rivière et d'atteindre ainsi le pays des Garenganzé où était
M. Amot Les tribus des bords du fleuve s'étant montrées peu hospitalières, il
dut renoncer à son projet et se diriger du côté des Ba-Toka et des Ma-Choukou-
loumbé. Arrivé à une certaine ville, il rencontra des gens armés de Séthuala
(Morantsiane), qui voulurent lui faire rebrousser chemin et exigèrent tout au moins
des présents pour leur chef, en prédisant à M. Selous un désastre de la part des
Ma-Choukouloumbé. L'explorateur poursuivit son chemin, atteignit et passa la
Kafoué au bout de deux jours et fut bien reçu par un chef Ma-Choukouloumbé,
dont la ville s'appelle Maninga; elle se trouve sur la Kafoué même. Pressé par ses
hôtes, M. Selous passa là la journée du lendemain et tua trois antilopes qu'il
donna aux maîtres du village; puis il s'assura d'un guide, en la personne du fils
du chef, pour poursuivre son voyage le lendemain. Tout allait bien; à 9 heures
du soir, M. Selous était sous ses couvertures, quand il vit s'approcher de son camp,
rampant dans l'herbe, un homme, qui venait lui annoncer que toutes les femmes
avaient quitté le village. Suspectant quelque mauvaise intention, le voyageur
s'habilla, fit lever ses gens et éteindre les feux. Pendant qu'il cherchait quelques
cartouches, une volée de coups de fusils et une pluie d'assagaies faillirent lui faire
perdre la vie. Il se réfugia dans l'herbe et erra ainsi toute la nuit cherchant à
retrouver ceux de ses gens qui avaient survécu. Ses efforts furent infructueux ; il
se trouva seul avec son fusil et quatre cartouches, loin de tout secours humain,
n eut d'abord à traverser à la nage la Kafoué et à passer par plusieurs villages
Ma-Choukouloumbé.
Exténué de fatigue, de froid et de soif, il s'arrêta la nuit suivante dans un petit
rillage, où, pendant qu'il parlait ou essayait de parler avec les indigènes, son fusil
lui fut enlevé; il fut mis en joue et dut de nouveau chercher son salut dans
les hautes herbes. Privé ainsi de tout moyen de tuer du gibier, il atteignit
une ville où il avait été bien reçu, chez les Ba-Toka, et où H espérait que ses gens
le rejoindraient. Là, il fut poliment éconduit, de peur de représailles. Se rappelant
à peu près la direction de la retraite de Morantsiane dans les montagnes, il
dirigea ses pas de ce côté et atteignit enfin un village où l'on consentit à lui mon-
- 372 ~
liiez Sethnala, il reçut quelque nourriture et demanda i ce
r son fusil volé la Teille. Morsntsiane j consentit, mais m
dans leur teotatire et rapportèrent la nouvelle qae lea
loursuivaient H. Seloue. Sethuala s'eienaa de ne pouToit
sser la nuit dans son village, et l'envoya k quelque diitauce
site et des guides. Voyant qae Sethuala ne tenait pas sa
Etouma vers lui et lui dit que si son dénr était de le tuer, il
village. Sur les promesses du chef, M. Selous retourna k son
içut ta visite et les porteurs promis qui ne raccompagnèrent
rs, jusqu'à un village nommé Sli6ma où il put se procurer
'anda-Matenka. Ce ne fut que quatorze jours après l'événe-
»ux de ses gens qui avaient échappé au désastre; ils loi
ullants étaient les propres gens de Sethoata, aidés des
«r les premiers seuls ont des fusils et parlent le se-kololo
ïur ordonner aux assaillants de veiller sur le butin,
écit complet de cette histoire dans The FWd de Londr».
à vous raconter ce qui précède. D, JuiwAiBn.
BIBLIOGRAPHIE '
tann, Ludivig Wolf, Curt von français, Hans
Afhikas. Die Erforschung des Eassal w&hread der
id 1885. Leipzig (F.-A. Brockhaus), 1888, gr. iD-8°,
igeii und 3 Karten, fr. 22.50. — L'importante explo-
remplit ce livre a déjà été décrite dans ses grands
■nal à mesure qu'elle s'accomplissait ; nous ne voo-
pas entrer dans de longs commentaires à propos de
exécuté par quatre officiers de l'armée allemande,
ans cette circonstance, au service du roi des Belges.
bre des Européens de l'expédition était de huit:
l^issmann, le médecin major Wolf, le capitaine von
ants Hans et Franz Millier, les armuriers Meyer et
irpentier de marine Bugslag. MM. Franz Millier
, avant le commenecnient de l'exploration du K;issal.
i Loulouahourg pour diriger la station, de soi-te que
emcnt terminèrent le voyage.
: le continent africain à Saint-Paul de Loanda ; de
er à la librairie H. Georg, à Genève et à B&le, tous les
idn compte dans V Afrique ex^hyrée et civilisée.
— 373 —
là, remontant là vallée de la Coaoza, ils étaient arrivés à Malangé ;
puis, continuant leur voyage dans la direction du nord-est, ils avaient
franchi un grand nombre d'affluents du Kassaï et le Kassaï lui-même et
atteint Mukengué près duquel ils avaient fondé la station de Louloua-
bourg. En descendant la Louloua et le Kassaï ils étaient enfin parvenus
à Kwamouth au confluent de ce fleuve avec le Congo. En dehors de ce
grand itinéraire, le lieutenant Hans MttUer avait visité Mouata Koum-
bana; le docteur Wolf avait exploré le pays des Ba-Kouba ; enfin le capi-
taine von François avait reconnu le pays s*^tendant de Loulouabourg à
Mena Fenda. Une fois arrivés sur le Congo, Wissmann et Hans MûUer
prirent le chemin de l'Europe oîi ils devaient aller rétablir leur santé ;
von François fit, en compagnie du missionnaire Grenfell, la reconnais-
sance du Loulongo et du Tchouapa ; enfin le docteur Wolf et l'armurier
Schneider retournèrent au Kassaï pour rapatrier les serviteurs et por-
teurs noirs et achever la tâche imposée à l'expédition.
L'ouvrage qui raconte cette longue odyssée peut sans contredit se
placer à côté des récits des plus gi'ands voyageurs africains. Indépen-
damment de l'attrait qu'oiîre la narration qui fourmille de faits curieux,
d'anecdotes et de piquantes scènes de mœurs, la description que font
les voyageurs allemands est d'un intérêt incontestable au point de vue
scientifique. Plusieurs d'entre eux sont des hommes de science : le
D' Wolf s'occupe d'anthropologie, von François de géographie propre-
ment dite, Franz Millier de météorologie et Hans Mttller de géologie et
de botanique ; aussi l'ouvrage que nous annonçons est-il une source pré-
cieuse d'informations de toute nature sur cette vaste région du Kassaï,
qui est de jour en jour mieux connue et qui est appelée à un grand ave-
nir. De nombreuses gravures ornent cet ouvrage qui renferme en outre
trois cartes : l'une, qui a été dressée par M. von François, indique, à une
grande échelle, l'itinéraire suivi par les voyageurs. La seconde montre
quel était l'état des connaissances sur la région située au sud du Congo
avant l'expédition du Kassaï. Enfin la troisième fournit au lecteur l'état
de l'exploration dans l'Afrique centrale en 1887. Nous formons le vœu
que cet important ouvrage soit bientôt traduit en français.
Ciirt t)on François. Die Erporschung des Tsohuapa ukd Lulonoo.
Reisen in Central- Afrik a. Leipzig (F. A. Brockhaus), 1888, gr. in-B**.
220 p. 33 Abbildungen, 12 Kartenskizzen und 1 Uebei'sichtskarte, fr. 7,50.
— Cet ouvrage fait suite en quelque sorte au récit publié par MM. Wiss-
mann, Wolf, von François et Muller sous le titre : Im Innern Afrikas.
— 374 —
Die Erforschung des Kassaï wahrend der Jahre 1883, 1884 und 1885.
C'est en effet dans les mois qui suivirent son arrivée au Congo, au retour
de son expédition au Kassaï en 1885, que M. von François eut l'occasion
d'explorer le Loulongo et le Tchouapa. Il effectua ce voyage sur le petit
vapeur le Feace, appartenant à la mission baptiste et en compagnie du
missionnaire Grenfell, bien connu par ses explorations. Le voyage ne
fut pas long, car il ne dura guère que deux mois et demi, du conamence-
ment d'août au milieu d'octobre 1885 ; cependant la route parcourue
est considérable, grâce à la bomie marche du bateau qui se comporta
vaillamment; les résultats acquis sont aussi d'une réelle importance au
point de vue géographique.
Le récit commence par le départ de Léopoldville et le voyage sur le
Congo de Léopoldville à Kwamouth, station bâtie au confluent du Kas-
saï et du Congo. De là, le Feace se dirige sur la station de l'Equateur
et ensuite vers l'embouchure du Loulongo, où se trouvait une station du
même nom qui a été abandonnée. On est étonné du peu de temps que
mirent les voyageurs à remonter le Loulongo sur plusieurs centaines de
kilomètres. D'un jour à l'autre leur bateau franchissait en moyenne 50
kilomètres, distance calculée sui* la carte, sans tenir compte des sinuosi-
tés du fleuve. Partis de l'embouchure du Loulongo le 22 août, ils étaient
arrêtés par des embarras d'arbres et de plantes, le 4 septembre, dans
une région située à 22"* et quelques minutes de longitude orientale de
Greenwich et à quelques minutes au nord de l'Equateur. Ils redescen-
dirent ensuite le fleuve, explorèrent le cours tout à fait inférieur d'un de
ses affluents de droite, le Lopouri, et se retrouvèrent le 11 septembre à
l'embouchure du Tchouapa qu'ils se mirent à remonter. Là, la marche
fut plus lente. Le Tchouapa et son affluent la Bussera, dont ils explorè-
rent aussi le cours inférieur, décrivent de nombreux méandres. Le 7
octobre les voyageurs s'arrêtaient près du 23° de longitude est de
Greenwich. Le voyage de retour fut rapide, car le 20 du même mois
ils arrivaient à Léopoldville.
Ainsi ce voyage a fixé d'une manière positive le cours moyen et infé-
rieur de deux grands affluents du Congo. D'autres termineront l'œuvre
commencée en explorant le cours supérieur; mais il n'y aura probable-
ment pas de modification à apporter au tracé de la partie relevée par les
deux voyageurs, car M. von François est avant tout un géographe ayant
l'habitude de faire la détermination astronomique des localités et engagé
comme tel dans la grande expédition du Kassaï. Son livre renferme un
grand nombre de croquis cartographiques intercalés dans le texte et
— 375 —
fourniseant à une gi-ande échelle le détail de certaines parties de l'iti-
néraire parcouru. En outre, il se termine par une fort belle carie au
Vjoooooo représentant le cours du Congo près de l'Equateur, les coui-s du
Loutongo et du Tchouapa, enfin celui de TOu^angi dans la partie infé-
rieure.Les deux lacs Mantoumba et Léopold II et l'embouchure du
Kassal y figurent aussi. Cette région des confluents de quatre grands
fleuves est certainement une des plus importantes du bassin du Congo.
C'est un point central d'où l'on peut se transporter rapidement par eau
dans toutes les directions. Peut-être sera-ce plus tard le lieu d'établisse-
ment d'une grande ville, de la station principale de l'État du Congo.
La narration de M. von François n'est pas seulement importante par
les renseignements précieux qu'elle fournit au point de vue géographi-
que; elle l'est aussi par les indications de toute nature qu'elle renferme,
par les remarques sur la météorologie, l'hydrographie, l'ethnographie,
la botanique et la zoologie. Une des parties les plus intéressantes est la
description du peuple nain des Batoua, que les voyageurs i*encontrè-
rent sur le Tchouapa. A côté des renseignements scientifiques écrits
dans le style qui convient à la science, M. von François a aussi la note
gaie. Bien des scènes racontées avec humour reposeront le lecteur de
la partie sérieuse du récit. Le volume de M. von François est un
livre qu'il faut lire pour être au courant de l'exploration africaine
dans la région équatoriale. Il complète, conmie nous l'avons dit, l'ouvrage
de MM. Wissmann, Wolf, MtlUer et von François sur l'expédition du
Kassal et montre les immenses services que ces voyageurs ont rendu à
la science en détenninant le cours de ces afiluents méridionaux du
Congo, si importants par leur volume et leur navigabilité.
P. Trixner. Album de la mission romande. Lausanne (Georges Bri-
del), 1888, 30 pi. enphototypie et carte, fr. 4.50. — Nous avons reçu les
premières planches phototypiques d'un album qui off'rira un tableau
pittoresque de la mission romande aux Spelonken (Transvaal) et à la
baie de Delagoa. Chaque planche sera accompagnée d'une notice. Il y
aura une série de portraits de tout le personnel de la mission depuis les
premières années jusqu'à maintenant ; une autre série de vues des sta-
tions ; puis des scènes de voyage, entre autres deux traversées de rivières,
l'une celle de la Tabie, l'autre celle de l'Olifant-River; une collection d(^
curiosités indigènes, photographiée et reproduite en phototypie. Un(^.
bonne carte d'après celle de M, Henri Berthoud publiée par V Afrique
explorée et civilisée. Le tableau historique de la mission sera aussi corn-
— 377 —
Ritter von Beck, L. Ganglbauer und D' Heiurich Wichmann. Leipzig
(F.-A. Brockhaus), 1888, gr. mS% 557 p., 50 Abbildungen, 1 Tafel uiid
2 Karten, fr. 18,75. — Parmi les iunombrables voyages dont l'Afrique a
été le théâtre durant ce siècle, il en est peu qui aient revêtu un carac-
tère exclusivement scientifique. On comprend que, dans une contrée
peu connue, les explorateui's s'attachent surtout à reconnaître le pays,
sa forme générale, son relief, son réseau hydrographique et la situation
de ses localités. Ce n'est que plus tard, lorsque la sécuiité règne, que
viennent les savants pour étudier d'une manière approfondie la géolo-
gie, la flore, la faune et l'ethnographie de la contrée. L'Amérique n'a
été reconnue à ce point de vue par Humboldt que trois siècles après sa
découverte, et ce n*est qu'à notre époque que Richthofen a initié le
monde savant aux conditions physiques et naturelles de la Chine.
L'Afrique n'a pas encore eu son Humboldt ou son Richthofen, mais il
semble qu'elle n'attendra pas aussi longtemps que le Nouveau Monde et
l'Asie pour être étudiée scientifiquement. Duveyrier, Nachtigal, Holub,
ont indiqué 1^ voie à suivi-e, et à mesure que la topographie du sol est
mieux connue, les explorateurs pénètrent de plus en plus les mystères
du règne minéral et du monde organique.
L'ouvrage que nous annonçons en est une preuve frappante. Cette
monographie de Harrar et du territoire avoisinant est im monument de
science, où les géologues et les naturalistes trouveront une base pour
leurs études. Ce n'est pas que le voyage ait été bien long. Le l*' jan-
vier 1885, MM. Paulitschke et Hardegger s'embarquaient à Trieste pour
faire voile vers Port-Saïd et Aden ; de là ils traversaient le golfe d' Aden
et abordaient sur la côte d'Afrique, à Zeïla, le 24 janvier. Le 29, ils en
partaient et se dirigeaient sur Harrar par la route la plus courte, qui,
pour une notable partie du parcours, difiérait des itinéraires ordinaire-
meut suivis. Passant par Dabab, Heussa, Bia Kabôba, Dchaldessa, ils
arrivaient à Harrar le 15 février, et cette ville devenait, pour trois
semaines environ, le centre de leurs études et de leurs excursions. Le
20 février, ils allaient visiter le lac Haramaja, situé à l'ouest de Harrar,
lac salé de couleur bleu foncé, très profond, mais assez peu étendu.
Du 27 février au 2 mars, ils employaient quelques jours à faire un
voyage vers le sud, jusqu'à Bia-Worâba, à la limite méridionale du ter-
ritoire autrefois soumis aux émirs de Harrar. Le 9 mai*s, ils partaient
de Harrar pour revenir à Zeïla, à peu près par la même route ; ils y
arrivaient le 18, faisaient voile sur Berbera et quittaient ce dernier port
le 27 mars pour revenir en Europe par Aden et Suez.
— 378 —
Il est évident que, malgré la facilité relative avec laquelle les deux
voyageurs accomplirent leur exploration, grâce à la haute protection du
khédive et des représentants de l'Angleterre et de l'Allemagne,
malgré leur savoir, leur talent d'observation et leur activité infatigable,
le séjour de deux mois qu'ils firent sur le sol africain ne leur a pas per-
mis de trouver toute la matière de ce volume compact de 557 grandes
pages. Ils avaient dû se préparer de longue date à cette expédition et
recueillir tous les documents nécessaires ; leur voyage leur a donc servi
surtout à contrôler ou à confirmer leura études antérieures.
M. Paulitschke a divisé son ouvrage en deux parties. Dans Tune,
intitulée partie descriptive, il raconte son voyage, en donnant au cours
du récit une quantité énorme de renseignements, particulièrement sur
les quatre localités d'Aden, de Zeïla, de Harrar et de Berbera, et, en
outre, sur le pays qu'il a parcouru, sa nature géologique, sa flore, sa
faune et ses habitants. Dans la seconde partie, qui a pour titre : partie
scientifique, les résultats de l'expédition sont consignés en détail. On y
trouve en particulier l'indication des observations astronomiques,
magnétiques et météorologiques faites par les voyageurs, une étude du
pays visité au point de vue botanique et géologique, une nomenclature
des coléoptères recueillis, divers documents historiques sur Harrar,
enfin une notice touchant la linguistique.
Des gravures en grand nombre ornent cet ouvrage ; la plupart sont
des reproductions de photographies. L'une des plus intéressantes est
une vue à vol d'oiseau de la ville de Harrar, qui donne une excellente
idée de la cité, ainsi qu'on peut s'en convaincre par une comparaison
avec le plan de la ville, que l'ouvrage renferme aussi. Le livre se ter-
mine par deux cartes qui permettent de suivre pas à pas la marche de
l'expédition. Tout autour de la carte se trouvent des cartons, dont l'un
est un profil de la route parcourue ; on y consta.te que Harrar se trouve
à l'altitude de 1856 mètres. A partir de Zeïla, le terrain s'élève lente-
ment, puis assez rapidement, jusqu'à un seuil ou ligne de partage des
eaux, que l'expédition a franchi à Égô (2263 mètres). De là, le terrain
s'abaisse dans la direction de Harrar, et la pente se prolonge, mais
assez faiblement, vers le sud. Bia-Worâba, le point extrême atteint par
M. Paulitschke, se trouve à une hauteur de 1689 mètres.
\
i
— 380 —
Pages
of the EoDgo langnage as spoken ai
San Salvador 124
B'ôiUhtr {JBmti) : Orographie xxnà Hydro-
graphie des Kongobeckens 189
£urdo(A.):Siudey, sa ?ie et ses voyages 876
£u9»idon (Ch.) : Âbyssinie et Angleterre. 188
MUner (C.-G.) : Zeitschrift fiir afrika-
niscbe Spraoheû 59
Campou (lAidovic dé) : La Tonisie fran-
çaise 31
Clavenad (P.) : Une mission dans le sud
Oranais 127
Commmao de Cartographia : Cartes (six)
des territoires portugais 317
CoquUhcU (Camille) : Sur le haut Congo . 252
Danekdmann {Freiher vtm) : Mittbeilun-
gen von Forscbnngsreisenden and Ge-
lebrten ans den deutschen Sobutzgebie-
ten 255, 347
Delavand (Louis) : La politique coloniale
de l'Allemagne 128
Dupont (Ed ) : Conférences sur mes ex-
plorations géologiques an Congo 254
Du Verge : Madagascar et peuplades in-
dépendantes abandonnées par la France. 26
Farini (A.-G.) : Huit mois au Kalabari. 29
Foumel (Marc) : La Tripolitaine 30
J?^ançoiê {Curt von) : Die Erforschung
des Tschnapa und Luiongo 878
Frey (M.) : Campagne dans le haut Sé-
négal et le baut Niger 286
Maurigot (H.) : Le Sénégal 60
HeUgreve (Rudolf) : Ans deutsoh Ost-
Afrika 95
Mtnnei (Bmst D') : Das deutsche Togo-
gebiet und meine Afrikareiso 192 i
P*g»
Imberi (Suguet) : Quatre mois au Sabel. 159
Kayser (F. D*) : Aegypten einst und jetak 191
&lUr (C.) : Reisebilder ans OstaMka
und Madagascar 91
Leroux (J.Œ.) : Essai de dictionnaire
français-haoussa et baoassa-français. . . 22S
Leroy- Beaulieu (F.) : L'Algérie et la Tu-
nisie 9S
NaviUe (Édouen'd) : Gosben and the
Shrine of Saft el Henneb. 6$
Newmayer (D*) : Anieitung zu wissen-
sdbaftlicben Beobacbtungen auf Reisen. 316
PûuliUehhe (Fh. D') : Harrar 876
Fieue (Louis) : Algérie et Tunisie 61
Reclus (Elisée) : Nouvelle géograpbie uni-
verselle, t. XIII. L'Afrique méridionale. 315
RéveiUaud (Eugène) : Une excursion au
Sabara algérien et tunisien 347
Sehmidt (K,- W. D') : Zanaibar 125
SoleiUet (Paul) : Voyage à Ségou 27
Soyaux (Hermann) : Deutsche Arbeit in
Afrika 126
Thys (Albert) : Au Congo et au Kassaï.
Le Eassaï et la Louloua, de Kwamouth
i Louebo 319
Tissoi (Victor): L'Afrique pittoresque. . 90
Tiêsot ( V.) et Amero (C.) : Au pays des
nègres 160
Trivier (F.) : Album de la mission ro-
mande 875
Veih (Daniel) : Reisen in Angola 58
Welwitseh (D*) : Quelques notes sur la
géologie d'Angola 34S
Wissmann (H.), WàlJ (L.), von François
(C), MûUer (M.) : Im Innem Afrikas. 372
CARTES
Itinéraires de la Méditerranée occidentale. 96
Le Congo moyen et l'Oubangi-Ooellé. —
Cours de l'Oubangi entre les chutes de
Zongo et le pays des Yakoma 160
Itinéraire de MK. Capello et Ivens 192
Carte d'Afrique indiquant les régions con-
nues on inconnues de ce continmt d'après
celle du prof. A. Supan, des JliUthei-
lungen de Gotha et le croquis politique
de l'Afrique par A.-J. Wauters 3Î9-
«i n *♦• n I»
BULLETIN MENSUEL (7 janvier 1889 • ).
Uu correspondant du Journal de Genève ^ fourni à ce journal, sur les
moyens employés pour obvier au désastre causé par le fléau des saute-
relles et en prévenir le retour, des renseignements qui complètent ceux
que nous avons donnés {IX*' année, p. 241 et 318); nous en extrayons ce qui
suit: Dès le mois d'août, on voyait arriver journellement à Sétif des
centaines de mulets et d'ânes chargés d'œufs de sauterelles qui étaient
mesurés et payés séance tenante. Poussés par la nécessité, les Arabes,
indolents et insouciants de leur nature, ont entrepiîs ce travail avec une
telle activité que, sur ceilains points, les crédits ouverts étaient dépassés
au bout de quelques jours, et que les autorités municipales étaient obligées
de télégraphier à la préfecture pour avoir de nouveaux fonds. Aujourd'hui
le premier crédit de 300,000 fr. affecté au ramassage des œufs se trouve
près d'être dépassé. La somme dépensée correspond à quatre taillions de
litres d'œufe, ou plus exactement de coques ovigères, chacune de ces
coques contenant de 30 à 34 œufs. Un litre de ces coques ovigères conte-
nant, d'après les calculs qui ont été faits, 28,000 œufs, ce serait donc 112
milliards de criquets qui auraient été détruits, grâce au développement
pris depuis quelques semaines par le ramassage des œufs. C'est là certai-
nement un résultat appréciable ; mais que représentent ces chiffres sur
l'ensemble d'une invasion comme celle de l'année dernière? Sans doute,
le travail de ramassage continuera à s'opérer pendant une grande partie
de l'hiver, car il constitue pour la majorité de la population indigène le
seul gagne-pain possible ; mais quand les résultats obtenus s'élèveraient,
non pas à 112 milliards d'œufs, comme c'est le cas actuellement, mais
à des quantités dix ou douze fois supérieures, il ne serait pas moins in-
dispensable d'être prêt dès le printemps prochain à faire face à l'éclo-
sion considérable qui attend non seulement la province de Constantine,
mais une partie de celle d'Alger et les confins de la Tunisie. Le gouver-
nement général de l'Algérie a fait étudier par un naturaliste, M. Httnkel
^ Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Nouvelles com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la c6te orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
— 4 —
d'HerculalB, les moyens de destniction employés dans d'autres pays,
sujets comme l'Algérie à des éclosioos périodiques de sauterelles. Le sud
de la Russie, l'Espagne, l'Ajuérique du sud et l'Ile de Chypre ont été &
plusieurs reprises envahis par ces insectes. Le gouvernement s'est décidé
à utiliser l'appareil employé en 1881 par les Anglais à Chypre pour lut-
ter contre le Héau. Cet appareil, connu sous le Dom d'appareil cypriote,
consiste en longues bandes de toile tendues verticalement au moyen de
piquets. Qu'il nous suffise de citer quelques chiffres. Les appareils em-
ployés dans rtle de Chypre présentaient un développement d'une cen-
taine de kilomètres. Le personnel préposé annuellement au maaiemeut
de ces toiles s'élevait à deux mille hommes, et tout ce personnel était
organisé militairement sous le commandement en chef de l'ingénieur de
l'État, La lutte a duré six ans et elle a coûté 1,500,000 fr., mais depuis
cette époque tout danger sérieux a disparu. Nous ne pouvons que souhai-
ter que les mesures que prendra le gouvernement de l'Algérie soient
appliquées avec la même vigueur et couronnées du même succès que
celles prises par les Anglais dans l'Ile de Chypre.
L'exposition internstlonKie d'appareils et procédés pour la
décortication de la ramle dont nous avons parlé (p. 117-122) s'est
ouverte le 1" octobre dans une des annexes du quai d'Orsay qui seront
affectées à l'agriculture pendant l'Exposition de 1889. Les machines et
les procédés devaient servir à décortiquer et à dégommer la ramie verte
ou sèche. Sept procédés différents étaient en présence : cinq français,
un belge et un américain. Le jury de l'Exposition a accordé, à titre
d'encouragement, une somme de 1400 francs : 600 fr. pour une machine
belge ; 400 fr. pour une machine française, et 400 fr. pour une machine
américaine. Pour les essais sur ramie verte :
La décortiqueuse belge a fourni 5 kilog. de lanières en 17 minutes.
La décortiqueuse française a fourni 7 kilog. 5O0 gr. de lanières en
47 minutes.
La décortiqueuse américaine a fourni 7 kilog. de lanières en 18 minutes.
Sur ramie moitié verte :
La décortiqueuse belge a donné U kilog, en 29 minutes.
La décortiqueuse française a donné 15 kilog. en 1 h. 15 minutes.
Sur ramie sèche :
La décortiqueuse belge a donné 4 kilog. en 1 heure,
La décortiqueuse française a donné 3 kilog. 200 gr. en 1 heure.
La décortiqueuse américaine ne fonctionne qu'avec la ramie verte.
A l'occjision de cette exposition, le journal V ExiiorUttioii fraiiçaiti-
— 6 —
fouilles on trouve des sarcophages recouverts de dalles brutes; dans
d'autres ce sont des cryptes fermées avec des dalles en tuf ou en cal-
caire sans aucun ornement, dans toutes on trouve un objet funéraire :
la lampe à la tête ; aux pieds, des olla, des urnes» des plats divers. Par-
tant dfe cette croyance que les mânes conservaient les mêmes goûts que
les individus avaient eu sur la terre, on leur donnait pour compagnie
dans la sépulture les objets qu'ils avaient le plus aimés : on y disposait
du pain, 4u vin^'-divers^ments-av^e des ustensiles, de tablent iles par-
fums. On peut voir, dans les cercueils de pierre ou dans les cryptes, les
cadavres bien conservés : la tête (ou les tètes car on trouve souvent plu-
sieurs cadavres dans le même cercueil), repose sur un coussinet fait
avec de la poussière de tuf ; près de la tête on trouve souvent des pièces
de monnaie et presque toujours le luminaire en terre cuite qui avait com-
mencé à veiller le mort au moment oîi il quittait la vie et que l'on ense-
velissait tout allumé avec les restes sacrés. Auprès du cadavre, généra-
lement aux pieds, quelquefois sui* les côtés, des plats ronds de grandeurs
diverses, des bols avec un petit col soutenu par deux anses, un corps
plein et un pied ; des aiguières, des coupes en verre ; de petits plateaux
en terre ou en verre pour les parfums ; des objets de toilette : épingles
à cheveux forme chrysanthème, pendants d'oreilles, bracelets encore
passés dans les as des bras, des médaillons, des colliers en perles ; une
lampe porte cette inscription : Ex of irsem. Comme sujets, elles nous
donnent : des lions, des hippopotames, des génies, des couronnes, divers
animaux fantastiques. Parmi les bronzes, on remarque : des Alexandres,
des Gordiens, des Constantius, des Julia Marsa et autres. Des fouilles
bien conduites, régulières, non abandonnées à la pioche arabe, pour-
raient amener une riche collection de poteries et d'objets précieux ponr
notre histoire. Il est probable que cette aécropole, qui mesure, pour ce
que nous en voyons maintenant, plus de dix hectares, se raccorde avec
celle d'Aïn-Beïda même : tout à côté, se trouve l'emplacement d'un
grand centra romain, aujourd'hui complètement désert et ruiné, et c'est
sa population sans doute qui, coriune nous, a passé sur ce sol, qui l'a
jadis peuplé et qui s'y repose. On fait beaucoup de suppositions sur ce
cimetière. Les uns le disent récent et le donnent aux Turcs : d'autres
pencheraient à croire que l'oubli des formes ordinaires des sépultures
romaines dénote un lieu réservé aux. pauvres ou aux esclaves. J'aime
mieux penser que cette nécropole date de la première époque du chris-
tianisme, alors que les chrétiens peu favorisés avaient le droit de se
faire enterrer, mais n'avaient pas celui de produire publiquemi^t les
— 7 —
signes de leur religion ; or, ne voulant pas employer les formules païen-
nes, ils enterraient tout simplement les corps sans ornements extérieurs.
Le Moniteur de V Algérie cite les faits suivants corame preuve des
progrès qu'a faits la Tanisie depuis que la France y exerce le protec-
torat. Auparavant les terrains valaient à peine dix francs l'hectare ; ils
se paient actuellement de lOQ à 200 francs. La nuit, la ville était plongée
dans l'obscurité ; elle est éclairée au gaz. Lestravaux publics n'existaient
pas; un yxonsacre^ourd'hui plusieurs millions. Les impôts ne ren-
traient pas, les caisses du bey étaient toujours à sec et la rente oscillait
entre 200 et 300 fr. ; les impôts rentrent, il y a de gros excédents dispo-
nibles et la rente est à plus de 500 fr. au-dessus du pair que ne peut
atteindre la rente italienne. L'ordre a été rétabli dans toutes les admi-
nistrations et leur fonctionnement s'améliore sans cesse. Les innovations
introduites pour perfectionner les méthodes de culture, favoriser les
échanges, ne se comptent plus, et les progrès au point de vue agricole
n'ont pas été moins rapides que les autres. C'est par milliers d'hectares
que se comptent les plantations créées par des Français, et par millions
les dépenses faites. Quelques taxes ont été abolies et tout dernièrement
encore les droits de sortie sur les laines supprimés, abolition qui doit
être considérée comme le commencement de la disparition graduelle
des impôts de sortie si préjudiciables aux échanges de la Régence.
Tunis a été relié à l'Algérie par uù chemin de fer, et deux autres em-
branchements ont été constiniits; les études d'autres lignes vivement
réclamées sont prêtes ; le tramway de Sousse à Kairouan va être exploité
régulièremeiit et à la Vapeur. De nombreux travaux de construction de
routes ont été mis en adjudication ; quelques-uns sont achevés. Enfin, les
travaux publics ont" Cbnimencé l'amélioration d'un grand nombre de
pistes, et avant la fin de l'année 1888, plus de 600 kilomètres de ces
pistes auront été mis en état de viabilité et rendus praticables en tout
temps. Le port de Tunis est commencé ; la passe de Bizerte a été amé-
liorée, facilitant l'accès du canal aux bâtiments de faible tonnage ; des
appontements, des brise-lames ont été établis à Sousse, à Sfax, à Meh-
dia. Les côtes ont été balisées et pourvues de feux et de phares qui
assurent la sécurité de la navigation. Plusieurs villes, notânameût Kai-
rouan, Porto Farina, Béjà, Bizerte, Teboursouk, le Kef, etc., ont été ali-
mentées d'eau potable par des travaux spéciaux. Des abattoirs, des
marchés ont été construits & Tunis, Béjà, Nebeul, etc. ; des puits arté-
siens sont creusés. De nombreuses voies forestières ont été ouvertes dans
la Kroumirie ; les dunes de sable qui menaçaient l'oasis de Gabès ont
— 8 —
été fixées ; les oasis de Nefta et de Tozeur vont être également protégées.
L'enseignement public a pris un grand développement, et 7,300 élèves
reçoivent maintenant Tinstruction à divers degrés dans les établisse-
ments de la Régence. Le service des postes et télégraphes a été pro-
gressivement étendu à tous les principaux centres et les communications
directes à grande vitesse avec la France vont être triplées.
A ces détails nous ajouterons, d'après le journal la Tunisie, que la
vltioultiire y prospère au delà de toutes les prévisions. Cette année-ci
nombre de propriétaires se sont trouvés à court de matériel. La manu-
tention s'est opérée dans les meilleures conditions de température, elle
a généralement bien réussi. Les vins sont colorés, ils ont de 10*' à
12'' d'alcool, le goût en est agréable. En somme c'est un grand succès.
Les résultats obtenus prouvent que la vigne se plaît dans le sol tunisien,
qu'elle y pousse avec force, qu'elle y donne rapidement de belles récol-
tes et qu'elle n'a pas, pour le moment du moins, à redouter le mal qui
a ruiné le vignoble français.
Le siège de Souaklm par les mahdistes indique chez ceux-ci un
progrès dans la manière de faire la guerre que n'avaient point encore
révélé leurs opérations à Khartoum et au Soudan. L'échec qu'ils ont
éprouvé dans leur tentative de s'approcher le plus près possible de cette
place pour s'en emparer ne signifie pas que les Égyptiens et les Anglais
doivent en demeui'er les tranquilles possesseurs. L'ennemi auquel ceux-
ci ont afiaire a prouvé qu'il est aussi rusé qu'audacieux, et peu s'en est
fallu que les Anglais n'admissent la capture du dernier lieutenant de
Gordon dans l'Egypte équatoriale et du courageux explorateur envoyé
pour lui porter secours. Nous avons tremblé, nous l'avouons, à la pensée
que le dernier boulevard maintenu par Émin-pachat contre les
Ai-abes partisans de la chasse à l'homme, avait fini par tomber entre
leurs mains, et que les populations délivrées par lui allaient redevenir
la proie des successeurs des négriers domptés par Gessi-pacha. Nous
nous demandions même jusqu'où s'étendrait l'audace que ce succès ne
nianquerait pas d'inspirer aux mahdistes, si Souaidm ne serait pas le
prix de la libération du défenseur de Wadelal, et si les lignes de Wadi-
Halfa tiendraient longtemps contre un ennemi exalté par son triomphe.
La ruse d'Osman-Digma paraissait bien ourdie. Comment douter de la
captui'e de Stanley, alors qu'il envoyait à Grenfell la copie du texte de
la lettre dont ce dernier avait lui-même rédigé la minute pour que le
khédive l'envoyât à Émin-pacha par le chef de l'expédition de secours ?
Qui eût pu supposer qu'il existât soit à Souakim, soit au Caire, des
— 9 —
copies de cette lettre, et qu'une de celles-ci eût été livrée à l'ennemi et
portée à Khartoum, pour en revenir à Osman-Digma, afin de permettre
à ce lieutenant du mahdi de chercher à obtenir la reddition de Souakim
en échange de la libération des soi-disant captifs blancs ? L'année 1888
paraissait devoir se terminer de la manière la plus triste pour les amis
de l'Afrique. Grâce à Dieu, leurs appréhensions ont été dissipées; et,
sans comprendre encore la situation dans laquelle se trouve la province
équatoriale, les dépêches arrivées, presque en même temps, à la côte
orientale, à Zanzibar, et à la côte occidentale, à San-Thomé, nous per-
mettent d'espérer que, de même que la copie de la lettre du khédive à
Émin-pacha n'était qu'une ruse de guerre, de même l'autre lettre
apportée, soi-disant de Lado, n'a existé que dans l'imagination du 'Il
mahdi ou dans celle d'Osman-Digma.
Tandis que dans la Chambre des Communes, le 21 décembre, le gou-
vernement était interpellé sur les affaires de Souakim, M. Goschen a
donné lecture d'une dépêche de Zanzibar communiquée au ministère
anglais par VEastern Telegraph Company, et ainsi conçue :
Zanzibar, 21 décembre.
« Viens de recevoir confirmation que Stanley arrive avec Émia
sur l'Arououimi. La nouvelle est authentique. Les détails suivent. »
Quelques moments auparavant, VAgefice Eeuter avait également reçu
de son correspondant à Zanzibar la dépêche suivante qu'elle s'empressa
de transmettre au gouvernement anglais :
Zanzibar, 21 décembre.
a Des lettres datées des Stanley-Falls, 21 août 1888, ont été appor-
tées à Zanzibar ce matin par des porteurs de Tipo-Tipo. Ces lettres
constatent que la veille, 20 août, on avait reçu aux Stanley-Falls une
lettre de Stanley annonçant qu'il se trouvait à Bonalya, sur l'Arououimi.
n avait quitté Émin-pacha 82 jours auparavant, en parfaite santé, avec
quantité de vivres. D était revenu sur ses pas, pour chercher son arrière-
garde et les chargements de marchandises et de munitions dont celle-ci
était nantie. Il était arrivé à Bonalya le 17 août et comptait repartir
dix jours plus tard, vraisemblablement pour rejoindre Émin-pacha.
Tous les blancs faisant partie de l'expédition Stanley étaient en bonne
santé. Rien ne leur manquait. »
Enfin im télégramme de San-Thomé, adressé au souverain de l'État
du Congo, à Bruxelles, a confirmé la nouvelle de la présence de Stanley
en août sur l'Arououimi.
'^*;'^y^
*'*
\ r
^ *»■
— 10 —
Les joumaux ADglais ont publié uiie lettre de sir Francis de Wiu-
ton, ancien gouverneur du Congo, qui explique comme suit lee divei^
gences des dépêches venues par Zanzibar et par le Congo.
a Je pense, » dit-il, « que la nouvelle de la présence simultanée des
deux voyageurs sur l' Arououimi ne mérite pas créance, qu'Ëmin n'a pas
accompagné Stanley et que, dans l'information venue de la côte orien-
tale, le mot ai;ec {with) a été simplement par erreur mis à la place du
mot d'auprès (from) ; ta vraie teneur de cette nouvelle sei-ait donc :
«Stanley est arrivé, venant d'auprès .d'I^min. » Quant à la situation
dans laquelle Stanley se trouve à l'heui-e qu'il est, voici quelques indi-
cations qui peuvent contribuer à l'éclaircir. Boualya, d'où sont datées
les lettres de Stanley à Tipo-Tipo, paraît être à distance égale des
Stanley-Falls et de Yambouya, où se trouvait la base d'opérations de
Stanley au début de l'expédition. J'ai reçu une communication de
M. Rose Troup, qui, comme on sait, a pris part k l'expédition du major
Barttelot. M. Troup constate qu'il ne connaît pas la position de Boualya.
Cette localité doit se trouverà240kilom. à peu près en avant [en amont]
sur l'Arououimi. Les communications de Stanley ont dû arriver h Tipo-
Tipo vers le 27 août. Le 28, Tipo-Tipo a envoyé six hommes qui avaient
l'ordi-e de se rendre avec la plus grande hâte possible à Zanzibar pour
y porter la nouvelle que l' expédition était en sécurité. Aux Stanley-
Falls, l'État libre du Congo a installé une station commandée par le
capitaine Haneuse et deux autres officiers belges, dont le lieutenant
Bart, qui était agent politique et secrétaire de Tipo-Tipo. M. Bart était
sur le point de descendre le cours du Congo quand la nouvelle de Stan-
ley arriva, et c'est lui qui l'a apportée à la cflte occidentale. Voici donc
ce qui peut paraître bien établi. Les informations reçues simultanément
de ia côte occidentale et de la côte orientale d'Afrique, ont eu leur point
de départ au même lieu, aux Stanley-Falis, et elles ont été expédiées
vers l'est et vers l'ouest, sous la surveillance d'officiers belges. Leur
exactitude peut donc paraître hors de doute. »
Quant à la direction que Stanley aura prise depuis Yambouya, il est
inutile de faire des hypothèses qu'une lettre prochaine de lui pourrait
renverser. Elle nous dii-a s'il est i-eparti pour Wadelal, ou s'il revient
par le Congo, ou encore si, revenant par l'est, il ira toucher à Msalala,
au sud du lac Victoria, où, sur sa demande, le Comité de secours avait
organisé un dépôt de marchandises et de munitions pour l'expédition '.
' A la dernière heure, le Times nous apporte une dépêche de Zanzibar du 22
décembre renfermant, Bur Stanley et Émin-pacha, les détails suivants : Un des
— 12 —
2000 chameaux. Les bagages sont considérables et comprennent de
riches cadeaux pour le roi Ménélik. Ce dernier conserve une attitude
réservée, mais soumise envers Je négous. Les chefs influents affirmait
que Ménélik ne cédera aux sollicitations dont il est Tobjet, pour lever
rétendard de la révolte, que s'il est certain d'être puissamment aidé manu
militari; seul contre le négous, il redouterait, et avec raison, d'être
défait. D'autre part, le Popolo romano a reçu de Massaouah la dépêche
suivante : Des nouvelles de l'intérieur annoncent, comme chose positive,
que Tekla-Aïmanot, roi du GcHls^iam, a été battu par les troupes du
négous et de Ras-Aloula ; le pays a été saccagé par ces troupes qui n'ont
respecté que les églises et les monastères. Le roi se serait réfugié sur
les montagnes avec ses fidèles. Ménélik reste tranquillement à Ankober.
Dans sa séance annuelle, l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres
a attribué les intérêts de la fondation Garnier à trois missionnaire»
résidant dans l'Afrique centrale s le P. Livinhac, vicaire apostolique
du lac Nyanza, le P. Coulbois, pro-vicaire apostolique de la mission du
haut Congo sur la rive ouest du Tanganyika, et le P. Hautecœur, supé-
rieur de la mission de l'Ounyanyembé, à Tabora. U leur est recommandé
en général de s'occuper de toutes les questions de géographie, d'ethno-
graphie, de linguistique qui intéressent la science, et de rechercher s'il
n'existerait pas dans ces contrées des voies accessibles aux Européens.
Le Reichs Anzeiger de Berlin a proclamé le blocus des côtes orien-
tales d'Afrique, au nom du sultan de Zanzibar, sous la signature de
l'amiral allemand Deinhard et de l'amiral anglais Freemautle. U s'étend
sans interruption à toute la ligne des côtes du sultanat, aux îles de
Mafia, de Lamou, ainsi qu'à toutes les petites îles voisines de la côte et
situées entre le 2% 10' et le 10" ,28' lat. sud. Il est stipulé expressément
dans la proclamation que le blocus qui a commencé le 2 décembre, n'est
destiné qu'à prohiber l'importation des armes et l'exportation des
esclaves. Le Portugal a joint sa coopération à l'action de l'Allemagne
et de l'Angleterre ; l'Italie l'appuie également, et la France, tout en
reconnaissant le droit de visite aux vaisseaux allemands et anglais sur
la côte orientale d'Afrique, surveille cette côte, afin d'empêcher que
çant son arrivée sain et sauf et donnant des détails sur son voyage. Un des mes-
sagers choisis par Pexplorateur était l'un des courriers envoyés à Wadelal par les
consuls étrangers de Zanzibar pour annoncer à Émin-pacha le départ de l'expédi-
tion de secours, et qui était resté depuis lors à Wadelaï. Cet homme avait été
envoyé à la côte orientale, tandis qu'un autre avait pris la direction de l'Arouonimi.
1
•:Ty
rea/
— 14 —
en même temps à toutes les Sociétés déjà constituées qui voudront lui
fournir des renseignements sur leur activité particulière.
Le nouveau sultan de Zanzibar paratt beaucoup moins gagné à
l'influence de la civilisation eiu-opéenne que son prédécesseur. D'après
une d^êche du Times du 16 décembre, il aurait déclaré que désormais
il n'agirait que d'après les principes de la loi mahométane. Quoique
depuis vingtrcinq ans il n'y eût pas eu d'exécutions capitales à Zanzibar»
il a conféré à tous les gouverneurs du sultanat le pouvoir d'en ordonner
sans appel. Lui-même a subitement ordonné l'exécution publique de
quatre indigènes détenus en prison comme prévenus de meurtre, mais
qui n'avaient pas encore été jugés. L'exécution eut lieu en pleine rue
avec une cruauté horrible ; les cadavres des suppliciés restèrent exposés
jusqu'au soir. Le même spectacle devait se renouveler pendant sept jours,
le sultan ayant ordonné l'exécution de vingt-quatre hommes et d'une
femme condamnés à l'emprisonnement à vie sous le règne actuel. Toute-
fois, à la suite des représentations du consul général anglais, le sultan a
rapporté son décret et a déclaré en même temps qu'il prendrait des dis-
positions pour que dorénavant les exécutions des condamnés aient lieu
d'après une procédure nouvelle qui ne froisserait pas la décence publique.
La Bevtis des questions sdeniifiques donne, d'après une lettre du P.
V}iicke, des missions d'Alger, écrite de Kibanga sur le Tang^nyikat
quelques détails intéressants sur les oonnaissanoefe» astronomi-
ques des néf^res de la rive occidentale du lac. Quoique le soleil passe
deux fois par an verticalement au-dessus de leur tête, ils ne se préoccu-
pent pas de sa marche et n'ont aucune idée de l'année solaire ; en r^
vanche la lune joue un assez grand rôle dans leur vie. Ils célèbrent son
renouvellement en battant le tambour, tirant des coups de fusil et jetant
des cris de joie. Dans la plupart des tribus africaines, la nouvelle lune est
fêtée par des danses générales ; pour connaître l'âge de la lune, on garde
une botte de 20 ou 30 petits bâtonnets et on en enlève un chaque jour.
Pour déterminer les saisons et connaître l'époque des travaux agricoles,
de la pêche, etc., on consulte les étoiles; ainsi le lever des Pléiades in-
dique l'époque des semailles que l'on célèbre par des danses et des fêtes
en l'honneur des défunts. Cette constellation s'appelle kili, c'est-à-dire
semailles. La voie lactée s'appelle Lotivouma ne nzamo ne botizoho,
limite de la sécheresse et de la pluie. Ce n'est pas sans raison, car lors-
qu'elle se montre à l'orient, au moment du coucher du soleil, la saison
des pluies commence. Le lever de la ceinture d'Orion, Loxisivé, indique
l'époque de la pêche du nonzi. Une autre étoile, nommée kila zenqha :
\\
— 15 —
pflon de manioc, est pour les femmes, lorsqu'elle est au zénith, un signal
indiquant qu'elles doivent commencer à piler le manioc pour le repas
du soir. Aldébaran, porte le nom de Brillant du Nord; Sirius, celui de
Brillant du Sud. Le Centaure, avec la Croix du Sud et le Navire, qui
comprend la belle étoile Canopus, sont nommés par les nègres Maziva
et MironzOj c'est-à-dire sentiers et dizaines, parce qu'ils sont composés
d'un grand nombre d'étoiles.
Le Missiœuxry Record de l'Église presbytérienne unie d'Ecosse rap-
poi*te que l'Ês^lise réformée hollandaise da sud de l'Afrique
va entreprendre une œuvre missionnaire en dehors de l'Afrique australe,
dans la région du lac Nyassa. Le Rev. Murray, de Graaff-Reinet, a été
choisi pour la commencer; il s'est rendu à Quilimane pour aller de là
au Nyassa. Il s'établira d'abord auprès de la mission de Livingstonia,
à l'œuvre de laquelle il travaillera un certain temps. Plus tard, si la
chose paraît désirable, l'Église réformée hollandaise fondera une mis-
sion distincte, ou bien elle continuera à travailler conjointement avec la
mission écossaise. Le Rev. Murray a fait ses études à Stellenbosch, après
quoi il a passé quelque temps en Europe pour acquérir les connaissances
médicales qui pourront lui être utiles dans l'œuvre missionnaire à
entreprendre. Celle-ci sera soutenue exclusivement par un certain nom-
bre d'ecclésiastiques de l'Église réformée hollandaise qui y consacrent
une partie de leur traitement.
La Compagnie concessionnaire du nouveau service postal du
Portug^al avec les colonies afkricaines de cet État doit inaugu-
rer son service au mois de juin prochain sous le nom de Malle rot/aie
portugaise. Elle a fait construire dans les chantiers de Greenoch ses
navires, dans des conditions qui lui permettront de fournir un service de
premier ordre. Les steamers devront desservir la ligue de Lisbonne à
Lorenzo-Marquez, eu touchant au sud de l'Afrique et aux principaux
ports de l'Afrique occidentale. Grâce à ce service, le Congo se trouvera
à moins de quinze jours de voyage de l'Europe.
Le dernier numéro du Bulletin officiel de l'État indépendant du
Cong^o renferme le règ^lement sur le traitement des noirs
engagés au service de l'État. Celui-ci ne les admet que si leur engage-
ment a été consenti par eux volontairement, à un salaire arrêté d'avance,
et en pleine connaissance des obligations qu'ils contractent. Pendant le
temps qu'ils passent au service de l'État, ils reçoivent gratuitement les
soins médicaux, des vêtements décents et une nourriture saine et suflS-
sante, qui leur est distribuée en nature, eu dcut :!s re'^oivent la contre-
— 16 —
en argent ou en marchandises d'échange. Ils sont payés soit en
aire, soit en marchandises d'échange, aux époques stipulées dans
:te d'engagement. Des théories leur sont faites périodiquement
irs droits et leurs devoirs et sur les décrets, ordonnances et r^le-
qui les concernent. L'autorité des fonctionnaires de l'État doit
'xr & la fois avec la fermeté nécessaire au maintien de la disa-
it de l'ordre, et avec un bienveillant intérêt. Ile sont responsables
sécurité des hommes confiés à leurs soins ; ils doivent veiller &
-vation des principes de l'hygiène en réglant les travaux et les
%s avec mesure ; ils doivent s'attacher à étudier la langue et l'es-
es mœurs des hommes sous leurs ordres; ils doivent s'efforcer
ir le niveau moral et intellectuel de leurs employés noirs tout en
t de froisser leurs sentiments et leurs préjugés ; enfin ils doivent
er & stimuler leur zèle en appliquant sagement les peines et les
penses. Bon exemple donné k tous les gouvernements qui ont placé
lur protectorat telles ou telles parties du continent noir !
nouvelle Société pour le (^mmeFoe du ]Iaat*<kkngo
onstituée à Bruxelles, pour faire toutes opérations commerciales,
rielles, minières ou autres, spécialement dans le territoire de l'État
Ddant du Congo. Elle reprend la suite des opérations de ta San-
Hx^loring Expédition qui lui cède ses établissements à Matadi,
Lngasud, Kinchassa, Equateur et Bangala sur le Congo, etLouébo
3 bassin du Kassal, ainsi que tout son matériel d'exploitation.
le service de ses stations, de ses transports et de ses ravitaille-
, elle possède une flottille de cinq steamers : le Roi des Belges, la
ta, \e NeW'York, le Général Sanford elle Baron Weber. Les
)remiers bateaux sont déjà en activité sur le fleuve moyen; les
lerniers sont en route de Matadi vers le Stanley-Pool, La flottille
înforcée par d'autres embarcations à vapeur et par des baleinières
ar, au fur et h mesure des besoins. Les produits qui seront l'objet
îremière exploitation sont l'ivoire et le caoutchouc, puis viendront
sivement les gommes, tes bois de teinture, le tabac, les épices, etc.
p&ppopt du consal général sulsae A Bruxelles, sur
e 1887 à 1888, renferme, sur l'État indépendant du Congo, cer-
dounées qui nous paraissent être de nature à attirer l'attention
s ceux qui s'intéressent aux progrès de la colonisation européenne,
avoir rappelé les progrés réalisés, du 1" juillet 1887 au 1" juillet
en matière de services publics, de finances, d'administration en
il, le rapport cite les règles qui concernent la prise de possession
'■*'*.
— 17 —
de terres nouvelles : « Les non-indigènes qui veulent fonder des établis-
sements dans le Haut-Congo ont le droit de s'approprier, sans autorisa-
tion préalable, une superficie de terre non encore occupée n'excédant
pas dix hectares et n'ayant pas plus de 200 m. de rive le long du Congo
ou d'un autre cours d'eau navigable; les occupants sont tenus d'indi-
quer d'aune manière apparente les limites de leurs terres ; ils doivent,
dans les six mois, informer le gouverneur général de leur acte de pro-
priété; ils acquièrent ainsi un droit de préférence pour l'acquisition
définitive de ces terres, et ce, moyennant un prix d'achat de 10 fr. par
hectare, plus une taxe fixe de 25 fr , ; ce droit de préférence devra
s'exercer à l'époque oîi le gouvernement procédera à l'enregistrement
et au mesurage des propriétés foncières dans les régions où les dites
terres sont situées. »
En ce qm concerne les finances, la principale source des revenus de
l'État consiste dans les droits de sortie qui ont atteint, en 1887, le
chiffre de 7,668,000 fr., savoir :
pour arachides Fr. 16,136
café 1,809,679
caoutchouc 1,743,087
copal 136,542
huile de palme 801,393
ivoire 1,841,120
noix de palme 972,281
sésame 13,598
orseille 43,294
peaux brutes 29,293
fibres 76,057
cire 125,489
divers 60,000
Quelque propice que le Congo puisse paraître aux tentatives de colo-
nisation, le consul général suisse ne recommande ce pays que sous toutes
réserves. Voici du reste comment il termine son rapport : Le moment
approche-t-il où l'industrie suisse pourra utilement se tourner du côté
du Congo avec des chances assurées de succès ? Le steeple-chase de toute
l'Europe en Afrique s'accentue visiblement; nos industriels feront bien
d'avoir l'œil ouvert, mais je ne pense pas qu'il y ait encore pour eux
des perspectives de résultat immédiat suffisamment rémunérateur. L'ar-
rêté du 30 juin 1887 autorise des appropriations de possession presque
gratuites de terrains situés en amont de Léopoldville. Les explorateurs
u
— 18 —
européens aflSrment, en grande majorité, la salubrité de ces régions,
mais l'expérience pratique n'a pas encore eu le temps de se faire d'une
manière décisive. De plus, celui qui voudrait coloniser dans ces condi-
tions doit savoir qu'il ne trouvera, dans la région du Haut-Congo,
aucune des ressources de la civilisation, qu'il devra faire transporter à
dos d'hommes (ou de bœufs prochainement), de Boma à Léopoldville,
tous les instruments de colonisation nécessaires et les objets indispen-
sables à l'existence, cela du moins jusqu'à la construction du chemin
de fer.
On écrit de Ba^IVu^ala au Mouvement géographiqtie de Bruxelles :
« Il vient de se passer ici un petit événement qui, sans que cela
paraisse, a bien son importance. Vous savez que dans un grand pala-
bre qui a eu lieu au mois de juillet dernier, le commissaire du district a
fait savoir à tous les chefs que, moyennant une légère taxe à payer, il
leur serait délivré à la station un permis de navigation, en même temps
qu'un drapeau de l'État pour chacune de leur pirogue de commerce qui
voudrait remonter ou descendre le fleuve. Le 26 juin, nous reçûmes la
visite du chef de Mousembé, village situé en aval. Il venait nous annon-
cer qu'une flotille équipée par des chefs de Mahomila et de Loulonga
était campée en aval de la station et demandait quand les peimis de
passage et les drapeaux pourraient lui être délivrés. Le lendemain, la
flottille arriva. Elle se composait de 18 pirogues de commerce, chacune
montée par un équipage de 30 à 45 hommes. La force entière de l'expé-
dition s'élevait à plus de 600 honmies, tous armés de fusils et abondam-
ment pourvus de vivres et de munitions. Ces gens passèrent un jour chez
nous, payant sans récriminer leur tribut et recevant en échange des
drapeaux et des permis. Le 1" juillet, au son des gongs et des tambours,
le drapeau de l'État flottant à l'avant de chaque pirogue, toute la flo-
tille, en bon ordre, défila devant la station, dans la direction d'Oupoto.
C'était réellement un beau spectacle, le premier de ce genre auquel il
nous était donné d'assister. Avant peu, le fleuve entier sera parcouru
par des embarcations abritées sous le drapeau bleu. »
Savorgnan de Brazza a reçu un rapport de M. Jacob, ingénieur,
chargé du relevé de la rivière Kulllou-Niari. L'instrument dont il
s'est servi, le tachéomètre, lui a permis de faire rapidement, en même
temps que le nivellement, le levé de plan d'une ligne polygonale entre
les sommets de laquelle il a dessiné les contoui*s du fleuve. Au surplus,
le nivellement lui-même n'a pas été exécuté par le^ procédés approxima-
tifs du tachéomètre, mais horizontalement, au niveau à bulle et par les
— 19 —
méthodes rigoureuses. Avaut la chute de Kossounda, i) y a une série de
rapides. Eutre Bakamoéka et le premier rapide (distance ; six kilométrée),
la différence de niveau est de 2 mètres. Le lit du fleuve eijt à demi barré,
de distance en distance, par des roches apparentes aux basses eaux. Entre
le premier rapide et la chute, la différence de niveau est de 6 mètres
pour un intervalle de 6 kilomètre. Puis, la pente continue à augmenter.
Le rapport se termine par cette conclusion : « Autant que j'ai pu en
juger, D dit M. Jacob, «j'ai tout lieu de croire que la plupart ries rapides
que j'ai franchis, sont plutôt formés par des étranglements du Ht de la
rivière que par le surbaussement brusque du sol. En ce cas, la suppi-es-
sion des rapides serait d'une exécution relativement facile. Quoi qu'il
en soit, je suis absolument convaincu de la possibilité de rendre naviga-
ble le régime des rapides. Les moyens à employer se réduiront peut-être
& un simple déblai de rochers dans le lit du Heuve. »
Un courrier arrivé k la côte, & Asainle, a apporté des nouvelles de
M. Trelch-LApléne, qui dirige Ic convoi de ravitaillement envoyé à
M. le capitaine Binger h Kong. Il se trouvait, le 2 octobi-e, à Dcmba.
Depuis Dianguj d'oti il était parti le 13 septembre, le voyage avait été
très pénible, par des pluies presque continuelles, à travers des sentiers
boueux et détrempés. Le 30 septembre, le convoi arrivait à Assicasso,
dépendance du Bontoukou, où M. Treich-Laplène fut reçu de la façon la
plus cordiale par le roi Annibili, qui lui donna l'hospitalité et lui procura
les guides nécessaires pour se rendre à Zaranou, résidence de Adjimin, roi
du Bontoukou. Il y est arrivé le 15 octobre. C'est là seulement qu'il espé-
rait avoir des nouvelles de M, Binger, auquel, d'après le bruit qui circu-
lait, les marabouts de Kong et du Bontoukou avaient fait interdire le
passage dans cette région. Il a eu aussi à lutter contre la difficulté de
se procurer des vivres dans l'Indemé. Là, des émissaires anglais avaient
travaillé les noirs, et M. Treich-Laplène dut, à plusieurs repris&s agir
avec énerçie pour assurer le passage de sa petite caravane.
Une mission, commandée pai' le capitaine Briquelot, est partie de
Dakar, sur l'aviso la Mésange, à destination des rivières du sud et du
FoatR-Djallon. Après un séjour à Timbo, elle se rendra au poste de
Siguiri, sur le Niger, où elle doit rejoindre le commandant du Haut-
Sénégal. D'autre part une colonne placée sous les oi-dres du comman-
dant Vatliëre a été chargée de pareourir le Grand et le Petit Bélë-
donicoa, afin de poursuivre les résultats déjà obtenus par la mission du
D' Tautain et du capitaine Quiquandou. Elle doit pousser jusqu'aux
limites extrêmes des paya placés sous le pretectorat français et se
3t
•h
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renseigner sur ces contrées encore si peu connues. Le commandant
Vallière a visité les pays qui confinent au Sokoto, au Goumbou et au
Sahara. Il a ensuite organisé des missions d'exploration : M. Audéoud
a reconnu le cours du Ba-Oulé ; M. Foumier, celui du Ba-Dingho dans
sa partie supérieure; un autre officier a été dirigé vers le Bélédougou.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
La construction d'un premier réseau de chemins de fer a été arrêtée par le gou-
vernement tunisien : De Sousse à Kairouan, avec un parcours de 60 kilomètres
(système Decauville); de Tunis à Sousse par Menzel; de Hammamet à Ënfida,
avec un parcours de 154 kilomètres, et tronçon de Hammamet à Nebeul, avec un
parcours de 18 kilomètres. Toutes ces lignes seront à voie d'un mètre. La ligne de
Tunis à Bizerte reste à l'étude.
Un courrier arrivé du Wadaï à Bengazi a apporté la nouvelle que les mahdistes
ont attaqué le sultan du Wadaï, l'ont battu et se sont emparés de sa capitale.
Les ratifications de la Convention de Suez ont été échangées le 22 décembre.
Après un séjour de repos en Suisse, M. Ilg, ingénieur, qui, depuis plusieurs
années, est au service de Ménélik, est reparti pour le Choa; il s'est rendu à Ber-
bera, où l'attendait une caravane.
Le journal italien, la Capitale, annonce, d'après des lettres de Massaoua et
d'Assab, que les Danakils ont pris les armes contre les Abyssins.
Le chef de Zeboul, qui voulait établir un impôt sur le sel exporté des salines
de Madicb, a été battu et tué dans une rencontre avec les Danakils.
D'après un télégramme de Rome, le pape proposera prochainement la réunion
en congrès des associations anti-esclavagistes qui se sont créées en divers pays.
Un télégramme de Zanzibar annonce que M'wanga, roi de l'Ou-danda, a été
déposé par son frère.
Les nouvelles reçues au siget d'Émin-pacha ne ralentissent pas le zèle du comité
de secours allemand. Le lieutenant Wissmann partira à la tôte d'une première
expédition, qui ne tardera pas à être suivie d'une seconde confiée à la direction
du D' Cari Peters.
Le Times publie une dépêche de Zanzibar d'après laquelle la tribu des Arushas
a massacré les vieillards, les femmes et les enfants de la tribu des Masaï, a mis
le feu aux villages et a enlevé quatorze mille têtes de bétail pendant l'absence
des hommes de la tribu. L'assemblée de la tribu des Masaï a résolu de venger
cette insulte. La guerre durera probablement longtemps et aura pour conséquence
la dévastation du pays situé à l'ouest du Kilimandjaro.
M. Louis Cattat, ancien enseigne de vaisseau, docteur en médecine, et M. Georges
Foucart, ingénieur des arts et manufactures, sont chargés par le gouvernement
français d'une mission d'exploration dans l'île de Madagascar.
Le gouvernement portugais fait construire une flottille de bateaux propres à
- 21 —
naTîgaer sur le Zambèze, et lever le tracé d'un chemin de fer de Quilimane, sur le
Zambèse, à Mazaro et au Chiré. *
M. Me Murdo a offert au gouvernement du Transvaal de construire le chemin
de fer, de la frontière portugaise à Pretoria, sans subvention de la part de l'État.
M. James Nicolls, représentant d'un syndicat de Mafeking, dans le Be*Chuana-
land, a obtenu du chef Moremi, dans le voisinage du lac Ngami, une concession
minière d'un territoire de 400 milles carrés.
Une protestation des négociants de Eokstad a été adressée an gouvernement
colonial du Cap contre l'autorisation donnée par Oumzimkoulou, chef de l'£ast-
Griqualand, à un Arabe d'établir un commerce dans cette ville, les négociants
susmentionnés craignant une invasion des trafiquants arabes.
Le Comité des missions évangéliques de Paris a décidé l'envoi au Zambèze de
IL Adolphe Jalla, dont le frère est déjà à l'œuvre dans la station de Seshéké.
Le chef indigène Kamahéréro a conclu avec un Anglais, nommé Lewis, une
convention qui annule les concessions faites à la Société allemande de l'Afrique
occidentale méridionale. Il a en outre, dit une dépêche du Cap, fait expulser les
missionnaires, et ne veut plus entendre parler du protectorat allemand. M. Gœring^
commissaire du gouvernement allemand, s'est retiré à Wallfisbbaj, mais a donné
l'ordre aux employés de la Société de rester provisoirement à leur poste.
La Compagnie Eastem and South African Tdegraph a déjà commencé à poser
on c&ble sous-marin qui devra relier Capetown à Loanda.
Le résident que le gouvernement portugais a envoyé à San Salvador, en annon-
çant son arrivée aux missionnaires baptistes anglais qui travaillent dans cette
ville, leur a rappelé que, conformément aux stipulations de l'acte de la Confé-
rence de Berlin, la liberté religieuse leur était garantie.
Le nouveau steamer la Ville de Bruxelles a fait dans la deuxième quinzaine
d'octobre, sur le Stanley-Pool, des essais de navigation qui ont été satisfaisants.
Après avoir achevé l'exploration complète du Kassaï, du Sankourou et de leurs
afQuents, le steamer le Roi des Belges a entrepris la reconnaissance commerciale
du Haut-Congo, sous la direction de M. Delcommune.
Un nouveau bateau à vapeur, La France, de la maison Daumas, Béraud et C**,
est arrivé à Brazzaville où l'on procède à son remontage.
M. le missionnaire H. Châtelain a eu la bonté de nous communiquer une lettre
de M. le Bishop W. Taylor, en ce moment à Liverpool, d'où il écrit le 21 décem-
bre : Je n'arriverai probablement à Loanda que vers la fin de mai. M. Henley
Wright est un bon éleveur de bestiaux. Il formera un troupeau à Libéria pour
fournir toutes nos stations de la c6te occidentale. Il nousfaut du lait, de la viande
et des bœufs de travail. Nous avons embarqué deux taureaux et quatre génisses
du troupeau de lord Egerton, près de Manchester, pur sang, à courtes cornes. Nous
aurons en outre dix ou douze génisses de Madère ou de Grande Canarie. Nous lea
établirons probablement dans le voisinage de Sinoe. On ne peut pas faire grand'-
chose sans charrue, et l'on ne peut labourer sans bœufs ou chevaux.
M. Taylor, missionnaire noir au Sénégal, est retourné à son poste après un
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temps de repos passé en Europe. Le Comité des missions évangéliques de Paris a
décidé d'enroyer à St-Louis M. Ëscande, qui, après ses études de théologie, a
suivi des cliniques de médecine et s'est exercé au maniement des instruments géo-
désiques à l'observatoire de Montsouris.
D'après le Réveil du Maroc, l'Angleterre réclame 80000 livres sterling pour
l'incendie de la factorerie Mackenzie, an Cap Juby.
La mission technique accréditée auprès du sultan du Maroc, a commencé à
frapper de la monnaie d'or et d'argent pour le compte du gouvernement maro-
cain. Cette monnaie est du système de l'union monétaire et du même titre.
LE TRACÉ DU CHEMIN DE FER DU CONGO
Dans un précédent numéro (voyez IX""' année, p. 358), nous annou-
cions, d'après le Mouvement géographique de Bruxelles, que le travail
de reconnaissance et le levé de la direction générale du chemin de fer
du Congo étaient sur le point d'être terminés. L'entreprise qui, au
début, paraissait à beaucoup d'esprits irréalisable, se transformsHt par
l'étude en un chemin de fer sans difficultés spéciales, et qui, sous le
rapport du prix, permettrait de rester dans des limites très ordinaires.
Le journal susmentionné vient de publier une carte du levé général de
Matadi à Ntempa, que nous croyons devoir reproduire en l'accom-
pagnant de quelques détails, propres à la faire bien comprendre,
extraits du rapport de M. Cambier, directeur des études.
La partie la plus difficile de la tâche des ingénieurs s'est présentée à
leur départ de Matadi. Il s'agissait là, en effet, de gravir, à travers une
région rocheuse, excessivement tourmentée, une crête de plus de 250~
d'élévation, et ensuite de redescendre vers la Mpozo le versant opposé,
qui, sur une distance de deux kilomètres et demi, présente une diffé-
rence d'altitude de plus de 200™, le point du passage projeté de la
Mpozo se trouvant à 50™ au-dessus du niveau du Congo à Matadi.
Outre les difficultés inhérentes à la nature du sol, les ingénieurs eurent
à surmonter celles qu'opposèrent à leurs travaux, en 1887, le^ pluies et
les tornados. Peu nombreuses pendant le mois d'octobre, les pluies
devinrent beaucoup plus fréquentes en novembre et décembre. En
même temps, la température qui, en août, ne dépassait pas 30' centi-
grades, atteignit 37 ** en novembre. La végétation se développa rapide-
ment, surtout au fond des vallées, et devint bientôt un obstacle sérieux
à la continuation des opérations. La rosée, très abondante, ne se dissi-
pait pas avant 10 ou 11 heures du matin, malgré l'ardeur dés rayons
nrr
— 23 —
solaires, et l'atmosphère était si chargée d'humidité, que, par le temps
couvert et les jours de pluie, il devenait impossible de travailler aux plans.
De tous les cours d'eau de la rive méridionale du Congo rencontrés
pendant les études, il n'y en a que trois qui puissent être considérés
comme importants. Celui qui olfre les difficultés les plus sérieuses est la
Mpozo ; pour les surmonter, plusieurs tracés se présentaient, dans le
détail desquels le peu de place dont nous disposons ne nous permet pas
d'entrer. Bornons-nous à celui qui paraît offrir le plus d'avantages. H a
son origine au débarcadère de Matadi, descend la rive gauche du Congo
jusqu'à la factorerie de Fuka-Fuka, puis s'élève sur les flancs de la
colline qui sépare cette factorerie de celle de Kala-Kala , remonte le
ravin de ce nom, d'abord sur la rive droite, puis sur la rive gauche,
pour repasser k 2 kilom. au sud de la station de Matadi, dans le ravin
Léopold, par un col à 155" d'altitude au-dessus du point de départ. Il
remonte ensuite le ravin susmentionné jusqu'au col de partage qui
sépare celui-ci du bassin de la Mpozo, à 270" d'élévation, et de là redes-
cend vei*s la rivière, pour la franchir à la cote de 90", en profitant de
toutes les sinuosités du terrain, afin d'acquérir le plus de développement
possible. Par là, on évite une région dans laquelle se sont produits
des éboulements considérables, et le pont sur la Mpozo sera moins élevé
que si l'on avait choisi le passage de cette rivière à la cote de 50".
Après la Mpozo, la Loukounga est la rivière la plus importante; la
vallée qu'elle arrose est des plus fertiles et des plus peuplées. Sa lar-
geur varie entre 8 et 10 kilom. Elle est limitée à l'est par le ma»ssif
rocheux de Bangou, dont les flancs escarpés s'élèvent à plus de 250"
au-dessus de la plaine. Heureusement, près du village de Kimpessé, par
5°,33',30", latitude sud, la vallée s'infléchit vers l'est, puis, immédiate-
ment après, vers le N.-E., en se dirigeant, sur un parcours de 50
kilom., dans la direction générale à suivre pour arriver au Stanley-Pool.
Dans cette région, la ligne de faîte entre la Loukounga et le Quillou
est très basse. A partir de son coude vers le N.-E., la vallée perd beau-
coup de son importance ; ensuite elle se rétrécit et n'a plus que 2 à
3 kilom. de largeur; les rochers qui la limitent vers l'ouest sont, en
grande partie, de nature calcaire.
A partir du village de Mani, les ingénieurs eussent désiré quitter la
vallée de la Loukounga, pour se diriger vers l'est; mais il leui- fut
impossible de trouver des guides pour cette direction, à cause de l'hos-
tilité existant entre les habitants du pays où ils se trouvaient et ceux
de la contrée où ils voulaient se rendre. Us s'étaient fait un devoir, pour
«
— 24 —
faciliter leurs travaux futurs, de s'efforcer de gagner la confiance des
populations et de s'attirer leur sympathie. Grrâce au tact de M. Dann-
felt, qui dirigeait leur caravane, et h la connaissance quMl possédait des
mœurs et du langage des indigènes, ils y ont pleinement réussi. Pai-tout
ils ont été amicalement accueillis ; les seuls ennuis qui aient retardé
leur marche ont été causés par les réceptions, parfois trop enthou-
siastes et toujours généreuses, des indigènes dont ils traversaient les
villages, et qui voulaient les retenir quelque temps au milieu d'eux.
Aux sources de la Loukounga, le terrain redevient assez accidenté,
mais on ne retrouve plus les pentes abruptes rencontrées dans la pre-
mière partie des études ; les montagnes ont une allure régulière, qui
permet toujours d'atteindre le point oU elles devront être franchies, en
prenant le développement nécessaire. De la vallée de la Loukounga, le
tracé passe dans celle du Ngongo, affluent du Quillou, puis dans celle de
la Lunsadi, séparée de celle de Tlnkissi par un fatte peu accentué.
Pour atteindre l'Inkissi, les ingénieurs eurent à traverser un pays for-
tement mamelonné. Au point de passage, la rivière a plus de 100° de
large et court dans une vallée étroite et assez encaissée. Son lit est géné-
ralement peu profond et parsemé d'îlots rocheux qui faciliteraient la
construction d'un pont.
A partir de la rive droite de l'Inkissi, la densité de la population dimi-
nue beaucoup ; les plateaux y sont plus élevés ; la nature du sol devient
argUo-sablonneuse ; des forêts couronnent les hauteurs, et le lit des
ravins est creusé dans un sol plus friable; Le seul affluent considérable
de la rive droite de l'Inkissi est la Loukoussou, qui a 40" de largeur sur
0",65 de profondeur.
A 25 kilom. de l'Likissi, on atteint la ligne de partage des eaux entre
cette vallée et celles des rivières tributaires du Stanley-Pool ; ce faîte est
peu accidenté, mais très boisé. Le tracé reprend bientôt une direction
nord. En approchant du Stanley-Pool, la caravane eut à traverser une
chaîne de montagnes qui limite au sud cette vaste expansion du Congo,
à 90° ou 100° au-dessus du niveau des eaux du fleuve. Dans toute cette
région montagneuse, les vallées sont étroites, très profondes, et leur
passage exigerait un développement de voie ferrée considérable.
Entre cette chaîne et le Pool, sur une distance de 12 à 15 kilom. de
largeur, s'étend une plaine unie, couverte d'un sable grossier et offrant
une grande facilité pour la construction du chemin de fer, quel que soit
le point choisi par les ingénieurs pour l'emplacement du port à créer.
De ce point à l'Inkissi, la vallée du Congo est limitée, à une distance
_ 25 —
yaiiable de 3 à lûidlom., par une chatae de montagnes dont les <
éperons vont en s' épanouissant jusqu'^uu rives du tleuve. Les son
de ces éperons forment des plateaux réguliers, att^guajit jusqi
et 12 kilom. de longueur, séparés par des vallées étroites, par lesq
les cours d'eau, de peu d'importance, se déversent dans le Congo
Depuis la publication du rapport de M. Cambier, des lettres de
poldville ont apporté des détails sur la marche de l'expédition
Ntempa, à 25 kilom. environ de l'Iakissi, et Kinchassa, et sur l'ai
des ingénieurs au Stanley-I'ool, point terminuE de leurs travaux
brigades, précédées d'une escouade de bûcherons et de sapeurs
posée de 25 Uaoussas et Zanzibantes, ont suivi d'abord la val
la Loucaya jusqu'au village de Eimouiza, d'oii elles se sont élevé
le faite qui sépare le bassin de cette rivière de celui des cours d'et
se rendent directeoient au Stanley-Pool. A ce niveau, elles se sont
vées sur un magnifique plateau, d'oii elles sont ensuite de:<cei
avec la plus graade facilité, vers la plaine de Kinchassa. M. Charni
avec )'avan^garde de l'expédition, arrivait au Pool dans la deu
quinzaine d'octobre, et au départ du courrier (28 octobre), les
brigades d'ingénieurs campaient dans la plaine,à 8 tcitom. de Kincl
M. Channaone pensait avoir complètement terminé tes études du
le û novembre, prendre deux jours de repos à Léopoldville, puis
cendre avec tout son monde vers Matadi, où il espérait an-lver à
pour prendi-e II Banana la malle du 17 décembre qui arrive en E
au commencement de janvier.
LES INTÉRÊTS MISSIONNAIRES
DANS L'AFRIQUE ORIENTALE ÉQUATORIALE
Pour montrer à ses lecteurs l'importance comparative des ir
des nationalités ' européennes menaoés par les désordres qui tro
■ n j a lieu de faire remarquer que le mot natlon&lité a'&ppliqae au i
utire ou à l'auociatioi) qui l'enToie; mais que, âans l'Afrique équatoriaU
tmlc comprise entre l'Océan Indien, le Zambëie, les lact Nyaisa, Tang
Victoria-Nyanza, et la Tana, le territoire ressortit, au point de vue politiq
sphères d'influence anglaise, allemande et portogaise, au sultan de Zani
des États indépendants tels que l'Ou-Ganda, on n'appartient à aucune t
reconnue.
î^u^-
■%^-- ■' - 26 -
•- ■ *
et'- ^■-;
l'Afrique orientale, le Tùnes a publié le tableau suivant des missions
^f r chrétiennes dans cette partie du continent. •
(^':: :, Les pays intéressés dans ces missions sont l'Angleterre, l'Allemagne
r\^v _ et la France; 1^ missions appartiennent au protestantisme ou au
;i: : ^ catholidsme.
Les missions anglaises protestantes sont celles de l'Église anglicane
(épiscopales) ; celles des Universités (épiscopales) ; de l'Église établie
d'Ecosse (presbyt^iennes) ; de l'Église libre d'Ecosse (presbytérien-
nes) ; des missions de Londres (congrégationalistes) ; des Églises libres
méthodistes unies. Il n'y a point de mission catholique romaine.
Les stations de la mission de l'Église anglicane se rattachent à deux
branches, dont la plus ancienne est celle de Mombas, au bord delà
mer; l'autre, celle du Victoria-Nyanzà, a sa base d^opération à ZaJia-
bar. A la première appartiennent les stations de Mombas, Frere-Town,
Rabaï, Kamlikéni, Kisouloudini et Schimba, situées dans le territoire
du sultan de Zanzibar; celle de Teïta est dans la sphère d'inthience
anglaise, et celle de Chagga reconnaît le protectorat allemand. La
Société possède un steamer qui relie Mombas et Zanzibar. Les stations
suivantes appartiennent à la seconde branche : Mamboïa, Mpouapoua,
Kisokoué, dans l'Ou-Sagara; celle d'Uyùi dans l'Ou-Nyaniembé; Mtin-
gira, dans rOu-Soukouraa;Ousambiro, Msalala et Nasa, dans l'angle
sud-est du Victoria-Nyanza; Roubaga,dHns l'Ou-Ganda. Ges stations ne
sont pas toutes occupées actuellement; la difficulté d'y envoyer des ren-
forts s'y oppose; il est possible d'ailleurs que quelques occupations ne
soient que temporaires.
La mission des Universités a deux branches distinctes dont la pre-
mière, celle de Zanzibar, a u^ port de mer, l'aptre est la branche du lac
Nyassa, dont la b/içe d'opération est Quilimane, dans la colonie portu-
gaise, port que le Zarabèze et le Chiré mettent en communication avec
les stations de l'intérieur.
A la première branche se rattachent la station de Zanzibar; celles de
Mkusi, Amba, Magila, Misosoué, dans l'Ou-Sambara; de Masasi,
Newala, Chitangall et Mtoua près de la Rovouma, et beaucoup d'autres
plus petites. Elles sont toutes, à l'exception de celle de Zanzibar, dans
la sphère de l'intluence allemande. A la seconde brandie appartienn^t
les stations de l'île de Lukoma, sur la côte orientale du lac Nyassa, de
Chitési et de Mayenda. La Société possède un steamer pour la naviga-
tion sur le lac.
L'Église établie d'Ecosse a la station principale de Blantyre, sur le
^
— 27 —
lac Chiroua, avec des annexes en communication avec Quilimane par le
Chiré et le Zambèze.
L'Église libre d'Ecosse a pour stations Bandaoué sur la côte occiden-
tale du lac; A-Ngonîland, sur le plateau; Karonga à l'extrémité N.-O. du
lac; la station du cap Maclear, au sud du lac, et celle de Kikousi sûr le
plateiiu. Un steamer de commerce appartenant à une compagnie indépen-
dante maintient ouvertes les communications entre le lac et Quilimane.
lia ^ciété -des «aissions de Londres a la dation d'Ourambo dans
l'Ou-Nyamouézi; celles de l'île Kavala sur la côte occidentale du Tan-
ganyika, et de Fambo sur la rive méridionale du lac ; ces deux derniè-
res sont en communication avec Quilimane par la route Stevenson, entre
les lacs, le Nyassa, le Chiré et le Zambèze ; celle d'Ourambo, avec Zan-
zibar à travers un territoire situé dans la spbère d'influence allemande.
L'Église libre méthodiste unie a les stations de Ribé et de Yomvou
près de Mombas ; de Golbanti dans le pays des Gallas. La situation en
est périlleuse. L'année passée le missionnaire et sa femme ont été mas-
sacrés avec beaucoup de chrétiens indigènes.
Les missions protestantes allemanJdes sont celles de Neukirchen, de
Bavière, de Berlin. Celle de Neukirchen a la station de Ngao, dans le
pays des Gallas, sur la rive septentrionale de la Tana. C'est une mis-
sion toute récente qui a subi de terribles épreuves; la base d'x)pération
en est Witou; elle travaille chez les Wa-Pokomo.
La mission bavaroise a les stations de Mboungou et de Jimba, près
de Mombas. Cette mission très récente se propose de travailler parmi
les Wa-Kamba.
La mission berlinoise, aussi de fraîche date, a les stations de Zanzibar
et de Dar-esrSalam .
La mission catholique allemande, fort jeune également, s'est installée
à Dar-es-Salam, en opposition à la mission romaine de langue française
établie depuis longtemps à Bagamoyo.
Quant aux missions françaises, il n'y en a point de protestantes. Les
catholiques romaines sont celles de Notre-Dame d'Afiique, du St-Esprit
et du Sacré Cœur de Marie, et des Jésuites.
La mission de Notre-Dame d'Afrique est la création du cardinal Lavi-
gerie, évêque de Carthage. Elle a deux branches: l'une, celle du Vic-
toria-Nyanza a pour stations Roubaga, dans l'Ou-Ganda ; Boukoumbi
au sud du lac, et Souérou dans l'Ou-Nyamouézi ; l'autre, celle du
Tanganyika avec la station de Rouwoua sur la côte occidentale du lac
et celle de Karéma sur laquelle M»' Lavigerie compte beaucoup dans
son projet de croisade contre la traite.
oissionA du St-Eeprit et du Sacré Cœur de Marie, foadâee par le
oraer, out pour stations Bagamoyo k la côte, et Mhonda daoB le
i.
résuites oQt une station h Tété sur le Zambèze; et peut-être d'au-
nord de ce fleuve sur les progrès desquelles on n'a pas d'infor-
a donc en totalité six missions anglaises, quatre allemandes et
ançaises.
lodété des missions anglicanes y travaille depuis trente ans; la
I française de Bagamoyo est venue ensuite. Toutes deux sont
ures aux grandes explorations de Livti^stone. Les antres sont
eures ; quelques-unes sont très récentes.
les seront les conséquences des troubles actuels au point de TOe
jsioQs '.' Il semble que l'œuvre civilisatrice pacifique commencée
missionnaires doive en être complètement arrêtée.
CORRESPONDANCE
.tF« de T«ti( d« M. A. Demafftej't Insénlenr des mlaei.
TaU {Ma-TébÉléluid|, 9 octobre 1888.
Cher Monsieur,
s'est rien passé de bien intéressant, au Ma-TêhélêlaDd, ces deux dernien
ipendaDt, si peu importantes que soient les nouvelles, je tous leaeuToie.
elooB, le chasseur, parti de Shoahong il y a quelques mois pour aat
ion de chasse qui devait durer deux ans, a été attaqué traîtreusement in
1 Zambèxe par un parti de Ma-Choulcouloombé. — Douze de ses bomaes
tués. Il a dd prendre la fuite, abandonnant wagons et animMu. — Vat
rmée) envoyée au Zambëee par Lo-Bengula pour faire une rauii de
ux et d'esclaves, est revenue, il y a quelques jours, avec nn bntiii
rable et a ramené quelques-ims des animaux de Selous.
engula est bien ennuyé en ce moment. Les Coneemim'ê hunten ne lu
pas un moment de tranquillité. Il doit y en avoir une trentaine autour du
:uellement. Lo-Bengula a beau déclarer qu'il ne veut accorder «ucane
ion, que s'il y a de l'or dans son pays, il veut l'exploiter lui-mSme, ils ne
ent pas décourager et reviennent constamment à la charge. Comment wli
'il?je n'en sais rien. M. Moffat et Sir Shippard, administratenr do
analand, sont en ce moment auprès du roi.
robelaar, représenUint du Transvaal au Ma-Tébéléland, est mort des BitiKf
lesanre re^ue dans on conflit avec des soldats de Khamé. Comme vous ^
lement renseignés sur cette «flaire par les joamaux du Cap, je ne m'éwsde
— 29 —
pu sur ce snieu Chacun des deux partis prétend, natorellement, que l'autre est
Tigresseur. Les Boers ont essayé, dit^on, d'entraîner Lo-Bengnla dans une
querelle avec Khamé. Mais Lo-Bengula aurait déclaré vouloir rester neutre. Il a
refusé, d'autre part, les ouvertures qui lui étaient C&ites par M. Moffat, en vue
de fixer une frontière entre ses États et ceux de Khamé.
A. Dehaffey.
BIBLIOGRAPHIE
ly WiLH. Junkbr's reken in afmka, 1875-1886. Nach seinen Tage-
bûchem untep der Mitwirkung von Richard Buchta. In drei Bander
oder circa 50 Liefeningen mit circa 300 ktinstlerisch-volleudeten Ori-
ginal-Ulustrationen und zahlreichen Original-Kartcn. Wien und Olmûtz
(Edouard Hôlzel), 1889, in-8«, l^ Lieferung, 34 kr. — Nous attendions
avec une certaine impatience que le retour en Europe du D' Junker, et
le rétablissement de ses forces épuisées par plus de douze années d'ex-
plorations dans l'Afrique centrale, lui permissent de publier les nom-
breux matériaux amassés pendant ce long laps de temps. L'impatience
était d^autant plus légitime qu'il s'agit, nos lecteurs se le rappellent, de
la r^on sur laquelle l'attention de tous les amis de l'Afrique est fixée
depuis que Stanley a quitté les bords de l' Arououîmi pour se diriger vers
Wadelaï, au secours d'Émin-pacha. En effet, l'Arououimi est le cours
inférieur de la Népoko dont le D' Junker, le premier, a exploré le cours
supérieur. Ce sera dans cette partie de l'Afrique, comprise entre le
bassin du Bahr-el-Ghazal et celui de la Népoko, au pays des Mombout-
tous et des Niams-Niams oti il a passé le plus grand nombre des susdites
années, que son ouvrage nous transportera. A ce que le D' Schweinfurth
nous a fait connaître des territoires au nord de l'Ouellé, le D' Junker
ajoutera, non seulement toutes les informations qu'un savant observateur
a pu recueillir sur l'orographie et l'hydrographie, la géologie, la flore,
la faune et l'ethnographie de la région au sud de cette rivière, mais encore
tout ce que sa connaissance de la langue et un long séjour au milieu de
populations non étudiées jusqu'ici lui ont permis d'apprendre de leur
histoire. Il nous fera assister à cette extension de l'influence arabe et de
la révolte du mahdi, devant laquelle il a dû se replier pour rejoindre
fanin-pacha à Wadelaï, d'où, plus heureux que le gouverneur de l'Egypte
^uatoriale, il a réussi à s'échapper malgré les intrigues des rois de
' On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bftle, tous les
oBTrages dont U est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
m
l'Ou-Oanda et de l'Ou-Nyoro. La livraison que nous avonts reçue est \»
première de l'ouvrage qai foi-mera trois forts voluniea. Elle nous montre i
l'explorateur au début de ses voyages en Afrique, eu 1875, dans te désert
lybique ; mais dès ce début, le lecteur comprend qu'il pourra suivre avec i
confiance cet observateur consciencieux, qui ne uéglige aucune des dou-
nées utiles h constater pour celui qui veut acquérir la couDaissance réelle |
d'un pays. Même les moments de repos sont employés à consulter \tf
instruments, thermomètre, hygromètres baromètre, & mesurer àxif i
angles, à noter des observations qui, le soir, au camjtemeot, seront Mi- |
gneuseuieiit reportée* avec détails dans le journal de voyage. Nous vou- j
driouij relever tous les faits intéressants consignés dans les 32 pages de
cette 1" livraison ; nous ne le pouvons, faute de place. Nous sigûalerous ,
cependant encore la forme agréable que Técnvainsait donner i an
récit ; le pittoresque de la description permet de voir le pays et les objets
dont il parle, d'autant mieux que de nombreuses illustrations très «h-
gnées peignent les épisodes du voyage, en même temps que le style dv
l'auteur en présente l'bnage à l'esprit.
On voit que Téditeur, M. Hdlzel, auquel la géographie est déjà rede- |
vable des beaux tableaux édités par lui en vue du perfectionnement de
l'eiiseiguement de cette science, ne négligera rien pour que l'ouvrage du
D' Junker puisse être placé à cdté des volumes les plus élégants de nos
voyageurs africains contemporains.
Uebebsichtskabte dek dbutschen Kolonœn, bearbeitet von J.-3
Kettler und C Biemer. '/«momii *" Auflage. Weimar (Geographisches
Institut), 1888. — Toutes les colonies allemandes en Afrique ei en
Océanie sont représentées sur cette feuille. Ce sont : la Nouvellt
Guinée, les lies Marschall, l'Afrique orientale allemande, les territoires
de Cameroun et de Togo et le Luderitzland. L'absence de relief et
l'emploi de couleurs bien distinctes rendent ces cartes assez claires pour
être mises dans toutes les mains. Elles ne donnent peut-être pas une
image complète et ti-ès détaillée des tenitoires soumis à l'Allemagne,
mais elles suffisent largement à ceux qui ne cherchent qu'à s'en faire
une idée nette, de manière à pouvoir suivre facilement les descriptions
fournies par les journaux quotidiens et les ouvrages de vulgarisation.
Henry Drummond. Tropical afrioa. London (Hodder and StougU-
ton), 1H88, in-8% 228 p., ill. et cai-tes, 6 sh. — L'aut«ur de ce volume
ne comptait pas publier les observations qu'il avait faites pendant un
voyage de Quilimane, par le Zambèze, le Cbiré, le lac Nyassa, jusqu'à
Mombcra sur la route Stevenson entre ce dernier lac et le Tangannkn.
— sa-
it une route pleine de tranchées et
honneur h un ingénieur de chemin
raTaiUaient régulièrement de 6 fa. du matin à 5 h. du
epo8 à midi, solidement, continuellement, yolontiers' et
t très gaiement. Et cela sous les tropiques, presque sous
ob l'énergie de l'homme blanc s'évanouit, et le laisse si
ent plus même donner l'exemple à ses gens. Le travail se
rainte ; les ouvriers arrivent de près et de loin, parfws
I loin ; ce ne sont point des esclaves, mais des volon-
e payés tous les quiuze jours, beaucoup restent à leur
saison ; leur seul salaire est un mètre ou deux de calicot
tr semaine. Aussi, me semble-t-il, un des plus grands pro-
aveuir de l'Afrique est résolu. Quant k la capacité, t'Afri-
liller; quant aux peucbants, il travaille volontiers et ses
ait leurs preuves. « Mais pour qu'il puisse travailler, la
li être assnrée. Pour cela il est ui^nt de rappeler à l'Eu-
DCours de tous est nécessaire afin d'arrêter les progrès
'ahisseurs. M. Drummond l'a fait dans des pages émues,
2e d'un témoin oculaire compatissant. Espérons que see
entendus de tous ses lecteurs.
etison. The Ababs im ceiitbai. Afhica and at lake
two maps. Glasgow (James Maclehose and Sons), 1888,
L'extension des Arabes dans l'Afrique centrale, et parti-
l'extrémité septentrionale du lac Nyassa, a engagé M. Ste*
Dter, en quelques pages, les ravages exercés par ces des-
la civilisation partout oii ils la rencontrent dans cette
intant ses renseignements à Liviugstone qui, dès 1871,
■ à Nyangoué, puis à Stanley, au D' Wolff, à Wissmaon,
Giraud, à Reicbard et surtout à M. Moii' de la Compagnie
lins, il indique l'immense étendue de pays déjà ravagée,
Snorrae d'hommes massacrés pour obtenir quelques mil-
'S et d'enfants esclaves. Dans les dernières pages, l'auteur
on du gouvernement anglais sur l'inâneiicede^ Portugais
le Mozambique, et sur l'importauee de la route entre le
'angaujika, meaacée par le pi-ogrès des Arabes dans ia
-0. Deux cartes, l'une hypsométrique, l'autre destinée à
utes suivies par les caravanes d'esclaves, les districts les
par les chasseurs d'hommes et ceux qui déjà aujourd'hui
épeuplés, donnent à cet opuscule un intérêt tPactualité.
— 33 —
BULLETIN MENSUEL ( 4 yétrier 1889'),
Le commepce entre le port de Marseille et ceux de l'Al-
gérie et de la Tunisie présente une activité dont le développement
progressif s'accentue chaque jour. Aux causes générales de ce progrès,
sont venues se joindre les exportations des primeui's que récoltent les
Algériens, ainsi celle des dattes provenant du marché de Biskra oii les
Mzabites les apportent ; les figues de Bougie dont les paquebots de la
Compagnie générale transatlantique transportent jusqu'à 100 tonnes
par semaine ; les oranges de Blidah ; les dattes de Tunisie. Les vins
aussi donnent lieu à un mouvement qui ne se ralentit pas ; les paque-
bots de la Compagnie susmentionnée n'en ont pas transporté moins de
4000 tonnes pendant le mois d'octobre, et du 1" au 6 novembre, ils
avaient chargé 2032 fûts. D'autre part de grandes quantités de farine
et d'orge sont expédiées en Tunisie. Dans la seconde quinzaine de
novembre, en une seule semaine, 200,000 kilog. d'orge ont été chargés
pour la seule destination de Gabès.
M. Masqueray, directeur de l'École supérieure des lettres d'Alger, a
profité de la présence, dans cette ville, d'une bande de Touaregs
prisomiiei*s, pour apprendre leur langue, en faire la grammaire, tra-
duire leurs récits, et se renseigner sur leurs mœurs et leurs usages. Il a
fini d'ailleurs par les aimer pour leur bravoure, leurs sentiments héroï-
<iues, leur mépris du danger et de la mort. Une seule chose les a
effrayés à Alger : les grands navires qui marchent sur l'eau; ils
n'avaient jamais vu la mer. Us combattent avec des lances de fer, se
mettent en selle d'un seul bond sur le dos du chameau, dont ils ont
abaissé la tête pour prendre un point d'appui; ils le dirigent par des
pressions sur le cou avec leurs pieds qu'ils ont fins et délicats, car ils ne
marchent presque jamais. Le gouverneur général a renvoyé deux de ces
prisonniers dans leur tribu, afin de nouer des relations avec les Toua-
reg et de les décider à venir réclamer ceux qui sont encore détenus.
U y a six ans, une colonie de Lyonnais se transporta un peu h l'est de
1
Bougie, le long du golfe de ce nom, sur les bords de rOued-Marsa, |
' Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Nouvelles corn- \
plémenttUres y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de j
l'Algérie, puis aUant à PEst, longeant ensuite la côte orientale du continent et
reyenant par la côte occidentale.
l'APRIQUE. — DIXIÈME ANNÉE. — N° 2. 2
accidentée, où, trouvant une terre pi-opice à la vigne,
lEsitôt des plautatioiiâ qui, s'étaut poursuivies progres-
BQt sur uue lougueur de 40 kilom. Eu ce moment, dil
Azérie, les vignobles de l'Oued-Marsa sont cornius de
ont déjà leur réputation faite. La meilleure preuve i
[ue maintenant l'on vient, non seulement de France ou
er leurs produits sur place, mais encore d'Amérique.
, uue bonne partie de la récolte a été expédiée au Br^
s vignobles couvrent les coteaux qui servent de feutre'
lies de la Kabylie, dont les pentes douces descende^
rranéc. Le sol sur lequel ils reposent appartient à ie»
es. 0» y rencontre, seuls ou mêlés aux terres d'allu-
s jurassiques, les schistes et les gi'ès, c'est-à-dire It*
rance, produisent les crus tes plus estimés, tels que Iw
i, les Hermitages, les grands fioi-deaux ; et ces terraia*
' apporter à leurs vignojs les qualités qui ont fait la
les frau(;ais.
gen de la Société de géographie de Vieinie ont i-eçu
une lettre du mahdi aux parentit de Slatid-
verneur du Darfour, devenu prisonnier du Kalifa,
iri et Rodolphe, et à tous lt« frères d'Abd-el-KâdrSla-
soiis savoir que, dès que votre frère eut été forcé de .*
istcs api-ès la conquête du Darfour, il adopta l'islft-
la au inabdi qui l'hiniora de sou amitié. Maintenant il
de nnus, comme un de nos couseilleiu intimes, consi-
iit content, gai et heureux au plus haut point. On m
li douleur, ni chagrin ; au contraire, il jouit d'une pa^
lerté d'esprit est pleine et entière; il est très estinii'-
ns comme notre propi-e tils, c'est un des mahdisteg lc>
i leitrc de 1886 à votre frère est parvenue à notre lieu-
le Souakim, Osman Digma nous Ta expédiée : nous la
immédiatement ; elle lui a appris que sa mère étail
s vous portiez tous bien.
uI-Kâdr Slatin demeure maintenaut avec nous, qu'il*'
icillcures conditions et qu'il jouit de toute notre consi-
sirous que l'un de vous vienne ici pour le voir, uous N
; sécurité — l'Aman^ au nom d'Allah, de son pi-ophète.
— 35 —
de son mahdi, et en notre propre nom, pour sa personne et pour ses
biens ; la plus haute distinction lui est assurée de notre part. Si, après
avoir vu son frère, il veut retourner dans sa patrie, nous le laisserons
repartir en paix et en tranquillité. Mais s'il désire rester auprès de
nous, il pourra le faire en tout honneur. Nous disons cela non seulement
pour vous, frères de Slatin, mais encore pour lequel que ce soit de ses
parents, ou pour tout Autrichien qui viendmit chez nous pour être reçu
par nous, nous lui promettons toute sécurité, nous l'autoriserons à nous
voir pei*sonnellemeut, en considération de Slatin, de sa piété sincère,
<ie sa foi à l'islam, et parce qu'il est devenu un des mahdistes les plus
haut placés et les plus considérés parmi nous.
« Nous vous faisons savoir ceci pour vous-mêmes, et vous chargeons
•d'en informer toutes vos relations.
« Une lettre de votre frère, qui vous parviendra en même temps que
<îelle-ci, vous informera de ce qui le concerne. » L. S.
1306, 4 Muharrem (11 septembre 1888).
Le Record a publié des nouvelles d' Abyssinie, transmises par M. A.
Swenson, missionnaire suédois, de M'kullo, à la date du 11 novembre.
« Hier au soir, » écrivait-il, « un marchand venu d'Adoua m'a dit avoir
vu, en juillet, M. Argawi, à Dobarki, dans la province de Wogera, oîi il
s'était enfui de devant les derviches, partisans du mahdi, qui avaient
détruit Derabéa et brûlé Gondar, la capitale. Toute l'Abyssinie occiden-
tale a été ravagée pai* eux. Des milliers de chrétiens abyssins, qui refu-
saient de devenir mahométans, ont été massacrés de sang-froid; per-
sonne ne connaît le nombre de ces malheureuses victimes. Les femmes
et les enfants ont été emmenés et vendus comme esclaves ; pai-mi eux se
trouvait la fille unique du roi du Godjam; celui-ci, ainsi que le roi du
Choa, était en état de révolte contre le négous. »
Nous avons déjà annoncé le retour à Mombas de l'expédition du
€omte Teleki, dans la région du Kilimandjaro et du Kénia.
Des pluies persistantes ne permirent pas de faire l'ascension du Kibo.
L'explorateur se porta alors vers le Kénia, dont il tenta seul d'attein-
dre le sommet, les autres membres de l'expédition étant alors tous
malades. Le cratère se trouve à plus de 5000™ d'altitude; im sommet le
domine de lOOO™. Des forêts, formées principalement de bambous, le
couvrent jusqu'à une hauteur de 3000°* environ. L'expédition se dirigea
ensuite vers le lac Baringo, qu'elle atteignit à Njemps*, sur la rive sud.
* Voy. la carte, VI"»« année, p. 64.
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érait pouvoir s'y reposer, mais il lui fut impossible de se- procu-
a nourriture à plus de 100 kilom. à. la roade. Il fallut se résou-
[ivoyer 150 hommes en chercher à Rikouyou, et, jusqu'à leur
se contenter de gibier, heureusement très abondant. Au bout de
)is, ces hommes reviurent avec une centaine de charges, mais
!nt l'expédition affaiblie par les privations et surtout par ie froid
dation à plus de 2500~ d'altitude. Les indigènes ne donnèrent
renseignements vagues et contradictoires sur le pays au non!
Baringo ; toutefois, il ressortait de leurs récits que le pays ne
it ni d'eau, ni de vivres. Laissant alors en arrière les malades et
chandises inutiles, le comte Teloki se remit en marche le
jr 1888, et, après seize étapes dans la partie nord du plateau de
, d'une hauteur moyenne de 2500" à 3000". il atteignit le mont
il est établie la tribu nomade des Burkenedji, qui lui fournit de
ides. Il nomma lac Rudolf un lac nommé par les indigènes
arok (mer noire), et dont il atteignit l'extrémité nord le 7 avril.
partie sud se trouvent dos pêchcui-s qui vivent sur de petite*
s du bord du la«, et se nourrissent de crocodiles et d'hippopo-
?lus au nord, il rencontra, à Reshiat, des Gallas, qui possèdent
p de dourha et d'immenses troupeaux de bœufs et d'ânes ; mais
la quantité de marchandises que portait sa caravane, elle ne put
en échange que du dourha ; car le fer, le cuivre, les cotonnades,
s valeur pour ces indigènes, qui ne désirent qu'un certain genre
s. L'expédition, n'en ayant pas, ne put se procurer de bestiaux,
lirigea ensuite, h l'est, vers un autre lac, le Basso-na-Ebor (lac
lue l'on ne peut atteindre que pendant la saison des pluies, car
inquc sur la route; celle du lac est salée. Le comte Teleki le
lac Stéphanie. Pendant la saison des pluies, tout le pays au
lac est inondé; l'eau a parfois près de 2" de profondeur; il y
1 outre deux grandes rivières impossibles à traverser. Passant
sud du lac, près d'un volcan eu activité, l'expédition rencontra
enses ti-oupeaux des Turkanas, tribu nomade qui ne voulut
s bœufs et ses chameaux que contre du tabac. La caravane n'en
as ne put obtenir que des chèvres, des moutons et des ânes.
lie marche de huit joui's dans un vrai désert, l'expédition meua-
uisement, réussit enfin à atteindre Njeraps, puis, par la route la
rte, elle regagna Naïwasha, Kikouyou, Taveta et Mouibas.
miteur dvs Colonies nous apporte les i-enseignenieiits suivant-s-
>rogrès accomplis par les Portugais â la baie de Uela^oa t
— 37 —
Le port de Loreozo Marquez qu'ile ont créé sur la Tembi, à u
taine distance de rembouchure, est au moins aussi bieu iustallé qi
du Cap et de Natal qui appartiennent k l'Angleterre. Il a été
depuis deitx ans des améliorations considérables. On y bâtit un
pour la douane qui a 66 mètres de Ion»; sur i;f ,5 de large. A &
trouvent des hangars pour machioes, des magasins à marchandis<
station du ebemin de fer de la baie de Delagoa au Trnnsvaal
dernière pourvue d'un bureau télégraphique et de loua les acce
nécessaires. Il a été consacré de grandes sommes à l'embelHssem
reste de la ville. On est en train de construire un vaste square (
de la résideuce du Gouverneur ; les rues ont été remises en éta
casernes sont en coui-s de construction, des routes ont été tracé»
ponts ont été construits pour donner accès k l'église, k l'hôpita
nouveau cimetière. L'éclairage est satisfaisant. Le quartier indi^
trouve, comme dans les colonies hollandaises, k une distance d'au
!) kilomètres de celui des Européens. On n'a pas réussi dans un p
«ssai k arrêter la malaria au moyen de plantations d'eucalyptus, a
■qu'un grand nombre d'arbres sont morts. L'organisation sanitaii
service des eaux laissent encore beaucoup à désirer. Il n'y a, poi
les besoins, qii'une seule fontaine où, toute la journée, des gens de
les couleui-s font queue pour faire leur provision d'eau. Les bal
-entassées tout près de la ville forment un vrai nid k fièvi-e. Le g
nement vient de voter 7,500,000 francs pour l'exécution de ti
publics; il est à espérer qu'on consacrera au moins une partie d
somme k l'approvisionnement d'eau et à des travaux d'assainist
de la ville. La garnison et la police ont été l'enforcées de 100 For
Un juge résident a été nommé, de sorte qu'il ne sera plus nécessi
se rendre jusqu'à Mozambique pour les affaires judiciaires. La lij
chemin de fer qui va jusqu'à Komatie, sur un parcours de 80 kilon
«st susceptible d'améliorations. La voie est posée sur une levéi
serait utile de recouvrir de ballast pour que les pluies ne l'emport
pas. A la suite d'un orage les communications ont été interceptée
dant six semaines ; 200 indigènes et 10 blancs travaillent continuell
à l'entretien de la voie. Jusqu'ici les recettes se sont élevées à 22,
par mois. Le trafic de cette ligne augmentera aussitôt que la v(
jusqu'à Pretoria et possédera un embranchement sur Ijarbertoi
terrains avoisinants appartieiment par moitié à la Compagnie et a)
vernement. Une concession a été accordée k (14 kilomètres de la b
Delagoa, oii, dit-on, ont été découverts des diamauts.
v-v
■•si
— 38 —
Le Mmionarj/ Herald de Boston publie une lettre écrite par
M. Bâtes, des bords de la rivière Buzy, dans les ÊUtto de Croan-
ifounyane, le successeur d'Oumzila, dont le royaume est censé
s'étendre du Zambèze au Limpopo, et de l'Océan Indien au pays des-
Ma-Tébélé. Les missionnaires américains ont trouvé les indigènes pleins
de cordialité et désireux de s'instruire. A en juger par ce qu'ils ont vu
le long de la Buzy, la population doit être très dense. Le voisinage des
rivières ressemble h un véritable jardin, avec des villages à chaque
centaine de mètres. Le sol peut nourrir un grand nombre d'habitants.
Quoique les missionnaires aient passé six semaines dans ce qu'on appelle-
la partie insalubre du pays, ils ont échappé à la fièvre, en prenant soin
d'avoir de bonne eau à boire et en la faisant bouillir lorsqu'ils pouvaient
avoir des doutes sur sa qualité. Us ont envoyé un message à Goungou-
nyane pour lui demander l'autorisation de s'établir dans ses États^
Mais le nombre des chercheurs d'or venus pour explorer le pays avait
été si considérable qu'aucun blanc ne pouvait plus obtenir audience de
la part di^ roi, et qu'on prédisait le même insuccès aux envoyés des.
missionnaires. Ce ne fut qu'au bout de six semaines d'attente que
Goungounyane les reçut et qu'il leur accorda ce qu'ils demandaient. D
s'est déclaré heureux de les voir venir chez lui et a envoyé des hommea
pour les conduire à son kraal. Pendant le séjour des missionnaires à la
côte, ils ont déjà pu constater que la grande majorité des indigènes
parlent le zoulou. Il y a en outre deux langues : l'une, le Jsi senji parlé de
la Sabi à la Buzy, et l'autre, le Jsi nhlwenga, au sud de la Sabi; ce
dernier d'ailleure a beaucoup d'aflBnité avec le zoulou.
La grande affluence des chercheurs d'or dans le pays des Ma-Téb«é
et dans celui des Ma-Shona a engagé le roi Lo-Bengula à publier
une déclaration portant que toutes les concessions minières dans les
pays susmentionnés et dans les territoires adjacents à celui du roi dea
Ma-Tébélé ont déjà été accordées. En conséquence, il a prévenu
tous les solliciteurs de concessions et tous les spéculateurs, que leur
présence dans le Ma-Tébéléland est désagréable au roi et au peuple et
que ceux qui persisteraient à vouloir entrer dans son pays, le feraient à
leurs risques et périls. Il a de plus sollicité l'aide de tous les chefs et de
tous les États voisins pour expulser ces spéculateurs de son territoire.
En opposition à cette déclaration, le consul de Portugal à Cape-Towa
a fait savoir, qu'ensuite d'instructions spéciales, son gouvernement ne
reconnaît pas les prétendus droits de Lo-Bengula sur le Ma-Shonaland
et sur les territoires adjacents, sur lesquels le roi du Portugal déclare^
— 39 —
avoir des droits de souveraineté. Aussi a-t-il proclamé nulles et non
avenues toutes les concessions de terre ou de mines accordées ou à
accorder à l'avenir dans le Ma-Shonaland et dans les territoires adja-
cents, et informé les intéressés que le gouvernement portugais n'en
reconnaîtra aucune. Le Journal de. la Chambre du Commerce de Londres
fait remarquer à ce sujet qiïe la protestation du consul du Portugal à
Cape-Towu OvSt en opposition avec les intérêts et même avec les droits
de la Grande-Bretagne. Il rappelle que Lo-BengulaaaccordéàM. Rudd
une concession de mines d'or qui s'étend au Ma-Shonaland, en échange
1" d'un paiement de 100 liv. sterl. par mois; 2*» d'une forte livraison
d'armes et de munitions; 3** du placement d'une canonnière sur le
Zambèze le long de la frontière septentrionale de ses États. Les rois du
Ma-Tébéléland, ajoute-t-il, sont depuis environ cinquante ans souve-
rains par droit de conquête du pays des Ma-Shona, fertile, bien arrosé,
riche en métaux précieux. Enfin, il oppose à la protestation du Portu-
gal le traité d'alliance que Sir Hercules Robinson, gouverneur de la
Colonie du Cap, a conclu il y a quelques mois avec Lo-Bengula, et par
lequel le gouvernement britannique a déclaré que désormais il considé-
rait comme faisant partie de la sphère d'influence anglaise les pays des
Ma-Tébélé et tout le territoire situé au sud du Zambèze, à l'ouest des
possessions portugaises.
M. F.-s. Arnot a rapporté à la Société de géogi'aphie de Londres
que la partie du pays de Lounda qu'il travei*sa, de Benguéla pour se
rendre dans les États de Mslri, était réduite en désert. De tous côtés
se faisaient remarquer de vastes clairières, oîi, à une date récente, s'éle-
vaient encore des villages, mais oîi maintenant l'on ne voit plus personne.
A son arrivée dans la capitale de Msiri, des trafiquants arabes, demi-cas-
te, firent tout ce qu'ils purent pour empêcher le roi de le recevoir. L'un
d'eux fit un grand discours pour déterminer Msiri à le faire mourir ou à le
renvoyer. Le roi répondit que n'ayant vu jusque là aucun Anglais, il ne
pouvait exprimer aucune opinion sur les ^accusations portées contre
M.. Arnot; « mais, » ajouta-til : «je sais une chose, je vous connais vous
Arabes, » et il suspendit son jugement. L'étranger fut mis en quarantaine
pendant six joui-s, durant lesquels Msiri convoqua tous les docteurs et
les devins du pays pour accomplir certaines cérémonies destinées à faire
découvrir si le cœur du nouveau venu était aussi blanc que sa peau. Ils
préparèrent des décoctions de médecines dans lesquelles ils mirent de
petits morceaux d'écorce ou de bois; le lendemain, si ceux-ci n'avaient
subi aucun changement, c'était une preuve que le cœur du visiteur était
■ I
— 40 —
en bon état; si, au contraire, ils étaient altérés, on ne (levait plus
avoir confiance en lui. Cette épreuve et d'autres encore tournèrent en
sa faveur. Aussi Msiri ordonna-t-il à tout son peuple de faire à
M. Amot une réception cordiale. Lors de la présentation au roi, le
missionnaire le trouva entouré de 500 femmes, qui sont en réalité
ses ministres d'État. Son empire est divisé en une quantité de
provinces, dont chacune est gouvernée par un petit chef qui reçoit de
lui une coquille (Omande) comme signe de son oflBce; chacun d'eux est
représenté à la cour par une des femmes de Msiri ; ce sont elles qui
perçoivent tous les tributs et qui fournissent l'entretien aux visiteurs.
Enfin est arrivée à Bruxelles une lettre de Stanley, non pas une lettre
adressée au gouvernement de l'État indépendant du Congo, mais celle
que Stanley écrivait à Tipo-Tipo pour lui annoncer son retour sur
l'Arououirai. Elle est loin de répondre au besoin que nous avons de con-
naître les détails de son expédition de quatorze mois; mais telle qu'elle
est, nous devons pour le moment être satisfaits de la certitude qu'elle
nous fournit du succès de cette expédition.
Borna de Banalya (Murenia), 17 août 1888.
Au cheik Ahmed-ben-Mohamed, de son bon camarade
Henri'M. Stanley,
Je vous envoie bien des salutations. J'espère que vous êtes en bonne
santé comme moi et que vous vous êtes bien porté depuis mon départ du
Congo. J'ai à vous raconter bien des choses et j'espère vous voir sous
peu.
Je suis arrivé ce matin avec 130 Wang\^'ana, 3 soldats et 66 indigènes
appartenant à Émin. 11 y a aujourd'hui 82 jours que nous avons quitté
Émin sur le Nyanza *, et, pendant tout le trajet, nous n'avons perdu que
3 hommes. Deux se sont noyés, le troisième s'est enfui.
J'ai trouvé les blancs que je cherchais. Émin-pacha se trouve parfai-
tement bien, ainsi que Casati.
Émin-pacha possède de Tivoire en abondance, des milliers de têtes de
bétail, des chèvres, de la volaille et des approvisionnements de toute
sorte. Nous avons trouvé en lui un homme bon et aimable. Il a fait
cadeau de nombreux petits objets à tous nos blancs et noirs. Sa géné-
rosité n'aurait pu être plus grande qu'elle n'a été. Ses soldats ont litté-
ralement béni nos noirs d'être venus de si loin pour indiquer la route, et
' Vraisemblablement PAlbert-Nyanza.
XT
— 41 —
nombre d'entre eux étaient prêts à me suivre et à quitter ce pays, mais
je les ai priés d'attendre quelques mois, jusqu'à ce que je revinsse cher-
cher les hommes et les marchandises que j'avais laissées à Yambouya. Ils
ont prié Dieu de m'accorder les forces nécessaires pour terminer mon
entreprise. Dieu veuille que leur prière soit exaucée !
Maintenant, mon ami, dites-moi, qu'allez-vous faire ?
Nous avons fait la route deux fois ; nous savons où elle est bonne et où
elle est mauvaise. Nous savons oii il y a des vivres en abondance et où il
en manque, où se trouvent les camps, en un mot, où l'on peut s'arrêter
et se reposer.
J'attends avec impatience de vos nouvelles. Si vous m'accompagnez,
c'est bien; sinon, c'est encore bien. Je m'en remets à vous. Je resterai
ici une dizaine de jours ; puis je m'en irai lentement. Je vais me diriger
vers une grande île à deux heures de marche d'ici. Au delà de cette île,
je trouverai un gîte et des. vivres en abondance pour mes hommes.
Cependant, quoi que vous ayez à me dire, je vous écouterai comme tou-
jours avec le plus grand plaisir.
Si vous venez, venez vite, car je me mettrai en route dans onze jours,
au matin.
Tous mes blancs sont en boime santé, mais je les ai tous laissés derrière
moi, sauf mon domestique William qui m'accompagne.
Staxley.
Quelque discrète que soit cette lettre sur une quantité de détails que
nous aimerions à connaître, elle nous permet d'attendre avec certitude
un rapport complet sur les deux voyages de Stanley entre l'Ai'ououmii
et Wadelal. Le vaste espace qui demeure encore en blanc sur la belle
carte en quatre feuilles que publient, en ce moment même, les Mittheilun-
gen de Gotha dans leurs Suppléments sera en partie comblé ; le mystère
qui recouvrait jusqu'à aujourd'hui la région comprise entre le lac Albert
et les sources des tributaires de droite du cours moyen du Congo sera
en partie dévoilé. Sir Francis de Winton a communiqué aux journaux
anglais une lettre du major Parminter de Stanley-Pool, confirmant les
renseignements fournis par celle de Stanley. Il en résulte qu'au camp de
Banalya, sur l'Arououimi, Stanley a rencontré les débris de l'arrière-
garde commandée naguère pai* feu le major Barttelot et qui étaient
encore réunis là, sous les ordres de M. Bonny. Dans son voyage de
retour vers Émin-pacha, Stanley aurait été accompagné de M. Bonny et
de ce qui restait de l'ancienne arrière-garde. L'explorateur était tout
à fait décidé à ne pas rentrer en Europe par le Congo, D'après les
— 42 —
calculs de sir F. de Winton, il a dû rejoindre Émin-pacha vers le
17 novembre 1888; puis essayer de franchir les pays troublés de l'Ou-
Ganda et de TOu-Nyoro, pour arriver à Msalala, oîi se trouve son dépdt
de vivres, et gagner de là la côte. Ce voyage occuperait de six à dix mois,
suivant les diflScultés à vaincre dans l'Ou-GrandaetrOu-Nyoro; de sorte
que, d'après sir Francis de Winton, si tout allait bien, Stanley, reparaî-
trait à Zanzibar vers la mi-mai, au plus tôt, la fin de septembre au plus
tard.
Le Journal officiel a publié un rapport du ministre de la marine au
président de la République, relatif à Torganisation du Gabon et du
Con^o français. Les décrets de 1886 réglant les relations entre le
commissaire général de la République au Congo, Savorgnan de Brazza,
et le lieutenant-gouverneur du Gabon, M. le D' Ballay, n'étaient que
provisoires. Mais les diflBcultés qui avaient empêché d'appliquer les
mêmes règles à une ancienne colonie comme le Gabon et à de vastes
territoires encore incomplètement explorés comme ceux du Congo,
n'existent plus aujourd'hui. Le moment était venu de réaliser la fusion
administrative du Gabon et du Congo français, d'étendre l'action du
lieutenant-gouverneur à toute la colonie, en la subordonnant toutefois
partout au commissaire général. D'après le décret signé par le président
de la République, l'unification de l'ouest africain français est un fait
accompli. M. de Brazza continuera à remplir les fonctions de commis-
saire général, et M. le D' Ballay devient le lieutenant-gouverneur pour
toute la possession française, qui sera régie selon les règles qui ont pré-
sidé à sa formation. MM. de Brazza et Ballay, conquérants pacifiques,
continueront à éviter tout conflit avec les indigènes et à développer les
ressources économiques de la colonie.
Le projet de loi concernant la création d'un service maritime
postal entre la France et la c6te occidentale d' Afrique
pour donner à une ligne française le transport des produits du Congo
français, du Gabon et de la colonie de la côte de Guinée a été présenté
à la Chambre des députés. L'huile de palme, les arachides, le café, le
caoutchouc de ces pays, n'arrivaient sur les marchés français que par la
voie de Liverpool et de Hambourg, grevés de frais de toutes sortes, au
bénéfice des compagnies portugaises, anglaises et allemandes. Le projet
de loi prévoit la création de deux lignes principales avec Marseille et le
Havre comme points d'attache. Les paquebots de Marseille toucheraient
à Barcelone, Oran, Cadix, Dakar, Konakry, CapPalmas, Grand-Bassam,
Cotonou, Libreville et Loango. Ceux du Havre feraient escale à Cher-
— 43 —
bourg, Bordeaux, Lisbonne et Dakar (le reste comme pour la ligne
Marseiile-Loango). L'entrepreneur devra s'engager à transporter gra-
tuitement par voyage, d'un quelconque des ports français indiqués
dans l'itinéraire à l'un quelconque des ports du Gabon et du Congo
indiqués, cent tonneaux de matériel ou d'approvisionnement.
Nous avons mentionné dans un de nos derniers numéros les actes
d'hostilité et de cannibalisme dont se sont rendus coupables des tribus
voisines de la rivière de l'iialle (Oil River). Le consul d'Angleterre
accompagné du commandant de la division navale a visité les lieux où
ces faits se sont passés. Us ont pu délivrer quelques prisonniers et ont
imposé une amende aux coupables. A cette occasion. Sir James Fergus-
son, sous-secrétaire d'État au Foreign Office, a déclaré à la Chambre
des Communes que le gouvernement étudie en ce moment la question
de savoir de quelle façon seront administrées les contrées situées entre
les colonies de Lagos et du Cameroon, qui ne font pas partie des
territoires exploités par la Société royale du Niger. Un conmiissaire
spécial a été envoyé dans cette région avec mission de faire rapport sur
toutes les questions qui se rattachent au Niger et aux districts avoisi-
nants placés sous le protectorat de l'Angleterre
On mande de Saint-Louis, du Sénéipal, que des envoyés du chef
Thiéba sont venus à Bamakou affirmer les victoires de leur chef sur
Samory, dont le fils aîné et quatre frères ont été tués ainsi que beaucoup
de chefs sofas. Ces envoyés annoncent une nouvelle ambassade et deman-
dent l'ouverture au CMnmerce d'une route entre Bamakou et le Cana-
dougou^ Quant à Samory, il est toujours à Niako, sur la route de Bissan-
dougou. Un de ses fils et plusieurs chefs sofas occupent différents points
dans les environs de Fourou. Samory essaye de rallier à sa cause les
chefe du Ouassoulou. Karamoko a été battu entre les rivières Fié et
Milo par Diémary, chef de Koundiou et ancien partisan de Samory. Ce
dernier a dû interrompre sa marche vers sa capitale Bissandougou pour
tenir tête à Thiéba, qui le poursuit. Il se fortifie dans Niako et élève des
tatas et des sauiés.
JHOITTEULBB GOMPLttMEMTAIRES
Par la convention de Suez, le canal est devenu, depuis le l*' janvier, un bras de
mer mis d'un commun accord sous un régime spécial de neutralité. Il sera ouvert
k tous les pavillons, en temps de guerre comme en temps de paix, à la condition
* Voy. la carte, 1V*« année, p. 200.
— 44 —
que les belligérants s'y comporteront entre eux comme s^ils étaient en état de
paix.
D'après une dépêche de So^akim, un messager indigène envoyé à Khartonm est
revienu à la côte après un voyage de vingt-quatre jours. Il était porteur d^une
lettre de Slatin-bey, encore prisonnier. Lupton-bey était mort depuis le 5 mai.
A Khartoum, on était sans nouvelles authentiques d'Émin-pacha.
Des pèlerins de Takrourie (région du lac Tchad), partis d'Addamer, il y a un
mois, ont rapporté à Souakim que les derviches chassés d'El-Fascher, capitale du
Darfour, par les forces de Moheidin, envoyé du cheik des Senoussis contre les
Mahdistes, se sont enfuis vers El-Obeid, ville principale du Kordofan. Ils ont
déclaré en outre qu'il y a cinq mois les derviches ont été complètement battus à
Fashoda sur le Nil Blanc par des troupes régulières, probablement celles d'Émin-
pacha. En conséquence, le khalifa a suspendu les hostilités dans cette région.
La mission russe qui se rend en Abyssinie sous la direction d*un archevêque, a
cependant, comme chef réel, le général Nicolaïeff, qui a déjà fait comme explora-
teur plusieurs voyages en Abyssinie.
En réponse à une dépêche de l'explorateur Borazzini à la Tribuna, suivant
laquelle le comte Antonelli serait prisonnier du sultan d'Aoussa, l'agence Havas
a publié un télégramme de Rome annonçant que l'explorateur a écrit d'Aoussa
avoir reçu un excellent accueil de la part du sultan, avec lequel il a renouvelé le
traité d'amitié conclu avec l'Italie. Il se trouvait, le 27 décembre, sur la frontière
du Choa, où l'attendait une escorte d'honneur envoyée par le roi Ménélik. Une
dernière dépêche, adressée à l'agence Stefani, annonce l'arrivée du comte Anto-
nelli au Choa le 14 janvier.
Ménélik a écrit d'Entotto, le 22 septembre, une lettre adressée au président de
la Société italienne de géographie à Rome^ pour lui annoncer la mort de son fils
unique Astaossen, décédé peu de jours auparavant.
Des lettres de Harrar, en date du 20 décembre, rapportent qu'ayant acquis la
certitude que les rois du Choa et du Godjam étaient d'accord pour se révolter
contre son autorité, le négous est entré immédiatement en campagne et a infligé
un sanglant échec à Tekla-Iîaïmanot, roi du Godjam. Le roi Jean s'est emparé de
cette province sans difficulté ; Tekla-Haimanot est en fuite. Après cela, l'armée
abyssinienne a passé la frontière du Choa et marché Contre Ménélik qui a donné
ordre au gouverneur du Harrar de lui amener toutes les troupes de ce district.
D'après le dernier Livre blanc sur les affaires de l'Afrique orientale, l'Allema-
gne a établi une entente avec les gouvernements du Portugal, de l'Italie, de
l'Autriche et des Pays-Bas relativement aux mesures à prendre pour empêcher
l'importation d'armes dans cette partie du continent africain.
Il résulte d'un rapport de MM. les ingénieurs Rigault et Guignard sur les raines
de charbon de Bavatobé, à la côte N.-O. de Madagascar, que le gisement est beau-
coup moins étendu qu'on ne le croyait, et que le minerai est de très médiocre
qualité; en sorte que l'exploitation n'en serait pas rémunératrice.
