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Full text of "La grande guerre sur le front occidental"

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LA GRANDE GUERRE 

SUR LE FRONT OCCIDENTAL 



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OUVRAGES DU JAÈfAK AUTEUR 

à la Librairie CHAPELOT 



La Grande Guerre sur le front occidental. — Tome I. Les Éléments 
du conflit, 1917. 1 vol. in-8° 5 fr. » 

La Grande Guerre sur le front occidental. — Tome II. Liège, * 
Mulhouse, Sarrebourg, Morhange, 1917. 1 vol. in-8°avec 3 cartes. 5 fr. » 

La Grande Guerre sur le front occidental. — Tome III. Batailles 
des Ardennes et de la Sambre, 1 vol. in-8° avec 8 cartes 7 fr. 50 

L'alliance franco-allemande ou la guerre. — Réponse à M. Sem- 
bat. 19U. 1 vol. in-16 3 fr. » 

Les probabilités d'une guerre franco-allemande. 1913. Brochure 
in-8» , fr. 60 

Une grande question d'histoire et de psychologie. Bazaine et nos dé- 
sastres en 1870. — Tome I. Le Mexique - Les batailles sous Met%. — 
Tome II. Le blocus de Met%. - La capitulation. 1913. Chaque volume 
in-8° . . 7 fr. 60 

Le rôle du X e Corps au 16 août 1870. 1913. Brochure in-£° 2 fr. 50. 

Étude de tactique appliquée. — La Cavalerie dans la bataille 
(15 et 16 août 1870). 1906. Brochure in-8» 3 fr. 50 

Quelques enseignements de la guerre russo-japonaise. 1905. 
Brochure in-8° fr. 75 



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Générai. PALATJi^: 
(Pierre Lehautceurt) 

La Grande Guerre sur le Front Occidental 



• • • " « 

les Batailles 

de Lorraine 

(23 Août-13 Septembre 1914) 

avec 6 cartes 




LIBRAIRIE CHAPELOT 

-19-19 



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Copyright by Marc Itnkaus et René Chapelot 1919. 



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INTRODUCTION 



Le présent volume est surtout consacré aux opéra- 
tions qui se déroulèrent en Lorraine, du 23 août au 
^milieu de septembre 1914. Nos i re et 2 e armées, ainsi 
que le groupement des Vosges, eurent en premier 
lieu à enrayer les attaques des VI e et VII e armées alle- 
mandes, renforcées d'éléments venus d'Alsace; puis 
elles reprirent l'offensive à leur tour et finirent par 
rejeter nos adversaires à peu près sur la frontière de 
18*71. * 

On a souvent cherché à grouper ces opérations en 
plusieurs actions distinctes : les batailles de la Trouée 
de Charmes, de la Mortagne, de la Meurthe, des 
Vosges, du Grand-Couronné. En réaliié, cette distinc- 
tion n'existe pas. Il n'y a qu'une seule et même 
bataille, commencée vers le 23 août et finie vers le 
i3 septembre, sur l'immense front qui va de l'ouest 
de la Moselle à l'est des Vosges. Nos troupes, comme 
celles de l'ennemi, obéissent à plusieurs commande- 
ments, mais leur ligne est à peu près continue, de 
même que celle de leurs adversaires. Les distances 
sont telles que succès et revers sont presque toujours 
partiels. A tel mouvement en avant de nos troupes 
d'un secteur correspond une retraite dans une autre 
région. La confusion apparente est extrême. On saisit 
mal une idée directrice dans cette série d'attaques et 
de retraites fragmentaires . Le rôle essentiel des deux 



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V LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

adversaires est de fixer l'ennemi. Tous deux font, 
naturellement, de la défensive-offensive, avec une 
nuance d'offensive en plus pour les Allemands. Ceux- 
ci paraissent d'ailleurs hésiter entre plusieurs thèmes 
stratégiques. Après avoir cherché à percer notre front 
au sud de Nancy, vers la Trouée de Charmes, ils 
portent leur effort plus au sud, vers Rambervillers; 
puis leur action s'éloigne peu à peu vers l'est et se 
localise enfin à l'^st de la Meurthe, entre cette rivière 
et les Vosges, en même temps qu'un gros effort est 
tenté directement sur Nancy. Finalement l'offensive* 
au pied des Vosges est abandonnée. Celle dirigée sur 
le Grand-Couronné glisse à l'ouest, dans la Woëvre, 
vers Saint-Mihiel, où elle sort de notre cadre actuel. 
Notre prochain volume sera consacré à la retraite 
générale, sur la Seine et sur l'Aube, qui suivit les 
batailles des Ardennes et de la Sambre, et qui se 
termina par la contre-offensive destinée à rendre 
impérissable le souvenir de la Victoire de la Marne. 

Depuis l'apparition du i er volume des présentes 
études, nombre de documents ont été mis au jour 
qui confirment pleinement nos conclusions sur la 
préméditation allemande. Nous nous bornerons à 
mentionner le mémoire du prince Lichnowsky et les 
publications du docteur Muehlon, ancien membre clu 
Comité directeur des usines Krupp. De leur ensemble , 
il résulte que la Grande-Bretagne n'a nulle lient cher- 
ché* la guerre, comme tant d'Allemands ou même âï 
neutres germanisés s'obstinent encore à le répéter. 
C'est, au contraire, le gouvernement allemand qui a 
patiemment préparé et déclenché cette terrible con- 
flagration, à l'instant précis qu'il croyait le plus 



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INTRODUCTION 7 

avantageux. Dès 19 13, le professeur Schiemann 
n'écrivait-il pas : « Pour avoir la guerre contre la 
France, il suffit d'autoriser l'Autriche à attaquer la 
Serbie »? (1). Quant aux causes profondes qui ont 
mis en mouvement les armées germaniques, il faut 
les chercher de plus en plus dans la mégalomanie 
soigneusement développée en Allemagne, par les 
efforts convergents des militaires, des universitaires, 
des grands industriels et aussi des grands propriétaires 
fonciers. C'est dans cette foule bigarrée que^e recru- 
tent les pangermanistes, c'est-à-dire une minorité 
toute puissante sur l'opinion, dans un pays discipliné 
par essence, où la moindre indépendance en matière 
de politique extérieure est aisément considérée 
comme un crime. Quant au mot d'ordre des panger- 
manistes, c'est le Kaiser lui-même qui s'était chargé 
de le, donner. N'avait-il pas dit, le 20 juin 1902, à 
Aix-la-Chapelle : « C'est à l'empire du monde qu'as- 
pire le génie allemand! » (2). 

Comment le même Guillaume II (3) ose-t-il encore 
répéter, en toute occasion, qu'il n'a pas voulu lai 
guerre, non sans s'aventurer parfois dans des contra- 
dictions évidentes? Comment expliquer surtout que 
l'opinion contraire ait en Allemagne un très petit 
nombre d'adhérents? Cela tient au caractère même 
de l'Allemand, à sa docilité servile pour ses gouver- 
nants tant qu'ils ont pour eux la force, le Faustrecht, 
le droit du poing, le droit du plus fort. 



(1) M. R. Vestnitch, Origines ethniques et morales de la guerre mon- 
diale, Revue hebdomadaire, 18 mai 1918, p. 3io. 

(2) Discours de M. Deschanel, Débats du 25 mai 19 18. 

(3) Dans l«a Revue hebdomadaire du 27 juillet 19 18, M. G. Ferrero 
a fait ressortir k responsabilité du Kaiser (L'énigme du 29 juillet et 
Guillaume II). 



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8 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

« L'opinion publique est considérée en Allemagne 
comme une affaire qui se règle en haut lieu. 'Et 
comme la presse et le public acceptent sans façon, 
consciemment ou inconsciemment, cet état de fait, 
on voit régner, dans toutes les questions de la poli- 
tique étrangère, précisément les opinions que Ton 
souhaite faire prévaloir dans les régions compéten- 
tes.... Isolé de la vérité, de la conscience de ses 
propres fautes, de sa propre responsabilité — telle 
fut la situation du peuple allemand,, bien avant la 
guerre! » (i). 

Les causes profondes et immédiates de la Grande 
Guerre, son immense développement à travers Le 
temps et l'espace, tout cela est inexplicable quand on 
ne se rend pas coippte du caractère allemand. Il faut, 
avec le poète suisse Paul Seippel, avoir vu surgir 
des brumes du passé la jeune Allemagne « orgueil- 
leuse, égoïste et cupide ». Il faut, avec lui, savoir ce 
qu'est « le byzantinisme allemand, né des épousailles* 
de la brutalité et du mensonge, confondant le bien et 
le mal, le juste et l'injuste, le vrai et le faux, dans 
la liturgie du culte sacrilège qu'il rend à l'idole san- 
glante de son vieux Dieu, brisant les os des peuples 
qu'il tient déjà dans sa main gantée de fer, pour les 
rendre à jamais serviles, faisant de ces troupeaux 
humains des objets de trafic, tout en proclamant qu'il 
respecte leurs droits et accomplit leurs secrètes* volon- 
tés » (2). 



(1) Le mémoire dix prince Lichnowsky jugé par un Neutre (M. 0. 
Nippold, professeur de droit international à l'Université de Berne, la 
plus haute autorité juridique de la Suisse), Débats du 8 mai 1918. 

(2) Journal de Genève reproduit par le Phare de la Loire, 5 mars 
1918. 



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INTRODUCTION , 9^ 

Ces appréciations ne sont certes pas exagérées. 
Voici, entre mille exemples, ce que Guillaume II 
déclarait à la II e armée, sous Verdun, le 21 décembre 
dernier : 

« L'année 19 17 avec ses grandes batailles prouve 
au peuple allemand qu'il possède dans le Créateur un 
allié absolu sur lequel il peut entièrement compter. . . . 
Nous ignorons ce que l'avenir nous réserve; mais 
vous avez vu, pendant cette quatrième année de 
guerre, comment la main de Dieu s'est fait visible- 
ment sentir, comment elle a puni la trahison et 
récompensé la persévérance héroïque. De cela nous 
pouvons déduire que, dans l'avenir, également, Dieu 
sera avec nous... » (1). 

Le 10 février 1918, à Homburg, où était installé le 
grand quartier général, le même Guillaume II adres- 
sait aux membres de la municipalité, venus pour le 
féliciter de la paix avec l'Ukraine, Ae discours sui- 
vant : 

« Notre Seigneur a certainement une idée à lui au 
sujet du peuple allemand. C'est pour cette raison 
qu'il nous a mis à l'école des présents événements.... 
Ceux qui ont étudié l'histoire savent que le Seigneur 
Dieu, en employant tantôt un peuple, tantôt un 
autre, a essayé dç mettre le monde dans le droit che- 
min. Ces peuples n'ont pas réussi. L'Empire romain 
s'est écroulé. L'Empire franc est tombé en morceaux. 
L'ancien Empire allemand a fait de même. C'est à 
nous maintenant que le Seigneur a confié la grande 
tâche. Nous, Allemands, qui avons encore un idéal, 
sommes appelés à ouvrir une ère meilleure . Il nous 

(1) Débats du 26 décembre 1917. 

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ÎO * LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

faut combattre pour le Droit, la Bonne Foi, la Mora- 
lité (i). Notre Seigneur Dieu veut amener l^t paixT" 
mais une paix telle que le monde y doive faire effort 
* pour ce qui est juste et bon. Il nous appartient de 
donner la paix au monde et nous le ferons d'une 
façon ou d'autre... » (2). 

Quand un souverain peut impunément donner 
cours, après quatre ans de guerre, devant un peuple 
durement éprouvé, à ses rêves de mégalomanie mys- 
tique, il ne faut pas s'étonner de voir des professeurs, 
des journalistes aller plus loin encore dans leurs 
déclarations pangermanistes. Ainsi, M. Julius Hart 
écrit dans le Tag, de Berlin : « Cette guerre est et 
doit être une guerre de Kultur. Si nous sommes rem- 
plis de la conscience que nous voulons et que nous 
devons faire la guerre de la Kultur allemande contre 
les autres cultures... nous consacrons et nous bénis- 
sons les armes sanglantes, car nous luttons avec elles 
pour le bien de l'humanité.... 

« Cette guerre déchira lav nappe qui recouvrait la 
table où nous étions commensaux des autres peuples. 
Ne la raccommodons pas. Laissez-nous étendre sur la 
table du monde un tissu tout neuf. Vous nous avez 
exclus de l'alliance de votre civilisation? Bien, très 
bien. Nous sommes les Barbares. Nous voulons l'être. 
Comme les Barbares, nous, voulons recommencer à 
tout ignorer, ne plus rien savoir de tous les trésors 
de votre esprit, de votre culture.... L'abîme s'est 

(1) Guillaume II oublie l'invasion de la Belgique, le « chiffon de 
papier » de son chancelier, la destruction de Louvain, de Dinant et le 
viol de centaines de religieuses belges, sans parler d'une multitude 
d'autres faits comme le torpillage du vapeur Lyndiane, le 16 juillet 
fgi8 (Cf. Echo de Paris, 27 juillet). 

(2) Echo de Paris du 2 mars 1918. 



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INTRODUCTION 1 1 

ouvert entre vous et nous.... Il s'agit de faire préva- 
loir l'idéal allemand contré tous les vieux idéals 
latins. Nous sommes les créateurs d'un monde nou- 
veau, plus beau et meilleur que ne le fut le monde 
latin, dont tout l'idéal ne fut jamais qu'en schémas, en 
mouches, en larves : des mots/des conceptions abs- 
traites telles qu'« Egalité, Liberté, Fraternité »... (i). 

De cet exposé nuageux des rêveries pangermani- 
ques descendons à des réalités concrètes. Voici ce que 
réclame le professeur Haase, de Breslau, dans la 
Schlesische Zeitung : « Une énorme indemnité de 
guerre et un traité de commerce avantageux pour 
l'Allemagne » ne suffisent pas en ce qui concerne la 
France. « Les bassins de Longwy et de Briey doivent 
naturellement, devenir allemands, ainsi que .Verdun 
et le Sundgau avec Belfort. 

« Les régions occupées en France seront restituées 
lorsque l'indemnité de guerre de 5o milliards aura 
été complètement payée. 

« Enfin, l'Allemagne exige la partie ouest du Maroc 
avec Tanger et une partie du Congo français, pour 
arrondir le Congo enlevé aux Belges, et la côte est du 
Somaliland français » (2) . 

Devant ce débordement de mégalomanie aiguë, 
devant ces menaces outrecuidantes, devant ce rêve 
d'une domination qui n'aurait que le monde pour 
limites, l'Entente ne montre pas l'unité de vues et 
l'énergie qui conviendraient. C'est ainsi que l'accord 



(1) Reproduit par M. Barres, Echo de Paris, 18 mars 1918. 

(2) Débats du 12 mars 1918. Gf. les buts de guerre du général von 
Liebert (ibid., 9 janvier 1918); la revendication des Flandres par 
l'amiral von Tirpitz, le 3o mai, à Cologne (Kôlnische Zeitung du 
3o mai 1918). 



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12 LA GRANDE GUERRE SUR LE FïlONT OCCIDENTAL 

est loin d'être établi en ce qui concerne l'attitude 
à garder vis-à-vis de la Russie, de l' Autriche-Hongrie; 
des populations slaves. L'interventioij japonaise en 
Sibérie est obstinément discutée (i). Chez nous, cer- 
tains dirigeants du parti socialiste semblent avoir 
davantage à cœur la possibilité de se réconcilier le 
plus possible avec les « frères » allemands que celle 
d'assurer leur défaite. On dirait qu'ils redoutent sur- 
tout « la paix militaire par les armes qui n'est pas 
la paix des peuples », suivant l'un des plus influents. 
Pour eux, l'idée dé victoire est contradictoire de celle 
du droit et de la justice (2). De cette prétendue 
contradiction à la crainte de la victoire il n'y a qu'un 
pas et il est trop souvent franchi. On paraît la redou- 
ter plus encore que la défaite, comme si l'on pouvait 
attendre de l'Allemagne, cette adoratrice de la force, 
plus de modération et de justice, si elle était victo- 
rieuse, que de l'Entente dans la Pyiême hypothèse. 
L'exemple de l'Ukraine, de la Russie, de la Finlande 
et de la Roumanie n'a pas ouvert les yeux à certains 
de nos compatriotes. 

- Saint-Lien, Nantés-Doulon, le 24 juillet 1918. 



(1) Le 11 juin 19 18, lord Robert Cecil déclarait à la Chambre des 
Communes que le Gouvernement russe avait demandé l'interdiction 
d'enrôler des Russes résidant en Grande-Bretagne. La réponse n'était 
pas encore arrêtée : «v C'est là une question qui ne concerne que le 
Gouvernement -britannique et le Gouvernement russe; aucun des autres 
Gouvernements alliés n'a donc été consulté ». Or, s'il est une chose 
évidente, c'est que cette question concerne non un seul des Gouverne- 
ments alliés, mais leur ensemble.. 

(2) « Il ne s'agit plus, a dit M. Renaudel, de la paix de victoire ou 
de conciliation, mais de la paix du droit et de la justice ».. 



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LA GRANDE GUERRE 

SUR LE FRONT OCCIDENTAL 



CHAPITRE I 

LA SORTIE DES 25 ET 26 AOUT 1914 
A ANVERS 

Situation de l'armée belge le 20 août. — Objectif visé. — Le terrain 
autour d'Anvers. — Les Allemands. — Combat d'Impde. — Combats 
de Hof stade, de Sempst, de Weerde, d'Eppeghem, d'Elewyt, de 
Pont-Brûlé et de GrimJ>ergen (25 et 26 août). — Sac de Louvain. 
— Motifs allégués par les Allemands. — Leur inanité. 



I 



Après avoir tenu les lignes de la Gette, près de la Dyle, 
sans pouvoir y arrêter l'invasion allemande, l'armée belge 
s'était retirée sous le canon d'Anvers, ainsi que le voulait 
un plan de défense depuis longtemps arrêté. On sait, en 
effet, que la « position fortifiée » d'Anvers était considérée 
comme le « réduit » du pays, comme le dernier asile de 
son armée et de son indépendance. 

Le 20 août au matin, les troupes belges de campagne 
s'arrêtaient sur le Rupel et sur la Néthe, dans le rayon des 
forts de première ligne. Un détachement qu'elles avaient 
à Termonde était destiné à couvrir leurs communications 
vers les Flandres. 

Sous Anvers, l'armée soustrayait encore à l'invasion une 
grande partie de la Belgique. En outre, elle était en 



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l4 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

situation de concerter son action avec celle des forces 
franco-britanniques. Son rôle serait d'attirer et de fixer 
devant elle le plus gros effectif ennemi qu'il soit possible. 
Elle aurait l'occasion d'agir utilement dans deux éventua- 
lités : si les Alliés étaient amenés à livrer vers la frontière 
française des actions importantes, pendant lesquelles ils 
auraient le plus grand intérêt à retenir des forces alle- 
mandes vers le Bas-Escaut; d'autre part, si le rapport des 
effectifs en présence venait à permettre une offensive belge 
dans de bonnes conditions (i). 

Jusqu'au 25 septembre, les forces allemandes opposées 
à nos Alliés ne leur furent pas supérieures en nombre. 
D'ordinaire tnême, l'équilibre exista entre eux. Dès qu'il 
fut temporairement rompu à l'avantage de l'armée belge, 
le commandement décida de prendre l'offensive pour for- 
cer l'ennemi à le rétablir. C'est le 25 septembre seulement 
que de gro^ renforts parvinrent aux Allemands et que la 
situation! fut définitivement modifiée au. détriment des 
Belges. 

Indépendamment de l'objectif principal qui vient d'être 
défini, le roi Albert I er en avait d'autres. Il attachait natu- 
rellement la plus grande importance à conserver une 
ligne de retraite vers l'ouest, assurant la possibilité d'une 
jonction ultérieure avec les forces alliées. En outre, il 
avait un intérêt évident à gêner les communications alle- 
mandes, sur le flanc desquelles l'armée venait de s'éta- 
blir (2). 

Les renseignements parvenus à l'état-major du Roi le 
20 août jusqu'à 17* heure* montraient que le iront des 
Allemands était le suivant : II e corps de Eppeghem à 



(1) L'action de Vannée belge, p. 39. 

(2) V action de V armée belge, p. 4o. 



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Croquis N a 1. 

OFFENSIVE ALLEMANDE PAR LA BELGIQUE 
18-25 AOUT 

D'après La Campagne de l'Armée belge (Bloud et Gay, Éditeurs). 



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LA SORTIE DES 25 ET 26 AOUT I<)l4 A ANVERS 17 

Hombeck; IV e à Bueken; IX e à Bruxelles; X e à Jodoigne; 
VII e à Eghezée; 2 e division de cavalerie à Westerloo; 4 e et 
9 e à Wavre (i). 

Ces masses, dont la densité atteignait dix hommes par 
mètre courant du front, submergeaient toute la région 
comprise entre le Démer et la Meuse. Encore les Belges 
ne savaient-ils pas que des corps d'armée de réserve sui- 
vaient ceux qui viennent d'être énumérés, dans leur 
vaste mouvement vers la frontière française. 



II 



Le terrain autour d'Anvers p£ut être partagé en cinq 
secteurs. Les i er et 2 e , compris entre l'Escaut inférieur et 
la petite Néthe, orientés au nord-est, vers la frontière 
néerlandaise, ne présentaient, par suite, qu'un intérêt 
relatif. Le 3 e , entre la Dyle et la petite Néthe, se prêtait 
mal aux opérations tactiques. Au delà de la zone de tir, 
voisine immédiate des forts, le pays y était très couvert. 
Toute sortie se heurterait à deux obstacles sérieux : la 
Dyle prolongée par le Démer et le canal de Malines à 
Louvain. 

Paî* contre, ce secteur était le plus menaçant pour les 
communications allemandes entre Louvain et Bruxelles. 
Il fut donc le théâtre de deux sorties. Longtemps, l'armée 
belge y resta en observation et c'est par là que les Alle- 
mands entreprirent le siège d'Aîivers. 

Le 4 e secteur, entre la Dendre et la Dyle, présentait des 
conditions topographiques plus favorables, bien que les 

(i) La Campagne de V armée belge, p. 53^ porte le IX* corps à 
Bueken et à Bruxelles, mais il paraît y avoir là une faute d'impression, 
le IV e corps n'étant pas signalé. 

ta grande guerre, IV. 2 



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l8 LA 6RJUS©E GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

vues y fussent également très limitées. Aucun obsta- 
cle natuTel de quelque importance ne pouvait y gêner 
une offensive belge. Mais il menaçait moins directement 
que le 3 e les lignes de communication allemandes. 

Sut la rive gauche de l'Escaut, le 5 e secteur, très pré- 
cieux pour TaTmée belge, assurait ses liaisons avec la 
mer et avec les Alliés, ainsi que la possibilité de sortir 
d'Anvers. Un gros obstacle, l'Escaut, le couvrait au sud. 
La vieille place de Termonde; déclassée, servirait, de tête 
de pont en cas d'opérations offensives. Enfin, la Durme, 
large rivière aux abords inondables, doublait au nord 
l'obstacle de l'Escaut (i). 

C'est à dater du 21 août que le gros des armées alle- 
mandes disparut du front de l'armée belge, pour infléchir 
sa marche vers la Sambre et le Hainaut. Uile armée d'ob- 
servation, composée des IIP et IX e corps de réserye, prit 
position^ devant Anvers, tandis que la i3 e division de 
féserve (VII e R.) et une ou deux divisions de landwehr 
s'établissaient vers Liège. Ces unités venaient de se mettre 
en place quand le haut commandement belge apprît 
qu'une série d'actions violentes étaient engagées sur la 
Sambre et vers M'ons entre les Allemands et les Alliés. Il 
jugea le gros de l'ennemi suffisamment éloigné pour qu'il 
pût négliger la possibilité de son intervention. D'autre 
part, les Allemands n'avaient pas encore eu le temps 
d'organiser leurs positions devant Anvers. On pouvait 
donc tenter une sortie de la^ position retranchée (2). Elle 
eut lieu les 25 et 26 août. 

Le secteur choisi permettait de menacer les communi- 
cations allemandes et de percer le front des IIP et IX e 



(1) La Campagne 'de Vannée belge, p. 68. 

(2) Vaction de l 'armée belge, p. 4o. 



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LA SORTIE DBS »5 ET 2-6 AOUT I<)l4 A ANVERS JQ 

corps de réserve, qui semblait s'étendre très largement 4e 
Wolweïthem par Elewyt à Aerschot et même Diest, sur 
une ligne courant de l'ouest à Test. 

.. Dès le 24, dans l'après-midi, une avant-garde, compre- 
nant le 3 e chasseurs à pied et l'artillerie de la 17 e brigade, 
se heurtait aux avant-postes allemands à Impde et \m 
repoussait dans un combat qui coûtait aux Belges d'assez 
fortes pertes\Gi). 

Le lendemain, la 6 e division attaquait Hof stade et 
Elewyt, au sud de Malines. A sa droite, les i ro et 5 e divi- 
sions marchaient entre la Senne et le canal de Willebroek; 
à sa gauche, la 2 e division, vers Boortmeerbeek. La 3* et 
la division de cavalerie suivaient en réserve, derrière la 
6 e division et vers Putte. 

La 6 e division s'empara de Hofstade et des bois de 
Schiplaeken; la i re de Sempt et de Weerde; la 5 e d'Ep- 
pèghem. Mais, à gauche, la 2 e division ne put forcer le 
passage du canal de Louvain à Malines et dut même se 
replier. Au centre, les Belges se heurtèrent autour d'Elewyt 
à des défenses solides qui brisèrent leur élan. De même, à 
droite, vers Pont-Brûlé et Grimbergen. 

L'armée, encore dépourvue d'artillerie lourde, ne put 
percer la ligne ennemie. D'ailleurs on connaissait le résul- 
tat de la bataille sur la Sambre et l'opération entreprise 
paraissait être devenue sans objectif. Les Belges furent 
ramenés dans Je camp retranché, non sans avoir subi des 
pertes sensibles (2). 

Le communiqué belge du -27 août portait que les opéra- 
tions des 25 et 2^ a^ûi avaient été « couronnées de suc- 



(1) Dont cinq officiers tués, Campagne de V armée belge, p. 69. Un 
zeppelin fut abattu le 24, après avoir bombardé Anvers. 

(2) Dont seize officiers tués les- 25 et 26 août, Campagne de V armée 
belge, p. 69. 



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'20 LA GRANDE GUERRE SUH LE FRONT OCCIDENTAL 

ces ». Le but poursuivi était double : i° détruire les 
retranchements ennemis; 2° « attaquer les Allemands sur 
la ligne Malines - Bruxelles et soulager les positions fran- 
çaises ». La 4 e division allemande, en marche vers le sud 
(II e corps), avait été obligée de revenir en arrière. Les 
forts de Namur tenaient encore. 

Dans le communiqué allemand du même jour, la note 
•est bien différente : « Quatre divisions belges ont entre- 
pris, hier et avant-hier, depuis Anvers, une attaque contre 
nos communications dans la direction de Bruxelles. Les 
troupes chargées de cerner Anvers (sic) ont repoussé les 
Belges, en capturant de nombreux prisonniers et des 
canons. Presque partout, la population belge a pris part 
au combat, de sorte que les mesures les plus rigoureuses 
durent être appliquées pour supprimer les francs-tireurs 
et d'autres bandes de non-combattants. 

<( Les lignes d'étapes ont dû être assurées jusqu'ici par 
les armées. Toutes les forces étant nécessaires pour la 
ligne de front, l'empereur a ordonné la mobilisation du 
'landsturm, qui sera employé au service des étapes et à 
l'occupation de la Belgique. Ce pays sera placé sous 
l'administration allemande et mis à contribution pour les 
besoins de l'armée, afin de décharger l'Allemagne ». 

On voit quelle hypocrisie nuancée de férocité, quelle 
avidité, quel dédain du droit des gens trahit la prose du" 
quartier-maître général von Stein. Il invoque la préten- 
due participation .des populations belges aux combats 
pour justifier les mesures les plus rigoureuses et finale- 
ment le pillage organisé d'un pays dont le seul crime est 
de ne pas s'être incliné devant la toute puissance alle- 
mande. Nous allons voir par quels actes se traduisait, dès 
ce moment, la vengeance de Guillaume II. } 



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LA SORTIE DES 25 ET 26 AOUT I<)l4 A ANVERS aS 



II 

\ 

Louvain était une ville d'environ 45.ooo habitants, la 
métropole intellectuelle des Pays-Bas depuis le xv e siècle. 
Ses monuments, sa bibliothèque étaient célèbres* 

Lorsque l'entrée des Allemands parut imminente, le 
bourgmestre Colins fit placarder un avis invitant au 
calme. Il n'en était pas besoin, car nul ne songeait à en 
sortir. D'ailleurs toutes les armes,, Jusqu'aux fleurets d'es- 
crime, avaient été remis à l'administration communale et 
déposés dans l'église Saint-Pierre. 

Le 19 août, dans l'après-midi, les Allemands entraient 
dans Louvain et, de suite, procédaient à d'énormes réqui- 
sitions de vivres, à l'imposition d'une indemnité de 
guerre, à l'arrestation d'otages, parmi lesquels le sénateur 
Van dcr Kelen et le bourgmestre. Les relations entre les 
habitants et l'envahisseur restèrent correctes, du moins 
extérieurement, mais on signalait déjà de nombreux 
viols (1). 

Le 20 août, dans l'après-midi, les troupes belges s'ap- 
prochèrent de la ville. Une paptie de la garnison sortit à 
leur rencontre; le reste attendit avec anxiété les événe- 
ments. A la tombée de ter nuit, des unités venues de 
Louvain y rentrèrent. D'un grand nombre de témoigna- 
ges, il résulte que les Allemands restés en ville se mé- 
prirent sur la nationalité des arrivants et tirèrent sur leurs 
frères d'armes. Il se peut que ces derniers aient cru être 
attaqués par des civils (2). Un fait certain est qu'aussitôt 

(1) Cf. commandant de Gerlache, p. g4~95, et Grondijs (Hollandais), 
Les Allemands en Belgique, p. 29 et suiv.; p. 77-78. 

(2) D'après Hanotaux, V, p. 161, une balle ayant tué un hussard 
allemand aurait* été tirée de l'hôtel de M. David Fischbach. Celui-ci 



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24 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

intervint la doctrine allemande sur les représailles en 
temps de guerre. Si les troupes attaquées ne peuvent dési- 
gner les coupables, peu importe. La commune entière est 
responsable, même de l'attentat d'un seul inconnu. 

Des groupes de sous-of liciers et de soldats du i65 e se 
mirent à parcourir les rues principales, pénétrant dans 
certaines maisons et tirant au hasard par les fenêtres ou 
dans les portes. Une panique, un désordre indicible s'en- 
suivirent. Des incendies s'allumèrent. « Une soldatesque 
en furie défonçait les 'portes, mettait le feu partout au 
moyen de grenades incendiaires, de fusées ou... de pas- 
tilles de nitro-cellulose gélatinée ». Les malheureux qui 
essayaient de fuir étaient fusillés, d'autres tués sur le pas 
de leur porte; d'autres, enfin, asphyxiés ou brûlés vifs 
dans leurs caves. 



et son fils furent immédiatement fusillés, la maison brûlée et le vieux 
cocher carbonisé. Or, David était un vieillard de 82 ans et on ne^trouva 
chez lui aucune espèce d'armes. Les autorités belges demandèrent en 
vain l'autopsie du hussard, dont le cadavre gisait au pied de la statue 
de Juste Lipse. 

Certains neutres, après avoir longtemps refusé de croire à la barbarie 
voulue dés Allemands, commencent à se raviser : « A Louvain, les 
soldats allemands, pour avoir une excuse à leur œuvre de dévastation 
et de pillage, tirèrent eux-mêmes des fenêtres des maisons où ils 
logeaient en s'écriant qu'on, les attaquait » (Maximodel Campo, La Bar- 
barie allemande jugée par un Chilien, Revue hebdomadaire, avril 191 8, 
p. ia5). Lire également dans l'Histoire générale et anecdotique de la 
guerre de 1914, par Jean Bernard, I,p. 3o3, une lettre du Père F. H. M. 
Parys, sous-prieur des Dominicains de Louvain, 3o novembre 19 14. 
Un professeur de Fribourg, M. J. Partsch, écrivait aux journaux que, 
d'après ces religieux, les civils avaient tiré sur les Allemands. Le 
P. Parys fit justice de cette allégation. Voir, en outre, /6/'i..p. 3o4, 
le témoignage de l'ingénieur suisse Fuglister, et p. 3i4, 32 1, ceux du 
prêtre urugayen Manuel Gamarra, du docteur Karl Sounenschein, 
prêtre catholique, correspondant de guerre de la Kôlnische Volkszei- 
tung, dans une conférence reproduite par la Reichspost du 16 décembre 
1914, et d'un prêtre hollandais parti de Vienne avec Uautorisation de 
l'arche vêque. 



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LA SORTIE DES 25 ET 26 AOUT I()l4 A ANVERS 25 

Toute la nuit, ces scènes d'horreur se prolongèrent sans 
obstacle. 

Le 26 août, dans la matinée, une centaine de personnes, 
parmi lesquelles pies prêtres et diverses personnalités de 
la ville, furent conduites sur la place de la Station. Les 
hommes furent triés à "part, dépouillés de tout ce qu'ils 
portaient, accablés de menaces et de coups, puis conduits 
à Gampenhout, où on les enferma dans l'église. Là, vers 
k heures, on les prévenait qu'ils allaient être fusillés dans 
une demi-heure. Il n'en fut rien. On les mit en liberté à 
4 h. 3o, mais pour les arrêter de nouveau. On lés obligea 
de marcher devant les troupes vers Malines : « (j)n va 
vous faire goûter de la mitraille belge devant Anvers >j, 
leur dit un officier. Ils ne furent relâchés que dans 
l'après-midi, aux portes de Malines, sans doute par suite 
de la retraite des Belges. 

Toute la journée du 26, les femmes et les enfants 
demeurèrent, sans nourriture, sur la place de la Station. 
Ils assistèrent à l'exécution d'une vingtaine de personnes,, 
au simulacre de l'exécution du vice-recteur de l'Université 
et furent contraints d'y applaudir. On ne les relâcha que 
dans la nuit du 26 au 27. - - 

Un grand nombre de personnes furent entassées dans 
des wagons à bestiaux et conduites à Cologne. Leur 
voyage dura quatre jours, pendant lesquels ils reçurent 
un pain noir et un litre d'eau. Quelques-uns devinrent 
fous (1). 

Le pillage, l'incendie, les scènes d'ivresse et de débauche 
les plus répugnantes continuèrent durant plusieurs jours. 
Le 29 août, le landsturmien Gaston Klein, de Halle, écrit 



(1) Lettre d'un médecin belge au professeur Debove, de Gerlache, 
p. 96. 



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20 LA GRANDE GUERRE èUR LE FRONT OCCIDENTAL 

dans son carnet qu'il-- arrive à Louvain et que le pre- 
mier soin du bataillon est de pénétrer avec effraction dans 
les maisons pour marauder. Les officiers donnent l'exem- 
ple. De même pour un autre écrivant à sa femme Anna 
Mànniget, de Magdebourg (i). 

Pour que le pillage fut plus facile, on expulsa les habi- 
tants de leur demeure. Six à huit mille personnes de tout 
âge et de toute condition furent conduites au manège, où 
elles passèrent une nuit entière dans un tel entassement 
que plusieurs femmes devinrent folles; des jeunes enfants 
succombèrent dans les bras de leur mère. 

D'autres, au nombre de plus de dix mille, furent pous- 
sés jusqu'à Tirlemont, à vingt kilomètres, en subissant 
les pires traitements. Enfin, plusieurs centaines d'habi- 
tants (Je Louvain et des environs furent déportés en Alle- 
magne, dans des camps où un certain nombre devinrent 
fous. L'œuvre de dévastation dura huit jours, le pillage 
précédant d'ordinaire l'incendie. Elle s'étendit à tout le 
diocèse de Matines. En voici le bilan, d'après le cardinal 
Mercier (2). 

Des villages entiers avaient à peu près disparu. A 
Werchter-Wackerzeel, sur 38o foyers, il en restait i3o; à 
Tremelov, les deux tiers de la commune étaient rasés; à 
Bueken, sur 100 maisons, il en restait 20; à Schaffen, sur 
200 habitants, 189 avaient disparu. A Louvain, le tiers 
de l'étendue bâtie était détruit; 1.07/» immeubles n'exis- 
taient plus; dans l'ensemble de la ville et des communes 
suburbaines, 1.823 immeubles avaient été incendiés. La 



(1) Lettre pastorale à l'occasion de Noël igi4, fragment reproduit 
par de Gerlache, p. io5. 

(2) Citées par de Gerlache, p. 98. Cf. les confessions d'un déserteur 
allemand en Hollande, la « Civilisation allemande en campagne », 
Débats du 26 mars 191 5. 



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LA SORTIE DBS 25 ET 26 AOUT IQl4 A ANVERS 27 

collégiale de Saint-Pierre, l'antique collège Saint-Ivçs, 
l'école des Beaux-Arts, 1 école commerciale et consulaire, 
les halles séculaires, la bibliothèque avec ses collections, 
ses incunable^ ses manuscrits inédits, sa galerie de por- 
traits, tout cela n'était que cendres et que ruines. 

Des milliers de citoyens belges furent déportés en Alle- 
magne, dont 3.ioo au seul camp de Munster; des centaines 
d'innocents fusillés, dont 176 (i) pour Louvsûn et les com- 
munes limitrophes, parmi lesquels des femmes, des vieil- 
lards, des enfants à la mamelle. Dans le diocèse de Malines 
seul, treize prêtres ou religieuses succombèrent ainsi. 
EncoFe cette funèbre liste est-elle incomplète. 

Pour tenter d'expliquer ces crimes, les Allemands ont 
eu recours à leurs procédés habituels de mensonge et 
d'accusations sans preuves. 

Ils ont prétendu que la population de Louvain avait 
ouvert le feu sur un .groupe d'hommes et de chevaux 
le 25 dans l'après-midi et qu'à la même heure le feu avait 
été ouvert sur dix autres points de la ville, ainsi que sur 
des troupes arrivant à la gare. Un plan convenu d'avance 
avec les troupes d'Anvers devait avoir été préparé. Deux 
prêtres auraient été trouvés distribuant des cartouches. 
Des femmes et des jeunes filles auraient crevé les yeux 
aux blessés (2). 

Malgré leur criante invraisemblance, ces fables ont 
trouvé croyance en Allemagne et chez certains neutres. 
11 n'est pas un seul fait positif qui les confirme. Bien au 



(1) M. Hanotaux écrit 210 (V, p. i€a). 

(2) Verskm communiquée à la presse, le 5i août, par le consulat 
d'Allemagne à Genève; Cf. un communiqué de l'agence Wolff, 29 août; 
Ernst Niederhausen, Der~ Weetkrieg, eine Sammlung belehrender 
Jngtndschriften, H. 3, dos Strafgericht in Loewen; dépêche de Guil- 
laume II à M. Wilson, le 3o août, Gaston Jollivet, Six mois de guerre, 
p. 2^7; die Wahrheit ùber den Krieg, p. 60; etc. 



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28 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

contraire, les témoignages les plus impartiaux en mon- 
trent le néant (i). Tout prouve que la destruction de 
Louvain a été régulièrement organisée, à titre d'exemple 
plutôt que de représailles, afin d'inspirer la terreur aux 
pays envahis. C'est ainsi qu'on a pu reproduire le fac- 
similé d'affiches apposées sur les maisons épargnées (2), 
notamment sur celles appartenant au duc d'Aremberg, 
sujet allemand. 

Nos adversaires se sont obstinément refusés à faire la 
lumière sur les atrocités de Louvain, ainsi, d'ailleurs, que 
sur tant d'autres analogues. Les instances les plus autori- 
sées n'ont pu l'obtenir (3). Ils ont néanmoins reconnu 
qu'ils avaient fait peser sur le clergé belge des accusations 
sans aucune base (4), quoiqu'ils affirment le contraire en 



(1) Outre l'ouvrage du Hollandais Grondijs que nous avons cité, voir 
le communiqué belge du 29 août (Havas, 29 août); les Débats des 10 
janvier, 9 mai et 9 août 1915; l'Illustration du 12 septembre 1916; 
Louvain, par Mgr Baudrillart, Revue hebdomadaire, 27 mars 1915; 
Raoul Narsy, Le supplice de Louvain, etc. Rappelons, avec M. Hano- 
taux, V, p. 162, que, dès le 4 août, le ministre de l'Intérieur Berryer- 
ayait adressé aux 2.700 communes belges une circulaire interdisant à 
tout citoyen n'appartenant pas aux formations régulières de prendre 
une part quelconque aux combats et même de proférer contre l'assail- 
lant aucune injure ou menace. « L'acte de violence commis par un 
seul civil serait un véritable crime que la loi punit. » Il était difficile 
assurément d'aller plus loin. 

(2) Cf. de Gerlache, p. 101-102. 

(3) Lettre du cardinal Mercier au colonel comte Wfengersky, 24 jan- 
vier 191 5; proposition renouvelée les 8 février et 10 février 1915 par le 
cardinal et par son vicaire-général; le 12 avril 191 5 par l'évoque de 
Namur et, le 24 novembre 191 5, par le cardinal et les cinq évêques 
de Belgique. Toutes ces propositions sont restées sans effet. 

(4) Le ministère de la Guerre allemand adressa, le 22 janvier 19 15, 
au journal catholique De Tijd, une longue déclaration traitant de pur 
mensonge toutes les allégations concernant les mauvais traitements 
infligés à la population et notamment aux membres du clergé séculier 
ou régulier. « Le Gouvernement allemand est persuadé que c'est pré- 
cisément le clergé belge qui a essayé comme conducteur de ramener 
le peuple à la raison et de le décider à renoncer à ces attaques. C'est 



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LA SORTIE DES 25 ET 26 AOUT I9l4 A ANVERS 29 

toute occasion. La responsabilité du sac de cette malheu- 
reuse ville leur incombç donc, pleine et entière. Comment 
ne pas espérer que le jour de la justice viendra tôt ou 
tard ? 

Quant au motif réel de ces crimes, en dehors de la 
barbarie native des Allemands, il faut le chercher ,dans 
la volonté arrêtée d'abattre l'âme belge, d'obliger le Roi 
et la nation à céder devant la violence. En outre, pour 
Louvain, une autre raison intervenait. Il y avait là une 
force intellectuelle érigée aux portes du germanisme et 
qui lui était étrangère. On la détruisait en vertu de ce 
principe que tout ce qui n'est pas avec le germanisme est 
contre lui, c'est-à-dire voué nécessairement à la destruc- 
tion (1). „ N 



pour ce motif que les officiers allemands ont essayé, à diverses reprises, 
de se mettre en communication avec le clergé.... » (Hanotaux, V, 
p. 166). On goûtera fort la mise en communication qui consiste à fusil- 
ler les gens. Les soldats allemands disaient aux prêtres belges : « Nous 
aussi, nous sommes catholiques, mais vous êtes des cochons et des 
démons noirs » (Déposition de M. Kockse, vicaire de Sainte-Gertrude, 
Réponse au Livre blanc, p. 36i, citée par Hanotaux, V, p. 170). 

(i) Hanotaux, V, p. 170. Cet auteur porte à près de 5.ooo le 
nombre des Belges civils de tout âge et de tout sexe assassinés en 191 4; 
à i3.ooo ou 14.000 celui des déportés en Allemagne jusqu'aux grandes 
déportations de 1916; à 20.000 environ le nombre des maisons incen- 
diées. 



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CHAPITRE II 

DEUXIÈME SORTIE D'ANVERS 
(9-13 Septembre 1914) 

Combat de Cappelle-aux-Bois (4 septembre) . — Occupation de Ter- 
monde par les Allemands. — Sa réoccupation par les Belges (9 sep- 
tembre). — Deuxième sortie d'Anvers. — Contre-attaques allemandes 
(12 septembre). — Retraite sur Anvers. 



I 



La fin d'août et les premiers jours de septembre furent 
calmes devant Anvers. Les Allemands escomptaient sans 
doute d'immenses succès en France et n'attachaient, par 
suite, qu'un intérêt tout à fait restreint à leurs opérations 
en Belgique. Le k septembre seulement, une partie du 
III e corps de réserve tenta un coup de main sur le 4 e sec- 
teur. 

Partis de Grimbergen et de Wolwerthem, les Allemands 
se heurtèrent d'abord, vers Cappelle-aux-Bois, à uil déta- 
chement avancé (un bataillon du 6 e chasseurs et six mi- 
trailleuses de la 1™ brigade). L'ennemi l'aborda de front, 
tout en cherchant à l'envelopper par LonderzeeL II dut se 
replier sur les avant-postes de Breendonck et de Wolf , 
après avoir infligé des pertes aux assaillants, restés en 
rangs serrés ju&qu'à courte distanoe. 

Les avant-postes belges furent ensuite attaqués, mais 
leur résistance, appuyée par l'artillerie de la 5 e division 



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DEUXIÈME SORTIE ©'ANVERS (()-l3 SEPTEMBRE I()l4) 3ï 

et par celle des forts, fut assez énergique pour obliger les 
Allemands à la retraite, avec de grosses pertes. Ils sç ven- 
gèrent de cet échec en incendiant Cappelle-atix-Bois (i). 

Le même jour, le IX e corps de' réserve, parti d'Assche 
et se dirigeant vers la France, attaqua la ville de Ter- 
monde, qui ne fut pas défendue. Après y avoir jeté quel- 
ques obus, les Allemands y pénétrèrent et, le jour même, 
incendièrent cinq groupes de maisons. Le lendemain, une 
arricre-garde commençait, sous la direction du major 
Sommerfeld, l'incendie méthodique des quartiers aisés de 
la ville. 

L'occupation de cette tête de pont par l'ennemi mena- 
çait la ligne de retraite de l'armée belge vers la France. 
Le haut commandement prescrivit aux i w et 6 e divisions 
de se porter sur la rive gauche de l'Escaut pour la déga- 
ger. L'arrivée de ces trompes sur la Durne décida les 
Allemands à la retraite. Le 9 septembre, Termonde fut 
réoccupé par les Belges (2). 

Cependant la masse principale du IX e corps de réserve 
se déplaçait vers Audenarde et Renaix; le 7 septembre, à 
Quatrecht, sur l'Escaut, entre Termonde et Gand, l'un de 
ses détachements se heurtait contre des gardes civiques 
et des bataillons de volontaires qui gardaient la route de 
la grande ville flamande. Trouvant cette voie barrée, il 
interrompit sa marche et Gand resta provisoirement 
épargné. 



(1) Campagne de Varmée belge, p. 75. Un zeppelin avait de nouveau 
bombardé Anvers le 2 septembre. 

(2) Campagne de Varmée belge, p. 76; L'action de Varmée. belge. 
p. 4i. 



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32 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

II 

Les 7 et 8 septembre, le haut commandement belge 
apprit que les forces allemandes devant Anvers avaient été 
sensiblement réduites. D,e fait, trois divisions de réserve 
se dirigeaient vers la France, où la bataille de la Marne 
démentait singulièrement les prévisions de l'ennemi 
commun. Elles étaient remplacées sous Anvers par une 
division de marins, par les 26 e et 37 e brigades de land- 
wehr. - 

On jugea le moment favorable pour une nouvelle sortie. 
Peut-être obligerait-on l'ennemi à rappeler vers Anvers 
une partie de ses forces; on pourrait du moins lui infliger 
une défaite, grâce à la supériorité du nombre (1). 

La position allemande, très fortement organisée, s'éten- 
dait de Haecht, au sud de la Dyle, jusqu'à Wolverthem à 
l'ouest, par Elewyt et Pont-Brûlé. L'armée belge dut cher- 
cher à la tourner vers l'est, tout en continuant de couvrir 
Anvers. A droite, la 5° division marcha sur Eppeghem et 
Vilvorde; au centre, la 1™ division sur Hof stade et Elewyt; 
à gauche, la 3 6 sur Over-de-Vaart; la 6 e sur Thieldonck; la 
2* sur Wygmaël et Louvain; à l'extrême gauche, la divi- 
sion de cavalerie; à l'extrême droite, un détachement de 
toutes armes continuait de garder Termonde (2). 

Préparée dans le plus grand secret, cette opération eut 
d'heureux débuts. Le 9 septembre, les débouchés de la 
Dyle et du Démer furent occupés : à Muysen et à Hans- 
brug, par la 3 e division; à Werchter, par deux bataillons 
du 25 e de ligne; à Aerschot, par deux bataillons du 21 
(6 e division). 

(1) L'action de Varmée belge, p. 4a. 

(2) Campagne de Varmée belge, p. 77; L'action de Varmée belge, 
p. 42. 



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DEUXIÈME SORTIE D'ANVERS (<)-l3 SEPTEMBRE I<)l4) 33 

Le 10, l'offensive continua, la gauche en availt. Wyg- 
maël, au nord de Louvain, fut pris par les 6 e et 26 e de 
ligne; la 7 e brigade mixte atteignit Linden, à Test de 
Louvain, et un peloton du 4 e chasseurs à cheval pénétra 
dans cette ville. Mais la 2 e diyision fut arrêtée par l'artil- 
lerie lourde allemande à Keulenstraet, sur le canal de 
Louvain, ainsi qu'à Putkapel. En outre, dans l'après-midi, 
l'ennemi prononça une vive attaque sur la tête de pont 
de Hansbrug, qu'il écrasa d'obus en cherchant à l'enve- 
lopper par l'ouest. Les 9 e et 1 4 e de ligne refoulèrent cette 
attaque. x 

A la droite de l'armée belge, les i re et 5 e divisions pre- 
naient le contact sur le front Hofstade, Sempst-Bosch et 
Nieuwenrode. Un premier résultat était acquis pour les 
Belges. Dans la soirée et dans la nuit, les Allemands 
appelaient à eux des renforts tirés de l'intérieur, ainsi 
que la 6 e diyision de réserve déjà en marche vers la 
France. 

Le 11, tandis que l'ennemi se maintenait en position 
devant la gauche, le reste de l'armée belge poussait en 
avant. Partant de Werchter, la 6 e division marchait par 
Wackerzeel sur Thieldonck; les 2 e et 4 e carabiniers, qui 
étaient en première ligne, atteignaient le chemin de fer 
de Malines à Louvain. De même,"la 3 e division, partie de 
Rymenan et deJVfwysen, occupait d'abord Haecht et Boort- 
mcerbeck. Puis le 11 e de ligne enlevait Wespelaer, les 9 e 
et i4 e prenaient la station de Haecht; le 12 e de ligne et le 
4 6 chasseurs progressaient jusqu'au hameau de Laer. A la 
nuit, le 11 e de ligne tenait la rive nord du canal de 
Malines à Louvain, à Test de Over-de-Vaart (1). 

: . 9 

(i) Campagne de l'armée belge, p. 78. 

La grande gneire, IV. 3 



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34 LA GRANDï>GUERRE SUR LE FRONT OCCÎPENTAL 

« 

Au centre, la i rt division s'établissait dans les bois de 
Schiplaeken et dans Sempst. A la 5 e division, la 16 e bri- 
gade s'emparait de la ferme de Schram, mais ne pouvait 
enlever Eppeghem; la 17 e brigade atteignait le bois du 
Katte-Meuter; le i w de ligne, le front Humbcqk, Den- 
Heuvel, Eversem. Enfin, un détachement de la division 
de cavalerie coupait, fort à propos, près de Cumptich, le 
chemin de fer de Louvain à Tirlemont, important pour 
les communications allemandes. 

Mais le 12, la 6 e division de réserve, rappelée devant 
Anvers, intervenait vers Wespelaer et les Allemands opé- 
raient de violentes contre-attaques dans les directions de 
Betecom, dé Werchter et d'Haecht. La 6 e brigade (2 e divi- 
sion) était refoulée sur Wesemaël; sa retraite entraînait 
celle de la 7 e brigade, qui avait pris Holsbecket attaqué 
Kessel-Loo. Cçtte brigade fut violemment canonnée à 
Cortrijék-Dutzel pendant qu'elle se repliait. La 5 e brigade 
éprouva également de lourdes pertes à Molen. 

Cependant la 6 e division était attaquée, dès 7 heures, 
sur le front Waelestraet-Keefs et ferme Borremaël. Elle 
y tenait tête pendant cinq heures. Mais le recul de la 
2 e division découvrait sa droite; elle devait se retirer sur 
le Démer. 

Au début du jour, la 3 e division avait gagné du terrain 
vers Over-de-Vaartrà partir de midi, "elle fut vivement 
contre-attaquée de front et sur son flanc gauche. Elle 
résista jusqu'à la nuit, puis se retira sur Hansbrug et 
Rymenam, sous une pluie d'obus. 

Devant les i w et 5* divisions, au centre et à droite, 
l'ennemi, couvert par le canal de Willebroek et par la 
Senne, ne put être, délogé de Weerde qu'après un long 
combat. La 17 e brigade chassa successivement les Alle- 
mands du château de Linterpoort, du hameau de Drieset, 



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DEUXIEME SORTIE d' ANVERS (9"l3 SEPTEMBRE I9l4) 35 

des maisons de Werdenhœk. La première attaque sur 
Weerde échoua; il fallut un nouvel effort pour pénétrer 
dans ce village, qui ne fut entièrement conquis qu'à la 
nuit tombante. Pour rester maîtresse du bois de Katte- 
Meuter, la i6° brigade dut repousser de nombreuses con- 
tre-attaques. A l'extrême droite, lei er de ligne prit Lim- 
bosch, Beyghem et les bois au sud de Humbeek, sans 
pouvoir dépasser ces couverts, battus par de l'artillerie 
lourde postée autour de Grimbergen (i). 

Le haut commandement belge considéra comme suffi- 
sants les résultats obtenus. Les Allemands avaient dû rap- 
peler, sur le front belge, la 6 e division de réserve; en 
outre, le mouvement du IX e corps vers l'Aisne avait été 
suspendu pendant deux jours et, certes, ce retard avait 
son importance au moment où se terminait la bataille de 
la Marne. Enfin, l'inquiétude s'était propagée, parmi les 
envahisseurs, jusque dans Bruxelles. Le i3, l'armée se 
retira sous Anvers, après avoir subi des pertes sensi- 
bles (2). 

C'est à dater de cette sortie que les premières disposi- 
tions paraissent avoir été prises par les Allemands en vue 
du siège d'Anvers. Des renforts en troupes et en matériel 
leur furent amenés, en sorte que l'équilibre se rétablit 
entre les forces en présence, avant de se modifier au béné- 
fice de l'ennemi . Celui-ci perfectionna ses positions défen- 
sives, jalonnées par la ligne Haecht, Elewyt, Wolverthem 
et Grand-Bigard (3). 



(1) Campagne de l'armée belge, p. 80. 

(2) La Campagne de V armée belge, p. 80, ne mentionne que celles 
en officiers : 9 tués à Molen; 1 à Putkapel; 1 à Shool; 2 à Wezemaël; 
1 à Rotselaer; 4 à Wackerzccl; 3 à Wespclaer; 5 à Over-de-Vaart; 2 à 
Schiplaken; 2 à Eppcghém; 1 à Beyghem. Total, 3i. 

(3) À l'ouest de Bruxelles, L'action de Varmée belge, p. 43. 



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36 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

En résumé, l'armée belge avait fidèlement rempli son 
rôle, en retenant sous Anvers, par des opérations actives, 
un effectif aussi fort que le comportait le sien. Elle conti- 
nuait ainsi de rendre, à la grande cause de l'indépendance 
des nations, des services dont on ne saurait trop célébrer 
l'importance. 



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CHAPITRE III 
LES DÉFENSES DE NANCY 

Importance de Nancy. — Le Grand-Couronné. — La question des forti- 
fications de Nancy. — Possibilité d'une attaque brusquée. — Pre- 
mières études en vue d'y parer. — L'armement prévu. — Etat des 
travaux au n août. — Danger pour les Allemands d'une attaque en 
Lorraine. 



I 

Depuis la "perte de Strasbourg, de Mulhouse et de Metz, 
Nancy a pris une importance croissante. L'ancienne capi- 
tale de la Lorraine est la plus grande de nos villes de l'Est. 
Il faut aller jusqu'à Reims, Troyès, Dijon et Besançon 
pour trouver des centres à lui comparer. .Cette noble cité 
est d'ailleurs aussi remarquable par ses monuments, par 
l'art exquis dont ils témoignent, par les souvenirs qu'ils 
évoquent, que par l'activité intellectuelle, industrielle et 
commerciale de sa population. C'est, à tous égards, l'un 
des fleurons de notre couronne. 

Elle s'élève dans une vasque magnifique creusée par la 
Meurthe entre des collines boisées, aux pentes roides (i). 
Ses vues sont à peu près limitées à la vallée; mais, dès 
qu'on a gravi les hauteurs qui l'environnent, on découvre 
• les panoramas les plus variés vers Metz, vers Lunéville et 
les Vosges, vers la Haute Moselle. 

(i) Général Malleterre, De la Marne à VYser, p. 99 et suiv. 

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3S LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

• Ces hauteurs, qui se prolongent sur les deux rives de 
la Meurthe et de la Moselle, appartiennent aux formations 
jurassiques. Elles se rattachent aux deux dernières des crê- 
tes si nettement tracées, qui forment autour de Paris^une 
série de lignes naturelles de défense.. En s'y croisant, ces 
dos de terrain dessinent ce qu'on est convenu d'appeler le 
Grand-Couronné de Nancy. Les collines et les plateaux des 
environs, . d'altitudes sensiblement égales, forment, <m 
effet, une sorte de couronne; de plus, la pensée d'utiliser 
ces obstacles naturels à la défense de l'ancienne ville 
ducale a conduit à les désigner sous une appellation em- 
ployée jadis dans la fortification (i). 

Sur la carte au 8o.ooô e , le Grand-Couronné paraît- peu 
distinct,' en raison de nombreuses découpures. Mais, si 
Ton suit du Grand Mont d'Amance (4io mètres) le con- 
tour de ces hauteurs, on reconnaît assez aisément « une 
ligne .extrême, à peu près circulaire, que jalonnent des 
côtes isolées : Sainte^Geneviève, mont Toulon, mont Saint- 
Jean, promontoire de La Rochette, mont d'Amance, Pain- 
de-iSucre, hauteurs de Pulnoy » (2). De ces sommets, on 
commande la plaine ondulée où coule la Seilie et la forêt 
de Champenoux. Quand la transparence de l'air le permet, 
on aperçoit au loin les fumées et les clochers de Metz, la 
côte de Delme, les hauteurs de la forêt de Bezange et, par 
dessus les croupes qui bordent au nord la vallée du Sanon, 
la ligné bleuâtre des Vosges. 

Quatre vallées secondaires, orientées de l'est à l'ouest, 
descendent vers «la Meurthe et la Moselle, coupant le Cou- 
ronné en autant de secteurs. Celle de la Natagne sépare ^ 
les côtes Sainte-Geneviève, le mont Toulon et le mont * 



(1) La Double couronne du Nord figure encore au nord de Paris. 

(2) Général Malleterre, p. 101. 



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LES -DÉFENSES DE NANCY 3g 

Saint-Jean du plateau profondément découpé qui porte le 
bois du Chapitre. Au sud, la Mauchère forme fossé entre 
ce plateau et celui de Faulx; une troisième rivière, à peu 
près parallèle aux précédentes, l'Amezule, coule entre le 
bois de Faulx, le mont d'Amance et le plateau de Malzé- 
ville, qui domine directement Nancy au nord-est. Enfin, 
le ruisseau de la'Pissotte limite la branche sud du Cou- 
ronné, qui s'abaisse vers les vallées du Sanon et de la 
Meurthe. 

A l'ouest de cette dernière, entre 'elle et la Moselle, le 
large plateau de la forêt de Haye, prolongé au nord par 
les hauteurs de l'Avant-Garde et du bois Le Prêtre, relie 
Nancy à Toul. Il est lui-même encadré par les forts de 
Frouard^et de Pont-Saint-Vincent, qui battent les vallées 
de la Moselle et de la Meurthe, servant d'avancées à la 
place de Toul. 

Le Grand-Couronné constitue la position principale 
d'un champ de bataille situé dans la zone où coulent la 
Moselle, la Meurthe, le Sanon et la Seille. Que l'attaque 
vienne du nord, de l'est ou du sud-est vers Nancy, elle 
se heurte à cet ensemble de défenses naturelles (i). Il 
allait jouer un rôle capital en 1914. 



n 



Nancy est depuis longtemps une ville ouverte. Le voi- 
sinage immédiat de la frontière allemande et l'impor- 
tance de ce centre devaient naturellement conduire à la 
pensée d'en organiser la défense. On y songea aussitôt 
après la guerre de 1870, mais un double courant se mani- 

(1) Général Mallcterre, p. 102. 



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ko LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

festa dans l'opinion. Si les uns jugeaient indispensable de 
fortifier la grande cité lorraine, les autres protestaient 
contre la multiplication des obstacles passifs sur notre 
frontière, jugeant que sa défense serait mieux assurée par 
des hommes que par une variante de la muraille de Chine. 
Le capitaine Gilbert (i) (G. G. de la Nouvelle Revue) dis- 
cuta longuement cette question, avec l'originalité de vues 
qui lui était propre.^harles Malo, le critique militaire des 
Débats, M. Judet, de Y Eclair, suivirent ainsi que beaucoup 
d'autres (2). 

Dès 1876, le général Félix Douay proposait la création 
autour de Nancy d'un camp retranché qui se relierait à 
celui de Toul. On refusait, trouvant les frais trop lourds. 

En 1 880-1881 , de premières études furent faites sur le 
terrain, le général Farre étant ministre! Elles ne condui- 
sirent à aucun résultat pratique. En 1886-1887, le général 
de Boisdenemetz prescrivit un travail d'ensemble, d'après 
lequel le général de Courcy (1 887-1 888) "fit amorcer quel- 
ques ouvrages défensifs, notamment des emplacements 
de batterie. Le général de Négrier demandait ensuite que 
Nancy, au lieu de Toul, devînt le ce Bel-fort de la Lor- 
raine ». Il aurait voulu en faire une grande tête de pont, 
permettant dès le début une contre-offensive en pays 
annexé (3), pensée qui fut, comme on sait, réalisée _en 
août 191 4. On en resta là, pendant des années, bien que, 
parfois, la question fut de nouveau agitée après des inter-. 
valles de silence. 

Le i3 janvier 1906, le général Langloïs publiait, dan? 

(1) M. Hanotaiix (VI, p. 1) mentionne « sept études mililnircs du 
capitaine Gilbert parues dans la Revue de Paris » dont nous n'avons 
nulle souvenance. 

(2) A citer, notamment, Ch. Malo, La question de Nancy et la 
Défense nationale, conférence faite à Nancy le 18 mars i8o4. 

(3) Hanotaux, VI, p. 2. 



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LES DÉFENSES DE NANCY kl 

la Revue bleue, un article préparant l'opinion à l'abandon 
de Nancy. Les motifs invoqués étaient notre retard éven- 
tuel sur la mobilisation et la concentration allemandes. 
Toute tentative pour couvrir la capitale lorraine serait 
nécessairement vaine. La conclusion du célèbre artilleuiv 
était nette : « Nancy ne doit pas peser une once dans les 
décisions du généralissime.... L'occupation de Nancy par 
Fennemi n'a aucune importance » (i). 

Par contre, Nancy envoyait à la Chambre un député, 
M. Louis Marin, élu sur ce programme : la ville et ses 
environs à l'abri d'une attaque par surprise. Le comman- 
dant Ernest Picard, chef de la Section historique, faisait 
paraître, en 1909, une brochure, Nancy et Lorraine, où 
il réclamait, non un camp retranché, mais des travaux de 
campagne destinés à protéger la ville d'un coup de main , 
« pendant huit jours » (2). 

La situation de Nancy pouvait à bon droit passer pour 
inquiétante en cas de mobilisation. Bien que la 11 e divi- 
sion, tout entière, tînt garnison dans cette ville ou aux 
environs, vers 191 1, pendant la période d'hiver, c'est-à- 
dire du i or octobre au i er mars, l'effectif disponible en 
infanterie ne dépassait guère 4.000 hommes le premier 
jour, les compagnies actives ne pouvant mobiliser plus 
de 80 hommes. L'autre division du 20 e corps était à Toul, 
c'est-à-dîre à une étape. 

Or, pour les Allemands, Nancy devait être une proie 
tentante. Le fort de Frouard ne pouvant résister à un bom- 
bardement violent, s'ils passaient la Meurthe à Nancy, ils 
pénétraient librement sur le plateau de Haye et la défense 
de Toul en devenait bien précaire, car il fallait plusieurs 
jours pour" mettre ses forts en état de défense.^ 

(1) Hanotaux, VI, p. i. # 

(2) Hanotaux, VI, p. 2. 



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^2 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

Il y a des raisons sérieusas de croire qu'à ce moment, 
c'est-à-dire avant le vote de la loi de trois ans, la possibi- 
lité d'une attaque brusquée sur Nancy n'était nullement 
exclue pour les Allemands, surtout pendant la saison d'hi- 
ver. De la comparaison entre les effectifs stationnés dans 
le voisinage, de chaque côté de la frontière, nous arrivions 
à cette conclusion que, l'ordre d'alerte étant donné dans 
la soirée aux troupes de Metz et des garnisons voisines, 
notre territoire pourrait être envahi le matin suivant entre 
6 h. 3o et 7 heures, à Pagny, Cheminot, Raucourt, Mon- 
cel, Moyenvic, par environ trois divisions d'infanterie et 
cinq brigades de cavalerie. Dans l'après-midi, une qua- 
trième division pourrait passer la frontière à Blâmont; 
deux autres seraient débarquées à Verny et à Bénestroff. 

Aux initiés, cette situation paraissait^très inquiétante à 
bon droit. Ils en déduisaient la nécessité d'organiser la 
défense de Nancy, ou, tout au moins, de la préparer en 
détail dès le temps de paix. A la fin de 191 2, ordre était 
donné d'étudier l'organisation défensive du front forêt de 
Faulx, Amance, face au nord, pour l'effectif d'une bri- 
gade mixte. Puis ce premier projet, très insuffisant, était 
modifié. Il faudrait désormais prévoir la création d'une 
vaste tête de pont d'armée à l'est de la Meurthe, en la 
jalonnant par Custines, Amance, Velainc^sous-Amance, 
Buissoncourt, le Rambêtant. On étudierait, en outre, l'or- 
ganisation ultérieure du front Sainte-Geneviève, Serrières, 
Jeandelaincourt, Leyr, où se ferait la jonction avec la 
ligne Amance, Le Rambêtant. 

On comptait créer des centres de résistance au sud de 
Custines, à La Rochette, à Amance. La première ligne de 
défense serait marquée par les villages riverains de la 
Mauchère; des emplacements de batterie et des abris pour 
mitrailleuses étaient prévus à proximité des crêtes du 



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LES DÉFENSES DE NANCY 43 

plateau de Faulx/ Mais le matériel d'artillerie lourde dis- 
ponible était (fort insuffisant. Encore devait-il venir de 
points distants. Une <iemi-batterie de 1 55 à tir rapide était 
mobilisée à Poitiers. 



III 



On procéda sur place aux études rentrant dans le cadre 
qui vient d'être indiqué. Le détail des travaux fut exa- 
miné, les positions reconnues, la répartition des troupes 
déterminée. Mais l'exécution ne devait avoir lieu qu'à la 
mobilisation. Jusqu'alors tout devait Tester à l'état de 
projet, ce qui présentait des inconvénients évidents. Cer- 
taines des unités désignées pour ces travaux avaient à par- 
courir des trajets relativement longs avant d'être rendues 
à pied d'qeuvre. Il fallait compter avec un délai indispen- 
sable après la réception de l'ordre de mobilisation. La 
nature du terrain rendrait parfois les travaux très péni- 
bles et très lents. La couche de terre végétale ne mesurant 
en certains secteurs que quelques centimètres, après 
l'avoir traversée on atteindrait un roc calcaire difficile à 
défoncer. Enfin, au cas d'une mobilisation en hiver, il 
fallait prévoir les fortes gelées de l'hiver lorrain, qui ren- 
draient les terrassements encore plus pénibles. 

Au début, l'artillerie de campagne consacrée à la 
défense ne devait comprendre que les douze batteries du 
régiment stationné à Nancy. Une partie des attelages pro- 
viendrait des communes frontières situées au delà des 
positions à organiser. Leur arrivée n'était pas certaine; en 
outre, elle exigerait certains délais. 

On adjoignit ensuite à ces batteries celles du régiment 
de corps, mais il tenait garnison à Troyes, ce qui exigerait 



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44 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

des transports en chemin de fer, c'est-à-dire une sensible 
perte de temps. 

Quant à l'artillerie lourde, on comptait que le 120 serait 
disponible le* cinquième jour seulement et le i55 le 
deuxième. 

De ce quj précède, il résulte que les moyens de défense 
auraient été très insuffisants en cas d'attaque brusqué^. Il 
ne faut pas oublier, en effet, que de la frontière allemande 
au Couronné il n'y a que 10 kilomètres en moyenne, soit 
deux heures et demie de marche au plus. 

A la suite d'une visite du ministre de la Guerre Etienne, 
en avril 191 3, il fut décidé qu'on procéderait dès le temps 
de paix à quelques déboisements; on organiserait des em- 
placements de batterie, des chemins d'accès. En mai, la 
Commission du budget tint d'importantes séances secrètes 
au cours desquelles M, Louis Marin souleva cette question. 
On la discuta longuement et l'on décida la mise du Grand- 
Couronné en état de défense. Un projet détaillé fut pré- 
paré. En novembre rien n'avait été fait sur le terrain. Le 
2 décembre 1913, jour de son arrivée aux affaires, 
M. Noulens, ministre de la Guerre., affectait à ces travaux 
Je reliquat des crédits disponibles. L'organisation défen- 
sive devait être terminée en mai 191 5. 

Les travaux furent commencés. En juin et juillet 191 4, 
quand apparurent les premières menaces de guerre, le- 
commandant du 20 e corps, général Foch, les fit accélérer. 
On assure que l'organisation défensive était achevée dans 
ses parties essentielles quand survint la mobilisation (1). 



(i) Hanotaux, VI, p. 4, d'après Engerand, La frontière de 1871 et 
V esprit d'offensive. Nous avons dé fortes raisons de croire que le 
9 e corps, stationné comme nous l'avons dit sous Nancy, pendant la 
concentration, eut à effectuer la majeure partie des travaux indispen- 
sables. 



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LES DÉFENSES, DE JSANCY . 45 

Il ne semble pas que cette affirmation soit rigoureusement 
exacte, 

C'est dans ces conditions que survint là guerre. Con- 
trairement à nos prévisions, Nancy ne fut pas l'objet d'une 
attaque brusquée, qui aurait pu réussir si elle avait été 
aussi vivement conduite qu'à Liège. Les Allemands recu- 
lèrent-dls devant notre couverture, comme l'admettent les 
documents officiels et officieux? Jugèrent-ils inopportun 
d'entreprendre une seconde attaque brusquée, qui n'avait 
rien d'indispensable, alors que celle de Liège était absolu- 
ment voulue par leurs projets sur la Belgique? Nous 
croyons que la seconde de ces hypothèses est la plus vrai- 
semblable. Les forces qui couvraient Nancy, dans les pre- 
miers jours, n'étaient pas telles, en effet, qu'elles rendis- 
sent impossible le succès des Allemands. 

Le 1 1 août, au moment où le 9 e corps vint relever le 20 e 
dans ses emplacements du Grand-Couronné, les travaux 
de défense étaient loin de leur achèvement. Dans le sec- 
teur de la 22 e brigade, Us avaient été commencés le 
8 août sur le front Le Juribois, bois de Juré, Jeandelain- 
court,*mont Toulon, Serrières, pont>d'Harranoué. La i3<) e 
brigade de réserve n'avait entrepris les siens que le 9 dans 
la région ouest et nord de Morey, et, le 10, sur la crête 
Landremont, Sainte-Geneviève. Le 237 e commencerait le 
1 k de travailler sur la' crête à l'est de Bratte. 

L'armement en artillerie lourde ne comportait que 
les éléments ci-après: huit pièces de i55 C au mont 
d'Amance; dix pièces de 120 L à La Rochette, dont six 
seraient enlevées le soir même pour une autre destination; 
six autres 120 L à Montenoy-Moivrons, destinées égale- 
ment à partir le matin du 12; huit 120 L qui ne partiraient 
de Toul que le 11 dans la soirée et dont la marche et la 
mise en batterie exigeraient des délais relativement longs. 



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46 ' LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

Enfin, quatre pièces de 120 L devaient être portées le 
matin du 11 à Sivry, pour la défense éventuelle du mont 
Toulon. 

En somme, le 11 août, il ne resterait, comme artillerie 
lourde, sur nos positions du Grand-Couronné, que huit 
pièces de i55 et quatre de 120. D'autres allaient quitter 
lfcurs emplacements; douze pièces de 120 ne viendraient, 
renforcer cet armement si insuffisant que dans l'après- 
midi du 11 ou dans celle du 12. 

. Le 12 août, le 9 e corps, renforcé de la 70 e division de 
réserve, général Fayolle, tenait le front mont d'Amance, 
La Rochette, hauteurs est de Bratte, mont Toulon, mont 
Saint-Jean. A cette date, on n'était pas encore fixé sur la 
nécessité de comprendre les hauteurs de Sainte-Geneviève 
dans notre ligne principale de résistance. On admettait la 
possibilité d'en faire simplement une position avancée, 
susceptible d'assurer, au moins temporairement, la pos- 
session du pont de Dieulouard. 

Le 1 3, la position de la Mauchère et le secteur de Faulx, 
Custines ne présentaient aucune trace d'organisation 
défensive. Au contraire, Sainte-Geneviève était couverte 
au nord par quelques travaux. Ce n'est guère avant le 17 
que les plus importants furent à peu près terminés. Encore 
relevons-nous dans le carnet d'un commandant de bri- 
gade, à la date du 19 août, ce détail significatif : <c Je 
prescris de ramasser dans les champs tous les fils de fer 
des clôtures pour en faire des réseaux en avant des points 
principaux, réseaux qui se soudront ensuite... ». Les atta- 
ques allemandes qui succédaient à notre offensive avortée 
en Lorraine ne trouvaient donc plus les mêmes facilités 
que dans les premiers jours d'août. 

