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Full text of "L'Agriculture pratique des pays chauds"

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MINISTÈRE    DES   COLONIES 

Inspection  générale  de  l'Agriculture  coloniale. 


L'Agriculture  pratique 

des  pays  chauds 


BULLETIN    DU   JARDIN    COLONIAL 

ET    DES    JARDINS    D'ESSAI 
DES     COLONIES     FRANÇAISES 


QUATRIÈME     ANNÉE 
Juillet     1904     —     Décembre     1904 


PARIS 
Augustin    GHALLAMEL,     Kditeuh 

Rue  Jacob,  17 
Librairie  Maritime  et  Coloniale. 


MINISTÈRE    DES    COLONIES 

Inspection  générale  de  1  Agriculture  coloniale. 


L'Agriculture  pratique 

des  pays  chauds 


BULLETIN    DU   JARDIN    COLONIAL 

ET    DES    JARDINS    D'ESSAI 
DES     COLONIES     FRANÇAISES 


BOTANICAL 
QARDEN 


QUATRIEME     ANNEE 
Juillet     1904     —     Décembre     1904 


PARIS 
Augustin    C  H  ALLA  M  EL,    Editeur 

Rue  Jacob,  17 
Librairie  Maritime  et  Coloniale. 


L'AGRICULTURE    PRATIQUE 

DES    PAYS    CHAUDS 


BULLETIN  DU  JARDIN  COLONIAL 

ET    DES    JARDINS    D'ESSAI     DES    COLONIES    FRANÇAISES 


QUATRIÈME     ANNÉE 


TABLE    DES    MATIERES 


DOCUMENTS     OFFICIELS 


Lois. 


Loi  relative  au  régime  des  sucres 1 29 

Loi  modifiant  le  tarif  des  douanes  en  ce  qui  concerne  les  poivres 1 

Loi  relative  au  résume  douanier  des  denrées  coloniales 2 


'& 


Décrets. 

Décret  autorisant  l'application  du  tarif  minimum  aux  denrées  coloniales 
originaires  des  protectorats  britanniques  de  l'Est  Africain,  du  Centre 
Africain  et  de  l'Ouganda 

Décret  autorisant  provisoirement  l'application  du  tarif  minimum  aux 
denrées  coloniales  originaires  de  certains  pays 


IV  TABLE    DES    MATIERES 

Jardin  colonial. 
Rapport  sur  la  marche  du  service  pendant  l'année  1903 137 

Afrique  Occidentale. 

Arrêté  réglant  les  cessions  de  produits  du  Jardin  d'Essai  de  Camayenne 
(Guinée) 5 

Extrait  du  rapport  de  mission  en  Guinée  de  l'Inspecteur  général  de 
l'Agriculture  coloniale 261 

Congo. 

Rapport  au  Président  de  la  République  suivi  d'un  décret  modifiant  le 
tableau  annexé  au  décret  du  29  novembre  1802  portant  application  au 
Gabon  du  tarif  douanier  métropolitain 5 

Décret  fixant  les  quantités  de  cafés  et  de  cacao  en  fèves  originaires  du 
Congo  Français  (bassin  conventionnel)  qui  pourront  bénéficiera  l'entrée 
en  France  pendant  l'année  1904  des  conditions  prévues  par  les  décrets 
des  22  avril  1899  et  25  août  1900 132 

Madagascar. 

Station  séricicole  de  Nanisana.  Mise  en  vente  de   graines  sélectionnées 

de  vers  à  soie ~ 

Circulaire  relative  à  l'exportation  des  bœufs 10 

Circulaire  relative  à  l'incendie  des  pâturages 14 

Décret  réglementant  le  régime  des  terres  domaniales 157 

Indo-Chine. 

Arrêté  relatif  à  l'exportation  des  riz  et  paddy  hors  de  l'Annam 15 

Arrêté  portant  réglementation  des  concessions  territoriales 16 

Arrêté  instituant  un  conseil  de  perfectionnement  de  l'élevage  au  Tonkin 

et  en  Annam 134 

Arrêté  nommant  une  commission  chargée  d'examiner  les  procédés  et  les 

appareils  nouveaux  de  la  maison  Saint  frères,  appliqués  à  la  culture  du 

Jut 133 

Arrêté  allouant   une  subvention  au   budget  local  du  Tonkin   en  vue  de 

l'achat  de  poulinières -S8 


TMUJ-:    DES    MATIERES 


Océanie. 

Décret  portant  fixation  de  la  quantité  de  vanille  originaire  des  établisse- 
ments français  de  l'Océanie  à  admettre  en  France  sous  un  régime  de 
laveur  pendant  la  campagne  1904-1905 259 


Martinique. 

Chambre  d'Agriculture.  —  Cession  gratuite  de  plants  de  canne  à  sucre 
sélectionnée 1 S 

Arrêté  nommant  les  membres  du  Comité  de  perfectionnement  institué 
près  de  la  Direction  des  jardins  d'essais  et  du  laboratoire  de  chimie 
agricole 132 


Nominations  et  Mutations. 


Dans  le  personnel  agricole 135,    260 


VI  TABLE    DF.S    MATIERES 


ETUDES     ET     MEMOIRES 


Par  noms  d'auteurs. 


Ammann  (Paul).  —  Nouvelle  plante  alimentaire  de  l'Afrique  centrale,  104. 
Bigle  de  Cardo.  --  La  Ramie  et  ses  analogues  aux  Indes  anglaises,  335. 
Çhalot.  --  Nouvelle  plante  alimentaire  de  l'Afrique  centrale,  104. 
Charabot.  —  Etudes  sur  les  produits  odorants  des  Colonies  françaises,  '.il- 
1>'   Delacroix.  —  Les  maladies  des  plantes  cultivées  dans  les  pays  chauds,  19, 

201. 
Delgove.  —  Multiplication  des  bambous,  122.  --  Rendement  du  café  Libéria  à 

Fort-Dauphin,  256. 
Deslandes.  —  Conférence  au  Jardin  colonial,  247-371. 
Direction  de  l'Agriculture  de  Madagascar.     -  La  soie  d'araignée,  119. 
Dofour.  --  Observations   pratiques   sur  la   récolte  des  champignons  dans  les 

Colonies,  45-226. 
Dybowski.   -       Rapport   sur  la   marche  du   Service  du  Jardin  Colonial,  année 

1903,  137.  —  Mission  en  Guinée.  Extrait  du  rapport,  261. 
Fauchère.  —  Culture  de  l'Ampemby,  99. 

Guynet.  —  Le  caoutchouc  des  Herbes  du  Congo  Français,  383. 
Henry.   —  Le  bétail  en  Afrique  Occidentale  française,    34-195.  Le  Coton 

dans  l'Afrique  Occidentale.  80-235.  —  Exploitation  du  tabac  dans 

la  Sénégambie-Niger,  355. 
Lafforgue.  —  L'élevage  en  Nouvelle-Calédonie,  52,  179,  314. 
Dr  Loir.  —  La  conservation  du  maïs,  65. 
Luc.  —  Le  cacao  au  Congo,  296. 

Pierre.  —  Landolphiées  nouvelles  de  Madagascar,  107. 
Roux  (Ll  Charles).  —  L'élevage  à  Madagascar,  157. 
Service  botanique.  Jardin  colonial.  — Landolphiées  nouvelles  de  Madagascar, 

107. 
De  Wildemann.  —  Nouveaux  caféiers  de  la  Côte  Occidentale  d'Afrique,  I  13. 


TABLE    DES    MATIÈRES  VII 


Sujets  traités. 


Ampemby.  —  Note  sur  la  culture  (Fauchère),  99. 

Araignée.  —  Note  sur  la  soie  d'araignée  (Madagascar),  119. 

Bambous.  —  Note  sur  la  multiplication  (Delgove),  122. 

Bétail.  —  Le  bétail  en  Afrique  Occidentale  (Henry),  34-19b. 

Cacao.  —  Production  au  Congo  (Luc),  296. 

Café  libéria.  —  Rendement  à  Fort-Dauphin  (Delgove),  256. 

Caféiers.  —  Nouveaux  caféiers  de  la  Côte  Occidentale  d'Afrique,  I  13. 

Caoutchouc.  —  Caoutchouc  des  Herbes  du  Congo  (Guynet),  383. 

Champignons.  —  Récolte  dans  les  Colonies  (Dufour),  45,  226. 

Coffea  affinis.  — Etude  botanique  (J.-D.  de  Wildemann),  1  13. 

Coffea  canephora,  var.  opaca.  —  Élude  botanique  (Pierre),  117. 

Coleus  Dazo.  —  Note  (Chalot,  P.  Ammann),  104. 

Coton.  —  Le  coton  dans  l'Afrique  Occidentale  (Henry),  80-235.  —  Production 

du  coton  aux  Indes,  307. 
Elevage.   -      L'élevage  à  la  Nouvelle-Calédonie  (Lafforgue),   52,    179,  314.  — ■ 

L'élevage  a  Madagascar  (Ll  Ch.  Roux),  157. 
Guinée.  —  Rapport  de  Mission  iJ.  Dybowski),  261. 

Jardin  colonial.  —  Rapport   pour  Tannée  1903  (J.  Dybowski),   137.  —  Confé- 
rence de  M.  Deslandes,  247-371. 
Landolphiées.  —  Landolphiées  nouvelles  de  Madagascar  (Pierre  Thiry),   107. 
Maïs.   —  Sa  conservation  (Dr  Loir),  65. 

Maladif*.  —  Maladies  des  plantes  cultivées  dans  les  pays  chauds   (l)1'    Dela- 
croix), 19,  201. 
Produits  odorants.  —  Produits  odorants  des  Colonies  françaises  (E.  Charabol), 

94. 
Ramie.  —  Etude  (G.  Rigle  de.Cardo),  335. 
Tabac.  —  Production  en  Sénégambie-Niger  (Henry),  355. 


MAÇON,    PKOTA.T    FREKES.     IMPRIMEURS 


4e  année. 


Juillet-Août   1904. 


N"  19 


MINISTÈRE    DES   COLONIES 

Inspection  générale  de  l'Agriculture  coloniale. 


L'Agriculture  pratique 

des  pays  chauds 


BULLETIN   DU   JARDIN   COLONIAL 

ET    DES  JARDINS    D'ESSAI 
DES    COLONIES    FRANÇAISES 


Paraissant   tous  les  deux  mois. 


LES    DOCUMENTS     ET     COMMUNICATIONS 

se  rapportant  à  la  Rédaction 

doivent  êtres  adressés 

à  l'Inspection  GIe  de  l'agriculture  Cle 

AU    MINISTERE    DES    COLONIES 


TOUTES     COMMANDES    OU    RECLAMATIONS 

relatives  au  service  du  Bulletin 

doivent      être      adressées     directement 

à    M.    A.    Challamel,    Éditeur 

rue  Jacod,  17,  Paris 


PARIS 
Augustin    CHALLAMEL,    Editeur 

Rue  Jacob,  17 
Librairie  Maritime  et  Coloniale. 


Les  abonnements  partent  du  Ier  Juillet. 
Prix  de  l'Année  (France,  Colonies  et  tous  pays  de  l'Union  postale).  —  20  fr. 

La  reproduction  complète  d'un  article  ne  peut  être  faite  qiï après  autorisation  spéciale. 

Les  citations  ou  reproductions  partielles  sont  autorisées  à  la  condition 
de  mentionner  la  source  de  Varticle. 


PUBLICATIONS  DU  MINISTÈRE  DES  COLONIES 


REVUE    COLONIALE 

Explorations.  —  Missions.  —  Travaux  historiques  et  géographiques.  —  Archives 

Etudes  économiques 

Un  fascicule  de  S  feuilles  grand  in-8°,  parait  tous  les  deux  mois 

PARIS   —  Augustin   CHALLAMEL,    Editeur,  rue  Jacob,  17 


PRIX  DE  L'ABONNEMENT  ANNUEL  (France  et  Colonies)  :    15  fr. 


L'Agriculture  pratique  des  Pays  Chauds 

BULLETIN  DU  JARDIN  COLONIAL  ET  DES  JARDINS  D'ESSAI  DES  COLONIES 

Un  fascicule  de  S  feuilles  grand  in-S°  parait  tous  les  deux  mois 

PARIS    —  Augustin   CHALLAMEL,    Éditeur,  rue  Jacob,   17 


PRIX  DE  L'ABONNEMENT  ANNUEL  (France  et  Colonies)  :  20  fr. 

Annales  d'Hygiène  et  de  lédecine 

COLONIALES 

PUBLIC  A TION     TRIMESTRIELLE 


PARIS   —    Octave    DOIN,    Éditeur,    place  de  l'Odéon,  8 


PRIX  DE  L'ABONNEMENT  ANNUEL  :  France  et  Algérie,  10  fr.  —  Étranger,  12  fr. 


Feuille  de  Renseignements  de  l'Office  Colonial 

PUBLICATION    MENSUELLE 


COLONISATION  :  Exploitations  agricoles  et  industrielles,  enquêtes  économiques,  etc. 
COMMERCE  :    Renseignements    commerciaux   et    statistiques  ;    Avis    d'adjudications 

Offres  et  demandes  commerciales  ;  Mouvement  des  paquebots  ;    Listes   des   maisons 

de  commerce,  etc. 


ABONNEMENT  ANNUEL  :  France,  5  fr.  —  Colonies  et  Union  postale,   6  fr. 


PARTIE    OFFICIELLE 


Samedi  6  février  1904. 


LOI 


modifiant  le  tarif  des  Douanes  en  ce  qui  concerne  les  poivres. 

Le  Sénat  et  la  Chambre  des  députés  ont  adopté, 

Le  Président  de  la  République  promulgue  la  loi  dont  la  teneur  suit  : 
Article   1er.  —  Le  tableau  A,   annexé  à  la   loi  du  14  janvier  1902,  est 
modifié  comme  suit  : 


N°  99  du  tarif.  Poivre 

TARIF 
GÉNÉRAI, 

les  100  kilos. 

TARIF 
MINIMUM 

les  100  kilos. 

francs 
450 

francs 
312 

Art.  2.  —  Le  tableau  E,  annexé  à  la  loi  du  11  janvier  1885,  est  modifié 
comme  suit  : 

Poivre  :  droit  du  tarif  minimum  métropolitain  diminué  de  10  fr. 

Art.  3.  —  La  loi  du  12  juillet  1902  et  Fart.  34  de  la  loi  du  30  mars 
1902  sont  abrogés. 

La  présente  loi,  délibérée  et  adoptée  par  le  Sénat  et  par  la  Chambre 
des  députés,  sera  exécutée  comme  loi  de  l'Etat. 

Fait  à  Paris,  le  29  mars  1903. 

Emile  Loubet. 

Par  le  Président  de  la  République  : 

Le  Ministre  des  Finances, 
Rouvier. 

Le  Ministre  du  Commerce, 
de  V Industrie,  des  Postes  et  des  Télégraphes, 


Le  Ministre  des  Colonies, 
Gaston  Doumergue. 
Bulletin  du  Jardin  colonial. 


Georges  Trouillot. 


1  DOCUMENTS    OFFICIELS 

Samedi  6  février  1904. 
LOI 
relative  au  régime  douanier  des  denrées  coloniales. 

Le  Sénat  et  la  Chambre  des  députés  ont  adopté, 

Le  Président  de  la  République  promulgue  la  loi  dont  la  teneur  suit  : 

Article  unique.  —  Le  Gouvernement  est  autorisé  à  conférer  provisoire- 
ment, par  décret,  le  tarif  minimum  des  denrées  coloniales  de  consomma- 
tion aux  pays  et  possessions  ayant  conclu  avec  la  France,  antérieurement 
au  24  février  1903,  un  accord  comportant  la  concession,  à  leur  profit, 
dudit  tarif  minimum,  jusqu  au  moment  où  ses  conventions,  ayant  été 
ratifiées,  s'il  y  a  lieu,  pourront  entrer  en  vigueur. 

La  présente  loi,  délibérée  et  adoptée  par  le  Sénat  et  par  la  Chambre  des 

députés,  sera  exécutée  comme  loi  de  l'État. 

Fait  à  Paris,  le  20  février  1903. 

Emile  Loubet. 

Par  le  Président  de  la  République  : 
Le  Minisire  des  Colonies, 
Gaston  Doumergue. 

Le  Ministre  du  Commerce, 
de  l'Industrie,  des  Postes  et  des  Télégraphes, 

Georges  Trouillot. 
Le  Ministre  des  Affaires  étrangères, 

Delcassé. 

Le  Ministre  des  Finances, 
Rouvier. 

Samedi  6  février  1904. 

DÉCRET 

autorisant  provisoirement    l'application  du    tarif  minimum 
aux  denrées  coloniales  originaires  de  certains  pays. 

Le  Président  de  la  République  française, 

Sur  le  rapport  du  Ministre  du  Commerce,  de  l'Industrie,  des  Postes  et 
Télégraphes,  du  Ministre  des  Affaires  étrangères,  du  Ministre  des 
Finances  et  du  Ministre  des  Colonies  ; 

Vu  la  loi  du  11  janvier  1892  portant  établissement  du  tarif  des 
douanes  ; 

Vu  la  loi  du  24  février  1900  modifiant  le  tarif  des  douanes  en  ce  qui 
concerne  le  café  en  fèves  et  en  pellicules  ; 

Vu  la  loi  en  date  du  22  février  1902; 

Vu  la  loi  du  20  février  1903  autorisant  le  Gouvernement  à  conférer 
provisoirement,  par   décret,  le  tarif  minimum  des  denrées  coloniales  de 


DÉCRET  O 

consommation  aux  pays  et  possessions  ayant  conclu  avec  la  France,  anté- 
rieurement au  24  février  1903,  un  accord  comportant  la  concession,  à  leur 
profit,  dudit  tarif  minimum,  jusqu'au  moment  où  ces  conventions,  ayant 
été  ratifiées,  s'il  y  a  lieu,  pourront  entrer  en  vigueur  ; 

Vu  les  décrets  des  24  février  et  29  août  1900  ; 

Vu  le  décret  du  22  décembre  1900  ; 

Vu  le  décret  du  27  juin  1901  ; 

Vu  les  décrets  des  22  février  et  20  août  1902, 

Décrète  : 

Article  1er.  —  Les  taxes  du  tarif  minimum  continueront  à  être  appli- 
cables provisoirement  aux  denrées  coloniales  visées  à  l'art.  1er  des  lois  du 
24  février  et  du  17  juillet  1900,  originaires  des  pays  suivants  : 

États-Unis  de  l'Amérique  du  Nord,  île  de  Porto-Rico,  Nicaragua, 
République  de  Honduras,  colonie  des  Seychelles,  colonie  de  la  Jamaïque, 
colonies  néerlandaises,  Inde  anglaise,  colonie  de  Ceylan. 

Art.  2.  —  Le  Ministre  du  Commerce,  de  l'Industrie,  des  Postes  et  des 
Télégraphes,  le  Ministre  des  Affaires  étrangères,  le  Ministre  des  Finances 
et  le  Ministre  des  Colonies  sont  chargés,  chacun  en  ce  qui  le  concerne,  de 
l'exécution  du  présent  décret  qui  sera  publié  au  Journal  officiel  et  inséré 
au  Bulletin  des  lois. 

Fait  à  Paris,  le  21  février  1903. 

Emile  Loubet. 

Par  le  Président  de  la  République  : 

Le  Ministre  du  Commerce, 

de  C  Industrie,  des  Postes  et  des  Télégraphes, 

Georges  Trouillot. 

Le  Ministre  des  Affaires  étrangères, 

Delcassé. 

Le  Ministre  des  Finances, 

Rouvier. 
Le  Ministre  des  Colonies, 

Gaston  Doumergue. 

Samedi  6  février  1904. 

DÉCRET 

autorisant  provisoirement  l'application  du  tarif  minimum  aux  denrées 
coloniales  originaires  des  protectorats  britanniques  de  l'Est  Africain, 
du  Centre  Africain  et  de  V Ouganda. 

Le  Président  de  la  République  française, 

Sur  le  rapport  du  Ministre  du  Commerce,  de  l'Industrie,  des  postes  et 


4  DOCUMENTS    OFFICIELS 

des  Télégraphes,  du  Ministre  des  Affaires  étrangères,  du  Ministre  des 
Finances  et  du  Ministre  des  Colonies, 

Vu  la  loi  du  11  janvier  1892  portant  établissement  du  tarit  des 
douanes  ; 

Vu  la  loi  du  24  février  1900  modifiant  le  tarif  des  douanes  sur  les  den- 
rées coloniales  de  consommation  ; 

Vu  la  loi  du  17  juillet  1900  modifiant  le  tarif  des  douanes  en  ce  qui 
concerne  le  café  en  fèves  et  en  pellicules  ; 

Vu  la  loi  du  22  février  1902; 

Vu  la  loi  du  20  février  1903  autorisant  le  Gouvernement  à  conférer 
provisoirement,  par  décret,  le  tarif  minimum  des  denrées  coloniales  de 
consommation  aux  pays  et  possessions  ayant  conclu  avec  la  France,  anté- 
rieurement au  24  février  1903,  un  accord  comportant  la  concession  à  leur 
profit  dudit  tarif  minimum,  jusqu'au  moment  où  ces  conventions  ayant 
été  ratifiées,   s'il  y  a  lieu,  pourront  entrer  en  vigueur  ; 

Vu  les  décrets  du  24  février  et  du  29  août  1900; 

Vu  le  décret  du  22  décembre  1900  ; 

Vu  le  décret  du  27  juin  1901  ; 

Vu  les  décrets  des  22  février  et  20  août  1902; 

Vu  le  décret  du  24  février  1903, 

Décrète  : 
Article  1er.  —  Les  taxes  du  tarif  minimum  seront  applicables  provisoi- 
rement aux  denrées  coloniales  visées  à  l'art.  1er  des   lois  du  24  février  et 
du  17  juillet  1900,  originaires  des  protectorats  britanniques  de  l'Est  Afri- 
cain, du  Centre  Africain  et  de  l'Ouganda. 

Art.  2.  —  Le  Ministre  du  Commerce,  de  l'Industrie,  des  Postes  et  des 
Télégraphes,  le  Ministre  des  Affaires  étrangères,  le  Ministre  des  Finances 
et  le  Ministre  des  Colonies  seront  chargés,  chacun  en  ce  qui  le  concerne, 
de  l'exécution  du  présent  décret  qui  sera  publié  au  Journal  officiel  et 
inséré  au  Bulletin  des  lois. 
Fait  à  Paris,  le  24  mars  1903. 

Emile  Loubet. 
Par  le  Président  de  la  République  : 
Le  Ministre  du  Commerce, 
de  r Industrie,  des  Postes  et  des  Télégraphes, 
Georges  Trouillot. 


Le  Ministre  des  Finances, 
Rouvier. 


Le  Ministre  des  Affaires  étrangères, 
Delcassé. 


Le  Ministre  des  Colonies, 
Gaston  Doumergue. 


ARRETE 

GUINÉE     FRANÇAISE 

ARRÊTÉ 
réglementant  les  cessions  de  produits  du  Jardin  d'Essais. 

Le  Lieutenant-Gouverneur  de  la  Guinée  Française, 

Vu  l'arrêté  du  14  septembre  1901  sur  la  vente  au  public  des  produits 
de  Camayenne,  rapporté  par  celui  du  3  mars  1904; 

Considérant  que  l'expérience  a  démontré  la  nécessité  de  modifier  le 
mode  de  délivrance  et  de  recouvrement  des  produits  de  Camayenne  ; 

Sur  la  proposition  du  Secrétaire  général, 

Le  Conseil  d'administration  entendu, 

Arrête  : 

Article  1er.  —  Les  demandes  de  cession  doivent  être  adressées  au 
Secrétaire  général  qui  l'ait  émettre  un  ordre  de  recette  de  la  somme  cor- 
respondante d'après  un  avis  arrêté  par  le  chef  de  la  colonie  et  publié  au 
Journal  officiel  de  la  Guinée. 

Le  Directeur  du  jardin,  au  vu  du  récépissé  constatant  le  versement, 
délivre  les  produits  et  en  enregistre  la  sortie  sur  un  registre  coté  et  para- 
phé par  le  Secrétaire  général,  et  arrêté  chaque  jour  et  en  fin  de  mois,  et 
où  il  fait  mention  du  nom  du  cessionnaire,  de  la  nature  et  des  quantités 
des  objets  et  du  numéro  du  récépissé.  Une  colonne  est  réservée  à  l'émar- 
gement par  le  cessionnaire. 

Art.  2. — Sont  et  demeurent  rapportées  toutes  dispositions  antérieures 
et  notamment  le  §  2  de  l'art.  2  de  l'arrêté  du  14  septembre  1901  allouant 
une  remise  au  Directeur  du  jardin  d'essais  sur  le  produit  des  ventes. 

Art.  3.  —  Le  Secrétaire  général  est  chargé  de  l'exécution  du  présent 
arrêté  qui  sera  notifié  au  trésorier  payeur,  communiqué  et  enregistré  par- 
tout où  besoin  sera  et  inséré  au  Journal  officiel  de  la  Guinée  Française. 

Conakry,  le  20  avril  1904. 

COUSTURIER. 

CONGO     FRANÇAIS 

Samedi  20  février  1904. 

RAPPORT 

au  Président  de  la  République  française. 

Paris,  le  31  décembre  1903. 
Monsieur  le  Président, 

L'attention   de  mon   Département  a   été    appelée,    depuis    un    certain 

temps,  sur  les  inconvénients  graves  résultant  de  la  diversité  trop  grande 


O  DOCUMENTS    OFFICIELS 

des  deux  régimes  douaniers  appliqués  l'un  au  territoire  du  Gabon,  l'autre 
à  la  partie  française  du  bassin  conventionnel  du  Congo,  et  j'ai  fait  étudier 
les  moyens  d'arriver  à  diminuer  le  plus  possible  l'écart  existant  ainsi  entre 
les  tarifs  en  vigueur. 

M.  le  Commissaire  général  du  Gouvernement  au  Congo  Français  a  éta- 
bli, à  cet  elFet,  un  projet  d'ensemble  adoplé  par  le  Conseil  d'administra- 
tion de  la  colonie  ;  d'autre  part,  les  Ministres  des  Finances  et  du  Com- 
merce ont  adhéré,  en  principe,  aux  modifications  projetées,  pour  l'applica- 
tion desquelles  j'ai  fait  préparer  les  deux  projets  de  décrets  ci-après  adop- 
tés par  le  Conseil  d'Ftat  : 

1°  L'un  modifiant  le  tableau  annexé  au   décret  du   "29  novembre   189:2 
portant    application   au    Gabon   du  tarif  douanier   métropolitain  ,    para- 
graphe Mil  pour  les  tabacs,  et  paragraphe  XXIX  pour  les  armes  ; 

2°  L'autre  fixant  à  10  %  et  à  5  %  &d  valorem  les  droits  de  sortie  perçus 
sur  divers  produits  exportés  du  Congo  Français. 

J'ai  l'honneur  de  soumettre  ces  deux  textes  à  votre  haute  approbation. 

Veuillez  agréer.  Monsieur  le  Président,  l'hommage  de  mon  profond 
respect. 

Le  Minisire  des  Colonies, 
Gaston  Doumergie. 

Le  Président  de  la  République  française, 

Sur  le  rapport  du  Ministre  des  Colonies, 

Vu  la  loi  du  11  janvier  1892  relative  à  l'établissement  du  tarif  général 
des  Douanes; 

Vu  le  décret  du  29  novembre  1892  portant  application  au  Gabon  du 
tarif  douanier  métropolitain  ; 

Vu  les  délibérations  du  Conseil  d'administration  du  Congo  Français,  en 
date  des  15  décembre  1904  et  \  mai  1903; 

Vu  l'avis  du  Ministre  du  Commerce  et  de  l'Industrie  ; 

Le  Conseil  d'Etat  entendu, 

Décrète  : 

Article  1er.  —  Les  modifications  ci-après  sont  apportées  au  tableau 
annexé  au  décret  du  29  novembre  1892  portant  application  au  Gabon  du 
tarif  douanier  métropolitain. 

VIII.  Denrées  coloniales  et  consommation  : 
Tabacs  en  feuilles  et  liamba,  20  fr.  les  100  kilos. 

XXIX.   Armes,  poudres  et  munitions  : 

Armes  de  traite  sans  hausses  ni  rayures  (fusils  à  silex  ,  I   fr.  pièce. 


RAPPORT  7 

Art.  2.  —  Le  Ministre  des  Colonies  est  chargé  de  l'exécution  du  pré- 
sent décret. 

Fait  à  Paris,  le  31  décembre  1904. 

Fmile  Loubet. 

» 
Par  le  Président  de  la  République  : 

Le  Ministre  des  Colonies, 

Gaston  Doumergie. 

Le  Président  de  la  République  française. 

Sur  le  rapport  du  Ministre  des  Colonies, 

Vu  la  délibération  du  Conseil  d'administration  du  Congo  Français  en 
date  du  15  décembre  1902  ; 

Vu  l'avis  du  Ministre  du  Commerce  et  de  l'Industrie; 

Vu  la  loi  du  11  janvier  1892  relative  à  l'établissement  du  tarif  général 
des  Douanes  ; 

Le  Conseil  d'Etat  entendu, 

Décrète  : 

Article  1er.  —  Les  marchandises  et  produits  ci-après  dénommés,  expor- 
tés de  la  partie  du  Congo  Français  non  comprise  dans  le  bassin  conven- 
tionnel du  Congo,  sont  soumis  : 

1°  A  un  droit  de  10u/o  ad  valorem  : 

Ivoire  ; 

Caoutchouc. 

2°  A  un  droit  de  5  °/0  ad  valorem  : 

Arachides  ; 

Cafés; 

Copal  rouge  ; 

Copal  blanc; 

Huile  de  palme; 

Noix  palmiste; 

Sésame. 

Art.  2.  —  Le  Ministre  des  Colonies  est  chargé  de  l'exécution  du  pré- 
sent décret  qui  sera  publié  au  Journal  officiel  et  inséré  au  Bulletin  des 
lois  et  au  Bulletin  officiel  des  Colonies. 

Fait  à  Paris,  le  31  décembre  1903. 

Emile  Loubet. 

Par  le  Président  de  la  République  : 
Le  Ministre  des  Colonies, 
Gaston  Doumergue. 


0  DOCUMENTS    OFFICIELS 

Samedi  20  lévrier  1904. 

ARRÊTÉ 
portant  fixation  de  taxes  de  consommation. 

Le  Commissaire  général,  p.  i.,  du  Gouvernement  dans  le  Congo 
Français, 

Vu  l'ordonnance  organique  du  7  septembre  1840; 

Vu  les  décrets  des  "28  septembre  1897  et  5  juillet  1902; 

Vu  le  décret  du  30  janvier  1867  concernant  les  pouvoirs  des  Gouver- 
neurs en  matière  de  taxes  et  contributions  ; 

Vu  les  arrêtés  locaux  des  29  décembre  1892,  11  février  1893,  17  avril 
et  12  juillet  1899,  29  mars,  6  juillet  et  15  novembre  1901  ; 

Vu  les  dépêches  ministérielles  des  25  septembre  1903  et  14  janvier  1904, 
ensemble  le  câblogramme  du  7  janvier  1904; 

Vu  la  délibération  du  Conseil  d'administration  en  date  du  15  décembre 
1902, 

Arrête   : 

Article  1er.  —  A  partir  de  la  promulgation  du  présent  arrêté,  les  taxes 
de  consommation  sur  les  tabacs,  les  bières  et  limonades,  les  huiles  miné- 
rales, les  fils,  tissus  et  confections  sont  supprimées. 

Art.  2.  —  Les  spiritueux,  armes  et  poudres  de  chasse  et  de  traite 
désignés  au  tableau  ci-annexé,  importés  dans  la  région  de  la  colonie  ne 
faisant  point  partie  du  bassin  conventionnel  du  Congo,  sont  soumis  au 
paiement  des  taxes  de  consommation  indiquées  dans  ledit  tableau. 

Art.  3.  —  Les  taxes  de  consommation  seront  perçues  sur  les  marchan- 
dises de  toute  origine  dénommées  à  l'art.  2. 

Art.  4.  —  Le  Service  des  Douanes  est  chargé  d'assurer  la  liquidation 
des  taxes  de  consommation  pour  le  compte  du  service  local.  Les  disposi- 
tions législatives  relatives  aux  douanes  seront  applicables  aux  taxes  de 
consommation  en  ce  qui  concerne  les  déclarations,  le  manifeste,  le  débar- 
quement, les  mises  en  consommation  en  entrepôt  et  le  transit. 

Art.  5.  —  Toutes  dispositions  contraires  au  présent  arrêté  sont  et 
demeurent  rapportées. 

Art.  6.  —  Le  présent  arrêté  sera  inséré  et  publié  aux  Bulletin  et 
Journal  officiel  de  la  colonie,  enregistré  et  communiqué  partout  où  besoin 
sera. 

Libreville,  le  20  février  1904. 

A.  Arnaud. 


ARRETE 


Taxes  de  consommation 
applicables  dans  la  région  non  comprise  dans   le   bassin   conventionnel 

du  Congo. 


DESIGNATION    I>ES    ARTICLES 


Spiritueux  (boissons  distillées  de  toutes 
sortes) 

Poudre  de  chasse 

Armes  de  chasse  et  de  guerre  (y  compris  les 
fusils  à  piston  de  toutes  sortes) 

Revolvers  et  autres  armes 

Poudre  de  traite 

Armes  de  traite  (fusils  à  silex  sans  hausse  ni 
rayures) 


UNITES 
DE    PERCEPTION 


Hec.tol.  d'alcool  pui 
Les  100  kilos  net . . . 

La  pièce 

La  pièce 

Les  100  kilos  net . . . 

La  pièce  


ISO 
200 

5 

3 

20 


MADAGASCAR     ET     DEPENDANCES 

Station  d'essais  de  Nanisana.  station  séricicole 


AVIS 

La  Direction  de  l'Agriculture  a  l'honneur  d'informer  le  public  que  la 
Station  d'Essais  de  Nanisana  est  en  mesure  de  mettre  gratuitement  des 
œufs  de  vers  à  soie  à  la  disposition  des  personnes  qui  en  feront  la 
demande  par  écrit,  à  l'avance,  à  M.  le  Sous-Inspecteur  chef  de  la  circon- 
scription agricole  du  Centre. 

Dès  réception  de  chaque  demande,  le  Service  de  l'Agriculture  fera  con- 
naître à  l'intéressé  à  quelle  date  les  graines  pourront  lui  être  livrées  et 
dans  quelle  mesure  il  lui  sera  possible  de  lui  donner  satisfaction. 

Afin  d'éviter  la  propagation  des  maladies  contagieuses  et  dans  le  but 
d'empêcher  les  races  élevées  à  Nanisana  de  dégénérer,  la  Direction  de 
l'Agriculture  a  seulement  recours  au  grainage  cellulaire,  soumet  toutes  ses 
éducations  à  la  plus  sévère  sélection  et  ne  livre  que  des  pontes  dont  les 
papillons  ont  été  soigneusement  examinés  au  microscope. 

Toute  ponte  provenant  d'un  bombyx  reconnu  malade  ou  dont  l'aspect 
paraît  simplement  douteux  est  immédiatement  détruite  par  le  feu. 

Les  cellules  ne  présentant  aucune  trace  de  maladie  et  provenant  d'édu- 
cation saine  offrant,  par  conséquent,  le  maximum  de  garanties  pour 
l'éleveur  sont  marquées  d'un  signe  distinctif  et  sont  seules  mises  en 
cession.  Cette  marque  distinctive  est  accompagnée  d'un  numéro  d'ordre 
indiquant  quelle  est  l'éducation  dont  provient  chaque  cellule. 


10 


DOCUMENTS  OFFICIELS 


Il  est  rappelé  qu'une  cellule  comprend  la  ponte  d'un  papillon  et  se  com- 
pose d'environ  400  œufs.  On  estime  que  100  cellules  représentent  approxi- 
mativement de  35  à  37  grammes  de  «raines. 

Les  intéressés  pourront  faire  prendre  livraison,  à  la  Station  d'Essais  de 
Nanisana,  des  graines  mises  à  leur  disposition,  à  la  date  indiquée  par  la 
Direction  de  l'Agriculture,  ou  se  les  l'aire  envoyer  par  la  poste,  en  payant 
à  l'avance  les  frais  d'emballage  et  d'expédition,  dont  il  sera  délivré  reçu 
par  les  soins  du  Directeur  de  la  Station  d'Essais  de  Nanisana. 


tarif  des  frais  d'emballage 
et  d'expédition 

OBSERVATIONS 

De  1  à  5  cellules 0f  50 

De  5  à  10     —       0.55 

Au-dessus  de  25,  les  frais  d'em- 
ballage sont  calculés  par  fraction 
de  1  à  5,  5  à  10  et  10  à  25  cellules. 

De  10  à  25    —                            0.60 

Les  variétés  actuellement  offertes  en  cession  comprennent  : 

1°  lue  variété  à  cocons  blancs  ; 

2°  Une  variété  à  cocons  de  couleur  jaune  mat  : 

3°  Une  variété  à  cocons  de  couleur  franchement  jaune. 

N.   B.  —  La  Station  d'Essais  de  Nanisana  peut  mettre  des  cellules  à  la 
disposition   des    personnes   qui   en    feront   la  demande   ou    viendront    les 
chercher  directement  à  la  Station  du  '20  ou  30  mars  courant. 
Tananarive,  le  17  mars  1904. 

Le  Directeur  de  V Agriculture, 
Prudhomme. 


Mercredi  30  mars  1904. 


CIRCULAIRE 


à  MM.  les  Administrateurs  chefs  de  province  et  Officiers  commandants 
de  cercle  et  Chefs  de  district  autonome  au  sujet  de  I  exportation  des 
bœufs. 

Depuis  un  an,  le  gouvernement  de  la  colonie  s'est  préoccupé  d'une 
manière  toute  particulière  du  commerce  d'exportation  des  bœufs.  Il  s'est 
notamment  appliqué  à  aplanir  les  difficultés  que  pouvaient  rencontrer  les 
expéditeurs  dans  les  colonies  sud-africaines  à  donner  à  nos  clients,  dans 
ces  derniers  pays,  le  maximum  de  garanties,  quant  à  la  santé  des  animaux 
exportés,  enfin  à  faciliter,  par  une  série  d'informations  sur  l'état  du  mar- 


CIRCULAIRE 


11 


ché  et  des  conseils  appropriés  aux  circonstances,   les  opérations  des  éle- 
veurs, courtiers  et  marchands. 

Pour  arriver  au  résultat  désiré,  la  colonie  n'a  pas  hésité,  au  prix  de 
réels  sacrifices,  à  créer  un  corps  de  vétérinaires  attachés  aux  principaux 
ports  de  la  colonie.  Ces  ports  ont  été  pourvus  de  parcs  sanitaires  où  les 
animaux  sont  obligatoirement  visités,  tant  à  l'entrée  qu'à  la  sortie;  les 
bœufs  peuvent  y  être,  sur  la  demande  des  propriétaires,  soumis  à  l'épreuve 
de  la  tuberculine  avant  d'être  embarqués. 

Une  circulaire  récente  a  autorisé  la  visite  et  la  tuberculinisation  des 
bœufs  en  dehors  des  parcs,  sous  certaines  garanties. 

Les  variations  du  marché  et  les  exigences  des  acheteurs  ont  été  portées 
à  la  connaissance  du  public  par  des  avis  insérés  au  Journal  officiel  et  au 
Bulletin  économique. 

Enfin  des  négociations  qui,  je  l'espère,  seront  ultérieurement  couron- 
nées de  succès  ont  été  entamées  avec  une  compagnie  de  navigation  que  la 
colonie  subventionnerait  pour  relier,  par  un  service  régulier  de  vapeur, 
les  ports  de  Madagascar  avec  ceux  de  l'Afrique  du  Sud. 

Pourtant  à  cet  effort  du  gouvernement  local  n'a  pas  correspondu  une 
recrudescence  du  commerce  d'exportation  des  bœufs.  Celui-ci,  au  con- 
traire, a  diminué  de  près  de  moitié.  Sans  doute,  ce  résultat  trouve  en 
grande  partie  son  explication  dans  la  cessation  des  opérations  d'achat 
d'une  société  étrangère  qui  avait  accepté  de  fournir  à  la  «  Rapatriation 
Bond  »  une  grande  quantité  de  bœufs  destinés  aux  fermiers  boers.  J'in- 
cline cependant  à  penser  que  le  ralentissement  constaté  eût  été  moins  sen- 
sible si  nos  compatriotes  établis  dans  l'île  s'étaient  attachés  à  alimenter 
avec  plus  de  soin  et  de  régularité  le  marché  de  l'Afrique  du  Sud. 

Il  serait,  en  effet,  à  désirer  que  ceux-ci  se  préoccupassent,  dans  une 
plus  large  mesure,  de  cette  importante  question  sous  peine  de  voir  des 
sociétés  étrangères  accaparer  pour  ainsi  dire  le  monopole  des  transac- 
tions sur  le  bétail  malgache  avec  l'Afrique  du  Sud.  Vous  savez  que  ce 
sont  des  maisons  étrangères  qui  ont  effectué  jusqu'ici,  dans  la  colonie,  en 
vue  de  l'exportation,  les  achats  de  bœufs  les  plus  importants. 

L'essentiel,  pour  l'exportateur,  est  de  n'expédier  que  des  animaux  sains 
et  bien  en  chair,  capables  d'être  utilisés  aussi  bien  comme  bêtes  de  trait 
que  pour  la  boucherie.  Des  envois  de  bœufs  malingres,  amaigris  par  des 
privations  de  toutes  sortes,  avaient,  il  v  a  quelques  mois,  jeté  sur  la  valeur 
du  bétail  malgache  un  discrédit  absolument  immérité.  L'acheteur  devra 
donc,  avec  l'aide  du  vétérinaire  local,  faire  porter  son  choix  exclusive- 
ment sur  des  animaux  présentant  toutes  les  garanties  de  santé  et  de  cet 
excellent  état  en  les  parquant  avant  l'embarquement  sur  de  bons  pâtu- 
rages, en  leur  donnant  une  ration  journalière  de  fourrage  sec,  dont  d'im- 
portantes provisions  seront  réalisées  pour  la  traversée.  Arrivés  à  destina- 


12  DOCUMENTS    OFFICIELS 

tion,  si  les  animaux  ne  constituent  pas  tout  ou  partie  d'un  lot  à  livrer  en 
vertu  d'un  marche  préalablement  passé,  ce  qui  est  toujours  préférable,  le 
négociant  ne  devra  pas  chercher  à  réaliser  sur  leur  vente  un  bénéfice  exa- 
géré, il  en  demandera  un  prix  correspondant  aussi  exactement  que  pos- 
sible au  prix  de  vente  de  la  viande  congelée,  ou  sur  pied,  de  l'Argentine 
ou  de  l'Australie. 

A  Lourenço-Marquès,  par  exemple,  la  viande  doit  revenir  au  boucher 
à  un  franc  environ  le  kilogramme.  Sur  cette  base  pourront  se  traiter  de 
grosses  affaires.  Lourenço-Marquès  absorbe  annuellement  de  3.500  à 
4.000  bœufs  de  boucherie  pour  l'alimentation  de  la  ville  seule  ;  les  petites 
stations  de  l'intérieur,  sur  la  ligne  du  chemin  de  fer,  n'ont  pas  encore 
osé  s'approvisionner  en  viande  sur  pied,  par  crainte  de  la  maladie  qui  a 
récemment  décimé  les  troupeaux.  11  est  à  prévoir  cependant  qu'un  jour 
viendra  où  la  viande  congelée,  qui  constitue  maintenant  la  base  de  l'ali- 
mentation, sera  remplacée  par  la  viande  fraîche.  On  reprendra  aussi,  pour 
les  charrois,  le  bœuf  qui  a  été  momentanément  abandonné,  toujours  par 
appréhension  de  l'épizootie.  Le  nombre  des  bœufs  importés  à  Lourenço- 
Marquès  est  donc  susceptible  d'augmenter  sensiblement. 

La  ville  de  Beïra  reçoit  200  ou  300  bœufs  seulement  dans  l'année.  La 
même  crainte  de  l'épidémie  empêche  les  campagnes  voisines  d'acheterdes 
animaux  vivants.  Si  le  marché  de  la  Rhodesia  nous  est  ouvert  un  jour, 
lorsque  sera  effacé  le  souvenir  des  épidémies  bovines  qui  récemment  ont 
dépeuplé  le  pays,  ce  marché  constituera  un  excellent  débouché  tant  pour 
les  animaux  de  boucherie  que  pour  les  bœufs  de  travail. 

La  Rhodesia  et  le  Transvaal  sont  dotés  d'un  climat  sec  et  froid  qui  con- 
viendrait aux  bovidés  provenant  du  centre  de  Madagascar,  plutôt  qu'aux 
animaux  habitués  aux  chaleurs  des  régions  côtières. 

Du  1er  janvier  1903  au  30  juin  de  la  même  année,  15.450  bœufs  de 
Madagascar  ont  été  débarqués  à  Durban.  C'est  pour  nous  le  plus  impor- 
tant marché  du  Sud  Africain.  Par  contre,  les  ports  de  East-London,  Mossel- 
Bay,  Port-Elisabeth  et  Cape-Town  sont  restés  complètement  en  dehors 
de  ce  courant  commercial.  Il  est  à  présumer  cependant  que  quelques  lots 
d'animaux  de  boucherie  de  premier  choix,  en  excellent  état  d'embonpoint, 
seraient  les  bienvenus  au  Cap  où  la  viande  fraîche  est,  pour  ainsi  dire, 
un  article  de  luxe  et  où  le  consommateur  se  voit  obligé  d'avoir  recours 
exclusivement  aux  viandes  congelées.  Une  tentative  faite  par  un  com- 
merçant sérieux,  qui  irait  au  préalable  visiter  la  place  et  passer  quelques 
contrats  avec  des  bouchers  de  l'endroit,  aurait  des  chances  de  réussir. 

Un  point  sur  lequel  un  exportateur  soucieux  de  ses  intérêts  devra  por- 
ter son  attention,  c'est  l'aménagement  des  navires  et  la  nourriture  du 
bétail  à  bord.  Souvent  des  convois  ont  subi  des  pertes  sensibles  pendant 
la   traversée  de    bien  courte  durée  cependant,  et  les  animaux  survivants 


circulaire;  13 

sont  arrivés  à  destination  fatigués  et  dans  des  conditions  peu  favorables 
pour  être  présentés  à  l'acheteur.  Si  la  «  Rapatriation  Bond  »  a  pu,  l'an 
dernier,  amener  du  Texas  dans  l'Afrique  australe  10.000  bovidés  sans 
avoir  à  enregistrer  une  seule  perte,  malgré  les  27  jours  de  traversée,  c'est 
parce  qu'elle  avait  choisi  des  transports  parfaitement  aménagés  et  qu'elle 
avait  assuré  aux  animaux  une  nourriture  abondante  et  de  bonne  qualité. 
Ces  considérations  ne  doivent  pas  cependant  empêcher  l'exportateur  de 
chercher  à  réduire,  autant  que  possible,  les  frais  de  transport  maritime  et 
de  convoyage.  La  création  d'une  ligne  régulière  de  vapeurs,  reliant  Mada- 
gascar à  l'Afrique  du  Sud,  contribuerait  largement  à  réaliser  à  tous  égards 
l'objectif  qui  vient  d'être  envisagé. 

Mais  il  convient  aussi  que  les  acheteurs  ne  se  trouvent  pas  en  présence 
de  prétentions  exagérées  de  la  part  des  propriétaires  indigènes. 

Je  vous  ai  déjà  fait  connaître,  par  une  circulaire  du  10  juin  1903,  qu'il 
vous  appartient  de  montrer  à  ces  derniers  les  inconvénients  auxquels  ils 
s'exposent  en  majorant  inconsidérément  la  valeur  de  leur  bétail.  Je  vous 
prie  de  vous  reporter  à  ce  document.  Je  vous  ai  également  indiqué  que  je 
considérais  la  création  de  foires  régionales  comme  un  excellent  moyen  de 
faciliter  l'établissement  de  cours  réguliers,  tout  en  rapprochant  acheteurs 
et  vendeurs. 

Je  vous  serai  d'ailleurs  reconnaissant  de  tout  ce  que  vous  ferez  dans  le 
but  de  favoriser  l'élevage  du  bétail  à  Madagascar  et  l'exportation  des 
bœufs.  Dans  cet  ordre  d'idées,  j'appelle  tout  spécialement  l'attention  des 
administrateurs  des  provinces  où  réside  un  vétérinaire  sanitaire  sur  l'uti- 
lité de  la  tuberculinisation  et  la  visite  des  animaux  dans  les  parcs  de  par- 
ticuliers, à  la  condition  qu'il  n'en  résulte  évidemment  aucune  diminution 
de  la  garantie  que  notre  législation  sanitaire  s'est  efforcée  d'organiser  au 
profit  des  pays  importateurs. 

J'accueillerai  avec  le  plus  vif  plaisir  les  propositions  que  vous  croiriez 
devoir  me  soumettre  dans  l'intérêt  de  l'amélioration  de  l'élevage  et  de  la 
vente  à  l'extérieur  des  animaux  de  la  colonie. 

Je  vous  prie  de  m'accuser  réception  de  la  présente  circulaire. 

Tananarive,  le  22  mars  1904. 

Le  Général  commandant  supérieur  des  troupes 
du  cjroupe  de  V Afrique  Orientale 
et  Gouverneur  général  de  Madagascar  et  Dépendances , 

Gallieni. 


14  DOCUMENTS    OFFICIELS 

Mercredi  30  mars  1904. 

CIRCULAIRE 

à  MM.  les  Administrateurs  chefs  de  province  et  Officiers  commandants 
du  cercle  relative  à  l'incendie  des  pâturages. 

Ainsi  que  vous  le  savez,  la  question  de  l'incendie  des  pâturages  a  fait 
l'objet,  à  diverses  reprises,  des  préoccupations  du  Gouvernement  local; 
étant  intimement  liée  à  l'avenir  économique  du  pays,  elle  revêt  un  réel 
caractère  d'importance.  Les  feux  de  brousse  ont,  en  effet,  un  rapport  étroit 
avec  l'élevage  qui  constitue  une  des  principales  sources  de  richesse  de  la 
colonie,  et  avec  les  cultures  vivrières  que  pratique  la  population  indigène 
dans  certaines  régions. 

Récemment  encore,  vous  avez  été  consultés  sur  les  avantages  et  les 
inconvénients  que  présente  cette  coutume,  et  les  résultats  de  l'enquête  à 
laquelle  vous  avez  procédé  tendent  à  laisser  les  indigènes  brûler  libre- 
ment les  terrains  de  parcours  nécessaires  à  l'entretien  du  bétail.  Il  est, 
en  effet,  universellement  reconnu  par  vous  tous  que  le  fauchage  et  la 
fenaison  ne  pourraient  être  utilement  pratiqués,  et  que  les  Malgaches  n'ont 
pas  d'autre  moyen  que  le  feu  de  régénérer  les  pâturages  qui  pourrissent 
et  deviennent  inconsommables  pour  les  bestiaux  dès  que  la  brousse  les 
envahit.  Vers  la  lin  de  la  saison  sèche,  l'incendie  est  absolument  néces- 
saire pour  dégager  le  sol  et  permettre  à  l'herbe  de  pousser  ;  d'autre  part, 
la  cendre  constitue  un  engrais  précieux  pour  la  terre  et  l'incendie  de  la 
brousse  en  décomposition  assainit  le  pays.  Enfin  la  mortalité  du  bétail, 
plus  considérable  que  par  le  passé,  constatée  dans  certaines  contrées  de 
l'île,  est  due,  en  grande  partie,  à  l'interdiction  jusqu'ici  faite  de  brûler  la 
brousse  ;  l'accroissement  des  invasions  de  sauterelles  a  la  même  origine, 
l'emploi  du  feu  provoquant  la  destruction  des  insectes  et  animaux  nui- 
sibles, et  empêchant  leur  reproduction. 

En  présence  d'avis  aussi  unanimes,  il  m'a  paru  qu'il  y  avait  intérêt,  à 
tous  égards,  à  apporter  des  tempéraments  aux  prohibitions  édictées  par 
divers  actes  administratifs  relativement  aux  feux  de  brousse.  J'ai,  en  con- 
séquence, décidé  : 

1°  De  laisser  les  Malgaches  brûler  la  brousse  pendant  le  jour  et  par 
temps  calme,  sous  la  responsabilité  des  autorités  indigènes  locales,  dans 
tous  les  terrains  à  pâturages  où  il  n'y  a  aucun  danger  à  craindre  pour  les 
villages,  les  cultures,  les  bouquets  de  bois,  les  ponts  construits  sur  les 
cours  d'eau,  etc.  En  aucun  cas,  le  feu  ne  pourra  être  mis  à  une  distance 
des  forêts  inférieure  à  2  kilomètres  ou  à  proximité  des  plantations,  vil- 
lages, habitations  même  isolées. 


CIRCULAIRE  15 

2"  De  maintenir  très  sévèrement  la  défense  de  brûler  la  brousse  fores- 
tière et  a  fortiori  la  forêt,  sauf  dans  les  régions  comme  le  district  de 
Marolambooù  les  marais  susceptibles  d'être  transformés  en  rizières  ne  sont 
pas  assez  nombreux  et  n'oH'rent  pas  une  superticie  suffisante  pour  que  la 
population  puisse  y  cultiver  le  riz  nécessaire  à  son  alimentation. 

J'ai  tout  lieu  de  penser  que  ces  mesures  permettront  d'atteindre  le  but 
envisagé,  mais  il  ne  faudrait  pas  le  dépasser.  Il  importe  donc  essentielle- 
ment d'éviter  les  abus,  c'est  pourquoi  je  ne  saurais  trop  vous  recomman- 
der de  veiller  à  l'application  exacte  des  prescriptions  qui  précèdent. 

Tananarive,  le  22  mars  1904. 

Le  Général  commandant  supérieur  îles  troupes 
du  groupe  de  V Afrique  Orientale, 
et  Gouverneur  général  de  Madagascar  et  Dépendances, 

Gallieni. 


Samedi  26  mars  1904. 

INDO-CHINE    FRANÇAISE 

Le  Gouverneur  général  de  l'Indo-Chine, 
Vu  le  décret  du  21  avril  1891  ; 

Vu  l'arrêté  du  7  février  1899  déterminant  le  tarif  de  la  taxe  représen- 
tative de  l'impôt  foncier  établie  à  la  sortie  des  riz  et  paddys  hors  de 
l'Annam  ; 

Vu  l'arrêté  du  28  juin  1903,  modifiant  l'art.  1er  de  l'arrêté  du  13  mai 
1903,  relatif  à  l'exportation  des  riz  et  paddys  hors  de  l'Annam. 

Vu  l'avis  du  Co-mat  du  Gouvernement  annamite  et  celui  de  la  Chambre 
consultative  mixte  de  Commerce  et  d'Agriculture  de  l'Annam  ; 

Sur  la  proposition  du  Résident  supérieur  en  Annam  et  l'avis  conforme 
du  Directeur  général  des  Douanes, 
Arrête  : 
Article  Ie'.   —  L'arrêté  susvisé  du  28  juin    1903,  modifiant  l'article 
premier  de  l'arrêté  du  13  mai  1903  relatif  à  l'exportation  des  riz  et  paddys 
hors  de  l'Annam,  est  rapporté. 

Art.  2.  —  Le    Résident   supérieur  en  Annam  et  le  Directeur  général 
des  Douanes  et  Régies  de  l'Indo-Chine  sont  chargés,  chacun  en  ce  qui  le 
concerne,  de  l'exécution  du  présent  arrêté. 
Hanoï,  le  18  janvier  1904. 

Beau. 
Par  le  Gouverneur  général, 
Le  Directeur  général  des  Douanes  Le  Résident  supérieur 

et  Régies  de  V Indo-Chine,  en  Annam, 

Crayssac.  Auvergne. 


16  DOCUMENTS    OFFICIELS 

RÉSIDENCE    SUPÉRIEURE    OU    TONKIN 

RAPPORT 
au  Gouverneur  général. 

Hanoï,  le  "2  lévrier  1904. 

L'art.  8  de  l'arrêté  du  18  août  1896  sur  les  concessions  de  terrains 
ruraux  au  Tonkin  prévoit  qu'une  commission,  composée  du  Résident  chef 
de  province,  d'un  agent  des  Travaux  publics  et  d'un  colon  agriculteur 
français  habitant  la  province,  doit  donner  son  avis  sur  l'état  de  mise  en 
culture  ou  d'exploitation  des  terrains  qui  ont  l'ait  l'objet  d'un  arrêté  de 
concession  provisoire. 

J'estime  que  l'avis  de  cette  commission  aurait  un  caractère  de  plus 
grande  autorité  si  les  fonctionnaires  qui  en  font  partie  n'étaient  pas  en 
service  dans  la  province  sur  le  territoire  de  laquelle  se  trouvent  les  ter- 
rains concédés. 

Il  est  certain  que  l'action  de  l'Administration  sera  d'autant  plus  faci- 
litée que  les  membres  de  la  commission  chargée  de  la  vérification  sus- 
indiquée  ne  pourront  pas  être  soupçonnés  d'obéir  à  des  considérations 
locales.  Cette  commission  pourrait  être  composée  d'un  inspecteur  des 
Services  civils  ou,  à  défaut,  d'un  administrateur  de  lre  classe,  président; 
d'un  colon  français  choisi  sur  une  liste  dressée  annuellement  par  la 
Chambre  d'Agriculture,  d'un  inspecteur  ou  d'un  sous-inspecteur  de 
l'Agriculture,  et  d'un  géomètre  du  cadastre  ou  d'un  agent  des  travaux 
publics. 

Elle  pourrait  être  assistée  du  Résident  chef  de  la  province  ou  de  son 
délégué  et  d'un  fonctionnaire  du  Service  forestier. 

C'est  dans  cet  esprit  que  j'ai  préparé  le  projet  d'arrêté  ci-joint  que  j'ai 

l'honneur  de  soumettre  à  votre  haute  sanction. 

.1.    Fourès. 

Le  Gouverneur  général  de  l'Indo-Chine, 

Vu  le  décret  du  21  août  1891  ; 

Vu  l'arrêté  du  18  août  1896  réglementant  les  concessions  des  terrains 
ruraux  aux  Français  sur  le  territoire  du  Tonkin  ; 

Vu  l'arrêté  du  15  janvier  1903  portant  réorganisation  du  Domaine  en 
Indo-Chine; 

La  commission  permanente  du  Conseil  supérieur  de  l'Indo-Chine 
entendue, 

Arrête  : 

Article  1er.  —  Les  concessions  de  terrains  ruraux  deviennent  défini- 
tives sur  la  demande  des  concessionnaires  au  fur  et  à  mesure  de  leur  mise 
en  état  de  culture  ou  d'exploitation  par  fractions  de  dix  hectares  au  mini- 


KAPPORT 


17 


muni.  Une  commission,  composée  d'un  inspecteur  des  Services  civils  ou, 
à  défaut,  d'un  administrateur  de  lre  classe,  président;  d'un  colon  fran- 
çais choisi  par  le  Résident  supérieur  sur  une  liste  dressée  annuelle- 
ment par  la  Chambre  d'Agriculture,  d'un  inspecteur  ou  sous-inspecteur  de 
l'Agriculture,  et  d'un  géomètre  du  cadastre  ou  d'un  agent  des  travaux 
publics,  est  chargée  de  donner  son  avis,  après  examen  des  lieux,  sur  l'ac- 
complissement de  ces  conditions  de  mise  en  état  de  culture  ou  d'exploita- 
tion et  de  superficie.  Cette  commission  peut  être  assistée  du  Résident 
chef  de  province  ou  de  son  délégué  et  d'un  fonctionnaire  du  Service 
forestier;  le  procès-verbal  des  opérations  de  cette  commission  est  transmis 
par  le  président  au  Résident  supérieur. 

Art.  2.  —  A  l'expiration  de  la  deuxième  année  à  partir  de  la  date  de 
l'arrêté  de  concession  provisoire,  le  concessionnaire  est  tenu  d'avoir  mis 
en  état  de  culture  ou  d'exploitation  le  cinquième  au  moins  de  la  surface 
des  terrains  qui  lui  auront  été  provisoirement  concédés  sous  peine  d'en- 
courir la  déchéance  immédiate  de  la  partie  de  la  concession  provisoire 
non  encore  cultivée  ou  mise  en  état  d'exploitation;  la  commission  prévue 
au  2e  paragraphe  du  présent  article  donne  son  avis  après  examen  des  lieux 
sur  l'accomplissement  de  cette  condition.  Le  Résident  supérieur  réunit 
cette  commission  dans  les  deux  mois  qui  suivent  l'expiration  de  la  seconde 
et  de  la  cinquième  année. 

Art.  3.  —  Le  concessionnaire  est  invité  par  lettre  à  assister  aux  opéra- 
tions de  la  commission  qui  écoute  ses  explications  et  en  tient  compte  dans 
ses  conclusions. 

Il  reçoit  ensuite  communication  du  procès-verbal  et  est  invité  à  signer, 
en  le  faisant  suivre,  s'il  le  juge  utile,  de  ses  propres  observations.  Cet 
acte  l'ait  connaître  si  le  concessionnaire  a  été  régulièrement  convoqué, 
s  il  a  assisté  aux  travaux  de  la  commission  et  s'il  a  reçu  communication 
du  procès-verbal.  En  cas  de  déchéance  encourue,  le  Gouverneur  général 
statue  sur  le  rapport  du  Résident  supérieur. 

Art.  4.  - —  La  partie  de  la  concession  mise,  à  l'expiration  de  la  deuxième 
année,  en  état  de  culture  ou  d'exploitation  par  le  concessionnaire  et 
n'atteignant  pas  au  moins  le  cinquième  de  la  surface  des  terrains  provi- 
soirement concédés,  sera  néanmoins  concédée  à  celui-ci,  s'il  en  fait  la 
demande. 

Art.  5.  —  Les  dispositions  de  l'art.  8  de  l'arrêté  du  16  août  1896 
sont  et  demeurent  abrogées. 

Hanoï,  le  2  février  1904. 


Beau. 
Par  le  Gouverneur  général  : 

Le  Résident  supérieur  au  Tonkin, 

J.  Fourès. 

Rulletin  du  Jardin  colonial. 


18  DOCUMENTS    OFFICIELS 

MARTINIQUE 

CHAMBRE     CONSULTATIVE     D'AGRICULTURE 

La  Chambre  consultative  d'Agriculture,  désirant  propager  les  nouvelles 
variétés  de  cannes  à  sucre  dont  l'analyse  chimique  et  la  constatation  des 
rendements  culturaux  autorisent  la  recommandation,  a  reconnu  qu'il  y 
avait  lieu  de  recommander  la  culture  de  la  variété  dite  n°  208  et  a  décidé 
de  mettre,  dans  la  mesure  de  ses  moyens,  des  plants  de  cette  variété  à  la 
disposition  du  public. 

La  répartition  de  ces  plants  sera  faite  gratuitement,  mais  à  la  condition 
pour  les  planteurs  de  s'engager  : 

1°  A  mettre  ces  plants  dans  de  bonnes  conditions  de  culture  ; 

2°  A  ne  pas  utiliser  ces  plants  en  recourage,  mais  à  en  former  une 
culture  spéciale  qui  puisse  permettre  la  comparaison  avec  les  autres 
cultures  de  cannes  de  la  même  habitation  ; 

3°  A  autoriser  par  la  suite  soit  la  visite  de  l'examen  de  cette  culture 
par  les  délégués  de  la  Chambre  d'Agriculture  ou  du  Service  d'Agriculture, 
soit  le  prélèvement  d'échantillons  de  cannes  pour  être  soumis  à  l'analyse; 

4°  A  tenir  à  la  disposition  de  la  Chambre  d'Agriculture  et  cela  pour 
chaque  année,  pendant  deux  années  consécutives,  une  quantité  de  plants 
double  de  celle  qui  leur  aura  été  livrée,  ces  plants  étant  destinés  à  de 
nouvelles  répartitions  sur  de  nouveaux  points. 

Les  planteurs  qui  désirent  participer  à  cette  première  répartition  sont 
invités  à  adresser  leur  demande  au  Président  de  la  Chambre  consultative 
d'Agriculture  à  Fort-de-France,  en  stipulant  qu'ils  souscrivent  aux  condi- 
tions ci-dessus  indiquées,  et  en  indiquant  la  quantité  de  plants  qu'ils 
désirent  et  peuvent  recevoir  utilement. 

Toutefois  les  personnes  possédant  déjà  la  variété  de  canne  n°  208  sont 
priées  de  s'abstenir  de  faire  une  demande  de  plants  ou  tout  au  moins  de 
faire  connaître  la  quantité  approximative  qu'ils  ont  déjà  dans  leurs 
cultures,  afin  qu'il  soit  tenu  compte  de  cette  déclaration  dans  la  réparti- 
tion. Il  est  évident  que  le  but  poursuivi  par  la  Chambre  d'Agriculture,  vu 
ses  modestes  moyens  d'action,  ne  peut  être  autre  que  de  mettre  à  la  por- 
tée de  tous  et  dans  une  équitable  proportion  des  plants  des  nouvelles 
variétés  recommandables,  laissant  après  à  chacun  le  soin  de  les  multiplier 
comme  il  appréciera  pour  le  besoin  de  ses  cultures. 

Les  demandes  devront  être  adressées  dans  un  délai  de  dix  jours  après 
la  publication  du  présent  avis  et  ne  seront  plus  recevables  après  le 
20  avril.  La  répartition  sera  faite  au  prorata  des  plants  disponibles,  à  une 
date  qui  sera  fixée  ultérieurement  et  portée  individuellement  à  la  con- 
naissance de  chaque  intéressé. 


ÉTUDES     ET     MÉMOIRES 


LES     MALADIES     DES     PLANTES     CULTIVÉES 
DANS     LES     PAYS     CHAUDS 


LES     PARASITES 

Les  maladies  parasitaires  des  plantes  dont  la  cause  est  de  nature 
végétale,  les  seules  maladies  parasitaires  devant  nous  occuper  ici, 
sont  dues  à  des  agents,  appartenant  à  l'un  des  quatre  groupes 
suivants  : 

Bactériacées  ;  Algues  ;  Champignons  ;  Phanérogames. 

BACTÉRIACÉES 

Les  Bactériacées  peuvent  être  définies  des  organismes  végétaux, 
dépourvus  de  chlorophylle,  dune  petitesse  extrême,  le  plus  souvent 
doués  de  mouvements  actifs.  Appelées  plus  simplement  bactéries 
(Cohn),  elles  constituent  un  groupe  dont  l'importance  en  patholo- 
gie végétale  devient  tous  les  jours  plus  grande.  Il  faut  dire  pour- 
tant que,  chez  les  plantes  tropicales,  les  maladies  de  nature  bacté- 
rienne sont  encore  assez  peu  étudiées;  mais  il  n'y  a  aucune  raison 
de  supposer  qu'elles  soient  moins  fréquentes  dans  les  pays  chauds 
que  dans  les  régions  tempérées.  A  priori,  on  devrait  plutôt  penser 
le  contraire. 

Morphologie.  —  C'est  dans  le  groupe  des  Bactéries  que  se 
rangent  les  êtres  vivants  dont  la  taille  est  la  plus  infime.  On  admet 
assez  généralement  aujourd'hui  qu'il  existe  des  bactéries  invisibles 
aux  plus  forts  grossissements  du  microscope  et  dont  la  taille  doit  être 
inférieure  à  1/10.000  de  millimètre  (1/10  de  {x). 

Dans  la  majeure  partie  des  Bactéries,  la  plus  grande  dimension 
varie  entre  un  et  trois  millièmes  de  millimètre  (p).  Certaines 
espèces  filamenteuses  peuvent  néanmoins  acquérir  une  longueur 
beaucoup  plus  grande. 


20  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

La  forme,  chez  les  Bactéries,  se  rapporte  à  trois  types  fonda- 
mentaux :  forme  arrondie,  forme  allongée  courte,  droite  ou  courbée, 
et  forme  filamenteuse. 

Une  Bactérie  arrondie  et  isolée  est  un  Micrococcus  ;  avec  une 
forme  de  cylindre  court,  c  est  un  Bacillus  ;  incurvée,  en  forme  de 
virgule,  c'est  un  Vibrio  ;  en  forme  d'hélice  à  un  ou  plusieurs  tours 
de  spire,  c'est  un  Spirillum.  Une  forme  très  allongée,  grêle,  formée 
d'un  filament,  généralement  sans  cloisons  transversales,  non  ramifié, 
est  un  Leptothrix.  Quand  le  filament  présente  une  ramification 
latérale,  irrégulière  le  plus  souvent,  c'est  le  type  Cladothrix  vrai  de 
Ma  ce. 

Ces  formes  peuvent  se  compliquer  par  l'association,  suivant  divers 
modes,  d'individus  semblables  :  Deux  microcoques  tangents  consti- 
tuent un  Diplococcus  ;  des  microcoques  associés  en  chaîne  forment 
un  Streptococcus.  Lorsque  des  Coccus  sont  assemblés,  souvent  irré- 
gulièrement, en  forme  de  grappe,  ils  constituent  un  Staphylococcus. 
Rapprochés  par  quatre  et  tangents,  des  microcoques  ainsi  disposés 
forment  une  tétrade.  Une  forme  plus  compliquée  est  réalisée  dans 
le  type  Sarcina  (sarcine),  où  les  microcoques  tangents  entre  eux, 
associés  suivant  les  trois  dimensions,  forment  un  corps  cubique 
régulier  ;  ce  fait  résulte  sans  doute  de  la  division  d'un  premier 
microcoque  qui  se  fait  successivement  suivant  des  directions  perpen- 
diculaires entre  elles  et  situées  dans  trois  plans  différents. 

Deux  Bacillus  disposés  bout  à  bout  forment  un  Diplobacillus  ; 
une  chaîne  de  Bacillus  disposés  également  suivant  leur  longueur  est 
un  Streptobacillus. 

Il  faut  ajouter  que  pour  une  espèce  donnée  la  forme   n'est  point 
immuable  et  que  certaines    bactéries    peuvent   changer    complète- 
ment leur  forme  quand  on  modifie  le  milieu  où  elles  végètent.    Cette 
propriété   est  particulièrement  marquée  pour  le  bacille  pyocanique 
{Bacillus  pyocyaneus),  qui  dans  un  bouillon  de  veau  normal  est  un 
bacille  court,  mais  prend  les  apparences  les   plus   variées  (formes 
diversement   allongées,    incurvées,    en  spirilles,   en   coccus)   quand 
on  additionne  le  milieu  de  divers  antiseptiques,    naphtol,    alcool, 
bichromate  de  potasse,  acide  borique,   créosote;  toutes  ces  formes 
reviennent  au  bacille  court  si  on   les  transporte  à  nouveau  dans  le 
bouillon    de  veau.  Beaucoup  d'espèces    cultivées    dans  des    condi- 
tions de  milieu  défavorables  se  déforment  souvent  irrégulièrement, 
produisant  ce  qu'on  a  appelé  des  formes  (Tinvolution  . 


MALADIES    DES    PLANTES    CULTIVÉES    DANS    LES    PAYS    CHAUDS  21 

Un  élément  bactérien  est  une  cellule  isolée  possédant  mem- 
brane et  contenu. 

La  membrane  n'est  pas  facilement  mise  en  évidence,  dans  les 
espèces  de  petite  taille  surtout.  Cette  membrane  n'est  pas  de  nature 
cellulosique  ;  elle  présente  les  réactions  chimiques  des  albumi- 
noïdes  (coloration  jaune  par  l'iode,  en  rouge  par  le  réactif  de 
Millon).  Cependant  la  présence  de  la  cellulose  aurait  été  mise  en 
évidence  dans  quelques  espèces. 

La  partie  la  plus  externe  de  la  membrane  se  transforme  fréquem- 
ment en  une  sorte  de  gelée  (Bacillus  subtilis),  qui  prend  dans  cer- 
taines espèces  une  extension  assez  considérable.  C'est  ce  qu'on  a 
appelé  une  zooglée.  On  a  désigné  sous  le  nom  de  capsule  une  diffé- 
renciation plus  complète  de  la  zooglée,  dont  l'origine  semble  être  la 
même  et  dont  le  bord,  au  lieu  d'être  indécis,  est  plus  franchement 
arrêté.  Les  zooglées  et  les  capsules  sont  toujours  hyalines  et  ne 
peuvent  être  nettement  distinguées  qu'à  la  suite  d'une  coloration 
spéciale. 

Le  contenu  de  l'élément  est  tantôt  hyalin,  tantôt,  et  c'est  le  cas 
des  Bactéries  chromogènes,  il  peut  s'imprégner  de  substances  colo- 
rées diverses  :  rouge  (Micrococcus  prodigiosus) ,  bleue  (Bacillus 
pyoci/aneus),  pourpre  (Beggiatoa),  jaune,  verte,  violette.  Pour  une 
bactérie  donnée,  dans  bien  des  circonstances,  la  production  de  ces 
matières  colorantes  dépend  de  la  nature  du  milieu  où  elle  vit. 

Le  contenu  est  protoplasmique,  mais  on  n'y  a  pu,  avec  certitude, 
déceler  la  présence  d'un  noyau.  Pour  Bùtschli,  la  partie  centrale, 
qui  possède  des  affinités  colorantes,  un  peu  différentes  de  celles  du 
restant  du  corps  de  la  bactérie,  serait  un  noyau.  Pour  d'autres 
observateurs,  le  noyau  qui  pourrait  être  multiple  serait  représenté 
par  les  fines  granulations  qu'on  rencontre  parfois,  lesquelles 
peuvent  être  considérées  aussi  d'ailleurs  comme  des  plastides  (ou 
leucites). 

On  trouve  parfois  dans  le  corps  des  bactéries  une  ou  plusieurs 
vacuoles  dont,  suivant  certains  auteurs,  l'apparition  est  peut-être 
due  dans  quelques  cas  aux  procédés  de  fixation  et  de  coloration 
employés. 

Nombre  d'espèces  bactériennes  montrent  a  leur  surface  une  ou 
plusieurs  fines  expansions,  qu'on  appelle  cils  vibrafiles,  de  longueur 
variable  avec  chaque  espèce.  Le  cil  est  unique  (certains  Coccus),  ou 
il   en  peut  exister   un  à  chaque  extrémité   [Bacillus  subtilis)  ;    ils 


22  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

forment  parfois  une  houppe  à  chaque  bout.  Le  corps  entier  peut 
même  en  être  couvert  (genre  Pseudomonas  Migula).  La  nature  exacte 
et  1  origine  du  cil  sont  encore  contestés.  Pour  van  Tieghem,  ils 
proviendraient  de  la  paroi  exclusivement.  Pour  d'autres,  ils  seraient 
de  nature  protoplasmique,  et  peuvent,  d'après  Fischer,  faire  issue 
de  la  membrane  par  de  fins  orifices. 

Lorsque  les  éléments  bactériens  se  réunissent  en  chaînes,  seuls 
les  deux  articles  extrêmes  possèdent  des  cils  vibratiles  (Bacillus 
suhtilis,  par  exemple). 

Motilité.  —  Un  grand  nombre  de  Bactériacées  sont  susceptibles 
de  se  mouvoir.  Le  mouvement,  qui,  naturellement,  ne  peut  être 
observé  que  sous  le  microscope  et  à  un  grossissement  suffisant,  peut 
être  très  rapide  ;  et,  bien  qu'un  certain  nombre  d'espèces  soient 
dépourvues  de  ce  caractère,  c'est  pourtant  un  de  ceux  qui  frappent 
le  plus  chez  ces  organismes  et  que  les  premiers  observateurs  ont  net- 
tement indiqué. 

Ce  phénomène  comporte  le  plus  souvent  un  mouvement  de 
translation  suivant  une  direction  donnée,  et  en  même  temps  une 
oscillation  autour  de  Taxe.  Pour  une  espèce  donnée,  la  direction 
peut  changer  de  sens,  se  déplacer  en  même  temps  qu'une  source 
d'attraction  chimiotactique.  Chez  les  spirilles,  en  même  temps  que 
l'élément  progresse,  il  se  meut  autour  de  son  axe  et  présente  même 
parfois  des  mouvements  d'ondulation  rappelant  ceux  dont  est  animé 
le  corps  d'un  serpent.  Le  mouvement  spontané  observé  chez  les 
Bactéries  doit  être  soigneusement  distingué  du  mouvement 
brownien  qui  souvent  agite  les  particules,  vivantes  ou  non,  qu'on 
observe  à  un  fort  grossissement.  La  motilité  n'est  pas  nécessaire- 
ment liée  à  la  présence  des  cils  vibratiles.  comme  le  fait  a  lieu  chez 
les  Infusoires  et  d'autres  organismes,  car  beaucoup  de  Bactéries  très 
mobiles  sont  dépourvues  de  cils. 

Un  certain  nombre  de  Bactéricées,  telle  la  Bactérie  du  charbon 
(Bacillus  artthracis),  sont  entièrement  immobiles.  C'est  pour  elles 
que  Davaine  avait  créé  le  genre  Bacteridium. 

La  chaleur,  la  lumière,  la  quotité  de  l'oxygène  contenu  dans  le 
milieu  ont  sur  l'intensité  du  mouvement  une  action  évidente. 

Cette  intensité  varie  notablement,  dans  beaucoup  de  circon- 
stances, aux  diverses  périodes  de  l'existence  d'une  bactérie.  Le  mou- 
vement cesse  quand  des  bactéries  sont  réunies  en  zooglées,  fré- 
quemment aussi  à  la  formation  des  spores  (Bacillus  subtilis). 


MALADIES    DES    PLANTES    CULTIVÉES    DANS    LES    PAYS    CHAUDS  23 

Culture  des  Bactéries.  — Les  Bactéries  se  multiplient  rapide- 
ment dans  les  milieux  de  culture.  Parmi  ceux-ci,  dont  la  composi- 
tion est  fort  variable,  il  en  est  un  qui  convient  dans  beaucoup 
de  cas,  c'est  le  bouillon  de  viande  de  veau  suivant  la  formule  pas- 
torienne.  La  gélose  ou  agar-agar,  produit  ternaire  extrait  de  cer- 
taines algues,  qui  dissous  dans  l'eau  bouillante  à  2  °/0  environ 
donne  par  le  refroidissement  une  gelée  légèrement  opaque,  la  géla- 
tine en  solution  à  chaud  dans  l'eau  à  10  °/0,  additionnées  ou  non 
de  bouillon  de  veau,  de  peptone,  de  glycérine,  etc.,  sont  aussi  des 
milieux  fréquemment  employés. 

De  même,  des  tranches  de  pommes  de  terre,  de  carottes,  de 
navets,  etc.,  additionnées  ou  non  des  substances  qui  viennent  d'être 
citées,  sont  utilisées  au  même  titre. 

Le  plus  souvent,  le  milieu  est  faiblement  alcalinisé,  car  avec 
une  telle  réaction,  en  règle  générale,  les  bactéries  s'y  développent 
plus  abondamment. 

Pour  faciliter  la  croissance  d'une  bactérie  donnée,  on  supprime 
pour  elle  la  «  concurrence  vitale  »  dans  le  milieu  où  elle  est  appe- 
lée à  se  développer.  A  cet  effet,  on  «  stérilise  »  le  milieu  soit  par 
la  chaleur,  à  une  température  suffisante  et  pendant  un  temps 
variable  suivant  les  cas  ;  soit,  mais  exclusivement  pour  des  milieux 
liquides,  par  la  filtration  dans  le  filtre  en  porcelaine. 

Une  température  de  115°  tue  sûrement  tous  les  germes  vivants. 

Quand  on  a  ainsi  stérilisé  un  milieu  et  qu'on  le  maintient  à  l'abri 
de  l'air,  il  reste  indéfiniment  dépourvu  de  germes  bactériens  ou 
autres.  Ce  fait,  établi  définitivement  par  Pasteur,  a  supprimé  Ihy- 
pothèse  de  la  génération  spontanée  qui  donna  lieu  à  des  contro- 
verses si  passionnées. 

Si  on  veut  rechercher  la  nature  des  organismes  qui  végètent  sur 
un  substratum  quelconque,  on  les  prélève  sur  ce  milieu  et  on  les 
ensemence,  mais  on  a  certaines  chances  d'obtenir  plusieurs  bactéries 
mélangées  qui  peuvent  appartenir  toutes  au  substratum,  mais 
peuvent  aussi  avoir  été  introduites  et  qui  sont  des  impuretés  prove- 
nant de  diverses  sources,  de  l'air  le  plus  souvent.  Pour  étudier 
chacune  d'elles  au  point  de  vue  de  ses  propriétés,  on  doit  isoler 
chacune  d'elles,  de  manière  à  ce  qu'elle  végète  seule  dans  le  milieu; 
on  doit  en  un  mot  en  faire  des  «  cultures  pures  ». 

L'ensemencement  se  pratique  à  l'aide  d'un  fil  de  platine 
emmanché  dans  une  baguette  de  verre  ou  de  quelque  autre  dispositif 


24  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

analogue,  que  l'on  stérilise  à  la  flamme  d'une  lampe  k  alcool  ou 
d'un  bec  Bunsen  en  le  chauffant  au  rouge.  Le  fil  refroidi  et  chargé 
de  bactéries  est  introduit  rapidement  dans  le  milieu  de  culture,  sté- 
rilisé au  préalable  en  même  temps  que  le  tube  de  verre  ou  le  flacon 
qui  le  renferme,  le  tout  étant  bouché  d'un  tampon  d'ouate  que  l'on 
replace  soigneusement  en  veillant  à  ce  qu'il  n'ait  touché  aucune 
substance  non  stérilisée,  et  dès  que  l'ensemencement  est  fait. 

Pour  la  séparation  des  espèces  qui  peuvent  être  mélangées  dans 
une  culture  en  milieu  liquide,  on  doit  diluer  suffisamment  ce  milieu 
avec  de  l'eau  stérilisée  pour  qu'une  goutte  du  liquide  obtenu  ren- 
ferme, au  plus,  un  seul  élément  bactérien.  On  arrive  sans  difficulté 
à  ce  résultat  par  la  pratique.  On  prélève  successivement  plusieurs 
gouttes  avec  le  fil  de  platine  stérilisé  et  on  les  reporte  chacune  sur 
un  milieu  solide  de  préférence. 

Une  bactérie  étant  supposée  isolée  dans  une  goutte  de  liquide, 
se  développera  en  une  colonie  pure,  qui,  reportée  sur  d'autres 
milieux,  donnera  à  nouveau  une  culture  pure,  en  employant  les  pré- 
cautions requises. 

La  technique  peut  d'ailleurs  être  modifiée,  mais  le  principe  reste 
le  même.  On  conçoit  que  l'obtention  de  cultures  pures  permet 
d'étudier  l'action  de  la  bactérie  sur  le  milieu  où  on  la  cultive  ;  de 
reconnaître  la  nature  des  substances  dont  la  végétation  de  la  bac- 
térie amène  la  production  dans  le  milieu  ;  de  caractériser  la  forme, 
la  dimension,  la  couleur  des  «  colonies  »  isolées  de  la  bactérie  : 
tous  faits  qui  sont,  comme  nous  allons  le  voir,  de  la  plus  grande 
importance  pour  la  différenciation  et  l'établissement  des  espèces 
bactériennes. 

Propriétés  biologiques .  —  Les  Bactériacées  présentent  au  point 
de  vue  biologique  des  caractères  variables,  nombreux,  très  tranchés 
suivant  les  espèces,  et  aucun  groupe  d'êtres  vivants  n'est  pareille- 
ment doué,  même  les  champignons,  qui  sont  pourtant  très  compa- 
rables aux  Bactéries  par  les  divers  modes  de  vie  qu'on  peut  y 
observer. 

Au  point  de  vue  qui  nous  occupe,  nous  devons  diviser  les  Bac- 
tériacées en  deux  groupes  : 

Les  Bactériacées  saprophytes  ; 

Les  Bactériacées  parasites,  dites  pathogènes. 


MALADIES    DES    PLANTES    CULTIVÉES    DANS    LES    PAYS    CHAUDS  25 

Bactériacées  saprophytes.  —  Ce  sont  celles  qui  vivent 
toujours  aux  dépens  de  la  matière  non  vivante.  Elles  sont  nom- 
breuses comme  espèces,  et  leur  rôle,  qui  est  d'ailleurs  fort  impor- 
tant dans  la  nature,  ne  doit  pas  nous  occuper  ici. 

Bactériacées  parasites.  —  Elles  végètent  aux  dépens  des 
tissus  vivants.  Mais  il  ne  semble  pas,  du  moins  jusqu'ici,  que  parmi 
elles,  aussi  bien  celles  qui  vivent  sur  les  plantes  que  sur  l'homme 
et  les  animaux  vivants,  on  puisse  en  trouver  une  seule  qui  soit  un 
parasite  obligatoire,  incapable  de  se  développer  en  milieu  non 
vivant.  Elles  cultivent  le  plus  souvent  dans  un  milieu  convenable 
non  organisé. 

La  faculté  pathogène,  c'est-à-dire  l'aptitude  que  possède  une  espèce 
bactérienne  donnée  de  produire  l'état  de  maladie  dans  un  organisme 
vivant,  plante  ou  animal,  n'est  généralement  pas  indéfinie.  Bien  des 
facteurs,  action  des  agents  physiques,  tels  que  la  chaleur  et  la 
lumière,  celle  des  antiseptiques,  la  dessiccation  modifient  profondé- 
ment cette  aptitude  ;  elles  peuvent  faire  varier  le  degré  de  «  viru- 
lence »  et  l'annuler  parfois.  Mais  on  doit  avouer  que  ces  faits  n'ont 
guère  été  jusqu'ici  étudiés  que  dans  les  maladies  bactériennes  de 
l'homme  et  des  animaux.  On  ne  sait  à  ce  point  de  vue  que  fort  peu 
de  chose,  sinon  rien,  en  ce  qui  concerne  les  maladies  des  plantes. 

On  ignore  encore  tout  pour  ce  qui  est  des  procédés  d'atténua- 
tion des  virus,  de  vaccination  qui  ont  reçu  dans  ces  dernières 
années  de  si  belles  et  utiles  applications  dans  la  pathologie  animale 
ou  humaine.  D'un  autre  côté,  il  ne  semble  pas  que  la  notion  du 
phagocytisme  puisse  s'appliquer  au  règne  végétal.  Mais  en  revanche, 
il  paraît  vraisemblable  que  l'application  de  certains  engrais  au 
sol,  en  particulier  engrais  à  réaction  acide  tels  que  les  super- 
phosphates de  chaux,  puisse  en  quelques  circonstances  modifier 
suffisamment  la  composition  chimique  de  la  sève,  et  par  suite  le 
milieu  interne  de  la  plante,  pour  le  rendre  inapte  à  la  pullulation  de 
certaines  bactéries.  Un  tel  procédé,  par  modification  immédiate  de 
l'aliment,  n'est  guère  susceptible  d'être  appliqué  directement  aux 
animaux  supérieurs,  dont  le  sérum  sanguin  ne  possède  pas  cette 
malléabilité    de  la  sève  végétale. 

A  un  degré  plus  marqué  que  chez  l'animal,  la  culture  en  milieu 
artificiel,  non  vivant,  de  la  bactérie  pathogène  d'une  plante  lui  fait 
souvent  perdre  ses  propriétés  virulentes,  c'est-à-dire  le  pouvoir  de 


26  ETUDES    ET    MÉMOIRES 

pénétrer  les  membranes  des  cellules,  et  de  se  développer  aux  dépens 
de  la  membrane  et  du  contenu  cellulaires.  Mais  inversement,  les 
belles  expériences  du  regretté  Emile  Laurent  et  de  son  élève 
Lepoutre  '  ont  prouvé  que  par  des  artilices  de  culture  ingénieux, 
on  pouvait  faire  vivre  en  vrais  parasites  sur  la  pomme  de  terre,  la 
carotte,  etc.,  des  bactéries  considérées  jusqu'ici  comme  incapables 
de  pénétrer  l'organisme  des  végétaux  vivants,  comme  le  Bacillus 
coli  commuais  ou  le  Bacillus  mesentericus  vuhjaris.  Ces  faits  qui 
montrent  la  plasticité,  c  est-à-dire  le  caractère  spécial  aux  orga- 
nismes morphologiquement  très  simples  de  transformer,  sous  des 
conditions  diverses,  leurs  propriétés  biologiques,  n'est  pas  spécial 
aux  bactéries.  On  le  rencontre  aussi  parfois  chez  les  champignons. 
Certains  de  ces  «  parasites  facultatifs  »  causent  par  leur  extension 
considérable  des  maladies  pouvant  devenir  très  dommageables. 

Chez  les  végétaux,  les  bactéries  sont  en  général  des  parasites  de 
blessure.  1  inoculation  est  une  des  conditions  nécessaires  de  l'infec- 
tion :  mais  le  fait  n'est  peut-être  pas  général.  Dans  des  con- 
ditions particulièrement  défavorables  de  température,  d'humidité, 
de  sol  qui  créent  la  prédisposition,  il  semble  possible  qu'une  bac- 
térie puisse  forcer  directement  la  barrière  opposée  par  la  cuticule  et 
1  épidémie,  et  faire  irruption  au  milieu  des  tissus  vivants  :  mais 
d'après  ce  qu'on  sait  actuellement,  ce  n'est  sans  doute  qu'une 
exception. 

Uuel  que  soit  leur  genre  de  vie,  qu'elles  soient  parasites  ou  sapro- 
phytes, nous  devons  considérer  chez  les  Bactéries  leurs  fonctions 
nutritives  générales,  respiration  et  alimentation;  on  doit  noter  aussi 
leurs  propriétés  chimiques  ou  fermentatives  spéciales,  ainsi  que  les 
propriétés  chromogènes  et  lumineuses  d'un  certain  nombre  d'entre 
^lles. 

Respiration.  —  Les  Bactéries  comme  tous  les  êtres  vivants 
absorbent  l'oxygène  par  le  fait  de  la  respiration,  dont  le  but  final  est 
1  oxydation  de  la  substance  qui  constitue  l'aliment.  C'est  ainsi 
que  les  Bactéries  de  la  nitrification  oxydent,  les  unes  les  composés 


I.  E.  Laurent.  Recherches  expérimentales  sur  les  maladies  des  plantes,  in  ■<  Annales 
de  l'Institut  Pasteur  .  t.  XIII.  1899.  —  Lepoutre.  Recherches  sur  la  transformation 
er}iérimentale  de  Ractéries  banales  en  races  parasites  de  plantes,  ibitl..  t.  XVI,  1902. 


.MALADIES    DES    PLANTES    CULTIVÉES    DANS    LES    PAYS    CHAUDS  27 

ammoniacaux  du  sol  pour  les  amener  à  1  état  d  acide  azoteux  : 
d'autres  l'acide  azoteux  pour  le  transformer  en  acide  nitrique. 

Suivant  que  les  bactéries  utilisent  L'oxygène  libre  ou  dissous 
dans  les  liquides,  ou  bien  qu'elles  emploient  à  la  respiration  1  oxy- 
gène combiné,  on  les  distingue  en  aérobies  et  anaérobies. 

Les  bactéries  aérobies  ne  tardent  pas  à  perdre  leur  mouvement 
lorsque  l'oxygène  s'épuise  dans  le  milieu  où  elles  vivent.  Il  est  fré- 
quent, lorsqu'on  les  cultive  en  milieu  liquide,  de  voir  les  éléments 
s'accumuler  à  la  surface  en  une  masse  aranéeuse  plus  ou  moins  com- 
pacte qu'on  appelle  le  voile  Bacillus  subtilis,  par  exemple  .  L  oxy- 
gène sous  pression  est  pourtant  également  nuisible  aux  aérobies 
et  aux  anaérobies. 

Pour  un  certain  nombre  de  bactéries  franchement  anaérobies. 
1  oxygène  libre  est  un  vrai  poison:  il  arrête  leur  mouvement. 
les  tue  ou  les  fait  passer  à  l'état  de  vie  latente.  Les  organes 
reproducteurs,  les  spores  sont  beaucoup  moins  sensibles,  ou  même 
indifférents  à  l'action  de  l'oxygène.  D'un  autre  enté,  il  existe  tous  les 
intermédiaires  entre  les  anaérobies  francs  et  les  aérobies.  Le  type 
le  plus  connu  d  anaérobies  est  le  Bacillus  amylobacter  Trécul.  le 
vibrion  butyrique  de  Pasteur,  un  des  agents  de  la  fermentation  de 
la  cellulose  et  de  sa  transformation  en  acide  butyrique. 

Aliments.  —  Les  aliments  puisés  dans  le  milieu  extérieur  sont 
ceux  qu'exigent  généralement  les  êtres  vivants  :  composés  d'azote, 
carbone,  oxygène,  hvdrogène.  avec  quelques  autres  corps  simples, 
où  dominent  le  soufre  et  le  phosphore. 

Lorsque  le  milieu  est  favorable  à  la  nutrition  de  la  Bactérie,  elle 
s  y  multiplie  en  général  jusqu'au  moment  où  les  produits  de 
désassimilation  s'y  sont  accumulés  en  trop  grande  quantité.  C  est 
d  ailleurs  là  un  principe  qui  s'applique  aux  êtres  vivants  en  général. 

Dépourvues  de  chlorophylle  au  même  titre  que  les  champignons, 
les  bactéries  empruntent  nécessairement  le  carbone  à  leur  support, 
vivant  pour  les  bactéries  parasites,  non  vivant  ou  même  inorganisé 
pour  les  bactéries  saprophytes.  Ce  sont  généralement  des  corps  ter- 
naires, sucres,  amidon,  glycérine,  etc..  qui  en  sont  la  source. 
Quelques  Bactériacées.  les  Begyiatoa.  qui  se  rapprochent  sensible- 
ment des  algues  bleues,  mais  s'en  distinguent  par  l'absence  de  pig- 
ment bleu,  la  phycocyanine  mélangée  à  la  chlorophylle,  possèdent 
un  pigment  pourpre,  la  Bactériopurpurine,  qui  est  capable  d'assimi- 
ler directement  le  carbone.  De  plus,  d'après  Winogradsky.  les  bac- 


28  ÉTUDES    ET   MÉMOIRES 

téries  de  la  nitrification  peuvent  emprunter  directement  leur  carbone 
aux  carbonates  du  sol. 

De  même  que  quelques  algues  inférieures  (Nostocs),  un  certain 
nombre  d'espèces  de  Bactériacées  peuvent  assimiler  directement 
l'azote  de  l'air;  tels  sont  le  Bacillus  radicicola  des  tubercules  de 
légumineuses  et  quelques  autres,  végétant,  elles,  directement  dans 
le  sol,  mais  encore  insuffisamment  étudiées. 

Propriétés  chimiques.  —  Parmi  les  propriétés  chimiques  des 
bactéries,  qui  aboutissent  à  une  modification  du  milieu  où  elles  vivent, 
il  en  est  une  qui  doit  nous  arrêter  un  instant,  en  ce  sens  qu'elle 
fournit  un  caractère  très  important,  au  point  de  vue  de  l'établissement 
des  espèces;  nous  voulons  parler  de  la  modification  à  la  fois  phy- 
sique et  chimique  apportée  à  un  milieu  de  culture  fréquemment  uti- 
lisé, la  solution  de  gélatine  à  10  °/0  environ,  qui  se  liquéfie  sponta- 
nément k  25°  centigrades  environ. 

Nombre  d'espèces  cultivées  sur  ce  milieu,  additionné  ou  non  de 
1  ou  2  °/o  de  peptone,  le  liquéfient  à  une  température  inférieure  à 
25°.  D'autres  sont  sans  action,  au  point  de  vue  de  cette  modifica- 
tion. L'existence  de  la  liquéfaction,  sa  rapidité,  son  mode  de  pro- 
céder sont  des  caractères  importants  à  noter  pour  chaque  espèce. 

La  production  de  bulles  gazeuses,  visibles  particulièrement  dans 
les  cultures  sur  milieu  solide,  matières  gazeuses  dont  la  nature 
chimique  varie  suivant  les  espèces,  constitue  au  même  titre  un 
caractère  de  valeur  au  point  de  vue  de  la  différenciation  des  espèces. 

Sécrétions.  —  Les  bactéries  sont  susceptibles  de  sécréter 
des  substances  diverses  : 

a)  Des  diastases  ou  zymases,  destinées  généralement  k  agir  sur  des 
substances  inertes;  ces  diastases  sont  d'une  nature  chimique  quater- 
naire, comme  celles  des  êtres  supérieurs,  animaux  ou  plantes.  Les 
diastases  sont  des  ferments  solubles,  qui  peuvent  agir  soit  par  hydra- 
tation ou  déshydratation  de  la  molécule  chimique,  soit  par  oxyda- 
tion ou  désoxydation.  Elles  sont  précipitables  par  l'alcool  et  agissent 
à  dose  infinitésimale,  eu  égard  au  poids  de  la  matière  transformée. 

Les  plus  importantes  sont  Yamylase,  qui  saccharifîe  l'amidon, 
les  diastases  protéoly tiques,  sortes  de  peptones  qui  agissent  sur  les 
albuminoïdes.  C'est  à  la  présence  d'une  peptone  de  cette  nature  que 


MALADIES    DES    PLANTES    CULTIVEES    DANS    LES    PAYS    CHAUDS  29 

semble  due  la  liquéfaction  de  la  gélatine  par  les  bactéries.  La  cellu- 
lase,  les  cytases  non  encore  isolées,  sont  considérées  comme  les  dias- 
tases produisant  la  destruction  des  diverses  sortes  de  celluloses, 
surtout  les  jeunes.  C'est  à  la  production  de  diastases  qu'est  due 
souvent  l'apparition  de  fermentations  par  l'action  des  bactéries.  On 
est  en  droit  de  penser  que  c'est  à  la  suite  de  la  sécrétion  d'une  dias- 
tase,  cellulase  ou  autre,  que  les  Bactéries  parasites  des  plantes 
peuvent  perforer  les  membranes. 

b)  Les  toxines  ou  toxalbû mines,  matières  albuminoïdes  vraies, 
insolubles  aussi  dans  l'alcool,  ont  une  action  particulière  sur 
la  cellule  vivante  dont  elles  modifient  le  fonctionnement  biolo- 
gique dans  un  sens  avantageux  pour  leur  nutrition  et  leur  dévelop- 
pement exagéré.  Parfois  insolubles  dans  l'eau,  elles  voient  souvent, 
comme  les  diastases,  leur  action  spéciale  supprimée  par  une  éléva- 
tion de  température  à  70°  au  moins. 

c)  Les  ptomaïnes,  véritables  bases  alcaloïdiques,  souvent  toxiques, 
à  l'instar  de  l'atropine  ou  d'autres  alcaloïdes  des  végétaux  supérieurs. 

Ces  trois  groupes  de  substances,  qui  commencent  à  être  connues 
pour  ce  qui  est  des  bactéries  pathogènes  des  animaux,  n'ont  fait 
jusqu'ici  l'objet  d'aucun  travail  important  quant  aux  bactéries  para- 
sites des  végétaux. 


Multiplication  et  reproduction.  —  La  multiplication  des  Bac- 
tériacées  s'accomplit  par  simple  division  qui  amène  la  production  de 
deux  éléments  semblables  à  celui  dont  ils  proviennent.  C'est  la 
scissiparité.  Cette  donnée  est  l'origine  des  termes  Schizomycètes 
(Nfegeli)  et  Schizophytes  (Cohn),  appliqués  aux  Bactériacées.  La 
scissiparité  est  un  véritable  bouturage  et  n'a  rien  de  commun 
avec  une  reproduction  sexuée.  Qu'il  s'agisse  d'une  forme  sphérique 
ou  allongée,  l'élément  bactérien  s'allonge,  s'étrangle  à  sa  partie 
moyenne  et  acquiert  une  cloison.  Les  deux  cellules  ainsi  formées  se 
séparent  ou  restent  unies  suivant  qu'il  s'agit  d'une  forme  simple  ou 
diversement  complexe.  C'est  par  ce  procédé  que  se  produisent 
toutes  les  formes  composées  énumérées  plus  haut. 

En  général,  la  division  s'accomplit  d'autant  plus  vite  que  le 
milieu  est  plus  riche  en  principes  nutritifs,  appropriés  à  l'alimenta- 
tion de  la  Bactérie.  La  température  a  aussi  une  influence  marquée 
sur  la  rapidité  du  phénomène. 


30  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Pour  les  espèces  aérobies,  surtout  lorsque  la  division  a  cessé,  si 
par  exemple  le  milieu  nutritif  est  devenu  impropre  à  la  multiplica- 
tion, les  éléments  bactériens  s'accumulent  au  fond  du  vase  et  y 
forment  un  dépôt. 

Pour  un  bon  nombre  de  Bactériacées,  lorsque  le  milieu  nutritif 
cesse  de  posséder  les  qualités  requises  pour  permettre  la  multipli- 
cation, les  éléments  bactériens  donnent  naissance  à  des  organes  de 
conservation  qui  sont  les  spores. 

Les  spores  ont  une  résistance  infiniment  plus  grande  aux 
agents  destructeurs  que  les  éléments  végétatifs  résultant  de  la 
division  par  scissiparité.  Ainsi,  alors  que  les  cellules  végétatives  du 
Bacillus  subtilis  sont  tuées  aux  environs  de  60°,  les  spores 
résistent  à  une  ébullition  de  plusieurs  heures  dans  l'eau,  et  ne  sont 
tuées  qu'à  1 05°. 

La  formation  des  spores  chez  les  Bactéries  s'accomplit  suivant  deux 
modes  :  1°  production  de  spores  endogènes;  2°  production  darthro- 
spores. 

Quand  une  Bactérie  mobile  va  produire  des  spores,  généralement 
le  mouvement  s'arrête,  et  un  élément  peut  donner  une  seule  spore 
(Bacillus  subtilis,  B.  amylohacter)  ou  plusieurs.  Aux  points  où  les 
spores  apparaissent,  le  protoplasma  se  condense,  devient  plus  bril- 
lant, plus  réfringent,  et  se  recouvre  d'une  membrane  qui  peut  se 
diviser  en  deux  couches,  l'exospore  (externe)  et  l'endospore 
(interne).  Puis  le  restant  de  l'élément  se  flétrit  et  se  détache  peu  a 
peu  de  la  spore.  Ces  faits  s'appliquent  spécialement  à  la  formation 
des  spores  endogènes. 

Pour  le  Bacillus  amylohacter,  au  moment  de  la  production  des 
spores,  la  bactérie  se  renfle  à  une  extrémité,  et  elle  prend  l'appa- 
rence d'un  battant  de  cloche.  Une  substance  de  réserve  dissoute,  de 
nature  amylacée  et  directement  colorable  par  l'eau  iodée,  apparaît 
dans  cette  portion  renflée,  mais  disparaît  bientôt  dès  que  la  spore 
commence  à  s'y  dilférencier. 

Le  Leuconostoc  mesenteroïdes  fournit  un  bon  exemple  de  produc- 
tion d'arthrospores.  Cette  espèce,  constituée  par  des  chapelets  de 
microcoques  entourés  d'une  zooglée  épaisse  et  compacte,  sécrète  un 
ferment,  l'invertine,  qui  transforme  le  saccharose  en  glucose  et  ce  der- 
nier peut  être  ensuite  détruit  par  oxydation;  le  développement  exces- 
sif de  la  bactérie  est  dès  lors  un  fléau  dans  les  sucreries.  Quand  les 


MALADIES    DES    PLANTES    CULTIVÉES    DANS    LES    PAYS    CHAUDS  31 

conditions  deviennent  mauvaises  pour  la  bactérie,  certaines  cel- 
lules du  chapelet  augmentent  de  volume,  acquièrent  un  contenu 
plus  réfringent  et  épaississent  leur  membrane,  ce  sont  les  spores. 
Les  cellules  végétatives  meurent,  mais  la  spore  reste  vivante. 

Lorsqu'une  spore  est  dans  les  conditions  requises  pour  germer, 
elle  déchire  sa  membrane  et  le  contenu  qui  s'épanche  prend  l'as- 
pect de  la  bactérie  primitive  qui  devient  apte  à  se  développer  de 
nouveau  par  scissiparité. 

Établissement  des  espèces  et  classification.  —  La  forme 
extérieure  d'une  bactérie  donnée  peut,  comme  nous  savons,  varier 
avec  le  milieu  (Bacille  pyocyanique,  par  exemple).  D'un  autre  côté, 
des  bactéries  de  propriétés  biologiques  tout  à  fait  différentes  peuvent 
montrer  la  même  forme,  la  même  taille.  On  ne  peut  donc  accorder  à 
la  notion  de  la  forme  ou  de  la  taille  qu'une  importance  secondaire. 
Aussi,  pour  établir  une  espèce  et  la  différencier  des  autres  tout  à  fait 
voisines  comme  forme,  est-on  obligé  de  tenir  compte  de  l'ensemble 
des  caractères  que  présente  cette  bactérie  :  forme,  taille  et  leurs  varia- 
tions suivant  les  milieux;  caractères  des  cultures  sur  des  milieux 
variés;  motilité  et  les  causes  capables  de  l'influencer;  propriétés 
pathogènes  ou  saprophytes,  que  l'on  établira  au  besoin  par  des 
infections  expérimentales;  propriétés  chimiques  diverses;  liquéfac- 
tion possible  de  la  gélatine;  production  éventuelle  de  substances 
gazeuses  dans  les  cultures  ;  production  de  substances  chromogènes  ; 
phosphorescence,  etc. 

Un  autre  procédé  qu'il  faut  employer  est  la  coloration  des  éléments 
bactériens  par  des  substances  diverses,  surtout  celles  extraites  de 
la  houille,  dérivés  de  l'aniline  et  de  corps  chimiques  du  même  groupe. 
La  méthode  de  Gram,  dans  laquelle  on  traite  la  bactérie  colorée  par 
l'eau  iodée,  est  plus  souvent  utile  pour  différencier  des  espèces 
très  voisines  :  la  résistance  à  la  décoloration  devient  ici  un  carac- 
tère très  important.  Nous  sortirions  de  notre  sujet  en  nous  étendant 
plus  longtemps  sur  cette  question. 

On  comprend  ainsi  qu'il  n'existe  aucune  base  solide  pour  la  clas- 
sification des  Bactériacées.  Toutes  les  classifications  qui  ont  été 
proposées  reposent  presque  exclusivement  sur  la  forme.  On  peut 
donc  dire  qu'elles  pèchent  par  la  base. 

On  peut  diviser  artificiellement  les  Bactériacées  en  3  groupes  : 


Bactériacées 


32  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Coccées,  comprenant   les  formes   rondes  et    celles  qui 

dérivent  de  leur  association.  Genres  :  Coccus, 

Louconostoc,  etc. 
proprement      /  .  .      . 

dites  i   Bacillées'.  Eléments  plus  ou  moins  allongés,  droits  ou 

courbes.  Genres  :  Bacillus,  Vibrio,  Spirillum, 

Cladothrix,  Leptothrix. 

Beggiatoées,  comprenant  les  formes  qui  se  rapprochent  le  plus  des 
Algues  Cyanophycées  :  Beggiatoa,  avec  bactériopurpurine  et  le 
groupe  des  Sulfuraires,  qui  accumulent  dans  leurs  éléments  des 
granulations  de  soufre  emprunté  à  l'hydrogène  sulfuré  du  milieu 
où  elles  se  développent. 

Place  des  Bactériacées  dans  la  classification.  —  La 

position  systématique  des  Bactéries  dans  la  classification  est  encore 
indécise.  Les  premiers  naturalistes  qui  les  ont  observées,  depuis 
Leeuwenhoeck  (1680),  O.-F.  Muller  (1774),  Ehrenberg  1833), 
Dujardin  (1841),  les  considéraient  comme  des  animaux.  Davaine 
(1864),  les  regarda  comme  des  Algues,  du  même  ordre  que  les 
Cyanophycées  ou  Algues  bleues.  Pasteur  cependant  en  lit',  au  moins 
au  début  de  ses  études,  des  Infusoires,  à  l'exemple  des  premiers. 

Xa?geli,  de  Bary,  Cohn  les  rangent  parmi  les  champignons 
(  Schizomycètes) . 

Van  Tieghem,  guidé  surtout  par  la  présence  dans  quelques  bac- 
téries d'un  pigment  vert  supposé  identique  à  la  chlorophylle,  classe 
les  Bactéries  parmi  les  Algues  bleues,  comme  l'avait  fait  Davaine. 
Bien  que  la  nature  chlorophyllienne  du  pigment  vert  observé  dans 
quelques  Bactéries  ait  été  niée  et  ne  soit  pas  définitivement  démon- 
trée, il  est  certain  que  c'est  avec  les  Nostoccacées,  surtout  les 
Oscillaires  et  les  Nostocs.  que  les  Bactériacées  présentent  le  plus 
d'affinités.  C'est  ce  qui  explique  pourquoi  un  grand  nombre  de 
botanistes  ont  accepté  l'opinion  de  van  Tieghem. 

D1  Georges  Delacroix, 
Directeur  de  la  Station  de  pathologie  végétale, 
Maître  de  Conférences  à  l'Institut  agronomique, 
Professeur  à  VÉcole  sujiérieure  d'Agriculture  coloniale. 

(A  suivre.) 


ÉTUDES    ET   MÉMOIRES 


33 


o  o 

°   Q  d     . 

00 


a 


LEGENDE 


Bactériacées. 

1,  Coccus;  a,  b,  c,  formes  diverses.  —  2,  Bacillus.  —  3,  Vibrio.  —  4,  Spirillum.  — 
5,  Diplococcus.  —  6,  Streptococcus.  —  7,  Diplobacillus.  —  8,  Streptobacillus.  —9, 
Leptothrix.  —  10,  Cladothrix.  —  Il  a.  Tétrade;  11  b,  Sarcina.  —  12,  Staphylococcus. 
—  13,  a,  i,  formes  d'involution  du  Bacillus  subtilis.  —  15,  Bacillus  subtilis  :  a,  un 
é-lément  isolé,  avec  ses  deux  cils  vibratiles  ;  i,  une  chaîne  d'éléments  (Streptobacilles), 
avec  les  deux  cils  terminaux.  —  Une  forme  bacille  multiciliée  (genre  Pseudomonas 
Miaula).  —  16,  Un  bacille,  élément  isolé  montrant  des  vacuoles,  v,  et  des  granula- 
tions, A-  Jeucites  ou  noyaux?).  —  17,  Phases  successives  de  la  scissiparité  dans  un 
bacille.  —  18,  Les  mêmes,  pour  un  microque.  —  19,  Formation  de  la  spore  chez  le 
Bacillus  subtilis  :  1,  Apparition  de  la  spore,  Sp,  dans  l'élément;  2,  la  spore  isolée;  3, 
sa  germination  ;  i,  l'élément  jeune,  bicilié,  prêt  à  se  diviser.  —  20,  Formation  de  la 
spore  du  Bacillus  amylobacter  :  1,  la  spore  Sp  encore  jeune;  2,  la  spore  adulte,  avec 
déformation  de  l'élément  bactérien;  3,  germination  de  la  spore.  —  21,  Formation  des 
arthrospores  de  Leuconosloc  mesenteroides  :  a,  plusieurs  zooglées,  à  l'état  végétatif; 
b,  unezooglée,  dans  laquelle  on  voit  se  former  des  arthrospores,  Sp. 

Bulletin  du  Jardin  colonial.  3 


LE     BÉTAIL     EN     AFRIQUE     OCCIDENTALE 

FRANÇAISE 

La  production  zootechnique  en  Afrique  Occidentale  française  est 
restée  jusqu'à  l'heure  actuelle  très  rudimentaire  ;  elle  est  néanmoins 
appelée  à  jouer  un  rôle  important  dans  le  développement  écono- 
mique général.  Elle  pourra  en  effet  contribuer  dans  une  large  mesure 
à  la  prospérité  de  certaines  colonies  du  Gouvernement  général  tout 
en*  améliorant  les  conditions  de  la  vie  de  l'Européen  dans  les  régions 
voisines.  C'est  le  rôle  que  seront  appelés  à  jouer  tôt  ou  tard  trois 
grands  centres  de  production  à  peu  près  également  espacés  en  bor- 
dure de  notre  grande  possession  africaine  :  le  Sénégal,  la  Haute- 
Guinée,  le  Dahomev. 

Le  Sénégal,  capable  dès  à  présent  de  fournir  des  produits  de 
valeur,  doté  de  vastes  contrées  d'élevage  déjà  habituées  à  approvi- 
sionner les  villes  de  la  côte,  possédant  le  long  même  de  cette  der- 
nière une  zone  éminemment  favorable  à  la  production  du  bétail,  les 
«  Niayes  »,  mérite  en  première  ligne  d'attirer  notre  attention. 

La  Haute-Guinée  et  surtout  le  Dahomev  constituant  des  pavs  où 
les  communications  sont  encore  difficiles,  où  les  relations  commer- 
ciales sont  moins  développées,  n'interviendront  probablement,  par 
l'apport  sur  le  marché  de  leur  contingent  animal,  qu'un  peu  après 
leur  sœur  du  nord.  Enfin  n'oublions  pas  que  le  Soudan,  s'il  n'est 
pas  aussi  apte  que  les  précédentes  régions  à  alimenter  l'exportation, 
n'en  constitue  pas  moins  un  pays  d'élevage  fort  intéressant  où  le 
bétail  sera  d'une  utilité  directe  à  la  population  appelée  à  y  augmen- 
ter rapidement,  et  qui,  par  ses  chevaux  et  ses  mulets  de  guerre, 
affranchira  l'Afrique  Occidentale  française  des  importations  algé- 
riennes. 

I.    LE    SÉNÉGAL 

Par  sa  situation  à  la  limite  méridionale  de  la  région  désertique, 
par  le  peu  de  durée  de  la  saison  des  pluies,  le  Sénégal  est  moins 
favorisé,  au  point  de  vue  de  la  variété  des  produits  agricoles,  que 


LE    BÉTAIL    EN   AFRIQUE    OCCIDENTALE    FRANÇAISE  35 

i 

la  plupart  des  colonies  franchement  tropicales.  Il  rachète  en  partie 
ce  désavantage  par  la  possibilité  d'y  élever  en  grand  le  bétail  qui 
devient  de  plus  en  plus  rare  à  mesure  que  l'on  s'avance  vers  le  sud. 
En  1892,  une  terrible  épizootie  détruisit  une  grande  partie  des  trou- 
peaux; mais  à  présent  ceux-ci  sont  complètement  reconstitués. 

Cheval.  —  Les  chevaux  sont  communs  au  Sénégal,  sauf  en 
basse  Casamance  où  le  climat  leur  est  peu  favorable. 

Ils  se  rapportent  à  deux  races  bien  distinctes  :  les  chevaux  dits 
«  du  fleuve  »,  ou  (Narou  gor),  et  les  chevaux  M'  Bayar. 

Les  premiers  rappellent  par  leurs  caractères  les  barbes  algériens. 
Leur  taille  moyenne  est  de  lm  45.  Certains  sujets  sont  bien  confor- 
més ;  mais  l'ensemble  laisse  à  désirer  au  point  de  vue  de  la  régula- 
rité des  formes  et  des  aplombs.  Ils  présentent  de  réelles  qualités  de 
sobriété,  de  rusticité  et  d'endurance.  Par  une  sélection  méthodique 
ou  par  des  croisements  judicieux  avec  des  étalons  algériens,  on 
pourrait  améliorer  cette  population  chevaline. 

Les  chevaux  M'  Bayar  sont  de  plus  petite  taille  que  les  précé- 
dents, la  moyenne  est  de  lm35.  Ils  sont  robustes  et  vigoureux.  Ils 
supportent  mieux  que  les  premiers  la  saison  d'hivernage,  et  sont 
moins  sujets  aux  maladies.  Le  centre  de  production  est  le  Baol. 

Bœuf.  —  Deux  races  principales  se  partagent  la  population 
bovine  sénégalaise. 

Le  Gobra,  ou  à  bosse,  et  le  N'  Dama,  sans  bosse. 

Les  bœufs  à  bosse,  appelés  également  bœufs  porteurs,  se  ren- 
contrent dans  tout  le  pays,  mais  sont  surtout  nombreux  chez  les 
Maures,  dans  le  Oualo,  le  Cayor,  le  Baol.  Ils  sont  de  grande  taille, 
souvent  de  lm  50  et  certains  atteignent  des  poids  variant  de  600  à 
700  kilos.  Ils  sont  très  dociles  et  peu  difficiles  dans  le  choix  de  leur 
nourriture.  Ils  sont  utilisés  comme  bêtes  de  somme  et  remplacent 
avantageusement  les  chameaux  pour  elfectuer  des  transports  pen- 


dant l'hivernage. 


Le  poids  moyen  des  adultes  est  de  300  à  400  kilos  pesés  vifs.  A 
l'abattage,  leur  rendement,  en  viande  nette,  varie  de  40  à  45  °/0. 
Leur  prix  est  de  80  à  120  francs. 

Les  vaches  sont  mauvaises  laitières,  elles  donnent  en  moyenne, 
pendant  la  période  de  lactation,  3  litres  de  lait  par  jour.  Elles  valent 
de  150  à  200  francs;  mais  d'ordinaire  les  indigènes  ne  veulent  pas 
s'en  dessaisir. 


36  ÉTLDES    ET    MÉMOIRES 

Les  individus  de  races  N'  Dama,  ou  sans  bosse,  sont  de  petite 
taille,  de  1m  50  à  lm  30  de  haut.  Ils  sont  bien  conformés  et  rap- 
pellent les  animaux  perfectionnés  de  race  bretonne. 

Leur  pelage,  comme  celui  des  précédents,  est  essentiellement 
variable  :  les  robes  froment  clair  et  noires  sont  les  plus  communes. 

Cette  race  semble  originaire  du  Fouta-Djallon,  d'où  elle  s'est 
répandue  dans  les  contrées  avoisinantes.  On  la  trouve  actuellement 
dans  tout  le  Sénégal,  mais  plus  particulièrement  dans  les  régions 
sud. 

Les  bœufs  se  dressent  facilement  au  joug  et  peuvent  être  utilisés 
pour  traîner  la  charrue  et  les  charrettes. 

Les  individus  provenant  du  croisement  du  N'  Dama  et  du  Gobra 
sont  désignés  sous  le  nom  de  Ouarlé. 

Ils  sont  très  estimés  des  indigènes  qui  les  recherchent  même  dans 
le  Sine  et  le  Baol. 

A  la  suite  de  l'épizootie  de  1 892,  on  importa  des  animaux  du 
Cap-Vert  et  de  chez  les  Maures  qui  ont  laissé  des  traces  de  leur 
sang  dans  la  population  actuelle. 

Ce  sont  les  Peulhs,  les  Toucouleurs  et  les  Sérères  qui  ont  les 
plus  beaux  troupeaux.  Ils  en  ont  le  plus  grand  soin  ;  leur  richesse 
d'ailleurs  s'estime  par  le  nombre  de  têtes  de  bétail  qu'ils  possèdent. 

Anes.  —  Les  ânes  sont  fort  nombreux.  Ils  sont  rustiques  et  très 
solides,  malgré  leur  petite  taille.  Ils  rendent  de  grands  services 
pour  les  transports. 

Chameaux.  —  Les  chameaux  sont  très  nombreux  dans  le  pays 
pendant  la  saison  sèche  :  ils  sont  utilisés  pour  les  transports  d'ara- 
chides, de  mil  et  de  gomme.  Ils  appartiennent  presque  tous  aux 
Maures  qui  sont  les  véritables  commissionnaires  de  la  colonie.  Ils 
sont  emmenés  au  nord  du  fleuve  pendant  l'hivernage. 

Les  chameaux  supportent  difficilement  la  saison  des  pluies  ;  plus 
des  trois  quarts  meurent  lorsqu'ils  restent  dans  le  pays.  Ceux  qui 
sont  acclimatés,  appelés  chameaux  «  Ouolofs  »,  valent  de  5  à 
(500  francs  pièce,  tandis  qu  un  animal  ordinaire  se  vend  de  150  à 
250  francs.  On  les  charge  de  3  à  500  kilos  et  ils  fournissent  avec  ce 
poids  des  étapes  de  50  kilomètres  sans  fatigue. 

Moutons  et  chèvres.  —  Les  moutons  et  les  chèvres  sont  très 
nombreux.  Le  mouton  sénégalais  est  haut  sur  jambes,  sa  taille  est 


LE    BÉTAIL    EN    AFRIQUE    OCCIDENTALE    FRANÇAISE  37 

de  70  à  80  centimètres;  il  n'a  pas  de  laine,  mais  seulement  du  poil 


grossier. 


Les  indigènes  utilisent  le  lait  de  brebis  pour  leur  nourriture.  Un 
mouton  vaut  dans  l'intérieur  de  3  à  5  francs. 

Les  chèvres  sont  de  très  petite  taille,  de  0m  50  à  0"1  70  :  elles 
donnent  très  peu  de  lait,  de  0  1.  75  à  1  litre  par  jour. 

Somme  toute,  le  Sénégal  est  un  pays  où  l'élevage  des  animaux 
est  développé  et  constitue  une  des  richesses  du  pays. 

Il  pourra  prendre  une  importance  encore  plus  considérable 
lorsque  tous  les  terrains  capables  d'être  mis  en  valeur  par  la  pro- 
duction zootechnique  seront  utilisés  dans  ce  but.  L'obstacle  le  plus 
sérieux  qu'elle  rencontre  est  la  longueur  de  la  saison  sèche.  Dans 
un  pays  où  il  ne  tombe  pas  une  goutte  d'eau  pendant  huit  mois, 
l'ardeur  du  soleil  et  les  vents  desséchants  du  désert  ne  tardent  pas 
à  faire  disparaître  toute  trace  de  végétaux  nourriciers  ;  mais  on  peut 
obvier  à  ce  défaut  climatérique  par  la  constitution,  pendant  l'hiver- 
nage, de  réserves  fourragères.  Or  de  vastes  surfaces  se  'prêtent  fort 
bien  à  ce  genre  de  production,  et  l'éleveur  souffrirait  plutôt  du 
manque  de  faucheurs  que  du  manque  de  fourrages.  C'est  ainsi  que 
de  Podor  à  Matam  un  grand  nombre  de  plaines  basses,  situées  le 
long  du  fleuve,  portent  spontanément,  sans  ensemencement  ni  irri- 
gation pendant  la  saison  des  pluies,  une  graminée  touffue,  très 
dense,  nommée  «  Baket  »  en  ouoloff,  pouvant  se  couper  et  se  conser- 
ver avec  une  grande  facilité,  et  constituant  un  aliment  recherché 
du  bétail.  Il  viendrait  fort  heureusement  compléter  la  ration  azotée 
fournie  par  la  paille  d'arachides,  que  vendent  les  indigènes,  et  per- 
mettrait d'entretenir  copieusement  et  à  peu  de  frais  le  bétail  pen- 
dant toute  la  saison  sèche. 

I  ne  autre  région  plus  intéressante  encore  est  représentée  par  les 
«  Niayes  ».  On  désigne  ainsi  une  vaste  bande  de  terrains  s'étendant  le 
long  de  la  mer,  des  environs  de  Rufisque  jusqu'à  Saint-Louis.  C'est 
un  grand  marécage  pendant  la  saison  des  pluies,  mais  il  se  dessèche 
petit  à  petit,  à  mesure  qu'avance  la  saison  sèche,  laissant  à  découvert 
un  terrain  riche  en  humus,  immédiatement  utilisable.  C'est  ainsi 
que  du  maïs-fourrage  semé  après  simple  défrichement  à  la  charrue 
vigneronne  sur  un  terrain  vierge,  laissé  à  découvert  par  l'eau  au 
mois  de  février,  a  présenté  une  bonne  croissance,  et  sera  susceptible 
de  fournir  un  fourrage  vert  de  bonne  qualité  avant  l'hivernage,  c'est- 
à-dire  au  moment  où  le  dépérissement  des  animaux  appartenant  aux 
indigènes  est  le  plus  marqué. 


38  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Rien  n'empêche  de  supposer  qu'un  certain  nombre  d'autres 
plantes  fourragères,  telles  que  le  Téosinte,  le  Sorgho  fourrager  et 
l'herbe  du  Para,  donneraient  d'aussi  bons  résultats. 

Si  l'on  ajoute  à  cela  que  les  niayes,  grâce  à  l'humidité  qu'elles 
conservent,  portent  une  végétation  spontanée  de  graminées  consti- 
tuant, à  l'heure  actuelle,  pendant  les  mois  de  sécheresse,  l'unique 
ressource  des  troupeaux  qui  y  vivent,  on  voit  que  cette  région  est 
particulièrement  propre  à  l'élevage.  Enfin,  au  point  de  vue  écono- 
mique, elle  est  située  entre  les  deux  plus  grandes  villes  du  Sénégal, 
Saint-Louis  et  Dakar,  dont  l'une  est  la  porte  qui  mène  au  Soudan, 
tandis  que  l'autre  est  un  grand  port  que  sa  situation  appelle  à  un 
avenir  brillant. 

On  trouve  au  Sénégal  dès  à  présent  des  animaux,  de  quoi  les 
nourrir  et  la  possibilité  de  les  vendre.  Peut-on  dans  ces  conditions 
lui  refuser  le  nom  de  pays  d'élevage? 


II.    GUINÉE    FRANÇAISE 

Nous  quittons  l'élevage  en  plaine  pour  trouver  l'élevage  en  pays 
montagneux,  car  en  Guinée  Française,  c'est  le  Fouta-Djallon  qui  est 
la  région  productrice  de  bétail. 

Le  Fouta-Djallon  est  une  région  montagneuse,  à  climat  relative- 
ment tempéré,  dont  les  formations  géologiques  sont  surtout  primi- 
tives. Les  roches  éruptives  y  sont  en  grande  partie  recouvertes  par 
un  conglomérat  ferrugineux  d'une  dureté  variable  :  la  latérite. 

Seules  les  vallées,  en  général  étroites  et  profondes,  présentent  des 
formations  alluvionnaires  plus  ou  moins  mélangées  d'humus. 

Ce  sont  les  seules  parties  cultivables;  les  autres  n'ont  d'intérêt 
qu'au  point  de  vue  pâturages  et  peuplements  de  lianes  à  caout- 
chouc. 

C'est  un  pays  admirablement  doué  au  point  de  vue  de  l'élevage 
des  bovidés.  Les  pâturages  y  sont  nombreux  et  excellents,  les 
pacages  aussi,  malheureusement  l'habitant  du  Fouta  ne  sait  pas 
constituer  pour  la  saison  sèche  une  réserve  de  fourrage;  aussi  à  cette 
époque  la  mortalité  est-elle  assez  élevée. 

Cela  revient  à  dire  que  l'on  ne  pratique  aucune  méthode  ration- 
nelle d'élevage  et  qu'un  colon  devrait  la  créer  de  toutes  pièces. 

Le  Fouta  est  peuplé  par  deux  races  nettement  distinctes  de  bœufs  : 


LE    BÉTAIL    EN    AFRIQUE    OCCIDENTALE    FRANÇAISE  39 

1"  Une  petite  race  au  pelage  gris  brunâtre  et  à  muqueuses  colo- 
rées dont  le  poids  vif  ne  dépasse  guère  150  à  200  kilos. 

Les  individus  ressemblent  à  s'y  méprendre,  au  point  de  vue  des 
formes,  du  pelage  et  du  cornage,  à  la  petite  variété  suisse. 

2°  Une  grande  race  au  pelage  froment  plus  ou  moins  foncé,  au 
cornage  très  développé  affectant  souvent  la  forme  dune  lyre  et  dont 
le  poids  vif  doit  sûrement  atteindre  une  moyenne  de  350  kilos. 

La  grande  race  habite  surtout  le  Koïn,  le  Kébau,  le  Bagdaï,  régions 
où  l'on  trouve  les  plus  beaux  types. 

La  petite  race  est  davantage  disséminée,  elle  peuple  principale- 
ment le  Haut-Canéah,  le  Koussi. 

L'exploitation  rationnelle  du  bétail  devrait  portera  la  fois  sur  les 
achats  aux  indigènes,  achats  particulièrement  profitables  à  la  saison 
sèche  et  également  sur  l'élevage  proprement  dit. 

Cette  dernière  opération  serait  sans  doute  aisée,  le  Fouta  est 
coupé  en  tous  sens  de  petites  vallées  dans  lesquelles  coule,  même  à 
la  saison  sèche,  des  ruisseaux  dont  le  barrage  permettrait  facilement 
l'installation  de  prairies  naturelles. 

D'un  autre  côté,  l'alimentation  soutenue  à  laide  de  fourrage 
récolté  à  la  fin  de  la  saison  des  pluies  permettrait  de  maintenir  en 
bon  état  les  animaux. 

Les  bœufs  ne  sont  pas  aptes  à  être  vendus  avant  l'âge  de  4  à 
5  ans  ;  une  alimentation  médiocre  mais  continue  transforme  com- 
plètement ces  animaux  au  point  de  vue  des  qualités  de  boucherie. 

En  un  mot,  le  Fouta  possède  et  un  milieu  excellent  et  d'excel- 
lentes races. 

Mais  le  Fouta  manque  encore  à  l'heure  actuelle  de  communica- 
tions faciles,  les  bœufs  sont  amenés  à  pied  à  Conakry  par  une 
marche  de  10  à  20  jours,  selon  la  provenance. 

Comme  aucune  station  de  repos  n'est  installée,  et  que  les  bœufs 
doivent  se  contenter  de  la  nourriture  qu'ils  broutent  en  marchant, 
on  comprendra  aisément  qu'ils  arrivent  dans  un  mauvais  état  à  la 
côte  où  le  séjour  leur  est  d'ailleurs  des  plus  pénibles.  Lorsque  le 
chemin  de  fer  pénétrera  jusque  dans  la  région  de  Timbo,  il  sera 
alors  possible  d'organiser  des  gîtes  d'étapes  peu  nombreux  permet- 
tant d'amener  aux  stations  les  bœufs  en  bon  état. 

D  un  autre  côté,  il  n'est  guère  possible  d'envisager  dans  les  con- 
ditions actuelles  de  production  la  possibilité  de  l'exportation  en  vif 
ou  viandes  frigorifiées. 


40  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

La  totalité  de  la  production  sera  d'ici  long-temps  complètement 
absorbée  par  les  besoins  locaux. 

D'une  part,  si  la  consommation  locale  en  Guinée,  particulièrement 
à  Gonakry,  l'exportation  dans  des  colonies  voisines,  principalement 
en  ce  qui  concerne  les  vaches,  ne  permettent  pas  de  supposer  un 
excédent  de  production,  l'opération  n'en  demeure  pas  moins  fruc- 
tueuse pour  cela. 

Les  bœufs  valent  à  partir  du  Koussi,  environ  35  à  40  francs  pièce  ; 
dans  le  Koïn,'a  cause  delà  proximité  du  Sénégal,  pays  d'importation, 
ils  valent  de  60  à  65  francs.  On  les  revend  aisément  de  100  à 
150  francs  dans  les  pays  voisins. 

Les  vaches  valent  en  moyenne  75  à  80  francs;  on  les  revend  au 
Sénégal  et  dans  les  Colonies  anglaises  200  et  même  250  francs. 

A  Conakry,  le  prix  de  la  viande  sur  pied  varie  de  0  fr.  50  à 
0  fr.  70  le  kilo,  et  le  rendement  des  quatre  quartiers  est  d'environ 
50  •/.. 

D'un  autre  côté,  la  reconstitution  au  Soudan  méridional  des  trou- 
peaux que  Samory  a  complètement  détruits  absorbera  sûrement, 
pendant  bien  des  années,  tout  le  produit  de  l'élevage. 


III.    DAHOMEY 

D'après  l'état  actuel  de  son  développement,  la  colonie  du  Daho- 
mey peut  être  divisée  en  deux  régions  d'élevage  du  bétail  : 

La  première,  partant  de  l'Océan,  aurait  pour  limite  approxima- 
tive la  ligne  de  séparation  des  cercles  de  Savalou  et  de  Parakou, 
comprenant  ainsi  le  Bas  et  le  Moyen-Dahomey. 

Dans  cette  contrée  qui  représente  un  peu  moins  de  la  moitié  de  la 
superficie  totale  de  la  colonie,  les  représentants  des  races  bovine, 
ovine  et  gallinacée  sont  peu  nombreux.  Ce  n'est  pas  à  dire  que  cette 
vaste  région  est  impropre  à  l'élevage,  mais  les  besoins  du  corps 
expéditionnaire  lors  de  la  conquête  l'ont  presque  complètement 
épuisée  et  le  repeuplement  se  fait  avec  une  lenteur  qui  ne  permet 
pas  de  préciser  l'époque  à  laquelle  une  surproduction  pourrait  appro- 
visionner les  marchés  d'outre-mer. 

En  effet,  le  bétail  de  la  zone  cotière  assure  à  peine  la  consomma- 
tion locale  à  laquelle  il  est  pourvu  par  les  cercles  de  Mono  et  de 


LE    BÉTAIL    EiN    AFRIQUE    OCCIDEÏNTALE    FRANÇAISE  41 

Porto-Novo  :  dans  ces  cercles  se  trouvent,  non  des  troupeaux  de 
bœufs  proprement  dits,  mais  des  fractions  isolées  vivant  à  proximité 
des  cases  de  leurs  propriétaires. 

L'élevage  de  la  volaille,  s'il  est  plus  développé  que  celui  de  la 
race  ovine,  n'en  permet  guère  l'exportation  que  dans  nos  colonies 
voisines  de  la  Cote  d'Ivoire  et  du  Congo  Français.  Encore  cette  expor- 
tation est-elle  peu  importante. 

Au  surplus,  la  volaille  indigène  est  de  petite  taille  et  fournit  une 
chair  de  qualité  médiocre,  toutes  conditions  qui  ne  laissent  aucun 
doute  sur  l'accueil  qui  lui  serait  fait  sur  les  marchés  européens. 

Les  observations  formulées  plus  haut  sur  les  causes  du  dépeuple- 
ment des  espèces  bovine,  ovine  et  gallinacée  s'appliquent  plus  parti- 
culièrement au  cercle  d'Abomey,  très  éprouvé  pendant  la  période 
d'occupation  militaire  :  c'est  dire  par  là  même  le  petit  nombre 
d'animaux  de  boucherie  qu'on  y  rencontre. 

Fort  heureusement  des  constatations  moins  décevantes  peuvent 
être  faites  pour  le  cercle  voisin  de  Savalou.  Ici  le  nombre  des  têtes 
de  bêtes  à  cornes  n'est  pas  moindre  de  1.500,  paissant  par  petits 
troupeaux  sur  les  gras  pâturages  qui  bordent  l'Ouémé  et  le  Zou  res- 
pectivement aux  environs  de  Savé  et  de  Gabolé. 

L'espèce  ovine  compte  plus  de  400  sujets  et  vit  en  commun  avec 
le  gros  bétail.  La  volaille  par  contre  est  beaucoup  moins  abon- 
dante. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  dernière  région  est,  au  point  de  vue  qui 
nous  occupe,  infiniment  plus  riche  que  les  précédentes  ;  mais  son 
éloignement  de  la  côte  est  un  obstacle  au  commerce  dont  ces  ani- 
maux de  boucherie  pourraient  être  l'objet.  Il  n'existe  aucun  moyen 
de  transport  permettant  d'éviter  aux  bestiaux  les  fatigues  de  longues 
étapes  a  franchir  avant  d'atteindre  une  station  de  la  voie  ferrée  en 
construction,  soit  Paouignan,  soit  Atchéribé,  et  dans  ces  conditions 
il  est  à  supposer  que  les  convois  arriveraient  au  terme  du  voyage 
considérablement  amaigris,  partant  dépréciés. 

Il  ne  faudrait  pas  songer,  pour  remédier  à  cet  inconvénient,  à 
installer  des  usines  frigorifiques  sur  les  lieux  mêmes  d'élevage  ou  à 
proximité,  car  on  ne  saurait,  dans  l'état  actuel  des  voies  de  commu- 
nications, assurer  le  transport  rapide  et  économique  des  viandes 
ainsi  préparées. 

Ces  obstacles  à  l'industrie  qui  nous  occupe  s'affirment  encore 
davantage,  dans  la  seconde  région  qui  constitue  le  Haut-Dahomey, 


42  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

comprenant  les  cercles  du  Borgou,  de  Djougou-Kouandé,  du 
Courma  et  du  Moyen-Niger. 

Là  se  déroulent  de  vastes  pâturages  arrosés  par  des  cours  d'eau 
tels  que  l'Ouémé  et  l'Ofé,  d'un  débit  toujours  important.  Sur  les 
bords  de  ces  rivières  vivent,  dans  la  région  avoisinant  Parahou,  des 
troupeaux  isolés  de  bœufs  formant  un  total  approximatif  de 
1.500  tètes,  tandis  que  le  nombre  des  moutons  ne  paraît  pas  dépas- 
ser 4.000.  Par  comparaison  avec  les  représentants  des  races  bovine 
et  ovine,  les  gallinacés  sont  peu  nombreux  et  ne  pourraient  alimen- 
ter un  commerce  d'exportation. 

Le  cercle  du  Moyen-Niger,  qui  s'étend  en  pente  douce  de  Kaudé 
au  grand  fleuve,  occupe  incontestablement  le  premier  rang  en 
importance  parmi  les  pays  d'élevage  du  bétail  au  Dahomey.  La 
population  bovine,  dont  le  recensement  ne  saurait  être  établi  avec 
une  rigueur  mathématique  en  raison  de  la  mobilité  des  Peulhs  qui 
sont  les  principaux  éleveurs,  atteint,  selon  toute  vraisemblance,  le 
chiffre  de  40.000  à  50.000  unités  disséminées  à  travers  cette  région 
dotée  d'un  système  naturel  d'irrigation.  Mais  les  lits  de  ces  cours 
d'eau  sont  encombrés  d'obstacles  qui  en  rendraient  la  navigation 
difficile,  sinon  impossible,  même  à  des  bateaux  à  faible  tirant  d'eau, 
en  raison  des  risques  d'échouage  sur  les  bancs  de  matériaux,  char- 
riés par  ces  rivières,  et  dont  la  situation  varie  suivant  les  caprices 
du  courant.  Resterait  donc  la  voie  de  terre  dont  l'utilisation  par 
étapes  serait  pleine  de  mécomptes  :  le  bétail  devant  fournir  une 
marche  de  plusieurs  semaines  arriverait  anémié  par  les  fatigues  de 
la  route  et  aurait  perdu  une  notable  partie  de  sa  qualité  et  de  sa 
valeur. 

Encore  faudrait-il  s'attendre  à  de  nombreux  décès  en  cours  de 
route. 

Si  même,  par  hypothèse,  ces  difficultés,  qui  demeureront  inso- 
lubles pendant  un  certain  temps  encore,  disparaissaient,  il  n'en  res- 
terait pas  moins  à  triompher  de  celles  que  présenterait  le  transport 
soit  sur  pied,  soit  après  abattage,  par  voie  fluviale  sur  le  Niger, 
depuis  l'un  des  points  d'embarquement  :  Carmiama,  Caronou  ou  Ilo, 
jusqu'à  la  station  du  débarquement. 

On  n'a  que  trop  acquis  la  certitude  de  l'innavigabilité  partielle 
du  grand  fleuve  pour  qu'il  soit  besoin  de  démontrer  les  aléas  de 
l'industrie  qui  aurait  pour  objet  cette  exportation  de  l'intérieur  à 
la  mer.  Combien  de  convois  ou  de  cargaisons,  péniblement  amenés 


LE    BÉTAIL    EN    AFRIQUE    OCCIDENTALE    FRANÇAISE  43 

jusqu'au  Niger,  risqueraient  de  disparaître  dans  un  de  ces  rapides, 
sur  un  de  ces  récifs  si  nombreux,  pour  le  plus  grand  dommage  de 
la  navigation  centrale  africaine. 

Et  ces  risques  sont  plus  grands  encore  pour  les  stations,  point 
de  départ  initial,  situées  en  amont  de  Carimama  :  Birni  et  Say. 

Ce  dernier  chef-  lieu,  presque  à  l'égal  de  celui  du  Moyen-Niger, 
est  riche  en  bovidés;  l'espèce  ovine  est  elle-même  représentée  par 
plusieurs  milliers  d'unités.  Mais  la  concentration  dans  le  voisinage 
immédiat  de  Say,  ici  comme  ailleurs,  suppose  franchies  les  immenses 
distances  qui  séparent  les  lieux  de  dépaissance  et  d'élevage  situés  à 
l'intérieur  des  terres,  du  port  d'embarquement  fluvial. 

Est-il  besoin  d'ajouter  que  ces  considérations  ont  plus  de  poids 
encore  dans  l'extrême  région,  par  rapport  à  la  côte,  du  Gourma  où 
elles  paraissent  s'aggraver  du  fait  de  la  moins  grande  densité  du 
bétail?  Une  évaluation  forcément  très  approximative  porte  le 
nombre  des  bœufs  dans  cette  province  à  5.000;  celui  des  moutons 
serait  moindre. 

C'est  qu'en  effet  le  Gourma  est  une  région  en  partie  montagneuse, 
souvent  boisée,  n'offrant,  pas  aussi  uniformément  que  dans  le 
Moyen -Niger,  ces  prairies  à  perte  de  vue  où  le  bétail  vit  un  peu 
dans  les  mêmes  conditions  qu'au  Brésil. 

Cette  quasi-pénurie  de  bovidés  et  d'ovidés  rend  parfaitement 
inutile  l'installation  de  toute  usine  d'abattage,  dont  éventuellement 
Say  pourrait  devenir  le  seul  point  d'établissement. 

Les  bœufs  du  Dahomey  sont  de  petite  taille  (0m  95  à  lm  05  de 
hauteur),  à  la  robe  noire  ou  pie-noire,  aux  membres  grêles,  peu  de 
cornes,  en  un  mot  bien  constitués  pour  la  boucherie,  et  de  plus 
engraissant  bien  et  rapidement.  Le  poids  moyen  est  de  150  kilos  et 
le  rendement  en  viande  de  50  °/0.  Le  prix  de  l'animal  varie  de  40  à 
60  francs.  Dans  les  régions  septentrionales,  on  trouve  quelques  ani- 
maux de  race  peulh,  de  plus  forte  taille  que  celle  de  leurs  congé- 
nères et  de  pelage  différent  :  ce  sont  pour  la  plupart  des  bœufs 
porteurs,  au  système  osseux  développé,  assez  impropres  par  consé- 
quent à  la  boucherie. 

Les  ovidés  sont  généralement  mal  constitués,  fournissant  peu  de 
viande  relativement  à  leur  poids,  qui  varie,  suivant  les  croisements, 
de  15  à  40  kilos  et  d'une  valeur  marchande  de  10  à  25  francs.  Mal- 
gré l'abondance  de  la  volaille,  l'exportation  en  serait  osée  :  la  taille 
est  petite  et  la  chair  de  qualité  médiocre. 