Les nouvelles du Damaraland sont fâcheuses pour la Compagnie de l'Afrique
— 45 —
austri^e-occidentale. Le commissaire allemand, M. Oœrîng, a dû évacuer le terri-
toire de Kamahéréro, et les chercheurs d'or envoyés par des sociétés de spéculateurs
berlinois ont dû battre en retraite devant l'insuffisance dès résultats obtenus. Une
concession faite à M. Lewis, sujet anglais, antérieurement, paratt-il, à celle accor-
dée à M. Lûderitz, semble devoir rendre précaires les traités conclus avec les
Allemands.
M. Giuseppo Carona a été nommé représentant et agent commercial de PItalie
au Congo, avec la mission d'y étudier de nouveaux débouchés pour les produits
italiens. Le ministre de la guerre lui a remis quelques fusils de précision qu'il
emporte au Congo.
Voulant étendre au continent africain le bénéfice des mesures humanitaires for-
mulées par la convention internationale de Genève du 22 août 1864, l'État indé-
pendant du Congo a notifié son accession à cette convention en date du 27 décem-
bre, et en outre il a créé une Association africaine de la Croix-Rouge. Elle aura
pour but de donner des secours aux blessés et aux malades en temps de guerre,
€t de prêter aide et assistance à tous ceux qui, s'étant dévoués aux intérêts de la
•civilisation dans toute l'étendue de l'Afrique, sont atteints de blessures ou de
maladies, ainsi qu'aux indigènes malades ou blessés.
L'expédition des ingénieurs chargés des études du chemin de fer du Congo est
rentrée en Belgique. Tous ses membres sont en bonne santé ; ils ont heureusement
pu accomplir leur mission jusqu'au bout.
M. Hodister, qui dirige la factorerie de la Société belge du haut Congo à Ban-
^la, a fondé un nouvel établissement commercial au confluent de la Mongalla,
près du village de Mobéka.
Par décret du 30 décembre 1888, le souverain de l'État indépendant du Congo
a institué, sous le nom de l'Étoile africaine, un ordre destiné à récompenser les
services rendus à cet État et en général à la cause de la civilisation africaine.
Le D"^ Oscar Baumann vient de faire paraître la première feuille d'une carte au
1,400,000 du haut Congo, entre le Stanley-Pool et les Stanley-Falls.
Une commission est chargée de la délimitation des possessions françaises et
espagnoles dans la partie du littoral située au nord du Gabon. Ses travaux pouvant
durer assez longtemps, les deux gouvernements ont convenu à l'amiable d'établir
un modtfs vivendi provisoire jusqu'au règlement définitif de cette affaire.
Lie ministre des colonies espagnoles a été autorisé à passer un traité avec la
West African Telegraph Company pour la pose des câbles télégraphiques entre
Pemando-Po, le continent africain et l'île du Prince.
L'administrateur de Cotonou télégraphie qu'il a reçu une lettre du capitaine
Binger annonçant que cet officier se trouvait le 11 novembre à Salaga, par 8° lat.
nord et 3** longit. 0. Il comptait arriver à la Côte d'Ivoire au mois d'avril pro-
chain. Salaga étant à 300 kilom. environ à l'est de Kong, on se demande si
*
M. Treich-Laplèno, qui marche au nord dans la direction Assinie-Kong, pourra
accomplir jusqu'au bout sa mission, qui est de rejoindre le capitaine Binger.
Une mission a été confiée au capitaine du génie Ancel, aide de camp du gêné-
— 46 —
rai Faidherbe, et au capitaine Brosselard, officier d'ordonnance du ministre de la
gaerre, pour achever des études politiques, économiques et administratires com-
mencées par l'administration des colonies dans la région des rivières du sud ûvl
Sénégal.
CHRONIQUE DE L'ESCLAVAGE
La question de l'esclavage en Afrique acquérant de jour en jour plus
d'importance, nous donnerons dans chacun de nos numéros une chro-
nique des faits qui s'y rapportent, venus à notre connaissance dans le
courant du mois.
A mesure que les Arabes de l'Afrique orientale voient s'avan-
cer et s'étendre une civilisation qui ne tolère ni la polygamie, ni l'escla-
vage, ni la chasse à l'homme, ils redoublent d'audace et de cruauté
pour s'efforcer d'eu arrêter les progrès. Les faits qui se sont passés
depuis dix ans dans toute la région du Victoria-Nyanza, du Tanganyika
et du Nyassa, en sont la preuve. Ceux qui sont parvenus à notre con-
naissance pendant le mois qui vient de s'écouler, le montrent avec une
évidence plus éclatante encore. Nos lecteurs se rappellent Stanley ensei-
gnant à Mtésa, en opposition aux Arabes esclavagistes sous l'influence
desquels était le potentat de l'On-Ganda, que l'Évangile fait un
devoir d'aimer tous les hommes, sans en excepter aucun, tandis que
Mahomet apprend à ses disciples, que tuer les païens et les infidèles est
méritoire. Dès lors, des missionnaires, demandés par Mtésa lui-même,
avaient instruit le roi et une partie de ses sujets. Les Arabes qui étaient
à sa cour avaient profité des divergences existantes entre les missions
protestantes et les missions romaines établies dans l'Ou-Ganda, pour
tâcher de ressaisir le roi qui leur échappait. Le successeur de Mtésa,
Mwanga, persécutait ceux de ses sujets qui étaient devenus chrétiens.
Les nouvelles de Zanzibar, pubhées par le Times le 11 janvier, rappor-
tent qu'au mois d'octobre Mwanga conçut l'odieux projet de faire mou-
rir de faim tous ses gardes du corps en les abandonnant dans une île du
lac. Mais les gardes, prévenus, refusèrent de s'embarquer dans les
canots et retournèrent à la capitale, où ils attaquèrent immédiatement
le palais. Mwanga s'enfuit, personne ne le soutint, et son frère aîné,
Kiwewa, fut mis sur le trône. Celui-ci conféra à des adhérents du
christianisme les principales charges de la cour. Alors les Arabes devin-
rent furieux, massacrèrent un grand nombre des nouveaux fonctionnai-
res, et les remplacèrent par des musulmans. Après cela, ils attaquèrent
— 47 —
les missions anglaises et françaises, qu'ils brûlèrent ; en outre, ils tuè-
rent une quantité de néophytes. Tous les missionnaires réussirent à
s'échapper et arrivèrent sains et saufs à Ousambiro. Un hippopotame fit
chavirer la barque missionnaire, VÊleanor, et cinq néophytes furent
noyés. Les missionnaires français ne se départirent pas d'une grande
générosité envers leurs frères anglais. Quantité de lettres et des provi-
sions pour Stanley et Émin-pacha furent détruites. Mwanga se trouvait
prisonnier des Arabes à Magou et appelait à son secours les mission-
naires anglais. Les Arabes ont écrit à M. Mackay, à Ousambiro, une
lettre insultante, dans laquelle ils célèbrent leur triomphe et prédisent
l'extermination des missionnaires dans l'Afrique centrale, comme revan-
che de la politique anti-esclavagiste anglaise. Ils déclarent que l'Ou-
Ganda est devenu un royaume musulman. Que deviendra Émin-pacha
entre les États du mahdi, au nord de sa province, et ce nouvel empire,
gouverné par des mahométans enivrés de leur victoire?
Nos lecteurs se rappellent qu'aux termes de la convention anglo-alle-
inande du 1" novembre 1886, et ensuite d'un traité entre le sultan de
Zanzibar et la British East African Company, le territoire compris
entre la Wanga et la Tana ' est réservé à l'inHuence anglaise, et que la
société susmentionnée a reçu du gouvernement britannique une charte
qui lui confère sur ce territoire des droits de souveraineté très étendus.
C'est dans ce territoire que se trouve Momibas, dans le voisinage de
laquelle ont été créés les établissements missionnaires de Frère Towii,
Kisouloudini, Rabaï, en faveur des esclaves libérés par les croiseurs
anglais depuis la conclusion du traité entre l'Angleterre et le sultan de
Zanzibar en 1873, et remis par le consul général de S. M. britannique
aux missionnaires chargés de leur apprendre un travail pour subvenir
à leur entretien. Dans un article spécial (Voyez II"* aimée, p. 202-207 :
Frère Town et la question de l'esclavage dans le Zanguebar septentrio-
nal), nous avons montré la situation difficile faite aux missionnaires ])ar
les Arabes de Mombas, propriétaires d'esclaves dont un grand nombre
s'échappaient et allaient chercher un refuge sur les terres des stations
sui^nommées. La position aurait, paraît-il, empiré depuis l'arrivée
des agents de l'East African Trading Company fondée pour exploiter les
territoires auxquels s'applique la charte de souveraineté de la British
East African Society. S'il faut en croire un correspondant du Manches-
ter Qtuirdian, voici l'arrangement conclu entre M. Mackenzie et le
* Voyez la carte, VIII"« année, p. 92.
— 48 —
général Matthews d'une part, comme représentants de la Compagnie
anglaise, et Saïd-Haraed-ben-Suleiraan, ministre du sultan de Zanzibar»
et Salem-ben-Kalfan, gouverneur de Mombas, d'autre part :
« V Tous les Arabes de Mombas sont autorisés à vendre et à ache-
ter des esclaves et à s'en procurer autant qu'ils voudront dans l'inté-
rieur;
« 2*» Les Arabes sont autorisés, en outre, à mettre les esclaves dans
les chaînes ou à les punir de toute autre façon quand ils le mériteront ;
« 3° Eu louant des esclaves, pour les faire travailler ou pour des ca-
ravanes, il faudra s'entendre sur les prix avec les propriétaires de ces
esclaves ;
« 4r Les gages des esclaves ou les avances d'argent qu'on leur accor-
derait devront être remis à leui-s propriétaires ;
(( 5" Dans le cas où un esclave se sauverait pour se placer sous la pro-
tection des missions anglaises, ces missions seront obligées de le remettre
entre les mains de son propriétaire ;
« Les Européens, les Indiens, les Arabes, seront placés sous la juri-
diction du gouverneur arabe de Mombas ; les hommes de Vanika et de
Kamba restent, comme auparavant, sous la domination des habitants de
Mombas.
« Après cet accord, M. Mackenzie, le général Matthews et les habi-
tants de Mombas se sont rendus à la station des missions à Rabal pour
y prendre les esclaves fugitifs qui y étaient cachés et les ramener à leurs
propriétaires. N'ayant pas pu y parvenir, les représentants de la Com-
pagnie anglaise ont payé 25 piastres pour chacun des esclaves qu'ils
n'ont pu reconduire à leurs maîtres.
« Là-dessus, le consul général britannique à Zanzibar, le colonel
Evan Smith, a lancé une proclamation donnant avis qu'en vertu de l'ar-
ticle 370 du Code pénal indien, tout sujet anglais qui fait un contrat
avec le propriétaire d'un esclave pour employer ledit esclave, conmiet
un délit passible d'un emprisonnement de sept ans et d'une amende. Il
n'y a aucune loi qui défende à un sujet anglais d'employer un esclave
qui consent à travailler, pourvu que le contrat soit fait directement entre
les deux parties, et que les gage^ gagnés par l'esclave lui soient directe-
ment payés. Avis a été donné que toute violation delà loi à ce sujet serait
rigoureusement poursuivie. »
D'après le correspondant du Manchester Ouardian, l'efifet de la pro-
clamation du consul britannique aurait été d'arrêter tout le conunefce
fait pai- les Anglais et les Anglo-Indiens, par la raison que le débarque-
— 49 —
inent.et l'embarquement des marchandises, leur empaquetage, le
port du charbon, etc., ne sont faits que par les HamilUes qui so
des esclaves, travaillant pour le compte de leurs propriétaires K^
quels tes négociants sont liés par des coutratg. Aussi les sujets
se sont réunis pour agir en commun ; ils ont demandé et obt<
consul général k Zanzibar la si^pensiou des mesures édictées ]
jutiqu'à ce qu'ils aient i-eçu une réponse à une pétition envoyée
nistère des affaii-es étrangères. L'opinion anglaise s'est émue de
tude prise par la Société de l'Afrique orientale. Le secrétaire de
a nié, il est vrai, qu'aucun arrangement tel que celui mentio!
dessus ait été conclu. D'antre part il a dû convenir, et ce fait e
tirmé par des journaux missionnaires, que les agents de la East
Tr-ading Company ont été, avec les Arabes de Mombas, récian
esclaves fugitifs à Rabal. M. Price, agent principal de la Cburc
sionary Society, h Frère Town, écrit: « J'ai fait tout ce que
pour écarter des troubles de Rabal, peut-èti'e estimerez-vous que
allé trop loin dans la voie des concessions , mais la question ne p<
être facilement résolue. J'ai rencontré hier tous les principaux
de Mombas en pleine assemblée, le Wali, Haïued-beii-Suieiiuan
du sultan, M. Mackenzie et le général Matthews étaient prése
leur ai présenté une adresse dont je vous envoie la traduction ; elli
les satisfaire et il fut convenu que j'irais à Rabal avec Mackei
géuéral Matthews et tous les Arabes qui voudraient nous accom
pour reconnaître leurs esclaves et les réclamer. Beaucoup de
sont là depuis plusieurs années, ils ont été baptisés et admis à 1
muniou par l'évêque Parker, ils mènent une vie honnête, indépei
avec leurs maisons, leurs terres, leurs femmes et leui-s enfants, f
supposions pas que ce fussent des esclaves fugitifs. Ils sont très t
désespérés et décidés à combattre pour leur liberté ; beaucou
claves libérés se joindront à eux. C'est pour eux une question de
de mort. « Ils ont refusé de retourner chez leurs anciens mal
M. Mackenzie, de concert avec le consul général anglais, a cou
payer 87,500 francs à ceux qui prétendaient en avoir été les p
taires. Nous ne rappellerons pas ce que nous disions (11°" année,
de la comipanition à Mombas des missionnaires, MM. Streeter et
devant M. le juge consulaire anglais accompagné du D' Kirk aie
8ul général anglais à Zanzibar, pour y répondre aux plaiiitei^
contre eux par les Arabes. Le juge susmentionné avait déclaré
missionnaires dévouent rendra les esclaves fugitifs de Mombas, <
— 50 —
Arabes avaient le droit de les reprendre, même quand ils s'étaient réfu-
giés dans les chambres des missionnaires. Les fugitifs appartenant aux
Arabes et aus Souahélis durent être renvoyés conformément à cetta dé-
cision; ils s'enfuirent dans la campagne où ils furent tratiués comme
des bètes fauves par cinq ou six cents Souahélis armés. Frère Town et
le8 établissements similaires n'ont été fondés qu'avec rapprobation du
gouvernement anglais, les esclaves libérés ont été remis aux mission-
naires par l'ordre du D' Kirk, et néanmoins celui-ci bl&mait les mis-
sionnaires d'être allés, dans leui- pitié pour les esclaves fugitifs, plus loin
que ne le leur permettaient les lois du pays ou le traité de la Grande-
Bretagne établissant les droits des Anglais. Le Comité de la Société des
missions anglicanes dut même donner à ses agents, comme direction, de
n'en plus recevoir à l'avenir que dans des cas extrêmes. Le gouverneur
de Mombas dut publier que les établissements de Frère Town et de
Rabat se trouvant dans les États du sultan de Zanzibar, auçuQ esclave
qui s'y réfugierait n'y serait gardé, sauf lors(iue rfaumanité l'exigei-ait,
que l'esclave fugitif serait invité à retourner chez son maître ou que le
gouverneur serait informé de sou airivée à la station.
Ces mesures ne ]iaraissent pas avoir empêché la désertion de noiu-
bi-eux esclaves de Mombas. En effet, le secrétaire de la Compagnie
anglaise de l'Est africain a reconnu qu'eu dépit des efforts des mission-
naires, ces esclaves avaient l'habitude de venir se réfugier sui- les
stations. Ils viennent par petits groupes se cacher au milieu des indigè-
nes; dès qu'un missionnaire peut recunualti-e l'un d'entre eux comme
appartenant h un propriétaire de Mombas, il le rend il son malti-e.
Malgré cette ^'igilancc, M. Mackeiizie, agent de la Société, a trouvé que
le nombre des esclaves réfugiés à la station de Kabal ue s'élevait pas à
moins de 1,400; leurs maîtres arabes, indignés, accusaient ouvertement
les missionnaires de les cacher. Lorsque les mesures rappelées plus haut
furent prises par le D' Kirk et le juge consulaire, il y a 8 ans, relative-
ment aux esclaves fugitifs, le territoire dont il s'agit relevait esclusive-
nient du sultan de Zanzibar, et était régi par la loi du pays ; l'Angle-
terre ni aucune société anglaise n'y avaient de droits reconnus. Dès
lors, en vertu de l'Acte général de la Conférence africaine de Berlin,
de la convention anglo-allemande qui a réservé aux intérêts britanniques
le territoire oti se trouvent les établissements d'esclaves libérés sus-
mentionnés, et de la Charte octroyée à la British East Africari Society,
placée sous la surveillance du gouvernement britannique, il y a lieu
d'espérer que la question des esclaves fugitifs de Mombas sera résolue
— 51 —
d'une manière plus conforme aux droits de Thumanité. Si réellement il
y a eu une pétition des négociants anglais ou anglo-indous de Mombas.
au ministère britannique des affaires étrangères, la question ne manquera
pas d'être posée devant le Parlement qui ne permettra certainement
pas que les intérêts purement commerciaux d'une Société privée préva-
lent sur les intérêts de la morale et de la justice. Une clause comme
celle de l'article l"de l'arrangement cité plus haut d'après le Manches-
ter Ouardian, autorisant tous les Arabes de Mombas à vendre et à
acheter des esclaves et à s'en procurer autant qu'ils en voudront dans
l'intérieur, serait en contradiction absolue avec la disposition de l'Acte
général de la conférence africaine qui porte : Conformément aux princi-
pes du droit des gens, tels qu'ils sont reconnus par les puissances
signataires de la présente déclaration, la traite des esclaves étant inter-
dite et les opérations qui, sur terre ou sur mer fournissent des esclaves
à la traite devant être également considérées comme interdites, celles
de ces puissances qui exercent ou exerceront des droits de souveraineté
ou une influence dans le territoire formant le bassin conventionnel du
Cîongo, déclai'ent : que ces territoires ne pourront servir ni de marché,
ni de voie de transit pour la traite des esclaves de quelque race que ce
soit. Chacune de ces puissances s'engage à employer tous les moyens
en son pouvoir pour mettre fin à ce commerce et pour punir ceux qui
s'en occupent.
Dans les territoires réservés à l'influence allemande, l'opposition des
Arabes est plus violente. Le Leipzig, un des navii*es qui font la croisière
le long des cotes, ayant saisi un bateau négrier, les esclaves qu'il conte-
nait furent libérés et remis par ordre du consul général allemand à la
station missionnaire de Touipou, à 24 kitom. à l'ouest de Dar-e!«-
SaUun. Le 13 janvier les Arabes l'attaquèrent, massacrèrent les
missionnaires, hommes et femmes qui s'y trouvaient et mutilèrent leurs
corps d'une façon barbare, puis ils emmenèrent tous les esclaves et les
serviteurs de la mission. D'après une dépêche de Zanzibar au Times,
de nombreux Arabes de Mascate ont rejoint ceux de la côte d'Afrique ;
les missions françaises, spécialement l'une d'elles, voisine de Tougou,
courent un danger imminent. La mission de Bagamoyo offre aux
Arabes une proie facile dans les milliers de réfugiés impuissants, nourris
quotidiennement par la charité des missiomiaires, et que les agents
allemands à Bagamoyo, ainsi que la flotte, sont absolument incapables
d'assister et de protéger. La dépêche ajoute que les Arabes qui
s'unissent aujourd'hui pour les opérations du commerce des esclaves
— 52 —
viennent à ce qu'on croit de Quiloa et de Lindi, et comme ils possèdent
beaucoup plus de richesses et d'influence que Bouchiri, il est probable
qu'ils le supplanteront et que leur activité prendra une vigueur nouvelle.
Cela e>st plus spécialement dangereux pour la mission de Bagamoyo que
jusqu'ici Bouchiri a épargnée. La nouvelle de ces massacres d'Européens
-a produit à Zanzibar une impression déplorable. On dit que Seïd Abdol
Aziz, frère du sultan de Zanzibar, a quitté le golfe Persiqueavecl'inteo-
tion de s'emparer de l'île de Pemba • .
Le Rev. G. W. Knight-Binice, évêque de Bloemfontein, dans l'État
libre du fleuve Orange, a fourni aux Be-Chuanaland News des rensei-
gnements sur une excursion qu'il a faite dans les territoires compris
récemment dans la zone d'influence anglaise qui se trouve au sud du
Zambèze. Il a traversé le pays de Lo-Bengula, de Gouboulououayo
jusque près du territoire de Goungounyane, puis est revenu par Inyati.
Ce qui l'a le plus frappé, c'est la cruauté des procédés des Ma-Tébélé
envers les Ma-Shona, dont le pays est considéré par eux comme un
vrai parc d'esclaves. Dans le courant de l'année de^nière seulement,
treize impis (corps de guerriers) de Ma-Tébélé ont fait des incursions dans
le Ma-Shonaland où ils ont causé d'épouvantables dévastations. Naguère
encore lorsqu'ils avaient attaqué une ville et l'avaient livrée au pillage,
ils prenaient les femmes âgées qu'ils n'estimaient pas devoir gardw
vivantes, les liaient à des arlires et les faisaient mourir par le feu. Ils
paraissent y avoir renoncé maintenant. En revanche, aujourd'hui encore,
ils ne laissent aucun enfant vivant dans les villages ma-shona qu'ils
traversent. M. Knight-Bruce arriva à un village qu'un autre voyageur
avait visité peu de temps auparavant et dont la population avait été ou
enlevée ou dispersée. Lors du passage de l'évêque, les pauvres gens
étaient revenus, avaient relevé leurs huttes, préparé leurs plantations
de riz; mais bientôt les Ma-Tébélé fondaient de nouveau sur eux et n'en
laissaient échapper aucun. Le traité d'alliance que TAngletei^re a
<îonclu avec Lo-Bengula sera-t-il un acheminement à l'abolition de cet
état de choses? L'impression que M. Knight-Bruce a rapportée du
pays des Ma-Shona est favorable aux populations qui l'habitent; ils
sont, dit-il, aimables, industrieux, habiles. Mais il est navré à la pensée
* Cette île située au nord de celle de Zanzibar compte environ 10,000 habi-
tants répartis dans une soixantaine de villages. Elle a servi jusqu^ici de centre
d'exportation des esclaves amenés de l'intérieur et soustraits par les négriers
arabes à la vigilance des croiseurs.
— 53 —
que tous, hommes, fwnmes, eufauts sont voués à l'esclavage ou à l'ex-^
termiaation sans aucune chance d'échapper, ni espoir de secours;
massacrés Tannée dernière, ils le seront de nouveau cette année-ci,
tous les deusi ou trois mois. Dans les conditions actuelles des rapports
avec le pays des Ma-Tébélé, les Ma-Shona sont un peuple voué à la
tuerie ou à l'esclavage.
En présence de cette recrudescence de la traite dans l'Afrique orien-
tale, les puissances qui ont pris des territoires sous lem* protectorat ne
restent pas inactives. L'Allemagne en particulier se prépare à joindre h
l'activité qu'elle déploie dans le blocu» des côto« une sorte de
blocus sur terre, pour empêcher les caravanes d'esclaves d'arriver de
l'intérieur aux criques de la cote, où le& croiseurs ne peuvent pénétrer à
cause de la barrière coralligène parallèle à la rive, et d'où les barques
des Arabes, trompant souvent la vigilance des steamers anglais, alle-
mands, portugais et français, les emmènent vers les points de la Perse
et de l'Arabie. La direction de cette expédition serait confiée au
capitaine IVisoiiiM^nii. Un projet de loi a été présenté par le prince de
Bismarck au Conseil fédéral allemand demandant un crédit de deux
millions de marcs pour l'exécution de mesures concernant l'abolition de
l'esclavage et la protection des intérêts allemands dans l'Afrique orien-
tale. L'exécution des mesures jugées nécessaires sera confiée à un com-
missaire impérial, lequel, conformément aux instructions spéciales qu'il
recevra, exercera la surveillance sur les actes de la Compagnie allemande
de l'Est africain, ainsi que sur ceux des employés de cçtte Compagnie,
surveillance dévolue statutairement au chancelier de l'empire. La
mission dont le capitaine Wissmann devait être chargé par le comité d(^
secours allemand en faveur d'Émin-pacha ne sera pas abandonnée; elle
sera confiée au D*^ Peters.
A côté de l'action des gouvernements, celle des sociétés privées se
développe rapidement. Son Éminence le cardinal Lavli^erie a
achevé de parcourir les principaux États de l'Europe pour y émouvoir
l'opinion publique en faveur des victimes de la traite. Le mois passé, il
a fait des conférences à Naples, Rome, Milan, Gênes, Marseille, provo-
quant partout la plus vive sympathie pour ceux dont il s'est constitué
l'éloquent défenseur. Dans une lettre écrite de Marseille au Président
du Conseil d'administration de l'œuvre anti-esclavagiste française et
publiée dans le Bulletin de cette Société, il annonce qu'il retounu*
prendre dans son diocèse quelques semaines d'un repos nécessaire après
les fatigues de huit mois et demi de voyages et de conférences, sans
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— 54 —
<iompter les longues années et les travaux de sa vie. Mais déjà il se pro-
pose de reprendre la seconde partie de la tâche qu'il s'est imposée :
l'action pratique et efficace, l'organisation, l'union de toutes les forces
pour pai*venir à l'abolition de la traite et de l'esclavage. A cet efFet, il
recommande la réunion d'un Congrès international de délégués des
comités anti-esclavagistes actuellement existants en Europe, disposés à
mettre en commun leurs lumières, leurs sentiments, leur action s'il le
faut. Il y a des questions à éclaircir, à traiter en commun et à résoudre,
ill'espère, avec le concours des hommes d'intelligence et de cœur, des
explorateurs, des philosophes, des économistes et de tous ceux qui s'oc-
<îupent aujourd'hui de la question de l'esclavage.
La Société belfl^ se propose de transporter sur le Tang^nylka
des bateaux à vapeur pour y faire des croisières, destinées h empêcher le
passage des cai*avanas d'esclaves amenés du bassin du Congo à Oudjidji
«t au sud du lac. De son côté, le commandant C^ameron préconise
l'installation de steamers sur le Nyassa, pour un service analogue.
Même dans les États européens qui n'ont ni colonies en Afrique, ni
intérêts directs engagés dans les territoires protégés par les autres puis-
sances, la cause des malheureux exposés aux horreurs de la chasse à
l'homme provoque de chaudes manifestations en leur faveur. Le 1" jan-
vier, a eu lieu à Vienne une grande assemblée, analogue à celle de
Cologne, du 26 octobre, c'est-à-dire que tous les rangs de la société et
toutes les professions y étaient représentés, sans distinction de confes-
sion, de nationalité ou de parti. M. Neuss, D' en médecine, M. le
D' Hannak, directeur du PaBdagogium de la ville, le prince de Wrede,
le P. Angeli, commissaire général de la Terre sainte, et le D' V. Zim-
mermann, pasteur évangélique, y ont successivement pris la parole, et
l'assemblée a voté les résolutions suivantes :
V L'abolition de la chasse à l'homme et de ses horreurs est le
devoir commun de tous les États civilisés et la condition indispensable
de l'abolition réelle du trafic des esclaves.
2« Quoique la monarchie austro-hongroise, comme telle, n'ait aucune
obligation politique envers l'Afrique, le peuple autrichien ne veut pas se
tenir à l'écart, alors qu'il s'agit de défendre les droits sacrés de l'hu-
manité, et s'intéressera, au moins pécuniairement et moralement, à la
lutte pour le maintien de ces droits.
3** L'œuvre de son Éminence le cardinal Lavigerie, basée sur le senti-
ment de la pure humanité, peut compter sur l'appui unanime du peuple
autrichien, sans distinction de religion, de nationalité ou de parti poli-
tique.
^ Vi
- 55 —
Un bureau provisoire demeure chargé de la constitution d'une
Société anti-esclavagiste autrichienne.
La Snisse non plus ne reste pas en arrière dans le mouvement anti-
esclavagiste qui s'étend à presque tous les États européens. Comme la
Société austro-hongroise, celle qui se crée en Suisse se compose de per-
sonnes appartenant à toutes les confessions religieuses et à tous les par-
tis politiques. Le manifeste qu'elle a publié le 2 janvier 1889 a été
envoyé avec notre précédent numéro à tous nos abonnés.
LE COMMERCE DE LA SUISSE AVEC L'AFRIQUE
L'ordonnance rendue par le Conseil fédéral, en 1884, au siget de la
statistique du commerce de la Suisse avec l'étranger, a permis au
bureau fédéral de statistique de publier, à partir de 1885, un tableau
annuel du commerce extérieur de la Suisse. Tandis qu'auparavant les
publications du bureau se bornaient en grande partie à récapituler les
résultats des sorties par les bureaux de péage, groupées d'après les
lignes de frontières des États limitrophes, les tableaux actuels fournissent
une image complète du mouvement d'échange de la Suisse avec les
divers États, en tenant compte de la valeur des marchandises. Si
l'absence d'un contrôle rigoureux des déclarations des expéditeurs
«mpâche de tenir les tableaux d'exportation pour absolument exacts,
du moins est-il permis.de considérer leurs indications comme très
approximatives. L'exactitude des résultats augmente, du reste, d'année
en année, par le fait de l'expérience croissante des fonctionnaires et de
la confiance plus grande des déclarants, surtout des négociants, qui
reconnaissent de plus en plus les services que peut leur rendre une
statistique bien faite. Quant aux articles d'importation, ils sont taxés
annuellement par des experts; ce moyen, le seul qui puisse être
employé, donne en Suisse de meilleurs résultats que dans les États
voisins, aussi bien à cause de l'étendue restreinte de notre marché que
parce que notre importation comprend essentiellement des matières
premières, des denrées et quelques autres articles de commerce en gros,
faciles à évaluer. Nous voudrions dans les pages qui vont suivre nous
servir des trois tableaux publiés jusqu'à ce jour (1885, 1886, 1887), pour
donner une idée d'ensemble du commerce de la Suisse avec l'Afrique.
Si nous consultons V Atlas représentant le développement de Vindustrie
et du commerce de la Suisse de 1770 à 1870, par le D' H. Wartmann,
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— 56 —
nous constatons qu'en 1770, le trafic de la Suisse avec TAfrique était
à peu près, sinon absolument nul. Peut-être quelques articles suisses
pénétraient-ils alors en Egypte ou dans les colonies européennes de la
région méridionale, mais c'était par T intermédiaire du Portugal, des
Pays-Bas ou des ports italiens. Le commerce direct n'existait pas. £n
1820, quelques échanges se faisaient avec TÉgypte, la Tripolitaine, la
Tunisie, F Algérie et le Maroc auxquels la Suisse vendait des cotonnades
et des mousselines.
En 1870, le commerce suisse -africain s'est sensiblement accru.
Tout le littoral septentrional ainsi que la région côtière qui s'étend, à
l'ouest, de Saint-Louis, au Cap, et au sud et à l'est, de cette ville à
Makdischu, peuvent être considérés comme faisant partie du marché
d'exportation de la Suisse. Les ports princtpiaux par lesquels les
marchandises suisses pénètrent dans l'intérieur du continent sont:
au nord : Alexandrie, Benghazi, Tripoli, Tunis, Bône, Alger et Tanger;
à l'ouest: Rabat, Mogador, Saint-Louis, Bathurst, Freetown, Accra,
Whydah, Bénin, Libreville, Landana, Saint-Paul-de-Loanda, Saint-
Philippe-de-Benguela, Mossamédès, Port-NoUoth, le Cap; au sud et à
l'est, Port-Élisabeth, D'Urban, luhambané, Sofala, Mozambique,
Quiloa, Mombas, Zanzibar, Melinde et Makdischu. jbinfin, un faible
commerce existe avec l'île de Nossi-Bé près de la côte de Madagascar.
Les cotonnades, les mousselines et les broderies forment toujours la
presque totalité das exportations; toutefois les produits de l'horlogerie
et de la bijouterie donnent lieu à un certain, commerce avec l'Egypte,
l'Algérie et le pays du Cap ; il en est de même des soieries.
Depuis cette époque le mouvement des échanges entre la Suisse et les
pays africains n'a fait qu'augmenter. En 1887, il s'est élevé au chiffre
total de 17,500,000 francs, importation et exportation réunies; sans
doute, par rapport au commerce total de la Suisse avec l'étranger, qui
dépasse un milliard et demi, les échanges avec l'Afrique sont peu de
chose (1,47 pour cent environ), mais n'oublions pas que la Suisse,
n'ayant pas de colonies, n'a pas bénéficié des changements survenus
dans la situation de l'Afrique, au même titre que d'autres puissances
dont les possessions se sont accrues; en outre, les 17,500,000 francs
cités plus haut représentent un commerce réel, et non, môme pour la
plus faible partie, ce mouvement commercial artificiel créé par les
relations officielles d'un État avec ses colonies : ravitaillement des
troupes, envois aux fonctionnaires, etc.
Le chiffre de 17,500,000 francs, en nombre rond, se répartit de la
f^
rante pour l'expoitation et l'importation, enb% les diverses
Afrique :
ImporUtioa. ExportalioD.
18ST (Fruci.) (fnncs.)
13.098.800 1.376,000
ruDisie, Algérie et Maroc 601.500 2.267.000
tie et Paye da Cap 16.000 86.000
: et Madagascar 6.000 189.000
! relativement considérable à laquelle s'élèvent les iraporta-
>te en Suisse ne doit pas nous étonner ; c'est d'Egypte, en
} cantons de Saint-Gall, de Thurgovie, d'Ai^ovie, de Zurich
tirent une partie du coton brut qui est converti en divers
eurs fabriques. Au milieu de ce siècle, la Suisse s'approvi-
ce produit presque exclusivement aux États-Unis, mais
leiTe de séce^ion ou de l'esclavage, pendant laquelle les
•s européennes durent cesser de travailler faute d'aliment,
anglais ont favorisé l'introduction de la culture du coton
en Pei-se, en Turquie d'Asie et en Egypte oii il a trouvé un
mat favorables. Le coton égyptien arrive en Suisse par les
ieste et de Marseille. Les exportations de Suisse pour la
eigneiit un total assez élevé qui s'explique par l'établisse-
jérie et en Tunisie de colons suisses qui continuent les rela-
1 mère patrie et y achètent les choses qui leur manquent.
]ue se sont créés pour l'Angleterre et l'Allemagne des débou-
ints dans toutes les parties du monde ; si l'émigration est,
rtaine mesure, pi-éjudieiable à la mère patrie en lui enlevant
nombre de bras, elle profite grandement à son commerce
es si faibles du commei-ce de la Suisse avec les côtes occi-
rientale de l'Afrique causent une certaine surprise; pour qui
bileté et l'énergie des négociants suisses, ces sommes pa-
iessous de la vérité; mais l'explication de ce fait se trouve
:ude qu'ont les commerçants des pays qui nous entourent
comme marchandises françaises, allemandes, anglaises ou
produits fabriqués en Suisse. Toutefois il est indéniable que
L pas su profiter autant que les autres pays de l'ouverture
l'Afrique centrale au commerce étranger. Pour le moment
de Manchester, les grandes maisons allemandes, françaises,
)llaitdaises rendent la concun'once bien difficile. Les indus-
u'étant pas nées du sol et manquant des aliments nécessai-
le et le fer, qu'il faut faire venir de l'étranger, sont dans de
auditions pour soutenir la lutte commerciale, d'autant plus
— sa-
que leui*» produits n'out pas d'issue directe vers la mer et doivent tran-
siter & travers les pays voisins, ce qui augmente encore le prix de
revient.
Il y a lieu de remarquer que si le commerce de la Suisse avec l'Afri-
que, en 1887, (17,500,000) est en avance sensible sur 1886 114,500,000),
il se trouve au-dessous du chiffre atteint en 1885 (18,500,000). La diffé-
rence porte surtout sur l'exportation, comme ou peut s'en convaincre
par le tableau suivant :
ImpurLatton. ËiporUtîOD.
I8B5 (Fnnei.) (rnnn.)
Egypte 12.217.000 2.188.000
TripoliUine, Tunisie, Algérie et Maroc 506.600 2.719 OOO
Côte occidentale et Pays du Cap 13.000 207.000
CAte orientale et Madi^ascar 6.500 137.000
Ainsi, tandis qu'en 1887 les importations sont sensiblement égales à
ce qu'elles étaient en 1885, les expoi-tatioiis sont en recul pour tous les
pays sauf pour la côte orientale; tandis que de 1885 à 1887 le trafic
extérieur de la Suisse a augmenté de G "/• environ, le commerce avec
l'Afi'ique a diminué dans la même proportion. Il y a là un fait anormal
et dont il serait intéressant de rechercher les causes. Résident-elles
dans l'augmentation des droits de douane, dans les difficultés de ce
commerce lointain, qui ont été de nature à rebuter ceux qui avaient
cherché à ouvrir à leurs mai-chaudisos de nouveaux débouchés, ou peut-
être dans la prise de possession de beaucoup de territoires africains par
les grandes puissances européennes, acte qui aurait ouvert les marchés
& ces puissances et les aurait fermés aux I^tats dépourvus de coloiiie.s et
de marine? Il serait difficile de le dire.
Voici maintenant comment se répartissent les sommes citées plus
haut pour l'importation et l'exportation en 1887, entre les principaux
articles de commei-ce :
Commerce de la Suisse avec l'Egypte.
ImporUtion Eiporlktion
(en StiiiM). [bon ds Stûwe)
(F™»,) (Fr«c.)
Gomme H. 800 ~
Produits chimiques — 6,817
Boia — 5 .378
Chaussures — 346.668
Antres ouvrages en cuir — 7.055
Livres, gravures, instrumenta de musique, etc.. . — 15.460
Horloges et montres — 216.569
Outils et ouvrages en fer ~ 12.859
Chaudronnerie, ouvrages en cuivre — 900
Orfèvrerie d'or et d'argent, bijouterie vraie — 27.325
— 59 —
Importation Exportution
(en Suisse). (hors de SuisseV
(Francs.) (Francs )
Tabac, cigares, cigarettes 58.600 76.796
Denrées alimentaires 7.038 34.922
Papier et carton — 18.51f>
Coton brut 13.010.832 —
Tissus coton, laine et soie, broderies 3.360 602.70fi
Peaux tannées, feutres, tapis — 1 . 294
Quincaillerie, mercerie, jouets 2 . 725 1 .47^
Commerce de la Suisse avec VAlaérie, lu Tunisie, la Tripolitaine
et le Maroc.
Gomme 23.600 —
Produits chimiques 200 4. 13&
Bois 210 2.711
Chaussures — 3 . 122
Livrée, gravures, instruments de musique, etc.. . 1.265 7.611
Horloges et montres — 40.864
Machines — 37.915
Outils et ouvrages en fer 200 4. 142
Orfèvrerie, bijouterie — 1 . 520
Tabac, cigares, cigarettes 107.690 194.262
Denrées alimentaires 13.905 555. 18ft
Vin et alcool 75.474 22. 52^
Huiles d'olives 17.250 —
Huiles grasses de tout genre 35 . 600 —
Papier et carton — 1 . 770
Tissus coton, laine, soie, broderies — 1 . 388. 729
Laine brute 36.080 —
Paille brute 198.475 —
Chapeaux — 1 . 150
Matières animales 1 . 500 —
Quincaillerie, mercerie, jouets — 651
Commerce de la Suisse avec la côte occidentale et le Pays du Cap^
Gomme 2.400 —
Livres, gravures, etc — 2.361
Horloges et montres — 4.095'
Armes — 72^
Café — 1 .295
Denrées alimentaires — 1 . 899
Tissus coton, laine, soie, broderies — 74.990
Laine brute 14.520 —
Commerce de la Suisse avec la côte orientale et Madagascar.
Horloges et montres — 200
Ouvrages en fer — - 2. 125
Café 3.300 —
Denrées alimentaires — 2 . 948
Feutres — 6.350
Mercerie 850 —
Tissus coton, laine, soie, broderies — 177.231
Ces tableaux prouvent que le coton brut et les tissus divers forment
— 60 —
la majeure partie des transactions entre la Suisse et l'Afrique, d'où il
ressort que c'est la Suisse orientale qui bénéticie le plus de ce com-
merce. La Suisse occidentale n'y contribue encore que pour une faible
part j-eprésentée surtout par les articles d'horlogerie et de bijouterie.
Quant au mouvement commercial auquel donne lieu la vente ou l'achat
de la gomme, des ouvrages en fer, du tabac, des denrées alimentaires,
du papier, des huiles, de la paille, du café, il intéresse la Suisse dans
son entier.
Il ressort clairement des indications statistiques qui précèdent que la
Suisse n'a pas bénéficié des progrès sui'venus depuis un siècle dans la
«oimaissance de l'Afrique autant que sa puissance industrielle et com-
merciale semblait permettre de le prévoir. Alors que toutes les nations
«onmierçantes développent leurs relations de ce côté, que de nouvelles
lignes de paquebots se créent, que de nouvelles colonies et de nouveaux
États se fondent, la Suisse semble rester plus ou moins à l'écart de ce
mouvement. Sans doute, sa situation spéciale explique dans une cer-
taine mesure le peu d'importance du commerce suisse -africain. Mais
nous ne voulons pas croire qu'il en soit encore longtemps ainsi. La
Suisse a besoin de tous les produits que fournit l'Afrique; elle est à
même de vendre aux indigènes, aux colons, aux missionnaires, les coton-
nades, les tissus de laine et de soie, les objets en paille, les machines, la
bimbeloterie et tout ce qui leur est nécessaire. Il y a donc possibilité pour
les négociants et les industriels d'augmenter leurs relations avec ces
régions qu'ils ont trop délaissées jusqu'à ce jour. Les autorités canto-
nales et fédérales doivent les seconder dans cette œuvi*e ; il est de leur
devoir de faire connaître au monde des affaires, par la création de musées
commerciaux, ce qu'il peut impoiler d'Afrique, et en outre de l'infor-
mer de ce qu'il peut y vendre, en établissant des consulats dans la plu-
part des ports et des marchés de l'intérieur, et en multipliant les rap-
ports entre la mère patrie et ses représentants dans ces pays lointains.
CORRESPONDANCE
li^itre de Tail, de M* A* Demaflrej» ingénieur des noiines.
Tati (Ma-Tébéléland), 15 novembre 1888.
Cher monsieur,
Les Goncession's hunters ont afflué au Ma-Tébéléland cette année, en si grand
nombre, que le peuple et le roi ont pris peur, s'imaginant que les blancs allaient
~ 61 —
t déjà fort teDdue, lorsque, à Ik fin d
mr du Be-Chu&D&luid, qui étut al
tui sujet de l'alfure Orobbelaar, eut i
Lo-Beng>u]a. Il avait une escorte de
urnes Be traDaformèrent, dans l'imagii
aSB tfitea s'échauffèrent, les régîmeni
. la permission de tuer les blancs, p
pas. Mais, pendant quelques jours, I
Ites, et une petite étincelle edt suffi ]
IminiatTateur put toit le roi'; tout s'
, quitté le Ma-Tébéléland et la tranq
a a bien un traité avec le Transvaal;
>i prétend que le contenu du traité
est pas du tout ce qu'il a cru signer. —
ille il désavoue ce traité.
it arrivée que les Portugais se diiii
ée était àéjk en marche, disait-on. —
nais un tmpi (armée) de Ma-Tébélé
onge cette année beaucoup plus qui
nourriture et commencent à mourir
irnier et au commencement de celui-'
■quant plusieurs fois HO* F., 43°,33
LIOGRAPHIE ■
Lfbika ; 2" Licforuiig Wioii uiid
> Kr. — La deuxième livraison
r contient la tin de son voyagt
i vallée de Natroii, aprte quoi co
jusqu'à Kassala. C't^st dire que
l'il .<e rapproche dos régions du 1
i le bassin du Balir-el-Gliazal, d'
Douttous, au milieu desquels le
lirie H. Georg, à Genève et à Bftle
Uns l'Afrique es^Utrie et civditét.
— 62 —
pourra vi\Te avec lui pendant sept ans. D'après les cartes das voyage
<lu D'' Junker que publie actuellement l'Institut de 'Justus Perthès à
<jotha, dans les suppléments des Mittheihingen, et dont profitera cer-
tainement la belle publication de M. Hôlzel, il sera facile de suivre le
voyageur pas à pas dans ses explorations, qui nous feront connaître
toute la région au nord-est de celle dont Stanley nous fournira un jour
la carte. Nous saurons alors la géographie du bassin du Bahr-el-Ghazal,
de rOuellé-Oubangi, et de laNépoko-Arououimi à laquelle demeuj'eront
attachés les noms de ses deux explorateurs, Junker et Stanley.
E.'G. Ravenstein. A map of the country betweek lakes Nvassa
AND Tanganyika, largely based upon unpublished Materials furnished
by James Stevenson. London (George Philip and Son), 1888, Viooooo- —
Le savant cartographe de la Société royale de géographie de Londres
ne cesse de perfectionner les cartes de l'Afrique orientale dressées par
lui. S'aidant de travaux inédits faits depuis quelques années dans la
région comprise entre les lacs Nyassa et Tanganyika, il vient de publier,
à une très grande échelle, une carte qui sera te très bien venue de tous
ceux qui ont suivi en détail les explorations de Giraud, et les travaux
de Stewart dans cette région, ainsi que les tentatives des Arabes pour
s'établir à la tête du lac Nyassa et intercepter les communications déjà
régulièrement établies entre les deux lacs par la route dite de Stevenson.
Les principaux documents dont M. Ravenstein s'est servi pour établh*
sa carte sont : P les notes d'un voyage de M. Donald Munro, en 1884, le
long de la côte, de Bandaoué à Karonga ; 2** une carte-esquisse du pays
«ntre Karonga et Mwini-Wanda, par M. W. 0. M'Evan, 1884; 3" un
croquis de la route du Tanganyika au Nyassa, par E.-C. Hore,'en 1884;
4** une carte d'un voyage de Bandaoué à Kambomba fet de là à Chirengi,
par MM. M'Evan et Donald Munro, en 1885; 5" un croquis de la route
entre les deux lacs, par le lieutenant Wissmann, en 1887 ; G" des notes
de la susdite route, par M. F. Moir, et 7** les journaux de M. M'Evan
contenant de nombreuses observations de longitude et de latitude. C'est
un document précieux à ajouter à tous ceux que la science géographique
doit déjà à M. Ravenstein, en particulier à la carte en 25 feuilles, du 10"
lat. N, au 20 "^ lat. S. et à l'est du 25" de longitude, publiée par lui sous
les auspices de la Société royale de géographie de Londres, qui, comme
nos lecteurs le savent, l'a chargé de faire un travail semblable pour la
partie occidentale de l'Afrique comprise entre les mêmes parallèles.
Karte von Emin Pascha's Gebiet und den Nachbael;endeen, redigirt
vonJ.'J. Keitler: Emin Pascha's Gebiet Vsoooooo; die Oberen Nillàndem
— 63 —
Vsoooooo- Weimar (geographisches Institut), 1888. — Au moment où la
question d'Émin-pacha est plus que jamais à l'ordre du jour, bien des
personnes prendront plaisir à consulta les deux nouvelles cartes,
réunies sur une seule feuille, que vient de publier l'Institut géographi-
que de Weimar. La première représente, à une grande échelle et avec
beaucoup de détails, le territoire d'Érain-pacha ; la deuxième fournit
une esquisse des régions du Nil supérieur et moyen, ainsi que des pays
voisins sur lesquels dominent l'Angleterre, l'Allemagne, l'Italie et
l'État indépendant du Congo. Cette dernière carte s'étend au nord
jusqu'à Massaoùah, au sud jusqu'à Zanzibai*; dans chaque carte, un
carton indique la grandeur du royaume de Saxe dessiné à la même
échelle. Nous ne pouvons que recommander vivement ces deux cartes
qui se distinguent par leur clarté en même temps que par l'abondance
des détails.
M, J, Quel, Les origines de l'île bourbon et de la colonisation
FRANÇAISE A MADAGASCAR. Paris (Ch. Baylc), 1888, in-8**, 303 p., illust.,
fr. 6. — Ce livre qui rentre dans la catégorie des ouvrages de géographie
historique et d'histoire coloniale qu'a fait éclore le traité récent entre la
France et les Hovas, est l'un des plus détaillés et des plus complets qui
aient paru sur les commencements de la colonisation française à Bourbon
et à Madagascar. L'introduction, dans laquelle l'auteur traite des rela-
tions des Phéniciens et des Carthaginois avec les deux îles africaines, a
çà et là une allure un peu fantaisiste, mais le récit historique commence
avec la première paitie. L'auteur ne s'étend pas, probablement faute
de documents, sur la période des découvertes et des premiers voyages
dans l'océan Indien. En revanche, le dix-septième siècle et le commen-
cement du dix-huitième sont traités avec une abondance de renseigne-
ments qui font de cet ouvrage une mine précieuse, où les géographes et
les chroniqueurs pourront puiser à pleines mains. L'histoire de la domi-
nation française dans l'île Bourbon sous Louis XIV ne remplit pas
moins de 200 pages ; tout ce que l'on sait des différents gouvernements
qui se succédèrent dans l'île, ainsi que des tentatives de la Compagnie
française des Indes orientales pour coloniser Madagascar, est décrit tout
au long. La relation ainsi détaillée prend la tournure d'un roman, ce qui
donne un grand intérêt à la lecture. En outre, l'auteur a inséré à leur place
les documents originaux,qui sont impiimés en petit texte pour les faire res-
sortir davantage. Il a pensé qu'il y avait avantage à faire connaître les
sources qu'il avait consultées, afin d'aider dans leurs recherches les géo-
graphes et les historiens. Du reste, peu d'écrivains étaient dans une meil-
— 64 —
leure situatioQ que lui pour prendre connaissance des pièces officielles.
Comme arcbiviste-bibliothécairederadmintstration centrale des colonies,
il a pu se servir de documents encore inédits, tirés des Arehives du mini»-
tèrede la marioe et des colonies. C'est cette richesse de citations originales
qui distinguent ce livre des autres ouvrages écrits sur le même sujet. A ce
point de vue, on ne peut que regretter que la relation s'arrête en 1742,
la date de la nomination de Dupleix comme gouverneur des Iodes.
Commiestto de cartographia. Carta da ilua da Boa-Vjsta (Cabo
Verdc), 1888, Vinooeo- — Costa occidental d'Africa, proviiicia d'Angola:
piano hydrographico da etiseada do Quicembo, 1888, Vioeo- — Les deux
nouvelles publications de la Commission cartographique portugaise se
distinguent, comme les pi-écédentes, par leur âui et leur clarté. La
première est la carte de Boa-Yista, la plus orientale des Iles du Cap
Vert. Sa grande échelle permet d'y faire figurer les moindres formes du
relief, les plus petites localités et, en mer, les bancs de sable et les
écueils. Du reste, malgré tous ces détails, la carte est bien peu chargée.
car Boa-Vista, qui ne mérite guère son nom, ne compte qu'un petit
nombre d'habitants. Elle est peu élevée, pauvre en arbres, très sèche
et d'un abord difficile. A l'ouest s'élève Sal-Rei, port excellent mais peu
fréquenté, au sud duquel s'étend une plaine parsemée de dunes de sable.
Près de Sal-Rei, sur la côte orientale, se trouvent des salines qui sont
moins exploitées depuis que les navires américains ne viennent plus en
acheter le produit.
La seconde carte représente une très petite portion de la côte occiden-
tale de l'Afrique. Il s'agit de la rade de Quicembo, située à une faiblo
distance au nord d'Ambriz et de la côte qui s'étend au nord de cette
rade. C'est une carte marine, à l'échelle de Vioooi si"' laquelle les
profondeurs sont marquées en brasses, au moyen de courbes de niveau
.sous-marines. Tandis que Quicembo est situé sur un promontoire
rocheux, qui se dresse en falaises au^essus do la nier, la côte, au nord
de ce port, est basse et sablonneuse. Bien qu'Anibriz fût occupé par les
Portugais depuis lSôr>, la rade de Quicembo et la côte voisine étaient,
d'après M. Reclus, abandonnées aux indigènes de sorte que les négo-
eiants pouvaient y introduire leui*s marchandises sans payer de droit*;.
C'est peut-être en vue de la cn-ation de postes douaniers destinés k
faire cesser cet état de clmse.s, que le gouvernement portugais a levé la
carte de la côte.
r
BULLETIN MENSUEL ( 4 mars 1889 ' ).
Daiis ui) article assez étendu sur les dégâts occasionués par tes
aanterellea en Algérie, la République française préconise un nou-
veau genre de destruction de ces acridiens, qui paraît pouvoir être
appliqué aux territoires les plus menacés d'une prochaine invasion.
M. Charles Bronguiart a fait récemment h l'Académie des sciences une
communication, dans laquelle il a insisté sur le fait que les entomopbto-
rées, champignons microscopiques, sont très répandus dans la nature,
et qu'ils amènent la destruction normale, rapide et certaine d'un grand
nombre d'insectes nuisibles dont ou cherche vainement à se débarras-
ser par des moyens coûteux et souvent peu pratiques. L'année dernière,
depuis la tin d'août jusqu'au mois d'octobre, M. Brougniart a constaté
qu'un entomophtora particulier {entomophtora gryliï) a attaqué et
détruit des quantités considérables d'acridiens d'espèces variées. Tous
les criquets sont attaqués rapidement par ces champignons. Us devien-
nent lourds d'abord, puis grimpent péniblement le long des brïns
d'herbe et, s'y cramponnant fortement, meurent au bout de 24 heures
environ. On retrouve des entomophtora, sous deux formes, à l'intérieur
du cbrps des insectes morts. On peut les récolter en été et eu automne,
les conserver pendant l'hiver et les semer.au printemps suivant. De là
l'idée de semer ces champignons sur des insectes communs, qu'ils
déti-uisent et qu'on peut se procurer eu quantités considérables, sans
aucun frais, sur les larves de mouches, par exemple. Celles-ci, tuées par
le cryptogame, seraient séchées, pulvérisées, et serviraient à couvrir les
champs aussi facilement qu'où les recouvre d'engrais chimiques. Les
champignons parasites seront pent-êti-e le moyen le plus efficace de pré-
venir, eu Algérie, de nouveaux désastres, comme celui dont soutire
encore actuellement la province de Constantine.
Messedaglia-bey, gouverneur égyptien de Wady-Halfa, a reçu des
nouvelles du Soudan oHental par un sous-officier de l'armée du khé-
dive, nommé Mahomet Shelabi, arrivé récemment dn Darfour où il
étHÎt resté depuis la tin de 1884. Il faisait aloi-s partie de la garnison de
El-Fasher, capitale du Darfour, qui était assiégée depuis le commence-
' Les matières comprises dans nos Bulhtins mensuela et dans leB NouvéRta tom-
pléntentairei j sont classées suivant un ordre géographique constast, partant de
l'Algérie, puis allaut à l'Est, longeant ensuite la cAte orientale du continent et
revenant par la c6te occidentale.
L'intiqUE. — DIXIÈME INMiE. — H° 3. 8
— 6B —
' ment d'octobre 1884 par les troupes du inahdi reuforcées de la garnison
égyptienne de Bara qui avait passé à l'ennemi. A la fin de décembre
18S4, les mahdistes à'empavèfent des sources, ce qui amena au bout de
huit jours la reddition de la place. Quand le mahdi eut quitté le Darfour,
un petit-fils du vieux sultan en chassa les derviches qu'il y avait laissés
et gouverna la province pondant un an ; mais il fut tué dans «ne ba-
taille et le Darfour retomba aux mains des mahdistes. Le sultan du
Wadaï groupa autour de lui les forces des petits fttats voisins et, vei-s la
fiû de 1887, il attaqua le mahdi un peu à Pou&st de El-Fasher, diHniisit
son armée et fut maître du Darfour. Shelabi, parti du Darfour ft la
fin de 1887, arriva en février 1888 h Omdurman, quartier général du
mahdi, oii il resta jusqu'au 23 novembre. Voici les renseignements qu'il
y a recueillis sur la .litualiou du Soudan. Dans le Kordofa», le-s villes de
El-Obeïd (!t de Bara sont solidcmciit acquises au mahdi qui est onginaire
de cette coutrée, mais les tribus voisines ne partagent pas ces disposi-
tions. Los tribus nubiennes du nord du Kordofan, qui avaient pris HïOO
carabines Remington à l'armée de Hicks-pacha, s'en sont servies pour re-
pousser les troupes que le niabdi avait envoyées contre elles afin de se
faire livrer ces armes. A re.st, les Hadcndowas sont entrés eu négocia-
tions avec le gouvernement égyptien. Plus au sud et vers l'intérieur, les
tribus de l'Atbai-a ot celles qui le.s entourent sont en révolte contre le
mahdi. Sur la frontière d'Abyssinie, il a épreuve un sérieux échec à la
suite des actes de cruauté pai* lesquels a été signalée la prise de (iondar.
À la date du 23 novembre on était, à Omdunnan, stins nouvelles de sept
détachements envoyés veis Fashoda poui- percevoir l'impôt des Shil-
loucks et des Dinka-s. Le steamer Bordo'm, arrivé du Bahr-el-Ohaital,
avait ajiporté au mabdi une demande de renforts motivée par des revei-s .
éprouvés dans la région du haut Nil.
Un correspondant du journal le Temps fait un triste tableau de l'état
dans lequel se trouve la région située entre la côte de In mer Rouge et
les plateaux d'Abyssinie, depuis le commencement de la guerre entre
les Italiens établis à Massaouah et le négous. Les populations musulma-
nes, Sholios et Assaortins, qui l'habitent, ne coiinnissent guère d'autre
moyen de vivre que de piller il droite et à gauche tout ce qui pa.sse; il
n'existe aucune sécurité pour les voyageurs et les caravanes qui vont de
la côte dans l'intérieur ou qui en reviennent. En général la caravane est
arrêtée, et suivant (ju'ou suppose qu'elle est riclie ou pauvre, ou lui de-
mande un droit de passage plus ou moins élevé, droit qui n'est autre
chose qu'une ran(;ou ; la discussion s'engage entre les Assaortins et les
— 67 —
irs demandant beaucoup, les seconds tAcbant de
péen veut brusquer les chose», il risque de tout
après uuc demi-journée, même une journée de
tut un ou deux talaris ' par pereoniie, souvent tout
jie se remet eu marche.
imencent à reprendre le chemin de Ma&saouab.
tembre les autorités italiennes ont permis et même
K avec l'intérieur, afin do porter un peu remède à
i-ègue dans le Tigré. Ce pays a eu longtemps h
ai-mée du négous et, en Abyssinie, Tarmée est une
les soldats passent dans un village, ils ne laissent
;rrici"e eux ; de phis une épizootie a fait périr tous
richesse des habitants; aussi, ai^ourd'hui, les po-
es littéralement de faim : il n'est pas rare de i-en-
ue leurs parents ont abandonnés, ne pouvant les
'opéen, qui habite Adoua depuis de longues années,
s nouvelles exactes de la situation de l'Abyssinie.
ila sont toujours à guerroyer dans le (iodjam ; dans
que les deux mille soldats de Debeb, et à Keren se
>1 allié des Italiens.
i a adressé à M. Antoine d'Abaddie, de l'Institut,
lée d'une carte donnant inie idée approximative
siter au sud du Choa, jusqu'au G",20' lat. nord, un
?nt de la petite rivière Bouka avec TOmo, et
iploratcurs italiens Cecchi et Chiarini. N'ayant pu
ns l'intérieur, il s'est procuré quantité «le rensei-
■cs districts qu'il n'a pas explorés lui-même. Il a fait
es, de presque tous les royaumes du sud oii il n'a
1 qui avaient voyagé, et c'est sur leurs récits, con-
lues exceptions près, qu'il a tracé la carte susmen-
on croyait, — et M. Elisée Reclus était encore de
I se dirigeait vers l'est et qu'il fonnait la Juha, tan-
i l'ouest, puis au sud, et par 2° environ, forme le
. Au delà de ce lac, les renseignements deviennent
xs nombreux disent qu'une rivièie en sort allant
■on 4 francs,
les Comptes rendus de U Société de géographie de Paris,
ulletin de la Socic-té italienae de géographie, 1S39, p. 84.
. - 68 -
vers le S.-O. ; quelques-uns prétendent que le lac n*^ point d'écoulement
visible, que le soleil et la ten*e absorbent l'eau ; d'autres enfin hésitent,
mais ils n'ont pas fait le tour du lac. A ce sujet, M. d'Abbadie a adressé
à la Société de géographie de Paris une note dans laquelle il rappelle
que M. Th. Gilbert, professeur de mécanique rationnelle à l'Université de
Louvain, supposait, il y a une dizaine d'années, que l'Orao coulait au
sud et formait un des tributaires du Victoria-Nyanza. Il est vrai que
Stanley qui a fait le tour de ce dernier lac n'avait signalé aucun grand
affluent à l'est de son émissaire, le Nil. Toutefois le silence de Stanley
ne prouve pas que l'hypothèse de M. Gilbert ne soit pas fondée *. On peut
admettre que la rivière avant de se verser dans le lac se divise en plu-
sieurs bras dont les embouchures ont pu être masquées par des rideaux
de végétation. La vitesse des courants peut être nulle dans le lac, et,
dans sa rapide exploration, Stanley n'a pas eu le temps d'ajouter des
renseignements sur les contrées voisines.
Le sultan de Wîtou qui avait accepté le protectorat allemand, à la
suite de la convention que les frères Denhart avaient conclue avec lui,
est mort de l'éléphantiasis qui le condamnait depuis un ceitain temps à
gai*der la chambre. Quoique son territoire fût petit, son influence per-
sonnelle s'étendait fort loin, jusque dans la région des grands lacs et
dans les pays gallas. Son neveu, Fumo Bakari, qui depuis plusieurs an-
nées participait aux aifaires, lui a succédé. Depuis que les Allemands ont
établi leur protectorat sur ce pays, ils ont aussi piis en mains le commerce
du caoutchouc, dont la préparation est une des branches les plus im-
portantes de l'industrie de cette région. Le^ autres objets d'exportation
sont l'ivoire, les plumes d'autruche, les peaux et la corne. Les moutons et
les chèvres abondent, les ânes servent de bêtes de somme et les cha-
meaux sont employés à faire mouvoir les moulins à huile ; tout récem-
ment on a importé des chevaux. Les bêtes fauves sont nombreuses,
ainsi que les buffles, les rhinocéros, les hippopotames, les antilopes, les
sangliers etc. Les steamers de la ligne British India font escale toutes
les quatre semaines à l'île de Lamou.
Le D^ Meyer a communiqué à la Société de géographie de Berlin une
lettre de M. O. Ehlers qui, après lui, a tenté de faire l'ascension du
Kilimandjaro. Primitivement ces explorateurs devaient faire cette,
ascension ensemble. Mais la Société de l'Afrique orientale chargea
' Les informations rapportées par le comte Teleki, de sod expédition au lac
Basso Narok (voy. p. 36), ne permettent guère d^admettre Thypothèse de M. Gilbert.
k la station de Moshi, au pied méri(
amplacer le directeur qui était tombé
de Mombas à Mosbi, il trouva un m
qui y est établi déjà depuis uq certai
anisa son expédition. Jusqu'ici, lésa
'eleki et du D'' Meyer s'étaient faites d
Abbott résolurent de faire la leur du
rviendraient plus facilement au soinn
irnière partie de l'ascension, n Le 18 i
les notre dernier campement sur le haut
)uensi '. Le ciel était sans nuages, les d
ige, mais parfaitement visibles. Après l
it nord, nous tournâmes au sud vert
■d pendant quelque temps des blocs d
sept heures, k uue altitude de 5200
inoncer à aller plu;i loin. La neige an
clie très difficile. Vers dix heures j'at
xinnaissez bien, et qui entoure le somn
cension, car, en beaucoup d'endroits, e
n cei'laiu temps le long du pied de c
)uver du côté occidental un passage pi
nte devenant trop abnipte, je dus «
lescendu un moment, je recommençai
avec beaucoup de peine le côté N.-O.
îd'un cratère. Je n'avais ni oppressic
joignis M. Abbott, le visage et les mai
oleil, les lèvres fendues, et rendu presû
I je serai tout à fait l'établi, je me diiig
s une communication insérée dans la
. Ehlere a trouvé à plus de 5000 mètre!
phant ainsi que celles de buffle^ et d'à
lope inconnue jusqu'ici et beaucoup d
nnes. Il a fait une collection assez com
es des diverses régions de la montagne
ous a apporté aucune explication sur le
urch Missioiiary lulellu/encer and Re
nos renseignements sur les projets de
!iliiiiaii4jaro.
^■^
— 70 —
tish East Afriean Company, eu vue de l'exploitation des territoi-
res situés dans la zone d'influence anglaise entre la Wanga et la Tana.
D'après une lettre de M. Price, missionnaire à Rabaï, M. Mackenzie et
ses agents ont déjà levé le tracé d'une route de commerce pour voitures
et chameaux de Rabaï à travers l'Ou-Kambani. Elle mettra les stations
de la côte en communication avec celles de l'intérieur, tout d'abord
avec celle de Goulou-Goulou, à trente kilom. de Rabaï. La Compagnie
compte la prolonger jusqu'au lac Baringo, d'où un embranchement con-
duira au Kavirondo, et un autre à Wadelaï. La Compagnie emploie un
grand nombre des chrétiens indigènes de Rabaï comme porteurs ou
autrement. Elle a établi à Goulou-Goulou une grande station et un
dépôt de marchandises. AuN.-O. s'étend le plateau de Mbouugou, à une
altitude de 160'" à 20O" .A quelque distance sont trois villages Wa-
Kamba dont les habitants ont beaucoup de bestiaux et sont très con-
tents d'avoir au milieu d'eux des Européens comme protecteili-s conti*e
leurs redoutables ennemis les Masaï. La Compagnie engage instamment
la Société des missions anglicanes à créer des stations le long de la
route qu'elle commence à ouvrir. La Mission des Univei-sités et la Mis-
sion romaine française désiraient aussi s'installer dans ce champ de tra-
vail, mais M. Mackenzie a répondu que M. Price y avait déjà commencé
une œuvre, et qu'il était préférable que toutes les stations qui seront
créées le long de cette route appartinssent à une seule société.
Les Missions catJioliques publient une lettre du R. P. Guillemé, de la
miission de Kibang^ sur le Tanganyika, dans le voisinage de la
tribu des Wa-Bembé, peuplade encore anthropophage, quoique déjà
un peu familiarisée avec les blancs auxquels ils font de fréquentes visitea
pour troquer leurs produits : maïs, millet, manioc, haricots et arachidea
contre du sel, des chèvres, des perles ou des pioches. Ils cultivent un
tabac qui est très apprécié, non seulement des indigènes, mais encore
des Européens ; il est déjà devenu un article de commerce très recher-
ché. C'est une des rares tribus de l'Afrique équatoriale qui n'aient pas:
encore laissé les musulmans pénétrer chez elle. Protégés par les hautes
montagnes qu'ils habitent et où les esclavagistes n'osent se hasarder,
ils assistent de loin aux déprédations commises sur les indigènes rive-
rains du lac, et ceux-ci sans cesse pillés par les chasseurs d'hommes
sont allés en grand nombre chercher la sécurité dans ces montagnes.
D'ailleurs, les Wa-Bembé eux-mêmes ont été souvent victimes de ces.
pillards, lorsque venant vendre leurs produits aux habitants de la plaine
ils ont été surpris par les esclavagistes et obligés de jeter leur fardeau^
— 71 —
pour échapper par la fuite à la dure servitude qui les atteudait s'ils
avaient eu le malheur de toraber entre les mains de leurs ennemis. Ils
sont bons travailleurs. Lorsqu'ils recourent à l'intennédiaire des mis-
sionnaires, c'est toujours pour demander la paix. « Dites au chef de la
presqu'île d'Ubwari, » ont-ils souvent répété, « de nous laisser tranquil-
lement cultiver nos champs, et faire notre petit trafic de vivres ; nous
serons heureux : l'abondance viendra dans le pays, et nous vous fourni-
Tons la nourriture nécessaire h vos nombreux enfants. Maintenant, sans
cesse tmcassé par nos voisins, nous ne pouvons travailler qu'en tenant
la pioche d'une main et la lance de l'autre. »
Le Comité des Sociétés unies pour la protection des- indigènes
contre l'importation des spiritueux a chargé une députation de
présenter à lord Salisbury un mémoire demandant que le gouverne-
ment britannique fît des démarches auprès du gouvernement allemand,
pour que l'Allemagne et l'Angleterre s'unissent en vue de garantir les
natifs des territoires africains placés sous leur protectorat, contre les
maux causés par l'importatiofi des spiritueux d' Europe. Tout en recon-
naissant les efforts que sir Ed. Malet avait faits en ce sens à la Confé-
rence de Berlin, le duc de Westminster, au nom de la députation, tit
observer que le principe de la prohibition devait être préféré à l'adoption
de droits de patente très élevés. A cela lord Salisbury répliqua que
quoique le gouvernement anglais sympathisât entièrement avec le but
que se propose le Comité, la protection des indigènes, et qu'il voulût tout
tenter pour restreindre le mal causé aux natifs par les spiritueux, il ne
pouvait pas espérer voir se produire une entente générale des gouver-
nements sur le principe de la prohibition. Les État3-Unis en particulier
ont répondu que leur Constitution ne leur permettait pas dç conclure
avec les autres puissances un arrangement dans ce sens. En outre la
concurrence du commerce des diverses nations européennes s'y oppose.
La production y est poussée avec vigueur et leur procure des bénétices
considérables; aussi les intérêts engagés dans la question ne permet-
traient-ils pas d'espérer obtenir une prohibition générale. U y a lieu
de tenir compte des opinions des autres nations, let de se borner à
profiter de toutes les occasions pour insister auprès de leurs gouverne-
ments respectifs afin qu'ils consentent à imposer des droits élevés à
l'importation.
M. Louis Catat, ancien officier de marine et docteur en médecine, et
M.Georges Foucart, ingénieur des arts et manufactures, chargés d'une
mission d'exploration à MadA^ascar sont partis de Marseille avec
— 72 --
M. C. Maistre que leur a adjoint le Ministère de Pinstruction publique.
Ils doivent pendant deux ans parcourir le nord, l'ouest et le sud de
nie. Dans la partie méridionale, au-dessous du 22" lat. sud, ils auront h
étudier, au point de vue géographique, une contrée qui est encore pres-
que inconnue, à en déterminer le système orographique, le cours des
principaux fleuves, et à recueillir des collections scientifiques. Cette
partie du voyage ne sera pas la plus facile, car jusqu'à présent les peu-
plades qui habitent le sud se sont opposée-s à l'entrée des étrangers. Du
côté de l'ouest, la grande étendue de pays comprise entre le massif cen-
tral et la côte au-dessous du cap Saint-André, offrira aux voyageurs un
vaste champ d'études. Enfin dans le nord les explorateurs s'attacheroùt
à déterminer la ligne de faîte et la topographie générale du pays depuis
l'Antsianaka jusqu'au cap d'' Ambre.
Le Bine Book sur les affaires du Be-€haa>nalafid placé sous le
protectorat britannii]ue renferme une longue communication de Khama,
roi des Ba-Mangwato, de laquelle nous extrayons ce qui suit sur las
intentions des Ma-Tébélé. Les Ba-Toka, d'au delà du Zambèze, ont
engagé les Ma-Tébélé à passer le fleuve et à leur aider dans leui^s eiitre-
prises contre les Ba-Rotsé; ils ont préparé des canots pour leur faciliter
le passage. Lewanika, roi des Ba-Rotsé, en est informé et, dit Khama,
il vient de m'écrire : « Je sais que vous êtes sous la protection de la
reine d'Angleterre, mais j'ignore ce que cela signifie. On dit qu'il y a
des soldats établis chez vous, et des chefs .envoyés par la reine pour
prendre soin de vous et vous protéger contre les Ma-Tébélé. Dites-moi
tout en ami. Êtes-vous heureux et pleinement satisfait V Les procédés et
les lois des blancs ne vous sont-ils point à charge? Dites-moi tout, car
j'ai un grand désir d'être placé comme vous sous le protectorat d'un
grand souverain comme la reine d'Angleterre. » — La réponse de Khama
n'est pas indiquée. En revanche le Blue Book publie les réclamations
de Khama cont?*e tels et tels concessionnaires d'exploitations minières
qui menaceraient de compromettre ses États par l'importation de spiri-
tueux. « Je crains moins Lo-Bengulaquel'eau-de-vie, » dit-il; «j'ai com-
battu contre lui lorsqu'il avait \q^ guerriers de son père amenés de
Natal, et l'ai repoiLssé. Mais lutter contre la boisson, c'est combattre
contre les démons et non contre des hommes. Je crains plus les liqueurs
des blancs que les assagaies des Ma-Tébélé, qui tuent les corps des
hommes, tandis que les liqueurs les détruisent, âmes et corps, et pour
toujours. Ne me demandez pas de jamais ouvrir la porte aux spiritueux.»
Le lieutenant Baert est rentré à Bruxelles venant des Stanley-
— 74 —
date trop récente pour pouvoir supporter à ce moment le risque d'une
absence prolongée. Voilà à quel ordre d'idées le vali a fini par obéir, en
s'abstenant de rejoindre Stanley. A sa place, il a dépéché auprès de
l'explorateur une forte caravane de renforts, composée de plusieurs
centaines d'hommes, et commandée par un de ses propres parents,
r Selim-ben-Mahomed, riche trafiquant de Zanzibar, connaissant à fond
les contrées de l'Arououimi et ayant tout ce qu'il faut pour seconder
puissamment l'expédition Émin. Cette caravane doit avoir opéré sa
jonction avec l'expédition à l'heure qu'il est. Bref, le roi Léopold et
Stanley auraient en Tipo-Tipo non pas un secret ennemi, mais un auxi-
liaire des plus précieux, destiné à devenir un important intermédiaire
entre la civilisation blanche et la barbarie noire. »
Pendant que les ingénieurs belges préparent la construction du che-
min de fer destiné à relier le bas Congo au Stanley-Pool, les Français
f^ travaillent à faciliter les communications entre l'Atlantique et Brazza-
ville parle Qaillou-]¥iari. M. Jacob, ingénieur, qui, déjà en novembre
1887, avait envoyé un rapport sur le tracé général d'un chemin de fer à
partir du bas Quillou, est rentré récemment en France après avoir fait
une étude sérieuse et un nivellement de la région des rapides du Quillou
en vue d'utiliser ce fleuve comme voie navigable. Pour établir sa naviga-
bilité, il suffira d'établir un barrage en amont de N'gotou. Le niveau
des eaux sera ainsi élevé d'une manière suffisante jusqu'à un point dis-
tant de Brazzaville de moins de cent kilomètres. Sur cet intervalle il
restera à organiser les transports par les moyens que l'on voudra choi-
sir et qui pourront être améliorés suivant les nécessités et le développe-
ment du trafic. Un an-êté ministériel a été publié portant ce qui suit :
Art. 1. — Sont autorisées la mise à l'étude et l'exécution, au moyen
des ressources locales, de travaux ayant pour but d'améliorer la naviga-
tion du Quillou-Niari et de créer éventuellement une voie de communi-
cation entre le Quillou et Brazzaville.
Art. 2. — Il sera statué par le conseil d'administration du Gabon et
. du Congo français sur les plans et devis de ces travaux et leur mode
d'exécution, ainsi que sur les voies et moyens qui pourraient leur être
aflfectés.
Art. 3. — En cas d'exécution des travaux par une compagnie conces-
sionnaire, un décret fixera les tarifs à percevoir, ainsi que le montant
de la garantie d'intérêt payable sur le budget local, s'il en est accordé
ime.
Art. 4. — Aucune dépense résultant de l'exécution des travaux pi-é-
— 75 —
vus aux articles qui précèdent ne pourra être mise à la charge de l'État
autrement que par une loi.
Nous avons eu le plaisir de voir, à leur passage à Genève, deux jeunes
missionnaires, MM. Allégret et Tesseirès, que le Comité de la Société
des missions protestantes de Paris envoie au Con§^o français. On se
rappelle que déjà en 1840 la France et l'Angleterre s'unirent pour com-
battre la traite dans cette région, et l'un des fruits de leur activité fut
la fondation, au Gabon, de Libreville, qui devait servir de lieu de
retraite aux esclaves fugitifs. Savorgnan de Brazza dans ses explora-
tions de rOgôoué et du pays compris entre ce fleuve et le Congo, a
réussi à gagner la confiance et l'affection des indigènes qui l'appellent
le père des esclaves. Il a fondé Brazzaville ; il a interdit l'importation
de l'eau-de-vie dans les contrées oîi s'exerce son influence. Mais, com-
prenant qu'il faut une puissance spirituelle pour civiliser et relever les
nègres, il a demandé à la maison des Missions de Paris d'envoyer des
missionnaires au Congo. MM. Allégret et Tesseirès s'embarqueront
prochainement pour le Gabon, où se trouvent déjà des instituteurs fran-
çais, pour se familiariser avec le peuple et la langue du pays. Après
cela, ils se rendront dans le bassin du Congo pour faire un voyage d'ex-
ploration et étudier les conditions de la fondation d'une station mission-
naire.
Après avoir en vain essayé d'atteindre la région du Soudan central
par le Congo et l'Oubangi, M. Graham IVilmot Brook est venu à
Lagos, d'oïl il a visité le delta du Niger. Entré en rapport avec les mis-
sionnaires de la Church Missionary Society, il a acquis la conviction que
c'est par le Niger et le Bénoué que L'accès au Soudan central est le
plus facile. L'évêque Crowther partage cette idée. Plusieurs fois il s'est
rendu à Bida, capitale de l'émir du Nupé; depuis longtemps il se pro-
posait de se rendre à Sokoto, mais jusqu'ici il en a été empêché. M. Wil-
mot Brook a demandé à la Société des missions anglicanes de lui per-
mettre de s'associer à son œuvre du Niger comme missionnaire pionnier
indépendant, et sa proposition a été agréée. Il désire s'établir tout
d'abord à la station la plus avancée, Kipo-Hill, pour étudier la langue
haoussa, et entrer en relations amicales avec l'émir de Nupé et d'autres
chefs mahométans. Après cela il se dirigera vers le Soudan, où il tra-
vaillera de concert avec la mission du Niger; mais tandis que les mis-
sionnaires natifs se consacrent aux populations païennes, lui se vouera
à révangélisation des mahométans.
Il résulte du rapport officiel de M. Alvan Milsom, commissaire du
— 76 —
mt britannique à Lagos, que la population de Badagry aug-
leineQtpar suite de rimmigratioD continue de réfugiés popos,
baoussas. Les missionnaires romains établis daos cette ville
)nt réussi à faire cultiver aux indigènes de vastes étendues
lUi produisent de magnifiques récoltes, L'offieler anglais qui
tonou a également fait mettre en culture plus de six kilomè-
Le principal obstacle k la civilisation est Timportation des
illemands de qualité détestable. Un quart des habitations de
.t été transformées en cabarets qui sont des centres de démo-
tdes repaii'es de criminels. Porto-Novo est l'entrepôt d'oU
sont dirigés sur les autres points du littoral. Le mal a pris
ions telles que les habitants ont eux-mêmes pétitionné auprès
eur pour que la vente des liqueurs fût prohibée. M. Milsom
cette mesure serait des plus avantageuses poiu* toute la
îignements intéressants sont arrivés en France sur le voyage
)n de M. le capitaine Blager dans le Soudan occidental,
ong eu mars 1888, il se proposait de prendre la route de
é en 1882 par le capitaine anglais Lonsdale, et en mal de
rnière par M. von François), jusqu'à Robodioulassou, pour
i par le Ylinga. Il espérait y arriver à la tin d'avril et reve-
par le Gottago. M. d'Albéca, administrateur colonial fran-
,nd-Popo et Agoué, apprit que M. von François avait entendu
s noirs, à Salaga et à Gambaga, qu'un blanc était arrivé h
quelques porteurs. Il i-ésolut de se mettre en communication
iger et pour cela expédia à Salaga, avec une lettre, le nommé
des nombreux musulmans qui viennent dans les comptoirs
Agoué et de Grknd-Popo acheter du sel, de la poudre et des
i d'Agoué le 2(i septembre, le messager suivit la route ordi-
iravanes à travers les pays de Togo, d'Ewé, d'Adélé; jusqu'au
:n. Le 22 décembre il rentrait à Agoué porteur d'une répon-
nger d'oii nous extrayons ce qui suit : » Je suis de retour du
i fort peu de temps, et quitte Salaga demain 12 novembre,
retour sur nos établissements de la côte des Graines et
ssinie et Graud-Bassam), où je compte arriver fin mars ou
Lvril 1889, en repassant par Kong. Comme bien vous pensez,
hauts et des bas dans mes tribulations à travers ces pays
lu'à ce jour. Je suis cependant en aussi bonne santé que l'on
iver après deux ans de privations de tout genre, et, si Dieu
«intinue à me conserver des forces, je ne tarderai pas il rega
chère France. Je voudrais pouvoir vous donner quelques dét
que j'ai fait et sur ce qui me reste à faire, mais je ue coosidèr
voie comme suffisamment sûre pour entrer dans des explici
amples. Si l'occasion se présente, je ferai parvenir de mes i
Assioie ou Grand-Bassam dès mon aiTivée à Bitougou (Bouni
la carte de Laonoy), appelé aussi Gottogo par les Maudi. C(
paraît jusqu'à présent être assez exactement placé sur la cart
U est séparé du Kong par la rivière Coumouy (Comoé), à un
de vingt jours de marche (environ 350 à 400 kilomètres), di
nord-ouest. Les communications de la région que j'ai visitée
bouctou sont très rares... »
NOUVEI^ES GOHPL'ËMENTAIRES
MH. Fol et Barrois ont été chargés d'explorer, au point de vue zc
littoral de la Tunisie.
M. Léon Moncelon, ex-dëléguë de la Nouvel le- Ce tëdoaie au Conse
àea Colonies, va partir pour la Tunisie, qu'il se propose d'étudier au ;
colonial. Il l'explorera dans ses principales parties, jusqu'aux fron
Tripolitaine.
On mande du Caire au Daily Chrimide que le mahdi avait adressé i
d'Autriche un message l'invitant à envoyer un prêtre qui donnerait lei
U religion k Slatin-bey et aux autres prisonniers autrichiens rete
camp des derviches. Le consul d'Autriche vient de répondre par
déclarant que l'empereur est très touché de l'invitation da mahdi et
humaine dont sont traités les prisonniers autrichiens, et annonçant qu'
4e l'église catholique sera dirigé sur Omdurman, s'il est muni d'un a
Celte lettre a été envoyée i. Khartoum par la voie de Souakim.
Une dépêche de Zanzibar annonce que la British East African (
permettra l'accès des paya compris dans la zone d'influence angli
Européen, s'il n'est muni d'un passeport délivré par le consul gi
Cntnde-Bretagne.
Le Reichstag de l'empire allemand sera saisi d'un projet de loi
ligne de vapeurs subventionnée de Hambourg & Zanzibar.
.4prés avoir recrute son état-major d'officiers et de fonctionnaii
d'une soixantaine de personnes, M. Wissmann, commissaire du g(
impérial, a quitté Berlin. Il s'embarquera à Brindisi, et trouvera ei
millier de Soudanais qu'il a fait recruter.
D'après un télégramme de Zanzibar, des messagers de Tipo-Tipo,
lettres pour Stanley, ont été attaqués et maltraités par les Arabes
rebrousser chemin et prendre une autre route pour se rendre à leur
— 78 —
La Compagnie des Messageries maritimes a fait construire un nouveau steamer,
le Mpar^acka, pour faire le service côtier de Madagascar, comme annexe des
lignes postales qui relient cette tle à la France.
Ensuite d'une convention signée avec le gouvernement hova, M. Iribe a installé
à Tananarive une fabrique de céramique et une filature de soie.
Le TransvacU Observer annonce qu'un accord est enfin intervenu entre la Com-
pagnie du chemin de fer de la baie de Delagoa, les concessionnaires hollandais et
le gouvernement du Transvaal. Les travaux de la ligne de la frontière portugaise
à Pretoria commenceront prochainement. La voie passera par Barberton.
A une soixantaine de kilomètres de Johannesburg, sur la route de Pretoria à
Heidelberg, a été découvert un riche gisement de plomb argentifère, dans le voi-
sinage duquel des mines de houille sont déjà exploitées. La ligne de la baie de
Delagoa à Pretoria assurera à ce gisement une exploitation très rémunératrice.
Le Volksraad de l'État libre du fleuve Orange a décidé la construction d'une
ligne de chemin de fer de l'Orange au Vaal, passant par Blœmfontein.
Lo-Bengula, roi des Ma-Tébélé, a chargé deux de ses indunas d'une mission
auprès de la reine d'Angleterre. Ils sont accompagnés par M. E.-A. Maund, lieu-
tenant attaché à l'état-major de sir Ch. Warren lors de l'expédition de ce dernier
au pays des Ma-Tébélé en 1885.
La Compagnie italienne, la Veloce, s'est mise d'accord avec les compagnies
anglaises de navigation, l'African Steam-Ship Company et la Castle Line, pour les
services entre l'Italie et l'Afrique occidentale et méridionale. La Veloce, qui a
cinq départs par mois de Gènes pour la Plata, touchera à chaque voyage à Las
Palmas (Canaries), où se feront les transbordements pour les escales de la côte
d'Afrique de Monrovia jusqu'à Natal.
Les sondages pour la pose du c&ble télégraphique sous-marin entre Loanda et
Cape-Town sont terminés. La fabrication du câble en Angleterre avance, et tout
permet d'espérer que les navires chargés de l'immerger partiront prochainement
pour la côte occidentale d'Afrique. Il est donc probable qu'avant la fin de mars
l'Afrique sera complètement entourée d'un câble sous-marin.
Le consul belge de Gorée a communiqué à son gouvernement que l'industrie du
caoutchouc a remplacé la culture des arachides qui, vu leur qualité inférieure,
ne pouvaient pas soutenir la concurrence avec celles de l'Inde. Les premiers
essais de récolter le caoutchouc dans le bassin de la Cazamance datent de 1883;
dès lors l'exportation de ce produit n'a cessé de progresser. La même qualité
fournie par la Guinée portugaise ne se paie que fr. 2,75 à fr. 3 le kilogramme,
tandis que le caoutchouc de la Gambie se paie de fr. 6 à fr. 6,50 le kilogramme.
Jusqu'ici la circulation des céréales était interdite au Maroc. Un décret impé-
rial vient d'accorder, pour une durée de cinq mois, le libre cabotage du blé et de
l'orge d'un port à l'autre de l'empire marocain.
Le sultan du Maroc a envoyé à Berlin une ambassade pour féliciter le nouvel
empereur et négocier un traité de commerce entre l'Allemagne et le Maroc.
•rt.-^-vi. V
— 79 —
CHRONIQUE DE L'ESCLAVAGE
Sous le titre: Les marchés d'esclaves, un correspondant du Temps
envoie à ce journal, de H€>déida9 sur la mer Rouge, des renseignements
qui montrent que malgré la présence des vaisseaux anglais, italiens et
français dans les eiiux de Souakim, Massaouah et Obock, ce que VAnti-
slavery Reporter a dit précédemment de la recrudescence de la traite
dans ces parages est parfaitement vrai. Ne pouvant citer l'article entier,
nous en extrayons ce qui suit : Malgré les croisières de l'Océan Indien
et de la mèr Rouge, la marchandise noire continue à affluer sur la côte
d'Arabie ; le gouvernement turc ferme les yeux et, grâce à cette com-
plicité tacite, on vend toujours des esclaves un peu partout, principale-
ment à Djedda et à Hodéida. Les capitaines de négriei'S s'entendent
merveilleusement à cacher leur marchandise ; aussitôt qu'un navire de
guerre s'approche, les esclaves sont jetés à fond de cale ; on entasse sur
eux des barils, des ballots, des objets de toutes sortes, tant pis si l'es-
clave étouffe ; il s'agit avant tout de faire passer le négrier pour un
honnête bâtiment de commerce. Dans la mer Rouge, les patrons de né-
griers emploient un autre moyen. Ce sont en général des enfants qu'ils
transportent ; lorsqu'ils sont poursuivis, comme ils ne peuvent cacher
leur marchandise h bord, ils la débarquent dans quelque îlot, et jettent
les enfants dans des grottes, cavernes etc., dont ils masquent l'entrée de
leur mieux. Dans ces conditions, on comprend la difficulté de saisir les
négriers en flagrant délit... Les négriers débarquent ensuite leur mar-
chandise sui" un point désert de la côte^ puis on l'amène à Hodéida par
terre : tout le monde connaît l'arrivage, le gouverneur en est informé le
premier, mais les apparences sont sauvées et le marchand est certain de
n'être pas inquiété. Les esclaves sont alors placés chez des courtiers,
dont il y a une vingtaine à Hodéida, et vendus par leurs soins, soit dans
la ville même, soit dans l'intérieur du pays. Les prix varient selon la
qualité de l'esclave ; ils ont beaucoup haussé depuis quelques années,
les marchands étant obligés de donner de plus gros backchich aux auto-
rités turques. Néanmoins on peut se procurer un esclave pour 60 ou 80
talaris. Le prix est aussi plus ou moins élevé suivant la provenance et
le sexe. Les nègres venant de Zanzibar ou du Soudan sont en général
employés comme domestiques. Les femmes gallas et les Abyssines sont
fort recherchées ; elles sont en général très jolies ; elles ont le teint assez
clair et le type européen : ce sont elles qui remplissent les harems d'Ara-
— 80 —
bie ; une jolie galla d'une douzaine d'années se vend couramment 120,
150 et même 200 talaris. Si, dansiine ville comme Hodéida, oii il y a deux
consuls européens, le commerce des esclaves se fait clandestinement, en
revanche il se fait presque ouvertement dans les endroits éloignés. A
Lohéya, au nord de Hodéida, dii crie encore quelquefois le prix d'un
esclave aux enchères ; le sous-gouverneur reçoit deux talaris par tète d'es-
clave vendu ; de plus il en choisit un ou deux à chaque nouvel arrivage. Le
cadi fait le trafic des Gallas et des Soudaniens comme une chose fort
naturelle.
Au mois de septembre dernier, nous apprend le Mwsionary Herald
de Boston, une canonnière anglaise captura trois barques chargées d'es-
claves dans le voisinage d'Aden. Dans le combat, les capitaines des
liégriei-s furent tués. Les barques contenaient 117 garçons et filles de
10 à 20 ans, et essentiellement Abyssiniens. Ils avaient été pris à l'extré-
mité méridionale de l'Abyssinie par des Gallas musulmans qui les ame-
naient en Arabie pour les vendre. Les officiers anglais les placèrent sous
la protection de la mission de TÉglise libre d'Ecosse qui leur fait donner
une bonne instruction.
D'après une dépèche de Zanzibar à la Société allemande de l'Afrique
orientale, les missionnaires bénédictins de la mission bavaroise faits pri-
sonniers par Bouchiri ont pu être rachetés, moyennant une rançon de
7000 roupies et la libération de trois trafiquants d'esclaves saisis par les
Allemands.
Les Missions d'Afrique s'expriment comme suit sur les tribus diver-
ses auxquelles appartient la population des environs de Mpala sur la
côte S.-O. du Tanganyika. Les Wa-Marungu, manquant de cou-
rage, sont regardés par les autres tribus comme une race vile née pour
la servitude. Aussi sont-ils le point de mire de la plupart des expéditions
qui ont pour but la chasse à l'esclave, et il est extrêmement rare que
ces expéditions ne rapportent à ceux qui les entreprennent, si peu nom-
breux qu'ils soient d'ailleurs, de gros bénéfices. Les Wa-Bembé four-
nissent aux traitants les esclaves les plus estimés après les Wa-Mamngu.
Les Wa-Sumbwa, toujoui*s en quête de nouvelles aventures, se font à
l'occasion esclavagistes et brigands. Avec des habitudes moins nomades,
les Wa-Rua ne le cèdent guère en barbarie aux précédents. Ce sont eux
qui organisent ces expéditions qui vont périodiquement rançonner les
Wa-Marungu et les Wa-Bembé. On veut des esclaves à tout prix et qui-
conque apporte des entraves à la chasse à l'homme est tenu pour un
ennemi.
-- 81 —
Le Rev. Robert Clelaud écrit de Chirazula au Missionary Record de
l'Église établie d'Ecosse, qu'il a rentoutré sur la route du lac Chiroua
à sa station, près d'un groupe d'indigènes, une femme succombant sous
le poids d'un joug d'esclave. Pendant qu'il parlait aux natifs, le mot
« Ngondo » se fait entendre à plusieure reprisés, et bientôt les hommes se
lèvent en sursaut. Des jeunes garçons ont été capturés au bord du Chiroua
pendant qu'ils péchaient avec leurs pères. On entend ceux-ci dire: « On
les conduira chez les Ma-Tapouiri, grand centre arabe, d'où ils seront
menés à la côte, vendus et embarqués. » Il y avait là une centaine de
personnes, mais point d'enfants. Les mères eifrayées les gardaient à la
maison. Un des assistants était un esclave dont l'avenir est très incer-
tain ; personne ne songeait à le décharger du joug qui pesait sur son
cou. Combien de milliei^s sont conduits à la côte! J'étais sur une grande
route d'esclaves et je vis une caravane portant soi-disant de l'ivoire. Oui,
me dit un de mes jeunes gens, mais de l'ivoire noir. Le pauvre esclave
susmentionné me demandait de l'acheter : « Je peux être bientôt vendit
pour être mené à la côte ; achetez-moi et je ferai votre ouvrage. » Un
autre jour une pauvre femme se précipite dans ma station en criant :
« Ils me prennent pour m'emraener vendre à la côte, oh ! sauvez-moi, ils
m'ont volée chez moi, au delà de la rivière ! » Je ne sais où elle est
maintenant, peut-être chemine-t-elle à l'heure qu'il est, vers la côte, le
cœur brisé ; et combien de ses semblables sont dans le même cas !
A l'occasion du retour de Lewanika, roi des Ba-Rot»é, de son expédi-
tion contre les Ma-Choukouloumbé, M. Coillard a écrit à la Société des
missions évangéliques de Paris : Ce qui navre le cœur, ce sont les jeunes
femmes et les enfants qui font partie du butin. On m'en cache le
nombre, on m'assure même que le roi avait donné des ordres pour qu'on
ne s'attaquât qu'à la gent bovine. Mais la vérité perce quand même.
Des hommes, on n'en a pjis amené un seul. En me promenant dans le
village, je remarquai çà et là des faisceaux de javelines, dont la plupail
recourbées, signe indubitable qu'elles ont répandu le sang humain. Il
fallait donc les purifier. Gambala et d'autres de ma connaissance me
montraient avec ostentation leurs haches d'armes. « Elles sont pures,» me
disaient-ils, « nous nous sommes souvenus de tes injonctions. » Mon ami
Mahaha m'envoie même par Seshéké un message analogue. Quelle que
soit la valeur de ces assertions, c'est déjà quelque chose d'entendre un
Zambézien se vanter de s'être privé du plaisir d'éventrer un pauvre
Ma-Cboukouloumbé. Le roi n'en est pas là, lui, car en me voyant entrer
chez lui, il me disait en essayant de ricaner : « Ne va pas me gronder si
— 82 —
Ton te dit que j'ai tué un homme de ma propre main. » Hélas ! il paraît
qu'il en a tué plus d'un. Là oîi les Ma-Choukouloumbé faisaient mine de
résister, c'est lui qui dirigeait l'attaque ; puis, accompagné de quelques
cavaliers, il s'élançait à la poursuite des malheureux épouvantés par les
armes à feu et par la vue de ce monstre sans nom : un quadrupède sur-
monté d'une forme humaine. Dans cette razzia, Lewanika a aussi fait
preuve de magnanimité. Il a rendu non seulement la liberté à plusieurs
femmes captives d'un certain âge, mais aussi le bétail, les femmes et les
enfants à ceux qui eurent le courage de faire acte de soumission. Il n'osa
pas attaquer une cli^esse du nom de Nachintu, que les Ma-Kololo
avaient jadis faite prisonnière et libérée ensuite. Us n'avaient gardé
que son fils, son unique qui est devenu un des principaux manœuvres
de Lewanika et le nôtre à l'occasion. Ce Samoïnda, comme tous les
esclaves Ma-Choukouloumbé, s'est distingué par sa cruauté envers ses
compatriotes.
Après la communication faite à la Société de géographie de Londres
par M. Arnot, sur son séjour chez les Gareng^iànzé, Sir Francis de
Winton a fait remarquer qu'un des meilleurs moyens d'attaquer la
traite des nègres au cœur du pays était de se concilier l'amitié de chefs
comme leur roi Msiri. Quoique la traite règne dans ses États, a dit
M. Arnot, le chef lui-même ne vend pas d'esclaves. C'est chose convenue
en Afrique que les dépouilles appartiennent au fort, et que ceux qui ont
livré les batailles du roi gardent tout ce qu'ils ont pu prendre. C'est
aux guerriei-s de Msiri que les trafiquants arabes achètent les esclaves;
le roi lui-même est décidément opposé à ce commerce. Quant au trafic
de la côte occidentale il est essentiellement fait par les indigènes du
Bihé. Les Portugais eux-mêmes eu font très peu. Ils envoient les natifs
du Bihé avec des étoftes, des fusils et d'autres choses, en échange de
quoi ils reçoivent de l'ivoire, des esclaves, du caoutchouc. Beaucoup de
marchands vont dans le Lounda, oii il n'y a pas d'ivoire; les indigènes
qui désirent des étoffes vendent des esclaves qui sont conduits vers le
Kassaï inférieur, et échangés contre de l'ivoire. Mais la souveraineté
du Portugal sur les gens du Bihé n'est guère que nominale ; les Portu-
gais n'y ont presque pas d'autorité administrative; quelques-uns par
avarice ont pratiqué la traite.Mais nul ne peut dire que le gouverne-
ment portugais l'ait encouragée. La première année où M. Arnot
était chez les Garenganzé, il a vu partir une caravane de 300 esclaves,
presque tous adultes, hommes et femmes. Les enfants, incapables de
supporter les fatigues du voyage vei*s la côte, étaient considérés comme
de peu de valeur.
— 83 —
M. Treich-Laplène, chargé de conduire au capitaine Binger une expé-
dition de ravitaillement, a fourni sur la ville de Bondoukou (bassin
du Niger), oti il a passé quinze jours, les renseignements suivants :
Bondoukou est un grand village de quatre à cinq mille habitants. Le
traiic le plus important est celui des esclaves. Presque toute la popula-
tion est musulmane ; une partie des habitants cependant, originaire de
TAbron, est fétichiste et se livre à toutes les pratiques de cette croyance;
durant mon séjour, on a sacrifié des esclaves en l'honneur des funérailles
du chef défunt. Le principal jour de la fête, on en a égorgé huit sur la
place publique; j'ai même été invité à cette abominable cérémonie dont
rien ne peut dépeindre l'horreur.
lÀ'African Times rapporte que le gouverneur de Sierra Leone»
M. Hay, a eu à réprimer des troubles dans le district de Sulymah exposé
aux incursions des Mendies du voisinage. Il a chassé ceux-ci des villes
de Jahourah et de Bahama qu'ils avaient occupées, et dont ils avaient
réduit toute la population en esclavage. Il a ainsi délivré plus de 500
esclaves, fenmies et enfants. A Faminah, une des villes du chef Mac-
kiah, il en a également libéré 668. Enfin Largo, forteresse du même
chef, a été prise, et 700 esclaves y ont été remis en liberté.
Après les fatigues de la mission que le cardinal Lavi^^erie a
accomplie en Europe, il a dû, par ordre des médecins, se rendre à Bis-
kra pour y restaurer sa santé. Auparavant il a écrit au comité anti-
esclavagiste de Milan qu'il ne compte pas centraliser les sommes offertes
pour l'abolition de la traite. Il désire que chaque pays organise un
comité, centralise les offrandes nationales et en dispose au mieux de la
cause dans les contrées occupées par la nation.
En Angleterre, un important meeting anti-esclavagiste a eu lieu
dans le Mémorial Hall de Manchester, sous le patronage de la Société
de géographie de cette ville.
A Pari», M. Jules Simon, président du Conseil central de la Société
anti-esclavagiste de France a fait à la Sorbonne une conférence dans
laquelle il a fait appel à la pitié de tous en faveur des victimes de la
traite.
En Bels;ique, il s'est formé des Comités dans toutes les provinces;
leurs présidents ont eu le 13 janvier, à Bruxelles, une réunion dans
laquelle ils ont donné des renseignements sur l'activité spéciale de cha-
que comité et sur les résultats obtenus. En quinze jours Liège a donné
plus de 30,000 francs. A Tournai des collectes à domicile sont faites
par les dames. M. le général Jacraart, président de la Société anti-
— 84 —
esclavagiste belge a fait au local de la Société scientifique de Bruxelles,
une conféfencô dont le sujet peut être résumé par ces mots : Faisons
avant tout notre devoir sur le lac Tanganyika, et notre exemple entraî-
nera les gouvernements à remplir le leur dans toute son étendue.
En Hollande, à Amsterdam et à Bovenkerk, s'est fondée une Société
composée en grande partie d'ouvriers ; tous les membres se sont enga-
gés à abandonner à l'œuvre anti-esclavagiste le gain d'une journée de
travail.
En AUemag^ne, la Société coloniale a lancé un appel adressé à toute
la nation allemande en vue de mettre un terme aux horreurs que les
trafiquants d'esclaves commettent en Afrique.
En Alsace, deux grandes réunions ont eu lieu à Strasbourg, à la
suite desquelles des listes d'adhérents se sont couvertes de souscriptions
importantes.
En Sîelle, a eu lieu, à Palerme, une conférence sous la présidence
du cardinal Alésia, qui s^occupe delà fondation d'une Société anti-escla-
vagiste de Sicile.
En Suisse, les évêques ont publié un appel aux fidèles de leurs dio-
cèses pour les engager à contribuer à l'œuvre de l'abolition de la traite.
Après une conférence donnée à l'Aula de rUnivei*sité de Genève, par
M. le prof. RuflFet, sous les auspices de la Société anti-esclavagiste suisse,
des adhésions nombreuses sont parvenues au Comité. Le mouvement va
s'étendre à la Suisse romande par des conférences à Fribourg, à Neu-
châtel, la Chaux-de-Fonds et le Locle. La Société publiera, à intervalles
irréguliers, un Bulletin pour tenir les adhérents au courant du mouve-
ment anti-esclavagiste.
LA RÉVOLUTION DANS L'OU-GANDA
La Société des missions anglicanes a reçu du Rev. E.-C. Gordon une
lettre du 7 novembre 1888, datée d'Ousambiro, où venaient d'arriver
les missionnaires expulsés de l'Ou-Ganda par les Arabes. Nous en
extrayons ce qui nous paraît le plus import^int pour expliquer la chute
de Mwanga et le triomphe de ^influen<^e des Arabes dans ses États.
La cause de la révolution doit, d'après M. Gordon, être attribuée à la
mauvaise administration de Mwanga, qui s'était rendu très impopulaire
auprès d'un grand nombre de ses sujets, et ne faisait rien pour gagner
l'affection d'une fraction de Ba-Ganda qui, de jour en jour, avait acquis
— 85 —
plus d'influence et d'autorité. Le nom qui \q\xv convient le mieu^ est
celui de lecteurs ou de réformateurs. La jeunesse et la force du pays se
rattachaient à eux. Ils formaient deux groupes, l'un celui des lecteurs
chrétiens, composé des élèves des missionnaires romains et protestants ;
l'autre celui des lecteurs mahométans. Les deux partis comptaient à
peu près le même nombre d'adhérents.
Par sa conduite, Mwanga s'était rendu. odieux à ces deux groupes.
Depuis un certain temps il montrait une hostilité croissante envers tous
ceux qui voulaient le progrès et qui se séparaient de l'ancien culte
païen. En même temps, la population tout entière manifestait son aver-
sion pour la tyrannie de Mwanga et pour ses actes réitérés de rapine et
de violence. Presque chaque mois il faisait des voyages en tous sens dans
ses États pour piller ses sujets. Les Ba-Ganda étaient fatigués de ces
incursions dans lesquelles, pour procurer des nvres et des provisions à
ses gardes du corps, les chèvres, les bœufs et les fruits de la terre étaient
extorqués pailout où il passait. En outre, lorsqu'il lui arrivait de ren-
contrer des femmes dont la beauté le chaimait, il ne se faisait aucun
scrupule de les enlever pour les faire entrer dans son harem. Aussi les
habitants des campagnes élevaient-ils de nombreux sujets de plaintes
contre lui.
Depuis que Mwanga était monté sur le trône, tous ceux qui lisaient
avaient dû le faire en secret ; jamais il n'avait professé ni encouragé la
vérité chrétienne, non plus que la foi musulmane. Les adhérents des
cultes chrétiens et mahométans n'avaient pu les célébrer qu'en cachette.
Quoiqu'il fût essentiellement indifférent en matière religieuse, il se mon-
trait de plus en plus hostile à la foi chrétienne aussi bien qu'à l'isla-
misme.
On se rappelle l'ordre que lui et ses chefs donnèrent, en 1886, de mas-
sacrer les lecteurs chrétiens, sous prétexte qu'ils s'uniraient aux blancs
qui les instruisaient et provoqueraient une rébellion. Plus tard il se
plaignit également des adhérents de l'islam qui, disait-il, « manquaient
de respect et d'égards envers le roi, et ne voulaient pas manger des
mets du roi, parce que le bétail étant abattu par des incirconcis, la viande
en était souillée. » Quant aux lecteurs chrétiens, Mwanga leur reprochait
d'être des serviteurs désobéissants et rebelles parce qu'ils ne voulaient
pas, le dimanche, exécuter les travaux du roi. Depuis un certain temps
le bruit circulait qu'il se déferait d'eux tous d'un seul coup ; mais le
moment n'était pas encore favorable à l'exécution de ce projet.
Mwanga lui-même facilita son renversement en armant les chefs des
— 86 -
deux compagnies de ses gardes du corps. Ces gardes, hommes jeunes et
favoris du roi, étaient devenus des lecteurs. Remplissant les fonctions
de pages, ils se tenaient constamment auprès du souverain, mais ils
avaient pour chef un officier qui n'appartenait pas au groupe des lec-
teurs. Outre ces gardes du corps, deux autres compagnies nombreuses
devaient accompagner le roi chaque fois qu'il quittait la capitale. Leurs
chefs étaient des lecteurs adhérents du christianisme : l'un, élève des
missionnaires romains, jouissait d'une influence considérable; l'autre se
rattachait à la mission protestante anglaise. Les partisans de ces deux
chefs étaient très nombreux et appartenaient également aux lecteurs.
Un grand nombre de chrétiens étaient donc appelés à suivre le roi ; mais
ils ne le faisaient qu'avec une sorte de crainte, se souvenant des menaces
que Mwanga avait proférées contre eux.
Voici le projet que le roi avait tramé à leur égard. Avec ses gardes du
corps qui n'appartenaient pas aux lecteurs, il voulait faire monter dans
des canots les chefs des autres compagnies de sa garde et leurs adhé-
rents, et les envoyer dans quelque île sous prétexte de la piller. Le chef
des gardes non lecteurs, qui devait les y conduire, avait ordre de les y
laisser, ainsi que l'amiral, lecteur chrétien, et s'il réussissait à les
tromper, il devait emmener leurs canots. Abandonnés dans l'île, ils se-
raient morts de faim. l<e Pokino, chef très puissant, complice du roi, fut
laissé dans la capitale pour prêter aide et secours à Mwanga.
Un autre groupe considérable de lecteurs appartenait aux mahomé-
tans. Ils avaient pour chef le puissant Mujassi qui, dans cette occasion,
devait accompagner le roi, mais il refusa feignant d'être malade. Avant
de quitter la capitale, les lecteurs étaient persuadés d'une trahison. On
leur dit que le roi avait l'intention de les noyer tous dans le lac. En con-
séquence ils se préparèrent à faire résistance. Il paraissait évident que
si Mwanga réussissait dans ce complot dirigé surtout contre les lecteurs
chrétiens, il se tournerait immédiatement après contre les lecteurs raa-
hométans pour les détruire aussi.
Ces derniers étaient prêts à agir contre Mwanga et à le détrôner sans
l'aide des chefs chrétiens qui ne désiraient pas aller aussi loin et son-
geaient seulement à s'échapper vers l'Ou-Nyoro. A la fin cependant, les
chefs des deux fractions religieuses unirent leurs efforts pour tenter
d'expulser Mwanga. Leur grief le plus fort était que le roi avait décidé
de les faire tous mourir, les uns en les noyant, les autres par d'autres
moyens violents. Un groupe de mahométans alla informer le prince de
leur choix, Kiwewa, frère de Mwanga, de l'intention des lecteurs. Au
— 87 —
point du jour les assaillants s'approchèrent de la capitale par deux rou-
tes différentes ; Mujassi et ses soldats avaient avec eux le prince que
tous voulaient faire monter sur le trône. Les chefs chrétiens, l'amiral et
beaucoup de sous-chefs gagnèrent la ville par un autre chemin. Mwanga
fit h peine résistance ; il sortit de Rubaga, tira quelques coups de fusil,
puis s'enfuit vers le lac avec quelques partisans. Les lecteurs entrèrent
dans la ville et mirent le nouveau prince sur le trône vacant.
Le même jour, les principaux emplois furent distribués entre les chefs
des lecteurs qui avaient fait monter sur le trône Kiwewa. Le chef catho-
lique romain fut nommé juge suprême ; le poste de premier ministre —
katikifl) — fut confié au chef chrétien qui se rattachait à la mission an-
glaise. Les deux autres charges les plus importantes furent données à
Mujassi et à un autre lecteur arabe. L'ancien katikiro se retira très sa-
gement : il partit et alla s'établir près du tombeau de Mtésa. Le Pokino,
qui avait pris une part active aux crimes de Mwanga, fut chassé, ou
plutôt il prit la fuite, sa maison fut pillée et brûlée.
Le lendemain, les missionnaires furent tous convoqués pour voir le
nouveau roi; beaucoup d'Arabes y furent aussi invités. Un messager
vint les chercher pour les amener tous ensemble au palais. A peine pou-
vait-on croire qu'il se fût passé quelque chose d'extraordinaire. Il n'y
avait ni bruit ni agitation; cependant, hors de la capitale, oii la foule
était rassemblée, régnait une grande excitation. A la cour, où les mis-
sionnaires précédèrent les Arabes, l'émotion était grande ; toutefois il
n'y avait ni querelle ni désordre. Le roi prodiguait les paroles et les
promesses les plus généreuses. Il se tourna vers les Arabes et proclama
la paix avec l'Ou-Nyoro et la liberté commerciale; l'importation et
l'exportation des marchandises ne devaient point être grevées de droits
onéreux. Il accorda aux Arabes la liberté d'enseigner leur religion et
annonça qu'on construirait une mosquée. Puis, s'adressant aux mission-
naires européens, il leur dit qu'ils seraient libres d'enseigner et que les
Ba-Ganda pourraient être instruits sans restriction ni empêchement.
Ce fut ainsi que se passa le premier jour de règne de Kiwewa. Tous se
félicitèrent de ce que ce grand changement se fût produit d'une ma-
nière si paisible. Il est étonnant en efi'et que la déposition de Mwanga
se soit accomplie sans la moindre effusion de sang. On promit à Mwanga
d'épargner sa vie. Le Pokino fut fait prisonnier, puis on lui pardonna,
mais il tomba en disgrâce. Beaucoup d'autres chefs importants furent
déposés et dégradés. La paix et la tranquillité régnaient dans tout le
pays.
— 88 —
Quantité de chrétiens sortirent aloi'S des retraites où ils s'étaient
tenus cachés, ils accoururent à la cour du roi, et entrèrent au service
de celui-ci comme pages et messagers. Ds commencèrent à se rendre ea
foule à la station des missionnaires, le dimanche et les autres jours de la
semaine. Beaucoup demandaient des syllabaires-, d'autres des portions
imprimées de la Bible. Dès l'aube et jusqu'au crépuscule, ils assiégeaient
la station et pénétraient dans les chambres des missionnaires. Quantité
de chefs demandaient des syllabaires afin de pouvoir apprendre à lire &
leurs gens et à leurs esclaves. D'autres désiraient des remèdes médi-
caux. Les dimanches surtout, le changement était remarquable; le nom-
bre des assistants au culte avait doublé et, pour le service de l'après-
midi, l'auditoire était toujours plus nombreux qu'à l'ordinaire; de
dimanche en dimanche il augmentait, et s'éleva bien vite à 300 per-
sonnes ; beaucoup de gens durent se tenir dehors. Un dimanche, la plu-
part des chefs chrétiens influents y assistaient, y compris celui de»
gardes du corps, élève des missionnaires, qui avait été nommé premier
ministre. Tout paraissait calme et tranquille.
Mais les Arabes avaient assisté à tous ces changements avec une
grande anxiété. Ils étaient vexés de voir les fonctions de juge et de pre-
mier ministre données à des lecteurs chrétiens. Le dernier katikiro
s'était toujours montré leur ami, et était souvent intervenu auprès de
Mwanga pour détourner d'eux sa colère. Ils sentaient vivement sa perte,
surtout parce qu'ils craignaient que leure intérêts pécuniaires n'en fus-
sent sérieusement atteints. A leurs yeiix, le nouveau katikiro n'était
qu'un païen et un infidèle qui ne pourrait devenir ni leur ami ni leur
aide. Le roi leur avait fait quantité de promesses, mais ne les avait pas
tenues. Beaucoup d'entre eux se plaignaient de la manière dont Kiwewa
les traitait. Mwanga leur devait une grande quantité d'ivoire; le nouveau
roi avait promis de faire tous ses elîorts pour acquitter les dettes de son
prédécesseiu* ; et en eft'et il avait commencé à payer les Arabes autant
que ses moyens le lui permettaient: mais il n'avait pas l'ivoire nécesr-
saire et il ne savait où le trouver. Dès lors il était gêné, et les Arabes
étaient mécontents de leur condition. Ls commencèrent à chercher un
moyen de l'améliorer. Us se concertèrent avec d'antres mécontents, le
fameux Mujassi, presque tous les chefs ses adhérents et les lecteurs
mahométans.
Puis ils entourèrent le roi, s'eflForçant d'envenimer son esprit et de
l'exciter contre le katikiro et les lecteurs chrétiens. Us lui persuadèrent
que sa vie était en danger, que les lecteurs chrétiens feraient une tenta-
Tt '■
— 89 ' •
tive pour le renverser et pour mettre à sa place une princesse qu'ils
avaient i-ésolu de faire monter sur le trône.
De cette manière Kiwewa fut amené à considérer les Arabes comme
ses amis et ses protecteurs, et les chrétiens comme ses adversaires. Très
habilement, les Arabes profitèrent d'une occasion qui leur permit de
faire passer les chrétiens pour des fauteurs de trouble et de rébellion.
Une troupe de Ba-Ganda qui avaient été envoyés à l'ouest du lac
Victoria par Mwanga pour percevoir ses taxes sur les tribus placées sous
son autorité, rentra dans TOu-Ganda le jour où éclata le conflit. Elle
était composée essentiellement de chrétiens. Leur chef qui, sous Mwanga,
avait occupé un poste important, fut présenté comme revenant très agité
de ce qu'aucun commandement ne lui eût été réservé. On l'accusa, lui
et les autres chrétiens, d'amener la princesse qu'ils avaient l'intention
de faire monter sur le trône; histoire inventée pour faire croire que les
chrétiens tenaient à être gouvernés par une femme comme en Angle-
terre. La cour se réunit, et le katikiro fut interrogé sur sa fidélité au
roi. Il quitta brusquement le palais, et à peine avait-il regagné sa de-
meure qu'il fut sommé de revenir vers la résidence royale. Un combat
avait commencé.
Pris à l'improviste, les chefs chrétiens et leui's adhérents eurent à
défendre leur vie dans une situation tout à fait désavantageuse. Les ma-
hométans étaient résolus à faire tomber le katikiro. Pendant quelque
temps les chances du combat furent incertaines, mais les chrétiens
n'avaient pas pu se réunir à temps en assez grand nombre. On avait
entendu dire que jamais le katikiro ne combattrait ; il dut livrer bataille
et fut défait. Deux des chefs chrétiens furent tués, le jeune amiral et un
autre chef. Le gros des chrétiens s'enfuit avec le katikiro.
Le combat terminé, il s'agissait d'établir le nouvel ordre de choses.
On choisit de nouveaux fonctionnaires ; les sous-chefs et leurs subordon-
née fui'ent nommés. Des messagers furent envoyés aux stations des nïis-
sionnaires protestants et catholiques. Les protestants étaient aloi*s oc-
cupés à soigner des blessés et leur maison était pleine de fugitifs ; ceux-ci
reçurent l'ordre de s'en aller, et les missionnaires durent suivre les
messagers. La nuit tombait lorsqu'ils arrivèrent près de la résidence
royale, oii ils rencontrèrent les missionnaires catholiques qui y avaient
été aussi amenés. On les conduisit à une maison oîi ils furent traités
comme des prisonniers. Les missioiuiaires français avaient pu prendre
avec eux des couvertures et quelques provisions ; ils les partagèrent li-
béralement avec les Anglais. Le chef chargé de les garder leur apprit
^-
— 90 —
que le roi n'avait pas rinteiition de les faire mourir ; qu'il ferait l'in-
ventaire de tout ce qu'ils avaient, que lui et ses ministres réclameraient
de beaux présents, après quoi on les laisserait quitter le pays en paix.
Le lendemain MM. Gordon et Walker furent en eflet conduits à leur
station, pour faire les cadeaux susmentionnés, puis ils furent ramenés
en prison. Il en fut de même pour les missionnaires romains. Après cela
les stations des missions furent livrées au pillage. Le huitième jour tous
furent menés au bord du lac et embarqués dans VEleanor, le bateau de
la Société des missions anglicanes.
Quantité de gens suivaient les bagages portés à bord, et ouvrirent les
caisses pour en voler le contenu. L'officier qui conduisait les mission-
naires leur demanda encore des c^adeaux et M. Walker dut se dépouiller
d'une partie de ses vêtements. La dernière parole qui leur fut adre.ssée
fut celle-ci : « Qu'aucun blanc ne vienne dans l'Ou-Ganda avant deux
ans. Que le bateau de Mackay ne paraisse pas de longtemps dans nos
eaux. Qu'aucun instituteur blanc ne rentre dans l'Ou-Ganda avant que
nous l'ayons tout entier converti au mahométisme. »
Le départ des missionnaii^es eut lieu à midi ; à quatre heures ils dé-
barquèrent dans une île pour faire cuire quelques provisions. Les seuls
\ivres que portât YEleanor avaient été fournis par les missionnaires
fran(;ais ; seuls aussi ils avaient reçu l'autorisation de garder des étoffes
et des cauries, objets nécessaires pour s'approvisionner de vivi'es en
voyage. Il y avait à bord un peu de riz et d'orge ; oh espérait pouvoir
acheter quelques aliments au premier port où toucherait le bateau.
Celui-ci appartenait aux Anglais ; les Français avaient les objets
d'échange pour se procurer de quoi manger. Tous mirent généreusement
ce qu'ils avaient au service de leurs compagnons d'infortune. Lorsqu'ils
remontèrent sur le bateau, un couple d'hippopotames montraient leurs
têtes hors de l'eau. L'un d'eux frappa l'embarcation avec une telle vio-
lence qu'il y fit deux trous assez grands pour que l'eau y entrât abon-
damment Le bateau s'emplit rapidement ; heureusement la terre étsài
proche; les bateliers savaient nager ainsi que les missionnaires; ils at-
teignirent l'île; mais cinq des jeunes gens qui accompagnaient les mis-
sionnaires français furent noyés. La femme du propriétaire de l'île se
montra très hospitalièi*e envei*s les naufragés ; elle mit sa maison à leur
disposition et leur fournit ce dont ils avaient besoin.
Le lendemain leur hôte fit battre le tambour pour appeler de la terre
ferme les Ba-Ganda afin qu'ils vinssent aider à remettre à flot VËleanor.
Les étoffes furent perdues, mais on sauva le.s cauries. Le bateau fut
— 91 —
répai*é ; après cela la na\igatiou fut très lente, néanmoins les mission-
naires arrivèrent le 3 novembre à Oukourabi, Tune des stations romaines
où les Anglais reçurent une bienveillante hospitalité, et où ils se sépa-
rèrent de leurs compagnons ; le 4 novembre ils atteignaient eux-mêmes
la station d'Ousambiro, où M. Mackay leur souhaitait la bienvenue.
CORRESPONDANCE
Lettre de Lorenso- Marquez de M. le missionnaire P. Berthoud»
Lorenzo-Marquez, Delagoa Bay, 13 décembre 1888.
Il y a plusieurs mois déjà, j'avais commencé une lettre et écrit quelques pages
pour vous; mais la maladie, la fièvre, qui nous a fait beaucoup souffrir, m'a
empêché d'achever. Dès lors, les événements ont marché, et ce que je vous raconte
n'a plus d'actualité aujourd'hui. Toutefois, il y a encore quelque chose à répondre
à votre bonne lettre, dont je vous remercie beaucoup.
Le mahométisme a en effet quelques représentants au sud de l'Afrique, dans
les principaux ports et dans les villes importantes. Cependant il n'exerce aucune
influence comme tel, à Lorenzo-Marquez pas plus qu'ailleurs; et je ne crois pas
qu'aucune des missions chrétiennes de l'Afrique australe ait eu à lutter contre
lui, on le considère comme un ennemi sérieux. Il fait pourtant du mal ici; seule-
ment, pas dans le sens où vous le pensez: son péché, c'est de soutenir l'immoralité
et de l'accroître. Ce mal existait à Lorenzo-Marquez longtemps avant l'arrivée des
mahométans; mais ils en ont profité à leur manière pour satisfaire leurs passions;
et ainsi, bien loin de réagir, ils ont contribué à démoraliser la population indi-
gène. Du reste, la même remarque doit être appliquée aux bouddhistes et aux
banyans que l'Inde nous a envoyés. Il faut l'appliquer encore, dans une certaine
mesure, aux représentants des diverses nations européennes. Car, hélas! l'immo-
ralité, l'irrégularité des mœurs, est le caractère le plus frappant, le plus général,
de cette ville : jamais on n'y célèbre un mariage.
L'abus des liqueurs fortes est un autre de ses principaux traits; car vous savez
déjà que les dames-jeannes d'alcool de Brème et de Hambourg constituent le princi-
pal article de commerce de cette province. Les commerçants européens qui affron-
tent ce climat dangereux, comptent se récupérer par les profits de la vente de
l'eau-de-vie en faisant rapidement leur fortune. Ils prétendent qu'il ne vaudrait
pas la peine de venir faire du commerce ici, quand on ne pourrait plus vendre ces
énormes quantités d'alcool. A notre point de vue, c'est là, comme vous le dites,
< l'ennemi le plus redoutable du progrès dans le champ de la mission, et l'adver-
saire d'une civilisation vraiment saine et durable. » Tous les jours, surtout dans
les sentiers, on rencontre des porteurs chargés d'une ou deux de ces dames-jeannes;
et tout le pays est rempli de misérables débits d'eau-de-vie. La vente au détail
• ■■
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«si entre les mains des Portugais, des métis, et surtout des banyans qui sont
répandus partout. Les nègres eux-mêmes aiment à faire ce trafic rémunérateur,
«t, bien que ce soit interdit, ils ouvrent au milieu des villages de nombreux débits
clandestins. Les gens ivres abondent chaque jour, cela va sans dire, et ce spectacle
-écœurant ne nous est point épargné dans notre retraite de Rikatla. Parfois, on
voit même des enfants qui sont pris d'eau-de-vie et ne savent plus ce qu'ils font.
Vous aimeriez à apprendre que « les autorités prennent des mesures suffisamment
efficaces pour restreindre cet abus ; » mais, hélas ! je suis obligé de dire qu'on ne
fait rien dans ce sens. Les Portugais n'ont pas encore compris, semble-t-il, que
l'abus des liqueurs fortes est un mal. Les employés du gouvernement font des
cadeaux officiels d'eau-de-vie aux chefs indigènes; et quand une troupe de sau-
vages se présente aux bureaux, on leur sert des rasades pour cimenter l'amitié *
Parfois aussi on fait danser la troupe pour se donner un petit spectacle. Je le
répète, en' tout cela les Portugais ne voient aucun mal, faute sans doute d'avoir
été éclairés sur la question.
Vous me demandez encore si la différence entre les Arabes abstinents et les
Européens buveurs ne cause pas de difficultés à notre œuvre d'évangélisation
parmi les noirs. Mais cette différence n'apparaît pas et n'exerce aucune influence.
En effet, les Arabes sont ici en fort petit nombre. Puis, on m'a dit qu'ils n'étaient
pas toujours d'une stricte abstinence, preuve peut-être que l'intempérance est assez
générale pour entraîner les plus forts. De plus, les noirs ont très peu de considé-
ration pour les Asiatiques et ils ne subissent leur influence que dans le sens du
mal.
Sous le rapport de l'édilité publique, il faut reconnaître que Lorenzo-Marquez
s fait de grands progrès depuis un an. On a ouvert plusieurs larges avenues, la
ville est éclairée au pétrole, on travaille à combler le marais, on construit plu-
sieurs bâtiments pour servir à l'administration. Cependant, il y aurait certains
progrès à réaliser ; il y en a même de très urgents, avant lesquels on en a fait
passer souvent d'insignifiants ; le marais étant vingt fois plus étendu que la ville
il ne sera pas comblé, si l'on n'y va pas plus vite, avant cinquante ans d'ici ; car
c'est un travail énorme.
Une chose qui ne progresse pas, c'est le chemin de fer. Il y a juste un an qu'on
inaugurait le tronçon actuel, et dès lors on n'y a pas ajouté un kilomètre de voie
ferrée. Tous savez qu'il appartient à une Compagnie anglaise, et qu'une Compa-
gnie hollandaise s'est chargée de construire le prolongement, la grande ligne de
Pretoria. Mais il parait que la première a émis des prétentions qui ont complète-
ment entravé les opérations de la seconde. Celle-ci n'a donc rien pu faire jusqu'ici.
Elle prépare pourtant ce qu'elle peut en vue d'une prochaine entrée en activité.
C'est ainsi que nous avons vu passer plusieurs escouades d'ingénieurs hollandais
qui allaient étudier et fixer le tracé; ils ont aussi, dit-on, bâti des hangars, des
dépôts, des abris, le long de la future voie. Malheureusement plusieurs de ces
messieurs sont morts de la fièvre.