Notons qu'en opérant une double offensive par leur 



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LES DÉFENSES DE NANCY 4 7 

droite vers l'Oise et par leur gauche en Lorraine (i), 
les Allemands allaient compliquer à plaisir leur tâche. 
Evidemment l'attaque décisive était celle de von Kluck. 
Bien conduite, elle devait déborder notre gauche, faire 
tomber Paris et ouvrir les voies à une paix rapide, celle 
qu'ambitionnaient nos adversaires. L'attaque en Lorraine 
ne pouvait être que secondaire. Au cas le plus avantageux, 
elle ne ferait qu'achever le succès de l'attaque principale. 
En toute éventualité, elle présenterait l'inconvénient d'ab- 
sorber des effectifs et des munitions qui feraient peut-être 
défaut sur le théâtre occidental des opérations. Il y aurait 
donc eu avantage, pour nos adversaires, à y renoncer et à. 
prélever tout ce qu'ils pourraient sur leurs forces de gau- 
che pour renforcer leur centre et leur droite. 

Mais ils commirent cette faute, qui rappelle en moins 
grave celle que nous avions commise au début des opéra- 
tions, quand nous avions pris l'offensive, successivement, 
sur tout l'immense front compris entre la Suisse et Mau- 
beuge. Ils n'obéirent pas comme nous à des théories abs- 
traites, sans base pratique, mais à leur infatuation, à la 
confiance présomptueuse qui leur faisait dédaigner l'ad- 
versaire. Une direction suprême tout à fait incapable leur 
interdisait alors d'en juger sainement, si bien qu'au lieu 
d'être sur la Marne, au point où se produirait la décision, 
le Kaiser jugeait à propos de se rendre vers Nancy, dans 
l'intention d'y faire une de ces entrées théâtrales où excelle 
ce cabotin couronné (2). 



(i)*E*cst l'intention que leur prêtent M. Hanotau* et beaucoup d'au- 
tres. Mais il résulte des Batailles de la Marne, traduction Buyse, p. 5 
et 88, que le plan d'opérations allemand admettait entre les Vosges et 
la Meuse une défensive-offensive à la Moltke, autrement dit une série 
d'opérations ayant surtout pour but de fixer l'adversaire. 

(2) Général Malleterre, De la Marne à VYser, p. 101 et suiv. 



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CHAPITRE IV 



LES 23 ET 24 AOUT A NOTRE GAUCHE 

Instructions du grand quartier général. , — Ordres du général de Gas- 
telnâu. — Situation de la 2 e armée le 23 août. — Etat moral. — La 
gauche de la i re armée. — Le mouvement des Allemands. — Ordre 
du général de Castdnau, le a4 août. — La matinée. — La 70 e divi- 
sion et le 20 e corps. — La 74 e division et le corps ftonneau. — Les 
8 e et i3« corps. 



I 



D'après les documents officiels ou officieux, les instruc- 
tions données par le grand quartier général à la 2 e armée 
se borneraient à celle-ci, contenue dans un télégramme 
du 21 août : « La 2 e armée s'efforcera de se maintenir et 
1 de se reconstituer sur le Grand-Couronné et entre la Meur- 
the et la Moselle ». On dit aussi qu'il attira l'attention du 
général de Castelnau sur la possibilité d'organiser un bar- 
rage dans la région de Bayon, Gripport, Charmes. A cet 
effet, il lui envoyait deux nouvelles divisions de réserve (1). 

D'autre part, l'ordre général du 23 août, à la i re armée, 
définit ainsi la mission qui lui incombe, sans doute 
d'après la direction suprême : interdire à l'ennemi toute 
nouvelle progression et se mettre en état dé reprendre 
l'offensive. Cette double tâche répond à une préoccupa- 
tion d'ensemble, « limiter le plus possible l'invasion du 
sol national », et à une nécessité immédiate, "« appuyer 

(1) Les 64 e et 74 e , Hanotaux, VI, p. 4. 



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LES 23 ET 2 k AOUT A NOTRE GAUCHE 49 

la 2 e armée violemment attaquée ». Il paraît <en résulter 
que, dans la pensée du général en chef, le rôle de la 2 e 
armée était d'abord purement défensif et que celui de la i re 

comportait au contraire une offensive destinée à dégager 

v 

sa voisine (i). 

Selon les vues du grand quartier général, l'ensemble de 
nos forces de Lorraine doit combattre sur place. C'est 
ainsi que l'article 12 de l'instruction générale du 25 août 
porte : « Les i re et 2 e armées continueront à maintenir les 
forces ennemies qui leur sont opposées ». L'idée est la 
même le i er septembre, èous une autre forme : « Toute la 
manœuvre pivote autour des armées de l'Est » (2), qui 
doivent donc nécessairement rester en place. On verra 
comment elles s'acquittèrent de cette tâche, en combinant 
l'offensive et la défensive, selon les circonstances. 

M. Hanotaux (3) donne une autre physionomie aux 
instructions du grand quartier général, sans indiquer sur 
quels textes sont basées ses conceptions : la i w armée 
devait faire front et lutter sur place; la 2 e , placée perpen- 
diculairement à sa voisine, tomberait sur le flanc de 
l'ennemi, s'il s'engageait dans la direction des rivières au 
sud-ouest de Lunéville. 

En l'absence de documents à l'appui, nous estimons que 
cette idée de manœuvre rie fut pas conçue avant le 25 
août. Elle paraît rentrer dans la catégorie des conceptions 
« après coup », faites pour expliquer les événements en 
les mettant sous le jour lé plus favorable (4). 

(1) Conclusion confirmée par Hanotaux, VI', p. 4, écrivant que le 28 
à 7 heures, le grand quartier général prévoit l'attaque de la 2 e armée 
sur le Couronné et les hauteurs de Saffais, Belchamp. La i M armée lui 
viendra en aide par une contre-attaque. 

(2) Texte reproduit par Hanotaux, VI, p. 6. 

(3) Hanotaux, IV, p. ?q3, et V, p. 16. 

(4) Un des commandants de corps d'armée intéressés écrit : « Si ce 

La grande guerre. IV. 4 



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5o LA GRANDE GUEBRE SU* 1M FBONT OCCIDENTAL 

La combinaison inverse, défense sur place de la 2 e armée 
et contre-offensive de la i w , telle qu'elle résulte des docu- 
ments mis au jour jusqu'à l'heure présente, était beau- 
coup plus justifiée. Arrêter l'ennemi de front avec une 
armée (la i w ) alors très en arrière vers le sud et qu'il 
fallait reporter vers le nord pour l'établir en barrage dans 
un terrain traversé obliquement par des cours d ? eau, de 
façon à y recevoir le choc, faire abandonner par l'autre 
armée (la 2 e ) des positions défensives préparées (le Grand- 
Couronné) ou naturelles (plateaux de Saffais, Belchamp), 
où ses troupes étaient déjà installées, pour les jeter dans 
le flanc des colonnes adverses en marche vers la Trouée 
de Charmes, cette conception, disons-nous, comportait de 
graves inconvénients. Elle exposait les derrières de la 
2 e armée, descendue de ses positions, aux entreprises des 
Allemands sortis de Metz. La bataille de Morhange pou- 
vait se répéter, dans de pires conditions. D'autre part, en 
prenant l'offensive vers le nord, la i re armée avait ses 
derrières couverts par une zone sûre, la région d'Epinal, 
SaintJDié, à la seule condition que les Vosges continuas- 
sent d'être tenues. 

Quoi qu'il en soit, conformément au télégramme du 
21 août, le général de Castelnau décidait que le Grand- 
Couronné, ainsi que le front des i5 e , 16* corps, 64° et ^4 f 
divisions de réserve, serait tenu à tout prix. Le reste de 
la 2 e armée se grouperait dans la région de Lenoncourt, 
prêt à une puissante contre-attaque. 

Quant à la i re armée, elle allait engager d'abord sa 
gauche face au nord, perpendiculairement à la 2 e armée, 
en combinant son effort avec celui du général de Castelnau 

■ ■ .— ; t ' ■ 

plan d'opérations a jamais été conçu avant les événements des a£ et 
25 août, il faut avouer que les exécutants n'ont jamais eu conscience 
dé l'accomplir ». 



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LES 23 ET 2 4 AOUT A NOTRE GAUCHE 5l 

pour arrêter l'offensive ennemie. Ce résultat serait atteint 
dès le 26 août et la progression de l'ennemi arrêtée. 
Mais cette attaque déplacerait alors son axe et glisserait 
de plus en plus vers Test, c'est-à-dire vers les Vosges. Puis 
un gros effort se produirait contre le Grand-Couronné, 
sans plus de résultats. 

On toit que, dans cette période des opérations comme 
dans beaucoup d'autres par la suite, les conceptions de 
nos adversaires ne brillent point par leur unité. S'ils mon- 
trent une rare persévérance dans leur volonté de victoire, 
la suite dans les iclées leur fait souvent défaut. 



II 



Le soir dû 23 août, la 2 e armée est ainsi répartie : les 
i5° et 16 e corps sur la rive gauche de la Meurthe, la 3i e 
division {16 e corps)., éprouvée par le combat de la veilla, 
se reconstituant sur la Moselle au sud de Bayon;-la 32° 
tenant les hauteurs entre la Moselle et le ruisseau de Lore, 
petit affluent de l'Euron, sa droite à Saint-Germain, au 
château de Belmont et à Villacourt, pour tendre la main 
au 8 e corps, gauche de la i n armée, établi vers Damas- 
aux-Bois; la 74 e division de réserve, récemment débarquée 
et rattachée provisoirement au 16 e corps, occupant les 
hauteurs de Brémoncourt, Belchamp, Domptail et se 
reliant au i5 6 corps, vers Haussonville, Saffais, en barrant 
la grand'route de Lunéville à Bayon. L'artillerie de corps 
déployée sur le plateau de Brémoncourt, Belchamp, de 
façon K battre les débouchés de la-Mortagne, que les Aller 
mands cherchent à franchir par Xermaménil et Gerbé- 
viller. 

Le i5* corps est vers Haussonville et Ferrières, la 64 e 



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52 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

division de réserve (i) sur le plateau de Saffais; le 20 e 
corps sur la rive est de la Meurthe, sa droite v*rs Saint- 
Nicolas. Les 59 e , 68 e , 70 e divisions de réserve (2 e groupe), 
les 34 e et 35 e brigades (2) (9 e corps) occupaient le Grand- 
Couronné, prêtes à se porter vers Haraucourt et Réméré- 
ville. La 73 e division, général Châtelain, venue de Toul, 
dont elle constituait la défense mobile, était à l'ouest de 
la Moselle, avec un régiment à Pont-à-Mousson, un autre 
à Blénod, un troisième à Dieulouard et un groupe d'artil- 
lerie à Jezainvilie (3). 

Le moral de nos troupes s'était beaucoup amélioré. 
Nous avions traversé des heures d'angoisse : les soldats 
étaient « à bout de souffle et à bout d'espoir.... Ils étaient 
allés, confiants, vers la bataille, en défenseurs sacrés d'une 
cause sainte : et le droit succombait, la justice immanente 
était vaine... ». Un court repos changeait cet état d'âme. 
Les uniformes souillés- de fange étaient- nettoyés, les visa- 



(1) Division alpine do composition spéciale : 4 régiments de réserve, 
1 régiment colonial de réserve, 1 régiment de réserve du type alpin, 
1 groupe d'artillerie au lieu de 3; 2 escadrons (Hanotaux, VI, p. i34). 

(2) Le 21 août, la 34 e brigade se porte dans la région de Seichamps, 
la 35 e dans celle de Serrières, Belleau, Sivry, Mont Toulon, Mont 
Saint-Jean. Le 23, la 35 e occupe Laneuvelotte, Champenoux, partie d-e 
la forêt de ce nom, le château du Tremblais; la 34 e , Cercueil, Vclaine- 
sous-Amance, Réméréville, Buissoncourt. 

(3) A la 59 e division, général Kopp, depuis le 19 août, la 117 e bri- 
gade, colonel Lambin, tenait le front entre Loisy et le pont d'Harra- 
noué inclus; la 118 e , colonel Tourtebatte, de ce pont à Leyr inclus. A :* 
68 e division, général d'Aubignosc, après avoir repassé la -Seilîe le 21 
août, la i35 e brigade était venue à Vandœuvre et Houdemorit, la i36 e 
à Heillecourt et Jar ville. La 35 e brigade et deux groupes du 9 e corps 
renforçaient d'abord la 59 e division. Le 23 août, ils étaient formés en 
détachement sous les ordres du colonel Janin, pour être employés à 
Test de Nancy. Ils étaient remplacés par la i35 e brigade (68° division) 
mise à la disposition du général Kopp pour tenir les hauteurs de 
Bratte et le plateau de La Rochette. Mais, dès le 26 août, cette brigade 
devait faire retour à la 68 e division et la 59 e n'avait plus que 12 batail- 
lons sur un front de 24 kilomètres. 



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LES 23 ET 2 4 AOUT A NOTRE GAUCHE 53 

ges reprenaient leur sérénité perdue. « ...Le régiment, 
comme au coup d'une baguette magique, était redevenu 
la machine de guerre vibrante, capable d'efforts surhu- 
mains... » (i). 

A la i 1 * armée, le 23 août, les 8 e et i3 e corps, qui cons- 
tituaient sa gauche, occupaient une ligne passant par 
Damas-aux-Bois, Hallainville, Fauconcourt, Saint-Mau- 
rice, Roville-aux-Chênes, Anglemont. A l'ouest, le 8 e 
corps s'appuyait à la forêt de Charmes; à l'est, le i3 e 
corps était à cheval sur la Mortagne, la forêt de Ramber- 
villers en arrière de son aile droite. L'ensemble du front 
s'orientait de l'ouest à l'est, presque perpendiculairement 
à celui de la 2 e armée. * 

L'état moral s'était également amélioré parmi ces trou- 
pes. Un témoin du 8 e corps écrit le 23 août : « ...Les 
hommes ne semblent plus abattus et devisent joyeuse- 
ment entre eux... » (2). Le général Dubail jugeait donc 
possible de reprendre l'offensive. Il adressait, dans cette 
même journée, un ordre préparatoire au 8 e corps : « La 
droite de la 2 e armée s'attend à être attaquée sur la posi- 
tion Belchamp, Saffais. Je vous donne Tordre de faire 
tous vos efforts pour intervenir, le cas échéant, dans le 
flanc gauche des attaques allemandes, afin de dégager 
l'armée voisine. La 16 e division m'est signalée comme 
pouvant encore fournir un effort. C'est donc à l'énergie 
de cette unité et de son chef que vous ferez d'abord appel. 
La i5 e division pourrait être mise en réserve derrière votre 
gauche. Mais son artillerie sera... dès le début à la dispo- 



(1) Christian Frogé, Morhange et les Marsouins en Lorraine, p. 83 
et suiv. à la date du a3 août, 43 e colonial. Lire dans le même sens, 
La victoire de Lorraine. Carnet d'un officier de dragons, p. iH. 

(2) Capitaine Rimbault, Journal de campagne d'un officier de ligne, 
p. 7 5. 



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54 LA GRANDS OTSRRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

sition de la 16 e division. Vous disposerez également de la 
6 e division de cavalerie, dont la mission est de couvrir 
votre flanc droit. Vous aurez à lui marquer, en lui 
envoyant vos ordres, qu'elle a aujourd'hui un rôle de 
sacrifice à remplir ». . 

Cet ordre, qui fait honneur au général Dubail, allait 
être fidèlement exécuté. 

Le 24 août, dans la matinée, divers indices observés à 
la 2 e armée montraient les Allemands descendant du nord 
au sud, en négligeant Nancy. Une reconnaissance d'avion 
signalait une forte colonne ennemie quittant Lunéville et 
traversant la forêt de Vitrimont. Puis on apprenait la 
construction d'un pont de bateaux sur la Meurthe. Les 
avant-postes de la 64 e division de réserve étaient refoulés 
à Damelevières, dont les Allemands s'emparaient. Ils s'y 
retranchaient. On apprenait de divers côtés que deux 
corps d'armée au moins défilaient du nord au sud, à l'abri 
de cette flanc-garde. Us prêtaient ainsi le flanc à nos 
attaques. C'était »une occasion inespérée. Le général de 
Castelnau la saisit aussitôt. 

A 11 1k 3o, il donnait son ordre : Une division du 20 3 
corps et les fractions disponibles du groupe Léon Durand 
prononceraient un mouvement offensif en direction de 
Serres. Les 16 e et i5 e corps, le reste du 20 e contiendraient 
l'ennemi de front, tandis qu'il serait ainsi attaqué de 
flanc. Le 2 e corps de cavalerie, général Conneau, agirait 
à la droite de la 2 e armée. Le corps de gauche de la i re 
(le 8 e ) serait invité à soutenir l'action de la 2 e vers 
Rozelieures, Vennezey. 



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LES 23 ET 24 AOUT A NOTRE GAUCHE 55 



III 



Au 16 e corps, la position Saint-Germain, Belchamp 
avait été mise en état de défense; les villages qui la 
bordent, a Test, Romain, Méhoncourt, Brémoncourt et 
autres, étaient organisés. La consigne était de tenir sur 
place. L'ennemi, qui avait débouché sur la rive gauche 
de la Mortagne, occupait les bois du Vacquenat et de 
Clairlieu, le long de la route de Lunéville à Bayon, le 
Grand-Bois, les bois du Censat et de Guilgnebois jusqu'au 
nord dç Gerbéviller. Il était arrêté à lest de la ligne 
Clayeures, Romain. 

La 74 e division de réserve (i) barrait à l'ennemi la route 



(1) Général Bigot : 147 e brigade, général Durupt, 222 e , 299 e , 36 e d'in- 
fanterie coloniale; i48 6 brigade, colonel Terris, 23o e , 223 e , 233 e $ artil- 
lerie, colonel Wack, un groupe monté, deux groupes de montagne, 
trois sections de munitions, dont Une d'infanterie; deux escadrons da 
2 e dragons, lieutenant-colonel Champion; génie, commandant Rollin, 
une compagnie divisionnaire, un détachement de télégraphistes, un 
parc du génie, une compagnie d'équipage de ponts. Les deux groupes 
de montagne ne suivirent pas la division en Lorraine. 

Cette unité fit tout d'abord partie de l'armée des Alpes. Elle se 
concentra dans la zone Aix-les-Bains, Ghambéry, Montmélian, Sarat- 
Pierre-d'Albigny. Elle fut transportée, du 1$ au 23 août, à Charme* 
et à Bayon. Le 21 août, elle était rattachée à la 2 e armée. Ses premiers 
éléments, débarqués dans la nuit du 20 au 21, durent organiser sans 
retard le terrain entre Meurthe et Moselle, de façon à couvrir les ponts 
de Charmes et de Bayon. Deux groupements furent constitués: au 
nord, général Durupt, trois régiments, une batterie, sur le front châ- 
teau de Belchamp, ferme Leumont; au sud, colonel Terris, trois régi- 
ments, deux batteries en avant de Bain ville-aux -Miroirs, Charmes. Le 
matin du 22 août, le général Bigot se présenta au général de Casteînau, 
qui lui dit : « Je vous en prie, tenez coûte que coûte, pendant trois 
jours, sur le plateau de Belchamp et devant Bainville-aux-Miroirs, pour 
me donner le temps de reformer les. 1 5 e et 16 6 corps aux abords de la 
Moselle ». 



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56 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

de Lunéville à Bayon et à Charmes. Dès le matin, elle 
voyait déboucher les colonnes ennemies sur un vaste 
front, de Damelevières, de Mont, de Lunéville. Elles con- 
vergeaient vers la route de Bayon, refoulant ses avant- 
postes. Des deux côtés de cette chaussée, des bois de Vac- 
quenat et de CJairlieii débouchaient compagnie par com- 
pagnie, régiment par régiment. En même temps, les obus 
affluaient sur nos positions. De la ferme de Léomont^à 
Belchamp, sur plus de deux kilomètres, le sol était labouré 
comme par une gigantesque charrue (i). 

Nous avons dit que le 2 e corps de cavalerie était établi 
au sud de la 74 e division. Constitué le 16 août, sous les 
ordres du général Conneau, il comprenait alors les 2 e , 6* 
et 10 e divisions. A dater du 19, la 6 6 division, général 
Le Villain, fut directement rattachée à la i n armée. Quant 
au 2 e corps de cavalerie, réduit aux 2* et 10 e divisions, il 
était placé sous les ordres du général de Castelnau et con- 
tribuait à couvrir la retraite de la 2 e armée. A la fin de 
ce mouvement, il était échelonné la gauche en avant, à 
hauteur de la droite du 16 e corps, sa propre droite tenant 
les passages de la Mortagne jusqu'à Gerbéviller inclus (2). 

Pendant la bataille de la Trouée de Charmes, le corps 
Conneau resta, partie au repos, partie en avant de la 
Trouée. Entre la i w armée, qui avait sa gauche vers 
Fauconcourt, et la 2 e , dont la droite était à Belchamp, il 
s'était produit une lacune qui fut comblée par ces deux 
divisions. Pendant que celle du général Le Villain, la 6 e , 
couvrait en première ligne le débouché de Rozelieures, le 
corps Conneau lui venait en aide, donnant la main aux 
8 e et 16 e corps, c'est-à-dire aux i re et 2 e armées. 



(1) La victoire de Lorraine, p. 17. 

(2) Hanotaux, V, p. 286. 



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LES 23 ET 24 AOUT A NOTRE GAUCHE 57 

Le 24 août, vers 10 heures, cette cavalerie était attaquée 
par des troupes allemandes remontant ou passant la Mor- 
tagne, de Mont-sur-Meurthe à Gerbéviller. JLa 10 e division 
gardait l'espace entre Lamath et Gerbéviller. Elle se 
repliait, vers midi, sur le bois de Filière, en se couvrant 
à gauche du 2 e bataillon de chasseurs. Elle n'avait pu faire , 
qu'un usage insuffisant de son artillerie, faute de vues, 
dit-on (i). Au nord-ouest, la 2 a division de cavalerie se 
tenait par Einvaux en relation avec le i6* corps; son artil- 
lerie et celle de la 10 e division, groupées sur le plateau de 
la Naguée, y agissaient énergiquement pour ralentir l'ap- 
proche de l'ennemi. 

Cependant, au reçu de l'ordre de n h. 3o, la 3g e divi- 
sion (20 e corps), la 70*, les 34 e et 35 e brigades (9 e corps) 
s'ébranlaient des hauteurs du Grand-Couronné pour se 
porter sur le front Serres, Hoéville, Erbéviller. Derrière 
elles, les 59 e et 68* divisions (2) continuaient d'assurer la 
garde des positions couvrant Nancy, la 59 e au nord, la 68 e 
remplaçant la 70*. 

Au sud, la ii* division marchait dans la direction d'Ha- 
raucourt, de Flainval, sur chaque rire du Sanon. 

Cette offensive allait surprendre l'ennemi, qui ne la 
prévoyait en aucune façon. Dans son infatuation ordi- 
naire, il s'attendait à la continuation de notre retraite et à 
un grand succès. Il croyait même « fermer sur nous la 



(1) Hanotaux, V, p. 22. 

(2) Le ik août, le général d'Àubignosc prenait le commandement du 
secteur nordT de Nancy, avec quartier général à Lay-Saint-Christophe; 
le général Kopp commandait le sous-secteur de gauche de la Moselle à 
(Leyr inclus; le colonel Caldairou, le sous-secteur de droite de Leyr à 
Laître-sous-Àmance, chacun des sous-secteurs correspondant à la 59 e 
ou à la 68* division. 



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58 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

souricière » (i), c'est-à-dire crever notre front à la Trouée 
de Charmes,. de manière à isoler notre droite du centre. 

La 70 e division, général Fayolle, avait l'ordre d'attaquer 
en direction de Courbessaux, Hoéville. D'un bond, elle 
enlevait Erbéviller, Réméréville, Courbessaux, en rejetant 
les Allemands sur la crête de Serres. Le cimetière d'Erbé- 
viller était le théâtre d'un vif engagement. 

A la fin du jour, nous occupions dans cette région 
Champenoux, Réméréville, Courbessaux, menaçant ainsi 
sérieusement la route de Château-Salins à Lunéville, par 
où s'établissaient les communications ennemies. 

De même, le 20 e corps tenait dans la soirée le front 
Haraucourt, Flainval, Rosières; il se reliait au i5 e corps 
par Saffais. Contre-attaque à Flainval, le 4 e bataillon de 
chasseurs s'y était vigoureusement maintenu (2). 

Pendant que notre attaque de flanc s'amorçait ainsi, les 
Allemands rencontraient en avant de la Trouée de Char- 
mes une résistance imprévue. Sur le front de la 74 e divi- 
sion, à partir de i3 heures, notre artillerie ouvrait un feu 
« d'enfer », qui durait toute l'après-midi et la nuit entière, 
dit-on (3). Elle imposait silence à l'ennemi, qui ne' tirait 
plus qu'une seule rafale « énorme » le soir du 24 août. 

On put ensuite constater, sur les deux routes suivies 
par ses colonnes, l'existence de trous d'obus creusés par 
nos Rimailho et nos 75 à droite, puis à gauche de ces 



(1) Extrait des Feldpostbriefe , reproduit par M. Hanotaux, V, p. 22. 
Les 24, 25, 26 août, les 34 6 et 35 6 brigades (9 e corps) prenaient part 

aux combats d'Erbéviller, sans que nous possédions aucun détail *ur 
leur rôle. 

(2) Hanotaux, V, p. 26. D'après 2e même auteur, VI, p. 7, te brigade 
Ferry (87 e et 79 e ) restait maîtresse des hauteurs de Flainval, trois fois 
prises et reprises. 

(3) Tm victoire de Lorraine, p. 17. 



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LBS 23 ET.24 AOUT A NOTRE GAUCHE 5g 

chaussées. Ce semis d'entonnoirs était si régulier qu'on 
l'aurait dit fait avec intention. Des cadavres les jalon- 
naient : « Il y a surtout des fusils, des milliers de sacs 
allemands, à la fourrure fauve. ...Dans l'un de ces trous 
ï>éants, un cavalier avec son cheval. Dans un autre, un 
fourgon en miettes disparaît... » (i). 

Au sud, sur le front du corps de cavalerie, des masses 
allemandes débouchaient, vers i4 h. 3o, des bois autour 
de Franconville et gagnaient rapidement du terrain. Le 
général Conneau ramenait ses gros sur la hauteur de 
Borville, ne laissant au plateau de la Naguée que le 
2 e bataillon de chasseurs. 

La 2* division de cavalerie parvenait à dégager son 
artillerie, mais la 10 e perdait une de ses batteries; elle ne 
devait la reprendre que le 26. Le 2 e bataillon de chasseurs 
se repliait (2) et, à 16 heures, tout le corps Conneau était 
sur la hauteur de Borville, au sud-est de Bayon. Quant à 
la 6 e division de cavalerie, elle était canonnée, dès le 
matin du 24, à Valois. Le général Le Villain faisait filer 
ses impedimenta sur la côte d'Essey, puis ramenait ses 
escadrons dans la même direction, en leur prescrivant 



(1) La victoire de Lorraine, p. 17. 

(2) Une petite fraction du 2 e bataillon de chasseurs avait occupé Ger- 
béviller dans la nuit du s3 au 24. Le village fut canonné dès 9 heures 
le 24 et les Allemands s'en emparèrent à 17 heures seulement. Ils le 
pillèrent et y mirent le feu, qu'ils entretinrent pendant trois jours 
(Ce qu'ils ont fait de Gerbéviller, lettre d'un témoin, Echo de Paris 
d'octobre iqi4). A Gerbéviller, sur 475 maisons, 20 au plus restèrent 
habitables. Plus de cent personnes disparurent,- dont cinquante au 
moins furent massacrées. Voici un épisode de ces massacres. En se sau- 
vant M" 16 Lingenbeld voit son fils, blessé, « étendu sur le sol. Gomme 
le malheureux remue encore, les Allemands l'arrosent de pétrole auquel 
ils mettent le feu en présence de la mère terrifiée ». Le père de cette 
dernière, âgé de 75 ans, est également fusillé {Le Livre rouge. Les 
atrocités allemandes, p. 36). Cf. également Jean Bernard, Histoire 
générale et anecdotiqae de la guerre de i91&, I, p. 263. 



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60 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

d'utiliser toutes les coupures du terrain pour ralentir l'en- 
nemi. Il leur fixait ce point de ralliement. 

La retraite s'opérait sans difficulté, sauf pour l'escadron 
de Domptail, qui perdait en quelques minutes 5o chevaux 
sur une route repérée. L'ennemi tirait de Moyen et même 
des abords de Rozelieures. L'artillerie de la 6 e division 
prenait sous son feu ces dernières batteries et de l'infan- 
terie couchée entre ce village et Saint-Boingt. 

Le soir venu, on cantonnait dans la région de Saint- 
Rémy-aux-Bois. L'état des chevaux devenait inquiétant; 
les effectifs fondaient à vue d'œil. 

A la gauche de la i re armée, le général Dubail, sachant 
que les Allemands attaquaient le front Haussonville, Bor- 
ville, donnait l'ordre d'attaque préparé par celui du 23 
que nous avons cité. Le 8 e corps prendrait l'offensive dans 
la direction Vennezay, Morviller, c'est-à-dire exactement 
dans le flanc droit des Allemands. Le i3 e corps couvrant 
la droite du 8 e , se porterait dans la région de Ménarmont, 
où il ferait face au nord ou à l'est, selon les circons- 
tances (i). 

Cet ordre parvenait à midi 3o au 8 e corps. La 16 e divi- 
sion, général de Maud'huy, se mettait en mouvement avec 



(i) Cet ordre paraît avoir été complété par des instructions verbales. 
Du moins le général Ba jolie, qui commandait la division de gauche 
(i5 6 ) du 8 e corps, communiquait au général Le Villain, de vive voix, 
les prescriptions suivantes : 

Le a5 août, la 6 6 division assurerait la liaison entre les i re et 2 e 
armées. A cet effet, elle s'établirait entre Borville et Saint-Boingt, bar- 
rant la route de Rozelieures à Charmes. Elle serait appuyée pfar trois 
régiments d'infanterie de la i5* division, tenant fortement de Saint- 
Boingt à la côte d'Essey. 

Elle devrait résister jusqu'au dernier homme, afin de servir de pivot 
aux deux armées qui effectueraient un mouvement de tenaille, pour 
enserrer l'ennemi, le 8 e corps marchant sur Mattexey et le 16 e corps 
vers, Clayeures. L'offensive serait continuée le 26. 



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LES 23 ET 24 AOUT A NOTRE GAUCHE 6l 

entrain. A la fin du jour, elle atteignait le front Saint- 
Boiiîgt, Essey-la-Côte, CHézentaine, après avoir subi des 
pertes. Le colonel Tourret, du 95 e , était tué entre Orton- 
court et Clézentaine (1). 

Quant au i3 e corps, il tenait Ménarmont, entre la Mor- 
tagne et la Meurthe, et couvrait ainsi l'aile intérieure 
du 8 e . 

L'ensemble de la journée du it\ nous était avantageux. 
Elle préparait le succès du lendemain. 



(1) Capitaine Rimbault, op. cit., p. 77. D'après le commandant G. V., 
Xa bataille de la Trouée de Charmes, Revue du i er -i5 janvier 191 7, 
p. 28 et suiv., le général Dubail se porta sur les hauteurs d'Essey avec 
le 8 # corps. 



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CHAPITRE V 
LE 25 AOUT A NOTRE GAUCHE 

Objectif de la 2 e armée. — Les armées Ruprccht et Heerihgeii. — 
Offensive à la droite de l'armée Castelnau, — Le corps Conneau. — 
Les 16 e et i5 e corps. — Combat de Rozelieures. — Le 8 e xorps. — 
Le 20 e corps. — Combat de Gourbessaux. — Situation finale de la 
2 e armée. 



I 



,Le 25 août, pour le général de Castelnau, l'objectif était 
la route de Château^Salins à Lunéville, entre Arracourt et 
Einville. Cette attaque, dont serait chargé le 20 e corps, 
avec le concours des éléments sortis du Grand-Couronné, 
devait être appuyée à droite pa* une division du i5 e . Le 
16 e corps tiendrait à tout prix sur ses positions, le 8 e 
devant l'appuyer en débouchant, « ne fût-ce qu'avec une 
seule division». 

Le piton de Borville (34a mètres) commande au loin les 
environs, notamment au sud-ouest les débouchés de la 
forêt et la Trouée de Charmes. De même, au nord, la 
hauteur de Flainval domine la route de Lunéville à Nancy. 
C'est entre ces deux collines qu'allait surtout se dérouler 
la bataille du 25 août. La première acquérait une impor- 
tance particulière du fait qu'elle servait à relier les i n et 
2 e armées. Toute la nuit, on y accumula de l'artillerie. À 



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LB 25 ACKJT A NOTRE GAUCHE 63 

l'aube, elle était prête à Jbattre les voies débouchant de la- 
Mortaghe vers Charmes. 

Devant nous, l'armée du prince Ruprecht marchait sen- 
siblement du nord au sud, dans la direction générale de 
Lunéville à Charmes; celle de von Heeringen (i) allait de 
Test à l'ouest, la grand'route de Raon-1'Etape, Rambervil- 
ler, CHarmes, dessinant son axe de mouvement. Le géné- 
ral de Gastelnau comptait arrêter la première de front, 
tout en l'attaquant sur son flanc droit, tandis que la 
seconde se heurterait à l'armée Dubail. Notons, en pas- 
sant, l'extension des fronts de combat. La 2 e armée cou- 
vrait plus de 4o kilomètres à vol d'oiseau, de Sainte- 
Geneviève à Boryille (2), Le général de Castelnau avait 
son poste, de çonjmandement à Pont-Saint-Vincent. Il ne 
pouvait être renseigné que par le télégraphe ou le télé- 
phone sur la marche générale de l'action. Les temps où 
un commandant d'armée embrassait du regard l'ensemble 
du champ de bataille sont passés sans retour. 

Le général avait prescrit de mener lentement, méthodi- 
quement notre offensive. Après chaque bond, les troupes 
devraient «'installer sur le terrain conquis, de manière à 
ménager leur sang et leurs forces. Le 16 e corps aurait à 
ne pas perdre la liaison avec le 8 e . 



(1) Colonel-général Jonas von Heeringen, né en i85o, ancien com- 
battant de 1870. 

En 1879, il e8t détaché au grand état-major où il fait presque toute 
sa carrière. En 1906, il commande le II e corps. En 1909- 19 13, il est 
ministre de la Guerre, remplaçant von Einem. Il quitte le ministère 
après avoir effectué la transformation de l'armée dont nous avons pu 
constater les résultats. 

(2) Hanotaux, V, p. 3i. 



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t>4 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 



II 



Dès l'aube du 25 août, les Allemands prenaient l'offen- 
sive, au nord de la Meurthe, vers Réméréville; au sud 
vers la ligne Einvaux, Moriviller. En même temps, ils 
dessinaient une contre-attaque sur le front du 8 e corps. 
Comme i\ous le verrons, ce corps d'armée ne parvenait 
pas à déboucher vers Rozelieures et Remenoville. Ses gros 
restaient vers Saint-Boingt et Essey-la-Côte, sensiblement 
au sud. L'artillerie allemande le criblait de projectiles, 
tandis que l'infanterie cherchait à franchir les hauteurs au 
sud-ouest de Remenoville, en direction de Rozelieures (i). 

Cette situation, connue du général de Castelnau, le 
décidait à presser l'intervention de la 2 e armée. Il donnait 
au i5 e corps l'ordre de se porter en avant, avec le concours 
de la 64 e division. Nous- verrons bientôt les résultats de 
cette offensive. 

Au 16 e corps, la consigne était la même que la veille : 
tenir à tout prix. Pour mieux assurer la liaison avec le 
8 e corps, la droite du corps d'armée fut portée en avant, 
de Saint-Germain au mamelon de Borville, fortement 
occupé par de l'infanterie et de l'artillerie, sous le com- 
mandement du général Vidal (3i 6 division). Ces batteries 
croisaient leurs feux avec celles de Brémoncourt. La tâche 
du 16 e corps devait être facilitée par le 8 e , qu'on assurait 
devoir déboucher dans la journée. La lutte se prolongeait 
tout le jour, particulièrement violente devant Einvaux, 



(i) Hanotaux, V. p. 35. 



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LE 25 AOUT A NOTRE GAUCHE 65 

Méhoncourt, aux abbrds sud de la route de Bayon, ainsi 
qu'entre les bois de Jontois et Moriviller. L'ennemi débou- 
chait par Remenoville sur Rozelieures, où sa pression 
devenait très violente. 

Vers i5 heures, le i6° corps était avisé que, le 8 e ne 
pouvant déboucher de Damas-aux-Bois, Saint-Boingt, il 
devenait indispensable de lui ouvrir la route. Le général 
de Castelnau envoyait l'ordre suivant : « L'intervention 
du 16 e corps vers le bois de Filière est indispensable- et 
devra se faire sentir de toute urgence ». Il télégraphiait 
à la même heure : « En avant, partout, à fond ! » 
Tandis que l'artillerie de Borville aidait à arrêter l'attaque 
sur Rozelieures par ses feux directs, celle de Bréiponcourt 
prenait deflaiic les forces ennemies de la région Clayeures, 
Moriviller, Rozelieures. L'infanterie marchait à droite sur 
Moriviller, au centre sur Franconville, à gauche sur le bois 
deVacquenat, la 29 e division, général Cart>illet'(i 5 e corps), 
suivant en réserve derrière la -/4 e . L'ennemi était refoulé 
sur la totalité du front. La crête entre l'Euron et la Mor- 
tagne, c'est-à-dire les bois de Réthimont et de Filière, la 
ferme de la Naguée, le bois du Château qui occupent le 
sommet de mamelons dominants, étaient enlevés. Tandis 
que la route était ainsi ouverte au 8 e corps, à droite, la 
ligne de la Mortagne était menacée à gauche vers Lamath. 

.La 7^ division de réserve tenait la gauche du 16 e corps. 
Par suite de sa disposition en deux groupements distincts, 
elle encadrait, les 25 et 26 août, une brigade (la 61 e ) de 
ce corps d'armée, auquel le général de Castelnau l'avait 
d'ailleurs rattachée (2/1 août) et qui mit à sa disposition 
l'artillerie dont elle manquait. Le groupement nord, géné- 
ral Durupt, attaqua vers le bois de Vacquenat et Einvaux. 
Le groupement sud, colonel Terris, après s'être installé 
au plateau de Borville le 2/1, marcha sur Rozelieures, puis 

La grandi 1 gnerre. IV. ;> 



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66 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL ' 

sur Remeno ville, se reliant à gauche avec des fractions 
du 16 e corps, à droite avec la 6 e division de cavalerie. 

Au groupement nord, le 223 e et le 36* colonial se por- 
tèrent, avant 6 h. 3o, face à la lisière sud-ouest du bois 
du Château qu'ils devaient attaquer. A 6 h. 45, l'offensive 
était déclenchée, le 223 e marchant de la croupe au sud 
de Romain sur le bois; le 36 e colonial du nord de Méhon- 
court sur la station d'Einvaux. Le 222 e suivait les colo- 
niaux en seconde ligne. L'attaque était préparée par un, 
puis par deux groupes et une batterie en position au sud 
de Romain, et par deux batteries lourdes tirant du nord 
de Haigneville (1). 

L'offensive du 223 e se heurtait à un 'bois fortement orga- 
nisé; après avoir dépassé Méhoncourt, ce régiment était, 
entre 10 et 11 heures, contraint de se retirer devant une 
contre-attaque descendant du nord. Les pertes étaient 
grandes; le lieutenant-colonel Brouet avait été tué. 

Quant au 36 e colonial, après avoir dépassé la ligne fer- 
rée au sud de la station d'Einvaux, il se voyait également 
arrêté. Son lieutenant-colonel, Mouret, était tué, en 
essayant de réparer la faute grave d'un subordonné (2), 
et il battait en retraite sur Haigneville. A partir de midi, 
le 222 e occupait le mamelon sud de Méhoncourt. Le 223 e , 
h sa gauche, se maintenait dans le village. 

La 29 e division, général Carbillet, avait suivi en seconde 
ligne le mouvement de la 74 e . Elle venait occuper la posi- 
tion Béchamp, Brémoncourt. 

Vers 17 h. i5, l'offensive recommençait. Le 222 e , appuyé 
par l'artillerie, marchait sur Landecourt, refoulant les 
Allemands. Vers 18 heures, il atteignait la station d'Ein- 

(1) Hanotaux, VI, p. 10. 

(2) Le commandant X. fut condamné à mort et exécuté le i er sep- 
tembre. 



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LE 25 AOUT A NOTRE GAUCHE 67 



\ 



vaux. La brigade du général Dauvin (61 e ), qui marchait à 
gauche de la 74 e division, avait péniblement progressé 
dans l'après-midi. Elle tenait le bois de Grimont (1). Nous 
verrions ce qu'il en advint le soir du 25. 

Quant au groupement Durupt, il stationnait dans la 
zone Einvaux, Landecourt, Haigneville. 

Le groupement sud de la 74 e division, colonel Terris, 
parti des abords de Borville, marchait sur Rozelieures par 
la vallée de l'Euron, où des herbages et des terres de 
labour sont semés de quelques bouquets d'arbres. Le 
village, construit stir une élévation, fut vigoureusement 
défendu. Il fallut pour l'enlever une double attaque, celle 
des fractions de la 74 e division et du 2 e bataillon de chas- 
seurs renforcé de cavaliers à pied, descendus du bois de 
Lalaù. L'ennemi avait à sa disposition un long glacis, 
dominé par des pentes raides. Rozelieures fut néanmoins 
enlevé entre 16 et 18 heures, après un combat acharné. 
. Un témoin vit, le soir du 25, deux morts, l'un Français, 
l'autre Allemand, qui demeuraient debout contre un mur, 
tels qu'ils s'étaient transpercés de leurs baïonnettes (2). 
Dans le village, pas une maison intacte; beaucoup flam- 
baient; à chaque pas des blessés ou des cadavres. 

A la fin du jour, la droite du 16* corps et de la 74 e 
division tenait Rozelieures et la crête de la Naguée, entre 
Moriviller et le bois de Jontois; la gauche était au bois 
de Grimont et à l'est de Méhoncourtr, Einvaux. Quant au 
i5 e corps, il bardait la Meurthe à Blainville, serrant de 
près Lunéville; il s'était arrêté aux issues ouest de Mont- 
sur-Meurthe. 

(1) Ha no taux, VI, p. 11. Un témoin note que les avions allemands 
lancent au-dessus de nous des fusées-signaux. « Nous, nous n'avons 
pas d'avions. » (Notes inédites du lieutenant Morel- Jour net, reproduites 
par M. Hanotaux, VI, p. i3.) 

(2) Maurice Barrés, Echo de Paris, i3 septembre 191 7. 



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68 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

La 74 e division avait eu devant elle des fractions du 
IIP corps bavarois et du XXI e corps. Leurs pertes furent 
assez considérables pour qu'elles perdissent l'ascendant 
moral conquis lors de nos échecs précédents. Un instant 
même, les Allemands crurent leur insuccès plus grave qu'il 
n'était réellement et surtout que nous l'imaginions. Le 
25 au soir, ils faisaient, dit-on, leurs préparatifs pour 
évacuer Lunéville. Suivant leur coutume en cas de repli 
forcé; ils mettaient même le feu à la place des Carmes et 
au faubourg d'Einville (1). 

Un fâcheux incident, survenu dans cette même soirée, 
modifia peut-être leurs dispositions; Par ordre de la 2 e 
armée, la 61 e brigade fut constituée vers 19 heures en 
« détachement de poursuite », avec un peu de cavalerie. 
Elle s'engagea sans précautions suffisantes entre les bois 
de Vacquenat et de Clairlieu, sur la route de Méhoncourt 
à Làmath. Elle approchait en pleine nuit du pont de 
Lamarth, quand des coups de feu retentirent à droite et à 
gauche; des Allemands restés dans les bois la fusillaient 
à courte portée. Il y eut du désordre et on dut renoncer 
à « la poursuite » si malheureusement amorcée. 

Les opérations du 16 6 corps donnaient lieu néanmoins, 
de la part du général de Castelnau, aux appréciations sui- 
vantes : « Le commandant de la 2 e armée approuve entiè- 
rement les mesures prises dans les journées des 24 et 25 
par le commandant du 16 e corps. Il le félicite de l'activité 



(1) D'après le Livre rouge. Les atrocités allemandes^ p. 3i, l'hôtel 
de ville, la synagogue, des maisons de la rue Castara et le faubourg 
d'Einville furent incendiés; dix-huit personnes furent tuées, dont plu- 
sieurs femmes et enfants, notamment la mère du sieur Kahn, âgée de 
98 ans. Ces attentats continuèrent le 26. Environ soixante-dix maisons 
furent brûlées. Par ironie, sans doute, la commune fut ensuite frappée 
(3 septembre) d'une contribution de 65o.ooo francs, à titre de répres- 
sion. 



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LE 25 AOUT A NOTRE GAUCHE 69 

déployée dans l'exécution des contre-attaques, puis dans 
la reprise de l'offensive . Cette attitude vigoureuse n'a pas 
eu seulement pour résultat de retenir l'ennemi établi en 
face du 16 e cofps; elle a ensuite contribué à faciliter la 
tâche des corps d'armée voisins et à rendre plus efficace 
leur action... ». 



III 



Pendant que ces événements se déroulaient devant le 
16 6 corps, à sa droite, la 6 e division dé cavalerie, partant 
de Saint-Remy-aux-Bois à 5 heures, était établie à 6 heures 
pour combattre à pied à la lisière du bois Lalau, face à 
Rozelieures, dans Tordre suivant de droite à gauche : 
6 e groupe cycliste, 6 e brigade légère, 2 e régiment de dra- 
gons. Deux escadrons dé cuirassiers formaient soutien à 
cheval. Le i4 e dragons et le 7! cuirassiers étaient réservés 
pour des opérations ultérieures. JLe groupe d'artillerie met- 
tait en batterie entre la lisière ouest du bois Lalau et le 
chemin de Borville à Saint-Rémy. 

A ce moment, l'ennemi occupait les bois de Réthimont 
et de Filière, au nord de Rozelieures. Le feu commençait 
vers 6 h. 3o; le i34 6 (i5 e division), colonel Perrin, débou- 
chait de ce village pour attaquer les bois; mais, en arrivant 
à la crête, il était accueilli par des feux partant de tran- 
chées. Re jetés en désordre, ces bataillons traversaient 
rapidement Rozelieures. Ils ne pouvaient être repris en 
main qu'à la lisière sud-ouest du bois Lalau (t). 



(1) D'après Un témoignage que cite M. Barrés (Echo de Paris du 
i3 septembre 191 7), le i34 e se serait replié par ordre. Il a été dit que 
le 8 e corps et la 6 e division de cavalerie étaient rattachés, le 25, à la 
2 e armée. Des renseignements positifs nous permettent d'affirmer le 
contraire. 



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7<> LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

L'ennemi se jetait, dans Rozelieures et attaquait vive- 
ment la lisière nord-est de ce bois. Pour faire diversion, 
le général Le Villain portait le i4° dragons au delà du 
ruisseau l'Euron, afin de menacer le village par le nord- 
ouest. Heureusement, l'un des régiments de réserve du 
8 e corps, le 210 e , était aperçu, arrivant de Saint-Remy, au 
sud de Borville (10 heures) et ses éléments de tête pre- 
naient une formation de combat. Mais tout à coup, sOûs 
l'éclatement des premiers obus, bien qu'ils n'eussent causé 
aucune perte, tous ces réservistes, couchés, se levaient, 
faisaient demi-tour et fuyaient vers Saint 7 Remy. Un offi- 
cier de la 6 e division cherchait vainement à les ramener. 
Ordres et menaces étaient inutiles, faute de cadres, dit-on. 

Cependant le combat redoublait d'intensité au sud-ouest 
de Rozelieures. Nos escadrons à pied subissaient des pertes 
sensibles. Le général Le Villain* faisait demander l'inter- 
vention dû i34 e qui, sorti du bois de ,Lalau, se retirait 
alors vers Saint-Remy. Aucune suite n'était donnée à cette 
demande, le régiment ayant « reçu l'ordre de se replier » (1) 
et n'étant pas « capable d'un effort immédiat ». 

A midi, la 6 e division était sans appui à droite et à 
gauche. L'ennemi progressait. Le lieutenant dé Cazenove, 
commandant le groupe -cycliste, faisait connaître que les 
Allemands tenaient la corne sud-est du bois Lalau, vers 
Saint-Boingt. De là, ils pouvaient filtrer à travers les taillis 
et détruire les chevaux des cavaliers pied à terre. Il fallait 
placer un escadron de cuirassiers à pied le long de la 
lisière voisine et porter un peloton et demi du n e "hussards 
en soutien du groupe cycliste. 

Sur les entrefaites, un avis daté de Damas-aux-Bois, 
ri h. 5o, faisait connaître que les 210 e et 1 34 e se refor- 

(1) Confirmation de la note précédente. 



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_ LE 25 AOUT A NOTBE GAUCHE Jl 

maient près de Saint-Remy; au nord du bois de la Voivre 
le 27 e essayait de percer sur Saint-Boingt. La droite de la 
i5* division, 56 e et io% reculait sur Damas et Hallain- 
ville^ (1). L'intention du général Bajolle était alors de 
résister sur la ligne Saint-Remy, bois de la Voivre, Damas- 
aux-Bois, Hallain ville. Au lieu de l'offensive ordonnée, la 
gauche du 8 e corps préparait la défensive sur un front de 
quatre kilomètres eh arrière de celui de la 6 e division. 

Le général Le Villain jugea nécessaire de garder par 
devers lui ces renseignements attristants. Quant à la mis- 
sion qui lui avait été confiée, il la remplirait jusqu'au 
bout. 

A midi 3o, il rendait compte de sa situation au 8 e corps, 
ajoutant que le 16 e corps arrivait à Borville, marchant 
vers Clayeures. Il maintenait donc la 6 e division à la lisière 
du bois Lalau, en demandant l'intervention de la 2 e divi- 
sion de cavalerie, au repos à Saint-Remy. 

A la même heure, ,en effet, le général,Le Villain récla- 
mait du général Varin « tous les fusils et tous les canons » 
dont il pourrait disposer, faisant valoir l'urgente nécessité 
d'assurer l'offensive des deux armées. 

Sur les entrefaites, le 2 e dragons rendait compte de 
l'épuisement de ses cartouches. Il fallait recourir aux cais- 
•sons des bataillons de Saint-Remy, recueillir les munitions 
des blessés. Le i5 e régiment (16° corps) venait d'arriver à 
Borville. Le général Le Villain lui faisait demander une 
bonne compagnie comme soutien. Il obtenait aussitôt 
satisfaction et le commandant des Michels, du 2 e dragons, 
pouvait ainsi boucher les principaux vides sur la ligne 
de feu. D'autre part, des fuyards se^ faufilaient à travers 



(1) L'ennemi paraît avoir occupé Essey-la-Côte le 25, de midi à 
i5 heures. 



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72 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

bois, sous couleur d'accompagner des blessés. Au nombre 
de plus d'une centaine, ils étaient groupés sous les ordres 
du capitaine Thierry, du i3 6 chasseurs, qui tes encadrait 
et les ramenait au front. 

Cependant, le général Varin détachait en renfort de la 
6 e division le 2 e bataillon de chasseurs (i), le 2 e groupe 
cycliste, qui se portaient vers Rozelieures, et un groupe 
d'artillerie qui s'installait entre Borville et le bois Lalau, 
derrière un remblai. Enfin, une brigade de dragonspous- 
sait vers Clayeures, pour se rabattre sur les derrières de 
l'ennemi. 

Vers 2 heures, le 2 e bataillon de chasseurs arrivait au 
bois Lalau. A ce moment, le 6 e groupe cycliste était en 
retraite sous la pression continue de l'ennemi, qui péné- 
trait dans le bois. Le chef de bataillon demandait quel- 
ques minutes pour permettre à ses compagnies de l'occu- 
per et le lieutenant de Cazenove priait le lieutenant de 
Percin, qui commandait le détachement du n e hussards, 
de charger pour gagner ce répif. Ce petit groupe de cava- 
liers se formait en colonne sur le milieu de la route de 
Rozelieures et prenait de suite le galop allongé, appuyé 
par les derniers cyclistes du brave Cazenove, qui était tué 
presque aussitôt. Une grêle de balles atteignait la charge. 
Sur quarante-cinq chevaux, trente-six étaient abattus; sept 
cavaliers étaient blessés. Mais les Bavarois abandonnaient 
la lisière du bois et deux hussards tombaient morts sous 
leurs baïonnettes, en terrain découvert. Le 2 e bataillon 
pouvait occuper sans combat le bois Lalau. 

Dès le début de la charge, le lieutenant de Percin était 
tombé grièvement blessé, ce qui n'empêchait pas les hus- 



(i) Ce bataillon avait été détaché au 2 e corps de cavalerie par ordre 
du général de Castelnau. 



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LE 25 AOUT A NOTRE 'GAUCHE 73 

sards de continuer leur attaque sous la conduite du maré- 
chal des logis Stephani et d'autres braves. Stephani était 
atteint de trois balles. 

A 1 6 heures, la 6 e division résistait sur tous les points. 
Partout les, attaques allemandes avaient été brisées. Le 7 e 
cuirassiers était porté sur Clayeures pour accélérer la 
retraite de l'ennemi. 

Devant ces résultats, les régiments de la i5 e division 
étaient ramenés en, avant. Avec le concours de la 74 e divi- 
sion, comme nous l'avons vu, le 27 e attaquait Rozelieures, 
sdutenu par les i34 e et 210 6 ; les 56 e et 10 e se portaient sur 
la côte d'Essey, qu'ils réoccupaient. 

Le groupe de la 6 e division avait été renforcé le matin 
par un groupe monté, puis par celui de la 2 e division. Ces 
neuf batteries, installées entre Borville et le bois Lalau, 
tiraient *sans arrêt sur Rozelieures et. sur les abords de ce 
village. 

Vers 18 heures, l'ennemi commençait $ l'évacuer, en 
se couvrant* de tirailleurs, probablement « des viseurs 
d'officiers », dont l'un atteignait le général Lamy, com- 
mandant la 5 e brigade de cuirassiers. Dans la soirée, 
Rozelieures était occupé par nos troupes. 

L'ennemi laissait sur le terrain 2.6qo cadavres et des 
blessés intransportables. Il avait engagé, dit-on, contre la 
6° division trois régiments d'infanterie bavaroise, sans 
pouvoir briser une résistance prolongée douze heures 
durant. Malgré ce combat, qui lui faisait honneur, ainsi 
qu'à toute sa division, le général Le Villain devait être 
relevé de son commandement dès le i er septembre et 
remplacé par le général de Mitry. De tous les comman- 
dants de corps d'armée sous les ordres du général Dubail, 
aucun ne conserverait ses fonctions au bout de quelques 
semaines. Qui osera dire que tant de brutalité était indis- 



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74 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

pensable? On peut affirmer, au contraire, que ces mesures 
précipitées, attentatoires à l'honneur de braves soldats, 
dues parfois à l'intervention occulte de subalternes ambi- 
tieux ou envieux, n'étaient faites ni pour rehausser le mo- 
ral des cadres et de la troupe, ni pour sauvegarder la 
discipline et, en dernière analyse, les intérêts de la nation. 

L'intervention de la 6 e division de cavalerie, en assurant 
la gauche du 16 e corps, lui permettait d'opérer son mou- 
vement offensif dans le flanc droit ennçmi, ainsi que nous 
l'avons vu. 

D'autre part, cette offensive ne tardait pas à produire 
son effet sur le reste du champ de bataille. A la gauche 
du 16 e corps, le i5 e avait l'une de ses divisions, la 29 e , 
général Carbillet, en. réserve derrière la 74 e , dès l'aube 
du 25 août. L'autre, la 3o e , général Colle, appuyée par la 
64* division de réserve, se portait dans l'après-midi sur 
Bois-Brûlé et Charmois, puis sur Blaïn ville et Mont-sur- 
Meurthe. Cette offensive, bien préparée par l'artillerie, 
réussissait tout d'abord, mais nous ne parvenions pas à 
nous emparer de Mont-sur-Meurthe, en raison du feu des 
mitrailleuses embusquées dans ce village. L'ennemi, qui 
avait paru surpris et cédait le terrain sans grande résis- 
tance, se ressaisissait et enrayait nos progrès (1). 

Le soir du 25 août, l'ennemi était en retraite devant 
toute la droite de la 2 e armée, laissant derrière lui « des 
monceaux de cadavre^ ». Le général de Castelnau, s'exa- 
gérant sans doute la portée d'un succès incontestable, mais 
limité, espéra transformer la retraite des Allemands en 
déroute. Nous avons vu les dispositions prises par la 61 e bri- 



(1) Hanotaux, VI, p. i4. Un document officiel porte que, le soir^ 
du 25, le i5 e corps était maître de Lamath. Cette assertion est double- 
ment inexacte. Le i5 e corps n'était pas à Lamath; il n'avait même pas 
attaqué ce village. 



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LE 25 AOUT A NOTRE GAUCHE 7§ 

gade et leurs fâcheux résultats. Ordre fut également donné 
au général -Gonneau d'entamer une poursuite « à fond », en 
se portant par Deinvillers à l'est de là Slortagne. 11 mena- 
ceraitla retraite de l'ennemi en direction générale dé Ger- 
béviller, Fraimbois, Lunéville, Einville. 11 fallut en rabat- 
tre. Les chevaux étaient épuisés par les randonnées précé- 
dentes, comme nous l'avpns signalé plusieurs fois au sujet 
d'autres opérations. De plus et surtout, les Allemands 
étaient encore trop solidement installés sur la rive droite 
de la Mortagne pour que cet ordre pût être exécuté. X,e 
2 e corps de cavalerie dut être ramené en arrière. Bientôt 
il allait être en grande partie transporté sur un autre 
théâtre d'opérations. 

Dans la soirée du 25, le 8 e corps, ayant regagné le ter- 
rain perdu, occupait le front Essey-la-Côte, Saint-Pierre- 
mont. Toutefois, l'ennemi tenait encore Glézentaine, qui 
ne fut repris que le 26 par le 52 e bataillon de chasseurs (1). 
Un moment, la situation de l'armée Ruprecht était grave. 
A son échec au sud de la Meurthe venait se joindre la 
menace dirigée sur les lignes de retraite au nord. Mais 
elle avait disposé en flanc-garde un corps d'armée, qui 
paraît être le III e bavarois. Sur les hauteurs de Flainval, 
il contint l'offensive du 20 e corps et l'arrêta bientôt. 



IV 

La brigade coloniale de ce corps d'armée, descendue de 
Saînt^Nicolas-du-Port, traversait la Meurthe dans la mati- 
née et s'engageait dans Varangéville, puis sur la route de 

(1) Débarqué le matin du 25, en gare de Châtel-Nomexy, sur la 
Moselle (Ifanotaux, V. 3*8). D'après le capitaine Rimbault, p. 80, le q5 6 
tenta de prendre Mattexey. Après d'heureux débuts, cette attaque 
tourna mal et le régiment faillit perdre son drapeau. 



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76 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

Dombasle, où elle progressait rapidement. « Ce ne sont 
plus les mêmes hommes, écrit un témoin. Une haine 
féroce les tenaille-.. Ils se souviennent maintenant d'un 
malheureux hussard, blessé d'un coup de lance, que les 
Bavarois avaient sauvagement mutilé : le moribond avait 
le nez et les oreilles coupés » (1). 

Dombasle était pris très vite. Une section ennemie s'est 
réfugiée dans le cimetière : « Les lâches ont emmené des 
enfants et s'abritent derrière eux pour tirer ». Ils sont, 
d'un seul élan, massacrés à la baïonnette. Cinq ou six 
survivants se précipitent vers les berges du canal et pré- 
fèrent couler dans l'eau noife (2)'. Mais, dès 9 h. 3o, la 
droite du 20 e corps est arrêtée à hauteur de Flainval et 
d'Hudiviller. 

A gauche, la 3g e division avait difficilement progressé 
vers Drouville et le bois de Crévic. Ce massif fut l'objet 
d'une lutte acharnée : pris, il fut perdu et repris' à plu- 
sieurs reprises. Il nous restait finalement et la 3 e division 
bavaroise (II e corps) était refoulée sur la croupe 3 16 au 
nord de Maixe; mais les assaillants s'arrêtaient sous une 
violente canonnade venant du nord de Lunéviïle. 

Plus au nord, la 70 e division de réserve ne parvenait pas* 
à déboucher sur les hauteurs qui commandent Courbessaux. 
La i/to e brigade avait passé la nuit dans ce village. L'ennemi 
tenait les collines et les bois au nord. JLe matin du 25, la 
brigade se portait à l'attaque, en ligne de sections, sans 
doute par quatre, c'est-à-dire très vulnérables. L'ennemi 
avait de nombreuses mitrailleuses à la lisière des bois. En 
dix minutes, de 8 h. 3o à 8 h. 4o, nous fîmes de grosses 
pertes. Heureusement, un commandant d'artillerie parve- 



(1) Christian -Frogé, p. 92. 
(1) Chiistian-Firogé, p. 9a. 



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LE 25 AOUT A NOTRE GAUCHE 77 

nait à mettre vivement en batterie. Il prenait sous son feu 
six bataillons qui faisaient mine de déboucher des bois 
pour affirmer leur succès. Ce fut une véritable hécatonqtbe, 
qu'attestent encore de très nombreuses tombes aux abords 
de Courbessaux/ 

Dans la soirée, des renforts allemands s'emparaient de 
ce village; d'autres atteignaient le bois de Crévic, après 
avoir subi de lourdes pertes. 

Au nord d'Hoéville, la 70 e division subissait un autre 
échec et se repliait sur la forêt de Champenoux. Les deux 
brigades du 9 e corps, 34 e et 35 e , étaient également arrê- 
tées, peut-être par suite de l'arrêt de la 70 e division. Le 
soir, ces troupes avaient leurs avant-postes à la lisière est 
de la forêt de Champenoux, de la forêt Saint-Paul et à 
Buissoncourt. Mais l'ennemi, craignant une surprise, se 
retirait également, en sorte que le contact était perdu. 

A la fin du jour, le 20 e corps tenait (11 e division) les 
hauteurs de Sommerviller, Flainval, Hudiviller et (39 e 
djyision) le front Saint-Nicolas, Lenoncourt. 

A gauche des éléments du 9 e corps, la 68 e division de 
réserve, général Brun d'Aubignosc, avait porté, le 25, son 
quartier général à Lay-Saint-Christophe. La i36 e brigade, 
général Mordrelle, gardait la position cote 262, au nord-est 
de Laneuvelotte, Velaine-sous-Amance exclus. Avec la bri- 
gade Janin, du 9 e corps (32 e , 66 e ), avec un groupe et un 
escadron du i5 e dragons, elle servait de repli à la brigade 
Guîgnabaudet, du même corps d'armée, refoulée de Rémé- 
réville (i). 

•A la gauche de la 68 e division, la i35 e brigade, colonel 



(1) Colonel Bujac, La 68 e division de réserve au Grand-Couronné de 
Nancy (23 août- 1 3 septembre 191 4), France du Sud-Ouest, 12 et i3 
mars 1918. Le général Guîgnabaudet a été tué en juin 1918. 



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78 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

Caldeirou, avec un groupe d'artillerie, de la cavalerie et 
du génie, tenait le pied au Grand-Couronné, entre le ruis- 
seau de FAmezule et Leyr exclu, où elle se reliait avec 
la 59 e division de réserve, général Kopp. Le 323 e était à 
droite, vers Amance; le 234 e à gauche, vers Ecuelle. 

Malgré l'échec partiel du 20 e corps et des troupes venant 
du Grand-Couronné, la journée était heureuse pour nous 
dans son ensemble. L'offensive sur la Trouée de Charmes 
avait été définitivement arrêtée. La coopération de la 
2 e armée et de la gauche de la i", très étroitement assu- 
rée, nous valait surtout cet important résultat. 



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CHAPITRE VI 
DU 23 AU 25 AOUT A NOTRE DROITE 

La droite de la i w armée le 23 août. — Ordre du général Dubai). — 
Attaque de Celles. . — Retraite de la i3 e division, 2 v 4 août. — Nos 
troupes d'Alsace. — La 71 e division. — Retraite des 21 e et ï4 e corps, 
25 août. — La 44* division. 



I 



Nous avons vu les événements survenus à la 2 e armée 
et à la gauche de la i 16 , dû 23 au 25. Que devenait le gros 
de la i re armée pendant la même période? 

Le soir du 23 août, le front des i4 e et 21 e corps était 
marqué par la ligne bois de Glonville, Baccarat, Mervil- 
ler, Pexonne, Pierre-Percée, Celles, ^Ban-de-Sapt, Proven- 
chères et les Vosges, au sud du Bonhomme. Sa direction 
générale était donc nord-ouest, sud-est, tandis que le front 
du reste de l'armée Dubail courait de l'ouest à l'est. 

C'est dans la soirée du 23 que le commandant de l'ar- 
mée donnait Tordre d'arrêter la retraite et de se tenir 
prêt à l'offensive (1). Cette tâche présentait de grosses 
difficultés. Dans nombre d'unités, si le moral n'avait pas 
été trop atteint; la «fatigue physique était extrême. Les 
pertes en infanterie avaient été fort lourdes (2). La cava- 

(1) « Interdire à l'ennemi toute progression ultérieure et se mettre 
en état de reprendre l'offensive » (Ordre général du 23 août). 

(2) Cf. La grande guerre sur le front occidental. Liège, Mulhouse, 
Sarrebourg, Morhange, p. 199. 



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80 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

lerie était épuisée. De plus, notre front ne présentait pas 
partout la même solidité. Entre le i4 e corps et le groupe- 
ment des Vosges, notamment, une brèche s'était ouverte 
qui comportait des risques graves. 

Le ih août, le 21* corps recevait Tordre de rejoindre à 
l'ouest de la Meurthe les autres corps de la i n armée. H 
effectuait ce mouvement au travers des massifs boisés de 
Crammont et de Reclos, sans incident, mais, dès la nuit 
du 23 au 24, l'ennemi continuait son offensive sur la 
Plaine. A minuit, le village de Celles était attaqué par 
surprise. Le colonel Hamon, commandant la 26 e brigade, 
donnait l'alarme et poussait aux issues nord et nord-est 
les compagnies du 21 e à mesure qu'elles étaient rassem- 
blées. Elles garnissaient les barricades, brisant par leur 
feu l'élan de l'ennemi, qui se repliait, laissant de nom- 
breux morts. 

Le 17 e régiment était également mis sur pied. Les Alle- 
mands ne renouvelaient pas cette attaque. Le 24, à 4 h. 3o, 
les i er et 2 e bataillons du 21 e prenaient l'offensive à leur 
tour, le 17 e tenant derrière eux Celles et les tranchées. 

.L'ennemi était en forces supérieures et obligeait bientôt 
les 17 e et 21 e à se replier sous la protection de notre artil- 
lerie. A 5 h. 3o, le colonel Hamon apprenait l'arrivée 
prochaine du 20 e bataillon de chasseurs, alors à Pierre- 
Percée. De même, le 60 e bataillon, parti de Raon-l'Etàpe, 
atteindrait avant 6 heures la scierie Lajus, au sud-ouest 
de Celles. Dès 6 h. i5, le 20 e bataillon débordait ce village 
par l'est, deux compagnies du 60 e par l'ouest; deux autres 
étaient en réserve à la lisière du bois, au sud-ouest (1). 

Notre contre-attaque progressait d'abord vers l'est, mais 
s'arrêtait bientôt sous les obus ennemis. Les Allemands 

(1) Hanotaux, V, p. 16-18, d'après les Notes du colonel Hamon. 



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DU 23 AU 25 AOUT A NOTRE DROITE 8l 

entraient dans Celles à n heures et la i£ e division tout 
entière se repliait; la 26 e brigade gagnait La Trouche, dans 
la direction de Raon-1'Etape, où elle se reformait. Au com- 
mencement de l'après-midi, elle recevait l'ordre de se reti- 
rer sur Etival,- sous la protection du 17 e , qui ferait bar- 
rage à La Trouche; la 25 e brigade se repliait sur Raon- 
l'Etape. v 

A la nuit, la 26 e brigade arrivait à Etival, déjà encom- 
bré par la 27 e division (i/i e corps). 11 en résultait du 
désordre qui aurait pu être évité. 

Dé même, la* 43 e division (21 e corps) se repliait par 
Baccarat (1) sur la rive gauche de la Meurthe. Dorénavant, 
le corps d'armée borderait cette rivière. Quant au i4 B 
eorps, il repliait légèrement sa gauche, en sorte que son 
front était marqué par Provenchères, Ban-4e-Sapt et 
Moyenmoutier. Il couvrait ainsi la ligne de la Meurthe 
entre Saint^Dié et Raon-1'Etape. 

Cependant, en Alsace, les cinq groupes alpins du géné- 
ral Bataille continuaient de tenir la région immédiatement 
à lest des Vosges; les 12 e , 22 e et 28 e bataillons dans la 
zone Ammerschwihr, Ingersheim, le 22° allant jusqu'à 
Logelbach, près de Colmar. Les Allemands semblaient 
• s'être retirés vers Neuf-Brisach. Malheureusement, ils 
avaient pu reprendre le. col de Sainte-Marie et commen- 
çaient à descendre les pentes ouest des Vosges, en débor- 
dant nos troupes d'Alsace. 

Après avoir perdu le village et le col du Bonhomme, la 

i/i2 e brigade (71 e division de réserve) se repliait sur Fraize, 

' sur la Haute-Meurthe. Le 24 août, la division recevait du 



(1) Baccarat fut l'objet d'un pillage général dirigé méthodiquement 
par les officiers. Cent douze immeubles furent brûlés (Le Livre rouge. 
Les atrocités allemandes, p. #i). 

La grande Ktiï»rpi».lV. - 6 



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8a LA GRAI\DE GUERRE SUR LE FROKT OCCIDENTAL 

général Dubail Tordre de se retirer sur Epinal, place à 
laquelle elle était affectée comme réserve mobile. Derrière 
elle, là 58 e division garda la rive droite de la Meurthe an 
sud de Saint-Dié. 

Sur les entrefaites, la 44 e division, venant de l'armée 
d'Alsace et mise par le grand quartier général à la dispo- 
sition de la i ro armée, achevait de débarquer, le a4 aoûî, 
à Saint-Dié et Bruyères (i). La 8 e brigade de dragons, 
général Gendron, qui avait fait partie jusqu'alors de la 
8* division de cavalerie et de l'armée d'Alsace, arrivait le 
i!x à Gérardmer, venant de Munster. Elle y séjournait 
le 25 (s). 



II 



Cependant le gros de la i n armée se conformait à l'ordre 
de contre-attaque donné par le général Dubail. Il avait éta- 
bli son poste de commandement à Rambervillers, où il 
était à portée du 8 e corps et du reste de ses troupes. A 
droite, elles avaient pour objectifs Raon-1'Etape et Bacca- 
rat, sur la Meurthe. Le 21 e corps devait attaquer de grand 
matin par la rive ouest, tandis que le i4 e corps progresse- 
rait sur larive est (3). 

En même temps, au centre, le i3 e corps marcherait par 
Ménarmont. 

Ces projets d'offensive étaient dérangés par l'ennemi. 
Dans la matinée du s>5 août, des forces importantes atta- 
quaient les 21 e et i3 e corps. Le XIV e corps se portait sur 



(1) Hanotaux, V, p. 19. 

(2) Commandant Bréant, De V Alsace à la Somme, p. 42. 

(3) <La brigade d'Infreville du i3 6 corps et la 2 e brigade coloniale 
étaient placées sous les ordres du général Legrand, le 25 août. La 
43 e division tenait la gauche et la i3 e la droite du 21 e corps. 



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DU 23 AU 25 AOUT A NOTRE DROITE 83 

Raon-1'Etape, Thiaville. C'est même dans la forejt de 
Thiaville que, le lendemain 26, la brigade Stenger exécu- 
tait Tordre formel de massacrer tous les prisonniers, tous 
les blessés (ij. 

• Au 21 e corps, la i3! division, général Bourdériat, devait 
attaquer, elle aussi, le front Raon-l*Etape, Thiaville, la 
26 e brigade ayant mission de soutenir la 25 e sur la rive 
ouest de la Meurthe. 

Vers„5 heures, le combat commençait à Raon-1'Etape. 
Jusque vers i3 heures, il demeurait indécis. À ce mo- 
ment, l'ennemi traversait la Meurthe et nos troupes se 
repliaient au sud. Le 21 e régiment allait bivouaquer sous 
bois, au nord-e^t du col de la Ghipote. Un de ses batail- 
lons, resté isolé à Petite-Chatelle, ralliait péniblement par 
le cbl de Trace. La canonnade cessait dès 16 heures. 

La veille, le 109 e avait creusé des tranchées et construit 
des barricades à Fagnoux, hameau sud-ouest de Thiaville. 
^Après une forte préparation d'artillerie qui commençait 
dès l'aube, les Allemands débouchaient de ce village, vers 
it\ h. 3o. Le 109 e , après avoir cédé du terrain, reprenait 
vivement ses positions premières. Les Allemands nous 
débordaient ensuite par le nord et, un instant, menaçaient 
des pièces en batterie dans le voisinage. Elles étaient 
ramenées en arrière, à bras, par des fantassins. 

Finalement, après dix heures de combat, les i er et 2 e 
bataillons de ce brave régiment étaient obligés de se 
replier à travers la forêt de Sainte-Barbe, jusqu'au carre- 
four de la cote 423, où ils bivouaquaient. 