44  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

De  toutes  ces  considérations  décevantes  pour  l'instant  se  dégagent 
pourtant  des  conclusions  plus  rassurantes  quanta  l'avenir. 

Si  la  production  du  Bas  et  du  Moyen-Dahomey  ne  dépasse  pas 
actuellement  les  besoins  de  la  consommation  locale,  une  méthode 
rationnelle  paraît  susceptible  d'y  développer  l'élevage  du  gros  bétail, 
dont  l'exportation  sera  rendue  chaque  jour  plus  facile  par  la  création 
des  voies  ferrées. 

Cette  question  de  l'élevage  présente  un  intérêt  tout  particulier 
pour  les  régions  du  nord,  dotées,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  de  riches 
pâturages  dont  le  rendement  peut  être  légitimement  considéré 
comme  une  cause  future  d'importants  bénéfices. 

Cet  avenir,  qu'il  n'est  pas  possible  de  préciser  et  apparaît  encore 
lointain,  sera  réalisé  le  jour  où  la  locomotive  reliera  l'Océan  au 
Niger  donnant  ainsi  un  merveilleux  essor  a  notre  colonie  du  Daho- 
mev,  sur  l'avenir  de  laquelle  la  France  a  justement  fondé  de  bril- 
lantes espérances. 

(A  suivre.  ) 


OBSERVATIONS      PRATIQUES     SUR     LA     RÉCOLTE 
DES     CHAMPIGNONS     DANS     LES     COLONIES 


Quand  des  voyageurs  chargés  de  missions  scientifiques  dans  nos 
Colonies  rapportent  des  collections  botaniques,  les  cryptogames,  et 
surtout  les  champignons,  sont  le  plus  souvent  assez  pauvrement 
représentés.  La  chose  s'explique  aisément  ;  l'attention  est  peu  atti- 
rée sur  ces  végétaux,  parce  que,  même  en  France,  on  les  étudie  beau- 
coup moins  que  les  plantes  supérieures.  En  outre,  il  est  bien  plus 
difficile  de  les  rapporter  dans  un  état  tel  qu'ils  puissent  être  fruc- 
tueusement étudiés  au  retour. 

Il  est  cependant  à  désirer  que,  quand  des  occasions  se  présentent 
d'augmenter  nos  connaissances  si  peu  étendues  encore  sur  la  flore 
mycologique  de  nos  Colonies,  les  explorateurs  soient  à  même  de 
rapporter  des  matériaux  utilisables  et  instructifs. 

Aussi  nous  proposons-nous  d'indiquer  avec  quelques  détails  les 
données  principales  qui  doivent  être  recueillies  sur  place  relative- 
ment aux  espèces  que  l'on  récolte. 

Si  ces  renseignements  font  défaut,  on  ne  pourra  peut-être  tirer 
absolument  aucun  parti  d'exemplaires  toujours  plus  ou  moins  défor- 
més, et  ayant  sans  doute  perdu  leur  couleur  dans  l'alcool.  L'explo- 
rateur se  sera  donné  beaucoup  de  peine  pour  récolter,  conserver, 
transporter  ces  échantillons,  et  toute  sa  peine  aura  été  prise  en  pure 
perte. 

Au  contraire,  si  l'envoi  est  accompagné  de  renseignements  précis 
et  détaillés,  l'étude  des  matériaux  reçus  sera  singulièrement  facili- 
tée, réellement  fructueuse  et  profitable  aux  progrès  de  la  science. 

Ce  que  nous  allons  dire  s'appliquera  surtout  aux  Agaricinées,  c'est 
la  famille  de  plantes  qui  contient  le  plus  grand  nombre  d'espèces 
charnues,  espèces  pourrissant  rapidement  et  que  l'on  doit  conser- 
ver dans  l'alcool  ou  le  formol,  mais  qui  sont  toujours  plus  ou  moins 
altérées  dans  ces  liquides.  Le  naturaliste  voyageur  n'aura  pas  de 
peine  à  reconnaître  parmi  nos  remarques  celles  qui  s'appliquent 
entièrement  à  divers  autres  groupes  de  champignons,  particulière- 


46  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

ment  à  bien  des  espèces  de  Basidiomycètes,  d'Ascomycètes.  Il  en 
modifiera  lui-même  certaines,  suivant  les  caractères  des  espèces 
qu'il  recueillera. 

Quelques  mots  d'abord  sur  certaines  précautions  à  prendre  quand 
on  récolte  les  champignons. 

On  sait  que  chez  les  Agaricinées  l'existence  d'une  volve  est  très 
importante  à  constater  puisque  certains  genres  sont  caractérisés 
précisément  par  la  présence  de  cette  volve.  Or,  quand  le  champi- 
gnon se  développe,  la  volve  se  déchire  et  se  détruit  partiellement, 
et  les  débris  ne  subsistent  quelquefois  à  la  base  du  pied  que  sous 
la  forme  d'un  bourrelet  écailleux  plus  ou  moins  profondément 
enterré.  L'existence  de  cette  partie  souterraine  pourrait  échapper  si 
l'on  cueillait  les  échantillons  sans  précautions. 

Il  faut  donc  avoir  soin  de  ne  pas  briser  le  pied  au  niveau  du  sol, 
mais  de  le  déterrer  complètement. 

Chez  beaucoup  d'espèces,  la  forme,  la  couleur  du  chapeau,  du 
pied,  des  lames  changent  dans  le  courant  du  développement.  Pour 
prendre  des  exemples  parmi  les  Champignons  de  notre  pays,  je 
citerai  le  Champignon  de  couche  dont  les  lames  rosé  clair  d'abord 
acquièrent  progressivement  une  teinte  de  plus  en  plus  accentuée 
et  finissent  par  devenir  d'un  brun  pourpre  foncé;  je  citerai  le  genre 
Cortinaire,  dont  beaucoup  d'espèces  ont  des  lames  violettes  dans  le 
jeune  âge,  rouille  ou  cannelle  à  l'état  adulte.  Ce  genre  Cortinaire 
offre  encore  un  exemple  bien  remarquable  d'un  caractère  qui  dispa- 
raît avec  l'âge.  Les  échantillons  jeunes  ont  le  sommet  du  pied 
réuni  au  chapeau  non  par  un  anneau  membraneux,  résistant, 
comme  chez  le  Champignon  de  couche,  mais  par  une  sorte  de  tissu 
très  délicat,  formé  simplement  de  grêles  filaments  entrelacés, 
et  ressemblant  à  une  toile  d'araignée.  On  donne  le  nom  de  cortine 
à  l'anneau  quand  il  présente  cette  structure.  Or,  cette  cortine  est 
très  fragile  et  souvent  disparaît  complètement  chez  l'adulte.  Par- 
fois cependant  on  en  discerne  quelques  traces  sous  forme  de  fila- 
ments ténus,  brunâtres,  adhérant  au  sommet  du  pied  ou  au  bord  du 
chapeau.  Il  est  très  important  pour  la  détermination  des  genres  de 
savoir  si  un  champignon  possède  ou  non  une  cortine.  Il  est  donc 
indispensable  d'avoir  recueilli  de  jeunes  échantillons.  Il  est  des 
espèces  dont  la  détermination  est  très  difficile  sinon  impossible, 
quand  on  ne  possède  que  des  champignons  adultes. 

D'ailleurs,  il  n'y  a   pas   lieu  de  s'en  étonner.  N'en  est-il  pas  de 


RÉCOLTE  DES  CHAMPIGNONS  DANS  LES  COLONIES  47 

même  chez  diverses  espèces  de  plantes  supérieures,  très  difficiles  à 
déterminer  si  l'on  ne  possède  pas  à  la  fois  des  feuilles  de  la  hase 
de  la  plante,  des  fleurs,  des  fruits? 

Par  conséquent  il  est  indispensable  de  recueillir  autant  que  pos- 
sible des  individus  de  tout  âge  et  de  noter,  pour  tous,  les  caractères 
sur  le  détail  desquels  nous  reviendrons  plus  loin. 

Ceci,  très  important  déjà  pour  une  espèce  trouvée  précédemment 
dans  le  pays,  le  devient  bien  davantage  si  l'on  découvre  des  espèces 
nouvelles  qu  il  est  utile  de  décrire  avec  précision  à  tous  leurs  états 
si  l'on  veut  les  bien  définir  et  permettre  de  les  retrouver. 

Les  champignons  recueillis  peuvent  être  conservés  dans  l'alcool 
ou  le  formol.  Il  est  préférable,  si  l'on  emploie  l'alcool,  de 
les  mettre  d'abord  pendant  quelques  jours  dans  de  l'alcool  à  60° 
environ  et  après  seulement  de  les  placer  dans  de  l'alcool  à  90°. 
Dans  la  première  liqueur  ils  perdent  une  partie  de  leur  eau  et  se 
ratatinent  moins  que  si  on  les  met  de  suite  dans  de  l'alcool  très 
fort.  Pour  le  formol  on  étend  d'eau  de  15  à  20  fois  son  volume  le 
liquide  que  vend  le  commerce.  On  place  les  échantillons  dans  un 
premier  liquide  que  l'on  change  au  bout  d'une  semaine.  Le  nouveau 
liquide  peut  être  gardé  indéfiniment. 

Mais  il  va  sans  dire  que  l'on  ne  met  pas  immédiatement  dans  le 
liquide  conservateur  un  champignon  que  l'on  vient  de  cueillir,  sans 
l'avoir  au  préalable  bien  étudié  et  avoir  noté  une  foule  de  carac- 
tères nécessaires  pour  la  détermination,  toujours  plus  ou  moins  alté- 
rés dans  n'importe  quel  liquide.  " 

Examinons  pour  les  diverses  parties  de  la  fructification  sur  quels 
points  principaux  on  doit  porter  son  attention  et  quelles  observa- 
tions il  faut  faire  pour  que  les  notes  prises  puissent  servir  à  une 
description  aussi  complète  et  aussi  précise  que  possible. 


A.  Volve. 

Comme  nous  l'avons  déjà  dit,  il  faut  bien  observer  si  l'espèce 
cueillie  possède  ou  non  une  volve.  Il  faut  également  noter  com- 
ment se  présente  cette  volve  chez  l'adulte.  Souvent  le  chapeau,  en 
la  brisant,  n'y  fait  qu'une  simple  déchirure,  et  alors  il  n'en  porte 
aucun  débris.  La  volve  subsiste  presque  entière  et  s'élève  autour 
du  pied  formant  comme  une  sorte  de  large   étui  ouvert  à   sa  partie 


48  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

supérieure.  Dans  un  autre  cas,  au  contraire,  la  volve  se  fragmente 
bien  davantage  et  alors  le  chapeau  en  se  soulevant  reste  couvert  de 
nombreuses  écailles;  mais  il  est  facile  devoir  que  ces  écailles  n'ap- 
partiennent pas  en  propre  au  chapeau  ;  en  grattant  légèrement  avec 
l'ongle  on  enlève  ces  écailles  sans  déchirer  aucunement  le  chapeau. 

D'autres  fragments  de  la  volve  subsistent  autour  du  pied  qui  est 
alors  renflé  à  la  base  et  recouvert  d'écaillés  plus  ou  moins  irrégu- 
lièrement disposées. 

Pour  préciser  par  des  exemples  ces  deux  aspects  de  la  volve, 
disons  que  l'Amanite  des  Césars,  ou  vraie  Oronge,  présente  une  volve 
en  étui,  et  l'Amanite  tue-mouche,  ou  fausse  Oronge,  une  volve  for- 
mant bulbe  écailleux  à  la  base  du  pied  et  des  écailles  sur  le  chapeau. 

Tel  en  est  le  caractère  principal  qu'il  faut  observer  à  propos  de  la 
volve  ;  si  elle  présente  d'autres  particularités,  comme  une  couleur 
spéciale,  etc.,  on  doit  noter  le  fait. 


B.  —  Chapeau. 

Le  chapeau  des  champignons  présente  à  considérer  divers  carac- 
tères dont  chacun  doit  être  soigneusement  observé.  Voici  les  prin- 
cipaux : 

1°  Taille.  —  Dans  la  plupart  des  espèces,  les  champignons 
adultes  et  qui  ont  poussé  dans  des  circonstances  normales,  pré- 
sentent une  taille  moyenne  avec  des  écarts  plus  ou  moins  grands, 
mais  qu'il  est  bon  de  connaître  ;  on  peut  noter  approximativement, 
si  l'on  a  plusieurs  échantillons,  cette  taille  moyenne  et  les  tailles 
extrêmes  que  l'on  a  constatées. 

2°  Forme.  —  La  forme  des  échantillons  jeunes  et  des  échantil- 
lons adultes  doit  être  indiquée.  Bien  souvent  le  chapeau  est  presque 
sphérique  dans  le  jeune  âge,  puis  il  s'étale,  restant  seulement  légè- 
rement bombé  ;  il  est  parfois  conique  et  d'un  angle  d'autant  plus 
ouvert  que  le  champignon  est  plus  âgé.  Diverses  espèces  ont  un 
chapeau  en  entonnoir.  Quelquefois  au  centre  s'élève  un  petit  mame- 
lon conique.  Bien  des  cas  sont  possibles,  et  il  faut  noter  tout  ce  que 
l'on  constate. 

3°  Couleur.  —  Chez  certaines  espèces,  la  couleur  est  unique, 
bien  tranchée,  persistante  ;    chez  d'autres,   au  contraire,    elle  varie 


RÉCOLTE    DES    CHAMPIGNONS    DANS    LES    COLONIES  49 

beaucoup  avec  l'âge,  ou  bien  les  couleurs  sont  indécises  et  mul- 
tiples, les  teintes  entremêlées  de  façons  très  variables.  En  particu- 
lier, i  est  un  cas  assez  fréquent,  c'est  celui  où  la  couleur  présente 
des  tons  plus  foncés  suivant  des  bandes  annulaires  concentriques; 
on  dit  alors  que  le  chapeau  est  zone. 

i°  Chair.  —  La  chair  du  chapeau  présente  divers  caractères  qui 
méritent  d'être  notés;  elle  est  parfois  très  molle,  parfois  résistante, 
dure.  Sa  couleur  est  généralement  bien  constante  dans  une  même 
espèce  ;  elle  est  assez  souvent,  par  exemple,  violacée  ou  d'un 
jaune  franc  ;  il  est  des  cas  où  elle  reste  inaltérée  à  l'air,  d'autres  où 
elle  se  modifie  légèrement,  devenant  rosée  ou  roux  assez  pâle.  Bien 
que  nous  parlions  surtout  des  Agaricinées,  disons  que.  dans  beau- 
coup d'espèces  du  genre  Bolet  (famille  des  Polyporées),  la  chair 
se  teinte  assez  rapidement  en  vert  ou  en  bleu.  Quelquefois  c'est 
seulement  sous  la  peau  du  chapeau  qu'il  y  a  une  teinte  spéciale; 
en  grattant  un  peu  à  l'ongle  ou  en  enlevant  un  fragment  d'épi- 
derme,  on  met  cette  couleur  en  évidence. 

Certains  champignons  ont  ce  qu'on  appelle  du  lait.  C'est  un  suc 
abondant  qui  coule  quand  on  coupe  le  champignon.  Ce  lait  est 
blanc  ou  coloré,  quelquefois,  blanc  d'abord,  il  prend  ensuite  une 
autre  teinte  et  devient  gris,  violacé,  jaune.  Ce  changement  de  colo- 
ration est  tantôt  rapide,  tantôt  assez  lent. 

Nous  parlons  de  ces  champignons  lactescents  à  propos  du  cha- 
peau, mais  disons  que  le  pied  et  les  lames  ont  également  du  lait 
quand  le  chapeau  en  possède,  et  qu'il  suffit  parfois  de  blesser  légère- 
ment les  lames  pour  en  voir  couler  le  lait.  Ce  lait  est  tantôt  doux, 
tantôt  piquant,  quelquefois  très  acre. 

La  chair  des  champignons  a,  chez  certaines  espèces,  une  odeur 
très  caractérisée.  Il  en  est  qui  ont  une  odeur  très  nette  de  farine 
fraîche  ;  d'autres  une  odeur  de  fruits  plus  ou  moins  nette  ;  d'autres 
ont  une  franche  odeur  d'anis. 

Le  goût  de  la  chair  est  parfois  également  bien  particulier.  Ce 
goût  est  facile  à  apprécier,  surtout  chez  les  espèces  lactescentes,  ou 
il  est,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  doux  ou  piquant.  Pour 
se  renseignera  cet  égard,  il  faut  goûter  un  petit  morceau  de  cham- 
pignon, ce  qui  n'a  aucun  inconvénient,  du  moins  pour  les  champi- 
gnons de  nos  pays,  car  nous  ne  voudrions  pas  émettre  à  l'égard  des 
champignons  exotiques  une  affirmation  dangereuse.   On  crache  le 

Bulletin  du  Jardin  colonial.  4 


50  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

petit  fragment  quand  on  a  constaté  le  goût  de  la  chair.  Mais  il  n'y  a 
pas  que  les  espèces  lactescentes  à  pouvoir  présenter  des  goûts  aussi 
caractérisés  :  le  genre  Russule,  par  exemple,  est  dans  le  même  cas. 

5°  Particularités    diverses.  Le    chapeau    peut    présenter  des 

aspects  bien  variés.  Ainsi  il  peut  être  entièrement  glabre  et  avoir  un 
aspect  soyeux,  luisant  ou  mat;  il  peut  aussi  être  écailleux.  Les 
écailles  provenant  de  l'épiderme  du  chapeau,  et  qu'il  ne  faut  pas 
confondre  avec  des  écailles  dont  l'origine  est  due  à  la  volve,  peuvent 
être  de  larges  plaques  détachées  à  leur  bord  de  la  surface  du  cha- 
peau, de  grosses  écailles  aplaties  ou  retroussées,  ou  quelquefois  des 
écailles  très  iines,  pointues. 

Dans  d'autres  cas,  le  chapeau  est  hérissé  de  poils  plus  ou  moins 
longs  ;  si  les  poils  sont  assez  longs  et  dressés,  il  est  dit  poilu;  s'ils 
sont  plus  courts,  on  ledit  plutôt  villeuxou  tomenteux.  Souvent  des 
poils  très  serrés  et  très  courts  lui  donnent  un  aspect  velouté.  Dans 
beaucoup  d'espèces,  la  peau  du  chapeau  se  fragmente  en  petites 
fibres  disposées  souvent  assez  régulièrement  du  centre  au  bord  du 
chapeau  que  l'on  qualifie  alors  de  fibrilleux.  Il  va  sans  dire  qu'entre 
tous  ces  cas  il  existe  des  intermédiaires  nombreux,  mais  il  est  bon 
d'avoir  des  mots  assez  précis  pour  indiquer  l'état  de  la  surface.  Le 
chapeau  est  quelquefois  pruineux,  c'est-à-dire  couvert  d  une  fine 
poussière  analogue  d'aspect  à  la  pruine  qui  recouvre  souvent  cer- 
tains fruits  bien  frais. 

A  un  autre  point  de  vue,  le  chapeau  peut  être  lisse  ou  strié.  Les 
stries  sont  généralement  radiales  ;  quelquefois  elles  vont  du  som- 
met au  bord,  et  si  le  chapeau  est  conique  et  que  les  stries  soient 
assez  profondes,  l'ensemble  présente  un  peu  l'aspect  d'un  parapluie 
demi-ouvert. 

Il  y  a  diverses  espèces  où  les  stries  n'existent  que  sur  le  bord  du 
chapeau.  Ce  caractère  n'existe  souvent  qu'à  un  certain  âge  du  cham- 
pignon, mais  il  mérite  cependant  d'être  mentionné,  car  certaines 
espèces  le  présentent  au  contraire  d'une  façon  assez  durable  et  con- 
stante. 

Beaucoup  d'espèces  ont  leur  chapeau  visqueux,  et  ceci  est  un 
caractère  important,  car  il  est  assez  constant  :  il  persiste  générale- 
ment toute  la  vie  du  champignon,  ou  s'il  disparaît  en  apparence 
quand  le  champignon  vieillit  et  que  le  temps  est  sec,  on  peut 
cependant  le  constater,  car,  par  exemple,  quand  un  champignon  a 


KÉCOLTE    DES    CHAMPIGNONS    DANS    LES    COLONIES  51 

été  visqueux,  le  doigt  mouillé  y  adhère  légèrement;  ou  encore  divers 
petits  objets,  tels  que  des  fragments  de  feuilles  qui  sont  tombés  sur 
le  chapeau  quand  il  était  bien  frais,  y  sont  restés  adhérents.  Dans 
d'autres  cas,  le  champignon  n'est  pas  visqueux,  mais  il  est  en  quelque 
sorte  humide  :  en  posant  le  doigt  dessus,  on  sent  une  certaine  sen- 
sation de  fraîcheur  et  d'humidité. 

Il  est  certains  chapeaux  qui  ont  un  caractère  assez  particulier  : 
quand  ils  sont  humides,  ils  prennent  une  teinte  brunâtre  ou  gri- 
sâtre un  peu  différente  de  leur  teinte  normale,  et  s'ils  deviennent  un 
peu  translucides  on  dit  que  le  chapeau  est  hygrophane.  Ce  carac- 
tère n'existe  parfois  que  sur  le  bord  des  chapeaux. 

Tels  sont  les  principaux  caractères  que  peut  présenter  un  chapeau 
de  champignon.  On  voit  qu'il  y  a  bien  des  observations  à  faire  avant 
de  plonger  les  individus  récoltés  dans  le  liquide  conservateur. 
L'énumération  qui  en  a  été  faite  montre,  sans  qu'il  soit  nécessaire 
d'insister,  que  beaucoup  de  ces  caractères  disparaissent  dans  l'alcool, 
et  que,  par  conséquent,  des  notes  descriptives  s'imposent. 

Mais  il  va  sans  dire  que  diverses  autres  observations  peuvent 
être  faites  à  tel  ou  tel  point  de  vue.  Plus  un  observateur  est  perspi- 
cace, plus  il  voit  de  choses  bonnes  à  noter  et  utiles  pour  les  déter- 
minations ou  les  descriptions  '. 

(.4  suivre.)  L.  Dufour, 

Directeur  adjoint  du  laboratoire 
de  biologie  végétale  de  Fontainebleau. 

1.  Nous  espérons  que  bon  nombre  de  nos  correspondants  voudront  bien  mettre  en 
pratique  ces  conseils  sur  la  récolte  des  champignons,  et  contribueront  ainsi  à  faire 
connaître  cette  partie  si  intéressante  et  encore  si  ignorée  de  la  flore  de  nos  Colonies. 
Tous  les  échantillons  envoyés  au  Jardin  colonial  dans  un  état  suffisant  et  accompagnés 
de  notes  complémentaires  indispensables  à  la  détermination  spécifique,  seront  soumis 
à  l'étude,  et  le  résultat  en  sera  communiqué  aux  intéressés  dans  le  plus  bref  délai. 


L'ÉLEVAGE     A     LA     NOUVELLE-CALÉDONIE 

[Suite.) 

AMÉLIORATION   DES    PATURAGES 

Ainsi  que  nous  le  disions  à  la  fin  du  chapitre  III,  l'une  des  condi- 
tions essentielles  de  l'amélioration  du  bétail  calédonien  c'est  le  relè- 
vement de  la  valeur  nutritive  des  pâturages.  Chacun  en  convient 
plus  ou  moins  en  Calédonie,  et  nous  trouvons  dans  le  Bulletin  de 
V Union  agricole  calédonienne  (20  décembre  1899,  p.  11)  :  <  L'abâ- 
tardissement des  races  n'a  pas  d'autres  causes  que  la  ruine  des 
pâturages,  par  la  disparition  des  plantes  nutritives,  et  leur  rempla- 
cement par  le  lantana,  le  niaouli  ouïes  graminées  de  basse  qualité. 
L'introduction  de  reproducteurs  de  choix  n'a  de  raison  d'être  que  si 
elle  est  précédée  d'une  sérieuse  modification  dans  les  conditions  de 
l'alimentation.   » 

Cette  modification  ne  pourra  s'opérer  que  si  l'on  se  décide  à  : 

1°  Détruire  les  mauvaises  herbes,  question  dont  nous  venons  de 
nous  occuper; 

2°  Multiplier  les  bonnes  espèces  que  nous  allons  maintenant  pas- 
ser en  revue  ; 

3°  Aménager  le  régime  des  eaux  pour  retirer  tout  le  bénéfice  pos- 
sible des  améliorations  entreprises. 

Herbe  du  Para  (Panicum  molle  S\v.,  P.  barhinode  Trin.,  P.  sar- 
mentosum  Rokb.,  Guadeloupense  Stend.  |.  — C'est  une  graminée  ori- 
ginaire du  Brésil,  vivace  par  ses  rhizomes  traçants.  Elle  fait  mer- 
veille dans  les  terrains  bas  et  humides,  où  elle  produit  une  quantité 
considérable  de  fourrage  excellent  pour  les  vaches  laitières  et  pour 
les  chevaux  qui  reçoivent  un  supplément  de  ration  de  grains. 

Cependant  par  suite  des  terrains  particuliers  qu'elle  exige,  cette 
plante  n'aura  jamais  qu'une  importance  limitée,  de  plus  les  saute- 
relles semblent  l'affectionner  d'une  façon  toute  particulière.  Elle 
pourrait  rendre  des  services  dans  les  marais,  où  elle  remplacerait 
avantageusement  les  joncs  et  les  carex,  s'il  n'y  avait  k  craindre 
l'embourbement  du  bétail  attiré  par  cette  nourriture  appétissante. 

Herbe   de   Guinée    (Panicum  altissimum  Jacq.,   P.  jumentorum 

Pers.).  —  Contrairement  à  la  précédente,  qui  se  reproduit  surtout 


L'ÉLEVAGE    A    LA    iNOLVELLE-CALÉBOME 


53 


par  segmentation  de  ses  rhizomes,  l'herbe  de  Guinée  se  multiplie 
assez  facilement  par  ses  graines.  On  peut  aussi  néanmoins  la 
répandre  au  moyen  de  ses  rhizomes.  Elle  a  l'avantage  de  se  con- 
tenter de  terrains  moins  frais  que  l'herbe  du  Para.  Malheureuse- 
ment, elle  ne  résiste  pas  à  la  sécheresse  et  craint  beaucoup  les  sau- 
terelles. C'est  surtout  un  excellent  fourrage  pour  les  chevaux. 

Voici,  à  titre  de  renseignement,  la  composition  de  ces  deux  four- 
rages, d'après  M.  Bonâme. 


X 



C8 

O 

Ça 

C 
u 

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U   v 

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U 

O 

c  !" 

«  "C 

13  "S 

Herbe  du  Para 

Plante  entière                 1°. .  .  . 

73.18 

11.14 

2  22 

1.96 

10.39 

0.49 

5.55 

2°.  . 

78     » 

7.11 

1 .  99 

0.90 

11.56 

0.44 

13.5 

Partie  infre  de  la  plante. . . . 

67.20 

12.30 

1.50 

0.75 

17.92 

0.33 

24.35 

Partie  sup"  de  la  plante.  . . . 

78.87 

7.49 

1.86 

1.53 

9.60 

0.65 

6.70 

Herbe  de  Guinée 

1° 

72.30 

11.23 

2.86 

2.49 

10.42 

0.60 

4.4 

Ou 

78.46 

8.04 

1.95 

1.67 

9.88 

» 

I> 

74     » 

10.84 

2.20 

1.15 

11.38 

0  43 

10.2 

Avant  la  floraison 

82.1 

7.38 

1.64 

1  .30 

7.14 

0.44 

5.8 

Herbe  de  Greslan.  —  Ainsi  nommée  parce  qu'elle  a  été  intro- 
duite de  Bourbon  par  M.  de  Greslan.  Dans  les  années  ordinaires, 
elle  pousse  admirablement.  Mais  elle  a  l'inconvénient  de  demander 
des  terres  fertiles,  et  de  ne  donner  un  bon  fourrage  que  pendant 
une  très  courte  période.  Dès  que  les  fleurs  sont  fanées,  vers  les  mois 
d'avril  ou  de  mai,  la  plante  durcit  assez  rapidement,  mûrit  ses 
graines,  et  sa  végétation  paraît  suspendue  jusqu  à  l'année  sui- 
vante. Elle  est  surtout  précieuse  à  cause  de  sa  grande  précocité. 

Buffalo  gras  (Stenotaphrum  americanum  Schrk.,  S.  glabrum 
Trin.  .  —  Cette  plante,  originaire  d'Amérique  et  désignée  encore 
sous  le  nom  de  Gros  Chiendent,  forme  rapidement  sur  le  sol  un 
gazon  épais  et  feutré.  Elle  vient  dans  les  terres  les  plus  pauvres  de 
nature  sablonneuse  ou  pierreuse.  Elle  peut  rapidement  recouvrir  des 
roches  unies  d'un  riche  et  appétissant  fourrage,  pourvu  qu'elle 
puisse  ça  et  là  atteindre  une  crevasse,  dans  laquelle  elle  implante 
ses  racines. 


5i  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Elle  se  reproduit  uniquement  par  ses  rhizomes  traçants,  résiste 
bien  à  la  sécheresse,  mais  craint  énormément  les  sauterelles. 

Tricholene  (Tricholena  Rosea).  —  Cette  graminée,  désignée  par 
les  Anglais  sous  le  nom  de  red  sop  grass,  constitue  un  excellent 
fourrage  de  plus  de  un  mètre  de  hauteur,  quand  il  n'est  pas  pâturé. 
Ses  graines  très  nombreuses  sont  très  fertiles,  et  les  jeunes  semis 
ne  sont  pas  facilement  étouffés  par  les  autres  plantes,  ce  qui  est  un 
avantage  à  considérer.  La  tricholene  supporte  bien  la  sécheresse, 
mais  sa  végétation  s'arrête  pendant  les  mois  d'hiver. 

Teosinte  (Euchloena  luxurians  Dr.  et  Aschs.,  Reana  luxurians 
Dr.j.  —  Cette  graminée,  originaire  du  Guatemala,  est  très  robuste, 
à  chaumes  nombreux,  de  2  à  3  mètres.  Ses  feuilles  très  abondantes 
et  larges  lui  donnent  l'aspect  du  maïs,  mais  à  entrenœuds  plus 
allongés. 

Dans  un  terrain  fertile  elle  donne  un  fourrage  très  abondant,  et 
ne  se  développe  bien  que  sous  un  climat  chaud.  Il  serait  peut-être 
avantageux  de  l'exploiter  à  la  façon  du  maïs  fourrage. 

Paspalum  dilatatum.  —  Cette  graminée  constitue  un  excellent 
fourrage  d'hiver,  et  pendant  cette  saison  elle  pousse  avec  exhubé- 
rance  sous  les  climats  tropicaux  des  régions  australes. 

Elle  supporte  aussi  bien  les  atmosphères  chaudes  et  sèches.  Ses 
graines  sont  très  abondantes  et  très  fertiles,  ce  qui  facilite  et  assure 
sa  multiplication.  Mais  comme  elles  sont  très  légères,  il  faudra 
opérer  très  soigneusement,  lorsqu'on  voudra  effectuer  un  semis. 

Toutes  les  plantes  qui  précèdent  sont  assurément  d'excellents 
fourrages,  se  recommandant  plus  ou  moins,  suivant  les  situations 
et  le  but  poursuivi.  Mais  toutes  ont  le  défaut  d'être  un  aliment  de 
prédilection  pour  les  sauterelles.  Nous  ne  voulons  certes  pas,  à  cause 
de  cette  circonstance  malheureuse,  les  proscrire  absolument  des 
pâturages  comme  l'ont  voulu  certaines  personnes  ',  mais  il  faudra, 
chaque  fois  que  la  chose  sera  possible,  donner  la  préférence  à  des 
fourrages  délaissés  par  ces  insectes.  De  ce  nombre  sont  les  plantes 
qui  vont  suivre. 

1.  On  a  remarqué  ici  (en  Galédonie)  que  les  sauterelles  s'attaquent  plus  particulière- 
ment aux  céréales  et  aux  graminées,  par  contre  j'ai  observé  qu'elles  sont  dédaigneuses 
des  légumineuses.  Si,  tenant  compte  de  cette  préférence,  des  légumineuses  étaient 
substituées  par  tout  le  monde  aux  graminées,  tout  au  moins,  les  sauterelles  ne  trou- 
vant plus  la  nourriture  qui  leur  convient  devraient  disparaître  rapidement.  M.  P. 
Reverchon,  in  Bulletin  de  l'Union  agricole  calédonienne,  28  mars  1900,  p.  3. 


L'ÉLEVAGE    A    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE  5*i 

Sensitive  (Mimosa  pudica  L.).  —  La  sensitive  compte  certaine- 
ment parmi  les  meilleures  des  plantes  essayées  jusqu'à  ce  jour. 
Elle  fait  ses  preuves  en  Nouvelle-Calédonie,  et  depuis  déjà  plusieurs 
années,  quelques  éleveurs  en  sèment  d'assez  grandes  quantités. 
Elle  supporte  assez  bien  la  sécheresse,  et  donne  toute  l'année  un 
fourrage  substantiel  et  abondant.  Placée  dans  ces  conditions,  elle 
se  propage  naturellement  avec  rapidité.  On  lui  reproche  de  ne  pas 
être  consommée  facilement  par  le  bétail  qui  en  est  détourné  par  les 
petits  piquants  que  portent  ses  tiges  adultes.  Néanmoins  ce  n'est 
pas  là  une  raison  qui  puisse  la  faire  abandonner.  Si  les  animaux 
sont  longs  à  s'habituer  à  ce  pâturage,  ils  s'en  accommodent  fort 
bien  quand  ils  y  ont  goûté.  De  plus,  le  bétail  nourri  à  la  sensitive 
est  toujours  mieux  portant,  plus  robuste,  plus  fort  que  celui  nourri 
avec  des  graminées  à  grand  rendement.  Gela  se  conçoit  aisément, 
la  plante  étant  plus  riche  en  éléments  nutritifs. 

Enfin,  à  toutes  ses  qualités  remarquables,  elle  joint  encore  celle 
plus  précieuse  de  ne  pas  être  touchée  par  les  sauterelles. 

Ses  graines  très  abondantes  sembleraient  assurer  une  dissémina- 
tion rapide.  Cependant  il  faut  remarquer  à  ce  sujet  que  dans  les 
semis  naturels,  les  graines  qui  germent  le  mieux  sont  celles  qui 
sont  passées  par  le  tube  digestif  des  animaux.  Peut-être  est-ce  parce 
qu'elles  y  ont  éprouvé  plus  ou  moins  l'action  des  sucs  digestifs  à 
une  température  peu  élevée,  il  est  vrai,  mais  prolongée. 

Dans  les  semis  artificiels,  au  contraire,  la  germination  est  très 
irrégulière,  si  l'on  ne  prend  pas  la  précaution  de  tremper  les  graines 
pendant  une  demi-heure  environ  dans  de  l'eau  à  70°.  Après  cette 
opération,  la  sensitive  germe  en  quelques  jours  et  acquiert  assez 
rapidement  une  vigueur  suffisante  pour  lutter  contre  les  herbes  voi- 
sines. 

Le  semis  ne  demande  qu'une  préparation  très  sommaire  du  sol. 
Le  plus  simple  est  de  la  propager  par  touffes  isolées,  en  profitant 
de  l'arrachage  des  mauvaises  herbes.  L'ameublissement  forcé  du 
sol  à  la  place  de  la  plante  enlevée  suffit  à  la  sensitive,  dont  on 
recouvrira  la  graine  d'un  ou  deux  centimètres  de  terre. 

Quand  elle  peut  trouver  un  support,  cette  plante  s'élève  jusqu'à 
lm  50  et  2  mètres.  C'est  alors  qu'elle  donne  le  maximum  de  rende- 
ment. Mais  les  plantes  fourragères  suffisamment  vivaces  et  rigides 
sont  assez  difficiles  à  trouver,  de  sorte  que  c'est  là  une  perfection 
sur  laquelle  il  ne  faut  pas  trop  compter.  D'ailleurs  il  n'y  a  aucun 


56  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

intérêt  bien  grand  à  l'obtenir,  le  pâturage  gagnerait  en  production, 
mais  la  garde  et  la  poursuite  du  bétail  deviendraient  très  difficiles. 

Sensitive  de  Montravel  (Desmanthus  virgatus  W.).  —  Cette 
mimosée  a  été  trouvée  spontanément,  il  y  a  quelques  années,  aux 
environs  du  camp  pénitencier  de  Montravel,  près  de  Nouméa. 

Ses  fleurs  extrêmement  nombreuses,  en  petits  glomérules  jaunes, 
sont  très  fertiles.  Ses  fruits,  réunis  par  groupes  de  3  à  6,  sont  des 
gousses  de  7  à  8  centimètres  de  long,  de  2  à  3  millimètres  de  large, 
aplaties,  déhiscentes,  et  renfermant  de  petites  graines  noirâtres, 
ovoïdes,  comprimées. 

Par  ses  tiges  érigées  ne  devenant  que  lentement  ligneuses,  ses 
feuilles  petites  et  très  abondantes,  le  Desmanthus  constitue  un 
excellent  fourrage.  Nous  avons  essayé  des  semis  de  cette  plante  au 
commencement  de  1899,  la  levée  a  été  parfaite,  et  en  quelques  jours 
le  sol  était  absolument  recouvert.  Une  planche  abandonnée  au 
bétail  et  pâturée  à  peu  près  tous  les  jours  a  fort  bien  résisté,  mal- 
gré la  sécheresse  de  1899-1900,  et  malgré  sa  récente  création.  Une 
deuxième  planche,  destinée  à  fournir  de  la  graine,  a  donné  dès  les 
six  premiers  mois  des  tiges  de  près  de  deux  mètres  de  haut,  tendres 
et  couvertes  de  fleurs.  Après  la  récolte  des  graines,  en  novembre 
1899,  la  plante  a  été  fauchée  au  ras  du  sol.  Trois  semaines  plus 
tard,  de  jeunes  pousses  repartaient  vigoureusement  et  annonçaient 
une  récolte  nouvelle  abondante.  Cette  promesse  a  été  tenue,  car  en 
février  1900,  les  tiges  avaient  déjà  près  de  1  mètre. 

Il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  comme  les  autres  légumineuses  le 
Desmanthus  bénéficiera  dune  immunité  à  peu  près  parfaite  vis-à-vis 
des  sauterelles.  Il  faudra  dès  lors  le  placer  même  avant  la  vraie  sen- 
sitive comme  fourrage. 

Il  exige  en  effet  des  sols  moins  fertiles,  et  à  cause  de  ses  tiges  éri- 
gées   il   permet    d'espérer   une    plus    forte    production   fourragère. 

Enfin  les  animaux  le  consomment  avidement,  de  préférence  à  toute 
autre  plante. 

Nous  ne  citerons  que  pour  mémoire  : 

1°  Le  cactus  inerme,  très  cultivé  en  Algérie  et  en  Tunisie,  intro- 
duit à  Madagascar,  et  qui  n'a  été  l'objet  d'aucune  tentative  en  Calé- 
donie; 

2°  Le  sait  bush  des  Anglais  ou  Atriplex  nummularia,  dont  les 
essais  n'ont  pas  donné  de  bien  bons  résultats. 


L'ÉLEVAGE    A    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE  57 

Comme  on  le  voit,  ce  ne  sont  pas  les  bonnes  espèces  qui 
manquent  à  l'éleveur  pour  constituer  ses  pâturages. 

Dans  les  terres  légères  et  fertiles  des  plaines,  il  pourra  dévelop- 
per : 

Le  Paspalum,  la  Tricholène,  la  Sensitive,  l'herbe  de  Greslan. 

Cette  dernière,  la  plus  précoce,  donnera  immédiatement  après 
les  pluies  un  fourrage  abondant,  qui  permettra  au  bétail  d  attendre 
la  pousse  des  autres  graminées.  La  sensitive  fournira  un  excellent 
appoint  pour  l'engraissement  déiinitif,  ou  bien  pour  parer  aux  effets 
désastreux  de  la  sécheresse  ou  des  sauterelles.  Sur  les  mamelons 
nus,  secs  et  arides,  conserver  l'herbe  à  piquants,  la  folle  avoine,  et 
muliplier  les  Desmanthus,  le  Buffalo  grass. 

Dans  les  pâturages  de  montagnes,  on  pourrait  semer  toutes  les 
plantes  dont  nous  avons  parlé  ;  on  se  contentera  bien  entendu  des 
meilleures  et  des  plus  vivaces.  Il  faudra  en  effet  se  souvenir  que  les 
pâturages  de  montagnes  résistent  moins  bien  au  paccage  que  ceux 
de  plaine.  Par  contre,  ils  sont  excellents  pour  l'engrais  ou  pour  la 
belle  venue  des  bêtes  jeunes.  Il  faudra  les  charger  un  peu  moins  en 
bétail  que  les  pâturages  des  plaines,  si  on  ne  veut  pas  les  ruiner 
rapidement. 

AMÉNAGEMENT    DES   EAUX 

Admettons  que  l'éleveur  se  soit  enfin  décidé  à  transformer  ses 
pâturages  et  à  planter  de  bonnes  espèces.  Il  lui  faut  maintenant 
prendre  les  mesures  nécessaires  pour  s'assurer  le  bénéfice  de  ses 
améliorations  et  les  rendre  aussi  efficaces  que  possible  ;  il  n'y  par- 
viendra que  s'il  se  résout  à  aménager  le  régime  des  eaux,  à  irriguer 
la  plus  grande  surface  possible. 

A  ce  sujet,  une  chose  qui  frappe  le  voyageur  parcourant  la  Nou- 
velle-Calédonie, c'est  la  disposition  des  anciennes  cultures  canaques. 
Les  indigènes  pour  leurs  plantations  d'ignames  et  de  taros  dispo- 
saient le  terrain  en  ados,  rectilignes  dans  les  parties  basses  et 
plates,  semi-circulaires  sur  les  flancs  des  coteaux  ou  dans  les 
vallées  à  pente  un  peu  rapide.  Pour  arroser  ces  plantations,  ils  cap- 
taient l'eau  des  sources,  recueillaient  l'eau  des  pluies  au  sommet  et 
la  faisaient  arriver  dans  des  rigoles  superposées.  Parfois  l'eau  était 
conduite  fort  loin  de  son  lieu  de  captation,  par  des  canaux  à  faible 
pente,  généralement  à  ciel  ouvert.  Us  arrivaient  ainsi  à  irriguer  des 


58  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

plantations  dans  des  endroits  très  élevés,  et  on  est  surpris  à  bon 
droit  de  la  sûreté  de  coup  d'œil  et  de  la  précision  qui  ont  présidé  au 
tracé  de  ces  conduites  d'eau. 

Ces  rigoles  existent  encore  un  peu  partout,  endommagées  il  est 
vrai,  mais  parfaitement  réparables.  Le  plus  difficile  est  fait 
puisque  le  tracé  peut  facilement  se  retrouver.  Il  ne  s'agit  pas  de 
créer,  de  toutes  pièces,  un  système  d'irrigation,  il  suffit  seulement 
de  remettre  en  état  une  organisation  parfaitement  établie.  On  trou- 
verait facilement,  chez  les  Canaques,  la  main-d'œuvre  nécessaire, 
de  sorte  que  ces  travaux  pourraient  être  vite  exécutés  pour  un  prix 
relativement  peu  élevé.  Grâce  au  rétablissement  de  ces  conduites 
d'eau,  une  bonne  moitié  des  pâturages  pourrait  être  irriguée. 

Il  est  inutile  d'insister  sur  les  avantages  que  procurerait  une  sem- 
blable amélioration,  et  on  est  en  droit  de  trouver  étrange  qu'elle  ne 
soit  pas  encore  réalisée.  La  faute  en  est  paraît-il  aux  sauterelles. 
Les  propriétaires  ne  se  soucient  de  faire  pousser  de  l'herbe  pour 
ces  insectes,  et  c'est  pourquoi  ils  n'en  font  pas  pousser  pour  leur 
bétail. 

Nous  allons  voir  si  ces  sauterelles  sont  aussi  coupables  qu'on  veut 
bien  le  dire. 

CHAPITRE     VII 
Sauterelles. 

A  plusieurs  reprises,  l'Administration  de  la  colonie,  préoccupée 
des  ravages  considérables  causés  par  les  sauterelles  dans  les  cultures 
aussi  bien  que  dans  les  pâturages,  a  essayé  d'enrayer  le  mal.  En 
1896,  notamment,  M.  A.  Escande,  propriétaire  éleveur,  alors  con- 
seiller général,  présenta  sur  ce  sujet  un  rapport  fort  documenté 
dont  nous  allons  reproduire  un  extrait  : 

<*  Les  sauterelles,  y  est-il  dit.  pondent  une  fois,  peut-être  deux, 
pendant  le  cours  de  la  saison  chaude,  et  meurent  après  avoir 
donné  naissance  à  une  génération  qui,  ayant  à  lutter  contre  le 
froid  et  toutes  les  intempéries  de  la  mauvaise  saison,  se  trouvera  de 
beaucoup  réduite.  Cela  est  si  sensible,  qu'elles  semblent  dispa- 
raître depuis  le  mois  de  juin  jusqu'au  mois  de  septembre. 

«  A  cette  époque,  les  volées  immenses  qui  couvraient  des  kilo- 
mètres quelques  mois  avant,  ne  sont  plus  que  de  petites  «  colo- 
nées  »  très   divisées  qu'il  est   possible  de  surveiller  sur    de    petits 


l'élevage  a  la  nouvelle-calédome  59 

espaces.   Il  faudrait   dès  lors  préparer  la    destruction    générale   qu 
demandera   peu    de   temps,     si   elle    est    opérée    avec    méthode    et 
simultanéité.    De    cette    dernière    condition    dépendra   beaucoup  la 
réussite.  » 

J'ai  dit  qu'en  septembre  les  sauterelles  ne  forment  plus  que 
quelques  colonées  affaiblies,  destinées  à  disparaître  après  la  ponte  ; 
cette  ponte  a  lieu  ordinairement  sur  les  terres  les  plus  dénudées,  où 
l'action  directe  du  soleil  favorisera  l'éclosion.  Les  œufs  forment  une 
grappe,  qui,  après  11)  à  20  jours  d'incubation,  produit  de  80  à 
120  petits.  D'abord  blancs  et  de  la  grosseur  d'une  fourmi  ils 
deviennent  au  second  jour  absolument  noirs  et  trois  fois  plus  gros. 

Pendant  cette  période,  les  petits  insectes  se  réunissent  vers  quatre 
heures  du  soir  et  jusqu'à  sept  heures  du  matin  en  un  groupe  com- 
pacte, olfrant  sur  le  sol  l'apparence  d'une  large  tache  noire  de 
forme  ronde,  dont  le  diamètre  varie  de  1  mètre  à  20  mètres,  jamais 
plus. 

Après  que  le  soleil  a  séché  la.  rosée  matinale,  la  tache  semble  se 
dilater  en  tous  sens,  décuplant  de  surface  et  se  déplaçant  sur  un 
parcours  journalier  qui  n'est  pas  supérieur  à  200  ou  300  mètres. 

Le  soir,  nouvelle  réunion  en  groupe  serré,  et  toujours  sur  un 
lieu  dénudé,  ce  qui  le  rend  visible  à  une  assez  grande  distance, 
l'herbe  comme  brûlée  sur  le  parcours  est  encore  une  indication 
utile  à  la  recherche. 

Cet  état  de  choses  dure  7  à  8  jours,  et  l'on  comprend  qu'un  petit 
nombre  d'hommes  puisse  alors  détruire  facilement  les  sauterelles 
pendant  les  heures  de  groupement. 

On  comprendra  toute  l'importance  de  la  destruction  pendant 
cette  période  de  huit  jours,  lorsqu'on  saura  qu'une  tache  qui  avait 
10  mètres  de  diamètre  au  troisième  jour,  en  aura  au  moins  30  au 
huitième  et  1 00  au  quinzième,  pour  donner  deux  mois  plus  tard  un 
volume  brassant  plus  d'un  kilomètre  carré. 

Du  huitième  au  onzième  jour,  par  conséquent  finit  la  période  où 
la  destruction  est  certaine  et  facile  avec  peu  de  monde. 

La  sauterelle  de  la  grosseur  d'une  mouche  a  déjà  mis  une  bor- 
dure jaune  à  sa  robe  noire,  ses  pattes  postérieures  forment  déjà  res- 
sort, lui  permettant  un  parcours  de  plus  d'un  kilomètre  par  jour.  Le 
groupement  du  soir,  qui  offrait  l'aspect  d'une  tache  arrondie  et 
noire,  devient  une  tache  brune  de  plus  en  plus  irrégulière,  et  dont 
1  étendue  doublera    presque    chaque   jour,    jusqu'à   la    pousse    des 


60  ÉTL'DES    ET    MÉMOIRES 

ailes.  Le  groupement  est  moins  serré,  les  insectes  grimpant  sur  les 
rochers  et  les  broussailles,  où  il  devient  difficile  de  les  atteindre 
avec  le  feu,  et  impossible  de  les  détruire  à  coups  de  branches. 
Cependant  le  piège  cypriote  et  les  fossés  algériens  peuvent  huit 
jours  encore  donner  de  bons  résultats. 

Au  lieu  d'attaquer  les  acridiens  pendant  le  groupement,  il  faut  au 
contraire  attendre  qu'ils  se  soient  mis  en  marche,  sous  la  forme 
d  une  colonne  longue  et  serrée,  qui  suit  toujours  une  direction  à  peu 
près  constante.  Il  s'agit  de  placer  les  pièges  et  les  fossés  en  avant 
de  la  ligne  suivie  par  les  sauterelles,  de  façon  à  les  y  amonceler  et  à 
les  détruire  en  tas. 

Après  le  quinzième  jour,  l'insecte  est  de  la  grosseur  d'un  gril- 
lon, sa  couleur  est  jaune.  Il  occupe  une  très  grande  surface  de  ter- 
rain, et  sa  vitalité,  son  agilité  lui  permettent  de  défier  tout  moyen 
de  destruction  en  masse.  La  quantité  qu'on  pourrait  alors  détruire 
ne  serait  qu'une  faible  proportion,  et  ne  compenserait  pas  les 
dépenses  occasionnées.  Il  n'y  a  plus  alors  qu'à  attendre  une  nou- 
velle génération. 

Il  ressort  de  ces  observations  que  la  chasse  n'est  profitable  que 
pendant  les  12  à  15  jours  qui  suivent  les  éclosions,  qu'elle  est  sur- 
tout avantageuse  après  les  premières  éclosions  qui  suivent  la  sai- 
son froide,  c'est-à-dire  de  septembre  à  novembre. 

Les  sommes  considérables  employées  sans  succès  viennent 
beaucoup  de  ce  qu'on  n'a  pas  tenu  compte  de  ces  deux  points 
importants. 

Mode  d'opérer.  —  L'opération  doit  se  faire  pendant  le  groupe- 
ment de  la  tache,  le  matin  depuis  le  petit  jour,  jusqu'à  huit  heures, 
jamais  plus  tard. 

Dès  que  les  sauterelles  se  sont  séparées  pour  manger,  elles 
prennent  trop  d'espace.  De  huit  heures  à  quatre  heures  du  soir,  les 
hommes  doivent  employer  leur  temps  à  préparer  des  herbes  sèches, 
des  feuilles  de  bois  de  fer,  de  l'écorce  de  niaouli,  et  attendre  que  les 
sauterelles  se  soient  à  nouveau  bien  groupées  en  un  tas  formant  la 
tache  noire. 

«  Se  bien  garder  de  les  poursuivre  et  de  les  tourmenter,  pendant 
le  jour.  Quand  le  groupement  du  soir  est  bien  formé,  c'est-à-dire 
une  heure  environ  avant  la  nuit,  on  entoure  la  tache  de  combus- 
tible. On  en  forme  un'bon  tas  circulaire  auquel  on  met  le  feu  par- 


L'ÉLEVAGE  A  LA  NOUVELLE-CALÉDONIE  01 

tout  à  la  fois,  et  les  hommes  armés  de  perches  poussent  vers  le 
centre  le  combustible  enflammé,  de  manière  à  rétrécir  de  plus  en 
plus  le  cercle  et  à  ne  former  finalement  qu'un  foyer  central  où  tout 
est  détruit.  Avoir  quelques  branches  de  feuillage  pour  frapper  et 
écraser  les  fuyards.  Ce  qui  a  pu  échapper  se  reformera  le  lende- 
main en  une  nouvelle  tache  sur  laquelle  on  opérera  de  même. 

Quand  on  manquera  totalement  de  combustible,  on  fera  à  30  ou 
40  mètres  de  la  tache  un  fossé  de  0  m  60  de  profondeur,  de  0  m  50 
de  large  et  d'une  longueur  supérieure  de  2  à  3  mètres  de  diamètre 
de  la  tache  formant  talus.  Ce  travail  fait,  les  hommes,  armés  de 
branches  garnies  de  feuilles  comme  un  fort  balai,  doivent  balayer 
les  insectes  dans  la  direction  du  fossé,  où  ils  les  empêchent  de 
remonter  sur  l'autre  bord.  Quand  tout  est  dans  le  fossé,  on  recouvre 
avec  la  terre  formant  talus  et  on  écrase  à  coups  de  branches  les 
égarées » 

Tel  est,  dans  ses  grandes  lignes,  le  rapport  présenté  en  1896  par 
M.  Escaude  au  Conseil  général  de  la  colonie,  qui  s'empressa  de 
voter  une  somme  de  20.000  francs  spécialement  affectée  à  la  des- 
truction des  sauterelles. 

Le  Gouverneur,  pour  réglementer  l'emploi  de  cette  somme,  prit 
un  arrêté  (8  mai  1896)  dont  voici  les  principales  dispositions  : 

Article  lor.  —  Le  territoire  de  la  Nouvelle-Calédonie  sera, 
suivant  les  besoins,  divisé  en  zones  d'action  pour  la  destruction  des 
sauterelles.  Ces  zones  seront  d'autant  plus  petites  que  la  population 
y  sera  moins  dense  et  la  surveillance  plus  difficile,  autant  que  pos- 
sible leur  étendue  ne  devra  pas  excéder  25  kilomètres,  sauf  à 
proximité  des  centres  habités  et  des  tribus  indigènes. 

Art.  2.  —  Chaque  zone  sera  placée  sous  la  direction  d'un 
chef  d'action  nommé  par  l'Administration.  Ce  chef  sera,  suivant  le 
cas,  un  colon  ou  un  fonctionnaire.  Il  pourra  être  secondé  par  des 
chefs  de  section  qui  seront,  autant  que  possible,  les  chefs  de  sta- 
tions comprises  dans  la  zone. 

Art.  3.  —  Dès  que  l'apparition  des  sauterelles  lui  sera  signa- 
lée, le  chef  d'action  en  donnera  avis  à  la  population  de  la  zone. 
Dans  les  zones  qui  comprennent  des  tribus  indigènes,  il  demandera 
à  la  gendarmerie  de  réquisitionner  les  Canaques  en  n'en  prenant 
que  le  nombre  strictement  nécessaire,  suivant  l'importance  des  éclo- 
sions  signalées.  Si  besoin  est,  le  chef  de  zone  fera  appel  à  toutes 
les  bonnes  volontés. 


€2  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Art.  i.  —  Le  chef  de  zone  organisera  la  chasse,  il  fraction- 
nera, suivant  les  besoins,  les  forces  mises  en  mouvement  et  dési- 
gnera les  chefs  de  section. 

Il  avisera  par  voie  télégraphique  la  Direction  de  l'Intérieur,  l'Ad- 
ministrateur et  la  Gendarmerie  la  plus  voisine  de  l'apparition  des 
sauterelles.  Il  assurera  le  service  des  vivres  du  campement,  enfin 
prendra  toutes  mesures  utiles. 

Dans  chaque  zone,  le  chef  d'action  rendra  compte  par  télé- 
gramme à  l'Administration  et  à  la  Direction  de  l'Intérieur,  des  ren- 
seignements qu'il  aura  recueillis  et  des  résultats  obtenus. 

Art.  5.  —  Pendant  la  chasse  : 

Les  indigènes  auront  droit  aux  vivres,  plus  0  fr.  50  par  jour. 
Les  Européens  1  fr. 

Les  chefs  de  section  2  fr. 

Les  chefs  de  zone  o  fr. 

Art.  6.  —  Celui  qui  signalera  une  première  éclosion  dans  une 
zone  aura  droit  à  une  prime  de  10  francs,  les  éclosions  suivantes 
dans  la  même  zone  et  à  une  distance  de  plus  de  1  kilomètre  donne- 
ront droit  à  une  prime  de  2  francs. 

Les  piétonnes  devront  être  encore  dans  la  période  où  leur  couleur 
est  noire  ;  si  elles  ont  acquis  la  couleur  jaune,  la  prime  ne  sera  pas 
allouée. 

Viennent  ensuite  des  articles  indiquant  le  mode  de  paiement  et 
la  délimitation  des  diverses  zones  d'action. 

Comme  on  le  voit,  les  dispositions  étaient  fort  bien  prises  et  il 
semblerait  qu'elles  eussent  dû  produire  d'excellents  résultats. 

Malheureusement,  cette  organisation  présentait  encore  deux 
défauts   : 

1°  Le  crédit  voté  par  le  Conseil  général  était  insuffisant  pour  une 
action  d'ensemble.  Cependant  ce  n'était  pas  là  une  difficulté  insur- 
montable, car  il  aurait  été  possible  de  l'augmenter  à  la  session  sui- 
vante, si  un  premier  essai  avait  donné  de  bons  résultats. 

2°  Le  défaut  le  plus  sérieux  de  cette  organisation,  c'est  que  l'on 
comptait  trop  sur  la  bonne  volonté  de  chacun.  Ceci  semble  para- 
doxal et  il  paraîtrait  logique  au  contraire  que  devant  un  fléau  sem- 
blable, menaçant  tout  le  monde,  chacun  prit  à  cœur  d'apporter  son 
concours  à  la  cause  commune.  Les  bonnes  volontés en  paroles, 


L'ÉLEVAGE    A    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE  63 

ne  manquaient  certes  pas.  Chacun  reconnaissait  sans  peine  l'ur- 
gence d'une  campagne  énergique  contre,  les  sauterelles.  Mais  beau- 
coup trop  se  contentèrent  de  compter  sur  le  bon  vouloir  de  leurs 
voisines  lorsqu'il  fallut  passer  des  paroles  aux  actes.  Il  en  résulta 
que  sur  les  20.000  francs  votés  par  le  Conseil  général,  4.000  à 
5.000  à  peine  furent  dépensés.  Ceux  qui,  prenant  la  chose  ausérieux, 
travaillèrent  consciencieusement  dans  la  zone  réussirent  à  dimi- 
nuer beaucoup  le  nombre  des  sauterelles,  et  pendant  les  deux  ou 
trois  années  suivantes  les  invasions  furent  bien  moins  désastreuses. 
Mais  dans  les  zones  voisines  on  avait  rien  fait,  et  tout  le  travail  de 
ceux  qui  étaient  doués  d'une  vraie  bonne  volonté  fut  entrepris  en 
pure  perte. 

Depuis  1896  rien  n'avait  été  tenté  à  nouveau  contre  le  fléau.  Cepen- 
dant vers  la  fin  de  1899  quelques  personnes,  justement  effrayées 
de  la  multitude  des  sauterelles  qui  s'étaient  montrées  cette  année- 
là  dans  la  colonie,  ont  demandé  des  mesures  énergiques.  L'Adminis- 
tration rappela  l'arrêté  de  1896  en  modifiant  quelques  questions  de 
détail. 

Cette  fois  les  bonnes  volontés  efficaces  ont  été  plus  nombreuses 
que  lors  de  la  première  tentative,  et  le  crédit  voté  par  le  Conseil 
général  s'est  trouvé  rapidement  épuisé.  Aussi  les  résultats  obtenus 
ont  été  plus  complets.  Il  ne  faut  pas  d'ailleurs  se  contenter  de  faire 
cette  chasse  une  année  seulement,  il  faut  agir  surtout  par  des 
mesure  d'ensemble  répétées  sur  plusieurs  générations.  On  n'arri- 
vera pas  certainement  à  en  débarrasser  la  colonie  d'une  manière 
absolue,  mais  on  parviendra  à  atténuer  le  mal  d'une  manière  bien 
suffisante.  Il  n'y  aura  plus  alors  qu'à  veiller  pour  empêcher  une 
nouvelle  multiplication  trop  intense  des  sauterelles. 

Ce  serait  le  moment  de  dire  quelques  mots  de  la  destruction  des 
sauterelles  par  les  champignons  parasites,  question  toute  d'actua- 
lité. Malheureusement,  nous  n'avons  pu  sur  ce  sujet  nous  procurer 
que  de  très  vagues  renseignements  que  nous  transcrivons  in  Revue 
des  cultures  Coloniales,  n°  45,  p.  63. 

«  Le  locust  jungus  du  laboratoire  bactériologique  de  Grahams- 
towm  a  été  cette  année  (1899)  essayé  contre  des  criquets  par  des 
agents  du  gouvernement  allemand,  à  Dar  es  Salam  et  au  Kilimand- 
jaro, dans  le  premier  cas  il  y  eut  échec,  dans  le  deuxième  cas  au 
contraire  un  merveilleux  succès.  Il  a  été  décidé  de  multiplier  les 
expériences,  et  à  cet  effet  100  tubes  de  cultures  pures  de  ce  champi- 


64  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

gnon  destructeur  ont  été  demandés  au  laboratoire  de  Grahamstown. 

D'autre  part,  dans  le  Bulletin  n°  53  (janvier  1901)  de  l'Union 
Agricole  calédonienne,  nous  trouvons  les  renseignements  suivants 
extraits  du  Bulletin  hebdomadaire  du  service  des  renseignements 
généraux  de  l'Algérie. 

La  colonie  du  Gap,  de  même  que  l'Algérie,  est  souvent  désolée 
par  les  sauterelles. 

Pour  combattre  ce  fléau,  l'Institut  bactériologique  de  Grahams- 
town,  après  avoir  essayé  différents  parasites  des  sauterelles,  prépare 
maintenant  des  cultures  d'empura,  champignon  parasite  de  ces 
insectes.  Les  résultats  obtenus  sont  très  satisfaisants. 

Voici  comment  on  opère  :  le  contenu  des  tubes  est  délayé  dans 
de  l'eau  tiède  sucrée,  cette  eau  est  pulvérisée  sur  quelques  cen- 
taines de  sauterelles  que  l'on  se  procure  facilement,  surtout  le  soir. 
Les  sauterelles  contaminées  sont  ensuite  lâchées  et  rejoignent 
leurs  congénères  sur  lesquelles  elles  propagent  le  mal.  Trois  ou 
quatre  jours  après,  on  trouve  sur  le  sol  les  acridiens  morts  et 
envahis  par  le  parasite.  » 

Les  résultats  obtenus  sont,  paraît-il,  surtout  efficaces  pendant  la 
saison  humide.  Cela  se  conçoit  aisément,  tous  ces  microorganismes 
demandant  pour  se  développer  d'une  manière  intensive  chaleur  et 
humidité. 

Jusqu'à  ce  jour  rien  n'a  été  tenté  en  ce  sens  dans  la  colonie.  Il 
serait  à  désirer  pourtant  que  des  essais  fussent  entrepris.  En  cas 
d'insuccès,  la  perte  ne  serait  pas  grande,  car  des  expériences  sem- 
blables ne  demandent  pas  de  bien  grands  frais.  En  cas  de  nécessité, 
le  colon  et  l'éleveur  seraient  dotés  d'une  arme  puissante  contre  ce 
fléau. 

Mais  sans  tenir  compte  de  ce  dernier  procédé,  l'éleveur  calé- 
donien est  outillé  contre  les  sauterelles,  puisqu'on  lui  fournit  gra- 
tuitement la  main-d'œuvre  nécessaire  pour  les  combattre,  alors  qu'il 
serait  encore  de  son  intérêt  de  compter  pour  lui-même  les  frais  de 
la  campagne. 

Les  moyens  de  destruction  proposés  dans  le  rapport  de  M.  Escaude 
sont  efficaces  et  ont  fait  leurs  preuves.  Il  nous  est  donc  permis  de 
conclure  que  si  les  sauterelles  sont  encore  considérées  comme  un 
fléau  en  Nouvelle-Calédonie,  c'est  la  faute  à  ceux-là  mêmes  qui  ont 
tant  intérêt  à  s'en  débarrasser. 

(A  suivre.)  Lafforgue. 


LA     CONSERVATION     DU     MAIS 

LA    CONSERVATION    DES    GRAINES    DE    CÉRÉALES 
DANS    LES    GRENIERS    ET  LES    SILOS 

La  conservation  des  grains  de  céréales  a  fait  dans  nos  pays  l'objet 
de  nombreuses  études  :  on  les  met  soit  dans  des  greniers,  soit  dans 
des  silos.  Les  grains  contiennent  environ  14  °/0  d'humidité  et  86  °/0 
de  matières  sèches.  Même  à  cet  état  de  siccité,  ils  ne  tarderaient  pas 
à  s'échauffer  s'ils  étaient  amoncelés  en  gros  tas.  Il  faut  donc  après 
battage  les  étaler  en  couches  minces  de  20  centimètres  au  plus. 

On  a  de  la  place  dans  les  greniers  au  moment  du  battage  ;  on  doit 
en  profiter.  Au  besoin,  on  n'hésite  pas  à  recourir  à  de  fréquents 
pelletages  qui  lancent  le  grain  en  l'air  pour  le  purger  de  sa  pous- 
sière et  le  faire  sécher  plus  vite. 

Plus  les  couches  de  grains  sont  minces,  plutôt  peut  commencer 
le  régime  des  tas  de  plus  en  plus  gros.  La  hauteur  maxima 
des  tas  de  grains  bien  secs  atteint  parfois  60  centimètres  sur  les 
greniers  solidement  assis.  Les  tas  bien  faits,  corrects,  en  ligne 
droite,  à  épaisseur  régulière,  conservent  la  qualité  et  la  quantité.  La 
qualité,  parce  qu'ils  préviennent  la  fermentation,  les  échauffements  ; 
la  quantité,  parce  qu'ils  facilitent  la  surveillance,  le  contrôle,  le 
mesurage.  L'excès  d'humidité  étant  la  principale  cause  d'altération 
des  grains,  le  grenier  doit  être  à  l'abri  de  l'humidité,  il  doit  per- 
mettre à  l'air  de  circuler  librement  et  ne  doit  pas  être  sujet  aux 
brusques  variations  de  température. 

On  a  construit  des  greniers  de  formes  les  plus  différentes  et  c'est 
une  des  grosses  questions  qui  est  posée  aux  architectes  agri- 
coles. Souvent  ces  greniers  sont  munis  d'appareils  permettant  de 
faire  le  pelletage  mécanique  du  grain.  Dans  des  expériences  faites 
en  grand,  on  a  constaté  qu'après  48  heures  de  mouvement  il  n'est 
plus  resté  que  20  charançons  dans  les  15  hectolitres  contenus  dans 
un  de  ces  appareils  et  qui  étaient  infectés  au  début  de  38.000  cha- 
rançons. Ces  appareils  permettent  aussi  de  dessécher  les  grains 
humides  en  les  ventilant  et  l'on  prévient  ainsi  les  fermentations. 
Bulletin  du  Jardin  colonial.  5 


66  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Dans  certaines  villes  on  a  proposé  de  doter  les  halles  aux  grains 
d'un  grenier  conservateur  où  tous  les  entrepositaires  pourraient 
déposer  leurs  grains  et  en  assurer  la  bonne  conservation  moyennant 
un  prix  de  loyer  minime. 

Pour  apprécier  le  mérite  de  cette  proposition,  dit  M.  Pavis,  il 
importe  d'observer  que  les  frais  de  conservation  des  grains  sont  fort 
élevés  et  que  la  meilleure  conservation  ne  préserve  pas  les  grains 
d'une  certaine  détérioration  évaluée  à5°/0  par  an. 

Voici  la  description  d'un  appareil  construit  par  le  Ministère  de  la 
Guerre  français  et  qui  montre  bien  les  difficultés  contre  lesquelles 
on  doit  lutter  pour  conserver  les  céréales  : 

Sous  le  nom  de  greniers  Huart,  la  Commission  supérieure  du 
Ministère  de  la  Guerre  a  adopté  pour  l'approvisionnement  de  la  manu- 
tention militaire  de  Paris,  d'immenses  magasins  en  tôle,  hermétique- 
ment clos  et  divisés  en  24  ou  28  cases  prismatiques.  Ces  espèces  de 
réservoirs  offrent  une  section  de  1 1  mètres  environ  sur  1 5  mètres  de 
hauteur.  Leur  capacité  est  de  1.700  hectolitres  et  l'ensemble  de 
leurs  compartiments,  au  nombre  de  52,  peut  contenir  environ 
60.000  quintaux  métriques. 

Le  fonds  de  ces  compartiments  est  constitué  par  des  barres  de  fer 
posées  sur  leur  arête,  de  manière  que  la  masse  du  grain  ne  puisse 
s'écouler  que  lentement  et  en  éprouvant  une  sorte  de  mouvement 
complexe  qui  communique  une  certaine  agitation  à  toute  la  masse. 

Lorsqu'on  ouvre  la  trémie  inférieure,  ce  mouvement  est  encore 
plus  marqué  et  contribue  beaucoup  à  débarrasser  le  grain  de  toutes 
ses  impuretés  végétales  ou  animales. 

Quand  le  grain,  après  avoir  successivement  traversé  un  certain 
nombre  de  ces  compartiments,  est  arrivé  dans  la  case  inférieure,  il 
est  repoussé  par  une  vis  sans  fin,  dans  un  réservoir  où  viennent 
puiser  des  chaînes  à  godets,  qui  le  remettent  à  la  partie  supérieure 
de  l'appareil,  où  il  recommence  la  série  des  voyages,  de  sorte  qu'il 
est  criblé  et  ventilé  en  même  temps  avec  une  énergie  qu'il  faut  pro- 
portionner à  son  degré  d'impureté  ou  d'avarie. 

L'économie  ainsi  réalisée  est  en  moyenne  de  29  °/0  sur  le  pelletage 
à  bras  d'hommes. 

Le  général  de  Marçay  a  fait  construire  un  grenier  glacière  ;  les 
alucites  et  les  charançons  ne  pouvant  se  multiplier  si  la  tempéra- 
ture est  constamment  inférieure  à  10°. 

A  côté  des  greniers,  on  se  sert  aussi  de  silos  pour  conserver  les 


LA    CONSERVATION    DU    MAÏS  67 

grains,  ou  bien  on  place  des  récipients  dans  des  souterrains  ou  des 
caves  dont  la  température  ne  dépasse  jamais  de  10  à  12°;  de  cette 
façon,  on  soustrait  le  grain  aux  influences  dune  température  trop 
élevée,  qui  favorise  la  fermentation  de  la  masse. 

M.  Moreau,  capitaine  du  génie,  s'est  appliquée  à  traiter  dans  un 
mémoire  des  plus  intéressants  la  question  de  la  conservation  des 
céréales  dans  les  silos. 

Après  avoir  indiqué  que  pour  subvenir  à  l'approvisionnement 
nécessaire  à  l'alimentation  de  200.000  hommes,  on  doit  ordinaire- 
ment avoir  un  approvisionnement  de  450.000  quintaux  métriques 
de  céréales  qui,  étendues  sur  des  planchers  à  une  hauteur  de  60  cen- 
timètres, occupent  une  surface  de  120.000  mètres  carrés,  ce  qui 
équivaut  à  l'espace  nécessaire  au  logement  de  20.000  hommes  ; 
après  avoir  appelé  l'attention  sur  les  dépenses  qui  incombent  au 
mode  de  conservation  en  usage  et  sur  les  vices  qui  l'accompagnent, 
et  après  avoir  mis  en  évidence  l'embarras  dans  lequel  se  trouve  le 
gouvernement  lorsqu'il  s'agit  de  répondre  à  des  circonstances  de 
guerre  qui  mettent  dans  l'obligation  de  faire  des  approvisionnements 
considérables  sur  des  points  déterminés.  M.  Moreau  rappelle  les 
tentatives  qui  ont  été  faites  dans  le  but  de  remettre  en  usage  les 
silos,  et  montre  l'avantage  qu'il  y  aurait  à  adopter  les  silos  pour  la 
guerre  et  la  marine. 

M.  le  Dr  Louvet  a  eu  recours  au  vide  pour  assurer  la  conservation 
des  grains  dans  ses  appareils.  Il  compte  que  son  procédé  ne  coûte- 
rait pas  plus  de  50  à  90  centimes  par  hectolitre  et  par  an. 

A  l'heure  actuelle,  dans  les  greniers  ou  magasins  ordinaires,  il 
faut  compter  que  la  conservation  des  grains  coûte  une  moyenne  de 
deux  francs  par  hectolitre. 


EMPLOI    D  AGENTS    CHIMIQUES    POUR    LA    CONSERVATION    DU    MAIS 

Dans  le  travail  de  MM.  Belfort  de  la  Roque  et  Albert  Larbalé- 
trier  que  nous  avons  déjà  cité,  nous  trouvons  la  phrase  suivante  : 

«  Au  lieu  de  laisser  l'air  atmosphérique  dans  les  récipients  et  de 
«  favoriser  par  ce  seul  fait  le  développement  des  végétations  crypto- 
«  gamiques,  ne  pourrait-on  pas  remplacer  économiquement  cet  air 
«   par  un  gaz  inerte  qui  maintiendrait  tous   les  germes  nuisibles, 


68  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

«  dans  un  état  d'engourdissement  complet.  11  sera  facile  d'employer 
«  pour  cet  usage  l'azote,  le  gaz  acide  carbonique,  ou  mieux  encore 
h  le  gaz  sulfureux,  dont  la  présence  empêcherait  l'éclosion  ou  l'épa- 
«   nouissement  des  productions  organiques  ou  végétales.  » 

Jean-Baptiste  Dumas,  le  grand  chimiste,  s'est  occupé  de  la  ques- 
tion, il  a  préconisé  l'emploi  du  sulfo-carhonate  de  soude  ou  de 
potasse.  Ce  n'est  autre  chose  que  le  mélange  de  sulfure  de  carbone 
avec  une  base,  ce  qui  a  pour  but  de  rendre  l'emploi  de  cet  agent 
délétère  et  volatile  beaucoup  plus  commode.  On  a  recommandé  les 
vapeurs  de  gaz  anesthésiques,  la  fumée  de  tabac,  les  vapeurs  d'es- 
sence de  thérébentine,  l'oxyde  de  carbone  et  le  sulfure  de  carbone, 
la  naphtaline. 

Contre  les  calandres,  on  a  proposé  de  pelleter  vivement  les  tas  de 
grains,  deux  fois  toutes  les  2i  heures  ;  les  calandres  troublés  dans 
leur  repos  finissent  par  émigrer.  Ce  moyen  n'est  jamais  bien  effi- 
cace, car  à  moins  de  continuer  l'opération  du  pelletage  tous  les  jours, 
les  calandres  finissent  toujours  par  revenir. 

Dans  certains  pays  on  enferme  des  bergeronnettes  dans  les 
greniers.  Ces  oiseaux  mangent  les  insectes.  L'exposition  subite 
des  grains  à  une  température  de  50°  fait  périr  les  insectes,  sans 
diminuer,  dit-on,  la  qualité  des  grains.  On  a  préconisé  l'arrosage 
des  grains  avec  le  jus  de  tabac,  les  frictions  à  l'ail  ou  à  l'oignon  sur 
les  murs  et  parquets  des  greniers.  Un  autre  a  proposé  de  décompo- 
ser un  sel  ammoniacal  en  lui  faisant  dégager  des  vapeurs  de  gaz 
ammoniaque. 

Enfin,  M.  Darcey  a  parlé  de  l'emploi  du  gaz  sulfureux. 

La  multiplicité  des  procédés  employés  montre  qu'aucun  d'eux  n'est 
véritablement  efficace  ou  pratique  et  que  cependant  la  question  a  été 
étudiée  par  de  nombreux  expérimentateurs. 

A  bord  des  navires  sur  lesquels  on  transporte  les  grains,  les  pré- 
cautions sont  encore  plus  difficiles  à  appliquer  que  sur  terre.  Le  gaz 
sulfureux  a  été  recommandé  par  plusieurs  et  semble  avoir  donné  de 
bons  résultats,  mais  comme  toujours  c'est  la  difficulté  de  se  le  pro- 
curer, les  craintes  d'incendie  qu'il  fait  naître  lorsqu'on  fait  brûler  du 
soufre  dans  les  greniers  qui,  très  probablement;,  n'a  pas  permis  de 
généraliser  son  emploi. 

Peut-être  aussi  a-t-on  comme  toujours  confondu  l'action  conser- 
vatrice donnée  par  le  gaz  sulfureux  de  différentes  provenances,  et 


LA    CONSERVATION    DU    MAÏS  69 

alors  les  résultats  n'ont  pas  toujours  été  les  mêmes.  Nous  savons 
aujourd'hui,  en  eiïet,  que  le  gaz  sulfureux  n'a  pas  la  même  efficacité 
suivant  sa  provenance. 

M.  le  Dr  Calmette  a  montré  que  4  °/0  de  gaz  sulfureux  Clayton 
suffisent  pour  détruire  le  germe  de  la  fièvre  typhoïde,  alors  que 
22  °/0  de  gaz  sulfureux  Pictet  n'arrive  pas  au  même  résultat. 

Le  premier  contient  des  produits  sulfureux  peroxygénés. 

Le  second  est  de  l'acide  sulfureux  pur  provenant  du  gaz  liquéfié. 

Nous  avions  déjà  démontré  l'existence  d'une  action  analogue  en 
comparant  le  gaz  Clayton  et  le  gaz  Pictet  pour  la  destruction  des 
rats  :  il  faut  une  proportion  plus  considérable  de  gaz  sulfureux  pur 
de  Pictet  pour  détruire  ces  rongeurs  que  lorsqu'on  se  sert  du  gaz 
sulfureux  Clayton  (Langlois  et  Loir,  Revue  d'hygiène,  mai  4902). 

Lorsqu'on  parle  d'expériences  sur  l'action  de  l'acide  sulfureux,  il 
faut  donc  toujours  préciser  si  l'on  s'est  servi  du  gaz  sulfureux  pur 
Pictet,  du  gaz  sulfureux  produit  par  la  combustion  du  sulfure  de 
carbone,  du  gaz  sulfureux  Clayton,  ou  du  gaz  sulfureux  produit  par 
la  combustion  du  soufre  à  l'air  libre,  ce  qui  augmente  la  tempéra- 
ture de  la  chambre  dans  laquelle  se  fait  la  combustion  et  ne  permet 
pas  d'obtenir  un  fort  pourcentage  de  gaz  sulfureux. 


APPLICATION    DU    GAZ    CLAYTON    A    LA    CONSERVATION    DU    BIAIS 

Nous  avons  eu  l'idée  d'appliquer  l'action  du  gaz  Clayton  à  la 
conservation  du  maïs,  à  la  suite  des  observations  et  des  expé- 
riences suivantes  : 

Le  service  sanitaire  maritime  français  a  employé  à  Dunkerque,  à 
partir  du  mois  de  septembre  1902,  un  appareil  Clayton  pour  la 
désinfection  des  bateaux  venant  des  pays  contaminés  de  peste. 
Cette  désinfection  se  faisait  en  laissant  tout  le  chargement  à  bord. 

40  navires  chargés  de  tous  les  produits  possibles  ont  été  ainsi 
désinfectés  l'année  dernière  sans  qu'il  y  ait  eu  une  seule  réclama- 
tion de  la  part  des  amateurs  ou  des  chargeurs. 

10.000  kilos  de  grains  de  maïs  se  trouvaient  à  bord  de  ces  bateaux. 
Ils  ont  été  débarqués  en  bon  état  de  conservation  et  n'avaient  pas 
subi  la  moindre  altération  du  fait  de  la  désinfection. 

Certains  de  ces  essais  ont  été  consignés  dans  un  rapport  signé 
par  le  professeur  Proust  et  le  docteur  Faivre,  inspecteurs  généraux 


70  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

des  Services  sanitaires,  et  adressé  au  ministre  de  l'Intérieur  à  la  date 
du  15  novembre  1902. 

Sur  l'un  de  ces  navires,  M.  le  Dr  Calmette  a  fait  des  recherches 
bactériologiques  et  a  montré  que  les  microbes  de  la  peste,  du  cho- 
léra, de  la  fièvre  typhoïde,  de  la  dyphtérie,  le  staphilocoque,  etc., 
sont  détruits  par  ces  désinfections  pratiques  faites  par  le  Service 
sanitaire. 

Nous  avons  eu  l'occasion  de  suivre  plusieurs  désinfections  opé- 
rées au  moyen  de  l'appareil  Clayton  à  Londres,  à  Dunkerque  et  à 
Dieppe,  et  chaque  fois  nous  avons  vu  débarquer  des  grains  de 
céréales  et  en  particulier  de  maïs. 

Nous  avions  déjà  signalé,  dans  un  article  publié  par  la  Revue  géné- 
rale des  Sciences,  en  1901,  le  fait  que  les  graines  de  céréales  ne  sont 
pas  altérées  par  une  désinfection  par  le  gaz  Clayton,  et  nous  avons 
indiqué  ensuite  que  l'orge  reste  propre  à  malter  après  avoir  été  sou- 
mis à  l'action  de  ce  gaz  '. 

Nous  avons  pensé  que  l'appareil  Clayton  pouvait  servir  à  conser- 
ver les  grains  de  maïs  dans  nos  pays  et  les  empêcher  de  subir  les 
différentes  altérations  qui  rendent  fort  aléatoire  l'exportation  de  ces 
grains  des  pays  de  production. 

Nous  savons  par  nos  expériences  que  la  gaz  Clayton  pénètre  et 
diffuse  très  facilement  et  profondément.  Nous  nous  sommes  assuré 
qu'il  s'infiltre  parfaitement  dans  les  caisses  fermées,  en  quantité  suf- 
fisante pour  détruire  les  microbes  sur  lesquels  M.  Calmette  avait 
fait  ses  expériences.  Il  suffit  simplement  de  placer  la  caisse  qui  con- 
tient les  germes  desséchés  de  la  peste,  du  choléra,  de  la  fièvre 
typhoïde,  de  staphilocoque  dans  une  chambre  dans  laquelle  on 
maintient  pendant  1  heure  1/4,  5  °/0  de  gaz  Clayton.  Ces  expériences 
ont  été  faites  devant  nous  par  le  Département  national  d'hygiène 
de  la  République  Argentine  pendant  notre  séjour  à  Buenos- Ayres,  à 
bord  de  VAbergeldie.  Le  gaz  Clayton  pénètre  facilement  et  en 
quantité  suffisante  à  l'intérieur  d'un  tas  de  charbon,  mis  dans  une 
cale,  pour  y  éteindre  un  incendie  ;  il  arrive  au  centre  d'un  tas  de 
maïs  de  plusieurs  mètres  cubes,  lorsque  ce  maïs  est  placé  dans  une 
cale  où  l'on  maintient  un  pourcentage  de  5  °/0  pendant  2  heures. 

M.  le  Dr  Calmette  s'est  servi  du  reste  de  la  pénétration  plus  ou 


L.   La  destruction  des  rats  à  bord  des  bateaux,  par  MM.  Langlois  et  Loir  (Revue  d'hy- 
gièneet  depolice  sanitaire,  1902,  n°  5). 


LA    CONSERVATION    DU    MAIS  71 

moins  grande  du  gaz  dans  un  tube  rempli  de  sable  pour  mesurer 
la  quantité  de  gaz  contenu  dans  un  espace  clos  (Voir  Revue  d'hy- 
yiène). 

ACTION    DU    GAZ    CLAYTON    SUR    LES    GRAINS    DE    MAÏS 

Les  grains  de  maïs  soumis  pendant  2  heures  à  l'action  du  gaz 
Clayton,  semés  dans  divers  bouillons  de  culture,  ne  donnent  lieu  à 
aucune  pullulation  de  microbes,  alors  que  les  témoins  mis  dans  les 
mêmes  milieux  donnent  des  cultures  abondantes  de  divers  orga- 
nismes. La  surface  des  grains  est  donc  stérilisée  par  le  gaz. 

Des  grains  de  maïs  humides  conservés  pendant  un  mois  dans  un 
sac  sont  trouvés  altérés,  tandis  qu'un  sac  des  mêmes  grains  soumis 
à  l'action  du  gaz  sulfureux  et  conservé  dans  les  mêmes  conditions 
est  toujours  en  bon  état  de  conservation  après  plus  de  deux  mois. 

Le  grain  ainsi  soumis  à  l'action  du  gaz  Clayton  est-il  altéré? 

Est-il  atteint  dans  ses  propriétés  germinatives  ? 

Pour  répondre  à  ces  questions,  nous  avons  fait  les  expériences 
suivantes  à  l'Institut  Pasteur,  dans  le  laboratoire  de  chimie  agricole 
dirigé  par  M.  Mazé  : 

40  grains  de  blé, 
40     —       de  maïs, 
40     —       de  colza, 
40     —       de  lin, 

pris  dans  des  échantillons,  exposés  2  heures  à  un  gaz  de  4  °/0,  sont 
semés  dans  du  sable  de  Fontainebleau  mouillé,  tous  poussent  aussi 
bien  que  les  témoins. 

Des  grains  de  maïs  exposés  pendant  2  heures  à  un  gaz  de  8  °/0 
poussent  mieux  les  premiers  jours  que  les  témoins,  et  à  la  fin  de 
l'expérience  ils  poussent  de  la  même  façon  ;  les  qualités  germina- 
tives ne  sont  donc  pas  altérées. 

Si  le  grain  exposé  au  gaz  pousse  mieux  dans  les  premiers  jours 
que  les  témoins,  cela  tient  peut-être  à  ce  fait  que  le  grain  est  légè- 
rement desséché  par  l'action  du  gaz,  et  on  sait  que  les  grains  dessé- 
chés poussent  plus  rapidement  que  les  grains  qui  ne  le  sont  pas. 

Le  gaz  arrive  froid  dans  l'espace  à  désinfecter.  Pas  de  condensa- 
tion sur  les  parois  froides,  et  l'anhydride  sulfurique  absorbe  l'eau  qui 


72  ÉTUDES    ET    HÉMOIRES 

se  trouve  dans  la  salle.  On  constate  cette  action  de  dessèchement 
dans  les  tubes  à  essais,  dans  lesquels  on  a  mis  de  petites  quantités 
d'eau,  et  aussi  sur  les  peaux  de  bœufs  et  de  moutons  fraîches  et 
humides,  qui  sont  rapidement  desséchées  lorsqu'elles  sont  mainte- 
nues dans  l'atmosphère  du  gaz  Clayton. 

L'action  du  gaz  sulfureux  a  été  essayée  à  Buenos-Avres  sur  du 
maïs  qui  fut  ensuite  exporté  en  Europe  ;  voici  le  résultat  de  divers 
essais  : 

Au  mois  de  juin,  100  sacs  de  maïs  jaune  humide,  non  exportable, 
pesant  8.09 1  kilos,  arrivent  en  bon  état  de  conservation  sur  le  mar- 
ché de  Barcelone  où  ils  sont  vendus.  Ce  maïs  n'a  pas  fermenté  et  n'a 
pas  perdu  sa  couleur  naturelle. 

D'autres  lots  de  maïs  de  couleur  jaune  humide,  avec  principe  de 
putréfaction  :  de  140  sacs  pesant  10.744  kilos,  de  100  sacs  pesant 
7.811  kilos,  de  150  sacs  pesant  1 1.815  kilos,  de  100  sacs  pesant 
8.176  kilos,  arrivent  en  bon  état  sur  les  marchés,  soit  d'Anvers, 
soit  de  Hambourg-. 

Au  mois  de  juillet,  907  kilos  de  mais  roux  humide  sont  conservés 
à  Buenos-Ayres,  et  après  26  jours  l'expert  constate  que  malgré  les 
mauvaises  conditions  dans  lesquelles  se  trouvait  ce  maïs  au  moment 
de  l'expérience,  la  fermentation  ne  s'est  pas  produite. 

DESTRUCTION    DES    INSECTES    TROUVÉS    DANS    LE   MAÏS 

Nous  avons  indiqué  que  le  gaz  Clayton  pénètre  facilement  dans 
les  termitières  et  détruit  les  termites  et  les  larves  de  ces  insectes  ' . 
M.  Fleutiaux,  entomologiste  du  Jardin  colonial,  a  publié  dans  V Agri- 
culture pratique  des  pays  chauds,  en  juin  1902,  que  les  insectes 
sont  détruits  lorsqu'ils  sont  exposés  à  l'action  du  gaz  Clayon  pen- 
dant une  demi-heure.  Les  insectes  sur  lesquels  il  a  fait  ses  expé- 
riences étaient  : 

1°  Grains  de  riz  décortiqué,  dévastés  par  la  Calandra  Orvzae; 

2°  Racines  de  taro  mangées  par  2  espèces  de  Dimoderus  (coléop- 
tères) ; 

3°  Blattes  adultes  et  en  bas  âge  habitant  les  serres  du  Jardin 
colonial  ; 

1.  Loir,  Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  séance  du  25  mai  1903.  Des- 
truction des  termites. 


LA    CONSERVATION    DU    MAIS 


73 


4°  Orthomorpha   gracilis  rnyriapode  trouvé  également  dans  les 
serres. 


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Les  insectes  et  leurs  larves  sont  tous  morts,  et  une  observation 
de  plus  de  deux  mois  lui  permet  d'affirmer  que  les  œufs  ont  été 
également  détruits. 


74 


ETUDES    ET    MÉMOIRES 


D'après  nos  expériences,  le  pourcentage  de  3  °/0  de  gaz  Clayton 
maintenu  pendant  10  minutes  dans  l'atmosphère  d'une  chambre  est 
suffisant  pour  débarrasser  les  maïs  des  charançons  et  des  larves 
d'alucites. 

Pour  détrutre  le  Tribolium  ferrugineum,  il  faut  deux  ou  trois 
minutes  de  plus.  Cet  insecte  nous  paraît  un  peu  plus  résistant. 

Toutes  ces  expériences  faites  en  petit  avec  le  gaz  sulfureux  ten- 
daient à  démontrer  que  la  conservation  du  maïs  était  réalisable,  il 


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Fig.  11..—  Schéma  du  fonctionnement  de  l'appareil  Clayton. 


restait  à  voir  si  la  chose  pouvait  se  faire  en  grand  au  moyen  de 
l'appareil  Clayton,  installé  à  bord  d'un  bateau,  sans  faire  passer  le 
grain  par  un  laboratoire,  c'est-à-dire  sans  compliquer  les  opérations 
déjà  si  onéreuses  du  chargement  d'un  navire. 


EXPÉRIENCE     DE     CONSERVATION     DU     MAÏS     DE     BUENOS-AYRES     EN     EUROPE 

AU    MOYEN    DU    GAZ    CLAYTON 


L'occasion  de  faire  une  expérience  en  grand  nous  fut  fournie  à  la 
fin  d'octobre  dernier,  la  Compagnie  du  gaz  Clayton  nous  offrait  à 
cette  époque  d'aller  dans  l'Amérique  du  Sud  faire  un  essai  sur  le 
chargement  de  maïs  qui  devait  être  embarqué  à  bord  du  cargo  boat 


LA    CONSERVATION    DU    MAIS 


75 


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76  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

VAbergeldie,  grand  navire  de  6.000  tonnes,  qui  devait  prendre  le 
grain  à  Buenos-Ayres  pour  le  transporter  à  Anvers  et  à  Londres. 
Nous  devions  retrouver  ce  bateau  dans  la  République  Argentine 
et  suivre,  pendant  le  voyage  de  retour,  l'action  du  gaz  que  Ton  devait 
lancer  dans  les  cales. 

VAbergeldie  est  muni  d'un  appareil  Clayton  depuis  plus  d'un 
an;  l'appareil  est  placé  dans  la  salle  des  machines  et  les  tuyaux 
sont  à  demeure  sous  le  pont  et  vont  dans  chacune  des  i  cales,  de 
façon  à  pouvoir  lancer  le  gaz  dans  chacune  d'elles  et  lutter  contre 
les  commencements  d'incendie  qui  peuvent  se  déclarer  à  bord  ; 
le  tuyau  d'amenée  du  gaz  dans  les  cales  de  VAbergeldie  va  jusqu'à 
la  partie  inférieure  de  la  cale,  et  le  tuyau  qui  ramène  l'air  de  la  cale 
à  l'appareil  a  son  ouverture  à  la  partie  supérieure  de  la  même  cale. 

L'appareil  se  compose  d'un  demi-cylindre  de  1'"  oO  de  long-  et 
d'environ  1  mètre  de  diamètre  à  l'intérieur  duquel  on  brûle  du 
soufre.  Un  ventilateur  permet,  à  l'aide  d'un  tuyau,  d'aller  dans  les 
cales  y  puiser  de  l'air  :  un  autre  tuyau  est  destiné  à  ramener  dans 
la  cale  l'air  qui  vient  de  passer  dans  l'appareil,  de  sorte  qu'un 
courant  d  air  s'établit  et  que  l'air  de  la  cale  se  trouve  brassé  à 
mesure  qu'il  se  charge  de  gaz.  Ce  gaz,  qui  n'est  pas  obtenu  simple- 
ment en  laissant  brûler  le  soufre  par  lui-même,  mais  en  activant  la 
combustion  au  moyen  d'un  courant  d'air,  contient  du  gaz  sulfureux 
et  aussi,  grâce  à  la  haute  température  à  laquelle  se  produit  cette  com- 
bustion, d'autres  produits  d'oxydation  du  soufre.  Le  procédé  Clay- 
ton, qui,  croyait-on  au  début,  produit  la  désinfection  par  suite  de 
la  présence  de  gaz  sulfureux  seulement,  contient  donc  d'autres 
corps  chimiques,  produits  proxygénés  du  soufre,  qui  ne  sont  pas 
encore  bien  définis,  mais  dont  l'action  s'ajoute  à  celle  du  gaz  sul- 
fureux et  la  rend  plus  rapide  et  plus  efficace.  Voilà  pourquoi  on  a 
dû  lui  donner  un  nouveau  nom,  celui  de  «  gaz  Clayton  ». 

Avant  d'être  envoyé  dans  le  local  à  désinfecter,  le  gaz  passe  dans 
un  refroidisseur,  si  bien  qu'il  arrive  froid  dans  la  cale,  aussi  ne  se 
produit-il  pas  de  condensation,  comme  la  chose  se  voit  lorsque  l'on 
brûle  du  soufre  dans  un  espace  confiné,  et  voilà  pourquoi,  avec  ce 
procédé,  ni  les  marchandises,  ni  les  parties  métalliques  ne  sont  abî- 
mées. 

VAbergeldie  est  divisée  en  4  cales  suffisamment  étanches  pour 
que  le  gaz  sulfureux  lancé  dans  l'une  d'elles  ne  passe  pas  dans 
l'autre. 


LA    CONSERVATION    DU    MAÏS  77 

Environ  2.000  tonnes  de  maïs  se  trouvaient  dans  la  cale  n°  3  dans 
laquelle  nous  devions  lancer  le  gaz  Clayton.  Les  autres  cales  res- 
taient comme  témoins  et  nous  ne  devions  pas  y  lancer  le  gaz. 

La  cale  n"  3  contenait  du  maïs  de  bonne  qualité,  du  maïs  de  qua- 
lité movenne,  et  enfin  environ  200  tonnes  de  maïs  de  fort  mauvaise 
qualité  pour  lesquels  un  expert  en  maïs,  consulté,  refusa  de  donner 
un  certificat  d'exportation. 

Le  voyage  de  Buenos-Ayres  à  Anvers  fut  d'une  durée  de 
33  jours.  Le  gaz  Clayton  fut  lancé  dans  la  cale  n°  3,  une  première 
fois  2  jours  après  le  départ.  Les  manches  d'aération  de  la  cale  avaient 
été  fermées;  le  gaz  fut  lancé  de  9  heures  du  matin  jusqu'à  midi. 
L'analyse  donne  à  ce  moment  4  °/0  de  gaz  sulfureux.  On  recom- 
mence la  même  opération  3  fois  à  trois  jours  d'intervalle.  Le  ving- 
tième jour  de  la  traversée,  on  pénètre  dans  cette  cale  3  et  on  trouve 
des  charançons  et  des  palomitas  morts  en  grande  quantité  à  la  sur- 
face des  sacs.  En  ouvrant  les  grains  qui  paraissent  attaqués  par  ces 
insectes,  on  constate  la  mort  de  ceux  qui  ne  sont  pas  sortis  pour 
mourir  à  l'extérieur,  ils  ont  été  tués  dans  le  grain. 

Les  grains  semés  dans  du  sable  germent  dans  la  proportion  de 

Les  grains  témoins  conservés  dans  notre  cabine  donnent  à  peu 
près  la  même  quantité  de  grains  germes  :  93  °/0. 

La  température  de  cette  cale  s'est  toujours  maintenue  à  environ 
30°  centigrades  même  en  passant  l'Equateur,  tandis  que  la  tempéra- 
ture prise  dans  les  autres  cales  montait  jusqu'à  38°. 

Le  gaz  a  été  lancé  sans  jamais  incommoder  l'équipage,  aucun 
insecte  ne  s'est  montré  à  l'entrée  du  ventilateur  de  la  cale  3  lors- 
qu'on les  ouvrait,  tandis  que  pendant  toute  la  traversée  on  a  vu  des 
quantités  de  palomitas  sortir  des  autres  cales,  et  ces  insectes 
venaient  en  grand  nombre  dans  nos  cabines. 

A  aucune  époque  l'odeur  venant  de  la  cale  3  n'a  été  mauvaise,  tan- 
dis que  l'odeur  qui  se  dégageait  des  autres  cales  était  fade  et  désa- 
gréable. 

En  arrivant  à  Anvers,  au  bout  de  33  jours  de  traversée,  on  con- 
stata, en  ouvrant  la  cale  3,  que  les  sacs  étaient  en  bon  état,  pas  de 
condensation  sur  les  parois  supérieurs  de  la  cale  ;  les  paillassons  qui 
servent  à  isoler  les  sacs  des  parois  de  la  cale  ne  sont  pas  pourris  et 
ont  conservé  leur  couleur  primitive.  Le  maïs  dans  les  sacs  n'est  pas 
chaud,  il  est  tiède  à  la  main.  En  un  point,  un  peu  d'eau  est  tombée 


78  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

du  pont,  un  sac  est  éventré.et  une  centaine  de  grains  de  mais  sont 
là  qui  ont  germé,  comme  pour  bien  montrer  que  les  qualités  germi- 
natives  ne  sont  pas  altérées.  Le  grain  de  cette  cale  doit  être 
déchargé  à  Londres. 

Une  des  autres  cales  dont  le  maïs  a  été  décharg-é  à  Anvers  a  pré- 
senté un  léger  nuage  de  vapeur  d'eau  à  l'ouverture,  de  l'eau  de  con- 
densation à  la  partie  supérieure,  les  sacs  sont  mouillés  et  plusieurs 
sont  pourris,  les  paillassons  sont  pourris.  Quelques  sacs  contiennent 
du  maïs  fermenté,  gluant;  il  sent  en  même  temps  la  putréfaction  et 
la  fermentation  alcoolique. 

D'autres  grains  présentent  à  la  surface  des  moisissures;  la  tempé- 
rature dans  les  sacs  est  plus  élevée  que  celle  qui  a  été  trouvée  dans 
les  sacs  provenant  de  la  cale  n°  3.  Ce  maïs  était  au  départ  de  Buenos- 
Ayres  meilleur  que  celui  mis  dans  la  cale  où  nous  avons  lancé  le  gaz 
Clayton  :  ce  grain  du  reste  n'est  pas  en  mauvais  état,  les  experts 
l'acceptent  et  le  laissent  débarquer  comme  du  grain  normal,  ils  ont 
l'habitude  de  voir  des  chargements  dans  un  état  bien  plus  déplorable. 

Le  maïs  contenu  dans  notre  cale  d'expériences  a  été  décharg-é 
8  jours  après  à  Londres.  Les  experts  le  trouvèrent  en  meilleur  état 
que  le  maïs  conservé  dans  les  cales  où  nous  n'avions  pas  lancé  le 
g-az  et  aueune  plainte  n'a  été  faite  au  sujet  de  l'action  du  g-az  sur  le 
maïs. 

Nous  pouvons  donc  conclure  que  le  g-az  Clayton,  employé  à  bord 
des  navires  qui  font  le  transport  des  maïs  de  l'Argentine  en  Europe, 
détruit  les  charançons  et  autres  insectes  qui  mang-ent  le  grain  et 
empêche  en  même  temps  réchauffement  de  ce  maïs. 


APPLICATION    DU    GAZ   CLAYTON    A    LA    CONSERVATION    DU    RIZ 


Depuis  notre  retour,  M.  Dybowski  nous  a  communiqué  une 
lettre  écrite  par  une  grande  maison  française  qui  s'occupe  du  com- 
merce du  riz  dans  une  de  nos  colonies.  Ce  correspondant  du  Jardin 
colonial  se  plaignait  de  ne  pouvoir  conserver  le  riz  plus  de  trois 
mois  dans  les  magasins.  L'échantillon  soumis  à  M.  Dybowski  con- 
naît le  même  charançon  que  celui  qui  se  trouvait  dans  nos  maïs. 
Cet  insecte  a  été  déterminé  par  M.  Fleutiaux.  Nous  avons  alors  fait 


LA    CONSERVATION    DU    MAIS 


79 


venir  du  Jardin  colonial  un  appareil  Clayton  sur  roues  et  nous  avons 
fait  des  essais  pour  voir  l'action  du  gaz  Clayton  sur  le  maïs,  dans 


3SF3ïr 


'l^&.i^p^l 


Appareil  Clayton  qui  nous  a  servi  pour  la  destruction 
des  termites  dans  les  pays  tropicaux  et  pour  les  expé- 
riences de  conservation  du  riz  au  Jardin  colonial. 


ces  différents  états.  Au  dire  des  personnes  compétentes  qui,  avec 
nous,  viennent  de  suivre  ces  expériences,  ce  riz  n'est  absolument 
pas  altéré  par  l'action  du  gaz.  Voilà  donc  une  application  du  pro- 
cédé qu'il  serait  intéressant  de  tenter  sur  une  grande  échelle. 


LE    COTON    DANS    L'AFRIQUE    OCCIDENTALE 


(Suite. 


Installation  d'une  ginnerie  complète.  —  En  terminant,  je  tiens  à 
donner  une  idée  du  prix  d'installation  dune  ginnerie  complète  com- 
portant le  couplage  d'un  nombre  plus  ou  moins  grand  d'égreneuses. 

Les  prix  d'achat  —  soumis  à  l'escompte  —  des  différentes 
machines  sont,  en  effet,  sujets  à  des  rabais  plus  ou  moins  élevés 
faits  par  les  maisons  de  vente. 

l^es  prix  indiqués  dans  les  installations  décrites  ci-dessus  sont 
sujets  à  un  escompte.  Ils  sont  ceux  d'une  des  maisons  les  plus 
avantageuses  des  Etats-Unis  :  la  Gullet-Gin  C°  a  Amite  City 
(Louisiane). 


INSTALLATION    D  UNE    GINNERIE    DE    DEDX    EGRENEUSES 
LIVRÉE    EMBALLÉE    A    GLLLET-STATION 


NOMS     DES     PARTIES 

60    scies 

70    scies 

80    scies 

francs 

2.100 

600 

600 
850 

1.950 
575 

3.000 

francs 

2.450 

700 

700 
950 

1.980 
600 

3.000 

francs 
2.800 
800 

800 
1.050 
2.175 

650 
3.000 

Deux  alimentateurs  automatiques.. 
Une  batterie  de  condenseurs  con- 
duits d'alimentation 

Système  de  récolteurs  de  coton.. . . 
Elévateur  et  distributeur  de  coton. 

Totai 

9.675 

10.380 

11.275 

Poms  total  :  9  tonnes  1  2 

LE    COTON    DANS    L  AFRIQUE    OCCIDENTALE 


81 


INSTALLATION    D'UNE    GINNER1E    DE    4    ÉGRENEUSES 
LIVRÉE    EMBALLÉE    A    GULLET-STATION 


NOMS     DES     PARTIES 

60  scies 

70    scies 

80    scies 

francs 
4.200 
1.200 

l .  200 
1.550 

825 
2.750 
3 .  000 

francs 
4.900 
1 .  400 

1.400 

» 

850 
2.800 
3.000 

francs 
5.600 
1.600 

1.600 

» 

900 
3.190 
3.000 

Une  batterie  de  condenseurs  con- 
duits d'alimentation 

Système  de  récolteurs  de  coton.. .  . 

Elévateur  et  distributeur  de  coton. 
Totai 

14.725 

16.100 

17.840 

i 

Poids  total  :  12  tonnes  1/2 

INSTALLATION    DUNE    GINNER1E    DE    6    ÉGRENEUSES 
LIVRÉE    EMBALLÉE    A    GULLET-STATION 


NOMS     DES     PARTIES 

60    scies 

70    scies 

80    scies 

francs 

6.300 
1.800 

1.800 
2.250 
1.075 
4.150 

4.375 

francs 
7.350 
2.100 
4.100 

2.550 
1.100 
4.200 

4.375 

francs 
8.400 
2.400 
2.400 

2 .  850 
1.125 
4.250 

4.375 

Une  batterie   de  condenseurs  con- 
duits d'alimentation 

Système  de  récolteurs  de  coton . . . 
Convoyeurs  des  graines 

Elévateur  et  distributeur  de  coton. 
•    Presse    double     rotalive    à    action 

Total 

21.750 

23.775 

25.800 

Poids  total  :  16  tonnes 

La  force  motrice  nécessaire  pour  actionner  les  égreneuses  est  en 
moyenne  de  1  cheval  vapeur  pour  10  scies. 

Une  égreneuse  de  80  scies  exigera  donc  une  force  motrice  de 
8  chevaux  vapeurs. 

La  quantité  de  coton  égrené  varie  avec  bien  des  facteurs,  parmi 
Bulletin  du  Jardin  colonial.  6 


S  2  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

lesquels  il  faut  citer  :  la  sorte  de  coton,  son  état  plus  ou  moins 
propre,  la  vitesse  des  scies  et  l'habileté  de  l'usinier  dans  le  réglage 
des  pièces  travaillantes. 

Dans  les  conditions  ordinaires,  on  peut  compter  que  dix  scies 
peuvent  égrener  une  balle  de  210  kilos  par  journée  de  10  heures, 
ou,  plus  simplement,  une  scie  produit  2  kil.  100  de  coton  égrené  à 
l'heure. 

Cette  production  peut  évidemment  être  considérablement  augmen- 
tée par  la  vitesse  des  scies,  mais  ce  serait  aux  dépens  de  la  qualité 
des  fibres. 

En  résumé,  le  coton  produit  dans  les  deux  centres  les  plus  impor- 
tants de  production  :  l'Amérique  et  l'Egypte,  appartient  à  deux  caté- 
gories bien  distinctes  :  courtes-soies  et  longues-soies. 

On  a  inauguré  pour  leur  travail,  deux  types  également  bien  tran- 
chés de  machines  :  le  type  à  rouleaux  pour  les  longues-soies,  le  type 
à  scies  pour  les  courtes-soies. 

Ce  sont  les  seuls  réellement  bien  répandus  et  donnant  d'excellents 
résultats. 

A  l'heure  actuelle,  c'est  le  second  type,  celui  à  scies,  qui  nous 
intéresse  tout  particulièrement,  et  dont  l'essai  devra  être  tenté  le 
plus  tôt  possible. 

Cela  n'empêchera  certes  pas  de  tenter  à  nouveau  l'utilisation  du 
type  à  rouleau  et  à  deux  batteurs  déjà  essayé  sans  succès  à  Kayes. 

Peut-être  que  les  améliorations  qu'on  lui  a  apportées  récemment 
lui  permettront  d'effectuer  un  bon  travail,  ce  qui  serait  certaine- 
ment à  désirer,  mais  ce  qui  est  douteux. 


QUATRIEME     PARTIE 

CONSIDÉRATIONS     COMMEHCIALES 


Nous  sommes  donc  maintenant  à  même  d'apprécier  et  de  modi- 
fier les  divers  éléments  de  la  production  du  coton.  Que  la  mar- 
chandise provienne  de  la  culture  indigène  ou  de  la  culture  directe, 
elle  est  prête  pour  la  vente  et  nous  devons  nous  occuper  de  son 
évacuation  sur  les  marchés  français.  Nous  avons  reconnu  dans 
l'étude   de    cette   question  deux    centres    cotonniers    d'importance 


LE    COTON    DANS    LAFRIQUE    OCCIDENTALE  83 

immédiate,  le   bassin  supérieur  du  Niger,   de  Kouroussa  à  Mopti, 
et  le  Haut  Dahomey. 

1°  Dahomey.  —  Il  est  incontestable  que  le  Dahomey,  toutes  con- 
ditions culturales  égales  d'ailleurs,  l'emporte  sur  le  milieu  nigérien 
au  point  de  vue  des  facilités  d'écoulement. 

C'est  une  colonie  relativement  pauvre  en  caoutchouc  ;  mais  par 
contre,  deux  produits  naturels  de  première  importance  peuvent 
par  la  suite  lui  donner  une  prospérité  remarquable  et  très  stable  ; 
je  veux  parler  du  coton  et  du  Karité. 

De  par  leur  nature,  ces  deux  produits  peuvent  constituer  une 
véritable  rente,  dont  le  capital  est  à  l'abri  d'une  exploitation  incon- 
sidérée :  le  cotonnier  parce  qu'il  constitue  une  culture  annuelle,  et 
le  Karité  parce  que  son  fruit  est  le  produit  utilisable  par  excellence. 

Je  ne  mentionne  pas  à  dessein  le  produit  de  coagulation  du 
latex  de  Karité  ;  il  est  permis  d'espérer  en  retirer  de  sérieux  béné- 
fices lorsque  son  utilisation  aura  fait  l'objet  d'études  précises. 

En  tous  cas,  les  fruits,  dont  à  l'heure  actuelle  on  n'utilise  qu'une 
infime  partie,  contiennent  une  amande  très  riche  en  corps  gras  et 
dont  le  commerce  d'exportation  est  appelé  à  devenir  considérable, 
par  suite  à  alimenter  dès  le  début  le  chemin  de  fer  de  pénétration. 
Si  à  cela  on  ajoute  que  cette  colonie,  étant  formée  d'un  étroit  cou- 
loir entre  le  Lagos  et  le  Togo,  est  entièrement  drainée  par  son  che- 
min de  fer  projeté,  on  en  déduit  cette  conclusion  toute  naturelle, 
que  l'avenir  de  la  question  cotonnière  est  lié  à  celui  de  la  voie  fer- 
rée et  que  celle-ci  trouvera  immanquablement,  en  avançant  vers  le 
Nord,  deux  éléments  importants  de  trafic. 

Le  coton  produit  pourra  alors  être  apporté  à  la  côte,  avec  un 
transport  moyen  de  350  à  400  kilomètres  sur  voie  ferrée.  C'est  là 
le  trajet  de  beaucoup  le  plus  court  que  le  coton  aura  à  parcourir  en 
Afrique  Occidentale  française  avant  d'être  embarqué.  D'un  autre 
côté,  les  conditions  de  production  y  paraissent  fort  avantageuses 
et  il  est  légitime  de  penser  que  ce  sera  la  un  de  nos  centres  coton- 
niers des  plus  intéressants. 

2°  Bassin  du  Niger.  —  Si  le  Dahomey  est  particulièrement  inté- 
ressant par  son  milieu  même  et  sa  proximité  de  la  côte,  il  est 
malheureusement  de  peu  d'étendue  ;  et  si  le  milieu  nigérien  se 
trouve  à  une  distance  bien  plus  grande  d'un  port  d'embarquement, 


84  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

(600  kilomètres  par  sou  bord  le  plus  inférieur),  il  s'impose  k  l'ex- 
ploitation par  son  étendue,  son  homogénéité,  l'excellence  de  son 
milieu  et  les  intérêts  considérables  qui  s'y  trouveront  dès  mainte- 
nant engagés. 

C'est  donc  lui  qui  nous  occupera  forcément  le  plus  au  point  de 
vue  commercial.  Mais  autant  les  questions  d'exploitation  paraissent 
simples  au  Dahomey,  autant  elles  sont  ici  sujettes  aux  controverses. 

Le  milieu  n'est  pas  neuf,  de  gros  intérêts  y  sont  déjà  groupés  et 
l'exploitation  doit  en  tenir  un  juste  compte,  quitte  à  choisir  des 
solutions  qui  de  prime  abord  paraissent  un  peu  anormales. 

L'étude  des  conditions  commerciales  que  créera  ou  devra  subir 
l'exportation  de  coton  doit  rationnellement  envisager  les  conditions 
actuelles  d'exportation,  ainsi  que  les  modifications  que  l'extension 
du  mouvement  cotonnier  et  l'ouverture  de  nouvelles  voies  de  péné- 
tration pourront  y  apporter. 


I.     _     CONDITIONS     ACTUELLES     D'EXPORTATION 

Nous  avons  dit,  dans  un  chapitre  précédent,  les  conditions  parti- 
culièrement favorables  de  transport  sur  la  voie  ferrée  qui  dans 
quelques  mois  reliera  Kayes  à  Koulicoro.  Ce  sera  à  ce  moment  la  seule 
route  commerciale  d'exportation,  pour  les  produits  pauvres  et  volu- 
mineux, tels  le  coton. 

L'intérêt  immédiat  de  la  question  cotonnière  nous  oblige  donc 
à  étudier  tout  d'abord  cette  voie,  qui  se  décompose  tout  naturelle- 
ment en  trois  parties  distinctes  : 

1°  Une  fluviale  :  le  Niger. 

2°  Une  ferrée  :  du  Niger  au  Sénégal. 

3°  Une  fluviale  et  maritime  :  de  Kayes  en  France. 

§  lop.  —  Centres  d'achat. 

A  l'heure  actuelle,  les  noirs  de  la  vallée  du  Niger  ont  la  coutume 
d'apporter  sur  les  grands  marchés  (San-Djenné-Sansanding-Ségou), 
et  surtout  à  l'époque  de  la  récolte,  le  coton  qu'ils  ont  en  trop  ou 
que  la  nécessité  les  oblige  à  vendre.  Ils  font  ainsi  beaucoup  de  che- 
min pour  venir  offrir  k   l'acheteur  un  panier  de  coton  de  12  à  15 


LE    COTON    DANS    L'AFRIQUE    OCCIDENTALE  85 

kilos.  J'en  ai  vu  à  Djenné  qui  venaient  des  parties  les  plus  recu- 
lées du  Cercle  ou  bien  de  San,  ou  de  Ségou,  et  il  ne  fait  pas  de 
doute  qu'ils  conserveront  les  mêmes  habitudes,  à  mesure  que  s'ac- 
centuera le  mouvement  commercial. 

Nous  n'avons  donc  nullement  à  nous  préoccuper  de  Ce  groupe- 
ment qui  se  fera  le  plus  naturellement  du  monde,  dans  les  centres 
d'achats  que  les  Européens  auront  choisis. 

Plusieurs  centres  existent  déjà,  je  les  ai  indiqués  plus  haut  ;  je 
dois  y  ajouter  ceux  de  Nyamina,  Bammako,  Siguiri,  Kouroussa, 
Kankan  et  bien  d'autres,  qui  ne  demandent  qu'à  se  développer. 

Tous  sont  placés  sur  des  voies  fluviales  navigables,  le  Niger,  le 
Milo,  le  Bani. 

Le  commerçant  n'aura  donc  à  se  préoccuper  tout  d'abord  que  de 
constituer,  dans  chacun  de  ces  centres,  un  entrepôt  où  le  coton  de 
première  récolte,  acheté,  sera  emmagasiné  et  évacué  sur  une  usine 
d'égrenage. 

Et  là  se  pose  une  première  question  très  importante,  le  commerce 
aura-t-il  intérêt  à  constituer  dans  tous  les  centres  d'achat  des  ate- 
liers d'égrenage,  ou  à  évacuer  le  coton  brut  vers  une  usine  centrale 
importante. 

L'avenir  en  décidera  ;  je  crois  cependant  qu'au  début,  alors  que 
les  achats  ne  seront  pas  encore  très  importants,  il  sera  préférable 
d'avoir  à  chaque  factorerie  une  batterie  dégreneuses  à  main  ou 
plusieurs  égreneuses  à  grand  travail,  actionnées  par  manèges  à  terre. 

Il  sera  aisé,  lorsque  ces  ateliers  deviendront  insuffisants,  de  les 
grouper  et  de  constituer  de  petites  usines  en  un  point  central  où 
l'on  achèterait  le  coton. 

Ces  usines,  situées  sur  un  cours  d'eau  navigable,  livreraient  le 
coton  pressé  en  balles  de  300  kilos  environ,  balles  qui  recevraient 
la  pression  finale  à  l'un  des  terminus  de  la  voie  ferrée  :  Bammako 
ou  Koulicoro. 

Donc  le  second  élément  du  compte  dépenses  sera  constitué  par  le 
prix  du  transport  au  terminus  du  chemin  de  fer  :  Bammako  pour  le 
bief  sud  du  Niger  (Kouroussa-Bammako),  Koulicoro  pour  le  bief 
nord  (Koulicoro-Mopti). 

Le  premier  élément  des  dépenses  étant  constitué  par  le  prix 
d  achat,  qui,  nous  avons  vu,  peut,  pour  les  premières  acquisitions, 
être  fixé  entre  0  fr.  15  et  0  fr.  20. 


86  études  et  mémoires 

$  2   —  Transport  sur  le  Niger. 

Pour  évaluer  le  prix  de  transport  à  la  tonne  kilométrique  sur  le 
Niger,  il  est  préférable  de  choisir  un  point  de  départ  éloigné  de  la 
voie  ferrée,  afin  d'avoir  une  moyenne  plus  exacte  indépendante  de 
circonstances  locales. 

Nous  pouvons  prendre  comme  type  le  trajet  Djenné-Koulicoro 
en  passant  par  le  marigot  de  Koakourou  par  exemple,  Djenné  étant 
un  centre  important  de  production  de  coton.  Cette  voie  est  navi- 
gable jusqu'en  fin  février  pour  des  chalands  ne  calant  pas  plus  de 
trente  centimètres  ;  après  cette  date,  il  faut  emprunter  le  Bani  jus- 
qu'à Mopti  et  remonter  ensuite  le  Niger. 

La  navigation  sur  le  Niger  est  assurée  par  deux  populations 
noires  :  les  Somonos  et  les  Basos.  qui  se  livrent  exclusivement  à 
l'industrie  des  transports  et  de  la  pêche. 

Ce  sont  des  nautonniers  fort  experts,  connaissant  admirablement 
leur  fleuve  et  possédant  une  résistance  peu  commune   à  la  fatigue. 

Djenné  est  un  de  leurs  centres  les  plus  importants  ;  c'est  égale- 
ment le  seul  point  où  l'on  construise  les  grandes  pirogues  qui 
apportent  à  Tombouctou  le  miel,  le  beurre  de  karité  et  autres  den- 
rées alimentaires,  et  en  reviennent  chargées  de  barres  de  sel. 

Les  Basos  forment  des  équipages  parfaits,  aussi  courageux  et 
faciles  à  conduire  que  sont  paresseuses  et  indociles  les  équipes  de 
laptots  bambaras  que  l'on  forme  à  Koulicoro. 

De  Djenné  à  Koulicoro,  par  Koakourou,  il  y  a  environ  oOO  kilo- 
mètres. Il  faut  environ  quinze  jours  pour  l'aller  et  douze  jours 
pour  le  retour. 

Pirogues  et  chalands.  —  Pour  évacuer  le  coton  en  balles  de  300 
kilos  au  mètre  cube,  on  devra  se  servir  de  pirogues  indigènes, 
excellentes  si  elles  sont  bien  construites,  ou  de  chalands  groupés 
en  flottilles. 

Nous  avons  vu  que  Djenné  est  le  centre  de  fabrication  des  pirogues 
de  fort  tonnage. 

chargement  d'une  pirogue  de  djenné 

Ces  pirogues,  pouvant  porter  facilement  six  tonnes,  sont  cons- 
truites avec  des  essences  indigènes  :  le  Diala  [Khaya  Sônégalensis), 
le  Sô  (Berlinia  sp.),  le  Lingue  (Afzélia  africana). 


LE    COTON    DANS    L'AFRIQUE    OCCIDENTALE  87 

Les  noirs  retirent  rarement  plus  de  deux  couples  de  planches  des 
plus  gros  arbres  ;  ils  vont  les  vendre  sur  les  grands  marchés,  notam- 
ment à  Baramandougou  et  à  Sofara  ;  le  couple  de  planches  vaut 
environ  10  francs. 

Autrefois,  l'assemblage  de  ces  planches  était  fait  sur  un  châssis 
rudimentaire,  uniquement  à  laide  de  liens  végétaux.  A  cet  effet,  les 
planches  étaient  percées,  sur  chaque  bord,  d'un  certain  nombre  de 
trous  pour  le  passage  des  liens,  et  l'on  calfatait  ensuite  le  tout  à 
l'aide  d'étoupe  et  de  beurre  de  karité. 

Inutile  de  dire  combien  une  telle  fabrication  donnait  des  pirogues 
peu  étanches. 

A  l'heure  actuelle,  les  pirogues  construites  à  Djenné  sont  toutes 
clouées  à  l'aide  de  clous  à  large  tête  (taches)  ;  bien  calfatées,  elles 
ne  prennent  pas  l'eau,  et  il  suffirait  d'un  bon  goudronnag-e  poul- 
ies rendre    absolument  étanches  et  leur   assurer  une  grande  durée. 

Je  crois  que  le  commerce  trouverait  là,  pour  les  premières  opéra- 
tions, un  mode  de  transport  commode  et  peu  coûteux. 

Il  suffirait  de  faire  débiter  convenablement,  à  l'aide  d'une  scie  de 
long,  les  arbres  abattus,  et  de  calfater  soigneusement  les  pirog-ues 
à  l'étoupe  et  au  goudron,  pour  avoir  des  embarcations  stables  et 
commodes,  dont  le  prix  de  revient  ne  dépasserait  pas  350  à  400 
francs. 

Les  grandes  pirogues  construites  actuellement  mesurent  environ 
20  mètres  de  bout  en  bout,  2  mètres  de  largeur  et  0  m  80  de  creux  ; 
elles  sont  fusiformes  et  portent  une  toiture  légère  sur  laquelle  on 
étend  une  bâche.  Elles  portent  couramment  de  5  à  6  tonnes.  Il  est 
facile  de  les  faire  construire,  en  leur  donnant  le  profil  indiqué  dans 
la  ligure  ci-contre,  dont  elles  se  rapprochent  d'ailleurs  sensiblement. 

A  l'avant  et  à  l'arrière,  une  partie  allongée  d'environ  4  mètres 
de  long  serait  réservée  aux  laptots,  au  nombre  de  cinq,  deux  à 
l'avant,  deux  à  l'arrière,  avec  le  chef  laptot  servant  de  guide.  La 
partie  médiane,  d'une  longueur  d'environ  12  mètres  et  de  2  mètres 
de  largeur,  serait  consacrée  au  chargement  et  abritée  par  une 
bâche. 

Le  chargement  de  ces  pirogues  devra  se  faire  avec  des  balles, 
qui,  nous  l'avons  vu,  pourront  n'être  pressées  qu'à  300  kilos  au 
mètre  cube. 

De  toutes  façons,  il  faudra  que  la  balle  pèse,  dès  la  première  pres- 
sion, le  poids  normal  de  la  balle  américaine,  soit  225  kilos  environ. 


88 


ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 


Or,  deux  des  dimensions  de  la  balle,  la  longueur  et  la  largeur,  sont 
fixes,  ce  sont  celles  des  caisses  de  la  presse  ;  c'est  donc  la  troisième 
dimension,   l'épaisseur,  qui  devra,  dans  notre  cas,  être  augmentée. 

La  balle  américaine  mesure  im  40  X  0m  70  X  0m  45 ,  pèse  225 
kilos,  a  la  densité  de  500  kilos  au  mètre  cube. 

Notre  balle,  après  la  première  pression  subie  dans  les  ateliers 
d'égrenage,  doit  peser  également  225  kilos,  mais  a  la  densité  de 
300  kilos  au  mètre  cube.  Elle  mesure  donc  lm  40xOm  70  X  0m  75. 


Vue  longitudinale.  Le  pointillé  indique  l'emplacement  du  chargement. 


Bâche. 


Coupe  transversale. 
1er  Mode  de  chargement 


Coupe  longitudinale, 
après  chargement. 


Coupe  transversale. 
2e    Mode   de   chargement. 


Cette  dernière  dimension  sera,  à  la  deuxième  pression,  réduite  à 
0,n  45,  de  façon  à  ce  que  la  balle  soit  en  tous  points  conforme  au  type 
américain  accepté  sur  nos  marchés. 

Pour  effectuer  le  chargement  d'une  pirogue,  il  suffira  donc  de 
placer  sur  le  faux  plancher  deux  rangées  de  8  balles  chacune,  et, 
par-dessus,  une  double  rangée  de  5  à  6  balles,  ce  qui  fait  un  char- 
gement total  de  26  à  28  balles,  faisant  plus  ou  moins  de  6  tonnes. 
On  laissera  ainsi  libre,  à  chaque  extrémité  de  la  pirogue,  une  lon- 
gueur d'environ  4m  50  où  se  placeront  les  laptots.  De  cette  façon  éga- 
lement, la  pirogue  sera  uniquement  chargée  en  son  milieu,  partie 
la  plus  solide. 

Ce  qu'il  était  intéressant  de  montrer,  c'est  la  possibilité  de  trou- 
ver, dès  à  présent,  des  moyens  de  transports  suffisants  pour  les 
premières  opérations. 


LE    COTON    DANS    L'AFRIQUE    OCCIDENTALE  89 

Une  flottille  de  dix  de  ces  pirogues  peut  aisément  faire  au  moins 
trois  voyages  aller  et  retour  de  Djenné  à  Koulicoro,  avant  les  plus 
basses  eaux.  La  récolte  de  coton  commençant  dans  la  seconde  quin- 
zaine de  novembre,  les  départs  de  Djenné  pourraient  être  ainsi  fixés  : 

Ier  départ 1S  décembre. 

2e      —       15  janvier. 

3°     —      15  février. 

Cet  ensemble  de  trois  voyages  écoulerait  donc,  du  seul  centre  de 
Djenné,  une  moyenne  de  180  tonnes  de  coton  par  an,  avec  une  pre- 
mière mise  de  fonds  certainement  inférieure  à  4.000  francs  et  un 
personnel  de  50  piroguiers. 

Il  est  probable  que,  par  la  suite,  il  y  aura  tout  intérêt  à  consti- 
tuer une  puissante  flottille,  bien  organisée  et  dirigée,  constituée 
par  des  chalands  métalliques  de  fort  tonnage,  mais,  pour  les  débuts, 
il  sera  très  sage  d'utiliser  les  moyens  locaux  de  transport  qui, 
comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  construits  sous  notre  surveillance,  sont 
excellents. 


Prix  de  transport  par  tonne  kilométrique.  —  A  combien  revien- 
dra donc  le  transport  dune  tonne  de  coton  dans  ces  conditions? 

Une  pirogue  bien  construite  peut  faire  dix  ans  de  bon  services, 
son  entretien  est  fort  peu  de  chose  ;  il  est  assuré  par  les  piroguiers 
eux-mêmes  avec  de  l'étoupe  et  du  goudron,  et  ne  nécessitera  pas  une 
dépense  de  plus  de  50  francs  pour  toute  la  période  de  son  service. 

Ce  qui  fait  en  tout  450  francs  à  amortir  en  10  ans,  mettons  lar- 
gement 50  francs  par  an,  qui  constituent,  en  réalité,  une  sorte  de 
prix  de  location. 

A  18  tonnes,  transportées  par  campagne  et  par  pirogue,  cela  fait, 
par  tonne,  un  prix  de  location  de  2  fr.  80  de  Djenné  à  Koulicoro. 

Le  second  élément  de  dépenses  est  constitué  par  la  location  de 
5  piroguiers  qui  sont  soumis  à  un  tarif  fixé  par  les  Somonos  ou  chefs 
Basos. 


90 


ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 


PRIX    DE    TRANSPORT    DE    DJENNÉ    A    KOl'LICORO 


Mopti 

S0LDE 

PAR      I.APTOT 

aller    et    retour 

VALEUR 

DES       VIVRES 

aller  et  retour 

Iil'RÉE    DU    VOYAGE 

aller 

retour 

cauries 

2 .  400 

2.400 

S.  000 

9.600 

12.000 

5.600 

hiver  }         800 

été   j          640 

cauries 

2.400 
2.400 
3.360 
i.OOO 

1 .  1 00 

2 .  000 
240 
240 

jours 
3 
3 

7 

10 
15 

6 

1 

1 

jours 

3 
3 

6 

* 

12 
5 

l 
1 

San 

Segou 

Xvamina 

Koulicoro 

Sansandiiifi' 

Koniniau 

Les  prix  sont  indiqués  en  cauries,  monnaie  courante  de  la  vallée 
du  Niger,  dont  1.000  environ  valent  un  franc.  De  telle  sorte  q vie  le 
prix  de  location  d'un  laptot,  nourriture  comprise,  est  de  16.100  cau- 
ries. soit  16  fr.  10,  pour  un  voyage  aller  et  retour  de  Djenné  à 
Koulicoro. 

La  location  d'un  équipage  de  5"  piroguiers  sera  donc  de  80  fr.  50 
pour  le  transport  de  6  tonnes  de  coton,  soit  13  fr.  oO  par  tonne.  Je 
ferais  remarquer  que  le  prix  du  voyage  comprend,  au  retour,  la 
conduite  de  la  pirogue  chargée,  que  le  fret  ne  manquera  pas  à  coup 
sûr,  qu'il  soit  formé  de  marchandises  ou  de  passagers. 

Gela  viendra  donc  en  atténuation  des  dépenses  globales  du  trans- 
port, mais  n'en  tenons  pas  compte. 

En  résumé,  le  prix  de  transport  de  la  tonne  de  Djenné  à  Koulicoro 
comprend  : 

1°  2  fr.  80  d'amortissement  du  matériel  flottant  : 
2°  13  fr.  50  de  location  de  piroguiers. 

Si,  à  cela,  nous  ajoutons  0  fr.  20  par  tonne  pour  la  manipulation 
au  chargement  et  au  déchargement,  nous  arrivons  au  chiffre  de 
16  fr.  50  pour  un  parcours  de  500  kilomètres,  ce  qui  met  le  prix  de 
transport  de  la  tonne  kilométrique  à  environ  3  centimes  1  /2. 

Plus  tard,  à  mesure  que  la  concurrence  s'accentuera,  il  sera  utile 
que  chaque  négociant  se  constitue  des  équipes  fixes  de  piroguiers, 
qu'il  conservera  pendant  la  durée  des  opérations,  c'est-a-dire  trois 
mois,  si  nous  prenons  comme  base  trois  voyages  aller  et  retour. 


LE  COTON  DANS  L 'AFRIQUE  OCCIDENTALE  91 

Il  sera  nécessaire  alors  de  fixer  un  tarif  déterminé,  pour  la  paye 
et  la  ration  de  ces  hommes  qui,  en  dehors  des  voyages,  auront  à 
s'occuper  des  débardages,  réparations  et  construction  de  pirogues, 
etc. 

Il  est,  dès  k  présent,  possible  d'admettre  comme  base  :  0  fr.  50 
de  paye  par  jour  et  0  fr.  15  de  nourriture,  encore  que  ce  dernier 
chiffre  pourrait  être  réduit  par  des  achats  en  gros  de  sel  et  de  mil. 
Cela  fait  donc  0  fr.  65  par  jour  de  travail  et  par  homme. 

Une  équipe  de  5  piroguiers  occasionnera  donc,  pour  trois  mois 
de  campagne,  une  dépense  de  292  fr.  50  pour  servir  à  l'évacuation 
de  18  tonnes  de  coton. 

Par  tonne  de  coton,  cela  fait  donc  16  fr.  20  qui,  ajoutés  aux 
2  fr.  80  de  premières  dépenses,  constituent  un  total  de  19  fr.  par 
tonne. 

Dans  ce  chiffre  sont  comprises  toutes  les  dépenses  de  manipula- 
tions, transbordements  et  autres  frais,  car  il  a  été  compté  la  solde 
de  travail  pour  les  voyages  proprement  dits  et  celle  de  neuf  jours 
supplémentaires  à  répartir  entre  les  voyages. 

Si  même  nous  admettons  le  chiffre  de  20  fr.  par  tonne  pour 
500  kilomètres,  cela  fait  4  centimes  à  la  tonne  kilométrique,  et  il  y 
a  tout  lieu  de  croire  ce  chiffre  exact  et  applicable  à  toute  la  naviga- 
tion sur  le  Niger. 

A  tout  bien  compter,  il  est  même  supérieur  à  ce  qu'il  sera  en 
réalité,  car  les  voyages  de  retour  assureront,  soit  pour  le  transport 
du  matériel  du  négociant,  soit  pour  celui  d'indigènes,  une  source  de 
profits  qui  doit  raisonnablement  entrer  en  ligne  de  compte. 

Ainsi  donc,  même  dans  le  cas  de  la  constitution  d'une  flottille  de 
chalands,  je  ne  pense  pas  que  le  prix  de  revient  du  transport  de  la 
tonne  kilométrique  soit  supérieur  à  4  centimes. 

Capacité  de  transport  du  Niger.  —  Ce  point  étant  bien  établi,  il 
est  une  autre  question  de  toute  importance,  «  la  capacité  de  naviga- 
tion du  Niger  »,  autrement  dit  le  tonnage  qu'il  est  possible  de 
transporter  pendant  une  campagne,  avant  d'être  arrêté  par  une 
baisse  considérable  des  eaux. 

Cette  question,  pour  les  débuts  où  le  tonnage  à  évacuer  sera 
faible,  n'a  évidemment  que  peu  d'importance.  Il  n'en  est  pas  de 
même  pour  la  suite. 


[\'2  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

1°  Bief  Kollicoro-Mopti.  —  Les  pirogues  de  Djenné,  les  cha- 
lands de  6  tonnes,  ne  calent  guère  plus  de  39cm,  c'est-à-dire  qu'ils 
peuvent  naviguer  en  tous  sens  pendant  les  mois  de  décembre,  jan- 
vrier,  février  et  mars. 

Encore  faut-il  ajouter  que  lorsque  la  navigation  devient  pénible, 
il  n'est  que  quelques  points  un  peu  difficiles  à  passer,  dont  un  près 
de  Sansanding  en  particulier. 

De  toutes  façons,  on  peut  être  assuré  de  pouvoir  effectuer,  pour 
un  point  éloigné  comme  Djenné,  i  voyages  à  Roulicoro,  en  passant 
par  Koakourou  ou  par  Mopti. 

Avec  une  simple  flottille  d'une  vingtaine  de  chalands  de  6  tonnes, 
c'est  l'écoulement  assuré  de  500  tonnes  de  coton. 

Et  plus  l'on  se  rapproche  de  Koulicoro,  plus  les  facilités  de  trans- 
port augmentent. 

D'un  autre  côté,  le  nombre  et  le  cubage  des  chalands  suivra 
nécessairement  la  progression  du  mouvement  d'exportation. 

Des  chalands  de  20  tonnes  peuvent  naviguer  sans  difficulté  jus- 
qu'à Djenné  pendant  trois  mois  de  l'année,  décembre,  janvier, 
février.  Gela  fait  trois  voyages,  c'est-à-dire,  avec  20  chalands  de 
20  tonnes,  la  possibilité  d'évacuer,  en  une  campagne,  environ 
1 .200  tonnes  de  coton. 

Dans  tout  ce  qui  précède,  je  n'ai  envisagé  que  le  transport  sur 
chalands  conduits  par  des  piroguiers. 

Pour  aucune  des  personnes  connaissant  bien  le  Soudan,  il  ne  fait 
de  doute  qu'un  jour  viendra  où  il  sera  nécessaire  d'avoir  un  agent 
de  locomotion  plus  rapide  et  plus  maniable. 

Sera-ce  le  charbon,  sera-ce  l'alcool,  c'est  un  problème  à  résoudre, 
mais  ce  qui  est  incontestable,  c'est  que,  de  ce  jour,  des  moteurs  à 
hélice  ou  à  roues,  ne  calant  pas  plus  de  0m  60,  pourront,  en  quatre 
jours,  faire  facilement  le  trajet  Djenné-Koulicoro,  et  en  trois  jours 
le  trajet  inverse. 

Ils  pourront  circuler  sur  le  fleuve  pendant  deux  mois  et  demi  ou 
trois  mois,  selon  les  années;  c'est  plus  qu'il  n'en  faut  pour  évacuer 
la  production  de  cette  région.  Ces  données  permettent,  en  effet, 
d'évaluer  la  capacité  de  transport  pour  une  campagne  et  pour 
Djenné  à  environ  12.000  tonnes  (53.000  balles),  avec  une  flottille 
de  20  chalands  de  00  tonnes,  actionnés  mécaniquement.  Dans  ce 
calcul,  j'ai  choisi  Djenné,  parce  que  c'est  un  centre  relativement 
éloigné  d'abord,  et  ensuite  parce  qu'il  constitue  un  milieu  important 


LE    COTON    DANS    ^AFRIQUE    OCCIDENTALE  93 

de  culture  de  coton,  et  qu'il  canalisera  forcément  la    plus  grande 
partie  de  la  production  du  Bassi,  notamment  de  San. 

2°  Bief  Kouroussa-Bammako.  —  Au  point  de  vue  de  la  naviga- 
bilité, le  cours  supérieur  du  Niger  est  bien  moins  favorisé  que  la 
partie  moyenne. 

La  crue  y  est  rapide  et  intense  à  la  saison  des  pluies,  elle  atteint 
son  maximum  vers  le  commencement  d'octobre,  de  8  à  10  mètres 
selon  les  années;  elle  diminue  ensuite  progressivement,  et  en  fin 
février  le  fleuve  ne  dépasse  pas,  sur  certains  seuils,  une  profondeur 
de  30  centimètres. 

Dès  le  mois  de  mars,  il  faut  haler,  avec  force  bras,  les  chalands 
chargés  sur  de  grands  bancs  de  sable  qui,  à  certains  endroits, 
barrent  son  lit. 

Ce  sont  les  villages  riverains  qui  s'acquittent  de  cette  tâche  en 
manière  d'impôts. 

Entre  Kangaba  et  Bammako,  il  faut  franchir  plusieurs  seuils 
rocheux  qui,  sans  présenter  de  dangers  sérieux  pour  la  navigation, 
auraient  besoin  d'être  soigneusement  balisés. 

En  résumé,  en  ce  qui  nous  concerne,  la  navigation  sur  ce  bief 
n'est  possible  que  jusqu'en  fin  février,  avec  des  chalands  ne  calant 
pas  plus  de  0m30. 

Cela  fait  une  moyenne  de  deux  mois  et  demi  de  transit.  A  raison 
de  15  jours  par  voyage,  aller  et  retour,  entre  les  deux  points 
extrêmes,  Kouroussa  et  Bammako,  cela  donne  une  moyenne  de 
quatre  à  cinq  voyages  possibles  après  la  première  récolte  du  coton. 

Avec  quatre  voyages  et  une  flottille  de  20  chalands  de 
20  tonnes,  c'est  l'écoulement  assuré  de  1.600  tonnes  de  coton  pour 
le  point  le  plus  éloigné,  Kouroussa. 

Pour  la  région  de  Kankan,  les  conditions  seraient  sensiblement 
les  mêmes. 

Le  chargement  se  ferait  comme  je  l'ai  indiqué  pour  le  bief  Kouli- 
coro-Mopti;  on  pourrait  constituer,  progressivement,  des  centres 
d'égrenage  à  Siguiri,  Kouroussa,  Kankan.  Les  balles  pressées  à 
300  kilos  au  mètre  cube  recevraient  la  dernière  pression  à  Bammako, 
avant  l'embarquement  sur  la  voie  ferrée. 

(A  suivre.)  Yves  Henry. 


NOTES 


ÉTUDES     SUR     LES     PRODUITS     ODORANTS 
DES     COLONIES     FRANÇAISES 

(2e  mémoire) 

Il  y  a  un  an  '  nous  avons,  dans  ce  Recueil,  mis  en  lumière  l'intérêt 
que  présente  au  point  de  vue  économique  l'examen  des  produits 
odorants  d'origine  coloniale.  Nous  avons  en  même  temps  men- 
tionné les  résultats  auxquels  nous  a  conduit  l'étude  d'un  certain 
nombre  de  ces  produits.  Depuis,  M.  Dybowski,  directeur  du  Jar- 
din colonial  de  Nogent-sur-Marne,  a  bien  voulu  nous  soumettre 
toute  une  nouvelle  série  d'huiles  essentielles  dont  quelques-unes 
méritent  d'être  décrites.  a 


ESSENCE    D  ANDROPOGON    SCHŒNANTHUS    DE    LA    NOUVELLE-CALEDONIE 

Une  huile  essentielle  de  couleur  jaune  rougeâtre  est  arrivée  au 
Jardin  colonial  sous  le  nom  d'essence  de  citronnelle  de  la  Nou- 
velle-Calédonie. Ce  produit  avait  figuré  à  l'Exposition  universelle 
de  1900.  Avant  d'en  entreprendre  l'étude,  nous  avons  tenu  à  en 
connaître  l'origine  botanique,  et  nous  avons  reçu,  à  ce  sujet,  par 
l'intermédiaire  de  M.  Dybowski,  la  note  suivante  émanant  du 
directeur  du  Jardin  d'essai  de  la  Nouvelle-Calédonie  : 

((  L'essence  de  citronnelle  ~  obtenue  en  Nouvelle-Calédonie  ne 
provient  pas  de  la  même  plante  que  celle  cultivée  en  Europe  pour 
l'obtention  de  ce  produit. 

«  Au  lieu  d'appartenir  aux  Verbénacées,  Lippia  citriodora  3, 
c'est  une  graminée,  Andropogon  schœnanthus. 

1.  E.  Charabot,  L'Agriculture  prati([ue  des  pays  chauds,  t.  II,  p.  395. 

2.  Le  produit  auquel  doit  être  réservé  ce  nom  est  l'essence  extraite  de  VAndropo- 
gon  nardus,  ce  qui  n'est  pas  le  cas  ici. 