Pour abattre les prétentions de M. Mac Murdo, le chef de la Compagnie
i
— i)3 —
nnglaitie, le Tranevaal a eotravé autant que possible )e trafic de la ligne actuelle ;
on l'a entoiu'ée d'un blocuB, afin de •^ la réduire par la famine, > — ezpreBsion qui
a été prononcée. L'effet commence à s'en faire sentir, semble-t-il, car le chemin de
fer vient d'abaisser de 60 "lo ses tarife exorbitants; ils étaient Traiment ridicules,
il faut le dire. Maintenant nous reconinien;on3 à espérer que la ligne si
En attendant, Lorenzo- Marquez est en souffrance; comptant sur un
progressif, les commerçants avaient fait d'énormes importations, et les capitalistes
araient fondé direrses maisons nourelles d'industrie et de commerce. Mais autàlit
la place était animée il y a un an et dix-buit mois, autant les affaires sont sta-
gnantes aujourd'hui; et naturellement chacun s'en plaint. La ville de Barberton
partage ce malheureux sort dans une certaine mesure. Qui en prolite?C'est Natal,
qui accapare tout le transit pour les mines d'or, et dont, par suite, le commerce a
triplé cette année.
Les Anglais cherchent toigours il entamer le territoire portugais. Vous savez la
dispute qu'ont eue les deux partis à propos du pays dit < des Amatonga, > dont
la reine veut bien entretenir des relations amicales avec les deux nations rivales,
mais désire éviter une ingérence trop grande soit de l'une soit de l'autre. A cause
de cela, elle a fait massacrer un de ses • ministres > et quelques notables qui ser-
vaient trop bien les Anglais. On a, parait-il, réussi à établir i la ligne d'inâuencei
{pour employer l'expressioc à la mode dans le monde politique) des deux nations
européennes, ligne qui coupe le paya convoité et que les natifs ne comprennent
pas. Les autorités portugaises ont placé un résident auprès de la reine, afin de
maintenir leur droit contre les envahissements des Anglo-Saxons.
Tous aviez annoncé, en son temps, le projet qu'avait le l'ortugal d'établir un
service postal avec des steamers portugais qui devaient unir la métropole à
l'Afrique occidentale et à l'Afrique orientale portugaises. Dès lors, on n'a plus
entendu parler de ce projet : il doit Être tombé dans l'eau. Ce n'est pas étonnant,
car notre province, pour ne parler que d'elle, y aurait plus perdu que gagné.
Nous avons maintenant un service excellent, par lequel nos lettres de Suisse nous
arrivent en un mois, parfois 29 jours, soit via Londres, soit via LisboriM, — quand
les bureaux de Paris ne nous jouent pas le tour de les faire passer par Aden;
ce fut le cas de la vAtre, qui a mis £12 jours à venir. Notre service est fait par les
paquebots anglais hebdomadaires du Cap : sur quatre d'entre eux, un seul ne
vient pas jusqu'ici; les trois autres touchent à Lisbonne le lundi et nous viennent
en moins de quatre semaines. En retournant ils touchent aussi à Lisbonne. Cepen-
dant, il 7 a encore une petite irrégularité dans la marche de nos lettres qui vont
en KuTope, et je n'ai pas encore réussi à en trouver l'explication ; elles ont sou-
vent un retard d'une semaine..
J'ai bien reçu les trois cahiers du Globt, merci. Je viens aussi de recevoir,
octobre compris, les numéros qui me manquaient de V Afrique, je vous en remercie.
J'«epÈre ne pas tarder à vous écrire de nouveau. — M. Widmer est en visite ici ;
il est le propriétaire de la maison, et M. Leuzinger est son représentant associé.
M. Ziegler était le commis; il est retourné en Suisse et a été remplacé par M. Keller.
'^ — . f f.
— 94 —
On attend prochainement de Lisbonne un nouveau gouverneur pour Lorenzo-
Marquez, Pautre ayant été rappelé par le ministère. J^apprends que les natifs de
rembouchure du Zambèze sont en révolte. Ici tout est très paisible.
N'ayant pas encore de maison à Lorenzo-Marquez, nous demeurons à Rikatla,
avec nos amis et collègues, M. et M*"' Grandjean. Ces jours-ci, venus pour affaires
diverses, nous sommes à Phôtel, car la « maison suisse » est pleine.
Paul Berthocp.
BIBLIOGRAPHIE '
Rev. W. Holman Bentley, Dictionary and urammar of the kongo
LANGUAGE, Rs spokeiî Et San Salvador. Loiidon (Baptist MissiouaiT Society
and Trûbuer and C**), 1887, iu-8% 718 p.— Comme le rappelle M. Robert
Cust, l'auteur de Langnages of Africa, la langue dite du Congo n'est
qu'une des nombreuses langues parlées dans le bassin du Congo. Mis-
sionnaire de la Société baptiste anglaise, M. Bentley l'a d'abord apprise
pendant un séjour de cinq années au milieu des populations qui la par-
lent, et après être venu en Angleterre, il l'a étudiée à fond et a chissé
ses matériaux. Quoiqu'il eût temporairement perdu la vue, et que sa
santé fût sérieus(*ment atteinte, il a pu, grâce au concoui'S de sa femme,
continuer l'œuvre qu'il avait commencée, la rédaction du dictionnaire
et de la grammaire de cette langue. L'importance de cette œuvre res-
sort déjà du fait que la langue du Congo prend place à côté du souahéli,
du zoulou, du pongoué, comme l'une des langues types de la famiUe ban-
toue. Quoiqu'elle en diffère à plusieurs égards, elle a cependant avec les
autres des affinités ineffaçables qui indiquent une origine commune.
M. Bentley a pu aller au fond des choses et résoudre beaucoup de ques-
tions douteuses, ensorte que son travail jettera du jour sur des traits,
inexpliqués jusqu'ici, des langues sœurs dont l'étude commence seule-
ment.
Dans une préface développée, M. Bentley détermine la limite du vaste
territoire dans lequel est parlée la langue du Congo, du T)" lat. N. au
12" lat. S. et du HO ' long. E. jusqu'à 150 kilom. environ de l'Océan
atlantique. Il rappelle les commencements de la mission baptiste anglaise,
après la découverte du grand tieuve par Stanley, les difficultés considé-
.rableiî rencontrées pour l'étude des mots, des formes du langage, de la
' On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bâle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— itr» —
classitîcation, elc. Lorsque la maladie l'ohligea à r.;veiiip eu Eurt
eut la chance de pouvoir amener avec lui un Jeune élève de l'éci
San Salvadoi-, qui avait beaucoup voyagé, mais sans résider jamais
longtemps dans un endroit pour subii* l'iuHuence du patois qui }
parlé, en sorte qu'il avait conservé intacte la prononciation de la 1
maternelle. Jusqu'il sa venue en Angleterre, il ne savait à peu pr
tm mot d'anglais et, quoiqu'il Tait appiis facilement. M, Bentley
parlait que la langue du Congo. Il savait très bien faire la âiSé
entre les mots qui appartiennent réellement k la langue du Coi
ceux qui ont été importés à San Salvador par des esclaves du
nage.
M. Bentley s'est beaucoup aidé, pour la rédaction de la grami
des travaux antérieurs sur d'autres langues de la famille bantoui
exemple du Handhook of Swahili de l'évéque Steerc, dont les v
ques et les règles lui ont fourni la clef des règles pour la format!
prétérit. On ne peut pas douter que sou travail, utile avant toi
Européens, missionnaires, rammerçants, voyageurs, dans le bass
Congo, ne rende de grands services aux autrtw missionnaires dans
très parties de l'Afrique, dont les langues n'ont encore ni diclionna
grammaires. Il le sera aussi aux hommes d'étude qui peuvent cuiti
philologie comparée dans des climats plus tempérés et dans des i
tiens beaucoup plus favorables aux reclierches linguistiques. Lî» I.
parlée à San Salvador a, sur beaucoup d'autres, l'avantage de n
subi l'intluence d'aucune autre grande famille. Le nègre propn
dit, le sémite ou le Hottentot sont trop éloignée* piiur que leur
gués respective.^ aient pu déteindre sur celle du Congo. L'êlémen
tugais se fait sentir à la côte, mais à San Salvador, l'intluenee i
exti-émeraent faible,
M. Bentley, arrivé à la fin de son long travail, a acquis la conv
que ces peuples que nous nous pluicnns à appeler « sauvages w o
avoir un passé gloiicux. Leur langue est inhniment supérieure è
tels que nous les trouvons aujourd'hui, illettrés, possédant néau
un système granmiatical régulier d'une exactitude telle que 1'
journalier eu est déjà, h lui seul, toute une éducation.
.4. Béguin et B. Peiijneanx. Es ziiizac dv Maroc a Mai.te a tr
I.'AuiÉRIE, I.A TuXIfllE KT i.KI* ÉtaT» ItARIIARESlK'I':». LVOII (,All
Goste), ISsS, i»-l«", '1.^0 p. illust. fr. ô. — Les deux voyageui-s, ai
de ce livre, mi-ssionnaires de la Maison des Chartreux de Lyon,
— 96 —
Buvre de science; leur but a été, avant tout, ite
s la Gâte septeotrioiiale de l'Afrique, et de visiltr
ligieux, cathédrales, couvents, eéniinaires, écoles
de villages qui se trouvaient sur leur route, Partis
B85, ils commencèrent leur excui'Sion par le Maroc
er lieu le port de Tanger; de là ils se dirigèrent
e sur Oran, d'où ils pénétrèrent dans l'inl^near
à Mascara. Ensuite, revenant vers le uord, ils
on côtière algérienne et tunisienne eu faisait
ians l'intérieur : Alger, Fort National, Bougie,
itine, Philippeville, Boue, Souk-Arrbas, Tunis, La
Drmeut les étapes principales de cette partie de
ir mission n'était pas terminée; de Tunis, ils se
Tripoli, eu longeant le littoral tunisien, et se
Malte d'où ils regagnèrent la France.
tas demander à ce volume des recherches particn-
de vue géographique, historique ou politique.
■es qui livi-eiit au public leurs notes de voyage
de connaissances spéciales. Leur œuvre tient ud
s savantes études et les récits badins ; elle est
lioit le penser, se distingue par son cachet religietu;
•esse surtout au public catholique. L'action de
aquelle Mgr Lavigerie a donné une si vive imput-
iez missionnaires, le système d'éducation actuelle-
. les écoles cougréganistes, la situation religieuse
Tunisie, .<4ont décrits avec un soin particulier et
ihreux commentaires. A côté de cela, les auteurs,
de hou sens et dotés d'une instruction générale,
an qu'ont produite sur eux la nature et les hommes
r insensibles au spectacle de.s grandes scènes de la
:it est écrit sans prétention et a\ec une grande
ie fait une idée exacte de la région parcourue. Il
-s racontent ce qu'ils ont vu et disent ce qu'ils
partager toutes leurs idées, il prend plaisir k lire
011 se plait k écouter des hommes sincères.
BULLETIN MENSUEL (1" avril 1889').
Nous extrayous du Rapport du Conseil d'administration à
ijaie genevoise des colonies suisses de Sétif, les reuseigneme
sur ce qui a été fait pour conjurer le danger d'une procha
de Bflkuterelles dont était menacée l'Algérie. Une
i:iOO,000 fr. a été conBacrée au ramassage des œufs; elle co
chiffre colossal de 371 milliards d'œufs. Tout en fournisHa
gènes peu aisés un travail rémunérateur, ou est parvenu ;
uuer le péril, dans une certaine mesure. Quelque cousid^
chiffre iudiqué ci-dessus puisse paraître, il ne représente q
fraction des œufs déposés dans la seule région de Sétif. Aussi,
impoi-tautes ont-elles été affectées aux travaux de défense
commencer dès les premières éclosions, c'est-à-dire au moi
au mois de mai. Une carte exacte des lieux de ponte a été
les soins de l'ailministration qui a rais à la tête du service !
la destruction des criquets un homme de grand mérite,
d'HercuIaïs. Des appareils semblables à ceux qui ont été en
succès dans l'Ile de Chypre ont été commandés en uomt
pour pouvoir faire face à toutes les éventualités, et I'oit^b
travaux, auxquels l'armée prendra probablement part, ser
la sollicitude du gouvernement. Il importe, en effet, d'
l'avance, quelques jours perdus pouvant avoir une influem
le résultat de la campagne en permettant aux jeunes cr
développer. Depuis quelques années, les hauts plateaux del
versent une période critique. Atteints successivement par h
les épizooties, l'avilissement du pi-ix des céréales et du b
souvent par les invasions de criquets, les cultivateurs ont m(
l'adversité beaucoup de courage et de confiance dans l'avi
tence de beaucoup d'entre eux dépend de l'issue de la reçoit
aussi est-il de toute nécessité pour le pays que tout ce qu'i!
iiement possible de faire soit fait pour lutter contre les a
débarrasser la contrée.
' Lea matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les j
dUmtntairet j sont classées saivant un ordre géographique cousta
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant eneuite la cûte orientale d
it par la càte occidentale.
L'aFRIDIJE. — DIXIÈME ANNÉE. — 11° 4.
- 98 —
A l'occasion de la raeuace de riuvasioii de^ criquet?, le BtUktin du
Comice agricole de Médéa cite les expériences faites du soufrage des
vignes et recommande aux viticulteurs algériens d'en prendre note.
Les vignes fortement soufrées, dit le correspondant, ne sont pas tou-
chées par les sauterelles. Dans la région du Kroubs, les blés et les orges
ont été mang(^s jusqu'à ras de terre, tandis que les vignes soufrées n'ont
subi aucun dégât. Un propriétaire des environs d'Aïn Smai*a voyant des
nuées de sauterelles envahir son vignoble, eut l'idée de soufrer immé-
diatement la partie non encore atteinte par les acridiens. Les ceps non
soufrés furent mangés jusqu'à l'écorce, tandis que ceux qui avaient
reçu une légère couche de soufre furent absolument préservés.
M. Ed. Blanc a fait récemment à la Société de géographie de Paris
une communication sur les oasis du sud de la Tanisie qu'il a
étudiées pendant quatre ans, dans des circonstances exceptionnellement
favorables. Il y fut envoyé en 1885, en qualité de chef de service pour
la fixation des dunes de sable qui menaçaient ces oasis, en leur appli-
quant les procédés analogues à ceux qui ont été employés en France
pour fixer les dunes littorales du golfe de Gascogne. Mais en Afrique se
présentent des difficultés spéciales résultant, d'une part, de la grande
masse des sables, de leur sécheresse, de leur mobilité et de la violence
des vents ; d'autre paît, du manque de matériaux poui* les ouvrages,
ainsi que du manque d'eau. Le manque d'eau s'oppose à la végétation
et, par suite, à la consolidation de^ ouvrages par des plantations. A ces
difficultés s'en ajoutent d'autres provenant de l'action du sirocco, du
fait des populations ou des animaux qui détériorent les ouvrages. Néan-
moins les travaux dirigés par M. Blanc ont réussi dans celles des oai<is
où ils sont teiminés ; dans d'autres, ils sont encore en coui-s et se pour-
suivent activement ; pour toutes les oasis tunisiennes, le tracé des tra-
vaux est définitivement arrêté. Grâce aux relations que M. Blanc s'est
créées avec les populations et avec les chefs du pays, il a pu parcourir
cette région en parfaite sécurité et pousser des reconnaissances bien au
delà des limites atteintes par les postes militaires les plus avancés du
sud tunisien. Le contraste qui existe aujourd'hui entre la richesse des
oasis et la stérilité du désert qui les environne n'existait pas à l'époque
romaine, preuve en soit la constatation de ruines très nombreuses dans,
le désert actuel. Le dessèchement tient à la disparition des source>s et
des eaux superficielles, disparition qui, suivant M. Blanc, doit être
attribuée à des causes géographiques générales d'oii est résultée une ^
insuffisance d'humidité dans les courants d'air habituellement régnant 1
sur cette partie de l'Afrique. L'équilibre uue fois rompu entre I
des pluies et l'évaporatiou, il s'en est suivi uii dessèchement prc
de plus en plus marqué, et irrémédiable daus l'état actuel des
doDt l'homme dispose aujourd'hui. L'ensablement, cooséqueuc
relie de l'effritenieût du sol desséché sous l'action des vents,
être supprimé, mais on peut employer divers moyens pour eu
les effets moius directement imisibles. Au sud des oasis de Nefz
de Djérid, M. Btauc a travei-sé le désert de l'Krg, de l'est à l'oi
suivant un itinéraire qui n'avait pas encoi-e été pai'Couni. Ses (
tious dans la paHie méridionale du Chott-et-Djénd l'ont amené è
qac les anciens golfes qu'il formait au sud-est et au sud-ouesl
boi-ds actuels devaient marquer les limites de l'occupation n
<juant à l'avenir de la région des oa^is, M. I31aiic ne croit pas q
possible de transformer le pays et de le couvrir de végétation
moyen de puits artésiens. Les nappes d'eau sous-jaceutcs du
fiout insuffisantes pour l'irrigation de la surface du sol, même en
tant que toutes les eaux du désert viennent se concentrer en
souterraines dans la région du palmiei'-dattier. Ou peut toutefois
que les progrès de la science pcmiettrout d'assui-er l'irrigation
procédés autres que l(^s forages artésiens. En attendant, il i
d'utiliser ces foi-agcs pour (les explorations locales; en jaloni
puits les routes, et eu ci-éant des oasis artificielles le long di
saharieunes, les travaux des ingénieui*» rendent d'incontestables s
D'apràs le rapport du consul général belge au Caire, il s'ej
l'année dernière, dans cette ville, une société pour le développe!
Téldvedes MutFuoheai. Le consul dit avoir visité le parc de:
ches qui comptait 000 têtes, dont 100 k 150 en plein rapport; lei
étaient des autruchons de six mois, trois mois, et plus jeunes
dont les plumes n'avaient encore aucune valeur commercia
autruches sont panjuées en plein air, par groupe de dix, qu
vingt-cinq. Le sol des enclos est tout simplement le sable du
Leur nourriture consiste en maïs, fèves, grains, luzerne et \
Uoe autruche adulte rapjloi-te par au 7.50 francs. Le kilograi
plumes pour Londres, l'aris ou Vienne se paie de 3(X) à 400 fr
de première qualité atteignent le prix de 800 fr. et même de lot
kilogramme. Cet établissement fournit en partie au comniei-ce o
Soudan importait au Caire avant la révolte du mahdi.
Dans une lettre écrite récemment d'Kgjpte à un ami à Budt
M. Feodor Zubovitch dit qu'il désespère d'apprendre la mise en
^^tjv
m':^
w.'
■fl. .
m
t^^^.
:^-t>'--
— 100 —
des cinq sujets autriehieus et hongrois qui sont encore prisonnier»
du mahdi. Le P. Oswalder, Slatin-bey, Neufeld et deux autres mis-
sionnaires sont, si toutefois il est permis d'ajouter foi aux assertions du
mahdi, libres de recevoir des visites de leurs amis ou parents d'Europe,
le mahdi ayant donné sa parole d'honneur qu'on ne fera aucun mal aux
visiteurs et qu'ils seront libres de quitter ses États sans être molestés.
D'autre part, M. Rosty, l'agent diplomatique autrichien au Caire,
n'ajoute pas foi aux déclarations du mahdi, et a demandé qu'une garan-
tie lui fût fournie de la bonne foi de ce dernier. Dans le cas où il serait
fait droit à cette demande, le missionnaire Levy Hanris, qui connaît le
pays, essayera de pénétrer jusqu'au quartier général du mahdi, afin de
pouvoir rapporter au Caire des nouvelles des prisonniers.
Un bateau de Wady-Halfa a amené à Assiouan un Grec nommé
Nicolas Marianis, qui avait été longtemps prisonnier des mahdistes et
avait réussi à s'échapper de Berber. Il avait gagné Korosko en dix jours,
avec son enfant, un petit Soudanais de dix ans, et avait pris un bateau
pour Wady-Halfa, oii il s'était mis à la disposition de l'autorité mili-
taire. Le colonel Messedaglia-bey, commandant de la police dans le
district de Wady-Halfa, monta avec lui sur le bateau pour Assouan. Le
Grec avait abjuré le christianisme et portait le costume des derviches :
une longue tunique couverte de pièces de drap disparates, une écharpe
se croisant sur la poitrine, le turban, et il avait pour arme une longue
lance de bambou. Son enfant portait le môme costume et avait égale-
ment une longue lance. D'après lui, la misère la plus gi'ande règne au
Soudan; les derviches sont las et aflFaiblis : un ardeb de dourah — 120
kilog. — coûte 15 thalaris — 75 fr. — Huit jours avant sa fuite de Ber-
ber, 6000 hommes avaient été levés ; 2000 par Mohammed-Kher, émir
de Berber, et 4000 par deux émirs de la région voisin^. Ils avaient été
concentrés sur Berber, puis expédiés en deux contingents sur Dougola,
où se trouvaient des forces considérables prêtes à marcher sur Wady-
Halfa.
Le capitaine \¥îs8mann e«t parti du Caire pour Zanzibar avec 1300
hommes recinités en Egypte. Aux termes des instructions qu'il a reçues
du prince de Bismarck, il devra, dans ses rapports avec les agents do la
Société allemande de l'Afrique orientale, partir du fait que les droits
conférés à cette Société par le traité conclu avec le sultan le 23 avril 1888
restent en vigueur sans modification aucune. L'administration demeure
confiée aux agents de la Société dans les territoires placés sous le pro-
tectorat de celle-ci, en tant que des considérations militaires n'exigent
— 101 —
pas la restrictiou ou même la suspension temporaii'e des pouvoii'S de la
Société. Dans ce cas, les di-oits civils de la Société passent aux autorités
niilitaii-es dès qu'est pi-oclaraée la loi juartiale. La Société administrera
sous la surveillance du comiuissaii'e impérial, qui devra éviter de s'iiu-
iiiiscer daiis le détail des affaires de la Société et en particulier dans
l'administration douanière. Eu vertu du mandat de surveillance à exer-
cer sur l'adrainistratiou de ta Société, le commissaire impéiial est auto-
usé à demander des modifications aux mesui-es prises par la Société, si
ces mesures lui paraissent de nature à inquiéter la population indigène
ou èti-e eu opposition avec les droits d'autres nations européennes, droits
garantis par des traités. S'il n'était pas donné suite aux demandes du
commissaire impérial, il serait autorisé à suspendre temporairement les
ctl'ets des dispositions critiquées par lui, et, daus les cas urgents, à exiger
l'éloignement d'agents de la Société dont la présence lui paraîtrait
incompatible avec le maintien de la sécurité et des bonnes rolatione
avec la population indigène.
Nous complétons les i-enseignements que nous avons donnés daiui
notre dernier numéro, sur la révolution de l'Ou-Cnnila, par les détails
suivants empruntés à une lettre de Mgr Livinhac, vicaire apostolique du
Victoria-Nyanza, au cardinal Lavigerie :
« Par les lettres de mes confrères, Votre Kminence compi'endra que ce
sont les musulmans venus de Zanzibar et leurs adeptes qui sont l'unique
cause de notre expulsion. Nos néophytes ont été attaqués et nous avons
été pillés, mis en prison et chassés eu haine de la religion chrétienne.
» Vous saurez, » nous a dit le Mou-Ganda musuhnan, au moment de
rembarquement, « et vous ferez savoir aux Bazouiigou (Européen.*!),
<|Ue nous ne voulons plus de leur i-eligion dans l'Ou-Ganda. Nous vou-
lons l'islamisme, rien que l'islamisme. Si un Européen remet le pied sur
noti-e sol, nous le dépouillerons de tout ce qu'il possédera, nous le niet-
tron.s dans les fers et nous le chasserons au bout de quatre ans de
prison. B
t Si les puissances européennes ne pi-ennent pas de.s mesures énergiques
contre les trafiquants arabes, ceux-ci feront dans tout l'intérieur ce
qu'ils viennent de faire dans l'Ou-Ganda, et tous les blancs devront
reprendre le chemin de Zanzibar. La grande plaie de l'Afrique équato-
riale ce sont les Arabes. Puisse-t-on le comprendre dans les cabinets
eui-opéens oii l'on s'occupe de la civilisation de ce pauvre continent.
Aa«si longtemps qu'on laissent les trafiquants de Zanzibar circuier
librement et porter poudre et fusils, on travaillera en vain ii détruire la
traite et à civiliser l'Afrique
,'■ i^.
— 102 —
« S'il faut en croire les bruits qui courent, plusieurs centaines de chré-
tiens de rOu-Ganda veulent venir chercher un refuge auprès de nous..^
Que deviendront les deux ou trois mille néophytes ou catéchumènes qui
ne pourront quitter leur pays ? Les musulmans leur feront probablement
entendre leur inexorable crois ou meurs ! et ils n'auront plus auprès
d'eux les missionnaires pour les encourager à mourir pour leur foi.
Heureusement, tout espoir de retourner dans l'Ou-Ganda n'est pa&
perdu. Les Ba-Ganda païens détestent les musulmans, et ils forment la
masse de la population. Il est probable qu'ils ne tarderont pas à se
révolter contre leurs oppresseurs, et à placer sur le trône un roi de leur
choix qui lèvera l'arrêt de bannissement porté contre nous. »
La lettre à laquelle sont empruntés ces détails était datée du 6 no-
vembre. Jusqu'au 13 décembre, les missionnaires ne purent trouver des
hommes pour porter leur courrier. Ce l'etard forcé leur a permis de
recevoir d'autres nouvelles de l'Ou-Ganda, apportées par des chrétiens^
venus au nombre de quarante-huit, sur une grande barque, chercher un
asile dans la station de Kamoga dans le Boukoumbi.
Il en ressort qu'après l'expulsion des missionnaires, les Arabes voulu-
rent forcer Kiwewa à se faire circoncire. Le roi, craignant de mourir
de cette opération, résolut de se défaire des Ba-Ganda mahométans lea
plus influents. Il manda chez-lui, comme pour une affaire importante,
le premier ministre et deux autres grands seigneurs. Il les lit lier, se
précipita sur eux avec sa longue lance, et en tua deux. Il allait percer
le ministre, quand le chef des pages musulmans tira sur lui. p]ffrayé, le
roi prit la fuite. Alors le ministre proclama un des iils de Mtésa, Karéma,
après l'avoir fait circoncire. Kiwewa réussit à se sauver avec un certain
nombre de ses partisans à Singo, sur les frontières de l'Ou-Nyoro.
Néanmoins il prétend être roi; toutefois il est à craindre que les Arabes
ne finissent par avoir le dessus.
Une lettre du missionnaire Mackay, publiée par le Church Intelligent
cer and Record, annonce que Mwanga, après s'être enfui de Roubaga
avec six de ses femmes et une quarantaine de jeunes gens, est arrivé à
Magou, au sud du Victoria-Nyanza. M. Mackay l'ayant appris, envoya
à l'ancien pereécuteur deux messagers pour lui offrir de lui venir eu
aide dans la situation difficile oii il se trouvait. Mwanga lui a fait
répondre qu'il désire se rendre à la côte, et l'a prié de venir le voir à
Magou. Il serait même disposé à aller en Angleterre, parce qu'il a
entendu dire que l'empereur des Français, après avoir été vaincu par
les Allemands, a trouvé un asile dans la Grande-Bretagne.
— 103 —
Les ambassadeui*s du roi des Ma-Tébélé ont remis à la reine d'An-
gleterre la lettre de Lo-Bengula, et retourneront prochainement à Cape-
town. Ils ont visité l'arsenal de Woolwich et assisté à des manœuvi-es
à Aldershot. On devait les conduire à Portsmouth pour y entendre les
détonations des énormes pièces des vaisseaux cuirassés, et à Birmin-
gham pour y voir les manufactures d'annes plus petites. A la demande
de la reine : S'ils sentaient le froid? Ils ont répondu : Comment pour-
rions-nous sentir le froid ou le chaud en présence de la grande reine
blanche? Ils ont hâte de recevoir la réponse à la lettre de Lo-Bengula,
pour pouvoir retourner dire à leur souverain tout ce qu'ils ont vu de la
puissance de l'Angleterre et de l'amitié du peuple anglais.
Le steamer le Orantully-Castle a commencé à importer en Angle-
terre des raisins de Capetoiivii. Poui* cela, il a été créé une pièce
spécialement destinée à recevoir les grappes de raisin. Elle est située
dans l'enti-epont, est construite en bois et mesure 5" de long, 3*° de
large et 2"* de hauteur. Les parois sont doubles ; l'intervalle de 0™,50
qui le^ sépare est rempli de poudre de houille, le meilleur moyen,
dit-ou, d'absorber l'humidité et d'empêcher la radiation. Les raisins
sont placés dans des tonneaux remplis de fine poussière de liège. La
pièce peut recevoir vingt et un tonneaux ; elle est hermétiquement close
par une porte qui, une fois fermée, ne se rouvre qu'au terme du voyage.
Un tuyau part du générateur de froid et conduit dans la pièce un cou-
rant d'air qui peut être maintenu à une température constante de 7"^
centigrades. L'air apporté de la chambre réfrigérante amène une cer-
taine quantité d'humidité, qui se dépose en neige en arrivant dans la
pièce où sont les raisins; mais cette neige fond bien vite, et l'eau qui en
résulte est emmenée par un tuyau spécial. Dans le cas où le steamer
n'aurait pas de raisin à transporter, cette pièce peut se démonter, et
l'espace qu'elle occupe être rempli de laine ou d'autres marchandises.
Six familles protestantes, descendant d'anciens esclaves hbérés, ori-
ginaires du Congo, mais établis à Libéria depuis quelques années, eu
ont été ramenées par M. Lehrmann, agent de l'État indépendant, et ont
été installées dans le voisinage de Banana. On a choisi pour elles le
plateau de Nemlaô, qui s'étend depuis la mission Taylor jusqu'au
village du chef Ne'Tombé, actuellement le plus important des princes
de Banana. Les nouveaux colons ont trouvé les terrains de ce plateau
éminemment propres à la culture du café, du tabac et du cacao. Les
vallées aux environs du village de Ne'Tombé sont très belles; les plan-
tations indigènes de maïs, de sorgho, de patates douces, etc., y sont très
— 104 —
pi-ospères. Ne'Tombé se déclare très content de l'arrivée des nouveaux
éraigi-anta. La mission protestante établie par l'évéque Taylor se
trouvant à proximité du terrain concédé, les petits enfants, qui savent
pi-esque tous lire et écrire, pourront y continuer leur iustructioD.
Le steamer de la Compagnie du Congo pour le commerce et l'indus-
trie, le Roi des Belles, a fait. Tannée dernière, l'exploratioB iIh
Kasaaî et de nés arfluenUi, au point de vue commercial, sous le
commandement de M. A. Delcommune. Le Mouvement géographique de
Bruxelles a obtenu de la susdite Compagnie des renseignements géo-
graphiques auxquels nous empruntons les détails suivants : Le Soi du
Belges a remonté successivement le Kwa et le Mfini-Loukényé, fait h
circumnavigation du lac Léopold II, remonté le Kassal et la Louloua
ju.squ'à Louébo, exploré le Sankourou et le Lomami, le Quango et W
. Djouma. Après 15!i jours de navigation, il rentrait à Léopotdville, ayant
accompli un trajet de plus de 3000 kilomètres. Dans l'exploration du
inani. M, Delcommune constata que les riverains se livrent, sur uue
assez grande échelle, à l'industrie du sel et â, la fabrication d'une
teinture rouge. La population est clairsemée, éparpillée dans de petits
villages. Un peu en aval de l'entrée dans le lac Léopold 11, le tieuvf
a une largeur de WX)"'; la i-ive droite est i-ocbeuse et assez élevée; ww
suite de charmants villages se montrent au milieu de superbes palmiers
elaïs et de plantations de bananiei-s. Au passage du bateau, une
population nombroiise et hospitalière se groupa sur la rive. Rarement
M, Delcommune avait rencontré des indigènes d'un caractère plus
doux. A l'endroit oii le Mfiiii sort du lac, celui-ci a 3 kilom. de laideur.
A l'extrémité septentrionale, il forme deux immenses baies mesurant
plus de 50 kilom. de longueur sur 11 de largeur. Sur la rive orientale
de la baie d'ouest, se trouve la ville de llMnbou*oii l'expédition ro(;ut
le meilleur accueil, n Vei-s quatre heures, " dit M. Delcommune dans sou
rapport, « je nie rendis au village, .le longeais une grande rue entre dre
huttes trè-s bien faites et d'une grande propreté. Ces habitations ont le
toit plus élevé et h uu angle plus aigu que celles que j'ai vues jusqu'ici.
Les pai-ois sont faites de bambous fendus ou deux et espacés d'un centi-
mètre. Elles n'ont pas de portes : trois côtés sont fermés, le quatrième,
entièrement ouvert, sert d'entrée. La nuit, on ferme ce dernier an
moyen d'une natte. A l'intérieur, une couche d'un pied d'argile battue
.sert de plancher, puis quelques lits bas eu bambous, puis, au centre, un
autre lit en bambous, celui-là placé très haut, forment tout l'ameuble-
ment de ces ilenienres primitives. Après une marche de 25 minutes sur
— 105 —
cette large route, toute bordée de huttes, de bananiers, ;de palmiers
elals, de palmiers bambous, de safou, etc., nous arrivons devant une
clôture faite de feuilles de palmier et dont F état délabré indique la
vétusté. Nous entrons dans cette enceinte, où se dressent six grandes
huttes, et je me trouve bientôt devant le chef. On m'ofire un escabeau
de bois sur lequel je m'assieds ; les interprètes s'accroupissent à me^
côtés. Je me vois bientôt entouré, à une certaine distance, d'une bande
d'indigènes; Le chef Totay reste dans le fond d'un hangar où je l'avais
vu, en entrant, entouré de ses familiers... Le lendemain, à huit heureg
du matin, il arrive au bateau avec une suite nombreuse, vêtu comme la
veille : un long pagne d'herbes noué autour des reins, le toi*se nu, sur la
tête un léger filet ti-essé de minces cordelettes, qui lui tombe jusque sur
l'épaule. Sur le sommet de la tète et nouées au filet, des plumes de coq,
de perdrix, de pintade, de perroquet, dressent leurs arêtes panachées;
sur le front, et également attachée au filet, une large plaque ronde de
cuivre jaune repoussé représentant le soleil qui est ici le symbole de la
royauté. Il tient à la main un long et large couteau, de forme ovale,
dont les bords luisants brillent au soleil. Je l'invite à monter à bord,
mais il n'ose s'aventurer sur mon bateau qui lui fait peur. A dix heures,
nous nous mettons en marche, accompagnés des acclamations sympa-
thiques de tout le peuple. A 500™ de la rive, nous avisons im endroit
sablonneux abordable, oîi nous distinguons une foule d'indigènes nous
faisant des signes et poussant des hurlements vraiment sauvages. Nous
abordons et nous nous voyons entourés par plus de 500 indigènes d'hu-
meur très commerçante. Leurs huttes s'alignent le long de la rue et
dans l'intérieur des terres, enfouies au milieu d'une végétation luxu-
riante. Nous faisons une ample provision de poules, de chèvres, d'œufs
et de bananes, qui coûtent ici une bagatelle. Les coiffures des indigènes
sont très variées et toutes très artistement faites. Les unes aii'ectent la
fonne de pâtés à côtes; d'autres celle d'un chapeau chinois tout à fait
uni ; celles-ci, d'un diadème ; celles-là, ramassées en boule, donnent un
aspect grotesque à ces figures de bronze. »
L'expédition du D' Zint^ralT dans la région des sources du Cala-
bar nous a apporté des renseignements utiles sur les tenitoires situés
au nord de ceux qu'avait explorés le D*^ Schwarz (v. VII année, p. 172-
181 et la Carte, p. 188). Parti de la station de Balombi, près du lac
des Éléphants, avec 35 hommes seulement, il gagna d'abord Bakoun-
dou, puis le pays des Banyang, situé au N.-E. Une quantité de petits
cours d'eau se déversant dans le Calabar entretiennent la fraîcheur du
i;V' *■.'■'■
*
— lOÔ —
R ; * sol forestier. Les indigènes sont vigoureux et d'un noir foncé; ils se
^^ V nourrissent de mate, de bananes, dMgnames, de cocos, de fèves, et de
^PvA^' toutes sortes de fruits savoureux, dont beaucoup sont inconnus à Tex-
>J' V. plorateur; la noix de gouro abonde dans la région. Les Banyang se
disent originaires d'un pays situé plus à Test, peut-être le Bayong de la
carte de Perthes. Us disent que dans leur pays coulent deux grands
fleuves, Tun occidental, le Difumm, et le plus grand, l'oriental, le
Liba. Us étaient en guerre avec les Bali, de TAdamaoua, qui font le
commerce d'esclaves. Ces Bali, disent-ils, habitent à plusieurs journées
de distance dans une région de pâturages ; ils se nourrissent de riz et
montent à cheval. Les Banyang sont du l'esté astucieux et rapaces.
Difang, le premier chef du pays, eut d'abord rintention d'attaquer le
docteur et de le dépouiller, comme il avait déjà volé et tué huit mar-
chands qui s'étaient confiés à son hospitalité. Cependant, après la
remise d'un cadeau de prix, l'explorateur fut bien accueilli de lui. En
revanche, un chef voisin, Fotabe, le retint de force et le pressura. Il
désirait beaucoup pouvoir atteindre le pays des pâturages au delà de la
première chaîne des monts qui forme la vallée dans laquelle coule le haut
Calabar, et résolut de laisser ses coflfres vides à Difang, et de ne charger
ses porteurs que des provisions et marchandises nécessaires pour une
absence de deux mois. Mais un envoyé d'un des chefs vassaux de Difang
vint planter un épieu en terre devant le docteur, eu déclai'aut que sou
maître refusait le passage à un blanc, et que si la caravane poussait en
avant ce serait la guerre. Force fut donc au voyageur de repasser le
Calabar et de reprendre le chemin de la côte sans avoir pu gagner
l'Adamaoua, comme il l'avait espéré.
Un télégramme a annoncé la rencontre à Koni^ du capitaine Bin-
ger et de M. Treich-Laplène, chargé de lui conduire un convoi de
ravitaUlement. Parti, en mars 1887, des possessions françaises du Séné-
gal, M. Binger, se dirigeant vers le sud-est, atteignait Kong eu
mars 1888, en explorait toute la région, puis, se portant vers Test,
arrivait le 11 novembre à Salaga, d'oîi il revenait bientôt à Kong. Sou
voyage à travers des territoires où n'avait pénétré aucun Euro-
péen nous procurera d'utiles renseignements géographiques. Celui de
M. Treich-Laplène, d'Assinie à Kong, a été accompli dans des circon-
stances tout particulièrement difficiles. Il a dû lutter de finesse avec les
chefs noirs, traiter avec eux, les couvrir de cadeaux pour obtenir le
passage; et ce n'est qu'à force d'énergie qu'il a réussi à vaincre toutes
les difficultés.
— 107 —
A la dernière heure, le Temps nous apporte une lettre de M. Treich-
Laplène, écrite de Kong, le 15 janvier, rendant compte de sa rencontre
avec M. Binger. Nous en extrayons ce qui suit : Tandis que je me
dirigeais sur Kong, le capitaine Binger pénétrait dans le Bondoukou,
venant d'explorer les pays des Mosi et des Grousi, dans lesquels il a
couru les plus grands dangei's, ensuite de l'émotion causée par l'arri-
vée d'une expédition venue du bas Niger. Obligé de fuir, M. Binger fit
route, pendant plusieurs semaines, sans guides, manquant de vivres,
continuellement en péril, jusqu'à Oual-Oualé, puis il descendit à Salaga,
où il dut séjourner quelque temps. Lui et ses gens étaient épuisés par la
fatigue et la maladie. De Salaga, marchant vers l'ouest, M. Bmger se
rendit par Kintampo à Bondoukou, qu'il atteignit huit joui-s après mon
départ. Si le roi Adjimin m'avait fait prévenir alors de l'arrivée de
notre compatriote dans ses États, je n'aurais pas eu besoin d'aller
jusqu'à Kong. A Bondoukou, M. Binger eut un accès de fièvre bilieuse
hématurique; à peine remis, il suivit mes traces vers Kong, à pied, tous
ses animaux porteurs étant morts. Enfin, le 5 janvier, nous étions
réunis. M. Binger a signé avec le souverain de Kong, Karamotho-Oulé-
Ouattura, un traité qui place la ville et le territoire de Kong sous le
protectorat de la France. Aujourd'hui, nous allons reprendre ensemble
la route de la côte, en suivant la rive droite du fleuve Akba, qui forme
la frontière entre le pays de Kong et le Bondoukou. Nous espéi*ons
descendre en pirogue jusqu'à Bettié, d'où nous gagnerons Graud-
Bassam^
On écrit de Saint-Louis au Moniteur des colonies, que M. Noirot,
administj-ateur délégué du Sénéi^al, déploie la plus grande activité
pour que l'Exposition universelle possède une collection ethnogi*aphique
des peuples de la colonie fi*ançaise. De nombreuses photographies, des
tableaux et des dessins, dus à M. Noirot, compléteront les renseigne-
jiients fournis par les objets en usage chez les différentes tribus. Des
forgerons, des menuisiers, des cordonniers indigènes, montreront par
leurs travaux les progrès industriels de leurs peuplades. En outre,
M. Noirot a décidé les principaux chefs à participer directement en qua-
lité d'exposants à cette manifestation internationale. Certains chefs ont
demandé et obtenu de pouvoir visiter l'exposition, accompagnés de leurs
familles. Grâce au concours de M. Aumont, président de la Chambre de
' Un télégramme, arrivé à Paris le 22 mars, a annoncé qae MM. Binger et
Treich-Laplène sont parvenus en bonne santé à Grand-Bassam.
— 108 —
commerce de Saint-Louis, une collection complète des produits d'im-
portation et d'exportation figurera à la section sénégalaise.
NOUVELLES GOBIPLËMENTAIRE8
Dans on article sur Pimportation des légumes d'Algérie, le Sémaphore de Mar-
seille donne les chiffres suivants, qui montrent le développement progressif de U
culture maraîchère dans la colonie française. En 1860, l'Algérie n'exportait pour
Marseille que 170000 kilogrammes de légumes frais et de primeurs. En 1872, ce
chiffre s'élevait à 1200000 kilog. En 1888, MarseUle en recevait 6572433 kilog.,
dont la plus forte partie provenait de l'Algérie.
D'après le journal italien, la Biforma, le négus d'Abyssinie a déclaré la guerre
à Ménélik, roi du Choa. Celui-ci a adressé à son peuple une proclamation pour
appeler tous ceux qui ont en main une lance à se réunir pour la défense du pays,
des femmes, des enfants et des vieillards;
A la suite d'une demande faite par le sultan de Hobbia, le consul d'Italie à Zan-
zibar a été autorisé à lui accorder le protectorat italien. Conformément à l'article
34 de l'Acte général de la Conférence africaine de Berlin, notification en a été
faite aux puissances signataires dudit acte.
D'après la Vossische Zeitung de Berlin, M""* Ruete, sœur de l'ancien sultan
de Zanzibar, Saïd-Bargasch, s^étant rendue à Zanzibar pour demander au sultan
actuel, Seyd-Khalifa, sa part d'héritage, n'a rien pu obtenir de lui. L'intervention
du gouvernement allemand n'a pas pu décider le sultan à se réconcilier avec sa
sœur; celle-ci est revenue dans une des villes de la côte de la Palestine où elle
compte passer le reste de ses jours.
Le Berliner Taghîatt annonce qu'après avoir été obligé de s'éloigner de Baga-
moyo, Bonchiri s'est retiré dans l'intérieur et que les indigènes se montrent
disposés à entamer des négociations pour la paix.
Le D' Pet ers, chargé de la conduite de l'expédition de secours pour Émin
pac}ia, a quitté Alexandrie, se rendant à Zanzibar. Les porteurs engagés pour
lui dans l'Afrique orientale n'ont pas été autorisés à débarquer à Zanzibar ; le
sultan les a fait transporter à Dar-es-Salam.
Douze des esclaves libérés par le steamer allemand le Leipzig, ont été rendus
aux Arabes pour obtenir le rachat de sept missionnaires allemands capturés par
ceux-ci, qui ont exigé en outre un paiement de 12000 roupies (plus de 20000 fr.).
Les conséquences du blocus de la côte orientale d'Afrique se font sentir à
Madagascar, aux Comores et à Nossi-Bé. Des Hindous établis depuis longtemps
sur le littoral africain ont émigré dans ces lies, et comme ils vivent de peu et se
contentent de très petits bénéfices^ les Européens et le petit commerce fait par les
créoles ont beaucoup de peine à soutenir la concurrence avec eux.
UAdvertiser de. Pretoria annonce que la construction d'un chemin de fer de la
capitale du Transvaal à Johannesbourg est décidée.
/
— 109 —
Les présidents des deux républiques du Transvaal et de l'État libre de POrange,
MM. Krûger et Reitz, ont dû se rencontrer le 4 mars à Potchefstrom pour discu-
ter un projet d'union fédérative et des sujets d'intérêts communs aux deux États.
D'autre part, les gouvernements de Natal et de la Colonie du Cap ont accepté
tine invitation du président de l'État libre de l'Orange, à envoyer des délégués à
une conférence qui devait avoir lieu le 20 mars à Blœmfontein, pour s'occuper
des douanes et des chemins de fer.
Sir Francis de Winton a communiqué à la Société de géographie de Lioudres
que le comité organisateur de l'expédition Stanley a été avisé de l'arrivée aux
Stanley-Falls de quatre lettres de Stanley. Expédiées à Londres, elles y sont
attendues prochainement.
M. Amot ayant rapporté à la Société de géographie de Londres que le chef
Chitamba, dans le territoire duquel mourut Livingstone, était mécontent de n'avoir
pas reçu de récompense pour l'autorisation qu'il avait donnée d'emporter le corps
du grand explorateur, le Conseil de la Société a mis 50 livres à la disposition de
M. Amot pour l'acquisition d'un présent à offrir à Chitamba. M. Amot a accepté
cette mission et s'en acquittera dès son retour dans l'Afrique centrale où il se
prépare à retourner.
L'État indépendant du Congo fait établir sur l'Arououimi une station militaire
dont la direction sera confiée à M. le lieutenant Roget, ancien commandant de
la force publique à Borna.
Le steamer HoUand, de la Société Jiollandaise, a quitté Stanley-Pool, se rendant
dans le haut fleuve pour y fonder un nouvel établissement en amont de fiangala.
Le Génèraî'Sanfardf vapeur de la Société belge du haut Congo, a dû être mis
à flot sur le Stanley-Pool au commencement de février.
M. Crampel, ancien secrétaire de Savorgnan de Brazza, qui avait reçu de celui-ci
cme mission à l'intérieur ^u Congo français, parait avoir complètement réussi. Le
Moniteur des Colonies annonce son retour au poste de Bâta, venant de l'Ogôoué
par ^ nord. Les détails manquent encore.
A l'occasion de l'expédition Kund sur le Sannaga, la maison Wœrmann de
Hambourg a prescrit à son représentant au Cameroun d'établir ime station sur le
l)a8 Sannaga, et de pousser activement, en amont, la fondation de postes commer-
•danx sur le Niong. Depuis l'expédition susnommée, le trafic de caoutchouc sur la
«6te de Batanga et les relations avec l'intérieur ont pris un grand essor.
A la suite des incursions continuelles auxquelles se livraient les indigènes de
Biboundi et de deux autres villages contre des tribus amies des Allemands établis
au Cameroun, une troupe allemande a été débarquée près de Biboundi, qui a été
brûlée ainsi que les villages susmentionnés.
Les maisons de commerce anglaises et allemandes établies sur la côte des
Huiles et qui ont des relations avec le Niger, ayant réclamé auprès du gouverne-
ment britannique contre certains procédés de la Compagnie royale du Niger, le
gouvernement a envoyé le major Claud MacDonald en qualité de commissaire
extraordinaire, avec mission de faire une enquête sur les faits qui ont donné lieu
à ces réclamations.
— 110 —
Le capitaine Lethbrige ayant rapporté à Accra le traité conclu au nom de là
France avec le roi du Gy&man et le paTÎllon français donné à ce roi, le major
Ewart, le D' Freetnan et le détachement de HaouBBas qui formaient l'expédition
anglaise envoyée au Gyamsn, ont été rappelés à Accra.
Le chemin de fer du haut Sénégal, abandonné, puis repris avec de faibles res-
sources, va maintenant jusqu'au fort de Bafoulabé ; Bon parcours est de 128 kilo-
mètres. Les villes de Kayes, Médine et Bafoulabé, qui sont sur la ligne, se
développent rapidement. En 1866, la première comptait 200 habitants; elle en a
7000 aujourd'hui.
D'après une dépêche de Tanger, une factorerie anglaise du cap Juby serait
menacée par les indigènes du Draa ; un Anglais a été tué, deux autres ont été
bleasés. En outre le c&ble aous-marin ayant besoin d'être réparé, le sultan profite
de cette occasion pour chercher à retirer la concession qu'il avait accordée pour
le poser. L'aviso anglais le Curleie est parti pour protéger ses n
COMMUNICATIONS ENTRE U COTE ORIENTALE D'AFRIQUE
ET L'INTÉRIEUR
Dans la lettre de sir Francis de Wintoii que nous avons citée (p. 10),
se trauve mentionnée la localité de Msalala, au sud du lac Victoria, où,
sur )a demande de Stanley, le Comité de secours avait oi^anisé uik
dépôt de marchandises et de munitions pour l'expédition. A cette occa--
sien, un membre du Parlement anglais demanda par quelle voie ces
provisions avaient été transportées à Msalala, qui, pour le dire en pas-
sant, est une station dos missions de l'Église anglicane. Le Times a
répondu dans un article dont nous allons donner la substance ; les ren-
seignements suivants compléteront ce que nous avons dit (p. 2r>-28) des
iiitéi*êtâ missionnaires dans l'Afrique orientale équatoriale.
Ce sont, en effet, les agents dejs Sociétés missionnaires qui, installè.s
dans cette région, compi-enant les indigènes et bienvenus de ceux-ci, ont
établi les communications régulières existantes entre la côte et l'inté-
rieur.
En commençant par le nord, la mission allemande de Ngao, sur la
Tana, a de.*! communications plus ou moins précaires avec Witou, dans
la zone d'influence allemande.
La bi'anche de Plombas de la Société des missions anglicanes a des
communications régulièi-es, de Frere-Town, sur la côte, avec le terii-
tflire de Teïta, et de Mechi (.Cliagga), à l'intérieur, dans la zone d'iu-
fluence anglaise. La Société se propose d'ouvrir une route directe, de
— 111 —
Chagga au golfe de Speke, à l'angle sud-est du Victoria-Nyaiiza, pour
être complètement indépendante de Zanzibar. Mais, jusqu'ici, le pays
n'a encore été traversé par aucun Européen, ni par une caravane
arabe ; aussi le projet susmentionné est-il en suspens. Joseph Thomson
a ouvert une autre routQ de Chagga au Kavirondo, à l'est du lac Victo-
ria ; elle traverse le pays des Masaï, et a été suivie par l' évoque Han-
nÎDgton; mais celle-ci ne répond pas aux besoins des stations missionaires
qui sont au sud du lac et qui doivent être maintenues. Du port de
Mombas, la mission anglaise des méthodistes unis et celle de Bavière
ont des communications faciles avec leurs stations respectives dans le
pays des Wa-Kamba et dans celui des Gallas méridionaux, à Golbanti.
La mission des Universités a, de Zanzibar, comme base permanente
d'opérations, un accès assuré par steamer avec Pangani, sur le conti-
nent, et de là, avec ses nombreuses stations dans l'Ou-Sambara. Ses
communications avec ses établissements sur la Rovouma se font par
vapeur jusqu'à Lindi, puis par terre jusqu'à Newala. Pour atteindre ses
stations du lac Nyassa, on peut prendre une route qui passe au sud-ouest
de Lindi, puis à Chitesi, d'où l'on gagne le Nyassa, ou bien se rendre en
steamer à Quilimane, d'où l'on remonte le Zambèze et le Chiré. C'est
plus long, mais jusqu'ici la sécurité de la route est entière.
La Société des missions anglicanes maintient des communications
ininterrompues avec le Victoria-Nyanza, et avec ses stations intermé-
diaires, au moyen de caravanes expédiées périodiquement de la côte.
Elles traversent l'Ou-Sagara, l'Ou-Gogo, l'Ou-Nyamouézi et l'Ou-
Zinga, pom- parvenir aux stations qui sont au sud-est du lac Victoria.
C'est sans doute par une de ces caravanes, sous la direction d'un
Anglais expérimenté, M. Stokes, que les provisions de Stanley ont été
transportées à Msalala. De ce point Ton se rend à Roubaga, capitale de
rOu-Ganda, au moyen des embarcations des indigènes. Il est question de
lancer sur le lac un bateau européen, construit spécialement pour faire
ce trajet. La Société des missions de Londres se sert de la même route,
de Zanzibar à Tabora, dans l'Ou-Nyamouézi, mais de ce point les com-
munications avec ses stations du Tanganyika se font par la voie d'Oud-
jidji, qui est également employée parles missions catholiques pour leurs
établissements sur la côte ouest du Tanganyika. C'est encore par cette
route que Tipo-Tipo a expédié à Zanzibar les lettres qui ont apporté les
nouvelles de Stanley.
Les missions écossaises du lac Nyassa communiquent avec la côte par
le Zambèze et le Chiré.
— 112 —
Pendant les dix dernières années, on s'est ^orcé, à grand'peine de
tenir ou:vertes ces voies d'un commerce pacifique. D n'y a pajs longtemps,
lorsqu'un voyageur avait quitté la côte pour s'enfoncer dans l'intérieur,
on ne recevait aucune nouvelle de lui durant des mois. Mais, depuis
quelques années, un service spécial a été établi, et, de cette manière, les
nouvelles d'Émin-pacha ont pu parvenir à la côte ; les diverses missions
ont envoyé leurs rapports aux comités de leurs Sociétés respectives.
Malheureusement, on fait peu usage d'argent monnayé dans l'Afrique
équatoriale ; il faut envoyer périodiquement aux missionnaires des mar-
chandises pour leurs besoins ou pour réchange contre les produits du
pays; ce n'est qu'ainsi qu'ils peuvent soutenir leur existence. Mais, peu
à peu, les natifs ont apprécié la valeur des relations pacifiques avec les
Européens, qui n'ont d'autre but que de leur faire du bien. L'œuvre de
la civilisation était en progrès jusqu'à ces derniers temps.
Les communications de Zanzibar avec l'intérieur étant coupées, les
établissements missionnaires auxquels conduit cette route sont dans une
situation précaire. La mort et la maladie rendent nécessaire l'envoi de
nouveaux agents aux stations, qui ont besoin également de provisions
de vivi'es, d'étoffes, de médecines. Comment pourra-t-on les en pour-
voir?
Les agents de la British East African Company avaient commencé à
ouvrir une voie nouvelle de communication entre la côte et le pays au
nord du Victoria-Nyanza, loi'squ'est survenue dans l'Ou-Ganda la révo-
lution dont nous avons parlé p. 84-91.
Il n'est guère permis d'espérer que la route directe de Wadelaï .^i la
côte orientale se rouvi*e prochainement. Après avoir conduit à Émin-
pacha les provisions et munitions restées au camp de Yambouya,
Stanley pourra-t-il, comme il eu a été question, revenir à la côte orien-
tale en traversant les teiritoires sur lesquels doit s'exercer l'influence
anglaise? C'est ce que nul ne peut dire aujourd'hui.
CHRONIQUE DE L'ESCLAVAGE
Mgr Crouzet, vicaire apostolique de l'Abyssinie, écrit de Massaoam
aux Missions catholiques, à la date du 20 janvier dernier, une lettre
d'où nous extrayons ce qui se rapporte à la traite :
J'arrive à Massaoua, et les premiers souiires qui m'accueillent sont
ceux de garçons et de filles arrachés aux esclavagistes par les navires
•à
— 118 —
italiens et confiés à notre mission. Quelles histoires ils peuvent nous
raconter, sur les jours sombres et amei's qu'ils ont passés dans la mau-
vaise cale d'un sambook ou liés dans un sac de doura! Un de leurs
camarades est mort ; il était resté trois jours ainsi jeté au milieu d'un
chargement de farine. Le commandant du Oaribaldi me parle des
pauvres esclaves; il m*en présente deux délivrés de la veille par un
petit bateau de guerre italien, et dont la délivrance a donné lieu à une
lutte terrible entre ses matelots et les esclavagistes. Un autre bateau
est en chasse, un troisième doit partir demain.
Voici un fait auquel, dès mon arrivée, j'ai été mêlé. M. Coulbeaux
m'écrit : « Les Thauras ont pillé nos familles de Halaï; ils leur ont
enlevé leurs troupeaux et neuf enfants... Ils menacent de vendre ceux-ci
AUX marchands d'esclaves si une forte rançon n'est payée. Soyez assez
bon pour vous intéresser à eux. » J'écris aussitôt au général Baldissera,
qui me répond par une lettre pleine de promesses : « Dès que j'aurai
des nouvelles à vous donner de ces enfants, auxquels moi-même je
m'intéresse, je le ferai avec le plus grand plaisir. » Ces enfants sont
aigourd'hui chez nous, à Massaoua. Us nous ont été ramenés par la
police sur l'ordre du général. Pour éviter des actes de vengeance qui
pourraient se produire plus tard, je serai obligé très probablement de
payer de deux à trois cents francs. Ces pauvres enfants me sont arrivés
presque nus, j'ai dû les habiller et je dois les nourrir jusqu'à ce qu'il me
soit possible de les rendre à leur famille. Je leur ai fait raconter leur
histoire. La voici dans toute sa simplicité :
« Nous gardions des troupeaux, tous ensemble, assez loin de notre
village. Un jour, beaucoup d'hommes armés fondent sur nous; nous les
avons comptés ; ils étaient cinquante-quatre. En un clin d'oeil nous
avons été terrassés, enchaînés et emportés. Nous avons compris qu'on
voulait nous vendre et faire de nous des esclaves; nous avons pleuré.
Nos ravisseurs sont allés dans une vallée isolée, et là ils nous ont frappés
pendant longtemps sur les bras et sur les jambes. Pour que personne ne
pût nous voir, ils nous ont laissé nos liens; nous ne pouvions pas
remuer, et ils nous ont cachés dans des broussailles. Chacun de nous
était sous la surveillance d'un gardien. Nous sommes restés deux mois
dans cet état, ne recevant pour toute nourriture qu'une poignée de
grain par jour ou un tout petit morceau de pain. Il a été question de
nous vendre. Thaharé Agos devait partir le premier; on l'échangeait
contre un fusil ; le papier était écrit et signé. On n'a pas osé parce
qu'on se sentait surveillé par les Italiens qui l'auraient su. Enfin il est
■ ■ s
— 114 —
aiTivé un homme qui portait une lettre, et on nous a conduits au chef
des soldats, à Arkiko, et tout de suite le chef nous a fait partir pour
Massaoua. »
Pas un mot de plainte ni de récrimination. Deux mois ils ont souffert
des chaînes, de l'immobilité forcée, de la faim, de la crainte d'être
vendus, et ils ne trouvent pas un mot de blâme pour leurs ravisseurs.
Un jour de paix, de tranquillité, de bien-être, leur a fait tout oublier.
On mande de Venise que dans l'arsenal de cette ville on pousse
activement les derniers travaux à bord du croiseur Ori stof or o- Colombo,
qui doit partir pour la mer Rouge chargé de concourir avec les autres
navires stationnaires italiens à la répression de la traite des noirs.
Le Mouvement anin-esdavagiste de Bruxelles a publié une lettre du
R. P. Moinet, supérieur de la mission de Mpala, à l'ouest du Tang^-
nyika, adressée au capitaine Storms, fondateur de cette station,
remise aux missionnaires lorsque l'Association internationale africaine
renonça à ses établissements dans l'Afrique centrale-orientale. Nous en
extrayons les détails suivants :
Il y a eu guerre dans le Maroungou, à quatre ou cinq jours de dis-
tance de Mpala. Les Rouga-Rouga ont été battus par vingt-cinq jeune>s
noii*s libérés élevés à la station, qui y ont amené les dépouilles des vain-
cus. Le capitaine Joubert, un des zouaves chargés de protéger la station,
dit n'avoir jamais vu de vrais soldats se comporter plus vaillamment.
Deux chefs de tribus, Routoukou et Chata, se sont avancés jusqu'à
Mpala, mais ils ont été battus et ont dû rentrer chez eux sans emmener
un seul esclave, et en disant à tous les Rouga-Rouga qu'il n'y a rien à
faire dans le Maroungou, que la chasse à l'homme y est gardée. Dès
loi-s les missionnaires et leurs gens ont pu se livi'er à la culture des
ten*es. La plaine entière est cultivée, écrit le P. Moinet ; nous avons à
la station plus de cent ménages. Les arbres que vous avez plantés vont
bientôt donner de l'ombre : nous mangerons de leurs fruits ; nous avons
aussi deux magnifiques ananas venus de Kibanga, au fond du golfe de
Burton qui en e^t rempli. Nous nous défendons bien centime les Arabes et
ils ont peur de nous. Il y a défense, sous peine de 3 dotis d'amende,
c'est-à-dire 18 coudées d'étoffe, de vendre un esclave pour être trans-
porté hors du territoire. Mais, dans le Maroungou, les Arabes font eu
grand la chasse aux esclaves, et ils y fourragent annuellement. Nous
savons que dans la presqu'île d'Oubwari de grandes razzias ont été fai-
— 115 —
tes eu coutournant le poste missionnaire de Kibanga. Les hommes du
poste ont fait une sortie, mai« ils ont dû i-eculer devant les forces supé-
rieures des Arabes qui ne les ont pas attaqués chez eux.
Le sultan de Zanzibar a envoyé un de ses fonctionnaires, Ali Bin
Suhilu, au lac I^yaseun, pour essayer de mettre un tenue aux combats
engagés entre les Arabes et les Européens au N.-O. du lac. Il l'a accré-
dité auprès des chefs indigènes Makanjila, Mataka, auprès de tous les
résidents anglais et des Arabes à l'extrémité nord du lac. Makanjila, qui
avait fait maltraiter le consul britannique et le missionnaire Johnson,
a demandé quelle compensation il devait payer et a promis de bien trai-
ter à l'avenir tous les Anglais. Il a ensuite envoyé le messager du sul~
tau au Nyassa, qu'il a voulu lui faire travei'ser dans son propre bateau.
Ali Bin Suhilu s'est arrêté à la station de Lukoma, de la mission des
Universités, où il devait rester jusqu'à l'arrivée de Vllala^ sur lequel
il voulait prendre passage pour se rendre à Bandaoué, sur la côte occi-
dentale, puis au nord du lac, oli les Arabes étaient retranchés derrière
leurs palissades, et où le capitaine anglais Lugard tenait bon avec quel-
ques honmies armés.
Le Central Afrka, journal de la mission des Universités, rappelle la
parole du marquis de Salisbury dans la chambre des Lords, le 6 juillet
dernier, au sujet de l'attaque des Arabes contre la Compagnie africaine
des lacs à Karonga. « L'afi'aire doit être réglée par l'action individuelle
des Anglais qui l'ont entreprise ; toutefois le gouvernement fera tout ce
qu'il pourra dans la sphère légitime de ses attributions politiques. » Il
annonce qu'un certain nombre de personnes, parmi lesquelles il cite les
noms du duc de Poriland, du comte d'Aberdeen, de lord Aberdare, ont
décidé de créer, par souscription publique, un petit corps d'hommes expé-
rimentés et bien équipés, pour entreprendre la tâche de repousser les
assaillants arabes et les empêcher de s'établir dans la région septen-
trionale du Nytissa et d'y installer un centre permanent pour le com-
merce des esclaves. La Compagnie commerciale des lacs ne peut se
charger de cette tâche. Les Sociétés missionnaires ne le peuvent pas
davantage, et elles reconnaissent que leur œuvre deviendra impossible si
l'on n'oppose pas une digue à l'invasion des chasseui*s d'hommes. Lors-
que l'évêque Steere rencontra les squelettes des esclaves jalonnant la
route d'une caravane de traite, il ne put s'empêcher de dire : « Certes,
s'il pouvait y avoir une guerre sainte, ce serait bien celle que l'on décla-
rerait au trafic qui produit de tels crimes. »
D'après une dépêche de Zanzibar publiée par le Thnes, les Arabes
- 116 —
campés sur la rive nord du lac Nyassa ont repris les hostilités. Ceux
d'Oudjidi sur le Tauganyika s'agitent également. Les tles de Zanzibar
et de Pemba sont strictement surveillées par les vaisseaux de guerre
allemands et anglais. Malgré tous les obstacles, les traitants arabes
sont décidés à tenter d'importants embarquements d'esclaves.
En Ani^Ieterre» l'explorateur Cameron déploie une grande activité
pour éveiller la sympathie de toutes les classes de la popjdation en
faveui* des victimes de la traite. Le 19 février, dans une séance de la
Société des arts, il a montré comment le commerce de l'Angleterre
Avait bénéficié de l'abolition du trafic des esclaves à la Côte d'Or,
devenue colonie britannique en 1861. Jusqu'alors Lagos n'avait pas eu
d'autre commerce que celui des esclaves. L'année dernière, les importa-
tions pour Lagos se sont élevées à liv. sterl. 357,831, et les exportations
à liv. sterl. 538,980. Le gouvernement anglais y a légalement aboli
l'esclavage, qui cependant y existe encore, grâce aux coutumes indigè-
nes. Même après l'abolition de l'exportation des esclaves, la traite h
l'intérieur s'opère sur une grande échelle. Autrefois, le trafic des
•esclaves accompagnait le commerce de l'ivoire; quand le besoin de
porteurs pour ce dernier ne se fit plus sentir, la traite continua ; seule-
ment les hommes furent massacrés, les femmes et les enfants emmenés
su loin. On a dit qu'il fallait toléi-er l'esclavage domestique, que c'était
une question très difficile à résoudre. Cameron estime que l'Angleterre
devrait abolir le status légal de l'esclavage, sans supprimer toutefois les
ménages dans lesquels aucune plainte ne se ferait entendre. Mais, aussi
longtemps que l'esclavage domestique existera, il y aura des marchés
d'esclaves. Si la traite était abolie, toutes les branches du commerce
seraient florissantes.
«
Dans un gi'and meeting tenu à Toynbee Hall, à Londres, le 23 février,
le même explorateur a affirmé qu'aujourd'hui les chasseiu^ d'esclaves
vendent leurs victimes à des cannibales pour obtenir d'eux de l'ivoire.
Il estime à 6000 par jour le sacrifice de vies humaines que coûte la
traite. La dégradation et l'endurcissement des trafiquants qui perpè-
trent les crimes de la chasse à l'homme impressionnent aussi pénible-
ment que les souffrances des malheureux qu'ils tounnentent et font
mourir. Il préconise l'établissement d'une grande route centrale, cou-
rant du nord au sud, et divisant l'Afrique en deux parties, l'une orien-
tale, l'autre occidentale. Ce serait une barrière mise au transport des
esclaves de l'ouest vers l'est. Les puissances de l'Europe réunies
— 117 —
auraient la force nécessaire pour s'y opposer, mais il faudrait qu'elles
renonçassent à leurs jalousies mutuellei?, à leurs armements exagérés,
et qu'elles s'efforçassent d'élever les races inférieures de l'humanité.
Le 26 février, dans une grande assemblée réunie à Exeter Hall, pré-
sidée par l'archevêque de Cantorbéry, et à laquelle assistait le capitaine
Hore, revenu de la côte occidentale du Tanganyika, Cameron a exprimé
l'espoir que la nation anglaise n'envisagerait pas la question de l'escla-
vage en Afrique comme la lecture d'un roman que l'on perd de vue unfe
fois le volume achevé. Il espère que les consciences individuelles
comprendront que c'est im devoir pour le peuple de l'Angleterre de
considérer en face la honte que la traite inflige à la civilisation. L'aboli-
tion de l'esclavage aux Indes occidentales a fait croire que la traite avait
disparu pour toujoui-s. Loin de là ; Cameron connaît des territoires dans
l'Afrique centrale qui, il y a treize ans, étaient très peuplés, et qui,
aujourd'hui, sont réduits en désert, les populations en ayant été emme-
nées dans des conditions trop horribles pour être racontées. Il a
montré des fourches à esclaves, lourds jougs de bois, rivés au cou des
femmes et des enfants par ceux qui les conduisent de l'intérieur à la
côte. On ne peut exercer de pression sur les autres nations que par la
force morale, mais cette force morale doit s'exercer auprès des nations
dont les territoires sont le théâtre des crimes qu'entraîne la traite.
Cameron croit qu'avec une certaine force armée pour maintenir l'ordre,
on pouiTait obtenir l'abolition de l'esclavage sans tirer un coup de fusil.
L^évêque de Londres a proposé une résolution, aux termes de laquelle
l'assemblée a déclaré déplorer la recrudescence de la traite dans l'Afri-
que centrale, les atrocités qui en sont la conséquence et la dépopulation
des territoires oii elle sévit, et insister pour que le gouvernement britan-
nique, soit seul, soit d'accord avec d'autres puissances, cherchât les
moyens de diminuer ou de supprimer le fléau.
Le doyen de Westminster, en sa qualité de gardien des tombeaux de
Wilberforce et de Livingstone, a appuyé la motion, qui a été votée au
milieu des applaudissements de l'assemblée.
En France, ce n'est pas à Paris seulement que se développe le
mouvement anti-esclavagiste. Deux comités importants se sont formés,
l'un à Marseille, l'autre à Lyon. Des conférences ont été faites à Ver-
sailles et à Saint-Dizier, dans la Haute-Marne.
En Belgique, le général Jacmart, président de la Société belge, a
exposé, dans le local de la Société scientifique, les motifs qui ont guidé
la Ligue anti-esclavagiste dans l'œuvre qu'elle a commencée. M. le
— 118 —
prof. Gilbert a insisté pour que l'opinion publique fît sentir aux gouver-
nements leur devoir d'intervemr auprès des états musulmane M. Des-
camps-David a rappelé que c'est k rÉtat indépeiMUuit du Congo de
remplir son devoir sur le Tangai^yika; l'exemple qu'il donnera forcera
les autres gouvernements à remplir le leur dans toute son étendue.
Une réunion des présidents des comités locaux s'est également tenue
à Bruxelles, pour faire connaître l'état général de la Société anti-escla-
vagiste dans toute la Belgique.
Dès 101*8 des comités se sont constitués à Namur, Alost, Malines,
Mous, Charleroi, Soigniers, Marche, Ypres. A la demande du Comité de
Biiixelles, une série de représentations de « La case de l'oncle Tom »
a eu lieu dans un des principaux théâtres de la capitale. Un groupe de
conférenciei-s s'est formé pour faire des séances dans les faubourgs et
la banlieue.
En outre, le Comité directeur de la Société anti-esclavagiste de Bel-
gique, dont l'œuvre vise tout spécialement la suppression de la traite
dans l'État indépendant du Congo, a décidé de diriger tout d'abord ses
opérations vers la frontière de l'jfitat que franchit le plus grand nombre
de caravanes, c'est-à-dire la frontière est. Le Tanganyika, qui forme
cette frontière, favorisera considérablement les travaux de la Société
par la croisière qui y sera entreprise. Elle sera soutenue par quelques
postes fortifiés établis sur les rives du lac. D'après le Mouvement anti-
esclavagiste, le Comité belge renoncerait, pour gagner le Tanganyika,
aux routes de la côte orientale, à celle de Tabora, rendue impraticable
par le soulèvement des Arabes contre les Allemands, et à celles du Zam-
bèze et du Nyassa, à cause de l'impossibilité de conduire une caravane
du Nyassa au Tanganyika, par suite de la guerre que les Arabes font à
la Compagnie des lacs africains sur la route entre les deux lacs. Le
Comité porterait ses vues vers la côte occidentale, d'où la première
expédition remonterait jusqu'aux Stanley-Falls ; de là elle atteindrait le
Tanganyika par terre ; elle compterait 10 blancs et 75 nègi'es. Anivée
au lac, cette caravane se diviserait eu deux groupes qui y créeraient
chacun un poste fortifié. Quelque faible qu'elle soit en apparence, elle
aura besoin d'un millier de porteui-s.
En Autriche, une Société s'est constituée à Vienne sous la prési-
dence du D' Nhus. a Salzbourg, a été créé un comité de dames, à la
tête duquel se trouve la princesse Marie de Rohan.
En Alsace, ont eu lieu à Strasbourg, à la fin de janvier, deux réu-
nions, à la suite desquelles un grand nombre d'adhésions ont été
données à l'œuvre de l'abolition de la traite et de l'esclavage.
— 119 —
En Allemasae, la Société coloniale a lancé uii appel à la nation
altKmande, en vue de mettre un tenue aux hon-eurâ que les trafiquants
d'esclaves commettent en Afrique. Une i-evue mensuelle |auti-esclava-
giste, intitulée Gott will es! vient de se fonder; elle est dirigée avec
talent par M. W. Helmes qui depuis longtemps s'occupe de la question
de l'abolition de l'esclavage.
En Hollande, une Société s'est fondée à Amsterdam et à Boven-
kerk, dont les membres qui sont des ouvriers, s'engagent à abandonner
à l'œuvre anti-esclavagiste le gain d'une journée de travail.
Eu Espacée, M. Luis Sorela, ofiicier de marine et explorateur
africain, va faire paraître une revue anti-esclavagiste.
Le Comité Sicilien a un organe de publicité spécial intitulé :
BoïleUino del Comitato cetitrale antischiaviêfa di Palermo per la
Siciîïa.
En Snisse, api'ès la conférence donnée à Genève, à l'Aula de
l'Université, par M. le prof. Ruflet, nos confédérés du Locle, de la
Chaux-de-Fouds, de Nenchâtel, de Berne et de Bieone ont désiré l'en-
tendre, et des groupes d'adhérents et de membres se sont formés dans
toutes ces localités. Dans chacune d'elles, un anxiliaii-e recueille les
adhésions, communique au Comité les vœux du groupe local, et lui
indique les mesures les plus utiles au développement de la Société.
A Bâle, M. le D' Hotz Linder a bien voulu se chaîner d'attirer
l'attention de nos compatriotes bAlois sur le douloureux sujet de la
traite. A Zurich et à Saint-Gall, des préoccupations de diverse oatnre ne
nous permettent pas encore de voir quel sera le moment le plus favora-
ble pour adresser h nos concitoyens de la Suisse orientale l'appel à
s'associer à l'œuvre de pitié et de miséricorde entreprise en faveur des
victimes de la traite. M, l'abbé Carry est allé le faire entendre à Fri-
bourg, oii, nous n'en doutons pas, la Société recrutera de nombreux
adhérents. Les évêques de la Suisse ont publié un appel aux fidèles
de leurs diocèses, pour les engager à contribuer à Tceuvi-e abolitionniste.
Le Bulletin de la Société anti-esclavagiste suisse qui va paraître
publiera une lettre du Caire de M. Edouard Naville, président de la
Société, renfei-mant des i-eiiseignements précis sur l'esclavage en
Kgjpte, le slaveshome du Caire, et l'esclavage en Afrique.
Avant de se rendre à Biskra, oii les médecins l'ont envoyé pour y
restaurer sa santé, Mgr Lavlserle a éci'it au Comité anti-esclavagiste
de Milan qu'il ne compte pas centraliser les sommes olîertes pour la sup-
— 120 —
pression de la traite. Il désire que chaque pays organise un Comité,
centralise les offi*andes nationales et en dispose au mieux de la cause
dans les contrées occupées par la nation.
CORRESPONDANCE
Ijettre d^ TAtl» de M. A* M^etmmtttyf isgénlevr des mines*
Tati (Ma-Tébéléland), 16 janvier 1888.
Cher monsieur,
Lo-Bengula a, paraît-il, accordé à un puissant syndicat de Eimberley, à la tête
duquel sont MM. Rhodes et Budd, une concession minière embrassant tous les ter-
ritoires qui lui sont soumis ou sur lesquels il prétend avoir des droits (à l'excep-
tion de la concession Tati). En retour, ledit syndicat prend rengagement de lui
donner miile fusils Martini Henry et un miUion de cartouches, de lui payer une
rente mensuelle de cent livres sterling et de placer une chaloupe canonnière sur
le Zambèze, à sa disposition.
De quel œil le gouvernement du Transvaal verra-t-il cette clause des fusils et
cartouches ? — et que diront les Portugais de la chaloupe canonnière ?
Les Ma-Tébélé sont tranquilles — pour le moment; — le roi et les plus vieux
des izinduna verraient peut-être sans trop de déplaisir leur pays ouvert aux
blancs; mais les jeunes guerriers disent hautement : Les blancs convoitent notre
pays ; mais, pour l'avoir, il leur faudra combattre.
Gomme vous le savez, lorsque Pattention des chercheurs d'or est tournée vers
une contrée, il n'est guère possible de les en tenir longtemps éloignés; aussi peut-
on s'attendre à voir se produire, à une époque assez prochaine, un rush vers le
Ma-Tébéléland et le Ma-Shonaland.
Je pars demain pour Eimberley.
A Tati, les travaux, interrompus pendant quelque temps à cause de Pagitation
qui régnait dans le pays, ont été repris le 1*'^ janvier.
A. DlMAFFET.
BIBLIOGRAPHIE '
D' Fretherr von Danckelmann, Mittheilungen von Forschungs-
UEI8ENDEN UND GeLEHRTEN AU8 DEN DEUT8CHEN SCHUTZGEBIETEN.
Berlin (A. Asher et C^), 1888, in-8% III*" Heft, 2 m. — La troisième
livraison de la. Revue coloniale publiée par M. von Danckelmann ne
* On peut se procurer à la librairie H. Georg, h Genève et à Bâle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 121 —
concerne que les tenitoires de Togo et de Cameroun. Elle renferme
plusieurs articles fort intéressants, accompagnés de deux cartes, dont
Tune est un croquis de l'itinéraire du commissaire impérial von Putt-
kammer dans la région formant la frontière franco-allemande entre
le Togoland et le Grand Popo. L'autre est une esquisse de l'intérieur
du Togoland, la plus complète et la plus exacte qui ait encore paru ;
elle a été dressée par M. von François et renferme les itinéraires qu'il a
>suivis, ainsi que ceux de M. Wolf. Ces cartes facilitent la lecture des
i-écits de ces trois explorateur. La livraison renferme encore sur la
même région un rapport médical du D"" Wicke, touchant la situation
sanitaire du Togoland, un tableau des mesures d'altitude effectuées
par l'expédition du I)'' Wolf, et les résultats des observations météoro-
logiques faites k la station d'Adadô, dans l'intérieui* de la Guinée sep-
tentrionale.
Dans la partie qui se i-apporte au Cameroun, le lecteur trouvera des
nouvelles du D*" Zintgraif, du lieutenant Tappenbeck, du D*^ Weissen-
born, du botaniste J. Braun, et la suite de la relation de l'expédition de
M. Kund à Batanga. Deux articles rendent compte l'un de la culture
des légumes européens au Cameroun, l'autre, dû à la plume du D' Weis-
senborn, des résultats de l'expédition Kund au point de vue zoologique.
Pour ce qui concerne la première question, d'une importance si grande
pour les colons et les fonctionnaires, le gouverneur, M. von Soden,
déclare qu'au Cameroun même la culture maraîchère, telle qu'elle se
pratique en Europe, ne donnerait pas de résultats rémunérateurs, tandis
qu'à Victoria, à Bimbia et dans plusieui-s autres lieux, le sol serait pro-
pice à ce travail et produirait de quoi récompenser l'agriculteur.
Publications de l'Etat indépendant du CoNtio. N° 1. D' Même,
Rapport sur l'état sanitaire de Léopoldville, de novembre lb85 à mars
1H87. Bruxelles (Imp. A. Lerigue), in-8% 44 p. — Nous ne pouvons
qu'applaudir au projet de l'État Indépendant du Congo de publier les
rapports de ses agents ou tout au moins les parties de ces documents
qui ont une pointée générale et une certaine utilité. Il y a lieu aussi do
louer la résolution prise par le gouvernement de laisser aux fonction-
naires, dont elle publie les rapports, la liberté, mais aussi la responsa-
bilité de leurs opinions. Ainsi ces pièces ne seront pas uniquement des
documents oflSciels contrôlés par le gouvernement, mais des œuvres per-
.sonnelles et sincères.
La brochure du D' Meuse ouvre avec beaucoup de bonheur et d'ac-
— 122 —
tualité cette série de publications. II est, en effet, peu de questions plus
importantes, que celle de l'état sanitaire des stations de l'Afrique cen-
trale. Combien de discussions n'a-t-elle pas provoquées ! Les uns sou-
tienneirt que le climat du plateau est favorable aux Européens si ceux-ci
suivent les règles de l'hygiène, les autres, qu'il est impossible de se
soumettre à ces prescriptions et que le climat est nuisible dans tous les
cas. Le D"^ Mense nous semble avoir trouvé le juste milie4i entre l'opti-
misme exagéré et le pessimisme à outrance. En homme de science, il ne
s'arrête pas aux on-dit, et aux mille récits dénués de fondement; il cite
ses observations personnelles faites dans la station de Léopoldville, oii
dix à trente Européens et cent cinquante à quatre cents travailleurs et
soldats noirs étaient confiés à ses soins, et il part de là pour donner des
indications précieuses sur l'hygiène générale à suivre et le traitement à
prescrire dans les différents cas de maladie. La brochure est divisée en
deux parties : A) État sanitaire de^ Européens ; B) État sanitaire des
nègres.
La première partie est naturellement beaucoup plus étendue que l'au-
tre. Elle traite principalement de la malaria, de ses causes, de son trai-
tement et de ses différentes formes, et aussi de la dysenterie, des
maladies du foie et de la peau, des furoncles et ulcères, des empoison-
nements. La seconde, des maladies observées chez- les nègres : malaria,
dysenterie, maladies pulmonaires, parasites, béri-béri, ver de Guinée,
taenia échinococcus, pulex penetrans, lèpre et ntansi.
Nous croyons que ce rapport n'est pas seulement un document inté-
ressant pour les géographes et les hommes s'occupant de la science
médicale, mais qu'il aura une utilité réelle pour tous ceux qui ont l'in-
tention de s'établir dans le bassin du Congo ou qui y sont déjà tixés.
F.'L. James. M, A,, F. R, G. S. The unknown Horn of Afrika, ax
EXPLORATION FROM Berbera to THE Leopard KivER. Loudou (George
Philipp and Son), 1888, in-8°, ill. et cartes, 344 p., 28 sh.— L'année 1888
a vu paraître deux ouvrages de premier ordre sur la région de l'Afrique
qui confine au golfe d'Aden : l'un du D' Philipp Paulitschke, raconte son
expédition à Harrar ; l'autre de M. F.-L. James, auteur des Wild TribesoJ
tlie Soudan, se rapporte au voyage qu'il a accompli de Berbera à Barri sur
le Webbe Shebelyi. Le pays des Somalis ou la Somalie, comme l'appelle
M. E. Reclus, est cette grande i^égion qui s'avance sous forme de coin
dans l'océan Indien. Bien que sa situation soit connue depuis l'époque
de l'ancienne Egypte, l'intérieur est presque complètement ignoré des
— 123 —
géograplie^s, car les voyageurs n'y ont pénétré qu'en petit nombre et
leurs itinéraires ne se rejoignent pas avec ceux des explorateurs de
TAbyssinie ou de la côte orientale au nord du Zanguebar. De tous les
itinéraires celui qui, partant du golfe d'Aden, pénètre le plus loin dans
la direction du sud a été parcouru par l'expédition de MM. James frères,
E. Lort-Philipps, Aylmer et Trupp dont le récit se trouve dans F ou-
vrage que nous annonçons.
Peut-être trouvera-t-on l'apparition de ce livre un peu tardive, car le
voyage dont il s'agit a été accompli en 1885 ; l'auteur s'excuse de ce
retard dans la préface, espérant que malgré cela cette publication n'est
pas une superfluité. Nous sommes certains que, loin de la considérer
comme telle, les lecteurs seront reconnaissants à l'auteur de leur avoir
fait connaître d'une manière complète cette importante exploration, et se
considéi'eront comme amplement dédommagés du retard par le fini de
cet ouvrage qui, au point de vue de la carte à grande échelle de la région
parcourue, de la typographie et des planches, ne laisse rien à désirer.
C'est M. F.-L. James qui a écrit le récit auquel M. Trupp a aussi colla-
boré. M. W.-D. James et Aylmer ont dressé la carte. Les illustrations
sont dues à M. Rose Hake ; celles qui concernent la faune ont été dessi-
nées par M. Keuleman d'après les spécimens recueillis principalement
par M. E. Lort-Philipps.
Le but que se proposaient les voyageurs était de travei-ser la Somalie
entre le golfe d'Aden et la côte de l'océan Indien au nord de Zanzibar.
Après une première visite à Berbera, à Zeïla, et à Assab, un séjour à
Aden où elle reçut l'hospitalité du Résident, le général Blair, auquel le
livre est dédié, l'expédition s'organisa définitivement à Berbera et s'en-
fonça dans l'intérieur en se dirigeant, d'une manière générale, vers le
sud. La première partie du voyage se fit dans un pays assez accidenté
habité par les tribus des Eesa Moussa et des Habr Gerhajis. L'eau if y
manque pas, car la carte porte un réseau de rivières, dont la principale,
qui occupe le fond de la vallée suivie par l'expédition, se nomme Tug
Dayr et se dirige vers le sud-est. Mais à partir de Burao le pays piend
l'aspect d'une plaine sèche et sablonneuse parsemée de buissons de
mimosa et de ruines. La limite septentrionale de l'Ogadayn traverse
cette lande inhospitalière, oîi l'eau manque à tel point que les voyagtnus
ne purent abreuver leurs chameaux et que ceux-ci restèrent 13 jours, de
Burao à Gerloguby, sans boire une goutte d'eau. Au sud de Gerloguby,
le terrain est beaucoup plus mouvementé ; l'eau s'y rencontre et le sol
est fertile, mais l'existence d'un grand nombre de tribus, l'état d lios-
— 124 —
tilité permanente dans lequel elles vivent et leur défiance envers les
étrangers rendirent la traversée du pays difficile et dangereuse. Les
voyageurs durent même lutter de vive force, et finalement, à Barri sur le
Webbe Shebelyi, ils reconnurent qu'ils ne pouvaient aller plus loin.
Revenant précipitamment en arrière, ils suivirent une route à peu près
parallèle à leur premier itinéraire et regagnèrent Berbera par Hahi et
DoiTer.
Malgré son insuccès relatif, l'expédition James a contribué dans une
large mesure au progrès de la science. Non seulement elle a eu des
résultats importants au point de vue géographique, mais grâce aux cou-
naissances de ses membres en histoire naturelle, elle a fouinii des ren-
seignements précieux sur la flore et la faune de la Somalie, sur ses habi-
tants et ses conditions climatériques. L'auteur a consacré à cette partie
purement scientifique les cent dernières pages de son ouvrage. De nom-
breuses figures et des planches en couleur en facilitent la lecture.
Charles Buet, Les premiers explorateurs français au Soudan
ÉQUATORiAL. Alexandre Vaudey, Ambroise et Jules Poucet. Paris
(Letougey et Ané), 1888, iu-18**, 389 p., fr. 3. — Les trois voyageurs dont
il s'agit, Savoyards d'origine, n'occupent peut-être pas, dans l'histoire
des découvertes géographiques, la place à laquelle ils ont droit. Vaudey
était l'oncle des deux frères Poncet. Vers 1852, il alla avec eux
s'établir à Khartoum et fit plusieui-s expéditions vei*s le sud, jusqu'à
Oondokoro. C'était, dit le voyageur (ruillaume Lejean, une nature
intelligente et curieuse. Il avait formé de grands projets et voulait, en
particulier, remonter le Nil pour en découvrir les sources et pénétrer
dans le Darfour, mais il périt chez les Baris. Ses n{»veux, les frères
Poncet, bien que très jeunes encore, — l'aîné avait à peine dix-sept ans
à l'époque de la mort de son oncle — continuèrent ses travaux. Établis
à Khartoum, ils s'occupèrent surtout du commerce des gommes et de
l'ivoire; pour les besoins de leur négoce, ils pénétrèrent chez les Mom-
bouttous, les Niams-Niams, les Akkas, et fondèrent, sur le fleuve Blanc
et le fleuve Bleu, neuf ^mV^a^ qu'ils vendirent ensuite au gouvernement
égyptien. Leurs explorations ont été d'une certaine utilité pour la
science; toutefois, elles auraient servi davantage s'ils avaient été plus
instruits.
Le livre écrit par M. Ch. Buet, parent des frères Poncet, n'a, à
tout prendre, qu'un médiocre intérêt. Il manque d'unité; les mêmes
faits y sont relatés plusieurs fois sous une forme différente, de sorte qu'on
— 125 —
manque de lil conducteur pour se faire une idée d'ensemble de l'œuvre
des trois voyageurs. Aucune carte ne vient éclaii'er le lecteur ; l'ouvrage
ne renferme pas même une table des matières. Les rapports de Vaudey
et des frères Poncet aux sociétés de géographie et au khédive n'ont
aucune importance, car la plupart des hypothèses qui y sont énoncées
ont été reconnues fausses. Bref, on a, en parcourant ce volume,
l'impression que l'auteur l'a écrit par devoir de parenté, mais qu'il n'est
pas très au courant de la géographie du bassin du Haut-Nil, ni de l'his-
toire contemporaine de l'exploration dans cette région.
D" Karl Dove, Das Klima des aussertroptschen Sûdafrikas mtt
Berûcksichtigung der geographischen unb wirthschaïtlichen Bezie-
HUNGEN NACH KUMATISOHEN PrOVINZEN DARGE8TELLT. GôttlugeU (VaU-
derhœck und Ruprecht's Verlag), 1888, in-8*», 160 p. et cartes, fr. 5,90.
L'auteur de ce livre est le petit-lils du célèbre physicien et météorolo-
giste H.-W. Dove, à la mémoire duquel l'ouvrage est dédié. Son étude -
repose sur un nombre considérable d'observations faites par les voya-
geurs aussi bien que par les colons et les missionnaires; l'exposé est
clair, méthodique, rempli de faits et de chiffres et constitue un docu-
ment des plus précieux pour la climatologie africaine. On sait que le
climat de l'Afrique australe se distingue par sa sécheresse relative; à
part quelques points de la côte, l'air y est moins humide que dans l'Eu-
rope occidentale. La carte des pluies qui accompagne le travail de
M. Dove montre que, d'une manière générale, la quantité d'eau tombée
annuellement diminue de l'est à l'ouest et du sud au nord. Tandis que
cette chute annuelle est de 90 centimètres dans la partie côtière de
Natal et même d'un mètre à Knysna Hafen, elle n'atteint plus que 0^,60
eu moyenne dans la République de l'Orange, 0^,20 à 0",30 dans le West-
Griqua-Land et moins de 0°*,10 dans le Namaqua-Land.
L'étude de M. Dove renferme une carte des isothermes de l'Afrique
australe ; on constate que ces lignes d'égale température, au lieu d'être
parallèles aux degrés de latitude, décrivent de grandes courbes se creu-
sant vers le sud. C'est Port-Durban qui a la plus forte moyenne annuelle
(20*^,6). Grâce aux vents réguliers et alternants qui soufflent sur l'Afri-
que australe, les variations de température sont moins sensibles dans le
Pays du Cap que dans les régions à climat correspondant de l'hémis-
phère nord.
M. Dove a divisé son travail en trois parties : I. Une partie générale
dans laquelle il examine le sens du terme « Afrique australe » et la valeur
— 12(> —
dey matériaux qui lui out servi h rédiger sou luéraGii-e; puis il étudie les
éléments déterminants de la climatologie de la contrée, la pression
atmosphérique, les vents et la distribution de la température.
IL Division de l'Afrique australe en douze provinces climatériques qui
sont gi'oupées de la manière suivante : A. Domaine des pluies â/hiter :
I. Province du sud-ouest; 2. Kaix)u occidental et Petit Namaqua-Land.
B. Dwnaine des pluies dominantes de printemps et d'automne : 3. Côte
méridionale; 4. Karou méridional; 5. Karou septentrional; 6. Région
montagneuse du sud-est. C. Domaine des pluies d'été : 7. Région orien-
tale; 8. Région du Haut-Orange ; Transvaal septentrional ; 10. Kalahari
II. Grand Namaqua-Land et Damara-Land. D. 12. Côte occidentale.
III. Rapport des conditions climatériques avec la situation économi-
que et le développement de l'Afiique australe. Cette troisième partie
est en quelque sorte une conclusion, dans laquelle l'auteur examine les
effets de la situation climatologique, telle qu'il Ta exposée, sur le travail
agricole et, par suite, sur les conditions économiques de l'Afrique aus-
trale, question importante qui est traitée d'une manière scientifique et
de façon à procurer des renseignements de la plus grande utilité aux
colons de ces pays.
H. Bissuel. Les Touarecj de l'ouest. Alger (A. Jourdan), 1888,
in-8% 210 p. et deux grandes cartes hors texte, fr. G. — Les Touareg
et les Châanbâii, deux populations du Sahara central, vivent d'ordinaire
sur le pied de guerre. Toutefois, depuis 1885, en vertu d'une trêve con-
clue entre eux, la paix régnait dans la contrée. Mais en 1887, les Toua-
reg de l'Ar'rerf (confédération) Ahnet rompirent la trève eu attaquant
les Châanbâa el Mouadhi, qui résident autour d'El Goléa. Mal leur en
prit, car ces derniers prévenus, fondirent sur leurs ennemis h deux
reprises et les mirent en fuite le 9 août 1887. Des quinze prisonniers
qu'ils firent, ils en fusilièrent huit et remirent les sept autres aux auto-
rités françaises. Après avoir été retenus pendant quelque temps à
Ghardaïa, ces prisonniers furent conduits à Alger où le capitaine
H. Bissuel, chef de bureau arabe, reçut mission de les interroger,
afin d'obtenir d'eux le plus possible de renseignements sur leur pays.
Sous le titre de « les Touai*eg de l'ouest, w il publie aujourd'hui le ré-
sultat des conversations nombreuses qu'il a tenues avec les Touareg;
c'est en réalité une étude des plus curieuses et des plus intére^ssantes
sur cette fraction du grand peuple des Touareg ; elle ne peut manquer
d'être utilisée par les géographes, car elle comblera une lacune sensible
■dans nos connaissances sur l'Afrique,
— 127 —
Aux quatre grandes confédérations de Touareg, les Azdjer, les Ahag-
gâr, les Aïr et les Aouelenimiden signalées par M. Duveyrier, l'auteur
de ce livre propose d'en ajouter une cinquième : l'Ar'rerf Ahnet. Comme,
d'après M. Duveyrier, les Azdjer et les Ahaggâr constituent les Toua-
reg du nord, les Aïr et le^ Aouelenimiden ceux du sud, M. Bissuel dési-
gne les tribus de l'Ar'rerf Ahnet sous le nom de Touareg de l'ouest.
Ces derniers forment une confédération complètement indépendante,
qui porte le nom d'une montagne de forme bizarre, l'Adrar Ahnet,
située à l'ouest du Hoggar et au sud du Tidikelt.
M. Bissuel a cherché à constituer, à l'aide des renseignements four-
nis par les prisonniei'S, un croquis de la contrée, mais la chose était des
plus difficiles, à cause de l'absence de tout rapport outre les cartes d'une
part, et les affirmations des prisonnière de l'autre, Enfin, un des Toua-
reg demanda à son interlocuteur de lui faire apporter quelques sacs de
sable humide, se faisant fort, avec l'aide de ses compagnons, d'exécuter
un plan en relief de toute la région d'Adrar Ahnet. C'est au moyen de
ce travail, qui fut terminé assez rapidement, que M. Bissuel put dre,^-
ser la carte au Vso-.oo.. qwi accompagne son ouvrage.
Une autre carte au */,î5o,oo comprend non seulement l'Adrai* Ahnet.
mais toute la conti'ée comprise entre El Goléa et Timbouktou, avec les
routes des caravanes et celles que suivent d'ordinaire les Touareg de
l'ouest. Le texte de l'ouvrage fournit des indications précieuses sur la
confédération des Ahnet, leur organisation politique, leur histoire, leurs
mœurs, etc., ainsi que sur la géographie, la flore, la faune, les minéraux
et le climat de leur pays. Un appendice est consacré au récit détaillé de
la razzia tentée par les Touareg et des combats auxquels elle a donné
lieu. Il est évident que le crédit accordé à ces données repose unique-
ment sur la bonne foi des prisonniers. Le pays des Touareg de l'ouest
n'a jamais été exploré. Seule, une reconnaissance scientitique de la con-
trée permettra de dire si les renseignements donnés par les Touareg
sont exacts. Comme le dit M. Bissuel, (( les notes qu'il publie ne sont
que la reproduction fidèle des récits des prisonniers. Elles ne sont et ne
peuvent être que des documents embryonnaires, des jalons plantés sur
une route encore à faire, et dont les études plus approfondies pourront
seules déterminer le tracé définitif. » L'auteur, néanmoins, a droit aux
remercîments des voyageurs et des géographes, car le résultat de son
travail pourra servir de base aux études futures sur cette région inté-
ressante du Sahara.
^
— 128 —
Hëli Châtelain. Grammatica elehentar doKimbundu ou Lihgca de
Angola. Genebra (Ch. Schuchardt), 1889, iu-8", 175 et xxiv p., 6 shil-
lings). — Après avoir publié un petit manuel pour l'enseignement élé-
mentaire de la langue kimbundu avec la traduction portugaise, puis la
traduction en kimbundu de l'Évangile selon saint Jean, et donné à la
Zeitschrift fur afrikaniscJie Sprachen de Berlin des vocabulaii'es des
langues mbamba et umbangala, dialectes de la même famille que la
langue kimbundu, M. Châtelain nous fournit aujourd'hui une gram-
maire de cette langue.
A réitérées fois déjà, nous avons fait ressortir ce que la philologie des
langues africaines doit aux missionnaires. Le long séjour que M. Châte-
lain a fait dans la province d'Angola, ses aptitudes spéciales pour
l'étude des langues, et le soin qu'il a pris d'amener avec lui en Europe
un jeune homme connaissant très bien celle de l'Angola, le mettaient à
même de rédiger ce volume, qui sera très utile à tous ceux que l'auteur
a eu en vue en le composant. Les fonctionnaires et les négociants portu-
gais, en apprenant à mieux connaître la langue du pays qu'ils habitent,
comprendront mieux leurs devoirs et leurs intérêts. Les missionnaires, à
quelque Église et à quelque Société qu'ils appartiennent, y trouveront
un aide précieux pour se former à parler à ceux qu'ils s'efforcent de
relever de l'abaissement dans lequel ils sont plongés. Les africanistes
seront heureux des facilités que M. Châtelain leur offre pour l'étude
d'une nouvelle langue. Et les indigènes, pour lesquels les écoles se mul-
tiplient dans cette partie des possessions africaines du Portugal, auront
là un instrument excellent pour apprendre à estimer et à apprécier
mieux la belle langue de leur pays.
Quoique l'ouvrage soit rédigé en portugais, il n'est pas absolument
nécessaire de savoir le portugais pour étudier le kimbundu sous la
direction de M. Châtelain, car il a eu la bonne pensée de mettre son
volume à la portée des pei-sonnes qui lisent l'anglais. En effet, on peut
l'appeler grammaire kimbundu-anglo-portugaise, puisque dans les
tableaux des noms, des adjectifs, des verbes, etc., à côté des formes
kimbundu et portugaises, se trouvent toujours les formes anglaises.
Pour ceux que risquerait de rebuter une étude purement gramma-
ticale, outre les exercices nombreux que renferme chaque chapitre,
l'auteur a donné, à la fin du volume, des proverbes, des énigmes, des
contes et apologues, etc. Une table générale des exercices facilite beau-
coup la consultation de l'ouvrage.
^w: 1 . - . f- - - .v -■^: "■ - f^.\^ '■ '-'.'i'-.' T**>: '• ' '.^- .^f.^
^^^v -»>, -.''.^•■,^r^-'^^Xj
— 129 —
BULLETIN MENSUEL (6 mai 1889 ' ).
La température de TAIi^éple s'étant élevée ces derniers jours,
on s'attend à une éclosion générale de criquets dans toutes les
régions contaminées. On signale déjà des éclosions partielles sur
quelques points, et avant peu il faudra certainement faire tête au fléau
de tous les côtés. Le gouverneur général de l'Algérie s'est rendu dans
la province de Constantine pour visiter les chantiers de destruction ; il
a pu constater que les mesures prescrites ont été ponctuellement obser-
vées. De véritables plans de mobilisation, tant pour les hommes que
pour les bêtes de somme destinées au transport du matériel, avec des
cadres de chefs français et indigènes, ont été partout établis. Des cartes
des gisements de pontes, des registres contenant la nomenclature métho-
dique des contingents de travailleurs, de leur répartition, des appareils
et approvisiomiements, soigneusement dressés, se trouvent dans toutes
les communes ou sections, de sorte qu'on est autorisé à compter sur le
succès de la campagne.
M. de Lesseps a donné à l'Académie des sciences des renseignements
sur les améliorations réalisées récemment dans le canal de Snese.
Entre les lacs Amers et Port-Saïd, la largeur du canal a été portée de
22 à 65 mètres et même à 75 mètres au sonmiet des grandes courbes.
Les vapeurs pourront désormais se croiser sur ce parcours sans diffi-
culté. L'approfondissement a été en même temps augmenté jusqu'à 9
mètres. Au lieu de trente-cinq à quarante heures , les bateaux n'em-
ploient plus que vingt heures pour traverser l'isthme. L'usage de la
lumière électrique est devenu plus fréquent : en janvier 1888, 85 navires
y avaient eu recours; en décembre de la même année, 176 navires s'en
sont servis. Si le nombre des bâtiments qui ont franchi le canal en 1888
a été très légèrement inférieur à celui de l'année précédente, le transit
a augmenté au point de vue du tonnage, ce qui indique une tendance
chez les constructeurs à donner aux navires de plus fortes dimensions.
L'Angleterre tient le premier rang dans le transit : son pavillon y est
représenté par 2,625 navires. Viennent ensuite : la France, l'Allemagne,
l'Autriche-Hongi-ie, la Hollande, etc.
^ Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Nouvelles com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à PEst, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
l'aFRIQUE. — DIXIÈME ANNÉE. — N" 5. 5
-r-m f ■-"
— 130 —
Une lettre adressée au ministère égyptien au Caire par Mohamed el
Bernavi, chef d'escadron, qui avait accompagné Gordon à Khartoum,
donne de curieux détails sur les faits qui se sont passés depuis la prise
de cette ville. Au début, la population du Daifour, terrifiée par les der-
viches, se soumit à eux, mais plus tard, quand Wad Senoussi vint à son
secoun?, tous se joignirent à lui et les derviches furent expulsés après
plusieurs batailles sanglantes. Ds se réfugièrent dans le Kordofan et
prièrent le mahdi de leur envoyer des renforts, ce qui eut lieu ; mais ils
furent battus de nouveau et les hommes de Senoussi occupent actuelle-
ment le Kordofan et sa capitale. Les Arabes des pays voisins sont tous
avec Wad Senoussi et ont abandonné les derviches. Il y a huit mois
environ, le mahdi expédia trois vapeurs, deux transports et deux bar-
ques avec environ 6000 hommes vers l'Equateur pour attaquer Émin-
pacha. Mohamed el Bernavi faisait partie de cette expédition et, loi*s-
qu'elle fut parvenue à l'endroit nommé « le premier Sad, » près de Bor,
il se trouva que le fleuve n'était plus navigable. Les hommes se mirent
à couper les herbes qui obstruaient le passage. Pendant cette opération,
ils furent attaqués par Ebd-el-Bayen agha et Saïd Shellahi, gens d'Émin
qui occupent la station de Rumbek. Les derviches furent complètement
défaits, la plupart tués, un grand nombre se noyèrent. Mohamed el
Bernavi put seul s'échapper avec une centaine d'hommes, et regagna
Omdurman. Les gens d'Émin s'emparèrent des vapeurs et des autres
bateaux avec les honmies et les munitions qui étaient à bord. On dit
qu'Émin est en bonne santé et que toute la population du Bahr-el-Gha-
zal est pour lui. U a eu la visite de plusieurs voyageurs européens. —
Slatin-bey est logé dans la maison du mahdi. Il y a à Khartoum quatre
vapeurs en bon état, dont on se sei-t pour remorquer les transports por-
tant des hommes et des provisions d'une station à l'autre. Les soldats
et les esclaves seuls ont des armes à feu ; les Arabes en sont dépoui-vus.
A Omduiman, il y a quatorze pièces de montagne et quatre canons
Krupp. Ces derniers ne sont pas en état de servir. Toutes les tribus
arabes sont contre les derviches, excepté les Baggaras et les Dongolais.
Les vivres sont rares et chers, et la population est plongée dans une
profonde misère.
Le docteur Traversi, qui a passé plusieurs années près du roi Ménélik
au Choa vient d'arriver à Rome. U a donné d'intéressants détails sur
tout ce qui s'est passé, ces derniers temps, en Abyssinie. Après la
mort de son fils, le négous, profondément troublé, manifesta l'intention
d'abdiquer. Son entourage l'en dissuada, mais son armée était en pleine
— ISl —
dissolution. Eu même temps, se déclarait eu Abyssinie une teiTÎble épi-
zootie qui décima le bétail. Le^ corps putréfiés des aDiiuaux morts cau-
sèreut aussi parmi les babituuts de graves maladies. Néaumoius le
uégous essaya de i-eformer sou armée pour attaquer Mt'iiélik ; mais le
fleuve qu'il devait traverser s'ctaiit extraordioairemeut gonflé, il se
replia, pour péuétrer dans le Cboa par un autre côté. A cet eôet, il ma-
nœuvra autour du lac Tzaiia, eu commettant dit véritables atrocitéi^.
Massacrant les populations, saccagoaut le pays, il dépouilla de ricbes
couveuts, égorgea les moines qui s'y trouvaient, et s'attira ainsi la
haine du clergé de ses propres États. S'avançant d'abord dans le God-
jani, il le dévasta en marcbaut contre Ménélik, puis, sans l'avoir
atteint, il se letira. Ceci se passait il y a environ un mois et demi, aloi-s
que le docteui- quittait Ménélik. A ce moment Ras Âlula et Agoz étaient
paitis à la rencontre des Soudanais, et c'est sans doute en se portant
vers Gondar pour les soutenir, que le négous aura rencontré les dervi-
ches par lesquels il fut, dit-on, vaincu et tué.
D'api-ês le Times, les relations entre les agents de la Britlsh Enst
.\rrioam Comp»ny et ceux de la Sooiété Klleinaade de l'Afri-
que orientale laissent beaucoup à désirer. Les premiers, après avoir
payé une forte somme aux Arabes de Mombas pour faire cesser leurs
réclamations sur les esclaves réfugiés à Frere-Town et à Rabal, ont
commencé la eoustructiou d'une route dans la direction du Victoria-
Nyauza. Ils ont de plus envoyé, sous la direction de M. Jackson, une
expédition qui poussera, si elle le peut, jusqu'à Wadelal ; elle avait pu
atteindre le lac Bariugo, à G50 kilom. de la côte, sans avoir été inquiétée
en aucune façon. Mais à la limite septentrionale de ses opérations, du
côté de Witou, la Compagnie se trouve en contact avec les agents allo-
mands. Quoiqu'il ait été convenu que les deux Sociétés s'abstiendraient
scrupuleusement d'empiéter sur leurs champs d'action respectifs, k
Comjjaguie allemande s'est établie à l'embouchure de la Tana et y fait
concuiTence aux intérêts anglais. En même temps, elle cherche à se faire
concéder par le sultan de Zanzibar l'tle de Lamou, qui, par les conven-
tions, a été reconnue au sultan, mais que les Anglais prétendent avoir
été colonisée et exploitée exclusivement par des sujets britanniques. Le
Timeg va jusqu'à engager la Compf^nie anglaise à lutter, au besoin, par
les annes, contre la Compagnie allemande pom- la défense de ses inté-
rêts, et donne à entendre que si le gouvernement allemand intervenait
au profit de ses nationaux, l'Angleterre entrerait à son tour en scène
pour défendre et soutenir les siens. Aux dernières nouvelles, l'Angle-
— 132 —
terre et l'Allemagne ont choisi le bai*on de Lambermont, diplomate
belge, comme arbitre de leur différend concernant l'île de Lamou.
Le Church Missionary Intelliyencer and Record publie une lettre de
M, Mackay, naguère missionnaire dans l'Ou-Ganda, qui s'exprime ainsi
au sujet du soulèvement des Arabe» dans l'Afrique orientale : a Ces
événements, » dit-il, « joints à ceux qui se passent sur le lac Nyassa, sur
le haut Congo et sur le Nil, font que Ton se pose la question : Sera-ce
l'influence arabe ou celle de l'Europe qui prévaudra dans l'Afrique cen-
trale? C'est à l'Europe chrétienne qu'il appartient de répoudre. Dieu
nous garde de voir la politique de Vabandon^ aboutissant au suicide,
appliquée à l'Afrique orientale comme elle l'a été au Soudan. Si, dans
cette crise, l'Europe n'affirme pas sa ^périorité, il nous faudra, après
tout ce qui a été fait jusqu'ici, inscrire l'épitaphe du continent noir
« Perdu pour toujours ! » Si notre Société estime que cela ne doit pas
être, il faut qu'elle agisse et laisse à plus tard les discours et les espé-
rances vaines. L'union fait la force. Nos frères d'Ecosse et la Mission
des universités se sont hâtés d'attirer l'attention publique sur les trou-
bles dont ils avaient à souflVir. La Société des missions anglicanes se
tiendra-t-elle à l'écart, et refusera-t-elle de joindre ses efforts à ceux
d'autres ouvriers chrétiens travaillant dans le même champ ? Commet-
trons-nous le crime monstrueux de rester les bras croisés à regarder
toute cette région, abandonnée par les nations chrétiennes de l'Europe
et livrée à la dévastation des disciples de l'islamisme? La Société des
missions anglicanes doit diriger l'opinion publique et élever la voix de
telle sorte, que ni l'Allemagne, ni l'Angleterre, ni même le Portugal, ne
puissent s'y méprendre. Placé sous contrôle, le fanatisme arabe peut
être assez inoflensif ; mais qu'on lui laisse prendre l'ascendant, adieu
toutes les espérances pour la régénération de l'Afrique ; toute occasion
d'y travailler nous sera refusée. Il n'y aurait que l'impuissance ou une
aveugle démence qui pussent permettre une telle faute. Mais telle est
l'infatuation qui s'empare aujourd'hui de beaucoup d'honnêtes gens, que
je ne serais nullement surpris de voir la philanthropie céder au fana-
tisme, et la liberté et la pitié reculer lâchement devant l'audace de
l'esclavagiste circoncis. »
La question des rapports enti-e le Portugal et l'Angleterre dans la
région du lac Nyassa ayant été soulevée dans la Chambre des Com-
munes, lord Salisbury a répondu que la Société des Lacs africains ne
rencontre d'hostilité qu'auprès des Arabes, qui craignent que le succès
de cette Compagnie n'interrompe la traite des esclaves. Aucun des ob-
— 133 —
stades rencoutrés par la Société ne provient des agents portugais. Le
gouvernement anglais favorisera de son mieux les entreprises de ses
nationaux, mais le territoire n'appartenant pas à l'Angleterre et n'étant
pas non plus placé sous le protectorat anglais, l'action du gouvernement
se trouve limitée. Comme la politique des autres puissances, celle du
Portugal doit consister pour le moment à empêcher l'introduction d'ar-
mes et de munitions dans l'intérieur de l'Afrique. Le gouvernement
anglais a prié le Portugal de se départir des règlements stricts interdi-
sant l'importation des armes et des mmiitions, en faveur de la Compa-
gnie des Lacs africains.
Le journal anglais The Field, dans un article de M. F.-C. Selous,
contient, sur la OAlsslon française au Zambèze, quelques appré-
ciations que nous nous faisons im devoir de reproduire. « En arrivant à
Seshéké, je fus fort aimablement reçu par les familles Jeanmairet et
Jalla. Ce n'est pas ici le lieu de juger l'œuvre des missions. Je dirai
seulement que les missionnaires de Seshéké sont aux prises avec bien
plus de difficultés que ne se l'imaginent sans doute ceux qui les soutien-
ueut en Europe. Et d'abord, ils sont exposés à un climat qui ne convien-
dra jamais à un Eui'opéen, quoi qu'on en dise. Puis les indigènes regar-
dent un peu le blanc comme « une vache à lait, » pour employer leur
expression ; ils trouvent que les missionnaires sont de « mauvaises lai-
tières » et les aiment en conséquence. La situation des missionnaires de
Seshéké est donc fort peu agréable, et rien ne prouve que cela doive
jamais changer. En outre, ces familles sont privées de toutes communi-
cations régulières avec le monde civilisé ; pour la poste, ils dépendent
entièrement des voyageurs ou marchands que le hasard conduit au
Zambèze. M. Jeanmaii'et m'a raconté que les crocodiles sont une vraie
plaie ; ces bêtes lui ont dévoré tous ses porcs, tous ses chiens et presque
toutes ses chèvres. » De Seshéké, M. Selous se rendit à Léaluyi, par ce
qu'il nomme « la route de M. Coillai'd. » Le 2 septembre 1888, il arriva
à Séfoula. « Là, » dit-il, a je fus très bien reçu par M. et M"' Coillard.
Ils vivent là, en compagnie d'un jeune ouvrier écossais, M. Waddell,
seuls au centre de l'Afrique, loin des bruits du monde civilisé. Je com-
prends ce que M. Coillard m'a dit : « Le sentiment du devoir seul peut
engager un Européen à venir dans un pareil pays, hors du monde et
privé de toute relation... » M. Coillard exerce une grande influence sur
le chef Léwanika ; il semble aussi avoir gagné la confiance de tous ceux
avec lesquels il est en relation. Léwanika s'habille à l'européenne ; il a
renoncé aux spiritueux et boit du thé et du café. L'amabilité de M. Coil-
— 134 —
qu'il gagnera certainement le cœur de tous ces gens. Cela
«s la vallée des Ba-Rotsé d'être un pays déplorable. »
crit ensuite les inondations périodiques du Zambèze et les
èvres qui en résultent.
y B. Taunt a été nommé consul des États-Unis auprès
idépendant du Conco. Ses instructions lui prescrivent
•apport sur les i-essources commerciales du bassin du bas
cours supérieur du fleuve, ses richesses agricoles et miné-
uvertures » pour l'industrie et le commerce américains, et
sur ce sujet toutes les informations utiles aux intérêts des
i]n outre, l'institution Smithsonienne et le Musée national
^ dans l'expédition de M. Taunt, auquel ils ont fourni des
M. Taunt a dqà passé vingt mois au Congo, d'abord en
lorateur officiel des États-Unis, et plus tard à la tête de
irganisée par M. Sanford. Cette fois-ci il y passera au moins
ligule des uiuyustna généraux du Congo se pro-
r et d'exploiter à Borna un tpan-way A vapear, dont la
nron deux kilomètres de longueur; elle partira de la rive
iivira le plateau en faisant une courbe et aboutira au sani-
reliera ainsi les établissements de Boma-rive à ceux de
i. Le matériel fixe : rails, traverses et accessoires, a été em-
Akansa, parti d'Anvers le 10 avril ; les locomotives et les
lit chargées sur le steamer qui partira le 10 mai, sur lequel
lage le p<'i-sonnel technique chargé de l'installation de la
tntage du matériel roulant.
Compagnie prépare une constructiou démontable en fer
m hdt«l et des magaalna qu'elle fera édifier à Borna.
it en tôles d'acier à double paroi, embouties et galvani-
iires en tôles ondulées et galvanisées. L'immeuble aura un
lée surmonté de deux étages. Avec ses corps de bAtiment, il
irofondeur sur 52" de largeur et environ 12" dans sa plus
lion. Au rez-de-chaussée seront les magasins; au premier
et le i-cstauraut avec leurs dépendances : bureaux, office,
mgerie, lingerie, etc. ; au deuxième étage, les chambres h
voyageurs, au nombre de douze. Au premier et au second
i, tout autour du bâtiment, un balcon de 2" de large abrite
inda. Tous les matéiiaus serout chargés sur le bateau qui
!rs le 10 mai et qui se i-endra à Borna oii l'hôtel, démonté,
• et transporté à l'aide du tramway.
— 135 —
M. Delcommune, chef de la reconnaissance du haut Congo, ordonnée
par la Compagnie du Congo pour le commerce et Tindustrie, a remonté
pendant dix-sept jours, à bord du Boi des Belges, le cours du Liomami,
sur une distance de 930 kilomètres. La rivière traverse un pays magni-
fique; la navigation y est extrêmement facile ; au point où il s'est arrêté
dans son exploration, il ne se trouvait qu'à trois jours de marche de
Nyangoué, et en amont la rivière continuait à être ouverte et libre.
Voici, d'après le Mouvement géographique, un extrait de sa lettre aux
administrateurs de sa Compagnie.
Bangala, 1" février 1889.
« A mon arrivée aux Stanley-Falls, j'y trouvai les Européens en
excellente santé et en parfait accord avec les Arabes. Je commençai la
reconnaissance des affluents du haut Congo par le Lomami. M. Haneuse,
résident de l'État aux Falls, m'accompagnait. Nous fûmes tout étonnés
de constater l'importance de cette rivière, d'une largeur moyenne de
250", d'une profondeur de 3"*,50 à 5",50, d'un coui'ant de 2 'A à 3 milles
à l'heure. Son cours est très sinueux, ses rives sont couvertes d'épaisses
forêts vierges. Du 25 décembre au 5 janvier, nous avons rencontré un
pays superbe, mais entièrement désert ; aucune population sur le^ rives.
Des restes d'anciennes cultures, des huttes abandonnées nous révélaient
le passage de bandes arabes. Le 6 janvier, nous avons entin trouvé un
village sur la rive gauche, dont les naturels, entièrement sous la domi-
nation des Arabes, nous apprirent que nous étions à trois jours de Nyan-
goué. L'état de santé de M. Haneuse ne me permit pas de continuer, et
la descente de la rivière commença le 7 janvier. Je reconduisis M. Ha-
neuse aux Falls. De là, je me dirigeai vers l'Arououimi que je remontai
jusqu'au camp de Yambouya, où je trouvai les derniei*s vestiges du
camp de Stanley. Je remontai ensuite l'Itimbiri pendant deux jours et
j'arrivai à Bangala le 30 janvier. J'en repars aujourd'hui, et vais me
diriger vers le Loulongo, puis vei*s le Tchouapa et l'Irebou. J'espère
avoir fini la reconnaissance de ces cours d'eau à la fin de ce mois et
être à Léopoldville dans la première quinzaine de mai*s. »
Il en résulte qu'à l'ouest du Congo coule, parallèlement à ce tteuve, et
sur un parcours de 1100 kilom. à vol d'oiseau, à une distance moyenne
de 75 kilom., un énorme affluent, le Lomami, dont Cameron a vu la
source en 1874, par 9° lat. S., et dont Stanley a découvert le confluent,
dix ans après, par 1 ° lat. N. Pendant tout ce parcours, le Congo ne
reçoit d'affluents importants que sur sa rive droite : la Loufira, le Loua-
poula, le Loukouga, la Lohoua, la Mboura, etc. ; le Lomami n'est sérieu-
— 136 —
sèment alimenté que par sa rive gauche : le Loukassi, le Lourimbi, etc.
M. Delcommune a mené son exploration jusque par 4"" lat. S. envi-
ron, à la hauteur de Nyangoué. Mais on sait par MM. Wissmami et
LeMarinel qu'à 150 kilom. en amont, point où ces voyageurs l'ont tra-
versé, le Lomami est encore un beau cours d'eau, d'une centaine de
mètres de largeur, et d'une pfofondeur de 3",50 au moins. Cameroji,
qui a suivi la rive gauche jusqu'à 200 kilom. plus en amont encore,
assure que le Lomami est toujours navigable. Il constituerait donc un
coui*s d'eau d'au moins 1600 kilom. de longueur et prendrait le troi-
sième rang parmi les affluents du Congo, immédiatement après le Kas-
saï et rOubangi. Au point de vue économique cette reconnaissance a
une très grande valeur, puisque les steamers pourront ainsi tourner
l'obstacle que présentent les Stanley-Falls à la navigation, et transpor-
ter les voyageurs et les marchandises jusqu'à trois jours de Nyangoué,
qu'il sera facile de relier au Lomami par un chemin de fer DecauviUe.
Par là , le Manyéma, l'Ouroua et le Katanga se trouveront reliés à
Stanley-Pool.
La loi concernant la création du service maritime postal entre
la Franche et la côte ocMsidentale d'Afrique a été promulguée.
L'article 1" dispose que le service à exécuter comprend six voyages par
an entre la France et la côte occidentale d'Afrique, avec l'itinéraire
suivant :
De Marseille à Oran 534 milles.
D'Oran à Dakar 1772 »
De Dakar à Konakry 425 »
De Konakry à Sierra-Leone 67 »
De Sierra-Leone au Cap Palmas 461 »
De Cap Palmas au Grand Bassam 248 >»
De Grand Bassam à Kotonou 390 »
De Kotonou à Benito 513 »
De Benito à Libreville 85 »
De Libreville à Loango 405 »
Parcours total (par traversée) 4900 milles.
Les départs des points extrêmes ont lieu tous les deux mois à date
fixe.
L'article 2 dispose que, en dehors des escales réglementaires, l'entre-
preneur pourra desservir facultativement certains points inténnédiaires
soit à l'aller, soit au retour, à la condition qu'il n'en résulte aucune
-np<T7^ .V'i.JV -- * -, • ■ '\ - ••,-.■ V .*r_ .... ^» "^ •: V, ■ - - ,.^ J^^
— 137 —
augmentation de la durée des traversées, ni aucun changement dans la
périodicité des départs des points extrêmes. Sous la même réserve, il
sera autorisé à prolonger le parcours jusqu'au Cap de Bonne-Espérance
à l'aller, et à faire relever les paquebots, après leur retour au port
d'attache en France, sur d'autres ports français ou étrangers. Les par-
cours facultatifs ne donneront lieu à aucune augmentation de subven-
tion.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
A la suite du concours de décortication de la ramie qui a eu lieu Pannée
dernière, un rapport a été adressé au ministre de l'agriculture, au nom du jury
chargé de l'examen des appareils; le Directeur de l'agriculture a soumis à la
Commission de la ramie le programme d'un nouveau concours, qui aura lieu dans
le courant du mois d'août prochain, comme partie intégrante de l'Exposition
universelle (groupe VIII, Agriculture).
M. Delâtre, prêtre missionnaire d'Alger, a été délégué par le cardinal Lavi-
gerie, pour porter des secours aux indigènes des oasis de la vaste plaine saharienne
des Zibans, qui, ayant souffert -l'année dernière de l'invasion des criquets, étaient
plongés dans une misère qui menaçait d'avoir chez eux les conséquences de la
fiamine de 1867.
Miss Whately, la fondatrice, au Caire, de nombreuses écoles, qu'elle n'a cessé
de diriger pendant vingt ans avec le plus entier dévouement, vient de mourir.
Ces écoles, qui comptent plus de 600 élèves, et, dans le nombre, des filles de
pachas et des principales notabilités du pays, seront désormais dirigées par sa
sœur.
Le gouvernement italien s'occupe de réaliser la concession du territoire de
Kismaïou faite à l'Italie par le précédent sultan de Zanzibar. Il y favorisera la
formation de sociétés commerciales et industrielles, comme le font l'Angleterre et
l'Allemagne dans les territoires placés sous leur protectorat.
M. A. Charpentier, chimiste, est chargé d'une mission scientifique à Madagascar,
où il va étudier les applications industrielles de certaines gommes indigènes.
Le P. Camboué, missionnaire à Madagascar, a envoyé à l'Académie des sciences
une note sur la coïncidence qui a existé ces trois dernières années entre les
tremblements de terre dans la province d'Imérina et la chute de pluies exception-
nelles.
M. Brunet, président du Conseil général de la Réunion, a été chargé de faire
une étude approfondie des ressources que présente la colonie de Diego-Suarez,
des conditions de son développement ultérieur et de l'administration à lui appli-
quer. Il y a Heu surtout de chercher les moyens de surmonter les difficultés
qu'opposent à la colonisation le climat et la rareté des eaux potables.
Le major Serpa Pinto est parti pour la baie de Delagoa, investi d'une mission
.\
— 138 —
officielle en vue de l'exploration des territoires situés dans la région non explorée
par le lieutenant Antonio Cardoso. Un vapeur le transportera ensuite à Inhambané,
d^où il se dirigera sur Quilimane^ pour continuer ensuite sa marche jusqu'au lac
Nyassa.
Après avoir constaté qu'il existe à l'embouchure du Limpopo un excellent port,
et que le fleuve peut être remonté en steamer sur un parcours de plus de 100 kilom^
le capitaine Chaddock cherche à décider la British East African Company à
établir un comptoir dans cette région favorablement située pour exploiter les
richesses naturelles du Transvaal et du pays des Ma-Tébélé. Si la Compagnie
susmentionnée ne se laisse pas persuader, le capitaine Chaddock essayera de
créer une compagnie anglaise spéciale.
En réponse à la demande de Lobengula, roi des Ma-Tébélé, le gouvernement
anglais est disposé à lui envoyer un officier, fin revanche, il désapprouve la clause
de la concession minière faite au syndicat de MM. Rhodes et Rudd, moyennant
laquelle les concessionnaires donneraient mille fusils Martini-Henry et un million
de cartouches; il demandera à Lobengula de la changer. (Voy. p. 120 : Lettre de
M. Demaffey.)
Ahmed Bey Effendi, représentant de l'empire ottoman à Eimberley, s'est rendu
à Johannesbourg pour y faire une enquête sur les mines d'or, en faveur d'un
syndicat turc qui s'est fondé à Constantinople sous la présidence d'Ismaïl Hakié
Pacha. Il aura des succursales à Capetown, Kimberley et Johannesbourg.
Les chefs de Morerai, doût le territoire, d'environ 22,000 kilom. carrés, se
trouve situé entre 20° — 22® lat. S. et 20° — 28® long. E., se sont placés sous le
protectorat britannique. Les limites en sont : au nord le Zambèze, au sud le désert
du Kalahari, à l'est le Be-Chuanaland et à l'ouest le Damaraland. C'est un pays
fertile, riche en forêts et en gisements miniers.