Cependant, vers midi, sous la pression violente des 
Allemands, tout le centre de l'armée Dubail, i3' et 21 e 
corps, se repliait, du Grand Bois de Glonville et de Ménar- 

(1) Hanotaux, V, p. 26. Nous revenons plus loin sur ce fait. 

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84 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

mont, sur la ligne Hardancourt, bois d'Anglemont, Saint- 
Benoît, qui couvrait directement Rambervillers. ' 

La gauche du 21 e corps, 43 e division, avait eu à com- 
battre le I er corps bavarois, général von Xylander, lancé- 
dans la direction générale de Rambervillers. Le soir, il 
atteignait le front Bazien, Ménil. 

Quant au 21 e corps, il tenait en fin de journée le front 
Anglemont, Saint-Benoît, La Chipote. Notre recul était 
très marqué, mais les Allemands né pouvaient nous cou- 
per des Vosges, ainsi qu'ils y avaient tout intérêt et 
comme c'était sans doute leur intention. 

Le soir du 25 août, le général Dubail, se rendant compte 
du mouvement débordant que l'ennemi esquissait à sa 
droite, décidait de contre-attaquer dans la direction des 
Vosges. Le i4 e corps recevait Tordre de reprendre l'offen- 
sive sur toute la ligne vers Raon-sur-Plaine, le 21 e corps 
attaquant aussi à sa gauche. A l'est de la Meurthe, la 28* 
division (i£ e corps) enlèverait Saint-Biaise, de façon à cou- 
vrir notre flanc vers l'Alsace. A l'ouest, ce corps d'armée 
prendrait pied sur la croupe sud-est du bois de Répy et 
marcherait vers Raon-1'Etape. 

La première partie de ce programme fut accomplie, 
mais non la seconde. A droite, la 28 e division s'empara de 
Là Chapelle, Laître, Le Rouaux, Provenchères ; dans la 
soirée, elle opérait une nouvelle avance sur Ménil, Grand- 
rupt, La Grande-Fosse (1). Mais une violente attaque alle- 
mande, dirigée sur le 21 e corps et sur la gauche du i£ e , 
obligeait ces deux corps d'armée à se replier vers le sud. 



(1) Hanotaux, V, p. 282. 



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CHAPITRE VII 
DU 26 AU 28 AOUT A NOTRE. DRpiTE 

La dislocation de l'armée d'Alsace. — L'offensive du 21 e corps le 
26 août. — Combat de La Chipote. — L'ordre du général Stenger. 
— Le i4 e corps au 26 août. — - Retraite de la 58 e division. — Le 
21 e corps le 27 août. — Le groupement au sud de Belfort. — Le 
21 6 corps le 28 août. — Le i4 e corps. — Le groupement des 
Vosges. — Sa mission. . 



I 



On se souvient que l'armée d'Alsace fut disloquée le 
26 août (1). Jusqu'au 25, elle avait tenu la rive est de l'Ill, 
entre Mulhouse et Altkirch, la 57° division de réserve à 
droite, relevant la 44 e division; la 66* au centre et le 
7* corps à gauche. L'ennemi ne manifestait sa présence 
que 'par la mise en action des projecteurs d'Istein. Son 
but était sans doute de nous attirer dans la souricière que 
forme la plaine d'Alsace. Si nous nous étions portés sur 
Colmar et au nord,- il eût pu aisément passer le Rhin 
sur notre flanc droit en nous attaquant de front. C'eût 
été un désastre assuré. 

Après la dislocation de l'armée Pau, la 8 e brigade de 
dragons (général Gendron) et deux bataillons de chasseurs 
appuyèrent vers Provenchères l'action de la 28* division 
(i4* corps) (2). La 4i e division (7 corps) resta dans les 



(1) Cf. La grande guerre sur le front occidental, II, p. 170 et 182. 

(2) V. supra } p. 82, 84- 



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86 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

Vosges autour de la Schlucht et une brigade de la 58 e 
division de réserve vers Thann; le groupement du général 
Bataille (81 e brigade, 7 e corps, et cinq groupes alpins) 
demeura également dans les Vosges. La 57 e division de 
réserve, général Bernard, faisait partie de la défense mo- 
bile de Belfort* Elle resta entre tfette place et Mulhouse. 
Là 66 e division de réserve, général Woirhaye, était en 
observation vers Montbéliard, Dannemarie (3). Quant à la 
44 e division, général de Vassart, nous avons vu comment 
elle était déjà rattachée à la i" armée, ainsi, qu'une bri- 
gade de la 58 e division. JLe gros du 7 e corps, c'est-à-dire la 
indivision, général de Villaret, 1'artillerip de corps et la 
63 e division, général Lombard, remplaçant la 4i e , était 
dirigé sur la Somme, par le nord "de Paris. La 8 e division 
de cavalerie était provisoirement disloquée (1). 

Ces remaniements avaient le grave inconvénient de 
confier la défense des Vosges et de la Trouée de Belfort 
à des groupements sans cohésion, sans unité de comman- 
dement. Ils désorganisaient l'un de nos meilleurs corps 
d'armée, le 7 e , ce qui constituait une circonstance fâcheuse. 
Peut-être l'entourage du général en chef, responsable de 
cette mesure, considérait-il les divisions comiûe les pions 
interchangeables d'un jeu d'échecs. Il faisait bon marché 
de l'unité de doctrine et de l'esprit de corps, créés par la 
vie commune du temps de* paix, en quoi il se trompait, 
croyons-nous. 

Douze groupes alpins de réserve étaient destinés à la 
i re armée. Ils commençaient leurs débarquements les 25 
et 26. Huit allaient rejoindre le 8 e corps. Quatre n'avaient 



(1) Hanotaux, V, p. 264. 

(2) V. supra, p. 82. 



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DU 26 AU 28 AOUT A NOTRE DROITE 87 

pas encore débarqué, et allaient prendre une autre direc- 
tion (1), motivée par les événements dans l'Ouest. 

Quant aux Allemands, ils confiaient la défense de 
l'Alsace au « détachement d'armée » Falkenhayn, avec 
quartier général à Strasbourg. Le nord de cette province 
était gardé par une division d'ersatz (von Tettenborn), qui 
devaft/ passer la- frontière le 26 à Saales; le sud, par le 
général von Gaede, avec des éléments de landwehr et 
d'ersatz. Lors de la retraite de nos troupes, cet officier 
général reprit possession du terrain abandonné par elles, 
en livrant le 2.7 un petit engagement à Montreux-Vieux et 
Dannemarie. Les Allemands s'avançaient très prudem- 
ment tout d'abord. Ils allaient ensuite traverser les Vosges 
dans la région de Sainte-Marie-aux-Mines, pour se diriger 
feur Saint-Dié (2). 

Au 21 e corps, l'offensive fut reprisé le 26 août. La 44 e 
division, général de Vassart, devait marcher au sud-ouest 
de Baccarat, vers Anglemont et Ménil, occupé depuis 
la veille par l'ennemi (3). Le corps d'armée couvrirait 
cette offensive à l'est, dans la région Saint-Benoît, forêt 
de Sainte-Barbe, bois de Répy. Mais la division Vassart ne 
put déboucher du bois d'Herlemenche sur Ménil. Au nord- 
est, les Allemands prenaient Sainte-Barbe, puis atta- 
quaient le col de la Chipote et la cote /j23 à l'ouest, c'est- 
-à-dire la clef des communications de Rambervillers et 
Raon-FEtape vers Saint-Dié. Les deux divisions du 21 6 
•corps avaient ordre de creuser des tranchées le long 
de la route de Bru à Saint-Benoît, la 43 e à gauche dans 
la région de Jeanmesnil, Saint-Gorgon, Larifontaine, au 



(1) Hanotaux, V, p. 266. 

(2) Hanotaux, VI, p. 43. 

(3) Au sujet du combat de Ménil, lire Le musée de la bataille, 
Lecture pour Tous du i er août 1915. 



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88 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

sud-est de Rambervillers; la 1 3 e à Saint-Benoît, la Chi- 
pote; la 2 e brigade coloniale (i) à Bru, Saint-Benoît. 

Le matin du 26, le 21 e régiment était au col de la Chi- 
pote. A 6 h. 3o, le i er bataillon recevait l'ordre de se 
porter sur La Haute-Neuveville, immédiatement au sud- 
ouest de Raon-1'Etape et de s'y tenir à la disposition de 
la 25 e brigade. Avec le 2 e bataillon, le commandant Faivre 
allait au col de Trace, intermédiaire entre celui de la 
Chipote et la Meurthe, pour parer à un mouvement débor- 
dant qui viendrait à se produire par le nord-est. Le 3 e 
bataillon tenait les tranchées autour du col -de la Chipote. 
Le canon tonnait depuis le lever du jour, sans qu'on 
aperçût aucun adversaire dans ces bois touffus. 

A 9 heures, l'attaque commençait dans la forêt de 
Sainte-Barbe, l'ennemi venant de Thiaville et défilant par. 
le hameau du Petit-Paris, le long du ruisseau des Grands- 
Fins. Il comptait évidemment tourner le col par la Croix- 
Rouge, vers l'ouest, et déboucher en arrière du carrefour 
de la Vierge (2). 

A 11 h. 3o, les i er et 3 e bataillons du 109 e , qui tenaient 
la gauche du 21 e , étaient débordés et se repliaient sur la 
lisière des bois, à l'est de Saint-Benoît. La 26 e brigade était 
ainsi coupée en deux tronçons. 

De son côté, le 2 e bataillon du 21 e se retirait du col de 
Trace sur la Chipote. Les Allemands gagnaient du terrain 
aux deux ailes, menaçant de rendre le col intenable. Mais 
une contre-attaque se produisait vers la fin de l'après-midi, 
au moment où le colonel Hamon allait donner l'ordre de 
la retraite. L'ennemi était refoulé, perdant des prisonniers, 



(1) Brigade rattachée à la i re armée t comme c'était la règle pour les 
quatre premières armées. 

(2) Hanotaux, V, p. 280. 



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DU 26 AU 28 AOUT A NOTRE DROITE ' 89 

et le gros de la brigade pouvait cantonner à Saint- 
Benoît (1), en continuant d'occuper la Chipote par des 
avant-postes. 

Des violents corps à corps s'étaient produits au pont dé 
Raon-1'Etape et à la Chipote. D'après un témoin (2), on 
y trouva des morts français et allemands encore enlacés 
dans une suprême étreinte, Un autre écrit, peut-être avec 
exagération : « Entre Saint-Benoît, Raon et Etival, les bois 
ne sont plus qu'un immense cimetière » (3). 

Nous avons fait allusion à Tordre monstrueux donné 
par le général Stenger à la 58* brigade (112 e et 142 e , deux 
régiments badois). Voici comment il était libellé : « A 
partir d'aujourd'hui, il ne sera plus fait de prisonniers. 
Tous les prisonniers seront massacrés; les blessés, en armes 
ou non armés, massacrés. Derrière nous, il ne restera aucun 
ennemi vivant ». Une trentaine de soldats de cette bri- 
gade, interrogés après leur capture, ont confirmé la réalité 
de cet ordre sous la ifoi du serment, en signant leurs dépo- 
sitions (4). Ainsi nos adversaires tendaient à détruire 
toutes les règles par lesquelles on s'est efforcé, jusqu'ici, 
de limiter les souffrances inutiles qu'engendre la guerre. 



(1) Hanotaux, V, p. 278 et 280. Il y a des contradictions entre ces 
deux passages. 

(2) Cité par Hanotaux, V, p. 280. 

(3) Louis Colin, Les Barbares à la Trouée des Vosges, p. 3i8, cité 
par Hanotaux t ibid. 

(4) Bédîer, Les crimes allemands d'après les témoignages allemands, 
p. 29, cité par Hanotaux, ibid. Cf. Jean Bernard, Histoire générale et 
anècdotique de la guerre de 4914, I, p. 422; Les violations des lois de 
la guerre par VAUemagne (publication du ministère des Affaires étran- 
g-ères), Berger-Levraiitty i<)i5. 



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90 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 



II 



Pendant que le 21 e corps combattait ainsi au sud de 
Raon-1'Etape, au ii e corps, dans cette même» journée du 
26 août, la 27* division attaquait plus au sud; la 28 e divi- 
sion cherchait à couvrir les approches nord-est de Saint- 
Dk?, autour au coi des Raids-de-Robache et de Denipaire. 
Les obus allemands commençaient à tomber dans Saint- 
Dié. 

A droite, la 58 e division de réserve constatait qu'elle 
n'avait presque personne devant elle. Néanmoins, cette 
division, craignant d'être tournée par le col de Saintc- 
Marie-aux-JVfines, se repliait au sud de Saint-Dié, jusqu'à 
Sainte-Marguerite. Le flanc droit du i4 e corps était donc 
entièrement découvert. 

Dans la soirée du 26, ce corps d'armée tenait encore le 
col des Raids-de-Robache. Devant lui, Ban-de-Sapt, Saint- 
Jean-d'Ormont étaient en feu, ainsi que des fermes voi- 
sines (1). On apprenait la perte du col d'Anozel; la 58 e 
division ne s'était arrêtée qu'à Taintrux, au sud-ouest de 
Saint-Dié. Le i4 e corps avait le sentiment très net qu'il 
était tourné par sa droite. L'ennemi cherchait à passer 
entre les Vosges et la Meurthe, coupant la i w armée de 
nos détachements de l'Est. 

Le général Baret, qui remplaçait au i4 6 corps le général 
Pouradier-Duteil, prescrivait à la 8 e brigade de dragons, 
général Gendron, de marcher sur Sainte-Marguerite par 
la vallée de la Meurthe et d'intervenir contre l'ennemi 

(1) Hanotaux, V, p. 282. Anozol, entre Taintrux et la Meurthe. La 
58 e division de réserve, la brigade de dragons Gendron, les 5i e et 52 e 
bataillons de chasseurs étaient à la disposition du général Baret, com- 
mandant le i4* corps. 



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DU 26 AU 28 AOUT A NOTRE DROITE 91 

cherchant à déborder la droite de la 28 e division (général 
Putz). Celle-ci s'était déjà repliée sur la rive ouest de la 
Meurthe, par Saint-Dié, se maintenant seulement à La 
Bolle et à Rougi ville. La brigade Gendron, les 5i e et 52 e 
bataillons de chasseurs se bornèrent à barrer la vallée de 
la Meurthe au sud de Saint-Dié, à la hauteur de Saint- 
Léonard et de Mandray, appuyant ainsi la droite de la 
58 e division de réserve qui était vers Taintrux. Quelques 
fractions de la 28° division essayèrent de défendre Saint- 
Dié sous la direction du commandant Grardel, de l'état- 
major du 1 4 e corps, mais la ville fut attaquée à la fois 
dans les directions du sud et du nord. Les faibles fractions 
qui y tenaient encore se virent entre deux feux et l'inf âme 
traîtrise des Allemands ajouta aux difficultés de leur situa- 
tion. Ils eurent la lâcheté, en effet, de forcer des habitants 
à s'asseoir sur des chaises au milieu des rues que balayait 
le feu de nos soldats. Il en fut ralenti et l'ennemi put 
cheminer plus aisément. Qu'importait la mort de quelques 
civils inoffensifs (1) ? 

Dans son mouvement vers Sainte-Marguerite, la brigade 
Gendron voyait beaucoup de ses chevaux succomber à la 
fatigue. L'exode lamentable de la population attristait nos 
cavaliers : « On rencontre sur toutes les routes de pitoya- 
bles convois de charrettes, avec l'ornement bien connu 
des matelas, des chaises et des pauvres meubles.... On 
sent d'ailleurs qu'à côté des malheureux qui fuient, il y 
a les traîtres, dès longtemps achetés, qui renseignent les 



(1) Récit du lieutenant Eberlin, dans les Miinchener Neueste 
NacHrichten du 7 octobre i$i4, cité par Hanotaux, V,p. 3oi. Voir ibid-, 
p. 3o3, les noms de trois des quatre habitants ainsi placés au carrefour 
de la rue Thurin et de la rue du Breuil. Cf. Raoul Allier, Les Alle- 
mands à Saint-Dié (27 août-10 septembre 4914), Payot, 1918. Au sujet 
de la brigade Gendron, lire le commandant Bréant, op. cit., p. 44- 



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92 LA GBANDE GUERRE SUH LE FRONC OCCIDENTAL 

Allemands. Sur ce sol qui est le nôtre, nous ne ferons pas 
un seul pas, nos canons ne prendront pas une position, 
sans que l'ennemi en soit prévenu et puisse nous repé- 
rer...» (i). Trop souvent, en effet, au début et au 
cours de cette guerre, ox\ put constater l'existence, sur 
notre propre sol, de tout un système d'espionnage orga- 
nisé. Des complicités et surtout des faiblesses coupables, 
un déplorable esprit de camaraderie qui propageait des 
traditions d'indulgence excessive et de laisser-aller, contri- 
buaient à ce résultat. 

A la gauche de la 2 8° division, la 27 e , en liaison avec 
le 21 e corps, avait abandonné le bois de Répy et le massif 
*de hauteurs compris dans l'angle aigu que la Meurthe des- 
sine avec la route de Rambervillers à Raon-1'Etape. Elle 
tenait encore Saint-Rémy, le pont d'Etival et celui de 
Saint-Michel-sur-Meurthe (2) . 



III 



Au 21 e corps, dans la soirée du 26 août, malgré la 
reprise du col de la Chipote à la brigade Stenger, le géné- 
ral Legrand se rendait compte du danger de la situation. 
Les i er et 2 e bataillons du 109 e furent portés sur la ligne 
col de la Chipote, cote 4? 3, face à la vallée de la Meurthe 
et au nord-est, le 3 e bataillon en réserve au nord-est de 
Saint-Benoît. 

La matinée du 27 fut assez calme; mais, après i3 heures, 
les Allemands dessinèrent un mouvement débordant à 
l'est du col. En même temps, des groupes de plus en plus 



(1) Commandant Bréant, op cit. p. 

(2) Hanotaux, V, p. 283. 



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DU 26 AU 28 AOUT A NOTRE DROITE 98 

denses marchaient sur Saint-Benoît), de Thiaville et de La 
Chapelle à travers la forêt de Sainte-Barbe. Ils parvinrent 
à forcer la ligne du 109 e , qui se reforma au sud du chemin 
cote 43i, cote 423. Un combat très vif s'engagea. Le 3 e 
bataillon renforça les deux autres et prolongea la lutte. 
Vers i5 h. 3o, les Allemands reprenaient le col de la Chi- 
pote, sans pouvoir dépasser le chemin dont nous venons 
de parler. Peu à peu, le feu devenait moins intense du 
côté ennemi. A 18 heures, un bataillon du 6 e colonial (1) 
renforçait le 109 e et opérait une vigoureuse contre-atta- 
que. De nouveau nous tenions toute la ligne du col à la 
cote 423 (19 h. 4o) (2). 

Très éprouvés, les i er et 2 e bataillons du 109 e rentraient 
à Saint-Benoît, à l'est duquel étaient deux bataillons du 
21 e . Un bataillon du 6 e colonial fournissait les avant- 
postes. 

La situation n'en était ^as moins sérieuse. Nous cou- 
rions danger de voir l'ennemi forcer le passage de Raon- 
l'Etape sur Rambervillers, couper la i re armée en deux 
tronçons et déboucher sur Châtel, Mirecourt, au sud de 
la Trouée de Charmes. De plus, nous avions intérêt 
à maintenir la liaison du 21° corps, d'une part, avec la 
44 e division et de l'autre avec le i4 e corps, c'est-à-dire avec 
Saint-Dié et Epinal. Le massif de la CJhipote acquérait de 
ce double fait une grande importance. A l'ouest, la 44 e 
division tenait Jeanménil et Fraipertuis; le gros de la 
i3 e division, général Bourdériat, était à Housseras, Avi- 
rey; la 43°, général Lanquetot, occupait Saint-Gorgon et 
Sainte-Hélène, au sud de Rambervillers (3). 



(1) 2 e Brigade, général Simonin, V. supra, p. 

(2) Hanotaux, V, p. 294. 

(3) Hanotaux, V, p. 295. 



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$\ LA GRANDE GUERRE SUR L« FRONT OCCIDENTAL 

Sur la Haute Meurthe, la brigade de dragons Gendron 
restait, le 27, en observation à hauteur de Saint-Léonard, 
vers le col de Vanémont. En face d'elle, on se battait dans la 
direction de Taintrux. Les batteries allemandes arrosaient 
le col d'Anozel d'une rafale ininterrompue de projectiles, 
spectacle qui arrachait à l'un de ces cavaliers une réflexion 
mélancolique : « La guerre allemande est et ne sera 
qu'une guerre d'artillerie » (1). Où était déjà le temps 
des chevauchées héroïques à la Murât ou à la Lassalle? 

Dans cette même journée du 27 août, on constituait au 
sud de Belfort un nouveau groupement composé de la 
66 6 division de réserve, de la i£ e brigade de dragons et 
d'un peu d'artillerie lourde, le tout sous les ordres du 
général Mazel (2). La mission dévolue à ce groupe était 
d'interdire toute incursion adverse entre la frontière hel- 
vétique et Belfort, de retarder éventuellement l'investisse- 
ment de cette ville, mais sans s'y laisser enfermer en 
aucun cas. 

La 71 e division de réserve s'était repliée sur Epinal dès 
le 24 août. On travaillait activement à la mise de cette 
place en état de défense, en la complétant au moyen de 
tranchées et de réseaux de fils de fer. On prenait des 
dispositions pour protéger les voies ferrées, les tunnels, 
les ponts, les voies d'accès de toute nature. Des canons 
lourds, empruntés à l'armement de la place, étaient établis 
aux environs. Le général Dubail avait encore son quar- 
tier général à Rambervillers (3). 



(1) Commandant Bréant, p. 46. 

(2) Le général Mazel remplaçait au commandement de la 66 e divi- 
sion le général Wbirhaye. Le groupe était rattaché nominalement à la 
i 1 * armée tout en dépendant pratiquement du seul grand quartier 
général. 

(3) Hanotaux, V, p. 266. 



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DU 26 AU 28 AOUT A NOTRE DROITE 96 



III 



Le 28 août, le 21 e corps reprenait l'offensive vers le 
nord-est, la 44 e division marchant sur Sainte-Barbe, la 
43 e sur Nosspncourt, la 26 e brigade et la 2 e brigade colo- 
niale sur le col de La Chipote. Cette contre-attaque se 
heurtait à mne offensive allemande dirigée à la fois sur 
les i/i e et 21 e corps. 

La 26 e brigade, au sud du col de La Chipote, avait le 
même ordre que la veille : contre-attaquer de Saint- 
Benoît vers le col. Dans la nuit du 27 au 28, ce der- 
nier était de nouveau abandonné par les Allemands, sans 
être réoccupé par nous. A 6 heures, les 2 e et 3 e bataillons 
du 21 e relevaient nos avant-postes qui rentraient à Saint- 
Benoît. La matinée s'écoulait sans incident, mais, à 
i3 h. 45^ une attaque en forces se dessinait. Un batail- 
lon du 6 e colonial renforçait nos avant-postes; puis, à 
10 heures, un second. 

L'ennemi ouvrait alors un feu d'artillerie lourde, de la 
direction de Sainte-Barbe sur Saint-Benoît (1), et l'un de 
ses premiers obus atteignait le poste de commandement de 
la 26 e brigade, non sans jeter le désarroi dans le village. 
Après avoir subi de grosses pertes, les éléments du 21 e 
corps se regroupaient à Bru et à Saint-Benoît; la 2 e bri- 
gade coloniale était tout entière au col de JLa Chipote ou 
aux abords. 



(1) Los batteries lourdes allemandes établies dans la région Sainte- 
Barbe, Bazien, et vues par nos aviateurs, échappaient totalement aux 
coups de notre' 75. Il fallut, pour les contrebattre, amener des pièces 
empruntées à Epinal e.t, pour régler ces tirs, remettre en service un 
ballon captif d'ancien modèle. 



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96 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

A 21 heures, l'ennemi débordait Saint-Benoît par les 
boii au sud et s'en emparait. Les i er et 2 e bataillons du 
109 e , en réserve au hameau de La Grande-Carre,, au sud- 
ouest de ce village, se reportaient sur la croupe qui com- 
mande Bru vers le nord et qui constitue la dernière posi- 
tion à l'est de Rambervillers. Le 3 6 bataillon était à La 
Grande-Rue, à l'est de Bru. 

Le soir du 28 août, le 21 e corps avait ses ayant-postes 
sur la ligne Carrière (au nord-est de Rambervillers), Bru, 
Saint-Benoît, Fraipertuis. Le mouvement offensif de Fen- 
nemi paraissait enrayé (i).\ 

A la droite du 21 e corps, la 27 e division (i4 e corps) 
recevait ordre de tenir solidement Nompatelize et de 
reprendre l'offensive sur Etival. La 28 e tiendrait de même 
le défilé de L$ Bolle, Rougiville, à l'ouest de Saint-Dié, 
en se reliant à la 27 e par la Croix-Idoux et Herbaville. La 
58 e division de réserve, qui avait déjà abandonné Tain- 
trux, reprendrait l'offensive sur ce village et sur Anozel. 
Enfin, la brigade de dragons Gendron, les i3 e et 22 e ba- 
taillons de chasseurs continueraient de barrer la vallée 
de la Meurthe à hauteur de Sainte-iMarguerite (2). 

Jusqu'alors, nos forces éparses dans les Vosges, entre 
la Meurthe et les approches de Belfort, étaient restées 
sans direction commune, avec les résultats que l'on peut . 
croire. Le 28, elles formèrent un nouveau groupement, 
dit des Vosges, sous les ordres du général Putz, et Ton 
put enrayer le mouvement de retraite à peu près continu 



(1) Hanotaux, V, p. 298. 

(2) Dans la journée du 28, le régiment du commandant Bréant 
quittait Vanémont pour occuper, si possible, Saint-Léonard avec une 
centaine de fantassins réservistes qu'il avait recueillis. Il revint à Vané- 
mont et en repartit à 22 heures pour Fraize (Commandant Bréant, 
p. 48). 



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DU 26 AU 28 AOUT A NOTRE DROITE 97 

qui les avait entraînées depuis l'évacuation du Donon, le 
21 août. 

Le général Dubail assignait à cette formation une dou- 
ble mission : tenir, face à Test, les crêtes des Vosges jus- 
qu'au col du Bonhomme inclus; refouler ou, tout au 
moins, arrêter, face au nord, l'ennemi en marche entre 
le col de Sainte-Marie et Saint^Dié. Entre ces deux sec- 
teurs, la liaison s'établirait au massif du Bonhomme. 

Dès le soir du 28 août, une brigade de réserve dispo-, 
nible à Gérardmer et un bataillon de chasseurs, bientôt 
renforcé de deux autres, recevaient Tordre de se porter 
sur Anould, dans la vallée de la Meurthe. Ils devraient 
atteindre le 29, en fin de journée, la vallée de la Fave, 
qui débouche dans cette rivière vers Saint-Dié. Nous ver- 
rons plus tard ce qui résultait de cette opération. 



La granle fcnerre, IV. 7 

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CHAPITRE VIII 
DU 26 AU 27 AOUT A NOTRE GAUCHE 

La région entre la Moselle et les Vosges. — Projets de l'ennemi. — 
Le 26 août au i3 e corps. — Le 8* corps. — La 6* division de 
cavalerie. — La 2 e armée. — Intentions du général de Gastelnau. 

— Le 16 e corps et la 74* division. — Le i5 a corps. — Le 20 e corps. 

— La 70 e division. — Les fractions du 9 e corps. > — Les Allemands 
le 27 août. — Leurs intentions. — Le corps Gonneau. — Les 8° et 
i3 e corps. — La 6 e division de cavalerie. — La 2 e armée. — 
L'arrêt du 27 août. — Ses motifs. — Le front occupé. 



I 



Le 26 août, il pleuvait tout le jour (1). Entre Damas- 
aux-Bois et Provenchères, de la Moselle aux Vosges, le 
pays est couvert de bois, de plus en plus touffus à mesure 
qu'on s'élève vers les montagnes. Trois rivières le par- 
courent du sud-est au nord-ouest : la Moselle et son 
affluent l'Euron, qui lui est à peu près parallèle, la 
Mortagne et la Meurthe. Leurs vallées, d'abord encaissées, 
s'élargissent quand elles sortent de la zone des avant- 
monts à l'ouest des Vosges. L'altitude du sol va croissant 
de l'ouest à l'est. De 3i3 mètres à Damas-aux-Bois, on 
atteint ainsi 468 mètres à Provenchères. Toute la région 
intermédiaire est accidentée, couverte de bois. Dans 
maints endroits, elle présente l'aspect d'un fouillis inex- 
tricable, coupé de pentes parfois très dures (2). 

(1) Capitaine Rimbault, p. 87. 

(2) Hanotaux, V, p. 272, reproduisant les impressions du colonel 
Hamon, commandant la 26 e brigade. 



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du 26 au 27 AX>VT a notre gauche 99 

L'ennemi, se rendant cptnpte de la difficulté de l'offen- 
sive par la Trouée de Charmes (1), paraît l'avoir orientée 
dans une autre direction, en remontant le long de ,1a 
Mortagne, 4e Gerbéviller sur Rambervillers. Elle allait 
porter ainsi sur la jonction des i3 e et 8 e corps, qui est 
souvent un point faible. Cette attaque ne tardait pas à 
contraindre le 8 6 corps à dédoubler son action ; la iS e 
division demeurait face au nord, gardant la côte d'Essey 
et la Trouée de Charmes; la 16 6 faisait face à droite pour 
attaquer de flanc l'ennemi aux prises avec la gauche du 
i3* corps. 

L'effort principal se produisait entre la Mortagne et la 
Meurthe. Dans la matinée du 26 août, la cavalerie rendait 
compte que les Allemands tenaient Doncières, la cote 3i6 
au nord-est, Ménarmont, Domptail (2), Saint-Pierremont, 
Magnières et les bois au sud de ces deux villages. Leur 
attaque prenait la direction de Roville-aux-Chênes, le 
long de la Mortagne. Au i3 e corps, la 2t5 e division était 
accablée et perdait ce village. A sa gauche, la 25 e division 
ne pouvait que garder la région Saint-Maurice, Hardon- 
court (3). 

Heureusement, le 8 e corps (16 e division) intervenait 
dans le flanc des assaillants, vers Clézentaine. Le général 
de Maud'huy engageait en preiiiier lieu les 46* et 5a e 
bataillons de chasseurs, mis provisoirement sous ses 
ordres. 

Ils étaient rassemblés, dès 7 heures, entre Ortoncourt 
ot Fauconcourt. 



(1) Le critique militaire du Bund t M. Stegemann, écrit que la 
Trouée de Charmes « se révéla un mythe » (envies sich als eine Fabel) 
(cité par Hanotaux, V, p. a56). 

(2) Il y a deux Domptail, l'un à l'ouest de Baccarat (celui dont il 
s'agit), l'autre au nord de Bayon. ; : : : 

(3) Hanotaux, V, p. 272, 2718. . " ' : 



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IOO LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

Au nord, Clézentaine était déjà occupé par les 137 e et 
i38 e régiments allemands (XXI e corps). Le 52 e bataillon de 
chasseurs traversait Fauconcourt et se déployait face à 
Clézentaine. Le 46* opérait un mouvement analogue. 
L'attaque progressait lentement. A 18 heures seulement, 
une attaque générale nous permettait d'aborder les lisières 
de Clézentaine, qui étaient défendues énergiquement, jus- 
qu'au' corps à corps. Le village était emporté, les Alle- 
mands se retiraient sur Deinrillers, qu'ils incendiaient 
avant de l'abandonner. 

A gauche de la division Maud'huy, la i5* division, 
général Bajolle, et la 6 e division de cavalerie (Le Villain) 
rencontraient également une résistance acharnée. 

De ,grand matin, le général Le Villain, qui avait passé 
la nuit à Saint-Germain-la-Côte, entrait dans Rozelieures, 
dont le combat de la veille avait fait un charnier (1). 
A la sortie est, des tranchées pour tirailleurs couchés 
avaient été creusées par l'ennemi. Tous les défenseurs 
étaient morts. Morts également les chefs de peloton en 
arrière. Aucun, dit-on, n'avait échappé. 

La 6 e division se rassemblait dans le ravin qui va de 
Rozelieures à Vennezey. La brigade, Laperrine (2 e et i£ e 
dragons), d'abord au sud du bois de Rethimont, entre là 
route et la cote 3o6, recevait l'ordre de pousser vers le 
bois du Haut-^du-Mont, au sud-est de Remenoville. A ce 
moment, au sud de l'Euron, les éléments de la ï5 e divi- 
sion progressaient très lentement entre Vennezey et Saint- 
Boingt. L'artillerie lourde allemande continuait de tirer, 
sans qu'on pût préciser si c'était de la rive Ouest ou Est 



(1) Hanotaux, V, p. 272, 274. « Les morts allemands sont entassé? 
les uns sur les autres. » Un habitant estime à 10.000 le nombre des 
obus tirés sur le village (Notes d'un témoin)., Y, supra, p. 73. 



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DU 26 AU 27 AOUT A NOTKE GAUCHE IOI 

de la Mortagne. La route de Rozelieures à Gerbéviller 
était couverte d'obus. x 

Vers 16 heures, la 6 3 division se portait au Haut-du- 
Mont, en cheminant par les pentes à l'ouest. Le bois avait 
été en grande partie nettoyé, maifc l'ennemi occupait 
encore sa lisière nord. L'artillerie de la division ouvrait 
le feu sur des batteries de 77, à deux kilomètres au .nord- 
ouest de Valois. A 18 h. 3o, elles cessaient de tirer. 

La 6 e division retournait cantonner à Saint-Remy (1). 
Le soir du 26, le 8 e corps tenait le front compris entre 
Deinvillers et Giriviller. 

A la 2 6 armée, d'après les relations officielles, le géné- 
ral de Càstelnau avait, le 26 août, l'intention d'exploiter 
son succès de la veille, en cherchant à s'assurer les débou- 
chés de la Meurthe au sud de Lunéville et à se rapprocher 
de la route d'Einville, Arracourt, tant en attaquant entre 
Meurthe et Sanon qu'en se rendant maître du bastion 
constitué par les hauteurs de Serres. Il suit de ces consi- 
dérations que l'idée de manœuvre se réduisait à une offen- 
sive générale sur le front allant de Serres au sud de Ger- 
béviller. Peut-être notre attaque aurait-elle eu plus de 
résultats si nous l'avions limitée au sud de Lunéville. 
Elle pouvait, en effet, menacer de la façon la plus grave 
la retraite des Allemands engagés dans la direction de 
Rambervillers. 

Pour expliquer comment l'attaque au nord du Sanon 
ne fut pas poussée à fond, on fait intervenir la fatigue 
très réelle des troupes qui, depuis dix jours, n'avaient 
cessé de marcher ou de combattre, et dont les pertes 



(1) Le général Morel, commandant la brigade légère, rendait compte 
que tous nos morts du a5 restés sur le terrain avaient été frappés 
à la tête, ce qui semblait indiquer que les blessés avaient été achevés 
par l'ennemi. 



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102 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

étaient très sérieuses. C'est ainsi que le corps de cavalerie 
Gonneau dut subir, les a5 et 26, un temps d'arrêt. 

D'autre part, la 2 e armée était forcée d'agir en liaison 
avec la r, dont le centre, puis la droite après la gauche, 
se voyaient violemment attaqués. Le général de Castelnau 
aurait été ainsi conduit à manœuvrer surtout par 6a 
droite, en réservant sa gauche. Dirons-nous que ces rai- 
sons officielles paraissent rentrer dans la catégorie, très 
nombreuse, de celles alléguées après- coup pour justifier 
un échec ou un succès insuffisant (1) ? 

Quoi qu'il en soit, le 20 e corps, partant des hauteurs 
de Flainval, dut attaquer dans la direction de la forêt de 
Vitrimont; le i5 e corps, à sa-droite, marcherait sur Luné- 
ville au travers de ces grands bois. Le 16 e corps se porte- 
rait sur la Meurthe, entre Saint^Clément et Moncel, et s'y 
organiserait après avoir repris les passages de la Mortagne 
entre Gerbéviller et Luné ville. 

Au 16 e corps (2), le 26 août, on continuait l'offensive 
de la veille. L'état-major de la 2 e armée croyait devoir 
constituer un nouveau « détachement de poursuite », 
comprenant la 1^7* brigade (74 e division) et la 29 divi- 
sion (général Carbillet, i5 e corps). On supposait l'ennemi 
en retraite, si bien que le point initial de ce moment fut 
déterminé à Test de la Mortagne, au croisement de la 
route de Bayon et de celle de Gerbéviller à Lunéville. 

Les deux escadrons de la jlf division paraissent avoir 
précédé cette colonne. Ils se mirent en route dès 3 heures. 



(1) Hanotaux, VI, p. 7, admet que la a armée agit en premier 
lieu par sa droite pour aider la i M et aussi pour essayer de rompre la 
suture entre les armées de Ruprecht et de Heeringen. 

(2) D'après Hanotaux, VI, p. 7, la 2° armée recevait, le 36 août, 
six bataillons de la division de réserve de Toul (78 e ) et les' mettait à la 
disposition du 16 e corps. Nous avons de bonnes raisons de croire que 
ce corps d'armée ne reçut aucun renfort de ce genre. 



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J>U 26 AU 27 AOUT 4 NOTRB GAUCHE 103 

Au jour, ils entraient dans Lamath, sans ombre d'inquié- 
tude : « Nous sommes venus là comme des hannetons, 
sans éelaireurs » (i)„ Dans le village régnait un silence 
de mort. Un paysan apparaissait sur la crête qui le 
domine, * montrant avec de grands gestes l'ennemi sur le 
versant opposé. Un officier allait à lui. Mais, sur un 
mouvement de ses bras, un obus venait éclater au milieu 
de l'escadron, pourtant caché à toutes les vues. Une fusil- 
lade terrible suivait. Des Allemands étaient dissimulés 
dans Lamath. Ils tiraient des fenêtres. Les dragons 
n'avaient d'autre ressource que de s'enfuir à toute allure : 
« C'est une assez triste débandade » (2). 

Heureusement, le 6 e bataillon de chasseurs (29 e divi- 
sion) suivait. Le village de Lamath s'élève sur une petite 
hauteur au sud de la Mortagne. L'embranchemeiit ferré 
de Mont-sur-Meurthe à Gerbéviller en longe le pied, paral- 
lèlement à ce cours d'eau. Sur l'autre rive, Xermamé^nil 
est relié à Lamath par un pont. Il n'y a guère que la 
Mortagne et des prés qui les séparent. 

A 5 heures, le 6 e bataillon avait ordre de se porter sur 
Lamath, de traverser la Mortagne, s'il fêtait possible, et de 
chasser l'ennemi de Xermaménil. 

Les chasseurs exécutaient leur marche d'approche à 
travers bois, sous les obus. Ils arrivaient ainsi à la lisière 
nord, que 3oo mètres à peine séparaient de Lamath. Deux 
compagnies s'y jetaient rapidement, sans y rencontrer de 



(1) La Victoire de Lorraine, p. 18. Comme nous l'avons indiqué 
ailleurs, cet ouvrage doit être consulté avec la plus grande précaution, 
malgré ses, dix-huit éditions. 

(2) La Victoire de Lorraine, loc. cit. La compagnie du génie de la 
74 e division, qui faisait -également partie du détachement de pour- 
suite, se porta directement sur Lamath, y fut soumise à un feu de 
surprise et subit des pertes (récit paraissant provenir de l'état-«najor 
de la 74 e division et reproduit par Hanotaux, VI, p. 12 et suiv.). 



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104 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

résistance. Les Allemands venaient d'en partir pour 
Xermaménil, d'où ils entretenaient un feu violent. 

Lainath n'a qu'une seule rue descendant vers le pont. 
Quatre mitrailleuses allemandes enfilaient cette voie et la 
rendaient impraticable. Le sol y était littéralement labouré 
par les projectiles. Les deux compagnies enttées dans le 
village cheminaient, Tune à droite, l'autre à gauche, 
atteignant ainsi les abords de la Mortagne et du pont. 
Elles y étaient arrêtées; une section poussait néanmoins 
jusqu'à la station et s'y embusquait face à Xermaménil. 

Vers 16 heures, nos i55 déclenchaient leur tir sur ce 
village et le réglaient rapidement^ avec un grand effet. 
On voyait les Allemands abandonner peu à peu leurs 
tranchées et ralentir la fusillade. A la nuit, la section 
embusquée à la station, vigoureusement- entraînée par son 
chef, se jetait à la baïonnette sur le pont, le traversait et 
entrait dans Xermaménil sans rencontrer de résistance.- 
Elle arrivait ainsi au château, où 3oo Allemands environ 
étaient rassemblés dans la cour, sans douté prêts à partir. 
Un capitaine qui les commandait, brusquement assailli 
par le lieutenant de chasseurs qui lui sautait à la gorge, 
se rendait aussitôt et ses 3oo hommes en faisaient autant 
sur son ordre, sans l'ombre de difficulté. Il y avait pour- 
tant là sept officiers, en outre du capitaine. Ces 3oo hom- 
mes, encadrés par la section, refluèrent sur le pont de 
Lamath, que le gros du bataillon n'avait pas encore 
dépassé. Les Allemands étaient évidemment sous Tina- 
pression de nos obus lourds et aussi de l'attaque subite 
des Alpins : « Es sind kriechende Katzen » (i), disait le 
hauptmann de nos soldats. 

(i) Littéralement : Ce sont des chats rampants; ils rampent comme 
des chats (Carnet de route d'un Officier d'alpins, I, p. 34-36, confirmé 
par la Victoire de Lorraine, p. 25). 



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DU 26 AU 27 AOUT A NOTRE GAUCHE IOÔ 

Il fallut toute une journée de rude combat à la 29 e 
division et à la 147 e brigade pour s'emparer de Xerma- 
ménil. Bien que cette dernière restât en seconde ligne, 
vers io heures le 222* était en prise à un feu violent d'ar- 
tillerie en atteignant la lisière sud du bois au nord-est de 
Landecourt. Le général Durupt fut grièvement blessé et 
dut être remplacé par le colonel Giralt, du 222 e (1). 

Vers 12 heures, la 61 e brigade (général Dauvin) orga- 
nisait la lisière du bois au nord de Lamath, face à Xerma- 
ménil. A partir de 19 heures, la brigade Giralt faisait de 
même pour la croupe nord du bois des Bayeux et pour 
les lisières du bois de Broth. On voit quelle importance 
prenait déjà l'organisation défensive des champs de 
bataille, à laquelle nous étions si peu préparés par nos 
traditions et par la doctrine récemment rajeunie de l'of- 
fensive « quand même ». 

Dans la soirée, les 222 e , 36* colonial et une batterie 
du 54 e tenaient (les avant-postes de combat dans ces posi- 
tions, te 223 e et le reste de l'artillerie cantonnaient à' 
Einvaux avec Tétat-major de la 74 6 division. 

«Un témoin donne un détail montrant le degré de sau- 
vagerie auquel arrivaient les Allemands. Le bois de Vac- 
quenat apparut rempli de cadavres; la puanteur y était 
écœurante : « A l'entrée du bois... sur la route de Lamath 
à Méhoncourt... au croisement de cette route et d'un 
layon allant à la ferme Saint-Antoine, nous avons vu, ce 
matin, un dragon français pendu à un arbre par les pieds, 
la. tête en bas, le ventre ouvert, le corps dépecé » (2). 



(1) La 74 e division perdit, les a5 et 26 août, outre le généra] 
Durupt, le lieutenant-colonel Lausé, du 23o e , très grièvement blessé; 
les lieutenants-colonels Mouret, du 36 e colonial, et Brouet, du 223 e . 
tués à l'attaque d'Einvaux. 

(2) La Victoire de Lorraine, p. 21. 



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I06 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

A la droite de la 74 e division, la 3a e , général Bouchez, 
ne put passer la Mortagne entre Xermaménil et Gerbévil- 
ler. Elle demeura dans le bois de Broth et dans les boque- 
teaux voisins (1). Le général Vidal (3i e division) com- 
mandait le groupement de droite du 16 e corps. Il reçut 
ordre de prendre Gerbéviller comme objectif, en combi- 
nant son mouvement avec celui du 8 e corps sur Sérauville 
et Mattexey au sud. Son offensive ne put dépasser la Mor- 
tagne. 

En face du 16 e corps, après la perte de Xermaménil, 
l'ennemi se replia sur le bois Saint-Mansuy, dont il garnit 
la lisière ouest, battant de son artillerie ce village et les 
hauteurs à l'ouest de la Mortagne. 

A là gauche du i5 e corps, pendant la nuit du 25 au 
26 août, nos troupes s'étaient arrêtées dans les bois à l'est 
de Charmois, avec des avant-postes à Mont-sur-Meurthe. 
La 3o e division tenta de déboucher dans cette direction 
le 26. Mais l'ennemi avait établi une puissante artillerie 
sur les hauteurs dominantes à l'est; en outre, la boucle de 
la Meurthe, qui s'étend largement de Lunéville à Dom- 
basle, limite dans sa partie sud la forêt de Vitrimont. tes 
pentes boisées laissent très peu d'espace entre elles et la 
rivière, en sorte que le débouché des villages au sud, 
Mont, Blainville, Damelevières, est difficile. Loin de pou- 
voir traverser la Meurthe, la 3o e division dut abandonner 
Mont et le combat se prolongea tout le jour, sans autre 
décision (2). 

Le 20 e corps, général Foch, s'était installé très forte- 
ment au nord du coude dont nous venons de parler, sur 
les hauteurs de Flainval, qui commandait la forêt de 



(1) Hanotaux, VI, p. 10. 
(?.) Hanotaux, VI, p. i4- 



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DU 20 AU 27 AOUT A NOTRE GAUCHE IO7 

Vitrimont et la route de Nancy à Lunéviile. Il pouvait 
ainsi, soit appuyer l'attaque de cette dernière ville, soit 
coopérer à la défense du Grand-Couronné. 

A la -nuit, sans avoir eu à livrer d'engagement sérieux, 
il atteignait la ligne La Faisanderie (ferme), Frescati, 
Deuxville, Maixe, bois de Crévic. La partie sud de ses 
avant-postes était à moins de deux kilomètres de Luné- 
ville, qu'ils dominaient entièrement des hauteurs de 
Frescati. 

A la gauche du 20 e corps, la 70 e division de réserve, 
général Fayolle, atteignait Drouville. 

Plus au nord, le commandant du 2 e groupe de divisions 
de réserve, général Léon Durand, prescrivait, de grand 
matin, à la i36 e brigade (68 e division) de se porter, par 
Champenoux, sur Sornéville, en flanc-garde de la brigade 
Janin (9 e corps), poussée contre Erbéviller. Le 344 e restait 
à la cote 262, en réserve; les 267° et 212 e atteignaient 
Champenoux, où ils étaient retenus par un nouvel ordre 
du général Léon Durand, leur enjoignant de mettre en 
état de défense ce village, ainsi que les crêtes à Test, 
depuis le bois Morel, au nord-est de Champenoux, jus- 
qu'au Rond-des-Dames (i). Ils auraient à surveiller le 
couloir entre la Seille et la forêt de Champenoux. En 
avant d'eux, les deux escadrons du i5 e dragons recon- 
naissaient vers la Seille et sur Moncel. 

Dans l'après-midi, pour une cause inexpliquée, le 267* 
et un bataillon du 212 e étaient rappelés sur la position 
cote 262, château du Tremblois; le 344 e occupait Sei- 
champs; le 212 e avait un bataillon aux avant-postes, vers 
le Rond-<Ies-Dames, en liaison à droite avec les éléments 
du 9* corps. 

(1) Au sud de la voie ferrée de Château-Salins, entre Champenoux 
et Brin. 



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IOS LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

Les jours suivants, jusqu'au i er septembre, un calme 
relatif permit d'améliorer les lignes de défense, notam- 
ment à la i35 e brigade, où le 234 e , à Ecuelle, était inces- 
samment inquiété par les Allemands : ils enlevèrent même 
un de ses postes à la ferme de Quercigny. Des renforts 
parvenaient à ces régiments. Le 206 e incorporait 3oo 
hommes; le 344 e , "4 officiers et 5o8 hommes de troupe, 
ce qui permettait de le reporter de quatre à six compa- 
gnies (1), au lieu de huit qu'il avait en premier lieu. 



II 



Le 27 août, les armées allemandes de Lorraine conti- 
nuent leur offensive. Tandis qu'elles arrêtent la droite 
du général de Castelnau vers Gerbéviller, elles font effort 
contre la droite du général Dubail, le long des Vosges. Le 
repli de la. 58 e division de réserve au sud de Saint-Dié 
découvre le flanc droit du i4 e corps. Epinal est menacé 
dans les directions de Rambervillers et de Saint-Dié, 
Bruyères. Le projet des Allemands est-il, comme on Ta 
écrit, d'opérer un mouvement de beaucoup plus large 
envergure vers la haute Saône et la haute Marrie? Se 
bornent-ils à tenter de fixer en Lorraine des effectifs qui 
nous font défaut sur la Marne? Il est malaisé d'en décider 
faute de documents positifs. Mais la seconde hypothèse 
paraît la plus vraisemblable : contre la masse principale 
de nos armées, nos adversaires ne disposaient pas de 
forces suffisantes pour un double mouvement envelop- 
pant par Test et par l'ouest. Dès lors, il était naturel qu'ils 
cherchassent à retenir en Lorraine les forces considéra- 

(1) Colonel Bujac, loc. cit. 



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DU 26 AU 27 AOUT A NOTRE GAUCHE IO9 

blés que nous y avions maintenues jusqu'alors, sans tenir 
compte des circonstances. 

La 6 e division «de cavalerie était entre le 8 e corps et 
le 16 e . Le 27 août, sa mission restait la même : assurer 
la liaison entre les r et 2 e armées; aider à la progression 
du 8 e corps, la route Remenoville, Gerbéviller. demeurant 
à la disposition de la 2 6 armée. Le général Le Villain, 
partant de Saint-Remy-aux-Bois, cherchait à pousser de 
suite jusqu'à la Mortagne avec la brigade de cuirassiers et 
une batterie, en cheminant par Vennezey, le bois du Haut- 
du-Mont, la lisière est du bois de Guilgnebois, les bois 
d'Avedeux etde*Gondal. 

A deux kilomètres nord-ouest de Valois, la tête de la 
division voyait déboucher un bataillon du 27 e (1 5 e division, 
8 e corps) qui montrait une très belle attitude sous le feu 
de l'artillerie allemande, ouvert depuis 9 heures. On pou- 
vait constater que notre tir de Ta veille avait été excellent : 
les batteries allemandes s'étaient repliées si rapidement 
qu'elles avaient abandonné du matériel et jusqu'à des 
jumelles d'officiers. 

Cependant, aur moment de traverser le plateau de Giri- 
viller, le gros de la 6 e division était accueilli par un vio- 
lent tir de barrage, qui l'arrêtait court. Un obus tombait 
même sur le caisson de mélinite, qui fusait sans éclater. 
Les escadrons se retiraient au trot sur la route de Girivil- 
ler, Haillainville, encadrant leur artillerie et, avec elle, 
ce dangereux véhicule. 

A midi, le général Le Villain recevait l'ordre de rentrer 
au cantonnement de Saint-Remy, sans doute en raison de 
la fatigue des chevaux. Le rôle de la 6 e division se bornait 
donc, le 27 août, à cette démonstration. 



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1 10 LA GRANDE OUEURfi SUR ht, FRONT OCCIDENTAL 



III 



Le 27 août, le général Dubail avait donné au i3 6 corps 
l'ordre de reprendre le combat là même où il s'était 
arrêté^la veille et de regagner le terrain perdu. La 27 e 
division, général Delétoile, dut marcher sur Doncières 
et Domptail; la 44*, général de Vassart, qui n'était pas 
encore rattachée au 21 e corps, sur Anglemont et Nosson- 
court; la 26 e , général Silhol, resta d'abord en réserve au 
nord de Rambervillers. 

Dès que le brouillard se dissipa, nous dirigions un feu 
d'artillerie très violent sur les hauteurs qui «bmmandent 
à l'est le cours de la Mortagne, du bois des Aulnes au 
nord-est de Deinvillers au bois de Roville au sud-est de 
ce village. Puis l'infanterie se mit en mouvement La 25° 
division gravit les pentes du Menu-Bois et de La Grande- 
Pucelle, atteignant la crête sans trop de pertes. De même, 
la 26 e division occupait le bois de Roville et de La Grande- 
Coinche. 

Une contre-attaque venant du nord rve tarda pas à se 
développer et la hauteur de La Grande-Pucelle fut violem- 
ment disputée. Après une lutte énergique, l'infanterie du 
i3 e corps perdit la crête; elle restait accrochée à mi-hau- 
teur, où elle se retranchait. La journée demeurait indé- 
cise et même plutôt désavantageuse pour le corps d'ar- 
mée (1). 

Le 8 e corps avait également ordre de continuer son 
offensive. La 16 e division, général de Maud'huy, devait 
d'abord s'établir solidement sur la rive ouest de la Mor- 
tagne, entre le bois du Fays et Deinvillers (2). 

(1) Hanotaux, V, p. 291. 

(2) Hanotaux, V, p. 288. 



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OU 26 AU *7> AOUT A NOTRE GAUCHE 1 1 I 

A gauche, la 16 e division, général Bajolle, se main- 
tiendrait, autant que possible, à la hauteur du 16 e corps, 
qui opérait vers Moriviller. Elle prenait comme premier 
objectif les hauteurs de Giriviller. Mais l'ennemi ne res- 
tait pas sur la défensive. Dès le 26 août, il avait violem- 
ment frappé sur le point de jonction des 8 e et i3 e corps, 
vers Roville-aux-Chênes. Il continua de plus belle le 27. 

Dans la matinée, la division Bajolle, appuyée par son 
artillerie établie sur les hauteurs au nord de Giriviller, 
marchait sur Serau ville et Mattexey, qu'elle débordait 
simultanément par le nord et par le sud. Dans la soirée, 
la 3o* brigade occupait ces deux villages; la 29 e , attardée, 
abordait Mattexey par le sud. 

Cependant la division Maud'huy avait continué de sou- 
tenir le i3 e corps contre l'offensive allemande en direction 
de Roville-aux-Chênes, ce qui assignait au 8 e corps deux 
«tâches divergentes, en affaiblissant tout naturellement 
son action^ Maître de Deinvillers, le i3 e corps attaquait 
à Test de la Mortagne, de Xaffévillers sur Domptail, %i la 
division Maud'huy l'appuyait par son artillerie, qui fouil- 
lait les bois autour de ce village. Il était convenu que, dès 
.l'offensive du i3 e corps déclenchée sur Domptail, la divi- 
sion se porterait également en avant, cherchant à enlever, 
à hauteur de Saint-Pierremont, le passage de la Mortagne. 

Mais ces combinaisons étaient déjouées par l'événe- 
ment. Tandis que le 16 e division stationnait dans les bois 
de Mattexey, face à Magnières et à Saint-Pierremont, le 
i3* corps pliait. Attaqué autour de Roville-aux-Chênes, il 
réclamait l'intervention du général de Maud'huy. Un mo- 
ment la situation était difficile (1). Il semblait que l'en- 
nemi allât couper le i3* corps du 8*. Mais, à la nuit, une 

(1) Hanotaux, V, p. 289. 



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112 LA GRANDS GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

vigoureuse offensive rétablissait nos affaires à la gauche 
du i3* corps. La i6* division restait sur ses emplace- 
ment de la veille, sans dépasser la Mortagne. 



IV 



A la 2 e armée, la journée £u 27 août était surtout con- 
sacrée à la reconstitution des unités et au repos. Pour 
expliquer cet arrêt des opérations/ on a mis en avant 
différents motifs. D'après une publication officielle, la 
gauche de la i w armée n'ayant pu dépasser Giriviller, 
Rovilleraux-dhênes, bois d'Anglemorit, il' aurait été inu- 
tile, pour la droite de la 2 e , de franchir la Mortagne. 

On se bornera, au sujet de cette explication, à dire 
qu'elle rentre dans la très nombreuse catégorie que nous 
avons déjà signalée, celle des justifications après coup./ 
<( Conquérons d'abord, disait Frédéric II; nous trouve- 
rons aisément ensuite un pédant pour justifier la con- 
quête. » Si le i3 e corps ne put dépasser la ligne indiquée, 
il tenta sûrement de faire mieux. Dès lors, comment son 
échec du 27 pourrait-il expliquer l'arrêt de la 2 e armée à 
sa gauche, dans la même journée? N'était-il pas indiqué, 
au contraire, pour cette armée, d'agir avec d'autant plus 
d'énergie, dans le flanc de l'ennemi, que celui-ci s'attar- 
dait davantage en amont de Gerbéviller, sur la Mortagne, 
comme entre cette rivière et la Meurthe? 

On a dit aussi (1), avec plus de vraisemblance, que les 
troupes de la 2 e armée étaient « au comble » de la fatigue 
et de l'épuisement. La résistance acharnée de l'ennemi les 
surprenait. Elles avaient compté sur une prompte retraite 

(1) Hanotaux, VI, p. 16. 



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DU 20 AU 27 AOUT A NOTRE GAtJCHE 1 13 

de sa part. Leurs officiers étaient tombés en foule et 
n'avaient pas été remplacés. Beaucoup d'unités restaient 
sans commandement suffisant. M. Hanotaux ajoute que le 
général de Castelnau, tenant compte de la fatigue des 
troupes et aussi de l'offensive allemande vers le sud, jugea 
nécessaire un temps de repos. Mais c'est justement cette 
offensive sur la i w armée qui eût exigé l'action immédiate 
et énergique de la 2 e . 

Ajoutons que nos troupes étaient surprises par la tour- 
nure très lente que prenait dès lors la guerre de campa- 
gne. Déjà elle se rapprochait de la guerre de forleresse 
par l'usage intensif des travaux de fortification. Voici ce 
qu'écrit un témoin du i5 e corps : 

« ...Nos ennemis, dès cette époque, connaissaient la 
valeur de la fortification de campagne. Certes, nous ne 
l'ignorions pas non plus. Mais il faut reconnaître qu'on 
en tenait peu de compte dans la préparation militaire. 
A force de prôner l'offensive, de répéter que, seul, le 
mouvement en avant est décisif et irrésistible, on ne son- 
geait pas assez qu'il était utile, par moments, de s'accro- 
cher au sol et de remuer la terre pour augmenter sa 
capacité de défense... » (1). 



Le 27 août, au 16 e corps, on apprenait l'évacuation, 
pendant la nuit du 26 au 27, d'Haudonville et de Gerbé- 
viller par les Allemands. Le commandant de corps d'ar- 
mée autorisait, dit-on, le général Vidal « à pousser des 
détachements dans Gerbéviller, mais en évitant d'engager 

(1) Carnet de route d'un Officier d'alpins, I, p. 46. 

La grande gnerre. IV. 8 



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îli LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

une action générale » (i). L'ennemi se maintenait sur la 
lisière des bois bordant la Mortagne à l'est et couvrait 
Gorbévillcr d'obus. Les deux groupements de la 74 e divi- 
sion se reformaient dans la zone Vennezey, Rozelieures, 
Remenoville (quartier général), où était déjà celui du 
colonel Terris. ' , 

Au i5* corps, le repos était complet. Les troupes se 
reconstituaient dans leurs cantonnements. 

Au 20 e corps, tout se bornait à une canonnade récipro- 
que, échangée entre nos positions de JLéomont et celles de 
Frescati. 

Dans la journée, le général de Castelnau répartissait 
ainsi ses grandes unités. Le 16 e corps, avec la 74 e division 
et un groupe du 3 e régiment d'artillerie lourde tenait 
la droite, le long de la Mortagne jusqu'au pont du Fiscal, 
à hauteur de Xermaménil. Puis venait le i5 e corps, avec 
la 64 e division, entre ce pont et Mont-sur-Meurthe. Le 
20 e corps, la 70 e division et trois groupes d'artillerie 
lourde étaient au nord de la Meurthe, dans la zone_ de 
Rosières-aux-Salines, Hudiviller, Anthelupt, Maixe, Dom- 
basle, Haraucourt, Buissoncourt. Ils dessinaient une 
pointe vers Lunéville, par Maixe, Vitrimont, La Faisan- 
derie. 

Les éléments du 9 e corps laissés en Lorraine étaient 
dans la région de Courbessaux, Réméréville, tout en assu- 
rant la défense du Rambêtant, hauteur au nord de Dom- 
basle, qui commande à la fois les vallées de la Meurthe 
et du Sanon. 

Un ordre du 27 août (2 e groupe de divisions de réserve), 
signé Léon Durand, groupait tous les éléments du 9* 
corps sous les ordres du général Lefévre, à l'exception de 

(1) Hanotaux, VI, p. 16. 



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DU 26 AU 27 AOUT A NOTBE GAUCHE 1 15 

la garnison du Rambêtant. Cette 18 e division provisoire 
(34 e et 35 e brigades) restait pour l'instant rattachée au 
2 e groupe. 

Quant aux divisions de ce groupe (59 e et 68 e ), avec des 
fractions des 4 e et 6 e régiments d'artillerie lourde, elles 
demeuraient affectées à la défense du Grand-Couronné 
(front nord>, la 6& sur la ligne Velaine, Leyr, et la 59 e de 
Leyr à Sainte-Geneviève (1). 

Les Allemands mettaient à profit notre arrêt du 27 
pour se renforcer. Dans l'après-midi, un corps d'armée 
venait de Metz, après une longue étape. Son artillerie, 
arrivée dans la soirée précédente, avait aussitôt pris posi- 
tion. Ce renfort était le bienvenu, car la fatigue des trou- 
pes déjà engagées se faisait sentir et leur ravitaillement 
laissait à désirer (2). Peut-être ne nous rendions-nous 
pas un compte exact des pertes et de l'épuisement de 
l'ennemi, ce qui nous eût conseillé dé ne pas interrompre 
notre offensive. On est toujours tenté de s'exagérer ses 
propres pertes, les difficultés qu'on rencontre, tandis 
qu'on estime presque toujours au-dessous de leur valeur 
celles qui entravent l'adversaire. 

Malgré tout, depuis leurs échecs de Sarrebourg et de 
Morhange, nos deux armées de Lorraine avaient digne- 
ment rempli une mission ingrate : celle de fixer l'adver- 
saire. Le général en chef le reconnaissait pleinement (27 
août) : 



(1) Hanotaux, VI, p. 16. Le général Lefèvre avait été transporté 
' dans, les Ardennes aivec une partie de la 18 e division. C'est le 27 août 

seulement qu'il revint à Nancy. Jusqu'alors, le commandement des 
fractions du 9* corps avait été assuré par le général Guignabaudet. 
La 73* division avait encore à Pont-à-Mousson, au Xon, à Lesménils et 
Àtton un bataillon du 367 e . 

(2) Hanotaux, VI, p. 22, d'après G. Gratner, Les lions bavarois 
pendant la guerre mondiale, p. 88. 



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Il6 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

« Les i" et 2 e armées donnent en ce moment un exem- 
ple de ténacité, de courage que le général commandant 
en chef est heureux de porter à la connaissance des trou- 
pes sous ses ordres.... Après une retraite parfaitement 
ordonnée, les deux armées ont repris l'offensive en com- 
binant leurs efforts et regagné une grande partie du ter- 
rain perdu. L'ennemi plie devant elles et son recul permet 
de constater les pertes considérables qu'il a subies » (i). 



(i) Hanotaux, VI, p. 186. 



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CHAPITRE IX 



LE 28 AOUT A NOTRE GAUCHE 

Ensemble de la situation sur le front occidental. — Les 8 e et i3 e 
corps, — La a e armée. — Le 16 6 corps et la 74 e division. — Com- 
bats vers Gerbéviller. — Le i5* corps. — Le 20 e corps. — Départ 
du général Foch. — L'ensemble de la journée du 28 août. 



I 

Le 28 août, la situation générale est telle, sur le front 
occidental, que nos armées de Lorraine ont surtout un 
rôle de défense active. Depuis nos échecs dans les Arden- 
nes et sur la Sambre (21-23 août), les 3 e , 4 e , 5 e armées et 
leâ forces britanniques sont en retraite, cherchant à ralen- 
tir la marche de l'eiinemi par de vigoureux retours offen- 
sifs. Nos i™ et 2 e armées ont déjà subi des prélèvements 
destinés à renforcer les armées de l'Ouest; elles vont en 
subir d'autres. L'offensive qu'elles pourraient prendre 
serait limitée par c^la même. Le général en chef leur 
écrit (28 août) : « Il s'agit pour la i w et la 2 e arriiée de 
durer, tout en fixant les forces ennemies qui leur sont 
opposées et en restant liées entre elles » (1). 

Dès les premières heures du 28, le général Dubail pres- 
crivait au 8 e corps de venir en aide au i3 e . La 16 6 divi- 
sion recevait donc Tordre d'appuyer ce corps d'armée, 

(1) Instruction reproduite par Hanotaux, V, p. 266. 

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Il8 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

d'abord par son càhon, puis par son infanterie, le tout 
dans la direction générale de Saint-Pier remont. A sa 
gauche, la i5 e division opérerait vers Magnières et Moyen, 
en liaison avec le i6* corps. 

Dans la matinée, un brouillard épais rendait laborieuse 
la préparation d'artillerie. Vers midi seulement, le temps % 
s'éclaircissait et nos batteries pouvaient préparer avec 
grand soin l'attaque du front Menu-Bois, bois de La 
Grande-Pucelle, lisière est de Doncières. Elles accéléraient 
leur tir à partir de 16 heures, l'attaque étant prévue pour 
17 h. i5. En même temps, la 16 6 division pousserait un 
bataillon sur Saint-Maurice et un autre sur Saint-Pierre- 
mont, de façon à menacer sur un large front les passages 
de la Mortagne (1). 

Durant la journée du 28, les progrès du 8* corps parais- 
sent avoir été peu marqués et sa marche très lente. La 
6 e division de cavalerie, à sa gauche, partie de Saint- 
Remy-aux-Bois, se rassemblait dans la matinée au sud 
de la route de Vennezey à Saint-Boingt. Elle n'engageait 
que son groupe cycliste, dont quatre officiers sur cinq 
avaient déjà été tués ou blessés. L'artillerie allemande, 
qui tenait sous son feu les accès de la Mortagne, inter- 
disait toute autre intervention. Le soir, la 6 e division 
.retournait cantonner à Saint-Remy. Malgré tous les 
efforts, il était impossible d'entretenir la ferrure et l'ef- 
fectif en chevaux fondait rapidement. 

A la droite du i3 6 corps, la 44 e division, général de Vas- 
sart, allait être rattachée au 2i e (i), afin de combler le vide 



(1) Hanotaux, V, p. 290. 

(2) Dès le 26, la 44 e division avait été dirigée vers Bru et Saint- 
Benoît. Ses éléments s'y trouvèrent mêlés à ceux du 21 e corps, mais en 
restant tout d'abord indépendants de ce dernier. C'est le 29 seulement 

<k que fut réalisée l'unité de commandement sur cette partie du front. 



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LE 28 AOUT A NOTRE GAUCHE IIÇ 

entre ce corps d'armée et le i3 6 . Devant la 25 e division, 
l'ennemi continuait d'occuper dans la matinée du 28 les 
crêtes du Menu-Bois, du bois de La Grande-Pucelle, qui 
commandent la rive est de la-Mortagne en aval de Roville- 
aux-Chêhes. Il s'y était retranché. En face de la 26 e divi- 
sion, il canonnait Badelieu et la fusillade commençait 
dans le bois de Roville. On savait Doncières tenu par lui, 
et des tranchées entreprises aux abords de ce village 
comme sur les autres points de sa ligne. La 44 e division 
faisait savoir que, de Ménil, elle attaquait sur Nosson- 
court et Bazien. Dès lors, le général Alix prescrivait une 
offensive générale du i3 e corps. A la 25 e division, la 
5o e brigade attaquait Menu-Bois, Xaffévillers,-le bois du 
Grand-Bras; la £9* se portait en direction générale du bois 
de La Grande-Pucelle et du bois de La Home. Enfin, la 
26 e division débouchait, à 6 heures du soir, du bois de 
Roville sur Doncières. 

A 7 h. 30, la 26 e division occupait Roville et la voie 
ferrée vers Saint-Maurice; les Allemands continuaient de 
tenir le Menu-Bois et le bois de La Grande-Pucelle. A 
i3 h. 5o, la 26 e division bordait la lisière du bois d' Angle- 
mont, face au château de Villers. Ordre était donné à la 
25 e division de préparer l'attaque du Menu^Bois et de la 
hauteur des Pucelles. Mais, dès 16 h. 20, cette offensive 
était abandonnée. La 49 e brigade n'avait pas davantage 
pu ei^lever Doncières. 

A la nuit, les crêtes du Menu-Bois et des Pucelles res- 
taient à l'ennemi; la 25 e division tenait Roville et Saint- 
Maurice. La 26 e avait son gros à Badelieu, à Rambervil- 
lers, à la Papeterie des Grandes-Carrières. La menace alle- 
mande sur Rambefvillers n'était pas encore écartée (1). 

(1) Hanotaux, V, p. 292. 



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J20 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 



II 



A la 2 e armée, le général de Castelnau prescrivait un 
effort général pour atteindre la Meurthe, mais cette offen- 
sive se heurtait à de nouvelles difficultés. Dès le 26, l'en- 
nemi, se rendant compte du danger couru, avait arrêté 
un corps de réserve bavarois en face du 20 e corps. De la 
sorte, son flanc droit était couvert et Lunéville protégé 
indirectement. Dans la journée du 27, il se retranchait 
fortement à la lisière ouest de cette ville, au .nord-est de 
Frescati, sur les hauteurs de Deuxville et au bois d'Ein- 
ville. De plus, il commençait à montrer des forces crois- 
santes dans la région de Delme, au nord-est de Nancy. 

Le 16 6 corps et la 7 4" division opéraient une attaque 
générale sur le front Gerbéviller, Xermaménil, la 74 e divir 
sion à droite sur Gerbéviller, la 3i e au centre sur le bois 
de la Reine, la 32 e à gauche sur les bois de la Grande et 
de la Petite-Frenoux. Ce mouvement était combiné, avec 
celui du 8 e corps, qui attaquait en direction de Magnières, 
Valois, Moyen. Mais l'élan de ce dernier fut brisé, parce 
qu'il fut obligé de renforcer sa division de droite qui 
appuyait le i3 e corps vers Roville-aux-Chênes. Il ne put 
franchir là Mortagne vers Moyen. A i4 heures, étant for- 
tement pressé par l'ennemi, il réclamait le concours de 
la 2 e armée. La 12 6 brigade de dragons, général Lucas, 
et le 2 e bataillon de chasseurs essayaient de le dégager en 
se portant sur Moyen. Le tout sans grand résultat, sem- 
ble-t-il. 

Au 16 e corps, la droite (74 e division) reprenait Gerbé- 
viller, puis attaquait l'ennemi retranché à l'est de la Mor- 
tagne, au nord de ce bourg. Elle prenait pied sur la rive 



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LE 28 AOUT A NOTRE GAUCHE 121 

est et s ? y maintenait sous un feu violent d'artillerie, tirant 
à petite distance de la lisière du bois de la Paxe, solide- 
ment organisé et occupé en forces. 

Le centre et la gauche du corps d'armée (3i e et 32 e divi- 
sions) traversaient la Mortagne sur des passerelles fréquem- 
ment endommagées par l'artillerie adverse (i). En fin de 
journée, les trois divisions avaient leur première ligne 
en têtes de pont sur la rive droite, tenant la route 
Gërbéviller, Lunévillé, les gros à la lisière est des bois 
dominants de la rive gauche. Les efforts pour traver- 
ser la vallée avaient été rendus très coûteux par le feu 
d'une artillerie lourde qui, des hauteurs au nord-est dç 
Moyen, prenait d'enfilade les deux versants et les bords 
de la rivière. Ces pièces étaient insuffisamment contre- 
battues par notre propre artillerie lourde (i55 court), 
récemment arrivée, mais trop peu nombreuse (un groupe) 
et de portée trop courte. De front, surtout en face des 
positions de départ de xiotre droite, les bois de Guilgne- 
bois, du Haut-de-Gondal, les Allemands avaient creusé , 
trois lignes de tranchées parallèles à la Mortagne, entre 
Gërbéviller et Moyen. On ne put parvenir à les en déloger. 

De même Gërbéviller était défendu en arrière par des 
tranchées, par une artillerie lourde dissimulée entre 
Fraimbois et le bois du Four. Il fut impossible de la 
repérer, faute d'aéroplanes. Que de fois n'avions-nous pas 
eu à faire cette triste constatation depuis le début de la 
guerre! Après avoir eu l'idée première de l'aviation, après 
en avoir montré, les premiers, l'utilité pratique, nous 
étions retombés dans notre laisser-aller coutumier, dans 
notre indifférence mortelle pour les intérêts les plus chers, 



(i) D'après Hanotaux, VI, p. 18, l'attaque de la 32° division sur 
le pont du Fiscal fut entravée par une crue subite de la Mortagne. 



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1.22 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

au point d'entrer en campagne avec une organisation 
aérienne à peu près inexistante (i), tandis que nos adver- 
saires mettaient sans bruit nos progrès, nos idées à profit, 
et dévoilaient, dès les premiers jours, des services infini- 
ment supérieurs aux nôtres. Cette douloureuse situation 
s'améliora très lentement, en dépit de l'ardente poussée 
de l'opinion (2). Nouvelle preuve que, si nous avons de 
l'initiative en matière de découvertes et d'applications pra- 
tiques, nous nous laissons singulièrement devancer quand 
il s'agit de tirer parti de nos propres idées. Nos adminis- 
trations, presque toujours ménagères des deniers publics, 

-sont trop souvent inintelligentes et routinières dans leur 
emploi. 