3.  Le  Lippia  citriodora  n'est  pas  non  plus  la  citronnelle,  mais  bien  la  verveine. 


LES  PRODUITS  ODORANTS  DES  COLONIES  FRANÇAISES         95 

e  De  même  que  Y  And  ropogon  rnuricatus,  ou  vétiver,  cette  plante 
est  peu  difficile  en  ce  qui  concerne  le  terrain.  Elle  possède  des 
rhizomes  assez  nombreux  qui  lui  permettent  de  fort  bien  résister, 
comme  la  précédente,  aux  sécheresses.  Mais  tandis  que  le  vétiver 
renferme  la  matière  odorante  dans  ses  racines,  la  citronnelle  au 
contraire  la  contient  dans  ses  feuilles,  ce  qui  rend  moins  onéreuse 
son  exploitation  industrielle. 

«  Quoi  qu'il  en  soit,  celle-ci  n'a  jamais  été  tentée.  Bien  connu 
dans  la  colonie,  VAndropogôn  schœnanthus  n'a  jamais  été  cultivé 
que  sur  des  surfaces  fort  restreintes.  Au  lieu  d'être  industrielle, 
c'est  une  plante  de  jardin.  Les  colons  et  notamment  les  Bourbon- 
nais s'en  servent  pour  préparer  des  infusions  excellentes  dans  les 
cas  de  diarrhées  et  pour  provoquer  une  transpiration  abondante. 

«  L'échantillon  d'essence  qui  fut  envoyé  à  l'Exposition  n'est  que 
le  résultat  d'un  essai,  car  je  ne  connais  ni  à  Bourail  ni  dans  les 
environs  aucune  culture  industrielle  de  citronnelle,  aucun  conces- 
sionnaire se  livrant  à  l'extraction  de  l'essence. 

«  D'ailleurs,  cette  branche  de  l'industrie  agricole  (extraction  des 
parfums)  fait  totalement  défaut  en  Nouvelle-Calédonie  où  cepen- 
dant les  plantes  à  parfums  sont  très  répandues.  Pour  qu'elle  naquît 
il  faudrait  que  la  métropole  offrît  aux  produits  des  débouchés  et  des 
prix  rémunérateurs.  Si  l'essence  d'Andropogon  présente  un  intérêt 
pour  l'industrie  de  la  parfumerie,  il  appartient  à  celle-ci  d'en  fixer 
la  valeur  et  d'offrir  des  prix  d'achat.  A  l'heure  actuelle  il  n'y  a  pas 
dans  la  colonie  de  production  régulière  et  pas  de  vente. 

«  Yahoué,  le  21  avril  1903. 

«   Signé  :  M.  Etesse.   » 

En  résumé,  d'après  M.  Etesse,  l'essence  envoyée  au  Jardin  colo- 
nial a  été  extraite  de  VAndropogôn  schœnanthus.  Or,  on  sait  que 
c'est  précisément  cette  plante  qui  produit  l'essence  connue  sous  le 
nom  d'essence  de  palma  rosa  ou  de  géranium  des  Indes,  et  origi- 
naire des  Indes  Orientales. 

Nous  allons  voir  que  la  composition  de  l'essence  à1  Andropogon 
schœnanthus  de  la  Nouvelle-Calédonie  est  sensiblement  différente 
de  celle  de  l'essence  d'Andropogon  schœnanthus  des  Indes  Orien- 
tales. 

La  densité  de  l'essence  de  la  Nouvelle-Calédonie  était  de 
0,9217  à  20°. 


96  NOTES 

Prévoyant  dans  cette  essence  la  présence  d'un  mélange  de  citral, 
C"  H16  0  et  de  citronellal,  C'°  Hls  0,  on  a  appliqué  la  méthode  de 
séparation  de  Tiemann  dont  voici  le  principe  :  lorsqu'on  traite  par 
une  solution  diluée  de  sulfite  de  sodium  et  de  bicarbonate  de  sodium 
un  mélange  de  citral  et  de  citronnellal,  cette  dernière  aldéhyde  n'est 
pas  attaquée,  tandis  que  le  citral  entre  en  solution  à  l'état  de  citral- 
dihvdrosulfonate  de  sodium  instable. 

On  a  agité  mécaniquement  pendant  six  heures,  29  s?1  98  d'essence 
avec  un  mélange  de  52&r*i  de  sulfite  de  sodium  SO3  Na-  -\-  7  fL  0, 
de  18=''  75  de  bicarbonate  de  sodium  et  de  525  grammes  d'eau.  Le 
produit  a  été  ensuite  épuisé  à  trois  reprises  différentes  au  moyen 
de  l'éther.  La  solution  éthérée  a  été  filtrée  et  recueillie  dans  un  vase 
taré.  Par  évapora tion  de  l'éther  on  a  obtenu  une  huile  dont  le  poids 
s'élevait  à  17sr  01.  La  portion  aldéhydique  se  comportant  comme 
le  citral  pesait  donc  12§T97;  elle  formait  donc  les  43,2  °/0  de 
l'esrsence. 

La  portion  aqueuse  a  été  traitée  avec  précaution  par  la  soude  en 
présence  de  l'éther  en  vue  de  la  régénération  de  l'aldéhyde,  dont  le 
poids  s'est  élevé  à  9^r  63.  L  odeur  de  ce  produit  est  identique  avec 
celle  du  citral.  L'identification  de  ce  corps  a  été  faite  d'ailleurs  par 
transformation  en  acide  citryl-^-naphtocinchoninique. 

L'essence  &  Andropogon  schœnanthus  de  la  Nouvelle-Calédonie 
renferme  donc  43  °/0  de  citral. 

Le  résidu  de  l'extraction  du  citral  a  été  traité  en  vue  de  la  sépa- 
ration du  citronnellal.  Pour  cela  on  l'a  agité  pendant  12  heures  avec 
une  solution  de  52 #r  5  de  sulfite  neutre  de  sodium  et  de  9&r  4  de 
bicarbonate  de  sodium  dans  150&1'  d'eau.  Dans  ces  conditions  le 
citronnellal  s'est  trouvé  précipité  à  l'état  de  combinaison  bisulfitique 
dont  on  l'a  régénéré  après  séparation  de  la  portion  non  aldéhydique 
dont  le  poids  était  de  14^''  92,  ce  qui  donne  par  différence  2&r  09  de 
citronnellal,  soit  7  °/0  de  l'essence.  Le  poids  de  l'aldéhyde  isolée 
déterminé  directement  était  de  0&r  735.  Ce  produit  possédait  l'odeur 
caractéristique  du  citronnellal  ;   il  n'a  pas  été  autrement  identifié. 

La  portion  non  aldéhydique,  qui  constitue  les  50  centièmes  de 
l'essence,  possède  les  constantes  physiques  suivantes  : 

Densité  à  15° 0,9510 

Pouvoir  rotatoire 0°  17' 

Indice  de  réfraction  nD    à  16°.  .  .  .      1,4975 


LES    PRODUITS    ODORANTS    DES    COLONIES    FRANÇAISES  97 

Cette  portion  renferme  H0/o  d'éther  calculé  en  acétate  de  géra- 
nyle  et  20,5  °/0  d'alcool  libre  calculé  en  géraniol. 

En  résumé,  l'échantillon  d'essence  arrivé  au  Jardin  colonial  sous 
le  nom  d'essence  de  citronnelle  de  la  Nouvelle-Calédonie  et  fourni, 
d'après  M.  Etesse,  par  l' And ropogon  schœnanthus,  possède  la  com- 
position suivante  : 

Citral 43,2  °/n 

Aldéhyde  possédant  les  caractères 

du  citronnellal 7,0  °/0 

Ether  (en  acétate  de  géranyle) .  .  .  5,5  °/0 

Alcool  libre  (en  géraniol) 10,2  °/0 

Autres    constituants 34,1  °/0 

On  voit  que  le  constituant  principal  de  cette  essence  est  le  citral. 
Elle  pourrait  être  utilisée  pour  l'extraction  de  ce  corps,  à  condition 
que  son  prix  de  revient  permît  de  le  faire,  ce  qui  est  probable 
d'après  les  renseignements  fournis  par  M.  Etesse. 

Il  résulte  de  cette  étude  que  si  la  plante  qui  a  fourni  l'essence 
examinée  est  bien  YAndropogon  schœnanthus,  et  nous  n'avons 
aucune  raison  d'en  douter,  cette  plante  produit  à  la  Nouvelle-Calé- 
donie une  essence  formée  notommant  de  citral,  tandis  que  dans  les 
Indes  Orientales,  dans  les  îles  de  la  Malaisie  et  à  Ceylan,  elle  donne 
une  essence  renfermant  presque  exclusivement  du  géraniol,  c'est-à- 
dire  l'alcool  correspondant  au  citral.  Cette  dernière  essence  est,  on 
le  sait,  connue  sous  le  nom  d'essence  de  palma  rosa. 

ESSENCE    DE    VÉTIVER    DE    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE 

L'essence  de  Vétiver  (Andropogon  muricatus)  nous  vient  de  la 
Réunion,  mais  les  racines  distillées  en  Europe  sont  originaires  des 
Indes  ;  elles  sont  expédiées  de  Tuticorin,  port  situé  en  face  de  l'île 
de  Ceylan,  dans  le  Coromandel,  et  proviennent  des  collines  de 
Travancore  !.  M.  Dyrowski,  dans  le  but  de  répandre  dans  nos 
colonies  l'exploitation  des  plantes  à  parfums,  a  fait  effectuer  des 
essais  de  distillation  du  vétiver  de  la  Nouvelle-Calédonie.  L'essence 
obtenue  n'est  pas  dénuée  d'intérêt  au  point  de  vue  odorant.  Malheu- 

1.   Voir  Rouke-Bertrand  fils,  Bull,  scient,  ind.,  I"  série,  n°  i,  p.  21. 

Bulletin  du  Jâi  din  colonial.  7 


98  NOTES 

reusement  l'échantillon  dont  nous  disposions  était  insuffisant  pour 
nous  permettre  d'en  faire  un  examen  chimique  même  sommaire. 
Nous  pensons  que  cette  essence,  si  les  rendements  sont  suffisants, 
serait  utilisable  dans  la  Parfumerie. 


ESSENCE    D  ANDROPOGON    CITRATDS    DES    COMORES 

Un  échantillon  d'essence  d'Andropogon  citratus,  originaire  des 
Comores,  nous  est  parvenu,  grâce  à  l'obligeance  de  M.  Dybowski. 
On  sait  que  l'essence  à1  Andropogon  citratus,  autrement  dit  l'es- 
sence de  lemon  grass,  est  originaire  des  Indes.  Elle  sert  à  l'extrac- 
tion du  citral  destiné  en  particulier  à  la  fabrication  de  lionone. 

L'essence  des  Comores  possède  une  odeur  très  fine  comparati- 
vement aux  produits  analogues  et  peut  être  classée  parmi  les  meil- 
leures. Son  pouvoir  rotatoire  est  de  0°  06'.  On  a  dosé  le  citral  et 
trouvé  67  °/0  de  ce  corps,  mais  l'échantillon  examiné  avait  été  pré- 
paré depuis  plusieurs  années  et  une  proportion  assez  notable  de  son 
citral  avait  dû  subir  les  effets  de  la  polymérisation,  a  en  juger  par 
l'aspect  pâteux  du  résidu  de  l'extraction  de  la  portion  aldéhydique 
de  l'essence. 

Ces  considérations  nous  permettent  de  conclure  que  l'essence  de 
lemon  grass  des  Comores  posséderait  toutes  les  qualités  néces- 
saires pour  recevoir  un  bon  accueil  dans  l'industrie  de  la  Parfu- 
merie. 

Eugène  Ch  ara  bot. 


NOTE     SUR     LA     CULTURE     DE     L'AMPEMBY 

ET     SUR     L'INFLUENCE     DE     LA     NATURE 

DU     TERRAIN     SUR     LA     VÉGÉTATION 

DE     CETTE     PLANTE 


(Observations  recueillies  a  la  Station  d'Essais  de  l'Ivoloina  par 
M.  l'agent  de  culture  Duchène). 


En  1902,  la  Direction  de  l'Agriculture  a  publié  l  une  note  sur  la 
culture  de  l'Ampemby,  rédigée  par  MM.  Deslandes,  sous-inspecteur 
de  l'Agriculture,  et  Duehène,  agent  de  culture,  d'après  les  obser- 
vations fournies  par  les  essais  entrepris  sur  la  culture  de  cette 
grande  graminée,  à  la  Station  d'Essais  de  l'Ivoloina. 

L  Ampemby  a  été  planté  en  1902  sur  l'une  des  parcelles  les  plus 
fertiles  du  carré  de  grande  culture  de  la  Station  ;  les  résultats  ont 
été  magnifiques,  les  tiges  atteignirent  plus  de  5  mètres  de  hauteur, 
et  le  rendement  en  grain  sec  et  nettoyé  dépassa  1.100  kilogrammes 
à  l'hectare. 

Cette  année  l'Ampemby  fut  cultivé  dans  la  parcelle  n°  1 8  d'une 
superficie  d'un  quart  d'hectare,  située  à  peu  de  distance  de  celle  sur 
laquelle  il  avait  été  cultivé  l'année  dernière. 

La  végétation  spontanée  qui  couvrait  ce  carré  n'indiquait  pas  une 
grande  fertilité  ;  composée  en  grande  partie  de  Fataka  (andropogon) 
et  de  Tenina,  elle  était  un  peu  rabougrie  et  souffreteuse.  La  nature 
du  sol  est  également  fort  différente  de  celle  de  la  parcelle  qui  porta 
le  premier  essai.  Le  carré  n°  18  est  principalement  formé  de  sable  à 
éléments  grossiers,   disposés  en  couches  alternant  avec  des  bancs 


1.  Bulletin  du  Jardin  colonial,  p.  84,3e  année. 


100  NOTES 

peu  épais  de  terre  argileuse.  Le  carré  qui  a  porté  l'expérience  de 

1902  est  au  contraire  une  alluvion  profonde  comprenant  des  couches 
alternées  de  limon  argilo-siliceux  et  de  sable  fin  riche  en  mica. 

Les  résultats  fournis  par  ces  deux  essais  sont  très  différents  et 
méritent  d'attirer  tout  particulièrement  l'attention. 

M.  Duchène,  agent  de  culture  chargé  de  la  section  de  grande  cul- 
ture,  résume  ainsi  qu'il  suit  les  observations  qu'il  a  recueillies  en 

1903  sur  la  culture  de  cette  graminée  fourragère  : 

«  La  brousse  qui  recouvrait  la  parcelle  n°  18  fut  sapée,  puis  brûlée 
quelques  jours  plus  tard.  Le  15  janvier,  un  labour  à  la  bêche,  à 
25  centimètres  de  profondeur,  fut  donné  au  sol. 

«  Ces  diverses  opérations  culturales  nécessitèrent  38  journées 
d'hommes. 

<(  Le  27  janvier  il  fut  procédé  au  semis,  les  graines  furent  déposées 
dans  des  rayons  profonds  de  3  centimètres  et  distants  de  1  mètre  ; 
cette  profondeur,  qui  peut  sembler  exagérée,  est  nécessaire  si  l'on 
veut  empêcher  les  oiseaux  de  déterrer  et  de  manger  les  semences. 
«  Le  rayonnage  du  terrain  et  les  semailles  demandèrent  7  journées 
d'hommes. 

«  Des  pluies  survinrent  quelques  jours  après  et  favorisèrent  la 
germination. 

«  La  levée  pouvait  être  considérée  comme  complète  le  2  février 
suivant. 

«  Trois  kilos  de  graines  suffirent  à  ensemencer  complètement  la 
parcelle. 

«  Un  mois  après,  la  plantation  reçut  un  binage  auquel  furent  con- 
sacrées 15  journées  d'hommes. 

«  La  végétation  à  ce  moment  commençait  à  montrer  de  nom- 
breuses irrégularités.  Les  jeunes  plants  atteignaient  25  à  30  centi- 
mètres de  hauteur  sur  certains  points  et  ne  dépassaient  pas  12  à 
15  centimètres  sur  d'autres. 

«  Les  plus  petits  étaient  ceux  qui  se  trouvaient  les  plus  rappro- 
chés de  la  rivière,  et  qui  croissaient  par  conséquent  dans  la  partie  la 
plus  sableuse  et  la  moins  fertile  du  carré. 

((  Il  faut  dire,  pour  comprendre  cette  particularité,  que  la  parcelle 
n°  18  forme  un  cap  s'avançant  dans  la  rivière  et  que  par  conséquent 
lors  des  crues  elle  est  balayée  par  un  courant  d'autant  plus  violent 
que  l'on  se  rapproche  davantage  du  milieu  du  cours  d'eau. 


LA    CULTURE    DE    LAMPEMBY  101 

«  Cette  situation  explique  très  bien  la  richesse  en  sable  de  ce 
carré  et  la  différence  de  fertilité  que  l'on  y  observe. 

<(  Le  courant,  lorsqu'il  est  fort,  s'oppose  à  la  formation  des  dépôts 
limoneux  ;  les  eaux  animées  d'un  mouvement  relativement  rapide 
n'abandonnent  que  les  particules  sableuses  les  plus  lourdes. 

«  En  binant,  les  ouvriers  éclaircirent  les  plants,  et  conservèrent 
des  touffes  espacées  de  0m  50  sur  les  lignes. 

«  Ces  touffes  furent  soigneusement  butées,  car  l'essai  fait  en  1902 
a  montré  que  l'Ampemby  a  des  tendances  à  émettre  des  racines  adven- 
tives  à  la  base  des  tiges,  et  qu'il  est  utile  de  favoriser  l'enracine- 
ment de  ces  racines  aériennes,  en  mettant  à  leur  disposition  un  cube 
de  terre  meuble  dans  lequel  elles  puissent  évoluer  facilement. 

«  Malgré  tous  ces  soins  les  tiges  ne  prirent  qu'un  faible  dévelop- 
ment  et  les  premières  inflorescences  apparurent  vers  le  15  avril,  alors 
que  les  plus  hautes  touffes  s'élevaient  à  peine  à  lm  80. 

«  Au  commencement  de  mai,  la  floraison  était  générale,  et  les 
pieds  portaient  d'une  à  trois  panicules. 

«  Le  25  juillet,  la  maturité  était  suffisamment  avancée  pour  que 
l'on  puisse  récolter  ;  cette  opération  a  nécessité  5  journées 
d  hommes. 

Après  avoir  été  complètement  séchées,  les  inflorescences  furent 
soigneusement  pesées.  Leur  poids  total  était  de  385  kilogrammes, 
qui  donnèrent,  après  le  battage  et  le  vannage,  229  kilogrammes  de 
grains,  156  kilogrammes  de  pailles  et  de  baies. 

«  La  comparaison  de  ces  résultats  avec  ceux  obtenus  en  1902  sur 
une  parcelle  de  surface  égale  à  celle  du  carré  n°  18  montre  que  la 
récolte  donnée  par  le  premier  essai,  qui  s'élevait  à  1.120  kilogrammes 
de  grain  décortiqué  à  l'hectare,  est  supérieure  de  1.120  —  916  = 
204  kilogrammes  à  celle  de  1903. 

«  Le  rapport  du  poids  du  grain  décortiqué  à  celui  des  déchets  a 
peu  varié  d'une  année  à  l'autre. 

«  Le  poids  de  l'hectolitre  de  grain  qui  était  de  80  kilogrammes 
en  1902  s'est  élevé  à  83  kilogrammes  en  1903. 

«  Les  observations  recueillies  cette  année  sur  l'essai  de  culture 
de  l'Ampemby  permettent  de  dire  que  cette  graminée  est  relative- 
ment exigeante,  et  qu'elle  s'accommode  mal  des  terrains  maigres. 

«  L'évolution  de  l'Ampemby,  ainsi  que  le  montre  le  graphique  ci- 
dessous,  dans  lequel  les  traits  noirs  indiquent  les  phases  de  la  végé- 


102  NOTES 

tation  du  premier  essai  et  le  double  trait  celles  du  dernier,  a  sen- 
siblement ditFéré  dune  année  à  l'autre. 

du  semis     /  —  8  jours 
à    la    levée  \  -  5  jours 

de  la  levée    )  oinjrmra 

à  la  floraison  \  -  90  jours 

de  la  floraison  i  ^mmmmm^mm  90  jours 
à  la  récolte   \  -  90  jours 

du  semis    /  .—_____«_«_»__»__««___»____  310  jours 
à  la  récolte  \  -  185  jours 

«  Le  semis  fait  en  février  1903  a  levé  3  jours  plus  tôt  que  celui 
exécuté  en  septembre  1902.  Ce  retard  observé  dans  la  germination 
en  1902  peut  parfaitement  être  mis  sur  le  compte  de  la  température 
qui  est  plus  basse  et  plus  sèche  en  septembre  qu'en  janvier. 

«  Le  laps  de  temps  qui  a  séparé  la  levée  de  la  floraison  accuse  une 
différence  considérable  d'une  année  à  l'autre,  puisque  cette  phase 
de  la  végétation  s'est  accomplie  en  90  jours  en  1903,  tandis  qu'elle 
a  duré  218  jours  en  1902. 

«  Cet  écart  résulte  vraisemblablement  de  la  fertilité  différente  du 
sol  des  deux  carrés,  car  on  sait  que  d'une  manière  générale  les 
végétaux  peu  robustes  fructifient  plus  vite  que  les  plantes  saines  et 
vigoureuses. 

«  C'est  ainsi  par  exemple  que  le  maïs  fleurit  bien  plus  rapidement 
lorsqu'il  est  cultivé  sur  un  sol  pauvre  que  quand  il  est  planté  dans 
une  terre  riche. 

«  Le  nombre  de  jours  qu'il  faut  pour  la  maturation  de  la  floraison 
est  égal  pour  les  deux  essais  ;  il  est  vrai  que  les  inflorescences  appa- 
rurent à  la  même  époque. 

«  Quoi  qu'il  en  soit,  la  différence  observée  dans  l'évolution  de  ces 
deux  essais  paraît  anormale  et  semble  démontrer  que  les  époques  de 
semis  n'ont  pas  été  bien  choisies,  tant  pour  l'essai  de  1902  que  pour 
celui  de  1903. 

«  On  est  porté  à  penser  que  les  semis  faits  en  septembre  sont 
trop  hâtifs,  et  que  ceux  exécutés  à  la  fin  de  janvier  sont  trop  tar- 
difs. 


LA    CULTURE    DE    l'aMPEMBY  103 

((  Une  époque  intermédiaire,  comprise  entre  le  commencement  de 
novembre  et  la  fin  de  décembre,  serait  probablement  plus  favorable, 
question  de  sol  mise  à  part  bien  entendu. 

«  Les  essais  qui  vont  être  entrepris  incessamment  nous  rensei- 
gneront sur  ce  dernier  point.    » 

La  remarque  faite  par  M.  Duchène  à  propos  de  la  fertilité  des 
terres  d'alluvions,  plus  ou  moins  grande  suivant  leur  plus  ou  moins 
grande  quantité  de  richesse  en  sable,  mérite  d'attirer  tout  spéciale- 
ment l'attention,  car  si  elle  a  déjà  de  l'importance  pour  les  cultures 
annuelles,  elle  en  a  bien  plus  encore  quand  il  s'agit  de  plantes 
arborescentes  comme  le  cacaoyer. 

J'ai  remarqué  dernièrement,  en  visitant  les  plantations  de  la  vallée 
de  1  Ivoloina,  que  les  cacaoyers  plantés  près  des  bords  de  la  rivière 
sur  des  alluvions  de  même  nature  que  celles  du  carré  n°  18,  dépé- 
rissent invariablement  vers  la  huitième  année ,  tandis  que  ceux 
croissant  là  où  la  couche  argilo-siliceuse  est  épaisse,  végètent  avec 
vigueur  et  ne  donnent  encore  aucun  signe  de  décrépitude  à  un  âge 
beaucoup  plus  avancé. 

Le  Sous-inspecteur,  Chef  de  la 
Circonscription  agricole  de  VEst, 
Fauchère. 


SIMPLE     NOTE 

SUR    UNE 

NOUVELLE     PLANTE     ALIMENTAIRE 
DE     L'AFRIQUE     CENTRALE 

(Coleus  Dazo  Chevalier) 

En  novembre  1902,  nous  recevions  de  M.  Luc,  alors  directeur  du 
Jardin  d'Essai  de  Brazzaville,  au  Congo  Français,  un  envoi  de  racines 
alimentaires  fournies  par  une  plante  très  cultivée  par  les  indigènes 
dans  toute  la  région  du  Haut  Oubanghi.  et  connue  sous  le  nom 
local  de  Dazo. 

A  ce  moment,  M.  Luc  donnait  sur  cette  plante  les  quelques  ren- 
seignements qui  suivent  :  ;<  Ce  n'est  qu'à  la  tin  de  mon  séjour  a 
Brazzaville  que  j'ai  pu  me  procurer  des  racines  de  Dazo. 

J  en  avais  beaucoup  entendu  parler  par  les  Européens  descen- 
dant du  Haut  Oubanghi.  Cette  culture  étant  trop  récente  au  Jardin 
d'Essai,  je  n'ai  pu  juger  du  résultat  en  tant  que  récolte.  Un  seul 
fragment  de  racine,  mis  en  terre,  n'a  pas  tardé  à  donner  de  nom- 
breuses tiges  dressées  et  ramifiées  à  la  base.  Au  moment  de  mon 
départ  de  Brazzaville,  pour  rentrer  en  congé,  j'en  ai  fait  arracher,  et 
autour  des  racines  principales,  j'ai  trouvé  une  agglomération  de 
petites  racines  blanchâtres.  Une  seule  plante  en  portait  un  très 
grand  nombre.  Ce  sont  du  reste  ces  racines  que  je  vous  ai  rap- 
portées. 

D'après  les  Européens  qui  en  ont  mangé,  la  racine  de  Dazo 
serait  farineuse,  non  sucrée,  et  préférable  à  la  patate  douce. 

C'est  pour  cette  raison  que  j'ai  tenu  à  m'en  procurer  pour  le 
Jardin  d'Essai  de  Brazzaville  pensant  qu'au  point  de  vue  des  cul- 
tures viviïères  aucune  plante  susceptible  de  constituer  un  nouveau 
légume  ne  devait  être  négligée.  » 

Quelques-unes  des  racines  envoyées  par  M.  Luc  furent  mises  en 
végétation  dans  une  serre  du  Jardin  colonial,  mais  probablement  à 
cause  de  l'époque  peu  favorable  (novembre),  les  tiges  qui  se  déve- 
loppèrent furent  peu  vigoureuses  et  ne  tardèrent  pas   à  périr.   De 


NOUVELLE    PLANTE    ALIMENTAIRE    DE    l' AFRIQUE    CENTRALE  105 

cette  première  introduction  il  ne  restait  donc  que  la  connaissance 
d'une  nouvelle  plante  utile,  dont  un  échantillon  de  racines,  fort 
heureusement,  avait  pu  être  étudié,  ce  qui  permet  de  donner 
aujourd'hui,  par  l'analyse  qui  termine  cette  note,  la  valeur  alimen- 
taire du  Dazo. 

En  février  1904,  la  mission  Chevalier,  qui  avait  long-temps 
séjourné  dans  les  régions  situées  au  nord  de  l'Oubanghi,  rapportait 
un  important  lot  de  Dazo,  dont  le  chef  de  mission  avait  fait  le 
Cote  us  Dazo. 

Un  bon  échantillon  de  ce  Dazo  fut  remis  au  Jardin  colonial  et 
placé  de  suite  en  végétation.  Les  rhyzomes  étaient  longs  de  6  à 
12  centim.,  de  la  grosseur  du  doigt,  souvent  tordus,  irréguliers  et 
portant  de  nombreux  poils  blancs  assez  rudes,  ainsi  que  des  petites 
saillies  et  des  cicatrices  foliaires  régulièrement  opposées. 

La  couleur  de  ces  tubercules  était  jaunâtre.  D'après  un  membre 
de  la  mission  Chevalier,  M.  Martret,  le  Dazo,  comme  goût,  rappelle- 
rait le  salsiiïs. 

Trois  semaines  après  la  mise  en  végétation  des  racines,  les  jeunes 
pousses  sortaient  de  terre;  au  bout  de  deux  mois,  elles  avaient  60  à 
80  centimètres  de  hauteur. 

La  plante  entière,  comme  les  racines  d'ailleurs,  est  recouverte  de 
poils  d'un  blanc  argenté  et  assez  rudes  au  toucher. 

La  tige  s'élève  droite,  vigoureuse,  elle  est  à  peu  près  cylindrique 
ou  du  moins  ses  angles  sont  très  arrondis  au  lieu  d'être  à  section 
carrée  comme  dans  le  Coleus  Coppini,  par  exemple.  Sa  couleur  qui 
est  rougeàtre  à  la  base  va  en  s'atténuant  et  est  d'un  beau  vert  clair 
dans  toute  la  partie  supérieure. 

Tous  les  5  ou  6  centimètres  la  tige  porte  des  feuilles  opposées, 
sessiles,  de  forme  ovale  et  à  nervures,  surtout  la  médiane,  très  sail- 
lantes sur  la  face  inférieure,  leur  contour  est  faiblement  denté  et 
leur  couleur  est  d'un  vert  pâle  identique  à  celui  de  la  tige.  Ces 
feuilles  ont  8  à  11  centimètres  de  long  sur  4  à  5  centimètres  de 
large. 

La  plante  semble  commencer  par  se  ramifier  aune  certaine  hau- 
teur. Les  premières  ramifications  se  sont  en  effet  développées  à 
environ  50  centimètres  du  sol. 

Voilà  sous  quel  aspect,  après  deux  mois  et  demi  de  culture  dans 
les  serres  du  Jardin  colonial,  se  présente  le  Dazo,  qui  est  certaine- 
ment appelé,  comme  le  pensait  avec  juste  raison  M.  Luc,  à  prendre 


\ 06  NOTES 

une  bonne  place  dans  les  cultures  viviïères  africaines  et  aussi  dans 
toutes  les  autres  régions  chaudes  où  il  sera  introduit. 

Nous  pensons  que  dans  l'avenir,  le  Dazo  sera  pour  les  pays  tro- 
picaux, ce  qu'est  le  Crosne  du  Japon  pour  les  pays  tempérés.  Nous 
souhaitons  qu'il  s'y  vulgarise  aussi  rapidement  et  y  rende  les 
mêmes  services. 

G.  Chalot. 

Nota.  —  La  culture  du  Dazo  n'est  pas  encore  assez  ancienne  pour 
que  l'on  soit  bien  fixé  sur  le  mode  de  multiplication  qu'il  conviendra 
de  lui  appliquer.  Il  semble,  pourtant,  que  contrairement  à  ce  qui  a 
lieu  pour  les  Plectranthus  et  Coleus  alimentaires,  la  reproduction 
par  rhyzomes  ou  fragments  de  rhyzomes  sera  préférable  au  boutu- 
rage de  tiges. 

Une  sorte  de  Dazo  à  grosses  racines,  rapportée  par  la  mission 
Chevalier,  et  qui  constituerait  une  espèce  particulière.  Coleus  lan- 
gouassi,  est  en  culture  au  Jardin  colonial.  Jusqu'à  ce  jour  cette 
plante  paraît  identique,  en  tous  points,  au  Coleus  Dazo. 


COMPOSITION    DU    DAZO 

Le  Dazo  renferme  76,  278  d'eau  0/o. 
La  matière  sèche  renferme  : 

Sucres  directement  réducteurs 2.81 

Matières  azotées 8 .  49 

Matières  grasses 2.24 

Matières  saccharifiables 66  .  20 

Cellulose  brute 5.84 

Cendres 4.04 

Non  dosées 10  38 


100.00 


Le  dosage  a  été  fait  sur  le  tubercule  non  privé  de  sa  peau,  qui 
est  très  adhérente  ;  le  tubercule  a  simplement  été  brossé  avec  une 
brosse  dure  pour  détacher  les  poils  dont  il  est  recouvert. 

L'odeur  du  Dazo  rappelle  absolument  celle  des  plectranthus. 

Paul   Ammakn. 


SUR     QUELQUES     LANDOLPPIIÉES     NOUVELLES 

DE     MADAGASCAR 


DECRITES    PAK    M.    PIERRE 

Il  y  a  quelque  temps  le  Jardin  colonial  recevait  communication 
d'un  certain  nombre  d'échantillons  botaniques  relatifs  à  des  lianes 
à  caoutchouc,  envoyés  par  M.  Thiry  *  de  la  provincede  Maroantsetra. 
Ces  échantillons  étaient  accompagnés  de  lots  décorées  pulvérisées, 
appartenant  aux  mêmes  plantes,  épuisées  de  leur  caoutchouc,  et 
destinées  à  être  soumises  à  l'analyse  pour  le  dosage  de  la  matière 
tannante.  Ces  écorces  furent  étudiées  au  laboratoire  de  chimie  du 
Jardin  colonial,  et  le  résultat  des  analyses  a  été  publié  dans  le 
Bulletin  n°  15  de  cet  établissement. 

Les  échantillons  botaniques,  pour  la  plupart  bien  incomplets, 
furent  soumis  à  l'examen  de  M.  Pierre,  si  compétent  sur  le  groupe 
des  Landolphiées  ;  c'est  le  résultat  de  cette  étude  que  nous  nous 
proposons  de  publier  aujourd'hui  en  espérant  que  les  lacunes  lais- 
sées ouvertes  par  l'insuffisance  des  matériaux  pourront  vite  être 
comblées  par  l'envoi  de  documents  complémentaires. 


I.   lianes  fournissant  un  ron  caoutchouc  (d'après  M.   Thiry). 

1°   Mandrianambo. 
Landolphia  Mandrianambo  Pierre,  sp.  nov. 

Ramulis  cum  foliis  ferrugineo-tomentosis  vel  pubescentibus;  foliis  ellipticis 
lanceolatis  vel  abrupte  acuminatis,  basirotundatis  acumine  lanceolari  obtuso 
vel  subacutos;  chartaceis,  subtus,  demum  subglabris  vel  sparse  pubescentibus» 

1.  M.  Thiry,  inspecteur  adjoint  des  eaux  et  forêts  à  Madagascar,  a  publié  dans  le 
Bulletin  économique  de  cette  colonie  une  série  d'articles  très  documentés  sur  l'ex- 
ploitation et  l'avenir  économique  des  plantes  à  caoutchouc  du  nord-est  de  Mada- 
gascar. On  y  trouvera  des  renseignements  précieux  sur  les  plantes  dont  M.  Pierre 
nous  donne  ici  la  diagnose  botanique,  ainsi  que  les  dessins  intéressants  d'un  certain 
nombre  d'organes  de  ces  végétaux  (année  1903,  p.  I,  111,  215). 


1 08  NOTES 

concoloribus,  nervis  secundariis  5-12  utrinques  bene  distinctis;  cymis  3-8 
floris,  folio  longioribus,  velutinis  ;  sepalis  obtusis  cum  corolla  extus  hispidu- 
lis  ;  lobis  corollae  quam  tubus  manifeste  longioribus  ;  ovario  oblongo  tomentoso 
stylo  breviore  ;  ovulis  ad  quamque  placentam  8  seriatis  ;  baccis  15-30  spermis 
ovoideis  utrinque  attenuatis  vel  oblongis  basi  cuneatis  apice  aeuminatis. 

Ramuli  1,5  mm.  crassi,  adulti  lenticellati.  Petiolus  5  mm.  longus.  Lamina 
2,6  à  9,5  cent,  longa,  1,  6-3em.  lata.  Racemi  tomentosi,  ultra  3  c.  longi,  pedun- 
culo  1  c.  longo  ;  ramulis  1-3  floris  3-4  mm.  longis  ;  bracteis  3  mm.  longis 
lanceolatis  ;  bracteolis  1/4  mm.  longi  obtusis  Sepala  2  3/4  mm.  longa  ovato- 
laneeolata.  Corollas  fere  adulta^  20-22  mm.  longa1,  tubus  5,5  mm.  longus 
médium  versus  inflatus  staminifer,  lobis  subduplo  brevior.  Ovarium  fere 
2  mm.  longum  quam  stylus  4,5  mm.  (incl.  stigmate  1  3/4  mm.)  brevius. 
Bacca  4,8-7,8  cm.  longa,  3,8  cm.  lata.  Semina  interdum  ultra  30  in  pulpa 
nidulantia  elliptica,  angulata,  1,5-1,7  cm.  longa,  1  cm.  lata,  Albumen  bipar- 
tibile  corneum  ad  commissuram  sinuatum.  Embryo  generis  plus  minus  tortuss. 

Par  ses  feuilles  plus  elliptiques,  plus  abruptement  acuminées, 
velues  en  dessous,  par  ses  pétioles  deux  fois  plus  long-,  par  sa 
corolle  velue  et  plus  grande,  par  son  ovaire  tomenteux,  etc.,  cette 
espèce  est  bien  distincte  du  L.  crassipes  (Radl.)  KSch.  Elle 
s'éloigne  d'autre  part  du  L.  sphzerocarpa  Juin,  par  ses  feuilles  ellip- 
tiques arrondies  à  la  base,  par  ses  fleurs  plus  velues,  par  ses  éta- 
mines  insérées  plus  haut,  par  son  ovaire  non  glabre,  etc. 

Echantillon  n°  III.  Herbier  du  .lard,  colon. 


2°  Fingimainty. 

Landolphia  kispidula  Pierre,  s.  nov. 

Foliis  subtus  ad  nervationem  cum  ramulis  pedunculisque  bispidulis  vel  vil- 
losulis,  ovato  ellipticis  vel  oblongis,  lanceolatis  obtuse  aeuminatis  coriaceis, 
basi  rotundatis,  supra  brunneis  subtus  viridibus;  pedunculo  terminali  brevi  ; 
baccis  2-12  spermis  ovoideis,  lenticellis  discoïdeis  sparsis  ;  pericarpio  annulo 
scleroso  ornatis;  seminibus  ellipticis,  vel  interdum  bemisplnericis,  sœpe  angu- 
latis. 

Ramuli  1  mm.  crassi  bispiduli  subferruginei.  Folia  opposita  annulo  brevi 
lateraliter  juncta.  Petiolus  3  mm.  longus,  canaliculatus,  hispidulus.  Lamina 
3,7-7  cm.  longa,  1,7-3  cm.  lata  oblonga  vel  elliptica  basi  rotundata,  obtuse lan- 
ceolata,  supra  vix  lucida,  aosta  supra  canaliculata,  subtus  elevata,  vix  palli- 
diora,  nervis  secundariis  fere  borizontalibus,  tertiariis  a  margine  descendenti- 
bus  inferne  ramosis  parallelis. 

Bacca  2,6-4  cm.  longa,  2,2-3,4  cm.  lata;  pericarpio  1,5  mm.  crasso.  Semina 
in  pulpa  nidulantia,   1,5-2  cm.  ]on<;'a,   1   cm.  diametientia.    Albumen  corneum 


QUELQUES    LANDOLPHIÉES    NOUVELLES    DE    MADAGASCAR  1  OU 

bilobum     piano    convexum.    Embryoni    radicula   capilata   quàm    colyledones 
foliacé»  ellipticœ  multoties  brevior. 

Cette  espèce  est  voisine  du  L.  crassipes  (Radl.)  KSch;  elle  en 
ditfère  par  l'extrémité  du  limbe  plus  allongée,  par  les  nervures 
moins  nombreuses  et  par  ses  poils  denses  et  hispides.  Le  fruit  du 
L.  crassipes  n'est  pas  connu. 

Echantillon  n°  1.  Herbier  du  Jard.  colon. 


3°  Fingibary. 

Landolphia  Dubardi  Pierre,  sp.  nov. 

Ramulis  compresso-tetragonis  dein  teretibus  griseis,  lenticellis  sparsis 
ornatis,  puberulis  mox  glabris  ;  foliis  brevissime  petiolatis  ovalibus  vel 
ellipticis  vel  suborbicularibus,  basi  attenuato-acutis  apice  plerumque  rotun- 
datis  glabris,  coriaceis,  nervis  secundariis  10-12  tenuibus  cum  tertiariis 
parallelis  scepe  parum  conspicuis;  racemo  7-16  flore  terminali  puberulo,  ramulis 
adpressis  1-3  floris;  bracteis  laneeolatis,  obtusis;  sepalis  ovato-lanceolatis  extus 
puberulis  ;  corolla?  extus  puberula3  tubus  ad  stamina  inflatus  et  apicem  versus 
villosulus,  lobis  basim  supra  barbalis  paulum  longior  ;  ovario  turbinato  glabro 
apice  sulcis  disci  adnati  ornato. 

Petiolus  3  mm.  longus.  Lamina  20-35  mm.  longa,  15-27  mm.  lata  raro  bre- 
vissime attenuata  semper  obtusa.  Racemus  2-3  cm.  longus,  ramulis  2-5  mm. 
longis,  pedicellis  2-4,5  mm.  longis  condensatis.  Bracteœ  2  mm.  longse  extus 
cum  bracteolis  conformibus,  puberulae.  Sepala  1,5-2  mm.  longa,  1,5  mm.  lata. 
Corollœ  adullœ  20-24  mm.  longa?  tubus  12-14  mm.  longus  quam  lobi  sinistror- 
sum  obtegentes,  basi  angustati  apice  obtusi  longior.  Stamina  ad  3,5  mm. 
altitudinem  inserta.  Anthera?  cordulata?,  ovatolanceolata?.  Discus  ovario  abso- 
ute adnatus  (more  Landolphise  owariensis)  sulcatus.  Ovarium  1  loc  3/4  mm. 
longum  stylo  subduplo  brevius.  Placenta?  pariétales  ad  centrum  approximalee 
singulse,  ovula  7-8  seriata  et  circiter  6  in  quaque  série  gerentes. 

Cette  espèce  a  l'organisation  du  L.  gummifera  (Lam.)  KSch., 
particulièrement  par  son  ovaire  turbiné  pourvu  d'un  disque  adné, 
comme  chez  d'autres  genres  de  cette  famille.  Ce  disque  me  semble 
nié  à  tort  par  les  auteurs.  Elle  se  distingue  de  l'espèce  citée  par  des 
feuilles  et  des  fleurs  plus  petites,  par  son  ovaire  glabre,  par  les 
longs  poils  de  la  base  supérieure  des  lobes  de  la  corolle  ;  elle  est 
voisine  aussi  du  L.  avenia  Pierre. 

Echantillon  n°  IV.  Herbier  du  Jard.  colon. 


1  10  NOTES 


4°  Talandoha. 

Landolphia  Richardiana  Pierre,  sp.  nov. 

Ramulis  glabris,  adultis  grisco  lenticellatis;  foliis  ellipticis  vel  hand  raro 
oblongis  obtuse  acuminatis,  basi  attenuatis  acutis  vel  subobtusis  vix  coriaceis, 
glabris  supra  vel  utriuque  lucidulis  atque  pallie! is,  costa  elevata  vel  interdura 
canaliculata,  nervis  secundariis  10-14  gracilibus  cura  tertiariis  ab  arcu  des- 
cendentibus  ramosisque,  bene  distinctis;  inflorescentia  terminali  vel  laterali, 
o-9  ûoribus  vix  puberula,  bracteis  bracteolis  sepalisque  rotundatis  extus  pube- 
rulis;  eorolla?  extus  pilosœ  tubus  infra  médium  inflatus  staminifer  lobis  pau_ 
lulum  brevior  (in  flore  fere  adulto  ;  ovario  ovoideo  pubescente  obscure  sulcato  ; 
bacca  2-8  sperma  obovoidea  basi  attenuata,  griseo-punctulata. 

Rami  validi  2,5  mm.  crassi.  Folialinea  transversali  juncta.  Petiolus  4-6  mm. 
longus.  Lamina  6-12  cm.  longa,  2-5  cm.  lata  interdum  oblonga.  Inflorescentia 
7  cm.  longa.  Pedunculus  2-3  cm.  longus.  Ramuli  sœpius  1  flori  4,5  mm.  longi. 
Rracteœ,  bracteola?  sepalis  approximata?  2  mm.  longée,  illis  paulum  breviores. 
Corolla  ferè  adulta  3,8  cm.  longa  extus  pilis  brevibus  densis  obtecta,  tubo 
1,8  cm.  longo  quam  lobi  (2  cm.)  sinistrorsum  obtegentes  leviter  breviore.  Ger- 
înrn  1,5  mm.  longum,  stylo  glabro  brevius,  1  loc.  Placenta3  gemina?  praeter 
extremitatem  sœpius  libéra?,  singulœ  ovula  10  seriata  ssepe  10  in  quaque  série 
gerentes.  Racca  piriformis  5,5  cm.  longa,  4,5  cm.  lata;  epidermide  griseo 
punctata;  exocarpio  114  min.  crasso  annulum  sclerosum  includente,  endocar 
pio  pulposo.  Semina  juniora  villosula  7-8  mm.  longa. 

Cette  description  est  faite  d'après  les  échantillons  de  Richard1, 
nos  45  et  617  du  Mus.  de  Paris,  auxquels  se  rapporte  le  Talandoha. 
(Echantillon  n°  VI.  Rameaux  feuilles  seulement.  Hei'bier  du  Jard. 
colon.).  La  teinte  pâle  des  feuilles,  leur  pointe  obtuse,  leur  forme 
elliptique,  quelquefois  oblongue,  sont  les  caractéristiques  du 
L.  Richardiana  qui  pour  les  autres  caractères  tient  du  L.  gummi- 
fera. 

5°  Fingimena. 

Les  échantillons  botaniques  ne  comprenaient  ni  fleurs,  ni  fruits. 
D'après  l'examen  des  rameaux  feuilles,  M.  Pierre  rapporte  cette 
espèce  au  groupe  des  L.  sphserocarpa  et  L.  Begotii,  et  en  fait  pro- 
visoirement  une  espèce  nouvelle    sous  le    nom   de    L.    Fingimena 


1.   Richard,   directeur  du  Jardin   botanique  de    Saint-Denis,   Ile   de    la    Réunion, 
182041850.  11  a  fait  divers  voyages  de.vploitation  botanique  à  Madagascar. 


QUELQUES    LANDOLPHIÉES    NOUVELLES    DE    MADAGASCAR  111 

Pierre.  L'existence  de  cette  espèce  et  sa  diagnose  ne  pourront  être 
consacrées  qu'après  examen  de  documents  complémentaires. 
Echantillon  n°  V.  Herbier  du  Jard.  colon. 

6°  Ravinengitra. 

L'examen  des  échantillons  trop  incomplets  ne  conduit  à  aucune 
conclusion  certaine. 

Echantillon  n°  II.  Herbier  du  Jard.  colon. 


IL   Lianes  a  latex  d'une  coagulation  difficile 
et  donnant  un  PRODUIT  non   élastiql'e  (d'après  M.    Thiry). 

1°  Fingipotsy. 
Landolphia  subsessilis  Pierre. 

Cet  échantillon  paraît  être  une  forme  du  L.  crassipes  (Radl.) 
KSch.  Il  en  diffère  par  ses  rameaux  et  ses  feuilles  glabres  à  l'état 
adulte,  par  sa  nervation  tertiaire  presque  aussi  élevée  que  la  secon- 
daire; il  correspond  bien  à  l'échantillon  type  du  L.  subsessilis 
récolté  par  Boivin  au  village  de  Passandara  de  l'île  de  Nossi-Bé. 
Par  la  forme  des  feuilles,  il  se  rapproche  aussi  du  L.  hispidula,  sp. 
nov. 

Echantillon  n°  X.  Herbier  du  Jard.  colon. 

•2°  Ditivahy. 

L'examen  des  échantillons  trop  incomplets  ne  conduit  à  aucune 
conclusion  certaine. 

Echantillon  n°  IX.  Herbier  du  Jard.  colon. 

3°  Robanga. 

Landolphia  madagascariensis  KSch. 

Cet  échantillon  correspond  bien  aux  types  du  L.  madagascarien- 
sis de  l'herbier  Siebert  n°  124,  et  de  Boivin  n°  1732  '. 

1.  Du  Muséum  de  Paris. 


112  NOTES 

Les  auteurs  récents  font  de  ce  L.  madagascariensis  un  synonyme 
de  L.  gummifem  (Lam.)  KSch.,  contrairement  à  l'opinion  de  A.  de 
Candolle. 

Echantillon  n°  VIII.  Herbier  du  Jard.  colon. 

4°  Rambatsikopika. 

Cet  échantillon  appartient  au  genre  Landolphia,  mais  se  présente 
avec  des  feuilles  de  même  forme  que  le  L.  crassipes  (Radl.)  KSch.  ; 
néanmoins  avec  une  pointe  plus  allongée.  Par  cette  particularité, 
il  ressemble  au  Fingimena  (Echant.  n°  V.  Herbier  du  Jard.  colon.), 
mais  a  le  limbe  plus  large  et  une  teinte  plus  claire  ;  les  matériaux 
sont  trop  incomplets  pour  décrire  et  nommer  l'espèce. 

Échantillon  n°  VII.  Herbier  du  Jard.  colon. 

En  résumé,  l'envoi  de  M.  Thirv  comporte  :  quatre  espèces  nou- 
velles bien  déiinies  : 

Landolphia  Mandrianambo  Pierre, 

L.  hispidula  Pierre, 

L.  Du  hardi  Pierre, 

L.  Richardiana  Pierre; 

une  espèce  nouvelle  basée  sur  des  documents  trop  incomplets  : 

L.  Fingimena  Pierre; 

deux  espèces  déjà  signalées  : 

L.  subsessilis  Pierre, 

L.  madagascariensis  KSch.  ; 

une  forme  probable  du  L.  crassipes,  le  Rambatsikopika,  et  deux 
échantillons  dont  l'identification  même  générique  est  douteuse  : 
Ravinengitra  et  Ditivahy. 

Service  botanique 
du  Jardin  colonial. 


NOUVEAUX     CAFÉIERS 
DE     LA     COTE     OCCIDENTALE     D'AFRIQUE 

COFFEA    AFFINIS  (DE    WiLD). 

La  Guinée  Française  produit'un  café  à  très  petites  graines  dont  la 
qualité  est  excellente  et  qui,  pour  cette  raison,  est  à  tel  point  recher- 
ché par  tous  ceux  qui  le  connaissent  qu'il  est  fort  dilïicile  de  s'en 
procurer  dans  le  commerce  une  quantité  quelque  peu  importante. 

Jusqu'à  présent,  ce  café  était  considéré  comme  étant  produit 
exclusivement  par  le  caféier  du  Rio-Nunez  (CofFea  stenophylla), 
espèce  qui  croît  dans  les  massils  forestiers  qui  bordent  les  Rivières 
du  Sud.  En  raison  de  la  qualité  du  produit  que  fournit  cette  espèce, 
diverses  tentatives  de  culture  ont  été  faites.  Mais  la  plante  s'est 
montrée  généralement  peu  robuste  et  les  plantations  sont  restées 
chétives  et  sans  avenir.  C'est  du  moins  ce  que  nous  avons  pu  cons- 
tater au  Jardin  d'Essai  de  Camayene,  où  un  carré  de  plusieurs 
ares  est  consacré  à  cette  culture.  Les  plantes  restent  faibles  et 
ne  donnent  que  peu  de  promesses  pour  l'avenir.  Il  en  est  de 
même  de  plants  issus  de  graines  envoyées  de  Konakry  et  cultivés 
au  Jardin  d'Essai  de  Libreville. 

Nous  eûmes  l'occasion,  en  1900,  de  nous  entretenir  de  cette  ques- 
tion avec  M.  Boery,  qui  possédait  en  Guinée  une  plantation  où  il 
avait  fait  une  place  importante  au  caféier  indigène. 

11  nous  dit  que  les  graines  récoltées  sur  des  plantes  croissant  à 
l'état  sauvage,  lui  avaient  donné  des  plantes  vigoureuses.  Il  voulut 
bien  nous  envoyer  des  graines  provenant  de  ses  plantations.  Elles 
furent  semées  au  Jardin  colonial  et  y  ont  donné  des  plantes  bien 
portantes,  vigoureuses,  bien  qu'à  croissance  assez  lente. 

Dès  que  ces  plantes  eurent  des  feuilles  caractérisées,  il  nous 
fut  aisé  de  constater  qu'elles  n'appartenaient  pas  au  Coffea 
stenophylla. 

Le  caféier  croissant  dans  le  Rio-Nunez  n'était-il  donc  pas  du  C. 
stenophylla,  ou  bien  il  se  trouve  en  Guinée,  en  mélange  avec  une 
autre  espèce. C'est  ce  qu'il  importait  de  savoir. 

Bulletin  du  Jardin  colonial.  8 


1  1  ï  NOTES 

Un  récent  voyage  en  Guinée  nous  permit  d'élucider  cette  ques- 
tion. En  effet,  dans  le  jardin  qui  a  voisine  l'hôtel  du  Gouverneur, 
dans  le  jardin  public  et  enfin  au  Jardin  d'Essai,  il  existe  de  nom- 
breux exemplaires  dans  lesquels  il  est  facile  de  reconnaître  la 
plante  que  nous  cultivons  au  Jardin  colonial  et  qui  provenait  de 
graines  envoyées  comme  étant  du  caféier  du  Rio-Xunez.  L'en- 
semble des  caractères  nous  a  permis  de  reconnaître,  à  première 
vue,  qu'il  s'agissait  de  deux  espèces  distinctes. 

Ce  nouveau  caféier,  qui  croît  lui  aussi  à  l'état  sauvage  en  Guinée, 
diffère  totalement,  par  l'ensemble  de  ses  caractères  végétatifs,  du 
Cofi'ea  stenophylla.  mais  il  s'en  rapproche  singulièrement  par  la 
forme  et  le  volume  de  la  graine  et  du  fruit.  Et  c'est  de  là  qu'est 
venue  la  confusion  qui  fît  que  nous  avions  reçu  des  graines  de  ce 
caféier  aux  lieux  et  place  de  celles  du  C.  stenophylla. 

Les  échantillons  botaniques  que  nous  avons  rapportés  ont  permis 
d'étudier  ce  caféier  et  il  a  été  aisé  à  M.  de  "Wildeman,  à  qui  nous 
les  avions  confiés  en  raison  de  sa  connaissance  spéciale  du  genre 
Coffea  dont  il  a  récemment  publié  une  monographie,  de  reconnaître 
qu'il  s'agissait  d'une  espèce  nouvelle  à  laquelle  il  a  donné  le  nom  de 
Coffea  affinis. 

Il  résulte  de  l'ensemble  des  observations  que  nous  avons  pu 
faire  que  le  café  dit  «  Rio-Nunez  »  provient  aussi  bien  du  Coffea 
affinis  que  du  Coffea  stenophylla. 

Cette  constatation   pourrait  avoir  une    grande   importance    pour 

l'avenir,  car  si  le  C.  stenophylla  de  la  Guinée  donne  le  plus  souvent 

des  plantes  chétives,  par  contre  le   C.   affinis  a  une     très   grande 

vigueur,  et  tout  porte  à  croire  que  ses  caractères  de  végétation  qui 

le  rapprochent  assez  du  caféier  de  Libéria,  correspondent  sans  doute 

aune  rusticité  qui,  si  elle  était  égale  à  celle  de  cette  dernière  espèce, 

pourrait  conduire  à  la  propagation  du  Coffea  affinis.  partout  où  les 

maladies    empêchent   la  culture  normale  du  caféier   d'Arabie.    On 

aurait  ainsi,  du  même  coup,  une  plante  très  rustique  et  fournissant 

des  produits  d'une  haute  valeur. 

J.  D. 

Arbuste  pyramidal,  garni  de  branches  dès  la  base,  de  3  à  4  cent, 
de  hauteur.  Feuilles  pétiolées,  à  pétiole  de  1  centimètre  de  long, 
àlimbe  obovale  de  11  à  17  centimètres  de  long  et  4  à  6  centimètres  de 
large  vers  le  milieu,  arrondies  au  sommet,  assez  brusquement  cuspi- 


NOUVEAUX    CAFÉIERS    DE    LA    CÔTE    OCCIDENTALE    D'AFRIQUE  115 

dées,  à  cuspis  de  10  à  15  millimètres  de  long-;  cunéiformes  à  la  base,  à 
nervures  secondaires  au  nombre  de  8  à  9,  de  chaque  côté  de  la 
nervure  médiane.  Acarodomaties  logées  dans  le  tissu  delà  base  des 
nervures  secondaires,  à  ouverture  circulaire  ou  allongée,  glabre  ou 
à  poils  très  peu  nombreux.  Stipules  triangulaires  mucronées  au 
sommet,  obtuses,  cilliées  sur  les  bords,  connées  à  la  base,  de  4  milli- 
mètres environ  de  long-.  Fleurs  disposées  par  2  ou  3,  en  cymes 
entourées  de  bractées  formant  calicules  emboîtés  dont  l'extérieur 
est  parfois  muni  de  bractéoles  foliacées,  fleurs  pédicellées,  à  pédi- 
celle  dépassant  légèrement  les  calicules  à  calices  de  2  millimètres 
environ  de  long,  non  denté,  environ  aussi  long  que  le  disque.  Corolle 
infundibuliforme  de  3  centimètres  environ  de  long,  à  tube  attei- 
gnant à  la  gorge  7  millimètres  de  diamètre  et  environ  aussi  longs 
que  les  lobes,  ceux-ci  au  nombre  de  5  à  9,  atteignant  4  milli- 
mètres de  large.  Etamines  à  filaments  exserts  de  7  millimètres  de 
long,  insérés  vers  le  milieu  des  anthères  de  un  centimètre  de  long. 
Fruit  (mûr)  de  12  millimètres  de  long  sur  8-12  millimètres  de 
diamètre,  porté  sur  un  pédicelle  dépassant  les  restes  des  calicules 
superposés,  ovoïde,  terminé  par  le  disque  proéminent  dépassant  net- 
tement le  limbe  calicinal.  Mésocarpe  mince,  endocarpe  crustacé. 

Habitat.  —  Plante  observée  à  l'état  indigène  à  Sierra  Leone  et 
cultivée  à  Conakry,  le  2  octobre  1903  (J.  Dybowski). 

Ohs.  —  Dans  nos  études  antérieures  sur  les  caféiers1  nous  avons 
publié  la  série  des  observations  faites  par  M.  Pierre  sur  les  caféiers 
qu'il  avait  étudiés  d'après  des  échantillons  récoltés  en  Afrique  Occi- 
dentale par  des  botanistes  français  et  des  botanistes  belges.  Nous  y 
avons  reproduit  la  clef  analytique  proposée  par  M.  Pierre.  Si  l'on 
tient  compte  des  données  de  ce  tableau  (l.  c,  p.  12  et  13)  on  se 
trouvera  plus  ou  moins  embarrassé  pour  classer  la  plante  que  nous 
venons  de  décrire,  sommairement  il  est  vrai,  sur  des  matériaux  assez 
incomplets.  En  effet,  les  pédoncules  dépassent  comme  on  voit  plus 
ou  moins  le  tube  caliculaire  chez  la  plante  que  nous  croyons 
nouvelle  elle  se  classerait  donc  dans  le  groupe  du  G.  Libéria 
Bull.,  bien  qu'elle  ait  certaines  analogies  avec  le  C.  cane- 
phora  Pierre  et  cela  en  partie  pour  la  disposition  des  acarodomaties 

1.  Les  caféiers,  Bruxelles,  1901. 


I  16  NOTES 

à  la  face  inférieure  de  ses  feuilles.  Mais  l'espèce  qui  à  première  vue 
a  le  plus  d'analogies  avec  ce  caféier  de  Conakrv  est  le  C.  Klainii, 
récolté  dans  les  environs  de  Libreville  par  le  R.  P.  Klain.  mais  le 
C.  Klainaii  Pierre  possède  des  feuilles  beaucoup  plus  développées, 
des  fleurs  presque  sessiles  et  surtout  des  fruits  dont  le  disque  n'est 
pas  proéminent  ;  les  baies  du  C.  Klainii  sont  terminées  par  une  sorte 
de  bec  formé  par  la  base  du  calice,  et  le  disque  se  trouve  a  l'inté- 
rieur tandis  que  dans  la  plante  de  Conakrv  le  disque  est  nettement 
exsert. 

L'étude  des  espèces  et  variétés  du  genre  Coffea  indigènes  dans 
l'Afrique  tropicale  occidentale  est  des  plus  embrouillée,  il  est  très 
difficile  de  décider  sur  les  échantillons  souvent  très  incomplets  qui 
sont  mis  à  la  disposition  des  botanistes,  si  l'on  se  trouve  en  présence 
d'une  véritable  espèce  d'une  variété  constante  ou  d'une  hybride 
naturelle  ou  artificielle. 

L'examen  de  la  face  inférieure  des  feuilles  pourra  peut-être  servir 
pour  différencier  certains  groupements  d'espèces.  Si  l'on  compare 
en  effet  des  formes  telles  que  celles  qu'il  faut  rapporter  au  groupe 
arabica  et  congensis  on  voit  qu'elles  présentent  à  l'aisselle  des  ner- 
vures principales  et  latérales,  à  la  face  inférieure  des  feuilles  des 
acarodomaties  peu  nettement  différenciées,  accusées  seulement  par 
une  touffe  de  poils  n'entourant  pas  une  ouverture  nettement  délimi- 
tée. Chez  les  espèces  du  groupe  liberica  au  contraire  l'acarodoma- 
tie  est  plus  fortement  différenciée,  elle  est  localisée  dans  l'épatement 
de  la  nervure  latérale  et  s'ouvre  vers  la  face  inférieure  par  un  pore 
circulaire  ou  légèrement  allongé,  glabre  ou  muni  de  poils  très  peu 
nombreux,  occupant  le  pourtour  du  port  central.  Le  même  caractère 
semble  se  représenter  également  chez  les  différentes  formes  que 
l'on  doit  rapporter  au  groupe  canephora. 

Nous  ne  pouvons  pour  le  moment  préciser  plus  avant  la  discus- 
sion de  ces  caractères.  Nous  aurons  peut-être  l'occasion  de  la 
reprendre  lors  de  l'examen  des  très  nombreux  matériaux  ramenés 
du  Congo  par  la  fructueuse  mission  Em.  et  M.  Laurent. 

E.    DE  WlLDEMAN. 


COI'  11.  \      CANEPHORA 

Var.  opaca.  o  mai  1904 


GOFFEA     CANEPHORA 

(Var.  opaca  (Pierre). 

En  octobre  1898,  M.  Chalot,  alors  directeur  du  Jardin  d'Essai  de 
Libreville,  envoya  dans  la  région  du  Kouillou  au  Congo  Français, 
des  graines  stratifiées  d'un  caféier  croissant  à  l'état  sauvage  au  Jardin 
d'Essai  de  Tunis  sous  le  nom  de  Coffea  canephora. 

Ces  graines  furent  semées  et  germèrent  dans  des  conditions  excel- 
lentes. Les  plants  se  montrèrent  robustes. 

Quelques-uns  de  ces  plants  furent,  l'année  d'après,  transportés 
au  Jardin  colonial.  Un  d'eux  fut  mis  en  pleine  terre,  dans  la  serre 
spécialement  consacrée  à  la  culture  des  caféiers.  Il  est  devenu  très 
vigoureux  et  dépasse  deux  mètres  de  hauteur.  Il  se  couvre  de  fleurs 
au  printemps  et  en  été.  La  forme  et  la  coloration  de  ses  feuilles  per- 
mirent de  constater  qu'il  devait  s'agir  d'une  plante  nouvelle. 

Il  a  donc  paru  utile  d'en  envoyer  des  échantillons  frais,  au  moment 
de  la  floraison,  à  M.  Pierre,  l'éminent  botaniste,  qui  fut  le  créateur 
de  l'espèce  canephora,  et  par  suite  mieux  à  même  que  quiconque 
pour  trancher  la  question  de  savoir  si  la  forme  cultivée  à  Nogent 
devait  être  considérée  comme  une  espèce  ou  une  variété  nou- 
velle. 

A  la  suite  de  cet  envoi  (juillet  1903),  M.  Pierre  adressa  à  M.  Cha- 
lot la  lettre  suivante,  qui  assigne  au  nouveau  caféier  une  place 
précise  dans  la  classification  de  ce  genre  : 

«  J'ai  étudié  votre  échantillon,  et  bien  que  je  reconnaisse  que  ses 
rapports  sont  évidents  avec  les  variétés  Kouillouensis  et  oligoneura 
je  suis  néanmoins  d'avis  que  vous  cultivez  au  Jardin  de  Libreville 
(d'après  votre  échantillon  du  1er  septembre  1901),  comme  à  Nogent, 
une  variété  distincte  qu'il  convient  de  tenir  distincte  pour  la  com- 
modité de  la  culture  et  dont  je  résume  ainsi  les  caractères  : 

Coffea  canephora,  var.  opaca.  A.  elliptius utrinque  lanceolatis  basi  acutis  vel 
rotondatisapice  breviter  obtuseque  acuminatis,  utrinque  opaca  nervis  secun- 
dariis  utrinque  8-II,  capitulis  4-6  floris,  floribus  6  soepius  5  meris,  corolla 
adulta  15-23  mm.  longis  antheris  7-10  mm.  longis  disco  cylindrico  calycem 
integrum  superante  (Fructus  seminaque)  '? 


1 1 8  NOTES 

ce  En  un  mot,  feuilles  opaques,  moins  grandes  que  chez  la  var. 
Kou&louensis  ayant  beaucoup  de  rapports  avec  la  var.  oliyoneura 
de  la  même  région,  mais  dillérant  de  toutes  deux  par  les  Heurs,  très 
souvent  6  mères  (deux  dans  un  capitule  de  6  fleurs) .  Chez  les 
deux  variétés  comparées,  les  fleurs  sont  toujours  o  mères.  Par 
ce  dernier  caractère  se  rapproche  de  la  variété  muniensis  et  de 
celle  du  Congo  Wildemanii,  cette  dernière  à  feuilles  plus  grandes 
contenant  de  14  à  17  paires  de  nervures  secondaires,  et  dont  les 
Heurs  sont  6-7  mères. 

«  Je  ne  connais  pas  les  fruits  de  cette  variété  opaca.  La  proémi- 
nence du  disque,  les  pédoncules  plus  courts  que  le  tube  du  calicule 
démontrent  bien  que  cette  variété  appartient  au  C.  canephora.  La 
présence  de  bractées  doublement  inégales  éloigne  aussi  cette  variété 
du  C.  liberica.  » 

S  il  s'était  agi  simplement  d'une  forme  nouvelle  d'un  caféier  quel- 
conque nous  n'en  aurions  pas  parlé,  mais  le  Coffea  canephora, 
var.  opaca,  nous  semble  digne  d'attirer  l'attention  des  planteurs.  C'est 
en  effet  une  plante  qui  se  caractérise  et  se  recommande  par  sa  très 
grande  vigueur,  et  le  nombre  considérable  de  fruits  qu'elle  peut 
porter.  Ces  fruits  sont  petits,  et  les  graines  qu'ils  renferment  sont, 
au  point  de  vue  commercial,  particulièrement  intéressants,  car  ils 
ont  toutes  les  qualités  de  forme  et  de  grosseur  exigées.  Il  n'est 
donc  pas  douteux  qu'ils  seront  facilement  adoptés  par  le  commerce. 

C'est  pourquoi  ce  caféier,  ainsi  ceux  appartenant  aux  variétés 
oliyoneura  et  Kouillouensis,  qui  se  trouvent  à  l'état  spontané  dans 
la  région  du  Kouillou,  au  Congo  Français,  où  il  en  existe  d'ailleurs 
d'importantes  plantations,  comme  sur  d'autres  points  de  la  colonie, 
dans  l'Ogoué,  par  exemple,  mériteraient  d'être  introduits  ailleurs  et 
d'être  comparés,  au  point  de  vue  de  la  résistance  aux  dillérentes 
maladies,  avec  les  autres  caféiers  de  culture  courante. 


NOTES     SUR     LA     SOIE     D'ARAIGNÉE 


Les  premières  expériences  sur  la  soie  d'araignée  datent  de 
1710.  C'est  au  Président  Bon  de  Saint-Hilaire  (François-Xavier, 
savant  et  magistrat,  né  en  1678,  mort  en  1761)  à  qui  on  en  fut 
redevable.  Il  fut  Président  de  la  Chambre  des  Comptes  de  sa  ville 
natale,  Montpellier.  Sa  dissertation  sur  l'Araignée  a  été  traduite  dans 
toutes  les  langues  de  l'Europe  et  même  en  chinois.  La  disserta- 
tion du  Président  fut  insérée  dans  les  tomes  XXVII  des  Philosophi- 
cal  transactions.  L'Académie  des  Sciences,  à  laquelle  ce  magistrat 
et  savant  fit  part  de  ses  essais,  jugea,  après  un  mémoire  de  Réau- 
mur,  que  cette  branche  d'industrie  offrait  peu  d'espérance. 

En  1777-1778,  et,  plus  tard,  en  1791,  Raymonde-Maria  de  Tre- 
meyer,  Espagnol,  reprit  les  expériences  ;  il  parvint  à  dévider  direc- 
tement le  fil  d'une  araignée  à  mesure  qu'il  sortait  de  ses  filières. 
L'appareil  employé  par  l'expérimentateur  était,  sauf  quelque  modi- 
fication, le  même  que  celui  qui  est  en  usage  à  l'heure  actuelle  à 
l'Ecole  professionnelle  de  Tananarive. 

Rolt,  négociant  anglais,  a  fait  aussi  des  essais  sur  l'araignée  Dia- 
dème «  [Epeire  diadème)  ».  Ayant  remarqué  la  facilité  avec  laquelle 
cet  insecte  dévide  son  fil  à  mesure  qu'on  l'enroule,  il  mit  en  com- 
munication avec  une  machine  à  vapeur,  et,  avec  une  vitesse  de 
18"' 726  à  la  mimite,  un  [dévidoir  très  léger  autour  duquel  il 
enroula  le  fil  d'une  araignée  a  mesure  qu'elle  l'abandonnait. 

Les  araignées  soumises  à  cet  essai  fournirent  un  fil  continu  pen- 
dant un  espace  de  3  à  5  minutes.  L'échantillon  présenté  à  la 
Société  des  Arts  de  Londres  avait  environ  5.750  mètres. 

Asara,  dans  son  Voyage  au  Paraguay,  dit  qu'il  existe  une  arai- 
gnée qui  fait  des  cocons  sphériques  de  2  à  5  centimètres  de  dia- 
mètre. 

A  Madagascar,  les  premiers  essais  de  dévidage  du  fil  de  soie  de 
la  Nephila  Madagascariensis,  ou  Halabe  des  Malgaches,  sont  dus  au 
Père  Camboue,  missionnaire  français.  Il  enfermait  les  araignées  dans 


120 


NOTES 


des  boîtes  d'allumettes,  de  façon  à  laisser  émerger  l'abdomen  et  il 
tirait  le  brin  qui  se  présentait  à  l'orifice. 

De  ses  expériences  il  conclut  que  c'était  après  la  ponte  que 
XHa.la.be  donnait  le  plus  de  fil  (je  dis  après  la  ponte,  car  il  n'y  a 
que  l'araignée  femelle  qui  soit  productrice  de  la  soie). 


Fig.  1. 
A  Bâti  fixe 
G  Guillotine  fermée 
G  ouverte 


S//////W///M; 


Fig.  2. 
Fig.  schématique  montrant  comment 
se  trouve  encastrée  l'araignée  a.  s  fil 
de  soie  sortant  des  filières.  • 


6 
■O 


z>M 


Fig.  3. 
Dévida  e.  Fig  schématique 
s  s  s  Fils  de  soie  sortant  des  filières  de  l'araignée 
c  Crochet 
b  Bobine 
M  Manivelle. 


Ces  araignées  peuvent  subir  en  un  mois  cinq  ou  six  dévidages 
donnant  environ  4.000  mètres,  puis  elles  meurent. 

Peu  après,  M.  Jully,  architecte  de  la  colonie  de  Madagascar, 
directeur  à  cette  époque  de  l'Ecole  professionnelle  de  Tananarive, 
reprit  ces  essais,  qui  furent  abandonnés  et  enfin  de  nouveau  étudiés 
par  M.  Nogué,  actuellement  sous-directeur  de  cette  école. 

L'appareil  de  dévidage  de  M.  Nogué  n'est  autre  que  celui  de 
Tremeyer  un  peu  modifié.  Il  repose  sur  le  même  principe.  Cet 
appareil  peut  être  assimilé  aune  succession  de  huit  guillotines. 


soie  d'araignée  121 

La  partie  inférieure  fixe  la  partie  supérieure  mobile  pour  enser- 
rer l'araignée,  de  façon  que  l'abdomen  seul  sorte  du  côté  d'une 
manivelle  qui  enroule  sur  une  bobine,  quand  elle  est  mise  en  mou- 
vement, les  huit  brins  de  soie  préalablement  réunis  sur  un  crochet 
métallique. 

La  soie  de  l'araignée  Halabe  est  d'un  beau  jaune  doré. 

On  n'est  pas  arrivé  encore  à  faire  une  éducation  pratique  de  la 
Nephila  Madagascariensis ,  quoique  l'araignée  ne  se  déplace  pour 
ainsi  dire  pas  de  l'endroit  où  on  la  pose  ;  mais,  si  la  nourriture 
vient  à  manquer,  elles  se  mangent  entre  elles. 

Le  mode  de  récolte  employé  aujourd'hui  est  d'envoyer  les  femmes 
à  la  chasse  et  de  filer  sur  place  avec  l'appareil  à  guillotine  ;  quand 
l'araignée  a  rendu  son  fil,  on  la  remet  sur  l'arbre. 

Il  n'y  a  guère  que  l'Ecole  professionnelle  qui  achète  cette  soie  au 
prix  d'un  franc  le  gramme,  ce  qui  remet  donc  le  prix  du  kilo- 
gramme à  1.000  francs  sans  être  travaillé;  aussi  cette  industrie  a- 
t-elle,  selon  moi,  peu  de  chance  de  réussite.  Jusqu'à  ce  jour,  la  pro- 
duction en  est,  d'ailleurs,  très  peu  importante. 

Direction  de  l'Agriculture  de  Madagascar. 


NOTE    SUR     LA    MULTIPLICATION    DES    BAMBOUS 

La  Station  d'Essais  de  Nampoa,  près  Fort-Dauphin,  possède 
quatre  espèces  de  bambous,  connues  dans  le  pays  sous  les  noms  de 
«  Bambou  de  Birmanie,  «  Bambou  de  la  Réunion  »,  «  Bambou  doré  » 
et  «  Petit  bambou  de  Chine  ». 

Le  premier  est  de  beaucoup  l'espèce  qui  prend  le  plus  de  déve- 
loppement ;  il  n'est  pas  rare  de  voir  ses  tiges  atteindre  18  à 
20  mètres  de  hauteur  avec  un  diamètre  à  la  base  de  20  à  22  centi- 
mètres. Plantée  dans  un  sol  qui  lui  convient,  cette  remarquable 
plante  forme,  en  3  ou  4  années,  d'énormes  touffes  du  plus  bel  effet. 

Outre  ses  qualités  décoratives,  elle  possède  une  réelle  valeur  éco- 
nomique, tant  ses  énormes  tiges  peuvent  donner  lieu  à  des  utilisa- 
tions diverses.  La  grande  cavité  longitudinale  qu'elles  possèdent 
(une  tige  de  20  centimètres  d'épaisseur  a  un  vide  intérieur  de  15  à 
16  centimètres  de  diamètre)  permet  de  les  employer  comme  tuyaux 
pour  les  conduites  d'eau  aériennes,  découpées  en  tronçons  de  20  à 
30  centimètres  de  longueur,  elles  peuvent  servir  et  servent  souvent 
de  vases  à  fleur. 

Le  bambou  dit  de  «  Bourbon  »  est  de  taille  beaucoup  plus  petite; 
l'épaisseur  de  ses  tiges  ne  dépasse  guère  8  à  10  centimètres,  et  leur 
hauteur  excède  rarement  8  à  10  mètres.  Le  vide  intérieur  est  très 
réduit  et  n'atteint  guère  que  2  à  3  centimètres  dans  les  plus  grosses 
tiges  ;  aussi  sont-elles  d'une  résistance  extraordinaire.  On  s'en  sert 
pour  fabriquer  des  échelles  très  légères  et  tx^ès  fortes,  des  brancards, 
des  tuteurs,  des  bâtons  de  charge,  et  elles  peuvent  rendre  de 
sérieux  services  dans  la  construction  pour  faire  des  charpentes 
légères. 

Le  bambou  doré,  ou  bambou  du  «  Mandarin  »,  est  remarquable  à 
cause  de  ses  tiges  d'un  beau  jaune,  striées  longitudinalement  de 
raies  vertes  ;  le  feuillage  est  d'un  beau  vert.  Le  bambou  doré  atteint 
des  dimensions  sensiblement  égales  à  celle  du  bambou  de  «  Bourbon  »  ; 
cependant  ses  belles  tiges,  qui  se  détachent  très  bien,  à  cause  de 
leur  couleur  dorée,  sur  le  fond  vert  foncé  du  feuillage,  deviennent 
quelquefois  plus  grandes.  Elles  sont  également  presque  pleines  et. 


LA    MULTIPLICATION    DES    BAMBOUS  123 

par  conséquent,  résistantes  ;  elles  peuvent  servir  aux  mêmes  utili- 
sations que  celles  de  la  variété  précédente,  mais  leur  belle  colora- 
tion jaune  les  l'ait  souvent  employer  à  la  confection  de  meubles  rus- 
tiques et  de  bibelots  divers. 

Le  bambou  dit  de  «  Chine  »  est  de  taille  réduite,  il  atteint  au  maxi- 
mum 5  à  6  mètres  de  hauteur  ;  ses  plus  grosses  tiges  ne  dépassent 
guère  2  à  3  centimètres  de  diamètre  et  présentent  un  vide  très  peu 
important.  Elles  offrent,  comparée  à  leur  dimension,  une  très 
grande  solidité,  et  peuvent  servir  à  faire  des  cannes  à  pêche,  des 
tuteurs,  des  claies,  des  paniers,  des  palissades,  etc.,  etc. 

L'utilité  de  toutes  ces  excellentes  espèces  de  bambou,  qui  ont,  en 
outre,  une  valeur  ornementale  hors  pair,  est  telle  que,  dès  son  arri- 
vée à  Fort-Dauphin,  l'agent  de  culture  chargé  de  la  Station  de 
Nampoa  fut  prié  de  s'efforcer  de  les  multiplier  le  plus  possible,  afin 
de  pouvoir  les  répandre  sur  tous  les  points  de  l'île  susceptibles  de 
leur  convenir.  Dès  la  fin  de  1901,  il  put  en  expédier  quelques 
exemplaires  racines  k  la  Station  d'Essais  de  l'Ivoloina  et,  en  1902, 
il  fut  possible  de  commencer  à  en  distribuer. 

M.  Delgove  qui,  depuis  environ  trois  ans,  s'occupe  de  la  multi- 
plication des  bambous,  communique  à  ce  sujet  les  indications  pra- 
tiques consignées  dans  la  note  reproduite  ci-dessous  in  extenso. 

Cette  question  présentant  un  réel  intérêt  pratique,  M.  Fauchère, 
directeur  de  la  Station  d'Essais  de  l'Ivoloina,  a  fait  entreprendre 
dans  cet  établissement  toute  une  nouvelle  série  d'expériences  ayant 
pour  but  de  déterminer  exactement  le  meilleur  mode  de  bouturage  à 
employer. 

Bambou  de  «  Birmanie  ».  —  Sols  et  situations  convenables.  — 
Ce  bambou,  comme  d'ailleurs  toutes  les  espèces  du  genre,  se  plaît 
dans  les  sols  frais,  mais  il  redoute  l'humidité  stagnante,  les  inonda- 
tions prolongées  lui  sont  préjudiciables. 

Lorsqu'il  est  planté  près  d'une  rivière,  au-dessous  du  niveau 
ordinaire  des  inondations,  s'il  arrive  que  l'eau  recouvre  totalement 
ses  souches  pendant  plus  de  huit  jours,  les  trois  quarts  environ  des 
jeunes  tiges  périssent. 

Un  séjour  de  trois  ou  quatre  jours  sous  l'eau  ne  semble  cependant 
avoir  aucune  influence  fâcheuse  sur  leur  développement. 

Quoique  cette  belle  plante  puisse  végéter  dans  presque  tous  les 
sols  frais,  elle  ne  donne  cependant  toute  la  mesure  de  son  extraor- 


124  NOTES 

dinaire    vigueur  que    dans    les     terres    profondes     de   consistance 
moyenne. 

Epoque  convenable  pour  procéder'  au  bouturage .  —  A  Fort- 
Dauphin,  le  bambou  de  «  Birmanie  »  perd  ses  feuilles  en  septembre  et 
octobre;  c'est  pendant  cette  période  de  repos  que  l'on  doit  procéder 
au  bouturage.  A  la  Station  de  Nampoa,  les  boutures  faites  dans  le 
courant  d'octobre  ont  toujours  donné  de  très  bons  résultats. 

Préparation  des  boutures.  —  Le  seul  mode  de  multiplication  mis 
en  pratique  jusqu'à  ce  jour  à  la  Station  de  Nampoa,  est  le  bouturage 
simple,  qui  consiste  à  tronçonner  les  tiges  en  morceaux  conservant 
deux  nœuds. 

On  doit  employer  des  tiges  de  deux  ans  ;  plus  jeunes,  elles  seraient 
trop  tendres  et  exposées  à  pourrir;  plus  âgées,  elles  sont  trop  dures 
et  n'émettent  pas  de  racines. 

La  base  des  tiges  est  inutilisable.  Les  nœuds  qui  portent  des  rami- 
fications secondaires  sont  seuls  capables  de  donner  des  racines.  Les 
premières  ramifications  naissent  généralement  à  i  ou  5  mètres  au- 
dessus  du  sol.  Il  faut  donc  compter  que  les  deux  tiers  seulement  de 
la  tige  sont  susceptibles  d'être  bouturés  ;  une  tige  ordinaire  donne 
environ  15  à  16  boutures. 

Le  sectionnement  des  boutures  se  fait  à  la  scie;  mais  il  est  bon, 
indispensable  même,  de  rafraîchir  les  coupes  à  l'aide  d'un  instrument 
tranchant. 

On  doit  sectionner  à  très  peu  de  distance  du  nœud  inférieur  et  à 
5  ou  6  centimètres  au-dessus  du  supérieur,  en  prenant  la  précaution 
de  faire  la  coupe  en  biseau. 

Les  branches  latérales  sont  ensuite  coupées  à  5  ou  6  centimètres 
au-dessus  de  leur  point  d'attache. 

La  mise  en  terre  doit  être  faite  immédiatement  ;  si,  pour  une  rai- 
son quelconque,  les  boutures  ne  pouvaient  être  plantées  aussitôt 
après  leur  préparation,  ou  si  elles  devaient  voyager,  il  faudrait  les 
mélanger  à  de  la  mousse  légèrement  humide  ou  les  stratifier  dans  de 
la  terre. 

Mise  en  place  des  boutures.  —  Préparation  du  sol.  —  On  devra, 
si  l'on  veut  obtenir  de  bons  résultats,  choisir,  pour  y  planter  les 
boutures  de  bambous,  un  sol  léger,  riche  et  frais,  que  l'on  devra 
préparer  soigneusement  par  un  ou  plusieurs  bons  labours. 


LA    MULTIPLICATION    DES    BAMBOUS  125 

En  raison  de  la  longueur  du  temps  qui  s'écoule  ordinairement 
entre  la  mise  en  terre  des  boutures  et  rémission  des  premières 
racines,  il  est  bon  de  les  planter  dans  un  endroit  abrité  naturelle- 
ment du  soleil  par  de  grands  arbres,  ou  de  construire  des  ombrières 
au-dessus  de  la  pépinière.  On  évite  ainsi,  dans  une  certaine 
mesure,  le  dessèchement  des  boutures. 

La  distance  à  réserver  entre  les  boutures  est  variable  suivant  leur 
dimension.  Il  est  utile  cependant  de  réserver  entre  elles  au  moins 
45  ou  50  centimètres  d'intervalle  en  tous  sens,  pour  que  la  levée 
en  motte  puisse  être  faite  sans  difficulté, 

La  terre  doit  être  tassée  fortement  autour  des  boutures. 

Pendant  toute  la  durée  de  la  reprise,  les  soins  consistent  en  sar- 
clages fréquents  et  en  arrosages  renouvelés  chaque  fois  que  le 
besoin  s'en  fait  sentir;  il  est  nécessaire  de  maintenir  le  sol  dans  un 
état  d'humidité  constant,  si  l'on  veut  obtenir  des  résultats  satisfai- 
sants. 

Si  les  boutures  ont  été  faites  au  moment  propice,  elles  com- 
mencent à  émettre  de  jeunes  tiges  trois  semaines  environ  après  la 
mise  en  terre,  mais  l'enracinement  ne  commence  que  longtemps 
après  et  n'est  suffisant  qu'au  bout  d'une  année  au  minimum. 

Quels  que  soient  les  soins  apportés  au  choix  des  boutures,  à  leur 
préparation  et  à  leur  mise  en  place,  il  est  bien  rare  que  l'on  obtienne 
plus  de  50  plants  pour  cent  boutures  confiées  au  sol. 

Mise  en  place.  —  La  transplantation  des  plants  ne  peut  guère 
être  entreprise  moins  d'une  année  après  le  bouturage,  quelquefois  il 
faut  attendre  plus. 

La  levée  doit  se  faire  en  motte;  si  le  rameau  bouture  n'est  pas 
complètement  décomposé  au  moment  de  l'arrachage,  et  s'il  tient 
encore  fortement  à  la  nouvelle  touffe  de  bambou  on  doit  avoir  bien 
soin  de  ne  pas  l'en  détacher;  si  l'on  a  attendu  assez  longtemps,  ce 
tronçon  de  tige  est  généralement  décomposé  et  il  n'y  a  pas  lieu  de 
s'en  préoccuper. 

Les  soins  à  prendre  pour  la  plantation  ne  diffèrent  en  rien  de 
ceux  que  l'on  prend  pour  les  autres  espèces  végétales  ;  il  est  donc 
inutile  de  s'y  arrêter  dans  une  note  qui  traite  plus  spécialement  de 
la  multiplication  proprement  dite. 


1 26  NOTES 

Bambou  de  «  Bourbon  »  et  «  Bambou  doré  ».  —  La  multiplication 
de  ces  deux  espèces  est  beaucoup  plus  facile  ;  on  peut  la  faire  par  la 
division  des  touffes  ou  par  le  bouturage. 

Le  bouturage  ne  présente  pas  de  difficulté  ;  on  peut  faire  des  bou- 
tures à  un  seul  œil  et  les  planter  directement  en  place,  mais  il  est 
préférable,  si  Ton  Lredoute  la  sécheresse,  de  les  mettre  en  pépinière 
où  l'on  puisse  les  arroser  facilement. 

L'époque  la  plus  propice  pour  le  bouturage  est  celle  du  repos  de 
la  végétation,  c'est-à-dire  septembre  et  octobre. 

Bambou  de  «  Chine  ».  —  A  cause  des  dimensions  très  restreintes 
de  ses  tiges  et  de  ses  touffes  très  cespiteuses,  cette  espèce  se  multi- 
plie de  préférence  par  le  fractionnement  des  touffes. 

Lorsque  l'époque  de  la  multiplication  est  arrivée,  on  coupe  toutes 
les  tiges  à  20  centimètres  environ  au-dessus  du  sol,  puis  on  arrache 
les  touffes  et  on  les  fractionne  en  portion  comprenant  huit  ou  dix 
tiges.  Ces  morceaux  de  touffes  doivent  être  mis  directement  en 
place. 

Pour  multiplier  le  bambou  de  «  Chine  »,  il  est  préférable  d'at- 
tendre que  la  saison  des  pluies  soit  bien  établie  ;  si  l'on  procède  à 
la  division  des  souches  en  saison  sèche,  il  faut  avoir  soin  d'arroser 
toutes  les  fois  que  le  besoin  s'en  fait  sentir. 

Delgove. 


BIBLIOGRAPHIE 


E.  de  Wildeman.  —  Notices  sur  des  plantes  utiles  ou  intéressantes  de  la  flore 
du  Congo.  I.  Publication  de  l'État  indépendant  du  Congo,  Bruxelles,  1903, 
221  pages,  12  planches  en  vente  à  Paris,  chez  Challamel,  17,  rue  Jacob. 

I.  —  Le  Bosqueia  angolensis  Ficalho,  Sekegna  ou  Saccagna  des  indigènes, 
est  une  moracée  dont  l'écorce  laisse  écouler  un  suc  lie  de  vin,  que  les  natu- 
rels de  l'État  du  Congo  utilisent  pour  colorer  leurs  pagnes  et  de  nombreux 
objets.  Le  fruit  comestible  est  connu  sous  le  nom  de  Mongenia.  Sa  substance 
colorante  mérite  d'être  étudiée  et  son  bois  est  un  superbe  bois  d'ébénisterie. 

II.  —  Le  Musanga  Smithii  R.  Br.,  Parasolier  ou  Kombo-Kombo,  est  un 
arbre  de  15  mètres,  à  feuilles  composées,  palmées,  émettant  de  nombreuses 
racines  adventives  aériennes  ;  le  bois  de  cette  Urticinée  extrêmement  léger  et 
très  résistant,  reçoit  tous  les  emplois  du  liège  :  c'est  le  Corkwood  des  Anglais. 
Le  fruit  est  comestible.  Cette  plante  à  croissance  rapide  a  été  préconisée 
comme  arbre  d'ombrage  dans  les  plantations  de  cacaoyer  ;  mais  elle  doit,  en  ce 
cas,  être  arrachée  vers  la  quatrième  année,  car  elle  deviendrait  nuisible  à 
cause  de  la  quantité  d'eau  considérable  qu'elle  absorbe  par  ses  nombreuses 
racines.  Elle  renferme  une  telle  quantité  d'eau  que  certaines  peuplades,  fixées 
loin  des  rivières  et  des  sources,  se  procurent  l'eau  pour  tous  leurs  usages 
domestiques,  en  entamant  les  racines  aériennes  de  Musanga. 

III.  —  Hyptis  spicigera.  L'auteur  insiste  sur  les  propriétés  de  cette  plante  et 
donne  l'analyse  de  l'huile  fournie  par  les  graines,  publiée  par  M.  Milliau  dans 
le  présent  bulletin  '. 

IV.  —  Pandanus  Butayei  De  Wild. 

V.  —  Quelques  textiles  indigènes  de  l'État  indépendant.  L'auteur  insiste 
sur  :  1°  le  Celosia  argentea  L.,  amarantacée,  qui  sert  à  faire  des  cordes  très 
solides  ;  la  plante  constitue  aussi  un  fourrage  excellent,  et  les  graines  oléagi- 
neuses sont  efficaces  contre  la  diarrhée  ;  2°  le  Cephalonema  polyandrum  K. 
Schum.  Tiliacées  ;  3°  le  Manniophyton  africanum  Miill.-Arg.,  et  M.  fulvum 
Mùll.-Arg.,  Euphorbiacées,  Lacossa  ou  N'Kossa  des  indigènes. 

VI.  —  Sarcocephalus  Diderrichii  De  Wild  et  Th.  Dur.,  et  Sarcocephalus 
Gilletii  De  Wild;  bois  d'ébénisterie,  N'gulu  Maza. 

VII.  —  Melia  azedarach  ou  Lilas  des  Falls. 

VIII.  —  Balanites  Aegyptiaca  Del.,  Lalo  ou  Soûmpa  ;  arbuste  à  fruits  drupa- 
cés,  jaunâtres,    à  péricarpe  très  mince,   que   sucent  les  indigènes  ;  ces  fruits 

1.  Bulletin  du  Jardin  Colonial.  Tome  I.  1901-1902,  p.  116. 


128  BIBLIOGRAPHIE 

seraient  purgatifs  et  anlhelmintiques  ;  ils  donnent  par  fermentation  une 
liqueur  alcoolique.  La  graine  fournit  une  huile  comestible  très  estimée  par  les 
indigènes  et  les  soldats  de  l'État  indépendant  du  Congo.  Enfin,  la  racine  et 
l'écorce,  purgatives  et  vermifuges,  semblent  renfermer  de  la  saponine  et 
peuvent  être  utilisées  pour  le  nettoyage  et  le  dégraissage  des  étoffes.  Le  bois 
est  d'excellente  qualité  :  il  est  employé  en  Abyssinie  pour  la  construction  des 
charrues. 

IX.  —  Un  fébrifuge  du  Congo.  Description  et  étude  du  Carapa  procera  DC, 
var.  gentilii  De  Wïld. 

X.  —  L' Herbe  de  Guinée,  ou  Panicum  maximum  Jacq.  Examen  de  la  valeur 
fourragère  de  cette  plante,  et  classification  des  variétés  d'après  K.  Schumann. 

XL  —  A  propos  de  Bananiers.  L'auteur  décrit  le  Musa  Gilletii,  voisin  du 
Musa  religiosa  Dybowski,  et  qui  présente  comme  lui  un  bulbe  à  la  base,  et  le 
Musa  Arnoldiana.  L'auteur  enfin  (p.  89  à  119)  rappelle  l'importance  écono- 
mique des  Bananiers  dont  il  étudie  la  culture,  le  commerce  et  les  usages. 

XII.  —  Orchidées  nouvelles  pour  la  flore  du  Congo  :  Bulbophyllum  fïavidum 
LindL,  var.  elongalum  De  Wild  ;  B.  nanum,  nov.  sp.  ;  B.  Calamarium  Lind.  ; 
B.  Schinzianum  Kranzl.  ;  Megaclinium  djumaensis,  nov.  sp.  M.  minor,  nov. 
sp.,  M.  purpureorachis,  nov.  sp.,  M.  congolensis  De  Wild,  etc. 

XIII.  —  Baobab  ou  Adansonia  digitata  L. 

XIV.  —  Les  «  Cassia  »  du  Congo. 

XV.  —  Les  Eucalyptus  et  leurs  usages. 

XVI.  —  Jute  ou  Gunny.  Commerce.  Industrie.  Culture  (p.  199-221). 

R.  Viguier. 


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la  destruction  des  termites,  etc.,  etc.  Il  est 
admis  pour  la  désinfection  des  établissements 
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Le  Journal  d'Agriculture  tropicale  est  réservé  aux  questions  d'actualité. 

Il  est  international  et  s'adresse  à  la  fois  aux  colonies  françaises,  aux   colonies  portuga 
et  aux  pays  de  l'Amérique  centrale  et  de  l'Amérique  du  Sud. 

Il  s'est  fait  une  spécialité  des  machines  employées  en  agriculture  tropicale. 

Il    donne    tous    les    mois    une    revue    complète    des    publications    nouvelles.    La    partie 
commerciale  est  intelligible  pour  tout  le  monde  et  toujours  intéressante. 


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cieuse cTêtre  utile   à  son   importante  clientèle,  a   cru  devoir 
s'occuper  d'une  façon  toute  particulière  de  l'importation    et  de  la 
vulgarisation  des  graines  et  plantes  précieuses  des  pays  chauds. 

Ses  relations  commerciales  avec  toutes  les  parties  du  globe  la 
placent  certainement  au  premier  rang  des  maisons  recommandables 
pour  résoudre  cette  importante  question. 

Du  reste  ses  efforts  ont  été  couronnés  de  succès  puisqu'elle  a 
obtenu  7  Grands  Prix  à  l'Exposition  Universelle  de  1900,  dont  un 
spécialement  accordé  pour  son  Exposition  Coloniale.  En  outre,  le 
Jury  de  la  dernière  Exposition  d'Horticulture  de  Paris  de  1901  vient 
à  nouveau  de  confirmer  les  décisions  du  Jury  de  l'Exposition  uni- 
verselle en  lui  attribuant  le  Prix  d'Honneur  pour  sa  collection  de  plantes  utiles  présentées  en 
jeunes  sujets  cultivés  pour  l'exportation  dans  les  pays  chauds. 

Enfin,  suivant  une  longue  tradition  la  Maison  se  fait  un  devoir  de  répondre  de  la  façon  la  plus 
désintéressée  à  toutes  les  demandes  qui  lui  sont  adressées. 

Graines  et  jeunes  plants  disponibles  au  fur  et  à  mesure  de  la  récolte  : 

Plantes  textiles.  —  Agave  Sisalana  du  Yucatan  (vrai),  Cotons  sélectionnés,  Jute,  Fourcroya 
gigantea,  etc. 

Plantes  économiques.  —  Cacaoyer  (variétés  de  choix),  Caféiers  (espèces  diverses),  Coca, 
Kola,  Tabacs  divers,  Thé  d'Annam   et  d'Assam,  etc. 

Plantes  à  caoutchouc.  —  Castilloa  elastica,  Euphorbia  Intisy,  Ficus  divers,  Hevea  brasi- 
liensis,  Làndolphia  (diverses  sortes  Manihot  Glaziovii, Marsdenia  verrucosa,  Willughbeia  edulis,  etc. 

Plantes  à  épices.  —  Canellier  de  Ceylan,  Gingembre  des  Antilles,  Giroflier,  Muscadier,  Poi- 
vrier, Vanilles  du  Mexique  et  de  Bourbon  (boutures),  etc.,  etc. 

Graines  de  plantes  médicinales,  à  gomme,  à  huile,  à  essence,  à  tanin,  etc.,  etc. 


Emballage  spécial.  —  Nous  croyons  devoir  appeler  l'attention  de  notre  clientèle  d'outre-mer 
sur  l'avantage  qu'ils  trouveront  à  employer  nos  caisses  vitrées  (caisse  Ward)  pour  l'expédition  des 
jeunes  plants  ou  des  graines  en  stratification. 

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MAÇON,  PROTAT  FRERES,  IMPRIMEURS 


4e  année. 


Septembre-Octobre   1904. 


N  •  20 


MINISTÈRE    DES   COLONIES 

Inspection  générale  de  l'Agriculture  coloniale. 


L'Agriculture  pratique 

des  pays  chauds 


BULLETIN   DU    JARDIN   COLONIAL 

ET    DES   JARDINS    D'ESSAI 
DES    COLONIES    FRANÇAISES 


Paraissant   tous  les  deux  mois. 


LES    DOCUMENTS     ET     COMMUNICATIONS 

se  rapportant  à  la  Rédaction 

doivent  êtres  adresses 

à  l'Inspection   Gle  de  l'Agriculture    Cle 

•  AU    MINISTÈRE    DES    COLONIES 


TOUTES     COMMANDES    OU    RECLAMATIONS 

relatives  au  service  du  Bulletin 

doivent      être      adressées     directement 

à    M.    A.    Challamel,    Éditeur 

rue  Jacob,  17,  Paris 


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La  reproduction  complète  d'un  article  ne  peut  être  faite  qu  après  autorisation  spéciale. 

Les  citations  ou  reproductions  partielles  sont  autorisées  à  la  condition 
de  mentionner  la  source  de  V article. 


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Feuille  de  Renseignements  de  l'Office  Colonial 

PUBLIC  A TION    MENSUELLE 


COLONISATION  :  Exploitations  agricoles  et  industrielles,  enquêtes  économiques,  etc. 
COMMERCE  :    Renseignements    commerciaux    et     statistiques  ;     Avis     d'adjudications  ; 

Offres  et  demandes  commerciales  ;  Mouvement  des  paquebots  ;    Listes   des   maisons 

de  commerce,  etc. 


ABONNEMENT  ANNUEL  :   France,  5  fr.  —  Colonies  et  Union  postale,   6  fr. 


PARTIE    OFFICIELLE 


LOI     RELATIVE     AU     RÉGIME     DES     SUCRES 

Le  Sénat  el  la  Chambre  des  députés  ont  adopté, 

Le  Président  de  la  République  promulgue  la  loi  dont  la  teneur  suit  : 

Article  Ier.  —  A  partir  du  1er  septembre  1903,  les  droits  sur  les  sucres 
de  toute  origine  livrés  à  la  consommation  sont  ramenés  aux  taux  ci-après 
fixés,  décimes  compris  : 

Sucres  bruts  et  raffinés,  vingt-cinq  francs  (25  fr.)  par  100  kilogrammes 
de  sucre  raffiné  ; 

Sucres  candis,  vingt-six  francs  soixante-quinze  centimes  (26  fr.  75)  par 
100  kilogrammes  de  poids  effectif. 

A  partir  de  la  même  date,  le  droit  de  fabrication  de  1  fr.  par  kilo- 
gramme, institué  par  kart.  4  de  la  loi  du  7  avril  1897,  est  supprimé  ;  le 
droit  de  raffinage,  établi  par  ledit  art.  4,  est  ramené  de  quatre  à  deux 
francs  (2  fr.). 

Est  autorisée,  pour  l'emploi  aux  usages  agricoles,  dans  les  conditions 
qui  auront  été  déterminées  par  décrets,  l'expédition  en  franchise  de 
mélasses  épuisées  n'ayant  pas  plus  de  cinquante  pour  cent  (50  u/0)  de 
richesse  saccharine  absolue. 

Art.  2.  —  Les  surtaxes  de  douane  sur  les  sucres  étrangers  de  toute 
origine  sont,  à  partir  de  la  même  date,  modifiées  ainsi  qu'il  suit  : 

Sucres  raffinés  et  sucres  bruts  d'un  tirage  de  quatre-vingt-dix-huit  pour 
cent  (98  0/o),  au  moins  six  francs  (6  fr.)  par  100  kilogrammes  de  poids 
effectif; 

Autres  sucres,  cinq  francs  cinquante  centimes  (5  fr.  50)  par  100  kilo- 
grammes de  poids  effectif; 

Les  sucres  candis  seront  comptés  à  raison  de  cent  sept  kilogrammes 
(107  kil.)  de  sucre  raffiné  par  100  kilogrammes  de  candi,  poids  effectif; 

Sont  maintenues  les  dispositions  des  art.  5  de  la  loi  du  7  avril  1897,  et 
1  et  2  de  la  loi  du  1  i  juillet  1897. 

Art.  IL  —  Les  détaxes  de  distance  instituées  par  les  art.  2  et  ',i  de  la 
loi  du  7  avril  1897  seront,  dorénavant,  allouées  à  raison  du  montant 
effectif  des  frais  de  transport  dont  il  sera  justifié  sans  que,  toutefois,  les 
taux  fixés  par  les  articles  précités  puissent  être  dépassés. 

Aiît.  4.  — Les  sucres  destinés  à  entrer  dans  la  préparation  de  produits 
Bulletin  du  .lardin  colonial.  9 


130  DOCUMENTS    OFFICIELS 

alimentaires  en  vue  de  l'exportation  pourront  être  reçus  et  travaillés  en 
franchise  des  droits  dans  des  établissements  spécialement  affectés  à  cette 
fabrication.  Ces  établissements,  érigés  en  entrepôts  réels,  seront  soumis  à 
la  surveillance  permanente  des  employé-  des  contributions  indirectes:  les 
Irais  de  cette  surveillance  seront  à  la  charge  des  fabricants.  Des  décrets 
détermineront  les  conditions  d'agencement  des  fabriques,  les  obligations  à 
remplir  par  les  fabricants  et.  d'une  manière  générale,  toutes  les  mesures 
d'application  du  présent  article.  Les  contraventions  aux  dispositions  de 
ces  décrets  seront  passibles  des  peines  édictées  par  l'art.  3  de  la  loi  du 
:iu  décembre  1N7:{. 

Akt.  .").  — Sont  abrogés,  à  partir  du  Ier  septembre  1903  : 

Les  art.  2  de  la  loi  du  29  juillet  1884  et  2  de  la  loi  du  .">  août  1890,  qui 
accordent  une  modération  de  taxes  aux  sucres  employés  au  sucrage  des 
vins,  cidres  et  poirés,  ainsi  que  l'art.  'À  de  la  loi  de  finances  du  28  décembre 
1888  : 

L'art.  3  de  la  loi  du  4 juillet   1887; 

L'art.  Ier  de  la  loi  du  7  avril  1897  ; 

Parmi  les  dispositions  de  la  loi  du  29  juillet  1884  et  des  lois  subsé- 
quentes, celles  qui  ont  organisé  la  prise  en  charge  du  sucre  imposable 
dans  les  fabriques  d'après  le  poids  des  betteraves  mises  en  oeuvre,,  et  qui 
ont  accordé  le  bénéfice  d'une  immunité  d'impôt  aux  sucres  indigènes  ou 
coloniaux  français  représentant  des  excédents  de  rendement  ou  des 
déchets  de  fabrication. 

Sont  remises  en  vigueur  les  dispositions  légales  antérieures  à  la  loi  de 
1884  qui  ont  réglé  la  tenue  des  comptes  dans  les  fabriques  et  la  prise  en 
charge  de  la  production  effective,  avec  un  minimum  de  rendement  basé 
sur  le  volume  et  la  densité  des  jus  reconnus  avant  la  défécation.  Le  taux 
de  cette  prise  en  charge  est  fixé  à  quinze  cents  grammes  (1.500  gr.  par 
hectolitre  et  par  degré  de  densité  au-dessus  de  100  i  densité  de  l'eau  . 

Sont  maintenues  toutes  les  dispositions  en  vigueur  relative  au  mode 
d'imposition  des  sucres  bruts,  d'après  les  méthodes  saccharimétriques. 
ainsi  que  les  dispositions  des  lois  des  ô  août  1890  et  26  juillet  1893  con- 
cernant l'exercice  des  raffineries  et,  d'une  manière  générale,  toutes  les 
dispositions  des  lois  antérieures  qui  ne  sont  pas  contraires  à  la  présente 
loi. 

Art.  0.  —  Il  sera  procédé  à  l'inventaire  des  sucres  et  des  sirops  de 
toute  nature  (à  l'exception  des  mélasses)  qui  existeront  au  1er  septembre 
1903  dans  les  radineries  et  établissements  assimilés. 

Les  sucres  raffinés  seront  comptés  pour  leur  poids  intégral  et  les  sucres 
candis  pour  sept  pour  cent  7  °  0)  en  sus.  Les  autres  sucres  et  les  sirops 
en  cours  de  fabrication  seront  évalués  en  sucre-raffiné  dans  les  conditions 
fixées  par  l'art.  1S  de  la  loi  du  19  juillet  1880. 


LOI  131 

Les  quantités  inventoriées  seront  jusqu'à  due  concurrence  imputées 
aux  obligations  d'admission  temporaire  en  cours,  lesquelles  seront  apu- 
rées soit  par  la  représentation  de  certificats  d'exportation  ou  d'entrée  en 
entrepôts  postérieurs  au  31  août  1903,  soit  par  le  payement  de  vingt-cinq 
francs  (25  fr.)  par  100  kilogrammes  de  sucre  raffiné. 

Les  obligations  d'admission  temporaire  pour  lesquelles  il  n'aura  pas 
été  représenté  au  moment  de  l'inventaire  des  quantités  correspondantes 
de  sucre  raffinés  ou  de  matières  en  cours  de  fabrication  ne  pourront  être 
apurées  qu'au  moyen  de  certificats  d'exportation  ou  d'entrée  en  entrepôt 
antérieurs  au  1er  septembre  190!},  ou  par  le  payement  de  l'ancien  tarif  sur 
les  quantités  de  sucre  raffiné  prises  en  charge. 

A  titre  exceptionnel,  le  délai  d'apurement  des  obligations  d'admission 
temporaire  souscrites  du  1er  au  30  juin  1903  est  porté  de  deux  à  trois 
mois. 

Dans  les  quinze  jours  qui  précéderont  le  1er  septembre  1903,  les 
employés  des  douanes  et  des  contributions  indirectes  seront  admis  de 
jour  et  de  nuit  dans  les  raffineries  et  établissements  assimilés.  Ils  pour- 
ront suivre  les  opérations  industrielles  et  procéder  à  toutes  les  constata- 
tions et  vérifications  préparatoires  qu'ils  jugeront  nécessaires. 

Pendant  les  opérations  d'inventaire,  le  travail  sera  complètement  arrêté 
dans  les  ateliers  et  magasins;  les  raffineurs,  ou  assimilés,  ou  leurs  repré- 
sentants auront,  au  furet  à  mesure  des  opérations,  à  déclarer  le  poids  et 
le  tirage  des  produits  de  toute  nature  existant  dans  chaque  atelier  ou 
magasin. 

Art.  7.  —  Quiconque  voudra  ajouter  du  sucre  à  la  vendange  est  tenu 
d'en  faire  la  déclaration  trois  jours  au  moins  à  l'avance  à  la  recette  bura- 
liste des  contributions  indirectes.  La  quantité  de  sucre  ajoutée  ne  pourra 
pas  être  supérieure  à  dix  kilogrammes  (10  kil.)  par  trois  hectolitres  de  ven- 
danges. 

Quiconque  voudra  se  livrer  à  la  fabrication  de  vin  de  sucre  pour  sa 
consommation  familiale  est  tenu  d'en  faire  la  déclaration  dans  le  même 
délai.  La  quantité  de  sucre  employée  ne  pourra  pas  être  supérieure  à  qua- 
rante kilogrammes  [40  kil.)  par  trois  hectolitres    de  vendanges  récoltées. 

Toute  personne  qui,  en  même  temps  que  des  vendanges,  moûts  ou 
marcs  de  raisins,  désire  avoir  en  sa  possession  une  quantité  de  sucre 
supérieure  à  50  kilos,  est  tenue  d'en  faire  préalablement  la  déclaration  et 
de  fournir  des  justifications  d'emploi. 

Le  service  des  contributions  indirectes  est  chargé  de  contrôler  l'exacti- 
tude des  déclarations  faites  en  exécution  des  dispositions  ci-dessus. 

Des  règlements  d'administration  publique  détermineront  les  conditions 
d'application  du  présent  article. 

Les  contraventions  aux  dispositions  qui  précèdent  et  aux  règlements 


132  DOCUMENTS    OFFICIELS 

qui  seront  rendus  pour  leur  exécution  sont  punies  des  peines  édictées  par 
l'art.  4  de  la  loi  du  6  avril  1897.  Ces  peines  sont  doublées  dans  le  cas  de 
fabrication,  de  circulation  ou  de  détention  de  vins  de  sucre  en  vue  de  la 
vente.  S'il  y  a  récidive,  les  contrevenants  encourent,  indépendamment  de 
l'amende,  une  peine,  une  peine  d'emprisonnement  de  six  jours  à  six  mois. 

Les  mêmes  peines  sont  applicables  aux  complices  des  contrevenants. 

La  présente  loi,  délibérée  et  adoptée  par  le  Sénat  et  par  la  Chambre  des 
députés,  sera  exécutée  comme  loi  de  l'État. 

Fait  à  Paris,  le  28  janvier  1903- 

Emile  Loubet. 


CONGO     FRANÇAIS 

Le  Président  de  la  République  française, 

Sur  le  rapport  du  Ministre  des  Colonies  et  du  Ministre  des  Finances, 

Vu  les  lois  des  11  janvier  1892  (art.  3),  du  24  février  1900  (art.  I  et  2) 
et  du  17  juillet  1900  (art.  1er)  relatives  au  tarif  des  douanes; 

Vu  le  protocole  de  Lisbonne  du  8  avril  1892; 

Vu  les  décrets  du  22  avril  1899  et  du  25  août  1909  édictant  des  détaxes 
pour  les  cafés  et  les  cacaos  en  fèves  originaires  de  la  partie  française  du 
bassin  conventionnel  du  Congo, 

Décrète  : 
Article  1er.  —  Sont  lixés  ainsi  qu'il   suit  les  quantités   de  café  et   de 
cacaos  en  fèves  originaires  du  Congo  Français  (bassin   conventionnel)  qui 
pourront  être  admises  en  France,   pendant  l'année    1904,  dans  les  condi- 
tions prévues  par  les  décrets  susvisés  des  22  avril  1899  et  25  août  1900  : 

Cafés 50.000  kilos 

Cacaos 20 .  000     — 

Art.  2.  —  Le  Ministre  des  Colonies  et  le  Ministre  des  Finances  sont 

chargés,  chacun  en  ce  qui  le  concerne,   de  l'exécution  du  présent  décret. 

Fait  à  Paris,  le  5  février  1904. 

Emile  Locbet. 

MARTINIQUE 
ARRÊTÉ 

nommant  les  membres  du  Comité  de  perfectionnement  institué  près  de  la 
Direction  des  jardins  d'essais  et  du  laboratoire  de  chimie  agricole. 
Le  Gouverneur  p.  i.  de  la  Martinique, 
Vu   l'arrêté  du   1er  mars    1904  portant  création   de  jardins  d'essais    et 

d'un  laboratoire  de  chimie  agricole  à  la  Martinique  ; 


ARRÊTÉ  1 33 

Vu  l'avis  exprimé  par  la  commission  coloniale  clans  sa  séance  du  9  juin 
1901; 

Vu  l'avis  exprimé  parle  bureau  de  la  chambre  d'agriculture, 

Arrête  : 

Article  1er.  —  Le  Comité  de  perfectionnement  institué  près  de  la  Direc- 
tion des  jardins  d'essais  et  du  laboratoire  de  chimie  agricole  est  composé 
comme  suit  : 

MM.  le  Secrétaire  général',  président. 
Feutrier,  trésorier  payeur. 
Le  Chef  de  service  de  l'Instruction  publique. 
Dr  Iman,  conseiller  général. 
Siger  —    ■ 

V.  Severe  — 

Braud,  vice-président  de  la  Chambre  d'agriculture. 
Hayot  —  — 

Alizard,  directeur  de  la  Banque,  trésorier  de  la  Chambre  d'agri- 
culture. 
J.  Martineau,  propriétaire. 
Thierry,  directeur  des  jardins  d'essais,  secrétaire  du  Comité. 

Art.  "2.  —  Le  Comité  se  réunira  sous  la  convocation  de  son  président. 

Art.  3.  —  Le  présent  arrêté  sera  enregistré  et  communiqué  partout  où 

besoin  sera. 

Fort-de-France,  le  16  juin  1904. 

Richard. 


INDO-CHINE    FRANÇAISE 

ARRÊTÉ 

Le  Gouverneur  général  de  l'Indo-Chine,  officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur, 

Vu  le  décret  du  21  avril  1891  ; 

Vu  la  lettre  du  30  mars  1904  dans  laquelle  M.  Duchemin,  agent  géné- 
ral de  la  maison  Saint  frères,  demande  qu'une  commission  soit  désignée 
pour  examiner  les  procédés  et  appareils  qu'il  se  propose  d'appliquer  au 
jute, 

Arrête  : 
Article  1er.  —  Une  commission  composée  de  : 

MM.  Lemarié,  directeur  de  l'Agriculture  en  Annam,  chargé  de  travaux 
à  la  Direction  générale  de  l'Agriculture  et  du  Commerce,  pré- 
side ni. 


134  DOCUMENTS    OFFICIELS 

Membres. 

Fetterer,  chef  du  bureau  commercial  à  la  Direction  de  l'Agricul- 
ture des  Forêts  et  du  Commerce  de  l'Indo-Chine. 
Grevost,  conservateur  du  Musée  industriel  et  agricole. 
Latitan,  directeur  p.  i.  de  l'Agriculture  au  Tonkin. 
Un  membre  de  la  Chambre  d'Agriculture  du  Tonkin,  désigné  par 
cette  Assemblée  ou  par  son  président. 
Un  membre  de  la  Chambre  de  Commerce  de  Hanoï,  désigné  par  cette 
Assemblée,  se  réunira,  sur  la  convocation  de  son  président,  en  vue  d'exa- 
miner les   procédés  et  appareils  nouveaux   que  la  maison  Saint  frères  se 
propose  d'appliquer  à  la  culture  et  à  la  préparation  du  jute. 

Art.  2.  —  Le  Résident  supérieur  au  Tonkin  et  le  Directeur  de  l'Agri- 
culture, des  Forêts  et  du  Commerce  de  l'Indo-Chine  sont  chargés,  chacun 
en  ce  qui  le  concerne,  de  l'exécution  du  présent  arrêté. 

Hanoï,  le  12  avril  1904. 

Beau. 

Le  Gouverneur  général  de  l'Indo-Chine,  officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur ; 

Vu  le  décret  du  21  avril  1891  ; 

Sur  la  proposition  du  Général  de  division  commandant  supérieur  et  du 
Directeur  de  l'Agriculture  et  du  Commerce  de  l'Indo-Chine,  et  l'avis  con- 
forme du  Secrétaire  général  de  l'Indo-Chine, 

Arrête  : 

Article  1er.  —  Il  est  institué  un  Conseil  de  perfectionnement  de  l'éle- 
vage au  Tonkin  et  en  Annam. 

Art.  2.  -  -  Ce  Conseil  est  chargé  d'étudier  toutes  les  questions  relatives 
à  l'élevage  en  général  et  à  celui  du  cheval  en  particulier. 

11  est  appelé  à  émettre  des  avis  notamment  sur  les  points  suivants  ' 

1°  Les  remontes  des  services  militaires  et  civils; 

2°  Les  établissements  zootechniques,  les  haras  et  jumenteries: 

3°  Les  mesures  propres  à   l'amélioration  et  la  protection  de  l'élevage  : 

Sélection,  croisements  ; 

Alimentation,  hygiène,  salubrité  : 

Primes,  subventions,  secours,  contrats  ; 

Sociétés  de  courses; 

Mesures  administratives,  importations,  exportations,  taxes,  etc.,  etc. 

Le  Conseil  peut  être  chargé  par  le  Gouverneur  général  de  faire  des 
enquêtes  sur  toutes  les  questions  concernant  l'élevage. 

Art.  3.  —  Le  Conseil  est  composé  comme  suit  : 

Le  général  commandant  l'artillerie,  président  ; 

Un  inspecteur  ou  administrateur  des  Services  civils; 


NOMINATIONS    ET   MUTATIONS  135 

Le  chef  du  Service  zootechnique  et  des  épizooties  ; 

Le  Président  de  la  commission  de  remonte; 

Un  inspecteur  de  l'Agriculture; 

Un  délégué  de  la  Société  d'encouragement  pour  l'amélioration  de  la 
race  chevaline  au  Tonkin  et  en  Annam; 

Un  membre  non  fonctionnaire. 

Art.  4.  —  Des  membres  temporaires  avec  voix  délibérative  ou  consul- 
tative peuvent  être  adjoints  au  conseil  ou  appelés  auprès  de  lui  par  déci- 
sion du  Gouverneur  général  ou  du  Président  de  la  commission  suivant  les 
cas. 

Art.  5.  —  Le  Conseil  se  réunit  au  moins  une  fois  par  trimestre  sur  la 
convocation  de  son  président.  Celui-ci  prévient  à  l'avance  le  Gouverneur 
général  des  réunions  et  reçoit  ses  instructions  ;  il  fixe  Tordre  du  jour  des 
séances. 

Art.  6.  —  Les  questions  soumises  au  Conseil  sont  distribuées  par  le 
Président  pour  être  étudiées  soit  par  un  des  membres  désigné  comme 
rapporteur,  soit  par  une  sous-commission 

Toute  sous-commission  peut  comprendre  des  membres  temporaires 
visés  à  l'art.  4. 

Une  ampliation  des  procès-verbaux  des  séances  est  adressée  au  Gou- 
verneur général  en  même  temps  que  les  rapports  et  avis  du  Conseil. 

Art.  7.  —  Le  Président  peut,  pour  l'obtention  de  renseignements  utiles 
aux  travaux  du  Conseil,  correspondre  directement  avec  les  divers  ser- 
vices de  la  colonie. 

Art.  8.  —  Les  archives  du  Conseil  sont  tenues  par  les  soins  du  chef 
du  service  zootechnique  et  des  épizooties. 

Art.  9.  —  Le  Général  de  division  commandant  supérieur  des  troupes 
du  groupe  de  l'Indo-Chine,  le  Secrétaire  général  de  l'Indo-Chine  sont 
chargés,  chacun  en  ce  qui  le  concerne,   de  l'exécution  du  présent  arrêté. 

Hanoï,  le  9  avril  1904. 

Beau. 


NOMINATIONS     ET     MUTATIONS 

DANS     LE    PERSONNEL    AGRICOLE 


Sénégal  et    Dépendances. 

•_>3  avril. 
MM.    Vitalis,   agent  de    culture   de    4e    classe,   et    Froment,   agent   de 
culture  de" 6e  classe,  sont  mis  à  la  disposition  du   Délégué  permanent  du 
Gouvernement  général  à  Raves. 


136  DOCUMENTS    OFFICIELS 

1S  juin. 
M.  Manrv,  agent  de  culture  de  5e  classe  du   cadre  de  la  Sénégambie- 
Niger  en  service  à  l'Inspection   de  l'Agriculture  de  l'Afrique  Occidentale 
française,  à  Dakar,  est  appelé  à  continuer  ses  services  à  Richard  Toll  à 
partir  du  20  juin  1901. 

Indo-Chine. 

Lundi  2.3  avril  1904. 

Par  arrêté  du  Gouverneur  général  de  l'Indo-Chine,  en  date  du  19  avril 
1904,  rendu  sur  la  proposition  du  Directeur  de  l'Agriculture,  des  Forêts 
et  du  Commerce,  et  l'avis  conforme  du  Secrétaire  général  de  l'indo- 
Chine  : 

1°  M.  Ghapotte,  inspecteur  adjoint  des  Eaux  et  Forêts  du  cadre  métro- 
politain, chef  de  la  circonscription  forestière  du  Cambodge,  est  chargé  par 
intérim,  pendant  le  congé  du  titulaire,  de  la  Direction  du  Service  fores- 
tier de  l'Indo-Chine  à  Hanoï; 

2°  M.  Roy,  inspecteur  adjoint  des  Eaux  et  Forêts  du  cadre  métropoli- 
tain, chef  de  la  circonscription  forestière  de  la  Cochinchine,  est  chargé 
par  intérim,  pendant  le  congé  du  titulaire,  du  bureau  annexe  à  Saigon; 

3°  M.  Carrière,  garde  général  des  Eaux  et  Forêts  du  cadre  métropoli- 
tain, chef  du  cantonnement  de  Saigon,  est  chargé,  par  intérim,  de  la  cir- 
conscription forestière  delà  Cochinchine  à  Saigon  ; 

4°  M.  Magnien,  garde  général  des  Eaux  et  Forêts  du  cadre  métropoli- 
tain, chef  des  bureaux  à  Hanoï,  est  chargé  de  la  circonscription  forestière 
de  l'Annam,  tout  en  conservant  provisoirement  la  résidence  à  Hanoï; 

5°  M.  Clara,  garde  général  des  Forêts  du  cadre  local,  chef  de  canton- 
nement du  Tonlé-Sap  au  Cambodge,  est  chargé,  par  intérim,  de  la  circons- 
cription du  Cambodge. 


JARDIN    COLONIAL 


RAPPORT    SUR     LA     MARCHE     DU     SERVICE 

ANNÉE     1903 

Le  Jardin  colonial,  dont  la  création  est  encore  toute  récente,  com- 
plète chaque  année  son  organisation.  A  l'inverse  de  tant  d'autres 
établissements,  il  est  né  sans  hériter,  à  ses  débuts,  dune  organisa- 
tion similaire  dont  il  ne  serait  que  la  continuation.  Conçu  sur  un 
plan  nouveau  et  dirigé  vers  un  but  nouveau,  il  doit  nécessairement 
chercher  chaque  année  à  compléter  son  programme,  son  outillage  et 
ses  moyens  d'actions. 

Mais,  si  cette  autoformation  n'a  pas  été  sans  imposer  une  somme 
considérable  de  travail,  elle  a  eu  du  moins  l'avantage  de  lui  donner 
des  bases  homogènes,  de  diriger  ses  efforts  vers  un  but  bien  déter- 
miné à  l'avance,  et  de  lui  constituer  un  outillage  dans  lequel  l'ordre 
et  la  méthode  ont  pu  sans  cesse  présider  avec  la  rigueur  la  plus  abso- 
lue. 

Il  ne  faut  donc  pas  être  surpris  des  modifications  que  chaque 
année  apporte  dans  le  fonctionnement  de  cet  établissement.  Elles  ne 
sont  que  la  réalisation  progressive  d'un  plan  d'ensemble  qui  ne 
pourra  être  parachevé  qu'après  un  certain  nombre  d'années  encore, 
et  a  mesure  que  des  ressources  nouvelles  lui  permettront  de  donner 
un  développement  plus  grand  à  ses  services. 

Son  programme  tout  entier  tient  dans  ce  seul  but  :  permettre  aux 
colonies  d'organiser  leur  agriculture  sur  des  bases  solides. 

Mais  ce  programme,  qui  peut  paraître  simple,  comporte  au  con- 
traire dans  ses  applications  des  difficultés  très  réelles  dont  on  ne 
s'est  pas  rendu,  généralement,  un  compte  suffisant.  L'agriculture 
coloniale  n'est  pas,  contrairement  à  ce  que  tant  de  personnes  se 
figurent,  l'application  à  des  pays  nouveaux,  des  notions  que  chacun 
peut  puiser  dans  cet  excellent  enseignement  agronomique  qui  honore 
la  France  et  que  tant  de  nations  sont  venues  calquer,  ne  pouvant 
ni  trouver  ailleurs  un  type  plus  complet,  ni  imaginer  un  programme 
meilleur.  C'est  une  agriculture  nouvelle,  dont  le  fonctionnement  est 


138  DOCUMENTS    OFFICIELS 

autre,  parce  qu'elle  s'exerce  dans  un  milieu  différent,  sur  des  plantes 
qui  ne  sont  plus  les  mêmes,  entourée  de  circonstances  économiques 
spéciales  et  par  des  moyens  qu'ignore  notre  agriculture  métropoli- 
taine. 

Et  c'est  à  1  ignorance  de  ces  principes  fondamentaux,  que  sont 
dues  les  lourdes  écoles  dont  nos  Colonies  ont  supporté  les  frais 
et  pavé  les  dures  conséquences.  Trop  long-temps  en  effet,  on 
s'est  imaginé  que,  comme  on  le  disait  autrefois  pour  notre  agri- 
culture, quiconque  était  pourvu  de  bonne  volonLé,  d'énergie  et  de 
capitaux,  pouvait  réussir  aux  Colonies,  n'eût-il  pas  de  connais- 
sances spéciales. 

Toutes  ces  qualités,  pour  utiles  qu'elles  sont,  ne  constituentcepen- 
dant  pas  encore  un  bagage  suflisant  pour  que  l'on  puisse  avoir  en 
main  les  éléments  de  succès. 

Ceux-ci  ne  peuvent  venir  que  de  connaissances  précises  que  seul 
fournit  un  enseignement,  en  même  temps  très  élevé  et  dans  lequel 
une  part  très  large  est  faite  aux  connaissances  d'ordre  pratique, 
empruntant  ses  éléments  à  la  matière  coloniale  elle-même. 

C'est  que  l'agriculture  coloniale  est  une  science  nouvelle  pour  1  ap- 
plication de  laquelle  il  est  nécessaire  de  posséder,  et  des  connais- 
sances générales  très  profondes,  et  surtout  des  éléments  très  précis 
sur  les  conditions  spéciales  qui  régissent  les  phénomènes  biologiques 
et  les  conditions  économiques  dans  lesquels  se  meuvent  et  évoluent 
les  lois  qui  gouvernent  cette  production. 

C'est  vers  ce  but  que  tendent  chaque  jour  les  efforts  de  tous  les 
services  du  Jardin  Colonial,  dont  il  convient  d'examiner  le  fonction- 
nement. 

ENSEIGNE  AIENT 

Créée  par  décret  du  Président  de  la  République  en  date  du 
29  mars  1902,  l'Ecole  supérieure  d'agriculture  coloniale  reçut  en 
en  octobre  1902  sa  première  promotion  comprenant  25  élèves  à  titre 
d'élèves  réguliers,  c'est-à-dire  pourvus  du  diplôme  de  l'Institut 
agronomique  ou  des  Ecoles  nationales  d'agriculture,  et  10  en  qua- 
lité d'élèves  libres,  c'est-à-dire  pouvant  aspirer  seulement  au  certifi- 
cat d'étude. 

Commencé  dans  le  précédent  exercice,  cet  enseignement  a  fonc- 
tionné avec  la  plus  grande  régularité  pendant  le  cours  de  la  présente 
année  et  a  pris  fin  le   13  juillet. 


RAPPORT.    1903  139 

L'emploi  du  temps  comprend  chaque  matin  un  cours  fait  en  amphi- 
théâtre qui  dure  une  heure  et  demie  et  qui  est  précédé  par  des 
exercices  pratiques  de  culture.  Pendant  ces  exercices,  chaque  élève 
se  livre  à  tous  les  travaux  se  rapportant  à  la  multiplication  des 
végétaux  des  Colonies  et  à  leur  culture.  En  dehors  de  ces  applica- 
tions obligatoires,  les  élèves  sont  admis,  sur  leur  demande,  à  prendre 
part  d'une  layon  régulière,  pendant  tous  les  instants  de  liberté  que 
leur  laisse  l'enseignement,  aux  opérations  de  la  culture.  Ils  assistent 
aux  déballages  des  nombreux  envois  des  produits  coloniaux,  dont  les 
arrivages  se  produisent  quotidiennement,  et  se  familiarisent  ainsi, 
avec  les  matières  premières  qu'ils  apprendront  bientôt  à  connaître 
par  les  études  auxquelles  elles  donneront  lieu  dans  les  labora- 
toires. 

Les  après-midi  sont  chaque  jour,  à  l'exception  du  jeudi,  réservé  à 
d'autres  travaux,  consacrés  entièrement  aux  travaux  pratiques. 
Ceux-ci  sont  partagés  en  deux  catégories,  savoir  *.  les  travaux 
d'ordre  botanique  et  les  travaux  d'ordre  chimique. 

Dans  la  première  catégorie  se  rangent  toutes  les  recherches  se 
rapportant  à  l'étude  des  plantes  utiles  :  examen  de  leurs  fleurs  et 
des  particularités  qui  se.  rattachent  à  ses  divers  organes  et  pou- 
vant servir  par  exemple  à  déceler  les  falsifications  dont  sont  l'objet 
les  diverses  matières  premières  ;  tel  est  l'étude  des  caractères 
optiques  des  feuilles  de  thé,  des  grains  de  café,  des  écorces  de  quin- 
quina, etc.,  etc.  Tous  ces  matériaux  d'études  abondent  au  Jardin 
colonial  où  arrivent  sans  cesse  un  nombre  considérable  de  matières 
premières.  Pour  ce  qui  est  des  fleurs,  des  plantes  économiques  qui 
font  l'objet  de  manipulations  de  laboratoire,  elles  sont  pour  une  partie 
récoltées  dans  les  serres,  et  pour  l'autre  importées  des  Colonies  dans 
une  solution  d'eau  formolisée. 

Les  travaux  botaniques  comprennent  encore  l'étude  de  toutes  les 
matières  premières  pour  lesquelles  un  examen  microscopique  est 
nécessaire,  tels  que  les  amidons,  les  fibres  et  en  général  les  matières 
textiles,  au  nombre  desquelles  il  faut  signaler  le  coton  auquel  une 
large  place  est  faite,  les  bois,  les  tourteaux,  etc. 

Les  travaux  chimiques  portent  sur  l'application  des  .procédés 
d'analyse  à  toutes  les  matières  premières,  ainsi  que  sur  l'étude  des 
procédés  employés  pour  l'emploi  industriel  de  ces  matières.  Les 
graisses  et  les  huiles,  les  gommes  et  les  résines,  les  matières  tan- 
nantes et  tinctoriales,  les  caoutchoucs  et  les  guttas,  les  alcaloïdes, 


140  DOCUMENTS    OFFICIELS 

font  l'objet  de  nombreuses  séances  d'analyses,  qui,  durant  toute  la 
demi-journée  et  occupant  la  moitié  des  après-midi  de  la  semaine, 
peuvent  être  suivies  avec  la  plus  grande  attention. 

Gomme  on  le  voit,  dès  l'origine,  cet  enseignement  a  pris  nette- 
ment une  orientation  pratique;  tout  en  conservant  un  caractère  très 
scientifique,  notre  école  est  donc,  dans  toute  la  force  du  terme,  une 
école  d'application  où  les  élèves,  mis  sans  cesse  en  contact  avec  les 
matières  premières  coloniales,  préparés  à  les  connaître  par  les  cours 
théoriques  du  matin,  rompus  aux  procédés  de  recherche  et  d'ana- 
lyses, et  familiarisés  d'autre  part  par  la  fréquentation  des  serres  et 
des  salles  de  collection  avec  les  plantes  qui  fournissent  ces  produits, 
acquièrent  un  bagage  scientifique  et  pratique  d'une  haute  valeur. 
Ce  qui  caractérise  notre  enseignement,  c'est  qu'il  est  fait  non  d'une 
façon  abstraite,  mais  en  plaçant  sans  cesse  sous  les  yeux  des  élèves, 
en  leur  mettant  dans  les  mains,  en  les  obligeant  à  les  disséquer  et 
les  analyser  tout  ce  qui  constitue  dans  son  ensemble  la  matière 
coloniale.  S'il  est  peu  d'enseignement  où  une  part  aussi  large  soit 
faite  aux  travaux  pratiques  et  aux  manipulations  de  laboratoires, 
on  peut  dire  qu'il  n'en  est  aucun  où  les  élèves  aient  à  leur  dispo- 
sition une  telle  masse  de  matières  premières  et  d'aussi  nombreux 
éléments  d'études.  Aussi  pouvons-nous  assurer  que  les  agronomes 
formés  à  cet  enseignement  devront  jouer  le  rôle  le  plus  utile  dans 
les  Colonies  où  ils  iront  appliquer  les  connaissances  acquises. 

Un  des  compléments  présentant,  pour  ces  études,  la  plus  haute 
importance  est  celui  fourni  par  les  conférences  qui  leur  sont  faites 
parles  personnes  revenant  des  Colonies.  Dès  la  rentrée  scolaire,  ces 
conférences  ont  été  reprises.  Elles  ont  été  faites  par  : 

M.  de  Préaudet,  sur  la  colonisation  au  Soudan; 

M.  le  Dr  Maclaud,  Etude  de  la  Guinée  et  de  la  Casamence  ; 

M.  le  Dr  Spire,  Une  mission  à  Buitenzorg; 

M.  Combanaire,  Voyage  à  Java  ;  la  gutta-percha  ; 

M.  Colmet  Daage,  Voyage  aux  Antilles; 

M.  Deslandes,  La  côte  orientale  de  Madagascar;       • 

M.  Delhorbe,  L'avenir  économique  de  Madagascar. 

M.  Dybowski,  Développement  agricole  de  l'Afrique  occidentale. 

L'enseignement  pratique  est  secondé  par  les  visites  aux  usines  et 
aussi  par  des  expériences  faites  à  la  Station   d'essai   de  machines, 


RAPPORT.    1903  141 

que  dirige  avec  tant  de  compétence  M.  Ringelmann,  lequel  fait  à 
notre  école  le  cours  de  mécanique  agricole  appliquée  aux  Colonies. 
Sous  sa  direction  ont  lieu  des  expériences  de  décortication  du  riz,  de 
déiibrage  de  matières  textiles,  telles  que  le  sisal  et  les  sansevières, 
d'égrenage  du  coton  avec  diverses  machines  pouvant  être  employées 
au  Soudan,  de  décortication  du  café  et  de  séchage  de  bananes,  etc., 
etc. 

Sous  la  direction  du  D1'  Loir,  professeur  d'hygiène,  ont  eu  lieu 
des  expériences  de  destruction  des  parasites  de  tout  ordre  qui  s'at- 
taquent aux  denrées  alimentaires  et  causent  souvent  des  préjudices 
importants  aux  récoltes  et  des  troubles  de  la  plus  haute  gravité  chez 
ceux  qui  se  servent  dans  leur  alimentation  de  ces  matières  contami- 
nées. 

Dès  leur  sortie  de  l'école,  tous  les  élèves  pourvus  du  diplôme 
ou  du  certificat  d'étude  ont  trouvé  facilement  à  s'employer.  Tous 
ont  été  pourvus  de  places,  dont  le  plus  grand  nombre  relèvent  de 
l'initiative  privée.  C'est  là  un  bon  indice  pour  l'avenir. 

Si  la  première  promotion  a  déjà  donné  toute  satisfaction,  la  seconde, 
qui  a  commencé  ses  études  en  octobre  1903,  se  présente  comme 
devant  fournir  des  garanties  plus  grandes  encore. 

Dans  le  but  d'apporter  une  rigoureuse  sélection  parmi  les  élèves 
admis  à  suivre  les  cours,  il  avait  été  décidé  au  début  que  le  nombre 
des  élèves  admis  par  promotion  serait,  limité  à  vingt.  Cependant, 
en  présence  de  la  valeur  des  candidats  qui  se  sont  présentés  cette 
année,  vingt-huit  ont  dû  être  proposés  et  ont  été  admis,  par  arrêté 
du  ministre  des  Colonies,  à  suivre  les  cours  de  la  nouvelle  année 
scolaire. 

Ils  se  répartissent  de  la  façon  suivante  : 

Elèves  réguliers  i20 

Elèves  libres  8 
Les  élèves  réguliers  comprennent  : 
Anciens  élèves  diplômés  : 

De  l'Institut  national  agronomique  4 

Des  écoles  nationales  d'agriculture  o 

De  l'Ecole  d'agriculture  de  Tunis  6 

Licencié  es  sciences  1 

Agents  de  culture  3 


142 


DOCUMENTS    OFFICIELS 


Afin  d'unifier  les  cadres  des  agents  de  culture  de  tous  grades  fai- 
sant partie  du  personnel  agricole  existant  dans  les  Colonies,  M.  le 
Ministre  a,  par  décision  en  date  du  23  octobre  1902,  disposé  que  tout 
agent  du  service  de  l'agriculture  rentrant  en  congé  pourra,  à  la  con- 
dition de  faire  coïncider  sa  l'entrée  en  France  avec  le  début  de  l'an- 
née scolaire,  être  autorisé  à  prolonger  son  congé  de  façon  à  pouvoir 
suivre  l'enseignement  donné  au  Jardin  colonial.  L'agent  jouit  pen- 
dant tout  ce  temps  de  sa  solde  d'Europe.  Il  est  exonéré  des  frais 
d'inscription.  Dès  cette  année,  trois  agents  appartenant  respective- 
ment aux  cadres  de  l'Indo-Chine.  de  Madagascar  et  de  l'Afrique 
occidentale  ont  été  admis  à  suivre,  dans  ces  conditions,  les  cours  de 
l'Ecole  supérieure  d'agriculture  coloniale. 

En  dehors  de  ces  dispenses,  tous  les  élèves  doivent  acquitter  les 
droits  d'inscription.  Cependant  M.  le  Ministre  des  Colonies  a  bien 
voulu  instituer  trois  bourses  qui  ont  été  attribuées  aux  élèves  dont 
la  situation  de  fortune  a  paru,  après  enquête,  le  plus  particulière- 
ment digne  d'intérêt. 

Dès  l'origine,  l'enseignement  avait  été  réparti  entre  dix  chaires 
dont  les  titulaires  font  des  leçons  dont  le  nombre  est  indiqué  ci-des- 
sous : 


MiMBRE   DE  LEÇONS        TITRE   DE  LA   CHAIRE 

30  leçons        Agriculture    coloniale 


Botanique  coloniale 


Technologie  coloniale 


•20  leçons         Cultures  des  plantes 
alimentaires 


Zootechnie  coloniale 


"20  leçons         Génie  rural 


PROFESSEUR 

M.  Dybowski,  inspecteur  général 
de  l'Agriculture  coloniale. 
M.  Dubar,  docteur  es  sciences, 
maître  de  confér.  à  la  Sorbonne. 
chef  du  service  botanique  au  Jar- 
din colonial. 

M.  Ammann,  ingénieur  agronome, 
chef  du  service  chimique  au  Jar- 
din colonial. 

M.  Chalot,  ancien  directeur  du 
Jardin  d'essai  de  Libreville,  chef 
du  service  des  cultures  au  Jardin 
colonial. 

M.    Mallèvre,    ingénieur  agro- 
nome,    professeur     à     l'Institut 
national  agronomique. 
M.   Ringelmann,    ingénieur-agro- 
nome,  directeur  de  la  station  d'es- 


RAPPORT. 


1903 


1 43 


20  leçons         Hygiène  coloniale 


Economie  rurale 


Administration  co- 
loniale 

Matières  premières 


10  leçons         Pathologie  végétale 


sais    de  machines,    professeur  à 
l'Institut  national  agronomique. 
M.  le  D'   Loir,  ancien  directeur 
de  l'Institut  Pasteur,  à  Tunis. 
M.  Zolla,  professeur  à  l'Ecole  des 
sciences  politiques  et  à  l'Ecole  na- 
tionale d'agriculture  de  Grignon. 
M.  You,  professeur  à  l'Ecole  co- 
loniale,  sous-directeur  au   mini- 
stère des  colonies. 
M.  Heim,  professeur  agrégé  d'his- 
toire   naturelle  à   la   Faculté  de 
médecine  de  Paris,  chef  de  section 
au  Conservatoire  des  Arts  et  Mé- 
tiers, docteur  es  sciences. 
M.  Lutz,  suppléant,  docteur  es 
sciences,  professeur  agrégé. 
M.  le  Dr  Delacroix,  directeur  de 
la  Station  de  pathologie  végétale. 


Il  a  paru  nécessaire  de  créer  un  chapitre  nouveau  de  cet  enseigne- 
ment, sous  le  nom  de  cours  de  matières  premières  coloniales,  et  com- 
prenant, distribuée  dans  un  ordre  géographique,  c'est-à-dire  par 
colonies,  l'étude  de  toutes  les  matières  d'origine  animale,  végétale 
ou  minérale  déjà  exploitées  ou  pouvant  être  récoltées  dans  nos  Colo- 
nies. 

Ce  cours  a  été  confié  à  M.  le  D1'  Heim  qui,  ne  pouvant,  en  raison 
de  ses  fonctions  au  Conservatoire  des  Arts  et  Métiers,  se  charger, 
quant  à  présent,  de  cet  enseignement,  s'est  fait  suppléer  par 
M.  Lutz,  préparateur  à  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie. 

L'enseignement  donné  à  notre  école  forme  dans  son  ensemble  un 
tout  homogène  qui  permet  d'assurer  que  nulle  branche  des  connais- 
sances théoriques  ou  pratiques  n'est  étudiée  jusque  dans  ses  moindres 
détails,  fournissant  à  ceux  qui  suivent  ces  cours  un  bagage  qui 
donne  pour  l'avenir  les  plus  grandes  garanties  de  succès. 

Dès  maintenant,  tout  le  personnel  agricole  des  Colonies,  recruté 
exclusivement  parmi  des  jeunes  gens  déjà  préparés  par  l'excellent 
enseignement  qu'ils  ont  reçu  dans  les  écoles  d'agriculture,  spécialisés 
ensuite  par  leur  passage  dans  notre  école,  formera  un  corps  dont 
les  connaissances  seront  à  la  hauteur  de  la  tâche  importante  qui  leur 


144  DOCUMENTS    OFFICIELS 

est  confiée.  Grâce  à  leurs  efforts,  les  services  d'agriculture  rendront 
chaque  jour  des  résultats  plus  complets  et  assureront  le  développe- 
ment économique  de  nos  possessions  d'outre-mer. 