Le Daily Telegraph et le Cape Argus ayant annoncé que l'Allemagne serait
disposée à céder à l'Angleterre le territoire qui s'étend entre Wallfishbay et le
Be-Chuanaland, la Gazette de Cologne se fait un devoir de déclarer que le gou-
vernement allemand n'a cédé cette région à aucune puissance. Les richesses
minérales du Damaraland sont considérables, et, jusqu'à présent^ ce pays n'a
occasionné presque aucune dépense à l'État.
M. Caron, lieutenant du génie, a été chargé de faciliter le parcours de la route
des caravanes entre Matadi et Léopoldville, par l'exécution de quelques travaux
d'art et diverses installations pour le passage facile et rapide des rivières. Son
premier travail a été l'établissement d'un bac sur la Mpozo, en amont de Matadi.
Il peut passer, à chaque traversée, de 40 à 50 hommes, avec pleines charges. Il
suffit de dix minutes pour l'embarquement, le passage et le débarquement d'une
caravane. — M. Caron a aussi jeté, sur la Loufou, un pont suspendu en fer de 34°
de longueur.
La Livingstone Inland Mission a entrepris une nouvelle mission au Congo, au
milieu des Ba-Lolo, dont le nombre est estimé à plusieurs millions. Huit mission-
naires sont partis pour ce nouveau champ de travail.
.M"
— 139 —
La maison Daumas, Béraud et C* a mis à flot, sur les eaux du Stanley-Pool,
nn nouveau steamer, la France, qui a transporté, au confluent de POubangi et du
Congo, le personnel et les approTÎsionnements destinés à une factorerie qui doit
être fondée dans ces parages.
Les Hollandais déploient une grande activité dans Pexploration commerciale
du Congo et de ses affluents; ils ne cessent d'augmenter le nombre de leurs établis-
sements et d'en renforcer le personnel. Ils ont déjà 5 stations sur le cours moyen
du flenve : 2 à Stanley-Pool ; 1 à Loulonga; 1 à Ngombon et 1 aux Stanley-Falls.
Les colons noirs venus de Libéria ont été installés sur les terrains de Ntombé,
près de Banana, qui leur ont été donnés. Ils sont quarante, divisés en buit
familles. Le plus âgé d'entre eux a été nommé chef du nouveau village. Ils se
montrent très satisfaits de leur installation, et espèrent avoir un grand succès
avec les plantations de café qu'ils vont entreprendre. Ils sont heureux d'être
réinstallés dans leur pays natal, d'où ils avaient été enlevés par les négriers il y a
vingt-huit ans.
M. Ward, un des membres de l'expédition de Stanley, a quitté le Pool, à bord
du steamer le StanUy, pour le haut Congo. Il espérait obtenir de Tipo-Tipo une
escorte de 200 Manyéma, et se proposait de se' diriger ensuite à marches forcées
vers le lac Albert pour rejoindre Stanley.
M. Trivier, qui se propose d'explorer la région du lac Landji et de résoudre
définitivement la question du Loukouga, a passé à Stanley-Pool où il s'est
embarqué pour les Falls, à bord du Hoîland^ le steamer de la Société hollandaise
de Kinchassa.
M. de Rogozinski, qui a déjà exploré la région du Cameroun, s'est de nouveau
rendu au golfe de Guinée, emmenant avec lui, cette fois-ci, sa jeune femme. Il se
propose d'aller à la recherche du fameux lac Liba, signalé naguère encore sur
les cartes, mais dont l'existence est mise en doute par les géographes allemands
de Qotha, qui l'ont supprimé dans la 2'"* édition de la carte de Habenicht.
Notre compatriote, M. Zweifel, qui a découvert les sources du Niger, avait été
chargé par la Compagnie du Niger de reconnaître les territoires exploités par
cette Société. Avec 100 indigènes, il a entrepris cette reconnaissance; mais,
attaqué par les naturels, il a dû avoir recours aux armes à feu et a réussi à
réprimer le soulèvement des natifs.
M. Etienne, sons-secrétaire d'État aux colonies, a chargé une commission de
chercher s'il ne serait pas possible de donner aux dépendances de la colonie du
Sénégal nommées « Rivières du Sud, » une autonomie qui permit d'assurer le déve*
loppement de leur prospérité commerciale. Actuellement c'est la partie de la
colonie française la plus riche ; elle n'a aucun intérêt commun avec le Sénégal
proprement dit, auquel cependant elle ressortit au point de vue politique et
administratif.
Le courrier des Açores a apporté à Lisbonne la nouvelle que de fréquentes
secousses de tremblements de terre ont été ressenties dans presque tout l'archipel.
On craignait des éruptions volcaniques ; la population était en proie à la plus
▼ive panique.
— 140 —
M. de la Martinière qai, déjà l'année dernière, a exploré le Maroc, an point de
vue archéologique, se dispose à y retourner pour étudier surtout l'emplacement
de Lixus, ville florissante à l'époque où les Phéniciens étaient les maîtres du
commerce. On y découvrira probablement des inscriptions puniques.
CHRONIQUE DE L'ESCLAVAGE
Le^ agents anglais eu Tripolitaine signalent la complicité des em*
ployés turcs dans le trafic des esclaves. Le consul d'AngleteiTe à Ben-
ghazi, par exemple, écrit à son collègue de la Canée (Crète) : « Il vient
d'arriver à ma connaissance que huit esclaves ont été embarqués à bord
d'mi steamer ottoman qui part d'ici pour la Crète; quelques-uns d'entre
eux sont munis de faux papiers de libération. » Et un peu plus tard :
« Je suis encore obligé de vous importuner par rapport aux esclaves.
Ayant été informé, au dernier moment, que six femmes esclaves ont été
trouvées à bord du steamer ottoman Kiamïl-Pacha, je vous demande
vos bons oflftces pour qu'elles soient interrogées à leur arrivée dans votre
région. De ces femmes infortunées, deux sont destinées à notre Vali ;
une a été embarquée pour notre Defterdar, mais elle a été payée pour
le compte de Hussein Effendi, l'un des employés du bateau, deux autres
ont été vendues pour l'exportation par un certain Hady Ghalem et une
par le Mulazim de Koraka. Elles sont toutes en possession de papiers
de libération dont la vraie raison s'explique par l'intermédiaire du Def-
terdar. La conduite du Vali et de ses principaux officiers dans cette
matière prouve l'inutilité de toute démarche de ma part ici. »
Dans son numéro du 9 mars, le Mémorial diplomatique a cru pouvoir
rappeler que les instructions données aux fonctionnaires ottomans leur
enjoignent de sévir contre tous ceux qui se livreraient au commerce inhu-
main de la traite. Néanmoins, le texte des conventions relatives à la vente
des esclaves est méconnu, pour un motif ou pour un autre, dans tout
l'empire turc, à commencer par Constantinople où le sultan et ses minis-
tres sont les premiers à le violer pour leurs harems. Dès lors, les gou-
verneurs ou agents inférieurs se croient autorisés à fermer les yeux.
D'après le Bine Book du mois de juin 1888, les agents anglais déclarent
que sur le point le plus fréquenté et le plus connu de la mer Roofl^,
à Djeddah, par où l'on passe pour aller à La Mecque, le commerce des
esclaves est plus actif qu'il ne l'a jamais été, et cela avec la complicité
évidente et publique des agents et gouverneurs turcs. « Tant que les
— 141 —
hoetilités out régné daus le Soudan, très peu d'esclaves noirs ont été
importée ici, » dit le consul anglais de cette ville, a et il y a eu uue
grande hausse de prix, tant sur les Abysaiwens que sur les Grilas, et
plus particulièrement sur les noirs ; mais depuis la fin de la guerre du
Soudan, l'e&tensiou de ce trafic a été de temps eu temps sigualée au
Foreigu Oifice. Les autorités des deux eôtés de la mer Rouge semblent
être sans force suffisante, l'une pour prévenir le départ, l'autre pour
s'opposer au débarquement desgroupes d'esclavessur leui-s côtes respec-
tives. Ce que le gouvei-nement égyptien aidé par des soldats anglais
trouve impossible, les autorités de l'Iledjaz, avec une police et des
forces régulières rrsimeut insuffisantes pour tenir le pays, sur une aussi
grande étendue de côtes, le trouvent encore plus difficile. »
D'autre part, le journal le Temps annonce, d'après des informations
reçues de Constantinople, que les autorités turques concourent à la
répression de la traite. Une corvette turque, VAttarid, a capturé daus
la mer Rouge, une barque arabe qui avait à bord 17 esclaves. Ceux-ci
(tut été conduits aux autorités ottomanes d'Hodéida qui les ont fait
remettre eu liberté. Un autre indice des dispositions de la Porte à
l'égard de la traite est la révocation du gouverneur général de Benghazi
qui n'aurait pas appliqué avec assez de rigueur les mesures ordonnées
pour la suppi-ession de ce trafic.
La Newcagtle Gtronicîe publie les reuseigueraente suivants fournis
par M. Robsou de la mission de l'Ëglise anglicane à Frere-Town et
Hombaa. « Si le blocus empêche le trcmsport des. esclaves dans les
boutres, il n'arrête pas la trait«. Les crimes commis par les Arabes
i l'ijitérieur sont pires que jamais. Ne pouvant exporter les nègres par
mer, ils les chassent devant eux par terre, et, sur dix esclaves, à peine
un arrive à destination. Il y a quelques semaines un boutre k esclaves
fut capturé ; les ofSciers anglais trouvèrent la moitié des esclaves mort»,
et les autres dans un état pitoyable. Vingt des enfants me furent envoyés;
je n'essayerai pas de décrire leur triste condition : squelettes vivants,
sans un fil de vêtement, couverts d'ordures et de vermine, depuis quatre
jours ils n'avaient pas reçu une goutte d'eau, et tous avaient la dysen-
terie. C'étaient tous des enfants de 6 à 8 ans ; les plus âgés n'avaient
pas survécu aux mauvais traitements qui leur avaient été infligés.
B^uis qu'ils m'ont été remis, l'un d'eux est mort ! deux autres, je le
crains, ne survivront pas. Us ont été amenés du pays des Ma-Koua it
l'ouest de Mozambique.
1 Dans les Ktats du sultan de Zanzibar, nous missionnaires nous
- é
û- .
\>
J \
— 142 —
sommes sous un régime qui ne nous permet pas d'intervenir dans les
questions se rapportant à la traite, mais je m'en inquiète fort peu, je
ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour venir en aide aux esclaves
qui s'enfuiront de chez leur maître. L'autre nuit, assis dans ma hutte,
pensant aux esclaves libérés avec lesquels j'avais passé la journée, j'en-
tendis le rugissement d'un léopard. Il était tombé sur une femme ; la
voix d'un homme se fit entendre ; c'était le mari, qui, bravement, chas-
sait le fauve. Le noir n'était pas d'abord assuré que je fusse un blanc,
peu à peu il prit confiance et m'avoua qu'ils étaient des esclaves
fugitifs. Us cherchaient à atteindre le territoire d'un chef qui reçoit ces
dernière. Je leur donnai les directions nécessaires ; mais, tout à coup,
j'entendis une lutte s'engager; c'était le propriétaire d'esclaves, un
coquin d'Arabe, avec ses amis, qui était à l'affût. Le cri de la pauvre
femme l'avait trahie, elle et son mari ; ils furent ressaisis et emmenés
pour être attachés au poteau de fustigation. »
Mgr Bridoux, vicaire apostolique du Tanganyika, écrit de Kipala-
pala à S. E. le cardinal Lavigerie, que, dans la marche de Mpoua-
poaa au Tang^anyika il a rencontré plusieurs caravanes d'esclaves,
dont la plupart n'étaient que des squelettes ambulants, et, malgré leur
misérable état, les hommes avaient la fourche au cou, tandis que les
femmes étaient attachées par de longues et lourdes chaînes qui les
meurtrissaient. Beaucoup de ces malheureuses, dont les seins étaient
complètement desséchés pointaient sur le dos de pauvres petits enfants
condamnés à une mort inévitable. D'autres un peu plus grands, allaient
î^ pied portant des fardeaux proportionnés à leur âge. Un grand nombre
de ces esclaves étaient couverts de petite vérole. « Souvent, » dit le
missionnaire, « il nous est arrivé d'en rencontrer qui avaient été aban-
donnés sur la route ; ils s'étaient traînés péniblement dans les brous-
sailles ou dans les ravins, et là, ils attendaient la mort que les bêtes
féroces venaient parfois hâter. Nous ne pouvions que les faire boire à
nos gourdes, et leur laisser un peu de nourriture, qu'ils n'avaient plus
même la force de prendre. Quand nous passions auprès de ces caravanes
et que nous entendions les Arabes, leurs conducteurs, nous dire : « Bon-
jour grand maître, » nous détournions instinctivement la tête de ces
monstres de cruauté. »
Dans une conférence donnée à Londres, le missionnaire F.-S. Amot,
(|ui a passé 3 ans chez les Garenn^nasé, à l'ouest du lac Bangouéolo,
a décrit, comme témoin oculaire, les scènes navrantes qui accompagnent
inévitablement la traite, entre autres le massacre des petits enfants que
— 143 —
les traiiquanu ne veulent pas laisser emporter par leurs mères et qu'ils
assomment sans le moindre scrupule, personne ne se présentant pour les
leur acheter. « Quoique Moshidé, roi des Garenganzé, protège les escla-
ves fugitifs et défende ses propres sujets contre l'esclavage, néanmoins
ses gens vont chez les tribus voisines acheter des esclaves pour les ven-
dre aui trafiquants de l'Est et de l'Ouest. Les petits enfants n'ayant
aucune valeur sur le marché, les esclavagistes ne permettent pas aux
mères de les emporter et les tuent sans merci. Un jour, on amena à
ma porte un enfant, plus soigné que ne le sont d'ordinaire ceux de son
âge, probablement un enfant volé, et l'on me demanda de l'acheter. Je
refusai, disant que je ne voulais pas me mêler d'un semblable tratic. Il
fut traîné à travers le village, et, comme persoime ne voulait l'acheter,
celui qui l'offrait à vendre le perça d'une lance et jeta son corps dans
les broussailles. Une autre fois, un trafiquant d'esclaves vint, en mon
absence, et acheta une femme et son enfant auquel je m'intéressais vive-
ment ; un autre marchand voulut lui racheter ta mère sans rien donner
pour l'enfant, estimant que celui-ci allait par-dessus le marché. Il y eut
contestation et, en fin de compte, le propriétaire prit le petit garçon,
l'assomma contre un tronc d'arbre, puis jeta sou cadavre dans le tleuve. »
Les faits dont M. Arnot a été le témoin l'ont engagé à prendre , à
l'avenir, ces petits enfants sous sa protection.
Dans son expédition de ravitaillement k la rencontre du capitaine
Binger, M. Treich-Laplène, arrivé à Bondoukoo» grand village de
4000 à &000 habitants, signale le tratic des esclaves comme le plus
important de la localité. « Tous les jours, il y a marché; presque toute
la population est musulmane et originaire de Kong. Une partie des
habitants sont originaires de l'Abron, fétichistes, et se livrent à toutes
les pratiques de cette croyance ; durant mon séjour, on a sacriiié des
esclaves en l'hoimeur des funérailles du chef défunt. Le principal jour
(ie fête, on en a égorgé huit sur la place publique ; j'ai même été invité
içracieusement à cette abominable cérémonie. »
Sur les instances de M. le D'Ormières. résident de France à Aiyouan,
une des Comores, le sultan Abdallah a proclartié le 29 janvier dernier
l'abolition de l'esclavage dans ses États.
Voici les principales dispositions du décret publié à cette occasion.
Les articles 1 et 2 posent le principe que l'esclavage est aboli, que la
vente et l'achat des esclaves sont interdits, que toute persoime venant à
Anjouan est et demeure libre.
h ■■ ■
1. . ' ■
— 144 —
L'esclave libéré est obligé de servir pendant cinq années, à titre de
travailleur libre et salarié, son ancien propriétaire, à moins qu'il ne
préfère se libérer en payant une somme de 150 francs.
Les articles 5, 6 et 7 règlent les conditions de travail dans Ttle sur
des bases analogues à celles qui régissent, à la Réunion et aux Antilles,
les relations entre les immigrants et ceux qui les emploient.
Par l'article 8, le sultan Abdallah oblige son successeur, ses héritiers,
ses ministres, à accepter sans réserve sa décision. L'article 9 déclare que
seront considérés comme rebelles ceux qui refuseraient de reconnaître la
validité de cet acte.
D'après M. Elisée Reclus, la moitié de la population des Comores,
évaluée à 47,000 Ames, était composée de noirs asservis appartenant à
toutes les peuplades de la côte orientale d'Afrique.
Sur la demande de M. Le Myre de Vilers, le premier ministre à
Madai^soar a publié une loi aux termes de laquelle tous les esclaves
qm débarquent dans l'île sont affranchis de droit. £n voici le texte :
Moi, Banavalo-Mpanjaka III, par la grâce de Dieu et la volonté
du peuple, reine de Madagascar et protectrice des lois de mon
royaume, etc.
Voici ce que je vous dis, peuple : le 20 juin 1877, Ranavalo-Mpan-
jaka n vous a dit : a Tous les Mozambiques qui sont venus dans mon
royaume sont atlranchis et deviennent mes sujets libres. »
Je ne change rien à cela et je lui donne même une plus grande portée.
Ainsi, si des Mozambiques, venant d'au delà de la mer, sont introduits
à Madagascar, sur n'importe quel point, pour être esclaves, ils ne sei'ont
pas esclaves, mais sujets libres.
Dit : Ranavalo-Mpanjaka,
Reine de Madagascar et protectrice, etc.
Écrit en mon palais de Masoandro, le 8 mars de l'an du Seigneur
1889.
Ce sont les véritables paroles de Ranavalo-Mpanjaka, reine de Mada-
gascar.
Dit : Rainilaiarivony,
Premier ministre et commandant en chef de Madagascar, etc.
Que Dieu bénisse la reine.
Partout en Europe s'accentue le mouvement anti-esclavagiste :
Dans la Chambre des Communes, M. S. Buxton a présenté une
motion conçue en ces termes : « En vue des ravages croissants causés
en Afrique par le développement de la traite et des grandes responsabi-
j
— 145 —
lités assumées envers ce continent par les nations européennes, le
moment est venu de donner un plein effet aux déclarations des Congrès
de Vienne en 1815, et de Vérone en 1822, contre le commerce des
esclaves. En conséquence, une adresse sera présentée à S. M. la reine,
pour la prier de faire les démarches nécessaires afin qu'une Conférence
des Puissances soit convoquée à Londres, pour prendre les mesures
que réclame la répression de ce trafic. » Sir J. Fergusson a répondu que
la traite était tellement enracinée dans les mœurs des populations de
l'intérieur de l'Afrique, qu'elle ne pouvait pas être extirpée d'un seul
coup ; qu'il fallait la saper et la miner de tous les côtés. Il a annoncé
que le gouvernement avait déjà fait des démarches en vue d'obtenir la
réunion d'une Conférence des Puissances pour s'occuper de cet objet. La
Chambre a voté un amendement à la motion de M. Buxton, en ce sens
que « le gouvernement de S. M. consultera les Puissances pour savoir si
elles seraient disposées à se réunir en Conférence, afin de discuter les
mesures à prendre en vue de la suppression de la traite. »
Le Comité antl-esdavag^iste belgpe a publié une circulaire rela-
tive à ses premières opérations pour arrêter la traite des noirs en Afrique.
Son premier but est d'enrayer les razzias et les transpoils d'esclaves.
Le Comité de Paria examine un projet destiné à supprimer la traite
sur les territoires neutres ou placés sous l'influence de la France; ce sont
ceux qui avoisinent l'Algérie et le Sénégal, dans le Sahara et dans le
Soudan occidental. — Outre les Comités de Lyon et de Mai^seille, la
France en a vu d'autres se constituer à Bourges, à Bordeaux, à Kancy.
En Portagpal, une société anti-esclavagiste a été définitivement con-
stituée ; sur la proposition de la Société de géographie de Lisbonne, le
roi de Portugal en a été nommé président honoraire.
Le Comité suisse a fait paraître le premier numéro de son Bulletin
pour tenir les membres de la Société au courant des faits de la traite et
du mouvement anti-esclavagiste. — On annonce qu'un Congrès interna-
tional des Sociétés anti-escfavagistes se tiendra à Lucerne au mois d'août.
Même à Haïti» un mouvement de sympatliie se produit en faveur de
l'abolition de l'esclavage africain. Le journal V Union, qui parait à Port-
au-Prince, écrit a que malgré la crise aiguë que traverse le pays, tous les
Haïtiens auront à cœur de donner leur pite pour cette œuvre. Il y a là,
un devoir humanitaire, qui, en ce qui nous concerne, a toute la rigueur
d'une obligation de conscience. Quand, dans les pays européens, les
cœurs compatissent aux souflrances des pauvres noire de l'Afrique,
comprendrait-on que nous Haïtiens, fils d'esclaves, qui ne rougissons pas
•7*
— 146 —
de notre origine, nous pussions rester indifférents et inactifs? Toutes les
forces vives de la nation doivent être utilisées pour rendre la recette
aussi abondante que possible. La magistrature, le clergé, les pouvoirs
constitués, le commerce seront conviés à y apporter leurs concours. La
France a donné ; l'Angleterre, la Belgique sont gagnées; tous les peuples
civilisés suivront le mouvement : Haïti ne doit pas, ne peut pas rester
en arrière. »
EXPÉDITION DE STANLEY DE YAMBOUYA A L'ALBERT-NYANZA
Après avoir été pendant plus de dix-huit mois privés de nouvelles du
chef de l'expédition anglaise envoyée au secoui's d'Émin-pacha, nous
avens été pourvus, par le rapport adressé à son Comité et par des
lettres à la Société de géographie de Londres, et à M. A. L. Bruce, son
ami, à Edimbourg, d'une abondance de renseignements sur sa marche,
sur le pays traversé, les obstacles rencontrés, etc. La plupart des
journaux quotidiens en ont déjà publié des extraits. Nous ne pouvons
pas ne pas résumer, pour nos lecteurs, cette exploration qui nous a fait
connaître luie région qu'aucun Européen n'avait encore traversée;
mais, désirant, autant que possible, ne pas nous borner à répéter ce
qu'ils peuvent avoir déjà lu dans leur journal, nous nous servirons
surtout des détails domiés par Stanley à la Société de géographie de
Londres, dans la lettre dont M. Scott Keltie, bibliothécaire de cette
Société, a bien voulu nous communiquer le texte in extenso. Nous nous
aiderons également du rapport publié par le Times et des cartes du
Mouvement géographique, de Bruxelles, de MM. W. et A.-K. Johns-
ton et de M. Stanford, à Londres, qui nous ont permis d'accompagner
notre article d'un croquis sur lequel nos abomiés pourront suivre
l'explorateur, du camp de Yambouya, sur l'Arououimi, jusqu'à Kavalli,
au bord du lac Albert.
Son départ de Yambouya avait eu lieu le 28 juin 1887 ; son rapport
au président du Comité de l'expédition de secoui-s est daté de Tîle de
Boimgangeta, le 28 août 1888, sa lettre à la Société de Londres des
Rapides de Mariri, le 1*" septembre, et celle à M. Bruce, de S. Mupé,
le 4 septembre ; ce sont donc les travaux de plus de quatorze mois que
ces documents mettent sous nos yeux; en outre, il y a des lettres écrites
par Stanley au commandant de l' arrière-garde, le major Barttelot,
resté au camp de Yambouya, pour indiquer à celui-ci la route à pren-
dre, lui signaler les dangers à éviter, les endroits où il serait sûr de
1
/
— 147 —
trouver des provisions pour ses geus, etc. Malheureusement, les por-
teurs de ces lettres ne purent les faire parvenir à destination, arrê-
tés qu'ils furent par les Arabes, le fléau de cette partie de l'Afrique
comme de bien d'auti*es. C'est à eux, comme le fait remarquer avec
raison sir Francis de Winton, président du Comité de l'expédition de
secours, que doit être attribué le silence qui a mis en angoisse pendant
si longtemps les amis de Stanley et qui a été la cause de l'assassinat du
major Barttelot.
C'était pour éviter les Arabes que Stanley avait renoncé à la route
ordinaire de Zanzibar à l'Albert-Nyauza, par Tabora, l'Ou-Ganda et
l'Ou-Nyoro, et pris la voie du Congo et de l'Arououimi. Et, pour son
malheur et celui d'un grand nombre de ses hommes, il les retrouva bien
vite sur son chemin, et sous les mêmes traits sous lesquels ils sont con-
nus dans l'Afrique orientale : destructeurs des populations au milieu
desquelles ils pratiquent la chasse à l'homme, et ennemis des caravanes
organisées par des Européens.
Avant de se mettre en marche, Stanley avait établi à Yambouya,
immédiatement au-dessous des premiei-s rapides de l'Arououimi, un
camp retranché entouré de palissades, et nommé commandant le plus
âgé des officiers qui l'accompagnaient, le major Barttelot. Celui-ci
devait rester à Yambouya jusqu'à l'arrivée des steamers de Stanley-
Pool, ayant à bord les officiers, les hommes et les marchandises de
l'arrièi'e-garde. Quand les porteui*s promis par Tipo-Tipo seraient arri-
vés, il devait s'avancer, avec ses hommes, sur les traces de Stanley, qui
aurait soin de marquer son passage par des arbres incendiés, par ses
campements et ses zéribas.
Ce fut, nous l'avons dit, le 28 juin 1887, que la colonne d'avant-garde
quitta ce camp retranché. La situation en est indiquée par VIT lat. N.
et 25°8' long. E. Le point que Stanley se proposait d'atteindre sur le
lac Albert est Kavalli, situé par r22' lat. N. et 30°30' long. E. La dis-
tance, en ligne directe, entre les deux points, est de 515 kilom. Il
n'avait pas été possible de se procurer des renseignements sur l'inté-
rieur du pays à parcourir, les natifs étant trop sauvages et trop timides
envers les étrangers. La caravane comptait 389 hommes ; elle empor-
tait avec elle un bateau eu acier de 9" de long sur 2" de large, environ
trois tomies de munitions et plusieurs toimes de conserves, de provi-
sions, etc. Outre les porteurs de ces marchandises et des bagages, il y
avait une réserve de 180 surnuméraires, dont la moitié portaient, en sus
de leurs fusils Winchester, des haches pour se frayer un passage dans
la forêt.
— 148 —
En quittant Yambouya, le chemin était encore passable, mais bientôt
commencèrent les difficultés créées par la végétation de lianes variant
de 1 à 35 centimètres d'épaisseur, s'enlaçant en arceaux à travers le
sentier, formant parfois une soite de forêt basse et épaisse sur les
emplacements d'anciennes clairières, où il fallait s'ouvrir un chemin la
hache à la main. La forêt vierge offrait moins d'obstacles, mais l'at-
mosphère en était lourde, insalubre, il y régnait une obscurité profonde,
augmentée chaque jour par les épais nuages chargés de pluie qui carac-
térisent cette région forestière.
Le lendemain du départ, la colonne campa à Yankondé, viUage
populeux, vis-à-vis des rapides. La rivière venant d'une direction trop
septentrionale, Stanley prit un sentier à travers des champs de manioc
et atteignit bientôt un chemin conduisant d'un village à un autre. Mais
alors il eut à faire l'expérience de toutes les ruses des natifs dans l€*irs
combats contre les étrangers. Très souvent le sentier était semé de
cavités peu profondes, remplies de pointes aiguës, recouvertes de larges
feuilles. Pour ceux qui marchaient nu-pieds, la souffrance était terrible.
Souvent la pointe transperçait le pied de part en part ; parfois la tête
en restait dans le pied, et il en résultait des plaies gangreneuses. Dix
des hommes de Stanley en furent estropiés au point d'être mis hoi'S de
service. A l'approche de chaque village se trouvait une route toute
droite, d'une centaine de mètres de long et de quatre mètres de large,
sans broussailles, mais hérissée de ces pointes, soigneusement et habile-
ment dissimulées. Le vrai sentier faisait un long détour, tandis que la
route se présentait sous l'aspect le plus séduisant ; elle était si di'oite, si
courte! A l'entrée du village se tenait une sentinelle, prête à battre le
tambour et à donner l'alarme pour que chaque indigène prît ses armes
et vînt se placer à l'endroit qui lui avait été assigné pour décocher ses
traits à la première occasion. Les natifs ntettaient même le feu à leurs
villages et, sous un nuage de fumée, attaquaient les édaireurs. Toute-
fois, malgi'é leur attitude hostile, aucun des hommes de Stanley ne fut
tué; néanmoins, le nombre des blessés fut considérable.
Le 5 juillet, la colonne rejoignit la rivièi'e, et comme celle-ci sembljdt
n'avoir point de rapides en cet endroit, Stanley fit mettre à l'eau le
bateau avec 40 charges. Cette embarcation lui rendit des semces inap-
préciables, en lui permettant de transporter non seulement les boiteux
et les malades, mais encore environ deux tonnes de marchandises, aussi,
dans sa première letti*e au major Barttelot, écrivait-il : « Si je devais
recommencer, je rassemblerais des canots aussi grands que possible, je
— 149 —
les munirais de rameui*s en nombre suffisant et les chargemis des mala-
des et des marchandises. Entre Yambouya et Mougouyé, les canots sont
nombreux et assez grands. Malheureusement les Zanzibai'ites sont de
pauvres rameurs. Dans ma troupe, il n'y a guère que 50 hommes qui
sachent pagayer. Sur trois jours, on peut en faire deux par eau et un
par terre. »
Jusqu'au milieu d'octobre, la colonne serra de près TArououimi;
les souffrances de l'expédition, la continuité de la forêt, les nombreux
méandi'es, la vase, l'atmosphère insalubre, les pluies incessantes, l'hu-
midité perpétuelle, ne permettaient' pas de s'éloigner de la rivière ; au
moins était-on certain de trouver des vivres; ou ne pouvait manquer de
rencontrer sur ses bords des établissements où il serait possible de se
procurer des provisions. Dans cette partie de son cours, l'Arououimi a
encore une largeur de 500™ à 900". Çà et là apparaissent une île ou un
groupe d'îlots, rendez-vous de pêcheurs de coquillages. Les monceaux
d'écaillés y abondent ; sur une île, Stanley en a mesuré un de 30" de
long, de 4" de large à la base et de 1",50 de haut. Les mouches, les
insecte, les papillons, sont innombrables. Aux rapides de Mariri, d'oîi
il écrivait le l*' septembre sa lettre à la Société de Londres, les papil-
lons l'enveloppaient en battant des ailes comme pour approuver ce qu'il
en disait. Des nuées de ces lépidoptères traversaient chaque jour la
rivière pendant des heures entières.
A chaque contour du fleuve s'élevait un groupe de huttes coniques ;
parfois les villages s'étendaient à la file, comptant des milliers d'indigè-
nes ; ainsi, par exemple, ceux des tribus des Ba-Nalya, des Ba-Koubana,
des Bou-Ngangeta. L'abondance y régnait lorsque Stanley y passa pour
la première fois. Mais plus tard, les Arabes s'avancèrent jusque-là,
détruisirent les villages et les plantations, et ce qu'ils avaient épargné
fut détiniit par des troupes d'éléphants. Le 9 juillet, la colonne attei-
gnait les rapides de Gwengweré, district populeux, où Stanley vit une
couche d'écaillés de coquillages recouverte d'un terrain d'alluvion de
un mètre d'épaisseur. Combien de siècles se sont écoulés depuis que les
anciens indigènes se nourrissaient de ces bivalves? Quels noms por-
taient-ils et où chercher leurs descendants? Des tribus ont passé comme
une vague sur cette région ainsi que sur d'autres. Ces villages, si rap-
prochés les uns des autres, abritent néanmoins quantité de petites
tribus. Aux rapides de Gwengweré, par exemple, se rencontrent des
Ba-^Koka, des Ba-Gwengweré ; un peu en amont, des Ba-Poupa, des
Ba-Ndangi et des Ba-Nali ; dans une île, des Ba-Mbaloulou et des
N
— 150 —
Ba-Bourou; ceux-ci, crailleui*s, sont répandus sur un territoire considé-
rable; ils donnent à TAronouiini le nom de Loubali.
Généralement les matins étaient âpres et sombres ; le ciel, couvert de
nuages lourds et menaçants ; ou bien, un épais bi*ouillard enveloppait
tout, pour ne se lever qu'à 9 heures, parfois même à 11 heures seule-
ment. Alors, rien ne bougeait ; les insectes donnaient ; un silence de
mort régnait dans la forêt; la rivière; assombrie par des murailles
impénétrables de végétation, était muette comme le tombeau. Quand la
pluie ne succédait pas à cette obscurité et que le soleil perçait les mas-
ses de vapeurs, alors la vie s'éveillait partout : les papillons folâtraient
dans les airs, un ibis solitaire donnait un signal d'alarme, un oiseau
plongeur traversait la rivière, la forêt se remplissait d'un murmure
étrange, et le tamboui* se faisait entendre, les indigènes à la vue per-
çante avaient aperçu l'expédition, ils vociféraient des provocations, les
lances étincelaient, les passions hostiles s'enflammaient.
Le 17 juillet, Stanley campait aux rapides de Mariri, oîi il s'arrêtait
de nouveau treize mois et demi plus tard ; au delà se trouve en grand
nombre les Moupé, établis sur les deux rives du fleuve. Jusqu'ici, la
rivière n'a pas de cataracte proprement dite ; les rapides sont causés
par des écueils de rochers au travers desquels l'eau s'est frayé un pas-
sage. Néanmoins, il est nécessaire de suspendre la navigation, de
décharger les bateaux pour les transporter, ainsi que les munitions et
les bagages, par terre, en amont des rapides. Viennent ensuite ceux de
Bandeya, que Ton atteint le 25 juillet, après avoir traversé les
territoires des Ba-Loulou, des Ba-Tounda, des Bou-Mbwa et des Bou-
Ambouri. Au nord, à l'intérieur, sont les Ba-Toua; à l'est, les Mabode;
au sud, les Bou-Ndiba, les Bi-Nyali et les Ba-Kongo.
En signe de paix, les natifs jettent de l'eau en l'air avec la main ou
avec une pagaie et la laissent retomber sur leur tête. A les en croire, ils
soutti'aient tous de la famine; il n'y avait chez eux ni blé, ni bananes, ni
cannes à sucre, ni volailles, ni chèvres, ni rien de semblable. Le fil de
laiton, les cauries, la verroterie, paraissaient n'avoir aucun attrait pour
eux, parce que, disaient-ils, n'ayant point de vivres, ils ne pouvaient
pas acheter ces objets. Si Stanley eût ajouté foi à leurs paroles, tous ses
gens seraient morts de faim ; trois épis de blé leur eussent coûté une
poignée de fils de laiton; un poulet, cinq fois la même quantité. A
Mougouyé, en amont des rapides de Bandeya, se trouvait un groupe de
sept villages entourés de plantations de bananiers, de champs de
manioc, de plusieurs kilomètres carrés. L'expédition perdit un jour
— 151 —
eutier à supplier, à marchander des vivres à des prix très élevés, et un
tiei-s des hommes de la caravaue n'obtinrent, pour leurs cauries et leurs
tils de laiton, que trois épis de blé chacun. En amont de Mougouyé sont
les chutes de Panga, de !()" de hauteur, puis viennent les rapides de
Negambi, au delà desquels la colonne atteint le village d'Aveycheba,
non loin de la cataracte que la Népoko, de 300" de large, forme à .son
confluent avec l'Arououimi. Stanley s'efforce d'obtenir des rensei-
gnements des natifs, mais d'abord ceux-ci se montrent très soupçon-
neux et enclins à mentir; cependant, une fois les relations établies, ils
recouvrent leur bonne humeur et semblent donner les informations qui
leur sont demandées. L'un d'eux rapporte qu'il existe à l'E.-N.-E. un
grand lac, nommé le Nouma ou Ouma, à l'endroit oii la Népoko et la
Mwellé se réunissent. « Les indigènes, » dit-il, « emploient deux jours
pour le traverser. Au milieu se trouve une île remplie de serpents. »
Stanley aurait beaucoup aimé à voir ce lac, dans la pensée que la navi-
gation en serait plus facile que la marche à travei-s la forêt vierge.
Mais au bout de deux jours il découvrit que ce n'était qu'une fable:
jamais il n'entendit plus parler du Nouma ni d'aucun autre lac dans
la région des forêts.
Les rapides de Negambi marquent la limite entre deux sortes d* ar-
chitecture. En aval, les huttes sont coniques; en amont, les villages
sont composés de huttes carrées, entourées de gros troncs de rubia-
cées, qui forment des coui*s séparées et servent de fortification; défendu
par des gens armés de carabines, un de ces villages ne pourrait être
enlevé que par une troupe très forte.
Les natifs ont été obligés de prendre beaucoup de précautions contre
les flèches empoisonnées en usage dans cette région. Ils attaquèrent le
camp de Stanley, pensant que leurs prévisions de traits empoisonnés
leur procurerait l'avantage. Lorsque le poison est frais, il est en eliet
mortel. Le lieutenant Stairs et cinq hommes furent blessés. La blessure
du premier fut faite par une flèche dont vraisemblablement le poi-
son était sec. Au bout de trois semaines environ, il entra en convales-
cence, quoique la plaie ne fût pas encore cicatrisée. Un autre homme
reçut une légère piqûre au poignet, cinq jours après il mourut du téta-
nos; un autre fut blessé aux muscles du bras près de l'épaule, il expira
quelques jours après le précédent; un quatrième fut blessé légèrement
à la^orge, il expira le septième jour, aussi du tétanos. Stanley chercha
d'oii pouvait provenir ce poison si mortel. Lorsqu'il revint à Aveyche])a
pour rejoindre la colonne d'arrière-garde, il trouva dans des hutt( s
— 152 —
plusieurs paquets de fourmis rouges desséchées. Il apprit alors que les
corps de ces fourrais, séchés et réduits en poudre, cuits dans Thuile
de palme et frottés sur les pointes des flèches, fournissent le poison
mortel qui lui avait fait perdre tant de braves gens dans de si cruelles
souflrances. On peut faire quantité de poisons avec les insectes de cette
région, par exemple avec la gi-ande fourmi noire, dont la moi-sure cause
de grosses ampoules ; la poudre de petites chenilles grises mêlée avec
le sang causerait une torture mortelle ; certaines araignées d'un pouce
de long, couvertes d'aiguillons douloureux au toucher, produiraient des
blessures dont la seule pensée donne le frisson. Les indigènes préparent
ces poisons dans les bois ; il leur est interdit de les faire cuire près d'un
village, ils allument leurs feux dans la profondeur des forêts, et y fabri-
quent le fatal venin auquel l'énorme éléphant lui-même ne résiste pas.
Les natifs en enduisent leui"s flèches dans la forêt, et lorsqu'ils en ont
recouvert les pointes de feuilles fraîches, ils sont prêts pour la guerre.
Les espèces d'abeilles sont tellement diverses dans cette contrée
qu'elles fourniraient la matière d'un volume; il en faudrait plusieurs
pour décrire la multitude d'insectes curieux qu'on y rencontre. D'autre
part les tiques, les cousins de toutes sortes mirent au supplice les mem-
bres de l'expédition ; ils s'attendaient à rencontrer les cannibales les
plus féroces, mais n'étaient nullement préparés aux horreurs que rece-
lait la forêt de l'Afrique centrale.
Les bords des rivières, couverts de bois depuis le Congo jusqu'à la
Népoko, sont uniformément bas ; çà et là ils s'élèvent à une hauteur
d'une douzaine de mètres ; mais en amont de la Népoko, les monta-
gnea deviennent plus fréquentes, les palmiers sont plus nombreux, les
forêts présentent les grands arbres au tronc blanc qui caractérisent les
pentes du bas Congo. Les indigènes ont un singulier procédé pour
les éclaircir : ils font une plateforme à 5 ou 6" du sol, puis ils coupent,
par centaines, les arbres à cette hauteur, A première vue on pourrait
s'imaginer que l'on a devant soi une cité de temples en ruine.
En amont de la Népoko, la navigation devient plus diflScile, les rapides
plus fréquents, on rencontre en outre deux chutes considérables. Le
terrain monte constamment jusqu'à 650 kilom. au delà de Yambouya;
là, la rivière resserrée par les parois verticales d'un camion n'a plus
que 100" de large. Dans toute la région forestière, quelles que soient
les diversités du relief du sol, la forêt revêt tout : pics, montagnes, val-
lées, plaines ; nulle part elle ne s'interrompt si ce n'est dans les clai-
rières faites par la main de l'homme.
ift .-^-^
— 153 —
•
Pendant quelques jours encore l'expédition s'efforça de remonter l'Arou-
ouimi, raais enfin il ne fut plus possible de lutter contre le courant.
On déchargea les canots et le bateau ; la carayane fut passée en revue ;
mais les hommes en étaient tellement affaiblis physiquement qu'ils ne
pouvaient plus porter les charges. Des ulcères, la famine, la dysenterie
avaient miné les forces du plus grand nombre. Tout le mois d'octobre
fut employé pour atteindre le campement de Kilinga-Longa, d'oîi des
secoure furent envoyés à ceux qui avaient dû être laissés en arrière. Si
l'expédition avait eu lieu une année plutôt, en 1886 au lieu de 1887,
elle aurait trouvé abondance de vivres jusqu'à l'Albert-Nyanza. Mais
les Arabes, ou plutôt deux Arabes et leurs partisans avaient dévasté
une immense région. Le premier est Ougarroua, ancien domestiqu^
attaché au service des tentes de l'explorateur Speke, ayant à ses ordres
un détachement de Manyémas, le second Kilinga-Longa, esclave zanzi-
barite appartenant à Abed-ben-Salim, vieux chef arabe, dont Stanley a
raconté les exploits sanguinaires dans Cinq années au Congo. De 389
personnes que l'expédition comptait en quittant Yambouya, elle en
avait perdu 66 par la désertion ou la mort ayant d'arriver à Ougarroua
où elle dût laisser 56 malades. Les 267 restants continuèrent leur mar-
che jusqu'à Kilinga-Longa, ne se nourrissant que de fruits sauvages,
de champignons et d'une sorte de noix ayant l'apparence d'une fève.
Les esclaves d'Abed-ben-Salim firent tout ce qu'ils purent pour ruiner
l'expédition, achetant aux hommes de Stanley leurs fusils, leurs muni-
tions, leui's vêtements, en sorte qu'au moment de quitter cette station,
ils étaient dans le dénuement le plus absolu.
De Kilinga-Longa, situé par V 6' lat. nord, l'expédition se dirigea,
à travers un pays dévasté où les Arabes n'avaient pas laissé debout une
seule hutte indigène, en ligne presque directe vers Ibouiri, par 1** 20'
lat. N., à 1200" au-dessus de la mer, puis vers le mont Pisga par 1° 21'
lat. N. d'où elle aperçut pour la première fois la région des prairies ;
les indigènes appartiennent à la tribu des Ba-Kounou, qui habitent
jusqu'aux Stanley-Falls. Les villages consistent en une seule rue de 10
à 20" de large, fianquée de huttes attenant les unes aux autres, de même
forme et de même hauteur. C'est comme une seule hutte de 200 à 300"
et même 400" de long, identique d'un bout à l'autre.
Une fois sortie de la région envahie par les Arabes et leurs partisans,
l'expédition trouva des vivres en abondance, ses hommes recouvrèrent
leurs forces perdues; mais il n'en restait plus que 173 de valides. Après
160 jours passés dans l'ombre des forêts, ils entrèrent, le 5 décembre,
— 154 —
dans la plaine herbeuse. Le 6 ils traveraèrent un bras de Tltouri —
nom donné à rAi'Ououimi à partir du confluent de la Népoko — et le 9,
l'Itouri lui-même qui a ici 125"* de large; enfin, après avoir eu à re-
pousser les attaques des indigènes, ils aperçurent, le 13, d'une hauteui*
de 1500«, par 1' 20' lat. N., l'Albert-Nyanza à 880" au-dessous d'eux.
Kavalli, l'objectif de l'expédition apparaissait à 9 kilom. à vol d'oiseau
dans le lointain. L'extrémité du lac était à environ 10 kilom. plus au
sud. Toutes les découpures de la côte basse de la partie orientale du lac
étaient parfaitement visibles. Le Laniliki, tributaire venant du sud,
sillonnait la vallée comme un filet d'argent. Dans son cours supérieur,
l'Itouri semble courir parallèlement au lac Albert. Stanley estime que
fees sources doivent se trouver près du groupe de montagnes auxquelles
mit été donnés les noms de Schweinfurth, de Junker et de Speke. Sa
longueur totale serait de 1300 kilom.
Le 14 décembre, à 9 h. du matin, l'expédition atteignait l'angle S.-O.
du lac, dans le voisinage de Kakonga, dont les indigènes, prévenus con-
tre toutes les tribus du S.-O., cherchèrent à éloigner les nouveaux venus.
Aucun arbre ne se présentait qui permît de construire une embarcatiou
pour gagner l'extrémité nord du lac. Stanley dut revenir sur l'Arouonimi
jusqu'à Ibouiri, où fut construit le fort Bodo, et d'oîi le lieutenant
Stairs, avec luie centaine d'hommes, se rendit à Kilinga-Longa, afin
d'en ramener le bateau et les marchandises qui y avaient été laissés.
Puis, lorsque Stairs les eut amenés, Stanley l'envoya encore à Ougar-
roua pour y prendre les convalescents. Le 2 avril la marche fut reprise
dans la direction du lac Albert; aucune diflBculté ne se présenta plus;
les chefs firent avec Stanley l'échange du sang ; le bétail, les chèvres,
les moutons et les poules, lui furent fournis si abondamment que ses
gens vécurent comme des princes.
A une journée de marche du lac, des indigènes venant de Kavalli rap-
portèrent qu'un honune blanc avait envoyé chez leur chef une lettre
qu'ils étaient chargés de remettre à Stanley; elle était signée du
I)"^ Émin, et priait Stanley de l'attendre à l'endroit oîi il était. Le bateau
fut mis à flot le 23 avril, M. Jephson s'y embarqua avec une escouade
d'hommes et arriva le 26 à la station de Msoua, le plus méridional des
postes égyptiens d'Émin-pacha ; il y fut reçu par la garnison avec la plus
grande cordialité. Il en ramena Émin-pacha et Casati le 29 avril. Un
campement fut établi à trois kilomètres au-dessus de Nyam-Sassié et
Stanley y demeura jusqu'au 25 mai.
Pendant ce séjour, il apprit que le pacha a sous ses ordres deux
— 155 —
bataillons de réguliers ; le premier composé de 750 carabiuiei-s qui
pput : Dufilé, Hoiiyu, Laboré, Muggi, Kirri, Beddeii, Rejaf; le «
de 640 hommes stationnés à Wadelal, Fatiko, Mabagi, Msoua, i
constitue une ligne de communications d'une longueur d'enviro
kilora. le long du lac Albert et du Nil. Dans l'intérieur, à l'ouest (
il y a trois ou quatre petits postes ; soit en tout 14 stations. En ou
commande à une force assez respectable d'irr^liers : matelots
sans, commis, domestiques; en sorte que s'il s'était décidé à qui1
province de l'Equateur, il aurait eu à emmener avec lui enviroi
personnes, y compris des femmes et des enfants. Stanley s'eflot
lever les objections au départ relativement aux difficultés du v
pour ces derniers, et aussi au risque de manquer de provisions pou
de monde. Un moment Émin-pacha parut ébranlé. Mais la erali
voir la province dans laquelle il a maintenu l'ordre jusqu'à maint
tomber dans l'anarchie lui lit renvoyer toute décision jusqu'au mi
où Stanley reviendrait de Yambouya, oii il voulait aller cherchi
munitions et les provisions qui y étaient restées.
Avant de redescendre avec lui vers l'Arououimi, mentionnons cf
dit d'une haute montagne qu'il aperçut le 26 mai 1888, au momt
les soldats d'Émin-pacba, rangés en ligne, allaient saluer son dépi
l'Albert-Nyanza. Un de ses porteurs s'écria : « Voyez quelle g
montagne, elle est couverte de sel! b Ce doit être, peiise-t-il le Ru
zori, que les indigènes disaient avoir quelque chose de blanc comi
métal de sa lampe. Il en estime la distance, du jMint oii il était, à S
ut la hauteur à ôOOO" ou 5500". Il ne serait pas impossible que ce
Gordon-Bennet. dans le Gambaragara; toutefois, il y a deux raisoi
lui inspirent des doutes à cet égard. H'abord, il trouve cette mon
située un peu trop k l'ouest par rapport à la position du (Jordon-B
telle qu'il l'a indiquée en 1876; en second lieu, il n'a pas vu, alor
neige sur ce dernier. En outi-e le Gordon-Bennet avait l'appareucf
cône parfait, tandis que le Ruewenzori est une montagne oblongue
le sommet a l'apparence d'un plateau, avec deux contrefoi-ts s'étei
l'un au N.-E. l'autre au S.-O.
Revenons à la marche de Stanley vers l'Arououimi. Émin-pac
avait donné trois de ses irréguliers et 102 indigènes de la tribu des
comme porteurs. La route étant connue, il ne mit que 14 jours
franchir l'intervalle entre le camp de Nyam-Sassié et le fort Bodo,
trouva MM. Nelson et Stairs, ce dernier arrivé d'Ougarroua, le 2
ramenant avec lui seulement 16 hommes des ô6 malades qui y a^
rrx"
— 15(î —
été laissés. Les 40 autres étaient morts. Les courriers que Stanley avait
envoyés avec des lettres poui* le major Barttelot avaient quitté Ougar-
ix)ua le 16 mars poui* Yambouya.
Quant au fort Bodo, il était dans un état prospère ; une étendue de
dix acres environ avait été mise en culture; le maïs était récolté et Ton
recommençait à planter. Stanley laissa au fort une garnison de 59 hom-
mes, sous le commandement du lieutenant Stairs, avec Nelson pour
second et Parke comme médecin. Le 24 juin il arrivait à Kilinga-Longa
et le 19 juillet à OugaiTOua, station devenue déserte par le départ de
son chef qui, après avoir amassé tout l'ivoire possible, avait descendu
la rivière trois mois auparavant. Il l'atteignit le 10 août, à la tête d'une
flottille de 57 canots, avec lesquels se trouvaient les courriers envoyés
au major Barttelot ; ils avaient été attaqués, portaient sur leurs corps
des traces de blessures de flèches; plusieurs avaient été tués.
Une semaine plus taini Stanley atteignait Bonalya ou il rencontra la
colonne d'arrière-garde commandée par M. Bonny, qui lui apprit le
désastre de Yambouya et la mort de Barttelot. Du lac Albeii: à Bona-
Jya, il n'avait perdu que trois hommes dont l'un par désertion.
En résumé la région forestière traversée par l'expédition s'étend, de
l'ouest à l'est, de l'embouchiu'ede l'Arououimi dans le Congo par 24" 40'
jusqu'au 30" environ de longitude E., et du sud au nord, de Nyangoué
jusqu'à la frontière méridionale du pays des Mombouttou. Stanley
estime que la superficie du territoire complètement couvert par la forêt
est d'environ 640.000 kilom. carrés.
Le pays descend en pentes douces depuis le plateau qui domine l'Al-
bert-Nyanza, à 1650", jusqu'au Congo à 420*".
Quant au lac Albert, Stanley croit qu'il y a un siècle ou peut-être
davantage, il devait avoir une vingtaine de milles de plus de longueui*,
et que, vis-à-vis de Mbakovia, il était beaucoup plus large que mainte-
nant. Après l'enlèvement des barrages qui obstruaient le Nil en aval de
VVadelaï, il s'est rapidement retiré et il se retire encore, au grand éton-
nement d'Émin-pacha qui a vu le lac tel qu'il était il y a 7 ou 8 ans.
Des îles, dit-il, qui étaient situées près de la côte occidentale sont main-
tenant réunies à la terre ferme, et sont occupés par des villages indi-
gènes.
De Nyam-Sassié à Mbakovia, la couleur des eaux indique une faible
profondeur: elle est brune, limoneuse, comme celle d'une rivière cou-
lant à travers un teiTain d'alluvion.
Jusqu'à présent Stanley ne sait pas si le lac découvert par lui en 1876
— 157 —
appartient au Nil ou au Congo ; il incline pour le deniiei*. Eu i-nvanche,
ce dont 11 est sûr, c'est que ce lac n'a pas de rapport avec l'Albert-
Nj-anza. Les pentes du Ruewenzori fournissent une partie des eaiu du
Laniliki, le reste doit venir du plateau au S.-O. et à l'ouest.
Les tribus qui habitent la forêt et la vallée de Tltouri sont indubita-
blement cannibales. Entre la Népoko et la région des pi-airies les popu-
lations naiues sont très nombreuses. On les appelle les Wamboutti, Les
eeus d'Élnin-pacba les assimilent aux Tîktci-Tikki qui habitent plus au
nord. On en trouve peu au sud de l'Itouri. Stanley croit avoir vu envi-
ron 150 villages ou campements de ces nains : ils sont voleui-s. très
habiles h tirer de Parc : l'expédition en a acquis la certitude à ses
dépens.
En terminant nous ne faisons que mentionner la dépêche datée de
San Thonié, 3 avril, adressée par le gouverneur général à Borna au
gouvernement de l'ï^tat du Congo à Bruxelles, portant que : « D'après
des rumeurs arabes circulant aux Stanley-Falls et transmises de là, le
21 février, Stanley et Émin sont signalés en marche vers Zanzibar avec
plusieurs milliers d'hommes, femmes et enfants et 6000 défenses
d'ivoire. » Après les déclarations d'Émin-pacha à Stanley, et l'état d'ef-
fervescence où se trouve l'Afrique orientale, de l'Ou-Ganda à Zanzibar,
ces rumeui-s nous paraissent tellement étranges que, jusqu'à plus ample
informé, nous les considérons comme fort invraisemblables.
Quoi qu'il en soit les résultats de l'expédition de Stanley, au point de
vue de l'exploration de l'AIVique, enrichiront la science géographique
<ie connaissances absolument nouvelles. Il sera désormais possible de se
représenter avec assez de précision la configuration de l'immense région
qui s'étend du coude nord du Gougo jusqu'à la partie septentrionale du
plateau qui sépare te bassin de ce tteuve d'avec celui du Nil.
BIBLIOGRAPHIE <
Théophile Jousie. La uissiom françaibe évakgéuque au sud db
l'Afrique. Paris (Fischbacher), 1889, in-8», 2 vol. 4.S2 et 402 p., fr. 15.
— 11 est peu de noms africains qui soient plus connus que celui du
peuple des Ba-Souto. Le pays qu'il occupe est à peine plus grand que
la moitié de la Suisse et le nombre des habitants n'est que de 180,000;
' On peut se procurer k la librAirie H. Qeorg, à QenÈTe et à Bàle, tous le»
ouvrages dont il eat rendu compte dans V Afrique tx^plorit et civilisée.
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— 158 —
cependant le norn des Ba-Souto est bien plus eu vue que celui de puis-
g ' , sauts empires du gi*and continent noir. C'est que ce peuple est certai-
nement l'un des plus intéressants de l'Afrique, et en tous cas l'un des
mieux étudiés. Presque désert il y a un demi-siècle, le pays est actuelle-
ment l'un des plus populeux de l'Afrique australe. La venue des blancs,
loin d'y avoir causé l'appauvrissement et la déchéance de la nation,
a été, au contraire, le signal d'un relèvement intellectuel et moral de
fS^v ', cette branche importante de la grande famille be-chuana. « Chez les
^% / Ba-Souto, » dit M. Reclus, dont personne ne suspectera l'impartialité, a la
civilisation n'est pas seulement extérieure et ne consiste pas uniquement
à remplacer les kaross de peau par des vêtements de laine et de coton
importés d'Angleterre, et à bâtir des maisonnettes de brique ou de
pierre au lieu de huttes de branchages. Grâce aux écoles, dont l'entre-
tien est la principale dépense de la nation, ils jouissent déjà d'une in-
stiiiction moyenne supérieure à celle de maintes populations européennes,
et lors des examens, nombre de Ba-Souto réussissent beaucoup mieux
que les élèves de race blanche. Les diverses tribus ont cessé de batailler
les unes contre les autres; la guerre n'est plus en permanence; les
pâtres, privés de leui*s bestiaux, n'en sont plus réduits au cannibalisme,
qui jadis était partout, et les noirs regardent avec la même horreur
que les blancs les cavernes des mangeurs d'hommes désormais aban-
données. »
A quelle influence doit-on principalement attribuer un si grand pro-
grès? Sans aucun doute, à l'œuvre excellente poursuivie, dans cette
partie de l'Afrique, par la Société des missions évangéliques de Paris,
fondée en 1822 et qui envoya, dès 1829, trois des meilleurs élèves de
son école chez les noirs de l'Afrique australe. C'est le 28 juin 1833 que
les missionnaires Casalis, Arbousset et Gosselin, conduits par un chas-
seur du nom d'Adam Krots, arrivèrent pour la première fois chez Mo-
shesh, roi des Ba-Souto, dont la capitale se nommait Thaba-Bossiou
(actuellement Thaba-Bosigo). A ce moment, le pays des Ba-Souto ne
figurait sur aucun atlas et dans aucune des géographies les plus au cou-
rant des découvertes. Il n'était connu que de quelques chasseurs et de
Kora-na maraudeurs. Les missionnaires s'y établirent, à la grande joie
de Moshesh, qui comptait sur eux pour ramener la paix chez son peuple
durement éprouvé par les guerres. Depuis cette époque la mission ne fit
que grandir et s'étendre, dans ce champ magnifique qui venait de s'ou-.
vrir devant elle.
C'est l'histoire de cette œuvre admirable que vient de décrire
M, Jousse, un ancien missionnaire au Le-Souto, en deux beaux et forts
volumes, pleins de faits et de nobles pensées. Sou ouvrage est le i
tat d'une étude approfondie sur l'origine et le développement des
^ious évaiigéliques dans l'Afrique australe. Il l'a écrit, aussi bien
ceux qui ont suivi depuis longtemps la marche de cette œuvre, que
leui^ frères plus jeunes qui, tout eus'iutéressaut aux missions en igni
la noble origine et les preniiei-s triomphes. Ceux-ci tireront de la lei
de ce livre un enseignement nouveau et des counaissauces utiles; i
là y trouvei-oiit de quoi ravivei- leui-s souvenirs. Les historiens i
}[éograpbes pourront aussi y glaner des renseignements d'ordre ]
ment scientifique, car l'ouvrage de M. Joussc est un document préc
qui seiTira à reconstruire l'histoire du peuple des Ba-Souto, si int
sant comme exemple de la transfoimatiou que peut subti- une a:
africaine, grâce aux eftorts des pionniei-s du christianisme et de la
ILsation.
Chacun trouvera son pi-otit à la lectui-e de cet ouvrage et chacun
captivé, cai' le i-écit est présenté d'une façon claire et intéressant
qualité foudanieutale de ce livre est une netteté de style et d'expos
«lue l'on trouve seulement chez les écrivains qui connaissent à fon
choses dont ils parlent, et qui prennent plaisir à les décrire. Ton
événements sont racontés en détail, de sorte que le lecteur se ti
forme eu spectateur et voit passer devant ses yeux ces scènes de d(
de France, de traversée, d'arrivée au pays des Ba-Souto, ainsi qu
mille faits qui remplissent la vie d'un niissionuaire, et les luttes e
gueri-es qui trop souvent ont ensanglanté le pays. En même te
une autre idée remplit son esprit : pensée d'admiration à l'é
<le ces ouvriers qui, méprisant les plaisirs et lee jouissauces de notr
civilisée, ont vécu isolés, chacun dirigeant sa station ou son écol
milieu de ces Alpes africaines. C'est une grande page dans les ani
du protestantisme fran^is que l'histoire de la mission chez les Ba-S<
Cette œuvre qui a produit les Casalis, les Arbousset, les Jousse
Coillard, qui a régénéré un peuple, est certainement, de toutes c
accomplies par les hommes, une des plus belles et des plus intéressai
M. Jousse a fait un travail utile et digne d'éloges en nous la faisant
iiattre dans ses détails et en nous en révélant les magnifiques i-ésul
D. Descamps'Datid. La pabt de la Belgique uams le mouve»
AFRICAIN. Bruxelles (C. Muquardt, Th. Falk), 1889, iu-8°,- 24 p. -
Belgique et l'Ëtat indépendant du Coi^o vivent, on le sait, soi
régime de l'union personnelle, les deux couronnes étant distim
mais réunies sur la tête du même souverain, Léopold II, un des i
'iv.v
— 160 —
cipaux initiateurs du mouvemeat africain actuel. Cette situation a bien
éveillé les craintes et les critiques de quelques publicistes, mais la pres-
<iue unanimité des représentants de la nation et la très grande majorité
du peuple ont donné, d'une manière non équivoque, leur approbation à
l'œuvre grandiose entreprise par le roi. M. Descamps-David va plus
loin : il voudmt que la Belgique prêtât son concours à la grande entre-
prise, sans toutefois porter la moindre atteinte au principe de l'union
personnelle. C'est cette idée qu'il développe et appuie de uombrexix
arguments dans la brochure que nous annonçons.
Il demande tout d'abord le concoui's des initiatives privées, dont l'ac-
tion est si grande, aussi bien au point de vue missionnaire et civilisateur
que dans l'oindre commercial et économique. Mais cela n'est pas suffi-
sant. L'auteur voudrait que les pouvoirs publics coopérassent aussi à
l'œuvre du Congo en considérant l'État indépendant comme un pays
ami, avec lequel on entretient d'intimes relations. Ainsi, le gouverne-
ment belge pourrait se montrer favorable aux fonctionnaires qui désire-
raient aller pour quelques années en Afrique, encourager les explorations
d'ordre scientifique, créer en Belgique un musée congolais dont le carac-
tère serait à la fois ethnographique, économique et commercial, metti-e
à l'étude, dans le sein du conseil supérieur d'hygiène et de l'Académie
royale de médecine, la question de l'hygiène des régions tropicales, in-
stituer des consulats au Congo et en particulier à Boma, dont le consulat
belge le plus rapproché réside aux Canaries, subventionner des lignes
de navigation pour le Congo, enfin prêter son concours à la construction
du chemin de fer. L'auteur insiste, d'une manière spéciale, sur ce der-
nier point, en montrant les avantages directs que la Belgique retirerait
de l'établissement de cette ligne. Cet opuscule écrit d'un style remar-
quable de netteté et de distinction présente im réel intérêt.
Nous en extrayons un renseignement utile siu* les maisons de com-
merce établies actuellement au Congo. Dans une note l'auteui* en cite
dix. Ce sont : L De Nieuwe Afrikaansche Handelsvennootschap. Capi-
tal ; 4,189,500 francs. — II. Compagnie du Congo poiu* le commerce et
l'industrie. Capital : 1,000,000 francs. — m. Valle et Azevedo. — IV.
Compagnie portugaise du Zaïre. Capital : 1,998,000 francs.— V. Société
Daumas Béraud. Capital : 2,000,000 francs. — VI. Sanford Exploring
Expédition. Capital : 300,000 francs. — VII. Hatton et Cookson.— VIII.
The British Congo Company, Limited. Capital : 12,500,000 francs. —
IX. Magasins généraux. Capital : 600,000 francs. — X. Compagnie
belge du commerce au Congo. Capital : 1,200,000 francs.
compagnies et des fransitaires coalisés.
Les éclosions de criquets sont considérables dans la
Constanllne, et sur tous les points d'écloeioii la
ouverte contre eux. L'engin qui réussit le mieux est la m
bande de t«ile de 5 mètres de long sur 2 mètres de lai^^e. (
de la manière suivante : la moitié de cette toile est maii
' Les matières comprises dans nos BuUetùu meiuueli et dans
plémentairee y sont classées suivant un ordre géograpMque coi
l'Algérie, puis allant à l'ËBt, longeant ensuite la cAte orienta
menant par la cAte occidentale.
l'aTRIQUE. — DIIltME AHNËE. — H° 6.
î>''
ut- ■
ff »
— 162 —
Faide de pierres, 1 autre moitié soutenue perpendicuiairemeiit à la direc-
tion du sol par les travailleui*8. Uji certain nombre d'Arabe.s, placés
coude à coude et formant un demi-cercle, rabattent les criquets sui* la
toile en agitant leui-s burnous. A mesure qu'ils approchent de la raelha-
fah, les criijuets se précipitent sur elle, formant de petits nuages noii*s.
Loi*squ'ils ont tous été poussés sur la toile, on rabat les côtés de la
melhafah et la partie qui forme rempart contre le.s cri(iuets sui* la partie
placée à terre, puis on bat la toile à coups de bâton. Les criqueti^ se
tassent ; on les jette alors dans un trou préparé et placé à côté de raj)-
pareil, après quoi, on les couvi'e de terre. Quand on a assez de melhafahs
et d'hommes pour opérer, on en juxtapose plusieurs ; ou bien Ton en ins-
talle plusieurs les unes derrière les autres. Les superficies ainsi bat-
tues sont assez grandes et le travail marche collectivement et vite. La
pluie et les orages ont heureusement coopéré à l'œuvre de l'homme
et des masses considéi'ables de criquets ont été noyées. 11 est à souhaiter
que la campagne de destruction réussisse, car l'aspect des récoltes est
des plus encourageants sur le littoral (*t les hauts plateaux.
On a piis également en Tunisie des mesures très énergiques pour
combattre le développement des sauterelle». Des troupes ont été
mises à la disposition des contrôleurs civils : des pelotons de cavalerie
ont été dirigés sur les lieux suspects pour surveiller et signaler l'éclosiou
des crit^uets. Dans T arrondissement de Kef, i)articulièrement nuMiacé,
des milliei*s de quintaux d'alfa ont été pi-éparés pour les brûler ; des
appareils cypriotes, des pelles, pioches, etc. ont été (Mivoyés aux con-
trôleurs. Les résultats déjà ac^iuis font espérer (jue les dégâts seront
insignifiants.
Pendant que les nouvelles du Caire annonçaient la prise de Khartoura
par les Senoûsî, les derviches livraient au roi d' Abyssinie, à Metem-
meh, une bataille qui coûtait la vie au négous et plongeait momentané-
ment ses États dans l'anarchie. D'après le rapport du comte Antonelli
au gouvernement italien, le roi Jean aurait attaijué les positioiLs for-
tifiées des mahdistes qui le repoussèrent, et il reçut une première
blessure. Transporté mourant à son camp, il expira le 11 mars. Dans la
nuit suivante, les derviches attaquèrent le camp abyssin et le détruisi-
rent complètement. Aussitôt Ménélick, roi du Choa, ^ippuyé par une
ai-mée de 180,000 hommes, fit occuper le pays des Vologidlas, puis il se
proclama roi des i-ois, et songera à se faii*e couronner dans une ville abys-
sine. Mais il a comme compétiteui's Ras-Manguscia, nev(»u ou même
fils du roi ,)(nin, qui d'ailleurs mamiue de forces pour fain^ valoir ses
*
— 164 —
Gallas. Il emporte de riches présents pour Ménélick, et des vêtements
de soie brodés d'or pour sa cour.
Le D' Cai'l Petei*s, chargé de la direction de l'expédition alle-
mande de secours en faveur d'Émln-pacha, n'ayant pu débar-
quer sur la côte des Somalis, s'est rendu à Liamon, chez le sultan du
Witou. Nos lecteurs se rappellent que l'Angleterre et l'Allemagne pré-
tendent toutes deux avoir, sur le territoire de ce sultan, des droits de
protectorat, et que le litige a été soumis à l'arbitrage du baron Lamber-
mont. Pour empêcher le D' Peters de quitter Lamou, M. Mackinnon,.
agent de la British East African Company, et en même temps, direc-
teur de la Compagnie des bateaux à vapeur qui touchent d'ordinaire
à Lamou, a ordonné de cesser d'y faire escale pendant quelque temps.
Cela n'a pas empêché le D' Peters d'arriver à Zanzibar et de chercher à
organiser son expédition. Mais obtiendra-t-il les porteurs dont il aurait
besoin et l'autorisation du capitaine Wissmann de travei*ser les terri-
toires qui séparent Bagamoyo du Victoria-Nyanza V
La Gazette de Madagascar a publié dans l'un de ses derniers
numéros l'avis suivant : « Le gouvernement fait connaître à tous les
« habitants de l'Imérina que des ordres ont été donnés aux troupes
« chargées de la garde des provinces où se trouve de l'or, afin qu'on
« tire sur quiconque, étant pris en flagrant délit de vol d'or, cherche-
« rait à s'échapper du ferait résistance. » A la suite, se trouve l'énumé-
ration des concessions accordées par le gouvernement malgache en ce
qui concerne les exploitations minières ou forestières et l'avis que, pro-^
visoirement, afin d'attendre les résultats des concessions déjà accordées
le gouvernement n'en donnera plus. Puis sont reproduits les textes des
lois malgaches qui ont trait aux exploitations minières et forestières^
aux tenues desquelles :
« Quiconque fouillerait des mines d'or, d'argent ou de diamants ou
« frapperait de la monnaie subirait une condamnation de 20 ans de fers.
« Les fouilles de mines d'or, d'argent, de cuivre, de fer, de plomb»
« de pierres précieuses, de diamants, de charbon de terre, etc., sont
« interdites tant sur les terres prises à bail que sur celles qui ne le sont
« pas. Ceux qui contreviendraient à ces lois seraient condamnés à 20
« ans de fers.
0 Les grandes forêts et les terres non occupées appartiennent au gou^
« vemement et personne ne peut les donner à bail ou les vendre sans la
« permission du gouvernement. Les contrevenants sont passibles de 20
« ans de fers. »
— 166 —
lac Nyassa fussent autorisés à porter des armes, ce que les Portugais leur
iiiterdisent actuellement. Loi*d Salisbury a répondu quMI ne pourrait
faire que des représentations diplomatiques; mais qu'il ne croit pas
qu'actuellement elles obtiennent le moindre succès.
Le Times annonce que M. Daniel J. Raukin, qui a passé huit mois à
explorer le delta do Zambèase, a découvert une nouvelle embouchure
navigable, à 45 railles au sud du fleuve Quaqua ; c'est le bras qui porte
le nom de fleuve Chindé $ sur la barre même, on a trouvé, à marée
basse, 4",484"" d'eau; le chenal a 6o6^ environ de largeur et oflre un
bon ancrage abrité par les terres. Jusqu'ici> toutes les marchandisej^
pour les districts du Zambèze ont été amenées à Quilimane, oii elles sout
rechargées sur des allèges ou sur des canots qui remontent le Quaqua
jusqu'à Mopéa. Là elles sont déchargées pom* être transportées à dos
d'homme pendant une douzaine de kilomètres à travers de« marécages
vei-s le Zambèze, ôîi, derechef, on emploie poui- leur transport des canots
allant à Senna ou à Tété. Ces transbordements répétés entraînent une
grande perte de temps, de fortes dépenses, et 'souvent des avaines qui
font perdre aux marchandises le 60 pour cent de leur valeur. L'impor-
tante découverte de la nouvelle embouchure susmentionnée facilitera
considérablement le développement du commerce dans cette partie
de l'Afrique. Les vallées du Zambèze inférieur et du Chii'é sont très
riches, fertiles, susceptibles d'une culture étendue; mais leurs princi-
paux produits, par exemple, les graines oléagineuses, ne peuvent sup-
porter les énormes frais actuels de transport. Par le fleuve Chindé, les
bâtiments d'un déplacement de 400 à 500 tonnes pourront passer direc-
tement de l'Océan au Zambèze et au Chiré sans transbordement et sans
que la marée y mette obstacle. Le gouverneur général de la prorince de
Mozambique a demandé à Lisbonne l'autorisation de transporter le
siège du gouverneur de Quilimane à l'embouchm^e du fleuve Chindé, et
prié le gouvernement d'oi-donner que les steamers y touchassent à
l'avenir.
Le Natal Merairy a publié, sur le pays d'Oumzilay les renseigne-
ments suivants que lui a fournis un explorateur récemment an-ivé de
cette partie des possessions portugaises de la côte orientale d'Afrique.
Il s'embarqua à Lorenzo-Marquez, sur un vapeur de la ligne Donald-
Currie, qui y touche tous les mois, et en descendit à Chiloane, île
dépendant de la province de Mozambique, d'oii il gagna le continent,
pour se rendre, avec d'autres voyageurs, au grand kraal d'Oumzila, à
300 kilom. de la côte, par 20° lat. sud. Les guides et le*? porteurs indi-
*^- -■/.
— 167 —
gènes sont faciles à se procurer au prix d'un shilling par jour. Le pays
que Ton traverse en quittant la côte est plat, boisé, bien arrosé, abon-
dant en gibier : lions, panthères, rhinocéros, buffles, zèbres, et toute
Cvspèce d'antilopes. Sui* toutes les rivières nagent, en grand nombre, les
oies et les canards. A mesure que l'on atteint la région plus élevée, le
gibier disparaît et les voyageui's doivent emporter leurs provisions avec
eux. Le climat de la région basse est rendu très insalubre par les nom-
breux marais dont elle est semée ; mais lorsqu'on approche des monta-
gnes du pays d'Oumzila, il devient meilleur. Le kraal du roi est situé au
delà de la première chaîne de montagnes; quand oii y arrive, on
voit flotter le pavillon du Portugal sur la maison du résident portugais. •
La population blanche ou européenne est composée du résident, d'un
maître d'école et de deux dames qui enseignent dans l'école indigène.
Gungunyane, le roi actuel, est plus favorable aux Portugais qu'aux
autres Européens. A des intenalles réguliers, il reçoit des autorités
portugaises des tributs sous fonne de présents, consistant essentielle-
ment en vins et spiritueux. Néanmoins il reçoit les étrangei'S d'une
manière très hospitalière ; mais ils sont censés annoncer leui* arrivée au
résident qui obtient pour eux une entrevue avec Gungunyane. Les
kraals sont habités par les tribus shangaan, indigènes de haute taille,
de la race des Zoulous, qui dominent sur les autres tiibus côtière^s du voi-
sinage. La plupart de ces dernières, surtout celles des montagnes, doi-
vent payer au roi un tribut consistant principalement en bestiaux ; le bas
pays, infesté par la tsétsé, n'a pas de bétail. Le roi a une nombreuse
armée permanente, divisée en deux régiments, disciplinée et équipée à
la manière des Ma-Tébélé. Quant aux explorateurs et aux exploitations
aurifères dans le pays d'Oumzila, tous ceux qui viennent demander au
roi des concessions sont renvoyés invariablement au représentant du
gouvernement portugais. Les districts qui passent pour renfei-mer le
plus de gisements aurifères sont situés à quelque distance au nord du
gi'and kraal. Quoique la région basse, où abonde le gibier, soit considé- .
rée comme très insalubre, les chasseui-s s'y pressent toute l'année, et,
pourvu qu'ils demandent l'autorisation du roi, celle-ci ne leur est pas
refusée. Le gi-and nombre d'hippopotames et de crocodiles rend les
rivières dangereuses à traverser; quelques-unes d'entre elles sont navi-
gables sur un long parcours avec des bateaux plats, ce qui facilite les
relations commerciales.
Le Dcdly Independent de Kimberley a publié, sur le pays des Ma-
Tébélé, une lettre qui renferme des informations très utiles, dans ce
^i^,#
questiou des gisemeutâ miniers est à l'ordre du jour. En
» pays par le S.-O., on rencontre la concession Tati, qui
région des sources de la Bomaquabane et de la rivière
l'endroit où elles rejoignent la rivière des Crocodiles. Le
fère est considérable ; le filon a 7" de lai^e, et s'il est aussi
partie inférieure qu'à la surface, ce sera le filon le plus
s riche qui ait été découvert en Afrique. D'après le uora-
jies exploitations dans le voisinage, on doit croire que cette
ans le passé, le théâtre d'une activité minière prodigieuse,
mines de cuivre et de fer, toutefois c'étaient les exploita-
. qui l'emportaient. On suppose qu'elles étaient entre les
-Shoiia, d'après le nom qu'elles portent cncoi-e, « anciens
lona. » Les Ma-Sbona sont assez industrieux pour avoir
•eils ti-avaux. Ceux-ci peuvent aussi avoir été entrepris par
ou des Ambes, car, à quelque distance de Tati, sur les
)ayne, se trouvent les restes d'un foit construit exactement
i anciens forts mauresques de l'Afrique septentrionale ; un
)le, se voit près des sources de la même rivière. C'étaient
des places formant un cordon pour la protection des tra-
L qu'il en soit, il est intéressant de voir que ce pays qui est
séjour des loups et des chacals a t;u autrefois une popula-
déveJoppée. II y a une grande ressemblance entre les
t, sédimentaires ou de roches ctistallines du pays des Ma-
is de Barberton, On a toute chance de trouver de l'or
is les montagnes du Ma-Shonaland. Là où la Shasbaiii
formation granitique, l'or apparaît dans toutes les cuvettes
rivière. Il en est de même de la rivière Ligouési, et près
i la Tasbangani à l'est d'Inyati. Quand le pays pourra
bremenl sans iisquer d'être molesté, on sera étonné de la
re qu'il renferme. Il fournira également à l'agriculture un
'exploitation. Le sol en est extrêmement riche, et propre
ittui'es. Il convient paifaitenient au tabac, au ri/, au café,
toutes les céréales. Les natifs cultivent un excellent tabac,
s pi-océdés impaKaits de culture et l'ignorance des indi-
ie préparation, est aussi bon que le tabac de Virginie, et
irticulier dfl au sol dans lequel il croît. Convenablement
ouverait quantité d'amateui-s dans les colonies et sur le
iidres. Le riz cultivé daus le pays est préféré par heau-
mes il celui de l'Inde. Le coton croît à l'état sauvage et
~'
— ifiy —
le bté cafre produit avec abondance. Les Ma-Tébélé gouvcruent
Kataka, leurs esclaves, avec un sceptre de fer ; ils les pillent et 1
selon leur bon plaisir ; quand les Ma-Shona apportent leur t
bêches au roi, si celui-ci ne juge pas la quantité suffisante, il
massacrer. Il n'est pas permis aux Ma-Kalaka d'avoir des beeti
s'en vont par centaines chercher de l'ouvrage à Kimberley, ma
retour, ils deviennent la proie des Ma-Tébélé, eux et les biei
peuvent avoir acquis par leur industrie.
Le journal B^iom het/ond a reçu d'un correspondant de Bos
formation suivante ; « Une distillerie de Boston s'est engagée
trat à fabriquer 3000 gallons de pham par jour, pendant sept a
une maison de commerce anglaise qui l'envoie au Congo. » Â ;
de travail par an, ajoute le joui-nal, cela fait annuellement,
gallons de rhum, soit en tout 6,300,000 dont chacun suffit pou
pendant un certain temps une douzaine d'hommes ! L'imaginati
stupéfaite en pi-ésence des maux que ce seul contrat causera à 1'
Les ingénieurs chargés de l'étude du projet de chemin d
construire au Congo, ont terminé le travail des devis, et ils
connaître les résultats de leur travail dans une séance extrao
de la Société de géogi'aphie d'Anvers. Ils estiment que le coût
treprise sera de 25 millions de francs, suffisant pour construire
acheter le matériel roulant, couvrir les frais généraux et les fn
ploitation des premiers mois et servir aux actionnaires les int
leurs titres pendant la période de construction. Celle-ci est éva
eux h quatre années. La longueur totale de la ligue sera de '.
mètres à partir de Matadi, point tei-rainus de la navigation à
jusqu'au village de Ndalo, un peu en amont de Kinchassa, sur
ley-Pool. La voie sera à écartement de 0",75 avec un maxii
pente de 47 "/^ seulement dans la première partie ; partout
les pentes n'atteignent jamais plus de 35 '°i\^ ; les courbes
rayons qui ne descendront jamais au-dessous de 50 mètres.
La force publique de l'ÊtnC Indépendauit du Cong
par décret du roi souverain, se compose de la force publique ri
de la milice indigène et de la troupe auxiliaire. A la première ap
nent huit compagnies actives ayant chacune leur quartier gêné
et ayant pour mission principale le maintien de l'ordre et l'oci
effective de leur district.
La première a pour quai-tier principal, Boma;
La deuxième, Loukoungou ;
V-^WUflf- I
— 170 —
La traisième, Léopoldville ;
La quatrième et la cinquième, sur le haut Saukourou ;
La sixième, Baûgala ;
La septième et la huitième, au coufiueiit de l'ÂrouQUimi et au poste
des Stanley-Falls.
Outre ces compagnies, il sera ci"éé, dans cei-taina districts, des corps
permanents de milices indigènes, dont l'organisation sera laissée à l'ini-
tiative des commandants de la force publique qui devront tenir compte
des usages des tribus indigènes. Lorsque la sécurité publique l'exigera,
tout le personnel de l'État, tant fonctionnaii-es que travailleurs, pourra
être i-equis de prendre les armes, comme troupe auxiliaire soumise aux
lois et règlements militairet^ pendant toute ta durée de la réquisition.
Le gouvernement de l'État indépendant du Congo a décidé la créa-
tion de deux camps fortiflén dans la partie onentale de son terri-
toire. Ils sont destinés à servir de ba^e à l'établissement de stations
secondaires permettant d'étendre graduellement l'influence de l'État,
de garantir la sécurité des voyageurs scientitiques, des missionnaims et
des agents des maisons de commerce, et aussi de faciliter l'occupation
elîective, de plus en plus complète, de ces districts lointains, voisins des
frontières de l'est. Le premier sera établi sur l'ArauuNlmi. Le lieu-
tenant Vankerkhoven, chargé de l'installer, a organisé une expédition
d'avant-garde qu'il a conduite jusqu'à Oupoto, oU. par des palabre» avec
les chefs indigènes, il a afl'ermi l'iatluence de l'État. L'effectif du camp
sera d'environ 600 hommes, divisés en deux compagnies, et d'une sec-
tion d'artillerie. Le camp sera, en outre, pourvu d'un steamer armé.
Par là, la sécurité du fleuve sera apurée, et les indigènes paisibles seront
mis à l'abri des vexations. Le second camp sera établi sur le Sankov-
roo, et jouera, plus au sud, le môme l'Ole que celui de l'Ârououimi. Il
fera face à la région du haut Lomami et à celle du Katanga. Sa ganii-
son sera de même force que celle du camp de l'Aronouimi ; il aura éga-
lement à sa disposition un steamer armé qui lui permettra de surveiller
les rives du Sankourou et de see tributaires.
Avant de quitter le Congo françala, l'année dernière, M. Savor-
gnan de Brazza avait chargé M. Cr&mpel de reprendre le projet d'ex-
ploration que son frère, Jacques do Bra^tza, n'avait pu exécuter complète-
ment, savoij' de remonter de Madiville, sur l'Ogôoué, vers le nord, k
travers le pays inconnu des M'Fangs, puis de regagner la côte occi-
dentale entre les rivières Benito et Campo. M. Crampe! partit In
12 août 1888, avec une ti-eiitaine de Loangos et d'Adouiuas, portant dix
— 171 —
charges de inarchaudiiies : étoffes, perles, set, poudi-e, couteaux. Aucutt
blanc ue l'accompagnait ; deux iudigèues sénégalais seuleoieiit et lui
étaieut ai-méa de fusils, l'exploration devaut avoir un caractère tout
pacifique. Dès qu'on a traversé la ligne de villages qui borde l'Ogôoué,
le pays devient désert et ue recommencekèt repeuplé qu'à uiie centaine
de kilomètres de la rïvière. Chacun des chefs indigènes tint à honneur
de l'ecevoii- le premier blanc qui traversait sou teriitoire. A 120 kilom.
de Bôoué, M. Craœpel rencontra, le 1" octobre, la rivière Ivindo,
énorme affluent de l'Ogôoué ; il visita les villages des deux rives, réunit
les chefs batoka de la rive gauche, puis les Ossyéba de la rive droite, et
conclut avec eux des traités au nom du Commissaire général français.
Remontant ensuite l'Ivindo, qui vient du nord, il poussa des reconnais-
sances & l'est et à l'ouest et découvrit la rivière N'Tem, dont le nom était
connu k la côte, sans qu'aucun Ëui'opéeu l'eût jamais vue. Il arriva
ensuite chez les M'Faugs, nommés Pahouius par les gens de la côte, et
traita avec les principaux chefs, qui lui demaudèi-ent mstammeut qu'un
poste français fût établi dans leur région, pour garantir la sécurité des
transactions. La marche de la caravane devint très difficile ; elle avau-
^it péniblement dans l'aii' surchauffé des forêts, presque sans jamais
apercevoir le ciel; à chaque instant elle devait traverser des marais ; la
nourriture devenait rare; les M'Faugs sont, en effet, beaucoup plus
misérables que les Batoka; les poiteurs ne pouvaient plus se faire com-
prendre des natifs. Bientôt les Loangos, opposant la forée d'inertie aux
sollicitations de l'explorateur, i-efusèreiit de marcher, se couchèrent et
demandèrent à redescendre l'Ivindo. De guerre lasse, M. Crampel dut
se résoudre iv tes laisser camper avec les bagages sous la garde des Séné-
galais et il pai-tit avec douze Adoumas, se dirigeant vei's l'est oh, disaient
les indigènes, devait être un gi-and lac. Il rencouti-a d'aboi-d la tribu des
Sagaya, peuplade naine, puis, un peu après, une rivière, la Djah, dont
les eaux occupent un lit immense et n'ont pi'esque pas de courant. Il
était à la limite des M'Fangs, près des N'Jimas, qui doivent se trouver
«n contact avec les premières peuplades musulmanes. Il désirait beau-
coup ramener un indigène, et demanda aux chefs une de leurs filles,
comme gage de leurs dispositions amicales. Après trois mois de pourpar-
lers, tous les chefs se réunirent dans un grand palabre et M. Ci-ampel
fut invité à choisir pour femme une de leurs filles. Il en prit une qm
paraissait Âgée de neuf ans, fille du chef le plus puissant, Eyegueh; elle
le suivit sans difficulté lorsqu'il partit pour rejoindre les Loangos et les
Sénégalais laissés au campement. Cette fois, il réussit à décider ses hom-
— 172 —
mes à reprendre la marche vers l'ouest, en ligne directe vers la côte.
Mais bientôt la marche dans la forêt et dans les marais épuisa ses por-
teurs, qui refusèrent de nouveau d'avancer. Alors il fit construire huit
radeaux pour descendre la rivière Komm jusqu'à son confluent avec la
N'Tem. Les M'Fangs, qui connaissaient les attaques des Allemands du
Cameroun contre leurs tribus du nord, criu^ent que M- Crampel était un
ennemi qui venait les prendre à revers. Ds lui tendirent des embuscade*,
tirèrent sur les radeaux qui descendaient la rivière, tuèrent un Loango
et un Sénégalais ; le 1" février dernier M. Crampel se vit abandonné
par ses porteurs ; lui-même fut atteint par deux coups de feu. D réussit
à persuader les hommes qui lui restaient de quitter la rivière, et parvint
ainsi à rompre le cercle des ennemis qui l'entouraient ; mais alors ceux-
ci se lancèrent à sa poui*suite ; il dut se sauver à travers un pays com-
plètement inconnu, marchant en pleine forêt, traversant les rivières à
l'aide de lianes, les marais au moyen de ponts improvisés ou en se mouil-
lant jusqu'au cou. A mesure qu'il s'avançait vers la côte, il rencontra
des populations moins hostiles. Le 3 mars il arrivait à Bâta, par 2** latit.
nord, à peu près à égale distance des embouchures du Campo et du
San-Benito ; là, il prit passage sur un bateau anglais qui le ramena en
Kurope, avec la petite Pahouine qii'il avait sauvée des mains des
M'Fangs. Elle a un type très curieux et porte des ornements en poil de
queue d'éléphant passés dans le cartilage du nez, qui forment comme
une double moustache ; la partie supérieure du visage est tatouée.
NOUVELIiES COMPLÉMENTAIRES
L'Algérie envoie en ce moment des quantités considérables démontons à Marseille.
Un seul jour, dit le Sémaphore, quatre vapeurs, porteurs de 1400 moutons environ,
chargés à Oran et Arzew, ont été débarqués sur lés quais, pour être dirigés en
grande partie sur Paris.
L'exportation des vins d'Algérie s'est élevée en 1888, à 1,328,000 hectolitres;
celle de 1887 n'avait atteint que 784,000 hectolitres. C'est donc une augmentation
annuelle de plus de 500,000 hectolitres.
n est question de constituer une société en vue de cultiver en grand le ricin en
Algérie. Cette plante est d'une venue facile, mais il y aurait à créer des usines i
huile de ricin.
En reconnaissance des services rendus par notre concitoyen, M. Edouard Naville,
à VEgypt expîoratian Fund, cette Société a fait don à la ville de Genève d'une
statue en granit noir de Rhamsès U, choisie parmi les objets de sculpture tn*
cienne découverts par M. Naville dans les ruines du grand temple de Bnbastis.
— 173 —
Le gouTernement égyptien se propose de co
téaeau de Toiee ferrëea, plusieurs lignes, d'une 1(
eoTiron, et un pont sur le Nil, au Caire, de 600
travée tournante pour la navigation.
Le sultan Mandara, de Moschi, dans la région
ambaBsadeaugDUTernementdereinpirealleniand
dernière, aTait atteint le Kilimandjaro, a couduit
embarquée pour l'Allemagne. Elle est arrivée i
entre autres présents, une défense d'éléphant pe
D'après la Staaten Correspondem de Berlin, 1
le camp retranché de Bouchiri près de Bagamo;
avec celui-ci an traité de paix définitif.
Les Européens que Bouchiri retenait prisouni
Kilimandjaro, plusieurs miaaionnairescatholiqneE
naire anglais, ont été relâchés moyennant une ra
Le ministre du commerce français a informi
France et d'Algérie d'un projet d'exposition à Ti
français, et sollicité dos manufacturiers un cata
exposer.
Deux Compaguies minières se sont formées t
«oncessionfi dans la région du Zambèze, en terri
(Sofala) Concessions Company (Limited), l'auti
Company (Limited) ; le capital de fondation de c
sterling.
Le journal Districto dt Louretuo-Marques ai
Autrefois établi aux Açores, actuellement à Moz
-créer des plantations de tabac dans les distri
Marquez. Le tabac qui croit dans le Mozambiqui
Après avoir conclu, au nom du Portugal, des
«t rois des rives orientales du lac Naysaa entre I
Cardozo est revenu à la cAte. Quelques-uns de <
pour signer les actes d'obéissance au gouver
d'Angleterre a signé comme témoin les actes dt
indigènes du Nyasaa.
D'après une déclaration de M. Bairos Gomi
Lisbonne, le lieutenant Léal construira nne ré
Nyaasa, mr les terres du chef indigène Uigorde
La province de Mozambique aura bientôt à s<
vapeur : un remorqueur pour Lorenzo-Marquez,i
le fleuve Mapnto, un troisième pour le Chiréetle!
bèze. Ces derniers seront montés à Quilimane. D
par les paquebots de la Castle Mail, le trois
KÎnsi que celui qui est destiné au Maputo.
* .
— 174 —
Les deux républiques du sud de l'Afrique ont conclu un traité d'alliance aux
termes duquel, en cas de guerre, les deux États se prêteront un mutuel appui. En
outre, ils s'engagent h, abolir les droits d'entrée à leurs frontières respectires.
Enfin le Transvaal n'accordera aucune concession de chemin de fer sans aToir
obtenu le consentement de son allié.
VAgrieultural Journal annonce que, pour prévenir l'extinction de certainea
espèces d'antilopes, la De Beer's Consolidated Mines Company a fait acheter la.
ferme de Kenilworth, dans le Griqualand West, où elle en gardera pour les élever
et les faire servir h la reproduction.
On vient d'essayer à Durban la première locomotive construite de toutes pièces
dans la colonie de Natal. Elle sort des ateliers des chemins de fer du gouverne-
ment. Ce n'est que le début d'une série de constructions de machines semblables.
M. Vital de Canto, propriétaire à Mossamédès, a fait des essais de culture
d'olivier ; ses arbres ont donné l'année dernière d'excellents fruits, dont il a fait
une bonne huile.
Un chemin de fer de 25 kilomètres va être construit entre Benguela et Catum-
bella. Le gouvernement portugais a voté à cet effet un subside de 4 millions de
piastres.
Les nouveaux services maritimes entre la France et la c6te occidentale d'Afrique
ont été adjugés, l'un, la ligne de Marseille au Congo, à la Compagnie Fraissinet, le
second, la ligne du Havre au Congo, à la Compagnie des Chargeurs-Réunis. Le
steamer de cette ligne qui inaugurera le service du Havre au Congo aura parmi
ses passagers M. Savorgnan de Brazza qui doit retourner à son poste.
Nous donnons sous toutes réserves la nouvelle suivante, publiée par les journaux
anglais, mais dont nous n'avons pu jusqu'ici vérifier l'exactitude: A la suite de
démêlés entre les indigènes de Porto-Novo et ceux du Dahomey, le souverain de
ce dernier État a envoyé une députation au gouverneur anglais de Lagos pour
demander que le Dahomey fût placé sous le protectorat de la Grande-Bretagne.
M. le capitaine Binger est rentré en France, après avoir passé quelques jour&
à Grand-Bassam, pour se remettre des fatigues de son exploration du Niger à la
côte de Guinée. Il revient riche de documents sur une contrée marquée encore en
blanc sur nos cartes. Il a signé de nombreux traités avec les rois des pays qu'il
a parcourus, ce qui permettra de relier plus tard les possessions de la France sur
le haut Sénégal et le haut Niger avec les comptoirs français de Grand-Bassam et
d'Assinie.
Depuis l'annexion du territoire de Sulymah à la colonie anglaise de Sierra-
Leone, les habitants de Mendeh se faisaient remarquer par leurs habitudes de
déprédations sur les territoires voisins. Une expédition a été dirigée contre eux;,
les troupes anglaises ont rasé la ville et délivré 8000 prisonniers provenant de&
territoires de Boom, de Eittim et de Gallina.
CHRONIQUE DE L'ESCLAVAGE
Une lettre de Sir Evelyu Bariiig à i'Antislavery Society, sur Tofluvre
du HoMie pour les femnieB eaclKves libérées au Caire, con-
tinue pleinement les renseigaeroeuts que M. Ed. Naville, président du
Comité auti-esclavagiste suisse, a adressés à ce dernier, et qui ont été
publiés dans le premier numéro du Bulletin de la Société. Nous lui
empruntons ce qui suit : « Il ne peut rien y avoir de plus efficace pour
faire disparaître l'esclavage domej^tique en Égiiite que de fournir aux
familles égyptiennes respectables la possibilité de se procurer des ser-
vimtea libres. C'est ce que fait le Home. Mrs Shakoor, secrétaire de
l'institution, a constaté que les demandes de servantes dépas.sent le nom-
bre que te Home peut fournir. Non seulement l'institution est populaira
parmi les esclaves libérées qui en ont profité, mais elle a toujours eu
l'appui eoiflial du khédive, et loin d'exciter aucune hostilité parmi la
population musulmane du Caire, elle est souvent considérée comme très
utile en tant que l'on peut, par son intermédiaire, se procurer d'hon-
nêtes servantes. 11 est important pour le succès de l'œuvi-e qu'elle con-
tinue à jouir de cette bonne réputation, ce qui ne manquera pas d'anî-
ver aussi longtemps qu'elle sera diiigée dans le même esprit. Les
dépenses de Tannée dernière se sont élevées à 405 liv. sterl., dont le
gouvernement égyptien a donné 22T liv. sterl; 50 liv. stei-i. ont été
remises à la mission américaine qui a généreusement consenti à se char-
ger de quelques jeunes filles chrétiennes d'Abyssinie qui avaient cherché
un refuge dans le Home.
La Deutxche Kolonialzeiinwf écrit que quoique les Senoflsi ne
condamnent pas l'institution de l'esclavage, ils déclarent néanmoins le
tratic des noirs contraire au Coran et délivrent ceux-ci des mains des
trafiquants d'esclaves lorsqu'ils en renconti-ent. Derniéi-ement le eheik
des Senoûst aurait libéré plusieui-s grandes mravanes d'esclaves.
Comme Zanzibar, l'Ile de Pemba est en grande partie plantée de
girofliers, dont l'entretien ne demande que peu de culture, mais la
cueillette des girofles réclame beaucoup de bras, n D'après un calcul
fait avec des Arabes, » dit le Bulletin de la Société auti-esclavu^iste de
France, « il faut' en moyenne une personne par vingt girofliers , une
propriété de Pemba peut donc occuper de :>(X* à 600 esclaves. Plusieurs
propriétaires de l'tle en ont ce nombre. Les Arabes, qui ont bien soin de
dire que les esclaves succombent vite sous le climat de Zanzibar et sur-
— 176 —
iba, so croiraient ruinés s'ils étaient obligés de payer des
idaiit les trois ou quatre mois que dure la récolte des gii-o-
Fèrent les esclaves ; plus ils en ont, plus ils sont considérée.
■s ports de la côte reçoivent des esclaves ; ce commerce y est
nt autorisé, au point qu'un marchand peut avoir recoui-s à
our faire rechercher un esclave fugitif. Les négriers ou les
esclaves font leui-s achats panni les caravanes qui arrivent
ir. Un nègi-e de 8 à 14 ans se vend environ 80 fr. ; de 15 â
ron 150 fr. Les jeunes négresses sont plus recherchées et
lus .élevé.
Itaine du boutre sait le nombre de têtes qu'il faut pour sou
; Il embarque son troupeau au moment où la marée basse a
itre il sec, ce qui lui permet de travailler plus à son aise à Sii
-es récalcitrants sont amarrés solidement à une travei-se de
on, les mains attachées derrière le dos. Ces pauvres gens
îcroupir au fond du boutre, oii l'odeur de l'eau corrompue est
oi-table, quand on prend les soins de propreté. La marée
letle bateau à flot ; alors tous ces esclaves sont secoués les
les autres ; ils sont ti-op serrés pour pouvoir non seulement
mais même s'asseoir et changer de place ; dans cette posi-
!, le mal de mer ne tarde pas Ji les abattre, et il faut renon-
■e le spectacle de ce fumier vivant. Les horreurs du voyage
k'ées daus la mémoire de ces nègres pendant toute leur vie ;
jst hanté d'épouvantables cauchemars, et ils croient toujours
bruit sourd que pniduit !a chute du cadavre d'un esclave
, car la mort fait, là aussi, sa razzia. A l'arrière dii boutre se
lanchei- de 6'" à T" cari-és oii se tiennent le capitaine et les
'est là que se prépare la maigre pitance des esclaves pour les
e mourir de faim <)nBi)(l i^ voyage se prolonge ; elle consiste
■y de sorgho, de maïs et de haricots indigènes qu'un matelot
i-es esclaves qui ont la force de manger.
e les boutres sont poursuivis par un croiseur, si les négriers
l que quati-e ou cinq esclaves, ils les ligottent, leur attachent
lux pieds, et les jettent à la mer, oii ils tombent vivants dans
'.s requins habitués à suivre la trace de ces sinistres convois,
ent faire sa visite, et ne trouve que des matelots sous les
Arabe, tous l'air innocent et tranquille. « Dei< esclaves ! »
nous n'avons jamais l'habitude d'en transporter; ah! nous
que c'est défendu de porter des esclaves ! w Le tour est joué;
L
— 177 —
quant à la pei-te, ils la i-éparerout un autre jour. Ou bien, quand le
bouti-e est chaîné de cent k cent cinquante esclaves, il peut arrivei- que
le capitaine se rende sans résistance; dans ce cas, il est mis en prison,
les esclaves sont libéi-és, et le boutre mis eu pièces sui- le rivage. Si, au
contraire, les négriers se décident à. résister, ils arment leui-s matelots,
font semblant de vouloir se rendre ; puis, quand le croiseur est proche, il
reçoit toute une bordée et alors s'engage un combat souvent terrible.
Pendant l'abordage, les pauvres esclaves ue sont pas sans en recevoir
. les éclaboussures ; il arrive quelquefois que, soit pour éviter les coups.
soit par peur des Européens, on leur fait croii-e que Ic-i Eui-opéens cher-
chent les esclaves pour les égorger, ils s'entassent tous du même côté et
font chavirer le boutre. Un jour, après uu aceideut pareil, les marins
anglais firent une pêche de nègres; plus de 50 de ceux-ci se noyèrent
malgré le sauvetage, u
A Z»Dzibar, beaucoup de Wangouanas qui ont été esclaves, oiit
(les esclaves ii leur tour. Le Mngouana — mot qui signifie libre et civi-
lisé — est une des plaies de la ville et de rintérieur. Fier de sa liberté,
sans pitié pour les esclaves, il emploie tous les moyens pour s'en pi-oeu-
rer; c'est par eux qu'il se fait entretenir pendant qu'il s'adonne au jeu,
à la boisson des liqueurs fortes et à la débauche. Non seulement les
coups ne sont pas épargnés à l'esclave, mais encore son maîtres emploie
des entraves de fer que l'esclave doit soutenir avec uue corde, s'il veut
faire quelques pas sans s'écorcber les chevilles avec les anneiiux en fer :
on rencontre même des jeunes négresses qui ont des entraves. Les
enfants sont quelquefois condamnée ti traîner pendant des mois et des
années un gros morceau de bois i*ivé à la jambe pai" une chaîne. Poui*
marcher, l'esclave doit porter devant lui le morceau de bois, car la
chaîne, trop courte, ne lui permet pas de le porter sur l'épaule. C'est
surtout lorsqu'il prend la fuite que le châtiment est terrible. A la
recherche du fugitif, h? Mngouana s'elîorce de garder sa dignité, en
public; mais une fois qu'il l'a arrêté, il fait pleuvoir sur lui les
coups de ta badine qui l'ait partie de son costiune. Puis, dans la case,
ta correction recommence de plus belle, sans que les cris du malheureux
puissent attendrit- son bouiTeau, qui le condamne ensuite aux entravées
pendant un an ou deux. Il est de bon ton chez les Wangouanas de pos-
séder des négresses esclaves comme concubines, ce qui augmente encore
la corruption de Zanzibar.
Chez les Arabes, dans une pièce obscure de leui-s belles maisons en
pierre, se trouve l'instrument du supplice appelé mkatalé, dans lequel
— 178 —
les pieds de trois, quatre ou ciuq esclaves sont emprisonnés pendant des
mois entiers. Ce sont les ceps de l'ancien temps. Au dehors, l'Arabe est
presque toujours accompagné d'un certain nombre d'esclaves qui ouvrent
la marche.
Le capitaine F.-D. Lugard auquel M. Moir, de la Compagnie des lacs
africains, avait remis ses pouvoirs en quittant le Nyassa pour venir en
Angleterre, a adressé au Times, de Karonga, au N.-O. dujlac My»»«a,
une lettre dont nous extrayons ce qui suit :
La bande d'Arabes qui nous a attaqués était composée d'hommes éta-
blis dans le pays des Ba-Senga, à l'ouest du lacNyassa ; mais cette tribu
désavoue tout rapport avec ceux qui nous ont assaillis. Les esclavagistes
de la côte est et ceux du sud se déclarent aussi étrangers à ces affaire*.
Leur neutralité nous paraît provenir de la crainte de représailles de la
part des Anglais ; aussi avons-nous tous pensé qu'il fallait profiter de
l'abstention de ces derniers esclavagistes pour expulser les autres et
préserver ainsi cette région d'une plus grande dévastation. Si la situa-
tion actuelle se prolonge, le prestige des Anglais pourrait être compro-
mis et les esclavagistes ne craindraient plus de se coaliser.
L'expédition fut formée en mai et j'en pris le commandement ; mais
nos adversaires étaient à l'abri derrière des retranchements beaucoup
plus forts que nous ne pensions et nous subîmes un échec. La maladie
sévissait parmi nous au point que nous ne pouvions rien entreprendre de
nouveau et j'étais moi-même hors de combat par suite de mes blessures.
En attendant la pièce de canon qui nous était promise, nous guerro)ions
tant bien que mal. Le canon vient enfin d'arriver, mais ma troupe n'est
actuellement composée que de huit Anglais dont aucun ne peut suppor-
ter la fatigue. Chacun, à tour de rôle, e^t victime de la fièvre et de la
«lysenterie. Pour servir le canon et le défendi^e, il faudrait au moins la
moitié de nos blancs, et nos 300 indigènes sont inutiles s'ils ne sont pas
conduits par des blancs. Il y a assez d'indigènes ; 300 sont armés de Sni-
dors, et de revolvers ou de carabines ; nous aurions au premier signal
GOOO hommes armés de lances, mais aucun n'irait jusqu'aux retranche-
ments des Arabes s'il n'est conduit par un blanc et, en cas d'assaut»
nous ne serions suivis que par un très petit nombi'e. Voici la saison des
pluies torrentielles qui fait soutt'rir nos malades. L'herbe a poussé si
épaisse et si haute que cela rend difficile l'emploi de notre canon. Depuis
peu, un Arabe de la côte est a déclaré son intention de se joindre à nos
ennemis et leur a envoyé un grand boutre chargé de combattants et,
dit-on, même un petit canon.
— 179 —
J'étais justement à l'eudmt qu'il avait choisi pour débarquer ; mon
attaque nocturne a tué ou blessé mortellement la moitié de ses hommes
et leur chef; le boutre a été coulé. Les Arabes Senga ont probablement
aidé secrètement à ceux qui nous combattaient. A rai'rivée de l'envoyé du
sultan de Zanzibar, qui était venu leur ordonner de cesser la guerre et
de quitter le pays, on a remarqué l'absence des Arabes Senga et nous
craignons qu'ils ne se déclarent maintenant ouvertement contre nous.
Devant de telles difficultés, il semble ridicule que quelques hommes
malades s'obstinent à lutter, mais l'issue est des plus importantes, car
il s'agit de maintenir la sécui'ité des Anglais et des missions dans ce
pays et aussi d'empêcher l'extension du commerce des esclaves. . *i%^
Le but des esclavagistes est de former sur toute la côte ouest du lac
une coalition encore plus foimidable que celle qu'ils ont réussi à fonner
à l'est. L'esclavagiste le plus célèbre ici, Jurabé, à Kota-Kota, occupe
une position isolée sur la côte ouest par environ 13° lat. sud. A mi-
chemin entre lui et notre station de Karonga, il y a un bac à Deep-Bay ;
ce fut là que j'attaquai le boutre susmentionné. Depuis longtemps,
Jumbé veut établir un fort près de Bandaoué, station missionnaire par
12' lat. sud. Les hommes contre lesquels nous nous battons veulent
élever des retranchements à Deep-Bay (route des esclaves), et aussi à
Karonga. Ainsi, toute la côte ouest serait entre leurs mains. Les Anglais , : > .;*
ont des stations de missions tout le long de cette côte : une dans le pays
de Chikousé ; une autre était au cap Maclear; malgré l'abandon de cette
station, l'influence des missionnaires y subsiste encor e ; les écoles res-
tent ouvertes et il y existe un dépôt foioné par la Compagnie commer-
ciale. Notons encore Bandaoué, station principale de la mission de l'Église
libre, et aussi une station dans l'intérieur du pays des Augoui, enfin Ka-
ronga qui appartient à la Compagnie des lacs. Il y a un mouvement con*
tinuel d'allées et de venues de chasseurs et de voyageurs qui fait con-
ualtre les Anglais le long de la côte. Les escales, où le petit steamer
Ualu, de la Compagnie des lacs, fait sa provision de bois, sont autant de
points de contact entre les indigènes et les Anglais. Depuis quelque
temps, j'ai placé une garnison dans une île pour occuper le bac de Deep-
Bay. Nos efforts ne sont donc pas aussi insensés qu'on pourrait le croire,
car nous avons un but précis à atteindre, c'est de chasser les esclava-
gistes de leui*s retranchements et, si nous n'y parvenons pas, de les em-
pêcher du moins de s'avancer davantage en les attaquant fréquemment.
Par là aussi, nous détournerons les neutres de toute idée de coalition et
arrêterons l'extension de la domination des esclavagistes sur toute la
côte ouest du lac.
0
— 180 —
*
Il paraîtrait que le commandant Camerou se propose de conduire une
expédition vers le lac Nyassa, La Compagnie des la(îs africains a consti-
tué le Nyassa Defence Fund, pour organiser une force armée destinée à
refouler les Arabes. Si nous pouvons tenir bon jusqu'à l'arrivée d'un
secoui*s quelconque, nos efforts n'aui'ont pas été inutiles. Si nous n'y
réussissons pas, la situation qui sera faite aux expéditions dans l'avenir
îjera beaucoup plus difficile. Il faut donc entreprendre une action immé-
diate, si l'on veut faire tôt ou tard quelque chose.
Lord Salisbury a fait un grand éloge des efforts des Anglais au lac
Nyassa et a ajouté que tout ce que le gouvernement pourrait faire diplo-
inatiquemont serait tenté sur le lac. Dans une réponse précédente faite
au Parlement, il avait été dit que le consul avait re^'U des instructions
pour nous. donner toute la protection dont il disposait. Mais, en avril
dernier, le consul, venu à Karonga pour résoudre pacifiquement le confiit,
a, paraît^il, déclaré formellement aux Arabes que le gouvernement an-
glais n'avait rien à voir dans nos affaires et que la petite troupe qui est
ici ne recevrait aucun secours du gouvernement. J'aurais préféré que
les forces arab(»s fussent doublées; car cette déclaration du consul, faite
justement avant mon arrivée, a donné confiance aux Arabes qui ont
augmenté leurs retranchements et continué la lutte dans la cei'titude oii
ils étaient que nous ne serions pas soutenus. Quand le sultan de Zanzi-
bar envoya, à la demande du consul général britannique, un délégué
pour traiter avec les Arabes, ceux-ci lui répondirent qu'ils avaient re(;u
du consul anglais l'assurance que ces questions ne concernaient en rien
l'Angleterre. Peut-on appeler cela : ConmiJar protedion et diplonuific
effort f
J aurais voulu, étant obligé de partir à cause de l'expiration de mon
congé, écrire au commandant Cameron pour l'éclairer sur bien des
points. J'ai déjà envoyé en Angleterre un projet détaillé bien avant que
celui de la croisade du cardinal La\igerie ait été connu ici. Tous les dé-
tails du programme que j'ai tracé sont dus aux hommes les plus expéri-
mentés dans cette région. J'ai soumis ces plans au Rev. Horace Waller
qui, par l'intérêt qu'il porte à la question du lac Nyassa et à la suppres-
sion de l'esclavage, est à même de les utiliser au mieux de la cause que
nous défendons.
La Deutsche Kolonial Zeituiig annonce que Cameron profitem de la
«lécouverte du Chindé comme voie navigable, pour l'expédition en faveur
tle laquelle des ressources lui ont été promises.
Comme le dit M. Piton, rédacteur de la Revue des missiom con-
— 181 —
iemporaine», ou aura là uue eutreprise absolument identique à celle
que le cardinal Lavigerie s'efforce actuellement d'organiser. Elle se
poursuivra là où, de l'avis de toutes les personnes compétentes, se
trouve la meilleure voie d'accès dans la région des lacs, savoir par le
Zambèze, le Chiré, le Nyassa et le Tanganyika, ces deux lacs étant reliés
par une bonne route construite par les soins de la Compagnie des Lacs
africains. « Son caractère est, du reste, purement défensif, puisqu'il ne
s'agit que de se débarrasser d'une bande d'Arabes qui interceptent les
communications de la Compagnie des lacs avec le Tanganjika. Si celle-
ci réussit à déloger les négriers de leur position, elle aura en même temps
porté un coup mortel à la traite dans ces parages. »
M. Ed. Froment, chef de station au Coiii^o français, dans une
communication faite à la Société de géographie de Lille, sur un voyage
dans l'Ouban^, s'exprime ainsi : « La grande affaire du moment, ce
sont les expéditions vers le haut Oubangi. Au moment des crues, des^
flottilles de dix, vingt, et même trente grandes pirogues remontent, char-
gées d'esclaves et de marchandises, jusqu'au pied des rapides, en quête
d'ivoire. Ce sont surtout les esclaves qui constituent l'article le plus
demandé ; il y a ainsi, dans la rivière, d'aval en amont, un mouvement
considérable de chair humaine qui va alimenter le cannibalisme d'eu
haut....'. » Et plus loin, arrivé à Impfondo : « Je ne sais si c'est là l'effet
d'une idée préconçue, mais il m'a semblé voir la convoitise s'allumer
dans les yeux des natifs, quand ils regardaient les plus replets de mes Os-
syébas. Nous sommes en pays cannibale, et ces gens, en apparence si
pacifiques, sont les mangeurs d'hommes les plus invétérés qui se soient
jamais vus. Dans un village tel qu'Impfondo, il ne se passe guère de
semaine qui ne soit marquée par une exécution ; l'ivoire n'est vendu
aux Baloïs que contre des esclaves destinés à alimenter les abattoirs.
Devant les demeures des chefs et des principaux habitants, s'élèvent de
hautes et fortes perches, comme de sinistres potences, oh pend encore
quelque bout de liane, vestige de la dernière tuerie. Si vous demandez
à quoi servent ces engins, au premier enfant venu, il vous répondra sans
hésiter, en portant la main à son cou dans un geste expressif, accompa-
gné des mots : akèta motoii (couper la tête).
Cette épouvantable habitude est pratiquée avec des détails qui mon-
trent bien quel dédain ou quelle indifférence elle a développés chez les
indigènes à l'égard des instincts les plus naturels de sensibilité. L'es-
clave qu'on veut « abattre » est solidement amarré, assis sur un bloc
de bois, au pied de la perche ; du sommet de celle-ci, courbée avec force,.
— 182 —
une liane ou uue corde qui lui passe sous le meutou et la uuque,
it ainsi à tendre le cou. Le bourreau peut alors faire coramodé-
[) office, et il faut qu'il soit bien maladroit pour ne pas eu finir
il coup de couteau. La victime est .souvent exposée quelque temps
s dans cette position, dont il est facile de s'iraaf^nor toute la gène
i. Pendant que te boucher aiguise soigneusement son couteau
pieri-e voisine, le malbeureux assiste par anticipation au dédii-
de son corps, en entendant les assistants se disputer bruyam-
i meilleui's morceaux. Cette sorte de vivisection ne prend tin
loment oii le féticheur-bourreau, satislait de l'affilement de sa
)mmence ii décrire devant ses yeus une série de mouvements
; puis d'un coup terrible, il tranche la tète qui rebondit et danse
space, sous la secousse de la perche violemment redressée. Alors
la diatiibution de la viande, accompagnée de scènes répugnantes
LIS abjecte voracité.
ptembre dernier, le gouvernement belge avait accepté de sonder
verueraents au sujet de la convocation d'une Conférence
•olnvagiate. Les troubles de l'Afrique orientale avaient fait
r cette question. Récemment l'Angleterre l'a rappelée au cabi-
ïruxelles; des pourparlers ont été entamés avec TAllemagne, la
le Portugal, et les négociatioas sont as^z avancées pour que
isse prévoir que le Congrès se réunira au commencement de
ne prochain. D'après la Deutsdie KoloniaÀzeitmuf, outre la
1 de la traite, cetle,s de l'importation des spiritueux, des ai-mes
muidtions, de la détermination des frontières, seront mises à
du joui' du Congrès.
é de l'activité déployée parles puissances pour arriver à sup-
la traite par les voies diplomatique^^, les Coanitte des St>cf6-
Lii-e8clav«gtHtea sont jnvité.s par le cai-dinal Laxigerie à
des délégués à un Conerda qui se réunira il linceme du 3
Dût. Comme le porte la circulaiie de Son Émiuence, ce Congrès
I de commun avec celui des puissances, o C'est une réunion libre
ens libres des diverses nations de l'Europe, qui n'a aucun carac-
itique ni officiel <>t qui se propose simplement d'étudier à fond
ilènie que l'esclavage africain pose au XIX™ siècle et l'oblige
iidie sous peine de se déshonoi-er dans l'histoire. Chacun sera
y exprimer Sii pensée, de la soutenir, de la faire triompher, si ses
sont bonnes et se« propositions sensées.
' ■ " . ■ ''.II,,
— 183 —
a Mais sMI agit en debout du Gougrès iuteruational des puissances,
son but est de donner à celui-ci un appui dans l'opinion et de faciliter
sa tâche. En effet, les gouvernements ne peuvent réaliser que ce qui a
été à Pavance accepté ou demandé par l'esprit public et les plus belles
réformes ont besoin de trouver un écho dans la volonté de tous. C'est
ainsi que les Comités anti-escliivagistes seconderont l'action si désirable
des États. »
Le Grand Conseil de Lucerne a donné son agrément à la réunion du
Congrès, et a mis à la disposition de celui-ci la grande salle oîi se réu-
nissent les Assemblées législatives du canton. Aux tenues de la cii'cu-
laire du cardinal Lavigerie, les membres de l'assemblée nommeront
eux-mêmes, à la majorité des voix, le président du Congi'ès, et ceux das
commissions que nécessiteront les travaux inscrits au pi'ogramme. Ils
voteront l'ordre de ces travaux sur la proposition qui leur en sera faite
par une coimnission préparatoire d'organisation. Tous les Comités
anti-esclavagistes sont invités à se faire représeiiter par un et encore
mieux par plusieurs de leurs membres au Congi'ès de Lucerne. Le car-
dinal y invite également toius ceux que des titres pai'ticuliei's : la science,
les découvertes géographiques, les sentiments d'humanité, écrivains,
orateura, économistes, missionnaires, rattachent natiu*ellement à l'œu-
vre anti-esclavagiste. Ils pourront prendre part à toutes les réunions
publiques qui seront ouvertes à tous, mais ne participeront pas aux
délibérations intérieures.
Sir John H. Kennaway, M. P., a posé, devant la Houi*e of LtXky-
men de l'Êi^lise ani^Ueane, la question du devoir de l'Église en ce
qui concerne l'esclavage. Il a montré qu'un des plus grands bienfaits
apportés à l'humanité par le christianisme avait été l'abolition de l'es-
clavage par la proclamation de l'égalité de tous les hommes devant
Dieu. L'Angleterre avait contracté envers l'Afrique une énorme dette,
qu'elle s'est efforcée de payer en travaillant à faire disparaître la traite
de l'Afrique occidentale oii elle l'avait si longtemps pratiquée. Les
régions découvertes par Livingstone, Stanley, Cameron, ont ouvert de
vastes territoires au commerce et à l'extension du christianisme. Mais,
depuis l'époque de Livingstone, le peuple anglais a peu à peu appris à
mieux connaître les résultats effrayants, les souffrances affreuses et les
cruautés horribles de la traite. Pendant les cinq dernières années suin-
tent, les ravages des chasseurs d'esclaves se sont étendus foil avant
dans riiitérieur. Une intervention armée du gouvernement anglais à
serait une chose très grave. Lord Salisbiiry a promis de faire
pouiTait être fait dans ta sphère légitime de la politique. Les
esclaves ont été aboli» en Kgypte et à Zanzibar, et l'on tra-
e disparaître l'institution de l'esclavage dans l'Ile de Pemba.
ement consulte les autres puissances par l'intermédiaire delà
tin de chercher à obtenir une réunion de leurs représentante
ndre en vue d'une action commune dans la question de l'es-
de la traite. Le « Nyassa Antislavery and Defence Fund » a
DOO liv. sterl. pour organiser une force armée capable de
t attaques contre les établissements écossais du Nyassa.
spère obtenir du gouvernement ou d'un Congrès internatio-
sation de faire une croisière sur les grandes voies fluviales et
l'Afrique centrale, pour couper les communications aux tra-
'selaves. Tout ce que peut faire l'ÉgliBe anglicane, c'est de
u peuple anglais, par la voie de la discussion et de la presse,
• du mal, d'exercer son influence sur le gouvernement quand
'en pi-ésente, d'engager le Foreign Office à persévérer dans
lis biitanniques et à agir par tous les moyens en son pou-
e discussion, dans laquelle le comte Nelson, le duc de Rut-
lutres prirent la parole, l'assemblée a voté des i-ésolutions
substance que la traite, telle que la pratiquent les Arabes
que équatoriale, détruisant une multitude de créatures
't étant un des plus grands obstacles à l'expansion du chris-
de la civilisation à l'intérieur de ce continent, l'Église a le
aire entendre sa voix sur ce sujet, qu'elle doit appuyer le
Mit dans les mesures à prendre pour supprimer la traite à la
aie, comme il a contribué à la faire disparaître de la côte
, Quoique la traite dans l'Afrique centrale se pratique en
limites des territoires oii l'intervention du gouvernement
ixercer, il est urçent de faire tout ce qui peut être fait pour
fiais en comprennent les horreurs, et l'Église doit encoura-
les entreprises pacifiques, commerciales ou religieuses, qui
en amener la diminution. L'Église et d'autres communautés
seront invitées à prier spécialement pour ce sujet, et ces
seront communiquées au gouvernement par le primat d'An-
un grand meeting anti-esclavagiste a eu lieu à Green^vich
— im —
DE LA RÉGION COMPRISE ENTRE LE HAUT-NIL
ET LA COTE DE LA SOMALIE.
(Avec carte).
a (Montrée, dont la carte accompagne ce. numéro, est habitée
pl^ différents et n'a pa» de nom généiique, iioii» t>omme8 obli-
i désigner, d'indiquer ses limites extrêmes à l'ouest et à l'est,
elle ne forme pas un tout homogène, une l'égion naturelle
les cours d'eau qui l'ari-oseiit, les uns descendent à l'ouest,
les autres à Test ou au sud-est, vers l'Océan- Indien. C'est
ers le pays représenté par noti-e carte que pa.sse la ligne de
s eaux entre la Méditerranée et la Mer des Indes. Mais
sép-ariition des bassins est loi» d'avoii- été reconnu sur toute
} ; on peut même dire que, pour la plus grande partie, on en
•aie direction. Les îtinéraii'es du Haut Nil et de rAby.ssinie
? ne i-ejoignent pas ceux qui ont été tracés en partant de la
fe d'Aden ou de l'Océan Indien. Entre les points extrêmes
■ Brcinier dans la région de la Juba, par James sur l'Ouébi,
■■ dans le voisinage de Han-ar, d'Abbadie et Cecchi au sud de
et le comte Téléki vei-s le Ba.sso-Nai-ok, s'étend une vaste
nnue, oii les cartographes placent des localités supposées et
nent de cours d'eau et de routes de caravanes, d'après les
'nis par les voyageurs et les marchands. De fait, l'hostilité
les divisées en petits clans distincts et le climat ont jas-
ché tous les voyageui-s, s;iuf Janiejs, de pousser un peu loin
aires à l'intérieur de la Somalie, et il est à craindre que
;erre dans le^iuel se ti'ouve le Soudan égyptien, le mauvais
Arabes et la défiance des indigènes, qui craignent de subir le
imbreux peuples soumis aux Européens, ne contribuent à
reconnaissance de la contrée.
auquel M. Reclus propose de donner le nom de Somalie
large presqu'île de disposition triangulaire, limitée à l'ouest
ntagnes qui continuent au sud le massif d'Abyssinie et ail-
Dcéau Indien. D'après les dires des naturels, le pays s'abaisse
ir de longs gradins dispasés parallèlement à la côte de la mer
On ne connaît pas la hauteur de ces chaînes c&tièrvs, que
la Juba, le Ouébi, la Doura et l'Ouadi Nogal; mais, au
bassins, les montagnes vues par Paulitschke, James, Speke et
— 187 --
Révoil, «lit de 1500" à 2000"" tl'altitude ; d'api-ès Paiditschke, le soiumot
le pliis haut du groupe du Harrar atteindrait même 3000". A propre-
ment parler, les montagnes ([ui bordent le golfe d'Aden ne fonueirt pas
une cbatne continue,- mais une Kéi-ie de inoutR iiTéguliers qui se prolon-
gent jusqu'à l'imposante pi-esqu'Ile, tenninée i)ar le cap Gardafui, oîi se
trouve le Djebel Karoma ou mont des Aromates, dont la hauteur est
1220". Le cap lui-même se di-esse au-dessus de l'océan en une falaise de
275" de hauteur. Plus au sud, un autre promontoire, le Uaa Hafoun, se
compose d'une Ile rocheuse, jointe au continent par une tlèche de sable.
Cette suite de massifs n'envoie au golfe d'Aden que de courts tor-
rents, le plus souvent à sec. Bien qu'il soit plus vaste et moins aride, le
versant tourné vers l'Océan Indien proprement dit ne compte pas beau-
coup de cours d'eau, et queli^ues-uns d'entre eux n'arrivent même pas
jusqu'à ia mer. Les uns, comme le Daror, le Nogal, le Dehr, le Faf,
sont des tmig, c'est-à-dire des twtadi remplis d'eau seulement à l'époque
lies pluies; les autres des oiiébi ou « Heuves, » dont l'un n'a pas d'autre
nom que ce mot d'un sens général. Celui-ci, qui entraîne probablement
les eaux du Harrar et de l'Ogadeii, et que James a touché à Bari dans
sou coui-s moyen, ne peut percer le cordon de dunes qui s'étend le long
de la côte de l'Océan ; après avoir coulé longtemps parallèlement au lit-
toral, il se perd dans un lac maî-écageux. Plus à l'est, la Juba est le plus
grand ouébi de la Somalie; les explorations de Brenner, deChaillé-Long
et de von der Decken, eu ont fait connaître le cours inférieur, mais ou
est loin d'être fixé sur l'étendue et l'inipoitance de son bassin supérieur
et moyen.
Grâce aux voyages de d'Abbadie, de Cecchi, de Chiarini, d'Antonelli,
d'Aubry, etc. la région de l'Ethiopie méridionale est beaucoup mieux
founue que la Somalie; la direction générale des chaînée et celle des
cours d'eau peuvent être tracées sm* les cartes avec une assez ^i-ande
approximation ; même Cecchi et Chiarini, en 1879, après avoir travei-sé
les montagnes limitant au sud les bassins de l'Aouach et du Nil, aper-
çurent de loin les lacs Hori-aet Zououai qu'ils supposèrentappartenir au
bassin de l'Ouébi, et qui dès toi-s ont tiguré comme tels sur les cartes.