A la 7/1 6 division, la i48 e brigade, colonel Terris, quitta 
vers 6 heures ses emplacements de bivouac, les 333 e et 
299 e en première ligne, le 23o e en deuxième. La 147 e bri- 
gade, colonel Giralt, suivait. Vers 10 heures, le 233* entra 
dans Gerbéviller, qui était inoccupé. Le 299*, qui avait 

. passé la Mortagne au gué en amont, vers la cote 247, 
refoula l'ennemi; son gros s'établit derrière la voie ferrée 
qui longe la rivière à l'ouest; le 23o e , se rapprochant, 
arrivait à la lisière sud de Gerbéviller; le 333 e atteignait 
la lisière nord. 

. Vers i3 h. 3o, une contre-attaque allemande se déclen- 
chait sur la brigade Terris; elle était fortement soutenue 
par l'artillerie, en sorte que Gerbéviller devait être de 
nouveau évacué; les 333 e et 23o e se repliaient vers Rerrie- 



(i) Un membre de l'Institut, M. G. R., nous écrit : « ...Or, au 
début de la guerre, le directeur de l'aviation — chose incroyable, 
inouïe et pourtant vraie — n'y croyait pas ». 

(2) Du i er octobre iqi5 au i er mars 1916, nous commandâmes un 
secteur de première ligne entre l'Oise et la Somme. Pendant ces cinq 
mois, il ne nous fut jamais possible d'obtenir un avion pour régler 
nos « tirs de concentration ». 



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LE 28 AOUT A NOTIVE GAUCHE 1 23 

noville, avec des pertes sensiWes. Toutefois, le 299 e se 
maintenait à l'est de la Mortagne. L'artillerie de la 74 e 
division couvrait la retraite, mais ses batteries les plus 
avancées se repliaient (1). 

La brigade Giralt (147 e ) engageait les 222 e et 223 e 
pour soutenir la i48 e . D'ailleurs, l'ennemi, contenu par 
notre artillerie, ne cherchait pas à tirer partir de ce suc- 
cès momentané. 

Vers 17 heures, le 222 e était au nord du gué, à i.5oo 
mètres en amont de Gerbéviller, dans des tranchées fai- 
sant face à celles des Allemands, qui bordaient la lisière 
sud du bois du Haut-de-la-Paxe; le 299 e se reformait dans 
la vallée, près du gué. Le 36* colonial était en marche pour 
renforcer ôes deux régiments. Le 223 e tenait la crête 287 
au sud de Gerbéviller et la lisière nord du bois de Guil- 
gnebois, mais nous n'avions pas encore réoccupé Gerbé- 
viller. Les 23o e et 333 e se reformaient au nord de Reme- 
110 ville. 

Vers 22 heures, le bourg fut occupé par deux compa- 
gnies et une section de mitrailleuses de la 147 e brigade. 
^La 74 e division coucha sur ses positions, la 147 6 brigade 
tenant les tranchées au nord du gué et Gerbéviller, la 
i48 e au bivouac vers le bois de Guilgnebois et Remeno- 
ville; le quartier général en ce dernier village (2). 

A gauche de la 74 e division, la 3i. e division n'avait pas 
passé la Mortagne, mais elle tenait les ponts et les gués 
aux abords d'Haudon ville. La 32* gardait la tête de pont 
en face de Xermaménil, la 64 e brigade ayant un régiment 
à la lisière nord-est du bois de Broth et un autre à la 



(1) Hanotaux, VI, p. 20. 

(2) Hanotaux, VI, p. 20 et 21, d'après le Carnet de route du lieute- 
nant Morel- Journel. Le même auteur porte, p. 20, que Gerbéviller fut 
réoccupé à 17 heures. 



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124 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

lisière sud-ouest. Le i5 e coij)s, 29 e division, était à Lamath. 
On attendait qu'il eût progressé pour lancer la 32 e division 
sur la corne sud-ouest du bois Saint-Mansuy, que çanon- 
nait déjà son artillerie. 

Au i5 e corps, ordre avait été donné de prendre pied à 
Test de la Mortagne, d'abord par des avant-gardes, après 
une puissante préparation d'artillerie (1). La 64 e division 
de réserve, rattachée les jours précédents à ce corps d'ar- 
mée, restait le 28 à la disposition du général de Castel- 
nau. 

A 10 heures, F avant-garde de la 3o e division débou- 
chant dç, Mont-sur^Meurthe, entrait dans Rehainviller; à 
droite, la 29 e division poussait un instant jusqu'à la lisière 
du bois Saint-Mansuy, où elle lançait des reconnaissan- 
ces. De formidables rafales d'obus de gros calibre l'em- 
pêchaient d'exploiter ce premier succès. Elle ne parvenait 
même pas à mettre son artillerie en batterie. Toutefois, 
la vallée du Laxat, entre Rehainviller et Hériménil, était 
évacuée par l'ennemi, ainsi que les approches de Luné- 
ville. Vers le sud, le i5 e corps commençait de s'étendre 
dans la direction des bois, au nord-ouest de Fraimbois, 
de façon à dégager le 16 e corps vers Gerbéviller. 

Vers i5 h. 3o, il se produisait un temps d'arrêt marqué 
dans cette offensive, au moment où les Allemands ren- 
traient à Gerbéviller^ 

La 3o* division avait reçu l'ordre de pousser vivement 
sur Lunéville, en liaison avec le 20 e corps. L'artillerie 
préparait cette attaque, quand les faits survenus au nord 
et au sud obligeaient d'y renoncer. Dans l'ensemble, le 
i5 e corps se borna donc à se rapprocher légèrement de 
Lunéville. 

(1) Hanotaux, VI, p. 22. 



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LE 28 AOUT A NOTRE GAUCHE 125 



III 



Au 20 corps, la droite avait mission de déboucher sur 
cette ville par les hauteurs de Frescati. Entre elles et Deux- 
ville, Anthelupt, l'artillerie française tira violemment le 
27 et le matin du 28 (1). A midi, le i5* corps ayant _ 
progressé, le 20 e attaquait vers Lunéville. A la nuit, le 69 e 
s'emparait, dans un « élan magnifique », du signal de 
Frescati. Mais, au sud, les fractions engagées dans la forêt 
de Vitrimont ne pouvaient en déboucher vers les lisières 
de Lunéville (2), L'ennemi, fortement organisé sur les 
contrepentes du plateau, y tenait avec énergie. • 

Dans la journée du 28, le commandant du 20 e corps, 
général Foch, était appelé au grand quartier général, où 
il allait recevoir un commarjdement^plus important, celui 
d'un « détachement d'armée » destiné à jouer un rôle de , 
premier ofdre dans la bataille de la Marne. Il était rem- 
placé par le général Balfourier. 

Les engagements sur le front de la 2 e armée avaient été 
extrêmement violents. 

D'après un bulletin français du 27 août, à 23 heures, 
on aurait compté sur trois kilomètres, au sud-est de 
Nancy, un total de 2.5oo morts allemands; sur quatre 
kilomètres, dans la région de Vitrimont, 4.5oo. Nos 
adversaires n'avaient pas encore renoncé aux attaques en 
formations denses et il en coûtait cher, jparifbis (3). 



(1) D'après Bernard Descubes, Mon Carnet d % éclairewr, p. 82, cité 
-par Hanotaux, VI, p. 22, il y avait sur les hauteurs de Flainval trois 

groupes de campagne, une batterie de 120 long et une de 120 court. 

(2) D'après Christian-Frogé, p. 99, la brigade coloniale rattachée au 
20 e corps paraît avoir été dans Vitrimont et dans la forêt. 

(3) Bernard Descubes, Mon Carnet d'éclaireur, p. 82, cité par Hano- 



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m 



126 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

/ 

Dans l'ensemble, cette journée du 28 août aboutissait à 
des résultats peu marqués pour la gauche de la i re armée 
et pour la 2 e . Nous avions légèrement avancé une partie 
de notre front, tandis que, sur Je reste; nous parvenions 
simplement à maintenir nos positions (1). Les circons- 
tances présentes ne permettaient guère d'aspirer à un 
meilleur résultat, puisque nos effectifs, déjà restreints 
pour le front à défendre, étaient destinés à se réduire 
encore davantage. 



taux, VI, p. 26, mentionne une attaque de la ferme de Léomont par 
deux bataillons allemands. Un soutien d'un régiment au moins fut 
vu à i.5oo mètres, en formations denses, par une de nos batteries 
de 75 et soumis à un tir écrasant. Dernièrement encore, dans l'été de 
1918, le général von Ludendorff reprochait au commandement alle- 
mand d'abuser des formations massives. 

(1) Notons que, dès le 28 août, ordre était donné à la 59 e division 
d'étudier des positions de repli en prévision de l'abandon de Sainte- 
Geneviève. 



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CHAPITRE X 
DU 29 AU 31 AOUT A LA 1" ARMÉE 

Instructions du général Dubail et du général en chef. — Situation de 
la i re armée le 29 août. — Le 8 e corps. — Le i3 e corps. — Le 21 e 
corps. — Le i4 e corps. — Echecs de notre droite. — Le 3i août. 



I 



Le A 2g août, l'ordre général n° l\b de la i re armée porte 
ce qui suit : « Continuation de l'offensive qu'il faut entre- 
tenir à tout prix et avec la dernière énergie pour duter et 
gagner le temps nécessaire à nos succès par ailleurs » (1). 
Il n'est pas besoin de faire remarquer que ce programme 
rentre tout à fait dans les intentions du général en chef, 
qui s'est enfin décidé à limiter au strict indispensable son 
action dans l'Est, pendant qu'il mettra tout en œuvre 
pour reprendre une offensive victorieuse à l'ouest de 
l'Argonne. 

Mais l'ensemble de la situation, le soir du .28, est défa- 
vorable à la 1™ armée. L'ennemi nous a pris les hauteurs 
des Pucelles; il gagne du terrain vers Bru; il a enlevé 
Saint-Benoît. D'autre part, les Allemands sont à Saint- 
Dié; par Rouges-Eaux, ils peuvent s'avancer vers Brouve- 
lieures et Bruyères, c'est-à-dire vers Epinal. 

Le 21 e corps n'a pas encore renoncé complètement au- 



(1) Reproduit d'après Hanotaux, VI, p. 4g. 



^" 



128 LA GRANDE GUERRE SUR Lfe FRONT OCCIDENTAL 

col de La Chipote et menace Raon-1'Etape. La situation 
est très confuse. 

A gauche, la 6 e -division de cavalerie et le 8 e corps ont 
ordre de développer leur action eiL-directjon générale de 
Ménarmont, Vathiménil, à l'est de la Mortagne, tout en 
continuant de soutenir le i3 e corps vers Roville-aux- 
Ghênes. D'où des directions divergentes, bien faites pour 
rendre à peu près impossible l'obtention de résultat^ 
sérieux. De fait, le soir venu, le 8 r corps n'a pas sensible- 
ment modifié ses emplacements du 28 août : il reste à 
Valois et en face de Moyen, sur la Mortagne. 

Quant à la 6 e division de cavalerie, après s'être rassem- 
blée, comme la veille, aux environs de Vennezey, elle 
restait tout le jour dans cette formation d'attente. Par 
suite des départs matinaux et des rentrées tardives, les 
chevaux ne pouvaient recevoir les soins indispensables. 
Leur fatigue était telle qu'il devenait difficile de leur 
demander le moindre mouvement « Ils n'ont même pas 
la force d'aller boire au ruisseau qui coule à quelques 
mètres ». Il fallut mettre la division au repos le 3o août, 
dans ses mêmes cantonnements de Saint-Remy. 

A droite du 8 e corps, le i3 e doit se porter à Test de la 
Mortagne, la 25 e division tenant la gauche. Elle a Tordre 
de marcher, la 4<f brigade sur La Grande-Pucelle et le 
bois de La Horne, la 5o e de Saint-Maurice sur Xaffévillers, 
et le bois du Grand-Bras. Le 16 e régiment va donner 
l'assaut à Xaffévillers, vers i3 heures, quand une rafale 
d'artillerie du I er corps bavarois lui cause de lourdes 
pertes. La 26 e division, à droite de la 25 e , atteint les hau- 
teurs 3i2 et 320 à l'ouest de Doncières, mais ne peut les 
garder et se retire sur le bois de la Grandc-Coinche. 

A la fin du jour, la 20 e division tient la zone Saint- 
Maurice, Hardancourt, Roville, Romont; la 26 e , Badelieu, 



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DU 2g AU 3l AOUT A LA I re ARMEE I2Q 

bois de Rovilfe, bois d'Anglemont, Saint-Pantaléon (i). 
L'offensive du ï3 e corps a donc échoué. 



II 



* Le 21 e eorps est encore à la droite du i3 e . Dans la 
soirée du 28, il a reçu Tordre de reprendre le col de La 
Chipote, perdu de nouveau le jour même. Le général 
Legrand se propose de mener son offensive par Bazien 
et Sainte-Barbe, c'est-à-dire par sa droite, tandis que le 
reste du corps d'armée garde la direction générale de 
Rambervillers vers Raon-1'Etape; par Bru, Larifontaine et 
le Grand-Carré. Mais des événements surviennent à sa 
droite, qui modifient encore la situation. 

Le il? corps, général Baret, tient alors l'espace com- 
pris entre le 21 6 et la crête des Vosges. De nouvelles 
forces de landwehr et d'Ersatz, .venant d'Alsace, sous le 
commandement du général von Tettenborn, débouchent 
par le col de Saales sur Ban-de-Sapt. Le i4* corps a déjà 
perdu Saint-Dié les 27 et 28 août. Les renforts allemands 
se heurtent, le 29, à la 27? division qui a reçu l'ordre de 
se porter dans le massif du bois de Repy, au sud de 
Raon-1'Etape. Après une violente préparation d'artillerie, 
ils gravissent les pentes descendant vers la Meurthe. D'au- 
tres troupes venant de Saint-Michel prennent les nôtres 
à revers. Un violent combat s'engage en un point où 
avait eu lieu un engagement en 1870, à Nompatelize. A 
la fin du jour, la 27 e division perd ce village, puis celui 
de La Bourgoncc, connu également pour un combat en 
1870; mais elle continue à tenir le débouché vers Ram- 

(1) Hanotaux, VI, p. 53. 

La grande guerre, IV. 



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iJo LA GRANDE GUERRE SLR LE FRONT OCCIDENTAL 

bcrviilers,.en avant des bois, à la Passée-du-Renard (i). 

A sa droite, la 28 e division se retirait sur les Moitresses, 
au sud-ouest de Saint-Dié; les bataillons de chasseurs du 
détachement Gendron sur Mandray, au sud-est (2). Enfin, 
les éléments de la 58 e division de réserve, qui tenaient 
encore vers les Vosges, se répliaient sur Anould, décou- 
vrant le flâne droit du i/* e corps (3). Une offensive alle- 
mande par la haute Meurthe aurait beau jeu pour nous 
couper de ces montagnes et de leurs débouchés en Alsace. 
Le général Dûbail voyait le danger. Il appelait à lui la 
A i e division, du groupement des Vosges, et la dirigeait 
sur la haute Meurthe, à Anould. On reprendrait l'offen- 
sive générale le 3o août, en dépit de nos échecs du 20^ 
faisant ainsi preuve d'une persévérance' qui méritait d'être 
récompensée. 

Le soir du 29 août, la droite de la i n armée tenait la 
ligne générale Passée-du-Renard, Rouges-Eaux, hauteurs 
de Mandray. 

Les Allemands avaient fait de lourdes pertes dans cette 
région de Saint-Dié, qu'ils appelaient le « Trou de la 
Mort » ( r i). Leurs succès du 29 n'eurent pas de suite. Ils 
durent s'arrêter en se fortifiant sur tout leur front; un 
léger recul de leur part nous permit même d'avancer 
quelque peu. 



<i) Hanotaux, VI, p. 56. 

(2) Le 29 août, le régiment de dragons du commandant Bréant 
était, des 5 heures, au col des Journaux, soutenant une batterie de 
montagne qui appuyait l'attaque de deux bataillons alpins sur Man- 
dray et La Croix-aux -Mines (Commandant Bréant, p. 54). 

(3) Ces mouvements rétrogrades ne se faisaient pas sans de lourdes 
pertes. Au 5i* bataillon de chasseurs, il ne restait plus, le matin du 
3o, que 3 sous-lieutenants et 180 hommes (F. Belmont, Lettres d'un 
Officier de chasseurs alpins, p. 35, cité par Hanotaux, VI, p. 56). 

(4) Hanotaux, VI, p. 58. 



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DU 2g AU 3l AOUT À LA I 1 * ARMÉE > l3ï 

Le 3o août, le 8 e corps, en liaison par sa gauche avec 
le 16 e , devait attaquer en direction générale -de Domptail; 
à droite, le i3 e corps continuerait son offensive sur Xaffé- 
villers et le bois du Grand-Bras, en partant des hauteurs 
de La Pucelle. 

L'offensive du 8 e corps sur Saint-Pierremont et Magniè- 
res fut ralentie par les travaux de campagne de l'ennemi 
et par un feu terrible d'artillerie lourde. Ses progrès 
furent peu marqués. De même pour le i3 e corps, qui ren- 
contra partout des tranchées et des fils de fer. Pourtant, 
la 25 e division porta ses avant-postes à l'ouest de Xaffé- 
villers et la 26 e aux bois de la Grande-Coinche et d'Angle- 
mont. 

Quant au 21 e corps, il faisait des progrès appréciables 
au col de La Chipote, chassant l'ennemi de ses tranchées, 
sans pouvoir les occuper lui-même. En même temps, il 
attaquait au nord-ouest, vers Sainte-Barbe. Mais ses trou- 
pes avaient grand besoin de repos; elles s'arrêtaient en se 
fortifiant (i>. Elles allaient d'ailleurs être transportées sur 
un autre théâtre d'opérations, comme nous le verrons. 



m 



On a vu que le iV corps avait été renforcé de la 4i" 
division qui remplaçait à Ànould la 8 e brigade de dra- 



(1) -Le général Legrand avait donné pour le 3o les ordres suivants : 
la gauche du 21* corps, renforçant son front par la fortification, for- 
mera pivot avec la 85* brigade ^et une partie de la 88 e ; la droite, com- 
prenant la 89 e brigade (BaTbot), la 2 e brigade coloniale, la 86 e brigade 
et une partie.de la 85 e (17 e , 20 e , ai 6 bataillons de chasseurs), se por- 
tera à l'attaque en direction de Sainte-Barbe. À Autrey, le 17* organi- 
sera une tête de pont. La 26* brigade formera réserve du corps d'ar- 
mée à Jeanménil. 



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l32 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT QCCIDENTAL 

gons. Le 28 août, au moment où l'offensive allemande se 
déplaçait de plus en plus vers le sud-est, le groupement 
des Vosges avait à tenir le front compris entre la Trouée 
de Belfort et le massif du Bonhomme, puis de ce massif à 
la Meurthe. Les éléments dont il était formé étaient loin 
d être en place. 

Lia 4i e division avait moitié de ses forces face à Colmar 
et le reste en route de Mulhouse vers Gérardmer. La moi- 
tié environ de la 58 e division de réserve était retenue dans 
la région de Thann; quant aux groupes alpins, les uns 
étaient près de Thann, les autres à la Schlucht, les der- 
niers dans la région de Bussang. Tout était donc à faire 
pour mettre de Tordre dans ce chaos et constituer entre 
la Meurthe et les Vosges un 'barrage susceptible d'arrêter 
les Allemands. 

Ceux-ci avaient réuni une division bavaroise d'ersatz 
entre Saint^Dié et la Favc, une division de réserve entre 
Saint-Dié et le col de Sainte-Marie. Ces éléments furent 
renforcés les jours suivants de troupes de toute nature 
empruntées à la garnison de Strasbourg et représentant la 
valeur d'une division. 

Le général Dubail prescrivit au groupement des Vosges, 
d'une part, de tenir, face à l'est, les crêtes de ces monta- 
gnes jusqu'au Bonhomme; puis, face au nord, de refouler 
ou, tout au moins, d'arrêter l'ennemi en marche de Saint- 
Dié jusqu'au col de Sainte-Marie. 

Entre ces deux secteurs, la liaison s'établirait au massif 
du Bonhomme, qui formerait ainsi charnière et dont la 
possession, capitale pour nous, permettrait de manœuvrer 
des crêtes aux vallées et (de ces vallées aux crêtes, en 
conservant l'unité de front. 

Dès le 3o au matin, deux bataillons de chasseurs for- 
ment couverture sur la crête de Mandray, tenant Saint-. 



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DU 29 AU 3l AOUT A LA I re ARMEE l33 

Léonard, le col de Mandray et le col des Journaux. Ils se 
relient à gauche avec une division du 1 4 e corps, établie à 
l'ouest de la Meurthe, et à droite avec les éléments qui 
gardent le massif du Bonhomme. 

Mais nos troupes avaient été refoulées, dès le 29, sur 
Anoufd, à l'ouest de la Meurthe. Le lendemain 3o, nous 
attaquions au nord de Saint-téonard, Mandray, de 
Saulcy à Entre-deux-Eaux. Nouvel échec qui devait s'ag- 
graver le 3i août et le i er septembre. Nous avions réussi 
à progresser un peu vers Fouchifol et la Tête-dé-Béhoulle, 
au nord de Mandray; mais, dès le i er septembre, l'ennemi, 
marchant par la vallée de La Croix-aux-Mines, menaçait 
nos communications avec le Bonhomme. La gauche du 
i4? corps réoccupait La Bourgonce et Nompatelize au prix 
de pertes élevées, mais sa droite continuait de fléchir. 

Les quatre bataillons alpins qui avaient quitté le 8 e 
corps (1) lui avaient laissé leurs batteries de montagne. 
Elles furent affectées au groupement des Vosges. La 8 e 
brigade, de dragons, général Gendron, s'embarquait à 
La Chapelle-sous-^Bruyères pour être transportée dans 
l'Ouest (2). 

Sur les entrefaites (3i août), Tordre général n° 19 por- 
tait à la connaissance de la i 1 * armée ta note par laquelle 
le général en chef exprimait sa satisfaction aux troupes 
de Lorraine « pour l'exemple d'endurance et de courage » 
qu'elles avaient donné. Eloge mérité, car ces combats 
obscurs entre la crête des Vosges et la Moselle avaient 
mis à une cruelle épreuve la résistance de troupes éprou- 
vées par nos premiers échecs, tout en fixant un effectif 



(1) V. supra, p. 86. 

(2) Hanotaux, VI, p. 58. La 8* brigade fut mise en route. sur Epinal, 
Chaumont, Châlons, Epernay,'où elle arriva le i er septembre (Com- 
mandant Bréant, p. 56). 



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l34 LA GRANDE GUERRE SUB LE FRONT OCCIDENTAL 

ennemi nullement négligeable loin du théâtre des opé- 
rations principales. 

Dans la journée du 3 1, le 8 e corps consolidait sa situa- 
tion en prenant ÎJagnières, que la 29 e brigade enlevait à 
la nuit, et Saint-Pierremont, attaqué par la 16 e division 
en pleine obscurité. La 6 e division de cavalerie continuait 
de relier le 8 e corps au 16*. Elle pouvait constater que 
Valois était encore partiellement occupé par l'ennemi (1). 
Cette fois, nous tenions fortement la partie sud de la ligne 
de la Mortagne, que nous allions organiser pendant les 
journées qui suivirent. Quant au i3 e corps, il ne modifia 
pas sensiblement ses emplacements, mais reconstitua ses 
réserves et répartit entre ses éléments les renforts arrivant 
de l'arrière. On reconnut les positions ennemies; on for- 
tifia les lisières nord des bois de la Grande-Coinche, 
d'Anglemont. De même, au bois du Ban-de-Nossoncourt 
et à la ferme du Champ-Chaudron, qui prolongent vers 
l'est les< hauteurs du bois d'Anglemont. 

À la droite de l'armée t le i4 e corps ne se maintenait 
qu'avec peine à Anozel. Entre ce corps d'armée et la crête 
des Vosges, la situation de nos troupes restait sérieuse et 
pouvait devenir grave. Tant que nous ne tiendrions pas 
solidement les hauteurs de Mandray et les deux cols qui 
les traversent, la possession de la vallée de la Meurthe vers 
Saulcy, où l'un de nos bataillons s'était maintenu, et celle 
du Bonhomme seraient tout à fait précaires. Le général 
Dubail donnait donc au groupement des Vosges l'ordre 
de saisir la crête de Mandray et la Tête-de-Béhoulle, de 
s'y installer solidement et d'en faire la base de nos opéra- 
tions ultérieures dans cette région. 



(1) Le i" septembre, le général Le Villain était remplacé par le 
généra] de Mitry. 



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CHAPITRE XI 
LA 2 e ARMÉE DU 29 AU 30 AOUT 

Offensive du 16 e corps le 29 août. — Le i5 e corps. — Le 20 e corps. 
— Le 16 e corps le 3o août. — Le i5 e corps. — Le 20* corps. — La 
guerre de siège en Lorraine. 



I 



Le 29 août, à la 2 e armée, le 16 e corps et la 7 V division 
continuaient leur offensive, appuyés à gauche par la 
3o e division (i5* corps) qui, maîtresse du passage de la 
Mortagne à Xermaménil, marchait sur le bois Saint-Man- 
suy. L'ensemble du 16° corps avait pour objectif Fraim- 
bois, village isolé dans une vaste clairière au milieu des 
bois. La 32 e division, à gauche, gagnait du terrain dans 
le bois de Bareth, qui prolonge au sud-est celui de Saint- 
Mansuy; la 3i e , au centre, dans le bois de la Reine, au 
nord de Gerbéviller; la 7/4®, à droite, vers le bois du Haut- 
de-la-Paxe, qui couronne une ligne de hauteurs entre ce 
bourg et Moyen. 

Sauf à la droite, où le mouvement fut gêné par l'artil- 
lerie établie au nord-est de Moyen, les gros des divisions 
étaient, à la fin du jour, sur la rive est de la Mortagne. 
La 1/47* brigade (7/1 e division) n'avait pu déboucher de 
Gerbéviller (1). 



(1) Il ne paraît pas exact que le 16* corps tienne le soir la liorne 
Frnimbois, Gerbéviller, Moyen, comme l'admet M. Hanotaux, VI. 
p. 3o. Fraimbois ne fut pris ni le 29, ni même le 3o. D'ailleurs, cet 



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\ 



l36 LA GRANDE GUERRE 8UR LE FRONT OCCIDENTAL 

A gauche du 16 e corps, le i5 e combinait son action avec 
lui et avec le 2O corps. A droite, il essayait de faciliter 
l'offensive sur Fraimbois (29 e division); à gauche, la 3o 6 
division poussait une compagnie sur le hameau de Chau- 
fontaine, au carrefour des routes de Hériménil et de 
Rehainviller à Lunéville, et s'en emparait. Mais l'ennemi 
restait à Hériménil, ce qui nous amenait à évacuer, dans 
la soirée, notre éphémère conquête. 

Au 20 e corps, tout se bornait à une violente canonnade 
sur la forêt de Vitrimont. Nous consolidions nos positions 
sur les pentes Est de Flainval. 

Nos avions commençaient à travailler avec plus de suite 
et d'utilité (1). Ils rapportaient que l'ennemi diminuait 
ses effectifs sur la première ligne et en créait une seconde 
sur le front Bauzemont, Crion, Sionviller, Champel, entre 
le Sanon et la Vezouse. Par contre, on. signalait de nou- 
velles forces débouchant derrière la Meurthe. Peut-être 
s'agissait-il d'éléments de landwehr entrant dans la com- 
position du détachement d'armée Falkenhausen, dont le 
quartier général était à Strasbourg, vers la fin d'août. 

Le général de Castelnau décida de mettre à profit ces 
circonstances pour attaquer, le 3o août, entre le Sanon et 
la ligne ferrée de Nancy à Château-Salins, eii s'installant 
fortement sur « le bastion » de Serres. Mais les attaques 
violentes que subissait encore la i re armée, le 29 août, le 
déterminait, une fois de plus, >à retenir ses forces de 
gauche et à manœuvrer par sa droite en liaison avec 
la i re . 



auteur écrit (VI, p. 33) que la 147 e brigade, tapie « dans de malheu- 
reuses petites tranchées creusées sur un glacis », s'élance sur le bois 
de la Paxe, mais est prise d'enfilade par les batteries, de Moyen et ne 
peut déboucher. 

(1) Hanotaux, VI, p. 3o. 



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LA 2 e ARMÉE DU 2 9 AU 3o AOUT l37 



II' 



Le 3o août, pendant que le 8 e corps menait une actibn 
difficile vers Magnières, le 16 e et la 74 e division atta- 
quaient très vivement la clairière de Fraimbois. L'ennemi 
la tenait solidement. Il semble avoir créé un centre de 
résistance particulièrement fort au nord-ouest de ce vil- 
lage, autour des fermes dû Fréhaut et des Abouts. Malgré 
des pertes fort élevées, 1.200 hommes au 36 e colonial, là 
147 e brigade (74 e division) enlevait la première ligne des 
tranchées allemandes. Violemment contre-attaquée, elle 
ne pouvait s'y maintenir et nous étions rejetés vers l'étang 
de la Reine et la ferme du Champ-de-la-Chèvre. La 147 6 
brigade et un régiment de la i48 e étaient dans « un grand 
désordre », après avoir eu presque tous leurs officiers 
hors de combat (1). Le général Bigot les rassemblait péni- 
blement à hauteur de la cote 285, pour couvrir Gerbévil- 
ler. Les éléments avancés se retranchaient sur place. 

Il en était à peu près de même pour les 3i e et 32 e divi- 
sions; la brigade Dauvin, notamment, était fort éprouvée. 
Il fallut reconnaître que Ton ne pourrait faire tomber les 
défenses ennemies qu'à la condition de consolider par des 
tranchées tout gain de détail. On effectuait ces travaux 
tout en incitant l'ennemi par des démonstrations, notam- 
ment dans le sud de la clairière de Fraimbois, à faire des 
rassemblements que l'artillerie prenait aussitôt sous un 
feu violent et bien préparé. 



(1) Hanotaux, VI, p. 32, 33, d'après le Carnet du lieutenant Morel- 
Journel. La i47 e brigade aurait renouvelé quatre fois son attaque 
sans y réussir. 



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l38 LA GRASBE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

A gauche du 16 e corps, le i5 e secondait son effort sur 
cette clairière. Lui aussi ét$it refoulé par la contre-offen- 
sive allemande. Quatre bataillons de chasseurs, poussés 
au bois Saint-Mansuy, se repliaient avec pertes jusque 
vers Lamath et il fallait jeter en soutien un régiment de 
la 57 e brigade. 

Au 20' corps, il paraissait impossible de déclencher une 
attaque sur Einville, Hoéville, comme y avait songé le 
général de Castclnau. La lenteur des progrès de sa droite 
et de la i rt armée laissait une partie du 20* corps en flèche 
vers Frescati. Dans la nuit du 29 au 3o août, les deux 
compagnies qui occupaient le Signal en avaient même été 
rejetées. Elles le reprirent aussitôt à la baïonnette (1). 

Le commandant de la 2 e armée avait l'impression que 
l'ennemi se ménageait, qu'il cherchait à se couvrir de 
fortifications passagères, de façon à durer avec un mini- 
mum de pertes. Il visait plutôt la riposte que l'attaque. 
Nous avions des raisons sérieuses de l'imiter dans les. cir- 
constances présentes. Le général de Castelnau décida que 
nous ferions usage de procédés rappelant la guerre de 
siège, en traçant de véritables lignes d'investissement. 
Ordre fut donné d'approfondir les tranchées, de les munir 
d'abris, de prendre des dispositions pour faire reposer les 
troupes de première ligne en les relevant à propos (2). 
Mais ces moyens de défense étaient encore rudimentaires. 
Longtemps ils devaient rester imparfaits sur une grande 
partie du front, dans des secteurs d'une importance capi- 
tale comme aux abords de Verdun, en février 1916. En 



(1) D'après Ghristian-Frogé, p. 109, la brigade coloniale de la 2 e 
armée paraît être restée Je 3o dans la forêt de Vitrimont, où elle était 
depuis plusieurs jours. 

(a) Hanotaux, V-I, p. 34. 



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LA 2 e ARMÉE DU 2Q AU 3o AOUT 1 3c 

outre, nos commandants de batterie étaient avisés d'avoir 
à ménager les munitions, le ravitaillement étant des plus 
difficiles (i). Il n'y avait pas un jnois que la guerre était 
déclarée et nous n'avions pas encore livré une grande 
bataille! On voit quelle funeste imprévoyance trahit ce 
menu fait. 



(i) Extrait du carnet d'un commandant de brigade à la date du 
3i août. 



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CHAPITRE XII 
PRISE DU TORT DE MÀNONVILLER 

Situation du fort. — Sa nature et son rôle. — L'attaque allemande. 
— Le rôle des 4ao. —*- La capitulation. — Inutilité des forts d'arrêt 
dans la majorité des cas. 



I 



Le 29 août, un communiqué allemand était ainsi 
conçu : 

« Manonviller. — Le fort de Manonviller, le plus im- 
portant de la France, est tombé aux mains des Alle- 
mands. » 

Cet ouvrage appartenait au type démodé des forts d'ar- 
rêt. Construit au confluent de la Vezouse et d'un petit 
affluent, à une dizaine de kilomètres dans Test de I uné- 
ville, il était destiné surtout à battre la grande ligne de 
Nancy, Avricourt, la route de Paris à Strasbourg, et la 
vallée de la Vezouse. Il pouvait aussi étendre son action 
éloignée sur la vallée de la Meurthe, au sud-ouest de la 
forêt de Mondon, et sur celle du Sanon, au nord de la 
forêt de Parroy. Il s'élevait sur une croupe allongée vers 
le nord -est et très étroite, ce qui aurait rendu une attaque 
rapprochée assez délicate. 

Bien que les idées dominantes ne fussent plus celles 
qui régnaient lors de la construction de cet important 
ouvrage, il n'était pas délaissé, comme on l'a dit, ainsi 
que la plupart de nos forts. Il avait même été l'objet d'une 



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PRISE DU FORT DE MANON VILLER 1^1 

réfection récente. Mais les massifs de fyéton dont on l'avait 
pourvu n'étaient pas à même de résister aux énormes pro- 
jectiles dont l'ennemi allait faire usage. 

La garnison, environ 900 hommes, était celle prévue 
par le plan de mobilisation; les gpprovisionnements 
étaient au complet. 

D'après les Allemands eux-mêmes, tous les détails de 
la fortification avaient été soigneusement repérés par 
' leurs espion^; les moindres dispositions de l'attaque brus- 
quée' étaient arrêtées à l'avance. On avait été jusqu'à 
préparer vers Avricourt, en territoire allemand, des plate- 
formes pour deux mortiers de 4^o (1). 

Après notre échec de Mbrhange et la retraite de nos 
troupes à l'ouest de la Mortagne, le fort de Manonviller 
fut investi par la 70° division de réserve, avec quatre 
bataillons de pionniers et le 18 e régiment d'artillerie à 
pied. 

Les premiers coups de canon furent tirés par les assail- 
lants dans la soirée du 25 août seulement. Ils provoquè- 
rent une vigoureuse réponse. Mais quand les deux mor- 
tiers de 420, installés près de la gare de Deutsch-Avri- 
court, entrèrent en action, l'une des tourelles fut presque 
instantanément détruite et toute l'artillerie de la défense 
se tut successivement. Il ne resta d'intact que des mitrail- 
leuses, au point que les Allemands purent, dit-on, entou- 
rer le fort d'un réseau de fil de fer, empêchant ainsi toute 
velléité de sortie ou de ravitaillement. La garnison vit 
s'effondrer les casemate^, la seconde tourelle, les murail- 
les. A chaque explosion de ces monstrueux projectiles, il 
semblait qu'un volcan s'ouvrît sous ces malheureux ou à 



(1) Hanotaux, V, p. 58. 



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\ 

1^2 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

leurs côtés (i). Les Allemands allèrent, dit-on, jusqu'à 
faire usage de gaz asphyxiants, pour la première fois sans 
doute depuis que les hommes s 'entretuent sur la terre et 
contrairement aux conventions internationales qu'eux- 
mêrties avaient signées. 



II 



Le 27, entçe 16 et 17 heures, après une attaque dfe 
quarante-huit heures à peine, le commandant du fort 
faisait hisser le drapeau blanc. Il capitulait dans la soirée, 
avec les honneurs de 1# guerre. Sa crainte avait été, (fit- 
on, que toute la garnison perdît la raison dans l'enfer 
quêtait devenu le fort de Manon viller (2). La chute si 
rapide de ce « fort d'arrêt » montrait le peu d'utilité de 
ce genre d'ouvrages quand l'ennemi peut facilement ame- 
ner à portée de l'artillerie à grande puissance. Le voisi- 
nage de la frontière, à Deutsch-Avri court, facilitait un 
bombardement intensif auquel aucun bétonnage, aucune 
cuirassé ne pourrait résister. Dans J'avenir, l'énorme 
accroissement de l'action des projectiles et de la portée 
des canons rendra sans doute tout à fait inutile la cons- 
truction ejes forts, beaucoup plus faciles à détruire qu'une 
ligne mince de tranchées et de batteries. Sur ce point 
encore, les (doctrines en faveur avaient été cruellement 
démenties par les faits. Le lieutenant-colonel Mordacq, 
le futur chef de Cabinet de M. Clemenceau, n'«crivait-il 
pas, dans Les places fortes et la stratégie : « La longue 
durée du siège de Port-Arthur, qui, cependant, en tant 



(1) Ha no taux, V, p. 5ç. 

(2) Les Allemands le firent sauter quelques jours après, lors de 
leur retraite. 



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PRISE DU FORT DE 4KANONVILLER l43 

que fortification, ne disposait que d'ouvrages assez rudi- 
mentaires, a montré la capacité de résistance que présen- 
terait une grande place moderne telle que Verdun ou 
Metz; il faut donc reléguer la réussite d'une attaque à la 
Sauer dans le domaine des rêveries allemandes ». Le 
général de Grandprey s'exprimait à peu près de même 
dans ses Remarques sur la défense de Port-Arthur (i.) 

Sans doute, il n'y a aucune comparaison à établir entre 
un ouvrage isofé comme le fort de Manonviller et la for- 
teresse de Port- Arthur, mais la chute si prompte de Liège, 
de Namur, de Maubeuge et d'Anvers a montré surabon- 
damment la fragilité des grandes places, quand elles ne 
sont pas appuyées p3r une armée de manœuvre extérieure.- 



.(i) Cité» par le colonel Bujac, De divers modes d'invasion à travers 
la Belgique (ante 1914), Revue d'avril 1918, p. 92. 



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CHAPITRE XIII 
LA 2* ARMÉE DU 31 AOUT AU 3 SEPTEMBRE 

Le 3i août. — Essai d'offensive du i er septembre. — Situation géné- 
rale sur notre front. — Prélèvements sur la 2 e armée. — Le i5 e 
corps et la 18 e division. — Nouvelle répartition du front. — La 
pénurie de munitions. — Nouvelle ligne de défense préparée. 



I 



A la 2 e armée, la journée du 3i août est consacrée 
à l'organisation de nos positions, au repos des troupes, 
épuisées par leurs pertes et par la fatigue (i). On signale 
encore, au centre, une violente attaque des Allemands 
sur Rehainviller, sans résultat. Dans la forêt de Vitri- 
mont, les « marmites » tombent par rafales. Les canons 
lourds de l'ennemi fouillent les taillis en tous sens pour 
anéantir nos réserves et nos batteries. Dans Vitrimont, 
dans Anthelupt, dans Hudiviller, des maisons flambent; le 
sol tremble sous l'explosion des pesants projectiles. Nous 
subissons des pertes, parmi lesquelles celle du capitaine 



(i) « Le nombre des blessés est immense... Les médecins opèrent 
dans des granges, sur de la paille, les plusMnaladcs; et puis tout cela 
est emporté dans les autos... Un fouillis terrible parmi ces voitures... 
et pourtant, sans qu'on sache comment, tout cela s'organise et l'éva- 
cuation s'opère fort bien » {La Victoire de Lorraine, p* 3o). Il y a 
des réserves à faire au sujet de l'évacuation des blessés à cette époque 
et même à des dates toutes récentes : nous les formulerons quelque 
jour. Faute d'organisation et de direction, le Service de santé ne fut 
pas toujours à la hauteur des circonstances. 



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LA 2 6 ARMÉE DU 3l AOUT AU 3 SEPTEMBRE I4& 

Détanger, de l'infanterie coloniale, le romancier d'avenir, 
le peintre expressif de TAnnarti ef du Maroc (i). 

Le I er septembre, le général de Castelnau reprenait son 
idée de manœuvre du 3o août et prescrivait de marcher . 
entre le Sanon et la Meurthe. On enlèverait les hauteurs 
au nord de Lunéville et on s'y installerait. 

Cette offensive était gênée par une vive contre-attaque 
de l'ennemi, qu'il fallait repousser. Le 1 5 e v corps était 
retardé dans son mouvement; la liaison laissait à désirer 
entre lui et le 20 e . Ce dernier enlevait, perdait et reprenait 
d'importants points d'appui à l'ouest et au nord-ouest de 
Lunéville, sans obtenir un succès véritable, tout en subis- 
sant des pertes marquées. Le colonel de Cissey, du 69 e , 
qui commandait une brigade, était mortellement atteint. 

A droite du i5 e corps, le 16 e et la 74 e division de 
réserve continuaient de combattre sur place, sans pro- 
gresser sensiblement. A gauche du 20 e corps, la 18 e divi- 
sion, général Lefèvre, avait mission de flanquer son mou- 
vement offensif, tout en restant en liaison avec lui. A cet 
effet, la i36 e brigade (68 e division de réserve) était sur la 
route de Nancy à Château-Salins et détachait des recon- 
naissantes à l'est, sans qu'il y eût engagement d'infan- 
terie (2). ' 

A la fin de la journée, le 20 e corps et la 70 e division 
avaient réalisé quelques, progrès vers Maixe, le bois 
d'Einville et la ferme Sainte-Libaire, au nord du Sanon. 
.L'ennemi montrait peu d'infanterie et semblait enclin à 
la défensive. Toutefois il prenait encore l'offensive dans la 
la nuit du i er au 2, contre une fraction du i5 e corps, sans 
succès. Ordre était donné d'organiser nos positions, d'as- 

(1) Christian-Frogé, p. u3. 

(2) Colonel Bujac, loc. cit. 

La grande guerre, IV. 10 

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l46 LA GRANDE GUERRE SUR LE FBONT OCCIDENTAL 

sainir le champ de bataille, que le grand nombre de 
cadavres d'hommes et de chevaux rendait intenable par 
endroits. Le général de Castelnau comptait ensuite 
reprendre l'offensive, le 20 e corps ayant Einville pour 
direction générale; le i5 e , Frescati. Le 16 e corps appuierait 
cette attaque (1). Mais les circonstances changeaient brus- 
ment. , ■ 



II 



Nos armées du Centre et de la gauche étaient alors en 
retraite vers la Seine et l'Aube, mais le* générai en chef/ 
projetait une contre-offensive destinée à changer en échec 
grave le succès momentané de l'ennemi. Pour la ma- 
nœuvre qu'il prévoyait, il importait que les armées de 
droite restassent en position , tout en fixant leurs adver- 
saires devant elles. Il comptait s'en servir comme pivot : 
« L'ensemble du dispositif pivote autour de la droite » (2). 

Dans ces conditions, il était naturel d'affaiblir, dans la 
mesure du possible, les i re et 2 e armées, pour renforcer le 
centre et la gauche qui allaient porter les coups 1 décisifs. 
Nous avons vu les dispositions prises par l'armée Dubail. 
Le i er septembre, ordre venait du grand quartier général 
à Neuves-Maisons (3) de porter vers l'ouest la 10 e division 
de cavalerie et une brigade de la i*. D'autres départs > 
allaient suivre, affaiblissant d'une façon très sensible la 
2 e armée, comme nous le verrons. Ces déterminations 
étaient toutes naturelles et il ne semble pas qu'il y ait là 
prétexte aux élans d'admiration manifestés par certains. 



- (1) D'après Hanotaux, VI, p. 36, cette offensive était prévue pour 
le 2. 

(2) Instruction générale du i er septembre, Hanotaux, VI, p. 65. 

(3) Quartier général de la 2 e armée. 



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LA 2* ARMÉE DU 3l AOUT AU 3 SEPTEMBRE 1^7 

On a pu lire, en effet, à une date récente : « Le maréchal 
Joffre est le plus grand des hommes de guerre qui soient 
apparus depuis Napoléon.... Nous le savons; car nous 
l'avons vu à l'œuvre, nous Anglais! » (i). 

Le 2 septembre, ordre survenait de diriger vers l'ouest 
le i5 ô corps, ainsi que les éléments du 9 e corps restant 
en Lorraine. Ces troupes allaient prendre une part impor- 
tante à la bataille de la Marne. 

Le i5 e corps çnarchait sur Bayon. Dans la soirée, il 
recevait Tordre de poursuivre son mouvement vers l'ouest, 
par Haroué. Le reste de ce déplacement allait s'opérer en 
grande partie par des marches de nuit, de façon à le 
dissimuler le plus possible aux observateurs ennemis (2). 
Peut-être le résultat ainsi obtenu rie valait-il pas le sup- 
plément de fatigues ainsi infligé à des troupes qu'il y 
aurait eu le plus grand intérêt à maintenir en bon état. 
En quittant la Lorraine, le i5 e corps laissait à la 74 e divi- 
sion deux bataillons de chasseurs, les 23 e et 27 e . 

Quant aux éléments du 9 e corps, on se rappelle qu'ils 
constituaient la 18 e division provisoire. Ordre fut donné 
de les embarquer pour Arcis-sur-Aube (3) . Ils se replièrent 
sur Nancy, dans la nuit du 2 au 3, à partir de 1 heure. 



(1) M. Hanotaux, VI, p. 66, qui paraît endosser cette appréciation-, 
écrit quelle émane d'un « des hommes les plus considérables de l'An- 
gleterre ». 

(2) Cf. Carnet de route d'un Officier d'alpins, I, p. 57. 

(3) 34 e brigade, général Guignabaudet : 

n4 e , colonel Briand; 125 e , colonel Deschamps; 268*, lieutenant- 
colonel Pichat. 

35 e brigade, colonel Janin : 

32 e (deux bataillons), colonel Mézières; 66 e , chef de bataillon de 
Villantroys; 290 e , colonel Hitzmann. Artillerie, colonel Le Breton : 
un groupe du 20 e ; deux groupes du 33 e ; deux groupes du 49 e ; cava- 
lerie, chef d'escadrons Gelbert : deux escadrons actifs du 7 e hussards. 



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l48 LA GRANDS GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 



m 



On s'attendait pour la journée du 2 septembre, fête du 
Sedantag, à uneiorte offensive des Allemands. Rien d'in- 
solite ne survint, sauf une attaque d'avant-postes, par 
surprise, à la lisière Est de la forêt de Champenoux (1). 

L'affaiblissement de la 2 e armée obligeait à modifier la 
répartition de son front. Elle se reporta, dans la nuit du 
2 au 3 septembre, sur des positions légèrement en retrait 
de celles occupées jusqu'alors. Le 16 e corps s'installait de 
Gerbéviller à Mont-sur-Meurthe, ses gros restant à l'ouest 
de la Mortagne. La 74 e division revenait dans la région 
d'Einvaux, d'où elle &e porterait fauit du 3 au 4) entre 
la Meurthe, à hauteur de Mont, et Xermaménil. Deux 
bataillons de chasseurs (23 e et 27 e ), dans la forêt de Vitri- 
mont, où ils relevaient la brigade coloniale portée vers 
Rosières-aux-Salines, faisaient la liaison avec le 20 e 
corps (2). 

Ce dernier s'étendait au nord jusqu'à une ligne mar- 
quée par le bois de Pulnoy, Velaine, la tuilerie de Rémé- 
réville. Ses gros étaient sur les hauteurs de FlainvaL et 
vers Haraucourt, ses avant-postes passant par Vitrimont, 
la ferme de Léomont, la crête à l'ouest de Deuxville, la 
cote 3i6 et Courbessaux. 

A sa gauche, la i36* brigade (68 e division) gardait le 
Grand-Couronné, du bois de Pulnoy à la ligne ferrée de 
Nancy, Château-Salins; ses avant-postes étaient à Erbé- 
viller, Champenoux. 

Les autres divisions de réserve continuaient de tenir la 



(1) Général Malleterre, Etudes et impressions de guerre, I, p. 101. 

(2) Il n'y resta ensuite, semble-t-il, que le 27 e bataillon et une 
section d'artillerie. 



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LA 2 6 ARMÉE DU 3l AOUT AU 3 SEPTEMBRE 1^9 

partie nord du Grand-Couronné. En outre, une brigade' 
de la 64 e , division gardait en permanence le Rambêtant, 
hauteur dont nous avons signalé l'importance au nord du 
confluent du Sanon et de la Meurthe; l'autre brigade était 
à Lenoncourt, au nord-ouest. Enfin, une brigade de la 73 e 
division, général Châtelain (défense mobile de Toul); 
débarquait à Jarville et à Ludres, au sud de Nancy, et 
venait cantonner, le 3, à Lupcourt et à Ville-en-Vermois, 
au sud-ouest de Saint-^Nicolas-du-Port (i). Avec la 64 e 
division, elle étayait le centre de la 2 e armée, que son 
affaiblissement très notable semblait vouer désormais à la 
défensive. 

Les mouvements de la nuit du 2 au 3 septembre s'ac- 
complissaient sans être gênés par l'ennemi. Ce dernier se 
bornait à une attaque sur les avant-postes de la 18 e divi- 
sion au bois de Sainte-Libaire. Il était repoussé. 

La 2 e armée consacrait les journées des 3 et k septembre 
à la nouvelle installation des troupes. On abritait l'artil- 
lerie, on creusait des tranchées, on organisait des réseaux 
de fils de fer (2). Les fronts de combat étaient très éten- 
dus {10 kilomètres pour le 16 e corps et la 74 e division), ce 
qui obligeait à les renforcer le plus possible par des 
moyens défensifs. De plus, chose grave, les munitions 
d'artillerie étaient déjà en quantité si restreinte, qu'on 
fixait « à (\ coups par pièce et par jour » la consommation 
normale. Qu'était cette consommation pour un gros man- 
geur comme le 75? 



(1) Hanotaux, VI, p. 4o. 

(2) Nous. avons dit qu'un commandant de brigade en était réduit 
à faire ramasser dans les champs les fils de fer des clôtures pour 
organiser des réseaux. Le 2 septembre, on lui annonçait l'arrivée de 
deux / tonnes de fil. Mais ce fil, mesurant 4 millimètres de diamètre 
au moins, était très difficile à tordre. Il n'était ni galvanisé, ni 
barbelé. 



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l5o LA GRAUDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

Bien que, depuis la fin d'août, l'ennemi montrât une 
activité moindre > le général de Castelnau jugeait néces- 
saire de préparer une deuxième ligne de résistance sur 
les hauteurs de Saffais, Belchamp, Borville, entre la 
Moselle et la Mortagne (i). On assure même qu'il envisa- 
• geait « l'abandon de Nancy et une retraite sur la ligne 
forêt de Haye, Saffais, Belchamp ». Le résultat eut été de 
découvrir la gauche de l'armée Dubail, alors engagée sur 
la Mortagne et la Meurthe (2). Heureusement, cette idée, 
si elle prit naissance, ne fut pas réalisée. 

A la suite des mouvements opérés du 2 au \ septembre, 
le 16 e corps se fortifia de GerbéViller inclus à la lisière 
du bois de Bareth. 11 se reliait au 8 e corps par Moyen et 
Valois; son quartier général était à Haillan ville. La 74 e 
division tenait sa gauche jusqu'à Mont-sur-Meurthe, le 
quartier général à Damelevières. 

Au 20 e corps, les avant-postes occupaient la ligne Signal 
de Frescati, lisière Est du bois d'Einville, ferme de Sainte- 
Libaire, nord de Courbessaux; la 70 6 division, la tuilerie 
de Réméréville, Velaine, le bois de Pulnoy. La i36 e bri- 
gade avait aux avant-postes deux bataillons, l'un du 212 e 
et l'autre du 3/|/| e , sur la ligne Erbéviller, Champenoux, 
Rond-des-Dames (3). 



(0 Ha nota ux, VI, p. 4i. 

(a) Commandant G. V,, La i re armée et la bataille de la Trouée 
d-e Charmes, Revue du i er -i5 janvier 191 7, p. 28. 

Un témoin bien renseigné nous a confirmé c? lait, ajoutant quo 
les ordres nécessaires furent tirés. 

(3) Hanotaux, VI, p. 4s; Colonel Bujac, loc. cit. 



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CHAPITRE XIV 

i 

DÉBUT DE LA BATAILLE DE NANCY 
(4 et 5 Septembre) 

Intentions des Allemands. — Le Grand -Couronné. — La journée du 
4 septembre. — Violante préparation d'artillerie. — La nuit du 4 
au 5*. — La journée du 5 au 20* corps. — La 74° division. — Le 
16 e corps. — Perte de Gerbéviller. — Contre-attaque des 8* et 16* 
corps. — Le 20 e corps dans la soirée du 5. — -La 68 e division. — La 
5<) e division. — Attaque sur Sainte-Ceneviève. 



I 



• Les i er et 2 septembre, nos observateurs du mont Tou- 
lon et du mont Saint-Jean avaient signalé de fréquents 
mouvements de trains sur la ligne de Metz à Delme et à 
Château-Salins, amenant certainement des troupes et du 
matériel. Le /1, on apprenait que des colonnes remontaient 
les deux rives de la Moselle, vers Pont-à-Mousson. 

Après plusieurs jours de calme relatif, les Allemand» 
manifestaient un redoublement d'activité en face de la 
gauche et du centre de la 2 e armée. Il semble qu'après 
avoir vainement tenté d'enfoncer nos lignes devant la 
Trouée de Charmes, puis sur la Meurthe et le long des 
Vosges, ils aient voulu tenter une percée directe sur 
Nancy. Ils y voyaient, sans doute, un avantage moral 
nullement à dédaigner. En outre, si leurs armées arri- 
vaient à couper celle du général de Castelnau en deux 
tronçons ou à les séparer de notre centre, ils réalisaient 



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IÔ2 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

V 

un enveloppement partiel qui pouvait coïncider avec celui 
que von Kluck tentait justement contre notre gauche. 
C'était la manœuvre en tenaille si chère à Schlieffen, celle 
d'Annibal à Cannes, tant prônée en Allemagne les années 
qui précédèrent la guerre. 

Il est probable, d'ailleurs, que l'espionnage, fort bien 
organisé en Lorraine, avait mis les Allemands au courant 
des prélèvements faits sur la 2 e armée. De là au désir d'en t 
profiter, il n'y avait qu'un pa?. Nous verrons que Guil- 
laume II attachait assez d'importance à l'attaque de Nancy 
pour y assister en personne et peut-être pour en prendre 
la direction nominale (i). S'il avait nourri l'espoir d'y 
affirmer les talents de stratège à côté de ceux * si variés 
dont il avait jusqu'alors prodigué les manifestations, son 
attente devait être cruellement trompée. 

Nous avons donné quelques détails sur l'ensemble des 
positions qui couvraient Nancy à l'est (2). Dans leurs 
grandes lignes, elles dessinent une sorte de croissant dont 
le sommet s'appuie à Nancy et à la Meurthe, tandis que 
les deux pointes font saillie vers l'est. Celle du nord est 
marquée par le Grand j Mont d'Amance (cote 4 10) et celle 
du sud par le Rambêtant (cote 33o). Entre elles, une plaine 
vallonnée, barrée vers l'est par un plateau de hauteur 
sensiblement inférieure. Il est couronné par la forêt de 
Champenoux, que la route' de Nancy à Château-Salins 
coupe en deux moitiés et qui est prolongée vers le sud par 
la forêt Saint-Paul f par le piton de la Tour-de-Domèvre 
et par le bois de Crévic. La corne nord du croissant, celle 



(1) Le communiqué allemand du 6 septembre portait : V empereur 
devant Nancy.... L'empereur a assisté, hier, aux attaques dirigées 
contre les forts (sic) de Nancy... » 

(2) V. supra, p. 37. 



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DÉBUT DE LA BATAILLE DE NANCY (4~5 SEPTEMBRE) l53 

du Grand-Mont d'Amance, plus marquée que l'autre, est 
adossée à une sorte de quadrilatère accidenté et boisé, Une 
« petite Suisse », conïme il y en a en diverses parties de la 
France. Ce massif s'étend dans l'intervalle de Bouxières- 
aux-Dames, monts d'Amance, Bouxières-aux-Chênes, Mbi- 
vron, Jeandelaincourt, Sainte-Geneviève. Aux pieds de 
ces hauteurs la Moselle coule de Bouxières-aux-Dames 
vers Sainte-Geneviève, dans une vallée étroite où elle 
dessine de nombreux méandres que dominent parfois de 
véritables falaises, surtout vers l'est. Les. massifs fores^ 
tiers qui la bordent, particulièrement à l'ouest, rendent 
encore plus facile sa défense. Y 

Au nord de ce quadrilatère surgit, à l'est de la Moselle, 
un piton isolé : la côte de Mousson. Ses vues sur la vallée 
sont masquées en grande partie par les méandres dont 
nous avons parlé. De l'autre côté de la Moselle, il fait face 
à la ligne à peu près continue des hauteurs qui vont de 
Frouard vers Metz (i). 



II 

La bataille de Nancy s'engageait dans l'après-midi du 
t\ septembre, au nord de la Meurïhe. De petites fractions 
d'infanterie allemande traversaient le bras de cette rivière 
à l'ouest de Lunéville, vers le moulin de Xerbéviller, et 
tentaient d'atteindre la lisière nord de la forêt de Vitri- 
rnont. En même temps, l'artillerie ouvrait un feu violent 
du nord de Serres, des hauteurs à l'est du bois de Saussy. 
La forêt de Vitrimont, Frescati, Maixe, les collines à l'est 
de Drou ville étaient couverts de projectiles. 

■ — . . 

(i) Hanotaux, VI, p. 74. 

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l54 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

Vers i5 heures, l'infanterie allemande débouchait du 
bois de Saussy vers le bois de Sainte-Libaire; de Serres/ 
une autre attaque portait sur la ferme du même nom et 
une troisième d'Einville sur Maixe, points occupés par la 
39 e division (20 e corps), général Dantan. 

Ces mouvements offensifs ne s'opéraient pas san^ pro- 
voquer une vive réaction. En fin de journée, la 3g 6 divi- 
sion avait repris pied .sur les hauteurs à Test de Drouviile, 
ainsi que dans la partie nord du bois d'Einville. 

A la gauche du 20 e corps, une autre attaque se préparait 
sur le front Rond-des-Dames, Champenoux, lisière sud- 
est de la forêt du même nom (1). 

Cependant, les Allemands continuaient une violente 
préparation d'artillerie, qui visait sans doute davantage à 
un ébranlement moral qu'à des résultats matériels. Des 
flammes apparaissaient dans toutes les directions vers 
l'ouest. Des avions bombardaient Nancy, ville ouverte (2); 
d'autres repéraient activement nos batteries. On remar- 
quait le silence de ces dernières, sans qu'on pût l'expli- 
quer; à Réméréville, par exemple, le bombardement 
durait de 18 -heures le l\ septembre à 9 heures le lende- 
main (3). 

Après cette intense préparation, l'infanterie allemande 
débouchait en formations épaisses sur le front ferme de 
î.éomont, Deuxville, Maixe, cote 3i6 au nord-ouest, Drou- 
villo. Réméréville. Son effort était surtout sensible dans 
l'intervalle de la forêt SaintnPaul au Rambêtant, vers la 
Tour-de-Domèvre et Haraucourt. Les avant-postes du ,20 e 



(1) Hanotaux, VI, p. 70. 

(1) Christian-Frogé,' p. i36; deux personnes tuées, six blessées (Le 
Livre rouqe. Les atrocités allemandes, rapport officiel, p. 27). 

(3) C. Berlet, Un village lorrain en août-septembre Î9ÎU, Réméré- 
ville , p. 5o, cité par Hanotaux, VI, p. 76. 



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DÉBUT DE LA BATAILLE DE NANCY (4-5 SEPTEMBRE) l55 

/ i 

corps* à Frescati et à Deuxville, étaient bousculés; des 
combats violents s'engageaient; Maixe, Drouville, Rémé- 
réville étaient perdus, repris et reperdus. 

Plus au nord, le 212 e (126 e brigade) était violemment 
attaqué, vers 23 heures, du côté du Rond-des-Dames, dans 
la parti e^-norçl de la forêt de Champenoux. Refoulé, il 
reculait pas à pas, méthodiquement, sans perdre la liaison 
avec le 344 e à sa droite (1). 



III 



Les progrès de l'ennemi étaient dus surtout à l'action 
de son artillerie. Contre les quelques i55, 120 et 95 qui 
constituaient notre artillerie lourde, il mettait en action 
des obusiers de i5o et de 210, des canons loAgs de 100 et 
de i3o, dont la portée, supérieure à celle des nôtres, leur 
permettait de nous couvrir, sans danger, de gros projec- 
tiles {2). Ayant ainsi pris l'avantage dès la nuit du k au 5, 
l'artillerie allemande en profitait pour régler, dans la 
matinée suivante, le tir de ses 77 et de ses canons lourds. 
De nombreux avions, quatre ballons captifs, auxquels 
leur forme inélégante valait déjà la dénomination de sau- 
cisses, tout un réseau d'observation et de liaisons télépho- 
niques facilitaient cette opératipn. Nous avions malheu- 
reusement peu de chose à y opposer. 

Pendant plusieurs jours, les Allemands firent une énor- 
me consommation de projectiles, alors que nous-mêmes 
étions réduits à une stricte économie. Ainsi, dans la nuit 



(1) Colonel Bujac, loc. cit. 

(2) « De quinae kilomètres, l'Allemand nous bombarde. Nos canon* 
ne portent pas à plus de sept kilomètres. Nous n'avons qu'à tenir, 
muraille de chair vive. » (Ghristian-Frogé, p. i4i.) 



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l56 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

du 5 au 6, en huit heures, le Grand-Mont d'Amance seul, 
sur un kilomètre carré, reçut 3.ooo obus de gros calibre. 
Heureusement, le tir ennemi se révéla médiocre. Les obus 
fusants étaient irréguliers, en général trop haut. Le tir 
percutant était plus précis, mais beaucoup de projectiles 
se montraient peu efficaces., Au 2 e groupe des divisions 
de réserve, il n'y eut en tout que 23 artilleurs tués et 
•66 blessés. A Nancy, qui allait être bombardé, les dégâts 
furent sans grande importance. 

Quant aux combats d'infanterie, sur tout le front, ils 
furent caractérisés par un mouvement continuel de va-et- 
vient, chaque point marquant étant pris, perdu et repris. 

Dès le 5 septembre, la violence des attaques allemandes, 
là faiblesse- numérique de la 2 e armée, réduite à deux 
corps d'armée actifs et à des divisions de réserve, ame- 
nèrent le général en chef et le général de Castelnau à 
peser le sérieux de l'a situation. On hésita pour la seconde 
fois entre deux partis : reculer sur les fortes positions de 
la forêt de Haye, de Saffais, Belchamp; résister sur place. 
Ce dernier parti fut provisoirement adopté. L'abandon de 
Nancy, dans les circonstances présentes, eût été d'un 
déplorable effet. 



IV 



Cependant l'ennemi était, dans la matinée du 5, maître 
de Maixe (i), de la cote 3i6 au nord-ouest et de Réméré- 
ville. Le 20 e corps était contraint de ramener, ses éléments 
avancés sur la ligne principale de résistance. A sa gauche, 



(i) A Maixe, les Allemands incendièrent trente-six immeubles et 
tuèrent dix personnes (Le Livre rouge. Les atrocités allemandes, 
p. 4o). 



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DÉBUT DE LA BATAILLE DE NANCY (4~5 SEPTEMBRE) IÔ7 

la 70 e division se maintenait à la lisière Est de ïa forêt 
Saint-Paul et même, un certain temps, à Courbessaux. 
Plus au nord, la 68 e division gardait Champenoux et la 
forêt du même nom jusqu'à hauteur d'Erbéviller. La 64f 
formait seconde ligne de Velaine à la Maison-Blanche 
(ouest de Buissoncourt) (1). 

Au sud des positions du 20 e corps, la 74 e division était 
devant Lunéville, après avoir activement travaillé à orga- 
niser « trois lignes successives de tranchées » entre Blain- 
viîle, Mont-sur-Meurthe et Lamath. Les 23 e et 27 e batail- 
lons de chasseurs, qui lui avaient été rattachés, ainsi que 
nous l'avons dit, combattaient en première ligne, entre 
Rehainviller et le bois Saint-Mansuy. 

Comme le centre de la 2 e armée, la 74 e division était 
attaquée dans »la nuit du 4 au 5 septembre. A 22 heu- 
res, l'infanterie allemande débouchait de Lunéville sur 
Rehainviller, surprenait un bataillon du 223 e et le rejetait 
sur Mont. Toutefois, une fraction restait à la Tuilerie, 
entre ces deux villages. L'offensive allemande s'étendait 
ensuite au sud. 

L'artillerie ennemie' battait les positions de la division 
et du 16* corps sur la Meurthe et la Mortagne, au point de 
rendre intenable la rive droite de cette dernière. De 
Rehainviller, son infanterie occupait la croupe 271 et une 
partie du bois Saint-Mansuy. 

Plus au sud, à 9 heures, le 142 e perdait Gerbéviller. 
Ordre était donné à la brigade Xardel de défendre à 
outrance le bois de Guilgnebois, au sud de la Mortagne. 
Toute la rive droite était perdue pour le 16 6 corps. Il 
fallait se résigner à défendre la rive gauche, en coupant 
les ponts, en tenant les débouchés sous nos feux (2). 

(1) Hanotaux, VI, p. 76. 

(2) Hanotaux, VI, p. 79. ' 



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l58 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

Toutefois, la 74 e division était encore maîtresse de 
Mont,' de Mortagne, de la Tuilerie, ce qui lui permettait 
de déboucher sur Rehainviller. Elle reçut Tordre de 
reprendre ce village et l'exécuta. Mais notre infanterie 
(i48 e brigade) ne put y rester sous les obus. Elle se 
retrancha entre ce village et la Mortagne. 

Au sud, un bataillon du 81 e perdait Haudonville : l'en- 
nemi y gagnait un nouveau débouché à l'otiest de la 
Mortagne et au nord de Gerbéviller, qu'il tenait déjà 
(i/i h. 3o). Il devenait indispensable de l'arrêter. Heureu- 
sement, le 8 e corps, ayant reçu du général Dubail Tordre 
d'appuyer la 2 e armée t attaquait dans la direction de bois 
du Haut-de-Gondal, Gerbéviller. La 6* division de cava- 
lerie appuyait cette offensive et le 16 e corps opérait une 
heureuse contre-attaque. La 3i e division marchait sur 
Gerbéviller et rejetait de nouveau l'ennemi sur la rive 
droite. A la ntiit, elle bordait la Mortagne. Le 1 43 e avait 
beaucoup souffert dans cette attaque (1). 

Au nord, la 74 e division n'était pas inquiétée durant 
l'après-midi du 5. A 18 heures, elle faisait néanmoins sau- 
ter le pont de Mont-sur-Meurthe. Pas plus que nous, l'en- 
nemi ne pouvait se maintenir dans Rehainviller. Dans la 
soirée, la situation initiale du 16 e corps et de la 74 e divi- 
sion était à peu près rétablie, la ligne de la Mortagne 
réoccupée. Les gros demeuraient sur la rive gauche, les 
éléments avancés tenant les débouchés sur la rive droite. 



(1) Hanotaux, VI, p. 83. Cet auteur estime que la 74 e division avait 
devant elle à Rehainviller la division d'ersatz de la Garde, composée 
de la brigade d'ersatz de la Garde, de la 5 e brigade mixte d'ersatz 
(II 6 corps) et de la 55 e brigade mixte (XIV e corps) (Ibid. t p. 84). 



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DEBUT DE LA BATAILLE DE NANCY (4~5 SEPTEMBRE) 15g 



Cependant, la partie nord du Grand-Couronné était, 
comme le reste, l'objet d'un bombardement intense et 
Ton signalait de fortes colonnes en mouvement sur les 
deux rives de la Moselle, vers Pont-à-Mousson. D'autre 
part, devant le centre de la 2 e armée, l'offensive allemande 
sa ralentissait, donnant à croire qu'elle était « à bout de 
souffle )> (i). Le général de Castelnau prescrivait aussitôt 
de reprendre le terrain perdu. Vers 16 heures, le général 
Balfourier transmettait cet ordre aux i i e , 39 e et 70 e divi- 
sions. L'effort de la 11 e s'arrêtait bientôt, par suite de la 
fatigue des troupes. D'ailleurs, le feu de l'artillerie alle- 
mande, 'qui s'était fort ralenti vers midi, reprenait à 
17 heures environ et l'infanterie procédait à une nouvelle 
attaque sur le front des 39 e et 70 e divisions : elle débou- 
chait par masses denses de la région de Serres et d'Hoé- 
ville. Il fallait que -le général Balfourier engageât ses der- 
nières réserves. 

A la nuit, son* corps d'armée tenait le front forêt de 
Vitrimont, ferme de Leomont, hauteurs à l'ouest de Deux- 
ville, Grandvezin, croupe à l'est de Crévic, lisière ouest 
du bois de Haraucourt, piton de la Tour-de-Domèvre. 
L'ennemi avait gagné du terrain, contrairement à notre 
attente, sans que ce succès eût rien de décisif. Ses progrès 
semblaient même arrêtés. 

Au nord des positions du 20 e corps, l'attaque allemande 
se produisait dans deux directions, celles du mont 
d'Amance et de Sainte-Geneviève. 



(1) Hanotaux, VI, p. 79. 



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l6o LA GRANDE GUERRE SUR IJE FRONT OCCIDENTAL 

Le Grand-Mont d'Amance avait reçu, le 4 septembre, à 
17 heures, les premiers ol*us. Une partie provenait de 
Crémecey, à une distance telle que toute riposte nous était 
interdite. Ces lourds projectiles produisaient un grand 
effet, régularisé par l'action constante des avions et des 
ballons captifs de l'ennemi. Il fallut évacuer Tune de nos 
batteries, puj# des tranchées. Finalement, la situation sur 
le mont devint intenable, mais nous continuions à garnir 
les pentes à l'est. La 68 e division avait perdu Champenoux 
dès l'aube du 5 septembre. L'ennemi canonnait violem- 
ment la forêt de Champenoux, la clairière qui la coupe 
en deux tronçons et les bois à l'ouest. Vers 7 heures, le 
212 e reprenait Champenoux, pour peu de temps, semble- 
t-il- L'ennemi pénétrait dans le nord de la forêt et atta- 
quait les positions de la i35 e brigade sur les pentes Est du 
Grand-Mont d'Amance, vers les fermes de Quercigny, de 
la Fourasse et de Fleur-Fontaine. Ses attaques, reprises 
par cinq fois, étaient cinq fois repoussées, dit-on (1). 

La 69* division de réserve, général Kopp, défendait la 
fa^e nord du quadrilatère que nous avons mentionné, du 
sud de Leyr à Loisy par Sainte-Geneviève, sur un front 
extrêmement étendu pour douze bataillons, vingt-quatre 
kilomètres environ, à vol d'oiseau. Depuis le 3, la 117 e 
brigade, colonel -Lambin, qui tenait la gauche, étendait 
son front de la Moselle vers Loisy jusqu'à la croupe de 
Sî^rrières (cote 344), sur huit kilomètres en ligne droite. 
Il ne restait plus qu'une compagnie en réserve (325 e ) à 
Ville-au-Val. Enfin, l'artillerie n'était représentée sur cette 
partie du front que ipar un groupe de 75 et par une 



(1) Hanotaux, VI, p. 84. En réalité, il ne poussait qu'une recon- 
naissance d'infanterie et de cavalerie sur la ferme de Quercigny, le 
bois des Charbonniers et Leyr, sans en venir au contact. 



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DÉBUT DE LA BATAILLE DE NANCY (4-5 SEPTEMBRE) l6l ' 

batterie cte 120, celle-ci vers la droite. Une batterie du 33 e , 
capitaine de Langlade, tenait la position de Sainte-Gene- 
viève, une section à droite et une autre à gauche du vil- 
lage; une autre, capitaine Dèlette-Dutreuil, était à la 
croupe de Serrières et la troisième entre Sainte-Geneviève 
et Landremont (1). Le bataillon Montlebert (344 e ) conti- 
nuait de tenir Loisy et la crête de Sainte-Geneviève. 

Dans la matinée du 5 septembre, on signalait des mou- 
vements de troupes vers Mousson. Des obus lourds y tom- 
baient ainsi qu'à Pont-à-Mousson. On annonçait la des- 
truction de ce~ dernier pont, que les Allemands devaient 
très rapidement rétablir. Vers midi, la canonnade com- 
mençait, violente, des abords de Mousson où s'était instal- 
lée l'artillerie lourde allemande. De nombreux obus tom- 
baient sur la crête de Sainte-Geneviève, sans atteindre 
personne. Nos batteries répondaient avec une parcimonie 
obligée, sans grand effet. Des pièces de gros calibre venues 
de Metz renforçaient l'ennemi, dont l'attaque sur Sainte- 
Geneviève motivait de sérieuses inquiétudes. 

En effet, la rive gauche de la rivière, en amont de Loisy, 
était faiblement occupée par nous. On pouvait craindre 
que l'ennemi ne se glissât entre Nancy et Toul, vers le 
nord, annulant ainsi les défenses du Grand-Couronné , 
tracées face à la frontière allemande (2).* 



(1) Cette batterie, capitaine Delage, venait ensuite un peu au sud 
du chemin d« la Moselle à Bezaumont, près de la sortie sud-ouest de . 
ce village. 