A  la  suite  de  l'ouverture  de  l'Ecole  supérieure  d'agriculture  colo- 
niale, il  s'est  créé,  en  ces  derniers  temps,  des  cours  soit  à  Paris,  soit 
en  province,  destinés  à  fournira  leurs  auditeurs  quelques  notions  sur 
les  diverses  questions  qui  intéressent  la  colonisation  agricole.  On  ne 
peut  qu'applaudir  à  ces  créations  qui  vulgarisent  les  connaissances 
coloniales  et  préparent  les  esprits  vers  une  spécialisation  nécessaire. 
Les  premières  indications  qu'y  puiseront  leurs  auditeurs  leur  mon- 
treront la  nécessité  de  se  documenter  d'une  façon  plus  complète  et 
de  suivre  un  enseignement  méthodique  et  d'ensemble,  pour  pouvoir 
réussir  dans  la  direction  des  entreprises  agricoles  aux  Colonies. 

Service  des  j'enseignements. 

Un  des  buts  principaux  du  Jardin  colonial  est  de  fournir,  tant 
aux  services  publics  qu'aux  particuliers,  des  renseignements  précis 
sur  les  cultures  à  faire  dans  les  Colonies  et  aussi  sur  l'utilisation 
des  matières  premières  qui  en  proviennent  ou  qui  sont  le  résultat 
de  récoltes  de  produits  spontanés.  Tous  les  territoires  nouveaux  qui 
forment  le  domaine  de  nos  possessions  d'outre-mer  sont,  pour  la 
plupart,  à  même  de  fournir,  par  la  culture,  des  denrées  que  la  métro- 
pole importe  aujourd'hui  encore,  pour  une  somme  considérable,  des 
colonies  étrangères.  Il  est  nécessaire  de  diriger  la  colonisation  vers 
la  mise  en  valeur  méthodique  de  cette  terre  dont  la  richesse  est 
grande  et  qui  pourra,  dans  un  avenir  prochain,  rendre  à  ceux  qui 
voudront  la  mettre  en  culture  d'importants  revenus. 

Mais,  trop  souvent,  ces  essais  de  colonisation  ont  été  faits  sans 
méthode  et  sans  apporter  des  connaissances  suffisantes  à  leur  orga- 
nisation. Or  si  les  succès  sont  généralement  ignorés  du  public,  par 
contre  les  échecs,  dont  le  plus  souvent  on  trouverait  les  causes  dans 
l'insuffisance  des  connaissances  techniques  de  ceux  qui  en  ont  été 
les  victimes,  ont  toujours  un  retentissement  qui  influe  d'une  façon 
fâcheuse  sur  l'esprit  de  ceux  qui  étaient  sur  le  point  de  se  livrer  à 
des  entreprises  coloniales.  Sans  rechercher  les  raisons  de  ces  insuc- 
cès, dont  les  causes  leur  échappent,  ils  condamnent,  en  bloc,  tout 
essai  aux  pays  lointains  et  préfèrent  limiter  leurs  efforts  à  obtenir 
dans  la  métropole  une  situation  modeste  qui  leur  paraît  plus  sûre. 


RAPPORT.    1903  145 

C'est  pour  créer  un  nouveau  courant  d'idées,  pour  montrer  à  cha- 
cun tout  ce  qu'il  peut  tirer  du  sol  colonial  et  l'aider  à  réussir  dans 
ses  entreprises  qu'ont  été  créés  dans  la  plupart  de  nos  Colonies  des 
jardins  d'essais  où  toutes  les  plantes  pouvant  fournir  par  la  culture 
un  produit  utile  sont  cultivées,  et  où  tous  les  végétaux  qui  doivent 
spécialement  être  propagés  en  raison  des  avantages  que  peut  leur 
donner  leur  culture  sont  expérimentés. 

Lorsqu'aprèsune  série  d'essais  la  démonstration  de  la  possibilité  de 
cultiver  telle  plante  est  établie,  que  l'on  a  nettement  déterminé  les 
conditions  dans  lesquelles  cette  culture  doit  être  faite  et  les  avantages 
qu'elle  peut  donner,  celle-ci  est  propagée  à  un  très  grand  nombre 
d'exemplaires,  et  les  semis  sont  tenus  à  la  disposition  des  colons  qui 
veulent  en  entreprendre  des  plantations. 

Par  ce  procédé,  tous  ceux  qui  veulent  se  livrer  à  des  entreprises 
culturales  trouvent,  sur  place,  non  seulement  des  renseignements 
précis  qui  doivent  leur  éviter  de  coûteuses  erreurs  ou  d'inutiles 
tâtonnements,  mais  encore  des  plants  tout  préparés  avec  lesquels 
ils  pourront,  dès  leur  arrivée  dans  la  colonie,  entreprendre  des  plan- 
tations et  éviter  la  perte  considérable  de  temps  qu'aurait  exigé  l'im- 
portation de  semences  ou  de  sujets  provenant  de  colonies  étrangères 
ou  même  de  la  métropole. 

C'est  qu'en  effet  l'introduction  de  ces  végétaux  exige  des  soins 
tout  spéciaux.  La  plupart  des  plantes  coloniales  présentent  ce  fait 
spécial  d'avoir  des  semences  dont  le  pouvoir  de  germer  s'oblitère  en 
quelques  semaines  ou  même  en  quelques  jours,  L'introduction  des 
graines  provenant  de  pays  lointains  présente  donc  des  difficultés 
matérielles  qui  dépassent  les  moyens  dont  peut  disposer  un  colon 
qui  veut  entreprendre  des  essais  culturaux.  C'est  pour  lui  éviter  ces 
pénibles  débuts  qu'ont  été  créés  ces  jardins  d'expériences  dans  les 
Colonies,  et  c'est  pour  fournir  à  ceux-ci  tout  l'assortiment  de  végé- 
taux dont  ils  peuvent  avoir  besoin  que  le  Jardin  colonial  cultive, 
prépare  et  expédie  chaque  année  un  nombre  considérable  de  végé- 
taux . 

Il  sait  ainsi  quels  sont  les  efforts  faits  clans  les  Colonies,  il  connaît 
le  résultat  de  ces  cultures  expérimentales,  et  il  est  à  même  de  ren- 
seigner d'une  façon  sûre  et  précise  tous  ceux  qui  veulent  coloniser 
et  de  leur  fournir  les  indications  sur  ce  qu'ils  devront  entreprendre, 
aussi  bien  que  sur  les  moyens  qu'ils  devront  employer  pour  mener 
à  bien  leur  entreprise. 

Bulletin  du  Jardin  colonial.  10 


146  DOCUMENTS    OFFICIELS 

La  collaboration  entre  les  services  d'agriculture  des  Colonies  et 
le  Jardin  colonial  est  incessante  et  fournit,  dès  maintenant,  les 
résultats  les  plus  féconds. 

Chaque  jour,  le  public  sait  mieux  quelle  est  la  valeur  de  la  docu- 
mentation précise  qu'il  peut  trouver  au  Jardin  colonial.  Ceux  qui 
se  veulent  renseig-ner  d'une  façon  exacte  viennent,  avant  leur  départ, 
étudier  dans  les  dossiers,  dans  les  collections  et  dans  les  cultures 
tous  les  éléments  des  questions  qui  les  intéressent.  Tout  concourt 
en  effet,  au  Jardin  colonial,  à  établir  une  documentation  très 
complète  sur  toutes  les  questions  touchant  à  la  colonisation  agri- 
cole. 

Il  entreprend  sans  cesse  des  enquêtes  dans  toutes  nos  Colonies, 
afin  d'établir  exactement  à  quel  point  en  sont  les  questions  qui  inté- 
ressent la  production. 

Ces  enquêtes  ont  plus  particulièrement  porté  dans  le  cours  de  cette 
année  sur  la  production  du  caoutchouc,  du  coton,  du  riz,  du  tabac, 
des  matières  tannantes,  etc.  En  même  temps  que  les  documents 
écrits,  les  Colonies  adressent  de  nombreux  échantillons  qui  sont  uti- 
lisés de  façon  a  en  faire  connaître  exactement  la  valeur. 

Ces  échantillons  étudiés  tout  d'abord  dans  les  laboratoires  de 
botanique  et  de  chimie,  de  façon  à  déterminer  quelle  est  leur  nature 
et  leur  richesse,  sont  ensuite  classés  dans  les  collections  et  aussi 
servent  à  être  distribués  dans  les  musées  qui  s'installent  à  Paris  ou 
en  province. 

Le  nombre  des  échantillons  reçus,  étudiés  et  classés  au  cours  de 
cette  année,  s'élève  au  chiffre  de  2.b63. 

Tous  ces  documents,  qui  forment  déjà,  par  l'accumulation  de  tous 
ceux  qui  ont  été  reçus  les  années  précédentes,  un  ensemble  très 
complet,  sont  méthodiquement  classés,  et  les  échantillons  plus  impor- 
tants sont  mis  en  réserve  de  façon  à  permettre  d'entreprendre,  sur 
tous  ceux  qui  semblent  présenter  un  intérêt  spécial,  des  études  sur 
leur  utilisation  pratique. 

Des  recherches  de  ce  g-enre  ont  conduit  à  des  résultats  qui  pré- 
sentent le  plus  haut  intérêt.  C'est  ainsi  que  les  fibres  de  raphia,  qui 
jusqu'à  présent  servent  exclusivement  eii  France  en  qualité  de  liens, 
ont  été  essayés  sous  forme  de  matière  textile.  Tant  que  l'utilisation 
s'est  bornée  à  utiliser  ce  raphia  pour  les  emplois  agricoles,  les  prix, 
en  raison  de  la  surproduction,  se  sont  peu  à  peu  avilis  au  point  de  mena- 
cer de  rendre  ce  commerce  absolument  improductif.   L'emploi  nou- 


k  apport.   1903  147 

veau  auquel  pourrait  être  affectée  cette  matière  première  aura  l'avan- 
tage, en  lui  créant  un  débouché  plus  important,  d'assurer  l'emploi 
de  toute  la  production  et  d'en  élever  très  sensiblement  les  cours, 
puisqu'alors  que  le  raphia  ordinaire  était  tombé  au  prix  de  40  francs 
les  100  kilos,  le  raphia  préparé  pour  la  filature  est  vendu  au  prix 
de  160  a  200  francs  les  100  kilos. 

Des  essais  de  tissages,  entrepris  à  Lyon,  ont  donné  les  plus  heu- 
reux résultats  quant  aux  produits  que  l'on  a  pu  en  obtenir,  soit 
que  ce  textile  ait  été  utilisé  seul,  ou  bien  qu'on  l'ait  associé  à  la  soie. 

Très  léger,  résistant  et  ayant  en  même  temps  un  certain  main- 
tien, le  raphia  pourra  rentrer  dans  la  confection  d'une  foule  de 
tissus  qui  trouveront  une  utilisation  facile. 

C'est  donc  une  industrie  nouvelle  qui  est  née  de  ces  essais  et  qui 
aura  le  double  avantage  d'assurer  l'écoulement  d'un  produit  que  nos 
Colonies  peuvent  fournir  en  très  grande  quantité,  et  de  favoriser  le 
développement  d'une  industrie  métropolitaine. 

Dans  ce  même  ordre  d'idée  pratique,  le  Jardin  colonial  a  pu 
amener  les  industriels  français  à  demander  à  notre  colonie  de 
Madagascar  les  chapeaux  de  paille  qui  étaient  jusqu'à  présent 
presque  exclusivement  fournis  par  l'Amérique  du  Sud.  En  faisant 
mieux  connaître  les  produits  de  notre  grande  colonie  de  l'Océan 
Indien,  on  a  pu  ainsi  leur  créer  un  débouché  qui  prendra  bientôt 
une  importance  considérable. 

Le  commerce  des  fruits  coloniaux,  et  plus  particulièrement  des 
bananes,  a  été  l'objet  de  recherches  spéciales.  Par  des  importations 
successives  on  a  pu  déterminer  les  conditions  dans  lesquelles  ces 
fruits  pouvaient  être  importés  de  la  côte  occidentale  d'Afrique. 
Grâce  à  ces  essais,  le  courant  est  aujourd'hui  établi  :  des  entre- 
prises de  culture  se  fondent  en  Guinée  et  les  fruits  sont  déjà  régu- 
lièrement importés  par  chaque  bateau.  Ce  commerce  peut  dans 
l'avenir  présenter  une  importance  considérable,  puisque  aux  Etats- 
Unis,  qui  nous  ont  précédés  dans  l'utilisation  de  ces  produits,  il 
s'exerce  sur  42  millions  de  régimes,  d'une  valeur  moyenne  de  cinq 
francs  le  régime. 

Dans  le  but  d'utiliser  les  bananes  qui,  trop  mûres,  ne  peuvent 
être  importées,  des  expériences  ont  été  entreprises  sur  la  dessiccation 
de  ces  fruits.  Ils  ont  donné  des  résultats  très  satisfaisants  et  con- 
duiront à  de  nombreuses  applications  pratiques. 

Ces  quelques  exemples  choisis  parmi  une  foule  d'autres  faits,  du 


1  18  DOCUMENTS    OFFICIELS 

même  genre,  sont  simplement  destinés  à  montrer  quels  sont  les 
services  que  peut  rendre  l'étude  pratique  des  produits  coloniaux 
dirigée  en  vue  de  leur  utilisation  commerciale  et  industrielle. 

Les  échantillons  si  nombreux  envoyés  par  les  Colonies,  en  outre 
des  essais  auxquels  ils  donnent  lieu,  servent  à  organiser  des 
expositions  temporaires  qui  ont  le  grand  avantage  de  tenir  le  public 
au  courant  de  ce  que  Ion  peut  retirer  de  la  production  coloniale. 

Chaque  année,  le  Jardin  colonial  organise  au  Concours  agricole 
une  importante  exposition  où  sont  présentés  tous  les  produits  cen- 
tralisés dans  le  cours  de  l'année.  Ces  concours  temporaires,  chaque 
année  renouvelés,  présentent  plus  d'intérêt  pratique  que  toutes  les 
expositions  permanentes  du  même  genre.  Elles  sont,  en  effet,  desti- 
nées à  renseigner  d'une  façon  précise  tous  ceux  qui  sont  à  même 
d'utiliser  ces  matières  premières  et  auxquels  il  importe  de  savoir 
non  pas  seulement  si  telle  colonie  fournit  tel  ou  tel  produit,  mais  si 
ce  même  produit  est  semblable  à  celui  de  l'année  précédente,  s'il 
s'améliore  et  si  le  commerce  peut  songer  à  l'utiliser.  Aussi  ces 
expositions  donnent-elles  lieu  à  un  nombre  considérable  de 
demandes  de  renseignements  qui  souvent  sont  suivies  d'all'aires 
dont  peuvent  bénéficier  nos  industries  et  dont  nos  Colonies  tirent 
les  plus  grands  avantages. 

C'est  sous  l'empire  de  ces  préoccupations  que  le  Jardin  colonial 
a  pris  part,  cette  année  encore,  à  l'exposition  de  la  Société  nationale 
d'Horticulture  où  il  a  montré,  d'une  part,  les  plantes  de  ses  cultures 
telles  qu'elles  sont  expédiées  dans  les  Colonies  et,  de  l'autre,  les 
fruits  frais  provenant  de  la  Guinée  Française  et  qui  ont  particulière- 
ment attiré  l'attention  du  public. 

Le  Jardin  colonial  a  encore  pris  part  à  l'exposition  régionale  de 
lleims  où  une  section  coloniale  était  ouverte.  Un  lot  très  important 
de  produits,  comprenant  plus  de  cinq  cents  échantillons  de  matières 
premières,  formait  un  ensemble  très  satisfaisant  dans  lequel  on 
remarquait  surtout  les  lots  formés  par  les  produits  de  Madagascar  et 
de  l'Afrique  occidentale. 

Enfin,  au  mois  de  septembre,  s'est  ouvert  au  Jardin  colonial  une 
exposition  des  produits  de  l'horticulture  de  la  France  et  des  Colo- 
nies. Cette  exposition,  qui  a  duré  dix  jours,  a  obtenu  un  très  grand 
succès.  Organisée  par  les  soins  d'un  comité  formé  par  la  fédération 
des  Sociétés  d'horticulture  de  la  région  Est  de  Paris,  cette  exposi- 
tion a  pu  couvrir  complètement  ses  frais  par  le  prix  des  entrées. 


RAPPORT.     1903  149 

La  documentation  précise,  qui  doit  être  une  des  préoccupations 
constantes  du  Jardin  colonial,  afin  de  fournir  aux  entreprises  de 
colonisation  des  renseignements  qui  correspondent  à  la  situation 
présente,  est  chaque  année  complétée,  et  pour  ainsi  dire,  tenue  à 
jour,  par  les  nombreuses  missions  organisées  par  le  Ministère  des 
Colonies,  et  qui  rapportent  au  service  agricole  de  ce  Département 
une  documentation  précieuse. 

Celles-ci,  pour  prendre  un  caractère  plus  complet  d'utilité  pra- 
tique, sont  chargées  d'étudier  les  points  qui  sont  de  nature  à  ren- 
seigner utilement  le  service  agricole  du  Département  des  Colonies. 
Plusieurs  de  ces  missions  ont  même  été  organisées  spécialement  en 
vue  d'étudier  dans  nos  Colonies  des  questions  agricoles. 

C'est  ainsi  que  l'Inspecteur  général  de  l'Agriculture  coloniale, 
sur  la  demende  du  Gouverneur  général  de  l'Afrique  Occidentale, 
s'est  rendu  au  Sénégal  et  en  Guinée,  dans  le  but  d'étudier  la 
situation  économique  de  ces  colonies  et  de  déterminer  les  conditions 
d'exploitation  de  leurs  ressources  agricoles.  Il  a  procédé  à  l'instal- 
lation d'un  service  agricole  qui,  dès  maintenant,  fonctionne  d'une 
façon  régulière. 

Deux  professeurs  de  l'Ecole  supérieure  d'agriculture  coloniale, 
M.  le  Dr  Loir  et  M.  Ch.  Chalot,  se  sont  rendus  l'un  au  Cap  pour 
y  fonder  un  Institut  Pasteur,  l'autre  au  Congo  pour  y  étudier  l'im- 
portante question  de  la  production  du  cacao.  Ils  ont  rapporté  de 
leur  mission  de  précieux  documents. 

Il  est  à  peine  besoin  de  faire  ressortir  tout  le  bénéfice  que  peut 
retirer  l'enseignement  donné  à  l'Ecole  d'agriculture  coloniale  des 
nombreux  et  fructueux  voyages  que  chaque  année  ses  professeurs 
entreprennent  aux  Colonies.  Ces  déplacements,  en  leur  permettant 
d'étudier  sur  place  les  multiples  problèmes  de  la  colonisation,  leur 
donnent,  en  ces  matières,  une  incontestable  autorité. 

Au  nombre  des  missions  agricoles  il  faut  signaler  encore  celle 
qui  a  été  confiée  à  M.  Buis,  élève  diplômé  de  l'Ecole  supérieure 
d'Agriculture  coloniale,  chargé  d'aller  étudier  à  Madagascar  les 
maladies  du  caféier  et  les  traitements  à  y  appliquer. 

Et  encore  celle  dont  a  été  chargé  M.  Colmet  Daage,  peintre  de 
talent,  qui  s'est  rendu  aux  Antilles  dans  le  but  d'établir  des  planches 
représentant  les  fruits  tropicaux  sur  lesquels  il  n'existe,  jusqu'à 
l'heure  présente,  aucune  documentation  spéciale. 


150  DOCUMENTS   OFFICIELS 

UULLETIN    DU    JARDIN    COLONIAL 

Le  Bulletin  du  Jardin  colonial  et  des  jardins  d'essais  des  Colonies 
françaises  est  entré  dans  sa  troisième  année  de  publication.  Parais- 
sant très  exactement  à  sa  date,  en  six  fascicules,  il  l'orme  ainsi, 
chaque  année,'  un  fort  volume  de  768  pages  et  renferme  tous  les 
documents  qui  sont  indispensables  à  tous  ceux  qui  s'intéressent  aux 
questions  d'agriculture  coloniale.  En  effet,  divisé  en  trois  parties, 
il  contient  dans  la  première  tous  les  documents  officiels,  lois, 
décrets,  arrêtés,  règlements  et  rapports  qui  intéressent  les  pro- 
ductions agricoles  et  les  services  qui  s'en  occupent.  La  seconde 
partie  est  formée  des  travaux  consacrés  à  l'étude  des  questions 
générales,  et  enfin  dans  la  troisième  partie  sont  consignées  toutes 
les  notes  qui  sont  de  nature  a  intéresser  aussi  bien  les  colons  que 
les  services  agricoles. 

L'intérêt  que  présente  cette  publication  ne  s'est  pas  démenti  un 
seul  instant.  Ce  fait  est  dû  au  soin  scrupuleux  apporté  au  choix  des 
matières  publiées,  lesquelles  sont  choisies  parmi  des  matériaux  très 
abondants,  fournis  par  les  services  agricoles  des  Colonies  aussi  bien 
que  par  les  travaux  originaux  émanant  des  services  du  Jardin  colo- 
nial. Une  bonne  part  du  succès  de  cette  revue  revient  à  son  éditeur, 
M.  Challamel,  qui  apporte  tous  ses  soins  à  la  rendre  matériellement 
aussi  attrayante  que  possible.  C'est  ainsi  que  chaque  numéro  con- 
tient de  nombreuses  illustrations,  cartes  ou  plans,  qui  apportent 
une  plus  grande  clarté  dans  le  texte. 

Le  nombre  des  collaborateurs  étrangers  au  service  administratif 
s'accroît  chaque  année.  Leur  précieux  concours  est  en  même  temps 
une  preuve  de  l'intérêt  que  présente  la  Revue  et  un  précieux  élé- 
ment de  succès. 

Parmi  les  plus  importants  mémoires  il  convient  de  citer  tout 
particulièrement  : 

Dosage  de  la  caféine  dans  les  cafés  des  Colonies  françaises,  par 
Gabriel  Bertrand,  de  l'Institut  Pasteur  ; 

Rapport  sur  la  soie  soudanaise  par  M.  Casalbou; 

Etude  sur  les  produits  odorants  des  Colonies,  par  M.  le  Dr  Cha- 
rabot  ; 

La  maladie  vermiculaire  du  bananier,  par  le  D1'  Delacroix  ; 

Essai  sur  la  détermination  des  amidons,  par  M.  Dufour; 

La  question  cotonnière  au  Sénégal  et  au  Soudan,  par  M.  Yves 
Henry; 


RAPPORT.    1903  151 

La  gutta-percha  en  Malaisie,  par  M.  le  comte  de  JouiTroy 
d'Abbans; 

Culture  de  l'archipel  des  Comores,  par  M.  le  Dr  Lafont; 

La  lutte  pratique  contre  la  Malaria,  par  M.  le  D1'  Loir  ; 

Les  graines  grasses  de  Madagascar,  par  M.  Milliau  ; 

Essai  de  décortication  du  riz  de  Madagascar,  par  Max.  Rin- 
irelmann. 

(Quelques  plantes  à  caoutchouc  du  Dahomey,  par  M.  le  Dr  Violle,etc. 

SERVICE    DES    CULTURES 

Le  service  des  cultures  du  Jardin  colonial  est  chargé,  dune  part, 
de  préparer  des  végétaux  qui  sont  expédiés  aux  services  agricoles 
des  Colonies  ;  d'autre  part,  de  cultiver  en  vue  de  la  détermination  de 
leur  caractère  botanique  et  de  leur  classement,  les  plantes  nouvelles 
ou  qu'il  peut  y  avoir  intérêt  à  connaître  et  qui  proviennent  de  nos 
Colonies.  Il  importe  enfin  de  pouvoir  mettre,  tant  sous  les  yeux  des 
élèves  qui  fréquentent  les  cultures  que  sous  ceux  du  public  qui  a 
besoin  de  se  renseigner,  des  spécimens  de  toutes  les  plantes  utiles 
des  Colonies. 

Sous  ce  dernier  rapport  les  collections  du  Jardin  colonial  sont 
extrêmement  complètes.  Cet  établissement  est  seul  à  posséder  des 
collections  réunissant  toutes  les  espèces  ou  variétés  connues  des 
principaux  genres  dont  la  culture  présente  un  intérêt  primordial. 
Nulle  part,  en  etï'et,  on  ne  peut  voir  réunies  des  séries  aussi  com- 
plètes de  caféiers,  de  cacaoyers,  de  cannes  à  sucre,  de  bananiers, 
de  plantes  à  caoutchouc  ou  à  gutta-percha.  Des  serres  spéciales  sont 
consacrées  à  certaines  de  ces  espèces  où,  cultivées  spécialement, 
elles  acquièrent  un  complet  développement  et  offrent  de  curieux 
exemples  de  floraison  et  de  fructification. 

Au  point  de  vue  de  l'étude  des  plantes  coloniales  et  de  leur 
détermination,  il  est  fort  utile  de  cultiver  dans  des  champs  d'expé- 
riences ou  sous  abris  toutes  les  plantes  qui  peuvent  acquérir  dans 
ces  conditions  un  complet  développement.  C'est  dans  cet  ordre 
d'idée  que  des  cultures  de  ricin,  de  maïs,  de  mil  ou  sorgho,  de  riz, 
de  légumineuses  diverses,  de  patates,  de  caladium,  etc.,  ont  été 
entreprises  et  ont  donné  lieu  à  des  travaux  et  des  mémoires,  dont 
un  certain  nombre  déjà  a  été  publié  dans  le  Bulletin  du  Jardin 
colonial. 


132  DOCUMENTS    OFFICIELS 

Il  est  bien  entendu  qu'il  ne  faut  pas  songer  à  obtenir  de  ces 
cultures  des  renseignements,  même  approximatifs,  sur  les  rende- 
ments qu'elles  peuvent  donner.  Mais  les  relations  étroites  qui 
unissent  les  Jardins  d'essai  de  nos  Colonies  avec  le  Jardin  colonial 
métropolitain,  permettent  de  faire  concurremment  des  cultures  sous 
les  climats  variés  et  d'obtenir  des  documents  très  précis  sur  les 
rendements  que  peuvent  donner  ces  cultures. 

Le  principal  effort  du  service  des  cultures  est -orienté  vers  la 
tâche  qui  lui  incombe  de  faire  venir  de  toutes  les  parties  du  monde 
où  elles  sont  signalées  les  plantes  pouvant  présenter  un  intérêt 
pratique  quelconque.  Introduites  sous  forme  de  quelques  végétaux, 
ces  plantes  sont  immédiatement  l'objet  de  soins  culturaux  spéciaux, 
qui  permettent  de  les  multiplier  à  un  nombre  considérable  d'exem- 
plaires et  de  les  envoyer  dans  toutes  les  Colonies  où  elles  peuvent 
réussir. 

Sans  entrer  dans  l'énumération  trop  longue  de  tous  les  végétaux 
qui  ont  été  introduits,  il  est  bon  cependant  d'en  signaler  quelques- 
uns  pour  montrer  les  avantages  que  peuvent  retirer  nos  Colonies  de 
ces  introductions. 

C'est  ainsi  que  le  Jardin  colonial  a  pu  introduire  dans  ses  cultures 
des  plants  de  gutta-percha  (palaquium)  dont  l'exportation  de  leur 
lieu  d'origine,  les  Indes  Néerlandaises,  est  désormais  interdite.  Mais 
par  des  procédés  de  bouturage  qui  ont  été  couronnés  de  plein 
succès,  ces  précieuses  plantes  ont  pu  être  multipliées  à  un  grand 
nombre  d'exemplaires,  et  des  envois  sont  faits  dans  celles  de  nos 
Colonies  où  l'on  peut  espérer  de  voir  ces  espèces  se  développer  et 
fournir  un  produit  utile. 

De  même,  ont  été  reçues  et  propagées  toutes  les  meilleures  varié- 
tés de  cannes  à  sucre  obtenues  de  semis  dans  les  colonies  anglaises 
et  donnant  les  plus  hauts  rendements. 

Une  collection  très  complète  de  bananiers  de  toutes  les  parties  du 
monde,  et  particulièrement  de  Java,  du  Brésil,  de  Colombie  et  des 
Antilles,  a  été  réunie  et,  après  propagation,  envoyée  dans  diverses 
colonies. 

Il  a  été  introduit  toutes  les  principales  variétés  d'orangers  et  de 
mandariniers  qui,  en  Australie  et  au  Brésil,  donnent  des  fruits 
excellents,  laissant  bien  loin  derrière  elles  toutes  les  sortes  courantes 
que  nous  consommons  en  Europe.  Ce  sera  là  encore  le  point  de 
départ  de  cultures  nouvelles  qu'entreprennent  avec  succès  certaines 
de  nos  possessions  d'outre-mer. 


HAÏ-PORT.    1903  153 

Il  faut  signaler  encore  l'introduction  et  la  dissémination  des 
principales  variétés  de  cacao,  de  cafés  africains  nouveaux,  de 
plantes  pharmaceutiques  telles  que  les  ipéca  et  les  jaborandi,  de 
plantes  textiles  telles  que  les  agaves,  les  sansevières,  etc.,  etc. 

Après  leur  propagation,  ces  plantes  sont  expédiées  dans  des 
serres  de  transport  où  un  emballage  spécial  les  met  à  l'abri  de 
toutes  les  causes  de  destruction,  si  bien  que  dans  la  plupart  des  cas 
les  déchets  de  route  sont  à  peu  près  nuls.  Mais  ces  envois  exigent 
un  matériel  important  pour  assurer  ces  transports.  Aussi  ces  envois 
sont-ils  limités  aux  seules  plantes  qui  ne  peuvent  rigoureusement 
être  expédiées  sous  forme  de  graines. 

Reçues  dans  les  jardins  d'essai,  ces  plantes  font  l'objet  de  nou- 
velles multiplications,  afin  de  permettre  de  les  distribuer  aux 
colons  qui  veulent  en  faire  la  culture. 

La  liste  des  plantes  mises  cette  année  en  distribution  n'a  pas 
compris  moins  de  265  espèces  ou  variétés  différentes. 

Le  nombre  total  des  envois  a  été  de  245  et  a  porté  sur  : 

Plantes  vivantes  12.567 

Graines  641  kilos 

Graines  stratifiées  50.810     — 

En  dehors  de  ces  envois  faits  aux  Colonies,  et  qui  constituent  la 
principale  préoccupation  du  service  des  cultures,  il  a  été  fait  de 
nombreuses  expéditions  de  plantes  aux  établissements  scientifiques 
de  la  France  et  de  l'étranger,  avec  lesquels  le  Jardin  colonial  entre- 
tient des  relations  constantes. 

SERVICE    BOTANJQUE 

Comme  tous  les  rouages  du  Jardin  Colonial,  le  service  botanique 
s'efforce  de  compléter,  sans  cesse,  toute  la  documentation  néces- 
saire à  l'étude  des  connaissances  coloniales  et  de  les  diffuser  de  la 
façon  la  plus  large  possible.  Son  action  s'exerce  par  trois  principaux 
moyens,  qui  sont  : 

1°  Constitution  de  collections  de  produits  coloniaux  de  tous 
genres,  graines,  bois,  matières  premières,  herbiers.  Distribution  de 
ces  documents  aux  établissements  scientifiques,  aux  Musées  sco- 
laires, aux  savants  qui  veulent  entreprendre  des  recherches  spé- 
ciales. 


154  DOCUMENTS    OFFICIELS 

2°  Renseignements  fournis  au  public  sur  l'emploi  des  matières 
premières,  leur  propriété,   leur  valeur. 

3°  Enseignement  donné  aux  élèves  de  l'Ecole  supérieure  d'Agri- 
culture coloniale.  Recherches  relatives  à  des  questions  de  botanique 
pure  et  appliquée. 

Les  constitutions  des  collections  sont  l'objet,  de  la  part  de  ce  ser- 
vice, de  soins  assidus.  Celles-ci  présentent,  en  effet,  une  grande 
importance,  car  elles  constituent  une  documentation  qui,  par  les 
échantillons  de  comparaison,  permet  de  renseigner,  de  la  façon  la 
plus  sûre  et  la  plus  précise,  au  sujet  de  la  détermination  de  toutes 
les  matières  soumises  à  l'examen  de  ce  service.  Aussi  Tordre  et  la 
méthode  président-ils  tant  à  la  réception  qu'au  classement  de  ces 
collections.  Tout  objet  est,  dès  sa  réception,  inscrit  dans  un  registre 
journal  et  reçoit  un  numéro  d'ordre.  Des  fiches  spéciales,  pour 
chaque  nature  d'objet,  permettent  de  retrouver  avec  la  plus  grande 
facilité  tous  les  documents  reçus. 

En  même  temps  que  les  objets  formant  la  collection  type  sont 
rangés  dans  les  vitrines,  le  supplément  est  classé  dans  des  maga- 
sins de  réserve  et  permet  de  répondre  de  suite  à  toute  demande  de 
matériaux  d'étude.  Souvent  ces  matériaux  mis  en  réserve  repré- 
sentent des  quantités  importantes,  en  particulier  lorsqu'ils  doivent 
donner  lieu  à  des  essais  de  machine,  à  des  analyses,  a  des  essais 
d'utilisation  industrielle.  C'est  au  service  botanique  qu'incombe  la 
tâche  de  conserver  en  ordre  toutes  ces  nombreuses  et  utiles  collec- 
tions qui,  à  l'heure  actuelle,  réunissent  toutes  les  matières  utiles  que 
nos  Colonies  produisent.  C'est  là  une  sorte  d'inventaire  méthodique 
de  la  richesse  de  nos  Colonies. 

Les  matières  premières  reçues  au  Jardin  colonial  permettent 
d'enrichir  les  collections  des  différents  établissements  d'étude  de  la 
métropole.  C'est  ainsi  qu'ont  pu  être  constituées  les  collections  de  la 
nouvelle  chaire  botanique  coloniale,  à  la  Sorbonne,  dont  le  titulaire 
est  M.  Marcel  Dubard,  le  chef  du  service  botanique  du  Jardin  colo- 
nial. C'est  ainsi  encore  que  nous  avons  pu  faire  de  nombreux  envois 
d'échantillons  d'étude  au  Muséum  d'histoire  naturelle,  à  l'Ecole 
supérieure  de  pharmacie,  à  l'Institut  national  agronomique,  aussi 
bien  que  dans  divers  établissements  de  province,  tels  que  l'Institut 
colonial  de  Marseille  et  de  Bordeaux,  le  Musée  industriel  de  Lille, 
la  Chambre  de  commerce  de  Lyon,  l'Ecole  supérieure  de  commerce 
de  Nantes,  etc. 


RAPPORT.    1903  155 

Le  service  botanique  organise  un  herbier  formé  principalement 
de  toutes  les  plantes  présentant  un  intérêt  économique. 

Il  olïre  cette  particularité  que  toutes  les  variétés  culturales  d'une 
même  espèce  y  sont  représentées,  et  permettent  aussi  de  se  rendre 
compte  de  l'intérêt  qu'elles  peuvent  présenter. 

L'enseignement  donné  aux  élèves  de  l'Ecole  supérieure  d'Agri- 
culture coloniale  constitue  une  des  tâches  de  ce  service.  A  l'aide 
d'échantillons  provenant  des  cultures  de  l'établissement,  lesquels 
sont  complétés  par  des  documents  reçus  directement  des  Colonies, 
les  élèves  peuvent  acquérir  des  notions  pratiques  du  plus  réel  inté- 
rêt, car  elles  leur  permettent  de  connaître  exactement  toutes  les  par- 
ticularités des  végétaux  qui  feront  plus  tard  l'objet  des  exploitations 
dont  la  direction  leur  sera  coniîée. 

Parmi  les  questions  d'ordre  scientifique  étudiées  dans  ce  service, 
signalons  parmi  les  plus  importantes  : 

L'étude  des  modifications  apportées  par  l'emploi  des  engrais  à  la 
fibre  du  coton  ; 

Examen  des  caractères  anatomiques  permettant  d'aider  à  la  clas- 
sification des  espèces  de  caféiers; 

Etudes  des  principales  espèces  à  caoutchouc  de  Madagascar; 

Etude  de  la  formation  des  tubercules  de  l'Intisv  (plante  à  caout- 
chouc de  Madagascar),  etc.,  etc. 

Les  nombreux  matériaux  reçus  sans  cesse  au  Jardin  colonial  per- 
mettent, en  outre,  de  fournir  aux  savants  de  la  France  et  de  l'étran- 
ger tous  les  documents  dont  ils  peuvent  avoir  besoin.  Ils  peuvent, 
dès  maintenant,  être  assurés  de  trouver  dans  nos  services  une  docu- 
mentation abondante  tenue  à  leur  entière  disposition. 

SEKVICE    CHIMIQUE 

Les  principaux  travaux  de  ce  service  se  rangent  en  deux  catégo- 
ries distinctes.  Ce  sont,  d'une  part,  toutes  les  analyses  courantes 
fournissant  aux  Colonies  les  renseignements  dont  celles-ci  peuvent 
avoir  besoin.  Telles  sont  les  analyses  de  terres,  d'engrais,  d'eaux 
ou  de  matières  premières  diverses. 

Ces  analyses,  chaque  jour  plus  nombreuses,  vont  permettre  d'éta- 
blir, par  la  suite,  une  véritable  carte  agronomique,  fournissant  des 
documents  précis  sur  la  richesse  du  sol  et  sur  la  possibilité  d'y 
entreprendre  avec  succès  telle  ou  telle  culture.  Dès  maintenant,  les 


156  DOCUMENTS   OFFICIELS 

terres  de  colonisation,  les  emplacements  destinés  à  la  création  de 
Jardins  d'essai  ou  de  Stations  de  culture,  ne  sont  mis  en  valeur  que 
lorsque  les  analyses  faites  à  Notent  ont  montré  que  les  emplace- 
ments choisis  possèdent  des  terres  suffisamment  riches  pour  que 
l'entreprise  puisse  être  menée  à  bien. 

Ces  analyses  sont  faites  gratuitement  pour  les  Colonies.  Elles 
représentent  cependant  une  somme  considérable  de  travail. 

Mais  le  rôle  du  service  chimique  ne  se  borne  pas  à  fournir  sim- 
plement cette  besogne  matérielle.  Il  se  consacre  plus  spécialement, 
au  contraire,  à  l'étude  de  toutes  les  questions  qui  intéressent  la 
colonisation  et  l'industrie  métropolitaine,  qui  utilise  les  matières 
premières  fournies  par  les  Colonies. 

Il  est  impossible  d'énumérer  ici  les  nombreuses  études  qui  ont  été 
entreprises  et  dont  un  certain  nombre  ont  conduit  à  des  applications 
pratiques  du  plus  haut  intérêt.  Les  matières  premières  reçues  et 
déterminées,  quant  à  leur  origine,  par  le  service  botanique  sont 
étudiées  par  le  service  chimique,  au  point  de  vue  spécial  des  appli- 
cations qu'elles  peuvent  recevoir,  et  il  est  un  grand  nombre  de  ces 
solutions  qui  peuvent  conduire  aux  conclusions  pratiques  du  plus 
haut  intérêt.  Chaque  jour,  les  industriels  et  les  commerçants  le 
savent  mieux.  Aussi  entretiennent-ils  avec  le  service  des  rapports 
suivis,  car  ils  tirent  de  ses  recherches  les  plus  réels  profits. 

Ce  service  concourt  largement  à  donner  à  nos  élèves  une  solide 
instruction  technique.  Les  matériaux  dont  il  dispose  lui  permettent 
d'initier  les  élèves  aux  travaux  qui  portent  sur  l'utilisation  des 
matières  premières  coloniales. 

Comme  on  le  voit  par  cet  exposé  sommaire,  dès  maintenant  les 
services  du  Jardin  colonial  sont  constitués  de  telle  manière  que 
tous'  concourent  à  faire  mieux  connaître  nos  Colonies,  et  à  fournir,  à 
tous  ceux  qui  songent  à  les  mettre  en  valeur,  une  documentation  très 
complète,  fondée  sur  les  bases  les  plus  solide*. 

L'Inspecteur  général  de  V Agriculture  coloniale, 
Directeur  du  Jardin  colonial, 
J.    Dybowski. 


ÉTUDES     ET     MÉMOIRES 


L'ÉLEVAGE    A  MADAGASCAR 

L'élevage  est  une  des  principales  richesses  de  Madagascar.  Nous 
étudierons  séparément  dans  ce  chapitre  l'élevage  des  bœufs,  des 
chevaux  et  des  ânes,  des  porcs,  des  moutons  et  des  chèvres,  et  de 
la  volaille. 

I.  —  ÉLEVAGE  DU  BOEUF 
DIFFÉRENTES     ESPÈCES    DE    BŒUFS 

Les  bœufs  sont  depuis  longtemps  une  des  principales  ressources 
de  notre  nouvelle  colonie.  On  en  rencontre  de  différentes  espèces. 

Les  plus  répandus  se  distinguent  des  bovidés  d'Europe  par 
l'existence  d'une  masse  de  graisse,  plus  ou  moins  volumineuse,  au 
sommet  du  garrot. 

Il  existe  également  des  bœufs  à  bosse  sans  cornes,  des  bœufs  sans 
bosse  et  avec  cornes,  et  des  bœufs  à  la  fois  sans  bosse  et  sans  corne. 

à)  Les  bœufs  à  bosse  et  à  cornes  se  rencontrent  dans  toute  l'île, 
ils  semblent  appartenir  au  même  type  que  les  zébus  de  l'Inde,  et 
c'est  probablement  avec  l'homme  qu'ils  sont  venus  à  Madagascar. 

b)  Les  bœufs  à  bosse  sans  cornes  se  trouvent  surtout  dans  le 
nord,  dans  la  région  de  Diego-Suarez,  ils  sont  désignés  par  les 
Malgaches  sous  le  nom  de  «  bory  ».  Les  colons  et  les  indigènes  les 
emploient  parfois  comme  monture  ou  comme  porteurs,  pour  les 
transports. 

c)  Les  bœufs  sans  bosses  et  avec  cornes  sont  de  deux  sortes  :  les 
uns  originaires  du  pays  vivent  à  l'état  sauvage  par  troupeaux  de 
100  à  150  tètes  dans  certaines  régions  du  pays  Sakalava;  les  autres 
sont  les  descendants  de  quelques  taureaux  et  vaches  de  races  fran- 
çaises jadis  introduits  à  Madagascar  par  Jean  Laborde;  on  rencontre 
surtout  ces   animaux   autour   de  Tananarive  et  dans  le  Betsiléo. 


158  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

d)  Les  bœufs  à  la  fois  sans  bosse  et  sans  cornes  sont  assez  rares, 
il  en  existe  dans  le  nord  de  l'île  entre  Vohemar  et  Diego- Suarez 
ainsi  que  dans  la  province  du  Boeni. 

Taille.  —  En  général  les  bœufs  de  Madagascar  ne  sont  ni  très 
grands,  ni  très  gros.  C'est  d'ailleurs  une  conséquence  naturelle  des 
conditions  dans  lesquelles  ils  sont  élevés  et  de  la  nourriture  qu'ils 
prennent.  Leur  poids  moyen  est  de  250  à  300  kilos.  Leur  peau  est 
fine,  d'une  qualité  appréciée  ;  celle  des  animaux  sans  bosse  est  plus 
recherchée.  La  viande  est  très  bonne  et  très  semblable  à  celle  des 
bœufs  de  nos  meilleures  races  françaises. 

Le  principal  défaut  du  zébu  est  que  les  vaches  sont  très  mauvaises 
laitières.  Une  vache  donne  généralement  de  2  à  3  litres  de  lait  par 
jour  au  maximum. 


PRINCIPALES    RÉGIONS     d'ÉLEVAGE 

Les  plus  belles  régions  d'élevage  paraissent  être  : 
Dans  le  nord,  le  pays  Antankara  et  les  beaux  pâturages  qui 
entourent  le  lac  Alactra;  au  centre,  la  zone  comprise  le  long  de 
l'arête  faîtière  de  l'île  à  cheval  sur  les  provinces  d'Antsirabe,  d'Am- 
bositra,  de  Fianarantsoa  et  sur  la  limite  est  du  pays  Sakalava;  dans 
le  sud,  les  belles  prairies  de  la  vallée  de  l'Itomampy,  le  pays  de 
l'Orombé  et  les  plaines  des  Bara  du  Cercle  de  Tuléar.  Enfin  l' Androy 
et  le  pays  Mahafaly  récemment  pénétrés  et  pacifiés  nourrissent 
également  de  beaux  troupeaux,  malgré  la  médiocrité  des  pâturages 
et  la  rareté  de  l'eau  dans  ces  régions. 

PROCÉDÉS     D'ÉLEVAGE     DES     INDIGÈNES 

Les  soins  donnés  actuellement  aux  animaux  par  les  indigènes 
sont  des  plus  rudimentaires.  En  toute  saison  chaque  matin  vers 
10  heures  quand  la  rosée  a  disparu  le  troupeau  est  conduit  au  pâtu- 
rage par  un  gardien.  Vaches,  veaux,  taureaux  et  bœufs  sont  ensemble; 
dans  quelques  rares  régions  seulement,  les  vaches  sont  envoyées  à 
part. 

Les  gardiens,  il  faut  le  reconnaître,  font  intelligemment  et 
consciencieusement    leur   métier,    ils   savent  choisir    les    meilleurs 


L'ÉLEVAGE    A    MADAGASCAR  159 

pâturages,  ils  aiment  leurs  bêtes,  les  surveillent  avec  attention, 
connaissent  parfaitement  celles  qui  sont  malades  ou  moins  vigou- 
reuses que  les  autres.  Le  soir  avant  le  coucher  du  soleil  les  animaux 
sont  ramenés  au  village  et  rentrés  à  l'intérieur  de  l'enceinte,  dans 
des  parcs  non  couverts,  simples  fosses  entourées  de  solides  murs  en 
pierres,  où  les  animaux  trouvent  tout  juste  un  peu  d'abri  contre  le 
vent. 

A  la  saison  des  pluies,  comme  l'écoulement  des  eaux  dans  ces 
parcs  est  fort  mal  aménagé,  les  bœufs  couchent  dans  un  véritable 
marécage.  Généralement  les  veaux  sont  séparés  des  mères  pendant 
la  nuit  :  on  construit  pour  eux  un  petit  parc  tout  aussi  rudimentaire 
que  celui  réservé  au  reste  du  troupeau. 

Pendant  les  pluies,  l'herbe  est  partout  abondante,  les  troupeaux 
sont  en  bel  état;  mais  à  la  saison  sèche,  comme  le  Malgache  ne  fait 
aucune  provision  de  fourrages,  les  animaux  ne  trouvent  plus  suffi- 
samment à  manger  dans  les  pâturages  desséchés  maigrissent  consi- 
dérablement, s'affaiblissent  et  deviennent  sujets  aux  maladies. 

Reproduction.  —  Les  saillies  se  font  tout  naturellement  et  sans 
aucune  surveillance.  Les  indigènes  gardent  comme  taureaux  les 
animaux  les  plus  vigoureux  et  les  laissent  dans  le  troupeau  où  ils 
servent  à  satiété  les  vaches  qui  sont  à  leur  portée. 

Les*vaches  ont  leur  premier  veau  à  2  ou  3  ans,  suivant  les  régions  ; 
elles  ont  de  nombreuses  portées.  Au  moment  où  elles  vont  mettre 
bas,  elles  s'écartent  du  troupeau  et  l'opération  se  passe  presque  tou- 
jours  facilement  sans  l'intervention    des  gardiens  indigènes.    Les 
veaux  qui  naissent  dans  le  parc  généralement  sale  et  plein  de  boue 
sont  souvent  perdus,  car  ils  se  prennent  les  pattes  dans   la  terre 
mouillée,  ne  peuvent  sécher,  ni  b  oire,  et  risquent  fort  de  mourir. 
Le  sevrage  se  fait  à  5  ou  6  mois  ;  les  veaux  deviennent  adultes  en 
moins  de  2  années  ;  à  3  ans,   le   bœuf   est   bien   en   chair,  mais  il 
n'atteint  son  complet  développement  que  vers  4  ans. 

La  castration  est  pratiquée  à  des  âges  différents,  suivant  les 
régions,  généralement  à  3  où  4  mois.  La  méthode  du  bistournage 
la  plus  employée  chez  nous  est  inconnue,  l'opération  de  l'ablation 
des  testicules  est  faite  par  des  indigènes  dont  c'est  le  métier.  Le  bœuf 
malgache  s'engraisse  très  facilement.  Dans^ee  but,  les  indigènes 
l'enferment  dans  une  étroite  fosse  où  il  a  tout  juste  la  place  de  se 
retourner,  et  le  bourrent  de  nourriture  jusqu'à  ce  qu'il  soit  bien  gras 
et  prêt  pour  la  boucherie. 


160  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Nous  avons  vu  des  bœufs  engraissés  qui  auraient  pu  rivaliser 
avec  les  lauréats  les  plus  remarquables  de  nos  concours  agricoles  de 
France. 


PLANTES    FOURRAGÈRES    SERVANT    A     L  ALIMENTATION    DU    BÉTAIL 

Les  prairies  de  Madagascar  peuvent  se  diviser  en  deux  catégories  : 

a)  Celles  qui  sont  au  fond  des  vallées  le  long-  des  rivières. 

b)  Celles  qui  couvrent  les  mamelons  de  la  région  des  bauts 
plateaux.  Les  premières,  composées  surtout  de  graminées  de  diverses 
espèces,  dont  quelques-unes  comme  le  Karangy  et  l'Ahipalma  sont 
spécialement  réputées  par  les  Malgaches,  ont  l'avantage  d'être 
généralement  humides  toute  l'année  et  de  fournir  une  nourriture 
suffisante  aux  animaux,  même  pendant  la  saison  sèche.  Les  secondes 
sont  composées  de  diverses  variétés  de  chiendents,  d'une  herbe 
haute  et  dure  nommée  Vero  verotsanjy  et  Verofehama,  suivant 
l'espèce,  et  de  quelques  graminées  et  légumineuses. 

Ces  prairies  de  mamelons  les  plus  nombreuses  dans  l'île  sont  en 
somme  généralement  médiocres,  les  troupeaux  vont  y  paître  pendant 
la  saison  des  pluies,  lorsque  les  vallées  sont  inondées  ou  trop 
humides. 

L'habitude,  contractée  par  les  indigènes,  d'incendier  ^chaque 
année  les  coteaux  dans  le  but  de  détruire  les  herbes  trop  dures  et 
de  fournir  aux  animaux  de  jeunes  pousses  à  manger,  fait  disparaître 
peu  à  peu  les  prairies  qui  s'y  trouvent.  Le  feu  anéantit  les  graines  ; 
les  pluies  qui  viennent  ensuite,  entraînent  la  terre,  déchaussent  les 
plantes,  les  espacent  et  appauvrissent  les  herbages.  11  serait  urgent 
d'apprendre  aux  Malgaches  l'usage  de  la  faux.  Ils  pourraient  ainsi 
atteindre  le  but  qu'ils  recherchent  actuellement  en  brûlant  et 
constitueraient  en  même  temps  des  provisions  de  fourrage  pour  la 
saison  sèche. 

En  dehors  de  la  prairie  il  existe  à  Madagascar  plusieurs  plantes 
qui  conviennent  à  merveille  pour  la  nourriture  des  animaux,  mais 
que  les  Malgaches  emploient  rarement  à  cet  usage  :  le  manioc  dont 
les  bœufs  sont  très  friands  et  qui  les  engraisse  et  leur  donne  beau 
poil,  l'arachide,  le  maïs,  la  patate,  le  pois  mascate,  plantes  qui 
poussent  facilement  dans  toutes  les  régions  de  l'île  et  dont  les 
feuilles  fournissent  un  bon  fourrage. 


L'ÉLEVAGE    A    MADAGASCAR  164 

AMÉLIORATION    A   APPORTER   AUX    PROCÉDÉS  d'ÉLEVAGL    DES    INDIGÈNES 

L'élevage  tel  qu'il  est  pratiqué  par  l'indigène  consiste  en  somme 
à  s'occuper  le  moins  possible  des  animaux.  Avec  un  pareil  système 
il  est  absolument  impossible  d'améliorer  la  race. 

Le  rôle  de  l'Européen  venant  faire  de  l'élevage  à  Madagascar 
devra  consister,  croyons-nous,  à  apporter  des  méthodes  nouvelles 
tout  en  tenant  le  plus  grand  compte  des  conditions  spéciales  du  pays 
et  en  gardant  soigneusement  ce  qu'il  y  a  de  bon  dans  la  manière  de 
l'aire  des  indigènes.  Vouloir  faire  à  Madagascar  de  l'élevage  comme 
en  Normandie  ou  en  Bretagne  serait  plus  mauvais  encore  que  d'imi- 
ter purement  et  simplement  le  Malgache.  Le  but  à  atteindre  devra 
être  avant  tout  d'améliorer  la  race  existante  en  s'attachant  surtout 
à  augmenter  le  poids  des  animaux.  Or  ce  résultat  sera  facilement 
atteint,  croyons-nous,  par  deux  moyens  :  1°  sélection  dans  la  race 
elle-même;  2°  amélioration  de  l'installation  et  surtout  de  la  nourri- 
ture des  animaux. 

La  sélection  dans  la  race  est  facile  à  faire.  On  pourrait  suivre  à 
Madagascar  l'exemple  que  nous  donnent  les  éleveurs  d'Australie  et 
de  la  Nouvelle-Zélande  : 

«  Les  propriétés  sont  divisées  de  telle  sorte  que  le  ttroupeau 
comprend  quatre  parties  principales  : 

1°  Le  troupeau  lui-même  composé  de  taureaux  soigneusement 
choisis  parmi  les  animaux  les  plus  robustes  et  les  plus  forts,  à 
raison  de  un  pour  25  vaches,  des  vaches  de  3  ans  et  plus,  et  des 
bœufs  ; 

2°  Les  génisses  et  les  bouvillons  ; 

3°  Les  animaux  à  l'engrais  ; 

4°  Les  vaches  mères  et  leurs  veaux. 

On  réserve  en  outre  une  cinquième  partie  que  l'on  utilise  dans  le 
cas  de  grande  sécheresse.  »  (Conférence  de  M.  Moriceau,  à  Marseille). 

L'amélioration  des  abris  destinés  aux  animaux  s'impose.  Si  le 
colon  possède  un  troupeau  peu  nombreux,  s'il  a  surtout  des  vaches 
et  désire  se  livrer  à  l'industrie  laitière,  la  meilleure  solution  pour  lui 
sera  de  construire  une  étable  d'un  modèle  aussi  rustique  que 
possible,  mais  où  les  animaux  pourront  être  attachés  et  auront  une 
mangeoire.  Pour  l'élevage  en  grand,  la  construction  des  étables 
Bulletin  du  Jardin  colonial.  H 


lî>2  ÉTUDES    CT    MÉMOIRES 

serait  trop  coûteuse.  Il  suffira  de  construire  pour  les  animaux  de 
grands  parcs,  dont  la  moitié  du  moins  de  la  surface  sera  couverte  de 
façon  à  leur  permettre  de  s'abriter  les  jours  de  pluie.  Le  sol  de  ces 
parcs  devra  être  aménagé  convenablement  pour  faciliter  l'écoule- 
ment des  eaux. 

Réserves  de  fourrages.  —  La  question  de  la  nourriture  des 
animaux  pendant  la  saison  sèche  est  d'une  importance  capitale.  Le 
colon  ne  pourra  avoir  des  troupeaux  en  bon  état  que  s'il  prend  ses 
précautions  et  fait  des  réserves  de  fourrage  de  façon  à  assurer  la 
nourriture  de  ses  animaux  au  moment  où  les  pâturages  desséchés 
ne  la  leur  fourniront  plus  en  quantité  suffisante. 

Dans  ce  but,  la  première  chose  à  faire  sera  de  constituer  un 
approvisionnement  de  foin. 

Les  Malgaches  apprenant  assez  vite  à  faucher,  et  dans  bien  des 
prairies  de  1  île  l'usage  de  la  faux  est  possible;  si  le  terrain  trop 
inégal  ne  le  permet  pas,  on  peut  au  moins  faire  usage  de  la  faucille. 
A  l'aide  de  l'un  ou  de  l'autre  de  ces  instruments,  actuellement 
presque  inconnus  à  Madagascar,  il  sera  possible  de  faire  couper 
l'herbe  qui  devra  être  conservée  pour  l'hiver  à  l'aide  du  fanage  ou 
de  l'ensilage. 

Fanage.  —  Nous  avons  vu  faire  l'expérience  du  fanage  aux  haras 
d'Ampasitra,  près  de  Tananarive,  à  la  Ferme  hippique  de  l'Iboaka, 
et  nous  savons  que  cette  opération  a  donné  de  bons  résultats  à  Diego- 
Suarez.  A  la  ferme  d'Iboaka  il  a  été  récolté  en  1902  plus  de  50. 0(10 
kilos  de  très  bon  foin.  Les  prairies  sont  fauchées  deux  fois  par  an  : 
dans  la  petite  saison  sèche,  qui  arrive  dans  le  Betsiléo  vers  le 
12  janvier  et  dure  un  mois,  et  à  la  tin  de  la  saison  des  pluies,  vers  le 
2o  avril.  Le  foin  est  emmagasiné  dans  les  granges  aménagées  au- 
dessus  des  écuries  et  des  étables  ou  mis  en  grandes  meules  abritées 
de  la  pluie  par  une  couverture  de  chaume. 

Ensilage.  —  L'ensilage  a  sur  le  fanage  l'avantage  de  pouvoir  se 
faire  en  toute  saison.  Pour  le  pratiquer  on  fait  généralement  de 
grands  trous  appelés  silos,  dans  lesquels  le  fourrage  vert  est  jeté 
immédiatement  après  la  fauchaison  avec  tout  Teau  qu'il  contient. 
Dans  ces  trous  on  le  soumet  a  une  forte  pression  et  on  le  met 
complètement  à  l'abri  de  l'air  en  l'enfermant  sous  une  épaisse 
couche  de  terre. 


L ÉLEVAGE    A    MADAGASCAR  1G3 

Les  fourrages  provenant  de, l'ensilage  ne  valent  pas  en  général  le 
loin  ordinaire. 

Cultures  fourragères.  —  Enfin  nous  recommandons  spécialement 
aux  colons  qui  veulent  se  livrer  à  l'industrie  laitière  ou  à  l'engrais 
des  animaux  de  boucherie  de  joindre  à  leur  affaire  d'élevage  une 
exploitation  agricole,  et  de  cultiver  de  préférence  le  manioc,  le  maïs, 
L'arachide,  la  patate  et  le  pois  mascate,  plantes  qui  réussissent 
presque  partout  à  Madagascar  et  sont  d'un  grand  secours  pour  la 
nourriture  du  bétail.  Nous  devons  également  conseiller  l'améliora- 
tion des  prairies. 

Prairies  artificielles.  —  A  la  ferme  de  l'Iboaka  les  prairies 
artificielles  ont  donné  de  bons  résultats.  Dans  les  fonds  de  vallées 
de  Madagascar  la  terre  est  généralement  légère,  on  peut  constituer 
d'excellentes  prairies,  composées  sensiblement  comme  celles  de 
France  situées  dans  des  terrains  analogues.  Il  sera  bon  pour  ces 
prairies  de  ne  jamais  semer  uniquement  des  graines  de  la  même 
espèce,  il  faudra  faire  préparer  une  composition  avec  celles  qui 
paraissent  avoir  des  chances  de  pousser  dans  le  terrain  choisi. 

Animaux  reproducteurs.  —  Disons  un  mot  maintenant  de  la 
question  de  l'importation  des  reproducteurs  de  races  étrangères  : 
d'une  façon  générale  nous  n'en  sommes  pas  partisan.  La  race 
indigène  est  pleine  de  ressources  et  présente  le  grand  avantage 
d'être  acclimatée  et  bien  adaptée  au  pays  ;  par  une  sélection  judi- 
cieuse elle  peut  être  améliorée  encore. 

Les  essais  de  croisements  faits  jusqu'ici  avec  des  races  de  France 
n'ont  pas  donné  de  très  bons  résultats.  Les  géniteurs  nouvellement 
introduits  subissent  les  épreuves  de  l'acclimatement  et  du  change- 
ment de  nourriture,  ils  perdent  de  ce  fait  quelques-unes  de  leurs 
qualités  et  leurs  produits  s'en  ressentent. 

Il  faut  cependant  reconnaître  que  quelques  essais  de  ce  genre  ont 
été  intéressants,  notamment  ceux  faits  par  M.  Martinfourchambaux 
en  Imérina  et  par  quelques  autres  colons  qui  ont  fait  venir  à  grands 
frais  des  taureaux  de  France. 

Les  principaux  défauts  que  l'on  peut  reprocher  au  zébu  de  Mada- 
gascar sont  :  sa  taille  et  son  poids  assez  faibles,  sa  bosse,  les  mau- 
vaises qualités   laitières  des  vaches.   La  taille  et  le  poids  peuvent 


164  ÉTUDES    ET    .MÉMOIRES 

être  sensiblement  augmentés  sans  recourir  à  des  croisements  par 
la  sélection  dans  la  race  et  l'amélioration  de  la  nourriture.  La 
bosse  n'est  un  défaut  qu'au  seul  point  de  vue  de  la  vente  des  peaux. 
Pour  toutes  les  autres  utilisations  du  bœuf,  elle  n'a  aucun  incon- 
vénient ;  pour  certaines,  comme  le  trait,  elle  est  même  d'un  grand 
secours.  Quant  à  la  faible  production  de  lait  des  vaches  elle  tient 
surtout  à  la  nature  du  pays  où  elles  vivent  et  à  la  médiocrité  des 
pâturages.  Soumises  a  la  nourriture  dont  se  contentent  les  vaches 
malgaches,  les  meilleures  normandes  ne  tarderaient  pas  à  perdre 
leurs  qualités  laitières. 

Les  progrès  de  l'élevage,  l'amélioration  delà  qualité  des  fourrages 
remédieront  peu  à  peu  à   cet  inconvénient. 

Constitution  d'un  troupeau.  Premières  dépenses  à  envisager. 
—  Nous  laisserons  pour  cette  question  la  parole  à  M.  Moriceau, 
administrateur  de  la  province  de  Majunga,  qui  l'a  remarquablement 
traitée  dans  une  conférence  faite  à  Marseille  le  17  janvier  J  903  : 

«  La  constitution  d'un  troupeau  un  peu  important  demandera 
toujours  un  certain  temps,  les  indigènes  se  défont  difficilement  de 
leurs  animaux,  mais  cependant  à  certaines  époques  il  est  facile 
d'acheter  des  vaches  et  des  taureaux.  Je  ne  conseillerai  pas  d'entre- 
prendre l'élevage  sur  une  trop  petite  échelle  et  j'estime  qu'il  faudrait 
commencer  avec  un  minimum  de  mille  vaches;  l'achat  d'un  troupeau 
semblable  coûterait  environ  100.000  francs,  les  chevaux  nécessaires 
environ  15.000  francs,  les  barrières,  la  grosse  dépense  à  faire  dans 
les  stations  coûteraient  environ  80.000  francs.  Les  produits  du 
troupeau  ne  seraient  pas  disponibles  avant  4  ans,  il  faut  donc  pou- 
voir vivre  pendant  tout  ce  temps-là  et  entretenir  son  personnel. 
C'est  donc,  vous  le  voyez,  une  dépense  assez  élevée,  mais  les  revenus 
en  seraient  considérables  et  peuvont  être  estimés  à  40.000  francs 
par  an  pour  un  capital  de  300.000  francs  environ. 

A  Madagascar,  il  faut  compter  six  hectares  environ  pour  nourrir 
une  tête  de  bétail  ;  en  bornant  son  troupeau  à  un  maximum  de 
5.000  têtes,  c'est  donc  une  superficie  de  30.000  hectares  qu'il  est 
indispensable  d'avoir.  Les  frais  de  gardiennage  sont  minimes  lors- 
qu'il y  a  des  barrières.  Une  station  de  cette  importance  en  Australie 
aurait  comme  personnel  :  le  propriétaire  lui-même  qui  est  le  premier 
employé  de  son  affaire,  10  stockmen  payés  à  raison  de  mille  francs 
par  an    en   moyenne,    deux    hommes    chargés    de    l'entretien   des 


L'ÉLEVAGE    A    MADAGASCAR  165 

barrières  payés  au  même  prix,  et  un  cuisinier,  soit  au  total  une 
dépense  d'environ  15.000  francs.  Sur  ces  stations  australiennes,  la 
ration  comprend  exclusivement  la  farine,  du  thé,  du  sucre  et  du  sel  ; 
la  viande  est  fournie  par  le  troupeau  lui-même  et  la  dépense  de  ce 
chef  n'est  pas  considérable. 

A  Madagascar  le  véritable  stockmen  n'existe  pas,  mais  l'indigène, 
habitué  depuis  long-temps  à  garder  des  troupeaux,  notamment  le 
Sakalave,  deviendrait  très  rapidement  nn  excellent  gardien. 

La  race  du  bétail  est  elle-même  tellement  douce  qu'il  est  inutile 
de  prévoir  ces  installations  coûteuses  de  stokyard  dans  lesquelles  on 
est  obligé  en  Australie  de  mettre  les  animaux  pour  les  marquer  ou 
les  couper;  d'ailleurs  les  bois  convenables  abondent  presque  partout, 
et  barrières  et  parcs  peuvent  être  construits  à  très  peu  de  frais. 

Les  habitations  sont  peu  coûteuses  et  ce  n'est  que  lorsque  l'éle- 
veur aura  réellement  fait  sa  fortune  qu'il  pourra  songer  à  élever 
des  bâtiments  importants  ;  la  moindre  case  doit  pouvoir  lui  suffire, 
jusqu'au  moment  où  son  ailâire  sera  entrée  dans  la  voie  des 
bénétîces.  » 

UTILISATION    DU    BŒUF    A    MADAGASCAR 

Le  véritable  intérêt  de  l'élevage  du  bœuf  à  Madagascar  est  son 
exportation  en  Afrique  du  Sud,  où  il  est  vendu  principalement 
pour  la  boucherie. 

Ce  commerce  bien  compris  peut  être  une  source  de  richesse  pour 
nos  colons. 

Mais  en  dehors  de  ce  point  de  vue,  le  bœuf  rend  dans  notre 
nouvelle  colonie  de  précieux  services.  Etant  donné  le  développement 
encore  tout  récent  de  l'élevage  du  cheval,  de  l'âne  et  du  mulet,  et 
le  nombre  très  restreint  de  ces  animaux  dont  on  peut  disposer 
actuellement  pour  les  transports,  la  faculté  de  se  servir  du  bœuf 
comme  porteur  ou  animal  de  trait  devient  très  importante. 

Les  essais  de  transports  par  bœufs  porteurs  ont  été  faits  princi- 
palement dans  le  Nord  du  côté  de  Diego-Suarez,  et  dans  le  Sud 
dans  le  Cercle  des  Bara  et  à  Tuléard. 

Dressage.  —  Les  zébus  se  dressent  facilement  ;  on  les  conduit  à 
l'aide  d'un  anneau  en  fer  passé  dans  les  naseaux.  Ils  portent  des 
charges  de  60  à  80  kilos. 


166  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Faute  de  mieux,  le  bœuf  porteur  rend  des  services.  Mais  on  ne 
peut  lui  demander  que  de  très  petites  étapes,  20  kilomètres  environ 
par  jour,  et  des  allures  lentes  ;  si  on  exige  de  lui  un  travail  plus 
sévère,  il  dépérit  rapidement  et  devient  inutilisable.  Partout  où  il 
y  a  des  routes,  il  vaut  mieux  employer  le  bœuf  à  la  traction. 

Les  transports  par  voitures  à  bœufs  nous  paraissent  appelés  k  se 
développer  dans  l'île.  Le  dressage  des  animaux  se  fait  avec  la  plus 
grande  facilité,  et  pour  notre  part  nous  n'avons  jamais  eu  besoin 
de  recourir  à  l'anneau  dans  le  nez,  un  simple  licol  nous  a  toujours 
suffi  pour  conduire  nos  animaux.  La  bosse  permet  l'usage  d'un  joug 
spécial,  commode,  facile  à  faire  et  k  ajuster.  Soumis  à  un  entraîne- 
ment progressif,  le  zébu  arrive  à  fournir  de  bonnes  étapes  sans  que 
son  état  général  paraisse  en  souffrir.  Sur  de  petites  distances,  pour 
les  travaux  d'une  exploitation  agricole,  pour  le  labour  surtout,  il  rend 
les  plus  précieux  services.  Son  emploi  sur  de  grandes  lignes  d'étapes 
demande  l'observation  de  deux  conditions  essentielles  :  1°  ne  pas 
faire  plus  de  20  à  25  kilomètres  par  jour,  en  conservant  une  allure 
lente  ;  2°  une  fois  l'étape  atteinte,  laisser  aux  animaux  tout  le 
temps  nécessaire  pour  paître  à  leur  aise,  car  la  nourriture  ne  leur  est 
profitable  qu'à  la  condition  d'être  prise  lentement.  Les  mauvais 
résultats  obtenus  par  certaines  entreprises  de  transports  par- 
voitures  à  bœufs  peuvent  être  imputés,  semble-t-il,  k  l'effort  trop 
considérable  demandé  k  des  animaux  k  peine  entraînés.  Employés 
sagement  et  pour  transporter  seulement  des  marchandises  peu 
pressées,  les  bœufs  peuvent  rendre  des  services  importants. 


PRIX      DES     AMMALX 

Actuellement  k  Tananarive  une  vache  sans  bosse  réputée  bonne 
laitière  vaut  de  130  k  150  francs,  une  vache  de  race  zébu  de  60  ou 
70  francs,  un  taureau  120  francs,  un  bœuf  non  engraissé  100  francs 
au  maximum.  Dans  les  autres  parties  de  l'île,  les  prix  sont  moins 
élevés  ;  k  certaines  époques  de  l'année,  particulièrement  au  moment 
du  paiement  de  l'impôt,  les  bœufs  se  vendent  bon  marché,  et  on  a 
une  vache  pour  35  ou  40  francs,  un  taureau  pour  70  francs,  un 
bœuf  pour  50  ou  60  francs,  suivant  la  taille. 


L'ÉLEVAGE    A    MADAGASCAR  1  ()7 


II  —  L'ÉLEVAGE  DU  CHEVAL,  DE  L'ANE  ET  DU  MULET 

A.  —  LE  CHEVAL,  SON  ÉLEVAGE  AVANT  LA  CONQUÊTE 

L'introduction  du  cheval  à  Madagascar  est  bien  plus  récente  que 
celle  du  bœuf  et  date  probablement  du  règne  de  Radama  Ier,  c'est-à- 
dire  du  commencement  du  xixe  siècle. 

Avant  l'occupation  française,  les  chevaux  étaient  très  rares  dans 
l'Ile,  c'étaient  pour  les  Malgaches  des  animaux  de  luxe.  Les  grands 
chefs  du  pays  en  possédaient  quelques-uns  et  les  montaient  dans  les 
circonstances  solennelles. 

L'élevage  du  cheval  était  pratiqué  d'une  façon  presque  aussi  rudi- 
mentaire  que  celui  du  bœuf.  Les  saillies  étaient  faites  à  toute 
époque  de  Tannée,  par  des  étalons  quelconques,  souvent  vieux  et 
usés.  Les  juments  et  leurs  poulains  envoyés  au  pâturage  n'importe 
où  trouvaient  le  soir  pour  abri  de  vieilles  cases  à  moitié  démolies 
et  une  litière  rarement  renouvelée.  Le  pansage  et  autres  soins  indis- 
pensables étaient  inconnus.  Enfin  la  nourriture  des  animaux  com- 
prenait uniquement  le  fourrage  vert  et  parfois  la  paille  de  riz.  Les 
Malgaches  se  refusaient  à  donner  du  grain  aux  bêtes,  disant  que 
Dieu  réservait  le  riz  pour  la  nourriture  des  humains.  Malgré  ces 
conditions  déplorables,  malgré  l'incohérence  avec  laquelle  furent 
introduits  et  mélangés  ensuite  des  animaux  de  toutes  provenances, 
arabes,  chevaux  de  Java,  de  l'Inde,  du  Transvaal,  d'Australie,  une 
race  finit  par  se  créer  à  Madagascar. 

Race  malgache.  —  Formée  dans  les  conditions  que  nous  venons 
de  dire,  la  race  malgache  ne  peut  être  évidemment  très  homog-ène, 
elle  présente  cependant  un  certain  nombre  de  caractères  communs, 
la  taille  est  toujours  peu  élevée  et  varie  de  1"'  25  à  lm  iO  ;  la  tète 
est  généralement  lourde  et  peu  distinguée,  l'encolure  est  courte, 
souvent  mal  sortie,  le  garrot  est  empâté,  le  dos  est  souvent  long, 
la  croupe  régulière,  les  membres  excellents  et  les  pieds  bien  faits. 
Ces  petits  animaux  sont  énergiques,  rustiques  et  très  vigoureux. 
Montés  par  les  Malgaches  avec  une  ignorance  cQmplète  de  l'équi- 
tation  et  de  l'emploi  du  cheval,  ils  résistent  cependant.  Nous  avons 
vu  certains  petits  chevaux  de  1 m  30  faire,  sous  des  poids  de  80  kilos, 


1(58  ÉTUDES    ET  MÉMOIRES 

des  étapes  de  40  kilomètres  a  des  allures  moyennes  de  8  kilomètres 
à  l'heure. 

Ces  chevaux  malgaches  sont  malheureusement  peu  nombreux.  Le 
recensement  fait  en  1897  accusait  environ  367  animaux  en  Imérina,  il 
y  en  avait  peut-être  une  centaine  encore  répartis  dans  le  reste  du 
pays,  ce  qui  mettrait  à  moins  de  500  têtes  la  population  chevaline 
de  l'île  au  début  de  notre  occupation. 

Mais  quelque  soit  leur  nombre,  les  qualités  de  ces  animaux  témoi- 
gnaient de  la  vitalité  de  l'espèce  chevaline  et  de  son  aptitude  à 
s'acclimater  sur  les  hauts  plateaux. 


l'élevage  du  cheval  depuis  la   conquête 

Dès  son  arrivée  à  Madagascar,  le  général  Gallieni  voulut  s'occuper 
du  développement  de  l'élevage  du  cheval.  Dans  ce  but,  il  décida  : 
1°  d'améliorer  la  race  existante  en  faisant  venir  dans  la  colonie  des 
étalons  de  choix  ;  2°  de  rechercher  parmi  les  races  étrangères  celle 
qui  conviendrait  le  mieux  pour  l'introduction  de  juments  destinées 
à  la  reproduction  ;  3°  de  développer  chez  le  Malgache  le  goût  de 
l'élevage  du  cheval  et  de  lui  enseigner  la  manière  de  s'y  prendre 
pour  perfectionner  les  procédés  employés  par  lui  autrefois. 

Pour  obtenir  le  premier  résultat,  on  résolut  de  créer  un  dépôt 
d'étalons  à  Ampasika,  près  de  Tananarive.  Placé  sous  la  direction 
d'un  vétérinaire  militaire,  cet  établissement  possède  aujourd'hui 
environ  30  étalons  de  race  arabe,  abyssine  ou  malgache,  et  assure 
depuis  3  ans  la  saillie  de  presque  toutes  les  juments  de  la  région 
de  Tananarive.  Un  second  dépôt  d'étalons  a  été  ensuite  annexé  à 
la  Ferme  hippique  de  l'Iboaka  pour  desservir  la  région  du  Betsileo. 

L'effectif  très  restreint  de  la  population  chevaline  ne  permettant 
pas  de  se  borner  à  améliorer  la  race  de  l'île  par  sélection  et  croise- 
ment avec  des  reproducteurs  importés,  il  fallait,  pour  arriver  rapi- 
dement à  un  résultat,  déterminer  une  race  capable  de  s'acclimater 
à  Madagascar,  l'introduire  ensuite  dans  l'île.  C'est  dans  ce  but  que 
fut  créée  en  19001a  Ferme  hippique  de  L'Iboaka. 

Les  essais  ont'  jusqu'à  présent  porté  sur  trois  races,  celles  de 
Taibes,  d'Algérie,  d'Abyssinie.  Sans  pouvoir  encore  tirer  des  con- 
clusions définitives,  les  questions  d'élevage  demandant  toujours  du 


L'ÉLEVAGJE    A    MADAGASCAR  I  l)(.) 

temps  pour  donner  des  résultats,  il  semble  dès  maintenant  prouvé 
qu'il  faut  renoncer  à  faire  à  Madagascar  des  chevaux  de  grande  taille. 
Ces  animaux  sont  atteints,  à  des  degrés  diiférents  suivant  les  régions, 
par  une  maladie  du  système  osseux,  que  les  vétérinaires  croient  être 
l'ostéomalacie,  et  qui  est  due  probablement  à  la  teneur  du  sol  de 
Madagascar  en  phosphates  calcaires.  A  Tananarive,  les  cas  d'ostéo- 
malacie  sur  les  chevaux  arabes  et  tarbes  ont  été  très  nombreux;  à 
Fianarantsoa,  on  en  a  observé  un  certain  nombre.  Un  colon  d'Ant- 
sirabe,  M.  Georger,  qui  fait  de  l'élevage  et  a  des  juments  de  Tarbes, 
n'a  eu  que  très  peu  à  souffrir  de  cette  maladie,  mais  il  est  vrai  que 
les  terrains  de  sa  concession  sont  exceptionnellement  riches  en  cal- 
caire. 

Les  chevaux  d'Abyssinie,  dont  la  taille  est  peu  élevée  et  qui  sont 
très  rustiques,  semblent  jusqu'à  présent  s'acclimater  à  Madagascar. 
Ils  sont  excellents  et  présentent  l'avantage  de  pouvoir  être  facile- 
ment introduits  dans  l'île  à  cause  de  la  proximité  du  port  de  Dji- 
bouti, de  l'inauguration  récente  du  chemin  de  fer  du  Hairar  et  enfin 
du  prix  peu  élevé  auquel  on  les  achète  en  Abyssinie. 

Cette  île,  par  son  climat  et  la  nature  de  son  sol,  a  de  grandes  ana- 
logies avec  notre  nouvelle  colonie. 

Les  animaux  qui  y  vivent  auraient  de  grandes  chances  de  réussir 
facilement  à  Madagascar.  Petits,  mais  robustes,  très  adroits  et  résis- 
tants, ils  rendraient  de  précieux  services  pour  les  transports. 

Les  chevaux  de  l'Inde  ont  fait  autrefois  leurs  preuves,  car  ils  ont 
été  introduits  en  assez  grand  nombre  sur  la  côte  ouest.  Il  v  aurait 
intérêt  à  encourager  à  nouveau  leur  importation. 

Pour  remplir  la  troisième  partie  de  son  programme,  le  développe- 
ment du  goût  de  l'élevage  du  cheval  chez  l'indigène,  le  général 
Gallieni  a  encouragé  l'organisation  de  courses,  de  concours  hippiques, 
et  il  a  donné  à  la  section  chevaline  du  concours  agricole  annuel  de 
Tananarive  une  importance  prédominante.  Il  a  de  plus  fait  publier 
en  langue  malgache  des  instructions  sur  la  manière  de  comprendre 
l'élevage  du  cheval,  sur  les  soins  qu'il  faut  lui  donner  ;  enfin  en  sup- 
primant le  droit  d'entrée  il  a  favorisé  l'importation  des  chevaux. 
Une  Société  d'encouragement  vient  de  se  former  à  Tananarive  ;  sa 
création  aura  certainement  les  meilleurs  résultats  et  favorisera  gran- 
dément  le  développement  de  l'élevage  malgache. 


170  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 


RÉSULTATS    OBTENUS 


Grâce  à  ces  efforts,  les  progrès  sont  déjà  considérables.  Les  Mal- 
gaches se  sont  mis  rapidement  à  l'élevage  du  cheval,  ils  ont  compris 
les  services  que  ces  animaux  peuvent  leur  rendre,  depuis  que  les 
routes  commencent  à  sillonner  la  Grande  Ile. 

Les  anciens  étalons  dont  se  servaient  les  indigènes  ont  été  presque 
tous  castrés  et  les  juments  sont  maintenant  conduites  aux  dépôts 
d'étalons  de  Tananarive  et  de  Fianarantsoa.  Les  produits  obtenus 
ces  dernières  années  sont  généralement  bien  venus,  ils  se  distinguent 
des  anciens  poulains  malgaches  par  plus  de  taille  et  de  distinction, 
et  promettent  de  devenir  de  bons  chevaux  de  selle  ou  de  trait  léger. 

Mais  les  progrès  sont  surtout  sensibles  dans  les  soins  que  les 
Malgaches  prennent  maintenant  de  leurs  animaux.  Le  pansage  est 
entré  dans  leurs  habitudes,  les  écuries  sont  devenues  plus  confor- 
tables, le  grain  fait  maintenant  partie  de  la  ration.  L'utilité  du  che- 
val étant  maintenant  reconnue,  sa  valeur  a  augmenté  considérable- 
ment. Un  cheval  hongre,  de  taille  et  de  qualité  moyenne,  ne  se  vend 
pas  moins  de  600  à  700  francs, une  jument  vaut  toujours  de  1.000  à 
1.200.  Nous  avons  vu  des  poulinières  atteindre  les  prix  de  1.600  à 
1 .700  francs. 

L'importation  des  chevaux  de  races  étrangères  commence  égale- 
ment à  prendre  de  l'importance  :  en  1902,  environ  100  juments  abys- 
sines ou  arabes  ont  été  introduites  dans  la  colonie  par  des  particu- 
liers; elles  se  sont  vendues  à  un  prix  moyen  de  1 .000  francs. 

NOURRITURE     DES    ANIMAUX 

La  nourriture  des  chevaux  est  la  question  la  plus  importante  à 
résoudre.  C'est,  en  effet,  à  cause  de  la  pauvreté  du  sol  et  de  la 
médiocrité  des  pâturages  que  l'acclimatement  des  animaux  importés 
a  donné  lieu  à  certains  déboires. 

Nous  avons  parlé  des  pâturages  de  Madagascar  à  propos  des 
bœufs;  pour  l'élevage  du  cheval,  leur  amélioration  par  le  labour,  la 
fumure  et,  si  possible,  le  chaulage,  a  encore  plus  d'importance. 
L'absence  des  phosphates  calcaires  semble  être  la  cause  principale 
de  l'ostéomalacie;  il  en  résulte  que  le  colon  désireux  de  se  livrer  à 
l'élevage  devra,  avant  de  choisir  sa  concession,  étudier  avec  soin  la 


L ÉLEVAGK    A    MADAGASCAB 


171 


nature  du  sol.  En  dehors  des  fourrages,  la  nourriture  des  chevaux 
devra  comprendre  du  paddy  et  du  maïs.  Ces  graines  se  trouvent 
dans  presque  toutes  les  régions  de  l'île  et  en  tout  cas  sont  suscep- 
tibles d'y  être  cultivés  avec  succès. 

Voici  l'analyse  du  paddy  (riz  non  décortiqué)  et  du  maïs,  faite  au 
laboratoire  du  chimie  de  Tananarive  : 


Eau 

Cendres 

Paddy 

Maïs 

11.72 

6.60 

6.  56 

2.10 

52.18 

20.20 

12.41 
1.10 

S. 35 
5.42 

67.85 
4.38 

Matières  protéiques 

Matières  amylacées 

Cellulnsa 

90.26 

99 .  i  1 

La  ration  des  animaux  pourra  comprendre  soit   uniquement  l'un 
de  ces  grains,  soit  un  mélange  de  l'un  et  de  l'autre. 
Le  mais  devra  être  concassé  avant  d'être  distribué. 

Ration.  —  Le  tableau  suivant  indique  les  rations  journalières 
données  aux  animaux  à  la  Ferme  hippique  dlboaka  et  pourra  servir 
de  modèle  : 


ÉTALONS 

JUMENTS 

Ration 
ordinaire 

POULAINS 

Ration 
ordinaire 

Foin 

Ration 
ordinaire 

Ration 
de    monte 

4   k. 

5 

4 

0.025 

5  k. 

s 

4 

(t.  025 

5   k. 
6 
0.025 

2   k. 

2 

2 

0 .  (1 1 0 

Maïs  et  paddy  mélangé 
ou  paddy  seulement. 

Paille  de  riz 

Sel 

Les  essais  de  culture  de  l'orge  ont  donné  généralement  de  mau- 
vais résultats.  L'avoine  réussit  assez  médiocrement,  et  on  ne  peut 
encore  compter  sur  cette  céréale  pour  la  nourriture  des  chevaux. 

Dans  un   établissement  d'élevag-e,  il  y  aura  néanmoins  avantage 


172  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

à  cultiver  un  peu  d'avoine  pour  donner  aux  poulains,  car  le  paddy 
a  l'inconvénient  d'être  un  peu  dur  pour  eux,  et  il  faut  avoir  en  tout 
cas  la  précaution  de  la  concasser  avant  de  la  leur  faire  manger. 

L'Ampembv  malgache,  sorte  de  Sorgho,  donne  un  grain  que  les 
animaux  mangent  volontiers  et  dont  on  pourra  faire  usage  pour 
varier  la  ration  de  ceux  qui  se  nourrissent  difficilement. 


PRINCIPALES    RÉGIONS    FAVORARLES    A    L  ELEVAGE    DU    CHEVAL 

Les  régions  indiquées  pour  l'élevage  du  bœuf  sont  également 
celles  où  celui  du  cheval  pourrait  être  pratiqué  avec  succès. 

Cependant  les  environs  du  lac  Alaotra,  le  pays  d'Antsirabe  et 
Hetafo,  certaines  parties  du  Betsiléo  et  du  pays  Bara  nous  paraissent 
particulièrement  propices.  Les  terrains  calcaires  devront  autant  que 
possible  être  préférés  aux  autres. 

B.   —  l'an  i: 

Si  pour  le  cheval  nous  avons  des  inquiétudes,  s'il  est  vrai  que  c'est 
un  produit  difficile  à  fabriquer  et  pour  lequel  la  période  des  tâton- 
nements n'est  pas  encore  close  à  Madagascar,  pour  l'àne  au  con- 
traire le   problème  paraît  résolu. 

L'élevage  de  l'àne  réussit  parfaitement  dans  l'île.  Les  animaux 
importés  passent  par  une  période  d'acclimatement  bien  nette.  Pen- 
dant la  première  année,  l'interversion  des  saisons,  le  changement 
du  climat  et  de  la  nourriture  amènent  un  peu  de  baisse  dans  l'état 
des  nouveaux  arrivés.  Il  faut  alors  les  ménager  et  ne  pas  leur 
demander  immédiatement  un  travail  sérieux.  Mais  après  huit  ou  dix 
mois  de  séjour  dans  la  colonie,  les  animaux  reprennent  toute  leur 
vigueur.  L'élevage  de  l'âne  a  de  plus  l'avantage  d'être  tout  ce  qu'il 
y  a  de  plus  facile  et  très  peu  onéreux.  Nous  donnerons  comme 
exemple  ce  qui  a  été  fait  à  la  Ferme  de  l'Iboaka.  Les  ânesses  sont 
installées  dans  un  simple  parc  à  bœufs  malgaches  dont  une  partie  a 
été  recouverte.  Chaque  matin  elles  sont  conduites  au  pâturage  en 
troupeau,  le  soir  quand  elles  rentrent  il  leur  est  distribué  du  paddy 
à  raison  de  1  kilo  par  animal.  Seules  celles  dont  l'état  de  gestation 
est  avancé  sont  séparées  des  autres  et  couchent  dans  une  écurie 
hangar.  La  mise  bas  se  fait  presque  toujours  sans  l'aide  du  vétéri- 
naire. Quelques  soins  sont  nécessaires  pour  la   mère  et  le  produit 


L'ÉLEVAGE    A    MADAGASCAR  173 

pendant  trois  on  quatre  jours,  puis  on  les  remet  dans  le  troupeau. 
Les  saillies  se  l'ont  toute  l'année.  Le  pour  cent  des  naissances  a  été 
des  plus  satisfaisants  pendant  les  deux  dernières  années.  Les  pertes 
dues  uniquement  à  des  accidents  ont  été  insignifiantes. 

Les  ànesses  introduites  à  Madagascar  sont  presque  toutes  de  pro- 
venance algérienne.  Elles  ont  été  achetées  au  prix  moyen  de 
30  francs.  Les  baudets  destinés  à  la  reproduction  ont  coûté  environ 
100  ou  500  francs,  quelques-uns  300  et  500  francs.  Tous  ces  prix 
doivent  être  majorés  du  transport  soit  environ  250  à  300  francs  par 
tête  pour  avoir  celui  auquel  reviennent  les  animaux  dans  la  colonie. 

La  Ferme  de  llboaka  a  vendu  en  1902  environ  150  ânes  et  ànesses, 
les  haras  d'Ampasika  une  cinquantaine,  au  prix  de  200  francs. 

Les  dépôts  de  baudets  ont  été  créés  à  Ampasika  et  k  la  ferme  de 
l'Iboaka  où  Ton  a  conservé  en  outre  40  ànesses  pour  la  reproduction 
et  létude  de  transformation  de  la  race. 

Les  ânes  vendus  en  1902  sont  employés  à  faire  des  transports. 
Ces  expériences  sont  récentes,  mais  nous  sommes  convaincus 
qu'elles  donneront  de  bons  résultats  lorsque  la  question  des  bâts 
sera  résolue  et  que  les  indigènes  auront  pris  l'habitude  de  charger 
les  animaux  avec  soin  et  de  les  conduire  raisonnablement. 

Les  ânes  portent  actuellement  environ  60  kilos,  ils  font  des  étapes 
journalières  de  20  à  25  kilomètres,  à  une  allure  de  5  kilomètres  à 
l'heure  ;  un  homme  suffit  à  conduire  cinq  animaux. 

Nous  pensons  que  ce  mode  de  transport  est  appelé  à  rendre  les 
plus  grands  services,  et,  quand  l'âne  sera  suffisamment  répandu 
dans  1  île,  quand  l'indigène  sera  familiarisé  avec  son  emploi,  il  rem- 
placera avantageusement  les  bourjanes. 

C.    —   LE    MULET 

L'élevage  du  mulet  n'a  pas  encore  été  pratiqué  à  Madagascar;  il 
faut  attendre  pour  l'entreprendre  un  développement  plus  grand  de 
l'élevage  du  cheval  et  de  celui  de  l'âne.  Les  mulets  importés  à 
Madagascar  par  les  services  militaires  et  par  certains  colons  pro- 
viennent généralement  du  Poitou,  d'Algérie,  d'Abyssinie  et  de  la 
République  Argentine. 

Ces  animaux  ont  rendu  de  grands  services,  mais  comme  les  che- 
vaux de  races  étrangères  ils  sont  atteints  à  Madagascar  par  l'ostéo- 


174  ÉTUDES    FT    MÉMOIRES 

malacie.  Ceux  qui  ont  le  mieux  résisté  paraissent  être  les  Abys- 
sins et  les  Algériens.  L'impossibilité  de  faire  d'ici  de  longues  années 
de  l'élevage  du  mulet  à  Madagascar  et  le  prix  élevé,  800  francs  au 
minimum,  auquel  reviennent  ceux  de  ces  animaux  qu'on  importe 
nous  engage  à  conseiller  aux  colons  de  ne  pas  compter  beaucoup 
sur  eux  pour  les  entreprises  de  transports  ou  les  besoins  de  l'agri- 
culture à  Madagascar. 


III.  —  LES  PORCS 

L'élevage  du  porc  est  en  très  grand  progrès  parmi  les  indigènes 
depuis  quelques  années.  Il  est  pratiqué  surtout  sur  les  hauts  pla- 
teaux par  les  Hova  et  les  Betsiléo,  mais  les  populations  côtières  et 
même  les  tanala  de  la  forêt  commencent  à  s'y  adonner  avec  succès. 

Le  porc  de  Madagascar  a  le  poil  noir,  il  peut  atteindre  de  fortes 
dimensions,  et  ressemble  plus  par  sa  structure  et  sa  forme  au  san- 
glier qu'au  porc  de  France.  Sa  chair  est  très  bonne:  déjà  au  temps 
de  Flacourt  elle  avait  la  réputation  d'être  supérieure  à  celle  de  ses 
congénères  d'Europe.  Les  indigènes  consomment  beaucoup  de 
viande  de  porc,  seuls  les  habitants  de  la  côte  ouest,  d'origine  mul- 
sumane,  et  les  Sakalava  refusent  d'en  manger.  La  race  porcine  mal 
gâche  est  très  prolifique  :  les  femelles  donnent  souvent  de  8  à 
10  petits  et  la  reproduction  commence  dès  que  les  sujets  atteignent 
six  mois. 

On  peut  estimer  actuellement  à  250.000  environ  le  nombre  des 
porcs  à  Madagascar.  Ce  chiffre  pourrait  être  considérablement  aug- 
menté, si  les  indigènes  sentaient  un  débouché  assuré  pour  leurs 
produits. 

Avec  l'élevage  du  bœuf  et  des  équidés,  celui  du  porc  est  à  encou- 
rager à  Madagascar  et  pourrait  être  une  source  de  richesse  pour 
les  colons,  soit  pour  l'exportation  vers  Maurice,  la  Réunion  et 
l'Afrique  du  Sud,  soit  par  la  fabrication  des  conserves  et  des  salai- 
sons, la  vente  et  le  travail  de  peaux  ou  la  production  de  la  graisse. 
La  nourriture  des  porcs  est  facile  à  assurer  à  Madagascar  où  le 
manioc,  la  patate,  la  pomme  de  terre,  le  maïs,  le  son  de  riz  se 
trouvent  presque  partout  en  abondance.  Le  prix  d'un  porc  ordinaire 
à  Tananarive  est  de  20  francs.  Le  porc  gras  se  vend  jusqu'à  50  francs. 
Une  truie  vaut  10  à  15  francs.  Dans  le  pays  betsiléo,  les  prix  sont 
encore  moins  élevés. 


L'ÉLEVAGE  A    MADAGASCAR  175 

La  rusticité  de  la  race,  la  grande  fécondité  des  mères,  le  dévelop- 
pement rapide  des  sujets  vivant  en  liberté  permettent  d'espérer 
que  l'élevage  du  porc  pourra  prendre  à  Madagascar  un  très  grand 
développement  lorsque  la  création  d'industries  utilisant  les  produits 
de  cet  animal  ainsi  qu'un  courant  d'exportation  nettement  établi 
assureront  aux  indigènes  des  débouchés  rémunérateurs. 


IV.— LES  MOUTONS  ET  LES  CHÈVRES 

Le  mouton  de  Madagascar  appartient  à  la  race  dite  à  grosse  queue, 
dont  on  trouve  des  représentants  dans  de  nombreuses  régions  de 
l'Afrique,  et  notamment  à  Aden  et  à  Djibouti.  Cet  animal  dont  la 
laine,  sorte  de  poil  court  et  dur,  est  inutilisable  a  de  plus  l'inconvé- 
nient d'être  de  petite  taille,  de  s'engraisser  difficilement  et  de  fournir 
pour  la  boucherie  une  viande  de  qualité  médiocre.  Le  seul  avan- 
tage de  cette  race  inférieure  est  sa  rusticité:  elle  se  contente  de  soins 
insignifiants  et  n'est  pas  exigeante  sous  le  rapport  de  la  qualité  des 
pâturages.  Les  moutons  ne  sont  pas  très  nombreux  à  Madagascar: 
on  en  compte  environ  100.000  ;  les  indigènes  en  possèdent  très  rare- 
ment des  troupeaux  importants.  Cependant  la  race  est  prolifique  et 
les  brebis  ont  très  souvent  deux  agneaux  à  la  fois.  Mais  les  qualités 
médiocres  des  animaux,  les  prix  peu  élevés  auxquels  ils  se  vendent 
(7  francs  un  bélier,  3  francs  une  brebis),  les  soins  supérieurs  à 
ceux  nécessaires  pour  les  bœufs  qu'exigent  leur  élevage,  sont  peut- 
être  les  raisons  qui  empêchent  les  indigènes  de  s'y  livrer  en  grand. 

Régions  favorables.  —  Le  mouton  à  grosse  queue  ne  se  rencontre 
pas  dans  toutes  les  parties  de  l'île.  Dans  les  régions  humides  et 
chaudes  de  la  côte  Est,  il  ne  s'acclimate  que  très  difficilement;  on 
ne  1  élève  avec  succès  que  sur  les  hauts  plateaux  et  de  préférence 
dans  les  régions  les  plus  sèches,  comme  celles  du  versant  et  de  pré- 
férence dans  les  régions  les  plus  séchés,  comme  celles  du  versant 
ouest.  Le  pays  le  plus  favorable  au  mouton  parait  être  le  sud 
ouest  de  l'île  où  le  climat  est  sec,  le  terrain  relativement  riche  en 
calcaire  et  les  pâturages  suffisamment  riches.  La  région  de  l'Aka- 
ratra,  située  au  sud  de  Tananarive,  le  pays  de Mandritsara,  au  nord 
du  lac  Alaotra,  sont  également  propices  à  cet  élevage. 


176  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Essais  d'amélioration.  —  La  médiocrité  de  la  race  indigène  a 
fait  songer  dès  les  débuts  de  notre  occupation  à  recourir  à  l'impor- 
tation d'animaux  de  choix  pour  l'améliorer.  Les  premiers  essais  ont 
porté  sur  des  moutons  mérinos  envoyés  de  la  bergerie  de  Ram- 
bouillet. Ils  n'ont  pas  réussi.  Les  moutons  après  un  stage  assez  long 
dans  la  montagne  d'Ambre  furent  montés  à  Tananarive  à  la  saison 
des  pluies.  Un  grand  nombre  moururent  en  très  peu  de  temps  ;  les 
autres,  ne  pouvant  s'habituer  à  l'humidité  du  climat  et  à  la  nourri- 
ture nouvelle  qui  leur  était  donnée,  dépérirent  rapidement.  Il  ne 
reste  plus  actuellement  qu'une  brebis  mérinos  qui  est  à  Antsirabe. 
Nous  croyons  cette  race  trop  délicate  pour  Madagascar. 

En  1902,  de  nouveaux  essais  furent  entrepris,  ils  portèrent  sur 
deux  races:  les  moutons  d'Algérie  et  les  moutons  solognots.  Les 
expériences  durent  encore  ;  des  béliers  et  des  brebis  ont  été  envoyés 
à  Tananarive,  à  la  Ferme  hippique  dTboaka,  à  Fort-Dauphin  et  à 
Tuléar.  D'après  ce  que  nous  avons  vu  de  ces  expériences,  nous  pen- 
sons que  le  mouton  d'Algérie  pourra  s'acclimater  dans  les  régions 
les  plus  sèches  de  l'île  et  particulièrement  dans  la  province  de 
Tuléar.  Le  mouton  solognot  semble  devoir  réussir  à  peu  près  par- 
tout sur  les  hauts  plateaux. 

A  la  Ferme  de  lTboaka,  les  animaux  de  cette  race  qui  nous  ont 
été  confiés  sont  en  parfait  état;  les  brebis  ont  donné  de  fort  beaux 
agneaux.  L'acclimatement,  en  un  mot,  a  paru  se  faire  facilement  et 
pourtant  le  climat  Betsiléo,  dans  la  province  de  Fianarantsoa,  est 
relativement  humide. 

Mais  la  vraie  solution,  croyons-nous,  serait  de  créer  une  race  de 
moutons  à  laine  à  Madagascar.  Il  faudrait  pour  cela,  après  avoir 
étudié  ditférentes  races,  déterminer  celle  qui  conviendrait  le  mieux 
au  climat  et  au  sol  de  l'île,  importer  ensuite  des  béliers  de  choix  et 
procéder  par  croisement  avec  les  brebis  indigènes.  Les  produits 
mâles  seraient  castrés,  les  femelles  conservées  et  saillies  par  des 
béliers  de  race  pure  ;  en  continuant  à  procéder  ainsi  jusqu'à  la 
quatrième  génération,  on  obtiendrait  des  animaux  chez  qui  le  sang 
de  la  race  importée  dominerait,  et  qui  deviendraient  le  point  de 
départ  de  la  nouvelle  race  de  moutons  malgaches.  Les  béliers 
solognots  conviendraient  bien  pour  ces  expériences.  Il  y  aurait 
intérêt  à  faire  également  des  essais  avec  la  race  australienne. 

Il  est  impossible  dès  maintenant  de  se  prononcer  sur  l'avenir  de 
lélevage  du  mouton  à  Madagascar,  la  question  étant  étudiée  depuis 


L'ÉLEVAGE    A    MADAGASCAR  177 

trop  peu  de  temps,  mais  nous  devons  attirer  sur  son  importance 
l'attention  des  colons.  Si  Madagascar  pouvait  devenir  un  pays 
producteur  de  moutons,  elle  pourrait,  grâce  à  sa  situation,  lutter 
victorieusement  avec  l'Australie  sur  les  marchés  de  l'Afrique  du 
Sud. 

CHÈVRES 

Les  chèvres  ont  été  introduites  à  Madagascar  par  les  Arabes  ;  elles 
sont  nombreuses  sur  la  côte  Ouest,  principalement  Nord-Ouest  ; 
elles  réussissent  bien  sur  les  hauts  plateaux. 

Les  qualités  laitières  des  chèvres  sont  médiocres  comme  pour  les 
vaches,  et  pour  les  mêmes  raisons.  Leur  chair  peu  appréciée  est 
consommée  par  les  indigènes,  leur  peau  est  expédiée  en  Angleterre 
pour  la  cordonnerie. 

L'élevage  des  chèvres  n'est  pas  à  encourager,  spécialement  à  cause 
de  son  peu  de  rapport  d'une  part,  et  des  ravages  qu'il  occasionne 
au  point  de  vue  de  la  destruction  des  arbres  dans  les  régions  où  on 
le  pratique. 

La  colonie  s'est  mise  en  relations  avec  le  consul  général  de 
France  au  Cap  et  va  recevoir  de  ce  pays  des  chèvres  Angora.  Le 
prix  d'une  chèvre  à  Tananarive  est  de  5  à  6  francs. 


V.  —  VOLAILLES 


Les  volailles  réussissent  très  bien  dans  toutes  les  régions  de 
Madagascar.  Les  coqs  et  les  poules  appartiennent  à  l'espèce  dite 
Coq  de  Combat;  ils  sont  hauts  perchés  sur  pattes.  La  chair  est 
bonne,  mais  les  poulets  sont  rarement  bien  gras  II  y  aurait  intérêt 
à  introduire  à  Madagascar  quelques-unes  de  nos  belles  races  de 
France. 

Les  oies,  les  canards,  les  dindes,  les  pintades  sont  d'excellente 
qualité  et  se  rencontrent  en. abondance  dans  tous  les  villages. 

Les  pigeons,  plus  récemment  introduits,  viennent  très  bien  et  se 
multiplient  rapidement. 

Les  indigènes  pratiquent  l'élevage  de  la  volaille  sans  y  prendre 
grand  soin.  Les  animaux  mangent  comme  ils  peuvent,  picotant  ça 

Bulletin  du  Jardin  colonial.  12 


178  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

et  là  tout  ce  qu'ils  trouvent  autour  du  village  ;  le  riz  est  la  base  de 
leur  nourriture.  Les  poulaillers  n'existent  pas  ;  les  volailles  sont 
rentrées  le  soir  dans  les  cases,  ou  dans  de  petites  cages  pratiquées 
dans  des  angles  de  mur  ou  dans  des  maisons  en  ruines.  L'art 
d'engraisser  les  volailles  n'est  connu  qu'à  Tananarive  et  dans 
quelques  villes,  mais  les  indigènes  le  pratiquent  rarement. 

Les  prix  sont  :  coq  (beau)  2  francs,  poule  1  fr.  25,  canard  et 
cane  1  franc,  jars  3  francs  75,  oie  2  à  3  francs,  dindon  3  francs, 
dinde   2   fr.    50,  canard  de    Barbarie  4  franc    5(1  à   2  francs,    cane 

I  fr.  25,  pigeon  I  fr.  50,  la  paire  pigeon  pattu  7  francs  la 
paire. 

On  voit  combien  ces  prix  sont  peu  élevés.  Au  Cap  et  dans  les 
ports  d'Afrique  du  Sud,  la  volaille  est  au  contraire  payée  très  cher. 

II  y  a  donc  là  une  source  de  richesse  qui  mérite  d'attirer  l'attention 
des  colons  et  de  les  encourager  à  pratiquer  l'élevage  surtout  le 
commerce  des  volailles  en  vue  de  l'exportation. 

Lieutenant  Charles  Roux, 
Directeur  de  la  ferme  hippique  de  l'Iboaka. 


L'ÉLEVAGE     A     LA     NOUVELLE-CALÉDONIE 

[Suite.) 

CHAPITRE     VIII 
Marquage.  Castrations. 

Nous  allons  maintenant  dire  quelques   mots  de  trois  opérations 
importantes  dans  la  pratique  de  l'élevage  calédonien.  Ce  sont  : 
1°  Marquage, 
2°  Castration  des  mâles, 
3°  Castration  des  femelles. 

Marquage.  —  Dans  tous  les  pajs  de  grand  élevage  en  liberté,  il 
est  indispensable  que  chaque  éleveur  puisse  facilement  reconnaître 
son  bétail,  même  s'il  est  mélangé  avec  un  autre  troupeau  et  qu'il 
ait  la  possibilité  de  faire  la  preuve  de  ses  droits  de  propriétaire. 

Ce  double  but  est  atteint  grâce  à  l'obligation  de  la  marque,  opé- 
ration réglementée  dans  la  colonie  d'une  façon  très  précise,  par 
l'arrêté  du  1 1  mars  1895.  Nous  allons  en  reproduire  les  articles 
ayant  un  intérêt  direct  pour  cette  étude. 

Article  1er.  —  Il  est  ouvert  dans  les  bureaux  de  la  Direction  de 
l'Intérieur  un  registre  destiné  à  recevoir  l'inscription  des  marques 
de  bétail  ou  de  chevaux 

Nul  ne  pourra  obtenir  la  délivrance  d'une  marque  s'il  ne  justifie 
qu'il  est  propriétaire  de  bétail  ou  de  chevaux. 

Chaque  propriétaire  de  bétail  ou  de  chevaux  aura  le  droit  de 
choisir  sa  marque,  qui  devra  se  composer  de  deux  lettres  de  l'alpha- 
bet et  d'un  chiffre  numérique  ;  ce  chiffre  devra  précéder,  diviser  ou 
suivre  les  lettres.  Exemple  :  3AB,  A3B,  -AB3. 

Les  lettres  et  les  chiffres  devront  être  apposés  dans  leur  posi- 
tion naturelle  et  n'être  ni  renversés  ni  accolés. 

Le  chiffre  devra  toujours  être  de  dimension  moindre  que  les 
lettres. 

Art.  2.  —  L'intéressé  sera  tenu  de  déposer  à  la  Direction  de  l'Inté- 


ISO  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

rieur  un  fac-similé  de  sa  marque  dont  l'impression  aura  élé  faite  à 
chaud  sur  une  planchette. 

Ce  dépôt  ne  sera  accepté  que  si  la  marque  est  conforme  aux 
prescriptions  ci-dessus. 

Il  sera  délivré,  à  toute  personne  ayant  déposé  sa  marque,  un  cer- 
tificat extrait  d'un  registre  à  souche  constatant  ce  dépôt. 

Ce  certificat  fera  mention  des  marques  anciennes  possédées  par 
le  déposant. 

Il  est  défendu  de  se  servir  d'une  marque  sans  être  muni  du  certi- 
ficat dont  il  est  parlé  aux  ^  2  et  3  précédents. 

Art.  3.  —  Les  marques  seront  distribuées  dans  l'ordre  des 
demandes  faites  à  la  Direction  de  l'Intérieur. 

Au  cas  où  un  propriétaire  demanderait  une  marque  déjà  prise,  il 
serait  tenu  de  modifier  sa  demande,  afin  d'éviter  un  double  emploi. 

Art.  4.  —  Pour  les  bêtes  à  cornes  et  pour  les  chevaux,  et  en  cas 
de  changement  de  propriétaire,  les  marques  successives  seront 
apposées  comme  suit   : 

Bœufs.  Chevaux. 

lre  marque  Croupe  côté  droit  Epaule  gauche 

2°                            —       côté  gauche  —       droite 

3e  Epaule  droite  Encolure  gauche 

4e        —  Epaule  gauche  —       droite 

5e  Côtes  droites  Cuisse  gauche 

6e  Côtes  gauches  —     droite 

Les  dimensions  des  marques  ne  peuvent  pas  être  inférieures  : 
Pour  les  bêtes  à  cornes  a  0  '"08  (huit  centimètres    : 
Pour  les  chevaux,  à  0  "'  06  (six  centimètres). 

En  cas  de  contestation  relative  à  une  bête  portant  plusieurs 
marques,  les  marques  enregistrées  seront  seules  prises  en  considé- 
ration. 

Art.  .">.  Par  dérogation  aux  présentes  dispositions,  les  proprié- 
taires ayant  possédé  du  bétail  avant  la  mise  en  vigueur  de  cette  nou- 
velle réglementation  ne  seront  pas  tenus  de  marquer  à  nouveau  ou 
de  contremarquer  leurs  troupeaux.  Toutefois  ils  devront  se  mettre 
en  mesure  d'appliquer  le  nouveau  système  à  compter  du  Ier  juillet 
1895,  sur  toute  bête  non  marquée. 


L'ÉLEVAGE    A    LA    .NOUVELLE-CALÉDONIE  181 

Après  cette  date,  quiconque  se  sera  servi  dune  marque  non  enre- 
gistrée sera  passible  d'une  amende  de  cent  francs. 

Dans  le  même  délai,  les  éleveurs  auront  à  déclarer  les  anciennes 
marques  dont  il  sera  fait  mention  sur  le  registre  à  souches. 

A  la  lin  de  chaque  mois,  le  Journal  Officiel  de  la  colonie  ainsi  que 
le  Bulletin  Officiel  publieront  la  liste  des  marques  enregistrées,  en 
y  ajoutant  le  nom  des  propriétaires  et  de  leurs  stations. 

Art.  6.  —  Un  inspecteur  sera  chargé  de  faire  exécuter  les  pré- 
sentes et  au  besoin  de  verbaliser  en  cas  d'infraction.  Il  prêtera  ser- 
ment à  cet  effet. 

Cet  inspecteur  aura  le  droit  de  pénétrer  dans  tous  abattoirs,  sta- 
tions (habitations  exceptées)  et  sur  tous  les  terrains  domaniaux  sans 
exception,  pour  s'assurer  de  l'application  du  présent  arrêté. 

Telles  sont  les  règles  à  suivre  pour  le  marquage  régulier  du 
bétail.  Quant  à  la  pratique  de  l'opération,  elle  est  des  plus  simples, 
car  on  l'effectue  le  plus  souvent  sur  de  jeunes  bètes.  L'animal  est 
pris  par  le  cou,  ou  mieux  si  c'est  possible  par  les  cornes,  dans  le 
nœud  coulant  dune  longue  et  forte  corde  (dite  corde  à  lacer).  Il 
est  ainsi  amené  contre  lune  des  faces  d'un  compartiment  du  sto- 
ckvard.  A  ce  moment,  deux  hommes  ayant  chacun  une  corde  de 
2  m  50  à  3  mètres  (corde  à  pied)  saisissent  l'un  le  pied  gauche  de 
derrière,  1  autre  le  pied  gauche  de  devant.  Quand  ces  deux  cordes 
sont  solidement  fixées  sur  la  barrière  contre  laquelle  l'animal  a  été 
amené,  on  lâche  la  tète  et  la  bête  tombe  sur  son  côté  gauche. 

Deux  hommes  la  maintiennent  à  terre  pour  l'empêcher  de  trop  se 
secouer,  pendant  qu'un  troisième  appose  la  marque  suivant  les 
règles  prescrites. 

La  corde  à  lacer  ayant  été  dégagée  au  moment  où  la  bête  est 
tombée,  une  deuxième  est  saisie  pendant  que  l'on  opère  sur  la  pre- 
mière et  le  travail  continue  sans  interruption. 

Pour  cette  opération,  les  marques  en  cuivre  sont  celles  qui  con- 
viennent le  mieux,  parce  qu'elles  conservent  la  chaleur  plus  long- 
temps que  celles  en  fer.  Elles  devront  en  outre  être  suffisamment 
légères  (0  kil.  800  avec  la  tige)  pour  suivre  le  frissonnement  de  la 
peau  au  moment  du  contact.  La  marque  ne  doit  pas  être  pressée 
contre  l'animal,  ni  appuyée  brusquement.  On  se  contentera  de  la 
poser  bien  à  plat  pour  éviter  une  brûlure  trop  intense  qui  percerait 
la  peau,  on  ferait  un  placard  informe.  La  meilleure  température  est 
atteinte  lorsque  la  marque  a  une  couleur  rouge  cerise. 


182  ÉTUDES    ET  MÉMOIRES 

Il  peut  être  très  utile  lors  du  recensement  de  déterminer  rapide- 
ment l'âge  approximatif  des  animaux.  On  y  arrivera  facilement  au 
moyen  de  la  marque,  si  Ton  prend  la  précaution  de  changer  tous 
les  ans  la  position  relative  des  lettres  et  du  chiffre.  Partons  par 
exemple  de  1890.  Avec  la  marque  prise  comme  tj'pe  dans  l'arrêté 
ci-dessus,  on  pourrait  y  obtenir  les  dispositions  suivantes  : 

1890 ABU 

1891 A3B 

1892 3AB 

1893 BA3 

1894 B3A 

1895 3BA 

1896 AB3 

et  la  série  recommence. 

Supposons  que  nous  soyons  en  1900  et  que  nous  ayons  sous  les 
yeux  une  vache  marquée  3AB.  On  a  pu  lui  apposer  cette  marque 
en  1892  et  elle  aurait  de  8  à  9  ans,  ou  6  ans  plus  tard  en  1898  et 
aurait  de  2  à  3  ans. 

Entre  ces  deux  solutions,  le  choix  est  facile,  et  il  le  sera  toujours 
si  comme  cela  doit  être  fait  on  n'a  pas  de  bêtes  ayant  plus  de  10  à 
11  ans. 

Quelques  éleveurs  préfèrent  néanmoins  apposer  à  l'épaule  une 
contremarque  constituée  par  le  dernier  chiffre  du  millésime  de  l'an- 
née où  l'on  opère. 

En  1896,  la  contremarque  aurait  été  le  chiffre  6. 
En  1901  —  —  1. 

Cette  pratique,  à  notre  avis,  ne  vaut  pas  la  précédente.  Elle  est 
moins  expéditive,  puisqu'elle  exige  l'apposition  d'une  quatrième 
marque  et  moins  commode,  car  assez  souvent  la  marque  à  l'épaule 
placée  trop  bas  n'est  pas  facilement  visible. 

Castration  des  mâles.  —  On  profite  toujours  de  l'abattage  des 
jeunes  veaux  au  moment  du  marquage  pour  opérer  la  castration. 

L'homme  qui  marque  ouvre  le  scrotum  avec  un  couteau  bien 
tranchant,  de  façon  à  mettre  à  nu  le  testicule  avec  son  cordon  et 
son  canal  déférent.  Ces  derniers  sont  tranchés  au  ras  du  testicule 
et  l'opération  est  terminée. 


L'ÉLEVAGE    A    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE  183 

C'est,  comme  on  le  voit,  la  chose  du  monde  la  plus  simple  ;  elle 
est  si  vite  effectuée  quand  on  a  une  équipe  bien  entraînée,  qu'il 
n'est  pas  rare  de  voir  marquer  et  castrer  de  35  à  40  jeunes  à  l'heure. 

Grâce  à  la  salubrité  du  pays  et  à  l'absence  de  toute  maladie 
épidémique  du  bétail,  la  mortalité  est  nulle,  quoique  l'on  ne  prenne 
jamais  aucun  soin  antiseptique. 

Castration  des  vaches.  —  Cette  opération  assez  couramment 
pratiquée  par  les  éleveurs  calédoniens  est  effectuée  généralement 
sur  les  vaches  très  vieilles  arrivées  au  terme  de  leur  carrière  comme 
reproductrices  et  que  l'on  veut  préparer  pour  la  boucherie. 

La  vache  ainsi  traitée  prend  de  l'embonpoint  en  utilisant  mieux 
la  nourriture  dont  elle  dispose,  la  graisse  se  dépose  dans  ses  tissus 
et  elle  fournit  une  viande  d'excellente  qualité,  plus  tendre,  plus 
succulente  que  celle  de  la  vache  à  laquelle  on  a  laissé  ses  glandes 
génitales. 

L'ovariotomie  augmente  en  outre  la  lactation  et  la  prolonge.  Si 
donc  la  vache  castrée  ou  bceuvonne  a  un  jeune  produit  au  moment 
où  on  l'opère,  ce  dernier  n'en  souffrira  pas  au  contraire. 

Enfin  on  devrait  encore  castrer  dans  les  troupeaux  calédoniens  les 
jeunes  femelles  manifestement  défectueuses,  que  l'on  a  tout  intérêt 
à  ne  pas  voir  reproduire.  Elles  seraient  dans  ce  cas  traitées 
comme  les  mâles  et  livrées  au  boucher  lorsqu'elles  ont  acquis  leur 
complet  développement,  c'est-à-dire  lorsqu'elles  sont  adulles.  Cette 
opération  judicieusement  appliquée  venant  rendre  plus  efficace  une 
sélection  rigoureuse  serait  d'un  grand  secours  à  l'éleveur  qui,  sou- 
cieux de  ses  intérêts,  se  déciderait  à  améliorer  son  troupeau.  Il  arri- 
verait ainsi  très  rapidement  à  éliminer  les  causes  principales  de 
dégénérescence. 

Nous  avons  vu  au  commencement  de  cette  étude  que  M.  Aggle, 
venu  d'Australie  chez  M.  Cheval,  pratiqua  le  premier  en  Calédonie 
la  castration  par  le  flanc.  C'est  actuellement  la  seule  méthode 
employée  par  les  éleveurs. 

Voici,  d'après  M.  le  professeur  Cadiot1,  d'Alfort,  la  manière 
d'opérer   : 

Sur  la  vache  on  fait  la  laparatomie  dans  le  flanc  droit,  l'opérée 
assujettie  en  position  debout  au  travail  ou  contre  un  mur. 

1.  Cadiot,  De  l'Ovariolomie  chez  la  j  unie  ni  el  chez  In  vache.  Asselin  et  Houzeau, 
Paris,  1893. 


LSi  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Le  creux  du  flanc  préparé  (peau  rasée,  savonnée,  désinfectée)  on 
fait  une  incision  cutanée  de  10  centimètres,  oblique  de  haut  en  bas 
et  d'arrière  en  avant,  suivant  la  direction  des  libres  et  l'ilio  abdo- 
minal; on  traverse  celui-ci  avec  le  doigt,  on  agrandit  suffisamment 
l'ouverture  dans  le  sens  des  fibres  musculaires  et  on  perfore  le  péri- 
toine. Si  les  tissus  sont  divisés  au  bistouri  et  que  l'on  sectionne  des 
divisions  de  l'artère  circonflexe,  il  faut,  avant  d'ouvrir  la  séreuse, 
arrêter  le  sang  par  la  torsion,  l'application  de  pinces  ou  par  des 
ligatures.  La  main  aseptique  pénètre  dans  la  cavité  abdominale  et 
va  à  la  recherche  des  ovaires. 

Il  est  rare  qu'on  puisse  les  amener  à  l'extérieur,  presque  toujours 
leur  incision  doit  être  pratiquée  dans  le  ventre.  Le  premier  ovaire 
saisi,  on  introduit  l'écraseur  le  long  du  bras,  on  engage  la  glande 
dans  l'anse  de  la   chaîne  et  on  divise  lentement  le  pédoncule.   La 

seconde  glande  est  enlevée  de  la  même  manière.  . 

On  ferme  la  plaie  par  deux  ou  trois  coutures  étagées,  une  pro- 
fonde péritonéale  au  catgut,  une  musculaire  également  au  catgut. 
une  cutanée  à  la  soie  ;  on  enduit  la  couture  d'une  couche  de  collo- 
dion  iodoformé  et  l'on  recouvre  la  région  d'un  pansement.  » 

Le  procédé  appliqué  par  les  éleveurs  calédoniens  présente  beau- 
coup d'analogies  avec  le  précédent,  aussi  allons-nous  nous  borner 
a  indiquer  les  différences  : 

La  vache  est  opérée  debout,  mais  l'incision  est  pratiquée  sur  le 
flanc  gauche  et  sur  la  peau  non  préparée.  Les  muscles  sous-jacents 
sont  déchirés  avec  les  deux  mains  et  jamais  incisés,  de  sorte  que  la 
rupture  des  artères  qui  les  sillonnent  est  très  rare.  L'opérateur  intro- 
duisant son  poing  gauche,  perce  le  péritoine  avec  son  index  et  va 
chercher  les  ovaires.  Ceux-ci  sont  détachés,  non  avec  un  écraseur, 
mais  avec  un  petit  couteau  à  lame  en  crochet,  moucheté  à  son 
extrémité,  et  à  manche  long  et  flexible. 

Lorsque  les  ovaires  sont  enlevés,  on  ferme  la  plaie  en  rappro- 
chant les  deux  lèvres  du  derme  par  3  ou  i  points  de  suture  avec  du 
fil  à  voile  ciré.  On  badigeonne  la  couture  avec  un  peu  de  goudron 
végétal  et  l'opération  est  terminée. 

De  suture  du  péritoine  et  de  la  couche  musculaire  point,  de  soins 
antiseptiques  point.  On  cherche  à  opérer  rapidement  et  Ton  y  réus- 
sit, car  nous  avons  vu  des  opérateurs  arriver  à  castrer  12  vaches  k 
l'heure,  en  comptant  le  temps  nécessaire  à  l'assujettissement  de  l'ani- 
mal. Quand  le  moment  est  bien  choisi  et  l'opération  bien  faite,  la 
mortalité  est  peu  considérable  et  ne  dépasse  pas  2  et  3  %. 


L'ÉLEVAGE    A    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE  185 

Il  faut,  pour  atteindre  ce  résultat,  choisir  un  temps  chaud  et  un 
peu  sec.  La  pluie  et  le  froid  fatiguent  les  bêtes,  et  occasionnent 
beaucoup  de  péritonites.  Il  ne  faut  pas  non  plus  castrer  pendant  la 
vraie  saison  chaude,  à  cause  des  mouches,  qui,  se  collant  sur  la 
plaie,  l'empêchent  de  se  cicatriser  rapidement.  De  même  il  sera 
bon  que  les  vaches,  dès  que  la  fièvre  inévitable  qui  suit  l'opération 
sera  terminée,  puissent  trouver  en  quantité  suffisante  une  nourri- 
ture substantielle. 

D'après  M.  le  professeur  Cadiot.  l'opération  doit  être  pratiquée 
quelque  temps  après  la  parturilion,  avant  le  retour  des  chaleurs,  délai 
moyen  six  semâmes,  termes  extrêmes  un  et  trois  mois. 

Il  sera  très  difficile  à  l'éleveur  calédonien  de  réaliser  cette  consi- 
dération, aussi  ne  s'en  préoccupe-t-il  pas  outre  mesure.  Cependant 
si,  après  avoir  pratiqué  l'incision,  on  s'apercevait  que  la  vache  est 
pleine  avancée,  il  serait  bon  de  ne  pas  la  castrer  pour  éviter  un 
avortement,  qui  peut-être  entraînerait  la  mort  de  la  mère.  On  en 
serait  quitte,  dans  ce  cas,  pour  laisser  les  ovaires  et  refermer  la 
plaie. 

Enfin  il  faudra  toujours  avoir  soin  de  rentrer  les  vaches  à  opérer 
la  veille  dans  le  stockvard,  de  façon  à  leur  faire  subir  une  diète  d'au 
moins  une  nuit.  Après  l'opération,  elles  retourneront  paisiblement 
dans  leurs  pâturages  respectifs,  et  on  évitera  soigneusement  de  les 
déranger  pendant  une  dizaine  de  jours  au  moins,  c'est-à-dire  jusqu'à 
la  cicatrisation  complète  de  la  plaie. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  la  mortalité  était  très  peu  considé- 
rable eu  égard  à  la  gravité  de  l'opération  effectuée.  Il  ne  faut  pas 
croire  cependant  que  la  moyenne  ne  s'élève  jamais  au-dessus. 
Lorsque  les  pluies  surviennent  dans  les  premiers  jours  après  l'opé- 
ration, lorsque  les  vaches  sont  dérangées  trop  souvent,  ou  bien  encore 
lorsqu'elles  ont  été  excitées,  échauffées  par  un  trop  long  séjour  dans 
le  stock vard,  on  voit  cette  moyenne  s'élever  très  considérablement. 
En  18î>0,  sur  192  vaches  castrées  par  l'un  des  opérateurs  les  plus 
habiles  de  la  colonie,  nous  avons  enregistré  33  décès,  soit  18  °/0. 
Ce  qui  explique  cette  forte  mortalité,  c'est  que  les  vaches  en  ques- 
tion se  trouvaient  dans  une  station  montagneuse,  relativement 
froide,  et  que  des  pluies  abondantes  sont  survenues  immédiatement 
après  l'opération.  De  plus,  les  vaches  ont  été  souvent  dérangées 
par  le  va-et-vient  de  quelques  ouvriers  occupés  à  faire  des  sentiers. 

Il  nous  a  paru  intéressant  de  rechercher  à  quel  âge  la  vache  sup- 


ISti 


ETUDES    ET    MEMOIRES 


porte  le  mieux  la  castration.  On  avait  en  effet  opéré  sur  des  bêtes 
de  tout  âge  que  nous  avons  rangées  en  3  catégories  : 

1  ii  3  ans,  3  à  6  ans,  plus  de  6  ans;  ces  dernières  étant  immédia- 
tement livrables  à  la  boucherie. 

Dans  chaque  catégorie,  il  a  été  castré  en  juin  1899  : 

Femelles  de  1  à  3  ans 76 

—  3  à  (î  ans 67 

—  plus  de  6  ans  .  .        i9 

Total 192 

Le  recensement  de  la  station  a  été  fait  au  mois  de  septembre  de 
la  même  année,  et  voici  les  chiffres  obtenus  : 

Mortalité  signalée 35 

Recensées  :    Femelles  de  1  à  3  ans 76    , 

3  à  6  ans 67 

de  plus  de  six  ans...        6  \   149 
Disparues     (mortes    ou    non    recen- 
sées)          8 

Ï92 

Ainsi  donc,  toutes  les  femelles,  castrées  avant  l'àg-e  de  six  ans, 
ont  résisté  à  l'opération,  malgré  les  circonstances  défavorables  qui 
l'ont  suivie.  La  mortalité  a  seulemement  été  constatée  sur  les  vaches 
de  plus  de  six  ans.  Nous  ne  voulons  certainement  pas  ériger  cette 
observation  en  règle  absolue,  car  elle  aurait  besoin  d'être  contrôlée 
par  des  expériences  nombreuses  et  bien  suivies. 

Elle  n'en  constitue  pas  moins  une  remarque  importante  et  une 
bonne  indication  pour  l'éleveur. 

D'une  manière  générale,  les  vaches  soumises  à  la  castration  sont 
choisies  parmi  les  plus  vieilles,  et  c'est  ce  qui  expliquerait  jusqu'il 
un  certain  point  la  mortalité  relativement  élevée  que  l'on  a  eu  par- 
fois à  constater.  Ces  échecs  partiels  ont  même  découragé  certains 
éleveurs  qui  ont  cherché  à  se  passer  de  la  castration. 

Les  Australiens  entre  autres  ne  la  pratiquent  que  fort  rarement, 
et  l'ont  remplacée  par  la  pratique  suivante  : 

On  a  observé  que  quelque  temps  après  une  saillie  féconde,  les 
femelles  avaient  un  appétit  plus  grand  et  une  digestion  plus  active 
qu'à  l'état  normal. 


L'ÉLEVAGE    A    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE  187 

Elles  utilisent  mieux  par  conséquent  les  aliments  mis  k  leur  dis- 
position, et  on  constate  généralement  une  amélioration  de  l'état 
physique.  La  bête  prend  du  muscle  et  commence  à  engraisser. 

La  nature  prévoyante  transforme  la  mère  en  une  réserve  d'ali- 
ments, qui  serviront  plus  tard  au  développement  du  fœtus  et  à  son 
entretien. 

La  méthode  à  suivre  est  dès  lors  tout  indiquée. 

Les  vaches  à  livrer  à  la  boucherie  sont  mises  au  taureau.  Dès 
quelles  ont  supporté  une  saillie  féconde,  on  les  sépare  rigoureuse- 
ment du  mâle  et  on  les  place  dans  un  bon  pâturage.  Là,  subissant 
l'action  physiologique  de  leur  récente  fécondation,  elles  commencent 
à  engraisser.  Au  bout  de  deux  mois  et  demi  à  trois  mois,  leur  nour- 
riture  a  été  suffisante,  elles  peuvent  être  livrées. 

Tout  naturellement,  elles  seront  moins  grasses  que  les  bœu- 
vonnes,  leur  viande  sera  moins  juteuse,  et  leur  augmentation  de 
poids  moins  considérable.  Mais  on  n'aura  pas  couru  les  risques  de 
la  castration,  et  on  aura  amélioré  d'une  manière  suffisante  des  bêtes 
que  sans  cette  précaution  la  boucherie  n'aurait  acceptées  que  diffici- 
lement ou  à  bas  prix. 

On  pourrait  donc,  pour  approcher  le  plus  possible  de  la  perfection, 
combiner  les  deux  méthodes  de  la  manière  suivante  : 

1°  Castration  des  bêtes  jeunes,  que,  pour  une  raison  quelconque, 
on  ne  veut  pas  garder  pour  la  reproduction; 

2°  Préparation  pour  la  boucherie,  par  la  méthode  australienne, 
des  femelles  arrivées  au   terme  de  leur  carrière  de  reproductrices. 

N.  B.  — -  \h\  point  important,  que  nous  avons  omis  de  signaler  en 
parlant  de  la  préparation  des  bœuvonnes  pour  la  boucherie  :  quand 
ces  dernières  sont  suitées  il  ne  faut  pas  oublier  de  sevrer  leurs  pro- 
duits dès  qu'ils  ont  l'âge  voulu,  sans  quoi  les  vaches  ne  s'engraisse- 
ront que  fort  peu  et  l'on  perdra  tout  le   bénéfice  de  l'opération. 

CHAPITRE     IX 
Budget  d'une  station. 

Nous  choisirons  comme  base  d'études  une  station  isolée  de 
2.000  hectares,  s' administrant  elle-même,  formant  une  organisation 
complète. 

Sur  une  semblable  étendue,  on  pourra  à  grand'peine,  dans  l'état 


188  ÉTUDES    ET    HÉMOIRES 

actuel  des  pâturages,  entretenir  un  troupeau  de  700  têtes.  Cela 
représente  une  tête  de  bétail  pour  3  hectares.  Cette  moyenne  est 
certainement  au-dessus  de  la  réalité,  et  dans  la  très  grande  généra- 
lité des  cas  la  superficie  mise  à  la  disposition  d'une  tête  de  bétail 
est  plus  considérable.  Cependant  nous  accepterons  ce  chiffre,  parce 
que  très  souvent  le  terrain  parcouru  en  plus  est  constitué  par  des 
forêts,  des  brousses  inutilisables  isolément,  des  mamelons  dénudés, 
des  terrains  du  domaine  ne  payant  pas  de  location,  et  qui  par  suite 
ne  doivent  pas  figurer  dans  le  budget  de  la  station. 

Il  ressort  de  nombreuses  moyennes,  prises  dans  différents  recen- 
sements, que  les  femelles  aptes  k  la  reproduction  représentent 
30  °/0  du  troupeau  mixte.  Nous  aurons  donc  dans  le  cas  présent 
21  0  femelles. 

Or  la  production  annuelle  s'élevant  k  70  °/0  des  femelles  ou 
21  °/0  d'un  troupeau  mixte,  nous  aurons  k  marquer  au  prochain 
recensement  147  jeunes  que  l'on  pourra  diviser  en  : 

7;i  mâles, 
72  femelles, 

puisque  dans  les  naissances  il  y  a  k  peu  près  équilibre  des  sexes, 
avec  une  légère  prédominance  des  mâles. 

Les  naissances  se  produisent  un  peu  toute  l'année,  la  monte 
n'étant  pas  réglée;  cependant  il  y  a  deux  périodes  assez  bien  mar- 
quées : 

Lune  en  février  ; 

L'autre  en  novembre-décembre,  de  beaucoup  la  plus  importante. 

Dans  les  années  normales,  la  mortalité  ne  dépasse  jamais  2  °/0  du 
troupeau  mixte. 

Enfin,  on  admet  d'une  manière  générale  que  l'on  a  tous  les  ans, 
comme  bétail  livrable  : 

Bœufs,  1/10  du  troupeau  mixte; 
Vaches  1  /30 

soit  pour  l'exemple  choisi  : 

70  bœufs, 
23  vaches. 


L'ÉLEVAGE   A    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE  189 

Il  faut  remarquer  ici  que  le  nombre  de  vaches  livrées  annuelle- 
ment est  relativement  peu  considérable.  Nous  avons  en  effet  cons- 
taté 72  naissances  femelles,  et  le  propriétaire  en  livre  seulement  23. 

Il  suit  de  là  une  augmentation  rapide  du  nombre  de  bêtes  et  on 
estime  en  général  qu'un  troupeau  ainsi  traité  double  en  5  ans,  à 
moins  qu'une  sécheresse  intense  ne  vienne  faire  une  coupe  sombre 
dans  les  vaches  âgées  et  affaiblies. 

Nous  aurons  donc  deux  cas  à  considérer  lorsque  nous  voudrons 
établir  le  budget  de  la  station  : 

1°  Le  cas  d'une  propriété  en  voie  de  formation,  sur  laquelle  on 
peut  laisser  croître  le  troupeau.  Nous  accepterons  pour  les  livrai- 
sons les  proportions  indiquées  plus  haut  : 

1/10  ou  10  °/0  des  bœufs, 
1/30  ou  3,33  %  des  vaches, 

jusqu'à  ce  que  le  propriétaire  ait  obtenu   le  nombre  de  têtes  qu  il 
désire.  A  ce  moment,  il  rentrera  dans  le  2°  cas. 

2°  Cas  d'une  station  complète  où  le  troupeau  est  arrivé  à  son 
maximum  d'extension.  Théoriquement  on  devrait  livrer  à  peu  près 
autant  de  femelles  que  de  mâles.  Mais  si  l'on  considère  que  la 
mortalité  atteint  surtout  les  vaches,  on  pourra  accepter  comme 
bonne  la  proportion  suivante,  à  livrer  annuellement  : 

10  °/0  des  bœufs, 
9  °/0  des  vaches. 

D'après  les  chiffres  que  nous  avons  pu  recueillir  sur  le  poids  des 
bêtes  abattues  dans  l'espace  de  deux  ans  sur  une  propriété  ayant  à 
assurer  une  fourniture  administrative  importante,  le  poids  des 
quatre  quartiers  a  fourni  une  moyenne  : 

Pour  les  bœufs,  de  260  kilos  ; 
Pour  les  vaches,  de  180  kilos. 


'? 


Nous  allons  maintenant  avec  ces  bases  établir  le  budget  de  la 
station  choisie  comme  exemple. 

Dépenses.  —  Dans  un  des  chapitres  précédents,  nous  avons  vu 
que  les  salaires  du  personnel  de  la  station  se  décomposent  comme 
suit  : 


190  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

1  stockman  chef  de  station  à   100  fr.  pir  mois.  1  .200  fr 

1  aide  stockman  à  50  fr 000 

2  libérés  pour  barrières  à  iO  fr 900 

1  cuisinier  à  30  fr 360 

Total  des  salaires 3  .  120 


La  ration  journalière  de  ces  hommes  se  compose  de  : 

0  kil.  800  de  pain  à  0  fr.  40  le  kilo 0,32 

0  kil.  400  de  viande  à  0  fr.  80-, 0,32 

0  kil.  005  de  thé  à  5  fr.  le  kilo 0,05 

0  kil.  080  de  sucre  à  0  fr.  le  kilo 0,03 

0,72 

Si  nous  ajoutons  à  cette  ration  quelques  légumes  secs,  la  graisse, 
le  sel,  etc.,  nous  pourrons  l'estimer  à  1  franc  par  tète  et  par  jour, 
soit  pour  les  5  personnes  et  par  an  1 .825  fr. 

Les  frais  du  personnel  s'élèveront  donc  à  5.000  fr. 

Calculons  d'abord  1  importance  du  capital  engagé  : 

Les  700  tètes  de  bétail  peuvent  êtres  estimées 
en  moyenne  à  100  fr.  l'une.  Le  capital  bétail 

s'élèvera  donc  à 70  .  000 

Installations  (cases,  cuisine,  écuries) 2.800 

Chevaux,  10  k  000  fr.  l'un 0 .  000 

Selles,   10  à  100  fr 1  .000 

Barrières i.  500 

Outillage 2.000 

Soit  un  total  de 86 .  300 

Les  dépenses  courantes  comprendront  : 

I"  Les  frais  se  renouvelant  annuellement; 

2°  L'amortissement  des  installations  périssables. 

Voici  comment  peuvent  se  décomposer  ces  frais  d'installations; 
nous  leur  attribuerons  : 


L'ÉLEVAGE    A    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE  191 

Une  durée  de  10  ans,  soit  un  amortissement  de.  280 

Chevaux,  service  10  ans,  amortissement 000 

Selles,  durée  6  ans,  amortissement 200 

Barrières,  durée  6  ans,  amortissement 770 

Outillage,  durée  6  ans,  amortissement 200 

Cordes,  dépenses  annuelles 50 

Nourriture  et  ferrage  des  chevaux 1 .  000 

Personnel 5 .  000 

Valeur  locative  de  2.000  hectares  à  1  fr.  50  .  .  3.000 

Impôt  foncier  à  0  fr.  15  l'hectare 300 

Total  des  dépenses  annuelles 11 .400 

Nous  ferons  observer  en  passant  que  ces  dépenses  ont  été  élevées 
au  maximum  possible.  En  effet,  dans  une  station  comme  celle  qui 
nous  sert  d'exemple,  le  propriétaire  s'occupe  en  général  lui-même 
de  son  bétail,  de  sorte  qu'il  économise  le  salaire  de  son  chef  de  sta- 
tion. Les  10  chevaux  que  nous  avons  indiqués  sont  très  largement 
suffisants,  et  l'éleveur  retirera  certainement  un  profit  de  sa  cavale- 
rie par  suite  de  la  saillie  de  ses  juments. 

Recettes.  —  Nous  envisagerons  successivement  les  deux  cas  pré- 
vus plus  haut  : 

1°  Station  en  formation.  Les  livraisons  annuelles  s'élèveront  à  : 

70  bœufs  de  260  kilos,  soit 18.200  kilos 

23  vaches  de  180  kilos,  soit 4.140 

Total 22.340 

Le  prix  de  revient  du  kilo  de  viande  sera  donc  dans  ce  cas  de 

11.400  francs 

-.,-.  .....  ,  ., ,  soit  0  tr.  51. 

22.340  kilos    ' 

Ce  chiffre  n'est  pas  absolument  exact,  car  nous  avons  vu  que 
dans  une  station  de  ce  genre  le  capital  bétail  est  doublé  au  bout  de 
5  ans.  Or  c'est  là  un  avantage  très  sérieux,  dont  nous  n'avons  tenu 
aucun  compte. 

2°  cas.  Station  complète.  Dans  une  station  de  ce  genre,  on  livrera 
annuellement  : 


192  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

10  %  de  bœufs,  70  k  260  kilos . .  .      18.200  kilos 
9  %  de  vaches,  63  à  180  kilos. .  .      1 1.340 

Total.. !     29.540 

Le  prix  de  revient  dans  ce  cas  sera  donc  de  ^  „ , _  ,     =  0  fr.  38. 
1  29.540  k. 

Ce  dernier  chiffre  est  beaucoup  plus  près  de  la  vérité  que  le  pré- 
cédent. Cependant,  pour  être  absolument  exacts,  nous  aurions  dû 
faire  entrer  en  compte,  dans  les  frais  annuels,  l'intérêt  du  capital 
engagé,  86.300  Ir.  à  6  f,/0,  soit  5.178  fr. 

Nous  aurons  dans  ces  conditions  le  budget  suivant  : 

Dépenses  :  11.400  fr.  -f  5.178  =  16.578  fr. 
Recettes  :  29.540  kg-,  de  viande  ; 

j    16.578      A,         ' 
d  ou  un  prix  de  revient  de    Q  M/    =  0  ir.  5o. 

Tel  est  le  résultat  auquel  nous  nous  arrêterons,  et  que  nous  pour- 
rons considérer  comme  suffisamment  exact. 

Cependant  bien  des  circonstances  viennent  modifier  ce  prix  de 
revient  presque  toujours  au  détriment  de  l'éleveur.  La  plus  grave 
est  constituée  par  les  sécheresses  prolongées.  Nous  avons  vu  pen- 
dant l'été  de  1899-1900,  après  4  mois  sans  pluie,  la  mortalité 
s'élever  sur  certaines  stations  à  7  °/0,  soit  5  °/„  de  plus  que  dans  les 
années  ordinaires. 

Sur  la  station  qui  nous  sert  de  base,  on  aurait  donc  à  enregistrer 
une  mortalité  anormale  de  35  tètes,  soit  une  perte  sèche  d'au 
moins  3.500  francs,  à  laquelle  il  faudrait  ajouter  la  valeur  des 
jeunes  veaux,  morts  par  suite  de  leur  sevrage  prématuré.  De  plus, 
les  jeunes  qui  survivent  à  leur  mère  restent  toujours  chétifs,  et  si  ce 
sont  des  femelles  ne  donnent  plus  tard  que  des  produits  sans 
grande  valeur. 

Cet  exemple  montre  combien  il  est  urgent  pour  les  éleveurs  qu'ils 
se  décident  enfin  à  supprimer,  ou  tout  au  moins  à  atténuer  dans 
une  forte  mesure  les  effets  désastreux  des  sécheresses.  Nous  avons 
vu  qu'il  leur  suffisait  pour  cela  de  faire  quelques  sacrifices  d'argent  ; 
ces  sacrifices  leur  seront  d'ailleurs  largement  pavés,  ainsi  que  nous 
allons  maintenant  le  démontrer. 

Supposons  que  le  propriétaire  de  la  station  que  nous  étudions  se 


L'ÉLEVAGE    A    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE  193 

décide  à  réaliser  les  améliorations  que  nous  avons  reconnues  indis- 
pensables. 

Admettons  qu'il  lui  en  coûte  pour  cela  14  kilomètres  de  barrières 
neuves  soit  une  dépense  d'environ  6.0^0  francs,  et  un  amortisse- 
ment annuel  de  1.000  francs. 