Néanmoins bien des incertitudes existent encore ; les parties connues des
coui"s de l'Aouach et du Nil présentent entre elles des solutions de con-
tinuité, et les frontières des Etats monarchiques des Galla, bien <iue tra-
cées avec une précision apparente sur la carte de Cecchi, sont loin d'être
complètement fixées. Toutefois le plus important des problèmes géofïi-a-
phiques qui se posent dans cette région est celui se rapportant à l'Omo
ru r
— 188 —
ou Ourao, fleuve dont le coui-s se développe à l'est du Kafla. Pour
d'Abbadie, un des voyageui^s qui se sont avancés le plus loin au sud
de TAbyssinie, POmo serait un affluent du Nil Blanc; mais d'autres
explorateurs, en particulier Cecchi, s'appuyant sur les informations des
indigènes font de cette rivière le cours supérieur de la Juba. M. Reclus
accepte cette hypothèse, qui est aussi reproduite par Habenicht dans sa
grande carte « Afrika. »
Cependant la découverte toute récente, etl'ectuée par le comte Téléki,
du Basso-Narok, grand lac situé au sud du Kaffa, apporte un nouvel
élément à la discussion. Personne n'a va le point oîi TOmo, après s'être
dirigé vei's le sud-ouest tournerait vei*s le sud, puis vei^s le sud-est pour
former le cours supérieur du Juba, tandis que M. Borelli, qui a voyagé
dans les royaumes méridionaux de TÉthiopie, après avoir interrogé un
grand nombre d'indigènes, croit, sans pourtant Tavoii* reconnu lui-même,
que rOmo se dirige vei'S l'ouest, là où on lui croyait une direction est,
et qu'il va ensuite vers le sud pour se dévei-ser dans un grand lac que
le voyageur appelle Schambara. Le Schambara serait-il le Basso-Narok
de Téléki, et l'Omo, le Nianam que Téléki a vu se jeter sur la rive se})-
tentrionale du Basso-Narok? Ces deux questions présentent une gi*ande
importance au point de vue géographique. Il est un autre point, lié au
précédent, qui demanderait à être élucidé. Dans quel fleuve se dévei-so
le Basso-Narok? Va-t-il au Nil ou à la Juba? Si TOmo se jette dans le
Basso-Narok et que celui-ci se rende au Nil, voilà certes une nouvelle
source du Nil, peut-être aussi importante que le Nil Bleu de Bruce ou
le Nil Blanc de Speke. Poui- M. Wautei's, l'Omo est un affluent du Basso-
Narok, et rémissaire de ce lac n'est autre que le Sobat, fleuve puissant
d'après les voyageui*s, plus volumineux môme que le Nil à leur confluent.
Le Sobat devient un gi*and cours d'eau, la branche maîtresse du fleuve
d'Égj'pte. Hâtons-nous de dire qu'il ne s'agit ici que de pures hypo-
thèses. Le Basso-Narok n'a été reconnu que sur sa rive orientale et les
contrées qui le séparent soit du lac Victoria et du Nil Blanc, soit de*s
parties connues du Sobat et de la Juba sont trop vastes pour que la solu-
tion proposée ait un degré suffisant de probabilité. Aucun voyageui* n'a
encore travei-sé ces immenses étendues oii peuvent se trouver des chaînes
ou des massifs montagneux, obligeant las enux à se diriger dans une
direction tout à fait dift'érente de celle que semblerait indiquer la carte
actuelle, encore si incomplète. Poui* le moment, le seul fait acquis, c'est
qu'un nouveau lac plus long que TAlbert a été découvert dans l'Afrique
orientale. C'est à de nouveaux voyageurs qu'incombe la tâche de fixer
'"f u'ipï
— 190 —
pour UD fusil (1() mois) ; pour des verroteries (les Ma-EaUkt) ; pour du Umbo,
cotonoade bleue :Bushinen), etc. En outre, ils reçoifent une ration de 3 livres
de maïs et de temps à autre un peu de viande. Ils coûtent à la Compagnie de
1 livre i 1 livre et 4 shillingB par mois. Ils n'ont pas un travail pénible, sont bien
e assez douce.
h£tis et hcl*tres (demi-sang).
Sont employas comme drivers, cuisiniers, interprètes, etc. Ils reçoivent un salaire
f\i- 3 livres et 15 shillings par mois, plus une ration de viande, farine de maïs, sel,
café et sucre. Ils sont tous ivrognes.
Al. Dbmaffrï.
BIBU06RAPHIE '
Frederick Stanley Ariiot. (iakemianke or beven vemis' Piokrek
MnwiON WoEK IN Centrai, Africa. Londoii (.laines-E. Hawkiiisl, 188!t.
111-8", •2'i(i p., 2u illust. et uue cartf, fr. 4.40. ^ Le Gartnigaii/é l'st un
Fltat de l'Afrique cfiiti-aie situé vers le 10"" degré de lat. sud et entre le
■J7"" et le 26'"' degi-é de long, est, c'est-à-dire au noni-oue^st du lac
Baiigouéolo. Il est arrosé par la Lûufira, qui est elle-niênie tributaire du
cours supérieur liu Congo, dans lu région oii il porte le noiu de Loua-
poula. Les voyages de Reinhaidt en 1884 et de Capello et Iveiu* eu
188.') ont peniiis de inarquer cette contrée sur les cartes, toutefois c'est
M. Arnot (jui nous l'a fait connaître dans ses détails. Notre journal a
déjà parlé plusieurs fois de ce missionnaire qui. comme Livingstone, est
en même temps un voyageur tle mérite. De i-etour en Eui-ope pour quel-
ques mois seulement, le temps lui a manqué pour écrire un récit com-
plet et détaillé de .<i's explonitions. Sa cori'e.<poiidancc, les discoui-s
qu'il a drt prononcer dans différentes localités, les démarches faites en
vue de rextciisioii de sou feuvi-e mit absorbé la plus grande partie de
son temps. Aussi, l'ouvrage qu'il présente aujourd'hui au public n'est
pas ime narration étendue de ses voyages ni une description complète
des pays qu'il a parcoui-us. C'est simplement la reproduction de notes
prisfsi au jour le jour, notes qu'il a développées en s'aidant des lettres
qu'il envoyait il Sii famille et de ses s<iuvenii's pei-sonuels. Tel qu'il est.
l'ouvrage ne peut que plaii-e aux amis des mis,<i(nis et des seiences géo-
graphiques qui attendaient avec impatience le récit de M. Ai'Uot, Ce
liviT écrit d'un style simple et original, avec toute la fraîcheur d'une
' On peut se procurer k la librairie H. Georg, à Genève et à Bâie, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans VAfriqut explorée et civUisie.
w
œuvre faite au jour le joui-, k mesi;
" rtïèt la forme du journal ; presq
ikte. Eu outre, les cbapiti'cs sont i
paragraphes, précédés cliacuu d'un
clarté règne dans U' coure ilu récit
Elle est longue cette odyssée de
rjpur de l'Afriiiuc;. Cette grande tr
celle de Mviiigstone, et si les vt
rek'ntissemeiit que ceuic du ^rand
lie peiue, ni exigé moins de courap
b colonie de Natal, eu juillet 18K
la région du /ainbêze moyen, api
Sbuslioug. De 1882 îi 1884, il resta
ma-Tenka, Soshéké et Lcaluyi, d'
iKiis, seiihoi- Porto. Là, il fut rais
Msidi, ou Msiri, roi dutiarengau/
bouillies blancs de venir le visiter,
tance considérable de la côte occiil
sméed'obstjicles et di.- dangers.
réHéciii, le juissioniiain; se décida
Ce voyage lui prit plusieui-s mois,
ari-ivée, les trafiquants arabes tir
Usidi de le i-ecevoir, mais celui-
s'instruire, ue les écoula pas. Peu
résolut de se tixei- auprès de lui et
àou. Après uu séjour de deux an
revenir pour quelque temps eu An
4in ii-uvre dont il confia la directii
àonnaires, MM. Hwnu et Faulkno
voyage de retour s"etleclua par Iv
gufla. De là il ^agua l'AngleteiTe
m est reparti ît la tiu de mare de i
Le livrt; qui raconte ces longues
ferme un chapitre sur le (iareiig;
iiiti'irêt. U est oi-né de plusieurs gr
empruntée aux Prvceedinr/s di: la
tioii de la i-oute de M. Arnot de I
tiite au VioMotoi c'est-à-dire à li
Afrika publiée par Justus Perthès
W:
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/
'A
ià,
1* ■ 4
Lt.
y.
< •
y ^\
— 192 —
i> Einil Holub. Von der Capstadt ins land dkr Maschukuli
Wien (A. Hôlder), 1888 et 1889, in-8°. L'ouvrage paraît à raison de 2
vraisons par mois. D renfermera environ 180 gravures originales sur bo|
et deux cartes. Prix de chaque livraison, 30 kr. — Le D' Holub, dont
''; i belle description du peuple et du pays des Ba-Rotsé est bien connue,
V ;; accompli de 1883 à 1887 un second voyage au Zambèze par le Cap, Ci
lesberg, le Transvaal occidental, le Limpopo et les lacs salés du Mal
Karri. Du Zambèze, il s'est avancé vers le nord et a atteint le pays d<
Ma-Choukouloumbé, inconnu auparavant, mais marqué sur la carte d{
^>^ Livingstone sous le nom de Ba-Choukouloumpo. Cette contrée arroî
par la Louengoué est riche en pâturages et en bétail. Venus du noH
V . depuis deux siècles environ, les Ma-Choukouloumbé sont en lutte coi
stante avec les Ba-Rotsé qui leur volent leui* bétail et réduisent en es(
vage leurs femmes et leurs enfants.
C'est le récit de ce voyage ainsi que la description de la région a^
nord du Zambèze moyen, dont M. Holub vient de commencer la publia
tion par livraisons. Il a surtout eu en vue d'écrire un ouvrage de vulgj
risation qui puisse être mis entre toutes les mains. La narration est coj
duite avec verve ; on croit voir le voyageur, sa fenmie et les blancs q\
les accompagnent avancer à travers la contrée, tantôt fertile, tani
déserte, conduisant leurs chariots attelés de longues files de bœuCs si
perbes. Des gravures nombreuses et fort bien exécutées font compi
dre les épisodes du voyage et permettent de se représenter les types di
végétaux et d'animaux dont la description se trouve dans le texte. Op
sait que le D' Holub est un naturaliste de grand mérite, de sorte que
son ouvrage, en même temps qu'il distrait, inculque dans l'esprit du
lecteur des connaissances solides sur la flore et la faune généralement
peu connues de cette partie de l'Afrique australe. A ce titre, l'ouvrage
plaira non seulement aux gens du monde, mais aussi aux géographes et
aux amateurs d'histoire naturelle. La 15"*' livraison est accompagnée
d'une carte dressée par l'explorateur d'après ses propres détermina-
tions, avec plus de cent cotes d'altitude le long de son itinéraire, de
Colesberg à Kazoungoula et aux chutes Victoria, à travers l'Etat libre
de l'Orange, le Transvaal, les territoires du protectorat britannique du
Be-Chuanaland et du pays des Ma-Tébélé. Il est donc possible de se
rendre exactement compte du relief du terrain sur cette ligne, du 31* au
18° lat. sud.
Nous reviendrons sur cette importante publication lorsqu'elle sera
terminée
^
r
il
i
— 193 —
BULLETIN MENSUEL ( 1 juillet 1889^).
A l'occasion des progrès faits par les Senoussis dans le Soudan
oriental, le Bulletin de la Société africaine d'Italie a donné les rensei-
gnements suivants sur cette secte avec laquelle les représentants de la
civilisation européenne dans TAfirique septeatrioaale doivent
compter. Le Khalifa, ou lieutenant de Dieu, a sous ses ordres toute une
hiérarchie de Khoumas (frères ou compagnons), de Mokaddems (pré-
fets), d'Aghas (doyens) et d'Oukils (procurateurs), qui tous ne sont que
des esclaves du chef suprême. Des courriers spéciaux sont toujours à la
disposition du khalifa, et, avec la rapidité de l'éclair, communiquent aux
autres fonctionnaires de la communauté les ordres de la zaouïa centrale ;
les nouvelles graves sont confiées à des messagers particuliers qui les
portent de vive voix avec une célérité incroyable. Chaque année, à une
époque fixe, le khalifa convoque les Mokaddems dans un synode à Djer-
bib, dans lequel sont examinées la situation morale et la position finan-
cière du senoussisme, et étudié le programme des actes à accomplir
l'année suivante. La secte s'est imposée aux divers gouvernements mu-
sulmans, égyptien, tunisien, turc, qui l'ont comblée de faveurs et lui
ont accordé des immunités fiscales et de vastes concessions de territoire.
Elle compte 15 stations au Maroc, 25 en Algérie, 10 en Tunisie, 66 en
Tripolitaine, 17 en Egypte. Elle a complètement envahi le Wadaï, dont
le sultan est un de ses plus fervents sectateurs. La propagande ne se
borne pas à la race blanche ; la race noire a été gagnée par les nom-
breuses écoles fondées dans le Soudan, qui ont étendu l'influence de
la secte de la Sénégariibie à Timbouctou, à Cano, au lac Tchad, au Bahr-
el-Ghazal, jusqu'au pays des Danakils, des Gallas et des Somalis.
Grâce aux efforts déployés dans la lutte contre les criquets dans la
proviace de Coastaatine, il est permis d'espérer que les récoltes
seront présentées. L'éclosion a été beaucoup plus considérable qu'on ne
pouvait le craindi*e; mais les administrations provinciales et commu-
nales ont su organiser la défense sur tous les points menacés, avec
énergie, et la soutenir avec persévérance. Des milliers d'indigènes ont
été réquisitionnés, des soldats ont été mis par l'autorité militaire à la
* Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Nouvelles com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à PEst, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
L'iFRIQrE. — DIXIÈME ANNÉE. — N** 7. 7
— 195 —
siècle. Or c'est au dixième siècle que la dynastie si
Haute-Ethiopie fut renversée par l'usui-pation d'uoe p:
gion juive, dont la dynastie régna pendant un siècle
nord de l'Abyesinie et y persécuta le christianisme. Du
pation, la dynastie précédente se retira dans le Choa. U
des familles chrétiennes de l'Abyssinie septentrionale,
la tyrannie de l'usurpatrice, aient émigré vers le sud
des colonies chrétiennes. Kintu, le fondateur du ro;
Ganda aurait fait partie d'une semblable émigration.
D'après une lettre de l'Oy-Rouri, & l'est du Vict
2 décembre, arrivée à Zanzibar, Stenley a de nouvet
chir la distance de Bonalya, sur rArououimi, au lac Albe
Ërain-pacha. Sans doute il lui a remis les provisions <
qu'il était allé chercher au camp de Yambouya. Aux tei
il semble qu'Émin-pacha serait i-esté dans l'Ou-Nyon
Albert, pendant que Stanley, pour lequel un dépôt de
été étabh à MsaJala, au S.-£. du Victoria-Nyanza, sérail
Bouri. Sa caravane avait perdu un assez grand nombr
la maladie, d'autres étaient blessés, ce qui Indique
Accomplir sa tftche sans avoir eu de nouveau à comh
paraissait épuisé de fatigues et de privations. Une d<
Londres porte qu'après s'être ravitaillé, Stanley i
rejoindre Ëmiu-pacha dans l'Ou-Nyoro ; il ne faudrai
tendre à le voir prochainement revenir par la côte or
part, d'après une coœmumcatiou du D' Hans Meyei
géographie de Berlin, M. Stokes, conducteur des caravi
anglaises du lac Victoria, a conduit dans le Kavirondo p
ges de provisions pour Stanley. La secoude expédition ai
pour Ëmiu-pacha, qui est partie de Mombas en nove
dernière, et qui devait ti-averser le territoire de la sj
anglaise eu profitant du lever de la carte du comte 1
pénétré assez avant dans l'intérieur pour tendre la
Mais voici qu'un télégramme de Zanzibar, du 16 juin, i
de lettres d'Oudjidji sur la côte orientale du Tanganyil
mars, d'après lesquelles Stanley aui-ait opéré sa jonctio
et renvoyé au Congo ses malades. Les lettres portaie
se disposait à gagner la côte orientale avec Kmin-pai
Tipo comptait être rendu à Zanzibar dans quat
de chercher à concilier ces diverses nouvelles, nous n(
1"
— 196 ^
sous silence celles qui sont arrivées par la voie du Congo. Tout d'abord^
d'après le Mouvement g^raphique, l'expédition Becker partie de Léo-
poldville, le 23 janvier, pour les Stanley-Falls, était arrivée à destination
le 16 février, n'ayant mis que 25 jours pour remonter le tleuve. Tipo-
Tipo aurait manifesté une grande satisfaction de revoir l'oflScier belge
avec lequel il avait entretenu jadis, à Tabora, d'excellentes relations.
Mais, s'il faut en croire le Temps du 2 juin, de graves nouvelles sont
arrivées des Stanley-FaJls par l'intermédiaire du major Parminter.
Tipo-Tipo ayant appris la prohibition de l'importation des armes et des
munitions par le gouvernement allemand à la côte orientale, aurait fait
savoir à l'État indépendant du Congo que si, dans un délai de six mois,
il n'obtenait pas 200 fusils avec des cartouches, il cesserait de se consi-
dérer comme étant à son service. Il aurait vu avec chagrin l'État du
Congo établir le camp retranché sur l'Arououimi, et aurait préféré res-
ter seul maître de la clef du haut Congo. Le Mouvemetd géographique
qui mentiomie la présence de Tipo-Tipo aux Stanley-Falls le 16 février,
ne dit point que le chef ai'abe fût informé de la venue de Stanley à
Oudjidji, ni qu'il se disposât à quitter son poste poui* se rendre au Tan-
ganyika ou à la côte orientale, ni qu'il eût envoyé ou qu'il se préparât à
envoyer dans cette direction une caravane de renfort ou un convoi de
ravitaillement à Stanley. Il ne nous paraît pas que nous ayons des don-
nées suffisantes pour résoudre le problème posé par les dépêches reçues
de deux côtés opposés.
M. le missionnaire Price, qui vient de passer une année à Mombas
et dans les stations avoisinantes, a pu annoncer à l'Assemblée générale
de la Société des missions anglicanes que, malgré les difficultés surve-
nues dans l'Afrique orientale, l'œuvre de Mombas a fait des progrès;
une école a été ouverte pour préparer des évangélistes et des prédica-
teui's indigènes ; une mission médicale a été fondée dans la même ville ;
les femmes ont aussi été admises à prêter leur concours à l'œuvre mis-
sionnaire auprès des femmes et des jeunes filles. La British East African
Company a engagé les missionnaires à suivre ses agents xsur la route
qu'elle ouvre pour faciliter les communications de Mombas avec l'inté-
rieur. Quelque sombre que paraisse le présent, il n'y a pas lieu, pour les
missionnaires, de perdre courage. Au milieu des obscurités qui les entou-
rent, il y a des points lumineux qui relèvent leurs espérances. — Après
M. Price, le colonel Evan Smith, consul général britannique à Zanzibar,
a insisté siu* les difficultés qui se présentent à ceux qui voudraient faire
entrer le continent africain dans le concert des nations civilisées. La
W4
VS*
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-f'*
.».'î*j
^'ô
— 197 —
<
régéuératiou de ces multitudes de noirs est une œuvi'e twp vaste pour
qu'elle puisse être entreprise par aucune puissance étrangère. Ce sont
les indigènes qui doivent s'y employer, mais la préparation de ceux-ci
est entre les mains des missionnaires. Les pionniers de la civilisation,
géographes, explorateurs ont été soutenus; l'influence des missionnaires
commence à se taire sentir même à l'intérieur; mais ils ont besoin d'être
appuyés. La situation est rendue diflScile dans l'Afrique orientale par
l'esclavage et par la traite, deux choses distinctes qu'il ne faut pas con-
fondre. L'institution de l'esclavage doit être éventuellement abolie par
les Africains eux-mêmes (V). La tâche est trop gigantesque pour qu'au-
cun gouvernement l'entreprenne ; pour amener l'abolition de l'escla-
vage, il faut faire comprendre aux natifs que c'est un fléau et une
dégradation. Voilà une des diflScultés que la Société a devant elle ; il
faut instruire les tils de l'Afrique à aller eux-mêmes répandi-e le chris-
tianisme chez leure frères dans tout le continent.
La Société allemande de l'Afrique orientale possède une
station à Mponapoua, à 300 kilom. de la côte, sur la route de Baga-
moyo à Tabora et au Tanganyika. Au mois de février, le fondé de pou-
voirs de la Société à Zanzibar envoya à MM. Giese et Nielsen, ses agents
à Mpouapoua, trois messagers porteui's de petites lettres pour les engager >V;^
-à revenir à la côte. Les lettres furent cachées dans les petites poches à >A'i
amulettes que les noirs portent toujours sur eux. Bouchiri fit arrêter /.^
et fouiller les messagers, mais sur leur déclaration que ces poches
contenaient des remèdes magiques, un Arabe s'opposa à ce qu'elles fus-
sent ouvertes. Pour le retour, le lieutenant Giese cacha des lettres dans
le magasin de la crosse des fusils de.s porteurs ; mais ceux-ci, prévoyant
que leurs armes leur seraient enlevées, les cachèrent de nouveau dans
les susdites poches. Ce qu'ils avaient prévu arriva ; Bouchiri s'empara
<ie leurs armes, mais les lettres parvinrent à Zanzibar. Le lieutenant
Oiese écrit que tout est tranquille dans l'Ou-Sagara, et que, comme la
route de Zanzibar est fermée, il essaiera, avec M. Nielsen, de parvenir
à Mombâs par Moschi et Taveta. Il ressort de nouvelles ultérieures que
ce projet a dû être abandonné. MM. Giese et Nielsen se sont décidés
à rester à Mpouapoua qui est fortifié ; mais la Société africaine alle-
mande leur a fait dire que, dans l'état actuel des choses, il importe à
leur sûreté qu'ils quittent la station.
A la suite des démarches faites auprès du gouvernement anglais par
ies délégués de la Société des lacs africains et des Sociétés missionnaires
4\\x\ ont des stations dans la région du lac Nyassa, il s'est produit eu
.i
faveur d'un plan d'exteosion de l'intlueuce
'Afrique, publié dans un article du lïmeg
iutt :
ilques sociétés ont essayé de faire, au sud
é des lacs africaios a fait au nord de ce
ne pas son activité au lac NyasM», elle
t lacs Hoflpo et Bansonéolo, aux tei^
;es et la mort de Livingstone, et au cours
3Stion de transformer la Société des lacs
plus vaste qui prendrait l'admiiiistratioa
1 sud du Zambèze, oii prédomine actuelle-
li n'ont pas de gouvernemeut solide. Son
émité sud du TaoganyikB, à la côte occi-
s méiidiooales de l'Ëtat indépeadant du
orientales et occidentales des possessioos
lites du protectorat britannique sur le
pays les plus riches do l'Afrique centrale;
: anglaise, une communication se trouve-
t Nil. Les chefs indigènes sont partout
sur la plupart, conclu des traités avec la
■es associations disposées à prendre part à
icours amical de la East British Africau
icîers d'Angleterre et du Cap appuient ce
■opique ne manque pas dans le Conseil
ité soumis au Bureau do^ colonies et au
Ui favorablement. On ne doute pas que le
'entreprise, par une charte royale, les
es à ta East British African Company. Ce
( l'Afrique australe anglaii^e pourra pren-
ile, et que les missions et les entreprises
ourront obtenir l'appui du gouvernement
iccordé,
nu sud (lu Zambèze sont la Lord Gifford's
Company. La première, appelée aussi la
tauy, étend ses prétentions sur tout le
1 Zambèze, au nord, et au lac Ngarai, A
avec Morémi. L'autre Société, qui prend
ish African Company, prétend avoir des
; le Ma-Shonaland, quoique Lo Bengula ait
m Rhodes. Au uord du Zambèze, la non-
— ni-
velle Société travaillerait à faire déclare
tout le pays h l'ouest du 35° long. Est,
Moêro et Bangouéolo, que les Allemands
comme situés dans ta sphère d'intlueuce a
Il est possible que le plan susmentionni
tains esprits en Angleterre, mais nous do
gne et le Portugal en permettent la r
Deutsche Kolomai Zeitung a d^à appeli
département des affaires étrangères de l'e:
projet publié par le IHmes était-il connu, (
représentés dans la Chambre des pairs du
ration ainsi conçue : « La Chambre, affinr
du Portugal dans l'Afrique orientale et
découverte, la conquête, l'occupation effec
ciale permanente, espère que le gouvernen
ces droits qui, dernièrement encore, ont é
constatés par les convention.^ passées ave
qu'il s'efforcera de faire respecter les lé
portugaise dans ces régions. » Cette moti(
par les deux Chambres.
Des inondations ont désolé la province de
liqueg publient à ce sujet une lettre de 1
empnmtons les détails suivants. Dans h
pluies ont été tout à fait extraordinaires
une crue de 3" et atteignait la hauteur
étaient à craindre; il fallait sui-tout pi-ot^
de la ville. Elles sont réputées saci-ées pai
sont l'œuvre du fondateur de la dyna
le signal d'alarme était donné et touti
pour aller renforcer ta chaussée. Le prt
à la hâte, accompagné de ses aides
royaume, pour diriger et encourager I
général de France et Mgr Cazet s'y rendi
quelques ingénieurs français dont l'expér
Le danger fut momentanément conjuré,
tioD, on ouvrit la digue de la rive gauche
rejoindre celle qui de.scendait par la plain
plissait déjà la vallée du Sisaouy. L'Ikoi
' Voy. la carte V"" année, p. 164.
— 200 —
digues euti^ Ambohipéuo et Mahitsy; aussitôt l'immense et riche
plaine de la rive gauche fut inondée, et le lac d'Ambohipo monta de
deux mètres, couvrant les propriétés voisines. La digue du côté gauche
s' étant rompue, le lac baissa de 1°*,40 et la plaine de Jalasora reçut tout
le torrent dévastateur. Tous les joui*s on travailla aux chaussées ; outre
les grands dignitaires, les princesses de la course sont fait plusieui's fois
transporter sur divers points en chaises à porteurs. Les digues, détrem-
pées à la longue, menaçaient ruine. Pour dégorger la rivière, le premier
ministre fit pratiquer deux saignées à gauche, en face d'Amboniala. Les
rizières, d'abord assez épargnées jusqu'à Ambohidrapeto, sont égale-
ment dévastées. Une partie de la récolte était faite, mais dans la plaine
de Jalasora la totalité était encore sur pied. Les rizières sont endomma-
gées pour longtemps. C'est donc une grande perte. Sans doute, le Mal-
gache vit de peu ; néanmoins il y a là mie souixe de misères de tous
genres.
VAJrican Tinter annonce que la première expédition envoyée par la
Société allemande de commerce et de colonii^atioii est
heureusement ai'rivée au sud de l'Afrique. Elle s'est rendue sur la
rivière Saint-John, dans le Pondoland, par 32** lat. sud, pour y étaWir
une factorerie centrale et pour faire les préparatifs nécessairas à l'éta-
blissement d'une plantation. Les principales cultures qu'elle a en vue
sont le tabac et le maïs. Une seconde expédition, composée, d'agricul-
teui'S et de mineurs, suivra prochainement; une troisième, éntin, sera
transportée par un steamer appartenant à la Société; elle comptera
des fermiers et des mécaniciens, et jettera les bases d'une ville alle-
mande sur la rivière Saint-John. Le steamer fera des courses régulières
entre Walltish-Bay et Delagoa-Bay, en touchant à Aiigra-Pequena,
Capetown, Port-filisabeth, East-London, Saint-John et Durban.
A propos de l'objection faite à la construction du chemia de fer
du Cong^o, par les personnes qui prétendent que l'on ne pouri'a pas
trouver en Afrique les bras nécessaires pour ce travail, le Mouvement
fféoffraphique de Bruxelles répond par les expériences faite^^ dans ces
dernières années. Le Portugal a construit le chemin de fer de Saint-
Paul de Loanda à Ambaca, en n'utilisant que des noirs comme terras-
siers. L'É.tat indépendant du Congo a recruté facilement pour ses tra-
vaux, en dehoi's de son territoire, des Krooboys de la côte de Monrovia
au cap Palmas, des Why de Libéria, des Haoussas de la côte des
Esclaves, des Loangos et des Cabindas, des Zanzibarites et des Cafres ;
et sur son territoire, des Ba-Ngala qui, jusqu'ici, se sont montrés bons
— 201 —
terrassiers, travaillant avec entrain et émulation, ainsi que des indigènes
de la région des cataractes. A Manyanga, à Loukoungou et à Lutété,
ont été i-ecrutés des milliers dMndigènes pour le transport du Stanley,
de la Ville de Bnioceiles, du Roi des Belges; on prétendait que les nègres
des deux rives du Congo ne traîneraient pas les chariots ; il n'en fut
rien ; un assez grand nombre d'entre eux furent même employés aux
réparations de la route, et ce travail ne les rebuta pas plus que l'autre.
Quant aux maçons, aux charpentiers, aux forgerons et aux chauffeurs,
t les possessions anglaises de la Côte d'Or en fournissent en grand nombre.
On trouve également des charpentiers et des maçons parmi les Cabindas
et dans la pT'Ovince d'Angola.
Le Mouvement géographique publie les renseignements apportés à
Bruxelles par le lieutenant Liebrechts, ancien commandant du district
de Slmnley-PfKil. En deux années, la s-tation de Léopoldville a été
transformée. Très fréquentée d'abord, mais affamée par une nombreuse
population, en partie flottante, en partie stable et commerçante, mais
nullement agiicole, il en a fait le centre de vastes cultiu'es, dont les
champs suffisent à la nourriture de la garnison. L'exemple a été imité,
et les tribus yatéké se sont décidées à travailler la terre au lieu de
s'adonner exclusivement au trafic de l'ivoire et du caoutchouc. L'auto-
■
rite de l'État indépendant s'est étendue du district de Stanley-Pool
jusqu'à la rivière Inkissi ; la coutume de l'épreuve par le poison a beau-
coup diminué ; les guerres locales ont pour ainsi dire cessé, les diffé-
rends étant soumis à l'arbitrage du chef blanc. Par suite des entreprises
commerciales des maisons européennes dans le haut Congo, les Ba-Téké
ont perdu le monopole de l'ivoii-e. Ds ont eu récemment la naïveté de
proposer à M. Liebrechts de le rétablir à leur profit ; il leur a été
répondu : « Le commerce est libre pour tous; pour vous, le moment est
venu de cultiver et de pêcher. » Le port de Léopoldville a été amélioré
par l'établissement d'un plan incliné pour la réparation des bateaux,
aussi ceux-ci ne doivent-ils plus subir de longs chômages comme aupa-
ravant. C'ast M. l'ingénieur Vandenbogaerde qui a pris le commande-
ment du district.
La Florida, vapeur de la Société belge du haut Congo, a rapporté de
bonnes nouvelles des établissements créés sur le Kassaï, et notamment
de la station de lioiiloualioiirg^, oti conmiandent MM. Braconnier et
Légat. Une lettre de ce dernier donne les détails suivants : « Loulouabourg
ne ressemble en rien aux autres stations de l'État. C'est le pays des
plantations, du bétail, des grandes collines ondulées couvertes d'une
— 202 —
oartc. C'est plutôt la vie des Boëi*s que celle du Cougo que nous
ici. Nous dressoQH des taui-eaux à la monte et ils valent bien
aux. Us sont parfois assez méchants, mais l'on s'y habitue. Au
, jamais un cheval ne saurait faire ce que fait un taureau,
!r les rivières à la liage, grimper les côtes les plus abruptes,
ire les pentes les plus fortes avec une sûreté de pied admirable
ligueur san» pareille. J'ai dressé pour mon service un énoime
1 alezan ; il marche très bien et vous seriez étonnés de me voir
.e bète franchir les obstacles au galop, aussi aisément que sur le
r cheval de course. Le troupeau de la station est déjà assez nom-
30 têtes). Tous les jours nous avons du beurre frais et du fro-
juant aux indigènes de la région, ce sont les meilleurs nègres
:onnais»e. Bref, je me plais extrêmement ici et je ne suis jamais
. » C'est beaucoup dire, car M. Légat est parti pour le Congo eu
t ne l'a pas quitté pendant ces huit années.
ilssion amëpicaine dn Gabon, qui va remettra è. des mis-
res français ses stations situées dans cette colonie, eu a d'autres
l du Gabon, à Corisco et Benito, sur territoire espagnol, à Bato,
3 neuti-e, et à Batanga, sur territoire allemand dépendant de
>un. A défaut de missionnaires, ces stations sont remises à des
les. Suivant une résolution prise dans une conférence h Kangoué,
éricains doivent choisir un emplacement sur territoire allemand,
k construite la station centrale d'un nouveau champ de travail
itte région. Une lettre du commandant de Camerouu stipule que
ion américaine sera reçue sur ce territoire à la condition de se
seulement de la langue indigène dans ses rapports avec les natifs,
dans le cas où une langue étrangère serait enseignée, ce devrait
lUemand. Il demande en outre un missionnaire sachant suffisam-
allemand pour représenter cette mission auprès du gouvei-uement.
Compagnie fi-ançaise de la côte occidentale d'Afrique a obtenu le
'exploitation du guano des lies Alcatraz. Celles-ci sont recou-
d'un épais dépôt de cet ejigrais ; les couches supérieures, dit-on,
t à désirer ; mais les inférieures, moins lavées par l'écume de la
: moins balayées par le vent qui souffle continuellement sur ces
s déserts, compenseront certainement les etforts faits par la Coni-
pour la mise en valeur de ces dépôts vieilles. L'agriculture fran-
Lura là un aliment qui l'attinnchii-a du tribut qu'elle a jusqu'ici
l'étranger, et la colonie du Sénégal trouvera dans la taxe d'ex-
ion une source importante de revenus.
HOUVEU.es COMPLfiHENTAIRES
D'après le rapport du consul belge à Alexandrie, le commerce en
et l'Egypte prend an essor considérable. En 1885 l'importatioi
égyptiens en Belgique ne s'élevait qu'à la somme de 346 ^, eu 1
de 60,158 ^. Dans le ni6me laps de temps, l'exportation est mont<
i 136,477 ^.
n ne parait pas que les négociations entamées entre le capitaii
Bonchiri aient aboati, puisque, d'après les dépêches de Zanzibar,
être déclarée aux Arabes de la c6te de Tanga ft Lindi, que Saadi
ont été bombardés par l'escadre allemande, et que le camp de
attaqué, pris d'assaut et brûlé par les marins des vaisseaux allem
Les Somalis engagés par le D<' Cari Peters pour l'expéditioi
«ecours en fa-reur d'Emin-pacba sont tombés malades; ils ont <
Aden snr le narire allemand 'Elitah^'K avec sa cargaison d'armes
dont le représentant britannique n'a pas voulu autoriser le débart
Sur la proposition de M. Stœcker, le Parlement de l'empire ail
de demander ani États alliés d'examiner si et comment le comi
de-vie en Afrique pourrait être restreint.
La mort snbite du colonel MacMurdo, le promoteur du cbem:
baie de Delagoa, risque de compromettre la continuation de cetti
plus que, dans quelques mois, sera échu le terme auquel elle devi
Le D' Hans Meyer se prépare à retourner pour la troisième fois a
Nons espérons que les troubles de l'Afrique orientale ne nuiront ]
Telle expédition comme c'a été le cas pour la seconde.
Depuis quelque temps on était inquiet snr le sort du lieaten
Antonio Cardoso, que le gouvernement portugais avait envoyé
ciale sur les bords du lac Nyasaa. Des nouvelles satisfaisantes sont
ces inquiétudes. L'envoyé portugais a pu déterminer neuf rois d(
accepter l'autorité du gouvernement de Lisbonne. — D'autre par
gais qui défend la baie de Tunga a été attaqué à l'improviste
qui, d'après une dépêche de source anglaise, s'en seraient emparés,
partie de l'escadre portugaise qui devait prendre part au blot
s'est rendue à la baie de Tunga.
Le Volksraad de l'État libre du fleuve Orange a ratifié le trait
commerce, ainsi que la convention pour les chemins de fer ave
Sud- Africaine. 11 a en outre nommé un commissaire pour faire
question d'une union fédérative avec le TransvaaI.
Une Compagnie anglaise a été autorisée à installer l'éclair.
Johannesbourg.
Le préaident de l'État libre du fleuve Orange a accordé au g
la colonie du Cap la concession d'un chemin de fer de l'Orange
«t jusqu'au Vaal.
— 204 —
'tation de l'or des colonies du Cap et de Natal ne s'éuit
137,080 <^, elle a monté, en ie88,à 991,093^, et dans le»
de cette année-d, elle a déjà atteint )e chiffre de 423,089 ^,
|ue Lo-Bengula arait en*oyéB en Ânglet^re. pour obtenir
trt de la Graude-BretagDo an s^jet du pays des Ma-TébélÉ,
erley. Tout heureux d'échapper & la vie des riltes pour
ixemptc des restrictions qu'imposent les conventions de la.
i sont bien rite repartis pour Qonbouloaouajo.
amené la crf^ation à CapetowD d'une Société pour l'ezploita-
riféres du Damaraland : Omaruru Gold Mining and Expiai-
un capiul de 60,000 ^. À la tète du comité fondateur w
tenzie; plusieurs Allemands en font aussi partie. La Société-
it compte étendre son exploitation dans toutes les directions.
lis, commandant de l'avant-garde de l'expédition destinée au
a da commencer par rétablir la paix dans plusieurs con-
duits des troubles. Les chefs de tribus ont mis fin à leurs
Grenfell a quitté son ancienne résidence de Kinchassa, pour
sa famille à la nouvelle station créée à fiolobo par les
léricaJQS out fondé une nouvelle station à Tchonmbiri.
e Daumas, Béraud et C* a créé un nouvel établissement sur
eamers du Congo français, a quitté Stanlef-Pool pour s»
luve, ayant i bord M. Dolizie, le résident de Brazzaville,
'organiser des expéditions qui, du camp retranché sur
int des recoonaissances dans le pays parcouru par Stanley
et tAcberoDt de résoudre les problèmes orographtqnes et
s'y rattachent.
de Dahomey d'Être placé sous le protectorat de la Grande-
cordée.
glaises de la Gambie et de Sierra Leone qui, jusqu'ici, étaient
e administration, ont été séparées et forment maintenant
da Sénégal publie deux décrets ratifiant les traités qui pla-
l'Abron et le Bondoukou sous le protectorat de la France.
CHRONIQUE DE L'ESCLAVAGE
i générale de la Société des missions anglicanes du
, un des fondateurs des établissements de Frere-
les esclaves libérés, a déclaré qu'une des plus fortes
r
-TT^j-.
— 205 —
baiTières qui s'opposent à toute espèce de progrès dans l'Afrique orien-
tale c'est la terrible institution de la traite. Elle n'est pas seulement
<iémoralisante pour ceux qui font le trafic des esclaves, mais encore pour
«eux qui s'efforcent d'accomplir l'œuvre de la philanUiropie chi'étienne.
Le blocus établi pour empêcher l'exportation des esclaves par mer gêne
la liberté du trafic; qu'arrivera-t-il lorsque le blocus sera levé? il n'est
pas nécessaire d'avoir beaucoup de perspicacité pour prédire qu'il y
aura une réaction. Il est urgent de chercher d'autres moyens pour arri-
ver à la suppression du fléau. M. Price croit que prochainement de
vigoureux efforts y seront employés. Il a exposé au comité de la Société
les embari'as dans lesquels se trouvent les missionnaires de Rabaï par le
fait du grand nombre d'esclaves fugitifs accourus sur le territoire de la
station et les difficultés pratiques qui naissent de l'obligation de ren-
voyer ceux qui s'y réfugient.
Nos lecteurs se rappellent qu'ensuite d'une comparution devant un
juge consulaire anglais, en 1880, à Mombas, MM. Streeter et Binns,
missionnaires, avaient dû renvoyer les fugitifs que les Arabes et les
Souahélis disaient leur avoir appartenu, sur quoi ces malheureux
s'étant enfuis dans la campagne y avaient. été traqués comme des bêtes
fauves par cinq ou six cents Souahélis armés . Le consul général anglais
avait même blâmé les missionnaires d'être allé trop loin dans leur pitié
pour les esclaves fugitifs, et le comité de la Société des missions angli-
canes leur avait donné comme direction de n'en plus recevoir à l'avenir
et d'inviter à retourner chez leurs maîtres ceux qui se présenteraient à
la station.
Le colonel Ewan Smith, consul général anglais à Zanzibiar, a insisté
auprès de la Société des missions anglicanes pour que, aussi longtemps
que l'esclavage domestique est reconnu par la loi du pays, elle donne à
ses agents, comme direction, de subir les conséquences de la loi et de se
concilier l'opinion publique à ce sujet, mais en même temps qu'elle
porte toute son attention sui* le devoir de procurer par tous les moyens
possibles l'abolition de l'institution légale de l'esclavage.
Les Missions d'Afrique publient une lettre du P. Ijourdel qui ren-
ferme, sur la vente des enfanta dans l'Ou-Ganda, les détails sui-
vants : « La centaine d'enfants que nous avons pu racheter n'apparaît
guère que comme des Mari nantes in gxirgiie vasfo en comparaison des
milliers de pauvres êtres qui croupissent au milieu des horreurs de la
servitude. Faute de ressources, nous devons nous résigner à en laisser
vendre le plus grand nombre aux négriers musulmans. Vous dirai-je
— 206 —
serrement de cœur lorsque nous voyous ces infortunés enfants
tristement sur la route qui longe notre baDaneraie, pour être
ts sur les misérables pirogues qui doivent les éloigner pour lou-
e leur pays, et où ils seront eotassés comme des moutons, les uns
autres, pour succomber enfin, en partie, sous les ooups de la
de la petite vérole et de la peste V
arrive plus d'une fois qu'un pauvre Ma-Ganda est obligé de voir
son enfant, son frère ou sa sœur, faute du prix de rachat, qui
: exorbitant quand le possesseur s'aperçoit qu'il a affaire aux
i de son esclave. Les Ba-Ganda ne vendent pas seulement les
I qu'ils prennent dans les guerres à l'extérieur, mais aussi des
1 pays qu'ils ont obtenu par procès ou par ruse, ou dans les diffé-
illages ordonnés par le roi et les grands. Des chefs vendent par-
^i, pour la plus petite faute, ou simplement poui' se procurer un
itoffe, des enfants et des jeunes filles qui leur ont été confiés par
s des campagnes. Encore croient-ils faire acte de clémence, lors-
a eu quelque faute de la part de l'enfant, en ne commençant pas
couper les oreilles et le nez. Aussi, parfois l'on entend dire : tel
a beaucoup de clémence; il ne tue pas ses esclaves et ne leur
ni les yeux, ni les oreilles quand ils font quelque fredaine, il se
te de les battre et de les vendre aux Arabes,
1 jour, à Mougnougnou, en audience royale, j'entendis prononcer
e de mort contre deux enfants de quatorze à quinze ans. Étonné
peine si sévère contre des enfants aussi jeunes, j'appris qu'ils
: vendu aux Arabes un jeune page du ministre. Ils l'avaient ren-
se promenant dans les rues et, voulant se procurer le luxe de
es brasses d'étotfe blanche, ils n'avaient pas hésité à aller vendre
itit camarade, sachant bien cependant que, s'ils étaient pris, ils
ent de leur propre vie cet acte de méchante cupidité. La sentence
t fut exécutée le même jour. Mais ces peines si sévères sont loin
■ arrêté ce détestable abus. Témoins de la sentence de mort, les
;e sont probablement dit en eux-mêmes : Ce sont des maladroits,
it pas su s'y prendre. S'ils avaient pris quelque esclave de paysan,
d'aller vendre un page du ministre, personne n'y aurait rien vu!
e qui se fait journellement.»
\. P. Coulbnla, de la mission du Tfuisftnylka, écrit aux
•m d'Afiique : « Dans l'espace de cinq ans, j'ai vu dépeupler le
izé, la presqu'île d'Ubuari, longue de quinze lieues et large de
L cette heure, les Arabes s'attaquent au pays d'Ugoma qui s'étend
— 207 —
sar mie longueur de quarante lieues, d'ici à. la station anglaise. Il
déjà trois postes. De l'Urondi, ils n'ont entamé que la côte sur ui
fondeur d'une lieue à une lieue et demie. Il est encore temps de
ce pays magnifique, riche et relativement peuplé.
« Les membres de l'expédition belge, munis de bateaux à v
pourraient confisquer les barques arabes et couper en deux leur
le Taiiganyika étant alors la batrière infranchissable qui arrêterai
bandes. Les Anglais de Kavala ont un vapeur sur le Taiiga
d'autres peuvent donc en apporter aussi. »
Le journal Oott mil es publie leâ renseignements suivants emf
à une lettre du 10 février, de Klpalapala prè» de Tiibo pat I
ropéens de l'intérieur sont complètement coupés de toutes eomn
tions avec la côt«. Les tribus ne laissent plus passer ni caravi
courriers. Une caravane de Mpendschalo, successeur de Miramb<
aiTôtée près de Bagamoyo ; son conducteur rais aux fers, l'ivoir
la plupart des personnes réduites eu esclavage, vendues à T
quelques-unes seulement se sont échappées. Le courrier angli
aurait dû arriver en octobre à Zanzibar a été arrêté à Saadaui, les
ont été confisquées ; seul un homme a pu s'échapper avec sou
dépèches ; le courrier de décembre a été également pillé et les lett
truites ; celui qui est parti de Zanzibar en décembre a été ari-éti
sept hommes qui le portaient ont été tués ; celui de janvier a été
ment perdu. Si l'Allemagne veut rétablir l'ordre et ne pas laisser
le commerce dans les territoires de son protectorat, l'action de s<
seurs ne sufiit pas. Il faut qu'elle envoie de petites expéditions fi
rieur. En dehors de la portée de ses canoimièrcs on se moque d
faudrait aussi créer- çà et \k quelques postes fortifiés, avec 40 ou
dats indigènes pour maintenir la paix dans le pays, comme on ent
encore aujourd'hui le sultan de Zanzibar, ce qui fait que son in
est encore considérable. Uixe^ lettre munie du sceau du sultan sut]
ouvrir la route à un courrier. Aussi les Arabes peuvent-ils échaiv
lettres avec leurs coiTespondants à l'intérieur ; il n'en est pas de
des Européens. Peut-être surtirait-il d'exercer sur le sultan une c
pression pour obtenir de nouveau la tranquillité ; cependant il n
drait pas trop compter ; il ne serait pas impossible que ses agen
tassent les indigènes à la résistance. Si les conditions actuelles i
longent, les Européens qui vivent à l'intérieur passeront une mi
année, car ils ne pourrontpas s'approvisionner d'une manière suf
Dès lors la situation s'est aggravée, et, aux dernièi-es nouve
— 208 —
Zanzibar, le supérieur de la station de Kipalapala éci'ivait que les Arabes
exaspérés des nouvelles de la côte se proposaient de se v^ger sur les
Européens à l'intérieur. « Les Arabes très surexcités, » dit-il, « ont de-
mandé au sultan Siké de nous tuer ; Siké a refusé. Les Arabes disent
tout haut que si les Français participent à la guerre, ils nous tueront de
suite jusqu'au dernier ; nous sommes en grand danger. »
Au Tanganyika, quelques Arabes d'Oudjidji ont proposé de massa-
crer aussi les missionnaires, mais ceux-ci ont été protégés par Mohamed-
ben-Kelfan, cousin de Tipo-Tipo, occupé en ce moment à ravager les
bords du Tanganyika et à réduire en esclavage ce qui reste de la popu-
lation. Mais ils se sont abstenus, pensant que c'était jouer un trop gros
jeu de massacrer les Français et les Belges autour du lac.
Il ressort d'une déclaration de sir J. Fergusson, sous-secrétaire
d'État au Foreign Office que, d'après un rapport de l'amiral Free-
mantle, du mois de mars, il n'a été capturé par les vaisseaux anglais,
depuis le blocus de Zanzibar, qu'un seul bateau chargé d'esclaves.
Depuis le mois de mars, plus de 1300 bateaux ont été visités, mais aucun
ne portait d'esclaves. Aucune puissance étrangère n'a refusé de recon-
naître le blocus ou l'exercice de la visite dans les eaux territoriales du
sultan ; un pavillon étranger ne serait pas une protection pour les
bateaux qui porteraient des esclaves dans ces eaux.
En Suède il s'est formé une Société anti-esciavaiplste. Le
président, M. Zachrisson s'est rendu à Bruxelles pour préparer une
expédition contre les Arabes chasseui'S d'esclaves. Il n'a que trente ans;
après avoir terminé ses études universitaires, il a voyagé en Australie,
en Arabie, en Palestine, en Afrique et dans les Indes occidentales. Au
moyen de grands sacrifices pécuniaires il a réussi à enrôler cent volon-
taires qui se sont engagés à servir trois ans en Afrique sous son com-
mandement et à entreprendre une campagne contre les chasseui's d'es-
claves.
EXPÉDITION DE M. SELOUS AU NORD DU ZAMBÈZE
Tandis que, pai- la voie du Congo, l'Afrique centrale équatoriale s'ouvtc
largement à la civilisation, et que, malgré les efforts des Arabes de
Test, celle-ci pénètre peu à peu par le Shiré jusqu'à la région des lacs,
il semble que les pays traversés par le Zambèze moyen se montrent plus
réfractaires à Tinlluencc européenne. La création de stations mission-
naires à Seshéké et à Lealuy est sans doute un fait important, et les
— 209 —
petits comnieucemeats ne sont point à mépriser. Mais, en aval dss
tes Victoma, malgré la déclaration de protectorat annoncée par l'A
terre sur Je pays des Ma-Tébélé et des Ma-Shona, au sud du Zam
il est à craindre que de longtemps les indigènes n'acceptent
empressement de voir les blancs s'établir au milieu d'eux. De 1'
côté du tieuve, l'insuccès rencontré par le D' Holub et par M,
Selous dans leui-s tentatives d'explorer ou de traverser le pays de:
Ghoukouloumbé pour se rendre plus au noi-tl, peut faire craindre,
part de ces indigènes, une opposition dont la civilisation ne p
triompher que bien lentement. C'est à la suite de M. Selous, dont
pédition fut postérieure de deux années à celle du D' Holub, que
voudrions introduii-e nos abonnés dans cette région peu connue, l.
le passage de Livingstone, il s'est produit dans les dispositions de^
gènes des changements considérables, dont les explorateurs à
devront tenir compte s'ils ne veulent pas s'exposer, eux aussi,
échecs certains.
Ce fut le 9 avril de l'année dernière que M. F.-C. Selous, auq
géographie était déjà redevable de précieux i-cnseignenients sur
graphie et l'hydrographie des teiTitoii'es au sud du Zambèze, se i
route, de Shashong, pour explorer ceux du nord, à commencer |
vallée des Ba-Rotsé, oh il comptait passer une année à faire des (
tious d'histoire naturelle, à chasser l'éléphant, en même temps
faii-e un peu de comniei-ce. Il emmenait avec lui deux wagons, cin
vaux de selle, seize ân&s, etc.; mais, à Panda-Ma-Tenka, il app
troubles qui régnaient au delà du Zambèze ' et l'expédition de Lev
chez les Ma-Choukouloumbé. M. Westbeech lui montra une letl
jeune missionnaire Arnot lui disant : « Si vous rencontrez nutt
commun, M. Selous, dites-lui combien je serais réjoui de recevo
visite de lui. J'habite un beau pays, gouverné par lui chef puissai
dans lequel les éléphants sont extrêmement nombreux. » Ne pc
se rendre chez les Ba-Rotsé, M. Selous se décida à tenter de pa
chez les (lai-enganzé pour y passer, k chasser et à faire des collei
l'époque de la saison des pluies et revenir l'hiver suivant à Pand
Tenka. Il ht ses préparatifs, se procura des provisions, des muii
des marchandises poui- une année environ et les répartit en coli;
' Voy. IX" année, p, 283-285.
' Moshidi (ou Moshiri), roi des Garenganzé, dont la résidence est siiiiéi
dizaine de journées de marche à l'ouest du lac Bangouéolo ; voy. Afrique e;
IX~' année, p. 16-22.
— 210 —
sauts pour en charger ses seize ânes et une quinzaine de porteurs. Il
comptait traverser le Zambèze vis-à-vis de la ville de Wankie ', à un
degré environ à l'est des chutes Victoria, suivre le fleuve jusqu'à son
confluent avec la Kafoukoué, pour y retrouver sa route d'il y a douze
ans, et, après avoir passé cette rivière, pousser droit au nord.
Le 5 juin, il quitta Panda-Ma-Tenka, emmenant avec lui trois hom-
mes parlant le hollandais : Daniel, un Hottentot, qui avait conduit un
des wagons depuis Shoshong, Paul, Zoulou de Natal, qui s'était marié
et avait vécu avec des gens de Wankie pendant quelque temps, et Char-
ley, jeune garçon qui avait été élevé par un des chasseurs de M. W^t-
beech, était bon tireur et excellent interprète. Il avait en outre avec lui
deux honmies de Khama armés, comme lui et les précédents, de très
bons fusils anglais, et quatre Ma-Shona attachés à son service.
A l'endroit où la caravane devait traverser le Zambèze, le fleuve a
400" de large et le courant en est très fort. Il fallut faire passer les ânes
l'un après l'autre, attachés à la poupe d'un grand canot. L'opération
prit une journée entière. Le soir, au coucher du soleil, on campait sous
un immense baobab, près de la ville de Wankie. Celui-ci vint au camp
le lendemain matin de bonne heure percevoir le prix du passage, plus
coûteux qu'il ne l'avait été il y a douze ans. Là, M. Selous dut laisser
Daniel, le Hottentot, qui avait un fort accès de fièvre dont il mouinit au
bout de quelques joui's. La maladie, estime-t-il, est dangereuse pour
tous ceux qui ne sont pas acclimatés, qu'ils soient blancs, noirs pu jau-
nes ; ces derniers lui paraissent y résister le moins ; les noirs sont ceux
qui la supportent le mieux.
Dès le lendemain du départ de Wankie, les diflicultés commencèrent
avec les porteurs; quoique quinze jours auparavant ils eussent solennelle-
ment promis à l'explorateuf" de lui rester attachés coûte que coûte et de
revenir avec lui à Panda-Ma-Tenka, la plupart désertèrent. M. SeloiLS
dut ajouter leui*s charges à celles que portaient déjà les ânes et poursui-
vre son chemin. Aussi écrit-il : « Le proverbe fait de l'âne le pauvre ami
de l'homme, mais nulle part la chose n'est plus vraie que dans l'intérieur
de l'Afrique. Robuste et endurant, il peut porter sans se plaindre autant
que cinq Cafres ordinaires. Dans les régions où abonde la tsétsé, quel-
que vigoureux qu'il soit, il ne vit pas longtemps; cependant il résiste au
poison de la piqûre de la mouche beaucoup mieux que tout autre animal
* Nos lecteurs se rappellent qu'en Afrique, très souvent, le nom d'un chef
devient celui de la ville qui lui sert de résidence.
— 2i:
domestique ; il peut traverser des zo
coup, sa coiistitutiou étant assez fort
du poison, s'il ne reste pas trop Ion
tiennes, tandis qu'un bœuf ou un che
succombent. » M. Selous a vu cepend
après avoir été piqués, mais ces cas
jeune, cheval, bœuf ou âne, mieux il
Deux joui-a de marche à travei's ui
tristes forêts dépouiTuas de feuillage
rent Texpéditiou sur les bords du Z
pondo, chef ba-tonga. En chemin, M.
nés porteurs, ce qui lui permit de
Champondo était menacé par une b
traverser le fleuve ; une forte troupe
en empêcher. Heureusement pour euj
septentrionale et, sans embarcations
einban-assés pour opérer le passage
envoyé les femmes, les enfants et les
au campement et reçut de M. Selon
satisfaire, mais le lendemain matin il
annés de lances barbelées, pi-étends
reçu la veille, et disant qu'il lui falla
même temps, ses gens prenaient uni
gesticulaient violemment ; les deux '.
la tournure que prenait l'affaire, saisi
geaient, tandis que les Ba-Tonga, un<
demi-douzaine dans la gauche, proféi
menaçants. La situation devenait ci
ifaot au milieu d'eux saus armes, le
intentions en brandissant leurs assai
abaissèrent leui-s armes et s'assirent.
et se rendit avec lui auprès du vieu
présent d'une pièce de calicot noir, u
de fil de laiton, se déclara satisfait et
Les ânes venaient d'éti-e chargés k
sortit du village ; c'était la troujie d'
ses foyers, les Ma-Tébélé ayant renoi
en pleine retraite. Le chef des Ita-T
sous prétexte que c'était lui et ses p
— 212 —
, et que, s'il ne l'avait pas fait et que les Mfl-Tél>élé eusseut passé le
ve, ils auraient pillé la caravane et tué M. Selous et tous ses gens,
'explorateur dut s'exécuter; une fois libre, il suivit la rive gaucho
fleuve jusque chez Chamedza, autre chef ba-tonj^a. Les iiidigéucs
aient en grand nombre de leurs villages; les femmes en partieuher
ninaient les ânes avec un grand intérêt. Les prétentions de tout ce
ide à i-ecevoir des présents engagèrent M. Selous à renoncer à suivre
euvo pour n'être pas ruiné avant d'avoir atteint la Kafoukoué. Grâce
I bon présont fait à Chamedza, il obtint des guides qui devaient le
luire à travers les montagnes s'étendant entre le haut plateau et la
ée du Zambèze.
l'une manière générale, M. Selous fait remarquer que les lîa-Tonga
singulièrement changé de caractère depuis 1877, où il traversa leur
s pour la première fois. Aloi-s, ils le recevaient très bien, lui dou-
ant, dans chaque village, des chèvres et des vhTes; nulle part on
îsnyait de lui rien extoi*quer. Aucun blanc n'avait passé chez eux
uis que David et Charles Liviugstonc et le D' Kirk avaient traversé le
iibèze pour se rendre à Linyanti; ils éprouvaient une crainte supci^
ieuse à la vue des blancs qui, avec leurs carabines se chargeant par
:ulasse, tuaient le gibier à de grandes distances, et passaient chez eiu
B craindi-e d'être molestés. Dès lors, quantité de Ba-Toiiga ont été
mines de diamants et ont vu que les blancs sont mortels aussi bien
eux. Beaucoup aussi ont été au pays des Ma-Tébélé, y eut travaillé
c des blancs, et ont vu le pctu d'égards avec lequel Lo-Bengula et ses
s traitent les Européens : missionnaires, commerçants, envoyés des
ivernements. En un mot, ils ont compris qu'un blanc n'est pas uu
II qu'il faille adorer de loin, mais plutôt, que lorsqu'on le rencontre
1, c'est une brebis qu'une bande de loups peut très facilement
louiller. En 1880, à l'instigation de M. Selous, des missionnaires
lains se rendirent chez Mwemba, un peu en aval de Chamedza, avec
tention d'y fonder uno station. Paul, le Zoulou, étîiit avec eux. Ils
versèrent le Zambèze, entre Champondo et Chamedza, après avoir
A d'énormes extorsions de la part des indigènes, qui les déposèrent
bord, eux et leurs marchandises, dans une Ile, et ne consentirent h
r faire achever la traversée qu'après avoir reçu un secoml paiement,
■ivés chez Mwemba, tous tombèrent malades de la fiè\Te; l'un d'eux
unit au bout de peu dejoui-s, Mwemba réclama un paiement considé-
ile parce que ce blanc était mort, dans son pays; les autres étant trop
lades pour rien faire, il s'empara de toutes leurs marchandises, et les
— 213 —
fit repartir pour Paiida-Ma-Teiika. Ces pi
suivis par les Ba-Toaga. Il y a trois ans, "S
des premiers missionnaires au pays des M
dans une tle du Zambèze près de l'embouc
se proposait de chasser et de trafiquer au n
cré peudaut la nuit, et tous ses biens saisis p.
avant l'arrivée do M. Selous, un trafiquant ;
avec une partie de ses gens. Aussi noti-e t
que s'il eût eoutinué à suivre le Zambèze ■
Kafoulioué, ils n'eussent été, tôt ou tard, lu
sacrés par les Ba-Tonga.
D'autre part, M. Selous savait que les M
long do la Kafoukoué avaient, deux aus ai
du D' Holub. Néanmoins il préféra s'écarte
guides, dont l'un était le propre tils de Ch:
menant vers le nord. Sur la Mouga, afflueni
rencontra plusieurs villages ba-tonga, dont
jamais vu de blancs étaient effrayés. La i
buffles, en antilopes, eo zèbres, et aussi en t
Plusieurs fia-Toi^a ayant suivi M. Selous
service, il les engagea, et n'eut qu'à se lout
montrèrent toujours empressés et afCectuouj
le quittèrent pour retourner chez eux. Au i
devient tout à fait montagneux. Il offre l'as
dro, de montagnes coniques do 200° à 2300
stériles, arides et desséchées. L'eau y est ex
également. Les guides coimaissaient bien le
qui, par places, avait complètement dispan
ment fatigante pour les Anes qui, malgré
daient d'un pied parfaitement sûr de vrais i
le nord le pays change de caractère ; les n
couvrent de forêts d'un feuillage abondant i
herbe succulente. La végétation et les papill
du versant septentrional du pays des Ma-Ci
une altitude de 1000" à 1300". En route >I.
guide qui devait le conduire h Monzé, résid
même nom, chez lequel Livingstone avait p
des Ma-Kololo au Zambèze inférieui-. Ce noi
n'y avait plus qu'une chaîne de montagne»
— 214 —
plat<3au où le gibier abonde, et où la marche ast beaucoup plus facile
pour les ânes. En effet, dès le lendemain l'expédition, arrivée au sommet
de la chaîne, trouvait un pays ondulé, boisé, bien arrosé et couvert de
pentes herbeuses. Le climat en était délicieux, les journées fratcbes
même au soleil, les nuits très froides. Nous ne dirons pas les joies du
cha-sseur au milieu des antilopes, des buffles, des zèbres qui de toutes
parts s'offraient à sas coups.
Enfin l'expédition arriva chez Monzé. A l'époque de la visite de
Livingstone, il vivait tout près de la colline d'Ou-Kesa-Kesa, mais main-
tenant il habite à une douzaine de kilomètres plus au N.-E. M. Seloas
le trouva très infirme, mais fort causeur et amical. Il se souvient très
bien de la visite de Livingstone, et en parlait comme d'une chose récente;
pour ces indigènes qui n'ont pas l'idée du temps, cinq ans ou un demi-
siècle c'est à peu près la même chose. Trente-cinq ans se sont écoulés
depuis que Livingstone a passé chez Monzé; dès lors aucun blanc n'était
venu chez lui. Le pauvre homme se lamentait sur la perte de ses bes-
tiaux, qui avaient tous été enlevés deux mois auparavant par les troupes
de Lewanika poursuivant Morantsiané, ancien prétendant à la domina-
tion sur les Ba-Rotsé. Ce dernier était, il y a im an, établi à une ving-
taine de kilomètres au sud-est de Monzé, dans las monts Nyandabanyi.
Lewanika n'avait pas osé le suivre jusque-là; il s'en était retourné en
volant sur son passage tous les bestiaux d^ petits villages ba-tonga qui
n'avaient pu lui opposer de résistance.
Les indigènas ne purent donner à M. Selous aucune infoimation pré-
cise sur le pays plus au nord. Au delà de Monzé, le plateau est dépourvu
d'arbres, mais couvert d'une herbe qui atteint deux mètres et même
trois mètres. Les habitants appartiennent déjà à la tribu des Ma-Chou-
kouloumbé. M. Selous ne put obtenir des gens d'un de leurs villages ni
fagots pour dresser un camp, ni combustible. Il dut se contenter de
tiges de blé plantées en terre et acheter du bois. Le soir on annonça la
venue d'un certain nombre d'hommes de Morantsiané, qui se prfeen-
tèrent le lendemain matin au camp ; ils étaient au nombre de quinze,
tous Ba-Rotsé, portant des fusils et accompagnés non seulement des Ma-
Choukouloumbé du village le plus proche, mais encore d'autres qu'ils
avaient réunis pendant la nuit. Chaque Ma-Choukouloumbé portait un
faisceau de javelots bien eflSlés, de deux mètres de long. Tous, néan-
moins, paraissaient animés de bons sentiments. Ils dirent à M. Selous,
qu'ayant appris son passage à Monzé, ils l'avaient suivi avec deux
défenses d'ivoire pour acheter des munitions. L'explorateur n'en avait
point à vendre ; ayant encore un long voyage à faire, il avait besoin de
■
à
— 21& —
toute sa provision pour sou pi-opre usage. Enfiu M. Selous leur donna
un tapis pour Morantsiané et quelques mètres de calicot pour eux-
luénies et continua sa route jusqu'au bord de la Magol qui prend sa
soui-ce un peu au sud de Ou-Kesa-Kesa et se jette dans la Kafoukoué.
Là, l'explorateur s'arrêta indécis sur ia question de savoir s'il continue-
rait à marcher vers le noi-d pour ti'averser le territoire des Ma-Chou-
kouloumbé, ou s'il tournerait vers l'est pour les éviter et passer la
Kafoukoué à Semalemboué, oii Livingstoiie l'avait franchie quelque trente
ans auparavant. l'aul et Charlcy pai-tageaient ce dernier avis, mais
nialheureusenient leurs guidas ignorants les en détournèrent, en disant
qu'ils ne connaissaient pas le pays à l'est, non plus que les endroits oii
se trouvait de l'eau. En outre, ajoutaieut-il, on ne rencontre sur la
route du nord que de petits villageE: ma-choukoulouinbé, isolés et dont
les indigènes sont bien disposés. *
Le lendemain l'expédition traveraa un pays oii pulullaient les élans.
les zèbres et toute espèce de gibier, ainsi que la tsétsé, et Tapi-ès-midi
elle atteignit la rivière Oungouézi, au bord de laquelle M. Selous établit
son camp. D'abord les indigènes se montrèrent réservés, observant de
loin les étrangers ; leurs guerriers toutefois tenaient à la main leurs
faisceaux de javelines barbelées. Le chef parut bientôt avec quelques-
uns des hommes de sa suite et lorsqu'il se fut assuré que les nouveaux
arrivés n'avaient aucune mauvaise intention ni à sou égard ni envers ses
gens, il se montra très amical, désigna un bon emplacement pour y ins-
taller le camp et indiqua où l'on pouvait ramasser du bois, couper de
t'herbe pour les ânes, etc. Sa physionomie d'ailleurs était bienveillante.
M. Selous lui tit un petit présent qui parut le réjouir beaucoup et auquel
il répondit en lui rapportant une corbeille de fai-ine. Il était cette fois
accompagné d'une trentaine d'hommes portant chacun sur l'épaule gau-
che un faisceau de lances, tandis qu'ils en tenaient une ou deux à la
main droite. Le chef apprit à M. Selous que la i-ivière Oungouézi est la
même que Livingstone travei-sa pi-ès de sa source entre Slonzé et Sema-
lemboué. Elle se jette dans la Magol et non dans la Kafoukoué comme
l'indiquent plusieurs cartes. (A tittivre.)
CORRESPONDANCE
Lattre de IjOrenso- Marques > de U. le iuin«lonii»lre P. Bertlioad.
Lorenzo-Marquez, 5 avril 1689.
Le numéro de férrier de l'Afrique m'est parvenu récemment. J'y ai remarqué,
& la page 3Î, sur notre ville, un article que vous avez entrait du • Moniteur des
rr.*
tV-
X
S '.
— •216 —
Colonies. » Je puis en somme corroborer les détails quMl contient. Pourquoi faut-il
que sur certains points importants il fasse erreur? La première phrase donne une
fausse nouvelle. Je ne puis comprendre que Pauteur ait dit: «Le port de Lorenxo
Marquez est au moins aussi bien installé que ceux du Cap et de Natal.» Si la
chose était yraie, je serais le premier à m^en réjouir; mais l'auteur a pris un beau
'^ rêve pour la réalité. Peut-être n'a-t-il pas vu le port de la Ville du Cap?...
Au Cap, les plus grands navires peuvent entrer dans les docks; car il y a des
'f' docks, et ils sont spacieux. Un long canal, protégé par deux magnifiques jetées,
y conduit « de plain pied, » Une passerelle suffit pour descendre du navire sur la
terre ferme, et le mauvais temps ne saurait empêcher la circulation et le trafic
de Pun à l'autre.
Il n'en est pas ainsi à Lorenzo-Marquez: le chenal naturel, ou bras de mo*,
où les vaisseaux jettent l'ancre, est sans doute un port par lui-même, et les navi-
res s'y trouvent aussi en sécurité que dans des docks. Mais ces derniers n'existent
pas ici, — sauf en projet. Il faut aller au navire avec des barques pour prendre
la cargaison et l'amener sur la plage. Si le vent du sud souffle avec violence, et
ce n'est pas rare, il devient impossible aux petites embarcations de quitter la plage
pour aller au navire. En fait de jetée, il n'y a qu'un petit pont de bois d'environ
trente mètres de longueur ; à la marée basse, il se trouve très loin du bord de
l'eau. Les sables de la plage découvrent jusqu'à une distance de plus de cent
mètres. Les barques chargées approchent du bord autant que la hauteur des eaux
le leur permet. C'est là que les indigènes vont prendre la cargaison, qu'ils chargent
sur leurs épaules ou sur leur tête, et qu'ils vont déposer devant les bâtiments de
la douane. Les navires ne pouvant amarrer nulle part sont obligés de jeter une
ancre, ce qui leur suffit toujours.
A part un petit voilier qui vient de Natal , le commerce de la place est mené
par les deux grandes compagnies anglaises de paquebots, qui transportent la malle
du Cap. Cette semaine on attend VAfriean, steamer d'environ 1400 tonneaux, qui
appartient à la Union O. de Southampton. Il apporte la cargaison et le courrier
qu'avait pris à Lisbonne, en passant, un navire plus grand de la même Compagnie.
La semaine prochaine ce sera le tour du steamer de l'autre Compagnie, Donald
Currie é O., de Londres. La semaine suivante viendra VAnglian, steamer de plus
de 2200 tonneaux, faisant le même service que VAfriean, de la même Compagnie.
Après cela il s'écoulera quinze jours, et VAfriean recommencera le tour. Nous
sommes donc une semaine sur quatre sans voir de steamer ni de paquebot. Cette
semaine-là, le steamer de la Compagnie Donald Currie & O*, fait le service entre
Natal et l'ile Maurice, au lieu de venir ici.
Je dois dire que le gouvernement vient de commencer la construction d'un quai-
jetée, d'environ dix mètres de largeur. Ce travail est poursuivi avec activité; et si
la jetée est poussée assez loin, elle ne manquera pas de faciliter à un haut degré
les débarquements.
D'après un avis officiel publié la semaine dernière, les autorités ont mis au con*
cours l'éclairage de la ville soit au gaz, soit à l'électricité. Cependant l'éclairage
— 217 —
actuel, avec des Umpes à pélrole, est satisfaisant, comme le dit l'article du Moni-
teur des Colonies.
Ce journal dit aussi qu'A la suite d'un orage les commun! cation s par la ligne dn
chemin de fer ont été interceptées pendant six semaines. C'est parfaitement vrai,
et c'était il y a un an, en mars 188B. Leg réparations ont coûté plus de 250,000 frs.
Mais il y a deux mois, à la suite de deux ou trois Jours de pluies diluviennes,
la ligne a été plus abîmée encore. Elle a seulement 74 kilomètres de longueur.
C'est surtout entre les kilomètres 60 et 64 que le mal s'est produit. Des talus ont
été emportés, des ponts en fer ont été tordus, etc. I! faudra trois mois pour y faire
les réparations les plus urgentes, et cela coûtera plus de 500,000 frs.
Par malheur le chemin de fer ne gagne rien, car le traSc est nul. Tel ne serait
pas le cas, si la voie allait jusqu'à Pretoria, ou seulement h Barberton. Mais
quand sera-ce ? Les travaux devraient être repris à présent, parce que nous entrons
dans la saison favorable ; et rien ne se fait. La Compagnie, représentée par M. Mac
Hnrdo à Londres, continue à se quereller avec le gouvernement du Transvaal, et
le temps s'écoule ainsi sans que la voie ferrée avance d'un mètre.
C'est un état de choses misérable. Voyant que le chemin de fer allait se con-
stmire, bien des maisons de commerce étaient venues s'établir à cAté des anciennes,
qui étaient en petit nombre, et les comptoirs s'étaient multipliés. Fendant un an
à peine, le trafic suivit un mouvement ascensionnel; puis, les travaux du chemin
de fer étant interrompus, le trafic a de nouveau diminué . peu à peu depuis un an.
Il continue encore à baisser; il est aussi faible, plus faible peut-être, qu'avant le
commencement du chemin de fer; et comme le nombre des maisons de commerce
s'est fort accru, elles sont d'autant plus en souffrance. 11 y a trois ou quatre mois
Je vous écrivais: «les affaires sont stagnantes. > Eli bien, aujourd'hui c'est pire.
Un négociant me disait qu'elles sont < dans un marasme complet. > Comme il n'y
a pour ainsi dire plus de communications avec tes mines d'or de Barberton, on a
été obligé de réexpédier de notre port plusieurs milliers de caisses de marchan-
dises, et de les faire passer par Natal. On les avait envoyées en transit pour Bar-
berton. Après cela on ne peut s'étonner si l'importation cesse peu à peu. L'expor-
tation est insignitianie, et t'a toujours été.
Certains marchands ont encore souffert d'un malheur particulier. Ils avaient
fourni des matériaux de construction, et même des espèces sonnantes, à l'entre-
preneur qui a fait la ligne ferrée. Celui-ci les a payés en traites qui ont été protestées
deux Jours après qu'il eut quitté la contrée. Ces valeurs s'élèvent à quatre ou
cinq cent mille francs. 11 y a plus d'un an que cela se passait, et les démarches
faites par les créanciers n'ont eu jusqu'ici aucun succès.
Pour comble de malheur la disette est dans le pays. L'année dernière il y avait
eu relativement peu de pluie, et la récolte avait été très petite. Cette année la
sécheresse a sévi plus fort, en sorte qu'il n'y aura pas même le quart d'une récolte
moyenne. 'Les natifs cultivent surtout le mais ; il fait la base de leur alimentation.
On a déjà commencé à importer de Natal de grandes quantités de mais, en grain
€1 en farine. On le paie ici cinq fois plus que le grain du pays en temps ordinaire.
— 219 —
outre, les documenta sur ce si^et ne manqi
simplemeut, mats avec beaucoup de verve,
mille incidents d'un voyage dans le désert,
sérieux, et donne en m6me temps un tab
Sahara central, l'une des plus arides du gl<
Les derniers chapitres du livre sont consi
tats de la seconde miseion, à des notices 1
Flatters et ses compagnons morts victime
exposé de son opinion sur les divers pointï
pénétration dans l'intérieur de l'Afriiiue et
occupation de ces vastes contrées ; tracé i
relier l'Algérie au Sénégal, etc. L'ouvrag
nombreux croquis, rapides mais bien exécui
à l'échelle de Vimsiiiidi les deux itinéraire
Biskra au centre du Sahara.
J.-J. Kettler. Hamdkabte dbb dbutsci
AVRiEA. Weimar (Geographisches Institut),
ments dont l'Afrique orientale est actuelle
l'actualité à la nouvelle publication de
Weimar dont nous avons à plusieurs reprif
La carte manuelle des territoires de protec
orientale ne le cède eu rien aux publicatiou
de la netteté et du dessin. Les couleurs '
ches et bien tranchées ; grâce à sa grandi
que les montagnes y sont marquées en bru
sans le secours de la loupe, bien qu'elle
noms. Elle mesure 46 centimètres du nord
Toutefois elle ne renferme pas tout le territ
car elle s'arrête au sud un peu au-dessous
et au nord à Mombas. La limite à l'oues^
l'océan dans lequel l'auteur a marqué ave(
dessin des côtes et dans les noms, les tles t
carton donne le pays de Witou et un aut
duché allemand de Hesse qui, étant reproc
grande carte, permet de se faire, par comp
deur des territoires de protectorat. Ainsi, 1
d'indiquer l'ensemble des possessions allen
et en particulier la région s'étendant entre
— 220 —
ma. Cette contrée étaut à peu près inconnue et l'Allemagne
it pas eflectivemeut pris possession, J'auteur l'a laissée de côté.
>t cherché à donner, avec beaucoup de détails, is région côtiére
ïiTt au sultau de Zanzibar, et les pays d'Ousaramo, d'Oukouéré,
i, d'Ousigoua, de Ngourou et d'Ousagara, qui vont être en
champ d'action de la petite armée réunie par le commandant
D et sur lesquels se porte dès maintenant l'attention publique.
BoseL Deb Feldzuh oeqen die Skla\'erei in Afrika. Tiier
i-Druckerei), 1889, in-12, 31 p., 50 Pfg. — II. Dm afhika-
iîLA\-EREi. Reden von Bischof !> Korum uud Pi-ofeasor D' Mos-
- (Paulinus-DmckereO, 1889, in-12, 38 p., 30 Pfg. — Ces deux
s se rattachent au mouvement anti-esclavagiste qui se produit
lations de l'Europe occidentale et en particulier en Allemagne,
ère est une i^tude fort bien con(;ue sur la question de l'escla-
général. L'auteur prend le sujet h l'origine de l'esclavage et
les causes de cotte institution ; puis il la décrit telle qu'elle
11 Amérique et comineut elle a été abolie. Après cette sorte de
le, il parle de l'esclavage africain, de la manière de former une
d'esclaves, des marchés et du commerce de chair humaine,
saniine la question de la lutte contre l'esclavage et propose en
soile un plan de campagne. Cette bi-ochure est le fruit des
i d'un espiit plein de sagacité et d'un vrai philanthrope.
;onde renferme trois discours pi-ononcés devant des sociétés
ivagistes, l'un par le professeur D' Mosler devant celle de Trè-
lUtres par l'évéque Korum devant celles de Liège et de Trêves.
i allocutions qui révèlent une grande hauteur de pensées, les
ont montré un grand enthousiasme pour la cause anti-esclava-
est eu même temps celle de l'humanité et de la civilisation, et
rononcés en coimaissance de cause et avec une grande énergie
iitte contre cette détestable institution, cette « plaie honteuse »
appelait Li^ingstone.
^erdec-Cliéiiy. Gl'ide du vovageur au Maroc et guide du toc-
iris (Challamel et C"), 1889, in-18, 205 p. et carte, fr. 4,25. —
de ce livre, rédacteur du Et'veiJ du Maroc, journal paraissant
-, a voulu fournir aux touristes et aux voyageurs au Maroc, un
ti leur permit d'accomplir leur itinéraire d'une manière sûre
lépenses inutiles. Les noms des principaux guides-interprètes
— 221 —
que l'on peut se procurer à Tanger, l'indication des divers i'
les renseignements multiples conceroant les tarifs, les moii
poids, les raesui-es, le tableau du personnel des légations, co
agences coneulaires des puissances étrangères représentées :
la descriptiou des villes et autres localités susceptibles d'ètr
tout cela se trouve dans cet ouvrage. Il va sans dire que ce
n'a pas la prétention d'être aussi complet qu'un Baedecker su
pi-évoir tous les cas dans lesquels un voyageur pourra se t
Maroc. Tout voyage dans ces contrées présente une large
connu; mais les voyageurs seront néanmoins fort i-econnaissa
l'auteur de ce livre qui leur permettra de diminuer autant qi
les chances d'insuccès et leur épargnera la peine d'aller constE
renseigner auprès des consuls, des autorités locales ou des ind
Avec le développement du goût des voyages, si puissant à i
que, et l'extension que prend le commerce international, les <
dans i'iutérieur du Mai-oc sont deveiiues de plus en plus no
bien qu'elles soient très coûteuses. Ces voyages, lorsqu'ils se b(
endroits connus, ne présentent pas de danger. On peut mém<
sans être accompagné, mais alors on perd tout droit à réclami
cas où l'on aurait été victime d'un vol ou d'une attaque. Le
de prendre avec soi, outre un guide-interprète, un moghrazn
du ^laghrzenj donné par la légation ou le consulat de la n;
on est citoyen. Ce soldat, que l'on paie à raison de 5 francs
couvre le voyageur de la responsabilité du gouvernement nian
cure les vivres, l'orge, etc.
Dans l'ouvrage qu'il a écrit, M. de Kei-dec-Chény a vonl
outre les renseignements destiués aux voyageurs, un exposi
l'état actuel du Maroc. C'est pourquoi la première partie est
■à une description physique, politique et économique du Mai
et^quisse historique et à un exposé de la « question d'Occidei
monographie, écrite au point de vue français surtout, se lit s
coup d'intérêt. Elle fait ressortir de la manière la plus éviden
traste qui existe entre la productivité du Maroc et le peu de
le gouvernement et les indigènes ont su tirer de ce pays. L'.
est depuis longtemps sur les lieux a pu donner une foule de
meiits peu connu<« et fort intéressants sur ce vaste empire
qui deviendrait un si beau pny^ dans les mains d'une pepulatio
L'ouvrage est accompagné d'une carte dont M. de Kenlec
se déclare pas entièrement satisfait, mais qui est l'une des
cartes d'ensemble existant actuellement.
— 222 —
Remique Augiisto Dias de Carvalho. Methodo pratioo para fallab
A LiNGUA DA LuNDA, LisboE (Impreusa Nacional), 1889, in-S**, 64 p. —
Depuis que la Conférence de Berlin a reporté le long du Quango la
frontière orientale de leur colonie d'Angola, les Portugais se sont mis à
étudier le territoire ajouté à leurs possessions et ont poussé leurs explo-
rations au delà du Quango, dans le pays de Lounda, dont le souverain,
le Mouata Yamwo, est le plus puissant des rois nègres. Une grande
expédition, commandée par le major d'infanterie Dias de Carvalho, a
récemment travei'sé le grand empire et atteint les rives du Kallanji (en
portugais Calanhi). Il a été publié sui' cette exploration une série de
mémoires qui en exposent les résultats à tous les points de vue : géo-
graphique, ethnographique, linguistique, etc. L'un des plus intéres-
sants est celui que nous avons sous les yeux : dû à la plume du chef même
de l'expédition, il fournit une méthode pratique pour apprendre la
langue du Loimda. Nous ne pouvons dire quelle étendue aura cet
ouvrage, car nous n'en avons reçu encore que le premier fascicule com-
posé de 64 pages, mais il nous suffit pour reconnaître que la méthode
dont il s'agit, exposée avec clarté, est réellement simple et pourra être
employée avec succès par les voyageurs et par les colons du Lounda.
Les dix-sept premièi^es pages sont consacrées à la phonologie, c'est-à-
dire à l'étude des sons, des lettres et de leur permutation, chapitre dif-
ficile, sans aucun doute, car on sait à quels obstacles se heurte la tran-
scription des sons d'une langue africaine dans une langue européenne.
Ensuite vient le traité de la forme des mots et de leurs transformations,
en d'autres termes, la moi^phologie. Les règles relatives à l'article, au
substantif, à l'adjectif, au pronom, à la formation du pluriel, etc., sont
successivement passées en revue ; plusieui's paragraphes sont consacrés
à des exercices rédigés sous forme de conversation, dans lesquels les
principales règles de la grammaire trouvent leur application. Il s'agit là
d'une œuvre originale et sérieusement faite, de nature à intéresser les
philologues aussi bien que les voyageurs dans le centre de l'Afrique.
Edmond PUmchtd. L'Égyptb et l'occupation anglaise. Paris
(E. Pion, Nourrit et C'O, 1889, in-18, 259 p., 3 fr. 50. — Cet ouvrage
n'est pas une description physique et politique de l'Egypte, mais plutôt
un exposé de son histoire contemporaine et de sa situation financière,
administrative et politique. L'auteur, qui a visité trois fois la vallée in-
térieure du Nil, en particulier à Tépoque, encore peu éloignée, oii Ton
traversait d'Alexandrie à Suez en bateau et eu voiture de poste, connaît
les principaux personnages politiques égyptiens et a été reçu par le khé-
— 223 —
dive. Il nous fait part du ies entrevues
l'un ou de l'autre en discutant les bons e
tioû actuelle de l'Rgypte. Ce sont pr^
autre époque et ces impressions persoui
tels que Tewfick, Chérif, Rjaz, Nubar, A
tiendra les ooins, qui donnent de l'attrail
le règne fastueux d'Ismail, sa chute et s
la révolte d'Arabi, le bombardement d'
Kébir, la perte du Soudan égyptien on
mainte fois. Le livre renferme sur le bu
des domaines, le commercp, l'administra
téressants et peu connus. Un chapitre esi
i^ue à laquelle, nous dit l'auteur, le khé<
sollicitude éclairée et constante. L'ignor
multitude des fellahs et des Arabes, mai
struction se répand et qu'on peut déjà en
■que viendra la régénération de l'Egypte
leusement fécond, dont les indigènes qui
pour le profit de maîtres étrangers, vivei
L'ouvi'age de M, Plauchut est rédig
parti pris un peu trop évident. Nul mieu
que la France a fait en Egypte au point de
ce n'est pas une raison pour considérer t
la France et pour mauvais tout ce qui vie
de la France a diminué en Égyptr, ces
peu par sa faute, car lors de l'interventi
à l'Angleterre la place qu'elle occupe ac
nement anglais entendait agir de concert
qui, pour des motifs de haute politique,
en ÈgjTte. Que les patriotes fraiiçai
l'Egypte par l'année auglai.se, qui a et
cabinet biitannique, rien de mieux ; ma
([ue l'Angieteii-e a ramené la tranquillité
réfonnes, entre auti-c.'* la suppression di
bastonnade, cela montre qu'un patriotts
à des erreui-s de jugement.
B" Fncdrkh Fabri. FUxf jahre deui
(Friedrich-Andreas l'erthes), ISbt), in-
quelques mois, la politique coloniale ail
— 224 —
lougeaut, pourrait deveuir grave. Sur plusieurs poiats, le mau-
)ir des iudigènes ou Tactiou diplomatique des puissances civili-
sée des difficultés plus ou moins grandes et porté atteinte au dé-
eut progressif de l'influence allemaiide. Dans l'Afrique orien-
dictionnaires de la Compagnie aHemande ODt dû quitter presque
places qu'ils occupaient, quelques-ims d'entre eux sont morts,
sseineuts coloniaux ont été détruits et l'accès de l'intérieur
ir longtemps. Bien que l'état' de guerre ouverte n'existe pas
rique allemande du sud-ouest, la situation n'y est pas meilleure.
es Mabarero, excité par un marcbaiid anglais, a annulé tous les
.'il avait passés avec l'Allemagne et toutes las concessions ac-
des Allemands, sur quoi le commissaire impérial et tous les
s établis, à l'exception des missionnaires, ont quitté le pays,
ncun connaît le contlit des Samoa, dans lequel l'Allemagne a
: de la résistance de la part de l'Angleterre et des États-Unis,
des prises de possession et de l'enthousiasme que créait en Ai-
l'idée que le drapeau de la patrie Uottait sur de nouveaux ter-
!St passé ; il faut maintenant défendre les établissements fondés
'à- une conception plus sérieuse de la politique coloniale,
u livre écrit avec la précision et la méthode qui lui sont propres,
ri examine d'une manière complète la question coloniale telle
pose aujourd'hui. Il étudie les différentes faces du problème,
les solutions et combat l'opposition ou l'iudifl'éreuce manifestées
lues personnes à l'égard de la politique coloniale. Le D' Fabri
riote sérieux et convaincu qui croit fermement que le développe-
■itime et colonial est profitable et même nécessaire pour le jeune
lemand ; mais il ne se dissimule pas le^ difficultés de l'enti-e-
stime que, loi-sque l'honneur est engagé, il faut aller jusqu'au
l'Allemagne en fondant des colonies n'a pas créé le* service.^
'S pour en assurer l'entretien et le développement. L'auteur
es commencements et le programme de la politique coloniale
i, et démontre que ce qui a manqué k l'empire ce sont des forces
réparées pour la lutte dans les pays tropicaux et un service for-
-ganisé. Aussi propose-t-il la création d'une petite armée colo-
'un service spécial pour les colonies, nécessaires selon lui pour
le but que l'on s'est proposé.
e, dont l'actualité e.st évidente, offre un i-éel intérêt par le
mbre de renseignements peu conims qu'il renfei-me, la clarlé
sitioii et le souffle viril qui l'anime d'un bout ii l'autre.
— 225 —
BULLETIN MENSUEL (o aom 1889* h
A la suite d'un rapport présenté, le 26 février dernier, à l'Académie de
inédeciiie de Paris, par M. Le Roy de Méricourt, sur la nécessité de créer
des Sociétés latines de médeelns mlsBloniialpes eu Afrique et dans
l'extrême Orient, rapport dont les conclusions furent votées à l'unani-
mité» il s'est constitué une Société dont le but sera d'établir des hôîpitaux-
écoles et des dispensaires, pour répandre, parmi les peuples de l' Afrique
et de l'Asie, les bienfaits dé la médecine, de la chirurgie et de l'instruc-
tion médicale. Le rapport faisait, à bon droit, ressortir la supériorité mar-
quée qu'un explorateur médecin et chirurgien, peut avoir sur tous les
autres. Grâce aux soins qu'il prodiguera sur sa route, il parviendra à
surmonter, dans les plus périlleux voyages, les difficultés auxquelles
se heurtent ceux qui n'ont pas à leur disposition ce moyen d'action.
Plusieurs jeunes médecins ont déjà offert leurs services au comité orga-
nisateur. Celui-ci fait appel au dévouement des médecins, des pharma-
ciens et de toutes autres personnes habitant dans les départements,
aux colonies ou à l'étranger, pour y représenter V Œuvre médicale mis-
sionnaire. Il soUicite aussi des dons pour l'établissement des hôpitaux-
écoles et des dispensaires.
Un des épisodes les plus curieux de la lutte contre les criquets, dans
la province de Constantiney est certainement celui de la défense du
cheif-lieu contre l'invasion des acridiens. Nous en empruntons le récit à
une correspondance du Temps : te Constantiiie ressemblait à une place
assiégée. Une ligne de circpnvallation — de contrevallation, devrait-on
dire, si les criquets faisaient, comme Vauban, des tranchées et travaux
d'approche — la couvrait, ligne de toile, faite d'appareils cypriotes, sur
18,000" de long. On sait que Constantine est perchée sur un gros rocher
qu'entourent, d'une paît, une plaine, et de tous les autres côtés, un
ravin, coupure nette, à pic, profonde de plusieurs centaines de mètres,
au fond duquel coule le Rummel. Elle ne tient au reste du pays que par
le pont qui a été construit sur les restes du pont romain, et par l'isthme
serré, ou plutôt le remblai, qui forme la place de la Brèche. C'est à
Tattaque d€ cette position que, de tous les points de l'horizon, se ruaient
' Les matières comprises dans nos BiUletins mensuels et dans les Nouvelles corn-
plémtntaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à PEst, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
L* AFRIQUE. — DIXIÈME ANNI^E. — N* 8. 8
h
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'i'-.
— 226 —
les criquets. Tous les jardius fuirent mangés. Le grand faubourg Saint-
Jean, qui s'étend hors de la place de la Brèche, au pied et sur les
pentes de Koudiat At>% fut envabi ; rien ne put le défendre. Saint-
Antoine, les prisons, le Bardo, la gare, Mansourah et l'hôpital furent
occupés ou entamés ou assaillis par les envahisseurs. On eut à peine le
temps de préserver ceux de ces points qui devinrent le pivot de la
défense, les attaches de la ligne des toiles. On put tout juste refouler les
bandes qui entraient par la place de la Brèche ou essayaient de franchir
le pont. Cependant elles furent toutes, ou écrasées sur place, ou balayées
dans le Rummel. En ville, c'était le branle-bas, mais avec entrain, bonne
humeur, bon exemple surtout donné par les classes supérieures. Cette
chose inouïe, la réquisition univei'selle par quartiers, renvoi sur les chan-
tiers, pour la défense des jardins et des cultures, de l'ouvrier, du journa-
lier, du marchand dont la journée était perdue sans aucune compensa-
tion alors que l'invasion des criquets dans la ville n'eût été pour lui
qu'un ennui, tout fut accepté parfaitement. On vit partir l'avocat, le
fonctionnaire, le notaire ou le commerçant; le bon juif lui-môme n'a pas
fait trop de grimaces pour quitter son comptoir ; le musulman le plus
fanati(|ue s'c^st embrigadé de bonne grâce. On a fait de la bonne beso-
gne puisque les criquets sont vaincus. C'est le premier siège que subit la
ville depuis qu'elle est devenue française; elle s'en est tirée à sa gloire. »
Les affaires d'Egypte ont donné lieu, à la Chambre fies Communes, à
im, débat dans lequel ont été dénoncées des «trooliés oommises
dAns la i^aerre contre les troapes du malidl* Sir Wilfried
Lawsou a mentionné entre autres, d'après les informations fournies aux
joui*naux par le gouvernement lui-même, le fait que les Égyptiens sont
entrés dans un camp ennemi, l'ont trouvé abandonné et n'y ont plus
rencontré qu'un certain nombre d'hommes, de femmes et d'enfants qui
se mouraient d'épuisement. Ces malheureux étaient dans cet état parce
que les Égyptiens empêchent les indigènes de s'approcher du Nil pour y
puiser de l'eau, et leur font ainsi subir toutes les tortures de l'agonie.
Les forces ég}^tiennes — qui, dans les circonstances actuelles, comme
l'a fait remarquer sir Wilfried Lawson, doivent être considérées comme
des forces de l'Angleterre — vont jusqu'à ravager les champs cultivés et
à détruire les fruits de la terre. Même les hordes des Soudanais n'agi-
raient pas ainsi ; jamais elles ne fouleraient aux pieds la nourriture des
populations. Si ce mode de faire la guerre continue, on verra se repro-
duire au Soudan toutes les horreui's que l'Angleterre a toujours consi-
dérées comme une honte. Le miuistre de la guerre, M. Stanhope, n'a
— 227 —
rien trouvé à répondre. Sir James Fergusson, sous-secrétaire parlemen-
taire n'a pas nié les atrocités commises, et, avec une simplicité qui touche
au cynisme, il a dit qu'après tout les Soudanais n'avaient que ce qu'ils
méritaient, qu'ils n'avaient qu'à retounier d'où ils étaient venus. En
somme, pour repousser des troupes qualifiées de barbares, sir James
Fergusson trouve tout naturel que des soldats au service d'une puissance
eiuropéenne se servent de procédés auxquels les. barbares eux-mêmes
hésiteraient à avoir recours. Ce qu'il y a de plus surprenant, c'est que
cette déclaration n'ait pas soulevé un mouvement d'indignation, dans
cette Chambre naguère si facilement émue par le récit des atrocités
bulgares. Faut-il croii'e que lorsque les intérêts britanniques sont en
jeu^ la Chambre anglaise n'a plus d'entrailles? tJn membre, M. J. Ellis,
ayant exprimé son étonnement, sir James Fergusson a cherché à expli-
4juer qu'en parlant du droit des troupes égyptiennes de repousser l'inva-
sion soudanaise par tous les moyens en leur pouvoir, il n'avait voulu
parler que des moyens qui sont reconnus comme pouvant être employés
par des nations civilisées. Le sous-secrétaire parlementaire trouve-t-il
que les procédés signalés appartiennent & cette catégorie ?
En voyant les troupes italiennes s'emparer de Keren, du pays des
Bbi^B et de r Asmara, on se demande si le chef des forces britanni-
ques qui a installé les Italiens à MassaoUa, les avait instruits des obli-
gations contractées par l'Angleten-e envers le négous pour obtenir son
secours contre les partisans du mahdi? Au moins doivent-ils les connaî-
tre actuellement, car, déjà en 1887, le journal italien Marina e Corn-
inercio a publié le texte du traité conclu entre l'Angleterre et l'Abyssi-
nie, le 3 juin 1884, dont l'article 2 est ainsi conçu : « A partir du
!•' septembre 1884, le pays connu sous le nom de territoire des Bogos
sera restitué au négous, et quand les troupes du khédive auront aban-
donné Kassala, Amideb et Sennaheit, les forts du pays des Bogos, qui
appartiennent actuellement au khédive, seront remis avec tous les
approvisionnements de guerre qu'ils contiennent au négous, dont ils
deviendi'ont la propriété. » En se substituant aux Anglais, ou plutôt aux
Égyptiens, à Massaoua, les Italiens n'ont-ils pas accepté pour eux-
mêmes les engagements pris naguère par l'Angleterre et T Egypte?
M. Bonola, secrétaire général de la Société khédiviale de géographie
du Caire, a bien voulu nous communiquer une note de M. Jules
Borelliy qui devait paraître dans le Bulletin de cette Société, accom-
pagnée d'une carte dressée par l'explorateur lui-même. Nous reprodui-
sons cette note comme complément des renseignements publiés dans
— 228 —
notre numéro de juin, dans l'article intitulé : De la région comprise
entre le hatU Nil et la côte des Sonudis,
« J'ai eu Thonneur de voir, au retour de leur important voyage,
MM. le comte Teleki et le lieutenant de Hôhnel. J'ai travaillé avec ces
messieurs au raccordement de nos routes. Ils ont aperçu les monts Arro,
ou Aro, qui leur ont été désignés sous le même nom qu'à moi. Plusieurs
autres renseignements communs désignent le lac Basso-Narok, qu'ils-
ont appelé Rudolf, comme étant le lac Sciambara ou Sambourou, noms
sous lesquels il est ordinairement désigné. D'après les observations de
ces messieui-s, ce lac est à 600" environ d'altitude. De plus, j'ai retrouvé
une observation que j'avais égarée, faite au continent de l'Omo et du
Godjeb. Elle fixe à 1100" euvii-on l'altitude de ce point, L'Omo ne peut
donc se rendre au Victoria-Nyanza, qui est à une altitujie de plus de
1 100". C'est assurément le fleuve que les voyageurs austro-hongrois ont
vu se jeter dans le Basso Narok. »
Ajoutons que M. Borelli est arrivé à la fin de juin à Marseille, oii la.
Société de géographie de cette ville lui avait préparé une cordiale
réception, dans laquelle il a été félicité de ses travaux de quatre années-
au sud de l'Abjssinie. Il en a ramené deux Gallas et une collection de
photogi'aphies et d'objets ethnographiques.
D'autre part, M. de Hœhnel écrit au Mouvement géographique de
Bruxelles : « Je m'empresse de vous faire savoir qu'en me basant sur
les observations faites pendant le voyage, ainsi que sur les renseigne-
ments recueillis dans des entretiens que j'ai eus à Aden avec M. Cecchi,.
et au Caire avec M. Borelli, j'ai acquis la conviction absolue que les lacs
Rodolphe (Sciambara) et Stéphanie (Sambourou) constituent des bas-
sins absolument indépendants, aussi bien de l'Océan que du Nil. Le lac
Rodolphe n'est que le dernier membre d'une série de lacs qui s'étend
dans une direction générale sud-nord, du 4° lat. S. au 5** lat. N., au
fond d'une fente volcanique énorme.
D'après le Times, les meilleurs rapports existent entre les fonction-
naires de rimperlal British JBast Af rlcan Company, d'une part,,
et le sultan de Zanzibar, les chefs et les habitants du territoire de la
zone d'influence anglaise, de l'autre. Des renseignements ont été recueillis
sur la valeur des ports situés le long de la côte. Les plans de Mombas et
de Kilifi montrent que ces ports sont excellents, et la Compagnie espère
que Mombas prendra la place de Zanzibar comme entrepôt des mar-
chandises pour l'intérieur. Mombas est salubre pour les Européens et
peut le devenir davantage encore par des mesures sanitaires. Des jeté^.
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— 229 —
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sont envoie de construction; une ligne télégraphique est projetée le i^i
long de la côte pour permettre aux fonctionnaires de la Compagnie de
'Communiquer dii*ectement avec le quartier général à Mombas. Les
sujets hindous anglais dont les habitations ont été ruinées par la guerre,
se sont réfugiés sur le territoire britannique ; les caravanes commercia-
les envoyées dans Tintérieur ont fait de bonnes affaires. Un essai de
monnaie de cuivre portant le nom de la Compagnie a si bien réussi,
•qu'un contrat a été fait pour une nouvelle livraison de dix mille kilo-
grammes de cette monnaie; la question de l'utilité d'en frapper une en
argent est à l'examen. Une des plus importantes caravanes expédiées
vers les lacs Naïvasha et Baringo était commandée par M. F.-J. Jack-
son. Quoiqu'elle n'ait pas accompli tout ce qu'on en attendait, elle a
acquis une connaissance suffisante du pays pour pouvoir choisir une
demi-douzaine d'endroits propres à l'établissement de stations, que
M. Jackson fondera dans un voyage ultérieur. De là, des expéditions
seront envoyées pour nouer des relations dans les districts au nord et à
l'ouest du Victoria-Nyanza. La Compagnie espère que ses agents ren-
<îontreront Stanley, eu route de l'intérieur vers la côte. Elle tient à ne
pas perdre de temps pour s'assurer la région située au nord et à l'ouest
du lac Victoria. Chaque jour, dit le Tirnes, a son importance, en présence
d'une horde d'aventuriers, sans scrupules, en campagne et décidés à
contrecarrer les grandes visées pour lesquelles cette Compagnie a
obtenu son privilège. On espère que les caravanes de M. Jackson et
d'autres inspireront assez de confiance aux indigènes pour tenir tête
AUX marchands d'esclaves, aux maraudeurs, assurées qu'elles seront du
ferme appui de la Compagnie. Une autre caravane, commandée pai-
M. J.-R.-W. Pigott, a été expédiée dans la direction de la Tana, pour
nouer des rapports avec les chefs de cette partie du pays, et de là con-
tounier le mont Kénia, jusqu'à ce qu'elle rejoigne M. Jackson au lac
Baringo. Aux dernières nouvelles (25 avril), M. Pigott était tout près du
Kénia. Ces deux caravanes ont à leur service un millier d'indigènes. La
Compîignie fait construire deux routes, l'une de Mombas à Mboungo,
l'autre de Mombas à Mélinde. Le Times ajoute en tenninant : « La
Compagnie reconnaît évidemment que les intérêts de l'empire lui sont
confiés. En favorisant ces intérêts, elle peut être assurée de l'appui du
pays et du gouveniement; on attend d'elle, maintenant, qu'elle prenne
l'initiative de faire progresser ces intérêts dans tous les sens. Elle ne
devra pas perdre de temps, pour établir la ligne anglaise de communi-
cation proposée du Cap au Nil. »
■-'■/.
LlXi
*- 1>
— 230 —
Dans la première assemblée générale de l'impérial British East Afri-
can Company, le président, M. Mackinnon, a donné un aperçu de la
ligne de conduite que la Compagnie se propose de suivre. Les stations à
créer seront peimanentes et reliées entre elles par un fil télégraphique^
Le centre des opérations sera Mombas. A partii* du mois d'août, et
conformément aux termes du contrat passé avec le sultan de Zanzibar,
la Compagnie prendi'a la dii-ection de T administration des droits de sor-
tie. Elle croit le moment venu d'inviter le public à participer h l'entre-
prise, et, à cet effet, elle ouvrira une souscription pour réunir le .capital
nécessaire. M. Mackenzie, directeur de la Compagnie en Afrique, a
exprimé l'espoir que les résultats financiers de l'entreprise seront fort
beaux, et la conviction que l'importance de l'œuvre lui vaudra la pro-
tection et l'appui du gouvernement anglais. La population indigène des
Indes anglaises, a-t-il ajouté, augmente dans de telles proportions, que
les ressources du pays ne subviendront bientôt plus aux besoins de ses
habitants ; ceux-ci pourront émigrer vers la côt^ orientale d'Afrique,
dont le climat leur conviendra mieux que celui de n'importe quelle
autre possession anglaise. Tout le commerce de cette partie de l'Afrique
pi^end aujourd'hui le chemin de Zanzibar, mais M. Mackenzie est per-
suadé que Mombas est appelé à devenir, dans un avenir peu éloigné, le
grand centre du commerce à la côte orientale. Sir John Kirk, ancien
consul général d'Angleterre à Zanzibar, a confirmé les assertions de
M. Mackenzie au sujet de Mombas. Les Arabes, a-t-il dit, sont tout dis-
posés à travailler de concert avec les Européens.
Au milieu des troubles de l'Afrique tropicale orientale, les mission-
naires de la Société des missions ani^lioanes ne se sont pas laissé
ébranler dans l'accomplissement de leurs devoirs. Le représentant du
gouvernement britannique à Zanzibar a mis à leur service toute l'iu-
fiuence qu'il possédait pour leur faciliter la retraite vers la côte s'ils
jugeaient préférable de ne pas exposer leur vie à l'irritation des Arabes,
toutefois ils ont pi'éféré rester à leur poste. Sans doute ceux de l'Ou-
(rauda ont été chassés de Roubaga, mais ils attendent à Ousambiro, au
sud du lac Victoina, que la porte se rouvre, pour retourner dans leur
premier champ de travail, car ce ne sont pas les indigènes ba-gauda qui
les ont forcés de pailir, ce sont les Arabes, étrangers au pays, maîti'es
du pouvoir actuellement dans la personne de Kaléma, qu'ils ont fait
monter sur le trône et qu'une révolution des natifs pourrait fort bien en
faire descendre. Le consul général anglais à Zanzibar a pu, grâce à
l'intermédiaire de l'amiral allemand commandant de l'escadre employée
— 231 —
au blocus le long de la ligne de côtes placée sous le protectorat allemand
et des missionnaires romains de Bagamoyo, entrer en raj^rt avec Bou-
chiri, le chef des indigènes révoltés contre les Allemands, et a obtenu
de lui de faire arriver à la côte, sains et saufs, M. et M*^ Roscoe, dont la
santé avait souffert, et qui ont quitté temporairement leur champ de
travail pour se rendre à Frere-Town, et M. Hooper, de la mission du
Victoria-Nyanza, qui est venu en Europe pour solliciter des renforts.
Mais les missiomiaires de Mpouapoua et de Mambola, auxquels M. Smith
avait écrit de bien examiner si des intérêts supérieui*s leur faisaient un
devoir de rester exposés aux dangere qu'il leur avait indiqués, sont res-
tés à leurs postes respectifs.
Une lettre d'un des missionnaires d'Alger, de la station de Kibanga,^
au fond du golfe de fiurton sur la côte occidentale. du Tani^anylka,
permet déjuger des progrès qu'ils font faii-e à l'agriculture et à l'arbo-
riculture par l'introduction des espèces d'Europe, h Le P. Coulbois
s'entend fort bien en arboriculture, et bientôt la mission possédera des
milliers d'arbres fruitiers variés, dont beaucoup donnent depuis deux
ans. Nous avons des centaines d'ananas, des mangues, etc., plusieurî^
centaines de pieds de café poussant dans notice jardin. Le potager est
magnifique. Nous avons autant et même plus de légumes que nous no
pouvons en manger, et de toute espèce. Les pommes de terre semblent
ne pas mal réussir. L'année dernière, nous en avons récolté pluâeurs
double décalitres, de manière à pouvoir en manger presque tous les
dimanches. Cette année, nous eu avons planté un demi-hectare. Nous
avons une petite provision de blé, mais il n'est pas beau. Continuez à
nous envoyer des graines d'eucalyptus. Les seuls ennemis que nous
ayons à redouter sont les Wa-Ngouana, qui nous causent beaucoup
d'ennuis. Ce sont des brigands qui ne cherchent qu'à piller et à faire
des esclaves. »
Après avoir fait des sondages dans le canal de Mozambique, où il a
trouvé une moyenne de fond de 2000", le Gréai Northern, de l'Eastern
and South Cables Company, eu a fait dans la rade de Mi^uiif^, à
Madagascar, en vue de réunir par un câble cette ville à MosBambi-
que. De Majunga, une ligne par terre serait établie jusqu'à Tamatave,
en passant par Antananarive, puis, de nouveau, la communication avec
la Réunion et Maurice se ferait par câble sous-marin. La ligne porterait
le nom de Mozambiqtie-Maurititui-Cable. Les administrateurs de la
Compagnie anglaise ont traité avec le gouvernement français pour la
section de Madagascar.
— 232 —
otioii provoquée en Angleteri-e pat- la résiliatiou du contrat
; gouvernement portugais et la Comptante du chemin de fer de
so-Har^nes commence à se calmer. On comprend que \en
nirex et les obligataires anglais qui ont mis de l'argent dans cette
ise se sentent lésés dans leurs intéréte. Mais Pautorité portu-
i peut être rendue responsable des lenteurs que la Compagnie a
remplir les obligations stipulées dans le contrat. Aux termes de
, le chemin de fer aurait dû être achevé le 30 octobre 1686; par
our la Compagnie, le gouvernement a accordé des délais à plu-
■epi-isea ; en dernier lieu il avait été convenu que la ligne serait
io le 24 juin. Cette fois-ci, la Compagnie n'ayant pas rempli ses
uents, le contrat a été résilié. Dans l'irritation éprouvée par ie^
lés anglais, coux-ci ont oublié que la Compagnie est portugaise
Ht qu'aux lois portugaises, et que le gouvernement dans ses rap-
.ec la Compagnie ne peut se régler que d'après les termes du
et des lois i>ortugaises. Le gouvernement a usé de son droit; si
innaires et les porteurs d'obligations estiment que leurs intéi-êts
es, ils ont, dans le contrat et dans les lois portugaise auxquelles
Is peuvent recourir, les moyens de se défendre et de faire valoir
'oits,
empruntons les renseignements suivants sur l'activité qui règne
gne du chemin de fer de Natal * Ladysailth, à une lettre
le missionnaire Grandjean, que sa santé avait obligé à quitter
airement la baie de Delagoa pour se rendre à Howick, dans la
de Natal. Ijes journaux sont remplis de comptes rendus sur le
ent dos diverses mines, Johannesbourg et Barberton deviennent
kIs centres. Les gens de métier y font défaut, et certains jour-
iiglais ont répandu le bruit, un peu exagéré, que des milliers de
et de charpentiers y trouveraient de l'ouvrage à 20 et 30 shil-
tr jour. De Ladysmith, point terminus du chemin de fer, partent
lement une quantité de wagons; on parle de plusieurs centaines,
nin de fer est encombre de marchandises ; son revenu du mois de
s'est élevé à la somme incroyable de 45,000 liv. stcri. Outre cela
nntité de wagons à bœufs circulent, même là où le chemin de fer
Nous en vovoils passer chaque jour un grand nombre chargés de
construction. Ce n'est pas seulement ici que les voies de commn-
:i sont encombrées; les deux Compagnies de navigation entre
s et Natal n'arrivent pas à tout transporter, et vont envoyer
t deux mois un steamer par semaine, au lieu de un tous les
— 233 —
quinze jours, comme précédemment. Le télégraphe même est encombré,
et l'on se plaint que souvent un tél^gi-amme arrive en même temps
qu'une lettre qui l'explique ou même plus tard.
Un débat a eu lieu à la Chambre des lords au siget du trafic des
spifitaeux en Afrique, plusieurs des membres de la Chambre deman-
daient que le gouvernement établît des règles propres à restreindre la
vente des boissons dans ses colonies, et qu'il insistât auprès des autorirtés
coloniales pour que les lois existante^ fussent strictement observées.
Lord KijLUtsford, secrétaire d'État pour les colonies, déclara que k
chose urgente était d'appliquer la législation. Dans le Ba-Soutoland et
dans le Zoulouland, la population étant composée d'indigènes, il est plus
facOe d'appliquer la loi qui interdit la vente des spiritueux. Dans le
Be-Chuanaland, qui a une population mixte, il n'a pas été possible de
défendre l'importation des liqueurs. Quant au gouvernement de Natal,
si la loi n'a pas été suffisamment appliquée, cela vient du fait que la
police n'était pas numériquement assez forte. D a été fait des proposi-
tions d'instituer des surveillants qui, entre autres devoirs, auraient celui
de s'enquérir de la manière dont sont perçus les droits de douane. Ces
inspecteurs ont été nommés, et M. Knutsford a insisté auprès d'eux sur
la nécessité de veiller à ce que la loi fût exécutée et à ce que le trafic
des spiritueux aux. natifs fût limité. Dans le Zoulouland et dans la Nata-
lie la loi .a été appliquée et personne ne s'est plaint de la manière dont
elle l'a été. Dans le Ba-Soutoland, le trafic des spiritueux a été sup-
primé. Quant au Be-Chuanaland, lord Knutsford a fait renforcer la loi ;
quiconque vend des liqueurs aux natifs est en contravention. Des rec(»n-
mandations ont été faites pour que l'on n'accorde plus de patentes
qu'avec beaucoup de précautions, et que ceux auxquels elles seront
accordées soient placés sous la juridiction de magistrats qui puissent
exercer sur eux un contrôle plus vigilant.
M. Machado, ingénieur portugais, a présenté au ministre de la marine
les études du cliemin de fer de Moasamédès au Bihé» dans sa
première partie, c'est-à-dire de Mossamédès au haut de la Chella. Mais
Benj^uela réclame pour que son port serve de tète de ligne à la voie
du Bihé. Quoi qu'il en soit, les facilités que créeront l'une ou l'autre
ligne entre la côte et le plateau ne pourront qu'être avantageuses à la
colonie portugaise. Cette partie de l'intérieur offre à l'émigration l'at-
trait que présente aujourd'hui le Brésil ou telle autre partie de l'Amé-
rique méridionale. Une fois la ligne construite, le gouvernement pourra
offrir aux émigrants des emplacements qui leur assureront des condi-
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— 234 —
tiens climatologiques favorables, et des terrains d'une grande fertibté,
en même temps qu'ils auront la possibilité d'écouler l'excès des pro-
ductions agricoles. Aujourd'hui les colonies déjà fondées sur le plateau
ont certes un bon climat et un sol fertile, mais elles ne peuvent que dif-
ficilement faire parvenir les produits de leur sol sur les marchés de la
côte, parce que les frais de transport sont beaucoup trop élevés.
Les Colonias poriugtiezas donnent les renseignements suivants sur le
mouvement des douanes d'Ambriz, Loanda, Benguela et Mossamédès,
montrant la marche progi-essive du commerce dans l'Angola t
En 1866 1.670.000 piastres.
1871 3.736.000 »
1877 4.267.000 »
1883 4.249.000 »
1887 4.786.000 »
1888 5.514.000 »
On voit que le mouvement commercial s'accroît rapidement, puisque
en une vingtaine d'années il a plus que triplé, et tout porte à croire
qu'à mesure que le chemin de fer d' Ambaca, et la ligne projetée de Ben-
guela ou Mossamédès au Bihé se développeront vers l'intérieur, ce pi'o-
grès deviendra plus considérable.
La Chambre des représentants de BruxfeUes a autorisé le gouverae-
ment à participer à la constitution de la Compagnie du chemin de
fer du Coim^ par une souscription de dix millions de francs, repré-
sentée par 20,000 actions de capital de 500 francs chacune, productive
d'un intérêt de 3 Vî 7o amortissables au pair eu 99 ans. D'après le rap-
port fait à la Chambre, la construction coûtera 25 millions de francs ;
l'exploitation 1,200,000 fr. et les recettes seront suffisantes pour rému-
nérer le capital. Les quinze premiers millions ont été entièrement sous-
crits par un syndicat de capitalistes anglais, allemands, américains,
français et belges, ces derniers y participant poui* une somme de plus
de sept millions. Jusqu'à concurrence do 92 ^o le matériel fixe et roulant
du chemin de fer, ainsi que les marchandises d'échange destinées au
paiement des salaires des ouvriers, seront de fabrication belge. La
Compagnie du Congo pour le commerce et l'industrie, possédant, par le
fait de la convention qu'elle a passée avec l'État Indépendant, en 1887,
le droit d'option pour la concession de la construction de la ligne et de
son exploitation, a déjà pris toutes les mesures pour pousser active-
ment l'entreprise. Les travaux sur le terrain pourraient être commencés
avant la fin de cette année-ci. Le rapport estime qu'ils pourront être
achevés en quatre ans.
■ I
-tijj
Ilf
i-
— 235 —
n << Jusqu^à présent, » dit un rapport du Conseil d'administration de la
s [1 Compagnie du Congo, « les steamers transatlantiques ne dépassaient
kl pas Borna, oii sont situés les principaux établissements commerciaux du
ba4» €oii|^. Les succursales, situées sur les bords du fleuve en amont
jusqu'à Matadi, étaient desserties par les petits steamers de l'État indé-
pendant et par ceux des factoreries de Banana et de Borna : le Héron
de 120 tonnes, VItumba de 155 tonnes, le Cari Niemann de 250 tonnes,
le Prim Heinrich de 72 tonnes, le Lmo de 88 tonnes, etc. Dans cette sec-
tion du fleuve, le courant est très rapide, mais partout les profondeurs
sont grandes. Le capitaine de steamer Boyé, chef du pilotage de l'État,
a fait des sondages dans toute cette section du fleuve, à l'époque des bas-
ses eaux. En aucun point, il n'a trouvé une profondeur inférieure à 20
mètres. Ces sondages prouvent que tous les vapeurs de mer, marchant
avec une vitesse supérieure à 9 nœuds, pourront sans difliculté remonter
le Congo jusqu'à Matadi. C'est l'avis de tous les capitaines de navire
qui font les fonctions de pilotes dans le bas Congo. » En effet, le Lita-
loba, de l'African Steamship Company, deLiverpool, l'un des plus forts
steamers de cette Société, jaugeant 1860 tonnes et pouvant en charger
2500, arrivé à Boma le 18 juin dernier, a continué à remonter le Congo
I et a jeté l'ancre dans le port de Matadi. Au point de vue économi-
' que, le fait a une portée considérable, puisqu'il résout le problème de la
navigabilité du bas Congo, de Banana à Matadi, et que les bateaux de
haute mer pouiTont, sans rompre charge, déposer leur cargaison à la sta-
tion tête de ligne de chemin du fer.
Mgr Carrie, vicaire apostolique du Congo français, a profité des cir-
constances favorables pour fonder une première station sur l'Ouban^i.
A cette occasion il donne aux Missions catholiques les renseignements
suivants : Deux maisons de commerce, l'une française, la maison Dau-
mas de Paris, l'autre hollandaise, la grande Compagnie du Congo, ont
essayé d'acheter de l'ivoire, qui y abonde; toutes les deux ont dû y
renoncer, les propriétaires de l'ivoire ne voulant, pour toute marchan-
dise d'échange, que des esclaves à manger. La station missionnaire a été
établie à la poînte Iranga, à l'entrée de l'Oubangi. Jusqu'à ce jour les
populations qui habitent en amont, dans le voisinage du poste finançais
de Modzaka, par 2° lat. nord, ont résisté à l'influence civilisatrice euro-
péenne ; elles refusaient de vendre des vivres aux soldats du poste, qui
ne pouvaient soitir qu'en armes. A l'entrée de l'Oubangi, les mission-
naires espèi*ent être en sûreté et pouvoir racheter les malheureux escla-
ves que l'on mène à la boucherie et qui toucheront à la pointe Iranga
,i:r-
— 236 —
située au conflueut de TOubaugi et du Cougo, elle peut Cacilement exer-
cer la surveillance sur les deux cours d'eau. Une station nouvelle sera
créée aux rapides de Zongo, lorsque le Heuve sera plus connu.
M. Donald Mackensle a envoyé à VAMisîavery Bq^orter un inté-
ressant rapport sur son récent voyage au cap ilaby, où il arriva le
28 mars. Le 30 il eut une entrevue avec treize chefs de Ait, qui discutè-
rent avec lui la situation générale» et exprimèrent le désir de conserver
cette station comme port. Habeeb Woold En Najim ouvrit la conférence
et, au nom des chefs présents, fit remarquer qu'aucun pays ne peut
prospérer sans gouvernement, ni un gouvernement exister sans un chef.
Le cap Juby a été longtemps sans gouvernement, aussi n'a-t-il pu pros-
pérer. Il y a donc lieu de faire cesser cet état de choses et d'établir un
gouvernement sous un chef. Les Baïrooks ont régné sur ce pays depuis
très longtemps, et il n'y a que l'un d'eux qui puisse assumer la respon-
sabilité du gouvernement du cap Juby et du pays environnant. Le dé«ir
fut exprimé qu'un des fils du dernier cheik Mohammed Balrook fût
désigné comme chef au cap Juby. Tout le monde fut d'accord. M. Mac-
kenzie partageait ce désir. Habeeb déclara que tous les maraudeurs
seraient chassés et que les marchands arrivant au cap Juby ou en par-
tant seraient protégés ; si le sultan du Maroc envoie une armée pour
détruire la place, ils la défendront de tout leur pouvoir.
Depuis son retour en Angleterre, M. Donald Mackenzie a appris que
le sultan du Maroc fait toujours tout ce qu'il peut pour empêcher les
natifs de trafiquer avec le cap Juby. Il a envoyé une armée pour punir
les tribus amies des Anglais, mais celles-ci ont battu l'armée du sultan.
D'autre part, des avis de Mogador annoncent qu'un chef indigène du
territoire du cap Juby, à la tête de 600 soldats impériaux, a attaqué une
tribu kabyle avec laquelle les Anglais entretiennent des relations com-
merciales ; plus de 600 tètes de bétail, gardées dans une sorte de maga-
sin appartenant à un Anglais, auraient été enlevées. Les Anglais, crai-
gnant une surprise, ont pris des mesures de précaution.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
M. de Lesseps a annoncé à l'Académie des Sciences que le Conseil d'adminis-
tration du canal de Suez a décidé de porter la largeur du canal de 22*" à 65"^
dans les parties rectilignes ; à 75°* au sommet des courbes à grand rayon, et à 80^
dans les courbes à petit rayon.
— 237 —
Parmi les prisAimiers faits sur les troupes du mahdi, ae trouve
nommée Mariette Caracolo, née eu Italie; elle a été amenée dn
Dongola. Elle a rapporté que cinq religieuses et deux frères missio
toQJottra captifs jk Ehartoum.
La cbalear est excessive à Sonaldm. Dans les maisons les pins frali
momëtre marque 59"; la machine à faire la glace appartenant au g
ne peut pas finctionner,
La mission du Choa, ayant & sa tête nn cpasin de Ménélik, est arriv
elle sera à Rmne le mois prochain. Hénéliï a été reconnu négous s
Abonna abyssins. Il marchait sans encombre vers Gondar et de là il
rendre dans le Tigré.
L'état de désordre dans lequel se trouve actuellement l'Afrique cri
toriale a engagé les missionnaires d'Alger à fonder une station pli
Mponda, au sud dn lac Nyassa, sur le Chiré.
M, Ehlers est reparti pour le Kilimandjaro, chargé de remettre, i
Onillaume It, des cadeaux an roi nègre qui lui a envoyé des ambass
D'après une déclaration de M. Barras Gomeï aux Cortés portugai:
nant Leal serait chargé de construire une station it l'extrémité and'dt
sur les terres dn chef indigène Migorde. Ce serait le premier acte d'o
Portugal sar le Nyassa.
Les Cdonias Portuguetas annoncent que les études du chemin
Zatabéeie sont terminées. A partir de Quillmane jusqu'à Mopela, la
189 kilom. Les études ponr la section du haut Chiré vont commence
Une commission composée de délégués du Portugal, de l'Angleteri
vaal et du petit État de Musauate, a déterminé les frontières entre 1
portugaise de Lorenzo-Marquez et le Swazieland ou Mussuate. Ce
part de la rivière Usuto au sud, traverse les monts Lebombo sans
ligne de faite; elle s'incline an N.-N.E. et se termine au point où la
Transraal et le territoire du Swaaieland rencontrent la frontière porti
Une divergence existant entre sir Hercules Robinson, gouverneur <
dn Cap, et le ministre anglais des Colonies, sur la façon de gouverni
sions de l'Afrique australe, sir Robinson a donné sa démisstou. Le mil
veut gouverner de Londres tons les territoires annexés, tandis que I
vemeur estime que le seul moyen de prévenir les complications grai
rattacher les nouvelles acquisitions territoriales aux colonies déjà exi
les ériger en colonies nouvelles. Il a été remplacé par sir Henri '.
fonctionnaire colonial.
Un décret du souverain de l'État Indépendant du Congo a institué
à décerner aux chefs indigènes congolais qui auront fait preuve de ]
dévonement et qui auront rendu des services à l'État. Elle sera
argent ou bronie, et portera d'un cûté l'efBgie du souverain, de Vaut
de l'État dn Congo surmontées des mots : • Loyauté et dévouement, <
La Sandford Ëxploring Expédition a envoyé à Anvers 16.000 kil<
représentant une valeur de pins de 950,000 francs.
— 238 —
Une station missionnaire belge va être créée à Loulouabourg } les frais d'instal-
lation seront couverts par une initiative privée.
M. Koget, chargé du commandement du camp de l'Arououimi, a quitté Borna
avec un détachement de 270 hommes; la force du camp sera de 600 hommes.
Le gouverneur général de PÉtat du Congo à Borna a envoyé du vaccin aox
missions de Palabala et de Bauza-Manteka, qui lui en avaient demandé. Les ino-
culations dans ces contrées, toujours infestées par la petite vérole, sont nombreu-
ses et se font avec succès. Les indigènes eux-mêmes commencent à les pratiquer.
M. Alexandre Delcommune, chef de l'exploration commerciale du haut Congo
pour la Compagnie du Congo pour le commerce et l'industrie, est rentré en Bel-
gique, après avoir exploré la plus grande partie du bassin du Congo. Il a rapporté
une riche collection de produits africains, ainsi qu'une collection photographique
comprenant plus de 200 vues du liaut fleuve et de ses affluents.
M. le capitaine Cambier, nommé inspecteur d'État pour le Congo, est parti le
1" juillet à bord de VAfrica, avec M. le lieutenant Le Marinel, ancien adjoint à
la station de Loulouabourg, qui retourne au Congo, chargé de la fondation et du
commandement du camp retranché que l'État Indépendant se propose de créer sur
le haut Sankourou, dans les parages du confluent du Lomami.
Un télégramme de Zanzibar, du 16 juin dernier, avait annoncé l'arrivée en cette
ville de lettres d'Oudjidji, sur le Tanganyika, datées du 10 mars, d'après lesquelles
Stanley aurait opéré sa jonction avec Tipo-Tipo et renvoyé ses malades au Congo.
Ces lettres portaient, en outre, qu'il se disposait à gagner la côte orientale avec
Émin-pacha et que Tipo-Tipo comptait, de son côté, arriver à Zanzibar en juillet.
Le Mouvement géographique fait remarquer que les auteurs de ces lettres ont dû
être mal informés, le gouvernement de l'État Indépendant du Congo ayant reçu
à Bruxelles une dépêche d'après laquelle, à la date du 27 avril dernier, Tipo-Tipo
était toujours à sa résidence des Stanley-Falls.
En novembre 1888, M. Treich Laplène, chargé de conduire au capitaine Binger
un convoi de ravitaillement, avait signé avec le roi du Bontoukou un traité qui
plaçait cet État sous le protectorat de la France. Peu de temps après, un agent
anglais, le capitaine Leithbridge, arriva à son tour dans le Bontoukou et s'efforça
(le réduire à néant la convention conclue avec la France. Il enleva le drapeau
français et signa une conventipn avec le roi susnommé. Le gouvernement anglais
aurait dénoncé les empiétements des agents français sur la côte occidentale
(l'Afrique. Il ignorait sans doute le procédé de l'agent britannique.
Le chemin de fer du haut Sénégal, abandonné pen4ant quelque temps , puis
repris avec de faibles ressources, va maintenant jusqu'au fort de Bafpulabé; la
longueur en est de 128 kilomètres. Les villes de Khayes, Médine, Bafoulabé, qui
sont sur la ligne, se développent rapidement,.