(2) Il ne paraît pas qu'il y eût, sur cette rive, de travaux au nord ; 

du fort de Frouard, dans l'angle de la Moselle et de la Meurthe. * \ \\*\ 

La grande guerre, IV. il " • 

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CHAPITRE XV 

LA BATAILLE DE NANCY 
LES 6 ET 7 SEPTEMBRE 

Guillaume II à Metz. — Son entrée hypothétique h Nancy. — Inten- 
tions du général en chef. — Le 6 septembre au 20 e corps. — Le 16 e 
corps. — La 68* division. — L'attaque de Sainte-Geneviève. — Me- 
naces de lViinemi dans 'la Woëvre. — Guillaume II le 7 septembre. 
— Evacuation de Sainte-Geneviève. — Au Mont d'Amanee. — La 
68 e division. — Le détachement Ferry. — Ensemble de la journée. 



I 



Les 2 et 3 septembre, Guillaume II était à Marville, puis 
à Romagne. Le 3, dans la soirée, il partait pour Metz en 
automobile. 11 y séjournait le 4 et l'on y voyait défiler 
« le régiment de cuirassiers blancs, dont Bismarck affec- 
tionnait tout particulièrement l'uniforme.... Les cuirasses 
et les casques étaient à nu, brillants, astiqués, reluisant 
au soleil, les horïtmes rasés fraîchement, contrairement 
aux autres soldats qui avaient des barbes de quinze jours 
et même darantage. Ce beau régiment fut embarqué par 
chemin de fer pour Delme... où il resta cantonné plu- 
sieurs jours, sans prendre part à aucune action. C'était 
le régiment de parade à la tête duquel le kaiser comptait 
faire son entrée triomphale dans Nancy... » (1). 

A Metz, on annonçait (6 septembre), V empereur devant 
Nancy, Nancy bombardée, la chute imminente de Nancy 

{1) Choses vues à Metz pendant la guerre, par un Français de Mcfz, 
Revue hebdomadaire, décembre 191 5, p. 356. 



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LA BATAILLE DE NANCY LES 6 ET 7 SEPTEMBRE l63 

(Nanzig vor dem Fall). Le maire, fonctionnaire rétribué, 
comme on sait, se tenait en habit à l'hôtel de ville, prêt à 
gravir une table en bois blanc placée devant la maison 
commune. C'est de cette estrade improvisée qu'il comptait 
annoncer au public, convoqué par la voix puissante de la 
Mutte (1), le grand événement si bien escompté. 

Chez nous, les dispositions étaient tout autres. Une 
directive du général en chef aux généraux Dubail et de 
Castelnau portait (6 septembre) : « La masse principale 
de nos -forces esf engagée dans une bataille générale à 
laquelle votre armée, trop éloignée du théâtre de cette 
action, ne. peut participer. J'estime préférable que vous 
vous mainteniez sur vos positions actuelles jusqu'à l'issue 
de la bataille... » (2)., 

Une action de guerre, de proportions dépassant tout ce 
qui s'était vu jusqu'alors, commençait alors sur la Marne. 
Il était naturel que les i" et 2 e armées attendissent le 
résultat pour s'engager à fond*. Elles ne pouvaient donc 
que conserver le rôle ingrat dont elles étaient chargées 
depuis leurs échecs de Sarrebourg et de Morhange. 

Le 6 septembre était marqué par une accalmie relative 
au centre de la 2 e armée, tandis que la bataille s'avivait 
aux ailes. 

La nuit du 5 au 6 avait été tranquille devant le 20* 
corps. Ordre lui était donné de réoccuper le terrain perdu, 
de la forêt de Champenoux au bois de Crévic. Au centre, 
la 39 e division progressait sans difficulté, prenait Crévic, 
la croupe à l'ouest de Gellenoncourt et marchait sur 
Drouville. A gauche, la 70 e poussait sur Courbessaux, qui 
était reprts. Réméréville, reconquis également, était en- 



(1) La grosse cloche de la cathédrale, celle qui sonnait le tocsin on 
les grandes .fêtés. 

(2) JReproduit par Hanotaux, VI, p. 66. 



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l64 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

suite reperdu, sauf que nous en conservions la lisière 
ouest. A droite, la 11 e division s'avançait jusqu'à la 
.lisière est de la forêt de Vitrimont, rétablissant ainsi une 
grande partie de notre front primitif. 

Au sud du 20 e corps, la 7.4 e division et le 16 e corps 
continuaient heureusement l'offensive commencée la 
veille. Devant la première, Rehainviller restait encore 
inoccupé par les deux partis (1). Entre eux, c'était surtout 
un combat d'artillerie. Quant au 16 e corps, il reprenait 
intégralement le terrain qu'il avait occupé à l'est de la 
Mortagne. Le soir .venu, son fronts bordait les bois de 
Bareth, de la Reine et l'entrée de la clairière de Fraim- 
bois. Il restait à saisir la crête qui longe la rive gauche 
de la Meurthe et que jalonnent le bois du Fréhaut et 
Fraimbois. 

Nos troupes étaient surprises, dit-on, de la faible résis- 
tance des Allemands et ne pouvaient l'expliquer que par 
les pertes des jours précédents (2). L'offensive du 16 e 
corps avait été soutenue par le 8 e , dont une fraction tenait 
le bois du Haut-de^ondal, face aux travaux ennemis du 
bois du Haut-de-la-Paxe, à l'est de la Mortagne. 



II 



Au nord du 20 e corps, la 68 e division était surtout atta- 
quée à sa droite. Un bataillon de la i3(> e brigade (5 e du 
212 e ) perdait laMaison forestière au nord-ouest de Champe- 
noux (vers i/l heures), sans pouvoir la reprendre. Le 344° 

(1) D'après la Victoire de Lorraine, p. 36, deux bataillons allemands 
étaient le soir du 6 au repos dans le cimetière de Rehainviller et aux 
environs. Vus par une reconnaissance de cavalerie, ils furent canonnés 
par notre artillerie, dont l'effet fut terrible. 

(3) Hanotaux, VI, p. 86. 



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LA BATAILLE DE NANCY LES 6 ET 7 SEPTEMBRE l65 

abandonnait Erbéviller (i), mais gardait la lisière est de 
la forêt de Champenoux, au sud de la route de Château- 
Salins. A la nuit close, le général Mordrelle tenait encore 
cette lisière, face à Erbéviller, avec le 344*; le 6 e bataillon 
du 212 e était à cheval sur le chemin d"e Velaine à Champe- 
noux; le~5 e à la ferme de La Bouzule, qui tient l'entrée est 
du défilé où passent la route de Château-Salins et le ruis- v 
seau de l'Amezule, entre les massifs sud" et nord de la 
forêt de Champenoux. Le 25 f était en seconde ligne, sur 
la position principale. 

La i35 e brigade-, à la gauche de la i36 e , était surtout 
attaquée par l'artillerie vecs Amance et La Rochette; la 
grand'garde de la ferme de Quercigny subissait une vive 
attaque. 

Entre temps, l'ennemi continuait un très violent bom- 
bardement, qui portait de préférence sur le quadrilatère 
de hauteurs au nord-ouest du mont d' Amance. Les 
témoins sont unanimes à cet égard : l'ennemi « gaspille 
follement ses projectiles. L'air est déchiré de milliers de 
sifflements... » (2). « Nous recevions 60 obus pour un 
que nous tirions... » (3). Sur la position de Sainte-Gene- 
viève, il en tombait de dix à quinze par minute et Y arro- 
sage s'étendait en profondeur jusqu'à la vallée de la Nata- 
gne et à Vïlle-au-Val. L'effet produit était néanmoins 
faible : un tué et cinq blessés au 3i4*. 

Sous les coups, notre artillerie restait impuissante, faute 
d'avions surtout. Elle ne tirait pas. A 9 h. 3o, on signalait 
de l'infanterie allemande dans le bois de Beauzard. Elle 
avait dû passer la Seille à Port-sur-Seiïle et Clémery. A 



(1) A la suite d'un mouvement de retraite du 279 e (70 division) 

(2) Christian-Frogé, p. 142. 
(Colonel Bujac, loc. cit.). 

(3) Reproduit par Hanotaux, VI, p. 86. 



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lG6 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

12 h. 3o, on entendait sauter le pont de Dieulouard. L'ac- 
tion ennemie se précisait, progressant sur la rive ouest 
de la Moselle, en amont de Pont-à-Mousson. Les colonnes 
allemandes marchaient vers le bois de Cuite, débordant 
Dieulouard par Villers-en-Haye. Leur artillerie arrosait la 
forêt de Puvenelle, les bois de Jezainville et de Rogéville. 
En raison de la distance et du manque de munitions, 
notre batterie de Bezaumont ne pouvait intervenir avec 
succès. Elle se réservait pour une attaque rapprochée qui 
semblait imminente. Nous croyions devoir détruire le pont 
de Marbache, à dix kilomètres de Nancy- 

De la 73 e division, le 367 e faisait connaître qu'il avait 
abandonné Jezainville, mais qu'il tenait encore le bois de 
Cuite (16 heures). Un peu plus tard, il annonçait l'aban- 
don de Dieulouard et la retraite sur Saizerais de la fraction 
qui gardait ce bourg. A 18 heures, Dieulouard était forte- 
ment canonné. Les défenseurs de Sainte-Geneviève se 
voyaient nettement débordés sur leur gauche, ce qui ren- 
dait leur situation de plus en plus difficile. 

Entre temps, le bombardement continuait sur ce sail- 
lant. Le village de Sainte-Geneviève est situé à la pointe 
nord d'un massif de collines escarpées dont l'arête supé- 
rieure, orientée du nord au sud, atteint 320 à 390 mètres 
et domine la Moselle de i5o à 200 mètres. De cette rivière, 
qui coule à l'ouest, on gravit des pentes douces pour 
atteindre l'arête, tandis que, vers l'est et vers le nord, les 
dénivellations sont très rapides. Au nord, elles viennent 
mourir à moins de cent mètres de la forêt de Facq. A 
l'est, le front Sainte-Geneviève, Landremont, commande 
la plaine de la Seille qui coule à six kilomètres environ. 

Le 3i4 e tenant le front Loisy, Sainte-GeneviSve, et le- 
232 e celui de Sainte-Geneviève, Landremont, les positions 
de ces deux régiments dessinaient une équerre dont l'an- 



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LA BATAILLE DB NANCY LES 6 ET 7 SEPTEMBRE 167 

gle droit était marqué p'âr Sainte-Geneviève. Ce village 
constituait évidemment le point faible de -notre ligne, de 
par la conformation même du terrain qui avait déterminé 
nos emplacements. 

Le village de Loisy, situé entre Sainte-Geneviève et la 
Moselle gavait été également niis en état cle défense. Le 
cimetière, situé un peu au nord, formait une véritable 
redoute susceptible d'une résistance énergique. 

Sous le bombardement, Sainte-Geneviève était rapide- 
ment en flammes et des feux d'infanterie venaient déjà 
de la forêt de Facq. Le bataillon du 3i4 e (de. Montlebert) 
était renforcé de fractions de celui encore à Bezaumont. 
Dans la soirée, le lieutenant-colonel Neltner faisait con- 
naître que la compagnie de Loisy (18 e du 3i/i e ) était atta- 
quée et qVil se portait en soutien avec sa dernière unité 
disponible. Il, ne restait plus en réserve à la 117 e brigade 
qu'une compagnie du 325 e au carrefour des chemins de 
Loisy, Bezaumont, Ville-au-Val, et une demi-compagnie 
à Ville-au-Val. Le bombardement continuait. La fusillade 
faisait rage, puis on entendait des fifres et des tambours, 
des clameurs de troupes allemandes montant à l'assaut (1). 
La première attaque avait lieu vers 20 heures, les Alle- 
mands formant deux colonnes. Celle de droite, partie 
d'Atton, marchait sur Loisy; celle de gauche cheminait 
dans le bois de Facq et abordait directement Sainte-Gene- 
viève. La première, arrêtée par des feux violents, ne pous- 
sait pas à fond son offensive. Une partie refluait vers la 
gauche et prenait part à l'attaque de Sainte-Geneviève, 

(i) D'après Hanotaux, VI, p. 88, les Allemands auraient engagé des 
fractions des a5 6 , 6o°, 68 e de landwehr et du i3o 6 de réserve. D'une 
source autorisée, on fait connaître qu'il s'agissait d'une brigade corn-" 
posée des 68* et i3o e régiments (de réserve ?). Ce détail paraît douteux, 
1rs régiments actifs ou de réserve de ces numéros n'appartenant ni à 
la même brigade, ni même à un seul corps d'armée. 



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l68 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

beaucoup plus énergique. A 22 h. 3o, le lieutenant-colo- 
nel Neltner venait demander la compagnie du 3a5°, qui 
se dirigeait vers Loisy. Il ne restait plus au carrefour que 
la demi-compagnie venant de Ville-au-Val. Des pentes 
sud-ouest de Bezaumont, la batterie Delage tirait sur la 
forêt de Facq et sur les pentes au sud. De même, la batte- 
rie Langlade tirait à courte portée des abords de Sainte- 
Geneviève. Une de ses sections, établie au sud-est du vil- 
lage, continuait le feu jusqu'au dernier moment. Presque 
entourés, 4e capitaine de Langlade et les huit servants 
encore valides se dégageaient à coups de mousqueton et 
allaient combattre avec l'infanterie. Les deux pièces, dont 
Tune avait les roues brisées, restaient entre les deux 
lignes. Quant à l'autre section, elle combattait jusqu'à 
entier épuisement de ses gargousses. L'infanterie com- 
mençait à craindre, elle aussi, de manquer de munitions. 

Vers 23 heures, l'artillerie allemande se dévoilait au 
"bois de Cuite, tirant par dessus la Moselle sur la batterie 
Delage, sans l'atteindre, ses obus étant trop courts. Deux 
assauts avaient déjà été donnés à Sainte-Geneviève, avant 
que la résistance du 3i£ e fût ébranlée. Deux officiers 
avaient été tués, le commandant de Montlebert était légè- 
rement blessé. Aljoisy, bien que les pertes fussent nulles, 
le capitaine N... donnait des signes d'affolement. Vers 
minuit seulement, le combat devenait moins violent et 
l'on croyait l'attaque terminée. En prévision d'une nou- 
velle offensive, le colonel Lambin réclamait des renforts, 
sans les obtenir. 

A 3 h. 3o, nouvel assaut ennemi sur Sainte-Geneviève, 
plus furieux encore que les précédents. Les Allemands se 
ruaient sur nos tranchées en formations massives, au 
bruit des hourrah, des fifres et des tambours, les hommes 
ivres d'eau-de-vie et d'éther, dit-on. Ils atteignaient sur 



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LA BATAILLE DE N ANC Y* LES 6 ET 7 SEPTEMBRE 169 

plusieurs points nos réseaux, qu'ils cherchaient à percer, 
mais pour être décimés à courte portée par le fusil et la 
mitrailleuse. Poussés par les secondes lignes, ils hési- 
taient, tourbillonnaient, cédaient sous le feu et finale- 
ment redescendaient en courant les pentes raides vers la 
forêt de Facq. 

Sur Loisy et le cimetière avait lieu un assaut analogue, 
mais beaucoup moins acharné. D'ailleurs, de ce côté, en 
raison de la configuration du sol, les obus de 76 eurent 
plus d'effet et brisèretit l'attaque (1). 
, Cette fois, l'offensive allemande était définitivement 
enrayée sur Sainte-Geneviève. Un fâcheux incident faillit 
annuler ce résultat. Le capitaine N..., bien que n'ayant 
« aucune » perte à Loisy, se crut tourné et rendit compte 
au lieutenant-colonel Neltner qu'il était obligé de se reti- 
rer (2). Ce renseignement, la pénurie des munitions, l'ab- 
sence de toute réserve influèrent sur cet officier supérieur 
qui crut devoir donner au commandant de Montlebert 
l'ordre de se retirer, lui aussi, sur Bezaumont. Montlebert 
refusa d'obéir, estimant qu'il pouvait tenir. Nouvel ordre 
confirmant le premier. Nouveau refus. Nouvelle confirma- 
tion. Montlebert refuse encore, déclarant qu'il ne cédera 
pas sans un ordre écrit. Le lieutenant-colonel Neltner 
donne cet ordre et Montlebert s'y soumet à son grand 
regret. Il est 4 heures. 

/ (i) Des renseignements recueillis à Pont-à-Mousson et à Atton les 
18 et 19 septembre précisèrent que, le 7, après le dernier assaut, une 
effroyable panique se déchaîna parmi les Allemands et les emporta 
au travers d'Atton jusqu'à Pont-à -Mousson. Le colonel von Rostoch, 
qui commandait les troupes d'attaque, fut tué. Il y eut environ 700 
morts et i.5oo blessés dans les trois assauts; 49<o blessés furent portés 
à Pont-àiMousson seulement. Aucun prisonnier ne fut fait de part et 
d'autre. 

(2) Le capitaine N..., traduit en conseil de guerre, le i!\ septembre, 
fut acquitté. 



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Au jour, vers 5 heures, les batteries Delage et Langlade 
arrivaient à Ville-au-Val. Deux des pièces de la dernière 
étaient restées à Sainte-Geneviève (i). Le 232 e ; qui n'avait 
pas été engagé, tenait toujours le >Signal de la Vierge et 
le village de Landremont. Ses pertes étaient seulement de 
2 tués et 7 blessés. La bataillon Montlebert rentrait à Ville- 
au-Val, ayant perdu 2 officiers, 28 hommes tués et 61 
blessés, dont un officier. Avec le 6 e bataillon du 3i4 e , il 
allait se reformer au col de Millery; le 3 2 5° occupait, en 
arrière de la Natagne, la crête entre la Moselle et la cote 
374, sur la position de repli prévue. 

Dès 9 heures, le 232* rendait compte qu'une patrouille 
entrée dans Sainte-Geneviève n'y avait trouvé personne, 
ni Français ni Allemands. De très nombreux tués et bles- 
sés ennemis gisaient devant nos réseaux et leurs brancar- 
diers s'affairaient à les relever. Sainte-Geneviève, Loisy et 
Bezaumont restaient inoccupés toute la journée du 7, les 
Allemands continuant de ramasser paisiblement leurs 
blessés et leurs morts (2). 

La situation demeurait incertaine le long de la Moselle. 
On apprenait que, sur la rive ouest, l'ennemi paraissait 
progresser vers Toul, dans des intentions inconnues. A , 



(1) Dans la soirée du 7, le lieutenant Combescure alla chercher 
Pune de ces pièces et la ramena. L'autre, laissée sur place, faute de 
roues, fut emmenée par l'ennemi dans la nuit du 7 au 8. De source 
autorisée, on fait connaître que le recul de la compagnie de Loîsy 
aurait eu lieu vers minuit. Toutefois, une section, commandée par 
l'adjudant, serait restée dans le village et le capitaine N... s'y serait 
reporté de son propre mouvement avant le repli définitif. 

(2) C'est dans la soirée du 7 seulement que la 59 e division paraît 
avoir eu la notion très nette du repli des Allemands devant Sainte- 
Geneviève. Au cours de l'après-midi, elle avait donné l'ordre de porter 
à Ville-au-Val une réserve de patrouilles, d'où elles circuleraient vers 
Bezaumont et Sainte-Geneviève. Vers 16 ou 17 heures, la 117 e brigade 
reçut un ordre de la 2 e armée pour la réoccupation de Bezaumont et 
de Sainte-Geneviève, à raison de deux compagnies par village. 



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LA BATAILLE DE NANCY LES 6 ET 7 SEPTEMBRE I 7 I 

Saizerais, sur la route de Marbache à Domèvre-en-Haye, 
il refoulait une fraction de la défense mobile de cette 
place forte. On y signalait la 33 e division de réserve (i), 
que nous avons déjà vu opérer contre là 3 e armée (2). Le 
grand quartier général attira sur ces faits l'attention du 
général de Castelnau, l'invitant à se tenir en liaison, non 
seulement avec Toul, mais, avec le i5 e corps, alors vers 
Gondrecourt, et avec la 65 e division de réserve, à la droite 
de la 3 e armée, qui était le 5 septembre autour de Saint- 
Mihiel. 

De son côté, bien que ses forces, eussent été fort affai- 
blies, le commandant de la 2 e armée jugea nécessaire de 
remettre à la disposition du gouverneur de Toul la i45 e ' 
brigade (73 e division) restée jusqu'alors en réserve d'ar- 
mée. 

III 

Le 7 septembre, Guillaume II quittait Metz pour se rap- 
. procher de ce qu'il crpyait -être bientôt sa proie. Après 
avoir passé la Seille, il s'avançait sur la route de Château- 
Salins à Nancy et mettait pied à terre pour attendre les 
événements (3). A Metz, dès le matin de ce jour, anni- 
versaire du service fondé par M* r Dupont des Loges en 
mémoire de nos morts (1870-1871), le maire, en habit, 
attendait le moment d'annoncer la victoire de Nancy. La 
matinée se passa dans cette attente. Le fonctionnaire se 
fit remplacer par un adjoiïit pour aller déjeuner, puis 

(1) D'après Hanotaux, VI, p. 89, elle comprenait la 8 9 brigade 
bavaroise active, les 67 e et 130 e régiments de réserve. 

i?) La grande guerre sur le front occidental, III, p. 233. 

(3) D'après Hanotaux, VI, p. 90, il observait soit de la corne nord- 
est du bois Morel, soit des hauteurs d'Eply, soit de la côte des 
Er van tes. 



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172 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

reprit son poste qu'il garda fidèlement jusqu'au soir, non 
sans provoquer les sourires discrets de ses administrés {1). 

De notre côté, des reconnaissances d'avions et des rap- 
ports d'observateurs signalaient bientôt de gros mouve- 
ments dans Tes lignes ennemies. Les troupes disponibles 
semblaient converger en face du mont d'Amance, tandis 
que, devant notre droite, l'ennemi était devenu moins 
actif. Son artillerie même se taisait. Il en était à peu près 
de même vers Sainte-Geneviève, Bezaumont et Loisy, que 
les Allemands n'occupaient pas plus que nous dans la 
journée du 7. Le 232 e .(117 e brigade) continuait de tenir 
le Signal de la Vierge et Landremont, non sans être 
exposé à se voir déborder vers sa gauche et même. enve- 
lopper. Il est bizarre assurément que l'ennemi n'ait pas 
mis à profit la défaillance d'une partie du 3i4 e pour faire 
tomber entièrement la position de Sainte-Geneviève. 
Après les trois assauts infructueux du 6 septembre et de la 
nuit du 6 au 7, son moral s'affaissa brusquement sans 
doute et cet affaissement n'est pas exceptionnel chez lui. 
Etait-ce le résultat d'une discipline brutale qui cessait 
d'agir quand la tension devenait trop grande? Etait-ce le 
fait de la surprise causée par une résistance inattendue (2) ? 

L'action de nos adversaires se localisa en face du mont 
d'Amance, où ils voulaient sans doute faire une trouée. 
Dans la matinée du 7, le bombardement redoubla; des 
batteries tiraient de la ferme des Ervantes, de Rozebois, 
de l'intervalle entre le bois de la Grande - Goutte et 
Sornéville, derrière les fours à chaux de Brin, sur la 
Seille. Leurs obus atteignaient Amance, Laître, Dommar- 
tin, Moulins-sous-Amance et même Àgincourt (3). Une 

(1) Choses vues à Metz pendant la guerre, loc. cit., p. 357. 

(2) Général Malleterre, loc. cit. Cf. l'Illustration, i4 janvier i£i5. 

(3) Hanotaux, VI, p. 94. 



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LA BATAILLES DE NANCY LES 6 ET 7 SEPTEMBRE 178 

puissante attaque partie de Brin mettait en action, dit-on, 
une brigade active (1), quatre bataillons appartenant à 
différents régiments de réserve, un régiment d'artillerie 
et huit batteries lourdes établies sur la rive droite de la 
Seille. 

Cette offensive portait sur le défilé de- La Bouzule. A la 
58 e division, le 206 e perdait son lieutenant-colonel, Venot, 
et ses deux chefs de bataillon. Après avoir échoué dans 
une attaque sur la forêt de Champenoux, il était rejeté sur 
la ferme de La Fourasse. De même, le 212 e (5 e bataillon) 
reculait sur Velaine et le château du Tremblois. Un. peu 
après 11 heures, le général Léon Durand, redoutant une 
rupture plus complète, envoyait à la 68 e division v les seules 
réserves dont* il disposât, le groupe cycliste et deux bat- 
teries de la. 2 e division de cavalerie. Les cyclistes, à Sei- 
champs, servaient de soutien. Les batteries s'établissaient 
au nord-ouest de Laneuvelotte, vers la cote 236. 

Ces précautions n'étaient pas superflues car, dans 
l'après-midi, le 6 e bataillon du 212 e quittait définitivement 
la forêt de Champenoux. Ce régiment, fort éprouvé, 
ayant perdu le lieutenant-colonel Courtance, mortelle- 
ment frappé, se ralliait à Seichamps, couvert par le 257 e . 

Le 3.44 e était à sa droite, face à Erbéviller. Il ne tardait 
pas à se trouver dans une situation d'autant plus difficile 
que les 279* et 237 e , à sa droite (70* division), cédaient 
peu à peu sous la «pression de l'ennemi. Vers i5 heures, 
ce dernier se faufilait dans la clairière au sud-ouest d'Er- 
béviller. A 16 h. 3o, pour ne pas être encerclé, le lieute- 
nant-colonel Gros se résignait à la retraite sur la lisière 
ouest de la forêt. Avec le 160 e , il prenait encore part à 



(1) Les i5* et 17 e régiments, cités par M. Hanotaux, ibid., p. 95, 
ne font pas partie de la même brigade. De même pour les i5 e et 17 e 
bavarois. 



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1 74 L * CRAÎNDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

une contre-attaque (19 heures), sarns succès. Il refluait 
ensuite sur Vejaine. 

Tandis que la i36 e brigade subissait ainsi de violentes 
attaques, la i35 e , au nord, perdait la ferme de Quercigny 
et les bois ^voisinants (1). 

Le général de Castelnau se rendait compte de l'impor- 
tance des efforts ennemis vers le ment d'Amance. Partout 
ailleurs, l'ennemi semblait attendre le résultat de cette 
attaque pour. s'engager plus avant. 



IV 



Dans ces conditions, le commandant de la 2 e armée 
prescrivait au 20* corps de faire sentir son action vers 
Rémérévillc, de façon à dégager la droite des divisions 
de réserve. De même, le 16* corps devrait fixer l'ennemi 
devant lui. 

Les Allemands mirent quatre heures, dit-on, à traverser 
la forêt de Champenoux, au sud de la route de Château- 
Salins. Tout ce qui tenta d'en déboucher fut fauché par 
le 75, par les mitrailleuses ou par les feux d'infanterie, 
quand il ne fut pas rejeté sous bois par de violents 
retours offensifs des régiments de réserve. Nous avions 
d'ailleurs quelques pièces lourdes (2), mais fort infé- 
rieures en portée, en calibre moyen et en nombre à celles 
des Allemands. Durant plusieurs heures, leur feu fut donc 



(1) Colonel Bujac, loc. cit. 

(2) Selon M. Hanotaux, VI, p. 96, quatre 120 L. sur Cingoli au 
col de Serrières, huit i55 L. sur le plateau d'Amanoe, douze 120 L. 
sur plates-formes au plateau de La Rochette, quatre 120 L. au- Ram- 
bêtant, quatre 95 sur l'arête de Pulnoy. 



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IA BATAILLE DE NANCY LES 6 ET 7 SEPTEMBRE I7Ô 

neutralisé au plateau d'Amance. L'ennemi, tira, dit-on, 
plus de 3o.poo obus (i) en quarante-huit heures. 

Dans l^près-midi, nos pièces lourdes reprirent le feu 
sur Tordre du commandement. L'artillerie des 68 e , 64 e 
divisions, les deux batteries à cheval, la batterie de 95 de 
Pulnoy intervinrent activement. Néanmoins, à la gauche 
du 20 e corps, la 39 e division, fortement pressée, dut éva- 
cuer les hauteurs à l'ouest de la route de Drouville, Cour- 
bessaux; la 70 e division, à sa gauche, perdait également 
du terrain; chassée du bois de Velaine, elle se repliait sur 
Cercueil. De « partout », le général de Castelnau recevait 
des avis inquiétants. Nos avions confirmaient l'entrée 
d'une division au moins dans la forêt de Champenoux. 
L'infanterie bavaroise gagnait du terrain à l'est de Lenon- 
court, en face de la brigade coloniale, malgré des rafales 
de 75. Nos soldats escaladent les parapets de leurs tran- 
chées et se jettent sur l'ennemi à la baïonnette. Ils sont 
submergés par le flot gris-vert et se replient : « Alors, de 
nos tranchées fumantes, un être 'humain surgit, haute 
statue pâle en robe noire. La main droite élève un crucifix 
d'argent, la gauche est tendue vers l'est, face au devoir. 
Un crépitement de fusillade et des huées barbares accueil- 
lent l'apparition providentielle. Mais nos soldats s'arrê- 
tent, stupéfaits.... Sous la bénédiction muette de l'immo- 
bile statue, ils bondissent dans les rangs ennemis qui 
fléchissent, tourbillonnent, se désagrègent. La Marseillaise 
emplit l'espace... » (2). 

Devant la gravité de la situation, le général de Castel- 

n i 1 1 m 1 , ■ 

(1) Ces évaluations sont fort sujettes à caution, car il est matérielle- 
ment impossible de dompter les éclatements quand le bombardement 
est violent. Seul l'ennemi sait ce qu'il a tiré. 

(2) Christian-Frogé, p. i45-i£6. Ce prêtre inconnu fut mortellement 
atteint. : 



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I76 LA GRANDE GUERRE SÛR LE FRONT OCCIDENTAL 

nau croyait devoir grouper les forces disponibles en un 
détachement qu'il confiait au général Ferry, l'un des bri- 
gadiers du 20* corps. Il faisait rassembler deux bataillons 
de la 11 e division (un du 69 e et un du 79*), les 4i e et 43* 
colonial chacun à deux bataillons, le 44 e bataillon de chas- 
seurs, les 226 e et 36o* régiments de réserve, à deux batail- 
lons également (1); trois groupes de 75 (artillerie de corps 
du 20 e corps), deux groupes de 120, un escadron du 5 e 
hussards, une compagnie du génie. Ces troupes étaient 
réparties entre Lenbncourt (quartier général), Cercueil, 
Voirincourt, Le Tremblois; leur mission, de.contre-atta- 
quer Tehnemi qui aurait débouché du bois de Velaine, en 
refoulant la 70* division. Le général Ferry donnait des 
ordres en conséquence. 

Mais une certaine confusion se produisait du fait de 
Tétat-major de la s 6 armée, qui n'avait pas spécifié sous 
les ordres de qui était placé ce groupement. Il en reçut 
donc à la fois du général Balfourier, commandant Je 20 e 
corps, et du général Léon Durand, commandant le 2 e 
groupe de divisions de réserve. 

La soirée du 7 septembre étant avancée déjà lors de 
la constitution du détachement, il gardait ses emplace- 
ments en se couvrant d'avant-postes 



A la fin du jour, le 20 e corps tenait au nord du Sanon 
le front Crévic, Haraucourt, Tour-de-Domèvre, bois d'Ha- 
raucourt, lisière est de la forêt Saint^Paul. Au sud, la 74 e 



(1) Le 44° bataillon était à la disposition du général Ferry du 7 
au 10; les 226° et 36o e du 10 au i3 seulement. La composition de ce 
détachement donnée par M. Hanotaux, VI, p. 96, est inexacte. 



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LA BATAILLE DE NANCY LES 6 ET 7 8BPTEMBRE I77 

division et le 1 6 e corps avaient continué de gagner lente- 
ment du terrain à l'est de la Mortagne. 

Ainsi la journée se résumait en quelques progrès à 
notre droite, un recul marqué au centre, un combat indé- 
cis à l'extrême gauche (i). Mais l'ennemi avait progressé 
le long de la Moselle, ainsi que vers Rosières-en-Haye, au 
nord-est de Toul. Le général en chef prescrivait à la 
2 e armée de porter immédiatement ce qui restait de la 
2 e division de cavalerie dans la Woëvre (2),' vers Beau- 
mont, avec mission de reconnaître les forces allemandes 
qui semblaient se porter de la Moselle vers Saint-Mihiel. 

Un incident grave était survenu dans cette même* jour- 
née du 7 septembre, à l'état-major de la 2 e armée. Le 
commandant de la i re , général Dubail, la savait violem- 
ment attaquée à l'est de Nancy, Il n'ignorait pas, sans 
doute, qu'à deux reprises il avait été question d'une, 
retraite sur le front Belchamp, forêt de Haye. Or, ce 
mouvement éventuel, indépendamment des conséquences 
qu'il pourrait avoir pour la situation d'ensemble, présen- 
terait pour la i re armée* des inconvénients tout particu- 
liers. . 



(1) L'ennemi brûlait presque tous les immeubles de Réméréville, 
sous un prétexte inconnu (Le Livre rouge. Les atrocités allemandes, 
p. 45). - 

D'autres villages des environs x de Nancy furent le théâtre de scènes 
analogues. A Crévic (22 août), 76 maisons furent brûlées, dont celle 
du général Lyautey. Les Bavarois réclamaient à grands cris « M™ et 
M 1 * Lyautey pour leur couper le cou 1 » A Domèvrc (24 août), trois 
personnes furent massacrées et i36 maisons brûlées. A Hériménil (29 
août), les habitants furent tenus groupés dans l'ég'ise pendant quatre 
jours, pour qu'ils fussent plus aisément atteints par nos obus, au 
propre 'dire d'un capitaine allemand. Cet individu fît fusiller quatre 
personnes, dont deux femmes, qui n'allaient pas assez vite à l'église, 
d'autres pour ne pas s'y être rendues; vingt-quatre personnes furent 
tuées par un obus dans cet édifice, 22 maisons brûlées au pétrole 
(Lç Livre rouge. Les atrocités allemandes, p. 3g, 4?, 44). 

(2) Une brigade légère était partie avec la 10 e division pour l'Ouest 
(V. supra, p. i46). 

La grande giienv, IV. 12 



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Fj8' LA GRANDE GUERRE SUH L£ FBOUT OCCIDENTAL 

En effet, le recul de l'armée Gastelnau placerait l'armée 
Dubail dans l'alternative suivante : ou suivre la 2 e armée 
dans sa retraite, en restant liée à sa droite, et alors c'était 
l'abandon de la Franche-Comté et l'enveloppement pro- 
bable de la droite de nos armées; ou résister dans la 
région Epinal, Belfort, avec la perspective d'être coupé 
de la 2 e armée et acculé à la frontière suisse. Dans les 
deux cas, c'était risquer une catastrophe. 

Ces graves considérations amenèrent le général Dubail 
à une intervention directe auprès du général de Castel- 
nau. Un officier de son état-major, le commandant D..., 
fut envoyé au quartier général de la 2 e armée, avec mis- 
sion d'insister auprès du commandant de cette armée afin 
qu'il tînt coûte que coûte dans ses positions présentes (i). 

Le commandant D..., arrivé à Neuves-Maisons, le 7 
août, y trouva le général de Casteinau profondément 
déprimé. Le général venait d'apprendre la mort glorieuse 
d'un de ses fils. En même temps, on lui annonçait l'éva- 
cuation de la hauteur de Sainte-Geneviève par le bataillon 
du 3i/i e qui était chargé de la défendre. Le chef d'état- 
major de la 2 e armée, général Anthoine, avait déjà pré- 
paré Tordre de retraite générale et se disposait à enjoindre 
aux autorités civiles d'évacuer Nancy. 

Le commandant D... fit valoir la gravité de ces déci- 
sions et leurs répercussions probables sur l'ensemble des 
opérations, ainsi que sur l'armée Dubail. Le général de 
Casteinau répondit qu'il n'y pouvait rien, que les Alle- 
mands, maîtres de Sainte-Geneviève, bombarderaient 
Nancy et s'en empareraient quand ils voudraient. En 
même temps, le général Anthoine vantait les avantages 



(1) Une allusion à ce fait a été* faite par le commandant G. V., 
«Tans l'article de la Revue que nous avons plusieurs fois cité, p. 3o. 



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LA BATAILLE DE NANCY LES 6 ET 7 SEPTEMBRE I79 

de la position Saffais, Belchamp, sur laquelle la résistance 
serait facile. * 

Une' heureuse inspiration vint au secours du comman- 
dant D..., qui avait épuisé les arguments. Il fît remarquer 
que notre évacuation de la hauteur Sainte-Geneviève 
n'impliquait pas nécessairement sa prise de possession 
par l'ennemi. 

L'ordre de retraite était prêt. Les épreuves dactylogra- 
phiées n'attendaient que la signature du général de Cas- 
telnau. D... supplia cet officier général d'envoyer un offi- 
cier à Sainte-Geneviève pour vérifier le*. bien-fondé de sa 
supposition.. Le commandant de la 2 e armée y consentit 
de guerre lasse et apprit ainsi, non sans surprise, que les 
Allemands n'étaient pas à Sainte-Geneviève. Il donna 
l'ordre de réoccuper immédiatement cette position (ï), 
qui ne devait plus être attaquée. On renonçait en même 
temps au mouvement rétrograde qui avait été préparé. 
Ainsi la conservation de Nancy était due, avant tout, à 
l'intervention instante du général Dubail. 

M. F. Engerand a publié récemment (2), à propos de 
ces événements, une comparaison intéressante entre les 
commandants des i re et a 6 armées. Du général Dubail il 
célèbre la « grande énergie, la volonté indomptable », 
telles qu'elles ressortent de la glorieuse citation qui lui 
fut conférée. Ce fut, dit-il, un exécutant sans rival. Par sa 
tournure, par son attitude, il rappelait les plus énergiques 
des généraux du II e Empire, dans leurs^ons jours. C'était 
le zouave, l'entraîneur d'hommes, un « guerrier de Cor- 
neille »* fait pour braver tous les obstacles. 

Le député du Calvados trouve une complète opposition 

d) V. supra, p. 170. 

(9.) Le drame de Ch^rleroi, Correspondant du 10 avril 191 8, p. 23 1- 
a33. 



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l8o LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

entre le général Dubail et le commandant de la 2 e armée. 
Si le premier a quelque chose de Cornélien dans sa ma- 
nière d'être, « Castelnau, c'est Racine ». C'est « le modèle 
des vertus privées »; il supportera, sans faiblir, le poids 
de deuils écrasants. Mieux que personne, il connaît notre 
armée et la frontière sur laquelle il a été appelé à com- 
battre. Chez lui, le caractère n'est pas à la hauteur des 
autres dons de l'esprit : « Il fera des observations sur un 
programme, mais dans la mesure conciliable avec le res- 
pect de la hiérarchie, car c'est un respectueux; au sur- 
plus, la formation catholique lui a donné le goût de l'hu- 
milité comme de la résignation... ». Peut-être y a-t-il des 
réserves à faire sur ces derniers points; quant au reste de 
ces appréciations, il paraît d'une grande justesse. Rap- 
prochons-les des suivantes, dues à un de nos anciens com- 
mandants d'armée : « Prenant et sympathique au premier 
chef, d'esprit juste et large, mais abdiquant toute person- 
nalité devant [le général] Joffre (plan de concentration, 
création de l'artillerie lourde, etc.) et se laissant impres- 
sionner par les événements, au point d'avoir la retraite 
trop facile (La Meurthe, Péronne, Chaulnes). Il lui man- 
que la ténacité ». On voit que ces deux portraiis ont plu- 
sieurs points communs. Peut-être sera-t-il permis d'ajou- 
ter que les faits survenus en Lorraine du 23 août au 
7 septembre n'indiquent pas chez le commandant de la 
2 e armée l'énergie et la persévérance qu'ils attestent chez 
le général Dubail. Dans l'étude que nous avons plusieurs 
fois citée, le commandant G. V. ne célèbre-t-il pas, à 
propos de l'incident du 7 septembre, cette « lutte tragique 
où la vision claire et l'énergie d'un vrai chef réussissent 
à l'emporter sur un fatalisme » (1) au moins dangereux 
en de telles circonstances? 



1) Revue y loc. cit. 



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CHAPITRE XVI 

LA BATAILLE DE NANCY 
LES 8 ET 9 SEPTEMBRE 

La bataille à la 68 e division (8 septembre). — Le détachement Ferry. 
— Réoccupation de Sainte-Geneviève. — La 2 e division de cavale- 
rie. — Le fort de Troyon. — La 74 e division à Rehainviller. — Le 
16 e corps. — Le 8 septembre à Metz. -— Le 9 septembre au 20 e 
corps. — La 68 e division. — Bombardement de Nancy. — Offensive 
du 16 e corps. — La bataille à "-l'aile gauche. — La 2 e division de 
cavalerie. , 



I 

. Le 8 septembre, l'offensive allemande continuait sur le 
GrancKiouronné, mollissant peu à peu (1), bien que le 
bombardement durât encore. 

Dans la nuit du 7 au 8, nos adversair.es tentaient de 
nouvelles attaques sur le front du 20* corps. Ils se jetaient 
sur le bois de Crévic, sur Haraucourt, sur la forêt Saint- 
Paul, sans aucun succès. Une autre attaque sur le bois 
d'Haraucourt (6 heures) échouait également. 

Aux deux ailes, les Allemands ne prenaient aucune 
initiative. A gauche, ils se bornaient à canonner Sainte- 
Geneviève, Bezaumont, Leyr. A l'aile opposée, c'est le 
16 e corps qui les attaquait, comme nous le verrons. 



(1) Christian-Frogé\ op cit., p. i47î Hanotaux, VI, p. 99. 

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l82 LA GRANDE GUERRE «UR LE FRONT OCCIDENTAL 

Le général de Castelnau avait donné Tordre de repren- 
dre l'offensive sur tout le front du Grand-Couronné. 
Après s'être reconstituées pendant la nuit, les divisions 
de réserve reprirent le combat des pentes est du Mont 
d'Amance vers la forêt de Champenoux. Dans la matinée, 
la 68 e division était renforcée par un détachement de la 
64* sous les ordres du lieutenant-colonel Roussan : un 
bataillon du 286*, neuf compagnies des 202 e et 275 e , 
arrivés à •Laneuvelottc.' Il prenait l'offensive suivant l'axe 
Velaine, Champenoux et, dès 8 heures, atteignait la tran- 
chée médiane de la forêt. Des fractions du 262 e poussaient 
même jusqu'à la lisière est. Ce suetès pe durait pas et i4 
fallait se retirer lentement sur Cercueil, où le détache- 
ment arrivait entre 21 et 22 heures. 

Au nord, le bataillon du 286 e enlevait (iâ heures) la 
maison forestière voisine de la ferme de La Bouzule. Ceux 
du 206 e , bien que réduits à cinq compagnies, s'emparaient 
de la halte du même nom. Au sud, le 344 e , longtemps 
retenu autour de Velaine par un bombardement intense, 
entamait vers midi seulement un mouvement sur Erbé- 
viller. Il échouait dans cette attaque et, le soir venu, se 
reformait à la ferme de Voirincourt, entre Velaine et 
Pulnoy. Enfin, dans le secteur de la i35 e brigade, le 234 e 
tentait de reprendre la ferme de Quercigny. L'ennemi 
répondait par une menace d'enveloppement qui, vers 
19 heures, nous obligeait à la retraite sur l'auberge du 
Cheval Rouge, à l'est d'Ecuelle (1). 

Les mouvements rétrogrades opérés par la majorité de 
ces troupes résultaient d'une violente attaque sur le Mont 
d'Amance, sans doute par l'ordre du kaiser. On vit l'en- 
nemi sortir de la forêt de Champenoux aux sons des fifres 

(1) Colonel Bujac, loc. cit. 



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LA BATAILLE DE NANCY LES 8 ET 9 SEPTEMBRE l83 

et des musiques. Il marcha ainsi sur nos tranchées, en 
dépit des pertes provoquées par le fusil, par la mitrail- 
leuse, par le 75 et par le i55. Il fut accueilli par une 
contre-attaque à la baïonnette : « Nos soldats étaient épui- 
sés, hagards, soutenus par leurs âmes. Ils n'avaient plus 
le temps de manger.... Ils n'espéraient plus survivre. Ils 
s'exposaient comme des, immortels ». Souvent l'artillerie 
devait cesser le feu, tant nous étions enchevêtrés avec 
)| 'ennemi (1). 

Ce dernier ne parvenait pas à pousser jusqu'au som- 
met du Mont d'Amance, bien qu'il eût occupé un instant 
les fermes de La Fourasse et de Fleur-Fontaine. Il subissait 
des pertes terribles. Des régiments, des brigades auraient 
disparu (2). 

A 5 h. 3o, le détacheipent Ferry avait reçu du général 
Léon Durand l'ordre impératif de contre-attaquer sur le 
front Courbessaux, Velaine. Il se rassemblerait d'abord à 
Cercueil. Cet ordre était exécuté, mais le rassemblement 
se voyait aussitôt pris sous un violent, bombardement. Le 
général Ferry jugeait nécessaire de prendre du champ et 
reportait ses troupes vers la cote 252, entre le bois du 
Grand-Saint-Phlin et le bois Brouillard, au sud-ouest de 
Cercueil. 

^ Sur les entrefaites, il recouvrait une pleine liberté d'ac- 
tion. Un' ordre du général de Castelnau constituait ce 
groupement en « réserve d'armée » et interdisait d'y faire 
aucun prélèvement. Le commandant de la 2 e armée allait 
même jusqu'à « déléguer » au général Ferry « la décision 



(1) M. Barrés, Voyages de Lorraine et d'Artois, p. 28, cité par 
Hanotaux, VI, p. 100. 

(2) Nous ramassions, dit-on, 4o.ooo plaques d'identité devant le 
Grand-Couronné (Ch. de Souza, La défaite allemande, p. 216, cité 
par Hanotaux, VI, p. 100). 



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l84 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

d'employer sa brigade (sic) au mieux, dans la direction 
qui lui paraîtrait la meilleure, quand il serait exactement 
orienté sur la situation générale ». A cet effet, le général 
Ferry devrait « se tenir en liaison avec lp 20 e corps et 
avec le 2 e 'groupe de divisions de réserve ». 

On voit que cette délégation excédait singulièrement 
les habitudes. Il semble même quelle dépassât ce qu'exi- 
geait une saine compréhension des faits. Le détachement 
Ferry constituait, en effet, la réserve de l'armée. Nul autre 
que le commandant de cette armée ne pouvait juger des 
meilleures conditions de son emploi. Les pouvoirs excep- 
tionnels accordés au général semblent confirmer qu'un 
certain désarroi régnait alors à l'état-major de la 2 e armée. 



II 



Cependant, la situation restait à peu près la même dans 
la partie nord du Grand-Couronné. Le canon allemand 
continuait de retentir à Dieulouard et au bois de Cuite; 
les obus tombaient nombreux au Signal de la Vierge et 
à Landremont, sur le 232 e . Dans la matinée du 8 septem- 
bre, un bataillon du 3i4 e repartait pour Ville-au-Val et 
Bezaumont et la 117 e brigade se tenait prête à réoccuper 
le reste de la position évacuée. Une batterie de 120 court 
sur Cingoli, jusqu'alors au col de Sivry, était transportée 
sur la hauteur de la Grande-Garenne, au nord de Custi- 
nes, pour aider à la défense du secteur nord vers la 
Moselle. A i4 heures survenait un nouvel ordre de la 
2 e armée : il fallait porter deux des régiments de la bri- 
gade en réserve à Faulx-Saint-Pierre. Il ne resterait plus 
dans le sous-secteur nord que le 232 e et un groupe du 33*. 



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LA BATAILLE DE NANCY LES 8 ET 9 SEPTEMBRE l85 

Le mouvement des 3 1 4 e et 325 e était opéré dans la nuit. 
Une dépêche arrivée à 22 heures mentionnait l'arrivée du 
Kaiser à Metz et la probabilité d'un redoublement d'offen- 
sive, nouvelles qui retardaient de quarante-huit heures 
au moins et qui avafent cessé d'être exactes. Ainsi, en 
toute occasion, se révélait l'insuffisance de notre service 
de renseignements. Nous aurons trop souvent à la déplo- 
rer dans la suite. 

Dans la Woëvre, la 2 e division de cavalerie n'avait ren- 
contré aucun ennemi au sud de la ligne Sa*onnières, 
Heudicourt, Nonsard, Pannes, qui court de l'ouest à l'est un 
peu au nord de Saint-Mihiel. Mais on apprenait par télé- 
phone, du gouverneur de Toul, que le fort de Troyon (1), 
le premier des Côtes de Meuse au nord de cette ville, avait 
été canonné dans la matinée du 8; des forces importantes 
d'infanterie et d'artillerie étaient en marche de Pont-à- 
Moussoh vers l'ouest. On pouvait croire qu'elles se por- 
. taient vers la Meuse, en utilisant la trouée qui correspond 
au Rupt-de j Mad. Elles déboucheraient ainsi vers Saint- 
Mihiel. Or, à cette date du 8, la 3 e armée tenait le front 
Vavincôurt, Vaubécourt, Fléury-sur-Aire. L'aipparition de 
l'ennemi derrière sa droite eût été d'un effet dangereux. 

Le général de Castelnau proposait donc au général en 
chef de porter à Saint-Mihiel une brigade mixte de la 
73 e division. Cette suggestion était approuvée. Six batail- 
lons et trois batteries quittaient la 2 e armée pour être 
transportés sur cette ville, où ils arrivaient le 9 septem- 
bre (2). 



(1) Ainsi que nous l'avons fait remarquer (La grande guerre sur 
le front occidental, II, p. 45), le fort de Troyon commandait la vallée 
de la Meuse et non la Woëvre, comme il eût été nécessaire. Au sujet 
de sa défense, cf. V Illustration, 9 janvier 191 5. 

(2) Hanotaux, VI, p. io4. 



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l86 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

A la droite de la 2 e armée, la 74 e division attaquait 
Rehainvtller le matin du 8 et s'en emparait à 10 heures, 
pour le perdre presque aussitôt (11 heures). Elfe y rentrait 
à i5 heures et progressait même sensiblement dans les 
bois au sud. Toutefois elle perdait à la nuit une fraction 
de ses gains (1); la partie nord-est de Rehainviller était 
même réoccupée par nos adversaires. 

Quant aux 3i* et 32* divisions (16 e corps), à la fin de 
la journée, elles tenaient la lisière nord du bois de la 
Reine, dtnsi que celle du bois de Bareth, à portée d'atta- 
que du réduit ennemi (bois de Fréhaut, les Àbouts); elles 
avaient pénétré dans le bois du Fay, vers Fraimbois. Les 
Allemands nous abandonnaient, sans combat, une partie 
de leurs tranchées le long de la Mortagne (2). 

En somme, la journée du 8 nous était favorable err 
Lorraine. L'empereur, déçu, revenait à Metz dans la soi- 
rée. La matinée s'y était passée sans nouvelles; le maire 
n'avait pas repris son poste de la petite table. Depuis 
quarante-huit heures, la Mutte restait muette. Vers 
16 heures, les Messins eurent sous les yeux un spectacle 
qui leur fit oublier les misères passées. Une partie des 
troupes allemandes rentraient à Metz : « Et dans quel 
état, grands dieux! En loques, sans casques, tous n'avaient 
plus de fusil (3); à la débandade, ils déambulaient dans' 
les rues, mendiant un morceau de pain, un peu d*eau, 
une poire, une grappe de raisin. Le défilé dura trois heu- 
res y tout aussi lamentable. Après l'infanterie, ce fut la 
cavalerie également désemparée, puis l'artillerie au maté- 
riel détérioré.... Rue du Petit-Paris, j'ai vu un capitaine 



Ci) Hanotaux, VI, p. io4. 

h) Tm Victoire de Lorraine, p. 33; Ha nota ux, p. 106. 

(3) L'auteur veut dire sans doute « ils n'avaient plus tous de fusil ». 



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LA BATAILLE DB NANCY LES 8 ET 9 SEPTEMBRE 187 

arracher des mains d'ufr artilleur le morceau de pain 
qu'il portait à sa bouche et le dévorer sans fausse 
honte... » (1). 



III 



En dépit de ces symptômes, la bataille reprenait le 
lendemain 9 septembre, sur un front très étendu. Au 20 e 
corps, depuis la veille au soir, la 70 e division (i/io e bri- 
gade, général Gouget) essayait de tourner vers le sud la 
forêt de Champenoux et son prolongement la forêt Saint- 
Paul. .La i$(f brigade, colonel Grange, renforcée de deux 
bataillons de la 11 e division, combattait entre Buisson- 
court et le bois de Haraucourt. Dans cette partie du front,- 
Faction restait indécise. Au sud, la 39 e division gagnait 
un peu de terrain entre le Sanon et la Pissotte. 

Dans la matinée du 9 septembre, le détachement Ferry 
recevait un premier ordre portant qu'il devrait se tenir 
prêt à combattre vers Cercueil ou vers Buissoncourt, à 
l'appui d'une attaque possible de la 70 e division sur le 
bois d'Haraucourt. Il pourrait également être conduit à 
contre-attaquer dans les conditions qui lui avaient été 
primitivement fixées. Le commandant de la 2 e armée 
spécifiait cette fois que le commandant du 20 e corps aurait 
à coordonner les actions du détachement Ferry et de la 
70 6 division. 

Par suite, le général Balfourier donnait au détachement 
des instructions en vue d'une attaque éventuelle sur la 



(1) Choses vues à Metz pendant la guerre, Bévue hebdomadaire, 
décembre *9i5, p. 357-558. 



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l88 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

forêt Saint-Paul et Réméréville, ou sur Cercueil. Il faisait 
connaître que la 68 e division, renforcée d'un régiment de 
Toul, attaquait vers La Bouzule; l'ennemi se rassemblait 
en forces vers Réméréville, Erbéviller. 

Le détachement Ferry se formait « en rassemblement 
articulé » (i) dans la zone bois de Froideterre, bois de 
Salvitan, ouest de Buissoncourt. Aucune attaque des Alle- 
mands ne se produisant sur son front, il stationnait, le 
soir venu, à Lenoncourt (quartier général), dans les bois 
du Grand-Saint-Phlin et Brouillard, dans la ferme de 
Bois-le-Duc. 

Pendant la nuit du 9 au 10, aucun incident ne se pro- 
duisait sur le front Buissoncourt^ bois d'Haraucourt. Mais 
les Allemands attaquaient la forêt Saint-Paul, que nous 
étions forcés d'évacuer, et même le bois de Velaine. Notre 
ligne principale de défense restant intacte, le général 
Ferry jugeait à propos de ne pas encore opérer sa contre- 
attaque. L'artillerie du détachement, seule, appuierait la 
résistance et les retours offensifs de la 68 e division. 

Cependant, au nord des positions du 20 e corps, la 
contre-offensive allemande s'accentuait. Vers i3 heures, 
après une vigoureuse résistance, le 206* rétrogradait sur 
la halte de Laître. Le bataillon du 286 e , commandant 
Rivaà, était cerné au bois de Velaine. Il se formait en 
carré et tenait bon, malgré toutes les ruses qu'employaient 
les Allemands pour abattre sa résistance, sonneries fran- 
çaises de clairons, appels en français. Après une lutte de 
trois longues heures, il se faisait jour à la baïonnette, se 



(1) Dans le jargon du jour, rassemblement articulé veut dire un 
rassemblement qui n'en est pas un. Au lieu d'être groupées cote à 
côte, les unités secondaires sont réparties sur une grande surface, 
de façon à éviter les pertes et à faciliter les mouvements de rupture. 



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XA BATAILLE DE NANCY LE8 8 ET g SEPTEMBRE l8§ 

repliant sur Velaine et la ferme du Tremblois. Il n'avait 
plus que cinq officiers (i). 

Les régiments de la i36 e brigade, à bout de forces, 
reculaient également. Il fallait les relever (23, heures) par 
un régiment de marche arrivé de Toul sous les ordres 
du colonel Brault : deux bataillons du 168 e , un (Ju 169 e , 
tous deux régiments de place. Il s'établit de Lattre à la 
cote 262, le château du Tremblois, Velaine. Les 267 e , 
345 e , 212 e se reportaient à Essey et à Dommartemont; le 
206 e ralliait la i35 fl brigade (2). 

Ainsi, à Test du Mont d'Amance, notre échec était sen- 
sible. Nous perdions le défilé de l'Amezule, si longtemps 
disputé/ Sans doute pour affirmer son succès et en accroî- 
tre la portée morale, dans la soirée, après un violent 
orage, l'ennemi bombardait pour la première fois Nancy 
et ses faubourgs de l'est. Il s'agissait uniquement d'une 
batterie en position à l'ouest de Réméréville. Elle tira 
8j obus entre 12 h. 10 et 1 h..5o (heure allemande) (3). 
Le résultat moral fut nul, le résultat matériel assez mar- 
qué (4). 

La 1™ armée avait fait connaître l'intention de repren- 
dre l'offensive avec les 8 e et i3 e corps. Le général Taverna 
donnait donc l'ordre de pousser vivement sur la rive 
droite de la Mortagne. La 74 e division achevait de pren- 
dre Rehainviller et son cimetière. Elle préparait l'attaque 
d'Hériménjl et de Chaufontaine, aux portes même de 
Lunéville. Mais, là encore, elle se heurtait à une forte 



(1) Général Malleterre, I, p. io4; Hanotaux, VI, p. 107. 
(a) Colonel Bujap, loc. cit. 

(3) Hanotaux, VI, p. 107, d'après le carnet du capitaine allemand 
Metzîer, reproduit par Berlet, Réméréville. 

(4) Cinq femmes ou jeunes filles tuées, treize blessés (Le Livre 
'rouge. Les airocités allemandes, p. 27). 



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19O LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIBEjXTAL . 

ligne de tranchées. Au sud d'Hériménil, la colline 278 
était prise et reprise trois fois, sans que notre succès se 
dessinât plus nettement (1). 

Au sud, la 3a e division s'emparait de la ferme des 
Abouts, à Test du bois de Bareth; elle ne pouvait s'y 
maintenir sous le feu des pièces lourdes de la forêt de 
Mondon, mais l'ennemi n'y rentrait pas. Quant à la 2>i\ 
elle ne parvenait pas à déboucher dans la clairière de 
Fraimbois (s). 

A l'aile opposée de la 2 e armée, le 9 septembre, le 232 e 
et trois batteries continuaient de tenir la position de 
Saifite-Gencviève et la cote 87/1 en arrière, de la façon" la 
plus insuffisante vu l'étendue à occuper (3). Dès quatre 
bataillons portés à Faulx-Saint-Pierre, trois (le 3i4 e et le 
bataillon Doumer du 325 e ) étaiept constitués en détache- 
ment et dirigés sur Essey-les-Nancy et Lay-Saint-Chris- 
tophe, pour être à la disposition du général Léon 
Durand. Ils y étaient rendus dans la soirée du 9, sous les 



(1) Dans un village évacué (Rehainviller ?) , en une maison confor- 
table, l'auteur de la Victoire de Lorraine, observait ce qui suit : « Un 
lieutenant bavarois est assis, mort, entouré d'ordures, d'excréments 
humains, dans le tiroir ouvert d'une commode ancienne. Ses culottes 
sont rabattues sur ses bottes. Sa tête et ses épaules penchées tombent 
sur la poitrine vers les jambes. II est dans une posture ignoble, gro- 
tesque, malgré la mort ». Cet individu a été abattu d'un *coup de 
fusil au moment même où il déposait ses ordures dans le tiroir de 
ce beau meuble at sur des dentelles de famille (La . Victoire de Lor- 
raine, p. 4i)< • 

D'après le Livre rouge. Les atrocités allemandes, p. 43, à Reliain- 
viller, le 26 août, vingt-sept maisons furent brûlées par les Allemands, 
le curé et un habitant tués. Ce dernier fut retrouvé la tête à côté du 
tronc, dans sa fosse. 

(2) Hanotaux, VI, p. 110, 

(3) Il y avait une compagnie à Sainte-Geneviève, une demi-compa- 
gnie à Loisy, une demi -compagnie à la cote 390, une compagnie à 
Landremont, une autre à BezaTimont. Le reste du 23s 6 était à Ville- 
au-Val. Le 10, le groupe de 75 Noiwîl partait pour Lay -Saint-Chris- 
tophe et Ecuelle. 



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LA BATAILLE DE NANCY LES 8 ET 9 SEPTEMBRE 191 

ordres du lieutenant-colonel Neltner. La 73° division, «à 
l'ouest de la Moselle, ayant fait savoir qu'elle se portait 
à l'attaque de Dieulouard, l'artillerie de Sainte-Geneviève 
avait l'ordre de concentrer ses feux vers le bois de Cuite 
pour faciliter cette offensive. Ces trois batteries prenaient 
position au nord d'Autreville et près de Villers-Prud- 
homme, d'où elles engageaient, dans la soirée, un assez 
vif combat de feux avec les Allemands, par dessus la 
Moselle. 

Plus à l'ouest, la 2 e division de cavalerie, général 
Varin, avait plusieurs escarmouches avec la cavalerie 
allemande qui couvrait le flanc gauche des troupes en 
marche vers Troyon et Saint -Mihiel, sur la Meuse. 



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CHAPITRE XVII 

FIN DE LA BATAILLE DE NANCY 
(10-13 Septembre) 

Offensive du 10 septembre. — Combats vers la forêt de Champenoux. 
— Le détachement Ferry. — La 74 e division. - — Le 16* corps. — 
Menace allemande vers la Meuse. — Le 11 septembre-. — Retour 
offensif des Allemands vers le Mont d'Amance. — Le détachement 
Ferry. — Le 12 septembre. — La 7 4 e division dans Lunéville. — Le 
16 e corps à Fraimbois. — Le détachement Ferry à Réméréville. — 
Retraite générale des Allemands. — Dislocation de la 2 e armée. — 
Extension de la i w armée. 



I 



Le général de Castelnau doanait, dans la matinée du 
10 septembre, des ordres en vue d'une offensive énergi- 
que-, destinée à déloger l'ennemi des positions d'où il 
bombardait Nancy (1). Peut-être estimera-t-on que c'était 
là un médiocre objectif, qui ne justifiait guère de vio- 
lents efforts. Quoi qu'il en soit, les divisions de réserve 
devaient attaquer la forêt de Champenoux et le défilé de 
La Bouzule; le 20 e corps, Réméréville, et le 16 e , Lunéville. 
On opérerait avec méthode, après une préparation d'artil- 
lerie. 

La fatigue des troupes était extrême à la suite de trois 
semaines de combats presque ininterrompus. On ne lan- 

(1) Un texte officiel s'exprime ainsi : « Des ordres sont aussitôt 
donnés pour une offensive énergique qui délogera l'ennemi des posi- 
tions où il a installé ses batteries ». 



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FIN DE LA BATAILLE* DE NANCY (lO-l3 SEPTEMBRE) ïq3 

çait donc à l'attaque que les éléments relativement frais 
tels que le détachement Ferry, les éléments venus de 
Sainte-Geneviève, un régiment (i43 e ) du 16 e corps, alors 
à Essey-les-Nancy, en réserve générale. Plusieurs grou- 
pes d'attaque étaient constitués avec des éléments àes 
divisions de réserve où de la garnison de Toul et le déta- 
chement Ferry. Le détachement Neltner, <te ïa 59* divi- 
sion, était rendu à 6 heures à l'ouest du Pain-de-Sucre, 
prêt à intervenir, soit dans lardirection de Ghampenoux, 
soit au nord du Grand-Mont d'Amance. A 10 heures, 
après avoir reçu comme, objectifs la ferme de La Bouzule 
et la lisière efct de la forêt de Champerioux, il se mettait 
en mouvement et atteignait la station de Laître-sous- 
Amance, pendant que l'artillerie dirigeait une énergique 
préparation sur les lisières de la forêj^ 

A sa gauche devait opérer le 206 e (68 e division) qu'allait 
prolonger vers; le nord, comme nous le verrons, un nou- 
veau détachement aux ordres du colonel Lambin (1) et 
mis, comme les précédents, à la disposition de la 68 e 
division, chargée d'opérer une attaque générale sur tout 
son front. v 

Au sud de la route de Château-Salins, un autre groupe- 
ment réunissait deux bataillons du 168 e et un du 169 e , 
lieutenant-colonel Brault. Ces deux groupes seraient 
appuyés à droite par des éléments de la 64 e division de 
réserve (286* et 3/i e ' colonial) commandés par le lieute- 
nant-colonel d'Ollonne, l'explorateur bien connu. 

Dans la matinée, notre artillerie entretenait un feu vif 
sur les lignes allemandes, ne provoquant qu'une faible 

(1) M. Hanotaux, VI, p. 110, paraît confondre les détachements 
Lambin et Neltner. Le premier n'eut pas à intervenir le 10 septembre, 
contre ce que semble admettre M. Hanotaux. 

La grande gterre, IV. 13 

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ig4 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

réaction. À n heures seulement, J'attaque était déclen- 
chée. Nps troupes franchissaient la ligne Velaine, château 
du Tremblois, halte de Lâître-sous-Àmance. Deux des 
bataillons du colonel Neltner (i) arrivaient à hauteur de 
la station de La Bouzule, Champenoux, d'où, ils progres- 
saient sous bois, parallèlement à la voie ferrée et à la 
routé. Ils étaient accueillis par des feux venant' de la 
Maison forestière, à 800 mètres au nord-est de la station. 
Un violent combat suivait. Derrière ces deux bataillons, 
le 6 e ldu 3i4 e restait en réserve à la lisière sud-ouest de la 
forêt. Les autres progressaient; .le 5 e du 3i4 e atteignait 
la laie allant de la Maison forestière à 1.200 mètres au 
nord de la station, vers le sud-est. .Le bataillon du 325 e 
prolongeait sa gauche vers la ferme de La Fourasse. Une 
demi - compagnie du génie, adjointe au détachement 
Neltner, s'arrêtait à la Maison forestière, qu'elle organisait 
défensivement. 

Quant au détachement Brault, à droite du précédent, il 
avait abordé, vers i4 h. 5o, la lisière ouest de la forêt de 
Champenoux. Il pénétrait sous le couvert et occupait la 
ferme de La Bouzule, malgré une vive résistance et un 
feu écrasant d'artillerie lourde. À 19 heures, les batail- 
lons de Toul atteignaient la lisière est de la forêt, en face 
de Champenoux. A leur droite, les éléments delà 64 e 
division bordaient seulement laf grande tranchée mé- 
diane, orientée du nord-ouest au sud-est (2). 

L'ennemi s'était hâté dé déclencher un feu très violent 
de la forêt de Grémecey sur la face est du mont d'Àmance. 
Son infanterie opposait une résistance obstinée dans les 
tranchées à l'ouest et en bordure, de la forêt de Champe- 



(1) 5 e du 3i4 e et bataillon Doumer du 325*. 

(2) Hanotaux, VI, p. 112. 



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FIN DE LA BATAILLE DE NANCY (iO-I 3' SEPTEMBRE) 196 

noux, puis à l'intérieur de ce jnassif. On voyait vers 
Lanfroicourt, au nord, arriver une forte colonne de cette 
arme. , 

Le bombardement allemand, qui continuait jusque 
vers 18 heures, mettait eç feu Bouxières-aux-Chênes, 
détruisait le hameau d'Ecuelle et l'Auberge du Cheval 
Rouge. 



II 



Pendant que ces événements se déroulaient au centre 
de la 2 e armée, à gauche on signalait de la 73* division 
l'entrée du 167 e dans le bois de Cuitç à l'ouest de la 
Moselle. Le colonel Lambin donnait, de grand matin, à 
ses trofs batteries, l'ordre de coopérer à cette offensive. 
Les deux batteries de Villers-Prudhomme devaient se 
porter, à cet effet, sur Bezaumont. A ce moment surve- 
nait une nouvelle dépêche: la 117 e brigade devait éva- 
cuer la position de Sainte-Geneviève, en gardant simple- 
ment la crête 357-374 au sud de la Natagne et Morey, 
Millery. Toute l'artillerie serait portée à Faulx-Saint- 
Pierre, en réserve de la bçf division. 

Ainsi on renonçait entièrement à soutenir la 73 e divi- 
sion au bois de Cuite et on abandonnait l'importante 
position de Sainte-Geneviève après l'avoir réoccupée et 
sans y être contraint le moins du monde. Il est difficile 
d'apprécier ces dispositions imprévues. On peut croire 
que 1 elat-major de la 2° armée sacrifiait notre situation 
sur la Moselle à l'opération entreprise par le 20 e corps et 
par les divisions de réserve. Peut-être allait-il trop loin 
dans cet abandon. 

Dans la matinée du 10, le colonel Lambin recevait 
l'ordre de se rendre lui-même à Faulx-Saint-Pierre pour 



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/ 

I96 LA GRANDE GUERRE §UR LE FRONT OCCIDENTAL 
1 

y prendre le commandement d'un nouveau détachement 
d'une composition singulière (1) : 5 e bataillon du 325 e , 
un bataillon du 335 e (118 e brigade) venant de Sivry, 
Bratte; le groupe du 33 e , venu de Sainte-Geneviève. Le 
tout devait se porter sur Ecuelle et les pentes sud du 
plateau de Rochette, pour diriger une attaque sur la 
lisière nord de la forêt de Champenoux et sur la ferme 
de La Gandale. 

Ce mouvement était retardé par diverses circonstances, 
en sorte qu'à la nuit l'infanterie n'avait pas dépassé 
Ecuelle et Bouxières-aux-Chênes. Elle attendait le jour 
sur place- Nous verrons ce qui devait advenir du détache- 
ment Lambin, le 11 septembre. 



III 



Au 20 e corps, nos progrès étaient plus lents qu'au 
groupe de divisions Léon Durand. Le corps d'armée 
devait jeter toutes ses forces disponibles sur Réméréville, 
en contenant l'ennemi vers Sionviller. D'après l'ordre du 
général Balfourier, le détachement Ferry, appuyé par 
l'artillerie de la 70 e division et partant de la ligne 
Velaine, Buissoncourt, attaquerait à 10 heures pour .attein- 
dre la croupe 277 et la corne sud-est de la forêt de Cham- 
penoux, Réméréville, le mouvement de terrain au sud. 
Il se relierait sur sa droite à la 3g e division. 

(1) On remarquera l'incohérence de ces dispositions: prélèvement 
de quatre bataillons sur la m 7 e brigade pour les porter à Faulx; 
constitution d'un -détachement (lieutenant-colonel Neltner) avec trois 
de ces bataillons; constitution d'un nouveau détachement avec le 
quatrième de ces bataillons, un bataillon de la 118 e . brigade et trois 
batteries, le tout sous les ordres du colonel commandant la 117 e bri- 
gade et le secteur de Sainte-Geneviève. 



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FIN DE LA BATAILLE DE NANCY (lO-l3 SEPTEMBRE) I97 

Le détachement était rassemblé dès 4 h. 3o et le géné- 
ral Ferry prescrivait aux deux bataillons des 69 e et 79 e 
d'attaquer directement la forêt de Réméréville, de façon 
à y fixer l'ennemi, tandis que le reste des troupes ma- 
nœuvrerait par le sud en profitant des brèches que lui 
ouvrirait l'artillerie. 

* L'ensemble de la u e armée devait reprendre l'offensive 
dès le déclenchement de l'attaque du détachement. 

Dans la forêt de Champenoux, les deux bataillons de 
la « division de fer »^ sous les ordres du commandant de 
Salles, se heurtaient aux organisations défensives de la 
butte de Tir, mais remplissaient héroïquement leur tâche, 
en se reliant à gauche à la 68 e division. Lç général Ferry 
avait adressé à ces bataillons, d'origine lorraine, un pres- 
sant appel, leur demandant de venger Nancy bombardé 
par l'artillerie ennemie. 

Quant à la droite du détachement, elle s'emparait de 
la lisière sud de la forêt Saint-Paul et du bois d'Harau- 
court. 

La 39 e division, renforcée du 2 e bataillon de chasseurs, 
attaquait les croupes au sud de Gourbessaux et de Drou- 
ville. A droite, la 11 e division appuyait cette attaque par 
son artillerie, tout en contenant l'ennemi vers la cote 3i6 
et vers Maixe. / 

L'offensive du 20 e corps ne réussissait qu'imparfaite- 
ment. En fin de journée, ses fractions avancées tenaient 
la crête à l'est de Gellenoncourt, le bois d'Haraucourt et 
la lisière est de la forêt Saint-Paul. Réméréville restait à 
l'ennemi, mais ce village était complètement sous nos 
coups. 

On constatait partout que, sauf un instant vers le nord, 
les Allemands avaient renoncé à l'offensive et que leur 
résistance fléchissait. Une violente canonnade masquait 



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198 LA GRAÎNDE GUERRE SUR J,E FRONT OCCIDENTAL 

ce mouvement de repli, selon leur procédé familier (1), 
d'ailleurs très rationnel. 

Au sud du 20* corps, le 16* et la 7/1* division conti- 
nuaient leur offensive les 10 et 11 septembre : la 7 V 
sur Lunéville, par Chaufôntaine, et sur Hériménil; la 3s e 
division, moins le i43 e en réserve d'armée, portant sa 
gauche sur le bois Féchant et sur la ferme au sud-est, sa 
droite. en direction de Fraimbois. On visait ainsi à pren- 
dre de flanc les Allemands qui se maintenaient dans ce 
village et à faciliter l'offensive directe de la 3i e division 
dans le terrain découvert entre le bois de Bareth et ceux 
du Fey et du Four, vers l'est. • 

•Nos troupes exerçaient sur l'ennemi unç pression con- 
tinue, mais leurs progrès étaient ralentis par les défenses 
allemandes et par de nouvelles batteries lourdes établies 
dans la forêt de Mondon.' On préparait une attaque sur 
Fraimbois dans la nuit du n au 12; il fallait la décom- 
mander au dernier moment, en raison de l'extrême fati- 
gue des troupes qui combattaient depuis dix-neuf jours. 

Sur le front de la 7/1° division, une batterie placée sur 
un mouvement de terrain de la forêt de Vitrimônt enfi- 
lait la vallée du Laxat et la rendait intenable pour l'en- 
nemi. Le 223? en prenait possession. Déjà on signalait 
(10 septembre) un commencement d'évacuation à Luné- 
ville. Trois trains Tn partaient dans la matinée (2). 