Accordons  la  même  somme  annuelle  pour  les  travaux  d'irrigation 
et  de  débroussage.  Le  chapitre  des  dépenses  s'établira  dès  lors 
comme  suit  : 

Capital  engagé 86 .  300  -j-  6 .  000 92 .  300 

Dépenses  annuelles 11 .400 -f  2.000     13.400 

Intérêt  à  6  °/0  du  capital  engagé 5 .  538 

Total 18.938 

Il  est  permis  de  supposer  (c'est  d'ailleurs  l'avis  de  presque  tous 
les  éleveurs)  que  dans  une  station  semblable  le  bétail  toujours 
pourvu  d'une  bonne  nourriture  augmentera  de  poids.  Nous  ne 
croyons  pas  exagéré,  si  la  sélection  raisonnée  du  troupeau  est  ajou- 
tée à  l'amélioration  des  pâturages,  de  prétendre  que  les  bœufs 
retrouveront  l'ancienne  moyenne  calédonienne  qui  était  de 
300  kilos  pour  les  quatre  quartiers.  Nous  avons  d'ailleurs  assez 
souvent  enregistré  des  pesées  allant  à  350  kilos  pour  des  bœufs 
vivant  en  forêt,  où  les  sécheresses  sont  beaucoup  moins  à  craindre. 

Pour  les  vaches  aussi  mieux  nourries  et  livrées  à  un  âge  moins 
avancé,  le  poids  moyen  pourra  sans  crainte  s'évaluer  à  250  kilos. 

Nous  ne  compterons  pas  sur  une  augmentation  de  têtes  de  bétail. 
Si  l'on  veut  pouvoir  garder  des  paddocks  de  réserve  pour  parer  à 
toutes  les  circonstances,  il  est  prudent  de  continuer  à  accorder  trois 
hectares  par  tête. 

Dans  ces  conditions,  le  budget  de  la  station  s'établira  comme  suit  : 

Recettes,  70  bœufs  à  300  kilos. .  .      21.000  kilos 
03  vaches  à  250  kilos. .  .      15.750 

36.750 

Dépenses  annuelles,  18.938  fr. 
D'où  prix  -de  revient  du  kilo,  0  fr.  50. 

L'éleveur  réalise  donc,  parle  fait  de  ses  améliorations,  un  bénéfice 
de  0  fr.   06  par  kilo  ou  2.205  fr.  par  an.    Gela  pour  une   dépense 

Bulletin  du  Jardin  colonial.  13 


194  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

annuelle  de  2.000  francs.  Nous  avions  donc  raison  de  dire  que  les 
frais  supplémentaires  que  s'imposait  le  propriétaire  lui  seraient  lar- 
gement remboursés. 

On  pourra  certainement  objecter  que  les  améliorations  entreprises 
ne  produiront  pas  un  effet  immédiat,  et  que  les  dépenses  se  pour- 
suivront pendant  quelques  années  sans  augmentation  de  produit. 
C'est  possible.  Mais  à  cela  nous  répondrons  que  le  bétail  mieux 
nourri,  jamais  arrêté  dans  son  développement,  aura  une  croissance 
plus  rapide.  Les  bœufs  pourront  sans  nul  doute  être  livrables  à 
4  ans  au  lieu  de  5.  d'où  renouvellement  plus  rapide  du  troupeau  et 
du  capital  qu'il  représente,  avantage  qui  n'est  pas  à  dédaigner  et 
dont  nous  n'avons  pas  tenu  compte. 

Les  améliorations  entreprises  donnent  au  terrain  une  plus  grande 
valeur,  ce  qui  maintient  tout  au  moins  à  son  taux  primitif  le  capital 
terrain,  tandis  qu'à  l'heure  actuelle  le  prix  de  revient  de  l'hectare 
va  sans  cesse  diminuant,  à  cause  de  son  appauvrissement. 

Enfin,  plus  de  sécheresse  à  redouter,  et  c'est  là  l'avantage  réelle- 
ment important.  C'est  surtout  cette  circonstance  heureuse  qui 
augmentera  les  bénéfices  en  les  rendant  plus  réguliers  et  plus 
stables. 

Nous  n'insisterons  pas.  Ces  améliorations  que  nous  avons  vues 
théoriquement  indispensables  pour  obtenir  un  bétail  plus  uniforme 
et  de  meilleure  qualité,  nous  venons  de  montrer  qu'elles  sont  écono- 
miquement avantageuses  pour  le  propriétaire. 

L'éleveur,  semblerait-il,  n'a  plus  aucune  bonne  raison  à  alléguer 
pour  ne  pas  les  réaliser  immédiatement.  Il  en  reste  pourtant  une  der- 
nière, peut-être  la  plus  importante. 

Il  est  encore  en  droit  de  nous  dire  :  «  Quand  nous  aurons  réalisé 
les  améliorations  que  vous  indiquez,  quand  nous  aurons  réorganisé 
nos  troupeaux,  trouverons-nous  encore  un  écoulement  certain  et 
avantageux  pour  la  viande  que  nous  produirons?  » 

C'est  cette  question  très  importante  que  nous  allons  essayer  de 
résoudre  dans  le  chapitre  qui  suit. 

(^4  suivre.)  Lafforgue, 

Ingénieur  agronome. 


LE     BÉTAIL     EN     AFRIQUE     OCCIDENTALE 

FRANÇAISE 

(Suite.) 

IV.  LE    SOUDAN 

Le  Soudan  constitue  une  immense  surface  continentale  remar- 
quable par  la  quantité  et  surtout  par  la  diversité  des  produits 
zootechniques  quelle  est  susceptible  de  fournir.  Rien  n'empêche  de 
supposer  qu'il  deviendra  dans  quelques  années  l'immense  parc  de 
réserve  de  l'Afrique  occidentale  française  où  viendront  puiser  les 
régions  voisines  moins  favorisées  que  lui  au  point  de  vue  bétail. 
Mais  il  lui  reste,  avant  d'atteindre  ce  résultat,  beaucoup  de  progrès 
à  faire,  et  il  faut  que  sa  production  animale  commence  par  se 
montrer  capable  de  satisfaire  les  besoins  locaux  ;  ce  qui  n'a  pas 
encore  lieu. 

Ciievaux.  —  Le  Soudan  est  avant  tout  un  pays  de  chevaux.  Ils 
sont  tous  originaires  du  Nord  de  l'Afrique.  Mais  d'après  M.  le 
vétérinaire  Pierre,  l'influence  du  milieu  a  déjà  constitué  des 
groupements  nettement  distincts. 

Il  en  a  reconnu  trois  principaux  : 

Chevaux  du  Sahel.  Animaux  bien  conformés  alliant  la  rusticité 
à  une  certaine  élégance  de  formes. 

Chevaux  du  Macina.  Type  du  cheval  de  guerre,  robuste,  éner- 
gique et  endurant,  moins  beau  que  le  précédent. 

Chevaux  du  Kasso.  Cheval  décousu,  aux  aplombs  défectueux, 
manquant  de  fond  et  de  vigueur. 

M.  le  capitaine  Botreau-Roussel-Bonneterre  propose  une  autre 
classification  basée  sur  la  date  d'ancienneté  au  Soudan  des  divers 
chevaux  qui  y  existent  actuellement. 

Il  sépare  donc  : 

1°  Les  chevaux  soudanais  ; 

2°  Les  Mauritaniens  soudanais; 

"A"  Les  Nord-Africains. 


lijti  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Les  chevaux  soudanais  sont  ceux  qui,  depuis  fort  longtemps 
dans  le  pays,  s'y  sont  différenciés  en  une  véritable  race  nouvelle 
adaptée  au  milieu  dans  lequel  elle  vit . 

Les  chevaux  mauritaniens  soudanais  sont  ceux  qui,  depuis 
moins  longtemps  dans  le  pays,  présentent  dans  leur  conformation 
les  caractères  rappelant  nettement  leur  origine  mauresque  relative- 
ment récente. 

Les  chevaux  nord-africains  forment  le  groupe  des  derniers 
arrivés,  sur  lesquels  l'action  du  milieu  n'a  pas  encore  eu  le  temps 
de  s'exercer. 

Quels  que  soient  les  groupements  distingués,  qu'on  les  nomme 
chevaux  soudanais  ou  du  Macina,  un  fait  reste  certain,  c'est  que 
le  Soudan  possède  au  moins  une  catégorie  d'excellents  chevaux  qui 
pourra  assurer  la  remonte  de  toute  la  cavalerie  de  l'Afrique  Occi- 
dentale française. 

Millets.  L'on  y  rencontre  également  un  autre  animal,  moins 
brillant  et  plus  modeste,  souvent  méconnu,  qui  après  avoir  pris  une 
part  importante  à  la  conquête  des  territoires,  en  prend  une  non 
moins  grande  à  leur  mise  en  valeur,  c'est  le  mulet.  La  plupart  des 
mulets  employés  actuellement  proviennent  d'Algérie,  mais  ils  sont 
aussi  produits  au  Soudan,  dans  les  régions  Est  de  la  boucle  du 
Niger,  aux  environs  de  Kanv,  où  ils  forment  le  groupe  des  mulets 
du  Mossi  ou  plutôt  des  mulets  Haoussa .  Car  ce  sont  les  seules 
populations  qui  comprennent  la  valeur  économique  du  mulet, 
indispensable  à  la  constitution  de  leurs  caravanes,  et  qui  consentent 
à  le  produire . 

Les  Foulbés  des  régions  Ouest  regarderaient  comme  une  action 
honteuse  de  livrer  leurs  juments  aux  baudets.  Mais  il  sera  possible 
d'organiser  l'élevage  du  mulet  dans  les  contrées  de  l'Est  qui  ne  lui 
sont  pas  hostiles,  aux  environs  de  Dovi,  de  Dosso,  d'Argougou, 
puis,  petit  à  petit,  on  pourra  peut-être,  par  l'exemple  et  la 
persuasion,  combattre  les  préjugés  qui  en  entravent  l'établissement 
dans  le  Macina  et  le  Mossi. 

Le  mulet  Haoussa  est  petit  (l'"20)  mais  très  robuste  et  très 
rustique,  il  est  un  précieux  auxiliaire  qui  n'a  guère  à  redouter  que 
la  concurrence  de  la  locomotive . 

Anes.  —  L'âne  est  aussi  fort  bien  adapté  aux  régions  souda- 
naises. C'est  un  petit  animal  à  la  robe  grise,  aux  formes  trapues,  à 


LE    BÉTAIL    EN    AFRIQUE    OCCIDENTALE    FRANÇAISE  197 

la  musculature  développée.  11  se  rencontre  surtout  dans  le  Macina, 
le  Fouta-Toro,  où  il  atteint  jusqu'à  1  m  05  de  taille  au  garrot.  Il 
vaut  à  Djenné  de  50  à  80  francs.  Son  entretien  est  des  plus  faciles, 
il  se  contente  de  peu,  mais  il  est  plus  capricieux  que  le  mulet  et  se 
soumettrait  difficilement  à  la  discipline  d'un  convoi  militaire.  Il 
préfère  marcher  librement,  s'ar"èter  quand  bon  lui  semble,  broutant 
sur  la  route  et  buvant  à  la  mare,  ce  qui  ne  l'empêche  pas  de  fournir 
de  fortes  étapes,  avec  une  charge  d'au  moins  50  kilos. 

Il  offre  un  moyen  très  économique  de  transport  et  forme  de 
longues  caravanes  qui  circulent  journellement  à  côté  du  chemin  de 
fer  et  des  convois  réguliers  entre  Kayes  et  Niger. 

Bovidés .  Les  bovidés-  présentent  un  intérêt  direct  pour  le 

colon  puisqu'ils  lui  fournissent  sa  nourriture  quotidienne;  les  noirs 
ne  dédaignent  pas  non  plus  l'usage  de  la  viande,  et  s'ils  en  con- 
somment peu  cela  tient  uniquement  à  sa  rareté. 

Il  n'en  a  pas  toujours  été  ainsi,  et  le  Soudan  a  possédé  autrefois 
de  véritables  richesses  animales,  dispersées  et  abîmées  par  les 
guerres,  en  grande  partie  anéanties  plus  tard  par  l'épizootie  de 
80-90  ;  car  il  faut  le  dire  bien  haut  pour  combattre  un  préjugé  qui 
tend  à  se  répandre  :  si  les  Foulbés  ont  une  véritable  affection  pour 
les  animaux  et  s'ils  connaissent  quelque  peu  les  détails  de  l'élevage 
ils  n'en  restent  pas  moins  totalement  ignorants  des  grands  prin- 
cipes de  zootechnie  les  plus  essentiels,  ainsi  que  des  soins  vétéri- 
naires élémentaires. 

On  peut  distinguer  au  Soudan  : 

1  °  Les  zébus  ; 

2"  Le  type  du  Fouta-Djallon  ; 

3°  Le  type  Bambara. 

I"  Les  zébus  forment  deux  groupements  : 

Zébus  du  Sahel  ; 
Zébus  du  Niger. 

Le  zébu  du  Niger  vit  au  nord  du  13e  parallèle  ;  au-dessous,  c'est  le 
rocher  ou  le  marais,  qui  empêche  le  zébu  de  subsister.  Cornage  en 
«  lyre  >> ,  très  élevée,  taille  lni  50  au  garrot,  excellents  porteurs 
valant  de  50  à  100  francs  pièce.  L'aptitude  laitière  est  faible,  et 
la  viande  est  mauvaise. 


198  Éll  DES    ET    MÉMOIRES 

Le  zébu  du  Niger  est  aussi  un  animal  porteur,  il  se  reconnaît  à 
son  cornage  court  et  épais,  dirigé  vers  le  bas  comme  celui  de  nos 
garonnais,  ainsi  qu'à  son  squelette  volumineux.  Néanmoins  il 
fournit  une  bonne  viande  et  présente  une  certaine  aptitude  à 
l'engraissement. 

2°  Le  type  du  Fouta-Djallon  est  le  plus  rustique  de  toute 
l'Afrique  Occidentale  française  et  possède  la  précieuse  faculté  de 
transhumer  facilement.  C'est  ainsi  qu'il  put  servir  k  reconstituer  les 
troupeaux  de  Sénégambie  après  la  terrible  épidémie  de  peste  bovine 
de  1891-1892.  Type  dolichocéphale,  cornage  «  en  croissant  »  de 
grandes  dimensions,  dirigé  en  haut  et  en  avant:  petite  taille;  1  m  10 
au  garrot .  Il  comprend  les  races  à  conditions  d'existence  misérables 
qui  occupent  le  nord  du  Fouta-Djallon  et  le  Bambouk  ;  les  jeûnes 
prolongés  qu'elles  ont  à  souffrir  pendant  la  plus  grande  partie  de 
l'année  empêchent  de  prévoir  dans  quel  sens  elles  auraient  tendance 
à  se  spécialiser. 

3°  Le  type  bambara  est  dû  au  croisement  du  zébu  et  de  la  vache  du 
Fouta-Djallon.  Il  occupe  la  région  du  Kaarta,  le  Malin-Kedougou,  le 
Bebdougou  et  la  partie  septentrionale  du  Macina.  Le  crâne  est 
dolichocéphale,  le  cornage  en  Ivre  très  ouverte  et  dirigé  presque 
verticalement.  Taille  de  1  m  30,  en  moyenne.  Bonne  aptitude  k 
l'engraissement  ainsi  qu'à  la  production  du  lait.  Le  type  atteint  le 
développement  maximum  de  ses  qualités  dans  la  race  mandingue. 

Les  troupeaux  du  Soudan  pourront  facilement  être  accrus  en 
nombre  et  en  valeur.  Il  faudra  pour  cela  pratiquer  une  sélection 
méthodique  par  la  castration,  améliorer  l'alimentation  par  la  consti- 
tution de  réserves  fourragères  de  bonne  qualité  pour  les  périodes 
sèches,  donner  aux  animaux  des  abris  et  des  parcs  ainsi  que  des 
gardiens  appartenant  k  une  race  de  pasteurs.  Cela  permettra  plus 
tard  de  procéder  à  une  dispersion  du  bétail  dans  de  vastes  régions 
comme  le  Ilaut-Bandama,  autrefois  peuplées  et  complètement 
dépouillées  de  leurs  bestiaux  par  Samorv. 

Moutons.  —  Les  ovidés  présentent  quatre  races  nettement 
distinctes  et  bien  localisées.  Ce  sont  : 

La  race  maure  ; 

La  race  du  Macina  : 

La  race  du  Fouta-Djallon  ; 

La  race  du  Fouta-Toro. 


LE    liÉTAIL    EN   AFRIQUE    OCCIDENTALE    FRANÇAISE  109 

l°  La  race  maure  est  constituée  par  des  animaux  de  grande  taille 
dont  l'habitat  est  le  Sahel.  Ils  sont  dépourvus  de  cornes,  couverts 
de  poils  rudes  cachant  un  duvet  fin.  Race  féconde  et  bonne 
laitière,  légère  tendance  à  accumuler  les  réserves  graisseuses  du 
garrot. 

2"  La  race  du  Marina,  exploitée  par  les  Foulbés  et  les  Touaregs, 
occupe  l'Est  et  le  Nord-Est  du  Soudan.  Taille  moyenne  :  60  a 
80  centimètres  ;  une  ou  plusieurs  paires  de  cornes  prismatiques  et 
striées;  toison  abondante,  composée  de  mèches  pointues  et  vrillées, 
d'un  poids  maximum  de  1  kil.  500.  Valeur  :  4  à  G  francs  pièce,  à 
Djenné. 

3°  La  race  du  Fouta-Djallon  est  la  plus  répandue;  quoique 
numériquement  peu  nombreuse,  elle  forme  de  petits  troupeaux, 
propriété  individuelle  de  chaque  village.  Petite  taille  (0 m  50- 
0  "'  70),  poils  ras,  crinière  et  cornes  chez  le  mâle;  le  pelage  est 
toujours  blanc  et  noir  :  c'est  une  race  très  homogène,  très  rustique, 
qui  fournit  une  bonne  viande. 

i°  La  race  du  Fouta-Toro  est  cantonnée  dans  le  Fouta-Toro  et  le 
Cavor  ;  elle  présente  des  animaux  de  très  grande  taille,  munis  de 
très  grandes  cornes.  Le  poil  est  ras.  Ils  donnent  du  lait. 

Le  Soudan,  comme  toute  rég-ion  qui  devra  se  suffire  à  elle-même, 
pourra  trouver  dans  ses  populations,  ovines  :  viande,  lait  et  laine. 

Chèvres.  —  Les  chèvres  doivent  être  citées  comme  exemple  de 
résistance  à  des  conditions  de  vie  mauvaises.  Elles  vivent  n'im- 
porte comment  et  de  n'importe  quoi,  errant  dans  les  villages  à  la 
recherche  de  quelques  déchets  qu'elles  pourront  consommer.  Elles 
donnent  du  lait  et  une  viande  qui  n'est  pas  mauvaise,  si  l'animal 
est  sacrifié  jeune.  Elles  forment  deux  groupes  distincts  : 

Celui  du  Nord  :  chèvre  maure  ; 

Celui  du  Sud  :  chèvre  du  Fouta-Djallon. 

La  c/ièvre  maure  est  de  haute  taille,  à  forte  charpente  osseuse  et 
à  formes  allongées.  Son  poil  est  ras.et  fin.  Elle  est  très  prolifique  et 
assez  bonne  laitière . 

La  chèvre  du  Fouta-Djallon  est  petite,  trapue,  large  de  coffre.  Le 
mâle  est  caractérisé  par  une  ligne  de  poils  hérissés  sur  le  dos,  la 
femelle  porte  des  jarres  courts  et  drus.  C'est  un  animal  rustique, 
mais  d'un  tempérament  vif  et  essentiellement  vagabond.  La  viande 
est  assez  bonne. 


200  ÉTUDES    ET    .MÉMOIRES 

Le  Soudan  possède  encore  environ  35.000  chameaux,  divisés  en 
«  chameaux  porteurs  »  et  «  chameaux  de  vitesse  »,  occupant  le 
Sahel  et  la  région  saharienne  ; 

Un  certain  nombre  de  porcs  du  type  ibérique,  dont  la  chair, 
quoique  de  qualité  secondaire,  permet  à  l'Européen  de  varier 
l'ordinaire  ; 

Des  autruches  dans  le  nord  du  Sahel  et  dans  la  région  de 
Tonibouctou  à  Say; 

Des  éléphants  qui  doivent  jusqu'à  présent  plutôt  entrer  dans  la 
classe  de  zoologie  que  dans  celle  de  zootechnie,  mais  qui  pourront 
peut-être  un  jour  jouer  le  rôle  d'auxiliaires  de  l'homme. 

C'est  donc  une  région  qui,  par  la  variété  des  animaux  utiles 
qu'elle  offre,  par  la  qualité  déjà  excellente  de  certains  de  ses  pro- 
duits (chevaux),  présente  un  champ  d'études  des  plus  intéressants. 
Il  nous  reste  à  espérer  qu'elles  ne  tarderont  pas  à  être  entreprises  et 
que,  menées  avec  persévérance  et  esprit  de  suite,  elles  conduiront  à 
des  améliorations  pratiques  qui  contribueront  pour  une  bonne  part 
au  bien-être  de  tous,  blancs  et  noirs,  et  à  la  prospérité  générale  de 
ces  contrées . 

Henry. 

Note.  —  Un  certain  nombre,  de  renseignements  contenus  dans 
cette  étude  proviennent  :  pour  le  Sénégal,  des  notes  de  M .  Perruchot, 
ancien  inspecteur  de  l'Agriculture  au  Sénégal;  pour  le  Soudan,  des 
travaux  de  M.  Pierre,  vétérinaire  en  premier  de  la  Compagnie  des 
Conducteurs  soudanais,  à  Kati. 


LES     MALADIES     DES     PLANTES     CULTIVÉES 
DANS     LES     PAYS     CHAUDS 

I 
GÉNÉRALITÉS 

L'étude  des  maladies  des  plantes  a  reçu  différents  noms  :  noso- 
logie végétale,  phytopathologie,  pathologie  végétale.  L'emploi  de 
ce  dernier  terme,  pathologie  végétale,  a  seul  prévalu,  et  ce  n'est 
que  pour  éviter  une  périphrase  qu'on  se  sert  quelquefois  de  l'ad- 
jectif phytopathologique. 

Caractères  de  la  maladie.  —  Il  est  nécessaire  avant  toutes 
choses  de  bien  préciser  le  sens  du  mot  «  maladie  »,  au  moins 
lorsque  le  cas  s'applique  à  une  plante. 

Dans  l'organisme  normalement  sain,  animal  aussi  bien  que  végé- 
tal,  les  diverses  fonctions  s'influencent  réciproquement  et  elles  éta- 
blissent entre  elles  un  état  de  parfait  équilibre;  mais,  en  fait,  cet 
état  est  nécessairement  assez  instable.  Si,  par  l'intervention  d'une 
cause  extérieure  à  l'être  vivant,  une  ou  plusieurs  fonctions  sont 
altérées  dans  leur  mécanisme,  l'équilibre  se  rompt,  la  maladie,  l'état 
pathologique,  se  trouve  réalisé. 

Selon  la  nature  de  la  cause  et  l'intensité  de  son  action  ;  selon  que 
cette  action  se  localise  ou  qu'elle  envahit  l'être  entier,  selon  qu'elle 
est  passagère  ou  intermittente,  ou  qu'elle  a  un  effet  incessant 
et  définitif,  on  pourra  observer  des  cas  bien  différents.  Si  la  cause 
cesse  d'agir  et  si  son  effet  a  été  court  et  peu  intense,  l'état  d'équilibre 
peut  se  rétablir  de  façon  parfaite.  Au  cas  contraire,  ou  bien  les  fonc- 
tions sont  plus  ou  moins  modifiées,  mais  l'équilibre  se  rétablit  sur 
une  autre  base  et  la  vie  persiste  ;  ou  bien,  le  nouvel  état  de  choses  est 
incompatible  avec  la  vie,  certaines  fonctions  essentielles  étant  défi- 
nitivement supprimées.  Tel  est,  pour  une  plante,  le  cas  de  destruc- 
tion rapide  du  système  des  racines  qui  supprime  l'absorption  des 
liquides  du  sol.  Dans  ce  cas,  la  plante  privée  d'eau  périclite  rapide- 
ment, et  quand  le  protoplasme  de  ses  cellules  a  dépassé  la  limite 
de  déshydratation  compatible  avec  la  vie,  le  feuillage  se  dessèche 
brusquement  :  la  plante  est  morte. 


202  ÉTUDES    El    MÉMOIRES 

Le  plus  souvent,  surtout  pour  les  plantes  phanérogames,  la  mort 
naturelle  résultant  de  la  caducité  fatale  des  êtres  vivants  et  la  mort 
accidentelle  due  k  une  cause  étrangère  au  végétal  se  présentent  avec 
des  apparences  extérieures  sensiblement  différentes. 

Dans  le  cas  de  mort  naturelle,  pour  les  plantes  herbacées  et 
annuelles  par  exemple,  quand  le  fruit  est  entièrement  différencié  et 
que  les  graines  commencent  à  mûrir,  les  autres  organes  s'appau- 
vrissent peu  à  peu  de  leurs  réserves  nutritives  qui  émigrent  vers  la 
graine.  Dès  lors  les  tiges  et  les  feuilles  jaunissent  et  se  dessèchent 
progressivement  et  complètement.  Des  phénomènes  analogues  appa- 
raissent chez  certaines  plantes  se  conservant  par  des  tubercules 
ou  des  rhizomes,  où,  en  même  temps  que  dans  les  graines,  s'accu- 
mulent les  réserves  pour  un  développement  ultérieur.  Dans  une 
plante  malade,  le  processus  est  généralement  plus  rapide  et  on  peut 
sans  peine  se  rendre  compte  que  l'appauvrissement  des  organes  ne 
s'accomplit  pas  au  profit  de  la  plante  elle-même. 

La  maladie  dans  une  plante  ne  comporte  pas  uniquement  une 
altération  de  la  fonction.  Souvent  aussi  on  décèle  une  altération  de 
la  forme  ou  de  la  structure  de  l'organe,  qui  peut  affecter  les  modes 
les  plus  divers,  amener  tantôt  l'hypertrophie,  tantôt  l'atrophie  de 
l'organe.  Si  l'organe  n'est  guère  modifié  dans  son  apparence,  on  y 
peut  voir  des  modifications  dans  la  structure  anatomique,  dans  la 
forme,  la  dimension  des  cellules,  ou  encore  dans  la  structure  chi- 
mique des  membranes,  du  contenu,  etc.;  nous  rencontrerons  des 
exemples  de  tous  ces  faits.  Si  la  maladie  est  de  nature  parasitaire, 
c'est-à-dire  si  elle  due  k  l'action  d'un  être  organisé,  l'examen 
attentif  de  la  plante,  par  des  procédés  divers,  permet  de  retrouver 
dans  les  tissus  des  traces  du  parasite. 

Si  l'on  considère  la  maladie  au  point  de  vue  de  son  résultat  pra- 
tique, on  la  voit  se  traduire  par  la  diminution,  parfois  l'absence  ou 
de  temps  en  temps  même  la  transformation  du  produit  (fruits  ou 
graines  par  exemple)  que  l'homme  est  accoutumé  de  tirer  d'une 
plante  donnée.  Pour  ces  raisons,  la  maladie  devient  le  plus  souvent 
une  cause  de  perte  pour  l'agriculteur. 

Historique.  —  Les  maladies  des  plantes  ont  été  constatées  de 
tout  temps.  Les  ouvrages  des  anciens,  grecs  et  latins,  des  Arabes 
du  moyen-à^.'  et  des  botanistes  depuis  la   Renaissance  en   font  foi. 


MALADIES    DES   PLANTES    CULTIVÉES    DANS    LES    PAYS    CHAUDS  203 

Mais  en  dehors  de  quelques  cas  fort  rares  et  tout  à  fait  spéciaux, 
tels  qu'un  petit  nombre  de  dégâts  d'insectes,  la  cause  des  altérations 
observées  était  méconnue,  ce  n'est  qu'avec  l'apparition  du  microscope 
et  surtout  depuis  les  perfectionnements  considérables  qui  y  ont  été 
apportés  au  xixc  siècle  que  la  pathologie  végétale,  comme  d'ailleurs 
toutes  les  sciences  biologiques,  est  entrée  dans  une  phase  nouvelle, 
basée  sur  une  interprétation  plus  rationnelle  des  phénomènes  obser- 
vés. Les  progrès  de  la  pathologie  végétale  ont  ainsi  suivi,  pour  ainsi 
dire  pas  à  pas,  ceux  de  la  botanique,  dont  elle  ne  constitue  en  somme 
qu'un  chapitre.  Il  fallait  que  la  structure  intime  des  tissus  sains 
commençât  à  être  connue  pour  qu'on  pût  préciser  si  peu  que  ce  soit 
les  altérations  dont  ils  sont  le  siège;  et,  avant  de  détînir  le  mode 
d'action  des  causes  pathogènes,  il  était  nécessaire  d'établir  les  bases 
de  la  physiologie  végétale. 

Méthode.  La    pathologie   végétale   emprunte    les   procédés 

d'investigation  de  la  botanique,  qui  sont  ceux  des  sciences  biolo- 
giques en  général,  l'observation  et  l'expérimentation.  Elle  procède 
d'abord  par  analyse;  et  lorsqu'un  certain  nombre  de  faits  ont  été 
acquis  par  ce  procédé,  la  synthèse  est  utilisée  avec  avantage  pour 
reconstituer  la  maladie  de  toutes  pièces  et  apporter  aux  données 
fournies  par  l'analyse  la  preuve  de  certitude. 

L'histoire  proprement  dite  d'une  maladie  renferme  nécessairement 
plusieurs  chapitres. 

Le  premier,  qui  est  de  la  morphologie  pure,  comprend  la  descrip- 
tion des  symptômes  pathologiques  ;  l'observation  seule  suffit  pour 
nous  donner  cette  notion  ;  mais  elle  ne  doit  pas  se  borner  à  la  simple 
inspection  des  caractères  macroscopiques.  Elle  doit  comprendre 
aussi  les  modifications  dont  les  tissus  sont  le  siègre.  C'est  alors 
qu'intervient  l'emploi  du  microscope  qui  permet  de  constater  les 
lésions  diverses  pouvant  affecter  les  tissus,  de  localiser  la  lésion 
dans  tel  ou  tel  organe  ou  groupe  d'organes,  de  préciser  son  siège 
dans  tels  éléments  figurés,  de  reconnaître  parfois  l'existence  de 
phénomènes  de  réaction  de  la  part  de  la  plante  malade,  souvent 
enfin  de  déceler  dans  les  tissus  la  présence  d'organismes  étrangers. 
Dans  cette  première  partie  du  travail  d'étude  d'une  maladie  de 
plante,  l'emploi  de  réactifs  éclaircissants,  potasse,  acide  lactique, 
eau  de  Javel  ou  de  colorants  divers  n'a  qu'un  but,  celui  de  mettre 
mieux  en   évidence  des  formes   ou  des  organes  que  leur  taille  ou 


20  ï  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

leur  manque  de  réfringence  ne  permet  pas  de  distinguer  avec  une 
netteté  suffisante. 

La  recherche  et  l'étude  de  la  cause,  Yétiologie,  est  l'objet  d'un 
second  chapitre.  On  conçoit  qu'en  pratique  il  se  confonde  avec  les 
deux  suivants  :  la  pathogénie,  qui  cherche  à  élucider  le  mode 
d'action  de  la  cause  et  la  physiologie  pathologique  qui  étudie  les 
modifications  que  subissent  les  fonctions  de  la  plante  sous  l'influence 
de  cette  cause  morbide,  ainsi  que  la  réaction  possible  de  l'organisme 
atteint  contre  les  effets  de  cette  cause. 

L'étiologie  exige  d'abord  l'observation,  mais  l'expérimentation 
intervient  bientôt  d'une  façon  nécessaire,  s'il  s'agit  par  exemple, 
dans  le  cas  de  maladie  parasitaire,  de  déterminer  les  propriétés  bio- 
logiques d'un  parasite;  la  culture  artificielle  en  milieu  stérilisé  qu'il 
peut  être  nécessaire  d'essayer  est  encore  là  un  des  modes  de  l'expéri- 
mentation. 

La  physiologie  pathologique  emploie  d'abord  les  deux  procédés 
d'investigation  dont  il  a  été  question.  Mais  dans  le  cas  présent,  on 
doit,  pour  établir  les  changements  que  subissent  les  fonctions,  pro- 
céder souvent  par  synthèse,  et  réaliser,  selon  des  modes  divers,  les 
conditions  qui  ont  présidé  à  la  genèse  de  la  maladie. 

Lorsque,  réunissant  synthétiquëment  tous  les  éléments  de  la 
maladie,  l'expérimentateur  réussit  à  la  faire  apparaître  avec  tousses 
caractères  sur  une  plante  saine,  il  est  en  possession  de  toutes  les 
données  étiologiques,  S  il  se  trouve  ensuite  en  présence  du  même 
cas,  il  éprouvera  évidemment  une  difficulté  moindre  à  reconnaître  la 
nature  rétdle  du  mal,  à  en  fournir  le  diagnostic.  Il  pourra  même 
distinguer  le  cas  pathologique  actuel  de  cas  assez  analogues  :  il 
établira  le  diagnostic  différentiel.  Et,  comme  il  connaîtra  déjà  l'évo- 
lution de  la  maladie  qu'il  vient  d'observer,  il  pourra  prédire  le  pro- 
nostic, c'est-à-dire  le  mode  de  terminaison  probable.  Dans  la  série 
d'opérations  dont  il  vient  d'être  donné  un  aperçu,  le  même  expéri- 
mentateur, qui  savait  déjà  pourquoi  et  comment  la  maladie  prend 
naissance,  a  pu  reconnaître  également  que  des  circonstances  acces- 
soires facilitent  ou  aggravent  l'action  de  la  cause  première.  11  pos- 
sède ainsi  de  nombreux  éléments  pour  établir  les  bases  d'un  traite- 
ment  rationnel. 

Ce  traitement  est  en  général  simple  et  ses  indications  découlent 
en  grande  partie  des  données  précédemment  acquises.  On  veillera 
d'abord  à  placer  la  plante  à  l'abri  de  ces  causes  qui  produisent  ou 


MALADIES    DES    PLANTES    CULTIVÉES    DANS    LES    PAYS    CHAUDS        20.') 

favorisent  le  développement  du  mal  ou  qui  en  aggravent  l'intensité. 
En  même  temps,  on  réalisera  pour  la  plante  atteinte  les  meilleures 
conditions  quant  k  la  nature  du  sol,  à  l'alimentation,  aux  quantités 
de  chaleur,  de  lumière,  d'humidité  qu'elle  exige  pour  une  bonne 
végétation  —  conditions  que  l'expérience  doit  établir  au  préalable. 
Ce  ne  sont  là,  en  somme,  que  de  simples  pratiques  d'hygiène,  que 
l'on  ne  doit  pas  négliger;  mais  en  réalité,  les  processus  réels  de 
guérison  ne  sont  point  soumis  k  la  volonté  de  l'homme. 

On  sait  bien  actuellement,  et  nous  en  dirons  plus  loin  quelques 
mots,  que  la  réparation  complète,  le  retour  absolu  k  son  état  primitif 
—  restitutio  ad  integrum  —  d'un  organe  lésé,  ne  se  fait  pour  ainsi 
dire  jamais  chezles  plantes  phanérogames,  quelle  que  soit  la  cause  qui 
ait  amené  la  perte  de  substance  ou  la  mort  des  éléments  anatomiques. 
Pourtant,  la  plante  remédie  souvent  assez  bien  aux  accidents  quelle 
a  subis  ;  nous  verrons  qu'elle  y  parvient  par  des  procédés  divers, 
en  donnant  par  exemple  naissance  à  de  nouveaux  tissus,  ou  bien 
encore  en  modifiant  ceux  qui  ont  persisté.  Des  cas  analogues 
s'observent  aussi  chez  les  animaux,  et  le  retour  k  peu  près 
complet  à  l'état  originel  y  est  même  assez  fréquent.  Dans  tous  ces 
cas,  il  est  certain  que  l'action  des  forces  vitales  est  seule  en  jeu. 
L'intervention  de  l'homme,  quand  elle  a  lieu  de  se  produire,  n'est 
jamais  que  secondaire.  Elle  s'exercera,  par  exemple,  s'il  y  a  lieu 
d'amputer  un  membre  mort  de  la  plante  offrant  ou  pouvant  offrir  le 
danger  d'être  une  source  permanente  d'infection  et  dont  l'élimina- 
tion spontanée  ne  peut  se  faire  ou  tarderait  trop.  Dans  de  telles  con- 
ditions l'homme  réussit  k  aider  la  nature  qui,  seule,  n'aurait  peut- 
être  pu  parvenir  à  limiter  les  progrès  du  mal.  En  toutes  circon- 
stances, l'extirpation  d'organes  malades,  surtout  d'organes  appendi- 
culaires,  est  une  opération  utile;  elle  devient  nécessaire  quand 
les  tissus  de  ces  organes  sont  incapables  de  réaction  ou  de  modifi- 
cation utile  k  la  plante,  et  sont  de  ce  fait  condamnés  k  périr.  Ainsi 
donc  la  seule  thérapeutique  active,  et  en  réalité  curative,  chez  les 
plantes  est  de  nature  purement  chirurgicale. 

L'homme  doit  intervenir  également  dans  le  cas  de  certaines  mala- 
dies parasitaires,  ou  bien  quand  il  existe  des  plaies  étendues,  arti- 
ficielles ou  non,  qu'il  y  lieu  de  protéger  contre  l'accès  d'organismes 
étrangers.  A  cet  effet,  on  utilise  diverses  substances  généralement 
toxiques  pour  le  protoplasma  et  dont  le  rôle  protecteur  est  purement 
préventif. 


206  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Nous  voyons  en  tons  cas  que  le  rôle  de  l'homme  clans  le  traite- 
ment des  maladies  des  plantes  est  très  exactement  le  même  que 
celui  qu'il  doit  remplir  dans  le  traitement  des  maladies  de  ses  sem- 
blables et  celles  des  animaux. 

Nous  ne  parlons  pas  bien  entendu  ici  des  maladies  produites  par 
les  animaux,  les  insectes  au  moins.  Elles  sortent  du  cadre  que  nous 
nous  sommes  imposé. 

Différences  entre  la  pathologie  végétale  et  la  patholo- 
gie animale.  —  Les  faits  généraux  de  la  thérapeutique  et  sur- 
tout la  méthode  qu'elle  utilise  pour  les  animaux  aussi  bien  que  pour 
les  plantes  offrent  ainsi  des  analogies  évidentes.  11  n'en  est  géné- 
ralement pas  de  même  quand  on  compare  les  faits  pathologiques 
dans  les  deux  règnes,  même  quand  il  s'agit  de  maladies  pouvant 
présenter  entre  elles  quelque  ressemblance  extérieure.  Ces  opposi- 
tions s'expliquent.  Le  rôle  de  la  thérapeutique  est  d'influencer  une 
matière  fort  analogue  dans  les  deux  règnes,  le  protoplasma  ;  il  est 
donc  rationnel  que  dans  les  deux  cas  la  méthode  soit  la  même, 
d'autant  plus  que  les  indications  sont  souvent  identiques.  Il  n'en 
est  plus  de  même,  au  contraire,  si  l'on  considère  les  organes,  les  tis- 
sus, les  éléments  cellulaires  chez  les  animaux  et  chez  les  plantes, 
surtout  quand  il  s'agit  des  animaux  supérieurs  et  des  plantes  pha- 
nérogames, qui  divergent  en  sens  opposé  et  au  maximum  des  types 
les  plus  inférieurs  dont  la  place  pourrait  être  encore  incertaine.  Si 
d'abord  on  considère  l'être  sain  dans  ces  deux  groupes,  on  ne 
trouve  qu'une  seule  analogie,  caractéristique  delà  matière  vivante, 
la  présence  du  protoplasma  et  du  noyau  dans  toute  cellule  à  l'état  de 
vie  active.  Quand  on  arrive  à  l'enveloppe  de  la  cellule,  on  trouve 
aussitôt  entre  l'animal  et  la  plante  une  différence  tellement 
importante  qu'on  a  pu  la  considérer  comme  le  meilleur  critérium 
permettant  immédiatement  de  dillerencier  les  deux  groupes  d'êtres.  La 
nature  de  la  membrane  établit  pour  chaque  cellule  chez  la  plante  un  état 
d'indépendance  et  d'individualité  propre  vis-à-vis  des  autres,  au 
sujet  duquel  il  n'y  a  guère  de  comparaison  à  établir  avec  les  ani- 
maux et  qui  imprime  aux  maladies  des  végétaux  une  allure  parti- 
culière. Ce  faciès  de  la  maladie  chez  la  plante  est  accentué  encore 
par  l'absence  de  tout  organe  comparable  au  système  nerveux  des 
animaux  et  par  la  spécialisation  très  rudimentaire  de  la  plupart  des 
fonctions.  L'absence  de  système  nerveux  ne  permet  pas  à  l'irritabi- 


MALADIES    DES    PLANTES    CULTIVÉES    DANS    LES    l'AVS    CHAUDS         207 

lité  spéciale  du  protoplasma  vivant  de  s'étendre  au  delà  de  limites 
fort  restreintes,  amoindries  encore  par  le  fait  de  la  présence  d'une 
membrane  rigide  autour  de  la  cellule.  De  cette  manière,  en  cas  de 
maladie  localisée,  le  dommage  pour  la  plante  se  borne  à  une  perte 
de  substance  élaborée  par  suite  du  fonctionnement  insuffisant  ou 
supprimé  d'une  portion  de  l'organisme.  Il  est  vrai  que  la  pertur- 
bation apportée  dans  la  nutrition  peut  avoir  pratiquement  des  résul- 
tats dune  certaine  gravité,  par  exemple  en  empêchant  la  fécondation 
ou  en  déterminant  la  chute  des  fruits,  chez  les  arbres  fruitiers. 

Si  un  très  petit  nombre  de  fonctions  s'accomplissent  presque 
identiquement  dans  les  deux  règnes,  ce  sont  exclusivement  des 
fonctions  du  protoplasma,  telle  la  fonction  respiratoire.  Ouant  aux 
maladies  de  la  nutrition  proprement  dite,  à  peine  peut-on  trouver 
quelque  ressemblance.  Les  différences  entre  le  mode  de  nutrition 
des  plantes  vertes  qui  fabriquent  de  toutes  pièces  les  hydrates  de 
carbone  et  celui  des  animaux  sont  trop  marquées,  pour  qu'il  y  ait 
quelque  rapport  précis  entre  les  altérations  que  subissent  ces  fonc- 
tions. P.  Vuillemin  '  assimile  au  processus  d'intJ animation  chez  les 
animaux  les  hypertrophies  et  hyperplasies  qui  succèdent  à  des  irri- 
tations de  cause  variable  chez  la  plante.  La  généralisation  est  exces- 
sive. L'  «  inflammation  »  chez  les  végétaux,  d'après  le  sens  que  lui 
attribue  Vuillemin,  n'a  qu'un  seul  caractère  commun  avec  l'inflam- 
mation chez  les  animaux  supérieurs  :  la  cause,  qui  est  de  nature 
réactionnelle  et  tient  à  l'irritabilité,  propriété  inhérente  à  tout  pro- 
toplasma vivant. 

Pour  qu'on  puisse  établir  la  comparaison  entre  les  maladies  des 
plantes  phanérogames  et  celles  des  animaux  supérieurs,  il  faudrait 
auparavant  observer  la  maladie  dans  les  groupes  intermédiaires. 
On  trouverait  sans  doute  certaines  ressemblances  entre  les  maladies 
des  invertébrés  inférieurs  où  la  spécialisation  des  organes  disparaît 
peu  à  peu  et  celles  des  groupes  végétaux  dépourvus  de  chloro- 
phylle.  Cette  étude  n'est  même  pas  ébauchée. 

Bref,  on  peut  sans  crainte  avancer  que  nous  ne  sommes  pas  encore 
au  jour  où,  suivant  l'expression  de  Charrin  2,  «  il  n'y  aura  qu'une 
pathologie  comme  il  n'y  a  qu'une  biologie  ». 

1.  Paul  Vuillemin.    Considérations   générales  sur  les  maladies  des   végétaux,   in 
Ch.  Bouchard,  «  Traité  de  pathologie  générale  »,  p.  136,  Paris,  LS95. 

2.  L)r  A.  Charrin.  Pathologie  végétale  et  pathologie  animale,  in  «  Revue  de  viticul- 
ture »,  IV,  1895,  p.  389. 


208  ÉTUDES    ET    .MÉMOIRES 

II 

TÉRATOLOGIE 

Avant  de  commencer  l'étude  des  maladies,  il  me  semble  néces- 
saire de  consacrer  un  chapitre  à  l'étude  des  formes  monstrueuses 
les  plus  importantes. 

On  peut  définir  un  monstre  toute  déviation  d'un  type  spécifique 
normal  se  produisant  en  dehors  de  toute  cause  pathogène  connue. 
Cette  définition  n'est  pas  parfaite,  mais,  pratiquement,  elle  est  con- 
forme à  la  réalité  des  faits  observés. 

L'étude  des  monstres  est  la  tératologie. 

L;i  maladie  doit  être  soigneusement  distinguée  de  la  monstruosité. 
Dans  le  premier  cas.  la  fonction  au  moins  est  altérée,  parfois  aussi 
la  forme.  Dans  le  second,  la  fonction  reste  intacte.  Il  semble 
pourtant  qu'en  pratique,  cette  distinction  perd  de  sa  rigueur,  comme 
nous  allons  le  voir.  D'ailleurs,  l'examen  minutieux  de  quelques  cas 
a  montré  que  le  parasitisme  ou  une  blessure,  voire  l'influence  de 
quelques  agents  extérieurs,  pouvaient  de  temps  en  temps  réaliser  des 
formes  considérées  comme  purement  tératologiques. 

En  tous  cas,  on  peut  dire  que  quand  la  déformation  est  d'origine 
parasitaire,  elle  n'apparaît  à  nouveau  qu'à  la  suite  d'une  nouvelle 
infection,  qu'il  est  toujours  possible  d'éviter  par  une  expérimentation 
convenable.  De  plus,  la  génération  asexuée,  buuturage,  greffage, 
reproduit  souvent  la  monstruosité  alors  que  le  semis,  sans  la  faire 
toujours  disparaître,  ne  la  montre  à  nouveau  qu'accidentellement. 

Les  formes  monstrueuses  présentées  par  les  végétaux  peuvent 
affecter  à  peu  près  tous  les  organes  '.  Elles  sont  variées  et  se  rap- 
portent à  un  grand  nombre  de  types.  Nous  ne  pouvons  en  étudier 
ici  qu'un  très  petit  nombre  et  nous  nous  bornerons  aux  suivants  : 

La  fasciation  ; 

L'albinisme  ; 

La  virescence  et  ses  formes,  chloranthie,  viviparité  ; 

La  pélorie. 

1.  Le  Dr  O.  Penzig  en   a   publié    assez  récemment    une    revision    assez   complète 
Pflanzenleratologie,  2  vol.  Gènes,  1894. 


MALADIFS    DES    PLANTES    CULTIVÉES    DANS    LES    PAYS   CHAUDS         209 

Fasciation.  —  La  fasciation  est  une  monstruosité  qui  atteint 
généralement  la  tige  principale,  mais  souvent  aussi  les  rameaux, 
chez  les  plantes  ligneuses  aussi  bien  qu'herbacées;  elle  déforme  ces 
organes  de  telle  manière  que  l'organe  atteint  au  lien  d'être  cylin- 
drique ou  prismatique,  s'aplatit,  devient  rubané,  s'élargit  souvent 
de  façon  à  devenir  méconnaissable  et  prend  l'apparence  d'une  ban- 
delette (fascia  en  latin). 

L'organe  fascié  montre  des  cannelures,  traces  extérieures  des 
faisceaux  fîbro-vasculaires;  ces  cannelures  sont  rapprochées,  paral- 
lèles ou  légèrement  divergentes  a  partir  de  la  base  du  rameau. 
Parfois,  à  l'extrémité  de  la  fascie,  ces  cannelures  forment  autant  de 
rameaux  courts  disposés  côte  à  côte.  Dans  certains  cas  aussi,  la  par- 
tie supérieure  montre  des  torsions  irrégulières,  indices  d'inégalités 
dans  la  croissance,  affectant  tantôt  une  face,tantôtl'autre  surlafascie. 

Les  organes  fasciés  portent  des  feuilles  nombreuses,  générale- 
ment normales  ou  à  peu  près,  quoique  un  peu  plus  petites  ;  mais  ces 
feuilles  sont  disposées  sans  ordre  apparent,  ou  du  moins  la  formule 
phyllotaxique  est  infiniment  plus  compliquée  qu'à  l'état  normal. 
De  plus,  ces  feuilles  durent  moins  longtemps  que  sur  les  rameaux 
sains  ;  aussi  observe-t-on  sur  la  fascie  de  nombreuses  traces  d'inser- 
tion de  feuilles.  Il  n'est  pas  rare  de  voir  des  anomalies  variables,  sur 
les  fleurs  des  rameaux  fasciés.  La  figure  3,  pi.  I,  représente  une 
fasciation  de  Fusain  du  Japon  (Evonymus  japonicus)  que  j'ai  obser- 
vée déjà  plusieurs  fois,  mais  toujours  sur  des  plantes  qui,  quoique 
placées  à  l'air  libre,  étaient  presque  complètement  soustraites  à  la 
lumière  solaire  directe.  J'ai  quelques  raisons  de  penser  qu'il  doit  y 
avoir  dans  le  cas  présent,  une  relation  de  cause  à  effet  entre  les  deux 
phénomènes. 

Il  faut  distinguer  dans  la  fasciation  deux  cas  bien  distincts  :  la 
fasciation  en  crête,  celle  qui  vient  d'être  décrite  ;  la  fasciation  bifur- 
quce  qui  résulte  de  la  soudure  de  deux  ou  plusieurs  rameaux. 
C'est  à  Hugo  de  Vries  qu'on  doit  ces  dénominations  '  ;  mais  la 
distinction  avait  depuis    longtemps  été   faite  par  Moquin-Tandon'2. 

Anatomiquement,  on  les  distingue  facilement, en  ce  sens  que 
dans  la   fasciation    bifurquée   on    trouve  les  cylindres  centraux   en 


1.  Hugo  de  Vries,  Over  de  erfelijkheid  der  fa.scia.tien,  in  «  Botan.  Jaarboek  »,  X, 
1894. 

2.  A.  Moquin-Tandon,  Éléments  de  tératologie  végétale,  Paris,  1841. 
Bulletin  du  Jardin  colonial.  I  1 


210  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

nombre  égal  à  celui  des  rameaux  soudés  seulement  par  leur  écorce. 
Ce  cas  n'est  pas  rare  sur  l'asperge.  Il  peut  coexister  avec  la  l'as- 
ciation  en  crête,  mais  seulement  vers  le  sommet  de  la  fascie,  lorsque 
la  plante  qui  montre  le  phénomène  est  naturellement  rameuse.  Un 
phénomène  identique  de  fasciation  bifurquée  peut  apparaître  quand 
des  arbres  volumineux  sont  taillés  au  ras  du  sol  dans  les  forêts.  Les 
bourgeons  adventifs  qui  se  produisent  sont  parfois  tangents  et  si  nom- 
breux que  dans  les  rameaux  qui  en  naissent  on  voit  de  fréquentes  sou- 
dures dès  l'origine.  D'autres  rameaux  se  soudent  un  peu  plus  tard 
et  forment  une  véritable  grelfe  par  approche  spontanée. 

Linné  1  ne  reconnaissait  comme  cause  de  fasciation  que  les  sou- 
dures des  axes. 

Moquin-Tandon  et  après  lui  de  Vries2  attribuent  la  fasciation  à 
une  nourriture  abondante  ;  aussi  les  végétaux  cultivés  la  montrent- 
ils  plus  souvent.  De  Vries  a  trouvé  la  fasciation  bien  plus  fréquem- 
ment sur  les  rameaux  très  vigoureux.  Il  y  voit  aussi  le  plus  sou- 
vent un  phénomène  d'hérédité.  A.  Nestler  :!  a  reconnu  la  véritable 
origine  anatomique  de  la  fasciation.  Elle  est  due  à  l'élargissement 
du  méristème  formateur  au  sommet  du  rameau.  Le  massif  de  cel- 
lules initiales,  qui  normalement  est  symétrique  par  rapport  à 
l'axe  du  rameau,  devient  alors  symétrique  par  rapport  à  un 
plan  passant  par  l'axe.  Dès  lors,  les  groupes  d'éléments  provenant 
de  ces  cellules  initiales  déplacées,  présentent  une  déformation  dans 
le  même  sens  mais  qui  s'amplifie  à  mesure  que  ces  éléments  se 
développent  et  augmentent  en  nombre.  D'où  la  structure  aplatie  et 
fortement  élargie  des  rameaux  fasciés.  Pour  Nestler,  la  surabon- 
dance  de  nourriture  ne  crée  pas  la  fasciation. 

D'un  autre  côté,  on  a  produit  de  temps  en  temps  cette  monstruo- 
sité en  enlevant  le  bourgeon  terminal  de  la  tige  dans  quelques 
plantes.  Tel  est  le  cas  de  Russell  sur  le  Cornouiller  sanguin  4  et 
d'autres  encore.  Il  faut  ajouter  que  le  parasitisme  peut  aussi 
lui  donner  naissance,  dans  le  cas.  par  exemple,  où  une  larve 
attaquant  une  plante  très  jeune  se  logerait  dans  la  moelle  dans    le 


1.  Linné,  Philosophia  botanica,  L751,  p.  27  i. 

2.  Ouvrages  cités. 

3.  A.  Nestler,  Untersuehungen  ùber  Fasciationen,  in  «  CEsterr.  Botan.  Zeitschrit'L  », 
XLIV,  L894. 

i.   W.  Russell,  Observations  sur   quelques   ras  de   fasciation,    in   «   Bulletin    de  la 
Société  botan.  de  France  »,  1894. 


Planche  I. 


il 

W 


\ 


M*'G.DeIacroixad  paL.del 


LÉGENDE. 

1.  Epi  de  Petit-Mil  [Peniciilaria  spicata)  atteint  par  la  chloranthie .  —  2.  Extrémité 
de  l'épi  normal.  —  3.  Rameau  de  Fusain  du  Japon  (Evonymus  europpeus)  atteint  de 
fasciation.  —  4.  Extrémité  d'un  rameau  normal  du  même.  —  5.  Fleur  de  Linaire  vul- 
gaire (Linaria  vulgaris)  atteinte  de  la  pélorie.  —  6.  Diagramme  de  la  fleur  péloriée  : 
K.  la  5e  étamine  (postérieure).  —  7.  Fleur  normale  de  la  même  :  Ep,  éperon.  — 
8.  Son  diagramme. 

(Les  figures  1.  2.  3.  i  sont  réduites  aux  2/5  ;  les  figures  5  et  7  aux  3  i.) 


212  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

voisinage  immédiat  du  sommet  (larve  de  Lépidoptère  dans  une  tige 
de   Picris   hieracioides)  l. 

Quelques  plantes  montrent  d'une  façon  normale  la  fasciation  en 
crête,  telle  l'Amarante  à  crête  [Celosia  cristata),  et  on  sait  que  les 
phénomènes  de  soudure  sont  très  fréquents  aussi  chez  les  plantes  : 
soudure  de  la  bractée  axillante  et  du  pédoncule  de  l'inflorescence 
dans  le  tilleul  ;  soudures  des  tiges,  avec  les  rameaux,  les  pétioles, 
les  pédoncules  floraux  chez  les  Solanées,  etc. 

La  fasciation  en  crête  se  reproduit  le  plus  souvent  par  greffe  ou 
bouture.  Par  semis,  la  réussite  est  assez  fréquente,  mais  moins  cer- 
taine. 

On  peut  la  faire  disparaître  sans  difficulté  par  l'extirpation  de 
toute  la  partie  alfectée,  et  le  bourgeon  latéral  qui  se  développe 
donne  généralement  un  rameau  normal. 

Albinisme.  —  L'albinisme  est  la  décoloration  qui  se  montre  à 
l'état  spontané  sur  un  végétal  vert,  sans  que  rien  ait  été  changé  dans 
sa  végétation,  sans  que  la  plante  paraisse  souffrir  de  cette  modifi- 
cation. L'albinisme  doit  être  différencié  de  la  chlorose  et  de  l'étiole- 
ment;  nous  en  dirons  quelques  mots    plus  loin. 

Cette  monstruosité  tient  à  une  altération  dans  la  couleur  des 
chloroleucites  et  à  une  diminution  dans  leur  nombre  ;  ils  sont  ici  de 
couleur  jaune  pâle  ou  presque  hyalins  et  la  quantité  d'amidon  qu'ils 
produisent  est  relativement  faible  -.  Les  parties  albinisées  des 
plantes  sont  en  général  plus  pauvres  en  cristaux  d'oxalate  de  chaux 
que  les  parties  vertes  '■''.  Ce  fait,  qui  coïncide  en  général  avec 
l'affaiblissement  de  la  transpiration,  s'explique  ici  par  l'absence 
de  chlorovaporisation.  Les  recherches  de  Church  4  ont  montré  que 
les  portions  blanchies  sont  plus  riches  en  eau  et  plus  pauvres  en 
matière  organique  que  les  parties  vertes,  sans  pourtant  que  les 
cendres  diminuent  nécessairement.  Et,  de  même  que  les  cendres 
des  feuilles  jeunes  renferment    plus  de  potasse  et  moins  de  chaux 


1.  Marin  Molliard,   Cas  de   virescenre  et  de  fasciation    d'origine   parasitaire,   in 
«  Revue  générale  de  Botanique  ».  XII,  1900,  p.  323. 

2.  Zinimermann,  Beilrage  sur  Morphologie  nnd  Physiologie  der  Pflanzenzelle. 

3.  Voir  à  ce  sujet,  avec   la   bibliographie  :  Dr  Ernst  Kuster,  Pathologische  l'/hni- 
zenanatomie,  Iéna,  1903,  p.   10. 

•1.  Church,  A  chemieul  Study  of  vegetable  albinism,  in  «  Journ.  of  chemical  Soc.  ». 
1879,  1880,  1S86. 


MALADIES    DES    PLANTES    CULTIVÉES    DANS    LES    PAYS    CHAUDS         213 

que  celles  des  feuilles  âgées,  il  y  a  une  relation  identique  entre 
les  feuilles  albinisées  et  les  feuilles  vertes  normales. 

L'albinisme  complet  est  rare.  Il  est  au  contraire  fréquent  à  l'état 
incomplet  sur  beaucoup  de  plantes  dont  les  organes  verts,  surtout 
les  feuilles,  sont  parfois  agréablement  mélangés  de  vert,  de  jaune 
et  de  blanc.  Ces  plantes  qu'on  dit  panachées  constituent  des  varié- 
tés horticoles  parfois  très  prisées.  On  les  trouve  sur  le  Sureau  com- 
mun, l'Erable  Negundo,  l'Aucuba  japonica,  le  Fusain,  le  Buis,  etc. 
La  canne  à  sucre,  le  Phalaris  roseau  et  d'autres  graminées  montrent 
souvent  des  bandes  alternativement  vertes  et  blanches  ou  jaunes. 
La  betterave  présente  parfois  des  feuilles  albinisées  d'un  blanc  pur. 

L'albinisme  est  facilement  transmissible  par  le  bouturage,  la 
greffe  et  souvent  aussi  le  semis. 

Virescence,  chloranthie.  frondescence,  viviparité.   — 

Dans  ces  divers  états  de  monstruosité,  les  organes  floraux  des 
plantes  prennent  la  forme  et  les  fonctions  des  feuilles.  Cette  trans- 
formation est  depuis  longtemps  un  des  arguments  qui  ont  décidé  les 
botanistes  à  admettre  que  les  verticilles  de  la  fleur  sont  constitués 
par  des  feuilles  transformées,  adaptées  à  une  fonction  spéciale.  Ici 
la  transformation  se  fait  en  sens  contraire.  C'est  une  métamorphose 
régressive . 

On  donne  quelquefois  le  nom  de  virescence  au  simple  change- 
ment de  couleur,  sans  aucune  modification  de  forme  dans  les  pièces 
de  la  fleur. 

La  transformation  des  bractées  florales  et  du  calice  en  feuilles  est 
assez  fréquente  dans  nombre  de  plantes.  La  transformation  com- 
plète de  tous  les  verticilles  d'une  fleur  en  feuilles  véritables  est  plus 
rare.  C'est  ce  cas  qui  porte  plus  spécialement  le  nom  de  chloran- 
thie ou  frondescence.  Dans  la  chloranthie,  les  petites  folioles  rem- 
plaçant les  organes  floraux  peuvent  prendre  la  forme  spéciale  des 
feuilles  de  la  plante.  C'est  ainsi  que  dans  la  chloranthie  du  trèile 
rampant,  chaque  pièce  florale  a  la  forme  d'une  petite  feuille  tri- 
foliolée.   . 

L"inflorescence  entière  peut  subir  la  modification.  Le  fait  n'est  pas 
absolument  rare  pour  un  certain  nombre  de  graminées  cultivées 
comme  céréales,  le  Blé,  le  Maïs,  etc.  La  figure  1  de  la  pi.  I  représente 
une  chloranthie  complète  de  l'inflorescence  du  Petit-Mil  (Penicillaria 
spicata)  rapportée  de  la  Guinée  par  M.  Dybowski.  On  a  voulu  dans 


214  ÉTUDES    ET    .MÉMOIRES 

ces  cas  attribuer  à  la  chloranthie  une  cause  accidentelle,  qu'on  a 
expliquée  ainsi  : 

A  la  suite  d'une  sécheresse  prolongée  et  dans  un  sol  riche  en 
substances  nutritives,  azotées  surtout,  malgré  cette  dernière  con- 
dition favorable  au  développement,  la  plante  a  pris  un  accroissement 
assez  peu  marqué.  Si,  au  moment  où  l'inflorescence  va  apparaître, 
la  plante  reçoit  brusquement  une  quantité  d'eau  très  considérable, 
elle  ne  peut  utiliser  l'aliment  dissous  qui  lui  arrive  en  excès  qu'en 
développant  en  feuilles  tous  ses  organes  appendiculaires,  même  les 
fleurs,  de  manière  à  pourvoir  convenablement  à  cette  alimenta- 
tion surabondante. 

Il  n'est  pas  prouvé  que  cette  explication  soit  toujours  juste  ;  mais 
en  tous  cas.  la  chloranthie  a  l'inconvénient  de  stériliser  la  fleur  et 
peut  être  l'origine  d'un  certain  dommage. 

La  viviparité  est  le  dernier  degré  de  complication  que  peut  pré- 
senter la  chloranthie;  elle  consiste  dans  l'apparition  aux  lieu  et  place 
des  org-anes  floraux  de  véritables  bourgeons  souvent  capables  de 
s'enraciner  et  de  reproduire  la  plante.  C'est  un  cas  fréquent  chez 
les  plantes  du  g-enre  A lliu m  (Ail)  et  d'un  certain  nombre  d'autres. 
On  voit  aussi  un  cas  analogue  dans  la  variété  vivipare  du  Paturin 
bulbeux.  Draparnaud  '  a  observé  que  pour  ce  cas,  la  viviparité  n'est 
fréquente  que  dans  les  années  humides. 

Pélorie.  —  Les  altérations  dans  la  couleur,  le  nombre  des 
pièces  de  la  fleur  sont  très  fréquentes. 

De  même,  la  transformation  des  étamines  ou  même  des  pistils  en 
pétales,  et  qui  amène  la  production  de  fleurs  doubles,  est  très  répan- 
due, et  ce  dernier  cas  est  le  plus  souvent  le  résultat  d'une  alimen- 
tation très  riche.  Ces  faits  sont  bien  connus.  Mais  il  est  une  alté- 
ration singulière  de  la  fleur,  dont  je  dirai  quelques  mots.  C'est  la 
pélorie. 

La  pélorie  est  la  transformation  d'une  fleur  naturellement  zygo- 
morphe,  c'est-à-dire  symétrique  par  rapport  à  un  plan  traversant 
le  pédoncule  en  une  fleur  parfaitement  régulière.  Décrite  la  pre- 
mière fois  par  Linné  sur  la  Linaire  vulgaire,  la  (leur  ainsi  mons- 
trueuse lui  apparut  comme  appartenant  à  une  espèce  différente 
qu'il  appela  Peloria  (du  mot  grec  zeXop,  prodige).  Le  nom  de  Pélo- 
rie est  resté  aux  monstruosités  de  cette  nature. 

1.   D'après  Moquin-Tandon.  ouvrage  cité. 


MALADIES    DES    PLANTES    CULTIVÉES    DANS    LES    PAYS    CHAUDS        215 

La  Linaire  vulgaire  (Scrophulariacée)  est  la  plante  qui  montre  le 
plus  souvent  la  pélorie.  Dans  le  genre  Linaire,  la  fleur  normale  a  sa 
corolle  bilabiée,  le  pétale  antérieur  prolongé  en  un  éperon  traversé 
par  le  plan  de  symétrie  de  la  fleur  ;  de  plus,  l'étamine  postérieure 
(médiane)  disparaît  et  l'androcée  est  réduit  à  4  étamines.  La  pélorie 
amène  la  régularité  de  la  fleur  :  l'apparence  bilabiée  disparaît,  la 
corolle  devient  régulière,  chaque  pétale  acquérant  un  éperon,  et 
l'androcée   se  complète  à  5  étamines. 

La  pélorie  n'est  donc  qu'un  retour  accidentel  au  type  régulier. 
Elle  peut  être  incomplète.  J'ai  vu  une  inflorescence  de  Linaire 
vulgaire  où  toutes  les  fleurs  à  S  éperons  et  5  étamines  conservaient 
néanmoins  l'irrégularité  de  la  corolle  restée  bilabiée. 

La  pélorie  a  été  vue  sur  bien  d'autres  plantes,  Linaires,  Antir- 
rhinum,  Labiées,  Violettes,  Aconits,  Pelaryonium,  Orchidées,  etc. 


Classification  des  maladies. 

Les  maladies  des  plantes  sont  divisées  en  deux  groupes  : 

a,  celles  qui  sont  dues  à  l'action  de  causes  non  animées,  comme 

les  blessures,  l'action  défavorable  des  agents  météoriques. 

/>,    celles   qui     sont    causées    par    la    pénétration   d'organismes 

vivants  ;  ce  sont  les  maladies  parasitaires. 

MALADIES     NON     PARASITAIRES 

Les  maladies  non  parasitaires  comprennent  : 

1°  L'action  des  blessures  et  de  leurs  conséquences,  c'est-à- 
dire  l'étude  de  la  cicatrisation  et  des  modifications  qu'elle  peut 
entraîner  dans  l'apparence  et  la  structure  anotomique  des  organes, 
et  aussi  l'étude  de  quelques  phénomènes  pathologiques,  apparais- 
sant généralement  après  les  blessures,  la  formation  des  gommes 
par  exemple  ; 

2°  L'action  des  agents  météoriques  et  du  sol  sur  la  plante,  con- 
sidérée en  particulier  au  point  de  vue  des  altérations  et  des  mala- 
dies dont  ils  sont  parfois  la  cause  directe,  c'est-à-dire  action  du 
sol,  de  l'humidité,  de  la  chaleur  (excès  ou  manque),  de  la  lumière 
(excès  ou  manque)  ; 


21  (i  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

3°  L'étude  de  quelques  maladies  de  cause  complexe,  mais  se  rap- 
portant directement  à  celles  énumérées  plus  haut,  chlorose  par 
exemple. 

I 
LES     BLESSURES 

Les  blessures  comprennent  les  lésions  des  plantes  d'origine 
mécanique,  dans  lesquelles  les  éléments  anatomiques  brusquement 
frappés  sont  tués  sur  place  ou  arrachés  de  leurs  connexions  natu- 
relles. Les  causes  des  blessures,  les  caractères  qu'elles  présentent 
sont  fort  divers.  Tantôt  c'est  un  écrasement  :  choc  de  corps  étran- 
gers, heurt  de  voitures,  chute  de  grêlons  ;  tantôt  une  rupture 
brusque  :  fracture  complète  ou  incomplète  des  branches  qui  se 
brisent  sous  la  poussée  du  vent,  le  poids  de  la  neige  ou  du  verglas, 
ou  même  d'une  surcharge  trop  considérable  de  fruits  ;  tantôt  une 
disjonction  des  éléments  anatomiques  dans  l'intérieur  du  corps  de 
la  plante,  sous  l'action  du  froid  qui  y  fait  cristalliser  l'eau  dans  les 
méats,  ou  par  rupture  longitudinale  due  à  une  contraction  produite 
par  le  froid  ;  tantôt  l'action  destructive  des  insectes  ou  des  mammi- 
fères rongeurs  qui  amènent  des  pertes  de  substance  plus  ou  moins 
considérables.  Mais  le  plus  souvent,  c'est  l'homme  qui,  la  main 
armée  d'instruments  tranchants,  blesse  les  végétaux,  les  émonde, 
les  taille,  les  rogne,  en  fait  des  greffes,  des  boutures,  en  un  mot 
les  exploite  pour  son  profit  ;  mais  généralement  il  opère  de  manière 
que  ces  blessures  soient  d'une  utilité  immédiate  ou  éloignée  sui- 
vant l'usage  auquel  il  destine  un  végétal  quelconque. 

Indépendamment  des  plaies  qui  par  leur  siège  et  leur  nature  ont 
pour  conséquence  directe  la  mort  du  végétal,  le  plus  grand  danger 
que  présentent  les  solutions  de  continuité  pour  une  plante,  c'est  de 
permettre  la  pénétration,  d'être  la  porte  d'entrée  d'un  bon  nombre 
d'organismes  qui  sans  elles  n'eussent  pu  vaincre  la  résistance  oppo- 
sée par  les  tissus  externes. 

Cicatrisation  simple. 

L'épiderme  recouvert  de  sa  cuticule  ou  le  périderme  subéreux 
d'origine  corticale  protègent  les  tissus  sous-jacents  contre  l'évapo- 


MALADIES    DES    PLANTES    CULTIVÉES    DANS    LES    PAYS    CHAUDS        217 

ration  excessive  qui  ne  pourrait  manquer  de  se  produire  si  ces  tis- 
sus n'étaient  imprégnés  de  substances  spéciales,  cutine  ou  subérine, 
qui  assurent  leur  imperméabilité. 

La  destruction,  limitée  même  a  un  espace  restreint,  de  la  couche 
protectrice  entraîne  d'abord  la  dessiccation  et  la  mort  des  éléments 
sectionnés,  et,  suivant  les  plantes,  d'un  nombre  variable  de  couches 
placées  immédiatement  au-dessous.  C'est  la  simple  dessiccation  du 
protoplasme  qui  amène  cette  action.  Puis  dans  les  cellules  placées  plus 
profondément,  quelques  couches  modifient  leur  membrane  alors 
que,  dans  les  éléments  rapidement  tués,  celle-ci  s'est  conservée 
intacte  ou  à  peu  près.  Cette  membrane  prend  alors  le  caractère 
chimique  du  liège,  mais  sans  qu'il  y  ait  encore  aucune  modification 
dans  le  nombre  ou  même  la  dimension  des  cellules.  En  tous  cas, 
les  éléments  tués  ou  subérisés  perdent  rapidement  leur  contenu;  les 
cellules  qui  se  remplissent  d'air  isolent  la  couche  sous-jacente  res- 
tée vivante  et  empêchent  la  dessiccation  du  protoplasma.  En  même 
temps  le  bois  et  en  général  les  tissus  sclérifiés  peuvent  subir 
quelques  modifications  que  nous  étudierons  dans  un  instant.  Le 
processus  que  nous  venons  de  décrire  est  le  plus  simple  qu'on  ren- 
contre chez  les  plantes.  IL  s'observe  souvent.  On  le  voit  par 
exemple  dans  la  cicatrisation  des  boutures  des  tiges  de  Vanillier. 
(Voir  pi.  II,  fig.  4.) 

La  rapidité  de  ce  processus  de  cicatrisation  varie  avec  la  plante 
et  la  nature  de  la  blessure.  Quand  la  dessiccation  est  lente,  on  a  sou- 
vent à  craindre  la  pénétration  d'organismes  dangereux  pour  l'avenir 
de  la  plante,  par  l'intermédiaire  des  tissus  lésés  qui  n'offrent  qu'une 
résistance  insuffisante.  II  est  indiqué  alors  d'obturer  la  plaie  à  l'aide 
d'un  corps  imperméable,  en  attendant  la  réparation  naturelle.  On  se 
contentait  jadis  de  la  bouse  de  vache,  parfois  pétrie  avec  de  l'argile; 
on  a  plus  d'avantage  à  substituer  à  cette  mixture  malpropre  et  sou- 
vent insuffisante,  soit  l'huile  de  lin  cuite  mélangée  ou  non  de  résines, 
ou  encore  le  coaltar  ou  goudron  de  houille,  ou  un  des  nombreux 
onguents  qu'on  trouve  dans  le  commerce.  Si  même  on  a  quelque 
raison  de  supposer  que  des  germes  étrangers  existent  déjà  à  la 
surface  de  la  plaie  vive,  on  devra,  avant  d'appliquer  le  corps 
isolant.  antiseptiser,  désinfecter  par  l'emploi  de  certaines 
solutions  la  surface  sectionnée,  qu'on  aura  rendue  lisse  avec  un 
instrument  tranchant.  On  emploiera  indistinctement  une  solution 
saturée  de  sulfate  de  fer,  dans  l'eau  additionnée  ou  non  de  1   pour 


218  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

100  d'acide  sulfurique  à  60"  Baume  '.  une  solution  d'acide  sulfu- 
rique à  1  pour  10  dans  l'eau,  ou  une  solution  de  sulfate  de  cuivre 
à  10  ou  15  pour  100  d'eau.  Le  liquide  étant  desséché,  on  étendra 
sur  la  surface  blessée  l'enduit  protecteur. 

Le  mode  simple  de  cicatrisation  des  plaies,  qui  vient  d'être 
décrit,  se  rencontre  dans  beaucoup  de  cas  de  blessures  de  feuilles, 
dans  la  cicatrisation  de  certaines  boutures  surtout  de  monocotvlé- 
dones  ;  mais  bien  souvent  aussi  le  processus  peut  se  compliquer 
comme  nous  allons  le  voir. 

Épanchement  de  matières  extravasées  à  la  surface  des 
plaies.  —  La  blessure  peut  déterminer  l'ouverture  de  canaux, 
sécréteurs  ou  non,  ou  de  réservoirs,  qui  dans  la  plante  vivante 
contiennent  des  substances  naturellement  fluides  ;  celles-ci  peuvent 
se  solidifier  une  fois  épanchées  et  former  ainsi  un  enduit  protecteur 
et  impénétrable2.  Chez  les  Conifères,  par  exemple,  la  section  ouvre 
des  canaux  résinifères  dans  l'écorce,  ou  dans  le  bois,  ou  même  les 
deux,  suivant  les  espèces.  La  térébenthine  qui  s'échappe  de  la  plaie 
se  résinifie  et  durcit  à  l'air.  De  plus,  dans  le  voisinage  de  la  plaie, 
les  trachéides  s'imprègnent  de  résine  et  deviennent  inaltérables. 

Chez  d'autres  plantes  productrices  dégommes,  dégommes-résines, 
d  oléo-résines,  des  phénomènes  identiques  se  produisent.  Citons  au 
hasard  quelques  exemples  :  Caïl-cédra  [Khaya  seneyalensis),  Mélia- 
cée  productrice  de  gomme  ;  Anacardium  occidentale,  Térébinthacée 
qui  donne  une  gomme-résine  ;  de  même  les  Ombellifères  produisant 
aussi  des  gommes-résines  comme  le  Ferula  Asa-fcetida  (asa-fœtida), 
YOpoponax  Chironium  (opoponax).  Dore  ma  ammoniacum  (gomme- 
ammoniaque),  etc.;  parmiles  Légumineuses-Gaesalpiniées,  les  arbres 
à  Copal  (divers  Trachylobium  et  Guihourfia,  Hymenœa  Courbaril), 
les  arbres  à  Copahu  'divers  Copaifera)  ;  l'arbre  à  benjoin  (Styrax 
Benzoin)  parmi  les  Stvracinées,  etc. 

Gomme  de  blessure.  —  Dans  bon  nombre  de  Phanérogames, 
ligneux  surtout,  on  voit  souvent  dans  le  bois,  à  la  suite  et  au  voi- 

1.  La  confection  de  ce  mélange,  qui  n'est  autre  que  la  formule  de  Skawinski 
employée  pour  le  traitement  de  l'anthracnose  de  la  vigne,  du  chancre  des  arbres 
fruitiers,  etc.,  exige  quelques  précautions.  Pour  éviter  les  projections  de  ce  liquide 
caustique  on  devra  verser  d'abord  l'acide  sulfurique  sur  les  cristaux  de  sulfate  de  fer  el 
ensuite,  en  un  mince  filet,  l'eau  tiédie.  Il  faut  opérer  dans  un  vase  en  bois  ou  en  grés. 
non  en  métal,  pour  éviter  la  décomposition  du  sulfate  de  fer. 

•2.  Voir  à  ce  sujet  :  Dr  A.-B.  Frank.  Die  Krankheiten  (1er  Pflanzen,  2«  édition. 
Breslau,  ls'»5.  vol.  I,  pp.   15-50,  avec  la  bibliographie  du  sujet. 


Planche  II. 


elacroix  àc 


LÉGENDE. 

I.  Section  longitudinale  d'un  rameau  de  pêcher  coupé  transversalement, 
montrant  la  gomme  de  blessure,  B.  g  :  H  et  m,  bois  et  moelle,  normaux.  — 
2.  Coupe  longitudinale  dans  un  rameau,  du  même,  montrant  le  mode  de 
formation  de  la  gomme  de  blessure  clans  le  pêcher.  V,  vaisseau;  P.  I, 
cellule  de  parenchyme  ligneux;  n,  noyau;  p,  protoplasma,  G.,  gomme; 
R  m,  rayon  médullaire  avec  granulations  brunes  amorphes;  Fi,  fibre 
ligneuse.  —  3.  Coupe  longitudinale  dans  un  rameau  de  caféier  portant  la 
gomme  de  blessure:  Fff,  fibre  ligneuse  avec  granulations  et  masses  brunes; 
K,  protoplasma  et  noyau  de  la  cellule  gommipare  du  parenchyme  ligneux. 
—  i.  Coupe  longitudinale  d'une  bouture  de  tige  de  Vanillier  :  Ep,  épi- 
derme:  /'.  n.  parenchyme  cortical;  P.  s,  le  même  snbérisé  à  la  base  de  la 
bouture:   V,  vaisseaux  avec  gomme  de  blessure,  G. 


220  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

sinage  des  blessures,  une  modification  spéciale  dans  la  coloration 
des  tissus  qui,  au  bout  de  peu  de  temps,  prennent  une  teinte  jaune- 
brunâtre  ou  rougeàtre.  Les  tissus  ligneux  sont  ainsi  imprégnés  assez 
loin  au  delà  de  la  plaie,  parfois  deux  ou  trois  centimètres.  La  matière 
incluse  dans  les  éléments  ne  s'écoule  pas  au  dehors  et  par  suite  ne 
s'étale  point  à  la  surface  de  la  plaie.  Au  microscope  on  voit  dans  les 
cellules  des  rayons  médullaires,  dans  les  libres,  dans  les  cellules  du 
parenchyme  ligneux,  une  matière  amorphe,  d'abord  jaune  pâle  qui 
brunit  ensuite  plus  ou  moins  fortement.  La  paroi  jaunit  également, 
et  le  contenu  entier,  les  grains  d'amidon  surtout,  concourent  à  la 
formation  de  la  gomme  de  blessure. 

Le  grain  d'amidon  conserve  longtemps  sa  forme  extérieure  ; 
lorsque  sa  coloration  a  peu  changé,  il  réagit  encore  à  l'action  de 
l'eau  iodée;  mais  il  devient  bientôt  insensible  à  cette  substance,  ce  qui 
implique  une  modification  importante  dans  sa  composition  chimique.  '• 
En  même  temps,  dans  les  vaisseaux  apparaît  une  matière  gommeuse 
Huide  et  jaune  pâle  au  début,  mais  qui  bientôt  brunit  comme  le 
contenu  des  autres  éléments  et  se  concrète  en  une  matière  amorphe  ; 
cette  substance  ne  tarde  pas  à  obturer  le  vaisseau.  L'ensemble  de 
ces  formations  constitue  ce  qu'on  appelle  la  gomme  de  blessure. 

La  gomme  qui  apparaît  dans  le  vaisseau  est  au  début  en  partie 
soluble  dans  l'eau  ;  mais  elle  y  devient  rapidement  insoluble.  Dans 
quelques  cas  où  on  a  pu  expérimenter,  chez  des  Pomacées,  des 
Amygdalées,  etc.,  on  a  constaté  qu'elle  produisait  de  l'acide 
mucique  en  présence  de  l'acide  azotique.  A  l'état  âgé,  elle  est  à 
peine  susceptible  de  se  gonfler  au  contact  de  la  potasse,  et  il  est 
fort  vraisemblable  que  sa  coloration  brune  tient  à  la  présence  de 
tannins  provenant  delà  membrane,  qui  peu  à  peu  brunissent  à  l'air 
par  l'action  d'enzymes  oxydantes,  corps  encore  insutïisamment  étu- 
diés, mais  qui  semblent  répandus  dans  le  règne  végétal.  La  compo- 
sition chimique  mal  élucidée  de  la  gomme  de  blessure  varie  sans 
doute,  d'ailleurs,  avec  la  plante  qui  la  produit. 

Frank  a  montré  par  une  expérience  simple  '  l'imperméabilité  de 
la  gomme  de  blessure  : 

Il  choisit  un  rameau  où  la  gomme  de  blessure  s'est  formée  au 
sommet  sur  une  certaine  longueur  après  que  l'extrémité  avait  été 


1.  IV  A.  H.  Frank,  Ueber  die  Gummibildung  im  Holzs  mvl  deren  physiologische 
Bedeutung,   in  «  Berichte  def  deutschen  botanischen  Gesellschaft  ».  II,  1884,  p.  329. 


MALADIES    DES    PLANTES    CULTIVÉES    DANS    LES    PAYS    CHAUDS         221 

taillée.  Il  écorce  entièrement  le  rameau  jusqu'au  bois,  et  l'introduit 
dans  un  tube  percé  d'un  bouchon,  la  partie  brunie  sortant  complè- 
tement en  dehors.  Le  bouchon,  le  bord  du  tube,  la  surface  latérale 
du  fragment  du  bois  sont  vernis  à  plusieurs  couches;  la  section  reste 
telle.  Puis  le  tube  est  rempli  d'eau  et  on  le  met  en  communication 
avec  une  machine  pneumatique.  Les  bulles  d'air  contenues  dans  la 
partie  saine  du  bois,  en  dessous  de  la  gomme  de  blessure,  se 
dégagent  dès  que  la  machine  pneumatique  fonctionne,  puis  tout 
dégagement  cesse  :  ce  qui  implique  évidemment  que  la  partie 
envahie  par  la  gomme  de  blessure  ne  laisse  pas  passer  l'air  exté- 
rieur. En  effet,  si  on  ealève  tranche  par  tranche  la  partie  brunie,  et 
si,  dès  qu'elle  est  enlevée  complètemeut,  on  fait  à  nouveau  fonction- 
ner la  machine  pneumatique,  on  voit  les  bulles  reparaître  :  la  per- 
méabilité du  rameau  est  rétablie. 

Le  mode  de  formation  de  la  gomme  dans  les  vaisseaux  a  été 
observé  par  Frank  (ouvrage  cité)  sur  le  cerisier,  par  Mangin  ',  et  par 
Prillieux  et  Delacroix  "2  sur  la  vigne.  J'ai  pu  voir  son  mode  de  for- 
mation dans  le  pêcher  3,  dans  le  cacaoyer,  dans  le  caféier.  Il  est 
partout  sensiblement  identique  à  ce  que  Frank  a  le  premier  décrit. 

Dans  ces  différentes  plantes,  on  voit  se  montrer  dans  les  éléments 
restés  vivants  du  parenchyme,  immédiatement  en  contact  avec  le 
vaisseau,  une  matière  réfringente  jaune  très  pâle  qui  repousse  sur  le 
côté  delà  cellule  opposé  au  vaisseau  le  contenu  de  la  cellule,  proto- 
plasma et  noyau. 

La  quantité  de  cette  matière  jaune  pale,  la  gomme,  augmente 
peu  à  peu  ;  la  pression  grandit  dans  la  cavité  cellulaire  et  devient 
assez  forte  pour  vaincre  la  résistance  de  la  paroi  mince  de  la  ponc- 
tuation entre  le  vaisseau  et  la  cellule  de  parenchyme.  La  cloison 
étant  déchirée,  la  gomme  s'épanche  dans  le  vaisseau,  et  comme  de 
nombreuses  cellules  sont  le  siège  d'une  semblable  formation,  la 
quantité  de  gomme  épanchée  devient  suffisante  pour  obturer  entiè- 
rement la  lumière  du  vaisseau. 

La  gomme  produite  dans  la  cellule  provient-elle  du  contenu  ou 
de  la  membrane,  c'est  ce  qu'on  ignore.  Il  faut  reconnaître  pourtant 


1.  L.  Mangin,  Sur  la  Gommose  de  la  vigne,  «  Revue  de  viticulture  »,  II,    lr'  partie, 
5  janvier  1895. 

2.  Prillieux  et  Delacroix,  La  Gommose  bacillaire,  maladie  des  Vignes,  in»  Annales  de 
1  Institut  national  agronomique  »,  t.  XIV  et  tirage  à  part,  janvier  1895. 

3.  Dr  Georges  Delacroix,  Atlas  de  Pathologie  végétale,  pi.  II,  fig.  6  et  7. 


222  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

que  si  la    paroi   de  la  cellule  jaunit,  elle  ne  semble  pas  diminuer 
d'épaisseur. 

Les  figures  1,  2,  3  de  la  planche  II  montrent  la  formation  de  la 
gomme  de  blessure  dans  le  pêcher  (1 ,  2)  et  dans  le  caféier  (3). 

Des  phénomènes  analogues  à  ceux  qui  viennent  d'être  décrits  se 
montrent  lors  de  l'envahissement  du  bois  de  beaucoup  de  végétaux 
par  différents  parasites,  polypores  ou  autres.  Debrav  et  Roze  ont 
décrit  comme  les  kystes  d'un  Myxomycète  qu'ils  appelaient  Pseu- 
docommis Vitis,  les  corpuscules  plus  ou  moins  arrondis  et  réguliers 
qui  constituent  la  gomme  de  blessure,  surtout  dans  les  cellules. 

Considérée  au  point  de  vue  de  son  rôle  physiologique,  la  gomme 
de  blessure  n'est  qu'une  manifestation  de  la  réaction  des  tissus  res- 
tés vivants  du  bois,  le  parenchyme  ligneux.  Elle  est  destinée  à 
opposer  une  barrière  à  l'invasion  des  parasites,  champignons  ou 
bactéries,  barrière  souvent  franchie,  parfois  même  consommée  par. 
ces  mêmes  parasites. 

Formation  des  tissus  nouveaux  àla  suite  des  blessures. 

Les  procédés  d'obturation  des  plaies  que  nous  venons  de  décrire 
sont  les  plus  simples  qu'on  puisse  observer  et  n'exigent  pas  une 
activité  considérable  de  la  part  des  tissus  qui  les  accomplissent.  En 
tous  cas,  nous  n'avons  observé  jusqu'ici  aucune  prolifération  de  tis- 
sus, non  plus  qu'aucun  changement  de  forme,  ni  de  dimension  des 
cellules.  Mais  ce  ne  sont  pas  là  les  cas  les  plus  fréquents. 

De  nombreux  végétaux,  au  bout  d'un  temps  variable  après  la 
blessure,  montrent  dans  le  voisinage  de  celle-ci  des  proliférations 
et  l'apparition  de  tissus  nouveaux  qui  sont  dus  à  la  réaction  des 
éléments  vivants  et  non  blessés. 

Cette  réaction  est  la  conséquence  immédiate  de  l'irritabilité  dont 
jouissent  les  cellules  vivantes  ;  elle  a  généralement  son  point  de 
départ  a  quelque  distance  de  la  blessure.  L'excitation  peut  n'atteindre 
qu'une  seule  rangée  de  cellules,  c'est  le  cas  qui  paraît  le  plus  fré- 
quent; mais  parfois  cette  excitation  peut  se  transmettre  de  proche 
en  proche  à  plusieurs  épaisseurs  de  cellules  !  (Ricin,  par  exemple). 


1.  Voir  à  ce  sujet  :  Jean  Massard,  La  Cicatrisation  chez  Les  végétaux,  in  «  Mémoires 
couronnés  et  autres  mémoires  publiés  par  l'Académie  royale  de  Belgique  »,  t.  LVII, 
1898,  avec  la  bibliographie  de  la  question. 


Planche  III. 


Yt.m. 


vm 


i 


s 


c&  fx 


>"      /    1  / 


laci-oix  àà  nat  i 


LÉGENDE. 

I.  Cicatrisation  d'une  plaie  d'insecte  sur  un  fruit  de  vanille  :  a,  les  cellules  ampli- 
fiées subérisées,  qui  parfois  se  divisent  en  a'  ;  h.  restes  de  cellules  desséchées  (d'après 
Tschirsch).  —  2.  Coupe  transversale  à  travers  une  racine  aérienne  de  Vanillier  à  l'en- 
droit d'une  plaie  longitudinale  cicatrisée  :  V,  Y\  les  2  couches  persistantes  du  voile, 
la  seconde  à  parois  épaisses  ;  P.  c.  n.,  parenchyme  cortical  normal;  V.  d.,  portion  de  V\ 
desséchée  (épaississement  disparu)  ;  C.  d,  cellules  du  parenchyme  cortical  tuées  par  le 
traumatisme;  C.  s,  cellules  subérisées  non  hypertrophiées;  C.  h.  s,  cellules  hypertro- 
phiées en  partie  subérisées;  La,  lacune.  —  3.  Coupe  longitudinale  de  la  même  à  la 
partie  moyenne  de  la  plaie;  C.  m,  cellules  mortes  du  parenchyme  cortical.  —  i.  La 
même  coupe  sur  le  bord  de  la  plaie  ;  mêmes  lettres. 


'22Ï  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 


Dans  une  rangée  de  cellules,  l'excitation  se  transmet  en  ligne  droite 
ou  du  moins  suivant  une  direction  parallèle  à  celle  de  la  blessure. 
Mais  elle  est  arrêtée  quand  sur  son  chemin  se  rencontrent  des  élé- 
ments morts,  incapables  de  prolifération  (fibres,  par  exemple).  Dans 
ce  cas,  la  direction  s'incurve  au-dessous  ou  même  bifurque  de 
manière  à  envelopper  comme  un  séquestre  le  groupe  d'éléments 
morts  (Jean  Massard,  ouvrage  cité).  Sur  la  nature  de  l'excitant,  on 
ne  peut  faire  que  des  hypothèses. 

Quelle  que  soit  sa  nature  et  son  importance,  la  réaction  ne 
s'exerce  que  sur  des  cellules  vivantes.  Elle  peut  se  produire  aux 
dépens  d'un  méristème  normal  (cambium),  mais  des  éléments  où  le 
pouvoir  de  multiplication  a  cessé  de  se  manifester,  bien  qu'ils  soient 
munis  de  protoplasma  et  de  noyau,  peuvent  être  en  quelque  sorte 
rajeunis  et  acquérir  le  pouvoir  de  se  diviser  à  nouveau. 

La  formation  de  cellules  nouvelles,  ou  hyperplasie,  est  accompa- 
gnée d'une  hypertrophie  plus  ou  moins  apparente.  Elle  aboutit  à  la 
formation  d'un  bourrelet  plus  ou  moins  visible  à  l'extérieur. 

Suivant  le  mode  de  formation  du  bourrelet,  on  peut  distinguer 
deux  cas  bien  distincts,  mais  entre  lesquels  il  se  présente  parfois 
des   intermédiaires   : 

1°  Les  tissus  nouveaux  qui  prennent  naissance  sont  parenchyma- 
leux  et  homogènes.  On  peut  dire  dans  ce  cas  que  le  bourrelet  est 
simple. 

2°  Les  tissus  nouvellement  formés  sont  hétérogènes.  Le  bourrelet, 
d'abord  parenehymateux,  se  ditférencie  par  places  et  produit  des 
faisceaux  fibro-vasculaires.  C'est  le  bourrelet  complexe. 

Bourrelet  simple. 

Un  des  cas  les  moins  compliqués  de  bourrelet  simple  nous  est 
fourni  par  la  cicatrisation  des  plaies  du  fruit  et  des  racines  aériennes 
de  Vanillier.  La  tigure  1  (pi.  III)  nous  montre  une  piqûre  d'insecte 
ayant  perforé  une  capsule  de  vanille,  à  peu  près  complètement 
cicatrisée.  Si  on  considère  la  surface  de  la  plaie,  on  voit  qu'il  n'y 
a  pas  eu  prolifération  des  cellules  du  péricarpe,  mais  que  celles-ci 
ont  subi  un  allongement  notable  selon  une  direction  perpendicu- 
laire à  celle  de  la  plaie.  Une  ou  deux  rangées  de  cellules  seulement 
participent  à  cette  hypertrophie.  De  plus,  la  paroi  de  ces  cellules 
amplifiées  a  subi  la  transformation  subéreuse. 

Une  blessure   longitudinale  de  racine  aérienne  de  vanillier  pré- 


MALADIES    DES    PLANTES    CULTIVÉES    DANS    LES    PAYS    CHAUDS         22 


J.1-) 


sente  encore  plus  nettement  ce  processus  très  spécial  de  cicatrisa- 
tion (fig.  2,  3,  4,  pi.  III).  La  plaie  longitudinale  a  enlevé  toute  la 
partie  non  exfoliée  du  voile  et  en  particulier  la  dernière  couche  de 
celui-ci,  formée  de  cellules  à  parois  fortement  épaissies  vers  le 
dehors  (V7);  elle  entame  aussi  le  parenchyme  cortical  sous-jacent. 
Le  voile  ne  montre  plus  sur  la  coupe  que  deux  assises  V  et  V7  ; 
la  deuxième  à  parois  épaissies.  Sur  la  partie  blessée  et  cicatrisée, 
on  voit  de  dehors  en  dedans  :  1°  La  couche  V"  d,  formée  par  la 
couche  V  ,  dont  les  éléments  morts  ont  perdu  tout  épaississement . 
2°  La  couche  C.  (/,  constituant  les  trois  ou  quatre  premières  assises  du 
parenchyme  cortical,  tuée  comme  la  précédente  par  la  dessiccation 
due  au  traumatisme.  Dans  ces  cellules,  la  membrane  n'a  subi  aucune 
modification  et  est  restée  cellulosique.  3°  Une  couche  d'une  seule 
épaisseur,  et  en  de  rares  endroits  de  deux  épaisseurs  de  cellules, 
ayant  conservé  la  dimension  normale  des  éléments  du  parenchyme 
cortical,  mais  dont  la  paroi  s'est  épaissie  et  subérisée.  4°  Une  der- 
nière couche,  C.  h.  s.,  dont  les  éléments  se  sont  notablement  hyper- 
trophiés, mais  ne  sont  subérisés  qu'à  la  partie  externe.  Cette 
couche  précède  immédiatement  le  parenchyme  cortical,  resté  nor- 
mal, P.  c.  N.  Ce  n'est  que  rarement  que  dans  ces  éléments  une  cel- 
lule se  cloisonne  comme  en  a'  (pi.  III,  fig.  1)  ou  en  KK'  (pi.  III, 
fig\  2).  Le  cloisonnement  ne  se  prolonge  pas  au  delà,  et  je  n'ai 
jamais  pu  voir  autre  chose,  sur  des  plaies  dont  la  cicatrisation  était 
entièrement  terminée. 

En  somme,  dans  le  cas  actuel,  il  n'y  a  pas  à  proprement  parler, 
de  néoformations  cellulaires.  Le  processus  de  cicatrisation  se  borne 
à  la  subérisation  complète  de  l'assise  superficielle  restée  vivante 
après  la  blessure,  et  à  l'hypertrophie  notable  des  éléments  de  la 
couche  sous-jacente  ;  ces  derniers  subissent  surtout  un  allonge- 
ment dans  un  sens  perpendiculaire  à  la  direction  de  la  plaie  et  ne 
sont  subérisés  que  sur  leur  face  externe.  Les  figures  2  (coupe  trans- 
versale), 3  et  4  (coupes  longitudinales)  de  la  planche  III 
montrent  ces  diverses  formations.  Je  n'ai  pu,  faute  de  matériaux  à 
des  âges  différents,  observer  les  stades  de  cette  cicatrisation  ni 
rechercher  les  modifications  possibles  du  noyau. 

D1'  Georges  Delacroix, 

Directeur  de  la  Station  de  pathologie  végétale, 

Maître  de  Conférences  à  l'Institut  national  agronomique, 

Professeur  à  l'Ecole  nationnlc  supérieure  <!' Agriculture   coloniale. 

Bulletin  du  Jardin  colonial.  J5 


OBSERVATIONS     PRATIQUES     SUR     LA     RÉCOLTE 
DES     CHAMPIGNONS     DANS     LES     COLONIES 

[Suite.) 


C.  —  Lames. 

Bien  que  les  lames  puissent  être  considérées  comme  faisant  par- 
tie du  chapeau,  elles  sont  assez  importantes  pour  être  traitées 
à  part;  elles  doivent  être  étudiées  surtout  aux  divers  points  de  vue 
suivants  : 

1°  Couleur.  —  Tantôt  cette  couleur  est  constante  pendant  tout 
le  développement  de  la  fructiiication.  tantôt  elle  se  modifie  avec 
l'âge  ;  nous  avons  cité  précédemment  des  exemples  très  frappants 
de  ce  dernier  fait.  Il  faut  donc  autant  que  possible  récolter  de 
jeunes  échantillons  et  d'autres  adultes.  Chez  certaines  espèces  le 
bord  du  feuillet  est  d'une  autre  couleur  que  le  reste. 

2°  Mode  d'insertion  sur  le  pied.  -  -  Ce  caractère  est  important  à 
noter,  car  il  sert  a  définir  certains  genres  ;  les  descripteurs  dis- 
tinguent un  assez  grand  nombre  de  modes  d'insertion.  Nous  en 
citerons  quatre  seulement,  les  autres  n'étant  que  des  cas  particuliers. 
Les  lames  sont  libres  quand  partant  du  bord  du  chapeau  elles 
s'arrêtent  avant  d'arriver  jusqu'au  pied  ;  il  reste  alors  autour  du 
sommet  du  pied  un  espace  annulaire  où  il  n'y  a  pas  de  lames.  C'est 
le  cas  par  exemple  du  champignon  de  couche.  Les  lames  sont 
décurrentes  quand  elles  se  prolongent  sur  le  pied  bien  au-dessous 
du  chapeau;  les  Chanterelles  ou  Giroles  présentent  ce  caractère 
dune  façon  très  nette.  Les  lames  sont  échancrées  ou  émarginées 
quand  elles  remontent  un  peu  avant  d'arriver  au  pied,  puis  redes- 
cendent brusquement  pour  atteindre  le  pied  de  façon  qu'elles  pré- 
sentent à  côté  de  leur  insertion  une  sorte  de  petite  échancrure.  Ce 
caractère  se  présente  par  exemple  dans  les  genres  Tricholome  et 
Entolome.  Dans  tous  les  autres  cas,  nous  dirons  simplement  que 
les  lames  sont  adhérentes  au  pied. 

Pour  bien  voir  le  mode  d'insertion  des  lames,  il  est  bon  de  faire 


RÉCOLTE    DES    CHAMPIGNONS    DANS    LES    COLONIES  227 

une  coupe  longitudinale  du  champignon,  passant  par  le  centre  du 
chapeau  et  coupant  le  chapeau  et  le  pied  en  deux  parties  égales. 
Les  lames  parallèles  au  plan  de  la  coupe  et  très  voisines  présentent 
nettement  le  caractère  que  Ion  veut  observer. 

3°  Autres  caractères.  —  Les  lames  peuvent  être  plus  ou  moins 
nombreuses.  Il  ne  s'agit  pas  de  les  compter  évidemment;  mais  on 
est  aisément  frappé  de  ce  fait  que  parfois  elles  sont  très  serrées, 
d'autres  fois  assez  écartées  les  unes  des  autres;  la  chose  est  à  noter. 
Elles  peuvent  aussi  être  plus  ou  moins  épaisses,  quelquefois  minces 
comme  une  feuille  de  papier,  quelquefois  ayant  un  ou  deux  milli- 
mètres d'épaisseur  ;  leur  bord  est  également  tantôt  très  mince  et 
tranchant,  tantôt  épais  et  arrondi  ;  leur  hauteur  est  à  noter  aussi. 

Signalons  un  caractère  particulier  :  en  général  il  y  a  de  grands  et 
de  petits  feuillets  partant  du  bord  du  chapeau  ;  les  uns  vont  jus- 
qu'au pied,  les  autres  s'arrêtent  aux  deux  tiers,  à  la  moitié  au 
tiers  de  la  distance.  Il  est  au  contraire  un  cas  très  fréquent 
dans  le  genre  Russule,  où  les  feuillets  sont  tous  égaux;  tous  vont 
du  bord  dû  chapeau  jusqu'au  pied.  Quelquefois  aussi  les  Rus- 
sules ont  des  lames  bifurquées;  ces  lames  sont  simples  à  partir  du 
pied,  puis  à  une  certaine  distance,  elles  se  dédoublent  comme  si 
elles' se  fendaient  suivant  leur  épaisseur,  de  telle  sorte  que  si  toutes 
présentaient  ce  caractère  il  y  aurait  du  bord  du  chapeau  deux  fois 
plus  de  lames  qu'autour  du  pied.  Signalons  aussi  un  cas  qui  existe 
quelquefois  (genre  Schizophyllum)  où  les  lames  ont  une  tranche 
épaisse  et  parcourue  par  un  sillon  assez  profond.  Disons  encore  que 
certaines  lames  ont  leur  bord  denticulé  très  régulièrement.  Toutes 
ces  particularités  sont  à  noter. 

4°  Spores.  — Les  spores  présentent  vin  caractère  des  plus  impor- 
tants, c'est  leur  couleur.  Dans  la  famille  des  x\garicinées,  des  genres, 
des  séries  de  genres  même  ont  leurs  spores  d'une  même  couleur,  et 
certains  genres  se  distinguent  les  uns  des  autres  précisément  par  ce 
caractère.  On  a  distingué  ainsi  cinq  séries  de  genres  :  chaque  série 
étant  définie  par  la  couleur  des  spores.:  les  séries  admises  sont  ; 
spores  blanches,  spores  roses  ou  couleur  saumon,  spores  couleur 
rouille  ou  cannelle  dites  quelquefois  ocracées,  spores  brun  pourpre 
ou  violet  noirâtre,  spores  noires. 

La  manière  de  déterminer  la  couleur  des  spores  est  très  simple  : 
on  place  le  champignon  sur  une  feuille  de  papier  blanc,  les  lames 
tournées   vers  le   papier.  Au  bout  de   quelques  heures  des  spores 


228  ÉTL'DES    ET    MÉMOIRES 

mûres  sont  tombées  et  ont  fourni  sur  le  papier  une  poussière  dont 
la  couleur  est  facile  à  discerner.  Si  l'on  suppose  que  les  spores  sont 
blanches,  on  a  mis  le  champignon  sur  un  papier  ou  un  objet  plan 
coloré.  La  couleur  des  spores  chez  le  champignon  adulte  est  souvent 
à  peu  près  la  même  que  la  couleur  des  lames,  mais  ce  n'est  pas 
toujours  exact  ;  il  y  a  des  lames  brunâtres  ou  jaune  vif  qui  pro- 
duisent des  spores  blanches. 

Si  l'on  n'a  pas  le  temps  d'attendre  que  les  champignons  aient 
fourni  des  spores,  on  peut  employer  un  autre  procédé  que  celui  qui 
vient  d'être  indiqué.  Au  cours  d'une  excursion,  on  isole  chaque 
espèce  en  enveloppant  les  individus  qui  la  représentent  dans  un 
papier  particulier,  par  exemple  un  sac  de  taille  convenable.  Les 
spores  ont  le  temps,  pendant  l'excursion,  de  tomber  çà  et  là  sur  le 
papier,  et  au  retour  on  constate  de  suite  leur  couleur. 

On  peut  fixer  au  papier  même  la  poussière  constituée  par  les 
spores  tombées.  Il  suffit  d'humecter  le  papier,  du  côté  opposé  aux 
spores,  d'une  solution  de  baume  de  Canada  dans  l'alcool;  on  étend 
ce  liquide  k  laide  d'un  petit  pinceau.  Ce  procédé  est  inapplicable 
pour  des  spores  blanches  déposées  sur  un  papier  coloré,  car  très 
souvent  les  couleurs  du  papier  sont  dissoutes  par  l'alcool  ;  on  emploie 
alors  une  solution  de  un  volume  de  baume,  dans  quatre  volumes 
d'essence  de  térébenthine. 

Les  autres  caractères  des  spores,  leur  dimension,  leur  forme,  cer- 
taines particularités  de  leur  membrane,  de  leur  contenu,  etc..  sont 
des  plus  importants,  mais  ne  peuvent  être  étudiés  qu'au  microscope. 
Nous  n'en  parlerons  pas. 

D.  —  Pied. 

Relativement  au  pied,  on  peut  se  poser  une  foule  de  questions 
analogues  k  celles  relatives  au  chapeau  et  quelques-unes  spéciales. 
Un  premier  renseignement  k  donner,  c'est  de  dire  si  le  pied  est 
inséré  au  centre  du  chapeau  ou  bien  excentriquement  au  pied,  ou  tout 
k  fait  latéralement.  Ensuite  d 'indiquer  si  le  pied  possède  ou  non  un 
anneau;  cet  anneau  peut  être  épais,  très  durable,  ou  au  contraire, 
assez  mince  et  fugace,  les  échantillons  âgés  n'en  présentent  plus 
alors  que  des  débris.  Il  faut  noter  surtout  avec  soin  si  cet  anneau 
se  présente  sous  la  forme  d'une  cortine. 

Pour  le  pied  comme  pour  le  chapeau,    on  notera  la   taille,  c  est- 


RÉCOLTE    DES    CHAMPIGNONS    DANS    LES    COLONIES  229 

à-dire  la  hauteur  et  l'épaisseur  moyenne  ;  la  forme  ;  il  peut  être 
presque  cylindrique,  allant  en  s'épaississant  progressivement  du 
sommet  à  la  base,  ou  bien  s'épaississant  brusquement  en  une 
sorte  de  bulbe;  quelquefois,  au  contraire,  il  est  plus  épais  au  som- 
met; enfin,  dans  certains  cas,  il  est  un  peu  fusiforme,  plus  mince 
aux  deux  extrémités  que  vers  son  milieu.  On  notera  la  couleur  qui 
peut  être  uniforme  le  long  du  pied  ou  différente  en  divers  endroits  ; 
parfois  sur  un  fond  uniforme  il  y  a  un  pointillé  plus  ou  moins  serré, 
plus  ou  moins  étendu. 

La  consistance  du  pied  présente,  suivant  les  espèces,  de  grandes 
variétés  :  souvent  le  pied  est  charnu,  plus  ou  moins  dur  et  plus  ou 
moins  cassant;  d'autres  fois  il  a  une  consistance  fibreuse,  il  est 
flexible,  peut  être  plié  sans  se  casser. 

Le  pied  est  tantôt  plein,  tantôt  creux,  quelquefois  ce  caractère 
varie  avec  l'âge  ;  très  souvent  au  centre  il  y  a  un  tissu  plus  mou  que 
l'on  qualifie  de  moelle.  Ces  particularités  sont  à  noter. 

Enfin  comme  le  chapeau,  le  pied  peut  être  glabre,  écailleux,  vil- 
leux,  poilu,  tibrilleux,  pruineux,  lisse,  visqueux,  etc. 


Station. 

Une  dernière  série  de  renseignements  concerne  la  station  où 
pousse  une  espèce  récoltée.  La  plupart  des  espèces  poussent  dans 
les  bois,  mais  ce  peut  être  dans  des  bois  plus  ou  moins  fourrés  ;  on 
voit  par  exemple  certaines  espèces  apparaître  dans  un  endroit  qui 
vient  d'être  en  grande  partie  déboisé  ;  deux  ou  trois  ans  plus  tard, 
quand  le  taillis  repousse,  quand  certains  arbres  laissés  petits 
prennent  un  feuillage  plus  étendu,  ces  espèces  disparaissent  ;  sans 
doute  les  conditions  de  lumière  et  d'humidité  ont  cessé  d'être  favo- 
rables. 

Il  est  des  espèces  qui  poussent  indifféremment  sous  n'importe 
quelles  essences  d'arbres,  d'autres  choisissent  ;  les  bois  de  conifères, 
par  exemple  contiennent  toujours  un  certain  nombre  d'espèces 
spéciales. 

Il  est  donc  bon  de  noter  les  essences  sous  lesquelles  les  champi- 
gnons sont  cueillis. 

Un  grand  nombre  d'espèces  viennent  dans  de  toutes  autres  sta- 
tions que  dans  les  forêts.  Les  lisières  de  bois,  les  prairies,  le  bord 


230  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

des  chemins  ont  leurs  espèces  spéciales.  Certaines  viennent  dans 
les  endroits  marécageux. 

Il  faut  noter  aussi  avec  soin  le  substratum  du  champignon  :  beau- 
coup d'espèces  viennent  à  terre,  mais  il  en  est  également  un  grand 
nombre  qui  poussent  sur  les  arbres,  sur  les  troncs  dressés  ou  abat- 
tus, sur  les  vieilles  souches.  Et  dans  ce  cas  très  souvent  chaque 
essence  a  ses  champignons  spéciaux. 

Il  est  des  espèces  qui  poussent  sur  les  petites  branches  tombées 
ou  sur  les  feuilles  mortes.  Il  faut  toujours  observer  sur  quelles 
plantes  poussent  les  champignons  lignicoles.  Enfin  quelques  espèces 
sont  parasites  d'autres  champignons.  Nous  parlons  ici  bien  entendu 
des  grands  champignons  seulement,  et  non  des  groupes  de  champi- 
gnons spécialement  parasites,  tels  que  ceux  de  la  famille  des  Uré- 
dinées. 

On  notera  évidemment  la  localité  où  la  récolte  a  été  faite,  en 
indiquant  approximativement  l'altitude  si  on  est  en  pays  de  mon- 
tagnes, et  aussi  l'époque  de  la  récolte. 

Le  lecteur  se  rendra  compte  sans  peine  que  si  tous  les  renseigne- 
ments dont  nous  venons  de  parler  sont  recueillis  avec  soin,  ils  faci- 
literont grandement  l'étude  des  espèces,  leur  détermination,  leur 
description  complète. 

Ajoutons  qu'un  dessin  colorié,  si  possible  une  aquarelle,  par 
exemple,  est  précieux  à  faire  d'après  le  champignon  frais  ;  on  ne 
saurait  trop  conseiller  de  suppléer  ainsi  aux  modifications  de  forme 
et  de  couleur  que  présentent  les  champignons  conservés. 

Mais  disons  que  ces  dessins  ne  doivent  pas  être  faits  au  point  de 
vue  purement  esthétique  ;  ils  doivent  être  des  documents  scienti- 
fiques ;  on  doit  s'attacher  à  représenter  les  choses  aussi  exactement 
que  possible,  et  notamment  à  figurer  tous  les  caractères  étudiés  pré- 
cédemment, susceptibles  d'être  représentés.  En  particulier,  par 
exemple,  il  est  bon  de  toujours  dessiner  une  coupe  longitudinale 
du  champignon;  on  voit  de  la  sorte  la  couleur  de  la  chair  et  aussi 
le  mode  d'insertion  des  lames,  fait  qui  n'a  aucun  caractère  artis- 
tique, mais  présente,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  son  importance 
documentaire. 

En  tenant  compte  dans  la  limite  du  possible  de  nos  remarques,  un 
voyageur  pourra  rapporter  une  collection  de  champignons  ayant  le 
plus  de  valeur  possible,  et  permettre  d'augmenter  dans  une  forte 
proportion  nos  connaissances  sur  la  flore  mycologique  de  nos 
colonies. 


RÉCOLTE    DES    CHAMPIGNONS    DANS    LES    COLONIES  231 

A  côté  des  espèces  charnues  pour  lesquelles  une  étude  doit  être 
faite  sur  place,  il  y  a  un  grand  nombre  de  champignons  qui  sont 
aussi  faciles  à  rapporter  que  des  plantes  supérieures  en  herbier  et 
que  le  voyageur  ne  doit  par  suite  pas  négliger. 

Dans  la  famille  des  Basidiomycètes  par  exemple,  beaucoup  d'es- 
pèces poussant  sur  les  arbres  sont  dures,  ligneuses,  faciles  à  trans- 
porter et  à  conserver.  Il  n'y  a  qu'à  les  cueillir  et  les  emporter 
telles  quelles.  Certaines  ayant  un  chapeau  mince  peuvent  être 
comme  des  plantes  à  feuillage  ordinaire  soumises  à  la  pression  et 
conservées  en  herbier.  On  peut  les  laisser  libres  dans  l'herbier,  mais 
si  par  prudence,  pour  éviter  qu'elles  ne  se  mélangent,  ne  tombent, 
ne  se  perdent,  on  juge  à  propos  de  les  coller  aux  feuilles  de  l'her- 
bier, il  est  bon  de  fixer  deux  exemplaires  du  chapeau,  l'un  sur  l'une 
de  ses  faces,  l'autre  sur  l'autre;  on  voit  delà  sorte  toutes  les  parti- 
cularités, écailles,  poils,  couleur,  etc.  de  la  face  supérieure  du  cha- 
peau, et  les  particularités,  forme  et  couleur  des  tubes,  etc.  de  la 
face  inférieure. 

Si  l'on  n'a  qu'un  seul  échantillon  on  peut  le  couper  en  deux  et  coller 
une  moitié  sur  une  face,  l'autre  sur  la  face  opposée.  Nous  avons  vu 
ainsi  au  Jardin  colonial  des  champignons  de  la  Nouvelle-Calédo- 
nie très  bien  préparés  de  la  sorte  et  permettant  une  étude  sérieuse. 

Il  est  en  outre  des  groupes  tout  entiers  de  champignons  dont  la 
récolte,  la  conservation,  le  transport  ne  présentent  aucune  difficulté 
spéciale. 

Par  exemple  il  n'est  guère  d'espèce  de  Phanérogames  qui  ne 
donne  asile  à  quelque  champignon  de  la  famille  des  Urédinées. 

On  n'a  qu'à  cueillir  les  tiges  ou  les  feuilles  attaquées  et  à  les 
mettre  en  herbier;  ces  documents  seront  parfaitement  utilisables 
plus  tard  pour  une  étude  microscopique. 

Disons-en  autant  de  ces  champignons  qui  se  manifestent  généra- 
lement par  des  taches  noirâtres  plus  ou  moins  saillantes  sur  des 
brindilles  sèches,  etc.,  et  parmi  lesquelles  on  peut  trouver  des 
champignons  appartenant  à  des  groupes  bien  divers  :  Sphériacées, 
Sphéropsidées,  Mélanconiées,  Hystériacées,  etc.  Ces  champignons 
sont  des  plus  faciles  à  recueillir,  à  conserver,  à  transporter. 

Pour  résumer  tout  ce  que  nous  avons  dit  sur  les  caractères  à 
observer  sur  les  champignons  charnus,  nous  donnons  un  tableau 
indiquant  les  principales  questions  qu'il  faut  se  poser  quand  on 
rencontre  un  champignon.     • 


232  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Un  naturaliste  voyageur  n'aurait  qu'à  avoir  d'avance  un  certain 
nombre  de  ces  tableaux.  A  chacun  il  donnerait  un  numéro  à  mesure 
qu'il  recueillerait  un  champignon  auquel  il  affecterait  le  même 
numéro,  et  il  n'aurait  qu'à  placer  en  face  de  la  question  la 
réponse  correspondante.  Il  serait  sûr  de  la  sorte  de  n  oublier  rien 
d'essentiel.  Il  pourrait  en  outre  ajouter  comme  observations  tout  ce 
qu'il  croirait  intéressant  sur  l'espèce  étudiée  et  qui  n'a  pas  été  prévu 
dans  ce  tableau. 

Au  retour,  chaque  feuille  serait  une  source  de  précieuses  données. 

En  cas  de  doute  ou  d'impossibilité  de  répondre  à  une  question,  il 
n'y  aurait  qu'à  laisser  en  blanc  l'endroit  destiné  à  la  réponse.  Cha- 
cun d'ailleurs  peut  modilier  ce  tableau  comme  il  l'entend. 

Au  Jardin  colonial  de  Notent  on  serait  heureux  de  recevoir  non 
seulement  des  plantes  supérieures,  mais  aussi  bien  des  Cryptogames, 
en  particulier  des  champignons  des  groupes  les  plus  variés.  Il  existe 
dans  la  plupart  de  nos  Colonies  des  personnes  ayant  à  cœur  de  faire 
connaître  leurs  productions.  Puissent  quelques-unes  d'entre  elles 
entendre  notre  appel  et  contribuer  aux  progrès  delà  Botanique  colo- 
niale ! 

Léon  Dufour, 
Directeur'  adjoint  du  Laboratoire 
de  Biologie  végétale  de  Fontainebleau. 


RÉCOLTE    DES    CHAMPIGNONS    DANS    LES    COLONIES 


233 


TABLEAU 

POUR    LA 

DESCRIPTION      DES     CHAMPIGNONS 


A.  Volve. 

Y  a-t-il  une  volve? 

Cette     i  en  étui  autour  du  pied? 

volve     <   en  écailles  à  la  base  du  pied  et 
est-elle   '       sur  le  chapeau? 


B.  Chapeau. 


1.   Taille. 


Diamètre  approximatif  i 
du  chapeau  chez  le       < 


moyen, 
maximum, 
champignon  adulte       /  minimum. 

mince,    presque    membra- 
neux? 
épais  et  charnu? 

2.   Forme. 


Le  chapeau 
est-il 


Chez        :   presque  sphérique? 
l'adulte     )   un  peu  bombé  ? 
le  chapeau  \  déprimé  en  entonnoir  ? 

est-il        F   mamelonné? 
La  forme  subit- elle  des  changements  avec 
L'âge?  Lesquels? 


3.     COUI.EI'K. 

Une  seule  couleur?  Laquelle? 
Plusieurs?  Lesquelles? 
(Indiquer   leur  répartition  ap- 
proximative .) 
I  En  particulier  le  chapeau  est -il 
zone? 
Le  chapeau  subit-il  des  changements  de 

couleur  avec  l'âge? 
Y  a-t-il  un  fond  coloré  avec  un  pointillé 
ou  une  striation  d'une  autre  couleur? 


Chez 

l'adulte 

y 

a-t-il 


Chair. 


La  chair  est-elle  : 
ferme  ou  molle? 
blanche? 

colorée 
De  quelle  couleur 


dans   son   ensemble? 
sous  l'épidémie  seu- 
lement ? 


La  chair 

contient-elle 
un  la.it 


blanche  d'abord,  puis  se  colorant  à  l'air? 

De  quelle  couleur? 
La  couleur  est-elle  constante? 
Varie-t-elle  avec  l'âge  du  champignon? 
blanc  et  restant  blanc? 
blanc    mais  se  colorant  à 
l'air?  De  quelle  couleur? 
coloré  de  suite?  De  quelle 

couleur? 
Ce  lait  )  doux? 
est-il    |  piquant  ou  acre? 
La  chair  a-t-elle  un  goût  particulier? 
Lequel  ? 
A-t-elle  une  odeur  particulière  ?  Laquelle? 

5.  Caractères  particuliers. 

Le  chapeau  est-il  : 

glabre? 

écailleux? 

poilu  ? 

tomenteux  ? 

velouté? 

fibri  lieux? 

p  ruineux? 

lisse  ? 

st  rié  ? 

visqueux  ? 

hygrophane  ? 

mat? 

brillant? 

C.  Lames. 


1.  Mode  d'insertion 


Les  lames  sont-elles 
libres? 
adhérentes? 
échancrées? 
décurrentes ? 


2.  Couleur. 

La  couleur  des  lames  est-elle  unique  ? 
Quelle  est  cette  couleur? 

Le  bord  des  lames  a-t-il  une  couleur  spé- 
ciale ?  Laquelle  ? 

La  couleur  est-elle  constante  ou  change- 
t-elle  avec  l'âge? 

Quelles  variations  présente-t-elle? 


234 


ÉTLDES    ET    MÉMOIRES 


3.  Caractères  particuliers. 


Les  lames  sont-elles  : 
nombreuses  et  serrées? 
ou  peu  nombreuses  et  espacées? 
toutes  égales? 
y  en  a-t-il  de  bifurquées? 
denticulées  sur  leur  tranche? 
fendues    longitudinalement     sur     leur 

tranche? 
à  tranche  mince  ou  à  tranche  épaisse? 


D.   Pied. 


Y  a-t-il  un  pied  ? 


1.    Mode    d'insertion    sors    le    chapeau 


[  tout  autour  du  chapeau? 

,e  pied  j  excentriquement? 

;    .    j  tout  à  fait  sur  le  bord  du  cha- 
f       peau  ? 


insère 


2.  Anneau. 


Y  a-t-il  un  anneau? 

Est-ce  un  véritable  anneau  membraneux 
ou  une  cortine? 


3.  Taille. 

Hauteur  moyenne? 

4.  Forme. 

Le  pied  est-il  : 
sensiblement  cylindrique? 
progressivement  (  de  la  base  au  somme! 
aminci  t  du  sommet  à  la  base 

brusquement  renflé  en  bulbe  à  la  base  ' 
fusiforme,  aminci  en  haut  et  en  bas  ? 


I 


a.  Couleur. 

une     couleur 
quelle? 


uniforme?     La- 


Le  pied  <   plusieurs  couleurs?  Lesquelles? 
a-t-il     i  un    pointillé    ou   une    striation 
colorée  sur   un   fond  d'autre 
couleur? 


6.  Chaik. 

Généralement  la  chair  du  pied  présente 
les  mêmes  caractères  que  celle  du 
chapeau. 

Indiquer  les  différences,  s'il  en  existe. 


7.  Caractères  particuliers. 

Noter  les  mêmes  particularités  que  poul- 
ie chapeau.  Dire  en  outre  si  le  pied  est 
plein  ou  creux,  ou  s'il  possède  une 
moelle  au  centre. 


E.  Station. 

Le  champignon  pousse-t-il: 

dans  des   (   assez  épais? 

bois       i   assez  clairs,  clans  des  taillis? 
Indiquer  l'essence  principale  ou  unique.  I 
sur  la  lisière  d'un  bois? 
dans  les  prés  ? 

sur  le  bord  des  chemins,  dans  1  herbe  ? 
dans  des  endroits  marécageux? 
à  terre  ? 
sur  des  troncs   )  debout? 

d'arbres         /  abattus? 
sur  des  brindilles? 
sur  des  feuilles  tombées? 
sur  des  tiges  de  plantes  herbacées? 
Indiquer  le  nom  de  la  plante.) 
sur  d'autres  champignons  ? 
sur  tles  insectes? 
sur  du  fumier  ? 
sur  des  excréments  ? 
(Indiquer  le  nom  de  l'animal.) 
Nom    de   la  localité  près    de   laquelle  le 

champignon  a  été  récolté.) 
Indiquer     l'altitude     approximative    en 

pays  de  montagne.) 
Époque  de  la  récolte. 
Observations  diverses. 

Léon  Dufoi'R. 


LE   COTON    DANS    L'AFRIQUE    OCCIDENTALE 

(Fin.) 

§  3.  —  Transport  sur  voie  ferrée. 

Notre  coton  se  trouve  donc,  maintenant,  définitivement  emballé 
et  embarqué  en  wagons  que  nous  supposons,  bien  entendu,  arrivés 
à  leur  point  terminus.  Il  nous  a  coûté  jusqu'ici  4  centimes  de  trans- 
port à  la  tonne  kilométrique. 

Que  nous  coûtera-t-il  pour  être  amené  à  Kayes.  L'arrêté  ministé- 
riel du  15  avril  1902  a  constitué  un  classement  des  matières  trans- 
portables, dont  la  3e  catégorie  comprend  les  matières  pauvres  et 
encombrantes,  mil,  maïs,  arachides,  patates.  De  ce  fait,  ces  produits 
doivent  acquitter  un  droit  de  transport  de  0  fr.  10  la  tonne  kilomé- 
trique, pour  un  parcours  supérieur  à  350  kilomètres. 

Ces  mêmes  produits  transportés  par  wagons  entiers,  de  2.000  kilos 
au  minimum,  bénéficient  d'une  réduction  de  50  °/0  sur  les  tarifs  de 
la  3e  catégorie,  ce  qui,  en  réalité,  abaisse  à  5  centimes  le  prix  de 
transport  de  la  tonne  kilométrique. 

Cet  arrêté  ministériel  est  muet  sur  la  situation  faite  au  coton.  En 
réalité,  ce  produit  voyagerait  dès  maintenant  en  3e  catégorie,  et  il 
serait  très  désirable  qu'on  le  fît  bénéficier  du  tarif  spécial  applicable 
aux  denrées  ci-dessus  dénommées. 

Ce  serait  là,  à  n'en  pas  douter,  un  encouragement  des  plus 
sérieux  et  des  plus  palpables  à  donner  à  cette  exploitation.  La 
question  se  pose  d'ailleurs,  ici,  d'une  façon  bien  plus  générale;  il  ne 
fait  pas  de  doute  qu'à  la  suite  des  efforts  tentés  de  tous  côtés  par 
l'administration  et  les  particuliers,  plusieurs  matières  premières 
d'industries  fourniront,  d'ici  quelques  années,  un  lest  considérable 
pour  les  voyages  de  retour  sur  les  lignes  ferrées. 

Je  n'en  retiendrai,  pour  le  moment,  que  deux  des  plus  impor- 
tantes :  le  coton  en  balles  et  les  amandes  de  Karité.  Or  l'extension 
des  régions  exploitées  sera,  vers  les  limites  de  la  zone  de  production, 
en  fonction  directe  des  voies  de  transport,  principalement  des  tarifs. 

Ces  deux  produits  naturels  s'imposent  donc  tout  particulièrement 


236 


ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 


à  l'attention  et  sont,  à  ce  point  de  vue,  bien  autrement  importants 
que  le  mil,  les  patates,  qui  n'ont  pour  l'exportation  qu'une  impor- 
tance insignifiante.  En  calculant  sur  de  telles  données,  il  est  aisé  de 
se  faire  une  idée  exacte  des  frais  occasionnés,  dans  ces  conditions, 
pour  le  transport  d'une  tonne  de  coton  des  différents  points  du  Niger 
au  Havre.  Le  dernier  élément  des  dépenses  est  constitué  par  le 
transport  de  Kayes  en  France,  que  l'on  peut  très  raisonnablement 
évaluer  à  45  fr.  par  tonne. 

Le  prix  de  transport  de  la  tonne  de  la  Nouvelle-Orléans  en 
France  n'est  que  de  33  fr.  environ. 

Dans  ces  conditions,  une  tonne  de  coton  coûterait  : 

De  Kouroussa  au  Havre 82lro0 


De  Kankan 

De  Siguiri 

De  Bammako 

De  Nvamina 

De  Segou 

De  Sansanding 

De  Mopti 


De  Dj 


enne 


De  San 


82    50 

76 

68 

74 

' 78 

80 

91 

\  par  Koakourou. ...  91 

|  par  Mopti 95 

\  par  Koakouro 95 

)  par  Mopti 99 


II.     —     CONDITIONS     FUTURES     D'EXPLOITATION 


S     1er 


Le  fleuve  Sénégal. 


Avant  toute  discussion  concernant  les  voies  de  transport  pour 
l'évacuation  du  coton,  nous  devons  fixer,  d'une  manière  précise,  la 
valeur  de  la  route  commerciale  qui  devra  forcément  être  suivie  pen- 
dant un  certain  nombre  d'années,  la  route  Bammako-Kayes 
France. 

a)  Conditions  générales  d'évacuation.  Entrepôts.  —  Nous  avons 
dit  précédemment,  que  la  fin  du  mois  de  mars  verrait,  très  proba- 
blement, la  fin  des  arrivages  de  coton,  soit  à  Koulicoro.  soit  à 
Bammako. 


LE    COTON    DANS    L'AFRIQUE    OCCIDENTALE  237 

Il  n'est  pas  possible  de  songer,  à  cette  époque  de  l'année,  évacuer 
sur  France  un  stock  considérable  de  cette  marchandise;  il  faudra 
constituer,  soit  à  Bammako,  soit  à  Kayes,  des  entrepots  considé- 
rables, où  le  coton  sera  emmagasiné  jusqu'à  l'époque  des  hautes 
eaux. 

Ces  entrepôts  devront  plutôt  être  situés  à  Kayes,  pour  la  raison 
dominante  que  le  changement  devant  s'opérer  très  rapidement  et  en 
pleine  saison  des  pluies,  les  négociants  seront  dans  la  nécessité  de 
construire,  sur  le  bord  du  fleuve,  des  hangars  et  des  appontements 
couverts. 

Il  serait  donc  à  la  fois  onéreux  et  inutile  d'avoir  un  double 
magasinage,  un  à  Kayes,  un  à  Bammako. 

Les  balles  de  coton  pourront  donc  être  transportées  à  bord  des 
grands  vapeurs  et  y  subir,  au  moment  de  l'arrimage,  la  pression 
finale. 

Mais,  tout  de  suite,  se  posent  deux  questions  de  toute  impor- 
tance, la  sécurité  et  la  capacité  d'embarquement. 

En  ce  qui  concerne  la  première,  il  faut  se  bien  pénétrer  de  la 
nécessité  d'embarquer  le  coton  sans  le  mouiller  ;  or  nous  sommes 
au  fort  de  la  saison  des  pluies,  dont  les  tornades  obligeront  à  une 
foule  de  mesures  coûteuses  et  rendront  fort  précaires  les  transbor- 
dements. 

D'un  autre  côté,  il  ne  faut  pas  oublier  combien  est  capricieux  le 
niveau  du  fleuve  a  cette  époque  et  les  déboires  qu'une  baisse  subite, 
toujours  possible,  ne  manquerait  pas  d'amener. 

Le  tratîc  normal  et  intense  d'une  denrée  encombrante  comme  le 
coton  exige  des  moyens  plus  sûrs  et  plus  efficaces  ;  si  les  condi- 
tions actuelles  de  chargement  peuvent  suffire  pour  les  débuts,  elles 
ne  tarderont  pas  à  gêner  considérablement  les  transactions  com- 
merciales. 

b)  Capacité  d'évacuation.  —  La  navigabilité  du  Sénégal  a  été 
étudiée  et  critiquée,  dans  des  mémoires  fort  justes;  je  n'y  revien- 
drai pas  ici,  si  ce  n'est  pour  en  tirer  deux  conclusions  : 

1°  La  durée  de  navigabilité  pour  grands  vapeurs  n'excède  pas 
deux  mois  en  moyenne  ; 

2°  Certaines  années,  cette  navigation  est  complètement  suspen- 
due, ou  tellement  limitée,  qu'il  est  tout  juste  possible  de  faire  par- 
venir au  Soudan  les  objets  de  première  nécessité. 


238  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Ces  deux  conclusions  sont  dans  tous  les  esprits,  même  dans  ceux 
intéressés  à  soutenir  le  contraire  ;  elles  sont  simplement  le  fait  de 
l'observation,  par  conséquent  indiscutables. 

Dans  de  telles  conditions,  il  ne  viendra  à  l'esprit  de  personne 
de  songer  à  établir,  sur  une  pareille  voie,  un  mouvement  de  transit 
destiné  à  alimenter  vin  marché  fixe. 

La  seule  restriction  apportée  au  mouvement  commercial,  du  fait 
de  la  réduction  du  temps  de  transport,  suffirait  àja  rejeter. 

Un  marché  fixe,  tel  que  le  sera  en  France  le  marché  cotonnier, 
doit  avoir  comme  première  condition  d'existence  :  la  certitude  dans 
l'alimentation. 

Que  diraient  les  courtiers  et  les  f dateurs  si,  après  leur  avoir  pro- 
mis une  belle  récolte,  on  leur  annonçait  au  mois  d'août  que  la  crue 
a  été  très  faible,  qu'il  y  a  à  Kayes  des  milliers  de  balles  de  coton, 
mais  qu'il  est  impossible  de  les  évacuer. 

Je  n'insisterai  pas  davantage  pour  montrer  que  le  Sénégal  consti- 
tue une  route  commerciale  caractérisée  par  l'insuffisance  et  l'insé- 
curité des  transactions.  Je  ne  m'attacherai  pas  non  plus  à  démontrer 
que  ce  fleuve,  quelles  que  soient  les  améliorations  qu'on  puisse  lui 
apporter,  ne  permettra  jamais  le  trafic  pendant  de  longs  mois,  par 
les  vapeurs  chargeant  directement  pour  France. 

Or,  c'est  là  le  seul  procédé  de  transport  vraiment  économique. 
L'évacuation  par  chalands  de  juillet  à  janvier,  avec  transbordement 
à  chaque  tète  de  ligne,  n'est  pas  à  prendre  en  considération,  telle- 
ment il  serait  onéreux  et  peu  pratique. 

$  2.   —  Etude  comparative  des  voies  d'exportation. 

A  l'heure  actuelle,  on  est  à  peu  près  fixé  sur  les  produits  natu- 
rels qui  constituent  la  richesse  des  régions  intérieures  de  l'Afrique 
française. 

Ils  sont  de  deux  ordres  : 

1°  Les  produits  riches,  tel  le  caoutchouc  ; 

2°  Les  produits  pauvres,  tels  le  coton  ;  les  produits  oléagineux, 
karité,  sésame,  etc.. 

Les  voies  commerciales  de  pénétration  doivent  donc  dériver  de 
leur  nature  et  de  leur  situation,  puisque,  de  toute  logique,  la  voie 
ferrée  est  faite  pour  le  produit  et  non  le  produit  pour  la  voie  ferrée, 
toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs. 


LE    COTON    DANS    L'AFRIQUE    OCCIDENTALE  239 

Les  produits  de  la  première  catégorie  peuvent,  sans  inconvénient, 
prendre  une  voie  un  peu  coûteuse,  et  des  considérations  indépen- 
dantes du  commerce  peuvent  déterminer  la  direction  des  routes 
commerciales.  Il  n'en  est  plus  du  tout  de  même  pour  les  denrées 
de  la  3e  catégorie,  qui  formeront  la  partie  la  plus  importante  du 
transit.  On  doit  leur  assurer  la  voie  la  plus  courte  et  la  plus  sûre, 
et  cela  indépendamment  des  routes  momentanées  ou  artificielles, 
que  des  intérêts  particuliers  auraient  réussi  à  créer. 

Dans  un  tel  examen,  l'intérêt  du  plus  grand  nombre,  et  surtout 
celui  de  l'avenir  commercial,  doit  primer  les  considérations  du 
moment. 

Cela  posé,  un  coup  d'œil  d'ensemble,  jeté  sur  la  carte  annexée  à 
ce  chapitre,  nous  donnera,  du  premier  coup,  les  éléments  de  la  dis- 
cussion. 

La  voie  commerciale,  normale  par  excellence,  est  le  chemin  de 
fer  du  Dahomey  ;  aucune  contestation  ne  peut  s'élever  à  son  sujet. 

En  ce  qui  concerne  le  milieu  nigérien,  indiqué  sur  la  carte,  et 
qui,  pour  la  discussion  présente,  devrait  comprendre  tout  l'Hinter- 
land  de  la  Côte  d'Ivoire,  nous  sommes  en  présence  de  trois  lignes 
ferrées  en  construction  ou  en  projet  : 

1°  Celle  de  la  Côte  d'Ivoire; 

2"  Celle  de  la  Guinée  ; 

3°  Celle  de  Dakar-Kaves. 

a)  Il  est  juste,  dès  le  début,  de  prédire  à  la  ligne  de  la  Côte 
d'Ivoire  un  intérêt  de  pénétration  de  premier  ordre. 

Quel  que  soit  le  temps  qu'elle  mette  à  s'épanouir  dans  les  régions 
côtières,  pour  drainer  les  énormes  richesses  naturelles  qui  s'y 
trouvent,  elle  devra  forcément  pénétrer  dans  l'intérieur,  où  elle 
trouvera  un  trafic  tout  aussi  considérable. 

Je  ne  crois  pas  pouvoir  être  taxé  d'exagération  en  disant  qu'elle 
a,  de  toutes,  le  plus  bel  avenir.  Sa  zone  d'influence  est  vaste  et 
parfaitement  délimitée,  nous  n'en  parlerons  plus. 

b)  Il  reste  maintenant  une  immense  région  comprenant  tout  le 
bassin  du  Haut-Niger,  qui  doit  être  reliée  à  la  côte  afin  d'assurer, 
dans  les  conditions  les  plus  économiques,  l'évacuation  des  produits 
naturels  du  sol. 

Pour  cette  évacuation,  deux  routes  se  présente  :  Dakar-Niger, 
Konakry-Niger. 


LE    COTON    DANS    l/AFRIQUE    OCCIDENTALE  241 

La  première  se  présente  avec  un  développement  de  1.340  kilo- 
mètres de  voie  ferrée,  la  seconde  avec  600  kilomètres  ou,  pour  être 
parfaite,  avec  950  kilomètres. 

Voyons  ces  deux  lignes  un  peu  en  détail. 

■ 

Ligne  Conakry-Niger.  —  La  construction  de  cette  voie  ferrée  s'im- 
pose chaque  jour  de  plus  en  plus.  A  mesure  que  les  regards  ont 
quitté  Conakry  pour  fouiller  l'intérieur,  alors  que  Ton  ne  s'est  plus 
obstinément  arrêté  à  voir  simplement  sortir  les  produits,  on  a  com- 
pris que  Conakry  n'était  qu'une  porte  de  sortie  et  que  la  maison 
était  bien  plus  grande  qu'on  avait  voulu  le  croire  tout  d'abord. 

L'existence  d'une  seconde  porte  de  sortie  s'est  démontrée,  et  l'on 
s'est  en  lin  aperçu  que  Conakry  était  surtout  riche  par  l'intérieur  et 
qu'un  chemin  devait  joindre  les  deux  portes  Conakry  et  Kouroussa. 

L'existence  même  d'une  colonie  entière  en  dépend  :  ce  chemin  de 
fer  doit  se  faire,  il  se  fera  par  la  force  des  choses. 

Nous  devons  donc  compter  avec  lui,  et  nous  devons  y  compter 
d'autant  plus  volontiers  qu'il  constitue  la  voie  la  plus  courte  et  la 
meilleure.  Du  fait  même  de  son  arrivée  à  Kouroussa,  il  accentuera 
fortement  le  transit  en  supprimant  les  caravanes  qui  doivent  aujour- 
d'hui faire  la  longue  route  de  l'Hinterland  à  Conakry. 

Le  trafic  de  tout  le  bassin  supérieur  du  Niger  lui  appartiendra 
sans  conteste,  y  compris  les  régions  de  Kankan,  du  Kissi,  de  Beyla, 
etc.. 

On  a  dit  couramment  que  l'arrivée  au  Niger  du  chemin  de  fer  de 
Kayes  changerait  la  direction  des  caravanes,  et  que  la  route  de 
Bammako  une  fois  prise  ne  serait  plus  abandonnée. 

Cette  affirmation  se  détruit  par  elle-même  ;  les  caravanes  prove- 
nant des  régions  précitées  ont,  à  l'heure  actuelle,  leur  terminus  à 
Conakry,  Kouroussa,  Kankan  et  Siguiri,  et  ce  sont  les  maisons  de 
commerce  qui  réexpédient  leur  caoutchouc  par  la  voie  de  Bam- 
mako. 

A  l'achèvement  du  chemin  de  fer  de  Bammako,  les  choses  ne 
changeront  nullement,  sinon  dans  leur  intensité. 

Tout  le  caoutchouc  aboutissant  à  Kankan,  Kouroussa,  Siguiri 
continuera  à  passer  par  Bammako  ;  les  caravanes  passant  par  Faran- 
nah  se  rendront  toujours  à  Conakry,  et  Bammako  ne  recevra  direc- 
tement du  caoutchouc  que  par  les  caravanes  venant  des  régions  de 
Bobo-Dioubasso  et  Sikasso. 

Bulletin  du  Jardin  colonial.  16 


*21'2  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Dès  que  la  voie  ferrée  de  Guinée  sera  à  Kouroussa,  l'ordre  des 
choses,  pour  le  caoutchouc,  sera  renversé  sans  esprit  de  retour  ;  la 
démonstration  n'est  pas  à  faire. 

Et  la  nouvelle  ligne  aura,  pour  le  transport  des  matières  brutes 
des  régions  avoisinantes,  toutes  les  qualités  d'une  voie  commerciale 
excellente. 

Cette  objection  étant  placée  à  sa  juste  valeur,  voyons  ce  que  vau- 
dra cette  ligne  pour  le  tratic  de  tout  le  milieu  nigérien,  puisque  là 
est  la  véritable  discussion. 

La  voie  commerciale  Conakry-Niger  comprend,  en  réalité,  quatre 
parties  bien  distinctes  :    • 

1°  Conakry-Kouroussa  ; 

2°  Kouroussa- Bammako; 

3°  Bammako-Koulicoro  ; 

4°  Koulicoro  et  au  delà,  dont  une  ferrée  et  les  autres  fluviales. 

La  ligne  ferrée  est  praticable  en  tous  temps. 

La  voie  fluviale  Kouroussa-Bammako  n'est  pas  navigable  pen- 
dant trois  mois  sur  douze,  elle  est  particulièrement  inconstante  au 
moment  des  transports  de  coton.  Pour  cette  dernière  marchandise, 
il  ne  sera  possible  d'exporter  sur  Kouroussa  que  le  coton  récolté 
dans  le  premier  bief  (Kouroussa-Bammako).  Celui  du  second  bief, 
Koulicoro- Mopti,  arriverait  trop  tard,  et  devrait  en  outre  en  suppor- 
ter deux  transbordements  et  un  transport  de  40  kilomètres  sur  voie 
ferrée.  A  ce  point  de  vue  très  important,  il  serait  nécessaire  que 
cette  ligne  ferrée  soit  complétée  par  un  tronçon  de  voie  ferrée  reliant 
Kouroussa  à  Bammako,  ou  bien  que  la  voie  ferrée  suive  la  vallée 
du  Tankisso  et  se  dirige  sur  Siguiri  et  Bammako. 

Le  Niger  de  Kouroussa  à  Siguiri  suffirait  largement  à  assurer  les 
communications  commerciales  de  ce  cercle. 