Une nouvelle conférence africaine, à laquelle prendront part les puissances qui
ont été représentées à la conférence de Berlin en 1884-1885, se réunira l'autonm^
prochain. Sur la proposition du gouvernement anglais, d'accord avec le gouverne-
ment allemand, la conférence aura lieu à Bruxelles, Outre l'Angleterre et l'Aile-
— 239 —
m^goe, les puissances qui y ont d^à adhéré sont la Belgique, r|)tat Indépendant
du. Congo, la France et l'Italie. L'objet principal de la réunion sera la question
de la traite des nègres et la recherche des moyens à employer pour £aire pénétrer
de plus en plus Pinfluence civilisatrice de l'Europe au centre du continent.
CHRONIQUE DE L'ESCLAVAGE
La Gazette officielle de la Tripolîtaine publie un décret du gouver-
neur général abolissant la traite des esclaves et instituant des peines
sévères pour toute infraction à ce décret,
M. Ch. Allen, secrétaire de la British and Foreign Antislavery
Society, a publié dans le Tirnes la lettre suivante de M. Flad, mission-
naii'e. Elle confirme les craintes que la défaite des Abyssins parles Der-
viches pouvait faire naître, de voir T Abys^înie chrétieiuie augmenter
la liste des territoires désolés par les chasseurs d'esclaves.
Permettez-moi, dit M. .Flad, de vous adresser la lettre suivante que
j'ai reçue hier. Peut-être pouiTez-vous faii*e quelque chose dans cette
affaire, je l'ai traduite de l'amhaiùc, dans lequel elle a été écrite h
Aden le 22 avril; elle est signée par sept Abyssins y résidant.
« Puisse cette lettre parvenir à M. Flad. Notre patrie, TAbyssinie,
souffre de par la volonté de Dieu. Les Derviches (^mahdistes) ont réduit
en désert l' Abyssinie occidentale. Les Abyssips ont combattu bravement,
mais ils ont été défaits plusieurs fois ; des milliers de chrétiejis ont été
vendus comme esclaves, sans compter les jnilliers de ceux qi^i ont été
froidement massacrés. Parmi ceux qui ont été vendus comme esclaves et
envoyés à la Mecque, beaucoup appartiennent à notre noblesse. Ils se
sont adressés à nous pour que nous leur aidions à recouvrer leur liberté,
et nous sommes dans une grande angoisse au su^et de nos frères et de
nos sœurs qui ont été réduits en esclavage et conduits en pays musul-
mans. Nous voudrions lem* venir en aide, mais nous ne savons comment
faire. Nous savons que vous êtes un grand ami de notre nation, et c'est
pourquoi nous nous adressons à vous. Au nom de Christ, portez à la
connaissance des clu'étiens d'Europie, qui craignent Dieu et aimejit les
frères, le triste sort de nos £rèi*es et de nos sœurs. Se peut-il qu'au dix-
neuvième siècle des chrétiens deviennent les esclaves de mahométansV
Pourquoi est-il permis à des musulmans brutaux et fanatiques de réduire
en déseit un pays chrétien comme l'Abyssinie, et d'en extirpei* le chris-
ti^inisme. Oh! que cet appel trouve le chemin de votre cœur. »
— 24Ô —
Une autre lettre, dit encore M. Flad, reçue d'un missionnaire qui a
été élevé en Allemagne, décrit ainsi les incursions des Derviches :
« En 1885, les Derviches envahirent la province d*Asmara, en brûlèrent
toutes les églises et les maisons, emmenant les habitants en captivité.
En 1886, ils firent de même dans la province de Tshelga, et vendirent
la population comme esclave. Ils brûlèrent aussi le célèbre monastère
de Mahabera et en massacrèrent froidement lee moines. En 1887, le
roi Jean les défit; mais, en 1888, ils envahirent de nouveau le pays,
chassèrent le roi du Godjam, emmenant avec eux des milliers de chré-
tiens qui furent vendus comme esclaves. » Je souftre profondément
pour ces malheureux, comiaissant le caractère brutal de ces fanati-
ques musulmans.
Dans son ouvrage : De 1883 à 1887 au Soudan, M. A.-B. Wylde,
vice-consul anglais à Jeddah, donne sur la pêche des perles dans la
mer Ronge, par des esclaves, les renseignements suivants : « La
pêche des perles est le travail le plus cruel; chaque bateau a deux ou
trois petits esclaves auxquels on apprend ce métier. Après quelques
jours de recherches, lorsque les bateaux travaillent au-dessus d'un
banc d'huîtres à perles couvert de trois ou quatre brasses d'eau seule-
ment, on montre aux petits esclaves les coquilles qu'il faut rapporter;
quoique peut-être ils ne sachent pas nager, on les fait descendre dans
l'eau, une pierre attachée aux pieds, une bride sous les bras, une cor-
beille liée à leur gilet. D'abord, on ne les tient sous l'eau qu'une
demi-minute environ, puis on les fait remonter. S'ils ne rapportent pas
une coquille ou deux, on leur fait sentir le bout de corde ou le bâton. Je
ne connais rien de plus cruel, pour un petit garçon qui vient d'être
amené au bord de la mer, que d'être descendu sous l'eau pour
pécher des huîtres. Il lui est impossible d'échapper, la lourde pierre le
fait descendre, et je me suis souvent demandé ce qu'ils doivent éprou-
ver la première fois qu'on les descend dans les profondeurs de la mer.
Beaucoup meurent du choc qu'en reçoit leur organisme et de peur.
Lorsque l'enfant, qui était descendu vivant dans l'eau, en est remonté
par son propriétaire, celui-ci ne retire souvent que l'enveloppe de son
esclave. La vie que mènent ces pauvres petits avant d'êti-e accoutumés
à ce métier est très dure ; celle des esclaves employés à garder les trou-
peaux ou dans des plantations de palmiers l'est moins. »
Dans la conférence donnée au Caire par M. J. Borelli sur son explo-
ration des pays Gallas, au sud du Choa, le voyageur a rapporté que
les esclaves forment un des articles les plus importants du marché de
— 241 —
DJiiMfti ob tous les jeudis se pressent quinze ou vingt mille p
On y en voit toujours quatre ou cinq cents, alignés, assis sut
pes, leurs propriétaires derrière eux. Le prix d'un esclave ee
remeut de sept k douze talaris, il n'excède jamaig vingt talarii
source de la richesse du roi de Djîma, qui s'en sert pour payi
but k Ménélik. Dans son propre pays et dans son voisinage imi
dernier interdit bien officiellement le commerce des esclaves,
même et tous ses officiers, après chaque expédition, ramëneDl
des milliers de prisonniers esclaves. Lorsque le roi de Dj
apporter sou tribut à Ménélik, il lui offre des esclaves, qui son
avec empressement, Ménélik t<e gardant de lui faire la pluslég
vation contre un commerce qui se pratique dans son intérêt.
h' ATiHslavery Report donne des .renseignements sur la
assemblée générale de l'imperl»! Britiah Eaat Afrio
P«»y» présidée par M. Mackinnon, et k laquelle assistaient
kenzîe, agent de la Compagnie à Monibas, et sir John Kirk, a
sul général anglais à Zanzibar. M. Mackinnon a affirmé que I
la Société est d'accroître le bien-être des natifs dans cette
l'Afrique. Il fallait tout d'abord organiser un peu le paj'S et pr
indigènes que le désir de leur être utile, manifesté par la Ci
n'était pas un vain mot. Il estime que M. Mackenzic a agi
ment en prenant à la solde de la Compagnie, pour faire la pol
principaux chefs de Mombai, dont il s'est fait un ami en lui p
petite subvention. Le premier grand travail à entreprendre st
stmction d'une ligne de chemin de fer partant de la c6tc et £
graduellement dans l'intérieur, pour relier les stations avec 1'*
Compagnie a adopté pour devise, sur son drapeau : Lumière
On a beaucoup parlé d'abus de la part des Arabes, que I'od
ces comme prenant plaisir à répandre te sang innocent, a dt
kensie. Mais ces jugements sont en opposition avec l'expériei
de l'Arabe ; il parle d'hommes avec lesquels il a vécu en re
times pendant plus de quinze ans, au golfe Persique et réce
Afrique. D est lier de mettre au rang de ses plus fidèles ami
de Zanzibar, Sayid Bin Hamid, M'Barouk, leurs fils et lei
Aussi s'élève-t-il contre l'ignorance et même contre la cruauté
versité de ceux qui prêchent une croisade contre les Arabes d»
centrale'. Cette idée est aussi dangereuse à son avis qu'elle ei
' fil. Mackeniie aatimile-t-il l'Arabe de la cûte à celai de l'Afriqn
— 2i2 —
cable ; ce n'est pas le moyen de gagner la sympathie, la confiance et. la
coopération de l'Arabe qui est un fin marchand.
La Compagnie doit travailler avec lui et par lui dans les opérations
commerciales, et le faire profiter de la présence de ses agents. Le 1"^ jan-
\ier, M. Mackenzie a obtenu la libération de 1400 esclaves, qui ont main-
tenant leurs papiers d'afiranchissement et que les An^bes ne désirent
nullement inquiéter. Quelques-uns d'entre eux étaient retournés dans la
maison de leurs anciens maîtres et étaient traités avec la plus grande
bonté. M. Mackenzie pense qu'on l'eût jugé sévèrement s'il eût agi avec
les Ai'abes en se plaçant simplement au point de vue anti-esclavagiste et
s'il n'eût pris en considération les droits de propriété reconnus par les
lois, les coutumes et les traités du pays. Avant son départ de Momba^,
le désir a été exprimé que l'on obtînt le rachat, aux mçmes conditions, de
3000 esclaves fugitifs qui se sont établis à 80 kilomètres de cette ville.
11 a payé 125 francs par tête pour les esclaves qu'il a rachetés. L'Arabe
(*st un marchand très tin. Il ne. comprend la question de l'esclavage
qu'au point de vue commercial. M. Mackenzie a discuté ce sujet avec
les ti-atiquants arabes de Mombas, et leur a dit que la Compagnie four-
nira toutes les marchandises et tout ce qui sera nécessaire pour les opé-
rations commerciales à Tintérieur, qu'elle organisera chaque caravane
en Compagnie à l'e^ponsabilité limitée et en prendra toutes les actioui^
([ui ne seront pas souscrites par les Arabes. Ceux-ci dii*ent. qu'ils
n'avaient pas d'argent ; à quoi il répondit que la Compagnie était prête,
non seulement à les adjoindre comme associés à ses opérations com-
merciales, mais à leur avancer de l'argent sur leur propriété, à un taux
raisonnable. Il a fait à plusieurs des avances d'argent sur leui*s planta-
tions de cocotiers ; une des clauses du contrat est qu'ils iront à l'inté-
rieur trati(juer, mais sans y faii'e des esclaves. On foi'mera des dép(5ts
pour protéger les caravanes ; la Compagnie y enverra des convois de
marchandises. Lorsque les Arabes achèteront l'ivoire, objet de leur tra-
fic, ils l'apporteront aux stations de la Compagnie, dont les agents leur
( n donneront un récépissé. Les Arabes ont compris l'avantage de l'offre
([iii leur était faite et l'ont acceptée. Quant à leur respect pow ces con-
ditions, M. Mackenzie a rappelé que toutes leurs propriétés à Mombas
sont entre les mains de la Compagnie.
Le sultan de Zanzibar lui a dit qu'il émancipera les esclaves si la Qom-
ou distingue-t-il le commerçant sédentaire du chasseur d'esclaves ? Ses Arabes de
Mombas sont-ils ceux dont il a été question à propos de Frère- Town ?
■ ■ ^
— 243 —
pagnie lui montre commeut la chose peut être faite sans ruiiier les Ara-
bes. M. Mackenzie estime qu'une déclaration publique de la volonté du
sultan suffirait, et qu'il n'en résulterait aucun trouble.
Le Tinies du 8 mai a publié une lettre de M. Maokay, d'Ousambiro,
du mois de janvier, de laquelle nous extrayons ce qui suit :
« J'ai lu avec une grande satisfaction la proposition du comman-
dant Cameron de créer une Société anglaise qui établirait un cordon
anti-esclavagiste le long de la ligne des grands lacs de l'Afrique cen-
trale. L'intérêt qu'éveille partout en Europe le récit des atrocités
commises chaque jour dans l'intérieur de ce continent permet à ceux qui
s'y intéressent d'espérer que des démarches efficaces seront enfin faites
pour mettre un terme à ces horreurs. Il est très difficile de parler de ce
mal épouvantable sans être accusé d'exagération, quoiqu'il soit impos-
sible d'exagérer à cet égard. Livingstone écrivait en 1871 : « Les maux
infligés par les Arabes sont énormes, mais probablement ne sont-ils pas
plus grands que ceux que se font les indigènes les uns aux autres. »
Ceci est tout spécialement vrai de l'Ou-Ganda et de l'Ou-Nyoro. Ces
pays ont généralement en campagne, dans une direction ou dans l'autre,
de grandes années qui dépeuplent de leui's habitants de vastes régions.
D'ordinaire les Arabes ne se joignent pas à ces expéditions, organisées
en vue du meurtre ; ils fournissent les fusils et la poudre et reçoivent en
paiement des femmes, des enfants et de T ivoire enlevé dans les razzias.
Chaque année, environ deux mille esclaves sont achetés et conduits par
eau de l'Ou-Ganda dans l'Ou-Soukouma, où commence la marche vers
la côte. Il ne sera pas facile d'arrêter ce trafic par eau, mais, en
admettant qu'on puisse le faire, quels moyens faudra-t-il employer poui*
empêcher l'assei^vissement de dizaines de milliei*sde noirs dans les pays
exploités par les Ba*Ganda ? Les Arabes sont assez lâches eu présence
de forces plus grandes que les leurs; mais dans l'intérieur de l'Afiique,
ils. ont trouvé qu'en agissant comme ils le font ils pouvaient défendre
leurs intérêts illégitimes conti-e les Européens. M- Mackay montre com-
ment ils ont agi sur le Nil, sur le haut Congo, sur le Nyassa et dans
l'Afrique oiientale. Ils n'eussent rien osé tenter s'ils n'avaient pas vu la
faiblesse des troupes qu'on leui* opposait partout et la promptitude avec
laquelle les chrétiens lâchent pied au premier revers. Même dans les
eaux de Zanzibar, le trafic des esclaves se poursuit presque impuné-
ment, parce que les croiseurs anglais sont petits, lents et d'un type
suranné. Les Arabes ne peuvent pratiquer leurs massacres et leurs
razzias d'esclaves que parce qu'une politique trois fois aveugle permet
— 244 —
ir fournir ad libttum de la poudre et des fusils. C'est l'Europe, et
léaite pas k le dire, l'Angleterre, qui procure annuellement h ces
■B d'hommes les moyens d'accomplir leur œuvre meurtrière. Les
aes civilisés parlent de liberté coraraereiale, mais il ne peut et il ne
)as y avoir de libre trafic d'instruments de rapine et de meurtre.
avons \k le phénomène étonnant d'un continent saignant par tous
»re8, et d'efforts faibles, inefficaces, faits à la côte pour empêcher
Drtation d'esclaves, tandis qu'en même temps quelques petits mar-
is européens â. Zanzibar envoient b. l'intérieur, sans obstacles,
rmes et des munitions, sans lesquelles les Arabes et les Ba-Ganda
DUrralent pas faire une seule razzia. On pousse les tribus & se
lire les unes les autres, et les Arabes sont encouragés à les exploi-
Dutes, simplement par le fait qu'il' leur est permis d'avoir autant
truments de meurtre qu'ils en désirent. Pendant des années nous
i répandu ces semences amères, et maintenant nous commençons
récolter le ftiiit en assassinats et en détiauce. Les vaisseaux anglais
ransportent des missîonnaii'es et des Bibles en Afrique transportent
, et en beaucoup plus grand nombre, des fusils Enticld et des cara-
se chargeant par la culasse, qui font de ce continent un véritable
. La Société des missions anglicanes, qui a déjà dépensé plus de
00 liv. sterl. pour introduire le christianisme dans l'Afrique équa-
le orientale, voit ses efforts annulés par des guerres continuelles et
itrigues, grâce aux fusils et à la poudre fournis par des marchands
iens trop lâches pour s'aventurer eux-mêmes dans l'intérieur, car
marehandises les feraient probablement assassiner. Les Ba-Ganda
t avoué k réitérées fois que ce sont les fusils qui leur permettent de
leurs massacres dans les pays voisins.
)n pourra dépenser des milliers de livres sterling pour amener des
nniéres sur le Nyassa, le Tanganyika et les deux Nyanza, mais si
larchands de pondre et de fusils continuent à être libres de fournir
armes meurtrières, nul cordon de troupes, quelque braves qu'elles
t, ne pourra mettre un terme à la chasse aux esclaves dans l'Afri-
:«nti-ale. Camereu a raison de ne pas recommander que le gouver-
mt prenne en main la tâche d'empêcher par la force les razzias
;lave8 à l'intérieur. Même dans ces jours de socialisme d'État, je
qu'une association indépendante, d'hommes déterminés, fera
coup mieux cette œuvre-là. Mais que la Société soit internationale
iciusivement anglaise, il faut avant tout qu'elle obtienne la sym-
ie et l'appui des principaux gouvernements intéressés, l'An-
— 245 —
gleteire et l'Allemagae, la France, le Portugal, l'État du Congo, aux-
quels il est nécessaire de demander d'iaterdire formellement l'importa-
tion des armes et des munitions. Un cordon de force sufiisante, comme
le propose le commandant Cameron, fera le reste, mais sans cette
garantie, aucun cordon ne fera rien de boa. L'œuvre à faire est donc
triple : 1° empêchei- l'importation d'armeset de munitions; 2° fortifier la
^rveillance à -la côte par des croiseurs plus nombreux et meilleurs;
3° établir le cordon de police sur le cours supérieur des fleuves.
K Aussi longtemps que l'Arabe restera en Afrique, il fera le trafic des
esclaves et, malgré cela, il sera considéré par les natifs comme un ami,
simplement parce qu'il vend d'autres marchandises qui sont demandées.
Pour délivrer l'Afrique de sa présence, il faut enlever de ses mains le
commerce. Si les Européens réussissent à fournir aux natife le calicot et
d'autres marchandises d'un trafic légitime, ils supplanteront entière-
ment les Arabes qui se retireront dans leur pays. Mais, pour cela, il faut
abandonner le système barbare et inhumain d'employer des bommee
comme porteurs. Aucun marchand européen ne .peut s'en servir, ni
espérer vendre avec proât k meilleur marché qu'un négociant arabe.
S'il transporte ses marchandises en se servant de bêtes de somme : éié-
phants ou buffles, ou mieux encore de wagons traînés par ceux-ci, il
réussira, sans aucun doute, à s'assurer tout le commerce de l'ivoire,
parce qu'il pourra donner plus de calicot pour une défense d'ivoire.
Toutefois, U faut se rappeler que des millions d'indigènes demandent
du calicot, mais n'ont pas d'ivoire à donner en échai^. L'Arabe
accote un esclave d'un homme pauvre pour le peu de calicot, dont
celui-ci a besoin, mais que peut accoter l'Européen eu échange? Les
produits du sol ne paieront pas les frais du transport à la côte, même
par des wagons traînés par des éléphants. En beaucoup d'endroits on
ofirii-a à vendre des peaux, du tabac, du coton, du café, mais cela ne
vaudra pas le transport à des centaines de kilomètres. Le seul moyeu
de succès sera la construction de tramways pour conduire aux grands
lacs ou à d'autres centres de population. De cette manière l'on pourra
introduire l'échange du calicot contre les produits du pays, les natifs
feront produire k la terre beaucoup plus qu'aujourd'hui, et la traite
disparaîtra avec les Arabes qui, n'ayant plus la facilité de se procurer
des fusils et des munitions, ne pourront plus faire la chasse à l'homme.
« 11' Association britannique fera une œuvre de police efficace contre
la contrebande de la poudre et des esclaves si elle est dès le début assez
forte pour défier toute tentative de la braver. Les Arabes agissent
— 246 —
aiyoui-d'hui en désespérés ; les mesures à leur opposer ne doivent pas
être entachées de faiblesse. Il ne faut pas continuer à offrir le spectacle
actuel de deux partis dont l'un cherche à punir les chasseurs d'esclaves,
tandis que l'autre leur permet de se procurer en quantité illimitée les
instruments de leur trafic meurtrier. Dans ime des dernières lettres que
M. Mackay a reçues d'Émin-pacha, datée de Wadelal du 25 août 1887,
le gouverneur de la province équatoriale écrivait : « Là condition mtë
qiia non de la paix et de la prospérité de ce pays, c'est la défense d'im-
porter des armes à feu, des munitions et de la poudre. Les gouverne-
ments anglais et allemand devraient s'entendre à cet égard et punir
sans pitié quiconque transgresserait leur défense. Mwanga et Kabréga
entreraient bien vite en arrangement lorsqu'ils verraient leurs provisions
de poudre épuisées. »
Le Daily News reçoit d'un de ses correspondants de Zanzibar la
lettre suivante : Pour vous donner une idée de l'importance de la ques-
tion de l'esclavage ici, il suffira de dire que les sept-huitièmes de la
population sont des esclaves. Certains Arabes en ont un millier; le nom-
bre de ceux qui les comptent par centaines n'est pas petit. Les résidents
les moins riches trouvent que l'emploi le meilleur possible de leur capi-
tal est l'achat d'esclaves, dont ils louent les services aux Européens à
un prix élevé. Un petit nègi*e, dont le prix moyen est de 100 francs,
peut gagner jusqu'à vingt pesas par jour. Souvent les Européens au
service desquels vsont ces nègres ne se doutent pas que la plus forte part
de leur salaire s'en va à leurs maîtres arabes. Le blocus n'a pas réussi à
empêcher la traite à laquelle tout le monde, ou au moins chaque Arabe
prend pail sur la côte. Quoique, depuis 1873, la vente d'esclaves sur le
marché ouvert ne soit pas permise, elle a toujours lieu dans des locaux
fermés, dont les Européens sont exclus; elle est parfaitement légale. D
paraît étrange que des travailleurs nègres ne puissent être transportés
par mer, ce qui est permis pour des esclaves femmes domestiques. Mal-
gré l'augmentation constante du prix des esclaves dans l'Afrique orien-
tale, les ânes sont toujours plus chei*s que les hommes. Un fort ouvrier
ou porteur coûte en moyenne 500 ou GOO francs. Les mrias pour le
harem sont naturellement la marchandise humaine la plus coûteuse;
tout Arabe comme il faut en a trois, quatre, cinq et même six. Le
demande est toujours très forte; pour de jeunes négresses, elle atteint
de 750 à 850 fr., tandis que les Abyssiniennes vont jusqu'à 1000 et
même à 2500 francs.
;
— 247 —
EXPÉDITION DE M. SELOUS AU NORD DU ZAMBÈZE
(Suite et fin).
Le lendetnain, le chef donna à M. Selous un de ses hommes pour le
conduire jusque chez Minenga, dont la résidence est à une dizaine de
kilomètres pliiis au ikord et non loin de la KafôUkoué. Minenga possédant
des canots pouvait lui faire traverser la rivière avec ses ânes et ses mar-
chandises. Bientôt Texpédition se trouva dans im territoire très peuplé,
parsemé de nombreux petits villages ma-choukouloumbé, autour des-
quels paissaient des troupeaux de vaches d'une petite race. En un ins-
tant la caravane se vit entourée d'une foule d'hommes armés de jave-
lines. Toutefois, leur phj'sionomie était bienveillante; ils paraissaient
jouir beaucoup de la vue des ânes, riaient, poussaient des acclamations
et gesticulaient violemment.
Le village de Minenga, très petit, comme les autres, était situé tout
près de la Magoï, au milieu d'un espace débarrassé des longues herbes
dont la campagne était couverte. Le chef lui-même est un sauvage
gi-and, maigre, dont Fexprêysion n'est ni bien bonne ni bien mauvaise.
11 indiqua, comme emplacemeiït du camp, le voisinage de son village, les
voyageurs ne pouvant passer la nuit en sécurité dans le bois. M. Selous
dut faire faire une palissade avec des tiges de blé et planter des pieux
pour y attacher les ânes. Le camp fut dressé à quelque^ mètres de là
hutte dtt' chef, près du kraâl au bétail, à deuît cents mètres ènvîroii de
la rivière. Minenga lui envoya un pot de bière, à quoi le voyageur répon-
dit par le don d'une couverture et d'une pièce de talicot de couleur de
fantaisie, en le priant de lui faire traverser la Kafoukoué le lendemain.
Le chef répliqua que la route était ouverte, et que ses propres fils le
transporteraient au delà de la rivière dans son canot. Toutefois i!
exprima le désir que M. Selous passât auprès de lui la journée du lende-
main, ou qu'il chassât pour lui les élans, les zèbres, abondant danî^ son
voisinage. Son grand canot était à quelque distance, mais il le ferait
amener nu passage le plus rapproché. Cette proposition engagea
M. Selous à rester pour thrisser;
Au crépuscule toute la population du village vint au camp; le« femmes
et les jeunes tilles s'assii^ent autour du feu, mangeant de la Viande de
gibier avec les porteurs et leur donnant en retour des arachides et des
pOmnifes' de te>iTe douces* Les jeunes gens' ayant déposé leurs lances,
entrèrent dauî^ le camp pour danser avec les Ba-Tonga, au son d'un ins-
— 248 —
trument foniié de minces morceaux de bois dur posés sur Touveiture de
grandes calebasses, qui, fnuppés avec un bâton, produiraient un grand
bruit fort peu musical et si assourdissant que M. Selous dut demander
grâce en donnant une petite jpièce de calicot. Au moins croyait-il
avoir gagné la bienveillance des indigènes qui lui paraissaient devoir
être d'un commerce facile pour peu qu'on les traitât convenablement.
A neuf hem-es du soii', Minenga envoya son fils pour inviter M. Selous
à venir avec Paul et Charley boire de la bière chez lui. Mais cette heure
était trop taidive. Paul, passionné de bière, comme la plupart des Zou-
lous, alla seul. A son retour, il rapporta que Minenga l'avait interrogé
minutieusement sur le but du voyage de M. Selous, sur l'emploi qu'il se
proposait de faire des marchandises, et lui avait dit qu'il était dange-
reux de traverser le terntoire des indigènes de l'autre rive de la Kafou-
koué; toutefois, il était décidé à donner un de ses fils au voyageur pour
le conduire à travera le district peu sûr.
Lorsque les danses eurent cessé, M. Selous se coucha, se flattant
d'être en excellents termes avec les gens de Minenga. Le lendemain
cependant, il trouva ce dernier un peu diflérent de la veille; toutefois la
journée se passa à chasser assez heureusement. Deux belles pièces de
gibier furent données aux gens de Minenga, qui en exprima sa vive
reconnaissance à M. Selous. Le reste du jour celui-ci fut entouré par
des foules de Ma-Choukouloumbé accourant de tous côtés pour voir
l'homme blanc. La coiffure de quelques uns des honmies était façonnée
en forme de cône de 75 cent, de long. La base en était toujours fixée
sur le derrière de la tête, mais elle était recourbée au-dessus et en avant,
en sorte que le sommet du cône était juste sur le sommet de la tête; une
longue épingle de corne d'antilope la fixait, semblable à un morceau de
baleine qui, quoique assez fort pour se tenir droit, ondulait à chaque
mouvement de la tête. M. Selous estime que les hommes qui portent
ces coiff'ures doivent vivre dans un pays très ouvert, car elles ne leur
permettraient jamais de traverser des forêts. C'est d'aUleurs une race
belle et vigoureuse ; ils ont généralement le nez aquilin, et leur teint est
plus clair que celui de leurs voisins. Peut-être y a-t-il un mélange assez
fort d'un sang autre que celui du nègre, du sang arabe, par exemple,
ou de quelque autre race du nord de l'Afrique.
Le soir encore, M. Selous rendit visite à Minenga et convint avec lui
de l'heure du départ pour le lendemain. Sa femme demanda un rouleau
de cuivre que M. Selous lui donna. Tout paraissait des plus favorable.
D pouvait être neuf heures du soir, lorsqu'un des guides de Monzé
— 249 —
vint auprès de Paul et Charley les engager à l'éveiller leur maître.
Celui-ci ne dormait pas; il apprit que toutes les femmes avaient quitté
le village et qu'il se préparait cei-tainement quelque chose de fâcheux.
M. Selous fut debout en un instant, habillé et armé de sa cartouchière
dans laquelle malheureusement ne se trouvaient que quatre cartouches ;
il proposa à Paul et à Charley de faire une reconnaissance autour du
village et d'écouter ce dont s'entretenaient les habitants. Mais avant
qu'il eût eu le temps de les avertir d'être sur leurs gardes, trois coups do
fusil partaient à bout portant et d'autres sur d'autres points de la palis-
sade. Les assaillants s'étaient approchés et avaient tiré par les inter-
stices des tiges de blé. Les tit)is coups étaient destinés à M. Selou^,
Paul et Charley; heureusement aucun d'eux ne fut atteint.
« Dans les herbes, « cria M. Selous à Paul et Charley; et, au mémo
moment, une grêle de javelines tomba sur eux; en même temps un grand
nombre de Ma-Choukouloumbé se précipitaient dans le camp. M. Selous
s'élança à travers l'espace débarrassé d'herbcxs. Il eût voulu lâcher un
coup de fusil sur les assaillants, mais, dans l'obscurité, il aurait craint do
blesser ou de tuer un do sas gens et il s'abstint. Plusieurs Ma-Choukou-
loumbé cherchèrent à lui barrer le passage; toutefois il réussit à attein-
dre les grandes herbes oii, temporairement, il était on sûreté. Sa position
n'en était pas moins critique : seul Anglais, au contre do l'Afrique, au
milieu d'une population hostile, sans couvei"ture, avec un fusil et quatre
cartouches ! Encore s'il eût pu trouver Paul ou Charley, ou même un
seul de ses noirs, la chance de pouvoir regagner Panda-Ma-Tonka eût
été plus grande ; au moins aurait-il eu un interprète ; lui-même ignorait
absolument les langues parlées au nord du Zambèze. Il commença à
écarter prudemment les herbes, sifflant doucement pour voir si quel-
qu'un des siens l'entendrait; mais en vain, il en conclut que ceux qui
auraient pu échapper à la mort avaient profité do l'obscurité pour
s'éloigner le plus possible do Minenga avant l'aube et que c'était ce qu'il
pouvait faire de mieux, lui aussi. Il pensa que ses gens, probablement
formés en petits groupes de deux ou trois, se frayeraient un passage à
travers les herbes vers le sud, n'osant pas suivre les sentiers battus des
indigènes ni s'approcher des villages. Le premier do ceux-ci oii ils pour-
raient se montrer était celui do Monzé, dont les habitants n'étaient pas
des Ma-Choukouloumbé, et s'étaient montrés très bienveillants pour les
étrangers. Ce fut aussi vers Monzé qu'il tâcha de se diriger. Amvé au
passage de la Magoï, il le trouva gardé par un certain nombre do Ma-
Choukouloumbé, et dut s'éloigner do quelques centaines de mètres pour
— 250 —
tenter le p&ssage. Laissant ses vêtements sur la rive gaucbe, il prit de
la main giuiche s& carabine et sa cartouchière, et, les tenant élevées an>
dessus de l'eau, traversa la rivièpe en nageant de ta main droite; après
quoi il retourna chercher ses vêtements, puis prenant pour guide la Crois
du Sud, il comiuent^ son voyage solitaire. La marche dans .les longues
herbes était très fatigante; il dut allumer du feu pour se réchauâer, et
attendit la venue du jour. Aucun lion ne se fit entendre quoiqu'ils aboa~
dent dans le pays; en revanche les hyènes ne cessèrent de rugir toute la
nuit. Le lendemain il marcha tout le jour jusqu'au coucher du soleil; à
la tin, exténué de fatigue par les efforts à faire pour ac frayer un ebeiuin
au travers des grandes herbes, il résolut de reprendre un sentier de
natifs qui l'amena au dernier village ma-choukouloumbé. Il était plus
de minuit et les habitants étaient tous endormis, ^'approchant d'une
hutte, il vit un feu allumé auprès duquel quelqu'un était couché. Le
village ne comptant qu'une douzaine de buttes, et se trouvant loin de
Mineuga et près de Monzé, M. Selous supposait que les habitants pour-
raient se montrer hospitiitiei-s. A tout hasard il entra dans hi hutte,
s'asait auprès du feu et s'y réchauffa. Il éveilla le gar^n qui était couché
de l'autre côté et lui demanda de l'eau; mais celui-ci lui répondit qu'il
n'y en avait point. Leur conversation attira un indigène d'une autre
hutte, auquel il parla en se-iébélé, et qui lui procura de l'eau. Le bruit
d'un coup de feu qui se fit entendre aurait dû lui inspirer quelque crainte;
mais il se trouvait si bien auprès du feu qu'il comptait y passer une heure
ou deux avant de se remettre en route pour gf^^ner Monzé. Il s'assoupit
en tenant sa carabine, et k son réveil trouva doux hommes auprès du
feu; toutefois, voyaut qu'ils n'avaient point d'annes, il posa la sienne
auprès de lui. Ces hommes le questionnèrent sur la catastrophe do Mi-
neuga; il t&cha de se faire comprendre d'eux, mais sans y réussir beau-
coup. Pendant qu'il parlait, il entendit quelqu'un accourir derrière lui,
<tt se l'etournant, il s'aperçut que son fusil avait été enlevé. Au même
moment un des hommes qui s'étaient entretenus avec lui jetait un paquet
d'herbe sur le feu ponr l'éteindre; celui qui s'était enfui avec son fiisil
le coucha en joue; il n'eût que le temps de s'élancer hors de ta hutte
dans les ténèbres, et prit la direction de Monzé, dans l'espoir que tes
habitants se montreraient plus hospitaliers et qu'il y rejoindrait Paul et
Charley, Il y arriva un peu avimt l'aube, et lorsque les gens de Moaaé
soi-tirent de leurs huttes et qu'il leur eut exposé ses aventures, ils sp
montrèrent très sympathiques. Toutefois, le vieux chef alarmé, en appre-
nant que sa carabine avait été volée et qu'on avait attenté k aes jours.
— 251 — .
rengagea à poursuivre scm chemin pour ue pas s'exposer à être atteint
par les Ma-Choukouloumbé ; ii le fit partir avec trois hommes, dont Tun^
qui parlait le se-tébélé, lui recommanda de ne pas se fier aux Ba^Tonga,
de se cacher de jour et de voyager de nuit, en cherchant à atteindre le
Zambèze le plus promptement possible. Au bout d'un mille ou deux, ils
le quittèrent, et lui, lorsqu'il fut seul, eut l'idée de chercher à gagner la
résidence de Morantsiané, qui connaissait M. Wesbeech, était l'ami des
blancs, et savait qu'il serait bien rétribué s'il lui fournissait les moyens
de regagner Panda-Ma-Tenka.
Après avoir surmonté beaucoup de difficultés, il réussit à trouver le
village dé Morantsiané, qui ne le traita pas très bien, ne lui donna pas
beaucoup à manger, et le fit dormir avec ses serviteurs sans couverture.
Conmie il parlait le se-tébélé, M. Selous put s'entretenir avec lui, et au
bout de deux jours repartir pour Panda-Ma-Tenka avec deux hommes
que Moriantsiané lui donna pour l'accompagner. Toutefois ceux-ci ne
voulurent pas faire avec lui plus de deux jours de marche. Heureusement
il rencontra dans un village ba-tonga, un vieux forgeron qui avait été à
Panda-Ma-Tenka, et qui parlait un peu le se-tébélé. Celui-ci lui donna
quatre de ses gens à la condition qu'ils recevraient certains articles en
arrivant à Panda-Ma-Tenka. Là, M. Selous apprit aussi de^ nouvelles
de quelques-uns de sas hommes; un indigène lui dit que dix d'entre eux
avait passé la nuit précédente dans un village voisin, qu'ils en étaient
repartis le lendemain matin pour se rendre chez Chankopi, chef ba-tonga,
résidant dans las montagnes à une cinquantaine de kilomèti'es de Wan-
kie. Le vieux forgeron l'y fit conduire, et au bout de cinq joui-s, M. Selous
y rejoignait le reste des hommes de son expédition. Ceux-ci l'ayant cru
mort, lui témoignèrent de la manière la plus expansive, leur joie de le
revoir, lui donnant des tapes sur la poitrine, lui baisant les mains, etc.
Ds le renseignèrent sur las pertes de la nuit où le camp avait été atta-
qué ; des 25 hommes que comptait sa caravane, douze avaient été tués,
et six autres blessés. Paul, le Zoulou, avait pu échapper sain et sauf aux
assaillants, mais avait failli se noyer en travei'sant la rivière; Charloy était
aussi tombé dans l'eau avec deux autre^s, mais, grâce à ceux-ci, il avait
pu s'en tirer et sauver son fusil, ses cartouches et ses vêtements. Aucun
d'eux n'avait passé près de Monzé ni d'aucun autre village par crainte
des habitants. Chankopi lui donna un mouton qui devait lui être rem-
boursé à Panda-Ma-Tenka; le lendemain, ils atteignirent le village oii
vivait la femme de Paul, et le surlendemain, celui de Wankie, oii ils
retraversèrent le Zambèze. Trois jours plus tard ils arrivaient à Panda-
t
i.^-^.
ïi
.ri ,
"1 .
— 252 —
Ma-Teuka ; trois semaines s'étaient écoulées depuis la catastrophe de
Minenga. M. Selous avait souffert de la fatigue, de la faim, du froid, et
cependant, dit-il, il se portait très bien.
Quant à son opinion sur les Ma-Choukouloumbé, il la formule ainsi :
« Ces sauvages sont arinvés à la conclusion que leur pays étant en d«»-
hors des routes du commerce, et les visitas des blancs, avec les marchan-
dises européennes dont ils ont un ardent désir, étant rares, il est de
bonne politique de leur part de tuer tout étranger assez hardi pour
s'aventurer jusque chez eux. Il est fâcheux qu'il en soit ainsi, car leur
pays offre un beau champ aux entreprises missionnaires ; mais, pour h*
moment, la maxime qui paraît y régner est celle-ci : « Que celui qui en
a la force dérobe, et que celui qui le peut, garde ce qu'il a pris. »
BIBLIOGRAPHIE
O. MoUien, Découverte des sources du Sénégal et de la Gambie.
Paris (Ch. Delagrave), 1889, in-12, 317 p., 3 fr. 50. — Comme laBiblio-
tlièque â! aventures et de voyagea, la Nouvelle Bibliothèque historique et
littéraire s'est mise à publier des œuvres déjà parues, oubliées ou non,
et en pailiculier à remettre en lumière des récits de voyages accomplis,
il y a un plus ou moins grand nombre d'années. Nous avons déjà exprimé,
dans ce journal, notre opinion relativement à ce^ entreprises de librairie,
et nous ne voulons pas insister de nouveau sur ce sujet. Les ouvrages
datant d'un certain nombre d'années en arrière, et surtout les explora-
tions africaines qui vieillissent si vite, sont bons à étudier pour les écri-
vains et les savants parce qu'ils constituent les documents servant à éta-
blir l'histoire de la géographie ; quant à les rééditer pour le grand
public, c'est inutile et même nuisible dans une certaine mesure, puis-
iju'ils servent à propager des connaissances, à fixer dans Tesprit des des-
criptions que d'autres voyageurs oïit reconnues en partie inexactes et
([u'ils ont rectifiées. Le géographe peut comparer les données fournies par
les anciens voyageurs à la carte actuelle, tandis que le public, auquel ces
petits volumes à un franc sont destinés, ne possède pas liis éléments né-
cessaires pour faire ce travail de comparaison.
Ces réflexions s'appliquent à l'ouvrage qui nous est actuellement
* On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à Bàle, tous les
ouvrages dont il est rendu com|)te dans V Afrique explorée et civilisée.
^■'Ty
— 253 —
soumis. Le voyage de Mollieu dans la régû^ des soui*ce$ du Sénégal et
de la Gambie est fort intéressant en lui-même, comme exemple de har-
diesse et de courage, comme preuve de l'énergie que Thomme peut dé-
ployer dans des circonstances difficiles, mais il date de 1818. Les rensei-
gnements fournis par l'explorateur, nouveaux pour son époque, sont au-
jourd'hui vieillis; même peu d'année après son expédition, on s'aperçut
des défectuosités de son itinéraire et des erreurs qu'il avait commises.
Était-il bien utile de présenter de nouveau aux lecteurs le récit de cette
exploration. Nous ne le pei^sons pas. La notice sur l'auteur, placée en
tête de l'ouvrage, et la note sur les découvertes faites en Afrique anté-
rieurement à celle de Mollien, permettent au public de se rendre compte
de la place qu'occupe M. Mollien dans l'histoire des voyages et atté-
nuent, dans une certaine mesure, la critique formulée plus haut, sans
i-emédier complètement au défaut qu'elle signale.
Èàmm Péroz, Au Soudan français. Souvenirs de guerre et de mis-
sion. Paris (Calmann-Lévy), 1889, in-8, 467 p. avec cartes, fr. 7,50 —
Le développement de l'œuvre entreprise pai* la France depuis 1879 sur
le haut Sénégal et le Niger, œuvre qui a abouti à la fondation du Sou-
dan français, a fait surgir un certain nombre d'ouvrages sur les expédi-
tions et les guerres inhérentes à toute entreprise de ce genre. Il y a quel-
ques mois, nous avons parlé, ici même, du livre de M. le colonel Frey
sur ses campagnes contre le fameux chef Samory« De la lecture de cet
ouvrage se dégageait l'impression que, pour l'auteur, la France faisait,
dans ces contrées lointaines, d'énormes sacrifices pour un mince profit, et
({ue le Soudan français ne récompenserait jamais les efforts accomplis
pour le conquérir. L'ouvrage que nous analysons aujourd'hui a de tout
autres tendances; ce n'est plus la description d'une guerre sanglante,
mais le récit d'une mission pacifique et l'exposé de ses résultats; la con-
clusion, loin d'être décourageante, montre les progrès accomplis et fait
pressentir l'avenir brillant du Soudan français. On se sent réconforté
par la lecture de ce livre, car, lorsqu'on l'a terminée, on a le sentiment
que les guerres meurtrières et coûteuses qui ont marqué le début de
l'entreprise, loin d'avoir été faites en pure perte, auront pour résultat
d'étendre l'action européenne sur un territoire vaste, riche et fertile.
L'auteur, M. le capitaine Péroz, avait déjà fait partie, en 1885, du
corps d'occupation du haut Sénégal; le pays et ses habitants, leurs
mœurs et leurs ruses lui étaient donc connus. Il fut chargé, en 1887,
d'une importante mission auprès de Samory, afin de l'amener à conclure
— 254 —
un traité définitif avec la France. Après avoir, pendant une quinzaine
de jours, couru les principaux magasins de Paris et réuni les armes,
étoffes, selles, glaces et meubles divers qui devaient constituer le présent
à remettre au puissant chef soudanais, il quitta la France, et, huit jours
plus tard, il débarquait à Dakar. De là, il gagnait Saint-Louis, puis
Khayes, d'oii le chemin de fer conduisit la mission à Diamou. De ce point
au Niger, l'expédition suivit d'abord le.Bakhoy, en passant par Bafou-
labé et Bâdoumbé, puis elle quitta le fleuve, toucha aux deux postes de
Kita et et de Niagassola, et enfin arriva au Niger, Le récit de cette mar-
che est vivement mené et plein d'intérêt ; Fauteur, qui est un homme
d'esprit, sait obseiTer et faire part au lecteur de ce qu'il a vu et
entendu. Le style est simple et clair; c'est le style d'un soldat qui con-
naît les avantages de la brièveté et de la précision. De temps à autre, le
narrateur raconte, en manière de digression, des épisodes de la campa-
gne de 1885, à laquelle il a assisté et qui a été remplie de faits d'armes
brillants, extraordinaires même, mais dont il nous garantit la complète
exactitude. Ces combats n'ont rien à faire avec la mission pacifique à
laquelle est consacré l'ouvrage, mais l'auteur ne peut résister au plaisir
do les décrire. On sent en lui l'officier qui accomplit parordre un voyage
d'études et une mission politique, mais dont l'esprit se reporte sans
cesse à la campagne plus mouvementée, plus pénible mais plus intéres-
sante, dont ces pays étaient le théâtre quelques aimées auparavant.
La résidence de Samory était à Bîssandougou, dans le pays s' éten-
dant à droite du Niger. M, Péroz s^y rend, et après un mois de négocia-
tions, Samorj' consent à signer, le 25 mars 1887, en présence de toute
sa cour et des gouverneurs de ses provinces, un traité par lequel les
limites du Soudan français sont reportées au Niger, et tous les États de
Samoiy placés sous le protectorat français, ce qui étend l'influence fran-
çaise jusqu'à Tengrèla et aux portes de Sierra-Léone. Le résultat poli-
tique de la mission était donc pleinement atteint ; en outre, l'expédition
eut pour conséquences une extension de nos connaissances sur le pays
visité, car le capitaine Péroz put, grâce à la langue mandingue qu'il
parlait, obtenir des données positives sur la géographie, l'histoire et
l'organisation des États de Samory, pendant que deux de ses compa-
gnons faisaient des observations météorologiques, des mensurations
anthropologiques, et un levé de la carte entre Niagassola et Bissandou-
gou. En outre, au retour, une route différente de celle de l'aller fut
explorée, et le capitaine Péroz découvrit les sources du Bakhoy, dans
une plaine marécageuse entourée d'un cercle de collines abruptes.
— 255 —
A l'heure actuelle, te Soudan français est calme, et de gi*ands progrès
ont été accomplis depuis le i-ëglement des difficultés avec Samory. De
Bakel au Niger, Tespace soumis à la France a une superficie de 920,000
kilomètres carrés, c'est-à-dire près du Vi» de l'Europe. Le télégraphe
va de Saint-Louis, la capitale du Sénégal, jusqu'au Niger. Le chemin de
fer est construit et fonctionne de Kbayes à Bafoulabé, point au delà
duquel il se prolonge par une voie Decauville d'abord, puis par une
i-oute carrossable, jusqu'à Bamakou. La mortalité chez les Européens
est tombée à 8 Vo, de 28 à 30 7o qu'elle était au début des opérations.
Le commerce du haut Sénégal augmente et atteint actuellement un
mouvement annuel de 5000 tonnes. Dans les postes et les chefs-lieux
administratifs, des écoles françaises ont été créées et sont suivies avec
empressement parles noirs. Khayes a maintenant 6000 habitants; Bafou-
labé, qui n'existait pas il y a huit ans, en compte 4000. Bref, il y a là
les indices d'un développement de l'action européenne dans des parages
que l'on regardait comme improductifs et absolument insalubres.
Le livre de M. Péroz, qui nous fait part de tous ces résultats, est
donc d'une lecture intéressante et réconfortante. Il est bon d'opposer,
aux allégations de ceux qui prêchent l'abandon et la retraite, les témoi-
gnages positifs d'hommes de confiance, qui ont constaté de leurs yeux
les progrès accomplis et s'en servent pour en déduire, en connaissance
de cause, les coi^équences de l'occupation française sur le haut Sénégal
et le Niger. Sans doute, il faut se garder d'un optimisme exagéré, mais il
convient aussi de ne pas ti*op s'arrêter aux critiques et aux fâcheuses
prédictions de ceux qui se rebutent aux premières difficultés. Faidherbe,
Brière de l'Isle, Galliéni, Péroz sont de ceux qui ont eu foi dans les
avantages pour la France d'une extension du Sénégal du côté du Niger.
Après un petit nombre d'années, l'expérience leur donne raison.
Emest Meixier, La Fkance dans le Sahara et au Soudan. Paris
(Ernest Leroux), 1889, in-8, 63 p. — Dans cette brochure, M. Mercier,
ancien maire de Constautiue, expose son opinion sur la question tant de
fois traitée de la pénétration dâlaFraice dans le- Sahara d'ab«rd, dans le
Soudan ensuite, par l'Algérie. Elle nous paraît refléter d'une manière
fidèle le point de vue de la grande majorité des colons algériens tou-
chant l'avenir de l'Algérie et l'action française dans l'Afrique du nord.
Après avoir parlé de l'histoire des relations entre la Berbérie d'une
part, le Sahara et le Soudan de l'autre, l'auteur consacre la plus grande
partie de son travail à une description du Sahara central et de ses habi-
— 256 —
tauts, de leurs moeurs et de leui*s expéditions de pillage. Pour lui, il \\\
a aucune pitié à avoir pour ces brigands sahariens, et lorsqu'on en sai-
sit quelques-uns prenant part à une razzia, le mieux est de les fusiller
dans un coin de la steppe. Aussi s'élève-t-il avec force contre la mansaé-
tude de l'infortuné colonel Flatters, qui avait rais en liberté quelqu€&-
uns de ces pillards alors qu'il était commandant supérieur de Laghouat.
Cette magnanimité par laquelle on espère les frapper ne sert qu'à com-
promettre le pi-estige de la France. D'après M. Mercier, il faut établir
aux points extrêmes du territoire algérien des postes destinés à établir
une police sévère dans cette région, pousser la ligne ferrée de Biskra à
Ouargla, ensuite s'emparer d'In-Sabah, la clef du Sahara central, et pous-
ser de là le chemin de fer vers le Soudan. Mais ce qui presse le plus, c'est
de venger le massacre de la misssion Flatters el de frapper un grand
coup dans le Sahara.
Le gouvernement français prendra ce qu'il voudra de tous ces pro-
jeta; sa politique en Algérie est depuis plusieurs amiées empreinte d*uue
trop grande prudence pour donner à croire qu'il va se lancer à la légère
dans une expédition armée, au sein d'un pays peu connu et semé d'obs-
tacles. C'est un peu l'idée des colons algériens, que le noi*d de l'Afriqui;
est devenu leur chose et que tous les Kabyles, les Touaregs, les Arabes,
qui réclament contre la prise de possession de leur sol par une puis-
sance étrangère, n'ont aucun droit à le faire et doivent être parement
et simplement supprimés. Personne, mieux que nous, ne reconnaît la
grandeur et les immenses avantages au point de vue de l'ordre et de la
civilisation, de la mission que la France remplit dans le nord de l'Airi-
(lue; mais ce n'est pas une raison pour admettre que toutes les résis-
tances doivent être supprimées par le glaive. Nous sommes d'avis qu'ea
agissant avec douceur et humanité, en cherchant à convaincre plutôt
qu'à vaincre, on aura plus facilement raison d'une opposition à laquelle
du reste on devait s'attendre.
Post-SerlptioB 4 ta Cluromiqiie 4e l*eBelaT«ce«
A la dernière heure, nous arrive de Luceme un télégramme annonçant qn^'
8. £m. le cardinal Lavigerie proroge à une époque ultérieure le Congrès anti-
esclavagiste primitivement convoqué pour le 4 août.
— 257 —
BULLETIN MENSUEL (2 septembre 1889%
Dans une assemblée réunie au Victoria-Institute, notre savant compa-
triote, Mk Edouard NaviUe» a fait un exposé des fouilles quUl a exé-
cutées en 1888 et 1889 dans les ruines de l'ancienne Bubastis. Après
avoir retrouvé l'emplacem^t du temple, il s'agissait de le déblayer
autant que possible, et d'examiner un à un tous les fragments pour
reconstituer l'ensemble de la construction et recueillir les restes qui
présentaient un intérêt artistique ou historique. M, Naville a pu recon-
stituer le plan du temple, qui comprenait quatre salles de dates diffé-
rentes. Pour entrer dans celle de l'est, peut-être la plus ancienne, on
passait entre deux énormes colonnes, avec des chapiteaux à palmes. En
dehors de la porte se trouvaient deux grandes statues de Hyksos dont
l'une est actuellement au British Muséum. Au delà se trouvait une
seconde salle d'un caractère également archaïque ; depuis Osorkon H,
on la nommait la salle de fête, en mémoire d'une grande fête sacrée.
Plus à l'ouest encore se trouvait la partie la plus richement ornée du
temple ; c'était une salle étayée par des colonnes aux chapiteaux en forme
de feuilles de lotus ou de palmier, et par des colonnes surmontées d'une
tête de Hathor finement ciselée ; le meilleur spécimen en est au Muséum
de Boston. Le temple se terminait par une très grande salle, la plus
vaste des quatre ; elle n'a jamais été achevée. A l'extrémité se trouvait
la shrine de Pasht, dont les fragments se voient au British Muséum. A
l'exception de Zoan, ville très semblable à Bubastis, aucune de celles du
delta n'a donné autant de monuments s'étendant sur une si longue série
de siècles et sur des époques si variées, de la grande quatrième dynastie
jusqu'aux Ptolémées. M. Naville a examiné très soigneusement les colos-
sales architraves sur lesquelles le nom de Ramsès n a été gravé, en même
temps que les noms des propriétaires légitimes ont été effacés si com-
plètement qu'il n'y a souvent aucun espoir de pouvoir rendre à ceux-ci la
propriété qui leur a été volée. M. Naville n'a épargné aucune peine
pour le faire toutes les fois que cela était possible. D a réussi de cette
façon à remplir non seulement des lacunes des monuments, mais aussi
plus d'une lacune laissée par les sources littéraires grecques et autres
* Les matières comprises dans nos BuUetins mensiuis et dans les NowodUa corn-
pUmentairea y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
L'AFRIQUE. — DIXIÈME ANNÉE. — N® 9. 9
"V
— 258 -
que BOUS possédons. On peut dire que les résultats obtenus à cet égard
par les fouilles de BubastJs sont merveilleux. M. Naville l'a montré en
passant en revue les trente dynasties de Manetbon, à partir de la seconde,
y conipris le pharaon Setbenes, dont le cartouche monumental est con-
servé au Muséum d'Oxford, jusqu'à la treizième et même jusqu'aux
Ptolémées, et après ceux-ci jusqu'à Auguste, sous le règne duquel com-
mence l'ère chrétienne.
Des dépêches, adressées de Londres à r/nd^pem^oncefre^e, annoncent
que la victoire remportée à Toski sur les Sondanala par les troupes
égyptiennes, que commandait le général Grenfell, a eu pour épilogue la
découverte d'une foule de documents attestant l'existence d'une vérita-
ble conspiration entre le successeur du mahdi, à Khartoum, et un grand
nombre de personnages officiels attachés à l'adrainistratioD du khédive.
Kos lecteurs se rappellent que Gordon, envoyé à Kbartoum, demanda
qu'on lui adjoignît Zebehr-pacha, pour lui aider à pacifier les Soudanais
révoltés contre l'Égjpte. Soupçonnant Zebehr-pacha d'être en conni-
vence avec le mahdi, l'Angleterre refusa. Bientôt après, Zebehr fut
arrêté et conduit à Gibraltar, tes soupçons du gouvememeut anglais
ayant été contirroés. La conspiration n'en continua pas moins à étendre
sea ramiticatious en Egypte; le but en était d'aider les Soudanais à
envahir l'Egypte, à en chasser les Anglais et à y établir une adminis-
tration favorable à l'entreprise de l'immeuee trafic d'eaclaves dont le
Soudan a été si longtemps le centre. Les documents trouvés sur les
cadavres des cheiks tombés dans la bataille de Toski en fournissent la
preuve.
Les Italieus ont profité des divisions qui régnent entre les chefs abys-
sins, anciens officiers du roi Jean, pour s'emparer du plateau d'A»-
mara» beaucoup moins chaud et plus salubre que Massaoua. La tem-
pérature moyenne n'y dépasse pas 15° ; la verdure, l'eau fraîche, les
légumes, le gibier, y abondent. HéDélik paraissant devoir l'emporter
sur les autres prétendants à la succession du négous, il n'est pas proba-
ble qu'il réclame contre cette occupation, par les Italiens, d'un terri-
toire qui, naguère, faisait partie de TAbyssinie. Retenu par les pluies, il
a été obligé de s'aiTêter dans sa marche vei-s Adoua, la capitale sacrée,
oii il compte se faire coui'onner par les dignitaires de l'Egypte éthio-
pienne. Toutefois la situation pourrait se modifier à son préjudice. Ras-
Àloula lui garde une haine mortelle et le harcèlera tant qu'il pouiTa,
pour favoriser les chances de Mangascia à qui il s'est dévoué corps et
âme. Le Tigré, oii il se trouve avec ce dernier, est une région monta-
— 259 —
gneuse, excellente pour servir de base d'opération à un prétendant
secondé par un soldat tel que Ras-Aloula, qui connaît toutes les ressour-
ces du pays qu'il a parcouru en tous sens, et qui a toujours sous la main
les débris de l'armée du négous, aguerris et capables de former le
noyau d'une armée nouvelle, pourvu que les circonstances s'y prêtent.
En attendant, la mission envoyée par Ménélik est arrivée à Naples avec
l'explorateur Antonelli.
Nous avons eu le plaisir de rencontrer, au Congrès international des
sciences géographiques, M. Borelli» qui a fait une conférence sur son
exploration au sud du Ghoa et dans les pays Gallas. Les collections
qu'il en a rapportées ornaient le salon de la Société de géographie de
Paris. Un des jeunes Gallas qu'il a ramenés en Europe assistait à la
séance. La race des pays qu'il a explorés n'est ni positivement noire, ni
blanche ; comme teint, elle se rapprocherait plutôt du type mulâtre. Les
hommes sont grands, bien faits ; les femmes ont les formes sveltes et
élégantes, mais les mœurs de ces indigènes sont encore barbares. Le
chef ou roi est souverain absolu, il a droit de vie et de mort sur ses
sujets, qui lui obéissent passivement, sans velléité de révolte, ni d'indé-
pendance. Les idiomes varient de peuplade à -peuplade; les religions de
même, toutefois elles admettent toutes, sous des formes diverses, un
Être suprême, dont le culte est accompagné de pratiques particulières.
Tout bon pratiquant, en passant devant une rivière, doit y jeter un
anneau de fer ou d'argent ; d'autres posent une touffe d'herbe sur cer-
tains arbres. Plusieurs tribus ne s'en tiennent pas à ces pratiques inof-
fensives, mais procèdent périodiquement à des sacrifices humains. Ce
sont des familles désignées à cet effet depuis des temps très reculés qui
supportent cet impôt sanglant, et, chose curieuse, elles y semblent rési-
gnées, au moins n'y a-t-il pas d'exemples qu'une victime choisie ait
tenté de se soustraire à l'horrible sort qui l'attend. Ces sacrifices ont
lieu à chaque renouvellement de la lune. D'autre part, jamais un chef
n'entreprend im voyage sans consulter les entrailles d'une victime. Eu
général, qui dit « voyage » dit guerres, combats, batailles. Loi*sque, à
la suite d'une rencontre, il y a des prisonniers, ceux-ci doivent renoncer
à tout espoir d'avoir la vie sauve; d'ordinaire, on les fait mourir en leur
faisant avaler de l'eau bouillante ou en les piquant avec des aiguilles de
près d'un mètre de long. L'adultère est très sévèrement puni ; toute
femme reconnue coupable de ce crime a le nez coupé ; son complice est
l'objet d'un supplice encore plus épouvantable. Toutefois si le mari
outragé accepte un arrangement pour une somme déterminée, cette
réparation est jugée sufiBsante.
^'4
■^:i
.X
— 260 —
Les objets rapportés par M. Borelli dénotent de la part des indigèn&<%
qui les ont fabriqués certaines aptitudes industrielles. Comme dans tout
rOrient, leurs armes sont l'objet d'un luxe particulier; admirablement
trempées, elles sont décorées de guillochages fort curieux. Le sel sert
de monnaie courante et s'échange contre le cuivre et l'argent ; quant à
l'or, les chefs seuls ont le droit d'en posséder ; tout individu trouvé en
possession du précieux métal a la main droite coupée immédiatement.
Les étoffes de coton sont tissées très fin, et sont en général couvertes de
dessins en carrés ou en triangles d'un très joli effet. L'usage du verre
est totalement inconnu dans ces pays ; les vases et objets divers qui en
tiennent lieu sont façonnés avec de la corne de buffle remarquablement
ouvrée. La région explorée par M. Borelli est riche en ivoire ; le fer y
abonde également; les indigènes cultivent le coton, la vigne, les asper-^
ges, les fraises, etc. Les collections rapportées par M. Borelli, qui avait
une mission du Ministère de l'Instruction publique, seront déposées au
Musée ethnographique du Trocadéro.
Le dernier paquebot de MoaBambiqae a aj>porté des nouvelles ras-
surantes des nombreux explorateurs portugais actuellement en expédi-
tion dans l'Afrique orientale. Païva d'Andrada était le 5 mai à Mos-
songa, près du confluent du Caureze avec le Zambèze, à l'ouest de Tété,,
où il attendait ses porteurs pour continuer sa marche vers l'intérieur.
Cardozo était à Quilimane, où les petits rois de la région à l'est du Nyassa
étaient venus confirmer la promesse de reconnaître le protectorat por-
tugais. D attendait l'arrivée des missionnaires que le cardinal Lavi-
gerie envoie au lac Nyassa, oii le gouvernement portugais leur donnera
un emplacement pour leur station, pour leurs établissements agricoles, et
leur garantira la sécurité que réclame leur mission civilisatrice. — Serpa
Pinto était aussi à Quilimane, d'où il comptait partir pour explorer le
pays à l'ouest du Nyassa, et reconnaître le cours de TAruangua septen-
trional, encore peu connu. — Cazalleiro Rodrigues était à Sofala, d'oii il
se proposait de i^etoumer à Moussourisse reprendre sa place de résident
auprès de Goungounyane. — L'expédition des études du chemin de fer
du Chiré était prête à partir. Les études de la ligne du Zambèze étaient
presque terminées; l'ingénieur qui les a dirigées, M. Moraes Sarmento»
est déjà arrivé eu Europe.
Le président de la Société de géographie de Lisbonne nous a prié
d'insérer dans notre publication une réclamation au siyet des Umites
assignées par M. Jeppe, de Pretoria, aux dlatricto portuf^als d*lii-
hamlmné et de 8ofala, dans sa nouvelle édition de la carte du
P'^*ï ■
— 261 —
Transvaal. M. Jeppe fait passer la limite occidentale de ces deux dis-
tricts j)ar le confluent du Pafurié avec le Limpopo et le 31*',26',15''
long. E. La Société de Lisbonne considère cette détermination comme
attentatoire aux droits du Portugal dans cette partie de l'Afrique orien-
tale, où la juridiction des deux districts susmentionnés s'étend jusqu'au
Soubichané et au Boubyé, affluents du Limpopo, par conséquent beau-
coup plus à l'ouest que la ligne imaginée par M. Jeppe, comme on peut
le voir dans les cartes portugaises publiées par le marquis de Sa da
Bandeira et dans d'autres encore plus modernes.
Nous avons également reçu de M. Charles Hancock, avocat à Lon-
dres, membre du Comité exécutif de l'Aborigines Protection Society, la
demande de publier une communication relative aux troubles survenus
dans le Zoalouland, au sujet de la condamnation à de longues années
d'emprisonnement prononcée par le tribunal d'Etshowé contre Dinizulu,
fils de Cettiwayo, Undabuko et autres chefs.
Ces malheureux, qui s'étaient rendus coupables de pillage à main
année, ont été accusés par les employés du gouvernement anglais du
<5iime capital de haute trahison et de rébellion, et se sont conduits avec
beaucoup de noblesse pendant le procès. Comme le Président du tribu-
nal demandait à Undabuko (oncle et conseiller du fils de Cettiwayo) s'il
avait une déclaration à faire à la Cour, celui-ci s'exprima en ces termes :
« J'ai été harcelé pendant des années entières, mes parents et mes amis
sont décimés ; j'ai toujours été blâmé sans cause et sans enquête. Je ne
craindrais pas les accusations si je pouvais seulement répondre et racon-
ter mon histoire devant un Conseil d'enquête ; mais je ne puis me faire
•écouter de ces fonctionnaires qui ne me tuent qu'afin que leur favori
Usibepu puisse vivre. Oh ! si seulement on voulait entendre ma cause, je
ne serais pas inquiet du résultat. » Quoi qu'il en soit, on trouve généra-
lement que la résistance faite par ces chefs aux autorités anglaises ne
méritait pas une punition aussi sévère. Plusieurs amis des Zoulous et
entre autres miss Colenso, qui a vécu plusieurs années à Natal et qui
«'est toujours dévouée à la cause des indigènes, se sont efforcés, dans
ces derniers temps, de faire rendre justice à des malheureux sous le coup
d'accusations si terribles, a Venant de recevoir de miss Colenso une com-
munication contenant un récit intéressant de ces procès sur lesquels
nous avons jusqu'à présent peu de détails dans les journaux anglais, je
prends la liberté, » dit M. Hancock, « comme membre du bureau de l'Abo-
rigines Protection Society, de citer quelques extraits qui méritent d'at-
tirer l'attention publique. J'ai écrit plusieura lettres dans les journaux
— 262 —
anglais, in'etforçant d'exposer devant le pays les maux terribles iullîgé»
aux chefs zoulous et à la population indigène par la mauvaise adminis-
tration des fonctionnaires anglais. Je ne veux donc pas entrer daiis plus
de détails. La conduite de nos représentants dans ce pays a été condam-
née dans les termes les plus énergiques par les journaux de Natal, quelle
que soit leur opinion politique; je ne citerai aujourd'hui que deux fait&
qui montrent la nécessité d'une enquête impartiale conduite par les
autorités anglaises sur les accusations portées contre les dits fonction-
naires.
Quelque incroyable que cela paraisse, il a été aflSrmé, dans les der-
niers procès, par un témoin, que 300 femmes et enfants, capturés par
un détachement sous les ordres du major M' Kean, ont été livrés à Uzi-
bepu (le favori du gouverneur. Sir Arthur Havelock) et à ses soldats, et
n'ont été relâchés que grâce à l'intervention de miss Colenso et de se*
amis. Des actes aussi monstrueux de barbarie et de cruauté, qui désho-
noreraient le pays le moins civilisé, devraient-ils être commis au nom
d'une nation qui se trouve au premier rang de la civilisation ?
De plus, un correspondant du Naial Witness, dans un numéro que
nous venons de recevoir, parlant d'un cas de flagellation auquel miss
Colenso fait aussi allusion, nous donne une description du martinet em-
ployé (chat à neuf queues), lequel, d'après la déposition d'un des témoins,
serait garni de morceaux de fer. C'est, du reste, la contirmation de ce
qui a été dit à la Chambre des Communes par M. Bradlaugh. Est-ce un
mode de châtiment en rapport avec les idées anglaises ? Et il ne s'agit
pas d'une colonie possédant un « gouvernement responsable. »
L'impossibilité complète de s'en rapporter à ceux qui dirigent
actuellement les affaires coloniales, en ce qui concerne le Zoulou-
land, se trouve aussi parfaitement démontrée par le fait suivant. D y
a quelques jours, le sous-secrétaire des colonies (le baron de Worms)
assura à M. Ellis qu'aucun renseignement n'avait été reçu à propos de
réjouissances, officielles ou non, qui auraient eu lieu, lorsque les senten-
ces furent prononcées, ni sur la mise en liberté de Usibepu. Je rap-
pellerai simplement la description que fait miss Colenso de ce qui s'est
réellement passé ; a on a envoyé, dit-elle, des tambours et des titres de
l'armée « en l'honneur de l'événement; » et Usibepu, suivi de plusieurs
de ses compagnons, à cheval, a accompagné les prisonniers allant à pied
de la prison à la Cour de justice.
Je suis convaincu que si tous les faits se rattachant à la conduite des
employés du gouvernement anglais au pays des Zoulous étaient connus
'W
— 263 —
de tous, Topinion publique insisterait pour que justice fût rendue aux
indigènes et pour que des actes qui ternissent notre réputation nationale
ne fussent plus tacitement autorisés par ceux qui ont la responsabilité
des affaires coloniales à Downing Sti*eet. »
Le poste d'Isanf^hila sur la rive nord du Congo, qui avait été aban-
donné temporairement, a été réoccupé pour la réorganisation du service
des transpoils. Celui-ci est dirigé de Vivi par M. Danfelt, lieutenant de
Tannée suédoise, qui est depuis cinq ans en Afrique, et connatt parfai-
tement le pays, les habitants et la langue, qu'il parle couramment. Les
bâtiments du poste d'Isanghila ont été reconstruits sur un petit plateau
au bord du fleuve, juste en face de la cataracte. Un peu en amont, le
fleuve forme une crique, aux eaux calmes, lieu d'amarrage et de charge-
ment des baleinières. La plupart des porteurs sont recrutés à Isanghila
et dans les environs. Ils se rendent à Vivi pour y prendre les charges et
les transporter à Isanghila; d'ordinaire ils parcourent cette route en
trois jours. D'Isanghila à Manyanga, le transport s'opère à l'aide de
trois grandes baleinières en fer, dont les équipages sont placés sous les
ordres du chef du poste d'Isanghila. Ces équipages se composent, pour
chaque baleinière, d'un capita et de douze rameurs indigènes de
Manyanga et environs, plus un patron zanzibarite. La durée du voyage
est de six à huit jours, chargement compris pour la montée, et de deux
pour la descente. Chaque baleinière peut emporter de 80 à 100 charges,
d'un poids moyen de 30 kilog. Ce qui fait un transport de 7200 à 9000
kilog. par voyage.
Nos lecteurs savent que l'Exposition installée à l'Esplanade des Inva-
lides possède im village congolais avec des indigènes du Gabon et du
Conf^o f rançal» % plusieurs de ceux-ci ont accompli des actes de cou-
rage et de dévouement pour lesquels le sous-secrétaire d'État aux Colo-
nies, sur la proposition de M. de Brazza, leur a décerné des médailles en
or de première et de seconde classe. Les titulaires des médailles de pre-
mière classe sont : Mamouaka, chef de pirogue, et Njouké, qui ont pris
une part active au sauvetage de M. Dolisie, blessé devant un village
ennemi dans le haut Congo. Ceux des médailles de seconde classe sont :
Bengo, chef de pirogue, qui s'est très bien comporté dans l'escorte de
M. de Brazza, et Agoulamba, qui a sauvé autrefois le D' Ballay, dont
la pirogue avait chaviré dans les rapides de l'Ogôoué.
D'après le Journal officiel une nouvelle organisation a été domiée aux
Etablissements français du Golfe de Bénin, de la Côte d'Or et des
Rivières du Sud. Les premiers avaient été rattachés tantôt au
?.
— 264 —
Gabon, tantôt au Sénégal; ils sont aussi éloignés d'une colonie que de
Fautre et n'ont aucun rapport avec elles. Le nouveau décret leur donne
une organisation autonome, plus en rapport avec leur situation géogra-
phique. Leurs résidents correspondront directement avec le sous^ecre-
taire d'État aux colonies. Quant aux Rivières du Sud ou dépendances
du Sénégal au sud de la Guinée portugaise, elles faisaient jusqu'ici, au
point de vue administratif, partie intégrante du Sénégal, qui est éloi-
gné, qui a peu de rapports avec elles, et dont les intérêts sont souvent
opposés. Pour faire cesser cette anomalie, le décret les érige en divi^^m
administrative autonome placée sous l'autorité du lieutenant-gouverneur
du Sénégal, qui correspondra directement avec le sous-secrétaire d'État
aux colonies. Le personnel relèvera uniquement de lui ; il résidera à
Konakry, dans la rivière Dubreka, et devra visiter les différents postes
des Rivières du Sud au moins deux fois par an. Elles auront un budget
spécial distinct de celui du Sénégal.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
M. Camille Douls, chargé d'une mission en Afrique par le ministère de rinstruc*
tion publique, a été, d'après les journaux, assassiné dans le Sahara entre le sud
Oranais et Timbouctou.
Le consul général de la Grande Bretagne au Caire a adressé à TOffice du com-
merce à Londres un rapport sur les travaux qui doivent être mis en adjudica-
tion en Egypte : ce sont les chemins de fer d'Assiout à Girgeh, environ 125 kilo-
mètres; de Chibin-el-Kour à Menouf, 13 kilomètres; de Damanhour à Rahmt-
nieh, 20 kilomètres ; de Nadineh-el-Farjoum à Senouris, II V* kilomètres. Un
pont de 550 mètres sera jeté sur le Nil entre Boulaq et Embareh. L'acquisition
des terrains pour tous ces travaux reste à la charge du gouvernement égyptien.
Les soumissions seront reçues jusqu'au 2 décembre prochain.
Le cardinal Massaïa, vicaire apostolique des Gallas. qui a passé plus de trente
ans en Étiopie comme missionnaire, est mort à Naples à l'âge de 80 ans.
Le vapeur ChUdren, porteur du cÂble qui doit relier Obok et Périm, mouillé es
rade de Périm, commencera la pose du cÂble aussitôt que le Sénat français aura
ratifié le vote de la Chambre autorisant l'établissement de cette ligne.
Le bey de Jibouti, petit État limitrophe de la colonie d'Obock, au sud de U
baie de Tadjoura, est venu à Paris, pour voir l'Exposition. Il est accompagné par
M. Lagarde, gouverneur d'Obock.
La création d'une section spéciale pour les colonies au ministère des affaires
étrangères de l'empire allemand, montre que malgré les difficultés de la politique
coloniale allemande, principalement dans l'Afrique orientale, le gouvernement
voue à celle-ci un intérêt croissant.
— 265 —
Le bruit qnî axait couru de la Tenue d'Émin-pacba avec Stenley
orientale ne l'est paa con<nné. Pour qu'il eAt pa rencontrer quelque c
aurait fallu que le patuge des deux f oyageur* eût £të signalé en on po
sur la route des laça k la cAte.
One canonnière anglaise, le Pigeon, a soiai, dans les eaux de Zanzibar
Pemba qui était chargé d'eaclavee.
Le Journal offiad de Lisboiue publie un décret royal établissant à
au sud-est du lac Njassa, une mission catholique ayant pour but de fi
écoles et des églises en me de la colonisation agricole et de ta suppresi
traite des esclaves.
Le Cape Argta annonce que d'après un télégramme de Lorenzo-Ma
consul portugais à Pretoria, la voie ferrée de la baie de Delagoa à la
du TranBTaal sera terminée à la fin de septembre.
Le Volksraad dn Transvaal a décidé la création d'une ututersité à Pr
TOté à cet effet un crédit de 50,000 fr.
Des diamants de première <}ual]té ont été déeouTerts dans le baai
rivière des Crocodiles.
La construction du chemin de fer dn Congo est assurée par le snccèi
prunt émis ft Bruxelles, à Londres et à Berlin. Outre la souscription di
lions du gouvernement belge, il y a lieu de citer celle de cinq milKo
William Mackinnon et consorts k I^ondres, celle d'un million de la Corn]
Congo pour le commerce et l'industrie à Bruxelles, etc. L'Indiptndo
annonce que les travaux vont commencer immédiatement.
M. Hanenae, résident des StanleyFalls, actuellement en route pour
a annoncé qu'à son départ du Haut-Congo, la situation était des plus f
et que tout était calme. Tipo-Tipo l'a prié d'être son interprète auprès d
nement de l'État indépendant pour l'assurer de tout son concours. < !
dit-il, < tout son possible pour rallier les chefs arabes de Nyangoué e
Hyéma, afin d'obtenir leur concours, pour l'aider à neutraliser les et
traite des noirs dans ces parages. >
Le Comité de l'Association congolaise et africaine de la Croix-Rouge
la publication d'un BttUetin trimestriel, d.oat la rédaction a été confiée à
Wauters, rédacteur du Mouvement giographi^ue. Le Bulletin publiera '
cune de ses livraisons une Chronique du Congo, qui résumera les demi
velles de l'État indépendant et les progrès réalisés en Afrique par le
Une Compagnie portugaise ayant son siège k Lisbonne a été constitué
construction d'un chemin de fer de Benguela fc Catoumbella.
Le D' Z&itgraff qui avait quitté, le 18 décembre 1SB8, la station allen
le lac des Éléphants dans le territoire de Cameroun, est arrivé sain et t
sur le Benouè, ayant ainsi traversé les parties Jnsqo'icî complètement i
qui s'étendent jusqu'à l'Adamaoua.
Le Comité central de la Société de géographie commerciale de Berlin
une expédition au Maroc, aussi bien en vue de la science que dans i
— 266 —
écoQomii^ue. L'obserTatoire de Hambourg g'Ii^téresge aussi à cette expédition; il a
rii\tention de créer et d'entretenir au BCaroc deux stations météorologiques.
Une Société s'est constituée à Barcelone pour créer des relations commerciales
entre l'Espagne et le Maroc; elle établira une ligne de vapeurs pour donner au
commerce espagnol avec cette partie de l'Afrique toute l'extension possible.
CHRONIQUE DE L'ESCLAVAGE
L'évèque Smythies, de la mission des Universités, a demandé, dans
une lettre au Times, l'abolition du status légal de Tesclavage à Zanzi-
bar et à Peinba.
Doutant du résultat de la démonstration anglo-aUeanande contre Tes-
clavage par le blocus, il demande qu'il soit fait quelque chose pour que
TAfrique ne s'imagine pas que l'effort déployé par ces deux grandes
puissances a échoué, et que la traite peut se faire mieux encore qu'au-
paravant. Mais comment empêcher une recrudescence de la traite? Il
faut se tenir dans les limites de ce qui est possible. Le coup le plus fort
qu'on puisse porter à la traite, et le seul efficace, est Pabolition du sta-
tus de l'esclavage. Nous ne pouvons pas, pour le moment, l'abolir sur le
continent, mais, avec un peu de fermeté, nous le pouvons dans les tles
de Zanzibar et de Pemba; et ceci aura un grand effet moral sur les
pays adjacents.
Les conditions de l'esclavage à Pemba sont telles que les troupes
d'esclaves doivent constamment y être complétées. Un exemple suffira
pour montrer jusqu'où s'étend la notoriété de P^uba comme marché
d'esclaves. Quelques petites filles, récemment libérées et amenées aux
missionnaires, leur dirent qu'elles venaient d'un village sur les bords du
Nyassa; qu'elles avaient vu le vapeur de la mission; les agents de
celle-ci étant un jour venus dans leur village, elles avaient couru se
cacher en se disant : « Voici les hommes blancs qui viennent pour nous
emmener à Pemba ! » Cette île est séparée du Nyassa par des centaines
de kilomètres.
Quant à l'influence que l'abolition du status de l'esclavage aurait
sur les pays voisins, M. Smythies dit que presque tous ceux qui sont ven-
dus par leurs familles, chez les Bondeïs, les Wadigo et dans les tribus
qu'il connaît, sont envoyés à Pemba ou à Zanzibar; dès lors, l'abolition
du status de l'esclavage y ferait cesser nécessairement le rapt des per*
sonnes et beaucoup d'injustices.
— 267 —
Eu réponse à Tobjeetioii eommune que la vie de resclate dans ce
pays est, en somme, très facile, que les Africains ne trayaiileraieAt pas
«'il n'y étaient pas contraints comme esclaves, et qu'il est fort douteux
que Tabolition du status de Tesclavage fût un bien réel pour les indigè-
nes, M. Smytiiies peut dire, non en théorie, mais d'après ce qu'il a vu de
^es yeux, qu'un tel argument est complètement faux. Sans doute, dans
une société où la plus grande partie du travail est faite par des esclaves,
^ où les maîtres, d'une race différente, regardent le travail avec
mépris, il y a pour tous ceux qui peuvent devenir libres une très forte
tentation à travailler le moins possible. Le seul moyen de changer l'opi-
nion publique et de rendre au travail l'honneur qui lui est dû, c'est
4' abolir le status de l'esclavage. De ce que ceux qui sont libres aujour-
d'hui sont encouragés à ne pas travailler, on ne peut pas conclure qu'on
ne travaillera plus quand tous seront libres. C'est un fait positif que
beaucoup d'esclaves libérés travaillent sérieusement et gagnent beau-
coup. Les missionnaires ont trouvé, parmi les populations libres du con-
tinent, beaucoup d'indigènes très disposés à travailler, lorsque celui qui
avait besoin de travail avait gagné leur confiance ; on s'étonnerait en
Angleterre des lourdes charges qu'ils portent, pour un prix minime, de
la côte aux stations missionnaires. Celles-ci ont un service régulier de
porteurs, qui descendent seuls à la côte et rapportent les marchandises,
d'une distance de 100 à 150 kilomètres, sans rien perdre, ni rien gâter.
Les marchands allemands qui ont établi des plantations sur la Louvou
affirment que, quoiqu'ils aient eu besoin de beiaucoup d'indigènes
pour faire leurs travaux, il n'ont jamais manqué d'hommes qui s'ofllris-
5ent pour les faire ; c'étaient des noirs, qui appartenaient à la popula-
tion libre des villages environnants.
Mais on allègue que l'Arabe est un maître facile et que le status de
l'esclavage, après tout, fait très peu de mal. M. Smythies ne revient pas
sur les cruautés de la chasse à l'homme, va sur les horreurs des carava-
nes d'esclaves, dont le status de l'esclavage dans les îles de Pemba et
de Zanzibar est grandement responsable ; à côté de cela, le status de
l'esclavage est ime plaie hideuse qui pénètre profondément dans la vie
des indigènes. Le cas le plus fréquent, parmi les natifs au milieu des-
quels vivent les missionnaires, est que, pour de petites dettes, un homme,
ou sa femme, ou ses enfants sont vendus comme esclaves, quoique la dette
provienne d'un dommage accidentel causé à la propriété d'un voisin,
par lui ou par quelqu'un de sa famille; s'il ne peut obtenir de l'argent,
ou qu'il ajourne par négligence de faire un effort pour en avoir, la dette
— 268 —
court et, ea courant, s'accumule, jusqu'à ce qu'un beau jour son enfant
soit saisi et vendu pour payer la dette. Très souvent il met en gage son
enfant, qui devient Pesclave de son ami, de son voisin et qui finalement
est vendu. Souvent, pour une dette plus forte, une femme est prise et
vendue pour devenir la concubine de son maître. M. SmytJiies cite le cas
d'une fename qui, pour une dette de son père à elle, fut prise de force à
un homme qu'elle avait épousé depuis peu et contrainte de servir de
concubine à un autre ; la chose était envisagée comme parfaitement
légale ; c'est le fruit du status de l'esclavage. Souvent des réclamations
sont adressées à des familles, squs prétexte que bien des années aupa-
ravant quelqu'un des leurs a été yendu comme esclave et s'est
échappé. M. Smythies a connu un jeune homme chrétien, qui fut pris
par un Arabe et détenu jusqu'à ce qu'il eût satisfait à une réclamation
de ce genre. Deux ans auparavant son oncle était mort. L'Arabe préten-
dit que cet oncle avait été son esclave vingt ans auparavant et qu'il
s'était échappé. Les deux individus avaient vécu dès lors sur le pied de
l'intimité, et aucune réclamation n'avait été formulée du vivant de l'on-
cle. Celui-ci mort, l'Arabe réclama tout ce qu'avait possédé le défunt, et
saisit le jeune homme comme otage. U ne pouvait fournir aucune preuve^
mais, comme c'était un Arabe, les chefs indigènes et leurs gens furent si
eftVayés qu'ils lui livrèrent tout, et que tous les effets de l'homme furent
emmenés, ainsi que lui-même et deux petites filles et encore une troi-
sième personne, pour être vendues comme esclaves. M. Smythies porta
l'affaire devant le tribunal du sultan de Zanzibar oti l'Arabe n'osa pas
paraître.
Une autre iniquité résultant du status de l'esclavage provient de ce
que des hommes sont souvent vendus traîtreusement par leurs compa-
gnons, et que cette vente est déclarée valable de par la loi, sans que le
vendeur soit jamais puni. C'est un fait ordinaire que, de deux hommes
arrivés comme amis à Zanzibar ou à quelqu'une des villes de la côte^
pour y faire du commerce ou y travailler, l'un vendra l'autre s'il eu
trouve l'occasion. Jamais M. Smythies n'a entendu l'opinion publique
blâmer un fait de ce genre, ni vu punir celui qui ayait vendu son compa-
gnon. La seule victime est le malheureux qui, par trahison, est devenu
légalement esclave à vie. Cette trahison, avec tous les soupçons qu'elle
engendre, est le résultat du status de l'esclavage.
M. Smythies raconte encore le fait d'un homme qui avait travaillé
pour les missionnaires ; ceux-ci le trouvaient sincère, industrieux, hon-
nête sous tous les rapports et bien élevé. Par son travail il avait racheté
— 269 —
SB. femme et sa mère, mais lui-même était esclave, et sa propriétaire,
femme âgée, refusait de lui permettre de se racheter lui-même. Par son
industrie, il prospérait; il se construisit une maison et cultivait un ter-
rain. Sa maîtresse devint jalouse de sa prospérité et résolut de le vendre
à Pemba. Craignant d'être enlevé de force à sa femme et à ses enfants
par la famille de cette maîtresse et par les trafiquants d'esclaves, il
s'éloigna, et il fallut que les missionnaires intervinssent auprès du sul-
tan pour qu'il devînt libre, le sultan ayant déclaré qu'il le rachèterait
lui-même. Des complications de cette sorte se produisent sans cesse ;
toutes les mauvaises passions des hommes s'y donnent carrière. Sans
doute, sous un bon chef ayant une autorité réelle sur ses gens, les maux
peuvent être beaucoup diminués, mais l'opinion publique est tellement
pervertie, que M. Smythies a connu un chef, d'ailleurs de beaucoup
supérieur à la plupart des autres, qui proposa de sang-froid, sous l'em-
pire de certaines diflScultés, de vendre le père et la mère d'une jeune
iille fiancée à son fils.
Les moyens de communication entre le continent et les îles sont faci-
les ; celles-ci deviendront des ports de refuge pour tous les esclaves de la
côte qui désireront être libres et qui voudront travailler. L'abolition du
status de l'esclavage dans les îles sera un grand pas vers son abolition
sur le continent.
Nous extrayons ce qui suit d'une lettre d'un missionnaire de Mada-
i^sear à M. Keller, président de la Société anti-esclavagiste de
France : a Les esclaves sont en assez grand nombre dans notre île :
esclaves de terrain ou de famille, se perpétuant de père en fils, comme
propriété de tel ou tel maître, depuis que l'introduction des Mozambi-
ques, par la côte ouest a été interdite. Dans la capitale, le marché se
tient une fois par semaine, le vendredi, au grand bazar, dans un quar-
tier destiné à cela, à côté du quartier aux légumes, du quartier aux
bœufs C'est chose lamentable que de traverser ceforatl, et de voir
la morne attitude de ces pauvres gens, qui ont à craindre, outre les
mauvais traitements d'un acquéreur sans entrailles, une séparation
bien plus funeste encore au point de vue de la moralité. Car, s'il est
vrai que, depuis quelques années, les petits enfants ne peuvent plus être
séparés de leurs mères, il n'en est pas moins vrai que la femme peut être
séparée de son mari. Chose pitoyable ! les femmes se vendent plus cher
que les hommes, parce qu'elles rapportent. Et les maîtres, sans aucun
égard pour un mariage antérieur ne se font pas faute de donner aux
femmes esclaves soit catholiques, soit protestantes, plusieurs maris pour
— 270 —
âssut*er ou augmenter la production. La mission a pu racheter et affran-
chir quelques jeunes gens qui avaient étudié dans ses écoles, et offraient
les qualités nécessaires pour devenir d'excellents auxiliaires, ainsi que
quelques jeunes filles, donnant également les garanties suffisantes, et
dont Tabandon ou la vente auraient compromis la persévérance et en-
traîné très probablement la perversion. Toutes les fois que cela est pos-
sible, la mission en prend h son service comme domestiques, ou dans ses^
ateliers comme ouvriers, afin de leur faire gagner la somme nécessaire
à leur rachat. Us ont un compte de dépôt ouvert à la procure et versent
là des économies qui ne reviennent pas à leurs maîtres.
M. Holman Bentley écrit de la station de Wathen sur le Congo
au Mmionary Herald de Londres, à propos d'un jeune noir attaché à
sa personne. « Kayembé est originaire d'un pays situé très loin en amont
des Stanley FaUs, à un jour de marche de Kasongo, l'ancien quartier
général de Tipo-Tipo. Les Arabes s'établirent d'abord à Kasongo, puis
ils fondèrent un autre poste sur le Congo, à Matéléka, près de la ville
où était né Kayembé. En 1884 une grande caravane arriva de Nyan-
goué, composée d'un mélange d'Arabes, de Zanzibarites et de gens de
Nyangoué et du pays d'alentour. Dans ce pandémonium n'existe aucun
sentiment national, et il est impossible d'unir les tribus contre un
ennemi commun. L'homme qui a été capturé il y a un mois est prêt à
se joindre à celui qui l'a réduit en esclavage, à l'imiter et à faire pis
encore. Quantité d'individus se louent au mois pour cette œuvre abomi-
nable, tout spécialement les Ma-Nyéma dont le cannibalisme féroce
ajoute aux horreurs de la traite. Loi-sque ces chasseurs d'esclaves arri-
vèrent près du district oii vivait Kayembé, les chefs leur offrirent des
chèvres et des vivres espérant qu'ils passeraient tranquillement. Ils
acceptèrent les présents sans rien donner en retour. Deux ou trois jours
après, les gens de Kayembé virent la fumée de maisons incendiées, et
ci-urent que les Ai'abes en partant avaient mis le feu à leur camp. Mais
bientôt ils apprirent que c'était Bena-Katoundoù qui était saccagée. Ife
s'enfuirent alors vers une autre ville, distante d'une journée de marche.
Les Arabes les suivirent, et attaquèrent la ville voisine de celle où ils
s'étaient réfugiés. Trois jours plus tard, beaucoup de gens de Kayembé
retournèrent près de leur ville, vivant dans la jungle le jour, et dor-
mant la nuit dans les ruines de la ville. Ils menèrent cette vie misérable
pendant deux mois environ, et lorsqu'ils en furent fatigués ils se rendi-
rent à une autre ville à quelques kilomètres de distance. Les habitants
y vivaient dans une crainte continuelle d'une attaque nocturne ; aussi
■>
— 271 —
retournèrent-ils le lendemain à Bena-Katoundou, la ville incendiée. Le
jour smyant les chasseurs d'esclaves j arrivèrent avec des tambours^ et
en dmntant. Lorsqu'ils approchèrent du père de Eayembé, il prit sa
lance et en blessa à Tépaule un des chasseurs d'esclaves ; ceux-ci le
ftisillèrent sur le champ, et lui coupèrent la main comme trophée.
Kayembé s'élança dans la jungle suivi de plusieurs esclavagistes ; un
homme de Nyangoué s'empara de lui ; il fut emmené et suivit cette
horde qui prit d'autres villes dont elle tua les hommes et captura im
grand nombre de femmes ; les petits enfants de celles-ci leur furent
arrachés et jetés dans les broussailles pour y périr misérablement. Quel-
ques-uns eurent la chance d'être assommés d'un coup de bâton. De
jeunes enfants que les Arabes n'estimaient pas valoir la peine d'être
emportés furent chassés, et lorsqu'ils essayaient de suivre leurs mèr«3
on les repoussait à coups de verges. On ne pouvait point avoir d'ivoire ;
mais les cotonnades d'Europe, des pioches, des chèvres, des moutons,
des poulets, des tambours, des fusils, etc., formaient le reste du butin.
« Au bout de dix jours, ils emmenèrent leurs captifs et leur butin à
Nyangoué. Là ils montrèrent leurs dépouilles à leurs maîtres, qui choi-
sirent leur part. Pendant quinze jours, Kayembé et son ravisseur res-
tèrent & Nyangoué, puis il en partit avec deux cents autres pour Bena-
Kioundou. Là un^ Zanzibarite et sa femme chez lesquels logeait son
ravisseur, le prirent en pitié, et voulurent l'acheter, mais Kilangalanga
ne voulut pas le vendre, et bientôt après il le conduisit aux Stanley
Faite, oU il fut vendu à un Zanzibarite. Atteint de la dysenterie, son
propriétaire se hâta de se défaire de lui en le revendant à un soldat
haoussa, qui l'emmena plus tard à Léopoldville, oti sir Francis de Win-
ton l'affranchit et le donna à la mission. Il apprit la langue du Congo,
fit quelques progrès dans la lecture, sintéressa aux récits de l'Évangile,
et devint chrétien. Mais sa capture et la mort de son père restent gra-
vés dans sa mémoire ; et il s'efforce de faire part à ceux de sa race de
la vérité qu'il a trouvée. »
Enréponse à une question posée dans la Chambre des Communes,
Sir James Fergusson, sous-secrétaire d'État au Foreign Office, a annoncé
que le Confias de Bruxelles se réunira le 15 octobre. Toutes les
puissances qui ont pris part à la Conférence africaine de Berlin en 1885
y seront représentées. Le but de la réunion sera de rechercher les moyens
les plus efficaces de mettre fin à la traite des esclaves, et aussi de régle-
menter l'importation des spiritueux qui ne font pas moins de victimes
que les chasseurs d'hommes.
— 272 —
 côté de r activité des gouv^nemeats, les sociétés privées anti-escla-
vagistes auront Toccasioa d'étudier les mesures qu'elles auront à pren-
dre pour seconder Tœuvre diplomatique des puissances. L'ajourne-
ment du Coni^pôs 4e Ijoeerae» auquel le Comité suisse avait
délégué M. Ed. Naville, président, et MM. £. Dufresne et Q. Moynier,
vice-présidents, n'a point découragé le cardinal Lavigerie. D'après
les journaux, le Cong^ aura lieu prochainement, mais dans d'autj-es
conditions que celles qui avaient été annoncées primitivement. L'en-
droit et la date en seraient fixés à la majorité des voix par les anti-esda-
VHgfi^;e6 dont le nombre aura une quotité proportionnelle à l'importance
de leur État. Mgr. Lavigerie demandera que chacune des nations euro-
péennes qui occupent une partie de l'Afrique s'engage à la répression
de l'esclavage sur son propre territoire. Cette répression serait faite
d'abord par l'armée de chaque État, ensuite par des auxiliaires em-
ployés par les différente Étate. La première opération serait de couper
aux troupes de marchands d'esclaves le passage du Tanganyika.
Malgré son optimisme le cardinal Lavigerie ne se dissimule pas que
son œuvi'e soulève des diflBcultés sérieuses, surtout d'ordre politique. Les
gouvernemente dont les intérête sont opposés lutteront les uns contre les
autres. Leurs rivalités risquent de compromettre l'unité de l'entreprise ;
toutefois, il ne doute pas du succès définitif de l'œuvre anti-esclava-
giste. En réponse aux reproches que lui ont adressés quantité dé jour-
naux politiques et religieux, plus ou moins indifférente au sort des escla-
ves, le cardinal Lavigerie a tenu à affirmer que le^ papisme n'a rien à
faire dans cette entreprise. « Tous nos frères peuvent se joindre à nous, »
a-t-il dit, « nous n'aurons d'autre bannière que celle de la pitié, et c'est
la liberté que nous voulons donner à ces millions de malheureux. »
L'AFRIQUE A PARIS EN 1889
Dans une de ses charmantes Lettres à la Suisse libérale sur l'Exposi-
tion de 1889, notre compatriote et ami, M. Henri Jacottet, écrivait: « On
apprend dix fois, cent fois plus, en voyant de ses yeux qu'en lisant dans
les livres... Pour instruire, il faut multiplier les moyens de voir, et de
voir beaucoup. Or, comme il est difficile et coûteux de faire le tour du
monde, bienvenue est une exposition qui nous montre le monde en rac-
courci. »
Ne pouvant nous rendre en Afrique, ni étudier les Africains chez eux.
— 273 —
ndm avons tenu, pour notre instruction et en vue de nos abonnés, à voir
rAfrique à Paris e^n 1889 : ses produits et ses populations représentées
par de nombreux types de tribus différentes, et à entendre les explora-
teurs revenus récemment du continent mystérieux et annoncés pour
parl(»* au Congrès colonial et au Congrès des sciences géographiques. U
ne noas ^t pas possible de dire ici tout ce que nous avons vu et entendu
d'instructif, nous voudrions seulement, dans un ou deux articles, con-
denser en quelques pages ce qui nous a frappé, afin d'engager au moins
quelques-uns de nos lecteurs à aller voir pendant que Toccasion leur eu
est encore offerte, persuadé que le savoir fourni par les livres est tou-
jours pauvre à côté de celui que donne la réalité.
C'est surtout dans la partie de l'Exposition groupée à l'Esplanade des
Invalides que nous rencontrons l'Afrique et les Africains ; non pas qu'on
ne les trouve que là. Au Champ de Mars, nous le verrons, se dressent,
dès l'entrée, à droite, le pavillon du Canal de Suez, et à l'extrémité du
Palais de l'Industrie, également à droite, le bazar marocain et la rue du
Caire, une des parties de l'Exposition dont la couleur locale est la plus
parfaite.
Il va sans dire que, ni dans l'une ni dans l'autre des deux parties de
l'Exposition, au Champ de Mars pas plus qu'à l'Esplanade des Invalides,
ne se trouvent représentés le continent entier ni toutes les populations
africaihes ; ce que l'on y rencontre, ce sont surtout les produits de terri-
toires coloniaux ou d'États plus ou moins voisins, le Maroc, l'Egypte ;
toutefois. d'autres États éloignés, la république Sud-africaine, par exem-
ple, y tiennent une bonne place. On peut dire, d'une manière générale,
que les colonies africaines de l'Angleterre, de l'Allemagne, du Portugal
et de l'Espagne brillent par leur absence, ce qui peut étonner, non pour
l'Allemagne qui s'est tenue à l'écart même du Congrès des sciences
géographiques, mais pour le Portugal et l'Espagne, très bien représen-
tés à ce dernier comme au Congrès colonial international. Bref, à part
les États africains susmentionnés, il n'y a guère que des territoires de
colonies françaises qui aient exposé ; mais comme ceux-ci se trouvent au
nord, à l'ouest et à l'est du continent, leurs produits et les indigènes
venus à Paris sont assez nombreux pour fournir une instruction utile et
intéressante.
Dès l'entrée à l'Esplanade des Invalides, d'ailleurs, on embrasse les
deux extrémités du continent, le premier pavillon que l'œil rencontre
étant celui du Transvaal, et le second celui de l'Algérie.
La république Sud-africaine qui participe officiellement à l'Exposition
— 274 —
a réuni dans son pavillon les phia «araeténstiqneB de ses produit» : des
minerais et des pépites d'or d'un poids considérable, des eéréales^ des
herbes médicinales employées contre la dys^terie, des fruits secs,
entre autres des abricots, des graines de baobab, des tabacs ; une collec-
tion complète de sa faune ornithologique, des peaux, des fourrures, des
plumes d'autruche, des laines, des défenses d'éléphants ; une intéressante
collection ethn<^rapbique cafre ; mais surtout une vitrine dans laquelle
tous les mds sont d^sés des lingots d'or représentant l'extraction faite
le mois précédent dans les mines du Transvaal. Lors de notre dernière
visite à ce pavillon la valeur des lingots exposés était de trois millions et
demi. On comprend qu'un service spécial de garde fût organisé pour
veiller sur cette exposition.
Tout auprès s'élève le pavillon de l'Algérie, joli palais, avec des cou-
poles, des ogives, des fal^ices polychromes, tous les motifs ^armants
de l'art mauresque, et un minaret copié sur celui de la mosquée de Sidi
Abd-er-Rhaman, à Alger, puis une profusion de colonnades, parmi les^
quelles on est assez étonné de trouver des colonnes à chapiteaux gréco-
romains. U paraît que les architectes algériens en faisaient venir de
toutes taillées d'Italie. Les palmiers et les bananiers qui entourent le
palais ajoutent encore à la couleur locale de cette partie de l'Exposition,
à laquelle appartieenent paiement le palais et le souk tunisien, derrière
lequel sont dressées quelques tentes de guerriers^ une écurie de petits
chevaux arabes servant à donner le spectacle A^xmejantcisia, et aussi des
maisons kabyles juxtaposées qui, avec leurs murs faits de torchis et leurs
toits recouverts de tuiles ressemblent beaucoup aux masures de nos vil-
lages, à cette différence près que celles-ci sont proprement tenues, tandis
que, selon le proverbe du pays, « le Kabyle ne songe point à nettoyer sa
demeure tant que le champ de légumes n'a pas besoin d'être fumé. »
Lorsque nous y sommes entré, elles commençaient à atteindre le degré
de saleté nécessaire pour être tout à fait authentiques. Dans un angle
de la pièce obscure dont l'entrée était permise aux visiteurs, on aperce-
vait une jeune fille — probablement une sœur aînée — berçant un bébé,
tandis qu'une femme, empaquetée dans son vêtement de toile blanche,
mais le visage non voilé — contrairement à l'usage des Mauresques —
était occupée à tisser de la laine, et que d'autres enfants plus jeunes cou-
raient, pieds nus, autour des visiteurs, ne se gênant pas pour leur tendre
la main. Les affections de famille paraissent vives et profondes chez les
Kabyles. L'un d'eux, avec lequel nous nous entretenions, et qui nous
paraissait un peu mélancolique, nous fit comprendre d'où lui venait son
air de trifitesse. Paru et rSxposition lui seonblaient bien beaux sans
doute, mais il avait laissé en Kabylie < uae mère âgée et deux enfants
qu'il lui tardait beftucoup de revoir. »
Dans le vestibule du palais de rAlgéi*ie« ric^em^t décoré à la mau-
resque, une vaste carte de la colonie française montre les parties du ta--
ritoire dont l'immigration européenne a Aéik pris possession ; dles sont
teintées en rouge, ea sorte que d'un regard on embrasse Tétat aotuel de
la colonisation. Puisque nous parlons de cartes, disons qu^un des méri-
tes de cette exposition algérienne, et aussi des autres, nous paraît être
de présenter toujoui*^ au moins une carte du pays d'où proviennent les
objets exposée, en sorte que les visiteurs peuvent se rendre compte de la
situation et de la configuration du terrain de ces contrées. Le palais de
l'Algérie est privilégié sçus ce rapport; les cartes et les reliefs y abon-
dent : cartos spéciales pour chacune des provinces d'Alger, d'Oran et
de Constantine, carte physique, carte agricole, carte vinicole, carte
minière, carte administrative, etc. Pour en revenir à la première, sans
doute le territoire colonisé est encore bien restreint, eu égard à l'éten-
due des terres, car, sur les quinze millions d'hectares du Tell, la cul-
ture europémne n'en féconde annuellement guëi*e plus d'un million ;
néanmoins le résultat de la colonisation est satisfaisant, — étant donné
le temps relativement court écoulé depuis l'achèvement de la conquête
(1857), — puisque, d'après le dernier recensement, 486,000 Français ou
Européens sont établis sur le sol algérien.
En face de la carte, sous de gracieuses arcades, sont rangés des
échantillons des minéraux et des bois de l'Algérie. La province d'Oran
expose des blocs de marbre-onyx, dont le poli parfait, la translucidité,
les tons veloutés et puissants sont une fête pour l'œU. Parmi les riches-
ses forestières, le liège est la seule dont les colons aient tiré parti jus-
qu'ici. Un habitant de la province d'Alger a cependant exposé des olgets
tournés dans des nœuds de thuya dont les veinures admirables attirent
beaucoup les curieux. Mais jusqu'ici ni les bois de charronnage, ni les
bois d'ébénisterie, dont la collection est fort intéressante, n'ont donné
lieu à un commerce notable.
Sur le vestibule ouvrent trois portes, dont chacune donne entrée à
une galerie consacrée à l'exposition particulière de l'un des trms dépar-
tements de l'Algérie. Les murs sont décorés de peaux de lions et de pan-
thères, de harnachements arabes brodés d'argent, de tapis indigènes.
Mais ce n'^ pas là ce qui est le plus intéressant. Beaucoup plus impor-
tants sont les spécimens d'alfa, de céréales, d'huile d'olive, de tous ces
— 276 —
produits agricoles qui, en in ans, ont fait monter l'exportâtioa algé-
rienne de 131 millions k plus de 200 millioa'^.
Au bout de chacune des trois galeries, chaque province a ouvert une'
salle que tapissent dee rayons chargés de bouteilles; 1639 exposants y
ont réuni leura envois ; il en ressort ce fait que, depuis dix ans, l'Algé-
rie a pris place parmi les pays qui produisent le vin en grand. En 1878,
le vignoble algérien en était k ses débuts ; avec ses 18,000 hectares, il
était loin de subvenir k la consommation locale. Aujourd'hui, 90,000 hec-
tares de vignes algériennes ont donné, l'année dernière, trois millions
d'hectolitres, en sorte que l'on peut dire que l'Algérie arrivera à pro-
duire en quantité suftisante pour combler tous les déficits que le phyl-
loxéra fait subir au continent eui-opéen.
N'oublions pas de mentionner, il propos du palais de l'Algérie, ce que
l'on peut appeler Fexposition saharienoe. En ettet, derrière le palais,
vous remai-quez un appareil à faire les puits artésiens, dont la haute
chèvre attire de loin les regards. Cette charpente en fer est faite de
morceaux taillés de façon à ne pas excéder la charge d'un chameau.
Accolé au palais, se trouve un petit pavillon dans lequel la Compagnie
de rOued-Kirh a dressé un tableau pittoresque de ses explorations, et,
dans la section de la province de Constantine, la Société de Batna et du
Sud algérien en a fait autant pour les siennes. En regardant attentive-
ment, vous croiriez passer par le Tell et les hauts plateaux de l'Algérie
k travei-s tes sables jusqu'à Touggourt. Des photographies vous mon-
trent les terres calcinées et nues sur lesquelles les palmiers se découpent
comme des plantes de métal. Le noir des ombres, pareilles à des plaques
d'encre, vous donne l'idée d'un soleil qui aveugle. Des coupes géologi-
ques représentées au naturel par des échantillons des terrains vous font
connaître le sol à travers lequel les sondages vont chercher l'eau sou-
terraine; vous voyez des échantillons des poissons qui vivent dans ces
eaux, des échantillons de toutes les récoltes que ces mêmes eaux font
pousser quand elles arrosent le sol, des échantillons de toutes les espè-
ces de dattes et de toutes les parties utilisables du palmier; des cartes
et même un plan en relief oii M. Bolland, le jeune ingénieur des mines
qui, par ses publications et ses conférences, a particulièrement contribué
à attirer l'attention sur ces curieuses entreprises, vous montre com-
ment on crée une oasis de toutes pièces sur un emplacement oii aupara-
vant il ne poussait pas un brin d'herbe.
Nous avons vivement regretté de ne plus rencontrer k Paris les deux
Touaregs qu'y avait amenés M. E. Masqueray, directeur de l'École des
— 277 —
lettres d'Alger, que nous avons eu grand plaisir à entendre dans les
deux congrès susmentionnés. Nos lecteurs savent ce que les explorateurs
français au Sahara ont eu à souffrir de la part des Touaregs. Après leur
visite à Paris, les deux membres de la Confédération des Taltog, qui
vont en course pour le commerce ou la guerre d'Insalah au nord, à
Ghat à Test et à Timbouctou au sud, émerveillés de tout ce qu'ils ont
vu, et ravis du charme par lequel les Français attirent à eux les peuples
les plus lointains^ sont retournés à Alger; « mais, » écrit M. Masqueray,
« ceux-là ne couperont pas la gorge au premier Européen qu'ils rencon-
treront dans le Sahara ; je puis dire qu'ils nous trouvent autant aima-
bles que sui-prenants, si bien qu'ils projettent de recommencer ce mer-
veilleux voyage quand ils auront dit à leurs familles qu'on peut aller
dans le pays des « ogres » et en rev^r. »
Le palais tunisien, imité en partie des édifices de Kairouan, exerce
sur l'œil im charme tout particulier par ses lignes et ses couleurs, et
cependant l'aspect du souk ou marché tunisien l'emporte. La grande
galerie voûtée, crépie à la chaux, des deux côtés de laquelle s'étendent
des loges oU les marchands tunisiens, maures ou juifs, vendent leurs
différents articles ou travaillent de leurs petits métiers, est un des colas
les plus curieux de l'Exposition. Vous trouvez là des fabricants de
tchechiaa à glands bleus ou noirs, de babouches rouges et jaunes, des
marchands de parfums, d'étoffes, de boites laquées, de maroquinerie,
de toute la bimbeloterie orientale. Accroupis, coiffés les uns du turbau,
les autres simplement de la tchechia, ils travaillent avec le flegme et la
tranquillité qui distinguent les races musulmanes. On respire dans ce
quartier ime étrange odeur composite, faite d'encens, d'essence de roses,
de mille autres ingrédients qu'on ne peut définir, et qui appartient à
l'Orient. Les nombreux indigènes qu'on y rencontre doivent trouver
étrange le contraste entre le silence qui caractéiise la vie arabe, même
dans des villes comme Alger et Tunis, et la cohue d'Européens bruy^te
et rieuse qui défile sans cesse dans le bazar. La gravité arabe elle-même
se détend à ce contact; les marchands sourient d'un air nonchalant, et
les jeunes Tunisiens, en petites vestes bleues galonnées d'or, en larges
pantalons bouffants, courent des ims aux autres, offrant leurs services,
et criant leurs boniments dans un français qui ne manque pas d'une
certaine correction.
Si l'on veut se faire une idée du monde barbaresque sans passer la
Méditerranée, on n'a qu'à se rendre au souk tunisien dans les premières
heures de la matinée, alors que les visiteurs sont encore peu nombreux.
-- 278 —
Le bniit de la foule et le costume cosmopolite européen u'ont pas encore
éteint la couleur locale que donnent à ce quartier soit les constructions,
soit ceux qui les habitent.
Le café-concert tunisien s'ouvre près de là. C'est une cour quadrangu-
laire à cieL ouvert, entourée d'un petit portique, aux tapisseries et aux
eétomifittes de couleurs criardes. Sur trois Cdtés sont les spectateurs
auxquels de petits Tunisiens servent le café maure. Le quatrième côté
est occupé par une estrade, sur laquelle sont assises cinq chanteuses
toutes chamarrées d'or et de paillettes, Jouant sur le tambour de basque
et la darboukd des airs d'une extrême monotonie. L'une d^entre elles
esquisse une de ces danses mauresques qui ne consistent guère qu'en un
lent balancement des hanches, puis elle tourne et pirouettte avec une
certaine grâce, en faisant flotter derrière elle deux mouchoirs qu'elle
tient alternativement à la main ou dans la bouche.
Pendant notre visite à l'Exposition, le bruit se répandit que des
industriels fabriquaient & Paris toutes sortes d'objets qu'ils vendaient
indûment sur place comme produits de l'Orient. De l'enquête qui fut
faite à cette occasion, ressortit le fait que c'est bien à Tunis et rien qu'à
Tunis qu'on fabrique les couvertures, les tapis, les étoffes de laine ou de
soie, les broderies, les cuirs travaillés, les poteries en vente au souk de
l'Esplanade des Invalides. Les objets fabriqués sous les yeux du public
par des ouviiers indigènes ne sont pas davantage des produits de Tin-
dustrie française*.
Nous y avons vu arriver une délégation scolaire tumsi^me, composée
de neuf élèves du collège Sadiki et de quatre élèves-maîtres de l'école
normale Aloui. Elle était conduite par Si-Tahar-Ben-Salab, directeur
du collège Sadiki, et par M. Duffo, professeur de français.
* Depuis l'établissement du protectorat de la France sur la Tunisie, le Service
forestier a roué à la question des forêts une attention persérérante. La collection
qu'il a exposée dans un pavillon en bois de palmier-dattier a pour objet de mon-
trer les divers produits que les masstfîB forestiers de ce pays peuvent fournir,
l'usage qu'en font les indigènes tunisiens, et les différents emplois auxquels l'in-
dustrie européenne pourra les affecter. £lle comprend, pour chaque essence, des
échantillons destinés À faire connaître les qualités de son bois et des produits
ouvrés, des spécimens de l'industrie indigène, des lièges, des écorces à tan, des
charbons, des goudrons, des cannes, et les produits du palmier et de l'alfa. Des
cartes indiquent la répartition des forêts sur territoire tunisien. Des notices ren-
dent compte des principaux procédés employés pour l'exploitation des forêts
ainsi que des prix de vente et de revient.
r
— 279 —
Avant de poursuivre notre eourse vers les autres pavillons coloniaux,
arr6tons-nous un inement en présence d'une exposition spéciale que les
indigènes algériens et tunisiens ont tous les jours sous le» yeux, et qui
nous paraît devoir être une de celles qui parleront le plus fortement à
leur esprit pour leur faire comprendre la supériorité de notre civilisation.
En face des palais de l'Algérie et de la Tunisie s'élève celui du Minis-
tère de la guerre, où sont exposés tous les engins de destruction qu'a
inventés jusqu'ici le génie militaire. Mais, enti*e ce palais et l'avenue
dans laquelle se promènent chaque jour les indigènes africains, ont été
dressés par les sociétés françaises de secours aux blessés sur les champs
de bataille, les modèles de tentes et d'ambulances, les plus perfection-
nés qu'aient imaginés de son côté le génie de la charité. Tout dans cel-
les-ci : aération, linge, mobilier, objets de teilette, cuisine, appareils de
chauffage, etc., a été préparé et disposé avec un soin qui montre com-
bien le dévouement est ingénieux poxu* procurer aux victimes de la
guerre tous les adoucissements que peuvent réclamer leure souffrances.
En présence de ces manifestations de la charité, il nous semble que les
adhérents de l'islam, qui fait un devoir à ses sectateurs de maudire les
chrétiens et, s'ils le peuvent, de les exterminer, doivent se dire : « ceux
que nous méprisons comme des chiens, nous sont de beaucoup supé-
rieurs. Nous achevons notre ennemi quand il est tombé sous nos coups ;
eux, non seulement ne nous fouleraient pas lorsque nous serions couchés
sur le champ de bataille, mais encore ils nous relèveraient, panseraient
nos blessures, et nous soigneraient comme leurs frères. »
U est permis, croyons-nous, d'espérer que si les Africains venus à
Paris peuvent nous instruire, à son tour l'Exposition dans son ensemble,
ou telle partie de celle-ci, contribuera fortement à faire tomber les pré-
jugés de ceux qui jusqu'ici se sont montrés le plus réfractaires à la civi-
lisation européenne. Quelle que soit la différence qui existe entre l'en-
seignement traditionnel qu'ils ont reçu, et celui que l'on donne à nos
populations, ils peuvent, par le cœur, saisir ce qu'il serait peut-être très
difficile de faire entrer dans leur esprit. Ce qu'ils voient de leurs yeux
tous les jours les instiniira mieux que beaucoup de leçons ou de discours.
CORRESPONDANCE
Lettre de Seshéké {MmnUZmnkhémé), de H* D« Je»niii»lret.
Seshéké, Zambèze, le 28 décembre 1888.
Itai message n'est pas un bon yœu de nouTelle année, mais une bien triste
nouTelle : notre chère petite Marguerite nous a été enlevée la veille de Noèl, ées
— 280 —
suites d€ la dentition. Vous sympathiserez aTec nous, et prendrez part à notre
douleur. La chère enfant avait 2 ans 3 mois et 2 jours et avait toi^ours joui d'une
bonne santé, mais toigours aussi beaucoup souffert de la dentition. C'est au
moment où elle paraissait avoir passé cette pénible période qu'elle a été enlevée à
notre affection. Nous n'avons aucun droit de murmurer, car ce trésor nous avait
été seulement prêté, mais nos cœurs sont bien tristes et notre maison bien vide.
Le petit bébé nouveau venu n'a encore que trois mois. Dieu veuille nous le con-
server et nous venir en aide ! J'ai une autre mort à vous annoncer ; M. Georges
Westbeech, qui a recueilli le dernier soupir de M. Dardier et lui a témoigné tant
de bonté, est mort au Transvaal dans un voyage entrepris pour raffermir sa s«mté
très compromise. Nous ne savons s'il aura un successeur.
Après avoir échappé à la mort chez les Ma-Choukouloumbé et vu son bateau
sombrer à son retour de la Vallée, M. F.-C. Seloos a encore eu le malheur de
perdre ses bœufs de la tsétsé qui a beaucoup augmenté entre Kazoungoula et
Leshoma. Après les morts successives de Bloëkley, d'Africa et de M. Westbeech,
la rive droite du Zambèze est devenue presque déserte; le gibier reparait et avec
lui la tsétsé. Le fait est d'autant plus grave pour nous que la mouche peut
dépasser Leshoma du côté de Panda*ma-Tenka.
M. Selous a dû rétrograder à trois jours de Panda-ma-Tenka et laisser là tout
son ivoire. Il devait essayer de gagner Mangwato (Shoshong) avec le. cart West-
beech et huit bœufs.
Ici, à Seshéké, nous avons enfin fondé une école qui est bien établie et compte
une vingtaine d'élèves. Il y a de la bonne volonté, surtout chez Eaboukou, auquel
son dernier voyage à la Vallée a fait grand bien. Ce sont des temps nouveaux
pour nous, un grand progrès réalisé. Les chefs paraissent bien disposés à notre
égard et plus désireux que par le passé de nous rendre justice. Le vrai meneur
est Kouloukoa, sa présence change bien l'aspect du village, sans lui toute la
vieille routine du laisser-aller reprendrait le dessus. Mes services sont ûréquentés
tout aussi bien l'après-midi que le matin, et le chef interdit tout voyage le diman-
che. A la campagne, nous allons aussi évangéliser le dimanche à tour de rôle;
pendant la semaine, l'école absorbe presque tout notre temps, le matin et l'après-
midi, à part le samedi.
Dans des circonstances aussi encourageantes, il est pénible de voir nos évan-
gélistes nous quitter tout à fait.
30 décembre. Je clos ma lettre aujourd'hui, car mes amis pensent partir demain.
M. Goy et les Arone sont arrivés hier au soirj le premier a l'air peu bien. Il se
propose d'aller chercher sa fiancée au Le-Souto. Nous sentirons vivement l'absence
de nos évangélistes et pour l'œuvre et pour nous-mêmes. Agréez nos meilleurs
vœux pour la nouvelle année et nos bien affectueuses salutations.
D. Jeanmairkt.
1" avril 1889.
Nos lettres n'ont pu partir en décembre dernier, la plaine d'ici à Mambova
étant submergée.
— 281 —
Je TOUS envoie encore âeox mots aujourd'liui poor compléter ooa n
Tous b Seahéké noua allOQB bieo, à part ms femme qui a été t
depuis notre gr&nde épreure.
 Im Vallée, M. Coillard a fait une très grave maladie en janvier d
les dernières oonvellea arrivées hier étaient beaucoup meilleures.
Refoula prend un accroissement réjouissant; elle compte 96 élèves it
de SesliËkÉ n'a encore que 30 élèves mais se maintient. Quant à la fi
des caltes d'ici, jamais elle u'a été aussi satisfaisante, l'œuvre d'évan
poursuit chaque dimanche.
Dès qu'il le pourra, H. Qoj prendra le chemin de Mangwato avei
LeG suivra par le retour des wagons que nous attendons pour nos bs
Nous resterons ainsi trois familles seulement et it nous tarde '-
savoir si nous aurons du renfort. Dans ce dernier cas, M. Jalla ou mo
sans doute fonder une nouvelle station ft la Vallée, pas trop distant*
Le nouvel arrivé resterait ici. Nous devrions au moins avoir trois no^
pagnons de travail pour suffire ans besoins les plus urgents ; car une
pose aussi i nous à Mambova. Les dispositions des indigènes sont plu
que par le passé.
Un grand ennui pour moi est que j'aurai à reconstruire ma static
de nos constructions ayant été rongée par les termites et d'autres ini
Nos amis Jalla et Go; se mettent à l'heure même en route poQ
Victoria et prennent nos lettres. Notre bébé prospère, grftce h Dieu,
de guerre à l'intérieur ni à l'extérieur. D. Jummaii
Leltpe de LoFcnao-IlArqiio, de M. P. BertlioB
Lorenzo -M arquez, II ju
Voilà des aemunes que nous avons quitté la maison (Rikatla), et
ne possédons pas encore de demeure fixe à Lorenzo-Marquez, nos eS
tés en arrière. Orftce au constant va-et-vient que m'a imposé ma vc
devons fréquemment vivre au bivouac, et les aises ou ie bonheur de
taire ne sont pas notre partage. Cet état de choses m'a empêché de
vaux de linguistique ou autres que j'avais pngetés; tout ce que j'ai
Afrique, c'est de recueillir des matériaux.
Nous sommes dans la saison la moins malsaine, aussi les roulîers sot
dus des plateaux des mines d'or, avec leurs chariots à bœufs, et le
commercial a un peu repris. De plus, on a commencé les travaux de
du chemin de fer, pour achever les 7 kilomètres qui restaient à
territoire portugais. C'est la Compagnie anglaise qui s'est mise à ce
elle s'j est prise trop tard, car le dernier délai que lui avait accord
nement expirait & la fin de juin. En conséquence, le gouvernement a i
parce que, d'après le contrat, la Compagnie n'a pas tenu ses enga
— 282 —
samedi 29 juin, une compagnie de soldats de la garnison a occupé la gare. Les
employés de l'administration ont cru deroir résister, en sorte que l'un d'eux a été
menacé du retolyer par le capitaine, et qu'un autre a été mis en prison. Le
directeur anglais ne s'est pas montré, mais il a couru au télégraphe, et comme il
remplissait les fonctions de consul britannique, il a demandé deux ou trois rais-
seaux de guerre, qui sont arriyés du Cap cinq jours après. C'était une absurdité,
qui a tout de suite amené sa destitution et qui le courre de ridicule. Deux navires
de guerre portugais sont aussi Tenus stationner dans le port Le service de la
ligne a été interrompu trois ou quatre jours. Dès lors on a amené une troupe
d'employés portugais; tandis que la plupart des employés anglais s'embarqueront
pour Natal par le prochain bateau. Après un peu d'agitation tout est rentré dans
le calme, et dans six mois la ligne devra être vendue juridiquement aux enchères.
On m'a dit que Goungonnyane pense à changer de résidence et à venir s'établir
sur les bords du Limpopo inférieur. — J'apprends aussi qu'une forte compagnie
minière a commencé à ouvrir une route qui, joignant notre voie ferrée à l'ouest
du Lébombo, suivra dans la direction du nord le pied du Drakensberg, passera
l'Olifant, et ira desservir les mines d'or de Murtkison Bange, au N.-E. du Trans-
vaal, c'est-à-dire tout près de nos stations missionnaires. Cette Compagnie y trou-
vera certainement son bénéfice, car cette route directe lui permettra de ftâre une
économie de 50 ou 60 % sur les lourds transports.
Nous venons de recevoir un précieux renfort pour notre mission : nous voici
maintenant au nombre de sept dans ce district, depuis l'arrivée de M. et M"** Junod
et de M"" C. Jacot, de Neuchfttel ; tous les sept, nous sommes de la Suisse romande.
P. Berthoud.
BIBLIOGRAPHIE
Jules Eouquette. Colonisation a travers les principaux peuples
ANCIENS ET MODERNES. Paris (Charles Bayle), 1889, in-18, 321 p.,
fr. 3,50. — Cette étude n'a pas l'ampleur du grand ouvrage de Leroy-
Beaulieu : « De la colonisation chez les peuples modernes, » ni de plu-
sieurs publications analogues. D'autre part, elle dénote chez l'auteur un
parti-pris trop exclusif contre tout ce qui ne vient pas de la France, et,
en particulier, contre ce qui est anglais ou allemand. Beaucoup de sigets
sont traités dans ce livre, mais ils ne se suivent peut-être pas dans un
ordre méthodique et, parmi les notes qui terminent le volume, il en est
une sur « l'utilité et la nécessité de divers partis politiques dans l'évo-
lution de la République, » qui aurait bien pu être exclue d'un ouvrage
sur la Colonisation.
* On peut se procurer à la lihrairie H. Georg, à Genève et à Bàle, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 283 —
La question de la colonisation eu général, de 8on utiUté et de ses
conséquences, est traitée dans plusieurs chapitres, mais sans qu'il soit
émis sur ces sujets, déjà si souvent étudiés, une théorie ou un point de
vue absolument nouveau. Les pages consacrées à Tacclimatement, aux
maladies résultant de Timpaludisme et aux préceptes d'hygiène que
doit suivre le colon des pays tropicaux, présentent beaucoup plus d'in-
térêt; ces questions sont sérieusement et assez longuement étudiées,
l'auteur étant lui-même médecin. Mais la place principale est, comme
on doit le penser, accordée à la France et à ses colonies; il est entre
autres beaucoup parlé de l'Algérie, que l'auteur habite depuis plusieurs
années et dont il est enthousiaste, sans toutefois être de l'avis que tout
y va pour le mieux. Il croit qu'il y aurait des réformes à opérer, parti-
culièrement dans l'administration, qui devrait tendre à la simplification
par la suppression du Conseil supérieur et du gouverneur, et par l'éta-
blissement d'une large décentralisation. Le rattachement plus étroit à
la métropole, Tassimilation à la France, tel est selon lui, un des buts à
atteindre. Quant à la naturalisation des indigènes, il est d'avis d'en
exclure les Arabes et les Berbères trop arabisés, mais de l'admettre
pour les Kabyles qui la demanderont, à condition qu'ils sachent lire et
écrire le français. A ceux qui le trouvent trop sévère pour les Arabes, il
répond en invoquant la raison d'État. L'État doit pouvQir se défendre;
il n'est pas nécessaire qu'il soit généreux et charitable, il suflBt qu'il soit
juste. D'après cette théorie, l'État est évidemment juge de sa propre
justice. En cela M. Rouquette traduit l'opinion des résidents européens
en Algérie, qui ont une tendance trop marquée à considérer ce pays
comme une propriété à exploiter. En somme, le livre de M. Rouquette
est intéressant à lire, bien qu'il renferme une forte dose de compilation,
et que l'esprit qui l'anime incline trop vers un chauvinisme outré.