(î) Hanotaux, VI, p. n3. 

(2) Hanotaux, loc. cit. D'après la Victoire de Lorraine, p. £4, un 
dos commandants de brigade de la 7,4 e division demandait depuis 
trois jours à l'artillerie de faire passer des pièces au nord d«* la 
Meurthe, sur un pont de fortune. Le commandant de l'artillerie 
refusait, de crainte de perdre du matériel. Un ordre formel du divi- 
sionnaire intervint : deux pièces lourdes et une batterie de 75 pas- 
sèrent \e il septembre et ouvrirent un feu qui se prolongea toute la 
nuit. 



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FIN DE LA BATAILLE DE NANCY (lO-l3 SEPTEMBRE) 109 



III 



Si les forces allemandes sur la MorUgne et à l'est du 
Grand-Couronné semblaient se réduire,- il n'en était pas 
de même à l'ouest de la Moselle. On annonçait que des 
troupes auraient traversé Pont-à-Mousson (i) allant vers 
l'ouest» On signalait la présence de la 33 e division de 
réserve dans cette région. Des forces plus importantes se 
mouvaient dans laWoëvrc. Il semblait, d'après ces indices, 
que l'offensive allemande fût en voie de se déplacer vers 
le nord-ouest. Son but serait-il de tourner nos défenses 
du Grand-Gourbnné*par leur gauche ou même d'isoler la 
2 e armée du centre de notre ligne? Un fait militait pour 
cette dernière hypothèse : le fort de Troyon était bom- 
bardé depuis le soir du 9 septembre, sans que la résis- 
tance de la garnison en fût ébranlée. Mais la 2 e division 
de cavalerie n'avait rencontré vers le bois de Thiaucourt 
que de la cavalerie, qui évitait le combat, comme d'ordi- 
naire. 

■De l'ensemble de ces faits, l'état-major de la 2 e armée 
et notre grand quartier général paraissent avoir conclu 
que les Allemands cherchaient à tourner Verdun par le 
sud, en isolant la 2 e armée de la 3 e . Le général de Castel- 
nau décidait, par suite, de modifier la répartition de ses 
forces. La 73 e division tout entière (2) (garnison de Toul) 
serait portée vers Saint-Mihiel, dans la vallée dé la 
Meuse. Elle aurait à soutenir la 2 e division de cavalerie, à 
dégager le fort de Troyon et à « étayer » la 3 6 armée vers 



(1) « Au moins 600 hommes », écrit M. Hariotaux, sans doute par 
Une' erreur <Je chiffres. 

(3) Elle rallierait la brigade mixte partie le 8. 



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200 LA GRANDE GUERRE SLR LE FRONT OCCIDENTAL 

Test Trois bataillons et une batterie, renforcés au besoin 
par le gouverneur de Toul, tiendraient la vallée de la 
Moselle et ses abords entre Custines et Saizerais. Des dis- 
positions étaient prévues pour que le 20* corps fût trans- 
porté dans la région de Saizerais. Il aurait à opérer, au 
besoin, entre la Moselle et la Meuse. Le général de Cas- 
telnau ne renonçait pas néanmoins à tirer parti des résul- 
tats obtenus dans notre défensive - offensive à Test de 
Nancy. 

Sur les entrefaites, le général en chef reconnaissait 
pleinement les mérites de la 2 e armée dans cette tâche 
ingrate. Le 10, à 1/4 h. 10, il écrivait ail général : « Depuis 
près d'un mois, l'armée que vous commandez a com- 
battu presque tous les jours et a montré des qualités 
remarquables d'endurance, de ténacité et de bravoure. 
Quelque difficiles qu'aient été pour vous les. circonstances, 
vous avez réussi à vous maintenir sur les hauteurs du 
Grand-Couronné, à repousser les attaques furieuses lan- 
cées contre vous et à empêcher l'ennemi de pénétrer dans 
Nancy. 

« Je tiens à vous exprimer ma sympathie et vous prie 
de la transmettre aux troupes sous vos ordres » (1). 



IV 



D'après l'ordre pour le 11, la 2 e armée devait continuer 
son offensive d'ensemble dans les conditions prescrites 
pour le 10 septembre. Au nord de la route de Château- 



(1) Reproduit d'après J. Reinach, des Commentaires de Poîybc, I, 
p. io4. Le texte de M. Hanotaux n'est pas conforma à celui de 
M. Reinach. 



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FIN DE LA BATAILLE DE NANCY (lO-l3 SEPTEMBRE) 201 

Salins, la 68* division, les détachements Neltner et Lam- 
bin, de là 59*, et le régiment de marche dé Toul conti- 
nueraient d'attaquer la forêt de Champenoux et ses 
abords. Au sud, la 64 e division, général Compagnon, 
attaquerait par sa gauche dans la direction générale de 
la cote a32 et du bois Morel. Cette double attaque serait 
appuyée par l'artillerie des 64 e et 68 e divisions, ainsi que 
par les batteries lourdes du Mont d'Amance et de La 
Rochette (a*i sud de Leyr). Le détachement Neltner avait 
ordre de se porter, dès 5 h. 3o, par la lisière sud de la 
forêt, sur le rond-point à 1.200 mètres au nord-ouest de 
Champenoux. Il pousserait ensuite vers le Rond-des- 
Danies et la lisière nord -est. Le 6* bataillon du 3i4 e et 
celui du 325 e , accolés, se mettaient en mouvement. A 
leur gauche, un bataillon du 206 e , parti de la ferme de 
La Fourasse, marchait sur le Rond-des-Princes et le Rond- 
des-Dames. 

Ce dernier mouvement paraît avoir été très mollement 
mené. Le bataillon du 206 e aurait à peine pénétré en 
forêt, tout en faisant connaître qu'il avait atteint le Rond- 
des-Dames (1). Quoi qu'il en soit, les bataillons de Neltner 
étaient en mouvement, quand le commandant Couteau, 
du i68 6 , chargé d'attaquer Champenoux par le nord-est, 
vint déclarer au colonel que le Rond-Point-des-Dames 
était fortement occupé et que son attaque avait échoué. 
Son ancienneté lui valut le commandement des deux 
bataillons de Neltner et il renouvela l'attaque. 

Ce fut pour être bientôt en prise avec des forces supé- 
rieures. Le bataillon du 325* fut arrêté. Une compagnie 

(1) D'après Hanotaux, VI, p. n5, doux des compagnies de La 
Fourasse auraient échangé des coups de feu pendant la nuit, par 
•méprise. On aurait cru à une surprise de l'ennemi et notre ligne se 
serait repliée jusqu'à Essey. Ces détails ne semblent pas exacts. 



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2C2 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

du 3ii e se laissa entraîner dans un coupe-gorge par un 
sous-officier et une fraction allemande qui levèrent la 
crosse en l'air. Sans méfiance, nos officiers s'avancèrent 
et furent accueillis par un feu à bout portant qui blessa 
grièvement le capitaine Beauchel-Filleau, tua deux offi- 
ciers et un assez grand nombre d'hommes. 

Presque au même instant, le reste du bataillon et celui 
du 32o e étaient obligés de se retirer devant de nombreuses 
mitrailleuses tirant de front et de flanc. Le bataillon du 
168 e refluait également, très éprouvé, entraînant la demi- 
compagnie du génie. 

Ce mouvement de repli s'arrêtait à la lisière sud -de là 
forêt et, avant la nuit, le bataillon du 325 e réoccupait la 
Maison forestière; celui du 168 e s'installait sur la laie 
longeant ce bâtiment; deux compagnies du 3i4 e tenaient 
la ferme de La Fourasse; le reste de ce régiment bivoua- 
quait au sud de la forêt (i). 

Quant au détachement «Lambin, ~ on se souvient qu'il 
avait passé la nuit vers Ecuelle et Bouxières, son artillerie 
n'ayant pas encore paru. Au jour, le bataillon du 325 e 
occupait Eruclle avec deux compagnies, les autres restant 
en réserve au sud-ouest. Le bataillon du 335 e quittait 
Bouxières pour se porter au .sud d'Ecuelle, entre ce 
hameau et la route de Nomeny. La direction ultérieure 
serait l'Auberge du Cheval Rouge et la ferme de La 
Candale. 

Les trois batteries du 33 e venaient prendre position 
entre la Fine-Aiguille et l'Auberge de la Côte de Delme, 
pour eontrebattre les lisières de la forêt de Champenoux 
et la ferme de Ouercigny. 

(1) Portos du 3i£ e : 3 officiers tués, 1 blessé; 33 hommes tués, 
84 blessés, 6 disparus; 325 e : 3 officiers tués, 3 blessés, i£ hommes- 
tués. 90 blessés, 17 disparus. 



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FIN DE LA BATAILLE DE NANCY (*0-l3 SEPTEMBRE) 203 

Le mouvement du 335 e , vu sans doute par l'ennemi, 
attirait des obus lourds. Le commandant Prioux, blessé, 
passait le commandement à un capitaine, qui exécutait 
mollement les ordres donnés. Finalement, deux de ses 
compagnies se" retranchaient entre Ecuelle et la route, 
vers l'Auberge de la Côte de Delmc. Deux autres res- 
taient en réserve. Deux des compagnies du 325 e prolon- 
geaient la gauche du 335 e sur les lisières d'Ecuelle. 

Un incident ralentissait encore ce lent mouvement 
offensif. Les deux compagnies du 325 e , au sud-ouest 
d'Ecuelle, se déplaçaient pour éviter les obus. Mal con- 
duites par leurs officiers, tous de la réserve, elles déviaient 
de leur direction et finissaient par aboutir, en désordre, 
au bois de Montenoy, d'où elles ne reparaissaient plus de 
tout le jour. , , 

Le détachement restait sûr place, incapable de pousser 
plus avant. Le terrain, en avant, formant glacis, était 
favorable à ses feux. L'ennemi se bornait à un tir continu 
d'artillerie lourde, sans faire intervenir son infanterie. 
Quant au groupe du 33 e , faute de munitions, il tirait très 
lentement, par intermittences. La batterie de 120 du pla- 
teau de La Rochette entretenait, elle aussi, un tir peu 
nourri. Les obus ennemis causaient des pertes sensibles. 

A 17 heures, le colonel Lambin recevait l'ordre d'acti- 
ver le mouvement en avant. Les moyens lui faisaient 
entièrement défaut. Il n'y avait presque plus d'pbus. 
Derrière la première ligne d'infanterie, il ne restait plus 
d'échelons pour alimenter le combat. Les réservistes arri- 
vés la veille au 325 e , au nombre de 60 par compagnie, 
étaient fort impressionnés par les projectiles. On resta sur 
place jusqu'à la nuit, qui amena la cessation à peu près 
complète du bombardement. 

A droite du détachement Lambin, le régiment de Toul 



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204 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

échouait dans une attaque sur Champenoux. Nous ne 
conservions guère, de ce côté, que le bois de Velaine (i). 
Le colonel Brault était grièvement blessé. 

D'après une correspondance étrangère que reproduit 
M. Hanotaux (2), le régiment de Toul devait traverser la 
forêt de Champenoux au sud de la route de Château- 
Salins, traverser le chemin de Champenoux à Erbéviller 
et marcher ensuite sur le bois Morel. 11 sortit de la forêt 
sans recevoir un obus ou une balle et gravit un petit pla- 
teau. En arrivant à la crête, il fut littéralement fauché 
en quelques minutes par douze mitrailleuses embusquées 
à la lisière du bois Morel et tirant de 3oo à 4oo mètres. 
Leurs gerbes balayaient le sol, atteignant à la tête les 
hommes couchés. L'attaque du régiment fut enrayée du 
coup. 

Au détachement Ferry, l'offensive devait être poursui- 
vie le 1 ii, à 6 heures. Elle aurait comme objectif la corne 
sud-est de la forêt de Champenoux, Réméréville et le 
moulin du même nom. 

L'attaque de droite fut vigoureusement poussée. Le 43** 
colonial atteignit le bois d'Haraucourt et le moulin (3). 

(1) Colonel Bujac, loc. cit. Le i£3 e fut mis le soir du 11 à la dis- 
position de la 68 e division et concourut à garder le bois de Velaine. 
M. Hanotaux, VI, p. 116, donne une toute autre physionomie à ces 

'combats. D'après lui, le détachement Lambin aurait pénétre jusqu'à 
l'étang de Brin, d'où il menaçait les communications allemandes par 
la vallée de la Seille. Une autre fraction aurait occupé La Candaîe en 
soutien. Au 6ud, le détachement Neltner et le régiment de Toul 
seraient restés maîtres du défilé de La Bouzule. Nous croyons cette 
version absolument fausse, pour les meilleures raisons. 

(2) Journal de Genève du 10 avril 1915, Hanotaux, VI, p. 116. A 
plusieurs reprises, M. Hanotaux. mentionne « la brigade » de Toul, 
alors qu'il y avait trois bataillons seulement. 

(3) D'après Christian -Frogé, p. i5o, le 43 e « colonial traverse Buis- 
soncourt transformé en charnier et où la pestilence est effroyable. Il 
progresse dans la forêt Saint-Paul remplie de cadavres, d'équipements 
et d'armes jetés par les Allemands. 



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FIN DE LA BATAILLE DE NANCY (lO-l3 SEPTEMBRE) 205 

L'artillerie détruisit des canons allemands en batterie à 
la cote 246 et au nord de Réméréville (12 heures). Le 43 e 
colonial continuait vers les croupes au sud de ce village, 
le 4i e débouchant à Test de la forêt Saint-Paul. Le 36o e 
nettoyait cette forêt et le sud de celle de Champenoux, 
d'où débouchaient vers Test les deux bataillons des 69 e 
et 79 e . Tout le groupe se portait à l'attaque de Réméré- 
ville et des croupes qui l'encadrent au nord et au sud. 
Au sud du détachement Ferry, la 3g e division, général 
Dantan, progressait sur la longue croupe à l'ouest de 
Gellenoncourt et atteignait là lisière de ce village. La 70 e 
division restait en place* Enfin, la 11 e appuyait la 39 e , çn 
prenant l'offensive vers Maixe et la -eôte 346 au nord- 
ouest. 



A la droite de la 2 e armée, comme nous l'avons vu, 
les progrès étaient peu sensibles, mais l'artillerie alle- 
mande se montrait moins active. 

A la gauche, l'ennemi abandonnait visiblement l'of- 
fensive sur le Grand^ouronné/ qui lui avait coûté tant 
de sacrifices. A cette même date du 11 septembre, le 
général de Castelnau donnait au général Kopp l'ordre, 
d'exécuter un coup de main sur Pont-à-Mousson : on met- 
trait le feu au pont reconstruit par les Allemands, de 
façon à gêner leurs mouvements à l'ouest de la Moselle. 

Un détachement fut constitué, comprenant un peloton 
du 25* dragons, une demi-section du génie, deux compa- 
gnies du 232% le tout sous les ordres du commandant 
Favre. Un bataillon du 286 e se dirigea de Faulx-Saint 
Pierre sur Atton, pour servir de repli. 



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20Ô LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

Après capture d'une patrouille dont le chef fut tué, 
le détachement rencontra vers Atton une fraction d'in- 
fanterie et un peloton de. dragons allemands qui fuient 
aisément rejetés sur Nomeny. Une autre fraction, qui 
tenait la gare de Pont-à-Mousson, fut également refou- 
lée à l'ouest de la Moselle. Le génie mit le feu au pont et 
pratiqua une brèche de 3 à 4 mètres qui fut élargie le 
lendemain à la dynamite. Le bataillon du 286 e n'eut pas 
à intervenir. 

Sur la rive opest de la Moselle, la 2 e division de cava- 
lerie poussait jusqu'à Saint-Baussant, entre Thiaucourt 
et Apremont, et y refoulait une avant 7 garde allemande. 
Elle se heurtait à* de la cavalerie en marche au sud de 
Pannes. L'état-major de la 2 e armée avait préparé pour 
le 12 le transport du 20 e corps à l'ouest de la Moselle. Il 
l'ajourna de vingt-quatre heures, afin de mettre à profit 
la retraite, devenue évidente, de l'ennemi à l'est de nos 
positions. 

Ordre était donné de continuer l'offensive sur tout le 
front. Le 20 corps, le 2 e groupe de divisions de réserve 
et le 16 e corps auraient à exécuter la poursuite. Au sud- 
est, la gauche de la i n armée opérait de même. 

Le 12 septembre, vers 6 heures, le commandant Stirn-, 
du 27* bataillon de chasseurs, alors à la- lisière est de la 
forêt de Vitrimont, envoyait au général Bigot un compte 
rendu à peu près libellé dans ces termes : « Les Alle- 
mands f... le camp. Dans une heure je serai à Luné- 
ville ». 

Comment croire à pareille aubaine, après les luttes 
acharnées qui, durant huit jours, n'avaient amené aucun 
résultat décisif, aucune brèche dans le front ennemi? 
Pour se rendre à l'évidence, il fallait une confirmation 
de ce renseignement. Elle ne tarda pas. Peu après, le lieu- 



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FIN* DE LA BATAILLE DE NANCY (lO-l3 SEPTEMBRE) 207 

tenant-colonel Bluzet, commandant le î2 23 e , annonçait 
également de Rehainviller la retraite des Allemands (i). 
D'une voix entrecoupée par la course et par l'émotion, un 
habitant faisait connaître l'évacuation de Lunéville. Mal- 
gré tous ces témoignages, on avait peine à croire au repli 
de l'ennemi. On était tenté d'y voir une ruse. L'expérience 
apprend, en effet, que chacun est toujours tenté de s'exa- 
gérer ses propres difficultés et ses pertes, sans jauger 
exactement celles de son adversaire. La 2 e armée était 
sous l'impression du départ du i5* corps et des autres 
unités prélevées sur elle : elle avait vu ses unités obligées 
à étendre leur front. Elle ignorait complètement, le ma- 
tin du 12, les revers subis par l'ennemi à l'ouest de la 
Meuse (2) et la nécessité où il se voyait de porter dans 
cette direction, coûte que coûte, d'importants renforts. 
Les combats soutenus depuis le i!\ août en Lorraine 
avaient certainement allégé la tâche de nos autres armées 
sur la Marne. Maintenant, par un heureux contre-coup, 
la victoire inespérée de ces dernières dégageait entière- 
ment nos armées de l'Est. • 

Le 27 e bataillon de chasseurs, par la rive droite de la 
Meurthe, le 223 e , par la rive gauche, entraient dans 



(i) D'après Hanoiaux, VI, p. 120, le 232 e s'aperçut vers 4 heures 
de l'évacuation des tranchées à cheval sur la route de Rehainviller 
à Chaufontaine. A 6 heures seulement elles furent occupées. Chaufon- 
taine fut trouvé vide également. 

(2) Ce témoignage des plus autorisés est contredit par la Victoire 
te Lorraine , p. 45, dont nous avons signalé le défaut d'exactitude. 
D'après l'auteur^ à 2 heures du matin, il fut réveillé par alerte. Le 
divisionnaire communiquait le télégramme célèbre du général en 
chef annonçant la victoire de la Marne : « C'est la plus grande émo- 
tion de ma vie. Nous pleurons. Nous nous embrassons, nous nous 
félicitons comme si le camarade à qui nous parlons était lui-même 
le généralissime et le grand vainqueur ». Suivant Christian-Frogé, 
p. 55, les troupes n'eurent connaissance du télégramme que Ic'i3. 



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2o8 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

Lunéville et opéraient leur jonction, vers 8 heures, sur 
la place du Château. La i48 e brigade, puis la 147 e sui- 
vaient de près et les avant-gardes allaient occuper le pla- 
teau au nord de la ville. On y trouvait de grandes quan- 
tités d'armes/ d'équipements, d'approvisionnements de 
toute nature. Les tranchées étaient jonchées de bouteilles 
vides, témoignage éloquent de la sobriété et du respect 
des Allemands pour la propriété privée. Le quartier géné- 
ral de la 74 division s'installait, dans la soirée > au Châ- 
teau et le général Bigot avait l'intense satisfaction de 
coucher dans une chambre dont la porte était encore 
maculée d'une inscription à la craie : « General von 
Henig ». Cet hôte indésirable en était parti précipitam- 
ment le matin, après y avoir séjourné vingt-deux jours. 

Vers if> heures, on entendait une violente explosion. 
Les débris du fort de Manonviller venaient de sauter. 
Partout on ne rencontrait plus que des patrouilles de 
cavalerie allemande (1). 

Sur le reste du front du 16 e corps, la retraite des Alle- 
mands était également constatée dès le matin. Profitant 
d'un violent orage, ils avaient évacué, durant la nuit, 
leurs défenses de Fraimbois, pour se retirer dans la forêt 
de Mondon, après avoir détruit les passages de la Meur- 
the. La crête d'Hériménil à Fraimbois fut occupée ^ans 
résistance. Dans l'après-midi, le i er hussards fut lancé à 
la poursuite, avec mission de délimiter les nouveaux em- 
placements de l'adversaire. Mais à peine ces escadrons 
avaient-ils parcouru quelques kilomètres, qu'ils étaient 
arrêtés sur le Sanon, un peu au delà d'Einville, sur la 



(1) Hanotaux, VI, p. 120. Dans la soirée, toutes les maisons de 
Lunéville étaient encore éclairées, suivant les ordres de la komman- 
dantar. 



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FIN DE LA BATAILLE DE NANCY (lO-l3 SEPTEMBRE) 209 

V^zouse, vers Marainviller. Derrière eux, l'infanterie occu- 
pait une nouvelle ligne qui est encore, à peu de chose 
près, celle que nous tenons en mai 1918. L'ennemi s'était 
fortement retranché dans la forêt de Parroy. 

Près 'de Moncel, où cantonnait un état-major bavarois, 
on trouvait un document indiquant que les VI e et VII e 
armées avaient reçu l'ordre de se retirer, le 12 septembre, 
sur la ligne cote 344, nord de Barthelémont, Groismare, 
ligne de la Vezouse, « pour y attendre des renforts » (1). 

VI . ■ ■ , 

Au 20 e corps, le général Balfourier avait eu, dès le soir 
du 11 septembre, l'impression que l'ennemi était grande- 
ment éprouvé entre la. forêt de Vitrimont et la route de 
Château-Salins. Il prit des dispositions pour une offensive 
énergique dès le premier recul de ses adversaires. 

Au détachement Ferry, tandis que le 36o e organisait 
les lisières est des forêts Saint-Paul et de Champenoux, 
Je reste des troupes, constatant la retraite des Allemands, 
les poursuivait, leur enlevant deux canons et quatre cais- 
sons. On entrait dans Réméréville après un petit combat : 
« Deux puanteurs s'y confondent, comme à Vitrimont : 
l'incendie et le meurtre », écrit un témoin (2). Partout 
l'on trouvait des armes et des munitions abandonnées. 
Le détachement s'installait sur les positions à l'est, cou- 
vert par le 44 e bataillon de chasseurs remis à la disposi- 
tion du général Ferry. 

Devant les autres secteurs du 20 e corps, l'ennemi s'était 
également retiré : Gellenoncourt, Drouville, Maixe étaient 

(1) Hanotaux, loc. cit. 

(2) Çhristian-Frogé, p. i52. Cent-six maisons ont été incendiées; il 
n'en reste qu'une dizaine d'à peu près intactes. (Hanotaux, VI, p. 128). 

p. 123). 

La grande gnerre, IV. 14 



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21 LA GRAiNDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

vides. Au moment où le corps d'armée allait occuper ces 
divers points, il recevait Tordre de partir pour la Woëvre. 
Il se bornait donc à porter ses avant-postes jusqu'à Cour- 
bessaux, Drouville, Maixe. Le soir, il était relevé par la 
70 e division. 

Au nord, la 64 e division (1) bordait la lisière est de la 
forêt de Champenoux et la gardait jusqu'au bois d'Ha- 
raucourt. La 68 e tenait la Maison forestière de La Bouzule 
et l'étang de Quercigny. 

Au détachement 'Neltner, dès 8 heures, le, bataillon du 
168 e était remis à la disposition du régiment de Toul. A 
ce moment, le 6 e bataillon du 3i4 e tenait la lisière est de 
la forêt, de la Maison forestière à La Bouzule; le bataillon 
du 325 e , à sa gauche, bordait la laie allant à La Fourassc 
où restait une compagnie du 3i4 e . Le reste de ce régiment 
était en réserve au sud de la'forçt. On attendait ainsi dos 
ordres, malgré les indices annonçant la retraite de l'en- 
nemi. A 17 heures seulement, le colonel Neltner recevait 
pour instruction de .ne pas tenter d'attaque, mais de gar- 
der le contact par de petites patrouilles. Il ne survenait 
aucun incident de tout le jour. 

Le détachement Lambin, ralenti par des ordres contra- 
dictoires de l'armée, de la 68 e division et du groupe Léon 
Durand, occupait simplement la ferme de La Candale, 
Dans la soirée, l'artillerie lourde allemande recommen- 
çait de bombarder le Mont d'Amance (2). La fatigue des 
troupes était extrême, à la suite des pluies continuelles, 
du défaut de sommeil, du manque d'aliments chauds et 



(1) Le i43° était en bordure de la forêt, face à Champenoux (Colo- 
nel Bujac, loc. cit.). 

(2) D'après Hanotaux, VI, p. ia5, la 69 e division ^aurait réoccupé 
Nomeny et Pont^à : Mousson. Au dire d'un habitant, les Allemand? 
auraient eu plus de 5.ooo tués et de 8.000 blessés près de Jezainvilk 



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FIN DE LA BATAILLE DE NAKCY (lO-l3 SEPTEMBRE) 211 

de l'impossibilité de faire des feux en première ligne. Les 
pertes étaient sensibles, même pour les unités les moins 
engagées. Ainsi les deux bataillons du colonel Lambin 
avaient perdu 125 hommes et le nombre des malades y 
était très considérable, 67 ipour une compagnie du 335 e . 
Il est vrai qu'elle était commandée par un capitaine ne 
sachant pas réagir contre les tendances fâcheuses de sa 
troupe et les encourageant, au contraire, par ses lamen- 
tations. 

Dans la journée du i3 septembre, nous continuions 
d'occuper les positions abandonnées par l'ennemi, sans 
poursuite véritable. Au détachement Neltner, par exem- 
ple, de petites patrouilles lancées dès le' matin ne trou- 
vaient plus personne dans la forêt de Champenoux. Le 
régiment de Toul progressait à droite sur ce village; les 
bataillons des 325 e et 3i4 e poussaient également en avant, 
celui du 325 e à gauche et le long de la voie ferrée, celui, 
du 3 1 4 e à droite. Xa 19 e compagnie du 3i4 e , venant de la 
ferme de La Fourasse, les flanquait à gauche. Vers i4 heu- 
res, le 3i4 e atteignait la lisière nord-est de la forêt, puis 
s'installait sur un mouvement de terrain au nord-ouest 
du Rond-des-Princes; la réserve était portée à Y Arbore-' 
tum, maison forestière à 1.200 mètres au nord-ouest de 
Champenoux, Quant au bataillon du 325 e , il se portait en 
face de Brin, sur le mamelon 25o. 

% A 16 heures, le colonel Neltner recevait Tordre d'occiv- 
per les lisièrçs est de la forêt jusqu'à la voie ferrée incluse, 

de pousser deux compagnies à Mazerulles et de maintenir 

• * 

et de Sainte-Geneviève. « Ils ramenèrent les cadavres dans des four- 
gons et des automobiles, et les brûlèrent, en les enduisant de pétrole, 
pendant trois jours. » Dès le matin du 11, iï n'en restait plus un seul 
dans Pont^à -Mousson. Nomeny était entièrement dévasté (Cf. Livre 
rouge. Les atrocités allemandes, p. 28-3o; la liste des victimes com- 
prend cinquante noms). 



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212 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

un bataillon en réserve à la halte de La Bouzule et aux 
maisons forestières. Il semble que notre commandement 
ait eu peine à croire l'ennemi en pleine retraite : il crai- 
gnait un retour offensif. Pourtant, dans la nuit du 12 
au i3, les observateurs du Mont-Toulon et du Mont-Saint- 
Jean avaient signalé un actif mouvement de trains sur 
la ligne de Château-Salins à Metz. Des patrouilles de 
cavalerie lancées vers la Seille, au ppint du jour, ne ren- 
contraient plus aucun ennemi, mais signalaient la des- 
truction de plusieurs ponts sur cette rivière, ce qui confir- 
mait le repli définitif de l'ennemi. 

Au détachement (Lambin, on recevait, à i5 h. id seule- 
ment, l'ordre de réoccuper l'Etoile-Saint-Georges, dans la 
forêt de Ghampenoux, et de tenir les lisières nord et est, 
de Bey à Brin. L'heure tardive faisait même que cet ordre 
n'était qu'incomplètement exécuté. 

Plus au nord, une compagnie du 335 e réoccupait les 
ruines de Nomeny. Une batterie de 75 était poussée, avec 
un soutien d'artillerie, vers Létricourt pour canonner la 
voie ferrée à la bouche qu'elle décrit vers Delme. La bat- 
terie de 120 sur Cingoli se transportait sur la hauteur de 
la ferme Laborde, à 800 mètres au sud de Nomeny, d'où 
elle bombardait la même ligne près de la gare de Lio- 
court. Le tir de ces deux batteries ne restait pas sans effet, 
car on observait un arrêt, suivi d'un ralentissement très 
marqué, du trafic. 

" Dans la suite, après une série de petites opérations, la 
partie nord du front entre Seille et Moselle devait être 
portée jusqu'à la ligne Xon, Lesménils.et la lisière est de 
la forêt de Facq, c'est-à-dire jusqu'aux positions que nous 
tenons encore actuellement (1). 

(1) Ecrit en mai 1918. 



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FIN DE LA BATAILLE DE NANCY (lO-l3 SEPTEMBRE) 2l3 

Les divisions de réserve du général Léon Durand 
étaient appelées-à garder le front compris entre Pont-à- 
Mousson et la cote 328, au nord de Hoéville. A leur droite, 
la 70 e division s'étendait jusqu'auprès de Vàlhey (nord 
d'Einville), où elle se reliait au 16 e corps. Ce dernier ser- 
vait de liaison entre la 2 e armée et la i re , du moins à titre 
provisoire. 

En effet, le jour même, i3 septembre, l'armée du géné- 
ral de Castelnau était disloquée en vue de renforcer nos 
troupes de l'Ouest, où commençait déjà la bataille de 
l'Aisne, que devait suivre la Course à la mer. Le 16 e 
corps et le 2 e groupe de divisions de réserve passaient à 
la i M armée, chargée désormais de défendre Nancy. La 
2 e armée restait provisoirement composée du 20 e corps, 
de la 2° division de cavalerie, de la 73 e division (Toul), 
du 3 e groupe de divisions de réserve et du 8 e corps, oe 
dernier transporté, à dater du ià, dans la région de 
Saint-MihieL Le quartier général de l'armée -allait à Com- 
mercy, le 20° corps dans la région Tremblecourt, Minor- 
ville, Sanzey (1); les divisions de réserve restaient sur les 
Hauts-de-Meuse, la 2 e division de cavalerie vers Montsec. 

Partout, dans le territoire abandonné par l'ennemi, nos 
troupiers trouvaient les traces de sa sauvagerie et de sa 
férocité natives. Il faut lire dans la Victoire de Lor- 
raine (2)- jusqu'où pouvaient aller ses trouvailles scatolo- 
giques. Il s'agit d'un moulin aux environs de Lunéville : 



(iy Le détachement Ferry était disloqué le i3 septembre et celui du 
colonel Lambin le i5. Le bataillon "du 335 e rentrait à la 11 8 e brigade 
à Bratte: La 117 e réoccupait le secteur de Ville-au-Val . Le détachement 
Neltner ne la rejoignait que le 16. Le 325 e ne comptait plus que quatre 
officiers de l'armée active sur les douze du début. Il avait déjà reçu 
797 gommes de renfort. Quant au 3i4°, il n'en avait reçu que 299. 
Les pertes du 232 e étaient très faibles. 

(2Ï P. /io et 5o. 



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21 4 LA GRANDE GUERRE SUR L.B FRONT OCCIDENTAL 

« ...Les officiers du village sont venus, après dîner, danser 
ici, explique une vieille femme. Ils se sont mis nus, 
Monsieur l'officier f oui, tout nus. Le colonel était là. Est- 
ce assez honteux! Un vieux de 60 ans, qui n'avait gardé 
que ses bottes. Et puis un petit morveux tenait le piano. 
Lui n'avait que son monociel 

«c Elles bouteilles de Champagne, Monsieur! Fallait voir 
comme elles filaient.... Alors, ils ont eu une idée. Les uns 
ont fait chercher leur casque à pointe, leur sabre avec leur 
eeinturon, leur revolver. Ils ont mis cela sur leur corps, 
sur leur corps tout nu, mon bon Monsieur. Les autres ont 
cherché dans les armoires. Ils ont trouvé le beau linge de 
Madame. Alors ils ont mis ses chemises, et aussi celles de 
Mademoiselle.... C'est alors qu'ils ont dansé, les Prus- 
siens (1) casqués avec les Prussiens déguisés en femme... 
Il n'y a que le colonel qui dansait seul, tenant une bou- 
teille et tournant comme une toupie... Enfin, ils en ont 
eu assez. C'est alors qu'ils sont venus tous dans cette 
chambre. Et ce qu'ils ont fait, tous ensemble, à même le 
plancher, vous le voyez... tout le beau linge... oui, ça 
leur a servi de papier. Et ils sont allés dans un tiroir 
chercher la robe de première communion de Mademoi- 
selle... ils se sont essuyés avec. Et ils ont pris le voilé. 
Et ils l'ont maculé aussi, les cochons. Et ils riaient, et ils 
riaient!... » 

Le 18 septembre, le général de Castelnaiî recevait l'or- 
dre de s'embarquer pour une nouvelle destination, avec 
l'état-major de la 2 e armée. Le 20 e corps allait quitter éga- 
lement la Lorraine. Quant au 16 e corps, laissant à Luné- 
ville la. 7.4 e division qui restait, avec les autres divisions, 
chargée die la défense de cette région, il séjournait du i3 

. (1) En réalité des Bavarois. 

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FIN DELA BATAILLE DE NANCY {lO-ï3 SEPTEMBRE) 210 

au i5 autour de Dombasle et dans la basse vallée du 
Sanon, puis, du 16 au 20, à Nancy. Le 21, il quittait cette 
ville pour la Woëvre, où un nouveau danger s'était révélé, 
la prise du Camp-des-Romains et de Saint-Mîhiel par les 
Allemands. Dans l'intervalle, l'action de l'armée Dubail 
avait été étendue jusqu'à l'ouest de Toul. Elle se reliait 
directement à la 3 e armée (général Sarrail). 

La période des opérations actives en Lorraine, commen- 
cée vers le milieu d'août, était close avec cette dislocation. 
Nous reviendrons sur leurs résultats, mais on a pu se 
rendre compte de^ l'importance des efforts qu'ils avaient 
réclamés ctes troupes et des sacrifices qui en étaient résul- 
tés au cours de combats presque ininterrompus jusqu'au 
12 septembre. Le détail des partes est inconnu pour la 
plupart de nos troupes comme pour l'ennemi. Toutefois 
on se rendra aisément compte de leur poids global d'après 
l'indication suivante : à elle seule, du 24 août au 12 sep- 
tembre, la 74 e division perdit i£o officiers et plus de 5.ooo 
hommes de troupe, soit le tiers de son effectif. D'autres 
troupes furent plus -éprouvées encore. 



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CHAPITRE XVIII 
FIN DE LA BATAILLE DE LA MEURTHE 

Redoublement de l'offensive ennemie. — Prélèvement du 21 e corps. — 
Offensive allemande du 4 septembre. — La i re armée sur la défen- 
sive. — Ses pertes. — Le groupement des Vosges fléchit le 5 sep- 
tembre. — La situation est rétablie par la 4i e division. — Départ 
de la 6° division de cavalerie. — Affaiblissement de l'ennemi. — 
Prélèvement du i3 e corps. — Retraite des Allemands (11 septem- 
bre). — Départ du 8 e corps. — La i^ 8 armée va jusqu'à la Moselle. 



I 



Cependant, à la i re armée, le départ du 21 e corps pour 
l'Ouest allait créer un grand vide. A ce moment même, 
l'ennemi manifestait un redoublement d'activité contre 
notre droite* Il semblait qu'il voulût se glisser entre les 
Vosges et la i w armée, peut-être dans une pensée d'enve- 
loppement, y 

A l'est de la Meurthe, nous avions réussi à progresser 
un peu vers Fouchifol et la Tête-de-Réhoulle, mais l'en- 
nemi, marchant par la vallée de La Groix-aux-Mines, me- 
naçait notre droite et nos communications avec le massif 
du Bonhomme (i er septembre). Il devenait indispensable 
de tenir solidement les hauteurs du bois de Mandray et 
les deux cols qui les traversent, sans quoi notre situation 
eût pu devenir très précaire à Saulcy, sur la Meurthe, où 
un de nés bataillons s'était maintenu, et dans les Vosges, 
autour du col du Bonhomme. Ordre était donné de s'ins- 



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FIN DE LA BATAILLE DE LA MEURTHE 217 

taller sur la crête de Mandray et à la Tête-de-Béhoulle, 
afin d'en faire l'axe "de nos opérations à Test de la Meur- 
the. Mais il devait falloir huit jours d'efforts soutenus et 
onéreux, marqués par de nombreuses fluctuations Ainsi 
les cols de Mandray et des Journaux furent perdus et 
repris cinq fois au moins. 

Sur les entrefaites, le grand quartier général adressait 
au commandant de la i re armée le télégramme suivant : 
(( Grâce aux efforts de vos troupes et aux succès que vous 
avez presque journellement obtenus, la situation est deve- 
nue bonne devant notre armée. 

« Il me semble, maintenant, que les forces actives de 
l'ennemi font de plus en plus. place à des formations de 
réserve et de landwehr. Il est donc possible de recouvrer 
un corps d'armée au moins de votre armée, pour être 
transporté sur un autre point du théâtre des opérations. 

« Je vous prie de désigner, à cet effet, un de vos corps. 
Vous remédierez à la diminution de vos forces par une 
organisation plus solide des positions... » (i). 

Les motifs ainsi allégués n'étaient qu'à moitié exacts. 
La situation de la i n armée n'était pas telle que la dépei- 
gnait le général en chef. Quant à la substitution dé forces 
de complément aux troupes actives de l'ennemi, elle 
n'était pas encore réalisée. Au contraire, les Allemands 
se renforçaient sur le front de la i re arinée. Le transport 
d'un corps d'armée dans l'Ouest n'en était pas moins 
indispensable. Il ne faisait que souligner l'erreur capitale 
*[ue nous avions commise au début, en accumulant des 
troupes dans l'Est, entre le Rhin et la Meuse, alors que 
nous laissions à peu près vide l'espace compris entre la 
Meuse et la mer du Nord. 

(1) 2 Septembre, o h. i5, reproduit d'après Hanotaux, VI, p. 5q. 

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2l8> LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

Quoi qu'il en soit, le 21 e corps était désigné par le géné- 
ral Dubail. Il allait quitter la i 1 * armée après avoir repris, 
une fois de plus, le col de La Chipote. La 44 e division le 
relevait dans ses positions le 2 septembre, fait qui, sans 
doute, était aussitôt connu de l'ennemi, car il attaquait 
La Chipote et nous refoulait vers l'ouest. Toutefois, avec 
l'appui de l'artillerie du i3 e corps, la 44 e division parve- 
nait à enrayer l'avance des Allemands, qui ne dépassaient 
pas la lisière du bois d'Hertemanche, au nord de la route 
de Raon-1'Etape à Rambervillers (1). 

L'embarquement du 21 e corps commençait le 4 septem- 
bre, dans la région Bruyères, Epinal, Thaon-les-Vosges. 
A cette date, le i4* corps, à droite de la 44 6 division; 
tenait les lisières nord de la forêt de Mortagne, Rougi ville 
et Anozel jusqu'à la Meurthe. Sa situation était « pré- 
caire » et restait telle jusqu'au 5 inclus. Elle dépendait, 
en effet, des troupes à sa droite, la 4i e division et le reste 
du groupement des Vosges, insuffisantes pour fermer 
la trouée entre la Meurthe et ces «montagnes. L'ennemi 
s'en rendait compte, dans ce pays où il avait dès long- 
temps organisé l'espionnage. Aussi, depuis le 29 août, 
multipliait-il ses attaques dans cette région. » 

D'ailleurs il ne restait pas inactif devant la gauche de 
la i™ armée. Le 3 septembre, il prononçait une vigou- 
reuse offensive sur le front de la 26 e division, au bois 
d'Anglemont. Il était repoussé. 



(1) Hanotaux, VI, p. 62. Le 21 e corps laissait à la 44* division, char- 
gée de tenir le front Bru, Saint-Benoît, les trois bataillons de chas- 
seurs qui constituaient sa réserve d'infanterie ot une compagnie du 
génie. Il maintenait provisoirement sur le front la 86 e brigade, alors 
fortement engagée. Le 6 septembre, il arrivait dans la région Wassy, 
Montiérender. 



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FIN DE LA BATAILLE DE LA MEURTHE 219 



11 



La nuit du 3 au 4, la i/i e division était attaquée de nou- 
veau dans le massif de La Chipote et perdait du ter- 
rain (i). A sa droite, les Allemands continuaient leur 
offensive en direction de Fraize et de Gérardmer. Pour 
parer à cette menace, le général Dubail jugeait néces- 
saire de porter vers Longemer la brigade Claret de la 
Touche, de la 66 6 division de réserve (2), qui opérait 
avec la 4 i e division. Au nord-ouest, la 27 e division était 
re jetée de Nompatelize, dans l'après-midi du à; elle per- 
dait ensuite La Salle, le Petit-Jumeau. La 28 e division 
tenait encore les Moitresses et les hauteurs du col d'Anozel. 
Du bois de La Pierre-de-Laitre, son artillerie arrêtait les 
Allemands. Mais la 27 e division, qui avait défendu jusqu'à 
20 heures la croupe au nord de La Bourgonce et le carre- 
four de la Croix-Idoux, entre la forêt de Mortagne et le 
bois de Chemont, perdait de nouveau du terrain. Deux 
de ses batteries laissaient même six pièces sur huit aux 
mains de l'ennemi. 

Celui-ci tentait d'exploiter son succès par une attaque 
de nuit, qui était repoussée; nous réoccupions. La Salle. 

L'offensive allemande, coïncidant avec le départ du 21* 
corps, ne nous permettait plus de conserver l'altitude 
agressive qui avait -été celle de la i n armée jusqu'à la fin 
du mois d'août. Un ordre du général Dubail prescri- 
vait de garder la défensive (3). Avec la brigade coloniale 



(1) Hanotaux, VI, p. i4o. Les troupes allemandes engagées comp- 
taient aux XIV* et XV e corps. 

(2) Cette division faisait partie du groupement sud de Belfort, géné- 
ral Mazel. 

(3) « La i re armée doit adopter, désormais, une attitude défensive 

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2 20 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

et la réserve d'infanterie (i) du 21* corps, la 44 e division 
formait un corps d'armée provisoire qui prenait la place 
du 21 e . Ordre était donné d'organiser notre première 
ligne pour une défense énergique, suivant les instructions 
du grand quartier général. Une réserve d'armée était 
constituée au moyen d'une brigade détachée de chacun 
des 8 e et i3° corps. Enfin, on préparait une seconde ligne 
de défense sur la rive gauche de la Mortagne, du bois de 
Lalau à la Vologne, par Haillairiville, Ortoncourt, Moye- 
mont, Romont, la corne est de la forêt de Romont, Des- 
tord, le Grand-Mont, Bruyères (2). Nous comptions ainsi 
couvrir Epinal. 

En prévision d'une tentative allemande vers Belfort, 
cette place avait été mise sous les ordres du général Dubail 
( i er septembre), comme il était naturel. On ne s'explique 
pas, en effet, l'indépendance que certains règlements 
avaient établie pour les places comprises dans la zone 
d'action d'une armée. Il est trop évident que le sort de 
chacune dépend de celui de l'armée. Le commandant de 
cette dernière doit, sous sa responsabilité, disposer des 
ressources en hommes et en matériel des places, ainsi que 
du reste de la région. 

Les combats continuels soutenus, depuis le milieu 
d'août, par la i ro armée n'avaient pas été sans lui causer 
de très fortes pertes, surtout en officiers. Un témoin du 
21 e corps écrit, le 3 septembre, que le 17 e bataillon de 
chasseurs* a vu son dernier capitaine tuë devant La Chi- 



et se borner à maintenir les forces adverses qu'elle a devant elle » 
(Hanotaux, VI, p. i4o). * 

(1) Trois bataillons de chasseurs. On donnait souvent ce nom aux 
deux régiments de réserve, à deux bataillons, affectés à chaque corps 
d'armée. 

(2) Hanotaux, VI, p. 62 et i4o. 



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FIN DE LA BATAILLE DE LA MEURTHE 221 

pote; il ne compte plus que sept' ou huit officiers. Le 17 e 
de Ifgne est réduit à trois capitaines. Au 11 e bataillon de 
chasseurs, il n'y en a plus. Les « tireurs d'officiers » 
choisis dans les compagnies allemandes mettent à pro- 
fit la différence de tenue entre les cadres et la troupe 
pour les détruire peu à peu, dans la très juste conviction 
que, sans ses officiers, la meilleure compagnie x perd le 
plus gros de sa valeur (1). 

Du côté de l'ennemi, les pertes paraissent avoir été très 
fortes également. Des compagnies auraient été réduites à 
64 et même à 36 hommes (2). 



III 



A la gauche du général Dubail, les 8 e (3) et i3° corps 
maintenaient simplement leurs positions, à cheval sur la 
Mortagne. Visiblement, l'action de l'ennemi était vers la 
droite. D'ailleurs ces deux corps d'armée avaient été ren- 
forcés d'artillerie lourde tirée d'Épinal. Ils continuaient 
à « tenir » sur place les 5, 6 et 7 septembre. La gauche 
du 8 e corps, i5 e division, contribuait même, le 5 dans 
l'après-midi, à la réussite cle l'offensive du 16 e corps. Avec 
la 6 e division de cavalerie, ces troupes rejetaient l'es Aile- 
mands à l'est de la Mortagne, qu'ils avaient franchie (4). 



(1) Cf. Hanotaux, VI, p. i4i, d'après Maurice Barrés, L'armée fran- 
çaise et la guerre, L'union sacrée, p. 282, et capitaine F. Belmart, 
Lettres d'un Officier de chasseurs alpins, p. 4i. 

(2) Hanotaux, VI, p. 142, d'après Mecklemburgs Sôhne ijxWeltkrieg , 
de M. Schafer. 

(3) Le commandant de la 16 e division, général de Màud'huy, partait 
le 4 septembre pour aller relever, au 18 e corps (5 e armée), le général 
de Mas-Latrie. 

(4) V. supra, p. 157. 



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222 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

A la droite de la i n armée, les événements prenaienl 
une tournure plus sérieuse dans les journées des 5 et 6 
septembre. La situation du groupement des Vosges deve- 
nait même critique. Du col de Mandray au col des Jour- 
naux, nos troupes fléchissaient jusque sur la Meurthe, de 
Saint-Léonard à Souche. En même temps, l'ennemi cher- 
chait à déboucher à l'ouest des Vosges méridionales. 

Le général Dubail donnait à la 71 division de réserve 
l'ordre de sortir du camp retranché d'Epinal et de s'éta- 
blir en seconde ligne vers Gugnécourt, le sommet de la 
Croix-de-Faite (ouest de Bruyères), la droite à la Vologne. 
Cette précaution semblait d'autant plus nécessaire que, 
dans la matinée du 5, la 27 e division perdait la Passée- 
du-Renard, au sud-ouest de La Bourgonce, le carrefour 
de la Croix-Idoux et celui du Haut-Jacques, entre la vallée 
de la Basse et celle du ruisseau de Taintrux. Déjà l'on pré- 
voyait la nécessité d'un repli sur la ligne Brouvelieures, 
Bruyères, Haute-Vologne (1). 

Heureusement, la siluation tendait à s'améliorer dès le 
6 septembre. A gauche, les 8 e et i3° corps se mainte- 
naient sur la Mortagne, où l'ennemi devenait de moins 
en moins pressant. Sur la Meurthe, le i4 e corps reprenait 
l'offensive. La 27 e division (2) progressait au delà de la 
Passée-du-Renard, du Grand-Jumeau, de la Croix-Idoux. 
A sa droite, la 28 e (3) attaquait le Haut- Jacques, sans par- 



Ci) Hanotaux, VI, p. i44. 

(2) D'après Hanotaux, VI, p. i46, elle était ainsi constituée : 53 e 
brigade, 75 e et i4o e régiments, 1 4 e bataillon de chasseurs; 54 e bri- 
gade, 62 e , 157 e régiments, 12 e , 28 e , 5o* bataillons de chasseurs; 2* régi- 
ment d'artillerie. 

(3) Composition d'après Hanotaux^ : 55 e brigade, 22 e et 99 e régi- 
ments; 56 e brigade, 3o e et 97 e régiments, 11 e , i3 e , 22* bataillons ie 
chasseurs; 54 e d'artillerie. 



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FIN DE LA BATAILLE DE LA MJBURTHE 223 

venir à l'enlever, mais occupait Rougiville et le col de 
Grandrupt. 

.. En même temps, la /u e division rétablissait la situation 
à Test de la- Meurthe. Par des attaques répétées, furieuses, 
fortement appuyées par l'artillerie, où nous perdions en 
tués et blessés une moyenne de 800 hommes. par régi- 
ment, elle- reprenait définitivement les cols de Mandray 
et des Journaux,' arrêtait les tentatives de l'ennemi dans 
la vallée de La Croix-aux-Mines. Ainsi, l'ennemi, qui 
menaçait naguère nos communications avec le Bonhom- 
me, voyait les siennes menacées vers Saint-Dié. 

À la même date du 6 septembre, dans cette région des 
Vosges, nous reprenions Bagenelles, perdu le 5. 

Le 7, le général en chef écrivait au général Dubail : 
« La région dans laquelle opère la i re armée ne rendant 
pas indispensable le maintien... de la 6° division de cava- 
lerie, il y a lieu d'en prévoir l'enlèvement prochain ». 
Ainsi, l'armée Dubail allait perdre son unique division de 
cavalerie, élément de force très appréciable, alors que la 
situation restait encore incertaine. Néanmoins, le général 
ne voyait dans les prélèvements qu'il avait subis, dans 
ceux qu'il subirait encore, aucun motif de désespérer. 
C'est même à cette même date du 7 septembre qu'il 
envoyait au général de Castelnau un officier chargé d'in- 
sister pour que la 2 e armée n'abandonnât pas Nancy (1). 

Dans la journée du 7, le 1 4 e corps progressait légère- 
ment. Nous maintenions nos positions de Rossberg (ré- 
gion du Bonhomme) (2). Sur plusieurs points du front, 



(1) V. supra^ p. 177. 
'(2) D'après le capitaine Rimbault, op cit., p. 102, le 8 e corps borde 
la Mortagne, en face de Magnières et Saint-Pierremont, tenus par l'en - 
jicmi. La gauche du i3 e corps est au sud de Xafféviîlers (et non 
Xainviîlers, comme écrit M. Rimbault). 



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224 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

des indices concordants révélaient un affaiblissement de 
l'ennemi. En effet, le chef d'état-major du Kaiser, général 
von Moltke, avait envoyé, le 6, à la VII e armée, un ordre 
prescrivant la mise en route du XV e corps et du comman- 
dant de l'armée, von Heeringen. Ils devaient ^tre trans- 
portés vers Trêves dès le 7, afin d'aller, par Maubeuge, 
renforcer la droite allemande, alors fortement engagée 
vers la Marne. Le XV e corps était relevé par des forma- 
tions de complément. Le reste de la VII e armé« était rat- 
taché à la VI e . 

Les indices relevés au sujet de l'affaiblissement des 
Allemands amenaient le général Dubail à prescrire la 
reprise de l'offensive (8 septembre). v Pourtant, sur la 
presque totalité du front, aucun changement marqué ne 
survenait dans nos emplacements. Dans les Vosges, au 
Rossberg, nous avions à supporter un bombardement 
d'une extrême intensité. Le général Bataille était tué, 
ainsi que plusieurs officiers autour de lui, mais nous 
conservions néanmoins le massif du Bonhomme. Au sud, 
dans le secteur de la Schlucht, le résultat était le même. 
Dès le 5 septembre, le général Putz avait prescrit au grou- 
pement des Vosges de ne plus céder de terrain.' Son ordre 
était exécuté. 

IV 

Le 9 septembre, le général Dubail voyait encore affai- 
blir son armée. Du grand quartier général il recevait 
l'ordre suivant : « La partie décisive se joue à l'extrême 
gauche. Il serait absolument nécessaire de transporter 
encore un corps d'armée, 8 e ou i3 e , dans la région de 
Paris. Désignez-en un et tenez le prêt ». En même temps, 
il apprenait, par un document trouvé sur l'ennemi, qu'un 



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FIN DE LA BATAILLE DE LA MEURTHE 225 

mouvement important se développait au sud-ouest de 
Metz; les V e , XIV e corps et III e corps bavarois marchaient 
sur Commercy, dans l'intention évidente de couper les 
armées de l'Est du reste de nos forces (i). 

D'autre part, le général Dubail était, paraît-il, dans une 
complète ignorance des événements à l'ouest de la Meuse. 
Quoi qu'il en soit, il désignait le i3 e corps pour quitter 
la i w armée. Ordre était donné de l'embarquer à dater 
du ii, dans la région d'Epinal, pour être transporté au 
nord de Paris. 

Entre temps, l'ordre général de l'armée pour le 9 sep- 
tembre avait prescrit au 8 e corps d'enlever, par une atta- 
que de nuit, Magnières et Saint-Pierremont; au i3 e corps 
de prendre le bois de la Horne, au nord-est de Xaffévil- 
lers; au corps provisoire de se rendre maître de Sainte- 
Barbe, 

L'attaque du 8 e corps, mal conduite et sans aucune pré- 
paration, semble-t-il, échoua. Le 95 e , qui attaquait Saint- 
Pierremont, reçut dos projectiles du régiment en seconde 
ligne. Nos troupes durent réintégrer leurs positions dans 
la soirée du 9 (1). 

Quant à l'offensive du i3 e corps et du corps provisoire, 
elle réussit. 

Dans les Vosges, nous n'avions reculé nulle part le 
9 septembre et quelques progrès avaient même été réali- 
sés. Vers Thann, nous conservions nos positions, sauf 
Vieux-Thann, évacué le 9, et nous gagnions du terrain 
dans la vallée de Masse vaux. 

Le 10, le général Dubail recevait du grand quartier 
général des félicitations à peu près conçues dans les 

^ (1) Hanotaux, VI, p. i5o. 
(2) Capitaine Rimbauît, p. 107. 

La grande guerre, IV. ' 15 



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226 LA -GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

mêmes termes que celles adressées le même jour à la 
2* armée et, comme ces dernières, amplement méri- 
tées (i). 

Pour combler la brèche qu'allait ouvrir le départ du 
i3* corps, la* 71 e division de réserve fut portée en pre- 
mière ligne. De plus, le groupement Sud de Belfort fut 
dissous. La ilf brigade de dragons resta seule à la dispo- 
sition du gouverneur de cette place. La 66* division de 
réserve fut rattachée à la i M armée et portée dans la 
région Le Thillot, Saint-Maurice, de façon à rendre dispo- 
nible toute la !\ i e division, dont les derniers éléments 
furent poussés sur le front. Ce mouvement s'opéra du 9 
au 11 septembre. 

Le matin du 11, les renseignements recueillis confir- 
mant la retraite d'une partie des troupes et de l'artillerie, 
le général Dubail prescrivait de continuer l'offensive. 
Dès 11 h. /»5, il faisait connaître que l'ennemi se repliait 
devant le groupement des Vosges et ordonnait d'attaquer 
sur tout le front. A i3 h. 10, Saint-Dié ayant été évacué, 
il prescrivait de lancer des détachements de poursuite 
partout où il serait possible. Le i4* corps progressait rapi- 
dement dans la combe de Nompatelize et rentrait à Saint- 
Dié. La 4i* division poussait de l'infanterie à Fouchifol 
et de la cavalerie à Laveline, dans la vallée de La Croix- 
aux-Mines, où l'ennemi était arrivé les jours précédents 



(1) a Depuis plus d'un mois, votre armée combat presque journel- 
lement, montrant des qualités remarquables d'endurance, de ténacité 
et de bravoure. Vous avez su, vous-même, insuffler à tous l'ardeur 
dont vous êtes animé; malgré les prélèvements importants qui ont été 
successivement opérés sur vos forces, vous avez su maintenir l'enne- 
mi, et vos troupes ont compensé la diminution de vos effectifs par 
une activité toujours croissante. 

« Je tiens à vous témoigner, à vous et à la i n armée, toute ma 
satisfaction pour le résultat obtenu » (Hanotaux, VI, p. i5i). 



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FIN DE LA BATAILLE DE LA MEURTHE 227 

jusqu'au Chipai. Désormais, notre liaison avec le Ross- 
berg et le Bonhomme v n'était plus menacée. 

A gauche, le corps provisoire et la 71 e division de 
réserve atteignaient la Meurthe, comme avait fait la l\i* 
division. Le 8 e corps se bornait, dit-on, à pousser une 
compagnie sur Magnières et une autre sur Valois. Ces 
reconnaissances étaient aisément arrêtées (1). 

Mais la i re armée, comme lai 2 e , était affaiblie de nou- 
veau, à l'heure même où elle aurait pu mettre à profit la 
retraite de l'ennemi après cette longue série de combats. 

Dans la matinée du 11, le général Dubail recevait l'avis 
suivant di grand . quartier général : « Il se peut que 
l'ennemi récupère des forces devant la 1™ armée pour les 
amener devant Nancy ou dans la Woëvre. Etudiez les 
moyens de récupérer des forces, de préférence un corps 
d'armée constitué, qui pourrait être amené en arrière de 
votre gauche comme réserve générale des i M et 2 e armées, 
à hauteur de Bayon. S'il en était besoin, toutes ces forces 
pourraient être transportées en Woëvre »,(2). 

Des deux éventualités ainsi prévues, la première était 
peu vraisemblable, d'après la tournure prise par les évé- 
nements, jusqu'au soir du 10, à l'est de Nancy. La seconde 
semblait fort probable. Le général Dubail désigna d'abord 
le i£ e corps, puis le 8 e , mieux placé, pour être dirigé dans 
la région de Bayon, Charmes. Le i4 e corps allait appuyer 
vers Rambervillers;la 71 e division de reserve et la £i e divi- 
sion se partageraient le front qu'il occupait antérieure- 
ment. 

En attendant le départ du 8 e corps, le général Dubail 
prescrivait une offensive générale pour le 12 septembre : 



(1) Cf. Hanotaux, VI, p. i52. 

(2) Hanotaux, VI, p. i54. 



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228 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

le corps d'armée provisoire marcherait sur Raon-1'Etape, 
la 71 e division sur Baccarat et le 8 e corps sur Domptail et 
Azerailles. Ainsi la gauche de l'armée borderait la Meur- 
the, alors que la droite la débordait sensiblement* vers 
Ban-de-Sapt et Coinches. 

Après tant dfe combats acharnés, où l'enjeu était pres- 
que toujours quelques centaines de mètres, la retraite 
subite des Allemands surprenait fort les troupes. Au 8 e 
corps, par exemple, on apprenait dans la journée le 
départ des Allemands, pendant la nuit, de Magnières et 
de SainUPierremont. Ils étaient en retraite précipitée vers 
le nord. Le 95 e prit aussitôt possession de ce dernier vil- 
lage, qui fut trouvé rempli d'équipements, d'armes, de 
débris de toute nature. Le régiment allait passer la nuit 
à Domptail, sans coup férir (1). 

Les détachements de poursuite poussés jusque dans la 
région de Blâmont ne rencontraient plus l'ennemi. Mais, 
à l'est, il occupait encore Raon-sur-Plaine, le Donon, 
Senones, Ban-de-Sapt. Sur la Meurthe, comme sur la 
Mortagne et devant Nancy, les batailles de Lorraine se 
terminaient par un échec incontestable de l'ennemi. Nulle 
part, malgré de très lourdes pertes, il n'était parvenu à 
obtenir un succès durable et cette période des opérations 
aboutissait pour lui à un recul sur tout le front. Il reve- 
nait aux abords de notre ancienne frontière et, .dès lors, 
la situation ainsi établie était destinée à se stabiliser. 
Entre la Moselle et les Vosges, les positions occupées par 
les deux adversaires en mai 191 8 ne diffèrent pas essen- 
tiellement de celles qu'ils tenaient vers le i3 septembre 
191/1. 

Au 8° corps, le i3, les troupes recevaient, dans la ma- 



(i) Capitaine Rimbault, p. 125. 

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FIN DE LA BATAILLE DE LA MEURTHE 229 

tinée, Tordre suivant : « Le 8 e corps d'armée, victorieux, 
va continuer sa marche en avant et poursuivra l'ennemi 
jusqu'au delà de ses frontières ». Une demi-heure après, 
un contre-ordre survenait, au grand regret de tous : la 
poursuite était abandonnée à d'autre^ unités et le corps 
d'armée allait s'embarquer dans la région de Charmes, 
pour une destination inconnue (i). 

La 71 e division et le corps d'armée provisoire Bordèrent 
la Meurthe d'Azerailles à Raon-1'Etape. La zone d'action de 
la i w armée était étendue jusqu'à la vallée de la Moselle, 
ainsi que nous l'avons vu, et sa composition entièrement 
modifiée. Désormais, elle comprendrait surtout des divi- 
sions de réserve et sa tâche serait limitée à la défense deg 
positions reconquises. 



(1) Capitaine Rimbault, p. i36. L'embarquement du 96 e avait lieu 
le i5 à 5 heures (ibid., p. i4o). 



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CHAPITRE XIX 
RÉFLEXIONS SUR LES BATAILLES DE LORRAINE 

Résultats généraux. — But de l'offensive allemande en Lorraine. — 
Répartition générale des Allemands. — Effectifs des VI e et VIP 
armées. — Les i n et 2 e armées. — Variations d'effectifs. — Notre 
supériorité numérique dans l'Est. — Les erreurs de notre concentra- 
tion. — L'offensive préliminaire. — Nos doctrines.de guerre en 
1914. — La proclamation du roi de Bavière. — Enseignements tacti- 
ques des batailles de Lorraine. 



I 



Comme dans les Ardennes et sur la Sambre, nos opé- 
rations avaient mal débuté en Lorraine. Après deux ten- 
tatives prématurées et inopportunes d'offensive en Alsace, 
aboutissant finalement à l'abandon de la majeure partie 
du terrain conquis, nous avions entrepris une autre série 
d'opérations de même nature en Lorraine, interrompues 
par le double échec de Sarrebourg et de Morhange. Il 
avait fallu effectuer une pénible retraite, mettant à une 
dure épreuve le moral de nos troupes, si haut au moment 
de la mobilisation. 

A ces mouvements rétrogrades succéda une longue 
période d'offensive, alternant avec des échecs, avec des 
retraites partielles suivies de retours offensifs. Nos deux 
armées, et particulièrement la i re , y furent exposées à 
des attaques acharnées, répétées, incessantes. Elles* y firent 
preuve d'une énergie, d'une abnégation, d'une endurance 
qui ne sauraient trop être célébrées. Grâce à elles, la 



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RÉFLEXIONS SUR LES BATAILLES DE LORRAINE 23 1 

droite de nos forces remplit entièrement sa mission, qui 
consistait à fixer sur notre front lorrain un maximum de 
troupes allemandes, tout en servant de pivot inébranlable 
au centre et à la gauche des armées alliées. Si ces der- 
nières ont pu opérer le délicat rétablissement qui portera 
dans l'Histoire le nom de Victoire de la Marne, c'est grâce 
à la solidité inébranlable de leur aile de Lorraine. 

Notons encore l'étroite solidarité qui se manifesta entre 
les i te et s e armées, bien qu'aucune ne fût subordonnée à 
l'autre. Peut-être aurait-il été plus avantageux encore de 
les grouper sous un même commandement, puisqu'elles 
opéraient sur le même théâtre d'opérations. Le général en 
chef était trop loin, son attention était trop retenue à 
l'ouest de la Meuse pour qu'il pût diriger efficacement 
nos armées de l'Est. 

On a beaucoup discuté l'importance de l'offensive alle- 
mande en Lorraine, non sans que, parfois, des considéra- 
tions de personnes soient intervenues pour tendre à l'exa- 
gérer. C'est ainsi que l'un des principaux historiens de la 
Grande Guerre a écrit de la « manœuvre de la Trouée de 
Charmes » que, « parfaitement conçue et magnifique- 
ment exécutée », elle était « une des plus belles de l'his- 
toire militaire ». « 11 y a dans cette combinaison de la 
stabilité et du mouvement, quelque chose qui sent son 
Marengo » (i).. Peut-être trouvera-t-on qu'il y a une sin- 
gulière exagération dans ces louanges /Il suffît de rappe- 
ler que nos batailles de Lorraine n'eurent, par leurs résul- 
tats matériels et moraux, absolument rien d'une bataille 
décisive comme Marengo. 

Dans une publication dont on s'accorde généralement 



(i) Hanotaux, V, p. 42-44- 

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232 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

à constater l'importance (i), un officier d'étatanajor alle- 
mand, qui paraît inspiré par de hautes personnalités, a 
établi que la mission de l'aile gauche allemande (V e et 
VI e armées) « consistait principalement à retenir de 
grandes forces françaises sur les positions extrêmement 
puissantes de Nancy, Toul et Verdun, et dans les autres 
fortifications de la Meuse » (2). Tandis que nous serions 
ainsi fixés en Lorraine, la droite allemande aurait plus de 
facilités pour l'exécution de son grand mouvement enve- 
loppant par la Belgique, déclenché dès le premier jour 
des hostilités. 

L'importance relative des opérations de Lorraine et dans 
le Nord de la France résulte de ce qui précède. On peut 
aussi la déduire des effectifs et de la composition des 
armées chargées de ces deux missions. Le gros de la 
cavalerie allemande est affecté aux I™," II e ,' III e armées. 
De même pour la garde prussienne. Les F 8 et II e armées 
surtout sont très fortement constituées. Elles ne comptent 
pas moins de douze corps d'armée, tandis que les trois 
armées du centre en ont quatorze et les deux armées de 
gauche neuf seulement (3). 

Notons encore que, dans notre plan de concentration 
primitif, les i rt et 2 e armées devaient faire face aux VI e 
et VII e , les 3 e , 4 e et 5 e aux V e et IV e , alors que les P, II e et 
IIP armées allemandes n'auraient devant elles que des 
unités de réserve ou de territoriale (4). Il fallut, dès le 
début des opérations, modifier la composition de nos 

- . ,_ . : 

(1) Une version allemande de la Marne. Les batailles de la Marne 
(6-12 septembre 1914), par un officier d'état-major allemand, traduc- 
tion Th.-C. Buyse, avec étude critique de J. Reinach, Van Œst et C*, 

1917- 
(a) Ibid., p. 90. 

(3) Cf. La grande guerre sur le front occidental, II, p. 97." 

(4) Cf. La grande guerre sur le front occidental, II, p. 100 et suiv. 



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RÉFLEXIONS SUR LES BATAILLES DE LORRAINE 233 

armées et leur répartition, ce qui n'alla pas sans des 
inconvénients de toute nature. On admettra difficilement 
que ces faits irrécusables témoignent en faveur de notre 
prévoyance. 

Nous allons voir que les effectifs de nos i w et 2 e armées 
varièrent beaucoup du 25 août au 12 septembre, ainsi, 
d'ailleurs, que ceux des VI* et VU* armées allemandes. 
Mais il est facile d'établir que les nôtres dépassèrent très 
sensiblement, à un moment donné, ceux de l'ennemi en 
Lorraine, alors que le centre et la gauche de nos armées 
étaient dans une regrettable infériorité numérique, même 
en tenant compte des forces britanniques, encore très res- 
treintes. On se souvient du mot inoubliable de Guillau- 
me II sur la <( méprisable petite armée anglaise ». 

L'effectif maximum de notre i n armée atteignit i3 divi- 
sions, y compris les fractions appelées à constituer la 
6* armée, mais sans la brigade coloniale, les régiments de 
réserve des corps d'armée et la 71* division (Epinal) (1). 
Quant à la 2 e armée, à un moment donné elle représenta 
un total de 12 divisions, sans la 73 e (Toul), sans la bri- 
gade coloniale et les régiments de réserve des corps d'ar- 
mée {2). Le total général atteignit 25 et même 28 divi- 
sions; sans ces régiments de réserve, presque toujours 
utilisés à 4es opérations accessoires. Les VI e et VII e armées 
allemandes comptaient 9 corps d'armée, soit 18 divisions 
sans les formations d'ersatz et de landwehr. Nous avions 
donc une supériorité numérique marquée en Lorraine, et 
nous étions inférieurs en nombre à l'ouest de la Meuse, où 



(1) 8*, i3 e , 21 e , i4 e corps, cinq groupes Bataille, huit groupes 
alpins de réserve, 44 e division, 4i e division; 58 e , 57 e divisions de 
réserve. 

(a) 16 e , i5 e , 20 e , 9 e corps (une division), 74 e , 70 e , 64 e , 68 e , 59 e 
divisions de réserve. 



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234 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

se jouait la grosse partie. 11 est difficile d'admirer cette 
répartition. 

On s'est efforcé, en présentant ces calculs sous une 
autre forme, d'en tirer des conclusions qui diffèrent 
entièrement des nôtres. Il y a lieu d'examiner de près les 
évaluations dont il s'agit. 

II 

Au début (i), la VI e armée comprenait outre trois divi- 
sions de cavalerie, cinq corps d'armée (II e , IIP corps 
bavarois, XXI* corps, 1 er corps bavarois, et I er corps de 
réserve bavarois), soit un effectif approché de 2i5.ooo 
hommes. Dès la fin d'août, les Allemands constituèrent 
de nouvelles formations, montrant ainsi qu'ils n'avaient 
pas oublié l'exemple du Gouvernement de la Défense 
nationale en 1870-1871. Deux compagnies d'ersatz furent 
créées dans chaque brigade. L'ensemble permit de former 
17 brigades mixtes, groupées en 6 divisions. Trois furent 
identifiées sur le front lorrain (2). En -outre, un certain 
nombre de régiments de landwehr étaient en Lorraine 
dès le mois d'août (3). Dans les premiers jours de sep- 
tembre, la VI e armée reçut la 33 e division de réserve 
venue de Metz et comprenant une brigade active; puis la 
3a e division de réserve (10 septembre), qui opéra dans la 
Wocvre. En faisant état de toutes ces troupes de complé- 
ment, de valeurs fort inégales \ on arrive à un effectif de 

(1) Hanotaux, VI, p. i3o et suiv. 

(2) Division de la Gardé, une division saxonne, une division bava- 
roise (Hanotaux). 

(3) 6 e division, 4 e , 6 e , 7 e , 8 e , 10 e régiments de landwehr bavaroise; 
25 e , 65 e , 28 e , 29 e , 68 e , 3o e régiments prussiens (Hanotaux). Le même 
auteur y ajoute ensuite les 43 e et 45 e brigades de landwehr et deux « 
« détachements ». 



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RÉFLEXIONS SUR LES BATAILLES DE LORRAINE 235 

3oo.ooo hommes. Mais il convient d'ajouter que, ni les 
divisions d'ersatz, ni les régiments de landwehr endivi- 
sionnés ou non ne pouvaient, au début, être considérés 
comme des troupes de campagne. Ce chiffre de 3oo.ooo 
hommes paraît donc fort exagéré. 

Quant à la VII e armée, au début eiky comprenait les 
XIV e , XV e corps, le XIV e corps et la 3o e division de réserve, 
destinée avec la 39 e division à former le XV e corps de 
réserve : au total, vers le 20 août, sept divisions que 
M. Hanotaux évalue à i^o.ooo hommes. En outre, des 
formations d'ersatz et de landwehr renforcèrent la VII e 
armée (1), ce qui porterait l'ensemble à 220.000 ou 
23o.poo hommes, chiffre surjequel nous faisons égale- 
ment toutes nos réserves. D'ailleurs, dès le 6 septembre, 
ces forces furent très sensiblement réduites par le départ 
de deux corps d'armée mis à la disposition de la VI e 
armée, puis du XV e corps envoyé sur l'Aisne. 

Si les effectifs allemands se modifièrent du 25 août au 
12 septembre, ce fait est encore iplus vrai pour les nôtres. 
Une brigade légère de la 2 e division de cavalerie et toute 
la 10 e , le i5 e corps, la 18 e division (9 e corps) quittèrent la 
2 e armée avant le 5 septembre. Le reste de la 2 e division de 
cavalerie se porta dans la Woëvre le 8 (2). M. Hanotaux 
évalue donc à 206.000 hommes environ l'effectif de la 
2 e armée au 20 août, à 2^2.000 le 25, à 200.000 le 4 sep- 
tembre et à 1 36. 000 le i3. Ces chiffres, qui ne tiennent 
aucun compte des pertes, pas plus d'ailleurs que ceux 
relatifs aux Allemands, semblent fort sujets à caution. 

(i)i9 e division saxonne d'ersatz (?), une division bavaroise d'ersatz, 
douze régiments de landwehr badoise et wurtembcrgeoise (von Gacdo) 
(Hanotaux). 

(2) M. Hanotaux en tient compte comme quittant la a 6 armée, 
alors qu'il énumère dans les renforts allemands la 32 e division do 
réserve opérant également dans la Woëvre (ibid, p. i32-i36). 



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236 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

La seule évaluation présentant quelques chances d'exacti- 
tude est celle du nombre des divisions d'infanterie, la 
véritable unité tactique comme on a pu le constater au 
cours de cette guerre, où les armées et les corps d'armée 
ont subi des modifications incessantes dans les deux 
camps. 