Siguiri,  au  confluent  du  Milo,  deviendrait  un  gros  centre  d'em- 
barquement. 

Du  coup,  tout  le  coton  de  la  vallée  moyenne  du  Niger  pourrait, 
avec  un  seul  transbordement  et  900  kilomètres  de  voie  ferrée,  être 
amené  à  quai,  à  Conakry. 

Toute  autre  marchandise  pourrait,  selon  l'époque  de  son  trafic, 
prendre  la  voie  ferrée  ou  la  voie  fluviale. 

Les  amandes  de  Karité  ensachées  remonteraient,  par  eau,  jus- 
qu'à Toumaneïa  ou  Kouroussa  et  n'auraient  plus  à  supporter  qu'un 
parcours  de  600  kilomètres  ou  moins  sur  voie  ferrée. 


LE    COTON    DANS    L'AFRIQUE    OCCIDENTALE  243 

Ce  sont  là  des  raisons  de  premier  ordre  qu'il  convient  d'envisa- 


ger. 


Du  fait  de  ce  prolongement  du  chemin  de  fer  Conakry-Kouroussa, 
nous  n'avons  plus  à  considérer  la  partie  fluviale,  Bammako-Kouli- 
coro. 

Sans  vouloir  prétendre  que  cette  partie  du  Niger  ne  sera  jamais 
fréquentée,  on  peut  assurer  que  ce  ne  sera  jamais  une  voie  commer- 
ciale, pour  la  bonne  raison  que,  même  complètement  améliorée, 
elle  ne  sera  jamais  sûre. 

Qu'en  tant  que  sport  nautique,  elle  devienne  attrayante,  nul  ne  le 
conteste,  mais  il  est  juste  de  lui  refuser  toute  importance  commer- 
ciale. 

En  résumé,  le  bilan  de  la  voie  Konakry-Niger  se  ferme  par 
900  kilomètres  de  voie  ferrée  et  deux  transbordements  pour  les 
marchandises  chargées  à  Bammako. 

Voyons  maintenant  la  seconde  voie  de  pénétration. 

Ligne  Dakar-Niger.  —  Cette  voie  n'existera,  à  l'achèvement  du 
chemin  de  fer  Kayes-Niger,  que  sur  520  kilomètres  environ  ;  elle 
devra  être  complétée  par  la  construction  de  la  voie  ferrée  consti- 
tuant la  ligne  Thiès-Kayes. 

Cela  fait  un  total  de  1.340  kilomètres  que  les  marchandises 
auraient  à  parcourir  de  Bammako  à  Dakar;  c'est  un  chiffre  très 
élevé  qui,  au  point  de  vue  commercial,  condamne  absolument  cette 
voie. 

La  ligne  Kayes-Bammako  est  de  première  utilité,  cela  est  sans 
conteste. 

Chaque  fois  que  le  Sénégal  permettra  l'approvisionnement  direct 
de  Kayes,  ce  sera  la  voie  empruntée  ;  une  certaine  quantité  de 
matière  brute  passera  toujours  par  ce  chemin  au  retour,  et  cela 
dans  toute  la  mesure  de  sa  capacité  d'exportation. 

Quant  au  courant  ordinaire  d'exportation  et  aux  marchandises 
que  la  crue  du  Sénégal  n'aura  pas  permis  d'écouler  par  Kayes,  il 
prendrait  la  voie  de  Conakry  comme  étant  la  plus  courte  et  ouverte 
en  tous  temps. 

Que  restera-t-il  donc  en  dehors  de  ces  deux  éventualités  pour  la 
ligne  Dakar-Kayes  ?  Les  marchandises  que  cette  voie  ferrée  pourra 
récolter  le  long  du  trajet,  pas  autre  chose.  Elle  perd  donc  du  coup 
complètement  son  intérêt  de  voie  de  pénétration,  seul  mobile  qui 
puisse  inciter  à  son  établissement. 


244  ÉTL'DES    ET    MÉMOIRES 

On  ne  peut  pas  non  plus,  en  sa  faveur,  invoquer  la  richesse  des 
pays  traversés.  La  tète  de  ligne,  vers  Kayes,  est  constituée  par  des 
pa}-s  essentiellement  montagneux,  pauvres  en  produits  d'exporta- 
tion, qui  d'ailleurs  ne  suivraient  cette  ligne  qu'au  cas  où  les  vapeurs 
ne  pourraient  monter  à  Kayes. 

Dans  sa  partie  médiane,  elle  côtoie,  sur  sa  droite,  des  régions 
désolées  et,  sur  sa  gauche,  un  pays  de  richesse  très  moyenne, 
admirablement  drainé  d'ailleurs  par  le  beau  fleuve  commercial  qui 
a  nom  :  Gambie. 

Ce  serait  une  douce  naïveté  de  croire  que  la  voie  ferrée  concur- 
rencerait un  fleuve  navigable  jusqu'au-dessus  de  Mac-Carthy  pour 
les  gros  vapeurs. 

Elle  n'aurait  donc  plus  d'intérêt  que  pour  les  pays  sérères.  où 
elle  supplanterait  le  transport  par  bêtes  de  somme  des  arachides. 

Son  utilité  à  tous  points  de  vue  tombe  donc  d'elle-même  par  la 
simple  discussion. 

Les  conclusions  seraient  renversées  si  nous  possédions  la  Gambie 
anglaise  et  que  la  voie  ferrée  puisse  joindre  Mac-Carthy  à   Kayes. 

Le  bilan  de  cette  voie  se  ferme  donc  par  deux  transbordements  et 
1.340  kilomètres  de  voie  ferrée  pour  une  marchandise  embarquée  à 
Bammako.  Il  est  à  remarquer,  en  outre,  que  l'établissement  de  la 
voie  commerciale  Dakar-Kayes  demanderait  la  construction  de  800 
kilomètres  nouveaux  de  chemin  de  fer.  tandis  que  l'achèvement  de 
la  ligne  Conakry-Bammako  en  demande  300. 

Pour  atteindre  le  milieu  nigérien  supérieur,  il  n'est  donc  qu  une 
voie  vraiment  commerciale,  elle  part  de  Conakry. 

Quel  serait  donc  alors  le  prix  de  transport  de  la  tonne  de  coton 
provenant  des  divers  points  du  Niger,  il  ne  sera  pas  le  même  forcé- 
ment que  celui  établi  par  la  voie  provisoire  du  Sénégal. 

Le  tableau  ci-dessous  donne  ces  prix  en  calculant  sur  les  tarifs 
par  voie  ferrée  admis  ci-dessus  ;  il  est  improbable  que  le  coton  ne 
jouisse  pas  sur  le  chemin  de  fer  de  Conakry  des  mêmes  avantages 
que  ceux  qui  lui  sont  conférés  sur  le  chemin  de  fer  de  Kayes. 

Je  suppose,  en  outre,  que  tout  le  coton  du  bief  Koulicoro-Kou- 
roussa  suivra  la  voie  ferrée  au  lieu  de  la  voie  fluviale,  plus  écono- 
mique ;  les  derniers  chiffres  sont  donc  supérieurs  à  la  réalité. 

Il  a  été  compté  45  fr.  par  tonne  pour  le  transport  Conakry- 
France. 

Une  tonne  de  coton,   pressé  à  500  kilogrammes  au  m3,  payerait  : 


LE    COTON    DANS    l'aFRIQL'E    OCCIDENTALE  245 

de   Mopti  en   France 110  IV. 

_ .  ■      ,  l   par  Mopti 114      » 

—  Dienne  —  T.     ,  .  .  „ 

J  f   par  Koakourou  ....      11 0     » 

[   par  Mopti 118  » 

\   par  Koakourou  ....  114  » 

—  Sausanding"  —   99  » 

—  Segou      —   97  » 

—  Koulicoro       —        92  » 

—  Bammako      —       90  >> 

—  Sisuiri            —        80  » 

Kankan                     99  » 

—  Kouroussa      —        75  » 

En  passant  par  la  ligne  Koulicoro-Dakar,  les  marchandises  du 
bief  Koulicoro-Mopti  auraient  à  acquitter  un  supplément  de  trans- 
port de  22  fr.  par  tonne  sur  les  chiffres  indiqués  ci-dessus. 

§  3.  —  Bilan  d'une  exportation  de  coton. 

Et  maintenant  crue  nous  sommes  en  possession  de  toutes  les 
données  de  la  question,  à  combien  reviendra,  tous  frais  compris,  la 
tonne  de  coton  sur  le  marché  du  Havre? 

Le  prix  d'achat  du  coton  indigène,  tel  qu'il  est  récolté  à  l'heure 
actuelle,  peut  être  compté  sur  le  taux  de  20  francs  les  100  kilo- 
grammes de  coton  brut,  acheté  au  détail. 

Dans  bien  des  localités,  il  ne  vaut  guère  plus  de  15  fr.  et,  dans 
peu  d'années,  la  valeur  courante  se  sera  uniformisée  sur  ce  prix. 

Dès  maintenant,  on  peut  compter  l'acheter  en  gros  aux  indigènes, 
avec  promesse  formelle  d'achat,  s'il  est  de  bonne  qualité,  17  fr.  50 
les  100  kilos. 

Le  coton  de  première  récolte  rend  28  à  27  °/0  de  fibres  nettes,  ce 
qui  met  les  100  kilos  de  coton  en  fibres  à  64  ou  65  fr.  environ,  soit 
650  fr.  la  tonne. 

Les  frais  d'égrenag-e  sont,  aux  Etats-Unis,  soldés  par  l'abandon 
des  graines,  dont  l'utilisation  pour  l'huilerie,  la  fabrication  de  tour- 
teaux et  d'engrais  est  considérable. 

Dans  l'autre  cas,  ces  frais  d'égrenage  sont  évalués  à  un  dollar 
par  balle,  soit  environ  20  fr.  par  tonne. 

Si  donc  nous  comptons  comme  nulle  la  valeur  des  graines,  et  que 


2i6  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

nous  ajoutions  10  fr.  pour  les  frais  généraux  d'achat  et  d'emmaga- 
•     sinag-e,  cela  fait  un  total  de  680  fr. 

Si,  à  cela,  on  ajoute  le  prix  du  transport,  les  prix  extrêmes  de  la 
tonne  rendue  au  Havre  seraient  : 

De  San 798  fr. 

De  Kouroussa 755  — 

Ces  prix  devraient,  en  outre,  supporter  le  prix  du  courtage  et 
autres  menus  frais,  peu  élevés,  de  la  place  et,  en  définitive,  les 
chiffres  de  800  et  760  fr.  peuvent  être  considérés  comme  typiques. 

Au  prix  de  vente  de  45  fr.  les  50  kilos,  soit  de  900  fr.  la  tonne, 
l'opération  serait  déjà  donc  fructueuse  ;  or,  nous  savons  que  le  beau 
coton,  soigneusement  récolté  et  travaillé,  atteint  facilement  les 
prix  de  1000  à  1100  fr.  la  tonne,  ce  qui  laisse  un  bénéfice  fort  res- 
pectable de  300  fr.  environ  par  tonne  de  coton  indigène. 

Tout  ceci  n'est  évidemment  que  prévisions,  mais  nous  les  avons 
faites  avec  toute  la  rig-ueur  possible  en  cette  matière  et.  en  laissant 
les  chilfres  de  côté,  nous  pouvons  conclure,  pour  les  transactions 
commerciales  de  coton,  à  un  avenir  considérable. 

Y.  Henry 


CONFÉRENCES  DU  JARDIN  COLONIAL 


CONFÉRENCE  DE  M.  DESLANDES 

Bien  que  des  opinions  différentes  aient  été  exprimées  au  sujet 
de  l'avenir  agricole  de  Madagascar,  il  paraît  aujourd'hui  certain  que 
l'agriculture  est  destinée  à  devenir  une  des  principales  sources  de 
richesse  de  la  colonie.  Déjà,  avant  que  la  grande  île  fût  définitive- 
ment rattachée  à  la  France,  des  tentatives  de  colonisation  agricole 
avaient  été  faites  en  différents  points  de  l'île  par  des  Européens  et 
des  créoles.  On  avait  essayé  la  culture  du  cacaoyer,  du  giroflier,  de 
la  canne  à  sucre,  du  caféier,  du  vaniller.  Je  ne  parle  pas  du  riz,  du 
manioc,  que  les  indigènes  cultivent  de  temps  immémorial  dans 
presque  toutes  les  régions  de  l'île,  et  que  le  planteur  ne  paraît  pas 
pouvoir  produire  à  meilleur  compte  que  le  malgache. 

Ces  tentatives  eurent  des  destins  variables.  Il  était,  du  reste, 
assez  aléatoire  de  les  étendre  et  de  les  multiplier  tant  que  le  pou- 
voir resterait  aux  mains  d'un  peuple  aussi  soupçonneux  que  les 
Hovas,  qui  avaient  à  plusieurs  reprises  chassé  les  étrangers  de  l'île 
et  ravagé  leurs  plantations. 

Depuis  l'occupation  française,  les  préoccupations  de  ce  genre  ont 
naturellement  disparu,  et  le  champ  a  été  librement  ouvert  à  toutes 
les  activités  qui  se  portaient  vers  l'exploitation  du  sol.  —  Les  pre- 
miers essais  de  colonisation  agricole  pouvaient  déjà  donner  d'utiles 
indications  sur  quelques-unes  des  cultures  à  entreprendre  et  sur  les 
régions  à  mettre  en  valeur.  Mais  ces  données  étaient  bien  insuffi- 
santes. Aussi  le  général  Gallieni,  voulant  donner  une  impulsion  vigou- 
reuse aux  études  agricoles,  jugea-t-il  nécessaire  de  créer  un  service 
technique  spécial  avec  son  fonctionnement  distinct  ^3  octobre  1896)  : 
c'est  la  Direction  de  l'Agriculture  de  Madagascar. 

Ce  service  s'occupe  de  l'étude  des  ressources  agricoles,  de  la 
valeur  des  terres,  du  régime  météréologique.  Il  introduit  et  répand 
les  plantes  économiques  dont  la  culture  est  à  conseiller,  les  multi- 
plie, sélectionne  les  variétés,  recherche  les  modes  de  culture  qui 
leur  conviennent  le  mieux.  Il  livre  aux  colons  et  aux  indigènes  des 
semences,  plants  et  boutures.  Enfin,  il  réunit  des  échantillons  des 
divers  produits  du  pays  et  s'efforce  de  les  faire  connaître. 


248  CONFÉRENCE 

Ce  programme  est  vaste  et  demande  encore  de  longs  efforts  avant 
d'être  complètement  rempli.  Mais  les  difficultés  de  la  première 
heure  ont  été  vaincues,  le  fonctionnement  du  service  est  régulier, 
et  les  résultats  acquis  s'augmentent  chaque  jour  de  nouvelles  obser- 
vations recueillies  dans  les  stations  dessais  que  la  Direction  de 
l'Agriculture  a  créées  pour  y  poursuivre  la  réalisation  de  son  pro- 
gramme. Nous  verrons  tout  à  l'heure  ce  que  sont  ces  stations,  quels 
sont  les  travaux  qu'on  y  entreprend  et  les  résultats  qu'on  leur 
demande. 

Enfin,  un  personnel  s'est  formé,  qui  possède  maintenant,  si  je  • 
puis  m'exprimer  ainsi,  «  la  pratique  du  pays  »  qui,  non  seulement 
a  acquis  l'habitude  des  travaux  de  culture  tropicale,  —  qui  malgré 
tout  apprentissage  antérieur  ne  devient  complète  que  sur  le  ter- 
rain -  -  mais  encore  connaît  les  ressources  du  pays,  le  caractère  de 
l'indigène,  la  manière  de  le  commander,  et  plus  ou  moins  son  lan- 
gage. 

Ce  sont  là,  si  l'on  veut,  des  détails,  mais  ils  ont  une  grande 
importance  pratique  à  Madagascar,  et  j'en  suis  persuadé  partout 
ailleurs.  Comme  la  plupart  d'entre  vous  sont  destinés  à  aller  aux 
colonies  et  à  fai'^e  de  l'agriculture,  je  crois  bien  faire  de  vous  en 
dire  quelques  mots,  d'autant  plus  qu'on  considère  trop  souvent  ce 
sujet  comme  de  trop  peu  d'intérêt  pour  en  parler. 

Dans  la  création  d'une  exploitation,  que  ce  soit  une  station  d'es- 
sais ou  une  plantation  particulière,  ce  sont  les  débuts  qui  sont  les 
plus  difficiles,  surtout  pour  celui  qui  ne  connaît  pas  encore  le  pays. 
Il  faut  d'abord  recruter  des  travailleurs,  et  le  malgache  est  libre 
de  ne  travailler  que  lorsque  cela  lui  plaît. 

Le  malheur  est  que  cela  ne  lui  plaît  pas  souvent. 
Dans  bien  des  cas,  l'Européen  se  trouvera  seul  avec  ses  ouvriers, 
qu'il  doit  faire  travailler  à  l'établissement  de  sa  plantation  ;  il 
éprouve  souvent  de  la  difficulté  a  se  faire  obéir  de  ces  hommes  qui 
ne  le  comprennent  guère  et  en  profitent  souvent  pour  ne  pas  exé- 
cuter même  ce  qu'ils  comprennent  fort  bien. 

Pour  la  plupart  des  stations  de  Madagascar,  le  premier  travail  de 
l'agent  de  culture  était  de  construire  sa  propre  habitation.  Puis  on 
commence  le  défrichement:  il  faut  tracer  une  allée,  jeter  une  passe- 
relle, établir  un  débarcadère, combler  un  marigot.  Il  faut  faire  cou- 
per des  charpentes  en  forêt,  faire  scier  des  planches,  se  procurer 
des  pirogues,  du  riz  pour  les  travailleurs,  tout  cela  avec  des  indi- 


CONFÉRENCE  DE  M.  DESLANDES  249 

gènes  dont  on  n'a  assurément  rien  à  craindre,  mais  dont  l'intelli- 
gence est  bornée,  dont  la  joie  est  de  vous  voir  dans  l'embarras,  que 
vous  ne  pouvez  quitter  un  instant  sous  peine  de  n'obtenir  qu'un 
travail  très  faible,  et  qui  pour  une  raison  futile  que  vous  ne  soup- 
çonnerez pas  ou  même  sans  raison  aucune,  vous  laisseront  tout  seul 
sur  le  défrichement  avec  vos  outils,  vos  charpentes  et  votre  pirogue. 

Cela  arrive  quelquefois.  Heureusement  ce  n'est  somme  toute  qu'une 
exception.  Au  bout  de  quelque  temps,  les  indigènes  de  la  région 
vous  connaissent,  un  certain  nombre  se  fixent  sur  la  concession,  y 
forment  un  village  et  constituent  un  noyau  d'ouvriers  à  peu  près 
stable. 

Le  défrichement  si  triste  au  début  devient  une  plantation  ;  à 
mesure  que  les  travaux  avancent,  que  les  plantes  croissent,  que  les 
chemins  sont  tracés,  l'impression  de  tristesse  ou  même  de  découra- 
gement qui  atteint  parfois  l'esprit  au  début,  disparaît  et  l'on  s'at- 
tache de  plus  en  plus  à  ce  que  l'on  a  créé. 

Mais  terminons  là  cette  digression. 

Je  ne  pourrais  vous  parler  de  tout  ce  qui  a  rapport  a  l'agricul- 
ture à  Madagascar.  Le  sujet  est  beaucoup  plus  vaste.  Je  dois  me 
borner  à  vous  entretenir  de  ce  qui  concerne  la  côte  orientale  de  l'île, 
formant  la  circonscription  agricole  de  l'Est.  C'est  la  région  qui 
paraît  le  mieux  convenir  aux  cultures  tropicales,  et  c'est  celle  où  la 
colonisation  a  montré  le  plus  d'activité. 

Je  suis  resté  quatre  ans  sur  cette  côte,  depuis  le  jour  où  j'ai  été 
appelé  à  créer  la  circonscription  agricole  de  l'Est,  au  commence- 
ment de  1899,  et  j'ai  eu  l'occasion  de  la  parcourir  entièrement  par 
voie  de  terre  et  de  visiter  la  plupart  des  exploitations  qui  y  sont 
établies. 

Je  voudrais  vous  parler  de  ce  qui  a  été  fait  par  la  Direction  de 
l'Agriculture  dans  cette  région,  et  aussi  vous  dire  quelques  mots  des 
principales  cultures  qui  y  sont  actuellement  pratiquées  dans  les  plan- 
tations. 

La  Direction  de  l'Agriculture  a  créé,  sur  la  côte  Est,  trois  établis- 
sements agricoles  : 

La  station  d'essais  de  l'Ivoloina  ; 
»  »         de  Nahimpoana  ; 

La  cocoterie  de  Vohidotra. 

La  station  d'essais  de  l'Ivoloina  est  située  à  1  ï  kilomètres  au  N.-O. 


250  CONFÉRENCE 

de  Tamatave,  sur  la  rivière  qui  lui  a  donné  son  nom  et  dont  elle 
occupe  les  deux  rives.  Les  premiers  travaux  d'établissement  ont 
commencé  à  la  (în  de  1897,  mais  ce  n'est  qu'à  la  fin  de  1900  que  des 
crédits  suffisants  permirent  d'assurer  l'exécution  d'un  plan  d'orga- 
nisation bien  arrêté  qui  se  poursuit  d'année  en  année.  Malgré  cette 
existence  récente,  la  Station  de  llvoloina  est  considérée  comme  la 
plus  importante  de  l'île. 

Elle  comprend  actuellement  : 

Des  pépinières  abritées  et  à  l'air  libre  ; 

Une  section  de  plantes  mères  ; 

Un  verger  tropical  ; 

Une  importante  section  d'essais  de  grande  culture  ; 

Un  poste  météorologique. 

Les  pépinières  commencées  en  1808  ont  été  à  plusieurs  reprises 
améliorées  et  étendues  ;  elles  doivent  fournir  aux  demandes  de  ces- 
sions qui  sont  faites  par  les  particuliers  ou  l'administration. 

Elles  comprennent  des  pépinières  abritées  et  des  pépinières  à 
l'air  libre. 

Les  pépinières,  appelées  aussi  ombrières,  reçoivent  les  semis  de 
plantes  délicates  qui  ne  pourraient  supporter  le  soleil  au  début  de 
leur  végétation  . 

Elles  abritent  aussi  des  plantes  rempotées  prêtes  pour  la  livraison 
ou  la  mise  en  place.  Certaines  espèces,  les  cacaoyers  par  exemple, 
sont  aussi  repiquées  sous  abris. 

Ces  ombrières  sont  élevées  de  1  m  80,  et  constituées  par  de  solides 
perches  régulièrement  espacées,  enfoncées  dans  le  sol,  et  réunies  à 
leurs  extrémités  par  des  gaulettes  constituées  par  les  st}q3es  d'un 
petit  palmier  de  marais,  devenant  très  léger  lorsqu'il  est  bien  sec.  Sur 
cette  sorte  de  canevas  sont  placées  de  grandes  bruyères  qui  tamisent 
la  lumière.  L'ombrage  ainsi  obtenu  peut  être  facilement  augmenté 
ou  diminué,  suivant  l'exigence  des  plants,  par  l'addition  ou  l'en- 
lèvement de  bruyères.  La  pente,  l'écoulement  des  eaux  ont  été  soi- 
gneusement ménagés,  et  la  préparation  du  sol,  son  amendement, 
les  semis,  les  rempotages,  nécessitent  les  soins  presque  constants 
d'un  chef  pépiniériste.  Cas  ombrièras  ont  une  superficie  de  2.500  à 
'{.000  mètres  carrés.  Des  châssis  reçoivent  les  semis  de  graines  qui 
demandent    cette    précaution    et   ceux    de   graines    très    fines,    par 


CONFÉRENCE    DE    M.    DESLANDES  251 

exemple,  d'Eucalyptus,  que  les  grosses  pluies  entraîneraient  rapi- 
dement. 

Un  vaste  hangar  de  20  m  X  S  m  sert  à  la  confection  des  tentes  en 
feuilles  de  vacoa,  de  pots  en  bambou,  à  la  préparation  des  envois, 
etc.  Tous  les  envois  de  plantes  venant  de  la  colonie,  de  l'étranger 
et  surtout  du  Jardin  Colonial  de  Nogent-sur-Marne  sont  reçus  à  la 
station  de  l'Ivoloina,  et  soignés,  s'il  y  a  lieu,  avant  leur  réexpédi- 
tion vers  les  autres  Stations. 

Les  pépinières  à  l'air  libre  occupent  environ  5.000  mètres  carrés. 

C'est  là  que  sont  faits  les  semis  des  plantes  qui  peuvent  suppor- 
ter le  soleil,  ou  même  qui  l'exig-ent  dès  leur  sortie  de  terre. 

On  y  trouve  principalement  des  arbres  d'avenue,  des  arbres  d'om- 
brage. 

Les  pépinières  de  la  Station  de  l'Ivoloina  contiennent  de  très 
nombreuses  espèces  végétales,  qui  se  chiffrent  en  moyenne  par  un 
total  de  plants  de  100.000  environ. 

Tous  les  3  mois  paraît  dans  l'Officiel  de  la  colonie,  la  liste  des 
plantes  livrables  pendant  le  trimestre  suivant,  avec  indications  du 
nombre  disponible  et  du  prix  de  cession.  Ce  prix  est  très  réduit,  et 
oertaines  espèces  économiques  dont  on  veut  encourager  la  vulgari- 
sation sont  même  cédées  gratuitement. 

Les  espèces  mises  en  cessions  sont  nombreuses,  et  comprennent  : 

Des  plantes  de  grande  culture  (cacaoyers,  théiers,  caféiers,  poi- 
riers ; 

Des  essences  à  caoutchouc  ; 

Des  arbres  d'avenue  ; 

Des  essences  d'ombrage  ; 

Des  arbres  fruitiers  ; 

Des  bois  précieux,  des  palmiers,  des  plantes  ornementales. 

Tous  ces  plants  ne  sont  livrés  qu'après  avoir  reçu  les  soins  néces- 
saires, et  bons  à  être  mis  en  place.  Suivant  les  espèces,  ils  sont 
cédés  en  pot,  en  tente,  en  motte  ou  à  racines  nues. 

La  section  des  plantes  mères  comprend  la  collection  de  toutes  les 
plantes  que  possède  la  Station,  et  sur  lesquelles  on  pourra  recueillir 
les  graines  et  boutures  nécessaires  à  leur  multiplication.  Toutes  les 
nouvelles  espèces  reçues  y  sont  placées  et  soigneusement  éti- 
quetées. 


252  CONFÉRENCE 

Par  suite  de  l'arrivée  successive  de  ces  espèces,  il  n'a  pas  été 
possible  d'adopter  une  classification  méthodique,  mais  une  partie 
botanique  sera  créée,  dès  que  la  multiplication  des  spécimens  des 
plantes  mères  le  permettra.  Cette  multiplication  est  déjà  possible 
pour  un  certain  nombre  d'espèces. 

Les  palmiers,  cependant,  ont  pu  être  placés  ensemble,  ainsi  que 

les  Ficus. 

Le  verger  n'est  aussi  qu'une  subdivision  des  plantes  mères  réser- 
vée aux  fruitiers  tropicaux.  On  y  remarque  de  nombreuses  intro- 
ductions faites  par  la  Direction  de  l'Agriculture,  par  exemple  le 
Mangoustan,  le  Sapotillier,  le  Letchi  chevelu,  plusieurs  variétés 
d'Ananas,  Lansium  domesticum,  Diospyros  discolor,  Mammea  ame- 
ricana,  Durio  zybethinus. 

La  section  de  grande  culture  est  de  beaucoup  la  plus  étendue. 
C'est  un  vaste  champ  d'expériences  où  l'on  suit  la  Culture  de  nom- 
breuses espèces  économiques.  On  y  attache  à  la  Station  de  l'Ivo- 
loina  une  grande  importance,  car  c'est  elle  qui  doit  fournir  tous  les 
renseignements  concernant  les  plantes  introduites  et  déterminer 
d'une  façon  certaine  si  on  doit  en  conseiller  ou  non  l'exploitation. 
On  a  voulu  se  mettre  en  garde  contre  une  tendance  trop  répandue 
à  la  généralisation  de  résultats  obtenus  sur  des  sujets  isolés. 

On  a  trop  souvent  déduit  d'une  indication  fournie  par  un  plant, 
deux  plants,  des  rendements  que  l'on  traduisait  par  une  récolte  de  tant 
à  l'hectare.  En  procédant  ainsi,  on  s'expose  à  de  grossières  erreurs. 
Pour  pouvoir  généraliser  et  obtenir  des  moyennes  exactes,  sur  les 
rendements,  les  comptes  de  culture,  il  faut  opérer  sur  un  grand 
nombre  de  sujets,  dont  les  qualités  individuelles  se  détruisent,  se 
contrebalancent  ;  en  un  mot,  il  faut  se  placer  autant  qu'on  le  peut 
dans  les  conditions  de  la  grande  culture. 

On  ne  peut  songer  dans  une  Station  d'essais  qui  doit  s'occuper 
de  nombreuses  espèces,  à  cultiver  chacune  sur  de  très  grandes  sur- 
faces. Mais  on  a  pensé  que  1/4  d'hectare  attribué  à  chaque  essai 
permettrait  d'obtenir  des  résultats  pouvant  être  généralisés  dans  la 
plupart  des  cas. 

Le  champ  d'expériences  de  la  Station  de  l'Ivoloina  comprend  déjà 
un  grand  nombre  d'essais  : 

Cacaoyer.  Variétés  introduites,  i  parcelles. 
Vanille.  1  parcelle.  2.500  mètres. 


CONFÉRENCE  DE  M.  DESLANDES  253 

Caféiers  de  diverses  variétés  et  en  particulier  des  hybrides  de 
Libéria  par  Arabica  qui  jusqu'à  présent  semblent  donner  des  résul- 
tats satisfaisants.  La  première  fructification  de  ces  hybrides  et  d'hy- 
brides greffés  a  eu  lieu,  et  le  travail  de  sélection  va  commencer  sur 
les  jeunes  plants  que  fourniront  ces  semis.  On  espère  aussi  arriver 
à  posséder  des  caféiers  à  grain  de  bonne  qualité,  et  résistant  à 
l'IIemileia  Vastatrix  qui  ne  permet  pas  sur  la  côte  Est  la  culture  du 
caféier  de  Bourbon,  ni  des  variétés  de  C.  Arabica.  Ainsi  qu'on  l'a 
constaté  à  la  Station  de  l'Ivoloina,  les  traitements  cupriques  eux- 
mêmes  sont  impuissants. 

On  trouve  aussi  un  essai  sur  le  bananier  textile,  plusieurs  par- 
celles réservées  au  caoutchouc  du  Para  (Hevea  Brasiliensis),  plusieurs 
aussi  à  différentes  variétés  de  Théier. 

Les  plantes  à  caoutchouc  sont  encore  représentées  par  le  Céara, 
le  Castilloa  El.,  le  Ficus  Vogelii. 

D'autres  parcelles  sont  réservées  :  au  giroflier,  au  muscadier,  au 
kolatier,  au  poivrier,  à  la  Coca,  à  la  Cardamone,  aux  plantes  à  par- 
fums :  Ylang  Ylang,  2  var.  ;  Patchouly,  Citronnelle.  Les  cultures 
potagères  ont  fait  depuis  plusieurs  années  l'objet  d'observations 
suivies. 

Les  parcelles  du  champ  d'expériences  sont  séparées  ou  bordées 
par  des  chemins  ou  des  avenues  plantées  d'un  grand  nombre  d'es- 
pèces d'arbres  introduits,  comme  le  Cedrela  odorata,  le  sablier  des 
Antilles,  le  Kigelia  pinnata,  le  Sterculia  alata,  divers  palmiers, 
plantes  inconnues  auparavant  à  Madagascar. 

La  Direction  de  l'Agriculture,  grâce  au  Jardin  Colonial,  à  des 
échanges  faits  avec  des  Stations  agronomiques  étrangères  (particuliè- 
rement Buitenzorg-),  a  pu  introduire  un  grand  nombre  d'espèces  nou- 
velles. Sur  les  400  espèces  environ  qu'on  trouve  à  la  Station  de 
l'Ivoloina,  plus  de  la  moitié  ne  se  trouvent  encore  que  là  et  chez 
les  planteurs  qui  les  ont  demandés  en  cession. 

Toutes  assurément  n'ont  pas  la  même  importance. 

Parmi  les  plus  précieuses,  je  citerai  : 

Des  variétés  de  cacaoyer  et  de  caféier,  le  muscadier,  la  coca,  le 
poivrier,  le  patchouly,  le  thé  d'Assam,  de  Manipury,  de  Gambouz, 
le  Combrétum  Raimbaultii,  l'Acajou  ;  de  nombreux  fruitiers  que  j'ai 
cités  précédemment,  et  des  arbres  d'ombrage  et  d'avenue,  des  plantes 
à  gutta  et  à  caoutchouc. 


'2'.')ï  CONFÉRENCE 

Cette  partie  delà  Station  s'étend  rapidement,  et  les  expériences 
deviennent  de  plus  en  plus  intéressantes  à  mesure  que  les  plantes 
vieillissent.  Une  comptabilité  technique  soigneusement  tenue  assure 
la  conservation  de  tous  les  renseignements  recueillis  :  renseigne- 
ments  culturaux.  comptes  de  cultures,  etc. 

Un  laboratoire  doit  être  joint  k  cette  section.  On  pourra  étudier 
les  meilleures  méthodes  de  préparation,  y  analyser  les  terres,  a  faire 
l'examen  des  maladies  cryptogamiques. 

L'observatoire  météorologique  n'est  qu'un  des  33  postes  dissé- 
minés dans  l'île  et  dépendants  de  la  Direction  de  L'Agriculture.  Celui 
de  la  Station  de  1  Ivoloina  est  toutefois  plus  complet  que  la  plupart 
des  autres.  On  y  fait  les  observations  suivantes  :  température  au 
thermomètre  fronde,  température  maximum  et  minimum,  tempéra- 
ture du  sol  à  0"'  Hl  et  0  "'  50,  état  hygrométrique,  pression  baromé- 
trique, chute  pluviale.  Un  thermomètre  enregistreur  permet  de  con- 
trôler les  observations  de  température. 

On  peut  se  rendre  compte  par  ce  qui  précède  que  le  travail 
accompli  est  déjà  considérable.  D'autre  part,  les  résultats  per- 
mettent de  bien  augurer  du  succès  de  nombreuses  cultures. 

Chaque  jour  apporte  sa  part  de  connaissances  nouvelles. 

On  s'occupe  à  la  Station  de  l'Ivoloina  de  remplacer  autant  que  pos- 
sible le  travail  du  malgache  par  celui  des  animaux  et  des  instru- 
ments agricoles.  C'est  important  dans  ce  pays  où  la  main-d'œuvre 
n'est  pas  toujours  facile  à  se  procurer,  et  surtout  où  elle  est  in- 
stable. 

La  charrue  est  appelée  à  jouer  un  rôle  et  elle  fonctionne  déjà  à 
l'Ivoloina. 

Les  nettoyages  à  l'angade  partout  pratiqués  ont  été  remplacés 
par  le  travail  à  la  sape,  oO  °/0  moins  cher. 

Au  moment  de  mon  départ,  j'attendais  deux  mulets  pour  essayer 
les  nettoyages  entre  les  lignes  avec  une  légère  charrue  bineuse. 

Un  petit  Decauville  a  permis  d'effectuer  des  terrassements  indis- 
pensables pour  les  pépinières,  pour  l'écoulement  des  eaux,  pour 
h3  tracé  des  allées,  les  transports  de  pierres  pour  la  construction 
de  débarcadères,  de  fumier  pour  des  essais  culturaux.  de  terre  pour 
combler  des  marigots. 

Enfin,  j'ajouterai  que  le  service  de  l'agriculture  a  effectué  à  la 
Station  de  l'Ivoloina  la  construction  de  quatre  petites  maisons  d  ha- 
bitation coloniale,  d'un  grand  hangar,  d'une  écurie,  d'un  hangar  à 


CONFÉRENCE  DE  M.  DESLANDES  255 

bœufs  pour  quarante  bêtes,  le  tout  avec  ses  seuls  moyens  et  avec 
les  matériaux  du  pays. 

D'ici  peu  d'années,  sans  aucun  doute,  ce  qui  manque  ou  laisse 
encore  à  désirer  sera  créé  ou  amélioré,  mais  dès  à  présent  la  Sta- 
tion de  l'Ivoloina  est  en  mesure  de  rendre  d'importants  services  à 
la  colonisation  sur  la  côte  Est  de  Madagascar. 

La  cocoterie  de  Vohidotra  a  pour  but  de  produire  des  semences  et 
plants  de  cocotiers  destinés  à  être  cédés  aux  colons  et  aux  indi- 
gènes, d'introduire  et  de  répandre  les  meilleures  variétés  de 
Cocos  nucifera,  d'introduire  les  industries  se  rattachant  au  cocotier, 
de  rechercher  les  meilleures  méthodes  de  culture  à  adopter  pour  cette 
plante,  enfin  de  déterminer  quelles  cultures  accessoires  pourraient 
être  adjointes  à  celle  du  cocotier  dans  la  zone  littorale. 

La  cocoterie  de  Vohidotra  est  située  à  environ  9  kilomètres  de 
Tamatave,  et  à  un  peu  plus  d'une  heure  de  pirogue  de  la  station  de 
l'Ivoloina,  non  loin  de* l'embouchure  delà  rivière.  Elle  est  bornée  à 
l'Est  par  une  lagune  qui  communique  avec  l'Ivoloina  et  se  prolonge 
au  sud  de  l'autre  rive  jusqu'à  4  kilomètres  de  Tamatave,  ce  qui  faci- 
lite les  transports  en  permettant  d'utiliser  les  pirogues. 

Le  sol  est  de  nature  sablonneuse,  et  sa  richesse  médiocre.  La  zone 
littorale  de  la  côte  Est  étant  composée  presque  partout  de  terrains 
analogues,  l'essai  fait  à  Vohidotra  présente  un  intérêt  spécial  au 
point  de  vue  de  la  mise  en  valeur  de  surfaces  très  étendues  restées 
jusqu'ici  à  peu  près  incultes. 

[A  suivre.) 


NOTE 

SUR    LE    RENDEMENT    DU    CAEÉ    LIRÉRIA 
DE     FORT-DAUPHIN 

M.  l'agent  de  culture  Delgove,  chargé  de  la  Station  d'Essais  de 
Fort-Dauphin,  s'est  livré  à  d'intéressantes  expériences  sur  le  poids 
des  baies  du  caféier  de  Libéria  et  a  cherché  à  déterminer  exacte- 
ment le  rendement  en  café  marchand  d'une  quantité  donnée  de 
cerises;  il  communique  à  ce  sujet  les  renseignements  suivants,  obte- 
nus avec  10  kilos  de  cerises  de  grosseur  moyenne. 

Nombre  total  de  cerises ».  .  .  .  2 .  1 00 

de  cerises  contenant  2  grains 1  .200 

de  cerises  contenant  1  grain 000 

Poids  de  la  pulpe  humide 5  k.  500 

Poids  du  café  en  parche,  mouillé i  k.  500 

Nombre  de  grains  en  parche 3 .  300 

Poids  du  café  en  parche,  sec 1  k.  41  o 

Poids    du  café  brut   après  décortication   et 

vannage 0  k.  050 

Poids  de  la  parche  et  de  la  pellicule 0  k.  465 

Poids  des  grains  entiers  non  tachés 0  k.  710 

tachés 0  k.  000 

—  —     quelque  peu  cassés  et  non 

tachés 0  k.  090 

Poids  des  brisures 0  k.  000 

Poids  du  café  marchand  obtenu 0  k.  800 

Un  kilo  de  baies  moyennes  donne  80  grammes  de  café  marchand. 
Il  faut  donc  12  kil.  500  de  cerises  pour  produire  un  kilo  de  café 
commercial  et  ces  12  kil.  500  contiennent  2.625  baies. 

Delgove, 
Agent  de  culture,  chargé  de  la  Station  d'Essais 
de  Fort-Dauphin. 


MAÇON,    PI.OTAT    FRERES,    IMPRIMEURS. 


Le  (lérant  :  A.  Challamel 


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—     az    français 


L'appareil  Clayton  est  employé  par  le 
Ministère  des  Colonies,  pour  la  désinsection 
dos  hôpitaux,  lazarets,  casernements,  pour 
la  destruction  des  termites,  etc.,  etc.  Il  est 
J  admis  pour  la  désinsection  des  établissements 
de  l'Assistance  publique 


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JOURNAL    D'AGRICULTURE    TROPICALE 

Agricole,  Scientifique  et  Commercial 
publié   par    J.    VILBOUCHEVITCH 


PARIS  —  10,  Rue  Delambre  —  PARIS 


ABONNEMENTS 


Un  An . . . 

Six  M'.is 


20     Francs. 
-1  O 


Le  Journal  d'Agriculture  tvr,   '  réservé  aux  questions  d'actualité. 

Il  est  international  et  s'adress  is  aux  colonies  françaises,  aux  colonies  portugaises 

et  aux  pays  de  l'Amérique  centrale  cl  de  l'Amérique  du  Sud. 

Il  s'est  fait  une  spécialité  des  machines  employées  en  agriculture  tropicale. 

Il  donne  tous  les  mois  une  revue  complète  des  publications  nouvelles.  La  partie 
commerciale  est  intelligible  pour  tout  le  monde  et  toujours  intéressante. 


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LIANE    A    CAOUTCHOUC 

(Landolpliia  Florida) 


Ç^s=*  La  Maison  VILMORIN-ANDRIEUX  ET  (>,  toujours  sou- 
cieuse d'être  utile    à  son    importante  clientèle',  a  cru  devoir 
s'occuper  d'une  façon  tonte  particulière  de  l'importation   et  de  la 
vulgarisation  des  graines  et  plantes  précieuses  des  pays  chauds. 

Ses  relations  commerciales  avec  toutes  les  parties  du  globe  la 
placent  certainement  au  premier  rang  des  maisons  recommandables 
pour  résoudre  cette  importante  question. 

Du  reste  ses  efforts  ont  été  couronnés  de  succès  puisqu'elle  a 
obtenu  7  Grands  Prix  à  l'Exposition  Universelle  de  1900,  dont  un 
spécialement  accordé  pour  son  Exposition  Coloniale.  En  outre,  le 
Jury  de  la  dernière  Exposition  d'Horticulture  de  Paris  de  1901  vient 
à  nouveau  de  confirmer  les  décisions  du  Jury  de  l'Exposition  uni- 
verselle en  lui  attribuant  le  Prix  d'Honneur  pour  sa  collection  de  plantes  utiles  présentées  en 
jeunes  sujets  cultivés  pour  l'exportation  dans  les  pays  chauds. 

Enfin,  suivant  une  longue    tradition  la  Maison  se  l'ait  un  devoir  de  répondre  de  la    façon    la  plus 
désintéressée  à  toutes  les  demandes  cpii  lui  sont  adressées. 

Graines  et  jeunes  plants  disponibles  au  fur  et  à  mesure  de  la  récolte  : 

Plantes  textiles. 
gigantea,  etc. 

Plantes  économiques.  —  Cacaoyer  (variétés  de  choix),  Caféiers  (espèces  diverses),  Coca, 
Kola,  Tabacs  divers,  Thé  d'Annam   et  d'Assam,  etc. 

Plantes  à  caoutchouc.  —  Castilloa  elastica,  Euphorbia  Intisy,  Ficus  divers,  Hevea  brasi- 
liensis,  Landolpliia  (diverses  sortes  Manihol  Glaziovii,Marsdenia  verrucosa,  Willughbeiaedulis,etc. 

Plantes  à  épices.  —  Canellier  de  Ceylan,  Gingembre  des  Antilles,  Giroflier,  Muscadier,  Poi- 
vrier, Vanilles  du  Mexique  et  de  Bourbon  (boutures),  etc.,  etc. 

Graines  de  plantes  médicinales,  à  gomme,  à  huile,  à  essence,  à  tanin,  etc.,  etc. 

Emballage  spécial.  —  Nous  croyons  devoir  appeler  l'attention  de  notre  clientèle  d'outre-mer 
sur  l'avantage  qu'ils  trouveront  à  employer  nos  caisses  vitrées  (caisse  Ward)  pour  l'expédition  des 
jeunes  plants  ou  des  graines  en  stratification. 


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Assortiments  de  Graines  potagères,  Fleurs,  etc.,  appropriés  aux  différents  climats. 


CATALOGUE  SPÉCIAL  POUR  LES  COLONIES  FRANCO  SUR  DEMANDE 
CORRESPONDANCE  EN  TOUTES  LANGUES.  —  LA  MAISON  N'A  PAS  DE  SUCCURSALE  NI   DE  DEPOT 


MAÇON,    I'ROTAT   FRERES,    IMPRIMEURS 


4e  année. 


Novembre-Décembre   1904. 


Nu  21 


MINISTERE    DES   COLONIES 

Inspection  générale  de  l'Agriculture  coloniale. 


L'Agriculture  pratique 

des  pays  chauds 


BULLETIN   DU    JARDIN   COLONIAL 

ET    DES  JARDINS    D'ESSAI 
DES    COLONIES    FRANÇAISES 


Paraissant   tous  les  deux  mois. 


LES    DOCUMENTS    ET    COMMUNICATIONS 

se  rapportant  à  la  Rédaction 

doivent  êtres  adressés 

à  l'Inspection   Gle  de  l'Agriculture    Cle 

AU    MINISTÈRE    DES    COLONIES 


TOUTES     COMMANDES    OU    RECLAMATIONS 

relatives  au  service  du  Bulletin 

doivent      être      adressées     directement 

à    M.    A.    Challamel,    Éditeur 

rue  Jacob,  17,  Paris 


PARIS 

Augustin    CHALLAMEL,    Editeur 

Rue  Jacob,  17 

Librairie  Maritime  et  Coloniale. 


Les  abonnements  partent  du  Ier  Juillet. 
Prix  de  l'Année  (France,  Colonies  et  tous  pays  de  l'Union  postale).  —  20  fr. 


La  reproduction  complète  d'un  article  ne  peut  être  faite  qu  après  autorisation  spéciale. 

Les  citations  ou  reproductions  partielles  sont  autorisées  à  la  condition 
de  mentionner  la  source  de  l'article. 


PUBLICATIONS  DU  MINISTÈRE  DES  COLONIES 

REVUE    COLONIALE 

Explorations.  —  Missions.  —  Travaux  historiques  et  géographiques.  —  Archives 

Etudes  économiques 

Un  fascicule  de  S  feuilles  grand  in-8"  parait  tous  les  deux  mois 

PARIS   —  Augustin   CIIALLAMEL,    Éditeur,  rue  Jacob,    17 


PRIX  DE  L'ABONNEMENT  ANNUEL  (France  et  Colonies)  :    15  fr. 

L'Agriculture  pratique  des  Pays  Chauds 

BULLETIN  DU  JARDIN  COLONIAL  ET  DES  JARDINS  D'ESSAI  DES  COLONIES 

Un  fascicule  de  8  feuilles  grand  in-8"  paraît  tous  les  deux  mois 

PARIS    —  Augustin   GHALLAMEL,    Editeur,  rue  Jacob,    17 


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Annales  d'Hygiène  et  de  lédecine 

COLONIALES 

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PARIS   —    Octave    DOIN,    Editeur,    place  de  l'Odéon,  8 


PRIX  DE  L'ABONNEMENT  ANNUEL  :  France  et  Algérie,  10  fr.  —  Étranger,  12  fr. 

Feuille  de  Renseignements  de  l'Office  Colonial 

PUBLICATION    MENSUELLE 


COLONISATION  :  Exploitations  agricoles  et  industrielles,  enquêtes  économiques,  etc. 
COMMERCE  :    Renseignements    commerciaux   et    statistiques  ;     Avis    d'adjudications  : 

Offres  et  demandes  commerciales  ;  Mouvement  des  paquebots  ;    Listes   des   maisons 

de  commerce,  etc. 


ABONNEMENT  ANNUEL  :   France,  5  fr.  —  Colonies  et  Union  postale,    6  fr. 


PARTIE    OFFICIELLE 


MADAGASCAR     ET     DÉPENDANCES 

DÉCRET 

réglementant  le  régime  des  terres  domaniales  à  Madagascar. 

RAPPORT 
au  Président  de  la  République  française. 

Paris,  le  3  juillet  1904. 

Monsieur  le  Président, 
Un  décret  du  26  septembre  1902  ayant  réglementé  le  domaine  public  à 
Madagascar,  je  me   suis  préoccupé,  d'accord  avec  le  Gouverneur  général 
de  Madagascar,  d'y  organiser  le  régime  des  terres  domaniales. 

C'est  dans  ce  but  et  afin  de  compléter  la  législation  domaniale  de  la 
grande  lie  cpje  j'ai  fait  préparer  le  projet  de  décret  ci-joint  que  j'ai  l'hon- 
neur de  soumettre  à  votre  haute  sanction. 

Le  Ministre  des  Colonies, 
Gaston  Doumergue. 

Le  Président  de  la  République  française, 

Vu  l'article  16  du  Sénatus  consulte  du  3  mai  1854  ; 

Vu  la  loi  du  6  août  1896  déclarant  colonie  française  Madagascar  et  les 
îles  qui  en  dépendent; 

Vu  la  loi  locale  du  9  mars  1896; 

Vu  le  décret  du  16  juillet  1897,  portant  règlement  sur  la  propriété  fon- 
cière ; 

Vu  l'arrêté  du  10  février  1899  relatif  à  l'attribution  des  concessions  des 
terres  domaniales  ; 

Vu  le  décret  du  16  juillet  1898,  instituant  près  du  Ministre  des  Colo- 
nies une  commission  des  concessions  coloniales  ; 

Vu  le  décret  du  26  septembre  1902  sur  le  domaine  public  à  Madagascar  ; 

Sur  le  rapport  du  Ministre  des  Colonies, 
Bulletin  du  Jardin  colonial.  1" 


258  documents  officiels 

Décrète  : 

Article  Ie'.  —  Les  terres  vacantes  et  sans  maître  de  Madagascar  font 
partie  du  domaine  de  l'Etat. 

Art.  2.  —  A  moins  qu'il  n'en  soit  autrement  ordonné  par  des  disposi- 
tions législatives  ultérieures,  les  produits  domaniaux  de  Madagascar 
resteront  attribués  au  budget  local  de  la  colonie,  à  titre  de  subvention 
pour  les  dépenses  de  colonisation. 

Art.  3.  —  Font  partie  du  domaine  de  la  colonie  les  portions  de  terri- 
toire qui  lui  proviendront  de  dotations  consenties  par  l'Etat  ou  qui  seront 
acquises  au  moyen  des  fonds  du  budget  local. 

Art.  4.  —  La  concession  d'une  terre  domaniale  est  donnée  : 
1°  Lorsque  la  superficie  de  la  concession  ne  dépasse  pas  10.000  hect. 
suivant  les  conditions  de  l'arrêté  local  en  date  du  10  février  1899, 
approuvé  par  le  Ministre  des  Colonies,  ou  toutes  autres  conditions  qui 
pourront  faire  l'objet  de  réglementations  ultérieures  après  approbation 
par  le  Ministre  des  Colonies; 

2°  Lorsque  la  superficie  dépasse  10.000  hect.  par  un  décret  avec 
cahier  des  charges,  après  avis  du  Gouverneur  général  et  de  la  commission 
des  concessions  coloniales  instituées  par  le  décret  du  16  juillet  1898,  et 
sur  le  rapport  du  Ministre  des  Colonies. 

Art.  5.  —  Il  n'est  en  rien  dérogé  par  les  dispositions  ci-dessus  au 
décret  du  26  septembre  1902,  réglementant  le  domaine  public  à  Mada- 
gascar. 

Art.  6.  —  Le  Ministre  des  Colonies  est  chargé  de  l'exécution  du  pré- 
sent décret,  qui  sera  inséré  au  Journal  officiel  de  la  République  fran- 
çaise, au  Bulletin  officiel  du  Ministère  des  Colonies  et  au  Journal  offi- 
ciel de  Madagascar  et  Dépendances. 

Fait  à  Paris,  le  3  juillet  1904. 

Emile  Loubet. 


INDO-CHINE    FRANÇAISE 

ARRÊTÉ 

allouant  une  subvention  de  6.000  fr.  au  budget  local  du  Tonkin, 
en  vue  de  Vachal  de  cinquante  poulinières. 

Le   Gouverneur  général  de  l'Indo-Chine,   officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur, 


DÉCRET  259 

Vu  le  décret  du  21   avril  1891  ; 

Vu  le  décret  du  7  février  1901,  portant  organisation  de  la  Direction  de 
l'Agriculture,  des  Forêts  et  du  Commerce  de  l' Indo-Chine; 

Vu  le  budget  général  de  llndo-Chine,  pour  l'exercice  1904; 

Sur  la  proposition  du  Directeur  de  l'Agriculture,  des  Forêts  et  du  Com- 
merce, et  l'avis  conforme  du  Secrétaire  général  de  llndo-Chine, 

Arrête  : 

Article  1er.  —  Une  subvention  de  6.000  piastres  est  allouée  au  budget 
local  du  Tonkin,  en  vue  de  l'achat  de  cinquante  poulinières. 

Art.  2.  —  Cette  dépense  sera  imputée  au  budget  général  de  l'Indo- 
Chine  pour  l'exercice  1904,  chapitre   III,  article  8,  paragraphe   premier. 

Art.  3.  —  Le  Secrétaire  général  de  l'Indo-Chine  et  le  Directeur  dé 
l'Agriculture,  des  Forêts  et  du  Commerce  sont  chargés,  chacun  en  ce  qui 
le  concerne,  de  l'exécution  du  présent  arrêté. 

Hanoï,  le  19  juillet  1904. 

Beau. 


ÉTABLISSEMENTS     FRANÇAIS     DE     L'OGÉANIE 

DÉCRET 

portant  fixation  de  la  quantité  de  vanilles  originaires  des  établissements 
français  de  VOcéanie  a  admettre  en  France  sous  un  régime  de  faveur 
pendan  t  la  campagne  1 904- 1905. 

Le  Président  de  la  République  française, 
Sur  le  rapport  des  Ministres  des  Colonies  et  des  Finances, 
Vu  l'article  3  de  la  loi  du  11  janvier  1892,  portant  détaxe  de  droits  du 
tarif  métropolitain  pour  certains  produits  originaires  des  Colonies, 

Décrète  : 

Article  1er.  —  La  quantité  de  vanilles  originaires  des  établissements 
français  d'Océanie  qui  pourront  être  admises  en  France,  du  1er  juillet 
1904  au  30  juin  1905,  dans  les  conditions  établies  par  le  décret  susvisé 
du  30  juin  1892,  est  fixée  à  15.000  kilos. 

Art.  2.  —  Le  Ministre  des  Colonies  et  le  Ministre  des  Finances  sont 
chargés,  chacun  en  ce  qui  le  concerne,  de  l'exécution  du  présent  décret. 

Fait  à  la  Bégude-de-Mazenc,  le  2  septembre  1904. 

Emile  Loubet. 


260  ,  DOCUMENTS    OFFICIELS 


NOMINATIONS     KT     MUTATIONS 


DU    PERSONNEL    AGRICOLE 


Par  arrêté  du  Gouverneur  général  de  l'Indo-Chine,  en  date  du  11  juil- 
let 1904,  M.  Salvan  (André),  aide-jardinier  à  la  Direction  locale  de 
l'Agriculture  du  Tonkin,  est  nommé  jardinier  à  la  solde  de  4.000  francs, 
à  compter  du  14  juillet  1904. 

Par  arrêté  du  Gouverneur  général  de  l'Indo-Chine,  en  date  du  11  juil- 
let 1904,  M.  Douarche  (Louis-Eugène),  vétérinaire-inspecteur  des  épizoo- 
ties  de  5e  classe,  est  nommé  vétérinaire-inspecteur  des  épizooties  de 
4e  classe,  à  compter  du  14  juillet  1904. 

Par  arrêté  du  Gouverneur  général  de  l'Indo-Chine,  en  date  du  1 1  juil- 
let 1904,  M.  Aufray  (Maurice),  chef  du  laboratoire,  est  nommé  Directeur 
de  laboratoire  d'analyses,  à  la  solde  annuelle  de  10.000  francs,  à  compter 
du  14  juillet  1904. 

Par  arrêté  du  Gouverneur  général  de  l'Indo-Chine,  en  date  du  11  juil- 
let 1904,  M.  Pierre  (Ernest),  agent  de  culture  de  3e  classe  au  Cambodge, 
est  nommé  agent  de  culture  de  2e  classe. 

Par  arrêté  du  Gouverneur  général  de  l'Indo-Chine,  en  date  du  21  juil- 
let 1904,  M.  Martin  de  Flacourt,  sous-inspecteur  de  l'Agriculture,  est 
chargé  d'assurer  le  fonctionnement  de  la  Station  de  cultures  expérimen- 
tales de  Thanh-ba  (province  de  Hung-hoa). 

Par  arrêté  du  Gouverneur  général  de  l'Indo-Chine,  en  date  du  27  juil- 
let 1901,  M.  Bui-quand-Chieu,  ingénieur-agronome,  professeur  de 
4e  classe,  du  cadre  local  de  la  Cochinchine,  détaché  à  la  direction  locale 
de  l'Agriculture  en  Annam  est  nommé  professeur  de  3e  classe,  à  compter 
du  Ie'  juillet  1904. 


MISSION     EN     GUINÉE     FRANÇAISE 


EXTRAIT     DU     RAPPORT 


...Quiconque  a  pu  suivre  par  des  voyages  renouvelés  les  étapes 
successives  du  développement  de  la  Guinée  Française,  n'a  pas 
manqué  que  d'être  profondément  impressionné  par  les  rapides  pro- 
grès de  cette  colonie,  née  d'hier,  et  qui  présente  l'aspect  d'une 
possession  solidement  organisée. 

Pour  nous,  qui  y  étions  passé  en  1891,  en  1894  et  1896,  nous 
avons  revu,  non  sans  surprise,  tous  les  progrès  accomplis  à  Kona- 
kry.  Simple  coin  de  brousse  il  y  a  douze  ans,  c'est  aujourd'hui  une 
ville  aux  avenues  plantées,  aux  quais  solidement  construits  et  pos- 
sédant un  appontement  que  les  navires  peuvent  aborder,  des  fon- 
taines alimentées  par  des  prises  d'eau  venant  de  l'intérieur,  et  où 
résonne  déjà  le  sifflet  de  la  locomotive,  prête  à  franchir  le  long 
ruban  de  route  qui,  escaladant  vaillamment  le  massif  montagneux  du 
Fouta-Djalon,  va  atteindre  tout  à  l'heure  les  vastes  régions  qu'ar- 
rose le  Niger. 

Certes,  quiconque  connaît  ce  groupe  merveilleux  de  colonies,  qui 
constituent  dans  leur  ensemble  l'Afrique  Occidentale  française,  qui- 
conque a  visité  tous  les  points  d'escale  des  lignes  qui  suivent,  cette 
côte  est  prêt  à  déclarer  qu'en  aucun  lieu  aucun  progrès  apparent 
n'a  été  aussi  rapidement  accompli. 

Telle  qu'elle  se  présente  aujourd'hui,  l'escale  de  Konakry  laisse 
au  voyageur  une  impression  profonde,  car  il  y  constate  non  pas 
seulement  des  embellissements  de  tous  genres,  et  cette  note  particu- 
lière que  donne  à  nos  colonies  une  organisation  dirigée  par  des  ser- 
vices européens,  mais  une  grande  activité  chez  les  indigènes  qui  par- 
court les  avenues  et  les  boulevards,  poussent  les  vagonets  qui  sil- 
lonnent la  ville  et  s'assemblent  au  seuil  des  factoreries  ou  sur  les 
places  des  marchés. 

Une  très  grande  activité  règne,  en  effet,  en  ville,  et  dès  que  les 


262  MISSION    EN    GUINÉE    FRANÇAISE 

grandes  pluies  terminées  permettent  aux  caravanes  de  suivre  la 
route  du  Niger  et  d'amener  de  l'intérieur  des  produits  aux  factore- 
ries de  la  côte,  on  voit  chaque  jour,  à  toutes  heures,  de  longues 
théories  d'indigènes,  la  tête  chargée  de  ballots  qu'enveloppent  des 
feuilles  de  palmiers,  s'avancer  d'un  pas  rapide  vers  les  maisons  de 
commerce,  où  elles  trouveront  à  échanger  leurs  produits  contre  des 
denrées  européennes. 

Que  l'élan  est  donné,  que  la  Guinée  possède  en  elle,  grâce  à  ses 
populations  indigènes,  à  ses  productions  naturelles  ou  culturales,  et 
surtout  à  son  organisation,  à  ses  routes,  une  force  vive  qui  accuse 
une  vie  économique  réelle,  il  n'en  faut  pas  douter.  Mais  il  convient 
d'examiner  quelles  sont  les  sources  de  cette  vie  économique,  et  de 
voir  surtout  si  elles  sont  à  l'heure  actuelle  suffisamment  captées  et 
canalisées  pour  assurer  la  pérennité  de  cette  existence  et  présider  à 
un  développement  chaque  jour  plus  intense  qui  puisse  conduire  la 
jeune  colonie  vers  une  définitive  prospérité. 

Il  importe  que  cette  activité  qui  règne  dans  le  monde  commercial 
européen  comme  dans  les  classes  indigènes  ne  se  traduise  pas  par 
un  travail  stérile,  mais  qu'elle  concoure  au  développement  de  la 
richesse  économique  de  cette  possession. 

Et  cette  question,  qui  en  tout  temps  devrait  présenter  pour  nos 
colonies  un  intérêt  primordial,  emprunte  aux  circonstances  pré- 
sentes, pour  la  Guinée,  une  importance  considérable.  En  effet,  au 
moment  où  son  outillage  économique  se  complète  par  l'ouverture  à 
l'exploitation  du  premier  tronçon  de  chemin  de  fer  de  pénétration, 
il  importe  de  se  rendre  un  compte  exact  de  ce  qui  va  alimenter  cette 
artère  nouvelle  et  si  le  sang  qu'elle  va  être  chargée  de  charrier  est 
de  nature  à  soutenir  la  vie  des  contrées  qu'il  traverse  aussi  bien  que 
des  centres  vers  lesquels  il  afflue. 

Afin  de  se  rendre  un  compte  exact  de  l'ensemble  des  conditions 
qui  régissent  la  vie  économique  d'une  colonie,  il  importe  d'étudier, 
avec  quelques  détails,  chacune  des  données  composantes,  et  qui,  par 
leur  groupement,  donnent  une  physionomie  précise  du  mouvement 
tout  entier.  Il  serait  de  la  plus  haute  imprudence  de  s'en  rapporter 
aux  événements,  aux  conditions  naturelles,  aux  caprices  des  indi- 
gènes, aux  courants  irraisonnés  d'idées,  auxquels  ils  peuvent  se 
laisser  aller,  pour  régler  l'avenir  de  la  production,  c'est-à-dire  du 
commerce  d'exportation. 

Or,    sur  plus  d'un  point  de  notre  empire    colonial,  nulle   autre 


EXTRAIT    DU    RAPPORT  263 

règle  n'a  été  suivie  que  celle  qu'ont  imposée  les  conditions  natu- 
relles de  la  production.  On  s'est  trop  souvent  figuré,  en  effet,  que 
la  richesse  d'une  colonie  ne  pouvait  provenir  que  de  la  nature  elle- 
même  et  de  la  quantité  de  produits  naturels  que  renferme  son  sol 
ou  ses  forêts.  D'une  semblable  façon  d'envisager  les  choses,  il  en  est 
maintes  fois  résulté  qu'à  des  engouements  inconsidérés  ont  succédé  des 
discrédits  injustifiés.  Il  faut  se  garder  des  uns,  autant  que  se  méfier 
des  autres.  Ce  serait  faire  œuvre  imprudente,  et  sans  durée,  que 
de  s'en  rapporter  aux  circonstances  naturelles,  pour  régir  la  pro- 
duction des  éléments  qui  doivent  alimenter  la  vie  économique  d'une 
colonie  et,  partant,  d'en  baser  et  d'en  assurer  l'avenir. 

Nous  trouverons  dans  l'examen  des  parties  composantes  du  pro- 
blème économique  qui  régit  la  production  de  la  Guinée,  une  confir- 
mation de  cette  règle  que  l'on  peut  considérer  comme  absolue,  tant 
elle  comporte  peu  d'exceptions. 

Nous  allons  donc  dresser  l'inventaire  économique  de  la  Guinée, 
et  passer  en  revue  les  diverses  productions  qui,  d'une  part  et  jus- 
qu'à ce  jour,  sont  dues  aux  croissances  spontanées  et  qui,  de 
l'autre,  pourraient  être  fournis  par  une  mise  en  valeur  méthodique 
du  sol  de  la  colonie. 


I.  —   LES     PRODUITS     NATURELS 
LE    CAOUTCHOUC 

Jusqu'à  l'heure  présente  la  prospérité  commerciale  et  par  suite  la 
richesse  entière  de  la  Guinée  résident  dans  la  récolte  du  caoutchouc. 
Il  importe  de  se  rendre  compte  de  la  marche  de  la  production  d'une 
matière  qui  a  pour  la  colonie  qui  nous  intéresse  une  aussi  haute 
importance.  Voici  les  chiffres  que  nous  fournit  la  statistique  doua- 
nière de  la  colonie  : 

1896 3.815.037  francs. 

1897 4.899.979 

1898 5.939.186  — 

1899 6.993.577  — 

1900 7.580.120  — 

1901 5.193.041  — 

1902 8.661.699  — 


264  MISSION    EN    GUINÉE    FRANÇAISE 

Ce  tableau  montre  que  la  valeur  du  produit  exporté  a  été  en 
accroissement  régulier  et  constant,  s'élevant  chaque  année  d'environ 
un  million  jusqu'à  1901,  qui  accuse  un  fléchissement  marqué, 
puisque  le  total  est  inférieur  de  plus  de  trois  millions  à  ce  qu'il 
aurait  dû  être,  si  la  progression  avait  suivi  un  cours  normal.  L'équi- 
libre semble  rétabli  en  1902.  Il  l'est  en  effet  sous  le  rapport  de  la 
somme  globale,  représentant  la  valeur  du  produit,  mais  il  ne  donne 
qu'une  physionomie  inexacte  de  la  situation,  car  il  est  dû  non  à 
une  augmentation  des  quantités  exportées  mais  bien  à  un  relève- 
ment des  cours.  Ce  relèvement  est  dû  à  deux  causes,  l'une  l'aug- 
mentation générale  du  cours  du  caoutchouc,  l'autre,  la  principale, 
à  l'amélioration  des  produits  locaux.  Cette  amélioration  est  le  résul- 
tat direct  d'une  réglementation  qu'il  convient  d'examiner  et  dont 
les  effets  se  sont  immédiatement  fait  sentir  dans  le  sens  d'une  vente 
faite  à  un  taux  plus  élevé,  et  par  suite  incontestablement  profitable 
au  bon  renom  qui  s'attache  aux  produits  de  la  colonie. 

Les  produits  de  la  Guinée  jouissent  à  l'heure  actuelle  d'une 
faveur  toute  spéciale  sur  les  marchés.  Le  fait  est  incontestablement 
dû  aux  mesures  qui  ont  été  prises  par  l'administration,  en  vue 
d'améliorer  le  produit  et  de  réprimer  les  fraudes  auxquelles  se 
livraient  les  indigènes. 

En  raison  de  la  hausse  incessante  de  la  valeur  du  caoutchouc  et 
des  demandes  croissantes  qui  en  résultèrent,  les  indigènes 
employaient  tous  les  moyens  en  leur  pouvoir,  pour  en  augmenter  la 
quantité,  sans  se  rendre  compte,  sans  doute,  des  préjudices  que  les 
falsifications  faites  par  eux  apportaient  à  la  vente  du  produit.  Les 
commerçants  qui  auraient  pu,  semble-t-il,  réprimer  ces  fraudes  en 
opposant  un  refus  absolu  d'acheter  tout  produit  sophistiqué,  pré- 
férèrent réclamer  de  l'administration  une  réglementation  interdi- 
sant la  circulation  et  la  vente  de  tout  produit  frelaté. 

Un  arrêté  du  2  mai  1900,  du  Gouverneur  de  la  Guinée,  pris  sur 
la  demande  expresse  de  tous  les  commerçants  de  Konakry,  interdit 
la  circulation  et  la  vente  du  caoutchouc  en  boules  entières.  Il  pres- 
crit l'obligation  de  fendre  ces  boules,  et  prévoit  des  peines  variant 
de  1  à  15  jours  d'emprisonnement  et  de  1  à  100  francs  d'amende. 

Une  autre  disposition  réglée  par  un  arrêté  en  date  du  22  mai  1901 
précise  et  étend  les  réserves  sous  lesquelles  les  caoutchoucs  seront 
considérés  comme  bons  et  admis  comme  tels  à  l'exportation. 

Aux  termes  de  ce  règlement,  ainsi  qu'il  est  dit  à  l'article  2,  «  sont 


EXTRAIT    DU    RAPPORT 


265 


considérés  comme  frelatés  les  caoutchoucs  fabriqués  avec  les 
racines,  les  caoutchoucs  gluants  et  ceux  qui  contiendront  des 
matières  étrangères  quelconques,  autres  que  les  particules  d'écorces 
incorporées  pendant  la  fabrication  »  ;  et  à  l'article  3,  «  les  postes  de 
douanes  ne  pourront  délivrer  aux  caoutchoucs  ci-dessus  spécifiés 
aucune  expédition  ni  de  sortie,  ni  de  cabotage  ». 

Enfin,  un  arrêté  du  20  février  1903  aggrave  encore  la  réglemen- 
tation prescrite  par  les  précédentes  dispositions,  et  autorise  la  con- 
fiscation de  tout  produit  qui  est  reconnu  impur. 


Paysage  de  Moyenne-Guinée 


Les  résultats  de  ces  différentes  ordonnances  a  été  d'amener 
immédiatement  une  amélioration  dans  la  qualité  et,  par  suite,  une 
élévation  du  prix  de  vente.  Il  n'est  pas  douteux  que  tels  qu'ils  sont 
exportés  à  l'heure  actuelle,  les  caoutchoucs  de  la  Guinée  sont  de 
qualité  excellente,  étant  exclusivement  fabriqués  avec  le  latex  de 
gohine  et  ne  comportant  le  mélange  d'aucune  impureté  intention- 
nellement introduite.  A  ce  point  de  vue  spécial,  on  peut  donc  con- 
sidérer que  la  réglementation  prise  par  l'administration,  sur  la 
demande  exprimée  par  les  commerçants,  a  donné  tout  l'effet  que 
l'on  en  attendait. 


266  MISSION    EN    GUINÉE    FRANÇAISE 

Il  convient  d'examiner  quelle  est  la  conséquence  de  cette  régle- 
mentation sur  la  production  générale  de  la  Guinée.  Dans  ce  but,  il 
importe  de  se  rendre  compte  des  causes  pour  les  quelles  le  caoutchouc 
ne-  présentait  pas,  avant  la  mise  en  vigueur  de  ces  mesures  spé- 
ciales, toutes  les  qualités  voulues.  L'infériorité  constatée  dans  les 
caoutchoucs,  antérieurement  à  1901,  était  due  à  deux  causes  dis- 
tinctes. L'une  provenait  des  impuretés  les  plus  diverses,  que  sciem- 
ment, intentionnellement  même,  les  indigènes  introduisaient  dans 
la  masse  du  caoutchouc  pour  en  augmenter  le  poids.  En  maintes 
circonstances,  il  a  été  facile  de  constater  dans  les  boules  de  caout- 
chouc la  présence  de  pierres,  de  poches  d'eau,  de  bois,  parfois 
même  de  fruits,  tels  qu'une  orange,  placés  au  centre  pour  en  aug- 
menter le  poids  et  le  volume.  D'autres  fois,  le  caoutchouc,  au  lieu 
d'être  sec  et  nerveux,  tel  qu'il  est  lorsque  le  suc  de  la  liane  Gohine 
a  seul  servi  à  sa  fabrication,  est  résineux  ou  poisseux  et  adhérent 
aux  doigts. 

Ce  défaut  tient  au  mélange  du  latex  ayant  servi  à  le  constituer. 
Diverses  plantes,  et  en  particulier  le  Dob  (Ficus  Vogelii),  four- 
nissent un  latex  abondant,  mais  donnant  un  caoutchouc  gras.  Il 
sufïit  d'une  faible  adjonction  de  ce  lait  pour  détruire  complètement 
la  qualité  du  produit  fourni  par  la  Gohîne. 

La  réglementation  prise  par  les  divers  arrêtés  dont  il  vient  d'être 
question  avait  donc  pour  but  de  réprimer  la  fraude  par  adjonction 
de  matières  étrangères  et  l'adultération  par  mélange  de  suc  divers 
au  latex  de  la  Gohine. 

Le  but  a  été,  il  faut  le  reconnaître,  pleinement  atteint.  Il  est 
même  permis  de  se  demander  s'il  n'a  pas  été  dépassé.  Que  les  com- 
merçants aient  réclamé  une  réglementation  réprimant  les  fraudes, 
cela  peut  se  comprendre,  bien  qu'il  leur  eût  été  loisible  de  refuser 
l'achat  de  toute  matière  renfermant  des  corps  étrangers.  Mais  ce 
refus  d'acheter  aurait  amené  la  perte  d'une  certaine  quantité  de  pro- 
duits,  et  l'on  est  arrivé  plus  rapidement  au  but  désiré,  par  la  prise 
des  mesures  édictées.  Cependant,  la  proscription  de  tous  les  pro- 
duits autres  que  ceux  de  la  liane  Gohine  nous  semble  contraire  aux 
intérêts  des  commerçants,  et,  par  suite,  de  la  colonie;  sans  même 
insister  sur  ce  fait  que  l'indigène,  privé  du  droit  de  vendre  le  pro- 
duit de  toute  autre  plante,  saigne,  avec  plus  d'ardeur  encore  que  par 
le  passé,  la  liane  Gohine,  seule  productrice  antorisée  du  caoutchouc 
admis  dans  le  commerce,  il  n'est  pas  sans  intérêt  de  faire  ressortir 


EXTRAIT    DU    RAPPORT  267 

que  la  colonie  se  prive,  de  ce  fait,  d'un  produit,  secondaire  il  est 
vrai,  mais  qui  n'en  a  pas  moins  une  réelle  valeur  et  qui  peut  être 
produit  en  grande  abondance. 

Si,  en  effet,  les  caoutchoucs  nerveux  sont  ceux  que  le  commerce 
recherche  le  plus  activement  en  raison  du  haut  prix  qu'ils  atteignent, 
il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  les  caoutchoucs  poisseux  sont 
employés  par  l'industrie  qui  en  trouve  l'emploi  courant  dans  la  fabri- 
cation d'objets  de  seconde  qualité.  Tels  qu'ils  sont,  ils  trouvent  encore 
preneur  à  des  prix  qui  sont  rarement  inférieurs  à  deux  francs  le 
kilogramme  et  peuvent  atteindre  même  trois  francs.  Des  produits 
naturels  dont  la  valeur  est  de  deux  à  trois  mille  francs  la  tonne 
n'abondent  nulle  part,  et  il  semble  regrettable  que,  sous  la  raison 
d'empêcher  qu'ils  ne  soient  mélangés  à  des  produits  supérieurs  et 
ne  déprécient  la  valeur  de  ces  derniers,  on  en  ait  empêché  la  récolte 
et  l'exportation 


II 

...  Il  nous  faut  constater  qu'à  l'heure  actuelle  la  quantité  totale 
produite  va  en  diminuant. 

On  pourrait  alléguer  que  l'exportation  faite  actuellement  par  les 
ports  de  la  Guinée  ne  donne  pas  une  situation  exacte  du  marché, 
car  il  est  permis  de  supposer  qu'une  partie  des  produits  récoltés  sur 
le  sol  de  la  colonie  est  exporté  par  les  routes  des  colonies  voisines. 
En  réalité,  il  en  est  ainsi  pour  les  récoltes  faites  dans  les  territoires 
voisins  du  Niger  où  les  commerçants  font  suivre  à  leurs  produits 
d'autres  routes  que  celles  conduisant  aux  ports  guinéens.  C'est  ainsi 
que  l'on  sait  fort  bien  qu'une  partie  des  caoutchoucs  est  exportée 
par  le  Sénégal,  et,  si  nous  constatons  que  l'exportation  de  cette 
dernière  colonie  augmente  en  ce  qui  concerne  le  caoutchouc,  c'est 
incontestablement  pour  la  raison  que  les  produits  de  la  haute  Gui- 
née viennent  alimenter  ces  marchés.  Par  contre,  il  est  juste  de  dire 
qu'une  bonne  part  du  caoutchouc  de  la  Guinée  provient  des  terri- 
toires profonds  de  la  Cote  d'Ivoire,  et,  il  n'en  faut  pas  douter  un 
seul  instant,  le  jour  où  cette  dernière  colonie  aura  sa  route  propre, 
par  la  création  de  sa  voie  ferrée,  une  quantité  notable  du  produit 
s'écoulera  par  cette  nouvelle  artère. 

La  récolte,  la  vente  et  par  suite  l'exportation,  sont  en  décrois- 


268  MISSION    EN    GUINÉE    FRANÇAISE 

sance.  On  peut,  sans  trop  s'avancer,  affirmer  que  la  courbe  qui 
fléchit  déjà  ne  se  relèvera  plus,  si  Ton  en  reste  à  la  source  unique 
jusqu'à  ce  jour  mise  en  valeur. 

Cependant  chaque  jour  l'organisation  de  la  Guinée  se  complète. 
Des  routes  nouvelles  sont  ouvertes,  une  sécurité  plus  grande  per- 
met aux  caravanes  de  franchir  librement  les  territoires  et  d'apporter 
dans  les  centres  commerciaux  le  produit  de  leur  récolte.  En  même 
temps,  les  prix  se  relèvent  et  cette  augmentation  de  valeur  est  due 
à  une  pureté  plus  grande  du  produit,  à  des  procédés  meilleurs  de 
de  récolte  et  de  préparation. 

Quelle  est  donc  la  cause  de  la  diminution  de  production  ?  Il  ne 
faut  pas  hésiter  à  le  déclarer,  car  il  importe  de  connaître  les  vraies 
causes  du  mal  si  l'on  veut  y  porter  un  remède  efficace,  cette  décrois- 
sance est  due  exclusivement  à  la  raréfaction  progressive  des  plantes 
produisant  le  caoutchouc. 

A  l'heure  actuelle,  ces  plantes  appartiennent  à  une  seule  espèce, 
la  Liane  Gohine  (Landolphia  Heudelotii).  C'est  à  elle  seule  que 
doit  être  demandé  le  latex  dont  la  coagulation  fournit  le  caoutchouc 
d'exportation.  Les  réglementations  spéciales  ne  permettent  pas  plus 
le  mélange  que  la  récolte  et  l'exportation  des  produits  que  pour- 
raient donner  d'autres  plantes  caoutchoutifères. 

La  liane  Gohine  étant  la  seule  plante  productrice,  c'est  d'elle 
seule  qu'il  convient  de  s'occuper.  Ce  n'est  pas  le  lieu  de  donner 
ici,  serait-elle  sommaire,  une  description  de  cette  plante;  cepen- 
dant il  ne  paraît  pas  inutile  de  rappeler  que,  comme  le  nom  l'in- 
dique, il  s'agit  d'une  liane,  c'est-à-dire  d'une  plante  incapable  de 
se  soutenir  et  réclamant,  nécessairement,  des  supports,  que,  d'autre 
part,  le  fruit  est  de  ceux  que  Ton  désigne  sous  le  nom  de  baie  cor- 
tiquée,  c'est-à-dire  que,  sous  une  écorce  assez  résistante,  se  trouvent 
quelques  graines  libres. 

Telle  qu'elle  se  présente,  cette  plante  est  assez  mal  armée 
pour  la  lutte.  Spontanément,  sa  propagation  est  peu  aisée.  Les 
enfants  ou  les  singes  cherchent  les  fruits,  brisent  l'écorce  et  après 
avoir  sucé  la  pulpe  en  jettent  les  graines,  aidant  ainsi  à  une  dissé- 
mination naturelle. 

Mais  la  graine  est  grosse  et  a  besoin  d'être  enterrée  pour  germer 
et  pousser.  La  croissance  de  la  jeune  plante  est  lente,  seuls  les 
semis  qui  rencontrent  une  terre  fertile  se  développent  assez  vite 
pour  être  en  état  de  résister  bientôt  aux  causes  multiples  de  destruc- 


EXTRAIT    DU    RAPPORT  269 

tion.  Aussi  importe-t-il  d'établir  dès  maintenant  qu'il  est  impos- 
sible de  compter  sur  une  reproduction  naturelle  des  plantes  pro- 
ductrices. 

Si  une  compensation  naturelle  ne  s'établit  pas,  ne  peut-on,  par 
une  exploitation  mieux  conduite,  plus  étroitement  réglementée, 
espérer  d'arriver  à  une  conservation  plus  longue  des  plantes  pro- 
ductrices, de  façon  à  établir  un  équilibre  entre  la  destruction  et  la 
reproduction?  Il  serait  téméraire  d'y  compter  et  inutile,  sans  doute, 
de  porter  de  ce  côté  tous  ses  efforts,  car  il  est  des  causes  naturelles 
de  destructions  contre  lesquelles  il  semble  que  l'on  ne  puisse  rien. 
On  sait,  en  effet,  que  la  récolte  du  caoutchouc  se  fait  en  incisant  la 
liane  pour  permettre  au  lait  charrié  par  ses  laticifères  de  s'écouler. 
Certes,  les  indigènes  emploient,  dans  la  plupart  des  cas,  des  procé- 
dés barbares,  et  leurs  incisions  sont  si  cruelles  qu'elles  tuent  en  peu 
de  temps  la  précieuse  plante.  Il  n'est  pas  douteux  que  des  incisions 
mieux  faites,  et  surtout  pratiquées  d'une  façon  plus  modérée,  seraient 
de  nature  à  prolonger  la  vie  de  la  plante,  et,  par  suite,  à  donner 
plus  de  durée  à  la  période  des  récoltes. 

Sans  rentrer,  à  cet  égard,  dans  de  longues  dissertations  que  com- 
porterait le  sujet  pour  être  traité  à  fond,  on  peut  dire  que  ces  inci- 
sions, pour  être  moins  meurtrières,  devront  se  faire  non  transver- 
salement mais  suivant  un  sens  longitudinal  :  plus  on  se  rapprochera 
de  cette  disposition  et  moins  l'on  portera  atteinte  à  la  vie  de  la 
plante. 

Mais  quelles  que  soient  les  précautions  prises,  il  n'est  pas  dou- 
teux qu'en  un  temps  très  court  la  liane  doit  succomber  à  ces  inci- 
sions. Elle  n'est  pas  armée  pour  résister  à  ces  atteintes  répétées  et 
l'on  ne  saurait  la  comparer  à  des  arbres  caoutchoutifères  du  Brésil, 
par  exemple,  qui,  depuis  de  nombreuses  années,  sont  soumis  à  des 
entailles  et  résistent  cependant.  Mais  il  s'agit  là  d'arbres  robustes, 
au  tronc  large,  nullement  comparables  aux  lianes  de  la  Guinée. 

Une  autre  cause  de  destruction  réside  dans  les  incendies  allumés, 
chaque  année,  après  la  saison  des  pluies,  dans  le  but  de  détruire  les 
herbes  sèches.  Les  indigènes  ne  manquent  jamais  à  cette  coutume. 
C'est,  pour  eux,  le  moyen,  en  débarrassant  le  sol  de  hauts  chaumes 
qui  entravent  la  circulation  et  gênent  la  vue,  de  se  livrer  plus  aisé- 
ment aux  opérations  de  chasse  et,  en  même  temps,  de  faire  repous- 
ser plus  tôt  un  regain  d'herbes  vertes  qui  va  fournir,  au  début  de 
la  saison  sèche,  un  pâturage  à  leurs  troupeaux.  Mais  rien  ne  limite 


270  MISSION    E*    GUINÉE    FRANÇAISE 

les  ravages  de  l'incendie  ;  s'il  trouve  des  éléments  dans  des  branches 
mortes,  dans  des  matériaux  quelconques  entassés  sur  le  sol,  il 
prend  une  intensité  extrême,  rase  les  vallées,  escalade  les  coteaux, 
attaque  les  forêts  elles-mêmes  et  cause  les  plus  sérieux  dommages  à 
la  végétation  arbustive. 

Les  pertes  naturelles  qu'a  fait  subir  aux  territoires  africains  la 
déplorable  coutume,  suivie  depuis  des  siècles,  d'incendier  les  hautes 
herbes,  représentent  un  dommage  incalculable.  C'est  de  ces  incen- 
dies que  sont  nés  les  déserts.  Leur  étendue  gagne  chaque  année. 

Là  où,  au  début  du  siècle  dernier,  on  signalait  l'existence  de 
forêts,  ce  ne  sont  plus  que  bouquets  d'arbres  et  brousses  légères  qui 
feront  place  bientôt  à  la  steppe  herbeuse,  l'acheminement  normal 
vers  la  dénudation  désertique. 

Les  lianes  à  caoutchouc  souffrent  doublement  de  ces  incendies, 
par  les  atteintes  directes  du  feu  et  par  la  destruction  des  arbres  qui 
leur  servent  de  support  et  d'abri,  car  la  liane  gohine  est  une  plante 
qui  vit  plutôt  à  l'état  social  qu'isolée. 

Puis,  ces  incendies  portent  la  plus  grave  atteinte  à  la  reproduc- 
tion naturelle.  Les  jeunes  plants  ne  leur  résistent  pas  et  n'atteignent 
qu'exceptionnellement  l'âge  adulte  que  guette  l'indigène  pour  les 
soumettre  aux  saignées,  c'est-à-dire  à  la  mort. 

Tout  concourt  donc  à  leur  destruction,  qu'aucun  moyen  naturel 
ne  vient  compenser.  Restent  donc  les  moyens  artificiels.  Ceux-ci 
sont  divers,  il  convient  de  les  examiner  ou  de  les  énumérer  du 
moins. 

On  a  pensé  tout  d'abord  à  confier  aux  indigènes,  et  particulière- 
ment aux  chefs,  le  soin  du  repeuplement  par  des  plantations  nou- 
velles de  lianes  gohines.  On  a  voulu  en  faire  pour  eux  une  obliga- 
tion. Certes,  en  principe,  il  faut  encourager  de  semblables  efforts,  et 
n'auraient-ils  pour  effet  que  d'inculquer  aux  indigènes  le  respect  de 
la  plante  sur  laquelle  repose  leur  richesse  que  déjà  le  résultat  serait 
des  plus  favorables.  11  serait  imprudent,  au  point  de  vue  de  l'ave- 
nir, de  s'en  rapporter  à  ce  seul  essai.  Ce  que  nous  venons  de  dire 
des  moyens  naturels  de  destruction  s'applique  entièrement  aux 
plantes  propagées  par  le  soin  des  chefs  et  nul  ne  peut  assurer  que 
des  efforts  soutenus  ne  seront  réduits  à  néant  par  un  simple  feu  de 
brousse  dont  on  n'aura  pas  su  limiter  les  ravages. 

Tout  porte  à  croire  qu'en  Guinée,  comme  dans  toutes  les  autres 
parties  du  monde  dont  on  a  voulu  tirer  un  produit  régulier,  il  sera 


EXTRAIT    DU    RAPPORT  271 

nécessaire  de  demander  à  l'intervention  européenne  une  réparation 
des  dommages  causés  aux  sources  naturelles  de  richesses  par  les 
récoltes  immodérées  des  indigènes.  C'est  aux  services  techniques 
qu'il  appartient  de  veiller  à  la  reconstitution  de  la  production  du 
caoutchouc  en  faisant  des  plantations  qui  serviront  de  base  et  de 
modèle,  et  en  prodiguant  aux  colons  les  conseils  basés  sur  les  expé- 
riences faites  dans  les  Jardins  d'Essais. 

Tout  naturellement,  la  première  idée  qui  vint  à  l'esprit  fut  de 
demander  à  l'espèce  indigène,  soumise  à  la  culture,  de  fournir,  dans 
ces  régions,  une  source  nouvelle  de  produits.  Ces  cultures  ont  été 
entreprises.  Les  méthodes  les  plus  diverses  ont  été  recommandées 
et  suivies.  Nulle,  jusqu'à  cette  heure,  n'a  donné  de  résultats  appré- 
ciables. 

On  a  essayé  le  bouturage.  Les  boutures  mises  dans  le  sol  s'enra- 
cinent, mais  les  plantes  qui  en  sont  issues  n'ont  qu'une  croissance 
lente  et  capricieuse.  Après  avoir  été  essayé  en  grand  dans  une  exploi- 
tation privée  en  Casamence,  ce  procédé  a  été  abandonné. 

Les  graines  germent  bien,  mais  les  jeunes  plants  qui  en  sont  issus 
n'ont  qu'une  croissance  très  lente  dans  les  premières  années  ;  de 
plus,  lorsque  la  plante,  sortant  de  sa  période  d'enfance,  pendant 
laquelle  elle  reste  buissonnante,  devient  adulte,  elle  émet  de  longs 
rameaux  flexibles  qui  ont  besoin  de  supports  pour  se  maintenir  dans 
une  position  verticale  ou  oblique  et  pour  échapper,  par  suite,  aux 
atteintes  des  feux  de  brousse  qui  ne  manquent  pas  de  les  détruire  si 
on  les  laisse  ramper  sur  le  sol.  La  période  d'attente  est  trop  longue, 
les  procédés  culturaux  trop  coûteux,  pour  que  l'on  puisse  conseiller 
à  une  entreprise  européenne  d'organiser  une  plantation  de  liane 
gohine. 

Dès  longtemps,  nous  avions  songé  à  appliquer  à  cette  plante  un 
mode  d'exploitation  spécial.  Des  analyses  de  toutes  les  parties  de  la 
plante  faites  au  Jardin  Colonial  nous  ont  montré  que  la  partie  la 
plus  riche,  pendant  toute  la  première  jeunesse,  se  trouvait  non  pas 
dans  ses  ramifications  aériennes,  mais,  au  contraire,  dans  ses 
racines.  Si  donc  on  avait  pu,  soumettant  ces  plantes  à  la  culture, 
les  arracher  à  un  moment  donné  de  leur  existence,  et,  soumettant 
les  diverses  parties  aux  procédés  d'extraction  qui  sont  connus,  arri- 
ver à  obtenir  à  l'hectare  un  produit  suffisant,  on  aurait  eu  à  sa  dis- 
position un  procédé  pratique  permettant  d'obtenir  par  une  culture 
méthodique  un  rendement  régulier. 


272 


MISSION    EN    GUINÉE    FRANÇAISE 


Les  essais  faits  dans  ce  sens  nous  ont  conduit  à  des  résultats 
négatifs  en  raison  de  la  trop  faible  quantité  produite  par  les  plantes. 

Voici,  à  titre  d'indication,  quelques-uns  des  résultais  obtenus  au 
cours  des  recherches  entreprises  : 

Les  essais  ont  porté  sur  des  plantes  respectivement  âgées  de  six 
mois,  de  neuf  mois,  de  un  an  et  de  deux  ans.  Si  nous  retenons  seu- 
lement les  données  fournies  par  ces  deux  derniers  âges,  comme 
étant  les  plus  intéressants,  nous  voyons  que  seules  les  racines 
donnent  un  produit  nerveux  et  de  bonne  qualité.  Celui  qui  est 
fourni  par  les  feuilles  est  de  mauvaise  qualité  et  les  tiges  ne  donnent 
qu'un  rendement  insuffisant. 

TRAITEMENT    DE    JEUNES    PLANTS    DE    LANDOLPIIIA    HEUDELOTI 


Feuilles 
Tiges .  . 
Racines 


PROPORTION    DU    POIDS 

de  chaque  partie 


à   1   an 


32.05 
31.15 
36.80 


% 


23. 0-1   % 

51.65 

25.30 


Poids  moyen  de  la  plante  sèche. 

Poids  des  racines 

Caoutchouc  fourni 


à  1  an 


151 

10 


EXTRAIT    AU    TOLUENE 


à  1  an 


5.75  "/„ 
traces 
6.35 


4.30  •/„ 

0.54 

4.13 


à  2  ans 


132   gr.   S 
33  gr.   6 
1  gr.  377 


Ces  plantes  avaient  été  cultivées  très  près  les  unes  des  autres  de 
façon  à  recouvrir  complètement  le  sol.  Dans  ces  conditions  on  en 
peut  obtenir  6  par  mètre  carré,  soit  60.000  à  l'hectare. 

Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que,  même  dans  ces  conditions,  le  ren- 
dement est  beaucoup  trop  faible  pour  payer  la  culture  et  le  traite- 
ment des  racines  qui,  seules,  renferment  un  caoutchouc  utilisable. 
Devant  les  résultats  obtenus  par  ces  expériences,  il  a  paru  inutile 
de  poursuivre  plus  loin  les  essais,  car  si  le  poids  individuel  des 
racines  augmente  avec  l'âge,  par  contre  il  devient  nécessaire  de 
donner  un  écartement  plus  grand,  et  le  rendement  total  à  l'hectare 
ne  peut  devenir  suffisant. 

Ce  procédé  n'est  donc  pas  à  conseiller,  pas  plus  que  la  culture 
directe  en  vue  d'établir  de  grandes  plantations  à  exploitation  nor- 
male, entreprises  par  ceux-là  même  par  lesquels  les  cultures  auront 
été  entreprises. 


EXTRAIT  DU  RAPPORT  273 


AUTRES  PLANTES  DE  CULTURE 


Il  ne.  semble  pas  douteux  qu'il  soit  nécessaire  de  recourir  à  la 
culture  d'autres  espèces  que  celles  que  Ton  rencontre  à  l'état  spon- 
tané en  Guinée.  En  effet,  les  plantes  dont  la  culture  peut  être  con- 
seillée doivent  présenter  un  certain  nombre  de  qualités  dont  les 
principales  sont  la  qualité  du  produit  fourni,  le  peu  d'exigences 
culturales  et  enfin  la  rapidité  du  développement  permettant  une 
prompte  exploitation. 

LE    MANIHOT 

C'est  sous  l'empire  de  ces  préoccupations  que  l'on  a  préconisé, 
avec  tant  d'ardeur,  dans  ces  dernières  années,  le  caoutchoutier  de 
Ceara  ou  Maniçoba  (Manihot  Glaziowii).  Malheureusement,  cette 
plante,  à  multiplication  et  à  culture  si  facile,  n'a  pas  donné  tout  ce 
que  l'on  en  attendait.  Cependant,  quelques  expériences  méthodiques 
faites  au  Jardin  d'Essai  de  Konakrv  ont  donné  des  résultats  assez 

«y 

satisfaisants  puisque  l'on  a  pu,  dès  la  cinquième  année,  obtenir  jus- 
qu'à 125  grammes  d'un  produit  de  très  bonne  qualité.  Des  essais 
multiples,  entrepris  un  peu  partout,  n'ont  pas  donné,  dans  leur 
ensemble,  des  rendements  suffisants  pour  que  l'on  puisse  conseiller 
de  répandre  cette  culture  et  surtout  pour  qu'il  soit  possible  de 
garantir  le  succès  de  l'entreprise. 

l'hévéa 

Il  en  va  tout  autrement  d'une  plante  qui,  partout  où  les  conditions 
nécessaires  à  son  bon  développement  ont  été  rencontrées,  a  fourni 
les  résultats  les  plus  satisfaisants.  Nous  voulons  parler  de  l'arbre 
qui  fournit  le  caoutchouc  du  Para,  le  premier  caoutchouc  du  monde, 
et  qui  est  l'Hévéa  (Ilevea  brasiliensis). 

Déjà,  depuis  une  trentaine  d'années,  cette  culture  a  été  essayée 
aux  Indes.  Elle  a  donné  de  très  bons  résultats,  et,  dès  maintenant, 
son  exploitation  est  entreprise  sur  de  vastes  étendues.  Partout  où 
les  essais  ont  été  faits,  ils  ont  donné  de  bons  résultats.  Partout  où 
il  pousse,  l'arbre  donne  de  bons  produits. 

A  l'heure  actuelle,  une  difficulté  se  présente  pour  propager  cette 
plante  sur  les.  points  du  globe  où  elle  n'existe  pas  encore,  car,  en 
présence  de  l'intérêt  croissant  de  sa  culture,  le  Brésil  oppose  une 
Bulletin  du  Jardin  colonial.  18 


274  MISSION    EN    GUINÉE    FRANÇAISE 

interdiction  absolue  à  l'exportation  de  ses  graines.  Celles-ci  sont 
d'ailleurs  d'une  conservation  difficile,  et  leur  transport  à  grande 
distance  est  rempli  d'aléas. 

Fort  heureusement,  la  Guinée  est  prémunie  contre  les  difficultés 
de  cette  nature.  Elle  possède,  en  effet,  dans  son  beau  Jardin  d'Essai 
de  Kamayen,  des  plantations  d'Hevea,  qui,  dès  maintenant,  pro- 
duisent des  graines  fertiles  et  peuvent  fournir  à  l'établissement  d'ex- 
ploitations régulières  des  semences  en  quantité  qui  seront  assez 
abondantes  dès  l'année  prochaine  pour  qu'il  puisse  être  donné  satis- 
faction à  toutes  les  demandes  qui  se  produiront. 

Dès  maintenant,  le  service  d'agriculture  devra  faire  des  essais  de 
plantations  en  grand,  afin  de  montrer  tous  les  produits  qu'il  est  pos- 
sible de  tirer  de  l'exploitation  de  ces  arbres.  Ces  plantations  devront 
être  faites  dans  les  vallées  fertiles.  L'Hevea  exige,  en  effet,  pour 
bien  venir,  un  sol  riche. 

Il  a  l'avantage  d'une  croissance  très  rapide  et  forme  bientôt  un 
peuplement  d'une  belle  venue  que  l'on  peut,  dans  de  bonnes  condi- 
tions, soumettre,  dès  l'âge  de  4  à  5  ans,  a  l'exploitation  régulière. 
Il  trouvera,  sans  doute,  dans  les  Rivières,  des  conditions  favorables 
à  un  développement  normal.  Il  est  certain  qu'il  réussira  pleinement 
dans  les  colonies  voisines  et  particulièrement  a  la  Côte  d'Ivoire  et 
au  Congo. 

Etant  donné  que,  dès  maintenant,  l'on  est  sûr  que  l'Hevea  donne 
de  bonne  heure  un  produit  de  tout  premier  ordre  ;  que,  d'autre  part, 
c'est  un  arbre  vigoureux  capable  d'aider  à  la  reconstitution  des  boi- 
sements dans  les  parties  fertiles,  il  importe  d'en  répandre  la  culture 
et  d'abandonner  sans  hésiter  celles  des  autres  plantes  à  caoutchouc. 
Mais  il  est  grand  temps  de  faire  de  ce  côté  un  vigoureux  effort  si 
l'on  ne  veut  voir  la  production  de  la  précieuse  matière  diminuer 
bientôt  d'une  façon  sensible  en  Guinée  Française. 

On  trouvera  dans  le  Bulletin  du  Jardin  colonial  du  mois  de  jan- 
vier 1904  une  étude  très  complète  sur  les  conditions  générales  de 
culture  et  de  rendement  de  cette  plante. 

LE    PALMIER    A    HL'ILE 

Les  produits  élevés  fournis  par  les  plantes  à  caoutchouc  ont 
détourné  l'attention  des  indigènes,  d'autres  matières  premières  qui, 
produites  par  des  plantes  croissant  à  l'état  spontané,  peuvent  cepen- 
dant fournir  au  commerce  un  aliment  intéressant. 


EXTRAIT    DU    RAPPOKT  275 

De  ce  nombre  sont  les  palmiers  à  huile  (Eloeis  guineensis).  Cet 
arbre  se  trouve  en  Guinée  dans  des  conditions  de  végétation  qui 
lui  sont  favorables.  On  le  rencontre  dans  les  vallées  fertiles,  où  il 
fait  partie  des  peuplements  forestiers.  Dans  certaines  régions 
côtières,  il  forme  à  lui  seul  des  massifs  souvent  très  denses.  Il  y  a 
dix  ans,  la  presqu'île  de  Konakry  était  couverte  d'une  forêt,  faite 
presque  exclusivement  de  cette  essence,  détruite  en  partie  aujour- 
d'hui par  l'établissement  d'avenues  et  la  construction  des  maisons. 

Les  produits  fournis  par  ce  palmier  sont,  comme  on  le  sait,  de 
deux  sortes  :  1°  l'huile  rouge,  fournie  parle  péricarpe,  connue  dans 
le  commerce  sous  le  nom  d'huile  de  palme  ;  2°  une  huile  blanche, 
de  qualité  toute  différente,  désignée  sous  le  nom  d'huile  de  palmiste 
et  provenant  de  la  graine. 

Ce  dernier  produit,  en  raison  des  difficultés  que  présente  son 
extraction,  n'est  généralement  obtenu  que  dans  les  huileries  euro- 
péennes où  la  graine  de  palmiste  est  importée.  Au  contraire,  l'huile 
rouge  de  palme  est  produite  sur  place  par  des  procédés  aussi 
simples  qu'imparfaits,  pratiqués  par  les  indigènes. 

L'ensemble  de  l'exportation  provenant  du  palmier  à  huile  est  loin 
de  donner  tout  ce  qu'elle  pourrait  rendre,  si  l'on  y  apportait  un  peu 
plus  d'attention.  Certes,  l'on  ne  peut  comparer  à  cet  égard  le  terri- 
toire de  la  Guinée  avec  celui  de  la  Côte  d'Ivoire  ou  de  Dahomey, 
où  l' Eloeis  forme  un  peuplement  infiniment  plus  abondant,  mais 
il  n'est  pas  douteux  cependant  que  si  une  protection  plus  complète 
était  accordée  à  cet  arbre  intéressant,  et  un  soin  plus  grand  apporté 
à  la  récolte  de  ses  produits,  on  arriverait  à  augmenter  le  rendement 
dans  des  proportions  notables. 

Or,  déjà  à  l'heure  actuelle,  l'exportation  accuse  pour  l'année  1902 
les  chiffres  suivants  : 

Amandes  de  palmiste.  ....      578.776  francs 
Huile  de  palme 72.934       » 

Elle  est,  en  ce  qui  concerne  les  amandes  de  palme,  en  augmenta- 
tion sur  l'année  précédente  qui  nous  donne  les  chiffres  suivants  : 

Amandes  de  palmiste 420.669  francs 

Huile  de  palme 79.681 


276  MISSION    EN    GUINÉE    FRANÇAISE 

C'est  là  une  progression  qui  s'accuse  chaque  année  plus  nette- 
ment, car  si  nous  remontons  à  l'année  1898  nous  obtenons  les 
chiffres  suivants  : 

Amandes  de  palme 398.749  francs 

Huile  de  palme 49.683        » 

La  progression  observée  dans  l'exportation  des  amandes  de  pal- 
miste ne  se  retrouve  pas  nécessairement  en  quantité  concordante 
dans  l'huile  de  palme,  car  celle-ci  sert  aux  indigènes  comme  ali- 
mentaire, dans  leurs  usages  journaliers. 

Il  n'est  pas  douteux  que  cet  [intéressant  produit  pourrait  être 
fourni  en  quantité  plus  grande  si  l'on  voulait  bien  y  porter  quelque 
attention. 

Les  amandes  de  palme  sont  généralement  vendues  aux  factoreries 
contre  des  produits  alimentaires  divers  et  particulièrement  en 
échange  de  riz.  Il  semble  que  si  les  commerçants  offraient  aux 
indigènes  du  riz  décortiqué  et  non  du  riz  paddy,  le  produit  ayant 
une  valeur  bien  supérieure  exigerait,  pour  l'achat,  la  livraison  d'une 
quantité  plus  grande  de  palmistes.  De  plus,  le  travail  exigé  pour  la 
décortication  du  riz  en  paille  serait  employé  à  la  préparation  des 
amandes  de  palme. 

Mais  le  véritable  progrès  à  réaliser,  lequel  aurait  une  influence 
considérable  sur  l'exportation  des  amandes,  serait  de  faire  accepter 
par  les  factoreries  les  noyaux  non  brisés.  Ce  qui,  en  effet,  à  l'heure 
actuelle,  diminue  dans  des  proportions  considérables  les  transac- 
tions sur  les  amandes,  c'est  le  fait  que  les  indigènes  sont  obligés, 
avec  les  moyens  très  imparfaits  dont  ils  diposent,  de  briser  péni- 
blement chaque  noyau  à  la  main.  Cette  opération  est  faite  simple- 
ment en  frappant  la  noix  avec  une  pierre  jusqu'à  ce  qu'elle  soit 
brisée.  C'est  un  travail  lent  et  assez  pénible.  Il  est  exécuté  par  les 
femmes  et  les  enfants. 

On  vient  d'expérimenter,  en  France,  à  la  Station  d'essai  de 
machine,  sur  la  demande  du  Jardin  colonial,  et  aussi  en  Allemagne, 
un  certain  nombre  d  instruments  qui  donnent  des  résultats  satisfai- 
sants et  permettent  de  réduire  dans  une  proportion  considérable  le 
travail  nécessaire  pour  la  séparation  des  amandes.  Les  noyaux  sont 
en  effet  brisés  dans  une  sorte  de  broyeur  et  on  n'a  plus  qu'à  sépa- 
rer les  amandes  du  fragment  d'enveloppe. 


EXTRAIT    DU    RAPPORT  277 

Si  donc  ces  machines  étaient  adoptées  par  les  factoreries,  celles- 
ci  pourraient  obtenir  des  produits  en  quantités  considérables,  car, 
à  l'heure  actuelle,  une  très  grande  quantité  de  noyaux  se  perd,  pour 
la  raison  que  les  indigènes  refusent  non  tant  de  les  ramasser,  mais 
de  les  briser  à  coup  de  pierre.  Si  leur  travail  devait  se  borner  au 
simple  ramassage,  les  quantités  fournies  au  commerce  pourraient 
prendre  rapidement  une  grande  importance. 

Une  autre  mesure  qui  serait  de  nature  à  influer  d'une  façon  utile 
sur  la  production  des  palmiers  à  huile  serait  d'interdire  aux  indi- 
gènes de  les  mutiler  pour  en  extraire  le  vin  de  palme.  Il  n'est  pas 
douteux  que  ce  n'est  pas  sans  peine  que  l'on  arriverait  à  un  résultat 
complet,  car  le  vin  de  palme,  qui  fermenté  produit  une  douce 
ivresse,  leur  est  particulièrement  cher.  Mais  pour  cette  raison 
même  ce  serait  sans  doute  faire  œuvre  deux  fois  inutile  que  d'en 
interdire  la  récolte,  et  ce  qui  serait  sans  doute  plus  aisé,  la  vente  et 
le  colportage. 

Enfin,  il  serait  bon  de  prendre  des  mesures  'de  conservation  en 
vue  de  protéger  les  jeunes  peuplements  provenant  des  semis  spon- 
tanés qui  abondent  et  couvrent  parfois  des  surfaces  énormes,  mais 
ont  de  la  peine  à  s'affranchir  des  deux  fléaux  des  boisements  de  ces 
régions  qui  sont  le  feu  et  le  bétail  non  parqué. 


COPAL 


Il  n'y  a  que  peu  de  chose  à  dire  de  ce  produit.  Les  cours  qui  ont 
fléchi  n'indiquent  nullement  qu'il  y  ait  surproduction.  Ils  devront 
se  relever  et  la  récolte  de  ce  produit  naturel  reste  avantageuse. 

En  Guinée,  les  espèces  fournissant  le  copal  ne  sont  pas  les 
mêmes  que  celles  du  Congo.  Elles  appartiennent  ici  au  genre 
Guibourtia. 

L'exportation  pour  l'année  dernière  s'élève  a  la  somme  de 
257.414  francs. 

Les  arbres  producteurs  de.  cette  matière  première  sont  à  crois- 
sance trop  lente  pour  que  l'on  puisse  conseiller  d'en  faire  des  plan- 
tations. C'est  toutefois  une  essence  à  ménager  et  au  besoin  à  plan- 
ter si  l'on  songe  à  reboiser. 


278  MISSION    EN    GUINÉE    FRANÇAISE 

KOLA 

La  récolte  et  l'exportation  des  noix  de  Kola  a  pris  dans  ces  der- 
nières années  un  développement  incessant.  L'exportation  a  atteint 
en  1902  la  somme  de  80. 504  francs.  Cette  exportation  se  fait  vers 
les  colonies  voisines  et  aussi  vers  la  France  où  la  noix  de  Kola  est 
entrée  dans  la  thérapeutique  courante. 

Il  peut  donc  y  avoir  grand  intérêt  à  recommander  de  ne  pas  se 
contenter  seulement  de  récolter  les  produits  des  arbres  venus  spon- 
tanément, mais  aussi  à  faire  des  plantations  d'arbres  à  Kola.  Leur 
croissance  est  lente,  mais  le  produit  est  suffisamment  consacré  par 
l'usage  pour  que  l'on  puisse  être  sûr  de  trouver  le  placement  du 
produit  à  un  taux  qui  ne  peut  fléchir  d'une  façon  sensible. 

Il  est  à  conseiller  d'importer  en  Europe  non  des  noix  sèches 
comme  on  le  fait  encore  actuellement  mais  bien  plutôt  à  l'état 
frais.  Il  y  a  à  le  faire  un  double  avantage  c'est  que  d'abord  le  pro- 
duit se  vend  à  un  prix  bien  plus  élevé  qui  parfois  est  égal  au 
double  ou  au  triple  du  prix  de  la  noix  sèche.  Qu'ensuite  en  se  des- 
séchant la  noix  perd  près  de  50  °/0  de  son  poids. 

Les  transports  à  l'état  frais  se  font  aisément  soit  que  l'on  emploie 
le  mode  d'emballage  des  Siéra  léonais,  soit  qu'on  mette  ces  graines 
dans  des  tonneaux  où  on  les  alterne  avec  des  lits  de  sable.  Elles 
peuvent  ainsi  se  conserver  plus  d'un  mois. 

Les  plantations  de  Kolatiers  devront  être  faites  en  raison  de  la 
lenteur  du  développement  des  arbres,  au  milieu  d'autres  cultures. 
L'arbre  supporte  mal  la  transplantation  et  à  moins  de  faire  les 
semis  en  pots  on  est  obligé  de  renoncer  à  l'usage  de  la  pépinière, 
et  il  est  à  conseiller  de  recourir  alors  aux  plantations  directes. 

MENÉ 

M.  Famechon,  directeur  des  services  des  douanes  de  la  Guinée,  a 
le  premier  attiré  l'attention  sur  l'intérêt  que  pourrait  présenter  au 
point  de  vue  économique  la  récolte  des  graines  de  Mené  (Lophira 
alata)  qui  renferment  une  huile  de  qualité  excellente. 

Une  étude  très  complète  de  ce  produit  a  été  faite  au  Jardin  colo- 
nial. Elle  a  été  publiée  dansla  Bévue  des  Colonies,  1899.  Elle  montre 
tout  l'intérêt  qu'il  pourrait  y  avoir  à  utiliser  dans  l'industrie  une 
huile  qui  peut  être  comestible  après  avoir  été  par  refroidissement 
débarrassée  de  la  stéarine  qu'elle  renferme. 


EXTRAIT    DU    RAPPORT  279 

Elle  peut  également  trouver  un  emploi  avantageux  clans  la  savon- 
nerie et  dans  la  stéarine. 

Les  industriels  français  se  sont  à  la  suite  de  ces  travaux  montrés 
tout  disposés  a  accepter  ce  produit,  à  la  seule  condition  qu'on  leur 
assure  une  production  annuelle  suffisante  pour  que  l'on  puisse  uti- 
lement créer  un  outillage  spécial  en  vue  de  cet  emploi. 

Malheureusement,  à  l'heure  actuelle,  il  est  impossible  d'assurer 
que  la  Guinée  pourrait  produire  une  quantité  capable  d'alimenter 
des  usines.  La  raison  tout  entière  en  est  non  pas  dans  ce  que  ces 
arbres  sont  insuffisamment  nombreux,  mais  seulement  dans  le  fait 
qu'ils  sont  dans  un  état  d'improduction  presque  constante. 

Lorsque  quittant  Konakry  on  s'avance,  en  suivant  la  ligne  fer- 
rée, dans  l'intérieur  du  pays  on  voit  partout  émerger  de  la  plaine 
herbeuse  un  arbre  peu  ramifié,  aux  feuilles  longues,  réunies  en  bou- 
quets au  sommet  des  branches,  c'est  le  Mené.  Nulle  part  il  ne 
forme  de  véritables  massifs  denses,  serrés  à  la  façon  d'un  peuple- 
ment forestier,  mais  il  couvre  des  espaces  immenses,  disséminé, 
noyé  dans  l'herbe  dont  il  émerge  de  quelques  mètres  seulement. 
C'est  rarement  un  grand  arbre  n'atteignant  qu'exceptionnellement 
huit  ou  dix  mètres  et  le  plus  souvent  réduit  à  des  proportions  moi- 
tié moindres.  Tel  qu'il  est  il  couvre  des  surfaces  immenses,  et  cette 
sorte  de  forêt  clairsemée  s'étend,  par  place,  sur  plusieurs  dizaines 
de  kilomètres  de  travers. 

Peu  exigeant  sur  la  qualité  du  sol  il  couvre  les  vallées,  escalade 
les  pentes  rocailleuses,  s'implante  entre  les  feuilles  des  blocs  rocheux 
et  montre  partout  une  vitalité  extraordinaire.  Et  ces  arbres  aux 
dimensions  réduites  sont  cependant  d'un  âge  fort  avancé,  car  si  leur 
résistance  est  grande,  par  contre  leur  croissance  est  lente.  Ce  ne 
semble  être  un  arbre  que  l'on  puisse  propager  par  la  culture.  Mais 
la  nature  s'est  chargée  de  le  répandre  à  profusion  et  c'est  une  des 
essences  les  plus  communes  dans  tout  le  Fouta. 

D'où  vient  donc  que  cette  quantité  si  grande  d'arbres  est  inca- 
pable de  fournir  un  produit  suffisamment  abondant  pour  qu'il  soit 
industriellement  exploitable  ?  La  raison  tout  entière  en  est  dans  une 
cause  unique  :  les  feux  de  brousse,  allumés  périodiquement  chaque 
année  par  les  indigènes. 

C'est  là  le  grand  fléau  africain  contre  lequel  tôt  ou  tard  on  sera 
obligé  d'élever  une  réglementation  sévère,  car  il  est  la  cause  non 
pas   dominante,  mais   unique,  qui   frappe  de  stérilité  des  contrées 


280  MISSION    EN    GUINÉE    FRANÇAISE 

entières,  qui  amène  la  destruction  non  pas  seulement  de  quelques 
essences  uniques,  mais  du  peuplement  forestier  tout  entier,  qui  pro- 
duit une  dénudation  progressive  et  méthodique  de  régions 
immenses  et  les  conduit  fatalement  vers  leur  transformation  de 
pays  fertiles  en  régions  désertiques.  C'est  là  la  cause  de  la  modifi- 
cation lente  du  climat.  Les  arbres  isolés,  ces  avant-gardes  de  la 
forêt  disparaissent  les  premiers. 

Puis  les  massifs  sont  attaqués  eux-mêmes,  sur  leur  lisières,  dans 
leur  sous-bois.  Les  jeunes  plantes  sont  détruites.  Les  arbres  sont 
dans  l'impossibilité  de  conserver  leur  caractère  de  perpétuité  par  la 
reproduction,  par  la  dissémination  de  leurs  semences. 

Des  générations  nouvelles  ne  se  retrouvent  pas  là,  à  leurs  pieds, 
pour  remplacer  les  vétérans  frappés  de  caducité.  Les  arbres  s'isolent, 
se  séparent  les  uns  des  autres  pour  succomber  bientôt  et  ainsi  les 
régions  les  plus  boisées,  couvertes  d'essences  même  les  plus  résis- 
tantes, se  dégarnissent,  se  dénudent  et  arrivent  bientôt  à  n'être  plus 
que  de  vastes  steppes  d'où  émergent  çà  et  là  quelques  représen- 
tants épars  de  l'ancienne  forêt  ;  et  eux-mêmes  disparaissent  bien- 
tôt à  leur  tour. 

Et  cet  instrument  admirable  de  régularisation  de  l'humidité  à  la 
surface  du  globe,  la  forêt,  cessant  ses  fonctions,  le  climat  marche 
rapidement  vers  une  transformation  complète  qui  le  conduit  vers  le 
régime  désertique. 

Que  l'on  y  prenne  garde,  là  est  le  grand  danger  pour  l'Afrique. 

Des  siècles  s'écouleront  avant  que  la  transformation  qui  s'est 
faite  dans  la  région  saharienne  ne  s'accomplisse  sur  la  partie  occi- 
dentale du  continent  africain.  Certes,  en  Europe  aussi  la  forêt  dis- 
paraît. Sa  destruction  n'est  pas  l'œuvre  du  hasard.  Elle  cède  le  pas 
aux  cultures.  Ceci  a  remplacé  cela.  Le  sol  couvert  de  végétation 
spontanée  est  remplacé  par  le  sol  cultivé  et  couvert  de  végéta- 
tions provoquées,  raisonnées,  qui  méthodiquement  se  succèdent. 

Lorsqu'en  Afrique  les  arbres  tombent  sous  la  hache  d'abatis  du 
colon  qui  débrousse  pour  installer  ses  plantations,  il  n'y  a  pas  lieu 
de  s'en  inquiéter.  Elles  seront  forcément  limitées,  ces  surfaces. 
Puis  des  plantations  nouvelles  viendront  remplacer  la  végétation 
spontanée.  Mais  toute  autre  est  l'action  de  l'incendie.  Une  fois 
allumé,  il  ne  choisit  pas,  il  gagne  de  proche  en  proche,  et  si  la  saison 
est  sèche,  le  vent  violent,  il  peut  en  quelques  jours  parcourir  des 
régions  immenses. 


EXTRAIT    DU    RAPPORT  281 

Le  préjudice  qu'apportent  ces  incendies  est  considérable.  C'est  la 
stérilisation  méthodique  du  sol.  Stérilisation  par  la  destruction  des 
graines,  ou  même  des  floraisons.  Stérilisation  par  la  destruction  des 
jeunes  plantes,  avenir  du  reboisement,  de  la  reconstitution  des  mas- 
sifs, des  plantes  à  caoutchouc  et  de  tout  autre  produit  utile.  Stérili- 
sation enfin  par  destruction  de  matière  azotée  contenue  dans  les 
chaumes  des  herbes,  dans  les  feuilles  qui  tombent,  dans  l'humus 
qui  recouvre  le  sol. 

Quelle  erreur  trop  accréditée  est  celle  qui  consiste  à  voir  clans 
ces  incendies  un  mode  de  fertilisation  de  la  terre  parce  que  les 
cendres  sont  rendues  au  sol.  Mais  que  renferment  ces  cendres? 
Quelques  sels  puisés  dans  la  terre  et  qui  lui  sont  ainsi  restitués. 
Mais  que  devient  la  matière  organique,  et  l'azote,  cet  élément  si 
essentiel  à  la  végétation?  Ils  sont  complètement  détruits.  Et  cette 
destruction  amène  une  modification  de  la  surface  du  sol.  En  détrui- 
sant l'humus,  ou  en  empêchant  la  formation,  on  enlève  au  sol  la 
capacité  de  retenir  l'eau  tombée  en  excès  pendant  la  saison  des 
pluies,  on  favorise  le  ruissellement,  par  suite  on  amène  la  dénuda- 
tion  de  la  roche  par  l'entraînement  des  terres  fertiles  dans  les  val- 
lées d'abord,  dans  les  deltas  ensuite,  dans  la  mer.  Et  ainsi  par  cette 
cause  qui  semble  minime,  mais  qui  agit,  chaque  année  renouvelée, 
par  l'action  des  siècles  écoulés,  on  amène  la  transformation  des 
territoires  les  plus  fertiles  en  ces  surfaces  désolées,  les  déserts,  qui 
gagnent  sans  cesse  et  qui  envahiront  l'Afrique  entière  si  la  volonté 
de  l'homme  primitif  qui  détruit  n'est  pas  contrebalancée  par  celle 
de  l'homme  qui  colonise  et  qui  crée. 

Cette  cause  générale  agit  en  particulier,  sur  l'impossibilité  dans 
laquelle  on  se  trouve,  à  l'heure  actuelle,  de  récolter,  sur  ces  arbres  si 
abondants  cependant,  la  quantité  de  Mené  suffisante  pour  alimenter 
nos  industries,  qui  réclament  ce  produit  et  sont  toutes  prêtes  à 
créer  pour  la  Guinée  Française  une  source  nouvelle  et  importante 
de  revenus. 

C'est  qu'en  effet  les  Menés  fleurissent  en  janvier  et  commencent  à 
former  leurs  fruits  en  février,  c'est-à-dire  au  moment  précis  où  les 
indigènes  allument  leurs  feux  de  brousse.  Et  ainsi  cette  floraison  si 
abondante  cependant  est  fatalement  vouée  à  la  destruction.  Actuel- 
lement, toutes  les  primes  à  la  l'écolte,  tous  les  encouragements  de 
toutes  sortes  ne  serviraient  à  rien,  car  la  cause  qui  détermine  la 
destruction  de  la  fructification  domine  toute  la  situation.  C'est  uni- 


282  MISSION    EN    GUINÉE    FRANÇAISE 

quement  vers  la  suppression,  ou  tout  au  moins  vers  la  limitation 
des  incendies  que  doivent  tendre  les  mesures  qui  amèneront  la  pro- 
duction de  cette  graine  de  qualité  excellente. 

Dans  une  étude  très  consciencieuse,  M.  Famechon  a  fourni  sur 
le  rendement  de  cette  plante  des  données  d'un  grand  intérêt. 

La  cueillette  des  graines  devrait  se  faire  en  mai,  au  moment  où  les 
indigènes  ont  fini  leurs  plantations  de  riz,  et  il  semble  qu'en  estimant 
cette  graine  au  prix  de  l'arachide  on  pourrait  trouver  un  avantage 
réel  à  l'exploiter. 

LAMI 

Le  Lami  (Pentadesma  butiracea)  a  été  étudié  au  point  de  vue 
de  la  teneur  en  matière  grasse  des  graines  volumineuses  qui 
renferment  les  gros  fruits  dont  l'arbre  se  couvre  chaque  année.  Les 
bulletins  d'analyses  faites  au  Jardin  colonial  montrent  que  les  résul- 
tats sont  satisfaisants  au  point  de  vue  industriel.  En  effet,  l'huile  de 
Lami  possède  le  titre  le  plus  élevé  en  acides  gras  insolubles  de 
toutes  celles  employées  déjà  dans  la  stéarinerie  et  peut  par  consé- 
quent rendre  les  plus  grands  services  dans  cet  emploi  industriel. 
Elle  peut  également  être  employée  en  savonnerie  pour  la  fabrication 
des  savons  durs.  Sa  qualité  dominante  est  d'avoir  un  titre  très  élevé 
en  acides  gras.  Il  est  en  effet  de  57,  alors  que  les  suifs,  par  exemple, 
ont  une  moyenne  qui  ne  dépasse  pas  45  a  47. 

Le  Lami  est  un  grand  et  bel  arbre  qui  vit  au  milieu  des  massifs 
forestiers  et  qui,  par  cette  raison  même,  se  trouve  dans  une  certaine 
mesure  protégé  contre  les  feux  de  brousse.  Le  produit  qu'il  donne 
est  abondant  et,  nous  venons  de  le  voir,  de  bonne  qualité,  malheu- 
reusement ce  n'est  pas  un  arbre  formant  des  massifs  complets  et 
pouvant,  par  suite,  fournir  ses  graines  à  une  exportation  méthodique 
et  en  quantités  suffisamment  importantes  pour  qu'elles  puissent 
intéresser  les  usines  qui  seraient  à  même  de  les  employer. 

L'aire  géographique  des  Pentadesma  est  très  étendue.  Tous 
donnent  un  produit  utilisable.  On  les  rencontre  en  Afrique  occiden- 
tale depuis  la  Guinée  jusqu'au  Congo. 

Mais  nulle  part  ils  ne  forment  de  peuplements  continus.  On  les 
rencontre  généralement  dans  les  vallées  fertiles,  dans  des  massifs  qui 
accompagnent  les  cours  des  rivières,  dans  les  forêts  basses  et 
humides. 


EXTRAIT    DU    KAPPORT 


283 


Cet  arbre,  en  raison  du  produit  qu'il  donne,  mérite  de  retenir  l'at- 
tention, mais  il  est  douteux  que  l'on  puisse  jamais  tirer  profit  des 
récoltes  de  produits  spontanés  seules.  Si  l'on  veut  employer  les 
graines  de  Lami,  il  faudra  nécessairement  en  venir  a  la  culture  ou 
tout  au  moins  à  la  propagation  et  à  la  plantation  provoquée.  Celle-ci 
est  simple  et  réussit  facilement.  Les  graines  peuvent  se  transporter 
aisément. 

Elles  germent  en  peu  de  temps  et  produisent  de  suite  un  arbre 
vigoureux  que  l'on  peut  aisément  transplanter  dans  le  jeune  âge. 
Ces  plantes  fournissent  bientôt  des  arbres  dune  très  belle  venue. 
Tige  droite,  tronc  élancé,  cime  abondante  et  arrondie,  feuilles  grandes 
et  luisantes,  belles  fleurs  nombreuses,  telles  sont  ses  qualités  qui 
peuvent  le  recommander  comme  arbre  d'avenues  et  de  reboisement, 
en  attendant  qu'il  fournisse  le  précieux  produit  qui  devra  être  la 
cause  principale  de  sa  propagation. 

Ce  n'est,  semble-t-il,  que  des  plantations  méthodiques  auxquelles 
viendront  se  joindre  les  produits  de  la  brousse,  que  Ton  peut  attendre 
une  production  assez  abondante  pour  que  l'industrie  consente  à  s'y 
intéresser  utilement. 


II.  —  LES     PRODUITS     DE     CULTURE 


LE    RIZ 

On  peut  poser  en  principe  que  l'aliment  de  prédilection  des  popu- 
lations de  tout  le  Soudan,  on  pourrait  même  dire  de  toute  l'Afrique, 
c'est  le  riz.  Si  son  prix  était  moins  élevé,  s'il  égalait  partout  celui 
du  mil,  le  riz  formerait  partout  le  fond  de  la  nourriture  indigène. 

Bien  que  cultivé  dans  diverses  parties  de  la  Guinée,  du  Sénégal 
et  du  Soudan,  le  riz  constitue  à  l'heure  présente  une  denrée  d'impor- 
tation de  la  plus  haute  importance  pour  la  Guinée  : 

en  1900 754.259  francs.      . 

1901  .711.436       » 

1902  912.653       » 

Cependant  le  riz  se  cultive  en  Guinée.  Il  donne  des  produits  de 
bonne  qualité,  et  ses  variétés  indigènes,  bien  que  de   valeur  inégale, 


284  MISSION    EN    GUINÉE    FRANÇAISE 

ainsi  que  le  fait  a  été  démontré  par  un  travail  récent  fait  au  Jardin 
colonial  et  publié  dans  son  bulletin  (4re  année,  p.  286),  peuvent 
fournir  une  denrée  que  les  indigènes  recherchent,  qu'ils  préfèrent 
même  souvent  au  riz  d'importation. 

Quelle  est  donc  la  cause  pour  laquelle  un  produit  si  recherché  par 
les  indigènes  n'est  pas  cependant  de  leur  part  l'objet  d'uue  culture 
plus  étendue  et  pouvant  suffire  à  leurs  besoins?  Il  en  faut  chercher 
la  raison  dans  le  travail  considérable  que  représente  la  préparation 
du  produit.  En  effet,  la  culture  ne  présente  pas  par  elle-même  de 
sérieuses  difficultés.  On  cultive,  comme  on  le  sait,  deux  sortes  de 
variétés  de  riz  en  Guinée. 

Dans  la  première  se  rangent  toutes  celles  qui  exigent  un  sol  très 
humide  et  même  submergé  à  certains  moments  de  l'année,  ce  sont 
les  riz  de  marais.  La  culture  en  est  faite  sur  le  bord  des  fleuves  ou 
des  lagunes,  dans  les  marigots,  partout  en  un  mot  où  l'eau  sura- 
bonde, recouvre  le  sol  d'une  couche  mince.  Ce  genre  de  culture 
tend  à  se  répandre  en  Guinée.  Dans  le  Bramaya,  en  particulier,  les 
indigènes  détruisent  les  palétuviers  sur  le  bord  des  rivières  et 
mettent  en  culture  le  sol  devenu  libre.  Ils  obtiennent  ainsi  de  très 
belles  récoltes  de  riz  de  marais. 

D'autre  part,  on  produit  en  Guinée  le  riz  dit  de  Montagne  dont 
les  exigences  culturales  sont  bien  moindres  et  qui  s'accommode  fort 
bien  d'un  semis  sur  terre  non  submergée,  pour  peu  que  ce  semis  ait 
été  fait  assez  tôt  pour  que  la  plante  profite  encore  de  l'humidité 
laissée  par  les  eaux  de  la  saison  des  pluies. 

Comme  nous  le  disions,  les  qualités  des  diverses  variétés,  tant 
de  riz  de  montagne  que  de  riz  de  marais,  sont  variables  sous  le  rap- 
port du  rendement  de  la  valeur  alimentaire  et  aussi  sous  celui  de  la 
facilité  plus  ou  moins  grande  avec  laquelle  ces  graines  peuvent  être 
débarrassées  de  leurs  enveloppes.  C'est  là  précisément  un  des  points 
les  plus  importants.  Comme  on  le  sait,  en  effet,  la  décortication  du 
riz  n'est  jamais  chose  simple,  les  glumes  étant  toujours  plus  ou 
moins  fortement  adhérentes.  Or,  les  indigènes  ne  possèdent  jusqu'à 
ce  jour  que  des  moyens  très  imparfaits  pour  opérer  cette  décortication. 
Ils  se  servent  de  mortiers  où  le  grain,  le  plus  souvent  après  avoir 
été  échaudé,  est,  par  pilonnage,  plus  ou  moins  mal  débarrassé  de  ses 
balles  qu'un  vannage  sépare  ensuite. 

C'est  à  la  difficulté  que  présente  cette  opération,  à  la  somme  de 
travail  qu'elle  exige,   à  la  paresse  native  des  indigènes,  qu'il  faut 


EXTRAIT    DU    RAPPOKT 


285 


attribuer  le  développement  trop  lent  de  la  culture  d'une  céréale  qui 
présente  le  plus  haut  intérêt  pour  l'alimentation  des  populations 
autochtones. 

Le  remède  semble  cependant  facile.  Il  consiste  dans  l'emploi  de 
moyens  mécaniques  fournissant  un  rendement  meilleur  pour  une 
dépense  moindre  de  forces.  L'utilisation  des  moyens  mécaniques 
peut  être  envisagée  sous  deux  points  de  vue  différents,  suivant  qu'il 
pourrait  s'agir  d'apporter  simplement  un  soulagement  au  travail  des 
indigènes  ou  que  L'on  veuille  le  considérer  comme  pouvant,  dans  un 
avenir  prochain,  faire  naître  une  industrie  du  plus  haut  et  du  plus 
réel  intérêt. 

Ce  serait  déjà  apporter  une  grande  amélioration  à  l'état  de  chose 
existant  que  de  substituer  aux  mortiers  des  indigènes  de  petites 
machines  à  décortiquer.  Il  est  inutile  de  reproduire  ici  le  travail 
publié  dans  le  Bulletin  du  Jardin  colonial  et  qui  fournit  des  indica- 
tions précises  sur  la  possibilité  d'obtenir  de  bons  rendements  en 
employant  certaines  machines  et  en  cultivant  de  préférence  les 
variétés  dont  les  graines  se  décortiquent  avec  facilité.  On  consta- 
tera que  le  travail  est  facile,  qu'il  exige  peu  de  force,  et  que  les 
résultats  peuvent  être  des  plus  satisfaisants  en  employant  des 
machines  déterminées  [Bulletin  du  Jardin  colonial,  n°  3,  p.  286). 

Mais  comment  amener  l'indigène  à  bénéficier  d'un  outillage  qui, 
pour  n'être  ni  compliqué  ni  coiiteux,  dépasse  ses  moyens?  Il  semble 
que  là  encore  il  faille  laire  une  place  à  l'initiative  des  maisons  de 
commerce  qui  devront  nécessairement  se  résoudre  dans  la  suite  à 
ne  pas  se  contenter  à  vendre  d'une  main  et  à  acheter  de  l'autre, 
mais  dont  le  rôle  sera  d'aider  au  développement  des  productions 
locales  en  facilitant  aux  indigènes  les  moyens  de  produire  les  den- 
rées qui  pourraient  faire  la  base  de  transactions  importantes. 

Chaque  année,  sitôt  après  la  récolfe,  les  indigènes  viennent 
vendre  aux  factoreries  une  partie  de  leur  production  de  riz.  Ce 
grain  est  toujours  vendu  en  paille,  c'est-à-dire  non  décortiqué.  D'une 
façon  à  peu  près  absolue,  ce  même  indigène  qui  a  vendu  son  riz 
pour  obtenir  divers  objets  dont  il  avait  besoin  ou  qui  excitaient  sa 
convoitise  revient,  quelque  temps  après,  le  rachète  à  la  même  facto- 
rerie. Il  apporte  en  payant  du  caoutchouc,  de  l'huile  de  palme  ou 
des  graines  de  palmistes.  Le  riz  lui  est  revendu  tel  qu'il  avait  été 
livré,  sous  forme  de  paddy.  Il  n'est  pas  douteux  que  si  la  maison  de 
commerce  qui  reçoit  des  quantités  souvent  considérables  de  riz  sous 


280  MISSION    EN    GUINEE    FRANÇAISE 

cette  forme  particulière  de  dépôt  voulait  en  faire  opérer  la  décortir 
cation  par  des  machines  simples  et  peu  coûteuses,  elle  pourrait 
revendre  son  riz  à  un  prix  bien  plus  élevé,  qui  non  seulement  la 
payerait  largement  du  travail  effectué,  mais  obligerait  l'indigène  à 
apporter  en  échange  une  quantité  plus  grande  de  denrées  d'expor- 
tation. D'autre  part,  le  noir  libéré  du  travail  de  décortication  pour- 
rait utiliser  bien  mieux  sa  force  et  son  temps  à  récolter  plus  abon- 
damment des  produits  que  la  nature  peut  fournir  en  abondance  et 
dont  le  commerce  tirerait  le  meilleur  parti. 

Ce  serait  là  un  moyen  transitoire  qui  pourrait  donner  les  plus 
heureux  résultats. 

Il  doit  être  qualifié  de  transitoire,  car  il  n'est  pas  douteux  que 
dès  que  l'outillage  économique  de  la  Guinée  sera  plus  complet, 
dès  que  le  chemin  de  fer  reliera  l'arrière-pays  avec  les  régions  du 
littoral,  égalisant  ainsi  les  productions  et  les  répartissant  mieux  sur 
tous  les  points  de  la  colonie,  on  devra  envisager  la  possibilité  de 
créer  sur  le  parcours  de  la  voie  ferrée  des  usines  de  décortication. 

C'est  là  une  solution  qui  s'impose  à  l'important  problème  de  la 
production  d'une  céréale  qui  pourrait,  en  Guinée,  où  elle  trouve  des 
conditions  admirablement  adaptées  à  ses  exigences  biologiques,  deve- 
nir non  seulement  assez  abondantes  pour  supprimer  bientôt  les 
importations  vers  les  colonies  voisines  et  plus  particulièrement  le 
Sénégal. 

Le  long  de  la  voie  ferrée  se  trouvent  en  effet  des  chutes  remar- 
quables dont  les  plus  importantes  rizeries  n'emploiraient  encore 
qu'une  bien  faible  partie  de  la  force  qui  se  perd.  A  ces  différents 
points  de  vue,  et  sans  insister  encore  sur  le  trafic  important  qu'une 
semblable  denrée  pourrait  fournir  comme  aliment  à  la  voie  ferrée,  la 
question  de  la  production  du  riz  doit  être  rangée  parmi  une  de  celles 
qui  sont  les  plus  dignes  d'attirer  et  de  retenir  l'attention  du  service 
agricole  de  l'Afrique  Occidentale.  C'est  vers  la  recherche  de  variétés 
meilleures,  peut-être  aussi  vers  l'importation  de  races  à  rendements 
plus  élevés  ou  fournissant  des  qualités  supérieures,  c'est  vers  la 
décortication  mécanique  commerciale  ou  industrielle  que  doivent 
tendre  les  efforts,  car  la  solution  de  ces  problèmes  peut  avoir  une 
importance  économique  considérable. 


EXTRAIT    DU    KAPPOKT 


LE    MIL 


287 


Il  faut  comprendre  sous  ce  nom  les  diverses  espèces  ou  variétés 
du  genre  Sorghum  et  sittaria. 

Cultivé  par  les  indigènes,  le  mil  est  à  peu  près  exclusivement 
destiné  à  l'alimentation  des  indigènes.  Il  n'en  est  pas  exporté  de 
quantités  appréciables.  Cependant,  la  production  du  mil  pourrait 
présenter  quelque  intérêt  en  vue  de  l'utilisation  de  ce  grain  pour  la 
production  de  l'alcool. 

Des  recherches  qui  se  poursuivent  en  ce  moment  semblent  établir 
qu'il  est  possible  de  tirer  de  ce  grain  un  alcool  abondant  et  de  bonne 
qualité. 

La  production  plus  abondante  du  riz  rendrait  libre  une  certaine 
quantité  de  mil  utilisé  aujourd'hui  pour  l'alimentation  indigène  et 
qui  trouverait  sans  doute  un  placement  avantageux  dans  l'indus-- 
trie.  Mais  c'est  là  une  denrée  de  faible  valeur  qui  ne  pourrait  être 
transportée  à  longue  distance  qu'à  la  condition  expresse  de  bénéficier 
d'un  tarif  très  bas.  Cette  céréale  pourrait,  ici  comme  au  Sénégal, 
devenir  une  culture  alternante  avec  l'arachide  et  fournir  ainsi  un 
produit  avantageux. 

Parmi  les  divers  millets,  le  Fonio  (Paspalum  longiflorum)  mérite 
d'attirer  l'attention  ;  son  grain  de  très  petite  taille,  mais  d'un  mon- 
dage  facile,  fournit  une  sorte  de  semoule  que  nous  avons  eu  l'occa- 
sion d'étudier  et  dont  la  valeur  alimentaire  dépasse  celle  du  riz. 

LE    COTON 

La  production  du  coton  est  une  des  questions  qui  intéresse  et 
doit  préoccuper  le  plus  vivement  les  colonies  de  la  côte  occidentale 
d'Afrique.  Cette  substance,  en  effet,  est  une  de  celles  qui  non  seule- 
ment sont  assurées  de  trouver  un  débouché  presque  indéfini,  mais 
qui,  encore,  en  raison  de  certaines  circonstances  économiques,  dans 
le  détail  desquelles  ce  n'est  pas  le  lieu  d'entrer  ici,  est  impérieuse- 
ment réclamée  par  nos  iudustries  nationales. 

Que  nos  colonies  puissent  produire  du  coton,  il  n'en  faut  pas  dou- 
teux, et  le  fait  est  clairement  démontré  par  les  études  qui  en  ont  été 
faites.  Le  rapport  de  Mission  de  M.  Yves  Henry  jette  sur  cette 
question  un  jour  très  clair.  Tout  porte  à  croire  que  certaines  régions 
de  l'Afrique  Occidentale  pourront  dans  l'avenir  produire  le  précieux 


288  MISSION    EN    GUINÉE    FRANÇAISE 

textile.  Mais  produire  n'est  pas  tout,  il  faut  avant  toute  chose  que 
cette  production  se  fasse  dans  des  conditions  économiques  ;  1°  que 
la  production  soit  facilement  exportée  et  que  le  prix  du  transport 
ne  grève  pas  trop  lourdement  la  valeur  du  produit;  2°  que  cette 
matière  première  trouve  preneurs  à  des  prix  suffisamment  élevés 
pour  que  la  production  en  soit  avantageuse. 

Pour  réunir  ces  conditions,  il  est  donc  nécessaire  de  se  placer 
dans  une  région  où  le  climat,  l'abondance  de  la  main-d'œuvre  et  la 
facilité  des  débouchés  assurent  au  produit  une  qualité  et  un  bas 
prix  qui  le  fasse  rechercher.  11  faut  encore  que  le  courant  s'établisse 
et  que  les  industriels  acceptent  la  matière  première  qui  leur  sera 
offerte. 

Ces  résultats  ne  pourront  être  obtenus  qu'à  la  seule  condition 
que  les  eiforts  de  l'administration  soient  secondés  par  ceux  du 
commerce  et  de  l'industrie  française.  Qu'importera  de  produire  du 
coton  de  belle  qualité  s'il  ne  trouve  pas  preneur  dès  le  moment  où 
iser  a  disponible?  Les  indigènes  auxquels  dans  la  majeure  partie 
des  cas  incombera  la  tâche  de  produire  se  lasseront  vite  s'ils  ne 
voient  pas  venir  à  eux  des  acheteurs  qui  non  seulement  leur  prendront 
leur  produit  mais  encore  l'accepteront  sous  la  seule  forme  sous 
laquelle  ils  le  peuvent  vendre,  c'est-à-dire  non  égrené,  et  s'ils  ne  leur 
en  offre  un  prix  suffisant  pour  qu'ils  soient  payés  de  leur  peine,  et 
que  leur  hésitation  soit  vaincue  par  l'avantage  afférent  qu'ils  pourront 
tirer  en  se  livrant,  avec  méthode,  à  une  culture  qui  au  début  leur 
paraîtra  difficile  parce  qu'ils  n'en  saisiront  pas  de  suite  les  exigences 
et  les  finesses. 

Ce  ne  sera  pas  chose  simple,  il  ne  faut  pas  se  le  dissimuler,  que 
combiner  dans  l'exacte  proportion  voulue  les  efforts  de  ces  deux 
forces  qui  devront  être  franchement  concourantes  vers  un  même 
but.  L'initiative  privée  par  le  fait  même  qu'elle  est  libre  voudra 
user  de  cette  liberté  et  il  pourra  arriver  que  son  action,  si  zélée 
qu'elle  puisse  être,  s'exercera  d'une  façon  qui  pourra  gêner,  sinon 
même  entraver  dans  une  certaine  mesure,  l'arrivée'  rapide  vers  le 
but  à  atteindre.  Et  cependant,  comme  nous  venons  de  le  dire,  son 
concours  est  indispensable,  car  l'action  administrative  a  une  limite 
qu'elle  ne  peut  franchir  et  au  delà  de  laquelle  ses  efforts  seront 
vains.  Il  importe  donc  de  régler  d'une  façon  très  précise  le  programme 
d'ensemble,  de  délimiter  les  rôles  de  chacun,  en  un  mot  d'établir  un 
accord  qui  devra  être  complet  et  aux  termes  duquel  la  besogne  sera 


EXTRAIT    DU    RAPPORT  289 

départagée  et  cela  non  seulement  pour  éviter  les  doubles  emplois, 
mais  surtout  des  actions  dont  les  résultats  pourraient  être  parfois 
opposés. 