William Lawscn-Kingon. The Gebmaks in Damaraland. Cape-Town
(Townshend and Son), 1889, in-8% 31 p. — On sait que le Damaraland
est depuis plusieurs mois le théâtre d'une lutte d'iniluence entre l'Alle-
magne et un groupe d'Anglais représentés par M. Lewis. Le chancelier
allemand ayant déclaré en séance du Reichstag qu'il avait l'espérance
que le gouvernement anglais soutiendrait les Allemands contre la rapa-
cité de M. Le^is, et qu'en tout cas, l'Allemagne maintenait ses droits,
les intéressés anglais répondent par la brochure dont le titre se trouve
ci-dessus. Elle renferme la copie des principales pièces du dossier de
l'affaire, c'est-à-dire le texte des concessions des mines, des résolutions
— 284 —
arrêtées dans les assemblées d'indigènes, des traités passés avec le chef
du pays. A ne lire que cet ensemble de documents, U semblerait que les
droits de M. Lewis reposent sur des faits indiscutables; toutefois, il est
clair que l'Allemagne ne manque pas de raisons pour soutenir ses pré-
tentions. Pour pouvoir se décider en connaissance de cause, il faudrait
avoir sous les yeux les arguments invoqués par les deux parties. Atidia-
iur et aUera pars,
H. Droogmam, Notice sur l'État indépendant du Congo. Bruxelles
(van Campenhout frères et sœur), 1889, in-8^, 40 p. et carte. — Il y a
des ouvrages volumineux qui sont incomplets parce qu'ils négligent cer-
tains côtés d'une question et s'étendent trop sur d'autres, tandis que de
simples brochures sur le même sujet peuvent être regardées comme
complètes lorsqu'elles disent tout l'essentiel, La monographie de
M. Droogmans sur l'État indépendant du Congo rentre dans cette der-
nière catégorie. Aucune question importante se rattachant au nouvel
État n'est laissée de côté. L'auteur traite successivement le côté histo-
rique, c'est-àrdire la formation de l'État indépendant et l'importante
phase diplomatique marquée par la Conférence de Berlin ; puis la géo-
graphie physique du pays, sou commerce, son organisation politique,
judiciaire et administi-ative, le système monétaire et la dette publique.
Le style est concis et clair ; l'auteur se borne à un exposé objectif, à une
description de ce qui existe sans l'accompagner de commentaires. Le
lecteur qui ne veut pas faire de l'État du Congo une étude approfondie
mais désire simplement être au courant, trouvera là en quelques pages
tous les renseignements essentiels qu'il peut désirer et une bonne carte
de l'État, faite par M. Wauters et datée de février 1889.
Hermann Wissmann. Unter deutscheb Flagge quer durch Afrika
VON West nach Ost. Berlin (Walther und Apolant), 1889, gr. iu-8%
444 p., ill. et cartes, m. 12. — Le commissaire impérial allemand, Her-
mann Wissmann, qui guerroie en ce moment-ci sur la côte de Zanzi-
bar, a rédigé, avant de partir pour cette expédition, le récit de sa pre-
mière traversée de l'Afrique de l'ouest à l'est, la première qui ait été
faite par un voyageur allemand; la premièi*e aussi qui ait été accomplie
dans ce sens sous les latitudes équatoriales.
On sait que cette exploration qui fut exécutée de 1880 à 1883, a été
commencée en compagnie d'un explorateur émérite le D' Pogge. Partis
de Saint-Paul de Loanda, les voyageurs cheminèrent d'abord vers l'est
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— 285— [''-ÎM^
vu
par Malangé jusqu'à Kimboundou. De là, ils se dirigèrent vers le nord î f,^
parallèlement au Tçhikapa. A partir de Kilcassa sur le Cassaï, ils repri- ï^^É
rent la direction de l'est, s'arrêtèrent à LfOuboukou, traversèrent le ; 'vn^
Loubilache et le Lomami et arrivèrent à Nyangoué sur le Loualaba. En j?v,>!f
ce point, ils se séparèrent ; Pogge revint vers l'ouest, tandis que Wiss- f 0
mann ^îontinuait sa route vers l'est, traversait le Tanganyika, passait à -^^f^
Oucyiji, à Tabora, à Mpouapoua et arrivait à la côte orientale. . ^^
Comme l'ouvrage rend, compte de l'ensemble de l'expédition, il se Vi
divise naturellement en deux parties : dans la première est relatée la
traversée complète de l'Afrique, de Saint-Paul de Loanda à Saadaui ; -^
elle comprend donc le voyage de Wissmann et Pogge de Loanda à Nyan- * -^
goué, et celui de Wissmann seul de Nyangoué à Saadani. La seconde est '^^
consacrée au récit du retour de Pogge, de Nyangoué à Louboukou, à
son séjour dans cette dernière localité et à son voyage de Louboukou à
Loanda. C'est là que le voyageur allemand s'éteignit le 17 mars 1884.
Cette seconde partie a été rédigée d'après son rapport à la Société afri- Y -^
caine allemande et d'après ses notes.
Bien que se rapportant à un voyage accompli depuis plusieurs années.
y^
l. ^ ~
■ ■■.-■Pi
ce double récit vaut certainement la peine d'être lu. Les descriptions ^i
qu'il renferme sont encore vraies aujourd'hui, et plusieurs parties de la
région parcourue n'ont pas été traversées depuis 1883. D'ailleurs l'ou-
vrage plaît par les nombreuses anecdotes qu'il contient et par l'allure
vive et enjouée du récit, ce qui n'enlève rien à son cachet scientifique.
Il renferme d'excellentes illustrations de la main du peintre Hellgrewe,
et deux cartes de Richard Kiepert. Dans un appendice se trouvent le
résumé des observations météorologiques et astronomiques et des direc-
tions pratiques sur les voyages et le séjour dans l'Afrique équatoriale.
GuiNÉ PORTUGUEZA. ÉchoUe Vsoo 000- Commissaô de Cartogratia. 1889.
— La publication des cartes des possessions portugaises en Afrique se
continue par les soins de la commission de cartographie. Celle que nous
avons sous les yeux représente, à une échelle fort grande pour l'Afrique»
ce qu'on est convenu d'appeler la Guinée portugaise. Le territoire dont
il s'agit, situé au sud de la Sénégambie, se compose du bassin du Rio
Grande et des cours d'eau voisins ainsi que des îles Bissagos. Cette
colonie n'a, à la vérité, qu'une très faible importance, car les statisti-
ques les plus récentes ne lui attribuent pas 6000 habitants ; toutefois les
Portugais ont tenu à conserver ce pied-à-terre sur le continent africain,
au milieu des Anglais et des Français rivaux. La carte est claire et facile
:i
— 286 —
à lire; les montagnes y sont marquées en brun. Pour plusieurs parties, il
y aura lieu de procéder à de nouvelles études, car il existe bien des cours
de rivières et des lignes de côtes, particulièrement dans les îles Bissagos,
qui ne sont indiquées qu'en pointillé.
Edouard Dalles. Algeb, Bou-Farik, Blidah et leurs SKvmoNS.
Guide géographique, historique et pittoresque. Alger (Adolphe Jourdan),
1888, in-8*», 2'^ édition, 248 p., carte et plan. — Ce petit volume d'un
format commode en est à sa seconde édition qui a été complétée par
l'auteur lui-même. Il convient aux touristes qui ne veulent pas seule-
ment se rendre compte de l'état actuel de la contrée, mais désirent
l'étudier d'une manière complète et en connaître le passé. Sans négliger
aucun trait caractéristique de l'Alger d'aigourd'hui, M. Dalles a cher-
ché à faire revivre l'Alger d'autrefois et à initier le lecteur à l'histoire
des Berbères, des Arabes et des Turcs, à leurs mœurs et à leur état
social. Pour cela, il a utilisé les résultats de ses promenades et de ses
recherches personnelles, et, en outre, a emprunté des citations à de
nombreux écrivains de toutes les époques, surtout à ceux qui ont vu de
leurs yeux les choses dont ils parlent. Les environs d'Alger jusqu'à Sidi
Ferruch, Bou-Farik, Blidah et les gorges de la Chiffa sont décrits sous
forme de promenades que le touriste pourra modifier à son gré. Une
carte et un plan en noir accompagnent l'ouvrage.
Mario Vivarez. L'Alpa, étude industrielle et botanique. Paris
(A. Barbier), 1886, in-4**, 135 p. et pi. — Ce mémoire a été rédigé en
vue du concours institué en vertu d'un arrêté du gouverneur général de
l'Algérie et ayant pour objet l'exploitation de l'alfa. Son auteur,
M. Mario Vivarez, en sa qualité d'ingénieur civil aux études des chemins
de fer d'Alger à Laghouat, a eu l'occasion d'explorer les hauts plateaux
algériens et d'étudier sur place les conditions d'existence et d'exploita-
tion de l'alfa. La monographie qu'il publie, substantielle et d'un grand
intérêt pratique, traite tous les sujets se rattachant à l'exploitation de
cette plante industrielle : végétation, terrain favorable, modes d'exploi-
tation, manipulation et emploi dans l'industrie, procédés pour empêcher
le dépérissement des champs d'alfa et pour reconstituer des terrains
épuisés, enfin réglementation administrative. Des statistique claires et
poui*suivies jusqu'à une époque récente indiquent la production de l'alfa
dans les différents pays, le rendement des exploitations, l'exportation
des divers ports. Les procédés employés pour transformer l'alfa eu
— 287 —
produits iudustriels sont espliqaés toat au long avec dé
chines et planches k l'appui. Actuellement, les pays pn
sont : la Cyréualque, la Tripolitaine, la Tunise, l'Algéi
De tous c'est l'Algérie qui donne le plus ; eu 1884, l'e
dernier paya en aUa a atteint 100,000 tonnes environ \
Uons de francs. La plus grande partie de cet alfa va ei
se trouvent les usines qui le convertissent ea pâte à ]
demande que dea u«nes s'établissent en Algérie et que i
cette plaate si précieuse soit traitée sur place, ce qui doi
rie une vigoureuse impulsion industrielle.
Léon Oitiral. ha Cosao fbuiçais. Du Gabon à Brazi
Pion, Nourrit et C'*), 1889, io-18, 322 p., ill. et carte, fi
de ce livre est une des trop nombreuses victimes du cli:
équatoriale. Animé d'une véritable passion pour l'hist
fit partie, de 1880 à 1883, d'une expédition chaînée i
postes que M. de Brazza avait établis dans le bassin di
revint terrassé par la tièvre. Toutefois l'air du pays nai
plètement ; en 1884, il retourna au GabOK et il explora
Benito. Mais il avait trop compté sur ses forces. La te
reprit et cette fois il fut vaincu. Il mourut en 1885 sui
caiue à laquelle, comme tant d'autres, il aurait voulu ar
uns de ses secrets.
C'est au récit de son premier voyage qu'est consac
nous annonçons. U a été écrit d'après les notes de l'e;
correspondances par des amis respectueux de sa mém<
d'Herculals y a particulièrement collaboré. On ne trou
livre le récit de découvertes importantes, car la régie
M. Guiral est une des plus explorées puisque c'est cellt
les postes français. Toutefois s'il en est de moins co
peu de plus intéressantes ; chacun prendra plaisir à lii
de ce beau pays de l'Ogôoué, si riche mais encore si peu
connaissance avec les indigènes, en particulier avec les
M. Guiral nous décrit tout au long les mœurs et les cou
est simple ; on sent que la roaiu qui a écrit ce journal de'
d'un jeune homme. Toutefois cette simplicité plaît, cai
narration un cachet de vérité, que n'ont pas, malheurei
récits de voyagei récents.
— 288 —
Le général Faidherbe. Le SéKâoAi.. La France dans l^â^rk^ue ooci-
DENTALB. Paris (Hachette et C**), 1889, grand iii-8*, 501 p., ill. et cartes,
fr. 10. Nos lecteurs savent que c*est le général Faidherbe qui a fait du
Sén^al une des grandes colonies françaises. Dès lors il n'a pas cessé de
suivre d'un œil attentif la marche et les progrès de l'œuvre à laquelle
il avait donné l'impulsion, et qu'il s'est efforcé de faire connaître et aimer
par de nombreux mémoires, publiés dans les revues des sociétés de géo-
graphie ou autres. U n'avait qu'à les fondre ensemble, à les relier dans
un récit suivi et à les mettre au point pour produire le grand ouvrage
que nous avons sous les yeux.
Dans une première partie, consacrée à la période des origines, jusqu'à
l'abolition de l'esclavage en 1848, le général Faidherbe a reproduit de
nombreux épisodes empruntés aux publications du père Labat, du cheva-
lier de Boufflers, de l'abbé Boilat, de Raffenel, etc. La seconde partie,
la plus développée, renferme le récit continu des événements qui se sont
accomplis au Sénégal et au Soudan français de 1848 à 1889, et sur-
tout des opérations de guerre, des accroissements territoriaux et des
travaux publics qui les ont secondés.
Dans un moment où le Sénégal et ses dépendances soudaniennes sont
l'objet, de la part d'un certain parti, de crjtiques vives, presque acerbes,
qui trouvent de l'écho, l'ouvrage du général Faidherbe arrive fort à
propos pour rappeler que, dans aucune des colonies, les soldats de la
France n'ont déployé des qualités plus solides : énergie, dévouement,
initiative, science, et qu'avec d'aussi faibles moyens, on n'a obtenu nulle
part d'aussi grands résultats. Il permet de constater que l'expression de
Soudan français, appliquée depuis quelques années au prolongement des
territoires français du Sénégal vers l'est, n'est pas une formule ambi-
tieuse, mais la simple expression d'un fait réel. U a donc sa place mar-
quée dans l'ensemble des nombreuses publications qui s'appliquent à
faire la lumière sur le Sénégal et ses dépendances, et qui permettent
soit d'y suivre jour après jour le progrès de l'action française, soit de la
comparer avec l'œuvre accomplie dans les autres colonies, à la Guyane
ou en Océanie, à la Réunion ou à la Guadeloupe, enfin au Gabon ou au
Congo français.
BULLETIN MENSUEL (7 oc(i>bre 1889'}.
Dans un rapport sur le commerce d'Alexandrie en 1688, M
inore,*vice-con9ul anglais, anuonce que la dépression commercial
pesé sur l'Egypte paraît $tre arrivée h son terme. La sécurité ret
se manifeste par le fait que les capitalistes sont plus disposés h
leur aident pour des travaux d'utilité publique. De nouvelles (
gnies se sont formées; il est question de pourvoir la ville de l'écl
électrique, d'établir des lignes de tramways, d'améliorer la navi
du Nil, de manière à faciliter le transport des produits des terr
sines du fleuve. Le projet le plus important est relatif à l'entrée d
d'Alexandrie; elle serait élat^e suffisamment pour permettre au:
res de le traverser sans danger pendant la nuit ; de jour, par un
favorable, deux vaisseaux pourraient y passer sans que l'un eût à
dre que son tour fût venu. Les travaux du département d'irrigatic
en progrès ; la superficie rendue cultivable a été augmentée auta
les fonds l'ont permis. Dans les endroits oU le fleuve ne mont
assez -pour an-oser les terres adjacentes, le sol demeurait sans ci
sauf sur quelques points où, en élevant l'eau par des moyens arti
on pouvait cultiver un peu de mais. On a commencé de grands ti
pour l'amélioration des canaux, et l'on espère, avec le temps, p
obvier aux maux résultant du manque d'eau d'arrosage. Les eaux
du Nil en 1888, en diminuant l'exportation du coton, ont fait bai
chifl^re d'exportation de l'Egypte pour l'Angleterre.
Quoique l'on ignore les intentions de Mangaschah, négous déaig
le roi Jean en mourant, et celles de son généralissime Ras-Alou
occupe encore l'Amhara et le Tigré, moins Asniara, il semble, i
moment, que l'établissement des Italiens à Keren et à Asmara
être durable. Le chef de l'amlHtssade cho&ne, Makonnen,
avoir apporté au roi Hurabert, outre des présents d'une valeur a
rable, un projet de traité élaboré par l'explorateur Autonelli, par
Ménélik garantirait k l'Italie la possession des territoires qu'elle t
actuellement à Keren et à Asmara ; il invoquerait même dans ui
taine mesure le protectorat italien. Les dernières dépêches reçu
' Lea matières comprises dans nos Bulletins mensutls et d&m les Nouv^
plimmtaiTes y sont classées suitant un ordre géographique constant, par
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la cûte orientale <lu conti
revenant par la c6te occidentale.
L'irBIlJllï. — DtXIÈHE ANMËE. — N" 9. 10
— 290 —
Makonnen annonçaient que le pays de Harrar était complètement tran-
quille, et que Ménélik était toujours à Antotto attendant la bonne saison
pour occuper le Tigré.
Le Moniteur des intérêts matériels a annoncé la transformation en
Société anonyme de rimperlal Brltlah East Afrloan Ck^mpany,
qui a fait appel à la petite épargne par rémission d'une souscription de
2,000,000 L. sterl. en actions de 20 L. sterl. chacune. La première
émission porte sur 50,000 actions, dont 12,000, souscrites par les fonda-
teurs en 1888, leur sont allouées en toute propriété. Le prospectus de la
souscription porte que : a outre la ligne côtière acquise par la Bristish
East African Company, il lui a été concédé à Tintérieur 100,000 milles
carrés de territoire s'étendant d'un côté jusqu'aux fleuves Tana et
Juba, de l'autre, jusqu'au lac Victoria-Nyanza et à la province de
Wadelaï, gouvernée par Émin-pacha. Au point de vue politique et com-
mercial, ces territoires embrassent une région exceptionnellement
importante, des traités et conventions sont en voie d'être conclus au
nom de la Compagnie, traités en vertu desquels une grande partie des
dits territoires lui serait concédée à perpétuité avec droits souverams. •
Les banques d'émission ont reconmiandé l'entreprise comme une
a affaire d'intérêt national. »
Au mois d'octobre 1886, un Allemand, le D' Jtthlke, obtenait, par des
traités conclus avec les indigènes, la côte de Benadir, de Witou à Mak-
dischou. D'autre part, dans la convention conclue entre l'Angleterre et
le sultan de Zanzibar, l'Angleterre reconnut à ce dernier les ports de la
côte de Benadir, à savoir : Kismayou, Barawa, Merka, Makdischou,
avec un rayon de dix milles marins, et Warscheik avec im rayon de cinq
milles marins. Ce fut conformément à cette convention que l'Allemagne,
l'Angleterre et la France, garantirent les possessions du sultan de Zan-
zibar. Mais la Société allemande de l'Afrique orientale et la British East
African Company ont pris à ferme, pour cinquante ans, l'administratioD
des territoires appartenant au sultan, et chacune d'elles a agi dans les
limites de sa sphère respective d'intérêts. En ce qui concerne Tile de
Eiamouy qui ferme le port de Witou, les deux Sociétés prétendaient
avoir pris à ferme l'administration de cette île. Le baron de Lamber-
mont, choisi comme arbitre, s'est prononcé dans un sens favorable à la
Compagnie anglaise, qui en a immédiatement profité pour se faire cède*
par le sultan de Zanzibar, avec tous droits de souveraineté. Une nouvelk
ligne côtière de plus de mille kilomètres, s'étendant depuis l'embou-
chure de la Tana jusqu'au delà du port de Warscheik, et comprenant
% *
— 291 —
outre rtle de Lamou, les porte et les teiritoii-es de Kismayou, Bara
Merka et Makdischou. Elle déploiera donc son activité sur un territ
dont la côte mesure environ 1400 kilomètres, de l'Oumba jusqu'à Y
scheik, et qui ^olvaise, à l'intérienr, las baaàna de la Juba et d
Tana, les pays dee Masal et dee GaUas, jusqu'aon. laça Sctamban
Victoria-Nyanza. Nous n'avons trouvé dans aucune publication le ti
de la sentence arbitrale du baron de Lambermont. Il faut croire qu(
traités conclus par le D' JUhlke avec les cheis gallas et somalis n
pas été reconnus valables. La colonie allemande de Witou, entre la I
et l'Ile de Lamou, se trouve maintenant coupée des régions de l'i
rieur. Les rapports entre les Allemands et les Anglais dans cette rég
déjà difficiles par suite des procédés de l'amiral Freemantle enven
membres de l'expédition du D^ Peters au secours d'Ëmiu-pacha, i
seront pas rendus plus faciles. Quoi qu'il en soit, deux graads persoi
ges de Zanzibar, Mohamed Saleiman Mondrie et Samot-ben-Hai
sont arrivés à Berlin, chargés par le sultan de féliciter l'empereur C
laume II à l'occasioa de son avènement au trône; peut-être aussi ]
obtenir des explications au si^et des intentions des Allemands su
côte africaine.
Sir Francis de Winton, président du Comité de l'expédition ang!
de secours en faveur d'Ëmin-pacha, a annoncé t la section de géo
phie de l'Association britannique pour l'avancement des science
Newcastle sur la Tyne, que l'on peut s'attendre d'un moment à l'a
il voir apparaître Sutnley sur un point du littoral oriental de l'Afri
D'autre part des nouvelles arrivées à Bruxelles le présentent coi
ayant essayé de prendre la route du sud en passant par l'ouest du
toria-Nyanza ; repoussé de ce côté, il aurait dû remonter vers le nor
ce serait sur la côte orientale du lac qu'avec Émiu-pacha il ai
attendu l'arrivée des approvisionnements qu'il avait fait déposer à i
lala. De là, il se dirigerait vers Mombas, mais sans Ëmin-pAcha
serait resté à l'intérieur. Nos lecteurs se rappellent que lors de sa
mière rencontre avec Stanley, Ëmin avait résisté aux sollicitation
eelui-ci de quitter sa province de l'Equateur, dans la crainte de
l'anarchie tomber dans le paya où il avait réussi à maintenir Tord
longtemps (voy. p. 155). D^à précédemment, dans ime lettn
17 avril 1887 au D' Felkin, d'Édimboui^, il écrivait : a On se tn
grandement en Angleterre si l'on croit qu'aussitôt Stanley arriv
m'en retournerai avec lui. J'ai passé ici douze années de ma vie; c
moi s'il serait digne de ma part de déserter mon poste à la prei
— 292 —
occasion qui se présenterait. Je resterai près de mes gens aussi long-
temps que je ne verrai pas clairement que leur sécurité, en môme tonps
que l'avenir de ce pays, est assurée. Je m'efforcerai de conduire à bonne
fin l'oeuvre que Gordon a payée de son sang ; je le ferai, sinon avec son
énergie et son génie, du moins conformément à ses intentions et à ses
idées. Quand mon chef regretté me confia le gouvernement de ce pays,
il m'écrivit : « Je vous nomme pour la cause de la civilisation et du pro-
grès. » J'ai fait de mon mieux jusqu'ici pour justifier la confiance qui
m'a été témoignée. Si l'Angleterre veut réellement nous aider, il faut
qu'elle essaie, en premier lieu, de conclure un traité avec l'Ou-Ganda et
rOu-Nyoro, afin d'améliorer moralement et politiquement la condition
de ces deux puissants royaumes. Une route sûre vers la côte doit être
ouverte, qui ne soit pas à la merci des caprices de roitelets ou d'Arabes.
C'est tout ce que nous demandons; c'est la seule chose nécessaire au
développement continu du pays. Le jour où nous posséderons cette
route, nous envisagei'ons l'avenir avec espoir. Vous pouvez vous repré-
senter avec quelle anxiété j'aspire au dénouement. » Il faut attendre
l'arrivée de Stanley et les rapports qu'il fera à son Comité pour connaî-
tre les motifs réels du refus d'Émin-pacha de revenir actuellement à la
côte orientale. Toutefois il est permis de supposer que Stanley, agent
du Comité à la tête duquel se trouve sir Francis de Winton, un des
membres les plus influents de la British East African Company, lui aura
fait entrevoir, dans les travaux de cette Société, dans la route qu'elle
crée, dans ses projets d'étendre son activité jusqu'au bassin du Nil»
l'aurore de ce jour qui devait lui permettre d'envisager l'avenir avec
espoir. Nous n'irons pas jusqu'à dire, avec M. Wauters, qu'il n^est pas
douteux qu'Émin-pacha qui, pendant onze ans, a été au service du gou-
vernement égyptien, n'ait passé au service de la Royal British East
African Company; d'où le rédacteur du Mouvement géographique de
Bruxelles est amené à écrire : « Il est probable que la province d'Émin-
pacha, en tout ou en partie, compte aujourd'hui, au moins nominale-
ment, au nombre des territoires de cette nouvelle colonie anglaise. » Il
est posi^ible que l'ambition des directeurs de la Royal British East Afri-
can Company qui vient d'étendre sa ligne de côte jusqu'à Warscheik,
vise l'annexion de l'ancienne province égyptienne de l'Equateur aux
territoires qui lui ont été concédés. La position que l'Angleterre occupe
en Egypte lui faciliterait la réalisation d'un semblable dessein. Le gou-
vernement britannique ne lui marchanderait pas l'extension des droits
que lui confère déjà la charte dont elle jouit, à l'immense territoire qui
s'étend jusqu'à Wadelaï.
— 293 —
Une lettre du mi^jor P^rmlnter, des Stanley-Falls, du 22 février^
publiée par le DaHy-News, nous apporte des renseignements complé-
mentaires sur Stanley et Émin-pacha. Quand Tipo-Tipo fut informé
du retour de Stanley à l'embouchure de T Arououimi, il donna immédia-
tement à Sélim-ben-Mohamed Tordre de le rejoindre sur la route vers
i'intérieur, et voici ce qu'apprit ce messager : Stanley et Émin étaient
convenus de se rencontrer six mois après leur séparation, dans un endroit
indiqué sur les rives de l'Albert-Nyanza, pour entreprendre, avec leurs
forces, le voyage vers la côte orientale. Émin fut obligé de prendre cette
décision par l'attitude menaçante de ses troupes qui désiraient partir,
puisqu'une route avait été trouvée. Tout ce qui était transportable
devait être emporté, et le reste, y compris les vapeurs d'Émin, devait
être brûlé, après qu'on s'en serait servi. Vu le grand nombre de femmes
et d'enfants et la quantité des bagages, la voie navigable devait être
choisie de préférence à celle de terre. On devait faire usage du fleuve
jusqu'au Victoria-Nyanza, traverser le lac en canots, aborder à la côte
méridionale, et marcher ensuite vers Tabora par une des routes con-
nues des caravanes. On s'attendait à quelques diflScultés pendant la
traversée de l'Ou-Ganda, mais Stanley ne doutait pas de triompher de
tous les obstacles. La caravane, disait Sélim, compterait 6000 fusils et
six canons. Même en ajoutant une perte considérable de temps aux
délais causés par les difficultés du voyage, Stanley comptait être à
Tabora au mois de juin ; la nouvelle de son arrivée aurait pu parvenir
en Angleterre au mois d'août.
Le duc de Fife, le duc d'Abercorn, le comte d'Aberdeen et d'autres
personnages anglais importants ont constitué une Compaipiiie pour
l'exploitation des mines des territoires au nord dn Be-
Chuanaland et de la répnbliqne Sad-afrioaine, et ont de-
mandé, en faveur de leur Société, une charte royale, comme celle que le
gouvernement britannique a accordée à la Compagnie du Niger et à la
British Ëast african Company. Dans la Chambre des communes, le
baron H. de Worms a aflSrmé que des articles spéciaux y seraient insé-
rés, pour assurer la surveillance impériale sur les rapports de la Compa-
gnie avec les tribus indigènes et avec les puissances étrangères voisines.
< Le gouvernement anglais est content, » a-t-il ajouté, « que la forma-
tion d'une puissante compagnie oflre l'espoir de voir ces territoires
s'ouvrir pacifiquement à la civilisation, à l'influence et au commerce
anglais. La charte ne permettra à la Compagnie d'acquérir aucun terri-
toire sans la sanction expresse du gouvernement ; elle ne remplacera
— 294 —
point non plus le protectorat de S. M. dans le pays de Ehama; elle
n'affectera point la position du Be-Chuanaland en tant que colonie de la
couronne ; elle ne donnera à la Compagnie aucun pouvoir de gouverne-
ment ou de contrôle, et ne lui permettra d'en acquérir aucun dans
quelque district que ce soit sans en avoir obtenu l'autorisation. La Com-
pagnie n'aura aucun droit de s'étendre indéfiniment, ni aucun monopole
qui annulerait des concessions antérieures valables.
Le roi-souverain de l'Ëtat Indépendant dn C^onf^o a créé im
Conseil supérieur, qui est à la fois une cour supérieure de justice et
une sorte de conseil d'État. Le siège en est à Bruxelles. Au point de vue
judiciaire, il remplit l'office de cour de cassation, et connaît des pom^
vois dirigés contre tous jugements rendus en dernier ressort en matière
civile et commerciale par les tribunaux de l'État indépendant; il est
appelé, en outre, à connaître de l'appel des jugements rendus sur pre-
mier appel par le tribunal de Borna, lorsque la valeur du litige excède
25,000 francs. Dans la sphère de ses secondes attributions, le Conseil
supérieur délibère et donne son avis sui* les questions dont il est saisi par
le roinsouverain.
Par décret du roi-souverain de l'État indépendant du Congo, la
chasse À l'éléphant est interdite dans toute l'étendue du territoire
de l'État, à moins de permission spéciale. Le gouverneur général d^er-
mine les conditions de cette permission et les taxes à percevoir de ce
chef. Quiconque sera trouvé chassant l'éléphant sera puni d'une amende
de 25 à 500 francs et d'une servitude pénale d'un mois à dix ans, ou
d'une de ces peines seulement. Quiconque se sera approprié un éléphant
capturé ou tué à la chasse, ou ses dépouilles, sera puni des peines édic-
tées par l'article 11 du Code pénal. Les éléphants ainsi capturés ou tués
seront remis à l'État ou confisqués à son profit.
Le DaUy News a publié une lettre du major Parminter de Stanley-
Falls» écrite au mois de février, de laquelle nous extrayons ce qui suit :
« Les sentiments hostiles des Arabes contre les blancs se sont propa-
gés de la côte orientale, fermée par le blocus, jusque très avant dans
l'intérieur et semblent s'être emparés de Tipo-Tipo et de ses partisans.
La prohibition de la vente des munitions et des armes au delà de TOu-
bangi menace ses relations avec l'État du Congo. Un convoi portant au
chef un certain nombre de fusils fut saisi en route. La nouvelle en arriva
à Tipo-Tipo dans un mauvais moment. L'annonce du blocus s'était déjà
répandue, et une troupe arabe commandée par Selim-Ben-Mohamed
avait déjà été délogée de ses quartiers, au confluent del'Arououimi, par
une troape de l'État du Congo. La situation était si tendue qu'i
tait ouvertement la possibilité d'une rupture avec les blancjj. K<
ce n'était pas la crainte de se trouver sans armes qui provoqi
irritation, car les Arabes avaieut, disaient-ils, prévu la siti
s'étaient abondamment pourvus pour six ans. Ces événements o
Tipo-Tipo très méfiant envers les officiers de l'État du Cong
envers le lieutenant Becker qui, quoique demeurant sous le n
que lui, ne lui inspirait cependaat pas confiance, en sorte q
envoyer une lettre au souverain de l'État indépendant, |le cb
sollicita les bons offices de deux Anglais.
Mais un événement bien autrement sérieux eut lieu le 22 fé
jour-là, Tlpo-TIpo se présenta à la demeure du résident et i
formellement deux cents fusils et des munitions. Dans la soirée,
en compagnie du major Parminter, de M. Ward et de plusieurs
n commença par expliquer pourquoi il avait fait venii' les deux
Il voulait que le monde entier apprit ce que lui, Tipo-Tipo, avai
Puis il assura le résident de sa fidélité envers le rot, et demanda
veau des armes pour maintenir l'ordre dans ses domaines. Il coi
la prohibition comme une preuve que l'État n'appréciait pas £
ces, et il termina en déclarant que si, dans six mois, il ne rect
les armes en question, il s'envisagerait comme libre de tout eng
envers le roi. C'est une manière comme une autre d'arborer le
de la rébellion, car, du moment que Tipo-Tipo ne sera plus le :
du roi, il deviendra son rival. Si tel est vraiment l'état d'esprit
sant chef arabe, le gouvernement de l'État du Congo risque de
ver dans une situation fort embarrassante; il devra ou bien s
dre à laisser les razzias se eontiuuer sur son territoire,
affronter le.péril d'un soulèvement arabe, qui mettrait ses fore
rude épreuve. »
Heui-eusement le deraiep coarrier du Congo arrivé i
nistration centrale de l'État indépendant à Bruxelles apporte
leures nouvelles du haut fleuve : « Le commandant du terri
Ba-Ngala avait reçu, vers la mi-mai, un rapport alarmant du
intérimaire des Stanley-Falls. Déplus, des bruits assez graves, (
par les indigènes, représentaient la situation comme troublée e
de l'Arououimi. Dans ces conditions et en vue d'éviter aux tr
de commerce des risques importants, M. Vankerckhove suspend
soirement le droit de circulation pour les bateaux européens a
du camp de l'Arououimi. En même temps, il se rendit à tout<
(• *■
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X
— 296 —
aux Stanley-Falls, y trouva tout dans le meilleur état, et Tipo-Tipo plus
soumis que jamais. Immédiatement il leva rioterdiction de la navigation.
Tipo-Tipo était resté dans ses dispositions antérieures de respect pour
Tautorité de TËtat; mais, cette fois, il en fit une démonstration particu-
lièrement ostensible, en interdisant à Sélim-ben-Mohamed de voyager
dans certains parages, et en réprimant certains abus d'un petit poste
placé près d'un marché intérieur. D'ailleurs, il n'avait pas été difficile
aux Arabes de se rendre compte de la consolidation de l'autorité légale
dans cette province. Non seulement ils avaient vu les renforts arrivés
au camp de l'Arououimi, mais ils avaient constaté que la puissante
tribu des Ba-Soko avait ouvertement rangé ses milliers de guerriers sous
le drapeau bleu étoile. En outre, ils avaient compris que les mesures
militaires prises par l'État indépendant ne cachaient aucune intention
de rompre le pacte conclu avec Tipo-Tipo, tant que ce pacte serait res-
pecté par eux. En résumé, à un moment de malaise et de méfiance
réciproque a succédé une franche cordialité. Dès lors, le camp de
l'Arououimi a reçu un nouveau renfort de 300 soldats. Tipo-Tipo avait
ajourné son voyage à Zanzibar pour attendre la visite du gouverneur
général, M. Jansen, qui doit être arrivé aux Stanley-Falls vers le
15 septembre. Là, les conditions étaient si bonnes que M. Becker n'avait
pas craint de s'en éloigner pendant plusieurs mois pour venir refaire
son équipement daus le bas Congo. »
Les paquebots du Havre et de Marseille ont commencé à faire régu-
lièrement le service de* la ciVte occidentAle d'Afrique jusqu'au
Congo. Le Pélion, parti de Marseille, a emporté une chaloupe offerte à
Dinah-Salifou, roi des Nalous, pai* la Société de la côte occidentale
d'Afrique. Il avait aussi de nombreux fûts démontés, devant servir à
rapporter des huiles de palme et à débarquer les marchandises sur
x^ertains points de la façon suivante : Faute de ports et de rades où la
circulation des mahonnes soit possible, à cause des barres qui s'oppo-
sent à l'entrée dans les rivières, les marchandises à destination de la
côte sont placées dans des barriques appelées penchons, que l'on jette
par-dessus bord, une fois bien fermées. A la mer, les lascars les atta-
chent les unes aux autres et en forment ce qu'on appelle des chapelets
qu'ils remorquent, avec leurs pirogues, jusqu'à terre. A partir du cap
Palmas jusqu'à la dernière escale du Congo, les lascars indigènes devront
être substitués aux équipages français ; les matelots et les chauffeurs
auraient trop à souffrir de la température s'ils vaquaient à leurs occu-
pations ordinaires dans ces parages.
rrs~
— 287 —
NOUVELIâBS COMPLÉ1UBNTAXRE8
Le yapear le Brésil, de la Compagnie des Messageries maritimes, a fait récem-
ment le trajet de Marseille à Bougie en vingt-quatre heures. C'est la trarersée la
plus rapide qui, jusqu'à ce jour, ait été faite entre ces deux ports.
Le ministre de l'Instruction publique a voulu faire connaître la France aux
instituteurs indigènes de l'Algérie, et ït a profité de l^zposition pour en faire
venir à Paris un certain nombre. Une quinzaine d'instituteurs arabes et kabyles
sont arrivés en France sous la conduite de M. Scheer, inspecteur des écoles indi-
gènes de l'Algérie*
Un rapport du gouverneur général de l'Algérie, relatif à la destruction des
criquets pendant l'année 1889, émet des craintes sérieuses sur l'impossibilité dans
laquelle on se trouvera l'année prochaine de combattre ce fléau. On a constaté,
en effet, surtout dans la partie orientale de l'Algérie, que les éclosions se pro-
duisent maintenant dans l'intérieur, au delà de la limite des postes français. En
Tripolitaine, notamment, on en signale un nombre considérable, et l'on craint
que l'année prochaine la Tunisie ne soit plus particulièrement ravagée.
Le bey de Timis a accédé à la convention internationale pour la protection des
câbles sous-marins.
D'après un correspondant du Daily News, M. Fricke, explorateur africain, est
revenu en Allemagne, après quatorze ans de séjour en Afrique. 11 se trouvait à
Khartoum au moment de la mort de Gordon, qui ne se serait pas rendu compte
de sa position. Au dire de M. Fricke, les messages de Gordon aux autorités mili-
taires anglaises auraient induit celles-ci en erreur. Deux jours avant sa mort,
Gordon aurait pu se sauver ; il ne le fit pas, comptant toujours sur l'influence
qu'il exerçait. 11 aurait été tué par quelques-uns de ses soldats, alors que, sans
armes, il faisait son inspection du matin.
Par traité du 7 avril 1889, le sultan des Me^jourtines a cédé à lltalie ses
droits souverains sur le territoire qui s'étend du Ras Auad au Ras Beduin, et qui
fait suite au sultanat d'Opia, précédemment placé sous le protectorat italien.
Le sultan de Zanzibar a envoyé un certain nombre de ses fonctionnaires visiter
l'Exposition de Paris.
Le fils de Tipo-Tipo, Sefu-ben-Mohamed, actuellement à Zanzibar, affirme que
son père lui a recommandé de ne rien négliger pour se rendre utile aux Euro-
péens. D'après lui, la tranquillité régnait partout aux abords du Tanganyika, et
les rapports entre les Arabes et les Européens étaient bons sur le haut Congo.
M. Erskine, qui a exploré, il y a un certain nombre d'années, la côte orientale
d'Afrique, est actuellement à Lisbonne, où il a proposé au gouvernement portu-
gais la colonisation d'un vaste territoire à l'ouest de Manica, avec des familles
portu|;ai8es et boers, moyennant la concession de terrains et de privilèges qui
rapprocheraient la Compagnie qu'il projette de créer de celles qu'ont vu naître
l'Allemagne et l'Angleterre pour l'exploitation commerciale de l'Afrique orien-
tale.
Dftux de Lisbonne ftononcent ]a sigiutnre d'une convention de tarifs
linûtratioD portagaise du chemin de fer de la bsie de Delâgoft et la
du chemin de fer du Tranivutl. La conTcntion a été ufoée k Liibooae
itre des colonleB et le consul du Tnui>T«ftl. Le* traranz de construction
de la frontière à Pretoria, commenceront prochainemenL
ation des mines d'or de Zoutpaoïberg prend ckague jonr an pina
loppement. 11 est question d'f créer deux nouTelles xilles, qui auront
>nt nu acoroissement anssi rapide que celui de Barbertou et de Johan-
t, ministre de l'Instruction publique de la république sud-africaine,
aellement en Belgique et en Hollande, où il ticbe de recmter les pro-
cessairei pour l'université hollandaise projetée fc Pretoria,
couvert, sur la propriété du Oriqualand Weat Copper and Hineral
un gisement puissant d'osbeste. Les nombreui usages auxquels l'incom*
de cette fibre minérale permet de l'employer permettent de roir dans
iverte nne nouvelle source de prospérité pour l'industrie de l'Afrique
es arrangements ont déjà été pris pour en développer l'exploitation,
ibre dn commerce de Capetown a réclamé contre le tarif élevé de ta
des télégraphes pour les dépêches entre la colonie et l'Angleterre. La
, ayant fait des frais considérables pour la pose du câble occidental,
i, jusqu'ici, faire droit À ces réclamations; toutefois elle espère, an
e année, pouvoir abaisser le tarif d'une manière notable,
lagnie coloniale allemande du Sud-ouest africain ayant réclamé l'appui
lement impérial pour ses entreprises dans le Damaraland, le chancelier
êpondre que le gouvernement de l'empire n'a pas pour mission et que
î coloniale allemande n'a pas inscrit dans son programme de travwller k
lent d'institutions politiques chez des peuplades non civilisées, ni d'em-
orce armée pour combattre la résistance que des chefs indigènee peuvent
entreprises non encore fondées par des ressortissants allemande dans
msocéaniques.
pagnie du chemin de fer du Congo fera partir, le 10 octobre, k bord
' Loualaba, sa première expédition, composée de cinq ingénieurs, qui
it partie de l'expédition d'étude. Il leur sera adjoint un médecin, deux
a de travaux et quelques artisans. Ils sont chargés d'arrêter le tracé
la première section entre Matadi et Palaballa. Une seconde expédition
va dans le courant de novembre.
lier marché de l'ivoire du Congo, à Anvers, 16,000 kilogr. étaient en
maisons françaises, anglaises, allemandes et hollandaises se sont pré-
nme acquéreurs. Il est question d'en tenir un régulièrement tous les
Le Kivwmga, de la maison Hutton et Cockson, a chargé au Congo
r. d'ivoire pour le prochain marché.
ilissements européens échelonnés le long du Congo, de Stanley-Poo] aox
,11s, se multiplient avec une rapidité extraordinaire. Actuellement on
— 299 —
en compte 28 : 7 de l'Eut Indépendant, 3 fruiçus, 3 des miasions catholiqoei,
6 des miuions protesUnteB, 4 fuloreriet belgea, 4 factoreries tmllatidaiaes et 3
factoreries fraotaisea.
Dans son exploration du réseau flavial do bant Congo, H. Belcommone a
trouié partout l'arbre qui fournit la noix de kola : sur les deux rives du Congo,
dsna ritimbiri, sur le Lomami, le lac Matoomba, la Loalonga, le Bouki, etc.
Jusqu'à présent, aucun explorateur n'aTait encore signalé l'existence d'un
afBuent de droite dans le cours inférieur de l'Arououimi ; M. Delcommuoe en a
trouvé un, aux eaux noires, i eoTiron une beure de l'embouchure de la rinère
dans le Congo, en amont dn TJlIage des Barâoko.
Nos lecteurs se rappellent que le sultan da Maroc a autorisé une Compagnie
iutienne ft établir à Fez une fabrique d'armes; liOO colis sont déjà arrivés au
port de Idrache. 11 faudra hait cents chameaux et cinquante chariots pour trans-
porter toutes ces pièces à Fes. Le major italien Ferrara, qui doit diriger l'expé-
dition, attend à Larache les moyens de transport.
La Société Cockerill d'Anvers a ouvert, k titre d'essai, une ligne de navigatioD
entre ce port et le Maroc.
CHRONIQUE DE L'ESCLAVAGE
Le peu de cas que Ton fait des esclaves à Zanzibar les expose au
sort le plus cruel dans les incendies qui y soat fréquente. En quelques
heures, écrit un correspondant au BulMin de la Société anti-esclava-
giste de France, le feu dévore une centaine de cases, si le vent le favorise,
car les nègres ne savent pas combattre ce fléau. Il y a quelques jours,
UD pâté de cases de nègres disparut dans les flammes et la fumée. Il
y eut beaucoup de cris, d'imprécations, d'agitation ; mais il y eut une
chose plus horrible que toutes les autres : deux femmes esclaves gisaient
au fond d'une paillette, les pieds rivés dans une énorme poutre, en puni-
tion de je ne sais quelle bagatelle. Les flammes s'abattirent sur le toit
de feuilles sèches. La case fut dévorée en quelques minutes, et personne
ne prit la peine de penser aux deux malheureuses qui moururent dans
d'atroc«s souflrances. Quand tout fut fini, on ne retrouva plus au milieu
des débris que quelques ossements calcinés, restes dédaignés des deux
esclaves. Le fait parut de si peu d'importance aux yeux de la masse
qu'on n'en parla presque pas à Zanzibar.
Les boutres arabes ne peuvent plus facilement transporter les esclaves,
du confluent à Zanzibar, à cause des croiseurs qui sillonnent le canal.
Mais les canots indigènes — mitamln — les ont remplacés pour la péril-
leuse besogne. On gan-otte deux esclaves et on les couche en long au
— 300— ,
fond du canot, en ayant bien soin de leur attacher auparavant de
grosses pierres aux pieds. Si c'est le jour, on hisse la petite voile et l'on
part, sans crainte d'attirer les soupçons du croiseur. La nuit, on pagaie,
pour ne pas être découvert par les puissantes jumelles qui fouillent les
ténèbres. Si, malgré tout, quelque chaloupe anglaise ou allemande
semble vouloir s'approcher de ce tronc d'arbre qui glisse silencieux sur
les vagues, vite, les deux evsclaves sont soulevés, jetés sans bruit par-
dessus bord, et ils disparaissent dans le gouffre sans avoir même pu
pousser un cri. Quand le croiseur arrive, il constate qu'il n'a affaire
qu'à de simples pêcheurs ; il passe et disparaît dans la nuit.
Non content d'avoir fondé la mission de Saint-Louis de l'Oubang^iy
près du confluent de cette rivière avec le Congo, le P. Augouard songe
à aller prochainement installer une nouvelle station près des rapides de
Zongo, à 600 ou 700 kilomètres en amont. Cette création lui paraît d'au-
tant plus nécessaire que les tribus de l'Oubangi pratiquent encore géné-
ralement le cannibalisme. « La plupart des villages, » écrit-il aux Mis-
sions catholiques, a immolent chaque jour au moins un esclave, et sa
chair palpitante est dévorée toute fumante. Les indigènes vont jusqu'à
mêler de la graisse humaine avec l'huile de palme, et comme les Euro-
péens se servent souvent de cette huile pour leur cuisine, ils dcHvent
veiller attentivement pour ne pas devenir anthropophages sans lesavoii*.
Les natifs font aussi fumer des membres humains, comme on le fait
pour la viande d'hippopotame et de buffle ; ils viennent, avec la plus
grande désinvolture, vous proposer d'en acheter, ne comprenant rien
aux reproches qu'on leur fait à ce sujet. »
Nous extrayons ce qui suit d'une lettre du P. Lourdel, vicaire apos-
tolique du Victoria-Nyanza, sur l'orphelinat du Bou-Koambl. Notre
contrée est un des pays les plus renommés pour le trafic des petits en-
fants ; chaque année, les victimes peuvent se compter par milliers. Les
missionnaires se sont efforcés de rendre à la liberté le plus grand nom-
bre possible de ces infortunés, en payant leur prix de rachat et en
se faisant leurs pères adoptifs. Sans parler de plus de quarante enfants
qui sont à l'orphelinat du Bou-Koumbi, nous avons actuellement avec
nous environ quatre-vingts rachetés.
Au milieu de la petite forêt de bananiers où se trouve notre résidence,
nous leur avons bâti une grande case en roseaux, recouverte d'herbe.
Une simple peau de chèvre, quelques coudées d'une étoffe grossière
fabriquée avec l'écorce d'un arbre du pays, voilà leur lit; quelques
patates ou bananes leur suffisent pour nourriture. Leur vêtement se
— 301 —
t)ompo6e d'une petite culotte de cotonnade venue de Zanzibar. Leur
occupation habituelle est le travail manuel : faire des briques séchéeô au
soleil, scier des planches, cultiver, etc. Les missionnaires étant absorbés
par l'instruction des catéchumènes, un enfant, des plus sérieux, est
•chargé de la surveillance de ses compagnons. Les punitions les plus
employées sont les amendes, et souvent la privation du morceau de
viande, de canne à sucre, ou de la pincée de sel qu'on leur donne le
dimanche.
Les jeunes filles esclaves abondent aussi ici. Pendant plusieurs années,
nous n'avons pu en racheter, n'ayant pei-sonne à qui les confier. Mais
une des victimes de l'Ou-Ganda ayant réussi, deux mois avant sa mort,
à convertir sa mère et sa sœur, celle-ci lorsqu'elle apprit que son frère
avait été mis à mort, vint trouver ses meurtriers et leur dit : « Vous
avez tué mon frère parce qu'il était chrétien, moi aussi je suis chrétienne,
tuez-moi. » Elle fut prise, mais son maître la vendit aux missionnaires
pour un fusil. Pieuse et dévouée, elle fut chargée de la direction d'un
orphelinat pour les jeunes tilles esclaves rachetées. Une maison a aussi
été construite pour celles-ci dans une bananeraie près de la mission. Le
principal travail des femmes dans ce pays est la culture du sol. Nos
négrillonnes ont déjà transformé le terrain couvert de broussailles qui
environnait l'habitation en belles bananeraies, en magnifiques champs
de patates, de pois, de maïs, de manioc, de cannes à sucre et de caféiers.
De son côté, le P. Wyncke, écrit de Kibaogpa, sur la rive occidentale
du Tanganyika : « Nos orphelins sont la partie de notre troupeau qui nous
donne le plus d'espérance pour l'avenir. Quand les plus grands sont en
âge d'être mariés, nous les mettons en ménage, en leur donnant, outre
la case et la femme, la dot habituelle qui consiste en une natte. Un pot
à cuire, une cruche pour puiser l'eau et une pioche pour cultiver. Avec
les orphelins, nous avons composé un équipage complet, rameurs et
pilotes, qui manœuvrent comme de véritables marins. Les orphelins
forment, avec les esclaves rachetés, une population de trois cents âmes
environ. Ces derniers sont également l'objet de notre sollicitude parti-
culière. Nous les aimons d'autant plus que nous les trouvons plus mal-
heureux. Tantôt c'est la famine qui contraint les parents eux-mêmes à
vendre leurs enfants, tantôt ce sont les Arabes ou les Ma-Ngouana qui
se débarrassent du butin qu'ils ont fait. Avec les jeunes filles que nous
avons rachetées, nous avons établi, dans un des villages dépendant de
la mission, un commencement d'oi-phelinat de filles. Elles se trouvent
placées sous la direction d'une matrone chrétienne, en attendant que les
sœurs de la mission puissent venir établir ici des écoles régulières. »
— 302 —
D'après VAnHsUwerp Reporter, le colooel SchœSér, qui est au Cmire
à la tête du Département de la traite, visite toutes les parties de
rÉgypte, surveille personnellement avec soin les diverses branches de
son département, exerce une vigilance stricte sur les navires qui passent
de la mer Rouge par le canal de Suez, ensorte qu'il y a une garantie
assurée que très peu d'esclaves peuvent entrer en Egypte par contre-
bande. Une peine sévère est prononcée contre les possesseurs d'esclaves
qui violent la loi conti-e la vente de leurs esclaves à d'autres personnes.
Les esclaves qui ont obtenu leur émancipation trouvent facilement du
travail libre rétribué ; un grand nombre d'entre eux sont employés aux
travaux d'irrigation.
Lord Salisbury et M. Catalani ont signé une convention nnn^lo-
italienne contre la tmite des eaolaveo. Cette convention déclare
que la traite est un acte de piraterie et que les navires qui la font per-
dent tout droit à la protection de leur drapeau. La Méditerranée est
exclue de la convention dont la ratification est prochainement attendue.
Nous ne comprenons pas si les navires anglais et italiens toléreront la
traite dans la Méditerranée ; commise par des bateaux de Benghazi ou
de Tripoli, par exemple, serait-elle moins un acte de piraterie, que si
elle l'était par des dkows arabes, entre Pemba et les Comores V
M. Horace Waller, qui avait été délégué au Congrès de Lucerne par
la British and Foreign antislavery Society, avait préparé, sur l'Extinc-
tion immédiate du status lé^al de l'esclavage dans les
États du sultan de Zanzibar, un mémoire auquel nous emprun-
tons ce qui suit, pour compléter ce que disait, sur ce sujet, Tévêque
Smythies dans sa lettre au Times (voir p. 266-269).
M. Waller comptait proposer que les puissances européennes inté*
ressées au progrès de TAfrique orientale invitassent le sultan à abolir
le status de l'esclavage autorisé par la loi, avec l'avertissement que s'il
ne l'a pas aboli volontairement dans l'espace de six mois, les puissances
recourront à la force pour l'y obliger. Il distingue l'abolition du stahis^
légal de l'esclavage, de l'émancipation de tous les esclaves ; la première
sera sans doute le précurseur de la seconde, mais elle adoucirait le choc
que produirait une opération plus complète, et permettrait à la transi-
tion de se faire plus graduellement.
Si l'abolition du status légal de l'esclavage ^it proclamée, les tribu-
naux seraient fermés à tout propriétaire qui viendrait réclamer d'un
juge un châtiment pour la mauvaise conduite d'un esclave. Un esclave
fugitif ne pourrait être arrêté, car la loi ne connaîtrait pas son état
— 303 —
d^esclave, et le ji^e répondrait au plaidant que la loi n'admet pas
qu'aucun homme puisse être la propriété d'un autre. En outre, il ne
pourrait y avoir aucune vente d*e8daves, car, en cas de dispute ou de
non-paiement, le vendeur ne pourrait recourir à aucun tribunal.
Les propriétaires, Arabes venus de Mascate à une époque récente,
prétendront que leurs intérêts sont lésés; mais ils ne sont qu'une infime
minorité en comparaison des millions d'indigènes dont ils ne respectent
ni les intérêts ni la vie.
M. Waller croit que sa proposition diminuerait les appréhensions qui
régnent parmi les tribus de la région des lacs par suite des exigences
des Arabes, et ferait disparaître l'oppression décrite sous des couleurs
si tristes par Livingstone, Cameron, Wissmann et Stanley.
Les gens de Zanzibar sont déjà préparés à une mesure comme celle
que propose M. Waller; depuis longtemps on l'a fait entrevoir au sultan
et à ses sujets. Gordon avait dans son programme le projet de faire une
descente sur la côte orientale d'Afrique avec une escadre de vaisseaux
égyptiens, puis de se frayer avec des troupes un passage jusqu'au lac
Victoria-Nyanza, et d'ouvrir une route commerciale qui permît de se
passer du Nil. Sir John Kirk était alors le conseiller du sultan à Zanzi-
bar. Pour des raisons politiques, il crut devoir contrecarrer cette expé-
dition ; mais le sultan prit une mesure qui allait au delà de ce qu'on
osait espérer, en abolissant l'esclavage dans tous les ports de la partie
septentrionale de ses États comprise dans les limites de cette démons-
tration navale. Cette mesure a une grande importance comme précédent,
puisqu'elle a été une concession à l'opinion publique. Pendant les lon-
gues années que sir John Kirk passa à Zanzibar, il ne cessa de deman-
der l'abolition du status légal de l'esclavage et de le recommander au
gouvernement anglais.
En 1873, la demande d'esclaves était si forte de la part des planteurs
de girofliers à Zanzibar et à Pemba, que la i-égion du Nyassa, d'où
viennent surtout les captifs, était désolée par les razzias et les meurtres.
Sir John Kirk insista auprès du sultan pour que lui et ses sujets cessas-
sent de se rendre complices de ces horreurs. Sald-Bargash céda à ces
sollicitations et, le 18 avril 1876, fit publier la proclamation suivante :
« Nous faisons savoir à tous ceux qui, contrairement à nos ordres et
aux traités conclus avec la Grande-Bretagne, amènent à la côte des
esclaves des pays du Nyassa, du Yao ou d'ailleurs, pour les vendre à des
trafiquants qui les emmènent à Pemba, que nous interdisons l'arrivée
de caravanes d'esclaves, et que nous avons donné à nos gouverneurs
— 304 —
das ordres en conséquence ; tous les esdaves ameBés à la côte seront
confisqués. »
Ce do(mment devrait encore aujourd'hui avoir force de loi, mais il est
éludé. Le seul usage qu'on puisse en faire maintenant, c'est pour prou-
ver qu'il y a treize ans les deux tles susmentionnées étaient la cause
principale de la destruction opérée dans les districts environnant le lac
Nyassa.
M. Waller a recueilli de la bouche de négociants revenus récemment
en Europe, le témoignage que, dans la masse d'esclaves qui fourmille à
Zanzibar et à Mombas, il est difficile d'en trouver un qui n'ait été amené
récemment de la région du Nyassa ou du pays des Yao. B en est de
même loi-squ'on visite les établissements des esclaves libérés par les
croiseurs. Les officiers anglais en fonctions dans ces parages affir-
ment que 6000 esclaves au moins sont enlevés annuellement à ces
mômes régions et amenés illégalement aux tles de Zanzibar et de Pemba.
Il est notoire que des Arabes en relations avec Zanzibar et auxquels, à
l'occasion, le sultan adresse ses envoyés, dévastent actuell^nent les
environs du lac Nyassa et assiègent des sujets anglais dont les occupa-
tions sont contraires aux leurs. Pour les 6000 esclaves amenés à Zanzi-
bar et à Pemba, 60000 êtres humains sont immolés à la cupidité d'une
poignée d'Arabes qui exercent leur tyrannie sur l'Afrique centrale.
Dans ces îles, la vie d'un esclave employé aux plantations ne dépasse
pas dix ans au maximum ; la grande majorité meurt avant sept ans. De
là la nécessité de repeupler incessamment les plantations.
Ces Arabes savent que le jour oii ils devront rendre compte est très
proche. On leur a parlé de compensation, mais il n'est point nécessaire
de leur en accorder. S'il faut leur en payer une, que les propriétaires se
présentent avec leurs esclaves et qu'ils plaident leur cause. Zanzibar a
déjà reçu comme compensation des lignes de steamei*s qui facilitent lar-
gement son commerce, un câble sous-marin qui lui assure les mêmes
avantages qu'à Calcutta ou à Capetown. Peu d'États, dans ce siècle, se
sont développés avec autant de rapidité que Zanzibar ; mais à aucune
époque de l'histoire de l'Afrique, il n'a été sacritié à l'intérieur autant
de vies humaines ; et c'est l'État de Zanzibar qui en est surtout respon-
sable.
Si une compensation est due, c'est au pauvre esclave, qui apprend
maintenant que si Zanzibar avait tenu ses engagements, jamais il
n'aurait été enlevé à son pays, jamais il n'aurait été témoin de la mort
de ses compagnons tués d'un coup de fusil pour n'avoir pu supporter
^-1
— 305 —
la marche fatigante du Nyassa à la côte. Si une compensation était due,
ce serait l'Arabe qui devrait être mis aux fers dans la plantation de
girofliers, jusqu'à ce qu'il pût payer tout ce qu'il doit à la victime qu'il
a dépouillée de tout.
Mais nous serons contents si nous voyons la fraude prendre fin. Il y
aura lieu de déployer une grande sagesse quand le status de l'esclavage
sera aboli, si Ton peut obtenir qu'il le soit. U faudra dresser un registre
et y inscrire le nom de chacun des esclaves des deux îles susmentionnées,
puis leur fournir du travail rétribué en échange du travail servile.
Si l'on peut un jour annoncer jusqu'aux lacs de l'intérieur que
l'esclave libéré à Zanzibar ne peut plus être reconnu comme esclave
par la loi, les planteurs de girofle emploieront le travail libre, ils paie-
ront un salaire plutôt que de risquer des dollars poui* des captife sur
lesquels ils n'auront aucun droit légal.
Un télégramme de Zanzibar du 21 septembre annonce a qu'un
décret du sultan accorde à l'Angleterre et à l'Allemagne le droit de
visiter les bateaux appartenant à ses sujets, et déclare en outre que tous
les individus entrant sur le territoire du sultan après le P' novembre
seront libres. » Nous pensons que par « le territoire du sultan » il faut '-iï
entendre toutes les terres et les îles qui lui ont été reconnues par les ' ?.5f^j
conventions que l'Allemagne et l'Angleterre ont conclues avec lui depuis
1886, et nous espérons que si l'arrivée sur le territoire du sultan con-
fère la liberté à ceux qui y seront amenés après le l*' novembre, ceux
qui, actuellement, sont encore esclaves des Arabes à Pemba, à Zanzi-
bar, à Mombas et ailleurs, ne le demeureront plus bien longtemps.
Le Bulletin de la Société anti-esclavagiste de France nous apprend
que les noirs d'Amérique, invités par S. E. le cardinal Lavigerie à se
faire représenter au Coogrè» do Lucerne, y avaient délégué
MM. Daniel Rudd et Robert RuflSn, qui, informés de la prorogation en
débarquant en France, ont cependant poursuivi leur route jusqu'à ;j
Lucerne, où ils ont été présentés à Son Éminence. D'après l'entretien
que l'organisateur du Congrès a eu avec eux, ce sont les compétitions
européemies en Afrique, l'absence d'un grand nombre de Français, la
représentation insuflisante d'autres nations, la crainte des divisions que
pouvait amener un congrès oîi les compétitions se seraient fait jour, qui
ont empêché de le tenir sous la forme qui avait été d'abord prévue. Dès
lors, il devra êti'e préparé sur d'autres bases.
Dans une letire adressée à tous les Comités anti-esclavagistes, le car-
dinal Lavigerie leur demande de lui faire connaître le lieu et la date qui
<;
>
— 306 —
leur parattraieot convenir le mieux pour la réunioa du Congrès. Les
questions inscrites au programme, et que les Comités sont invités à étu-
dier préalablement, sont celles que tous les journaux ont publiées au
mois de juillet dernier. Chaque Comité national nommera pour le repré-
senter trois de ses membres, qui seuls seront admis à délibérer et à
voter. Les réunions trop nombreuses qui, dans les circonstances actuel-
les, pourraient nuire à la cause de l'abolition de la traite seront évitées.
En Belgique, M. Louis Delmer, secrétaire de la Société anti-escla-
vagiste de Bruxelles, a donné, à Spa et à Heyst, deux conférences sur la
traite des noirs, devant de très nombreux auditoires, qui ont témoigné
leur sympathie pour l'œuvre anti-esclavagiste par de généreux dons.
Deux comités de propagande ont été fondés à Spa et à Ostende.
En Autrlehe, la Société pour T affranchissement des esclaves en
Afrique fait paraître, depuis le 15 septembre, VAntiscUiverei Monai^^
Revue, « destinée à faire connaître, dans la monarchie austro-hongroise,
dans Tempire russe, dans les pays du Bas-Danube et des Balkans, eu
Orèce et en Orient, l'état delà question, ainsi que les problèmes dont on
cherche la solution pour cette grande œuvre humanitaire et civilisatrice,
qui intéresse le monde entier; elle tiendra tous les gens de cœur au
courant des mesures prises en vue du but à atteindre, ainsi que des tra-
vaux les plus remarquables et les plus autorisés publiés par des écrivams
d'une compétence incontestée. » UAfrica Verein ouvre ses portes, dit
la Revue, à tous ceux qui, sous une forme ou sous une autre, voudront
contribuer à l'œuvre humanitaire. Pour mieux en faire saisir la pensée
inspiratrice, elle emprunte le passage suivant à la Lettre pastorale
adressée par le cardinal Lavigerie au clergé et aux fidèles de l'arche-
vêché de Carthage, le 10 mars 1889. « Certes la religion consacre ime
telle œuvre de miséricorde. Mais cette œuvre n'est pas seulement une
œuvre religieuse. Il ne s'agit point ici, directement, comme dans les
missions, de la foi et de la convei-sion des peuples. C'est la cause de
r humanité dans laquelle tous les peuples sont solidaires ; la cause de la
Justice et de la liberté, qui sont, pour tous, les premiers des bi^os,
parce qu'ils sont la source de tous les autres; la cause de la perte ou du
salut de notre continent africain, la cause par conséquent de la civilisa-
tion elle-même; à une telle cause tous sont également intéressés. »
Il existe des Sociétés anti-esclavagistes à Nicolsbourg, à Cracovie, à
Salzbourg, et à Innsbruck.
Le Bulletin de la Société anti-esclavagiste de Palerme annonce que,
dans la Société de Naples» ont été traitées les questions sui-
vantes :
— 307 —
1° Pourvoir h la fondation, à Assab, d'un asile pour les enfao'
de l'esclavage dans les possessions italieaaes de la mer Roi^e.
2" En faire autant pour la station italienne fondée h Otourob
3' Reprendre Tceuvre du P. Ludovico da Casoria, en recev.
les asiles les sujets les plus capables pour leur faire suivre
d'études professionnelles, selon leurs aptitudes naturelles; ei
nant en Afrique, iU travailleraient k la civilisation du contin
formément au vœu du P. Ludovico : civiliser l'Afrique par l'Afi
L'AFRIQUE A PARIS EN 1889
(Suite et fin, V. p. 272-279.)
L'Algérie et la Tunisie ne sont pas les seuls pays de TAfriqut
trionale qui soient représenta k l'Exposition ; l'Egypte et le
sont aussi,-mais non point à l'Esplanade des Invalides oîi ne se
que les pavillons des colonies ; il faut aller les cbercher au C
Mars, oii, dès l'entrée, l'on rencontre, dans la partie consacré
toire de l'habitatioD, un spécimen de maison égyptienne, tai
l'extrémité de l'allée dite du Soleil, entre l'avenue de Suffi-ea et
de l'Industrie, se trouvent les galeries du Maroc et de l'Égypt
me du Caire, un des endroits les plus exquis de l'Exposition. Mi
de nous y rendre, arrêtons-nous au pavillon de Suez qui, s'il a]
à l'Egypte par son style et par ses peintures décoratives, fourn
sibilité de se rendre parfaitement compte d'une des œuvres
considérables en même temps que les plus utiles des temps m
le percement de l'istbme qui unissait l'Afrique et l'Asie. Dai
ment, où les difficultés que rencontre l'œuvre du Panama ris
faire oublier les services rendus k l'hunianité par M. de Lesaep:
bon que cette exposition les rappelât à tous, même à ceux qui
en profitant largement, n'ont guère que des paroles amëres p
auquel ils doivent les facilités du passage entre les deux mers.
Dans la première pièce est exposé un relief du canal k trè
échelle qui permet de suivre la marche des navires, de jou
moment oti ils quittent la Méditerranée pour entrer dans le ba
struit k Port-Saïd, jusqu'à celui où ils atteignent Suez et la me
après avoir traversé les diverses sections du canal et les nombi
dont l'ing^ieur a proAté pour mettre en relation l'Atlantique e
Indien. Dans une seconde pièce obscure, les visiteurs peuvent s
— 308 —
compte de la navigation de nuit, grâce aux feux de différentes couleurs
qui marquent la direction du canal, et aux lampes dont la lumière élec-
trique permet actuellement aux navires de passer directement de la
Méditerranée dans la mer Rouge, et vice versa, sans s'arrêter ni à Port-
Saïd ni à Suez. Par cette œuvre-là, certes l'Egypte est entrée dans le
courant de la civilisation. Elle était également représentée au Congrès
des scien ces géographiques par plusieurs des membres les plus éminents
de la Société khédiviale du Caire, qui nous fournissent la pr^ive que
les Orientaux ne sont point, comme tels savants le prétendent, réfrac-
taires à nos idées européennes. Il est bon d'avoir eu ces faits à mention-
ner, avant de nous rendre à l'exposition égyptienne et à la rue du
Caire. Ici, tout a été imaginé pour donner, en plein Paris, l'illusion
d'une des voies de la vieille ville égyptienne. Les murs ont l'aspect brut
des crépissages du Caire ; toutes les boiseries sont authentiques et pro-
viennent d'anciennes maisons des siècles passés. Les moucharabiés, ces
ingénieux grillages en bois qui s'avancent en balcon sur la rue permet-
tant aux femmes de voir sans être vues, ont été collectionnés dans les
quaitiers démolis. Les portes datent de deux et même de trois siècles.
Cette rue a conservé tout son caractère oriental. La monotonie des mai-
sons est rompue par des motifs d'architecture ; deux mosquées, une
école, un minaret d'où le muezzin appelle à la prière» trois portes et
tous les ornements plaqués sur les murailles, les crocodiles, les sphynx,
les enseignes ont été apportés d'Egypte, de même que les faïences
anciennes. L'illusion est rendue complète par la présence de cent soi-
xante Arabes qui habitent cette rue si curieuse : orfèvres, tisserands,
potiers, tourneurs, incrusteurs, ciseleurs, confiseurs, marchands de
bibelots, de soieries, de vieilles broderies, débitants de pâtisserie, de
nougat, de coutiture, etc., et plus encore par ime soixantaine d'âniers
dont l'aîné n'a pas vingt ans, et dont le plus jeune en compte à peine
dix ; avec leurs longues blouses bleues, leurs keffyeh roulés autour de la
tête, leur type grave, ils complètent admirablement ce tableau attrayant,
surtout quand ils courent pieds nus à côté des bourricots qu'ils parvien-
nent à faire galoper à force de coups de bâton; ou bien, lorsqu'ils ne
sont pas en coui'se, ils restent étendus sur la paille, fumant force ciga-
rettes, se battent, en jouant, avec des bâtons et des fourches, se dispu-
tent en poussant des cris gutturaux, dansent et sautent comme de jeu-
nes chiens.
Nous avions déjà quitté Paris quand y sont arrivés, avec une suite
nombreuse, les deux princes Abbas-Bey et Mohamed-Bey, âgés le pr&-
— 309 —
mier de dix-sept ans, le second de quinze ans, envoyés
ition. L'un et l'antre font depuis pluâ de deux ai
Vienne, au Theresituieuni, collège renommé où plus
l'Orient et de l'Occident ont fait leur éducation littéraii
Dans la pensée du khédive, la visite des jeunes prince
avec leur gouverneur et plusieurs professeurs, sera, n
voyage d'agrément, mais encore un moyen de complé
Si la partie de l'Exposition relative à l'Egypte reufe
d'éléments arabes et européens, çn n'en peut pas dire
qui est consacrée au Maroc, dans le voisinage de la ru<
position marocaine u'a rien qui rappelle la civilisation
sent que l'empire du Maroc est fermé h l'iaâuence des
nord; dans les quatre constructions à l'usage du Ma
bazar à. arcades, tente servant aux danses nègres, palai
pôle blanche, tout est oriental. Au ba/ar, tous lesétalaj
gés de babouches, de soieries, de voiles brochés d'or
éclatantes que peu commodes avec leurs fourneaux rai
tuyaux couverts d'or et de velours, d'étuis k cigarettes
soieries à arabesques, de pastilles du sérail, etc., tandi
sont suspendus des lanternes, des lustres, des brûle^
ciselé, repoussé ou ajouré. Les amateurs de confiserie m
vent des nougats roses ou blancs dont la coupe lataee vo
d'amandes ou de pistaches; puis des fruits confits, le
produit d'origine turque, blaoch&tre et flasque, au d
le triomphe de la sucrerie fondante, onctueuse, parfum
de café maure, une vraie friandise de sultan. Coiffés de
deurs marocains n'ont pas la même vivacité d'allures qi
il leur manque la galté éveillée et spirituelle de ces i
grand déploiement de couleurs vives, sous ces arcade
glantes au soleil, est d'un effet bien oriental. Mèm(
forain, l'Orient exerce sa séduction sur tout le monde.
Pour rencontrer l'Afrique occidentale nous devons
planade des Invalides, aux villages sénégalais, gabouai
Le contraste est grand entre le souk tunisien et la se(
vent la place de Dakar, la tour de Saldé, les rues de Ba
od sout disséminés les Sénégalais, hommes et femme
enfants. Leur village est entouré en partie d'un rempa
une tour, modèle du fortin de Saldé qu'éleva sur le S
Faidherbe. Il y a là des spécimens des habitations de I
— 310 —
des de la colonie française, Ouolofe, Mandingues, Bambaras. £Ues diffé-
rent peu : quelques-unes ont Taspeet bien connu des constructions de
TÂfrique centrale ; elles sont en torchis, en forme de cylindre, et sur-
montée d'une toiture conique en paille. M. Tamiral Vallon, anden gou-
verneur du Sénégal, a fourni au Moniteur des Colanies d'intéressants
détails sur la tour de Saldé, dont les constructeurs quittèrent plus d'une
fois la truelle pour le fusil, afin de repousser les attaques des indigènes
du Fouta Central, qui voyaient avec peine la France prendre pied au
cœur de leur pays. Défendue par une vingtaine de soldats indigènes
appuyés de quatre ou cinq Européens, dont un artilleur, la tour a tou-
jours dès lors résisté k leurs efforts. Aujourd'hui, du reste, cette région
reconnaît le protectorat de la France. La réduction aux deux tiers de
cette tour à l'Esplanade des Invalides n'a qu'un étage divisé en quatre
compartiments égaux, dans lesquels sont représentés les produits de
l'industrie indigène.
Dans la pièce d'entrée, un guerrier du Cayor vêtu de sa tunique de
guerre, la lance à la main, le fusil en bandoulière, le sabre à l'épaule,
couvert des amulettes dites gri-gris, qui doivent le rendre invulnéra-
ble, semble garder l'étalage des instruments primitifs d'agriculture et de
pèche en usage dans son pays ; à ses pieds sont disposés les bois indigè-
nes utilisables dans les constructions ou pour l'ameublement ; accrochés
aux murs on voit divers produits agricoles et jusqu'à des nids d'oiseaux ;
suspendues en guirlandes au-dessus de sa tête, pendent des grappes de
ricin dont la culture au Sénégal donnera prochainement k cette graine
oléagineuse une importante valeur d'exportation.
Des étoffes tissées et teintes dans le pays forment portières pour pas-
ser sur la gauche dans la seconde salle au centre de laquelle une table
à gradins porte des échantillons d'arachides de diverees régions sénéga-
laises, les huiles comestibles et les résidus qu'on en retire. Le Comité
central de Saint-Louis expose dans cette pièce une foule de plantes et
d'écorces desséchées qui toutes ont, chez les indigènes, une grande
valeur thérapeutique.
Une carte de la région de Porto-Novo, dans le golfe de Bénin, dressée
et exposée par M. Ballot, administrateur, indique le cours de la rivière
Ouémé qui borde la frontière orientale du Dahomey, comme navigable
jusqu'au village d'Agony, ce qui permettrait de faire dériver sur le
comptoir français le commerce du riche royaume de Dahomey. Autour
de cette carte on remarque divei-s gri-gris qui ont été arrosés du sang
humain des sacrifices encore pratiqués dans cette région et qui en con-
servent la trace.
— 311 —
On pénètre dans la troisième salle en soulevant des draperies fabri-
quées par les femmes maureffl)ues de la rive droite du Sénégal; cette
pièce est entièrement occupée par les articles européens qui ont cours
sur les marchés sénégalais. Parmi les oiseaux exposés dans les vitrines
de cette salle, les foUotocoles se font remarquer par leurs reflets d'éme-
raude.
La quatrième salle est consacrée aux produits agricoles de la colonie :
arachides, gommes, indigo, mil, maïs, riz, huile de palme, coton, dre,
café> gingembre, caoutchouc, graines oléagineuses. Plusieurs chefs ont
exposé là des produits du sol, des tissus, des vêtements de guerre, des
armes, des outils et divers objets fabriqués dans leurs territoires. Dans
un angle sont réunis des meubles et autres articles garnis de la peau du
caïman qui abonde dans les eaux du Sénégal, et dont on exporte de
grandes quantités.
A tous les murs et aux cloisons de la tour sont suspendus symétrique-
ment des spécimens variés de Tindustrie indigène : maroquinerie, selle-
rie, armes, sabres, poignards, sacs de voyage, portefeuilles, donnent
une idée exacte de l'habileté des Sénégalais à travailler, à teindre et à
orner le cuir. Dans les coins sont déposés des ustensiles de ménage :
pilons à mil, blocs à repasser le linge à coups de maillets, cuillers et
serrures en bois, tam-tams de guerre ou de danse, instruments de musi-
que, etc. Des plans de Dakar et de Gorée, de Rufisque et de Bouëtville,
aiosi que de Saint-Louis, donnent une idée exacte de ces villes et de leurs
principaux monuments.
De la tour de Saldé on entre dans le village sénégalais, où l'on ren-
contre la case toucouleur, semblable à celles qui composent le village
de Dagana, avec murailles et mobilier en terre sèche et couverture en
paille ; la case ordinaire des Ouolofs, pareille à celles de Guet-N'Dar,
village des pêcheurs de Saint-Louis; la case du Fouta-Djallon, construite
en terre sèche avec véranda circulaire ; la case du Cayor, identique à
celles que les voyageurs peuvent voir en se rendant en chemin de fer de
Dakar à Saint-Louis ; la case bambara, semblable à celles du haut Niger;
la grande case dite Coumpan, garnie de meubles à T européenne fabri-
qués par les noirs. A ces divers modèles d'habitation, disséminés sur le
terrain consacré au campement sénégalais, se mêlent d'autres installa-
tions volantes, telles que : une tente habitée par les gens de qualité chez
lesjMaurea Trarza qui vivent sur la rive droite du Sénégal, dans le
Sahara méridional ; une tente servant aux captifs des Maures, fabriquée
avec de vieux vêtements en cotonnade bleue dite guinée ; à côté s'élève
— 312 —
la mosquée, ou oratoire privé, que Ton rencontre dans toutes les cours
des musulmans aisés, construite soit en teire sèche, soit en paille. Aux
contins du campement sont ie parc à bestiaux, le gourbi des penhls
(pasteurs), le poulailler, la fontaine-lavoir, puis^un champ de mais où un
gardien du lottgau (champ de culture), abrité dans son poste perché sur
quatre piquets, a sous la main et agite de temps à autre le tourlmd, épou-
vantail à oiseaux d'une grande simplicité.
Quant aux habitants, au nombre d'une trentaine au moins, ils sont
du plus beau noir et d'un type très pur; plusieurs d'entre eux parlent
correctement le français. Leur chef est un vrai colosse, à la physionomie
extrêmement douce ; il exerce à Saint-Louis la profession de bijoutier ;
un forgeron sarakolé travaille avec un aide sous la maison conunune du
village ; tout auprès est établi un tisserand lébou avec Kon métier ; plus
loin, un bijoutier sambalaobé, dont l'atelier a été reconstitué à l'Espla-
nade ; puis un second bijoutier, du Soudan français ; un cordonnier ouo-
lof ; un peuhl pasteur, dont le gourbi est entouré de cases bambanu
Le costume de tous ces Sénégalais est très simple, mais d'une pro-
preté remarquable. Il se compose presque uniformément pour toutes les
tribus de la culotte ample descendant jusqu'au genou et ànboubou, sorte
de houppelande d'une coupe primitive, sans manches et ouverte sur la
poitrine. Des sandales, retenues au cou-de-pied par une étroite courroie,
complètent ce costume. Des broderies au boubou établissent une dis-
tinction entre le riche et le pauvre. La couleur est également un signe
caractéristique. Le bleu est celle de prédilection des Sénégalais.
Les artisans susmentionnés ne sont pas les seuls Sénégalais qui soient
venus à Paris. Plusieurs princes du Cayor, le plus grand État ouolof,
dont la royauté n'a pas été abolie par les Français, ont tenu à visiter
l'Exposition, entre autres le jeune prince Macodon ra'Bothe, fils du roi
du Saloum Guedel, qui n'a que treize ans et parle très correctement le
français ; il n'avait jamais quitté le Sénégal, aussi a-t-il exprimé la plus
vive admiration pour Paris. L'alraamy du Boundou, Ousman-Jassi, dont
le colonel Galliéni a utilisé les services lors de l'insurrection de Mahraa-
dou-Lamine, quittait aussi la terre africaine pour la première fois, et se
faisait fête de visiter les merveilles de la capitale; en comparant aux
cases soudaniennes les hautes maisons k balcons européennes, il ne
tarissait pas d'admiration. Mais celui de^ princes du Sénégal qui a
excité le plus d'intérêt est le roi des Nalous, Dinah-Salifou, bel homme
de grande taille, ayant la peau d'un beau noir, le visage réguUer et
intelligent. Il portait un grand manteau en drap noir brodé d'or, aîna
|gi
— 313 —
que la calotte noire dont il était coifie, autour de laquelle 8'enroulait un
turban de soie blanche également brodée d'or. Un pantalon bleu clair
et des bottines vernies complétaient son costume. La reine était coiffée
d'un madras éclatant bleu et rouge et portait une ample jupe d'indienne
imprimée. Les femmes qui raccompagnaient étaient vêtues de la tuni-
que blanche (boubou).
Dinah-Salifou ne s'est pas borné à venir visiter l'Exposition; il a
envoyé une collection complète des produits agricoles et industriels du
territoire des Nalous : graines de toutes sortes, plantes médicinales,
piment, haricots, amandes de palmes, pépins d'oranges, patates séchées,
semences de goyaves, etc., tous produits qui indiquent un sol riche et
fécond. Outre cela, quantité d'autres objets : armes défensives et off^-
sives ; peaux, ustensiles en osier, en bois ou en poterie; tissus, etc., le
tout arrivé du Rio-Nunez dans dix-sept grandes caisses. Qui eût dit, il y
a douze ans, qu'un roi africain figurerait jamais parmi les exposants de
nos grands concours internationaux !
Avant le départ de Dinah-Salifou et de sa suite, a eu lieu, au Palais
central des colonies, une cérémonie qui laissera sans doute une impres-
sion durable dans le cœur de ces hommes simples et droits. Les fils des
chefs sénégalais avaient été réunis dans le cabinet de M. Henrique,
commissaire général de l'Exposition coloniale. M. Noirot, commandant,
leur adressa une courte allocution, qu'ils écoutèrent avec une profonde
attention. En souvenir de leur voyage en France, le gouvernement leur
fit remettre quelques cadeaux, et M. Henrique annonça à Ibrahim Sali-
fou, fils du roi Dinah, que, sur la demande de son père, il était admis
au lycée d'Alger. Au Pavillon de la presse coloniale, qui reçut leur der-
nière visite, ils trouvèrent encore quelques ouvrages que leur offrait la
maison Hachette, et qu'ils acceptèrent avec le plus grand plaisir.
Dinah-Salifou n'est pas d'ailleurs le seul chef indigène du Sénégal qui
ait exposé au Palais des colonies ; si nous ne craignions de rebuter nos
lecteurs, nous leur donnerions une liste de quinze noms au moins d'ex-
posants indigènes sénégalais, dont les collections ne font point mauvaise
figure auprès de celles des colons européens. Grâce h quelques-uns de
ceux-ci, la flore et la faune du Sénégal sont représentées par de nom-
breux spécimens ; l'exposition du D' Colin renferme des fibres de laine
végétale, de soie également végétale, avec des échantillons de tissus de
ces produits ; des caftans de drap noir brodé ; des bijoux en or et en
argent, bagues, bracelets ciselés et pouvantfournir à nos joailliers-bijou-
tiers de nouveaux motifs pour décoration. La faune ailée vivante du
— 314 —
Sénégal était représentée par des centaines d^oiseaux enfermés dansime
grande volière, oiseaux au plumage brillant, chaudement coloré par le
soleil des tropiques, mais nullement chanteurs ; ils semblent n'avoir à
leur disposition que deux ou trois notes et ne pouvoir s'en servir que
pour produire des cris qui, poussés par des centaines de voix, finissent
par former un bruit assourdissant.
Une des parties de TËxposition du Palais des colonies qui nous a le
plus intéressé, est celle qui renferme les travaux des élèves des écoles
dans les colonies. Toutes ces écoles sont représentées et, dans le nom-
bre, celles de la Réunion, de Mayotte, de Nossi-Bé, de^ Sainte-Marie de
Madagascar, des Comores occupent une très bonne place et témoignent
du soin que Tadministration scolaire apporte h la bonne organisation de
l'instruction dans ses possessions lointaines. Pour le Sénégal, il existe
de.s Comités d'instruction publique à Saint-Louis et à Dakar ; pour favo-
riser le recrutement du personnel enseignant, un jury d'examen des
candidats aux brevets de capacité élémentaire et supérieur pour l'ensei-
gnement primaire tient deux sessions annuelles. Des cours du soir pour
adultes existent à Saint-Louis et à Gorée. L'Alliance française a fondé
des écoles à Bammakou, Koundou, Kita, Bafoulabé, Médine, Bakel,
Godor, etc. ; ces écoles sont dirigées, sous la surveillance des comman-
dants de poste, par des sous-oflSciers et des interprètes. Nous avons été
très heureux de voir l'empressement avec lequel le conunandant Gal-
liéni a créé à Siguiri, poste établi seulement l'année dernière dans le
haut Niger, une école dans laquelle l'enseignement est donné aux élèves
par le sous-officier du poste nouvellement installé.
Le Palais des colonies renferme d'ailleurs de riches collections de
beaucoup de territoires coloniaux africains : des arachides, du caout-
chouc, de l'huile de la Gambie et de la Cazamance ; de l'alfa et de la
ramie d'Algérie, cette dernière sous toutes les formes : plante verte,
tiges séchées, ramie décortiquée, tissus divers unis, rayés, velours et
peluche, hamac, tout autant de produits de l'industrie nouvelle de la
ramie ; des cafés, des graines de palme d'Assinie, de l'huile de palme
de Grand-Bassam ; des collections spéciales de tissus et de vêtements
rapportés par le capitaine Binger de sa mission au pays de Kong ; des
caoutchoucs de Madagascar et de la Réunion ; d'Obock, des armes, des
bracelets, des corbeilles, des ustensiles dankalis, etc.
Il était naturel qu'une large place fût faite à la nouvelle colonie du
Congo français et à celle plus ancienne du Gabon, sur lesquelles l'atten-
tion est tout particulièrement attirée maintenant et dont les indigènes
— 315 —
sont représentés par des Pahouins et des Gabonais, comme (
Sénégal le sont par les nombreux Sénégalais dont nous avons pa
Parmi les produits dîf Gabon, nous avons surtout remarqué it
tion des bois d'ébénisterie, et constaté que l'acajou de cette coloi
fouruir de très beaux meubles; un piano nous a particulièrement
Dans les vitrines du Congo, les sculptures sur ivoire faites par 1
gènes nous ont prouvé que, quelque retardés que puissent être L
tes congolais comparativement à ceux qui exposent au Palais des
Arts, ils ne sont dépourvus ni d'idées originales, ni de talent ]
exprimer ou pour reproduire les scènes que la nature ou la vie
les jours mettent sous leurs yeux ; il y a 1& des défenses en ivoi»
tes dimensions, petites, moyennes, grandes, couvertes de tigures
mes et d'animaux, présentant tous les épisodes que la vie de (
plades peut offrir, scènes de pêche, de vie domestique, procès:
guerriers, de porteurs, file de captifs enchaînés, vie religieuse, i
fait défaut ; on y voit même quelques Européens reconnaissablef
chapeaux et à leurs pantalons; le dessin en est enfantin, mais p
mouvement règne d'un bout à l'autre, le tout est vivant; les é
de l'art sont là; on peut dire déjà, aujourd'hui que lorsque les
du Congo auront eu k leur portée les ressources dont disposent i
pays civilisés, ils ne resteront pas au dernier rang.
Encore à signaler, dans l'Exposition du Gabon-Congo, ce qui
porte au matériel nécessaire pour les expéditions et aussi i
importations dans cette colonie : les caisses en zinc, étanches
transports à l'intérieur, les échantillons de tissus écrus, loi
nuances variées, avec dessins appropriés au goût des indigènes,
par les fabriques françaises de Bolbec, de Rouen, de l'Est;
modèles de ballots pour la commodité du transport. U y a au!
minces pirogues indigènes destinées k la descente des raj
l'Ogôoué, et qui peuvent porter deux ou trois hommes au pi
grandes pirogues ne figurent naturellement pas ici, leur volun
trop considérable, on n'en a exposé que des réductions.
Derrière le Palais des colonies, s'étend un vaste espace plan
bres en quinconces, où l'on a construit des cases de bambous r
tes de chaume, formant le village pahouin, habité par des Ad
des Okanda. Ce village forme une enceinte continue ; il devait l
métiquement clos par une palissade de bambous, mais, en vue
position, il a fallu ménager sur un des côtés des ouvertures desl
public. En réalité, la seule eutrée serait un long couloir couver
— 316 —
à angles droits, où TassaiUant serait pris comme dans une souricière et
criblé de coups de fusil par de petits trous pratiqués en guise de meur-
trières. Les huttes, rangées des deux côtés de Tenceinte, sont fort
basses ; la terre sert de plancher ; il y règne une affreuse odeur de
hi*ûlé, car les indigènes y font leur cuisine et ne se préoccupent nulle-
ment de laisser échapper la fumée. Elle sort comme elle peut par les
interstices des bambous et noircit les parois et le plafond. Dans l^une
des cases, un indigène tisse de la fibre de bambou avec un petit métier
assez ingénieux ; c'est de cette fibre que sont faits les pagnes. Pour satis-
faire aux exigences de la bonne tenue et du climat, les noirs portent
l'uniforme de marins, vareuse en gros drap bleu, chemise de flanelle,
pantalon, et sont coiffés d'un béret à rubans pendant par derrière.
Au milieu de l'enceinte est une sorte de hangar couvert, un toit en
bambous supporté par quelques pieux ; c'est la place centrale de tout
village, le lieu de rassemblement oîi les indigènes viennent causer, tra-
vailler quelquefois, tuer le temps le plus souvent. Des chiens du pays,
aux longues oreilles, deux ou trois singes, quelques perroquets gris en
cage y représentent la faune du Gabon-Congo.
Les Okanda et les Adouma diffèrent d'aspect, beaucoup plus qu'on ne
le croirait en les voyant sommairement. Les premiers sont de plus
grande taille, ils ont le nez moins écrasé à la racine, la figure en somme,
plus agréable à nos yeux; quelques-uns ont une barbe légère. Bs parais-
sent intelligents et gais. Le chef du village, un bel homme, vêtu d'une
chemise rouge, appartient à cette tribu. Les Adoiuna sont petits, quel-
ques-uns semblent être de véritables nains; il y en a de trente et quel-
ques années qui ont l'air vieillot. L'un d'eux est occupé à sculpter une
défense d'éléphant ; de la pointe émoussée d'un vieux couteau il taille
le dur ivoire, improvisant un motif d'ornementation assez compliqué,
comme on en voit dans la vitrine du Palais des Colonies, une procession
de personnages et d'animaux montant en spirale. Sans doute les atti-
tudes des figures sont raides et gauches ; malgré cela ce sculpteur pahouin
peut nous donner une idée de l'artiste primitif; il travaille avec un
visible plaisir. Parfois un doute le prend, il réfléchit profondément et
plonge sa main noire dans sa chevelure crépue. Puis il se remet à l'ou-
vrage avec une hâte fébrile, il place son œuvre à distance et l'examine
en inclinant la tête, il la tourne et la retourne en tous sens exactemeot
comme pourmt le faire un artiste européen.
Mais nous parlons au présent comme si les Okanda et les Adouma
étaient encore à l'esplanade des Invalides, tandis qu'ils ont dû en partir,
— 317 —
chasséB par l'abaissemeat de la température, et se rendre ai
s'y embarquer. Auparavant toutefois, îIb ont visité k Ro
grandes manufactures où la rapidité des procédés de fabi
quantité de tissus de toutes sortes remplissant les magi
grandement étonnés. La tour Eiffel les a émerveillés au
faire dire à Savorgnan de Brazza : « Comment les blancs,
vés à faire tant de choses, meurent-ils encore? »
Nous voudrions pouvoir rapporter en détails les exercice
sont livrés sur la Seine les piroguiers sén^alajs et pahoui
ptanade des Invalides les nombreux représentants des trib
l'après-midi du deuxième jour du Congrès des Colonies, mi
cle est |déjà bien long, et nous ne pouvons pas quitter l'Ai
en 1889, sans avoir au moins mentionné encore le pavillon
le syndicat des Mines de diamants du Cap fait procéder,
d'une foule énorme de visiteurs, à toute la série des oj
lesquelles doit passer le diamant, depuis le moment où 1
contient est extraite de la mine, jusqu'à celui oii, taillé, il e
ench&ssé dans un bijou par le joaillier.
Il y a, le long de l'avenue de La Bourdonnais, non loin
des machines, une mine de diamants installée dans un [
des machines à laver les terres diamantifères, de vraies ter
fères et de vrais diamants qu'on extrait des graviers souj
public.
Dans le pavillon est exposé un grand plan en relief de
l'une des principales mines du Griqualand-West. Mais san
là, au Champ de Mars, l'on peut suivre au naturel toutes
tions par lesquelles passe un diamant depuis son extracttoi
la terre bleue dans laquelle sont enfouis des diamants bru
à des lames de verre grossier; voici les floors sur lesquel
s'étend, car elle est trop dure pour qu'on puisse y trier le
préparation. On Tétend, on l'arrose fréquemment et, sous la
du soleil et de l'évaporatîon, elle se délite. Voici la machint
ensuite. Des râteaux circulaires tournent dans une gram
laissant tomber au fond que le gravier. Ce gravier est mis
et trié à la main. Quand l'un des trieurs trouve un diama
tre triomphalement aux curieux sur sa planchette de bois,
établie dans le pavillon même s'en empare; les ouvriers qui
séparés des indiscrets par une barrière de vitres, le laven
le polissent; puis il va rejoindre, dans la solide cage de fer
— 318 —
au milieu du pavillon, le gros diamant jaune qui y brille parmi une
grande quantité d'autres de toutes grandeurs.
A notre grand regret, nous avons dû passer sous silence plusieurs
des expositions de colonies françaises : celles d'Obock, de Mayotte, de
]^ossi-Bé, de Ste-Marie de Madagascar, celle de la Réunion qui occupe
cependant au Palais des Colonies une place large et honorable. Même
dans celles dont nous avons parlé, nous avons dû omettre quantité de
détails intéressants. Mais ce que nous avons dit suffit, nous n'en dou-
tons pas, pour faire comprendre la parfaite vérité du mot du comte
Melchior de Vogué, dans ses articles de la Bevw des Deux Mondes :
/« l'Afrique attire. » Naguère c'était l'inconnu qui attirait en elle ; aujour-
d'hui ce sont ses produits de toutes sortes, non seulement son or et ses
diamants, mais surtout ses produits agricoles et industriels; et plus
encore ses habitants qui, malgré les préjugés de savants écrivains, sont
parfaitement susceptibles d'entrer dans le courant de la civilisation. Les
merveiUes de l'Exposition les éblouissent sans doute, mais l'intérêt et la
sympathie qui leur sont témoignés les disposeront mieux que tout le
reste à accepter l'influence que les nations plus avancées dans la voie
de la civilisation doivent s'elforcer d'exercer sur elles.
BIBLIOGRAPHIE
Agostînho Sisenando Marques. Expediçao portugdeza ao Muata-
Ianvo. Os clihas e as pboducçoes das terras de Malange a Lunda.
Lisboja (Imprensa nacional), 1889, inS'*, ilL, 1*' fasc, 128 p. —
M. Agostinho Sisenando Marques commandait en second l'expédition
portugaise de 1884-1888 au pays de Lounda, dans le bassin du Kassal
et de ses affluents , entre leur cours supérieur et le Quango. Il était en
outre chargé de faire des collections d'histoire natui'elle. L'ouvrage que
nous annonçons fait partie d'une série de dix volumes, dont un a déjà
été publié par le chef de l'expédition, M. Henrique de Carvalho, qui a
fourni dans Meilwdo pratico para f alla?' a Lingua da Lunda, une mé-
thode pratique pour apprendre la langue du Lounda. Nous avons donné
un compte rendu du premier fascicule il y a quelques mois (voy. p. 222).
M. Sisenando Marques avait été, de 1872 à 1881, directeur de la
* On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à B&le, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et dvUisée.
— 319 —
4Statioii météorologique de l'Ile de San Thomé. Les collections bota-
niques et zoologiques faites pendant son voyage ont été envoyées aux
musées de TÉcole polytechnique de Lisbonne et de l'Université de
€oïmbre.
L'ouvrage que M. Marques nous a envoyé se divise en quatre parties :
!• une description des lieux visités ; 2** un exposé de faits météorolo-
giques et des climats ; 3* les maladies obsei*vées et leur rapport avec le
<5limat et les produits végétaux alimentaires ; 4** des tableaux d'observa-
tions et des listes des spécimens obtenus. Le premier fascicule contient
la première section de la première partie, avec une description de
Malange, dans la vallée de la Quanza. Nos lecteurs connaissent déjà
<5ette région par les lettres de notre correspondant, M. HéU Châtelain.
L'expédition portugaise, dans son voyage au Kassaï, rencontra le lieu-
tenant Wissmann, le D' Wolflf, M. von François et les frères Muller.
D'après M. Marques, un des principaux buts de l'expédition Wissmann
était de détourner, du district de Louboukou vers le Congo, le com-
merce, surtout celui de caoutchouc, que les gens d'Ambaca et de Ba-
Ngala font avec Malange, Pungo-Andongo et Dondo.
Les environs de Malange sont couverts de forêts ; M. Marques en
énimière les principales plantes avec beaucoup de détails, ainsi que les
produits utiles qu'on en tire : bois , résines , gommes , substances médi-
cinales et oléagineuses, fruits comestibles, etc. La rivière Malange
forme de grands marécages, mais comme ils sont situés en dehors de la
ligne des vents dominants, la salubrité des villages n'en est pas trop
affectée. M. Marques énumère les animaux domestiques de Malange et
en indique la valeur en monnaie portugaise ; les bœufs sont très abon-
dants. D décrit un certain nombre de fermes portugaises; dans l'une
d'entre elles se trouve un véritable jardin botanique, oU l'on fait de
sérieux essais d'acclimatation; on y voit le châtaignier d'Europe, l'acajou
d'Amérique, l'eucalyptus d'Austi-alie. L'orge y rapporte 5000 Vu, par-
fois même 10,000 Vo- On la sème à la fin de février et on la récolte au
milieu d'août. Le manioc est la base de la nourriture; la canne à sucre
est la principale récolte des Portugais qui ont des distilleries pour la
fabrication des spiritueux. Quelques-unes des fennes sont remarquables ;
il y a de bonnes routes. M. Marques donne des listes des produits des
industries locales : du fer, du cuivre, de l'argile, du bois, des fibres. Il
mentionne aussi l'accueil fait partout à l'expédition de Wissmann et
l'appui que lui ont toujours donné les autorités portugaises.
— 320 —
Alexis M. G, La traite des nègres et la croisade africaine. Paris
(Ch. Poussielgue), 1889, in-8% 240 p., ill., 2'°* édition. — Alexis M. 0.
La barbarie africaine et l'action civilisatrice des missions catho-
liques AU Congo et dans l'Afrique équatoriale. Paris (Ch. Pous-
sieigue), 1889, in-8% 240 p., ill. et carte, 2"* édition. — Ces deux ou-
vrages du même auteur, parus eu même temps, se rapportent au
mouvement anti-esclavagiste actuel. Le premier est spécialement con-
sacré à la question de l'esclavage africain, aux récits des horreurs dont
il est la cause et aux moyens d'y porter remède. Le volume, dédié au
cardinal Lavigerie, s'ouvre par l'encyclique In plurimis adressée, en
1888, par le pape Léon XIU aux évêques du Brésil et que l'auteur con-
sidère comme le point de départ de la croisade africaine. U renferme un
chapitre consacré à la géographie physique et politique de l'Afrique cen-
trale, divers extraits des ouvrages de Livingstone, de Cameron et de
Stanley concernant la traite des nègres, des discours du cai'dinal Lavi-
gerie, enfin un résumé du mouvement anti-esclavagiste en Europe.
Le second ouvrage a un caractère plus religieux, car il est spéciale-
ment destiné à mettre en relief l'action civilisatrice et anti-esclavagiste
des missions catholiques au Zanguebar, au lac Victoria, dans le bas et
le haut Congo, au lac Tanganyika, au Gabon et au Congo français.
L'idée dominante de cet ouvrage peut se résumer ainsi : le mahométisme
est la cause principale de la traite des nègres et c'est par la christiani-
sation que l'Afrique sortira de la barbarie.
On sent que l'auteur de ces deux ouvrages est un anti-esclavagiste
convaincu, qui est entré avec enthousiasme dans la croisade entreprise
par le cardinal Lavigerie. Peut-être s'est-il placé à un point de vue trop
exclusivement catholique et a-t-il parfois oublié que la cause de l'aboli-
tion de l'esclavage a des partisans dévoués dans toutes les Églises et
dans tous les partis. Toutefois cette tendance est excusable chez un
membre du clergé, d'autant plus que l'ouvrage signale, chemin faisant,
les efforts des missionnaires protestants et la création à Genève, sous
les auspices de notre journal, de l'Association anti-esclavagiste suisse.
En somme, ces deux ouvrages, écrits dans un style simple et clair,
seront lus avec intérêt par le grand public non familiarisé avec les
choses africaines.
— 321 —
BULLETIN MENSUEL (4 novembre 1889 'j.
Le Moniieur des cdomes a pubKé dUnténessants détails sur les cara-*
•vanes qui, parties du Sud oraitais, sont allées trafiquer dans le
©onrikra, entre les oasis de Figuig et AïH-Salah. Ils montrent com-
bien il serait à désirer que les voies ferrées ne tardassent pas à pénétrer
jusqu'aux nombreuses oasis de cette région, les expériences des pion-
niers de rOued-Rirh prouvant que ces oasis peuvent être créées à
Tinfinî. Pendant la campagne de 1888-1889, six caravanes du Sud ora-
nais ont gagné le Gourara. La première, partie du cercle de Salda, le
8 décenibre, comptait 309 hommes et 1412 tbameaux. Elle emportait
des moutons, de la laine, du beurre, du fromage, du blé et des fèves, et
cent charges de viande sèche, pour une valeur totale de 35,000 francs
environ. Elle a rapporté des dattes, des htéks, des chameaux, etc.,
valant environ 95,000 francs; le gain a donc été de 166 pour cent du
capital engagé. L'abondance des dattes au Gourara avait permis aux
habitants de les céder à im prix très modique. La seconde cai'avane,
formée par les Trafi du cercle de G^ryville, était forte de 934 hommes et
4131 chameaux. Elle avait des marchandises pour une valeur de
131,000 francs, visita des ksours importants tjomptant jusqu'à 12,000
habitants et 200,000 palmiers, et rapporta pour plus de 300,000 francs
de marchandises, ayant donc réalisé un bénéfice de 123 pour cent. Les
autres caravane ont fait des opérations à peu près aussi fructueuses;
leur voyage s'est effectué dans des conditions parfaites de sécimté.
Tout semble appeler la construction des lignes de pénétration, au moins
jusqu'aux oasis du Grourara.
Le HandeCs Muséum rapporte que l'amiée 1888, comme les années
précédentes depuis 1882, a amené en Egypte une vraie calamité. En
1887, la grande crue du Nil avait, en maints endroits, détruit
^es récoltes et les habitations de milliers d'indigènes. En 1888,
d'autre part. Peau a été si basse que plus de 300,000 feddans de
terre arable sont demeurés incultes et, dans la haute Egypte en parti-
culier, la culture a rencontré de grandes difficultés. Le déficit provenant
de la diminution des revenus de l'impôt foncier s'est élevé à 300,000 liv.
* Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Noui9dles eom-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
TAlgérie, pois allant à PEst, longeant ensuite la côte oiieotale do continent et
reTeaant par la côte occidentale.
L'AFRIQUE. — DIXli^ME ANNÉE. — N^ 11. 11
■ ^: ; ■
.'■n'
r^"^-'.
— 322 —
sterl. La population devient de jour eu jour plus pauvre, même dans les
grandes villes où il est très difficile de rien gagner, aussi la misère est-
elle grande parmi les artisans et les ouvriers européens qui arrivent
toujours plus nombreux. Jamais on a'a ressenti comme cette année-ci
la perte du grand district commercial du Soudan. L'appauvrissement
de la classe agricole, par suite de la réduction des prix de tous les pro-
duits du sol et des impôts exhorbitants, lui a ôté toute possibilité de
rien acheter, d'où est résultée une forte réduction sur l'importation des
cotonnades et des matières à tisser; même la classe aisée a dû réduire
considérablement ses dépenses. La valeur totale de l'importation a été
de 7,687,834 liv. sterl. pour 8,093,295 liv. sterl. en 1887, et celle des
exportations de 10,408,923 liv. sterl. pour 10,866,751 liv. sterl. en 1887.
Le terpltoipe ooloniAl italien s'étend soit dans le bassin de la
mer Rouge, soit dans celui de l'océan Indi^. Déjà avant l'occupation
de Keren et d'Asmara par les troupes italiennes , les possessions de
ritaUe s'étaient accrues à l'intérieur et au nord ; Ëmbesemi, au nord de
Massaouah, n'en forme plus la limite septentrionale qui s'étend jusqu'à
Ras-Kasar, par 18** 2' lat. N., tandis que la frontière méridionale de
Raheïta, vers Obock, forme la limite sud. A l'est et au nord-ouest de
Massaouah, les tribus des Habab et des Beni-Amer ont reconnu le pro-
tectorat italien, qui s'étend par conséquent jusqu'au cours supérieur
du Baraka, et jusqu'à l' Auseba moyen. On en évalue la population à
220,000 âmes. Sur la côte des Somalis, les possessions italiennes se sont
considérablement accrues. La limite méridionale se trouve être actuel-
lement formée par le territoire de Warscheik sous le 2° 30' lat. N., tandis
que vers le nord la frontière s'étend jusqu'aux Ouadi- Nogal par 8"* 3'
lat. N. Le bruit court que le sultan des Medjourtines, dont le territoire
s'étend au nord jusqu'à Ras-Afoun, a pris l'engagement de ne placer la
partie septentrionale de ses États sous aucun autre protectorat que celui
de l'Italie.
Aux termes du traité conclu entre l'Italie et l'Abysainie» les
droits souverains de la première ont été reconnus sur Massaouah, le
pays des Bogos et l'Asmara. En outre, l'Italie a obtenu le privilège du
protectorat sur les tribus qui habitent les territoires limitrophes et
sur celles qui se trouvent au delà de Keren sur la route de Kassala. Le
gouvernement du roi Humbert s'est engagé à veiller à la sécurité de la
frontière de l'Abyssinie du côté de la mer, en échange de quoi Ménélik
a accepté de ne communiquer avec les autres puissances que par l'inter-
médiaire du cabinet de Rome. C'est, pensons-nous, le sens à donner à la
— 323 —
notificatiou faite aux puissances par le gouvernemeat italien, conformé-
ment à TActe de la conférence de Berlin, que par Tarticle 17 du traité
italo-éthiopien, le négous consent à se servir du gouvernement italien
pour traiter toutes ses affaires avec les autres États. Lltalie a pris aussi
des engagements importants en ce qui concerne la fourniture des armes
dont Ménélik aura besoin pour organiser définitivement son arméei
Moyennant des prix à convenir, les magasins militaires italiens seront
pour r Abyssinie les sources normales d'approvisionnement. Ce sont des
officiers italiens qui pourront être chargés à un moment donné de présider
à l'organisation de Tannée abyssine sur le pied européen, tandis qu'il
eât interdit à Ménélik de charger de cette mission des officiers appar-
tenant à une autre nation non africaine. Par un protocole consacré aux
stipulations commerciales, l'Italie s'est assuré le monopole du trafic entre
TAbyssinie et la mer Rouge, ainsi que de celui qui, après la pacification,
pourra se diriger du Soudan vers le golfe Arabique, en aboutissant de
préférence aux possessions italiennes. Le système monétaire abyssin
subira aussi de profondes modifications. Jusqu'ici la seule monnaie en
usage en Abyssinie a été le thaler de Marie-Thérèse dont le cours est
très variable. L'Italie frappera un écu à l'effigie du roi Humbert, par-
ticulièrement destiné aux colonies, et que Ménélik s'est engagé à recevoir
dans ses États au même titre et à l'exclusion des thalers de Marie-Thé-
rèse, qui seront éliminés de la circulation. Un emprunt abyssin, garanti
par le gouvernement italien et amortissable en vingt ans, a été conclu
avec la banque nationale de Florence.
M. Poydenot, qui a fait au printemps, sous les auspices du ministre de
la marine et des colonies, un voyage d'études à Obock» a adressé, à
son retoiu», au sous-secrétaire d'État pour les colonies un rapport
dont voici le résumé : Considérant Obock, au point de vue de la station
de charbon et comme escale nécessaire des navires français sur la route
de l'extrême Orient, M. Poydenot s'est attaché à l'étude des voies et
moyens les plus propres à mettre cette station en état de rendre les
services importants qu'on peut en attendre. Comparant les installations
d'Aden à celles d'Obock, il arrive à cette conclusion que si l'on faisait
pour Obock les sacrifices nécessaires, ce point serait à tous égards préfé-
rable poui* la flotte française de gueiTe et de commerce à celui d'Aden.
Il suffirait d'aménager convenablement le port que la nature a creusé à
Obock ; quelques travaux peu coûteux le mettraient en état d'abriter les
navires qui viendraient s'y approvisionner de charbon, de glace et de
vivres frais abondants dans cette région. La statistique prouve que le
— 324 —
nombre de ces navires serait suffisant pour justifier les frais d'aménagé*
ment du port, dont les avantages industriels et commerciaux seraient
incontestables.
A peine le conflit entre la Société eolonlAle ntlletaitad^ et la
East bpitisli Afpicaii Company, au siget de l'tle de Lamou, était-il
tranché par la sentence arbitrale de M. Lambermont, il s'en est produit
un nouveau au sujet de Wanga que les Anglais avaient occupé, puis
évacué ; une commission a été nommée pour déterminer à qui appar-
tient Wanga. Au reste, quant à Lamou, il ne s'agissait pas de la posses-
sion du pays, comme l'ont annoncé à tort les télégrammes adrei^és aux
journaux, mais simplement de l'administration, surtout de celle des
douanes. Les détails de l'arbitrage ne sont d'ailleurs pas encore bien
connus. Il -paraît s'appuyer sur le fait que les Allemands qui faisaient
valoir des titres de propriété acquis avant la convention anglo-aDe-
mande de novembre 1886, n'avaient pas, à temps, fait constater leur sou-
veraineté par des actes suffisants pour établir leurs titres. Ils invoquaient
des arrangements verbaux avec le sultan défunt, tandis que les Anglais
en avaient signé avec le sultan actuel. C'est ce qui fit pencher la ba-
lance en faveur des Anglais. Il paraît cependant que certains points ont
été renvoyés à un règlement ultérieur entre l'Angleterre et l'Allema-
gne. D'après les dernières nouvelles, les Anglais veulent bien reconnaître
les droits privés allemands proprement dits, mais non les traités conclus
avec les chefs indigènes. Quant à la Société allemande de Vîtou, le fer-
mage des douanes à Lamou ayant passé aux Anglais à la suite de l'arbi-
trage de M. Lambermont, le gouvernement allemand a rendu les droits
de douane au sultan de Vitou. Les stations de Manda et Patta sont
libres et les Allemands pourront y faii-e valoir leurs droits *.
D'autre part, l'Italie a reconnu les droits privés de la Société alle-
mande de l'Afrique orientale dans le territoire du 'protectorat italien à
Obbia, sur la côte des Somalis. Le gouvernement italien a déclaré
qu'en tant que ces droits privés acquis du sultan d'Obbia par la Société
étaient d'accord avec le protectorat italien, celui-ci leur offrirait des
garanties supérieures que ntalie respecterait pleinement.
* A la dernière heure, le Reicha Anzeiger annonce que le territoire situé ao
nord de la frontière de Vitou, et au sud de la limite du territoire de Kismayou
appartenant au sultan de Vitou, a été placé sous le protectorat de l'ÂUemagne, en
vertu d'une convention passée avec les chefs indigènes, et sous réserre des droits
loyalement acquis par des tiers.
»=-'.■■
— 325 —
Les dernières nouvelles reçue par le comité de rexpé^itian aile- ?^ *|^^
kfide au «ecouP9 ^'Entn-pi^cha * nous apprennent que le 29 juil-
let le D"^ Peters qui la dirige était arrivé à Ngao sur la Tana, et s'était
avancé vera Engatana, où il avait dû séjourner plus longtemps qu'il ne
l'avait compté, sa marche ayant été arrêtée par la saison des pluies qui
avait compromis la récolte du mate. Il avait dû envoyer à Kau et à Ki-
pini, à la c6te, des agents pour acheter du blé. Mais l'influence anglo-
arabe s'était opposée à la livraison et au transpoil du blé acheté, les
indigènes refusant les bateaux nécessaires. Le lieutenant von Tiede-
mann, envoyé en avant pour acheter des embarcations, avait dû défendre,
le revolver à la main, sa vie menacée dans ime attaque nocturne d'une
vingtaine d'Arabes. Toutefois il avait réuKsi à se procurer quatre ba-
teaux. Une seconde colonne expéditionnaire s'était mise en marche de
Vitou, le 25 août, pour rejoindre celle du D' Peters, qui, aux dernières
nouvelles, avait atteint Koro-Koro sur la Tana.
Quatre ligues de paquebots mettent Tamatave en communication
avec l'Europe :
P Les Messageries maritimes : A. ligne directe de la côte d'Afrique
et de Madagascar, desservant Port-Saïd, Suez, Obock, Aden, Zanzibar,
Mayotte, Nossi-bé, Diego-Suarez, Sainte-Marie; B. ligne d'Australie
avec transbordement à Mabé.
Dans les deux cas le point de départ est Marseille et la durée du
voyage vingt-six jours.
2*" La Gastle Mail Steam Company, qui, allant directement d'Angle-
terre au Cap et à Port-Louis (île Maurice), touche à Tamatave toutes
les six semaines.
3"* La Compagnie havraise, dont les bateaux font escale tous les qua-
rante-cinq jours.
4*" Indépendamment de ces services réguliei's, quelques vapeurs ou
grands voiliers appartenant à des maisons de commerce, telles que
Mante frères et Borelli, de Marseille, etc.
Le trajet de Tamatave à Tananarive, par la voie usuelle, peut, avec
de bons porteurs, s'effectuer en cinq ou six jours.
Depuis longtemps, une Compai^iile sud-afpicalae travaillait à
* A la dernière heure, un télégramme de Zanzibar annonce que le capitaine
Wisamann a reçu des nouTelles dignes de confiance d'après lesquelles Émin-
pacha, Stanley et Casati, accompagnés de six Anglais, étaient attendus pour la
fin de novembre à Mpouapoua, dans la sphère des intérêts allemands.
^
-^. J ; — 326 —
se constituer au nord des possessions anglaises du Cap,. et projetait
d'étendre ses opérations au delà du Be-Chuanaland britannique, jusqu'au
Zambèze. Elle s'est délinitiveraent constituée sous la direction du duc
d'Abercorn, du duc de Fife, gendre du prince de Galles, et de M. Albert
Grey. Le capital en est fixé à vingt-cinq millions de francs et peut être
augmenté à volonté par des obligations ou autrement. La British African
South Company, c'est son nom, a obtenu du gouvernement anglais une
charte d'après laquelle sa sphère d'action est assez vaguement délimitée
à l'ouest et à l'est. Il s'agit de la région située immédiatement au nord
du Be-Chuanaland britannique, au nord et à l'ouest de la république
Sud-africaine, et à l'ouest des possessions portugaises. Il est probable
que le territoire exploité par la Compagnie ne dépassera pas à l'ouest le
20°, limite reconnue du protectorat allemand. Quant à la frontière des
possessions portugaises, il y aura lieu de les déterminer d'une manière
plus précise qu'elle ne l'est aiyourd'hui, les Portugais prétendant
avoir des droits sur une partie au moins du Ma-Shonaland. Au nord, la
limite tixée est le Zambèze. Il n'est nuUem^t fait mention des territoires
situés au nord de ce Heuve, ni de la région du Nyassa oii travaille
l'Africau Lakes Company.
D'après le Times, la Compagnie est autorisée à acquérir tous les
droits, intérêts et pouvoirs nécessaires pour gouverner, maintenir la
sécurité publique et protéger les territoires compris dans sa charte, au
nom des intérêts de l'Angleterre. Aussi est-il stipulé que la Compagnie
doit rester anglaise en ce qui concerne sa composition, sa direction, son
domicile, et qu'aucun directeur ne pourra être nommé sans l'approbation
du secrétaire d'État. Aucune mesure importante ne pourra être prise
sans l'assentiment de ce dernier. La Compagnie est autorisée à suppri-
mer peu à peu tout système d'esclavage ou de servitude domestique dans
les territoires mentionnés plus haut et à régler la vente des spiritueux
de façon à empêcher que ceux-ci ne soient vendus aux indigènes. Une
clause de la charte invite la Compagnie à respecter, dans la mesure du
possible, les mœurs et coutumes des indigènes. La Compagnie est invitée
h se conformer aux avis ou propositions du commissaire de S. M. dans
l'Afrique méridionale. Elle pourra avoir son drapeau, mais celui-ci devra
conserver le caractère anglais. Elle devra établir des cours pour l'admi-
nistration de la justice. Quant aux moyens qui seront mis en œuvre pour
développer ce pays, en première ligne viendra l'extension vers le Zam-
bèze du chemin de fer et du télégraphe du Cap. Une somme de
7(X),()00 liv. st. a déjà été souscrite pour la construction de la pre-
— 327 —
nûère section du chemin de fer et Textension du réseau télégraphi-
que de Mafeking à Shoshong. De Kimberley, la section susdite aura
650 kilom.
Le but de la Compagnie n'est pas seulement un but commercial. £lle
compte exercer une véritable souveraineté sur ce territoire de 400,000
milles carrés, qui comprend le protectorat du Be-Chuanaland, le pays
de Khama, celui de Lobengula, roi des Ma-Tébélé, et le Ma-Shonaland,
c'est-àrdire trois fois l'étendue du Royaume-Uni. Cet immense espace
renferme des mines d'or, le sol paraît fertile, les routes de l'Afrique
transzambézienne y passeront un jour. Il est vraisemblable que la Com-
pagnie s'efforcera d'y attirer une foule de colons anglais. Ils affluent
aux mines d'or du Transvaal, et déjà le lïmes donne à entendre
qu'avant qu'il soit longtemps, leur nombre leur constituera le droit
d'intervenir dans les affaires des républiques du sud de l'Afrique.
Ce serait un moyen détourné de reconquérir l'influence que l'Angle-
terre a perdue au Transvaal par l'affranchissement des Boers. Nous
doutons cependant que l'élément hollandais, si puissant dâjis l'Afri-
que australe, dans l'Etat libre de l'Orange et dans la république Sud-
africaiiie, accepte de nouveau d'être dépossédé comme il l'a été à plu-
sieurs reprises.
Néanmoins, les observations du Times sur la rapidité de l'accroisse-
ment des stations minières au Tpansvaaâ est parfaitement exact. Il
peut être mis en parallèle avec le remarquable mouvement qui eut lieu
en Australie et en Amérique il y a une quarantaine d'années. La ville
de Johannesbourg, capitale du fameux district de Witwatersraud, avec
20,000 habitants, n'existe que depuis deux ans. Ce flux de population
paraît moins flottant et mieux organisé que lors de l'immigration aux
mines d*or de la Californie. La production de l'or a cessé d'êti-e une de
ces spéculations fiévreuses, ballottées par les hasards journaliers du plus
ou moins d'or aperçu dans les couches superficielles ; elle devient gra-
duellement une industrie systématique qui nécessite des fonds pour
l'érection de machines très coûteuses et procure une occupation assurée
aux ouvriers sérieux et adroits. Et quoique la production de l'or dans
l'Afrique australe ait déjà atteint une grande importance et attiré au
Transvaal une population considérable de colons, l'immense richesse
minérale que les experts disent exister dans cette partie du continent
est encore à peine entamée. D'autre part, nous supposons que le Titnes
se trompe, lorsqu'il dit que « le gouvernement anglais n'a d'autres inté-
r^s dans l'Afrique du sud que ceux de la race britannique et de son
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s-- — 328 —
aecroissement. b Nous aimons à croh*e que le gouvernement partage les
idées que nous entendions émettre récemment au Congrôe colonial par
les délégués portugais, espagnols, belges et français, qu^aigourd'hui, les
gouvernements ne doivent plus traiter les territoires coloniaux comme
des domaines d'exploitation au profit exch»if de leurs compatriotes,
mais qu'ils doivent donner aux indigènes et à tous les habitants d'une
colonie ce dont ta mère patrie jouit elle-même. Quel que soit, d'ailleurs,
le nombre des colons qui affluent sur le territoire de la République Sud-
africaine, et profitent de l'hospitalité du gouvernement ^des Boers pour
s'enrichir, nous comprendrions difficilement qu'ils prétendissent au droit
d'intervenir dans les aifaires de la République, tout en demeurant sujets
de S. M. la reine d'Angleterre. Aussi ne pensons-nous pas que le gou-
vernement britannique, ni le peuple anglais, encouragent en aucune
manière l'émigration au Transvaal avec l'idée d'y créer une majorité de
sujets anglais pour refaire tout naturellement, de la République Sud-
afticaine, comme le pense le Times, une colonie anglaise. Ce serait un
moyen habile peutrêtre, mais dans tous les cas peu loyal et peu honora-
ble de faire oublier le désastre de Majouba-Hill.
Le rapport de Sir Oordon Sprigg, premier ministre de la Coiaaie
du Cap» sur le mouvement commercial de l'année 1888, montre que le
grand développement de l'exploitation des mines d'or a donné une forte
impulsion à l'importation des articles des manufactures europé^nes.
Nous en extrayons ce qui suit : Le chiffre des exportations est le plus
élevé qui ait jamais été atteint; de 7,859,000 liv. sterl. qu'il était en
1887, il est monté à 8,877,000 liv. sterl. en 1888, quoiqu'il y ait eu une
diminution de 220,000 liv. sterl. sur l'exportation des diamants. De
21,600,000 livres en 1887, l'exportation des laines grasses est montée à
40,800,000 livres, et leur valeur, qui était de 500,000 liv. stwl. en
1887, s'est élevée à 978,000 liv. sterl. en 1888. L'augmentation poui* les
laines lavées et dégraissées a dépassé un demi-million de livres sterling.
Quant à l'importation, qui était de 5,036,000 liv. steri. en 1887, elle est
montée à 5,678,000 liv. sterl. en 1888. Il y a eu sur le blé une forte dimi-
nution; de 19,500,000 livres en 1887, elle est descendue à 8,000,000 de
livres en 1888, ce qui prouve que la situation de l'agricultuie a été beau-
coup meilleure. Le nombre des charrues a augmenté de 4000, celui des
herses de 700, celui des moissonneuses de 160 ; il y a 857 autres ma-
chines de plus qu'en 1887. Le nombre des chevaux s'est accru de
29,300 ; celui des mulets de 5000 ; celui des bœufs de trait de 80,000 ;
celui des vaches de 134,000; celui des moutons de 1,146,000; celui des
/
cbërres angora de 643,000 ; celui de& autres chèvres de 257,001
d« porcs de 24,000. Qimnt à la valeur du bétail : chevaux, bœa
tons, chèvres, elle a augmenté de 1,799,653 liv. sterl.
Le Mouvement géographique de Bruxelles annonce le départ
Conc», du steamer le LoucUaba, ayant h bord la première briga
génieurs destinée à la construction du ^emln de for. Elle
dix membres, dont àx ont fait partie des brigades d'études et ret
au Congo après avoir collaboré aux plans et à rétablissement à
à BruxelkB. L'expéditioD, placée sous la direction de M. Vauthie
Dieur, chef de service, est chargée des études et des travaux su
Âtude d'une variante au tracé du chemin de fer partant de M
travaux de terrassement à Matadi ; report de l'axe du chemin de
le terrain, balisage et piquetage de la voie ; sondage dans le
Matadi, continuatiou des travaux du débarcadère entrepris dans
devant l'établissement de la Société anonyme belge pour le co:
du hant Congo. Ces travaux ont pour but de rattacher par des t
pierre le terrain laissé h découvert par les eaux à la saison
Une jetée en fer partira de ce massif de maçonnerie, et p^
suffisamment dans la rivière pour permettre aux navires de hai
ayant un tirant d'eau de 8~, d'accoster et de débarquer les m
dises.
Outre la brigade d'ingénieurs mentionnée ci-deesus, le L
emportait dans son chargement : une maison démontée pour Fe
Pô; 6400 colis de poudre pour Ambriz; pour Saint-Paul de Loan
quantité considérable de matériel destiné il la construction du chi
fer d'Ambaca : entre autres 20 ponts en fer, 20 wagons démontés,
nés de traverses, 10 tonnes d'engins et outils, 250 brouettes; po
guela, un matériel complet pour le chemin de fer de Catoumbelli
locomotives de 7000 kilog. chacune, deux voitures de première
une de seconde, deux voitures ouvertes, deux fourgons k baga
wagous à marchandises, 500 tonnes de rails et accessoires. Enl
Banaua, Boma et Matadi, 800 tonnes de marchandises diverses,
barils de poudre.
Les dernières nouvelles du Congo sont généralement favi
M. Jansen, le gouverneur général, arrivé à Lôopoldvllle le 9
trouvé dans la région des cataractes l'autorité de l'État indé]
reconnue par tous les chefs indigèoes. Pendant son séjour à Louk
' Voj. Ift Cane, p. 32,
— 330 —
et à Manyanga, il a reçu la visite de quatre-vingts d'entre eux qui sont
venus lui rendre hommage. U a renouvelé à tous les chefs Topposition
formelle de TÉtat aux sacritices humains et aux épreuves par le poison
en déclarant que les coupables seraient activement recherchés. H a cher-
ché à leur persuader que le moment était venu pour eux de s'efforcer
de procurer à TÉtat des contingents pour la force publique, afin que la
police ne fût plus faite, conune c'a été le cas jusqu'ici, par des soldats
étrangers, qui connaissent moins bien les mœurs des Congolais. Tous les
chefs présents se sont engagés à fournir chacun un petit contingent dont
le cbifire sera calculé sur la population du village. Pour renforcer l'au-
torité de l'État, M. Jansen a ordonné l'établissement de nombreux
postes, de manière k assurer l'influence de l'Ëtat tout le long du tracé
du chemin de fer et dans la zone comprise entre la voie ferrée et la route
ordinaire des caravanes. Le service des transports fonctionne d'une
manière satisfaisante, toutefois M. Jansen a proposé quelques mesures
pour l'améliorer encore. — Le 20 août, le gouverneur général a reçu, à
Léopoldville, la visite de M. Dolisie, résident français à Brazzaville,
auquel il a rendu sa visite le 24 du même mois. Le déjeuner qui a suivi
cette entrevue a été marqué par des démonstrations mutuelle de vive
sympathie. Depuis longtemps d'ailleurs les relations de Léopoldville et
de Brazzaville sont extrêmement cordiales. — Les seules nouvelles du
haut Congo viennent de la station des Ba-Ngala où tout était calme ainsi
qu'en amont. — Le vapeur de la Baptist Missionary Society, le Feace,
était rentré à Stanley-Pool le 28 juin. Malgré quelques petites difficultés
avec un chef indigène, la station de Loulouabourg n'avait été le théâtre
d'aucim événement marquant. — Les médecins de TËtat indépendant
ont visité dans le bas Congo im grand nombre de villages, et ont réussi
à décider de nombreux indigènes à se laisser vacciner. — L'état sani-
taii*e du personnel européen, qui avait laissé beaucoup à désirer dans le
bas Congo lors de la transition entre la saison des pluies et la période
sèche, était très satisfaisant en septembre.