A la i M armée, la 8 e division de cavalerie, le 21 e corps, 
la 6 e division de cavalerie, le i3 € corps, le 8 e corps furent 
transportés sur d'autres théâtres d'opérations du 3o août 
au i4 septembre. M. Hanotaux (1) évalue doïic à 320.000 
hommes environ ensemble des armées Dubail et Pau 
vers le 20 août; à 290.000 vers le 25; à 1 65. 000 à la fin 
de la bataille de la Mortagne et de la Meurthe. 

Tous ces calculs, dont les bases sont très fragiles, 
comme on a pu le constater, permettent d'aboutir à une 
conclusion non moins aventurée, à savoir qu'au moment 
de la bataille de la Mortagne les armées allemandes de 
Lorraine représentent un effectif total de* 53o.ooo hom- 
mes et les armées françaises de 532. 000. A ces évaluations 
nous en opposerons d'autres, qui paraissent plus fondées. 
L'effectif maximum des 1™ et 2 e armées réunies repré- 
sente 28 divisions (2) actives ou de réserve; celui des VI e 
et VII e armées allemandes est de 19 divisions actives ou 
de réserve, auxquelles s'ajoutèrent 12 divisions d'ersatz 
ou de landwebr.; ces dernières n'ayant d'analogues dans 
notre armée que les formations territoriales qui ne figu- 
rent pas dans le relevé de M. Hanotaux, il n'y a pas lieu 
de les faire entrer en compte pour l'ennemi. Même en 
comptant les cinq divisions d'ersatz, qui ne pouvaient être 



(1) VI, p. i58. 

(2) Y compris les deux brigades coloniales, les 71 e et 73 e divisions 
de réserve, mais sans les régiments de réserve des corps d'armée. 



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RÉFLEXIONS SUR LES BATAILLES DE LORRAINE 237 

comparées aux divisions actives ou de réserve, le total des 
VP et VIP armées ne serait encore que de 24 divisions au 
plus. 

Nous en concluons que nos forces de l'Est étaient 
numériquement supérieures à celles de l'ennemi. On n'est 
arrivé qu'en torturant les chiffres à les considérer comme 
à peu près égales (1), et cela dans le but, constamment 
visé, d'alléger les responsabilités encourues : « L'offen r 
sive des Allemands par la Belgique n'était pas, comme on 
l'a dit et comme on le répète encore, la seule opération à 
laquelle le haut commandement allemand eût consacré 
des forces importantes. Par conséquent, il eût été absurde, 
de la part du général Joffre, de n'avoir en vue que cette 
offensive et de diminuer sa force de l'Est » (2). 

Ce qui fut « absurde » de la part de notre grand 
quartier général, pour employer l'expression même de 
M. Hanotaux, c'est de ne tenir aucun compte de l'invasion 
de la Belgique, commencée dès le 4 août et prévue depuis 
des années, dans la concentration qui s'opéra les jours 
suivants; c'est d'avoir obstinément fermé les yeux à cette 
menace évidente, en ajournant jusqu'à la dernière extré- 
mité les mesures indispensables pour y parer. Dans les 
conditions, où se trouvait la France vers le milieu d'août 
1914, en face d'une attaque menaçante qui pouvait com- 
promettre sa vie nationale, il était déraisonnable de main- 
tenir dans l'Est des effectifs dépassant le strict nécessaire 
pour la défensive pure et simple; il l'était encore plus 
d'entreprendre des mouvements offensifs en Alsace et en 
Lorraine, sans chances sérieuses de succès, alors que nos 
troupes demeuraient en très grande infériorité numérique 



(1) Hanotaux, VI, p. i38. 

{2) Hanotaux, ibid. Cf. VI, p. 162-168. 



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238 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

à l'ouest de la Meuse. On l'a écrit récemment, et nous y 
souscrivons volontiers : « Après la magnifique résipis : 
cence de la Marne, on peut, sans inconvénient, avancer 
que jamais on ne se trompa aussi complètement. L'erreur 
fut absolue et, ce qui stupéfie, volontaire, car jamais atta- 
que ne fut plus prévue, plus annoncée, plus prophétisée 
que celle qui se produisit en août icjiA; les stratèges de la 
vieille école, non seulement l'avaient prédite depuis qua- 
rante ans, mais nous avaient donné les moyens d'y parer; 
on bafoua leurs idées et on abolit leur œuvre... » (1). 



III 



Comment, en présence de ces faits, a-t-on pu écrire : 
l'échec allemand « sur le front de France... est dû aux 
précautions prises ...pour accumuler dans l'Est des forces 
égales aux forces allemandes. Il est dû surtout à l'idée 
très juste et très profonde que notre haut commande- 
ment s'est faite, dès le début, de l'importance de la ma- 
nœuvre dans l'Est. Sauver l'Est, c'était sauver l'armée, 
c'était sauver la France! » (2). 

Est-il besoin d'ajouter qu'il y a là une singulière défor- 
mation des événements? Non, H n'est pas exact que « sau- 
ver l'Est, c'était sauver la France », attendu que si notre 
gauche avait été mise en déroute sur la Marne, rien n'eût 
pu empêcher l'enveloppement de cette aile, c'est-à-dire 
un véritable désastre, suivi de l'entrée des Allemands 
dans Paris. 

(1) F. Engerand, Le drame de Charleroi, Correspondant du 10 avril 
191 8, p. 219. Dès 1890, un officier belge, le major Girard, prévoyait 
la violation par les Allemands de la neutralité belge {La Belgique et 
la guerre prochaine, la Lecture, tome XI, p. 323, 438 et suiv.). 

(2) Hanotaux, VI, p. 168. 



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RÉFLEXIONS SUR LES BATAILLES DE LORRAINE ?3g 

M. Hanotaux écrit encore (i) : « Ne résulte-t-il pas tout 
naturellement de ces données incontestables que le haut 
commandement français suivait les lois de la sagesse et 
du bon sens quand il opposait dans l'Est, aux forces con- 
sidérables de l'ennemi, les forces nécessaires pour s'en 
prendre à lui, lui sauter à la gorge, le battre et ultérieure- 
ment le refouler au cas où le territoire français serait 
envahi »? C'est le leit-motiv de cette partie de Y Histoire 
illustrée de la Guerre de 191U; il y revient constamment, 
sans en être plus exact. Accumuler des forces dans l'Est 
fevenait nécessairement à réduire d'autant celles à l'ouest 
de la Meuse. Or, quel était le plus important de sauve- 
garder nos départements lorrains ou ceux situés entre 
Paris et la frontière belge? Il ne peut y avoir de doute à 
cet égard, si l'on tient compte des ressources de tout 
genre que renfermaient le Nord, le Pas-de-Calais, la Som- 
me, l'Aisne et l'Oise. Nous avons pu le constater à nos 
dépens depuis août 1914. 

Au sujet de l'offensive préliminaire, sur tout le front, 
telle que nous la mîmes en pratique, l'unanimité n'était 
pas faite avant la guerre. M. Hanotaux reproduit même (2) 
des passages d'une étude rédigée au printemps de 1914 
par le général de Castelnau et-concluant à une défensive 
stratégique « sur la rive gauche de la Mortagne, les 
hauteurs de Saffais-Belchamp et le Grand-Couronné de 
Nancy ». Néanmoins, le principe de l'offensive stratégi- 
que, du « coup de poing » préliminaire, gagnait cons- 
tamment des adeptes, surtout parmi les jeunes cadres. 
Nous avons résumé ailleurs les idées du général de 
Grandmaison dans des conférences célèbres (3). Elles 

(1) VI, p. 172 et stiiv. 

(2) Ibid. 

(3) La grande guerre sur le jront occidental, I, p. 274-378. 



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24o LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

imprégnaient jusqu'à des règlements (i). I>ans ses Prin- 
cipes de la guerre, conférences faites en 1900 à VEcole de 
guerre (2), le général Foch écrivait : « Le mouvement est 
la loi de la stratégie.... Mais, ce choc, on pourra l'atten- 
dre? Evidemment non. Car, si on ne le cherche pas, il 
pourra bien ne pas se présenter ou se présenter dans de 
mauvaises conditions... Il faut aller le chercher... ». 
Peut-être y avait-il là une doctrine trop rigide. L'expé- 
rience que nous subissons depuis quatre ans n'est guère 
en faveur de l'offensive quand même, de l'offensive contre 
des forces très. supérieures, à .moins qu'il n'y ait complet 
défaut d'équilibre entre les quantités morales en pré- 
sence. 

On concluait néanmoins « à une offensive entre Metz 
et le Donon » (3). On ne tenait aucun compte de l'avis 
prophétique du lieutenant-colonel Grouard : « Une contre- 
offensive entre Metz et les Vosges, non seulement n'aurait 
aucune chance de succès, mais serait des plus dange- 
reuses » (4). Le général Foch écrivait : « Il nous faut 
aller à Berlin en passant par Mayence », c'est-à-dire en 
rééditant le plan mort-né de Napoléon III en 1870. On 
développait même le projet d'opérations suivant, dont la 
naïveté n'a pas besoin d'être soulignée : « Percer l'ennemi 
entre ses deux camps retranchés de Metz et de Stras- 
bourg », après avoir réuni « toute la masse disponible 
des troupes actives, de réserve et même de territoriale » 
dans la région de Neuf chat eau. L'auteur eût d'ailleurs 
préféré la combinaison suivante : disposer nos masses 



(1) Ibid, p. 279-283. 

(2) 3 e Edition, 191 1, cité par Hanotaux, VI, p. 180. 

(3) Général Leblond, cité par Hanotaux, VI, p. 180. 

(4) France et Allemagne. La guerre éventuelle, 5 e édition, 1913, 
cité par F. Engerand, Correspondant du 10 avril 1918, p. 223. 



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I 

REFLEXIONS SUR LES BATAILLES DE LORRAINE 2^1 

derrière la ligne Verdun, Toul, leur centre de gravité dans 
la région Vitry-le-François, Revigny, Bar-le-Duc, Saint- 
Dizier. La masse priilcipak serait flanquée au nord par 
une armée dans la région Reims, Rethel, Vouziers; au 
sud par une autre armée, vers Neufchâteau, Mirecourt. 
En outre, un détachement opérerait dans les Vosges et un 
corps d'armée à l'extrême droite. 

Dès qu'on serait suffisamment renseigné sur la marche 
de l'ennemi, l'armée de Reims se porterait à sa rencontre 
dans là région Sedan, Montmédy; l'armée de Neufchâteau 
jouerait le même rôle vis-à-vis du groupement débou- 
chant par Avricourt. La masse principale livrerait bataille 
sur les Hauts-de-Meuse et le Grand-Couronné (i). L'auteur 
de ces plans ingénieux oubliait un détail parmi beaucoup 
d'autres : l'invasion probable des Allemands par la Bel- 
gique. 

On a reproché à la défensive stratégique, de laisser 
d'importantes fractions du territoire à la merci de l'en- 
nemi {2). Est-il bien opportun d'insister sur un argument 
de ce genre, alors que l'offensive stratégique du milieu 
d'août 191 1\ a conduit finalement les Allemands à Luzar- 
ches et qu'ils sont encore à Noyon (mai 191 8)? 

M. Hanotaux résume comme il suit les motifs de notre 
action en août 191 4 : « Utilisation de l'heureuse avance 
que les travaux du grand état-major assurent à notre 
concentration; nécessité d'opposer des forces considéra- 
bles au plan d'invasion des Allemands en Lorraine an- 
nexée; nécessité dp protéger, non seulement le territoire 
national, mais l'aile droite de l'armée contre l'attaque 



(1) Capitaine Sorb (Ch. Cormier), La doctrine de la Défense natio- 
nale, cité par Hanotaux, VI, p. 180-182. 

(2) Hanotaux, VI, p. 180. 

La grande gn rre, IV. 10 



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242 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

brusquée des Allemands sur Nancy et sur la Trouée de 
Charmes; succès rapide à exploiter en cas de victoire; 
possibilité de revenir sur une première défaite, à supposer 
qu'elle se produise; impulsion, élan, mouvement, audace, 
pleine et libre expansion du tempérament national et de 
la volonté nerveuse de la jeune armée; telles sont les 
raisons qui ont décidé le haut commandement français 
à prendre l'initiative dans l'Est et à y porter, dès le début 
de la guerre, des forces considérables.... L'ennemi Ta 
réconnu lui-même : ce sont les échecs dans l'Est qui ont 
fait échouer le grand plan allemand » (i). 

Ces arguments sont-ils de nature à justifier notre pre- 
mier dispositf de concentration et même celui qui lui fut 
substitué en cours d'exécution, ainsi que notre offensive 
préliminaire sur tout le front entre le Rhin et l'Escaut? 
Nous ne le croyons pas. Pouf nous, il y eut erreur grave 
dès le début. Notre grand quartier général, mal rensei- 
gné, évalua trop bas les forces de l'ennemi; il ne sut pas 
apprécier l'importance du mouvement par la Belgique. 
Il opéra une série d'offensives échelonnées du Rhin à la 
Sambre, dans des conditions telles qu'elles ne pouvaient 
aboutir à rien. Et pourtant le lieutenant-colonel Grouard 
l'avait démontré : « L'offensive initiale ne peut nous con- 
duire qu'à la défaite » (2). Où puiser, dans tout cela, des 
motifs d'adihirer la « perspicacité » et la « sagesse » du 
grand quartier général (3)? Nous en restons personnelle- 
ment convaincu, avec M. Engerand : « Cette offensive de 
Lorraine fut assurément une des plus lourdes fautes de 
cette guerre » (4). 



(1) Hanotaux, VI, p. 182. 

(2) Op. cit. t cité par F. Engerand, p. 222. 

(3) Hanotaux, VI, p. 168, 172. 

(4) F. Engerand, loc. cit., p. 2^3. 



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REFLEXIONS SUR LE8 BATAILLES DE LORRAINE 2^3 



IV 



Si les échecs des Allemands en Lorraine n'eurent pas 
toute l'importance qu'on leur a prêté parfois, ils n'en 
furent pas moins réels. Il faut se rendre compte, en effet, 
des illusions vaniteuses, de la mégalomanie outrancière 
qui hantaient les Allemands après nos premiers échecs 
en Lorraine, dans les Ardennes, sur la Sambre. Ils 
voyaient déjà la guerre terminée par l'écrasement de la 
France et de la Grande-Bretagne, le colosse russe accablé 
en quelques jours. Leur Kaiser ne s'était-il pas écrié, du 
haut de son balcon, à Berlin, le jour même de l'ouverture 
des hostilités : « Vous serez de retour, vainqueurs, dans 
vos foyers, avant que les arbres ne soient dépouillés -de 
leurs feuilles! » (i). Leur ambition, leur âpreté au pillage 
sous touteâ ses fortaies n'avaient plus de limites. * Un 
ensemble d'insuccès et d'échecs, survenus du 6 au 12 sep- 
tembre, montra qu'ils avaient trop présumé de leurs 
forces. Ils ne pouvaient qu'en être profondément déçus. 
C'est sans doute pour amortir la dureté de ce coup que 
le roi de Bavière lançait, le 11 septembre, à sa petite 
armée, une proclamation qui vaut d'être reproduite par 
son emphase ridicule et mensongère : 



« Mes chers Bavarois I 

« Plein d'orgueil et de joie de la conduite héroïque 
de nos troupes, je me suis hâté d'accourir sur le théâtre 



(1) D'après les Mémoires de James W. Gérard, Revue hebdomadaire, 
11 mai 1918, p. 147. 



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244 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

de la guerre pour exprimer à tous ceux qui appartiennent 
à mon armée... une pleine et entière reconnaissance. 

<( Soldats! vos actes méritent d'être placés à coté des 
plus hauts faits de l'Histoire de nos ancêtres et vous 
assurent dans l'avenir une gloire immense. 

« Beaucoup de succès et de grands succès sont déjà 
obtenus, mais il faudra encore livrer de durs combats 
jusque ce que nos ennemis, qui nous ont criminellement 
attaqués, soient abattus. J'ai la (ferme confiance que, tous, 
vous persévérerez dans votre inébranlable fidélité et bra- 
voure jusqu'à la fin glorieuse de la guerre. 

« Soldats I mes meilleurs vœux vous accompagnent. 
Que le Dieu tout-puissant' daigne attacher pour toujours 
la victoire à nos drapeaux. C'est ma fervente prière quo- 
tidienne au milieu de ces grands . événements -pour nous 
si durs! 

« Donné en Lorraine, le n septembre 1914. 

« Louis » (1). 

Certes, le vassal couronné qui écrivait ces lignes en 
septembre 191 4 ne se doutait guère que, quatre ans après, 
le front de ses troupes en Lorraine serait, à très peu près, 
identique à celui qu'elles occupaient alors. Si les Alle- 
mands n'étaient intoxiqués, au delà de toute imagination, 
par l'orgueil, par l'avidité d'un peuple.de proie qui se 
croit, comme naguère l'Autriche (2), appelé à régir le 
monde, ils s'apercevraient que tant de sacrifices les lais- 
sent sur notre front (mai 1918) dans une situation infé- 
rieure à celle qu'ils occupaient en septembre 1914. 

(1) Hanotaux, VI, p. i56. 

(2) Tout le monde connaît la devise qui se traduit par A. E. I. 0. U. 



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RÉFLEXIONS SUR LES BATAILLES DE LORRAINE ?45 



En ce qui concerne la tactique, les batailles de Lor- 
raine ne faisaient que confirmer lés résultats des opéra- 
tions précédentes. Malgré leur répugnance innée, nos 
troupes étaient amenées à se rendre compte de l'impor- 
tance des fortifications passagères : « A force de prôner 
l'offensive, de répéter que, seul, le mouvement en avant 
çst décisif et irrésistible, on ne songeait pas assez qu'il 
est utile, par moment, de s'accrocher au sol et de remuer 
la terre pour augmenter sa capacité de défense. Et cela 
est surtout vrai pour les petites unités... (i). 

L'artillerie lourde allemande, les avions continuaient 
d'exercer une action déprimante sur nos troupes : « C'est 
toujours leur maudite artillerie lourde qui démoralise. 
Ils nous atteignent à dix kilomètres. Pour nous, même 
avec les i55 que nous possédons, il faut nous avancer 
jusqu'à six kilomètres d'eux. Et ces odieux aéroplanes 
allemands sont toute la journée à planer pour nous repé- 
rer! » (2). 

Entre les différentes armes, chez nous, la liaison se 
montrait trop souvent imparfaite, au point que lés obus 
de l'artillerie, par exemple, atteignaient l'infanterie et 
arrêtaient ses progrès. Dans le bois de Bareth, le 6 e batail- 
lon de chasseurs était ainsi couvert de projectiles par des 
pièces de 75 et obligé de se replier par suite de ses pertes. 
On en arrivait à redouter nos canons plus que l'artillerie 
lourde adverse (3). 

Il . convient d'ajouter qu'avec leur souplesse d'esprit 

(1) Carnet de route d'un Officier d'alpins, I, p. 46. 

(2) La Victoire de Lorraine, p. 43. 

(3) Carnet de route d'un Officier d'alpins, I, p. 48. 



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2^6 LA GRANDE GUERRE SUR LE FROWT OCCIDENTAL 

habituelle, nos troupes s'adaptèrent rapidement aux cir- 
constances, si imprévues qu'elles fussent pour elles. Les 
tranchées qu'elles creusèrent ne le cédèrent nullement à 
celles des Allemands. Quant à leur tactique, elle se modi- 
fia de même. On utilisa davantage le terrain, on dissi- 
mula mieux ses mouvements, on prit des formations plus 
diluées et moins rigides. Malheureusement, les premiers 
engagements du mois d'août avaient causé aux i n et 2 a 
armées de lourdes pertes, surtout en cadres (i), et ces 
derniers devaient être difficilement remplacés. Un vieil* 
adage l'assure, « ce sont toujours les mêmes qui se font 
tuer ». Trop de nos meilleurs officiers étaient restés sur 
les champs de bataille entre le Rhin et la Moselle. Com- 
ment suppléer à leur expérience, à leur entrain, à leur 
bravoure communicative? 

En ce qui concerne la stratégie,, les événements qui 
nous occupent ne marquent aucun progrès. Au contraire, 
les deux partis en reviennent à une sorte de stratégie 
linéaire, d'où l'idée de manœuvre paraît absente. Des 
Vosges à la Moselle, les deux fronts sont à peu près conti- 
nus. Il n'y a nulle part de masse formée dans une inten- 
tion déterminée. C'est une régression à. la guerre de 
lignes, telle qu'on la pratiquait au xvn* siècle, mais avec 
des effectifs et des moyens matériels infiniment plus con- 
sidérables. Il ne paraît pas douteux qu'il y aurait mieux 
à faire qu'une série de batailles à fronts parallèles, telles 
qu'on a pu en livrer dès les temps lointains où les pre- 
mières guerres ensanglantèrent le sol de l'Asie. 



(i) V. supra, p. 2i5, les pertes de la 74 e division du 24 août au 
septembre. 



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CHAPITRE XX 
PARIS APRÈS LA BATAILLE DE LA SAMBRE 

Première modification ministérielle. — Faiblesse du Gouvernement. — 
Inexactitude des communiqués. — Joie des Allemands. — Notre 
confiance dans Jes Russes. — Démission du Ministère. — Le nou- 
veau Cabinet Viviani. — Bulletin français du 28 août. — La victoire 
d'Hindentyurg à Tannenberg. — Le combat naval d'Heligoland. — 
Inquiétudes croissantes. — Le transfert du Gouvernement à Bor- 
deaux. — Victoires des Russes en Galicie. — La déclaration de 
Londres. — La situation au 5 septembre. 



I 

Nous avons dit (1) dans quelle atmosphère de confiance 
et de calme s'étaient déroulées la mobilisation et la con- 
centration. Pourtant notre organisation politique n'était 
pas telle qu'elle garantît une heureuse direction de la 
guerre : « Le Gouvernement manque d'autorité. Le Pré- 
sident de la République, depuis la fâcheuse expérience du 
16 mai, a renoncé en fait à user des droits que lui réserve 
la Constitution. Les ministres, les directeurs des grands 
services publics ont pris peu à peu l'habitude de capitu- 
ler devant les exigences égoïstes du Parlement et surtout 
•des parlementaires. « C'est la princesse qui paie », sui- 
vant un mot qui a fait fortune, mais qui n'a pas sauvé 
celle de la France. Un certain laisser-aller général a 

(i)'La grande gmrre sur le front occidental, II, p. 17, 99 et suiv. 

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2^8 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

envahi les mœurs politiques. C'est ce qu'on appelle « la 
République des camarades »* le régime des « bons gar- 
çons », mais les bons garçons ne sont pas forcément, ni 
même aisément, de bons citoyens. Les hommes d'Etat, 
qui savent à quoi s'en tenir et qui entrevoient l'abîme, 
n'osent parler... » (i). 

Bien que, jusqu'alors, l'accord se fût manifesté com- 
plet entre le Parlement et le Gouvernement, celui-ci 
subissait, dès le 2 août, une première modification. Le 
ministre de la Marine, M. Gauthier, démissionnait, soit 
pour raisons de santé, comme on Ta dit, soit parce qu'il 
se sentait inférieur à sa tâche, ce qui paraît plus proba- 
ble. Il était remplacé par un ancien gouverneur de Mada- 
gascar, M. Augagneur, que ses allures et son passé ne 
semblaient nullement appeler à ce poste. Lui-même avait 
pour successeur M. Sarraut au ministère de l'Instruction 
publique. Enfin, M. Doumergue prenait le portefeuille 
des Affaires étrangères, jusqu'alors détenu par le prési- 
dent du Conseil, M. Viviani. 

Ce remaniement était insuffisant, car il ne modifiait en 
rien la composition générale du Cabinet, ni son orienta- 
tion politique. On avait très justement songé à une 
entière reconstitution. Le Cabinet futur devait compren- 
dre MM. Briand, Clemenceau, Delcassé, mais cette com- 
binaison échoua par suite de l'opposition de M. Malvy, 
qui mit en mouvement, dit-on, les dirigeants du parti 
radical-socialiste (2). Le ministère Viviani avait été cons- 
titué après les élections de 191a, sous des impressions 



(1) Journal des Débats du 18 mai 19 18, extrait de La France de la 
guerre, tome I, par A. Albert-Petit. 

(2) Jean Bernard, Histoire générale et anecdotique de la guerre de 
Î9U, I, p. 435. 



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PARIS APRÈS LA BATAILLE DE LA SAMBRE 249 

tout autres que celles qui nous agitaient en août. Il com- 
prenait une majorité, sinon hostile au service de trois 
ans\ du moins fort tiëde à cet égard. Issu d'une Chambre 
élue au scrutin d'arrondissement, d'après le système ma- 
joritaire pur et simple; sous la pression d'une administra- 
tion sans scrupule, il ne représentait pas plus qu'elle le 
pays véritable. La plupart de ses membres n'étaient que 
des politiciens vieillis dans des intrigues de couloirs, dans 
une basse politique électorale. Il leur était impossible 
d'oublier les intérêts de partis, d'essence si fugitive, pour 
ne songer qu'à la France, qui seule demeure. L'insuffi- 
sance de la plupart n'allait pas tarder à s'affirmer, quand 
la gravité croissante des événements fit voir à tous la 
nécessité d'une direction intelligente, énergique et persé- 
vérante dans ses desseins. 

Soit qu'il fût lui-même mal renseigné' par le grand 
quartier général, soit qu'il s'efforçât de cacher des vérités 
désagréables, le Gouvernement adressait à la presse des 
communiqués sensiblement inexacts. Celui du 2 4 août 
(i5 heures) porte ce qui suit : « En Haute-Alsace, sur les 
Vosges et la Meurthe, l'ensemble des troupes est placé 
sous le commandement du général Pau », renseignement 
absolument faux. Non seulement les pouvoirs du général 
ne s'étendaient pas au delà de l'armée d'Alsace, mais cette 
armée elle-même allait être supprimée le 26 août et son 
chef laissé dans l'inaction, malgré son entrain et sa popu- 
larité auprès du soldat. 

Le communiqué continuait ainsi : « Une armée partant 
de là Woëvre septentrionale et se portant sur Neufchâ- 
teau (Belgique) attaque les forces allemandes qui ont 
défilé dans le Grand-Duché de Luxembourg et sur la rive 
droite de la Semoy, se portant vers l'ouest. 

« Une autre armée, partie de la région de Sedan, tra- 



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25o LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

versant l'Ardenne, attaque les corps allemands en marche 
entre la Lesse et la Meuse. 

« Une troisième armée, de la région de Ghimay, s'est 
portée à l'attaque de la droite allemande entre Sambre et 
Meuse. Elle est appuyée par l'armée anglaise partie de 
la région de Mons. 

<( Le mouvement des Allemands, qui avaient cherché 
à déborder notre aile gauche, a été suivi pas à pas, et 
leur droite se trouve donc attaquée maintenant pat notre 
armée d'aile gauche, en liaison avec l'armée anglaise — 
A notre extrême, gauche, un groupement a été constitué 
dans le Nord, pour parer à tout événement de ce côté... ». 

Est-il nécessaire de faire remarquer que la vérité diffé- 
rait grandement de ce tableau? A la date du 2^ août, 
l'offensive de nos 3 e , 4 e et 5 e armées, Celle des forces bri- 
tanniques avaient complètement échoué et nos troupes 
étaient en retraite sur tout l'immense front qui va du sud 
de Longwy à Mons. Dès le soir (23 heures) un nouveau 
communiqué reconnaissait l'échec de la 5 e armée et de 
la /; e , sans mentionner la 3 e , et en colorant de la façon 
la plus fantaisiste cette double défaite (i). ' 



II 



D'ailleurs, parmi ceux qui suivaient attentivement les 
faits, ces pauvres habiletés ne trompaient personne. « Ça 
ne va pas bien... », écrivait le 24 août un téhioin (2). 
Les Allemands embouchaient la trompette triomphale, 
tout en reconnaissant la pression inattendue des Russes : 

(1) Cf. La grande guerre sur le front occidental, III, p. 357. 

(2) Lettres inédites du général X..., commandant un secteur de la 
zone nord (camp retranché de Paris). 



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PARIS APRÈS LA BATAILLE DE LA SAMBRE 25 1 

« Tandis que, sur le théâtre occidental de la guerre, la 
situation de l'armée allemande est, grâce à Dieu, si favo- 
rable qu'elle dépasse toutes les espérances, sur le théâtre 
oriental de la guerre, l'ennemi est entré sur le territoire 
allemand » (i). 

Le 25 août, le Gouvernement continue d'appliquer son 
système de maladroite dissimulation : « Dans le Nord, les 
Allemands semblent reprendre l'offensive qui avait été 
arrêtée hier. Ils sont contenus par nos armées en liaison 
avec les troupes anglaises. L'armée belge, sortant d'An- 
vers par surprise, a refoulé les premiers éléments alle- 
mands et a dépassé Malines. 

<( En Lorraine. — Après les contre-attaques de la jour- 
née d'hier, la droite de nos forces s'est repliée sur la Mor- 
tagne, qui prolonge exactement le cours de la Meurthe, 
de Luhéville à Nancy. 

« En Alsace. — Nos troupes ont repoussé plusieurs 
contre-attaques allemandes dirigées sur Colmar.... Le 
théâtre d'opérations de l'Alsace devient d'ailleurs secon- 
daire »; 

A en croire ce singulier communiqué (2), l'offensive 
allemande dans le Nord était enrayée. Aucune mention 
ne concernait les 4 6 et 3* armées. Enfin, nous paraissions 
être en possession de Colmar, ce qui ne fut jamais. 

Le bulletin du 25' août, 2k heures, est plus inexact 
encore. A l'en croire, les troupes franco-anglaises occu- 
pent « une ligne de front passant dans le voisinage de 
Givet. Elle§ ont gagné ce front en combattant et en tenant 
en respect leur adversaire, dont l'offensive a été nette- 
ment arrêtée... ». 



(1) Communiqué allemand du a5 août. 

(2) 25 Août, i5 heures. 



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202 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

<( A l'est de la Meuse. — Sur ce frbnt aussi, par ordre 
du général en chef, nos troupes ont regagné leurs empla- 
cements de départ, en maîtrisant les débouchés de la 
grande forêt des Ardennes. Plus à droite, nous avons pris 
une vigoureuse offensive en faisant reculer l'ennemi. 
Mais le général Joffre a arrêté la poursuite, pour rétablir 
les lignes qu'il avait assignées, avant-hier, sur le front 
de bataille (sic). I>ans cette offensive, nos troupes ont 
montré un admirable entrain. Le 6 e corps a, notamment, 
fait subir à l'ennemi, du doté de Virton, dès pertes consi- 
dérables.... » 

Le moins qu'on puisse dire de ces prétendus rensei- 
gnements, c'est qu'ils fardent singulièrement la vérité 
quand ils ne l'altèrent pas. La 4 e armée est très loin de 
« maîtriser les débouchés » de la forêt des s Ardennes. 
L'offensive de la 6 e armée est grossie outre mesure. Le 
6 e corps n'a jamais paru à Virton. 

Après avoir mentionné, en Lorraine, l'offensive com- 
binée des i n et 2 e armées, le bulletin annonce l'abandon 
« momentané'» de l'Alsace. Il termine ainsi : « Dans le 
Nord. — Des partis de cavalerie qui s'étaient montrés, 
avant-hier, dans la région de Lille, Roubaix, Tourcoing 
ont apparu, hier, dans la région de Douai... ». Puis il 
s'efforce de pallier ces aveux en résumant l'ensemble de 
la situation (i). 

Malgré tout, la masse de la population ne perdait pas 
confiance. Dans les Débats du 25 août, M. G. Blanchon 
affirmait qu'on pouvait avoir une foi entière dans l'état- 
major français, dont toutes les prévisions avaient été 
justifiées jusqu'à présent. Toutefois, il admettait que, 
peut-être, l'ennemi dévoilerait des effectifs supérieurs à 

(i) Cf. La grande guerre sur le front occidental, III, p. 358. 

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PARIS APRÈS LA BATAILLE DE LA 8 AMBRE 253 

ceux annoncés, avec, cette conséquence que nos moyens 
seraient insuffisants. Il n'en faudrait pas désespérer pour 
cela. 

Ces réserves impliquaient les doutes les plus sérieux 
pour l'avenir. D'autre part, les progrès de nos alliés russes 
étaient pour nous rassurer pleinement. Dans le Figaro, 
M. Joseph Reinach écrivait, le 25 août : « La marée 
russe/., continue à monter, grossissant d'heure en heure 
des flots pressés de l'inépuisable Russie.... 

« Si longue encore que soit l'étape et qu'ils collent ou 
non l'oreille contre terre, les Berlinois entendent déjà 
rouler les canons russes... » (i). 



m 



En dépit de ces affirmations réconfortantes, une sourde 
inquiétude se répandait : « Notre excellent Gouvernement 
se révèle aussi nul que je le prévoyais. Il laisse le Matin 
publier impunément des choses dangereuses; il continue 
d'envoyer des communiqués ridicules..., nous donnant 
des détails que nous ne lui demandions pas et en cachant 
d'autres qu'il n'y a aucun intérêt à taire.... Depuis deux 
jours, beaucoup de fronts se révèlent soucieux... » (2). 

Le bulletin français du 26 août, 23 heures, est plein 
de réticences : 

« En Lorraine. — D'une façon générale, notre offen- 
sive progresse entre Nancy et les Vosges. Toutefois, notn/ 



(1) Les Commentaires de Polybe, I, p. 5o. Au sujet de nos illusions 
d'alors sur la force russe, lire Ch. Rivet, correspondant du Temps en 
Russie, Le dernier Ramanof, 77 édition, p. 3o5 et suiv. 

(2) Lettres inédites du général X..., 25 août. 



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354 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

droite a dû légèrement se replier dans la région de Saint- 
Dié.... 

« Dans la Woëvre. — Aucun fait saillant dans la 
Woëvre, où les. forces opposées semblent se recueillir.... 

<( Dans le Nord. — Les lignes franco-anglaises ont été 
légèrement ramenées en arrière; la résistance continue. » 

A cette même date du 26 août, la 5° armée et les forces 
britanniques étaient en pleine retraite. Les Allemands 
talonnaient leur gauche. Nous n'avions plus dans la Woë- 
vre que des formations de réserve, incapables d'une offen- 
sive durable ou même d'une défensive isolée. Enfin, la 
i w armée perdait du terrain au pîed des Vosges. 

La population civile se rendait si peu compte de la 
situation que M. Hanotaux pouvait écrire le 26 août (1) : 
(( La Belgique apparaît, dans la conception allemande, 
comme le véritable chemin de l'invasion de Paris. Le 
haut commandement a tout sacrifié au succès de cette 
puissante offensive : seize corps d'armée sur vingt-cinq, 
avec cinq divisions de la garde et trois divisions de cava- 
lerie... opèrent cette formidable poussée; et je ne parle 
pas des sept corps d'armée et des trois divisions échelon- 
nés en Lorraine et en Alsace. Ce serait donc toute l'ar- 
mée allemande qui serait sur la frontière franco-belge, 
sauf les trois corps qui viennent d'être écrasés à Gumbin- 
nen par les Russes et sauf les forces secondaires dissémi- 
nées sur les côtes et à l'intérieur.... 

« Il semble bien qu'on ait eu, d'abord, de notre côté, 
quelque surprise à voir se réaliser, tellement à fond, un 
plan aussi rigoureu* (sic). Avions-nous les forces suffi- 



(1) Revue hebdomadaire du ag août 1914, La semaine de Sombre 
et Meuse. 



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PARIS APRÈS LA BATAILLE DE LA SAMBRE 2Ô5 

santés sur la Belgique? Avons-nous su nous en servir à 
temps?... » 

Après avoir mentionné que, les 22 et 23 août, Char- 
leroi avait été « pris et repris jusqu'à cinq ou six fois », 
détail qui paraît inexact, M. Hanotaux assurait que, si 
notre gauche était en retraite, notre droite avait « pris le 
dessus vers le Luxembourg » et notre centre s'était 
« maintenu très fortement sur Givet ». 



IV ' 

Les difficultés grandissantes allaient abréger la- vie pré- 
caire du Ministère. Le ministre de la Guerre Messimy, 
officier démissionnaire devenu député radical, révélait, 
par ses hésitations, par ses incertitudes, une entière inca- 
pacité à remplir les fonctions aussi délicates. 

Dès l'àprès-mîdi du 23 août, le Cabinet donnait sa 
démission collective, sur l'initiative de M. Viviani, qui 
était chargé d'en constituer un nouveau. Cette fois, le 
remaniement était plus accentué que le précédent, mais il 
restait encore partiel. On remarquait parmi les ministres 
l'absence de M. Barthou, que son rôle dans le vote de la 
loi. de Trois Ans eût dû mettre au premier plan. C'est 
d'ailleurs pour ce motif même, semble-t-il, qu'il avait 
subi l'exclusive du Comité de la rue de Valois. De même, 
M. Clemenceau ne figurait pas dans le nouveau Cabinet! 
parce qu'on lui avait offert un portefeuille dont son acti- 
vité ne pouvait se contenter. Enfin, on avait peine à 
comprendre l'exclusion totale de la droite dans ce prétendu 
Ministère d'union sacrée (i). M. de Mun, qui méritait 



laVJrT^i^'î' I' P : 437 ' «PnxM-nt les opinions du Phare de 
la Loire {Maunce Schwob) et de la Gazette de Lausanne. 

, Google 



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256 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

alors le glorieux titre de « ministre de la confiance natio- 
nale » (i), y. eut été à sa vraie place. 

Toutefois, le Cabinet Viviani, remanié, comprenait de 
nouveaux éléments qui lui communiquaient un supplé- 
ment de force appréciable. M. Briand détenait le porte- 
feuille de la Justice et la vice-présidence du Conseil. 
M. Delcassé revenait aux Affaires étrangères et ce retour, 
après le brute} congé de 1905 sur une sorte d'injonction 
allemande, paraissait amplement justifié. De même, 
M. MiHerand rentrait au ministère de la Guerre et 
M. Ri bot apportait aux Finances sa grande expérience des 
affaires et son habileté coutumière à se mouvoir au friilieu 
des intrigues parlementaires. Mais M. Malvy, le « grand 
électeur » de 191 4, restait au ministère de l'Intérieur, en 
dépit d'un passé compromettant et de très louches fré- 
quentations (2). M. Augagneur demeurait ancré à la Ma- 
rine. L'un des esprits les plus faux de l'heure présente, 
où ils sont légion, M. Sembat, connu surtout pour un 
plaidoyer retentissant en faveur de l'alliance allemande, 
Faites un Roi, sinon faites la Paix, prenait le portefeuille 
des Travaux publics, où il allait bientôt donner la mesure 
de son incurable légèreté. Un autre député socialiste, 



(1) lievue hebdomadaire, 25 mai 1918, p. £97. 

(?.) (( Je suis prêt à voter la confiance, je l'ai dit, mais je ne 
puis aller jusqu'à étendre cette confiance au ministre de l'Intérieur 
(M. Malvy), non à cause de considérations spéciales pour sa personne, 
mais à cause d'une expérience de deux ans dans laquelle il s'est mon- 
tré ^- mettons tout au mieux — trop insuffisant au point de vue de 
la surveillance des étrangers, de la tolérance des entreprises d'une 
bande d 'antipatriotes qui ont mis la France en danger, qui ont fait 
plus que d'écrire, qui ont agi, qui ont profité du désarroi causé par 
les événements auxquels M. le Ministre de la Guerre (M. Painlevé) 
refuse d'attacher l'importance qu'ils méritent... » (Georges Clemen- 
ceau, V antipatriotisme devant le Sénat. Discours prononcé le 22 juil- 
let 1917; édition de L'Homme enchaîné, p. 61). 



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PARIS APRÈS LA BATAILLE DE LA S AMBRE 25 7 

M. Guesde, revêtait le titre, aboli depuis la chute du 
Second Empire, de ministre sans portefeuille. 

Le fait le jjlus saillant qui ressortait de ce remaniement 
ministériel était la participation des socialistes unifiés au 
Gouvernement, alors qu'avant la guerre ils s'étaient obsti- 
nément refusés à voter les budgets et, en particulier, ceux 
des départements militaires. Sans doute, leur arrivée au 
pouvoir semblait être voulue par l'Union sacrée, qui x res- 
tait le mot d'ordre apparent de notre politique intérieure. 
Mais l'exclusion de la droite donnait à l'entrée des socia- 
listes dans le Cabinet son caractère véritable, celui d'un 
sacrifice aux théories et aux passions des partis avancés. 
Il est permis de se demander si, en procédant ainsi, la 
majorité radicale du Parlement apportait à la direction 
politique de la guerre un supplément de force réelle. 
Peut-être aurait-on pu déduire le contraire d'un examen 
impartial des faits. L'hostilité invétérée des socialistes 
pour l'armée, celle d'un grand nombre d'entre eux pour 
l'idée même de patrie (i) ne leur conféraient aucune 
aptitude à diriger la guerre dans des circonstances aussi 
tragiques. Chez nous, le socialisme officiel vit surtout de 
phrases; il dédaigne les faits. On peut dire de lui, avec 
autant de justesse que pour les émigrés rentrant en i8i/j, 
qu'il n'a rien appris et rien oublié. Malgré tant de décep- 
tions cuisantes, il est encore tenté de croire à la bonne 
foi des camarades allemands, à la valeur morale des 
Bolcheviki, à la toute puissance de l'Internationale 
ouvrière pour rétablir la paix en ce monde. 

(1) M. Renaudel disait, pou de temps avant la guerre : « Je ne suis 
pas patriote, je le dis nettenient, parce que la patrie, dont on nous 
parle constamment, est faite en réalité d'un sentiment que je n'ai pas, 
que je ne comprends pas.... Et vous aurez beau me déclarer qu'il 
faut être patriote, je vous répondrai que je n'ai pas le sentiment de 
la patrie » (d'après Ch. Maurras, Action française du 25 mai 19 18). 

La grande guerre, IV. 17 

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258 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

Aujourd'hui encore, après quatre ans de guerre, il ne 
saisit pas la différence capitale entre les buts des deux 
adversaires : l'un, dont l'objectif avoué, reconnu, célébré 
sur tous les tons, ♦est de mettre « l'Allemagne au-dessus 
de tout », suivant le refrain de l'hymne national, 
Deutschland iiber ailes in der Welt. A cette formule 
monstrueuse, dont l'égoïsme devrait soulever tous les 
eœuys jaloux de leur indépendance et de leur fierté, 
l'Entente en oppose une autre que nulle ne dépasse en 
beauté sereine : Faire du Droit le souverain du monde. 

On l'a dit en excellents termes et nous le répétons 
volontiers : « Ce ne sont pas seulement deux groupes de 
nations que la guerre actuelle a mis en présence, ce sont 
deux civilisations, ou, pour employer ce mot dans le sens 
le plus large, deux religions opposées; c'est, d'un côté, un 
idéal de liberté et de justice humaine; de l'autre, une 
civilisation purement matérielle et fondée sur la force. 
La lutte ne peut pas finir par un compromis, mais seule- 
ment par la défaite d'un des deux partis : ou le règne du 
sabre, ou le règne du droit » (i). 

Il faut bien reconnaître que le parti socialiste unifié est 
le prisonnier de son passé, de ses illusions, de ses rela- 
tions à l'étranger et au-dedans. Dans sa participation au 
pouvoir, il était difficile qu'il n'apportât aucune préoccu- 
pation de parti, aucune visée d'intérêt personnel. De fait, 
sa tendance constante fut de favoriser le laisser-aller, les 
tolérances fâcheuses vis-à-vis d'éléments dangereux pour 
la défense nationale. Sous son impulsion, il sembla peu 
à peu qu'il existait dans la nation deux classes distinctes : 



(1) Vaincre, par un anonyme, Revue des Deux-Mondes, i5 avril 
1918, p. 733. 



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PARIS APRÈS LA BATAILLE DE LA SAMBRE 269 

d'une part les ouvriers travaillant aux œuvres de guerre, 
dans leur infinie complexité, et la foule immense des 
autres citoyens. Aux premiers, toutes les faveurs. S'ils 
sont mobilisés, on les détache dans les usines, même 
quand ils font partie de la réserve et, au besoin, de l'ar- 
mée active. Ils y bénéficient de gros gains journaliers, de 
la vie de famille, d'une sécurité le plus souvent absolue. 

Aux autres, même quand ils appartiennent aux vieilles 
classes, aux R. A. T., la vie pénible dans les tranchées, 
dans les boues de la Somme ou des Flandres, dans les 
neiges des Vosges; le voisinage constant de la mort; l'éloi- 
gnement du pays natal. Pour ces derniers, le moindre 
acte d'indiscipline, surtout quand il est concerté, est 
considéré comme un crime et réprimé de même. Pouk 
les autres, liberté absolue de faire grève, même quand ils 
sont mobilises, même quand les circonstances sont d'une 
extrême gravité, quand la consommation des munitions 
est intense, quand nous avons un besoin absolu de répa- 
rer les pertes journalières en avions. C'est ainsi, qu'en 
mai 191 8, entre deux grandes offensives allemandes, dont 
dépend l'issue même de cette lutte gigantesque, on a pu 
lire dans la presse l'ordre du jour suivant : 

« Les délégués, représentant 180.000 ouvriers et ou- 
vrières des usines de guerre, réunis le 18 mai à la Maison 
des Syndicats, après avoir entendu le compte rendu des 
diverses délégations accomplies auprès du Gouvernement 
par les bureaux de la Fédération des métaux, de la voi- 
ture-aviation, de l'ameublement, des scieurs-découpeurs, 
de la C. G. T. et du groupe socialiste parlementaire; 

« Prenant acte des déclarations faites, constatant que le 
caractère démonstratif de la manifestation peut être con- 
sidéré comme réalisé; 

« Adoptent la proposition des organisations précitées, 



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2ÔO LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

consistant en la reprise normale du travail le samedi 
18 mai, aux heures habituelles de l'après-midi » (1). 

Qui peut chiffrer l'avantage matériel et moral résultant, 
pour l'Allemagne, de l'arrêt complet, pendant plusieurs 
jours, des usines touchées par l'ordre du jour précédent? 



En somme, malgré les modifications qu'il a subies le 
26 août, le ministère reste faible, sans direction, sans 
unité véritable, Le Président de la. République demeure 
privé de toute autorité réelle. Le Parlement étant prorogé 
sine die, il n'y a plus à l'intérieur d'autre organe direc- 
teur que les ministres. Eux-mêmes continuent d'obéir 
aux idées, aux préjugés, aux rancunes de leur propre 
parti, aux influences changeantes des parlementaires, des 
comités, des organisations politiques ou sociales. C'est 
ainsi qu'on verra se multiplier à l'arrière les abus de 
toute sorte; le défaut de surveillance, l'insuffisance ou 
l'incompétence de la direction autorisent peu à peu, 
dans une proportion croissante, le gaspillage des deniers 
publics, des ressources de toute nature qui, bientôt, nous 
feront cruellement défaut. Quantité .d'embusqués échap- 
peront aux dangers du front, en recourant aux procédés 
les plus variés, aux prétextes les plus invraisemblables. 
Dans les dépôts, dans les hôpitaux, dans les états-majors, 
dans les établissements militaires ou les usines de l'ar- 
rière leur nombre sera très considérable. L'espionnage 
sévira sous toutes ses formes, encouragé par l'incom- 



(1) Journaux du 19 mai 19 18. 



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PARIS APRÈS LA BATAILLE DE LA SAMBRE 26 1 

préhensible faiblesse des ministères compétents (i). On 
confiera des laissions délicates aux personnalités les plus/ 
suspectes; on leur laissera prendre une autorité inadmis- 
sible au Ministère de l'Intérieur ou à la préfecture de 
police. Les agents conscients ou inconscients de l'ennemi 
auront une action croissante sur la presse, sur l'opinion. 
On laissera leur propagande s'exercer librement, en dépit 
d'une censure qui s'attachera parfois à des vétilles, en 
négligeant parfois les questions les plus graves. Bientôt 
se développera la catégorie des gens auxquels s'applique 
l'odieuse dénomination de défaitistes, ceux qui travail- 
lent, consciemment ou non, à la victoire de l'ennemi, en 
répandant des bruits désastreux, en ébranlant la con- 
fiance du pays dans l'armée et de l'armée dans le pays ou 
dans le commandement, en s'efforçant de ruiner nos 
alliances et de nous amener à une paix ignominieuse. 

La faiblesse du Gouvernement se répercutera sur la 
conduite politique de la guerre, qui sera trop souvent 
faible et incohérente, en Orient, dans les Balkans, par 
exemple. A en croire les apparences, on s'imaginera 
que la parole peut suppléer à l'action. Quantité de dis- 
cours, de télégrammes, d'interviews et un minimum 
d'actes utiles, c'est ainsi qu'on pourra résumer la con- 
duite politique de la guerre pendant de longs mois, sinon 
des années. T/action du Gouvernement sur les armées 
sera insuffisante, le général en chef ayant acquis une 
très grande indépendance, sans qu'elle soit toujours jus- 
tifiée. Aussi les améliorations, les réformes indispensables 
pénétreront-elles lentement et comme à regret d^ns nos 
armées. Nous ne Téduirons nos divisions d'infanterie à 



(1) Cf. Georges Clemenceau, V antipatriotisme devant le Sénat. Dis- 
cours prononcé le 22 juillet 1917 (Payot). 



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2Ô2 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

trois régiments, en supprimant l'inutile rouage des bri- 
gades, qu'après les Allemands et sur leur exemple. C'est 
le 3o mai 191 6 seulement, au bout de près de deux ans, 
que le général en chef adoptera un programme indispen- 
sable de création d'artillerie lourde (1). Nous ne réalise- 
rons que tardivement l'augmentation de l'artillerie de 
campagne, du génie, des mitrailleuses, de l'aviation. Ni 
nos conceptions, ni nos méthodes de guerre ne répon*- 
dront à la majesté des circonstances. 



VI 

Cependant, la situation s'aggravait sensiblement vers 
la fin d'août 191 4. Malgré le mutisme ou l'inexactitude 
des communications officielles, un sentiment de sourde 
inquiétude se répandait partout. 

Déjà le Journal des Débats (2), après avoir annoncé 
qu'on réunissait, sous les ordres du général Pau, nos 
u deux armées » d'Alsace et de Lorraine, recommandait 
le sang-froid, réclamait des « communiqués plus objec- 
tifs et plus francs. On ne gagne rien à ruser avec les 
faits », ajoutait sagement M. G. Blanchon. Ces puériles 
tentatives de dissimulation, qui visent à soutenir le moral 
de la nation, ont trop souvent le résultat contraire. Elles 
sont bientôt percées à jour et ruinent toute foi dans la 
véracité des communications officielles. Derrière chacune 
d'elles, on s'imagine découvrir des faitsr désastreux. Fina- 
lement l'effet produit est exactement le contraire de ce 
qu'on espérait. 

(1) Cf. le discours de M. André Tardieu, Journal Officiel du i4 no- 
vembre 1916, p. 3347. 

(2) 26 Août. 



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PAJUS APRÈS LA BATAILLE DE LA SAMBRE 2Ô3 

A cette date du 26 août, lé témoin que nous avons déjà 
cité écrit : « ...Le Gouvernement se montre bien incapa- 
ble à l'heure actuelle. L'affaire du fils M... indigne une 
foule de gens et moi en particulier... » (1). 

Le* 27, le communiqué allemand est un cri de triom- 
phe : 

« Les armées allemandes victorieuses en France. 

« L'armée allemande de l'Ouest a pénétré victorieuse- 
ment, neuf jours après sa concentration, sur le territoire 
français, de Cambrai jusqu'aux Vosges méridionales. 
L'ennemi a été battu sur toute la ligne et est en pleine 
retraite... ». 

Le bulletin français du 27 août (i5 heures) est conçu 
en termes sybillins : 

« Sur le jront. — Les événements d'hier dans la région 
du Nord n'ont à aucun degré compromis ni modifié les 
dispositions prises en vue du développement ultérieur des 
opérations. 

« Dans la région entre les Vosges et Nancy, nos troupes 
continuent à progresser... ». 

Le soir (?,3 heures), les renseignements donnés sont un 
peu plus explicites. Après avoir noté la reprise de l'offen- 
sive française dans les Vosges, vers Saint-Dié, le rédac- 
teur officiel écrit que nos attaques sont ininterrompues 
entre ces montagnes et Nancy. Sur la Meuse, nous avons 
repoussé avec vigueur plusieurs assauts de l'ennemi. 

<f Dans le Nord. — L'armée anglaise, attaquée par des 
forces très supérieures en nombre, a dû, après une bril- 

(1) Lettres inédites du général X.... Le lieutenant M... avait aban- 
donne son régiment après la bataille de la Sambre. On s'employa de 
divers eôtés à le sauver d'une eon damnât ion, et on y parvint. 



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2Ô4 I-\ GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

lante résistance, se reporter un peu en arrière. A sa droite, 
nos armées ont maintenu leurs positions... ». * 

Le même jour, 27 août, le nouveau Cabinet adresse 
aux (( Français » une proclamation d'une éloquence quel- 
que peu verbeuse, où ne figure pas le mot République. 
Il s'engage à demander au pays tout ce qu'il peut fournir 
en hommes et en énergies. « Nous avons la méthode et 
la volonté, nous aurons la victoire! » Cette partie de son 
programme était excellente; elle ne devait être qu'incom- 
plètement réalisée. Certes, le nouveau Cabinet était com- 
posé d'individualités auxquelles ni l'intelligence, ni la 
parole ne faisaient défaut, mais leur côté faible était le 
caractère et nous eûmes à le déplorer. 

Trompée par les communiqués, la population ne se 
rendait pas encore exactement compte de notre situation. 
Dans le Journal des Débats du 27 août, M. G. Blanchon 
dessinait notre ligne de défense comme « s'étendant à 
peu près sur le front Maubeuge, Givet, puis en avant du 
cours de la Meuse et tàe la Chiers, en remontant vers 
Montmédy au débouché des forêts de l'Ardenne ». 

Le retour de l'ancien ministre de la Guerre était bien 
accueilli : « Millerand redevient ministre de la Guerre en 
remplacement de Messimy, dont les gaffes ont fini par 
révolter les plus patients » (1). 

Le 28 août, le communiqué allemand était ainsi conçu : 
« Saint-Quentin. — L'armée anglaise, à laquelle s'étaient 
jointes trois divisions françaises de territoriaux (2), a été 
complètement battue au nord de Saint-Quentin. Elle se 
trouve en pleine retraite.... Plusieurs milliers de prison- 



(1) Lettres inédites du général X..., 27 août. 

(2) Trois divisions du groupé d'Amade. 



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PARIS APRÈS LA BATAILLE DE LA SAMBRE 265 

niers, sept batteries de campagne, une batterie d'artillerie 
lourde sont tombés entre nos mains. 

« Au sud-est de Mézières, nos troupes, combattant sous 
un feu ininterrompu, ont avancé sur une grande partie 
du front. 

« Après des combats qui ont duré neuf jours, notre 
aile gauche a repoussé les troupes françaises de montagne 
jusqu'à Test d'Epinal et continuent à avancer. 

« Le bourgmestre «de Bruxelles a informé le comman- 
dement allemand que le Gouvernement français se voyait 
dans l'impossibilité de secourir les Belges par une offen- 
sive, attendu que les Français étaient eux-mêmes complè- 
tement réduits à la défensive ». 

Ainsi, nos adversaires terminaient leur compte rendu 
par un mensonge d'une grossière impudence, qui provo- 
quait aussitôt une réponse cinglante du bourgmestre inté- 
ressé (i). Il devait en être puni par une longue détention. 

En France, le bulletin du 28 août, 23 heures, est plus 
imprécis encore que les précédents : « Situation sur le 
front. — La situation, de la Somme aux Vosges, est restée 
aujourd'hui ce qu'elle était hier. Les forces allemandes 
paraissent avoir ralenti leur marche... ». On faisait con- 
naître que M. Millerand était revenu « très satisfait » 
d'une conférence avec le général en chef. Mais, pour 
beaucoup de gens, les terribles mots de la Somme aux 
Vosges retentissaient comme un glas. Le remaniement du 
Ministère était bien accueilli en général. Plus que jamais, 
on comptait sur nos Alliés de l'Est : « Nous avons, nous, 



(1) Voir le fac-similé de l'affiche publiée le 3o août par M. Adolphe 
Max et celui de l'interdiction allemande qui fut notifiée dès le lende- 
main (Commandant de Gerlache, La Belgique et les Belges pendant la 
guerre, p. 23 1-232; Gaston Chéron, Le bourgmestre Adolphe Marx, 
Revue hebdomadaire, 10 octobre 1914). 



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266 LA GKAADE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

la certitude que les Russes ont entendu le canon et qu'ils 
marchent au canon » (i). 

Le lendemain, 29 août, le communiqué allemand 
annonçait une victoire sur cinq corps d'armée et trois 
divisions de cavalerie russes, après une bataille de trois 
jours livrée près d'Ortelsburg. Par contre, une bataille 
navale près d'Heligoland (28 août) coûtait aux Allemands 
quatre de leurs unités, sans que les Anglais en eussent 
perdu une seule (2). Mais les conséquences stratégiques. 
de cette action furent nulles. Nos Alliés purent mesurer 
la portée de la faute qu'ils avaient commise en échan- 
geant Heligoland contre le protectorat de Zanzibar. 

Le bulletin français du 29 août, 23 heures, laisse entre- 
voir la gravité croissante de la situation. Si, en Lorraine, 
nos progrès s'accentuent, il y a eu vers Sïgny-l'Abbaye 
une violente action restée indécise. A notre gauche, dans 
l'Aisne, quatre corps d'armée français ont livré une 
« véritable bataille ». Leur droite a repoussé sur Guise et 
à l'est une attaque du X e corps et de la Garde; la gaucho 
a été moins heureuse. « Des forces allemandes progres- 
sent dans la direction de La Fère ». 

A la même date, le Journal des Débais s'efforce de 
réconforter ses lecteurs en rappelant que Maubeugc est 
capable de résister à « un siège prolongé »; notre front 
est encore défendu par des forts « à Lille, à Mézières, à 
Givet, à Montmédy, etc. ». Nous avons vu ce que valaient 
ces dernières défenses. Quant à Maubeuge sa résistance 
devait être de courte durée. 

Le 3o août, le bulletin français (23 heures) est plus 
inquiétant encore dans son mutisme : « La situation dans 



(1) J. Reinach, Les Commentaires de Polybe, I, p. 55-57, 28 août. 

(2) Cf. les dépêches (Naval and Miiitary despaiches, I, p. 3 et suivu). 



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PARIS APRES LA ÀATAILLE DE LA S AMBRE 267 

l'ensemble est la même ce matin.... A notre gauche. — 
Les progrès de l'aile marchante allemande nous obligent à 
céder du terrain ». Le Journal des Débats semble préparer 
l'opinion à un recul accentué de nos troupes : « ...Il 
vaudrait encore rtiieux rétrograder sans bataille et laisser 
envahir une grande partie de notre territoire que de ris- 
quer une action trop à fond dans des conditions désavan- 
tageuses, par simple crainte d'une occupation partielle ». 

L'inquiétude générale s'accentue : « Les nouvelles ne 
sont pas bonnes.... » Malheureusement, il y a dans le 
camp retranché des alarmistes et des antipatriotes. « Les 
conseils de guerre, qui sont d'une faiblesse à peine croya- 
ble, s'empressent de les relâcher ou de leur octroyer des 
peines légères, encore adoucies par le sursis... » (i). 

Les communiqués allemands du 3i août précisent l'im- 
portance de la victoire sur les Russes et un nom appelé à 
retentir longuement dans l'Histoire apparaît dans les 
comptes rendus. C'est celui du général von Hindenburg, 
naguère en défaveur, laissé « à la disposition » en raison 
de son âge, et qui vient d'être appelé à jouer un rôle de 
premier plan sur la frontière orientale de l'Allemagne. 

Depuis 191 1, date à laquelle il avait quitté le comman- 
dement du IV* corps à Magdebourg, Hindenburg vivait 
obscurément dans sa propriété de Hanovre quand la 
guerre éclata. A la mobilisation, il offrit vainement ses 
services. C'est le 22 août seulement qu'un ordre télégra- 
phique de l'empereur lui enjoignit brusquement de pren- 
dre le commandement de la VIII e armée. Ce rappel im- 
prévu était l'œuvre «d'un subalterne, le général von 
Ludendorff . Au moment où l'avance rapide des Russes 
inquiétait fort Guillaume II, Ludendorff suggérait habilc- 

(1) Lettres inédites du général X..., 3o août. 



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268 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

ment le nom de Hindenburg comme celui d'un général 
familiarisé avec le théâtre d'opérations de l'Est, où il 
s'était distingué aux manœuvres impériales de 1909. La 
suggestion fut écoutée, Hindenburg investi d'un com- 
mandement fort au-dessus de ce qu'il pouvait attendre. 
Son premier soin fut d'appeler auprès de lui, comme 
chef d'état-major, Ludendorff. Ce dernier avait à peine 
quarante-neuf ans, âge exceptionnel pour une situation 
de ce genre en Allemagne (1). 

En août 191 ky Ludendorff est encore inconnu en dehors 
des cercles militaires allemands. Hindenburg ne l'est 
guère moins hors de l'Allemagne, quand ses premiers 
succès sur les Russes retentissent brusquement. On rap- 
porte qu'il a détruit trois corps d'armée et fait 60.000 
prisonniers, dont deux généraux. Il sera bientôt le plus 
populaire des généraux allemands. 

Sur le front occidental, von Kluck a remporté un suc- 
cès près de Combles; von Bûlow une victoire près de 
Saint-Quentin y sur une armée française « supérieure en 
nombre ». De même, von Hausen a rejeté ses adversaires 
près de Rethel, bien que le prince de Wurtemberg ait dû 
repasser la Meuse « devant des forces supérieures ». Le 
Kronprinz de Prusse continue d'avancer. En Lorraine, la 
bataille se poursuit sans décision. 

Le bulletin français du 3i août (17 heures) signale, lui 
aussi, la lenteur de nos progrès dans les Vosges et en 
Lorraine. Une action d'ensemble est engagée entre la 
Meuse et Rethel, sans qu'il soit encore possible d'en pré- 
voir l'issue. A gauche, les forces franco-britanniques ont 
dû céder du terrain. Le bulletin de 24 heures confirme 



(1) Henri Joly, De la pathologie sociale de la guerre, Revue d'avril 
1918, p. 12. 



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PARIS APRÈS LA BATAILLE DE LA SAMBRE 269 

cet échec en l'accentuant, sans en préciser davantage la 
portée. 

Le Journal des Débats flétrit les « semeurs de pani- 
que », qu'il traite de « Ca&sandres », en s'efforçant de 
montrer la situation moins inquiétante qu'elle n'est réel- 
lement. A l'en croire, les Allemands vont « se heurter à 
la ligne défensive que forme la falaise de Champagne, . 
dont les passages sont gardés par les places de La Fère, 
Laon, Reims. Si peu importante que soit la première-, 
adossée au massif de Saint-Gobain, elle doit au .moins 
retarder un mouvement dans ce sens ». 

Ces assurances tombent dans le vide et l'inquiétude 
s'accroît. 

« ...Il faut avoir vu ce lamentable exode de trembleurs, 
victimes et dupes de leurs propres inventions, de couards, 
pareils aux lièvres affolés par la longueur de leurs oreil- 
les, pour connaître toute la puissance de la peur sur des 
âmes sans vertu. Alors que le danger n'était qu'imagi- 
naire, ils ont disparu précipitamment, en invoquant les 
prétextes les plus puérils et même sans avoir la présence 
d'esprit de forger un prétexte.... 

« Que tant de Parisiens, subitement pris d'une panique 
irraisonnée et sans cause, aient fait preuve de peu de 
bravoure, il ne faut point le leur reprocher trop sévère- 
ment, encore que le spectacle de la poltronnerie soit tou- 
jours pénible, et l'on peut trouver en leur faveur cette 
circonstance légèrement atténuante qu'ils pouvaient croire 
Paris réellement menacé, et qu'après tout, ils n'auraient, 
dans la ville investie, été que des bouches inutiles. Mais 
que des professeurs d'énergie, des professionnels du 
patriotisme, oubliant toute vergogne, se soient, éperdus 
de peur, enfuis au plus vite, voilà ce qui est surtout misé- 
rable. L'on en a vu de ces foudres de guerre en chambre, 



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27° LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

de ces prêcheur» d'héroïsme qui, dans leur journal, écri- 
vaient qu'il fallait lutter à outrance et tenir jusqu'au 
bout, opposer à l'ennemi une résistance inlassable, et, leur 
article écrit, se sont jetés dans le premier train en par- 
tance pour un lieu sûr... l'opinion ne se prive pas d^expri- 
mer son mépris pour ces matamores si courageux en 
paroles et si lâches en fait... » (i). 

Quoi d'étonnant, dès lors, si l'impression des acteurs, 
est douloureuse : « ...Aujourd'hui, comme hier, les nou- 
velles sont plutôt mauvaises et je crois qu'il faut se pré- 
parer à l'idée d'une attaque brusquée sur Paris par la 
vallée de l'Oise... » (2). 

Dès le lendemain, i er septembre, le communiqué laisse 
entrevoir ce danger : « A notre aile gauche, par suite de 
la continuation du mouvement enveloppant des Alle- 
mands, et dans le but évident de ne pas accepter une 
action décisive qui aurait pu être engagée dans de mau- 
vaises conditions, nos troupes se sont repliées partie vers 
le sud, partie vers le sud-ouest. 

« L'action engagée dans la région de Rethel a permis 
à nos forces d'arrêter momentanément l'ennemi. 

« Au centre et à droite, situation sans changement » 
(23 heures). 

De son côté, le témoin que nous avons souvent cité 
écrit : « Nous nous préparons à toutes les éventualités et, 
malheureusement, il y a une infinité de trembleurs, 

même dans des milieux d'où ils devraient «être bannis 

Ce sont souvent les mêmes qui ne doutaient de rien au 
début et acceptaient les bourdes les plus saugrenues » (3). 

(1) Etienne Charles, Les Fuyards, Bévue hebdomadaire, 12 septem- 
bre 1914. 

(2) Lettres inédites du général X... y 3i août. 

(3) Lettres inédites du général X..., i cr septembre. 



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PARIS APRES LA BATAILLE DE LA S AMBRE 27 I 

À deux reprises, Te 3o et le 3i août, les Allemands ont 
dépêché sur Paris un ou deux avions qui y ont jeté des 
bombes sans grand résultat. Ils croyaient terroriser la 
capitale et ont eu surtout un succès de curiosité (i). Dans 
VEcho de Paris du 2 septembre, M. de Mun écrit à ce 
sujet : 

« J'ignore ce que nous réservent les jours prochains, 
mais, quelques rudes que puissent être pour notre Paris 
les heures qui s'approchent, elles trouveront des coeurs 
résolus ». v 

VII 

Le 2, le communiqué français de i5 heures est pour 
détruire toute illusion : « Un corps de cavalerie alle- 
mande, dans sa marche vers la forêt de Compiègne, a eu 
un engagement avec les Anglais qui lui ont pris dix 
canons. 

« Un autre corps de cavalerie allemande a poussé jus- 
qu'à la ligne Soissons, Ànizy-le-Château. 

« Dans la région de Rethel et de la Meuse, l'ennemi 
n'a manifesté aucune activité; 

« En Lorraine. — Nous avons continué à progresser 
sur la rive droite du Sanon; au sud, la situation reste la 
même.... 

« Dans la région du Nor*d. — On ne signale pas d'en- 
nemis à Lille, Arras, Douai, Béthune, Lens. 

« On annonce de Belgique que des fractions apparte- 
nant à plusieurs corps d'armée allemands sont mises en 
mouvement vers l'est et rentrent en Allemagne. » 

Ainsi, l'ennemi est proche de Compiègne et de Soissons, 
ce qui justifie toutes les appréhensions; des bruits désas- 

(1) Gaston Jollivet, Six mois de guerre, p. 58. Une nouvelle incur- 
sion eut Heu le i w septembre. 



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272 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

treux courent de tous côtés et le bulletin du 3, 23 heures, 
les confirment amplement. Depuis la veille, aucun con- 
tact ne s'est produit avec l'ennemi, signalé dans la région 
. Compiègne, Senlis. La situation respective de l'ensemble 
des forces reste la même. Le Journal des Débats fait 
prévoir l'attaque prochaine de Paris et se déclare néan- 
moins confiant dans l'avenir : « Le camp retranché pré- 
sente une résistance plus forte que celle de toutes les 
places situées sur le chemin des Allemands depuis 
Liège ». Dans ses Commentaires de Polybe, du Figaro, 
M. Joseph Reinach écrit : « La principale colonne de 
l'armée d'invasion avance. Elle était hiei* dans la forêt 
de Compiègne ». 

Le même jour, à 23 heures, lé communiqué allemand 
. porte que le groupe central de l'armée française, com- 
posé d'environ dix corps d'armée, a été refoulé lundi (3i 
août), entre Reims et Verdun. La poursuite s'est conti- 
nuée le 2. Une offensive française venant de Verdun a été 
repoussée. Pendant le combat, le Kaiser était à l'armée 
du Kronprinz. « Il est resté au milieu des troupes pen- 
dant la nuit.... La forteresse de Givet est tombée le 
3i août. » 

Ainsi, le communiqué de nos adversaires ne fait 
aucune mention de leur droite ni de leur gauche; il 
exagère sensiblement la portée des événements devant 
leur centre, auxquels il attribue gratuitement le nom de 
<( Bataille de Reims ». 

A Paris, un fait important se produit. Le Gouverne- 
ment décide son transfert à 'Bordeaux (2 septembre) et 
rend sa décision publique le lendemain. Le sentiment qui 
domine à ce sujet est l'approbation, sous cette /réserve 
que le départ de nos gouvernants implique la volonté 
arrêtée de continuer la guerre, même après la prise de 



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PARIS APRÈS LA BATAILLE DE LA SAMBRE 273 

Paris. Autrement il ne serait qu'une marque de fai- 
blesse (1). 

Mais il y a des protestations plus ou moins discrètes. 
Après avoir annoncé le départ du Gouvernement dans la 
Revue hebdomadaire du 12 septembre, M. Fernand Laii- 
det ajoutait : « Fidèles à la discipline et au loyalisme que 
tout bon citoyen doit observer dans ces jours graves, les 
Parisiens se sont inclinés sans commentaires devant cette 
décision, qu'ils n'ont connue du reste qu'après son exé- 
cution. Tout s'est bien passé, le départ et le post-départ; 
car, sans vouloir désobliger personne, il est permis d'af- 
firmer que, si l'arrivée à Bordeaux du Gouvernement et 
des élus du peuple qui l'ont suivi a dû forcément faire 
sensation, leur départ et leur absence de Paris ont passé 
tout à fait inaperçus. En revanche, le sobre et énergique 
communiqué du général Galliéni... a retenti comme un 
coup de clairon et a renforcé, s'il était possible, la con- 
fiance des Parisiens... ». 

Une proclamation signée du Président de la République 
et-de tous les ministres annonce cette résolution : « A la 
demande de l'autorité militaire, le Gouvernement trans- 
porte momentanément sa résidence sur un point du ter- 
ritoire d'où il puisse rester en relation constante avec 
l'ensemble du pays.... Le Gouvernement ne quitte Paris 
qu'après avoir assuré la défense de la ville et du camp 
retranché par tous les moyens en son pouvoir.... Une 
nation qui ne veut pas périr et qui, pour vivre, ne recule 
ni devant la souffrance, ni devant le sacrifice, est sûre de 
vaincre ». ' - 



(1) « ...Le Gouvernement quitte Paris. C'est une bonne chose si 
Ton jentend déclarer par là que la guerre ne serait pas close par la 
prise de Paris. Mais aura-t-on ce courage ? » (Lettres inédites du géné- 
ral X..., 3 septembre). La Bourse est fermée le 3 jusqu'à nouvel ordre. 
La grande g nerrGi jy. 18 



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27^ LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

Ces périodes éloquentes n'apportent à la masse qu'un 
réconfort relatif : « Les nouvelles continuent d'être mau- 
vaises.... La confiance est ébranlée dans la population 
civile comme dans les troupes. Il ne faudrait pas que cela 
durât longtemps. Où est le bel entrain des premiers 
jours? J'ai peur qu'on îie l'ait gaspillé... » (1). 

Un fait certain est qu'il y a des alarmistes, et en trop 
grand nombre. Dans la Revue hebdomadaire du 5 sep- 
tembre, M. Etienne Charles s'écrie : « Qui nous délivrera 
de cette misérable engeance des abatteurs d'énergie, des 
prêcheurs de veulerie, plus coupables, plus néfastes que 
des espions, et plus malfaisants?... Ce qui est le plus 
grave, le plus attristant, le plus inquiétant, c'est que les 
officines où se prépare le mortel poison du décourage- 
ment sont précisément certaines « sphères » officielles 
où, tout au contraire, devraient s'élaborer des antidotes 
contre la désespérance. C'est là un sujet délicat sur lequel, 
dans les circonstances actuelles, on ne peut insister et 
dont on ne peut parler qu'avec réserve; mais un jour 
viendra, après la victoire, où il sera permis de parler 
librement et de tout dire. 

« Dans ces douloureuses journées, c'est le peuple de 
Paris qui a fait preuve de courage et de résistance contré 
la fortune contraire et c'est lui qui n'a pas tremblé quand 
les chefs ne songeaient qu'à mettre leur personne et leurs 
biens en sûreté. C'est à de telles heures qu'on apprend 
à connaître les vertus de la foule parisienne qui, jusque 
dans les conjonctures les plus graves, sait conserver, 
sinon toujours son sang-froid, du moins sa fermeté 
d'âme et sa bonne humeur. Les gouvernants feraient bien 
de prendre exemple sur elle. 

(1) Lettres inédites du général X, 3 septembre. 