C'est  ainsi,  pour  ne  citer  qu'un  exemple,  qu'il  pourrait  être  tout 
à  fait  dangereux  de  permettre  d'introduire  sans  contrôle  et  de 
répandre  entre  les  mains  des  indigènes  des  graines  des  diverses 
sortes  de  coton  qui  sont  cultivées  dans  les  différentes  parties  du 
monde,  sous  le  prétexte  qu'elles  donnent  dans  leur  pays  d'origine 
un  produit  de  belle  qualité.  Tout  porte  à  croire  qu'il  y  aura  lieu  de 
substituer  au  coton  cultivé  par  les  indigènes  des  sortes  meilleures, 
donnant  un  produit  plus  abondant  et  de  qualité  plus  élevée.  Mais 
faut-il  encore  que  ces  sortes  soient  définies  et  déterminées  par 
l'expérience.  Or,  nul  autre  que  l'administration  n'a  qualité  pour 
faire  ces  déterminations.  Ce  serait  aller  au-devant  d'un  échec  général, 
que  l'on  pourrait  être  appelé  à  condamner  bientôt,  lorsque  l'expérience 
aurait  montré  qu'elle  n'est  pas  adaptée  aux  conditions  locales.  Il 
faut  avec  les  indigènes,  si  l'on  veut  obtenir  d'eux  des  résultats 
certains,  marcher  à  coup  sûr  et  ne  point  se  tromper  dans  les  avis 
qu'on  leur  donnera.  Ceux-ci  devront  donc  être  nécessairement  basés 
sur  des  expériences  conduites  avec  précision. 

La  tâche  du  Service  de  l'Agriculture  sera  d'orienter  ses  études  de 
manière  à  répondre  d'une  façon  nette  à  la  double  question  de  savoir 
quelles  sont  les  races  dont  il  convient  de  préconiser  la  culture  et 
aussi  quelles  sont  les  méthodes  culturales  à  suivre. 

Le  choix  des  espèces  aura  une  importance  très  grande.  Il  ne 
peut  être  basé  que  sur  des  expériences  pratiques,  et  encore  celles-ci 
n'auront  souvent  qu'une  portée  non  générale  mais  locale.  En  effet, 
les  variations  de  climat  ou  seulement  d'une  des  conditions  composant 
ce  climat,  telle  que  la  fréquence  des  pluies,  pourra  influer  déjà  sur  la 
race  à  adopter.  Dans  certaines  régions,  les  races  cultivées  déjà  par 
les  indigènes  peuvent  donner  des  résultats  favorables  :  l'exemple  du 
Dahomey  est  là  pour  le  démontrer;  mais,  dans  la  plupart  des  cas,  il 
y  aura  lieu  de  leur  substituer  des  races  d'ordre  supérieur  et  faisant 
déjà  l'objet  de  grandes  cultures  dans  les  centres  cotonniers. 

Des  expériences  nombreuses  et  suivies  avec  la  plus  grande  préci- 
sion détermineront  donc  exactement  quelles  seront  les  races  que 
l'on  devra  proclamer  bonnes  et  qui  seront  définitivement  adoptées. 
Seules,  les  semences  de  ces  sortes  seront  distribuées  aux  indigènes 
qui  en  obtiendront,  dès  lors,  des  résultats  satisfaisants. 

Bulletin  du  Jardin  colonial,  19 


290  MISSION    EN    GUINÉE    FRANÇAISE 

Mais  un  autre  point  d'une  importance  au  moins  aussi  grande  est 
celui  qui  consiste  à  déterminer  les  méthodes  culturales  à  suivre. 
Comme  on  le  sait,  dans  tous  les  grands  centres  de  production 
actuelle  la  culture  est  faite  annuellement.  Elle  est  annuelle  en 
Amérique,  et  elle  ne  peut  être  autre,  car  la  rigueur  des  hivers  viendrait 
nécessairement  détruire  les  plantes  restées  dans  le  sol.  Mais  elle  est 
annuelle  également  en  Egypte  où  rien  ne  s'opposerait  cependant  à 
conserver  les  plantes  sur  le  sol  pendant  une  plus  longue  durée. 
C'est  que  l'expérience  a  démontré  que  toujours  les  produits  récoltés 
sur  les  plantes  jeunes  sont  supérieurs  à  ceux  que  peut  fournir  la 
plante  lorsque  son  existence  se  prolonge.  On  se  trouve  donc  là  en 
présence  d'un  problème  qu'il  ne  sera  pas  aisé  de  résoudre.  En  effet, 
d'une  part,  les  indigènes  ont  pour  coutume  absolue  de  laisser  les 
plantes  sur  le  sol  tant  qu'elles  veulent  bien  croître.  Ensuite,  on 
constate  que  sur  plus  d'un  point,  et  en  général  partout  où  la  préci- 
pitation d'eau  est  faible,  le  coton  reste  faible  la  première  année  et  ne 
donne  qu'un  très  petit  nombre  de  capsules,  alors  que  sa  végétation 
est  plus  belle  et  sa  production  plus  grande  la  seconde  année.  Devra- 
t-on  dès  lors  préconiser  des  cul  tuiles  vivaces?  Quel  sera  le  nombre 
d'années  pendant  lesquelles  le  cotonnier  devra  occuper  le  sol?  Quels 
seront  les  produits  correspondants  à  chaque  année  de  culture? 
Autant  de  questions  auxquelles  des  expériences  bien  conduites 
seront  seules  à  même  de  répondre.  C'est  aux  Jardins  d'Essai  d'en 
entreprendre  l'étude. 

Tout  porte  à  croire  que  partout  où  la  culture  pourra  être  irriguée 
on  pourra  revenir  vers  les  conditions  normales,  c'est-à-dire  vers 
celles  qui  sont  reconnues  comme  donnant  le  meilleur  résultat,  semis 
chaque  année  renouvelés  et  culture  franchement  annuelle.  Mais  ce 
seront  là  des  conditions  spéciales,  longtemps  même  encore,  excep- 
tionnelles et  dont,  sans  doute,  seuls  les  Européens  pourront  tirer 
tout  le  parti  désirable. 

Il  restera  enfin  un  dernier  point  d'une  haute  importance  qu'il 
faudra  résoudre,  c'est  de  savoir  comment  seront  suivies  ces  expé- 
riences et  comment  sera  fait  méthodiquement  et  chaque  année  la 
détermination  de  la  valeur  du  produit  obtenu.  Or,  il  est  indispen- 
sable de  suivre  pas  à  pas  les  résultats  obtenus,  afin  de  se  rendre  un 
compte  exact  des  opérations  faites  et  de  savoir  si  l'on  est  réelle- 
ment dans  la  bonne  voie.  Pour  nous,  une  simple  appréciation  à 
l'estime  ne  sutlit  pas.  Il  nous  faut  des  données  plus  précises  et  dans 


EXTRAIT    DU    RAPPORT  291 

lesquelles  chaque  coefficient  composant  renferme  un  enseignement 
précis  sur  les  conditions  à  réaliser  :  des  méthodes  de  détermination 
de  la  valeur  du  coton  existent. 

Elles  conduisent  à  des  appréciations  très  exactes;  mais  n'étant  pas 
encore  adoptées  par  les  industriels,  elles  ont,  pour  le  moment,  l'in- 
convénient de  ne  pas  leur  fournir  des  indications  qu'ils  peuvent 
suivre  et  leur  démontre  la  réalité  des  résultats  obtenus.  Sans  doute 
sera-t-il  nécessaire,  pour  donner  en  même  temps  satisfaction  aux 
méthodes  scientifiques  et  aux  appréciations  commerciales,  d'établir 
un  système  dont  les  bases  seront  faciles  à  déterminer. 

Quoi  qu'il  en  puisse  être,  la  nécessité  s'impose  de  suivre  de  très 
près  les  résultats  obtenus  au  moyen  des  essais  culturaux,  afin  d'être 
sûr  que  l'on  reste  sans  cesse  dans  la  bonne  voie. 

La  question  de  la  production  est  donc  une  de  celle  qui  doit 
prendre  la  plus  large  place  dans  les  préoccupations  du  service 
agricole,  car  il  importe  que  des  résultats  pratiques  soient  obtenus 
le  plus  rapidement  possible. 

PRODUCTION    DES    FRUITS    D'EXPORTATION 

La  question  de  la  production  des  fruits  peut  présenter  pour 
l'avenir  agricole  et  commercial  de  la  Guinée  un  intérêt  considé- 
rable. Pour  s'en  faire  une  idée  il  n'y  a  qu'à  rappeler  qu'il  existe, 
de  par  le  monde,  des  colonies  dont  la  seule  prospérité  est  due  au 
commerce  des  fruits.  La  Colombie  en  est  un  des  plus  beaux 
exemples.  En  effet,  les  Etats-Unis  qui  consomment  annuellement 
42  millions  de  régimes  de  bananes  cirent  la  plus  grande  partie  de 
ces  fruits  de  la  région  isthmique.  Plus  près  de  nous,  les  Canaries, 
les  Açores,  Madère  doivent  le  plus  clair  de  leur  prospérité  à  cette 
même  production  des  bananes  et  aussi  des  ananas.  Malte  et 
l'Egypte,  le  sud  de  l'Espagne  et  notre  Algérie  tirent  des  avan- 
tages considérables  de  la  production  des  fruits  et  légumes  de 
primeurs. 

Les  moyens  de  transport  plus  rapides  chaque  jour,  plus  pra- 
tiques aussi,  ont  nivelé  les  productions.  Ils  en  ont  détruit  les  saiso- 
nalités.  On  a  tout  en  toute  saison,  partout.  A  cet  égard,  la  Guinée, 
avec  son  climat  subéquatorial  et  en  même  temps  sa  proximité  rela- 
tive de  l'Europe,  peut  dans  l'avenir  se  trouver  dans  les  conditions 
les  plus  favorables  au  point  de  vue  de  l'exportation  des  fruits.  Elle 


Carré  de  bananiers  de  doux  ans  au  moment  de  la  récolte 
(Variété  de  Camayenne) 


Type  de  hangar  d'exploitation 


EXTRAIT    DU    RAPPORT 


293 


possède  en  effet  un  sol  fertile,  par  places,  et  un  climat  propice  à  la 
production  des  fruits.  La  distance  qui  la  sépare  de  la  métropole 
n'est  pas  si  grande  que  les  fruits  puissent  souffrir  du  transport  s'ils 
sont  bien  emballés.  De  récentes  et  nombreuses  expériences  nous 
ont  clairement  et  définitivement  fixé  à  cet  égard.  La  seule  question 
qui  reste  réservée  encore,  c'est  celle  d'obtenir  une  fréquence  suffi- 
sante dans  le  passage  des  bateaux  se  dirigeant  vers  l'Europe  et 
aussi  une  régularité  complète  dans  le  service. 

Ces  conditions  seront  sans  doute  prochainement  réalisées.  Dès 
lors,  le  problème  sera  résolu,  et  à  l'heure  actuelle  les  données  rela- 
tives à  cette  production  fruitière  sont  suffisamment  précises  et  assez 
Clairement  indiquées  par  la  pratique  pour  qu'il  n'y  ait  plus  qu'à  les 
appliquer. 

Mais  une  condition  est  nécessaire,  c'est  qu'il  soit  fait  une  pros- 
pection très  exacte  des  terrains  qui  peuvent  être  livrés  à  la  coloni- 
sation. Il  serait  dangereux  de  laisser  plus  longtemps  la  pratique 
qui  consiste  à  s'en  rapporter  au  demandeur  pour  le  choix  du  terrain 
qu'il  doit  consacrer  aux  plantations  à  créer.  De  trop  nombreux  et 
l'on  peut  dire  de  trop  fâcheux  exemples  sont  là  pour  le  démontrer. 

Là  où  le  succès  aurait  dû  nécessairement  couronner  les  entre- 
prises, des  pertes  sèches  et  souvent  élevées  ont  été  supportées  pour 
la  seule  raison  parfois  que  le  terrain  choisi  était  inapte  à  porter  la 
production  qu'on  lui  demandait. 

Ici,  comme  partout,  la  colonisation  de  début  doit  être  guidée.  Il 
appartient  à  l'administration  de  faire  prospecter  les  terrains,  de 
faire  sonder  et  analyser  le  sol  de  façon  à  pouvoir  renseigner  d'une 
façon  précise  ceux  qui  veulent  entreprendre  des  plantations.  Dire  : 
«  Allez  et  colonisez  »  n'est  pas  suffisant.  Qu'on  ne  l'oublie  pas,  le 
plus  souvent  le  colon  manque  de  connaissances  techniques  géné- 
rales et  toujours  de  connaissances  locales.  Il  ne  saura  pas  choisir. 
Le  saurait-il  encore  qu'il  lui  faudra  dépenser  ses  premiers  efforts 
en  recherches  pénibles,  parfois  infructueuses,  car  il  passera  à  côté 
des  meilleures  conditions  climatériques  de  l'année. 

Serait-il  juste  encore  de  laisser  accaparer,  inconsciemment,  le 
colon  plus  éclairé  qui  reconnaissant  la  valeur  du  sol  pourrait  s'en 
faire  octroyer  la  plus  grande  part  disponible?  Assurément  non, 
aussi  est-il  nécessaire  que  les  débuts  de  cette  colonisation  soient 
guidés  et,  dans  une  certaine  mesure,  réglementés.  On  ira  delà  sorte 
plus  sûrement  au  succès,  et  l'on  évitera,  dans  tous  les  cas,  lesreten- 


294  MISSION    EN    GUINÉE    FRANÇAISE 

tissants  échecs  qui  se  sont  déjà  produits  et  dont  il  faut  à  tout  prix 
éviter  le  retour,  car  ils  sont  exclusivement  dus  non  à  l'ensemble 
des  circonstances,  qui  au  contraire  sont  très  favorables,  mais  à 
l'inexpérience  technique  de  ceux  qui  ont  entrepris  ces  essais  de 
colonisation. 

Il  y  aura  donc  lieu  de  faire  sans  tarder  une  prospection  d'en- 
semble, de  dresser  une  carte  des  parcelles  disponibles,  d'en  indi- 
quer la  teneur  et  la  richesse,  et  de  donner  à  ce  document  toute  la 
publicité  désirable. 

En  même  temps  il  sera  nécessaire  de  réunir  en  une  note  spéciale 
les  indications  précises  sur  les  conditions  de  culture  de  ces  fruits  et 
sur  le  produit  que  l'on  en  peut  obtenir.  Il  importe  au  premier  chef 
de  débarrasser  cette  question  de  toutes  les  exagérations  dont  elle  a 
été  l'objet  et  de  montrer  ce  qu'elle  est  réellement.  Les  conditions 
dans  lesquelles  elle  se  présente  sont  suffisamment  belles  pour  qu'il 
n'y  ait  pas  lieu  de  les  exagérer  et  intérêt  à  les  ramener  aux  données 
réelles. 

L'exploitation  portera  surtout  sur  la  production  des  bananes  et 
des  ananas.  Cependant,  il  semble  que,  dans  l'avenir,  il  sera  possible 
d'essayer  l'importation  d'autres  fruits  qui  ne  font  pas  encore  l'objet 
d'un  grand  commerce,  tels  que  mangues  et  avocats,  mais  dont 
l'importation  en  Europe  pourrait  présenter  quelque  intérêt. 


CULTURES    INDUSTRIELLES 

La  culture  des  plantes  de  grande  production  semble  devoir  être 
limitée,  pour  le  moment,  aux  plantations  de  caféiers. 

Un  essai  qui  a  été  fait  dans  ce  sens  a  cependant  donné  des  résultats 
absolument  négatifs.  La  faute,  à  notre  sens,  en  revient  tout 
entière  aux  conditions  défectueuses  dans  lesquelles  il  avait  été  entre- 
pris. 

Nous  avons  eu  l'occasion  de  l'examiner  au  moment  de  ses  débuts 
et  de  nous  rendre  compte  des  causes  qui  devaient  fatalement  con- 
duire à  un  échec. 

La  région  côtière  de  la  Guinée  convient  bien  à  la  culture  du  café. 
La  présence  seule  d'espèces  croissant  à  l'état  sauvage  suffisait  à  le 
prouver.  Les  essais  culturaux  du  Jardin  d'Essai  le  démontrent. 

Mais,  là  encore,  il  faut  se  placer  dans  des  conditions  favorables 


KXTKA1T    DU    KAPPOKT 


295 


et  cultiver  les  espèces  qui  peuvent  donner  un  produit  recherché. 
Jusqu'à  présent,  le  choix  n'existait  qu'entre  deux  sortes,  le  Côffea 
liberica  et  le  Coffea  stenophylla,  variété  du  Rio-Nunez.  Or,  si  la 
première  de  ces  deux  espèces  est  très  vigoureuse,  elle  donne  par 
contre  un  produit  qui  est  peu  recherché  dans  le  commerce,  parfois 
même  difficilement  accepté.  Il  n'est  donc  pas  à  conseiller  de  le 
cultiver. 

Il  en  va  tout  autrement  du  Rio-Nunez.  La  qualité  du  produit  est 
très  bonne,  le  grain  très  recherché  par  le  commerce,  mais,  en  cul- 
ture, la  plante  reste  chétive  et  donne  peu. 

Mais  entre  ces  deux  espèces  s'est  placée  une  troisième  dont  nous 
venons  de  constater  la  présence  et  dont  l'importance  culturale  peut 
devenir  considérable.  Ce  caféier,  qui  vient  d'être  étudié  et  décrit 
sous  le  nom  de  Coffea  Affinis,  présente  le  grand  mérite  d'avoir  la 
rusticité  du  Coffea  liberica  et  la  qualité  du  Coffea  stenophylla.  Cette 
espèce  est  indigène  à  la  Guinée.  Le  Jardin  d'Essai  en  possède  un 
certain  nombre  de  pieds.  Il  importe  de  les  multiplier  rapidement  et 
d'en  répandre  la  culture. 

Elle  peut  conduire  aux  meilleurs  résultats. 

C'est  à  tort  que  l'on  a  parlé  de  la  possibilité  de  faire  de  la  culture 
du  cacaoyer  en  Guinée,  les  conditions  climatériques  s'opposant  à 
ce  .que  cette  plante  donne  des  rendements  industriels. 

L'Inspecteur  général  de  l'agriculture  coloniale. 

J.  Dybowsky. 


ETUDES     ET     MÉMOIRES 


LE     CACAO    AU     CONGO 
RAPPORTS 

DU    DIRECTEUR    DU    JARDIN    D'ESSAI    DE    UIRREVIULE 

Libreville,  le  10  janvier  1904. 

Monsieur  le  Commissaire  général, 

Vous  avez  bien  voulu  prêter  votre  bienveillante  attention  aux 
projets  que  je  vous  exposais  dans  le  but  d'étendre  certaines  cultures 
et  principalement  celle  du  cacao,  appelée  à  un  avenir  certain  dans 
la  colonie  et  qui  ont  été  arrêtés  sur  les  conseils  de  M.  le  Secrétaire 
général  du  Gouvernement. 

Vous  avez  bien  voulu  reconnaître,  en  examinant  l'intérêt  qui 
s'attache  a  ces  questions,  l'insuffisance  du  Service  de  l'Agriculture, 
tel  qu'il  fonctionne  actuellement,  puisqu'il  dépend  en  grande  par- 
tie de  l'organisation  du  Service  de  l' Agriculture  au  Congo  de  don- 
ner l'impulsion  propre  à  assurer  l'essor  des  plantations  qu'il  s'agit 
de  développer. 

Grâce  à  l'initiative  privée,  il  est  possible  de  faire  état  d'expé- 
riences frappantes  permettant  de  prévoir,  dans  un  avenir  rappro- 
ché, une  ère  de  prospérité  non  pas  éphémère  comme  celle  prove- 
nant de  l'exploitation  des  produits  naturels  du  pays,  mais  suscep- 
tible d'accroissements  réguliers  qui  découleront  de  l'exploitation 
du  sol  par  la  culture. 

A  ce  point  de  vue,  laissant  de  côté  le  Congo  proprement  dit  où 
l'on  ne  peut  songer  encore,  eu  égard  à  l'insuffisance  des  moyens  de 
transport,  à  cultiver  rationnellement  le  terrain,  mais  où  déjà  il  est 
utile  que  l'attention  des  agents  techniques  soit  portée  sur  les 
moyens  de  reconstituer  les  essences  susceptibles  de  disparaître,  le 
Gabon  proprement  dit  est  placé  dans  des  conditions  spécialement 
favorables  sous  le  rapport  du  climat. 


LE    CACAO    AI     CONGO  297 

En  effet,  le  séchage  du  cacao  au  Camerun  pendant  la  saison  des 
pluies  exige  un  matériel  spécial  (séchage  artificiel  par  procédé 
mécanique).  Au  Gabon,  au  contraire,  le  climat  permet  le  séchage 
naturel  pendant  toute  l'année.  Les  produits  séchés  artificiellement 
sont  inférieurs,  jusqu'à  présent,  aux  produits  séchés  naturellement. 

Votre  attention,  Monsieur  le  Commissaire  général,  a  été  attirée 
sur  ce  sujet.  M.  le  Ministre  des  Colonies  et  M.  l'Inspecteur  géné- 
ral de  l'Agriculture  coloniale  se  sont  émus  également  en  considé- 
rant le  retard  facilement  réparable  de  notre  colonie  par  rapport  à 
celles  de  nos  voisins  du  Camerun  et  de  la  Côte  d'Or. 

La  direction  technique  de  l'Agriculture  coloniale,  qui  déjà  a  rendu 
tant  de  services,  a  fourni  récemment  par  l'intermédiaire  du  Dépar- 
tement des  Colonies  et  de  nos  agents  consulaires  au  Camerun  et  à 
la  Côte  d'Or  des  renseignements  fort  utiles  sur  les  résultats  obtenus 
par  la  culture  du  cacao.  Ces  renseignements  sont  venus  confirmer 
la  justesse  des  projets  qui  ont  pour  but  de  donner  à  l'agriculture  au 
Gabon  une  orientation  semblable. 

C'est  pourquoi,  Monsieur  le  Commissaire  général,  j'ai  tenu  à 
vous  soumettre,  dès  maintenant,  un  plan  de  campagne  pour  l'année 
1905,  résumant  les  projets  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  exposer 
et  qui  pourront  servir  de  base  aux  évaluations  budgétaires  pour  cet 
exercice. 

Avant  d'établir  ce  plan,  il  est  indispensable  de  dire  quelques 
mots  du  Jardin  d'Essai  de  Libreville. 

Je  ne  ferai,  il  est  vrai,  que  répéter  les  constatations  de  mes  pré- 
décesseurs en  ce  qui  concerne  la  nature  ingrate  du  terrain,  mais  je 
profiterai  de  l'occasion,  si  vous  voulez  bien  me  le  permettre,  pour 
rendre  hommage  ici  au  travail  de  M.  C.  Chalot,  actuellement  pro- 
fesseur au  Jardin  Colonial,  qui,  au  cours  des  nombreuses  années 
pendant  lesquelles  il  dirigeait  le  Jardin  d'Essai  de  Libreville,  a  pu 
tirer  parti  de  ce  mauvais  sol  avec  le  peu  de  moyens  dont  il  dispo- 
sait pour  introduire  au  Congo  une  quantité  considérable  de  plantes 
utiles  provenant  des  autres  colonies.  Le  catalogue  des  plantes  culti- 
vées au  Jardin  d'Essai  annexé  au  présent  rapport  contient  la  meil- 
leure preuve  des  résultats  importants  déjà  obtenus  dans  cet  ordre 
d'idées. 

On  a  souvent  tendance  à  considérer  comme  peu  utile  et  trop 
technique  le  rôle  des  Jardins  d'Essai  en  ce  qui  concerne  l'introduc- 
tion de  plantes  ne  devant  pas  servir  immédiatement  à  la  grande 
culture. 


298  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Cependant  en  novembre  et  décembre  dernier,  grâce  à  la  présence 
d'échantillons  uniques  entrant,  je  crois,  pour  la  première  fois  en 
fructification,  il  a  été  possible  de  multiplier  quelques  plantes  fort 
intéressantes,   telles  que  : 

IS  Artocarpus  incisa,  variété  Seminifera,  arbre  à  pain  châtaigne  se 
reproduisant  par  semis. 

Le  Nephelium  longanum,  une  des  variétés  de  Letchi  si  apprécié 
fruit  de  table.  A  un  point  de  vue  plus  pratique,  si  on  ne  veut  pas 
considérer  comme  étant  de  première  utilité  les  plantes  apportant 
plus  de  bien-être  aux  Européens  habitant  les  Colonies,  je  citerai  : 

Le  Castilloa  elastica,  dont  deux  pieds,  existants  et  entrés  en  fruc- 
tification en  octobre;  ont  permis  d'obtenir  2o0  jeunes  plants  en 
pépinière,  dont  50  ont  été  expédiés  par  le  dernier  courrier  à  destina- 
tion du  Jardin  d'Essai  de  Brazzaville. 

Un  seul  pied  de  Palaquium  existait  quand  j'ai  pris  la  direction 
du  Jardin.  Il  ne  fructifie  pas  encore,  mais  est  assez  développé  pour 
permettre  la  multiplication  par  le  bouturage. 

Si  l'on  considère  la  difficulté  qu  il  y  a  à  recevoir  en  bon  état  les 
graines  des  autres  colonies,  on  se  rend  compte  que.  pour  multiplier 
les  variétés  utiles  dans  une  colonie  aussi  vaste  que  le  Congo  Fran- 
çais, le  meilleur  moyen  consiste  à  planter  quelques  exemplaires  et 
à  attendre  leur  fructification  pour  répandre  ensuite  les  jeunes  plants 
dans  tous  les  postes. 

Le  Jardin  d'Essai  a  donc  fait  œuvre  utile  et  continuera  son  rôle 
par  la  multiplication  de  la  collection  importante  qu'il  possède  et 
qu'il  est  permis  d'espérer  enrichir  mensuellement,  grâce  aux  Jar- 
dins d'Essais  des  autres  colonies  françaises  et  étrangères,  et  grâce  au 
Jardin  Colonial  qui  nous  fait  régulièrement  d'importants  envois. 
Lors  de  mon  retour,  j'avais  été  chargé  par  le  Directeur  de  cet  éta- 
blissement. M.  l'Inspecteur  général  de  l'Agriculture  coloniale,  d'in- 
troduire au  Congo  une  caisse  Ward  de  grande  valeur,  eu  égard  à 
l'importante  collection  qu'elle  contenait  et  notamment  aux  diffé- 
rentes variétés  de  plantes  à  gutta. 

Mais,  à  côté  de  ce  rôle  important  que  doit  remplir  un  Jardin 
d'Essai,  il  en  est  évidemment  un  autre  dont  l'utilité  pratique  nous 
apparaît  mieux  et  qui  consiste  à  faire  des  cultures  susceptibles 
d'attirer  les  capitaux  français  au  Congo  en  faisant  ressortir  les  avan- 
tages qui  peuvent  découler  des  entreprises  agricoles,  en  s'attachant 
à  servir  de  guide  à  celles  qui  viendraient  à  être  créées. 


LE    CACAO    AU    COiNGO 


299 


A  ce  point  de  vue,  le  Jardin  d'Essai  actuel  est  insuffisant.  La 
totalité  du  terrain  est  actuellement  occupée  et  sa  superficie  res- 
treinte ne  permet  d'ailleurs  pas  de  faire  de  véritables  essais  de 
nature  à  dégager  des  formules  d'application  ni  à  faire  voir  des 
résultats  probants.  Il  faut  prévoir  le  moment  où  les  plantations 
augmentant  dans  de  grandes  proportions,  amèneront  fatalement  des 
maladies  parasitaires  ou  autres  :  dès  l'apparition  de  ces  maladies, 
il  convient  que  le  service  des  cultures  soit  prêt  à  étudier  le  remède 
applicable.  En  outre,  le  Service  de  l'Agriculture  doit  être  en 
mesure  de  satisfaire  à  toutes  les  demandes  de  graines  ou  de  plants, 
et  il  est  permis  d'espérer  que  ces  demandes  suivront  une  progres- 
sion constante.  Il  faudrait  également  avoir  les  moyens  de  fournir 
gratuitement  aux  indigènes,  ou  tout  au  moins  à  des  conditions  de 
prix  exceptionnelles,  les  éléments  nécessaires  à  la  création  de 
petites  plantations  à  proximité  de  leurs  villages.  Concurremment 
au  développement  de  certaines  cultures  par  les  Européens,  il  y  a 
en  effet  tout  avantage  à  chercher  à  pousser  l'indigène  à  obtenir, 
pour  son  compte,  le  produit  brut  qu'il  pourra  ensuite  céder  aux 
entreprises  européennes  établies  dans  la  colonie.  Ces  diverses  con- 
sidérations dictent,  en  quelque  sorte,  le  programme  qu'il  convient 
de  donner  au  Service  de  l'Agriculture  de  la  colonie,  ainsi  que  les 
mesures  qui  présentent  un  caractère  de  première  urgence. 

Une  très  belle  collection  de  19  variétés  de  cacaoyers  existe  au 
Jardin.  C'est  déjà  une  grosse  question  résolue;  mais  chacune  de 
ces  variétés  ne  comprend  que  5  à  8  plants.  Ce  chiffre  est  absolu- 
ment insuffisant  pour  permettre  d'établir  des  différences  exactes  de 
production. 

Nous  devons  à  l'initiative  privée,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  de 
savoir  d'une  manière  certaine  le  bénéfice  que  l'on  peut  espérer  tirer 
d'une  plantation  de  cacaoyers  au  Gabon.  Ces  bénéfices  pourraient 
sans  doute  être  accrus  à  la  suite  d'expériences  méthodiques.  Mais 
le  colon  ne  peut  immobiliser  ses  capitaux  à  faire  des  essais  sur  plu- 
sieurs variétés,  dont  la  moitié,  les  trois  quarts  peut-être,  ne  lui  don- 
neront que  des  résultats  négatifs.  Jusqu'à  présent  les  planteurs  de 
la  colonie  n'ont  eu  recours  qu'à  la  variété  «  Cacao  de  San  Thomé  ». 
Au  début  de  toute  grande  culture,  on  commence  par  un  type 
adapté  au  pays,  puis,  petit  à  petit,  on  arrive  à  améliorer  ce  type 
par  la  sélection,  le  greffage,  on  introduit  d'autres  variétés  et  on 
cherche  à  se  rapprocher  de  la  plante  parfaite,  suivant  les  exigences 


300  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

du  sol,  du  climat,  les  conditions  spéciales,  les  moyens  dont  on  dis- 
pose pour  la  récolte,  la  préparation,  etc. 

Ces  recherches  dont  le  planteur  ne  salirait  assumer  la  charge 
constituent,  au  contraire,  le  rôle  essentiel  des  Jardins  d'Essai,  et 
c'est  par  là  que  l'utilité  à  la  fois  scientifique  et  pratique  de  ses  créa- 
tions se  manifeste  le  mieux.  Dans  cet  ordre  d'idées,  il  y  aurait  le 
plus  grand  intérêt  à  créer  sans  retard,  indépendamment  de  ce  qui 
existe  déjà,  et  dans  un  terrain  favorable,  une  pépinière,  ou  Station 
d'Essai,  consacrée  exclusivement  à  l'étude  et  au  développement  du 
cacaoyer. 

A  cet  égard,  la  région  du  Gomo,  par  la  nature  de  son  terrain,  son 
rapprochement  du  chef-lieu,  et  le  nombre  des  entreprises  agricoles 
anciennes  et  récentes,  ayant  principalement  pour  but  la  culture  du 
cacaoyer,  offre  les  meilleures  conditions  pour  le  succès  et  l'utilité 
pratique  de  la  création  projetée. 

La  chaloupe  la  Pahouine  devant  remonter  dans  le  Como  dans  le 
courant  de  ce  mois,  je  serais  heureux  de  pouvoir  profiter  de  cette 
occasion  pour  visiter  les  concessions  agricoles  et  rechercher  le  ter- 
rain nécessaire  à  l'exécution  du  projet  que  j'ai  l'honneur  de  sou- 
mettre à  votre  haute  appréciation. 

Luc. 

Libreville,  le  10  mars  1904. 
Monsieur  le  Commissaire  général, 

Vous  avez  bien  voulu  m'autoriser  à  faire  un  voyage  dans  le 
Como  pour  y  visiter  les  concessions,  l'ensemble  du  pays  et  y  choi- 
sir un  terrain.  Je  viens  donc,  Monsieur  le  Commissaire  général, 
vous  rendre  compte  du  résultat  de  ma  tournée  en  vous  faisant  part  de 
suite  de  la  bonne  impression  que  je  rapporte  de  mon  voyage  tant 
au  point  de  vue  du  pays  que  des  plantations  en  cours  et  de  l'espoir 
que  j'ai  de  voir  bientôt  toute  cette  région  occupée  par  l'agriculture. 

Avant  d'entrer  dans  le  détail  des  différentes  exploitations  en 
cours,  je  désirerais  vous  faire  part  des  idées  personnelles  qui  me 
sont  venues  en  examinant  le  pays  au  point  de  vue  tout  à  fait  spécial 
qui  nous  occupe. 

Il  est  difficile  de  faire  un  partage  rationnel  des  différents  terrains, 
car  il  est  à  remarquer  que  dans  cette  région  les  sols  sont  souvent 
fort  dissemblables  et  qu'il  arrive  de  trouver  à  proximité  les  uns  des 


LE    CACAO    AU    CONGO  301 

autres  des  terrains  composés  de  sables  plus  ou  moins  alluvion- 
naires recouvrant  des  grès  ferrugineux,  et  à  côté  ces  mêmes  grès 
recouverts  d'argile  presque  pure. 

Toutefois,  de  par  la  conformation  même  du  pays  en  passant  sur 
ce  que  ma  classification  peut  avoir  d'arbitraire  au  point  de  vue 
strictement  géologique,  je  crois  possible,  pour  bien  fixer  l'attention, 
de  diviser  cette,  région  en  trois  parties  : 

1°  La  partie  de  l'Estuaire  du  Gabon  proprement  dit  et  des  ter- 
rains où  domine  franchement  le  sable  ; 

2°  La  partie  des  cours  d'eau  se  jetant  dans  l'Estuaire  que  l'on 
pourra  appeler  les  affluents  du  Como,  et  le  Como  lui-même  dans 
toute  la  région  des  palétuviers  ; 

3°  La  région  des  plateaux  et  des  contreforts  des  Monts  de  Cristal. 

Au  point  de  vue  climatérique,  les  terrains  du  premier  groupe 
sont  placés  dans  des  conditions  fort  dissemblables  de  celle  du  troi- 
sième. Les  terrains  de  l'Estuaire  sont  soumis  aux  grands  vents,  la 
végétation  est  moins  forte,  l'humidité  moins  sensible,  la  saison  des 
pluies  régulièrement  coupée  de  journées  de  fort  soleil  permettant 
le  séchage  naturel  de  cacao.  Par  contre,  le  terrain  de  par  son  sous- 
sol  est  plus  difficile  à  mettre  en  valeur  et  détermine  des  pertes  et 
une  moins  longue  durée  de  production  pour  la  plante. 

Les  terrains  du  second  groupe  sont,  en  général,  argilo-silicieux  ; 
on  les  rencontre  en  remontant  les  criques,  et  presque  toujours  cachés 
par  la  bordure  des  palétuviers  qui  reposent  sur  des  couches  vaseuses 
tendant  à  se  solidifier  et  soumises  à  l'influence  des  marées. 

Ces  terrains,  collines  ou  plateaux  peu  élevés,  sont  assez  sem- 
blables, quoique  en  certains  endroits  recouverts  d'alluvions,  et  l'on 
peut  dire  qu'ils  ne  diffèrent  que  par  la  quantité  plus  ou  moins  grande 
de  sable  qu'ils  contiennent. 

En  quelque  endroit  où  j'aie  eu  occasion  de  faire  des  sondages,  j'ai 
toujours  remarqué  l'apparence  granuleuse  de  l'argile,  sa  friabilité 
et  perméabilité,  ce  qui  ne  peut  être  qu'un  avantage  pour  la  culture 
d'une  plante  a  racine  pivotante  telle  que  le  cacaoyer. 

Le  troisième  groupe,  qui  comprendrait  tout  au  moins,  pour  la 
rivière  Como,  la  région  comprise  entre  Pula-Bifun  et  les  Monts  de 
Cristal,  est  mieux  marqué  au  point  de  vue  du  sol  et  paraît  être 
destiné,  à  mon  avis,  si  la  culture  du  cacao  prenait  de  grandes  pro- 
portions au  Gabon,  à  devenir  un  centre  important  d'exploitation 
agricole,  de  par  la  quantité  de  terrains  cultivables,  la  nature  du  sol 
et  les  conditions  climatériques. 


302  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Toutefois,  je  pense,  dès  à  présent,  qu'il  sera  difficile  sans 
moyens  artificiels  d'y  obtenir  un  bon  séchage  du  cacao  sur  place. 

Mais,  dans  toute  vaste  contrée  agricole  où  l'on  exploite  spéciale- 
ment une  plante,  le  sol  et  le  climat  influent  de  telle  sorte  que  chaque 
planteur,  suivant  la  partie  occupée,  rencontre  des  avantages  et  des 
inconvénients  qui  n'affectent  pas  le  voisin,  réciproquement. 

Cette  classification  un  peu  arbitraire  des  terrains  du  Como  n'était 
pas  inutile,  à  mon  sens,  pour  faire  voir  tout  l'intérêt  qu'avait  pu  pré- 
senter pour  nous  une  tournée  dans  ce  pays,  en  tenant  compte  de 
la  présence  de  plantations  et  de  pieds  isolés  de  cacaoyers  dans  les 
différents  groupes  que  nous  avons  vus  si  dissemblables  sous  le  rap- 
port climat  et  sol. 

Plantation  d'Ayèmè.  —  La  plantation  d'Ayèmè  fait  partie  d'une 
concession  de  10.000  hectares  appartenant  à  la  Société  du  Haut 
Como. 

La  plantation  s'étend  en  bordure  du  Como  sur  27  à  28  hectares 
débroussés  et  comprend  actuellement  13  à  14.000  pieds  en  place. 

Le  début  de  la  plantation  date  de  1900.  En  1904-1905,  2.000 
plants  commenceront  à  donner  un  léger  rapport,  et  M.  Guillain, 
directeur  de  la  plantation,  compte,  pour  1907,  7  à  8,000  pieds  de 
plus  au  minimum. 

La  plantation  est  faite  sans  abris  artificiels  (bananier),  après  net- 
toyage complet  du  terrain  primitivement  boisé. 

Plantation  de  la  Borné.  —  Concession  de  600  hectares,  située 
sur  la  rive  gauche  de  la  Bokné,  accordée  tout  récemment  (décembre 
1903)  à  M.  Paul  Stéphane. 

La  future  plantation  est  indiquée  par  des  chemins  de  reconnais- 
sance du  terrain,  quelques  pépinières  en  bonne  voie  et  3  ou  4  hec- 
tares débroussés,  ou  plutôt  déboisés. 

Plantation  de  Ningué-Ninglé.  —  La  plantation  de  l'île  de  Ningué- 
Ningué,  au  confluent  du  Como  et  de  la  Bokné,  fait  partie  d'une 
concession  de  500  hectares,  accordée  à  M.  Brandon. 

Commencée  en  1901,  elle  compte  actuellement  de  12  à  13.000 
pieds. 

Le  chef  d'exploitation,  M.  Dagot,  a  planté  plusieurs  variétés 
choisies  parmi  les  meilleures  sortes  de  la  collection  du  Jardin  d'Essai 
(Trinidad-Criollo-Caracas) . 


LE    CACAO    AU    CONGO  303 

Le  porte-ombre  est  le  bananier  ;  dans  une  partie,  on  a  conservé 
entre  chaque  ligne  de  cacaoyers  une  ligne  de  jeunes  arbustes. 

Plantation  de  Mafu.  —  Cette  plantation  fait  partie  d'une  con- 
cession de  10.000  hectares,  accordée  à  la  Compagnie  du  Gabon  et 
rachetée  ensuite  par  la  Société  du  Haut  Como. 

Les  travaux  de  débroussement  ont  commencé  en  1801  et  les  pre- 
mières pépinières  en  juillet  de  la  même  année.  Le  terrain  est 
accidenté  et  s'étend  en  bordure  du  Como  sur  une  superficie  de 
26  hectares  débroussés,  avec  13.000  pieds  plantés.  M.  Knauss, 
directeur  de  la  plantation,  pense  que  4.000  pieds  commenceront  à 
rapporter  quelques  cabosses  en  1905. 

La  plantation  est  faite  sans  abris  artificiels  ;  les  arbres  sont  à 
4  mètres  et  proviennent  presque  tous  de  semis  direct. 

Plantation  de  Donguila.  —  Appartient  à  la  Mission  Catholique 
de  Donguila.  Elle  est  située  sur  la  rive  droite  de  l'Estuaire,  à  l'en- 
trée du  Como.  Une  partie  déjà  assez  anciennement  plantée  est  en 
rapport,  et  les  Pères  utilisent  ce  premier  produit  pour  préparer  un 
chocolat  sur  place.  L'autre  partie  est  récente  et  l'ensemble  repré- 
sente environ  6.000  pieds  de  plants. 

Plantation  E.  Picard,  veuve  Bettencourt.  —  Cette  concession 
de  500  hectares,  accordée  en  septembre  1903,  se  trouve  sur  la  rive 
gauche  de  la  Rogolié,  dans  la  crique  Messam.  Quelques  chemins 
de  pénétration,  des  pépinières  de  belle  venue  sont  les  premiers 
travaux  exécutés  jusqu'à  présent. 

Plantation  Rogolié.  —  Située  sur  la  rive  droite  de  la  Rogolié, 
dans  la  crique  Imienguè,  cette  concession  de  600  hectares  a  été 
accordée  à  MM.   Blot    et  Vecten  en  décembre  1902. 

Actuellement,  15  hectares  sont  débroussés  et  déjà  7.500  pieds 
plantés  depuis  décembre  1903. 

Plantation  E.  Lucas.  —  Concession  de  400  hectares,  sur  la  rive 
gauche  de  la  Rogolié,  non  encore  mise  en  exploitation. 

Plantatio.n  Armor.  —  C'est  la  plus  ancienne  plantation  de  cacao 
du  Gabon.  Commencée  en  1892  par  son  propriétaire  M.  Jan- 
selme,  elle  couvre  une  superficie  de  40  hectares,  c'est-à-dire  la 
surface  entière  de  l'Ile  aux    Perroquets.     25.000    cacaoyers   de  la 


304  ÉTUDES    ET   MÉMOIRES 

variété  San-Thomé  y  ont  été  plantés  depuis  1892,  et  en  1898  une 
partie  commençait  à  rapporter. 

Sur  ces  25.000  pieds  la  moitié  seulement  donne  véritablement  un 
bon  rapport. 

Le  directeur,  M.  Blot,  a  bien  voulu  me  fournir  le  tableau  sui- 
vant indiquant  les  quantités  exportées  par  la  plantation  Armor 
depuis  1898  : 

En  1898       3  tonnes. 

1899  6   — 

1900  10  — 

1901  16  — 

1902  24 

1903  28  — 

Ceci  représente  une  progression  croissante  fort  intéressante  qui  ira 
en  augmentant  encore  pendant  plusieurs  années. 

Le  produit  très  bien  préparé  est  estimé  sur  le  marché  et  payé 
en  moyenne  à  raison  de  225  francs  les  100  kilos. 

L'installation  actuelle  et  le  chiffre  d'affaires  sont  un  bel  exemple 
qui  ne  pourra,  je  l'espère,  qu'encourager  les  planteurs  à  venir,  et 
l'on  ne  saurait  trop  recommander  aux  futurs  colons  de  visiter  cet 
établissement  de  premier  ordre. 

Plantation  de  la  pointe  Gombè.  —  Concession  de  800  hectares, 
accordée  à  MM.    Kérangal  et  Janselme. 

La  plantation  a  été  commencée  en  1903  et  compte  actuellement 
5.000  pieds  mis  en  place. 

Plantation  de  Mina.  —  La  plantation  de  la  pointe  Mina,  située 
sur  la  rive  gauche  de  l'Estuaire  du  Gabon,  appartient  à  MM.  de 
Balincourt  et  Paul  Sajoux,  et  comprend  1 1.000  pieds  de  cacaoyers. 
2.500  plantés  en  1898  sont  en  rapport  depuis  1903.  La  variété  culti- 
vée est  le  San-Thomé.  En  1903,  il  a  été  exporté  1.500  kilos  de  cacao 
coté  2  fr.  à  Bordeaux. 

Plantation  de  Chinchua.  —  Cette  plantation  se  trouve  sur  la  rive 
gauche  de  la  rivière  Rambouè  a  Chinchua.  Les  premiers  plants  ont 
été  plantés  en  1899,  et  la  plantation  totale  actuelle  est  d'environ 
15.000  pieds. 

Plantation  di:  Shuugne.  —  Woermann  et  Ci(',  Sibauge-Farm,  — > 


LE    CACAO    AU    CONGO 


305 


Cette  très  ancienne  concession,  qui  date  de  1880,  se  trouve  environ 
à  12  kilomètres  de  Libreville. 

Elle  était  primitivement  destinée  à  la  culture  du  café  qui  n'a  pas 
donné  ce  que  l'on  en  attendait. 

En  1898,  M.  Gebauer,  le  directeur  au  Congo  de  la  Société  Woer- 
mann  et  C°,  songea  au  cacaoyer  qui  lui  parut  appelé  à  de  meilleurs 
résultats. 

Actuellement,  la  concession,  qui  a  2.757  hectares  de  superficie,  est 
cultivée  en  cacaoyers  sur  61  hectares  et  comprend  plus  de  20.000 
pieds  plantés. 

1.500  environ,  mis  en  place  en  1899,  commencent  à  rapporter  et 
ont  permis  de  faire  un  premier  envoi  de  300  kilos.  Ces  cacaos,  ni 
lavés  ni  triés,  ont  été  cotés  48  pfennigs  sur  place  de  Hambourg. 

La  plantation,  qui  a  progressé  très  rapidement  depuis  1900,  date 
à  laquelle  j'avais  eu  occasion  d'en  faire  la  visite,  est  faite  sous 
ombrage  naturel  provenant  d'arbres  conservés  au  cours  des  opéra- 
tions dé  défrichement. 

En  terminant  rémunération  des  plantations  prises  dans  l'ordre 
que  j'ai  suivi  pour  les  visiter,  je  ferai  remarquer  que,  pour  le  Como 
et  la  région  de  Libreville,  la  presque  totalité  des  plantations  n'a 
pas  encore  fourni  de  produits  et  qu'il  est  permis  de  supposer  pour 
toutes  les  années  qui  vont  suivre  une  augmentation  régulière  du 
chiffre  d'exportation. 

C'est  ce  qui  a  eu  lieu  du  reste  depuis  1897,  comme  le  prouve  le 
tableau  suivant  : 


CACAO    EN    FEVES. 


QUANTITÉS    EXPORTÉES 


1S97 

1K9N 

1899 

1900 

1901 

1902 

8  tonnes 

16  l. 

23  t. 

14  t1. 

-17  t. 

58  t. 

TERRAIN    CHOISI    POUR    LA    STATION    d'eSSAI    PROJETÉE 

Pour  le  choix  de  ce  terrain  j'ai  cherché,  autant  que  possible,  à 
ne  pas  trop  m'éloigner  de  Libreville,  et  ce  n'est  qu'à  partir  de 
Mafou  que  j'ai  examiné  rapidement  les  terrains  où  serait  possible 
l'installation  d'une  Station  de  culture. 


1.  Diminution  accidentelle. 
Bulletin  du  Jardin  colonial. 


20 


306  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

J'annexe  à  mon  rapport  une  carte  indiquant  la  position  des  diffé- 
rents terrains  qui  pourraient  être  choisis  : 

i°En  partant  de  Mafou  un  plateau  peu  élevé  désigné  sur  la  carte 
par  le  n°  (1)  situé  en  face  la  pointe  de  File  Ningué  Uaté  sur  la 
rive  gauche  du  Como. 

Terrain  boisé,  distant  de  <v50  à  100  mètres  de  la  rive  avec  quelques 
points  abordables,  malgré  les  palétuviers,  et,  comme  point  plus 
élevé,  40  mètres  environ  au-dessus  du  Como. 

Cet  emplacement  doit  se  trouver  dans  les  réserves  indigènes. 

N°  (2).  Plateau  paraissant  dans  les  mêmes  conditions  que  le  ter- 
rain n°  (1),  sauf  en  ce  qui  concerne  la  présence  de  villages  et  les 
réserves  indigènes. 

Il  se  trouve  placé  en  face  de  l'Ile  Ningué  Buendé  et  en  aval  sur  la 
rive  gauche,  mais  son  abord  est  difficile. 

N°  (3).  Plateaux  des  villages  d'Alum  etLenvé,  bien  placés,  abor- 
dables, à  terrain  argilo-silicieux  et  superficie  plus  que  suffisante. 

N°  (4).  Pointe  delà  rivière  Assango,  à  une  journée  de  Libreville. 
La  surface  paraît  un  peu  exiguë  et  le  sous-sol  rocheux  par  places, 
mais  l'abord  de  ce  terrain  est  très  facile  et  il  se  trouve  sur  la  route 
des  embarcations  qui  montent  dans  le  Como. 

N°  (S).  A  la  pointe  rive  gauche  de  la  rivière  Ramboué.  La  posi- 
tion est  excellente  comme  distance  de  Libreville  et  se  trouve  égale- 
ment sur  la  route  des  vapeurs  et  embarcations,  mais  le  plateau, 
rocheux  à  la  base,  est  difficilement  abordable,  car  il  y  a  une  demi- 
heure  de  chemin  à  faire  dans  la  vase  et  les  palétuviers  pour  aborder 
le  terrain  solide  à  marée  basse. 

N°  (6).  Plateau  boisé,  à  terrain  argilo-silicieux,  homogène,  sans 
pierre,  étendu,  très  abordable  par  la  rivière  Rogoliè  et  la  première 
crique  de  la  rive  droite. 

A  l'inconvénient  d'être  à  trois  heures  d'embarcation  de  la  ligne 
des  vapeurs,  mais  se  trouve  à  une  petite  journée  de  Libreville. 

Ayant  indiqué  ces  divers  points  réunissant  à  peu  près  les  condi- 
tions cherchées,  il  ne  me  restera  plus,  Monsieur  le  Commissaire 
général,  si  vous  approuvez  définitivement  la  création  du  poste 
d'Essai  projeté,  qu'à  faire  un  choix,  après  un  examen  plus  appro- 
fondi, parmi  les  terrains  dont  je  viens  de  vous  parler. 

M.  Luc. 


PRODUCTION     DU     COTON     AUX     INDES 
Rapport    du     Consulat    général    de    France    à    Calcutta. 

Les  informations  réunies  par  le  Gouvernement  concernant  la 
récolte  probable  du  coton  dans  les  diverses  parties  des  Indes  où  ce 
produit  est  cultivé  ne  sont  pas  encore  complètes,  mais  elles  sont 
cependant  déjà  suffisantes  pour  se  rendre  compte  très  approxima- 
tivement du  résultat  final. 

La  superficie  des  terrains  plantés  en  coton  est  un  peu  supérieure 
à  celle  de  l'année  dernière,  savoir  : 

Surface  des  cultures  du  coton  en  1903-04.  .  16.456.222  acres. 

Surface  —     en  1902-03..  16.184.659 

Moyenne  des  5   dernières   années  pour  la 

culture  du  coton 13.188.354     — 

La  différence  très  sensible  que  Ton  constate  (plus  de  2  millions 
d'acres)  entre  l'étendue  des  terrains  employés  pour  la  culture  du 
coton  pendant  les  deux  dernières  années  1902-1903  et  1903-1904 
et  l'étendue  moyenne  pendant  les  cinq  années  précédentes  ne  pro- 
vient pas,  ainsi  qu'on  pourrait  le  présumer,  d'une  extension  récente 
donnée  à  cette  culture  en  prévision  de  la  crise  qui  sévit  actuelle- 
ment sur  l'industrie  cotonnière.  Il  faut  se  rappeler  que  pendant 
l'année  de  grande  famine  et  de  sécheresse  1899-1900,  la  plupart  des 
champs  ont  été  abandonnés,  et  pendant  les  années  qui  ont  suivi 
immédiatement,  beaucoup  de  terrains  n'ont  pu  être  cultivés  faute 
de  semences  ;  en  outre,  il  y  avait  surtout  nécessité  de  produire  des 
graines  comestibles.  La  culture  du  coton  a  donc  été  en  partie  aban- 
donnée sur  certains  points.  Ce  sont  ces  circonstances  exception- 
nelles qui  ont  diminué  anormalement  la  moyenne  des  cinq  dernières 
années  pour  la  culture  du  coton. 

Au  début  de  la  saison  actuelle,  les  prévisions  pour  la  récolte 
finale  étaient  très  favorables,  malheureusement  les  conditions  cli- 
matériques  n'ont  pas  continué  à  être  propices,  les  pluies  ont  été  mal 
distribuées,  trop  tardives  au  commencement  de  la  moisson  et  trop 


308  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

abondantes  à  l'époque  de  la  maturité,  et  en  fin  de  saison,  au  mois 
d'octobre,  de  violents  orages,  qui  ont  éclaté  dans  quelques  régions, 
ont  encore  augmenté  les  dégâts. 

Il  résulte  de  ces  circonstances  fâcheuses  que  bien  que  la  surface 
cultivée  en  coton  dépasse  de  271.563  acres  celle  de  l'année  der- 
nière, le  rendement  général  de  la  présente  récolte  est,  dès  à  présent, 
apprécié  comme  devant  être  inférieur  à  celui  de  la  précédente, 
savoir  : 

Balles  de  400  livres. 
Rendement  en  1902-03,  moins  les  régions  de 

Madras  et  d'Hyderabad 1  .  049 .  893 

Rendement  prévu    pour  1903-04,   moins  les 

régions  de  Madras  et  d'Hyderabad 1 .527.289 


En  moins  122.604    b. 

Cette  diiférence  ne  pourra  que  s'augmenter  lorsqu'on  connaîtra 
les  derniers  résultats,  car  les  récoltes,  dans  les  deux  régions  de 
Madras  et  d'Hyderabad,  sont  appréciées  comme  devant  être  infé- 
rieures à  la  moyenne,  surtoutle  territoire  d'Hyderabad,  qui  comprend 
une  superficie  de  près  de  2  millions  et  demi  d'acres  en  coton,  qui  ne 
produira  environ  que  63  °/0  d'une  récolte  normales.  Les  pluies  inces- 
santes ont  causé  des  pertes  considérables  dans  toute   cette  région. 

Les  exportations  de  coton  brut  se  sont  élevées  : 

Pour  l'année  1898-1899  111. 885 .  385  roupies. 

—  1899-1900        99.250.646       — 

—  1900-1901  101.274.007       — 
1901-1902  144.260.933 
1902-1903  147.571.981       — 

et  pour  les  six  premiers  mois  de  l'exercice  financier  1903-1904,  du 
i«  avril  au  30  septembre  1903,  101.889.476. 

Le  change  de  la  roupie  est  1  fr.  66. 

Le  coton  indien  n'est  pas  très  recherché  par  les  industriels  euro- 
péens, qui  emploient  surtoutle  coton  américain  et  égyptien,  dont  la 
libre  est  plus  longue.  Je  relève,  en  effet,  dans  une  communication 
faite  par  M.  Leverdier,  membre  de  la  Chambre  de  Commerce  de 
Rouen,   au  Congrès  de  géographie,  que,  dans  le  courant  de  l'année 


PRODUCTION    DU    COTON    AUX    INDUS  309 

dernière,  l'industrie  française  a  employé  203  millions  de  kilogrammes 
de  coton,  dont  les  provenances  sont  réparties  ainsi  : 

Coton  d'Amérique.      165  millions. 
d'Egypte...        23       — 
—       des  Indes. .  .        17 

Ceci  explique  pourquoi  le  marché  du  coton  aux  Indes  n'a  pas  été 
sensiblement  affecté  par  les  spéculations  ardentes  qui  se  sont  pro- 
duites dernièrement  en  Amérique. 

Pendant  les  six  premiers  mois  de  l'exercice  courant,  du  1er  avril 
au  30  septembre,  les  exportations  ont  été  réparties  ainsi  : 

Quantité.  Valeur  en  roupies. 

Quintaux.  Roupies. 

Grande-Bretagne  et  Irlande .  303 .  969  8 .  506 .  064 

Autriche-Hongrie 261 .  652  7 .  089 .  575 

Belgique 47a .  647  12 .  663 .  469 

France 209.785  5.984.458 

Allemagne 791.359  21.282.723 

Italie 478.953  12.554.113 

Espagne.. 130.564  3.723.467 

Chine 74.039  1.839.645 

Japon 871.302  25.101.953 

Divers 112.341  3.114.009 

3.709.666         101.859.476 

La  crise  industrielle  qui  sévit  au  Japon  a  sensiblement  diminué, 
depuis  deux  ans,  les  exportations  de  coton  vers  ce  pays  qui  est 
cependant  resté  le  plus  fort  acheteur  de  ce  produit  aux  Indes. 

Le  danger  qui  menace  l'industrie  cotonnière  en  Europe  et  qui  est 
sensible,  surtout  en  Angleterre,  provient  de  ce  que  la  culture  du 
coton  dans  les  pays  de  production  ne  s'est  pas  développée  dans  la 
même  proportion  que  les  industries  de  filature  et  de  tissage  ;  il  s'en- 
suit que  ces  industries  sont,  en  partie,  réduites  au  chômage,  ne 
pouvant  plus  facilement  se  procurer  la  matière  première  pour  al- 
menter  leurs  machines. 

On  craint,  avec  raison,  que  l'industrie  cotonnière  qui  s'est  déve- 
loppée en  Amérique  ne  veuille  conserver  pour  elle,  au  détriment  des 
industriels  européens,  une  grande  partie  des  récoltes  des  États-Unis. 
Les  spéculations  purement  financières  augmentent  accidentellement 
l'acuité  de  la  crise  :  ces  spéculations  peuvent  s'apaiser,  mais  la  cause 


310  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

normale  de  cette  crise,  le  manque  d'équilibre  entre  la  production 
agricole  et  la  demande  pour  l'emploi  industriel  subsistera  au  détriment 
de  l'Europe. 

On  s'est  préoccupé  de  cette  situation  en  Angleterre,  et  il  s'est 
formé  une  société  qui  se  propose  de  développer  la  culture  du  coton 
dans  tous  les  pays  placés  sous  la  dénomination  britannique,  afin  que 
l'industrie  nationale  ne  soit  plus  aussi  complètement  tributaire  de 
l'étranger. 

Actuellement,  les  exportations  du  coton  des  Indes  en  Angleterre 
n'atteignent  pas,  dans  les  meilleures  années.  33.000  tonnes,  ce  qui 
est  un  appoint  insignifiant  pour  la  consommation  industrielle  du 
pays  et,  de  plus,  la  qualité  ne  répond  pas  exactement  aux  exigences 
de  cette  industrie. 

La  situation  est  la  même  pour  les  industriels  français  qui  ne 
retirent  pas  des  Indes  20 .  000  tonnes  de  coton  dans  les  meilleures 
années.  Il  est  donc  intéressant  pour  eux  de  savoir  si  la  production 
des  Indes  peut  être  sensiblement  augmentée  et  la  qualité  améliorée. 

Chaque  année,  en  Asie  aussi  bien  qu'en  Afrique,  des  régions  jus- 
qu'alors fermées  sont  mises  en  contact  avec  la  civilisation  ;  ce  sont, 
selon  le  terme  consacré,  des  débouchés  nouveaux.  On  peut  donc 
considérer  que  la  clientèle  d'achat  des  produits  manufacturés  du 
coton  continue  à  augmenter  proportionnellement  au  développement 
de  l'industrie  ;  la  difficulté  ne  provient  donc  bien  que  de  l'insuffi- 
sance de  la  matière  première  et  la  solution  est  uniquement  dans  le 
développement  et  le  perfectionnement  de  la  culture. 

La  culture  du  coton  aux  Indes  n'a  pas  fait  de  très  grands  progrès 
au  point  de  vue  expérimental  ;  le  service  de  l'agriculture  reconnaît 
que  sa  connaissance  de  la  valeur  relative  des  variétés  de  semences 
indigènes  n'est  pas  encore  complète.  On  a  fait  quelques  expériences 
pour  acclimater  aux  Indes  les  graines  étrangères,  mais  ces  expé- 
riences n'ont  pas  donné  des  résultats  satisfaisants;  certaines  semences 
étrangères  n'ont  rien  produit,  et  sous  les  diverses  influences  de  cli- 
mat, de  qualité  des  terres,  etc.,  etc.,  les  cultures  de  ce  genre  qui 
avaient  réussi  ont  perdu  peu  à  peu  leurs  qualités  particulières  pour 
reprendre  les  caractères  de  la  variété  locale.  C'est  dans  le  sens  con- 
traire que  le  même  phénomène  s'est  produit  chez  nous  avec  les 
plants  de  vignes  américaines  qui.  en  s'améliorant,  ont  donné  pro- 
gressivement, dans  bien  des  cas,  des  produits  ayant  les  mêmes  qua- 
lités de  terroir  que  les  vignes  françaises  perdues  par  le  phylloxéra. 


PRODUCTION    DU    COTON    AUX    INDES  311 

Ces  expériences  d'acclimatation  des  cotons  étrangers  n'ont  peut- 
être  pas  été  poursuivies  assez  longtemps  et  avec  assez  de  soin  pour 
être  conclusives  ;  elles  sont  cependant  abandonnées,  et  les  personnes 
les  plus  autorisées  préconisent,  de  préférence,  la  sélection  des 
semences  indigènes  et  leur  amélioration  par  des  soins  de  culture, 
plutôt  que  de  nouveaux  essais  d'acclimatation  de  semences  étran- 
gères. 

La  culture  du  coton  est  uniquement  entre  les  mains  des  indigènes, 
qui  suivent  une  routine  inintelligente  ;  ils  vendent  leur  récolte 
directement  à  des  acheteurs  indigènes,  qui  suivent  également  des 
coutumes  peu  favorables  à  l'amélioration  du  produit.  En  effet,  après 
la  récolte,  les  paysans  chargent  le  coton  sur  des  charrettes  et  se 
rendent  à  un  centre  de  marché  souvent  très  éloigné  de  chez  eux,  où 
se  réunissent  également  les  acheteurs,  qui  établissent,  chaque  jour, 
un  prix  d'achat  unique  pour  toutes  les  marchandises,  sans  tenir 
compte  de  la  qualité.  Le  producteur  qui  n'a  aucun  moyen  de  vendre 
autrement  sa  récolte  n'a  donc  aucun  intérêt  à  en  améliorer  la  qua- 
lité, même  s'il  en  avait  l'envie  et  le  moyen.  Il  est,  le  plus  souvent, 
endetté  envers  l'acheteur  qui  lui  a  fait  des  avances  et  qui  lui  four- 
nit, pour  la  prochaine  récolte,  des  semences  qu'il  se  procure  au 
meilleur  marché  possible,  sans  considération  de  la  qualité. 

Pour  remédiera  ces  inconvénients  qui  sont  généralement  reconnus, 
on  propose  d'établir  des  fermes  modèles  d'expérimentations,  où  les 
cultivateurs  pourraient  s'approvisionner  de  semences  choisies  et  de 
la  variété  la  mieux  ajapropriée  à  la  région  où  elle  doit  être  semée  ; 
ces  mesures  ne  peuvent  être  prises  sans  l'aide  du  gouvernement.  Il 
faudra  faire  des  essais  successifs,  amener  les  cultivateurs  à  soigner 
leurs  récoltes,  et  il  faudra  surtout  modifier  les  coutumes  d'achat  de 
façon  à  ce  que  le  producteur  trouve  un  réel  avantage  à  chercher  à 
améliorer  le  coton.  Toutes  ces  modifications  ne  peuvent  se  faire  que 
très  lentement. 

Même  dans  les  conditions  imparfaites  où  la  culture  du  coton  est 
faite,  elle  est  plus  productive  que  les  autres  pour  les  indigènes,  de 
sorte  que,  dans  toutes  les  régions  où  cette  plante  peut  venir,  les  ter- 
rains propices  sont  déjà  employés.  Les  travaux  d'irrigation  et  la 
nécessité  pourront  amener  à  développer  la  production;  mais  dans  ce 
sens  également,  les  progrès  seront  lents. 

On  a  retrouvé  récemment  quelques  spécimens  de  l'arbre  cotonnier 
qui  produirait  la  matière  première  pour  la  fabrication  des  fameuses 


312  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

mousselines  de  Dacca,  et  qui  a  presque  disparu  du  Bengale,  à  la 
suite,  dit-on,  de  fortes  inondations  qui  ont  imprégné  d'eau  salée 
toutes  les  terres  du  Delta  du  Gange.  On  se  propose  d'acclimater  cet 
arbre  dans  d'autres  régions,  et  de  le  cultiver  pratiquement.  11  atteint 
une  hauteur  de  4  mètres  environ,  et  produit  deux  récoltes  par  an; 
pendant  une  période  de  dix  ans,  il  donne  une  fibre  longue,  soyeuse 
et  résistante,  qui  peut  rivaliser  avec  les  meilleurs  cotons  du  monde. 
Une  importante  maison  de  Calcutta  a  commencé  des  essais  de  plan- 
tations de  cet  arbre  dans  les  Provinces  centrales. 

L'industrie  cotonnière  aux  Indes,  pour  le  filage  et  le  tissage,  se 
développe  régulièrement  ;  jusqu'en  1850,  on  ne  connaissait  que  le 
filage  et  le  tissage  à  la  main.  La  première  fabrique  a  été  inaugurée 
à  cette  époque,  et  en  1878  on  comptait  déjà  50  fabriques,  représen- 
tant 12.983  métiers  et  1.436.667  broches;  depuis,  la  progression 
est  restée  constante,  se  continuant  même  pendant  ces  dernières 
années,  en  dépit  de  circonstances  défavorables. 

Il  y  avait,  en  1900,  187  fabriques,  représentant  38.520  métiers  et 
4.737.874  broches;  en  1901,  191  fabriques,  représentant  40.542 
métiers  et  4.942.290  broches;  en  1902,  194  fabriques,  représen- 
tant 41  .815  métiers  et  4.992.249  broches  ;  en  1903,  201  fabriques, 
représentant  43.676  métiers  et  5.164.360  broches. 

Sur  les  201  fabriques  existant  en  1903,  113  sont  exclusivement 
des  filatures,  4  ne  font  exclusivement  que  le  tissage, 84  font  concur- 
remment le  filage  et  le  tissage. 

Le  capital  englobé  dans  cette  industrie  est  apprécié  à  environ  12 
millions  de  livres  sterling,  soit  300  millions  de  francs. 

La  Présidence  de  Bombay  possède  à  elle  seule  environ  70  °/0  des 
fabriques  et  des  métiers,  dont  le  plus  grand  nombre  s'élève  dans  les 
environs  immédiats  de  la  ville. 

La  production  des  filés,  qui  représentait  en  poids,  en  1898, 
436.659.000  livres  anglaises,  s'est  élevée,  en  1903,  à  558.812.000 
livres.  La  qualité  s'améliore  en  même  temps  que  la  quantité  s'élève, 
surtout  dans  la  région  de  Bombay,  où  l'on  importe  des  cotons 
égyptiens  de  qualité  supérieure  pour  les  mélanger  au  coton  indien. 
La  production  des  tissus  est  aussi  en  progression  et  s'est  élevée 
de  98.658.000  livres  en  1898,  à  117.364.000  livres  en  1903. 

Il  y  a  donc  aussi  aux  Indes  une  industrie  cotonnière  qui  se  déve- 
loppe également,  proportionnellement,  beaucoup  plus  rapidement 
que  la   production  de  la  matière  première.  Cette  industrie,  malgré 


PRODUCTION    DU    COTON    AUX    INDES  313 

son  accroissement  progressif,  n'est  pas  dans  un  état  prospère.  Son 
principal  débouché,  surtout  pour  les  filés  de  coton,  est  le  marché 
chinois,  et  ce  marché  lui  a  été  disputé,  il  y  a  quelques  années,  par 
l'apparition  subite  des  produits  des  nouvelles  filatures  du  Japon,  et 
cette  concurrence  s'est  produite  d'une  façon  d'autant  plus  gênante 
que  les  industriels  indiens  se  trouvaient  dans  une  situation  défavo- 
rable, par  suite  de  la  hausse  progressive  de  la  roupie. 

En  effet,  le  cours  du  filé,  sur  le  marché  chinois,  reste  toujours 
fixé  en  livres  sterling-;  autrefois,  quand  la  roupie  était  au  change  de 
1  shelling,  l'exportateur  indien,  pour  une  vente  de  filé  valant  1 
livre  sterling  sur  le  marché,  recevait  la  valeur  de  25  roupies,  tandis 
qu'il  ne  reçoit  plus,  au  cours  actuel  de  1  sh.  4  d.,  que  16  roupies 
pour  la  même  vente.  La  hausse  du  change  a  donc  occasionné  une 
perte  considérable  aux  exportateurs  de  Bombay. 

La  peste,  faisant  fuir  les  travailleurs,  a  haussé  le  prix  de  la  main- 
d'œuvre,  la  famine  ensuite,  et  la  sécheresse,  en  diminuant  les  rende- 
ments des  récoltes,  a  fait  élever  le  prix  de  vente.  De  sorte  que,  bien 
avant  le  Lancashire,  l'industrie  cotonnière  des  Indes  a  connu  les 
crises  aiguës  et  les  chômages  forcés.  Ces  usines,  cependant,  se 
relèvent  péniblement,  quoique  plusieurs  aient  encore  chômé  pendant 
toute  l'année  1903;  celles  qui  travaillent  produisent  peu  de  béné- 
fices, mais  couvrent  cependant  les  frais  généraux.  Malgré  une  série 
de  circonstances  désastreuses  et  vraiment  exceptionnelles,  la  ruine 
a  été  évitée;  la  situation  se  relève  peu  à  peu  et  peut  redevenir  pros- 
père. 

Mais  le  retour  à  la  prospérité  ne  sera  pas  avantageux  pour  les 
filatures  et  les  tissages  européens,  car  même  si  la  production  du 
coton  indien  augmente  comme  quantité  et  s'améliore  comme  qua- 
lité, il  est  certain  que  les  industriels  des  Indes  voudront,  comme  le 
tendent  les  Américains,  garder  pour  eux  la  matière  première,  afin 
d'alimenter  leurs  métiers. 

En  résumé,  malgré  tous  les  efforts  que  l'on  est  disposé  à  tenter 
pour  améliorer  la  qualité  et  augmenter  la  quantité,  ce  n'est  pas 
avant  longtemps  que  l'on  pourra  obtenir  des  résultats  pratiques,  et 
même  si  l'on  réussit  dans  ces  essais  il  y  a  des  chances  que  ce  soit 
surtout  au  profit  des  industries  locales.  L'Europe  ne  peut  donc  comp- 
ter, ni  actuellement  ni  dans  l'avenir,  que  le  coton  des  Indes  sera 
d'un  grand  secours  pour  alimenter  son  industrie  cotonnière. 

Calcutta,  le  28  décembre  1903. 


Cheval  (Ferme-école  d'Yaoué). 


1 


Bœufs  de  travail  (Race  australienne). 


L'ÉLEVAGE     A     LA     NOUVELLE-CALÉDONIE 

(Suite.) 

CHAPITRE     X 
Avenir  de  l'élevage  calédonien. 

1°    CONSOMMATION 

A)  Etat  actuel.  La  consommation  totale  calédonienne  est  assez 
difficile  à  déterminer  d'une  manière  précise. 

Cependant  le  graphique  suivant  en  donnera  une  idée  suffisam- 
ment exacte.  Il  ne  comprend  bien  entendu  que  la  totalité  de  bétail 
calédonien  abattu  dans  la  colonie.  Le  bétail  de  provenance  austra- 
lienne n'y  est  pas  indiqué  parce  que,  comme  nous  le  verrons  plus 
loin,  son  importation  avait  été  momentanément  interdite  à  cause  de 
l'épidémie  de  fièvre  du  Texas  qui  règne  dans  cette  colonie  anglaise. 

Nous  laisserons  de  côté  l'abatage  à  l'Usine  de  Gomen  Ouaco 
pour  ne  nous  occuper  que  de  l'abatage  pour  la  consommation 
directe. 

Les  consommateurs  sont  actuellement  de  quatre  sortes  : 

1°  Population  libre  de  Nouméa  ; 

2°  Population  libre  de  l'intérieur; 

3°  Services  administratifs  et  administration  pénitentiaire  ; 

4°  Main-d'œuvre  minière. 

Voici  d'abord,  d'après  les  documents  officiels  les  plus  récents, 
l'état  de  la  population  européenne  libre  de  Nouméa  et  de  la  colonie 
entière  : 

Ce  tableau  peut  se  résumer  comme  suit  : 

Population  libre  de  Nouméa 4649 

Population  libre  de  l'intérieur..  .  .      4715 

Nous  ne  tenons  pas  compte  des  troupes  qui  sont  comprises  dans 


316 


ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 


l'adjudication  générale  de  l'administration  pénitentiaire  et  des  ser- 
vices administratifs. 

GRAPHIQUE  DES    QUANTITÉS   APPROXIMATIVES  DE   VIANDES   DE   BŒUF 
ABATTUES    A   LA  NOUVELLE-CALÉDONIE 

Kilogrammes. 

1,900  000 
1.800  000 
1  200  000 

1  600  000 
1  500  000 
1  4-00   000 

1  300  000 
1   200.000 

1  100  000 
1   000  000 

900. 000 

800  000 

700.000 

600  000 

500.000 

400  000 

300  000 

200  000 

100  000 

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La  consommation  annuelle  de  Nouméa,  facile  à  connaître  d'une 
manière  très  approximative,  peut  être  estimée  à  environ 
460.000  kilos,  soit  une  moyenne  de  100  kilos  par  habitant,  ce  qui 
est  relativement  élevé. 


L  ELEVAGE    A    LA    NOUVELLE-CALEDONIE 


317 


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318  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Dans  l'intérieur,  la  consommation  est  beaucoup  moindre,  et  pour 
4.700  habitants  on  atteint  à  peine  200.000  kilos,  soit  environ 
42  kil.  500  par  tête  et  par  an.  Encore  existe-t-il  beaucoup  de  points 
de  la  colonie  où  cette  moyenne  est  loin  d  être  atteinte.  Dans  les 
localités  relativement  peuplées  comme  Bourail,  Thio,  Muéo 
Néponi,  etc.,  où  une  boucherie  peut  s'installer  et  fonctionner  régu- 
lièrement, la  consommation  atteint  presque  la  moyenne  du  chef- 
lieu.  Dans  les  centres  isolés,  au  contraire,  cette  consommation  est 
presque  nulle  et  le  colon  est  obligé  de  se  nourrir  de  viande  salée 
(provenant  d'Australie  ou  de  Nouvelle-Zélande),  de  conserves,  de 
volailles,  etc.  Cela  tient  uniquement  au  manque  de  moyens  de  com- 
munication qui  rendent  le  ravitaillement  très  difficile.  Il  est  absolu- 
ment impossible  de  s'approvisionner  pour  quelques  jours  seulement, 
et  une  réserve  pour  un  mois  entier  est  à  peu  près  indispensable  si 
l'on  ne  veut  pas  être  pris  au  dépourvu.  On  conçoit  aisément  que, 
dans  ces  conditions,  la  consommation  de  viande  fraîche  de  bœuf 
dans  l'intérieur  de  la  colonie  ne  peut  pas  être  bien  considérable. 
Mais,  dira-t-on,  on  pourrait  tuer  un  bœuf,  le  saler  et  se  créer  ainsi 
une  réserve  de  viande  calédonienne. 

A  cela  le  consommateur  répondra  que  la  Nouvelle-Zélande  et 
l'Australie  lui  cèdent  de  la  viande  salée  excellente,  en  petits  barils 
de  25  kilos,  et  que  cette  viande  lui  coûte  moins  cher  que  celle  du 
pays.  Il  a  donc  intérêt  à  s'adresser  à  nos  voisins,  et  c'est  ce  qu'il 
fait  généralement. 

Restent  les  services  administratifs  et  l'administration  péniten- 
tiaire. C'est  là  le  gros  débouché  pour  l'éleveur  calédonien. 

Voici,  à  titre  de  renseignement,  les  prévisions  de  l'Administra- 
tion publiées  à  l'occasion  du  contrat  de  1898. 


L'ÉLEVAGE    A    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE 


319 


TABLEAU     II 

ÉTAT  APPROXIMATIF  DES  QUANTITÉS  DE  VIANDE  FRAÎCHE  A   LIVRER 
AUX   POSTES   ET  PÉNITENTIERS   DE   NOUMÉA   ET  DE  L  INTÉRIEUR 


POSTES 


Ile  Nou 

Ducos 

Nouméa,     Coulée,     Montravel,     Ilot 

Brun 

Hôpital  colonial 

Prony 

Ile  des  Pins 

La  Foa-Fouwhary 

Bourail 

Muéo-Poya . 

Canala '. 

Thio 

Pouembout-Koné 

Diahot  et  annexes 

Oubatchc 

Hiengliène 

Touho  

Ponérihouen 

Houaïlou 

Totaux  mensuels  


POUR    UN    MOIS 


U  ■ 


7.300 
1 .  200 

» 

590 


700 

» 

550 

» 

220 

250 

400 

2X0 

700 


12.190 


9 
'3 


7.950 
2.493 

3.165 

» 
4.335 
9.483 
3.560 
3.861 
1  .461 

» 
2.700 

555 
3.195 

» 


12.461 


TOTAL 


7.650 
2.463 

10  465 

1.200 

4.335 

10.073 

3.560 

3.861 

1 .  464 

700 

2.700 

1.105 

3.195 

220 

250 

400 

280 

700 


51.651 


PAR 

JOUR 


255 
83,1 

348,8 

40 
144,5 
335,8 
118,6 
128,7 

48,8 

23,3 

90 

36,8 

106,5 

7,3 

8,3 

13,3 
9,3 

23,300 


D'après  ce  tableau,  la  consommation  administrative  pour  l'année 
aurait  donc  été,  en  1898,  de  : 

Services  administratifs 146.280  kil. 

Administration  pénitentiaire 509.532    » 


Total 655.812  kil. 


En  vertu  des  arrêtés  du  22  juillet  1896  et  du  22  mars  1897,  le 
bétail  de  provenance  étrangère  (Queensland  et  Western  Australia 
surtout)  était  exclu  de  la  fourniture  administrative.  Les  livraisons 
devaient  donc  se  faire  exclusivement  avec  du  bétail  calédonien. 
Mais  le  nouveau  cahier  des  charges  rédigé  à  l'occasion  du  contrat 


320  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

de  mars  11)01  admet  pour  la  fourniture  administrative  le   bétail  de 
toute  provenance  vivant  ou  abattu. 

Enfin,  l'usine  de  conserves  de  Gomen  Ouaco  venait  absorber  le 
surplus  du  bétail  disponible.  Cette  usine,  qui  pouvait  facilement 
travailler  plus  de  2.000.000  kilogrammes  par  an,  était  loin  d'at- 
teindre ce  chiffre.  Le  graphique  de  la  page  314  montre  même  que 
son  fonctionnement  était  très  irrégulier.  C'est  que  la  quantité  des 
conserves  fabriquées  dépendait  de  l'importance  de  ses  adjudications 
avec  le  Ministère  de  la  guerre.  Néanmoins,  elle  assurait  à  l'éleveur 
l'écoulement  intégral  de  son  bétail.  Il  ne  faut  plus,  pour  le  moment 
du  moins,  compter  sur  ce  débouché,  l'usine  ayant  fermé  ses  portes 
depuis  la  fin  de  1900. 

B)  Avenir  de  la  consommation.  La  colonisation  agricole  ne 
constitue  encore,  au  point  de  vue  de  la  consommation  de  viande, 
qu'un  appoint  à  peu  près  insignifiant.  Depuit  1895,  il  est  venu  en 
Nouvelle-Calédonie,  d'après  les  statistiques  officielles,  environ 
400  familles.  Admettons  que  chacune  d'elles  compte  quatre  per- 
sonnes, quoiqu'il  soit  venu  beaucoup  de  colons  célibataires,  admet- 
tons encore  que  toutes  ces  familles  se  soient  installées  sur  leur  pro- 
priété dans  la  brousse  et  que  toutes  y  soient  restées.  Nous  aurons 
ainsi,  jusqu'au  commencement  de  1900,  c'est-à-dire  en  quatre  ans, 
une  augmentation  de  population  de  1.600  habitants,  soit  une  con- 
sommation de  68.000  kilos,  puisque  la  moyenne  dans  l'intérieur  est 
de  42  kil.  500  par  tête,  avons-nous  vu.  Cela  nous  fait  une  augmen- 
tation annuelle  de  17.000  kilos. 

Faut-il  espérer  que.  la  colonisation  se  développera  au  point  que 
l'on  puisse  la  faire  entrer  comme  une  prévision  sérieuse  dans  la 
consommation?  Oui,  mais  ce  résultat  sera  long  à  venir.  Le  recrute- 
ment des  colons  se  fait  assez  facilement  et  il  faut  croire  que  le  mou- 
vement établi  se  maintiendra.  Ce  qu'il  faudrait  surtout  arriver  à 
réaliser,  c'est  le  relèvement  de  la  moyenne  de  consommation.  Nous 
avons  vu  que  la  cause  du  peu  d'élévation  de  cette  moyenne  réside 
surtout  dans  le  peu  de  développement  des  voies  de  communication. 
L'accroissement  de  la  population  libre  résultant  des  naissances  est 
certainement  à  considérer.  Il  suffit  pour  s'en  rendre  compte  de 
mettre  en  regard  les  chiffres  généraux  des  recensements  de  1877  et 
de  1897  : 


L'ÉLEVAGE    A    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE  321 

1877  Nouméa 1  .  414  habitants 

Intérieur 1 .269 

Employés  des  diverses  admi- 
nistrations et  leur  famille. .  .  587 

Officiers,  militaires  et  leurs  fa- 
milles        1.602 

Officiers  surveillants,  employés 
de  l'administration  péniten- 
tiaire et  leurs  familles 843 

Total 5.735 

1897  Intérieur 4.775 

Nouméa 4 .  649 

Effectif  des  troupes 1  .231 

10.695 

Si,  dans  ces  chiffres,  nous  tenons  compte  de  la  diminution  de  l'ef- 
fectif des  troupes  de  la  garnison,  nous  voyons  que  le  chiffre  total 
delà  population  a  presque  doublé  en  20  ans.  D'ailleurs,  le  tableau  I, 
p.  315,  nous  montre  que,  pour  3.315  personnes  mariées  ou  veuves 
des  deux  sexes,  il  y  a  en  Galédonie,  4546  enfants  de  moins  de 
21  ans. 

C'est  là  un  signe  de  vitalité  manifeste  pour  la  colonie  dont  la 
population  ne  peut  plus  que  s'accroître  assez  rapidement.  C'est 
pourquoi,  dans  les  calculs  qui  suivront,  nous  augmenterons  un  peu 
la  consommation  totale  par  la  population  libre,  tant  pour  l'intérieur 
que  pour  Nouméa. 

Nous  ne  pouvons  pas  en  dire  autant  du  débouché  qu'offrent  les 
services  administratifs.  L'examen  du  graphique  de  la  page  314 
nous  montre  que  labatage  pour  la  consommation  qui  avait  atteint 
son  maximum  en  1894-1895  a  été  en  décroissant  sans  cesse  depuis 
cette  époque.  En  trois  ans.  de  1895  à  1898,  la  diminution  a  atteint 
650.000  kilos,  soit  en  moyenne  216.000  kilos  par  an.  La  cause  en 
est  bien  simple  : 

Pour  favoriser  la  colonisation  et  lui  permettre  de  reprendre  en 
quelques  années  un  rapide  essor,  la  plupart  des  Calédoniens  se  sont 
unis  pour  demander  la  suppression  delà  transportation.  Ils  ne  vou- 
laient pas  garder,  dans  la  plus  belle,  la  plus  saine  des  colonies  fran- 
çaises, cet  élément  pénal  qui,  tous  les  ans,  répand  dans  le  pays  un 
Bulletin  du  Jardin  colonial.  21 


322  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

certain  nombre  de  libérés  paresseux,  ivrognes  et  maraudeurs.  Il 
valait  mieux  réserver  les  avantages  de  ce  climat  exceptionnel  à  des 
travailleurs  honnêtes  et  sérieux. 

Aussi,  dès  1895,  on  supprime  l'envoi  de  condamnés  à  la  Nou- 
velle-Calédonie. Dès  lors,  le  nombre  des  rationnaires  va  tous  les  ans 
en  diminuant  par  suite  des  libérations  qui  se  produisent  à  peu  près 
journellement,  Le  libéré,  dès  qu'il  n'est  plus  astreint  à  la  discipline 
du  bagne,  prend  sa  revanche,  c'est  ce  qui  explique  son  caractère 
inconstant  et  nomade.  Rarement  il  se  fixe  sur  une  station  ou  un 
chantier  quelconque.  Aussi  vit-il  le  plus  souvent  de  conserves. 

De  plus,  vers  189B,  la  ration  journalière  de  viande  des  condam- 
nés fut  ramenée  de  2o0  grammes  à  200  grammes.  Ces  deux  circon- 
stances suffisent  à  expliquer  la  marche  décroissante  de  la  consom- 
mation totale. 

Nous  allons  maintenant  dire  un  mot  de  la  main-d'œuvre  des 
mines  dont  le  développement  est  intimement  lié  à  la  prospérité  de 
la  colonie  entière.  Depuis  quelques  années,  leur  exploitation  a  pris 
une  extension  considérable  qui  ne  peut  que  s'accroître  si  le  manque 
de  main-d'œuvre  ne  vient  pas  enrayer  leur  essor. 

Jusqu'ici,  cette  main-d'œuvre  était  constituée  par  : 

1°  Des  libérés  ; 
2°  Des  Tonkinois; 
3°  Des  condamnés. 

Nous  savons  combien  peu  il  faut  compter  sur  le  travail  du  libéré, 
ici  aujourd'hui,  demain  ailleurs.  Il  est  parfait  pour  un  coup  de  col- 
lier ;  c'est  un  bon  cheval  de  renfort,  mais  on  obtient  rarement  un 
travail  soutenu.  Au  point  de  vue  consommation  de  viande,  nous 
savons  qu'ils  ne  valent  guère  mieux.  Les  éleveurs  pas  plus  que  les 
mineurs  ne  peuvent  compter  sur  cette  catégorie  de  gens. 

Les  Tonkinois  employés  sur  quelques  mines  ont  donné  d'assez 
bons  résultats  pour  le  travail  du  trafic.  Ils  sont  moins  bons  pour 
l'extraction  du  minerai  et  le  terrassement.  Dans  leur  alimentation, 
il  entre  très  peu  de  viandes.  Ce  sont  donc  encore  de  médiocres 
consommateurs . 

Restaient  les  condamnés  qui  constituaient  une  assez  bonne  main- 
d'œuvre  et  grâce  auxquels  ont  fonctionné  jusqu'à  ce  jour  les  trois 
centres    miniers   les    plus  importants.    On   les   retire    puisque  les 


L'ÉLEVAGE    A    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE  '-V2'.\ 

contrats  passés  par  l'administration  pénitentiaire  sont  expirés.  Il 
faut  donc  songer  à  les  remplacer,  et  cette  question  très  importante 
de  la  main-d'œuvre  préoccupe  actuellement  tous  les  esprits  en  Calé- 
donie.  Certains  veulent  la  prendre  dans  les  centres  miniers  de 
France  ou  d'Europe.  Héussira-t-on?  Nous  n'osons  l'espérer,  car  le 
sort  des  ouvriers  s'est  amélioré  dans  de  telles  proportions  en  ces 
dernières  années  que  fort  peu  songeront  à  s'expatrier.  On  pourrait 
fort  bien  leur  faire  des  avantages  sérieux,  mais  alors  leur  prix  de 
revient  sera  tel  qu'on  devra  se  contenter  de  recruter  de  cette  façon 
de  bons  contremaîtres  et  il  faudra  toujours  songer  à  remplir  les 
cadres.  Les  mines  actuellement  en  exploitation  occuperaient  facile- 
ment 2.000  ouvriers  et  elles  en  demanderaient  un  nombre  à  peu 
près  égal  après  le  retrait  total  des  condamnés.  Nous  ne  croyons  pas 
que  l'on  puisse  recruter  en  France  un  nombre  aussi  considérable  de 
bons  travailleurs.  Il  faudra  forcément  s'adresser  à  la  main-d'œuvre 
javanaise,  asiatique  ou  japonaise  que  dirigeraient  des  contremaîtres 
européens.  C'est  vers  cette  dernière  surtout  que  les  grandes  Com- 
pagnies minières  ont  dirigé  tous  leurs  elforts.  Des  convois  sont  déjà 
arrivés,  d'autres  sont  en  route  et,  sous  peu  de  temps,  la  colonie 
comptera  environ  1.200  mineurs  japonais. 

Malheureusement  pour  l'éleveur,  leur  consommation  est  très 
faible.  D'après  leur  contrat  d'engagement,  on  ne  leur  doit,  en  effet, 
que  200  grammes  de  viande  par  jour.  Admettons  que  le  recrutement 
s'élève  à  2.000  ouvriers  vers  la  fin  de  l'année.  C'est  là,  crôyons- 
nous,  un  maximum.  Cela  fera  annuellement  une  consommation  de 
225.000  kilos. 

La  consommation  totale  peut,  dès  lors,  très  approximativement, 
se  répartir  comme  suit  : 

Administration  pénitentiaire  et  services  admi- 
nistratifs          500.000 

Nouméa 500.000    ■ 

Intérieur 250.000 

Main-d'œuvre  minière 250.000 

1.500.000 

Nous  pouvons,  croyons-nous,  considérer  ce  total  comme  suffi- 
samment exact  pour  plusieurs  années.  Si  l'administration  péniten- 
tiaire  diminue   forcément    ses    commandes,    l'augmentation    de   la 


324  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

population  et  l'importation  de  nouvelle  main-d'œuvre  rétabliront  la 
balance  à  peu  de  choses  près. 


LIVRAISON    DU    BETAIL 

Le  lieu  de  livraison  du  bétail  a  une  importance  assez  considérable 
pour  l'éleveur  au  point  de  vue  du  prix  de  revient.  Dans  le  calcul  de 
ce  dernier,  nous  n'avons  pas,  en  effet,  tenu  compte  des  frais  néces- 
sité par  la  conduite  du  troupeau  de  la  station  au  centre  de  consom- 
mation, cela  pour  la  raison  que  ces  frais  sont  supportés  soit  par  le 
vendeur,  soit  par  l'acheteur,  suivant  les  conditions  du  marché. 

Le  tableau  II,  p.  120,  montre  que  les  centres  offrant  un  débou- 
ché journalier  important  sont  peu  nombreux. 

Il  faut,  en  effet,  pour  que  l'abatage  puisse  se  faire  régulièrement, 
que  les  quantités  à  livrer  permettent  l'écoulement  d'une  bête  tous 
les  deux  jours,  ou  au  moins  tous  les  trois  jours  (2  jours  viande 
fraîche,  1  jour  viande  salée).  Si  ces  conditions  ne  sont  pas  réalisées, 
on  est  obligé  de  faire  intervenir  dans  les  livraisons  les  viandes  de 
porc  ou  de  mouton,  ce  qui  diminue  d'autant  le  débouché  pour  le 
gros  bétail. 

La  viande  nécessaire  pour  l'île  Nou,  Ducos,  l'Hôpital,  Prony, 
File  des  Pins,  est  livrée  à  Nouméa  ou  passe  par  le  chef-lieu. 

Il  ne  reste  donc  plus  dans  l'intérieur  que  La  Foa-Founhary, 
Bourail,  Thio,  Mnéo,  Poya,  Diahot.  Ces  trois  derniers  points  sont 
des  centres  miniers  fonctionnant  avec  la  main-d'œuvre  pénale.  Cette 
main-d'œuvre  est  retirée  ou  sur  le  point  de  l'être.  Il  ne  faut  donc 
plus  compter  sur  ces  postes  au  point  de  vue  administratif.  Mais 
comme  les  exploitants  feront  nécessairement  appel  à  d'autres  tra- 
vailleurs, la  situation  restera  à  peu  près  la  même  pour  l'éleveur. 

Néanmoins,  l'importance  des  débouchés  de  l'intérieur  est  très  peu 
considérable  en  considération  de  la  consommation  totale  du  chef- 
lieu  qui,  à  lui  seul,  absorbera  les  2/3  environ  du  bétail  livré. 

Le  bétail,  de  quelque  point  de  la  colonie  qu'il  vienne,  vo}'agepar 
terre,  accompagné  par  des  hommes  à  cheval;  c'est  ce  que  l'on 
appelle  une  conduite.  Les  troupeaux  marchent  ainsi  par  petites 
étapes  variant  de  18  à  20  kilomètres  par  jour,  suivant  que  les  sta- 
tions où  l'on  peut  faire  halte  pendant  la  nuit  sont  plus  ou  moins 
nombreuses  et  plus  ou  moins  espacées. 


L'ÉLEVAGE    A    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE  325 

Arrivés  à  destination,  les  troupeaux  peuvent  être  évalués  de  plu- 
sieurs manières,  si  la  chose  n'a  pas  déjà  été  faite  avant  leur  départ 
de  la  station. 

1°  Estimation  moyenne  à  l'œil.  Cette  pratique  exige,  de  la  part  de 
ceux  qui  opèrent,  une  grande  pratique.  De  plus,  il  faut,  pour  que 
l'évaluation  puisse  se  faire  assez  approximativement,  que  le  trou- 
peau soit  assez  uniforme.  Pour  plus  de  facilité,  voici  comment  on 
opère  généralement  : 

Le  vendeur  choisit  dans  le  troupeau  les  bêtes  les  plus  lourdes  et 
les  met  de  côté.  On  partage  ainsi  le  troupeau  en  deux  lots  égaux 
quant  au  nombre  de  têtes,  l'un  renfermant  les  gros  animaux, 
l'autre  les  petits.  Parmi  ces  derniers,  le  vendeur  choisit  le  plus  gros, 
tandis  que  l'acheteur  choisit  la  plus  petite  bête  du  premier  lot.  Le 
poids  moyen  de  ces  deux  bêtes  estimé  à  l'œil,  ou  pris  après  aba- 
tage,  donne  assez  approximativement  le  poids  moyen  du  troupeau 
total. 

2°  Parfois  aussi  le  vendeur  choisit  les  2  ou  3  plus  grosses  bêtes 
de  son  troupeau,  l'acheteur  les  2  ou  3  plus  petites,  et  le  poids 
moyen  de  ces  animaux  donnera  le  poids  moyen  du  troupeau.  Ce 
procédé  est  moins  exact  que  le  précédent,  car  si  dans  le  troupeau 
il  s'est  glissé  une  ou  deux  bêtes  très  grosses  ou  très  petites,  la 
moyenne  vraie  se  trouvera  faussée  à  l'avantage  ou  au  détriment  du 
vendeur.  Le  poids  des  animaux  choisis  est  déterminé  par  la  pesée 
après  abatage  ou  par  la  pesée  sur  pied.  Dans  ce  dernier  cas,  on  a 
l'habitude  en  Calédonie  d'estimer  à  50  °/0  du  poids  vif  le  rende- 
ment en  viande  nette.  C'est  là,  croyons-nous,  une  proportion  trop 
faible  qui  lèse  l'éleveur  pour  peu  que  son  bétail  soit  en  bon  état. 

3°  Enfin,  quand  le  troupeau  doit  être  rapidement  abattu,  comme 
cela  avait  lieu  pour  les  livraisons  à  l'usine  de  Ouaco,  le  mieux  est 
de  peser  toutes  les  bêtes  après  abatage. 

PRODUCTION 

ÉTAT    ACTUEL    ET    AVENIR 

Il  est  très  difficile  de  déterminer  le  nombre  de  têtes  de  bétail  que 
possède  à  l'heure  actuelle  la  Nouvelle-Calédonie.  Les  documents 
manquent  totalement  à  ce  sujet  et  nous  ne  croyons  pas  que  l'on  ait 
jamais  fait  un  recensement  général.   Pour  arriver  à  une  estimation 


326  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

suffisamment  exacte,  après  avoir  dressé  la  liste  de  tous  les  éleveurs 
calédoniens,  nous  avons  prié  deux  d'entre  eux  connaissant  le  pays 
depuis  longtemps  de  vouloir  bien  inscrire  en  face  de  chaque  nom  la 
quantité  de  bétail  dont  il  pouvait  être  propriétaire. 

De  ces  deux  estimations  faites  isolément  en  1899,  l'une  nous 
amène  à   un  total  de    50.000   têtes,  l'autre  à    un  total    de  60.000. 

Le  résultat  peut  donc  être  considéré  comme  suffisamment  exact  et 
nous  pouvons  accepter  dans  nos  calculs  l'estimation  la  plus  faible, 
soit  50.000  tètes. 

D'après  les  moyennes  établies  dans  un  chapitre  précédent,  la 
quantité  de  viande  livrable  devrait  s'élever  à  : 

5.000  bœufs  de  250  kil 1.300.000 

4.000  vaches  à  180  kil.  .  . 720.000 

Total 2.020.000  kil. 

Or,  nous  avons  vu,  d'après  le  graphique  de  la  page  316,  que 
l'abatage  total  avait  atteint,  en  1898,  2.166,750  kil.  Si,  a  cela,  on 
ajoute  la  consommation  de  l'intérieur,  soit  200.000  kil.,  nous  avons 
une  consommation  totale  de  2.366.750  kilos,  supérieure  de  346.650 
kilos  à  la  production. 

Ce  déficit  était  assuré  dans  l'intérieur  de  la  colonie  par  le  bétail 
sauvage  et  à  Nouméa  par  une  petite  importation  de  bétail  austra- 
lien pour  les  boucheries  civiles. 

Il  résulte  donc  clairement  de  cet  exposé  que  la  production  calé- 
donienne ne  suffisait  pas  à  assurer  la  consommation  totale,  mais 
qu'elle  était  de  beaucoup  supérieure  à  la  consommation  directe  de 
viande  fraîche. 

Pendant  que  l'usine  de  Gomen  Ouaco  a  fonctionné,  on  a  fait  au 
bétail  sauvage  une  chasse  plus  active,  aussi  était-il  devenu  si  rare 
qu'il  ne  fallait  plus  compter  sur  son  appoint.  Les  fournitures  étant 
impératives  tant  pour  l'usine  de  Ouaco  (Ministère  de  la  guerre)  que 
pour  l'Administration  pénitentiaire,  la  demande  à  dû  élever  ses 
prix.  Quelques  propriétaires  devant  ces  offres  ont  commencé  à  tou- 
cher a  leur  souche.  C'est  ce  qui  explique  comment  jusqu'en  1900 
on  a  pu  satisfaire  aux  besoins  de  la  consommation. 

Mais  ce  n'était  pas  là  un  état  de  choses  durable  et  l'équilibre  fac- 
tice ainsi  créé  ne  pouvait  pas  se  continuer  longtemps.  Quoique  le 
contrat  administratif  d'octobre  1898  ait  été  résilié  le  15  novembre 


L'ÉLEVAGE    A    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE  327 

1900,  par  suite  de  l'insuffisance  du  bétail  calédonien  (c'est  du  moins 
le  prétexte),  nous  croyons  fermement  à  une  surproduction.  L'usine 
de  Ouaco  avant  fermé  ses  portes,  il  ne  faut  plus  momentanément 
compter  sur  ce  débouché.  Il  ne  reste  donc  plus  que  l'abatage  pour 
la  consommation  directe  que  nous  avons  estimé  au  maximum  à 
1.500.000  kilos. 

Quelques  éleveurs  prétendent  bien  qu'ils  ont  trop  de  bétail  et  que 
le  pâturage  dont  ils  disposent  ne  suffît  plus  pour  l'entretien  de 
leur  troupeau.  Mais  ils  cherchent  à  le  diminuer  en  mettant  en  vente 
une  pai'tie  de  leurs  reproductrices.  On  comprend  fort  bien  que  dans 
ces  conditions  la  baisse  de  production  totale  est  plus  apparente  que 
réelle.  Il  y  aurait  plutôt  des  chances  d'augmentation  par  suite  de  la 
mise  en  exploitation  par  les  acheteurs  de  terrains  jusqu'ici  inuti- 
lisés. Nous  pouvons  donc  admettre  comme  suffisamment  exact  le 
total  de  2.000.000  kilos  que  nous  avons  précédemment  trouvé  pour 
la  production  calédonienne. 

Malgré  la  nouvelle  clause  du  contrat  de  mars  1901  admettant 
pour  les  fournitures  administratives  le  bétail  de  toute  provenance, 
le  bétail  australien  est  peu  à  craindre  à  cause  de  son  prix  relative- 
ment élevé.  Ce  prix  se  maintiendra-t-il  ?  Il  y  aurait  bien  des  ten- 
dances à  la  baisse  plutôt  qu'à  la  hausse  ;  mais  comme  nul  ne  peut 
prévoir  d'une  façon  sûre  ce  qu'il  adviendra  de  ce  côté,  nous  consi- 
dérons comme  quantité  négligeable  le  bétail  d'Australie. 

Nous  avons  alors  les  chiffres  suivants  : 

Production 2 .  000 .  000  kil. 

Consommation 1 .  500 .  000 

Différence 500.000  kil. 

Nous  nous  trouvons  donc  en  face  d'une  surproduction  qui  ne 
peut  qu'aller  en  s'accentuant.  En  effet,  ces  500.000  kilos  seront 
forcément  représentés  par  des  vaches,  les  bœufs  étant  livrés  à  l'âge 
adulte,  soit  tous  les  ans,  2.700  femelles  qui  resteront  pour  compte 
à  l'éleveur.  Il  y  a  donc  à  craindre  une  augmentation  forcée  du  trou- 
peau calédonien  et  par  suite,  une  augmentation  du  nombre  de 
bêtes  à  livrer.  A  moins  que  des  sécheresses  comme  celle  de  1899 
ne  viennent  rétablir  l'équilibre  sans  grand  profit  pour  l'éleveur. 

Nous  comprendrions  fort  bien  maintenant  pourquoi  l'éleveur  ne 
se  décide  pas  à  entreprendre  les  améliorations  dont  nous  avons 
parlé  au  cours  de  cette  étude. 


328  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Le  voilà  enfermé  dans  ce  dilemme  en  apparence  sans  issue  : 

S'il  ne  transforme  pas  ses  procédés  d'élevage,  c'est  à  bref  délai 
la  ruine  complète  des  propriétés  et  cette  industrie  très  importante 
compromise  pour  longtemps. 

S'il  entreprend  les  améliorations  nécessaires,  il  augmente  ses 
frais,  le  poids  de  son  bétail  et  rend  encore  plus  sensible  la  surpro- 
duction qui  le  gêne. 

Nous  savons  fort  bien  que  cette  situation  que  nous  résumons 
ainsi  n'est  pas  encore  à  l'état  aigu  et  n'y  arrivera  pas  avant 
quelques  années.  Mais  la  chose  n'en  est  pas  moins  grave  et  ce  n'est 
pas  au  lendemain  de  la  défaite  qu'il  faut  se  préoccuper  des  moyens 
à  employer  pour  empêcher  le  désastre.  Il  est  peut-être  quelques 
personnes  qui  nous  accuseront  de  vouloir  jeter  le  discrédit  sur  la 
Nouvelle-Calédonie  et  sur  l'une  des  entreprises  les  plus  impor- 
tantes de  ce  beau  pays. 

Nous  protestons  énergiquement  par  avance.  Ce  que  nous  vou- 
lons c'est  montrer  d'une  façon  aussi  inexacte  que  possible  ce  que 
nous  croyons  être  la  vérité,  et  si  nous  signalons  ce  danger  c'est  que 
nous  y  croyons  fermement. 

La  situation  n'est  pas  d'ailleurs  sans  remède  ainsi  que  nous  allons 
le  voir. 

3°    CONCLUSIONS 

Puisque  la  suppression  de  la  transportation  est  une  chose  acquise, 
nous  ne  devons  plus  la  considérer  comme  un  débouché  de  l'avenir 
pour  l'éleveur.  Cependant,  il  faudrait,  avant  sa  disparition  complète, 
l'utiliser  au  mieux  des  intérêts  du  pays.  Or,  nous  avons  vu  que  l'exé- 
cution d'un  réseau  complet  de  routes  ou  simplement  de  bons  sen- 
tiers praticables  dans  toute  l'étendue  de  l'île  s'impose.  A  quelle 
exploitation  fructueuse  peut-on  se  livrer  dans  un  pays  où  il  est 
parfois  impossible  de  parcourir  sans  guide  l'espace  compris  entre 
deux  centres  distants  de  50  à  70  kilomètres  II  est  hors  de  doute  que 
si  la  Calédonie  n'était  pas  favorisée  par  le  développement  considé- 
rable de  ses  côtes  elle  n'aurait  jamais  atteint  la  prospérité  dont  elle 
bénificie  actuellement.  Aussi  les  bords  de  mer  à  proximité  des 
ports  naturels  sont  seuls,  ou  à  peu  près  seuls,  exploités  jusqu'à  ce 
jour.  Il  faut  toutefois  excepter  le  sud  de  la  colonie  où  l'ouverture  de 
quelques  routes  bien   placées   a  permis  une   communication   facile 


L'ÉLEVAGE    A    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE  329 

entre  les    deux    côtes    et   par    suite    l'établissement  de    quelques 

groupes  d'exploitations  dans  la  partie  montagneuse.  11  n'en  est  pas 
moins  vrai  que  des  centres  dans  l'intérieur  et  dans  l'intervalle  qui 
sépare  les  ports  naturels  ne  pourront  se  créer  et  prospérer  que  lors- 
qu'ils pourront  être  facilement  desservis.  Ces  voies  de  communica- 
tion ne  peuvent  être  entreprises  énonomiquement  que  par  la  main- 
d'œuvre  pénale,  la  seule  d'ailleurs  à  l'heure  actuelle  qui  soit  en 
assez  grande  abondance.  Elle  a  le  temps  encore  avant  de  dispa- 
raître d'une  manière  définitive  de  faire  œuvre  utile  et  durable.  Déjà 
son  utilisation  dans  ce  sens  a  été  commencée  et  il  y  a  tout  lieu  de 
croire  que  les  condamnés  seront  employés  à  compléter  l'outillage 
économique  de  la  colonie  à  mesure  que  l'expiration  des  contrats 
miniers  les  rendra  disponibles. 

Les  mines  de  leur  côté  chercheront  et  trouveront  la  main- 
d'œuvre  dont  elles  auront  besoin:  la  nécessité  leur  en  fera  une  loi. 
Les  libérés  plus  nombreux  et  se  sentant  moins  indispensables  se 
fixeront  peut-être  plus  volontiers. 

La  colonisation  libre  elle-même  pourra  non  seulement  se  conti- 
nuer, mais  prendre  une  extension  rapide,  car  la  main-d'œuvre  ne 
fera  plus  défaut  et  les  colons  ne  seront  plus  effrayés  par  les  diffi- 
cultés très  grandes  que  l'on  rencontre  aujourd'hui  pour  le  ravitail- 
lement. 

La  consommation  de  viande  au  lieu  de  diminuer  restera  ee 
qu'elle  est  à  l'heure  actuelle,  s'élèvera  même  probablement  par 
suite  d'une  augmentation  rapide  de  la  population  locale. 

A  cause  de  toutes  ces  transformations,  probables  parce  qu'elles 
sont  indispensables,  une  modification  radicale  du  régime  actuel  de 
l'élevage  s'impose  et  nous  croyons  que  le  règne  des  grandes  pro- 
priétés touche  à  sa  fin.  Dans  des  entreprises  de  ce  genre,  les  frais 
sont  relativement  élevés,  sauf  les  cas  bien  exceptionnels  où  les  sta- 
tions groupées  permettent  de  les  réduire  au  mininfuni  possible. 
Trop  souvent  les  espaces  occupés  par  un  même  éleveur  sont  trop 
vastes  pour  qu'il  n'hésite  pas  à  entreprendre  d'une  façon  sérieuse 
l'amélioration  des  pâturages,  l'organisation  de  son  entreprise  d'après 
les  bases  que  nous  avons  précédemment  indiquées.  Il  est  de  toute 
nécessité,  si  l'on  veut  assurer  l'écoulement  intégral  du  bétail, 
d'abaisser  au  minimum  possible  le  prix  de  revient  du  kilogramme. 
De  la  sorte  on  pourra  songer  non  seulement  à  pourvoir  la  consom- 
mation   directe,  mais   on  pourra  encore  écouler  le  trop  plein  avec 


330  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

bénéfice  vers  une  fabrique  de  conserves.  Cela,  le  petit  éleveur  ou 
plutôt  le  petit  colon  est  seul  capable  de  le  réaliser  tout  en  gardant 
pour  lui  un  bénéfice  suffisamment  rémunérateur. 

Ce  qui  a  fait  fermer  l'usine  de  Ouaco  et  ce  qui  empêche  le  fonc- 
tionnement de  toute  autre  fabrique  de  conserves,  ce  n'est  pas  seule- 
ment la  quantité  relativement  faible  de  viande  à  travailler,  mais 
c'est  surtout  le  prix  relativement  élevé  que  le  bétail  a  atteint  en 
ces  dernières  années.  L'usine  a  en  effet  fort  bien  fonctionné  pendant 
que  les  éleveurs  avaient  à  se  débarrasser  dune  grosse  quantité  de 
bétail,  sauvage  pour  la  majeure  partie,  qu'ils  livraient  à  des  prix 
assez  bas.  Quand  les  prix  se  sont  relevés  leur  écart  avec  le  prix  de 
livraison  des  conserves  ne  suffisait  plus  à  payer  les  frais  de  fabri- 
cation. 

Nous  avons  avancé  que  le  petit  colon  pourrait  suffisamment 
abaisser  le  prix  de  revient  pour  permettre  la  fabrication  des  con- 
serves et  assurer,  par  suite,  l'écoulement  intégral  du  bétail  calédo- 
nien. Etablissons,  pour  le  démontrer,  le  devis  de  son  entreprise  en 
nous  excusant  par  avance  de  l'aridité  des  calculs  qui  vont  suivre. 

Mais  ces  calculs  sont  absolument  indispensables  pour  la  démons- 
tration dont  il  s'agit.  Les  chiffres  que  nous  allons  donner  n'auront 
bien  entendu  rien  d'absolu,  ils  seront  néanmoins  suffisamment 
exacts,  croyons-nous,  pour  que  nous  puissions  les  prendre  comme 
base  de  notre  raisonnement. 

Supposons  un  émigrant  muni  de  quelques  capitaux,  environ 
30.000  francs.  En  dehors  de  la  concession  à  laquelle  il  a  le  droit  et 
sur  laquelle  il  établira  ses  cultures,  il  achète  300  hectares  de  terres 
à  pâturages,  il  achète  aussi  2o  vaches  jeunes,  de  3  à  5  ans,  et  un 
taureau.  Ces  vaches  nous  les  compterons  un  prix  un  peu  élevé  de 
190  francs,  estimant  qu'il  aura  tout  avantage  à  payer  un  peu  olus 
cher  pour  avoir  le  droit  de  bien  choisir  la   souche  de  son  troupeau. 

Nous  admettrons,  d'après  les  moyennes  indiquées  au  chapitre 
IX  : 

1°  Que  les  naissances  s'élèvent  à  70  °/0  des  femelles  ; 

2°  Qu'il  y  a  parmi  les  jeunes  à  peu  près  autant  de  mâles  que  de 
femelles; 

3°  Que  les  femelles  saillies  à  la  fin  de  leur  2e  année  donneront  un 
produit  vers  trois  ans. 

D'après  ces  bases,  son  troupeau  suivra  très  approximativement  la 
marche  suivante  : 


L'ÉLEVAGE    A    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE  331 

tr0  année.  — Achat  de  25  vaches  et  d'un  taureau. 

2''  année.  —  25  vaches  et  17  naissances,  dont  9  veaux,  8  velles, 

3e  année.  — 25  vaches,  17  naissances,  dont  9  veaux,  8  velles  ; 
de  l'année  précédente,  9  bœufs  -J-  1,  9  génisses  -j-  1. 

4e  année.  —  Les  8  génisses  de  la  2e  année  vont  être  maintenant 
saillies,  et  donneront  un  produit  l'année  suivante.  Pour  cette  année, 
le  troupeau  comprendra  25  vaches,  17  naissances,  9  veaux,  8  velles; 
de  l'année  précédente,  9  bœufs  -j-  1 ,  8  génisses  -(-1,9  bœufs  -|-  2, 

8  génisses  -(-  2. 

5e  année.  —  25  vaches,  8  génisses  -j-  2  =  23   naissances,  dont 

12  veaux,    11    velles;  de    l'année    précédente,    9    bœufs  -j-   1,    8 
génisses  — j —  1,9  bœufs  -(-2,8  génisses  -j-  2,  9  bœufs  -j-  3. 

6°  année.  —  33  vaches-(-  8  génisses  =  41  vaches,  28  naissances, 
dont  15  veaux,  13  velles  ;  de  l'année  précédente,  12  bœufs  -\-  1, 
11   génisses  -(-1,9  bœufs  — |—  2,  8   génisses  — {—  2,  9  bœufs  -\-  3, 

9  bœufs  -f-  4. 

Cette  année-là  il  pourra  commencer  ses  livraisons. 

Il  aura  en  effet  9  bœufs  — |—  4  à.  donner  ai;  boucher  et  environ 
8  vaches.  Ces  dernières  seront  choisies  parmi  les  femelles  ayant 
atteint  ou  dépassé  10  ans.  Il  est  nécessaire  de  faire  cette  livraison, 
sans  quoi  le  troupeau  grossirait  trop  vite  et  le  terrain  dont  nous 
disposons  deviendrait  insuffisant.  Enfin  à  ce  moment  les  frais 
annuels  cessent  de  s'accumuler. 

Continuons  à  établir  la  marche  du  troupeau  jusqu'au  moment  où 
nous  serons  arrivé  à  la  période  d'équilibre  entre  la  production  et 
les  livraisons. 

7e  année.  —  41  vaches,  28  naissances,  dont  15  veaux,  13  velles  ; 
de  l'année  précédentes,  15  bœufs  -|-  1,  13  génisses  -(-  1,  12  bœufs 
-\-  2,  11  génisses  -j-  2,  9  bœufs  -(-  3  .  A  livrer  :  9  bœufs  -J-  4, 
1 1  vaches. 

8e  année.  —  41  vaches,  28  naissances,  veaux,  13  velles  ;  de 
l'année  précédente,  15  bœufs  -(-1,  13  génisses  -\-  1,  15  bœufs  -|- 
2,  13  génisses  -j-  2,  12  bœufs  -\-  3.  A  livrer  :  9  bœufs  -(-4=11 
vaches. 

9e  année.  —  41  vaches,  28  naissances,  dont  15  veaux,  13  velles  ; 
de  l'année  précédente,   15  beufs    +13  génisses  — ] —  d ,  15  bœufs  2, 

13  génisses    -f-    2,    15    bœufs    -(-3.    A    livrer  :    12    bœufs  -j-   4, 
13  vaches. 

10e  année.  — ■  41  vaches,  28  naissances,  dont  15  veaux,  13  velles  ; 


332  EUDES    ET  MÉMOIRES 

de  Tannée  précédente,  15  bœufs  -(-  1,  13  génisses  -j-  1,  15  bœufs  -(- 
2,  13  génisses  -(-  2,  15  bœufs  -J-  2.  A  livrer,  15  bœufs  -j-  4, 
13  vaches. 

Nous  serons  dès  lors  arrivés  à  l'équilibre  à  peu  près  parfait, 
puisque  les  livraisons  mâles  et  femelles  sont  les  mêmes  que  les  nais- 
sances. Le  troupeau  comprendra  alors  : 


Mâles 

...        60 

Femelles 

80 

Soit 

...      140 

Et   les  livraisons  annuelles  comprendront  15  bœufs,    13  vaches. 

Quant  aux  frais  ils  se  décomposeront  de  la  manière  suivante  : 
1°  Frais  d'installation. 

25   vaches  à  190  fr.  et  1  taureau  250  fr 5.000 

300  hectares  à  25  francs 7.500 

Chevaux,  2  à  600  francs 1.200 

Selles 200 

Barrières 2.000 


15.900 


2°  Frais  annuels  : 

1  homme  à  40  francs  par  mois  et  nourriture 800 

Amortisssement  des  chevaux 120 

»                des  selles 40 

»                des  barrières 350 

Impôt  foncier  des  300  hectares 45 

1.355 
Report 1.355 

Intérêt  annuel  du  capital  engagé  : 

16.000  francs  à  6  %..         960 


2.315 


Ces  dépenses  vont  se  poursuivre  annuellement  jusqu'à  ce  que  les 
livraisons  soient  suffisantes  pour  les  couvrir,  soit  jusqu'à  la 
6e  année;  à  ce  moment,  le  capital  engagé  sera  donc  représenté 
par  : 


L'ÉLEVAGE    A    LA    NOUVELLE-CALÉDONIE  333 

Frais  d'installation 16.000 

Dépenses  annuelles,  2.315  francs  pendant  (>  ans 13.890 

Barrières  à  reconstruire  à  la  6L'  année 2.000 

31.890 

Mais  à  la  10e  année,  alors  que  l'équilibre  est  établi,  l'éleveur 
possédera  140  tètes  qui,  estimées  à  100  francs  l'une,  représentent  un 
capital  de  14.000  francs. 

Il  a  donc  créé  pour  9.000  francs  de  capital  bétail. 

Le  capital  réellement  engagé  sera  dès  lors  représenté  par  : 

31.890  fr.  ou 32.000  fr. 

moins 9.000 

Soit 29.000  fr. 

Les  livraisons  annuelles  seront  de  15  bœufs,  13  vaches,  pour  les- 
quels nous  accorderons  les  poids  moyens  acceptées  pour  une  station 
améliorée.  Ses  recettes  seront  constituées  par  suite  par  : 

1 5  bœufs  de  300  kilos 4  .  500  kil. 

13  vaches  de  250 3.250 

Total 7.750  kil. 

Ses  dépenses  annuelles  s'élèveront  à  : 

Frais  généraux 1 .  355  fr. 

Intérêts  du  capital  engagé  : 

25 .  000  francs  à  6  % 1.380 

Total 2.735  fr. 

Le  kilo  de  viande  reviendra  donc  à  cet  éleveur  à  :         t 

2.735 


7.750 


=  0  fr.  553. 


Comme  on  le  voit,  le  petit  colon  peut  arriver  à  fabriquer  de  la 
viande  a  un  prix  beaucoup  plus  bas  que  le  grand  éleveur,  encore 
avons-nous  forcé  le  chapitre  des  dépenses.  Si  le  nouvel  éleveur  a 
une  famille,  il  économisera  certainement  le  salaire  et  l'entretien  de 


334  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

l'aide  que  nous  lui  avons  accordé.  D'ailleurs,  l'aide  lui-même  ne 
sera  pas  constamment  occupé  par  le  troupeau  et  une  bonne  moitié 
de  son  temps  pourra  être  employée  aux  cultures  entreprises  parallè- 
lement par  le  colon.  De  même,  les  chevaux  pourront  être  utilisés 
pour  des  labours,  des  transports,  etc.  Nous  avons  pourtant  fait 
supporter  tous  ces  frais  par  l'élevage. 

S'il  a  acheté  des  juments,  ce  qui  est  probable,  l'éleveur  pourra 
encore  trouver  là  une  source  de  bénéfices  en  les  faisant  produire. 

La  main-d'œuvre  dont  il  aura  besoin  pour  ses  cultures  (qu'elle 
soit  prise  dans  sa  famille  on  qu'elle  vienne  du  dehors)  ne  sera  pas 
occupée  toute  l'année.  Il  pourra  dans  les  moments  où  elle  sera 
libre,  l'employer  au  nettoyage  de  ses  pâturages,  à  leur  améliora- 
tion, de  façon  à  avoir  toujours  des  prairies  propres,  abondamment 
pourvues  de  bonnes  herbes. 

Dans  une  combinaison  de  ce  genre  est  à  la  fin,  croyons-nous,  le 
salut  de  l'élevage  calédonien,  l'avenir  certain  et  rémunérateur  de  la 
colonisation. 

Les  grandes  propriétés  morcelées,  livrées  à  de  petits  colons 
comme  celui  dont  nous  venons  d'étudier  le  type,  seront  sauvées 
d'une  ruine  complète  et  mises  en  valeur  d'une  manière  sérieuse.  Là 
est  le  seul  remède  à  apporter  à  la  situation  actuelle. 

Les  vastes  espaces  déserts  où  nul  ne  peut  s'installer  parce  qu'ils 
sont  déjà  occupés  par  un  seul  propriétaire  se  couvriront  de  petites 
exploitations  qui  serviront  de  trait  d'union  aux  centres  plus. com- 
pacts et  purement  agricoles.  Les  voies  de  communication  qui  auront 
été  ouvertes  par  la  transplantation  seront  facilement  entretenues 
par  les  colons  eux-mêmes,  qui  auront  tout  intérêt  à  les  voir  dans  le 
meilleur  état  possible  et  qui  n'auront  en  somme  qu'un  faible  tron- 
çon à  leur  charge. 

Le  nombre  des  cultures  possibles  augmentera  considérablement 
par  suite  de  la  facilité  des  transports.  Tout  en  sauvant  l'élevage, 
l'une  des  entreprises  qui  ont  le  plus  contribué  à  la  prospérité  de  la 
colonie,  on  aura  augmenté  la  richesse  générale  de  cette  dernière  et  le 
bien-être  de  chacun. 

Voir  à  bref  délai  s'établir  cet  état  de  choses  est  en  terminant  cette 
étude  notre  vœu  le  plus  cher. 

Lafforgue, 
Ingénieur  agronome. 


LA     RAMIE     ET     SES     ANALOGUES 


AUX 


INDES     ANGLAISES 


Le  Dictionnaire  des  produits  économiques  de  VInde  fut  publié,  en 
plusieurs  tomes,  successivement  de  1889  à  1893,  par  les  soins  du 
Dr  George  Watt  qui  en  avait  reçu  mission  du  Gouvernement  des 
Indes. 

Cet  ouvrage,  paru  en  anglais,  à  Calcutta  même,  fourmille  de 
documents  précieux. 

Nous  avons  pensé  qu'il  serait  intéressant  pour  nos  Colonies,  et 
notamment  pour  l'Indo-Chine,  d'en  extraire,  réunir  et  traduire  en 
français  les  enseignements  et  informations  que  le  Dr  Watt  avait 
recueillis  et  coordonnés  avec  son  autorité  indiscutable  sur  l'origine, 
la  culture  et  la  préparation,  dans  les  Indes  anglaises,  du  Rhea,  du 
China-grass  et  autres  fibres  analogues. 

La  question  de  la  Ramie,  malgré  bien  des  tentatives  infructueuses, 
à  cause  de  fausses  orientations  dans  son  appréciation,  est  de  plus  en 
plus  à  l'ordre  du  jour,  et  il  importe  que  la  France  ne  laisse  pas  main- 
tenant échapper,  au  profit  de  l'étranger,  le  monopole  d'une  source 
sérieuse  de  richesses,  qui  s'offre  à  plusieurs  de  ses  artères  loin- 
taines. 

C'est  donc  pour  placer  sous  les  yeux  des  intéressés  les  discussions 
savantes  que  le  Dr  Watt  a  livrées  à  la  publicité,  et  pour  leur  éviter 
des  tâtonnements  et  des  erreurs,  déjà  commises,  que  nous  avons 
entrepris  ce  modeste  travail. 


336  études  et  mémoires 

I 
BOEHMERIA     NIVEA 

Hook.  et  Arn.;  Wight.  le,  t.  688  ;  Hooker,  Journ.  Bot., 

III  (1851),  315,  t.  8. 

Synonymes.  —  Urtica  nivea,  Linn.  var.  Candicans,  Wedd.,  in 
DC.  Prod.  XVI,  I,  W7  ;  B.  tenacissima,  Gaudich.  ;  B.  candicans, 
Hassk.;  Urtica  candicans,  Burm.;  U.  tenacissima,  Roxb.,  FI.  Ind., 
Ed.  C.B.C..  656. 

Noms  commerc.  —  Rhea,  China-grass,  Angl.  ;  Ramie,  ortie 
rlanche  sans  dards  de  chine,  Fr.  ;    Rameh,  Ramie,  Java,  Malaisie. 

Termes  indigènes.  —  Schou  ou  schu  ou  tchou  (la  plante), 
Schou-ma  (fibre  du  schou),  Chine;  Tsjo,  siri,  so,  mao,  karao,  akaso, 
Jap  ;  Klooi,  caloee,  ghoni,  Siam  et  Suma.  ;  Kankhûra,  Beng.  ;  Rhea, 
Assam;  Poah,  Népaul  ;  ?  Goun,  Birma. 

Pour  le  Bon-rhea,  Ass.,  voir  Villebrunea  appendiculata,  Wedd., 
DC.  Prod.,  XVI,  I.  $35  '.  Kurz  considère  le  Bon-rhea  commele 
Grass-cloth  de  Chine,  qui  serait  ainsi  tout  à  fait  distinct  de  la  fibre 
de  Rhea  proprement  dite.  Si  cela  est  exact,  nous  aurions  tout  bon- 
nement essayé  dans  l'Inde  de  produire,  avec  la  plante  qui  ne  con- 
venait pas,  une  fibre  concurrente  du  Grass-cloth  de  Chine.  Ainsi 
pourrait  s'expliquer  ce  fait,  que  les  échantillons  de  fibre  de  Rhea  des 
Indes,  exportés  en  Europe,  ont  été  uniformément  déclarés  inférieurs 
à  la  fibre  de  Chine.  Il  semble  extrêmement  désirable  que  le  Grass- 
cloth  de  Chine  soit  soigneusement  examiné,  dans  le  but  de  confirmer 
l'opinion,  prévalant  généralement,  qu'il  est  obtenu  des  mêmes 
espèces  que  la  fibre  de  Rhea  de  l'Inde.  (Comparez  avec  les  pages 
461  et  469.)    , 

Habitat.  —  Arbrisseau  indigène  dans  l'Inde,  et  probablement 
aussi  en  Chine,  au  Japon  et  dans  l'Archipel  Indien. 

Diagnosc  botanique.  —  Tiges  térètes,  herbacées,  tomenteuses, 
y  compris  les  pétioles,  par  suite   du  développement  de  poils  longs 

1.  In   Dictionnaire  des  produits  économiques  de  l'Inde,  p.   Watt.  Vol.   I.  p.  163  à 
483.  Calcutta,  1889. 


LA    ka.mii:  337 

et  veloutés.  —  Feuilles  alternes,  largement  ovées,  longues  de 
3  pouces  G,  accuminées,  dentelées,  avec  de  grandes  dents  triangu- 
laires légèrement  recourbées,  base  tronquée,  se  transformant  brus- 
quement en  pétiole,  lequel  est  moitié  longueur  de  la  feuille,  ou  plus 
long;  surface  supérieure  de  la  feuille  rugueuse,  pubescente,  le  des- 
sous blanc,  feutré  de  façon  compacte  par  des  poils  serrés  les  uns 
contre  les  autres.  —  Fleurs  vertes,  monoïques  sur  panicules  axil- 
laires  ;  panicules  en  paires,  plus  courtes  que  le  pétiole,  supportant 
de  nombreuses  têtes  florales,  sessiles,  tout  le  long  de  leur  entière 
longueur.  Panicules  femelles,  garnies  de  branches  lâches,  avec 
des  glomérules  arrondis  (couverts  de  longs  styles),  s 'élançant  en 
paires  dans  les  aisselles  des  feuilles  supérieures,  et  mâles  dans  celles 
des  feuilles  inférieures.  —  Style  très  exsert,  velu.  —  Ovaire  enfermé 
complètement  dans  le  périanthe  femelle,  tubulaire,  velu,  quadri- 
denté. 

Beaucoup  d'erreurs  malheureuses  se  rencontrent  dans  la  littéra- 
ture de  cette  espèce  ;  quelques-unes  ont  fortement  contribué  à  retar- 
der le  développement  de  l'industrie  de  la  fibre  de  Rhea.  La  plante 
a  été  confondue  avec  plusieurs  autres  espèces,  absolument  différentes. 
Bâillon,  par  exemple,  dans  son  Histoire  naturelle  des  Plantes, 
vol.  III,  p.  503,  donne  une  illustration  d'une  plante  qui,  évidem- 
ment par  erreur,  est  indiquée  comme  Bœhmeria  nivea  ;  les  feuilles  y 
sont  opposées,  au  lieu  d'être  alternes,  et  l'inflorescence  n'est  pas 
celle  de  cette  espèce.  «  L'Agriculteur  américain  »,  de  janvier  1884, 
reproduit  une  vieille  gravure  de  Maoltia  Puya  comme  figure  de  la 
Bœhmeria  nivea,  etc. 


FIBRE     DE     RHEA 


CULTURE    ET    PREPARATION 

Où  cultivée  ?  —  Assam,  Est  et  Nord  du  Bengale,  aussi  à  Saharun- 
pore,  et  dans  les  Jardins  botaniques  de  Calcutta;  introduite  par  les 
Sociétés  Agricoles  et  Horticoles  à  Madras  et  à  Rangoon  dans  un 
but  expérimental. 

Elle  a  aussi  été  cultivée  dans  le  Natal,  à  Maurice,  en  Algérie, 
dans  l'île  de  Corse,  le  Midi  de  la  France,  les  Iles  Normandes,  et 
même  en  Grande-Bretagne. 

Bulletin  du  Jardin  colonial.  22 


338  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Sol.  —  La  plante  de  Rhea  est  excessivement  vigoureuse  ;  elle 
vient  bien  dans  presque  toutes  sortes  de  sols.  Mais  on  devra  donner 
la  préférence  à  une  terre  riche,  légère,  sablonneuse,  bien  travaillée, 
et  suffisamment  abritée  du  soleil.  Le  sous-sol  devra  être  bon,  parce 
que  les  racines  pénètrent  à  une  profondeur  de  12  à  14  pouces  pour 
chercher  leur  nourriture. 

Climat.  —  Pour  une  exploitation  fructueuse,  il  faudra  choisir  une 
situation  qui  favoriserait  la  végétation  très  rapide  des  tiges,  et  pro- 
duirait le  plus  grand  nombre  de  coupes,  avec  la  meilleure  qualité 
de  fibre.  Une  situation  réalisant  ces  conditions  se  trouverait  très 
probablement  sous  un  climat  tropical  ayant  une  atmosphère  humide, 
et  une  pluviométrie  absolument  bonne.  Elle  assurerait  le  succès 
dans  presque  toutes  les  parties  des  plaines  tropicales  de  l'Inde. 

Préparation  du  sol.  —  La  terre,  si  elle  n'est  pas  naturellement 
riche,  devra  être  engraissée  ;  elle  devra  aussi  être  labourée,  à 
une  grande  profondeur ,  et  légèrement  ameublie  ,  de  façon  à 
détruire  les  mauvaises  herbes.  Des  sillons  ou  petites  tranchées  de 
3  pieds  d'écartement  devront  alors  être  ouvertes,  et  le  terrain  sera 
tenu  prêt  pour  recevoir  les  racines  de  Rhea,  ou  les  boutures,  sur  la 
fin  de  la  saison  pluvieuse.  Une  analyse  de  Rhea  montre  que  l'engrais 
le  plus  favorable  devra  contenir  du  nitrate  de  soude,  du  sel  marin  et 
de  la  chaux.  Des  renseignements  de  valeur  sur  la  culture  de  la  plante 
du  Grass-cloth  en  Chine,  et  sur  l'extraction  de  la  fibre,  se  trouvent 
aux  pages  359-362  des  Plantes  fibreuses  de  l'Inde,  du  Dr  Forhks 
Royle,  1855,  lesquels  ont  été  traduits  d'un  traité  chinois  en  français 
par  M.  Stanislas  Julien,  et  transcrits  ensuite  en  anglais  par  le 
Dr  Royle. 

Plantations  et  soins  de  la  récolte.  — Le  Rhea  se  propage  aisément. 
Il  vient  promptement  de  sections  de  racines  ou  de  tiges,  et  de 
graine.  A  supposer  qu'on  adopte  le  mode  de  multiplication  par  bou- 
turage de  racines,  les  jeunes  rejetons  latéraux,  avec  leur  racinage, 
devront  être  prélevés  par  détachement,  et  mis  en  sillons  avant  la  lin 
de  la  saison  des  pluies,  à  une  profondeur  de  trois  pouces;  un  léger 
arrosage  peut  être  nécessaire,  en  prévision  d'un  temps  sec.  Il  se 
produira  que  les  plants  pousseront  rapidement  à  une  hauteur  de  4  à 
5  pieds  ;  les  racines  deviendront  plus  fortes  chaque  année,  la  plante 
étant  pérenne.  La  première  récolte  peut  être  prête  dans  les  deux  mois 
de  la  plantation  en  plein  champ,  particulièrement  dans  les  situations 


LA    RAM1E  339 

favorables.  Il  y  a  plusieurs  avantages  dans  la  récolte  du  Rhea  :  il 
est  vivace,  et  il  ne  faut  pas  par  conséquent  le  renouveler  chaque 
année.  Il  résiste  aux  variations  de  température,  à  cause  des  racines 
qui  pénètrent  dans  le  sous-sol.  D'année  en  année,  les  racines 
s'étendent,  devenant  plus  fortes  et  plus  productives.  La  récolte  n'est 
jamais  détruite  par  les  chenilles  ou  autres  insectes,  à  cause  de  la 
quantité  de  tanin  que  contient  l'écorce  ;  finalement,  trois  ou  quatre 
coupes  peuvent  être  demandées  au  même  terrain  chaque  année.  Mais 
elle  possède  un  sérieux  inconvénient  en  cela  qu'elle  est  une  des  cul- 
tures les  plus  épuisantes  qui  soient  connues  ;  elle  exige  que  la  terre 
demeure  en  jachère  avant  que  toute  autre  plante  puisse  être  confiée 
au  même  champ,  après  le  déplacement  de  cette  culture. 

Coupe  du  Rhea.  —  Il  faut  certaine  expérience  pour  fixer  le  moment 
précis  de  la  coupe.  En  règle  générale,  on  devra  prendre  soin  d'ef- 
fectuer la  coupe  avant  que  la  plante  se  couvre  d'écorce  dure  ou 
ligneuse  ;  la  formation  en  est  indiquée  par  la  peau  verte  qui  tourne 
au  brun,  le  virement  de  couleur  commençant  par  le  pied  de  la  tige. 
Un  moyen  pratique  de  reconnaître  si  la  plante  est  prête  à  couper, 
est  de  passer  la  main  le  long  des  tiges,  depuis  le  sommet  jusqu'en 
bas  :  Si  les  feuilles  s'arrachent  avec  un  craquement  sec,  une  récolte 
de  tiges  peut  être  prise  aux  plantes.  Le  Dr  Forbes  Watson  dit  que  la 
plantation  est  prête  à  couper  quand  elle  est  haute  de,  3  1/2  à  4  pieds  : 
«  Si  la  longueur  n'est  pas  de  plus  de  deux  pieds,  la  fibre  est  très 
fine  ;  mais  il  y  a  des  chances  d'avoir  une  perte  plus  grande,  et  un  pour- 
centage de  fibre  moins  avantageux.  Dans  les  tiges  longues,  la  fibre 
n'est  pas  aussi  fine  que  dans  les  moyennes.  »  On  devra  prendre 
soin,  toutefois,  de  ne  pas  cueillir  plus  de  tiges,  pour  en  extraire 
la  fibre,  qu'on  ne  peut  en  traiter  dans  les  24  heures.  «  L'expé- 
rience, dit  M.  Théo.  Moerman,  nous  a  conduit  à  affirmer  ce  fait  que 
la  fibre  de  la  seconde  coupe  est  supérieure  à  la  première.  En  toutes 
circonstances,  il  est  préférable  de  couper  les  tiges  avant  la  floraison 
de  la  plante  et  la  complète  maturité,  afin  d'obtenir  une  fibre  plus  fine 
et  plus  douce.  » 

Rendement  et  coût  de  production.  — -  On  peut  obtenir  environ  4 
ou  5  coupes  par  an,  dans  le  même  terrain.  Les  meilleures  récoltes 
sont  celles  coupées  en  juin  jusqu'en  août  ;  la  coupe  de  février  donne 
la  fibre  la  plus  forte.  Le  major  Hannay  rapporte  qu'en  Assam  «  la 
coupe  moyenne  d'une  seule  poorah  d' Assam  (1  acre  1/4)  bien  fumée, 


340  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

en  pleine  récolte  des  tiges,  ou  baguettes,  était  de  10  à  12  manuds  » 
(Bévue  de  Calcutta,  1854).  Mais  il  a  omis  d'expliquer  si  c'était  là  le 
poids  des  tiges  ou  de  la  libre,  ou  si  c'était  la  production  de  une  ou 
plusieurs  coupes.  Un  autre  écrivain  de  la  Revue  ajoute  pourtant  à 
ce  témoignage  l'indication  d'une  expérience  faite  dans  le  voisinage 
de  Calcutta,  en  1854,  et  dit  :  «  Une  pièce  de  terre  contenant  550  yards 
carrés  donna  une  coupe  moyenne  de  301  livr.  3/4  de  baguettes, 
dont  on  obtint  11  livres  de  fibre.  Or,  550  yards  font  presque  un  neu- 
vième d'acre;  mais,  pour  ne  pas  exagérer  les  profits,  on  peut  esti- 
mer à  un  huitième.  D'où  11x8=  88  livres  par  acre;  ce  qui, 
encore,  multiplié  par  4,  le  nombre  de  coupes,  donnerait  annuelle- 
ment par  acre  352  livres  de  fibre.  » 

Le  D1'  Forbes  Watson  dit  :  «   Je  sais  bien  qu'il  existe  de  remar- 
quables rapports,  basés  sur  des  expériences  faites  à  Alger.  On  a  fait  des 
évaluations  montrant  qu'on  pourrait  obtenir  quarante  tonnes  par  acre  ; 
mais,  je  pense  que  celles-ci  demandent  à  être  vérifiées,  avant  que  nous 
puissions  les  accepter.  De  quelque  manière,  je  ne  vois  pas  que  nous 
puissions  conclure  à  présent  — j'espère  que  je  me  tromperai  —  que 
chaque  coupe  produira  plus  de  250  livres  par  acre.  On  peut  cependant 
obtenir  trois  coupes,  et  même  quatre,  dans  l'année,  ce  qui  porterait  le 
compte  à  1 .000  livres  par  acre.  »  Théo.  Moerman,  dans  son  petit  livre 
sur  «  La  Ramie  »,  dit  que  la  production  annuelle  de  fibre  par  acre 
est  cinq  ou  six  fois  plus  grande  que  la  quantité  produite  par  le  coton 
aux    meilleures    saisons,   et  sous  les   climats    les   plus  favorables. 
M.  .1.  Brickner.  de  la  Nouvelle-Orléans,  estimait  d'après  expérience 
personnelle  que  chaque  coupe  de  Ramie,  lorsque  la  plante  a  atteint 
la  hauteur   de  3   ou  4  pieds,  produit  de   600   à  800  livres  de  fibre 
rouie,  et  désagrégée.  A  supposer  que  la  récolte  en  question  donne 
trois    coupes  dans  l'année,   le   rendement  total   par  acre  serait  de 
1 .800  à  2.400  livres  de  fibre.  M.  Edouard  Nicolle,  de  Jersey,  affirme 
cependant  (dit  M.  Moerman;  que  dans  ses  plantations  de  Ramie  il 
obtient  annuellement  à  Jersey  trois  coupes  qui  produisent  un  total 
de  «  11.250  livres  de  fibre  brute  (ou  écorce  séparée  du  bois  central 
des  tiges),  ce  qui  lui  donne  de  5.000  à  7.875  livres  de   fibre  fine, 
prête  à  être  peignée  et  utilisée  en  filature.  »  Il  doit  évidemment  y 
avoir   là    quelque    erreur,    car   plus    loin   M.   Moerman    fait  dire   à 
M.    Nicolle  qu'il    obtenait  un  rendement   annuel   de   5.625  livres 
d'écorce  fibreuse,  lesquelles  «  équivalent  à  un  minimum  de  3.375 
livres  de  fibre  bien  rouie,  complètement  nettoyée,  et  prête  pour  l'em- 
ploi en  filature  ». 