Les sacrifices humains, n'ont pas encore pris fin à la côte occidentale
d'Afrique. Le Christianisme au XIX^ siècle rapporte, d'après une cor-
respondance du Nouveau Calabar» que, lors de la mort récente du
roi d'Eboé, les trafiquants se rendirent selon l'usage auprès de son suc-
cesseur pour lui présenter leurs hommages et leurs cadeaux. Us savaient
bien que des cérémonies sanglantes inauguraient d'ordinaire un règne
nouveau, mais ils croyaient qu'elles auraient déjà eu lieu, et leur effiroi
comme leur dégoût fut grand en assistant, malgré eux, à des fêtes de
T1,
— 331 —
cannibales. Quarante malheureux avaient été mis h mort auparavant,
mais les funérailles étaient à peine commencées. Le monarque défunt
était couché dans ime fosse large et profonde. Tout autour de lui étaient
étendus les corps des plus jeunes épouses du roi décédé, qui avaient péri
dans d'atroces souffrances. On leur avait rompu les os des bras et des
jambes, puis on les avait jetées dans la fosse pour y mourir de faim.
Quelques-unes des plus robustes avaient mis cinq jours à mourir. Autour
de la fosse étaient placés quatre hommes armés de massues pour en
frapper toute femme qui, malgré ses membres fracturés, aurait pu se
traîner hors de la fosse. — Dans d'autres quartiers de la ville, des sup-
plices analogues avaient lieu pour apaiser la colère des Ycu-You, dieux
funéraires. Un certain nombre de captifs avaient été attachés à des
arbres, la tête en bas, au moyen de cordes passées dans les muscles des
pieds, et abandonnés de la sorte à une asphyxie plus ou moins lente. Un
autre fut attaché entre deux troncs d'arbres, puis le bourreau vint lui
abattre la tête d'un coup de hache. Le corps du supplicié fut livré à la
population, qui le dévora de bon appétit; la tête fut déposée dans la
fosse royale. Les blancs n'osant intervenir pour empêcher la continua-
tion de ces massacres, quittèrent Eboê pour ne pas en être témoins plus
longtemps. Il devait y avoir encore, pendant sept mois, dix captifs mis à
mort à intervalles réguliers de quatre semaines en quatre semaines
pour apaiser les mânes du roi défunt.
M. Dupuis, consul anglais à TénérilTe, écrit que, quoique Ténériffe
fût connu depuis longtemps coname une station de charbon pour les
navires se rendant de l'Europe dans l'Amérique du Sud, ce n'est que
depuis quelques années que les Canaries ont vu augmenter le nombre
des vaisseaux s'arrêtant pour y faire leur provision. Dès que les travaux
des ports en cours d'exécution à Ténériffe et à Grande-Canarie seront
terminés, il ne doute pas qu'elles ne deviennent une des principales
stations de charbon pour les vapeurs de l'Amérique du Sud, de l'Afrique
occidentale, du Cap de Bonne-Espérance, de la Nouvelle-Zélande et de
l'Australie. L'année dernière déjà, la demande de combustible a dépassé
la quantité que les vendeurs pouvaient fournir, plusieurs navires ont dû
repartir sans avoir pu renouveler leur provision. A l'avenir les fournis-
seurs tiendront leurs dépôts mieux pourvus; ils auront soin de créer
une réserve pour suffire à tous les besoins de la navigation. Aujourd'hui
déjà des cargaisons de charbon arrivent continuellement d'Angleterre.
.„'••
' 'i
— 332 —
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
V0A'^'^ ^^ Cr"^<l pnx a été déoerné à r£j^>08itiOQ à la Société de Batna et da Sud
Algérien, Pentreprise de M. Rolland, ingénieur des mines, pour créer au Sahara
de nouveaux centres de culture et de population, pour conquérir sur le désert
des régions stériles jusqu'ici, les fertiliser par Pirrigation et les transformer en
^a oasis productives. Cette haute distinction vise surtout la création de trois grandes
oasis nouvelles avec plantation de 60,000 palmiers dattiers dans la vallée de
POued-Rirh, au sud de Biskra. En outre, deux médailles d*or, une médaille d'argent
et cinq médailles de bronse ont été attribuées à la même Société pour ses divers
' produits et pour les autres parties de sa remarquable exposition.
Après un sétjour en Suisse, ua de nos compatriotes, M. Alfred Ilg, de Frauen*
feld, ingénieur, ami et conseiller de MénéUk, est relounié en Abyssinie, où il a
transporté un grand nombre de madones et autres olgets utiles an nouveau
négous.
Le D' Hans Meyer, de Leipzig, a commencé une nouvelle expédition dans
laquelle il tftchera de faire Pascension complète du KilimancUaro, qu'il n'avait pu
gravir que jusqu'à la coupole de glace. II a pris avec lui un alpiniste éprouvé,
M. le D*" Purtscheller. Les levers de l'Ou-Sambara, qui lui avaient été dérobés,
lors de sa capture, dans son précédent voyage avec le D' Baumann, ont pu être
rachetés à un prix modique, grâce aux démarches du consul général anglais, et
sont entre les mains de Pautear,le D^ Baumann. Les MtHheQungen de Gotha pour-
ront donner prochainement, d'après ces levers, une nouvelle carte de POu-Sam*
bara.
■
Le capitaine Lugard, qui a passé récemment on certain temps dans la région
du lac Nyassa, est parti pour Mombas avec M. Mackensie. H fera à l'intérieur nn
voyage de trois ou quatre mois, après quoi il entrera probablement au service de
la British Ëast African Ck)mpany, pour laquelle il abandonnerait sa position dans
l'armée.
Par décret des amiraux anglais et allemand et du commandant du vaisseau de
guerre italien la Siafetta^ le blocus de la côte orientale africaine a été levé le
!•' octobre.
Un antre décret du commandant en chef de l'escadre allemande a interdit l'im-
portation de toutes armes et matériel de guerre par la côte allemande. Le sultan
de Zanzibar a protesté contre cette interdiction.
Le gouvernement allemand soumettra prochainement au Reichstag un projet
relatif à l'établissement d'une ligne de vapeurs subventionnée pour la côte orien-
tale d'Aûique.
Le consul allemand à Zanzibar a adressé à tous les consulats une note les
informant que le capitaine Wissmann réclame le droit de prendre possession, s'il
le juge nécessaire pour ses opérations militaires, de toutes les maisons, fermes^
etc, situées dans la zone d'influence allemande, que ces immeubles appartiennent
à des indigènes ou à des étrangers.
— 333 —
Mistress Leavitt, représentante de la Société de tempérance des femmes chrétien-
nes, a fait récemment an rapport au Comité anglais de la Société pour la protec-
tion des indigènes. Ayant visité Madagascar personnellement, elle décrit ainsi les
résultats de la Tente des spiritueux sous le régime des traités anglais et français.
Un grand tonneau de rhum était mis en perce dans les deux tiers des maisons ;
hommes, femmes et enfants allaient y puiser comme nous allons puiser à un ton-
neau d'eau. Aussi pendant la dernière partie du jour et pendant la nuit, les vil-
lages devenaient de vrais pandemoniums, avec le bruit, les coups et la confusion
qui en résultent. Elle demande que la Société fasse tous ses efforts pour sauver
les indigènes de la destruction.
Le Journal la Géographie annonce qu'une Société a été créée en vue de l'exploi-
tation minière, forestière, agricole, etc. de la Grande Comore. M. Humblot, qui
en est le directeur, très compétent en agriculture, en horticulture et en viticul-
ture et qui a fait l'exploration de l'île, y créera des pépinières des meilleures
espèces de poiriers, de pommiers, de pêchers d'Europe. On pense aussi que la
vigne donnera là de bons résultats.
M. R. Cleland, missionnaire écossais de la station de Chiradzoula, après avoir
traversé la plaine de Touchira, autrefois recouverte par les eaux du lac Kiloua,
a fait, jusqu'à une hauteur de 2300", l'ascension du mont Milaigi dont il évalue
l'altitude à 2800». Un affluent du Ruo, sépare nettement le mont Milanji du mont
Chamba à l'est ; jusqu'ici les deux montagnes étaient considérées comme formant
un groupe unique.
Le roi Gungunhane a obtenu des autorités portugaises l'autorisation de changer
sa résidence contre celle de Bilene près de Lorenzo-Marquez. Il a traversé avec
ses 20,000 guerriers le territoire portugais d'Inhambané. Quelques explorateurs
anglais l'assiégeaient de demandes de concessions de terrains miniers; il les a ren-
voyés à s'adresser au gouvernement portugais dont il se considère comme le
vassaL
D'après le Cape Argus, le gouvernement portugais a accordé treize concessions
pour des mines de diamants entre Lorenzo-Marquez et les monts Lebombo. Elles
sont toutes la propriété d'un syndicat formé par des capitalistes de Cape-Town.
D'après la convention passée entre le gouvernement du Transvaal et la compa-
gnie hollandaise du chemin de fer, les travaux de la ligne de Pretoria à la fron-
tière portugaise devront commencer sur plusieurs points simultanément ; ils seront
répartis entre plusieurs constructeurs, afin que les sections puissent être poussées
rapidement et que pas un mois ne soit perdu. Pendant la mauvaise saison, on
renoncera aux travaux dans les parties insalubres du pays, mais le travail conti-
nuera dans les districts salubres. On espère que les mines d'or de Eaap seront en
communication avec la mer avant la fin de l'année prochaine.
On a découvert, à 30 kilomètres de Johannesbourg, du mercure que l'on dit
être de très bonne qualité.
M. Anderson, expert américain très habile, a confirmé l'opinion générale de
l'existence, dans le district de Potschefstrom, d'un vaste bassin de pétrole. En fai-
— 334 —
sant des sondages, dit-il, on trouvera l'huile à une faible profondeur. Des mesu-
res ont été prises en Tue de l'exploitation.
M. F. C. Selous a entrepris une nouvelle exploration du Ma-Shonaland au point
de vue de l'exploitation aurifère. Mais il compte aussi reprendre son projet^
éclioué l'année dernière, de se rendre du 2^ambèze au pays des Garenganzé et de
se diriger de là sur Nyangoué. Quant au Ma-Shonaland, il voudrait que des agri-
culteurs anglais s'y établissent pour protéger les Ma-Shona pacifiques contre les
attaques des belliqueux Ma-Tébélé. Il reconnaît que la malaria y règne, mais il
est d'avis qu'elle disparaîtrait si l'agriculture y était soigneusement développée.
Le nouveau service de la Mala Real Portugueza a commencé le 15 septembre.
Le premier steamer de cette Compagnie, Boi de Portugal, s'est rendu à Banana,
Saint-Paul de Loanda, Benguela, Mossamédès, et de là par le Cap à Lorenzo-
Marquez. C'est un beau bateau éclairé à la lumière électrique et qui peut recevoir
220 passagers.
Par le steamer du 6 octobre, douze missionnaires ont quitté Lisbonne, pour se
rendre dans l'Angola où les établissements de la mission portugaise ont pris un
développement considérable. Le P. Campana, supérieur des missions de Landana
et du bas Congo, prêtera d'abord son concours à l'évèque de Loanda, mais en-
suite il ira fonder une station dans la partie sud des États du Muata-Tamvo,
d'après les indications du major Carvalho. Le P. Lecomte et ses auxiliaires tra-
vailleront spécialement dans le district de Benguela, puis établiront une mission à
Caconda, une autre au Bibé, d'où ils comptent aller reprendre l'œuvre commen-
cée au Coubango.
Une expédition américaine chargée de faire des observations sur l'éclipsé de
soleil qui doit avoir lieu en décembre, est partie le 12 octobre pour l'Afrique
équatoriale occidentale. Notre compatriote, M. Héli Châtelain, y a été attaché
comme interprète. Il nous a écrit de New- York quelques jours avant le départ :
« Nous comptons toucher à Saint-Vincent, Sant Jago et peut-être sur le continent
vis-à-vis pour acheter des bêtes de somme. Plusieurs naturalistes, des photogra-
phes, etc. sont attachés à l'expédition. M. Alexandre Agassiz l'accompagne pour
faire des études de biologie sous-marine le long de la côte pendant que le gros
de l'expédition sera occupé sur terre. >
M*"* Bentley, femme du missionnaire de Loutété, prépare des apprentis télé-
graphistes pour le chemin de fer. Lors de son dernier voyage en Angleterre, elle
a appris la télégraphie ; à son retour au Congo, elle a apporté des appareils
Morse, fait établir à Loutété une petite ligne télégraphique, et elle donne actuel-
lement aux jeunes noirs des leçons pratiques.
Par décret du 16 septembre 1889, la personnalité civile a été accordée, dans les
limites légales, à la Congo Bolobo Mission, dont le siège est à Molongo, sur la
Lalanga, et à la Bishop Taylors self supporting Mission, dont le siège est à Vivi.
Une Société ayant pour but l'étude de la géographie et des explorations de
TAfrique, vient de se fonder à l'Institut Martha à Hobocken (États-Unis). Dési-
reuse de rendre hommage à Stanley, elle a pris le nom de Société Stanley. Elle
— 335 —
ae propose d'intéresser le public à l'avenir du eontinent noir, en réuniBEant tes
volumes et les publications qui ont d^à paru b ce sujet et en discutant tontes les
, questions qui s'y rkpportent-
M. Léon Fabert qui trait 'été chargé d'une mission d'études chez les Maures
du Sénégal, est rentré en France. 11 a léjourné deux mois chez les Braknas et a
voyagé dans le pays de Cbamama avec le camp du roi Sidi-Ely. 11 a rapporté de
cette contrée un travail lopographique et des notes intéresssntes sur les mœurs
de ce peuple fort peu connu juiqu'ici et dont il a refu un très cordial accueil.
Le lieutenant de vaisseau Tîaud, qui, sous le paeudonj^e de Pierre Loti, a écrit
des pages si colorées sur la vie des pécheurs d'Islande, a accompagné au Maroc
M. Patenôtre, le nouveau ministre plénipotentiaire de France. Il sera curieux de
comparer ses impreseions avec celles de De Amlcis qui, lui aussi, avait fait partie
d'uoe ambassade envoyée au sultan du Maroc.
Une école espagnole de médecine a été créée à Tanger. Le médecin en cbef
ayant foit visite au sultan du Maroc, celni-ci loi a exprimé sa vive reçonnaisiance
envers la régente qui a autorisé'la créatioa d'un établissement aussi humanitaire.
Le gouvernement espagnol a décidé la pose d'un câble sons-marin entre Algé-
siras, Tanger, Ceuta et Meliltaj te sultan a accordé l'autorisation de faire atterrir
ce câble au Maroc.
CHRONIQUE DE L'ESCLAVAGE'
Le Bulletin de la Société anti-esclavagiste de Fraace a reçu d'ua cur-
reepoudaat de SmnzIbMP des renseignements qui montrent combien
facilement les intérêts l'emportant sur les principes, m6nie chez ceux
que l'on croirait le plus opposés k la traite.
Ayant aperçu, au milieu d'une escouade d'esclaves, des physionomies
qui lui inspiraient des doutes, le correspondant voulut savoir si, malgré
le blocus, la traite se faisait encore. U alla aux informations et apprit
qu'une grande caravane arrivée dernièrement à Saadani s'était mise en
devoir de traverser le bras de mer et de débarquer à Zanzibar. Les
boutres s'étaient lancés vaillamment dans le canal, chaînés de denrées,
d'ivoire et d'esclaves. Les croiseurs anglais s'en étaient emparés; mais,
ayant appris que cette caravane avait été amenée par le tils d'un Arabe
puissant de l'intérieur, ils s'étaient empressés de rendre l'ivoire et les
esclaves, d'écrire et de signer un laisser-paaser, et même d'en faii-e
écrire et signer un par le consulat d'une autre nation alliée.
' Comme supplément ii cette chronique, voir ci-après, p. 347, la lettre de M. D.
Jeanniairet sur l'eeclavage au Zambèce.
— 336 —
Un nègre souahéli amena au même correspondant deux enfants arabes,
fils de Romaliza, esclavagiste qui, à la tête d'une armée, exerce de
grands ravages autour du Tan^^nyika. Les trois personnages étaient
arrivés à Zanzibar avec la caravane susmentionnée. Le noir, qui est un
des chefs de Tannée de Romaliza, raconta avec enthousiasme les tristes
exploits de son mattre, dont le vrai nom est Mohammed ben Khelfan.
a Savez-vous, » dit-il en riant, « ce que signifie le mot Romaliza? Dans
la langue des sauvages de là-bas, ce mot veut dire cruaxdé. Ils disent
que lorsque le grand chef arabe tombe sur im pays, ce pays est mort. »
Pendant que ce noir s'exprimait ain^i, il y avait sur les lèvres des deux
jeunes Arabes un sourire d'orgueil qui semblait dire : « Les fils de Ro-
maliza, le cmd, c'est nous! » A une demande du correspondant :
<t Combien ton mattre a-tril capturé d'esclaves, danssadernièrechasse?»
Le noir répondit avec orgueil : « sept cent cinquante d'un seul coup ! »
Nous empruntons aux Lettres sar le Ceni^e de M. Edouard
Dupont, les détails suivants sur la traite dans le bassin du grand fleuve.
Les esclaves provenaient principalement de razzias pratiquées de dis-
trict à district. Les haines que provoquaient ces rapts ne sont pas encore
éteintes, notamment entre les districts de Vivi et d'Isanghila. Même
après 1880, lorsque les premiers transports de steamers eurent lieu au
Stanley-Pool, leurs habitants ne pouvaient encore pénétrer sur le terri-
toire des uns et d^ autres sans être inunédiatement saisis et vendus
comme esclaves sur les marchés de Tiatérieui;. .Amenés de loin, les
esclaves périssaient dans une propoction énorme avant d'arriver aux
factoreries, oU ils étaient entassés dans les baracons, en butte à d'odieux
traitements et mis hors d'état de fuir.
M. Destrain, directeur des finances de l'État indépendant, retournant
récemment au Congo, fit escale à Monrovia; il découvrit, dans la répu-
blique de Libéria, un village habité par des nègres du Congo qui, for-
mant, avant l'abolition de la traite par mer, la cargaison d'un négrier,
furent précipitamment débarqués ^ur cette côte pour échapper aux
poursuites d'un croiseur et s'y établirent* Ils ont vivement sollicité leur
rapatriement.
Pareil fait s'est reproduit presque simultanément aux Ues Bahama. A
l'époque oii les croisières traquaient sans merci les négriers, l'équipage
d'un navire chargé d'esclaves du Congo et se rendant aux États«Unis,
dut se jeter à la côte pour éviter d'être saisi et traité en pirate comme
le portait la loi. Les noirs restèrent dans ces tles; i^is ayant appris que
leur pays natal est aux mains d'un gouvernement civilisé, ils viennent
également de solliciter l'autorisation d'y rentrer.
— 337 —
C'est dai^ Testuaire du Congo, à Borna et à Ponta da Leuba, dans le
voisinage des criques, que le trafic de chair bumaiue dura le plus long-
temps. Ce point fut jusqu'à ces dernières années» le repaii*e le plus sûr
des négriers et réellement leur domaine propre, car malgré la belle rade
qu'il donne à cette c&te si dénuée de ports, il était resté sans mattre.
C'était une terre vacante, et elle le fut jusqu'à la Conférence. de Berlin
en 1885.
Âpres la guerre de sécession, la traite ouverte fut remplacée par la
traite clandestine; mais la v^ilance des croiseurs rendant celle-ci fort
dangereuse, les négriers aux abois imaginèrent une combinaison qui les
mettait en apparence d'accord avec les lois internationales. Voici à ce
svyet les détails curieux fournis à M. Dupont par M. Janseu, adminis-
trateur de l'Ëtat du Congo. Les esclaves étaient transportés sous le nom
ài!engagé8 volontaires. Lorsque les officiers des croiseurs se présentaient
au point d embarquement^ ils interrogeaient les malheureux nègres avec
lesquels les agents des factoreries avaient passé un soi-disant contrat de
travail. Comme ces officiers ne connaissaient pas la langue indigène, ils
étaient pbligés de se servir des interprètes de la factoi*erie. Eji gens avi-
sés et bien dressés, ces intermédiaires, d'après un témoin oculaire, au
lieu de transmettre aux nègres les questions sur leur départ par libre
consentement! leur demandaient : Veux-tu des coups de bâton V Veux-tu
un cadeau V Les réponses par oui et par non, accompagnées d'une mi-
mique convaincue, n'étaient naturellement pas douteuses, et l'on disait
aux officiers : Vous voyez, le contrat passé avec ces nègr^ est réel ; ils
déclarent « qu'on ne les a pas forcési^ partir et qu'ils consentent à être
embarqués. » Les croiseurs étaient obligés de se contenter dé ces décla-
rations. Arrivés au Brésil ou dans d'autres colonies, les soi-disant enga-
gés volontaû*es étaient vendus comme esclaves.
• ■ « •
Après avoir passé en revue les faits relatifs à la traite et à l'escla^
vage, indiquons ce qui se rapporte à la question de l'abolition.
Le Çani^rôs itnU^solavaf^l^te des puissances se réunira à
Braxelles au mois de novembre. La première séance en est fixée
au 18. La circulaire remise par le gouvernement belge aux puissances
signataires de la déclaration de la Conférence de Berlin, invite celles-ci
à s'assembler pour arriver à une entente commune sur les mesures à
prendre afin d'empêcher la traite à l'intérieur de l'Afrique. Contraire-
ment à ce qui s'est passé pour la Conférence de Beriin, il n'y a eu ni
accord, jûd n^ciatltns préalables, entre les puissances sur les détails,
— 838 —
ni sur Tordre des travaux. On s'est simplement mis d'accord sur le point
préjudiciel quMl faut en finir une fois pour toutes avec la traite des
noirs. Au Congrès, chaque puissance pouira présenter toutes les pro-
positions qu'il lui paraîtra bon de faire, sans être limitée par aucun
engagement antérieur. On suppose ijue le Congrès durera un mois
entier. Les représentants diplomatiques à Bruxelles des puissances y
prendront part de plein droit. Quelques-unes, notamment les États-
Unis et l'Allemagne, borneront là leur participation au Congrès; d'au-
tres adjoindront à leur représentant régulier un plénipotentiaire et un
délégué. Sir John Kirk, ancien consul général de la Grande Bretagne,
à Zanzibar, représentera le gouvernement anglais. Le Portugal vient de
nommer ministre à Bruxelles le conseiller Henrique de Macedo, qui
connaît très particulièrement les sujets sur lesquels le Congrès aura à
délibérer. La France sera représentée par M. Bourée, ministre à Bruxel-
les, M. Cordogan, sous-directeur aux affaires étrangères, le D' BsJlay
et M. Deloncle, sous-chef de cabinet du secrétaire d'État des colonies.
D'après le Qalignani Messenger, le roi des Belges a invité le sultan
de Zanzibar à prendre part au Congrès ; Saïd Khalifa a promis qu'un
envoyé extraordinaire y assistera.
D'après les réponses des Comités anti-esolATai^lstea parvenues
à Mgr Lavigerie, le Congrès des Sociétés privées a été remis au prin-
temps de l'année prochaine. Le Congrès des puissances devant se réunir
le 18 courant, il sera plus facile aux sociétés de conformer leur action
aux décisions qui auront été prises par les représentants des différents
États. £n attendant, les membres des comités sont priés de ne pas per-
dre de vue les questions inscrites au programme. Il importe que ces ques-
tions soient mûrement étudiées pour pouvoir être utilement résolues.
Le capitaine Storm» s'est rendu eu Allemagne de la part de la
Société anti-esclavagiste de Belgique, pour s'entendre avec la Société
allemande, en vue d'une action commune en Afrique; il a proposé, pour
base d'opérations, le lac Tanganyika, un steamer armé devant croiser
sur le lac, et des postes fortifiés devant être établis sur les rives occi-
dentale et orientale du lac par les Belges et les Allemands respective-
ment.
Le sultan de Zanzibar a chargé M. Gérald Portai, agent anglais, de
nommer des délégués pour faire une enquête et donner leur avis sur des
cas de possession soi-disant illégale d'esclaves k Pemba. M. Smith,
— 339 —
consul britannique, s'y rendra à cet effet. En outre, le sultan a donné
par écrit à M. Portai la promesse que tous les enfants d'esclaves qui
naîtront dans le Zaaipaebap après le 1^ janvier prochain seront
libres.
On écrit de Tanauarive au Journal des Débais :
« Les autorités consulaires anglaises ayant accusé le gouvernement de
Madai^attcar de favoriser la traite des noirs, le premier nûnistre a
promulgué un^ loi, aux termes de laquelle les esclaves importés sont
affranchis par le fait seul de toucher le sol malgache. i>
Nos lecteurs se rappellent qu'un télégramme de Zanslbar, du
21 septembre dernier, a annoncé, qu'en vertu d'un décret du sultan,
« tous les individus amenés sur le territoire de ce souverain, après le
l*' novembre, seront libres. »
Si ce décret est mieux exécuté que celui de Saïd Bai-gasch, du
18 avril 1876, il y aura prochainement dans les États du sultan un cer-
tain nombre d'esclaves libérés, au sort et à l'éducation desquels il y
aura lieu de pourvoir. Il ne sera guère possible de les renvoyer dans leur
pays d'origine, oîi ils seraient exposés à retomber sous les coups des
Arabes qui pratiquent la chasse à l'homme à l'intérieur. Ils auront
besoin d'être formés à un travail libre et rémunérateur pour pouvoir se
suflBre à eux-mêmes. Seront-ils remis aux établissements de Bagamoyo
ou de Frere-Town? ceux-ci seraient-ils suffisants pour les recevoir? ou
en créera-t-on de nouveau? Sans doute, il a été pris des mesures spé-
ciales en prévision de cette éventualité. Mais jusqu'ici, nous n'avons
reçu aucune information à ce sujet.
LE TAN6ANYIKA '
Diaprés le Capitaine Edwakd €. Hori.
De tous les grands lacs de l'Afrique tropicale orientale, le Tauganyika
a été le premier découvert; c'est peut-être celui dont l'importance est
la plus grande par le fait de sa situation plus centrale que celle du
Nyassa et du Victoria-Nyanza, et sur la route directe de Zanzibar à
l'embouchure du Congo. C'est là que se rencontrent les limites de l'État
' Voy. la Carte, !!"• année, p. 248.
— 340 —
Indépendant du Congo et du territoire réservé à Tiniluence allemande
dans rÂfrtque orientale. D peut devenir le centre des croisières inté-
rieures pour amener Tabolition de la 'traité a« eœur du continent. A
tous les points de vue la connaissance de ce bassin importe beaucoup
auiL amis de TAfrique.
Sans doute le capitaine F. Richard Burton, et après hà Cameron et
Stanley ont fait beaucoup pour acquérir une connaissance exacte de cette
immense nappe d'eau, de son régime, de ses affluents et de son émis-
saire. Mais le temps qu'ils ont pu y consacrer a été relativement court ;
leur travail a été un travail de pionniers, dont ont profité ceux qui sont
venus après eux. Parmi ceux-ci le capitaine Hore est certainement celui
qui s'est trouvé dans les copditions les meilleures pour étudier ce bassin
sous toutes ses faces, et le mémoire qu'il vient de lire à la Section géo-
graphique de l'Association britannique à Newcastle nous paraît trop
important pour que nous n'en extrayons pas ce qui nous semble devoir
être le plus utile et le plus intéressant pour nos abonnés.
Les montagnes qui entourent le bassin au fond duquel se trouve le
Tanganyika forment un ovale irrégulier de 1000 kilomètres dans sa plus
grande longueur, à partir de la ligne de partage des eaux du Kitangoulé
et de la Lousizi au nord, jusqu'à celle qui sépare la Lofou du Chambézi;
la largeur n'eu est que de 500 kilomètres, de la ligne de faîte de la
Gombé dans l'Ou-Nyamouézi aux affluents orientaux du Loualaba dans
l'Ou-Gouha. Ce bassin forme une dépression profonde, dont le lac
occupe environ les trois quarts du plus long diamètre, à 1000 mètres
environ au-dessous du niveau des montagnes les plus élevées.
Une section faite le long de son moindre diamètre ressemblerait exac-
tement aux détails d'une fortification. En venant de l'est, le rempart
s'élève par degrés ; en entrant dans l'Ou-Nyamouézi, on franchit la crête
du parapet, qui descend en pente douce jusqu'à l'escarpe par laquelle
on atteint la tranchée au fond de laquelle est le lac; de l'autre côté une
contre-escarpe presque abrupte de 600 mètres fait remonter au glacis
qui forme la limite occidentale de la dépression et d'oU les eaux descen-
dent vers l'Atlantique.
Le lac lui-même a 650 kilomètres de longueur, une largeur moyenne
d'une trentaine de kilomètres et une profondeur de 200 à 300 mètres le
long de sa ligne médiane. L'apparence de la dépression au fond de
laquelle s'étend le lac fait déjà supposer qu'elle est due à une action vol-
canique et à des commotions sismologiques. M. Hore a été confirmé
dans cette pensée par l'expérience d'un séjour de dix années dans cette
région, pendant lesquelles les tren^emeats de terre ont été fréquents,
quelquefois si fortâ que des fiasurtt se sont produites iaxts le sol, des
sources d'eau chaude ont jailli, ainsi que des jets de vapeur et de pétrole;
plus fréquemment encore de sourds groadeanents^ur^desaoufi de la sur-
face indiquent que les foyers souterrains sont toujours en activité.
Depuis plusieurs années on a constaté que la direction des osdllaUons
de ces tremblements de terre «et K.-N.-0. ou N.-0. En aoât ISSa, une
secousse d'une violence inaccoutumée ouvrit une fissure de phisieuis
kilomètres de longueur et des lésardes daas les muraiHes d'Oudjidji, et
en octobre 1887, une série de secousseB d'une durée de ^us de vingt
jours fut ressentie dans l'tle de Kavida et à Oudjidji, paraissant se pro-
duire directement Boua les pieds des habitants sanç qu'il y eût d'oscilla-
tions horizontales. Sir Richard Burton, le premier Européen qui ait
visité le Tangauyika, crut y voir une d^tresraou volcanique; M. Cooley
montra qu'il est situé parallèlement k la ligne de volcans qui passe par
la Réunion, Madagascar et les Comores. M. Hore voudrait que Ton éten-
dit le champ de cette étude; il pense qse le bassin du Tauganytka
s'étend le long d'un grand cercle qui passe par les pôles magnétiques
de chaque cdté desquels sont rangés les principaux volcans et les régions
des ^énom^es volcaniques et anoologiques de l'hémisphère oriental.
Pendant longtemps ce lac a été le réserroir des eaux de toute la
dépresEàoQ du centre de l'AMque, sans autre émissaire qoe l'évapora-
tion. Longtemps aussi il y a eu équilibre entre la chute de pluie et
l'évaporation ; puis la quantité d'eau tombée dépassa l'évaporation; le
lac monta jusqu'au niveaa de deux brèches existant duis la chaîne des
nxmtagues qui fonueat le bassin, fuoe près de Karéma à l'est, l'autre
dans l'Ou-^ouha à l'ouest A l'époque de Cameron, le lac avait atteint
le niveau de ces deux brèches. Mus M. Hore ne croit pas que ce phé-
nomène ait pu se produire plus t6t, car il existe, tout autour, des arbres
de haute futaie, en partie submergés alors, dont la croissance sur un
terrain sec avait exigé des sièdes, et des villages et des coltures aussi
Bubmei^lées par l'exhaussement du niveau du lac.
Du côté de l'est, les eaux s'écoulèrent dans la dépression de Rikoua,
appelée tantôt un ileuve, tuitôt une lagune ou encore, comme aujour-
d'hui, un lac. A l'ouest, la niaure du sol de la barrière opposa une résis^
tance jusqu'à ce que la force énorme de l'eau emportât la digue et
creusât toujours plus profondément le chenal dans lequel coule la Lou-
kouga. Lorsque M. Hore arriva au Tanganyika, eo 1878, le lit de la
Loukouga, avait déjà été creusé sur un long parcours; la rivière était
— S42 —
1 torrent rapide. Le niveau du lac était au moins & un mètre plus
à l'époque de la visite de Cameron. Pendant lea dis années sui-
il a baissé encore de S mètres ; il s'écoule toujours par la Lou-
mais beaucoup plus lentement. Tont autour du lac s'élève une
« de 3 mètres de baut «itre le niveau de l'eau et les arbres dont
isance sur terrain sec « dû exiger de longues années. A l'époque
Bichard Burton, le niveau du lac ne dépassait pas les cultures
1 trace se remarque entre la zone de ces arbres et la surface
e de l'eau. Un exhaussement dee eanx pendant cinq ou six ans a
nir détruire de grands arbres dont les tracée auraient disparu
issent été submergés pendant dix ou douze ans. Durant les quatre
[^ dernières aimées l'abaissement a été en moyenne de 0°',30 à
* les natifs de cette région, le Tanganyika est la grande eau, soit
•s produits qu'ils en tirent, soit à cause des facilités de transport et
imunication qu'il olïre aux dix tribus différentes établies sur ses
« 1600 kilomètres de développement.
36^i présentent toutes les beautés .des lacs suisses sur une beau-
lus grande édielle; la végétation des tropiques y i^oute encore,
lurés d'arbustes qui entourent lee criques servent de retraite aux
:, aux zèbres, aux éléphants et h tous les grands fauves. Des em-
iree de rivières, obstruées de roseaux |et de papyrus, pullulent
opotames et de crocodiles et o&ent un asile aux canards, aux
lux ibis , aux martins-pécbeurs, aux belles grues cendrées et %
té d'autres oiseaux aquatiques ; la tortue nagé entre deux eaux;
sinistre de l'aigle pêcheur répercuté d'une rive à l'autre fait
tir le silence soleonel de ces lieux, tandis que sur les hauteurs, la
lergeaux arbres gigantesques, sert d'abri k de grandes fougères
■landées de lianes, à de brillants papillous et à des singes
^t de branche en branche.
is les parties du rivage où l'homme s'est établi, se présentent des
! de deux sortes. Dans les régions les moins habitées, où une longue
beuse expérience a rendu tous les étrangei's suspects, on aperçoit
liages indigènes entourés de palissades, perchés sur des promon-
ou dans des positions faciles à défendre, leurs provisions de pain ou
isson séché entassées sur des tiots pierreux et leurs canots retirés
ortée de la main. Dans les contrées plus heureuses, se voient quan-
B villages disséminés au milieu de plantations de bananiers qui
icent la paix et l'abondance, tandis que des champs de blé et de
— 343 —
cassave couvrent au loin toute la campagne. Çà et là un espace ouvert
est réservé pour le marché auquel les indigènes de tout sexe et de tout
âge arrivent, par terre ou par eau, pour vendre leur produits : huile,
poisson, sel, chèvres, miel et toutes sortes de denrées ; le long de la baie
sont rangés des canots de toutes grandeurs taillés dans un tronc solide,
bref, sous son aspect le plus atUrayant et le plus pacifique, tout Tattirail
des scènes africaines.
Sur la surface de Teau se dessinent la voile trismgulaire de la barque
arabe ou le long canot plat de Pindigène aventureux qui côtoient la rive
autant que possible, ne traversant le lac qu'après avoir soigneusement
examiné Tétat de Tatmosphère, Lorsque TArabe est surpris par un gros
temps, il se trouve parfois entièrement à la merci des vents et des tlots,
mais les embarcations étant excellentes se perdent rarement. Les indi-
gènes avec l^urs canots, en général pesamment chargés, n'ont qu'un
moyen de se tirer d'une tempête ; le plus robuste, ou tous si cela est
nécessaire, passent par-dessus bord ; se tenant au bateau, ils se soutien-
nent sur l'eau et servent à briser la force des vagues ; si le danger aug-
mente, ils jettent à l'eau la cargaison en comiinençant par les objets de
moindre valeur. Le lac présente des aspects très difiërents. Par le beau
temps, la navigation en est très agréable, les écueils^ et les bas-fonds
étant très peu nombreux. Mais les scènes les plus belles sont celles qu'of-
frent les nuits claires, ob la fraîcheur succède aux ardeurs du soleil. Ou
bien le vent de tempête en soulève les tlots, amassant autour des mon-
tagnes des masses de nuages qui déversent des pluies torrentielles sur
les pentes tout autour du lac.
Il n'est pas rare de voir se former de vraies trombes parfaitement
semblables à celle de l'Océan. Les changements de saison sont les
époques de l'année oii les vents et l'eau deviennent le plus dangereux.
Des tourbillons de vent, accompagnés de pluie et de grêle, peuvent
rendre, de nuit surtout, la navigation extrêmement périlleuse. M. Hore
a observé pendant quatre heures de suite le phénomène électrique du feu
Saint-Elme à l'extrémité du mftt.
Les saisons suivent l'ordre général que l'on remarque dans l'Afrique
tropicale ; les plus grandes perturbations météorologiques ont lieu à
l'époque où la saison pluvieuse succède à la saison sèche, et vice vei*sa.
D'après les observations de M. Hore, il tombe à peu près deux fois plus
de pluie à l'île Kavala, à l'ouest du lac, qu'à Oudjicyi, sur la rive orien-
tale. Le temps le plus chaud de l'année est en novembre et en février ;
le plus froid en juillet.
— 344 —
Qat u'est, eu général, nullement insalubre : il est beaucoup p\ns
celui des régions de la c4te sous la mdrae latitude; les malhea-
:périenoes Mtea jusqu'ici par des voyageurs et des nussioD*
it été dues plutdt aux conditions difficiles de la vie et du travail
salubrité dH climat. Quantité de ceux qui ont visité cette région
ffaiblifi par de longs voyages, beaucoup de vicissitades et d'an-
[. Hore ne doute pas qu'à mesure que la civilisation s'étendra,
lys et les conditious de la vie seront mieux compris, on n'ait
piundre du climat.
oute de grandes éteudues de pays snubloit desséchées, mak
trouvera presque partout où l'on creusera des ptots, et il ne faut
eau pour faire produire en abondance tout ce que fournissent
tropicaux.
nbreuees observations ont permis de tixer l'altitude du lac à
iron. L'eau est fraîche et propre K tous les usages,
aux habitants, la région du Tanganyika offre un mélange d'une
e tribus, représentant toutes les différentes familles de l'Afri-
^, négroïde, soulou, sémite, pygmée et aussi le groupe des
ms belliqueuses de l'ouest du Vlctoria-Nyanea, dont la classifi-
i pa£ encore été faite d'une manière complète. Tous ces éléments
argé vers le Tanganyika, non, comme on pourrait le supposer,
itrer en conflit, mais pour s'établir pacifiquement le long de
1, où, devenus enfants du sol, ils conservent encore assez de leurs
^siques pour que l'on puisse les reconnaître,
bus guerrières du N.-O. sont représentées dans l'Ou-Sigoué,
tpposent aux étrangers la plus grande difficulté pour pénétrer
* pays; toutefois la base sûre d'opéraUons qu'oA« le lac, fut
îigoué le meilleur point de départ pour des tentatives de le relier
^rritoire d'Ëmin-pacha.
nites africains du N.-K. venus d' Abyssinie et du pays des Gallas,
, pasteurs, sont établis sur te Tanganyika, sous le nom de Oua-
t de Oua-Djidji septentrionaux. Conservant leur bétail, ils sont
essentiellement agrioulteurs, et malgré leurs préjugés contre
ont pris des habitudes de marins; ce sont les bateliers et les
les meilleurs. Ils ont gardé le physique superbe et les traits
•s de leurs ancêtres, ainsi que l'habileté à travailler le fer et le
h tisser les étoffes.
irs explorateurs ont signalé une série de tribus pygmées et can-
lartant de la côte occidentale et atteignant le Tanganyika, dans
— 345 —
rOu-Bemba; elles n'y soat que faiblenaeut repr^^iwt^, peut-être est-ce
le mauvais accueil qui leur a été fait par les populations des bords dç
lac qui les a empêchées de se fondre avec les autres indigènes.
Le type nègre provient de l'ouest et se trouve représenté dans Ijb
Ma-Roungo, et peutrétre dans l'Ou-Gouba etrOu-Goma.
La famille négroïde est venue de la côte orientale sur deux ou plu-
sieurs lignes.
Les Zoulous ou Mazitous, ont été refoulés du Sud vers le Tangaojika,
et les Oua-Touta et autres rejetons, portant sur la têt^ l'anneau distinc-
tif des Zoulous, après un court établissement à l'angle 0. du lac, se sont
mêlés aux Ou-Nyamouézi.
Toutes ces familles, sauf les Zoulous, ont acquis une grande habileté
dans la navigation, dans la mesure oii l'existence d'arbres convenables
pour des canots, Jes côtes, les ports, et les nécessités d'échanges out pu
les favoriser.
Quoique presque toutes les familles africaines soient représentées
dans la région du Tanganyika, cep^dant ce sont les Ou-Nyaniouézi
qui occupent la pins grande partie de ce bassin. Ils ont envoyé des colo-
nies jusque dans le Katanga, le Garangauzé d'aiûour4')mi<
La proximité de tous ces éléments divers a servi à développer et à
encourager l'art et l'industrie indigènes, ainsi que l'échange des produits.
I/e progrès aurait été constant sans l'esclavage et la traite pratiquée
par les Arabes. Sans doute la condition primitive de l'esclavage est celle
que l'on rencontre partout dans l'histoire andenne, mais la forme
actuelle, introduite dans l'Afrique centrale, par des étrapgers, provient
de contrées ou l'organisation sociale développe les passions les plus
basses de la nature humaine.
Malgré les conditions désavant;ageuses dans lesquelles se sont trouvées
les popuUtions de l'Afrique centrale, les arts utiles s'y «iout développés.
Les métaux servent ^ fabriquer des ustensiles et 4es annes; l'argile
fournit des vases de toutes formes. Le^ indices filent toutes sortes de
libres végétales, en font des tissus, des nattes, des corbeilles; ils font du
sel et de l'huile; prennent du poisson, le conservent et le distribuent;
partout oîi la paix le permet, sont établis des marchés pour les échanges.
La seule condition qui manque pour de rapides progrès à tous les points
de vue, c'est la paix et un gouvernement assuré.
Xjes indigènes cultivent, outre le riz et diverses céréales, le palmier à
huilef les arachides , le sésame, le tabac, le coton, beaucoup de iibres
végétales, le caoutchouc, etc. ; ils exploitant le fer, lo cuivre, les peaux,
l'ivoire, etc.
— 346 —
Les voies de communication convergent vers le Tanganyika. Dans
l'Afrique tropicale orientale, elles se dirigent actuellement de Test à
l'ouest, maie plus tard il sera facile d'en ouvrir du Nil au Zambëze. La
voie la plus fréquentée jusqu'ici est celle qui, partant de Zanzibar, tra-
vei"se le Tanganyika, pour gagner le Congo et la c6te, occidentale*. Le
temps ordinaire employé par les caravanes annuelles de la Société des
missions de Londres, chargées de marchandises, est de trois mois pour
aller de Zanzibar à Oudjidji^ M. Hore, a fait, dans les mêmes conditions,
le trajet en 90 jours ; une autre fois, avec plusieurs Européens, de pesan-
tes charges et un bateau sur six chariots, en 104 jours. Sans charges, il
Ta fait en 62 jours, et Tannée dernière, avec sa femme et son enfant,
en 72 jours. Au point de vue des frais de transport, la route du Nyassa
peut être préférée; mais l'expérience acquise par les porteurs, la dis-
cipline et la connaissance de tous les détails de l'ancienne route plai-
dent en faveur de celle-ci.
C'est en 1878 que la première expédition de la Société des missions
de Londres, a atteint le Tanganyika ; malgré de grandes difficultés et de
nombreux décès, l'œuvre a été poursuivie avec persévérance. Les mis-
sionnaires ont appris à connaître toutes les tribus des bords du lac ; deux
stations ont été fondées; quantité d'indigènes ont été formés comme
pilotes, constructeurs, ouvriers, domestiques; même les Arabes, trafi-
quants ou colons, ont déposé leurs préventions et ont aidé aux progrès
de la mission par leur conduite hospitalière et amicale.
La Société possède un bateau de sauvetage en acier, et un bâtiment
à voile de 18 mètres de long, pourvu d'une machine à vapeur. Le lever
du lac a été fait, les ressources du pays et le caractère des indigènes
ont été étudiés. Au point de vue de la suppression de la traite , la situa-
tion du Tanganyika est excellente et le pays riche par lui-môme peut
devenir le centre d'un commerce légitime important. Quant au dévelop-
pement de l'art et de l'industrie des natifis, M. Hore regrette que l'on
ait inondé certaines régions africaines de marchandises européennes à
' Du point où la Loukouga sort du Tanganyika jusqu'à Nyangoué, sur le
Congo, la distance, à vol d'oiseau, est de 500 kilomètres environ.
^ Outre Oudjidji, établissement essentiellement arabe, on compte, sur les bords
du Tanganyika, les stations de Karéma et de Mpala, fondées par l'Association
internationale africaine et remises aux missionnaires romains après la fondation
de l'État du Congo ; celle de Kibanga, des missions d'Alger ; celles de Kawala et
de Pambeté, de la Société des missions de Londres.
— 347 —
bon marché, qui oat étouffé de précieuses Uidustries iod
aurait fallu encourager arec soin. Il serait déplorable que 1
commerciales des Européens n'eussent pour but que le lue
Africains, privés de leurs travaux utiles et laissés dans le
primitive, tombassent dans un état de sujétion pire que 1(
présente. Leur magnifique pays ne réclame qu'un peu d'à
les ressources en soient utilisées; eux-mêmes s'élèveront s'
nus, mais aucime entreprise politique, commerciale ou si
sera possible si elle ne se propose avant tout la suppreesioi
la traite des esclaves.
CORRESPONDANCE
Lettre <■ ZMoMse, d« M. I>. Mtmmmuir*
Séshéké, Zambëze, 21
Je vais essayer de répondre à vns principales questions. L'esc
Ba-Rotsé s'étend à toute la population. Ainsi, le roi a le droit de
service n'importe quel fils lie chef, dont il fait un eeconAoa, c'est-
iles gens de sa maison ou un surintendant pour la chasse, la péc
d'autres travaux. D'autres fils de chefs sont appelés par lui à de
village ou de tribn. En un mot, c'est le roi qui, avec l'aide de ses c
fère toutes les charges dans le royaume. Le roi a encore le droit
tribut humain sur chaque chef, duquel 11 prend les sujets mâles o
il a besoin. £n outre, chaque année, le roi envoie des licomboa, oi
dea enfants, surtout chez les Ma-Totela, les Ba-Toka et les Ma-S
ditions ne sont pas toujours très productives, cor dés qu'on appi
dea envoyés du rot, les parents cachent leurs enfants. Les petits i
se prêtent volontiers à ce stratagème et répondent aux envoyés di
gens sont dispersés et introuvables. Alors, si une battue des bois
échoue, tes gens du lekheto (des péages), s'en retournent à vide à
encourir la colère du roi qui est habitué à ce mode de faire. D'autre
dition semblable n'échoue jamais complètement; tout le butin hu
au roi qui, après avoir fait son choix, distribue le reste aux autre
ambassadeurs tout d'abord, en rétribution de leurs peines.
Ces expéditions sont le fléau du pays, non seulement à caust
gens qu'elles exécutent, mais aussi parce que les messagers pillei
battent les gens, font bonne chère aux dépens des victimes. C'est
son que les gens se dispersent le plus possible, qu'ils cachent
loin des villages dans des trous soigneusement recouverts. En revai
que les pauvres envoyés du roi mourraient de faim s'ils n'usaient t
— 348 —
se procurer des vivres. Le^ ordres du roi de pourvoir aux besoins de ses messa-
gers, ne servent à rien, et quelquefois nous avons vu sous nos yeux ces derniers se
servir eux-mêmes sans que, dans nos cœurs, nous pussions les blâmer, bien que
nous ayons toujours réprouvé devant eux tout acte semblable de violence et
engagé les gens à leur donner de plein gré. Les Ba-Rotsé disent : rea tsualda morena
(nous enfantons pour le roi) ; les esclaves corrigent ce dicton en disant : rea tsua-
lelaBa-Rotsé (nous enfantons pour les Ba-Rotsé). Voilà pour ce qui concerne l'escla-
vage en temps ordinaire. Dans les expéditions guerrières, le butin humain appar-
tient à celui qui le capture, après que le roi et le chef du guerrier ont pris leur
bonne part. En d'autres termes, il faut que les esclaves aient la main heureuse
pour qu'il leur reste quelque chose; les plus fortunés auront surtout en partage
une femme, ou une jeune fille ou un enfant. Il en est de même pour l'antre espèce
de butin, le bétail par exemple, beaucoup d'esclaves en possèdent quelques têtes.
Même en dehors du butin de la j^erre, les bergers des Ba-Rotsé ont tous une ou
deux vaches qui leur appartiennent en propre ; en outre, ils ont le droit de traire
certaines vachfii» pour leur entret^ iovrjialier* Chaque chef agit avec ses gens
comme le roi le fait avec lui. Il donnera à celui-ci une femme, à celui-là une
vache, à un troisième un esclave. II y a donc peu d'esclaves qui ne soient maîtres
à leur tour, même les esclaves des esclaves ont aussi des esclaves. Ce qui est
particulier à ce pays, c'est que les chefs prennent pour femmes leurs esclaves et
donnent leurs filles en mariage à leurs esclaves. Il en résulte que les chefs sont
en relation de famille avec bon nombre de leurs gens; c'est sans doute par ce
moyen qu'ils conservent quelque ascendant sur ceux-ci. A proprement parler, il
n'y a pas de chefs dans ce pays où tout le monde est chef. Au premier abord, les
Ba-Rotsé sont avec leurs esclaves dans les rapports très familiers, presque pater-
nels. Ils les battent bien quelquefois, les tuent même; mais, somme toute, les
esclaves ont beaucoup de liberté, ils peuvent, presque impunément, refuser de
faire certains travaux. Rien ne démontre mieux le peu d'autorité dont jouissent
les chefs, que la dernière expédition de chasse aux Matsui. Il leur a fallu plu-
sieurs semaines pour rassembler, au nom du roi, une partie seulement de leurs
gens et non moins de peine pour les empêcher de se sauver tous sur le théâtre
d'action. Lors de la dernière guerre, Ratau, le général en chef de Seshéké, par-
tait seul avec ses enfants et deux ou trois esclaves, après avoir vainement attendu
ses gens. « Oh ! non » répondit-il, « ils me suivront dès qu'ils me sauront en route. »
Il ne s'agissait ici que d'aller piller les Ma-Choukouloumbé. Lors du sac de
Seshéké par Lethsuala (Morantsiane), les chefs se sauvaient tous seuls, abandon-
nés de leurs esclaves. En cas de difficultés «^ntre un chef et un esclave, celui-ci
se réfugie chez le roi. et même lorsqu'il reçoit une punition corporelle, il devient
sujet du roi plus souvent qu'il n'est renvoyé à son chef. J'ai entendu dire, mais
ceci demande confirmation, que le roi a décidé de donner une défense à quiconque
tuera un éléphant; le chasseur aurait le droit d'acheter ce qu'il voudrait avec sa
défense et de partager le butin avec son chef. Toutefois, cette mesure ne parait
pas être en faveur, à cause des querelles que le partage du butin peut faire sur-
gir entre les intéressés (maîtres et esclaves).
— 349 —
VoDs me demandez encore : b'H ftrrire qa'ime mère eaclave soit séparé
enfànu; hélas I c'est le cas généralement, non seulement pour les tîcI
la guerre, mais aussi pour celles da tribut. Les captifs sont les derniers <
mail au boat de quelques looées, ils sont sur le même pied que les
ils font d'emblée partie de la nation. Constamment, an principal esc
élevé an rang de petit chef; le nombre de ceux-ci est incalculable.
de Bo-Rotsè ne s'applique pas seulement à des Ba-Rotsé d'origine, ti
but, c'est bien plutôt le nom général donioé am chefs, de quelque tril
descendent. Si ces derniers conserTent le pouvoir, c'est qu'il ; a entre
espnt de solidarité mntuelle, des relations de famille, et que les tribus f
n'ont pas l'eeprit de corps, pas d'unité, pas de chefs. Je ne pense pi
qu'un homme de talent et de courage parmi les esclaves pût les libérer; i
aie des antres annuterait tous ses efforts, il n'y a pas de patriotisme cl
Ce que je viens de dire répond à deux entres de tos questions, c'est-i-c
les enfants de l'esclare appartiennent k son chef on an roi et qu'il n'y a,
d'affraocliisBement, qn'uoe amélioration de l'esclavage pour les pins babil
sont esclaves et sans doute le roi aussi ; la nation tout entière est liée fc !
chaîne. Entre eux, les chefs font des marchés de bétail, de bateaux,
eeclaves sont la monnaie; ou bien ils eu fout de* échanges. La vente des (
la traite au dehors, est maintenant interdite par le roi. Du cété du snd,
impossible à caose de Ehama et du cOté de l'ouest, les Mambare ont ac
achètent encore des esclaves des chefï, mais je crois qu'ils ne le font plu
tement et que le nombre en est peu considérable.
Toici maintenant un autre sujet intéressant. Il ; a deux mois, notre post
été apportée par nn de nos chasseurs de l'an dernier. Il est venu, au nom d'uni
de Kimberley, essayer de passer avec le roi et les principaux, nn contrat,
lequel 11 recevrait le droit exclusif de la recherche de l'or dans tout le j
Ba-Rotsé. Il demande l'autorisation de construire, d'établir des routes à
mSme des raiiways, de rendre la route du fleuve navigable pour nn petit
etc., et désire n'introduire que de braves gens dans le pays, une vingts
l'année prochaine, et pas de spiritueux. En retour de la concession accordi
société offrirait au roi une rente annuelle de 300 liv. sterl. et un fort beau
de fusils et de munitions dès aiyourd'hui. En outre, ce Monsieur est cba
un représentant de la Be-Chuaaaland Exploration Companf Limited, i
signer, au nom de cette dernière, un contrat demandant le monopole exe
commerce de tout ce pays ; le contrat stipnle qu'aucun spiritueux ne sei
duit dans le pays; cette seconde Société désire établir des magasins sur ce
ainsi qu'un service de poste régulier. £lle offrirait an roi une rente ann
100 tÎT. sterl. Le négociateur eet & la Vallée et nous attendons impati
l'issue de ses négociations. Les Ba-Rotsé ont tout intérêt à accepter, d'ant
que les Ma-Tébélé sont pour eux une menace constante. En ce moment
sent le fleuve en-Uessous de Wank; et les espions du roi ne savent pat
s'ils se rendent ici on chez les Ma-Choukonloombë. Le danger sera enco
— 350 —
lel si les Bœrs arrîTeat fc dépoHéder LobenguU de son paya et à le refoa-
' cette rire. Ed répODse à une lettre adressée l'an dernier, par noua, i
j:u1a, M, HoliQ de la Société des missiotu de Londres, noos répond au nom
que, même en cas d'ioTsaion, nous n'aurions rien à souffrir des Ma-Tébélé;
te que nous devons plus compter sur l'intérêt de LobenguU à se conserrer
vouloir des blanrs que sur sa parole dounée. De tous cAtét, le moment pré-
it critique pont ce pays.
notre œuvre, il y a peu de chose à dire : la reprise de l'école après la
aux Matsui, nous a amené peo d'éltres. Le Jeune chef est i ses champs
iue tous les autres, à peu près. La première ardeur pour l'étude semble
)mbée chez la plupart d'entre eux et nos priadpatu auditoires sont ceux
campagne. Mon cheval nous pennet, à tour de rûle, de voir plusîeare villa-
«que dimanche et il mérite bien l'intérêt de nos amis. Ha maison est sons
aie non couverte, et il y a encore du travail poiu- placeurs mois afin de la
•. habitable. Aarone m'a été d'un précieux secours dans cette bitiue. De la
!, les dernières nouvelles étaient peu bonnes; la maladie sévit dans l'école
■oula, et M" Coiltard est toujonn pen bien. Nous attendons l'arrivée de
lia pour porter du renfort à notre doyen dont la t&che dépasse les forces à
heure. Nous n'avons pas eu de journaux cette année et ne savons les non-
que par nos lettres ; il nous tarde fort de lea recevoir,
juin; nous avons en cette nuit un degré centigrade au-dessus de zéro, le ni-
1 de cette année. Lemaiimum&rombre est 45° à46° dans la saison chaude.
Eazangula, 81 juillet 1889.
auis ici depuis 8 jours pour nos bagages et M. Coillard m'a rejoint hier. Le
iateur dont je tous ai parlé a réussi à passer un contrat pour l'or. Il a
n en concession le pays compris entre la Msshele, la route de guerre pour
chez les Ma-Chonkouloumbé, la Eafoué et le Zambèze. Il payera au roi une
annuelle de 200 liv. sterl. et le 4 % du produit des mines.
revanche la demande de la Be-Chuanaland Company touchant le monopole
lercial a échoué; mais le roi l'a invitée à faire un libre commerce dans ce
uraî sans doute à attendre encore nue semaine avant de pouvoir penser k
mer au logis.
D. JaumiiRCT.
BIBLIOGRAPHIE'
rederik Jeppe. Map of the Transvaal ob S. A. Rspubuc akd sua-
a)tNa TBRRITOBIE8. Pretoria, 1889, 1 : 1,000,000. — Grâce à leurs
is d'or, le Transvaal et les contrées voisines attirent, en ce moment-
On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genève et à BUe, tous lea
iiges dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civiUaée.
— 351 —
ci, l'attention publique d'une manière toute particulière; aussi la publi-
cation de la carte de M. Jeppe est^Ue pour les colons, les mineui*s et
les actionnaires des compagnies aurifères, une aussi bonn^ foi-tune que
pour les géographes. Son échelle (1 : 1,000,000) est très grande pour un
pays africain, surtout pour des régions peu peuplées sur d'assez vastes
étendues ; en outre elle est fort commode pour permettre de se rendre
compte des distances, car un millimètre sur la carte représentant un
kilomètre sur le terrain, on peut, avec im double décimètre, calculer
facilement les longueurs itinéraires.
Le Transvaal occupe à peu près la partie centrale de la carte, qui
déborde tout autour, au nord, jusqu'à Gouboulououayo et aux monts Ma-
toppo ; au sud, jusqu'au pays des Ba-Souto, inclusivement ; k l'ouest,
jusqu'à la frontière occidentale du Griqualand West ; enfin, à l'est, jus-
qu'à l'embouchure du Limpopo. On voit que la carte de M. Jeppe repré-
sente une des régions les plus intéressantes de l'Afrique australe ; des
couleurs bien tranchées y séparent les différents pays. Les lignes ferrées
en exploitation, les voies en projet, les routes postales, les chemins ordi-
naires, les lignes télégraphiques sont indiqués par des signes distincts.
L'auteur a mis un grand soin à marquer d'une manière spéciale les ré-
gions d'exploitation aurifère, ainsi que les districts où l'or a été décou-
vert. Des cartons donnent au 1 : 500,000, c'est-à-dire à une échelle
double de celle de la carte principale, les territoires aurifères les plus
importants, entre autres celui de Kaap, où se trouve Barberton.
D'après, la longue liste, indiquée dans le titre, des documents dont
l'auteur s'est servi pour dresser sa carte, on constate qu'il n'a négligé
aucune source importante. Toutefois la Société de géographie de Lis-
bonne a cru devoir réclamer au sujet de la limite occidentale des colo-
nies portugaises, fixée par M. Jeppe, au nord du Transvaal. Entre la
frontière indiquée par ce dernier et celle à laquelle les Portugais décla-
rent avoir droit, il y a une distance d'environ V» à V4 de degré en longi-
tude, ce qui représente un assez vaste territoire. L'auteur de la carte
donnant la limite qu'il indique conmie purement approximative, il est
probable que si les droits du Portugal sont fondés, il reconnaîtra son
erreur. En tout cas, nous ne pouvons que le féliciter pour son beau trar
vail qui fait connaître en détail une importante région de l'Afrique.
Eugène Béchet. Cinq ans de séjour au Soudan français. Paris
(E. Pion, Nourrit et C»*), 1B89, in-18, 270 p. et carte, fr. 4. — L'auteur
de ce livi'e a fait partie de l'administration du Haut-Sénégal où il est
— 352 —
resté cinq ans. Il n'a pas pris patl aox grandes explorations et aux cam-
pagnes qui ont eu pour théâtre cette région et le bassin supérieur dn
Niger. Sou emploi le fixait à un poste, d'abord Longtou, puis Kita, d^oti
il voyait partir des expéditions auxquelles il aurait vivement désiré se
joindre. C'esrt donc Texisteuce qu'il a menée au milieu des populations
d'une portion assez restreinte du Sénégal supérieur qu'il décrit dans ce
volume. Vivant en contact journalier arec les indigènes dont il possédait
la langue, très souvent consulté par eux dans les dîiférends qui les sépa-
raient, il a pu réunir un certain nombre d'observations sur le genre de
vie, les mœui-s et le caractère des nègres du Haut-Sénégal. A vrai dire,
ce petit livre n'apprend rien de bien nouveau à celui qui a lu les ou-
vrages de Faidherbe, de GalHéni, etc. ; toutefois, il n'est pas dépourvu
d'intérêt et, du reste, il se lit rapidement.
H. Vdde. DtB Tbansvaal Goldfelder Sûd-Afbika's. Ihr Werth an
sich, fur die Transvaal Republik und fur die Interessen des deutschen
Handels und der deutschen Industrie. Berlin (Nord-deutsche Buchdruc-
kerei), 1889, in-B*, 40 p. — Cette brochure est consacrée à la description
des régions aurifères de l'Afrique australe, et particulièrement de
Lydenbourg, de Kaap, de Komati, de Witwatersrand, de Malmani, du
Zoutpansberg, de Tati, d'Oumzila, ete. L'auteur n'envisage pas setile-
ment le côté financier de l'exploitation, mais il s'occupe ausâ, dans une
large mesure, de la géologie des contrées aurifères. Les études faites
jusqu'ici lui permettent de donner des détails assez complets sur la
nature des terrains, qu'il est essentiel de bien connaître pour pouvoir
établir une exploitation rationnelle et rémunératrice. Dans les dernières
pages de l'opuscule, il parie de l'importance des mines pour le Trans-
vaal, ainsi qu'au point de vue de l'industrie et du commerce de l'Alle-
magne. Il voudrait que, dans sa patrie, on s'occupât davantage de cette
Californie africaine à laquelle est réservé un brillant avenir. Pour lutter
contre l'influence anglaise, il propose plusieurs moyens, entre autres
l'établissement de représentants officiels de l'Allemagne au Transvaal et
à la baie de Deiagoa, l'immigration plus active des capitaux allemands
'et des Allemands eux-mêmes dans le Transvaal, la création dans ce
pays d'un journal en allemand ou en allemand et en hollandais, ete.
Les émigrants et les capitalistes trouveront dans cette brochure des
indications utiles fournies par un homme compétent.
r^
— 353 —
AUX ABONNÉS
Après avoir dirigé pendant dix ans YAfriqm explorée et cmli-
sée, que j'avais fondée en 1879, j'ai l'honneur d'informer ses abon-
nés et ses lecteurs que je laisserai désormais le soin de sa publi-
cation à son zélé rédacteur, M. Charles Faure, qui veut bien s'en
charger.
Au moment où des considérations personnelles me portent à
renoncer à la direction effective de ce journal, je suis heureux de
penser que j'aurai en mon principal collaborateur, dont chacun a
pu apprécier la compétence, un successeur d'un talent éprouvé,
pour le continuer dans le même esprit d'impartialité que je me
suis efforcé de lui imprimer et que je tiens pour l'un de ses titres
essentiels à la confiance du public.
Le changement que j'annonce ne consistera d'ailleurs qu'en un
simple déplacement de responsabilité, et je ne cesserai pas, en
particulier, de prêter mon concours à M. Faure. J'espère que,
dans ces conditions, V Afrique eocplorée et civilisée ne verra pas
s'affaiblir la sympathie qu'elle a rencontrée jusqu'ici parmi les
africanistes et dont, pour ma part, je leur suis très reconnaissant.
Genève, le 2 décembre 1889.
Gustave Moynier.
BULLETIN MENSUEL (2 décembre 1889),
Le Bulletin de la Société de géographie de Marseille nous apporte
une mdication sommaire sur l'exploration dont a été chargé, par le
gouvernement français, M. Ed. Blanc, en vue d'étudier les moyens de
fixer les dunes de sable qui menacent les oasis du sud de la Tunisie.
^ Les matières comprises dans nos BuUetms mensuels et dans les Nouvelles cont'
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la cdte orientale du continent et
revenant par la c6te occidentale.
l' AFRIQUE. — HlXlkKR ANN^. — N° 12. 12
— 354 —
Il était question de leur appliquer des procédés analogues à ceux qui ont
été employés en France pour fixer les dunes littorales du golfe de Gas-
cogne ; mais, en Afrique, il faut compter avec le manque d'eau; aussi
les ditîicultés sont-elles beaucoup plus grandes. M. Blanc a constaté que
le sud de la Tunisie se dessèche progressivement. Le contraste qui existe
aujourd'hui entre la richesse des oasis et la stérilité du désert qui les
environne n'existait pas à l'époque romaine ; on en a la preuve en
voyant les ruines très nombreuses qui sont dans le désert actuel. Au sud
des oasis de Nefzaoua et de Djérid, M. Blanc a traversé le désert de
l'Erg de l'est à l'ouest, en suivant un itinéraire qui n'avait pas encore
été parcouru. Ses explorations dans la partie méridionale du Chottrel-
Djérid l'ont amené à penser que les anciens golfes qu'il formait au sud-
est et au sud-ouest de ses bords actuels devaient marquer les limites de
l'occupation romaine. Quant à l'avenir de la région des oasis, M. Blanc
ne croit pas qu'il soit possible de transformer le pays et de le couvrir de
végétation par le moyen de puits artésiens. Ds ne peuvent être utilisés
que pour des exploitations locales.
La situation de lHénélik paraît s'affermir. Le ras Mangascia et le
dejac Sejun, neveu du roi Jean défunt, ont fait leur soumission. Ménélik
a donné au dernier le coumiandement de son avant-garde. De son côté,
Ras-Aloula a offert de se soumettre à la condition de recevoir ime posi-
tion en rapport avec son grade. D'autre part les chefs de KaasAla ont
fait demander au général italien de faire occuper leur ville par des trou-
pes, pour mettre fin à l'anarchie qui y règne. Les riches négociants du
pays et les chefs des tribus voisines se sont engagés à prendre à leur
charge les frais de construction d'un chemin de fer de Massaoua à
Keren, et plus tard de celui de Keren à Kassala, quand le pays sera
tranquille. En attendant, les^popuMîônMêrHamazen ont déjà retiré un
grand avantage de l'occupation des plateaux par des troupes italiennes.
Avec les razzias et les guerres continuelles, les campagnes produisaient
peu ou rien. Aujourd'hui, les habitants vont à Massaoua acheter des
grains qu'ils transportent par chemin de fer jusqu'à Sahati et de là chez
eux à dos de mulet. Le commerce d'échange est aussi en bonne voie. Le
blocus peut être considéré comme levé.
Les Mittheilungen de Gotha nous apprennent que M. J. Nielsen-Lund,
missionnaire norwégien, a fait, dans le sud de Mada^asc^ar, une
exploration qui lui a permis de constater que, contrairement à l'opinion
courante d'après laquelle cette paitie de Ttle serait une vaste plaine
parsemée de montagnes isolées, c'est une contrée montagneuse avec des
sommités de plus de 130(t". Trï
kaly qui forme le cours supéric
la proviDce de Tanoty qu'il p
Tournant ensuite au sud, il ex[
d^ob il atteigutt des districts dt
arriva à Fort-Dauphin d'oU il p
Le désir de visiter plusieurs
engagé MM. Henri Berthoud et
Bidlelin de la Mission romande
un peu différent de celui que su
1885 ' ; mais les localités iiouv
toutes indiquées dans sa carte,
voyageiu^ passèrent d'abord à
rent le Salaté jusqu'à l'endroit
rendirent à Phamahomo, travei
Ndzyo et, se dir^eant toujour
maué et Makaringé sur la rive gi
popo, ils visitèrent le vieux chef
chure du fleuve -sur l'Océan indi
tèrent les tribus du bord de la
le Nkomati et arrivèrent à Rikj
y était réunie. Les missionnaîr
geurs eurent, il est vrai, à s
purent reprendre, dès le 16 ao
L'exploitation des ylsemen
que australe en géiit^ral, prend (
sidérable. Pendant la période d
de peu d'importance : 1 ,300,000
dernière, elle a fait de très grai
traitent le quartz, surtout dai
Kaap. Le premier de ces distrii
tation d'or du Cap. Les min
environs immédiats de Johannt
combustible d'assez bonne qua
des frais d'exploitation et activ
triets, comme dans ceux du 7.a
raland, qui commencent à at
quartz paraissent de formation
' Voy. U Carte, VU"* année, p.
— 356 —
ne se trouve donc pas en présence de circonstances accidentelles, mais
on a affaire à une production qui suivra une marche progressive. L'an
dernier, les mines africaines ont déjà jeté sur le marché financier une
trentaine de millions de francs ; il est fort probable que cette année-ci
l'exportation atteindra 47 ou 48 millions, dont 38 provenant des gise-
ments du district de Witwatersrand. On compte pour Tannée prochaine
sur une production quotidienne de 3,000 onces, soit 900,000 onces par
an ou environ 80 millions de francs. L'Afrique australe est donc appelée
à exercer une influence considérable sur le marché de l'or.
M. Frank Mandy écrit de Kimberley au Diatnond Fields Advertiser,
pour mettre en garde les chercheurs d'or du Transvaal qui seraient
tentés de se rendre dans le Ma^Shonaland, contre les dangers aux(^els
les exposerait une carte intitulée : The Prospector's Sketch map of
Ma-Tebeleland and Ma-Shonaland. L'auteur, M. Bowler, indique comme
<i route sûre et salubre » un itinéraire allant de Pretoria par Maraba-
stadt, le Limpopo traversé au nord de Derdeberg, la Nouanetzi et la
Loundi, de Zimbade l'on atteint la Gounamapoutsi, cela fait en tout
1145 kilom., par une route bonne pour les chevaux et les bœufs. Or,
d'après M. Mandy, il n'y a point de route dans la plus grande partie du
territoire indiqué. Le climat y est mortel, les rivières d'un passage
presque impossible. Du côté de l'est, le Ma-Shonaland est inaccessible
pour les wagons. Il y a quelques années, le P. Law chercha à se rendre
du Ma-Shonaland au pays d'Oumzila, mais il rencontra de telles diffi-
cultés qu'il fut forcé d'abandonner son wagon et qu'il mourut de fatigue
et de fièvre. Un chasseur qui, avec quelques Boers, n'avait pu obtenir
de Lo-bengula l'autorisation de chasser, résolut de se rendre dans le
Ma-Shonaland par la route du sud, qu'indique M. Bowler; toute l'expé-
dition eut à souffrir de la fièvre ; sur dix-sept personnes, huit moururent
en route ; le pays est très accidenté, les wagons sont plus encombrants
qu'utiles. Des mineui-s qui prendraient cette route s'exposeraient à un
désastre à peu près certain.
Khama, roi des Ba-Mangouato, a dû émigrer avec tous ses gens et
leurs biens, de fiîhoshouii^, au district de Couapong; les cartes portent
aussi Matsopong. Depuis longtemps, le manque d'eau à Shoshong était,
pour les habitants, une cause de grandes difficultés. La situation de la
nouvelle ville se trouve par 22%45' lat. S. et 28°,40' long. E. Elle est
beaucoup plus rapprochée que Shoshong de la rivière des Crocodiles,
dont 100 kilom. la séparent; elle a de l'eau en abondance, et convient
très bien à la culture des végétaux d'Europe. Le journal, The Oironicle,
— 357 —
de la Société des missions de Londres, ajoute cependant qu'i
menace le nouvel étabbssemeDt, c'est un poste de police créé p:
vernement du protectorat britannique à environ 35 ou 40
Couapong. Khama ne permet pas que les spiritueux soient ;
chez !es Ba-Maiigouato, et ses gens sont tout à fait tempérants
tique anglaise aeceptera-t-e!le cette prohibition ? Après le d
gens de Khama, les blancs sont restés seuls à Shosbong.
M. Arnat écrit du pays de Kivoula, dans la province
lEuela, le 2 juillet, aux Proceedings de la Société de géog
Londrtw: nLe système des porteurs «presque complètement C€
qui étaient employés comme tels s'étaut adonnés à la recl
caoutchouc depuis If^ découverte de certaines racines qui en foi
Les trafiquants portugais eux-mêmes ont été forcés, faute
d'abandonner leur commerce avec l'intérieur; le prêtre de Bs
quitté son poste, les provisions lui manquant. J'ai télégraphié i
pour avoir des mulets. Après plusieurs messages par le câbl(
guela nouvellement posé, j'espère recevoir par le steamer du m
douze mulets de transport. I! suffira qu'ils transportent mes b
mes marchandises jusqu'à Kivoula ou à Bihé; au delà de ces (
lités, ou peut se procurer des porteurs. En attendant, avec
j'examine la route; le sentier s'élève jusqu'à ISOCrsur un pa
lOOkilom.; il est très raboteux, mais n'est pas inipraticabU
bêtes de somme. Nous avons un cheval, un âne et un mulet; i
l'emporte sur les deux autres, quoique l'Ane provienne d'Es
que le cheval ait servi sur les routes ditBciles des ties du Cap '^
j'espère obtenir mes mulets. A l'intérieur tout est tranquilh
monde paraît occupé par le commerce. »
Le lieutenant Tappenbeck est mort subitement de la fièvre a
pount c'est une grande perte pour l'exploration allemande
Après le départ du capitaine Kuiid de la station de Epsumt
Njouug supérieur et le Sannaga, Tappenbeck avait pu faire i
naissance au N.-O., franchir le Sannaga, pt atteindre le pay
Ngiren dont la résidence est située par 4 ,42' lat. N. et 12 ,2;
Il avait constaté là l'existence de relations commerciales ave(
musulmans haoussa, relations qui amènent la traite, la dévasti
dépopulation du pays. En appi-euaiit la mort de son compagiio
ration, le capitaine Kund a immédiatement quitté l'Europe po
ner au Cameroun. Il s'établira probablement à la station d
Celle de Kribi dans le Orand-Batanga a acquis une importance
— 858 —
ciale et politique assez grande pour qu'un fonctionnaii'e impérial y soit
attaché.
Le Jouurnal des Débats a reçu une correspondance intéressante rela-
tive aux études faites à Saint-Louis par M. le D' Castaing, pharmacien
principal de la marine française, sur la culture du ricin au Sénésml.
M. Castaing avait jeté les yeux pour cette culturç sui* les vastes terrains
sablonneux du Cayor et de la banlieue de Saint-Louis ; en 1888 il distri-
bua 20,000 graines de l'espèce la plus productive. Malgré la sécheresse
du dernier hivernage, qui a compromis la culture des arachides et du mil
dans le bas tleuve, il a pu être récolté dos graines mûres dans les pre-
miers, joui's de décembre, sans préjudice de la récolte das arachides, du
mil, des haricots. Ces graines sont belles, bien nourries, grasses, pesant
environ 40 à 50 grammes le cent, suivant le degré de dessiccation. Le
ricin indigène, plongeant ses racines profondément dans le sol, s'accom-
mode de peu d'humidité ; il ne nuit pas à la culture des arachides et du
mil qui se nourrissent à la surface. M. Castaing s'est aussi préoccupé de
savoir si un écoulement du ricin était possible sur les marchés d'Europe.
M. Heckel, professeur de sciences naturelles à Marseille, lui a répondu
que les ricins sont très recherchés et valent, l'huile de 54 à 57 fr., et les
graines de 25 à 27 fr. les 100 kilog. A Marseille aussi le placement est
facile, même pour de grandes quantités. En 1877 les arrivages de ridn
à Marseille n'étaient que de 3190 quintaux métriques, en 1879 ils s'éle-
vaient à 67,980 quintaux et en 1888 ils ont atteint 181,040 quintaux.
Il y a quelques années l'huile extraite du ricin n'était guère employée
que dans la pharmacie. Aujourd'hui, c'est la plus faible partie qui est
alfectée aux usages pharmaceutîtiues, tandis que presque toute la pro-
duction est utilisée soit dans la teinturerie, oU elle sert de mordant pour
fixer le rouge sur les étoffes, soit pour la savonnerie et le graissage des
machines.
M. Donald Mackensie, directeur de l'établissement commercial anglais
du cap tiaby, a adressé en Angleterre un rapport sur la marche des
factoreries, et sur l'opposition faite par les Maures, opposition à laquelle
il espère avoir mis un terme. Le commerce augmente, et la paix règne
parmi les tribus diverses du voisinage. Lors de sa précédente visite, il
avait vu les principaux chefs du pays, et, sur les instances des natifs, il
les avait groupés en confédération sous un chef suprême pour la protec-
tion du commerce du cap Juby, et aussi pour la défense du pays contre
les maraudeurs. Lorsque le gouverneur de l'Oued-Noun, pour le sultan
du Maroc, apprit cette organisation, il s'empressa de prendre des me-
— 359 —
sures pour s'efforcer de la rompis. Il essaya d'abord de séparer les chefs
amis, mais ce projet échoua; alors il résolut de recourir k la force.
Après avoir soigneusement dressé son plan, il sortit de l'Oued-Noun
avec un corps de 150 soldats du sultan, y compris 50 cavaliers, sous le
commandement du caïd Hadyda, beau-frère du sultan; tous ses hommes
étaient armés de carabines Winchester. Cette troupe marcha sur Dou-
rah, à 50 kilom. du cap Juby, et y prit possession d'un château indi-
gène. Dès que les chefs arabes de la fédération apprirent cette invasion,
ils rassemblèrent leurs gens et marchèrent sur Dourah, au nombre de
200, y compris 20 cavaliers; ils cernèrent le château. Le gouverneur
susmentionné sortit pour livrer bataille; après un engagement sérieux,
il fut défait et obligé de se retirer dans le château ; les Maures, serrant
de près les fugitifs, tuèrent le caïd Hadyda ; le gouverneur n'échappa
qu'avec peine à la mort, et comprit qu'il devait ou se rendre ou faire la
paix. Il envoya aux Anglais établis au cap Juby plusieurs messagers
pour demander qu'il ne fût donné aux indigènes ni canons ni assistance,
et pour faire savoir qu'il n'avait point de desseins hostiles à l'égard de
l'établissement. Enfin il dut payer aux chefs natifs une forte somme
pour pouvoir retourner avec sa troupe à l'Oued-Noun. Cette victoire a
eu un très bon effet moral sur les Maures. Leur confiance en leur force
s'est accrue; ils sentent qu'ils peuvent braver l'intervention du sultan.
En même temps ils désirent rester sous la protection des Anglais au cap
Juby et se montrent favorables à ceux-ci. L'un d'eux se propose de
faire une visite en Angleteri*e avec M. Mackenzie. Ce sera la première
fois qu'un chef de cette partie de l'Afrique entreprendra un voyage en
Angleteri*e.
NOUVELLES GOMPLtSMENTAIHES
L'administration de PAIgérie a terminé le trayail relatif à la dernière ponte des
sauterelles. Elle n'a relevé, cette année-ci, dans l%rrondis8ement de Sétif, que 99
gisements d'œufÎB, comprenant 8285 hectares contaminés. jPlus de 1000 indigènes
environnant ces gisements, sont préposés à la saryeiilance des éclosions. L'année
dernière, plus de 36,000 hectares étaient contaminés. Le succès de la lutte contre
les criquets encouragera certainement les surveillants à ne pas se relâcher dans
la vigilance à exercer à l'égard des gisements d'œufs.
La Société de géographie de Paris a reçu, de source sûre, des informations qui
ne permettent plus de douter de la mort de l'explorateur Camille Douls. U a été
assassiné au Tonat, non loin d'Insalah, dans la région où eut lieu, il y a quelques
années, l'assassinat du lieutenant Palat.
— 360 —
En constatant, dans un de ses discours, les progrès réalisés en Egypte, lord
Salisbury a reconnu que le moment est Tenu de songer à alléger les charges
des fellahs. Espérons que la classe agricole, dont nous avons signalé l'appauvris-
sement (p. 822), sera un peu déchargée des lourds impôts qui pèsent sur elle.
La monnaie coloniale au type de 5 francs que le gouvernement italien fait
frapper pour l'Abyssinie, aura cours en Italie et dans les colonies italiennes, mais
non dans les pays de TUnion latine.
Le gouvernement italien a notifié aux puissances signataires de la Conférence
de Berlin qu'il a, le 15 novembre, pris sous son protectorat la partie du littoral
oriental de l'Afrique qui s'étend du sultanat d'Obiat jusqu'à Eismayou.
D'après une note du Beichs-Anzeiger de Berlin, la région située entre la colonie
allemande de Vitou et Eismayou, est placée sons le protectorat de l'empire
d'Allemagne, en vertu de traités conclus avec les sultans et les chefs de cette
région, et sous réserve des droits des tiers.
Le drapeau de l'empire allemand a été hissé sur Port Durnford, dans le
groupe des îles Dandy, près de la côte orientale d'Afrique, au nord de la colonie
de Vitou.
Le Conseil fédéral de l'empire allemand a été saisi d'un projet de loi concer-
nant une subvention pour l'établissement d'un service de bateaux entre l'Alle-
magne et l'Afrique orientale. Il devra y avoir au moins un voyage toutes les
quatre semaines. Le chancelier de l'empire désignera les escales et le port de
destination. Le service devra commencer un an au plus tard après la conclusion
du traité.
Le gouverhement anglais a créé une nouvelle ligne de steamers entre Londres
et Zanzibar. UAratoatta, le premier steamer de cette nouvelle ligne, est parti le
2 novembre de Londres ; il a touché à Naples, sera le 25 à Lamou, le 26 à Mombas
et le 27 à Zanzibar.
Une sécheresse prolongée régnant au Transvaal, le gouvernement a offert une
prime de 20 liv. sterl. à chacun des 250 premiers wagons qui arriveront à Johan-
nesbourg avec des vivres. Le gouvernement de Natal offre la même prime aux 50
premiers wagons envoyés de la colonie.
M. Gordon-Sprigg, premier ministre de la Colonie du Cap, a annoncé que le
gouvernement a fait un arrangement avec M. Rhodes, un des principaux agents
de la South African Company, en vue de l'exécution du chemin de fer de Kimberley
à Yrybourg. Les travaux commenceront prochainement. Le gouvernement croit
que la ligne sera ouverte à la circulation l'année j[)rochaine ; il a la faculté de
racheter la ligne quand il le voudra.
La seconde vente publique trimestrielle d'ivoire du Congo a eu lieu le 30 octo-
bre à Anvers. Elle comptait 2444 défenses d'éléphants, pesant environ 81,500
kilogrammes ; elle a produit un million de francs. Les acheteurs anglais, français,
allemands, hollandais et belges affluaient. La prochaine vente aura lieu à la fin
de janvier. Déjà plusieurs envois d'ivoire sont annoncés du Congo.
Un traité de commerce et d'amitié a été conclu entre la Suisse et l'État Indé-
pendant du Congo.
— 361 —
D^^rèi une iMUv da HL OvenfélI, d« U station de Bolobo, les
quoique Ti<rait en «xcelleata tet^ai &me Im mniicmiiaira, ne voiad )
b«B ttâi les pnttntttioiii éc ooixrci eontn Isi HuuiâeeahDmaini. Jl y et
duqoa aeiiNne, à I'occmîqb de fnnérûUes on par iniu de U eandamo
indigàse teaaté de SMcellerie. Toutefois, beaucooii de ces pauvres ge
pas fAcUs de voir les miuioniuîres protester contre Une coutume qc
nn jour lenr coûter la rie.
Sut la proposition de la commission du prix Gamier, l'Académie a s
prix de 6600 francs au F. Augonard, qni devra examiner les différentes
de géographie, d'ethnographie et de linguistique que peut soulever 1'
popalafiona établies sur les rites de I*Oubangi et de l'Ogttooé.
H. Alfred Foumean est chargé d'une explomtioii dn pajv com]
l'OgAoné et la eftte an nord-onest du Qriion. H. Paal Dolisle lui e
cOBine second. La nisaion te propose A* rrasontcr l'Ogftoné jasqM
Ofeanda, de détermînsr U ligne de faite. qui lônte les basEJas dn (tobo
lànèra tSnaj, d« relevsr avec trâ la aoote saivle et de naoeiUir des
Bsanta exacts sur les pioduotiou da p^s, las mœon et Isa traditions des
Une Compagnie, dont le si^e est à Sambourg, a ét6 fondée pour l'a
l'exploitation et la vente de terrains dans la colonie du Cameroun. Elle i
d'abmd de l'établissement et de la cnltore de plantations. Sa durée est
La canonnière le Mage, ions la conduite da lieutenant de vaisseau Ja:
une nouvelle exploration dn Niger, entre Banunakou et TinibouctOD. '.
plète celle que le lieutenant de vaisseau Caron a faite en IB87, arec la t
le ^1^. Les trlbns indigènes ont hit le mefltenr accaell à Fezpéifition
D'après VIndipeitdanee Mge, la Grande-Bretftgne proposera an 0
Bnuellee qne les fitats enropéens q«i «nt des poassssioai en AiUqne m
riaée à ftstpper de droita de douane lu ^irttnaox, «t d>7 ajouter un i
mt le produit des b<risBDna, da bfsu à rasUeiadre le pins peasibte le
liqvews ftwtea.'
CHROMOUE BE L'BSCLAVAtE
A roccaàoa du décret ' du sultan de Z^nalbstr proclamant
les iodividus ameoés sur le territoire de ce souTerain après le 1'
bre seront libres, le Timee a publié une lettre du Rév. Horace
de laquelle nous extrayons ce qui suit : a II a été promis au repr
' Par le même décret, le sultan a donné k la (grande-Bretagne et k
gne le droit perpétuel de visiter toutes les embarcations appartenant à i
Le Xemâetr, navire anglais, a capturé une barqne de négriers sortie <
Pemba, ayant à bord 131 esclaves.
britannique que tous les enfants nés après le 1" janvier proch&iu seront
libres, mais demeureront sujets du sultfui si leurs pareotslesoatÂZao-
zibar et à Pemba, il y a actuellement des dizaines de milliers d'esclaves,
qui, si l'Angleterre insistait, pourraMUt être mis en liberté atgourd'hui
môme, parce quMls ont été importés contrairement à des déclarations
formeUea, des esclaves qui ont coûté des sommes énormes à la Grande-
Bretagne. Maintenant, qui décidera s'ils sont si^jets du sultan on non !
Sera-t-il permis h ces malheureux de s'inscrire comme sujets du sultan
pour que les enfants qui leur nattront après le 1" janvier soient libres ?
Qu'on leur conseille plutdt d'en appeler aux traités avec l'Ai^let^rre et
de déclarer que leur captivité est illégale. M. Portai s'est déddé à se
rendre à Pemba ; là, il pourra, pour la première fois, annoncer aux multi-
tudes d'esclaves qu'après des années d'eedavage illégal des parents,
la liberté doit avoir plus de valeur pour eux que pour l'enfant probléma-
tique qui n'est pas encore Dé. Car on en arrive & ceci : que les parents
sont dupés en se déclarant sujets du sultan dans l'espoir de ta liberté
pour leurs enfants & naître, et le sultan est blancbi ; ils sont see sujets et
ne sont plus des esclaves illégalement importés, ni improprement détenus.
Non, il faut désirer sérieusement qu'un enregistrement de tous les babi-
tants de l'tle de Pemba soit exécuté ; alors l'on aura le temps d'établir
l'identité de chacun. La première proclamation, aux tenues de laquelle
tous les esclaves importés après le 1* novembre seront libres, suivie
de celle qui annonce que tous les euf&nts nés après le 1' janvier 1890
seront libres ég^ement, donne lieu h une confusion menaçante. Mille
neufcentsjeunes noirs grinceront des dents & la vue du pauvre père dans
les fers, tandis que le noir âgé maudira le jour oii il se sera déclaré sujet
du sultan pour que son enfant pût être libre. Qu'il aille plutôt trouver
M. Portai pour lui raconter comment il a été pris, à travers les paperas-
ses des traités et des vingtaines de croiseurs, et que les Anglais, qui eo (wt
fait les frais, aient leur mot à dire à ce sujet. >
Le BuB^n offîdd de l'État indépendant dn Conco publie deux
rapports au roi souverain, l'un sur la législation de l'État au point de
vue de la suppression de l'esclavage et de la protection des noirs ; l'autre,
sur les mesures politiques et militaires prises et & prendre pour amener
la répression de la traite des esclaves dans les territoires de l'État
indépendant. A la base de la législation se trouve le principe posé par
l'article 6 de l'Acte générdl de la Conférence de Berlin, aux termes
duquel o toutes les puissances qui exercent des droits de souveraineté
ou une influence dans les territoires formant le bassin conventionnel du
Gang
latn
dcrc
àlal
Tout
iUicil
tectii
qu'il
d'OD
afin
qu'a
tiou
MTO
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trait
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adm
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Boia
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lois.
nn
dls(
qui
pou
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foa
— Mi —
KféM au mous dau le vainnagit inmédiat <iu Coogs. Des
gèoes oat été fomtea & la diadyKne militaire; 9000 hœar
se composeiU la forée i>uUi<tite duN le pays des Ba-Ngjda,
I ks eovirMLS de l'AtwiouiBi et des St«aler-]''alls. Prochai-
milke 4e 3000 kommes protégera ie haut Kassal et le haut
aéra installé un camp fortifié eomma il en a élé «téé un su
l'Aromuinii. LeB chefs de oes eainps ont pour iastrudioa
médiatemeot de gi'aadee plaBtatisua autour de leun p0«-
lyonner dou le pays, de maniàre à grouper «oua lew pro-
^ulatioiu iodig^tes et k les rafiaenfeler eo noyaux compacta,
tivUé agricole et de réflétaMW Militaire aax mBrchauds
■a tnite se pratiquant entra le Louloago et rOubaogi, le
de l'État daiiB ce diabiot a réussi, grAca A mu bateau
apturer plusieurs fois das pirogues de ségniers, et il a< reoda
jvite iMaucoup plus raiiee ea édietaat une série 4e atsuna
«npa, l'Ëtat a adopl<é h l'égard 4qb métis aimbas une p«it-
inte. U a v«ulu s'aisurer s'il ne aérait pae paesihle d'éviter
ottrance avec des hWDjMs aiNi dépourvue de certaïueB
éa aux ntdinentfi de la oiFihsatian et eapabke dadeveair
se utiles s'ils eousantaîMit k nenoaoer k l'inalituCion da
t aux pratiques de la traite. C'est dans oet «epnt qu'il a
lenrice Tipo-Tipo, le Vaii dce Stouley-Faile. Oaw une
are, les terreurs da la ohaasa k l'iMBune oat été lûnitéeK.
yiiA k onenter dans une voie nouveUe ieB «^ratiauB oeiD-
) Arabes, dans l'e^oir de lea amaoer à demander k des
léfptiues l'équiYalaat des béoéficea que leur pmcure la
iBia, il aérait liautemeat 4ésinblB de tenter daseSarts plus
Le ceux qui oot été dépUtyéa jusqu'à atuouFd'hii. Il serait
sirable, <^ le rapport, de pouvoir se raettn eo travem 4ea
itB de la traite iatérieune ea«i^[attiBaat des onsièpeasur
X, en «ocupant lea voies phaoipales qui màaeitt, aût au
rientaL, soit aux aourcas 4u Googo, ott se tmuvant las
ion des Arabes agissant entre les lacs ra^ganjoka et
ËltAt du Congo, plus direotameat en contaot avao le iMau
'Cffiitnd, que porte le poids taûctpal de la lutte à soutaur
rion iatéiieure. C'est k lui qoa las charges de cette YiMe
beat aujourd'hui au premier chef. Son sncsèa {voâtem à
— 3«6 —
l'ImiDftBité tout entière, eonme à tous les États qui ont dee possessions
africaines.
Le Congrpè» «atci-eselm^vaistote des puissanees est réuni en ce
moment à Brwxi^eft. La première séance a eu lieu le 18. Les puis-
sances ont choisi comitte ptémpotentirâw leurs représentants diploma-
tiqikes à Bruxelles. Quelques-unes, notamment TAutridie-Hongrie, les
États-Unis, ont borné là leur participation au Congrès ; d'autres ont
adjoint à leur représentant régulier un plénipotentiaire et un ou plu-
sieurs délégués. La Belgique est représentée par M. le baron Lambert
mont, ministre d'État, qui, en 1885, remplit les fonctions de secrétaire
général de la Conférence africaine à Berlin, et par M. E. Banning, direc-
teur général au ministère des affaires étrangères, bien connu par ses
ouvrages sur le continent afHcain.
L'État indépendant du Congo a pour plénipotentiaires : M. Pirmez,
président du conseil supérieur, et M. Van Eetvelde, administrateur géné-
ral du département des affaires étrangères de l'État indépendant.
La France est représentée par S. E. M. Bour6e, ambassadeur ;
M. Cogordan, sous-directeur au ministère des affaires étrangères à
Paris; auxquels sont adjoints comme délégués : M. Ballay, ancien lieu-
tenant-gouTemeur du Gabon et du Congo français ; M. Deloncle, sous-
chef de cabinet du sous-seerétaire d'État au ministère des colonies à
Paris; M. Lacan, consul deFranee k Zanzibar.
Les plénipotentiaires de la Grande-Bretagne sont : S. E« lord Vivian,
minmtre d'Angleterre; sir Jobn Kirk, ancien consul général britannique
à Zanzibar; sir Artbur Haveloek, ancien gouverneur de Natal; M. Eve-
rard WyMe du Foreign Office.
Le Portugal a pour réinventants : S. Ë. M. Henrique de Macedo,
ministre à Bruxelles, qm connaît très particulièreiDeiit les sujets sur
lesquels le Congrès aura k délibérer; et comme délégués : M. Herroeno-
grldo Auguste Capelto, le compagnon d'Ivens dans la traversée du cou-
tinent africain; M. Augusto>de CastiHio, ancien gouverneur général de
McnamMqiie, et M. Jajme Batalha Reis, consul général de Portugal à
Newcastle.
La Turquie a pour pMnîpotentiAire, S. £w M. Carathéodory Bffendi,
ministre à Bruxelles.
Le rot des Belges a invité te svlta» de Zanibar à se lûre représenter
au Cimgrès, et SeSà Kbalitb a ptMiia qu'un envoyé extraordànaii^ y
aMÉstea. Le shak à^ Perse em veprlseaté pair & E. Nazare Aga, minis-
tre de Perse k BruaeHea,
— 366 —
Le baron Lambermont a été élu à la présidence du Congrès. Quelques
membres ont, dès la première séance, exposé les vues générales de leur
gouvernement ou ont déposé des documents se rapportant aux travaux '
de la conférence. Une commission composée des plénipotentiaires d'Al-
leniagne, de Belgique, d'Espagne, de T État indépendant du Congo, de
France, de Grande-Bretagne, d'Italie et de Portugal, a été chargée de
rechercher quelles sont les mesures à prendre aux lieux mêmes ou
s'opère la capture des esclaves. Plusieurs membres ont soumis à rassem-
blée des éléments d'étude et de solution. La discussion à ce siget aura
lieu le 27 novembre ; MM. Baonin^ et Cogordan ont été nommés rap-
porteurs.
La British and Foreign Autislavery Society a décidé d'envoyer à
Bruxelles cinq délégués, pour le cas où le Congrès voudrait profita des
renseignements recueillis par cette Association. Deux de ces délégués,
M. Ch. H. Alleu, secrétaire de la Société, et M. W. H. Wylde, ex-attaché
au Foreign Office, sont déjà arrivés à Bruxelles, où ils seront rejoints
par le Rév. Horace Waller et M, J. E. Teall, secrétaire-adjoint, etp^it-
être par sir Fowell Buxton. MM. Allen et Wylde. représentent l'anti-
esclavagisme dau^ tout ce qu'il a de plu» pur et de plus désintéressé. Us
ont. dressé une carte de la traite i-ectifiée ^t mise à jour par Téminent
explorateur allemand Schweinfurtb, et qui sera mise à la disposition du
Congrès déjà saisi d'un travail du même genre fait par M. Banning.
Il .paraît que la Porte basera son attitude sur les principes exposés dans
un mémoire qui aboutit à une solution absolument négative de la question
de I4 traite. Il insiste sur le fait que « les nègres enlevés à l'Afrique et con-
duits comme esclaves en pays mahométans, où ils sont traijtés avec doupeur
et où rien ne leur manque, 3ont beaucoup plus heureux que s'ils restaient
sur leur terre natale au milieu de guerres sanglantes et continuelles,
entre peupladçs barbares. » Mais nous demanderons qui fomente le plus
souvent ces guerres sanglantes,, si ce ne sont pas les pourvoyeurs d'es-
claves V Et d'où vient que ces esclaves, traités avec tant de douceur,
auxquels il ne manque rien, par exemple chez les pachas du C^re,
s'échappent de chez leurs maîtres pour aller demander au bureau de la
traite leur lettre de libération V Le rédacteur du mémoire turc n'a-t-il
jamais éprouvé le mal du pays, pour supposer qu'il ne coûte rien aux
nègres de l'Afrique d'être enieyés à leur pays et à leur famille ? Nous
ne disons rien des procédés d'enlèvement < des tourments de la marche^
de la. traversée,, de la vente sur les marchés, ni de la honte infligée aux
femmes et aux enfants dans les harems de la Turquie ou dîailleurs.
Au moment où se réunit te Coug
consul de France h Mogador signale
vane de Timbouctou, divisée en trois
de 158 chameaux chargés de diverseï
ves, dont 350 jeunee fitles de dix à se
le plus clair bénéfice de l'entreprise dt
de 150 à 300 francs ; les femmes de 20i
pour les plus jeunes.
STANLEY ET
Nous ne pensions guère, lorsque a
de mai (p. 146-157), la rencontre de
la tin de l'année nous aurions à en
les mahdist^ et la fuite du gouvemt
tonale. Sans doute les dépêches an
aux journaux anglais par M. W. ti
secours pour Ëmin-pacha, sout trop
se rendre un compte exact de la m
' passés depuis le moment oii Stanley i
Yambouya preud^-e le reste des proi
laissées sous la garde du major Ba
lorsque Émin-pacha sera arrivé à li
vous guère former que des conjecti
Wadelal. Toutefois ces suppositions
qu'on se rappelle les détails de l't
gouverneur de l'figypte équatoriale.
Le pacha avait sous son commandt
le premier, fort d'environ 750 he
Laboré, Muggi, Kirri, Beden, Rejaf
mes, gardait les stations de Fatiko,
cation d'environ 330kilom., le long d
& l'ouest du Nil, il conservait trois ov
en avait quatorze. Outre les deux ba
une force très respectable en iri-égi
Tout compté, dit-il à Stanley, s
environ 8000 hommes avec moi.
' Voy. U Carte, VUl" année, p. 38.
— 868 — 1
— Si j'étais à votre place, répliqua Stanley, je n'hésiterais paa un
instant sur ce que j'aurais à faire. .
— Ce que voua dites est bien vrm, mais noua avons un si grand nom-
bre de femmes et d'enfants, dix mille ftmee probablement! Comment
enmieaer d'ici tout ce monde? Nous aurions besoin d'une quantité bien
grande de véhicules.
— Des véhicules? mais pourquoi faire?
— Pour les femmes et les enfants. Vous ne voudriez certainement
pas qu'on les laissât ici, et ils sont incapables de faire le voyage k pied.
— Les femmes doivent marcher, cela leur fera plutftt du bien que du
mal. Quant aux petits enfants, chargez-les sur des fines; j'ai entendu
dire que vous en avez deux cents environ. Tout votre monde n'ira pas
bien vite le premier mois, mats peu à peu il s'habituera. M(» femmes
zaozibariennes ont traversé l'Arque lors de ma deuxiàme expédititm.
Pourquoi vos femmes noires ne le pourraient-elles pas? N'ayez pas de
crainte, elles se comporteront mieux que les hommes.
— Il faudra avoir une grande quantité de provisions de route.
— C'est vrai, mais vous avez des milliers de têtes de bétail, je oois.
Ce bétail fournira la viande. Les contrées que vous aurez à traverser
TOUS fourniront des grains et dee légumes.
— Bi^, bien, dit Ëmin-pacha, nous en reparlerons demain.
Le l" mai, à Nsabé, nous apprend Stanley, l'entretien fut r^tris.
Ëmin-pacha paraissait avoir été ébranlé dans sa résolution de rester à
Wadehil.
— Ce que vous m'avez dit hier m'a amené k croire qu'il swait aùaa.
pour nous de nous en aller d'ici. Les Égyptiens partiraient volontiers. Il
y en a une centaine, sans compter leurs femmes et leurs enfants. A leur
égard, je n'ai pas de doutes et, même si je restais id, je serais content
de m'en débarrasser, attendu qu'ils minent mon autorité et ne font que
contrecarrer tous mes plans de refaite. Lorsque je leur annonçai que
Khartoum était tombé et Gordon mort, ils dirent aux Nubiens que
c'était une histoire inventée, et qu'un jour nous verrions des vapeurs
remonter la rivière pour venir k notre secours. Je doute beaucoup des
troupes r^ulières qui forment le premier et le deuxième bataillons. Ces
hommes ont ici une vie si libre et si heureuse, qu'ils hésiteront à quitter
an pays ob ils ont joui d'un bien-être qu'ils ne sauraient espérer avoir
«n Egypte. Les soldats sont mariés, et quelques-tmB d'entre eux ont
même des harems. Beaucoup d'irréguliers seront prêts à s'en aller et à
me suivre. Maintenant, supposons que les réguliers refusent de partir.
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— 370 —
pour comprendre ce qui s'est passé après la séparetion du gouverneur
d'avec le chef de l'eipédition de secours. Nous avions cru celui-ci chaîné
avant tout de ravitailler Émin-pacba, en vivres et en munitions, pour
lui permettra de continuer & conserver à, la civilisation la province
égyptienne équatoriale, et non pas de l'engager à en abandonner la
population h la barbarie des mabdistes et aux horreurs de la guerre
civile.
Laissons pour le moment Emin-pacha redescendre le Nil vers Wade-
lal, tandis que Stanley revient vers Yambouya, où il avait laissé les pro-
visions et les munitions qu'il n'avait pu prendre avec lui dans son pre-
mier voyage au lac Albert. D'après la dépêche reçue le 2 novembre 1889,
par Sir W. Mackinnon, président du Comité de secours pourÉmin-
pacha, Stanley, parti le 25 mai 1888, rencontra le 17 août, à Banalye,
k 16 jours de Yambouya, les débris de la colonne laissée sous le com-
mandement du major Barttelot. Il en repartit le 1" septembre et, après
140 jours de marche, 31 jours de moins que la première fois, il atteignit
de nouveau le lac Albert, le 18 janvier 1889. i Là, j'appris » dit-il,
« qu'f^min-pacba et Jephson étaient prisonniers depuis te 18 aoQt de
l'année dernière, c'est-à-dire depuis le jour où je constatais que la co-
lonne du major Barttelot avait été anéantie. Les troupes de la province
équatoriale s'étaient révoltées contre Émin, lui refusant toute ob^a-
sance. Peu après, les mahdistes avaient envahi la province avec des
forces nombreuses. Après la première bataille, plusieurs des stations
avaient capitulé; les indigènes, frappés de panique, se joignirent aux
envahisseurs, et leur aidèrent h dévaster la province. Les fuyards ont
été massacrés ; grande perte de munitions. Les envahisseurs essuyèrait
un écbec à l'attaque de Dufilé, et envoyèrent un steamer à Khartoum
pour des renforts,
«. C'est sur ces entrefaites qu'arrivant près de l'Altwrt-Nyanza, je
treuvai une lettre qui m'attendait, expt^ant la situation dangereuse des
survivants et me signalant l'impérieuse nécessité pour moi d'arriver
avant la tin de décembre, autrement il serait trop tard. J'arrivai le
18 janvier. Du 14- février au 18 mai j'ai attendu les fugitifs; puis j'ai
({uitté l'Albert-Nyanza pour me rendre à la côte. »
Arrêtons-nous un moment pour chercher k comprendre, d'après cette
partie de la dépêche de Stanley, ce qui s'est passé dans la province
égyptienne au retour du gouverneur, chargé, comme nous l'a appris
Stanley, de lire aux troupes un message rédigé par le chef de l'expédi-
tion de secours. Nous n'en avons pas le texte, mais, d'après l'entretien
— 371 —
de Stanley avec le gouverneur, nous pouvons nous représenter assez
exactement ce qu'U devait ôtrei
D'après une lettre du 18 octobre, qu'Omar-Saleh, le chef arabe qui
attaqua Émin, écrivait au mahdi, le gouverneur de TÉgypte équatoriale
se serait porté, après sa séparation d'avec Stanley, jusqu'à Lado, le plus
septentrional des postes égyptiens.
a Nous nous sommes avancés avec les steamers et avons atteint
Lado, oii se trouvait Émin, le mudir de l'Equateur. Avant notre arri-
vée, les officiers et les soldats s'étaient déjà emparés d'Êmin et d'un
voyageur qui se trouvait auprès de lui • . Ils les avaient mis tous deux
aux fers. »
U est donc vraisemblable que le gouverneur, engagé à lire aux troupes
le message de Stanley, qui plaidait en faveur de la retraite, et arrivé à
cet effet à Lado, n'obtint pas l'assentiment des officiers et des soldats aux
propositions contenues dans ce document', il les vit au contraire se révol-
ter contre lui, et s'emparer, le 18 août 1888, de sa personne ainsi que de
celle de son compagnon, M. Jephson. Émin-pacha prisonnier, l'anarchie
régna à Lado et les mahdistes, qui n'attendaient qu'une occasion favo-
rable pour reprendre l'offensive contre la pi^ovince de l'Equateur, profi-
tèrent du désordre qui suivit l'emprisonnement du gouverneur, pour
envahir la ville avec des forces nombreuses. Ils ne purent pas cependant
s'en rendre maîtres sans coup férir; les autres postes échelonnés en
amont du Nil résistaient encore ; ce ne fut qu'après une bataille livrée
par les soldats et officiers de leurs garnisons, que plusieurs des stations
capitulèrent. Alors la panique s'empara des indigènes qui, voyant leurs
protecteurs renoncer à les garantir contre les envahisseurs, se joigni-
rent à ceux-ci pour dévaster la province, aidant aux troupes du mahdi à
massacrer tous ceux qui cherchaient à échapper par la fuite à la ven-
geance des assaillants. Dans le désordre produit par la capitulation des
garnisons égyptiennes, les munitions tombèrent naturellement au pou-
voir des vainqueurs. Un seul poste paraît leur avoir opposé une résis-
tance sérieuse, et même leur avoir infligé une défaite, celui de Dufilé,
dont la défense semble avoir été assez bien conduite pour obliger les
mahdistes à dépêcher un steamer à Khartoum afin d'en ramener des
renforts.
* M. Jephsob, que Stanley avait laissé auprès d'Émin. Ces renseignement»
concordent avec eenx que le général Grenfell re^ut à Sôuakiiii de la part
d^Osman-Digma, lieutenant du mahdi. Voy. X""* année, p. 8-9.
— 372 —
Est-ce à ce auceès de ta garnisoii de Duôlé, que serait due révasieii
d'Éroin-pacha et de Jephsoa? Nous l'ignoroiis. Mais, d'après des dépê-
ches ultédmires, on sait qu'ils ne sont |^ captifs et se sont mis en marche
avec Stanley vers la côte. Ce dernier était arrivé au lac Albert, le 18 jan-
vier, avec M. Bonny, de Farrière^^arde du major Barttelot, et avec
MM. Nelson, Stairs et Parke, qu'il avait pris en passant au fort Bade.
Émin-^>acha n'y était pas venu, la révolte de Lado l'en avait empêché.
Quoiqu'il signalât à Stanley, dans la lettre su8*meDtionnée, la situation
dangereuse de ceux qui n'avaient pas été massacrés et l'impérieuse néces-
sité d'arriver à leur secours avant lafln de décembre^ Stanley ne parait pas
s'être beaucoup avancé vers le nord du lac Albert-Nyanza, pas même jus-
qu'à Msoué, le poste le plus méridional de la province d'Émin. Il semble
ne pas avoir d^assé Kabréga, chef-lieu de l'Ou-Nyoro. Qu'a-tnl fait du
18 janvier au 14 février? La dépêcbe ne le fait pas pressentir, et il y a là
un mystère. Tout ce qu'elle nous dit, e^est que du 14février jusqu'au dmai,
il a attendu les fugitifs^ vraisemblablement ceux d'entre les soldats et les
officiers qui avaient réussi à échapper à la rage des madhistes et de leurs
alliés indigènes enivrés de carnage. Mais le 8 mai, il ne semble pas qu'il
eût encore été rej(Hnt ni par Emin, ni par J^>hson, ni par Casati. Néan-
moins, il ne voulut pas prolonger cette attente plus longtMips et quitta
l'Albert-Nyanza pour revenir vers la côte, obligé de constater l'impuis-
sance de l'expédition dont il avait été chargé, pour conserver à la civili-
sation le seul territoire demeuré libre de l'inttueace des Ara)»es.
Si l'on se reporte à deux ans en arrière, au moment où tant d'expédi-
tions de secours étaient préparées, non seulement en Angleterre» mais
encore en All^nagne, en Autiidie, en Italie, en France et en Belgique,
on ne peut que déplorer amèrement que de tous œs prcgets, la plupart
aient été abandonnés, qu'en particidier l'expédition confiée au ly Leni
n'ait pu remonter du Tanganyika vers le nord, et quenelle que les AUe*
mands avaient équipée ait rencontré des obstacles insurmontables dans
l'opposition de la East British African Company. Ils auraient veahi
emprunter le territoire par lequel Thomson lui-même offrait de conduire
une caravane de 400 porteurs, avec 50 ou 70 chameaux et ftoes le long
de la route qu'il avait suivie en 1683, pour aller de k mer à l'extrémité
nord-est du Victoria-Nyanza * ; le passage leur a été refusé.
Comme le dit M. Wauters dans le Mouvement géographique, « la civili-
sation vient de faire un recul d'au moins un quart de siècle dajus b vallée
du Nil. La chatne des centres civilisés qui reliaient les sourees du Nil
' Voy. la Carte, VI"" année, p. 64.
— 373 —
Caire^ à SoimkîaQ et à Zanzibar est rompue. Maintenant, de ce c6té, les
avant-gardes de la civilisation sont rejetées à Wady-Halfa, à Massaoua,
à Mombas et à. l'Arouoimii. Entre ces points, séparés les uns des autres
par des aillieni de kilomètres, une région imnense est retombée dans
robscurité, le fanatisme et la barbarie d'il y a un siècle. »
n y a deux ans déjà, M. J. T. Wilis, écrivait dans la FoHmgihily
Beview, k Toocasion d'one expédition à envoyer par le Ckmgo au secours
d'Émin-padut : « Toute issue pour échapper a été fermée à Gordon,
an moment od il en avait l'intention, par un ordre du gouv^nement
britannique loi interdisant de remonter le NU avec ses steamers pour
rejoindre et reufi»i)er Émin-padia. Et cela, parce qu'il avait télégraphié
qu'il avait Panitorisation du roi des Bdges de s'emparer de ces provinces
piNir ee dernier, qui les gouvernerait et les pM)itégerait depuis le Congo,
et qu'il avait ajouté : cela mettra fin à la traite. Le gouvernement
anglais fut jabitx de voir que la Belgique aurait ainsi l'honneur de com-
^éler une grande œuvre que l'An^eterre avait ecmuneocée, à laquelle
eHe avait péniblement travaillé, et 4)a^eile'avaitprifrrhabitude de regar-
der comme nationale* Il n'y a pas d'autre nôson ^u d'excuse pour cet
ordre fatal et péremptoire que celle-ci : c'est que, si l'csuvre anti-escla-
vagiste que aens avions si longtemps pourtoivie sur le haut NH devait
é^ sauvée et csodinuée, l'An^elerre voulait avoir la gloire de l'adie-
vior eU&«aènia. Nous ne poavoos pas dire que nous avons écarté comme
une uinpie ^nlantliropiqiie une entreprise pour laquelle noua avons
sacrifié, 4e prefws déUbéré, la vie d'un homme comme Gordon. U n'y a
pas de doute que s'il fftt allé, avec cinq steamers chargés de provisîsns,
an secours d'Émin et de Lupion, en 1B64, les deux provinces de l'Êqua-
tcnr et dii>Bahr-el'-6faazal, n'eussent été sawées et placées sous lajnrH
diction du roi Léopold. »
Si c'était pour amir seals l'honneur de secourir Émin*paeha que les
Anglius ont fait opposition à l'expédition allemande, ils n'ont pas à se
féliciter daréaultat de leur exclusivisme. Sans doute on fera valoir le nour
veau progrès qne la scâeuoe géographique devra à l'expédition de Stan-
ley, mais ce progrès ne consolera pas les amis de l'oravre africaine de la
dévastation d'une jn-ovince comme celle d'Émin-*pacha, ni de l'invasion
(kl mahdisme et de l'esclavagisme dans la région des lacs, d'oti l'enivre-
ment du succès la fera peut-être déborder jusque dans les territoires ré-
servés à l'influence anglaise, à l'influence allemande, qui sait, peut^tre
même jusqu'au coeur de l'État indépendant du Congo.
Voyons encore en terminant ce que nous apprend la d^che de
lui EmiD-pacba, Casati, Marco, marchand grec, Usman, Effendi-Hassan,
pharmacien tunisien, Stairs, Nelson, Jephaon, Parke, Bonny. Huit cents
hommes l'accompagnaient dans la direction de Mpouapoua, ob, d'après
' L'Albert-XjMizs étant 4 700" an-deasiu dn niTsao de k mer, l'AIbert-
Édouard-Nyftoza doit avoir une altitude de 9T&<°, 226° de moiut qae le lac Vic-
toria., et 175~ de plus que le TaDganyilu.
■mnfiitiF*^^^ ■ "^
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— 876 —
qui, lui aussi, ayait contribué à ravitailler le gouTemeur de la proTinee
deTÉquateur.
« D a fait dans TOu-Oanda une œuvre magnifique, mais, dernière-
ment, ses travaux ont été traversés par les intrigues des Arabes qui cher-
chent à le faire expulser. Sa position est devenue difficile ; j'espère toute-
fois qu'il pourra la maintenir. Dans l'intérêt de la mission de l'Ou-
Oanda, je suis bien aise que Stanley ait choisi pour son expédition la
route du Congo. U y rencontrera des difficultés innombrables, que hii
opposeront les régions à traverser, oq[>endant il en triomphera. Tandis
qu'en venant par l'Ou-Ganda, il n'eût jamais obtenu l'autorisation de
venir jusqu'id; il etlt dû l'arracher de vive fcmse, au péril de ses jours et
au risque de compromettre l'œuvre des missionnaires. »
Mieux que personne, Émin-pacha connaissait les besoins de l'Ou-Nyoro
et de rOu-Ganda. U insistait pour que la Church Missionary Sodety
fondât ime série de stations dans sa province et offrait libéralement d'en
faire les frais pendant trois ans. S'il n'avait pas été menacé du côté du
nord par les mahdistes, il est probable que la destruction des stations
missionnaires de l'Ou-Ganda aurait été prévenue. Il regardait à l'Eu-
rope pour la délivrance de l'Afrique. « Je voudrais avoir, » disait4l,
t avant ma mort, en faveur de l'œuvre que j'ai faite, une garantie meil-
leure que celle de la perspective de voir mis à ma place un bey reqiee*
table, qui ne comprendrait ni n'aimerait le pays et ses habitants. Quant
à moi, si j'ai jamais eu besoin d'un encouragement pour poursuiin^ ma
tftcbe, la vue de ce que, avec la permission de Dieu, 0 m'a été accordé
de faire, sera pour moi un aiguillon qui me pressera de continuer à foire
mon devoir avec joie. J'ai, conmie vous le voyez, une belle tâche devant
moi ; si, avec l'aide de Dieu, je réussis à en accomplir seulemrat une par-
tie, je me sentirai plus que récompensé de ce que j'ai fait. Je demeure
ici le dernier et unique représentant de l'état-major de Gordon. H est
donc de mon devoir de suivre la route qu'il nous a tracée. Tôt ou tard
un brillant avenir luira pour ces contrées ; tôt ou tard ces peuples entre-
ront dans le courant de la civilisation. Pendant douze ans j'ai été i la
peine, répandant les semences de la moisson à venir, posant les fonde-
ments de l'édifice futur. »
Que doit-il éprouver en contemplant la dévastation de sa province, et
les esclavagistes régnant en mattres là oii il avait réussi à maintenir un
régime de liberté ? En attendant que nous l'entendions lui-môme dans
les rapports qu'il ne manquera pas d'adresser au gouvernement égyp-
tien, nous ne pouvons que sympathiser de tout notre cœur avec le géné^
y-
— 378 —
BIBLI06RAPHIE '
Edouard Dupont, Locttres sur le Congo. Récit d'un voyage scienti-
fique entre l'embouchure du fleuve et le confluent du Kassal. Paris
(C. Reinwald), 1889, in-8% 724 p., Il cartes et planches, 12 gi-avures
sur bois, 15 fr. — Jusqu'ici, les ouvrages écrits sur Pe bassin du Congo
ont été avant tout des récits d'exploration. Comment s'en étonnerait-on,
puisqu'il s'agit d'un pays dont la plus grande partie a été découverte, il
y a douze ans seulement? La première chose à faire dans une contrée
dont la traversée est de date si récente, c'est de se rendre compte de
son orographie, de son régime fluvial et de ses populations. Les voya-
geurs la sillonnent de leui*s itinéraires; chemin faisant, ils en reconnais-
sent, d'une manière générale, la faune et la flore. Quant à faire une
étude systématique de son histoire naturelle, ils ne peuvent y songer;
leur but principal est l'exploration.
Mais les choses marchent vite dans l'Afrique centrale. Connu d'hier,
le bassin du Congo est déjà organisé en État avec ses prindpaux servi-
ces, ses postes militaires, ses vapeuns naviguant régulièrement, ses com-
munications assurées sur une grande étendue. Sur le cours inférieur du
fleuve, il y a maintenant place pour les savants; la reconnaissance
scientifique du pays peut être commencée.
M. Edouard Dupont, l'éminent naturaliste belge, a voulu attacher
son nom à l'un des premiers voyages purement scientifiques au Congo.
Cette expédition, entreprise à titre privé et à ses frais, a duré six mois
POu-Ganda. Mais M. Mackay m'a montré les dernières cartes dressées par la
Church Missionary Society, et j'ai tu qu'elle ne soupçonnait pas même le fiait en
question.
Pendant mon trajet, j'ai ébauché un relevé, et j^ai trouvé que la superficie du
lac atteint le chiffre de 26,900 milles carrés, soit 1900 milles carrés en sus des
estimations du capitaine Speke. Si vous jetez les yeux sur une carte du lac, vous
verrez qu'une ligne de la c6ie se dirige de l'O.-N.-O. vers l'Ë.-S.-E., mais cette
ligne ainsi tracée est, en réalité, une série de grandes Ues montagneuses, dont
quelques-unes sont bien peuplées, et qui se masquent l'une l'autre. C'est au sud
de ces îles que se trouve la grande étendue d'eau récemment découverte. De
même, le lac Ouriji, que le capitaine Speke a négligé, paraît être un lao considé-
rable avec des Ues peuplées.
* On peut se procurer à la librairie H. Oeorg, à Genève et à Bàle, tous loi
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et cimUsée.
— 379 —
et a été employée à visiter la contrée qui s'étend de Tembouchure du
Congo au confluent du Kassaï. La distance en ligne droite qui sépare ces
deux points est d'environ 600 kilom., mais, par suite des sinuosités de
l'itinéraire parcouru, le trajet total peut être estimé à 2500 kilomètres.
Il est évident que pour être profitable, un tel voyage devait être accom-
pli avec le concours de l'État indépendant : soldats noirs, porteurs
d'élite, steamers, ont été mis, autant que les exigences du service le
permettaient, à la disposition de M. Dupont, qui put faire, grâce à ce
précieux concours, une riche moisson de faits.
Les deux premiei's tiers du livre sont consacrés au récit anecdotique
de l'expédition. A mesure qu'il avance l'auteur fait pai't de ses observa-
tions et de ses impressions. Écrite sous forme de lettres, la narration
qui relate les mille incidents du voyage et se complète par la descrip-
tion des difl'érents aspects de la nature, ainsi que par l'exposé des phé-
nomènes multiples auxquels l'homme assiste dans les régions tropicales,
présente un intérêt qui va croissant. Le style est simple, limpide, c'est
le style du savant qui décrit ce qu'il voit sans rien omettre et sans rien
exagérer. A quoi servirait de chercher dans son imagination des choses
à raconter, quand la nature elle-même fournit une si grande variété de
faits intéressants?
Toutefois l'auteui* s'est rendu compte qu'au poiut de vue scientifique
un exposé de ce genre était, par le fait, décousu. Pour arriver à des ré-
sultats positifs, il était nécessaire de grouper les faits observés, non
d'après l'ordre chronologique, mais méthodiquement. Un travail d'en-
semble dans lequel les principales questions devraient être reprises s'im-
posait donc à l'auteur. C'est à ce tableau et aux conclusions à en tirer
qu'ont été réservés les trois derniers chapitres, d'ailleurs très étendus.
L'un traite des questions d'ordi*e géologique ; le suivant, des faits relatifs
à la flore et principalement de la distribution des palmiers ; le dernier,
des questions ethnographiques.
D ne peut entrer dans le cadre de ce compte rendu d'indiquer, d'une
manière détaillée, les résultats de l'exploration du savant naturaliste.
Disons seulement qu'elle fournit des données précieuses sur l'évolution
géologique du plateau formant le bassin du Congo et de la chaîne cô-
tièrequi le borde. M. Dupont a recherché comment et à quelle époque
la montagne côtière, en se formant, a isolé le centre du continent,
quelles furent les conséquences de cet isolement, ainsi que les moyens
par lesquelles les eaux accumulées en arrière de la chaîne parvinrent à
vaincre l'obstacle qui les emprisonnait et à se dévei*ser dans l'océan.
C'est la geuèse de la percée du Cougo à travers les monts de Cristal
qui est décrite, avec pi-euves à l'appui.
De même, au point de vue ethnographique, les questions étudiées par
l'auteur sont des plus intéressantes. Quel a été le genre primitif d'eus-
tence des nègres ; comment se sont-ils transformés gradaellemem
jusqu'à leur état actuel; quelle fut la part d'influence des civilisations
orientales et de la découverte de l'Amérique sur le développement des
indigènes du Congo V Voilà certes des sujets d'une haute portée et sur
lesquels il a encore été éciit peu de chose. Les hypothèses émises par
M. Dupont sout basées sur des observations sérieuses et éclairent d'uu
jour nouveau l'histoire de l'Afrique intérieure.
En un mot, le beau volume du savant belge, illustré de plusieurs
cartes géographiques et géologiques et de vues panoramiques, prend
place parmi les ouvrages les plus originaux et les plus importants qui
aient été publiés sur l'Afrique.
SDppl«ni«nt à l'artlele lutltalé Btanler «t EmiM-pmvk», p. S«7.
Au dernier moment il noua arrive communication de deux lettres, l'une de
Stanle; au capitaine Wissmann, l'autre d'Êmin au D' Schweinfurth; la première
montre que, quoique chef d'une expédition anglaise, Stanley n'a pas, pour le com-
miseaire impérial allemand, l'antipathie que lui ont vouée le» agents de la E^aat
britiah african Companj.
Mon cher capitaine,
Je me permeta de toiia prier d'avoir la bonté de faire parvenir mes deux lettres
à Zanzibar au«eit6t que tous le pourrei. J'ai aouvent éprouvé le désir de tous
voir. Le aort voua amène à quelques journées de distance de moi. J'espère qu'il
continuera à m'étre favorable, et qu'il vous retiendra là où vous êtes jusqu'à ce
que j'aie l'occasion de faire la connaissance d'un coltë'gue qui a travaillé avec
auBsi peu d'ostentation et d'une façon si méritoire sur le même terrain que moi et
aous le même patronage royal. En attendant notre rencontre, je reste
Yours moat faithfulij,
Henri-M. Sian.».
Dans sa dernière phrase, Stanley fait allusion à l'exploration que Wisamann a
faite du Kassal avec l'appui du roi des Belges, que Stanley servait alora au Congo.
Un télégramme de Zanzibar annonce qu'une dea expéditions chargées de ravi-
tailler Stanley eat partie pour Bagamoyo.
La lettre d'Ëmin-pacha au D' Schweinfarth est datée de l'On-Sambiro, le
28 août; Émin écrit qu'il eat atteint d'une grave affection dea yeux; il lyonte
qu'il est presque aveugle, ce qui l'empêche d'écrire longuement.
TABLE DES MATIERES
DE LA DIXIÈME AJSNÉE
BOLLETIH MENSUEL «t NOUVELLEB COHPLËHEHTAIRE8
P*gfll S, 3S. 66. 97, 139, 161, 193, 226, 257. 389, 321, 353.
CHBONIQUE DE L'ESCLAVAGE
P*gBs 46, 79, 112, 140. 175, 201, 23T, 266, 266, 399, 335. 361.
CORRESPONDANCE
LMita àe Tati, ds U.
PkgM
.. DamaSej.. 28, 60,
Laltr» da Opalowi. de M. À. DtmiStj.
Lattr» de Larauo-Uuqaai, d« M. P.
P»g«
Bertboad 91, 215, 281
LMtrw d« Saabtka (Zambtie), da M. D.
Jeumùcat 279. 311
ARTICLES DIVERS
La tnd dn ohamm de 1er do Congo . . .
Lm ioMritj miuioiiiialras dans l'AfriqD*
arienUle tqo&torikle
Le commaroa d« U Sais» STeo l'AfriqD*.
Lk T^TolDlion d*iii l'Oa-flud*
CommnDiutioDS aulre lu «Aie oriantide
Eip«dition da SUnlaj, de Yunbonja t
l'AlbartrNjmn»
Da U ri^oD oomprin eDlra le haut Nil
at U cOta du Somolii ISi
EipAdition de M. Saloai ta nord da Zim-
biw 208. 245
L'Afrique i Paris ao 1889 273, 30>
Le TangMij'ika 33!
Slaitlaj at Emin-puha. 365
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togneza u Uiikta-IUTD 3IS
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SOd-Afrika'i SSa
n>ani (Uarxo) .- L'Alfi, «tnda icdm-
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Jouiie {n^oplale) .- Le loiuiciii [rHOfaise I mumati* (B) : DntBr deuticbei Flaggc
Évangêliqne nu eiid Je l'Afrique 167 | quer dnreli Afrioa ïon Weit nach Oet. 381
r«giDo des chutes du Congo entre Ma. Ilinciaire rie Sunley, de Tambouj a au
adi et le Slanley-Pool. avec le tracé lac Albert 160
lii ohemïti de fet projet* ■" RéBion comprise enlre le haut Nil et La
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