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PARIS APRÈS LA BATAILLE DE LA SAMBRE 275 

« Le correspondant d'un journal hollandais, qui a vu 
le peuple de Paris durant ces jours tragiques, écrit qu'il 
Ta trouvé « sérieux, mais éveillé et décidé ». La définition 
est excellente et d'une justesse parfaite ». 

Le communiqué allemand du 3 septembre est un vrai 
chant de triomphe : « Avance victorieuse eti France. — 
90.000 prisonniers russes à Tannenberg. — Au cours de 
la prise de la forteresse de Giyet..., comme lors de la prise 
de Namur, les batteries lourdes automobiles fournies par 
rAutriche-Hongrie se sont montrées excellentes par leur 
mobilité et la précision de leur tir, et nous ont rendu les 
plus grands services. 

« Les forts de Hirson, d'Ayvelles (sic), de Condé, de 
La Fère et de Laon ont été enlevés sans combat. Tous les 
forts de la région nord, sauf Maubeuge, sont entre nos 
mains. 

« L'attaque de Reims est commencée. 

« La cavalerie du général von Kluck fait des reconnais- 
sances jusque devant Paris. L'armée de l'Ouest a franchi 
la ligne de l'Aisne et-s'avance toujours sur la Marne, qui 
a déjà été atteinte par quelques détachements d'avant- 
garde. 

« L'ennemi se trouve, devant les armées des généraux 
von Kluck, von Hausen, von Bûlow et du duc de Wur- 
temberg, en retraite sur les deux rives de la Marne. 

« Devant l'armée du prince héritier d'Allemagne, l'en- 
nemi, appuyé sur Verdun, a offert de la résistance, mais 
a été rejeté au sud. 

a Les armées du prince héritier de Bavière et du géné- 
rai von Heerîngen ont toujours devant elles, dans la Lor- 
raine française, des forces nombreuses, bien retranchées. 

« Dans l'Est, les troupes du général von Hindenburg 
continuent à enregistrer des succès. Le nombre des pri- 



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à 76 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

sonniers, qui s'accroît chaque jour, atteint 90.000... ». 
Le k septembre, le bulletin français de i5 heures ne 
signale aucun contact entre l'armée de Paris et l'ennemi. 
« Dans la région de Verdun, les forces allemandes ont 
subi certains échecs. En Lorraine et dans les Vosges, nos 
troupes ont remporté de nouveaux succès partiels.... » 

Les Russes ont infligé plusieurs défaites aux Autri- 
chiens, bien que les communiqués de ceux-ci affirment le 
contraire. La prise de Lemberg est confirmée. Dans ses 
Commentaires de Polybe, M. Joseph Reinach écrit :V< L'ar- 
mée russe est victorieuse sur tout son front. Elle est maî- 
tresse de la Prusse orientale. Elle tient la Galicie. Elle 
aborde et elle tourne la Vistule. L'armée autrichienne est 
en déroute. L'état-major allemand transporte à toute 
vapeur de son front Ouest à son front Est des corps d'ar- 
mée qui ne sont plus intacts... ». 

Malgré ces assurances réconfortantes, des rumeurs cou- 
rent, provenant de certains milieux pacifistes ou enclins 
aux compromissions avec l'Allemagne. On parle à mots 
couverts de paix séparée. On dit que des hommes politi- 
ques connus s'agitent dans ce sens. Les choses vont si loin 
que, sur l'initiative, semble-t-il, du Gouvernement britan- 
nique, la Triple Entente publie « la déclaration de Lon- 
dres « (4 septembre). 

« La déclaration suivante a été signée ce matin au 
Foreign Office, à Londres : 

« Les soussignés, dûment autorisés par leurs Gouver- 
nements respectifs, font la déclaration suivante : 

«Les Gouvernements britannique, français et russe 
s'engagent mutuellement à ne pas conclure de paix sépa- 
rée au cours de la présente guerre. 

« Les trois Gouvernements conviennent que, lorsqu'il 
y aura lieu de discuter les termes de la paix, aucune des 



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PARIS APRÈS LA BATAILLE DE LA SAMBRE 277 

Puissances alliées ne pourra poser des conditions de paix 
sans accord préalable avec chacun des autres Alliés » (i). 

Le communiqué allemand du k n'est guère qu'une am- 
plification partielle de celui du 3 : « Reims a été occupé 
sans combat et nous ne connaissons que tardivement la 
valeur du butin des armées. Les troupes, dans leur mar- 
che en avant si rapide, ne peuvent s'en préoccuper beau- 
coup.... 

« Seule l'armée du général von Bûlow a donné quel- 
ques indications précises à ce sujet : 

« Jusqu'au 3i août, elle avait pris 6 drapeaux, 233 
pièces d'artillerie lourde, 116 pièces de campagne, 79 mi- 
trailleuses et 166 fourgons. Elle avait fait 12.934 prison- 
niers. 

« Du côté de l'Est, le général von Hindenburg annonce 
l'évacuation de plus de 90.000 prisonniers non blessés. 
C'est l'anéantissement d'une armée ennemie complète ». 

Le 5 septembre, la situation s'éclaircit pour Paris : « A 
notre gauche, porte le bulletin français de 1 h. 3o, l'en- 
nemi paraît négliger Paris pour poursuivre sa tentative 
de mouvement débordant. Il a atteint La Ferté-sous- 
Jouarre, dépassé Reims et descend le long et à l'ouest de 
l'Argonne.... 

« A notre droite (Lorraine, Vosges) on se bat toujours 
pied à pied, avec des alternatives diverses... ». 

Un second bulletin, sans heure, porte que « la manœu- 
vre débordante de l'ennemi semble définitivement conju- 
rée. 

« Sur notre centre et à droite, situation inchangée. 

« A Paris, dont l'ennemi reste actuellement éloigné, 
des travaux de défense se poursuivent avec activité. 

(1) Livre jaune, p. 175. M. Delcassé aux ambassadeurs et ministres 
de France à l'étranger, 4 septembre. Dans nombre de publications 
cette déclaration est datée du 6. 



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278 LA GRANDE GUEHBE SU» LE.FBONT OCCIDENTAL 

« A Maubeuge, le bombardement a continué avec une 
extrême violence. La place résiste, malgré la destruction 
de trois forts. » 

Un troisième bulletin, de 23 heures, provenant du 
gouvernement militaire de Paris, montre l'ennemi conti- 
nuant de s'éloigner du camp retranché. Il aurait évacué 
la région de Gompiègne, Senlis. 

La confiance semble renaître. Il n'y a pas de commu- 
niqué allemand. Le Journal des Débâts du 5 annonce la 
victoire des Russes à Lemberg. Autour de Paris, « le 
camp retranché est en état; il renferme des troupes fraî- 
ches et décidées. La ruée germanique pourra bien se bri- 
ser contre ce rempart.... En Prusse orientale, les Russes 
avancent irrésistiblement.... Le rouleau à vapeur avance 
lentement, mais sûrement... » Qui soupçonnait alors, en 
France, la fragilité de la puissance russe, l'absence de 
ressort moral qui peut seul soutenir une nation au cours 
d'épreuves prolongées, la faiblesse réelle d'une autocratie 
toute puissante en apparence? Jamais la comparaison 
biblique du colosse au pied d'argile, selon te mot de 
Diderot, «ne fut plus justifiée. 

Nous anticipions déjà singulièrement sur les événe- 
ments, en admettant la possibilité d'une mobilisation im- 
médiate des Italiens en notre faveur (1). La moindre 
réflexion eût pourtant suffi à montrer l'invraisemblance 
de cette nouvelle pour, l'instant; Dans cette facilité à 
compter sur la coopération d'alliés éventuels, il y avait 
un peu de notre légèreté coutumière, de notre Besoin naïf 
de sympathies étrangères, de notre aveuglement volon- 
taire sur les réalités gênantes. C'est ainsi que nous devions 
croire à la neutralité ou même à l'alliance des Turcs, des 

(1) Débais, 6 septembre 1914. 



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PARIS APRES LA BATAILLE DE LA SAMBRE 279 

Bulgares et du roi Constantin, de même que nous cher- 
cherions à provoquer l'entrée en lutte des Roumains, sans 
prendre garde si cette coopération ne tournerait pas fina- 
lement à notre désavantage et à celui de ces malheureux 
alliés. 

Le communiqué allemand du' 6 septembre, le dernier 
avant la bataille de la Marne, est d'une allure moins 
triomphante que les précédents : 

« L'empereur devant Nancy. — Deux forts de Mau- 
beuge sont tombés*... 

« L'empereur a assisté, hier, aux attaques dirigées 
contre les forts de Nancy (sic). 

« Deux des forts de Maubeuge^t les positions intermé- 
diaires sont tombés entre nos mains. Nous avons dû diri- 
ger contre la ville le feu de notre artillerie. Dans la ville 
même, des incendies se sont déclarés en divers endroits. 

« Des documents dont nous nous sommes emparés, il 
résulte que l'ennemi a été complètement surpris par l'of- 
fensive des armées von Kluck et von Bûlow au nord de 
la Meuse belge. Le 17 août, il croyait qu'il n'y avait sur 
ce point que de la cavalerie allemande. La cavalerie pla- 
cée sous les ordres du général von Marwitz a donc rem- 
pli parfaitement sa mission de couvrir le mouvement de 
nos troupes ». 

Il n'est pas sans intérêt de rappeler que, le 17 août, au 
contraire, l'état-m a j or belge, celui du I er corps de cavalerie 
et celui de la 5 e armée, pour ne citer que ceux-là, savaient 
que, des forces allemandes considérables opéraient à 
l'ouest de la Meuse. Si le grand quartier général français 
eut longtemps une idée opposée, à coup sûr, il ne l'avait 
plus le 17 août (1). "■ 

(1) Cf. La grande guerre sur le front occidental, III, p. 23, 58, 263. 



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CHAPITRE XXI 

LES DÉFENSES DU CAMP RETRANCHÉ 
DE PARIS 



Les fortifications de Paris. — La garnison du camp retranché. — Les 
travaux. — Départ des divisions de réserve. — Passage des troupes 
d'Alsace. — La situation au 3i août. — Nouvelles inquiétantes. — 
Proclamation du général Gai lié ni. — Retraite de la 6 e armée. 



I 



Lors de la mobilisation de 1914, les fortifications de 
Paris étaient à peu près dans l'état où les avaient laissées 
les travaux de reconstitution entrepris après la guerre de 
1870. A l'enceinte et aux anciens forts, restés sans chan- 
gement sérieux, étaient alors venus s'adjoindre de nou- 
veaux ouvrages destinés à élargir le camp retranché, à 
englober des positions dangereuses, à diminuer les dan- 
gers d'un bombardement. Ces forts, ces redoutes, ces bat- 
teries, construits avant les derniers progrès de l'artillerie, 
n'avaient été l'objet d'aucune amélioration réelle. On son- 
gea moins encore à renforcer les défenses de Paris qu'à 
transformer celles de nos places du Ncjrd, Maubeuge 
excepté. On allait même supprimer une grande partie 
sinon la totalité de l'enceinte, quitte à en remplacer une 
partie par une grille ayant surtout un intérêt fiscal. Les 
abris des nouveaux forts étaient insuffisants; les pièces, 
mal abritées et faciles à repérer, auraient été rapidement 



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LES DÉFENSES DU CAMP RETRANCHÉ DE PARIS 28 1 

détruites; le petit nombre de coupoles existantes n'était 
nullement à même de résister aux l'ourds projectiles char- 
gés de poudres brisantes. En somme, ces ouvrages, aussi 
bien que les anciens forts, étaient devenus des nids à 
bombes, dont on ne pouvait guère user que dans la 
défense rapprochée, comme points d'appui d'infanterie. 

En août 191 4, il fallut improviser de nouvelles lignes 
de défense en avant et dans l'intervalle des forts, en 
ouvrant tout un système de tranchées, en construisant 
des batteries, en traçant des lignes ferrées à voie étroite 
destinées surtout au ravitaillement en munitions. Ces im- 
menses travaux ne furent pas toujours menés avec l'acti- 
vité et l'unité de vues désirables. 

La garnison du camp retranché , comprenait, vers le 
20 août, quatre divisions territoriales de place, réparties 
entre les trois zones tracées autour de Paris et le noyau 
central; une division territoriale de campagne stationnée 
dans la zone nord et, enfin, deux divisions de réserve, les 
61 e et 62 e , disponibles dans cette zone. À £es éléments 
principaux s'adjoignaient des escadrons de réserve, des 
batteries et des compagnies du génie composées de réser- 
vistes de l'armée territoriale, lefc R. A. T., selon la* dési- 
gnation universellement admise. 

Les divisions territoriales étaient alors de valeur très 
médiocre (i), surtout en raison de leurs cadres. Le com- 
mandant d'une brigade stationnée au nord de Paris écri- 
vait, le i!\ août : « ...Je passe ma journée à tâcher de 
transformer des gardes nationaux en soldats, mission 
ingrate qui me vaut plus de désagréments que de plaisir. 
Une circulaire de M. Messimy, en style pâteux, dénonce 



(1) Cf. La grande guerre sur le front occidental, III, p. 275. 

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282 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

la fainéantise de certains dépôts ou corps territoriaux... ». 
11 ferait mieux de la réprimer vigoureusement et de ren- 
dre certains exemples publics. 

Autre circulaire ministérielle reprochant à certains offi- 
ciers de chercher à quitter Tarriëre pour le front. Elle 
exalte le rôle des dépôts dans la guerre actuelle. « Tout 
cela est bel et bon, sur le papier. N'empêche qu'on a 
donné des commandements de première ligne à des impo- 
tents ou à des ..., pendant que je. me morfonds ici avec 
mes pantouflards » (1). 

Fort avant dans le mois d'août, les travaux sous Paris 
sont menés avec une sage lenteur. C'est à (peine si l'on 
voit poindre une menace lointaine : « Hier dimanche, 
personne ne se serait douté que nous étions en guerre. 
Toute la campagne est pleine de troupfers en balade et de 
Parisiens... » (2). Pourtant des avertissements se laissent 
percevoir. Le a5 août, les 61 e et 62* divisions de réserve, 
qui étaient disponibles vers Le Bourget et Gonesse, quit- 
tent le camp retranché pour aller renforcer le groupe 
territorial du général d'Amade. Le 27, on voit passer au 
nord de Paris des troupes venant d'Alsace et allant dans 
la même direction que les précédentes. Elles vont contri- 
buer à former une nouvelle 6 e armée, sous les ordres du 
général Maunoury, comme la première (3). L'enthousias- 
me est grand parmi ces troupes, comme dans la popula- 
tion qui les voit en chemin de fer. 



(1) Lettres inédites du général X..., i\ août. 

(2) Ibid. 

{3) Une 6 e armée, qui porta aussi le nom d'armée de Lorraine, fut 
constituée vers le 20 août (Cf. La grande guerre sur le front occidental, 
III, p. 67). 



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LES DÉFENSES DU CAMP RETRANCHE DE PARIS 283 



II 



C'est seulement après l'arrivée au Ministère de M. Mille- 
rand que Ton remarque l'activité croissante des travaux 
autour de Paris" (28 août) : « Ici on commence à s'agiter 
ferme. On fait même des bêtises sous prétexte de uhlans, 
d'automobiles blindées dont on craint l'apparition. Hier 
soir il a fallu alerter un bataillon et le porter en pleine 
nuit sur Louvres — en terrain inconnu — pour y faire 
un soi-disant exercice d'avant-postes.... On fait courir les 
bruits les plus absurdes. D'A... et F... seraient au Cher- 
che-Midi, le général B... aurait été fusillé » (1). 

Les batteries à pied et les compagnies du génie em- 
ployées à la défense ne sont qu'en partie habillées, équi- 
pées et armées. Ce sont des terrassiers, beaucoup plus que 
des soldats. Les réservistes du dépôt de zouaves stationné 
à Saint^Denis sont restés longtemps sans habillement, 
sans équipement et sans armes. Tout cela trahit beaucoup 
d'imprévoyance. 

Les nouvelles sont mauvaises. « Les Allemands sont 
presque sûrement à Saint-Quentin et à Guise, cherchant 
à marcher sur Paris par la vallée de l'Oise.... Malheureu- 
sement, il y a beaucoup de flottement dans le commande- 
ment... » (2). 

Le 3i août, M. Millerand et le général Galliéni visitent 
une partie de la zone nord à l'est de la route de Luzar- 
ches : « L'impression n'est pas bonne en ce qui touche 
notre préparation matérielle. Il y a eu bien des négligences 



(1) Lettres inédites du générai X..., 29 juillet. 

(2) Ibid, 3o août. 



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284 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

graves depuis quinze ans, et je ne le savais que trop... ». 
Les travaux de certaines batteries sont si peu avancés 
qu'on décide leur abandon provisoire. Dans une autre, 
le commandant de batterie fait remarquer qu'il n'y a que 
des, gar gousses de poudre noire, ce qui faciliterait grande- 
ment le réglage de l'ennemi, en raison des tourbillons de 
fumée dégagés. Il est fort probable que les voisines sont 
dans le même cas. 
C'est seulement le 3i août qu'on autorise les troupes du 

m 

camp retranché à tirer sur les avions, quand il n'y a 
aucun doute sur leur nationalité (i). On le leur avait 
interdit précédemment, 'sous prétexte d'éviter des acci- 
dents à nos propres aviateurs. 

Triste jour que celui du i er septembre. « Des officiers, 
mon automobiliste m'annonçaient... le pont m de Greil 
détruit, les Anglais à Dammartin, Aés Allemands tout 
près de nous..., » On refusait d'y croire, puis on y était 
contraint. Le nombre des voitures chargées de mobilier 
allant vers Paris s'accroissait à vue d'œil. On mentionnait 
la retraite des 61 e et 62 e divisions de réserve, très éprou- 
vées, le long de l'Oise, vers Pontoise, laissant à Greil un 
autre groupe de nos troupes; le quartier général britan- 
nique à Dammartin. Entre les deux, une colonne alle- 
mande; une autre à la poursuite des divisions de réserve, 
disait-on. L'impression d'ensemble était celle d'une « véri- 
table angoisse » (2). 

Le même témoin, commandant d'un secteur de la zone 
nord, écrit à cette date : « Si les Allemands sont réelle- 
ment aussi près, ils vont nous tomber sur le dos dès ce 



(i) Lettres inédites du général X..., 3i août. D'après une autre 
lettre du 2 septembre, certaines batteries n'ont ni obus ni gargousses. 
(2) Ibid, 2 septembre. 



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LES DÉFENSES DU CAMP RETRANCHÉ DE PARIS 285 

soir et mes pauvres huit bataillons, épars sur seize kilo- 
mètres de front, seront troués comme une toile d'arai- 
gnée ». Il arrive à Villers-le-Bel une longue colonne de 
voitures venant de Compiègne et des environs. Ces mal- 
heureux ne se perdent pas en lamentations inutiles et ne 
paraissent pas trop affectés de leur exil si duï\ 

« Le quartier général de l'armée Maunoury vient à 
Ecouen.... Je pense que ces troupes étofferont un peu la 
défense du camp retranché, qui était vraiment bien 
mince... » (i). » 



III 



Cependant, le gouverneur de Paris, général Michel était 
remplacé par le général Galliéni et, avec une abnégation 
méritoire, prenait le commandement de la zone sud sous 
les ordres de son successeur. Le général Mercier-Milon, 
ancien commandant du i5 e corps, devenait -commandant 
de la zone nord. 

Le général Galliéni allait mettre un couronnement écla- 
tant à une carrière glorieuse entre toutes. Né à Saint-Béat 
(Haute^Garonne), en 18^9, issu d'une famille militaire, il 
fît, comme son contemporain le général Pau, ses études 
au Prytanée de La Flèche. Entré à Saint-Cyr en 1868, il 
prit part à la guerre de 1870 dans la division d'infanterie 
de marine. A ce titre, il assistait à l'inoubliable épisode 
des Dernières Cartouches, illustré par le peintre de Neu- 
ville (Bazeilles, i er septembre). 

Presque toute sa carrière se passa ensuite aux colonies. 
En 1880, il conduisit une expédition au Niger avec autant 



(1) Lettres inédites du général X..., 2 septembre 1914. 

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286 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

d'habileté et d'énergie que d'audace. Sa poignée d'hom- 
mes avait encore été réduite par les attaques des Bam- 
baras. Pendant près d'un an, il fît auprès du sultan 
Ahmadou plutôt figure de prisonnier que de vainqueur. 
Néanmoins, il finit par lui arracher un traité avantageux. 
Cette expédition, qu'il conta dans. son Voyage au Soudan 
français, lui valut une médaille d'or de la Société de 
Géographie. 

En 1886, 1887, 1888, il mit fin aux troubles causés par 
Mahmadou-Lamine dans la même colonie et jeta les bases 
de son organisation politique, administrative, financière. 
Il raconta ensuite les résultats obtenus dans un nouveau 
livre, Deux Campagnes au Soudan. Là, comme plus tard 
en Indo-Chine et à Madagascar, il se montre, non seule- 
ment un vigoureux chef de guerre, mais aussi un admi- 
nistrateur habile et généreux. Toute sa méthode est basée 
sur la collaboration des indigènes. C'est celle qui fait à 
l'heure présente brillamment ses preuves au Maroc, sous 
la direction du plus éminent de ses élèves. 

Un séjour en France lui permit de suivre les cours de 
l'Ecole de guerre. Il servit ensuite en Indo-Chine comme 
colonel. La piraterie faisait encore des ravages constants 
dans cette colonie nouvelle, où, de temps immémorial, 
elle était endémique. Le colonel Galliéni en vint à bout; 
il donna, en même temps, une vigoureuse impulsion aux 
travaux publics, où il voyait la meilleure garantie de la 
paix publique et de la* domination française. En 1896, il 
laissait en complète sécurité un pays troublé jusqu'à son 
arrivée. 

A peine de retour en France, il était envoyé à Mada- 
gascar comme général de brigade.. Dans la grande île 
africaine, une insurrection menaçait l'œuvre du général 
Duchesne. Il y fît acte d'administrateur en même temps 



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LES DÉFENSES DU CAMP RETRANCHÉ DE PARIS 287 

- \ . ' l 

que de chef: C'est ainsi qu'en 1899, il était le tplus jeune 
général de division de l'armée française (1). 

Appelé rapidement au Conseil supérieur de la guerre, 
il était, au printemps de 1914, maintenu sans limite 
d'âge dans le cadre actif. Quand la guerre éclata, il n'eut, 
dit-on, d'autre affectation qu'une suppléance éventuelle 
du général en chef (2). Son rôle fut donc nul dans les 
premières semaines d'août et Ton ne saurait trop le déplo- 
rer. Un vigoureux soldat comme lui avait sa place indi- 
quée à la tête d'une armée de première ligne beaucoup 
plus qu'au gouvernement militaire de Paris. Est-il néces- 
saire de rappeler qu'un autre de nos généraux les plus 
appréciés, le général Pau, n'eut qu'une affectation de 
courte durée? Que les généraux Ruffey et Lanrezac, parmi 
les plus en vue de notre état-major général, furent rapi- 
dement disgraciés, supportant ainsi le poids de fautes 
qu'ils n'avaient pas commises? Au sujet de cet ostracisme 
on ne peut faire actuellement que des conjectures, et les 
circonstances ne permettent pas encore de les reproduire. 



III 



Quand, après nos premiers revers, la situation menaça 
de devenir tragique, le Gouvernement fit appel à la haute 
expérience du général Galliéni. Puis, le 2 septembre, il 
plaçait le camip retranché de Paris sous les ordres directs 



(1) Félicien Pascal, Le général Galliéni, Revue hebdomadaire, 12 
septembre 191 4. 

(2) F. Engerand, Le drame de Charleroi, Correspondant du a5 mars 
1918, p. 1029. 



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288 LA GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

du général en chef. Le 3, on affichait sur les murs de la 
capitale la célèbre proclamation : 

« Armée de Paris, habitants de Paris, 

« Les membres du Gouvernement de la République ont 
quitté Paris pour donner une impulsion nouvelle à la 
défense nationale. 

« J'ai reçu le mandat de défendre Paris contre l'en- 
vahisseur. 

« Ce mandat, je le remplirai jusqu'au bout. 

« Paris, le 3 septembre 19Ï4 » (i). 

Par sa brièveté, par son énergique concision, ce lan- 
gage contrastait pleinement avec les périodes oratoires 
dont nos gouvernants nous avaient jusqu'alors saturés. 
La population et l'armée furent reconnaissantes au Gou- 
verneur d'avoir rompu ainsi avec les traditions d'une 
verbosité inopportune. Il sut donner à tous l'impression 
d'une volonté ferme, condition indispensable de la con- 
fiance de l'inférieur et des succès du chef. 

Entre temps, la population continuait à fuir la région 
au nord de Paris. « C'est un triste spectacle que cet exode 
ininterrompu de gens qui vont à la grâce de Dieu.... 
Cette vue est encore attristée par celle des traînards et 
peut-être des fuyards qui traversent nos lignes sans aïrêt. 
Cela prend un aspect de déroute que jamais on n'eut pu 
soupçonner il y a quelques jours. J'estime qu'on a cédé 
trop de terrain sans combat... on fait la part trop belle 
aux Boches.... Nos préparatifs sous Paris sont loin de leur 
achèvement. 



(1) Cf. le fac-similé de cotte affiche, général Bonnaf, La bataille de 
VOurcq, Renaissance du 4 septembre ic)i5. 



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LES DÉFENSES DU CAMP RETRANCHÉ DE PARÏS „ 289 

« On nous signale des patrouilles de cavalerie alle- 
mande à une dizaine de kilomètres, vers Chateriay, et des 
autos blindées vers Luzarches. Il y aurait une avant-garde 
au nord de cette ville... » (i). 

Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que le 
moral soit parfois atteint : « Il y a de l'affolement autour 
de Paris et dans Paris. Ne télégraphiait-on pas, tout à 
l'heure, de la gare ftu Nord au bureau d'Ecouen, lui 
demandant s'il était vrai que les Allemands occupaient 
la ville? Presque tous les habitants sont partis; il ne reste 
que le curé et quelques vieilles gens. 

« ...On s'est beaucoup renforcé sous Paris, à la suite de 
l'arrivée de l'armée Maunoury, de régiments de majrins..., 
mais le mouvement de cette armée paraît s'être fait avec 
•une extrême précipitation, sans aucun ordre logique, en 
sorte que les troupes sont enchevêtrées de la façon la plus 
fantastique.... Tel village, comme Fontenay, est plein 
d'alpins, d'artilleurs, de territoriaux. Des trains régimen- 
taires le traversent — allant vers le nord — au lieu de 
rester en arrière.... Il paraît y avoir peu de suite et de 
direction dans le haut commandement... » (2). 

Le 5, la note est un peu plus rassurante : « On nous a 
beaucoup renforcés, non sans désordre, ni faux mouve- 
ments, mais enfin on nous a renforcés et il arrive encore 
d'autres troupes. Seulement nos dirigeants témoignent 
d'un nervosité extrême, qui perce à maints détails.... 

« Mes territoriaux montrent beaucoup de bonne volonté 
et prennent une meilleure tournure. Si nous avons un peu 



(1) iMtres inédites du général X..., 3 septembre, 
(a) Lettres inédites du général X..., 4 septembre. Il s'agit de Fonte- 
nay-les-Louvres. 

La grande guerrr, TV. ^ 

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2 go Lit GRANDE GUERRE SUR LE FRONT OCCIDENTAL 

de temps devant nous, il sera possible d'en faire quelque 
chose... » (i). 

Telles sont les impressions d'un spectateur sincère, 
mais ^eut-être sévère «dans ses jugements, à la vieille de 
la bataille de la Marne. On peut en déduire que les tra- 
vaux de défense autour de Paris étaient alors moins avan- 
cés qu'on ne l'a souvent prétendu et qu'une poussée 
directe des Allemands sur la capitale n'aurait, très proba- 
blement, rencontré, en dehors de la 6 e armée, aucune 
résistance sérieuse. Nous verrons, dans un autre volume, 
comment nos adversaires furent amenés à négliger Paris, 
pour s'attacher à détruire nos armées de campagne. Le 
monde entier «ait que la victoire de la Marne les contrai- 
gnit de renoncer à ce programme, du moins pour 
l'instant. 



(i) Ibid, 5 septembre. 



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TABLE DES MATIÈRES 



Pages. 
Introduction ......... 5 

CHAPITRE I , 
LA SORTIE DES 25 ET 26 AOUT A £NVÇRS 

Situation de l'armée , belge le 20 août. — Objectif visé. — Le 
terrain autour d'Anvers. — Les Allemands. . — Combat d'Impde, 
24 août. — Combats de Hof stade, de Sempst, de Wîeerde, 
d'Eppeghem, d'Elewyt, de Pont^Brûlé et de Grimbergen (26- 
26 août). — Sac de Louvain. — Motifs allégués par les Alle- 
mands. — Leur inanité '. i3 

CHAPITRE II 
DEUXIÈME SORTIE D'ANVERS (9-13 Septembre 1914) 

Combat de Gappelle-aux-Bois (4 septembre). — Occupation de 
Termonde par les Allemands. — Sa réoccupation par les Belges 
(9 septembre). — 2 e Sortie d'Anvers. — Contre-attaques alle- 
mandes (12 septembre). — Retraite sur Anvers 3o 

CHAPITRE III 
LES DÉFENSES DE NANCY 

' Importance de Nancy. — Le Grand-Couronné. — La question des 
fortifications de Naney. — Possibilité d'une attaque brusquée. 

— Premières études en vue d'y parer. — L'armement prévu. 

— Etat des travaux au 11 août. — Danger pour les Allemands 
d'une attaque en Lorraine. 37 

CHAPITRE IV 
LES 23 ET 24 AOUT A NOTRE GAUCHE 

Instructions du grand quartier général. — Ordres du général de 
Castelnau. — Situation de la 2 e armée le 23 août. — Etat mo- 
ral. — La gauche de la i re armée. — Le mouvement des Alle- 
mands. — Ordre du général de Castelnau le 24 août. — La 
matinée. — La 70 e division et le 20 e corps. — La 74 e division 
et le corps Conneau. — Les 8 e et i3 e corps 48 



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292 TABLE DES MATIERES 

Pages. 
CHAPITRE V 
. LE 25 AOUT A NOTRE GAUCHE 

Objectif de la 2 e armée. — Les armées Ruprecht et Heeringen. 

— Offensive à la droite de l'armée Gastelnau. — Combat de 
Lamath, Xermaménil. — Le corps Conneau. — Les 16* et i5 e 
corps. — Combat de Rozelieures. — Le 8 e corps. — Le 20 e 
corps. — Combat de Courbessaux. — Situation finale de la 

2 - armée . 62 

CHAPITRE VI 
DU 23» AU 25 AOUT A NOTRE DROITE 

La droite de la i n armée le 23 août. — Ordre du général Dubail. 

— Attaque de Celles. — Retraite de la i3 e division, 24 août. 

— Nos troupes d'Alsace. — La 71 e division. — Retraite des 21 e 

et i4 e corps, 25 août. — La 44* division 79 

CHAPITRE VII * 
DU 26 AU/ 28 AOUT A NOTRE DROITE 

La dislocation de l'armée d'Alsace. — L'offensive du 21 e corps 
le 26 août. — 1 Combat de La Chipote. — L'ordre du général 
Stenger. — Le i4 e corps au 26 août. — Retraite de la 58 e 
division. — Le ai* corps le 27 août. — Le groupement au sud 
de Belfort. — Le 21 e corps le 28 août. — Le i4 e corps. — Le 
groupement des Vosges. — Sa mission 85 

CHAPITRE VIII 
DU 26 AU 27 AOUT A NOTRE GAUCHE 

La région entre la Moselle et les Vosges. — Projets de l'ennemi. 

— Le 26 août au i3 e corps. — Le 8 e corps. — La 6 e division 
de cavalerie. — La 2 e armée. -*— Intentions du général de 
Castelnau. — Le 16 e corps et la 74 e division. — Le i5 e corps. 

— Le 20 6 corps. — La 70 e division. — Les fractions du 9 e 
corps. — Les Allemands le 27 août. — Leurs intentions. — Le 
corps Conneau. — Les 8 e et i3 e corps. — La 6 e division de 
cavalerie. — La 2 e armée. — L'arrêt du 27 août. — Ses 
motifs. — Le front occupé 98 

CHAPITRE IX 
LE 28 AOUT A NOTRE GAUCHE 

Ensemble de la situation sur le front occidental. — Les 8 - et 
i3 e corps. — La 2 e armée. — Le 16 e corps et la 74 e division. 



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TABLE DES MATIÈRES 2g3 

N Pages. 

Combat vers Gerbéviller. — Le i5 e corps. — Le 20 e corps. — 
Départ du général Foch. — L'ensemble de la journée du 28 
août . . •'.... * 117 

CHAPITRE X 
DU 29 AU;31 AOUT A LA 1" ARMÉE 

Instructions du général Dubail et dû général en cbef. — Situation 
de la i re armée le 29 août. — Le 8 e corps. — Le i3 6 corps. — • 
Le 2i° corps. — Le i4 e corps. — Echecs à notre droite. — 
Le 3o août. — Le 3i août v 127 

CHAPITRE XI 
LA 2 e ARMÉE DU 29 AU 30 AOUT 

Offensive du 16 e corps le 29 août. — Le i5 e corps. — Le 20* 
corps. — Le 16 e corps le 3o août. — Le i3 e corps. — Le 20 e 
corps. — La guerre de siège en Lorraine i35 

CHAPITRE XII 

PRISE DU FORT DE MANON VILLE R 

Situation du fort. — Sa nature et son rôle. — L'attaque aile- % 
mande. — Le rôle des 420. — La capitulation. — Inutilité des 
forts d'arrêt dans la majorité des cas i4o 

CHAPITRE XIII 
LA 2° ARMÉE DU 31 AOUT AU 3 SEPTEMBRE 

Le 3i août. — Essai d'offensive du i er septembre. — Situation 
générale sur notre front. — Prélèvements sur la 2 e armée. — 
Le i5° corps et la 18 e division. — Nouvelle répartition du front. 

— La pénurie de munitions. — Nouvelle ligne de défense pré- 
parée , „ 1 44 

CHAPITRE XIV 
DÉBUT DE LA BATAILLE DE NANCY (4 et 5 Septembre) 

Intentions des Allemands. — Le Grand-Couronné. — La journée 
du 4 septembre. — Violente préparation d'artillerie. — La nuit 
du 4 au 5. — La journée du 5 au 20 e corps. — La 74 e division. 

— Le 16 6 corps. — Perte de Gerbéviller. — Contre-attaque des 
8 e et 16 e corps. — Le 20 e corps dans la soirée du 5. — La 
68 e division. — La 59 e division. — Attaque sur Sainte-Gene- 
viève , • i5i 



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294 TABLE DES MATIERES 

Pages. 
CHAPITRE XV 
LA BATAILLE DE NANCY LES 6 ET 7 SEPTEMBRE . 

Guillaume II à Metz. — Son entrée hypothétique à Nancy. — 
Intentions du général en chef. — Le 6 au ao° corps. — Le 
i6* corps. — La 68 e division. — L'attaque de Sainte-Geneviève. 

— Menaces de l'ennemi dans la Woëvre. — Guillaume II le 
7 septembre. — Evacuation de Sainte-Geneviève. — Au Mont 
d'Amance. — La 68 e division". — Le détachement Ferry. — 
Ensemble de la journée 162 

CHAPITRE XVI 
LA BATAILLE DE NANCY LES 8 ET 9 SEPTEMBRE 

La bataille à la 68 e division (8 septembre). — Le- détachement 
Ferry. — Réoccupation de Sainte-Geneviève. — La a* division 
de cavalerie. — Le fort de Troyon. — La 74 e division à Rehain- 
viller. — Le 16 6 corps. — Le 8 septembre à Metz. — Le 9 
septembre au 20 e corps. : — La 68 e division. — Bombardement 
de Nancy. — Offensive du 16 e corps. — La bataille de l'aile 
gauche. — La 2 e division de cavalerie.". . . . , 181 

CHAPITRE XVII 
FIN DE LA BATAILLE DE NANCY (10-13 Septembre) 

Offensive du 10 septembre. — Combats vers la forêt de Champe- 
noux. — Le détachement Ferry. — La 74 e division. — Le 16 6 
corps. — Menace allemande vers la Meuse. — Le 11 septembre. 

— Retour offensif des Allemands vers le Mont d'Amance. — *- Le 
détachement Ferry. — Le 12 septembre. — La 74 e division 
dans Lunéville. — Le 16 e corps à Fraimbois. — Le détachement 
Ferry à Réméréville. — Retraite générale des Allemands. — 
Dislocation de la 2 e armée. — Extension de la i w armée.... «192 

CHAPITRE XVIII < 
FIN DE LA BATAILLE DE LA MEURTHE 

Redoublement de l'offensive ennemie. — Prélèvement du 21 e 
corps. — Offensive allemande du 4 septembre. — La i n 

' armée sur la défensive. — Ses pertes. — Le groupement des 
Vosges fléchit le 5 septembre. — La situation est rétablie par * 
la 4 i e division. — Départ de la 6* division de cavalerie. — 
Affaiblissement de l'ennemi. — Prélèvement du i3 6 ' corps. — 
Retraite des Allemands (11 septembre). — Départ du 8 e corps. 

— La i re armée va jusqu'à la Moselle 216 



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TABLE DES MATIÈRES ' 2Ç)b 

, Pages. 

CHAPITRE XIX 
RÉFLEXIONS SUR LES # BATAILLES DE LORRAINE 

Résultats généraux. — But de l'offensive allemande en Lorraine. 

— Répartition générale des Allemands. — Effectifs des- VI e et 
VII* armées. — Les i re et 2° armées. — Variations d'effectifs. 

— Notre supériorité numérique dans l'Est. — Les erreurs de 
notre concentration. — L'offensive préliminaire. — Nos doc- 
trines de guerre en 191 4- — La proclamation du Roi de 
Bavière. — Enseignements tactiques dés batailles de Lorraine. 2 3o 

CHAPfflRE XX 
PARIS APRÈS LA BATAILLE DE LA SAMBRE 

Premières modifications ministérielles. — Faiblesse du Gouverne- 
ment. — Inexactitude des communiqués. — Joie des Alle- 
mands. — Notre confiance dans les Russes. — Démission du 
Ministère. — Le nouveau Cabinet Viviani. — Bulletin français 
du 28 août. — La victoire d'Hindenburg à Tannenberg. — Le 
combat naval d'Heligoland. — Inquiétudes croissantes. — Le' 
transfert du Gouvernement à Bordeaux. — Victoires des Russes 
en Galicie. — La. déclaration de Londres. — La situation au 
5 septembre 247 

CHAPITRE XXI 
LES DÉFENSES DU CAMP RETRANCHÉ DE PARIS 

Les fortifications de Paris. — La garnison du camp retranché. 
— - Les travaux. — Départ des divisions de réserve. — Passage 
des troupes d'Alsace.. — La situation au 3i août. — Nouvelles 
inquiétantes. — Proclamation du général Galliéni. — Retraite 
de la 6* armée 280 

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Marc Imhans et René Chapelot, imprimeurs, Nancy et Paris. 



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ADDITIONS ET ERRATA 

AU TOME II 



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Page 22 : On nous fait liés justement remarquer que, parmi les 
défenseurs de la loi de trois ans au Parlement, nous avons omis de 
citer le général Lcgrand, sous-chef d'état-major général, commissaire 
du Gouvernement pour celte discussion où il eut une part très 
importante. 

Page 46 : « La Woëvre est dépourvue de toute garnison du côté 
français ». Affirmation qui n'était plus exacte en 1914» plusieurs batail- 
lons de chasseurs ayant été mis en garnison à Etain, Longuyon, 
Conflans, etc. Le régiment de cavalerie de Pont-à-Mousson avait été 
remplacé par le 26 e bataillon de chasseurs. 

Page 4? ' « L'emploi des projectiles explosifs ». Lire des projectiles 
brisants. 

Page 92, note : Nos corps d'armée n'ont pas été mobilisés à cinq 
brigades, mais à quatre, plus deux régiments de réserve non embri- 
gadés, à deux bataillons, en général rattachés chacun à une division. 
Leur emploi n'avait pas été l'objet d'instructions précises. On les 
utilisa le plus souvent à des missions secondaires, en les qualifiant 
quelquefois de réserve d'infanterie du corps d'armée. 

Page 106 : Le 16 e corps ne fut pas transporté par la Compagnie 
d'Orléans, mais par le P.-L.-M. (ligne Montpellier, Nîmes, r. dr. du 
Rhône, Dijon, Mirecourt). 

Page i53 : La 8 e division de cavalerie, général Aubier, comprenait 
la 8 e brigade de dragons (général Gendron), la i4 e brigade de dragons 
(général Mazel) et la 8 e brigade légère (colonel Renard). 

Page i55 : Au sujet de la première offensive en Alsace, on nous 
signale l'odyssée ridicule de l'administrateur du territoire de Relfort, 
partant en automobile avec un buste en plâtre de la République 
sfy- ses genoux. Cette « œuvre d'art » était destinée à orner l'hôtel de 



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— n — 

ville de Mulhouse. Mais il fallut déchanter. Colis et fonctionnaire 
reprirent le chemin de Belfort, non sans hâte. 

Page i56 et suiv., mouvement sur Akkirch : La 8 e division de 
cavalerie fut employée de la façon suivante : le 7 août, un escadron 
forma la cavalerie de sûreté de la brigade d'infanterie Berge, en 
marche sur Dannemarie, Altkirch. Le gros de la division dut aborder 
Àltkirch par le sud-ouest (Largitzen); la i4 e brigade (Mazel), avec un 
peloton cycliste et une batterie, reçut pour objectif Saint-Ulrich, où 
elle devait passer la Largue pour marcher sur Altkirch. En somme, la 
division attaquait directement Altkirch par le sud et le sud -ouest, au 
lieu de chercher à déborder cette ville par l'est, ce qui eût été facile. 

Le gros s'avança sans précaution sur la route d'AHkirch, venant 
de Ferrette, au point que le premier obus allemand mit hors de 
combat, immédiatement derrière le divisionnaire, le cojonel de La 
Ruelle et le capitaine Deremetz. On stoppa; on engagea quelques 
fractions à pied, ainsi que * l'artillerie. Au sujet de cet incident, lire 
Commandant Bréant, De V Alsace à la Somme, p. 10 et suiv., l'un des 
Souvenirs les plus sérieux qui aient paru sur la guerre. 

Quant à la i4 e brigade, après avoir rapidement déblayé les villages 
de la Largue, défendus seulement par des cyclistes, elle poussa une 
avant-garde (cyclistes et deux escadrons) tfu delà des bois d'Hirtzbach. 
C'est à ce moment que l'artillerie allemande ouvrit le feu (entre i4 et 
i5 heures). Toute la brigade déboucha des bois, laissant 'une arrière- 
garde sur la Largue. L'artillerie allemande accueillit ce débouché par 
un tir bien réglé, qui put néanmoins être évité, la brigade n'étant 
pas vue et les obus ennemis visant la poussière soulevée par la colonne. 
La batterie du général Mazel ouvrit également le feu sur les éclate- 
ments de la brigade Berge. Aucun Allemand n'était visible. 

Bien que la liaison fût établie entre la i4 e brigade, l'infanterie et 
le gros de la 8 e division, il n'y eut aucune communauté d'action. La 
brigade Berge ne déboucha pas devant Altkirch à la tombée de la 
nuit, comme nous l'avons écrit (p. 157), mais en plein jour. Son 
attaque fut plutôt hésitante et le colonel Bourquin la déclencha sans 
ordre. Le combat ne fut pas commandé, au vrai sens du mot. La i4 e 
brigade de dragons revint cantonner dans la région de Saint-Ulrich. 

Page 157 : Le 8 août, la 8 e division opérait par brigades. La i£ e 
brigade avait mission de reconnaître, le jour même, la direction géné- 
rale de Landser, au nord-est, et la lisière ouest de la forêt de la 
Hardt; la 8* brigade suivait d'assez loin. Le général Mazel détacha des 
reconnaissances et porta son gros sur la voie romaine au nord-est de 
Tagsdorf. La nuit survint et l'on bivouaqua, la bride au bras, couvert 
par des postes de sûreté et par les reconnaissances. La 8 e brigade de 
dragons cantonnait à Tagsdorf (Commandant Bréant, p. 20). 

Page 159 : Le 9 août, la i4 e brigade reste dans la région de Landser, 
sans être inquiétée. Les reconnaissances ont trouvé les entrées de la- 



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— III — 

forêt de la Hardt tenues par de» éléments ennemis, qui les arrêtent. 
D'après les habitants, des réseaux de fils de fer électrifiés et d'autres 
organisations défensives barraient ko voies d'accès. La 8 e brigade de 
dragons cantonnait le g à jettingen (Commandant Bréant, p. ao). 

Page 160 : Le 10 août, la 8 e division fut rassemblée et couvrit la 
droite de la 4i e division, général Superbic, du 7* corps, qui fut criblée 
d'obus et se retira sur Beîfôrt. La 8 e division ne fut pas engagée. 

Dans l'après-midi, la i4 e brigade reçut l'ordre de couvrir la retraite 
de l'infanterie entre Soppe-le-Haut et Soppe-le-Bas, face au nord -est. 
L'ennemi ne se montra pas. Dans la soirée, le mélange des unités 
d'infanterie et les propos entendus au passage indiquaient une dépres- 
sion assez accentuée. Le 8 e brigade de dragons cantonnait à Tagsdorf 
le. 11 août, à Hindlingen le 12, à Suarce, où la 8 e division se reconsti- 
tuait, le i3 (Commandant Bréant, p. 22). 

Après la retraite, il fallut plusieurs jours pour reformer l'infan- 
terie du 7 e corps. Son moral se rétablit très rapidement, dès que l'on 
connut la nomination du général Pau à l'armée d'Alsace. La 8 e division 
de cavalerie reçut une mission de couverture à l'est de Belfort. Nulle 
part elle ne fut engagée, mais la fatigue de ses chevaux s'accentua 
néanmoins en raison de l'agitation du commandement, du manque 
de repos et de fourrage. 

Page 160 : On nous confirme le fait que cette première offensive 
en Alsace fut engagée malgré les protestations du général Bonneau, 
dont l 'initiative fut d'ailleurs entravée par les ordres du grand quar- 
tier général. Ce dernier voulait à tout prix qu'on tentât de s'emparer 
des ponts du Rhin. Les Allemands coupèrent court à cette tenbative 
avortée en attaquant par Cernay, ainsi que le général Bonneau l'avait 
prévu, dit et écrit. 

Page i65, note 3 : De renseignements sûrs, il résulte que la 
panique d'une division de réserve fut exagérée (nuit du i3 au i4 août). 
Mais le défaut de solidité de ces grandes unités, dans les débuts 
de la campagne, paraît surabondamment démontré. Les exceptions 
comme celles de la 74 e division ne font que confirmer la règle. 

Page i64, au sujet des obusiers allemands : Au lieu de l'effet de 
leurs projectiles, plutôt moral que matériel, lire encore plus moral que 
matériel. 

Page 166 et suiv. : Le i4 août, le général Aubier fut remplacé à la 
8 e division de cavalerie par le général Mazel, que le général de La 
Tour remplaça à la i4 e brigade de dragons. 

L'ordre de l'armée d'Alsace pour le i5 portait que la 8° division 
marcherait en avant et à droite, afin de reconnaître entre Altkirch et 
Ferrette. Le général Mazel envoya des reconnaissances jusqu'à la voie 



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IV 

ierrée qui unit ce» deux villes et porta le gros de la division de 
Morvillars et de Grand villars dans la région de Seppois-le-Bas, au sud- 
ouest d'AItkirch. Partout la découverte fut négative. On ne signala 
que de petits éléments cyclistes, qui se repliaient devant nous. 

Le 16, la gare de Waldighofen fut détruite à la mélinite par le 
peloton de sapeurs cyclistes, sans pertes. La 8 e brigade de dragons 
tenait encore la droite de la division, vers'Seppois et Moos (Comman- 
dant Bréant, p. 29). 

La division, d'abord en avant et à droite du gros de l'armée, reçut 
l'ordre de se. porter à sa gauche, entre les Vosges et l'Ill, par Altkirch. 
Ce mouvement délicat, dont on a peine à comprendre la nécessité, 
fut opéré sans accroc, grâce au brouillard, en trois colonnes. Les trains 
longèrent les Vosges, les troupes marchèrent par Aspach-le-Bas et 
Remingen. 

Après avoir reconnu vers Ensisheim, la division s'arrêta dans la 
région de Felkirch, en reconnaissant vers Guelwrtller, Rouffach et l'Ill. 
Le quartier général s'établit à Watwiller, où il resta plusieurs jours. 
On détruisit à Guebwiller une usine électrique (1). 

Page 167 : Le matin du 19, la 8 e division reçut l'ordre de se porter 
par Mulhouse dans le flanc droit des Allemands attaqués par le gros 
de l'armée d'Alsace. Elle forma deux colonnes, l'une marchant sur 
Mulhouse par Pulversheim; l'autre (brigade Qendron), par Witten- 
heim, de façon à passer immédiatement à Test de la ville. 

Quand la division déboucha au sud de Mulhouse, l'ennemi en était 
déjà parti. Le général Mazel eut l'ordre de retourner à Watwiller. Il 
y revint le jour même, tout en laissant la i4 e brigade à la droite de 
l'armée, suivant l'ordre du général Pau. La 8 e brigade de dragons 
séjournait à Bolweiler les 21 et 22 août; le 23, elle partait pour 
Munster (Commandant Bréant, p. 4o). 

Page 169 : D'après certains témoignages, en marchant sur Colmar, 
le général Pau aurait craint d'être attaqué de flanc et rejeté -dans 

les Vosges. 

Page 170: Après la dislocation de l'armée Pau, le général Mazel 
prit le commandement du groupement sud de Belfort (i£ e brigade de 
dragons, 66* division de réserve (2), un peu d'artillerie lourde), avec 



(1) D'après le commandant Bréant, p. 29, le 17 août, la 8 e brigade 
de dragons est à Moos; le 18, à Brunighofen; le 19, à Ensisheim; le 20, 
elle est rappelée vers Mulhouse, puis cantonne à Bolweiler. Au sujet 
de l'accueil fait à nos troupes en Alsace, lire le commandant Bréant, 
p. 39. Cette note paraît juste. 

(2) Le général Mazel remplaçait au commandement de cette division 
le général Woirhaye. 



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mission d'empêcher l'invasion du territoire, sans se laisser, en aucun 
cas, enfermer dans la place. 

Page 166, note 3 : -Lors de la première offensive en Alsace, le 
7 6 corps était commandé par le général Bonneau, la i4 e division par 
le général Curé et la 4i e par le général Superbie. Dès le n, le 
général Vàutier remplaçait le général Bonneau et, le 17, le général 
de Villaret (1) remplaçait le général Curé. A cette dernière date, le 
Quartier général du 7 6 corps était à la Chapelle-sous-Rougemont; celui 
de la i4 e division à Sternenberg et celui de la 4i e à Guewenheim. En 
arrière de la droite, la 57 e division de N réserve, général Bernard, avait 
son quartier général à Traubach-le-Bas; la 63 e , général. Lombard, avait* 
le sien à Bretten; la 66 e , général Woirhaye, prolongeait la i4° division 
vers Balschwiller. Le général Archinard commandait ce groupe de 
divisions de réserve. 

Le 18 août, bond en avant. La 4i e division est vers ScHweighausen, 
la 1 4 e à Burnhaupt-le-Haut; notre ligne avancée passe par Balschwiller, 
à l*est d'Ammertzwiller, entre Galfingen et le Heimsbrunner-Wald, 
entre Heimsbrùnn et Reiningen, à la, lisière du Vorwald et du Heiden- 
wald. 

- Le 19, marche sur Mulhouse, la 66 e division par Hochstatt et Diden- 
heim, la i4 e et l'artillerie de corps par Heimsbrùnn et Niedermorsch- 
willer; la 4i e , au nord de la Doller, par Lutterbach. 

Page 167 : Le combat de Dornach (19 août) fut uniquement mené 
par la i4 e division (Villaret) et par J 'artillerie de corps. La 28 e brigade 
(général Faëz [35 e et 42 e ]) aborda très vivement l'ennemi, appuyée 
par l'artillerie divisionnaire (47 e , lieutenant-colonel Lucotte), Le 35 e 
était au sud de la route de Niedermorschwiller à Mulhouse, le 42 e 
entre cette route incluse et la Doller. La section du lieutenant Robert 
(42 e ) enlevait à la baïonnette une batterie qui se déplaçait dans Dor- 
nach. Tout le personnel était tué ou blessé. 

Peu après, Partillerie de corps, colonel Nivelle, en batterie au sud 
de Niedermorschwiller, prenait sous son feu et 'détruisait un groupe 
de 77. 

La position enlevée, le général de Villaret laissait à Dornach, au 
.sud de la voie ferrée, la brigade Faëz. Avec la 27 e brigade et l'artillerie, 
il traversait Mulhouse sans encombre et s'établissait à l'est, face à la 
Hardt, avec un poste détaché dans l'île Napoléon, au débouché ouest 
de cette forêt. Des travaux de défense furent entrepris aussitôt et 
menés très vivement. 

Page 169, note 1 : Contrairement à ce que nous avons rapporté, 
d'après ljauteur de La Victoire de Lorraine. Carnet d'un Officier de 
dragons, 16 e édition, p. 5 et suiv., il n'y eut jamais un régiment de 



(1) Rentrant de Grèce où il était le chef de la mission militaire. 



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VI 

dragons attaché à la 76 e division de réserve, mais deux escadrons 
seulement. 

Page 170 : Lors de la dislocation de l'année Pau, k 4i e division 
(7 e corps) resta dans les Vosges; la i4 e se replia le a4 août, dans la 
nuit, sous le canon de Belfort et commença le a 5 son mouvement sur 
Amiens par le nord de Paris. 

Page 171 et suiv. : Un témoin très renseigné déclare qu'à son sens, 
en faisant occuper Mulhouse et les hauteurs au sud par les troupes 
mobiles de Belfort, en les prolongeant au nord-ouest par la 4i e divi- 
sion et les groupes alpins du général Bataille, il eût peut-être été 
possible de conserver ces gages si importants. 

Pages 177-178 : Les détails que nous, don non s sur le 21 e corps, em- 
pruntés pourtant à un document officiel, ne sont pas exacts. C'est le 
g août seulement que ce corps d'armée attaqua les cols du Bonhomme 
et de Sainte-Marie, avec succès immédiat pour le premier, avec diffi- 
culté pour le second. On ne pouvait attaquer Saaks qu'après avoir 
assuré son flanc droit et, l'attaque du col Sainte-Marie ayant progressé 
plus lentement qu'on ne l'attendait, à la suite d'un échec du i4g e , le 
corps d'armée fut retardé d'autant devant Saales. 
. Une fois dans la vallée de la Bruche, il marcha bon train. Le «i4, 
devant Saint-Biaise, Plaine, il livra un brillant combat qui lui valut, 
avec le premier drapeau pris aux Allemands, 12 canons et 1.200 pri- 
sonniers. . — 

Page 181 : De retour à Watwiller, avec la 8* division de cavalerie, 
le général Mazel reçut, au moment où lé général Bataille attaqua 
Turkheim, l'ordre de se relier à lui par la plaine d'Alsace. Cette opé- 
ration se fit par les contreforts des Vosges, l'ennemi barrant la plaine. 

Quand la retraite fut décidée, la 8 e division, moins la i4 e brigade 
toujours détachée au sud, couvrit lé~mouvement rétrograde; puis>elle 
se porta, en une marche de nuit, par Thann et le col de Bussang, 
d'abord sur Saint- Amarin, puis sur iRemiremont. Dès lors, elle fut 
provisoirement disloquée en trois tronçons: la brigade Gendron, en 
liaison dans les Vosges avec la i* 8 armée; le gros à Remiremont; la 
brigade La Tour à l'est des Vosges. Le général Mazel prit le comman- 
dement de la 66 e division, en remplacement du général Woirhaye, et 
du groupement sud de Belfort, rattaché pour la forme à la i* 8 . armée 
et, en réalité, sous les ordres directs du général Joffre. 

Page i84 : Le 16 août, le 2 e corps de cavalerie, général Conneau, 
fut constitué et rattaché provisoirement à la i re armée : 2 e division de 
cavalerie, général Varin, remplaçant le général Lescot disgracié à la 
suite d'un mouvement malheureux sur Moyenvic; 6 e division, général 
Le Villain; 10 e , général Grellet, remplaçant par intérim le général 
Conneau. 



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— vu — 

«Page 1 85 : Le 17 août, le 2 e corps de cavalerie reçoit l'ordre de se 
porter, le 18, sur Sar rebourg, la 6 e division passant la Sarre au sud 
de cette ville, la 10 e marchant par Xouaxange et Bébing, la 2 e par 
Imling. 

Le 18 août, la 6 e division marchait sur Sarrebourg, en prenait 
possession après un léger engagement avec l'infanterie ennemie; les 
deux autres divisions, arrêtées par cette même infanterie, ne parais- 
saient pas. A 10 heures, la 6 e division se reportait sur He-rming, poar 
échapper à l'artillerie lourde allemande. A i5 heures, elle ralliait vers 
Kerprich le reste du corps Conneau, qui cantonnait dans la région de 
Dianne-Capelle. 

Page 188, note 1 : Voir ce qui est relatif à la page 92. 

Page 189 : Le 19 août, le 2 e corps de cavalerie se porta sur Kerprich 
et Langatte. Vers 9 heures, la 6 e division vit arriver à l'ouest de 
Kerprich les restes du i34 e (i5 e division). On apprit ensuite que la 
brigade Grand jean (56° et i34 e ) avait reçu l'ordre de partir des envi- 
rons de Herming, à 21 heures, pour attaquer, à 1 h. 3o, en direction 
de Saint-Jean-de-Bassel et de Gosselming. Elle ne put déboucher que 
vers 4 heures et l'ennemi, dissimulé dans des tranchées en ciment, 
lui fit subir de grosses pertes : 750 hommes au i34 e et i.i5o au 56 e , 
avec une forte proportion d'officiers. Il fallut que la 6 e division de 
cavalerie couvrit désormais, par un détachement, le flanc gauche du 
8 e corps. Elle recula ensuite jusqu'au sud du canal, vers Landange. 

A 21 heures, la 6 e division était rattachée directement à la i ro armée 
et, provisoirement, au 8* corps. Elle allait cantonner au sud de Blâ- 
mont; deux escadrons de cuirassiers et le groupe cycliste livraient un 
combat de nuit à Herzing, pour défendre le pont du canal. 

Page J91 : D'après des renseignements provenant de la 6 e division 
de cavalerie, la retraite du 8 e corps aurait été sensiblement différente. 
Cette division se rassemble le 20 août matin, à l'est des bois de Réchi- 
court. A 8 h. 3o, elle reçoit avis que le 8° corps se retire en deux 
colonnes de division, celle de droite passant par Igney, Gondrexon, 
Vého. La 6° division couvrira la retraite. A cet effet, elle établit son 
artillerie et le. 2 e dragons pied à terre au nord d'Avricourt; deux de 
ses batteries y sont fortement éprouvées. Le soir, elle cantonne dans 
la zone Herbéviller, Ogéviller, Bénaménil, Fréménil, Pettonville, où 
elle a repos le 21 août. 

Page 192 : En passant le Donon, le 18 août, avec la 43° division et 
les éléments non endivisionnés du 21 e corps, le général Legrand laissa 
la i3 e division rattachée provisoirement au i4 e corps. Elle ne repassa 
sous ses ordres que le 23, après son recul. 

Page 194 : Supprimer dans la note 2 la première phrase. 



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— VIII — 

Page 196 : « Dans la matinée du 30, de violentes contre-attaques 
rejetaient ses deux corps de droite (a 6 armée) au sud de Bisping et 
de Dieuze ». 

En réalité, le i6 6 corps continua de tenir dans le Mûhlwald jusqu'à 
midi au moins. C'est dans l'après-midi que la 3 2 e division fut au sud 
du parallèle de Bisping. 

Page 197 : « Cette retraite (de la i" armée) dut être accélérée à la 
suite du repli de la 2 e armée jusqu'au delà de Lunéville ». 

Lunéville resta occupé toute la matinée du 22 août par les avant- 
gardes du 16* corps qui l'évacuèrent assez tard dans l'après-midi. Le 
repli de la i w armée, le 21, ne put donc être accéléré par » cette évacua- 
tion. 

Page 198 : Il est absolument faux que la retraite de la 6 e division 
de cavalerie ait entraîné celle du 8 e corps. 

Le 22 août, le 2 e corps de cavalerie occupe le terrain entre la 
Vezouze et le fort de Manonviller; la 6* division le relève à son départ, 
continuant de couvrir la retraite du 8 e corps, comme elle Ta fait dès 
le début. À midi, elle se met en marche sur Saint-Clément, où elle 
doit cantonner, par la forêt de Mondon. On n'entend pas un coup 
de feu; on ne voit pas un éclatement, mais la route est jonchée de 
fers perdus par les chevaux. Le 7 e cuirassiers est laissé en bordure 
nord de la forêt, pour garder les passages de la Vezouze. La nuit est 
très calme. 

Le 23 août, la 6 e division de cavalerie conserve la même mission, 
le 8 e corps marchant en deux colonnes, celle de droite par Vathiménil, 
Moyen, Valois. 

La 6 e division part à 6 heures de Saint-Clément par Fraimbois, Ger- 
béviller. Elle croise la brigade légère de la 2 e division, qui a déjà élevé 
des barricades « à la croisée de la route de Lunéville ». Le 2 e corps 
de cavalerie forcera ainsi l'ennemi à se déployer et" son action ne ces- 
sera que le soir du 24. 

A midi, la 6 e division est en position près de Franconville, sans avoir 
aucune connaissance de l'ennemi. Elle a ordre de protéger le front 
nord du 8 e corps, établi au sud d'Essey, Saint-Pierremont, et le flanc 
ouest du i3« corps qui est au sud de Saint-Pierremont, Baccarat. Elle 
cantonne dans la zone Mattexey, Valois, Magnières, Domptail, Saint- 
Pierremont. 

Page 209 : « Les 59 e et 68 e divisions de réserve à Vandœuvre et à 
Laxou ». A noter que la 5g 6 division ne serait au complet que 
le 19 août. Il devait sans doute en être de même pour la 68*. 

Page 210 : « Les autres corps en furent sensiblement ralentis, le 
i6 6 corps allant seulement jusqu'à Igney, Avricourt... ». 

Les objectifs assignés au 16* corps, par l'ordre de mouvement de la 
2 e armée furent constamment atteinte jusqu'à Angwiller (20 août). 



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/ 



IX — 

A 

Page 212 : « Le 16 e corps, ainsi laissé en flèche, jugeait nécessairs 
[de se replieT sur Àngwiller... ». 

Jusqu'au 20 août, le 16* corps n'effectua aucun mouvement rétro- 
grade. Tous les points atteints furent conservés jusqu'à ce que la 
perte de Dieuze par le i5 e corps rendît un repli indispensable. 

Pages 212 et suiv. : Mouvements des 18, 19 et 20 août. t 

Le 16 e corps a la sensation, dès la journée du 18, qu'il est en flèche 
et même dans un traquenard. L'ennemi résiste mollement, le laissant 
s'engager dans le couloir entre l'étang de Lindre et celui de G011-' 
drexange. Il atteint ainsi une clairière au milieu des bois, clairière qui 
n'est autre qu'un champ de tir de l 'artillerie allemande, repéré dans 
toutes les directions, au moyen de 'planchettes clouées au sommet des 
arbTes. En tête, la forêt du Miihîwald, doublée comme obstacle par le 
canal des Salines. Sur le flanc droit, des étangs et le canal des Houil- 
lères; sur le flanc gauche, l'étang de Lindre. A l'arrière, des chemins 
peu nombreux, dont les ponts sur le canal de la Marne au Rhin ne 
livrent passage qu'à une voiture de front. 

De plus, le 16 e corps est gêné sur sa gauche par une colonne du 
i5 e corps, qui a marché par la rive est de l'étang de Lindre, ce qui 
amène le v gros de ce corps d'armée à se porter sur Verga ville, pour 
faire la liaison. 

Toute la journée du 19 août est consacrée par le 16 e corps à des 
attaques sur le Miihîwald. Il atteint la lisière nord de ces bois, sur 
la route 4 e Dieuze à Fénétirange et vers Mittersheim, qu'il trouve soli- 
dement retranché avec des tranchées profondes et des réseaux de fils 
de fer, toutes choses encore inconnues de nos soldats. La fusillade ne 
cesse pas le 19 et la nuit suivante. ' 

Des contre-attaques allemandes venant de l'est et cherchant à fran- 
chir le canal des Houillères furent maintenues. 

Un gros détachement (un régiment d'infanterie, un groupe d'artil- 
lerie) porté sur la» rive est de ce canal avait mission de marcher vers 
le nord, la gauche à cette voie, en nettoyant ses bords, de façon à 
attaquer Mittersheim de flanc et de revers. Mais il se laissa entraîner 
dans la zone d'action du 8 e corps (i re armée), qui lui demandait ins- 
t animent de couvrir son flanc gauche. Il perdit ainsi de vue sa propre 
mission, s-'engagea vers Kerprich et ne coopéra point à l'attaque directe 
sur Mittersheim, qui échoua. 

Une forte artillerie lourde était sur la rive nord du canal des Salines. 
Elle couvrait d'obus toute la clairière, avec le concours des avions, 
sans que nos 75 pussent répondre, faute de vues, de téléphones et 
d'avions. L'infanterie ne put que se maintenir à la lisière nord du 
Miihîwald. 

Page 2i3 : Le 2 e groupe de division de réserve est commandé par le 
général Léon Durand et non par le général Pol Durand, qui est 
à l'armée de Lorraine. La 59 e division (117 e brigade) relève la 18 e divî- 



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X — 

sion (g* corps) sur le front Sainte-Geneviève, Mont Saint- Jean v Le 
quartier général de la division vient à Belleau. 

Page 218 : « A Rorbach, le 63 e ... ». 

Lire le 53*. Le colonel Arbanère fut tué. Le colonel Lamole, du 122 e 
(3-1 e division) fut également mis hors de combat. 

Zommange était le point de liaison entre les 16 e et 16* corps. C'est 
le i5 6 qui l'occupait. Le 20 août, dès 10 heures, les troupes qui 
tenaient ce village (alpins, infanterie et artillerie) étaient en pleine 
retraite vers le sud. Elles suivaient leur route d'arrivée à l'est de 
l'étang de Lindre, coupant ainsi les lignes de communication de la 
32* division, contrairement à l'ordre de la 2 e armée. 

Ce mouvement découvrait la gauche du 16 e corps. Le général 
Taverna avait encore des réserves pour y parer; mais il apprenait, 
entre 10 et 11 heures, la réoccupatiori de Dieuze par l'ennemi. C'est 
alors seulement qu'il arrêtait ses dispositions de retraite (11 heure.? 
environ). 

Page 224 (20 août) : La 118 e brigade (59 e division) avait à Nomeny 
deux compagnies du 277 e , qui furent surprises et rejetées de ce bourg. 
La 117 e brigade porta sur Manoncourt, en repli, les deux bataillons 
du 325° qui furent appuyés à grande distance (5 .000 et 6.000 mètres) 
par une batterie de 75 établie au Mont Toulon. Néanmoins, le 325 e , 
très vigoureusement entraîné par le lieutenant-colonel d'Uston de 
Villeréglan, dépassa Manoncourt et atteignit la grand 'route d'Atton à 
Nomeny. La mort du colonel arrêta net le régiment, qui rétrograda 
bientôt avec de lourdes pertes (3 officiers tués et 9 blessés, dont les 
deux chefs de bataillon). Seule, la 23 e compagnie, énergiquement 
maintenue par le capitaine Beyîer, resta devant Nomeny et constata 
son évacuation par l'ennemi dès le 21 août. Les pertes de la 69° divi- 
sion dans le combat de Nomeny furent de 20 officiers, dont 5 tués, 
i3 blessés, 2 disparus; 659 hommes, dont 75 tués, 5i3 blessés, 71 dis- 
parus. Le général de La Masselière fut remplacé, dès le 21, par le 
général Kopp, qui commandait jusqu'alors la 35 e brigade. 

Page 227 : « Nos deux corps de droite, le i5 e en particulier, mon- 
trèrent peu de mordant... ». i 

Ce qui précède montre que cette appréciation est trop sévère en ce 
qui touche le 16 e corps. 

Page 228 : « Dès le 20 août, à midi, l'une des divisions du 16 e corps 
s'était repliée sur Gelucourt... »1 

La 32° division (à gauche), engagée devant 'Rorbach et dans le 
Miïhlwald, se replia dans l'après-midi seulement vers Maizièrcs et non 
sur Gelucourt. 

Page 23i : « Le corps d'armée entier (16 e corps) codait sous In 
pression ennemie et se retirait par les ponts de » Lunéville, 



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XI — 

Le gros du 16 e corps était au sud-ouest de Lunéville. Il n'y avait 
en avant des ponts que la brigade Dauvin (61 e ) et le I er hussards. 

Page a3 1, note 3 : « Les i5* et i6* corps paraissent s'être retirés 
tous deux par Lunéville ». 

Ce détail, emprunté à La Victoire de Lorraine. Carnet d'un Officier 
de dragons, p. 7 et suiv., est faux. Le i5 6 corps n'a pas paru à Luné- 
ville, sauf peut-être des isolés. En dehors du 16 e corps, il n'y eut dans 
cette ville qu'un bataillon de chasseurs, attaché sans doute au corps 
Conneau. Cantonné au quartier de cavalerie du faubourg d'Ein ville, 
il fut difficilement alerté dans la matinée du 22, aucun officier n'étant 
logé avec sa troupe? 

Page 23 1 : « Une attaque très violente... se déclenchait sur les 
positions du 16 e corps, vers Grion et Sionviller... ». 
Ces positions n'étaient tenues que par la brigade Dauvin- (81 e et 96 e ). 

Page s3 1 : « Le 20* corps (allant) vers Saint-Nicolas, après des com- 
bats heureux sur les hauteurs de Flainyal ». 

La 22 e J>rigade, général Ferry, arrive à Dombasle, dans la nuit du 
21 au 22 août, après une marche de plus de 70 kilomètres. Le 22, à 
8 heures, ordre du général Foch au général Ferry de porter la brigade, 
avec l'artillerie de la 11 e division, un groupe de 120, une compagnie 
du génie et un élément de cavalerie, sur la position de Sommerviller, 
Flainval, Anthelupt, Hudiviller, tenue jusqu'alors par des fractions 
du i5 e corps. Ces troupes sont en place vers 11 heures, le 37 e à gauche, 
le 79* à droite. Après un violent bombardement, l'ennemi attaque 
vivement jusqu'à Crévic, que le 173 e abandonne. En outre, le détache- 
ment est menacé sur sa droite par Hudiviller, la forêt de Vitrimont. 
Le général Ferry arrête sur cette position le 111 e (i5° corps) qui était 
en retraite. Les 37 e et 79 e tiennent sans broncher. 

A 23 heures, ordre du général Foch de se décrocher pendant la 
nuit, pour gagner la rive gauche de la Meurthe, en faisant sauter les 
ponts entre Dombasle et la ferme Placieux (cinq ponts, dont deux de 
circonstance). Le 23, à 3 heures, l'ordre est exécuté; le 37 e s'est peplié 
par Dombasle sur Saint-Nicolas; le 79 e , par les ponts en amont, sur 
Coyviller, i:a 11* division est alors chargée de tenir les hauteurs de 
cette rive entre Rosières et Saint-Nicolas. 

Page 232 : Le long extrait de La Victoire de Lorraine. Carnet d'un 
Officier de dragons, p. 10 et 12, est « un pur roman », d'après un 
témoin des mieux renseignés. Le commandant du 16 e corps était, de 
sa personne, au carrefour de Chaufontaine, sur la route de Lunéville 
à Bayon, à f.5oo mètres d'Hériménil. Il ne vit rien de pareil. L'exode 
des populations gênait grandement la retraite des troupes, qui mar- 
chaient pourtant dans un ordre relatif. 



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— XII — 

/ 

Page 233 : « Après avoir traversé la 74 e division dé réserve, les i5 ft 
et 16 e corps se reformèrent... ». 

Le 16* corps ne traversa pas les positions de la 74 e division entre 
Saffais et Belchamp. Il s'arrêta sur la Mortagne, en avant^ou au plus 
à la hauteur des positions avancées de là 74 e division. 

4 V 

Page 237 : « On se hâta d'adopter une solution provisoire, en recou- 
vrant de cotonnade bleue le pantalon rouge et le képi de l'infanterie ». 

C'est vers le 10 août que l'ordre fut donné de recouvrir le képi. 
Pour le pantalon, les dispositions ci-dessus ne s'appliquèrent qu'aux 
détachements venant de l'arrière.. Le pantalon rouge resta longtemps 
à découvert sur le front/ Nous en vîmes en Champagne tout l'hiver 
de igiH-igib. 

Le général Boulanger n'avait pas prescrit l'emploi de la capote 
bleue, mais de la vareuse de cette couleur, que sa forme disgracieuse 
fit baptiser aussitôt salopette. C'est en 1895 ou 189Ô seulement que, 
sur la proposition de la Direction de l'infanterie, la capote bleue fut 
rendue réglementaire pour les officiers. Mais cette disposition tomba très 
vite en désuétude. En 191 2 ou 191 3, on adopta pour les officiers d'in- 
fanterie une nouvelle vareuse en drap de capote et une capote-manteau 
de même nuance. Tous les officiels, sauf ceux de réserve, devaient en 
être pourvus à la revue de mobilisation du printemps de 1914. Il se 
peut que cette prescription ait été éludée. Nous nous souvenons d'avoir 
prescrit une revue en capote, lors de notre prise de commandement 
d'un régiment de couverture (octobre 1903). A notre grande indigna- 
tion, nous nous aperçûmes que plusieurs officiers n'avaient aucune 
fspèce de capote. 



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