LA    RAMIE 


3il 


En  Chine,  d'après  YEncycl.  de  Sports  (p.  922):  «  Les  tiges  sont 
cueillies  pour  les  besoins  industriels  dans  la  première  année,  quand 
elles  atteignent  environ  un  pied  de  haut.  Au  dixième  mois  de  chaque 
année  avant  de  couper  les  rejetons,  le  terrain  est  recouvert  d'une 
épaisse  couche  de  fumier  de  cheval  ou  de  vache  ;  au  second  mois, 
la  fumure  est  enlevée  au  râteau,  pour  permettre  aux  nouvelles  pousses 
de  sortir  librement.  La  seconde  année,  les  tiges  sont  très  coupées  de 
nouveau.  Au  bout  de  trois  ans,  les  racines  sont  très  fortes  et  émettent 
de  nombreux  rejets.  La  récolte  se  présente  alors  trois  fois  par  an; 
les  tiges  sont  coupées  quand  les  surgeons  partant  du  tronc  radicu- 
laire  ont  environ  un  demi-pouce  de  haut.  La  première  récolte  est 
rentrée  vers  le  commencement  du  cinquième  mois;  la  seconde,  dans 
le  milieu  du  sixième,  ouïe  commencement  du  septième;  la  troisième, 
dans  le  milieu  du  huitième,  ou  le  commencement  du  neuvième  mois. 
Les  tiges  de  la  seconde  coupe  poussent  très  rapidement  et  produisent 
la  meilleure  fibre.  Après  la  coupe,  les  souches  sont  recouvertes  d'en- 
grais, et  immédiatement  arrosées.  Une  plantation  rationnellement 
entretenue  dure  de  80  à  100  ans.  Les  principaux  points  à  examiner 
pour  déterminer  les  meilleures  méthodes  de  végétation  des  plants, 
sur  une  échelle  commerciale,  sont  les  suivants  :  1°  influences  de  l'ir- 
rigration  et  de  la  fumure,  surtout  l'effet  de  la  restitution  au  sol  des 
parties  inutiles  de  la  plante  ;  2°  la  variation  de  quantité  et  de  qualité 
de  la  fibre  suivant  la  saison  ;  3°  la  qualité  relative  de  la  libre  dans 
les  tiges  courtes  (3  pieds),  et  celle  des  tiges  entièrement  poussées 
(5  à  8  pieds)  ;  4°  l'effet  de  la  densité  de  végétation  sur  la  gr.osseur, 
la  rigidité,  la  ramification  des  tiges,  et  sur  la  production  par  acre, 
particulièrement  en  prévision  d'un  nombre  plus  grand  de  coupes 
annuelles,  et  de  la  condition  de  limites  en  hauteur;  5°  les  méthodes 
les  meilleures  et  les  moins  coûteuses  pour  cueillir,  décortiquer  et 
trier  les  tiges.  » 

Séparation  de  la  fibre.  —  Les  moyens  qui  servent  à  exécuter  cette 
séparation  par  travail  manuel  et  par  machinerie  se  trouveront  à  un 
autre  chapitre  (voir  p.  642):  mais  il  peut  ne  pas  être  hors  de  propos 
que  de  dire  ici  un  mot  sur  la  condition  la  plus  favorable  des  tiges 
pour  l'extraction  de  la  fibre.  Elles  exigent  d'être  travaillées  lors- 
qu'elles sont  vertes,  tout  au  moins  quelques  heures  après  la  coupe. 
Le  Major  Général  Hyde  présidait  une  réunion  de  la  Société  des  Arts 
(Londres,  13  décembre  1883),  à  laquelle  le  Dr  Forbes  Watson  fit 
une  conférence  sur  le  Rhea  avec  mention  spéciale  du  brevet,  pour 


342  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

«  Extracteur  universel  de  fibres  »,  de  MM.  Death  et  Elhvood  ;  il 
résumait  les  discussions  qui  suivirent  cette  conférence  et,  tout  en  se 
reportant  à  certaines  expériences  accomplies  par  M.  Greig-,  il  dit  :  «  La 
libre  fut  mise  sous  un  hangar,  et  y  resta  jusqu'au  lundi  matin.  Le 
lundi  matin,  la  masse,  haute  comme  cette  table,  était  pareille  à  un  gros 
amas  de  colle  de  poisson  faisant  corps  avec  la  fibre  qui  s'y  trouvait  ; 
on  ne  put  rien  en  faire,  et  on  dut  tout  jeter.  Cela  montra  l'absolue 
nécessité  d'attaquer  la  tig-e  à  l'instant  de  la  coupe,  avec  un  courant 
d'eau,  afin  d'entraîner  la  gomme  lorsqu'elle  est  dans  son  état  naturel. 
Elle  était  alors  facilement  attaquée;  mais  qu'elle  ait  attendu  ou  séché 
dans  une  proportion  quelconque,  alors  la  difficulté  commençait  et 
augmentait.  La  couleur  de  la  fibre  était  aussi  assombrie  en  propor- 
tion du  retard  mis  à  expulser  la  sève.  » 


LA    GOMME    DE    LA    FIBRE    DE    RHEA 

Lorsque  les  expériences  avec  la  machine  de  M.  Greig  furent  ter- 
minées, on  trouva  tous  les  rouleaux,  etc.,  recouverts  d'une  épaisse 
couche  de  vernis  très  dur,  —  si  dur  qu'on  ne  put  l'enlever  qu'avec 
un  ciseau  à  déchiqueter.  Il  avait  l'apparence  de  la  laque.  L'analyse 
de  ce  suc  desséché  a  été  publiée  en  ces  termes  :  «  Ce  suc  contient 
02  " /0  en  poids  d'oxalate  de  chaux  et,  de  plus,  un  peu  d'alumine, 
de  l'oxyde  de  fer  et  autres  matières  minérales,  qui  se  dissolvent  dans 
l'acide  hydrochlorique.  Le  résidu,  insoluble  dans  l'acide  hydrochlo- 
rique  étendu,  consiste  en  une  matière  colorante  et  résineuse;  il 
forme  2,5  °/0  en  poids  du  suc  sec.  »  [Note  au  bas  de  la  conférence 
du  Dr  Forhes    Watson  devant   la   Société  des  Arts,  p.  13). 


VALEUR    DE    LA    FIBRE    APPRETEE 

Le  China-grass  vaut  environ  49  à  50  livres  st.  la  tonne  à  Londres , 
la  fibre  de  Rhea  de  l'Inde  un  prix  légèrement  plus  bas.  D'après  le 
DrFoRBES  Watson,  «  l'Extracteur  universel  défibres  »  de  MM.  Death 
et  Elhvood  pouvait  rendre  en  fibre  «  de  7  à  9  livres  par  tonne,  cal- 
culé sur  100  livres  de  fibre  comme  travail  journalier  par  machine  ». 
<(  Tel  étant  le  cas,  on  aura  ce  résultat  que  le  China-grass  peut  être 
présenté  à  un  prix  beaucoup  moindre  qu'on  ne  l'a  fait  jusqu'ici. 
Quel  sera  ce  prix,  je  ne  saurais  le  dire,  mais  je  pense  qu'il  sera  pos- 


LA    RA31IE  343 

sible  de  vendre  de  30  k  35  livres  par  tonne,  peut-être  moins.  » 
[Pour  la  machine  Death  et  Ellwood,  voir  p.  481).  M.  Collyer, 
dans  la  discussion  qui  suivit  la  conférence  du  Dr  Forbes  Watson  à 
la  Société  des  Arts,  dit  que  «  pour  le  Rhea  à  30  livres  la  tonne,  il 
n'y  a  pas,  pratiquement,  de  limite  à  la  quantité  qui  pourrait  en  être 
vendue;  à  40  livres,  il  s'écoulerait  lentement;  à  50  livres,  avec  le 
prix  actuel  de  la  laine,  il  était  exclu.  »  Un  industriel  fit  cette 
remarque  :  «  Si  on  baisse  le  prix  k  35  livres,  on  vendra  une  partie; 
si  on  le  porte  à  30  livres,  personne  ne  sait  quelle  quantité  nous 
en  emploierons.  »  M.  Haworth,  dans  la  même  réunion,  disait  qu'un 
jour  se  vendra  une  plus  grande  quantité  de  Rhea  que  de  jute  actuel- 
lement. 

histoire  de  l'industrie  du  rhea 

Dans  le  Ramayana  mention  est  faite  du  «  nettle-cloth  »,  et  on  y 
trouve  l'éloge  de  sa  beauté  et  de  sa  finesse.  Prima  facie,  il  est  donc 
évident  qu'il  y  a  plusieurs  siècles,  on  connaissait  déjà  dans  l'Inde 
une  fibre  d'ortie.  Tout  au  commencement  du  règne  de  la  reine 
Elisabeth  d'Angleterre,  le  botaniste  Lohel  raconte  qu'à  Calcutta, 
dans  les  Indes  orientales,  les  peuples  fabriquaient  avec  les  fibres 
d'une  espèce  d'ortie  un  tissu  très  fin,  et  délicat.  Plus  tard,  ces  fines 
étoffes  furent  importées  en  Europe,  mais  surtout  de  Java  dans  les 
Pavs-Bas,  où  le  tissu  fut  très  demandé  sous  le  nom  de  neteldock, 
lequel  indique  l'origine  de  ces  étoffes  :  le  mot  netel  signifie  ortie, 
et  le  mot  dock  tissu.  Depuis  cette  époque,  des  essais  furent  entre- 
pris, avec  succès  même,  pour  imiter  avec  le  lin  le  beau  et  fin  tissu 
de  ramie  dont,  après  tout,  il  n'est  qu'une  médiocre  contrefaçon. 
(  Théo .  Moerman . ) 

Le  Dr  Roxburgh,  sans  être  apparemment  prévenu  de  l'existence 
du  Rhea  en  Assam  et  dans  certaines  parties  du  Bengale,  ni  de  ce 
fait  qu'il  était  alors  cultivé  et  utilisé  par  les  indigènes  du  pays,  se 
procura  à  Sumatra  en  1803  quatre  plants  de  Caloee,  et  les  planta 
dans  les  Jardins  botaniques  de  Calcutta.  Il  donna  à  la  plante  le 
nom  d'URTiCA  tenacissma.  Ces  plants  importés  poussèrent  et  se  mul- 
tiplièrent si  rapidement  que  peu  après  il  eut  plusieurs  milliers  de 
pieds.  Vers  cette  époque,  la  découverte  fut  faite  par  le  D1'  Buchanan 
Hamilton  que  le  Konkhura  de  Rungpore  et  de  Dinagepore  était  iden- 
tique aux  plants  que  cultivait  le  Dr  Roxburgh.  En  1810,  le  Dr  Bûcha- 


344  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

NAN  envoya  en  Angleterre  trois  balles  de  fibre  provenant  de  la  plan- 
tation du  D1'  Roxm'rgii.  Les  expériences  faites  avec  cette  fibre  prou- 
vèrent qu'une  corde  tournée  en  cette  matière  supportait  un  poids  de 
252  livres  contre  84  livres  indiquées  par  le  Dockyard  de  Sa  Majesté 
comme  supportées  par  le  chanvre  de  Russie,  sous  même  calibre. 
En  1814,  plusieurs  balles  de  cette  fibre  furent  adressées  par  le 
Dr  Buchanan  à  la  Cour  des  Directeurs  (Angleterre).  En  1816,  la 
Cour  expédia  plusieurs  des  machines,  alors  brevetées  par  MM.  Ilill 
et  Bondy,  pour  qu'elles  soient  employées  à  la  préparation  du  Rhea. 
Depuis  cette  date,  néanmoins,  1  intérêt  pour  la  fibre  de  Rhea  semble 
être  tombé  jusqu'en  1840,  lorsque  la  découverte  par  le  Colonel 
Jenkins  de  la  même  plante,  poussant  à  l'état  sauvage  en  Assam, 
attira  de  nouveau  l'attention  sur  elle.  Quelques  spécimens  de  F  As- 
sam furent  envoyés  à  la  Société  d'Agriculture  et  d'Horticulture  de 
Calcutta  et,  des  boutures  ainsi  obtenues,  on  multiplia  le  plant  dans 
le  Jardin  de  la  Société.  Dès  lors,  la  Société  reçut,  de  temps  à  autre, 
les  communications  de  plusieurs  écrivains  donnant  des  faits  nou- 
veaux concernant  la  végétation  et  la  préparation  de  la  fibre  dans  le 
nord  de  l'Inde.  Le  Dr  MacGowan  fournit  des  renseignements  et  des 
échantillons  provenant  de  Chine  ;  le  Dr  Falconeiî,  et  plus  tard  Sir 
William  Hookek,  identifièrent  le  Rhea  comme  étant  la  plante  même 
dont  les  Chinois  préparaient  le  Grass-Cloth.  [Comparez  avec  les 
observations  des  pages  464  et  479.) 

En  1851,  plusieurs  échantillons  de  Rhea,  à  différents  états  de 
préparation,  furent  expédiés  à  l'Exposition  de  Londres  ;  ils  atti- 
rèrent une  attention  considérable  et  ne  reçurent  pas  moins  de  trois 
médailles  en  prix.  L'année  suivante  une  consignation  de  fibre,  pro- 
venant de  l' Assam,  fut  expédiée  par  le  Gouvernement  de  l'Inde  à  la 
Cour  des  Directeurs.  Elle  fut  soumise  à  l'expérience  par  le  D1'  Forhes 
Royle  ;  il  résulta  que  la  force  moyenne,  comparée  au  chanvre  de 
Russie,  fut  déclarée  comme  280  est  à  160. 


EFFORTS  POUR  ETENDRE  LA  CULTURE  DU  RHEA 

Eu  1854,  la  Cour  des  Directeurs  demanda  au  Gouvernement  de 
l'Inde  de  fournir  10  tonnes  de  fibre  brute;  mais,  à  cause  d'une  cul- 
ture limitée,  un  tiers  seulement  de  la  quantité  fut  recueilli.  Sir  Fre- 
derick Hallidav,  alors  Lieutenant-Gouverneur  du  Bengale,  prescrivit 


LA    liAMIi:  345 

l'achat,  durant  les  trois  années  suivantes,  d'une  quantité  de  fibre 
pouvant  atteindre  10  tonnes  par  an,  afin  d'encourager  la  culture. 
Ces  achats  furent  adressés  à  Londres,  et  vendus.  Pendant  ce  temps, 
on  apprit  à  connaître  la  fibre  en  Angleterre  et  en  France;  et  comme 
on  pensa  que  son  développement  ultérieur  pouvait  sans  crainte  être 
confié  à  l'initiative  privée,  les  consignations  pour  expériences  furent 
supprimées. 

La  demande  continua  à  être  satisfaisante,  quoique  sur  une  échelle 
plutôt  restreinte  ;  mais  elle  fut  principalement  alimentée  par  la 
Chine,  et  seulement,  pour  un  très  faible  volume,  par  l'Inde. 

En  1872,  cependant,  la  libre  semble  avoir  fait  un  rapide  progrès; 
la  Chine  fournissait,  dans  Londres,  entre  200  à  300  tonnes,  évaluées 
environ  à  80  livres  la  tonne.  Dans  le  courant  de  cette  année,  un 
changement  brusque  s'opéra  :  la  demande  disparut,  le  prix  tomba 
entre  30  et  40  livr.  st.  la  tonne  pour  le  China-grass,  et  entre  19  et 
30  la  tonne  pour  la  fibre  de  l'Inde.  Le  déchet  de  Rhea  commença  à 
dominer  un  marché  plus  actif  que  la  fibre  peignée  ;  les  industriels 
reconnurent  en  effet  qu'en  cet  état  on  pouvait  se  le  procurer  à  un 
prix  inférieur,  et  par  conséquent  plus  profitable,  puisque,  en  fin  de 
compte  (à  cause  de  la  nécessité  d'une  extraction  spéciale),  déchet  et 
fibre  peignée  devaient  toutes  deux  se  traiter  avec  même  soin,  peine 
et  dépense  (Journ.  Soc.  Arts). 

En  1880,  le  Rajah  de  Dinagepore  se  proposa  d'entreprendre  la  cul- 
ture du  Rhea  dans  son  domaine.  Il  essaya  d'acheter  une  provision 
de  racines  chez  les  cultivateurs;  mais,  dès  que  la  nouvelle  de  ce 
projet  se  répandit  dans  les  districts,  on  en  demanda  des  prix  exhor- 
bitants.  Le  Rajah  se  procura  alors  25  manuds  de  racines  à  Saha- 
runpur,  11  manuds  aux  Jardins  botaniques  de  Calcutta,  et 
11  manuds  aux  Fabriques  à  papier  Bally.  Avec  les  deux  dernières 
fournitures,  10  bighas  furent  plantés  en  mai  et  juin,  et  c'était 
l'intention  du  Rajah  de  planter  100  acres  de  terrain  en  Rhea.  Les 
résultats  de  ces  expériences  n'ont  pas  été  publiés  jusqu'ici. 

En  1881,  MM.  Burrows,  Thomson  et  Mylna,  propriétaires  dans 
le  district  de  Shahabad  (Bengale),  projetèrent,  entr'autres  choses, 
d'amener  leurs  fermiers  à  cultiver  le  Rhea,  et  à  préparer  sa  fibre 
comme  industrie  familiale.  Ils  écrivaient  :  «  Nous  ne  voyons  pas 
pourquoi  sa  préparation  à  la  main  ne  deviendrait  pas  aussi  praticable 
dans  l'Inde  qu'elle  ne  l'est  en  Chine.  Certains  genres  de  travaux  pro- 
fitables et  bon  marché  sont  aussi  productifs  dans  le  premier  pays  que 


346  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

dans  le  second.  Les  femmes  pardanasheen  et  les  jeunes  filles,  en 
grand  nombre,  des  familles  pauvres  de  la  haute  classe,  emprisonnées 
comme  elles  le  sont  dans  leurs  maisons  par  la  coutume,  ne  peuvent 
aider  les  hommes  de  leur  famille  à  aucun  travail  extérieur,  ou  con- 
tribuer aux  gains  généraux,  si  ce  n'est  dans  une  très  faible  mesure 
pour  la  filature  du  coton.  La  demande  de  ce  fil,  préparé  au  foyer, 
décroît  depuis  qu'on  a  créé  des  usines  pour  le  produire  moins  cher 
et  meilleur.  »  En  1882,  il  fut  constaté  que  ces  messieurs  cultivaient 
la  plante  du  Rhea,  et  étaient  en  train  d'essayer  plusieurs  méthodes 
de  préparation  de  la  fibre.  Ils  avaient  envoyé  en  Angleterre  un  peu 
de  fibre,  traitée  de  manière  convenable  pour  contenter  les  indus- 
triels d'Angleterre  et  de  France,  et  ils  attendaient,  avant  d'encou- 
rager l'extension  de  la  culture  de  la  plante.  Jusqu'à  présent,  le  résul- 
tat final  n'a  pas  été  rendu  public. 

Plus  récemment,  le  Rhea  a  acquis  en  Europe  une  position  d'une 
importance  considérablement  augmentée,  comme  produit  industriel. 
De  grandes  plantations  ont  été  actuellement  organisées  en  Italie.  Le 
Portugal  a  déjà  planté  un  million  de  racines,  et  l'Espagne  a  fait 
d'importants  progrès  dans  la  question.  La  France  semble  avoir  donné 
la  direction  du  mouvement  et,  pendant  1882,  plusieurs  millions  de 
plants  enracinés  furent  importés.  Les  plantations  d'Alger  et  d'Egypte 
ont  aussi  été  accrues  d'une  façon  sérieuse  [Journal  de  la  Société  des 
Arts). 

PROPRIÉTÉS    ET    UTILISATIONS    DE    LA    FIRRE    DE    RHEA 

Le  Rhea  a  été  reconnu  prééminent  parmi  les  fibres  pour  la  force, 
la  finesse  et  le  brillant.  Les  expériences  entreprises  par  le  Dr  Forbes 
Royle  sur  sa  force  indiquèrent  que  la  puissance  moyenne,  compa- 
rativement au  chanvre  de  Russie,  était  dans  la  proportion  de  280  à 
160.  Sa  finesse  a  été  démontrée  par  le  Dr  Forbes  Watson  ;  il  établit 
que  <(  le  diamètre  moyen  des  fibres  élémentaires  du  lin  est  d'envi- 
ron 1/2060  de  pouce^  du  jute  de  1/1900,  du  chanvre  1/2100,  du 
Rhea  de  l'Assam  environ  1/2160,  et  de  celui  de  Chine  1/2260  de 
pouce.  La  longueur  de  la  fibre  varie  de  2,36  à  7,87  pouces,  et  même 
9,8i;  le  diamètre  moyen  est  d'environ  0,002  de  pouce  {Encycl.  de 
Sports).  Pour  la  nature  soyeuse,  le  jute  est  la  seule  fibre  connue 
dans  le  commerce,  qui  puisse  concurrencer  le  Rhea;  mais  le  jute  est 
très  inférieur  en  solidité  et  en  durée.  Le  Rhea  a  d'ailleurs  une  puis- 


LA    RAMIE  347 

sance  très  grande  de  résistance,  lorsqu'on  le  soumet  k  l'influence  de 
l'humidité  et  des  variations  de  l'état  atmosphérique.  Cette  puis- 
sance peut,  k  tout  prendre,  être  attestée  par  l'action  d'une  haute 
pression  de  vapeur  sur  les  fibres.  Des  expériences  furent  exécutées 
sous  la  direction  du  D1'  Forbes  Waïson  dans  ce  sens  :  les  fibres  de 
Rhea,  et  d'autres  plantes,  furent  exposées  pendant  deux  heures  aune 
tension  de  vapeur  d'environ  deux  atmosphères,  puis  bouillies  dans 
l'eau  pendant  trois  heures  ;  la  perte  de  poids  fut  constatée.  De 
nouveau,  elles  furent  soumises  k  l'action  de  la  vapeur  k  même 
pression,  pendant  quatre  heures,  et  la  perte  en  poids  encore  relevée. 
«  Le  pourcentage  de  perte  d'un  échantillon  de  Rhea  de  Chine  se 
monta  seulement  à  0,89,  et  un  de  Rhea  d'Assam  à  1,51,  tandis  que 
le  lin  perd  3,5  °/0,  le  chanvre  de  Russie  8,44,  et  le  jute  même 
21,39  °/0.  »  Le  Dr  Forbes  Waïson  dit  :  «  Une  qualité  très  caracté- 
ristique du  Rhea,  et  k  certains  égards  défavorable,  est  la  raideur 
relative,  et  la  fragilité  de  sa  fibre  ;  la  plupart  des  difficultés  k  vaincre 
dans  sa  filature  et  sa  fabrication  sont  dues  à  cette  circonstance.  C'est 
cette  raideur  qui  empêche  le  Rhea,  pourtant  si  fort  dans  son  état 
habituel,  de  supporter  aussi  aisément  que  les  autres  fibres  les  elfets 
d'un  nœud  serré  ou  de  la  coque.  Ainsi,  lorsqu'un  nœud  se  produit 
dans  un  petit  paquet  de  fibres,  le  Rhea  cassera  promptement,  beau- 
coup plus  vite  que  le  lin,  bien  que  toutes  les  fibres,  en  de  pareilles 
conditions,  casseraient  très  promptement  aussi.  Une  autre  consé- 
quence de  cette  raideur  est  que  la  fibre  ne  se  tord  pas  facilement  ; 
le  fil,  filé  de  Rhea,  est  souvent  très  rude,  nonobstant  la  douceur  et 
la  nature  soyeuse  des  filaments  isolés.  Cette  rudesse  est  due  aux 
bouts  saillants  des  fibres  élémentaires,  tournés  en  dehors  par  le  tor- 
dage  que  subit  le  fil  en  filature.  D'un  autre  côté,  la  raideur,  ou  état 
velu,  a  aussi  certains  avantages;  comme  conséquence,  le  Rhea  se 
combine  facilement  avec  la  laine.  Aussi  le  Rhea,  en  vertu  de  sa 
qualité,  a  une  vaste  étendue  d'affinités  avec  les  autres  fibres,  quoi- 
qu'il ne  soit  pas  absolument  semblable  k  aucune  d'elles.  Ceci  explique 
pourquoi  ses  applications  expérimentales  embrassent  un  champ  si 
large.  On  l'a  actuellement  essayé  comme  substitut  du  coton,  du 
chanvre,  du  lin,  de  la  laine  et  de  la  soie.  »  Dans  sa  plus  récente 
conférence  devant  la  Société  des  Arts  k  propos  de  cette  fibre,  le 
Dr  Fobbes  Waïson  dit  :  «  Maintenant  k  quoi  est  bon  le  Rhea  ?  Il 
est  difficile  de  dire  ce  k  quoi  il  n'est  pas  bon.  C'est  la  fibre  la  plus 
forte  qui  soit  dans  la  nature.   » 


348  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 


DES    TISSUS    MÉLANGÉS 


Rhea  avec  coton.  —  Les  premiers  essais  pour  l'emploi  du  Rhea 
avec  le  coton  furent  faits  en  1862  en  Angleterre  et  en  France.  La 
fibre  de  Rhea  provenant  de  Chine  fut  découpée  en  longueurs  de 
2  pouces,  et  traitée  par  les  alcalis  et  l'huile,  donnant  une  matière 
propre  à  mélanger  au  coton.  Ce  Rhea  cotonnisé  fut  l'objet  d'expé- 
riences variées  ;  il  fut  mêlé  à  du  coton,  et  fut  filé  ;  le  fil  fut  tissé  en 
différentes  étoffes,  soumis  à  la  teinture  et  à  l'impression  sans  aucune 
difficulté.  Les  étoffes  ainsi  faites  gagnèrent  en  solidité,  et  acquirent 
une  certaine  somme  d'éclat.  Mais,  considérant  la  matière  à  un  point 
de  vue  commercial,  on  peut  dire  que  le  Rhea  ne  paiera  jamais 
comme  mélange  avec  le  coton  :  il  restera  toujours  matière  trop  pré- 
cieuse pour  être  employé  comme  mélange  ou  même  comme  substitut 
du  coton,  le  coût  de  son  extraction  étant  prohibitif  de  pareil  usage. 
Cela  était  vrai,  il  y  a  quelques  années  ;  mais  il  semble  probable  que 
la  nouvelle  machinerie  abaissera  le  prix  du  Rhea  jusqu'à  ce  que 
son  mélange  au  coton  soit  possible.  M.  W.  Haworth,  parlant  de 
l'emploi  du  Rhea  avec  le  coton,  dit  :  «  Le  Rhea  ferait  les  chaînes 
des  plus  fins  articles  en  coton  ;  les  trames  pourront  se  faire  en  «  Sea 
Island  »,  ou  autre  coton  fin.  Il  pourra  s'utiliser  depuis  les  articles 
les  plus  fins  jusqu'aux  plus  gros.  » 

Rhea  avec  lin.  —  La  probabilité  de  son  emploi  avec  le  lin  remonte 
aux  premiers  expérimentateurs  ;  mais  l'expérience  a  vite  indiqué 
qu'il  était  nécessaire  de  surmonter  les  difficultés  techniques  avant 
que  le  Rhea  puisse  être  filé  avec  succès  sur  la  machinerie  du  lin.  Ces 
difficultés  furent  postérieurement  surmontées  ;  Moerman  dans  sa 
brochure  sur  le  Rhea  mentionne  ce  fait  qu'il  examina  des  échantil- 
lons filés,  dans  quelques  usines  de  France  et  de  Belgique,  par  des 
machines  à  lin  sur  bancs  à  eau  froide.  Ils  étaient  doux  et  brillants; 
l'éclat  était  garanti  par  le  passage  de  l'étoffe  entre  des  cylindres. 
Le  D1'  Forbes  Watson,  dans  son  rapport  (1875),  écrivit  :  «  Il  y  a 
plusieurs  années,  un  des  plus  grands  filateurs  de  lin  du  Royaume 
envoya  une  somme  considérable  —  2.000  liv.  st.,  je  crois,  —  pour 
tenter  d'utiliser  le  China-grass  à  la  place  du  lin  ;  mais  l'expérience 
fut  abandonnée,  à  cause  de  la  nature  velue  des  fils  produits.  Il  est 
cependant  très  possible  de  préparer  du  Rhea  de  manière  à  le  rendre 
susceptible  d'être    filé  sur  les  machines  à  lin.  Nous  trouvons,    du 


LA    KA.MIE  349 

reste,  des  linges  de  table  et  de  belles  étoiles  en  cette  matière,  égaux 
à  tout  ce  qu'on  pourrait  produire  avec  le  lin.  » 

Rhea  avec  laine.  —  En  combinaison  avec  la  laine,  le  Rhea 
semble  avoir  chance  de  réussite  ;  son  application  dans  cette  voie 
attira  davantage  l'attention,  et  pour  un  temps  acquit  une  part  très 
grande  de  succès,  puisqu'il  était  moins  coûteux  que  la  laine,  et  pré- 
sentait avec  elle  une  similarité  frappante.  «  Le  Rhea  préparé,  ou  le 
China-grass,  découpé  en  longueurs  convenables,  a,  en  fait  »,  dit  le 
Dr  Forbks  Watson,  «  été  reconnu  susceptible  d'être  filé  sur  la 
machinerie  a  laine,  et  d'être  alors  employé  comme  mohair  ou  autres 
laines  à  longs  brins,  pour  la  fabrication  de  certains  genres  de  tissus 
dont  l'effet  dépend  de  l'éclat  de  la  matière  première.  Ces  tissus 
furent  faits,  comme  règle,  avec  des  chaînes  en  coton  ;  le  fil  en  Rhea, 
d'un  tordage  comparativement  faible,  servait  de  trame.  On  l'em- 
ploya surtout  pour  des  vêtements  de  dames  ;  tout  d'abord,  il  sem- 
blait que  le  succès  fût  complet.  Mais  après  un  certain  temps,  l'infé- 
riorité des  nouveaux  tissus,  comme  vêtements  de  femmes,  devint 
manifeste.  Bien  qu'ils  remplissent  tout  ce  qu'on  pouvait  souhaiter 
d'aspect  et  de  fini,  on  fit  cette  objection  fatale  qu'à  l'usage  ils  se 
fripaient  facilement,  parce  que  la  fibre  végétale  du  Rhea  manque  de 
la  grande  élasticité  que  possédait  la  laine.  A  cause  de  cette  infério- 
rité, les  prix-courant  du  Rhea  en  rendirent  l'utilisation  dans  ce  sens 
dorénavant  sans  profit.  Ce  nouveau  commerce  s'affaissa  aussi  rapi- 
dement qu'il  avait  surgi,  et  depuis  1872,  la  matière  première 
demeure  encore  matière  à  expériences.  Cependant,  on  est  parvenu 
à  vaincre  le  fiïpage  en  mélangeant  de  la  laine  au  Rhea,  ou  par 
l'emploi  de  chaînes  très  épaisses  en  coton.  Des  étoffes  d'un  nouveau 
genre  ont  été  fabriquées  sur  une  petite  échelle;  elles  ont  trouvé  un 
prompt  débit:  » 

Le  rapport  du  D1'  Forbes  Watson  est  plein  de  renseignements 
utiles  ;  on  peut  aussi  citer  le  passage  suivant  :  «  Il  est  suffisamment 
évident  qu'aux  prix  de  la  matière  brute  constamment  abaissés  »  — 
cela,  par  des  moyens  d'extraction  et  de  préparation  de  la  fibre  plus 
efficaces  et  moins  coûteux,  aussi  bien  que  par  l'extension  de  la  cul- 
ture de  la  plante,  —  «  il  y  aurait  un  plus  vaste  champ  pour  l'em- 
ploi du  Rhea  comme  substitut  des  laines  à  longs  brins.  Même  si  son 
utilisation  pour  vêtements  de  femme  n'était  pas  encore  repris,  il  y  a 
les  tentures,  les  garnitures  de  voiture,  les  tapis,  et  autres  articles 
pour  lesquels  l'appropriation  du  Rhea  a  été  établi,  et  dont  les  appli- 


350  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

cations  continuent  à  capter  l'attention  de  quelques-uns  de  nos  plus 
éminents  industriels.  Il  y  a  diverses  circonstances  pour  favoriser 
lemploi  duRhea  dans  cette  spécialité,  plutôt  qu'en  concurrence  avec 
le  lin.  La  matière  concurrente  est  d'un  prix  plus  élevé  que  le  lin  ;  les 
meilleures  sortes  de  laine  variant  de  130  à  280  liv.  st.  par  tonne, 
tandis  que  celles  qui,  dans  leur  état  brut,  sont  moins  ooùteuses, 
contiennent  une  telle  proportion  de  crasse  que  le  prix  pour  la  fibre 
vraiment  utilisable  n'est,  en  réalité,  ici  aussi  pas  beaucoup  plus  bas. 
Il  y  a  de  plus  cette  circonstance  que  les  déchets  du  peignage  de 
Rhea,  ou  blousses,  ont  été  reconnus  très  convenables  pour  les 
mélanges  en  volume  avec  les  sortes  grossières  de  laine  ;  ils  sont 
susceptibles  d'être  utilisés  pour  couvertures  de  lit,  comme  aussi, 
peut-être,  pour  donner  de  la  force  aux  renaissances,  et  à  toute  une 
variété  d'autres  articles  à  longs  poils.  » 

Rhea  avec  soie.  —  Comme  mélange  avec  la  soie,  le  Rhea  a  un  rival 
formidable  dans  le  jute  ;  quoique  la  question  de  l'utilisation  du  Rhea 
comme  substitut  ou  matière  à  mélanger  à  la  soie  ait  été  à  diverses 
reprises  renouvelée  en  Angleterre  et  à  Lyon,  et  quoique,  par  l'ap- 
plication du  Rhea,  il  a  été  reconnu  possible  d'imiter,  dans  certaines 
limites,  les  effets  de  la  soie  pour  certains  tissus  mixtes,  l'emploi 
principal  du  Rhea  dans  ce  but  n'a  jamais  conquis  un  terrain  véritable. 
Le  Dr  Forbes  Watson  dit  toutefois  que  «  le  Rhea  est  préparé  de 
diverses  manières,  de  façon  à  lui  laisser  son  brillant,  qui  lui  donne 
toute  l'apparence  de  la  soie  ;  il  est  certainement  bien  supérieur, 
même  au  jute,  pour  mélange  avec  la  soie  ». 

Rhea  et  chanvre.  —  Dans  l'Assam  et  le  Bengale  où  le  Rhea 
pousse,  l'emploi  auquel  il  est  communément  destiné  est  le  même 
que  celui  pour  lequel  le  chanvre  est  utilisé  en  Europe,  c'est-à-dire 
pour  les  filets,  les  lignes  de  pêche  et  autres  articles  dont  la  force,  la 
légèreté  et  la  puissance  de  résistance  à  l'eau  sont  essentielles.  Con- 
sidéré comme  matière  première  pour  cet  usage,  le  Rhea  figure  d'une 
manière  prééminente  avec  ses  chances  de  succès.  Le  chanvre  est,  il 
est  vrai,  d'un  prix  plus  bas  que  le  Rhea  ;  mais  il  subit  une  perte  de 
poids  plus  grande  que  le  Rhea  dans  l'opération  du  sérançage,  tandis 
que  ce  dernier  est  supérieur  en  force  et  en  résistance  à  l'eau  ;  son 
cordage  plus  léger  produirait  le  même  service  que  de  plus  pesants 
en  chanvre.  «  Pour  plusieurs  usages,  dit  le  D1'  Forbes  Watson, 
tels  que  les  agrès  de  navire,  l'augmentation  de  légèreté  est  en  soi 


LA    RAM1E  351 

une  considération  importante,  sans  compter  l'économie  de  matière.  » 
«  Pour  tous  ces  motifs,  le  Rhea  peut  être  substitué  avec  avantage 
au  lin,  même  s'il  est  à  un  prix  considérablement  plus  haut  que  le 
chanvre.  On  peut  dire  la  même  chose  de  son  emploi  analogue  pour 
les  toiles  a  prélart  et  à  voiles,  au  lieu  du  lin.  Dans  ce  cas  aussi,  la 
force  supérieure  du  Rhea  résulte  du  double  avantage  de  l'économie 
de  matière  et  d'une  légèreté  plus  grande;  elle  le  rendrait  susceptible 
de  concurrencer  le  lin  avec  succès,  même  si  ce  dernier  était  consi- 
dérablement meilleur  marché  à  la  tonne.  » 

Le  Rhea  en  tant  que  fibre  à  cordage  et  à  corde.  —  La  grande  force 
de  la  fibre,  sa  légèreté  et  sa  puissance  de  durée  dans  l'eau,  sont  des 
qualités  qui  la  place  au  premier  rang  des  fibres  bonnes  pour  les  cor- 
dages et  les  câbles. 

Applications  locales  de  la  fibre.  —  Dans  l'Assam  supérieur,  les 
doombs  ou  pêcheurs  cultivent  la  plante  à  Rhea,  et  en  extrayent  la 
fibre  par  travail  manuel  ;  ils  l'emploient  à  la  fabrication  de  leurs 
filets  de  pêche. 

Dans  quelques  localités  des  districts  de  Rungpore  et  de  Dinage- 
pore,  une  quantité  limitée  de  Rhea  est  régulièrement  cultivée,  parti- 
culièrement le  long  des  rives  des  rivières  Attri  et  Teesta,  où 
demeurent  les  pêcheurs.  Les  cultivateurs  trouvent  une  vente 
bonne  et  rémunératrice  de  cette  fibre;  mais  ils  ont  rarement  plus 
de  quelques  yards  carrés  en  plantation.  Quoiqu'elle  soit  cultivée 
partout  dans  ces  districts,  la  culture  en  est  seulement  pratiquée 
sur  une  petite  échelle.  A  Bhagulpore,  on  dit  que  les  gens  de  la 
caste  des  dhanook  préparent  la  fibre  de  Rhea  et  la  vendent  aux  tis- 
serands en  soie  et  en  tussor  du  district,  la  conclusion  à  en  tirer 
étant  que  les  tisserands  mélangent  le  Rhea  à  la  soie. 

Matière  première  à  papier .  — Gomme  telle,  naturellement  il  est  peu 
probable  que  le  Rhea  soit  en  grand  usage,  en  raison  de  sa  valeur  et 
de  son  haut  prix.  Mais,  incontestablement,  une  partie  des  déchets 
peut  être  employé  dans  ce  but,  principalement  comme  matière  à 
mélanger,  pour  communiquer  la  force  et  la  cohésion  à  des  matières 
très  inférieures. 

Lorsqu'elles  sont  sèches,  les  feuilles  sont  très  fibreuses  et 
peuvent  s'utiliser  comme  matière  à  papier.  Théo.  Moerman,  dans 
son  petit  livre  sur  «  la  Ramie  »,  indique  que  l'on  peut  obtenir  envi- 
ron 6.750  livres  de  feuilles  sèches  par  acre. 


352  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Utilisations  moindres  de  la  fibre  de  Rhea.  —  Parmi  les  usages 
moindres  du  Rhea,  on  peut  mentionner  ce  fait  qu'il  s'emploie  quel- 
quefois pour  étoupes  de  machines  à  vapeur.  A  titre  de  curiosité,  il 
est  intéressant  de  dire  que  la  libre  de  Rhea  est  actuellement  utilisée 
à  polir  l'ivoire,  tels  que  les  billes  de  billards,  etc.  On  a  fait  récem- 
ment des  expériences  pour  transformer  la  fibre  de  Rhea  en  une 
matière  absolument  analogue  à  du  cuir  pour  être  e  n  ployé  comme 
substitut  dans  la  fabrication  des  courroies. 


METHODES    DE    TRAITEMENT    ET    DE    SEPARATION    DE    LA    FIBRE 

Travail  manuel. 

La  réelle  difficulté  dans  le  sens  d'une  utilisation  étendue  de  la 
fibre  de  Ramie  est  la  décortication  des  tiges,  ou,  en  d'autres  termes, 
l'extraction  des  fibres,  à  un  prix  raisonnable,  et  dans  des  conditions 
abordables  pour  le  commerce.  Le  Dr  Forres  Watson,  dans  une 
conférence  devant  la  Société  des  Arts,  expliquait  les  parties  consti- 
tuantes de  la  tige  de  Rhea.  Il  disait  :  «  Vous  observerez,  en  brisant 
cet  échantillon  de  Rhea  vert,  que  je  parviens  à  enlever  une  certaine 
quantité  de  libre  verte,  l'arrachant  de  cette  façon.  Je  désire,  en  pre- 
mier lieu,  en  référer  à  la  composition  des  parties  constituantes  de 
cette  écorce.  La  portion  extérieure  consiste  en  une  pellicule  à 
laquelle  un  chimiste  très  distingué  a  donné  le  nom  de  cutose.  Au 
dessous  de  celle-ci  se  trouve  une  écorce  qui  contient  la  matière 
colorante  verte  de  la  plante,  et  est  appelée  vasculose  ;  immédiate- 
ment après  vient  la  fibre  elle-même.  Cette  fibre,  comme  l'écorce 
qui  y  adhère,  est  unie  à  la  tige  par  un  autre  principe,  qui  est  appelé 
pectose.  »  La  difficulté  consiste  à  séparer  l'écorce  et  les  autres 
matières  de  la  fibre.  Pour  accomplir  ce  travail,  des  inventions 
diverses  et  des  machines  ont  été  spécialement  présentées  et  breve- 
tées. 

En  Chine,  à  Bornéo,  à  Sumatra,  on  a  adopté  le  système  suivant  : 
«  Les  tiges  sont  coupées  et  réunies  en  bottes  ;  elles  sont  alors  jetées 
dans  des  mares  dormantes,  et  y  demeurent  durant  plusieurs  jours, 
jusqu'à  ce  que  l'opération  du  rouissage  soit  suffisamment  avancée 
pour  produire  la  séparation  facile  de  l'écorce  d'avec  les  parties  boi- 
seuses.  En  cet  état,  les  bottes  de  tiges  sont  retirées  de  l'eau,  et  toute 
la  lanière  corticale,  ou  fibre  brute,  est  immédiatement  recueillie.  A 


LA    RAM1E  353 

cet  effet,  l'écorce,  encore  sur  les  tiges,  est  brisée  vers  le  milieu  ; 
deux  doigts  sont  introduits  entre  le  bois  et  l'écorce,  puis  glissés 
tout  le  long  de  la  grandeur  de  la  tige  entre  bois  et  écorce,  ce  qui 
détache  la  fibre  en  deux  bandes  ou  rubans.  Ces  bandes  sont  éten- 
dues dehors,  sur  champs,  pour  continuer  à  finir  l'opération  du 
rouissage,  par  exposition  à  la  rosée  ;  mais  ceux  qui  sont  plus  expé- 
rimentés réunissent  ces  bandes  d'écorce  en  paquets,  et  de  nouveau, 
pour  la  seconde  fois,  les  jettent  dans  l'eau  afin  d'effectuer  un  net- 
toyage par  une  nouvelle  et  plus  complète  opération  de  rouissage. 
Par  cette  seconde  immersion  se  produit  une  autre  fermentation,  et  la 
décomposition  vient  à  bout  de  la  sève,  ou  pulpe,  incrustée  dans  les 
fibres.  Cette  opération  achève  plus  complètement  le  rouissage,  qui 
ne  se  termine  pas  par  simple  exposition  à  la  rosée.  Après  ce  second 
rouissage,  il  reste  seulement  à  travailler  et  à  peigner  la  fibre,  puis 
à  la  préparer  pour  la  filer  a  toute  qualité  de  finesse  »  (Théo.  Moer- 
man). 

A  Java,  les  indigènes,  selon  toute  apparence,  n'ont  pas  recours 
au  rouissage  dans  les  mares.  Le  même  auteur  explique  le  moyen 
adopté,  comme  suit  :  «  Après  avoir  partagé  les  tiges  par  moitié, 
suivant  la  longueur,  ils  enlèvent  l'écorce  dont  ils  séparent  alors 
l'épidémie  et  les  portions  visqueuses  en  la  raclant  avec  un  couteau, 
jusqu'à  ce  que  la  fibre  commence  à  paraître.  Celle-ci  est  blanche, 
avec  une  légère  teinte  de  vert.  Ils  se  contentent  de  laver  cette  fibre 
à  plusieurs  reprises  dans  l'eau,  puis  la  sèchent  ;  mais  cette  manipu- 
lation, comme  on  le  comprend  aisément,  n'est  pas  suffisante  pour 
parvenir  à  chasser  entièrement  la  matière  glutineuse  qui  adhère  aux 
fibres.  »  A  Bornéo  et  à  Sumatra,  le  moyen  suivant  est  pratiqué  : 
Les  tiges  sont  réunies  en  bottes  et  exposées  pendant  quatre  ou  cinq 
jours  à  l'action  de  l'eau.  Celle-ci  détruit  l'écorce  épaisse,  et  beau- 
coup de  matière  gommeuse  ;  elle  sépare  partiellement  la  fibre,  qui 
est  alors  extraite,  et  exposée  à  la  rosée  pendant  plusieurs  jours. 

Dans  l'Assaut  supérieur,  la  méthode  suivante  est  mise  en  pra- 
tique :  «  L'opérateur  saisit  la  tige  à  deux  mains  vers  le  milieu,  et 
pressant  fortement  l'index  et  le  pouce  des  deux  mains,  imprime  un 
tordage  particulier  ;  il  brise  en  travers  la  moelle  intérieure.  Alors 
passant  rapidement  les  doigts  de  la  main  droite,  puis  ceux  de  la 
gauche,  alternativement,  vers  chaque  bout,  il  sépare  complètement 
en  deux  torons  l'écorce  et  la  fibre  d'avec  la  tige.  Les  torons  d'écorce 
et  la  fibre  sont  alors  mis  en  paquets  en  grosseur  convenable,  liés 

Bulletin  du  Jardin  colonial.  23 


354  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

par  le  petit  bout  avec  un  morceau  de  fibre,  et  placés  dans  de  l'eau 
propre  pour  quelques  heures  ;  ce  qui,  je  crois,  provoque  l'entraîne- 
ment du  tanin  et  de  la  matière  colorante.  L'opération  du  nettoyage 
se  passe  comme  suit  :  les  paquets,  parle  moyen  de  l'attache  au  petit 
bout,  sont  suspendus  à  un  crochet  fixé  à  un  poteau,  à  hauteur  com- 
mode pour  l'opérateur,  qui  prend  chaque  toron  séparément  par  le 
gros  bout,  dans  sa  main  gauche  ;  il  passe  le  pouce  de  la  main  droite 
rapidement  le  long  du  côté  interne.  Par  cette  opération,  1  ecorce 
extérieure  est  complètement  séparée  de  la  fibre  ;  le  ruban  de  fibre 
est  alors  entièrement  nettoyé  par  deux  ou  trois  raclages  avec  un 
petit  couteau.  Ceci  complète  l'opération,  avec  quelque  perte  pour- 
tant, soit  un  cinquième.  Si  on  séchait  rapidement,  on  pourrait  livrer 
de  suite  à  l'exportation  ;  mais  l'aspect  de  la  fibre  est  beaucoup  amé- 
liorée par  l'exposition  sur  l'herbe,  immédiatement  après  nettoyage, 
à  une  forte  rosée  de  nuit,  en  septembre  ou  octobre,  ou  à  une  averse 
durant  la  saison  pluvieuse.  Après  séchage,  la  couleur  s'améliore  ; 
et  il  n'y  a  plus  aucun  risque  de  «  rouille  »  pendant  le  voyage  vers 
le  pays,  »  [Major  Hannay,  dans  les  Plantes  fibreuses  de  l'Inde, 
par  J.  Forbes  Royle,  1855.  p.  363). 

(A  suivre.)  G.   Bigle  de  Cardo. 


RAPPORT     SUR    L'EXPLOITATION     DU     TABAC 
DANS     LES     TERRITOIRES     DE     SÉNÉGAMBIE      ET     NIGER 

irc  question. 

Le  Tabac  est-il  cultivé  dans  la  colonie? 
Par  les  indigènes  ? 
Par  les  colons? 

Donne-t-il  lieu  à  un  commerce   d'importation  (indiquer   les 
quantités)  ; 

D'exportation  ? 

Cercle  de  la  Halte-Casamance.  —  Le  tabac  n'est  pas  cultivé  en 
Casamance.  Une  tentative  faite  par  la  C1P  des  caoutchoucs  de  la 
Casamance  n'a  donné  que  de  mauvais  résultats.  Le  terrain  choisi 
n'était,  d'ailleurs,  pas  propre  à  cette  culture,  ainsi  qu'on  l'a  plus 
tard  reconnu. 

Cercle  de  Ziguinchor.  —  Le  tabac  n'est  pas  cultivé  dans  la 
Basse-Casamance.  11  donne  lieu  à  un  commerce  d'importation  très 
important. 

Cercle  de  Niani  Ouli.  —  Le  tabac  est  cultivé  dans  le  Cercle  par 
les  Mandingues  et  les  Peulhs.  Il  donne  lieu  à  un  petit  commerce 
entre  les  indigènes,  qui  le  consomment  sur  place  ;  mais  de  grandes 
quantités  de  tabac  d'Amérique  sont  importées  dans  le  pays  par  les 
traitants. 

Cercle  de  Kaolack.  —  Le  tabac  est  cultivé  en  faible  quantité 
dans  le  Saloum  oriental.  Dans  le  Saloum  occidental,  le  Niombato 
et  le  Sine,  il  pousse  à  l'état  sauvage.  On  en  plante  en  outre  quelques 
pieds  à  l'intérieur  des  cours.  Il  ne  donne  lieu  à  aucun  commerce 
d'exportation  ou  d'importation. 

Résidence  de  Soussoune.  —  La  culture  du  tabac  est  inconnue 
dans  les  provinces  Sérères. 

Résidence  de  Toul.  —  Le  tabac  n'est  pas  cultivé  dans  le  Baol 
occidental.  Tout  le  tabac  vendu  "dans  le  pays  provient  d'un  assez 
grand  commerce  d'importation. 


356  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Résidence  de  Diourbel.  —  Le  seul  tabac  consommé  (sous  toutes 
les  formes)  par  l'indigène  est  de  provenance  américaine. 

Cercle  de  Tivaouane.  —  Le  tabac  est  cultivé  dans  certaines  par- 
ties de  la  colonie  du  Sénégal.  Ces  cultures  sont  faites  par  les  indi- 
gènes, et  non  par  les  colons. 

Les  quantités  de  tabac  récoltées  ne  donnent  lieu  à  aucun  com- 
merce d'exportation,  pour  les  causes  suivantes  :  1°  la  quantité  de 
la  récolte  est  insuffisante  pour  les  besoins  de  la  population  ;  2°  ce 
tabac  n'est  pas  de  qualité  marchande. 

Aussi  le  commerce  sénégalais  reçoit-il  d'Amérique  des  quantités 
considérables  de  tabac  en  boucauts,  pour  la  vente  aux  indigènes  : 
d'où  il  résulte  pour  le  fisc  sénégalais  des  recettes  considérables  : 
car  le  droit  sur  cet  article  est  fixé  à  35  °/0  pour  la  douane  et  la  taxe 
de  consommation.  Les  tabacs  importés  varient  comme  couleur, 
poids  et  dimensions.  Les  uns  sont  jaunes,  couleur  de  feuilles 
mortes,  légers  et  secs  sous  les  doigts.  Cette  qualité  se  vend  diffici- 
lement. x\ussi,  pour  l'écouler  avec  plus  de  facilité,  lui  fait-on  subir 
la  préparation  suivante  :  on  l'arrose  à  plusieurs  reprises  avec  une 
solution  composée  de  mélasse,  poudre  de  traite  et  eau  de  mer.  C'est 
le  système  le  plus  généralement  employé.  Mais  certains  indigènes, 
et  entre  autres  les  Maures,  les  Laobés  et  les  habitants  des  villes  et 
escales,  ne  veulent  pas  du  tabac  ainsi  truqué.  On  prépare  donc  pour 
eux  une  solution  composée  de  mélasse,  de  jus  de  tabac  et  d'eau  de 
mer,  ce  qui  donne  au  produit  ainsi  obtenu  un  goût  spécial,  très 
apprécié  par  les  indigènes.  L'eau  de  mer  empêche  le  tabac  de  deve- 
nir trop  sec,  de  se  briser  en  miettes  par  le  vent  d'Est,  par  suite  de 
le  rendre  plus  maniable  pour  la  vente  et  aussi  plus  lourd.  Le  jus  de 
tabac,  ou  nicotine,  s'obtient  à  l'aide  des  petites  têtes  de  tabac, 
nommées  Roussit  en  woloff,  qui  se  trouvent  tout  autour  des  bou- 
cauts expédiés  d'Amérique. 

Il  existe  une  autre  qualité  de  tabac,  très  recherchée  de  tous  les 
indigènes,  c'est  le  tabac  noir.  Celui-ci  comprend  deux  qualités  :  les 
feuilles  à  grosse  côte,  et  celles  dont  la  côte  est  très  mince.  Cette 
subdivision  n'a  d'importance  que  pour  le  commerçant  détaillant  : 
car,  pour  la  vente  à  la  feuille,  plus  le  tabac  est  léger,  plus  il  est 
avantageux.  En  effet,  une  tête  de  tabac  contient  généralement 
10  feuilles,  soit,  à  0  fr.  05  l'une,  0  fr.  50  pour  le  prix  d'une  tête. 

Au  contraire,  si  la  côte  est  grosse,  cette  même  tête  ne  contient 
plus  que  5  ou  o  feuilles  et  la  vente  devient  difficile,  car  l'indigène 


1ÎAPP0RT    SUR    L'EXPLOITATION    DU    TARAC  357 

n'aime  pas  payer  0  fr.  10  ce  qu'il  croit  n'avoir  déjà  payé  que 
0  fr.  05. 

Le  tabac  noir  possède  les  qualités  suivantes  :  les  feuilles  en  sont 
très  longues  et  très  larges.  Elles  sont  poisseuses  au  toucher  et  se 
dessèchent  assez  lentement.  De  plus,  leur  combustion  donne  une 
fumée  très  odorante. 

Le  prix  du  tabac  d'Amérique  varie  généralement,  en  gros,  entre 
2  francs  et  2  fr.  40  le  kilo,  suivant  la  qualité.  Les  boucauts  sont, 
en  moyenne,  du  poids  de  900  kilos,  mais,  comme  ils  sont  peu 
maniables,  depuis  une  vingtaine  d'années  le  tabac  est  expédié  en 
1/2  boucauts,  de  400  à  500  kilos  :  c'est  là  le  poids  brut  :  lors  de 
la  vente,  on  obtient  le  poids  net  en  prenant  une  tare  de  15  °/0. 

Cercle  de  Louga.  —  Le  tabac  n'est  pas  cultivé  dans  le  cercle  de 
Louga.  Il  donne  lieu  à  un  commerce  d'importation  assez  fort  :  envi- 
ron 80.000  kilos  par  an. 

Cercle  de  Podor.  —  Le  tabac  est  cultivé  par  les  indigènes.  Mais 
il  ne  donne  lieu  qu'à  un  commerce  d'importation.  Les  statistiques 
des  quantités  reçues  à  Saint-Louis  et  dégrevées  de  l'octroi  de  mer 
indiqueront  l'importance  de  ce  commerce  :  on  peut  simplement  dire 
que  la  région  du  fleuve  consomme  une  quantité  considérable  de 
tabac. 

Cercle  de  Kaédi.  —  Le  tabac  est  cultivé,  mais  en  petite  quantité, 
par  les  indigènes.  Il  n'est  pas  exporté  ;  mais  on  le  consomme,  dans 
le  pays,  de  préférence  au  tabac  d'importation. 

Cercle  de  Bakel.  —  Le  tabac  est  très  peu  cultivé  dans  ce  pays. 
Les  indigènes  lui  préfèrent  le  tabac  en  feuilles,  provenant  de  nos 
manufactures  nationales.  A  elle  seule,  l'escale  de  Bakel  écoule, 
chaque  année,  environ  7.000  kilos  de  ce  produit. 

2e  question. 

Dans  quelles  conditions  la  culture  est-elle  pratiquée  ? 
Nature  du  sol. 
Le  terrain  est-il  irrigué  ? 

Quelle  est  la  distance  observée  entre  les  plants  ? 
Le  terrain  est-il  fumé  ? 

Les  plantes  sont-elle  abandonnées  à  elles-mêmes,  ou  soumises 
à  une  taille  ? 


358  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Cultive-t-on  le  tabac  plusieurs  années  de  suite  sur  le  même  ter- 
rain, ou  bien  déplace-t-on  sa  culture  chaque  année  ? 

Cercle  de  Zigltnchor.  —  La  nature  du  sol  sablonneux  ne  se  prête 
pas  à  la  culture  du  tabac.  Quelques  plants  existent  actuellement 
dans  le  terrain,  dépendant  de  l'Administration  de  Ziguinchor.  C'est 
le  tabac  à  petites  feuilles.  Ces  plants  ont  poussé  très  difficilement, 
et  sont  brûlés  par  le  vent  d'Est. 

Cercle  de  Niani-Ouli.  —  Des  champs  spéciaux  ne  sont  pas  créés 
pour  le  tabac,  qui  est  cultivé  derrière  les  cases,  avec  le  maïs,  ou  dans 
les  marigots  desséchés.  Au  début  de  l'hivernage,  les  graines  sont 
jetées  en  terre,  et,  quand  elles  ont  germé  et  atteint  une  certaine 
hauteur,  les  plants  sont  arrachés  et  repiqués. 

Le  terrain  est  argileux,  inondé  par  les  pluies  d'hivernage.  On  ne 
l'irrigue  pas. 

Les  plants  sont,  en  général,  espacés  de  0m25  à  0m30,  sans  qu'on 
observe  toutefois  des  distances  bien  régulières. 

Le  terrain,  autour  des  cases,  est  fumé  avec  la  crotte  de  chèvres, 
de  moutons  et  avec  toutes  sortes  de  détritus.  Dans  les  marigots, 
le  terrain  est  seulement  remué. 

Les  plantes  sont  abandonnées  à  elles-mêmes,  jamais  taillées. 

Le  tabac  se  cultive  tous  les  ans  à  la  même  place. 

Cercle  de  Kaolack.  —  Dans  le  Saloun  oriental,  aux  endroits 
où  le  tabac  est  cultivé,  on  pratique  des  semis  et  on  repique  les 
plants;  on  arrose  jusqu'au  moment  où  l'on  a  repiqué.  Dans  les  autres 
provinces  le  tabac  vient  à  l'état  sauvage,  aussi  bien  dans  le  sable 
que  dans  la  terre  proprement  dite. 

Cercle  de  Tivavouane.  —  Dans  le  Cayor  et  le  Cercle  de  Louga, 
personne  ne  se  livre  à  la  culture  du  tabac. 

Cercle  de  Podor.  —  Ce  sont  les  tiouballos,  pêcheurs  toucouleurs, 
qui  se  livrent,  pour  ainsi  dire  exclusivement,  à  la  culture  du  tabac. 
Ils  forment  de  petits  villages  sur  les  bords  du  fleuve  et  du  marigot 
de  Doué,  ou  des  quartiers  à  part  dans  les  grandes  agglomérations. 

L'emplacement  choisi  est  un  terrain  inondé,  généralement  une 
bande  de  la  berge  du  fleuve.  Le  sol  est  très  compact,  composé  d'ar- 
gile siliceuse  et  renferme  assez  d'humidité,  après  le  retrait  des  eaux, 
pour  assurer  la  végétation  complète  de  la  plante.  Le  tabac  aimant 
un  terrain  léger  et  sablonneux,  on  voit  qu'il  ne  se  trouve  pas  dans 


RAPPORT    SUR    l'eXPLOITATION-DU    TAHAC  359 

de  bonnes  conditions.  Mais  des  terrains  de  cette  nature  se  desséche- 
raient trop  vite  et  devraient  être  irrigués,  ou,  tout  au  moins,  arro- 
sés :  c'est  ce  qui  a  poussé  l'indigène,  plutôt  avare  de  son  travail,  à 
choisir  les  premiers. 

Vers  la  fin  de  septembre,  ou  dans  les  premiers  jours  d'octobre 
(pour  Podor),  c'est-à-dire  environ  un  mois  ou  20  jours  avant  que 
les  eaux  commencent  à  baisser,  le  cultivateur  prépare  sa  planche  de 
semis.  C'est  la  plupart  du  temps  dans  un  petit  creux  (remué  à  la 
houe)  du  haut  de  la  berge,  voisin  de  son  champ,  et  qui,  sans  être 
inondé,  est  naturellement  très  humide. 

Dès  que  la  crue  cesse,  le  cultivateur  transplante,  au  fur  et  à 
mesure  de  la  baisse  des  eaux.  Il  presse  fortement  la  terre  autour  des 
pieds,  qu'il  n'espace  pas  assez  :  en  moyenne  0ni35  à  0m40  en  tous 
sens.  Le  noir  ne  tient  aucun  compte  du  temps,  clair  ou  couvert,  au 
moment  de  la  transplantation,  mais  il  arrose  un  peu  les  jeunes  pieds 
quand  ils  paraissent  trop  souffrir. 

Le  terrain  n'a  pas  reçu  d'autre  engrais  que  le  limon  apporté  par 
la  crue. 

Quand  ils  ont  repris,  les  plants  sont  livrés  à  eux-mêmes.  La  pro- 
preté du  sol  ne  nécessite  généralement  qu'un  léger  sarclage  des 
mauvaises  herbes. 

La  suppression  de  l'extrémité  de  la  tige  qui  porte  les  bourgeons 
floraux,  celle  des  rameaux  qui  poussent  à  l'aisselle  des  feuilles,  et 
celle  des  feuilles  inférieures  lorsqu'elles  sont  abîmées  et  salies, 
ainsi  que  les  buttages  successifs,  sont  totalement  négligés,  sinon 
inconnus.  Les  administrateurs  en  tournée  ont  tous  eu,  au  moins 
une  fois,  l'occasion  de  renseigner  les  gens  sur  ces  pratiques  si 
simples,  et  sans  lesquelles  on  ne  peut  rien  produire  de  bon,  mais 
elles  exigent  un  surcroît  de  travail. 

Ce  n'est  qu'à  de  très  rares  exceptions  et  pour  des  raisons  qui  n'ont 
rien  de  cultural  que  le  noir  change  d'emplacement  pour  cultiver  son 
tabac. 

Cercle  de  Kaédi.  —  Les  points  choisis  pour  la  culture  sont  les 
rives  du  fleuve  ou  les  terrains  restés  longtemps  inondés  :  la  terre 
est  arrosée  deux  fois  par  jour,  matin  et  soir,  mais  n'est  pas  fumée.  Les 
semis  se  font  d'abord  à  la  volée,  et  les  plants  sont  repiqués  à  20  ou 
30  centim.  l'un  de  l'autre;  ils  ne  sont  pas  taillés.  Les  cultures  ne 
sont  pas  déplacées  ;  le  même  terrain  est  ensemencé  en  tabac  tous 
les  ans. 


360 


ETUDES    ET    MEMOIRES 


Cercle  de  Bakel.  —  La  culture  du  tabac  est  pratiquée  exclusive- 
ment sur  les  berges  du  fleuve,  dans  les  terrains  inondés,  laissés 
libres  par  le  retrait  des  eaux. 

Le  tabac,  une  fois  semé,  est  arrosé  jusqu'à  ce  que  les  jeunes 
plants  soient  grands  de  5  à  6  centim.  Lorsqu'ils  ont  atteint  une 
hauteur  de  10  centim.  environ,  ils  sont  repiqués,  à  des  intervalles 
distants  de  25  centim.  environ  dans  les  terres  humides,  nouvelle- 
ment abandonnées  par  les  eaux.  Ils  ne  sont  plus  alors  l'objet  d'au- 
cun soin  et  ils  ne  subissent  aucune  taille  jusqu'à  leur  parfait  déve- 
loppement. 

Ce  sont  les  mêmes  terres  qui,  engraissées  régulièrement  par  le 
limon  du  fleuve,  servent  chaque  année  à  la  culture  du  tabac.  Elles 
ne  sont  jamais  fumées  par  l'indigène. 

Cercle  de  Matam.  —  Ceux  qui  ont  remonté  le  fleuve  de  décembre 
à  fin  février,  ont  pu  remarquer  qu'entre  Saldé  et  Dembakané,  les 
berges  des  deux  rives  sont  couvertes  de  cette  culture.  En  novembre, 
les  indigènes  font  un  semis  de  tabac,  qui  couvre  environ  2  mètres 
carrés.  A  l'aide  de  calebasses,  ils  vont  prendre  dans  le  fleuve  l'eau 
nécessaire  à  l'arrosage.  Ce  semis  est  fait  trop  serré,  l'air  n'y  circule 
pas.  Aussi  les  plants  à  repiquer  sont  longs  et  maigres,  comme  ceux 
d'une  plante  levée  en  serre  chaude. 

Le  sol  est  simplement  un  terrain  d'alluvion  et  n'a  pas  besoin 
d'être  irrigué,  puisque  le  repiquage  s'opère  sur  la  berge  du  fleuve, 
au  fur  et  à  mesure  du  retrait  des  eaux,  sitôt  que  le  sol  est  assez 
ferme  pour  que  les  pieds  du  planteur  n'y  entrent  pas  trop  profondé- 
ment, c'est-à-dire  que  le  repiquage  se  fait  dans  la  vase. 

La  distance  réservée  entre  les  plants  est  à  peine  de  0m  50  :  aussi 
la  plante  pousse-t-elle  longue  et  maigre,  bien  que  le  sol  soit  gras.  Il 
est  vrai  qu'il  manque  de  potasse,  engrais  indispensable  dans  toute 
plantation  de  tabac.  Le  terrain  n'est  pas  fumé.  Les  indigènes  jettent 
le  fumier  au  fleuve,  où  l'entassent  à  quelques  mètres  de  leurs  cases  : 
d'où  perte  d'argent  et  constitution  de  foyers  insalubres.  Les  plants 
repiqués  sont  abandonnés  à  eux-mêmes.  Il  est  évident  que,  s'ils 
étaient  suivis,  étêtés  avant  la  floraison,  pinces  aux  aisselles,  et 
enfin  si  on  ne  laissait  sur  chaque  pied  qu'une  douzaine  de  feuilles, 
celles-ci  seraient  plus  longues,  plus  larges,  et  [de  meilleure  qualité. 

Les  indigènes  ne  connaissent  point  l'assolement  :  ils  cultivent 
plusieurs  années  de  suite  le  même  plant  sur  le  même  terrain.  Quand 
le  cultivateur  s'aperçoit  que  le  sol  est  épuisé,  il  le  laisse  en  jachère 


RAPPORT    SUR    L'EXPLOITATION    DU    TARAC  361 

pendant  un  temps  plus  ou  moins  long,  et  va  cultiver  plus  loin.  Mais, 
pour  le  tabac,  ce  n'est  pas  le  cas,  puisque  les  berges  du  fleuve  sont 
rongées  chaque  année  par  le  courant  des  hautes  eaux. 

3e  Question. 

Quelles  sont  les  sortes  cultivées  ? 

Est-ce  le  tabac  à  petites  feuilles  (Nicotiana  rustica) 

Ou  le  tabac  à  grandes  feuilles  (Nicotiana  tabacum)? 

Indiquer  les  principales  variétés  caractérisées  par  la  forme 
et  la  dimension  des  feuilles,  la  nature  du  produit,  la  dimen- 
sion de  la  plante  et  la  coloration  des  fleurs. 

Cercle  de  Niani-Ouli.  —  Deux  sortes  de  tabac  sont  cultivées  dans 
le  cercle  :  le  Tankoro,  à  petites  feuilles,  et  le  Tabaki,  à  grandes 
feuilles.  Le  Tankoro  atteint  de  0m  30  à  0m  40  de  hauteur,  les  feuilles 
longues  de  0m  15  à  0m  20,  et  les  fleurs  jaunes.  Le  Tabaki,  haut  de 
0m  75  à  lm  25,  a  les  feuilles  beaucoup  plus  longues,  0m  30  à  0m  40, 
et  le  fleurs  violacées,  à  fond  blanc. 

Cercle  de  Kaolack.  —  Dans  le  Saloum  et  le  Niombato,  on  trouve 
deux  espèces  : 

1°  Le  Tamaka,  atteignant  de  lm  50  à  2  mètres  :  la  fleur  est  rose, 
la  feuille  courte. 

2°  Le  Tankora,  plus  petit  que  le  Tamaka. 

Dans  la  Sine  on  ne  trouve  que  le  Tamaka. 

Cercle  de  Podor.  —  Les  espèces  cultivées  sont  le  tabaca,  proba- 
blement N.  tabacum?;  le  tancaro  et  le  tiaro,  N.  rustica?  ou  variétés. 

Tabaca.  —  Hauteur  maxima  lm  à  l'n  20.  Fleurs  rouges.  Feuilles 
de  la  forme  du  tabac  de  France,  mais  à  côtes  bien  plus  fines,  ce  qui 
le  rend  très  supérieur  pour  la  fabrication  des  cigares.  Longueur 
0m  50  à  0"1  60  ;  largeur  0m  22  à  0m  25. 

Ces  chiffres  sont  ceux,  maxima,  d'un  champ  cultivé  par  M.  Maine, 
colon,  en  espaçant  les  pieds  de  0m  50  sur  la  ligne,  avec  1  mètre 
entre  les  lignes. |Les  produits  indigènes  sont,  en  général,  de  dimen- 
sions inférieures;  mais  cela  tient  au  manque  de  fumure  et  d'espace 
entre  les  plants. 

Le  tabaca  donne  le  produit  le  moins  fort,  au  goût,  des  trois  tabacs 
cités.  C'est  le  plus  connu  et  le  plus  estimé  des  fumeurs.  Le  parfum 
n'en  est  pas  inférieur  à  celui  de  nos  tabacs  des  Antilles. 

Tancoro.   —  Hauteur  maxima    0m  70   à    0m  80.    Fleurs  rouges. 


362  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Feuilles  de  la  forme  des  précédentes,  peut-être  un  peu  plus  rondes; 
longueur  0m  30   à  Um  35,   largeur  0m  14  à  0'"  16.  Produit  plus  fort 
que  le  précédent,  —  estimé  des  fumeurs,  priseurs  et  chiqueurs. 
Ce  tabac  est  peu  cultivé  dans  le  Bas-Fleuve. 

Tiaro.  —  Hauteur  maxima  0m  60  à  0m  70.  Feuilles  plus  étroites 
que  celles  du  Tancaro  :  longueur  0'"  15  à  0m  20,  largeur  0m  05  à 
0m  08.  Produit  très  fort,  —  particulièrement  apprécié  des  chiqueurs. 

Ces  deux  derniers  tabacs  proviennent  du  Soudan  et  ne  sont  culti- 
vés dans  le  fleuve  que  par  quelques  Bambaras,  qui  y  ont  apporté 
des  semences. 

Cercle  de  Kaédi.  —  Le  tabac  cultivé  dans  le  Cercle  est  à  grandes 
feuilles;  la  hauteur  des  plants  atteint  de  lm  50  à  lm  80;  les  fleurs 
sont  blanches. 

Cercle  de  Bakel.  —  Deux  espèces  de  tabac  sont  cultivées  dans  le 
Cercle  de  Bakel  :  le  Tabaki  et  le  Tankoro  (mots  toucouleurs). 

Le  tabaki,  arrivé  à  son  entier  développement,  est  un  arbuste  de 
lm  40  de  hauteur;  ses  feuilles  sont  alors  longues  de  0m  40  et  larges 
de  0m  30.  Sa  fleur  est  blanche. 

La  taille  du  tankoro  est  plus  petite;  elle  ne  dépasse  jamais  lm  10 
de  hauteur.  Des  feuilles  peuvent  mesurer  0m  20  de  longueur  sur 
0m  16  de  largeur. 

Cercle  de  Matam.  —  Les  indigènes  ne  cultivent  qu'une  seule 
espèce  de  tabac,  probablement  originaire  du  pays  bambara.  C'est 
certainement  le  Nicotiana  rustica.  La  dimension  de  la  feuille  varie 
de  0m  30  à  0m  40  comme  longueur,  de  0m  10  à  0m  15  comme  lar- 
geur. Elle  est  séché  et  dépourvue  de  poils,  n'est  pas  cotonneuse 
au  toucher.  Une  fois  sèche  elle  est  jaune  clair.  Les  fleurs  sont 
roses. 

4e  question. 

Quels  sont  les  usages  du  tabac  dans  la  colonie? 
Est-il  fumé,  chiqué,  prisé? 

Quel  est  celui  de  ces  usages  qui  est  le  plus  répandu? 
Le  tabac  produit  dans  la  colonie  sert-il  aux  indigènes  seule- 
ment ? 

Est-il  employé  par  les  Européens? 

Cercle  de  Ziguinchor.  — Le  tabac  est  fumé  et  mangé  par  les  indi- 


RAPPORT  SUR  l/EXPLOITATION  DU  TABAC  3G3 

gènes,  quand  il  est  réduit  en  poudre.   Ce  dernier  usage  est  le  plus 
répandu. 

Cercle  du  Niani-Ouu.  —  Le  tabac  cultivé  dans  le  Cercle  est 
fumé  ;  réduit  en  poudre,  il  est  prisé  et  chiqué.  L'usage  du  tabac 
chiqué  est  le  plus  répandu. 

Cercle  de  Nioro-Hip.  —  Le  tabac  utilisé  par  les  indigènes  est  en 
feuilles.  Il  est  principalement  fumé.  Il  n'est  pas  employé  par  les 
Européens. 

Cercle  de  Kaolack.  —  Le  Tamaka  est  fumé,  et  le  Tankoraest  chi- 
qué et  prisé.   Il  ne  sert  qu'aux  indigènes. 

Résidence  de  Soussoune.  —  Dans  le  Baol  occidental,  l'usage  du 
tabac  est  très  répandu  ;  on  le  fume,  on  le  prise  et  on  le  chique.  Les 
deux  premiers  usages  sont  les  plus  répandus.  Quelques  Sérères 
chiquent  :  on  réduit  le  tabac  en  poudre  avant  de  le  chiquer. 

Cercle  de  Louga.  —  Le  tabac  est  fumé,  prisé  et  chiqué.  Mais  il 
est  beaucoup  plus  fumé  que  prisé  et  relativement  peu  chiqué  dans  le 
Cercle  de  Louga. 

Pour  le  priser  et  le  chiquer,  les  noirs  de  la  région  broient  les 
feuilles  les  plus  sèches  et  mélangent  la  poudre  ainsi  obtenue  avec  un 
peu  de  beurre  de  Galam  et  d'eau  ;  certains  indigènes,  pour  donner 
plus  de  force  à  cette  poudre,  la  mélangent  d'un  produit  qu'ils 
appellent  Khémé,  également  mis  en  poudre,  et  qu'ils  obtiennent  de 
la  façon  suivante  :  ils  coupent  des  tiges  de  mil,  par  petites  lon- 
gueurs, les  mettent  griller  ou  sécher  au  feu,  les  jettent  dans  l'eau 
en  les  pressant  fortement  avec  les  mains  pour  en  faire  sortir  le  suc; 
puis,  plaçant  sur  le  feu  le  récipient  contenant  cette  espèce  de  macé- 
ration, ils  le  couvrent  d'un  morceau  d'étoffe  et  laissent  bouillir  très 
longtemps,  pour  le  faire  réduire,  le  liquide  qui,  une  fois  refroidi, 
devient  solide,  formant  dans  le  fond  du  récipient  comme  une  couche 
d'un  sel  brun  noir  ;  c'est  ce  résidu,  appelé  khémé  qui,  après  pulvé- 
risation, est  mélangé  à  la  poudre  du  tabac  à  priser  et  à  chiquer. 

Cercle  deTivaouaxe.  —  Les  indigènes  fument  et  prisent  le  tabac, 
mais  les  Bambaras  et  les  Toucouleurs  le  chiquent,  sous  forme  de 
tabac  à  priser.  En  pays  Ouoloff,  les  deux  premiers  usages  sont  les 
plus  répandus. 

Cercle  de  Kaédi.  —  Le  tabac  est  employé  aux  trois  usages  ;  mais 
il  est  chiqué  et  prisé  plutôt  que  fumé. 
Les  Européens  ne  l'emploient  pas. 


364  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Cercle  de  Bakel.  —  Le  tabac,  cultivé  dans  le  pays,  sert  à  tous 
les  usages.  Il  est  néanmoins  plus  prisé  et  chiqué  que  fumé.  Il  est 
consommé  exclusivement  par  l'indigène,  mais  non  par  l'indigène 
producteur  qui,  vivant  près  des  escales,  lui  préfère  le  tabac  de 
France,  qu'il  peut  se  procurer  facilement.  Le  tabac  indigène  est 
vendu  dans  les  provinces  éloignées,  où  le  commerce  n'a  pas  encore 
pénétré.  Le  Tankoro  est  plus  estimé  que  le  Tabaki. 

Ceucle  de  Podor.  —  Le  tabac  est  consommé  de  trois  façons  : 
fumé,  prisé  et  chiqué,  et  cela  dans  des  proportions  différentes  sui- 
vant les  régions  et  les  races.  Le  Ouolof  fume  surtout  ;  le  Toucou- 
leur  prise  et  fume,  et  le  Bambara  s'enduit  avec  plaisir  les  gencives  et 
le  dessous  de  la  langue  de  tabac  en  poudre,  auquel  il  a  mélangé'un 
peu  de  cendre  de  tige  de  petit  mil  et  de  beurre,  très  rance  en  géné- 
ral. Au  contact  des  fumeurs,  il  devient  aussi  fumeur,  sans  perdre 
l'habitude  de  chiquer. 

On  peut  dire  que  le  tabac  produit  par  l'indigène  n'est  consommé 
que  par  lui.  Ce  n'est  que  par  besoin  que  le  fumeur  européen  se  sert 
de  tabac  indigène,  et  il  ne  le  fait  que  lorsqu'il  n'a  pu  se  procurer  ni 
tabac  de  France,  ni  tabac  en  feuilles  du  commerce. 

5e  question. 

Comment  se  fait  la  récolte? 

Les  feuilles  sont-elles  coupées  une  à  une? 

Les  plantes  sont-elles  arrachées  entières? 

Le  séchage  se  fait-il  à  l'air  libre,  au  soleil,  ou  à  l'ombre? 

Ou  bien  est-il  fait  dans  les  cases,  sous  des  abris? 

Comment  la  récolte  est-elle  conservée? 

Cercle  de  Niaist-Ouli.  —  Au  bout  de  trois  mois,  le  tabac  peut 
être  récolté.  Les  pieds  arrachés,  les  feuilles  sont  coupées  une  à  une, 
entassées  et  recouvertes  d'une  calebasse.  Dès  que  la  fermentation 
commence,  les  feuilles  sont  sorties,  coupées  finement  au  couteau  et 
roulées  en  boules  de  25  à  30  grammes  que  l'on  fait  sécher  au  soleil  : 
ceci  est  pour  le  Tankoro.  —  Quant  au  Tabaki,  les  pieds  étant  arra- 
chés, les  feuilles  sont  coupées  une  à  une  et  mises  dans  un  mortier, 
pilées,  puis  roulées  en  grosses  boules  que  l'on  fait  également  sécher 
au  soleil.  Toutes  ces  boules  sont  ensuite  conservées  dans  les  cases 
ou  les  greniers.' 

Cercle  de  Kaolack.  —  On  coupe  les  feuilles  une  à  une  en  corn- 


RAPPORT    SUR    L'EXPLOITATION    DU     TABAC  365 

mençant   par  le  pied  ;  on   en  fait  ensuite  des  morceaux,    que  l'on 
agglomère  entre  eux  en  forme  de  boules  de  la  grosseur  du  poing  ; 
on  les  laisse  alors  sécher,  en  les  exposant  au  soleil. 
La  récolte  se  conserve  ensuite  à  l'intérieur  des  cases. 

Cekcle  de  Podor.  —  La  récolte  se  fait  en  deux  fois  :  d'abord  la 
moitié  des  feuilles,  en  commençant  par  le  bas.  Les  feuilles  sont 
détachées  une  à  une  dès  qu'elles  jaunissent,  coupées  en  petits 
morceaux,  mises  à  sécher  au  soleil  ;  puis  on  les  dépose  dans  un 
canari  (vase  de  terre  poreuse).  La  préparation  est  considérée  comme 
terminée  ;  on  commence  à  consommer. 

La  seconde  récolte,  comprenant  les  feuilles  du  haut,  se  fait  aussi 
feuille  par  feuille,  dès  que  la  base,  près  de  la  tige,  commence  à 
sécher.  Les  feuilles  sont  étendues  au  soleil,  et  mises,  comme  précé- 
demment, dans  un  canari  dès  qu'elles  sont  sèches  :  c'est  tout. 
Certains  villages,  très  rares,  sèchent  les  feuilles  en  plein  air,  à 
l'ombre,  sous  des  abris. 

Le  manque  de  fermentation  qui  déprécie  forcément  les  tabacs  indi- 
gènes n'est  pas  dû  seulement  k  l'ignorance  du  noir,  mais  aussi  à 
des  causes  climatériques.  La  maturité  des  feuilles  coïncide  avec 
celle  du  maïs,  c'est-à-dire,  généralement,  fin  février  et  mars.  Les 
vents  d'Est,  qui  ont  déjà  fait  leur  apparition  depuis  au  moins  un 
mois,  rendent  le  produit  cassant  et  empêchent  tout  essai  de  mise  en 
tas,  et  autres  manipulations  nécessaires  pour  obtenir  une  bonne  fer- 
mentation. 

Deux  procédés  pourraient  obvier  à  cet  inconvénient.  Mais  ils  ont 
chacun  leur  bon  et  leur  mauvais  côté. 

Le  premier  consisterait  à  cultiver  selon  la  coutume  actuelle,  avec 
adjonction  de  fumure,  ététage,  ébourgeonnement  et  buttages,  puis, 
après  le  séchage,  k  clore  toutes  les  ouvertures  de  la  case-séchoir,  et 
à  y  faire  bouillir  de  l'eau  jusqu'à  ce  que  les  feuilles  soient  devenues 
suffisamment  souples  pour  qu'on  puisse  les  mettre  en  tas  pour  la 
fermentation.  On  renouvellerait  cette  opération  au  moment  de  la 
mise  en  têtes  et  de  l'emballage. 

La  seconde  méthode  serait  de  faire  plus  tôt  les  semis.  Le  tabac 
demande  environ  3  mois  1/2  du  jour  du  semis  à  celui  de  la  matu- 
rité des  feuilles,  un  mois  pour  le  séchage,  un  autre  mois  pour  la 
fermentation,  soit  o  mois  1/2.  Il  faudrait  faire  le  semis  au  commen- 
cement de  septembre,  puis  gagner  sur  le  temps  du  séchage  et  le 
réduire  k  15  jours,  en  plaçant  les  feuilles  1  heure  ou  2  par  jour  au 


366  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

soleil,  de  façon  à  ce  qu'on  puisse  les  mettre  en  tas  dans  les  premiers 
jours  de  janvier,  après  les  avoir  exposées  une  nuit  en  plein  air,  ce 
qui  les  rendrait  molles  et  maniables.  La  fermentation  s'effectuerait 
en  janvier,  et  il  y  aurait  encore  assez  d'humidité  nocturne  à  la  fin 
de  ce  mois  pour  procéder  convenablement  à  l'empaquetage.  Dans 
ce  dernier  cas,  il  faudrait  transplanter  en  sol  non  inondé.  On 
aurait  l'avantage  de  choisir  un  terrain  plus  léger,  mais  il  serait 
nécessaire  d'arroser.  Le  noir  s'y  astreindrait-il?  Quant  à  l'irrigation, 
les  premiers  frais,  achat  de  pompes  et  préparation  de  terrain,  sont 
trop  onéreux  pour  qu'il  puisse  y  songer,  de  plus  il  ignore  tout  à  fait 
ce  que  c'est.  Enfin,  quelques  tornades  survenant  tardivement  en 
octobre  pourraient  endommager  la  récolte. 

Les  tiges  de  tabac  qui  restent  dans  le  champ  sont  ramassées  et 
réduites  en  cendres,  que  les  teinturiers  du  pays  estiment  beaucoup 
à  cause  de  leur  richesse  en  potasse.  Il  vaudrait  certainement  mieux 
les  restituer  au  sol  que  les  vendre. 

Les  graines  de  Virginie,  Maryland,  Déli,  etc.,  essayées  à  Podor, 
dans  le  jardin  du  poste,  avaient  donné  de  très  beaux  plants,  mais 
avec  un  arrosage  équivalent  à  une  très  copieuse  irrigation. 

Cercle  de  Kaédi.  —  La  récolte  se  fait  généralement  en  avril.  On 
enlève  les  feuilles  une  à  une,  et  on  les  fait  sécher  au  soleil.  Elles 
sont  ensuite  coupées  en  morceaux  de  quelques  centimètres  carrés, 
légèrement  humectées  et  conservées  dans  des  peaux  de  bœuf  ou  de 
mouton. 

Cercle  de  Matam.  —  La  récolte  se  fait  de  la  manière  suivante  : 
lorsque  les  feuilles  commencent  à  se  faner,  les  indigènes  arrachent 
les  plants  avec  leurs  racines  et  mettent  le  tout  sécher  sur  des  nattes, 
dans  un  coin  de  la  cour,  et  sans  abri.  Puis  au  bout  de  quelques 
jours,  après  une  nuit  humide,  les  feuilles  sont  enlevées  une  à  une. 
Alors,  les  réunissant  par  dix  ou  douze,  et  après  les  avoir  repliées 
sur  elles-mêmes,  à  l'aide  d'un  bout  de  filin  bien  serré,  ils  forment 
des  carottes  qui  sont  suspendues  dans  la  case,  jusqu'au  moment  où, 
voulant  fumer,  ils  hachent  le  tabac  avec  un  couteau.  S'ils  veulent 
le  priser  ou  le  chiquer,  après  l'avoir  coupé  et  séché  au  soleil,  ils  le 
livrent  à  leurs  femmes  qui  le  pilent  dans  un  mortier  en  bois  et  le 
passent  au  tamis  fin. 

On  fait  deux  sortes  de  tabac  à  priser  :  le  Neup  et  le  Kato.  Le  Neup 
est  le  tabac  dépourvu  de  toute  autre  substance.  Les  indigènes  le 


RAPPORT    SUR    L'EXPLOITATION    DU    TARAC  367 

trouvent  fade  et  sans  goût.  C'est  pourquoi  les  priseurs  endurcis  se 
font  préparer  le  Kato.  On  ajoute  au  tabac  à  priser  des  cendres  pro- 
venant des  tiges  de  tabac,  c'est-à-dire  de  la  potasse.  Tous  les 
déchets  des  plants  de  tabac,  racines  comprises,  sont  séchés  et  brû- 
lés en  tas.  Les  cendres  sont  recueillies  précieusement  et  placées 
dans  un  grand  vase  en  terre,  percé  de  plusieurs  trous  dans  le  fond. 
Ce  vase  se  nomme  en  ouolof  :  Iundé.  Sur  ces  cendres,  les  femmes 
passent  de  l'eau  qui  est  reçue  dans  un  récipient  placé  au-dessous  du 
iundé.  Cette  eau  est  repassée  une  dizaine  de  fois  sur  les  mêmes 
cendres  et  surde  nouvelles  (toujours  en  plein  soleil)  jusqu'à  ce  qu'elles 
soient  sursaturées.  Alors  on  la  laisse  s'évaporer,  ce  qui  par  le 
vent  d'Est  s'effectue  très  rapidement,  et  l'on  obtient  sous  forme  de 
cristaux  (d'un  blanc  grisâtre)  la  potasse  qui  sert  de  mordant  pour  la 
teinture  de  l'indigo. 

Cercle  de  Bakel.  —  La  récolte  du  tabac  a  lieu  vers  la  fin  du 
mois  d'avril.  Les  pieds  sont  alors  coupés  au  ras  du  sol,  et  les  feuilles, 
arrachées  une  à  une,  sont  placées  en  tas  et  exposées  au  soleil,  pen- 
dant 3  ou  4  jours.  Elles  sont  ensuite  pilées  dans  un  mortier  jusqu'à 
ce  qu'elles  forment  une  bouillie  assez  compacte. 

L'opération  du  séchage  diffère  suivant  l'espèce. 

Pour  le  Tankoro,  on  fait  avec  les  feuilles  pilées  des  boules  de  la 
grosseur  du  poing,  que  l'on  entasse  dans  de  grands  vases  en  terre 
fermés,  où  le  séchage  se  fait  lentement,  à  l'ombre  et  à  l'abri  de  l'air. 

Si  c'est  du  Tabaki,  l'on  expose  les  feuilles  pilées  au  soleil  et  à 
l'air  libre,  jusqu'à  parfait  séchage.  Elles  sont  ensuite  placées  dans 
des  vases  en  terre. 

6e  question. 

Quel  est  le  prix  de  vente  du  tabac 
Préparé  dans  la  colonie  ; 
Importé  ? 

Cercle  de  Sedhiou.  —  Le  tabac,  vendu  par  les  maisons  de  com- 
merce au  prix  de  3  francs  le  kilo,  est  originaire  d'Amérique.  Il  est 
introduit  en  feuilles  que  les  indigènes  coupent,  s'il  veulent  fumer, 
et  broient,  s'ils  veulent  priser  ou  chiquer. 

Cercle  de  Ziguinchor.  —  Le  prix  de  vente  du  tabac  importé  est 
de  2  fr.  50  le  kilo. 


368  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

Cercle  du  Niam-Olli.  —  Avant  l'introduction  dans  le  pays  du 
tabac  d'Amérique,  qui  à  l'heure  actuelle  est  principalement  con- 
sommé par  les  indigènes,  le  Tankoro  se  vendait  1  franc  les  4  petites 
boules,  et  le  Tabaki  2  fr.  50  la  grosse  boule  pesant  environ  3  kilos, 
ou  2  fr.  50  15  petites  boules  représentant  le  même  poids.  Mais  à 
présent  le  tabac  n'a  plus  de  valeur.  Aussi  n'est-il  cultivé  qu'en  très 
petites  quantités,  dans  toutes  les  provinces  du  Cercle,  par  les 
Peulhs  et  les  Mandingues  pour  leur  consommation  personnelle. 

Le  tabac  d'Amérique  importé  est  vendu  par  les  traitants  0  fr.  625 
la  tête  de  6  à  7  feuilles. 

Cercle  de  Nioro-Rip.  —  Le  tabac  provient  des  maisons  de  com- 
merce de  Kaolack  et  de  Bathurst.  Il  est  vendu  par  les  dioulas  col- 
porteurs à  raison  de  4  fr.  50  à  5  francs  le  kilo. 

Cercle  de  Kaolack.  —  On  ne  fait  aucun  commerce  du  tabac  indi- 
gène ;  les  habitants  l'échangeaient  entre  eux  autrefois,  contre  du 
mil;  mais  aujourd'hui,  où  l'on  importe  des  tabacs  étrangers,  cet 
échange  n'a  même  plus  lieu,  sauf  dans  le  Saloum  oriental,  région 
très  éloignée  des  escales  et  où  la  culture  se  fait  encore. 

Cercle  de  Tiiiès.  —  Dans  le  pays,  on  vend  le  tabac  importé  à 
raison  de  0  fr.  10  la  feuille,  ce  qui  porte  le  prix  du  kilo  à  5  ou 
6  francs. 

Cercle  de  Louga.  —  Le  tabac  en  feuilles,  importé  d'Amérique 
(entrepôt  à  Gorée),  exclusivement  employé  par  les  indigènes,  se 
vend,  en  demi-gros,  de  2  fr.  à  2  fr.  50  le  kilo;  au  détail,  2  fr.  50  à 
3  francs  le  kilo,  et  en  feuille,  0  fr.  05  et  0  fr.  10,  suivant  la  longueur 
(50  à  60  centimètres  et  70  à  80  centimètres),  pour  les  petites  ventes. 

Cercle  de  Podor.  —  Le  tabac  indigène  est  consommé  la  plupart 
du  temps  par  ses  producteurs.  Il  n'y  a  pas  de  prix  arrêtés.  Le  tabac 
importé  se  vend  en  moyenne  2  fr.  50  le  kilo. 

Cercle  de  Kaédi.  —  Le  tabac  indigène  se  vend  seulement  dans 
le  pays,  au  prix  de  2  kil.  500  pour  1  franc,  environ.  Le  tabac 
importé  se  vend  dans  le  commerce  3  IV.  le  kilo. 

Cercle  de  Matam.  —  Il  est  impossible  de  fixer  un  prix  de  vente 
du  tabac  indigène.  On  l'échange  sur  les  marchés  des  villages  contre 
du  poisson  sec,  des  haricots,  du  manioc,  etc. 

Cercle  de   Bakel.    —   Dans   le   pays   le   Tankoro   vaut  environ 


RAPPORT    SUR    L'EXPLOITATION    DU    TABAC  369 

1    fr.   70   le   kilo.   Le  prix  du  Tabaki  lui  est  inférieur.   Son  cours 
maximum  est  de  1  fr. 

Le  tabac  en  feuilles  provenant  des  manufactures  françaises  se 
vend  à  Bakel  5  francs  le  kilo. 

7e  question. 

Quel  est  le  régime  fiscal  auquel  sont  soumises  : 
La  culture? 
L'importation  ? 
La  vente  ? 

Cercle  de  Ziguuschor.  —  Le  régime  fiscal  auquel  le  tabac  est 
soumis  à  l'importation  est  le  prélèvement  d'un  droit  de  25  °/0  sur  la 
valeur. 

Cercle  de  Niam-Ouli.  —  Aucun  régime  fiscal  ne  réglemente, 
dans  le  Cercle,  la  culture,  l'importation  et  la  vente. 

Les  traitants  paient  au  budget  du  Niani-Ouli,  pour  se  livrer  au 
commerce,  une  redevance  de  100  francs  par  opération  installée  sur 
le  territoire  du  Cercle. 

Cercle  de  Nioro-Rip.  —  Le  tabac  provenant  de  Bathùrst  est 
frappé,  à  la  frontière,  d'un  droit  d'entrée  de  10  °/0,  perçu  au  profit 
des  chefs  indigènes. 

Résidence  de  Toul.  —  La  culture  du  tabac  n'est  soumise  à  aucun 
régime  fiscal.  Le  tabac  en  feuilles  paie  un  droit  de  douane  de  10  °/0 
et  une  taxe  de  consommation  de  25  °/0;  les  tabacs  fabriqués,  une 
taxe  de  consommation  de  30  °/0.  Ces  droits  changent  souvent. 

Cercle  de  Louga.  —  La  taxe  de  consommation,  perçue  par  la 
douane,  est  de  40  francs  par  100  kilos.  La  douane  perçoit  en  outre 
une  taxe  de  7  francs  par  100  kilos,  à  titre  de  produit  étranger. 

Les  Européens  ne  fument  que  le  tabac,  en  paquet,  de  Martin, 
importé  d'Algérie,  et  le  Maryland,  préparé  en  France.  De  rares 
indigènes  et  les  Marocains  fument  aussi  ces  deux  produits. 

Cercle  de  Tivavouane.  —  La  vente  du  tabac  américain  importé 
dans  la  colonie  doit  supporter  les  taxes  suivantes  : 

Droit  des  douanes.  Tabac  en  feuille  :  10  °/0  (Décret  20  juin  1872). 
Taxe  de  consommation.        —  :  23  °/0  \  (Arrêté  du   30    déc# 

Pour  les  tabacs  fabriqués  :  30  °/„  (   1895)    ad    valorem. 

Bulletin  du  Jardin  colonial.  24 


370  ÉTUDES    ET    MÉMOIRES 

La  valeur  de  douane  des  marchandises  est  déterminée  d'après  la 
mercuriale  officielle,  ou,  à  défaut,  d'après  les  prix  portés  sur  les 
factures,  augmentés  de  25  °/0. 

La  taxe  de  consommation  est  due  sur  le  tabac  importé,  récolté  ou 
fabriqué  (Délibérât,  du  Cons.  général  28  août  et  19  décembre  1893 
et  24  décembre  1895  ;  arrêté  du  2  février  1894;  décret  du  20  mai 
1894,  promulgué  par  arrêté  du  16  juillet  1894). 

Cercle  de  Podor.  —  Aucun  droit  sur  la  vente. 

Cercle  de  Kaédi.  —  La  culture  et  la  vente  ne  sont  soumises  à 
aucun  droit. 

Cercle  de  Bakel.  —  La  culture  et  la  vente  du  tabac  ne  sont 
actuellement  soumises  à  aucun  droit. 

L'Inspecteur  chef  du  service, 
Y.  Henry. 


CONFÉRENCES     DU     JARDIN     COLONIAL 


CONFÉRENCE     DE    M.     DESLANDES 

(Suite.) 

La  cocoterie  de  Vohidotra  a  été  créée  par  arrêté  du  21  décembre 
1900;  les  premiers  travaux  ont  commencé  en  janvier  1901,  il  y  a 
donc  exactement  trois  ans. 

Dès  le  début,  un  troupeau  de  25  têtes  a  été  acheté,  afin  de  four- 
nir aux  cocotiers  le  fumier  nécessaire  pour  obtenir  de  bons  rende- 
ments. 

Le  coût  de  ce  troupeau  —  2.300  fr.  —  est  diminué  chaque  année 
par  le  produit  des  naissances  qui  en  augmente  la  valeur  sans  aucun 
frais. 

La  surface  à  mettre  en  valeur  a  été  fixée  à  100  hectares,  et  la 
plantation  devait  se  faire  en  3  ans. 

Le  défrichement,  la  trouaison  ont  été  terminés  comme  il  avait 
été  fixé.  Mais  les  cocos  reçus  la  première  année  (1901)  n'ont  pu 
être  mis  en  place  qu'en  1902  ;  ceux  ce  1902  en  1903,  et  le  troisième 
envoi  reçu  en  1903,  encore  en  pépinière,  ne  peut  être  planté  qu'en 
1904.  Le  travail  sera  donc  achevé  dans  quatre  ou  cinq  mois,  à  la 
fin  de  la  saison  des  pluies. 

Le  premier  travail  a  été  la  création  de  pépinières  abritées,  d'après 
le  modèle  adopté  à  la  Station  de  llvoloina.  Le  terrain  a  été  défoncé 
à  0  m  60,  les  racines  extirpées,  du  fumier  mélangé  à  la  couche  super- 
ficielle. 

Les  cocos  sont  placés  en  ligne  sur  des  planches  larges  de  2  mètres, 
le  sable  arrivant  à  mi-hauteur  de  la  noix.  Une  pompe  placée  au 
centre  des  ombrières  permet  l'arrosage  lorsque  le  temps  sec  le  rend 
nécessaire. 

La  trouaison  de  la  plantation  est  faite  à  8,  à  9  et  à  10  mètres, 
chaque  variété  de  cocos  nouvelle  devant  être  plantée  à  ces  trois 
espacements. 


372  CONFÉRENCE 

On  a  constitué  une  pépinière  de  remplacement,  comprenant 
quelques  centaines  de  plants  appartenant  aux  diverses  espèces  intro- 
duites, de  même  âge  que  ceux  déjà  mis  en  place,  et  qui  sont  desti- 
nés à  remplacer  les  sujets  qui  seraient  détruits  par  des  parasites  ou 
dépériraient  pour  une  raison  quelconque. 

Les  variétés  de  C.  nucifera  représentées  à  Vohidotra  au  com- 
mencement de  1903  étaient  : 

Variété  de  Sainte-Marie 

—  Zanzibar 

—  Sevchelles 


Cocos 

verts 

des  Indes 

z 

rouges 
nains 

(      — 

brahmines 

Ceylan,  7 

vai 

•iétés  principales. 

De  nouvelles  noix  demandées  au  commencement  de  1 903  à  Pon- 
dichéry,  à  Mayotte,  à  Zanzibar,  sur  la  côte  d'Afrique,  à  Ceylan  et  à 
la  Nouvelle-Calédonie  ont  complété  cette  série  de  variétés  et  le  stoc 
de  noix  nécessaire  aux  plantations  de  Vohidotra. 

Ce  n'est  guère  avant  7  ou  8  ans  qu'on  obtiendra  des  récoltes  d'une 
certaine  importance,  et  qu'on  aura  des  indications  complètes  sur  la 
culture  du  cocotier. 

Mais  des  renseignements  sur  la  germination,  la  mise  en  place,  la 
main-d'œuvre  nécessaires  aux  travaux  de  défrichement,  creusement 
des  trous,  remplissage,  transport  et  mise  de  fumier,  transport  et 
plantation  des  plants,  ont  déjà  été  recueillis. 

Un  essai  de  culture  de  cannelier  a  été  fait  à  Vohidotra.  Il  occupe 
1/4  d'hectare  et  porte  sur  des  canneliers  du  pays,  obtenus  de  semis 
et  par  transplantation  de  jeunes  plans  sauvages,  et  aussi  sur  des 
plants  de  cannelle  de  Ceylan,  dont  les  graines  ont  été  envoyées 
directement  du  pays  d'origine.  Ces  graines  sont  fort  délicates,  et  ce 
n'est  pas  sans  difficulté  que  cette  introduction  nouvelle  a  été  faite. 
Jusqu'alors  ces  essais,  entrepris  depuis  18  mois,  s'annoncent  fort 
bien. 

A  partir  du  moment  où  la  cocoterie  de  Vohidotra  entrera  en  rapport, 
une  partie  des  noix  de  coco  sera  répartie  entre  les  provinces  côtières 
pour  être  distribuée  aux  villages,  qui  devront  en  assurer  la  planta- 


CONFÉRENCE  DE  M.  DESLANDES  373 

tion.  Actuellement,  la  colonie  répartit  de  la  sorte  des  noix  (70.000 
en  1901)  quelle  est  jusqu'à  présent  obligée  d'acheter. 

La  Station  d  Essais  de  Nampoa  est  située  tout  au  sud  de  la 
côte  orientale,  à  1  kilomètre  environ  de  Fort-Dauphin.  Ce  n'est  que 
depuis  le  commencement  de  1901  que  la  Direction  de  l'Agriculture 
.y  est  représentée  par  un  agent  chef  de  la  Station. 

Organisation.  Raison  d'être.  —  Par  suite  de  la  différence  de 
latitude  et  de  régime  météorologique,  la  région  de  Fort-Dauphin 
est  tout  autre,  au  point  de  vue  agricole,  que  la  partie  moyenne  de 
la  côte  Est. 

Les  cultures  à  conseiller  à  Vatomandry,  Tamatave  et  Maroantsetra 
peuvent  fort  bien  ne  pas  réussir  sous  I3  climat  de  cette  région,  qui 
se  trouve  par  2o°  de  latitude  sud,  et  par  conséquent  en  dehors  de  la 
zone  tropicale. 

C'est  là  d'ailleurs  ce  qui  justifie  l'organisation  d'une  seconde  Sta- 
tion sur  la  côte  Est,  et  dans  une  partie  où  la  colonisation  en  est  à 
ses  débuts.  Mais  l'espoir  que  cette  région  était  appelée  à  devenir 
un  jour  un  centre  agricole  a  paru  justifier  la  création  de  Nampoa, 
où  les  planteurs  trouvent  dès  leur  arrivée  des  renseignements  sur 
les  cultures  qu'ils  pourront  entreprendre. 

La  Station  de  Nampoa  est  organisée  sur  le  même  plan  que 
celle  de  l'Ivoloina,  seulement  elle  est  moins  importante;  elle  com- 
prend d'importantes  pépinières,  une  section  botanique,  un  verger 
et  une  section  de  plantes  mères,  et  un  champ  d'expériences  de  grandes 
cultures.  Ce  dernier  renferme  des  essais  sur  les  plantes  à  parfum, 
le  caféier,  le  théier,  la  coca,  l'agave  textile,  des  plantes  à  caoutchouc, 
la  vanille,  etc. 

La  section  des  plantes  mères  est  rendue  particulièrement  inté- 
ressante par  un  certain  nombre  de  plantes  déjà  âgées  de  10  à  20 
ans,  particulièrement  des  fruitiers.  Elles  ont  été  introduites  par 
M.  Marchai,  un  négociant  du  Sud  qui  avait  créé  à  Nampoa  une  jolie 
propriété  cédée  depuis  à  la  colonie  et  qui  a  formé  le  premier  noyau 
de  la  Station  d'essais. 

La  Station  de  Nampoa  comme  celle  de  l'Ivoloina  possède  un 
troupeau,  un  hangar  à  repiquage,  un  hangar  magasin,  un  hangar  à 
bœufs,  une  bibliothèque  d'agriculture  tropicale. 

Les  cessions  de  plants  et  de  graines  sont  nombreuses,  lui  outre, 
la  Station  est  à    peu  près  le  seul  endroit  où  l'on  trouve  des  fruits 


374  CONFÉRENCE 

dans  la  région.  Aussi  ces  fruits  vendus  par  l'Administration  sont- 
ils  fort  bien  accueillis  sur  le  marché  de  Fort-Dauphin.  Le  café  récolté 
est  aussi  vendu  sur  place. 

Côte  Est.  —  Tout  ce  qui  précède  a  pu  vous  donner  une  idée  de  ce 
qui  a  été  fait  par  la  Direction  de  l'Agriculture  dans  la  circonscrip- 
tion agricole  de  l'Est. 

Jetons  maintenant,  si  vous  le  voulez  bien,  un  coup  d'oeil  sur  les 
plantations  nombreuses  qui  s'échelonnent  sur  toute  la  côte  orientale 
de  l'île,  sur  les  cultures  qu'on  y  a  entreprises,  et  tâchons  de  voir 
ce  qu'on  peut  attendre  de  l'avenir  agricole  de  cette  région. 

La  côte  Est  s'étend  sur  13°  de  latitude,  dans  une  direction  sen- 
siblement N.-S.  Sur  cette  longueur  de  1.500  kilomètres  de  côtes, 
on  rencontre  des  régions  différentes  entre  elles,  et  particulièrement 
sous  le  rapport  des  chutes  pluviales  qui  ont  une  si  grande  impor- 
tance pour  les  cultures  tropicales.  La  température  est  variable  aussi. 

Si  on  ne  peut  pas  cultiver  le  cacaoyer  près  de  Fort  Dauphin  par 
suite  d'une  température  trop  basse,  on  ne  peut  pas  non  plus  l'ex- 
ploiter à  Diego,  à  Vohemar,  à  cause  des  chutes  insuffisantes  (1  m  13 
à  Diego  1  m  37  à  Vohemar  en  1902). 

D'une  façon  générale,  c'est  la  région  moyenne  de  la  côte  Est  qui 
semble  présenter  les  conditions  les  plus  favorables  à  l'établissement 
de  plantation,  et  c'est  aussi  celle  qui  en  comprend  le  plus  grand 
nombre. 

La  température  moyenne  pour  1 902  a  été  de 

24°  9  à  Maroantsetra 
23°  4  à  Fénérive 
24°  3  à  Tamatave 
25°  6  à  Vatomandry 
23°  6  à  Mananjary 

Les  températures  minima  absolues   pendant 
la  même  année  1902  ont  été  de  13°     à  Maroantsetra 

14°     à    Tamatave 
11°  8  à  Vatomandry 

13°     à  Mananjary 
Les  hauteurs  d'eau  recueillies  au  pluviomètre 
ont  été  de  3m  049  à  Maroantsetra 

2'» 403 à  Tamatave 
2 '"727  à  Vatomandry 
2  m  862  à  Mananjary 


CONFÉRENCE  DE  M.  DESLANDES  375 

Ces  pluies  sont  réparties  sur  tous  les  mois,  et  celui  d'août,  le 
moins  pluvieux,  a  reçu  cependant  83nim  d'eau  à  Tamatave.  Dans 
la  même  région,  l'état  hygrométrique  mensuel  moyen  varie  entre 
80  et  96,  et  la  moyenne  de  l'année  a  été  86. 

Ces  conditions,  chaleur  et  humidité,  avec  des  pluies  réparties  sur 
tous  les  mois,  sont  celles  que  l'on  recherche  pour  les  cultures  tropi- 
cales. 

Quant  au  sol,  il  est  de  qualités  bien  variables. 

Vous  trouverez  dans  un  ouvrage  de  MM.  Mùntz  et  Rousseaux  de 
nombreux  résultats  d'analyses  de  terres  de  Madagascar. 

En  ce  qui  concerne  les  sols  des  concessions  de  la  côte  Est,  on  y 
trouve  généralement  une  forte  proportion  d'humus  et  par  conséquent 
d'azote  organique.  La  potasse  ou  l'acide  phosphorique  sont  parfois 
en  proportion  peu  faible,  mais  ce  qui  manque  généralement  c'est 
le  calcaire. 

Malgré  cela,  et  sans  doute  à  cause  du  climat  tropical  qui  permet 
une  assimilation  plus  complète  des  éléments  du  sol  par  les  végétaux, 
on  rencontre  souvent  des  plantations  de  belle  venue  sur  des  ter- 
rains que  l'analyse  chimique  semblerait  condamner  comme  trop 
pauvres. 

Les  plantations  de  la  côte  Est  sont  presque  toujours  établies  dans 
les  vallées,  sur  les  rives  des  fleuves.  On  trouve  là  des  alluvions 
riches  principalement  en  humus,  de  petites  plaines  qui  permettent 
un  travail  plus  facile  que  le  reste  du  pays,  presque  toujours  extrême- 
ment mouvementé.  Enfin,  la  rivière  fournit  un  moyen  de  locomo- 
tion et  de  transport  moins  coûteux  que  les  porteurs. 

Cultures  diverses.  —  Canne.  — Une  des  premières  cultures 
essayées  à  Madagascarest  celle  de  la  canne  à  sucre.  Une  usine  dans  la 
province  de  Vatomandry,deux  dans  celle  de  Tamatave,  font  du  sucre 
ou  du  rhum,  Mais  les  prix  du  sucre  ont  baissé  depuis  20  ans,  et  la 
sucrerie  de  betterave  fait  une  terrible  concurrence  à  celle  de  canne. 
Aussi  les  résultats  sont-ils  devenus  peu  encourageants  dans  ces  der- 
nières années  pour  les  usines  à  sucre.  11  faudrait,  pour  réussir,  opé- 
rer avec  un  matériel  complet  et  perfectionné,  et  sur  de  très  vastes 
surfaces,  comme  on  le  fait  à  Maurice,  et  pouvoir  disposer  d'une  main- 
d'œuvre  nombreuse  et  assurée. 

La  fabrication  du  rhum,  qui  se  vend  en  grandes  quantités  sur 
place,  assure  de  meilleurs  profits.  Un  planteur  du  territoire  de  Diego 


376 


CONFERENCE 


a  même  créé  ces  dernières  années  des  cultures  de  canne  en  vue  de 
cette  fabrication,  et  en  tire  déjà  des  bénéfices,  bien  qu'il  ait  été 
obligé  d'établir  des  canaux  d'irrigation.  D'une  façon  générale,  la 
canne  végète  fort  bien  dans  les  terres  d'alluvion  de  la  côte  et  j'ai  vu 
des  parcelles  où  elle  est  cultivée  sans  interruption  depuis  plus  de 
20  ans,  et  qui  ne  reçoivent  comme  fumrue  que  des  débris  de  canne, 
des  bagasses  et  des  cendres  de  bagasse,  car  l'emploi  des  engrais 
chimiques  n'est  pas  encore  pratiqué  à  Madagascar. 

Tabac.  —  Une  autre  culture  est  celle  du  tabac,  pratiquée  depuis 
longtemps  par  les  indigènes  ,  qui  en  font  une  grande  consommation. 
On  trouve  des  pieds  de  tabac  dans  presque  tous  les  villages  ;  mais 
jusqu'à  ces  dernières  années,  on  n'avait  pas  préparé  de  tabac  à 
fumer,  au  moins  avec  quelque  soin.  D'abord  à  Tananarive,  puis  à 
Tamatave,  des  européens  se  sont  occupés  de  cette  question. 

A  Tamatave,  une  petite  manufacture  de  tabac  fonctionne  depuis 
18  mois  environ;  elle  est  alimentée  par  du  tabac  indigène  et  aussi 
par  celui  que  lui  fournit  M.  Bensch,  président  de  la  Chambre 
d'Agriculture  de  Tamatave,  qui  sur  sa  plantation  «  Cyrano  »  en  a 
créé  de  belles  cultures. 

Le  produit  est  de  bonne  qualité,  et  peut  être  comparé  sans  désa- 
vantage aux  tabacs  algériens  et  à  nos  scaferlatis  de  France,  importés 
jusqu'ici  pour  la  consommation  de  l'île.  Le  tabac  du  pays  pourra  les 
remplacer  pour  cette  consommation  locale.  Mais  les  créoles,  selon 
toute  apparence,  continuent  à  fumer  le  tabac  de  la  Réunion,  beau- 
coup plus  doux  et  d'un  goût  spécial,  qu'ils  préfèrent  à  tous  les 
autres.  Toutefois,  le  directeur  de  la  manufacture,  M.  Petitjean,  a 
réussi  à  préparer  du  tabac  présentant  les  mêmes  qualités. 

Les  plantes  a  caoutchouc  ont  tenté  quelques  planteurs;  le  Céara, 
en  particulier,  a  été  introduit  voici  un  vingtaine  d'années  environ, 
à  Fort-Dauphin.  On  en  trouve  sur  toute  la  côte  des  sujets  isolés. 
Deux  plantations  ont  été  créées  sur  le  Mananjary  et  une  dans  le 
territoire  de  Diego.  Les  résultats  sont  mauvais  presque  partout, 
le  rendement  étant  faible  et  le  latex  pauvre.  L'Hevea  brasiliensis, 
le  Castilloa  elastica  ont  aussi  été  introduits,  mais  entrepris  depuis 
trop  peu  d'années  pour  qu'on  puisse  encore  se  prononcer. 

Le  cocotier  n'a  encore  tenté  que  peu  de  personnes  sur  la  côte  Est. 

Le  giroflier  n'est  cultivé  en  grand  qu'à  Sainte-Marie. 

Trois  cultures  dominent  en  grand  sur  la  côte  Est,  et  seront  pen- 


CONFÉRENCE  DE  M.  DESLANDES  377 

dant  longtenps  encore  les   plus   importantes    :    celle   du  cacaoyer, 
celle  de  la  vanille,  celle  du  caféier. 

Vanillier.  —  Le  vanillier  a  été  introduit  de  la  Réunion,  qui  pro- 
duit de  grandes  quantités  de  vanille  très  appréciée.  Avant  la  guerre, 
des  vanilleries  avaient  déjà  été  créées  près  de  Mahanoro,  de  Vatoman- 
dry.  Mais  c'est  surtout  depuis  7  ou  8  ans  que  cette  culture  a  pris 
une  extension  qui  ne  fait  que  s'accroître  chaque  jour. 

Les  vanilliers  de  la  côte  Est  sont  presque  tous  réunis  dans  deux 
régions,  l'une  au  nord,  l'autre  au  sud  de  Tamatave. 

La  première  comprend  le  sud  de  la  province  de  Vohemar  et  la 
province  de  Maroantsetra,  et  la  seconde  les  districts  de  Vatomandry 
et  de  Mahanoro. 

Mais  toute  la  côte  entre  Sahanbavany  (au  sud  de  Vatomandry)  et 
Mananjary  paraît  bien  convenir  à  cette  culture,  et  peut-être  pense- 
t-on  la  pousser  jusqu'au  sud  de  l'île.  Il  existe  une  vanillerie  près 
de  Farafanganoa ,  et  une  près  de  Fort-Dauphin  qui  avec  l'essai  en  trepris 
à  la  Station  de  Nampoa,  permettrait  d'être  fixé  sur  ce  que  l'on  doit 
attendre  de  la  vanille  dans  ces  régions.  Il  est  déjà  certain  qu'elle  y 
végète,  y  fleurit  et  y  fructifie,  mais  il  se  pourrait  qu'à  Fort-Dau- 
phin, par  exemple,  les  rendements  ne  fussent  par  suffisants  pour 
assurer  une  exploitation  lucrative. 

Je  n  ai  pas  l'intention  de  vous  rapporter  ici  tout  ce  qui  concerne 
la  culture  de  la  vanille  à  Madagascar,  car  il  y  aurait  beaucoup  trop 
à  dire.  En  général  cette  culture  est  bien  faite,  et  l'on  trouve  même 
des  vanilliers  remarquables.  La  préparation  est  conduite  avec 
soin.  Elle  est  faite  par  des  préparateurs  bourbonnais.  La  qualité 
du  produit  est  bonne  en  général,  et  les  planteurs  qui  cultivent  et 
préparent  bien,  ne  chargent  pas  trop  les  lianes,  et  suppriment  les 
vanillons  et  les  gousses  défectueuses  dès  leur  formation  ont  ob  tenu  pour 
la  récolte  1902,  tout  compris,  jusqu'à  38  fr.  le  kilo.  Mais  par  suite 
de  la  baisse  de  prix  qui  s'est  produite  dans  ces  dernières  années,  la 
moyenne  générale  des  prix  des  vanilles  expédiées  de  Madagascar  en 
1902  ressort  à  25  fr.  le  kilo,  alors  qu'en  1896  elle  était  de  58  fr. 

Abris.  —  Dans  le  nord  de  l'île  (région  de  Maroantsetra),  les  vanil- 
leries sont  toutes  placées  sous  abri  naturel,  haute  brousse  ou  forêt 
éclaircie. 

Dans  la  région  Vaton  Mahu,  bien  qu'on  utilise  parfois  ces  arbres 
quand  on  le  peut,  on  est  obligé  de  recourir  aux  arbres  artiticiels  soit 
pour  constituer  entièrement  l'ombrage,  soit  pour  l'augmenter. 


378  CONFÉRENCE 

Tuteurs.  —  La  culture  se  fait  presque  toujours  sur  supports  vivants, 
et  par  pied  séparés.  Le  pignon  d'Inde  est  employé  d'une  façon  très 
générale  comme  tuteur.  On  rencontre  aussi  dans  la  région  de  Ma- 
roantsetra  un  Hibiscus,  appelé  par  [les  indigènes  Baro  ou  Varo, 
mais  qui  ne  possède  pas  la  même  qualité  que  le  Jatropha  Curcas. 

Nombre.  Age  de  remplacement.  Rendement. —  Les  vanilleries  de 
la  côte  Est  renferment  généralement  5.000  pieds  à  l'hectare.  A  l'âge 
de  3  ans,  on  a  une  première  récolte.  A  6  ou  7  ans,  il  faut  rempla- 
cer les  lianes.  J'estime  qu'une  vanillerie  bien  conduite  et  bien 
située  peut  donner  une  moyenne  de  25  grammes  de  vanille  sèche 
par  liane  en  rapport,  c'est-à-dire  8  ou  0  belles  gousses.  Je  parle  là 
d'une  moyenne  normale  qui  est  dépassée.  J'ai  visité  il  y  a  un  an  à 
Mananave  une  fort  belle  vanillerie  qui  rendait  38  grammes  de 
vanille  préparée  par  liane.  Il  y  a  aussi  des  pieds  exceptionnels  qui 
fournissent  parfois  100  gousses  et  plus.  Cela  dépend  en  grande  par- 
tie de  la  manière  dont  on  féconde.  Mais  il  est  sage  de  ne  pas  trop 
charger  les  lianes,  si  on  veut  qu'elles  rapportent  longtemps.  En 
comptant  25  grammes  par  vanillier,  il  faudra  40.000  lianes  en  rap- 
port pour  produire  une  tonne  de  vanille  sèche.  Il  faudra  20.000 
lianes  de  1  et  2  ans  pour  assurer  le  remplacement  des  vieilles 
lianes.  C'est  donc  un  total  d'environ  60.000  lianes.  C'est  là,  à  mon 
avis,  le  grand  maximum  de  ce  qu'un  seul  planteur  peut  surveiller 
avec  soin,  aidé  d'un  préparateur,  car  si  la  culture  de  la  vanille  est 
peu  pénible,  et  je  dirai  même  agréable  et  attachante,  elle  demande 
une  surveillance  de  tous  les  instants.  Le  préparateur  sera  payé  de 
2.500  à  3.000  fr.  et  la  main-d'œuvre  annuelle  revient  à  6  ou  7.000 
francs.  C'est  donc  une  dépense  de  9.000  à  10.000  fr.  Le  produit 
brut  est  de  25.000  fr.  environ.  Le  produit  net  de  15.000  fr. 

Les  lianes  reviennent  au  magasin  à  0  fr.  50  la  pièce  au  moment 
de  l'entrée  en  rapport,  soit  30.000  fr.  pour  60.000  lianes.  La  con- 
struction d'une  maison  d'habitation  et  d'un  atelier  de  préparation 
reviendront,  sur  la  cote  Est,  à  10.000  fr.,  le  tout  étant  bien  installé. 

On  a  donc  engagé  un  capital  d'environ  40.000  fr.  pour  obtenir 
au  bout  de  4  ans  15.000  fr.  de  produit  net  annuel.  C'est  un  assez 
joli  résultat,  et  si  certaines  vanilleries  cultivées  d'une  façon  défec- 
tueuse, ne  l'ont  pas  donné,  j'en  connais  d'autres  pour  lesquelles  il 
a  été  plus  satisfaisant  encore.  Aussi  la  culture  de  la  vanille  s'étend- 
elle  de  jour  en  jour. 


CONFÉRENCE  DE  M.  DESLANDES  379 

Exportation.  Extension.  — L'exportation  est  passée  de  1 .050  kilos 
en  1896  à  12.000  en  1902,  dans  lesquels,  il  est  vrai,  l'île  deNossibé 
entre  pour  un  tiers.  Mais  il  y  a  en  outre  beaucoup  de  jeunes  plan- 
tations ;  les  anciennes  s'étendent  sans  grands  frais  par  la  plantation 
de  boutures  prises  sur  les  lianes  plus  âgées.  J'ai  constaté  de  visu 
l'an  dernier,  dans  une  tournée  dans  le  nord  de  l'île,  l'extension  con- 
sidérable des  vanilleries. 

On  estimait  il  y  a  un  an  à  375.000  le  nombre  de  lianes  de  tout 
âge  dans  le  district  d'Antanalava  et  à  474.000  celui  des  vanilliers  de 
la  province  de  Maroantsetra.  Les  districts  de  Vatomandry  et  de 
Mahanoro,  l'île  de  Nossibé  a  beaucoup  planté  aussi,  et  l'on  est  en 
droit  d'espérer  que  si  les  prix  ne  fléchissent  pas  trop,  les  vanilleries 
prendront  plus  d'importance  encore.  Les  lianes  actuellement  plan- 
tées doivent  amener  à  Madagascar  une  production  en  vanille  sèche 
d'environ  35.000  kilos  lorsqu'elles  seront  en  rapport.  Même  en  fai- 
sant la  part  des  aléas,  des  maladies  et  des  cyclones,  on  voit  que 
Madagascar  est  destiné,  selon  toute  probabilité,  â  devenir  un  des 
pays  grands  producteurs  de  vanille. 

Le  Cacaoyer  a  été  introduit,  probablement  de  la  Réunion,  il  y  a 
une  vingtaine  d'années.  Les  plus  anciennes  plantations  se  trouvent 
près  de  Tamatave,  de  Vatomandry  et  de  Mahanaro.  Mais  c'est  sur- 
tout depuis  quelques  années  que  cette  culture  a  pris  de  l'importance, 
et  bien  que  par  suite  de  la  croissance  lente  de  l'arbre,  il  soit  nécessaire 
d'attendre  encore  pour  être  complètement  fixé  sur  l'importance  des 
nouvelles  cultures,  il  est  bon  de  constater  que  l'exportation,  de 
1.000  kilos  en  1896,  c'est-à-dire  insignifiante,  a  atteint  22.000 
kilos  en  1902. 

Aire. — Mananjary  paraît  devoir  être  considéré  commela  limite  sud 
de  l'aire  de  culture  pratique  du  cacaoyer.  Mais  bien  qu'aucune 
cacaoyère  n'existe  au  nord  de  Tamatave,  je  suis  persuadé  et  je  puis 
dire  certain  que  le  cacaoyer  trouvera  dans  la  province  de  Fénérive, 
Maroantsetra  et  le  district  d'Antalaha  des  terrains  lui  convenant 
parfaitement,  et  le  climat  approprié.  Je  souhaitais  l'an  dernier  de 
voir  des  planteurs  de  cacao  s'établir  dans  ces  régions,  et  je  crois 
qu'une  maison  va  créer  uue  plantation  de  100.000  pieds  de  la  pro- 
vince de  Fénérive  sur  l'Anove.  Si  elle  est  bien  comprise  et  bien 
faite,  elle  doit  réussir. 

C'est  la  province  de  Tamatave  qui,  de  beaucoup,  produit  le  plus 
de  cacao  (18.000  kilos  en  1902). 


380 


CONFERENCE 


Sol.  Culture.  —  Les  cacaoyères  sont  toutes  établies  dans  des 
terrains  d'alluvions  profonds  et  meubles.  Uombrage  est  fourni  par 
des  bananiers  pendant  les  premières  années,  et  généralement  par 
des  bois  noirs  pendant  les  suivantes.  Les  plants  sont  espacés  de 
4  sur  4.  Ce  n'est  qu'au  bout  de  7  à  8  ans  qu'on  les  considère  comme 
en  rapport. 

La  culture  du  cacaoyer  paraît  appelée  à  prendre  une  grande 
extension  dans  la  partie  moyenne  de  la  côte  Est. 

Le  produit  en  est  moins  aléatoire  que  celui  de  la  vanille,  dont  les 
cours  sont  si  variables  et  qui  diminue  si  rapidement  de  prix. 

La  consommation  du  cacao  est  en  effet  considérable  et  les  prix  en 
varient  peu.  Le  produit  fourni  par  Madagascar  est  bien  préparé,  de 
qualité  très  appréciée,  et  se  vend  a  raison  de  2  fr.  le  kilo. 

On  estime  que  près  des  i/o  de  cacaoyers  delà  côte  Est  ne  sont  pas 
encore  en  rapport,  ce  qui  donnerait  pour  l'époque  du  plein  rapport 
des  arbres  actuellement  plantés  140.000  kilos  de  cacao. 

Le  Caféier  se  rencontre  un  peu  partout  à  Madagascar.  Sans  parler 
d'espèces  indigènes  comme  le  café  de  l'Andry  et  deux  espèces  que 
j'ai  rencontrées  à  la  montagne  d'Ambre,  et  qui  sont  sans  intérêt 
économique,  on  trouve  dans  beaucoup  de  villages  des  sujets  isolés 
ou  de  petits  groupes  de  G.  Arabica.  Toutefois,  sur  la  côte  Est,  mal- 
gré les  conditions  favorables  dans  lesquelles  se  trouvent  placés  ces 
caféiers  situés  à  proximité  des  villages,  ils  sont  généralement  atta- 
qués par  Y  H.  vastatrir.  Quant  aux  plantations  de  la  même  espèce 
actuellement  restantes  elles  sont  rares  ;  on  en  trouve  à  Antalaha,  à 
Farafangana,  mais  il  est  fort  probable  qu'elles  ne  pourront  pas  résis- 
ter à  la  maladie. 

Montagne  cF  Ambre.  — ■  Les  planteurs  de  la  montagne  d'Ambre 
cultivent  presque  tous  la  G.  Arabica,  mais  rendements  médiocres, 
manque  de  main-d'œuvre. 

Le  C.  Arabica  ne  doit  pas  être  cultivé  au  voisinage  immédiat  de 
la  côte.  Il  y  dépérit  rapidement,  et  si  sa  première  végétation  est  par- 
fois très  encourageante,  il  est  rare  qu'il  y  résiste  longtemps  après 
la  première  récolte.  Sa  culture  ne  paraît  possible  qu'à  une  certaine 
altitude  4  ou  500  mètres  au  minimum. 

Libéria.  — Aussi  les  planteurs  de  la  côte  ne  cultivent-ilsquele  C. 
Liberica,  qui  résiste  l'Hem.  Vastatrix.  mais  qui  malheureusement 
donne  un  produit  inférieur  à  celui  du  caféier  à  petites  feuilles.  Gepen- 


CONFÉRENCE    DE    M.    DESLANDES  -i<S| 

dant  le  Libéria  de  Madagascar  paraît  de  meilleure  qualité  que  celui 
de  beaucoup  d'autres  provenances.  Il  semble  se  former,  par  l'adaption 
de  l'espèce  au  pays,  peut-être  par  suite  d'hybridation  avec  le  C. 
Arabica,  disséminé  un  peu  partout,  une  variété  de  qualité  supérieure 
au  Libéria. 

Hybrides.  —  La  Direction  de  l'Agriculture  a  introduit  de  Java 
des  hybrides  de  C.  Libérica  et  C.  Arabica,  et  des  greffages  d'hy- 
brides, qui  jusqu'à  présent  s'annoncent  bien  et  donnent  l'espoir  de 
pouvoir  répandre  sur  la  côteune  variété  de  caféier  résistant  à  la  mala- 
die et  de  bonne  qualité. 

Il  est  assez  difficile  de  savoir  exactement  quelle  est  la  production 
de  Madagascar  en  café.  Cette  denrée  est  en  effet  consommée  dans 
le  pays  ;  l'exportation  est  jusqu'à  présent  tout  à  fait  négligeable 
et  le  sera  jusqu'au  jour  où  la  consommation  sera  dépassée  par  la 
production.  On  constatera  seulement  une  diminution  graduelle  dans 
les  importations  de  café,  jusqu'à  ce  qu'elle  deviennent  nulles.  La  pro- 
duction peut  être  évaluée  à  environ  80  tonnes.  Quand  les  plantations 
actuelles  seront  en  plein  rapport,  elles  fourniront  environ  240  tonnes, 
dont  une  centaine  devront  être  exportées. 

Tant  que  le  café  Libéria  trouvera  son  écoulement  sur  place,  où  il 
est  payé  notablement  plus  cher  qu'il  ne  le  serait  en  Europe,  sa  cul- 
ture sera  avantageuse.  Mais  quand  l'importance  de  sa  production 
obligera  à  l'exporter,  elle  le  sera  beaucoup  moins  et  il  est  probable 
qu'alors  la  culture  du  cacaoyer  paraîtra  plus  avantageuse  que 
celle    du  caféier. 

C'est  surtout  en  prévision  de  cette  exportation  qu'il  est  nécessaire 
de  rechercher  un  hybride  fournissant  un  produit  qui  ne  soit  pas 
déprécié  en  Europe.  Il  est  d'ailleurs  à  espérer  que  le  Libéria  de  la 
côte  de  Madagascar  obtiendra  des  prix  plus  avantageux  que  la  plu- 
part des  autres  Libéria.  Sa  qualité  devra  les  lui  assurer. 

Voilà,  en  résumé,  ce  qui  a  été  fait  au  point  de  vue  agricole  sur  la 
côte  Est,  tant  par  les  particuliers  que  par  la  Direction  de  l'Agricul- 
ture. En  agissant  elle-même  dans  ce  domaine,  l'Administration  n'a 
eu  pour  but  que  d'aider  la  colonisation  en  se  chargeant  d'études, 
d'introduction  de  plantes,  d'essais  culturaux  devant  lesquels  un  par- 
ticulier recule  souvent. 

Le  lien  entre  les  planteurs  et  le  gouvernement  de  la  colonie  est 
constitué  par  la  Chambre  d'Agriculture,  qui  siège    tous  les  ans  à 


382  CONFÉRENCE 

Tamataveet  émet  des  vœux  sur  les  questions  d'agriculture,  d'élevage, 
d'industries  agricoles.  C'est  aussi  un  lien  entre  tous  les  planteurs 
des  différentes  régions,  car  elle  compiend  des  délégués  de  tous  les 
comices  agricoles  formés  dans  l'île. 

J'ai  entendu  émettre  des  avis  bien  différents  sur  l'avenir  agricole 
de  la  côte  Est,  le  plus  souvent  ils  sont  ou  trop  pessimistes  ou  trop 
optimistes. 

Pour  ma  part,  je  pense  que  cette  région,  déjà  la  plus  colonisée, 
est  destinée  à  devenir  essentiellement  agricole.  Mais  il  faut  bien  se 
dire  que  cette  vaste  bande  de  terre  comprend  des  terrains  fort  diffé- 
rents. S'il  en  est  qui  conviennent  aux  cultures  tropicales,  il  en  esl 
de  très  pauvres,  de  trop  accidentés^  de  trop  marécageux.  Les  ter- 
rains propres  à  la  plantation  ne  manqueront  pas  d'ici  de  nombreuses 
années,  l'on  peut  être  sans  crainte  à  ce  sujet,  car  les  surfaces  exploi- 
tables augmentent  à  mesure  que  se  créent  des  voies  de  communi- 
cation. A  l'heure  actuelle,  on  n'a  pris  que  les  terres  de  bonne  qua- 
lité situées  à  proximité  des  centres.  Chaque  route  créée  sur  la  côte 
permettra  au  planteur  de  chercher  plus  loin  sa  concession.  Mais  si 
les  terrains  ne  manquent  pas,  il  faut  savoir  les  choisir  et  aussi 
savoir  les  mettre  en  valeur. 

Il  faut  se  mettre  soigneusement  en  garde  contre  cette  opinion 
que  l'on  en  sait  toujours  assez  pour  devenir  planteur. 

Tel  quine  songerait  jamais  à  devenir  agriculteur  en  France  se 
croit  très  apte  à  l'être  aux  colonies,  parce  que  tout  doit  y  pousser 
tout  seul.  Eh  bien  non,  rien  ne  pousse  tout  seul,  et  les  plantes  tro- 
picales ont  des  exigences  de  climat,  de  sol,  plus  impérieuses  que  nos 
plantes  des  pays  tempérés.  Il  faut  donc  avoir  certaines  connais- 
sances agricoles  pour  devenir  un  bon  planteur.  Si  ces  connais- 
sances font  défaut,  le  mieux  sera  de  faire  d'abord  un  apprentissage, 
par  exemple  en  devenant  employé  sur  une  plantation. 

Cela  permettra,  tout  en  s'instruisant  sur  les  cultures  proprement 
dites,  sur  la  qualité  des  sols  à  choisir,  d'acquérir  les  connaissances 
indispensables  sur  les  ressources  du  pays,  la  manière  de  construire, 
le  caractère  et  les  habitudes  des  indigènes,  la  façon  de  les  comman- 
der, toutes  choses  si  utiles  à  connaître  pour  la  création  d'une 
exploitation. 

Enfin,  il  faut  un  capital  d'une  certaine  importance.  A  part  la  cul- 
ture maraîchère  près  des  centres,  il  n'y  a  guère  de  place  pour  la 
petite  colonisation. 


LE  CAOUTCHOUC  DES  «  HERBES  »  383 

Nous  avons  vu  ce  qu'il  fallait  pour  créer  une  vanillerie  de  quelque 
importance.  Le  capital  sera  plus  considérable  si  l'on  veut  cultiver  le 
cacaoyer  ou  le  caféier,  c'est  alors  qu'il  s'agit  de  faire  grand  pour 
diminuer  les  frais  généraux.  Pour  être  en  bonne  situation,  il  faut  au 
moins  50.000  fr.  pour  créer  une  plantation. 

Mais  avec  ce  capital,  un  colon  possédant  les  connaissances  suffi- 
santes, travailleur  et  persévérant,  est  appelé  à  réussir. 

Les  exploitations  agricoles  sont  déjà  nombreuses  sur  la  côte  Est, 

et  leur  nombre  augmente   chaque  année.  Celles  qui  sont  déjà  en 

rapport  étendent  leurs  cultures.  On  ne  saurait  trouver  de  meilleures 

preuves  que  la   côte    Est  de  Madagascar  doit   tirer  sa   richesse  de 

l'agriculture. 

Deslandes. 


NOTE  SUR  LE  CAOUTCHOUC  DES  «  HERBES  » 
DU  CONGO  FRANÇAIS 

Le  caoutchouc  des  herbes  s'extrait  de  plantes  herbacées  de  la 
famille  des  Apocynées,  genre  Landolphia.  D'après  les  récentes 
recherches  sur  place  de  M.  Chevalier,  le  distingué  explorateur  fran- 
çais, chef  de  la  Mission  «  Chari  »,  ces  plantes  herbacées  appartiennent 
à  deux  espèces  très  répandues  dans  la  brousse,  dont  elles  forment  la 
principale  végétation  :  le  Landolphia  Tholloni  de  Dewèvre  et  le  Lan- 
dolphia humilis  (Schlechter). 

Ces  plantes  à  petites  feuilles  lancéolées  atteignent  ordinairement 
une"  hauteur  de  40  à  60  centimètres,  contrairement  aux  autres  Lan- 
dolphiées  qui  émettent  de  nombreuses  ramifications  aériennes  et 
constituent  quelquefois  des  lianes  énormes;  elles  restent  toujours  de 
petite  taille  en  buissons,  et  sans  aucune  tendance  à  s'élever  à  la 
façon  des  plantes  grimpantes. 

Contrairement  aussi  à  la  dénomination  fautive  de  caoutchouc 
d'herbe,  celui-ci  n'est  nullement  extrait  des  parties  aériennes  de  la 
plante,  mais  bien  des  parties  souterraines,  constituées  par  un  lacis 
inextricable  de  rhizomes,  dont  la  grosseur  varie  depuis  celle  d'un 
crayon;  à  la  grosseur  du  bras,  on  arrive  à  la  souche-mère  des  rhi- 
zomes. 

Le  caoutchouc  est  renfermé  dans  la  partie  corticale  interne  et 
forme  là  un  réseau  de  fils  élastiques  contenus  dans  les  vaisseaux  lati- 
cifères.  Il  est  impossible  de  retirer  le  caoutchouc  par  les  méthodes 


384  NOTE 

ordinairement  employées  pour  son  extraction  des  arbres  tels  que 
l'Hevea  au  Brésil  ou  même  les  lianes  des  forêts  africaines  (la  saignée 
ou  la  coupe  en  fragments),  car  le  latex  des  rhizomes  des  Landolphia 
Tholloni  ou  humilis  est  si  épais  qu'il  ne  peut  s'écouler  par  l'incision 
ou  la  coupe. 

Le  procédé  de  MM.  Arnaud  et  Verneuil  (brevets  américains,  alle- 
mands et  autres  pays)  permet,  au  contraire,  d'extraire  la  totalité  du 
caoutchouc.  Il  consiste  essentiellement  dans  la  contusion  par  per- 
cussion et  le  traitement  à  l'eau  bouillante  des  parties  corticales  des 
rhizomes  dans  des  appareils  spéciaux  assez  compliqués,  mais  très 
rustiques,  qui  en  extraient  directement  le  caoutchouc  à  l'état  de 
pureté.  En  effet,  le  traitement  à  l'eau  a  pour  effet  d'enlever  toutes 
les  matières  gommeuses  et  albuminoïdes,  qui  causent  tant  de  pré- 
judices aux  caoutchoucs  africains  en  amenant  rapidement  la  putré- 
faction et  aussi  le  poisseux  si  redouté  pour  les  caoutchoucs. 

Le  caoutchouc  extrait  par  le  procédé  mécanique  est  exempt  de 
toutes  impuretés  quand  il  a  été  passé  au  déchiqueteur,  il  renferme 
toujours  une  certaine  quantité  d'eau  qui  assure  la  conservation  et 
le  préserve  de  l'oxydation  à  l'air.  Il  est  blanc  quand  il  vient  d'être 
préparé,  mais  il  passe  rapidement  au  noir.  Il  est  très  élastique,  assez 
nerveux,  moins  cependant  que  le  Para  ou  le  Kassai,  sorte  africaine 
fort  appréciée,  qui  ont  une  origine  botanique  différente.  Sa  charge  de 
rupture  est  à  peu  de  chose  près  de  celle  du  Para,  cependant  avec  un 
allongement  plus  grand  :  il  se  rapproche  ainsi  du  caoutchouc  du 
Laos.  Par  contre,  il  est  fort  recherché  des  manufacturiers  en  raison 
même  de  la  facilité  avec  laquelle  on  peut  lui  incorporer,  sans  changer 
sa  nature,  le  soufre  (et  les  matières  minérales  colorantes)  néces- 
saire à  la  vulcanisation.  Bref,  c'est  un  caoutchouc  de  première  qua- 
lité qui  est  appelé  à  un  grand  avenir  en  raison  même  de  la  source 
inépuisable  constituée  par  la  brousse  africaine. 

Les  rhizomes  Landolphia  Tolloni,  plus  riches  en  caoutchouc  que 
ceux  du  Landolphia  humilis,  peuvent  contenir  de  6  à  8  %  de  caout- 
chouc, suivant  Tàge  de  la  plante  et  l'époque  où  se  fait  la  récolte. 

Ces  espèces,  très  répandues  sur  le  plateau  Batéké  et  le  long  du 
Congo  jusqu'à  la  rivière  Bleue,  où  le  Docteur  Spire  a  pu  en  recueillir 
de  nombreux  échantillons,  ont  été  observées  dans  le  Haut-Ogooué 
par  M.  William  Guy  net  en  1899  ;  elles  commencent  dans  le  pays 
découvert  qui  succède  au  pays  Adouma. 

M.  Fondère  en  signalait  également  la  présence  dans  la  Haute- 
Sangla  en  1901,  et  enfin  M.  Chevalier  a  rencontré  ces  mêmes  espèces 
sur  l'Oubangui  et  dans  le  Clari.  Cette  variété  de  localités  est  intéres- 
sante, puisqu'elle  prouve  la  résistance  et  la  richesse  de  ces  lianes. 

Gaynet. 


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Agricole,  Scientifique  et  Commercial 
publié   par    J.    VILBOUCHEVITCH 


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Le  Journal  d'Agriculture  tropicale  est  réservé  aux  questions  d'actualité. 

Il  est  international  et  s'adresse  à  la  fois  aux  colonies  françaises,  aux   colonies  poilu 
et  aux  pays  de  l'Amérique  centrale  et  de  l'Amérique  du  Sud. 

Il  s'est  fait  une  spécialité  des  machines  employées  en  agriculture  tropicale. 

Il    donne    tous    les    mois    un.     revue    complète    des    publications    nouvelles.    La 
commerciale  est  intelligible  pour  tout  le  monde  et  toujours  intéressante. 


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cieuse d'être  utile   a  son    importante   clientèle,  a  cru  devoir 
s'occuper  d'une  façon  toute  particulière  de  l'importation   et  de  la 
vulgarisation  des  graines  et  plantes  précieuses  des  pays  chauds. 

Ses  relations  commerciales  avec  toutes  les  parties  du  globe  la 
placent  certainement  au  premier  rang  des  maisons  recommandables 
pour  résoudre  cette  importante  question. 

Du  reste  ses  efforts  ont  été  couronnés  de  succès  puisqu'elle  a 
obtenu  7  Grands  Prix  à  l'Exposition  Universelle  de  1900,  dont  un 
spécialement  accordé  pour  son  Exposition  Coloniale.  En  outre,  le 
Jury  de  la  dernière  Exposition  d'Horticulture  de  Paris  de  1901  vient 
à  nouveau  de  confirmer  les  décisions  du  Jury  de  l'Exposition  uni- 
verselle en  lui  attribuant  le  Prix  d'Honneur  pour  sa  collection  de  plantes  utiles  présentées  en 
jeunes  sujets  cultivés  pour  l'exportation  dans  les  pays  chauds. 

Enfin,  suivant  une  longue  tradition  la  Maison  se  fait  un  devoir  de  répondre  de  la  façon  la  plus 
désintéressée  à  toutes  les  demandes  qui  lui  sont  adressées. 

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Plantes  textiles.  —  Agave  Sisalana  du  Yucatan  (vrai),  Cotons  sélectionnés,  Jute,  Fourcroya 
gigantea,  etc. 

Plantes  économiques.  —  Cacaoyer  (variétés  de  choix),  Caféiers  (espèces  diverses),  Coca, 
Kola,  Tabacs  divers,  Thé  d'Annam  et  d'Assam,  etc. 

Plantes  à  caoutchouc.  —  Castilloa  elastica,  Euphorbia  Intisy,  Ficus  divers,  Hevea  brasi- 
liensis,  Landolpliia  (diverses  sortes)  Manihot  Glaziovii,  Marsdenia  verrucosa,  Willughbeiaedulis,  etc. 

Plantes  à  épices.  —  Canellier  de  Ceylan,  Gingembre  des  Antilles,  Giroflier,  Muscadier,  Poi- 
vrier, Vanilles  du  Mexique  et  de  Bourbon  (boutures),  etc.,  etc. 

Graines  de  plantes  médicinales,  à  gomme,  à  huile,  à  essence,  à  tanin,  etc.,  etc. 


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Inspecteur  général  de  VAgricultnre  coloniale, 

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